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DICTIONNAIRE

V.
DES

Q~T171\f~T7Q
SCIENCES ft~~T~T
Tri7Q
OCCULTES,
DE
SAVOIR,
AÉROMANCIE, ALCHIMIE, ALECTRIOMANCIE, ALEUROMANCIE, ALFRI-
DARIE.ALGOMANENCIE, ALOMANC1E, ALOPÉCIE, ALPHITOHANCIE,
A1JNIONIANC1E, ANTHROPOMANCIE, APANTOHANCIE, ARITHMANC1E, AHMOMANC1E,
ASPIDOMANCIE, ASTRAGALOMANCIE, BASCANIE, BÉLOMANCIE, BIBLIOMAN-
CIE, BOTANOMANCIE, BOUZANTHROPHIE BR1ZOMANCIE CABALOMANCIE CAPNOHANC1E,
CARTOMANCIE, CATROPTOUANCIE CAUS1MOJIANC1E CÉPHALONOMANClE CÉRAUNO-
SC(IPIE, CÉROMANCIE, CHIMIE, CHIROMANCIE, CLÉDONISI1ANCIE CLEÏDOUANCIE CLÉROUANC1E,
CO-QUINOJUNCIE CR1STALOSIANCIE CRITOMANCIE CROMMOMANCIE, CYNANTHROPIE DACTY-
1.OMANCIE, DAPHNOMANCIE', DÉJIONOCBATIE Df.MOMOGUAPHIE, DÉMONOUANC1E ENGAbTRIMISHE FANTASMA-
GORIE, FATALISME, GARO5MANCIE GÉLOSCOP1E GÉMATRIE, GÉOMANCIE, GÏROSUNCIE 1IÉPATO COPIE,
U.I^POMANCIE, IIÏDROMANCIE, 1CHTHVOMANCIE, ILLUMINISME, LAMPADOMANCIE, LÉCANOMANC1E LIBANOMANCIE, LITIIO
UANCIE, LYCANTIIROPIË, LYSIHAGHIE, MAGIE, MAGNÉTISME, MARGARITOMANCIE, MATRIMONANCIE, MÉCA-
IS,iJlA.NClE, MÉGALANTHROPOGÉNIE, MÉTOPUSCOPIE MIMIQUE, MONARCHIE INFERNALE, MYOMANCIE, NAYRAN-
CIE, NÉCROMANCIE, NIGROMANCIE, OCULOMANCIE, OENONOMANCIE, OLOLYGMANCIE, OMOMANCIE,
OMPIIALOMANCIE, ONEYROCRITIQUE, ONOMANCIE, ONÏCHOMANCIE, OOMANCIE, OPHIOMANCIE, OPIITHAL-
MOSCOPIE, ORDALIE, ORNITHOBIANCIE, OV1NOMANCIE, PALINGÉNÉSIE, PALMO-COPIE,
P.ARTHENOMANCIE, PÉGOMANCIE, PETCHIMANCIE, PELTIHANCIE, PHARMACIE, PHRÉNOLOGIE,
PIIYLLORUOOOMANCIE PHYSIOGNOMONIE, PIERRE PHILOSOPHALE', PYRO-
HAtiCIE, RABDOMANCIE, RIIAPSODOMANCIE, SCIAMANCIE, SEXOMANCIE, SIDÉRO-
MANCIE, SOMNAMBDLISME SPODOMANTIE STÉGANOGRAPHIE
STERNOMANCIE STOICHÉOHANC1E, STOLISOMANCIE, SUPERSTITIONS,
SYCOSIANSIE, SYMPATHIE, TACITURNAHANCIE, TAUPO-
MANCIE, TÉPHRAMANCIE, TÉRATOSCOP1E, TUALMUDANC1E,
THÉOMANCIE, THÉURGIE, THURIFUMIE, TI-
ROMANCIE, UROTOPÉGNIE, UTÉSÉTURE, VAIIP1-
RISHE, VËNTRILOQUIE, VISIIMANCIE,
XYLOMANCIE, ZAIRAGIE J

O.U

RÉPERTOIRE UNIVERSEL,
ILS {1TBES DES PERSONNAGES,DES.LIVRFS, DES FAITS ET DES CHOSESQUI TIENNENT AUXAPPARITIONS, AUX D:VI14ATIONS,A LA MAOlt
AU COMMERCEDE L'ENFEIl, AUX DÉMONS,AUX SOR6!ERS, AUX SCIENCESOCCULTES, AUX GnWMBKS,
A LA CADALE,AUX ESPRITS ÉLÉMENTAIRES, AUGRAND ŒUVRE, AUX PRODIGES, AUX ERREURS, AUX PRÉ1UCÉS,
AUX IMPOSTURES,AUX ARTS DES BOHÉMIENS,AUX SUPERSTITIONSDIVERSES, AUX CONTES POPULAIRES, AUX PRONOSTiC!^
ET GÉNÉRALEMENTA TOUTES LES FAUSSESCROYANCESMERVEILLEUSES,SURPRENANTES,
MYSTÉRIEUSES OU SURNATURELLES.

publié paï SOI. l'abbé SOtigue,


ÉDITEURDES COURS COMPLETS SUR CHAQUEBRANCHE DB LA SCIENCERELIGIEUSE.

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TOME PREMIER. w

~I<:JŒX>Q~

2 VOL. PRIX 16 FRANCS.

CHEZ
L'ÉDITEUR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES»DU PETIT-MONTROUGE,
BARRIÈRED'ENFERDEPARIS.
184C
ENCYCLOPEDIE OP DI
.,E.NC C

THEOLOGIQUE,
or
'SÉRIEDEDICTIONNAIRES
SURCHAQUE DE LASCIENCE
BRANCHE RELIGIEUSE,
EHFRANÇAIS
OKFRANT
LA PLUS CLAIRE, LA PLUS FACILE, LA PLUS COMMODE, LA PLUS VARIÉE
ET LA PLUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES;

CESDICTIONNAIRESBONT

ïl'ÉCRlTCRE SAINTE, DE PHILOLOGIE SACRÉE, DE LITURGIE, DE DROIT CANON, DE RITES ET


CÉRÉMONIES, DE CONCILES, d'HÉKESIES ET DE SCHISMES, DE LÉGISLATION RELIGIEUSE, DE
THÉOLOGIE DOGMATIQUE ET morale, DES PASSIONS, DES vertus et DES VICES, de CAS
DE CONSCIENCE, D'HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE, D'ORDRES RELIGIEUX (HOMMES ET
FEMMES), D'ARCHÉOLOGIE sacrée, DE musique RELIGIEUSE, DE géographie
sacrée ET ECCLÉSIASTIQUE, d'héraldique ET DE NUMISMATIQUE RELI-
GIEUSES, DES LIVRES jansénistes ET MIS A L'INDEX, DES DIVERSES v
RELIGIONS, DE PHILOSOPHIE, DE DIPLOMATIQUE chrétienne
ET DES SCIENCES OCCULTES,

PUBLIÉE

PAR M. L'ABBÉ M1GNE,


• ÉDITEURDES COURSCOMPLETSSUII CHAQUEBBANCUEDR LA SCIENCERELIGIEliSU.

50 VOMMES IN-4V
PIlll 6 FR. LE VOL. POUR LE SOUSCRIPTEURA LA COLLECTIONENTIERE, 7 FR-, 8 FR., ET MÊME10 Fil. POUR LE
SOUSCRIPTEURA TEL OU TEL DICTIONNAIREPARTICULIER.'

TOftlEQUARANTE-HUITIÈME.
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
TOME PREMIER.

2 VOL, PRIX 1G FRANCS.

CHEZ
L'ÉDITELR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES DU PET1T-MONTROUGE
RUE D'AUBOISE UA'.nlÈRE D'ENFER DE PARIS.

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Imprioierie rie Vhaiet dk Suncr el Cl •
rué dfi-Sèvrw, 57, i Paris.
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DICTIONNAIRE
SCIENCES OCCULTES
ET
DES
Pl
IDÉES SUPERSTITIEUSES.

A
AAMON. Voy. Amon. nu. Il est de ta suite de Paymon. Voy. ce
AAHON, magicien du Bas-Empire, qui mot.
vivait du temps de l'empereur Manuel Com- ABANO. Voy. PIERRE D'APONE.
nène. On conte qu'il possédait les Clavicules ABARIS magicien scythe et grand-prêtre
de Salomon, qu'au moyen de ce livre il avait d'Apollon, qui lui donna une flèche d'or sur
à ses ordres des légions de démons, et so laquelle il chevauchait par les airs avec 1,-t
mêlait de nécromancie. On lui fit crever les rapidité d'un oiseau ce qui a fait que les
yeux; après quoi on lui coupa encore la Grecs l'ont appelé l'Aérobate. Il fut, dit-on,
langue. Mais n'allez pas croire que ce fût maître de Pythagore, qui lui vola sa flèche,
une victime de quelque fanatisme il fut dans laquelle on doit voir quelque allégorie.
condamné comme bàndit car on trouva On ajoute qu'Abaris prédisait l'avenir, qu'il
• chez lui un cadavre qui avait les pieds en- apaisait les orages, qu'il chassait la peste;
chaînés, le cœur percé d'un clou, et d'autres on conte même qu'il vivait sans boire ni
abominations (Nicétas, Annales, liv. 4.) manger. Avec les os de Pélops, il fabriqua.
ABADDON, ou le destructeur, chef des une Cigure de Minerve, qu'il vendit aux
démons de la septième hiérarchie. C'est le Troyens comme un talisman descendu du
nom de l'ange exterminateur dans l'Apoca- ciel: c'est le Palladium qui avait la réputa-
tion de rendre imprenable la ville où il se
lypse. trouvait (1).
ABADIE (JEANNETTE),jeune fille du village ABDEEL (Abraham), appelé communé-
de Siboure, en Gascogne. Delancre, dans ment Schœnewald (Beauchamp), prédicateur
son Tableau de l'inconstance des démons, ra- à Cuslrin dans la marche de Brandebourg
conte que Jeannette Abadie, dormant, un fit imprimer à ïharn, en 1572, le Livre de lu
dimanche, pendant la messe, dans la maison parole cachetée, dans lequel il a fait des cal-
de son père, un démon profila du moment et culs pour trouver qui est l'antechrist et à
l'emporta au sabbat (quoiqu'on ne fît le sab- quelle époque il doit paraître. Cette méthode
bat ni le dimanche ni aux heures des saints
consiste à prendre au hasard un passage du
offices, temps où les démons ont peu de joie). prophète Daniel ou de l'Apocalypse, et à
Elle trouva au sabbat grande compagnie et donner à chaque lettre
vit que celui qui présidait avait à la tête deux depuis a jusqu'à z,
sa valeur numérique. A vaut 1, 6 vaut 2, c
visages, comme Janus. Du reste, elle ne fit vaut 3, et ainsi de suite. Abdeel déclare que
rien de criminel et fut remise à son logis par l'antechrist est le pape Léon X. Il trouve de
le même moyen de transport qui l'avait em- la même manière les noms des trois anges
menée. Elle se réveilla alors et ramassa une
par lesquels l'antechrist doit être découvert.
petite relique que le diable avait eu la pré- Ces trois anges sont Huss, Hulhen et un cer-
caution d'ôter de son cou avant de l'empor- tain Noé qui nous est inconnu. Ces trois
ter. Il parait que le bon curé à qui elle con- insensés ne s'en doutaient probablement pas.
fessa son aventure lui fit comprendre qu'elle A la fin de son livre, Abdeel prend l'engage-
n'avait fait qu'un mauvais rêve; car elle ne ment de découvrir le vrai nom de ce certain
fut aucunement recherchée, quoique Delancre
dise qu'elle avait commencé là le métier de Noé, ainsi que d'autres secrets, par les nom-
bres cabalistiques du prophète Daniel il no
sorcière. Voy. CRAPAUD.
parait pas qu'il ait jamais rempli cette pro-
ABALAM, prince de l'enfer, très-peu con- messe (2).
H) Hérodote,Jamblique,Clémentd'Alexandrie,elc. livre de la parolecachetéedu prophèteDanielau in' cha.
(2) Le livre très-rare d'Abdeel est intitulé Das Buch pitre, exposantclairementcommenton peut reconnaîtra
der versiegeltenrede des propheten Danielis, etc. Le. l'antechrist.
DICTIONN.de; SCIENCESOCCULTES, 1
il MCTiONNAinE DES SCIENCES OCCULTES. 12
t
ABDEL -AZYS, .astrologue arabe du gnité de la terre d'Irlande? Non, car il suffit
dixième sièc.lo, plus connu en Europe sous de dire que c'est une fable et qu'on trouve
le nom d'Alchabitius. Son Traité d'astrologie en Irlande beaucoup d'abeilles. »
Jean de ABEL, fils d'Adam. Des docteurs musul-
judiciaire a été traduit en latin par
.Séville (Hispalensis). L'édition la plus re- mans disent qu'il avait quarante-huit pieds
cherchée de ce livre Alchabitiûs, cum com- de haut. Il se peut qu'ils aient raisonné d'a-
mento, est celle de Venise, 1503, in-4° de près un tertre long de cinquante-cinq pieds,
140 pages. que l'on montre auprès de Damas, et qu'on
ABR1AS DE BABYLONE. On attribue à un nomme la tombe d'Abel.
écrivain de ce nom l'histoire du combat Les rabbins ont écrit beaucoup de rêveries
merveilleux que livra saint Pierre à Simon sur le compte d'Abel. Nos anciens, qui
le magicien. Le livre d'Abdias a été traduit croyaient tant de choses lui attribuent un
par Julius Africanus, sous ce titre Historia livre d'astrologie judiciaire qui lui aurait
cerlaminis aposlolici 1566, in-8°. été révélé et qu'il aurait renfermé dans une
ABEILARD. Il est plus célèbre aujourd'hui pierre. Après le déluge, Hermès-Trismégiste
par ses tragiques amours que par ses ou- le trouva il y apprit l'art de faire des talis-
vrages théologiques, qui lui attirèrent juste- mans sous l'influence des constellations. Ce
ment les censures de saint Bernard et qui livre est intitulé Liber de virtutibus planeta-
étaient pleins d'erreurs très-dangereuses. 11 rum et omnibus rerum mundanarum virtuti-
mourut en 1142. Vingt ans après, Héloïse bus. Voy. le traité De Essentiis essentiarum
ayant été ensevelie dans la même tombe, on qu'on décore faussement du nom de saint
conte qu'à son approche la cendre froide Thomas d'Aquin pars 4, cap. 2. Voy. aussi
d'Abeilard se réchauffa tout à coup, et qu'il Fabricius Codex pseud. Vet. Testam.
étendit les bras pour recevoir celle qui avait ABEL DE LA RUE, dit le Casseur, save-
été sa femme. Leurs restes étaient au Para- tier et mauvais drôle qui fut arrêté, en 1582,
clet, dans une précieuse tombe gothique que à Coulommiers, et brûlé comme voleur,
l'on a transportée à Paris en 1799, et qui est sorcier magicien noueur d'aiguillettes.
présentement au cimetière du Père-La- Voici sa légende
chaise. Le noueur d'aiguillettes.
ABEILLES. C'était l'opinion de quelques
démonographes que si une sorcière, avant C'était grand deuil à Coulommiers, dans la
d'être prise,avait mangé la reine d'un essaim maison de Jean Moureau le 15 juin de l'an
d'abeilles, ce cordial lui donnait la force de de grâce 1582. Le petit homme s'était marié
supporter la torture sans confesser (1) mais la veille, plein de liesse et se promettant
celte découverte n'a pas fait principe. 'heureux ménage avec Fare t'ieuriot, son
Dans certains cantons de la Bretagne, on épousée. Il était vif, homme de tête, persé-
prétend que les ,abeilles sont sensibles aux vérant dans ses affections comme dans ses
plaisirs comme aux peines de leurs maîtres, haines et il se réjouissait sans ménagement
et qu'elles ne réussissent point si on néglige de son succès sur ses rivaux. Fare qui
de leur faire part dès événements qui inté- l'avait préféré, semblait partager son bon-
ressent la maison. Ceux qui ont cette heur et ne se troublait pas plus que lui des
croyance ne manquent pas d'attacher à leurs alarmes que les menaces d'un rival dédaigné
ruches un morceau d'éloffe noire lorsqu'il y avaient fait naître chez leurs convives. Fare
a une mort chez eux, et un morceau d'étoffe Fleuriot, habile ouvrière en guipure, n'avait
rouge lorsqu'il y a un mariage,ou toute pu hésiter dans son choix entre Jean Mou-
autre fête (2). reau, armurier fort à son aise, et ce concur-
Les Circassiens, dans leur religion mêlée rent redouté, nommé Abel de la Rue, sur-
de christianisme, de mahométisme et d'ido- nommé le Casseur, à cause de sa mauvaise
lâtrie, honorent la Mère de Dieu sous le nom conduite; homme réduit au métier de save-
de Mérièmc ou de Melissa. Ils la regardent tier, et qu'on accusait de relations avec le
comme la patronne des abeilles, dont elle diable à cause de ses déportements circon-
sauva la race en conservant l'uné d'elles stance mystérieuse qui effrayait les amis de
dans sa manche un jour que le tonnerre l'armurier.
menaçait d'exterminer tous les insectes. Los –Vous avez supplanté Abel, lui disaient-
revenus que les Circassiens tirent de leurs ils il vous jouera quelqu'un de ses mauvais
ruches expliquent leur reconnaissance pour tours.
le bienfait qui les leur a conservées. Les gens de justice de notre roi, Henri
Solin a écrit que les abeilles ne peuvent troisième, nous sauront bien rendre raison du
pas vivre en Irlande; que celles qu'on y Casseur répondit Jean Moureau.
amène y meurent tout à coup; et que si l'on -Et qui sait, dit une vieille tante, s'il ne
porte de la terre de cette île dans un autre vous jetterait pas un sort?
pays, et qu'on la répande autour des ruches, -Patience telle avait été la réponse du
les abeilles sont forcées d'abandonner la jeune marié.
place, parce que cette terre leur est mor- Mais Fare était pourtant moins rassurée
telle. On lit la même chose dans les Origines la noce toutefois s'était faite joyeusement.
d'Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le père Or, le lendemain, comme nous avons dit,
Lebrun (3), d'où peut venir cette mali- c'était dans la maison grand deuil et pleine
(1) Wierus, De Praestigiislib. VI, cap. 7. (3) Histoire critique des pratiques superstitieuses
U) Cambrj,Voyagedans le Finlslèrc Il p. 16. liv. I, chap. 5<*
13 ABE ABÉ f4
tristesse. Les deux époux, si heureux la Comme j'étais en cette mauvaise volonté, un
veille, paraissaient effarés de trouble on chien barbet, maigre et noir, parut tout à
annonçait timidement ce qui était survenu coup devant moi il me sembla qu'il me
le résultat en paraissait pénible. Le mari et parlait, ce qui me troubla fort; qu'il me pro-
la femme ensorcelés sentaient l'un pour l'au- mettait de m'aider en toutes choses et de ne
tre autant d'éloignement qu'ils s'étaient té- me faire aucun mal, si je voulais me donner
moigné d'affection le jour précédent. Cette à lui.
nouvelle se répandit en peu d'instants dans -Ce barbet, interrompit le juge, était cer-
la petite ville le second jour, l'éloignement tainement un démon.
devint de l'antipathie, qui le jour d'après, –C'est possible, messire il me sembla
eut tout l'air de l'aversion. qu'il
Cependant les me conduisait dans la chambre du couvent
jeunes mariés ne parlaient pas de demander qu'on appelle la librairie. Là il disparut, et
une séparation seulement ils annonçaient je ne le revis jamais.
que quelque ennemi endiablé ou quelque -Et quelle vengeance avez-vous eue du
sorcière maudite leur avait noué l'aiguillette. frère Caillet?
On sait que ce maléfice, qui a fait tant de -Aucune, messire, ne l'ayant pas pu.
bruit aux seizième et dix-septième siècles, -Que fites-vous alors dans la librairie?
rendait les mariés repoussants l'un pour l'au- -le pris un livre, car on m'a
enseigné la
tre, et les accablant au physique comme au lecture; mais voyant que c'était un missel, je
moral, les conduisait à se fuir avec une sorte le refermai je sortis et je demeurai
d'horreur. quelques
semaines triste et pensif. Un jour je pris un-
Il ne fut bruit dans tout Coulorumiers que autre livre, c'était un grimoire. Je t'ouvris
de l'aiguillette nouée à Jean Moureau. Abel au hasard, et à peine avais-je lu quelques
de la Rue, le savetier dédaigné, en avait ri si lignes que je ne comprenais point, quand je
méchamment, qu'il fut à bon droit soupçonné vis paraître devant moi un homme
long et
du délit il était assez généralement détesté. mince, de moyenne stature, blême de visage,
La clameur publique prit une telle consis- ayant un effroyable aspect, le corps sale et
tance, que les jeunes époux ensorcelés se l'haleine puante.
crurent autorisés à déposer leur plainte. Sentait-il le soufre?
Messire Nicolas Quatre-Sols était lieutenant Oui, messire; il était vêtu
civil et criminel au bailliagede Coulommiers. robe noire à l'italienne, ouverte d'une .ongue
par devant;
Il fit comparaître Abel devant lui. il avait à l'estomac et aux deux genoux
Le chenapan, qui était hypocondre et mo- comme des visages d'hommes, de pareille
rose, avoua qu'il avait recherché Fare Fleu- couleur que les autres. Je regardai ses pieds
riot, mais il nia qu'il eût rien fait contre elle qui étaient des pieds de vache.
et contre son mari. Comme il était malheu- Tout l'auditoire frissonnait.
reusement chargé de la mauvaise réputation Cet homme blême, poursuivit l'accusé,
qu'on faisait alors à ces vauriens qui cher- me demanda ce que je lui voulais «tqui m'avait
chaient dans la sorcellerie une prétendue conseillé de l'appeler. Je lui répondis avec
puissance et de prétendues richesses toujours frayeur que je no l'avais pas appelé, et que
Insaisissables, on le mit au cachot, en l'invi- j'avais ouvert le grimoire sans en prévoir les
tant à faire ses réflexions et le lendemain, conséquences. Alors cet homme b\èmc, qui
sur son entêtement à ne rien avouer, on l'ap- était le diable, m'enleva et me transporta
pliqua à la question; il déclara qu'il allait sur le toit de la salle de justice de Meaux,
confesser. en me disant de ne rien craindre. Je lui de-
-Ayez soin, dit Nicolas Quatre-Sols, que mandai son nom, et il me répondit Je m'ap-
votre confession soit entière et digne de no- pelle maître Rigoux. Jelui témoignai ensuite
tre indulgence. Pour ce, vous nous expose- le désir de m'enfuir du couvent; là-dessus il
rez dès le commencement toutes vos affaires me reporta au lieu où il m'avait pris; du
avec Satan. moins, je m'y retrouvai comme sortant d'une
Il fit donner au savetier un verre d'eau re- sorte d'étourdissement. Le grimoire était à
levé d'un peu de vinaigre, afin de ranimer mes pieds. Je vis devant moi le Père Pierre
ses esprits; et il s'arrangea sur son siège Berson.docteur en théologie, et le frèreCaillet,
dans la position d'un homme qui écoute une qui me reprirent d'avoir lu dans le grimoire et
histoire merveilleuse. me menacèrent du fouet, si je touchais en-
Abel de la Rue, voyant que son juge était core à ce livre. Tous les religieux se rendi-
prêt, recueillit ses esprits et se disposa à rent à la chapelle et chantèrent un Salve à
parler. D'abord il se recommanda à la pitié mon intention. Le lendemain, comme je des-
et à la compassion de la justice, criant merci cendais pour aller à l'Eglise, maître Rigoux
et protestant de sa.repentance; puis il dit ce m'apparut encore il me donna rendez-vous
qui suit sous un arbre près de Vaulxcourtois entre
Je devrais être moins misérable que je ne MeauxetCoulommiers. Là je fus séduit. Je re-
suis et faire autre chose que mon pauvre mé- pris, sans rien dire, les habits que j'avais à mon
tier. Etant petit enfant, je fus mis par ma entrée dans le couvent, et j'en sortis secrète-
mère au couvent des Cordeliers de Meaux. ment par une petite porte de l'écurie. Rigoux
Là, le frère Caillet qui était maître des no- m'attendait sous la figure d'un bourgeois il
vices, m'ayant corrigé, je me fâchai si furieu- me mena chez maître Pierre, berger, de
lement contre lui, que je ne rêvais plus autre Vaulxcourlois, qui me reçut bien, et j'allais
chose. sinon la possibilité de me venger. conduire les troupeaux avec lui. Deux mois
15 DICTIONNAIRE
DESSCIENCES
OCCULTES. 16
après, ce berger, qui était sorcier, me promet Mon oncle, dit.il en se penchant à l'o-
de me présenter à l'assemblée, ayant besoin reille de maître Nicolas Quatre-Sols, ne pen-
de s'y rendre lui-même, parce qu'il n'avait sez-vous pas que le patient u'est qu'un drôle
plus de poudre à maléfices. L'assemblée de- qui a le cerveau malade, qui est sujet peut-.
vait se tenir dans trois jours nous étions à être à de mauvais rêves?
l'avent de Noël 1575. Maître Pierre envoya Pendant que l'oncle réprimandait le ne-
sa femme coucher dehors, et il me fit mettre veu à voix basse, Abel de la Rue levant la
au lit à sept heures du soir; mais je ne dor- léte
mis guère. Je remarquai qu'il plaçait au coin De tout ce que j'ai fait de mal, dit-il, je
du feu un très-long balai de genêt sans man- suis repentant et marri, et je crie merci et
che à onze heures du soir, il fit grand bruit miséricorde à Dieu, au roi à monseigneur
et me dit qu'il fallait partir il prit de la et à la justice.
graisse, s'en frotta les aisselles et me mil sur C'est bien, dit Nicolas Quatre-Sols
le balai, en me recommandant de ne pas qu'on le ramène au cachot.
quitter cette monture. Maître Rigoux parut Le soir de ce même jour, le maléfice de
alors ilenleva mon maître par la cheminée: Jean Moureau se trouva rompu. L'antipa-
moi je le tenais au milieu du corps, et il me thie qui avait surgi entre lui et sa jeune
sembla que nous nous envolions. La nuit épouse s'évanouit. Le corps du principal dé-
était très-obscure, mais une lanterne nous lit avait donc disparu. Néanmoins, peu de
précédait. Pendant que je voyageais en l'air jours après, le 6 juillet, sur les conclusions
de la sorte, je crus apercevoir l'abbaye de du procureur fiscal, la Rue fut condamné à
Rebais nous descendîmes dans un lieu plein être brûlé vif. Il appela de sa sentence au
d'herbe où se trouvaient beaucoup de gens parlement de Paris et le 20 juillet 1582, re
réunis. parlement de Paris, prompt a expédier ces
Qui faisaient le sabbat, interrompit le sortes d'affaires, rendit un arrêt qui porto
juge. qu'Abel de la Rue, appelant, ayant jeté des
Oui messire. J'y reconnus plusieurs sorts sur plusieurs, prêté son concours au
personnes vivantes et quelques morts, no- diable, communiqué diverses fois avec lui,
tamment une sorcière qui avait été pendue à assisté aux assemblées nocturnes et illicites,
Lagny. Le maître du lieu, qui était le diable, pour réparation de ces crimes la cour con-
ordonna, par la bouche d'un vieillard, que damne l'appelant à être pendu et étranglé à
l'on nettoyât la place. Maître Rigoux prit in- une potence qui sera dressée sur le marché
continent la forme d'un grand bouc noir, se de Coulommiers, et le renvoie au bailli
mit à grommeler et à tourner; et aussitôt chargé de faire exécuter ledit jugement,, et
l'assemblée commença les danses, qui se fai- 'de brûler le corps après sa mort. Cet ar-
saient à revers, le visage dehors et le derrière rêt, qui adoucissait un peu la sentence du
tourné vers le bouc. premier juge, fut exécuté selon sa teneur,
C'est conforme à l'usage du sabbat au marché de, Coulommiers, par le maître
comme il est prouvé par une masse de dépo- des hautes-œuvres de la ville de Meaux, le
sitions. Mais ne chanta1t-on point? et quelles 23 juillet 1582. a Au reste, dit un auteur
furent ces chansons ? sensé, ces sorciers qu'on brûlait méritaient
On ne chanta point, messire. Après la toujours châtiment par quelques vilains et
danse, qui avait duré deux heures, on pré- odieux crimes.» Voyez les articles Sabbat,
senta les hommages au bouc (1). Chaque Ligatures, etc.
personne de l'assemblée s'en acquitta. Je ABEN-EZRA. Voy. Macha-Halla.
m'approchai du bouc à mon tour, il me de- ABEN RAGEL astrologue arabe né a
manda ce que je voulais de lui? Je lui répon- Cordoue au commencement du cinquième
dis que je voulais savoir jeter des sorts sur siècle. Il a laissé un livre d'horoscopes d'a-
mes ennemis. Le diable m'indiqua maitre près l'inspection des étoiles, traduit en latin
Pierre, comme pouvant mieux qu'un au- sous le titre De Judiciis seu falis stellarum,
tre m'enseigner cette science. Je l'appris Venise, 1485 très-rare. On dit que ses pré-
donc. dictions, quand il en faisait, se distinguaient
-Et vous en avez fait usage contre plu- par une certitude très-estimable,
sieurs, notamment contre les époux qui se ABIGOR, démon d'un ordre supérieur, grand-
plaignent? Avez-vous eu d'autres relations duc dans la monarchie infernale. Soixante
avec le diable? légions marchent sous ses ordres (2). Il se
Non messire, sinon en une circon^ montre sous la figure d'un beau cavalier
stance. Je voulais rentrer dans la voie. portant la lance, l'étendard ou le sceptre; il
Un jour que j'allais en pèlerinage à répond habilement sur tout ce qui concerne
Saint-Loup, près de Provins, je fis rencon- les secrets de la guerre, sait l'avenir, et en-
tre du diable, qui chercha à me noyer: je lui seigne aux chefs les moyens de se faire'aimer
échappai par la fuite. des soldats.
Tout le monde dans l'assemblée ouvrait de ABIME, et plus correctement abysme.. C'est
grandes oreilles, à l'exception d'un jeune le nom qui est donné, dans l'Ecriture sainte,
homme de vingt ans, le neveu du lieutenant 1° à l'enfer, 2« au chaos ténébreux qui pré-
civil et criminel. Il faisait les fonctions d'ap- céda la création.
prenti greffier. r ABOU-RYHAN, autrement appelé Moham-
(1) Histoirede la magie en France, par M.Jules Gari. med-ben-Ahmed astrologue arabe, mort en
oel Voyezl'articleBoucs. (2) Wierus,in Pseudomonardiia Dœm., etc.
17 ABR ABU ta
330, qui passe pour avoir possédé à un très- docteur Rossi. Quelques-uns en font auteur
haut degré le don de prédire les choses futu- Akiba; d'autres le croient composé par un
res. On loi doil une introduction à l'astrolo- écrivain antérieur au Thalmud dans lequel
gie judiciaire. il en est fait mention. » Le titre de l'ou-
ABRACADABRA. Avec ce mot d'enchanle- vragé porte le nom d'Abraham mais ajou-
ment, qui est très- célèbre, on faisait, surtout tons qu'il y a aussi des opinions qui le croient
en Perse et en Syrie, une figure magique à écrit par Adam lui-même.
laquelle on attribuait le don de éharmcr di-
verses maladies et de guérir particulièrement t Légendes orientales d'Abraham.
la fièvre. Il ne fallait que porter autour du Les Orientaux ne racontent donc pas ,1'his-
cou cette sorte de philactère écrit dans la dis- toire d'Abraham aussi simplement que nos
position que voici livres saints. Ils disent que Nemrod, régnant
ABRACADABRA à Babylone, vit en songe une étoile dont l'é-
ABRACADABR clat effacait le soleil. Ses devins lui conseil-
ABRACADAB lèrent là-dessus de prendre garde à lui, parce
ABRACADA qu'un tel songe annonçait qu'il devait naître
ABRACAD dans son royaume un enfant de qui il aurait
ABRACA tout à craindre.
ABRAG Nemrod ordonna aussitôt qu'on épiât bien
ABRA les femmes enceintes et qu'on mit à mort
ABR tous les enfants mâles qui viendraient à nai-
AB tre. Adna (.îppclée Emtelaï dans le Thalmud),
A femme d'Azan, l'un des principaux seignenrs
ABRACA X ou ABRAXAS, l'un des dieux du pays, était grosse; mais aucun indice
de quelques théogonies asiatiques du nom n'accusait sa grossesse. Elle s'en alla un
duquel on a tiré le philactère abracadabra. jour dans une grotte écartée, mit au monde
Abracas est représenté sur des amulettes Abraham, et s'en revint à sa maison, après
avec un fouet à la main. Les démonographes avoir soigneusement fermé l'entrée de la
ont fait de lui un démon, qui a la tête d'un grotte. Elle allait tous les soirs visiter son
roi et pourpiedsdes serpents. Lesbasilidiens, enfant pour l'allaiter. et le trouvait, toujours
hérétiques du deuxième siècle, voyaient en occupé à téter ses deux pouces; dont l'un lui
lui leur dieu suprême. Comme ils trouvaient fournissait du lait et l'autre du miel. Elle ne
que tes sept lettres grecques dont ils formaient fut pas moins surprise de reconnaître qu'il
son nom faisaient en grec le nombre 365, qui croissait en un jour comme les autres enfants
est celui des jours de l'année, ils plaçaient en un mois. Dès qu'il fut grand, elle le con-
sous ses ordres plusieurs génies qui prési- duisit à la ville, où son père lui fit voir Nem-
daient aux trois cent soixante-cinq cieux, et rod, qu'on adorait. Il le trouva trop laid pour
être un dieu: et miraculeusement éclairé, il
auxquels ils attribuaient trois cent soixante-
tira ses parents de l'idolâtrie (1).
cinq vertus, une pour chaque jour. Les basili-
dicns disaient encorequeJésus-Christ, Notre- Comme il faisait des choses prodigieuses,
on l'accusa de magie. Nemrod, excité par
Seigneur, n'était qu'un fantôme bienveillant
envoyé sur la terre par Abracax. Ils s'écar- ses devins, condamna Abraham à être jeté
taient de la doctrine de leur chef. Voy. BA- dans une fournaise ardente. Mais la four-
SILIDE. naise se changea en fontaine, la flamme en
ABRAHAM. Tout le monde connaît l'his- eau limpide, et Abraham ne prit qu'un bain.
toire de ce saint patriarche écrite dans les Un courtisan, frappé de cette merveille, dit
livres sacrés mais on ignore peut-être les' à Nemrod
contrs dont il a été l'objet. -Seigneur, ce n'est pas là un magicien
Les Orientaux voient dans Abraham un mais un prophète.
habile astrologue et un puissant magicien. Nemrod, irrité, fit jeter le courtisan dans
Suidas et Isidore lui attribuent l'invention une autre fournaise, qui se changea pareil-
de l'alphabet et de la langue des Hébreux. lemen' en une source d'eau fraîche; et le
Les rabbins fonl encore Abraham auteur voyageur ThéVenot rapporte qu'on montre
d'un livre De l'explication des songes, que encore ces deux fontaines auprès d'Orfa.-
Joseph, disent-ils, avait étudié avant d'être Il y a sur ce point une. autre version.
vendu par ses frères. On met aussi sur son Des écrivains mahomélans content qu'Abra-
compte un ouvrage intitulé Jelzirah, ou la ham, ayant connu le vrai. Dieu, saisit le
moment où son père était absent pour
Création que plusieurs disent écrit par le mettre en pièces toutes ses idoles,. excepte
rabbin Akiba. Voy. ce nom. Les Arabes pos-
sèdent ce livre cabalistique, qui traite de l'o- celle de Baal, au cou de laquelle il pendit la.
rigine du monde ils l'appellent le Sepher. hache qui avait fait tout le dégât. Son père
On dit que Vossius qui raisonnait tout de étant de retour, il lui dit-que ses idoles s'é-
travers là-dessus, s'étonnait de ne pas le voir taient querellées à t'occasion d'une offrande
dans les livres canoniques. Postel l'a traduit de froment, et que Baal, le plus gros, avait
en latin on l'a imprimé à Paris en 1552 à exterminé toutes les autres. C'est pour cela,
Mantoueen 1562, avec cinq commentaires ajoutent quelques doctes, que Nemrod vou- •
à Amsterdam en 1642. On y trouve de la ma- lut brûler Abraham.
gie et de l'astrologie. « C'est un ouvrage Suidas et Isidore attribuent à Abraham,
cabalistique très-ancien et trcs-cclèbre, dit le (1)Bibliothèqueorientalede d'Hcrbelot.
19 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 20
comme nous l'avons dit, l'invention de l'al- masse et la divisa en quatre portions qu'il
phabet et de la langue des Hébreux. Les Rab- porta sur la cime de quatre montagnes dif-
bins mettent sur son compte des livres caba- férentes. Après cela, tenant à la main les
listiques et magiques des psaumes un quatre têtes qu'il avait réservées, il appela
testament et beaucoup d'autres pièces apo- séparément les quatre oiseaux par leurs
cryphes. Les Guèbres soutiennent qu'il est noms; chacun d'eux revint incontinent se
le même que leur Zoroastre, qu'ils appellent rejoindre à sa tête et s'envola (2).
Zcrdust, c'est-à-dire l'ami du feu, nom qui Abraham était devenu le père des pauvres
lui fut donné, disent-ils, à cause de l'aven- du pays qu'il habitait. Une famine l'obligea
ture de la fournaise. Philon fait d'Abraham de vider ses greniers pour les nourrir. Lors-
un habile astrologue. Josèphe dit (1) qu'il qu'il eut épuisé cette ressource, il envoya
régna à Damas, où il tirait des horoscopes ses gens et ses chameaux en Egypte, pour
et pratiquait les arts magiques des Chal- acheter du grain à un de ses amis qui était
déens. Tous ces doctes venus longtemps puissant dans la contrée; mais cet ami ré-
après Moïse, savent toujours des histoires pondit « Nous craignons aussi la famine.
saintes beaucoup plus de particularités que D'ailleurs, Abraham a des provisions suffi-
Moïse même. Ils racontent gravement que santes, et je ne crois pas qu'il soit juste,
le patriarche Abraham était profondément pour nourrir les pauvres de son pays de lui
versé dans l'aruspicine qu'il enseignait envoyer la subsistance des nôtres. »
une prière au moyen de laquelle on empê- Ce refus causa beaucoup de chagrin
chait les pies de manger les semailles et aux gens d'Abraham. Pour se soustraire à
qu'il eut affaire avec le diable en dix tenta- l'humiliation de reparaître les mains vi-
tions dont il sortit toujours à son hon- des, ils remplirent leurs sacs de sablfi
neur. très -blanc et très -fin. Arrivés à la mai-
Voici la plus curieuse de ces aventures son de leur maître, l'un d'eux lui dit à l'o-
Le diable un jour, considérant le cadavre reille le mauvais succès de leur voyage.
d'un homme que la mer avait rejeté sur Abraham cacha sa douleur et entra dans son
le rivage, et dont les bêtes féroces, les oi- oratoire. Sara reposait et n'avait rien appris;
seaux de proie et les poissons- avaient dé- voyant à son réveil des sacs pleins, elle en
voré des lambeaux, songea que c'était une ouvrit un, vit de la bonne farine, et sur-le-
belle occasion pour tendre un piège à champ se mit à cuire du pain pour les pau-
Abraham sur la résurrection il ne com- vres.
prendra jamais, disait-il, que les membres Abraham, après avoir fait sa prière, sen-
de ce cadavre, séparés et disséminés dans le tant l'odeur du pain nouvellement cuit de-
ventre de tant d'animaux différents, puissent manda à Sara quelle farine elle avait em-
se rejoindre pour former le même corps, ployée. « Celle de votre ami d'Egypte, ap-
au jour de la résurrection générale. portée par vos chameaux.
Dieu, sachant le projet de l'ennemi du Dites plutôt celle du véritable ami, qui
genre humain, le seconda aussitôt; car il est Dieu car c'est lui qui ne nous aban-
dit à Abraham d'aller se promener au bord donne jamais au besoin. »
de la mer. Le patriarche obéit. Le diable ne Dans ce moment qu'Abraham appela Dieu
manqua pas de se présenter à lui sous la son amij Dieu, disent les musulmans, le prit
figure d'un homme inquiet; et lui mon- aussi pour le sien.
trant le cadavre, il lui proposa le doute où Il y a aussi des traditions orientales qui pla-
il était au sujet de la résurrection. Mais cent Abraham en qualité de juge à la porte
Abraham, après l'avoir écouté, lui répon- de l'enfer (3), tandis que l'Eglise chrétienne,
dit avec plus de vérité, met les élus dans son
Quel motif raisonnable pouvez-vous sein.
avoir de douter ainsi ? Celui qui a pu tirer ABRAHEL démon succube connu par
toutes les parties de ce corps du néant, n'aura une aventure que raconte Nicolas Remy
pas plus de peine à les retrouver dans l'univers dans sa Démonoldtrie et que voici En
pour les rejoindre. Le potier met en pièces l'année 1581, dans le village de Dalhem, au
un vase de terre, et le retait de la même terre, pays de Limbourg, un méchant pâtre, nommé
quand il lui plaît. Pierron, conçut un amour violent pour une
Dieu, satisfait d'Abraham, voulut achever jeune fille de son voisinage. Or, cet homme
de le convaincre. Il lui dit, s'il faut mainte- mauvais était marié; il. avait même de sa
nant en croire le Coran Prenez quatre femme un petit garçon. Un jour qu'il était
oiseaux mettez-les en pièces, et portez-en occupé de la criminelle pensée de son amour,
les diverses parties sur quatre montagnes la jeune fille qu'il convoitait lui apparut
séparées; appelez-les ensuite, ces oiseaux dans la campagne c'était un démon sous sa
viendront tous quatre à vous. figure. Pierron lui découvrit sa passion la
Les interprètes musulmans ajoutent que prétendue jeune fille promit d'y répondre
ces quatre oiseaux étaient une colombe, un s'il se livrait à elle et s'il jurait de lui obéir r
coq, un corbeau et un paon; que le patriar- en toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et
che, après les avoir mis en pièces, en fit un son abominable amour fut accueilli. Peu
partage exact quelques-uns disent même de temps après, la jeune fille ou le démon
qu'il les pila dans un mortier, n'en fit qu'une qui se faisait appeler Abrahel par son ado-
(1)Antiquitésjud., liv. 1, ch. 8. (5) ScipioSgambatus,in archiv.vet. Testam., p. 194.
(2) Bibliothèqueorientale de d'Herbclot i95.
21 ACC ADA 251
râleur lui demanda pour gagé de son mît au lit. La partie piquée s'enfla prodigieu-
attachement, qu'il lui sacrifiât son fils. Le sement en peu de temps l'enflure gagna.
pâtre reçut, une pomme qu'il devait faire Atteinte d'une fièvre algide qui acquit le
manger à l'enfant; l'enfant, ayant mordu caractère le plus violent, malgré tous les
dans lâ pomme tomba mort aussitôt. Le soins. qui lui furent prodigués, et quoique sa
désespoir de la mère fit tant d'effet sur Pier- piqûre eût été cautérisée et alcalisée made-
ron, qu'il courut à la recherche d'Abrahel moiselle Mercier mourut le lendemain dans
pour en obtenir réconfort. Lé démon promit les souffrances les plus atroces. »
de rendre la vie à l'enfant si le père voulait Le Journal du Rhône racontait ce qui suit,
lui demander cette grâce à genoux, en lui le 3 juin « Un jeune paysan des envi-
rendant le culte d'adoration qui n'est dû rons de Bourgoin qui voulait prendre un
qu'à Dieu: Lé pâtie se mit à genoux, adora, repas de cerises, commit l'imprudence, lundi
et aussitôt l'enfant rouvrit les yeux. Ori le dernier, de monter sur un cerisier que les
frictionna, on le, réchauffa il recommença chenilles avaient quitté après en avoir dé-
à marcher et à parler. Il était le même voré toutes les feuilles. Il y avàit vingt mi-
qu'auparavant mais plus maigre plus nutes qu'il satisfaisait son caprice ou son
hâve, plus défait fies yeux battus et efifoncés, appétit, lorsque presque, instantanément il
les mouvements plus pesants. Au bout d'un se sentit atteint d'une violente inflammation
an, le démon qui t'animait l'abandonna avec à la gorge. Le. malheureux descendit en
un grand bruit l'enfant tomba à ta ren- poussant péniblement ce cri J'étouffe
verse. Cette histoire décousue et incom- j'étouffe I Une demi heure après il était
plète se terminé par ces mots dans la narra- mort. On suppose que les chenilles déposent
tion de Nicolas Remy « Le corps dé. l'enfant, dans cette saison sur les cerises qu'elles tout-
d'une puanteur insupportable, fut tiré avec chent une substance que l'œil distingue à
un croc hors de là maison de son père et en- peine mais qui n'en est pas moins un poi-
• terré dans un champ. » Il n'est plus question son. C'est donc s'exposer que de manger ces
du démon succube, ni du pâtre. fruits sans avoir pris là sage précaution de
ABSALON. On a écrit bien des choses les laver. »
supposées à propos de sa chevelure. Lepel- ACCOUCHEMENTS PRODIGIEUX. Voy.
lclicr,- dans sa dissertation sur la grandeur IMAGINATION, COUCHES,AÉTITE, etc.
de l'arche de Noé, dit que toutes les fois ACHAM, démon que l'oa conjure le jeudi.
qu'on coupait les cheveux à Absalon, on lui Voy. Conjurations.
en ôtait (renié onces. ACHARAÎ-RIOliÔ chef des enfers chez
ABSTINENCE. On prétend, comme nous les Yakouts. Voy. Mang-taar.
l'avons dit; qù'Abafis ne mangèait pas'et ACHÉRON fleuve de douleur dont les
que lçs magiciens habiles peuvent s'abstenir eaux sont amères l'un des fleuves de l'enfer
de1manger et de boire. des païens. Dans des relations du moyen-
Sans parler des jeûnes merveilleux dont il âge, l'Achéron est un monstre. Voy. TONDAL.
est fait mention dans la vie de quelques ACHËRUSIE. Marais d'Egypte près d'Hé-
saints Marie Pelet de Laval femme du liopolis. Les morts le traversaient dans une
Hainaut, vécut trente-deux mois (du 6 no- barque lorsqu'ils avaient été jugés dignes
vembre 1754 au 25 juin 1757) sans recevoir des honneurs de la sépulture. Les ombres
aucune nourriture ni solide ni liquide. des morts enterrés dans le cimetière voisin
Anne Hiirléy, d'Orival, près de Rouen se erraient disait-on, sur les bords de ce ma-
soutint vingt-six ans en buvant seulement tais, que quelques géographes appellent un
un peu de lait qu'elle vomissait quelques lac.
moments après l'avoir avalé. On citerait ACHMET. Devin arabe du neuvième siècle,
d'autres exemples.. auteur d'un livre De l'interprétation des son-
Dans les idées des Orientaux, les génies ges, suivant les-doctrines de l'Orient. Le texte
tie se nourrissent que de fumées odorantes original de ce livre est perdu; mais Rigault
qui ne produisent point de déjections. en a fait imprimer la traduction grecque et
ACCIDENTS. Beaucoup d'accidents peu latiné à la suite de i'Ohirocritique d'Artémi-
ordinaires mais naturels auraient passé dore Paris, 1603, in-4°.
autrefois pour des sortilèges. Voici ce qu'on ACONCE (Jacques),- curé du diocèse de
lisait dans un journal de 1841 « Made- Trente, qui, poussé par la. débauche em-
moiselle Adèle Mercier ( des environs de brassa le protestantisme en i557, et passa en
Saint-Gilles), occupée il y a peu de jours à Angleterre. La reine Elisabeth lui fil une
arracher dans un champ des feuilles de pension: Aussi il ne manqua pas de l'appeler
mûrier, fut piquée au bas du cou par une diva Elisabètha, en lui dédiant son livre Des
grosse mouché qui selon toute probabilité, Stratagèmes dé Salon (1). Mais nous ne men-
venait dé sucer le cadavre putréfié de quelque tionnons ce livre ici qu'à cause de son titre
animal, et qui déposa dans l'incision faite ce n'est pas uii ouvrage dé démonomanie f
par son dard une ou quelques gouttelettes c'est une mauvaise et détestable diatribe
de suc mbrbifique dont elle s'était repue. La contre le catholicisme.
douleur, d'abord extrêmement vive, devint ADALBERT, hérétique qui fit du bruit
insupportable. n fallut que mademoiselle dans les Gàuies au huitième siècle regardé
Mercier fût conduite chez elle et qu'elle se pàr les uns comme un habile faiseur de mi-
(1) Ue StratagemaliDusSatan» in religionis negotio, schisma,etc., lib. VIII.Bàle 1565.Souventréimoriméet
per superstitionem,errorem,lueresim,odium,oalumniam, traduiten plusieurslangues
E3 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES.. 21
racles, et par les antres comme un grand les plaintes de la terre, arracha violemment
cabaliste. Il distribuait les rognures de ses de son sein les sept poignées que Dieu de-
ongles et de ses cheveux, disant que c'étaient mandait et les porta dans l'Arabie, où devait
tic puissants préservatifs; il contait qu'un se consommer le grand œuvre de la création
ange venu des extrémités du monde., lui de l'homme. Dieu fut si satisfait de la prompte
avait apporté des reliques et des amulettes et sévère obéissance d'Azraël, qu'il lui donna
d'une sainteté prodigieuse. On dit même qu'il la charge de séparer les âmes. C'est pour
se consacra des autels à lui-même et qu'il se cela qu'il est appelé l'ange de la mort.
fit adorer. Il prétendait savoir l'avenir, lire Cependant Dieu avait pétri cette terre, dont
dans la pensée et connaître la confession des il fit une figure de sa propre main il la laissa
pécheurs rien qu'en les regardant. Il mon- sécher, et les anges se plaisaient à consi-
trait impudemment une lettre de Notre Sei- dérer cette figure. Eblis (ou Lucifer, ou Sa-
gneur Jésus-Christ, disant qu'elle lui avait tan) ne se contenta pas de la regarder, il
été apportée par saint Michel (1) et il ensei- la frappa sur le ventre, et voyant qu'il était
gnait à ses disciples une prière qui commen- creux, il fit son calcul, et se dit en lui-même
çait ainsi « Cette créature, formée vide, aura besoin
« Seigneur, Dieu tout-puissant, père de se remplir souvent, et sera par consé-
de Notre Seigneur Jésus-Christ Alpha et quent sujette à beaucoup de tentations. »
Oméga, qui êtes sur le trône souverain, Alorsil demanda aux autres anges ce qu'ils
sur les chérubins et les séraphins, sur l'ange feraient, si Dieu voulait les assujettir en
Uriel, l'ange Raguel, l'ange Cabuel, l'ange. quelques choses à ce souverain qu'il allait
Michel sur l'ange Inias, l'ange Tabuas donner à la terre. Tous répondirent qu'ils
l'ange Simiel et l'ange Sabaolh je vous prie obéiraient. Eblis'parut du même sentiment
de m'accorder ce que je vais vous dire. » mais il résolut de n'en rien faire.
C'était comme on voit, très-ingénieux. Le corps du premier homme étant donc
Dans un fragment conservé des mémoires formé, Dieu l'anima d'une âme intelligente,
et.lui donna des habits merveilleux. Ensuite
qu'il avait écrits sur sa vie, il raconte que sa il ordonna aux anges de s'incliner devant
mère, étant enceinte de lui, crut voir sortir
de son côté droit un veau; ce qui était, dit-il, lui; ce qu'ils tirent, à l'exception d'Eblis,
le pronostic des grâces dont il fut comblé en que sa désobéissance fit chasser du paradis
Adam. Mais on
naissant par le ministère d'un ange. On et dont la place fut donnée à
arrêta le cours des extravagances de cet lui avait défendu de manger du fruit d'un
insensé en l'enfermant dans une prison, où il certain arbre; Eblis s'associa avec le paon et
mourut. le serpent, et fit tant, par ses discours arti-
ficieux, qu'Adam désobéit. Du moment qu'il
ADAM, le premier homme. Sa chute de- eut mangé du fruit défendu ses habits mer-
vaut les suggestions de Satan est un dogme
veilleux tombèrent à ses pieds, et la vue de
de lu religion chrétienne. sa nudité le couvrit de honte. 1! ne tarda pas
Les Orientaux font d'Adam un géant dé- à recevoir la sentence qui, le précipitant du
mesuré, haut d'une lieue; ils en font aussi un paradis, le condamnait au travail et à la
magicien, un cabaliste les rabbins'en font mort. Dans sa chute du ciel, il tomba sur la
de plus un alchimiste et un écrivain. On a
montagne de Sérendib, en l'île de Ceylan,
supposé un testament de lui (2) et enfin les où se voit èncore aujourd'hui la montagne
musulmans regrettent toujours dix traités le Pic-d'Adam. Eve, sa femme qui
merveilleux que Dieu lui avait dictés. Il avait appelée
avait péché avec lui, tomba près de l'endroit
aussi inventé l'alphabet. Voy. Abraham. où fut depuis bâtie la ville de la Mecque. Eblis
Légendes d'Adam, chez les Orientaux. arriva comme elle en Arabie; le paon avait
été jeté dans l'Indoustan, et le serpent dans
Selon les traditions des Arabes, Dieu, vou- la Perse. L'état de misère et de solitude où se
lant créer l'homme chargea l'ange Gabriel trouva réduit le malheureux Adam lui fit
de prendre une poignée de chacun des sept sentir sa faute; il implora la clémence de
lits de la terre. La terre effrayée représenta son Créateur, et Dieu fit descendre du ciel
que Dieu avait tort de faire l'homme, parce un pavillon, qui fut placé juste dans l'en-
qu'un jour il se révolterait contre son créa- droit où, depuis, Abraham bâtit la Caaba
teur. Gabriel fit part à Dieu de cette obser-
(sainte maison de la Mecque). Gabriel lui
vation mais le Seigneur n'en tint compte, et enseigna les cérémonies qu'il devait prati-
il enjoignit à Michel d'exécuter sa volonté. quer autour de ce,sanctuaire
La terre se plaignit derechef et dit que, si son pour obtenir
pardon, et le conduisit ensuite à la
on, faisait l'homme, elle serait maudite à montagne d'Arafat, où il retrouva Eve après
cause de lui. Michel fut touché de compas- trois cents -ans de séparation. On montre
sion; .Dieu voyant cela, chargea de ses encore, à une lieue de la Mecque, une petite
ordres le terrible Azraël, qui, sans écouter colline sur le sommet de laquelle les Musul-
(1) Baluze,danssonappendiceauxCapitulairesdes rois où elle a été reçne par le prêtre Macarius,qui l'a ren-
francs, a publié cette lettre,- dont voicile titre « Au la montagnedu saint ArchangeMichel et par lu
nomde Dieu Ici commence la lettre de Notre-Seigneur voyée àd'un ange', la lettre est arrivée a la villede Rome,
Jésus-Christ,qui est tombée à .Jérusalem,et qui a été .moyen sépulcrede saint Pierre, où sontles clefsdu royaume
trouvée par l'Archangesaint Miclieï lue et copiée par au les douzeprêtresqui sont à. Homeont fait
la main d'un prêtre nomméJean; qui l'a envoyéeà la des cieux et de troisjours, avecdesjeûnes et des prières,
ville de Jérémieà un autre prêtre., nomméTalasius; et des veilles
ïalasius l'a envoyéeen Arabieà un autre prêtre, nommé jour et nuit, » etc. Codex
Léob&juet Léobaul'a enyuïéeà la ville de Betsaicie, (2) VoyezFabricius; Pseudcp.
25 ADA ADA 20
mans croient qu'Eve était assise, lorsqu' Adam Seigneur, qu'il y avait deux souverains, l'un
la retrouva (1). au ciel, l'autre sur la terre. Alors Dieu ap-
D'autres légendes de l'Orient disent que puya sa main sur la tête d'Adam et le réduisit
Dieu forma le corps d'Adam et le plaça d'a- à la hauteur de mille coudées ( cinq cents
bord dans l'Eden. Son âme, qu'il avait créée mètres).
plusieurs siècles auparavant eut ordre 11 y a encore chez les Juifs beaucoup de
d'aller l'animer. Elle représenta à Dieu com- traditions variées dans leurs merveilles.
bien cette masse périssable était peu digne Ainsi quelques rabbins disent que Dieu da-,
de l'élévation de son être. Dieu qui ne vou- bord avait fait Adam double, et qu'il sépara
lait pas, en cette occasion, employer la vio- les deux corps d'un coup de hache.
lence, ordonna à son fidèle ministre Gabriel Tous les peuples' de.l'Orient entourent
de prendre son flageolet et d'en jouer un air l'histoire d'Adam de fables différentes. Les
ou deux auprès du corps d'Adam. Au son de Persans content que Dieu le plaça dans le
cet instrument, l'âme parut oublier ses anti- quatrième ciel, lui permettant d'en manger
pathies elle se prit à tourner en cadence tous.les fruits excepté le froment, qui ne pou-
autour du corps, et enfin, dans un moment vait se digérer par les pores. Adam et Eve,
de déliro, elle y entra par les pieds qui se séduits par le diable, en mangèrent pourtant;
mirent aussitôt en mouvement. Dès lors il et avant qu'ils n'infectassent le paradis, t
ne lui fut plus permis de quitter sa nouvelle l'ange Gabriel vint les mettre dehors.
habitation sans un ordre exprès de l'Eternel. Les habitants de Madagascar exposent le
Les Juifs, peuple de Dieu, conservèrent fait plus rudement encore. Adam mangea,
intactes les saintes Ecritures jusqu'à la disent-ils, ce qui lui était défendu. On recon-
venue du Messie. Peuple réprouvé après le nut son crime, aux suites nécessaires. Le
déicide ils les ont altérées des plus étranges diable qui l'avait séduit courut l'accuser et
absurdités. Leur Thalmud a défiguré tout, et, Dieu le chassa. Sans doute il. n'était pas ma-
dans leur sens dépravé, les plus grossières rié encore, car ils ajoutent que, quelque
erreurs ont remplacé chez eux la vérité. Les temps après, il lui vint à la jambe une tumeur
lhalmudisles, entre autres singulières rêve- d'où il tira une femme qu'il épousa (2).
ries, rendent compte de la manière dont fu- Les Espagnols de l'Amérique méridionale
rent employées les douze heures du jour où croient que le banane certain fruit de ce
Adam fut créé. A la première heure, di- pays, dont les fibres représentent une croix,
sent-ils, Dieu assembla la poudre dont il est le fruit défendu, dans lequel Adam dé-
devait le composer et il en fit un embryon. couvrit le mystère de la Rédemption. Les
A la seconde heure, Adam se tint sur ses habitants de l'île Saint-Vincent pensent que
pieds. A la quatrième, Dieu l'appela et lui le fruit fatal est le Ubac.
dit de donner aux animaux les noms qu'ils Après son péché, Adam fut chassé du pa-
devaient porter. Quand il eut fait cela Dieu radis terrestre. Les rabbins cabalistes ajou-
lui demanda Et moi, comment m'appel- tent qu'il fut jeté dans les enfers d'où il ne
leras-tu? Adam répondit Jéhovah ( c'est toi se tira qu'au moyen du très-saint mot Lave-
qui es ). La septième heure fut occupée par le rererareri, qu'il savait prononcer convena-
mariagcd'AdamavecEvc,qucDieu lui amena blement (3). On dit encore que pour faire
après l'avoir frisée. Ala dixième heure, Adam pénitence, il se plongea jusqu'au nez dans
désobéit. 11fut jugé à la onzième et condamné le fleuve Gehon, macérant son corps à coups
à sortir d'Eden. Enfin, à la douzième, il sen- de fouets avec si peu de ménagement que
tait déjà la peine et les sueurs du travail. lorsqu'il sortit de là, sa peau était, percée
Dieu, ajoutent les rabbins, avait fait Adam comme un crible. Il vécut cent trente ans
si grand, que sa tête touchait le ciel. ils as- ainsi dans l'expiation. A sa mort, il se vit
surent que l'arbre de vie, planté dans le pa- entouré de ses enfants, qui étaient au nom-
radis terrestre, était si gros, qu'il aurait bre de quinze mille, sans compter les fem-
fallu cinq cents ans à un bon piéton pour en mes (4).
faire le tour, et que la taille d'Adam était On dit encore qu'Adam, pendant quelque
proportionnée à la grosseur,de cet arbre. Les temps, adora la lune; que les anges l'instrui.
anges étonnés murmurèrent et dirent au sirent qu'il écrivit un commentaire sur les
(1) « Gedda ou Djedda (port de la mer Rouge, jolie une dien); la distance des pieds à la tête est de 400 pieds
de 15,000 habitants) ne renferme pas beaucoup de curio- Connue nous avons diminué de taille depuis la création
sités cependant c'est à l'entrée de la ville, du côté du je serais presquetenté de me croire un Lilliputien. Gedda,
N.-lî-, que se trouve le prétendu tombeau de notre com- en arabe, veut dire grand'mère les savants prétendent
mune aïeule, Eve. J'ai recueilli toutes les vieilles chroni- que la ville porte ce nom, parce qu'elle a l'honneur de
ques il en résulte que les savants du pays sont encore posséder le corps d'Eve. Les traditions orientales portent
dans une espèce de doute; le peuple et tous les dévots y qu'après la mort de sa femme ,'Adam se mit en voyage il
croient fermement. partit pour les Indes et il mourut à l'Ile de Coylau,,où son
« En entrant par la grande porte du grand tombeau existe encore sous le Pic-d'Adam. Les Musul-
cimetière,
on trouve à gauche un petit mur de trois pieds de hauteur • mans, même ceux qui ne possèdent pas la foi nécessaire
formant un carré de dix à douze pieds; là repose la tête à un fidèle ne forment pas le moindre doute sur ce der-
de notre première mère. Au milieu du cimetière se trouve nier fait. » (Lettre de M. A. D., consul de France en
une espèce de coupole où repose le milieu du corps, et Abyssinie, 12 janvier 1811.)
à l'autre bout, près d'une porte de sortie, se trouve un
autre petit mur, aussi de trois pieds de hauteur. fait en (2) D'Herbelot, Bibliothèque orientale.
(ôi Basnage, Hist. des Juifs, tom. III.
losange; c'est là que touchent les pieds. Dans ce petit (4) Adam, aute mortem ejus, convocavit omnesmulie. filios
espace se trouve placé un grand .norceau d'étollb sur suos qui erant in numéro xv inillia virorum absque
laquelle les lidèles déposent leurs offrandes qui servent ribus. Vila Allai-et Evœ, cité par G.Veiguot, livre dei
à brûler des parfums sur son corps (et à nourrir le gar-
Singularités, p. 37..
i7 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. <
23
noms des animaux qu'il prophétisa qu'il tait surtout à l'époque ou l'on s occupait en
fat astrologue qu'il prédit le déluge par France de l'extinction des Templiers. Alors
l'inspection des astres; qu'il connaissait na- un certain abbé Adam, qui gouvernait l'ab-
turellement toutes îles sciences; qu'il avait baye duVaux-de-Ccrnay,au diocèse de Paris,
un pouvoir magique sur toutes les créatures; avait l'esprit tellement frappé de l'idée que
qu'il out une apocalypse; qu'il composa des le diable le guettait, qu'il croyait le recon-
psaumes ils ont été imprimés dans quelques naître à chaque passousdes formes que sans
thalmuds. On lui attribue aussi un livre de doute le diable n'a pas souvent imaginé de
cabale intitulé Sepher-Raziel. Les Juifs di- prendre. Un jour qu'il revenait de visiter
sent que ce livre lui fut donné par l'ange Ra- une de ses petites métairies* accompagné
phaël le livre dé Jetzirah passe même pour d'un serviteur aussi crédule que lui, l'abbé
être de lui il écrivit, disent les adeptes sur Adam racontait comment le diable l'avait
l'alchimie. harcelé dans son voyage. L'esprit matin s'était
D'autres assurent que l'ànge Raziél fut le montré sous la figure d'un arbre blanc de
précepteur d'Adam; qu'il lui donna dans un frimas, qui semblait venir à lui. -C'est sin-
livre la connaissance de tous les secrets de gulier 1 dit un de ses amis; n'étiez-vous pas
la nature, la puissance de converser avec le la proie de quelque illusion causée par la
soleil et la liine^ dé guérir les maladies, d'ex- course de votre cheval? Non, c'était Satan.
citer des tremblements de terre, de comman- Mon cheval s'en effraya; l'arbre pourtant
der aux puissances de l'air, d'interpréter lés passa au galop et disparut derrière nous, il
songes et dé prédire tous les événements. Ce laissait une certaine odeur qui pouvait bien
livre passa dans la suite entre les mains de être du soufre. Odeur de brouillard, mar-
Salomon; c'est là qu'il apprit la manière de motta l'autre. Le diable reparut et, cette
composer le fameux talisman de sonanneàii, fois, c'était un chevalier noir qui s'avançait
avec lequel il opéra dans. tout l'Orient dès vers nous pareillement. Eloigne-toi, lui
choses étonnantes. criai-je d'une voix étouffée. Pourquoi m'at-
Parmi les troubadours et les poëtes du taques-tii?ïl passa encore, sans avoir l'air
moyen-âge, plusieurs, infectés de la grossiè- de s'occuper de nous. Mais ilrevint une troi-
reté des Vaudois et des Albigeois qui rame- sième fois ayant la forme d'un homme grand
naient si vite l'humanité à l'étai. sauvage, si et pauvre, avec un cou long et maigre. Je
l'Eglise romaine n'eût sauvé alors; comme fermai tes yeux et ne le revis que quelques
toujours, la civilisation menacée, traitaient instants plus tard sous le capuchou d'un pe-
fort mal et fort lâchement les femmes; et si tit moine. Je crois qu'il avait sous son froc
nous citons à ce propos la satire assez plate une rondache dont il me menaçait. Mais,
de Pierre de Saint-Cloud, dans son début du interrompit l'autre, ces apparitions ne pou-
poëme du Renard, c'est qu'elle s'étaye d'une vaient-eiiës pas être des voyageurs naturels?
légende d'Adam. Comme si on ne savait pas s'y reconnaî-
Lorsqu'Adam, dit le poète, fut chassé du tre! comme si nous nei'avions pas vu derechet
paradis tenrestre, Dieu, par pitié, lui donna sous la figure d'un pourceau, puis sous celle
une baguette merveilleuse, qui était douée d'un âne, puis sous celle d'un tonneau qui
de telle vertu que toutes les fois qu'il aurait roulait dans la campagne, puis enfin sous la
besoin d'un animal quelconque, il lui suffi- forme d'une roue de charrette qui, si je ne
rait, pour le voir paraître à l'instant même, me trompe pas; me renversa, sans toutefois
de frapper la mer avec sa baguette. Adam me faire aucun mal. -Après tant d'assauts,
l'ayant frappée, vit sortir aussitôt une bre- la route s'était achevée sans autres malen-
bis. Eve voulut à son tour essayer l'instru- contrés (â).
ment mais sous sa main un loup s'élança, ADAMANTIUS, médecin juif, qui se fit
qui saisit la brebisei l'emporta dansles bois. chrétien a Constantinople, sous le règne do
notre première mère pleurait son malheur, Constance, à qui il dédia ses deux livres sur
quand Adam reprit la baguette et fit naître laPfiysiodriomônie ou l'art de juger les hom-
un chien, qui courut après le loup, lui mes par leur figure. Cet ouvrage, ptcin de
enleva là brebis et là ïàpportà. contradictions et de rêveries, a été imprimé
Il eh fut de même des autres arîimaux, dans quelques coHe'ciions, notamment dans
tous ceux qui durent leur naissance à Eve les Scriptores physiognôm'oniê vetercs, grec
furent sauvages et malfaisants (le renard en- et latin, cura J. -G.- F Fi-anzii AHcmbourg,
tre autres); et ils se retirèrent dans le bois 1780, in-8
avec le loup. Ceux que produisit Adam res- ADAMIENS ou ADAMlTES. Hérétiques du
tèrent tous auprès clé lui et devinrent doines- second siècle, dans l'ëSpèce des Basilidiens.
tiques (l)é.. Us se mettaient nus et professaient ia pro-
ADAM ( L'ABBÉ}. Il y eut un temps où l'on miscuilédes femmes. Clément d'Alexandrie
voyait le diable en toutes choses et partout, dit qu'ils se vantaient d'avoir des livres
et peut-être n'avait-on pas tort. Mais il nous secrets de Zoroastre, ce qui a fait "conjectu-
sèmble qu'on le voyait trop matériellement. rer à plusieurs qu'ils étaient livrés à la ma-
Le bon et naïf Gésaire d'Heisferbach a fait gie.
un livre d'histoires prodigieuses où le diable ADELGREIF ( Jeàn-Albkrt ), fils naturel
est la machine universelle; il se montre sans d'un pasteur allemand,qui lui appritle latin,
cesse et sous diverses figures palpables. G'é- le grec, l'hébreu ctplusieiirs langues moûer-
(1) M. OctaveDeliiierre,préliminairesde satraduction (2) Robert Gaguin,Philipp.
du RenarddeJ.-F. Willems,p. 57.
29 ADR AGA 50
nés. Il devint fou et crut avoir des visions; il On lui attribue en Ecosse la construction
disait que sept anges l'avaient chargé de de la muraille du Diable.
représenter Dieu sur la terre et de châtier les Fulgose, qui croyait beaucoup à l'astrolo-
souverains avec des verges de fer. Il se don- gie, rapporte, comme une preuve de la soli-
nait les noms d'empereur universel, roi du dité de cette science, que l'empereur Adrien,
royaume des cieux, envoyé de Dieu le Père, très-habile astrologue, écrivait tous les ans,
juge des vivants et des inorts. Il causa beau- le premier jour du premier moiSj ce qui lui
coup de troubles par ses extravagances, qui devait arriver pondant l'anuée, et que, l'an
trouvèrent, comme toujours, des partisans. qu'il mourut, il n'écrivit que jusqu'au mois
On lui attribua des prodiges, et il fut brûlé à de sa mort, donnant à connaître par son
Kœnigsberg comme magicien, hérétique et silence qu'il prévoyait son trépas. Mais
perturbateur, le 11 octobre 1636. Il avait pré- ce livre de l'empereur Adrien qu'on no
dit avec assurance qu'il ressusciterait le montra qu'après sa mort, n'était qu'un jour-
troisième jour; ce qui ne s'est pas du tout vé- nal.
rifié. AEOROMANCIE, art de prédire les choses
ADËLITES, devins espagnols qui se van- futures par l'examen des variations et des
taient de prédire, par le vol ou le chant des phénomènes de l'air {%). C'est en vertu de
oiseauxt ce qui devait arriver en bien ou en cette divination qu'une comète annonce la
mal. mort d'un grand homme. Cependant ces pré-
ADELUNG (Jean-Christophe;, littérateur sages extraordinaires peuvent rentrer dans
allemand, mort à Dresde en 1806. Il a laissé la tératoscopie.
un ouvrage intitulé Histoire des folies hu- François de LaTorre-Blanca (3) dit que
maines, ou Biographie des plus célèbres né- l'aéromancie est l'art dedire la bonne aven-
cromanciens, alchimistes, devins, etc., sepl ture en faisant apparaître des spectres dans
parties; Leipzig. 1785-1789. les airs, ou en représentant* avec l'aide des
ADEPTES, nom que prennentlesalchimis- démons, les événements futurs dans un nua-
tés qui prétendent avoir trouvé la pierre phi- ge, comme dans une lanterne magique.
losophale et l'élixir de vie. Ils disent qu'il y « Quant aux éclairs et au. tonnerre, ajoute-
a toujours onze adeptes dans ce monde; et, t-il, ceci regardeles augures, et les aspects du
commel'élixir les rend immortels, lorsqu'un ciel et des planètes appartiennent à l'astrolo-
nouvel alchimiste a découvert le secret du gie. s
grand œuvre, il faut qu'un des onze anciens AETITE, espèce de pierre qu'on nomme
lui fasse place et se retire dans un autre des aussi pierre d'aigle, selon la signification de
mondes élémentaires. ce mot grec, parce qu'oh prétend qu'elle se
ADÈS, roi de l'enfer. Ce mot est pris'sou- trouve dans les nids des aigles. On lui attri-
vcnt chez quelques poëtes anciens, pour bue la propriété de faciliter l'accouchement
l'enfer même. lorsqu'elle est attachée au-dessus du genou
ADHAB-ALGAB, purgatoire des musul- d'une femme; ou de le retarder, si on la lui
mans où les méchants sont tourmentés par met à la poitrine. Dioscoride (4) dit qu'on
les anges noirs Muhkir et Nékir. s'en servait autrefois pour découvrir les
ADJURATION, formule d'exorcisme par voleurs. Après qu'on l'avait broyée, on en
laquelle oh commande, au nom de Dieu, à mêlaitla cendre dans du pain fait exprès; ou
1 esprit malin de dire ou de faire ce ciu'on en faisait mdngér à tous ceux qui étaient
exige de lui. soupçonnés. On croyait que si peu d'aélito
ADONIS, démon brûlé. Selon les démo- qu'il y eût dans le pain, le voleur ne pou-
nologues, il remplit quelques fonctions dans vait avaler le moi'ceaut Les Grecs modernes
les incendies (1). Des savants croient que emploient encore cette vieille superstition
c'est le même que le démon Thamuz des Hé- qu'ils rehaussent de quelques paroles mysté-
breux. rieuses.
AURAMELECH, grand chancelier des en- jEVOLI (César)*, auteur ou collecteur d'un
fers, intendant de la garde-robe du souve- livre peu remarquable, intitulé: Opuscules
rain des démons, président du haut conseil sur les attributs divins et sur le pouvoir qui
des diables. Il était adoré à Sépharvaim^ a été donné aux démons de connaître les
ville des Assyriens, qui brûlaient des enfants choses secrètes et de tenter les hommes.
sur ses autels. "Les rabbins disent qu'il se Opuscula de divinis atlribulis et de modo et
montre sous la figure d'un mulet etquelque- potestale quam dœmones habent inteïligendi
fois sous celle d'un paon. et passiones animi excitandi, in-4; Venise,
ADRIEN. Se trouvant en Mésie, à la tête 1589.'
d'une légion auxiliaire, vers la fin du règne AGABERTE. ((Aucuns parlent, dit Torqué.
de Domitien, Adrien consulta un devin ( car mada, d'une certaine femme nommée Aga-
il croyait aux devins et à l'astrologie judi- berte, fille d'un géant qui s'appelait-- Va-
ciaire), lequel lui prédit qu'il parviendrait gnoste, demeurant aux pays septentrionaux,
un jour à l'empire. Ce n'était pas, dit-on, la laquelle était grande enchanteresse. Et la
première fois'qu'on lui faisait cette promesse. force de ses. enchantements était si variée,
Trajan, qui était son tuteur, l'adopta, et il qu'on ne la voyait presque jamais en sq
régna en effet. propre figuré quelquefois c'était une petite
(1) Wierus, oe Prsest.dam, lib. t. 1. Ma"ia lib. I, cap. xx, post Pictoriumet Psellum.
(2) Wierus, de l'rœst. daero.,lib. If, cap. xu. (i) Citépar le père Lebrun,Hist. desPratiquessuperit.
(3J Franc. Torre BlancaCordub. ~pit. delict. sive de liv. 1, ch.xiv
31 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 32
vieille fort ridée qui semblait ne se pouvoir ectés il se montre surtout au Brésil et chez
remuer, ou bien une pauvre femme malade les Topinamboux et parait sous toutes
et sans forces; d'autres fois elle était si haute sortes de formes, de façon que. ceux qui
qu'elle paraissait toucher les nues avec sa veulent le voir peuvent le rencontrer par-
tête. Ainsi elle prenait.telle forme qu'elle tout "(6).
voulait, aussi aisément que les auteurs écri- AGOBARD, archevêque de Lyon au neu-
vent d'Urgande la Méconnue. Et, d'après ce vième siècle. 11 a écrit contre tes épreuves
qu'elle faisait, le monde avait opinion qu'en judiciaires et contre plusieurs superstitions
un instant elle pouvait obscurcir le soleil; de son époque.
la lune et les étoiles, aplanir les monts, ren- AGRAFÉNA-SHIGANSKAIA. L'une des
verser les montagnes, arracher les arbres, maladies les plus générales sur les côtes
dessécher les rivières, et faire autres choses nord-est de.la Sibérie, surtout parmi les
pareilles, si aisément qu'elle semblait tenir femmes est une extrême délicatesse des
tous les diables attachés et sujets à ses vo- nerfs. Cette maladie, appelée mirak dans ce
lontés (1). » Cette femme ne serait-elle pays, peut être causée par le défaut absolu
pas ta même qu'AGRAFÉNA?Voy. ce mot. de toute nourriture végétale mais la super-
AGARÈS, grand-duc de la contrée orien- stition l'attribue à l'influence d'une magi-
tale dos enfers. Il se montre sous les traits cienne nommée Agraféna-Shiganskaïa, qui,
d'un Seigneur, à cheval sur un crocodile; bien que morle depuis plusieurs siècles,
l'épervierau poing. Il fait revenirà la charge continue à répandre l'effroi parmi les habi-
les fuyards du parti qu'il protége et met tants et passe pour s'emparer de la malade.
l'ennemi en déroute. Il donne les dignités, M. de Wrangel qui rapporte ce fait dans
enseigne toutes les langues, et fait danser lés le récit de son expédition au nord-est de la
esprits de la terre. Ce chef des démons est Sibérie, ajoute que parfois on trouve aussi
de l'ordre des vertus: il a sous ses lois trente des hommes qui souffrent dumirak mais
et une légions (2). ce sont des exceptions.
AGATE, pierre précieuse à laquelle.les AGRIPPA (Henri-Corneille), médecin et
anciens attribuaient des qualités qu'elle n'a philosophe, contemporain d'Erasme, l'un des
pas, comme de fortifier le cœur, de préserver plus savants hommes de son temps, dont on
de la peste et de guérir les morsures du l'a appelé le Trismégiste, mais doué d'ex-
scorpion et de la vipère. travagance né à Cologne en I486, mort en
AGATHION démon familier qui ne se 1535, après une carrière orageuse, chez le
montre qu'à midi. 11parait en forme d'homme receveur général de Grenoble et non à
ou de bête; quelquefois il se laisse enfermer Lyon, ni dans un hôpital, comme quelques-
dans un talisman, dans une bouteille ou dans uns l'ont écrit. 11 avait été lié avec tous les
un anneau magique (3). grands personnages et recherché de tous les
AGATHODÉMON, ou bon démon, adoré princes de son époque. Chargé souvent do
des Egyptiens sous la figure d'un serpent à négociations politiques, il fit de nombreux
tété humaine. Les dragons ou serpents ailés, voyages, que Thevet dans ses Vies des
-qué les anciens révéraient, s'appelaient aga- hommes illustres, attribue à la manie « de
thodemones, ou bons génies. faire partout des tours de son métier de
AGLA mot cabalistique auquel les rab- magicien ce qui le faisait reconnaître et
bins attribuent le pouvoir de chasser l'esprit chasser incontinent. »
matin. Ce mot se compose des premières Les démonologues, qui sont furieux contre
leltres de ces quatre mots hébreux Athah lui, disent qu'on ne peut le représenter que
gabor leolam, Adonai; « Vous êtes puissant comme un hibou, à cause de sa laideur ma-
et éternel, Seigneur. » Ce charme n'était pas gique et de crédules narrateurs ont écrit
seulement employé par les Juifs "et les caba- gravement que, dans ses voyages, il avait
listes, quelques chrétiens hérétiques s'en coutume de payer ses hôtes en monnaie
sont armés souvent pour combattre les dé- fort bonne en apparence, mais qui se chan-
mons. L'usage en était fréquent au seizième geait, au bout de quelques jours, en petits
siècle (4), et plusieurs livres magiques en morceaux de corne, de coquille ou de cuir,
sont pleins, principalement l'Enchiridion, et quelquefois en feuilles d'arbres.
attribué ridiculement au pape Léon III. Voy. 11est vrai qu'à vingt ans il travaillait à la
CABALE. chrysopée ou alchimie mais il ne trouva
AGLAOPHOTIS, sorte d'herbe qui croit jamais le secret du grand œuvre. Il est vrai
dans les marbres de l'Arabie, et dont les aussi qu'il était curieux de choses étranges,
magiciens se servaient pour évoquer les dé- et qu'il aimait les paradoxes son livre de
mons (5). Ils employaient ensuite l'ananci- la Vanité des sciences, que l'un considère
tide et la syrrochite, autres ingrédients qui comme son chef-d'œuvre, en est une preuve.
retenaient les démons évoqués aussi long- Mais au chapitre xm de ce livre il dé-
temps qu'on le voulait. Voy. Baakas. clame contre la magie et les arts supersti-
AGNAN, démon qui tourmente les Améri- tieux. Si donc il fut obligé plus d'une fois de
cains par des apparitions et des méchan- prendre la fuite pour se soustraire aux

(1) Examéron de Torquémada traduit par Gabriel (5) Pline, Hist. nat, liv. XXlV.cli.xvii. »
Cbappuis,Tourangeau,sixièmejournée. (6) Wierus, De Prœslig., lib. I, cap. xxu. Tbevet,
(2) Wierus, in Pseudomonarch.dsem. 01>s.sur l'Amérique, ch. xxxv et xxxvi.Boguet. Dise
(3) Leloyer,Dise.et Itisi.des spectres, liv. TU,ch. v. dessorciers, cli.vu.
(i) Leloyer,Dise.etbisl. des spectres,liv.VIII, cl), vi.
0") 1.
85 AGR
11 AGR 54
mauvais traitements de la populace, qui fait passer Agrippa pour un grand magicien,
l'accusail de sorcellerie, n'est-il pas permis c'est un fatras plein de cérémonies magiques
de croire ou que son esprit caustique, et et superstitieuses qu'on publia sous son nom,
peut-être ses mœurs mal réglées, lui faisaient vingt-sept ans après sa mort, qu'on donna
des ennemis ou que son caractère d'agent comme le quatrième livre de sa Philosophie
diplomatique le mettait souvent dans des occulle, et qui n'est qu'un ramassis de frag-
situations périlleuses, ou que la médecine ments décousus de Pierre d'Apone, de Picto-
empirique, qu'il exerçait, l'exposait à des rius, et d'autres songes creux (2).
catastrophes à moins qu'il ne faille croire, Cependant Delancre ne porte son accu-
en effet, que cet homme avait réellement sation que sur les trois premiers livres.
étudié la magie dans ces universités mysté- «Agrippa, dit-il (3), composa trois livres
rieuses dont nous ne savons pas encore les assez grands sur la magie démoniaque mais
secrets? Voy. Universités. Quoi qu'il en il confessa qu'il n'avait jamais eu aucun
soit, Louise de Savoie, mère de François l" commerce avec le démon, et que la magie et
le prit pour son médecin. Elle voulait qu'il la sorcellerie (hors les maléfices) consis-
fût aussi son astrologue, ce qu'il refusa. Et taient seulement en quelques prestiges, au
pourtant on soutient qu'il prédisait au trop moyen desquels l'esprit malin trompe les
fameux connétable de Bourbon' des succès ignorants. » Thev.ct n'admet pas ces pal-
contre la France. Si cette allégation est vraie, liatifs. « On ne peut nier, dit-il, qu'Agrippa
c'était semer la trahison, et Agrippa était un n'ait été ensorcelé de la plus fine et exécrable
fripon ou un fourbe. magie, de laquelle, au vu et au su de chacun,
Mais on établit encore l'éloignemcnt d'A- il a fait profession manifeste. Il était s:
grippa pour le charlatanisme des sorciers subtil, qu'il grippait de ses mains crochues
en rappelant ce fait, que, pendant le séjour des trésors que beaucoup de vaillants capi-
qu'il fit à Metz, remplissant les fonctions de taines ne pouvaient gagner par le, cliquetis
syndic ou avocaUgénéral (car cet homme fit de leurs armes et leurs combats furieux. 11
tous les métiers), il s'éleva très- vivement composa le livre de la Philosophie occulte,
contre le réquisitoire de Nicolas Savin, qui censuré par les chrétiens, pour lequel il fut*t
voulait faire brûler comme sorcière une chassé'de Flandre; oùil ne putdorénavant être
paysanne. La spirituelle et vive éloquence souffert; de manière qu'il prit la route d'Ita-
d'Agrippa fit absoudre cette fille. A cela les lie, qu'il empoisonna tellement que plusieurs
partisans de la sorcellerie d'Agrippa répon- gens de bien lui donnèrent encore la chasse,
dent qu'il n'est pas étonnant qu'un pareil et il n'eut rien de plus hâtif que de se retirer
compère ait défendu ceux qui pratiquaient à Dole. Enfin il se rendit à Lyon, dénué de
la magie, puisqu'il la pratiquait lui-même. facultés; il yemployatoutes sortes de moyens
Ils ajoutent que, tandis qu'il professait à pour vivoter, remuant le inieux.qu'il pouvait
l'université de Louvain, il infecta ses écoliers la queue du bâton mais.il gagnait si peu,
d'idées magiques. «Un de ses élèves, lisant qu'il mourut en un chétif cabaret, abhorré de
auprès de lui un certain livre de conjura- tout le monde, et détesté comme un magicien
tions, fut étranglé par le diable. Agrippa, maudit, parce que toujours il menait en sa
qu'on ne le soupçonnât d'être
craignant compagnie un diable sous la figure d'un
l'auteur ou la cause de cette mort arrivée chien noir. »
dans sa chambre, commanda à l'esprit malin Paul Jove ajoute qu'aux approches de sa
d'entrer dans le corps qu'il venait d'étouffer,
de ranimer le jeune homme et de lui faire mort, comme on le pressait de-se repentir, il
ôta à ce chien, qui était son démon familier,
faire avant de le quitter sept ou huit tours un collier garni de clous qui formaient des
sur la place publique. Le diable obéit le et lui dit Va-
inscriptions nécromantiques,
corps du jeune étranglé après avoir paradé t'en malheureuse bête, c'est toi qui m' m
pendant quelques minutes tomba sans vie
devant la multitude de ses camarades, qui perdu; qu'alors le chien prit aussitôt la fuite
vers la rivière de Saône, s'y jeta la tête en
crurent que ce n'était là qu'une mort su- avant et ne reparut plus.
bite (1).»»
Ce ne fut pas pourtant à cause de sem- Delancre rapporte autrement cette mort,
blables faits qu'il partit de cette ville savante. qui n'eut pas lieu dans un cabaret de Lyon,
Ce fut parce qu'il s'y était fait des ennemis, 'mais comme nous l'avons dit à Grenoble.
« Ce misérable Agrippa, dit-il, fut si aveuglé
à qui il donna un prétexte par la publication
de son ouvrage de la Philosophie occulte. On du diable, auquel il s'était soumis, qu'encore
accusa ce livre d'hérésie et de magie et, en qu'il connût très-bien sa perfidie et ses arti-
attendant qu'il fût jugé, l'auteur passa une fices, il ne les put éviter, étant si bien enve-
année dans les prisons de Bruxelles. Il en loppé dans les rets d'icelui diable, qu'il lui
fut tiré par l'archevêque de Cologne, qui avait persuadé que, s'il voulait se laisser
.avait accepté la dédicace du livre, dont il tuer, la mort n'aurait nul pouvoir sur lui, et
reconnut publiquement que l'auteur n'était qu'il le ressusciterait et le rendrait immor-
ce advint autrement, car Agrippa
pas sorcier. Les pensées de ce livre et celles tel qui
s'étant fait couper la tête, prévenu de cette
que le même savant exposa dans son com-
mentaire In arlem brevem Raymundi Lullii, fausse espérance, le diable se moqua de lui
ne sont que des rêveries. Ce qui surtout a et ne voulut (aussi ne le pouvait-il) lui rô-
(t) Delrio,Disquisit.mag., lib. II, quœst.39. (3) Tableaude l'inconstancedes démons,liv. V.
(2j VoyezAjione.
35 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 36
donner la vie pour lui laisser le moyen de et mangée en ragoût rend si furieux ceux
déplorer ses crimes. » qui se sont permis ce régal qu'ils s'arra-
Wicrns qui fut disciple d'Agrippa dit chent les cheveux et se déchirent jusqu'à ce
qu'en effet cet homme avait beaucoup d'af- qu'ils aient complètement achevé leur diges-
fection pour les chiens, qu'on en voyait con- tion. Le livre qui contient cette singulière
stamment deux dans son étude, dont l'un se recette (2) donne pour raison de ses effets
nommait Monsieur et l'autre Mademoiselle que «la grande chaleur de la cervelle de
et qu'on prétendait que ces deux chiens noirs l'aigle forme des illusions fantastiques en
étaient deux diables déguisés. Tout cela bouchant les conduits des vapeurs et en rem-
n'empêche pas qu'on ne soit persuadé, dans plissant la tête de fumée. » C'est ingénieux
quelques provinces arriérées qu'Agrippa et clair. Voy. Pierre D'AIGLE.
n'est pas plus mort que Nicolas Flamel, et On donne en alchimie le nom d'aigle à dif-
qu'il se conserve dans un coin, ou par l'art férentes combinaisons savantes. L'aigle cé-
magique, ou par l'élixir de longue vie. Voy. leste- est une composition de mercure réduit
CYRANO. en essence, qui passe pour un remède uni-
AGUAPA, arbre des Indes orientales dont versel l'aigle de Vénus est une composition
on prétend que l'ombre est venimeuse. Un de vert-de-gris et de sel ammoniac, qui for-
homme vêtu, qui. s'endort sous cet arbre, se ment un safran l'aigle noir est une composi-
relève tout enflé et l'on assure qu'un hom- tion de cette cadmie vénéneuse qui se nomme
me nu crève sans ressource. Les habitants cobalt, et que quelques alchimistes regardent
attribuent à la méchanceté du diable ces comme la'matière du mercure philosophi-
cruels effets. Voy. Bohon-Upas. que.
AGUERRE. Sous Henri IV, dans cette par- AIGUILLES. On pratique ainsi, dans quel-
tie des Basses-Pyrénées qu'on appelait le ques localités, une divination par les aiguil-
pays de Labour, on fit le procès en sorcelle- les. On prend vingt-cinq aiguilles neuves;
rie à un vieux coquin de soixante-treize ans, on les met dans une assiette, sur laquelle on
qui se nommait Pierre d'Aguerre, et qui cau- verse de l'eau. Celles qui s'affourchent les
sait beaucoup de maux par empoisonne- unes sur les autres annoncent autant d'en-
ments, dits sortilèges. On avait arrêté, en nemis.. On conte qu'il est aisé de faire mer-
même temps que lui, Marie d'Aguerre et veille avec de simples aiguilles à coudre, en
Jeanne d'Aguerre, ses petites-filles ou ses leur communiquant une vertu qui enchante.
petites-nièces, avec d'autres jeunes filles, et Kornmann écrit ceci (3) « Quant à ce que
les sorcières qui les avaient menées au sab- les magiciens et les enchanteurs font avec
bat. Jeanne d'Aguerre exposa les turpitudes l'aiguille dont on a cousu le suaire d'un ca-
qui se commettaient dans les grossières or- davre, aiguille au moyen de laquelle ils peu-
gies où on l'avait conduite; elle y avait vu vent lier les nouveaux mariés cela ne doit
le diable en forme de bouc. Marie d'Aguerre pas s'écrire., de crainte de faire naître la
déposa que le démon adoré au sabbat s'ap- pçnsée d'un pareil expédient. »
pelait Léonard, qu'elle l'avait vu en sa forme AIGUILLETTE. On appelle nouement de
de bouc sortir du fond d'une grande cruche l'aiguillette un charmn qui frappe tellement
placée au milieu de. l'assemblée qu'il lui l'imagination de deux époux ignorants ou
avait paru prodigieusement haut, et qu'à la superstitieux qu'il s'élève entre eux une
fin du sabbat il était rentré dans sa cruche. sorte d'antipathie dont les accidents sont
Deux témoins ayant affirmé qu'ils avaient très-divers. Ce charme est jeté par des mal-
vu Pierre d'Aguerre remplir au sabbat le veillants qui passent pour sorciers. Voy.
personnage de maître des cérémonies, qu'ils Ligatures.
avaient vu le diable lui donner un bâton doré AIMANT (MAGNES),principal producteur
avec lequel il rangeait comme un mestre- de la vertu magnétique ou attractive. Il
de-camp, les personnes et les choses et y a sur t'aimant quelques erreurs populaires
qu'ils l'avaient vu à la fin de l'assemblée qu'il est bon de passer en revue. -On rap-
rendre au diable son bâton de commande- porte des choses admirables, dit le docteur
ment (1), Pierre d'Aguerre fut condamné à Brown (4)', d'un certain aimant qui n'attire
mort comme sorcier avéré. Voy. Bouc et pas seulement le fer, mais la chair aussi.
SjABBAT. C'est un aimant très-faible, composé surtout
AIGLE. L'aigle a toujours été un oiseau de terre glaise semée d'un petit nombre de
de présage chez les anciens. Valère-Maxime lignes magnétiques et ferrées; La terre glaise
rapporte que la vue d'un aigle sauva la vie qui en est la base fait qu'il. s'attache aux
au roi Déjotarus qui ne faisait rien sans lèvres, comme l'hématite ou la terre de
consulter les oiseaux comme il s'y connais- Lemnos. Les médecins qui joignent cette
sait, il comprit que l'aigle qu'il voyait le dé- pierre à l'aétile lui donnent mal à propos la
tournait d'aller loger dans la maison qu'on vertu de prévenir les avortements.
lui avait préparée, et qui s'écroula la nuit On a dit, de toute espèce d'aimant, que
suivante. De profonds savants ont dit que l'ail peut lui enlever sa propriété attractive;
l'aigle a des propriétés surprenantes entre opinion certainement fausse quoiqu'elle
autres celle-ci que sa cervelle desséchée nous ait été transmise par Solin, Pline, Plu-
mise en poudre imprégnée de suc de ciguë tarque, Mathiole, etc. Toutes les expérience»
(t) Delancre,Tableaude l'inconstancedes démons,etc., (3) De Mirab.mort., parsV, cap. xxu.
Jiv.II, discoursi. (i) Essai sur les erreurs, etc., liv. II, cb.iu.
<21Admirablessecretsd'Albert le Grand,liv. II, cb. in.
37 AIM AJO 28
l'ont démentie. Un fil d'archal rougi, puis porte, au contraire, que les rois de Ccylnn
éteint dans le jus d'ail, ne laisse pas de con- avaient coutume de se faire servir dans des
server sa vertu polaire;. un morceau d'ai- plats de pierre d'aimant, s'imaginant par là
niant enfoncé dans l'ail aura la même puis- conserver leur vigueur.
sance attractive qu'auparavant; des aiguilles On ne peut attribuer qu'à la vertu magne-
laissées dans l'ail jusqu'à s'y rouiller n'en tique ce que dit jÈtius, que, si un goutteux
retiendront pas moins cette force d'attrac- tient quelque temps dans sa main une
tion. pierre
d'aimant, il ne se sent plus de douleur, ou
On doit porter le même jugement de cette que du moins il éprouve un soulagement.
autre assertion, que le diamant a la vertu C'est à la même vertu qu'il faut rapporter
d'empêcher l'attraction de l'aimant. Placez ce qu'assure Marcellus Empiricus, que l'ai-
un diamant (si vous en avez) entre l'aimant mant guérit les maux de tête. Ces effets mer-
et l'aiguille, vous les verrez se joindre, dus- veilleux ne sont qu'une extension gratuite
sent-ils passer par-dessus la pierre précieuse. de sa vertu attractive dont tout le monde
Les auteurs que nous combattons ont sûre- convient. Les hommes s'étant aperçus de
inenl pris pour des diamants ce qui n'en était çette force secrète qui attire les corps ma-
pas. gnétiques, lui ont donné encore une attrac-
Mettez sur la même ligne, continue Brown, tion d'un ordre différent, la vertu de tirer la
cette autre merveille contée par certains rab- douleur de toutes les parties du corps c'est
bins, que les cadavres humains sont magné- ce qui a fait ériger l'aimant en philtre.
tiques, et que, s'ils sont étendus dans un On dit aussi que l'aimant resserre les
bateau, le bateau tournera jusqu'à ce que la nœuds de l'amitié paternelle et de runion
tête du corps mort regarde le septentrion.- conjugale, en même temps qu'il est très.-
François Rubus, qui avait une crédulité très- propre aux opérations magiques. Les basi.-
solide, reçoit commevrais la plupart de ces lidiens en faisaient des talismans pour chas-
faits inexplicables. Mais tout ce qui tient du ser les démons. Les fables qui regardent les
prodige, il l'attribue aux prestiges du dé- vertus de cette pierre sont en grand nom-
mon (1), et c'est un moyen facile de sortir bre. Dioscorido assure qu'elle est pour les
d'embarras. voleurs un utile auxiliaire; ils veu-
Disons un mot du tombeau de Mahomet. lent piller un logis, dit-il, quand
ils allument du
Beaucoup de gens croient qu'il est suspendu, feu aux quatre coins et y jettent des mor-
à Médine, entre deux pierres d'aimant pla- ceaux d'aimant. La fumée qui en résulte est
cées avec art, l'une au-dessus et l'autre au- si incommode, que ceug qui habitèrçt la mai-
dessous mais ce tombeau est de pierre son sont forcés de l'abandonnur. Malgré l'ab,-
comme tous les autres, et bâti sur le pavé surdité de cette fable, mille ans après Diosco-
du temple. -On lit quelque part, à la vérité, ride, elle a été adoptée par les écrivains qui
les mahométans avaient un ont compilé les prétendus secrets mervçil-
que conçu pa-
reil dessein; ce qui a donné lieu à la fable leux d'Albert le Grand.
que le temps et l'éloignement des lieux ont Mais on ne trouvera plus d'aimant com-
fait passer pour une vérité, et que l'on a es- parable à celui de Laurent Guasius. Cardan
sayé d'accréditer par des exemples. On voit affirme que toutes les blessures faites avec
dans Pline que l'architecte Dinocharès com- des armes frottées de cet aimant, ne cau-
mença de voûter, avec des pierres d'aimant, saient aucune douleur.
le temple d'Arsinoé à Alexandrie, afin de sus- Encore une fable: je ne sais quel écri-
pendre en l'air la. statue de cette reine; il vain assez grave a dit que l'aimant, fer-
mourut sans aroir exécuté ce projet, qui eût menté dans du sel, produisait et formait
échoué. Kufin conte que dans le temple le petit poisson appelé rémore, lequel pos-
•de Sérapis il y avait un chariot de fer que sède la vertu d'aHirer l'or du puits le plus
des pierres d'aimant tenaient suspendu; que, profond. L'auteur de cette recette savait
ces pierres ayant étéôtées, le chariot tomba qu'on ne pourrait jamais le réfuter par l'ex-
et se brisa. Bède rapporte également, d'après périence (2) et c'est bien dans ces sortes de
des contes anciens, que le cheval de Belléro- choses qu'il ne faut croire que les faits
phon, qui était de fer, fut suspendu entre éprouvés
,deux pierres d'aimant. AIMAR. Voy. BAGUETTE.
C'est sans doute à la qualité minérale de AJOURNEMENT. On croyait assez généra-
l'aimant qu'il faut attribuer ce qu'assurent lement autrefois que, si quelque opprimé, au
quelques-uns, que les blessures faites avec moment de mourir, prenait Dieu pour juge',
des armes aimantées sont plus dangereuses et s'il ajournait son oppresseur au tribunal
et plus difficiles guérir, ce qui est détruit suprême, il se faisait toujours une manifes-
par l'expérience les incisions faites par des tation du gouvernement temporel do la Pro-
chirurgiens avec des instruments aimantés vidence. Nous ne parlons de l'ajournement
ne causent aucun mauvais effet. Rangez dans du grand maître des Templiérs, qui cita le
:;i même classe l'opinion qui fait de l'aimant
pape et le roi de France, que pour remar-
un poison, parce que des auteurs le placent quer que cet ajournement a été inventé après
dans le catalogue des poisons. Garcias de coup. Voy. Templiers..
Huerta, médecin d'un vice-roi espagnol, rap- 'Mais le roi d'Aragon Ferdinand IV, fut
(l) Discours sur les pierres précieusesdont il est fait 2)Brown,au lieu cité
BeutioQdimsl'Apocalypse.
89 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 40
ajourné par deux gentilshommes injuste- auprès d'Alàrcos, pâle et triste mais elle ne
ment condamnés, et mourut au bout de trente mange ni ne boit. Ses enfants étaient silen-
Jours. cieux auprès de leur père. Tout à coup il
Enéas Sylvius raconte que François I", penche sa tête sur la table et cache avec ses
duc de Bretagne, ayant fait assassiner son mains son visage en larmes.
frère (en 1450), ce prince, en mourant, ajour- J'ai besoin de dormir, dit-il.
na son meurtrier devant Dieu, et que le duc Il savait bien qu'il n'y aurait pas ac som-
expira au jour fixé. meil pour lui cette nuit-là.
On avait autrefois grande confiance en ces Les deux époux entrent dans la chambre
ajournements et les dernières paroles des et y demeurent seuls avec leur plus jeune
mourants étaient redoutées. On cite même enfant encore à la mamelle. Le comte
une foule d'exemples qui feraient croire ferme les portes aux verroux ce qu'il n'a-
qu'un condamné peut toujours, à sa der- vait pas l'habitude de faire.
nière heure, en appeler ainsi d'un juge ini- Femme malheureuse 1 s'écrie-t-il et
que si ce n'était qu'une idée, dans les temps moi le plus à plaindre des hommes 1
barbares elle pouvait être salutaire. Mais Ne parlez pas ainsi, mon. noble sei-
n'était-ce qu'une idée? Delancre dit qu'un gneur elle ne saurait être malheureuse celle
innocent peut ajourner son juge, mais que qui est l'épouse d'Alarcos.
l'ajournement d'un coupable est sans effet. Trop malheureuse cependant, car dans
Comme les sorciers ajournaient leurs con- le mot que vous venez de prononcer est
damnateurs, il raconte, d'après Paul Jove, compris tout votre malheur. Sachez qu'avant
condamné
que Gonzalve de Cordoue ayant de vous connailre j'avais juré à l'infante que
a mort un soldat sorcier, ee soldat s'écria je n'aurais jamais d'autre épouse qu'elle; le
qu'il mourait injustement, et qu'il ajournait roi,nolrescigneur,saittout; aujourd'hui l'in-
Gonzalve à comparaître devant le tribunal fante réclame ma main et, mot fatal à pro-
de Dieu. Va, va, lui dit Gonzalve, hâte- noncer, pour vous punir d'avoir él'é préfé-
toi d'aller et fais instruire le procès mon rée à l'infante, le roi ordonne que vous mou-
frère Alphonse, qui est dans le ciel, compa- riez cette nuit.
raîtra pour moi. L'ajournement ne lui fut Est-ce donc là répondit la comtesse
pas fatal. effrayée, le prix de ma tendresse soumise?
Ah 1 ne me tuez pas, noble comte, j'em-
Ballade de l'ajournemerit. brasse vos genoux dans la
renvoyez-moi
La Revue de Paris a publié en 1831 l'analyse maison de mon père, où j'étais si heureuse
d'une singulière ballade espagnole. Nous où je vivrai solitaire, où j'élèverai mes trois
reproduisons ici cette pièce pathétique en enfants.
résumé. Cela ne se peut. mon serment a été
Solisa, l'infante, seule dans son oratoire, terrible. Vous devez mourir avant le jour.
yersait des larmes et se disait avec déses- Ah il se voit bien que je suis sèule sur
poir qu'il n'y aurait plus de mariage pour la terre mon père est un vieillard infirme.
elle. Le roi son père la surprit en ce mo- ma mère est dans son cercueil, et le Ger don
ment, et cherchant à la consoler, il apprit Garcia est mort. lui, mon vaillant fière, 1
d'elle que le comte Alarcos l'avait aimée que ce lâche roi fit périr. Oui, je suis
puis qu'il l'avait oubliée pour en épouser seule et sans appui en Espagne. Ce n'est
une autre depuis trois ans. Le roi fait venir pas la mort que je crains, mais il m'en coûte
le comte et le somme de tenir la parole qu'il de quitter mes fils. Laissez-moi du moins
a donnée jadis à sa fille. les presser encore sur mon cœur, les embras-
Je ne nierai pas la vérité, répond Alar- ser une dernière fois avant de mourir.
cos je craignais que Voire Majesté ne vou- -.Embrassez celui qui est là dans son
lût jamais consentir à m'accorder la main de berceau vous ne reverrez plus les autres.
sa fille. Je me suis uni à une autre femme. Je voudrais au moins le temps de dire
Vous vous en débarrasserez, dit le roi. un Ave.
Epargnez, sire, celle qui est innocente Dites-le vite.
ne me condamnez pas à'un affreux assas- Elle s'agenouilla.
sinat. 0 Seigneur Dieul dit-elle, en ce moment
Le roi est inflexible il faut que la com- de terreur, oubliez mes péchés, ne vous
tesse meure cette nuit même, ou que le comte souvenez que de votre miséricorde.
ait la tête tranchée le lendemain. Quand elle eut prié, elle se releva plus
Alarcos retourne à sa demeure, triste pour calme.
sa femme et pour ses trois enfants, II aper- Alarcos, dit-elle, soyez bon pour les
çoit la comtesse sur sa porte (Un jeune page gages de notre amour et priez pour le repos
avait pris les devants pour la prévenir du de mon âme. Et maintenant donnez-moi
retour de son époux). notre enfant sur mon sein, qu'il s'y puisse
Soyez le bien-venu, mon Seigneur, dit- désaltérer une dernière fois, avant que le
elle. Hélas 1 vous baissez la tête ? Dites-moi froid de la mort ait glacé le lait de sa mère.
pourquoi vous pleurez? Pourquoi réveiller le pauvre enfant?
Vous le saurez mais ce n'est pas Vous voyez qu'il dort. Préparez-vous le
l'heure, répondit-il; nous souperons et je temps presse l'aurore commence à pa-
vous dirai tout plus tard. raître.
On sert le souper la comtesse se place Eh bien 1 écoute-moi comte Alarcos |
l\ ALB ALB «
je te pardonne. Mais je ne puis pardonner à ce de Groot), savant et pieux dominicain, mis
roi si cruel, ni à sa fille si fière. Que Dieu à tort au nombre des magiciens par les dé-
les punisse du meurtre d'une chrétienne. Je monographes, fut, dit-on, le plus curieux de
les appelle, de ma voix mourante, devant tous les hommes. Il naquit dans la Souabe,
le trône de l'Eternel, d'ici à trente jours. à Lawigen sur le Danube, en 1205. D'un es-
Alarcos, barbare et ambitieux, étrangla prit fort grossier dans son jeune âge, il de-
la pauvre comtesse avec son mouchoir. Il la vint, à la suite d'une vision qu'il eut de la
re'couvrit avec les draps du lit puis appe- sainte Vierge, qu'il servait tendrement et qui
lant ses écuyers, il leur fit un faux récit lui ouvrit les yeux de l'esprit, l'un des plus'
pour les tromper, et s'en alla épouser l'in- grands docteurs de son siècle. Il fut le maître
faute. de saint Thomas d'Aquin. Vieux, il retomba
Mais la vengeance céleste s'accomplit au- dans la médiocrité, comme s'il dût être évi-
delà des malédictions de la comtesse; car, dent que son mérite et sa science étendue
avant que le mois fût expiré, trois âmes cou- n'étaient qu'un don miraculeux. et tempo-
pables, le roi, l'infante et le comte, parurent raire. D'anciens écrivains ont dit, après
devant Dieu. avoir remarqué la dureté naturelle de sa
AKHMIN,villedelamoyenneThébaïde,qui conception, que d'âne il avait été transmué
avait autrefois le renom d'être la demeure des en philosophe puis, ajoutent-ils, de philo-
plus grands magiciens (1). Paul Lucas parle, sophe il redevint âne (3).
dans son second voyage (2), du serpent mer- Albert le Grand fut évêque de Ratisbonne
veilleux d'Akhmin, que es musulmans ho- et mourut saintement à Cologne, âgé de
norent comme un ange et que les chré- quatre-vingt-sept ans. Ses ouvrages n'ont été
tiens croient être le démon Asmodée. Voy. publiés qu'en 1651; ils forment 21 volumes
Haridi. in-fol.Enles parcourant, on admireunsavant
AKIBA, rabbin du premier siècle de notre chrétien; on ne trouve jamais rien qui ait
ère, qui, de simple berger, poussé par l'es- pu le charger de sorcellerie. Il dit formelle-
poir d'obtenir la main d une jeune fille dont ment au contraire « Tous ces contes de dé-
il était épris, devint un savant renommé. Les « mons qu'on voit rôder dans les airs, et de
Juifs disent qu'il fut instruit par les esprits « qui on tire le secret des choses futures,
élémentaires, qu'il savait conjurer, et qu'il « sont des absurdités que la saine raison
eut, dans ses jours d'éclat, jusqu'à quatre- « n'admettra jamais (4). » C'est qu'on a
vingt mille disciples. On croit qu'il est au- mis sous son nom des livres de secrets mer-
teur du Jetzirah, ou livre de la création, at- veilleux, auxquels il n'a jamais eu plus do
tribué par les uns à Abraham, et par d'au- part qu'à l'invention du gros canon et du,
tres à Adam même. Voy. Abraham. pistolet que lui attribue Matthieu de Luna.
ALAIN DE L'ISLE (INSULENSIS),religieux Mayer dit qu'il reçut des disciples de saint
bernardin, évéque d'Auxerre au douzième Dominique le secret de la pierre philoso-
siècle, auteur âeY Explication des prophéties phale, et qu'il le communiqua à saint Tho-
de Merlin [Explanationes in prophetias Mer- mas d'Aquin; qu'il possédait une pierre
Uni Angli; Francfort, 1608, in-8°). Il composa marquée naturellement d'un serpent, et douée
ce commentaire, en 1170, à l'occasion du de cette vertu admirable, que si on la met-
bruit que faisaient alors lesdites pro- tait dans un lieu que les serpents fréquen-
grand
phéties. Un autre ALAIN ou alanus, qui vi- tassent, elle les attirail tous; qu'il employa,
vait dans le même siècle, a laissé pour les pendant trente ans, toute sa science de ma-
alchimistes un livre intitulé Dicta de lapide gicien et d'astrologue à faire, de métaux bien
philosophico in-8"; Leyde, 1600. choisis, et sous l'inspection des astres, un
ALARY (François), songe-creux qui a automate doué de la parole, qui lui servait
fait imprimer à Rouen, en 1701, la Prophétie 'd'oracle et résolvait toutes les' questions
du comte Bombaste, chevalier de la Rose- qu'on lui proposait: c'est ce qu'on appelle
l'androïde d'Albert le Grand; que cet auto-
Croix, neveu de Paracelse, publiée en l'année
1609, sur la naissance de Louis le Grand. mate fut anéanti par saint Thomas d'Aquin,
ALASTOR, démon sévère, exécuteur su- qui le brisa à coups de bâton, dans l'idée
préme des sentences du monarque infernal. que c'était un ouvrage ou un agent du diable.
Il fait les fonctions de Némésis. Zoroastre On sent que tous ces petits faits sont des
c'est contes. On a donné aussi à Virgile, au pape
l'appelle le bourreau; Origène dit que
le même qu'Azazel; d'autres le confondent Sylvestre 11, à Roger Bacon, de pareils an
avec l'ange exterminateur. Les anciens ap- droïdes. Vaucanson a montré que c'était un
pelaient les génies malfaisants Alastores et pur ouvrage de mécanique.
Une des plus célèbres sorcelleries d'Albert
Plutarque dit que Cicéron, par hatne contre
le Grand eut liou à Cologne. Il donnait un
Auguste, avait eu le projet de se tuer auprès
du foyer de ce prince pour devenir son alas- banquet, dans son cloître à Guillaume H,
tor. comte de Hollande et roi des Romains; c'é-
ALBERT LE GRAND Albert le Teuto- tait dans le cœur de l'hiver; la salle du fes-
de Cologne, Albert de Ratis-- tin présenta, à la grande surprise de la cour,
iiique, Albert
bonne Albertus Grolus car on le désigné la riante parure du printemps; mais, ajoute-
sous tous ces noms (le véritable était Albert t-on, les fleurs se flétrirent à la fin du repas.
Bibliothèqueorientale. visiondel'écolier.
(11 D'Herbelot, (*) DeSornn.et vig., lib. III, tract.I, cap. vin.
(2) Liv. V, t. II, p. 83. la
(3) Voyez, dans les légendesde la sainte Vierge,
DlCTlONlf. DES SCIENCES OCCULTES.I. 2
as DICTIONNAIRE
DESSCIENCES
OCCULTES. 4~
Aune époque pu l'on ne connaissait point sont des figures de talismans). Lyon, chez
les seerës chaudes, ('élégante prévenance du les héritiers de Beringos'fralres, à l'enseigne
bon et savant religieux dut surprendre. d'Ayippa. In-18, 6516 (année cabalistique).
Ce qff'il appelait lui-même ses opérations Albert le Grand est également étranger
magiques h'élaiënt' ainsi que de la magie à cet autre recueil d'absurdités, plus dange-
blanche'. reux que le premier, quoiqu'on n'y trouve
Finissons en disant que son nom-, d'Albert pas, comme les paysans se l'imaginent ,,les
le Grand n'est pas un nom acquis par la moyens d'évoquer le diable. On y voit la
gloire,,mais la simple traduction de son nom manière de nouer et de dénouer l'aiguillette,
de famille, Albert de Groot. la composition de divers philtres, l'art de
On lui attribue donc te livre intitulé les savoir en songe qui on épousera, des secrets
Admirables secrets d'Albert le Grand, conte- pour faire danser, pour multiplier les pi-
nant plusieurs traités sur les vertus des her- geons pour gagner au jeu, pour rétablir le
bes, des pierres précieuses et des animaux, vin gâté, pour faire des talismans cabalisti-
etc., augmentés d'un abrégé curieux de la ques, découvrir les trésors, se servir de la
physionomie et d'un préservatif contre (a main de gloire, composer l'eau ardente et le
peste, les fièvres malignes, tes poisons et feu grégeois, la jarretière et le bâton du voya-
l'infection de l'air, tirés et traduits des an- geur, l'anneau d'invisibilité, la poudre de
ciens manuscrits de l'auteur qui- n'avaient sympathie, l'or artificiel, et enfin des remè-
pas encore paru, etc., in-18, in-24, in-12. des contre les maladies, et des gardes pour
Excepté' du bon sens, on trouve de tout dans les troupeaux.
ce fatras; jusqu'à un traité des fientes qui ALBERT D'ALBY. Voy. CARTOMANCIE.
« quoique viles et méprisables, sont cepen- ALBERT DE SAINT-JACQUES, moine du
« dant en estime, si on s'en sert aux usages dix-septième siècle, qui publia un livre inti-
« prescrits. » Le récollecteur de ces secrets tulé Lumière aux viimnls par l'expérience
débute par une façon de prière; après quoi des morts, ou diverses apparitions des âmes
il donne la pensée du prince des philosophes, du purgatoire de notre siècle. In-8°, Lyon,
lequel pense que l'homme est ce qu'il y a de 1615.
meilleur dans le monde, attendu a grandie ÀLBiGEÔlS,espèce de manichéens très-
sympathie qu'on découvre entre lui et les si- perfides, dont l'hérésie éclata dans le Lan-
gnes du ciei, qui est au-dessus de nous et, guedoCj cl eut pour centre Albi. Ils admet-
par conséquent, nous est supérieur. .taient deux principes, disant que Dieu avait
Le livre Ier traite principalement, et de la produit de lui-même Lucifer, qui était ainsi
manière la plus inconvenante, de l'influence son fils aîné que Lucifer, fils de Dieu, s'é-
dès planètes sur la naissance des enfants, du tait révolté contre lui qu'il avait entraîné
merveilleux effet des cheveux de la femme, dans sa rébellion une partie des anges qu'il
dès monstres, de la façon de connaître si une s'était vu. alors chassé du ciel avec les com-
femme enceinte porte un garçon ou une fille, plices de son crime; qu'il avait, dans son
du venin que les vieilles femmes portent exil créé ce monde que nous habitons, où'
dans les yeux, surtout si elles y ont de la il régnait et oùtout allait mal. Ils ajoutaient
chassie, etc.. Toutes ces rêveries grossières que Dieu, pour rétablir l'ordre, avait pro-
sont fastidieuses, absurdes et fort sales. duit un second fils qui était Jésus-Christ.
On voit, dans" le livre II, les vertus de cer- Ce singulier dogme se présentait avec des
taines pierres, de certains animaux, et les .variétés, suivant les différentes sertes. Pres-
merveilles du monde des planètes et des que toutes niaient la résurrection de la chair,
astres. Le livre III présente l'excellent l'enfer et le purgatoire, disant que nos âmes
traité des- fientes, de singulières idées sur n'étaient que desdémoiis logés dans nos corps
les urines, les punaises, les vieux souliers en châtiment de leurs crimes. Les albigeois
et la pourritûre; des secrets pour amollir le avaient pris, dès la fin du douzième siècle,
fer, pour manier (es métaux, pour dorer l'é- une telle consistance, et de si odieux excès
tain et pour nettoyer. la batterie de cuisine. marquaient leur passage, que, les remon,
Enfin, le HvreIV est uh traité de physio- Irànces et les prédications étant vaines, il
gnomonie, avec des remarques savantes, dès fallut faire contre eux une croisade, dont
observations sur les jours heureux et mai- Simon de Montfort fut le héros. On a déna-
1)0l't?ux, dés préservatifs contre la fiévret turé et faussé par les plus insignes menson-
des purgatifs, des reèeites de cataplasmes et ges l'histoire de cette guerre sainte; on a
autres choses de même naturel Nous rappor- oublié que, si les albigeois eussent triomphé,
terons en leur lieu ce qu'il, y a de curieux l'Europe retombait dans la barbarie. Il est
dans ces extravagances; et le lecteur trou- vrai que leurs défenseurs sont les protestants
vera, comme nous étonnant qu'on vende héritiers d'un grand nombre de leurs erreurs,
chaque année par milliers d'exemplaires les et les philosophes, aniateurs assez souvent
secrets d'Albert le Grand aux pauvres nabi-1 de leurs désordres.
tànts des campagnes.. ALBIGER1US. Lès démonographes disent
Le solide Trésor du Petit Albert, ou secrets que lés possédés, par le moyen du diable,
merveilfeux delà magie haturelle et cabalis- tombent quelquefois dans des extases pen-
tique, traduit exactement sur l'original latin dant lesquelles leur âme voyage loin du
intitulé « Alberti Parvi Li'cii liber de mirà- corps, et fait à son retour des révélations de
bilibus naturœ arcanis, » enrichi do figures choses secrètes. C'est ainsi comme dit
mystérieuses, et la manière de les faire (ce Iclojer que les corybantes devinaient e(
45 ALB ALC 10
11. 11
prophétisaient. Saint Augustin parle d'un lin et imprimé d'Albumazar le Tractatus flo-
Carthaginois, nommé Albigcrius, qui savait rum astrologiœ; in-V, Augsbourg, 1488. On
par ce moyen tout ce qui se faisait hors de peut voir dans Casiri, Bibliolh. arab. hispan.,
chez lui. Chose plus étrange, ajoute-t-il; cet t. I, p. 351, le catalogue de ses ouvrages.
Albigérius, la suite de ses extases, révé- ALBUNÉE. Voy. SIBYLLES.
lait souvent ce qu'un autre songeait dans le ALCHABITIUS. Voy. Abdel-Azys.
plus secret de sa pensée. Etait-ce du ma- ALCHIMIE. L'alchimie ou chimie par ex-
gnétisme ? cellence, qui s'appelle aussi philosophie her-
Saint Augustin cite un autre frénétique métique, est cette partie éminente de la chi-
qui, dans une grande fièvre, étant possédé mie qui s'occupe de l'art de transmuer les
du mauvais.esprit, sans extase mais bien métaux. Son résultat, en expectative, est la
éveillé, rapportait fidèlement tout ce qui se pierre philosoohalé. Voy. PIERRE PHILOSO-
faisait loin de lui. Lorsque le prêtre qui le phale.
soignait était à six lieues de la maison, le ALCHINDUS, que Wiérus (3) met au
diable, qui parlait par la bouche du malade, nombre des magiciens, mais que Delrio (4)'
disait aux personnes présentes en quel lieu se contente de ranger parmi les écrivains
était le prêtreà l'heure qu'il parlait et ce qu'il superstitieux était un médecin arabe du
faisait, etc. Ces choses-là sont surprenantes.' xv si'ècle qui employait comme remède les'
Mais l'âme immortelle, suivant la remarque paroles charmées et des combinaisons de chif-
d'Aristote, peut quelquefois voyager sans le fres. Des démonologues l'ont déclaré suppôt
corps (1). du diable à cause de son livre intitulé Théo-
ALBINOS. Nom que les Portugais ont rie des arts magiques, qu'ils n'ont point lu
donné à des hommes d'une blancheur ex- car Jean Pic de la Mirandole dit qu'il ne con-
trême, qui sont ordinairement enfants Je nè- naît que trois hommes qui se soient occupés
gres. Les noirs les regardent comme des de la magie naturelle et permise Alchin-
monstres, et les savants ne savent à quoi at- dus, Roger Bacon et Guillaume de Paris.
tribuer cette blancheur. Les albinos sont pâ- Alchindus était simplement un peu physi-
les comme des spectres leurs yeux, faibles cien dans des temps d'ignorance. A son
et languissants pendant le jour, sont brillants nom arabe, Alcendi, qu'on a latinisé, quel-
à la clarté de la lune. Les noirs qui don- ques-uns ajoutent le prénom de Jacob on
nent aux démons la peau blanche, regardent croit qu'il était mahométan. On lui repro-
les albinos comme des enfants du démon. lis che d'avoir écrit des absurdités. Par exem-
croient qu'ifs peuvent les combattre aisé- ple, il croyait expliquer les songes en disant
ment pendant le jour, mais que la nuit les qu'ils sont l'ouvrage des esprits élémentaires,
albinos sont les plus forts et se vengent. Dans qui se montrent à nous dans le sommeil et.
le royaume de Loango, les albinos passent nous représentent diverses actions fantasti-
pour des démons champêtres et obtiennent ques, comme des acteurs qui jouent la co-
quelque considération à ce titre. médie devant le public.
Vossius dit qu'il y a dans la Guinée des ALCORAN. Voy. Koran
peuplades d'albinos. Mais comment ces peu ALCYON. Une vieille opinion, qui subsiste
plades subsisteraient-cltes, s'il est vrai que encore chez les habitants des côles, c'est que
ces infortunés ne se reproduisent point? Il l'alcyon ou martin-pêcheur est une girouette
parait que les anciens connaissaient les al- naturelle, et que suspendu par le bec* il
binos. « On assure, dit Pline, qu'il existe en désigne le côté d'où vient le vent, en tournant
Albanie des individus qui naissent avec des sa poitrine vers ce point de l'horizon. Ce
cheveux blancs, des yeux de perdrix et ne qui a mis cette croyancé en crédit parmi le
voient clair que pendant la nuit. » 11 ne dit peuple, c'est l'observation qu'on a laite que
pas que ce soit une nation, mais quelques l'alcyon semble étudier les vents et les devi-
sujets affectés d'une maladie particulière. ner lorsqu'il établit son nid sur les flots, vers
« Plusieurs animaux ont aussi leurs albinos, le solstice d'hiver. Maiscette prudence est-elle
ajoute M. Salgues les-naturalistes ont ob- dans l'alcyon une prévoyance qui lui soit par-
servé des corbeaux 'blancs des merles ticulière ? N'est-ce pas simplement un instinct
blancs des taupes blanches leurs yeux de la nature qui veille à la conservation de
sont rouges, leur peau est plus pâle et. leur cette espèce? « Bien des choses arrivent, dit
• organisation plus fuible (2). x Brown, parce que le premier moteur l'a
ALBORACK. Voy. Borack. ainsi arrêté, et la nature les exécute par des
ALBUMAZAR, astrologue du ix.e siècle, né voies qui nous sont inconnues. »
dans le Khorassan* connu par son traité as- C'est encore une ancienne coutume de
trologique intitulé Milliers d'années, où il conserver les alcyons dans des coffres, avec
affirme que le monde n'a pu être créé que l'idée qu'ils préservent des vers les étoffes
quand les sept planètes se sont trouvées en do laine. On n'eut peut-être pas d'autre but
conjonction dans le premier degré du Bélier, en les pendant au plafond des chambres. « Jd
et que la fin du monde aura lieu quand ces crois même ajoute Brown 'qu'en les sus-
le bec on n'a suivi la mé-
sept planètes' (qui sont aujourd'hui au nom- pendant par pas
bre de douze) se rassembleront dans le der- thode des anciens qui les suspendaient par
nier degré des Poissons. On a traduit en la- lé dos afin que le bec marquât les vent».

(i) Lcloyer, Hist. et dise.des spectres,liv. IV. (5) DePrœsligiis,lib. H, cap. m.ui.
(2JDes erreurs et îles préjugés, etc., t. I, p. 179. (<l)Bisquisit.Magicx.lib. 1,cap.
47 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES.. 48
Car c'est ainsi que Kirker a décrit l'hiron- · consacrèrent par d'horribles imprécations;
delle de mer. » Disons aussi qu'autrefois sur ce trépied ils placèrent un bassin formé1
en conservant cet oiseau, on croyait que ses) de différents métaux, et ils rangèrent autour,
plumes se renouvelaient comme s'il eût été à distances égales, toutes les lettres de l'al-
vivant, et c'est ceq.u'Albertle Grand espéra phabet. Alors le sorcier le plus savant de la
inutilement dans ses expériences (1). compagnie s'avança enveloppé d'un long
Outre les dons de prédire le vent et de chas. voile, la tête rasée, tenant à la main des
ser les vers, on attribue encore à l'alcyon la feuilles de verveine et faisant à grands cris
précieuse qualité d'enrichir son possesseur, d'effroyables invocations qu'il accompagnait
d'entrenir l'union dans les familles et de deconvulsions. Ensuite, s'arrélant tout à coup
la beauté aux femmes qui devant le bassin magique, il y resta immo-
communiquer
portent ses Les Tarlares et les Os- bile, tenant un anneau suspendu par un fil.
plumes. C'était de la dactylomancie. A peine il ache-
tiaks ont une très-grande vénération pour
cet oiseau. Ils recherchent ses plumes avec vait de prononcer les paroles du sortilège,
empressement, les jettent dans un grand qu'on vit le trépied s'ébranler, l'anneau se
vase d'eau, gardent avec soin celles qui sur- remuer, et frapper tantôt une lettre, tantôt
suffit de toucher une autre. A mesure que ces lettres étaient
nagent, persuadés qu'il
ainsi frappées elles allaient
quelqu'un avec ses plumes pour s'en faire ai- s'arranger
mer.Quand unOstiakestassez heureux pour d'elles-mêmes à côté l'une de l'autre, sur
une table où elles composèrent des vers hé-
posséder un alcyon, il en conserve le bec,
les pattes et la peau, qu'il met dans une roïques qui étonnèrent toute l'assemblée.
bourse et tant qu'il porte ce trésor, il se Valens, informé de cette opération et
croit à l'abri de toutmalheur (2). C'est pour n'aimant pas qu'on interrogeât les enfers sur
lui un talisman comme les fétiches des nè- sa destinée, punit les grands et les philoso-
gres. phés qui avaient assisté à cet acte de sorcel-
lerie il étendit même la proscription sur
ALDON. Voy. GRANSON. tous les philosophes et tous les sorciers
ALECTORIENNE (Pierre). Voy. COQ. de Rome. Il en périt une multitude et les
ALECTRYOMANCIE ou ALECTROMAN- grands, dégoûtés d'un art qui les exposait à
CIE. Divination par le moyen du coq, usitée des supplices, abandonnèrent la magie à la
chez les anciens. Voici quelle était leur mé- populace et aux vieilles, qui ne la firent plus
thode On traçait sur le sable un cercle servir qu'à de petites intrigues et à des ma-
que l'on divisait en vingt-quatre espaces léfices subalternes. Voy.CoQ, Mariage, etc.
égaux. On écrivait dans chacun de ces es- M. de Junquièrrs, au 4e chant de Caquet-
paces une lettre de l'alphabet; on mettait Bonbec, la Poule à ma tante donne des dé-
sur chaque lettre un grain d'orge ou de blé; tails exacts et curieux sur les opérations des
on plaçait ensuite, au milieu du cercle, un aleclryomanciens. On nous permettra de
coq dressé à ce manége on observait sur les citer
quelles lettres il enlevait le grain; on en Leur coutumeest, en rendant leur oracles,
suivait l'ordre et ces lettres rassemblées De se servir de coqs, et c'est, dit-on,
formaient un mot quidonnait la solution dece De là qu'engrec est dérhé leur nom.
D'abordces coqsdoiventêtre coqsvierges;
que l'on cherchait à savoir. Des devins Puis dansun coin,au milieude troiscierges,
parmi lesquels on cite Jamblique voulant Est élevé, sur des piedsen sautoir,
connaître le successeur de l'empereur Va- Commeun autel rond,plat, de marbre noir,
tens, employèrent l'alectryomanciè le coq Au bord duquel,dansdeux circonférences,
tira les lettres Théod. Valons, instruit de Sontvidés, à d'égales distances,
cette particularité, fit mourir des Vingt-quatrecreux ayantchacundevant
plusieurs De l'alphabetune lettre d'argent.
curieux qui s'en étaient occupés, et se défit Quandau sorcierarrive une pratique,
même s'il faut en croire Zonaras, de tous 11prendd'abordsa baguettemagique,
les hommes considérables dont le nom com- Rouleles yeux, et trace sanscompas
Un cercleen l'air, prononceà demibas
mençait par les lettres fatales. Mais, malgré Cinqou six motsinconnuset qn'il forge.
ses efforts, son sceptre passa à Théodose le Danschaquecaseil déposeun grain d'orge,
Grand. Cette prédiction a été faite après Choisitsoncoqà jeun, le metdehcut
Surcet autel, bien aucentre surto-n. 1.
coup. Du centre aux grains, dontl'odeur l'électrise.
Ammien-Marcellin raconte la chose au- Le coqbientôt.s'avance(quoiqu'en dise
Jean Buridan)(5), en croque deux ou imis,
trement. 11 dit que sous l'empire de Valens Ou plus, ou moins.De ceux dont il fait cliuix
on comptait, parmi ceux qui s'occupaient Le sorciersuit les lettres sansrien dire,
de magie Et puis,feignantque quelque dieu t'inspire,
beaucoup de gens de qualité et D'aprèsceladébite hardiment
quelques philosophes. Curieux de savoir Uneréponse.On paie honnêtement
quel serait le sort de l'empereur régnant, Et l'ons'en va très-instruit.Dansla suite,
ils s'assemblèrent pendant la nuit dans une S'il s'est trouvémenteur, il en est quitte
des maisons affectées à leurs cérémonies Pour dire aux gensqu'ils ne l'ont pascompris.
Notredevin,grand, sec, à cheveuxgris,
ils commencèrent par dresser un trépied l'honneur,disait-on, de descendre,
de racines et de rameaux de laurier, qu'ils Avjit
Ducôté gauche, il est vrai, de Cassandre.
(i) Brown,Erreurs populaires,liv. III, ch. x. d'avoine également pleins et agissant avec une même Il
(2) M. Salgues,-Des Erreurs et des préjugés, t. 1I1, force sur ses organes, se laisserait mourir de fain, na
1>.574 pouvantjamais se déterminerà l'un plutôt qu'à l'autre!
(5) Jean Ruridan,sophiste du quatorzième siècle, qui Or, dans l'exempleprésenttousles rayonssont ép;aux
soutenaitqu'un âne poséjuste au milieude deux picotins (Note du poème.,
49 ALF, ALE 50
1. (I)était
Calembredain sonnom.
Lesort éleignit les lumières et renversa les livres
Semblaittoujoursêtre avec lui d'accord avec tout ce qui s'y trouvait. L'obscurité ren-
11ne s'était, assurela chronique,
Jamais trompé, horsune fois unique, dit l'effroi plus violent encore. Les amis d'A-
Qu'unjeune gars,croyantbeaucoupvaloir, lessandro hurlèrent. Pendant qu'on appor-
Vinttout exprès le trouver pour savoir tait des flambeaux, il remarqua que le fan-
Quel rang, un jour, il aurait dansle monde. tôme ouvrit la porte et s'échappa, sans être
Le coq,posé lorssur la table ronde,
Prit sanschoisir,quatre grainsqu'il croqua, vu des domestiques, n'ayant fait du reste le
Dontle devinles lettres remarqua. moindre mal à personne (3). Etait-ce une
Elles formaientlu motfrip, motbarbare hallucination de jeunes gens ivres ou une
Et propre Jt faire enrager un ignare.
Le granddocteur, maîtreCalembredain, espiéglerie?
D'aprèsce mot,au jeune hommesoudain ALEUROMANCIE, divination qui se pra-
Dit qu'il serait fripier maisnotre drôle, avec de la farine. On mettait des bil-
Se sentant né pour faireun autre rôle, tiquait
Et d'unmétiersi vil ayanthorreur, lets roulés dans un tas de farine; on les re-
l'rit une étude et se fit procureur. muait neuf fois confusément. On partageait
Donc,pour n'avoirtrouvéfrip analogue ensuite la masse aux différents curieux, et
Qu'aumotfripier, cet habile astrologue chacun se faisait un thème selon les billets
Pour cette fois prit à gauche. En tout cas,
Quel est celui qui nese trompepas? qui lui étaient échus. Chez les païens, Apol-
lon était appelé Aleuromantis, parce qu'il
ALÈS (Alexandre), ami de Mélanchlhon, à cette divination. 11en reste quel-
présidait
'né en 1500 à Edimbourg. 11raconte que, dans ques vestiges dans certaines localités, où l'on
sa jeunesse, étant monté sur le sommet d'une
emploie le son au lieu de farine. C'est une
très-haute montagne, il fit un faux pas et amélioration.
roula dans Un précipice. Comme il était près
ALEXANDERab ALEXANDRO. Voy. Ales-
de s'y engloutir, il se sentit transporter en
sandro.
un autre lieu, sans savoir par qui ni com-
ALEXANDRE LE GRAND, roi de Macé-
ment, et se retrouva sain et sauf, exempt de etc. Il a été le sujet de légendes pro-
contusions et de blessures. Quelques-uns doine,
ce aux amulettes digieuses chez les Orientaux, qui ont sur lui
attribuèrent prodige qu'il immenses. Ils l'appellent Isken-
de des contes
portait au cou, selon l'usage des enfants der. Les disent qu'Aristote
ce temps-là. Pour lui, il l'attribue à la foi et démonographes
n'étaient lui enseigna la magie; les cabalistes lui at-
aux prières de ses parents, qui pas
tribuent un livre sur les propriétés des élé-
hérétiques. un
en latin ments les rabbins écrivent qu'il eut
ALESSANDRO ALESSANDRI, songe qui empêcha de maltraiter les Juifs,
Alexander ab Alexandru, jurisconsulte na- lorsqu'il voulut entrer en conquérant
dans
politain, mort en 1523. Il a publié un recueil Jérusalem,
rare de dissertations sur les choses merveil- La figure d'Alexandre le Grand, gravée
leuses (2). Il y parle de prodiges arrivés ré- en manière de talisman sous certaines in-
cemment en Italie, de songes vérifiés, d'ap- fluences, passait autrefois pour un excellent
paritions et de fantômes qu'il dit avoir vus préservatif. Dans Ja famille des Macriens, qui
lui-même. Par la suite, il a fondu ces disser- usurpèrent l'empire du temps de Valérien,
tations dans son livre Genialium dierum, où les hommes portaient toujours sur eux la
il raconte toutes sortes de faits prodigieux. les femmes en ornaient
figure d'Alexandre;
Nous en citerons un qui lui est personnel. leurs coiffures, leurs bracelets, leurs an-
Il fit, un soir, la partie d'aller coucher, avec neaux. Trebellius Pollio dit que cette figure
quelques amis, dans une maison de Rome est d'un grand secours dans toutes les cir-
que des fantômes et des démons hantaient constances de la vie, si on la porte en or
depuis long-temps. Au milieu de la nuit, ou en argent. Le peuple d'Antiochc prati-
comme ils étaient rassemblés dans la même quait cette superstition que saint Jean-
dé-
chambre, avec plusieurs lumières, ils virent Chrysostome eut beaucoup de peine à
paraître un grand spectre, qui les épouvanta truire.
par sa voix terrible et par le bruit qu'il fai- Légendes d'Iskender Zulcarnain
sait en sautant sur les meubles et en cassant
les vases de nuit. Un des intrépides de la (Alexandre le Grand.)
compagnie s'avança plusieurs fois avec de Les Orientaux ont construit sur Alcxan-,
dans
la lumière au-devant du fantôme; mais, à dre le Grand ( Iskender Zulcarnain,
mesure qu'il s'en approchait, l'apparition leurs idiomes), de longues et merveilleuses
s'éloignait; elle disparut entièrement après fables assez semblables aux romans de che-
avoir tout dérangé dans la maison valerie du moyen-âge européen, où des
même ren- imaginaires étaient attribués à des
Peu de temps après, le spectre exploits les ro-
tra par les fentes de la, porte. Ceux qui le personnages véritables, comme dans
virent se mirent à crier. Alessandro, qui ve- mans de la Table ronde et des douze pairs de
La fiction européenne s'est
nait de se jeier sur un lit, ne l'aperçut point Charlemagne.
entre-
aussi approprié le héros macédonien,
d'abord, parce que le fantôme s'était glissé
sous la couchette. Mais bientôt il vit un mêlant de bizarres inventions les récits au-
Nous
grand bras noir qui s'allongea sur la table, thentiques de Quinte-Curce et d'Arrien.

\) Calembredain.C'estson nomoui a misen vogueles quatuor de rébus admirabilibus,etc. Rome, sans date,
calembredaines. (Notedu poème.) in-t".
(2) Alexandri jurisperiti neapoliiani Dissertalioncs (5) Genialiumdierum, lib. V, cap. nui,
fit DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES E2
examinerons plus luin quelques-unes de ces Qui vous a engagée a ce voyage long
compositions occupons-nous d'abord de et dangereux? Pourquoi ne m'avez-vous pas
l'histoire persane et arabe d'Alexandre.. fait savoir vos intentions par un message ?2
L'auteur du manuscrit que nous désirons' Elle lui répondit -0 mon fils la cause qui
m'amène vers vous ne m'a laissé ni tranquil-
analyser (1) commence ab nvo, comme dirait lité ni repos; car mou bonheur en dépend.
Horace, par la mort du grand-père d'Alexan-
0 roi qu'avez-vous fait de Dara (Darius)?
dre, Bahman, roi de Perse. Sa femme Homai, En apprenant que Dara était sauf, elle res-
qu'il a laissée enceinte, cache, dans des vues sentit une grande joie, et se prosterna la face
ambitieuses, la naissance de son lîls Darab, 0 mon
et l'expose dans une auge en bois sur les contre terre pour remercier Dieu.
eaux du Tigre; il est recueilli par un teintu- fils t reprit-elle, gardez bien le secret que je
rier, qui l'élève comme son enfant et lui-i vais vous confier: sachez donc que celui que
permet d'entrer dans l'armée persane, à l'oc-
vous poursuivez en ce moment est votre
casion d'une guerre avec les Grecs. La va- frère, le fils de votre père. Iskender,. étonné,
leur du jeune Darab le fait remarquer, et il la baisa au front, disant Puisque le roi
est reconnu pour le fils de la reine Homai, est mon frère, je lui rendrai ses provinces de
Perse et je retournerai en celles de Roum.
qui résigne la couronne en sa faveur. il
Elle lui dit encore Mon fils, ne, révélez
épouse la fille du roi de la Grèce, Fitosùf;
c'est le nom sous lequel Philippe de Macé- rien de ce secret, jusqu'à ce que.le Tout- Puis-*
doine est toujours désigné dans cet ouvrage. sant vous ait fait rejoindre le roi. Iskender
et
LarcincRudia/iayanlétôrenvoyéi; à son père garda son secret; il dormit cette nuit-là,
le matin il se remit en marche pour chercher
par Darab son époux, c'est à la cour de Ma- son frère.
cédoine que nait Iskender, le héros de la lé-
L'avis est arrivé irop tard; Dara périt de
gende.
la main des traîtres, dont Alexandre tire une
L'histoire de Bucéphale est racontée pres- "éclatante vengeance.
que dans les termes des biographes grecs et Après la réduction complète de la Perse, il
romains, avec cette différence que le cour- retourne en Macédoine; enflé de ses succès,
sier ayant surie corps l'empreinte d'une tête, il aspire aux honneurs divins et veut être
on l'avait appelé Ziilrasayn (à deux têtes), adoré. L'explication de ce désir impie soufflé
rcomme qui dirait Bicéphale au lieu de Bucér ne sç
par Iblis (le Satan des Orientaux),
phale trouve dans aucun écrivain classique.
« Certains marchands de chevaux avaient « En contemplant la grandeur de sa puis-
fait présent au roi Filosùf d'un, cheval ma- sance, l'éclat de ses 'conquêtes, tant de peu-
gnifique de taille et de forme, plein de feu et ples soumis ou qui venaient se soumettre,
d'ardeur, mais si farouche qu'on ne pouvait Jskénder fut plongé dans les cinq enivrements
le monter qu'à l'aide d'une bride de fer et dé -de la jeunesse, des richesses, de la victoire,
rênes à chaînons d'acier, qui lui tenaient la •du meurtre de «on rival et de son propre
tête penchée sur le cou. On disait qu'il man- tourage dans les combats. Iblis trouva au-
geait de la chair humaine. Iskcnder l'admira, près de lui un accès plus facile. Le maudit
et le fit enfermer dans un édifice dont. les fe- -se présenta sous tes traits d'un vieillard,
nêtres étaient garnies de grilles en fer, afin vêtu de laine grossière, et s'appuyant sur un
qu'il pût s'habituera à la vue de l'homme et fût bâton. Il dit 0 roil Dieu te garde, jo le
moins ombrageux. Sur le point de partir salue! Ton front ne se «ourbera point de-
pour une expédition, il vint voir le cheval; vant les auiels à cause de ta magnificence.
il passa sa main à'travers les grilles, et l'a- Aie confiance en toi-même et en ton grand
nimal la caressa. Alors il le fit manger; et pouvoir. » Ces paroles étonnèrent Iskender;
comme il n'en reçut aucun mal, il le fit sor- de salut
jamais encore il n'avait entendu
tir, et le cheval le lécha, agitant la queue semblable. Regardant le vieillard, il vit que
comme un jeune chien. Iskender le capara- son accoutrement était étrange et quand
çonna et le monta. » tout le inonde fut sorti, il J'enimena dans une
Quand Filosùf envoya demander ses au- pièce particulière, et lui dit: Vieillard, je
guresguel serait son héritier, il lui fut répondu n'ai jamais entendu salut plus extraordinaire
que te royaume passerait à un enfoui de sa mai- que le tien.
son, qui dompterait un cheval que personne « Quel est le sens.de ces mots;: 'Ton front ne
n'aurait pu dompter, et que le nom de ce se courbera plus devant les autels à cause de ta
cheval serait Zulràsayn. ma~K~ceMtxe? Le .maudit se mit à :rire Elève
Le refus que fait Iskender de payer le tri- d'Aiïslotc, dit-il, comme ni seîfaitil que ton
ce que je viens de dire ?
but aux ambassadeurs ,persans, est suivi précepteur l'ait caché
d'une invasion de la Perse. La veille d'une, Sache donc que le sens de mes paroles est
ceci: que je n'ai pas vu de .ton temps un
bataille, au milieu des préparatifs, sa mère homme au-dessus de toi., ou un homme qui
le prévint de son arrivée. «Par Allah 1 dit-il,
elle ne peut venir que pour un sujet impor- inérite p'lus l'adoration que toi; et que ce
tant » 11 l'attendit donc, et à la nuit elle ar- les-ci Aie confiance en toi-même et en don
grand pouvoir voulant dire- que tu es le
riva elle entra dans Vinlérieu-r de la tente. conseil de cet âge, le dieu de ce temps, lo
Quand il la vil, il s'avança pour la recevoir, de
disant 0 ma mère 1 pourquoi tant de fa- seigneur de cette période. Iblis ne cessa
iin
parler ainsi jusqu'à ce. quîil eût subjugué
(1) AdditioncU
MSS.in IheBritishMuséum. térieupcmentson cœur. »
53 ALE' ALE 54
Mais, selon d'autres écrivains musulmans, born.es ou .aucune limite connue prevoyant
Alexandre était un vase (l'élection que Dieu l.ojit .ec.quj.peul élr.e prévu; qui nous traite
avait résolu délirer dos téjièbres de J'idolji- selon ros méritas, no;us f;iil> entreprendre ce
trie pour en faire un apôtre de l'islamisme." qui jip.us est ordonné, nous secourt dans nos
Dans celle auln: version apparaît ..un impor- difficultés, nous répond quandnous le prions, 1
tant personnage, qui, sous le nom de Khizzer nous juge quand nous nous révoltons contre
(l'Elie de la Bible), accompagne Iskender dans ses ordres. »
toutes ses conq.uêles, et l'aide efficacement Or,, personne ,1.1'avait osé dire un mot sem-
de ses conseils et de son pouvoir surnatu- blable dans l'assemblée diskender depuis.
rel l'arrivée d'Iblis. Jskcndercria à haute voix à
« Dieu le Très-Hfut révéla a Khizzer qu'il ses jeunes hommes de le prc.nd-re, et de l'em-
devait aller trouver Iskende.r pour lui ensei- prisonner '^aps une chambre O.eson palais,
gner la vraie voie, et lui annoncer qu'il le îblis, le maudit, vin.t alors..« O Hakiff I lui
ferait le maître du monde, de l'orient à l'oc- dit Jskendc.r, il m'.es.t veuu g.y jc.i,ne homme
cident, tant de 1a terre que des mers, depuis qui m'a dit des choses pro.digie.uscs. «J'i.i.i ap-
te coucher du soleil jusqu'à son lever; qu'il pris cela, répondit Iblis, et je venais le par-
soumettrait des contrées que nul n'aurait ler .de lui pour l.e tenir en g.ard.e, car .c'est un
parcourues, et pénétrerait. dans des pays au enchanteur et un devin; et si tu ^ouîaisen
personne n'avait pénétré avanllui, pas même purifier la terre, serait bien que tu le fisses
Soliman ben Daotid. Quand le TrèsvHaui lui mourir,. Iskender lui dit II est en prison
eut révélé tout cela, il partit des îles pour et la nuit prochaine .p.n luj tranchera la
Makeduniah car Khizzer servait Dieu dans tôle.» »
Ics îles de la mer,, et quand il vint à Make- Khizzer, délivré par intervention surna.ln-
duniali, il se présenta à la porte et demanda relle, est porl.é sur une m.onlagije de Macé-
où se tenait l'assemblée du conseil présidée doine: il est .trouvé Jà .par un batrik (géné-
par iskender, et on le lui ensejgna. Or, celte ral) qu'Al.exandre avait e.nvoyé.à sa recher-
assemblée se tenait deux fois .chaque «e^ che. Ce général perd la pl.us,gr.a,nde partie de
maine Kbizzer assista :la première fois, sa troupe, .qui est détru.ite par 'lé souffle de
et il entendit ies discours du peuple et ses Khizzer. $ur une invitation plus amicale,
discussions; le roi ies écoutait., et quand its Khizzer retourne à Ja cour d'jsjkender, expose
différaient d'opinion sur un 'point difficile, on les ruses du démon, et finit par convaincre
l'expliquait àîskendeir par U;iieinterprétation le roi, qui^ après avoir. confessé l'unité
fidèle. Khizzergarda le silence et neproféra pas de Dieu, prend en même temps pour son
un mot dans cette assemblée. II y revint une conseiller futur et.son ami.Ta,p<jyiredesa con-
seconde.fois de Ja même manière, et une troi- version..
sième fois. Quand il sortit la 'troisième fois, Aussitôt commence la relation de la mar-
Iskender dit: Quel magnifique vêlement por- che triomphante d'Alexandre à travers l'Eu-
tait ce jeune homme qui vient d'assister pour rope, en passant par Rome/où il rencontre
la troisième fois à mon assemblée, et que nous Bélinas (Pline), ,q,ui l'accompagne jinns son
n'avons pas enlendu.piononcer un seul moll expédition.
Ceci dénule qu'il :est Jiomme .de g^and sa- Bélinas fait un anneau-.royal qui a la pro-
voir, ou qu'il ne sait rien du tout. L'un de priété de .s'élargir dans la proximité d'un
ceux qui étaient présents .dit «Jo -l'accos- poison. Ce présent r.end bientôt au roi un
terai et le questionnerai. » L'asse;mbl,ée ré^ éminent servi,ce car un de .ses courtisans
pondit « A.u 110:11au Dieu.. » essaie d.e le faire mo.urir, et le rpi, prévenu
« Quand arriva le jour de l'assemblée, par ,son a nn.e.aii.i,,échappe au ,d,an,ger.
Khizzer vint pour 4a .quatrième fois il s'as- «Takaphanes (le courtisan empoisonneur),
sit, et Jskender lui ;dU Quel est ton nom, est
est Ânlçrrpgé^ar'Khizzer. Qu,ai.id.l.e.crime
jeune homme? Il répondit Elie. Quel prouvé ô envoyé .dç .Dieu 1 ait Iskcnder.,
est Ion prénom? Il répondit: Abdulabbas. que le s.e.mble-l-il que .nous .devions faire eu
Et d'où viens-tsU? JI r.épMndit De la ù,n .tel ca.s ? C'est ici un crime ^ui ne mérite
terre des Phili.slins. Il lui demanda encore aucune, pjtié, répond Khizzer, eï uii.cri.mine'l
-.Qui l'a conduit ici-? et il répondit C'est qui n'a ni jugement ni p.rudence; il est juste
toi-même qui m'os conduit ici. 0 roi 1 je suis qu'il serve d'exemple aux hommes et d'avis
venu à ton ^assemblée; j'ai entendu les pa- salutaire ,à tous ceux qui oseraient tenter
roles des hommes qui parlaient devant loi; contre le roi u.n ,crime semblable. Qu'une
j'ai reconnu qu'elles étaien.t des paroles sans grande fosse soit creusée pour lui à côté
but., Sache, ,ô ;r.o i que les cieux et cette du camp; qu'elle soit rein,pl,ie de bois., et
terre, et le ;fir manieut, qui jnaï,c;hc Ja nuit qu'on y mette le feu; puis, qu'on apporte
et le. jour, ont.uu Cr.éal.eu.r haul c( puissant. les viandes empoisonnées, ct quand le cou-
vivant et éternel sache qvu'il ,y a unartisan de pable les aura mangées, qu'il soit précipité
ce monde qui a faille çiel,.qui gouverne-la. ré- dans les flammes. Le roi dit Voilà qui est
volution des aslres -et des cieux, le soleil, la juste. En conséquence, il donna l'ordre (le
lune et les étoiles, bienfaisant,, infiniment ramasser le bois. Quand il fut allumé, ou ap-
sage,, miséricordieux enletid.an.t voyant,, porta à Takaphanes la viande q.u'i,l av.ait pré-
existant de toute éternité, ne fin..i.«sa;utpoint parée pour le roi; on la lui fit manger, el
et ne devant janiais,finir, ni changer, <ir,op. ma- lorsque le poison commença à faire sou effet.
gnitique pour être compris par l'intelligence, Iskender dit: Je resterai. afin de -voir ce
et trop grand pour qu'il lui, soit prouvé des qui me serait arrivé. Et sa face enfla, ainsi
8S DICTIONNAIREDES SCIENCLSOCCULTES. 56

que son corps, jusqu'à ce qu'il crevât; un rendait facile. Ils comptèrent les arches (lu
liquide jaune coula de tout son corps. Alors pont qui étaient au nombre de mille
Iskender s'en alla, ordonnant qu'il fût jeté trois cents et la largeur du pont fut de soi-
dans le feu. Ce qui fut fait en présence de xante et dix verges. Quand ils curent posé
toute l'armée, et il n'en était pas un qui ne ces fondations, ils commencèrent à bâtir, et
le maudit. » quand ils eurent achevé le pavage, Iskender
Nous trouvons ensuite le héros en Espa- passaàchevalavec dix des principaux chefs,
gne, où le roi de ce pays, Naaraah, embrasse il traversa le pont d'un bout à l'autre en un
la religion d'Iskender et l'aide dans ses con- jour il employa un autre jour pour revenir
quêtes en Afrique. La construction d'un pont au camp. Alors on l'orna de parapets de
à travers le détroit de Gibraltar, attribuée chaque côté dans toute sa longueur; et 'ce
ici au « fou macédonien, » est sérieusement pont, appelé pont de Sanjah, fut achevé en
rapportée par les écrivains orientaux, qui, huit mois.» »
lorsqu'ils croient, étendent leur croyance à Les aventures d'Alexandre en Afrique sont
ses extrêmes limites. Quelques chroniqueurs, peu variées. Le principal incident est le si-
à la vérité, racontent ces exploits différem- lence des idoles.
ment. Selon eux Alexandre trouva l'Atlanti-
« Khizzer alla en silence jusqu'à ce que le
que et la Méditerranée séparés par un isthme, vînt à l'idole; quand ils en approchè-
et il prit la peine de le percer aux dépens de peuple
des belles villes des côtes rent, le roi (des idolâtres ) cria à haute voix:
quelques-unes plus 0 Dieu 1 seigneur et maître, tu sais ce qui
méridionales de l'Europe, que détruisirent
soudain les flots en se précipitantde lagrande arrive et entends ce qui se passe fais donc
mer. de tui-même quelque manifestation de ta
« Arrivé au détroit de Gibraltar, iskender co'.èro, afin que cet homme reconnaisse que
demande à un vieillard quelle est la distance' tu es un monarque puissant. Alors il se
de ce rivage au bord opposé? Par le che- retira et dit à Khizzer Approche mainte-
min le plus court, ce serait la journée d'un nant et vois ce que tu vas voir. Khizzer
mais la mer, c'est selon le temps approcha, disant 0 Dieu 1 sois loué 1 toi
cavalier; par as donné pouvoir à Satan sur les fils des
et le vent Quelle est sa profondeur? De qui à toi, ô Dieu, les actions de grâ-
cinquante verges à quelques endroits elle hommes
diminue vers les bords comme une rivière ces et les louanges 1 II n'y a de'pouvoir et de
L'eau est-elle dormante ou courante ? salut qu'en toi. Dieu haut et puissant, je me
L'eau est immobile, et son mouvement vient refugie en toi contre les traits de Satan. 11
du vent Est-elle salée ou douce? 0 cracha ensuite au visage de l'idole et, lui
roi 1 elleest salée; car si elle ne l'était pas, arrachant ses ornements et sa lance, il l'en
elle se corromprait et détruirait le monde. frappa à la tête et elle se brisa il frappa
Les paroles du vieillard plurent à Iskender la main droite et la main se cassa il mit en
il so tourna vers Khizzer et lui dit 0 en- pièces son pied gauche et les ornements qui
de Dieu demandé toutes ces choses le recouvraient. Le roi idolâtre était demeu-
voyé 1 j'ai ré dans le silence et l'étonnement, ne disant
à ce vieillard, parce que j'ai formé dans mon
esprit le projet de construire un pont sur ce pas un mot. Khizzer se tourna vers lui, et
afin se souvienne de moi lui dit que s'il était fâché, ce devait être con-
passage, qu'on tre lui-même. Tu viens de voir de tes
dans les siècles reculés. Quelle est ton opi-
nion ? Il répondit Dieu n'a rien mis dans yeux ce que j'ai fait de ton idole et com-
ton cœur qui ne soit d'un bon augure. Aie ment je l'ai (raitée; que m'est-il arrivé et
courage; tu es un roi protégé et victo- qu'as-tu vu ? O loi dont la face est belle,
rieux. dit le roi, le démon s'est retiré à ton appro-
« Le roi appela Bélinas et lui commanda de che. Khizzer reprit Satan parlait par la
rassembler les géomètres et les philosophes, bouche des idoles, et c'était lui qui s'adres-
afin qu'ils pussent exécuter son plan; en mê- sait à vous; quand je suis venu vers vous
me temps il fit venir des ouvriers en pierre, il a pris la fuite et s'est éloigné de ce royau-
en fer et airain. Il fit étendre des tapis sur me. Les yeux du roi se mouillèrent de tar-
lesquels on répandit de l'argent; des livres mes, et il dit: Maintenant je reconnais
de compte furent distribués, et il fit faire dans ce que tu as dit; j'entends ta mission, et je
l'armée cette proclamation O tribus des comprends ta parole: va dans la paix du Sei-
hommes 1 réunissez-vous; que pas un seul gneur.»
ne demeure en arrière, mais que tous pren- Cinq rois confédérés, persuadés par les
nent part à cette entreprise; celui succès d'Alexandre et par des' preuves évi-
que qui dentes de sa mission divine, se soumettent à
est pauvre prenne mon argent pour éta-
blir ses enfants que celui qui est riche agis- sa loi et embrassent sa religion. Enfin il v;t
se pour obéir à la volonté de Dieu. Tous jusqu'aux confins de l'Occident, où il entend
répondant à cet appel, ils commencèrent à le bruit que fait le soleilcoûchantense plon-
(ailler des pierres, à fondre l'airain et neces- geant dans l'océan il trouve la fontaine de
sèrentde travailler pendant l'espace de trois Javie; mais il nelui est paspermisd'en boire.
mois. A la fin de ce temps, les géomètres Son visir Khizzer, plus favorisé, obtient In
passèrent dans les navires sur l'autre bord don d'immortalité; cette partie de la légende
pour choisir la place des fondations des ar- est fondée, selon toute apparence, sur l'en-
ches Khizzer et Bélinas les précédaient; et lèvement d'Elisée au ciel
q.uanJ l'ouyrage était difteile. Dieu le leur « QuandZulcarnain approcha de cette plaine
B7 ALE ALE 58
et voulut y entrer, elle s'agita comme par un kender, lui rendant son salut, l'invita à s'as-
remblement de terre et le sol«se crevassa, et seoir près de lui, et ordonna que ses com-
quand il s'éloigna, elle reprit sa tranquilité. pagnons fussent introduits. Le roi Safwan,
Mais quand Kiiizzer approcha et y entra, elle se tenant debout, demanda la permission de
demeura immobile, et il ne cessa pas de s'a- faire apporter les présents, ce qui lui fut ac-
vancer. Zulcarnain le regarda jusqu'à ce cordé. La plupart de ces présents étaient des
qu'il disparût à sa vue. Alors une voix ve- objets d'habillement ils furent reçus gra-
nue du ciel cria à Khizzer Saisis ce qui cieusement par Iskender, qui en fit de sem-
est devant toi, c'est-à-dire hâte-toi d'avan- blables à son tour, et commanda au roi de
cer. 11 avança donc rapidement jusqu'à ce retourner à sa ville.
qu'il arrivât à l'endroit où devait être la fon- « Le jour suivant, lskender ordonna de plan-
taine de vie; la voix lui commanda d'y boire. ter sa tente sur le bord de la mer, près de la
On dit qu'il regarda l'eau: elle tombait du cité, et quand il vit qu'elle était sous terre
ciel dans une piscine et rien n'en sortait il il s'en étonna grandement; il assembla les
y fil ses ablutions, et il s'écria Eau di- philosophes, les géomètres et les hommes sa-
vine, où vas-tu ? Une 'voix lui réponditdu ges il leur dit qu'il désirait bâtir une, ville
ciel Sois silencieux ta science sur ce sur le sol, et qu'on la nommerait de son pro-
sujet est arrivée à ses limites. Khizzer revint pre nom. Alors Bélinas, se levant, s'écria :•
donc jusqu'à la place d'où il s'était élevé, et -0 roi 1 je vais ni'empresser de la construire, °
il vit Zulcarnain qui l'attendait il lui dit ce et, s'il plaît à Dieu, cela s'accomplira glo-
que Dieu lui avait permis, de boire à la fon- rieusement. Iskender le loua pour ces paro-
taine de vie et de s'y purifier, lui accordant les, lui recommandant de faire toute dili-
de vivre jusqu'au premier son de la trom- gence Bélinas répondit Entendre, c'est
pette. Et maintenant ajouta-t-il, retour- obéir. Il s'éloigna de la présence du roi, et
nons, ô Zulcarnain 1 ». ordonna de couper des pierres et de tailler
De là, Alexandre, qui apprend la révolte, des colonnes. Les ouvriers exécutèrent promp-
des Perses, tourne vers l'Est. Chemin fai- tement ces ordres; ils en amenèrent des mon-
sant, il prend l'Egypte et construit la ville tagnes. Ensuite, comme il avait lu dans cer-
d'Alexandrie taines chroniques qu'il était impossible de
bâtir en ce lieu une ville au-dessus du sol
« Et ils vinrent au royaume d'Afrikiah et
reine de se nommait sans qu'elle fût aussitôt dévastée par desmons-
quand la Sikilyah qui tres marins, Bélinas ordonna à des sculp-
Ghidakah, apprit l'approche d'Iskender, elle teurs de sculpter sur d'énormes blocs de
vint à sa rencontre avec toute son armée. Is- pierre les images de ces monstres marins
kender, qui en fut prévenu, ordonna au Gis et il en fit. placer sur le rivage, à l'endroit où
de cette reine, ainsi qu'aux rois des nations, la mer borde la ville. Quand ces talismans
d'aller au devant d'elle; lui-môme il vint à furent faits, il alla vers les ouvriers, et leur
la porte de satentepour la recevoir;et quand commanda de construire les murs. Il fit aussi
ils furent assis, Khizzer à côté du roi, la rei-
proclamer par la ville souterraine que cha-
ne fit apporter ses présents, qui étaient nom- cun de ceux qui avaient une maison sous
breux. Iskender lui donna un vêtement terre eût à en construire une nouvelle sur
d'honneur, ainsi qu'à ceux qui étaient avec le sol au-dessus de l'ancienne; à celui qui
elle, et se tournant vers Salem, le fils de la était pauvre, il offrait assez d'argent pour
reine, il lui dit de partir en compagnie de sa le faire. Les habitants de la,ville élevèrent
mère et de la reconduire dans ses Etats. Sa-' leurs voix pour célébrer Iskender, et ils so
lem, lui baisant la main, répondit En- hâtèrent de faire ce qui leur était commandé.
tendre, c'est obéir. Le jour suivant, les rois «Khizzer commanda d'étendre des tapis et
de l'Occident partirent pour leurs royaumes. de verser dessus des pièces de monnaie; il
iskender leur fit à tous des présents, et les en fit une distribution parmi les personnages
congédia avec honneur. élevés et les hommes obscurs, et les travaux
«Le lendemain, les trompettes sonnèrent le marchèrent rapidement. Le peuple connut
départ, et l'armée, ayant Khizzer à sa têle qu'Iskender était assisté du pouvoir de Dieu.
se mit en marche pour les pays qu'elle n'a- Et Dieu envoya dans ses mains chaque chose
vait pas encore visités; et elle marcha jus- qui était utile. Les constructions ne cessè-
qu'à ce qu'elle eût atteint une ville souter- rent de s'élever et les ouvriers de travailler
raine. Le roi Safwan, qui gouvernait cette diligemment jusqu'à ce que tout fût terminé.
ville sortit à la tête de son peuple il Alors, les habitants supplièrent Iskender de
commanda à ses nobles de préparer au- leur procurer la quantité d'eau douce qui
tant de présents qu'ils pourraient et il leur était nécessaire. Pour cela il comman-
s'avança jusqu'à ce qu'il rencontrât l'avant- da aux nobles, au peuple et aux soldats de
garde de l'armée d'Iskendér où était le vizir creuser un canal, à partir du Bahr-al-Kébir,
Khizzor. Celui-ci demanda au roi le motif de ( qui est le Nil ). Tous se partagèrent les
sa venue. Le roi lui répondit J'étais im- travaux; et il ne s'était point écoulé beau-
patient de voir la face du roi Iskender. Khiz- coup de jours avant que l'eauarrivât du Bahr-
zer le prit par la main elle conduisit,. ainsi al-Kebir à lskcnderya. Alors Iskender vint à
que dix de ses compagnons, à la tente roya Bélinas, le loua beaucoup pour ce qu'il avait
le. Puisse présentant devant Iskendcr, il lui fait, et dit -Je veux que tu nie bâtisses
dit l'arrivée du roi Safwan, et reçut l'ordre sur le bord de la mer un minaret que tu y
de l'introduire. Quand Safwan fut entré, Is- déploies toute ta sagesse; et que tu en fasses
89 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCILTES. CO
un monument qui. conserye ma mémoire exemple, il y est dit qu'Alexandre, enfermé
jusqu'à la fin des temps.» » dans une caisse de verre que l'eau ne pou-
Viennent ensuite les récits de la visite vait pénétrer, se fit descendre au fond de la
d'Alexandre à Jérusalem et du siège de Tyr; mer, ou, ajoute l'auteur, il vit beaucoup de
puis des relations de batailles et de victoires choses qu'il ne voulutjamais dire, car il com-
en Syrie, en Perse et dans l'Inde, JI est parlé prit qu'on ne voudrait pas les croire. On le
du roi Porus, mais son nom est.écrit de ma- f.iit encore s'enfermer lui-même dans une
nière que, par l'addition d'un point, il se grande cage de fer treillagée ( une autre his-
trouve changé en celui de Fouz. On trouve toire met une cage de cuir ), et se laissant
aussi un passage curieux au sujet des Tar- emporter dans les airs par deux griffons
tares, qui sont. appelés tes nations des Yad- Alexandre s'élève assez haut pour que toute
jouj et des Madjouj, enfermés par une puis- la terre, sous la.forme d'une pomme soit
sainte muraille pour les empêcher de faire em'brassée par un regard (1). Alors la natu-
des incursions sur leurs voisins du côté du re, alarmée de ce qu'un mortel ose tenter
sud. On les b,at, .quoiqu'ils soient montés sur si hardiment de contempler ses mystères,
des gazelles. On leur fait des prisonniers, descend aux enfers et obtient de Béclzébub
auxquels on demande quelle est leur reli- le poison qui termine les jours du héros(2j
gion? L'pn des prisonniers répondit: -Quant ALËXANDUE DE PAPHLAGONHÏ im-
à notre religion, il en est parmi nous qui posteur, né au douzième siècle., en Paphla-
adorent le soleil et d'autres la lune, et d'au- gonie, dans le bourg d'Abonotique. Ses pa-
tres qui adorent l'un e't l'autre; et en est rents, qui étaient pauvres, n'ayant pu lui
qui ne savent pas.ce que c'cst qu'une reli- donner aucune éducation, il profita, pour se
gion. Khizzer demanda ensuite: Que nian- pousser .dans le monde, de quelques dons
gez-v.ous ?Lepiïsonniérrépondit:– Les uns qu'il tenait de la nature. Il avait le teint
parmi nous mangent la chair du daim, d'au- blanc, l'œil vif, la voix cjaire, la taille belle,
tresla chair des charognes, d'autres mangent peu de barbe et peu de cheveux, mais un
l'une et l'autre, et d'autres un serpent qui aîr gracieux et doux. Se sentant des..dispo-
leu descend du ciel, et dont ils conservent sitions .pour le -charlatanisme médical il
la chair d'une année une autre année, et s'attacha, presque enfant, à une sorte de
quelques-uns de nous ont jusqu'à mille en- magicien qui débitait des secrets et des .phil-
l'ants avant de mourir. Quand Iskeuder en- tres pour produire l'affection ,ou la haine,
tendit cela il rendit grâces au Dieu tout- découvrir les trésors, obtenir les succes-
puissantetdità Khizzer: O.mon Seigneur l sions, perdre ses ennemis, et autres résul-
faites une rude guerre à ces gens-là. tais de ce genre. Cet homm,e ayant reconnu
A la Un, Alexandre parvient au lieu où se dans Alexaadr.c un esprit adroj.t, une mé-
lève le soleil sur la montagne de Kaf, qui m,oir,e vive et beaucoup, d'effronterie, l'initia
est la Jimile de ses victoires, et il retourne à aux ruses .du son métier. Après Ja mort t
Babylone. Là, sa mort, qui est très-briève- du yieux j.o.ugleur, Alexandre se lia avec un
ment racontée, est attribuée à du vin ernpoi- certain Coconas dont les récils font un
sonnéqui lui aurait été servi par da trahison chjoniqu.eur byzantin e un homme aussi
d'un noble macédonien, que la reine mère maliu qu'audacieux. ils parcoururent en-
avait menacé de la vengeance de son fils. semble divers pays, .étudian.t l'art de fa.ire
Quelque pâle que soit ce résumé, il suffit des dupes.
à monlrer que l'histoire orientale de ce 'hé- une vieille
rIls ren.uon trient ,une vi.ci,lie femme
(Èjnme riche,
riebe,
ros, .dont la renommée remplit le monde, que Jeurs prétend us secrets charmèren.t, et
diffère sur quantité de points, des histoires qui les fit voyager à ses dépens depuis Ja
de l'Occident, pans son ensemble, ellca du Bilhyeie jusqu'en Macédoine. .Arrivés en
rapport avec nos romans du moyen-âge. çe pays,, ils remarquèrent qu'on y éleyait de
A.insi, .des deux .côtés on nie qu'Alexandre grands serpents, si familiers, qu'ils jouaient
soit fils de Philippe. La .chronique europé- avec les enfants sans leur faire £e mal.; iis
enne lui donne pour père un roi d'Egypte, en achetèrent un des plus beaux pour les
nommé Nectanebus en de jouer. Ils
qui se changeait scènes qu'ils se proposaient
dragon parait magique. Au lieu de faire ar- avaient conçu un projet hardi. L'embarras
rêter le héros à l'endroit où se lève le soleil était de décider quel lieu serait leur théâtre.
la ljmit.e de ses conquêtes devient une mon- Coconas, qui s'attribuait le personnage de
tagne sur laqueïje est un pâlais magnifique, prophète en tilre, préférait -Calcédoine, ville
yvec les arbres du soleil .et de la lune les de Paphlagonie, à cause du concours de di-
premiers portent des feuilles d'or et les se- verses nations qui l'environnaient. Alexan-
conds des feuilles d'argent. Ces arbres par- dre aima mieux son pays, Abonolique, parcs
lent,à Alexandre en langue grecque et per- que les esprits y élaieni plus grossiers.
sane, .et ils lui prédisent -sa mort prochaine. Son avis ayant prévalu, les deux fourbes ca-
Les romans de l'Europe contiennent aussi chèrent des lames de cuivre dans un vieux
quelques fables grossières et ridicules. Par temple d'Apollon qu'on .démolissait; ils
• (.1). Dansîle .voyageaérien d'Alexandre,un romancier d'un pointtrès-éleyê,jl abaissesa .lanceef. lescoursier» i
du moyen-âgeallèle à un troue sur lequel s'assied le ailésle ramènentvers la terre. Voici,dit un critlifis.,
héros, des griffonsque l'onfait jeûner plusieursjours. un aérostat aussiingénieusementinventé que les aiglons
Alexandre tient en l'air des gigots au bout d'une lance d'Esope.
qu'il-élèveau-dessus.de leurs aêtes, et les griffonsl'em- i(2)Asialicjournal,,traduit avec plus d'étendue ,par les
portent, en, cherchanta atteindrela pâturequ'ilil leuroffre; «uteurs.dela Rt'vuehriian\rique.
quandil a .contemuléassez tougt>.Miii'S le ^lobe terrestre
C! A LE ALE 62
avaient. écrit dessus qu'Esculape et son père de ses habits prophétiques; et, tenant. dans
viendraient bientôt s'établir dans la ville. son sein le serpent qu'il avait apporté de
Ces lames ayant été trouvées, le bruit s'en Macédoine, il le laissa voir entortillé autour
répandit aussitôt dans les provinces; les ha-. de son cou et traînant une longue queue;
biiants d'Abonotique se hâtèrent de décerner mais il en cachait ta tête sous son aisselle,
un temple à ces dieux, et ils en creusèrent et faisait paraître à la place la tête postiche
les fondements. Coconas, qui s'apprêtait à figure humaine qu'il avait préparée. Le
à faire merveilles', mourut alors, de la mor- lieu de la scène était faiblement éclairé; on
sure d'une vipère. Alexandre se hâta de entrait par une porte et on sortait par une
prendre son rôle, et, se déclarant prophète autre, sans qu'il fut possible de s',arrêter
avant de se rendre au lieu de sa naissance, longtemps. Ge spectacle dura quelques jours;
il se montra avec une longue chevelure bien il se renouvelait toutes les fois qu'il arrivait
peignée, une robe de pourpre rayée de blanc; quelques étrangers. On lit des images du
il tenait dans sa main une faux, comme on dieu en cuivre et en argent.
cn donne une à Persée, dont il prétendait Le prophète, voyant les esprits préparés,
descendre du côté de sa mère; il publiait un annonça que le dieu rendrait des oracles, e.t
oracle qui le disait fils de Podalyre, leqtiel, qu'ou eût à lui écrire des billets cachetés.
a la manière des dieux du paganisme, avait Alors, s'enfermant dans le sanctuaire du tem-
épousé sa mère en secret. Il faisait débiter ple qu'on venait de bâtir, il faisait appeler
en même temps une prédiction d'une sibylle ceux qui avaient donné des, billets, et les
qui portait que, des bords du Pont-Euxin, il leur rendait sans qu'ils parussent avoir été
viendrait un libérateur d'Ausonie. ouverts, mais accompagnés de la réponse du
• Dès qu'il se crut convenablement annoncé, dieu. Ces billets avaient été lus avec tant
il parut dans Abonotique où il -fut accueilli d'adresse qu'il était impossible de s'aperce-
comme u;i dieu. Pour soutenir sa dignité il voir qu'on eût rompu te cachet. Des espions
mâchait la racine d'une certain» herbe qui et des émissaires informaient le prophète de
le faisait écumer, ce que le peuple attribuait tout ce qu'ils pouvaient apprendre, et l'ai-
à l'enthousiasme surhumain dont il était daient à rendre ses réponses, qui d'ailleurs
possédé. étaient toujours obscures ou ambiguës, sui-
Il avait préparé en secret une tète habile- vaut la prudente coutume des oracles.
ment fabriquée dont les traits représen- On apportait des victimes pour le dieu et
taient la face d'un homme, avec une bouché des présents pour le prophète.
qui s'ouvrait et se fermait par un fil caché. Voulant nourrir l'admiration par une
Avec cette tête et le serpent apprivoisé qu'il nouvelle supercherie, Alexandre annonce un
avait acheté en Macédoine, et qu'il cachait jour qu'Esculape répondrait en personno
soigneusement, il prépara un grand prodige. aux questions qu'on lui ferait : cela s'appe-
H se transporta de nuit'à l'endroit où l'on lait des réponses de la propre bouche du1
creusait les fondements du temple, et déposa, dieu. On opérait cette fraude par 'le moyen
dans une fontaine voisine, un œuf d'oie où de quelques artères dé gru«s qui aboutis-
il avait enfermé un petit serpent qui venait saient d'un côté à la tête du dragon postiche,
de naître. Le lendemain matin, il se rendit et de l'autre à la bouche d'un hoonne caché
sur la place publique, l'air agité, tenant sa dans une chambre voisine à moins pour-
faux à la main, et couvert seulement d'une tant qu'il n'y eût dans son fait quelque ma-
écharpe dorée. 11 monta sur un autel élevé, gnétisme Les réponses se rendaient en
et s'écria que ce lieu était honoré de la pré- prose ou" -en vers, mais toujours dans un
sence d'un dieu. A ces mots, le peuple, ac- style si qu'elles prédis.iient égale-
couru pour l'entendre, commença à faire des ment le revers ou le succès. A'insi l'empe-
prières, tandis que l'imposteur prononçait reurMarc-Aurèle, faisant la guerre aux Ger-
des mots en langue phénicienne, ce qui ser- main?, lui demanda un oracle. On dit même
vait à redoubler l'étonnement général. 11 qu'en 174, il fit venir Alexandre à Home, le'
courut ensuite vers le lieu où il avait caché regardant comme le dispensateur de J'im-
son œuf, et, entrantdans l'eau, il commença mor-lalilé. L'oracle, sollicité, disait qu'il fal-
à chanter les louanges d'Apollon et d'Ëscu- lait, après 'les cérémonies prescrites, jeter
lape, et à inviter ce 'dernier â se montrer aux deux lions vivants dans leDanube, et qu'ainsi
mortels; puis, enfonçant une coupe dans la l'on aurait l'assurance d'une- paix pro-
fontaine, il en retira l'œuf mystérieux. Le chaine, précédée d'une .vicloir-céclatanle. Ou'
prenant dans sa main, il s'écria « Peuples, exécuta la prescription. Mais îles deux lions
voici votre dieu Toute la foule attentive traversèrent le fleuve à la nage, les barbares °
poussa des cris de joie, en voyant Alexandre les tuèrent et .mirent ensuite ..l'armée du l'crn^
casser l'œuf et en tirer un petit serpent, qui pereur. en déroute; à quoi te prophète ré-
s'entortilla dans ses, doigts. pliqua qu'il avait annoncé la ^victoire, mais
Chacun se répandit en bénédictions, les qu'il n'avait pas désigné le vainqueur.
uns demandant au dieu la santé, les autres Une autre fois, un illustre personnage fit
les honneurs ou des richesses. Enhardi demander au dieu quel précepteur il devait
par ce succès, Alexandre fait annoncer le donner son.fils, il lui fut répondu Py-
lendemain que le dieu qu'ils avaient vu si thagore etHomère. L'enfant mourut .quelque
petit la veille, avait repris sa grandeur na- temps après. L 'or-aclc aàiMMiçnit'la .chose,
turelle. dit le père, en donnant au pauvre enfant
Il se plaça sur un lit, après s'être revêtu deux précepteurs morts depuis longtemps
6s DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 64
S'il eût vécu, on l'eût instruit avec les ou- sont appelés lios ou lumineux, les méchants
vrages de Pythagore et d'Homère et l'ora- docks ou noirs.
cle aurait encore eu raison. ALFHIDAR1E, espèce de science qui tient
Quelquefois le prophète dédaignait d'ou- de l'astrologie et qui attribue successive-
vrir les billets lorsqu'il se croyait instruit de ment quelque influence sur la vie aux di-
la demande par ses agents, il s'exposait à de verses_ planètes, chacune régnant à son tour
singulières erreurs. Un jour il donna un re- un certain nombre d'années. Voyez Planè-
mède pour le mal de côté, en réponse à une TES.
lettre qui lui demandait quelle était vérita- ALGOL. bes astrologues arabes ont donné
blement la patrie d'Homère.. ce nom au diable.
On ne démasqua point cet imposteur, que AL1S DE TÉLIEUX, nonne du monastère
l'accueil de Marc-Aurèle avait entouré de vé- de Saint-Picrrc-de-Lyon, qui s'échappa de
nération. Il avait prédit qu'il mourrait à cent son couvent au commencement du seizième
cinquante ans, d'un coup de foudre, comme siècle, en un temps où cette maison avait
Esculape il mourut dans sa soixante- besoin de réforme, mena mauvaise vie et
dixième année, d'un ulcère à la.jambe, ce mourut misérablement, toutefois dans'le re-
qui n'empêcha pas qu'après sa mort il eut, pentir. Son âme revint après sa mort. Cette
comme un demi-dieu, des statues et des sa- histoire a été écrite par Adrien de Montalem-
crifices. bert, aumônier de François I".
ALEXANDRE DE TRALLES, médecin, né
à Tralles, dans l'Asie-Mineure, au sixième Légende d'Alis de Télieux.
siècle. On dit qu'il était très-savant, ses ou- C'est un extrait fidèle d'un livre très-rare,
vrages prouvent au moins qu'il était très- imprimé à Paris, en 1528, petit !'M-4° gothi-
crédule. Il conseillait à ses malades les amu- que, et intitulé -La merveilleuse histoire de
lettes et les paroles charmées. Il assure, dans l'esprit qui, depuis naguère s'est apparu au
sa Médecine pratique (1), que la figure d'Her- monastère des religieuses de Saint-Pierre-de-
cule étouffant le lion de la forét de Némée, Lyon, laquelle est pleine de grande admira-
gravée sur une pierre et enchâssée dans un tion, comme on pourra voit' par la lecture de
anneau, est un excellent remède contre la ce présent livre, par Adrien de Montalembert,
colique. Il prétend aussi qu'on guérit parfai- aumônier du roi François l"
tement la goutte, la pierre et les fièvres par Avant que le monastère des nonnes de
des philaclères et des charmes. Cela montre Saint-Pierre-dc-Lyon sur le Rhône fût ré-
au moins qu'il ne savait pas les guérir autre- formé ( en 1513) il y avait en ce couvent
ment. grands désordres, chacune vivant à son plai-
ALEXANDRE III, roi d'Ecosse, qui épousa, sir et il n'y avait abbé abbesse ou évéque
en 1285, Yoletto, fille du comte de Dreux. qui pût régler le gouvernement desdites non-
Le soir de la solennité du mariage, on vit nes. Elles menaient donc piteuse religion,
entrer à la 6n du bal, dans la salle où la désolée et méchante; et quand arrivèrent là
cour était rassemblée, un spectre décharné d'autres bonnes religieuses qui vivaient sain-
qui se mit à danser. Les gambades du spec- tement, les nonnes déréglées emportèrent ce
tre troublèrent les assistants; les fêtes furent qu'elles purent, et s'en allèrent.
suspendues, et des habiles déclarèrent que Entre les autres il en était une nommée
cette apparition annonçait la mort prochaine Alis-de Télieux, sacristine de l'abbaye, qui
du roi. En effet, la même année, dans une avait les clefs des reliques et des ornements.
partie de chasse, Alexandre, montant un Celle-là sortit du monastère à telle heure
cheval mal dressé, fut jeté hors de selle et malheureuse que jamais depuis en vie n'y
mourut de ta chute (2). rentra. Saisie d'aucuns parements d'autel,
ALEXANDRE VJ, élu pape en 1492 pon- elle les engagea pour certaine somme. Je ne
tife qui. a été jugé souvent avec beaucoup voudrais pour riep au monde raconter la
(l'exagération (3). Quelques sols écrivains af- déplorable vie que depuis elle mena. Elle y
firment qu'il avait à ses ordres un démon gagna de grandes maladies dont son pauvre
familier (4.) qui passa ensuite aux ordres de corps fut mis en telle sujétion, .qu'il n'était
César Borgia. nulle part sans ulcères et sans douleurs.
ALFADER, dieu très-important dans la Noire-Seigneur, par sa bonté, rappela pour-
théogonie scandinave. Avant de créer le ciel tant cette malheureuse et lui représenta sa
et la terre, il était prince des géants. Les grande miséricorde en lui inspirant la pen-
.âmes des bons doivent vivre avec lui dans sée de réclamer sa douce Mère. II est bon
Simle ou Wingolff; mais les méchants pas- d'avoir servi Notre-Seigncur quelquefois,
sent à Hélan, de là à Niflheim, la région des car il en fait récompense, et à l'heure que
nuages inférieursau neuvièmemonde.L'Edda l'on en a le plus. grand besoin. La pauvre
lui donne divers noms Nikar (le sourcil- soeur Alis soupira, pleura, et pria dévote-
leux), Svidrer (l'exterminateur), Svider (l'in- ment la sainte Mère de Dieu qu'elle fût son
cendiaire ) Oske ( celui qui choisit les avocate envers son cher Fils. Elle rendit l'es-
morts), etc.-Le nom d'AIfader a été donné prit alors, non pas en l'abbaye, non pas en
aussi à Odin. cl la ville mais abandonnée de tout le monde,
ALFARES, génies scandinaves. Les bons en un petit village, où elle fut enterrée sans
(l)Liv. X, eh. I. LéonX.
(2) liector de Boëce, in AnnalibusScot. (4) Curiositésde la litlérntnre, trad. de l'anglais pal
(3) WoytikRoscoè, dans son histoire du pontificatde Berlin, t. 1.|i. 51.
B5 ALI ALI C6
funérailles, ni obsèques, ni prières, comme Le samedi, seizième jaur de février mil
la plus méprisée créature et, pendant l'es- cinq cent vingt-sept, monseigneur l'évéque
pace dé deux ans, elle a été ainsi enterrée coadjuteur de Lyon et moi partîmes le plus
sans que mémoire d'elle eût régnéen la sou- secrètement qu'il nous fut possible vers
venance d'aucun. deux heures après midi pour l'abbaye. Le
Mais en cette abbaye, il y avait une jeune peuple nous aperçut ils accoururent hâti-
religieuse de l'âge d'environ dix-huit ans, vement et cheminèrent après nous en dili-
nomméeAnloineUc Grollée,gcnlil-fcmme, na- gence, au nombre de près de quatre mille
tive du Dauphiné, sage, dévoteet simple. Seu- personnes, tant hommes que femmes. Sitôt
le, elle gardait mémoire d'Alis et priait pour que nous arrivâmes, la presse était si grande,
elle. Une nuit qu'elle était toute seule dans que nous ne pouvions entrer en l'église des
sa chambre, en son lil couchée, et qu'elle religieuses lesquelles étaient averties de
dormait, il lui sembla que quelque chose lui notre venue et incontinent vint à nous leur
levait son couvre-chef, et lui faisait au front père confesseur, auquel fut charge d'ouvrir
le signe de la croix; elle se réveille, non un petit huis pour entrer par le chœur. Le
point grandement effrayée, mais seulement peuple s'en aperçut, et par force voulut en-
ébahie, pensant à part soi qui pouvait être trer aussi. Nous trouvâmes l'abbesse accom-
celle qui l'aurait de la croix signée enfin pagnée de ses religieuses, qui se mirent à
elle n'aperçoit rien, et ne sait ce qu'elle doit genoux en grande humilité et saluèrent le
faire. Elle crut qu'elle avait songé, et ne révérend évêque et sa compagnie. Après le
parla à personne. salut rendu par nous, elles nous menèrent
Un autre jour qu'elle entendait autour en leur chapitre. Incontinent la jeune sœur
d'elle quelque chose faisant des sons, et sous fut présentée à l'évêque, qui lui demanda
ses pieds frappant de petits coups, comme si comment elle se portait; elle répondit
on eût heurté d'un bâton sous un marche-pied; -Bien, Dieu merci 1
quand elle eut plusieurs fois ouï ce bruit II lui demanda ensuite ce que c'était que
étrange, elle commença à s'étonner, et tout l'esprit qui la suivait? Aussitôt ledit esprit
épouvantée le conta à la bonne abbesse, la- heurta sous les genoux de la sœur, comme
quelle la sut réconforter. Ledit esprit ( car s'il eût voulu dire quelque chose. Il fut te-
c'en était un ) faisait signe de grande réjouis- nu maints propos concernant la délivrance
sance, quand on chantait le service divin et de cette pauvre âme. Plusieurs disaient
quand on parlait de Dieu, à l'église ou autre qu'elle soutenait grande peine. Nous avisâ-
part. Mais jamais il n'était entendu si la mes que premièrement on prierait Dieu pour
jeune fille n'était présente; jour et nuit il elle, et l'évéque commença le De profundis.
lui tenait compagnie,' et jamais depuis ne Pendant ce psaume, la jeune religieuse de-
l'abandonna en quelque lieu qu'elle fût. meura à genoux devant lui; l'esprit heur-
Je vous dirai grand'merveille de cette tait incessamment comme s'il eût été sous
bonne âme. Je lui demandai, en la conjurant terre.
au nom de Dieu, si, incontinent qu'elle fut Après <juc le psaume fut achevé et les orai-
partie de son corps, elle suivit cette jeune sons dites, il fut demandé à l'esprit s'il était
religieuse? L'âme répondit que oui vérita- mieux? Il fit signe que oui. Je fus chargé
blement, ni jamais ne l'abandonnerait que alors de régler cette affaire, c'est-à-dire les
pour la conduire au ciel. cérémonies, exorcismes, conjurations et ad-
Après que la bonne abbesse eut aperçu la jurements qu'il convenait d'employer pour
vérité et pris conseil, car le cas lui était fort savoir la pure vérité de cet esprit et pour
admirable, grand en fut le bruit par la ville connaître si c'était véritablement l'âme de la
de Lyon, où accoururent maints hommes et défunte ou bien quelque esprit matin, fei-
maintes femmes. Les pauvres religieuses fu- gnant d'être bon pour abuser les religieuses.
rent éperdues de prime face, ignorant encore Ce fut un vendredi, fête de la Chaire de
ce que c'était. Antoinette fut interrogée pour saint Pierre, le 22 février 1527, que nous ren-
savoir ce qu'elle pensait de cette aventure? 2 trâmes au monastère. L'évéque, après qu'ilit
Elle répond qu'elle ne savait ce que ce pour- se fut confessé, s'appareilla de son rochct
rait être, si ce n'était sœur Alis, la sacristine; épiscopal. Tous ceux de l'assemblée s'étaient
d'autant que depuis son trépas souvent elle mis en état. Après l'oraison, l'évéque prit
avait songé à elle et l'avait vue en dor- une étole, la mit à son cou, et fit l'eau bénite
mant. L'esprit, conjuré alors, répondit qu'il et quand tous furent assis, il se leva, et com-
était en effet l'esprit de sœur Alis, et en donna mençaà jeter de l'eau bénite çà et là, invoquant
signe évident. L'abbesse envoya donc qué- tout haut l'aide de la majesté divine; nous lui
rir le corps de la trépassée, et pour ce fut répondions; et après qu'il eut dit l'oraison
enquise l'âme, premièrement, si ellevoudrait Omnipolens sempiterne Deus, etc., et que l'on
que son corps fût enterré à l'abbaye ? Elle eut dit amen, il se rassit comme devant. In-
donna signe qu'elle le désirait. Alors la bonne continent l'abbessc et une religieuse des an-
dame abbesse le fit emmener honnêtement. ciennes amenèrent la jeune sœur que l'esprit
L'âme faisait bruit autour de la jeune fille, à suivait. Après qu'elle fut agenouillée, chacun
mesure que son corps approchait de plus en se prit à écouter attentivement ce qu'on al-
plus; quand il fut à la porte de l'église du lait dire. Le seigneur évéque commença par
monastère, l'esprit se démenait en frappant imprimer sur le front d'Antoinette le signe de
et en heurtant plus fort sous les pieds d'An- la croix, et, mettant les mains sur sa tète, la
toinette. bénit, en disant
57 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 03
« Bénédiction sur la léte de la jeune sœur. « de tes efforts soit annihilée, afin que tu ne
« Que la bénédiction de Dieu tout-puissant, « suives plus les pas de notre sœur Antoi-
« Père, Fils et Saint-Esprit, descende sur « nette, si, par ci-devant, tu les as'suivis; et
« vous, ma fille, et y demeure toujours; par « nous, serviteurs de Dieu tout-puissant,
« laquelle soient repoussées loin les forces et « quoillue pécheurs, quoique iitdignes, tou-
« machinations de î'etfneini. Que la vertu de" « tefois en nous confiant en sa spéciale misé-
« Dieu le frappe par nos mains, jusqu'à ce « ricorde, nous te condamnons, par la vertu
« qu'il s'enfuie, et vous laisse paix et repos, « de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que tu
« à vous, servante de Dieu; banissant toutes « laisses en paix.ces pauvres religieuses. Oh 1
« frayeurs 1. J'adjure l'ennemi par celui qui « antique serpent, eu t'anathématisant, nous
« viendra juger les vivants et les morts, et le « l'excommunions, et en te délestant et rc–
« siècle par le feu. Amen. » « nonç.int à tes œuvres, sous l'extermination
Après que tous eurent répété amen, t'évê- « dn souverain jugement, nous-t'exécrons,
que dit aux assistants « t'interdisant ce lieu et ceux et celles qui y
« Mes chers. frères, il est notoire que l'angé « demeurent, te maudissant au nom de Notre-
de ténèbres se change souvent en espèce « Seigneur Jésus-Christ, afin que, par ces im-
d'ange de lumière, et* par subtils moyens, « précaliohs, perturbé, confus, exterminé, tu
déçoit et surprend les simples^ De peur que, « t'enfuies hâtivement aux lieux étrangers
par aventure, il n'ait occupé la demeure de « déserts et inaccessibles, et là tu attendras
ces femmes religieuses, nous voulons le jeter a le terrible jour du jugement dernier, en te
dehors, s'il y est; et pour cela, du glaive spi* « cachant et rongeant le frein de ton mor-
rituel il nous convient- trancher sa cruelle « tel orgueil; et là sois enfermé et muselé
tête, afin qu'il ne nous empêche et ne nous « avec ta fureur dam'nablc, adjuré, excom-
trouble en aucune chose. »* «munié, condamné, anathématisé, interdit
L'évéque se leva alors contre le mauvais « et exterminé par ce même Dieu Notre-Sei-
esprit, lui faisant cet adjurement « gneur Jésus-Christ, qui viendra juger Tes
« Viens donc en avanl, ténébreux és- vivants et léS morts, et le siècle par le
« prit, si tu as usurpé entre ces simples fcm-> « feu. »
« mes religieuses aucun siège. Entends-moi; Tous répondirent Amen.
« prince de menterics, de mauvais jours en-> Lors, en signe de malédiction, furent étein-
« vieilli. Tu es destructeur de vérité et cott- tes h's chandelles, la cloche en détestation
a trouveur d'iniquité; écoute donc quelle fut sorihée, et l'évéque frappa la terre plu-
« sentence aujourd'hui nous prononcerons sicurs fois du talon, en exécrant le diable,
«contre tes fraudes. Pourquoi donc, ô esprit l'excommuniant et chassant s'il était autour
« damné, ne seras-tu pas soumis à notre dé làt jéufïe sœur. 11 prit de t'cau bénite, la
« Créateur? Par la vertu de celui qui toute» répandit et la jeta eu î'aiT, et sur nous et sur
« choses a créé, va-t-en d'ici, fugitif, en nous la terre, criant à haute voix Discedite
« laissant les sièges du paradis pour les reai- ôrrines qui opêramini iniquilalemt De plus, il
« plir c'est d'où procède ta rage contre nous. envoya trôis prêtres, vêtus d'aubes et ayant
« P.ir l'autorité de Dieu; nous te coinman- chacun l'étole au cou, pour répandre l'eau
a dons que si tu n'as bâti aucune trahison par liénile par tous les lieux de l'abbaye. Ils fu-
« tes cautclles contre les servantes de Jésus- rent longuement en cl1 labeur, parce que fe
« Christ, tu t'en ailles subitement, et les laisses couvent est assez spacieux et, comme ils
« servir Dieu en paix. Adjuré de par celui qui jetatent leur eau bénite, disant Discedite
« viendra juger les vivants et les morts, et le omnes qui opërclmini iniquilatsm, voilà subi-
a siècle par le feu. Amen. » tement aucuns diables, esprits mauvais,
Après qu'il eut ainsi conjuré le mauvais1' fuyant et chassés par eux, qui vinrent pren-
esprit, il prononça l'excommunication sui-. dre une jeune religieuse encore novice, gen-
vante lil-femme qui, outre son gré, par ses pa-
« Oh 1 maudit esprit, reconnais que tu rents, là dedans avait été mise.
« es celui qui jadis fus, aux délices du paradis .Celait horreur de la voir. Tous furent
« de Dieu, parfait en tes œuvres, depuis !ë épouvantés et troublés, et les plus hardis
« temps que tu fus créé jusqu'au temps qu'il eussent voulu être bien loin. Les pauvres re-
« a été trouvé mauvaiseté en toi; Tu as pé^ ligieuses pâiirent, ayant peur incomparable
« ché, et tu as été jeté de la sainte montagne elles se serraieut l'une contre l'autre, comme
a de Dieu jusqu'aux abimes ténébreux et aux brebis au troupeau desquelles le loup s'est
« gouffres infernaux.- Tu as perdu ta sagesse subitement jeté. La' jeune fille se défendait
« et recouvré' en place les ruses- damnables. comme elle pouvait. J'ordonnai que l'on prit
v Maintenant donc, misérable créature, qui trois étoles dont elle fût liée; et lorsque nos
« que tu sois, ou de quelque infernale hic– prêtres furent revenus, je leur donnai eu
« rarchie tu puisses être, qui, pour affliger te garde ladite religieuse démoniaque. L'évô-
« humains-, as pris puissance de la permis- que s'appareilla de tous ornements pour cé-
« sion divine, s'il est ainsi que, par si subtil j lébrer là sainte messe, et quand ce vint à
« fraude, tu as délibéré de te jouer de ces re- l'offratide, la sœur que l'âme suivait se leva
><ligieuses, nous invoquons le Père tôut- et vint offrir un pain blanc et un pot de vin,
« puissant, nous supplions le Fils notre Rc- laquelle offrande fut incontinent donnée aux
« dempteur, nous réclamons le Saint-Esprit pauvres pour l'amour de Dieu.
« consolateur contre toi, afin que de sa droite Comme nous étions tous assis, voici qua-
a puissante il commande que la mauvaiseté tre personnes qui apportèrent les ossements
09 ALI ALI 70
de sœur Alis, étant dans un cercueil de bois Oui.
couvert d'un' drap mortuaire. Sitôt que le Dis-moi, n'est-ce pas le bon ange qui én
mauvais esprit, qui était au corps de la reli- la "vie avait été député à te garder par la pro-
gieuse novice, aperçut lesdits ossements', vidence divine?
sans autrement s'émouvoir, il dit Oui.
-Ah! pauvre méchante, ës-tu là? Dis-moi, comment a nom ce bon ange?
Puis il se tint tout coi (1). Point de réponse.
Cependant monseigneur se préparait à con- Dis-moi si le bon ange n'est pas de la
jurer t'esprit de ladite défunte, dont les osse- première hiérarchie ?
ments étaient présents; et premièrement eh Point de réponse.
bénissant lé nom de Diëù, dit tout haut en Dis-moi s'il est de a seconde Hiérarchie?
latin SU nomen Domini benediclurri. Puis Point de réponse.
Adjutôriùm noslrum in npm'ine fiomini. Et Dis-moi s'il est de là tierce hiérarchie?
les assistants lui répondaient. FI commença Oui.
ensuite à conjurer ëri cette manière Dis-moi si ce bon ange fut séparé de toi
« 0 esprit, quer que tu puissés être, incontinent quand tu fus morte?
« d'adverse partie où de Dieu, qui de long- Non.
.« temps suis cette jeune religieuse, par Dis*-moi s'il ne t'a point laissée quel-
i( celui qui fut mené devant Caïphe, prince quefois?
« des prêtres juifs, là fut accusé et interrogé, Non.
« mais rien ne voulut répondre jusqu'à ce Dis-moi si ton bon ange te réconforte
« qu'il fût conjuré au nom de Dieu vivant, et te console en tes afflictions et peines?
« auquel il répondit que véritablement il Oui.
« élait Fils de Dieu le tout.- puissant à Dis-moi si tu peux voir d'autres bons
« l'invocation duquel terrible nom, au cief, anges que le tien ci si tu en vois?
« en terre et en enfer, soit révérence faite, Oui.
« par la vertu d'icelui même Dieu, Notre- Dis-moi si l'ange de Satan n'est boiht
« Seigneur Jésus-Christ (alors tous s'age- avec toi?
« nouillèrent) je te conjure et te commando Point de réponse.
« que tu me répondes apcrteinent, ainsi que Dis-moi, ne vôis-lù point té diable?
« tu potirras et que par là vôtônté divine il • Oui.
« te sera permis, de tout ce que je te demàn- Dis-moi, adjuré par les hauts noms de
« derai, sans rien scéller, tellement que. jé Dieu, s'il y a véritablement un lieu particu-
« puisse entendre clairement toutes les fé- lier qui soit appelé purgatoire, auquel puis-
« ponses, et avec moi tous les assistants, afin sent être toutes les âmés qui par la justice
« que chacun de nous ait occasion de louer divine là sont condamnées?
« et magnifier les hauts secrets de Dieu, no- Oui.
« tre Créateur, lui règne à :amais et par Dis-moi, n'as-lu point vu punir aucu-
« tous temps infiniment. » nes âmes en purgatoire?
Et nous répondîmes amen. Non.
Alors lous les assistants, désirant entendre Dis-moi, n'as-tu point vu au puigatoiro
les réponses de l'esprit se délibèrent de aucuns que tu aies vus en ce monde?
prêter grand silence, et vous n'eussiez pas Oui.
ouï créature en celte compagnie qui fît au- Dis-moi s'il y a douleur ou affliction en
cun bruit, mais tous ouvraient les oreilles et ce monde, qui puisse être comparée aux pei-
tenaient leurs yeux fixés eut la sœur Antoi- nes du purgatoire?
nette. Point de réponse.
Premièrement, il lui lut demandé en celle Dis-moi si tu as eu repos îc jour du
manière Dis-moi, esprit, si tu es vérita- Vendredi-Saint, en révérence de la Passion
blement l'esprit de sœur Alis, depuis long- de Noire-Seigneur?
temps morte? Oui.
Oui, répondit l'esprit. Dis-moi si tu fus en repos le jour fie.
Dis-moi si de ton corps ces ossements Pâques, pour l'honneur de la glorieuse ré-
ont été ici apportés? surrection ?
Oui. Oui.
Dis-moi si incontinent que tu sortis de Dis-moi si repos te fut ôeffoyé lé jour
ton corps, tu vins suivre cette jeune sœur? de l'Ascension?
Oui. Oui.
Dis-moi s'il y a aucun ange avec toi? Dis-moi, si le jour de la Pentecôte?
Oui. Oui.
Dis-moi, cet ange est-il des bienheu- Dis-moi si le jour de Noël tu as reposé?
reux ? Oui.
Oui. Dis-moi si, pour l'honneur de la sainte
Dis-moi, ce bon ange te conduit-il par- vierge Marie tu as eu repos en ses fêtes?
tout où il te convient d'aller2 Oui.
c'est que cet
(1) Adriende Montalembertdit iciqu'il parleradansun Si on trouve cet article un peu étendu
autre ouvragede l.i possessiondu c:ellc. jeunedémoniaque ouvragetrès-curieuxnousa semblé dignetl'ôtrc eiitierc-
Inmiscet autn; ouvi-agon':rilpoint,paru),cl il nus'occupe rcnirnl analysé.
lius (jucdeso;ur Alis,dont lr.;il«lungutHimnl riiisloirc.
71 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTAS. -.1
Dis-moi si tu as eu allègement à la «--Ah! sire Dieu, bon Jésus, qui êtes
Toussaint? « prince de tous les rois, qui nous avez tant
Oui. « aimés que vous nous avez lavés de nos
Dis-moi, connais-tu le temps où tu se- « péchés en votre précieux sang, je vous
ras délivrée de ta peine? « appelle en témoin de vérité au nom de votre
Non. « pauvre créature. Je vous invoque contre
Dis-moi si tu, pourrais être délivrée par i le faux ennemi accusateur de notre sœur,
jeûnes? « comment la mère abbesse présentement et
Oui. « toutes les religieuses lui ont pardonné et
Dis-moi si tu pourrais être délivrée par « consentiàson absolution.» Puis dit: Amen.
oraisons? Dominus retribuat pro te, soror charissima.
Oui. La jeune sœur, qui était à genoux, se leva,
Dis-moi si par aumônes tu serais déli- et, en joignant les mains, chanta hautement
vrée ? Deo gratias. Après quoi, elle dit le Confiteor,
Oui. et sitôt qu'elle eut achevé, l'évêque reprit
Dis-moi si par pelermages tu réchap- « Que le Dieu tout-puissant ait merci de
Derais? « vous très-chère sœur qu'il vous veuille
Oui. « pardonner tous vos péchés et en vous dé-
Dis-moi, le pape a-l-u pu.ssance de te « livrant detout mal, qu'il veuille vous mener
délivrer par son autorité papale? « à la vie éternelle »
Oui. Et la sœur répondit Amen.
A chaque réponse de oui ou de non, l'évê- Le seigneur évéquo étendit alors sa main
que avait encre et papier pour marquer <e droite sur le cercueil en disant
« -Que Noire-Seigneur Jésus-Christ, par
que l'âme répondait.
« sa sainte et très-pieuse miséricorde, et par
Après qu'il eut ainsi interrogé et examiné « le mérite de sa passion, vous absolve, 9
ladite âme, il lui dit: -Ma chère sœur, cette
« ma sœur et moi, par l'autorité apostoli-
pieuse compagnie est assemblée pour prier
Dieu qu'il lui plaise mettre fin aux peines et « que qui m'a été confiée, je vous absous de
douleurs que vous souffrez, et qu'il vous « tous vos crimes et péchés, et de tous autres
veuille recevoir parmi les anges et les saints « excès quoique graves et énormes, vous
de paradis. « donnant plénière absolution et générale,
Comme il disait ces paroles, elle heurtait « vous remettant les peines du purgatoire,
très-fort. L'évéquc ayant ôtéles ornements, ex- « vous rendant à votre première innocence
« en laquelle vous avez été baptisée, autant
cepté l'aube et l'étole, il commença le psaume
Miserere mei, Deus; et les religieuses et nous « que peuvent s'étendre les clefs de la sainte
« Eglise, notre mère, au nom du Père, et du
répondions. Quand ce psaume fut chanté, la »
sœur Antoinette se tourna vers la Mère de « Fils, et du Saint-Esprit.
Dieu, en chantant un verset avec une autre La jeune sœur réponditàhaule voix: Arnen;
religieuse: 0 Maria, stella maris! Puis elle et tous s'en allèrent en paix.
réclama dévotement la glorieuse Madeleine, Adrien de Montalembert raconte ensuite
et après les réponses des religieuses, le révé- que l'âme délivrée mena depuis grande joie
rend évéque, en donnant de l'eau bénite au dans le monastère; qu'elle venait le recevoir
et d'autres orai- avec joie lorsqu'il y arrivait; qu'elle conti-
corps, dit A porta inferi nua de frapper, non plus sous terre, mais
sons, lesquelles achevées, la jeune sœur s'a-
en l'air. Elle révéla, ajoute-t-il, qu'elle n'é-
genouilla au chef du cercueil. Tous les assi-
stants pareillement se mirent à genoux et tait plus dans le purgatoire mais que cer-
lors commença doucement la sœur Creator taines raisons qu'on ne sait pas l'empêchaient
omnium rerum, Deus, ce qu'elle acheva avec encore pour quelque temps d'être reçue parmi
la compagnie et ensuite l'évêque dit: les bienheureux.
Mes bonnes dames, mes sœurs et mes Elle apparut encore à ia sœur Antoinette,
filles, notre pauvre sœur Alis ne peut être en mais en habit de religieuse et tenant un
repos, si préablement vous ne lui pardonnez cierge à la main elle lui apprit, dans sa der-
toutes de bon cœur. nière visite, cinq petites invocations que l'au-
Incontinent qu'il eut dit, voilà Anloniette teur croit composées par saint Jean l'Evan-
Grollée qui se lève, parlant pour la défunte, gélistc, chacune commençant par une des
et s'en va aux pieds de l'abbesse, piteusement lettres du saint nom de Marie, les voici
lui crio merci, en disant: « Médiatrice de Dieu et des hommes, fon-
Ma révérende mère, ayez merci de moi, « laine vive répandant incessamment des ruis-
en l'honneur de celui qui est mort sur la « seaux de grâce, ô Mario 1
croix pour nous racheter. « Auxiliaire de tous et source de la paix
La bonne abbesse lui répondit « éternelle, ô Marie 1
Ma fille je vous pardonne et consens à « Réparatrice des faibles, et médecine très-
votre absolution. ce efficace de l'âme blessée, ô Marie 1
La jeune nonne s'alla mettre ainsi aux « llluminatrice des pécheurs, flambeau do
pieds de chaque religieuse pour qu'elles lui « salul et de grâce, 6 Marie 1
voulussent pardonner et consentir à son ab- « Allégeance des malheureux opprimés,
solution. Après qu'elle eut requis pardon à « c'est vous qui finissez tous nos maux, ô
toutes entièrement, l'évêque se leva de nou- «Marie 1 »
veau, et dit Qui dira chaque jour pieusement ces cinq
73 ALL ALM U
oraisons, ajouta l'esprit, jamais ne tombera être pendu et brûlé en place publique, avec
en damnation éternelle (1). le squelette complice de ses sortilèges; la
Peu de jours après, l'âme de sœur Alis fit sentence fut exécutée en 1664. »
ses adieux et ne fut plus ouïe ni vue en ce ALMANACH. Nos ancêtres du Nord tra-
monde. çaient le cours des lunes pour toute l'année
ALKALALAI, cri d'allégresse des Kamts- sur un petit morceau de bois carré qu'ils
chadales; ils le répètent trois fois à la fête appelaient al-mon-agt (observation de toutes
des Datais, en l'honneur de leurs trois grands les lunes) telles sont selon quelques au-
dieux, Filiat-Chout-Chi, le père; Touïta, teurs, l'origine des almanachs et l'élymologie
son fils, et Griëtch, son petit-fils. La fête des de leur nom.
balais consiste chez ces peuples sales, à D'autres se réclament des Arabes chez
balayer avec du bouleau le foyer de leurs qui al-manack veut dire le mémorial.
cabanes. Les Chinois passent pour les plus anciens
ALIETTE. Voy. Etteila. faiseurs d'almanachs. Nous n'avons que
ALLELUIA mot hébreu qui signifie douze constellations; ils en ont vingt-huit.
louange à Dieu. Les bonnes gens disent en- Toutefois leurs almanachs ressemblent à
core dans plusieurs provinces qu'on fait pleu- ceux de Matthieu Lœnsbergh par les prédic-
rer la sainte Vierge lorsqu'on chante alleluia tions et les secrels dont ils sont farcis (4).
pendant lé carême (2) Bayle raconte l'ariecdocte suivante, pour
Il y avait à Chartres line singulière cou- faire voir qu'il se rencontre des hasards pué-
tume. A l'époque où l'on en cesse le chant, rils qui éblouissent les petits esprits sur la
l'Alleluia était personnifié et représenté par vanité de l'astrologie. Marcellus, professeur
une toupie qu'un enfant de chœur jetait au de rhétorique au collége de Lisieux. avait
milieu de l'église et poussait 'dans la sa- composé en latin l'éloge du maréchal de
cristie avec un fouet. Cela s'appelait l'Alleluia Gassion; mort d'un coup de mousquet au
fouetté siège de Lens. JI était près de le réciter en
On appelle trèfle de l'Alleluia une plante public, quand on représenta au recteur de
qui donne, vers le temps de Pâques, une pe- l'Université que le maréchal était mort dans
tite fleur blanche étoilée. Elle passe pour un la religion prétendue réformée, et que son
spécifique contre les philtres. oraison funèbre ne pouvait être prononcée
ALLIX. Voici un de ces traits qui accu- dans une université catholique. Le recteur
sent l'ignorance et la légèreté des anciens convoqua une assemblée où il fut résolu, à
juges de parlement.- Allix, mathématicien, la pluralité des voix, que l'observation était
mécanicien et musicien, vivait à Aix en Pro- juste. Marcellus ne put donc prononcer son
vence,, vers le milieu du dix-septième siècle; panégyrique; et les partisans de l'astrologie
il fit un squelette qui, par un mécanisme ca- triomphèrent en faisant remarquer à tout le
ché, jouait de la guitare. Bonnet, dans son monde que, dans l'almanach de Pierre L;)r-
Histoire de la Musique, page 82, rapporte rivey pour cette même année 1648, entre
l'histoire tragique de ce pauvre savant. Il autres prédictions, il se trouvait écrit en
mettait au cou de son squelette une guitare gros caractère LATIN PERDU 1
accordée à l'unisson d'une autre qu'il tenait ALMANACH DU DIABLE, contenant des
lui-même dans ses mains, et plaçait les doigts prédictions très-curieuses pour les années 1737
de l'automate sur le manche; puis, par un et 1738, aux enfers, in-24. Cette plaisanterie
contre les jansénistes était l'ouvrage d'un
temps calme et serein, les fenêtres et la porte
étant ouvertes, il s'installait dans un coin de certain Quesnel, joyeux quincaillier de Di-
la chambre et jouait sur sa guitare des pas- jon, affublé d'un nom que le fameux appe-
lant a tant attristé. Elle est devenue rare,
sages que le squelette répétait sur la sienne.
Il y a lieu de croire que l'instrument réson- attendu (lu'elle fut supprimée pour quelques
nait à la manière des harpes éoliennes, et prédictions trop hardies. Nous ne la citons
que le mécanisme qui faisait mouvoir les qu'à cause de son titre. Les jansénistes y ré-
doigts du squelette n'était pour rien dans la pondirent par un lourd et stupide pamphlet
production des sons. (Nous citons M.Fétis (3) dirigé contre les jésuites et supprimé égale-
sans l'approuver, et nous le renvoyons aux ment. Il était, intitulé Almanach de Dieu,
automates musiciens de Vaucanson qui dédié à M. Carré de Montgeron pour l'an-
n'étaient pas des harpes éoliennes). Quoi née 1738, in-24, au ciel.
con- ALMOGANENSES, nom que les Espagnols
qu'il en soit, poursuit le biographe, ce donnent à certains peuples inconnus
cert étrange causa de la rumeur parmi la qui,
population superstitieuse de la ville d'Aix; par le vol et le chant des oiseaux, par la
Allix fut accusé de magie, et le Parlement fit rencontre des bêtes sauvages et par divers
instruire son procès. Jugé par la chambre autres moyens, devinaient tout ce qui de-
de la Tournelle, il ne put faire comprendre vait arriver. « Ils conservent avec soin
n'é- dit Laurent Valla, des livres qui traitent do
que l'effet merveilleux de son automate cette espèce de science; ils y trouvent des
tait que la résolution d'un problème mécani-
que. L'arrêt du Parlement le condamna
à règles pour toutes sortes de pronostics.

(1) Parce que celui qui dit pieusement les cinq invoca- paraître en 1636. Maisavant lui on avait déjà des annuaire*
vit probablement en conséquence. de même nature. Fischer a découvert à Mayence, en 1804
tions,
Tuiers, Traité des superstitions. un almanacli imprimé pour 1457 tout à fait a la naissanc*
(2) de t'imprimerie.
(5| Biographie universelle des musiciens.
(4) L'Amanadi de Matthieu I.susbergli commença à
'•• 3
DlCTIONN. PES SCIENCES OCCULTES. I.
76 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 76
Leurs .devins sont divisés en deux classes diable, dit Delrio, les conduisait leur droit
l'une de chefs ou de maîtres, et l'autre de chemin. Celle dont le serpent refusait de
disciples ou d'aspirants. » On leur attri- manger le gâteau n'était pas sans repro-
bue aussi l'art d'indiquer non-seulement par che. »
où ont passé les chevaux et les autres. bêtes ALPHONSE X, roi de Castille et dé Léon,
de somme égarées, mais encore le chemin surnommé l'astronome et le philosophe
qu'auront pris une ou plusieurs personnes; mort en 1284. On lui doit les Tables Alphon-
ce qui est très-utile pour la poursuite, des sines. C'est lui qui disait que, si Dieu l'avait
voleurs. Les écrivains qui parlent des Almo- appelé à son conseil au moment de la créa-
ganenses ne disent ni dans quelle province tion, il eût pu lui donner de bons avis. Ce
ni dans quel temps ont vécu ces utiles de- prince extravagant croyait à l'astrologie.
vins. Ayant fait tirer l'horoscope à ses enfants it
ALMUCHEFI. Voy. Bacon. apprit que le cadet serait plus heureux quo
ALMULUS (Salomon), auteur d'une expli- l'aîné, et le nomma son successeur au tr.ônc.
cation des songes en hébreu; in-8°. Amster- Mais malgré, la sagesse de cet homme, qui.se
dam, 1642. jugeait capable de donner des conseils au
ÀLOCER, puissant démon, grand-duc aux Créateur, l'aîné tua son frère cadet, .mil son
enfers; il se montre vêtu en chevalier, monté père dans une étroite prison et s'empara de
sur un cheval énorme; sa figure rappelle les la couronne-; toutes choses que sa science
traits du lion; il a le teint enflammé, les ne lui avait pas' révélées.
yeux ardents; il parle avec gravité; il en- ÀLP1EL. ange ou démon qui, selon le
seigne les secrets de l'astronomie et des arls Talmud a l'intendance des arbres frui-
libéraux; il domine trente-six légions. .tiers.
ALOGRICUS. Voy. ALRUY. ALRINACH démon de l'Occident, que ies
ALOMANCIE, divination par le sel, dont démonographes font présider aux tempêtes,
les procédés sont peu connus. C'est en rai- aux tremblements de terre; aux pluies, à la
son de l'alomancie qu'on suppose qu'une grêle, etc. C'est souvent lui qui submerge
'salière renversée est d'un mauvais présage; les navires. Lorsqu'il se rend visible il
ALOPECIE, sorte de charme par lequel paraît sous les traits et les habits d'une
on fascine ceux à qui l'on veut nuire. Quel- femme.
ques auteurs donnent le nom d'alopécie à ALRUNES, démons succubes ou sorcières,
l'art de nouer l'aiguillette. Voy. LIGATURES. qui furent mères des Huns. Elles prenaient
ALOUETTE. Voy. CASSO. toutes sortes de formes, mais ne pouvaient
ALPHITOMANCIE divination par le pain changer de sexe. Voy. aussi Mandba-
d'orge. Cette divination importante est très- gobès..
ancienne. Nos pères, lorsqu'ils voulaient. ALRUY (David), imposteur juif, qui, en
dans plusieurs accusés reconnaître le cou- 1199, se prétendant. de la race de David, se
pable et obtenir de lui l'aveu de son crime vanta d'être le Messie destiné à ramener
faisaient manger à chacun des prévenus un les.Juifs dans Jérusalem. Le roi de Perse le
rude morceau de pain d'orge. Celui qui l'a- fit mettre en prison; mais on voit, dans Ben-
valait sans peine était innocent le crimi- jamin de Tudèle, qui le cite, qu'il s'échappa
nel se trahissait par une indigestion (1). en se rendant invisible. 11 ne daigna se re-
C'est même de cet .usage, employé dans les monlrer qu'aux bords de la mer. Là, il éten-
épreuves du jugement de Dieu, qu'est venue dit son écharpe sur l'eau, planta ses pieds
l'imprécation populaire Je veux, si je dessus et passa la mer avec une légèreté in-
vous trompe, que ce morceau de pain m'é- croyable, sans que ceux qu'on envoya avec
trangle I des bateaux à sa poursuite le pussent arrê-
Voici comment se pratique celte divin:)- ter. Cela le mit en vogue comme grand
tion, qui, selon les doctes, n'est d'un effet magicien. Mais enfin lu Scheick Aladin
certain que pour découvrir ce qu'un homme prince lurc, sujet du roi de Perse, fit tant à
a de caché dans le cœur. On prend de la force d'argent, avec le heau-père dé David
pure farine d'orge; on la pétrit avec du, lait Alruy ou ,Airoy, lequel beau-père élait peu
et du sel; on n'y met pas de levain on en- délicat, que le prétendu Messie fut poignardé
veloppe ce pain compacte dans un papier dans son lit. « C'est toujours la fin du telles
graissé, on le fait cuire sous la cendre en- gens, dit Leloyer; et les magiciens juifs n'en
suite on le frotte de feuilles de verveine et ont pas meilleur marché que les autres
on le fait manger à celui par qui on se croit magiciens, quoi que leur persuadent leurs
trompé, et qui ne digère pas si la présomp- talmudistes, qu'ils sont obéis de l'esprit ma-
tion est fondée. lin. Car c'est encore une menterie duTalmud
Il y avait, près de Lavinium, un bois sa- des Juifs, qu'il n'est rien de difficile aux sages,
cré où l'on pratiquait l'alphitomancie. Des maîtres et savants en leurs lois, que les es-
prêtres nourrissaient dans une caverne un prits d'enfer et célestes lour cèdent, et que
serpent, selon quelques-uns; un dragon, se- Dieu même (ô blasphème 1) ne leur peut ré-
lon d'autres. A certains jours on envoyait sister (2).»- Ce magicien est appelé encore
des jeunes filles lui porter à manger; elles dans de vieux récits 41ogricus. Il est enterré
avaient les yeux bandés et allaient à la dans une île mystérieuse. Voy.. C'obbeau.
grotte, tenant à la main un gâteau fait par ALTANGATDFDN idole" des Kalmoucks,
elles avec du miel et de la farine d'orge. « Le qui avait le corps et la tête d'un. serpent
(t) Delrio, disquisit,magie,lib. IV, cap. 2, qusest.7. (2) Leloyer,discoursdes spectres,liv. IV,ch. 4.
< °- i
77 AMA
A AMA 78
avec quatre pieds de lézard. Celui qui porte pour cela le fleuve «les Amazones. Des mis-
avec vénération son image est invulnérable sionnaires en placent une nation dans les
dans les combats. Pour en faire l'épreuve, ,Philippines, et Thévenot une autre dans la
un khan fit suspendre cette idole attachée à Mingrelic. Mais, dit-on, une république de
un livre, et l'exposa aux coups des plus ha- femmes ne subsisterait pas six mois, et ces
biles archers leurs traits ne purent attein- états merveilleux ne sont que fictions inven-
dre le livre, qu'ils percèrent au contraire dès tées pour récréer l'imagination. Cependant,
que l'idole en fut détachée. C'est là une lé- voici un curieux passage qui nous est fourni
gende de Cosaques. par les explorations récentes de M. Texier
ALVER0MANC1E ou ALEUROMANCIE. dans l'Asie Mineure
Voy. ce mot. « J'ai lieu d'être satisfait de mon voyage,'
AMADEUS, visionnaire qui crut connaî- écrit M. Texier à M. Albert Lenoir, car j'ai
tre par révélation deux psaumes d'Adam découvert sur les frontières de la Galatie
le premier composé -en transport de joie une ville de la plus grande importance. Fi-
à la création de la femme, le second en triste gure-toi plus de trois mille carrés de ter-
dialogue avec Eve, après la chute (1). rain, couverts de monuments cyclopéens
AMAIMON. Voy. Amoymon. d'une belle conservation, des citadelles, des
AMALARIC roi d'Espagne, qui épousa la palais, les murailles avec les portes ornées
princesse Clotilde, sœur du roi des Francs de têtes de lions, et des glacis comme ceux
Childebert. La pieuse reine, n'approuvant de nos places, inclinés à 35 degrés, et de dix
pas les excès de son mari, tombé dans l'aria- à douze mètres de pente, un temple immense
nismé, le barbare, après d'autres mauvais dont l'appareil est admirable. Il est entouré
traitements, lui fit crever les yeux. Clotilde de part et d'autre de cellules ou chambres
envoya à son frère un mouchoir teint de son dont une seule pierre forme la paroi, et qui
sang, et Childebert marcha aussitôt avec une cependant ont six à sept mètres de longueur.
armée contre Amalaric. La justice des hom- Avant d'arriver à ces superbes ruines,
mes fut prévenue par la justice éternelle. M. Texier avait reconnu dans la ville mo.
Tandis que le bourreau de Clotilde s'avan- derne de Galagik, Galaion-Teikos, l'ancienne
çait au-devant des Francs, il tomba percé cité des Gallo-Grecs Galatœ. Il avait en-
d'un trait lancé par une main invisible. Des suite suivi le cours de l'Halys, et deux jours
légendaires ont écrit que" cette mort était après l'avoir quitté, il était arrivé à ces rui-
l'ouvrage du diable; niais le trait ne venait nes. « Si les géographes, écrit-il à M. Dureau
pas d'en bas (2). de la Malle, n'étaient pas aussi unanimes
AMALARIC (MADELEINE) sorcière qui al- pour placer Tavia aux bords de l'Halys, je
lait au sabbat et qui, accusée de onze homi- croirais que j'ai trouvé Tavia. Ce temple ne
cides, fut mise à mort à soixante-quinze ans serait pas autre chose que lé temple de Jupi-
dans la baronnie de la Trimouille, à la fin ter avec l'asile. Mais la découverte de cette
du seizième siècle (3). ville-, fort importante par elle-même, est
AMARANTHE, fleur que l'on admet parmi effacée par celle d'un monument que j'ai
les symboles de l'immortalité. Les magiciens trouvé dans les montagnes voisines et qui
attribuent aux couronnes faites d'amaran- doit se placer au premier rang des monu-
the de grandes propriétés, et surtout la vertu ments antiques.
de concilier les faveurs et la gloire à ceux qui « C'est une enceinte de rochers naturels
les portent. aplanis par l'art, et sur les parois de la-
AMASIS. Hérodote raconte qu'Amasis, roi quelle on a sculpté une scène d'une impor-
d'Egypte, eut l'aiguillette nouée, et qu'il fal- tance majeure dans l'histoire de ces peuples.
lut employer les plus solennelles impréca- Elle se compose de soixante figures, dont
tions de la magie pour rompre le charme. quelques-unes sont colossales. On y recon-
Voy. LIGATURES. naît l'entrevue de deux rois qui se font mu-
AMAZONES, nation de femmes guer- tuellement des présents.» n
rières, dont Strabon regarde à tort l'exis- Dans l'un de ces personnages qui est
tence comme une fable. François de Torre- barbu ainsi que toute sa suite, et dont l'ap-
Blanca dit (k) qu'elles étaient sorcières; ce pareil a quelque chose de rude, le voyageur
qui est hasardé. Elles se brûlaient la avait d'abord cru distinguer le roi de Paphla-
plus
mamelle droite pour mieux tirer de l'arc; et gonie et dans l'autre qui est imberbe
le père Ménestricr croit que la Diane d'E- ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse,
phèse n'était ornée de tant de mamelles qu'à monté sur un lion et entouré de toute la
cause que les Amazones lui consacraient pompe asiatique. Mais sa dernière lettre,
celles qu'elles se retranchaient. On dit que datée de Constantinople, nous apprend qu'ii
cette république sans hommes habitait la à changé son interprétation. En communi-
Cappadoce et les bords du Thermodon. Les quant ses dessins et ses conjectures aux
modernes ont cru retrouver dés peuplades antiquaires de Smyrne, qu'il à trouvés fort
d'amazones en voyant des femmes armées instruits, il s'est arrêté à l'opinion que cette
sur les bords du Maragnun, qu'on a nommé scène remarquable représentait l'entrevue

(1) Ces deux psaumessont imprimésdans le Codex idolâtries, tiré desen procèscriminelsjugés au siège royal
|iseud(;pigrapliusvoterisTeslamenlide Fabrieius. de Montmorillon, Poitou la présente apnée 1599,
(2) Lambertinide Cruz-HouenTlicalnimrcgiuir. liis- p. 29.
ad ann.510.
|>3iiicuni, (4) Eplt. Dclict.sive de magia,hb. I, cap. 8.
(3J Hikiiis.Dise, sommaire-des sortilèges, vénéfiees,
Î9 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES 80
annuelle des Amazones avec le peuple voi- voient pas non plus le sommeil; ils ne voient
sin, qui serait les Lcuco-Syriens et la ville pas le vent; ils ne comprennent pas la lu-
voisine, où le témoignage des géographes mière, ni cent mille autres faits que pourtan*
l'avait empêché de reconnaître Tavia, se- ils ne peuvent nier.
rait Thémiscyre, capitale de ce peuple. On a cherché de tout temps à définir ce
Cette explication nous paraît offrir toute que c'est que l'âme, ce rayon, ce souffle de
espèce de probabilités. Plusieurs auteurs la Divinité. Selon les uns, c'est la conscience,'
anciens, que M. Texier n'a pu consulter à c'est l'esprit; selon d'autres, c'est cet espoir
Constantinople, parlent en effet de cette en- d'une autre vie qui palpite dans le cœur de
trevue annuelle des Amazones avec les tous les hommes. C'est, dit Léon l'Hébreu, le
hommes. d'un pays voisin. Pline dit quelle cerveau avec ses deux puissances, le senti-
durait cinq jours. Au bout de neuf mois, on ment et le mouvement volontaire. C'est une
faisait parmi les enfants qui naissaient un flamme, a dit un autre. Dicéarque affirme
triage, à la suite duquel on gardait les filles, que l'âme est une harmonie et une concor-
et l'on renvoyait les garçons au peuple qui dance des quatre éléments..
avait fourni les pères. Pline nomme ceux-ci Quelques-uns sont allés loin, et ont voulu
gynœcocralumeni, mot dont l'énergique com- connailre la figure de l'âme. Un savant a
position, indique la sujétion où ils étaient même prétendu, d'après les dires d'un reve-
vis-à-vis des Amazones, leurs voisines. nanl qu'elle ressemblait à un vase sphéri-
La pompe qui entoure le personnage im- que de verre poli, qui a des yeux de tous les
berbe, suivi d'un magnifique cortège égale- côtés.
ment imberbe, indique naturellement les L'âme a-t-on dit encore, est comme une
Amazones et leur supériorité, tandis que la vapeur légère et transparente, qui conserve
barbe, la massue et l'appareil beaucoup plus la figure humaine. Un docteur talmudique,
simple' de l'autre cortége s'applique très- vivant dans un ermitage avec son fils et
bien aux Leuco-Syriens tributaires de quelques amis, vit un jour l'âme d'un de ses
leurs superbes voisines. Ce monument si compagnons qui se détachait tellement de
antique serait donc un nouveau témoignage, son corps, qu'elle lui faisait déjà ombre à la
bien imposant de l'existence des Amazones, tête. Il comprit que son ami allait mourir, et
longtemps traitée de fable,.et dont de savan- fit tant par ses prières, qu'il obtint que cette
tes recherches ne permettent guère aujour- pauvre âme rentrât dans le corps qu'elle
d'hui dé douter, malgré 0 son invraisem- abandonnait. « Je crois de cette bourde ce
blance. qu'il faut en croire, dit Leloyer (1) comme
AMBROS1US ou AMBROISE, roi d'Angle- de toutes les autres bourdes et baveries des
rabbins.* e w
terre. Voy. MERLIN.
AMDUSC1AS, grand-duc aux enfers. Il a la Les Juifs se persuadent, au rapport du
forme d!une licorne; mais lorsqu'il est évo- Hollandais Hoornbeeck, que les âmes ont
qué, il se montre sous une figure humaine. toutes été créées ensemble, et par paires
11 donné des concerts si on les lui com- d'une âme d'homme et d'une âme de femme;
mande .'on entend alors, sans rien voir, le de sorte que les mariages sont heureux et.
son des trompettes et des autres instru- accompagnés de douceur et de paix, lors-
ments de musique. Les arbres s'inclinent qu'on se mari.c avec l'âme à laquelle on a
à sa voix..11 commande vingt neuf lé- été accouplé dès le commencement; mais ils
gions.. sont malheureux dans le cas contraire. On
AME.. Tous les peuples ont reconnu a à lutter contre ce malheur, ajoute-t-il, jus-
l'immortalité de l'âme. Les hordes les plus qu'à ce qu'on puisse être uni; par un second
barbares ne l'ont jamais été assez pour se mariage à l'âme dont on a été fait le pair
rabaisser jusqu'à la brute. La brute n'est dans la création; et cette rencontre est rare.
attachée qu'à la terre: l'homme seul élève ses Philon, juif, qui a écrit aussi sur l'âme,
regards vers un plus noble séjour. L'insecte pense que, comme il y a de bons et de mau-
est à sa place dans la nature; l'homme n'est vais anges, il y a aussi de bonnes et de mau-
pas à la sienne. Chez certains peuples, on vaises âmes, et que les âmes qui descendent
attachait les criminels à des cadavres pour dans les corps y apportent leur bonnes ou
rendre leur mort plus affreuse: tel est ici-bas mauvaises qualités. Toutes les innovations
le sort de l'homme. Cette âme qui n'aspire des hérétiques et des philosophes, et toutes
qu'à s'élever, qui est étrangère aux accidents les doctrines qui n'ont pas leur base dans les
du corps, que les vicissitudes du temps ne enseignements de l'Eglise brillent par de.
peuvent altérer ne s'anéantira pas avec la semblables absurdités.
matière.. Les musulmans disent que les âmes de-
La conscience, le remords, ce désir de pé- meurent jusqu'au jour du jugement, dans Je
nétrer, dans un avenir inconnu, ce respect tombeau, auprès du corps qu'elles ont animé.
que nous portons aux tombeaux, cet etrroi Les païens croyaient que les âmes, séparées
de l'autre monde cette croyance aux âmes, de leurs corps grossiers et terrestres, conser-
qui ne se distingue que dans l'homme tout vaient après la mort une forme plus subtile et
nous instruirait déjà, quand même la révé- plus déliée, de la figure du corps qu'elles
lation ne serait pas là pour repousser nos quittaient, mais plus grande et plus majes-
doutes. Les matérialistes qui, voulant tout tueuse que ces formes étaient lumineuses
juger par.les yeux du corps, nient l'existence' et de la nature des astres; que les âmes gar-
de l'âme/ parce qu'ils ne la voient point, ne (I) Leloyer,Disc,ethist. des spectres, liv. IV,cli. 1.
81 AME AME C2
'dn:n.J1t, 1':n.1:nn.n.n.1""0 .I..n.'ron"l'II'n'1Int'! 4'n:
'daient de l'inclination pour les choses qu'elles faisait:-Verss~ '1. __I_J_
minuit; ils entendaient frapper
avaient aimées pendant leur vie, et que sou- à'ieur porte; ils suivaient sans voir personne
vent elles se montraient autour de leurs tom- jusqu'au rivage; là ils trouvaient des navires
béaux. qui leur semblaient vides, mais qui étaient
Quand l'âme de Patrocle se leva devant chargés d'âmes ils les conduisaient à l'île
Achille, elle avait sa voix, sa taille, ses yeux, des ombres, où ils ne
voyaient rien encore
ses habits, du moins en apparence, mais mais ils entendaient les âmes anciennes qui
non pas son corps palpable. venaient recevoir et complimenter les nou-
Origène trouve que ces idées ont une source velles débarquées; elles se nommaient par
respectable, et que les âmes doivent avoir leurs noms, reconnaissaienlleurs parents, etc.
en effet une consistance, mais subtile; il se Les pêcheurs, d'abord étonnés s'accoutu-
fonde sur ce qui est dit dans l'Evangile du maient à ces merveilles et reprenaient leur
Lazare et du mauvais riche, qui ont tous chemin. Ces transports d'âmes, qui pou-
deux des formes puisqu'ils se parlent et se vaient bien cacher une sorte de contrebande,
voient, et que le mauvais riche demande une n'ont plus lieu depuis que lé christianisme
goutte d'eau pour rafraîchir sa langue. Saint est venu apporter la vraie lumière.
lrénée.qui est de l'avis d'Origène conclut On a vu parfois, s'il faut recevoir tous les
du même exemple que les âmes se souvien- récits des chroniqueurs, des âmes errer par
nent après la mort de ce qu'elles ont fait en troupes. Dans le onzième siècle, on vit passer
cette vie. près de la ville de'Narni une multitude infiuie
Dans la harangue que fit Titus à ses sol- de gens vêtus de blanc, qui s'avançaient du
dats peut les engager à monter à l'assaut de côté de l'Orient. Cette troupe défila depuis le
la tour Antonia, au siège de Jérusalem on matin jusqu'à trois heures après midi. Mais
remarque une opinion qui est à peu près sur le soir elle diminua considérablement.
celle des Scandinaves. Vous savez, leur dit- Tous les bourgeois montèrent sur les mu-
il, que les âmes de ceux qui meurent à la railles, craignant que ce ne fussent des
guerre's'élèvent jusqu'aux astres, et sont re- troupes ennemies ils les virent passer avec
çues dans les régions supérieures, d'où elles une extrême surprise. Uncitadin, plus résolu
apparaissent comme de bons génies; tandis que les autres, sortit delà ville; remarquant
que ceux qui meurent dans leur lit, quoique dans la foule mystérieuse un homme de sa
ayant vécu dans la justice, sont plongés sous connaissance, il l'appela par son nom et lui
terre dans l'oubli et les ténèbres (1). demanda ce que voulait dire celle multitude
Il y a, parmi les Siamois, une secte qui de pèlerins. L'homme blanc lui répondit:
croit que les âmes vont et viennent où elles Nous sommes des âmes qui, n'ayant point
veulent après la mort que celles des hommes expié tous nos péchés et n'étant pas encore
qui ont bien vécu acquièrent une nouvelle assez pures, allons ainsi dans les lieux saints,
force, une vigueur extraordinaire, et qu'elles en esprit de pénitence nous venons de visi-
poursuivent, attaquent et maltraitent celles ter le tombeau de saintMartin, et nous allons
des méchants partout où elles les rencon- à Notre-Dame de Farfe (2).
trent. Platon dit, dans le neuvième livre de Le bourgeois de Narni fut tellement effrayé
ses Lois, que les âmes de ceux qui ont péri de cette vision, qu'il en demeura malade pen-
de mort violente poursuivent avec fureur, dant un an. Toute la ville de Narni, disent
dans l'autre monde, les âmes de leurs meur- de sérieuses relations,. fut témoin de cette
triers. Cette croyance s'est reproduite sou- procession merveilleuse, qui se fit en plein
vent et n'est pas éteinte partout. jour.
Les anciens pensaient que toutes les âmes N'oublions pas, à propos du sujet qui nous
pouvaient revenir après la mort, excepté occupe, une croyance très-répandue en Alle-
les âmes des noyés. Servius en dit la magne c'est qu'on peut vendre son âme au
raison c'est que l'âme; dans leur opinion, diable. Dans tous les pactes faits avec l'esprit
n'était autre chose qu'un feu, qui s'éleignait de ténèbres, celui qui s'engage vend son
dans l'eau, comme si le matériel pouvait dé- âme. Les Allemands ajoutent même qu'après
truire le spirituel. cet horrible marché le vendeur n'a plus
On sait que la mort est la séparation de d'ombre. On conte, à ce propos, l'histoire
l'âme d'avec le corps. C'est une opinion de d'un étudiant qui fit pacte avec le diable pour
tous les temps et de tous les peuples que les devenir l'époux d'une jeune dame dont il ne
âmes en quittant ce monde passent dans un pouvait obtenir la main. Il réussit avec l'aide
autre meilleur ou plus mauvais, selon leurs du diable. Mais au moment de la célébration
œuvres. Les anciens donnaient au batelier du mariage, un rayon de soleil frappa les
Caron la charge de conduire les âmes au sé- deux époux qu'on allait unir; on s'aperçut
jour des ombres. On trouve- une tradition avec effroi que le jeune homme n'avait pas
aualogue à cette croyance chez les vieux d'ombre on reconnut qu'il avait vendu son
Bretons. Ces peuples plaçaient le séjour des âme, et tout fut rompu.
âmes dans une Île (lui doit se trouver entre Généralement les insensés qui vendent
l'Angleterre et l'Islande. Les bateliers et pé- leur âme font leurs conditions et s'arrangent
cheurs, dit Tzelzès, ne payaient aucun tri- pourvivre un certain nombre d'années après
but, parce qu'ils étaient chargés de la corvée le pacte. Mais si on vend sans fixer de terme,
de passer les âmes; et voici comment cela se le diable; qui est pressé de jouir, n'est pas
(1) Josèphe, De Uelio jud., liv. VI, cap. 1, cité dans (2) De Cura pro mortuis, cité par Calmet, première,
Calmct,iiren.ièrepartie du traite des Apparitions,ch.16. partie, ch. 14.
83 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 84
toujours délicat; et voici un trait qui mérite si, elle était rouge, et des malheurs si elle
attention présenlaitune'coulcur plombée. Voy, Coiffe.
Trois ivrognes s'entretenaient, en buvant, AMON, ou AAMON, grand et puissant
de l'immortalité de l'âme et des peines de marquis de l'empire infernal. Il a la figure
l'enfer. L'un deux commença à s'en moquer d'un loup, avecune queuede serpent; il vomit
et dit là-dessus des stupidités dignes de la de la flamme lorsqu'il prend la forme hu-
circonstance. C'était dans un cabaret de vil- maine, il n'a de l'homme que le corps; sa tête
lage. Cependant survient un homme de haute ressemble à celle d'un hibou et son bec laisse
stature, vêtu gravement, qui s'assied près voir des dents canines très-effilées. C'est le
des buveurs, et leur demande de quoi ils plus solide des princes des démons: II sait
rient. Le plaisant villageois le met au fait, le passé et l'avenir, et réconcilie, quand il le
ajoutant qu'il fait si peu de cas de son âme, veut, les amis brouillés. Il commande à qua-
qu'il est prêt à la vendre au plus offrant et à rante légions (3).
bon marché, et qu'ils~en boiront l'argent.
AMOUR. Parmi les croyances superstitieu-
Et combien me la veux-tu vendre? dit le
ses qui se rattachent innocemment à l'a-
nouveau venu. Sans marchander, ils con-
viennent du prix; l'acheteur en compte l'ar- mour, nous citerons celle-ci, qu'un homme.
est généralement aimé quand ses cheveux
gent, et ils lé boivent. C'était joie jusque-là. frisent naturellement. A Roscoff en Breta-
Mais, la nuit venant, l'acheteur dit Il est
temps, je pense, que chacun se retire chez gne, les femmes après la messe, balayent la
soi; celui qui a acheté un cheval a le droit poussière de la chapelle de la Sainte-
de l'emmener. Vous permettrez donc que je Union, la soufflent du côté par lequel leurs
prenne ce qui est à moi. Or, ce disant, il époux ou leurs fiancés doivent revenir
et se flailent, au moyen de cet inoffensif
empoigne son vendeur tout tremblant, et
t'emmène où il n'avait pas cru aller si vite; sortilège, de fixer le cœur de celui qu'elles
aiment (4). Dans d'autres pays, on croit stu-
de telle sorte que jamais plus le pays n'en
ouït nouvelles. Voy. MoRT. pidement se fairé aimer en attachant à son
cou certains mots séparés par des croix.
.AIMES DES BETES. Dans un petit ouvrage
très-spirituel sur l'âme des' bêtes, un Père jé- Voy. Philtres. Voy. aussi Khombus.
Il y a eu des amants entraînés parleurs pas-
suite-a ingénieusement développé cette sin-,
gulièreideede quelques philosophes anciens, sions qui se sont donnés an démon poifr être
heureux. On conte qu'un valet vendit son
que les bêles étaient animées par les démons âme au diable, à condition qu'il deviendrait
les moins." coupables, qui faisaient ainsi leur
l'époux de fa Utle de son maître, ce qui le
expiation. Voy. ALBIGEOIS. rendille plus infortuné des hommes.
AMETHYSTE, pierre précieuse, d'un violet On attribue aussi àl'inspiration des démons
foncé, autrefois la neuvième en ordre sur le certaines amours monstrueuses, comme la
pectoral du grand prêtre desJuifs.' Une vieille
opinion populaire lui attribuera passion de Pygmalion pour sa statue. Unjeu-
vertu de ne homme devint pareillement éperdu pour
.garantir de l'ivresse. la Vénus de Praxitèle; un Athénien se tua de
AMIANTE, espèce de pierre incombusti-
ble, que Pline et les démonographes disent désospoir auxpieds dé la statue delaForlune,
qu'il trouvaitinsensible.Ces traits ne sontque
excellentecontrè les charmes de la magie (1).
des folies déplorables, pour ne pas dire plus.
;ÂM1LCAR, général carthaginois. Assiégeant
Syracuse, il crut entendre pendant son som- AMOYMON ou AMAIMON l'un des qua-
meil, une voix qui l'assurait qu'il souperait tre rois de l'enfer, dont il gouverne la partie
le lendemain dans la ville. En conséquence, orientale. On l'évoque le matin, de neuf
il fit donner l'assaut de bon matin, espérant. heures à midi, et le soir de trois à six heu-
enlever Syraèuse et y souper, comme le lui res. Àsniodée est son lieutenant et le pre-
promettait son rêve. Il fut pris parles assié- mier prince de ses étals (5).
gés et y soupa en effet, non pas en vainqueur, AMPHIARAUS, devin de l'antiquité, qui se
ainsi qu'il s'y était attendu, mais en captif: cacha pour ne pas aller à la guerre de Thè-
ce qui n'empêcha pas le songe d'avoir pré- hes, parce qu'il avait prévu qu'il y mour-
dit juste (2). rait; ce qui eut lieu lorsqu'on l'eut décou-
Hérodote conte encore qu'Amilcar, vaincu vert et forcé à s'y rendre. Mais on ajoute
par Gélon, disparut vers la fin de la bataille, qu'il ressuscita. On 14i éleva un temple dans
et qu'on ne le retrouva plus; si bien que les l'Attique, près d'une fontaine sacrée par la-
Carthaginois le -mirent au rang de leurs quelle il s'élait coulé en revenant des enfers.
dieux et lui offrirent des sacrifices. Il guérissait les malades en leur indiquant
AMMON. Voy. Jupiter-Ammon. des remèdes dans des songes, comme font
AMNIOMANCIE, divination surla coiffe ou de nos jours ceux qui pratiquent le som-
membrane qui enveloppé quelquefois la tête nambulisme magnétique. Il rendait aussi
des enfants naissants, ainsi nommée de cette parce moyen des oracles, moyennant argent.
coiffe que les médecins appelaient en grec Après les sacrifices, le consultant s'endor,
amnios. Les sages-femmes prédisaient le sort niait sur une peau de mouton et il lui ve.
fùtur du nouveau-né par l'inspection de cette nait un rêve qu'on savait toujours interpré-
coiffe; elle annonçait d'heureuses destinées ter après l'événement. On lui attribue des
(1) Deloncre,,del'Inconstance,etc., liv. IV,dise.5 prophéties écrites en vers, qui ne sont pas
(2) Yalère-Maxime. U) Voyagede M.Cambrydansle Finistère, t. I.
<oj Wierus,iu Pseudomonarchia dœin. (5) Wierus, in Pseudomonarchiadxm.
Ë5 AMI) AMt) 86
1 Il 1 .ojt
venues jusqu'à nous. Il inventa la pyronwm- Mais comme i.lfallait des préservatifs aux
cie. Voyez ce MoT. esprits fourvoyés, qui sont toujours le plus
AMPHION, Pausanias, Wierus et beau- grand nombre, o.n trouva moyen d'éluder la
coup d'aulres mettent Amphion au rang des loi. On fit des amulettes avec des morceaux
ha.biles magiciens, parce qu'il rebâtit les' de papier chargés de versets de l'Ecriture-
murs de Thèbes au son de sa lyre. sainte. Les lois se montrèrent moins rigides
AMPH1SBÈNE, serpent auquel on attribue contre celte coutume, et on laissa aux prê-
deux têtes aux deux extrémités, par lesquel- tres le soin d'en modérer les abus.
les il mord également. Le docteur Brown a Les Grecs modernes, lorsqu'ils sont mala-
combattu cette erreur, que Pline avait adop- des, écrivent le nom de leur infirmité sur
tée. «On ne nié point, dit Brown (1), qu'il un papier triangulaire qu'ils attachent à la
n'y ait eu quelques serpents à deux têtes porte de leur chambre. Ils ont grande foi à
dont chacune était à l'extrémité opposée. cette arnuletle.
Nous trouvons dans Abdovranii un lézard de
celte même forme, et têt était peut-être l'arn- Quelques personnes portent sur elles le
commencement de l'Evangile de saint Jean
phisbène dont Cassie du Puy montra la
comme un préservatit contre le tonnerre; et
figure au savant Faber. Cela arrive quelque- ce qui est assez particulier, -'est que les
fois aux animaux qui font plusieurs petits à Turcs ont confiance à cette même amulette,
lii fois, et surtout aux serpents, dont les œufs
si l'on en croit Pierre Leloyer.
étant attachés les uns aux autres peuvent
s'unir sous diverses formes et s'édore de ja Une autre question est de savoir si c'est
sorte. Mais ce sont là de's productions mons- une superstition de porter sur soi les reli-
trueuses, contraires' à cette loi suivant la- ques des saints, une croix, une image une
quelle toute créature engendre son sembla- chose bénite par les prières de l'Eglise un
ble, et qui sont marquées comme irrégùliè- Agnus Dei, etc., et si l'on doit mettre ces
res dans le cours général de la nature. Nous choses au rang des amulettes, comme le
douterons donc que Pamphisbène soit une prétendent les protestants. Nous recon-
race de serpents à'deux têtes) jusqu'à ce que naissons que si l'on attribue à ces choses la
le fait soit confirmé. » vertu surnaturelle de préserver d'accidents
AMULETTE, préservatif. On appelle ainsi de mort subite, de mort dans l'état de
certains remèdes superstitieux que l'on péché, etc., c'est une superstition. Eile n'est
porte sur soi ou que l'on s'attache au èou pas du même genre que celle des amulettes,
dont le prétendu pouvoir ne peut pas se rap-
pour se préserver de quelque maladie ou de
quelque danger. Les Grecs les nommaient porter à Dieu mais c'est ce que les- théolo-
phylactères, les Orientaux talismans. C'é- giens appellent vaine observance, parce que
taient des images capricieuses (un scarabée l'on attribue à des choses saintes et respec-
chez les Egyptiens ), des morceaux de par- tables un pouvoir que Dieu n'y a point atta-
chemin, de cuivre, d'étain, d'argent, ou en- ché. Un chrétien bien instruit ne les envisage
core de pierres particulières où l'on avait point ainsi; il sait que les saints ne peuvent
tracé de certains earaclères ou de certains nous secourir que par leurs prières et par
leur intercession auprès de Dieu. C'est pour
hiéroglyphes. cela que l'Eglise a décidé qu'il est utile et
Commecettesuperstilion est néed'un atta-
chement excessif à la vie et d'une crainte lbuable de les honorer et de les invoquer. Or
puérile de tout ce qui peut nuire, le christia- c'est un'signe d'invocation et de respect à
nisme n'est venu à bout de la détruite que leur égard de porter sur soi leur imago ou
chez les fidèles (2). Dès les premiers siècles leurs reliques; de même que c'est une mar-
de l'Eglise, les Pères et les conciles défen- que d'affection et de respect pour une per-
dirent ces pratiques du paganisme. Ils repré- sonne que de garder son portrait ou quel-
sentèrent lés amulettes comme un reste ido- que chose qui lui ait appartenu. Ce n'est
lâtre de la confiance qu'on avait aux préten- donc ni une vaine observance ni une folle con-
dus génies gouverneurs du monde. Le cure fiance d'espérer qu'en considération de l'af-
Thiers (3) a rapporté un grand' nombre de fection et du respect que nous témoignons à
un saint, il intercédera et priera pour nous
passages des Pères à ce sujet, et les canoiis
de plusieurs conciles. Il en est de même des croix et des Agnus Dei
Les lois 'humaines condamnèrent aussi Bergier, Dictionnaire théologique.
l'usage des amulettes. L'empereur Constance On lit dansThyraîus (5) qu'en 1568, dans
défendit d'employer lés amulettes' et les le duché de Juliers, le prince d'Orange con-
charmes a la guérison des maladies. Cette damna un prisonnier espagnol à mourir; que
loi, rapportée par Ammien Marcéllin, fut exé- ses soldats rattachèrent à un arbre et s'ef-
cutée si sévèrement, que Valenlinien fit punir forcèrent de le tuer à coups d'arquebuse;
de mort une vieille femme qui était la fièvre mais que leurs balles ne l'atteignirent point.
avec des paroles charmées, et qu'il fit cou- On le déshabilla pour s'assurer s'il n'avait
per la tête à un jeune homme qui touchait gas sur la peau une armure qui arrêtât le
un certain morceau de marbre e.n pronon- coup; on trouva une amulette portant la fi-
çant sept lettres de l'alphabet pour guérir le gure d'un agneau; on la lui ôta, et le pre-
mal d'estomac (4). mier coup de fusil l'étendit raidi: mort.

(1) Essaisur les erreurs,liv. III, cli.13. (4) VoyezAmmiiu-Marcellinlib. XVI,XIX,XXIX,et


(2) liergier, Dictionnaireidéologique. le P. Lebrun,liv. III, cli. 2.
(3) Traiiédes superstitions,liv. V, ch. 1 (5) Disp. de Dœmoniac,parsIII, cap. iS.
67 1Ï1C.TIONNAIRE
DES SCIENCES OCCULTES. m
On voit, dans la vieille chronique de dom quele lendemain il s'éleva une querelle entre
Ursino, que quand sa mère l'envoya, tout lui et un homme de son auberge, qu'il tua
petit enfant qu'il était, à Saint-Jacques de son adversaire, et qu'il fut pendu huit jours
Compostelle, elle lui mit au cou une amu- après sur la place publique de Riom.
lette que son époux avait arrachée à un che- C'est un vieux conte renouvelé. On voit
valier maure. La vertu de cette amulette dans Delancre (3) que le pendu s'appelait
était d'adoucir la fureur des bêtes cruelles. Jean de Pruom, dont l'anagramme est la
En traversant une forêt, une ourse enleva même.
le petit prince des mains de s'a nourrice et J.-B. Rousseau, qui ne voulait pas re-
l'emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui connaître son père, parce que ce n'était
faire aucun mal, elle l'éleva avec tendresse; qu'un humble cordonnier, avait pris le nom
il devint par la suite très-fameux sous le de Verniettes, dont l'anagramme fut faite;
nom de dom Ursino, qu'il devait à l'ourse, on y trouva Tu le renies.
sa nourrice sauvage, et il fut reconnu par On fit de Pierre de Ronsard, rose de Pin-
son père, à qui la légende dit qu'il succéda dare.
sur le trône de Navarre. On donna le nom de cabale à la ligue des
Les nègres croient beaucoup à la puis- favoris de Charles Il d'Angleterre, qui étaient
sance des amulettes. Les Bas-Bretons leur Clifford Ashley Buckingham, Arlinglon
attribuent le pouvoir de repousser le démon. Lauderdale, parce que les initiales des noms
Dans le Finistère, quand on porte un enfant de ces cinq ministres formaient le mot cabal.
au baptême, on lui met au cou un morceau On' voulut présenter comme une prophétie
de pain noir, pour éloigner les sorts et les cette anagramme de Louis quatorzième, roi
maléfices que les vieilles sorcières pourraient de France et de Navarre: « Va,'Dieu con-
jeter sur lui (1). Voy. Alès. fondra l'armée qui osera te résister. »
AMY, grand président aux enfers, et l'un Parfois les anagrammes donnent pourtant
des princes de la monarchie infernale. Il pa- un sens qui étonne. Qu'est-ce que la vérité?
rait là-bas environné de flammes, mais il af- Quid est veritas? demande Pitate à l'Homme-
fecte sur la terredes traits humains. Ilenseignc Dieu et il se lève sans attendre la réponse.
les secrets de l'astrologie et des arts libé- Mais elle est dans la question dont l'ana-
raux; il donne de bons domestiques; il dé- gramme donne exactement-: est vir qui adest,
couvre, à ses amis les trésors gardés par C'est celui qui est devant vous.
les démons; il est préfet de trente-six lé- Les Juifs cabalistes ont fait des anagrammes
gions. Des anges déchus et des puissances la troisième partie de leur cabale leur but
sont sous ses ordres. 11 espère qu'après deux est de trouver, dans la transposition des let-
cent mille ans il retournera dans le ciel pour tres ou des mots, des sens cachés ou mysté-
y occuper le septième trône; ce qui n'est rieux. Voy. Okomancie.
pas croyable, dit Wierus (2). ANÀMELECH, démon obscur, porteur de
AMYRAUT (MoïsE), théologien protestant, mauvaises nouvelles. 11 était adoré à Se-
né dans l'Anjou, en 1596, mort en 1664. On pharvaïm, ville des Assyriens. 11 s'est mon-
lui doit un Traité des songes, aujourd'hui trésous la Ogured'une caille. Sonnomsignifie,
peu recherché. à ce qu'on dit, bon, rot; et des doctes assu-
ANAGRAMME. Il y eut des gens, surtout rent que ce démon est la lune, et Adramelech
dans les quinzième et seizième siècles, qui le soleil.
prétendaient trouver des sens cachés dans ANANCITIDE, Voy. Aglaophotis.
les mots qu'ils décomposaient, et une di- ANANIA ou ANAGNI (JEAN u'), juriscon-
vination dans les anagrammes. On cite sulte du quinzième siècle, à qui on doit
comme une des plus heureuses celle que l'on quatre livres De la Nature des démons (1), et
fit sur le meurtrier de Henri III, Frère dit un traité De la Magie et des maléfices (5). Ces
Jacques Clément, où l'on trouve C'est l'en- ouvrages sont peu connus. Anania mourut
fer qui m'a créé. -Deux religieux en dis- en Italie en 1458.
pute, le père Proust et le père d'Orléans, ANANISAPTA. Les cabalistes disent que ce
faisaient des anagrammes; le père Proust mot, écrit sur un parchemin vierge, est un
trouva dans le nom de son confrère l'Asne talisman très-efficace contre les maladies.
d'or, et le père d'Orléans découvrit dans celui Les lettres qui le composent sont, à leur
du père Proust: Pur sot. avis, les initiales des mots qui forment la
Un nommé AndréPujon, de la haute Au- prière suivante Antidotum Natareni Au-
vergne, passant par Lyon pour se rendre à ferai Necem Jntoxicationis, Sanctificet Ali-
Paris, rêva la nuit que l'anagramme de son menta Poculaque Trinitas Alma.
nom était pendu à Riom. En effet, on ANANSIÉ. C'est le nom de l'araignée gi-
ajoute
(1) Onlit dansles sagesobservationsde ThomasCamp- les hémorrhagiesavecde la poix!
bellsur Alger Il y a dansl'Algérie quelquesMaures c Le docteurAbernethy,dans une leçon sur le gottre,
et quelquesJuifsqui se prétendentdocteurs, et desfemmes disait qu'il ne savait comment guérir cette maladie, et
qui se disentaccoucheuses.Maisles médecinset les chi- que peut-être la meilleureordonnanceserait de siffler.Il
rurgiens du pays ne savent pas nn mot d'anatomie-ils est possible en vérité que les amulettes données aux
ignorentjusqu'au nomdes drogues qu'ilsprennentk tort Algérienspar leurs maraboutssoientles remèdesles plus
et à travers. En chirurgie, ilsne savent pasmêmemanier innocentsde leur pharmacie.»
la lancette.En médecine, ils viennentau secoursd'une (2) In Pseudomon.dsemonum..
colique, de la pierre et de la par l'appKcatioa (3) 1,'Incrédulitéet mécréance,etc., traité 5.
d un fer rouge sur la partie pleurésie,
souffrante ce (4) De Naturad*monum,lib. IV, in-12; Neapoli,1562.
forcesouventle patient ir crier qu'il est guéri traitement
afinqu'on (5) De Magiaet maleficiis,in-i°; Lugduni,1669.
cessele remède, Ils saignent avec un rasuir, et arrêteu
89 ANA AND 90
gantesque et loute-puissante à qui les nègres effet (1). Alors le yoleur se trahit par un
de-la Côte-d'Or attribuent la création de grand cri.
l'homme. Voy. ARAIGNÉE. S'il s'agit d'une sorcière, et qu'on veuille
seulement ôter le maléfice pour le rejeter
ANARAZEL, l'un des démons chargés de
la garde des trésors souterrains, qu'ils trans- sur celle qui l'a jeté, on prend, le samedi,
avant le lever du soleil, une branche de cou-
portent d'un lieu à un autre pour les dérober drier d'une année, et on dit l'oraison sui-
aux recherches des hommes. C'est Anarazel
vante « Je te coupe,rameau de cetteannée,
qui, avec ses compagnons Gaziel et Fécor, « au nom de celui que je veuxblesser comme
ébranle les fondements des maisons, excite
les tempêtes, sonne les cloches à minuit, fait « je te blesse. » On met la branche sur la
paraître les spectres et inspire les terreurs table, en répétant trois fois une certaine
nocturnes. prière (2) qui se termine par ces mots Que
le sorcier ou la sorcière soitanathème,etnous
ANATHÈME. Ce mot, tiré du grec, signifie saufs (3)11
expo'sé, signalé, dévoué. On donnait chez les ANATOLICS, philosophe platonicien, mat-
païens le nom d'anathèmes aux filets qu'un trè de Jamblique, et auteur d'un traité des
pêcheur déposait sur l'autel des nymphes de Sympathies et des antipathies, dont Fabricius
la mer, au miroir que Laïs consacra à Vénus, a conservé quelques" fragments dans sa bi-
aux offrandes de coupes, de vêtements, d'in-
struments et de figures diverses. On l'appli- bliothèque grecque.
ANAXILAS, philosophe pytnagoricien qui
qua ensuite aux objets odieux que l'on ex- vivait sous Auguste. On l'accusa de magie,
posait dans un autre sens, comme la tête ou parce qu'il faisait de mauvaises expériences
les dépouilles d'un coupable; et l'on appela de physique, et Auguste le bannit. Il fut l'in-
anathème la victime vouée aux dieux infer- venteur du flambeau infernal,
naux. qui consiste
à brûler du soufre dans un lieu privé
Chez les Juifs l'anathème a été générale- de lumière, ce qui rend les assistants fort
ment pris ainsi en mauvaise part. Chez les laids.
chrétiens c'est la malédiction ou l'être mau- ANDERSON ( Alexandre ). Voy. Vampi-
dit. L'homme frappé d'anathème est retran- RES, à la fin.
ché de la communion des Gdèles. ANDRADE, médecin qui eut des révéla-
Il y a" beaucoup d'exemples qui prouvent tions en 853. Elles sont peu curieuses; cepen-
les effets de l'anathème; et comment expli- dant Duchesne les a recueillies dans sa col-
quer ce fait constant, que peu d'excommu- lection des historiens français (4).
niés ont prospéré? Voy. Excommunica- ANDRAS, grand marquis aux enfers. On
tion, PIERRES D'ANATHÈME,etc. le voit avec le corps d'un ange, la tête d'un
Les magiciens et les devins emploient une chal-huanl à cheval sur un loup noir, et
sorte d'anathème pour découvrir les voleurs portant à la main un sabre pointu. Il ap-
et les maléfices: voici celle superstition. prend à ceux qu'il favorise, à tuer leurs en-
Nous prévenons ceux que les détails pour- nemis, maîtres et serviteurs; c'est lui qui
raient scandaliser, qu'ils sont extraits des élève les discordes et les querelles; il com-
grimoires. On prend de l'eau limpide; on mande trente légions:
rassemble autant de petites pierres qu'il y a auteur d'un livre sur le
de personnes soupçonnées; on les fait bouil- ANDRÉ(Tobie),
lir dans cette eau; on les enterre sous le seuil pouvoirdes mauvais anges,rare elpeu recher-
ché (5). Dix-septième siècle.
de la porte par où doit passer le voleur ou
la sorcière, en y joignant une lame d'étain ANDREA (Jean-VAlentin)* luthérien, né
sur laquelle sont écrits ces mots Christus dans le duché de Wurtemberg en 159G, mort
Christus regnat, Christus imperat. On en 1654. Ses connaissances confuses, son
vincit, activité mal réglée, les mystérieuses allu-
a eu soin de donner à chaque pierre le nom
de l'une des personnes qu'on a lieu de soup- sions qui se remarquent dans ses premiers
çonner. On ôte le tout de dessus le seuil ouvrages, l'ont fait regarder comme le fon-
de la porte au lever du soleil; si la pierre dateur du fameux ordre des Roses-Croix.
Plusieurs écrivains allemands lui attribuent
qui représente le coupable est brûlante, c'est de cet ordre se-
au moins la réorganisation
déjà un indice. Mais, comme le diable est à celui des
sournois, il ne faut pas s'en contenter; on cret, affiliédepuis Francs-Maçons,
récite donc les sept psaumes de la pénitence, qui révèrent encore la mémoire d'Andreœ.
avec les Manies des saints on prononce Ses ouvrages, au nombre de cent, prê-
ensuite les prières de l'exorcisme, contre le chent généralement la nécessité des sociétés
voleur ou la sorcière; on écrit son nom dans secrètes, surtout la République Christianopo-
un cercle; on plante sur ce nom un clou litaine,\a. Tour de Babel, le Chaos des juge-
de forme triangulaire, qu'il faut ments portés sur la Fraternité de la Rose-
d'airain
enfoncer avec un marteau dont le manche Croix, l'Idée d'une Société Chrétienne, la
soit de bois de cyprès, et on dit quelques Réforme générale du Monde et les Noces
à cet chimiques de Chrétien Rosencreulz. On
paroles prescrites rigoureusement
(I) JiislUbes, Domine,et justasuntjudicia tua. (5) Wierns, De Prœstig.dsem.,lib.V, cap. v.
,(2) Commela première, c'est une inconvenance.On (4) Excerpta libri revelationumAndradi medici, auno
ajouteaux parolessaintesdu signe de la croix Drocb, 855. tomoII, ScriptorumAnd.Duchesne.
Mirroch,Esenarotli,Bétubarocli,Assmaaroth,qu'on'eu- • (S)TobiseAndreaiExercitalionesphilosophie»de ange-,
de
t'mnêle signes de croix. lorummaioruinpolentiain corpora, in-12;Ainsiel.,.ICBii
PI DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 93
attribue à Andreœ des voyages merveilleux, Chez les Indiens du Maduré, une des pre-
une existence pleine de mystères et des pro- mières castes, celle des cavaravadouàs, pré-
diges qu'on a copiés récemment en grande tend descendre d'un âne ceux de cette caste
partie dans la peinture qu'on nous a faite traitent les ânes en frères, prennent leur dé-
des tours de passe-passe de Cagliostro. fense, poursuivent en justice et font condam-
ANDRIAGUE, animal fabuleux, espèce de ner à l'amende quiconque les charge trop ou
cheval ou de griffon ailé, que ies romans de les bat et les outrage sans raison. Dans les
chevalerie donnent quelquefois aux magi- temps de pluie, ils donneront le couvert à un
ciens, qu'ils prêtent même à leurs héros et âne et le refuseront à 'son conducteur, s'il
qu'on retrouve aussi dans des contes de, n'est pas de certaine condition (l).
fées. Voici une vieille fable sur l'ane Jupiter
ANDROALPHUS puissant démon mar- venait de prendre possession de l'empire les
quis de l'empire infernal il se montre sous hommes, à son avènement, lui demandèrent
la figure d'un paon à la voix grave. Quand un printemps éternel, ce qu'il leur accorda
il paraît avec la forme humaine, on peut le il chargea l'âne de Silène de porter sur la
contraindre à donner des leçons de géométrie. terre ce présent. L'âne eut soif, et s'appro-
Il est astronome, et il enseigne de plus à er- cha d'une fontaine le serpent qui la gardait,
goter habilement. 11donne aux hommes des pour lui permettre d'y boire, lui demanda le
figures d'oiseaux ce qui permet à ceux qui trésor dont il était porteur, et le pauvre ani-
commercent avec lui d'éviter la griffe des ju- mal troqua le don duciel contre un peu d'eau.
ges. Trente légions sont sous ses ordres (1). C'est depuis ce temps, dit-on, que les vieux
ANDROGINA. Bodin et Delancre content serpents changent de peau et rajeunissent
(2) qu'en 1536, à Casai, en Piémont, on re- perpétuellement.
marqua qu'une sorcière nommée Andro- Mais il y a des ânes plus adroits que ce-
gina, entrait dans les maisons, et que bien- lui-là à une demi-lieue du Kaire se trou-
tôt après on y mourait. Elle fut prise et li- vait, dans une grande bourgade, un bateleur
vrée aux juges elle confessa que quarante qui avait un âne si instruit que les manants
sorcières ses compagnes avaient composé le prenaient pour un démon déguisé. Son
avec elle le maléfice. C'était un onguent dont maître le faisait danser ensuite il lui disait
elles allaient graisser les loquels des portes que le soudan voulait construire un bel édi-
ceux qui touchaient ces loquets mouraient fice, et qu'il avait résolu d'employer tous les
en peu de. jours. « La même chose advint ânes du Kaire à porter la chaux le mortier
à Genève en 1563 ajoute Delancre si bien et la pierre. Aussitôt l'âne se laissait tomber, J
qu'elles y mirent la peste qui dura plus de raidissait les jambes et fermait les yeux
sept ans. Cent soixante-dix sorcières furent comme s'il eût été mort. Le bateleur se plai-
exécutées à Rome pour cas semblable sous gnait de la mort de son âne et priait qu'on
le consulat de Claudius Marccllus' et de Va- lui donnât un peu d'argent pour en acheter
lctius Flaccus mais la sorcellerie n'é:ant un autre.
plis encore bien reconnue, on les prenait Après avoir recueilli quelque monnaie
simplement alors pour des empoisonneu- Ah 1 disait-il, il n'est pas mort, mais il a fait
ses. »)i semblant de l'être, parce qu'il sait que je n'ai
ANDROIDES, automates à figure humaine. pas le moyen de le nourrir. Lève-loi,
Voy. MÉCANIQUE et ALBERT LE GRAND. ajoutait-il. L'âne n'en laisait rien. Ce que
ANE. Les Égyptiens traçaient son image voyant, le maître annonçait que le soudan
sur les gâteaux qu'ils offraient à Typhon avait fait crier à son de trompe que le peuple
dieu du mal. Les Romains regardaient la reii- eût à se trouver le lendemain hors de la ville
contre de l'âne comme ùn mauvais présage. du Kaire, pour y voir de grandes magnificen-
Mais cet animal était honoré dans l'Arabie. ces. II veut poursuivait-il, que les plus
Certains peuples trouvaient quelque chose nobles dames soient montées sur des.ânès.
de mystérieux dans cette innocente bêle et l– L'âne se levait à ces mots dressant la
oji pratiquait autrefois une divination dans tête et les oreilles en signe de joie. 11est
laquelle on employait une tête d'âne. Voy. vrai reprenait le bateleur que le gouver-
KÉPHALONOMANCIE. neur de mon quartier m'a prié de lui prêter
Ce n'est pas ici le lieu de parler de la fêle le mien pour sa femme qui est une vieille
oe l'âne. Mais relirons une croyance popu- roupilleuse édenlée.
laire qui fait de la croix nôir.e qu'il porte sur L'âne baissait aussitôt les oreilles et com-
le dos une distinction accordée à l'espèce, à mençait à clocher, comme s'il eût été boi-
cause de l'ânesse de Bethphagé. C'est un fait teux (2).
singulier. Mais Pline, qui était presque con- Ces âncs-merveill_eux disent les démono-
temporain, de Ï'ânesse qui porta Noire-Sei- graphes, étaient, sinon des démons, au moins
gneur et qui a rassemblé avec soin tout ce des hommes métamorphosés comme Apulée,
qui concerne l'âne, ne parle d'aucune révolu- qui fut ainsi qu'on sait transmué en âne.
tion survenue dans la distribution de la cou- Vincent de Beauvais (3) raconte la légende de
leur ci du poil de cet animal. On peut donc deux femmes qui tenaient une petite au-
croire que les, ânes ont toujours porté cette berge auprès de Rome, et qui allaient vendre
marque.
1) Saint-Foix,t. II des Essaissur Paris.
jl) Wïerus,in Pseudomov daemon. (2) Leon Africanus,part. 8 della Africa, cité dans Le»
(2) Démonomauie," liv. IV, cli. îv.Tableau de l'incon- loyer.
stance,etc., liv. ft, dise.4. (5) In Specul.nalur., lib. III, cap. cix.
9S ANC ANG s*.
leurs hôtes au marché après les avoir chan- terre, comme les anges le louaient dans lu'
gés en cochons de lait, en poulets en mou- ciel. Il leur demanda ensuite s'ils savaient
tops.. Uned'elles, ajoutc-l-il transforma un le nom de toutes les créatures ? Ils répondi-
comédjen en 'âne et, comme il 'conservait rent que non et Adam, qui parut aussitôt
ses talents sous sa nouvelle peau, ellele me- les récita tous sans hésiter ce qui les con-
nait dans
dans les foires
foires des
dès environs, où où ilit tni
lui ga.
ga- fondit.
gnait beaucoup d'argent. Un voisin acheta L'Ecriture sainte a conservé quelquefois
très-cher cet âne savant. En le lui livrant, la aux démons le nom d'anges mais anges de
sorcière se borna à lui recommander de ne ténèbres, anges déchus ou mauvais anges.
pas le laisser entrer dans l'eau, ce que le Leur chef est appelé le grand dragon et l'an-
nouveau maître de l'âne observa quelque cien serpent à cause de la forme qu'il prit
temps. Majs'un jour le pauvre animal, ayant pour tenter la femme.
trouve moyen de rompre son licou, se jeta Zoroastre enseignait l'existence d'un nom-
dans un lac ou il reprit sa formé naturelle, bre infini d'anges ou d'esprits médiateurs
au gr.and élonnement de so'n .conducteur. auxquels il attribuait non-seulement un
L'affaire, dit le conte, fut portée au juge, qui pouvoir d'intercession subordonné la pro-
fit châtier les deux sorcières. vidence continuelle de Dieu mais un pou-
Les rabbins font très-grand cas de l'ânessc voir aussi absolu que celui que les païens
de Balaam. C'est disent-ils., un animal pri- prêtaient à leurs dieux (2). C'est le culte
vilégié que Dieu forma à la fin du sixième rendu à des dieux secondaires que saint Paul
jour. Abraham 'se servit d'elle 'pour porter a condamné (3).
le bois destiné au sacrifice d'Isaac elle Les musulmans croient que les hommes
porta ensuite la femme et le fils de Moïse ont chacun deux anges gardiens dont l'un
dans le désert. Ils assurent que cette ânesso écrit te bien qu'ils font, et l'autre, le mal. Ces
est soigneusement nourrie et réservée dans anges sont si bons, ajoutent-ilr., que, quand
un lieu secret jusqu'à l'avénement du Mes- celui qui est sous leur garde fait une mau-
sie juif, qui doit la monter pour soumettre vaise action ils le laissent dormir avant de
toute la terre. Voy. Borack'. l'enregisirer, espérant qu'il pourra se repen-
ANGAT. Nom du d'iable à Madagascar, où tir à son réveil.
il est regardé comme un génie sanguinaire Les Persans donnent à chaque homme cinq
et cruel. On lui donne la figure du serpent. anges gardiens qui sont placés le premier
ANGELIERI, Sicilien du dix-septième siè- à'sa droite pour écrire ses bonnes actions, le
cle j qui n'est connu que par un fatras dont second à sa gauche pour écrire les mauvai-
il publia deux volumes, él. dontil en promet- ses, le troisième devant lui pour le conduire,
tait vingt-quatre, sous le titre de Lumière le quatrième derrière pour le garantir des
magique, ou origine, ordre et gouvernement démons et le cinquième devant son front
de toutes les choses célestes, terrestres et in- pour tenir son esprit élevé vers le prophète.
fernales, etc. (1'). Mongitore en parle dans le D'autres en ce pays portent le nombre des >,
tome I" de sa Bibliothèque sicilienne. anges gardiens jusqu'à cent soixante.
ANGÉLIQUE plante qui passe pour un Les Siamois divisent les anges en sept or-
préservatif contre les fascinations de la nia- dres, et les chargent de la garde dos, planètes,
gie. On la mettait en manière d'amulette au des villes, des personnes. Us disent que c'est
cou des petits enfants pour les garantir des pendant qu'on éternue que les mauvais an-
maléfices. ges écrivent les fautes des hommes.
ANGERBODE ou ANGURBODE, femme gi- Les théologiens admettent neuf chœurs
gantesque qui se maria avec le diable, selon d'anges, en trois hiérarchies les séraphins,
l'opinion des Scandinaves et qui enfanta les chérubins, les trônes; les domina-
trois monstres le loup Fenris 'le serpent tions, les principautés, les vertus des cieux;
Jormungahdur et la démone Héla, qui garde les puissances, les archanges et les anges.
le monde souterrain. Parce que des anges, en certaines occa-
ANGES. Les Juifs, à l'exception des sadu- sions où Dieu l'a voulu, ont secouru les Juifs
céens, admettaient et honoraient tes anges contre leurs ennemis, les peuples modernes
en qui ils voyaient, comme nous des sub- ont quelquefois attendu le même prodige. Lo
stances spirituelles, intelligentes, et les pre- jour de la prise de Constantinople par Ma-
mières en dignité entre les créatures. homet H, les Grecs schismatiques comptant
Les rabbins qui depuis la dispersion ont sur la prophétie d'un de leurs moines, se per-
tout altéré, et qui placent la création des an- suadaient que les Turcs n'entreraient pas
ges au second jour, ajoutent qu'ayant été ap- dans la ville, mais qu'ils seraient arrêtés aux
pelés au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut for- murailles par un ange armé d'un glaive, qui
mer l'homme, leurs avis furent partagés, et les chasserait et les repousserait jusqu'aux
que Dieu fit Adam à leur insu pour éviter-r frontières de la Perse. Quand l'ennemi parut
leurs murmures. Ils reprochèrent néanmoins sur la brèche le peuple et l'armée se réfu-
à Dieu d'avoir donné trop d'empire à Adam. gièrent dans le temple de Sainte-Sophie, sans
Dieu soutint l'excellence de son ouvrage avoir perdu tout espoir: mais l'ange n'arriva
parce que l'homme devait le louer sur la pas, et la. ville fut saccagée.
(1) Lux magica academica,cœlestium, terresuium et nise, 1687.Cesdeux vol.sont in-4°.
infernorumorigo, ordo et iiiborilinatiocunctorunlquôad 2) Bergier, Dictionnairethéologique.
esse, fieri et operari, XXIVvoluminibusdivisa. Pars 1, (3) Coloss.,cap.h, vers. 18.
Teuise,1686, sous le nom de Livio Betani; pars 2, Ve-
J95 ACTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. «6
cardan raconte qu'un jour qu'il était à par reconnaissance, ou par suite des doc-
Milan, le bruit se répandit tout à coup qu'il y trines de la métempsycose. Chaque dieu
avait un ange dans les airs au-dessus de la avait uu animal qui lui était dévoué. Les
ville. Il accourut et vit, ainsi que deux mille anciens philosophes avaient parfois au su-
personnes rassemblées, un ange qui planait jet des animaux, de singulières idées. Celse,
dans les nuages armé d'une longue épée et qui a été si bien battu par Origène soute-
les ailes étendues. Les habitants s'écriaient nait très-sérieusement que les animaux ont
que c'était l'ange exterminateur; et la con- plus de raison, plus de sagesse, plus de vertu
sternation devenait générale lorsqu'un ju- que l'homme (peut-être jugeait-il d'après lui-
risconsulte fit remarquer que ce qu'on voyait même), et qu'ils sont dans un commerce plus
n'était que la représentation qui se faisait intime avec la Divinité. Quelques-uns ont
dans les nuées d'un ange de marbre blanc cherché dans de telles idées, l'origine du culte
Saint-Gothard. que les Egyptiens rendaient à plusieurs ani-
placé au haut du clocher de maux..Mais d'autres mythologues vous diront
Vov. Armées PRODIGIEUSES.
ÂNGEWEILLER. Voy. FÉES. que ces animaux étaient révérés, parce qu'ils
ANGUEKKOK, espèce de sorcier auquel les avaient prêté leur peau aux dieux égyp-
Groenlandais ont recours dans tous leurs tiens en déroute et obligés à se travestir.
embarras. Ainsi, quand les veaux marins ne Voy, AME DES BÊTES.
se montrent pas en assez grand nombre on Divers animaux sont très-réputés dans la
va prier l'anguekkok d'aller trouver la femme sorcellerie comme le coq le chat le cra-
prodigieuse qui, selon la tradition, a traîné paud, le bouc, le loup le chien ou parce
la grande île de Disco, de la rivière de Baal., qu'ils accompagnent les sorcières au sabbat,
où elle était située autrefois pour la placer ou pour les présages qu'ils donnent, ou parce
à plus" de cent lieues de là, à l'endroit où elle que les magiciens et les démons empruntent
se trouve aujourd'hui. D'après la légende, leurs formes. Nous en parlerons à leurs ar-
cette femme habite au fond de la mer, dans ticles particuliers.
une vaste'maison gardée par les veaux ma- Dix animaux sont admis dans le paradis de
rins des oiseaux de mer nagent dans sa Mahomet la baleine de Jonas, la fourmi de
lampe d'huile de poisson et les habitants de Salomon, le bélier d'Ismaël, le veau d'Abra-
l'abîme se réunissent autour d'elle attirés ham, l'âne d'Aasis reine de Saba la cha-
par son éclat, sans pouvoir la quitter, jusqu'à melle du prophète Saleh le bœuf de Moïse,
ce que l'anguekkok la saisisse par les che- te chien des sept dormants le coucou de
veux, et lui enlevant sa coiffure rompe le- Belkis et l'âne de Mahomet. Voy. Borack.
charme qui les retenait auprès d'elle. Nous ne dirons qu'un mot d'une erreur
Quand un Groenlandais tombe malade, c'est populaire qui aujourd'hui, n'est plus très-
encore l'anguekkok qui lui sert de médecin enracinée. On croyait autrefois que toutes
il se charge également de guérir les maux du les espèces qui sont sur la terre se trouvaient
corps et ceux de l'âme (1). Voyez Torngar- aussi dans la mer. Le docteur Brown a prouvé
sur. que cette opinion n'était pas fondée. « II se-
ANGUILLE. Les livres de secrets mer- rait bien difficile, dit-il, de trouver l'hultre sur
veilleux donnent à l'anguille des vertus sur- la terré et la panthère le chameau la
prenantes. Si on la laisse mourir hors de l'eau, taupe ne se rencontrent pas dans l'histoire
qu'on mette ensuite son corps entier dans du naturelle des poissons. D'ailleurs le renard,
fort vinaigre mêlé avec du sang de vautour, le chien l'âne le lièvre de mer ne ressem-
et qu'on place le tout sous du fumier, cette blent pas aux animaux terrestres qui portent
composition « fera ressusciter tout ce qui lui le même nom. Le cheval marin n'est pas plus
sera présenté, et lui redonnera la vie comme un cheval qu'un aigle le bœuf de mer n'est
auparavant (2). » qu'une grosse raie le lion marin, une espèce
Des autorités de la même force disent en- d'écrevisse; et le chien marin ne représente
core que celui qui mange le cœur tout chaud pas plus le chien de terre que celui-ci ne res-
d'une anguille sera saisi d'un instinct pro- semble à l'étoile Sirius qu'on appelle aussi
phétique, et prédira les choses futures. le chien (4). »
Les Egyptiens adoraient l'anguille, que II serait long et hors de propos de rappor-
leurs prêtres seuls avaient droit de manger. ter ici toutes les bizarreries que l'esprit hu-
On a beaucoup parlé, dans le dernier siècle, main a enfantées par rapport aux animaux.
des anguilles formées de farine ou de jus de Voy. BÊTES, etc.
mouton c'était une de ces plaisanteries qu'on ANJORRAND. Voy. Denis.
appelle aujourd'hui un canard. ANNEAU. Il y avait autrefois beaucoup
N'oublions pas le petit trait d'un avare, d'anneaux enchantés ou chargés d'amulettes.
rapporté par Guillaume de Malmesbury, Les magiciens faisaient des anneaux constel-
doyen d'Elgin dans la province de Murray lés avec lesquels on opérait des mèrveilles.
en Ecosse, lequel avare fut, par magie, changé Voy. ELÉAZAR. Cette croyance était si ré-
en anguille et mis en matelolte (3). pandue chez les païens, que leurs prêtres ne
ANIMAUX. Ils jouent un grand rôle pouvaient porter d'anneaux à moins qu'ils
dans les anciennes mythologies. Les païens ne fussent si simples qu'il était évident qu'ils
en adoraient plusieurs ou par terreur, ou ne contenaient pas d'amulettes (5).

(1) Expéditiondu capitaine Graahdans le Groenland. t. I, p. 523.


(2) AdmirablesSecretsd'Albert Ip.Grand,liv. Il, ch. m. (4) Brown,Des Erreurs populaires,liv. III, ch. xnr.
13) Cité par 41.Salgues. DesErreurs et des Préjugés, (5) Aulu-Gelle,lib. X, cap. xxv.
97 ANC ANG 98
Les anneaux magiques devinrent aussi de lés Je'sus passant t ait milieu d'eux f s'en
quelque usage chez les chrétiens, et même alla (2) puis, ayant posé le tout sur une pla-
beaucoup de superstitions se rattachèrent au que de mercure fixé on fera le parfum do
simple anneau d'alliance. On croyait qu'il y Mercure; on enveloppera l'anneau dans un
avait dans le quatrième doigt qu'on appela taffetas de la couleur convenable à la planète,
spécialement doigt annulaire ou doigt destiné on le portera dans le nid de la huppe d'où
à l'anneau, une ligne qui répondait directe- l'on a lire la piérre, on l'y laissera neuf jours
ment au cœur on recommanda donc de met- et quand on le retirera, on fera encore le par-
tre l'anneau d'alliance à ce seul doigt. Le fum comme la première fois; puis on le gar-
moment où le mari donne l'anneau à sa jeune dera dans une petite boite faite avec du mer-
épouse devant le prêtre ce moment dit un cure fixé, pour s'en servir à l'occasion. Alors
vieux livre de secrets est de la plus haute on mettra la bague à son doigt. En tournant
importance. Si le mari arrête l'anneau à l'en- la pierre au dehors de la main, elle a la vertu
trée du doigt et ne passe pas la seconde join- de rendre invisible aux yeux des assistants
ture, la femme sera maîtresse; mais s'il en- celui qui la porte; et quand on veut être vu,
fonce l'anneau jusqu'à l'origine du doigt, il il suffit de rentrer la pierre en dedans de la
sera chef et souverain. Cette idée est encore main, que l'on ferme en forme de poing.
en vigueur, et les jeunes mariées ont géné- Porphyre, Jamblique, Pierre d'Apone et
ralement soin de courber le doigt annulaire Agrippa, ou du moins les livres de secrets
au moment où elles reçoivent 1 anneau de' qui leur sont attribués, soutiennent qu'un an-
manière à l'arrêter avant la seconde jointure. neau fait de la manière suivante a la même
Les Anglaises qui observent la même su- propriété. H faut prendre des poils qui sont
perstition, font le plus grand cas de l'anneau au-dessus de la tête de la hyène, et en faire
d'alliance à cause de ses propriétés. Elles de petites tresses,avec lesquelles on fabrique
croient qu'en mettant un de ces anneaux dans un anneau, qu'on porte aussi dans le nid de
un bonnet de nuit, et plaçant le tout sous leur la huppe. On le laisse là neuf jours; on le
chevet elles verront en songe le mari qui passe ensuite dans des parfums préparés sous
leur est destiné.' les auspices de Mercure (planète). On s'en
LesOrientaux révèrcntlesanncauxclles ba- sert comme de l'autre anneau, excepté qu'on
gues, elcioienlaux anneaux cnchanlés. Leurs l'ôte absolument du doigt quand on ne veut
contes sont pleins de prodiges opérés par ces plus être invisible.
anneaux.Ils citent surtout,avec uneadmiration Si, d'un autre côté, on veut se précaution-
sans bornes, l'anneau de S alomon, par la force ner contre- l'effet de ces anneaux cabalisti-
duquel ce prince commandait à toute la nature. ques, on aura une bague faite de plomb.raf-
Le grand nom de Dieu est gravé sur cette finé et purgé; on enchâssera dans te chaton
bague, qui est gardée par des dragons, dans un œil de jeune belette qui n'aura porté des
le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui petits qu'une fois; sur le contour on gravera
s'emparerait de cet anneau, serait maître du les paroles suivantes Apparuit Dominus Si-
monde et aurait tous les génies à ses ordres. moni. Cette bague se fera un samedi, lors-
Voy. Sakhar. A défaut de ce talisman pro- qu'on connaîtra que Saturne est en opposi-
digieux, ils achètent à des magiciens des an- tion avec Mercure. On l'enveloppera dans'
neaux qui produisent aussi des merveilles. un morceau de linceul mortuaire qui ait en-
Henri V11I bénissait des anneaux d'or, qui veloppé un mort; on l'y.laissera neuf jours
avaient, disail-il, la propriété de guérir de la puis, l'ayant retirée, on fera trois fois le
crampe (1). parfum de Saturne, et on s'en servira.
Les faiseurs de secrets ont inventé des ba- Ceux qui ont imaginé ces anneaux ont rai-
gues magiques qui ont plusieurs vertus. Leurs sonné sur le principe de l'antipathie qu'ils
livres parlent de Vanneau des voyageurs. Cet supposaient entre les matières qui les com-
anneau, dont le secret n'est pas bien certain, posent. Rien n'est plus antipathique à la
donnait à celui qui le portait le moyen d'aller hyène que la belette et Saturne rétrograde,
sans fatigue de Paris à Orléans, et de revenir presque toujours à Mercure; ou, lorsqu'ils.
d'Orléans à Paris dans la même journée. se rencontrent dans le domicile de quelques
Mais on n'a pas perdu le secret de l'anneau signes du zodiaque, c'est toujours un aspect
d'invisibilité. Les cabalistes ont laissé la ma- funeste et de mauvais augure (3).
nière de faire cet anneau, qui plaça Gygès au On peut faire d'autres anneaux sous l'in-
trône de Lydie. Il faut entreprendre cette opé- fluence des planètes, et leur donner des ver-
ration un mercredi de printemps sous les tus au moyen de pierres et d'herbes mer-
auspices de Mercure, lorsque cette planète veilleuses. « Mais dans ces caractères, her-
se trouve en conjonction avec une des autres bes cueillies, constellations et charmes, le
planètes favorables, comme la Lune, Jupiter, diable se coule, comme dit Leloyer, quand
Vénus et le Soleil. Que l'on ait de bon mer- ce n'est;pas simplement le démon de la gros-
cure fixé et purifié; on en formera une bague sière imposture. « Ceux qui observent les
où puisse entrer facilement lé doigt du mi- heures des astres, ajoute-t-il, n'observent
lieu on enchâssera dans le chaton une petite que les heures des démons qui président aux
pierre que l'on trouve dans le nid de la huppe, pierres, aux herbes et aux astres mêmes. »
et on gravera autour de la bague ces paro- Et il est de fait que ce ne sont ni des
(1) Misson,Voyaged'Italie, t. III, p. 16,à la marge. (3) Petit Albert.
(2) Siiut Luc, cb. iy, versei30.
99 DICTIONNAIKEDES SCIENCES OCCULTES. 100
saintsa ni des cœurs hônnéles qui se mêlent
cnînf vous vous en allâtes sans payer, acquittez le
de ces superstitions. passé, et je vous ferai crédit du présent.
ANNEBERG, démo.n des mines; il tua Lé préjugé des années climalériques sub-
un jour de soii souffle douze ouvriers qui siste encore, quoiqu'on en ail à peu. près
travaillaient à une mine d'argent dorit il démontré l'absurdité. Auguste écrivait à son
avait la garde. C'est un démon méchant; ran- neveu Caïus, pour l'engager à célébrer le
cunier et terrible. Il se montre surtout en jour de sa naissance, attendu qu'il avait
Allemagne; on dit qu'il a la figure d'un che- passé la soixante-troisième année, qui est
val, avec un cou immense et des yeux ef- cette grande climnlériquc si redoutable pour
froyables (1). j. les humains. Beaucoup de personnes crai-
ANNÉE. -Plusieurs peuples ont célébré, gnent encore l'année climatérique cepen-
par des cérémonies plus ou moins singuliè- dant une foule de relevés prouvent qu'il ne
res, le retour du nouvel an. Chez les Perses, meurt pas plus d'hommes dans la soixante-
un jeune homme s'approchait du prince et troisième année que dans les années qui là
lui faisait des offrandes, en disant qu'il lui précèdent. Mais un préjugé se détruit avec
apportait la nouvelle année de la part de Dieu. peine. Selon ces idées, que Pylhagorc fit
Chez nous, on donne encore des élrennes. naître par ses singulières rêveries sur les
Les Gaulois commençaient l'année par la nombres, notre tempérament éprouve tous les
cérémonie du gui de chêne, qu'ils appelaient sept ans une révolution complète. Quelques-
le gui de l'an neuf ou du nouvel an. Les drui- uns disent même qu'il se renouvelle entière-
des, accompagnés du peuple, allaient dans ment. D'autres prétendent que' ce renou-
une forêt, dressaient autour du plus beau vellement n'a' lieu que tous les neuf ans
chêne un autel triangulaire de gazon, et gra- aussi les années climalériques se comptent
vaient sur le tronc et sur les deux plus gros- par sept et par neuf. Quarante-neuf et qua-
ses branches de l'arbre révéré les noms des tre-vingt-un sont Uesannées très-importantes,'
dieux qu'ils croyaient les plus puissants (lisent les partisans de cette doctrine; mais
Theutalès, Uésus, Taranis, Belenus. Ensuite soixante-trois est l'année la plus fatale, pane
l'un d'eux, vêtu d'une blanche tunique; cou- que c'est la multiplication de sept par neuf.
pait le gui avec une serpe d'or; deux autres Un Normand disait Encore un des miens
druides étaient là pour "le recevoir dans un pendu à quarante-neuf ans 1 et qu'on dise
linge et prendre garde qu'il ne louchât la qu'il ne faut pas se méfier des années clima-
terre. Ils distribuaient l'eau où ils faisaient lériques 1
tremper ce nouveau gui, et persuadaient au a On ne doit pourtant pas porter trop loin,
peuple qu'elle guérissait plusieurs maladies dit M. Salgues, le mépris de la période septé-
et qu'elle était efficace contre les sortilè- naire, qui marque en effet tes progrès du dé-
ges (2). veloppement et de l'accroissement du corps
On appelle année platonique un espace de humain. Ainsi, généralement, « les dénis de
temps à la fin duquel tout doit se retrouver l'enfance tombent à sept ans, la puberté se
à la même place (3). Les uns comptent seize manifeste à quatorze, le corps cesse de croî-
mille ans pour cette révolution d'autres tre à vingt-un. » Mais cette observation
trente -six mille. Il y en eut aussi qui n'est pas complètement exacte.
croyaient anciennement qu'au bout de cette ANNIUS DE VIÏERBE (Jean Nanni),– sa-
période, le monde serait renouvelé, et que les vant ecclésiastique, né à Viterbe-en 14S2. Il
âmes rentreraient dans leurs corps pour a publié une collection de manuscrits attri-
commencer une nouvelle vie semblable à la bués à Bérose à Fabius Pictor à Caton, à
précédente. On conte là-dessus cette petite Archiloque,à Manéthon, etc., et connus sous
anecdote le uomd' Antiquités d 'Annius. Ce recueil a peu
lieuxAllemands, arrêtés dans une auberge de crédit. On prétend qu'il contient beaucoup
de Châlons-sur-Marne, amenèrent la con- de fables; mais plusieurs de ces fables sont
versation sur cette grande année platonique d'antiques légendes.
où toutes les choses doivent retournera à leur On doit encore à Annius un Traité do
premier état; ils voulurent persuader au l'empire des Turcs, et un livre des Futurs
maître du logis qu'il n'y avait rien de si vrai triomphes des chrétiens sur les Turcs et les
que cette révolution; «.de sorte, disaient-ils,, Sarrasins etc. Ces deux ouvrages sont des
que, dans seize mille ans d'ici, nous serons explications de l'Apocalypse. L'auteur pense
à boire chez vous à pareille heure et dans que Mahomet est l'antechrist, et que la fin du
Celle même chambre. » monde aura lieu quand le peuple des sainls
Là-dessus, ayant très-peu d'argent, en (ies chrétiens) aura soumis entièrement les
vrais Allemands qu'ils étaient, ils prièrent Juifs et les mahométans.
l'hôte de leur faire crédit jusque-là. ANOCCHIATURA, fascination involon
Le cabaretier champenois leur répondit taire qui s'exerce, soit par les yeux, soit p.i.'
qu'il te voulait bien. Mais, ajouta-l-il, les paroles selon les croyances populaire;
parce qu'il y a seize mille ans jour pour jour, des Corses mais dans un sens très-bizarre,
heure pour heure, que vous étiez pareille- les puissances mystérieuses qui président à
mont à boire ici, comme vous faites, et que l'anocchialura ayant la singulière habitude
(J) Wierus, De Pries! lib. I, cap. xxh. année. Cicéron,dansun passagede son Hnriensius,con-
(2j Saint-Foix,Essais,eic, I. II. servé par Servius, laitcette grande année de douzeniillii
disaientque les corps célestesscu.e-
(3) .0uh1<|UCS-uiis neuf cent cinquante-quatredes nôtres.
uientse relrouvcraioLiau niêuicpointau b'ouldela grande
iOI ANT ANT 102
d'exécuter le contraire de ce qu'on souhaite. comberaient, si le temps n'en était abrège en
Aussi, dans la crainte de fasciner les enfants, leur faveur.; car il sesdonnera pour le Messie
en leur adressant des bénédictions ou des et fera des prodiges capables d'induire en er-
éloges le peuple qui leur veut du bien le reur les élus mêmes.
leur prouve par des injures et des souhaits Lcloyer (4) rapporte cette opinion popu-
d'autant plus favorables qu'ils sont plus af- laire, que les démons souterrains ne gardent
freusement exprimés (1). que pour lui les trésors cachés; au moyeu
ANP1EL, l'un des anges que les rabbins desquels il pourra séduire les peuples; et sa
chargent du gouvernement des oiseaux; car persécution sera d'autant plus redoutable.
ils mettent chaque espèce créée sous la pro- qu'il ne manquera d'aucun moyen de séduire
tection d'un bu de plusieurs anges. et agira beaucoup plus parla corruption que
ANSELME DE PARME, astrologue, né par la violence brutale. C'est à .cause des
à Parme, où il mourut en 1440. Il avait écrit miracles qu'il doit faire que plusieurs l'ap-
des Institutions astrologiques qui n'ont pas pellent le singe de Dieu.
été imprimées. Wierus (2) et quelques démo- L'Antéchrist aura beaucoup de précurseurs;
nographes le mettent au nombre des sorciers. il viendra peu de temps avant la fin du monde.
Des charlatans, qui guérissaient lés plaiesau Saint Jérôme dit que ce sera un homme fils
moyen de paroles mystérieuses que l'on pré- d'un démon. D'autres ont pensé que ce serait
tend inventées par lui, ont pris le nom d'an- un démon revêtu d'une chair apparente et
selniist.es et, pour mieux en imposer, ils,se fantastique. Mais, suivant saint Irénée, saint
vantaient de tenir leur. vertu de guérir, non Ambroise,sa1ntAugustin,.cl plusieurs autres
d'Anselme de Parme, mais de saint Anselme Pères, l'Antechrist doit être un homme de la
de Cantorbéry. même nature que tous les autres,-de qui il ne
ANSUPEROMIN, sorcier des environs différera que par une màlice et une impiété
de Saint-Jean-de-Luz, qui, selon des infor- dignes de t'enfer.
mations prises sousHenrilV par le conseiller Il sera Juif, et de la tribu de Dan, selon
Pierre Delancre (3), fut vu plusieurs fois au Malvenda (5), qui appuie son sentiment sur
sabbat,, à cheval, sur un démon qui avait ces paroles de Jacob mourant à ses fils
forme de bo.uc et jouant de.la flûte pour la Dan est un serpent dans le sentier (6); sur
danse des sorcières. Voy. Boucs. celles-ci de Jérémie Les armées de Dan dé-
ANT7EUS. II y a,, comme dit Boguet, voreront la terre; ^elsur le chapitre 7 do
des familles où il se trouve toujours quel- l' Apocalypse, où saint Jean a omis la tribu de
qu'un qui devient loup-garou. Ëvanthes, et Dan dans l'énumération qu'il fait des autres
après lui Pline, rapportent que dans la race tribus.
d'un certain Anlhaeus, Arcadien, on choisis- L'Antechrist sera toujours en guerre il1
sait par le sort un homme que l'on condui- fera des miracles qui étonneront la tecre; il
sait près d'un étang. Là, il se dépouillait, persécutera les justes et, comme lé diable
pendaitses habits àuu .chêne; et, après avoir marque déjà ses sujets, il marquera aùssi les
passé l'eau à la nage, s'enfuyait dans un dé- siens d'un signe au front ou à là main (7). »
sert où, transformé en loup, il vivait et con- Elie et Enoch viendront enfin, suivant
versait avec les loups pendant neuf ans. Il Malvenda, et convertiront tes Juifs. L'Anté-
fallait que durant ce temps il ne vit point christ leur fera donner 'la mort qu'ils n'ont
d'hommes autrement le cours des neuf ans pas encore, reçue, et qu'ils ne doivent rece-
eût recommencé. Au bout de ce terme il re- voir que de lui. Alors Jésus-Christ, Notre-
tournait vers le même étang, le traversait à la Seigueur, descendra des cieux et tuera .l'An-
nage et rentrait chez lui, où il ne se trouvait techrist avec l'épée à deux tranchants qui
pas plus âgé que le jour de sa transmutation sortira de sa bouche.
eh. loup le temps qu'il avait passé sous cette Quelques-uns prétendent que le règne oo
forme ne faisant pas compte dans le nombre l'Antéchrist durera cinquante ans ;.d'aulres,
des années de sa vie. qu'il ne durera que Uois ans et demi; après
ANTAMTAPP, enfer des Indiens, plein de quoi les anges feront entendre les trompettes
chiens enragés et d'insectes féroces. On.y est du dernier jugement.
co.uché sur des branches d'épines et conti- Le mot de passe des sectateurs de l'Ante-
nuellement caressé par des corbeaux qui ont christ sera, dit Boguet Je renie le baptême.
des becs de fer. Les Brames .disent que les Ce qui est assez grotesque, assurément,
supplices de cet enfer sont éternels. c'est que les protestants, ces précurseurs de
ANTECHRIST. Par Antéchrist on entend l'Antéchrist, donnent le nom,d'Antechrist au
ordinairement un tyran impie et cruel, en- pape, comme les larrons qui crient au voleur
nemi de Jésus-Christ. II. doit .régner s.ur la pour détourner d'eux les recherches. Voy.
terre lorsque le monde approchera de sa fin. Abdeel. •
Los persécutions qu'il exercera contre tes Pendant un moment, dans le peuple, on a
élus seront la dernière et la plus terrible craint que Napoléon ne fût l'Antéchrist, Nous
épreuve qu'ils auront à subir et même mentionnons celle petite circonstance comme
Notre-Seigneur a déclaré que les élus y suc- un simple fait.
(t) P. Mérimée, Colomba. (5) Dansun long'et curieux ouvrage en 13alivres sur
(2)Trilibroapologetico. f Autccliristr,Ral>ân-JIaur,auneuvièmesiècle, fait aussi
(3) Tableau de l'incbnsiancedes démons ,n. III un livre sur la Vic et les mœursde l'Antéchrist.
dise. i. (6) Genèse, cl),xlix.
(i) Discoursdesspectres, liv. IV, ch. xv. (7) Bojjuet.Discoursdes sorciers,et),t.
105 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. iOl
Le troisième traité de l'Histoire des trois ANTIDE. Une vieille tradition populaire
possédées de Flandre par Sébastien Mi- rapporte que saint Antide, évêque de Besan-
chaëlis, donne des éclaircissements sur l'An- çon, vit un jour dans la campagne un démon
techrist, d'après .les dires des démons exor- fort maigre et fort laid, qui se vantait d'avoir
cisés. « Il sera méchant comme un' enragé. porté le trouble dans l'église de Rome. Le
Jamais si méchante créature ne fut sur terre. saint appela le démon, le fit mettre à quatre
Il fera des chrétiens ce qu'on fait en enf.r r pattes, lui sauta sur le dos, se fit par lui
des âmes;ce ne serapas un martyre humain, transporter à Rome, répara le dégât dont
mais un martyre inhumain. Il aura une foule l'ange déchu se montrait si fier, et s'en revint
de noms de synagogue; il se fera porter par en son diocèse par la même voiture (1).
les airs quand il voudra Belzébul sera ANTIOCHUS, moine deSéba, qui vivait au
son père. » commencement du septième siècle. Dans ses
Une sorcière, qui avait des visions, dé- 190 homélies, intitulées Pandectes des divines
clara que l'Antechrist parlerait en nais- Ecritures, la 8i.e de Insomniis, roule sur les
sant toutes sortes de langues, qu'il aurait des visions et les songes (2).
griffes au lieu de pieds et ne porterait ANTIPATHIE. Les astrologues prétendent
pas de pantoufles; que Belzébut, son père, que ce sentiment d'opposition qu'on ressent
se montrera à ses côtés sous la figure pour une personne ou pour une chose est
d'un oiseau à quatre pattes, avec une queue, produit par les astres. Ainsi deux personnes
une tête de bœuf très-plaie, des cornes, et, nées sous le même aspect auront un désir
un poil noir assez rude; qu'il marquera les mutuel de se rapprocher, et s'aimeront sans
siens d'un cachet qui» représentera cette gra- savoir pourquoi de même que d'autres se
cieuse figure en petit. haïront sans motif, parce qu'ils seront nés
Nous pourrions citer beaucoup de choses sous des conjonctions opposées. Mais com-
pareilles sur l'Antechrist; mais les détails ment expliqueront-ils les antipathies que les
burlesques et les plaisanteries ne vont qu'à grands hommes ont eues pour les choses tes
moitié dans une pareille matière; et peut- plus communes? on en cite un grand nombre
être faut-il demander pardon au lecteur de auxquelles on ne peut rien comprendre.
leur avoir déjà donné trop de place. Lamothe-Levayer ne pouvait souffrir le son
On a raillé l'abbé Fiard, qui regardait d'aucun instrument, et goûtait le plus vif
Voltaire et les encyclopédistes comme des plaisir au bruit du tonnerre. César n'enten-
précurseurs de l'Aulechrist. Il est possible dait pas le chant du coq sans frissonner. Le
que lesTailleurs aient tort. chancelier Bacon tombait en défaillance-
ANTESSER, démon. Voy. BLOKULA. toutes les fois qu'il y avait une éclipse de
ANTHROPOMANCIE, divination par l'ins- lune. Marie de Médicis ne pouvait supporter
pection des entrailles d'hommes ou de femmes la vue d'une rosé, pas même en peinture, et
éventrés. Cet horrible usage était très-an- elle aimait toute autre sorte de fleurs. Le
cien. Hérodote dit que Ménélas, retenu en cardinal Henri de Cardonne éprouvait la
Egypte par les vents contraires, sacrifia à sa même aversion, et tombait en syncope"lors-
barbare curiosité deux enfants du pays, et qu'il sentait l'odeur des roses. Le maréchal
chercha à -savoir ses destinées dans leurs d'Albret se trouvait mal dans un repas où
entrailles. Héliogabale pratiquait cette divi- l'on servait un marcassin ou un cochon de
nation. Julien l'Apostat, dans ses opérations lait. Henri III ne pouvait rester seul dans
magiques et dans ses sacrifices nocturnes, une chambre où il y avait un chat. Le maré-
faisait tuer, dit-on un grand nombre d'en- chal de Schomberg avait la même faiblesse.
fants pour consulter leurs entrailles. Dans Ladislas, roi do Pologne, se troublait et pre-
sa dernière expédition, étant à Carra en Mé- nait la fuite quand il voyait des pommes.
sopotamie, il s'enferma dans le temple de la Scaliger frémissait à l'aspect du cresson
Lune; et, après avoir fait ce qu'il voulut avec Erasme ne pouvait sentir lo poisson san?
les complices de son impiété, il scella les avoir la fièvre. Tycho-Brahé défaillait à la
portes, et y posa une garde qui ne devait rencontre d'un lièvre ou d'un renard. Le duc
être levée qu'à son retour. Il fut tué dans la d'Epernon s'évanouissait à la vue d'un le-
bataille qu il livra. aux Perses, et ceux qui vraut. Cardan ne pouvait souffrir les œufs;
entrèrent dans le temple de Carra, sous le le poëte Arioste, les bains le fils de Crassus,
règne de Jovien; son successeur, y trouvè- le pain César de Lescalle, le son de la
rent une femme pendue par les cheveux, les vielle.
mains étendues, le ventre ouvert et le foie On trouve souvent la cause de ces antipa-
arraché. thies dans les premières-sensations de l'en-
ANTHROPOPHAGES. Le livre attribué à fance. Une dame qui aimait beaucoup les
Enoch dit que les géants nés du commerce tableaux et les gravures s'évanouissait lors-
des anges avec les filles des hommes furent qu'elle en trouvait dans un livre; elle en dit
les premiers anthropophages. Marc-Paul la raison étant encore petite, son père l'a-
rapporte que de son temps, dans la Tartarie, perçut un jour qui feuilletait les volumes de
les magiciens avaient le droit de manger la sa bibliothèque pour y chercher des images
chair des criminels et des écrivains ont re- il les lui retira brusquement des mains, et
levé ce fait notable qu'il n'y a que les chré- lui dit d'un ton terrible qu'il y avait dans ces
tiens qui n'aient pas été anthropophages. livres des diables qui l'étrangleraient si elle

Cl)Voyezles Bollaudistes,23 juin, etc.. (2) Voyez t. XII


de la BibHotbeca patrum, cd. Lugdan
105 APA APO 106
osait y toucher. Ces menaces absurdes, or- ciens conteurs ont placés dans le Septen-
dinaires-à certains parents, occasionnent tou- trion.Ils étaient transparents comme du cris-
jours de funestes effets.qu'on ne peut plus tal, et avaient les pieds étroits et tranchants
détruire. comme des patins, ce qui les aidait merveil-
Pline assure qu'il y a une telle antipa- leusement a glisser sur leurs lacs gelés.
thie entre le loup et le cheval, que si le Leur longue barbe ne leur pendait pas au
cheval passe où le loup a passé, il sent aux menton, mais au bout du nez. Ils n'avaient
jambes un engourdissement qui l'empêche point de langue, mais deux solides râteliers
de marcher. Un cheval sent le tigre en Amé- de dents, qu'ils frappaient musicalement
rique, et refuse obstinément de traverser une l'un contre l'autre pour s'exprimer. Ils ne
forêt où son odorat lui annonce la présence sortaient que la nuit, et se reproduisaient
de l'ennemi. Les chiens sentent aussi très- par le, moyen de la sueur, qui se congelait
bien les loups avec qui ils ne sympathisent et formait. un petit. Leur dieu était un ours
pas; et peut-être serions-nous sages de sui- blanc (2).
vre jusqu'à un certain point, avec les gens APOCALYPSE. Dans cette clôture redou-
que nous voyons la première fois, l'impres- table du saint livre, qui commence par la
sion sympathique ou antipathique qu'ils nous Genèse l'esprit de l'homme s'est souvent
font éprouver; car l'instinct existe au jsi chez égaré. La manie de vouloir tout expliquer,
les hommes mêmes, qui le surmontent ce- quand nous sommes entourés de tant d»
pendant par la raison. mystères que nous ne pouvons comprendre,
ANTIPODES. L'existence des antipodes a fourvoyé bien des esprits. Après avoir
était regardée naturellement comme un conte, trouvé la bête à sept têtes et l'Antéchrist
dans le temps où l'on croyait que la terre dans divers personnages, jusqu'à Napoléon,
était plate. Mais il n'est pas vrai, comme on qui prête du moins des aperçus piquants,
l'a perfidement écrit, que le prêtre Virgile fut on est aussi peu avancé que le premier jour.
excommunié par le pape Zacharie pour avoir Newton a échoué, comme les autres, dans
soutenu qu'il y avait des antipodes ce Vir- l'interprétation de l'Apocalypse. Ceux qui
gile au contraire, à cause de sa science, fut l'ont lue comme un poëme hermétique ont
combléd'honneurs par le saint-siége et nom- leur excuse dans leur folie. Pour nous, at-
mé à l'évêché de Salzbourg. D'ailleurs le tendons que Dieu lève les voiles.
pape Zacharie savait probablement qu'il y a Il y a eu plusieurs Apocalypses suppo-
des antipodes, puisqu'avant lui Origèue, le sées, de saint Pierre, de saint Paul, de saint
pape saint Clément et d'autres en avaient Thomas,desaint Etienne, d'Esdras, de Moïse,
de Marie, femme de
parlé. Saint Basile, saint Grégoire de Nysse, d'Elie d'Abraham,
saintAthanase et la plupartdesPères n'igno- Noé, d'Adam même. Porphyre a cité encore
raient pas la forme sphérique de la terre. une Apocalypse de Zoroastre.
Voy. Philoponus De Mundi créât, lib. v, APOLLONIUS DE TYANE, philosophe
c. 13. pythagoricien né à Tyane en Cappadoce,
La plupart des hommes, à qui l'éducation un peu de temps après Notre-Seigneur Jé-
n'a pas étendu les bornes de l'esprit, croient sus-Christ. Philostrate au commencement
encore que la terre n'est qu'un grand pla- du troisième siècle, plus de cent ans après
teau et il serait difficile de leur persuader la mort d'Apollonius dont personne ne
qu'on trouve au-dessous de nous des hu- parlait absolument plus, imagina le roman
mains qui ont la tête en bas et les pieds de sa vie pour opposer quelque chose de
justement opposés aux nôtres (1). prodigieux à l'Evangile, qu'il croyait détrui-
Les anciens mythologues citent,dans un au- re. 11 dit qu'il écrit sur des mémoires laissés
tre sens, sous le nom d'Antipodes,des peuples par Damis, ami et secrétaire d'Apollonius.
fabuleux de la Libye, à qui ont attribuait On peut juger du degré de confiance que
huit doigts aux pieds, et les pieds tournés en méritaient ces sortes d'écrivains par ce trait
dehors. On ajoute qu'avec cela ils couraient de Damis, qui assure avoir vu, en traver-
comme le vent. sant le Caucase, les chaînes de Prométhée
ANTOINE. Saint Antoine.est célèbre par encore fixées au rocher.
les tentations qu'il eut à subir de la part du Philostrate admit tout, et embellit les ré-
diable. Ceux qui ont mis leur esprit à la cits de Damis.
torture pour donner à ces faits un côté plai- La mère d' Apollonius fut avertie de sa
sant, n'ont pas toujours eu autant d'esprit grossesse par un démon un salamandre fut
qu'ils ont voulu en montrer. Ils n'égalent son père selon les cabalistes. Les cygnes
certainement pas le bon légendaire, qui conte chantèrent quand il vint au monde, et la
foudre tomba du ciel. Sa vie fut une suite
qu'Antoine, ayant dompté Satan, le contrai- les morts, déli-
gnit à demeurer auprès de lui, sous sa forme de miracles. H ressuscitait
la plus convenable, qui était celle d'un co- vrait les possédés, rendait des oracles,
chon. Voy. ARDENTS. voyait des fantômes, apparaissait à ses amis
APANTOMANCIE, divination tirée des ob- éloignés, voyageait dans les airs, porté par
jets qui se présentent à l'improviste.Tels sont des esprits et se montrait le même jour en
les présages que donne la rencontre d'un plusieurs endroits du monde. Il comprenait
lièvre ou d'un aigle, etc. le chant des oiseaux.
APARCTIENS, peuples fabuleux que d'an- Philostrate conte qu'étant venu au tom-
II) M. Salgues,des Erreurset des préjugés, t. If, p. 72. ,(2) Supplémentà l'histoirevéritablede Lucien.'
DICTIONN.DESSCIENCESOCCULTES. I. 4
107 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES 108
beau d'Achille, à qui il voulait parler, Apol- lonius est annoncé par un démon. Les ty-
lonius évoqua ses mânes; qu'après un trem- gnes éhanlent à sa naissance.Tous les autres
blement de terre autour du tombeau, il vit prodiges sont combinés ainsi de manière à
paraître d'abord un jeune homme de sept pouvoir être comparés aux faits divins de
pieds et demi; que le fantôme, qui était la plus auguste histoire avec cette diffé-
d'une beauté singulière s'éleva ensuite à rence, entre autres, que ceux d'Apollonius
dix-huit pieds. Apolionius lui fit des qués- ne méritaient pas même le peu de succès
tions frivoles. Comme le spectre répon- qu'ils ont eu.
dait grossièrement, il comprit qu'il était pos- La foudre qui tombe du ciel est opposée
sédé d'un démon, qu'il chassa; après quoi il à l'étoile qui parut en Bethléhem; les lettres
eut sa conversation réglée. de félicitatibn que plusieurs rois écrivirent
Un jour qu'il était à Rorr.e, où il avait ren- à la mère d'Apollonius répondent à l'adora-
du la vie à une jeune fille morte le matin de tion des mages; les discours qu'il pronon-
ses noces, il y eut une éclipse de lune ac- çait, fort jeune, dans le temple d'Esculape, à
compagnée de tonnerre. Apollonius regarda la dispute de Jésus enfant parmi lès doc-
le ciel et dit d'un ton pfopliétique teurs le fantôme qui lui apparut en trhver^
Quelque chose de grand arrivera et n'arri- sant le Caucase à là tentation du diable
vera pas. Trois jours après la fôudrç dans lé désert, étc. « Ces parallèles montrent
tomba sur la table de Néron, et renversa la la malice grossière et la finesse mal tissue
coupe qu'il portait à sa bouche; ce qui était de Philostrate ( pillard de Lucien (2); et le
l'accomplissement de la prophétie. cas qu'on doit faire de ces fables n'est pas
Dans la Suite l'empereur Domitien, l'ayant de les rapporter à le magie comme a fait
soupçonné de sorcellerie, lui fit raser le poil François Pic, mais de les nier totalement (3)
pour s'assurer s'il ne portait pas les mar- comme des stupidités niaises.
ques du diable, comme dit Pierre Delancre Hiéroclès, qui osa faire sous Dioclétien,
mais Apollonius disparut alors, sans qu'on dans un écrit spécial la comparaison d'A-
sût par où il s'était sauvé. Ce n'était pas la pollbnius et de Notre-Seigneur Jésus->Chfist,
première fois qu'il s'échappait ainsi. Sous a été dignement réfuté par Eusèbe, qui veut
Néron on avait dressé contre lui un acte bien regarder Apollonius comme un magi-
d'accusation le papier se trouva tout blanc cien. Lèloyer pense que ce fut Simon qui lui
au moment où le juge voulut en prendre enseigna a la magie noire et Ammien
lecture. Marcellin se contente de le mettre dans le
De Rome il se rendit à Ëphèse. La peste nombre des hommes qui ont été assistés de
infestait cette ville; les habitants le prièrent quelque démon familier, 'comme Socrate et
de les en délivrer. Apollonius leur comman- Numa.
da de sacrifier aux dieux. Après le sacrifice, On sait peu de chose sur la fin de la vie
il vit le diable en forme de gueux tout dé- d'Apollonius. On assure qu'à l'âge de'cent
guenillé il commanda au peuple de l'as- ans il fut emporté par le diable, qui était
sommer à coups de pierre ce qui fut fait. son père, quoique Hiéroclès ait eu le front
Lorsqu'on ôta les pierres, on ne trouva plus de soutenir qu'il avait été enlevé au ciel.
à la place du gueux lapidé qu'un chien Aropiscus dit que par la suite le spectre
noir, qui fut jeté à la voirie; et la peste d'Apollonius apparut à l'empereur Aurélicn,
cessa. qui assiégeait Tyàne, et lui recommanda
Au moment où Domitien périt, Apollo- d'épargner sa ville, ce que fit Aurélien.
nius, au milieu d'une discussion publique, Il y a eu des gens qui ont trouvé Apol-
s'arrêta, et, changeant de voix, s'écria, ins- lonius vivant au douzième siècle. Voy. Ar-
piré par le diable C'est bien fait, Sté- TEPHIUS.
phane, couragel tue le tyran 1 Ensuite, APOMAZAR. Des significations et événe-
après un léger intervalle, il reprit Le ty- ments des songes selon la doctrine des In-
ran est mort. Stéphane en ce moment assas- diens, Perses et Egyptiens, par Apomazar.
sinait Domitien. Vol. in-8°; Paris, 1580. Fatras oublié, mais
Ce fut alors, à ce qu'on croit, que le sor- rare.
cier Tespésiolft pour montrer qu'il pouvait APONE. V-oy. Pierre d'Apone.
enchanter les arbres, commanda à un orme APPARITION. On ne peut- pas très-bien
de saluer Apollonius ce que l'orme fit préciser ceque c'est qu'une apparition. Doit»
mais d'une voix grêle et efféminée (1). C'é- Calmet dit que si l'on voit quelqu'un en
tait bien excusable de la part d'un orme. songe c'est une apparition. « Souvent f
Apollonius était, dit-on encore, habile ajoute- t- il, il n'y a que l'imagination de
faiseur de talismans; il ert fit un grand nom- frappée ce n'en est pas moins quelque-
bre à Tyane, à Rome, à Byzance, à Antio- fois un fait surnaturel quand il a des re-
che, à Babylone et ailleurs tantôt contre lations. »
les cygognes et les scorpions, tantôt contre Dans la rigueur du terme, Une apparition
les débordements et les incendies. 11 fut re- est la présence subite d'une personne OUd'un
gardé par les uns comme un magicien, com- objet contre les lois de la nature: par exem-
me un dieu par les autres; on l'honora ple, l'apparition d'un mort, d'un ange, d'un
même après sa mort. Mais sa vie, nous le démon, etc. t
répétons, n'est qu'un roman calculé. Apol- Ceux qui nient absolument les apparitions
(1) Jacques d'Autun, l'Incrédulitésavante et la crédu- (21DansAlexandrede Paphlagonie.
lité junorame* (3) Naudé,Apol.pour les grands personnages, en. 12,
109 Al'P APP 110

sont frtéméraires. Spinosa, malgré son athéis- ou lac


les rvi
mains griffes, ou la queue au [
/-v. ê AmA«r\iH/if< CnînAfo m iln i*A ortn Dlnoic. J"»ri n rtii nincAn nrrilTnc /m» la n m a*«/\ o - (
chu, en
me, reconnaissait qu'il ne pouvait nier lés derrière et les cornes en tête, etc.; à moins
apparitions ni les miracles. qu'il ne prenne une forme bizarre. Il parlait
On ne raisonne pas mieux, lorsqu'on dit à Simon le magicien et à d'autres, sous la fi-
qu'une chose qui est arrivée autrefois de- gure d'un chien; à Pythagore, sous celui'
vrait arriver encore. Il y a bien des choses d'un fleuve à Apollonius, sous celle d'un
qui ont eu lieu jadis et qui ne se renou- orme (1), etc.
vellent pas, dans le système même des ma- Excepté les démons de midi, les démons et
térialistes, comme il y a bien des choses les spectres apparaissent la nuit plutôt que le
qui ont lieu aujourd'hui, et que jadis on jour, et la nuit du vendredi au samedi de
n'a pas soupçonnées. préférence à toute autre, comme le témoigne
Nous devons admettre et croire les appa- Jean Bodin.
ritions rapportées dans les saintes Ecritu- Les apparitions des esprits, dit Jamblique,
res. Nous ne sommes pas ténus à la même sont analogues à leur essence. L'aspect des
toi dans les simples histoires; et il y a des habitants des cieux est consolant, celui des
apparitions qui, réelles ou intellectuelles, archanges terrible, celui des anges moins
sont fort surprenantes. Oa lit dans la vie de sévère celui des démons épouvantable. Il
saint Macaire, qu'un homme ayant reçu un est assez difficile, ajoute-t-il, de se reconnaî-
dépôt le cacha sans en rien dire à sa femme, et tre dans les apparitions des spectres car il
mourut subitement. On fut très-embarrassé y en à de mille sortes. Delancre donne
quand ie maître du dépôt vint le réclamer. pourtant les moyens de ne point s'y tromper.
Saint Macaire pria, dit là légende, et le « On peut distinguer les âmes des démons,
défunt apparût à sa femme à qui il dé- dit-il. Ordinairement les âmes apparaissent
clara que l'argent redemandé était enterré en hommes portant barbe, en vieillards en
au pied de son lit, ce qui fut trouvé vrai. enfants ou en femmes, bien que ce soit en
Ce sont les apparitions des morts chez les habit et en contenance funeste. Or les dé-
anciens qui ont donné naissance à la nécro- mons peuvent se montrer ainsi. Mais, ou
mancie. Voy. NÉCROMANCIE. c'est l'âme d'une personne bienheureuse ou
Nous ne songerons à nous occuper ici que t'est l'âme d'un damné. Si c'est l'âme d'un
des apparitions illusoires où douteuses, et le bienheureux, et qu'elle revienne souvent, il
nombre en est immense. Nous suivrons un faut tenir pour certain que c'est un démon,
moment les écrivains qui ne doutent de rien, qui, ayant manqué son coup de surprise, re-
ét qui, dans leurs excès mêmes, sont encore vient plusieurs fois pour le tenter encore.
moins stupides et moins à quatre pattes que Car une âme ne revient plus quand elle est
ceux qui doutent de tout. Quelquefois, di- satisfaite, si ce n'est par aventure une seule
1 « Si c'est une âme
sent-ils, les apparitions ne sont que vocales fois pour dire merci.
c'est une voix qui appelle. Mais dans les qui se dise l'âme d'un damné, il faut croire
bonnes apparitions l'esprit se montre. encore que c'est un démon, vu qu'à grande
Quand les esprits se font voir à un homme peine laisse-t-on jamais sortir l'âme des
seul, ajoutent les.cabalistes, ils ne présagent damnés. » Voilà les moyens que Pierre De-
rien de bon quand ils apparaissent à deux lancre donne comme aisés (2).
personnes à la fois, rien de mauvais ils ne Il dit un peu plus loin que le spectre qui
se montrent guère à trois personnes en- apparaît sous une peau de chien ou sous
semble. toute autre forme laide est un démon mais
Il y a des apparitions imaginaires causées le diable est si malin, qu'il vient aussi sous
par les remords; des meurtriers se sont crus des traits qui le font prendre pour un an é.
harcelés ou poursuivis par leurs victimes. 11 faut donc se défier. Voy. pour les anecdo-
Une femme, en 1726, accusée, à Londres, tes, VISIONS,SPECTRES, FANTÔMES,HALLUCI-
d'être complice du meurtre de son mari, niait NATIONS,ESPRITS, LUTINS, VAMPIRES,REVE-
le fait; on lui présente l'habit du mort, qu'on NANTS,SONGES,ARMÉESPRODIGIEUSES, etc.
secoue devant elle; son imagination épou- Voici, sur les apparitions, un petit fait qui
vantée lui fait voir son mari môme;elle se jette a eu lieu à La Rochelle, et que les journaux
à ses pieds et déclare qu'elle voit son mari. rapportaient en avril 1813. « Depuis quelque
Mais on trouvera des choses plus inexplica- temps, la population se préoccupait des re-
bles. venants qui apparaissaient tous les soirs
Les apparitions du diable, qui a si peu be- sous la forme de flammes phosphorescentes,
soin de se montrer pour nous séduire, faibles bleuâtres et mystérieuses. Ces revenants ont
que nous sommes, ont donné lieu à une mul- été pris au trébuchet c'étaient cinq gros
titude de contes merveilleux. Des 'sorciers, réjouis de paysans des environs qui, grimpés
brûlés à Paris, ont dit en justice que, quand tous les soirs sur des arbres très-élevés, lan- i
le diable veut se faire un corps aérien pour çaient des boulettes phosphoriques avec un
se montrer aux hommes, 4 il faut que le fil imperceptible. Pendant la nuit, ils don-
vent soit favorable et que la lune soit naient le mouvement et la direction qu'ils j
pleine. » Et lorsqu'il apparaît, C'est tou^ voulaient à leurs globes de feu, et quand
jours avec quelque défaut nécessaire, ou les curieux couraient après une flamme, elle î
trop noir, ou trop pâle, ou trop rouge, ou devenait aussitôt invisible; mais, à l'instant,
trop grand, ou trop petit, ou le pied four- il en surgissait une autre sur un point op-
ni GabrielNaudé, Apol. pour les grandspersonnages (2) L'inconstancedes démons,liv. V dise.3.
cil. 12.
fil DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. H2
détourner l'attention. Ce jeu s'ef- L'esprit se remit à faire du bruit le 26; il
posé pour
fectuait ainsi pendant quelques instants suc- verrouilla les portes, dérangea les meubles,
cessivement, et puis simultanément, de ma- ouvrit les armoires; et pendant que M.de S*
nière à produire plusieurs flammes à la fois. tremblait de tous ses membres, l'esprit, -sai-
Cette jonglerie trompa bien des incrédu- sissant l'occasion, lui parla enfin à l'oreille
les effrayés; mais enfin il se trouva un es- et lui commanda de faire certaines choses
prit rassis. Caché derrière une haie, il ob- qu'il tint secrètes, et qu'il fit quand il fut
serva attentivement la mise en scène et sorti de l'évanouissement que la peur lui
devina le secret de la comédie. Suffisamment avait causé. L'esprit revint au boutdequinze
édifié, il alla quérir la gendarmerie, et les jours pour le remercier, frappa un grand
cinq mystificateurs furent arrêtés au moment coup de poing dans une fenêtre en signe
où ils donnaient une nouvelle représenta- d'actions de grâces Et voilà l'aventure de
tion. Quel était leur but? On l'ignore le l'esprit de Saint-Maur, que M. Poupart a le
plus curieux de l'histoire, c'est qu'une com- bon esprit de regarder comme inexplicable,
mission scientifique avait déjà préparé un à moins qu'elle ne soit l'enfantement d'un
rapport sur l'étonnant phénomène météoro- cerveau visionnaire. Voy. MEYER Cal-
logique de ces mauvais plaisants. MET, etc.
APULEE. Philosophe platonicien, né en
Dissertation sur ce qu'on doit penser de l'ap-
à l'occasion de l'aven- Afrique, connu par le livre de l'Ane d'or.
parition des-esprits, Il vécut au douzième siècle sous les Anto-
ture arrivée à Saint-Maur en 1706, par
nins. On lui attribue plusieurs prodiges aux-
M.-Poupart, chanoine de Saint-Maur, près
Paris. Paris, 1707. quels, sans doute,, il n'a jamais songé. Il dé-
pensa tout son bien en voyage, et mit tous
L'auteur croit, avec la modération conve- ses soins à se faire initier dans les mystères
nable, aux apparitions. Il raconte l'aventure des diverses religions païennes après quoi
de Saint-Maur; elle-aa fait tant de bruit àPa- il s'aperçut qu'il était ruiné. Comme il était
ris dans sa nouveauté, que nous ne pouvons bien .fait, instruit et spirituel, il captiva l'af-
la passer sous silence. M. de S" jeune fection d'une riche veuve de Carthage, nom-
homme de vingt-cinq ans, fixé à Saint-Maur, mée Pudentilla, qu'il parvint à épouser. Il
entendit plusieurs fois la nuit heurter à sa était encore jeune, et sa femme avait soixante
porte, sans que sa servante, qui y courait ans. Cette disproportion d'âge et la pauvreté
aussitôt, trouvât personne. On tira ensuite connue d'Apulée firent soupçonner qu'il avait
les rideaux de son lit; et le 22 mars 1706, employé, pour parvenir à ce riche mariage,
sur les onze heures du soir, étant dans son la magie et les philtres. On disait même qu'il
cabinet avec trois domestiques, tous quatre avait composé ces philtres avec des filets de
entendirent distinctement feuilleter des pa- poissons, des huîtres et des pattes d'écre-
piers sur la table. On soupçonna d'abord le visses. Les parents, à qui ce mariage ne
chat de la maison mais on reconnut qu'il convenait pas, l'accusèrent de'sortilége; il
n'était pas dans le cabinet. Ce bruit recom- parut devant ses juges, et quoique les préju-
mença quand M. de S* se fut retiré dans sa gés sur la magie fussent alors en très-grand
chambre, il voulut rentrer dans le cabinet crédit, Apulée plaida si bien sa cause qu'il la
avec une lumière, et sentit derrière la porte gagna pleinement (1).
une résistance qui finit par céder; cepen- Boguet (2) et d'autres démonographes di-
dant il ne vit rien seulement il entendit frap- sent qu'Apulée fut métamorphosé en âne,
per un grand coup dans un coin contre la comme quelques autres pèlerins par le
muraille ses domestiques accoururent au moyen des sorcières de Larisse, qu'il était
cri qu'il jeta; mais ils ne firent aucune dé- allé voir pour essayer si la chose était pus-
couverte. sible et faisable (3). La femme qui lui dé-
Tout le monde s'étant peu à peu rassuré, montra que la chose était possible en le
on se mit au lit. A peine M. de S"* com- changeant en âne, le vendit, puis le racheta.
mençait-il à s'endormir, qu'il fut éveillé su- Par la suite, il devint si grand magicien qu'il
bitement par une violente secousse; il appela; se métamorphosait lui-même, au besoin, en
on rapporta deux flambeaux, et il vit avec cheval, en âne, en oiseau. Il se perçait le
surprise son lit déplacé au moins de quatre corps d'un coup d'épée sans se blesser. II se
-pieds.. rendait invisible, étant très-bien servi par
On le remit en place; mais aussitôt tous son démon familier. C'est même pour cou-
les rideaux s'ouvrirent d'eux-mêmes, et le vrir son asinisme, dit encore Delancre, qu'il
lit courut tout seul vers la cheminée. En a composé son livre de l'Ane d'or. »
vain les domestiques tinrent les pieds du lit Taillepied prétend que tout cela est une
pour le fixer; dès que M. de S' s'y cou- confusion, et que s'il y a un âne mêlé dans
chait, le lit se promenait par la chambre. l'histoire d'Apulée, c'est qu'il avait un esprit
Cette aventure singulière fut bientôt pu- familier qui lui apparaissait sous la forme
blique plusieurs personnes voulurent en d'un âne (4). Les véritables ânes sont peut-
être témoins, et les mêmes merveilles se ré- être ici Delancre et Boguet.
pétèrent la nuit suivante; après quoi il y eut Ceux qui veulent jeter du merveilleux sur
deux nuits paisibles. toutes les actions d'Apulée, affirment que,
(1) Sadéfensese-trouvedansses œuvres sous le titre (3) Delancre.Tableaudel'inconstancedes démons,etc.
de Oratiode magia. liv. tv, ch. 1«.
(2) Discourstics sorciers,tli. 03. (4) De l'Apparitiondes esprits, ch. 15.
113 ARA ARB 114
par un effet de ses charmes, sa iemme était écrits sur de petits carrés de papier. L'arai-
obligée de lui tenir la chandelle pendant gnée, en manœuvrant la nuit retournait
qu'il travaillait; d'àutres disent que cet of- quelques-uns de ces papiers. Ceux qui
fice était rempli par son démon familier. étaient retournés de la sorte étaient re-
Quoi qu'il en soit, il y avait de la complai- gardés le lendemain matin comme numé-
fsance dans cette femme ou dans ce dé- ros gagnants.
mon. Cependant les toiles d'araignées sont uti-
Outre son Discours sur la magie, Apulée les appliquées sur une blessure elles ar-
nous a laissé encore un petit traité du dé- rêtent le sang et empêchent que la plaie ne
mon de Socrate, De deo Socratis, réfuté par s'enflamme. Mais il ne faut peut-être pas
saint Augustin on en a une traduction sous croire, avec l'auteur des Admirables secrets
le titre De l'Esprit familier de Soçrate, d'Albert le Grand que l'araignée pilée et
avec des remarques, in-12. Paris, 1698. mise en cataplasme sur les tempes guérisse la
AQU1EL, démon que l'on conjure le di- fièvre tierce (3).
manche. Voy. CONJURATIONS. Avant que Lalande eût fait voir qu'on
AQU1N (Mahdocbée D'), rabbin de Carpen- pouvait manger des araignées, on les re-
tras, mort en 1650, qui se fit chrétien, et gardait généralement comme un poison. Un
changea au baptême son nom de Mardochée religieux du Mans disant la messe, une arai-
en celui de Philippe. On recherche de lui gnée tomba dans le calice après la consécra-
l'Jnterprétatîon de l'arbre de la cabale des tion. Le moine, sans hésiter, avala l'insecte.
Hébreux; Paris, in-8°, sans date. On s'attendait à le voir enfler; ce qui n'eut
ARACHULA, méchant esprit de l'air chez pas lieu.
les Chinois voisins de la Sibérie. Voyez Il y a de vilaines histoires sur le compte
LUNE. des araignées. N'oublions pourtant pas que,
ARAEL, l'un des esprits que les rabbins dans son cachot, Pélisson en avait appri-
du Talmud font, avec Anpiel, princes et voisé une que Delille a célébrée. Mais la ta-
gouverneurs du peuple des oiseaux. rentule est aussi une araignée 1
ARAIGNÉES. Les anciens regardaient Le maréchal de Saxe,traversant un village,
comme un présage funeste les toiles d'arai- coucha, dans une auberge infestée, disait-on,
gnées qui s'attachaient aux étendards et aux de revenantsqui étouffaient les voyageurs. On
statues des dieux. citait des exemples. Il ordonna à son domes-
Chez nous, une araignée qui court ou qui tique de veiller la moitié de la nuit, promet-
file promet de l'argent; les uns prétendent tant de lui céder ensuite son lit et de faire
que c'est de. l'argent le matin, et le soir une alors sentinelle à sa place. A deux heures
nouvelle; d'autres, au contraire, vous cite- du matin, rien n'avait encore paru. Le do-
ront ce proverbe-axiome Araignée du ma- mestique, sentant ses yeux s'appesantir, va
tin, petit chagrin; araignée de midi, petit éveiller son maître, qui ne répond point;
profit; araignée du soir, petit espoir. « Mais, il le croit assoupi et le secoue inutilement.
comme dit M. Salgues (1), si les araignées Effrayé, il prend la lumière, ouvre les draps,
étaient le signe de la richesse, personne ne ,et voit le maréchal baigné dans son sang.
serait plus riche que les pauvres. » Une araignée monstrueuse lui suçait le sein
Quelques personnes croient aussi qu'une gauche. Il court prendre des pincettes pour
araignée est toujours J'avant-coureur d'une combattre cet ennemi d'un nouveau genre,
nouvelle heureuse, si on a le bonheur de l'é- saisit l'araignée et la jette au feu..Ce ne fut
craser. M. de T* qui avait cette opinion, qu'après un long assoupissement que le ma-
donna, en 1790, au théâtre de Saint-Péters- réchal reprit ses sens; et depuis lors on n'en-
bourg, une tragédie intitulée Abaco et Moïna. tendit plus parler de revenants dans l'au-
La nuit qui en précéda la représentation, au berge. Nous ne garantissons pas cette
moment de se coucher, il aperçut une arai- anecdocte conservée dans plusieurs re-
gnée à côté de son lit. La vue de l'insecte lui cueils.
fit plaisir; il se hâta d'assurer la bonté du Au reste, l'araignée a de quoi se consoler
présage en l'écrasant il avait saisi sa de notre horreuretdenos mépris.Les nègres
pantoufle, mais l'émotion qu'il éprouvait fit de 'la Côte-d'Or attribuent ta création de
manquer le coup l'araignée disparut. Il l'homme à une grosse araignée qu'ils nom-
passa deux heures à la chercher en vain, fa- ment Anansié, et ils révèrent les plus belles
tigué de ses efforts inutiles, il se jeta sur son araignées comme des divinités puissantes.
lit avec désespoir Le bonheur était là, ARBRES. On sait que dans l'antiquité les
s'écria-t-il, et je l'ai perdu 1 Ah 1 ma pauvre arbres étaient consacrés aux dieux le cyprès
tragédie 1 Lelendemain il fut tenté de retirer à Pluton; etc. Plusieurs arbres et plantes
sa pièce, mais un de ses amis l'en empêcha;' sont encore dévoués aux esprits de l'enfer
la pièce alla aux nues, et l'auteur n'en de- le poirier sauvage l'églantier, le figuier, la
'meura pas moins persuadé qu'une araignée verveine, la fougère, etc.
porte bonheur lorsqu'on l'écrase (2). Des arbres ont parlé; chez les anciens
Dans le bon temps de la loterie, des fem- dans les forêts sacrées, on a entendu des
mes enfermaient le soir une araignée dans arbres gémir. Les oracles de Dodone étaient
une boite, avec les quatre-vingt-dix numéros des chênes qui parlaient.

(1) Des Erreurset des préjugés,1. 1,p. 510. par une sociétéde gens de lettres, t. 1, au motAbaco.
(2) Annalesdramatiques, ou Dictionnairedes théâtres (3) LesAdmirablessecrets d'Albertle Grand,liv. III.
US DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 116
On entendit, dans une forêt d'Angleterre s, histoire de revenant qui fit assez de bruit à
un arbre qui poussait des gémissements; o n Marseille; c'était une espèce de feu ardent
le disait enchanté. Le propriétaire du terrai n ou d'homme de feu. Le comte et la çqmtesse
tira beaucoup d'argent de tous les curieu x d'Alais voyaient toutes les nuits un
spectre
qui venaient voir une chose aussi merveil - enflammé se promener dans leur chambre t
leuse. A la fin, quelqu'un proposa de coupe r et aucune force humaine ne pouvait le forcer
l'arbre; le maître du terrain s'y opposa à se retirer. La jeune dame supplia son mari
1 non
par un motif d'intérêt propre, disait-il de quitter une maison et une ville où ils ne
mais de peur que celui qui oserait y mettr e pouvaient plus dormir. Le çom(e, qui se
la eognée n'en mpurût subitement pn.trouy, a plaisait à Marseille voulut employer d'abord
un homme qui n'avait pas peur de. la mor t tous les moyens pour l'expulsion du fantômei
subite et qui abattit l'arbre à coups d ç Gassendi fut consulté il conclut que ce fan-
hache alors pn découvrit qn tqyau qu i tome de feu qui se promenait toutes les nuits
formait une communication à plusieurs toi- était forme par des vapeurs enflammées que
ses S.OUSterre, et par le moyen duquel 01» produisait le soufre du comte et de la pom-
produisait les gémissements qu§ l'on ayai t tesse d'autrçs savants donnèrent des ré-
remarqués.- ponses aussi satisfaisantes. 0n déçpuyrit
ARC-EN-ÇIEL. LechapitrelXde la Genèsi a enfin le secret, Une femme de chambre 1
semble dire, selon des commentateurs., qu'i K pachée sous le lit faisait paraître un phos-
n'y eut point d'arc- erj^ciel avant le déluge, phore qui la peur donnait une taille et des
mais, je ne sais (1) où l'on a vu qu'il p,'y erî formes effrayantes et la comtesse elle-mé|iie
aura plus quarante ans avant la fin dt faisait jouer celte farce pour obliger son
monde, <<parce que la sécheresse qui pré- mari à partir de Marseille qu'eue n'aimait
cédera l'embrasement de l!unïyers consu- pas.
mera la matière de ce météore. » C'esi t né en
ARGENS ( Boyer d' ) marquis
pourtant une opinion encore répandue chea 1704 à Aix en Provence. On trouve, pai|nj
ceux qui s'occupent de la fin du mppde. beaucoup de fatras,, des choses curieuses
L'arc-en-cieJ a son principe dans la na- sur les gnomes, les sylphes, les ondins et les
ture et croire qq'il n'y eut point d'arc^en- salamandres, dans ses «Lelires Cabalistiques^
ciel avant le, déluge, parce que Dieu en 6t te ou Correspondance philosophique,
signe de son alliance c'est pomme si l'on et critique entre deux cabalistes, divers historique
es-
disait qu'il n'y avait point d'eau ayant ï'insU- PTils élémentaires et le seigneur As.ta.roth. »
tution du baptême. Et puis, Dieu ne dit point, La meilleure édition est de 1769, 7 vol.. jn-
au chapitre IX de la Gepèse, qu'il place son 1% Ce livre, d'un très-mauvais esprit, est
arc,Ten-ciel, mais son arc en signe d'alliance; infecté d'un philosophisme que l'auteur a dés-
et comment attrib|iera-t-qn, à l'arç^en-ciel avoué ensuite.
ce passage d'Isaïe J'ai m^s mon arc et ma] ARGENT. L'argent qui vient du diable
flèche flans les nues ? est ordinairement de mauvais alo.j. Delrio
ARQENTS (mal diçs), appelé aussi feu in-, conte qu'un homme, ayà.ni reçu du démon
fernal, C'était au onzième et au, douzième une hourse pleine d'or n'y trouva. le lende-
siècle une maladie non expliquée, qui se main que des charbons ej du fumier,
manifestait cpm.me qn feu intérieur et déyo- Un inconnu, passant par un village, ren-
rait ceux qui en étaient frappés, Les per- çqnira un jeune homme ae quinze ans, d'une
sonnes qui voyaient là un effet de la cojère figure inlèressqnte et d'un extérieur fort
céleste l'appelaient feu, sacré; d'autres le simple. Il lui demanda s'il voulait être rjche i
nommaient fe\{ infernal; ceux qui l'atlri- le jeune homme ayant répondu qu'il le dési-
huaient à rinfju.en/pe,des astres, Je pommaient rait, l'ipconnu, lui donna un papier plié, et
sidération. Les reliques de sajnt Antoine j lui djt qu'il en pourrait faire sortir autant
que le p^nife de jqsselin. apporté de la Terre d'or qu'il le souhaiterait, tant qu'il ne le
Sainte à la Mothe-Saint-Didier, ayant gpérj dépjieiait pas et que s'il domptajt sa curio-
plusieurs infortunés atteints de ce ma], on
le nomme encore feu de saint Antoine. silé, il connaîtrait avant peu son bienfaiteur.
Le jeune homme rentra chez lui, secoua son
Qp fêta|t à Paris sainte Geneviève des Ar-. trésor mystérieux il en tomba quelques
dents, en spijyenir des cures merveilleuses pièces d'or. Mais, n'ayant pu résister à la
opérées alors par la châsse de ta sainte (2) tepladion de l'ouyrir, il y yit des griffes de
sur les, infortunes atteints de ce niai.
pj^at, des ongles d'ours des pattes de cra-
ARDEN.TS, exhalaisons enflammées qui pauds, et d'autres figurés si horribles, qu'il
parassent sur les bords des laps et des ma- jeta le papier au feu où il fut une demi-
rais, ordinairement en automne, ef qu'on heure sans pouvqjr se consumer. L,es pjéces
prend pour des esprits. foHets, pa.rce qu'elles d'or qu'il en avait tirées disparurent' et il
sont à flepr de terre et qu'on {es voit quel- reconnut qu'il avait eu affaire au diable.
quefois changer de place. Souvent on en est Un avare, devenu riche à force d'usures,
ébloui et on se perd. Lelqyer dit que lors- se sentant à l'article de la mort,
qu'on ne peut s'empêcher de suivre les ar- pria sa
femme de lui apporter sa bourse qnn qu'il
depts, ce sqpt bien en vérité, des démons (3). pût lavoir encore avant de mourir. Quand
11 y eut, sous le règne de Louis
%lll, une i) la. tint, il la serra tendrement, et ordonna
' il) ?f°wn- Erreurs populaires,liv. VII, ch. 5.
épidémique,une sortede lèpre brûlante, donton dutlu
(2) Le maldes ardents, qui se nommaitaussi feu infer- guéiison
v»i,ei-reuSmm-AMoine, à sainteGeneviève."
était»Paris uneaffreusemaladie (3J Discoursdes spectres, Iiv I, ch. 7.
i|7 ARG AM 113
qu on l'enterrât avec îui, parce qu'il trouvait part de ce soufre; versez dessus trois fois
l'idée de s'en séparer déchirante. On ne°lui son poids d'esprit blanc mercuriel extrait
promit rien précisément; et il mourut en du vitriol minéral; bouchez bien leyase;
contemplant s'on or. Alors on lui arracha la faites digérer au bain vaporeux jusqu'à ce
,bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans que le soufre soit réduit en liqueur; alors
peine. Mais quelle fut la surprise de la fa- versez dessus de très-bon esprit de vin à
mille asspmblée lorsqu'en ouvrpnt le sac poids égal digérez-les ensemble pendant
on y trouva, non' plus des pièces d'or, mais quinze jours passez le tout par l'alambic
deux crapauds 1. Le diable était venu et retirez l'esprit par le bain tiède, et il restera
en emportant l'âme de l'usurier, il avait em- une liqueur qui sera le vrai argent potable,
porté son or, comme deux choses insépa- ou soufre d'argent, qui ne peut plus être re-
rables et qui n'en faisaient qu'une (1). mis: en corps. Cet élixir blanc est un remède
Voici autre chose: un homme qui n'avait à peu près -universel qui fait merveilles en
que vingt sous pour toute fortune se mit à médecine, fond l'hydropisie et guérit tous les
vendre du vin aux passants. Pour gagner maux intérieurs (5).
d'eau que de vin ARGOUGES. Voty. FÉES, à la fin.
davantage, il mettait autant ARÎGNOTE. Lucien conte qu'à Corinlhe,
dans ce qu'il vendait. Au bout d'un certain
temps il amassa par cette voie injuste, la dans le quartier de Cranaiis personne n'o-
somme de cent livres. Ayant serré cet argent sait habiter une maison qui était visitée d'un
dans pn sac de cuir, il' alla avec un de ses specfre. Un certain Arignote, s'étant muni
amis faire provision de vin pour continuer de livres magiques égyptiens, s'enferma dans
son traOc; mais comme il était près d'une cette maison pour y passer la nuit, et se mit
-rivière, il tira du sac de cuir une pièce de à lire tranquillement dans la cour. Le spectre
vingt sous pour une petite emplette; il tenait parut bientôt"; pour effrayer Arignote, il prit
le sac dans la main gauche et la pièce dans d'abprd. la figpre, d'un chien, ensuite celles
la droite; incontinent un oiseau de proie d'un taureau et d'un Mon, Mais, sans se
fondit sur lui et lui enleva son sac qu'il {rppb,ler, Arjgnote prononça dans ses livres
laissa tomber dans la rivière. Le pauvre des conjurations qui obligèrent le fantôme à
homme, dont tpute la fortune se trouvait se rPl'rpr .daps un coin de la cour, où il
ainsi perdue dit à son compagnon -r- Dieu disparuf. Le lendemain on creusa à l'endroit
est équitable; je n'avais qu'une pièce (je où le spectre s'était enfoncé; on y trouva un
vingt sous quand j'ai commencé à voler; il squelette auquel pn donna la sépulture, et
m'a laissé mon bien, et m'a ôté ce que j'a- rien ne parut plus dans la maison. Cette
vais acquis injustement (2). anecdote n'est autre chose que l'aventure
Un étranger bien vêtu passant au mois d'Athénpdore, que Lucien avait lue dans
de septembre 1606 dans un village de la Pline, et qu'il accommode sa manière pour
Franche-Comté, acheta une jument d'un divertir ses lecteurs. ft
paysan du Heu pour la somme de dix-huit ARIMANE prince des enfers chez les
ducatons. Comme il n'en avait que douze anciens Perses, 'source du mal, démon noir,
dans sa bourse il laissa une chaîne d'or en engendré dans les ténèbres (6), ennemi d'O-
gage du reste, qu'il promit de payer à son romaze, principe du bien. Mais celui-ci est
retour. Le vendeur serra le tout dans du éternel, tandis qu'Arimane est créé et doit
papier, et je lendemain trouva la chaîne dis- périr un jour.
parue et douze plaques de plomb au lieu AR10CH démon de la vengeance', selon
des ducatons (3). quelques démonographes; différent d'Alas-
Terminons en rappelant un stupide usage tor, et occupé seulement des vengeances
de quelques villageois qui croient que, quand particulières de ceux qui l'emploient.
on fgit des beignets avec des oeufs, de la fà- ARIOLISTES, devins de l'antiquité, dont
riné et
rine el de
dë l'eau, pendânt ala mes
messe de la Chan- le métier se nommait arlolat\o,
heat~, pendant parce qu'ils.
deleur, de manière qu'on en ait de faits après devinaient par les autels (ab. ans). Ils con-
la messe, on a de l'argent pendant toute sultaient les démons sur leurs autels, dit
l'année (4J. Daugis(7); ils voyaient ensuite si l'autel
On en' a toute l'année aussi, quand on en tremblait ou s'il s'y faisait quelque merveille,
porte sur"soj le premier jour ou l'on entend et prédisaient ce que le diable leur inspirait.
le chant du coucou, et tout le mois, si on ARISTEE, charlatan de l'île" de Proco-
en a dans sa poche la premjère fois qu'on nèse,*qui vivait du temps de Crésus. Il disait
voit la lune nouvelle. que son âme sortait dé son corps quand il
ARGENT POTABLE. Si vous êtes versé voulait, et qu'elle y retournait ensuite. Les
dans les secrets de l'alchimie et que vous uns content qu'elle s'échappait, à la vue de
souhaitiez posséder ce panacée prenez du sa femme et de ses enfants sous la figure
soufre bleu céleste; mettez-le dans un v§s,p d'un cerf, Wierus dit sous la figure d'un
de verre; versez dessus d'excellent esprit corbeau (8). Hérodote rapporte, dans son
de vin faites digérer au bain pendant quatrième livre, que cet Aristée, entrant un f
yipgt-
quatre heures et quand l'esprit de vin aura jour dans la boutique d'un foulon, y tomba
attiré le soufre par distillation, prenez une mort; que le foulon courut avertir ses pa-
(1) ÇœsariiHist.de morientibus,cap. 39Mirac.Iib.II. 5) Traité de chimie philosopli. et hermétiqnfl, p. ^68.
(2) SaintGrégoirede Tours,livredes Miracles. 6) Plutarqùe, sur isis et Osiris.
(3) Boguet,Discoursdes sorciers. 7) Traité sur la magie, etc., p. 66.
66.
(4) Tliiers, Trj.iiédes superst., etc. 8) De Praestigiis daem,, lib. I, cap. 14,
119 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCGULTES. 120
rents. oui arrivèrent pour
rents, qui nom- le faire enterrer. sion. Le Macédonien, écoutant les leçons leçons de

Mais on ne trouva plus le corps. Toute la la sagesse promit de rompre d'indignes
ville était en grande surprise, quand des gens liens. L'Indienne connut la cause de ce chan-
qui revenaient de quelque voyage assurèrent gement subit et prit. la résolution de s'en
qu'ils avaient rencontré Aristée sur le che- venger. Elle alla trouver le philosophe, et
min de Crotone (1). Il parait que c'était une comme il n'était protégé que par sa pauvre
espèce de vampire. Hérodote ajoute qu'il re- philosophie, elle l'eut bientôt séduit par ses
parut au bout de sept ans à Proconèse y agaceries. Quand elle eut tourné l'esprit du
composa un poëme et mourut de nouveau. vieillard, elle exigea, pour prix de ses sou-
Lenoyer, qui regarde Aristée comme un rires, qu'il satisfit à un désir qu'elle avait
sorcier à extases (2) cite une autorité d'a- toujours eu c'était qu'il consentit à la lais-
près laquelle, à l'heure même ou ce vampire ser se mettre à cheval sur son dos. Aristote,
disparut pour la seconde fois il aurait été chauve et ridé, n'eut pas la force de refuser
transporté en Sicile, et s'y serait fait maître une demandeaussi absurde. La fine Indienne,
d'école. allant chercher aussitôt une selle et une
Il se montra encore trois cent quarante bride, plaça la selle sur le dos du philosophe,
ans après, dans la ville de Métaponte et il et la bride dans sa bouche; puis elle sauta
y fit élever des monuments qu'on voyait du sur lui comme sur un roussin. En ce mo-
temps d'Hérodote. Tant de prodiges engagè- ment, Alexandre, qui était prévenu, parut à
rent les Siciliens à lui consacrer un temple, une fenêtre, et put adresser à son maître les
où ils l'honoraient comme un demi-dieu. mêmes leçons que ce dernier lui donnait peu
roi des Messéniens. -de jours auparavant (6).
ARISTODEME Voy.
OPHIONEUSet OLOLYGMANCIE. On ne sait trop la source de cet autre conte.
On a prétendu qu'Aristote ayant épousé la
ARISTOLOCHIE, ou paille de sarrasin, nièce (d'autres disent la fille ou la petite-
ou plutôt espèce de plante appelée pistoloche,
avec laquelle Apulée prétendait qu'on pou- fille ) d'Hermias, son ami, il en devint si
vait dénouer l'aiguillette, sans doute en l'em- épris, qu'il alla jusqu'à lui offrir des sacri-
à des Oces. En tout cas, l'aventure du fabliau est
ployant fumigations. Voy. LIGATURES. citée dans les Amours d'Euriale, d'^Enéas
ARISTOMENE, général messénien si Sylvius. Spranger peintre de l'empereur
habile et si adroit que, toutes les fois qu'il Rodolphe II, en a fait, au commencement du
tombait au pouvoir des Athéniens, ses enne- dix-septième siècle, un tableau que Sadeler
mis, il trouvait moyen de s'échapper de leurs a gravé. Le vieil amoureux est représenté
mains. Pour lui ôler cette ressource, ils le marchant à quatre pattes avec le mors en
firent mourir; après quoi on l'ouvrit et on
bouche, et portant sur son dos la dame qui,
lui trouva le cœur tout velu et tout couvert d'une main tient la bride, et de l'autre, un
de poils (3). fouet (7).
ARISTOTE que l'Arabe Averroës ap- Nous ne citerons ici des ouvrages d'Aris-
pelle le comble de la perfection humaine. Sa tote que ceux qui ont rapport aux matières
philosophie a toujours été en grande véné- que nous traitons 1° De la Divination' par
ration, et son nom ne peut recevoir trop les songes; 2° Du Sommeil et de la veille, im-
d'éclat. Mais il ne fallait pas se quereller pour primés dans ses œuvres. On peut consulter
ses opinions et emprisonner dans un temps aussi les remarques de Michel d'Ephèse sur
ceux qui ne les partageaient pas pour em- le livre de la Divination par les songes (8), et
prisonner dans un autre ceux qui les avaient la Paraphrase de Thémistius sur divers trai-
adoptées. Ces querelles, au reste, n'ont été tés d'Aristote, principalement sur ce même
élevées que par les hérétiques. ouvrage (9).
Delancre semble dire qu'Aristote savait la ARITHMANCIE ou ARITHMOMANCIE..
magie naturelle (4); mais il ne parle guère Divination par les nombres. Les Grecs exa-
en homme superstitieux dans aucun de ses minaient le nombre et la valeur des lettres
écrits. Quant à la vieille opinion, soutenue dans les noms de deux combattants, et en
par Procope et quelques autres, qu'Aristote, auguraient que celui dont le nom renfer-
ne pouvant comprendre la raison du flux et mait plus de lettres et d'une plus grande va-
du reflux de l'Euripe, s'y précipita en faisant leur remporterait la victoire. C'est en vertu
de désespoir ce mauvais calembourg:-Puis- de cette science que quelques devins avaient
que je ne puis te saisir, saisis-moi (5) prévu qu'Hector. devait être vaincu par
cette opinion est aujourd'hui un conte mé- Achille.
prisé. Les Chaldéens, qui pratiquaient aussi l'a-
Aristote joue, dans un vieux fabliau fran- rithmomancie, partageaient leur alphabet en
çais, un rôle assez ridicule. Un jour, dit le trois parties, chacune composée de sept let-
conteur, il reprocha à son élève le trop grand tres, qu'ils attribuaient aux sept planètes,
amour qu'il portait à une jeune Indienne, et pour en tirer des. présages. Les platoniciens
l'oubli de tout devoir où le jetait cette pas- et les pythagoriciens étaient fort adonnés à
Ili Plutarque, dansla Viede Romulus.
1 Discoursdes spectres, liv.IV,cb. 24. (7) Fabliauxde Legrandd'Aussy,1. 1.
(3.1Valère-Maxime,liv. I, cli. 8, ext. n° 13. (8) MichaelisEphesii Annotationesin Aristotelem,de
(4) Tableaude l'inconstancedes mauvaisanges, somno,id est, de divinationeper somnum.Venise, in-8",
liv. VI.dise.2.
2. ° ele 1527.
(9) TliemistiiParaphrasisin Aristotelemde memoriaet
(5) Si quidemego non capiote, tu capiesme. reminiscentia,de insomniis, de divinalioneper somnum,
(6) M.Lerom de Lincy,Légended'Hippocrate. lalinp,interprete HermolaoBarbaro.Baie, in-8°, 1930.
291 ARM ARN 623
aussi une vous vous imaginez, /vin nn nin det\n vrais fantômes,
cette divination, qui comprend
partie de la cabale des Juifs \1). ni de vrais soldats. Nous sommes les âmes
ARIUS, fameux hérétique qui niait la di- de ceux qui ont été tués en cet endroit dans
vinité de Jésus-Christ, Notre-Seigneur. Voici la dernière bataille. Les armes et les chevaux
comment on raconte sa mort Saint que vous voyez sont les instruments de notre
Alexandre, évéque de Byzance, voyant que supplice, comme ils l'ont été de nos péchés.
les sectateurs d'Arius voulaient le porter en Nous sommes tout en feu, quoique vous n'a-
triomphe, le lendemain dimanche, dans le perceviez en nous rien qui paraisse en-
temple du Seigneur, pria Dieu avec zèle flammé. On dit qu'on remarqua en leur
d'empêcher ce scandale, de peur que si compagnie le comte Enrico et plusieurs au-
Arius entrait dans l'église, il ne semblât que tres seigneurs tués depuis peu d'années, qui
l'héresie y. fût entrée avec lui. Et le lende- déclarèrent qu'on pouvait les soulager par
main dimanche, au moment où l'on s'atten- des aumônes et des prières (2). Voy. Appa-
dait à voir Arius, l'hérétique ivrogne, sen- RITIONS, Phénomènes, Visions, AURORE BO-
tant un certain besoin* qui aurait pu lui être réale, etc.
fort incommode dans la cérémonie de son ARMIDE. L'épisode d'Armide, dans le
triomphe, fut obligé d'aller aux lieux se- Tasse, est fondé sur une tradition populaire
crets, où il creva par le milieu du ventre, qui est rapportée par Pierre Delancre (3).
perdit les intestins, et mourut d'une mort Cette habile enchanteresse était fille d'Arbi-
infâme et malheureuse, frappé, selon quel- lan, roi de Damas elle fut élevée par Hi-
ques-uns, par le diable, qui dut en recevoir draote, son oncle, puissant magicien, qui en
l'ordre, car Arius était de ses amis. fit une grande sorcière. La nature l'avait si
ARMANVILLE. Une dame d'Armanville, à bien partagée, qu'elle surpassait en attraits
Amiens, fut battue dans son lit en 1746. Sa les plus belles femmes de l'orient. Son oncle
servante attesta que le diable l'avait maltrai- l'envoya comme un redoutable ennemi, vers
tée. La cloche de la maison sonna seule on la puissante armée chrétienne que le pape
entendit balayer le grenier à minuit. Il sem- Urbain JI avait rassemblée sous la conduite
bla même que les démons qui prenaient cette deGodefroi de Bouillon; et là, comme dit
peine, avaient un tambour et faisaient en- Delancre « elle charma en effet quelques
suite des évolutions militaires. La dame, ef- chefs croisés » mais elle ne compromit pas
frayée, quitta Amiens pour retourner à Pa- l'espoir des chrétiens.
ris c'est ce que voulait la femme de cham- ARMOMANCIE divination qui se faisait
bre. Il n'y eut plus de maléfice dès lors, et par l'inspection des épaules (4). On juge en-
l'on a eu tort de'.voir là autre chose que de core aujourd'hui qu'un homme, qui a les
la malice. épaules larges, est plus fort qu'un autre qui
ARMÉES PRODIGIEUSES. Au -siège de les a étroites.
Jérusalem par Titus, et dans plusieurs au- ARNAUD DE BRESSE, moine du douzième
tres circonstances, on vit dans les airs des' siècle, disciple d'Abeilard. Turbulent et am-
armées ou des troupes de fantômes, phéno- bitieux, il se fit chef de secte. Il disait que
mènes non encore expliqués, et qui jamais les bonnes œuvres sont préférables au sacri-
ne présagèrent rien de bon. fice de la messe ce qui est absurde car le
Plutarque raconte, dans la vie de Thémis- sacrifice de la messe n'empêche pas les bon-
tocle, que pendant la bataille de Salamine, nes œuvres il les ordonne au contraire et
on vit en l'air des armées prodigieuses et sa comparaison n'avait pas le sens commun.
des figures d'hommes qui, de l'île d'Egine, 11 avait jeté le froc, comme tous les réfor-
tendaient les mains au-devant des galères mateurs. Ayant excité de grands troubles, il
grecques. On publia que c'étaient les Eaci- fut pris et brûlé à Rome en 1155. On l'a mis
des, qu'on avait invoqués avant la ba- au rang des sorciers; il ne l'était guère,
taille. mais il était dissolu et il fit beaucoup de mal.
Quelquefois aussi on a rencontré des trou- ARNAULD ( Angélique ). Apparition de
pes de revenants et de démons allant par ba- la mère Marie-Angélique Arnauld abbesse
taillons et par bandes. Voy. RETZ, etc. de Port-Royal de Paris, peu avant la mort
En 1123, dans le comté de Worms, on vit, de la sœur Marie-Dorothée Perdereau, ab-
pendant plusieurs jours, une multitude de besse intruse de ladite maison; rapportée
gens armés, à pied et à cheval, allant et ve- dans une lettre écrite en 1685, par M. Du-
nant avec grand bruit, et qui se rendaient fossé, à la suite de ses mémoires sur Port-
tous les soirs vers l'heure de none, à une Royal. « Deux religieuses de Port-Royal,
montagne qui paraissait le lieu de leur réu- étant à veiller le Saint-Sacrement pendant la
nion. Plusieurs personnes du voisinage s'ap- nuit, virent tout d'un coup la feue mère An-
prochèrent de ces gens armés, en les conju- gélique, leur ancienne abbesse, se lever du
rant, au nom de Dieu, de leur déclarer ce lieu où elle avait été inhumée ayant en
que signifiait cette troupe innombrable et main sa crosse abbatiale marcher tout le
quel était leur projet. Un des soldats ou fan- long du chœur et s'aller asseoir à la place
tômes répondit Nous ne sommes pas ce que où se met l'abbesse pendant les vêpres.
(1) Delancre, Incrédulité et mécréance du sortilège (4) Du mot latin armus, épaule. Les anciens appli
pleinementconvaincue,traité 5. quaient surtout cette divinationaux animaux. Ils ju-
(2) Cbroniqued'Ursperg. geaient par l'armonianciesi la victimeétait bonnep»«r
de l'inconstancedes mauvaisanges, etc., les dieux.
liv.(3)Tableau
t25 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 124
«« Elan
Etant assise, elle appela une religieuse dont les Quades fermaient l'issue, et mou-
qui paraissait au même lieu, et lui ordonna rant de soif sçyjs un ciel brûlant, il fit tom-
d'aller chercher la*soeur Dorothée, laquelle, ber, par le moyen de son art, une pluie pro-
ou du moins son esprit, vint se présenter digieuse qui permit aux Romains de se dés-
devant la, mère Angélique qui lui parla
altérer, pendant que la grêle et le tonnerre
pendant quelque temps, 'sans qu'on pût en- fondaient sur les Quades et les contraignaient
tendre ce qu'elle lui disait; après quoi, toutt à rendre les armes. C'est ce que racontent,
disparut. dans un but intéressé quelques auteurs
« On ne douta point que la mère Angé- païens. D'autres font honneur de ce prodige
li'que n'eût cité la s,oeur Dorothée devant aux impuissantes prières de Marc-Aurèle.
Dieu et c'est la manière dont elle l'inter- Lrs auteurs chrétiens, les seuls qui soient
préta elle-même, lorsque les deux religieu- ici dans la vérité, l'attribuent unanimement,
ses qui avaient été témoin de celle appari- et avec toute raison, à la prière des soldats
tion la lui rapportèrent. Elle s'écria: Ah 1
chrétiens qui se trouvaient dans l'armée ro-
je mourrai bientôt. Et en effet, elle mourut maine.
quinze joqrs ou trois. semaines après. » ARNUS, devin tué par Hercule, parce qu'il
Voilà faisait le métier d'espion. Apollon" vengea la
ARNAULD DE VILLENEUVE, médecin, mort d'Arnus, qu'il inspirait, en mettant la
astrologue et alchimiste, qu'il ne faut pas
peste dans le camp des Héraclides..Il fallut,
cqnfondre, comme on l'a fait quelquefois, pour faire cesser le fléau établir des jeux en
avec Arnaud de Bresse. Il était né auprès de l'honneur du défunt.
Montpellier il mourut dans un naufrage en AROT. Voy. Marot.
1314. ARPHAXAT, sorcier perse, qui fut tué
La chjniie lui doit beaucoup de découver- d'un çoup de foudre si l'on en croit Abdias
tes il ne cherchait, la vérité, que la pierre
de Babyjone (5) à l'heure même du martyre
philosqphale et ne songeait qu'à faire de de saint Simon et de saint Jude. -Dans une
l'or; mais il trouva les trois acides sulfuri- possession qui fit du bruit à Loudun (6), on
que, muriatique et nitrique. Il composa le cite un démon Arphaxat.
premier de l'alcool et du ratafia; il fit con- ART DE SAINT ANSELME. Moyen super-
naître l'essence de térébenthine, stitieux de guérir, employé par des impos-
régularisa
la distillation, etc. Il mêlait à ses vastes teurs qui prenaient le nom d'anselmistes. Ils
connaissances en médecine des rêveries as- se contentaient de toucher, avec certaines
trologiques, et il prédit la fin du monde pour paroles, les linges qu'on appliquait sur les
l'année 1335. blessures. Ils devaient le secret de leur art,
On l'accusa aussi de magie. François Pe- disaient-ils, à saint Anselme de Cantorbéry.
gna dit qu'il devait au démon tout ce qu'il Aussi l'appelaient-ils l'art de saint Anselme,
savait d'alchimie, et Mariana (1) lui repro-voulant de'la sorte se donner un certain ver-
che d'avoir essayé dé former un homme avec nis. Mais Delrio assure que leur véritable
de certaines drogues déposées dans une ci- chef de file est Anselme de Parme.
trouille. Mais Delrio justifie Arnauld de Vil- ART DE SAINT PAUL. Moyen de prédire
leneuve de ces accusations; et le pape Clé- les choses futures, que des songes creux ont
ment V ne l'eût pas pris pour son médecin prétendu avoir été enseigné à saint Paul
s'il eût donné dans la magie. dans son voyage au troisième ciel. Des char-
L'inquisi-
tion de Tarragone fit brûler ses livres, trois latans ont eu le front de s'en dire héritiers.
ans après sa mort, mais elle les fit brûler ART DES ESPRITS, appelé aussi art an-
comme étant empreints de plusieurs senti- gélique. Il consiste dans le talent d'évoquer.
ments hérétiques. les esprits, et de les obliger à découvrir les
On recherche d-Arnauld de Villeneuve un choses cachées. D'autres disent que l'art an-
traité de l'explication des songes (2) mais gélique est l'art de s'arranger avec son ange
on met sur son compte beaucoup d'ouvrages gardien, de manière à recevoir de lui la rë-
d'alchimie ou de magie auxquels il n'a pas vélation de tout ce qu'on veut savoir. Cet art
eu la moindre part. Tels sont le livre des superstitieux se pratique de deux manières,
Ligatures physiques (3), qui est une traduc- ou par des extases, dans lesquels on reçoit
tion d'un livre arabe et celui des Talismans
des avis, ou par des entretiens avec l'ange
des douze signes du zodiaque (k). On lui at- que 'l'on évoquo, qui apparaît, et qui, en
tribue aussi faussement le livre stupide et cette circonstance, n'est pas, sans doute, un
infâme des Trois imposteurs. ange de lumière. You. EVOCATION.
ARNOÛX, auteur d'un volume in-12, pu- ART NOTOIRE /espèce d'encyclopédie r
blié à Rouen, en 1630, sous le titre des Mer- inspirée. Le livre superstitieux, qui contient
veilles de l'autre monde ouvrage écrit dans
les principes de l'art notoire promet la
un goût bizarre et propre à troubler les connaissance de toutes les sciences en qua-
imaginations faibles, paF des contes de vi- torze jours. L'auteur du livre dit effronté-
sions et de revenants. ment que le Saint-Esprit le dicta à saint
ARNUPH1S, sorcier égyptien. Voyant Marc- Jérôme. Il assure encore que Salomon n'a
Aurèle et son armée engagés dans des défilés obtenu la sagesse et la science universelle
(1 Rcrum hispanic.lib. XIV,cap. ix. (5) De Physicisligaturis.
(2) Arqaldi de Villanovalibellus'de somnioruminter- (4) De Sigillis duodecimsignorum.
pretatiône 'et somnia Danielis. in-4°. Ancienpe édition (5) Certaminisapostolici,lib. Yi.
très-rare, (6) VoyeaGrandir.
I2S ART ART \%<i
que pour avoir lu en une seule nuit ce mer- tion latino de I^igaut (g) et quelques tra^-
veilleux livre. II faudrait qu'il pût déjà été ductions françaises (3).
dicté à quelque enfant d'Israël; car ce serait ARTÉPHIUS philosophe hermétique du
un prodige trop grand, que Salomon eût lu douzième siècle', que les alchimistes disent
le manuscrit de saint Jérôme. Mais (es fai- avoir vécu plus de mille ans par les secrets
sours d'écrits de ce génie, ne reculent pas de la pierre philosophale. François Pic rap-
pour si peu. porte le sentiment de quelques savants qui
Gilles Bourdin a publié, au seizième siècle, affirment qu'Artéphius est le même qu'Apol-
un grimoire obscur, sous le titre do }'4r( «p- lonius de Tyanes, né au premier siècle, sous
toire. II n'est pas probable, que ce sûtt la ce nom et mort au douzième sous celui
honne copie, qui sans doute est perdue., d'Artéphius.
Delrio dit que. de son temps, les naaître,s On lui attribue plusieurs livres extrava-
de cet art ordonnaient à leurs élèves une gants' ou curieux 1? V'Art d'allonger sa vie
certaine sorte do confession, générale, dps ( De Yita propaganda ) qu'il dit dans sa
jeûnes, des prières, des retraites puis legr préface, avoir composé à l'âge de mille vingt-
faisaient entendre, à genoux, la lecture du cinq ans 2- la Clef de la Sagesse suprême (4)
livre de Y Art nofçire, et lou.r persuadaient 3° un livre sur les caractères des planètes,
qu'ils étaient devenus aussi savants que Sa- sur la signification du chant des oiseaux, sur
loinon lea prophètes et les apôtres. Il s'en les choses passées et futures, et sur la pierre
trouvait qui le, croyaient. philosophale (5). Cardan qui parle de ces
Ce livre a été condamné par le pape Pie V. ouvrages, au seizième livre de la Variété des
Mêlant les choses religieuses à ses illusions, choses, croit qu'ils ont été. composés par
l'auteup recommande entre autres soins de quelque'plaisant, qui voulait se jouer de la
récitor tous les jours, pendant sept semaines, crédulité des partisans de l'alchimie.
les sept psaumes de la pénitence, et de chan-
ARTHÉMIA, fille de l'empereur Dioclétien.
ter tous les mqlins, au lever du soleil, le Elle fut possédée d'un démon qui résista aux
Veni, Creator, en commençant un jour de exorcistes païens, et ne céda qu'à saint Cy-
nouvelle tune, pour se/préparpr ainsi à la riaque, diacre de l'Eglise romaine.
connaissance de l'Art notoire (1). Erasme,
L'idée de rire et de plaisanter des posses-
qui parle, do ce livre, dans un de ses col- sions et des exorcismes de l'Église est venue
loques, dit qu'il n'y a rien compris qu'il quelquefois à des esprits égarés, qu'il eût été
n'y a trouvé que des figures de dragons', tie bon peut-être d'exorciser eux-mêmes.
lions, de léopards, des cercles, des trianglps;
des caractères hébreux grecs latins, et ARTHUS pu Artds roi des Brpto.ns cé-
lèbre dans les romans dg la Table-Ronde, et
qu'on n'a jamais connu personne qui eût rien dont la vie est entqurée de fables. On pré-
appris dans tout cela, tend qij'il revient ia nuit, dans les forêts de
Des dpctea prétendent que le véritable Ars
noÇaria n'a jamais été écrit, et que l'esprit la Brétagne, chisser à grand bruit, avec des
le révèle à chaque aspirant préparé- (Mais chiens, des chevaux et des pjqueqrs, qui ne
quel esprit? ) II leur en fait la lecture pèn- sont que des démons ou des spectres, au sen-
dant leur sommeil §'i!s ont sous, l'oreille le timent de Pierre I|p.|ançrc (6), Quand le
nom. cabalistique de Salomon écrit sur une grand^veneur apparut à Henri IV, dans la
lame d'or ou sur un parchemin vierge.; Mais, forêt. de Fontainebleau quelques-uns dirent
'd'autres érudils soutiennent que \'4n 10-' que c'était la,çii;iss.e du roi Arlhus.
toria existe écrit» et qu'on le dojt à Sajompn, ^a tradition çqnsçrye aux environs de
te croira qui pourra. Huejgqat, dans le, Finistère, le squvepir cu-
rieux de l'énorme château d'Arthus. Qnq
ART SACERDOTAL. C'est, selon quelques
montre des rochers de granit entassés
adeptes, le nom que les Egyptiens donnaient comme étgnt les débris de ses vastes mu-
à l'alchimie. Cet art, dont te secret, recqm* railles. ïî s'y trouve, dit-on des trésors
mandé sous peine de mort, était écrit en
gardés par des démons qui souvent traver-
langue hiéroglyphique n'était commuai-,
qué qu'aux prêtres à la suite de longues sent les airs, sous la forme de feux follets,,
en poussant des hurlempnis répétés par les
épreuves. écho du voisinage (7).. L'orfraie, la buse et
ARTÉMIDORE Ephésien qui vécut du le corbeau, sont les hôtes sinistres qui fré-
temps d'Antouin le Pieux. On lui attribue le quentent ces ruines merveilleuses où de
traité des songes, intitulé Onelrocrilicon
temps en temps apparaît l'âme d'Arthus avec
publié pour la première fois, en grec, à Ve- sa cour enchantée. Voy. MERLIN.
niso, 1518, in-8°. On recherche la traduc- Nous emprunterons à Legrand d'Aussy
(Ij JYanp.Tprreblança,pap.xiv, epist, de mag.
(2) Artamidori ÉpliesiiGneiroçritica,seu de somniorum (5) De Characteribusplanetarum, cantu et molibug
inlerp'retatiohe grœc-lat. cum notisNie. Higallii iri-i°. avium, rerum praa^eritarun) et futurarum,lapi^eqnephi-
Fi\r\s,1603. losophico.'LeTraité d'Àrlépbiussur la pierre pbilosopliale
(3) Arléinidore.De l'Explicationc)essonges, avecle a été traduiten françaispar P. Arnatild, et impriméavec
livre d'AugustinNy|>[iùs, des Divinations in-16. Rouen, ceux de Sinésius et de Flamel. Paris, 1612,1659,1682,
1GÔ0éditionaugmentée,1604. Epiloniedes cinq livres in-4°. On attribue encore à Artéphius, la Miroir des
d'Artémidore,traitant des songes, traduit du grec, par miroirs, Spéculumspeculqrum,et le Livre secret, Liber
Clj^flesFpntaine; avecu,nrecueild.eYalère-Maximesur secretus.
le inf niesujet, traduitdu latin, in-8°.Lyon,IîJSd. (6) Tableaudel'inconstancedes mauvaissonges,liv.IV,
(4) Clavismajôrissapientiœ "imprimé dans le Théâtre dise. 3.
chimique. Francfort, 1614, in-8°. ou Strasbourg, 1699, (7) Cambry,Voyagédansle Finistère, 1. 1,p. 277.
Sn-12.
ii7 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. m
iA i" de ses
tome Fabliaux), quelques notes tirées, soit de la province de Galles, sa pa-
intéressantes sur le roi Artus. trie, soit de la Bretagne où il les avait ap-
Ce héros, fameux dans nos vieux romans, prises. Au nombre de ces choses intercalées,
qui le font régner dans la Grande-Bretagne, étaient les prétendues prophéties de Merlin,
6t beaucoup de conquêtes, et porta au plus enchanteur à qui Geoffroi faisait jouer uu
haut degré de gloire l'ordre prétendu des grand rôle; enfin, il s'étendait beaucoup
Chevaliers de la Table-Ronde institués par sur le couronnement d'Artus et il y faisait
son père, et nommés ainsi d'une table mys- assister les douze pairs de Charlemagne.
térieuse que leur avait donnée l'enchanteur (History of english poetry.) »
Merlin. Artus possédait une épée magique Tel est, en abrégé, le récit de Warton.
nommée Escalibor, à laquelle nulle arme ne D'après cet exposé, il est aisé de concevoir
pouvait résister. Pour enseigne il avait un quel parti purent tirer de Merlin et d'Artus
dragon d'acierquivomissait des flammes, etc. les romanciers qu'enfanta dans l'Angleterre
Malgré tous ces avantages merveilleux, il la chronique de Geoffroi. Quant à cette chro-
fut tué dans une bataille avec un grand nique, je crains que Warton ne se soit trom-
nombre de chevaliers. On peut voir dans La
pé, et que son Brut-y-Brenhined ne soit
Colombière (1), le nom et les armoiries de notre Roman du Brut, ouvrage composé en
ces braves, la merveille du monde. effet dans le douzième siècle, mais composé
On a remarqué que le personnage d'Artus en Normandie, et qui contient une préten-
est le fruit d'une jalousie nationale. Ce héros due histoire des rois d'Angleterre, dont le
prétendu de la romancerie anglaise, imaginé premier, selon l'auteur, fut un certain Bru-
pour suppléer Charlemagne, le héros de la tus. Au reste, que le Brut-y-Brenhined soit
nôtre, n'en est qu'une copie maladroite. dû à la Bretagne ou à la-Normandie, il n'en
Guerres, conquêtes, beaux faits d'armes, ca- est pas moins une production de nos pro-
ractères, actions, tout est calqué. Si les ro- vinces septentrionales; et, à ce titre, elles
manciers français donnent à Charles des peuvent revendiquer tous ceux des romans
paladins, les romanciers bretons en font des de chevalerie anglais qu'il a produits.
chevaliers de la Table-Ronde. La Durandal, Donnons aussi, comme échantillon, un des
cette épée fameuse que les premiers prêtent mille romans de chevalerie à enchantements,
à leur héros, chez les seconds c'est YEscali-
qui ont célébré le roi Artus. Nous choisissons
bor. Il n'est pas jusqu'aux le plus court que l'écrivain,
personnages se- à qui nous
condaires, qui ne soient une imitation. Chez avons emprunté les notes précédentes à
nos poëtes, le plus célèbre d'entre les mis au commencement de son choix (d'ail-
pala-
dins est Roland, le neveu de leurs très-grossier, très-inconvenant et très-
chez nos rivaux, c'est Gauvain, Charlemagne;
le neveu mauvais) d'anciens fabliaux.
d'Artus. Enfin, ce qui, plus que tout le reste La mule sans frein.
encore, trahit ceux-ci, c'est qu'au couron- Artus, aux fêtes de la Pentecôte, tenait
nement de leur Artus, ils font assister les cour plénière dans sa cité de Carduel; et
douze pairs de Charlemagne (nos romanciers tout ce que ses états renfermaient de hauts
appellent ainsi les douze chevaliers les plus barons et de chevaliers, s'y était rendu. Le
braves du monarque français). second jour, au moment qu'on se levait de
On peut au reste alléguer ici, en faveur table, on aperçut au loin, dans la prairie, une
de notre antériorité, un témoignage irrécu- femme qui paraissait venir vers le-château, et
sable celui d'un auteur anglais, Warton, quiétaitmontéesur une mulesans licolet sans
qui a écrit sur l'origine des romans en Eu- frein. Cet objet- piqua la curiosité. Le roi, la
rope. Voici ce qu'il raconte au sujet de sa reine, tout le monde accourut aux fenêtres
patrie. et chacun, cherchant à deviner, faisait sa
« Au commencement du douzième siècle, conjecture. Quand la dame fut plus à por-
un certain Gualter, ou Gautier, archidiacre tée, tous les chevaliers volèrent au-devant
d'Oxford, ayant eu occasion de faire un d'elle on l'aida à descendre. Son visage
voyage dans notre Bretagne, y eut connais- était mouillé de pleurs et annonçait un grand
sance d'une vieille chronique, intitulée chagrin.
Brut-y-Brenhined (Histoire des rois bretons). Introduite
devant le prince, elle le salua
Aucun livre ne devait flatter davantage un respectueusement, et s'étant essuyé les yeux,
Anglais aussi Gautier fit-il copier celui-ci, lui demanda pardon de venir l'importuner
et il l'emporta en Angleterre, dans le dessein de ses douleurs mais on lui avait pris, di-
de le publier. A la vérité, l'ouvrage était sait-elle, le frein de sa mule. Depuis ce jour
écrit en bas-breton; mais Gautier savait que, elle pleurait et se voyait condamnée aux
parmi ses compatriotes, les habitants de la larmes, jusqu'à ce qu'il lui fût rapporté. 11
province de Galles entendaient cette langue, n'y avait que le plus brave des chevaliers
et il s'adressa, pour faire traduire sa chro- qui pût le conquérir et le lui rendre; et où
nique, à un moine gallois, nommé Geoffroi chercher ce héros ailleurs qu'à la cour d'un
de Monmouth. Geoffroi la traduisit en effet, si grand roi? Elle pria donc Artus de per-
et, quoiqu'on ignore quand elle fut publiée, mettre que 'quelques-uns des braves qui
néanmoins ce fut postérieurement à l'année l'écoutaient. voulussent bien s'intéresser à
1138; mais le translateur, pour embellir son son malheur. Elle assurait le chevalier qui
sujet, se permit d'y faire des additions, et consentirait à devenir son champion, qu'il
d'y insérer certaines traditions populaires, serait conduit sûrement au lieu du combat
(1) théâtre d'Honneur,t. Il, p. 136. par sa mule.
129 ART ART |30
Tous allaient s'offrir et briguer l'honneur autour du héros les vagues écumantes s'éle-
du choix; mais le sénéchal messire Queux vaient en. grondant et s'élançaient sur lui
I saisit le premier la parole, et il fallut bien pour le renverser et l'engloutir: imaisil fut iné-
accepter son appui. Il jura donc de rapporter branlableet aborda heureusement au rivage.
le frein, fût-il à l'extrémité du monde il prit Là se présenta un château fortifié, garni
des armes et partit, se laissant conduire par en dehors d'un rang de quatre cents pieux
la mule, comme on le lui avait recommandé. en forme de palissades dont chacun portait
A peine fut-il entré dans la forêt, que des sur sa pointe une tête sanglante, à l'exception
troupeaux affamés de lions, de tigres et de d'un seul qui, nu encore, semblait attendre
léopards, accoururent avec des rugissements cet ornement terrible, La forteresse, entou-
affreux pour le dévorer. Le pauvre Queux se rée de fossés profonds, remplis par un torrent
repentit bien alors de son indiscrète fanfa- impétueux, tournait sur elle-même comme
ronnade et, dans ce moment, il eût pour ja- une meule sur son pivot, ou comme le sabot
mais renoncé de grand coeur à tout l'hon- qu'un enfant fait pirouetter sous sa courroie.
neur de son entreprise. Mais, dès que ees Elle n'avait d'ailleurs aucun pont et parais-
animaux terribles reconnurent la mule, ils sait interdire à Gauvain tout moyen d'exer-
se prosternèrent devant elle pour lui lécher cer sa valeur. 11 résolut d'attendre néan-
les pieds, et retournèrent sur leurs pas. moins, espérant que la forteresse peut-être,
Au sortir de la forêt se présenta une vallée dans une de ses révolutions lui offrirait
si obscure, si profonde el si noire, que l'hom- quelque sorte d'entrée, et déterminé en tout
me le plus brave n'eût osé y entrer sans fré- cas à périr sur le lieu, s'il le fallait, plutôt
mir. Ce fut bien pis encore quand le séné- que de retourner honteusement. Une porte
chal y eût pénétré, et qu'entouré de serpents, s'ouvriten effet: il piqua sa mole, lui fit sauter
de scorpions et de dragons vomissant des ce large fossé, et se trouva dans le château.
flammes, il ne marcha plus qu'à la lueur fu- Tout semblait y annoncer une dépopula-
nèbre de ces feux menaçants. Autour de lui tion récente des rues vides (1)., personne
tous les vents déchainés mugissaient à la fois, aux fenêtres, partout le silence affreux de la
des torrents grondaient comme le tonnerre solitude. Un nain paraît enfin et le regarde
des montagnes s'écroulaient avec un fracas avec attention. Gauvain lui demande quel est
horrible. Aussi, quoique l'air y fût plus froid' son seigneur ou sa dame où l'on peut les
et plus glaçant que celui de mille hivers en- trouver, et ce qu'ils exigent. Le nain ne ré-
semble, la sueur ruisselait sur tout son corps. pond rien et se retire. Le chevalier poursuit
Il sortit pourtant, à la faveur de sa monture. sa route et voit sortir d'une caverne un géant
Après avoir encore marché quelque temps, d'une laideur affreuse, les cheveux hérissés,
il arriva enfin à une rivière large et profonde et armé d'une hache. Celui-ci applaudit à son
dont les eaux noires n'offraient ni pont ni courage; mais il le plaint d'être venu tenter
bateau, mais seulement une barre de fer en une aventure dont l'issue ne peut que lui
forme d<; planche. Queux, ne voyant point là être funeste, et que la palissade terrible eût
de passage, renonça à l'aventure et revint sur dû l'avertir d'éviter. Il lui offre ses services
ses pas. Malheureusement, il fallait repasser cependant, le fait manger, le traite bien le
par la vallée et la forêt. Les serpents et les mène à la chambre où il doit coucher mais,
lions s'élançaient sur lui avec une espèce de avant de sorlir, il ordonne au héros de lui
joie, et il en eût été dévoré mille fois s'ils abattre la tête, en annonçant qu'il viendra le
l'eussent pu faire sans toucher à la mule. lendemain à son tour lui en faire autant.
Du plus loin qu'on l'aperçut'du château Gauvain prend son cimeterre, et fait rouler
on s'apprêta à rire. Les chevaliers s'assem- la tête à ses pieds. Mais quel est son étonne-
blèrent, comme pour le recevoir avec hon- mènt de voir celui à qui elle appartient la
neur Artus lui-même vint au devant de lui; relever, la replacer sur ses épaules et sortir.
hommes et femmes enfin, chacun le plaisan- 11 se couche néanmoins et dort tranquille-
ta, et le malheureux sénéchal ne sachant ment, peu effrayé du sort qui l'attend le len-
plus à qui répondre, et. n'osant lever les demain. Au point du jour le géant arrive
yeux, disparut et alla se cacher. avec sa hache pour effectuer sa promesse; il
La dame était plus affligée que lui encore. éveille le chevalier; et selon leurs conditions.
Déchue de son espoir, elle pleurait amère- de la veille, lui ordonne de présenter sa tête.
ment et' s'arrachait les cheveux. Le brave Gauvain tend le cou sans balancer: ce n'é-'
Gauvain fut touché de ses douleurs. Il s'ap- tait qu'une épreuve pour tenter son courage
procha, lui offrit avec assurance son épée, on le loue, on l'embrasse. II demande alors
promit de tarir ses larmes, et partit à son où il pourra aller chercher le frein et ce
tour sur la mule. qu'il lui faut faire pour l'avoir.
Les mêmes dangers se représentèrent il Tu le sauras avant la fin du jour, lui
n'en fit que rire. Les serpents et les lions vin- dit-on; mais prépare toute ta valeur jamais
rent fondre sur lui il tira son épée et allait tu n'en eus plus besoin.
les combattre. Il n'en eut pas besoin les A midi, il se rend au lieu du combat, el
monstres, s'inclinant de nouveau à l'aspect voit un lion énorme qui en écumant ron-
de l'animal se retirèrent tranquillement. geait sa chaîne et de ses griffes creusait la
Enfin il arrive à la rivière, voit la barre, se terre avec fureur. A la vue du héros, le
recommande à Dieu et s'élance sur ce pont monstre rugissant hérisse sa crinière sa
périlleux. Il était si étroit, qu'à peine la mule (\) Un château, au moyen-âge,était un bourg. Onlui
Douvait-elle y poser les pieds à moitié. Tout donnaitaussice nom.
131 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 132
rhntnefnri
chaîne tombeet il s'élance sur Gauvain, dont vice. Mais elle fit tout préparer aussitôt pour'
il déchire lé haubert. Après un long combat son départ. En vain Artus et la reine la pres-
cependant il est tué. Un autre est détaché sèrent d'attendre que les fêtes fussent termi-
pius grand et plus furieux encore il périt de nées rien ne put la retenir elle prit congé
même. Gaùvâin, ne voyant plus d'ennemis d'eux, monta sur sa mule et repartit.
paraître, demandé le frein. Lé géant, sans lui Tels étaient généralement les romans de
répondre, te reconduit à sa chambre.. U lui chevalerie et de féerie si chers à nos pères.
fait servit à manger pour rétablir ses torées, Voy. FÉES, ENCHANTEMENTS, etc.
et lui présente ensuite ün autre ennemi. ARUNDEL (Thomas). Comme il s'était ôp-
C'était un chevalier redoutable, cèlui là posé (quatorzième siècle) aux séditions des
même qui avait planté les pieux dé l'enceinte, wiçkleffiles, Chassaignon, dans ses Grands èt
et qui dé sa tnâili y avait àilâché lès tètes redoutables jugeiiients de Dieu, imprimés à
des quatre cents chevaliers Vaincus. On leur Morges en 1581, chez Jean Lépreux, impri-
amène à chacun un cheval; on leur donne meur des très-puissants seigneurs de Berné,
une forte lance ils s'éloignent pour prendre Chassaignon, réformé et défenseur de tous
carrière et fondent l'un sur l'autre. Du pre- lés hérétiques, dit qu'il mourut cruellement,
mier choc leurs lances volent en éclats, et là langue tellement enflée qu'il ne pouvait
les sanglés de leurs chevaux se rompent. Ils plus parler, « lui qui avait voulu empêcher
se relèvent aussitôt pour commencer à pied dans là bouche des disciples de Wicklcff, le
un combat nouveau. Leurs armes retentis- cours delà sainte "parole. » Mais il n'ose
sent sous leur épée redoutable leur écu pas rechercher si Thomas Àrurîdèl fut
étincelle, et pendant deux heures entières là comme Wïckleff, étranglé par lc diable.
victoire reste incertaine. Gauvain redoublé ÀRUSPICËS^ devins du paganisme, dont
de courage il assène sur la tête de son ad- l'arl se nommait aruspicinè. Ils examinaient
versaire un si terrible coup, que* lui fendant les entrailles des victimes poùr en tirer des
le heaume jusqu'au cercle il l'étourdit et présages; il fallait, être de bonne maison
l'abat. C'en était fait du chevalier il allait pour exercer cette espèce de sacerdoce. lis
périr s'il ne se fût avoué vaincu et déjà on prédisaient 1° par la simple inspection des
lui arrachait les lacets de son heaume. Mais victimes vivantes; 2° par l'état dé leurs en-
il rendit son épée et demanda la vie., Dès ce trailles après qu'elles étaient ouvertes; 36 par
moment, tout fut terminé. Le vainqueur avait la flamme qui s'élevait de leUrs chairs brû-
droit au frein; on ne pouvait le lui refuser lées. La victime qu'il fallait amener avec
il ne restait plus que la ressource de l'y faire violence, .ou qui s'échappait de l'autel, don-
renoncer lui-même et voici comment oh nait des présages sinistres; le cœur maigre,
espéra réussir. le foie double ou enveloppé d'une doublé tu-
Le nain, venant le saluer avec respect, nique, et surtout l'absence du cœur ou dU
l'invita, de la part de sa maîtresse, à manger foie, annonçaient de grands maux. On croi-
avec elle. Elle le reçut très-parée, assise sur rait que les aruspices étaient habiles dans
un siège magnifique dont les pieds étaient l'art d'escamoter, car le cœur manqua aux
d'argent, et que surmontait un pavillon orné deux bœufs immolés ie jour qu'on assassina
de broderie et de pierres précieuses. Pen- César. C'était encore mauvais signe quand
dant le repas, elle lui avoua que la dame la flamme ne s'élevait pas avec force et n'é-
dont il servait la cause était sa sœur, et tait pas transparente et pure; et si la qtiétao
qu'elle lui avait enlevé le frein. dé la bête se courbait en brûlant, elle mena-
Mais si vous voulez renoncer aux cait de grandes difficultés dans les affaires.
droits de votre victoire, ajouta-t-elle, si vous Voy. ti.ÉPATÔSCOPIE.
voulez vous fixer auprès de moi et me vouer ARZELS. Voy. CHEVAL.
ce bras invincible dont je viens d'éprouver ASAPHINS, devins ou sorciers chaidéens,
1la force, ce château et trente-huit autres plus qui expliquaient les songes et tiraient les
beaux encore sont à vous avec toutes leurs horoscopes.
richesses; et celle qui vous prie de les accep- ASCÀROTH. C'est le nom que donnent les
ter, s'honorera elle-même de devenir l'é- démonographes à un démon peu connu, qui
pouse du vainqueur. protége les espions et les délateurs. Il dépend
Gauvain ne fui point ébranlé par ces offres du démon Nergal.
séduisantes. Il persista toujours à exiger le ASCÎK-PACHA, démon turc, qui favorise
frein et quand il l'eut obtenu, il repartit sur les intrigues secrètes facilite les accouche-
sa inule, au milieu des cris de joie d'une ments, enseigne les moyens de rompre les
foule de peuple qui, à son grand étonnement, charmes (1),, etc.
accourut sur son passage c'étaient les habi- ÀSCLËTÀRION, sorcier qui prédit à l'em-
tants du château qui, confinés jusqu'alors pereur Domitien qu'il serait mangédes chiens;
dans leurs maisons par la tyrannie de leur sur quoi l'empereur lent tuer, «ce qui ne
dame, ne pouvaient en sortir sans être aus- l'empêcha pas d'être mangé des chiens ca-
sitôt dévorés par ses lions, et qui, maintenant suellement, après sa mort (2).
libres, venaient baiser la main de leur libé- ASELLE. L'aselle aquatique, espèce de
ratcur. cloporte était révérée des Islandais, qui
De retour à Cafduel, le chevalier fut reçu croyaient qu'en tenant cet insecte dans la
de la dame avec les transports et la recon- bouche, ou son ovaire desséché sur la langue,
naissance que devait inspirer un pareil ser- ils obtenaient tout ce qu'ils pouvaient clé–
(!) Wierus,de Prsest.dsem.,lib. ï, cap. vi. (2) Boguet,Discoursdes sorciers,eh. u.
153 ASM" '• ASR jji
siren Ils
ils appelaient son ovaire sec pierre
uierre à sors Qu'on
qu'on peutbeut le former
forcer à Aàftinvt-i»
découvrir >•
soi.
souhaits. xante-douze légions lui obéissent (i). On le
ASHMOLE ( Eue], antiquaire et alchiinis- nomme encore Chamniadaï et Sydonaï. –Le
te anglais, né en 1617. On lui doit quelques Sage à fait d'Asmodée le héros d'Un de ses
ouvrages utiles, et le Musée ashmoléen d'Ox- rOmâns ( lé Diable boiteux ).
ford. Mais il publia à Londres, en 1652, un ASMONp et ASW1TH, Compagnons d'ar-
volume in-4°, intitulé Theatrûm chemicum mes danois. Liés d'une étroite
amitié, ils
britannicum, contenant différents poëmes des convinrent, par iirt serment solennel d6 ne
philosophes anglaisqui ont écrit sur les mys- s'abandonner ni à la vie ni à là mort. À3-
tères hermétiques. Six ans après, il fit im- with mourut le premier et, suivant leur ac-
primer \h Chemin du bonheur, in-4% 1658. cord, Asmbnd, après avoir enseveli son ami
Ce traité, qui n'est pas de lui, mais auquel avec son chien et son cheval dans une
il mit une préface, rouie aussi sur la pierre grande
cavefiie, y porta dés provisions pour une
philosophale. Voy. PIERRE PHiLOSOPHALE. année et s'enferma dans ce ionibéau. Mais
ASILE. Les lois qui accordaient droit ajotite grâvéftiërit un historién (2), îê diable,
d'asile aux criminels dans les églises, excep- qui était entré dans le corps du mort, tour-
taient ordinairement les sorciers qui, d'ail- menta le fidèle Àstnônd, le déchirant, lui dé-
leurs ne cherchaient pas trop là leur recours. figurant le visage et lui arrachant mômë une
ASIMA, démon qui rit quand on fait le oreille, sans lui donner de faisons de sa fu^
mal. Il â été adoré à Emath, dans la tribu reur. Asmbnd, impatienté, coupa là tête du
de Nephtali, avant que les habitants de cette mort, croyant rogner aussi le diable qui
ville fussent transportés à-Samarie. s'était logé là; Sur Ces entrefaites, préci-
ASMODÉE, démon destructeur, le même sément, lé roi de Suède, Eric, passant devant
que Samaël, suivant quelques rabbins. 11 est la caverne murée ét entendant dit
vacarme
aux enfers surintendant des maisons de jeu, crut qu'elle renfermait un trésor, gardé par
selon l'esprit de quelques démonomanes, qui des démons. 11 la fit ouvrir, et fut bien SUr-
ont écrit comme s'ils eussent fait en touristes pris d'y trouver Àsmond, pâle, ensanglanté,
le voyage de l'autre monde. Il sème la dissi- auprès d'un cadavre puant il lui ût conter
pation et l'erreur. Les rabbins content son histoire, et, ravi de sa fidélité et de son
qu'il détrôna un jour Salomon; mais que bien- courage, il l'obligea par de bons procédés,
tôt Salomon le chargea de fers et le força à le suivre à sa cour.
de l'aider à bâtir le temple de Jérusalem. ASMOUG, l'un des démons qui, sous les
Tobie, suivant les mêmes rabbins, l'ayant* ordres d'Arimane, sèment en Perse les dis-
expulsé, avec la fumée du fiel d'un poisson, sensions, les procès et les querelles.
du corps de la jeune Sara qu'il possédait, ASOORS. C'est le nom que les Indiens don-
l'ange Raphaël l'emprisonna aux extrémités nent à certains mauvais génies qui font loin-
de l'Egypte. Paul Lucas dit qu'il l'a vu dans ber les voyageurs dans des embûches.
un de ses voyages. On s'est amusé de lui à ASPAME. « Zorobabel était épris d'un si
ce sujet cependant on a pu lire dans le fol amour pour Aspame, qu'elle le souffle-
Courrier de l'Egypte que le peuple de ce tait comme un esclave et lui ôtait le diadème
pays adore encore le serpent d'Asmodée, le- pour en orner sa tête, indigne d'un tel orne-
quel a un temple dans le désert de Ryanneh. ment, dit Delancre (3) elle le faisait rire et
On Ajoute que ce serpent se coupe par mor- pleurer, quand bon lui semblait, le tout par
ceaux, et qu'un instant après il n'y paraît philtres et fascinations. » Les belles dames
pas. font tous les jours d'aussi grands excès et
Cet Asmoûée est au jugement de.quel- produisent d'aussi énormes stupidités sans
ques-uns, l'ancien serpent qui séduisit Eve. fascination et sans philtre.
Les Juifs, qui l'appellent Asmodai, faisaient ASPICULETTE (MARIE D'), sorcière d'An*
de lui le prince des démons, comme on le daye, dans le pays de Labour, sous le règne
voit dans la paraphrase chaldaïque. C'est de Henri IV. Elle fut arrêtée à l'âge de dix-
aux enfers, dans Wierus, un roi fort et puis- neuf ans et avoua qu'on l'avait menée au
sant, qui a trois têtes la première ressem- sabbat, que là elle avait baisé le derrière du
ble à celle d'un taureau, la seconde à celle diableau-dessous d'une grande queue, et que
d'un homme, la troisième à celle d'un bélier ce derrière était fait comme le museau d'un
II a une queue de serpent, des pieds d'oie bouc. (40
une haleine enflammée. Il se montre achevai ASPIDOMANCIE divination peu connue
sur un dragon; portant en main un étendard qui se pratique aux Indes* selon quelques
et une lance. Il est soumis cependant par voyageurs. Delancre dit (5) que le devin ou
la hiérarchie infernale, au roi Amoymon. sorcier trace un cercle, s'y campe assis sur
Lorsqu'on l'exorcise, il faut être ferme sur un bouclier, marmotte des conjurations, de-
ses pieds, et l'appeler par son nom. Il donne vient hideux et ne sort de son extase que
des anneaux constellés; il apprend aux hom- pour annoncer les choses qu'on veut savoir,
mes à se rendre invisibles et leur enseigne et que le diable vient dé lui révéler.
la géométrie, l'arithmétique, l'astronomie et ).
ASRAFIL, ange terrible qui, selon les mu-
les arts mécaniques. Il connaît aussi des tré- sulmans, doit sonner de la trompette et ré-
(t) Wierus, in Pseudoinonarchiadœmon. U) Incrédulitéet mécréanco,etc., tr. 5.
(2) SaxoGrammat.Danicœhist.lib. V. (S) Delâncfe, Tableau de l'mconstahca des m»uvah
(.3)Incrédulitélit inéctéàncedû Sortilège,été. anges, etc., liv. Tr,ftlsc 1.
135 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 156
veiller tous les morts pour le jugement der- chiffres 1 à 12. Vous voulez deviner quel-
nier. On le confond souvent avec Asraël. que affaire qui vous embarrasse, ou pénétrer
ASSA-FOETIDA. les Hollandais appel- l'es secrets de l'avenir posez la question
lent cette plante fiente du diable (duivelsdrek). sur un papier que vous aurez passé au-dessus
ASSASSINS secte d'Ismaéliens qu'on eni- de la fumée du bois de genièvre placez ce
vrait de hrachick et à qui on faisait un dogme papier renversé sur la table, et jetez tes dés.
de tuer. Le souverain des Assassins s'appe- Vous écrirez les lettres à mesure qu'elles
lait le cheick ou vieux de la Montagne. Il est se présentent. En se combinant, elles vous
célèbre dans l'histoire des croisades. Voy. donneront la réponse 1 vaut la lettre A 2
Thuggisme. vaut E 3 vaut I, ou Y; h vaut 0 5 vaut U;
ASSHETON (GUILLAUME),théologien an- 6 vaut B, P, ou V;7 vaut C,K, ou Q; 8
glican, mort en 1711. Il publia, en 1691, un vaut D, ou T 9 vaut F, S, X, ou Z; 10 vaut
petit ouvrage peu recherché, intitulé: la Pos- G, ou J; 11 vaut L, M, ou N; 12 vaut R.
sibilité des apparitions. Si la réponse est obscure, il ne faut pas s'en
ASTAROTH, grand-duc très-puissant aux étonner le sort est capricieux. Dans le cas
enfers. Il a la figure d'un ange fort laid, et où vous n'y pouvez rien comprendre, recou-
se montre chevauchant sur un dragon infer- rez à d'autres divinations. La lettre H
nal il tient à la main droite une vipère. n'est point marquée, parce qu'elle n'est pas
Quelques magiciens disent qu'il préside à nécessaire. Les règles du destin se dispen-
l'Occident, qu'il procure l'amitié des grands sent de celles de l'orthographe. PH s'expri-
seigneurs, et qu'il faut l'évoquer le mercredi. me fort bien par la lettre F, et CH par la
Les Sidoniens, les Philistins et quelques sec- lettre X.
tes juives l'adorèrent. Il est, dit-on, grand- Les anciens pratiquaient l'astragaloman-
trésorier aux enfers, et donne de bons avis cie avec des osselets marqués des lettres de
qùand on émet des lois nouvelles. Wierus l'alphabet, et les lettres que le hasard ame-
nous apprend qu'il sait le passé, le présent nait faisaient les réponses. C'est par ce
et l'avenir, qu'il répond volontiers aux ques- moyen que se rendaient les oracles d'Her-
tions qu'on lui fait sur les' choses les plus cule en Achaïe. On mettait les lettres-dans
secrètes, et qu'il est facile de le faire causer une urne et on les tirait comme on tire les
sur la création, les fautes et la chute des an- numéros des loteries.
ges, dont il connaît toute l'histoire mais ASTRES. La première idolâtrie a com-
dans ses. conversations il soutient que pour mencé par le culte des astres. Tous les peuples
lui il a été puni injustement. Il enseigne à fourvoyés les adoraient, au temps de Moïse.
fond les arts. libéraux et commande quaran- 'Lui seul dit aux Hébreux « Lorsque vous
te légions. Celui qui le fait venir doit pren- élevez les yeux vers le ciel, que vous voyez
dre garde de s'en laisser approcher, à cause le soleil, la lune et les autres astres, gardez-
de son insupportable puanteur. C'est pour- vous de tomber dans l'erreur et de les ado-
quoi il est prudent de tenir sous ses narines rer, car c'est Dieu qui les a créés » ( Deuté-
un anneau magique en argent, qui est un ronome, chap. 4k).
préservatif contre les odeurs fétides des dé- Ceux qui ne croient pas à la révélation
mons (1). Astaroth a figuré dans plusieurs devraient nous apprendre comment Moïse a
possessions. été plus éclairé que les sages de toutes les
ASTARTÉ, femelle d'Aslaroth, selon quel- nations dont il était environné (1)
ques démonomanes. Elle porte des cornes Mahomet dit dans le Koran, que les étoiles
non difformes comme celles des autres dé- sont les sentinelles du ciel, et qu'elles em-
mons, mais façonnées en croissant. Les Phé- pêchent les démons d'en approcher et de
niciens adoraient la lune sous le nom d'As- connaître les secrets de Dieu. Il y a des sec-
tarté. A Sidon, c'était la même que Vénus. tes qui prétendent que chaque corps céleste
Sanchoniaton dit qu'elle eut deux fils le est la demeure d'un ange, Les Arabes,
Désir et l'Amour. On l'a souvent représentée avant Mahomet, adoraient les astres. Les
avec des rayons, ou avec une tête de génisse. anciens en faisaient des êtres animés; les
Des érudits prétendent qu'Astaroth, qui don- Egyptiens croyaient qu'ils voguaient dans
ne les richesses, est le soleil, et Astarté la des navires à travers les airs comme nos
lune; mais dans les anciens monumensorien- aéronautes ils disaient que le'soleil, avec
taux, Astarté est le même qu'Astaroth, et son esquif, traversait l'Océan toutes les nuits
Astaroth le même qu'Astarté. pour retourner d'occident en orient.
ASTIAGES roi des Mèdes. Quand Cyrus D'autres physiciens ont prétendu que les
eut vaincu l'Asie, on publia qu'Astiages étoiles sont les yeux du ciel, et que les lar-
son grand-père, avait songé en dormant que mes qui en tombent forment les pierres pré-
dans le sein de sa fille Mandane croissait une cieuses. C'est pour cela, ajoutent-ils que
vigne qui, de ses feuilles, couvrait l'Asie en- chaque étoile (ou plutôt chaque planète) a sa
tière présage de la grandeur de Cyrus, fils pierre favorite.
de Mandane. ASTROLABE, instrument dont on se sert
ASTRAGALOMANCIE divination par les pour observer les astres et tirerleshoroscopes.
dés. Prenez deux dés, marqués comme d'u- Il estsouvent semblableàunesphèrearmillai-
sage des numéros 1, 2, 3, k, 5,' 6. On peut re. L'astrologue, instruit du jour, de l'heure,
jeter à volonté un dé seul, ou les deux dés à du moment où est né celui qui le consulte, ou
la fois; on a ainsi la. chance d'amener les pour lequel on le consulte, met les choses à
(1) Wierus,in Pseudomonarchia dsem, (1) Bergier, Dict. théolog., au motAstres.
157 ASÎ ÀST 13«
la place qu'elles occupaient aiors, et dresse quèrent pas de la trouver et la cérémonie
son thème sniva-ot la position des planètes du couronnement fut renouvelée, à la grande
et des constellalions. satisfaction de Schah-Sephi qui mourut
Il y a eu des gens autrefois qui faisaient quelques jours après. »
le métier de découvrir les voleurs par le II en est de même à la Chine, où l'empe-
moyen d'un astrolabe. « Le ciel, disaient-ils, reur n'ose rien entreprendre sans avoir con-
est un livre dans lequel on voit le passé, le sulté son thème natal.
La vénération des Japonais pour l'astrolo-
présent et l'avenir; pourquoi ne pourrait-on
pas lire tes événements de ce monde dans gie est plus profonde encore chez eux per-
un instrument qui représente la situation sonne n'oserait construire un édifice sans
des corps célestes (t) ? » avoir interrogé quelque astrologue sur la
ASTROLOGIE, art de dire la bonne aven- durée du bâtiment. Il y en a même qui, sur
ture et de prédiré les événements, par l'as- la réponse des astres, se dévouent et se
pect, les positions et les influences des corps tuent pour le bonheur de ceux qui doivent
célestes. On croit que l'astrologie qu'on habiter la nouvel.le maison (2).
appelle aussi astrologie judiciaire, parce Presque tous les anciens, Hippocrate, Vir-
qu'elle consiste en jugements sur les per- gile, Horace, Tibère, croyaient à l'astrologie.
sonnes et sur les choses, a pris naissance Le moyen-âge en fut infecté. On tira l'horos-
dans la Chaldée, d'où elle pénétra en Egypte, cope de Louis XIII et de Louis XIV et Boi-
en Grèce et en Italie. Quelques antiquaires leau dit qu'un téméraire auteur n'atteint pas le
attribuent l'invention de cette science àGham, Parnasse, si son astre ennaissant ne l'a formé
fils de Noé. Le commissaire de Lamarre, dans poëte.
son Traité de police, titre 7, chap. 1", ne En astrologie, on ne connaît dans le ciel
repousse pas les opinions qui établissent que sept planètes, et douze constellations
qu'elle lui a étè.enseignée par le démon. dans le zodiaque. Le nombre de celles-ci
Diogène Laërce donne à entendre que les n'a pas changé; mais il y a aujourd'hui
Egyptiens connaissaient la rondeur de la douze planètes. Nous ne parlerons que des
terre et la cause des éclipses. On ne peut sept vieilles, employées par les astrolo-
leur disputer l'habileté en astronomie; mais, gues. Nous n'avons, disent ils aucun
au lieu de se tenir aux règles droites de cette membre que les corps célestes ne gouver-
science, ils en ajoutèrent d'autres, qu'ils fon- nent. Les sept planètes sont, comme on sait,
dèrent uniquement sur leur imagination; ce le Soleil, la Lune, Vénus, Jupiter, Mars
furent là les principes de l'art de deviner et Mercure et Saturné. Le Soleil préside à la
de tirer les horoscopes. Ce sont eux, dit tête la Lune, au bras droit; Vénus, au bras
Hérodote, qui enseignèrent à quel dieu cha- gauche; Jupiter, à l'estomac; Mars, aux par-
que mois, chaque jour est consacré, qui ob- ties sexuelles Mercure, au pied -droit, et
servèrent les premiers sous quel ascendant Saturne, au pied gauche; ou bien Mars
un homme est né, pour prédire sa fortuné, gouverne la tête, Vénus le bras droit, Jupi-
ce qui lui arriverait dans sa vie, et de quelle ter le bras gauche, le Soleil l'estomac, la
mort il mourrait. Lune les parties sexuelles, Mercure le pied
« J'ai lu dans les registres du ciel tout ce droit et Saturne le pied gauche.
qui doit vous arriver à vous et à votre fils, » Parmi les constellations, le Bélier gouver-
disait à ses crédules enfants Bélus, prince ne la tête; le Taureau, le cou; les Gémeaux,
de Babylone. Pompée César Crassus les brasetles épaules; l'Ecrevisse, la poitrine
croyaient à l'astrologie. Pline en parle et le cœur; le Lion, l'estomac; la Vierge, le
comme d'un art respectable. Cette science ventre; la Balance, les reins et les fesses; le
gouverne encore la Perse et une grande par- Scorpion, les parties sexuelles; le Sagittaire,
tie de l'Asie. « Rien ne se fait ici, dit Taver- les cuisses; le Capricorne, les genoux; le
nier dans sa relation d'Ispahan, que de l'avis Verseau, les jambes; et les Poissons, les
des astrologues. Ils sont plus puissants et pieds.
plus redoutés que le roi, qui en a toujours On a mis aussi le monde c'est-à-dire les
quatre attachés à ses pas, qu'il consulte sans empires et les villes, sous l'influence des
cesse et qui l'avertissent du temps uù il doit constellations. Des astrologues allemands, au
se promener, de l'heure où il doit se renfer- seizième siècle, avaient déclaré Francfort
mer dans son palais, se purger, se vêtir de sous l'influence du Bélier, Wurtzbourg sous
ses habits royaux, prendre ou quitter le celle du Taureau, Nuremberg sous les Gé-
sceptre, etc. Ils sont si respectés dans cette meaux, Magdebourg sous l'Ecrevisse, Ulm
cour, que le roi Schah-Sophi étant accablé sous le Lion Heidelberg sous la Vierge,
depuis plusieurs années d'infirmités que l'art Vienne sous la Balance Munich sous le
ne pouvait guérir, les médecins jugèrent Scorpion, Stuttgard sous le Sagittaire, Augs-
qu'il n'était tombé dans cet état de dépéris- bourg sous le Capricorne, lngolstadt sous
sement que par la faute des astrologues, qui le Verseau," et Rastibonne sous les Poissons.
'avaient mal pris l'heure à laquelle il devait • Hermès a dit que c'est parce qu'il y a sept
être élevé sur le trône. Les astrologues re- trous à la tête, qu'il y a aussi dans le ciel
connurent leur erreur ils s'assemblèrent de sept planètes pour présider à ces trous Sa-
nouveau avec les médecins, cherchèrent dans turne et Jupiter aux deux oreilles, Mars et
le ciel la véritable heure propice, ne man- Vénus aux deux narines, le Soleil et la Lune
(1) Le père Lebrun, Hist.des pratiques superst., 1.1, 12) Essai sur les erréurs et les superstitions par
p. 230. M. L. C., ch. 5.
DICTIONN. DES SCIENCESoccultes. I. &
139 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 140
aux deux yeux, et Mercure à la bouche. aspect, parce qu'ils partagent le ciel en trois,
Léon l'Hébreu, dans sa Philosophie d'amour, et qu'ils sont séparés l'un de l'autre par
traduite par le sieur Duparc, champenois, trois autres constellations. Cet aspect est bon
admet cette opinion, qu'il précise très-bien et favorable.
« Le Soleil préside à l'œil droit, dit-il et Quand ceux qui partagent le ciel par1
;là Lune à l'œil gauche, parce que tous lés sixième se rencontrent à l'heure de l'opéra-
deux sont 'ies yeux du ciel; Jupiter gou-' tion comme le Bélier avec les le
Gémeaux
verne l'oreille gauche Saturne, là droite Taureau avec l'Ecrevisse etc. ils forment
Mars, te pertuis droit du nez Vénus, le per- l'aspect sextil, qui est médiocre.
tuis gauche; et Mercure, la bouche, parce
'Quand ceux qui partagent le ciel en qua-
qu'il préside à la parole; » tre comme le \Bélier avec l'Ecrevisse le
Ajoutons encore que Saturne domine sur
la vie, les changements les édifices et les Taureau avec le Lion les Gémeaux avec la
Vierge se rencontrent dans le ciel ils for-
sciences Jupiter, sur l'honneur, les sou-
ment l'aspect carré, qui est mauvais.
haits, les richesses et la propreté des habits;
Mars, sur la guerre, les prisons, les maria- Quand ceux qui se trouvent aux parties
ges, les haines le Soleil, sur l'espérance, le opposées du ciel comme le Bélier avec la
le Taureau avec le Scorpion les
bonheur, le gain, les héritages; Vénus, sur Balance
tes amitiés et les amours Mercure, sur les Gémeaux avec le Sagittaire etc., se rencon-
maladies, les pertes, les dettes, le commerce trent à l'heure de leur naissance, ils forment
et la crainte; la Lune, surles plaies; les son- l'aspect contraire, qui est méchant et nuisi-
ges etles larcins. Aussi, du moins, le décide, ble.
le livre des admirables secrets d'Albert le Les autres sont en conjonction, quand deux
Grand. planètes se trouvent réunies dans le même
En dominant de la sorte tout ce qui arrive signe ou dans la même maison, et en oppo-
à l'homme, les planètes ramènent le même sition quand elles sont à deux points oppo-
cours de choses toutes les fois qu'elles se sés.
retrouvent dans le ciel au lieu de l'horos- Chaque signe du zodiaque occupe une
cope. Jupiter se retrouve au bout de douze place qu'on appelle maison céleste ou maison
ans au même lieu, les honneurs seront les du soleil; ces douze maisons du soleil coupent
mêmes; Vénus, au bout de huit ans, les ainsi le zodiaque en douze parties. Chaque
amours seront- les mêmes, etc., mais dans maison occupe trente degrés, puisque le cer-
un autre individu. éle en a trois cent soixante. Les astrologues
N'oublions pas non plus que chaque pla- représentent les maisons par de simples nu-
nète gouverne un jour de la semaine; le So- méros, dans une figure ronde ou carrée, di-
leil le dimanche, la Lune .le lundi, Mars visée en douze cellules.
le mardi, Mercure le mercredi Jupiter le La première maison est celle du Bélier,
jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi; qu'on appelle l'angle oriental, en argot astro-
que le jaune est la couleur du Soleil, le logique. C'est la maison de la vie, parce que
blanc celle de la Lune, le vert celle de Vénus, ceux qui naissent quand cette constellation
le rouge celle.de Mars, le bleu celle de Jupi- domine, peuvent vivre longtemps.
ter, le noir celle de Saturne, le mélangé >.La seconde maison est celle du Taureau 0
celle de Mercure que le Soleil préside à qu'on appelle la porte inférieure. C'est la,
l'or, la Lune à l'argent, Vénus à l'étain, Mars maison des richesses et des moyens de for-
au fer, Jupiter à l'airain, Saturne au plomb, tune.
Mercure au vif-argent, etc. ,La troisième maison est celle des Gémeaux
Le Soleil est bienfaisant et favorable Sa- appelée la demeure des frères. C'est la maison
turne, triste, morose et froid Jupiter, tem- des héritages. et des bonnes successions.
péré et bénin Mars, ardent Vénus, bien- La quatrième maison est celle de l'Ecre-
veillante Mercure, inconstant; la Lune, visse. On l'appelle le fond du ciel, l'angle de
mélancolique.' la terre, la demeure des parents. C'est la mai-
Dans les constellations, le Bélier, le Lion et son des trésors ef des biens de patrimoine.
le Sagittaire sont chauds, secs et ardents; le La cinquième maison est celle du Lion
Taureau, la Vierge et le Capricorne, lourds, dite la demeure des enfants; c'est la maison
froids et secs les Gémeaux, la Balance et des legs et des donations.
le Verseau, légers, chauds et humides; l'E- La sixième maison est celle de la Vierge
crevisse, le Scorpion et les Poissons, humi- on l'appelle Yamourdè Mars. C'est la maison
des, mous et froids. des chagrins des revers et des maladies.
Au moment de la naissance d'un enfant La septième maison est celle de la Balance,
dont on veut tirer l'horoscope, ou bien au qu'on appelle l'angle occidental. C'est la mai.
jour de l'événement dont on cherche à pré- son des mariages:et des noces.
sager les suites, il faut d'abord voir sur l'as– La huitième maison est celle du Scorpion,
trolabè quelles sont les constellations et pla- appelée la porte supérieure. C'est la maison. •
nètes qui dominent dans le ciel et tirer les de l'effroi des craintes et.de la mort.
conséquencesqu'indiquenlleurs vertus, leurs La neuvième maison est celle; du Sagit,
.qualités et leurs fonctions. Si trois signes de taire, appelée l'amour du soleil. C'est la mai,
la même nature se rencontrent dans le ciel., son de la piété de. la religion des voyages
comme par exemple le Bélier, le Lion et et de la philosophie.
'le Sagittaire, ces trois signes forment leNff in La dixième maison est cellédu Capricorne,
,«i Àsf AST 142
dilo le' milieu du ciel. C'est la maison des des horoscopes tout drnssés. d'après les cons-
tout dressés,
charges des dignités et des couronnes. tellations de la naissance. Voy. Horoscope.
La onzième maison est celle du Verseau Tels sont, en peu de mots, les principes de
qu'on, appelle l'amour de Jupiter. C'est la cet art, autrefois si vanté, si universellement
maison des amis des bienfaits et de la for- répandu, et maintenant un peu tombé en dé-
tune. suétude. Les astrologues conviennent que 1©
La douzième maison est celle des poissons, globe roule si rapidement, que la disposition
appelée l'amo.ur de Saturne. C'est la plus des astres change en un moment. 11 faudra
mauvaise de toutes eUa plus funeste c'est donc, pour tirer les horoscopes, que les sa-
la maison des empoisonnements des misè- ges-femmes aient soin de regarder attentive-
res, de l'envie de l'humeur noire et de la ment les horloges, de marquer exactement
mort violente. chaque point du jour, et de conserver à celui
Le Bélier et le Scorpion sont les maisons qui nait ses étoiles comme son patrimoine.
chéries de Mars; le Taureau et la Balance, « Mais combien de fois, dit Bardai, le péril
celles de Vénus les Gémeaux et la Vierge des mères empéche-t-il ceux qui sont autour
celles de Mercure le Sagittaire et les Pois- d'elles de songer à cela 1 Et combien de fois
sons, celles de Jupiter; le Capricorne et' le ne s'y trouve-t-il personne qui soit assez su-
Verseau., celles de Saturne; le Lion celle perstitieux pour s'en occuper! Supposez ce-
du Soleil l'Ecrevisse, celle de la Lune. pendant qu'on y ait pris garde, si l'enfant est
Il faut examiner avec soin les rencontres longtemps à naître, et si ayant montré la
des planètes avec les constellations. Si Mars, tête, le reste du corps ne parait pas de suite,
par exemple se rencontre avec le Bélier à comme il arrive, quelle disposition des astres
l'heure de la naissance,il donne du courage, sera funeste ou favorable? sera-ce celle qui
de la fierté et une longue vie s'il se trouve aura présidé à l'apparition de la tête, ou celle
avec le Taureau, richesses et courage. En un qui se sera rencontrée quand l'enfant est en-
mot, Mars augmente l'influence des constel- tièrement né?. »
laiions avec lesquelles il se rencontre, et y Voici quelques anecdotes sur le compte des
ajoute la valeur et la force. Saturne qui astrologues
donne les peines les misères, les maladies, Un valet, ayant volé son maître, s'enfuit
augmente les mauvaises influences et gâte avec l'objet dérobé. On mit des gens à sa
les bonnes. Vénus au contraire augmente poursuite, et, commeon ne le trouvait pas, on
les bonnes influences et affaiblit les mauvai- consulta un astrologue. Celui-ci habile à
ses. Mercure augmente ou affaiblit les in- deviner les choses passées, répondit que le
fluences suivant ses conjonctions. S'il se ren- valet s'était échappé parce que la lune s'é-
contre avec les Poissons qui sont mauvais, tait trouvée, à sa naissance, en conjonction
il devient moins bon s'il se trouve avec le avec Mercure, qui protège les voleurs, et que
Capricorne qui est favorable il devient de plus longues recherches seraient inutiles.
meilleur. -La Lune joint la mélancolie aux Comme il disait ces mots, on amena le do-
constellations heureuses; elle ajoute la tris- mestique, qu'on venait de prendre enfin,
tesse ou la démence aux constellations fu- malgré la protection de Mercure.
nestes. -Jupiter, qui donne les richesses et Les astrologues tirent vanité de deux ou
les honneurs augmente les bonnes influen- trois de leurs prédictions accomplies, quoi-
cés et dissipe à peu près les mauvaises. que souvent d'une manière indirecte, entre
Le Soleil ascendant. donne les faveurs des mille qui n'ont point eu de succès. L'horos-
princes il a sur les influences presque au- cope du poëte Eschyle portait qu'il serait
tant d'effet que Jupiter mais descendant il écrasé par la chute d'une maison; il s'alla,
présage des revers. dit-on, mettre en plein champ, pour éviter
Ajoutons que les Gémeaux, la Balance et sa destinée; mais un aigle, qui avait enlevé
la Vierge donnent la beauté par excellence une tortue, la lui laissa tomber sur la tête
le Scorpion, le Capricorne et les Poissons et il en fut tué. Si ce conte n'a pas été fait
donnent une beauté médiocre. Les autres après coup, nous répondrons qu'un aveugle,
constellations donnent plus ou moins la lai- en jetant au hasard une multitude de flèches,
dèur. La Vierge, la Balance, le Verseau et peut atteindre le but une fois par hasard.
les Gémeaux donnent une belle voix; l'Ecre- Quand il y avait en Europe des milliers d'as-
visse, le Scorpion et les Poissons donnent une tiologoes qui faisaient tous les jours de nou-
voix nulle ou désagréable. Les autres cons- velles prédictions il pouvait s'en trouver
tellations n'ont pas d'influence sur la voix. quelques-unes que l'événement, par cas for-
Si lès planètes et les constellations se trou- tuit, justifiait; et celles-ci, quoique rares,
vent à l'Orient, à l'heure de l'horoscope, on entretenaient la crédulité que des millions
éprouvera leur influence au commencement de mensonges auraient dû détruire.
de la vie ou de l'entreprise; on l'éprouvera L'empereur Frédéric-Barberousse étant
au milieu si ellêssont au haut du ciel, et à la sur le point de quitter Vicence, qu'il venait
fin si elles sont l'Occident. de prendre d'assaut, défia le plus fameux
Afin que l'horoscope ne trompe point, il astrologue de deviner par quelle porte il sor-
faut avoir soin d'en commencer les opéra- tirait le lendemin. Le charlatan répondit au
tions précisément à la minute où l'enfant est défi par un tour de son métier; il remit à
né, ou à l'instant précis d'une affaire dont Frédéric un billet cacheté, lui recommandant
on veut savoir Ics suites. Pour ceux qui de ne l'ouvrir qu'après sa sortie. L'empereur
n'exigent pas une exactitude si sévère, il y a r fit abattre, pendant la nuit, quelques toises
143 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 144
de mur, et sortit par la brèche. Il ouvrit en- fêtes de Noël. L'astrologue répondit qu'il
suite le billet, et ne fut pas peu surpris d'y n'en savait rien. Je suis donc plus habile
lire ces mots « L'empereur sortira par que toi, répondit le roi car je sais que tu
la porte neuve. » C'en fut assez pour que les passeras dans la Tour de Londres. Il l'y
l'astrologue et l'astrologie lui parussent in- fit conduire en même temps. Il est vrai que
finiment respectables. c'était une mauvaise raison.
Un homme, que les astres avaient con- Un astrologue regardant au visage Jean
damné en naissant à être tué par un cheval, Galéas, duc de -Milan, lui dit Seigneur,
avait grand soin de s'éloigner dès qu'il aper- arrangez vos affaires car vous ne pouvez
cevait un de ces animaux. Or, un jour qu'il vivre longtemps.
passait dans une rue, une enseigne lui tomba Comment le sais-tu? lui demanda le
sur la tête, et il mourut du coup c'était, dit duc.
le conte l'enseigne d'un auberge où était Par la connaissance des astres.
représenté un cheval noir. Et toi, combien dois-tu vivre?
Mais il y a d'autres anecdotes. Un bour- Ma planète me promet une longue vie.
geois de Lyon, riche et crédule, ayant fait Oh bien 1 tu vas voir qu'il ne faut pas
dresser son horoscope, mangea tout son bien se fierajix planètes et il le fit pendre sur-le-
pendant le temps qu'il croyait avoir à vivre. champ. Voy. Louis XI, Trasulle, etc.
N'étant pas mort à l'heure que l'astrologue ASTRONOMANCIE, divination par les as-
ui avait assignée, il se vit obligé de demander tres. C'est la même chose que l'astrologie.
l'aumône, ce qu'il faisait en disant Ayez ASTYLE, devin fameux dans l'histoire des
pitié d'un homme qui a vécu plus longtemps Centaures. On trouve dans Plutarque un au-
qu'il ne croyait. tre devin nommé Astyphile. Voy. Cimon.
Une dame pria un astrologue de deviner ASWITH, Voy. Asmond.
un chagrin qu'elle avait dans l'esprit. L'as- ATHENAGORE, philosophe platonicien
trologue, après lui avoir demandé l'année, qui embrassa le christianisme au deuxième
le mois, le jour et l'heure' de sa naissance, siècle. On peut lire son Traité de la résur-
dressa la figure de son horoscope, et dit beau- rection des morts, traduit du grec en français
coup de paroles qui signifiaient peu de par Gaussart, prieur de Sainte-Foy, Paris,
chose. La dame lui donna une pièce de quinze 1574, et par Duferrier, Bordeaux, 1577, in-8°.
sous. ATHENAIS, sibylle d'Erythrée. Elle pro-
Madame dit alors l'astrologue, je dé- phétisait du temps d'Alexandre. Voy. Sibyl-
couvre encore dans votre horoscope que LES.
vous n'êtes pas riche. ATHENODORE, philosophe stoïcien du
Cela est vrai, répondit-elle. siècle d'Auguste. On conte qu'il y avait à
Madame poursuivit-il en considérant Athènes une fort belle maison où personne
de nouveau les figures des astres, n'avez-vous n'osait demeurer, à cause d'un spectre qui
rien perdu? » s'y montrait la nuit. Athénodore, étant arrivé
J'ai perdu, lui dit-elle l'argent que je dans cette ville, ne s'effraya point de ce
viens de vous donner. qu'on disait de la maison décriée, et l'acheta.
Darah, l'un des quatre fils du grand-mogol La première nuit qu'il y passa, étant oc-
Schah-Géhan, ajoutait beaucoup de foi aux cupé à écrire, il entendit tout à coup un bruit
prédictions des astrologues. Un de ces doctes de chaînes, et il aperçut un vieillard hideux,
lui avait prédit, au péril de sa tête, qu'il por- chargé de fers, qui s'approchait de lui à pas
terait la couronne. Darah comptait là-dessus. lents. 11continua d'écrire. Le spectre l'appe-
Comme on s'étonnait que cet astrologue osât lant du doigt, lui fit signe de le suivre. Athé-
garantir sur sa vie un événement aussi in- nodore répondit à l'esprit, par un autre signe,
certain II arrivera de deux choses l'une, qu'il le priait d'attendre, et continua son
répondit-il, ou Darath parviendra au trône, travail; mais le spectre fit retentir ses chaî-
et ma fortune est faite; ou il sera vaincu; nes à ses oreilles, et l'obséda tellement; .que
dès lors sa mort est certaine, et je,ne redoute. le philosophe, fatigué, se détermina à voir
pas sa vengeance. l'aventure. Il marcha avec le fantôme, qui
Heggiage, général arabe sous le calife Va- disparut dans un coin de la cour. Athénodore
lid, consulta, dans sa dernière maladie, un étonné arracha une poignée de gazon pour
astrologue qui lui prédit une mort prochaine. reconnaître le lieu, rentra dans sa chambre,
Je compte tellement sur votre habileté, et le lendemain il fit part aux magistrats de
lui répondit Heggiage, que je veux vous avoir ce qui lui était arrivé. On fouilla dans l'en-
avec moi dans l'autre monde, et je vais vous droit indiqué; on trouva les-os d'un cadavre
y envoyer le premier, afin que je puisse me avec des chaînes, on lui rendit les honneurs
servir de vous dès mon arrivée. Et il lui fit de la sépulture, et dès ce moment, ajoute-t-
couper la tête, quoique le temps fixé par les on, la maison fut tranquille (1). Voy. Atola
astres ne fût pas encore arrivé. et Arigngte.
L'empereur Manuel, qui avait aussi des ATINIUS. Tite-Live raconte que, le malin
prétentions à la science de l'astrologie, mit d'un jour où l'on représentait les grands jeux,
en mer, sur la foi des astres, une flotte qui un citoyen de Rome conduisit un de ses es-
devait faire des merveilles et qui fut vaincue, claves à travers le cirque, en le faisant battre
brûlée et coulée bas. de verges; ce qui divertit ce grand peuple
Henri VII roi d'Angleterre demandait à romain. Les jeux commencèrent à la suite J
un astrologue s'il savait où il passerait les
(1) Plin.jun., Epist. lib. VII, ep. 27, ad Suram.
P
U5 AUB AUG m
de cette parade; mais quelques jours après suivants fatalité de jours, fatalité de lieux,
Jupiter Capitoliu apparut'la nuit, en songe, à présages songes apparitions merveilles et
'un homme du peuple nommé Atinius (1), et prodiges; réimprimé en 172t, avec des addi-
lui ordonna d'aller dire de sa part aux con- tions.
suls qu'il n'avait pas été content de celui qui • AUBRY( Nicole ) possédée de Laon au
menait la danse aux derniers jeux et que seizième siècle. Boulvèse, professeur d'hé-
l'on recommençât la fête avec un autre dan- breu au collège de Montaigu homme qui
seur. Le Romain, à son réveil, craignit croyait facilement et qui était facilement
de se rendre ridicule en publiant ce songe dupé a écrit l'histoire de cette possession
et le lendemain son fils, sans être malade, qui fit grand bruit en 1566.
mourut subitement. La nuit suivante, Jupi- Nicole Aubry, de Vervins, fille d'un bou-
ter lui apparut de nouveau et lui demanda cher et mariée à un tailleur, allait prier sur
s'il se trouvait bien d'avoir méprisé l'ordre le tombeau de son grand-père mort sans
des dieux, ajoutant que s'il n'obéissait, il lui avoir pu faire sa dernière confession. Elle
arriverait pis. Alinius, ne s'étant pas encore crut le voir sortir du tombeau, lui demandant
décidé à parler aux magistrats fut frappé de faire dire des messes pour le repos de son
d'une paralysie qui lui ôta l'usage de ses âme qui était dans le purgatoire. La jeune
membres. Alors il se fil porter en chaise au femme en tomba malade de frayeur. Ons'ima-
sénat, et raconta tout ce qui s'était passé; Il gina alors que le diable avait pris la formé
n'eût pas plutôt fini son récit, qu'il se leva, de Vieilliot, grand-père de Nicole, et qu'elle
rendu à la' santé. Toutes ces circonstances était maléficiée. Si cette femme jouait une
parurent miraculeuses. On comprit que le comédie, elle la joua bien; car elle fit croire
mauvais danseur était l'esclave battu. Le à toute la ville de Laon qu'elle était possédée
maître de cet infortuné fut recherché et puni de Belzébut, deBaltazoetde plusieurs autres
on ordonna aussi de nouveaux jeux qui fu- démons. Elle disait que vingt-neuf diables
rent célébrés avec plus de pompe que les pré- ayant formes de chats et taille de moutons
cédents. An de Rome 265. gras, l'assiégeaient de temps en temps. Elle
ATROPOS, l'une des trois Parques c'est obtint qu'on l'exorcisât et on publia que les
elle qui coupait lefil. Hésiode la peint comme démons s'étaient enfuis Astaroth sous la
très-féroce on lui donne un vêtement noir, figure d'un porc Cerberus sous celle d'un
des traits ridés et un maintien peu séduisant. chien, Belzébut sous celle d'un taureau. On
ATTILA dit le Fléau de Dieu que saint ne sait trop comment juger ces faits incon-
Loup, évêque de Troyes, empêcha de ravager cevables, si fréquents au seizième siècle.
la Champagne. Comme il s'avançait sur Rome Nicole Aubry parvint à se faire présenter,
pour la détruire, il eut une vision il vit en le 27 août 1566, au roi Charles IX, qui lui
songe un vieillard vénérable vêtu d'habits donna dix écus d'or.
sacerdotaux, qui l'épée nue au poing, le AUGEROT, sorcier. Voy. CnoRROPiQUE.
menaçait de le tuer s'il résistait aux prières AUGURES. Les augures étaient chez les
du saint pape Léon. Le lendemain, quand le Romains les interprètes des dieux. On les
pape vint lui demander d'épargner Rome, il consultait avant toutes les grandes entrepri-
répondit qu'il le ferait, et ne passa pas plus ses ils jugeaient du succès par le vol le
avant. Paul Diacre dit, dans le livre xv de chant et la façon de manger des oiseaux. On
son Histoire de Lombardie, que ce vieillard ne pouvait élire un magistrat ni donner
merveilleux n'était autre selon l'opinion une bataille, sans avoir consulté l'appétit
générale, que saint Pierre, prince des. apô- des poulets sacrés ou les entrailles des vic-
tres. times. Annibal pressant le roi Prusias de
Des légendaires ont écrit qu'Attila était le livrer bataille aux Romains celui-ci s'en
fils d'un démon. excusa, en disant que les victimes s'y oppo-
ATTOUCHEMENT. Pline dit que Pyrrhus saient. C'est-à-dire, reprit Annibal que
guérissait les douleurs de rate en touchant vous préférez l'avis d'un mouton à celui d'un
les malades du gros doigt de son pied droit vieux général. •
et l'empereur Adrien, en touchant les hydro- Les augures prédisaient aussi l'avenir, par
piques du bout de l'index, leur faisait sortir le moyen du tonnerre et des éclairs par les
l'eau du ventre. Heaucoup de magiciens et de
éclipses et par les présages qu'on tirait de
sorciers ont su produire également des cures l'apparition des comètes. Les savants n'é-
merveilleuses par le simple attouchement. taient pas dupes de leurs cérémonies et
Voy. CHARMES,ÉCROUELLES,etc. Cicéron disait qu'il ne concevait pas que
AUBIGNÉ (Nathan D'), en latin Albineus, deux augures pussent se regarder sans rire
fils du fameux huguenot d'Aubigné. II était il est vrai, la
Quelques-uns méprisèrent,
partisan de l'alchimie. Il a publié, sous le science des augures; mais ils s'en trouvèrent
titre de Bibliothèque chimique (2), un recueil
mal .parce que le peuple la respectait. On
de divers traités, recherché par ceux qui vint dire à Claudius Pulcher, prêt à livrer
croient à la pierre philosophale. bataille aux Carthaginois, que les poulets
AUBREY (JEAN), Alberius, 'savant anti- sacrés refusaient de manger. Qu'on' les
quaire anglais, mort en 1700. Il a donné, en jette à la mer, répondit-il s'ils ne mangent
1696, un livre intitulé Mélanges sur les sujets pas, ils boiront. Mais l'armée fut indignée de
(1) Plutarque le nomme Titus Latinusdans la Vie de (2) Bibliothecachimicacontractaex delectuet emenda.
Coriolan. tione NatlianisAlbinei,in-8. Genève,1654et 1675.
Ui DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 148,
ce sacrilège, et Claudius perdit la batailh 3> ques anciens, que la mère de l'empereur
Les oiseaux ne sont pas, chez nos bonne s Auguste, étant enceinte de lui, eut un songo
gens, dépourvus du don de prophétie. Le Cr.i où il lui sembla que ses entrailles étaient
de la chouette annonce la mort. Le chant d portées dans le ciel, ce qùi présageait la fu-
rossignol promet de la joie; le coucou donn e ture grandeur de son fils. Ce nonobstant,
de l'argent, quand on porte sur soi quelqu e d'autres démonographes disent qu'Auguste
monnaie le premier jour qu'on a le bonheu r était enfant du diable. Les cabalistes n'ont
«le l'entendre, elc. pas manqué de faire de ce diable une Sala-
Si une corneille vole devant vous, dit Car mandre.
dan, elle présage un malheur futur; si ell<i II y a des merveilles dans le destin d'Au-
vole à droite un malheur présent si ell<j guste; et Boguet conte, avec d'autres bons
vole à gauche, un malheur qu'on peut évite: hommes que cet empereur, étant sur le
par la prudence si elle vole sur la tête, elle point de se faire proclamer maître et sei-
annonce la mort, pourvu toulefois qu'elle gneur de tout le monde, en fut empêché par
croasse car, si elle garde le silence, elle ne une vierge qu'il aperçut en l'air, tenant en ses
rien. bras un enfant (2).
présage
On dit que la science des augures passa t Auguste était superstitieux; Suétone, rap-
des Chaldéens chez les Grecs,et ensuite che2 porte (3) que, comme on croyait de son
les Romains. Elle est défendue aux Juifs pat temps que la peau d'un veau marin préser-
Je chapitre XXIX du Lévitique. vait de la foudre, il était toujours muni d'une
Peucer dit les de veau marin. Il eut encore la faiblesse
Gaspard que augures se peau
prenaient de cinq choses 1° du ciel 2° des de croire qu'un poisson qui sortait hors dé
oiseaux 3° des bêtes à -deux pieds 4° des la mer, sur le rivage d'Actium lui présa-
bêtes à quatre pieds 5° de ce qui arrive au geait lo gain d'une bataille. Suétone ajoute
corps humain, soit dans la maison, soit hors qu'ayant ensuite rencontré un ânier, il lui
de la maison. demanda le nom de son âne que l'ânier lui
Mais les anciens livres auguraux, approu- ayant répondu que son âne s'appelait Nicolas,
vés par Maïole dans le deuxième colloque du qui signifie vainqueur des peuples, il ne douta
supplément à ses Jours caniculaires, portent plus de la victoire; et que, par la suite, il
les objets d'augures à douze chefs princi- lit ériger des statues d'airain à l'ânier, à l'âne
paux, selon le nombre des douze et au poisson sautant. Il dit même que ces
signes du
zodiaque 1° l'entrée d'un animal sauvage ou statues furent placées dans le Capitole.
domestique dans une maison; 2° la rencontre On sait qu'Auguste fut proclamé dieu de
d'un animal sur la route ou dans la rue; son vivant et qu'il eut des temples et des
3° la chute du tonnerre ;'4°un rat qui mange prêtres.
une savate un renard qui étrangle une AUGUSTIN (saint), évêque d'Hippone, l'un
poule, un loup qui emporte une brebis, etc.; des plus illustres Pères de l'Eglise. On lit
5° un bruit inconnu entendu dans ta maison, dans Jacques de Varasc une gracieuse lé-
et qu'on attribuait à quelque lutin 6° le cri gende sur ce grand saint
de la corneille ou du hibou, un oiseau qui Un jour qu'il était plongé dans ses médi-
tombe sur le chemin, etc. 7° un chat ou tout il vit passer devant lui un démon
autre animal qui entre par un trou dans la tations,
qui portait un-livre énorme sur ses épaules.
maison on le prenait pour un mauvais gé- 11 l'arrêta et lui demanda à voir ce qu con-
nie 8° un flambeau qui s'éteint tout seul, ce tenait ce livre. C'est le registre de tous
que l'on croyait une malice d'un démon les péchés des hommes, répond le démon je
9° le feu qui pétille. Les anciens pensaient les ramasse où je les trouve et je les écris à
que Vulcain leur parlait alors dans le foyer; leur place pour savoir plus aisément ce que
10°ils tiraient encore divers présages lorsque chacun me doit. dit le
la flamme étincelait d'une manière extraor- Montrez-moi
pieux évêque d'Hippone, quels péchés j'ai
dinaire 11° lorsqu'elle bondissait, ils s'ima- faits depuis ma conversion?. Le démon
ginaient que les dieux Lares s'amusaient à ouvrit le livre, et chercha l'article de saint
l'agiter; 12° enfin, ils regardaient comme un où il ne trouva que cette petite
motif d'augure une tristesse qui leur surve- Augustin
-note 11 a oublié tel jour de dire les com-
nait tout-à-coup.
Nous avons conservé quelques traces de plies. Le prélat ordonna au diable de l'at-
tendre un moment il se rendit à l'église
ces superstitions qui ne sont pas sans récita les complies, et revint auprès du dé-
poésie (1). mon, à qui il demanda de lire une seconde
Les Grecs modernes tirent des augures du fois sa note. Elle se trouva effacée. Ah
cri des pleureuses à gages. Ils disent que si vous m'avez
Ion entend brairo un âne à jeun, on lom- joué, s'écria le diable, mais
on ne m'y reprendra pltis. En disant ces
bera infailliblement de cheval dans la
jour- mots, il s'en alla peu content (4).
née,– pourvu toutefois qu'on aille à cheval. Nous avons dit que saint Augustin avait
Voyez Ornithomancie Aigle Corneille
etc. réfuté le petit livre duDémon deSocrate, d'A-
HiBoc Aruspices
AUGUSTE. Leloyer rapporte, après pulée. On peut lire aussi de ce Père le traité
quelr de l'Antéchrist et divers chapitres de son ad*
(1) Dictionnairephilosophique,au motAuqures (4) LegendaaureaJac. de Voragine,auctaa Claudinoa
(2) Discoursdes sorciers,ch. 7 <Roia,leg. m.
(3J In Auguste,cap. 90.
149 AUP AUR 150
mirable ouvrage de la Cité de Dieu, qui ont ou désembarrer, et se rendre invisible étant
rapport au genre de merveilles dont nous prisonnier, il répond que non. Interrogé
nous occupons. s'il sait dire des messes pour obtenir la gué-
AUMONE. Le peuple croit en Angleterre rison des malades, il répond qu'il en sait dire
que, pour les voyageurs qui ne veulent pas en l'honneur des cinq plaies de Notre-Sei-
s'égarer dans leur route, c'est une grande gneur et de monsieur saint Côme. Pour
imprudence de passer auprès d'une vieille tirer de lui la vérité, selon les usages d'alors,
femme sans lui donner l'aumône, surtout on l'appliqua à la question. Il avoua qu'il
quand elle regarde en face celui dont elle était allé au sabbat; qu'il lisait dans le gri-
sollicite la pitié (1).
moire que le diable, en forme de mouton,
Nous rapporterons sur l'aumône une anec- plus noir que blanc, se faisait baiser le der-
dote qui ne tient pourtant pas aux supersti- rière; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait
tions. C'est celle de cet excellent père Bri-
appris le secret d'embarrer, d'étancher et
daine, missionnaire toujours pauvre, parce d'arrêter le sang; que son démon ou esprit
qu'il donnait tout. Un jour il alla demander familier s'appelait Belzébul, et qu'il avait
à coucher au curé d'un village. qui n'avait reçu en cadeau son petit doigt. Il déclara
qu'un lit et qui le lui fit partager. Le père qu'il avait dit la messe en l'honneur de Bel-
Bridaine se leva au point du jour, selon son zébut, et qu'il savait embarrer en invoquant
«sage, pour aller prier à l'église. En sortant le nom du diable et en mettant un liard dans
du presbytère, il trouvà un pauvre mendiant une aiguillette; il dit, de plus, que le diable
qui lui demanda l'aumône. Hélasl mon parlait en langage vulgaire aux sorciers, et
ami, je n'ai plus rien, répondit le bon prê- que, quand il voulait envoyer du mal a quel-
tre, en touchant cependant son gousset, où qu'un, il disait ces mots « Vach, vech, stet,
il fut très-étonné de sentir quelque chose
styt stu! » II persista jusqu'au supplice dans
car il n'y avait rien laissé. Il fouille vive- ces ridicules révélations, mêlées d'indécentes
ment, tire un petit rouleau de quatre écus, grossièretés (2). Pour comprendre ces cho-
crie miracle, donne le rouleau au mendiant ses, voy. les articles Saebat, Boucs, etc.
et court remercier Dieu.
AURORE BOREALE, espèce de nuée
Au bout d'un instant, le curé arrive.: le rare, transparente, lumineuse, qui paraît la
père Bridaine, dans l'obscurité, avait mis la nuit du côté du nord. On ne saurait croire,
culotte du curé pour la sienne. Les quatre dit Saint-Foix, sous combien de formes l'i-
écus étaient le bien, le seul trésor peut-être
gnorance et la superstition des siècles pas-
du pauvre bon curé. Mais le mendiant avait sés nous ont présenté l'aurore boréale. Elle
disparu; il fallut bien qu'il se consolât de la produisait des visions différentes dans l'es-"
perte de son argent, et le père Bridaine de la prit des peuples, selon que ces appàrtions
perte de son petit miracle, -r- Une aventure étaient plus ou moins fréquentes, c'est-à-dire,
semblable a été attribuée à un curé de selon qu'on habitait des pays plus ou moins
Bruxelles au dix-septième siècle.
éloignés du pôle. Elle fut d'abord un sujet
AUPETIT (Pierre), prêtre sorcier, du d'alarmes pour les peuples du nord; ils cru-
village de Fossas, paroisse de Paias, près la rent leurs campagnes en feu et l'ennemi à
ville de Chalus, en Limousin, exécuté à l'âge leur porte. Mais ce phénomène devenant
de cinquante ans, le 25 mai 1598. II rie presque journalier, ils s'y sont accoutumés.
voulufpas d'abord répondre au juge civil; il Ils disent que ce sont des esprits qui se que-r
en fut référé au parlement de Bordeaux, qui relient et qui combattent dans les airs. Cette
ordonna que le'juge laïque connaîtrait de opinion est surtout très-accréditée en Sibérie.
celle affaire, sauf à s'adjoindre un juge d'é- Les Groënlandais, lorsqu'ils voient une au-
gljse. L'éyêque de Limoges envoya un mem- rore boréale, s'imaginent que ce sont les
bre de l'officialité pour assister, avec le vice- âmes qui jouent- à la boule dans le ciel, avec
sénéchal et le conseiller de Peyrat, à l'audi- une tête de baleine. Les habitants des pays
tion du sorcier. Interrogé s'il n'a pas été qui tiennent le milieu entre les terres arcti-
sabbat de Menciras, s'il n'y a pas vu ques et l'extrémité méridionale de l'Europe,
Antoine Humons de Saint-Laurent, chargé de
fournir des chandelles pour t'adoration du n'y voient que des sujets tristes ou mena-
çants, affreux ou terribles; ce sont des ar-
diable; si lui, Pierre Aupetit, n'a pas tenu le mées en feu qui se livrent de sanglantes
fusil pour les. allumer, etc.; il a répondu que
batailles, des têtes hideuses séparées de leur
non, et qu'à l'égard du diable, il priait Dieu tronc, des chars enflammés, des cavaliers qui
de le garder de sa figure ce qui signifie, au se percent de leurs lances. On croit voir des
jugement de Delancre, qu'il était sorcier. pluies de sang on entend le bruit de la mous-
Interrogé s'il ne se servait pas de graisses; queterie, le son des trompettes, présages fu-
et si, après le sabbat, il n'avait pas tu dans
pestes de guerre et de calamités publiques.
un livre pour faire venir une troupe de co- Voilà ce que nos pères ont aussi vu et en-
chons qui criaient et lui répondaient « Ti- tendu dans les aurores boréales. Fautr-il
.» ran, tiran, ramassien, ramassien, nous, s'étonner, après cela, des frayeurs affreuses
» réclamons cercles et cernes pour faire l'as-
» semblée que nous t'avons promise; » il a que leur causaient ces sortes de nuées quand
elles paraissaient? LaChroniqtie deLouisXI
répondu qu'il ne savait ce qu'on lui deman- rapporte qu'eu 1465 on aperçut à Paris une
dait. Interrogé s'il ne sait pas embarrer
(2) Delancre, Tableau de l'inconstance des mauvais
(1) Fielding,TomJomes,liv.XIV,ch. 2. anges, liv. VI, dise.4.
1SI DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 152
aurore boréale, qui rit paraître toute la ville mort vers le milieu du onzième siècle, fameux
en feu. Les soldats qui faisaient le guet en par le grand nombre et l'étendue de ses ou-
furent épouvantés, et un homme en devint vrages, et par sa vie aventureuse. On peut
fou. On en porta la. nouvelle au roi, qui en quelque sorte le comparer à Agrippa. Les
monta à cheval et courut sur les remparts. Arabes croient qu'il maîtrisait les esprits et
Le bruit se répandit que les ennemis qui qu'il se faisait servir par des génies. Comme
étaient devant Paris se retiraient et mettaient il rechercha la pierre philosophale, on dit
le feu à la ville. Tout le monde se rassembla encore dans plusieurs contrées de l'Arabie
en désordre, et on trouva que ce grand sujet qu'il n'est pas mort; mais que, grâce à l'é-
de terreur n'était qu'un phénomène. lixir de longue vie et à l'or 'potable, il vit
AUSITIF, démon peu connu, qui est cité dans une retraite ignorée avec une grande
dans la possession de Loudun, en 1643. puissance. II a composé divers traités
AUSPICES, augures qui devinaient sur- d'alchimie recherchés des songe-creux. Son
tout par le vol et le chant des oiseaux. Voy. .traité de la Congélation de la pierre et son
AUGURES,ARUSPICES,etc. Tractatuius de Alchimia se trouvent dans les
AUTOMATES. On croyait autrefois que deux premiers volumes de VArê aurifera,
ces ouvrages de l'art étaient l'œuvre du dé- Bâle, 1610.TSou Ars chimica a été imprimé à
mon. Voy. ALBERT LE GRAND, BACON, EN- Berne, 1572. On lui attribue encore deux
CHANTEMENTS, Mécanique, etc. opuscules hermétiques insérés dans le Thea-
AUTOPSIE, espèce d'extase où des fous tmm chimicum, et un volume in-8°, publié à
se croyaient en commeree avec les esprits. Bâle en 1572, sous le titre de la Porte des élé-
AUTRUCHE. JI est bien vrai qu'elle ments, Porta elementorum.-Les livres de se-
avale du fer,- car elle avale tout ce qu'elle crets merveilleux s'appuient souvent du nom
rencontre; mais il n'est pas vrai qu'elle le d'Avicenne pour les plus absurdes receltes.
digère, et l'expérience a détruit cette opinion AXINOMANCIE, divination par le moyen
erronée (1). d'une hache ou cognée de bûcheron. Fran-
AUTUN (JACQUESD'). Voy. CHEVANES. çois de Torre-Blanca, qui en parle (4), ne
AVENAR, astrologue qui promit aux nous dit pas comment les devins maniaient
Juifs, sur la foi des planètes, que leur messie la hache. Nous ne ferons donc connaître que
arriverait sans faute en 1414, ou, au plus tard, les deux moyens employés ouvertement dans
en 1464. « II donnait pour ses garants Sa- l'antiquité et pratiqués encore dans certains
turne, Jupiter, l'Ecrevisse et les 'Poissons. pays du Nord.
Tous les Juifs tinrent leurs fenêtres ouvertes 1° Lorsqu'on veut découvrir un trésor, il
pour recevoir l'envoyé de Dieu, qui n'arriva faut se procurer une agate ronde, faire rou-
pas, soit que l'Ecrevisse eût reculé, soit que gir au feu le fer de la hache, et la poser de
les Poissons d'Avenar ne fussent que des pois- manière que le tranchant soit bien perpen-
sons d'avril (2). H diculairement en l'air. On place la pierre
AVENIR. C'est pour en pénétrer les.se- d'agate sur le tranchant. Si elle s'y tient, il
crets qu'on a inventé tant de moyens de dire n'y a pas de trésor; si elle tombe, elle roulee
la bonne aventure. Toutes les divinations ont avec rapidité. On la replace trois fois, et si
principalement pour objet de connaître l'a- elle roule trois fois vers le même liéu, c'est
renir. qu'il y a un trésor dans ce lieu même; si elle
AVERNE, marais consacré à Pluton, prend à chaque fois une route différente, on
près de Bayes. Il en sortait des exhalaisons peut chercher ailleurs.
si infectes, qu'on croyait que c'était l'entrée 2° Lorsqu'on veut découvrir des voleurs,
des enfers. on pose la hache à terre, le fer en bas et le
AVERROÈS, médecin arabe et le plus bout du manche perpendiculairement en
grand philosophe de sà nation, né à Cordoue l'air; on danse en rond à l'entour, jusqu'à
dans le douzième siècle. JI s'acquit une si ce que le bout du manche s'ébranle et que la
belle réputation de justice, de vertu et de hache s'étende sur le sol le bout du manche
sagesse, que le roi de Maroc le fit juge de indique la direction qu'il faut prendre pour
toute la Mauritanie. Il traduisit Aristote en aller à la recherche des voleurs. Quelques-
arabe, et composa plusieurs ouvrages sur la uns disent que pour cela il faut que le fer de^
philosophie et la médecine. Quelques démo- la hache soit fiché en un pot rond « Ce qui
nographes ont voulu le mettre au nombre des est absurde tout 'à fait, comme dit Delan-
magiciens et lui donner un démon familier. crë (5) car quel moyen de ficher une cognée
Malheureusement Averroès était un épicu- dans un pot rond, non plus que coudre ou
rien, mahométan pour la forme, et ne croyait rapiécer ce pot, si la cognée l'avait une fois
pas à l'existence des démons (3). L'empereur mis en pièces 1 »
de Maroc, un jour, lui fit faire amende-hono- AYM. Voy. Haborym.
rable à la porte d'une mosquée, où tous les AYMAR (Jacques), paysan né à Saint-Vé-
passants eurent permission de lui cracher au ran, en Dauphiiié, le 8 septembre 1662, entre
visage, pour avoir dit que la religion de Ma- minuit et une heure. De maçon qu'il était, il
homet était une religion de pourceaux. se rendit célèbre par l'usage de la baguette
AVICENNE, célèbre médecin arabe, divinatoire. Quelques-uns qui donnaient
(1) VoyezBrown, Des.Erreurs populaires, liv. III, et alii epicurei, qui, una cum Saducsis demones esse
ch. 22. negaruot. ('l'orreblanca,Délits magiques,liv. Il, ch. v.)
(2) M.Salgues,DesErreurs et des préjugés,1. 1, p. 90. (4)Épisi. delict.sivede magia,lil). I, cap. 2i.
(S) Magiamdœmoniacamplenoore negarunt Averroe; (5) L'Incrédulitéet mécréance,etc., traité S.
133 BAA BAA 154
dans l'astrologie, ont attribué son rare talent AZAEL, l'un des anges qui se révoltèrent
à l'époque précise de sa naissance; car son contre Dieu. Les rabbins disent qu'il est en-
frère, né dans le même mois, deux ans plus chaîné sur des pierres pointues, dans un en-
fard, ne pouvait rien faire avec la baguette.. droit obscur du désert, en attendant le juge-
Voy. BAGUETTEDIVINATOIRE. ment dernier.
AYMON (LES QUATREFILS). Siècle de Char- AZARIEL, ange qui, selon les rabbins du
lemagne. Ils avaient un cheval merveilleux. Talmud, a la surintendance des eaux de la
Voy. Bâtard." terre. Les pêcheurs l'invoquent pour pren-
AYOLA (Vasques de). Vers 1570, un jeune dre de gros poissons.
homme nommé Vasquès de Ayola étant allé
à Bologne, avec deux de ses. compagnons, AZAZEL, démon du second ordre, gardien
du.boue. A la fête de l'Expiation, que les
pour y étudier en droit, et n'ayant pas trouvé Juifs célébraient le djxième jour du septième
de logement dans la ville, ils habitèrent une
mois (1), on amenait au grand prêtre deux
grande et belle maison, abandonnée parce boucs qu'il tirait au sort l'un pour le Sei-
qu'il y revenait un spectre qui épouvantait l'autre Azazel. Celui sur qui
tous ceux qui osaient y loger; mais ils se gneur, pour
tombait le sort du Seigneur était immolé, et
moquèrent de tous ces réefts et s'y installè- son sang servait pour l'expiation. Le grand
rent. Au bout d'un mois, Ayola veillant la
un soir seul dans sa chambre, et ses compa- prêtre mettait ensuite ses deux mains, sur
tête de l'autre, confessait ses péchés et ceux
gnons dormant tranquillement dans leurs
du peuple, en chargeait cet animal, qui était
lits, il entendit de, loin un bruit de chaînes, alors conduit dans le désert et mis en liberte;
qui s'approchait' et qui semblait venir de et le peuple, ayant laissé au bouc d'Azazel,
^l'escalier de la maison; il se recommanda à de ses
Dieu, prit un bouclier, une épée, et, tenant appelé aussi le bouc émissaire, le soin
iniquités, s'en retournait en silence. Selon
sa bougie en'main, il attendit le spectre, qui
Miltôn, Azazel est le premier porte-enseigne
bientôt ouvrit la porte et parut. C'était un
des armées infernales. C'est aussi le nom du
squelette qui n'avait que les os; il était, avec démon dont se servait, pour.ses prestiges,
cela; chargé de chaînes. Ayola lui demanda
ce qu'il souhaitait? Le fantôme, selon l'usa- l'hérétique Marc.
ge, lui fit signe de le suivre. En descendant AZER, ange dû feu élémentaire, selon les
l'escalier, la bougie s'éteignit. Ayola eut le Guèbres. Azer est encore le nom du père de
courage d'aller la rallumer, et marcha der- Zoroastre.
rière le spectre, qui le mena le long d'une AZRAEL ou AZRAIL, ange de la mort. On
cour où il y avait un puits. Il craignit qu'il conte que cet ange, passant un jour sous
ne voulût l'y précipiter, et s'arrêta. L'esprit une forme visible auprès de Salomon, re-
lui fit signe de continuer à le suivre; ils en- côté de
garda fixement un homme assis à
trèrent dans le jardin, où la vision disparut. lui. Cet homme demanda qui le regardait
Le jeune homme arracha quelques poi- ainsi, et ayant appris de Salomon que c'était
gnées d'herbe; pour reconnaître l'endroit; il l'ange de la mort II semble m'en vouloir,
alla ensuite raconter à ses compagnons ce dit-il; ordonnez, je vous prie, au vent de
qui lui était arrivé, et le lendemain matin il m'emporter dans l'Inde. Ce qui fut fait
en donna avis aux principaux de Bologne1. aussitôt. Alors l'ange dit à Salomon 11
Ils vinrent sur les lieux et v firent fouiller. n'est pas étonnant que j'aie considéré cet
On trouva un corps décharné, chargé de homme avec tant d'attention j'ai ordre d'al-
chaînes. On s'informa qui ce pouvait être; ler prendre son âme dans l'Inde, et j'étais
mais on ne put rien découvrir de certain. On toi en Pales-
surpris de le trouver près de
fit faire au mort des obsèques convenables; tine. Voy. MORT, Ame, etc. Mahomet
on l'enterra, et depuis ce temps la maison ne citait cette histoire pour prouver que nul ne
fut plus inquiétée. Ce fait, rapporté par An-' Azraël est
peut échapper à sa destinée.
toine de Torquemada, est encore une copie différent d'Asratil.
des aventures d'Alhénodore et d'Arignote.
AYPEROS, comte de l'empire infernal. (1) Le septième mois chez les Juifs répondait à sep-
C'est le même qu'Ipès. Voy. ce mot. tembre.

B
BAAL grand duc dont la domination est déterminé. Souvent,en Asie, il a été pris pour
très-étendue aux enfers.'Quelques démono- le soleil.
manes le désignent comme général en chef BAALBÉRITH, démorf du second ordre
des armées infernales. Il était adoré des maître ou seigneur de l'alliance. Il est
Çhaldéens, des Babyloniens et desSidoniens; selon quelques démonomanes, secrétaire gé
il le fut aussi des Israélites lorsqu'ils tom- néral et conservateurdes archives de l'enfer.
bèrent dans l'idolâtrie. On lui offrait des Les Phéniciens, qui l'adoraient, le prenaient
victimes humaines. On voit dans Arnobe que à témoin de leurs serments.
i ses adorateurs ne lui donnaient pointdesexc BAALZKPHON capitaine des gardes ou
155 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 156
sentinelles de l'enfer Les Egyptiens l'ado-: les fables dont l'ancienne mythologie a orné
raient et lui reconnaissaient le pouvoir d'em- son histoire. Nous ne faisons mention de Bac-
pêcherleurs esclaves de s'enfuir. Néanmoins, chus que parce que les démonographes le
disent les rabbins, c'est pendant un sacrifi- regardent comme l'ancien chef du sabbat, j1
ce que Pharaon faisait à cet idole que les fondé par Orphée ils disent qu'il le prési-
Hébreux passèrent la mer Rouge, et on l\ dait sous le nom de Sabasius. « Bacchus, dit
dans le Targum que l'ange exterminateur, Leloyer, n'était qu'un démon épouvantable
ayant brisé les statues de tous les autres dieux, et nuisant, ayant cornes en tête et javelot en
ne laissa debout que Baatzephon. main. C'était le maître guide-danse (2), et
BAARAS, planlemervcillcuse, queles Ara- dieu des sorciers et des sorcières c'est leur'
bes appellent herbe d'or, et qui croit sur le chevreau, c'est leur bouc cornu, c'estleprin-
mont Liban. Ils disent qu'elle paraît au mois çe des bouquins,.satyres et silènes. Il appa-
de mai, après la fonte des neiges. La nuit, raît toujours aux sorciers et sorcières, dans
elle jette de la clarté comme un petit flam- leurs sabbats, les cornes en tête et hors des
beau, mais elle est invisible le jour elmê^ sabbats bien qu'il montre visage d'homme,
me, ajoutent-ils, les feuilles qu'on a enve^ les sorcières ont toujours confessé qu'il a le
loppées dans des mouchoirs disparaissent pied difforme, tantôt de corne solide comme
ce qui leur fait croire qu'elle est ensorcelée, ceux du cheval, tantôt fendu comme ceux du
d'autant plus qu'elle transmue les métaux en bœuf (3). »
or, qu'elle rompt les charmes et les sortilè- Les sorciers des temps modernes l'appel-
ges, etc. Josèphe qui admet beaucoup lent plus généralement Léonard, ou Satan
d'autres contes, parle de cette plante dans ou le bouc, ou maître Rigoux.
son histoire de la guerre des Juifs (1). « On Ce qui sans doute appuie cette opinion
ne la saurait toucher sans mourir, dit-il, si que le démon du sabbat est le même que
on n'a dans la main de la racine de la même Bacchus, c'est le souvenir des orgies qui a-
plante; mais on a trouvé un moyen de la vaient lieu aux bacchanales.
cueillir sans péril on creuse la terre tout, BAC1S, devin de Béotie. Plusieurs de ceux
alentour, on attache à la racine mise à nu qui se mêlèrent de prédire les choses futu-
un çhien-qui, voulant suivre celui qui l'a at- res portèrent le même nom de Bacis (4). Le-
taché, enlève la plante et meurt aussitôt, loyer dit que les Athéniens révéraient les
Après cela, on peut la manier sans danger. vers prophétiques de leurs' b acides, qui é-
Les dénions, qui s'y logent/et qui sont les laientlrois insignes sorciers très-connus (5).»
'aines des méchants, tuent ceux qui s'en em- BACON (ROGER)parut dans le treizième
parent autrement que par le moyen qu'on siècle. C'était un cordelier anglais. Il passa
vient d'indiquer et, ce qui d'un autre côté
n'est pas moins merveilleux, pour magicien quoiqu'il ait écrit contre
ajoute encore la magie, parce qu'il étudiait la physique
Josèphe, c'est qu'on met en fuite les démons et qu'il faisait des expériences naturel-
des corps des possédés aussitôt qu'on appro- les. 11 est vrai pourtant qu'il y a" dans ses
che d'eux la plante baaras. » écrits de singulières choses, et qu'il voulut
BABAILANAS, Voy. Catalonos. élever l'astrologie judiciaire à la dignité de
BABAU espèce d'ogre ou de fantôme dont science.Onlui attribue l'invention de la pou-
les nourrices menacent les petits enfants dre. Il paraîtrait même qu'on lui doit aussi
dans les provinces du midi de la France, les télescopes et les lunettes à longue vue.
comme on les effraie à Paris de Croquemi- Il était versé dans les beaux-arts, et surpas-
taine, et en Flandre de Pier-Jan Claes, qui sait- tous ses contemporains par l'étendue de
est Polichinelle. Mais Babau ne se contente ses connaissances et par la subtilité de son
pas de fouetter, il mange en salade les enfants génie, Aussi on publia qu'il deyaitsa supério-
qui sont méchants. rité aux démons, avec qui il commerçait.
BABEL. La tour de Babel fut élevée cent Cet homme savant croyait donc à Castrolor
quinze ans après le déluge universel. On gie et à la pierre philosophale. Delrio, qui i
montre les ruines ou les traces de celte tour n'en fait pas un magicien, "lui reproche seu-
auprès de Bagdad. On sait que sa con- lement dessuperstitions. Par exemple, Fran-
struction amena la confusion des langues. Le
çois Pic dit avoir lu, dans son livre des six
poêle juif Emmanuel, propos de cette con- sciences, qu'un homme pourrait devenir
fusion, explique dans un de ses sonnets com- prophète et prédire les choses futures par
ment le mot sac est resté dans tous les idio- le moyen d'un miroir, que Bacon nomme al-
mes. « Ceux qui travaillaient à la tour de
Babel avaient, dit-il, comme nos manœuvres, muchefi, composé suivant les règles de per-
spçctive, » pourvu qu'il s'en serve, ajoute-
chacun un sac pour ses petites provisions. t-il, sous une bonne constellation. et après 1
'Quand le Seigneur confondit leurs langages, avoir tempéré son corps par l'alchimie.
la peur les ayant pris, chacun voulut s'en-
Cependant Wierus accuse Bacon de magie
fuir, et demanda son sac. On ne répétait par- goétique et d'autres doctes assurent que
tout que ce mot et c'est ce qui l'a fait pas- l'Antechristse servira deses miroirs magiques
ser dans toutes les langues qui se formèrent
alors. » pour faire des miracles.
Bacon se Gt dit-on comme Albert le
BACCHUS. Nous ne' rapporterons pas ici
(2) Discoursdes spectres, liv. VII, ch. ni.
(1) Liv. VII,. ch. 2o. El.ie.ii-,de Animal., liv. XfV, (3) Discoursdes spectres, liv. VIII,çh. v.
cli. xxvii,accordeles mêmesvertusà la plaineaglaûpho- (4) Cicero,De Divin.,lib. I, cap. xxxiv.
is. Voyezce mot. (Î5) Discoursdes spectres, liv.VII, ch. u.
157 BAC
BAC 158
Grand un androïde. C'était, assurent les » .Ce n'est pas du reste je seul passage
conteurs, une tête de bronze qui parlait dis- où Bacon parle avec cette assurance de la
tinctement, et même qui prophétisait. On quadrature du cercle car à l'occasion d'A-
ajoute que l'ayant consultée pour savoir vicennes et d'Averrhoës il fait observer
s il serait bon d'entourer l'Angleterre d'un que ce dernier « avoue qu'il ignorait ja qua-
gros mur d'airain, elle répondit il est temps. drature du cercle chose, dit Bacon, qui est
Un savant de nos jours (M. E. J. Deiécluze) sue complélement aujourd'hui. -r- Nam qûar-
a publié sur Bacon une remarquable notice, draturam circuli se ignorasse cônfitetur,
dont nous citerons quelques quod
passages cu- his diebus scitur veraciter.
rieux..Bacon s'est beaucoup occupé avant » Pour donner une idée. complète de tous
Montesquieu, de l'influence des climats, mais les secrets, vrais ou prétendus, sur l'appli-
il en tire des inductions plus précises. Lais- cation désquels Bacon voulait appeler l'at-
sons parler M. Delécluze tention de ses contemporains,
« Tout le morceau où il est question des je rapporterai
quelques phrases tirées d'une lettre de ce
climats, et qui mène droit à faire une science philosophe (1} par lesquelles il indique des
de l'astrologie judiciaire, est on ne peut plus idées de machines extraordinaires, dont-plu-
ingénieux et justifie jusqu'à un certain point sieurs en effet ont été mises en pratique de-
le préjugé entretenu si longtemps
en Europe, puis lui et particulièrement de nos jouru.
en faveur de ces idées étranges. Ainsi,
par- Après s'être efforcé de prouver que, par le
tant des grandes divisions de la terre, qui secours des sciences, on peut exécuter réeW
par le cours du soleil déterminent les cli- lement des choses que la magie prétend pro-
mats dont nersonne ne conteste la réalité et duire, mais auxquelles elle* n'atteint pas ef-
l'influence' prise en grand, Bacon arrive, de fectivement, il dit: « Parlascience et l'art
proche en proche, à établir des subdivisions » seulement, on peut faire des machines pour
pour les pays, pour les contrées, les pro- » naviguer sans le secours de rameurs/, de
vinces, les villes et même pour les hommes » manière à ce que les bâtiments soient por-
pris un à un, qu'il place sous l'influence » tés sur les fleuves et sur la mer avec une
d'un cône plus ou moins étroit dont le cer- » vélocité extraordinaire, et sous la dire-
cle supérieur comprend ceux des astres qui x ction d'un seul homme. Il, est également
influent sur la naissance, la nature et la » possible d'établir des chars mis en mou-
destinée des lieux, des objets et des êtres qui » vement avec une promptitude merveilleu-
se trouvent sur certains points du
globe. » » se, sans le secours d'animaux de tirage, 9
Le savant moine est plus hardi encore sur » seinblables à ce que l'on croit qu'étaient'
d'autres croyances, par exemple sur l'art de ». les chars de guerre armés de faux chez tes
prolonger la vie. Sur la parole d'un homme » anciens. On pourrait faire aussi des mé-
en-qui il avait pleine confiance, il cite ce fait » caniijues pour voler l'homme serait as-
« qu'un savant célèbre de Paris, après avoir » sis au milieu et développerait quelqu'un-,
coupé un serpent par tronçons, en ayant eu » vention au moyen de laquelle des ailes ar-
soin toutefois de conserver intacte la » tificielles frapperaient l'air. On peut faire1
peau
de son ventre, lâcha ensuite l'animal, qui se » un instrument très-petit, pour élever et
mit à ramper sur des herbes dont les vertus' » abaisser des poids immenses ( la grue, le
le guérirent aussitôt. L'expérimentateur » cric ). Et avec le secours d'un instrument
ajoute Bacon, alla reconnaître les herbes » de trois doigts cubes et même moindre
qui étaient d'un vert extraordinaire. D'après » il serait facile à un homme de s'échapper
l'autorité d'Artephius il répète comment » en s'élevant ou en descendant avec ses
un certain magicien, nommé Tantale, atta-
» compagnons, d'un cachot ou d'une prison."
ché à la personne d'un roi de l'Inde avait »On pourrait encore composer -un appa?"
trouvé, par la connaissance qu'il possédait » reil avec lequel un seul homme entraîne-'
de la science des astres le moyen de vivre » rait violemment et malgré eux une foule'
plusieurs siècles. Différentes anectodes de » immense d'autres. Il est d'autres machi-
la même force, empruntées à Pline ou à quel- » nos qui serviraient à se promener au fond
ques auteurs modernes, suivent celle de Tan- »des fleuves et de la mer, sans aucun dan-
tale, puis il s'ét(>nd longuement sur la thé- » ger pour la vie. Ces choses ont été faites.
riaque, qu'il regarde comme propre à pro-. » anciennement et dans nos temps. On peut:
longer excessivement la durée de la vie il » encore en faire beaucoup d'autres, côm-.
vante la chair des serpens ailés comme un » me des ponts sans piles*(suspendus) etc.
spécifique contre la caiucilé de l'homme, et » etc. »
recommande surtout l'hygiène d'Artephius* « L'alchimie, dit-il ailleurs., néglige les)
qui, à ce que l'on assure, dit-il, a vécu mille moyens fournis par l'expérience aussi -aï-,
vingt-cinq ans, ce qui doit faire préférer sa rive-t-il rarement qu'elle donne de l'or à
méthode à toute autre. Quant à Aristote et à
vingt-quatre degrés (karàts). Encore y a-
Platon, ajoutc-t-il encore, on ne doit pas s'é- t-il eu peu de personnes qui aient'porlé l'al-
tonner de ce qu'ils n'ont pas su prolonger chimie à ce point. Mais au moyen du secret
leur vie, puisque ces philosophes fameux des secrets d' Aristote, là science expérimen-
ainsi que tant d'autres ne connaissaient pas tale (la chimie) a prpduit de l'or non-seule-
cette grande doctrine médicale, et qu'Art- ment de vingt-quatre degrés, mais de trente,
stote déclare même dans ses avertissements de quarante et d'aussi fin que l'on veut.
qu'il ignore la quadrature du cercle, secret
fort inférieur à celui d'ArJep.hius. (1) EpistolaFrat. 'RogeriiBaconisde secretis pperlbusj
artis et nature et de mitlitaiemagiœ, Hambourg,' 1618.
1S9 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 160
171 «»rtfl»
Et c'est à cette occasion qu'Aristote dit à qui aurait été blessé par un animal veni-
Alexandre Je veux faire connaître le meux, fait que Beda avance dans. son hi-
plus grand des secrets, car non-seulement il stoire ecclésiastique et que nous savons par
procurerait le bien-être de la république et expérience. Tout cela prouve qu'il y a une
des particuliers, mais il prolongerait en- foule de choses étrangères dont nous igno-
core la vie: car l'opération qui purgerait rons les propriétés faute d'avoir recours à
les métaux lés plus vils des parties corrom- l'expérience. »
pues qu'ils contiennent, de manière à ce Voici d'autres idées de Bacon
qu'ils devinssent de l'argent ou de l'or pur, « De tous les exemples, que on pour.-
serait jugée susceptible par tous les savants rait citer en faveur de la supériorité de la-
d'enlever les parties corrompues du corps sagesse sur la force je choisirai celui que
humain si complétement, qu'elle prolonge- me fournit la vie d'Alexandre. En quittant la
rait la vie humaine pendant plusieurs siè. Grèce pour aller conquérir le monde, il n'a-
des. » vait-que trente-deux mille fantassins et qua-
Passons en revue quelques autres secrets. tre mille cinq cents cavaliers. Cependant, dit
a Le nombre des moyens trouvés pour re- Orosius, lorsque l'on considère cet homme
pousser et pour détruire les ennemis de allant porter la guerre au monde avec une
l'Elat sans armes et sans même les toucher si petite armée on se demande ce qui doit
est grand, dit Bacon. On pratique des opé- étonner le plus de la hardiesse de son pro-
rations qui blessent exclusivement l'odorat; jet ou de sa réussite. Dans le premier enga-,
non pas en modifiant la qualité de l'air, gement qui eut lieu entre lui et Darius six
comme l'a fait Alexandre, mais eu l'infec- cent mille Perses tombèrent tandis que le
tant. On possède aussi d'autres moyens pour Macédonien ne perdit que cent vingt cava-
blesser et pervertir les autres sens. Par le liers et neuf fantassins. A la seconde ba-
contact seul de certaines matières on com- taille, Alexandre mit quaranté mille Perses
promet, on peut même ôter la vie. hors de combat et de son côté il perdit cent
» La malthe, espèce de bitume fort con- trente piétons et cent cinquante cavaliers
nue, lancée bouillante surdes hommes armés, mais le résultat fut qu'il frappa facilement
les brûle. Les Romains dans leurs guer- et tout à coup le monde entier de terreur.
res, en ont fait un fréquent usage, comme Toutefois ajoute Orosius ce fut autant par
l'atteste Pline. L'huile de bitume (oleum ci- la science que par le courage que le Macé-
trinum petreolum), que l'on tire de la pierre, donien devint victorieux. Eh 1 comment au-
consume tout ce qu'elle rencontre lors- rait-il pu en être autrement lorsque nous ii-
qu'elle est préparée d'après certaine recette, sons dans la vie d'Aristote que ce philoso-
et le feu qu'elle produit ne peut être éteint, phe accompagnait Alexandre dans ses expé-
même par l'eau.- ditions guerrières? Sénèque tient le même
D'autres opérations étonnent et blessent langage, et, selon ce dernier,- si le Macédo-
tellement l'ouïe, que si l'on en fait usage nien remporta constamment la victoire, c'est
avec adresse et pendant la nuit, une ville pas qu'Aristote et Callistène étaient réellement
plus'qu'une armé", n'en peuvent supporter les chefs, les conducteurs de ces entreprises
les terribles effets. Aucun bruit de tonnerre et qu'ils enseignaient toute espèce de scien-
ne peut être comparé à celui que produisent ces à Alexandre.
ces préparations. » Mais Aristote a livré principalement le
» On peut aussi imprimer la terreur par monde à Alexandre; Aristote qui connaissait
la vue, en produisant des éclats de lumière toutes les voies de la science dont il est le
qui jettent le trouble dans toutes les âmes. père. »
Nous empruntons cette expérience d'un jeu Les curieux recherchent, de Roger Bacon,
d'enfant en usage dans presque tout le le petit traité intitulé Speculum Alchimice
monde. Il consiste à faire un instrument traduit en français par J. Girard de Tour-
(cartouche) de la longueur du pouce d'un nus, sous le titre de Miroir d'Alchimie, in-12
homme, avec lequel on produit par la vio- etin-8°, Lyon, 1557; Paris, 1612. Le même
lence de ce que l'on nomme sel de pierre (sal a traduit l'Admirable puissance de l'art et de
petrœ) un bruit si horrible, bien que l'in- la nature, in-8°, Lyon, 1557; Paris, 1729. De
strument ne soit qu'un petit morceau de polestate mirabili artis et naturœ (2).
parchemin, que le bruit du tonnerre et l'é- On ne confondra pas Roger Bacon avec
clat de l'aurore ne sont ni plus grands, ni François Bacon grand chancelier d'Angle-
plus brillants que ceux que cet instrument terre, mort en 16526, que Walpole appelle
occasionne (1). « le prophète des vérités que Newton est
» II y a aussi plusieurs choses (res) dont venu révéler aux hommes. »
le contact le plus léger fait mourir les ani- BACOTI. Nom commun aux devins et aux
maux venimeux en ne formant même sorciers de Tunquin. On interroge surtout le
qu'un cercle avec ces choses les bêtes ve- bacoti pour savoir des nouvelles des morts.
nimeuses que l'on y renferme ne pourront Il bat le tambour, appelle le mort à grands
en sortir et mourront sans, en être touchées.
Ces choses réduites en poudre cris, se tait ensuite pendant que le défunt
deviennent lui parle à l'oreille sans se laisser voir, et
un spécifique sûr pour guérir tout homme
(2) Ce n'est qu'un chapitre de l'ouvrage intitulé Epi-
(1) Onpense que Bacona trouvé la recette de la pou- slola Fratris Rogerii Raconisde secretisoperibusartis et
dre à canondanslé traité d'un certainGrecnomméMarco, naturœ et de nullitate magias.In-i». Paris, 1S42 ^Ham-
intituléle Livredes feux. bourg, 1608et 1618,in-8°.
«1 BAG BAG m
donne ordinairement de bonnes nouvelles,. roastre, Pythagore, les sorciers de Pharaon,
parce qu'on les paie mieux. voulant singer la verge de Moïse, avaient
1 BAD. Génie des vents et des tempêtes chrz une baguette Rumulus prophétisait avec
les Persans. Il préside au vingt-deuxième un bâton augural. Les Alains, et d'autres
jour de la lune. peuples barbares, consultaient leurs dieux
BADUCKE. Plante dont on prétend que te en fichant une baguette en terre. Quelques
fruit, pris dans du lait, glace les sens. Les devins de village prétendent encore deviner.
magiciens l'ont quelquefois employé pour beaucoup de choses avec la .baguette. Mais
nouer l'aiguillette. Il suffit, dit-on, d'en faire c'est surtout à la fin du dix-septième siècle
boire une infusion à celui qu'on veut lier. qu'elle fit le plus grand bruit Jacques Ay-
i BAEL. Démon cité, dans le Grçind Gri- mar la mit en vogue en 1692. Cependant,
moire, en tête des puissances infernales. longtemps auparavant, Delrio (2) avait indi-
C'est aussi par lui que Wiérus commence qué, parmi les pratiques superstitieuses,
l'inventaire de sa fameuse Pseudomonarchia l'usage d'une baguette de coudrier pour dé-
[dœmonum. Il appelle Baelle premier roi de couvrir les voleurs mais Jacques Aymar
l'enfer ses Etats sont dans la partie orien- opérait des prodiges si variés et qui surpri-
tale. Il se montre avec trois têtes, dont rent tellement, que le Père Lebrun (3) et le
l'une à la figure d'un crapaud t'antre savant Malebranche (&•)les attribuèrent au
celle d'un homme la troisième celle d'un démon pendant que d'autres les baplisaient
chat. Sa voix est rauque mais il se bat du nom de physique occulte ou d'électricité
très-bien. Il rend ceux qui l'invoquent fins souterraine.
et rusés, et leur apprend le moyen d'être in- Ce talent de tourner la baguette divina-
visibles au besoin. Soixante-six légions lui toire n'est donné qu'à quelques êtres privi-
obéissent. Est-ce le même que Baal ? légiés. On peut éprouver si on l'a reçu de
BjETILES. Pierres que les anciens consul- la nature rien n'est plus facile. Le cou-
taient comme des oracles et qu'ils croyaient drier est surtout l'arbre le plus propre. Il
animées. C'étaient quelquefois des espèces ne s'agit que d'en couper une branche four-
de talismans. Saturne, pensant avaler Jupi- chue, et de tenir dans chaque main les deux
ter, dévora une de ces pierres emmaillotée. Il bouts supérieurs. En mettant le pied sur
y en avait de petites, taillées en forme ronde, l'objet qu'on cherche ou sur les vestiges qui
que l'on portait au cou; on les trouvait sur peuvent indiquer cet objet, la baguette
des montagnes où elles tombaient avec le tourne d'elle-même dans la main et c'est,
tonnerre. un indice infaillible.
Souvent les bœtiles étaient des statues ou Avant Jacques Aymar, on n'avait employé
mandragores. On en cite de merveilleuses la baguette qu'à la recherche des métaux
qui rendaient des oracles, et dont la voix propres à l'alchimie. A l'aide de la sienne,
sifflait comme celle des jeunes Anglaises. On Aymar fit des merveilles de tout genre.
assure même que quelques boetiles tombèrent 11 découvrait les eaux souterraines les
directement du ciel; telle était la pierre bornes déplacées, les maléfices les voleurs
noire de Phrygie que Scipion Nasica amena et les assassins. Le bruit de ses talents s'é-
à Rome en grande pompe. tant répandu), il fut appelé à Lyon en 1672,
On révérait à Sparte dans le temple de pour dévoiler un mystère qui embarrassait
Minerve Chalcidique, des bœtiles de la forme la jusljce. Le 5 juillet de cette même année,
d'un casque qui dit-on s'élevaient sur sur les dix heures du soir, un marchand de
l'eau au son de la trompette, et plongeaient vin et sa femme avaient été égorgés à Lyon,
dès qu'on prononçait le nom des Athéniens. enterrés dans leur cave, et tout leur argent
Les prêtres disaient ces pierres trouvées avait été volé. Cela s'était fait si adroitement
dans l'Eurutas (1). qu'on ne soupçonnait pas même les auteurs
BAGOÉ. Devineresse que quelques-uns du crime. Un voisin fit venir Aymar. Le lieu-
croient être la sybille Erythrée. C'est, dit-on, tenant criminel et le procureur du roi le con-
la première femme qui ait rendu des oracles. duisirent dans la cave. Il parut très-ému en
Elle devinait en Toscane, et jugeait surtout y entrant son pouls s'éleva comme dans
des événements par le tonnerre. Voy. Bi- une grosse fièvre sa baguette qu'il tenait
GOÏS. à la main tourna rapidement dans les deux
BAGUE. Voy. ANNEAU. endroits où l'on avait trouvé les cadavres
BAGUETTE DIVINATOIRE. Rameau four- du mari et de la femme. Après quoi guidé
chu de coudrier, d'aune, de hêtre ou de pom- par la baguette ou par un sentiment inté-
mier, à l'aide duquel on découvre les métaux, rieur, il suivit les rues où les assassins
les sources cachées, les trésors, les maléfices avaient passé, entra dans la cour de l'arche-
et les voleurs. vêché, sortit de la ville par le pont du
Il y longtemps qu'une baguette est répu- Rhône, et prit à main droite le long de ce
tée nécessaire à certains prodiges. On en fleuve. Il fut éclairci du nombre des as-
donne une aux fées et aux sorcières puis- sassins en arrivant à la maison d'un jardi-
santes. Médée, Circé, Mercurè, Bacchus, Zo- nier, où il soutint opiniâtrement qu'ils étaient

(1) TomeIII*des Mémoiresde l'Académiedes inscrip- in-12. Paris, 1093, et dans son Histoire des pratique.
tions. superstitieuses.
(2) Disquisit.magisc.,lib.III, sect. ult. (4) Dansses réponsesau père Lebrun.On écrivit une
(3) Dansses Lettres qui découvrentl'illusiondesphilo- multitudede brochuressur cette matière.
sophessur la baguette et qui détruisentleurs systèmes,
"JJKfc DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. ici,
trois, qu'ils avaient entouré une table et vidé baguette; il s'arrêta à la boutiqué.d'uù orfèvre,
une bouteille.sur laquelle la baguette tour- qui nia le vol et se trouva très-offensé de
nait Ces circonstances furent confirmées l'accusation. Mais le lendemain on remit à
par l'aveu de deux enfants de neuf à dix l'hôtel te prix des flambeaux quelques per-
ans, qui déclarèrent qu'en effet trois hom- sonnes dirent que le paysan l'avait envoyé
mes de mauvaise mine étaient entrés à la pour se donner du crédit.
maison et avaient vidé la bouteille désignée Dans de nouvelles épreuves, la baguette^
par le paysan. On continua de poursuivre les prit des pierres pour de l'argent, elle indi-
meurtriers avec plus de conGance. La trace qua de l'argent où il n'y en avait point. En
de leurs pas, indiqués sur le sable par la un mot, elle opéra avec si peu de succès,;
baguette, montra qu'ils s'étaient embarqués. qu'elle perdit son renom. Dans d'autres ex-
Aymar les suivit par eau s'arrêtant à tous périences, la baguette resta immobile quand
les endroits où les scélérats avaient pris il lui fallait tourner. Aymar, un peu confdn-
terre, reconnaissant les lits où ils avaient du, avoua enfin qu'il n'était qu'un charlatan
couché les tables où ils s'étaient assis, les adroit, que la baguette n'avait aucun, pou-
vases où ils avaient bu. voir, et qu'il avait cherché à gagner de l'ar-
Après avoir longtemps étonné ses guides,' gent par ce petit procédé.
il s'arrêta enfin devant la prison de Beau- Pendant ses premiers succès, une demoi-
Caire et assura qu'il y avait là un des crimi-' selle de Grenoble, à qui la réputation d'Ay-
nels. Parmi les prisonniers qu'on amena, un mar avait persuadé qu'elle était douée aussw
bossu qu'on venait d'enfermer ce jour même du don de tourner la baguette, craignant que
pour un larcin commis à la foire fut celui que ce don ne lui vint de l'esprit malin, alla con.'
la baguette désigna. On conduisit ce bossu sulter le père Lebrun, qui lui conseilla de
dans tous les lieux qu'Aymar avait visités prier Dieu, en tenant la baguette. La demoi-
partout il fut reconnu. selle jeûna et prit la baguette en priant. La
En arrivant à Bagnols, il finit par avouer baguette ne tourna plus; d'où l'on conclut
que deux Provençaux l'avaient engagé, com- que c'était le démon ou l'imagination trou-
me leur valet, à tremper dans ce crime; qu'il blée qui l'agitait.
p'y avait pris aucune part; que ses deux On douta un peu de la médiation du dia-
bourgeois avaient fait le meurtre et le vol, et ble, dès que le fameux devin fut reconnu
lui avaient donné six écùs et demi. pour un imposteur. On lui joua surtout un
Ce qui sembla plus étonnant encore, c'est tour qui décrédita considérablement la ba-
que Jacques Aymar ne pouvait se trouver guette. Le procureur du roi au Châtelet de
auprès du bossu sans éprouver de grands Paris fit conduire Aymar dans une rue où.
maux de cœur, et qu'il ne passait pas sur un l'on avait assassiné un archer du guet. Les
lieu où il sentait qu'un meurtre avait été meurtriers étaient arrêtés, on connaissait les-
commis, sans se sentir t'envie de vomir. rues qu'ils avaient suivies, les lieux où ils
Comme les révélations du bossu confir- s'élaient cachés': la baguette resta immobile.
maient les découvertes d'Aymar, les uns ad- On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe,
miraient son étoile et criaient au prodige, où l'on avait saisi un voleur en flagrant dé-
tandis que d'autres publiaient qu'il était sor- lit; la perfide baguette trahit encore toutes
cier. Cependant on ne put trouver les deux les espérances.
assassins, et le bossu fut rompu vif. Néanmoins la baguette divinatoire ne périt
Dès lors plusieurs personnes furent douées point; ceux qui prétendirent la faire tourner
du talent de Jacques Aymar, talent ignoré se multiplièrent même, et ce talent vint jus-
jusqu'à lui. Des femmes mêmes firent tour- qu'en Belgique. 11 y eut à Heigne, près de
ner la baguette. Elles avaient des convul- Gosselies, un jeune garçon qui découvrit les
sions et des maux de cœur en passant sur un objets cachés ou perdus au moyen de la ba-
endroit où un meurtre avait été commis; ce guette de coudrier. Cette baguette, disait-il,
mal ne se dissipait qu'avec un verre de vin. ne pouvait pas avoir plus de deux ans de
Aymar faisait tant de bruit, qu'on publia pousse. Un homme, voulant éprouver l'art
bientôt des livres sur sa baguette et ses opé- de l'enfant de Heigne, cacha un écu au hord
rations. M. de Vagny, procureur du roi à d'un fossé, le long d'un sentier qu'on ne fré-
Grenoble, fit imprimer une relation intitulée quentait presque pas. JI fit appeler le jeuno
Histoire merveilleuse d'un maçon qui, conduit garçon et lui promit un escalin, s'il pouvait
par la baguette divinatoire, a suivi un meur- retrouver l'argent perdu. Le garçon alla
trier pendant quarante-cinq heures sur la cueillir une branche de coudrier, et tenant
'terre, et plus de trente sur l'eau. Ce paysan dans ses deux mains les deux bouts de cet (a
devint le sujet de tous les entretiens. Des baguette, qui avait la forme d'un Y, après
philosophes ne virent dans les prodiges de la avoir pris différentes directions, il marcha
baguette qu'un effet des émanations des cor- devant lui et s'engagea dans le petit sentier.
puscules, d'autres les attribuèrent à Satan. Le La baguette s'agitait plus vivement. 11 passa
'père Lebrun fut de ce nombre, et Malebran- le lieu où l'écu était caché; la baguette cessa
che adopta son avis. de tourner. L'enfant revint donc sur ses pas;
Le fils du grand Condé, frappé du bruit de la baguette sembla reprendre un mouvement
tant de merveilles, fit venir Aymar à Paris. très-vif; elle redoubla vers" l'endroit qu'on
'On avait volé à mademoiselle dé Condé deux cherchait. Le devin se baissa, chercha dans
petits flambeaux d'argent. Aymar parcourut l'herbe et trouva le petit. écu, à l'admiration
quelques rues de Paris en faisant tourner la ,de tous les spectateurs.
i«s BAG BAC 166^
Sur l'observation que le bourgeois fil, pour çhent des émanations qui se reconnaissent,
essayer la baguette, qu'il avait perdu encore et si nous ne les sentons pas, c'est qu'il n'est
d'autre argent; le jeune garçon la reprit, mais pas donné à tous les chiens d'avoir le nez
elle ne tourna plus. On se crut convaincu fin. Ce sont là, dit-il, page 23, des axiomes
de ta réalité du talent de l'enfant On lui de- incontestables. « Or, ces corpuscules qui en-
manda qui l'avait instruit. « C'est le lias a ici, trent dans le corps de l'homme muni de la
dit-il; ayant un jour perdu mon couteau en baguette l'agitent tellement, que de ses mains
gardant les troupeaux de mon père, et sa- la matière subtile passe dans la baguette mê-
chant tout ce qu'on disait de la baguette de me, et, n'en pouvant sortir assez promple-
coudrier, j'en fis une qui tourna, qui me fit ment, la fait tourner ou la brise ce qui mè
retrouver ce que je cherchais et ensuite beau- parait la chose du monde la plus facile à
coup d'autres objets perdus. » croire. »
C'était très-bien. Malheureusement d'au- Le bon père Méneslrier, dans ses Ré-
tres épreuves, examinées de plus près, ne flexions sur les indications de la baguette,
réussirent pas, et on reconnut que la ba- Lyon, 1694, s'étonne du nombre de gens qui
guette divinatoire était là aussi une petite devinaient alors par ce moyen à la mode.
supercherie. Mais on y avait cru un siècle et « A combien d'effets, poursuit-il, s'étend au-.
des savants avaient fait imprimer cent volu- jourd'hui ce talentl 11 n'a point de limites.
mes pour l'expliquer. On s'en sert pour juger de la bonté des étof-
« Faut-il rassembler des arguments pour fes et de la différence de leurs prix, pour
prouver l'impuissance de.la baguette divina- démêler les innocents des coupables, pour
toire ? ajoute M. Salgues (1). Que l'on dise spécifier le crime. Tous les jours cette vertu
quel rapport il peut y avoirentre un voleur, fait de nouvelles découvertes inconnues jus-
une source d'eau, une pièce de métal et un qu'à présent. »
bâton de coudrier. On prétend que la ba- Il y eut même en 17Ô0, à Toulouse, un
guette tourne en vertu de l'attraction. Mais brave homme qui devinait avec la baguette
par quelle vertu d'attraction les émanations ce que faisaient des personnes absentes. 11
qui s'échappent d'une fontaine, d'une pièce consultait la baguette sur le passé, le pré-
d'argent ou du corps d'un meurtrier tordent- sent et l'avenir; elle s'abaissait pour ré-
elles une branche de coudrier qu'un homme pondre oui et s'élevait pour la négative. On
robuste tient fortement entre ses mains? pouvait faire sa demande de vive voix ou
D'ailleurs, pourquoi Ic même homme trou- mentalement; » Ce qui Serait bien prodi-
ve-t-il des fontaines, des métaux, des assas- gieux, dit le père Lebrun, si plusieurs ré-
sins et des voleurs quand il est dans son pays, ponses (lisez la plupart) ne s'étaient trouvées
et ne trouve-t-il plus rien quand il est à Pa- fausses (3). »
ris ? Tout cela n'est que charlatanisme. Et ce Un fait qui n'est pas moins admirable,
(jui détruit totalement le merveilleux de la c'est que la baguette ne tourne que sur les
baguette, c'est que tout le monde, avec un objets où l'on v. intérieurement l'intention
peu d'adresse, peut la faire tourner à vo- de la faire tourner. Ce serait donc du ma-
lonté. Il ne s'agit que de tenir les extrémités gnétisme ? Ainsi quand on cherche une
de la fourche un peu écartées, de manière à source, elle ne tournera pas sur autre chose,
faire ressort. C'est alors la force d'élasticité quoiqu'on passe sur des trésors enfouis ou
qui opère le prodige. » sur des traces de meurtre.
Cependant on croit encore à la baguette Pour découvrir une fontaine, il faut mettre
divinatoire dans le Dauphiné et dans le Hai- sur la baguette un linge mouillé si ellé
naut les paysans n'en négligent pas l'usage, tourne alors, c'est une preuve qu'il y a de
et elle a trouvé des défenseurs sérieux. For- l'eau à l'endroit qu'elle indique. Pour trou-
mey, dans l'Encyclopédie, explique ce phé- ver les métaux souterrains un enchâsse
nomène par le magnétisme Ritter, professeur successivement à la tête de la baguette di-
de Munich, s'autorisait récemment des phé- versés pièces de métal, et c'est un principe
nomènes du galvanisme pour soutenir les constant que fa baguette indique la qualité
merveilles de la baguette divinatoire; mais du métal caché sous terre, en touchant pré-
il n'est pas mort sans abjurer son erreur. cisément ce même métal.
L'abbé de La Garde écrivit au commence;. Nous répétons qu'on ne croit plus à la .ha*
ment avec beaucoup de foi l'histoire des pro- guette, et que cependant on s'en sert encore
diges de Jacques Aymar; en 1692 même, dans quelques provinces. Il fallait autrefois
Pierre Garnier, docteur-médecin de Mont- qu'elle fût de coudrier ou de quelquo autre
pellier, voulut prouver que les opérations do bois spécial depuis on a employé toute
la baguette dépendaient d'une cause natu- sorte de' bois, et même des côtes de baleine;
relle (2); cette cause naturelle n'était, selon on n'a plus même exigé que la baguette fût
lui, que les corpuscules sortis du corps du en fourche.
meurtrier dans les endroits où il avait fait le .Secret de la baguette divinatoire et moyen
meurtre et dans ceux où il avait passé. Les de la faire tourner, tiré dit Grand Grimoire,
galeux et les pestiférés, ajoute-t-il, ne tran- paqe 87 (4).
spirent pas comme les gens sains, puisqu'ils bès le moment que le soleil paraît sur l'hd-
sont contagieux de même les, scélérats lâ- fizon, vous prenez de la main .gauche une
(1) DesErreurset des préjugés,etc., t. 1, p. 16f>. 1092.
(2) Danssa Dissertation physiqueon formade lettre à (3) Histoire despratiquessuperstitieuses, t. II, "p-3557',
37';
M.de Sevré,'seigneur de Flechères, etc. In-12. Lyon, Cesecret
~4)Ce
(4) ft.Oûge,p. 83.
secret est aussidàiiste-Driigo'a
aussisupeÎ'SliLÍe~ses! Il,'j),
167 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 163
baguette vierge de noisetier sauvage, et la encore en Angleterre sir Charles H. 'et mis
coupez de la.droite en trois coups, en disant Fenwik comme étant doués de la même fa-
« Je te ramasse au nom d'Eloïm, Mutralhon, culté que lady Newark, et à un degré plus
Adonay et Sémiphoras, afin que tu aies la élevé encore. Cette faculté inexplicable est
vertu de la verge de Moïse et de Jacob pour tout à fait indépendante de la volition; elle
découvrir tout ce que je voudrai savoir. » a une grande analogie avec celle qui dis-
Et pour la faire tourner, il faut dire, la te- tingue les Zahories espagnols; mais ceux-ci
nant serrée dans ses mains, par les deux ne se servent pas de la baguette de cou-
bouts qui font la fourche « Je te com- drier.
mande, au nom d'Eloïm, Mutrathon, Adonay Ajoutons à tout ce qui précède, la sérieuse
et Sémiphoras, de me révéler. » (on indique défense de Jacques Aymar, par l'auteur de
ce qu'on veut savoir). La Physique occulte, ou traité de la baguette
Mais voici encore quelque chose sur cette divinatoire. Lahaye 1762
matière qui n'est pas épuisée. Nous emprun- « Depuis que les hommes se mêlent de
tons ce qui suit au Quarterly Magazine philosopher, on n'a point examiné une ma-
La baguette divinatoire n'est plus em- tière plus curieuse et plus importante, que
ployée à la découverte des trésors, mais on celle qui est traitée ici et je puis dire que
dit que, dans les mains de certaines per- si l'on avait une fois expliqué clairement la
sonnes, elle peut indiquer les sources d'eau cause du mouvement de la baguette divina-
vive. Il y a cinquante ans environ que lady toire sur les sources d'eau, sur les minières,
Newark se trouvait en Provence dans un sur les trésors cachés et sur les traces des
château dont le propriétaire, ayant besoin criminels fugitifs, il n'y aurait plus rien de
d'une source pour l'usage de sa maison, si occulte dans la nature, qui ne fût bientôt
envoya chercher un paysan qui promettait développé et mis dans un grand jour.
d'en faire jaillir une avec une branche de » Car si l'on connaissaitcomment les écoua
coudrier; lady Newark rit beaucoup de l'idée lements des corpuscules qui s'exhalent des
de son hôte et de l'assurance du paysan eaux souterraines, des métaux et du corps
mais, non moins curieuse qu'incrédule, elle de certains hommes, s'insinuent par la res-
voulut du moins assister à l'expérience, ainsi piration insensible dans les pores d'un autre
que d'autres voyageurs anglais tout aussi homme, on comprendrait bientôt pourquoi
philosophes qu'elle. Le paysan ne se décon- les maladies contagieuses et populaires atta-
certa pas des sourires moqueurs de ces étran- quent les uns et épargnent les autres; on dé-
gers il se mit en marche suivi de toute la couvrirait celte route invisible par où coule,
société, puis tout à coup s'arrêtant, il dé- ce flux et reflux d'humeurs malignes qui
clara qu'on pouvait creuser la terre. On le sortent d'un corps par la transpiration et
fit; la source promise sortit, et elle coule en- que la respiration fait rentrer dans un autre.
core. Cet homme était un vrai paysan, sans Et si ce chemin était bien reconnu, la méde-
éducation il ne pouvait expliquer quelle cine trouverait ensuite facilement le secret
était la vertu dont il était doué, ni celle du de préserver ou de guérir les'hommes de
talisman mais il assurait modestement tant de maladies dont la.propagation se fait
n'être pas le seul à qui la nature avait donné par les écoulements des corpuscules conta-
le pouvoir de s'en servir. Les Anglais pré- gieux qui sont répandus dans l'air. Cela est,
sents essayèrent sans succès. Quand vint le ce me semble, de la dernière importance.
tour de lady Newark, elle fut bien surprise » Mais de quelle utilité ne serait point
de. se trouver tout aussi sorcière que le pay- l'usage de la baguette divinatoire pour la
san provençal. A son retour en Angleterre, découverte des sources d'eau, dont on ne
elle n'osa faire usage de la baguette divina- saurait se passée dans la vie, et pour la re-
toire qu'en secret, de peur d'être tournée en cherche des métaux les plus nobles, q'ui font
ridicule. Mais en 1803, lorsque le docteur aujourd'hui tout le lien de la société hu-
Hulton publia les Recherches d'Ozanam, où maine.
ce prodige est traité d'absurdité (tom. IV. p. » Certainement le grand éclat que l'hi-
260), lady Newark lui écrivit une lettre si- stoire du paysan du Dauphiné ( Jacques
gnée X. Y. Z., pour lui raconter les faits qui Aymar), a fait dans le monde, et l'empresse-
étaient à sa connaissance. Le docteur ré- ment que chacun a marqué pour s'en infor-
pondit, demandant de nouveaux renseigne- mer, montrent mieux que ce que je pourrais
ments à son correspondant anonyme. Lady dire, combien le public croit qu'il est impor-
Newark le satisfit, et alors le docteur désira tant d'expliquer cette physique si surpren-
être mis en rapport direct avec elle. Lady nante
Newark alla le voir à Woolwich, et, sous » Je sais bien que certains savants om-
ses yeux, elle découvrit une source d'eau brageux ne feront pas grand cas de tout ce
dans un terrain où il faisait construire sa qu'on pourrait dire de bon sur ce qui regarde
résidence d'été. C'est ce même terrain que le mouvement de la baguette et qu'ils conti-
le docteur Hulton a vendu depuis au collége nueront de la regarder comme la chose du
de Woolwik, avec un bénéfice considérable monde la moins digne de leur attention. Ils
à cause de la source. Le docteur ne put ré- en penseront ce qu'il leur plaira mais je
sister à l'évidence lorsqu'il vit, à l'approche de puis leur citer d'autres savants qui n'ont pas
l'eau, la baguette s'animer tout à coup pour cru employer mal leur temps de tourner
ainsi dire, s agiter,-se ployer, et même se bri- leurs études de ce côté-là. Nous voyons par-
ser dans les doigts de lady Newark. On cite mi les mémoires de l'académie royale des
169 BAL BAL 170
sciences d'Angleterre, le dessein que cette l'ignorance et la barbarie avaient répandu
illustre société a pris de s'informer de tout de si épaisses ténèbres. J'ai eu en vue surtout
ce qui concerne la baguette divinatoire pour de montrer qu'outre' les utilités qu'on peut
la recherche des minières. En effet, parmi tirer de la baguette, ces nouveaux phéno-
cent articles que M. Boyle a dressés sur le mènes peuvent apporter beaucoup de lu-
chapitre dés minières,, le xyni» représente le mières à la physique et à la médecine. Le
plan sur quoi il souhaitait qu'on se réglât public jugera si mes efforts doivent être
pour faire des recherches sur la baguette. comptés pour quelque chose.
Le voici Utrum virgula divinatoria adhibea- » Cette matière, assez obscure d'elle-même,
tur qd investigationem venarum propositarum est égayée par des expériences curieuses,
fodinarum et si sic, quo id fiat, successul tout à fait propres pour accoutumer l'esprit
art. 18. C'est ainsi qu'il est rapporté dans. à croire que la nature emploie des agents
les Actes philosophiques de la société royale invisibles quand elle opère ses plus grandes
des sciences d'Angleterre, du mois de No- merveilles. C'est ce que j'appelle la l'hysique
vembre 1666, pag. 3U. occulte, pour la distinguer de ce que la na-
» Il y a donc des gens qui n'ont pas si ture fait à découvert, et par des causes sen-
fort méprisé la chose. Plus sincères que ces sibles.
savants dont je viens de parlerais confessent » J'ai cru que pour expliquer la physique
que les phénomènes de la baguette divina- occulte de la baguette divinatoire, je devais
toire sont merveilleux, et qu'ils méritent préférer la philosophie des corpuscules à
bien l'attention des hommes les plus sages. toutes les autres, non-seulement parce
Mais parmi ceux-là, quelques-uns, se lais- qu'elle est la seule qui puisse servir utile-
sant prévenir par des terreurs paniques, s'i- ment à développer les secrets de la nature,
maginent que la baguette n'a point d'autre mais parce qu'elle est encore plus ancienne
mouvement que celui que le démon lui. im- que toutes celles dont la connaissance est
prime. Ils ne peuvent pas croire qu'il se venue jusqu'à nous. Car avant Leucippe,
puisse faire quelque chose dans la nature maître de Démocrite, le premier, selon Mi-
au delà de leur connaissance. Tout ce qu'ils nucius Félix, qui ait employé les atomes
ne comprennent pas ne peut être naturel. dans la philosophie, un certain Moschus
» C'est de là que le monde s'est rem- originaire de Phénicie, expliquait les phéno-
pli de tant de fables grossières et ridicules mènes de la nature par les corpuscules,
touchant les sorciers. Ceux qui savaient un c'est-à-dire par les particules, on petites
peu de grec et d'hébreu il y a quelques parties insensibles de la matière. Strabon,
centaines d'années, passaient pour des ma- qui rapporte cela, ajoute que Moschus vivait
giciens. Il est arrivé plusieurs fois à des avant la guerre de Troie, et par conséquent
ignorants de prendre des figures de mathé- plusieurs siècles avant qu'aucun des philo-
matiques pour des caractères magiques. Jean sophes grecs parût dans le monde.
Shiphower, de l'ordre des ermites de saint » Voilà l'ancienne origine de la philoso-
Augustin, du couvent d'Ofenburg, dans le phie des corpuscules; et, puisqu'elle est phé-
comté d'Edimbourg, parlant de l'imprimerie nicienne, on a tout sujet de croire que ç'a
vers l'an 1440, dit que, dans ces premiers été celle des Hébreux, d'où elle a passé chez
commencements, les superslilieuxel les igno- les Grecs.
rants la faisaient passer pour un art où il y » Personne, dans ces derniers temps, n'a
pouvait avoir de la magie la plus criminelle. si bien cultivé la philosophie que M. Boyle,
Il n'y a point de bateleurs dont les subtilités comme on le peut voir par tant de beaux en-
ne passent pour des sorcelleries auprès de droits de ses observations que j'ai rapportés
beaucoup de monde. C'est encore par le dans ce traité. Et si le P. Lana, jésuite, n'é-
même esprit que nous voyons aujourd'hui tait pas mort sitôt, il l'aurait encore portée
accuser de magie les opérations de la ba- beaucoup plus loin, comme il est aisé de le
guette, parcequela cause n'en est pas connue. juger par son grand et excellent ouvrage, in-
» Van-Helmont a fort bien remarqué qu'on titulé Magisterium artis et naturœ, où l'on
ne saurait trop déplorer le mal que ces pré- peut remarquer que cet homme si laborieux
jugés font dans les sciences, et surtout dans philosophait, comme on dit, les expériences
ta physique. Y a-t-il rien, dit-il, de plus sur- à la main, sans quoi, en matière de physi-
prenant et de plus déplorable, que de voir que, on ne sait pas où conduisent les raison-
les arts vils et mécaniques se perfectionner nements comme on ne sait pas si l'on ne s'é-
tous les jours, pendant que la physique de- gare point quand on marche sans guide dans
meure toujours quasi dans le même état ? un pays inconnu. Un physicien, disait le P.
Rien ne retarde tant le progrès de la science Kirker, jésuite, qui philosophe sans faire des
naturelle, que les criailleries et les censures expériences, est comme un aveugle qui au-
injustes des ignorants, parce qu'eHes épou- rait la folie de vouloir disputer des couleurs
vantent, arrêtent et font même reculer ceux In physicis rebus sine experimento philoso-
que quelque ouverture d'esprit et une lon- phari, idem est ac si cœcus de colore judicium
gue élude auraient mis en état de contribuer ferre insipientius prœsumeret. Mund. subler.
à perfectionner la physique. l. X, 3, p. 188.
» Je déclare que je n'ai point été retenu » 11semble qu'il m'aurait toujours manqué
par cet épouvantait,. car enfin nous sommes quelque chose, si je n'avais raisonné que
dans un siècle éclairé, de qui on doit atten- sur des relalions dont tout le monde ne s'ac-
dre plus de justice que de ceux sur lesquels commode pas. Enfin cet homme, si fameux
DicTIONNAIRE DES SCIENCES OCCCLMS. I. 6
171 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 171*
(Jacques Aymar) est venu à Paris le 21 de on qu'Aymar soit toujours également sensi-
janvier 1693, par l'ordre d'un grand prince. ble aux impressions de l'air? Mais, afin do
Je l'ai vu deux heures par jour, presque un rectifier les idées de ces gens qui voudraient
mois durant; et on peut croire que, dans qu'il reussit toujours, il n'y a qu'à les ren-
tout ce temps-là, je l'ai tourné et retourné voyer à l'inclinaison de la verge de fer ai-
comme je devais. Il est certain que la ba- mantée. Ils verront que la méthode dont on
guette divinatoire lui tourne entre les mains se sert pour trouver cette inclinaison de-
sur les traces des voleurs, et des meurtriers mande une exactitude si scrupuleuse, que,
fugitifs. Il n'en sait pas la raison, et s'il en d'ordinaire, de vingt expériences il. ne s'en
connaissait la cause physique, et qu'il eût rencontrera pas quatre qui' soient entière-
assez d'étendue d'esprit pour raisonner là- ment semblables. Ainsi le bon sens veut que
dessus, je puis assurer que quand il entre- les essais qui ne réussissent pas, ne fassent
prendrait une expérience; il n'y manquerait point de préjugé contre les expériences con-
jamais. Mais un paysan, qui ne sait ni lire stantes. r
ni écrire saura bien moins ce que c'est » Je ne nie pourtant. pas qu'il n'y ait des
(\n'atmosphère, volume, écoulements de cor- fourbes qui- en donnent à croire, et qui
puscules répandus dans l'air. Il ignore encore poussent l'usage de la baguette à trop de
plus comment ces corpuscules peuvent 'se choses, comme il arrive aux charlatans qui
déranger et cesser de produire le mouve- ayant effectivement un bon remède particu-
ment et l'inclinaison de la baguette. Il n'est lier, le rendent eux-mêmes méprisable, en
pas capable non plus de reconnaître combien voulant le faire passer pour universel.
il lui importe, pour réussir, de savoir s'il est » Et j'ajoute à cela qu'on découvrira des
lui-même dans un état tel qu'il faut pour gens qui, ayant une sensibilité plus vive et
être sensible aux impressions des corpuscu- plus délicate, auraient encore plus abon-
les qui s'exhalent des corps sur lesquels la damment que lui la faculté de trouver les
baguette s'incline; car il ne faut presque sources, les minières, les trésors cachés, les
rien pour déranger l'ordre des causes natu- voleurs et les meurtriers fugitifs. On nous
relles et pour faire manquer une expérience. mande déjà de Lyon qu'il y a un garçon de
M. Boyle a fait un traité entier sur cette ma- dix-huit ans, qui, là-dessus, surpasse de
tière. On y peut apprendre comme une seule beaucoup Jacques Aymar; et chacun peut
circonstance de plus ou de moins empêche voir à Paris, chez M. Geoffroi, ancien éche-
l'action ordinaire de la nature. vin de cette ville, un jeune homme qui trouve
» Ainsi, quoique Jacques Aymar soit, un l'or caché en terre par une violente émotion
homme simple et de bonnes mœurs, il lui qu'il ressent, du moment qu'il marche des-
peut arriver d'entreprendre ce qu'il n'exé- sus. ».
cutera pas toujours bien, par la raison qu'il BAGUETTE MAGIQUE. On voit comme
ne sait pas qu'il doit être dans une cer- nous l'avons dit, que toutes les fées ou sor-
taine disposition présente de sensibilité, afin cières ont une baguette magique avec la-
que les corpuscules répandus dans l'air puis- quelle elles opèrent. Boguet rapporte (1) que
sent lui causer quelque sensation; et que Françoise Secrétain et Thévenne Pagét fai-
cette disposition si rare peut être facilement saient mourir les bestiaux en les touchant de
renversée par un mouvement de. crainte leur baguette; et Cardan cite une sorcière
ou par d'autres émotions subites et véhé- de Paris, qui tua un enfant en le frappant
mentes. doucement sur le dos avec sa baguette ma-
» Quoiqu'il ne puisse pas démêler tout gique.
cela, cependant il reconnaît qu'il se peut C'est aussi avec leur baguette que les sor-
bien tromper, et qu'il ne sait-pas précisé- ciers tracent les cercles, font les conjura-
ment, toutes les fois que sa baguette tourne, tions et opèrent de toutes les manières. Cette
si c'est sur de l'eau, sur du métal, ou sur baguette doit être de coudrier, de la pousse
un cadavre, parce qu'elle se meut sur tout de l'année. Il faut ta couper le premier mer-
ce qui transpire beaucoup. S'il assure que credi de la lune, entre onze heures et mi-
c'est un meurtrier qu'il suit, c'est qu'il re- nuit, en prononçant certaines paroles (2).
connaît que la sensation qu'il a prise au lieu Le couteau doit être neuf et retiré en haut
de l'assassinat, est la même qui dure le long quand on coupe. Onbénit ensuite la baguette,
du chemin, et dont il est toujours également disent les formulaires superstitieux; on écrit
agité. Voilà son Critérium. au gros bout le mot Agla t, au milieu Onf;
» Si Jacques Aymar se hasarde donc à et l'etragammaton f au petit bout; et l'on
des essais qui ne lui réussissent pas; on ne dit Conjuro te çito mihi obedire, etc.
s'en étonnera point, pour peu qu'on se soit BAHAMAN, génie qui, suivant les Perses,
formé une juste idée de la conduite de la na- apaise la colère, et, en conséquence, gou-
ture, et qu'on ait étudié la physique par les verne les» bœufs, les moutons et tous les
expériences. Car on saura que le mécanisme animaux susceptibles d'être apprivoisés.
de la nature demande une proportion si BAHIR titre du plus ancien livre des
exacte dans l'arrangement, dans la force et rabbins, où, suivant Buxtorf, font traités
dans le mouvement des causes, que le mo'in-, les profonds mystères de là haute cabale des
dre obstacle en renversé les effets. Les meil- Juifs.
leurs chiens de chasse ne tombent-ils pas BAIAN. Wiérus et vingt autres démono-
quelquefois en défaut? Pourquoi donc veut-, graphes comptent que Baïan ou Bajari, fils
{\) Voyc»Verge. .(2)Discoursdes sorciers,eh. xix.. ».
173 BAL BAL Î74
de Siméon, roi des Bulgares, était si grand transportée à Bruck, où se faisait le sàb-
magicien, qu'il se transformait en loup, bat (2). Elle profita de l'occasion se fit sor-
quand il voulait, pour épouvanter son peu- cière, et peu après fut arrêtée comme telle.
ple, et qu'il pouvait prendre toute autre fi- Il y a sur le balai d'autres croyances. Ja-
gure de bête féroce, et même se rendre invi- mais, dans le district de Lesneven-, en Bre-
sible ce qui n'est pas possible sans l'aide de tagne, on ne balaie une maison la nui! on
puissants démons, comme ditNinauld dans sa prétend que c'est en éloigner le bonheur
Lycanthropie. que les âmes s'y promènent, et que les mou-
BA1ER (Jean-Guillaume), de vements d'un balai les blessent et les écar-
professeur
théologie à Altorf, mort en 1729. Il a laissé tent. Ils nomment cet usage proscrit halaie-
une thèse intitulée-: Dissertation sur Behe- ment des morts. Ils disent que la veille du
moth et Léviathan, l'éléphant et la baleine, jour des Trépassés (2 novembre) il y a plus,
d'après le livre de Job, chap. 40 et kl, avec la d'âmes dans chaque maison que de grains de
sable dans la mer et sur le rivage (3).
réponse' de Stieber (1). Baïer ne voyait que
deux animaux monstrueux dans Bchemolh BALAN roi grand'et terrible dans les en-
etLévialhan. fers. Il a trois têtes l'une faite comme celle
d'un taureau, l'autre comme celle d'un
BAILLEMENT. Les femmes espagnoles,
homme, la troisième comme celle d'un bélier.
lorsqu'elles bâillent, ne manquent pas de se
Joignez à cela une queue de serpent et des
signer quatre fois la bouche avec le pouce, yeux qui jettent de la flamme. Il se montre
de peur que le diable n'y entre. Cette su-
à cheval sur un ours et porte un épervier
perstition remonte à des temps reculés, et au poing. Sa voix est rauque et violente. It
chez beaucoup de peuples, on a regardé le
bâillement comme une crise périlleuse. répond sur le passé, le présent et l'avenir.
Ce démon qui était autrefois de l'ordre
BAILLY (Pierre), médecin, auteur d'un
des dominations et qui commande aujour-
livre publié à Paris en 1634, in-8", sous le
d'hui quarante légions infernales enseigne
titre de Songes de Pheslion, paradoxes phy- les ruses, la finesse, et le moyen commode
siologiques, suivis d'un dialogue sur l'immor- de voir sans être vu (4).
talité de âme.
BALANCE, septième signe du zodiaque!
BALAAM sorte de magicien madianite Ceux qui naissent sous cette constellation ai-
qui ilorissait vers l'an du monde 2515. Lors- ment généralement l'équité. C'est, dit-on,
que les Israélites errants dans le désert se pour être né sous le signe de la Balance qu'on
disposaient à passer le Jourdain Balac, roi donna à Louis XIII le surnom de Juste.
de Moab, qui les redoutait, chargea Balaam Les Persans prétendent qu'il y aura au
de les maudire. Mais le magicien, ayant con- dernier jour une balance, dont les bassins
sulté le Seigneur, qu'il connaissait, quoi- seront plus grands et plus larges que la su-
qu'il servit d'autres dieux et que surtout il perficie des cieux, et dans laquelle Dieu pé-
redoutait, reçut une défense précise de céder sera les œuvres des hommes. Un des bassins
à cetteinvitation. Cependant, les magnifiques de cette balance s'appellera le bassin de lu-
présents du Roi l'ayant séduit, il se rendit à mière, l'autre le bassin de ténèbres. Le livre
son camp. On sait que l'ange du Seigneur des bonnes œuvres sera jeté dans le bassin
arrêta son ânesse qui lui parla. Balaam de lumière, plus brillant que les étoiles et
après s'être irrité contre la bête aperçut le livre des mauvaises dans le bassin de té-
l'ange se prosterna promit de faire ce que nèbres, plus horrible qu'une nuit d'orage. Le
commanderait le Dieu d'Israël et parut au fléau fera connaître qui l'emportera, et à quel
camp de Balac très-embarrassé. Lorsqu'il degré. C'est après cet examen que les corps
fat devant l'armée des Israélites en pré-
passeront le pont étendu sur le feu éternel.
senee de la cour de Balac fort surprise, pen- BALCOIN (Marie), sorcière du pays de La-
dant qu'on s'attendait à entendre des malé- bour, qui allait au sabbat du temps de Henri
dictions, il se sentit dominé par un enthou- IV. On lui fit son procès, où elle fut convain-
siasme divin et prononça malgré lui une cue d'avoir mangé, dans une assemblée noc-
magnifique prophétie sur les destinées glo- turne, l'oreille d'un petit enfant (5). Elle fut
rieuses du peuple de Dieu. Il annonça même sans doute brûlée.
le Messie. Balac furieux, le chassa par la BALEINE. Mahomet place dans le ciel la
suite les Hébreux ayant vaincu les Ma- baleine de Jonas.
dianites, firent Balaam prisonnier et le tuè- BALI, prince des démons et roi de l'enfer,
rent. selon les croyances indiennes. Il se battit au-
? BALAI. Le manche à balai est la mon- trefois avec Wishnou, qui le précipita dans
ture ordinaire des sorcières lorsqu'elles se l'abime, d'où il sort une fois par an pour faire
rendent au sabbat. Remi conte à ce sujet que du mal aux hommes mais Wishnou y met
la femme d'un cordonnier allemand, ayant ordre. i
sans le savoir, fourré le bout de son manche Les Indiens donnent aussi le nom de Bali
à balai dans un pot qui contenait l'onguent aux farfadets à qui ils offrent du riz que
des sorcières, se mit machinalement aussitôt ces lutins ne manquent pas de venir manger
à califourchon sur ce manche et se sentit la nuit.
(1) Dissertatiode Behemothet de Leviathan, elephas (5) Voyagede Cambrydansle Finistère, t. II, p. 52.
et baiaena,Job il, 41. Respond.G. Stepli. Stieber. 4) Wienis, in Pseudomonarchiad*m.
In-l», Altorf, 1708. (5) Delancre,Tableaudel'inconstancedesdémons,etc
(2) Remigius,lib. II. Oaeinon.,cap. m. p. 196,liv. III.
n6 biUT.oNNAiuk dés SCIENCES OCCULTES, jtg
| BALLES. On a cr.u autrefois que certains personnes qui la passent pour la première
guerriers avaient un charme contre les bal- fois une cérémonie qu'ils appellent le bap-
les, parce qu'on tirait sur eux sans les attein- tême de la ligne et qui consiste en une as-
dre. Pour les tuer, on mettait dans les cartou- persion plus ou moins désagréable, dont on
ches des pièces d'argent, car rien, dit-on, ne évite souvent les ennuis par une générosité.
peut ensorceler la monnaie. Les personnages qui font la plaisanterie se
BALTAZO l'un des démons de la posses- travestissent le Père la Ligne arrive dans
sion de Laon. Voy. Adbrï. H paraît que ce un tonneau, escorté par un diable, un cour-
démon, ou quelque chenapan qui se fil pas- rier, un perruquier et un meunier. Le pas-
ser pour tel, alla souper avec le mari de Ni- sager qui ne veut pas donner pour boire aux
cole Aubry la possédée, sous prétexte de matelots est arrosé ou baigné, après avoir élé
combiner sa délivrance, qu'il n'opéra pas. poudré et frisé. On ne sait trop l'origine do
On remarqua en soupant qu'il buvait très- cet usage, ni pourquoi le diable y figure.
sec ce qui prouve, dit Leloyer, que l'eau est BARAT maladie de langueur, ordinaire-
contraire aux démons (1). ment le résultat d'un sort jeté qui conduit
BALTHAZAR, dernier roi de Babylone infailliblement à la mort et qui selon les
petit-fils de Nabuchodonosor. Un soir qu'il opinions brelonnes, est guérie par les eaux
profanait dans ses orgies les vases sacrés de de la fontaine de Sainte-Candide près de
Jérusalem il aperçut une main qui traçait Scaer, dans le Finistère. 11 n'est pas d'enfant
sur la muraille en lettres de feu ces trois qu'on ne trempe dans cette fontaine quel-
mots Mane, thecel, phares. Ses devins et ses ques jours après sa naissance on croit qu'il
astrologues ne purent expliquer ces cara- vivra, s'il étend les pieds, et qu'il mourra
ctères ni en interpréter le sens. Il promit de dans peu, s'il les retire (3).
grandes récompenses à qui lui en donnerait BARBAS. démon. Voy. MARBAS.
l'interprétation. Ce fut Daniel qui, méprisant BARBATOS, grand et puissant démon,
ses récompenses, lui apprit que les trois comte-duc aux enfers type de Robin-des-
mots signifiaient que ses années étaient Bois il se montre sous la figure d'un archer
comptées qu'il n'avait plus que quelques ou d'un chasseur on le rencontre dans les
moments à vivre, et que son royaume al- furêts. Quatre rois sonnent du cor devant
lait être divisé. Tout se vérifia peu de jours lui. Il apprend à deviner par le chant des
après. oiseaux le mugissement des taureaux les
BALTUS (Jean-François), savant jésuite, aboiements des chiens et les cris des divers
mort en 1743. Lisez sa Réponse d l'Histoire animaux. 11 connaît les trésors enfouis par
des oracles de Fontenelle, in-8°, Strasbourg les magiciens. Il réconcilie lesamis brouillés.
17C9, où il établit que les oracles des an- Ce démon, qui était autrefois de l'ordre des
ciens étaient l'ouvrage du démon, et qu'ils vertus des cieux ou de celui des dominations,
furent réduits au silence tôrs de la mission est réduit aujourd'hui à commander trente
de Jésus-Christ sur la terre. légions infernales. Il connaît le passé et le
BANIANS. Indiens idolâtres, répandus sur- futur (i).
tout dans le Mogol. Us reconnaissent un Dieu BARBE. Les Romains gardaient avec un
créateur mais ils.adorent le diable, qui est soin superstitieux leur première barbe. Né-
chargé, disent-ils, de gouverner le monde. ron faisait conserver la sienne dans une
Ils le représentent sous une horrible figure. boîte d'or enrichie de pierreries (5).
Le prêtre de ce culte marque au front, d'un BAKBE-A-D1EU. Thiers dans son Traité
signe jaune ceux qui ont adoré le diable des superstitions rapporte la prière dite la
qui des lors les reconnaît et n'est plus si Barbe-à-Dieu c'est une prière superstitieuse
porté à leur faire du mal (2). encore populaire et qui se trouve dans di-
BAPTÊME. On dit que les sorcières, dans vers recueils. La voici « Pécheurs et péche-
leurs cérémonies abominables baptisent au resses, venez à moi parler. Le cœur me dut
sabbat des crapauds et de petits enfants. Les bien trembler au ventre comme fait la
crapauds sont habillés de velours rouge, les feuille au tremble comme fait la Loisouni
petits enfants de velours noir. Pour cette quand elle voit qu'il faut venir sur une pe-
opération infernale le diable urine dans un tite branche, qui n'est plus grosse ni plus
trou on prend de cette déjection avec un membre que trois cheveux de femme grosse
goupillon noir, on en jette sur la tête de l'en- ensemble. Ceux qui in-Barbe-à Dieu sauront,
tant ou du crapaud, en faisant des signes de par-dessus la planche passeront, et c> ux qui
croix à rebours avec la main gauche, et di- ne la sauront, au bout de ta planche s'assise.
sant In nomine palrica, mairica araguaco t'ont, crieront, braieronl Mon Dieu- hélas
pelrica agora, agora Valentia ce qui veut malheureux état 1 .Eu comme petit enfant
dire « Au nom de Patrique de Malrique celui qui la fiarbe-à-Dieu n'apprend, »
Pélrique d'Aragon à cette heure, à celle BARBELOTH. Des gnosliques appelés
heure, Valentia. » Celle stupide impiété s'ap- barbeliols ou narboriens disaient qu'un Éon
pelle le baptême du diable. immortel avait eu commerce avec un esprit
BAPTÊME DE LA LIGNE. Lorsqu'on tra- vierge appelé Barbeloib, à qui il avait suc-
verse la ligne, les matelots font subir aux cessivement accordé la prescience, l'incor-
a Disc, elhist. des spectres,liv. III, ch. x. (3) Cambry,Voyagedansle Finistère, t. III, p. 157.
(9) Histoirede la religiondes Baniaus tirée de leur (4) Vierus,in Pseudcinonurcliia
dsem.
livre buasier, etc., traduit de l'aiiglnisde HenryLord. (5) M.Nisard,Stace.
l'iris. 1667.IU-13.
177 BAR BAH 1TS

ruptibilité et la vie éternelle; que Barbeloth, Barkokebas, fils de l'étoile, et prétendit qu'il
~alh:l:·.( ~1 1. L·11. tt~-L t~tL T.L..1_~L~_ é1_ J- lltm,~i.1 -t~Jtt –IW

un jour, plus gai qu'à l'ordinaire, avait en- était l'étoile annoncée par Balaam. 11 se mit
gendré la lumière," qui, perfectionnée par à faire des prodiges. Saint Jérôme raconte
l'onction de l'esprit, s'appela Christ; que qu'il vomissait du feu par la bouche, au
Christ désira l'intelligence et l'obtint que moyen d'un morci'.iu d'étoupes allumées
l'intelligence, la raison, l'incorruptibilité et qu'il se mettait dans les dents, ce que font
Christ s'unirent; que la raison et l'intel:i- maintenant les charlatans des foires. Les
gence engendreront Autogène qu'Autogène Juifs le reconnurent pour leur Messie. Il se
engendra Adamas, l'homme parfait, et sa fit couronner roi. rassembla une armée, et
femme la connaissance parfaite; qu'Adamas soutint contre les Romains une guerre assez
et sa femme' engendrèrent le bois; que le longue; mais enfin, en l'année 136, l'a rinéo
premier ange engendra le Saint-Esprit, la juive fut passée au (il de l'épée et Bukoke-
sagesse ou Prunic; que Prunic engendra bas tué. Les rabbins assurent que, lorsqu'un
Prolarchonte ou premier prince, qui fut in- voulut enlever son corps pour le porter à
solent et sot; que Protarchonte et Arrogance l'empereur Adrien, un serpent se présenta
engendrèrent les vices et toutes leurs bran- autour du cou de Barkokebas, et le fil res-
ches. Les'barbeliots débitaient ces merveilles pecter des porteurs et du prince lui-même.
en hébreu, et leurs cérémonies n'étaient pas BARNAUD (Nicolas), médecin proteslant
moins abominables que leur doctrine était du seizième siècle, qui rechercha la pierre
extravagante (1); philosophale. Il a publié sur l'alchimie di-
BARBIER. Pline le jeune (2) avait un af- vers petits traités recueillis dans le troisième
franchi, nommé Marc, homme quelque peu volume du Theatrum chimic'um, compilé par
lettré, qui couchait dans un même lit avec Zetzner; Strasbourg, 1659.
son jeune frère. Marc, dans le sommeil, crut BARRABAS. « Quand les sorcières sont
voir une personne assise au chevet du lit, entre les mains de la justice, dit Pierre De-
qui lui coupait les cheveux du haut de la lancre (4), elles font semblant d'avoir le dia-
tête. A son réveil il se trouva rasé, et ses ble leur maître en horreur, et l'appellent par
cheveux jetés au milieu de la chambre. La dédain Barrabas ou Barrabam. »
même chose arriva, dans le même temps, à B ARTHOLIN (Thomas), né à Copenhague
un j.eune garçon qui dormait avec plusieurs en 1619. On recherche de lui le livre De Un-
autres dans une pension. Il vit entrer par la guento nrmario. Ce traité de la poudre de
fenêtre deux hommes vêtus de blanc, qui sympathie se ressent du temps et de la cré-
lui coupèrent les cheveux comme il dormait. dulité de l'auteur; on y trouve rependant
A son réveil, on trouva ses cheveux répan- des choses singulières et qui ne sont pas in-
dus sur le plancher. a A quoi cela peut-il dignes de quelque attention.
être attribué, dit D. Calmet (3), si ce n'est à BAIITHOLE, jurisconsulte, mort à Pérouse
des follets? » ou aux compagnons de lit? en 1356. II commença à mettre de l'ordre
Il y a quelques lutins, du genre de ceux- dans la jurisprudence; mais on retrouve les
là, qui ont fait pareillement les fonctions de bizarreries de son siècle dans quelques-uns
barbiers. Les contes populaires de l'Allema- de ses ouvrages. Ain-i, pour faire connaître
gne vous apprendront que les revenants la marche d'une procédure, il imagina un
peuvent ainsi faire la barbe aux vivants. procès entre la sainte Vierge et le diable,
BARBIERI. Dialogues sur la mort et sur jugé par Notre-Seigneur Jésus-Christ (5).
les âmes séparées Dialoytii délia morte e Les parties plaident en personne.-Le diable
dell' anime separate, di Barbieri. ln 8°. Bolo- demande que le genre humain rentre sous
gna, 1600. son obéissance; il fait observer qu'il en a élé
BARBU. On appelle démon barbu le démon le maitre depuis Adam; il cite les lois qui
qui enseigne le secret de la pierre philoso- établissent que celui qui a élé dépouillé
pha le; on le connaît peu. Son nom semble- d'une longue possession a le droit d'y ren-
rait indiquer que c'est le même que Barba- trer. La sainte Vierge lui répond qu'il est
tns, qui n'a rien d'un démon philosophe. Ce un possesseur de mauvaise foi, et que les
n'est pas non plus Barbas, qui se mêle de lois qu'il cite ne le concernent pas. On épuise
mécanique. On dit que le démon barbu est des deux côtés toutes les ressources de la
ainsi appelé à cause de sa barbe remar- chicane du quatorzième siècle, et le diable
quable. est déboulé de ses prétentions.
BARESTE (Eugène), auteur de la Fin des BARTON (Elisabeth), religieuse de Kent,
Temps et de quelques prophéties du moins qui prévit et révéla, en 1525, les excès où
très-spirituelles. Il est le rédacteur de l'Alma- tomberait bientôt le schisme qu'elle voyait
nach prophétique, pileoresque et utile, la plus naître en Angleterre. Les partisans de
remarquable assurément de ces légères pro- Henri VIII s'écrièrent qu'elle était possédée
ductions que chaque année ramène. du diable. La protection de Thomas Morus,
BARKOKKBAS ou BARCHOCHKBAS, im- loin de la sauver, la perdit en 1533, cette
posteur qui se fit passer pour le Mt-ssie juif, pieuse et sainte fille fut mise à mort avec
sous l'empire d'Adrien. Après avoir été vo-
beaucoup d'autres, sous prétexte de sorcel-
leur de grand chemin, il changea son nom
de Barkoziba, fils du mensonge, en celui de (4) Talileaude l'inconstancedes mauvaisauges; etc.,
liv. VI,dise.3. Paris, 1612.
(i) Hergier,Dict. théolog. au mot Barbelios. (5) Ce singulierouvrage, inlilulé Processus Satina»
lï) l.ib. XVI,epist. 27. cdnlra Virjjiuemcorainjudice Jesu, est imprimédansle
(3) Dissertationsur les apparition» Processusjuris jocoserius. In-8°. Hanao,16H.
'«3 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 180
..°- les
lerîe par réformés qu'i -se vantaient BASILIC, petit serpent, .ong d'un demi-
d'apporter la lumière et là liberté. mètre, qui n'a été connu que des anciens. Il
BAS. Qui a chaussé un dé ses bas à l'en- avait deux ergots, une tête et- une crête de
vers, recevra dans la journée un conseil, coq, des ailes, une queue de serpent ordi-
probablement celui de le retourner. naire, etc. Quelques-uns"" disent qu'il naît de
BASCAN1E,Xsorte de fascination employée l'œuf d'un coq couvé par un serpent ou par
par les magiciens grecs; elle troublait telle- un crapaud. Boguet, au chapitre 14 de ses
ment les yeux, qu'on voyait tous les objets à Discours des sorciers, le fait produire de l'ac-
rebours blanches les choses noires, rondes couplement du crapaud et du coq, comme le ¡
les choses pointues, laides les plus jolies mulet nait d'un âne et d'une jument. t
figures, et jolies les plus laides. C'est une opinion encore répandue dans
r BASILE. Michel Glycas (t) raconte que les campagnes que les vieux coqs pondent
l'empereur Basile, ayant perdu son fils bien- un œuf duquel nait un serpent. Ce petit œuf,
aimé, obtint de le revoir peu après sa mort, imparfait n'est, comme on sait que l'effet
par le moyen d'un moine magicien; qu'il le d'une maladie chez les poules et l'absurdité
vit en effet et le tint embrassé assez long- de ce conte bleu n'a plus besoin d'être démon-
temps, jusqu'à ce qu'il disparût d'entre ses trée.
bras. « Ce n'était donc qu'un fantôme qui Il est possible que les anciens, dans leurs
narût sous la forme de son fils (2). » expériences, aient pris des œufs de serpent
BASILE-VALENTIN alchimiste., qui est pour des œufs de coq. Voyez CoQ. Quoi
pour les Allemands ce que Nicolas Flamel qu'il en soit, on croit que le basilic tue de ses
est pour nous. Sa vie est mêlée de fables qui regards; et Malhiole demande comment on a
ont fait croire à quelques-uns qu'il n'a ja- su que le basilic tuait par son regard s'il a
mais existé. On le fait vivre au douzième, au tué tous ceux qui l'ont vu. On cite toutefois
treizième, au quatorzième et au quinzième je ne sais quel historien qui raconte qu'A-
siècle; on ajoute même, sans la moindre lexandre le Grand, ayant mis le siège devant
preuve, qu'il était bénédictin à Erfurt. C'est une ville d'Asie un basilic se déclara pour
lui qui, dans ses expériences chimiques, dé- les assiégés, se campa dans un trou des rem-
couvrit l'antimoine, qui dut son nom à cette parts, et lui tua jusqu'à deux cents soldats
circonstance que des pourceaux 's'étant par jour. Une batterie de canons bien servie
prodigieusement engraissés pour avoir avalé n'eût pas fait mieux.
ce résidu de métal, Basile en fit prendre à « II est vrai, ajoute M. Salgues (10), que si
des religieux, qui en moururent. le basilic peut nous donner la mort, nous
On compte que, longtemps après la mort pouvons lui rendre la pareille en lui présen-
de Basile-Valentin, une des colonnes de la tant la surface polie d'un miroir les vapeurs
cathédrale d'Erfurt s'ouvrit comme par mi- empoisonnées qu'il lance de ses yeux, iront
racle, et qu'on y trouva ses livres sur l'al- frapper la glace, et, par réflexion, lui renver-
chimie. Les ouvrages de Basile, ou du moins ront la mort qu'il voudra donner. C'est Ari-
ceux qui portent son nom, écrits en haut stote qui nous apprend cette particularité. »
al!emand, ont été traduits en latin, et quel- Des savants ont regardé en face le serpent
ques-uns du latin en français. Les adeptes qu'on appelle aujourd'hui hasilio, et qui n'a
recherchent de lui l'Azoth (3) les Douze pas les accessoires dont les anciens l'ont
Clefs de la philosophie de frère Basile-Valen- embelli; malgré tous les vieux contes, ils
tin, traitant de la vraie médecine métalli- sont sortis bien portants de cette épreuve.
que (4.), à la suite de la traduction de l'Azoth, Mais, nous le répétons, le replile auquel les
in-12, 1660; in-8°, 1669; l'Apocalypse chimi- modernes donnent le nom de basilic, n'est
que (5) la Révélation des mystères des tein- peut-être pas le basilic des anciens car il y
tures essentielles des sept métaux et de leurs a des races perdues.
vertus médicinales (6), in-4% Paris, 1646; du BASILIDE hérétique du deuxième siè-
Microcosme, du grand mystère du monde et cle, qui se fit un système en mêlant les prin-
de la Médecine de l'homme (7); Traité chi-
cipes de Pythagore et de Simon, les dogmes
mico-philosophique des choses naturelles et des chrétiens et les
croyances des Juifs. Il
surnaturelles des minéraux et des mé- prétendit que le monde avait élé créé par
taux (8); Haliographie, de la préparation, de les
anges. « Dieu (Abracax), disait-il, pro-
l'usage et des vertus de tous les sels miné- duisit l'Intelligence laquelle produisit le
raux, animaux et végétaux, recueillis par Verbe, qui produisit la Prudence; la Pru-
1 Antoine Solmincius, dans les manuscrits de dence eut deux filles la Puissance et la Sa-
Basile-Valentin (9), etc. La plupart de ces gesse, lesquelles produisirent les vertus, les
i ouvrages ont fait faire des pas à la chimie princes de l'air et les anges. Les anges étaient
I utile. de trois cent soixante-cinq ordres ils créèrent
(1) Annal.,part. 4. (7) De microscomo,deque magno mundi mysterio et
(2) 0. Calmet, Dissertationdes revenants en corps, médicinahominis.Marpurg,1609.In-8".
ch. xvi. de rebus naturali-
(8) Tractalus chimico-pnilosoptaieus
(3) Azoth,sive aurelisephilosophorum. Francfort,1613. buset prselernaturalibusmetallorum et mineralium.Franc-
In-4, traduiten françaisen-1.660. fort, 1676.In-8».
(4) Practica,una cum duodecimclavibuset appendice. (9) Haliographia de Prseparatione usu ac virtutibus
Francfort, 1618.In-4». omniumsalilummineralium,animaliumac vegetabilium,
(5) Apocalypsischimica.Erfurt, 1624.In-8°, ex nianuscriplisBasiliiValentinicollectaab Antonio,Sal-
(6) Manifestatioartificiorum,etc. 1624.ln-i°. mincio.Bologne, 1644.In-So.
La traductiondont on indiquele titreErfurt,
est deJ. Israël. (10) DesErreurs et des préjugés, etc., t l, p. 415.
181 BAT 1UU «3
trois cent soixante-cinq cieux; les anges du (>n à Tolentino dans la marche d'Ancône,
dernier ciel firent le monde sublunaire; ils 't in bâton dont on prétend que le diable a fait
s'en partagèrent l'empire. Celui auquel échu- i isage. =
rent les Juifs étant puissant, fit pour eux BATON DU BON VOYAGEUR. « Cueillez,
beaucoup de prodiges; mais, comme il vou- 1 e lendemain dé la Toussaint, une fortebranche
lait soumettre les autres nations, il y eut des (le sureau, que vous aurez soin de ferrer par
querelles et des guerres, et le mal fit de 1e bas ôtez-en la moelle; mettez à la place
grands progrès. Dieu, ou l'Elre supérieur, 1les yeux d'un jeune loup, la langue et le cœur
touché des misères d'ici-bas envoya Jésus, <l'un chien, trois lézards verts et trois cœurs
son premier Fils, ou la première intelligence i'hirondelles, le tout réduit en poudre par la
créée, pour sauver le monde. Il prit la figure chaleur du soleil entre deux papiers sau-
d'un homme, fit les miracles qu'on raconte, poudrés de salpêtre placez par-dessus, dans
et pendant la passion il donna son appa- le cœur du bâton, sept feuilles" de verveine,
rence à Siméon le Cyrénéen, qui fut crucifié cueillies la veille de la Saint-Jean-Baptiste,
pour lui, pendant que, sous les traits de Si- avec une pierre de diverses couleurs qui se
méon, il se moquait des Juifs; après quoi il trouve dans le nid de la huppe; bouchez en-
remonta aux cieux sans avoir été précisé- suite le bout -du bâton avec une pomme à
ment connu. » votre fantaisie, et soyez assuré que ce bâton
Basilide, à côté de ce système étrange, en- vous garantira des brigands des chiens en-
seignait encore la métempsycose, et il don- ragés., des bêtes féroces des animaux veni-
nait aux hommes deux âmes pour accorder meux, des périls, et vous procurera la bien-
les combats qui s'élèvent sans cesse entre la veillance de ceux chez qui vous loge-
raison et les passions. rez. »
il était très-habile, ajoute-t-on, dans la ca- Le lecteur qui dédaigne de tels secrets ne
bale des Juifs. C'est lui qui inventa le puis- doit pas oublier qu'ils ont eu grand crédit,
sant talisman Abracadabra, dont nous avons et qu'on cherche encore, dans beaucoup de
parlé, et dont l'usage fut longtemps extrême- villages, à se procurer le bâton du bon voya-
ment répandu. 11fit un évangile apocryphe et geur.
des prophéties qu'il publia sous les noms de BATRACHYTE, pierre qui suivant que
Barcabas et de Barcoph. Il plaçait Dieu dans l'indique son nom grec, se trouve dans le
le soleil, et révérait prodigieusement les trois corps de la grenouille et,qui a disent les
cent soixante-cinq révolutions de cet astre bonnes gens de grandes vertus contre les
autour de la terre. Voy. Abracax. poisons et contre les maléfices.
BASILIUS. Il y eut à Rome, du temps BATSCUM-BASSA ou BATSCÙM-PACHA,
de saint Grégoire un sénateur de bonne et démon turc que l'on invoque en Orient
ancienne famille, nommé Basilius, magicien, pour avoir du beau temps ou de la pluie. On
scélérat et sorcier, lequel, s'élant rendu se le rend favorable en lui offrant des tarti-
moine pour éviter la peine de mort, fut en- nes de pain grillé, dont il est très-friand.
fin brûlé avec son compagnon Prétextatus, BAUME UNIVERSEL, élixir composé par
comme lui sénateur romain et de maison les alchimistes c'est disent-ils le re-
illustre « Ce qui montre, dit Delancre (1), mède souverain et infaillible de toutes les
que la sorcellerie n'est pas une tache de sim- maladies. 11 peut même, au besoin, ressusciter
ple femmelelle, rustiques et idiots. » des morts. Voy. Alchimie.
BASSANTIN (Jacques) astrologue écos- On conte dans la Franche-Comté sur le
sais qui, en 1562, prédit à sir Robert Melvil, baume universel une facétie fort triviale,
si l'on encroit les mémoires de JacquesMelvil, que pourtant nous pouvons citer, en récla-
son frère, une partie des événements arrivés mant l'indulgence du lecteur.
depuis à MarieStuart,alors réfugiée en Angle- Un alchimiste de Besançon avait trouvé la
terre. 11 ne fallait pour cela que quelque con- -pierre philosophale, l'élixir de longue vie et
naissance du temps et des hommes. Les autres le baume universel. Avec la première décou-
prédictions de Bassantin ne se réalisèrent pas. verte, il était sûr d'être l'homme le plus riche
Son grand traité d'Astronomie ou plutôt de la terre; et comme son élixir lui assurait
d' Astrologie, SièlèpxibViëenfrançais eten latin. une vie qui ne finirait pas de longtemps il
On cherche l'édition latine de Genève 1599, n'attachait d'intérêt à son baume, qu'autant
que les éditeurs appellent ingens et doctum, qu'avec ce puissant remède il pourrait être
volumen. Tous ses ouvrages présentent un utile à ses semblables. Ce baume guérissait
mélange d'heureuses observations et d'idées toute espèce de blessure aussi vite que la
cica-
superstitieuses (2). pensée; il ne laissait aucune trace de l'ef-
BATELEURS, faiseurs de tours en plein trice. Mais la foule douta. Pour prouver
fit des
air avaleurs de couleuvres d'étoupes et de ficacité de son remède, l'alchimiste se
autrefois sor- se la main, et même la tête, si
baguettes qui passaient pour plaies, coupa
ciers, comme les escamoteurs et même les l'onen croit la chronique, puis il rétablit parfai-
comédiens. tement les choses. 11 n'avait pas encore ga-i
Les
BA THYM. Voy. Marthym.. gné avec tout cela la confiance générale.
BATON DU DIABLE. On conserve, dtt- ignorants disaient C'est un magicien qui,

Delancre,de l'Inconstancedes démons,etc., liv. IV, tion de l'usagede cetinstrument.Iri-8».Pmusica


aris. 1617.Super
secundum
p.(1)
416. mathematicagenethliaca; arithmetica;
JaeobiBassantiniScoti, etc. In-fol.Ge-, Platonem; de matliesiin geuere, etc.
(2Astronomia y
nûve, 1969.Paraphrasede l'astrolabe,avecune explica-
185 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 186
nous fascine les yeux; les médecins C'est gne en Brabant. On trouve aussi la marque
un charlatan et un imposteur. Le savant, d'un de ses fers sur un rocher près de Di-
piqué promit une grosse somme d'argent à .nant.
quiconque voudrait se laisser couper quelque BAYEMON. Le grimoire attribué stupi-
membre, qu'il s'engageait à remettre au péril dement au pape Honorius donne ce nom
de sa vie. L'appât du gain lui amena trois à un roi de l'occident infernal. On le conjure
Savoyards. A l'un il coupa la main gauche; par cette prière « O roi Bayemon, très-fort,
il arracha les yeux à son camarade; il retira qui règnes aux parties occidentales, je t'ap-
les intestins du troisième, après quoi il posa pelle et invoque au nom de la Divinité; ji- te
du baume sur les plaies, et les trois patients commande, en vertu du Très-Haut, de m'en-
ne senlirent pas la moindre incommodité. voyer présentement devant ce cercle (on
Pour rendre le prodige plus éclatant, quel- nomme l'esprit dont on veut se servir Pas
qu'un ayant demandé qu'on laissât un inter- siel, Rosus, etc.), et les autres esprits qui le
valle entre le dégât et le rétablissement, l'al- sont sujets, pour répondre à tout ce que je
chimiste sûr de ses .moyens voulut bien leur demanderai. Si tu ne le fais, je te tour-
attendre au lendemain. Ii fit porter à son menterai du glaive du feu divin; j'augmen-
logis les pièces enlevées et les recommanda terai tes peines et te brûlerai. Obéis, roi
à sa servante qui négligea la commission. Bayemon (1).»
Pendant qu'elle était dehors ayant laissé le BAYER. En 172G, un curé du diocèse de
tout dans un saladier, un chien mangea-les Constance, nomméBayer, pourvu de la cure
inlestins et le reste. Dans la peur d'une ré- de Rutheim, fut inquiété par un spectre
primande, la servante soupçonnant le chat, ou mauvais génie qui se montrait sous la
l'assomma, prit ses yeux, qu'elle mit sur une forme d'un paysan mal vêtu, de mauvaise
assiette, acheta les tripes d'un cochon qu'on mine et très-puant. 11 vint frapper à sa
venaitde.tuer, et courut au gibet, où elle porte; étant entré dans son poêle, il lui dit
coupa la main d'un filou qu'on avait pendu qu'il était envoyé par le prince de Constance,
le matin. son évêque, pour certaine commission qui
Le lendemain, tout Besançon se rassembla se trouva fausse. Il demanda ensuite à man-
à la porte de l'alchimiste. Les trois compa- ger. On lui servit de la viande, du pain et du
gnons arrivèrent. Le savant remit au pre- vin. Il prit la viande à deux mains et la dé-
mier la main du pendu; par un hasard qui vora avec les os, disant «Voyez comme oje
n'a rien de surprenant, la servante avait pris mange la chair et les os; faites-vous de
au filou sa main droite tandis qu'il fallait même (2)? » Puis il prit le vase où était le
une main gauche ce qui parut singulier vin, et l'avala d'un trait; il en demanda
cependant on passa outre, en soutenant au d'autre qu'il but de même. Après cela il se
Savoyard que c'était bien sa main. Les yeux relira sans dire adieu; et la servante, qui le
du chat s'ajustèrent dans la tête du second conduisait à la porte, lui ayant demandé
les intestins étrangers furent remis au troi- son nom, il répondit «Je suis né à Rulsin-
sième. Toutes les plaies disparurent; tout le gue, et mon nom est Georges Raulin » ce
monde cria au prodige. La réputation de l'al- qui était faux encore.
chimiste fut faite. Il passa le reste du jour à se faire voir
On ajoute que les trois hommes rajustés se dans le village, et revint, le soir à minuit, à
rencontrèrent un an après. C'est singulier, laportcdu curé, en criant d'une voix terri-
dit le premier, la main qu'on m'a raccommodée ble Mynheer Bayer, je vous montrerai qui
ne peut plus s'empécherde voler loutcequ'elle je suis.
rencontre.-Et moi, dit l'autre, depuis qu'on Pendant trois ans, il revint tous les jours
m'a remisles yeux, je vois plus clair la nuit que vers quatre heures après midi, et toutes les
le jour. Pour mon compte, dit le troisième, nuits avant le point du jour. Il paraissait
mon aventure m'a donné des goûts inconce- encore sous diverses formes, tantôt sous la
vables je ne puis pas voir une auge à porcs figure d'un chien barbet, tantôt sous celle
sans être tenté d'y aller prendre ma part. d'un lion ou d'un autre animal terrible;
BAVAN (Madeleine), sorcière du dix- quelquefois sous les traits d'un homme, sous
septième siècle, qui raconta en justice les ceux d'une femme; certains jours il faisait
orgies infâmes du sabbat, auxquelles, comme dans la maison un fracas semblable à celui
tant d'autres âmes perdues elle avait pris d'un tonnelier qui relie des tonneaux; d'au-
part. Voy. sabbat, boucs, etc. trefois, on aurait dit qu'il voulait renverser
BAXTER, écrivain anglais qui publia, à la le logis par le grand bruit qu'il y causait.
fin du dix-septième siècle, un livre intitulé Le curé fit venir comme témoins le marguil-
Certitude du monde des esprits. ler et d'autres personnes du village. Le spec-
BAYARD, cheval des quatre fils Aymon. tre répandait partout une odeur insuppor-
Il avait là taille d'un cheval ordinaire lors- table, mais ne s'en allait pas. On eut recours
qu'il ne portait qu'un des frères, et s'allon- aux exorcismes qui ne produisirent aucun,
geait lorsqu'il les fallait porter tous quatre. effet; on résolut de se munir d'une branche
Ou compte beaucoup de merveilles sur cette bénite le dimanche des Rameaux, et d'une
monture célèbre, qui se distinguait surtout épée aussi bénite, et de s'eu servir contre
par une vitesse incroyable, et qui a laissé la le spectre. On le fit deux fois. et depuis ce
lMr.e d'un de ses pieds dans la forêt de Soi- temps il ne revint plus. Ces choses rappor-
(1) Grimoire du pape Honorius.
(2) Dom Calmet, Traité sur les apparitions, etc., t. Il, Ca. 48,
195 BEA
ti BEn 18.
tées par dom'Calrnet, peuvent s'expliquer BEBAL, prince de l'enfer, assez inconnu.
par les frayeurs qu'un garnement aura cau- Il est de la suite de Paymon. Voy. ce iuul.
sées au curé, frayeurs qui ont
ner pu lui don- BECHARD, démon désigné dans les Clum~
des visions. cules de Salomon comme ayant puissance sur
BAYER (JEAN), ministre protestant, né à les vents et les tempêtes. 11 fait grêler, ton-
Augsbourgau seizième siècle. Onrecherche ner et pleuvoir, au moyen d'un maléfice qu'il
de lui une thèse surcette question: « Si l'exi- compose avec des crapauds fricassés et au-
stence des anges peut se démontrer par les tres drogues.
seules lumières naturelles (1)?»u BECHET, démon que l'on conjure le ven-
BAYLE (François), professeur de méde- dredi. Voy. Conjurations.
cine à Toulouse, mort en 1709. Nous ne ci- BEDE (LE VÉNÉRABLE),né au septième
terons de ses ouvrages que la Relation de siècle, dans le diocèse de Durham, en An-
l'état de quelques personnes prétendues possé- gleterre. II mourut à soixante-trois ans. On
dées, faite de l'autorité du parlement de Tou- dit qu'il prévit l'heure précise de sa mort.
louse, in-12; Toulouse 1682. Il veut prouver Un instant avant d'expirer, il dictait quel-
que les démoniaques, s'ils ne sont pas des ques passages qu'il voulait extraire des œu-
charlatans, sont très-souvent des fous ou des vres de saint Isidore le jeune moine qui
malarles. écrivait le pria de se reposer parce qu'il par-
BAZINE, célèbre reine des Tongres, qui lait avec peine Non, répondit Bède, pre-
épousa Childéric et qui fut mère de Clovis. nez une autre plume, et écrivez le plus vite
Elle est représentée par les vieux historiens que vous pourrez. Lorsque lejoune homme
comme unehabile magicienne.Onsaitqu'elle eut dit C'est fait. Vous avez dit la vé-
était femme de Bising, roi des Tongres rité, répliqua Bède; et il expira. Peu de
que
Ghildéric, chassé de ses Etats par une révo- temps après sa mort, on dit qu'il se" fit voir
lution et réfugié à la cour de Bising, à à un moine nommé Gamète, à qui il témoi-
sa femme; que lorsqu'il fut rétabli plut sur le gna le désir d'être enterré à Durham au-
trône, Bazine quitta tout pour venir le trou- près de saint Cuthbert. On se hâta de le sa-
ver. Childéric l'épousa. Le soir de ses noces, tisfaire, car on avait un grand respect pour
quand elle fut seule avec lui, elle le pria de sa mémoire.
passer la première nuit dans une curieuse BEHEMOTH, demon lourd et stupiae
observation. Elle l'envoya à la porte de son
malgré ses dignités. Sa force est dans ses
palais en lui enjoignant de venir rapporter reins, ses domaines sont la gourmandise et
ce qu'il y aurait vu. Childéric, connais- les plaisirs du ventre. Quelques démonoma-
sant le pouvoir magique de Bazine,qui était nes disent qu'il est aux enfers sommeiller et
un peu druidesse, s'empressa d'obéir. Il ne
grand échanson. Bodin croit (4) que Béhé-
fut pas plutôt dehors, qu'il vit d'énormes molh n'est autre chose que le Pharaon d'E-
animaux se promener dans la cour; c'étaient gypte qui persécuta les Hébreux. 11est parlé
des léopards, des licornes, des lions. Etonné deBéhémolh dans Job, comme d'unecréature
de ce spectacle, il vint en rendre
compte à monstrueuse. Des commentateurs préten-
«on épouse; elle lui dit, du ton d'oracle dent que c'est la baleine, et d'autres que
qu'elle avait pris d'abord, de ne point s'ef- c'est l'éléphant mais il y eut d'autres mon-
frayer, et de retourner une seconde .fois et stres dont les races ont disparu. On voit dans
même une troisième fois. Il vit à la'seconde le procès d'Urbain Grandier que Béhémolh
fois des ours ëldes loups, et à la troisième des est bien un démon. Delancre dit qu'on l'a
chiens et d'autres petits animaux
qui s'en- pris pour un animal monstrueux, parce qu'il
tre-déchiraient. « Les prodiges que vous se donne la forme de toutes les grosses bê-
avez vus, lui dit-elle, sont une.
image de tes. Il ajoute que Béhcrnoih se déguise aussi
l'avenir; ils représentent le caractère de avec perfection en chien, en renard et en
toute notre postérité. Les lions et les licor- loup.
nes désignent le fils qui naitra dé nous les Si Wierus, notre oracle en ce qui concerne
loups et les ours sont ses enfants, princes les démons, n'admet pas Béhémolh dans son
vigoureux et avides de proie; et les chiens, inventaire de la monarchie infernale, il dit,
c'est le peuplé indocile aujougde ses maîtres, livre I", des Prestiges des démons, chapitre
soulevé contre ses rois livré aux passions 21, queBéhémothou
des puissants et souvent victime l'éléphant pourrait bien
(2). »– Au être Satan lui-même, ,dont on désigne ainsi
reste, on ne pouvait mieux caractériser les la vaste puissance.
rois de cette première race; et si la vision Enfin, parce qu'on lit dans le chapitre 40
n'est qu'un conte, il est bien imaginé de Job que Béhémolh mange du foin commo
BEAL. (3).
Voy. Bérith. un bœuf, les rabbins ont l'ait de lui le bœuf
BEAUVOYS de CHAUVINCOURT, gentil- merveilleux réservé pour le festin de leur
homme angevin, fit imprimer en 1599 un Messie. Ce bœuf est si énorme, disent-ils,
volume intitulé Discours de la Lycanthro- qu'il avale tous les jours le foin de mille
pie ou de la transmutation des hommes en montagnes immenses, dont il s'engraisse de-
loups. puis le commencement du monde. Il ne quitte
(1) AnAngclonimexistentiaa sololuminenaturali pos- seraient un jour renversésdu trOne par les grandset le
sit demonstrari? ln-l'°.Witicbergse,1638. peuple, doutles petits animauxétaieut la figure.
(2) Selon d'autres chroniques,elle dit que les lionset (3) Dreux du Radier,Tablettesdes reiiiusde France.
les licornesreprésentaient Clovis,les loups et les ours (4) Démonon):inii*dessorciers,liv. f, ch. i.
ses enfants, et les chiensles derniers roisde la race,qui
i87 DICTIONNAIREDES SCIENCES.OCCULTfcS.- 188
jamais ses mille montagnes, ou l'herbe qu'il wereld (lé monde ensorcelé), imprimé plu-
a mangée le jour repousse la nuit pour le sieurs fois, et traduit en français sous ce
lendemain. Ils ajoutent que Dieu tua la fe- titre a Le monde enchanté, ou examen des
melle de ce bœuf au commencement; car on communs sentiments touchant les esprits,
ne pouvait laisser multiplier une telle race. leur nature, leur pouvoir, leur administra-
Les Juifs se prometten.t bien de la joie au tion et leurs opérations, et touchant les
festin où il fera la pièce de résistance. Ils effets que les hommes sont capables de pro-
jurent par leur part du bœof Béhémoth. duire par leur communication et leur vertu;
BEHERIT, démon sur lequel on a très- divisé en quatre livres; » 4 forts volumes pe-
peu de renseignements, moins qu'il ne soit tit in-12, avec le portrait de l'auteur (3),
le même que jiérith. Voy. ce mot. Il est cité Amsterdam, 1694.
daus la possession de Loudun. Il avait même L'auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit per-
promis d'enlever la calotte du sieur commis- dre sa place de ministre (4), cherche à prou-
saire, et de la tenir en l'air à la hauteur de ver qu'il n'y a jamais eu ni possédés ni sor-
deux piques;ceiqui n'eut pas lieu, sahonte (1). ciers que tout ce qu'on dit des esprits malins
Remarquons pourtant que, sur cette pos- n'est que superstitions, etc. Un peu plus
session de Loudun, le calviniste Saint-Albin tard pourtant, dans une défense de ses opi-
a imaginé beaucoup de quolibets, pour écor- nions, il admit l'existence du diable; mais il
nifler d'autant l'Eglise romaine, qu'il vou- ajouta qu'il le croyait enchaîné dans les
lait, comme tant d'autres, démolir un peu, enfers et hors d'état de nuire.
-mais qu'on ne démolit pas. Il ne fallait pas, pour des calvinistes qui se
BEKKER (Baltasar), docteur en théologie disent si tolérants et qui le sont si peu, pour-
réformée, et ministre à Amsterdam, né en suivre si sérieusement un livre que sa pro-
1634. « Ce Balthasar Bekker, grand ennemi lixité seule devait rendre inlisible. Il ya
de l'enfer éternel et du diable,et encore plus grande apparence, dit encore Voltaire, qu'on
dé la précision, dit Voltaire, fit beaucoup de ne le condamna que par ledépit d'avoir perdu
bruit en son temps par son gros livre du son temps à le lire. » Dans le livre I", ou
Monde enchanté. » Alors la sorcellerie, les premier volume, qui a quatre cents pages,
possessions étaient en vogue dans toute l'auteur examine les sentiments que les peu-
l'Europe, ce qui le détermina à combattre le ples ont eus dans tous les temps et qu'ils ont
diable. « On eut beau lui dire, en prose et en encore aujourd'hui touchant Dieu et les
vers, qu'il avait tort de l'atlaquer, attendu esprits; il parle des divinations, de l'art ma-
qu'il lui ressemblait beaucoup, étant d'une gique, des manichéens et des illusions du
laideur horrible: rien ne l'arrêta; il com- diable; il entre en matièredèsle tome second.
mença par nier absolument le pouvoir de Ce tome ou livre second a 733 pages énor-
Satan et s'enhardit jusqu'à soutenir qu'il mes. L'auteur traite de la puissance des es-
n'existe pas. « S'il y avait un diable, disait- prits, de leur influence, des effets qu'ils sont
il, ilse vengerait de la guerre queje lui fais.» capables'de produire. 11 prétend qu'il n'y a
Le laid bonhomme se croyait important.«Les aucune raison de croire qu'il y ait des dé-
ministres, ses confrères, prirent le parti de mons ou anges, ou vice-dieux; il s'embarrasse
Salan et déposèrent Bekker. » cependant avec lés anges d'Abraham et de
Il avait déjà fait l'esprit fort dans de pré- Loth; ildit que le serpent qui tenta nos pre-
cédents ouvrages. Dans l'un de ses catéchis- miers parents n'était pas un diable, mais un
mes, le Mets dé carême (2), il réduisait les vrai serpent; il soutient que là tentation de
peines de l'enfer au désespoir des damnés, Notre-Seigneur par le diable est une allégo-
et il en bornait la durée. On l'accusa de rie, ainsi que le combatdu diable avec saint
socinianisme et son catéchisme fut con- Michel que Job ni saint Paul n'ont pas été
damné par un synode. Il publia, à l'occa- tourmentés corporellement par le diable; il
sion de la comète de 1680, des recherches dit que les possédés sont des malades, que
sur les comètes, imprimées en flamand, in-8, les vrais diables sont les hommes méchants
Leuwarde, 1683. 11 s'efforce de prouver etc.
que ces météores ne sont pas des présages de Dans le troisième volume, Bekker veut
malheurs, et combat les idées superstitieu- démontrer, dans le même style prolixe, que
ses que le peuple attache à leur apparition. le commerce avec le diable et les pactes des
Cet ouvrage fut reçu stns opposition. Il n'en sorciers sont des idées creuses; il remarque
fut pars de même de son livre De Èetooverde que les livres saints ne font aucune mention
(!) Saint- Albin, Histoire des diables de Loudun. une multitude de libelles. Benjamin Binet l'a réfuté dans
(2) If publia deux espèces de catéchisme en langue hol- un volume intitulé Traité historique des dieux du pa-
landaise, Vaste spize (le Mets de carême), et Gesneden ganisme, avec des remarques critiquea sur le système de
brood (le Pain coupé). Balthasar Bekker. Delft, 1696, iu-12. Cfivolume se joint
(5) Bekker "éuit silaid que La Monnoye fit sur lui cette ordinairement aux quatre de Bekker; il a aussi été im-
épigramme primé sous le titre d'Idée générale de 'la théologie
Oui, par toi, de Satan la puissance est bridés; paienne, servant de réfutation au -système de Balthasar
Mais tu n'as cependant pas encore assez fait Bekker, etc. Amsterdam et Trévoux 1699. Les autres
Pour nous ôler du diable entièrement l'idée, réfutations du Monde enchanté sont Melchioris Lèydek-
Bekker supprime ton portrait. keri.disserlatio de vulgato nuper Bekkeri volumine, etc.
(A) Pendant que les ministres d'Amsterdam prenaient ln-8°. Ultrajecil, 1695. Brevis.meditati'o académidade spi-
le parti du diable, un ami de l'auteur le défendit dans rituum açtionibus in homines spirkualibus, cujus doclrinse
un ouvrage intitulé Le Diable triomphant, parlant sur usus contra Bekkerum et alios fanaticos exhibetur a J. Zi-
te mont Parnasse; mais le synode qui avait déposé pellio. In 8°. Francorfurti, 1701, etc.
Bekker, ne révoqua passa sentence. On écrivit contre lui
>89 BEL' BEL 190
d'actes de société avec te diable, que les de- dignités et les faveurs, fait vivre les amis en
vins de l'antiquité étaient des imbéciles sans bonne intelligence, donne d'habiles servi-
talent et sans pouvoir. II se moque, dans teurs. Il commande quatre-vingts légions de
le quatrième volume, de ceux qui croient à l'ordre des Vertus et de l'ordre des Anges. Il
la magie, et des juges qui condamnent tes est. exact à secourir çeux qui se soumettent
sorciers. .à lui; s'il y manquait, il est facile de le châ-
BEL, divinité suprême des Chaldéens.Wié- tier, comme fit Salomon, qui l'enferma dans
rus dit que c'est un vieux démon dont la une bouteilleavec toutesses légions, lesquel-
voix sonné le creux (1), Les peuples qui en les font une armée de cinq cent vingt-deux
firent un dieu contaientqu'au commencement mille deux cent quatre-vingts démons. Il
le monde n'était qu'un chaos habité par des fallait que la bouteille fût de grande taille.
monstres; que Bel les tua, arrangea l'u- Mais Salomon était si puissant que, dans
nivers, se fit couper la tête par un de ses une autre occasion, il emprisonna pareille-
serviteurs, détrempa la terre avec son sang ment six mille six cent soixante-six millions
et en forma les animaux et les hommes. de diables qui ne purent lui résister. Des
BELAAM, démon dontonnesaitrien sinon doctes racontent encore que Salomon mit la
qu'en 1632 il entra dans le corps d'une des bouteille où était Bélial dans un grand puits,
possédées de Loudun, avec Isaacarum et qu'il referma d'une pierre, près de Babylone;
Béhémolh on le força de déloger f2). que les Babyloniens descendirent dans ce
BELBACH ou BELBOG Voy. Belzebuth. puits croyant y trouver un trésor qu'ils
BELEPHANTES, astrologue chaldéen qui cassèrent la bouteille, que tous les diables
prédit à Alexandre, selon Diodore de Sicile, s'en échappèrent, et que Bélial, qui avait
que son entrée à Babylone lui serait funeste: peur d'être repris, se campa dans une idole
ce qui advint, comme chacun sait. qu'il trouva vide, et se mit à rendre des
BELETTE. Les anciens croyaient que la oracles; ce qui fit que les Babyloniens l'ado-
belette faisait ses petits par la gueule, parce rèrent (k),
qu'elle les porte souvent entre ses lèvres, BELICHE. C'est le nom qu'on.d.onne au
comme font les chattes. diable à Madagascar. Dans les 'sacrifices,
Plutarqueremarque queles Thébains hono- on lui jette les premiers morceaux de la
raient la belette, tandisque les autres- Grecs avec la persuasion
victime, qu'il ne fait
regardaient sa rencontre comme un présage point de mal tant qu'il a de quoi mettre sous
funeste. la dent.
On prétend que sa cendrp, appliquée en BELIER. Le diable s'est quelquefois trans-
cataplasme, guérit les migraines et les ca- mué en bélier, et des maléficiés ont subi
taractes et le livre des Admirables Secrets cette métamorphose. C'est même sur une
d'Albert le Grand assure que, si on fait man- vieille tradition populaire de cette espèce
ger à un chien le cœur et la langue d'une. qu'Hamilton a bâti son conte du Bélier.
belette, il perdra incontinent la voix. Il Il parait que'le bélier a des propriétés
ajoute imprudemment un secret qu'il dit magiques car, lorsqu'on accusa Lépnora
éprouvé, et qu'il certifie infaillible c'est Galigaï, femme du maréchal d'Ancre, d'avoir
qu'un amateur n'aqu'àmanger lecœurd'une fait des sorcelleries, on prétendit que, pen-
belette encore palpitant pour prédireïes cho- dant qu'elle, s'occupait des maléfices, elle ne
ses à venir mangeait que des crêtes de coq et des ro-
(31.
BELIAL, démon adoré desSidoniens. L'en- gnons do bélier.
fer n'a pas reçu d'esprit plus dissolu, plus Pour l'influence du bélier, signe du zodia-
crapuleux, plus épris du vice pour le vice que, voyez Astrologie et HOROSCOPES.
même. Si son âme est hideuse et vile, son BELIN (ALBERT), bénédictin né. à Besan-
extérieur est séduisant. lia le maintien çon en 1610. On recherche parmi ses ou-
de grâce et de dignité. Il eut un culte aplein So- 1° le Traité des talismans, ou
vrages
dome et dans d'autres villes; mais jamais on Figures astrales., dans lequel il est montré
n'osa trop lui ériger des autels. Delancre dit
que leurs effets ou vertus admirables sont
que son nom signifie rebelleou désobéissant. naturels, ensemble la manière de les faire
Wiérus, dans son inventaire de la monar- et de s'en servir avec profit, in-12, Paris,
chie de Satan, lui consacre un grand article. 1671. On a joint à l'édition de 1709 un traité
« On croit, dit-il, que Bélial, l'un des rois de0 du même auteur, de la Poudre de sympathie
l'enfer, a été créé immédiatement après Lu- iustifiée 2° les Aventures du philosophe in-
cifer, et qu'il entraina la plupart des anges connu en la recherche et invention de la pierre
dans la révolte aussi il fut renversé du ciel divisées en quatre livres, au
un des premiers. Lorsqu'on philosophale,
l'évoque, on l'o- dernier desquels il est parlé si clairement de
blige par des offrandes à répondre avec sin- la manière de la faire que jamais, on n'en a
cérité aux questions qu'on lui fait. Mais il traité avec tant de candeur. ln-12; Paris,
conte bien vite des mensonges, si on ne l'ad- 1664 et 1674.
jure pas, au nom de Dieu, de ne dire que la BELINUNCIA, herbè consacrée à Belenus,
vérilé.ll se montre quelquefois sous la figure dont les Gaujois employaient le suc pour
d'unàngepleinde beauté, assis dans un charr empoisonner leurs flèches. lis lui attribuaient
de feu; il parle avec aménité; il procure les la vertu de faire tomber la pluie. Lorsque le
(0 De Praestigiisdaem.,lib. I, cap. v chap. m.
(2) Histoiredes diablesde Loudun. (4) Wierus, in Pseudotnon.dœmoa
(5) Les AdmirablesSecrets d'Albertle Grand,liv. H,
191 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 192
pays était affligé d'une secheresse, on cueil- l'ignoble résidu de la digestion. C'était digne
lait cette herbu avec de grandes cérémonies. de lui. C'est pour cela que certains doctes
Les femmes des Druides choisissaient une ne voient dans Belphégor que le dieu Pet ou
jeune vierge qui déposait ses vêlements et Crepitus; d'autres savanls soutiennent que
marchait à la tête des autres femmes, cher- c'est Priape. Selden, cité par Banier. pré-
chant l'herbe sacrée quand elle l'avait tend qu'on lui offrait des victimes humaines.
trouvée, elle la déracinait avec le petit doigt dont ses prêtres mangeaient la chair. Wiérus
de la main "droite en même temps ses com- remarque que c'est un démon qui a toujours
pagnes coupaient des branches d'arbres et la bouche ouverte;' observation qu'il doit
les portaient à la main en la suivant jusqu'au sans doute au nom de Phégor, lequel signifie,
bord d'une rivière voisine; là, on plongeait selon Leloyer, crevasse ou fendasse, parce
dans l'eau l'herbe précieuse, on y trempait qu'on l'adorait quelquefois dans des ca-
aussi les branches que l'on secouait sur le vernes, et qu'on lui jetait des offrandes par
visage de la jeune fille. Après cette cérémo- un soupirail.
nie, chacun se retirait en sa maison seule- BÉLUS, premier roi des Assyriens.; on dit
ment la jeune vierge était obligée de faire à qu'il se fit adorer dans des temples de son
reculons le reste du chemin. vivant. Il était grand astrologue: « J'ai lu
BELLOC (JEANNE), sorcière du pays de dans les registres du ciel tout ce qui doit
Labour, prise à vingt-quatre ans, sous Henri vous arriver, disait-il à ses enfants, et je
IV. Pierre Delancre qui l'interrogea, dit vous dévoilerai les secrets de vos destinées.»
qu'elle commença d'aller au sabbat dans Il rendit des oracles après sa mort. Bélus
l'hiver de 1609 qu'elle fut présentée au pourrait être le même que Bel.
diable, dont elle baisa le derrière, car il n'y BELZEBUTH ou BELZEBOB ou BEELZE-
avait que les notables sorcières'qui le bai- BUTH, prince des démons, selon les Ecri-
sassent au visage. Elle conta que le sabbat tures (2); le premier en pouvoir et en crime
est une espèce de bal masqué où les uns se après Satan, selon Milton; chef suprême de
promènent en leur forme naturelle, tandis l'empire infernal, selon la plupart des dé-
que d'autres sont transmuées en chiens, en monographes. Son nom signifie seigneur
chats, en ânes, en pourceaux et autres bêtes. des mouches. Bodin (3) prétend qu'on n'en
Voy Sabbat. voyait point dans son temple. C'était la di-
BELMONTE, conseiller du parlement de vinité la plus révérée des peuples de Cha-
Provence, qui eut au pied une petite plaie naan, qui le représentaient quelquefois sous
où la gangrène se mit le mal gagna vite, et la figure d'une mouche, le plus souvent avec
il en mourut. Comme il avait poursuivi les les attributs d,' la souveraine puissance. Il
sorciers protestants et tes perturbateurs ré- rendait des oracles, et le roi Ochozias le
formés, les écrivains calvinistes virent dans consulta sur une maladie qui l'inquiétait;
sa mort prompte un' châtiment et un pro- il en fut repris par le prophète Elisée, qui
dige (1). C'était au seizième siècle. lui demanda s'il n'y avait point de Dieu en
BELOMANCIE. Divination par le moyen Israël, pour aller ainsi consulter Belzébulh
des flèches. On prenait plusieurs flèches. sur dans le pays des Philislins. On lui attribuait
lesquelles on écrivait des réponses relatives le pouvoir de délivrer les hommes des mou-
à ce qu'on voulait demander. On en mettait ches qui ruinent les moissons. Presque
de favorables et de contraires ensuite on tous les démonomanes le regardent comme
mêlait les flèches, et on les tirait au hasard. le souverain du ténébreux empire; et chacun
Celle que le sort amenait était regardée le dépeint au gré de son imagination. Milton
comme l'organe de la volonté des dieux. lui donne un aspect imposant, et une haute
C'était surtout avant les expéditions mili- sagesse respire sur son visage. L'un le fait
taires qu'on faisait usage de la bélomancie. haut comme une tour; l'autre d'une taille
Les Chaldéens avaient grand'foi à cette di- égale à la nôtre quelques-uns se le figurent
vination. sous la forme d'un serpent il en est qui le
Les Arabes devinent encore par trois voient aussi sous les traits d'une femme.
flèches qu'ils enferment dans un sac. Us Le monarque des enfers, dit Palingène
écrivent sur l'une: Commandez-moi, Sei- in Zodiaco vitre, est d'une taille prodigieuse,
gneur; sur l'autre Seigneur, empêchez-moi assis sur un trône immense ayant le front
et n'écrivent rien sur la troisième. La pre- ceint d'un bandeau de feu, la poitrine gonflée,
mière flèche qui sort du sac détermine la le visage bouffi, les yeux étincelanls, les
résolution sur laquelle on délibère. Voy. sourcils élevés et l'air menaçant. Il a les
FLÈCHES. narines extrêmement larges, et deux grandes
BKLPHÉGOR, démon des découvertes et cornes sur la tête il est noir comme un
des inventions ingénieuses. Il prend souvent Maure deux vastes ailes de chauve-souris
un corps de jeune femme. Il donne des ri- sont attachées à ses épaules il a deux larges
chesses. Les Moabites, qui l'appelaient Baal- pattes de canard une queue de lion, et de
phégor, l'adoraient sur le mont Phégor. Des longs poils depuis la tête jusqu'aux pieds.
rabbins disent qu'on lui rendait hommage Les uns disent de plus que Belzébuth est
sur la chaise percée et qu'on lui offrait encore Priape d'autres, comme Porphyre,
(I) Chassanion,Des Grands et redoulables jugements v. 15). Les scribes reprochaientau Sauveur qu'il chassai'
de Dieu. Morges.1581,p. 6t. les (Mailles
au nomde Belzébulh,princedes démons.
(3) Notre-SeigneurJésus-Christmême lui donne ce (5) Déinonomaniedes sorciers,liv. IV.ch. m.
nom (saint Matthieu, ch. xii, v. 21; saint Luc, ch. si,
m BEN BKN 194

le confondent avec Bacchus. On a cru le re- de Dieu ajoute même qu'il fut étranglé par
trouverdansleBelbog, ou Belbach (dieu blanc) le diable, el qu'après sa mort, son ame fut
des Slavons, parce que son image ensan- condamnée à errer dans les forêts, sous la
glantée était toujours couverte de mouches, forme d'une bête sauvage avec un corps
comme celle de Belzébulh chez les Syriens. d'ours à longs poils une queue de chat et
On dit aussi que c'est le même que Plulon. une tête d'âne. Un ermite qui le rencontra lui
11 est plus vraisemblable de croire que c'est demanda pourquoi il avait celle figure. « J'é-
Baël, que Wiérus fait empereur des enfers; -tais un monstre, répondit Benoît, et. vous
d'autant mieux que Belzébulh ne figure voyez mon âme telle qu'elle a toujours été. »
pas sous son nom dans l'inveniaire de la Voilà qui est très gracieux. Mais Benoît IX,
monarchie infernale. au contraire, mourut dans la retraite sous le
On voit, dans les Clavicules de Salpmon, cilice, pieusement et saintement, en 1054. Il
que Belzébuth apparaît quelquefois sous de est encore là une des victimes de la calomnie
monstrueuses formes comme celles d'un historique.
veau énorme ou d'un bouc suivi d'une longue BENSOZIA. Certains canonistes.des dou-
queue; souvent, néanmoins, il se montre zième et treizième siècles s'élèvent fortement
sous la figure d'une mouche d'une exirême contre les femmes d'alors qui allaient à une
grosseur. Quand il est en colère, ajoute-l-on, espèce de sabbat sur lequel il ne nous est
il vomit des flammes et hurle comme un parvenu que très-peu de notions. On disait
loup. Quelquefois enfin Astaroth apparait à que des fées ou des démons transformés en
ses côtés, sous les traits d'un âne. femmes s'associaient toutes les dames qui
BENED1CT (JEAN), médecin allemand du voulaient prendre part à leurs plaisirs et
seizième siècle. On lui doit un livre sur les que toutes, dames et fées ou démons, montées
Visions et les révélations naturelles et surna- sur des bêtes ailée. allaient de nuit faire des
turelles, qui n'est presque pas connu (1). courses et des fêtes dans les airs. Eiles avaient
BENOITVHI.ceulquaraiile-huilièine pape, pour chef la diablesse ou fée Bensozia, à
élu en 1012, mort en 1024. On lit dans Pla- qui il fallait obéir aveuglément avec une sou-
tine, cité par Leloyer et par Wiérus (2), que mission sans réserve. C'était, dit-on, la Diane
quelque temps après sa mort, Benoît V11I des anciens Gaulois; on l'appelait aussi No-
apparut, monté sur un cheval noir, à un cticula, Hérodias ou la Lune. On voit, dans
saint évêque dans un lieu solitaire et écarté des manuscrits de l'église de Cousérans, que
que l'évêque lui demanda comment il se fai- des dames au quatorzième siècle avaient le
sait, qu'étant mort, il se montrât ainsi sur un renom d'aller à cheval aux courses noctur-
cheval noir. A quoi le pape répondit que, nes de Bensozia: Toutes, comme les sorcières
.pendant sa vie, il avait été convoiteux d'a- au sabbat, faisaient inscrire leur nom sur un
masser des biens qu'il était en purgatoire catalogue, et après cela se croyaient fées. On
mais qu'il n'étail pas damné, parce qu'il avait remarquait encore au dernier siècle, à Mont-
fait des aumônes. Il révéla ensuite le lieu où morillon en Poitou, sur le portique d'un an-
il avait caché des richesses, et pria le saint cien temple une femme enlevée par deux
évêque de les distribue aux pauvres. serpents dans les airs. C'était sans doute le
Après cela, le fantôme (selon le récit) se modèle de la contenance des sorcières ou
montra pareillement au pape son succes- fées dans leurs courses de nuit (4).
seur, et le supplia d'envoyer en diligence un BENTHAMÉLÉON. Titus, ayant pris Jéru-
courrier à Odilon, abbé de Cluny, pour l'a- salem, publia un édit qui défendait aux Juifs
vertir qu'il priât Dieu pour le repos de son d'observer le sabbat et de se circoncire et
âme. Odilon le fit; et peu de jours après on qui leur ordonnait de manger toute espèce de
vit un homme lumineux entrer dans le viande. Les Juifs consternés envoyèrent à
cloîlrc, avec d'autres personnes habillées de Titus le rabbin Siméon, qui passait pour un
blanc, et se mettre à genoux devant Odilon. homme très-habile. Siméon s'élant mis en
Un religieux demanda qui était cet homme chemin avec le rabbin Eléazar, ils rencon-
de si haute apparence, qui faisait tant trèrent un diable, nommé Benthaméléon, qui
d'honneur à l'abbé. Il lui fut répondu que demanda à les accompagner, leur avouant
celait Benoît Vlll qui, parles prières d'Odi- quelle était sa nature, mais se disant enclin
lon. jouissait de la gloire des bienheureux. à rendre service aux Juifs et leur promellant
BENOIT IX cent cinquantième pape, elu d'entrer dans le corps de la fille de Titus, et
en 1033, dans un temps de troubles, où les d'en sortir aussitôt qu'ils le lui commande-
partis se disputaient Rome. Il eut à lutter raient, afin qu'ils pussent gagner l'empereur
contre des antipapes qui l'ont fort noirci..On par Ce prodige. Les deux rabbins acceptèrent
a dit qu'il était magicien, el que, renversé du sa proposition avec empressement; et, Ben-
s.iint-iége par ses ennemis, il y remonta thaméléon ayant tenu parole, ils obtinrent
deux fois par son pouvoir magique. C'est un en effet la révocation de l'édit.
peu niais. On a d.t encore avec autant de bon BERANDE, sorcière brûlée à Maubec, près
sens qu'il préuisailles choses futures, el qu'il Beaumont de Lomaignie, en 1577. En allant
elait habile enchanteur *3). L'auteur cal- au supplice, elle accusa une demoiselle d'a-
viniste des grands et redoutables jugements voir été au sabbat la demoiselle le nia Bé-

(t) JoannisBéuedicliLiliellusdevisiouibuset revela- (3) Naudé, Apologiepour tousles grands personnages


tiouibusnaluralibusel divitiis.ln-tS°.liugnnliaj, 1530. soupçonnésde magie,ch. xix.
(2) Leloyer,Discours des spectres, liv. VI, cli. xm. (4) DomMartin,Religiondes Gaulois,i. II, p; 59et 68.
Wierus,De Prast., lib.I, cap. xvi.
193 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 196
rande lui dit Oublies-tu que la dernière- mon flambeau je ne vois rien. Le bruit que
fois que nous fîmes la danse, à la croix du j'entendais ressemblait au mugissement des
-pâté, tu portais le pot de poison?. Et la de- bêles féroces il dura toute la nuit. Je souf-
moiselle fut réputée sorcière parce qu'elle fris trois jours diverses tortures, pendant les-
ne sut que répondre (1) quelles les deux sorcières préparaient leurs
BERBIGUIER. Alexis-Vincent-CharlèsBér- maléfices. Elles ne cessèrent, tant que.dura
biguier de Terre-Neuve du Thym, né à Car- leur manège de me demander de l'argent.
pentras, est un auteur qui vit peut-être en- Il fallait aussi que je fusse la pour leur don-
core et qui a publié en 1821 un ouvrage dont ner du sirop, des rafraîchissements et des
voici le titre Les Farfadets, ou tous les dé- comestibles car leurs entrailles étaient dé-
mons ne sont pas-de l'autre monde, 3 v. in-8", vorées par le feu'de l'enfer. Elles eurent be-
ornés de huit lithographies et du portrait de soin de rubans de différentes couleurs, qu'el-
l'auteur, entouré d'emblèmes, surmonté de les ne m'ont jamais rendus. Pendant huit
celle d evis f.LeFléaudes Far fa dets.– L'auteur jours que dura leur magie, je fus d'une tris-
débute par unedédicaceàtous les empereurs, tesse accablante. Le quatrième jour, elles se
rois, princes souverains des quatre parties métamorphosèrent en chats venant sous
du monde. « Réunissez vos efforts aux mon lit pour me tourmenter. D'autres fois
miens, leur dit-il, pour détruire l'influence elles venaient en chiens j'étais accablé par
des démons, sorciers et farfadets qui désolent le miaulement des uns et l'aboiement des au-
les malheureux habitants de vos Elats. » tres. Que ces huit jours furent longs 1 »
JI ajoute qu'il est tourmenté par le diable Berbiguier s'adressa à un tireur de cartes,
depuis vingt-trois ans et il dit que les far- qui se chargea de combattre les deux sorciè-
fadets se métamorphosent sous des formes res mais il ne lui amena que de nouveaux
humaines pour vexer les hommes. Dans le tourments.
chapitre 2 de son livre il nomnie tous ses Dans les chapitres suivants, l'auteur se fait
ennemis par leur nom, soutenant que ce sont dire encore sa bonne aventure et se croit ob-
des démons déguisés; des agents de Belzé- sédé il entend sans cesse à ses oreilles des
buth qu'en les appelant infâmes et coquins, cris de bêtes affreuses il a des peurs et des
ce n'est pas eux qu'il insulte, mais les démons visions. Il vient à Paris pour un procès, fait
qui se sont emparés de leurs corps. « On me connaissance d'une nouvelle magicienne, qui
fait passer pour foui s'écrie-t-il mais si j'é- lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il,
tais fou, mes ennemis ne seraient pas tour- si je serais toujours malheureux elle me
mentés comme ils le sont tous les jours par répondit que non que, si je voulais, elle me
mes lardoires; mes épingles, mon soufre, mon guérirait des maux présents et à venir, et
sel, mon vinaigre et mes- cœurs de bœuf. » que je pouvais moi-même faire le remède.-
Lès trois volumes sont en quelque sorte les Il faut, me dit-elle, acheter une chandelle de
Mémoires de l'auteur, que le diable ne quitte. suif chez la première marchande dont la bou-
pas. Il établit le pouvoir des farfadets il tique aura deux issues, et tâcher, en payant,
conte, au chapitre k, qu'il s'est fait dire la de vous faire rendre deux deniers. « Elle me
bonne aventure en 1796 par une sorcière recommanda de sortir ensuite par la porte
d'Avignon, appelée la Mansotte, qui se ser- opposée à. celle par laquelle je serais entré,
vait pour cela du jeu de tarots. « Elle y ajou- et de jeter les deux deniers en l'air ce que
ta, dit-il, une cérémonie qui, sans doule,est je fis. Je fus grandement surpris d'entendre
ce qui m'a mis entre les mains des farfadets. le son de deux écus au lieu de celui des deux
Elles étaient deux disciples femelles de Sa- deniers.
tan elles se procurèrent un tamis propre à L'usage qu'elle me dit de faire de la chan-
passer de la farine sur lequel on fixa une delle fut d'allumer d'abord mon feu, de jeter
paire de ciseaux par les pointes. Un papier dedans du sel, d'écrire sur un papier le nom
blanc plié était posé dans le tamis. La Man- de la première personne qui m'a persécuté,
sotte et moi nous tenions chacun un anneau de piquer ce papier dans tous les sens, d'en
des ciseaux, de manière que le tamis était envelopper la chandelle en l'y fixant avec
par ce moyen, suspendu en l'air. Auxdivers une épingle, et de la laisser brûler entière-
mouvements du tamis, on me faisait des ques- ment ainsi.
tions qui devaient servirde renseignements à Aussitôt que j'eus tout exécuté, ayant eu
ceux qui voulaient me mettre en leur posses- la précaution de m'armer d'un couteau en cas
sion. Les sorcières demandèrent (rois pots d'attaque, j'entendis un bruit effroyable dans
dans l'un elles enfermèrent quelques-uns des le tuyau de ma cheminée; je m'imaginai que
tarots jetés sur la table, et préférablement j'étais au pouvoir du magicien Moreau, que
les cartes à figures. Je les avais tirées du jeu j'avais consulté à Paris. Je passai la nuit à
les yeux bandés. Le second pot fut garni de alimenter le feu, en yjetant de grosses poi-
sel, de poivre et d'huile; le troisième de lau- gnées de sel et de soufre, pour prolonger le
rier. Les trois pots, couverts, furent déposés supplice de mes ennemis. »
dans une alcôve, et' les sorcières se retirè- M. Berbiguier fit neuf jours de suite la
rent pour attendre l'effet. Je rentrai chez même opération, sans se voir débarrassé des
moi à dix heures du soir je trouvai mes trois farfadets et des magiciens.
croisées ouvertes, et j'enterîdis au-dessus de Ses trois volumes sont partout de cette
ma tête un bruit extraordinaire. J'allume force, et nous ne dirons rien de trop en ran-
(1) M. Jules Garinet, Histoire de la magie en France, p. 152.
BER BEK 198
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géant cet ouvrage parmi les plus extrava- ror, il eut regret de n'avoir pas été plus lion-
gantes productions. L'auteur se çroyaiten nêlê. Comme il s'occupait de ces pensées,
correspondance avec des sorciers et des dé- il entendit marcher derrière lui il se retourne
mons. Il rapporte des lettres faites par des et entrevoit un spectre nu, hideux, qui le
plaisants assez malhabiles, et qu'il attribue poursuit. C'est sûrement un fantôme en-
à"Lucifei",à Rothomago et à d'autres dont voyé par le berger. Il pique son cheval qui
elles portent les signatures. En voici une qu'il ne peut plus courir. Pour comble de frayeur,
a` transcrite scrupuleusement. lé spectre saute sur la croupe du cheval, en-
A M. Berbiguier. lace de ses deux longs bras le corps du cava-
« Abomination de la détestation, tremble lier, et se met à hurler. Le voyageur fait de
ment de terre, déluge, tempête, vent, co- vains efforts pour se dégager du monstre,'
mète, planète, Océan, flux, reflux, génie, qui continue de crier d'une voix rauque. Le
sylphe, faune, satyre, sylvain, adriade et cheval s'effraie et cherche à jeter à terre sa
amadriade 1 double charge; enfin une ruade de l'animal
Le mandataire du grand génie du bien et renverse le spectre sur lequel le cavalier
du mal, allié de Belzébuth et de l'enfer, com- ose à peine jeter les yeux. Il a une barbe sale,
pagnoti d'armes d'Astaroth, auteur du péché le teint pâle, les yeux hagards; il fait d'ef-
» Originel et ministre du Zodiaque, a droit de froyables grimaces. Le voyageur fuit au
posséder, de tourmenter, de piquer, de-pur- plus vite arrivé au prochain village, il ra-
conte sa mésaventure. On lui apprend que
ger, de rôtir, empoisonner, poignarder et li-
tifier le très-humble et très-patient vassal le spectre qui lui a causé tant de frayeur est
Berbiguier, pour avoir maudit latrès-hono-^ un fou échappé qu'on cherche depuis quel-
rable et indissoluble société magique en foi ques heures (2).
de quoi nous avons fait apposer les armes de Les maléfices de bergers ont eu quelque-
la société. fois des suites plus fâcheuses. Un boucher
» Fait au soleil, en face de la lune, le grand avait acheté des moutons sans donner le pour-
officier, ministre plénipotentiaire, le 5818" boire au berger de la ferme. Celui-ci se ven-
jour et la 5819* heure de nuit, grand'eroix et gea en passant le pont qui se trouvait sur
tribun de la société magique. Le présent pou- leur route, les moutons se ruèrent dans l'eau
voir aura son effet sur son ami Coco (C'était la tête la première.
l'écureuil de M. Berbiguier). On conte aussi qu'un certain berger avait
` » THÉSAUROCHKTSONICOCHRYSlDàs. fait un sort avec la corne des pieds de ses
» Par son excellence le secrétaire, bêtes, comme cela se pratique parmi eux
» PlNCHICHl-PlNCHl. pour conserver les troupeaux en santé. Il
» 30 mars1818. portait ce sort dans sa poche un berger. du
» P. S. Dans huit jours tu seras en ma voisinage parvint à le lui escamoter et,
puissance; malheur à toi, si tu fais paraître comme il lui en voulait depuis longtemps, il
ton ouvrage 1 » mit le sort en poudre et l'enterra dans une
BERENGER, hérétique du onzième siècle. fourmilière avec une taupe, une grenouille
Guillaume de Malmesbury raconte (1) qu'à verte et une queue de morue, en disant
son lit de mort Bérenger reçut la visite de maudition, perdition, destruction; et au bout
son ancien ami Fulbert, lequel recula de- de neuf jours il déterra son maléfice et le
vant le lit où gisait le malade, disant qu'il sema dans l'endroit où devait paître le trou-
n'en pouvait approcher, parce qu'il voyait peau de son voisin, qui fut détruit.
auprès de lui un horrible et grand démon D'autres bergers, avec trois cailloux pris
très-puant. Les uns disent qu'on chassa ce en, différents. cimetières et certaines paroles
démon; d'autres assurent qu'il tordit le cou. magiques, donnent des dyssenteries, envoient
à l'hérétique mal converti et l'emporta. la gale à leurs ennemis, et font mourir au-
BERGERS On est encore persuadé, dans, tant d'animaux qu'ils souhaitent. C'est tou-
beaucoup de villages, que les bergers com- jours l'opinion des gens du village. Quoique
mercent avec le diable, et qu'ils font adroi- les bergers ne sachent pas lire, on craint si
tement des maléfices. 11 est dangereux, as^- fort leur savoir et leur puissance, dans quel-
surc-t-on, de passer près d'eux sans les saluer; ques hameaux, qu'on a soin de recommander
ils fourvoient loin de sa route le voyageur aux voyageurs de ne pas les insulter, et de
qui les offense, font naître des orages devant passer auprès d'eux sans leur demander
ses pas et des précipices à ses pieds. On conte quelle heure il est, quel temps il fera, ou
là-dessus beaucoupd'histoires terribles. Voy. telle autre chose semblable, si l'on ne veut
Diras. avoir des nuées, être noyé par des orages,
Un voyageur, passant à cheval à l'entrée courir de grands périls, et se perdre dans des
d'une forêt du Mans, renversa un vieux ber- chemins les plus ouverts.
ger qui croisait sa router et ne s'arrêta pas Il est bon de remarquer que, dans tous
pour relever le bonhomme. Le berger, se leurs- maléfices, les bergers emploient des
tournant vers le voyageur, lui cria qu'il se Pater, des Ave, des neuvaines de chapelet.
souviendrait de lui. L'homme à cheval ne fit Mais ils ont d'autres oraisons et des prières
pas d'abord attention à cette menace mais pour la conservation des troupeaux.' Voy.
bientôt, réfléchissant que té berger pouvait TROUPEAUX;et pour l'histoire des bergers da
lui jeter un maléfice, et tout au moins l'éga- Brie, Voy. Hocqoe.
(1) In HistoriaAnglor.sut)OulliclmoI. (2) MadameGabriel de P" Hist. des Fantômes,etc.if
|)r206. •
*" '•
499 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 200
BERITH,duc aux enfers, grand et terrible. but, il fallait que le docteur irlandais eût en
Il est connu sous trois noms; quelques-uns sa possession une créature humaine, dont il
le nomment Béai, les Juifs Bérith et les né- ne dût plus rendre compte que devant Dieu.
cromanciens Bolfri. Il se montre sous les Le point embarrassant était de savoir où
traits d'un jeune soldat habillé de rouge des rencontrer le sujet nécessaire à son auda-'
pieds à la tête, monté sur un cheval de cieuse expérience. Berkeley se mit donc en
même couleur, portant la couronne au front campagne pour le trouver; et, plus d'une fois,
il répond sur le passé, le présent et l'avenir. au moment où il croyait le tenir, son espoir
On le maîtrise par la vertu des anneaux ma- fut trompé, et il se vit forcé d'aller chercher
giques mais il ne faut pas oublier qu'il est plus loin la victime qu'il voulait offrir en sa-
souvent menteur. Il a le talent de changer crifice à la science. »
tous les métaux en or aussi on le regarde Enfin, après bien des recherches et bien
quelquefois comme le démon des alchimistes. des tentatives infructueuses, « il a en sa pos-
Il donne des dignités et rend la voix des session une créature abandonnée des hom-
chanteurs claire et déliée. Vingt-six légions mes, sur laquelle il croit pouvoir sans
sont à ses ordres. crime, fonder son impérissable célébrité 1
C'était l'idole des Sirhemites, et peut-être Maître absolu de cet enfant, qui se nom-
est-ce le même que le Béruth de Sanchonia- mait Mac Grath, le docteur commença la
ton, que des doctes croient être Pallas ou série d'expériences qui devait faire revivre
Diane. dans l'Europe moderne les grandes races
L'auteur du Solide trésor du Petit Albert, d'hommes de l'antiquité biblique. Berkeley
conte de Bérith une aventure qui ferait croire avait observé que les plantes les plus élevées
que ce démon n'est plus qu'un follet ou lutin, sont celles qui croissent là où il y a le plus
si toutefois c'est le même Bérith. de chaleur humide; que les arbrisseaux de-
« Je me suis trouvé, dit-il, dans un château viennent arbres quand ils accomplissent à
où se manifestait un esprit familier, qui de- l'ombre et dans des terrains chauds et maré-
puis six ans avait pris soin de gouverner cageux tes phénomènes de la végétation'; il
l'horloge et d'étriller les chevaux. Je fus cu- savait que la croissance est plus développée
rieux un malin d'examiner ce manège mon chez les habitants des pays boisés que parmi
étonnement fut grand de voir courir l'étrille les hommes qui vivent dans des contrées ex-
sur la croupe du cheval sans qu'elle parût posées an vent et au soleil. Fort de ces obser-
conduite par aucune main visible. Le pale- vations, Berkeley relégua sou élève dans un
frenier me dit que pour attirer ce farfadet à lieu où il eut soin d'entretenir une tempérait!*
son service, il avait une petite poule noire, re humide et chaude, où les rayons de l'astre
qu'il avait saignée dans un 'grand chemin du jour ne venaient frapper qu'obliquement;
croisé; que du sang de la poule, il avait écrit il le soumit à l'usage abondant de la bière,
sur un morceau de papier « Bérith fera ma du lait et de l'hydromel. 11 lui prodigua .des
besogne pendant vingt ans, et je le récom- aliments chauds et délayants; il l'obligea à
penserai » qu'ayant ensuite enterré la poule se nourrir de tout ce qui pouvait engraisser,
à un pied de profondeur, le même jour le far- détendre ramollir les mailles de ses tissus
fadet avait pris soin de l'horloge et des che- organiques; il le sevra de toute société et il
vaux, et que de temps en temps lui-même éloigna tout ce qui pouvait éveiller l'imagi-
faisait des trouvailles qui lui valaient quel- nation de Mac Grath, ou donner quelque ac-
que chose. H tivité à son esprit; enfin il le condamna à
L'historien semble croire que ce lutin était la vie animale car, dans sa futile et coupa-
une mandragore. Les cabalistes n'y voient ble vanité, Berkeley ne demandait à la science
autre chose qu'un sylphe. que le pouvoir de former un animal prodi-
BERKELEY. Nous empruntons cet article gieux.
à M. Michel Masson L'orgueil du grand docteur dut être sa-
« George Berkeley passe, à bon droit, pour tisfait à l'âge de seize ans, Mac Grath avait
l'un des plus grands métaphysiciens du 18' déjà sept pieds de haut Ce fait extraordi-
siècle. L'Irlande s'honore de l'avoir vu nai- naire fut consigné dans toutes les gazettes de
tre il a laissé de beaux ouvrages les l'Europe; les poètes du temps firent des vers
sciences lui doivent des découvertes utiles. à la louange de Berkeley; de toutes parts il
Ces laborieux travaux suffiraient pour lui reçut le nom d'immortel on osa même dire
assurer une incontestable célébrité; .mais, 'qu'il était le régénérateur de l'espèce hu-
aveuglé par un fol amour de la gloire, Ber- maine, tandis qu'il n'était que le bourreau
keley ne se contenta pas de l'estime de ses d'un enfant! 1
contemporains, il voulut attacher à son nom En instruisant son élève, en cherchant à
l'admiration de la postérité et, pour l'obte- former son cœur et son esprit, le docteur eût
nir, il conçut l'extravagant projet de former doté la société d'un homme de plus; mais
un géant. Ayant lu dans l'Ecriture sainte il ne songeait qu'à forcer le corps de Mac
que le fils d'Enock Og, roi de Basan, avait Grath à grandir outre mesure, sans soup-
plus de quinze pieds de haut, il s'imagina çonner, l'impitoyable savant, qu'il allait don-
qu'au moyen d'un régime alimentaire conve- der au monde le spectacle de l'infirmité hu-
nable, il parviendrait à faire croître arliG- maine la plus hideuse l'idiotisme.
ciellemenl un individu au point que celui-ci « A mesure que Mac Gralh continuait à
pourrait le disputer en hauteur de taillé avec grandir, ses facultés morales l'abandonnaient
le géant de la Bible. Mais pour arriver à ce de plus en plus il avait entièrement perdu
SOI BER DER 202
la mémoire. A force de se lenir la tête cour- hypocondriaque. causée par la mauvaise
bée, il avait, pour ainsi dire oublié que nourriture des pauvres diables que l'on pour-
l'homme est né pour regarder le ciel. Ses or- suivait corn me sorciers. Il raconte que sonpère
ganes étaient si débiles, si disproportionnés, sauva un jour uu paysan nommé Bernard,
qu'il ne pouvait plus se tenir debout; ses que l'on allait condamner à mort pour sor-
yeux étaient sans mouvements et ne voyaient cellerie, en lui changeant sa façon ordinaire
plus sa voix grondait dans sa poitrine de vivre il lui donna le matin quatre œufi
mais ses lèvres n'articulaient aucun son. On frais, et autant le soir avec de la viande et
lui parlait et il n'entendait pas on lui soule- du vin; le bonhomme perdit son humeur
vait le bras, il le laissait machinalement re- noire, n'eut plus de visions et évita le bû-
tomber ses doigts, singulièrement allongés^ cher.
ne se ployaient plus; ses larges mains ne BERNARD (Samuel), voy. POULE noire.
savaient plus se tendre pour prendre ce qu'on BERNARD DE THURINGE, ermite alle-
lui présentait. Insensible à la joie comme à mand qui, vers le milieu du dixième siècle,
la souffrance, il ne sentait ni le bien ni le annonçait la fin du monde. Il appuyait son
mal qu'on pouvait lui faire. Ni les caresses, sentiment sur un passage de l'Apocalypse,
ni la douleur ne le réveillaient de son stupide qui porte qu'après mille ans l'ancien serpent
engourdissement mais il grandissait tou- sera délié. 11 prétendait que ce serpent était
jours 1 l'antechrist; quepar conséquent l'année 960
« Berkeley, que l'intérêtde la science, pour étant révolue, la venue de l'antechrist était
parler plus vrai, que celui de sa vanité avait prochaine. 11disait aussi que quand le jour
rendu tout à fait inhumain, ne tenait aucun de t'annonciation de la sainte Vierge se ren-
compte del'affaiblissemenldesa victime; tou- contrerait avec le vendredi saint, ce serait
jours dominé parla même pensée, il ne son- une preuve certaine de la fin du monde;
geait qu'au jour désiré où, dans l'Europe cette prédiction a eu vainement des occasions
entière, retentirait ce cri Og, le roi de de se vérifier (2). e
Basan, est retrouvé; le géant de Berkeley a BERNARD-LE-TRÉVISAN, alchimiste du
quinze piedsl Pour l'honneur de l'humanité, quinzième siècle, que quelques-uns croient
Dieu ne permit pas que l'orgueil du savant avoir été sorcier, né à Padoue, en 1406. Il a
sortit victorieux de cette lutte insensée. beaucoup travaillé sur le grand œuvre, et
L'heure de la délivrance sonna pour Mac ses ouvrages inintelligibles sont recherchés
Grath l'heure du remords sonna pour le des alchimistes; ils roulent tous sur la pierre
docteur. Sa victime mourut d'épuisement philosophale (3).
comme on peut mourir après une agonie qui BERNOLD. Voy. Berthold.
a duré plus de quinze ans. BERQUIN (Louis), gentilhomme arlésien,
« Espérons, pour le repos de l'âme de Ber- conseiller de François 1", qui, entraîné par
keley qu'indigné contre lui-même, il eut de#mau vaises mœurs, se mit à déclamer con-
horreur du crime où la science, détournée tre les moines et à donner dans le luthéra-
de son véritable but, avait pu le conduire, nisme. Ses livres furent brûlés, et la protec-
et qu'en déplorant le sort du malheureux tion du roi le sauva seule d'une abjuration
Mac Grath, ce n'est pas le sujet d'étude que publique mais on le reprit bientôt. Il se mê-
la mort lui enlevait trop lot qu'il regrettait lait aux orgies des sorciers; on le convainquit
en lui, mais bien la créature du Dieu dont il d'avoir adoré le diable; on produisit contre
avait creusé la tombe, à force d'avoir voulu lui de si tristes griefs, que le roi n'osa plus
faire violence à la nature. » le défendre, et il fut brûlé en place de Grève
BERNA (BENEDETTO),sorcier qui, au rap- le 17 avril 1529.
port de Bodin (1) et de quelquesaulres démo- BERRID. Voy. Purgatoire.
nographes, avoua, à l'âge de quatre-vingts BERSON,docteur en. théologie et prédica-
ans, qu'il avait eu des liaisons pendant qua- teur visionnaire de la cour, sous Henri III.
rante années avec un démon qu'il nommait II s'imaginait être Enoch, et il voulait aller
Hermione ou Hermeline, et qu'il menait par- porter l'Evangile dans le Levani, avec un
tout avec lui sans que personne l'aperçût prêtre flamand qui se vantait d'être Elie.
il s'entretenait fréquemment, dit-on, avec cet Taillepied dit avoir entendu Berson prêcher
esprit qu'on ne voyait pas; de manière qu'on cette bizarrerie devant le frère du roi à
le prenait pour un fou (et ce n'était pas au- Château-Thierry (k).
tre chose). Il confessa aussi avoir humé le BERTHE. Voy. Robert, roi.
sang de divers petits enfants, et fait plusieurs BERTHIER (Guillaume-François), célèbre
méchancetés exécrables. Pour ces fails atro- jésuite, mort en 1782. Voltaire a publié la
ces il fut brûlé. relation de la maladie, de la mort et de l'ap-
BERNACHE ou BERNACLE, voy. Macreu- parition du jésuite Berthier; mais ce n'est
SES. qu'une assez mauvaise plaisanterie. Le père
BERNARD. Cardan pense que la sorcelle- Berthier vivait encore.
rie ne fut souvent qu'une espèce de maladie BERTHOLD. Après la mort de Charles-le-
(1) Démonomanie d es sorciers, liv. h, p. 279. opere chimico,et responsioadThomamde lîononia.Bâle,
(2) Voyez dansles Légendesde la sainte Vierge, l'en- 1600. Opusculachemica de lapidephilosoplioruin, en
fant de chœur de Notre-Damedu Puy. français.Anvers1567. Bernardusredivivus,vel opus d<
(3) De Philosopliialiermetica,lib. IV.Strasbourg,1567, chimia, historico-dogmaticum, e gallicoin laliuuiiiversum
1682 Nuremberg, 1643. Opus liistorico-doginaiicum Francfort, 1625. de
péri cjiymeias,cumJ.-F. Pieïlibristribus deauro. Ursel- (t) Psychologie ou Traité l'apparitiondes esprits.
Bs, 1508.Jii-8*. Tractatusde secrelissimo|iliilosopliorum ch. 3.
DlCTIONN.DES SCIENCESOCCULTES.I. 7
203 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 204
ChauTe, un bourgeois de Reims, nommé forme de bouc noir, donnant à chacun une
Berthold ou Bernold, gravement malade, chandelle allumée, avec laquelle ils allaient
ayant reçu les sacrements, fut quatre jours lui baiser le derrière; que le diable lui oc-
sans prendre aucune nourriture et se sen- troyait à chaque sabbat quarante sous en
tit alors si faible, qu'à peine lui trouvait- monnaie, et des poudres pour faire dès ma-
on un peu de palpitation et de respiration. léficcs que quand il le voulait, il appelait le
Vers minuit., il appela sa femme et lui dit de diable qui venait à lui comme un tourbillon
fairo promptement venir son confesseur. Lo _de vent; que la nuit dernière il était venu le
prêtre était encore dans la cour, que Berthold .visiter en sa prison et lui avait dit qu'il n'a-
dit « Mettez ici un siège, car le prêtre vail pas moyen de le tirer d'où il était; que
vient. » Le confesseur, étant entré, récita le diable défendait à tous de prier Dieu, d'al-
quelques prières, auxquelles Bertholcl répon- ler à la messe, de faire les Pâques et que
dit puis il tomba dans une longue extase; pour lui, il avait fait mourir plusieurs per-
et, quand il en sortit, il raconta un voyage sonnes et plusieurs bêtes, au moyen 'des pou-
que son âme venait de faire. dres qu'on lui donnait au sabbat (2).
Il était allé en purgatoire, conduit par un BERTHOMÉE DE LA BEDOUCHE. Voy.
esprit il y avait vu beaucoup de gens-, qu'on BoNNEVAULT.
faisait geler et bouillir lour à tour. Parmi les BÉRUTH. Voy. Bérith.
prélats se trouvaient Ebbon. archevêque de BETES. Il y a, dans les choses prodigieu-
Reims; Léopardelle ou Pardule, évéque de 'ses de ce monde, beaucoup de bêtes qui figu-
Laon, et l'évêquc Enée, qui étaient vêtus rent avec distinction. Les bêtes ont été long-
d'habits déchirés et roussis.; ils avaient ,1e
•temps des instruments à présagés les sor-
visage ridé, la figure basanée. Ils l'appelè- ciers et les démons ont emprunté leurs for-
rent mes et souvent on a brûlé des chats ét dès
Recommandez à nos amis, dirent-ils, de
chiens dans lesquels on croyait reconnaître
prier pour nous. un démon caché ou une sorcière.
Berthold le promit. Revenu à lui, il fit* Dans les campagnes, on effraie encore les
faire la commission tomba derechef en ex- enfants avec la menace de l'aBête'à sept têtes;
tase, et, retournant en purgatoire, il trouva dont l'imagination varie eh tous lieux la
à la porte Ebbon avec les autres prélats qui laideur. L'opinion dé cette bête monstrueuse
en sortaient habillés de blanc, et qui le re- remonte à la Bêle de l'Apbcalypse.
mercièrent. Il vit ensuite l'âme du roi Char-
les-le-Chauve étendue dans un bourbier, et Des personnes accoutumées aux visions
tellement décharnée, qu'on pouvait compter extraordinaires ont vu quelquefois des spec-
ses os et ses nerfs. tres de bêtes. On 'sait la petite anecdote de
Priez l'archevêque Hincmar de me soula- ce malade à qui son médecin disait
ger dans mes maux dit le roi. Kmendez-vous, car je viens de voir le diable
à votre porte.- Sous quelle forme? demanda
Volontiers, réponditBerthold.
11fit encore la commission, et le roi Char- Je moribond. Sous celle d'un âne. Bon,
les fut soulagé. De plus il fit écrire aux répliqua le malade, vous avez eu peur de
votre ombre.
parents du jeune monarque défunt l'état dé-
plorable où il se trouvait. Des doctes croient encore que les animaux,
Un peu plus loin Berthold avait vu Jessé, à qui. ils n'accordent point d'âme, peuvent t
évêque d'Orléans, que quatre démonsplon- revenir, et on cite des spectres de ce genre.
geaient alternativement dans la poix bouil- Meyer, professeur a l'Université de Halle; p-
lante et dans l'eau glacée. dans son Essai sur les apparitions 17, dit
Ami priez les miens de s'intéresser à moi, que les revenants et les spectres ne sont peut-
avait-il dit à Berthold, être que les âmes des'bétès qui, ne pouvant
Le bon'homme se chargea encore de cette aller ni dans le ciel ni dans les enfers, restent
.prière; et il vit le comte Olhaire qui était ici errantes et diversement conformées. Pour
dans les tourments. Il fit dire à la femme que cette opinion eût quelque fondement, il
d'Othaire à ses vassaux et à ses amis de faudrait croire, avec les périp'aléticiens, que
faire des prières et des aumônes pour lui. les bêtes ont une âme quelconque, ce qui
'Après tout cela, Berthold se porta mieux et n'est pas facile.
vécut à nouveau quatorze ans comme le lui Les pythagoriciens sont allés plus loin; ils
avait promis celui. qui l'avait conduit devant ont cru .que par la métempsycose les âmes
tous ces personnages (lj. passaient successivement du corps d'un
BERTHOMÉ DU LIGNON, dit Cha'mpagnat, homme dans celui d'un animal.Ils respec-
sorcier jugé à Monlmoriîlon, en Poitou, dans taient les br.ules/ct disaient au 'loup
l'année 1599. Il avoua que son père l'avait Bonjour, frère.
mené au sabbat dès sa jeunesse qu'il avait Le père Bougeant, de la compagnie de
promis au diable son âme et son corps qu'à Jésus dans un petit ouvrage plein d'esprit,
la Saint-Jean dernière, il avait vu un grand VAmusemenl philosophique sur.le langage des
sabbat où le diable lès. faisait danser en rond; bêtes, adopta par plaisanterie un système
qu'il se mettait au milieu de la danse en assez singulier. Il trouve aùx bêtes trop
(t) Hincraariarcûiep. Epist t. II, p. 806. (î) Discourssommaire des sortilèges et vénéticestiré
Disc.el bist. des spectres,liv.yi, cli. xiu. DemiLeloyer,
Calmel, des procès criminelsjugésOTsiège royal de Montiiiorit>
Traitésur les apparit., cli.46. M. Garinct,Histoire de la ton,en Poitou, eu t'aunée1599,p. 29.
magieen France, p. 56.
205 BEY BIE 206
d'esprit et de sentiment potrv n'avoir pas une BEYREVRA, démon indien, chef des âmes
âme; mais il prétend qu'elles sont animées qui errent dans l'espace, changées en démons
par des démons qui font pénitence sous cette aériens. On dit qu'il a de grands ongles tiès-
enveloppe, en attendant le jugement dernier, crochus. Brahma ayant un jour insulté un
époque où ils seront plongés en enfer. Ce dieu supérieur, Beyrevra,. chargé de le punir,
système est soutenu de la manière la plus lui coupa une tête avec son ongle. Brahma
ingénieuse ce n'était qu'un amusement on humilié, demanda pardon, et le dieu Es-
le prit trop au sérieux. L'auteuf fut grave- .wara lui promit pour le consoler, qu'il ne
-ment réfuté et obligé de désavouer publique- serait pas moins respecté avec les quatre
ment des opinions qu'il n'avait mises au jour têtes qui lui restaient, qu'il ne l'était aupa-
que comme un délassement. ravant avec cinq.
Cependant, te père Gaston Pardies de la BIAULE, berger sorcier. Voy. Hocque.
même société de Jésus avait écrit, quel- BIBLE DU DIABLE. C'est sans doute le
que temps auparavant, que les bêtes ont une grimoire ou quelqu'autre fatras de ce genre.
certaine âme (1), et on ne l'avait pas repris, Mais .Delancre dit que le diable fait croire
Mais on pensa, qu'auprès de certains esprits, aux sorciers qu'il a sa Bible, ses cahiers sa-
l'ingénieux amusement du père Bougeant crés,, sa théologi.e et ses professeurs; et un
pouvait faire naître de fausses idées. grand magicien avoua, étantsur la selletle
BEURRE.On croit, dans plusieurs villages, au parlement de, Paris, qu'il y avait à Tolède
empêcher le beurre de se faire en récitant soixante-treize maîtres en la faculté de magie,
à rebours le psaume Nulite fieri (2). Bodin lesquels prenaient pour texte la Bible du
ajoute que, par un effet d'antipathie natu- diable (8).
relle, on obtient le même résultat en met- BIBLIOMÀNCIE, divination ou sorte d'é-
tant un peu de sucre dans la crème et il preuve employée autrefois pour reconnaître
conte qu'élant à Chelles, en Valois, il vit une les sorciers. Elle consistait à mettre dans un
chambrière qui voulait faire fouetter un petit des côtés d'une balance la personne soup-
laquais, parce qu'il l'avait tellement maléfi- çonnée de magie, et dans l'autre la Bible
ciée, en récitant à rebours le psaume cité, si la personne pesait moins, elle était inno-
que depuis le malin elle ne pouvait faire son cente;. si elle pesait plus, elle était jugée
beurre. Le laquais récita alors naturellement coupable; ce qui ne manquait guère d'arri-
le psaume, et le beurre se fit (3). yer, car bien peu d'in-folio pèsent un sor-
Dans le Finistère, dit-on l'on ensorcelle cier.
encore le beurre. On croit aussi dans ce pays On consÛfCâ"itencore la destinée ou le sort,
que si l'on offre du beurre à saint Hervé, les en ouvrant la Bible avec une épingle d'or,
bestiaux qui ont fourni la crème n'ont rien et en tirant présage du premier mot qui se
à craindre des loups, parce que ce saint étant présentait.
aveugle se faisait guider par un loup (4). BIETKA.Il v avait en 1597, à Wilna en
BEURRE DES SORCIÈRES. Le diable don-
.Pologne une fille nommée Bietka, qui était
nait aux sorcières de Suède, entre autres recherchée par un jeune homme appelé Za-
animaux destinés à les servir, des chats charie. Les parents de Zacharie ne consen-
qu'elles appelaient emporleurs, parce qu'elles tant point, à son mariage, il tomba dans la
les 'envoyaient voler dans le voisinage. Ces mélancolie et s'étrangla. Peu de temps après
emporleurs, qui. étaient très-gourmands sa mort, il apparut à Bietka, lui dit qu'il ve-
profitaient de l'occasion pour se régaler nait s'unir à elle et lui tenir sa promesse de
aussi, et quelquefois ils s'emplissaient si
fort le ventre, qu'ils étaient obligés en che- mariage. Elle se laissa persuader; le mort
se l'épousa donc, mais sans témoins. Cette sin-
min de rendre gorge. Leur vomissement
trouve habituellement dans les jardins pota- gularité ne demeura pas longtemps secrète,-
on sut bientôt le mariage do Bietka avec un
gers. « II a une couleur aurore et s'apoellè esprit on accourut de toutes parts pour
le beurre des sorcières (5). » voir la mariée; et son aventure lui rapporta1
BF,VERLAND (ADRIEN),avocat hollandais, beaucoup d'argent, car le revenant se mon-
de Middelbourg, auteur des Recherches phi- trait et rendait des oracles; mais il ne don-
losophiques sur le péché originel (6), pleines nait ses réponses que du consentement de sa
de grossièretés infâmes. Les protestants mê- femme, qu'il fallait gagner. Il faisait aussi
mes, ses co-religionnaires, s'en indignèrent beaucoup de tours; il connaissait tout le
et mirent cet homme en prison à Leyde; il présent, et prédisait un peu l'avenir.
s'en échappa et mourut fou, à Londres, en Au bout de trois ans, un magicien italien
1712. Sa folie était de se croire constamment ayant laissé échapper depuis ce temps un
poursuivi par deux cents hommes qui avaient esprit qu'il avait longtemps maîtrisé, vint.
juré sa mort (7). en Pologne, sur le bruit des merveilles de
(1) DanssonDise.de la connaissancedes bêles. Paris, liorto Hesperidum, typis Adamiet Eva>,terne lil. in-8°,
l< éd., 1696. 1678..La Justa detestatio libelli sceleratissimiHadriani
(2) Thiers, Traitédes t. I". Il n'y a pas Beverlandide pecoatooriguiali.Iu-8°.Goriucliemii,1680,
de psaume Nolite fieri.superstitions,
Ce n'est qu'une division du est une réfutationde cet écrit détestable dont on a pu-
psaume31. hlié en .1734,iu-12 une imitationmêlée de contes aussi
(5) Démonomaniedes sorciers,liv.II, en. 1". méprisés.
(i) Cambry,Voyagedansle Finistère, 1. 1",p. 14et 15. (7) GabrielPeignot, Dict. deslivrescondamnésau feu.
(5) Bekker,Le Mondeenchanté,liv. IV,ch. 29. (8) Delancre,Iiierédulitéetmécréancedusortilége.eic.
((i) HadrianiBeverlandi peccalum originale pliilolo- traité 7. VoyezUniversité.
gice elucubratum,a Tlieniiuisaluïuno,in
207 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 208
l'époux de Bielka, déclara que le prétendu par Jean Babel traduit du.lalin de Jean Do-
revenant était lé démon qui lui appartenait, rat en vers français. Paris, 1586, in-folio.
le renferma de nouveau dans une bague, et BIRAGUES (FLiMiNio DE), auteur d'une fa-
le remporta en Italie, en assurant qu'il eût cétie intitulée l'Enfer de la mère Cardine
causé de très-grands maux en Pologne s'il traitant de l'horrible bataille qui fut aux en-
l'y eût laissé (1). De sorte que la pauvre fers aux noces du portier Ccrberus et de Car-
Bietka en fut pour trois années de mariage dine, in-8", Paris, 1585 et 1597. C'est une satire
avec un démon. Le fait est raconté par un qui ne tienj, que si on le veut bien à la dé-
écrivain qui croit fermement à ce prodige, monographie. P. Didot l'a réimprimée à cent
et qui s'étonne seulement de ce que ce dé- exemplaires en 1793. L'auteur était m;-
mon était assez matériel pour faire tous les veu du chancelier de France, René de Bi-
jours ses trois repas. Des critiques n'ont vu ragues.
là qu'une suite de supercheries, à partir de BIRCK (Humbert), notable bourgeois
la prétendue strangulation de l'homme qui d'Oppenheim et maître de pension mort en
fitensuitele revenant. novembre 1620, peu de jours avant la Saint-
BIFRONS, démon qui parait avec la figure Martin. Le samedi qui suivit ses obsèques
d'un monstre. Lorsqu'il prend forme hu- on ouït certains bruits dans la maison où il
maine, il rend l'homme savant en astrologie, avait demeuré avec sa première femme; car,
et lui enseigne à connaître les influences des étant devenu veuf, il s'était remarié. Son
planètes il excelle dans la géométrie il, beau-frère soupçonnant que c'était lui qui
connait les vertus des herbes des pierres revenait, lui dit
précieuses et des plantes il transporte les -r- Si vous êtes Humbert frappez trois
cadavres d'un lieu à un autre. On l'a vu coups contre le mur.
aussi allumer des flambeaux sur les tom- En effet, on entendit trois coups seule-
beaux des morts. Il a vingt-six légions à ses ment d'ordinaire il en frappait plusieurs.
ordres. 11 se faisait entendre aussi à la fontaine où
BIFROST. L'Edda donne ce nom à un pont l'on allait puiser de l'eau, et troublait le voi-
tricolore, qui va de la terré aux cieux et sinage, se manifestant par des coups redou-
<]ui n'est que l'arc-en-ciel auquel les Scan- blés, un gémissement, un coup de sifflet ou
dinaves attribuaient la solidité. Ils disaient un cri lamentable. Cela dura environ six
qu'il est ardent comme un brasier, sans quoi mois.
les démons l'escaladeraient tous les jours. Au bout d'un an, et peu après son anni-
Ce pont sera mis en pièces à la fin du monde, versaire, il se fit entendre de nouveau plus
après que les mauvais génies sortis de.l'en- fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il
fer l'auront traversé à cheval. Voy. SURTUR. souhaitait il répondit d'une voix rauque et
B1GOIS ou BIGOTIS, sorcière toscane qui, basse: Faites venir, samedi prochain, lo
dit-on avait rédigé un savant livre sur la curé et mes enfants.
connaissance des pronostics donnés par les Le curé étant malade ne put venir que le
éclairs et le tonnerre. Ce savant livre est lundi suivant, accompagné de bon nombre
perdu, et sans doute Bigoïs est la même que de personnes. On demanda au mort s'il dé-
Bagoé. sirait des messes? il en désira trois s'il vou-
B1L1S. Les Madécasses désignent sous ce lait qu'on fît des aumônes? il dit Je sou-
nom certains démons, qu'ils appellent aussi haite qu'on donne aux pauvres huit me-
anges du septième ordre. sures de grain que ma veuve fasse des ca-
BILLARD (Pierre). Né dans 1<;Maine en deaux à tous mes enfants, et qu'on réforme
1653, mort en 1726, auteur d'un volume in- ce qui a été mal distribué dans ma succes-
12, intitulé la Bête à sept têtes, qui a paru sion, somme qui montait à vingt florins.
en 1693. Cet ouvrage lourd, dirigé contre les Sur la demande qu'on lui fit, pourquoi il
jésuites, est très-absurde et très-niais. Se- infestait plutôt cette maison qu'une autre,
lon Pierre Billard la bête à sept têtes pré- il répondit qu'il était forcé par des conjura-
dite par l'Apocalypse était la société de tions et des malédictions. S'il avait reçu les
Jésus. sacrements de l'Eglise Je les ai reçus, dit-
BILLIS, sorciers redoutés en Afrique où il, du curé, votre prédécesseur. On lui fit
ils empêchent le riz de croître et de mûrir. dire avec peine le Pater et l'Ave, parce qu'il'
Les nègres mélancoliques deviennent quel- en était empêché, à ce qu'il assurait, par le
quefois sorciers ou billis le diable s'em- mauvais esprit, qui ne lui permettait pas de
pare d'eux dans leurs accès de tristesse, et dire au curé beaucoup d'autres choses.
leur apprend alors disent-ils, à faire des Le curé, qui était un prémontré de l'abbaye
maléfices et à connaître les vertus des plan- de Toussaints, se rendit à son couvent afin
tes magiques. de prendre l'avis du supérieur. On lui donna
B1NET (Benjamin), auteur du petit volume trois religieux pour l'aider de leurs conseils.
intitulé Traité des dieux et des démons du Ils se rendirent à la maison, et dirent à Hum-
paganisme, avec des remarques critiques sur bert de frapper la muraille il frappa assez
le système de Bekker; Delft, 1696, in-12. doucement. Allez chercher une pierre
B1NET (CLAUDE).On recherche de Claude lui dit-on alors, et frappez plus fort. Ce qu'il
Binet, avocat du seizième siècle, les Oracles fit.
des douze sibylles, extraits d'un livre antique, Quelqu'un dit à l'oreille de son voisin, le
avec les figures des sibyll.es purtraites au vif, plus bas possible Je souhaite qu'il frappe
(1) AdrienRegenvblsius,Systeinaliistwico-chronologieun i ecclcsiarumsciavomcarum.Ulrechi,1652,p. 95
i 210
209 BIS BIS
sept fois, et aussitôt l'âme frappa sept Quand de te consoler je ferais mon étude?
Parle. Je ne le puis, cessons cet entretien.
fois. -Prouve-moi ton amour, ne me déguise rien;
On dit le lendemain les trois messes que La est plus légère alors qu'on la partage
le revenant avait demandées on se disposa peine
Ah! ne me cache pas la tienne davantage.
aussi à faire un pèlerinage qu'il avait spé- -•Tu le veux, apprends donc un horrible secret
Ton époux chaque soir devient bisclavaret,
cifié dans le dernier entretien qu'on avait eu -0 ciel qu'as-tu donc tait ? Je suis exempt de crime;
avec lui. On promit de faire les aumônes au Du forfait d'un aïeul vois en moi la victime
JI égorgea son frère, et le ciel en courroux
premier jour, et, dès que ses dernières vo- Le jeta pour sa vie au rang des loups-garoux
lontés furent exéculées, Humbert Birck ne
Et, qui plus est, depuis, les mâles de sa race
revint plus (1) Cette histoire n'est Sont une heure par jour soumis à sa disgrâce;
pas autrement expliquée. Et si par un hasard que je ne prévois point, #
Un ennemi cruel dérobait le pourpoint
BIRON. Le maréchal de Biron, que Hen- Que je dépouille et cache en un secret asile,
ri IV fit. décapiter pour trahison, en 1602, Avant que dans les bois chaque soir je'm'exile,
11 me faudrait, dit-on, rester bisclavaret,
croyait aux prédictions. Pendant le cours de Tant que de cet habit le sort me priverait.
son procès, il demanda de quel pays était le
bourreau ? On lui répondit qu'il était Pari- La Comtesse, à ces mots, par un tendre langage,
Aux yeux de son époux doux et précieux gage
sien. -Bon, dit-il. -Et il s'appelle Bour- D'un amour éternel, d'un avenir serein,
guignon. Ah je suis perdu s'écria lo Ecarte de son front le voile du chagrin.
maréchal on m'a prédit que si je pouvais Il éprouve en son âme une joie inconnue
éviter par derrière le coup d'un Bourgui- Ainsi lorsqu'emportant une orageuse nue,
Le vent chasse la pluie, aussitôt tes forêts
gnon, je serais roi. Se parent d'un éclat plus riant et plus frais.
M. Chabot de Bouin a écrit très-agréable- Il.
ment cette légende développée dans l'Ai– Homme, que je te plains si th livres ton âme
A l'espoir d'être-aimé sans cesse d'une femme,
inanach prophétique de 184-6. Surtout lorsque son cœur une fois a changé 1
BISCAR (JEANNETTE) sorcière boiteuse Sous les drapaux français depuis un an rangé,
Arthur, jeune Breton, d'une origine illustre,
du Labour, que le diable, en forme de bouc, Dans la guerre de Naple a trouvé quelque lustre.
transportait au sabbat, où, pour le remer- 11 revient chevalier aux champs de ses aïeux
cier, elle faisait des culbutes et des ca- C'est la que de longs pleurs ont scellé ses adieux;
brioles (2). Qu'une jeune beauté, lorsqu'il s'éloigna d'elle,
Lui promit par serment de lui rester fidèle.
B1SCAYENS, vagabonds de l'espèce des Il accourt, il revoit le paternel séjour v
II apprend que l'objet d'un fanatique amour
Bohémiens, qui disaient la bonne aventure De ses engagements n'avait point tenu compte 1
dans les villes et dans les villages. Cette ainant^iariure est l'épouse du Comte
B1SCLAVARET. C'est le nom que donnent Saisi par les transports d'un désespoir sans frein,
Sous les habits grossiers d'un obscur pèlerin,
les Bretons au loup-garou. On le dérive de A voir celle qu'il aime Arthur se détermine
bleis-garv (loup méchant). Nous emprunte- Vers le château du Comte aussitôt s'achemine;
rons aux Légendes françaises de M. Edouard 11 vole; au jour mourant il frappe; on l'introduit.
Et dans la grande salle un varlet le conduit
d'Anglcmont, dont on n'a pas oublié le suc- Là, devant des drapeaux, des portraits defamille,
cès, la légende du bisclavaret, célèbre dans La belle châtelaine, animant une aiguille,
un pays où l'on croit que Dieu punit certains Db la laine avec art variant la couleur,
crimes par la transformation du coupable en Sur un tissu de lin fait éclore une fleur,
Et cherchant à cacher le trouble qui l'agite
loup-garou. –Pèlerin, pour la nuit, vous demandez un gite? 2
Ce n'est pas pour cela, Madame, que je vieil".
Mespas de l'Armoriqueont foulé les rivages; Vous souvient-il d'Arthur? 0 ciel –Tu t'en souviens,
J'ai vu srs hautsgenêts et ses landessauvages; Tu te souviens aussi que tu me fis entendre,
J'ai vuses grandsmarais peuplésde mille oiseaux, Au jour de mon départ, le serment le plus tendre.
Quise croisaientdansl'air ou fuyaientsousles eaux Il était vain 1. Au pied du Christ, à Ploërmel,
J'ai vu ses habitantsformerde lourdesdanses, Tu l'avais pourtantfail au nom de saint Armel
Dontl'aigre biniou(ô) mesuraitles cadences
Et souvent,sous l'abri d'un gothiquemanoir, Ai-je donc mérité cette cruelle injure? 2
Tandisque dansle lait je trempais un pain noir, Devais-je donc m'attendre à le trouver parjure,
Que la crêpepour moi, sousla maind'une femme, Lorsque, pour t'obtenir d'un père ambitieux,
Je cherchais des combats les honneurs périlleux? 9
Naissaiten frémissantaumilieude la flamme, Eh bien J'oubltrai tout, si le sort nous rassemble!
Sur l'escabeaude boisauprèsde lâtre assis, ensemble
J'ai du t:âtre bretonentendules récils Qu'ensemble nous vivions que nous mourions
Et l'nn d'euxest surtout resté dansma mémoire. -Arthur, pardonne-moi l'on a forcé mes vœux
Si l'étrange vousplall, écoutezcette histoire Celle qui t aime encor cède à ce que tu veux.
1.
Nonloindu champtémoind'uncombatimmortel(4), Exilons-nous, cherchons quelque plage ignorée.
S'élevaitautrefoisun superbecastel -Non, ma faute peut être autrement réparée
Là, près de son épouseaimable,jeune et belle, Le Comte maintenant erre dans la forêt;
Le comtede Kervan,brûlant d'amourpourelle, Viens, viens, que mon mari reste bisclavaret.
Bienfaisant,adoréde ses vassauxnombreux, lui conte,
Vivait, et de sesjoursle courssemblaitheureux; Et, pleine du dessein que sa bouche
Maispourtantquelquefoisla charmanteComtesse Elle court et saisit fes vêtements du Comte;
Et sous la forme humaine il ne reparut pas.
Surprenait sur sonfrontdes marquesde tristesse, Son épouse sema le bruit de son trépas,
Surtout quand,sorti seul, il rentrait chaquesoir,
Montra de la douleur l'apparence trompeuse,
Epuisé de fatigueet pressé de s'asseoir. Ordonna les apprêts d'une messe pompeuse,
Et, commeil revenaitd'unecourse nocturne,
Son épouseà l'aspect de son airtaciturne Et lit, sur le perron, exposer un cercueil,
La souffrancese peint sur toufrontobscurci Entouré de varlets vêtus d'habits de deuil,
Oui peut donc,cher époux,te chagrinerainsi?P Et couvert d'un drap noir semé de blanches larmes,
Et pourquoivers lanuit che"cher lasolitude Où du Comte gisaient le mantel et les armes.

(1) Livredes ptndiges, édit. de 1821,p. 75. (3) Espèce de cornemuse.


(2) Delancre 'Tableaude l'inconstancedes mauvais (4) Le combat des Trente.
tnges, etc., liv. Il, dise.4.
211 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 219
Le convoi funéraire, aux lueurs dès flambeaux, à l'un des yeux la prunelle double, l'antre
Partit le lendemain powr le champ des tombeaux;
A ci; lugubre aspect tous les cœurs se serrèrent, prunelle était marquée de ta figure d'nn
Les villageois surtout s'émurent et pleurèrent;
cheval (1).
Et lorsque le çercueil de la corde glissa, BITRU. Voy. Sytby.
Et sous des flots.de terre au tombeau s'enfonça, BLANC D'OEUF (DIVINATIONPAR LE). Voy.
Sur le fatte anguleux du mur du cimetière, OOMANCIE.
Un énorme loup noir dressant sa tête ailière,
Aux prières des morts mêla des hurlements, BLANCHARD (Elisabeth), l'une des dé-
Dont l'église trembla jusqu'en ses fondements moniaques de Loudun. Elle se disait possé-
III. dée de plusieurs démons Astaroth Belzé
Deux jours ont fui non loin du chêne de Mi-voie, buth, Pérou et Marou, etc. Voy. Grandier.
Des limiers pleins de feu courent, sur uue voie, BLASPHEME. Souvent il est arrivé mal-
Et le duc de Bretagne et quelques chevaliers,
Les suivent à travers les taillis, les lulliers, heur aux gens grossiers qui blasphémaient.
Courbés sur leurs chevaux que la sueur sillonup, On en a vu, dans des accès de colère, mou-
Que de ses coups pressés l'éperon aiguilloune. rir subitement. Etaient-ils étouffés par la fu-
Mais quel est l'animal dont h puissante odeur reur ? ou frappés d'un coup d'apoplexie?, ou
De la meute du prince excile ainsi l'ardeur ?
C'est encore un loup noir et grand Comme il va vit.e châtiés par une puissance suprême? ou
11rit en cent détours des limiers qu'il évite; comme on l'a dit quelquefois, étranglés par
Et bornant tout à coup son essor vagabond le diable? Torquemada parle, dans la troi-
Près du coursier ducal se'jette d'un seul bond,
Prend un air suppliant, pousse des cris étranges, sième journée de son Examéron, d'un blas-
le ton-
Mais qui rappellent ceux d'un enfant sous les langes phémateur qui fut tué un jour par
Contre lui les épieux sont tournés snr-le-chaiiip, nerre et l'on reconnut avec stupeur que la
Mais le Duc, attendri par son aspect touchant, foudre lui avait arraché la langue. Si c'est
Le fait charger vivant des nœuds d'uue courroie,
Et Nantes le revoit bientôt avec sa proie, un hasard, il est singulier.
Qui, docile à son frein, douce comme un agneau, Monslrelet conte qu'un bourgeois de Pa-
Semble s'accommoder de sou destin nouveau ris, plaidant au palais reniait Dieu, lors-
IV.
qu'une pierre tomba de la voûte, et, sans
C'est toujours vainement que l'enfant de la terre
Enveloppe un forfait du plus secret mystère Blesser personne, mil en fuite les juges, les
Celui dont en tous lieux l'œil veille incessamment, plaideurs et l'audience. C'est encore une
Fait luire lit ou tard le jour du châtiment 1 coïncidence bizarre. Au reste, le blasphème
Un an s'est écoule sur les rives que l'Erdre â toujours été en horreur.
Baigne, en cherchant la Loire où ses eaux vont se perdre, BLENDIC. On exorcisa à Soissons, en
Dans le préd'Aniane, un cirque est préparé; La relation de
Sur tes bancs de velours dont il est enlouré, ,1582 cinq énergumènes.
La noblesse bretonne en silence se place leurs réponses et de ieurs convulsions a été
Tandis qu'en bouillonnant des flots de populace écrite par Charles Blendic, Artésien.
Garnissent tes côteaux, les arbres d'alentour,
Et de la cathédrale, envahissent la tour.
BLETTON, hydroscope qui, vers la fin du
Au nord ou a dressé des arcades fleuries, dernier siècle, renouvela à Paris les prodi-
An sud un riche dais décoré d'armoiries, diges de la baguette divinatoire, appliquée à
De rouges panonceaux, d'armes, de boucliers, la recherche des sources et des métaux. Sa
Sous lequel, au milieu de pages, d!écuyers,
Le Duc siège, vêtu d'or, de pourpre ei. de soie; gloire s'est promptement évanouie.
Sur sa toquB écarlate, uu blanc panache ondoie; BLOEMARDINE. Pendant qu'on bâtissait
Ou voit, auprès de lui, cet énorme loup noir à Bruxelles le gracieux édifice gothique du
Qu'il trouva près des lieux où vainquit Beaumanoir, Petit-Sablon, et que les bourgeois se remet-
(Jui, devenu depuis animal domestique, taient un peu de la rude défaite qu'ils avaient
la nuit veille en la cour de son pu!aïs gothique,
Et le jour à la chasse, aux fêtes, aux repas, subie en vuulant combattre leur duc Jean Il,
Comme un fidèle chien accompagne ses pas. dans les plaines deVilvqrde, l'esprit d'agita-
Mais des clairons bruyants la fanfare guerrière tion continuait fi fermenter dans leBrabant; et
ltelenlit aussitôt l'ou ouvre la barrière toutes sortes d'idées nouvelles se répandaient
Sous les arches de fleurs, couvert d'or et d'acier, les
Arthur passe monté sur un brillant coursier;
comme des épidémies qui troublaient
Pour saluer le Duc il abaisse sa lance, têtes. Le fanatisme, châtiment de l'insubor-
Et le loup aussitôt dans l'arène s'élance, dination déraisonnable, s'emparait des esprits
D'un coup rapide et sûr éventre le cheval et les tournait à tous tes vents. 11 était fo-
Arthur surpris combat cet étrange rival menté par des bandes d'Albigeois et de Vau-
Il se sert contre lui de la lance et du glaive,
II le frappe le loup tombe, puis se relève, dois qui, chassés du midi de la France, s'é-
Saisit son adversaire à la gorge et l'abat; taient réfugiés en grand nombre dans les
provinces belges et y semaient toutes sortes
Et c'est en vain qu'Arthur contre lui se débat,
Et cherche à repousser son ardente furie;
C'est en vain que la fonle et s'épouvante et crie, de doctrines saugrenues.
A l'aspectdu danger que le chevalier court, Des associations et des sectes se multipliè-
Que pour le secourir on se hâte, on accourt rent pour réformer la religion et la politi-
Les dents de l'animal déchirent sa cuirasse,
Impriment dans ses flancs une profonde trace que. Les Lollards n'étaient pas les moins cu-
Et, sentant s'approcher lu moment de 1: mort, rieux. Gauthier Lollard, leur chef, était un
Le chevalier, vaincu par le cri du remord,
Fait le public' aveu de la coupable trame,
Albigeois progressif, qui enseignait que les
Tandis qu'en l'écoutant la Comtesse rend Pâme
démons avaient été chassés du ciel injuste-
ment qu'ils y seraient rétablis un jour; que
On retrouva bientôt les vêtements soustraits,
Et du Comte à l'instant le loup reprit les traits. saint Michel, pour lors, et tous les anges fi-
dèles seraient damnés à leur tour, et que
BITHIES, sorcières fameuses chez les. Scy- tous ceux de ses auditeurs qui ne suivraient
thes. Pline dit qu'elles avaient le regard si pas sa doctrine seraient damnés pareille-
dangereux, qu'elles pouvaient tuer ou en- ment. 11 supprimait tes sacrements, les priè-<
sorceler ceux qu'elles fixaient. Elles avaient (1) Pline, liv.Vil, cli.2.
213 MO BLO 214
res, les bonnes œuvres, condamnait le ma- jetèrent dans ses bras les garnements bat-
riage et la propriéié. Père des communistes, tirent des mains.
il avait inventé tout leur système; et on n'a Elle disait que l'homme peut devenir ici-(
fait récemment que le copier. Il s'était fait bas si parfait, qu'il n'a plus besoin de grâce ;».
une armée de disciples de tons ceux qui n'a- que devenu parfait, il peut faire librement
vaient rien et de tous ceux qui aimaient la tout ce qu'il veut; que les lois et les pré–
débauche et le désordre ceptes ne sont établis que pour les pécheurs
A côté des Lollards se dressaient les Beg- que la pratique des vertuS n'est utile qu'aux
gards, divisés en plusieurs sections. Ceux-là âmes imparfaites; que ses disciples ne de-
venaient de l'Allçmagné eet tiraient leur nom vaient se contraindre en rien au monde, at-
du mot àUemunà' Bègghën, qui signifie men- tendu que tout ce qu'ils pouvaient faire
dier. D'abord, sous' un masque rigide, ils était bien.
s'étaient présentés en façon de gens qui re- Elle appelait ceux qui la suivaient frères
noncent à tout dans le monde; bientôt ce- et sœurs du Libre-Esprit, flatteuse désignation
pendant ils mendiaient par bandes, du ton que reçurent avec empressement tous les
de ceshommesqui vousattehiJenl au coin d'un Beggards et tous les Lollards, ceux qui affec-
bois, et qui vous disent, un gourdin à la taient les haillons, comme ceux qui recher-
main J'ai besoin de dix francs. Pendant chaient les jouissances du luxe.
quelque temps,~ils se prétendirent soumis à Ces divagations- ne se bornèrent pas au
la règle' de 'saint François, Ils l'abandonnè- Brabant. Les frères et les sœurs du Libre-Es-
rent bientôt, déclarant qu'ils avaient soif prit se répandirent de tous côtés. En quel-
d'une plus haute p'erfeclioii, imaginant des ques lieux, on les nomma frérots et fratri-
théories bizarres et faisant mille folies. celles ou petits frères, en Italie bizochi, qui
Ces Beggards ne se recrutaient pas d'hom- veut dire besaciers., en France, par altéra-
mes seulement; dès multitudes de femmes et tion de leur nom, bigards et picards, dans le0
déjeunes filles se joignaient à eux, parlaient Midi-,turlupins à cause de leurs facéties. On
en publié, prophétisaient et se subdivisaient se mit aussi à les appeler béguins et bégui-
fous les j.ôurs en une foule de petites sectes nes, sans doute à cause de Bloermardine.
qui souvent avaient peine à s'entendre. Alors leur grande prêtresse, qui portait encoro
une Bruxelloise perça tout à coup, avec un l'habit de béguinage, quoiqu'elle n'y demeu-
certain lustre, parmi lés femmes libres, ses rât plus, et que les honnêtes béguines de
compatriotes. Elle était fille d'un lampiste, Bruxelles répudiassent ses erreurs.
nommé Bloemaerd,' et prétendait que son On ferait un livre curieux de tous les ex-
origine lui donnait le droit de distribuer la' cès déplorables auxquels se livrèrent ces fa-
lumière. On l'appelait Bloemardine (1).. naliques, qui croyaient se sanctifier par les
Son père l'avait'fait élever au Béguinage, débauches et les emportements. En 1308, ils
fondé à Bruxelles depuis l'an 1250. Plusieurs s'étaient jetés sur les Juifs, avaient pillé
fois lès béguines avaient mal auguré de la va- leurs maisons, et voulaient si ardemment les
nité éto.iïrdic de leur élève, de son esprit vaga-' exterminer, que le duc Jean JI avait dû ac-
bond, à.é son imagination folle et de son hu- corder aux enfants d'Israël le château de
meur indépendante plusieurs fois elles Genappe- pour refuge. Une multitude en fu-
avaient annoncé' que Bloemardine ne ferait reur, où l'on remarquait surtout les frères
jamais une bonne ët sage ménagè're qu'die du Libre-Esprit du métier des savetiers et
commettrait des extravagances, et que son ceux du métier dçs tisserands, les avait
antipathie pour toute espèce de frein la mè- poursuivis jusque-là, les avait tenus assiégés
ijerait de travers. Le lampiste et sa fimille et ne s'était dispersée que devant l'armée na-
avaient ride ces prévisions; ils admiraient tionale, commandée par le duc en personne.
l'esprit singulier de Bloemardine, sans sa- Il y eut d'autres faits audacieux qu'il fal-
voir qu'un esprit mal réglé est un guide de lut réprimer par la violence et par les sup-
t'espèce des feux-follets, qui ne' conduisent plices. Mais l'esprit de rébellfon changeait
de batteries et ne s'éteignait pas. Devant les
que dàhs'les précipices.
Cependant le bon sens public aurait dû prédications de Bloemardine, les mœurs se
offrir un contrepoids à l'engouement du père perdaient, les ménages étaient troublés, les
familles désunies; et le parti de cette femme
Bloemard; car sa fille entrait dans sa vingt-
cinquième année sans avoir trouvé un mari.
était devenu si nombreux, que l'autorité
contre elle se sentait impuissante.
Ce fut pour lors que, dérivant tout à fait,
entraînée par sa tête folle e.t peut-être par le Comme il y eut en France récemment de
jeunes existences empoisonnées par le saint-
dépit, Blo.ema.r_dine se mit à ta tête des Be.g- simonisme et le fouriérisme, alors assuré-
gardes et prêcha une vaste morale qui ral- ment chez les Brabançons
lia -plusi.eurs. sectes, autour d'elle. Elle réu- plus d'un cœur
fût froissé dans ces innovations. Nous n'en
nissait des assemblées d'hommes et de fem-
citerons qu'un souvenir. Une jeune fille,
in.es, les présidait hardiment et parlait avec Elisa Moerinkx, allait épouser Bernard Drug-
chaleur. Elle enseigna d'abprd que le ma-
rnan. Dans t'aisance de sa famille et dans
riagi; éiait inutile; puis elle le çpjidamna l'heureux caractère de celui qu'elle. aimait,
comme une intolérable chaine et comme un
elle ne voyait qu'un riant àvenir, quand Ber-
obstacle à la perfection. Les mauvais ména- nard fut entraîné par ses'amis à une assem-
ges l'approuvèrent; les fijles délaissées se
blée des frères et des sœurs du Libre-Esprit;
(t) PrononcezBloumardme. protégé par son amour, il se crut assez
215
5 DICTIONNAIKEDES SCIENCESOCCULTES. 2*68
r~.·r
fort; honnête
ha chrétien jusqu'alors, il se crut Dans la semaine qui précédait le moment
assez affermi pour assister là en simple cu- fixé pour son mariage, un jour qu'il venait
rieux. Il ignorait qu'on ne brave pas impu- de quitter sa fiancée, il rencontra deux de
nément certains dangers, Itahs l'atmosphère ses amis qui lui reprochèrent gaiment sa
de la licence, il en respira les premiers en- fuite, qui le raillèrent un peu sur le lien
ivrements et comme il était aussi faible qu'il allait contracter, et qui lui lurent des
qu'il se-croyait solide, il y prit goût. passages de deux écrits que venait de rédiger
Pour la première fois il dissimula avec sa Bloemardine, l'un surl'esprit de liberté, l'autre
fiancée; il lui cacha son apparition parmi les sur l'amour séraphique. Ces lectures paru-
Beggards il retourna aux assemblées et s'y rent le frapper. Ils lui contèrent alors qu'ils
laissa initier. Il en eut regretune heureaprès, se rendaient à une séance curieuse. Un jeune
et il pressa son mariage. prêtre, qui venait d'être ordonné, et qui se
Mais la jeune fille apprit que Bernard nommait Jean de Ruysbroeck, allait com-
avait été vu dans les réunions des fratricel- batirc dans une discussion publique Bloe-
les. Ardente, indignée, elle lui fit de vifs mardine et ses doctrines. D'autres curieux
reproches. Elle pleura avec colère tié ce qui arrivaient à chaque instant et se joignaient
lui paraissait un opprobre, et ce n'était pas aux trois amis ils entraînèrent Bernard
autre chose. Pourtant, voyant Bernard tou- qui composa avec lui-même, en se proposant
ché et confus, elle admit ses excuses, dé- d'applaudir le défenseur des mœurs et de la
plora sa faiblesse et finit par se calmer en vérité..
ne lui imposant d'autre peine et d'autre Le voilà donc de nouveau parmi les esprits
épreuve qu'un retard de quinze jours pour libres. Jean de ltuysbroeck parla dignement
les noces; -peut-être eût-elle dû, au. con- et savamment. Mais son langage sérieux et
traire, en avancer le moment. Bernard, vé- grave fut étouffé par les répliques de Bloc-
ritablement revenu de son égarement, se mardine, qui ne s'adressait qu'aux passions,
sentit plus épris que jamais; il se promit et qui n'en réprimait aucune. Le jeune prê-
bien d'éviter désormais ses pernicieux amis, tre fut hué par l'assemblée les plus éveillés
d'autant plus que l'on connut, sur ces entre- • de la bande firent même contre lui des chan-
faites, à Bruxelles, une décision du saint- sons burlesques 'et détestables, que l'on
siége, qui condamnait les frères. et les sœurs chanta aussitôt dans les rues de Bruxelles.
du Libre-Esprit. Bernard ne prit pas sa défense, et il crut s'ac-
Les vraies béguines avaient été fort déso- quitter avec lui-même en ne le sifflant
lées d'apprendre qu'on les confondît avec les pas.
femmes du parti des Beggards. Elles s'étaient Tiraillé entre le bien et le mal, il sentait
adressées fidèlement au souverain pontife. qu'il devait se retirer, donnant raison dans
Déjà au concile de Vienne, en 1310, les dé- ce qui lui restait de droiture à Jean de Ruys-
sordres de ces hérétiques avaient été frappés broeck, lorsqu'un de ses amis lui dit:-Vous
d'anathème par le papeClément V. Jean XXII, allez voir quelque chose de nouveau.
son successeur, venait de déclarer spéciale- En attendant cette nouveauté si vaguement
ment, dans une décrétale, que cette censure annoncée, on se mit à danser Bernard
ne regardait aucunement les béguines des emporté dans ce tourbillon désordonné, s'y
Pays-Bas, qui étaient restées pures d'erreurs, abandonna. Après la danse, on but de la
et qui ne tiraient pas leur origine des Beg- bière forte, et les têtes s'échauffaient, lorsque
gards dissolus mais du vénérable Larn- la nouveauté parut; c'était un siège en ar-
bergBeygh, prêtre de Liège, fondateur des gent, offert à Bloemardine par ses disciples.
béguinages en 1180. On l'apportait sur un brancard qui s'abaissa
L'ignorance où ils ont été de cette décré- devant elle. On fit monter la femme libre
tale a fourvoyé la plupart des historiens, qui sur cette espèce de trône, on l'éleva, en
ont reproché confusément aux pieuses bé- quelque sorte, sur le pavois, puis ou la pro-
guines des infamies qu'elles ont toujours mena en triomphe par les rues de Bruxelles,
abhorrées. La même pièce aggravait encore en même temps qu'on chansonnait son pieux
les condamnations portées contre les sectai- adversaire.
res'de Bloernardine. Les disciples marchaient trois à trois, se
Bernard évita donc toute occasion de re- tenant par le bras, chantant et hurlant, pré-
tourner aux assemblées; mais il luttait con- cédés de drapeaux et de tambours. Bernard,
tre la tentation; une fois qu'on a mis le entre ses deuxamis qui ne le quittaient point,
pied dans le mal, il est rare qu'on n'y sente étourdi, à demi-ivre, ne s'aperçut pas qu'il
pas un attrait de retour qui est comme passait sous les fenêtres d'Elisa. Elle
une puissance magnétique, contre laquelle le reconnut, recula et ferma la verrière.
ce qui est bon dans le cœur doit résister avec Après avoir traversé Bruxelles, la bande,
force. Il voyait tous les jours Elisa, puisait portant toujours sa reine sur son trône d'ar-
dans son entretien de la constance, et s'oc- gent, marcha jusqu'à Vilvorde, où l'on entra
cupait de son mariage. 11 se promettait tou- au clair de la lune. Il fallut y coucher. A son
jours qu'une fois uni à celle qu'il aimait, il réveil, Bernard honteux s'échappa et revint
ne songerait plus aux frères libres. Il eût pu à Bruxelles. Après avoir rajusté sa toilette
remarquer cependant que plus d'un heureux il courut chez sa future. Elle était absente,
mari était tombé dans le piége; et il se fai- la maison fermée, et personne ne sut lui dire
sait illusion en cherchant son appui ailleurs où il trouverait Elisa et sa mère.
que dans une vertu solide. Plusieurs jours passèrent ainsi.
217 BLO BOB SIS
Pendant ce temps-là, le scandale des di- des bas bleus, une barbe rousse, un cha-
sciples de Bloemardine allait en croissant; peau pointu. Il les emportait à travers les
les sectaires faisaient tous les jours des pro- airs à Blokula, aidé d'un nombre suffisant de
grès ils en venaient aux nudités des adami- démons pour la plupart travestis en chè-
tes et rentraient à grands pas dans l'état sau- vres quelques sorcières, plus hardies, ac-
vage. La partie saine de Bruxelles, qui fai- compagnaient le cortége à cheval sur des
sait pourtant la majorité, s'alarma sérieuse- manches à balai. Celles qui menaient des
ment. enfants plantaient une pique dans le der-
Les magistrats, soutenus par les honnêtes rière de leur chèvre; tous les enfants s'y per-
bourgeois, prirent des mesures sévères, chas- chaient à califourchon à la suite de la
sèrent Bloemardine, et dispersèrent les frères sorcière et faisaient le voyage sans en-
elles sœursdu Libre-Esprit. Ceux deces mal- combre.
heureux qui ne voulurent pas renoncer à Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la
leurs écarts se retirèrent sur le Rhin, où les relation, on leur prépare une fête; ils se
Beggards se maintinrent pour formerd'autres donnent au diable, qu'ils jurent de servir;
hérésies. ils •se font une piqûre au doigt et signent de
Ce ne fut qu'un mois après sa promenade leur sang un engagement ou pacte on les
de Vilvorde, que Bernard désolé retrouva baptise ensuite au nom du diable, qui leur
Elisa. Elle s'était réfugiée au béguinage. Le donne des raclures de cloches. Ils les jettent
pauvre jeune homme ne put reconquérir le dans l'eau, en disant ces paroles abomi-
eoeur qu'il avait perdu. A tout ce qu'il put nables
dire pour obtenir son pardon, la jeune fille De même que celte raclure ne retour-
resta inflexible et lorsqu'illuirappelaqu'une nera jamais aux cloches dont elle est venue,
première fois elle lui avait fait grâce, elle ainsi que mon âme ne puisse jamais entrer
se contenta de répondre On revient de la dans le ciel.
colère, on ne revient pas du mépris. La plus grande séduction que le diable
Bloemardine en vieillissant perdit son in- emploie est la bonne chère; et il donne à ces
fluence et tomba dans le décri. Après sa gens un superbe festin, qui se compose d'un
mort, on fit présent de son fauteuil d'argent potage aux choux el au lard, de bouillie d'a-
à la duchesse de Brabant. Mais comme, les voine, de beurre, de lait et de fromage. Après
partisans de la femme libre assuraient que le repas, ils jouent et se battent; et si le dia-
ce siège avait des vertus merveilleuses et ble est de bonne humeur, il les rosse tous
qu'il faisait des miracles, on jugea qu'il fal- avec une perche,« ensuite de quoi il se met à
lait détruire cet aliment de superstitions vai- rire à plein ventre. » D'autres fois il leur
nes on l'envoya à la fonte, et c'est dommage, joue de la harpe.
c'était un curieux monument de la folie hu- Les aveux que le tribunal obtint apprirent
maine. que les fruits qui naissaient du commerce
Longtemps après les événements que nous des sorcières avec les démons étaient 'des
venons de rapporter, vers l'année 1350, sous crapauds ou des serpents.
le règne de Jeanne, un homme courbé par Des sorcières révélèrent encore cette par-
l'âge et plus encore par le chagrin pleurait ticularité, qu'elles avaient vu quelquefois le
et sanglotait amèrement à l'enterrement diable malade, et qu'alors il se faisait appli-
d'une béguine. quer des ventouses par les sorciers de la
La défunte si regrettée était Elisa Moe- compagnie.
rinckx, morte fille; l'homme désolé était Le diable enfin leur donnait des animaux
Bernard Drugman, qui n'avait jamais pu flé- qui les servaient et faisaient leurs commis-
chir sa rigueur et qui n'avait pas voulu re- sions, à l'un un corbeau, à l'autre un chat,
chercher une autre femme. Singulier mé- qu'ils appelaient emporteur, parce qu'on l'en-
lange de faiblesse et de force. voyait voler ce qu'on désirait et qu'il s'en
BLOKULA. Vers l'année 1670, il y eut en acquittait habilement. Il leur enseignait à
Suède au village de Mohra, dans la pro- traire le lait par charme, de-cette manière
vince d'Elfdalen une affaire de sorcellerie le sorcier plante un couteau dans une mu-
qui fit grand bruit. On y envoya des-juges. raille, attache à ce couteau un cordon qu'il
Soixante-dix sorcières furent condamnées à tire comme le pis d'une vache et les bes-
mort une foule d'autres furent arrêtées, et tiaux qu'il désigne dans sa pensée sont traits
quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces aussitôt jusqu'à épuisement. Ils employaient
débats. le même moyen pour nuire à leurs ennemis,
On disait que les sorcières se rendaient de qui souffraient des douleurs incroyables pen-
nuit dans'un carrefour,qu'elles y évoquaient dant tout le temps qu'on tirait le cordon. Ils
lo diable à l'entrée d'une caverne, en disant tuaient même ceux qui leur déplaisaient, en
trois fois frappant l'air avec un couteau de bois.
Aritesser, viens 1 et nous porte à Blo- Sur ces aveuxon brûla quelques centaines
kula I de sorciers sans que pour cela il y-en eût
C'était le lieu enchanté et inconnu du vul- moins en Suède (1). Voilà des faits; pour
gaire, où se faisait le sabbat. Le démon An- les comprendre, voy. Boucs et SABBAT.
tesser lcurapparaissail sous diverses formes, BOBIN (NICOLAS),sorcier jug^à Montmo-
mais le plus souvent en justaucorps gris, rillon, en Poitou, dans l'année 1E>99. H fit à
avec des chausses rouges ornées de rubans, peu près la même confession que Berlhonaô
(.IJ.lliifiliazar Bekker, Le Monde enclianté, liv. [V, eh. 29, d'après les relations originales.
SI9 .DICTIONNAIRE
DES. SCIENCESOCCULTES. 220
du Lignon. II était allé, comme lui, au sab- juger Bodin. On lui attribue un livre inti-
bat et s'était donné nu diable, qui lui avait tulé Colloquium heptaplomeron de abditis
fait renier Dieu le baptême et ses parents. rei'um sublimium arcanis, dialogues en six li-
Il conta qu'après l'offrande, le diable se mon- vres, où sept interlocuteurs de diverses re-
trait quelquefois en forme d'homme noir, ligions disputent sur. leurs croyances de
ayant la voix, cassée d'un vieillard; que, manière que tes chrétiens cèdent souvent
quand il appelait lé diable, il venait à lui un l'avantage aux musulmans, aux juifs, aux
homme ou en bouc que lorsqu'il allait ai déistes. Aussi l'on a dit que Bodin était, à la
sabbat il y était porté par un vent qu'il y fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée.
rendait compté de l'usage de ses poudres, Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de
qu'ilavait toujours fidèlement employées à lui? On ne tes connaît que par des copies
mal faire qu'il portait la marque du. diable manuscrites car ils n'ont jamais été impri-
sur l'épaule; que quand il donnait des mala- més. Sa Démonomanie des sorciers parut
dies, il les donnait au nom du diable, et les in-k°, à Paris, eh 1581; on en a fait des édi-
guérissait au même nom; qu'il en avait fait tions sous le titre de Fléau des démons et des
mourir ainsi, et guéri. plusieurs.(ï). sorciers (Niort, 1616). Cet ouvrage est divisé
BOCAL sorcier qui fut arrêté à vingt- en quatre livres tout ce qu'ils contiennent
sept ans dans 'le pays de Labour, sous de curieux est cité dans ce dictionnaire.
Henri IV, comme convaincu d'avoir été vu L'auteur définit le sorcier, celui qui se
au sabbat, y.êXÙen prêtre, et servant de dia- poussé à quelque chose par des moyens dia-
cre ou desous-diacre les nuits des trois jours. boliques. Il démontre que les' esprits peu-
qui précédèrent sa première messe dans.l'é- vent s'associer et commercer avec les hom-
glise deSibour (car ce malheureux était prê- mes. 11 trace la différence d'humeur* et de
tre) ;'et, comme on lui demandait pourquoi formes qui distingue les bons esprits des
il disait plutôt la messe au sabbat qu'à l'é- mauvais. Il parle des divinations que les dé-
glise, il répondit que c'était pour s'essayer mons opè.rent des prédictions licites ou il-
et voir s'il ferait bien les cérémonies. Sur la, licites.
déposition de vingt-quatre témoins, qui di- Dans le livre II il recherche ce que c'est
saient l'avoir, vu au sabbat chantant la que la magie; il fait voir qu'on peut évoquer
messe il fut condamné" mort après avoir (es^raalins esprits, faire pacte avec le diable,
été dégradé. Lorsqu'il allait être exécuté, il être porte en. corps au sabbat, avoir, au
était tellement tendu- à rendre son dme au moyen des démons des révélations par ex-
(liable, auquel' il l'avait promise que jamais, tases., se changer en loup-garou; il termine
il ne sut dire ses prières au confesseur quii par de longs récits qui prouvent que
l'en pressait. Les témoins ont déclaré que la les. sorciers ont pouvoir d'envoyer les mala-
mère, les sœurs et toute la' famille de Bocal dies, stérilités, geôles et tempêtes, et de tuer
étaient sorciers, "et quequandil tenait le les bêtes et les hommes.
bassin des offrandes, au sabbat, il avait don- Si le livre II traite des majix que peuvent
né l'argent dësdites offrandes à sa mère, en faire [c\ sorciers, on. voit daqs le livre III-
récompense, sans doute, de ce qu'elle l'a- qu'il y a manière de tes prévenir qu'on
vait, dès sa naissance voué au diable peut obvier aux charmes et aux sorcelleries;
comme font la plupart des autres mères sor- que les magiciens guérissent les malades
cières (2). frappés par d'autres magiciens. Il indique
BODEAU (Jeanne) sorcière du pays de tes moyens illicites d'empêcher tes maléfices.
Labour qui, au rapport de Pierre Delancre', Rien" ne l'iïi est étranger. 11 assure que par
conta qu'a l'abominable cérémonie, appelée jf.es tours de leur métier, les magiciens peu-
la messe du sabbat on faisait l'élévation fent obtenir les faveurs des grands et de
avec "une hostie noire de forme triangu- la fortune les. dignités, la beauté et les
laire (3)'. Honneurs.
BODILIS. Cambry, dans son Voyage au Dans le livre IV il s'occupe de la manière
Finistère, parlé de la merveilleuse fontaine de poursuivre les sorciers, de ce qui les fait
de Bodilis; à trois quarts de lieue de Landi- reconnaître, des preuves qui établissent le
visiau. Les Habitants croient qu'elle a la crime de sorcellerie, des torturés comme
propriété d'indiquer si une jeune fille n'a excellent moyen de faire avouer. Un long
pas fait de faute. Il' faut dérober celle chapitré achève l'œuvre, sur tes peines que
dont on veut" "apprécier, ainsi la sagesse, méritent les sorciers. IL conclut à lai mort
l'épine qui attache sa collerette en guise cruelle et il dit qu'il y en a tant que les
d'épingle, et la poser sur la surface de l'eau juges ne suffiraient pas à les juger ni les
tout va bien si elle surnage mais si elle bourreaux à les exécuter. «Aussi, ajoute-t-il,
s'enfonce, c'est qu'il y a blâme. n'advieht-il pas que de dix crimes il y en
B0D1N (Jean), savant jurisconsulte et dé- ait un puni par les juges et ordinairement
monographe angevin", mort delà peste en on ne voit que des bélîtres condamnés. Ceux
1596. L'ouvrage qui fit sa réputation fut sa qui ont dés amis ou de t'argent échappent.
République, que La Harpe appelle lé germe L'auteur consacre ensuite une dissertation
de l'Esprit des lois. Sa Démonomanie lui à réfuter Jean Wierus, sur ce qu'il avait dit
donne ici une place mais il est difficile de que tes sorciers sont le plus souvent des ma-
(t) Discourssommairedes sortilégeset vénéficestirés (2) Delancre.Tableaude l'inconstancedes démons,etc.,
des procèscriminelsjugés au siège royalde Montmorillon, liv. VI, page420.
en Poitou,en l'année 1599,p. 50. (5) Ibicl.,liv. VI,dise. 3.
221
1 BOE BOG 222
lades ou des fous; et qu'il ne fallait pas tes _r
per,stitieuscs au bœuf gras qu'on promène,
brûler. dans cette viUe,~au son des flûtes et des tim-
Je lui répondrai, dit Bodin, pour ta dé- bales, non pas comme partout le jour du
fense des juges, qu'il appelle bourreaux. carnaval, mais la veille et le jour de la Fête-
L'auteur de la Démonomanie avoue que Dieu. D,es savants ont cru voir ta. une trace
ces horreurs lui font dresser. le poil en la du paganisme; d'autres ont prétendu que
tête et il. déclare qu'il faut exterminer les c'était 'un iigage qui remontait au bouc émis-
sorciers et ceux qui en ont pitié et brûler saire' des Juifs. Mais Ruffi, dans son His-
les livres de Wierus (1). toire de Marseille, rapporte un acte du qua-
BODRY. Voy. Revenants, torzième siècle. qui découvre l'origine réelle
BOECE, L'un des plus illustres Romains de cette coutume. Les confrères, dii Saint-
du sixième siècle, auteur des Consolations Saçremenfc, voulant régaler les pauvres,
de la philosophie. Il s'amusait, dans ses mo- achetèrent un bœuf, et en avertirent le peu-
ments de loisir, à faire des instruments de ple en le promenant par la ville. Ce festin fit
magmatiques, dont il envoya plusieurs tant de plaisir qu'il se renouv.ela tous les
pièces au roi Clotaire. Il avait construit d;e,s ans depuis il s'y joignit de petites croyan-,
cadrans, pour tous les aspects du soleil, et ces. Les vieilles femmes crurent préserver
des clepsydres qui, quoique sans roues, sans les enfants de maladie en leur faisant baiser
poids et sans ressorts marquaient aussi le ce bœuf; tout le rnonde s'empressa d'avoir
cours du soleil de ta lune et des astres, au de sa chair, et on regarde 'encore aujour-
moyen d'une certaine quantité d'eau renfer- d'hui comme t'rès-hèuEeuses tes maisons â
mée dans une boule d'étain qui tournait la porte desquelles iï- veut bien, dans sa
sans cesse, entraînée, dit-on, par sa propre marche, déposer ses excréments.
pesanteur. C'était donc' le mouvement per- Parmi tes bêiesTquT ont parlé, on peut
pétuel. Théodoric avait fait présent d'une de compter les bœufs. F'ulgose rapporté qu'un
ces clepsydres à Gondebaud, roi des Bour- peu avant ta mort de César un'bœufdità à
guignons. Ces peuples s'imaginèrent que son maître qui îc pressait de labourer
quelque divinité, renfermée dans cette ma- Lés homme* manqueront aux moissons
chine, lui imprimait le mouvement c'est là avant que fâ m ois sou manque aux hommes.
sans doute l'origine de l'erreur où sont tom- On. voit, dans TilerLiv.ç et dans Valère-
bés ceux qui l'ont accusé de magie. Ils en Maxime, que pendant la seconde guerre pu-
donnent pour preuves ses automates car on nique un bœuf cria en placé publique
assure qu'il avait fait des taureaux qui mu- Rome prends garde à foi 1 François de
gissaient, des oiseaux qui criaient et des Torre-Blgnca pense que ces deux bœufs
serpents qui sifflaient. Mais Delrio dit (?) étaient possédés de quelque démon (5).
que ce n'est là que de la magie naturelle. Le. Père Èngelgrave (Lux èvungelica, pag.
BOEHM (Jacob), né en 1575, dans la: 286 des Dominicales) cité un autre bœuf qui
Haule-Lusace. De cordonnier qu'il était il so a parlé. Voy. Béhemoth.
fit alchimiste homme à extases et chef BOGAHA. Arbre-Dieu de l'île de Ceylan.
d'une secte qui prit le nom de boehmistesj. On conte que cet arbre traversa les airs afin
11 publia, en 1612, un livre de visions et de de se rendre d'un pays très-éloigné dans
rêveries, intitulé l'Aurore naissante, que l'on cette île sainte, et qu'il enfonça ses racines
poursuivit. 11 expliquait le système du monde dans le sol pour servir d'abri au dieu Bud-
par la philosophie hermétique, et présentait hou qu'il couvrit de son ombrage tout le,
Dieu comme un alchimiste occupé à tout temps que ce dieu demeura sur 'la terre
produire par distillation. Les écrits de cet il- Quatre-vingt-dix-neuf rois ont eu l'honneur
luminé, qui forment plus de cinquante vo- d'être ensevelis ;iuprès du grand arbre-dieu.
lumès inintelligibles, ne sont pas connus en Ses feuilles sont un excellent préservatif
France excepté ce que Saint-Martin en a contre tout maléfice et sortilège. Un nombre
traduit L'Aurore naissante, les Trois prin- considérable de' huttes t'environnent pour
cipes et là l'riple vie. Ce songe-creux était recevoir les pèlerins' et les habitants plan-
anthropomorphite (3) et manichéen il ad- tent partout de petits bogahas, sous lesquels
mettait pour, deuxième principe du monde la ils placent des images Tel allument des lam-
colère divine ou le mal qu'il faisait éma- pes. Cet arbre, au reste, îic porte aucun fruit
ner du nez de Dieu. On recherche, parmi et n'a de recoinmandable/que le colle qu'on
ses livres d'alchimie, son Miroir temporel de lui rend.
l'éternité, ou de la Signature, des choses, tra- BOGARMLLES, BOGOMILES et BONGO-
duit en français, in-8°; Francfort, 1669 (k). MILES. Sorte de manichéens qui paru-
Ses doctrines philosophiques ont encore des rent à Constantinople au douzième;"siècle. Ils
partisans en Allemagne. disaient que ce n'est pas Dieu, mais un mau-
BOEUF. Le bœuf de Moïse est un des dix vais démon qui avait créé le monde. Ils
animaux que Mahomet place dans son pa- étaient iconoclastes.
radis. BOGUET (Henri), grand juge de la terre
On attache à Marseille quelques idées su- de Saint -Claude au comté de Bourgogne,.
(I) Joannis BoOini univers» naturaR theatruru, in quo fi) On peut voirencore JacobiBuehmi,alias(licti leu-
rerimi omnium effeclrices causse et Unes coutemplânlur. tpnicïphilosophi clavisj>raeci|>uanim reruin quae in reli-
Iu-8°. Lugduiii, Roussin, 1596. rjuissuisscriptisocmirruiitpro incipimitibusadu'.leriorem
(2) Disquisilion. magie, p. 40. considerationemrevelationisdivin» conscripla, 1621,uo
(5) Los anthroponior|iliites étaient des hérétiques qui vol. in-4°.
donnaient à Diéu la forme humaine. (o)lîpjt. delictor.sivede magia, lib. II, cap. 35
2-23 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTKS. 2-24
mort en 1619 auteur d'un livre pitoyable résie, en ce que les sorciers renient Dieu.
plein d'une crédulité puérile et d'un zèle Aussi on remet quelquefois la peine à l'héré-
outré contre les sorciers. Ce livre, publié au tique repenti on ne doit jamais pardonner
commencement du dix-septième siècle, est au sorcier.
intitulé Discours des Sorciers, avec six 5° On juge qu'il y a sorcellerie, quand la
avis en fait de sorcellerie et une instruction personne accusée fait métier de deviner, ce qui
pour un juge en semblable matière (1). est l'œuvre du démon; les blasphèmes et im-
C'est une compilation des procédures aux- précations sont encore des indices. On peut
quelles, comme juge, l'auteur a générale- poursuivre enfin sur la clameur publique.
ment présidé. On y trouve l'histoire de 6° Les fascinations, au moyen desquelles
Louise Maillat, possédée de cinq démons à les sorciers éblouissent les yeux, faisant pa-
l'âge de huit ans; de Françoise Secretain, raître les choses ce qu'élles ne sont pas
sorcière, qui avait envoyé lesdits démons donnant des monnaies de corne ou de carton
des sorciers Gros-Jacques et Willerrnoz, dit pour argent de bon aloi, sont ouvrages du
le Baillu de Claude Gaillard de Rolande diable; et les fascinateurs, escamoteurs et
Duvernois et de quelques autres. L'auteur autres magiciens doivent être punis de mort.
détaille les abominations qui se font au sab- Le volume de Boguet est terminé par l'in-
bat il dit que les sorciers peuvent faire struction pour un juge en fait de sorcellerie.
tomber la grêle qu'ils ont une poudre avec Cet autre morceau curieux est connu sous le
laquelle ils empoisonnent; qu'ils se grais- nom de Code des sorciers. Voy. CODE.
sent les jarrets avec un onguent pour s'en- BOHÉMIENS. Il n'y a personne qui n'ait
voler au sabbat qu'une sorcière tue qui entendu parler des Bohémiennes et de ces
elle veut par son souffle seulement-; qu'elles bandes vagabondes qui, sous le nom de Bo-
ont mille indices qui les feront reconnaître hémiens, de Biscaïens et d'Egyptiens ou Gi-
par exemple que la croix de leur chapelet tanos, so répandirent au quinzième siècle
«st cassée qu'elles ne pleurent pas en pré- sur l'Europe, dans l'Allemagne surtout, la
sence du juge, qu'elles crachent à terre Hollande la Belgique la France et l'Espa-
quand on les force à renoncer au diable gne, avec la prétention de posséder l'art de
qu'elles ont des marques sous leur cheve- dire la bonne aventure et d'autres secrets
lure, lesquelles se découvrent, si on les rase; merveilleux. Les Flamands les nommaient
que les sorciers et les magiciens ont tous le heyden, c'est-à-dire païens, parce qu'ils les
talent de se changer en loups que sur le regardaient comme des gens sans religion.
simple soupçon mal lavé d'avoir été au sab- On leur donna divers autres sobriquets.
bat, même sans autre maléfice on doit les Les historiens tes ont fait venir sur desimpies
condamner que tous méritent d'être brûlés conjectures, de l'Assyrie, de laCilicie.duCau-
sans sacrement, et que ceux qui ne croient case, de la Nubie, de l'Abyssinie, de la Chal-
pas à la sorcellerie sont criminels. dée.Bellon, incertain du leurorigine.soutient
Il faut remarquer qu'en ces choses ce n'é- qu'au moins ils n'étaient pas Egyptiens; car
tait pas le clergé qui était sévère mais les il en rencontra au Caire, où ils étaient re-
juges laïques qui se montraient violents et gardés comme étrangers aussi bien qu'en
féroces. Europe. JI eût donc été plus naturel de croi-
A la suite de ces discours viennent les Six re les Bohémiens eux-mêmes sur leur paro-
avis, dont voici le sommaire le,, et de dire avec eux que c'était une race
1° Les devins doivent être condamnés au deJuifs, mêlés ensuite de chrétiens vaga-
feu, comme les sorciers et les hérétiques, et bonds. Voici ce que nous pensons être la vé-
celui qui a été au sabbat est digne de mort. rité sur ces mystérieux nomades.
Il faut donc arrêter sur la plus légère accu- Vers le milieu du quatorzième siècle, l'Eu-
sation la personne soupçonnée de sorcelle- rope et principalement les Pays-Bas, l'Alle-
rie, quand même l'accusateur se rétracte- magne et la France étant ravagés par la
rait et l'on peut admettre en. témoignage peste, on accusa les Juifs, on ne sait pour-
contre les sorciers toutes sortes de person- quoi, d'avoir empoisonné les puits .et les
nes. On brûlera vif, dit-il, le sorcier opi- fontaines. Cette accusation souleva la fureur
niâtre, et, par grâce, on se contentera d'é- publique contre eux. Beaucoup de Juifs s'en-
trangler celui qui confesse. fuirent et se jetèrent dans les forêts. Ils se
2° Dans le crime de sorcellerie, on peut réunirent pour être .plus en sûreté et sè mé-
condamner sur de simples indices conjec- nagèrent des souterrains d'une grande éten-
tures et présomplions on n'a pas besoin due. On croit que ce sont eux qui ont creu-
pour de tels crimes de preuves très-exactes. sé ces vastes cavernes qui se trouvent encore
3° Le crime de sorcellerie est directement en Allemagne et que les indigènes n'ont ja-
contre Dieu (ce qui. est vrai dans ce crime, mais eu intérêt à fouiller.
s'il existe réellement", puisque c'est une né- Cinquante ans après, ces proscrits ou leurs
gation de Dieu et un reniement) aussi il descendants ayant lieu de croire que ceux
faut le punir sans ménagement ni considé- qui les avaient tant haïs étaient morts, quel,
ration quelconque. ques-uns se hasardèrent à sortir de leurs
4° Les biens d'un sorcier condamné doi- tanières. Les chrétiens étaient alors occupés
vent être confisqués comme ceux des héré- des guerres religieuses suscitées par l'hérésie
tiques car sorcellerie est pire encore qu'hé- de Jean Hus. C'était une diversion favorable.
(I) Unvol. in-8°.Paris, 1603;Lyon,1602,1607,1608, parce que la famillede Boguet s'eflbrçad'en supprime!
1610;Itoueu, 1606.Toutes ces éditions sont irÊs-rares, les exemplaires.
225 BOH IJOH 226
O
Sur Ile » rapport
_.i J^t
de _• 1_.
leurs espions, *•<•_
les Juifs
4
les -lll*_ I •
à l'incendie. »• 1
Ils se mirent aussi à dire
V•

cachés quittèrent leurs cavernes, sans au- la bonne aventure, sur l'inspeclion du visa-
cune ressource, il est vrai, pour se garantir ge, des signes du corps, et principalement
de la misère; mais pendant leur demi-siècle sur l'examen des lignes de la main et des
de solitude, ils avaient étudié les divinations doigts. Ils annonçaient de si belles choses,
et particulièrement l'art de dire la bonne a- et leurs devineresses déployaient tant d'a-
venture par l'inspection de la main ce qui dresse, que les femmes et les jeunes filles
ne demande ni instrument ni appareil, ni les traitèrent dès lors avec bienveillance.
dépense aucune et ils comptèrent bien que Cependant la fureur contre les Juifs s'é-
la chiromancie leur procurerait quelque ar- tait apaisée ils furent admis de nouveau
gent. dans les villages, puis dans les villes. Mais
Ils se choisirent d'abord un capitaine il resta toujours de ces bandes vagabondes
nommé Zundel. Puis comme il fallait décla- qui continuèrent la vie nomade, découvrant
rer ce qui les amenait en Allemagne, qui ils partout l'avenir, et joignant à cette profes-
étaient d'où ils venaient .et qu'on pou- sion de nombreuses friponneries plus ma-
vait les questionner aussi sur leur religion térielles. Bientôt, quoique la nation juive
pour ne pas se découvrir trop clairement, fût le noyau de ces bandes, il s'y fit un tel
ni pourtant se renier, i!s convinrent de dire mélange de divers peuples, qu'il n'y eut pas.
que leurs pères habitaient autrefois l'Egyp- plus entre eux de religion dominante qu'il
te, ce qui est vrai des Juifs; et que leurs an- n'y avait de patrie. Ils parcoururent les
cêtres avaient été chassés de leur pays pour Pay-Bas et passèrent en Franco, où on les
n'avoir pas voulu recevoir la Vierge Marie appela Bohémiens, parce qu'ils venaient de la
et son fils Jésus. -Le peuple comprit ce re- Bohême.
fus, du temps où Joseph emmena le divin En- Pasquier, dans ses Recherches, raconte à
fant en Egypte pour le soustraire aux reher- peu près ainsi leur apparition mystérieuse
ches d'Hérode; au lieu que les vagabonds sur le sol français et leur arrivée aux por-
juifs l'entendaient de la persécution qu"ils tes de Paris en 1427; Ils étaient au nom-
avaient soufferte cinquante ans auparavant: bre de -cent vingt l'un de leurs chefs por-
De là vient le nom d'Egyptiens qu'on leur lait le titre de duc, un autre celui de comte;
donna et sous lequel l'empereur Sigismond ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils
leur accorda un passe-port. disaient qu'ils venaient de la Basse-Egypte,
Ils s'étaient formé un argot ou un jargon chassés de leur pays parles Sarrasins, qu'ils
déguisé, mêlé d'hébreu et de mauvais alle- étaient alléi à Rome confesser leurs péchés
mand, qu'ils prononçaient avec un accent é- au pape, qui leur avait enjoint pour péni-
tranger. Des savants qui ne voyaient pas plus tence d'errer sept ans parle monde sans
loin furent flattés de reconnaître certains coucher sur aucun lit. ( Les gens éclairés
termes de la langue allemande dans un pa- n'ajoutèrent sans doute pas foi à ce conte. )
tois qu'ils prenaient pour de l'égyptien. Ils dé- On les logea au village de La Chapelle
naturaient aussi plusieurs appellations ils près Paris et une grande foule alla les voir.
appelaient un enfant un criard un manteau Ils avaient les cheveux crépus, le teint
un preneur de vent, un soulier un marcheur, basané, et portaient aux oreilles des an-
un oiseau un volant. Toulefois, la multitude neaux d'argent. Comme leurs femmesdisaibnt
de mots hébreux qui est restée dans le lan- la bonne aventure et se livraient à des pra-
gage des Bohémiens suffirait seule pour tiques superstitieuses et mauvaises, l'évéque
trahir leurorigine juive. de Paris les excommunia défendit qu'on
Ils avaient des mœurs particulières et les allâlconsulteret obtintleur éloigneincnt.
s'étaient fait des lois qu'ils respectaient. Le seizième siècle fut infecté de Bohé-
Chaque bande se choisissait un roi, à qui miens. Les Etats d'Orléans, en 1560, les con-
tout le monde était tenu d'obéir. Quand par- damnèrent au bannissement sous peine des
mi eux une femme se mariait, elle se bor- galères s'ils osaient reparaître. Soufferts
nait, pour toute cérémonie, à briser un pot dans quelques contrées que divisait l'héré-
de terre devant l'homme dont elle voulait sie, chassés en d'autres lieux comme des-
devenir la compagne et elle le respectait cendants de Cham, inventeur de la magie,
comme son mari autant d'années que le va- ils ne paraissaient nulle part que comme
se avait produit de morceaux. Au bout de ce une plaie. On disait enFlandre qu'ils étaieut
temps, les époux étaient libres de se quitter si experts en sorcellerie, que dès qu'on leur
ou de rompre ensemble un nouveau pot de avait donné une pièce de monnaie, toutes
terre. On citerait beaucoup de bizarreries de celles qu'on avait en poche s'envolaient aus-
ce genre.- sitôt et allaient rejoiudre la première, opi-
Dès que les nouveaux Egyptiens virent nion populaire qui peut se traduire en d'au-
qu'ils n'étaient pas repoussés, ils implorèrent tres termes et qui veut dire que les Bohé-
la pitié des Allemands. Pour ne pas paraître miens étaient des escrocs. Leurs bandes
à charge, ils assuraient que, par une grâce diminuèrentau dix-septième siècle (1).Pour-
particulière du ciel, qui les protégeait en- tant on en voyait encore quelques rares dé-
core en les punissant les maisons où ils tachements il y asoixante ans. Sous les nou-
étaient une fois reçus n'étaient plus sujet- velles lois de police des Etats européens, les

(1) II y avait des Bohémiensdans les Ardcuncs,au V3gsl>on0s,vit un Bohémiencrépu avec deuxfemmese|
commencementdu dix-liuiiièmesiècle, Une légende po- unentant. Le BohémienJ'ajustaitde son espingole lui,
pulairecoule qu'un lansquenet, allant à la chassedu ces ajusta le Bohémienîle son mousquet. Le Bohémienfut
627 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 228
sociétés bohémiennes sont dissoutes. Mais il que femme de la famille de la défunte bour-
y a toujours çà et là des individus qui di- geoise qu'elle voulait faire son héritière
sent la bonne aventure, et des imbéciles qui vous êtes celle que je cherché.
vont les consulter. Voy. CHIROMANCIE. A ce récit extravagant, Bélise ne riait que
Voici une anecdote de Bohémienne qui a pour faire l'esprit fort car le désir d'être
fait quelque brùït sous Louis XIV; Dufre's- héritière augmentait sa crédulité.
îiy l'a mise au nombre de ses Nouvelles. –Mais reprit-elle, comment savoir si jee
Plusieurs grands hommes,dit-il, ont ajouté suis parente de la bourgeoise qui vivait il y a
foi aux diseurs de bonne aventure. Tel 'capi- cent ans?
taine qui affronte mille périls craindra l'es Et si j'étais aussi parente? dit l'amie de
présages qu'une Bohémienne verra dans sa Bélise.
main pardonnez donc cette faiblesse à une La Bohémienne n'y trouva point
d'appa-
femme; c'est une riche bourgeoise, que je rence ravie pourtant de faire l'éprenvo
nommerai Bélise. lia Bohémienne qui l'abu- double, elle demanda à l'instant deux verres
sa, et qui est, présentement au Châlelet 'a de cristal, qu'on alla remplir.d'eau claire;
de l'esprit comme un démon, le babil et -l'ac- "elle les mit sur deux tables
éloignées l'une
cent bohémiens et le langage propre à faire de l'autre, et dit aux bourgeoises de fermer
croire l'incroyable. Sachatit que Bélise allait un œil, et de regarder attentivement avec
souvent chez une amie la Bohémienne la l'autre.
guette un jour, passe comme par hasard au- Celle qui est parente de la bourgeoise
près d'elle la regarde s'arrête, reculé trois dit-elle doit voir un échantillon du trésor
pas, et fait un cri d'étohnement: dont elle héritera et l'autre rien.
:• Est-ce que vous me connaissez ? lui dit La Bohémienne avait mis dans chaque
Bélise en s'àrr'êlânt aussi. verre une petite racine leur disant que c'é-
Si je. vous connais répond la Bohé- lait la racine des enchantements qui attirail
mienne dans son jargon., oui madame elt les génies l'une de ces racines était
apprê-
je suis sûre que vous serez heureuse de m'é tée avec une composition chimique qui, dé-
connaître aussi. trempée .devait par une espèce de ^ermen-
Je vois lui dit Bélise avec bonté que tation former des bulles d'air et dés petits
vous avez envie de gagner la pièce en me di- brillants de différentes couleurs avec des
sant la "bonne aventure je n'y crois pas; ¡ paillettes dorées. C'en était assez pour faire
mais. ne laissez pas de me la dire. voir à une femme prévenue tout ce que son
Bélise la fit entrer chez son amie et lui imagination lui représentai. déjà. Bélise à
présenta la main la Bohémienne en l'ob- la première bulle d'air, s'écria qu'elle voyait
servant, feignait d'être de plus en plus sur- quantité de perles.
prise et réjouie d'avoir rencontré une per- Vous en allez voir bien d'autres dit la
sonne qu'elle cherchait depuis plusieurs an- Bohémienne.
nées elle devina par les règles de son art, Effectivement, à mesure que la fermenta-
diverses particularités dont elle s'était fait tion augmentait Bélise transportée ache-
instruire par une femme qui avait servi Bé- vait de perdre l'esprit. Elle sauta, au. cou .do
lise mais ce qu'elle voyait de plus certain telle qui la faisait si riche et croyant déjà*a
c'était disait-elle une fortune prochaine. tenir des millions elle. lui promit de l'enri-
Je vois bien des mains à Paris ajoutàr chir la Bohémienne lui jura que dans deux
t-elle je n'en vois point comme la vôtre. jours elle posséderait le trésor.
Peu à peu elle disposa Bélise à donner Mais, ajouta-t-elle il y a de grandes
avec confiance dans le piège qu'elle lui ten- difficultés à vaincre: le diable, qui est gar-
dait. Après avoir persuadé aux deux bour^ dien de tous les trésors enfouis,en doit pren-
geoises qu'elle avait des liaisons avec les es^ dre possession au bout de cent ans c'est la
prits et les génies elle leur conta l'histoire règle. Par bojiheùr, il n'y .a que quatre-
d'une princesse qui était, venue mourir à Pa- vingt-dix-huit'ans que la princesse a enterré
ris, il y, avait cent ans elle leur dit que le sien. Je crains pourtant qu'il ne nous dis-
cette princesse étrangère avait enterré un pute la daté. Encore votre main ajouta-t-
trésor dans une cave et qu'ensuite, vou- éllè je me trompe fort si le même diable ne
lant faire son héritière une bourgeoise de ce vous a pas
déjà lutinée.
temps-là qu'elle avait prise en affection Justement, dit Bélise car, cet été à la
elle était morte subitement sans avoir pu campagne il revenait un esprit d;ins ma
l'instruire du lieu où était ce trésor caché. chambre il faut être sorcière pour avoir de-
C'est ce que je tiens, de la princesse même, viné cela.
continua Ta Bohémienne. La Bohémienne savait que la ïeininc de
Vous devez savoir, ajouta-t-elle que chambre de Bélise s'ennuyant, s'était avi-
personnede l'autre monde ne peut parier aux sée de faire peur à sa maîtresse pour'l'obli
gens dé célui-ci que par l'entremise des es- ger de revenir à Paris.
prits or, le mien connaît la princesse; et je Menez-moi chez vous, dit-elle en re
suis chargée de lui trouver dans Paris quel- gardant le verre le trésor se trouve dans la
tué. Les deux femmes,les mainsliées, furentemmenées çon l'enfonçantpar derrière dans le coudu. lansquenet,
avec le petit garçon. Commeles piedsdé ce petit, qui sui- au-dessusde sa cuirasse,le poussajusqu'àla garde;le ca'
vait t'hommecheval, se déchiraient sur les cailloux,le valiertombamort. Les deux femmes et l'enfant,montant
lansquenet en eut pitié; il le mit en croupederrière lui. sur son cheval, 6'enfuirentdansla forêt.Ceci était arrivé
L'une des deux femmes lui passa adroitementun poi- près de Saint-Hubert.
gnard,qu'elleportaitcachédansson sein, et le petitgar-
229 BOH BOH 2S0
cave de la maison que vous habitez,
.1- 1. 6:v,
et
.t:
je
'r:.a
fut.poursuivie sur sa .1.1.("
plainte et condamnée
vois qu'il consiste en' deux caisses dont pour fait d'escroquerie et'de sorcellerie.
l'une est pleine de vieux ducats et l'autre de Marthe LAbohémienne. C'est une tradi-
pierreries. (J tion populaire, traduite de l'anglais de Théo-
Bêtise, ravie, emmena che,z, elfe son amie dore Hook.. .<:
,et la Bohémienne qui l'avertit chemin fai- Dans le voisinage tie Bedfbr'd-Square, vi-
sant, que, pour adoucir lé malin .esprit, vait le respectable Hârding-, qui tenait un
elle allait faire des conjurations (les fumi- rang honorable, et remplissait une place dans
gations, et qu'il fallait amorcer le diable par Sommerset-House. Cet homme, avait une
une petite effusion d'or. t- fille, appelée Maria, .qui était le modèle de la
En avez-vous chez vous cori(ïnûa-t- .piété filiale mais .d'une complexion extrê-
elle ? mement délicate,. A l'âge de dix-néuf.ans
-J'ai cinq louis d'or, répondit Bélise. Maria Oxa tes affections d'un jeune homme
Fort bien répondit l'autre je ne veux qui se trouvait allié à sa famille et qui se
toucher dé vous ni or ni argent avant que nommait Frédéric LorigcTalè les -parents. de?
j'en aie rempji .vos 'coffrés.; vous mettrez deux familles convinrent de ne .pas presser
vous-même l'or dans le creuset au fond dé cette union, à cause de la jeunesse dê> futurs.
la, cave et. vous le, verrez 'fondre à vos yeux M. Harding, se rendant jan jou.r à Sommcr-
par un feu infernal qui sortira des entrailles seUHousê, selon sàxouïumé, fut accosté par
de la terre, en vertu de certaines paroles une de ces Bohémiennes qui, mendient en
que je prononcerai. Je veux que vous soyez Angleterre. N'oubliez pas la pauvre Mar-
témoin de ces merveillés. the, la Bohémienne --dit là, bonne femmp.
On arriva chez Bélise où Je reste de la M. Harding, qui n'avait-pas de topnnaie; ré--
fourberie était préparé; les caves en .ques- pondit qu'il n'avait rien sur lui, et qu'il était
tion n'étaient séparées dès caves voisines que pressé. Mais sa réponse ne rebuta pas celle
par un vieux mur où là servante avait fait uii femme qui le suivait en r&l'éfant ses lameu-^
trou. La Bohémienne aidée par elle com-' talions.. N'oubliez pas là pauvre Marthe 1
posa un spectre semblable à celui qui s'était .–Irrité de cette persévérance, le.père de Ma-
montré, la campagne ,/ël disposa son appa- ria, contre sa coutume, -s'e retourna et pro-
reil. Bélise prit les cinq louis qu'on devait nonça, d'un ton de colère .une malédiction
fondra au feu infernal. Jïn arrivant à la cave, contre ila vagabonde.
elle aperçât, avec effroi., le spectre qu'elle Ah s'écria Marthe, en s'arrêlaht avec
connaissait, et s'évanouit. On la trouva à fierté xous.me maudissez .1 Ai-je vécu jus-
son réveil, disposée à touLc'roire. qu'aujourd'hui pour m'entendre. maudire ?
La Bohémienne cmporlàles cinq loùis.Lc Hpmmp méchant et dur, homme faible et
lendemain elle revint et dit à Bélise en hautain regardez-moi 1
t'embrassant, que la princesse s'était rendue Elle répéta si vivement cette apostrophe*
chez elle; qu'elle approuvait toût:que quant que M. Harding subjugué, 'la -regarda avec
au diable il avait voulu par ui faux cal- émotion. 11 vit dans toute sa -contenance
cul, escamoter les deùx ans qui lui man- l'expression de la fureur. Ses s yeux noirs
quaieilt, mâis qu'on s'était accommode avec lançaient sur .lui des .éclairs ses cheveux
lui, en promettant de lui donner mille écus; noirs tombaient sur ses-joues olivâtres,; un
en conséquence qu'elle les trouvât "dans la rire effrayant et un ricanement de mépris
[ournée. laissaient apercevoir des^dents plus .blanches
Vous les lui donnerez vous-même, dit- que l'ivoire. Il considérait .Marthe, partagé
elle; car vous pourriez croire que j'ai moyen entre î'élopnemçnt eï le trouble. Hegar-
de gagner-sur celle somme. dez-moi monsieur dit encore la Bohé-
Bélise répondit qu'elle avait toute con- mienne vous et moi devons, nous rencon-
fiance en elle,et qu'elle la priaft de se char- trer encore vous me verrez .trois, fois avant
ger de lui remettre elle-même l'argent. de mourir mes visites seront terribles, et la
Cependant la Bohémienne demanda en- troisième sera la dernière.
core qu'on lui donnât force robes -coiffures C.qs paroles frappèrent .vivement le cœur
jupes, draps et serviettes, afin de tapisser la de M. Harding voyant quelques passants
cave où la princesse devait se rendre, comme s'approcher, il fouilia dans sa poche, on tira
elle l'avait promis. Les robes devaient ser- de l'argent .qu'il voulut donner à Marthe
vir à vêtir les génies quil'accompagneraienl. De l'orgént à présent;, répondit la sor-
Bélise aida elle-même à porter ses hardes cière 1 Ne suis-je plus :maud.i.te ?.ll îest trop
dans la cave. tard. La malédiction esta vous, maintenant..
Là Bohémienne lui recommanda de fermer Ces paroles prononcées;, elle. s'enveloppa
la porte à double tour, de peur que quel- de.&on vieux manteau et disparut. t
qu'un ne vînt troubler la séance. Elle ne M. Harding de retour çshez.lôii-racd.n.ta
pouvait ainsi rien soupço.nner,car elle ignor t'aventure à sa femme, qui lui >rép'ondït,
rait la communication des caves voisines comme il devait l'attendre, 4e salendresse et
par où les génies plièrent la toilette. Ainsi de sa raison et après une discussion sur la
les Bohémiennes eurent toute la nuit pour faiblesse d'esprit qui fait ajouter foi aux dis-,
sortir de Paris avec le butin et l'héritière cours .de ces malheureuses on alla se cou-,
en chemise fut se coucher en attendant la cher. M. Harding, accablé par de tristes ré-,
succession de la-princesse. Elle reconnut le flexions, Gnit par s'endormir. Le lendemain,
lendemain qu'elle était dupe. La Bohémienne et les Jours suivants il se rendit à son tra-i*
251 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 232
vail comme de coutume, toujours inquiet et rent à Lausanne mais l'absence ne calma
l'esprit rempli de Marthe mais honteux de point leurs regrets, et au bout de deux ans,
l'empire qu'il laissait prendre sur lui à ces ils revinrent à Londres'pour assister au ma-
idées superstitieuses. riage de leur fils à qui M. Harding avait
Cependant Frédéric s'occupait continuelle- fait obtenir sa place. On donna un grand
ment de son aimable Maria, en qui les sym- souper, où toute la famille fut invitée. Après
ptômes 'de la consomption se développèrent 'la collation comme on priait la mariée de
avec tant de force, que les médecins quoi- chanter on entendit un bruit effrayant
qu'ils n'en parlassent que comme d'un mal semblable à celui d'un poids qui aurait roulé
peu sérieux montrèrent par leurs soins sur toutes les marches de l'escalier la porte
qu'ils n'étaient pas sans inquiétudes. Trois du salon s'entr'ouvrit comme enfoncée par
mois s'étaient écoulés depuis la fatale ren- un coup de vent. M. Harding pâlit regarda
contre de Marthe, le temps et une distraction sa femme, et dit, en se tournant vers l'as-
constante avaient délivré presque entière- semblée, que ce bruit venait de la rue et
ment l'esprit de M. Harding de la terreur que qu'il ne fallait pas s'en troubler mais on vit
cetteBohémiennelui avaitinspirée, lorsqu'un bien qu'il frissonnait et après que tout le
jour le jeune Frédéric qui était venu voir monde se fut retiré, Harding soupira, et s'a-
sa fiancée, fut obligé de la quitter prompte- dressant à sa femme il t'engagea à se pré-
ment, son carrick l'attendait pour le con- parer à une nouvelle calamilé. J'ignore
duire à une vente de. chevaux, où son père quel malheur nous menace, dit-il mais il
lui avait donné commission d'en examiner est suspendu sur nos têtes il y tombera
qu'il avait l'intention d'acheter. M. Harding c<'Ue nuit même. Mon ami, dit mislriss
proposa au jeune homme de l'accompaguer Harding, que voulez-vous dire ?. Ma
'aux criées de Hyde-Park, puisqu'il n'était pas chère, je l'ai vue pour la troisième fois 1-
occupé ce jour-là. Cette proposition fut ac- Qui ? Marthe la Bohémienne. Lorsque la
ceptée, et ils partirent mais M. Harding porle s'ouvrit d'une manière surnaturelle
qui tenait les rênes reconnut bientôt que je la vis 1 Ses yeux effrayants étaient atta-
son adresse ne pouvait suppléer à ses forces chés sur moi.
pour maîtriser les coursiers ardents de Fré- Il embrassa tendrement sa femme, et,
déric il le'pria donc de les prendre. Celui-ci, après avoir éprouvé quelques instants le
par trop de précipitation, laissa échapper les frisson de la fièvre, M. Harding tomba dans
guides; les chevaux ne sentant plus de frein un sommeil dont il ne réveilla jamais.
se cabrèrent et mirent en pièces le fragile Histoire qui assurément est un conte.
'équipage après avoir lancé M..Harding BOHINUM idole des Arméniens qui
ainsi que Frédéric sur le pavé. était faite d'un métal noir, symbole de la
,Pendant qu'ils entraînaient les débris de la nuit. Son nom vient du mot hébreu bohu,
voiture sur la place qu'ils venaient de quit- désolation, à ce que dit Leloyer. C'est le dé-
ter, M. Harding aperçut avec horreur Mar- mon du mal.
the la Bohémienne BOHMIDS (JEAN). Quelques-uns recher-
i Cette horrible vision, qui se rapportait à chent sa Psychologie ou Traité des esprits,
la menace de la sorcière fit une telle im- publiée en 1632, à Amsterdam (1), livre qui
pression sur lui que son effroi joint aux ne manque pas d'hérésies.
douleurs qu'il ressentait lui fit pertlre con- BOHON-HUPAS, arbre poison qui croît
naissance. Cependant les deux infortunés dans rite de Java, à trente lieues de Batavia.
furent promptement secourus. Le jeune Fré- Les criminels condamnés allaient autrefois
déric fut longtemps dans un état trèsalar- recueillir une gomme qui en découle, et qui
mant quant à M. Harding, il recouvrait de est un poison si prompt et si violent, que les
jour en jour la santé mais son jugement oiseaux qui traversent l'air au-dessus de cet
semblait l'abandonner, l'aspect de sa pauvre arbre tombent morts.; du moins ces choses
fille presque mourante contribuait encore à ont été contées. Après que leur sentence était
troubler chaque instant de sa vie. Elle de- prononcée, lesdits criminels pouvaient choi-
manda à voir Frédéric, qui alors se trouvait sir, ou de périr de la main du bourreau, ou
mieux on lui donna la certitude qu'elle le de tenter de rapporter une boite de gomme
verrait dans quelques heures. Au moment de l'hupas.Foersech rapporte qu'ayant inter-
où l'on s'entretenait de celle entrevue pro- rogé un prêtre malaisqui habitait ce lieusau-
chaine et désirée comme les rayons du so- vage, cet homme lui dit qu'il avait vu passeren-
leil, qui brillait alors de toute la force, tom- vironsept cents criminels, surlesquels il n'en
baient sur la malade Mon ami, dit mis- était revenuque vingt-deux qu'il n'y avail pas
triss Harding, fermez un peu le volet, je vous plus de cent ans que ce pays était habité par
prie. M. Harding se leva et, ouvrant la un peuple qui se livrait aux iniquités de
croisée, il poussa un cri d'horreur en- s'é- Sodome et de Gomorrhe; que Mahomet ne
crianl Elle est là 1 -Qui ? répliqua mis- voulut pas souffrir plus longtemps leurs
triss Harding, surprise et effrayée. -Elle, mœurs abominables qu'il engagea Dieu à
elle, elle 1 et le malheur 111. les .punir et que Dieu fit sortir de la terre le
Mistriss Harding courut à la fenêtre et vit, bohon-hupas, qui détruisit les coupables, et
dans la rue, Marthe la Bohémienne. rendit le pays à jamais inhabitable. Les
Etant retournée vivement au lit de Maria, Malais regardent cet arbre comme l'instru-
elle poussa un gémissement plaintif Maria (I) Joannis BohmiiPsychologia',cumvera applicatione
était morte. Ses parents désolés, se retirè- JoannisAngeli.Iu-24.Auistel., 1652.
`_,
q33 BOL '1' BON 2M
mnnf rin 1~ cnldrP rin Prnnhdfr · pf_
ment de la colère du Prophète; et, t~ntof~in u-
toutefois, soutint que les visions d'esprits n'étaient au-
la mort qu'il procure passe chez eux pour tre chose que des conles de vieilles,
honorable; voilà pourquoi les criminels qui épouvan.
lails de petits enfants. Le parlement ne décida
vont chercher le poison se revêtent en gé- rien et renvoya la cause au tribunal de la
néral de leurs plus beaux habits (1).
Les anciens avaient une divina- Tournelle, qui par son arrêt maintint la rési-
BOIS. liation du bail (3). •
tion qui se pratiquait par le moyen de quel- BOLFRI, Voy. Bérith.
ques morceaux de bois. Voy. Xylomancie.
Ils croyaient les forêts habitées de divinités BOL1NGBROKE, Voy. GLOCESTER.
BOLOMANC1E. C'est la Bélomancie.
bizarres; et dans les pays superstitieux, ou ce mot. Voy.
y redoute encore les lutins. Les Kamstcha- BOLOTOO, tic imaginaire où les naturels
dates disent que les bois sont pleins d'esprits des îles de Tonga placent leur paradis. Ils
malicieux. Ces esprits ont des enfants qui croient que les âmes de leurs chefs y devien-
pleurent sans cesse pour attirer les voya- nent des divinités du second ordre. Les ar-
geurs, qu'ils égarent ensuite, et à qui ils bres de Bolotoo sont chargés,
ôtent quelquefois la raison. Enfin, c'est disent-ils, des
meilleurs fruits et toujours couverts des plus
généralement dans les bois que les sorciers
belles fleurs, qui renaissent toutes les fois
font le sabbat.
BOIS DE VIE. C'est le nom que les al- qu'on les cueille. Ce séjour divin est rempli
d'animaux immortels que l'on ne tue que pour
chimistes donnent à la pierre parfaite du la nourriture des dieux et des élus; mais
grand œuvre, plus clairement appelée baume aussitôt qu'on en tueun, un autre le remplace.
universel ou panacée qui guérit tous les BONA (JEAN), savant et pieux cardinal,
maux, et assure à ceux qui la possèdent une mort en 1674. On recherche de lui un l'raité
jeunesse inaltérable. du discernement des esprits, in-12, publié en
Les Juifs nomment bois de vie les deux 1673 et traduit par l'abbé Leroy de Haute-
bâtons qui tiennent la bande roulée sur la-
fontaine,1676. Le chapitre 20 de cet ouvrage
quelle est écrit le livre de leur loi. Ils sont traite avec beaucoup de lumières de ce qu'il
persuadés que l'attouchement de ces bâtons
.y a de plus difficile dans la matière des vi-
affermit ta vue et rend la santé. Ils croient sions et des révélations particulières (4).
aussi qu'il n'y a pas de meilleur moyen de
faciliter l'accouchement des femmes,, que de BONASSES, Voy. Gullets.
BONATI (Gui) astrologue florentin du
leur faire voir ces bois, qu'il ne leur est pas treizième siècle. Il vivait, dit-on, d'une ma-
permis de toucher. nière originale, et possédait l'art de prédire
BOISTUAU ou BOA1STUAU (Pierre), dit l'avenir. Les troupes de Rome, sous le pon-
Launay, Nantais, mort à Paris en 1566. On tificat de Martin IV assiégeaient Forli
recherche de lui deux ouvrages rares et ville de la Romagne, défendue par le comte
curieux 1° Histoires prodigieuses, extraites de Montferrat. Bonali, qui s'y était retiré,
de divers auteurs, in-8°, 1561. Aux quarante
histoires de Boistuau, Tesserant en ajouta voyant la ville prête à faire une sortie, an-
nonça au comte qu'il serait blessé dans la
quinze. Belleforêt, Hoyer et Marionville les mêlée. L'événement justifia la prédiction
firent réimprimer avec une nouvelle conti-. et le comte de Montferrat, qui avait porté
nuation, eu 1575, six vol. in-16; 2" His- avec lui ce qu'il fallait pour panser sa bles-
toires tragiques, extraites des œuvres italien- sure, fit depuis le plus grand cas de l'astro-
nes de Bandèl, et mises en langue française,
logie. Bonati, sur la fin de sa vie, reconnut
1568 et années suivantes, 7 voi. in-16. 11 n'y pourtant la vanité de sa science, se fit fran-
a que les six premières histoires du premier
ciscain, et mourut pénilent en 1300. Ses ou-
volume qui aient été traduites par Boistuau
les autres sont de la traduction de Beliefo- vrages ont élé recueillis par Jacques Caute-
rus, sous le titre de Liber astronomicus,u\-k°,
rêt, qui lui était bien inférieur. Voy. ViStONs, rare. Augsbourg 1491.
SYMPATHIE,APPARITIONS. BONGOM1LES. Voy. Bogarmiles.
BOJANI (MichelJ. Ou peut lire de lui une BONICA, ile imaginaire de ('Amérique, où
Histoire des songes (2), publiée en 1587. Déolatus, médecin spagirique place une
Nous ne la connaissons que par le titre. fontaine dont les eaux, plus délicieuses que
BOLACRÉ (GILLES), bonhomme qui habi- le meilleur vin, ont la vertu de rajeunir.
tait une maison d'un faubourg de Tours, où BONIFACE VJII, pape, élu le 24 décembre
il prélenditqu'ii revenait des esprits qui l'em- 1294. On a conté que, n'étant encore que
pêchaient de dormir. C'était au seizième siè- cardinal, il fit percer une muraille qui avoi-
cle. Il avait loué celle maison et comme il sinait le lit du pape Célestin, et lui cria au
faisait un bruit et tintamarre d'esprits
s'y moyen d'une sarbacane, qu'il eût à déposer
invisibles, sabbats et lutins, qui ne lui lais- la tiare s'il voulait être sauvé; que le bon
saient aucun repos, il voulut à toute force pape Célesliu obéit à cette voix qu'il croyait
faire résilier le bail. La cause fut portée de- venir du ciel, et céda la place à Boniface.-
vant le siège présidial à Tours, qui cassa le Mais ce récit n'est qu'une imposture enliè-
bail. Le propriétaire en appela au parlement rement supposée par les protestants, qui
de Paris sou avocat, maître René Chopin, ont imaginé cette calomnie comme tant d'au-.

(1) Extrait des Voyagesde M. Foersech, Hollandais, (3) Leloyer.Disc,des spectres, liv.vi, ch. 13.
Mélangesde la liUératureétrangère, t. 1, p. 63. (i) JoanneseardinalisBona, De discretione spirituum.
(2) MicliaelisItojaiii, Hisioria de Somniis.In-8°.Wit- In- H. Paris, 1673.
Wmberg,1587.
DlCTlONN.DES SCIENCESOCCULTES. I. S
255 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 23d
tres. La vérité est que 'le parJe Célëstin dé- 'aucune douleur, d'où on le jugea bien sor-
posa la tiare pour s'occuper uniquement de cier. Il confessa qu'ayant épousé en pre-
son âme. Le cardinal Cajetan (depuis Boni- mières noces Berthomée de la Bédoliche,
face VIII) n'y fut pour rien. qui était sorcière comme ses père et mère,
BONNE AVENTURE. Les diseurs détonne il l'avait vue faire sécher au four de's ser-
aventure et les magiciens étaient devenus pents et des crapauds pour des maléfices;
isi nombreux à Rome du tèrùp's des premiers qu'elle le mena alors au sabbat, et qu'il y
•empereurs, qu"ils y avaient une confrérie et vit le diable, ayant des yeux hoirs, ardents
c lendemain du jour où fut tué Caligula, des conïmë une 'chandelle..11 'dit que 'le sabbat
magiciens venus d'Egypte et de Syrie de- se tenait quatre fois l'an la veille de ta
vaient donner sur le théâtre une représen- Saïnl-Jean-Ba.plisle; la veillé dé Noël, le
tation des enfers (4). Pour l'art de dire la mardi-gras et la veille de Pâques. On le con-
bonne aventure, voy. CHIROMANCIE, CARTO- vainquit d'avoir fait mourir sept personnes
mancie, Astrologie, MÉTOPOscopfE, Horos- pair sortilégèj se voyant condamné, il avoua
COPES,Cranologie, et les cent autres ma- qu'i.l était sorcier depuis l'âge de seize ans.
nières. Il y aurait de curieuses études à faire sur
BONNES. On appelle bonnes, dans certai- tous ces procès, si nombreux pendant les
nes provinces, des fées bienveillantes, des tro'ubles,de la réforme.
espèces de farfadets femelles sans malice, BONZES. Les bonzes chinois font généra-
qui aiment les enfants ét qui se plaisent à lement profession dé prédire l'avenir et
les bercer. On a sur elles peu de détails d^exorcisêï les démons ils cherchent aussi
mais c'est d'elles,'dit-on, que vient aux ber- 'la pierre p-hïlosophale. Lorsqu'un bonze
ceuses le nom de bonnes d'enfants. Habondia promet de faire pleuvoir; si dans l'espace
est leur reine. de six jours il n'a pas tenu sa promesse, on
BONNET l Jeanne), sorcière de Boissy en lui donne la bastonnade.
Forez, brûlee le 15 janvier 1583 pour s'être Il existe des bonzes au On croit
vantée d'avoir eu des liaisons avec le diable. que leurs âmes sont errantes autour des
BONNET BLEU, Voy. Dévouement. lieux qu'ils ont habités. Quand on voit un
BONNET POINTU, ou esprit au bonnet tourbillon balayer la plaine et faire lever la
voy. HECDECKIN. poussière et le sable, lés naturels s'écrient
BONNEVAULT. Un sorcier poitevin du 'que c'est l'esprit des 'bonzes.
seizième siècle, nommé Pierre Bonneva'ult, BOPHOMET, voy. TÊTE DE BOPHOMET.
fut arrêté parce qu'il allait au sabbat. Il con- BORAK, jument de Mahomet qu'il a mise
fessa que la première fois qu'il y avait été dans Son paradis. Elle avilit une face hu-
mené par ses parents, il s'était donné au tnaine,et s'allongeait âchaque pas aussi loin
diable lui permettant de prendre ses os que la meilleure vue peut s'étendre.
après sa mort; mais qu'il n'avait pas voulu BORAX, sorte de pierre qui se trouve,
donner son âme. Un jour, venant de Mont- disent les doctes, dans la tête des crapauds;
morillon où il avait acheté deux charges on lui attribue divers effets nièrveilleux
d'avoine qu'il emportait sur deux juments, comme celui d'endormir. Il est l'are qu'on ta
.il entendit des gens d'armes sur le chemin; puisse recueillir, el il n'est pas sûr qu'elle
craignant qu'ils ne lui prissent son avoine, il soit autre chose qû'un os durci.
invoqua le diable qui vint à lui comme un BORBORITES, voy. Génies!
tourbillon de vent, et le transporta avec ses "BORDELON ( Laurent) né à Bourges en
deux juments à son logis. Il avoua aussi 1653, mort en 1730; écrivain médiocre, qui
qu'il avait fait mourir diverses :personiïes toutefois savait beaucoup dé c'hoses, et s'é-
avec ses poudres; enfin il fùt condamné à tait occupé de recherches sur les supersti-
mort- Voy. Tailletroux. tions, les sciences occultes et les erreurs po-
Jean Bonnevault, son frère, fut aussi Ac- pulaires. 11 est fâcheux qu'il ait écrit si
cusé de sorcellerie et le jour du procès, de- pesamment. On achète encore ses entretiens
vant l'assemblée, il invoqua le diable qui sxxrY Astrologie judiciaire, qui sont curieux.
l'enleva de terre environ quatre ou cinq Le plus connu de ses ouvrages (et il a été
pieds, et le laissa retomber sur le carreau réimprimé plusieurs fois) est intitulé «.His-
comme un sac de laine sans aucun bruit, toire des imaginations extravagantes de Mon-
quoiqu'il eût aux pieds des entraves. Etant sieur Oufie, causées par la lecture des livres
relevé par deux archers, onlui trouva la peau qui Iraitertt de la magie, du grimoire des
decouleur bleue tirant sur le noir il écumait démoniaques1, sorciers, loups-gatoux in-
et souffrait beaucoup. Interrogé là-dessus, il cubes, succubes et du sabbat des fées,
répondit qu'ayant prié lé diable de le tirer ogres, esprits, follets, génies fantômes et
de peine, il n'avait pu l'enlever attendu autres revenants des songes, de la pierre
que, comme il avait prêté serment à la jus- philosophait de l'astrologie judiciaire, des
tice, le diable n'avait plus pouvoir sur lui. horoscopes, talismans, jours heureux et
Mathurin Bonnevault, parent des deux riià.lhéUrèuXj-éclipses, comètes et "almanachs;
précédents, necusé comme eux de sorcelle- enfin de toutes les sortes ^'apparitions, de
rie, fut visité par experts. On lui trouva sur divinations, de sortiléges, d'enchantements
l'épaule droite une marque de la figure eTd'âu'lrès superstitieuses pratiques. »
d'une petite rose, dans laquelle on planta On voit par ce titre, que nous avons copié
Une longue épingle, sans qu'il en 'ressentît tout entier, que l'auteur avait pris un cadre
(1) Granierde Cassagnac,Littérature des esclaves, assez vaste. Dans ses deux volumes in-12.
257 BOR BOR 25tf
ornés de figures il s'est trouvé à l'étroit; porlent grand nombre d'histoires qui pas-
'et son travail qui se modèle un peu sur le saient, dans l'esprit de M. Oufie, pour in-
Don Quichotte, n'est recherché que pour les ,contestables. Il ne doutait point q d'il n'y eût
notes très-nombreuses lesquelles valent des familles entières, où il y avait toujours
mieux que le texte. quelqu'un qui devenait Iôup-garou qu'on
Nous citerons pourtant deux fragments de le devenait aussi quelquefois en mangeant
ce livre singulier. les entraillcs d'un enfant sacrifié, li croyait
encore fermement qu'on pouvait se changer
Mansieur Oûfl'e, devenu loup-garou. en chat, en cheval, en arbre, en bœuf, en
Monsieur Oufle avait une femme, deux fite, vipère, en mouche, en vache enfin indiffé-
dont l'fiîné était abbé et le cadet financier remment en toutes sortes de formes.
deux filles et un frère marié. Madame Oufle, Il croyait avec la même certitude qu'il n'é-
aux in- tait pas difficile de faire ce changement sur
espèce d'esprit fort contrairement
clinations ordinaires .des personnes de son d'autres; que l'on pouvait changer, par
sexe, formait un contraste frappant avec son 'exemple, un marchand de vin "en grenouille.
mari, qui adoptait sans restriction les opi- 11 ne trouvait aucune difficulté à ces Jrans-
nions d'une foule de savants sur la magie et mutations, parce qu'il avait'lu qu'elles
la sorcellerie, sur les spectres et les fantô- avaient été exécutées. Il croyait que des
mes, les loups-garoux, les esprits follets, les -roses pouvaient rendre la première forme
ïëes, les ogres, l'astrologie judiciaire, les di- à ceux qui avaient, subi ces transforma-
vinations, les apparitions etc. L'abbé Dou- tions. N
dou, fils aine de M. Oufle faisait un mé- Un des jours de carnaval, M. Oufle donna
lange très mal assorti de science et de à souper à toute sa famille et à quelques-
crédulité. Il croyait que tout ce qu'il trou- uns de ses amis. On y mangea abondam-
vait d'extraordinaire dans les livres était -ment on y but de même car il ne laissait
vrai, ne se pouvant persuader que l'on fût ,pas d'aimer la bonne chère et la joie* à con-
d'assez mauvaise foi pour faire imprimer des dition pourtant qu'on h'ë renverserait point
choses surprenantes, si elles n'étaient pas de salière qu'on ne mettrait point de cou-
véritables;. et le peu qu'il avait de doctrine' teaux en croix, qu'on ne 'Serait point treize
ne lui servait qu'à trouver dans son esprit à table. Il mit ce soir-là tout te monde en
des preuves forcées de possibilité pour tout •train pour exciter à boire, il portait conti-
ce qu'il voulait absolument croire. Sansugue, nuellerrient des santés satisfaisait à celles
le second fils, avait pris le parti de la finance, qu'on lui portait de sorte qu'il prit plus de
et ne cherchait que les moyens et les occa- vin que sa tête n'en pouvait porter.
sions de s'enrichir. Quand on lui parlait des Après le repas tous se retirèrent très-con-
diables qui faisaient trouver des richesses, tents les uns dés autres. M. Oufle fit de son
l'eau lui en venait si fort à la bouche, qu'il mieux tes honneurs du départ de ses hôtes,
ne les aurait pas renvoyés malgré les for- .et gagna ensuite 'sa chambre. Sansugue,
mes épouvantables dont on se sert pour les aussitôt qu'il fut rentré chez lui prit un dè
représenter. Il n'était pas si crédule sur l'ap- ses habits de masque dont il avait grand
parition des âmes des défunts, parce que^ nombre, et alla courir le bal avec d'autres
disait-il ces fantômes de morts ne parais- jeunes gens qui J'attendaient.
sent d'ordinaire que pour faire des demandes Mais à peine M. Oufle se fut-il retiré, qu'il
aux vivants ou pour donner des frayeurs lui prit une de ses inquiétudes qui ne per-
qui n'aboutissent qu'à glacer le sang de ceux mettent pas que l'on reste en place sans
qui les voient. Venons à ses deux filles. qu'on puisse dire pourquoi on se mét en
L'ainée -nommée Camèle, croyait tout ce mouvement. Après s'être promené quelque
que lui disait son père quand il lui parlait, temps diins sa chambre il en sort, et cela
et ensuite elle n'en croyait rien quand elle seulement pour en sortir il monte un es-
s'était entretenue avec sa mère. calier passant devant l'appartement de San-
Ruzine, la cadette, s'accommodait, comme sugue, qu'il trouve ouvert il y entre ou
sa sœur, au goût de son père et de sa mère; pour savoir s'il y était ou pour jaser avec
mais ce que celle-ci faisait par simplicité* lui. N'y trouvant personne, mais seulement
celle-là le faisait par artifice c'était une les habits de masque que son fils avait ou-
blié de serrer, il en remarqua un fait exprès •
fine mouche, qui jouait, en quelque manière,
toute sa famille. pour se déguiser en ours; il le considéra
Noncrède, frère de M. Oufle, passait dans attentivement. Il était fait de peaux d'ours
l'esprit de tous ceux qui le connaissaient, avec leur poil, cousues de manière qu'elles
pour un homme plein de sagesse et de pro-^ donnaient, depuis la tête jusqu'aux pieds, là
bité, niais qui adoptait peut-être trop facile- ressemblance de cet animal à celui qui en
ment les opinions téméraires des prétendus était couvert. Après l'avoir retourné il lui
philosophes. Il faisait à son frère et à l'abbé vint dflns l'esprit de s'en servir pour faire
Doudou,son neveu, une guerre continuelle une plaisanterie à sa femme. Cette plaisan-
sur leur confiance et leur penchant en ma- terie était dé vêtir cet habit et ensuite de
tière d'apparitions et de sortiléges. Après lui aller faire peur. On ne peut croire com-
avoir dépeint les caractères venons sur-le- bien il s'applaudissait à lui-même d'avoir
champ aux aventures. imaginé cette gaillarde supercherie. Mais son
Il y a longtemps qu'on parle des loups- idée eut un succès différent de celui qu'il s'en
garoux les anciens et les modernes en rap- promettait.
,1' r
239 ° DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 240
Il prit donc cet habit l'emporta dans sa douter que quand il hurlait il n'effrayât tous
chambre; s'en couvrit, et puis alla très-dou- ceux qui l'entendaient. En effet il en fit la
cement vers l'appartement de sa femme, pour première expérience sur une sérénade qui
y jouerle rôle que l'occasion et son imagina- bruissait dans la première rue qu'il parcou-
tion lui avaient fait inventer. Comme il était rut. Quand les musiciens entendirent un des
près de commencer la scène, il entendit du hurlements de M. Oufle, la terreur que leur
bruit, et reconnut que la femme de chambre inspira cette horrible symphonie, à laquelle
de madame Oufle était encore avec elle. Ce ils ne s'attendaient pas, glaça leur sang de
contre-temps le chagrina cependant il ne telle sorte que, demeurant immobiles, ils f
quitta point son dessein il retourna sur ses firent tous en même temps une pa,use. Ils
pas et rentra chez lui pour y attendre que écoutèrent pour connaître d'où pouvait
cette fille fût partie, afin de faire plus sûre- venir une voix si extraordinaire le loup-
ment son coup et pour s'amuser et se garou se mit à hurler encore plus fort, et à
désennuyer, après s'être assis devant le feu, s'approcha d'eux, ils le prirent tous pour ce
il prit sur une table le premier livre qui se qu'il pensait être lui-même, et s'enfuirent
trouva sous sa main c'était la Démonoma- [de toutes leurs forces.
nie de Bodin il l'ouvre, et tombe par hasard En ce moment quatre jeunes gens, qui de-
sur un endroit qui traitait des loups-garoux. puis peu de temps étaient délivrés de la vie
il passa environ une demi-heure dans cette gênante des collèges, sortant du cabaret, où
lecture et dans celle de quelques autres su- ils avaient vidé plus de bouteilles que leurs
jets analogues. Enfin, le vin, le feu et la si- petites têtes n'étaient capables d'en porter
tuation lranquille où il était, l'assoupirent et venaient d'imaginer un projet qui leur pa-
le plongèrent insensiblement dans un som- raissait héroïque. C'était de se donner do
meil si profond qu'il ne songeait plus à ce grands mouvements, pour arracher les cor-
qu'il avait fait, ni à ce qu'il avait résolu de faire. des des sonnettes pour ôter les marteaux
Madame Oufle, qui n'avait aucun soupçon des portas ou s'ils n'en pouvaient venir à
de ce qu'on machinait contre elle ne man- bout de sonner de heurter de toutes leurs
qua pas, comme on juge bien, de se coucher, forces de déranger les bornes, de briser les
et de dormir de son côté aussi tranquillement sièges de pierre de brouiller des serrures
que son mari. et de faire d'autres actions aussi dignes de
La femme de chambre dont on vient de leur courage et de leur valeur. Quand ils
parler, avait son logement -au-dessus de avaient arraché le marteau d'une porte ils
l'appartement de M. Oufle comme elle s'é- auraient hardiment fait assaut de gloire avec
tait peut-être trop ressentie de la fête à la les généraux d'armée les plus sages et les
seconde table ou qu'elle ne se souciait pas plus intrépides tant ils étaient pénétrés de
de respecter le sommeil de son maître, ou leur mérite. •
par un hasard tout à fait imprévu un vase Le soirdoncquenotre loup-garou faisait des
qu'elle tenait à la main tomba par terre et fit siennes, ces guerriers nocturnes etvineux fai-
si grand bruit, que M. Oufle en fut éveillé en saientaussi des leurs, et comme ils se rendaient
sursaut. Il se lève tout .troublé de dessus sa compte les uns aux autres de leurs faits et
chaise et comme il se trouvait vis-à-vis la gestes et qu'ils en montraient les marques
cheminée, sur laquelle il y avait une glace, il et les preuves, M. Oufle, que son chemin con.
se vit dans cette glace avec l'habit d'ours dont duisait à eux, se mit à hurler, Nos héros do
il était revêtu. Et ainsi, le vin et le feu qui bouteille, devenus plus sages, ou plus timides,
lui avaient échauffé la tête, son sommeil in- songent à reculer à mesure que la bête s'ap-
terrompu si subitement l'habit qu'il se prochait d'eux et comme elle continuait do
voyait sur le corps tout cela joint avec la venir a grands pas de leur côté, et que la peur la
lecture qu'il venait de faire lui causa un tel leur fit paraître avec des dents d'une lon-
bouleversement dans la cervelle, qu'il se crut gueur effroyable, ils prirent te' parti de la
être véritablement, non pas un ours, mais un fuite, bien résolus de courir si fort qu'elle ne
loup-garou. Ce bou'eversement était si fort, pourrait pas les atteindre.
qu'it avait entièrement détruit la mémoire de Après avoir parcouru quelques rues M.
l'endroit où il avait trouvé t'habit et de l'u- Oufle s'arrêta, apparemment pour se reposer
sage qu'il avait projeté d'en faire il ne lui devant une maison, où plusieurs personnes
resta que l'idée de sa prétendue transmuta- jouaient gros jeu. Je ne sais par quelle fan-
tion en loup, avec le dessein d'aller courir taisie il s'obslinaàhurler plus fortet plus sou-
les rues, d'y hurler de son mieux d'y mor- vent qu'iln'avaitencore faiUuncoup n'atten-
dre, et de mettre en pratique tout ce qu'il dait presque pas l'autre, tant ses hurlements
avait ouï dire que les loups-garoux avaient étaient promptement répétés. Les joueurs
coutume de faire. Il part donc sans différer, l'entendirent ceux qui perdaient parurent
sort dans la rue, et commence à hurler d'une n'y faire pas grande attention ceux qui ga-
manière effroyable. gnaient furent plus inquiets et plus troublés.
Il est bon de faire remarquer que c'était un Un des joueurs sort l'épée à la main, afin de
homme grand gros robuste bien empoi- chasser le loup-garou mais dès qu'il le vit
traillé, et dont la voix était naturellement dans la rue la frayeur le saisit il rentre,
iaute ferme et tonnante. La poussant pen- ferme la porte avec tous les verroux qu'il
iantlanuit aussi loin qu'elle pouvait aller peut trouver, souhaitant même pour sa sû-
ivec les tons effroyables qui accompagnent reté qu'il y en eût encore davantage il se
l'ordinaire les hurlements', on ne doit pas tint quelque temps sur l'escalier pour rap-
261 BOR BOR iii
peler ses esprits, et ne paraître pas si effrayé. premiers à assurer qu'ils l'avaient vu, traî-
Heureusement pour lui M. Oufle prit parti nant des chaînes d'une grosseur et d'une lon-
ailleurs. On ne tombera point dans une gueur prodigieuses, et si grand que sa tête
description exacte de toutes les frayeurs qu'il atteignait presque jusqu'aux premiers éta-
fil cette nuit-là en qualité de loup-garou on ges car, comme dit le proverbe, on n'a ja-
passe sous silence les petites aventures pour mais vu de petit loup; on veut toujours per-
s'arrêter seulement à une de plus grande suader que ceux que l'on trouve sont d'une
importance que voici. grandeur démesurée, et cela apparemment
Un homme de considération courant la parce que l'on proportionne son étendue à
poste dans une chaise, étant escorté de deux celle de la crainte que l'on a. D'autres assu-
cavaliers qui couraient avec lui, trouva dans raient qu'on lui. avait coupé une patte en se
sou passage le loup-garou. Les chevaux re- défendant contre ses violences que, comme
culent si promptenient, et se cabrent de telle c'était un sorcier changé en loup, on l'avait
sorte qu'ils renversent les cavaliers par le lendemain trouvé dans son lit, sans main,
terre. L'homme de la chaise voyant la bête et qu'on lui allait faire son procès. Il avait
sort avec précipitation le loup se jette tan- dévoré la tête d'une fille de dix-huit ans,
tôt sur l'un, tantôt sur l'autre, puis sur les prêle à se marier; son futur, après avoir
chevaux sans leur faire pourtant d'autre donné plusieurs coups d'épée au loup, était
mal que de la peur. Après les avoir houspil- tombé mort de douleur sur la place. Dans un
lés à son aise (car ils étaient si effrayés que autre quartier, on faisait des lamentations
pas un n'eut le courage de se défendre) il sur un ecclésiastique qui, étant en chemin
se met à hurler, comme s'il eût voulu chan- pour assister un mourant, avait été obligé de
ter la victoire qu'il venait de remporter. Les s'en retourner chez lui parce que le loup
chevaux cependant prennent le mors aux l'avait poursuivi de sorte que le malade
dents et s'enfuient avec tant de légèreté était mort sans secours. Selon quelques-
même ceux qui traînaient la chaise, qu'on uns, un courrier avait été arraché de dessus
aurait cru qu'ils sortaient de l'écurie, et qu'il son cheval, et sa valise avec toutes ses let-
y avait plus d'un mois qu'ils n'avaient mar- tres avaient été déchirées par cette furieuse
ché. Les hommes de leur côté ne furent pas bête. Il y en avait encore qui protestaient
moins diligents à courir, et -M. Oufle à les pour l'avoir ouï dire par des gens très-dignes
suivre. Enfin ils se jettent tousdans une allée de foi, que le loup-garou était entré dans un
qu'ils trouvèrent ouverte, et ferment la bal, qu'il y avait dansé, et qu'ensuite il s'é-
porte sur eux. Le loup, qui n'avait pu entrer tait jeté sur plusieurs femmes dont il avait
i'\vec eux dans celte ailée, hurle plusieurs déchiré le visage. D'autres niaient qu'on eût
fois de toutes ses forces une infinité de têtes blessé le loup-garou prétendant que ces
en bonnet et en cornettes de nuit paraissent sortes de sorciers 'sont invulnérables. On
aux fenêtres, avec des bras avancés dehors, voulait encore qu'il eût couru plusieurs nuits
tenant une chandelle pour voir ce qui cau- de suite. Enfin chaque rue avait son histoire.
sait un aussi grand fracas mais toutes ces La vérité est que M.t)ufle fut ramassé enfin
têtes se retirent bien vite; et malheureuse- par une patrouille qui le ramena chez lui.
ment une se trouva prise sous un châssis qui
Visions et terreurs de M: Oufle.
tomba, parce que celui qui l'avait levé ne
s'était pas donné le temps de l'arrêter. Cette M. Oufle, l'esprit toujours rempli de dia-
pauvre léte criait épouvanlablement, et au- bles et de diableries, s'était imaginé que les
Âant que le patient pouvait pousser d'air pour diables le suivaient partout et lui apparais-
ïespircr lé loup-garou répondait à cette saient sous je ne sais combien de formes dif-
voix plaintive par des hurlements; ce qui férentes.
faisait la plus horrible musique du monde Enconséquence, ayantpris dessein de faire
on n'avait jamais entendu un pareil duo. Per- faire des tablettes magnifiques, pour y placer
sonne n'osait plus ouvrir sa fenêtre et regar- dignement les livres sur la démonomanie dont
der dans la rue, parce qu'entendant les cris la lecture faisait sa principale et sa plus agréa-
de ce voisin alfligé, on croyait que c'était la ble occupation, il envoya quérir un menui-
bête qui avait grimpé, et qui le tenait à la sier des plus habiles de sa profession, pour
gorge. Par bonheur, le valet de-celte tête, lui exposer son dessein et le lui faire exécu-
dont le cou était à moitié étranglé, étant entré ter. Cet homme vint le trouver sur-le-champ,
dans la chambre, voit son maître dans cette il était suivi d'un gros chien barbet; ce qui
douloureuse situation lève promptement le n'est pas extraordinaire; la plupart des ar-
châssis et le délivre du supplice que lui avait tisans se font une coutume de nourrir des
causé sa curiosité funeste. chiens pour leur amusement.
Que de bruits se répandirent pendant plu- Le menuisier étant entré dans le cabinet
sieurs jours au sujet de ce loup-garou 1 que de M. Oufle, celui-ci jetant plutôt la vue sur
de contes on en fit comme il avait parcouru; le chien que sur le maitre, parut d'abord
presque toute ta ville, il avait été entendue tout stupéfié et comme immobile. Il fut long-
par une infinité de gens, dont la plupart fu- temps sans parler, mais ayant toujours la
rent plus que jamais persuadés qu'il y avait vue attachée sur le chien. L'ouvrier ne sa-
véritablement des loups-garoux. On ne peut vait que penser du silence profond, de l'é-
croire combien on fit de fausses histoires à tonnement et de l'immobilité de celui qui l'a-
cette occasion. Ceux qui n'avaient pas osé vait envoyé chercher avec tant d'empresse-
ouvrir leurs fenêtres pour le voir étaient des ment, qu'il semblait que difficilement pou-
Ë43 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 2«
vait-il arriver assez tôt pour sa satisfaction. comme ils entendent le même bruit qui l'a-
Il lui demanda enfin ce qu'il souhaitait de vait épouvantée, ils ouvrent la porte avec
son service. Point de réponse; on ne parlait une telle violence que les trois combattants
que des yeux, encore n'était-ce qu'au chien. en furent eux-mêmes effrayés.
Le menuisier s'impatientant enGn de voir une M. Oufle leur crie aussitôt, en montrant le
taciturnité si obstinée chien, qu'ils se donnassent bien de garde de
Est-ce lui dit-il, monsieur, que vous l'approcher, parce que c'était un diable.
m'avez fait venir seulement pour regarder L'artisan se tourmente pour leur prouver
mon chien? Vous n'aviez qu'à me le deman- que ce n'était point un diable, mais un chien,
der, je n'aurais pas pris la peine de venir; un chien véritable, un chien fait comme les
je vous l'aurais envoyé avec la liberté de le autres, qu'il l'a élevé fort petit, et qu'il y a
regarder à votre aise, tant que vous auriez plus de trois ans qu'il mange de son pain,
voulu, sans qu'il vous en eût coûté un sans qu'il ait paru qu'il y eût la moindre dia-
sou. blerie dans sa conduite.
M. Oufle, qui n'avait regardé avec tant Le chien n'aboyait plus, il ne disait pas
d'attention ce chien, que parce qu'il lui était un mot, comme s'il eût voulu donner à son
venu dans l'esprit, par le ressouvenir de ses maître tout le temps qui lui était nécessaire,
lectures (1), que ce pauvre animal était un pour détruire l'atroce médisance qu'on faisait
diable, etqu'il se croyait en quelque manière de lui, et pour bien entendre un éloge qu'il
insulté par l'artisan, rompit enfin le silence, croyait mériter. Mais M. Oufle soutenait tou-
«n élevant la voix avec fureur, pour lui dire jours, sans en vouloir démordre, que c'était
qu'il était un magicien, qui lui amenait un un vrai diable qui avait pris la forme d'un
démon pour le tourmenter et mettre le dés- chien.
ordre chez lui. Ruzine fit signe au menuisier de se taire,
Jamais surprise ne fut pareille à celle du lui dit tout bas que son père haïssait tant les
menuisier. Comme il ne connaissait pas la chiens, qu'il ne pouvait pas plus les souffrir
folie de ce pauvre homme, il repoussa ce re- que des démons, et enfin l'engagea à se reti-
proche par un ton de voix qui n'était pas rer sans bruit.
moins élevé que celui dont on venait de se Camèle, qui crut que ce chien était vérita-
servir. blement un diable, parce que son père l'avait
M. Oufle répliqua avec le même emporte- dit, et que Mornand paraissait le croire, alla
ment, mais cependant notant point du tout tout effarée trouver sa mère, et l'assurer qu'un
sa vue de dessus le chien, tant il craignait magicien déguisé en menuisier, avait amené
qu'il ne l'attaquât et le mit en pièces. chez son père un diable sous la forme d'un
Le chien de son côté, qui semblait entendre chien d'une laideur effroyable, et qui faisait
finesse, et connaître ce qu'on s'imaginait de des cris horribles.
lui se tenant à côté de s.on maître, la tête Madame Oufle jugea bien que cette histoire
alerte et élevée, regardait M. Oufle .avec au- n'était que l'effet d'une imagination exaltée.
tant d'attention qu'il en était regardé. On au- Elle se la fit conter par Ruzine et Mornand
rait dit, à le voir, qu'il était émerveillé de et ils ne manquèrent pas de la confirmer
l'extravagance qu'on faisait paraître à son dans le jugement qu'elle avait fait. On laissa
occasion. M. Oufle en repos, quelque envie qu'on eût
Ces deux hommes cependant s'animaient si de raisonner avec lui pour le tirer de son er-
fort l'un contre l'autre, qu'ils semblaient en- reur comme on avait souvent expérimenté
irerdans uneprochaine disposition de ne s'en qu'on ne gagnait rien sur son esprit, on
pas tenir à des paroles, pour marquerleurres- aima mieux ne lui en point parler. Camèle,
sentiment. En effet, M. Oufle s'approcha du de son côté, après que sa mère lui eut parlé,
menuisier, et le poussa rudement pour le ne crut plus que ce chien était un diable;
chasser de chez lui. Lebarbet se mit à aboyer*r car la bonne fille croyait et décroyait avec
d'une grande force, témoignant à son maître une égale facilité.
qu'il était prêt à le bien défendre de sorte Le menuisier ne manqua pas de raconter
que M. Oufle, menacant avec fureur le me~ cette bizarre aventure; elle devint si publi-
nuisier, le menuisier répondant aux inena- que que presque tout le monde en parlait
ces sur le même ton, et le chien aboyant dans la ville.Pour peu qu'on en vit quelqu'un
sans relâche, il se faisait un vacarme épou- qui eût une mauvaise physionomie,on s'ima-
vantable dans cette chambre. ginait y trouver quelques traits des malins
Camèle qui entendit tous ces différente esprits (car le vulgaire a de la peine à se
cris, vint à là porte pour mieux connaître ce persuader que les diables n'aient pas des
qui se passait; mais croyant qu'on égorgeait corps visibles et sensibles en différentes ma-
son père, et n'ayant pas assez de hardiesse nières).; et cela, est si vrai, qu'il y eut liieiv
pour entrer, elle appelle au secours sa sœur des femmes qui ne souffraient plus qu'avec
Ruzine et le va-let" Mornand parce qu'ils une certaine répugnance des chiens qu'elles
étaient plus à portée que les autres pour avaient tendrement aimés.
l'entendre. Ils montent avec précipitation; ils Si un chien s'avisait de hurler la nuit, c'é-
la trouvent presque évanouie de frayeur; et tait pour elles un loup-garou, un démon
(1) Zoroastre par forme d'énigme disait qne tes monde, se retirent dans ta solitude.
chiens se montrent souvent à ceux qui se dépouillent de la Par le nom de chiens, les démons étaient quelquefois
mortalité, c'est-a-efife, lés diables, ceux qui sont près désignés; et même en la magie de zofôaslre, ils sontap
de mourir, ou àox. gens de bien, qui abandonnant le pelés chiens terrestres.
245 non BOR 248
1 Il. o.
que quelque magicien envoyait courir les blerie s'emparait aussitôt de son esprit; il
rues, pour maltraiter les passants, ou tordre prétendait encore être autorisé en cela par.
le cou à ceux qui seraient assez imprudents des exemples.
pour regarder par la fenêtre. Ù y eut plu- H1 s.b lassa enfin de ces prétendues perse*
sieurs personnes qui n'approchaient' du cutions. Ses livres vinrent à son secours^
chien du menuisier qu'avec crainte, et qui pour le garantir des tourments qu'il crai*
prenaient auta.nt'de précautions en. le voyant gnait du pouvoir et dos artifices de ces mau-
que s'ils avaient vu îe diable. vais esprits.
M. Oufle se persuada encore parce qu'il La première ressource dont il s'avisa est
l'avait lu, que parmi les1 pourceaux, il- y en celle qu'on attribue à la racine haaras, qu'on
avait beaucoup qui étaient de vrais diables. assure avoir la vertu de chasser les mauvais
quand' il en voyait un, il frémissait d'hor- esprits. Il ne la mit pourtant pas en usage,
reur. Pendant tout le temps que durèrent car il lui fut impossible de la trouver. Les
ces imaginations, il ne voulut point manger herboristes, loin de la lui fournir, ne la con-
de la chair de ces animaux, quoique aupa- naissaient point du tout et n'en savaient pas
vant elle fût fort de son goût. même le nom. C'est peut-être qu'elle n'a
Leur épouvantable figure, disait-il, n'esl- point eu d'autre existence que dans les livres
elle pas véritablement dialiolique?Leurs cris qui en ont parlé; aussi, bien qu'une certaine
son Wlsmoins effroyables que ceux des diables pierre qui se trouve, dit-on, dans le Nil, et
qui tourmentent les damnés dans les enfers?. •cju'il souhaitait extrêmement avoir pour la
N'avons-nous.pas vu souvent dans des spcc- mên\e sujet. Quoi qu'il en soit, il s'en consola
lacles les diables armés de vessies de cochon. d'autan* plus, aisément, qu'il avait, disait-il,
tendues et enflées dont ils se servaient pour en- lui-même des moyens, qui ne lui pou-
battre et pour faire peur? Le plaisir que ces vaient pas manquer pour arriver à ses fins.
animaux prennent à se plonger dans l'or- Le. premier, c'était de'se servir d'une épée
dure, n'est- ce pas parce que le diable ses lectures lui ayant appris qu'il n'y a rien
n'aime rien tant que la vilénieet l'impureté? que les diables craignent tant que des épées
Toute puanteur était pour lui une preuve dégainées et'mises en mouvement. Non con-
de la présence de quelque démon; et quand tent de eello qu'il avait, parce que ce n'était
il satisfaisait à ses indispensables nécessités que ce qu'on appel.le un petit couteau, il en
naturelles, if était dans de continuelles alar- acheta de longues, larges, et de la meilleure'
mes, tant il craignait que quelque diable, trempe. De temps on temps, il en faisait dans
habitant selon lui du lieu où il était, ne pro- sa maison un. exercice qui étonnait singu-
fitât de sa situation pour le tourmenter. lièrement- ceux qui le rencontraient dans ce
Aussi n'y restait-il que le moins, de temps manége; et afin d'être plus sûr de remporter
qu'il pouvait, et n'y allait-il que quand il ne de si belles victoires, i mettait à son doigt
lui était plus possible de s'en défendre. un gros cWaffwinbavant que d'armer sa main
En même temps, rien n'égalait la frayeur d'une épée'. La- raison de cette précaution,
qu'il avait des mouches; il prétendait encore c'est qu'un do/ses auteurs l'avait assuré que
que le diable apparaissait souvent sous la les démons^ trouvent les diamants insuppor-
forme de ces insectes; il ne voulait souffrir tables. 11 ajouta aux. épées et au, diamant,
aucun fruit sur sa table, de peur qu'il ne les toujours par. le conseil. de ses livres, plu- J
attirât. Quelqu'un lui en ayant fait considé- sieurs coqs qu'il fit élever et nourrir dans sa
rer'une dans.un microscope, quand il vit ses maison, sans dino "à personne pourquoi il
cornes, sa trompe, ses yeux, de couleur de s'était avisé de farce une telle ménagerie. Mais
pourpre, ses jambes velues, les pinces de ses sa-femme, voyant chez elle tant de coqs inuti-
pieds, enfin tout son corps "ensemble, repré- les, s'avisa aussi de son- côté, comme une
sentant une figure qui paraissait d'autant- bonne ménagère, de leur donner plusieurs
plus hideuse qu'il' ne s'était jamais persuadé poules-, afin (le se dédommager du bruit, que
qu'elle fût telle qu'il la voyait, il la trouva faisaient les coq& par l'utilité qu'elle pour-
très-propre pour devenir la demeure dJun rail tirer des poules. Ce mélange que
diable, Il âvait la même opinion des. papil- M. Oufle voulut bien souffrir parce qu'il ne
lons et malheur à ceux qui.se trouvaient à pouvait l'empêcher, sans donner par sa ré-
sa portée il ne les épargnait pas. sistance occasion à quelques troubles dans
Il se défiait encore des enfants que por- sa famiHe, l'inquiéta pourtant.
taient les gueux, pour exciter les passants à Afin donc qu'il n'eût point sujet de se re-
leur faire des aumônes. Une histoire rappor- procher d'avoir rien négligé des instructions
tée dans un de ses livres, où l'on veut per- que lui donnait sa bibliothèque, pour empê-
suader que le diable était un jour sous la cher les1démons de le tourmenter et. de. lui
figure d'un de ces enfants, lui- donnait cette apparaître, il mit encore en usage tout ce
défiance. C'est pour la même raison qu'il qu'il put apprendre. 11eut sur lui de l'herbe
était fort circonspect quand il prenait un qu'on appelle armoise; il se servit do celle
valet ou une servante à son service; il en que l'on nomme verveine; il chercha. deux
faisait auparavant plusieurs exactes infor- cœurs de vautour, qu'il porta l'un lié afcec
mations, afin qu'étant bien instruit de leur un poil de lion, l'autre avec un poil de loup
conduite, il ne se mit point en danger de se il fit faire une image qui représentait deux
faire servir par quelque démon. têtes, l'une d'un homme qui regardait en
Si quelqu'un qui ne le connaissait point deJans, et l'autre d'une femme qui regardait
l'appelait par son nom, un soupçon dé dia- en dehors; il se tint le plus1 gai qu'il, put,
£47 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 248
afin que la mélancolie ne donnât aucune en- dans une rue, se trouvant au passage d'un
trée aux démons, comme on en menace ceux homme qui bâilla de toute l'étendue de sa
qui s'abandonnent à la tristesse; et pour bouche, qui était fort grande. M. Oufle se re-
surcroit, ou plutôt, selon lui, pour consom- cula plus de trois pas en arrière voyant cet
mation et perfection de remèdes à ses inquié- étrange bâilleur, il crut que c'était un sorcier
tudes, le tonnerre étant tombé dans la cour qui l'allait avaler tout vif. Et, s'il arrive que
de sa maison, il se ressouvint d'une opinion les lecteurs se moquent de cette appréhen-
bizarre de certains peuples, et crut avec eux sion qu'ils se moquent donc aussi des au-
que le ciel avait banni pour toujours les teurs qui la lui ont suggérée.
diables de chez lui. Il se trouva, par la force On sait (et je ne doute pas que le lecteur
de son imagination, délivré de la crainte des ne l'ait quelquefois éprouvé ) qu'il y a des
apparitions des mauvais esprits. Les chiens. gens qui en parlant éclaboussent souvent
les pourceaux, les mouches, les papillons, de leur salive ceux qui les écoutent, s'appro-
les lieux puants, etc., ne furent plus pour lui chant d'eux le plus près qu'ils peuvent. C'est
dessujets de trouhlc, d'agitations etd'inquié- une impolitesse des plus incommodes et des
tudes. Mais il n'en fut pas pour cela plus plus condamnables; c'est de. plus une mal-
tranquille; car de ces terreurs il passa à propreté. M. Oulle évitait autant qu'il pou-
d'autres qui n'étaient pas moins vives. vait ces maussades; mais c'était bien moins
Jamais homme ne fut plus tourmenté que par aversion pour leur importunité que parce
lui de tout ce qui est du ressort des sortilè- qu'il se croyait averti par ses lectures qu'ils
ges et enchantements. Ses meilleurs amis pouvaientêtredessorciers,elsorciers d'autant
l'inquiétaient les personnes qu'il n'avait plus dangereux qu'il était à craindre, comme
pas coutume devoir, et-qui avaient un exté- il pensait, qu'ils ne fissent mourir leurs au-
rieur extraordinaire ou qui montraient quel- diteurs en leur crachant ainsi au visage.
que difformité étrange, le jetaient dans de si Un homme à larges manches l'étant venu
grandes défiances qu'il se tenait en garde voir pour une affaire importante et sur la-
avec autant de circonspection que s'il avait quelle on avait fait depuis plusieurs jours do
eu à soutenir un violent combat contre de grands mouvements, fut obligé de le quitter
cruels ennemis. Si on le heurtait par hasard, sans avoir pu le faire discourir sur ce dont
si on lui frappait sur l'épaule, il rendait sur- il s'agissait. M. Oude eut sans cesse les yeux
le-champ la pareille, sans ménager aucune attachés sur les manches de cet homme, pour
bienséance si on le regardait .fixement il voir s'il n'en sortirait point du feu, et s'il n'y
fuyait avec autant de vitesse que si des dards entendrait point gronder le tonnerre.
avaient dû partir des yeux qui étaient fixés Un chien qui tenait un grand os dans sa
sur lui. Malheur à ceux qui lui faisaient gueule passait devant sa maison dans le
quelque grimace; ils risquaient d'être aussi temps qu'il en sortait; il le regarde et le suit,
sévèrement traités que s'ils avaient voulu lui redoublant ses pas de toute sa force, et cou-
arracher la vie,. Lui envoyer un présent, rant même quelquefois afin de ne pas le per-
c'était lui donner un sujet d'inquiétude, tant dre de vue. Le chien qui se voyait, ainsi
il craignait qu'il ne fût accompagné de quel- suivi, se retournait de temps en temps, gron-
que sortilège. dant comme il aurait fait si un autre chien
Ayant appris qu'un sorcier avait maléûcié avait paru vouloir lui arracher sa proie, ou
le pain qu'un boulanger mettait dans son du moins en avoir sa part. M. Oufle s'arrêtait
four, il se mit dans l'esprit que tout le pain quand le chien s'arrêtait; et celui-ci, à cha-
qui n'était pas très-blanc, pouvait avoir été que pas qu'il faisait regardait son specta-
sujet au même inconvénient car, disait-il, teur du coin de l'œil dans la crainte où il
le noir est la couleur favorite des sorciers était d'en recevoir quelque supercherie. En-
c'est avec des robes noires que les magiciens fin il entra chez son maître, et notre homme,
paraissent; les diables sont toujours repré- après être resté près d'une heure à la porte,
sentés noirs.. ne le voyant plus paraître
S'il entendait prononcer jugea qu'il ap-
par quelqu'un partenait à quelqu'un de cette maison. Il s'in-
ce rriot frappe frappe son expérience lui forma du voisinage et sut que c'était le
disait que dans ce moment quelque homme chien d'un savant, logé dans une quatrième
mourait de mort violente ou qu'il arrivait chambre sur le derrière,
alors quelque aventure tragique. qui avait donné
plusieurs ouvrages.au public, et que presque
La flûte était dans son opinion un instru- tous les jours cet animal allait par la ville,
ment véritablement magique. Aussitôt qu'il et revenait d'ordinaire la gueule pleine de
en entendait jouer, on le voyait aussi ému
quelque os ou de quelques bribes dont il se
que si l'on avait voulu l'arracher au lieu où nourrissait. M. Oufle secoua la tête, ne dou-
il était pour le transporter à mille lieues de tant point que le savant ne fût un magicien,
là et le faire entièrement disparaître. et qu'il se servait des os que son chien allait
Si un homme portait une écharpe il ju- chercher, pour lui servir de voiture quand il
geait d'abord que c'était dans le dessein de aurait des voyages à faire sur mer. Non-
s'en servir, au lieu de navire, pour passer seulement M. Oufle mais encore les démo-
les mers. ne manque de rien,
Il ne voulut jamais nographes assurentqu'on
permettre qu'on fitt qu'on vient à bout de tout, pourvu qu'on ait
son portrait, de crainte qu'on no s'en servit un sorcier à sa disposition, pourvu qu'on sa-
pour tourmenter et faire mourir l'original. che les pouvoirs de la magie et qu'on en
Rten
n'égale la frayeur qu'il eut un jour veuille faire usage.
249 BOR BOU 280
1 1 1 '1.
Le livre de Laurent Bordelon est terminé in-12 (1). Ce livre est un recueil de dix let-
par une description du sabbat. On la trou- tres, dont les deux premières roulent sur
vera ici plus complète. Voy. Sabbat. les esprits élémentaires. L'abbé de Villars en
BOUDI ou AL-BOKDI, montagne qui, se- a donné un abrégé dans l'ouvrage intitulé:
lon les Perses, est l'œuf de la terre; ils disent Le Comte de Gabalis.
qu'elle était d'abord très-petite, qu'elle gros- BOS (Françoise), Le 30 janvier 1606, le
sit au commencement, produisit le monde et juge de Gueille procéda contre une femme
s'accrut tellement, qu'elle supporte aujour- de mauvaise vie, que la clameur publique
d'hui le soleil sur sa cime. Ils la placent au accusait d'avoir un commerce abominable
milieu de notre globe. Ils disent encore qu'au avec un démon incube. Elle était mariée et
bas de cette montagne fourmillent quantité se nommait Françoise Bos. De plus elle avait
de dives ou mauvais génies; et qu'au-des- séduit plusieurs de ses voisines el les avait
sous est un pont où les âmes passent pour engagées à se souiller avec ce prétendu dé-
aller dans l'autre monde, après qu'elles ont mon, qui avait l'audace de se dire capitaine
rendu compte de ce qu'elles ont fait dans du Saint-Esprit; mais qui au témoignage
celui-ci. desdiles voisines, était fort puant. Cette dé-
BORGIA (César). On lui attribue l'honneur goûtante affaire se termina par la condamna-
d'avoir eu un démon familier. tion de Françoise Bos, qui fut brûlée le 14
BORR1 (Joseph-François), imposteur et juillet 1606. On présume, par l'examen
alchimiste du dix-septième siècle, né à Milan des pièces, que le séducteur était un miséra-
en 1627. 11débuta par des actions qui l'obli- ble vagabond.
gèrent à chercher refuge dans une église BOSC (JEAN DU), président de la cour des
jouissant du droit d'asile. Il parut depuis aides de Rouen, décapité comme rebelle
changer de conduite puis il se dit inspiré en 1562. On a de lui un livre intitulé Traité
du ciel, et prétendit que Dieu l'avait choisi de la vertu et des propriétés du nombre sep-
pour réformer les hommes et pour rétablir lénaire.
son règne ici-bas. Il ne devait y avoir, disait- BOTANOMANCIE, divination par le moyen
il, qu'une seule religion soumise au pape, à des feuilles ou rameaux de verveine et de
qui il fallait des armées, dont lui, Boni, serait bruyère, sur lesquelles les anciens gravaient
le chef, pour exterminer tous les non catho- les noms et les demandes du consultant.
liques. IL montrait une épée miraculeuse que On devinait encore de cette -manière:
saint Michel lui avait donnée; il disait avoir- lorsqu'il y avait eu un grand vent, pendant la
vu dans le ciel une palme lumineuse qu'on nuit, on allait voir de bon matin la disposi-
lui réservait. Il soutenait que la sainte Vierge tion des feuilles tombées, et des charlatans
était de nature divine, conçue par inspira- prédisaient ou déclaraient là-dessus ce que
tion, égale à son fils et présente comme lui le peuple voulait savoir
dans l'eucharistie, que le Saint-Esprit s'était BOTIS, Voy.Otis.
incarné dans elle, que la seconde et la troi- BOTRIS ou BOTRIDE, plante dont les
sième personne de la Trinité sont inférieures feuilles sont velues et découpées et les fleurs
au Père, que la chute de Lucifer enlratna en'petites grappes. Les gens à secrets lui
celle d'un grand nombre d'anges qui habi- attribuent des vertus surprenantes, et par-
taient les régions de l'air. 11 disait que c'est ticulièrement celle de faire sortir avec faci-
par le ministère de ces anges rebelles que lité les enfants morts du sein de leur mère.
Dieu a créé le monde et animé les brutes, BOUBENHOREN, Voy. PACTE.
mais que les hommes ont une âme divine; BOUC. C'est sous la forme d'un grand bouc
que Dieu nous a faits malgré lui, etc. Il unit noir aux yeux éiincelants, que le diable se
par se dire lui-méme le Saint-Esprit in- fait adorer au sabbat; il prend fréquemment
carne. cette figure dans ses entrevues avec les sor-
Il fut arrêté après la mort d'Innocent X, cières, et le maîlre des sabbats n'est pas
et. le 3 janvier 1661, condamné comme héré- autrement désigné, dans beaucoup de pro-
tique et comme coupable de plusieurs mé- cédures, que sous le nom de bouc noir ou
faits. Mais il parvint à fuir dans le nord, et il grand bouc. Le bouc et lc manche à balai
fit dépenser beaucoup d'argent à la reine sont aussi la montureordinaire des sorcières,
Christine, en lui promettant la pierre philo-, qui partent par la cheminée pour leurs as-
sophale. Il ne lui découvrit "cependant pas semblées nocturnes.
ses secrets. 11 voulait passer en Turquie, Le bouc, chez les Egyptiens, représentait
lorsqu'il fut arrêté de nouveau dans un pe- le dieu Pan, et plusieurs démonographes
tit village comme conspirateur. Le nonce du disent que Pan est le démon du sabbat. Chez
pape le réclama, et il fut conduit à Rome, où les Grecs on immolait le bouc à Bacchus;
il mourut en prison le 10 août 1695. d'autres démonomanes pensent que le dé-
11 est l'auteur d'un livre intitulé La Clef mon du sabbat est Bacchus. Enfin lc bouc
du cabinet du chevalier Borri, où l'on trouve Émissaire des Juifs (Azazel) hantait les forêts
diverses lettres scientifiques, chimiques et très- et les lieux déserts consacrés aux démons
curieuses, ainsi que des instructions politi- voilà encore, dans certaines opinions, les
ques, autres choses dignes de curiosité, et beau- motifs qui ont placé le bouc au sabbat. Voy.
coup de beaux secrets. Genève, 1681, petit Sabbat.
Co»
(1) La Chiavedel gabiliettodel cavagliereG. V. Borri, altre cosedegne di curiositae mollisegreti bellissimi.
col l'avordelta quale si vedonovarie lettere scientilice, logue(Genève),1CS1
thimice. e curjosissime.con varie instruiioiiiiioliticlie,eu
251 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 852
L'auteur des admirablès secrets d'Albert de l'ancienne famille, réduite maintenant à
le Grand di. au chapitre 3 du livre II, que deux têtes, le vieux chevalier de Scheu-
sr on se frotte le visage de sang de bouc qui renhof et sa fille.
aura bouilli avec du- verre et du vinaigre, Rarement les habitants du village voyaient
on aura incontinent des visions horribles et le vieux chevalier; il vivait dans la retraite
épouvantables. On peut procurer lemême la plus profonde. Sa fille, Mathilde, avait dix-
plaisir à des étrangers qu'on voudra trou- huit ans, et on la citait, dans cette contrée,
bler. Le» villageois* disent que le diable se connue par la beauté et la fraîcheur de ses
montre fréquemment en forme de bouc, à jeunes filles, comme la plus fraîche et la plus
ceux qui le font venir avec le grimoire. Ce belle. Elle était encore un ange de bonté. Il
fut sous- la figure d'un grànd bouc qu'il em- fallait voir avec quels soins, avec quelle at--
porta Guillaume1 le Roux, roi d'Angleterre. fectueuse piété, elles'appliquait à adoucir les
Voici' une aventure de botfc qui peut tenir derniers jours de son'v-ieux père. Et ce
ici sa place. Un voyageur, couché dans une n'était pas trop de tout cet amour pour don-
chambre eKaubefge', avait pour voisinage, ner la résignation au vieillard; caries dou-
sans le savoir, une compagnie de chèvres et leurs et les infirmitésde la vieillesse ne trou-
de boucs, dont il n'était séparé que par une blaient pas- seules la vie du chevalier de
cl'oison de bois fort mince, ouverte en pli}-, Scheurenhof.Un autre motif.et un motif plus
sieurs endroits. Il s'était couché sans exa- grave, ne lui laissait point de repos.
miner son gîte et dormait paisiblement, A l'époque où se passe l'événement que
lorsqu'il reçut la visile d'un bouc son vor- nous a) tons raconter, cette partie du Limbourg
sirv l'animal avait profité d'une ouverture était singulièrement agitée, non point parune
pour venir le voir. Le bruit de ses sabots guerre, mais par quelque chose de pire, par
éveilla l'étranger, qui le prit- d'abord pour uneband'ede brigandsdont l'esouv-eniralaistè
un vole,or. Le bouc s'approcha du lit et mit des traces dans tout le pays. Cette bande éten-
ses deux pieds dessus. Le voyageur, batan- dait le théâtre de ses_exp)oitsdans tout le vasle
çant entre le ehoix- d'une prompte retraite carré compris entre Aix-la-Chapelle, Maës-
ou d'une attaque vigoureuse, prit le parti de tricht, Ruremonde et Wassemberg: EUe dé-
se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui borda même souvent jusque dans la Campine
d'abord se présentent au bord du lit, com- liégeoise. Elle avait à elle tous les villages,
mencent à l'intriguer; son effroi augmente, tous les- hameaux, tous les bourgs compris
lorsqu'il touche une face pointue, une lon- dans les quatre angles de ce territoire, et
gue barbe, 'des cornes. Persuadé que ce ne elle y régnait par la terreur et l'épouvante.
peut être que le diable, il saute de son lit Ceu;c qui' l'a composaient, habitants de ces
tout troublé. Le jour vint seul le rassurer, bourgs, de ces hameaux, de ces villages, se
en lui faisanl-cortnattre. son prétendu démon. reconnaissaient entre eux par un mot d'or-
Voy. Grimoire. dre et par une petite carte marquée d'un si-
La chapelle des Itouçs. gne hiéroglyphique. Le jour, ils travaillaient
aux champs, ou buvaient dans les tavernes
Ce qui va suivre explique quélqtfc chose (car l'argent ne leur manquait jamais). La
des mystères de la soréellerie et surtout du nuit, ils se rassemblaient au signal' d'un
sabbat. Nous devons ce récit intéressant à coup de sifflet qui partait du fond d'un hal-
M. André Van Hasselt, qui t'a publié à liér ou qui rcteiilissn.it dans les solitudes
Bruxelles, dans Y Emancipation. d'une bruyère. Alors l'effroi se répandait de
Nous voici en l'année 1773. Par une chaude toutes parts. tes fermes tremblaient. Les
journée du mois d'août, nous suivons lente- églises étaient dans l'inquiétude. Les châ-
ment l'ancienne route de Maëstricht à Aix- teaux frémissaient- d'anxiété. Partout on se
la-Chapelle cette voie nonchalante et pares- disait avec terreur et- tout bas
seuse qui se tratne, par de longs détours, à Malheur 1 voilà les Boucs qui vont ve-
travers les villages de Mc.ersen et de Hou- nir.
them, touche au bourg de Fauquomont, puis Et les bandits allaient, dévalisant les fer-
se dirige par Heeck, Climmen et Gunroot les châieaux
mes, dépouillant pillant les
vers Heelen, d'où elle s'avance sur Aix-la- églises, souvent à la lueur de l'incendie, tou-
Chapelle, après" avoir traversé Kerkraede et. jours les armes à la main et un masque au
Riclerick. visage.
Nous venons de sortir de Fauquemont; Le matin, tous avaient disparu. Chacun
voici à notre gauche le 'clocher pointu de avait repris son travail' de la journée, tandis
Heeck avec sa croix. Après avoir dépassé que l'incendie allumé par eux achevait de
Climmen, quittons la grande foute et descen- s'éteindre et que les victimes de leurs vols et
dons dans ce vallon ou glisse la rivière de de leurs déprédations se désolaient sur les
Gelcen, charmante à suivre. Si le lecteur ruines de leurs fortunes.
n'est pas fatigué, il entrera dans un taillis
et y trouvera lès ruines d'un Le grand nombre d'expéditions qui se mul-
petit manoir, tipliaient de tous côtés et souvent dans la
près de la croix plantée au bord du sentier même nuit, avaient fait naître parmi le peu-
qui se dirigé de Hoensbroek à Vaesraedt. ple une singulière croyance. On disait que
Ces ruines, que l'on ne découvre pas sans les bandits possédaient le pouvoir de se trans-
peine sous les ronces et la mousse qui les porter en un instant d'un point de la province
couvrent, sont celles du châleau de Scheu- à l'autre, et qu'un pacte, conclu avec l'enfer,
renhof, manoir habité en 1773 par tes restes mettait à leurs ordres' le démon qui, sous k\
253 BOU BOU 25*
forme d'un bouc, les emportait sur son dos comme s'il se fût agi de savoir à qui des deux
à travers les airs. De là le nom de Boucs qui resterait la victoire.
leur fut donné. 1 Ceja dura vingt ans {put entiers. Celui qui
L'origine de cette bandedoitêtreattribuée à voudrait, çodqme nous avons eu le cqunige
quelques déprédations isolées commises avec de le faire, interroger les registres formida-
succès. Mais plus tard, quand le nombre im- bles des différentes, justices qui, dans le Lim-
mensedesBuucs se fùlaccru au point d'inspi- bourg, curent à s'occuper, des procès des
rer des craintes sérieuses à la république des Boucs, serait stupéfait devant te chiffre énor-
Provinces-Unies, on soupçonna des ramifica- me des malheureux, coupables ou non (car
tions si étendues et des pians si étranges, que la justice se trompait quelquefois), qui péri-
l'historien doit douter de la vérité des convi- rent de par la loi dans cet espace de teipps.
ctions acquises par plus d'un des juges qui siégè- Dans un rôle du tribunal de Fauquemant
rent pour examiner les brigands dont la jus- seul, nous avons compté cent quatre pen-
tice.parvenait à s'emparer. On allait jusqu'à dus et écartelés en deux années, de 1772t à
dire que Frédéric le Grand, pour avoir les 1774.
coudées franches en Allemagne et occuper Le manoir de Scheurenho?étaR situé prér
les Provinces-unies, entretenait lui-même cisémentau milieu, du. foyer de ces briganda-
par des agents secrets ce terrible incendie. ges.– Le vieux chapelain entra dans. la salle.
On ajoutait même que l'initiation des adep- Nous apportez-vous de mauvaises nou-
tes se faisait d'après, tin moyen inventé par velles, mon père? iui demanda vivement le
d'Alembe.rt. 1 après un moyen seigneur.
Voici comment ces initiations avatent lieu. 11 est difficile d'en espérer de bonnes,
Dans quelque chapelle perdue au.fond d'un répondit le prêtre.. La nuit passée, l'incendie
bois ou d'un bruyère, s'allumait une petite a éclaté sous les toits, de Bingelcaedt.
Ainsi l'orage s'amasse de plus en plus
lampe, au milieu d'une nuit obscure et ora- cette nuit Bjngelracdt, il y a truis jours
geuse. il y a six joues Neucnha-
Schinveldt
L'adepte était conduit par ces deux par- gen.
rains dans ce bois on dans cette bruyère, et Et en disant ces mots le vieillard baissa
la chapelle s'ouvrait. Il en faisait trois fois le tristement les yeux vers La terre.
tour à quatre patles; puis il y entrait à recu- Le jour éta.it entièrement tombé et l'oh-
lons, après une copieuse lihalion de liqueur scurité avait envahi le ciel de toutes parts.
forte. Deux brigands affublés de vêlements La jeune fille au bord de la fenêtre,
cabalistiques recevaient son serment et con- ouvrit tout à coup de grands yeux et jeta un
cluaient avec lui le pacte infernal. On le cri tercible
hissait alors sur un bouc de bois placé sur tt Le feu! le feu 1
un pivot. Le récipiendaire assis, on se met- Le vieillard bondit sur son siège.
tait à tourner le bouc. Il tournait, il tournait Le feu, dis-tu? et de quel côté?1-
toujours, il ne cessait de tourner. Du côté de Hegen, répondit Mathilde
Le malheureux, déjà le cerveau pris par avec un. profond serrement Je cœur.
la boisson, devenait de plus en plus ivre. II Ce n'est rien, dit le vieillard froide-
bondissait sur sa monture, la sueur ruisse- ment. •
lait le long de ses tempes, il croyait traverser Ces paroles poignantes firent rouler une,
l'air à cheval sur un démon. Quand il avait larme sur chacune des joues de la jeune fille.
longtemps tourné ainsi, on le descendait ha- Elle suffoquait à ce tableau sinistre et à Fi-
rassé, n'en'pouvant plus, dans un vertige dée que là peut-être une tête bien chère al-
inexprimable. Il était Bouc; il était incen- lait tomber sur les haches impitoyables des
diaire, il était voleur, il était bandit, il était Boucs.
assassin. Il appartenait à tous les crimes. Il Le petit château doHegcn, situé à l'est de
était devenu un objet de terreur, un être Seheucenhof, était habité par une famille
exécrable. La soif de l'or avait fait tout qu'une haine héréditaire faisait vivre dans
cela. une inimitié héréditaire aussi avec la famille
Mais, si les Boucs répandaient ainsi l'épou- de Scheurenhof. Le voisinage, le temps, les
vante, la justice ne demeurait pas inactive. mille rapports que doit nécessairement éta-
Ce fut dans le pays de Rolduc que les pre- blir le contact continuel de deux maisons
mières poursuites eurent lieu. Et, ces popr- situées, pour ainsi dire, côte à côte, rien do
suiles commencées, on alla bon train. La tout cela n'avait pu dominer cette haine. Au
seigneurie de Fauquemont, l'ammanie de contraire, elle devenait plus ardente d'année
Montfort, tout le territoire de Julicrs, se en année. Mais, si cette division acharnée
couvrirent de roues, de gibets, de bûchers; s'était mise entre ces deux châteaux, il y
Hcclen fit construire deux potences. La Sei- avait pourtant un lien secret et caché qui h-s
gneurie de Schaesberg. Nocnsbroek, Ubach, réunissait. Mathilde était aimée de Walter do'
Nuth, presque chaque village en tirent érigor Hegen.
une-au moins. Et plus on rouait, plua on Le vieux châtelain de Scheurenhof ne son-
pendait, plus on écartclait, plus on brûlait, geait guère, il est vrai, à donner te titre dc
plus aussi les Boucs devenaient redoutables gendre à Walter, commujc maître du ma-
par leur nombre et par leur audace. On eûtt noir de Hegen repoussait de toutes ses forces
dit .qu'une lu! te s'était établie entre le crime l'idée que son fils pût donner un jonr à Ma-
et la loi, et que l'un rivalisait avec l'autre, lhilde le titre d'épouse. lin dépit de lu haine
285 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 25«
des deux pères, ni le fils ni la fille ne quit- vous avez vos maisons, vos femmes, vos en-
taient cet espoir. Et c'était la crainte d'un fants. Si l'on vous savait ici, on brûlerait
danger pour Walter qui avait fait couler les vos maisons, on dévasterait vos champs,
larmes des yeux de l'héritière de Scheuren- on-ruinerait vos biens, on vous réduirait à
hof, au moment où l'incendie. éclata devant la misère. Toi, Martin demeure. Tu n'as
elle du côté du manoir. rien à perdre. Je te nomme dès ce moment,
Vous avez donc pris vos mesures ? de- mon premier garde-chasse. Tu t'acquitteras
manda le chapelain en se tournant vers le bien de cette charge, car nul mieux que
srre de Srheurenhof. toi ne connaît les sentiers de mes bois. Vous,
Mes murailles sont assez forles encore mes amis, rentrez dans vos demeures.
pour que nous puissions repousser la pre- En disant ces mots, il tendit la main au
mière attaque, répondit celui-ci. bailli et à tous ses compagnons, qui ne se
A peine le chevalier eut-il achevé ces retirèrent qu'à regret.
mots, qu'un serviteur de la maison, Job, A peine furent-ils parvenus au bas du sen-
entra tout effaré dans la salle. tier qui conduit à Hoensbroek. qu'ils enten-
Eh bien I Job, que veut dire cette pâ- dirent un cavalier glisser à côté d'eux, mais
leur ? fit le maître du manoir. ils ne purent le distinguer suffisamment pour
Messire, des hommes du village dési- le reconnaître à cause de l'obscurité de la
rent vous parler. nuit.
Et qui est à leur tête? Qui va là? s'écria le bailli.
Le bailli de Hoensbroek. Ami 1 répondit une voix qu'ils ne recon-
Qu'on les laisse entrer. nurent pas davantage.
Quand les habitants de Hoensbroek se -Le cavalier avait déjà gravi la hauteur, et
trouvèrent devant le châtelain de Scheuren- le bruit de son coursier s'était éteint du côté
hof, le bailli prit la parole de Scheurenhuf.
Noble seigneur, nous venons vous of- Peu de minutes après, la poignée d'une
rir nos services en ce moment de danger. épée frappa vivement à la porte du ma-
Vous avez toujours été pour nous charitable noir.
et bon. Il est juste que nous vous soyons re- Qui frappe ainsi? demanda Martin, ar-
connaissants. mé d'un fusil de chasse de son maître.
Le visage du vieillard s'éclaircit à ces pa- Un ami, qui veut parler au sir de Scheu.
roles il jeta un regard rapide sur les braves renhof, répondit la voix que les habitants
accourus à son secours en les nommant cha- de Hoensbroek avaient déjà interrogée.
cun par leur nom comme d'anciennes con- La porte s'ouvrit, et le cavalier entra.
naissances. Mais ses yeux s'arrêtèrent avec Martin, tenant le canon de son fusil tourné
étonneraent sur une figure cachée à demi vers l'étranger, lui dit
dans un des coins les plus obscurs de la salle. Avancez jusque sous cette lanterne et
C'était un vigoureux jeune homme dont le dites ce que vous voulez.
front était bruni par le soleil, dont les bras Je te l'ai dit, parler à ton maître.
eussent déraciné un arbre du sol et dont les -Qui êtes-vous?
prunelles trahissaient à la fois la ruse et l'au- Ton maître le saura.
dace. Martin abaissa son arme. Il avait reconnu
Eh Martin, exclama le sire de Scheu- la figure de l'élrangcf.
renhof, comment se fait-il que je te rencon- Ahl c'est vous, messire? murmura-l-il
tre ici parmi mes amis? avec étonneraient. Suivez-moi.
Châtelain de Scheurenhof, répondit lisse dirigèrent vers la salle où se tenaient
l'autre sans manifester la moindre surprise, le sire de Scheurenhof, sa fille et le chape-
je n'ai jamais été que l'ennemi du gibier de lain, regardant l'incendie qui diminuait et
votre chasse, parce que je suis d'avis que la flamme qui devenait de plus en plus
Dieu n'a pas donné, de maitre à. ce qui vit faible.
dans l'eau, dans l'air et dans les forêts, et Attendez ici que je vous annonce, fit
qu'il a créé pour le valet aussi bien que Martin à son compagnon.
pour le seigneur, le lièvre de la .forêt, l'oi- A ces mots, il ouvrit la porte de la salle
seau du ciel et le poisson de la rivière. Vous, et dit à haute voix
messire, ne pensez pas de même, et plus Messire Walter de Hegen I
d'une fois vous me l'avez montré par votre Waller! exclama Mathilde avec une
justice, sans cependant que vous ayez jamais émotion indicible.
à mon égard agi avec inhumanité comme vos De Hegen 1 s'écria le vieux châtelain
lois vous permettaient de le faire. Or, je vous avec un accent inexorimable.
en suis reconnaissant aussi, et mon bras est Le jeune homme s'avança d'un pas ferme
à vous. vers le vieillard.
Le vieillard contint l'émotion qui agitait Messire, lui dit-il, je ne suis plus main-
son cœur et., se tournant vers les au- tenant le fils de votre ennemi. L'incendie
tres m'a chassé de ma maison et m'a fait orphe-
Mes amis, je n'ai que deux souhaits à lin sur la terre; mon père est mort; ma
former; le premier, c'est le salut de ma fille; mère est morte; toute ma famille est tombée.
le second, c'est que le ciel me mette un jour Je n'ai plus de toit et je viens vous demander
à même de récompenser votre loyauté. Vos une place sous le vôtre.
services, je ne puis les accepter, parce que Jeune homme l'hospitalité est une
IF-
R57 BOU BOU 258
'7ieille habitude de ma maison; qu'elle soit péta Jean-le-Bancal, tous armés
la tienne; je t'y offre un asile qui demain ju-qu'aux
dents et prêts à nous tailler une rude be-
n'appartiendra plus à nous-mêmes peut- sogne.
être. Combien en as-tu compté? reprit le ca-
Messire, si mon cœur est fort, mon pitaine.
épée est forte aussi, répliqua le jeune homme Un grand nombre, fit le ménétrier.
avec fermeté. L'obscurité ne m'a pas permis de les distin-
On allait inviter Walter à prendre place guer suffisamment. Mais j'ai vu luire leurs
à table pour partager le repas du soir, quand armes à la faible clarté de la lune et j'ai en-
Martin reparut et s'avança vers le châtelain tendu leurs chevaux hennir comme après
en jetant sur Hegen un regard de défiance. une longue course.
-Que désires-tu, Martin? demanda le vieil- Le récit du Bancal et tes assurances qu'il
lard. ne cessait de donner augmentèrent dans l'es-
J'ai quelque chose à vous confier, mes- prit des bandits la conviction que Scheuren-
sire. hof venait de recevoir une garnison capable
Parle à haute voix. Cet homme est mon d'une longue défense. Le capitaine était
hôte; il peut savoir tout ce qui nous in- le seul qui doutât des paroles du ménétrier.
téresse. -Jean, lui dit-il, tu as vu, tu as entendu,
Voici donc, reprit Martin.. Mon ange seulement tu as oublié de compter combien
gardien m'inspira, sans doute, de m'en aller ils étaient. Tes yeux avinés auront, à coup
au dehors et d'écouter ce qui se passe autour sûr, doublé, triplé, décuplé le nombre. En
de la maison; car j'ai avisé, près de notre tout cas, nous allons aviser à un autre
porte Jean-le-Bancal, le ménétrier; il ne moyen. Quatre hommes se rendront à Scheu.
hante que les tavernes, et à chaque fête de renhof pour- demander la place. Cinquante
village on est sûr de trouver son violon. Il hommes, toi, Pierre-le-Diable, avec ta com-
me reconnut; comme nous nous sommes pagnie, vous les accompagnerez pour les
rencontrés plus souvent dans les cabarets protéger contre toute attaque. Vous ferez
que dans tes églises, il me demanda si je vou- halte dans le bois du Calvaire et vous atten-
lais l'aider à espionner le château et à pré- drez le retour de mes députés.
parer les moyens de faire tomber Scheuren- Le chef ayant fait choix de ses quatre
hof par surprise aux mains des Boucs. messagers, qu'il munit de ses instructions,
Ils ne me prendront pas comme un rat Pierre-le-Diable rassembla ses hommes et la
dans une souricière! s'écria le vieillard. La troupe se mit en route vers le château.
colère m'a rendu les forces que l'âge m'avait Parvenus au pont-levis du manoir, ils don-
ôtées. Ils sentiront ce que pèse mon bras, si nèrent un coup de sifflet pour s'annoncer.
mon épée est bien pointue et si mes cara- Martin passa.la gueule de son fusil par une
bines visent juste. Cet homme est-il parti? des meurtrières.
Non, messirel J'ai feint d'entrer dans -Faut-il faire feu? demande-t-il à son
ses projets et je l'ai pris comme un renard maître. Et sans attendre la réponse, il lâ-
dans une trappe.. cha la détente. La balle siffla à l'oreille d'un
Qu'on le pende à l'instant même à la des envoyés des Boucs.
tour la plus haute de ma maison 1 Trahison s'écrièrent les quatre voix
Ne -croyez-vous pas, messire, qu'il se- toutes ensemble.
rait plus prudent de se borner à le tenir en- Arrière, Martin 1 s'écria le châtelain en
fermé dans un de nos souterrains, pour ne •. repoussant le garde chasse.
pas donner l'éveil à ses compagnons? Nous Puis s'adressant aux députés
aurons toujours le temps de lui faire faire Ce n'est qu'une méprise, compagnons,
des entrechats entre ciel et terre. leur dit-il. On va vous ouvrir la porte, et foi
Tu as raison, fit le sire de Scheuren- de gentilhomme 1 vous sortirez sains et saufs
hof. Dans le cas où nous sommes, prudence de ma maison.
vaut mieux peu-être que témérité. Or, voici Aussitôt le pont-levis s'abaissa; la porte
le moyen qui me semble préférable. Martin s'ouvrit. Les envoyés des Boucs entrè-
fera semhlant d'entrer dans les vues de l'es- rent.
pion. Il sortira avec lui du château et le con- Que voulez-vous ? demanda le châte-
duira secrètement dans le bois du Calvaire, lain.
en lui disant qu'une troupe de gens d'armes Deux choses, répondit l'un d'eux.
doit venir, cette nuit, à notre secours. Tous La premièré?
nos hommes armés et à cheval feront en si- C'est que vous nous rendiez toutes les 7`
lence un détour à travers le bois et rentre- armes qui se trouvent en vos mains, répli-
ront au manoir en passant près de l'endroit
qua le bandit.
où Martin se sera posté avec son compagnon, La seconde ?
afin de faire croire ainsi aux bandits que ce C'est que vous nous remettiez tout l'argent
secours nous est réellement arrivé. qui est gardé en ce château.
fr Celte ruse s'exécuta aussitôt et elle réus- Allez dire à ceux qui vous envoient
sit. Avant que minuit eût sonné, un bruit si- qu'ils viennent prendre les armes et l'argent,
nistre circula parmi les brigands. s'ils le peuvent, répondit le seigneur de
Il est arrivé une troupe de soldats à Scheurenhof.
Scheurenhof. La porte se rouvrit et les députés sorti-
Une troupe nombreuse dè cavaliers- ré- rent. Le ponl-levis relevé derrière eux Mar«
ÎÏ9 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 260
tin
lin ssep.remit
rem devant la meurtrière, dans la- leurs fondements. Ce ne fut qu'un .instant;
quelle il replaça son fusil rechargé. ce ne fut qu'une seconde. Puis tout était re-
Faut-il faire feu, maître? tombé dans une obscurité épaisse; ef •vous
Ce ne sont.pas des lièvres, Martin. Ces n'eussiez plus entendu que des cris, des.gé;-
' o.mmessont sous nia sauve-garde de gen- missements de blessés et de mourants. ilne
tilhomme. clameur générale couvrjt bientôt ces gémis-
Le braconnier ne céda qu'à regret à cet sements et ces cris Victoire 1 victoire î
ordre et retira son fusil dont le chien était Et les bandits se ruèrent parla brèche; eu
déjà sur le point dé faire partir la balle. passant sur quarante cadavres des leurs; que
Maintenant la position du châtelain était l'explosion de la mine; pratiquée, sous la
dessinée tout entière. Le danger était pres- porte, avait broyés. Les Boucs s'étaient jetés
sant. Aussi l'on s'occupa de tout disposer dans la cour du château. Mais plus un coup
pour une vigoureuse défense. Les domesti- de fusil qui leur répondît, plus un homme
ques furent armés de bons fusils et de fléaux qui fût là pour leur tenir tête.
et placés près de là porte, les murailles dii N'avancez pas trop yiie cpin,pagnom>,
manoir étant assurées par leur élévation s'écria Pierre-le-Diable, qui avait pris Le
contre l'attaque des bandits. Tout cela fait, commandement de la troupe. Soyons sot nps
on ouvrit les caveaux et le souterrain qui, gardes avant tout 1
conduisant du château au bord du ruisseau Car il craignait qu'une aulr.e mine, prati-
de Geleen, offrirait une retraite assurée, si le quée sous le sol où ils marchaient, ne fît un
manoir était enlevé. nouveau carnage parmi les siens. f
Deux heures pouvaient s'être écoulées, Ne redoutez rien 1 avancez, si vous n'êtes
quand les abords de Scheurenhof se trouvè- deslâches! répondit aiissilôtùne voix que vous
rent cernés d'une multitude de bandits. On eussiez reconnue pour celle .de Walter de
n'entendait que des armes qui s'entre-cho- Hegen.
quaient, que des sifflets qui s'interrogeaient A l'allaquel reprit Pierre-lé-Diaple.
et se répondaient de toutes parts, que des Et les bandits se rangèrent en un vaslé
voix qui se parlaient el des ordres qui cou- cercle autour du jeune homme qui, s.on-épee
raient de rang en rang. Le gros de la troupe a la main se tenait sur le seuil de l'habita-
avait atteint le pont-levis. tion dont il essayait de défendre l'entrée.
-En avant! s'écria aussitôt le capitaine. Alors recommença un combat terrible.
Et les bandits s'avancèrent. Lés mains vigoureuses do Walter brandis-
Mais, au même instant, une détonation saient sa redoutable épée, qui semblait se
terrible partit de toutes les meurtrières du multiplier et faire une roue de fer autour de
château, qui était demeuré jusqu'alors dans lui. Cependant le cercle qui l'enveloppait se
le plus profond silence. rétrécissait de plus eh pîuJ5 et te serrait, de
Bien visé, Martin; dit le châtelain, èn plus près. Un. moment arriva ou les bandits
voyant chanceler le chef des assaillants triomphèrent de cet hoinmê seul et jetèrent
qu'une balle avait frappé à la poitrine. un hurlement de joie Jl est pris l
Le bandit tourna sur lui-même et leva On le renversa sur le sol. Dix haches, dix
son épée en l'air puis il tomba au milieu sabres étaient levés, sur lui, dix canons do
des siens en murmurant d'une voix rauque fusils étaient braqu'és sur sa poitrine.
Eri avant 1 Arrêtez, s'écria le capitaine en écartant
Les brigands hésitèrent un moment et n'o- les brigands. Cet homme ne peut mourir
sèrent avancer. Une deuxième détonation comnie un brave.
illumina les meurtrières et six hommes Qu'on le pende aux bras du ponl-levis 1
mordaient la poussière à côté du cadavre de dit Jean-lc-Bancal.
leur capitaine. Alors le trouble redoubla. Qu'on lé jette-dans le Geleen continua
Mais un cri de vangeance éclata presque aus- un iutre.
sitôt parmi la foule exaspérée Je sais mieux que cela, reprit Pierre-
Hourra 1 hourra 1 le-Diable. Qu'on aillé chercher son cheval,
Et ils se ruèrent en avant avec une in- ci qu'on m'apporte l'un des câbles qui ont
croyable fureur. C'était une masse compacte sër.vi à monter le pont.
et serrée où portaient toutes les balles qui Alors on jeta le prisonnier en travers du
partaient du château comme une grêle de ch.ëvàl, sur leqye! on se mit en devoir de
plomb. Une partie des Boucs; descendus dans rattacher avec forcé, après lui avoir noué
le fossé s'étaient hissés au ponl-levis au les bras et les jambes. Puis au moyen des
moyen de cordes et travaillaient à scier les cordes on se mit à frapper le pauvre animal
chaînes qui le retenaient. Un moment après et, quand on l'eut, frappé longtemps :•
le pont s'abaissa avec fracas. La. porte cra- Maintenant qu on lé lâcliel 1 s'écria lé
quait sur ses gonds, entamée par le tran- capitaine.
chant du fer. Chaque coup grondait sous la Le cheval fut lâché, et il partit .côinmc ûh
voûte d'entrée et mêlait son bruit sourd 'au •éclair, à travers les buisspns, à travers les
bruit des armes à f.eii et aux blasphèmes qiii halliers, courant co.mm'e si ujn ouragan .l'em-
tonnaient dans la foule comme un orage. La portait. Le cheval et l'ecav/iiitT ayant dis-
porte tomba déracinée et ta multitude se pré- paru, on se init à fouiller dans le château;
cipita en hurlant sous la voûte ténébreuse. on brisa toutes les, portes, on força tous les
Tout à coup une explosion terrible éclata et meubles, on interrogea tous lés réduits.
ébranla les murailles du manoir jusque dans C'est une chose inconcevable, se dirent
S61 BOU BOU 262
les bandits, quand, ,a.près avoir Lôut fouillé, s'arrêta brusquement et dit à voix basse
ils n'eurent rien trouvé, ni hommes ni ar- Arrêtez.
gent. Tous firent halte, parce que tous savaient
Comment t ont-ils't '1 pu s'enfuirf,' d'ici
1" ? de-
d combien était développé dans ce braconnier
manda le chef. cet instinct de bêle fauve qui flaire le danger,
J'ai vu à la tourelle de l'est une échelle qui comprend le langage du vent, qui entend
de corde attachée au mur et qui descend jus- nu frôlement des feuillages d'un hallicr si
que dans le fossé, dit un homme de la troupe. c'est un ami ou un éniienii qui l'a produit.
Ils sè sont donc 'sauvés par là, reprit Après s'être assuré delà direction d'où ve-
Pierre. nait la -rumeur qui le frappait, le garde-
Vers Amstênraedl ajouta Jéan-Ie- chasse mit son fusil en bandoulière et se
Bancal. disposa à grimper lé long de la berge du ra-
Nous les rejoindrons, continua Pierre- vin. Sans déranger un fcaillou, sans froisser
le-Diable. une plante, sans rompre la branche d'un
Et tous les bandits prirent la route d'Ams- buisson, ilatleigriil avec la légèreté d'un chat
tenràcdt. la crète de la berge et regarda autour de lui
Après. avoir donné le signal de l'explosion en éc'o'utânt de toutes ses oreilles. Il recon-
qui fit sàutef la porte d'entrée, le seigneur nut aussitôt quel était ce bruit; car il avisa
.de Scheurenhof et les sïrn's s'étaient retirés à quelque distance la sinistre petite lampe
par te souterrain qui conduisait au bord du qui ne s'allumait qu'au sein des nuits téné-
ruisseau de Géleen. Walter avait refusé de breuses pour éclairer l'initiation" des Boucs.
les suivre, afin de protéger leur .retraite. Un cri de terreur se fût échappé de la bouche
Une échelle de corde avait été attachée à la des fugitifs, s'il leur eût dit Nous sommes
tourelle de l'est pour faire supposer que les près de la chapelle des boucs. –Mais il se
fugitifs s'étaient échappés de ce côté. Le sire pencha au bord du ravin, et leur fit signe tlë
de Scheurenliof'et' toute sa maison marchaient marcher avec précaution
dans l'obscur souterrain, éclairés parla lu- Avancez à pas dé loup, leur 'ait– il tout
iniè'r'e d'une lanterne sourdè que Martin por- bas nous sommes ici dans un endroit plein
tait devant eux. parvenus à l'issue au milieu de péril.
d'un épais fourré, Martin éteignit sa lan- Toute la troupe descendit le ravin dans le
terne, et tous virent les pâles étoileé au ciel. plus grand silence. ils laissèrent â leurgàu-
On entendait de loin la rumeur dés Boucs che les toits d'Oosie, et entrèrent après une
qui s'éloignait et s'éteignait dans là nuit demi-lieuré de marche à Fâuquemont.
vers le village d'Amstenràed, dans une di- Grâce au ciel nous voici sauvés, s'écria
rection opposée à celle que suivaient les fu- le sire de Scheurenhof.
gitifs. Mais à peine le châtelain eut-il Pendant ce temps Martin s'était glissé à
mis le pied hors du souterrain, qu'il recula» travers les. buissons et les hautes herbes jus-
saisi d'effroi, et que Mathilde jeta un cri. 11 qu'auprès de l'entrée de li) chapelle. "Il y vit
s'était fait un grand bruitdans les buissons, accomplir les mystères d'une initiation. De-
comme celui d'un cavalier dont le cheval, vant l'autel se tenait debout ce fameux juif
effrayé par un coup de tonnerre, aurait pris Abraham Nathan, qui joua un rôle si terri-
le mors àux.dents-. Ge bruit devenait de plus ble dans l'histoire de' la bande. Il était vêtu
en plus distinct. C'étaient des branches qui d'une espèce' de chasuble brodée d'or et rece-
se cassaient; des feuillages qui se froissaient, vait le serment d'uri pauvre vacher que l'on
des hennissements étouffés. Au même in- venait de descendré du bouc dé bois.
stant quelque chose dé lourd vint s'abattre -Tu renies Dieu!! lui demandait le juif.
aux pieds de la jeunefille. Oui repondit le paysan d'une voix
Walter de Hegen dit Malhilde. avinée.
C'était lui en effet les chairs à demi dé- -Et la Vierge et les saints ?
chirées par les cordes qui le nouaient au -Oui, la Vierge et les sajnts.
cheval, mais suin et sauf. Une larme de joie -Tu consens à donner ton âmè au démon,
roula sur les joues lie l'héritière de Scheu- afin qu'il t'accorde en échange les biens de
renhof, et tous se'mirent en devoir de défaire la terre l'or, les richesses et le pouvoir de
les nœuds qui étreignaient Walter. te transporter par ta volonté partout où tu
Comment cela s'esl-il fait? demanda lé voudras?
vieillard à peine revenu de son étonnemènt. Oui.
Je vous dirai cela plus tard, répondit le Eh bien 1 j'accepte; au ritim d&l'etifor.tdn*
jùunï homme. Songeons d'abord à nous met- âme à ce prix, dit Nathan. Et maintenant tu
tre en sûreté. Je co'nnais ptè's d'ici le mcu- e"ê des nôtres. Voici la carte qui te fera re-
nier d'Hullebroeck. Nous y trouverons dés connaître des frères.
chevaux. Nous nous dirigerons vers Geulh Puis après lui av.oijr remis5 une carte mar-
où nous passerons la Meuse-. quée d'un signe hiéroglyphique, le juif lui
El, sans se donner le temps de reprendre donna l'accolade fraternelle et lui répéta
haleine, il çoniîuisitia troupe. –À ce soir.
Ils avaient laissé à leur gauche le village Cela rie sera pas, se dit Martin eh lui-
de Hccck, et descendaient un étroit ravin même.
vers le clocher de Saint-Peter. Ils n'y furent Et, passant lé canon do son fusil entre les
pas plutôt engagés que Martin, qui marchait branches d'un buisson, derrière lequel il se
à la tête de la troupe en guise d'éclaireur, 3tenait caché, il ajusta Nathan qui se penchait
S63 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 264
vers son compagnon et lui donnait le baiser curieux Oorspong, Oorzaeke bettys, etc.
d'initiation. Au même instant la détente par- « Origine, cause, preuve et découverte d'une
tit une balle fracassa la tête du nouvel ini- bande impie et conjurée de voleurs de nuit
tié et entra dans les chairs du bras droit du et de brigands dans les pays d'outre -Meuse '3
juif. et contrées adjacentes, avec une indication
Un cri effroyable retentit dans la chapelle exacte des exécutés et des fugitifs, parS.-P.-
-Trahison trahison I J. Sleinada. »
Le nouveau Bouc roula sur les marches de BOUCHER.– Ambroise Paré raconte, dans
l'autel, se tordit un instant et rendit le der- son livre des Monstres, chapitre 28, qu'un
nier soupir. Le juif éleva son bras ensan- valet nommé Boucher, étant plongé dans de ,s
glante et dit aux deux compagnons qui lui pensées impures, un démon ou spectre lui
restaient en montrant le mort Frères apparut sous la Ggure d'une femme. 11 suivit
vengez-moi et vengez cet homme. le tentateur mais incontinent son ventre et
Les deux parrains prirent leurs carabines ses cuisses s'enflammèrent, tout son corps
et sortirent de la dirigeant leurs s'embrasa, et il en mourut misérablement.
chapelle
armes vers l'endroit ou ils avaient aperçu le BOUCHEY (Marguerite
feu du braconnier. Leurs deux balles parti- Ragum) femme
d'un maçondela Sologne, \ers la fin du seiziè-
rent à la fois. me siècle; elle montrait unesortedemarion-
^-Mal visé mes compères, s'écria Martin, nette animée, que les gens experts découvri-
qui avait rechargé son fusil double et tenait rent être unlutin. En juin 1603, le juge ordi-
deux coups à la portée de ses adversaires. nairede Romorantin, homme avisé, se mit en
Il lâcha le premier, et l'un des hommes marionnette. Elle
devoirdeprocédercontrela
tomba. 11 lâcha le second, et l'autre tomba confessa que maître Jehan cabaretier de
aussi; Il ne restait plus que le juif. Mais Na- Blois, à du Cygne, chez qui elle
l'enseigne
than s'enfuit à travers les fourrés du bois et était servante, lui avait fait gouverner trois
disparut dans les dernières ténèbres de la mois cette marionnette ou mandragore,qu'elle
nuit. lui donnait à manger avec frayeur d'abord,
Martin rentra avec l'aube à Fauquemont. car elle était fort méchante, que quand son
Il instruisit le bailli de ce qui s'était passé. maître allait aux champs, il lui disait Je
La justice se rendit avec une forte escorte à vous recommande ma bête, et
que personne
la chapelle d'initiation et n'y trouva que les ne s'en approche que vous.
cadavres, qui furent enterrés ignominieuse- Elle conta qu'une certaine fois Jehan étant
ment par le bourreau sous le gibet infâme. elle demeura trois jours sans
Nathan fut pris quinze jours plus tard, et allé en voyage,
le 24. à sur donner à manger à la bête, si bien qu'à son
pendu septembre 1772, Heeck,
la bruyère de Graed. retour, elle le frappa vivement au visage.
des les Elle avait la forme d'une guenon, que l'on
Malgré la sévérité juges malgré
les nobles cachait bien, car elle était si hideuse, que
placards nombreux publiés par
et puissants seigneurs des Provinces-Unies personne ne.l'osait regarder. Sur ces dépo-
et les mesures prises par les princes évêques sitions, le juge fit mettre la femme Bouchey
de Liège, les Boucs ne purent être entière- à la question, et plus tard le parlement do
ment exterminés. Quelques écrivains con- Paris la condamna comme sorcière (1). 11est
font remonter cette bande à l'an assez probable que la marionnette était sim-
temporains
1736. On ne parvint à la dompter qu'en 1779. plement une vraie guenon.
Elle eut un grand nombre de chefs, parmi BOUILLON DU SABBAT. Pierre Delancre
lesquels figurent surtout le fameux chirur- assure, dans l'incrédulité et mécréance du
gien de K., du pays de Rolduc, le juif Abra- sorlilége pleinement convaincue, traité di-
ham Nathan, Herman L. et Antoine B., sur- xième, que les sorcières au sabbat, font
nommé le Mox. Elle possédait même un cha- bouillir des enfants morts et de. la chair de
pelain qui prêchait tous les crimes il por- pendu qu'elles y joignent des poudres en-
tait le nom de Léopold L. Les chapelles où sorcelées, du millet noir, des grenouilles:
les initiations avaient lieu ordinairement qu'elles tirent de tout celaun bouillonqu'elle
étaient celle de Sainte-Rose, près de Sittard, boivent, en disant: «J'ai bu dutympanôn(2),
celle de Saint-Léonard, près de Rolduc, et et me voilà professe en sorcellerie. » On
une autre située aux environs d'Urmon, près ajoute qu'après qu'elles ont bu ce bouillon,
de la Meuse. Tous ces endroits sont encore les sorcières prédisent l'avenir, volent dans les
redoutés aujourd'hui des villageois voisins, airs, et possèdent le pouvoir de faire d°s sor-
qui trouvent dans l'histoire des Boucs de quoi tilèges.
défrayer amplement leurs longues soirées BOULES DE MAROC. Il existe à Maroc
d'hiver.-Mathilde de Scheurenhof et Walter une tour surmontée de trois boules d or, si
dé Hegen se marièrent et obtinrent une nom- artistement Gxées au monument, que l'on a
breuse postérité. vainement tenté de les en détacher. Le peu-
Ceux d'entre nos lecteurs qui désirent de ple croit qu'un esprit garde ces boules et
plus amples détails sur l'histoire de la bande frappe de mort ceux qui essayent de les en-
des Boucs, peuvent consulter un petit livre lever (3).
contemporain qui fut publié en 1779, à Maës- BOULLÉ (Thomas), vicaire de Picard
Iricht, sans lieu ni date, et qui porte ce titre sorcier comme lui, et impliqué dans l'af-
(1) ArrêtsnotablesdeP. De).ncre. qui sert quelquefoisde tympanonou de tambour.
(2) Cebouillonse metdansuneoutrede peaudo bouc, (3) H. Paillel, Hist.de l'empire de Mswo,p. 69
865 BOU BOX %8
faire de Madeleine Bavan. On le convainquit ttiques les rabbins, les sorciers car il y
d'avoir noué et dénoué l'aiguillette, de s'être a
avait alors à Amsterdam des sorciers de pro-
mis sur des charbons ardents sans se brûler f
fession. Ses nombreux ouvrages, qui furent
et d'avoir fait plusieurs abominations. 11 t
tous imprimés sous ses yeux, en français,
souffrit la question sans rien dire, parce qu'il c flamand et en allemand,
en combattent tout
avait le sort de taciturnité comme l'ob- c
culte extérieur et toute liturgie, en faveur
serve Boisroger. Cependant, quoiqu'il n'eût dd'une
perfection mystique inadmissible. Les
rien avoué, parce qu'il avait la marque des j
plus célèbres de ses écrits sont le traité du
sorciers et qu'il avait commis des actes in- l
Nouveau Ciel et du règne de l'Antechrist, et
fâmes en grand nombre, il fut, après amende s
son livrc.de l'Aveuglement des hommes et de
honorable, brûlé vif, à Rouen sur le Vieux- l lumière née en ténèbres
la
Marché, le 22 août 16V7 (1). BOURY. Voy. FLAQUE.
BOULLENC (Jacques) astrologue à Bou- BOURRU. Les Parisiens faisaient autrefois
logne-la-Grasse, né au diocèse de Dol en Bre- tbeaucoup de contes sur un fantôme imagi-
tagne. Il fit plusieurs traités d'astrologie que r
naire qu'ils appelaient le moine bourru; il
nous ne connaissons pas; il prédit les trou- jF parcourait les rues pendant la nuit, tordait
bles de Paris sous Charles VI, ainsi que la 1 cou à ceux qui mettaient la tête à la fe-
le
prise de Tours par le Dauphin. Il dressa ausi, n
nêtre, et se permettait un grand nombre de
dit-on, l'horoscope de Pothon de Saintrailles, t
tours de passe-passe.Il parait que c'était une
en quoi on assure qu'il rencontra juste (2). respèce de lutin. Les bonnes et les nourrices
BOULVÈSE professeur d'hébreu au col- é
épouvantaient les enfants de la menace du
lége de Montaigu. Il a écrit l'histoire de la r
moine bourru. Croque-mitaine lui a suc-
possession de Laon, en 1556; c'est l'aventure c
cédé.
de Nicole Aubry. C'était un homme excessi- BOURREAU. Le maître des hautes-œuvres
vement crédule.. aavait jadis diverses prérogatives. On lui at-
BOUNDSCHESCH, livre de l'éternité, très- t
tribuait même, dans plusieurs provinces, le
révéré des anciens Persans. C'est là qu'on f
privilége de guérir certaines maladies, en
voit qu'Ormusd est l'auteur du bien et du 1 touchant de la main, lorsqu'il
les revenait
monde pur, Arimane l'auteur du mal et du d
d'une exécution de mort (3). On croit encore,
monde impur. Un jour qu'Ormusd l'avait ddans nos campagnes, que le bourreau est
vaincu, Arimane, pour se venger, tua un u peu sorcier, et il n'est pas rare que des
un
bœuf qu'Ormusd avait créé du sang de ce n
malades superstitieux se fassent traiter par
bœuf naquit le premier homme, sur lequel 1
lui. quoiqu'il n'ait plus dégraisse de pendu.
Ormusd répandit la force et la fraîcheur a'un BOUSANTHROPIE, maladie d'esprit qui
adolescent de quinze ans en jetant sur lui ffrappait certains visionnaires, et leur per-
une goutte d'eau de santé et une goutte d'eau s
suadait qu'ils étaient changés en boeuf. Mais
de vie. Ce premier homme s'appela Kaid- 1
les bousanthropes sont bien moins com-
Mords il vécut mille ans et en régna cinq tmuns que les loups-garous ou lycanthropes,
cent soixante. Il produisit un arbre des d
dans les annales de la superstition. Voy. Lt-
fruits duquel naquit le genre humain. Ari- c
CANTHR0P1E.
niane, ou le diable, sous la Ggure d'un ser- BOUTON DE BACHELIER. Les jeunes
pent, séduisit le premier couple et le cor- p
paysans anglais prétendaient autrefois savoir
rompit; les premiers hommes déchus se dd'avance quels seraient leurs succès auprès
couvrirent alors de vêtements noirs et atten- d
des jeunes filles qu'ils voulaient rechercher
dirent tristement la résurrection; car ils e mariage, en portant dans leur poche une
en
avaient introduit le péché dans le monde. plante nommée bouton de bachelier, de l'es-
-On voit là une tradition altérée de la Ge- 1
pèce des lychnis, et dont la fleur ressemble à
nèse. vun bouton d'habit. Ils jugeaient s'il fallait
BOURIGNON (ANTOINETTE), visionnaire, e
espérer ou désespérer, selon que ces boutons
née à Lille en 1616, morte en 1680 dans la ss'épanouissaient ou non (4).
Frise. Elle était si laide, qu'à sa naissance BO VILLE ou BOVELLES, Bovillus (Chah-
on hésita si on ne l'étoufferait pas comme i
LES DE), Picard, mort vers 1553. Il veut éta-
un monstre. Elle se consola de l'aversion tblir, dans son livre De sensu cette opinion
qu'elle inspirait par la lecture mal digérée, q
que le monde est un animal, opinion d'ail-
de livres qui enflammèrent son imagination 1
leurs ancienne, renouvelée plusieurs fois
vive et ardente. Elle eut des visions et des ddepuis et assez récemment par Félix Noga-
extases. A vingt ans, comme elle était riche, r (5). On cite encore de Bovillus ses Let-
ret
il se trouva un homme qui voulut bien l'é- t
tres (6), sa Vie de Raymond Litlle, son Traité
pouser; mais, au moment d'aller à l'autel, c douze nombres et ses Trois dialogues sur
des
elle s'enfuit déguisée en garçon. Elle voyait l
l'immortalité de l'âme, la résurrection et la
partout des démons et des magiciens. Elle fin du monde (7).
parcourut la Hollande et fréquenta les héré-. BOXHORN (MARCZuerius), critique hot-
(1) hi. Jules Gariuel, Histoirede la magie en France, a
animal.
p. 246. (6) Epistoltecompluressuper matliematicumopusqua-
(2) Extrait d'un manuscritde la Bibliothèquedu roi, ddripartitum, recueilliesavecles traités De duodecimuu-
imeris, de numeris perfectis,etc., à la suite du Liber de
rapporté à la findes Remarquesde Jolysur Bayie.
(3) TUiers,Traitédes superst., 1.1, p. 445. iintellectu, de sensu, etc. In-Ibl.,rare. Paris, H. Estienne,
1
(4) Smith, Notes aux Joyeuses commères de Sliaks- 1510.
peare, acieiu. (7) Vita Raymundieremitœ, a la suite du Commenta*
(5) Dans un petit volume intitulé La Terre est un i
rius in primordiale evangeliumJoannis. In-V. Paris.
Dictionnaire des SCIENCESoccultes. 1
I. »
267 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 2G8
landais, né à Berg-op- Zoom en 1612. On réfléchir dans un œuf d'or, de là coquille
recherche de lui un Traité des songes qui duquel il fit le 'cinl et la terre. Il avait cinq
passe pour un ouvrage rare et curieux. (1). têtes; il en perdit une dans une bataille, et se
BIUGCESCO (Jean), alchimiste dc.Brescia, mit ensuite à produire quatorze mondes,
qui florissail au seizième siècle. II commenta l'un de son cerveau l'autre de ses yeux le
l'ouvrage arabe dé Geber, dans un fatras troisième de sa bouche, le quatrième de son
aussi obscur que le livre commenté. Le plus oreille gauche, le cinquième de son palais, le
curieux de ses traités est Le bois de vie, où sixième de son cœur, le septième de son
l'on apprend la médecine ait moyen de laquelle estomac, le huitième de son ventre, le neu-
nos premiers pères. ont vécu neuf cents ans (2). vième de sa cuisse gauche, le dixième de ses
BIUGADINI (Marc-Antoine), alchimiste genoux, le-onzième de son talon, le douzième
originaire de Venise, décapité' dans l.i Ba- de l'orteil de son pied droit, le treizième de
vière, en 1-535, parce qu'il.se vantait de faire là plante de son pied gàïiché.ct le dernier de.
de l'or, qu'il ne tenait que des libéralités d'un l'air qui t'environnait. Les habitants de cha-
démon, comme disent les récits du temps. cun de ces mondes ont des qualités -qui les
Son supplice eut lieu à Munich par l'ordre distinguent, analogues à leur origine; ceux
du duc Guillaume Il. On arrêta aussi deux du monde sorti- du cerveau de Brahma sont
chiens noirs qui accompagnaient partout sages et savants.
Brngadini, et,que Ton reconnut être ses dé- Lesbrahmines sohl ils disent
mons familiers. On leur fit leur procès ils qu'à la naissance de fatalistes; être
furent tués en place publique à coups d'ar- chaque mortel/
Brahma écrit tout son horoscope qu'aucun,
quebuse. pouvoir n'a plus moyen de changer.-
BRAHMANES. Brames et Bramines, sec- Des livres indiens reconnaissent un dieu
tateurs de Brahma dans l'Inde. Ils croient que
suprême, dont Brahma et-Wishnôu tie sont*
l'âme de Brahma passa successivement dans que les plus parfaites créatures. Peridanl que
quatre-vingt mille corps différents, et s'arrêta ces deux divinités secondaires épouvantaient
un peu dans celui d'un éléphant blanc avec le monde'par leur combat terrible, Dieu pa-
plus de complaisance; aussi révèrent-ils rut devant eux sous la figure d'une colonne'
l'éléphant blanc. de feu qui n'avait point de fin. Son aspect les
Ils sont la première des quatre castes du calma tout à coup;et,cessant toute querelle,
peuple qui adore Brahma. Ces philosophes, ils convinrent que celui qui trouverait le'
dont on a conté tant de choses, vivaient au-
pied ou, le sommet de la colonne serait ie-pre-
trefois en partie dans les bois, où ils consul- mier:dieu. Wishnou prit la forme d'un san-
taient les astres et faisaient de la "sorcellerie,
glier et se mit à creuser; mais, après mille
et en partie dans les villes pour enseigner ans d'efforts, n'ayant trouvé le pied de ta
la morale aux princes indiens. Quand on colonne, il- reconnut pas le Seigneur. Brahma,
allait les écouter, dit Slrabon, on devait le sous- la figuré d'un oiseau, en
faire dans le plus grand silence. Celui parcourut
qui vain les airs pendant cent mille ans. 11 finit-
toussait ou crachait était exclus. aussi par se soumettre.
.Les brahmanes croient à la métempsycose,, On lui donne plusieurs enfants qu'il-mit-
ne mangent que des fruits ou du lait, et ne au jour tous d'une façon singulière; par
peuvent toucherun animal sansserendreim- exemple, Pirrougou sortit de son épaule -et.
mondes. Ils disent que les bétes sont animées
Anghira de son nez. Mais il serait trop long-
par les âmes des anges déchus système dontL, de répéter tous les contes absurdes de sa
le père Bougeant a tiré un parti
Il y avait dins les environs de ingénieux.Goa u:.e
e
légende.
secte de brahmanes qui croyaient qu'il ne Ajoutons seulement que les brahmines
toujours astrologues et magiciens, jouissent
fallait pas attendre la riioi pour aller dans encore à présent du privilége de ne pouvoir-
le ciei. Lorsqu'ils se sentaient bien vieux être mis à iriorl pour quélque crime que ce
ils ordonnaient à leurs disciples de les e,ii- soit. Un indien qui aurait le malheur de tuer
fermer dans un coffre et d'exposer lé coffre un braliminé ne peut expier ce crime que
sur un Ileuve voisin qui devait les conduire douze années de pèlerinage, en deman-
en paradis. Mais te diable était là qui les par dant l'aumône et faisant ses repas dans le
guettait aussitôt qu'il les voyait embarqués, crâne de sa victime.
Mrompait le coffre, empoignait son homme; Les brahmanes de Siam croient que la
ci les habitants du pays, retrouvant la boîte terre périra par le feu, et que, dé sa cendre,
vide, s'écriaient que le vieux brahmane était il en renaîtra une autre qui jouira d'un prin-
ailé auprès de Brahma.
Ce Brahma, chef des brahmanes ou b'rah- temps perpétuel.-
Le juge Boguet, qui fut dans son temps le
mes, ou brahmines, est, comme on sait, l'uné fléau des sorciers, regarde les brahmanes
des trois personnes de la trinité indienne. Il comme d'insignes magiciens, qui faisaient le
resta plusieurs siècles, avant de naître,. à
beau temps et la pluie en ouvrant ou ter-.
i5H. Dialogitres de animaeimmortalitate,de resur-' nella quale si dirhiarano molli-nobilissimisecreli délia
jecuone, do.inund.i.excidioet iliiusinstaurationë. UvS- natura.Iu-8°.Venise,154i. Cesdeux
Lyon,Uryphins,153: ouvrages,traduit.'
e,nlatiu, se trouventdans le recueil dp Gratarple.Vers
(Ij Mai-ci.ZiibriiBo.xhorniiOratiode somniis.Lugdùui
° aloImmiiB dpclriua,'et dauslé tomeV' de la Bibliothèque!
Balav., IQ3!J,\'I)\.¡iI-.i°., de Mauget; ils sqnt aussi publiés séparément
(2) t.e;;nudelta viia, nel quale si diebiarala meclicinju chimique
sous.le titre De Alclieinia-dialoyiduo.In-4°, Lugd.,
Soi'la qualei iicolfipriini(jadrivivevanonovecento aiiili. 1548. ?
home, 1542,In 8*. Laesposizionudi Goberfilosofo,
260 BRI BRO "270
.mant «eux tonneaux qu'ils avaient en leur vers l'an 1050, se rendit fameux par son ta-
puissance. Leloyer assure, page 337, que lent dans l'art de faire jouer les marionnet-
les brahmanes, ou brahmines, vendent tou- tes. Après avoir amusé Paris et les provinces,
jours les vents par le moyen du diable; et il il passa en Suisse et s'arrêta à Soleure, où il
cite un pilote vénitien qui leur en acheta au donna une représentation en présence d'une
seizième siècle. assemblée nombreuse, qui ne se doutait pas
BRANDEBOURG. On assure encore, dans de ce qu'elle allait voir, car les Suisses no
les villages de la Poméranie et de la Marche connaissaient pas les marionnettes. A peine
Electorale, que toutes,les fois qu'il doit mou- eurerit-ils aperçu Pantalon, le diable, le mé-
rir quelqu'un de la maison de Brandebourg, decin, Polichinelle et leurs bizarres compa-
•un esprit apparaît dans les airs, sous l'appa- gnons, qu'ils ouvrirent des yeux effrayés. Do
rence d'une grande statue de marbre blanc. "mémoire d'homme, on n'avait point entendu
Mais c'est une femme animée. Elle parcourt parler dans le pays d'êtres aussi petits, aussi
les appartements du château habité par la agiles et aussi babillards que ceux-là. Ils s'i-
personne qui doit mourir, sans qu'on ose màginèrent que ces petits hommes qui par-
arrêter sa marche. 11 y a très-longtemps que laient, dansaient, se battaient et se dispu-
cette apparition a lieu; et l'on conte qu'un taient si bien ne pouvaient être qu'une
page ayant eu l'audace un jour de se placer troupe de lutins aux ordres de Brioché.
.devant la grande femme blanche, elle le jeta Cette idée se confirmant par les confiden-
à terre avec tant de violence, qu'il resta mort ces que les spectateurs se faisaient entre eux,
sur la place. quelques-uns coururent chez le juge, et lui
BRAS-DE-FER berger sorcier. Voyez dénoncèrent le magicien.
Hocque. Le juge, épouvanté, ordonna à ses ar-
BREBIS. Voy. Tuodpeaox. chers d'arrêter le sorcier, et l'obligea à corn-
BRUNNUS général gaulois. Après qu'il sée paraître devant lui. Ongarrotta Brioché, on
fut emparé de Delphes et qu'il eut profané l'amena devant le magistrat qui voulut voir
le temple d'Apollon il survint un tremble- les pièces du procès; on apporta le théâtre
ment de terre, accompagné de foudres et et les démons de bois, auxquels on ne tou-
d'éclairs, et d'une pluie de pierres qui tom- chait qu'en frémissant; et Brioché fut con-
bait du mont Parnasse; ce qui mit ses gens damné à être brûlé avec son attirail. Cette
en tel désarroi, qu'ils' se laissèrent vaincre sentence allait être exécutée, lorsque survint
et Brennus, déjà blessé, se donna la mort. un nommé Dumont capitaine des gardes
BRIFFAUT, démon peu connu, quoique suisses au service du roi de France curieux
chef de légion, qui s'était logé dans le corps 'de voir le magicien français il reconnut le
d'une possédée de Beauvais, au commence- malheureux Brioché qui l'avait tant fait rire
ment du dix-septième siècle. à Paris. 11 se rendit en toute hâte chez la
BRIGITTE. Il y a, dans les révélations dè juge :• après avoir fait suspendre d'un jour
sainte Brigitte, de terribles peintures de l'arrêt, il lui expliqua l'affaire, lui fit com-
l'enfer. Les ennemis de la religion ont trouvé 'prendre lu mécanisme des -marionnettes, et
dans ces écrits un thème à leurs déclama- obtint l'ordre de mettre Brioché en liberté.
tions. Mais ce ne sont pas là des livres ca- Ce dernier revint à Paris, se promettant bien
noniques; l'Eglise n'ordonne pas de les croire^ de ne plus songer à faire rire les Suisses
et ils ne s'adressent pas à toute sorte de lec- dans leur pays (1).
teurs. BRIZOMANT1E, divination par l'inspira-
BRINVILLIERS (Marie-Margderite, mar- tion de Brizo, déesse du sommeil c'était l'art
quise de), femme qui., de 1666 à 1672, em- de deviner les choses futures ou cachées
poisonna, ou du moins fut accusée d'avoir par les songes naturels. Voyez Oiéirocri-
empoisonné, sans motifs de haine, quelque- TIQUE.
fois même sans intérêt parents, amis, do- BROCÉLIANDE, forôt enchantée. Voyez
mestiques elle allait jusque dans les hôpi- Me n un.
taux donner du poison aux malades. 11 faut BROHON(Jean), médecin de Coutances,
attribuer tous ces crimes à une. horrible dé- au seizième siècle, Des amateurs recherchent
mence ou à cette dépravation atroce dont on de lui 1° Description d'une merveilleuse et
ne voyait autrefois d'autre explication que la prodigieuse comèle, avec un traité présagi-
possession du diable. Aussi a-t-on dit qu'elle que des comètes, in-8°, Paris, 1568. 2* Al-
s'était vendue à Satan. manach, ou Journal astrologique, avec les.
Dès l'âge de sept ans, la Brinvilliers com- jugements pronostiques pour l'an 1572
mença, dit-on, sa carrière criminelle, et il' Rouen. 1571. in-12.
a été permis à des esprits crédules de redou- BROLIC (Corneille), jeune garçon du
ter en elle un affreux démon incarné. Elle fut pays de Labour, que Pierre Delancre inter-
brûlée en 1676. Les empoisonnements con- rogea comme sorcier au commencement du
tinuèrent après sa mort. Voy. VOISIN. dix-septième siècle. Il avoua qu'il fut vio-
Dans VAlmanach prophétique de 1842 lenté pour baiser le derrière^ du diable. « Je
M. Eugène Bareste à tenté de justifier la mar- ne sais s'il dit cela par modestie, ajoute De-
quise de Brinvilliers, et il n'est pas impossi. lancre car c'est un fort civil enfant. Mais il,
ble qu'on ne l'ail fort noircie. ajouta qu'il soutint au diable qu'il aimerait
BRIOCHÉ (JeanJ, arracheur de dents, qui, mieux mourirque lui baiserlederrière.si bien

(1) Lettres de Saint-André sur la magie,. Démoniana,Diciioiii)aire d'anecdotes suisses.


271 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 271
1-
qu'il ne le baisa qu'au visage; et il eut beau- BROWN (Thomas), médecin anglais, mort
coup de peine à se. tirer du sahbat, dont il en 1682. 11 combattit les erreurs duns un sa-
n'approuvait pas les abominations (1). » vant ouvrage (40 que l'abbé Souchay a tra-
BROSSIER (Marthe), fille d'un tisserand
duit en francais sous le titre d'Essai sur les
de Romorantin qui se dit possédée et con-erreurs populaires, ou examen de plusieurs
vulsiorinaire en 1569, à l'âge de; vingt-deux opinions reçues comme vraies et qui sont
ans. Elle se fit exorciser; les "effets de la pos- fausses ou douteuses. 2 vol. in-12. Paris,
session devinrent de plus en plus merveil- 1733 et Ce livre, utile quand il parut,
]eux. Elle parcourait les villes; et le diable, l'est encore aujourd'hui, quoique beaucoup
par sa bouche, parlait hébreu, grec, latin, de ces erreurs soient dissipées. Les connais-
anglais, etc. On disait aussi qu'elle décou- sances du docteur Brown sont vastes, ses ju-
vrait les secrets on assure que dans ses ca-gements souvent justes quelquefois cepen
brioles, elle s'élevait quelquefois à quatre
dant il remplace une erreur par une autre.
pieds de terre. L'Essai sur les erreurs populaires est di-
L'officiai d'Orléans qui se défiait d'elle, lui visé en sept livres. On recherche dans le
dit qu'il allait l'exorciser, et conjugua, dans premier la source des erreurs accréditées
Despaulère, les verbes neoco et texo. Le dé- elles doivent naissance à la faiblesse de l'es-
mon aussitôt la renversa à terre, où elle fil prit humain, à la curiosité, à l'amour de
ses contorsions. Charles Miron, évéque d'An- l'homme pour le merveilleux, aux fausses
gers, devant qui elle fut conduite, la fit gar- idées, aux jugements précipites
der dans une maison de confiance. On mit, à Dans le second livre on examine les erreurs
son insu, de l'eau bénite dans sa boisson, qui qui attribuent certaines vertus merveilleuses
n'opéra pas plus d'effet que l'eau ordinaire aux minéraux et aux plantes telles sont les
on lui en présenta dans un bénitier, qu'elle qualités surnaturelles qu'on donne à l'ai-
crut bénite, et aussitôt elle tomba par terre, mant et le privilége de la rose de Jéricho qui,
se débattit et fit les grimaces accoutumées. dans l'opinion des bonnes gens, fleurit tous
L'évéquc, un Virgile à la main, feignit de lis ans la veille de Noël.
vouloir l'exorciser, et prononça d'un ton
Le troisième livre est consacré aux ani-
grave Arma virumque cano. Les convulsions maux,et combat les merveilles qu'on débite
de Marthe ne manquèrent pas de redoubler.
sur leur compte et les propriétés que des
Ortain alors de l'imposture, Charles Miron charlatans donnent à quelques-unes de leurs
chassa la prétendue possédée de son diocèse, parties ou de leurs sécrétions.
comme on l'avait chassée d'Orléans. Le quatrième livre traite des erreurs rela-
A Paris', les médecins furent d'abord par- tives à l'homme. L'auteur détruit la vertu
tagés sur son étal; mais bientôt ils pronon- cordiale accordée au doigt annulaire le
cèrent qu'il y avait beaucoup de fraude, peu conte populaire qui fait remonter l'origine de
de maladie, et que le diable n'y était pour saluer dans les élernumenls à une épidé-
rien Nihil a dœtnone, mulla ficta, a morbo mie dans laquelle on mourait en élernuant,
vauca. Le parlement prit connaissance de
la puanteur spéciale des Juifs, les pygmées,
l'affaire'; et condamna Marthe à s'en retour- les années climalcriqucs.
ner à Uomoranlin, chez ses parents, avec dé- Le cinquième livre est consacré aux er-
fense d'en sortir, sous peine de punition cor- reurs qui nous sont venues par la faute des
porelle. peintres; comme le nombril de nos premiers
Cependant, elle se fit conduire quelque parents, le sacrifice d'Abraham où son fils
temps ;:piès devant l'évéque de Ciermonl Isaac est représenté enfant; tandis qu'il avait
qu'elle espérait tromper m;iis un arrêt du
quarante ans.
parlement la mil. en fuite. Sillc se réfugia L'auteur discute, dans le livre sixième, les
à Rome,' où elle fut enfermée dans, une com- opinions erronées ou hasardées qui ont rap-
munauté là finit sa possession. On peut voir port à la cosmographie et à l'histoire. 11
sur celle' affaire les lettres du cardinal d'Os- combat les jours heureux ou malheureux,
sal et une, brochure intitulée Discours véri-
les idées vulgaires sur la couleur des
table sur le fait de- Marthe Iirossier, pis- le Le septième livre enfin est consacré ànègres. I exa-
médecin Mnrcfcol, qui assista aux exorcis- men de certaines traditions recues, sur la
nies (in-8°, Paris, 1599). mer Morte, la tour de Babel, les rois de l'E-
BROUCOLAQUES. Voy. Vampires. piphanie, etc.
BROUETTE DE LA MORT. C'est une opi- Le savant ne se montre pas crédule; ce-
nion généralement reçue parmi les paysanspendant il croyait, comme tout chrétien, auxx
de la Basse-Brelagnc que, quand quelqu'unsorciers et aux démons. Le docteur Hulrhin-
est destiné à rendre bientôt le dernier sou- son cite de lui un fait à ce sujet dans son Es-
pir, la brouctlc de la Mort passe dans le voi- sai sur la sorcellerie. En 1C64, deux person-
sinage. Elle est couverte d'un drap blanc, et nes accusées de sorcellerie allaient être ju-
des spectres la conduisent le moribond en-
gées à Norwich le grand jury consulta
tend' mémole bruit de sa roue (2). Dans cer- Brown, dont on révérait l'opinion et le sa.
tains caillons, celle brouette est le char de la voir. Brown signa une attestation dont on a
Mort, cnrrkk en Ninikou, et le c:i de la frc- conservé l'original, dans laquelle il recon-
saicanuon.ee sou passage (3). naît l'existence des sorciers et l'influence du
(l).Xul'k':ui de l'i.'icciisiaiiccdes insnv:,isanges eu\. (") M. Krr;iiry, LeDernier des Eeaumanoir,cl),xxvi.
(). 73. (ij Pseudodrj.uaepidemicaor eiiquiriesthe <.r>
(2) Voyagede M,Camijrj-dansie Firiitièrei Ut fers, eu. lu-foli Londresj1646;
°
273' BRU BUC lit
diable; il y cite même des faits analogues à ses mauvaises moeurs. Il avait consumé beau.
ceux qui faisaient poursuivre les deux accu- coup de temps à l'étude des rêveries herméti-
sés, et qu'il présente comme incontestables. ques il a même laissé des écrits sur l'alchi-
Ce fut cette opinion qui détermina la con- mie (4), et d'autres ouvrages dont quelques-
damnation des prévenus. uns ont partagé son bûcher (5). Ons'étonnera
BROWNIE, lutin écossais. Le roi Jacques peut-être de cette rigueur mais alors les
regardait Brownie comme un agent de Sa- crimes que l'on poursuivait ainsi et qui trou-
tan Kirck en fait un bon génie. Aux îles blaient la société inspiraient plus d'horreur
d'Arkncy, on fait encore des libations de lait que n'en inspire aujourd'hui chez nous l'as-
dans la cavité d'une pierre appelée la pierre sassinnt.
de Brownie, pour s'assurer de sa protection. BRUNON. « L'empereur Henri III allait en
Le peuple de ces îles croit Brownie doux et bateau sur lé Danube, en son duché de Ba-
pacifique; mais si on l'offense, il ne reparaît vière, accompagné de Brunon, évêque de
plus. Wurlzbourg, et de quelques autres sei-
BRCHESEN (PIERRE Van), docteur et as- gneurs. Comme il passait près du château de
trologue de la Campine, mort à Bruges en Grcin, il se trouva en danger imminent de
1571. Il publia dans cette ville, en 1550, son se noyer lui et les siens dans un lieu dange-
Grand et perpétuel almanach, où il indique reux cependant il se tira heureusement de
scrupuleusement, d'après les principes del'as- ce péril. Mais incontinent on aperçut au
trologie judiciaire, les jours propres à purger, haut d'un rocher un homme noir qui appela
baigner, raser, saigner, couper les cheveux Brunon, lui disant Evêque, sache que
et appliquer lés ventouses. Ce modèle de je suis un diab'e, et qu'en quelque lieu que
l'almanach de Liège fit d'autant plus de ru- tu sois, tu es à moi. Je ne puis aujourd'hui
meur à Bruges, que le magistrat, qui don- te mal faire mais tu me verras avant peu.
nait dans l'astrologie, fit très-expresses dé- Brunon, qui était, homme de bien, fit le
fenses à quiconque exerçait dans sa ville le signe de la croix, et après qu'il eut conjuré
métier de harberie, de rien entreprendre sur le diable,-on ne sut ce qu'il devint. Mais
le menton de ses concitoyens pendant les bientôt comme l'empereur dînait à Ebers-
jours néfastes. berg, avec sa compagnie, les poutres et pla-
François Rapaërt, médecin de Bruges, pu- fond d une chambre basse où ils étaient, s'é-
blia contre Bruhesen le Grand et perpétuel croulèrent l'empereur tomba dans une cuve
almanach, ou fléau des empiriques et des char- où il ne se fit point de mal, et Brunon eut
latans (1). Mais Pierre Haschaert, chirurgien en sa chute tout le corps tellement brisé qu'il
partisan-de l'astrologie, défendit Bruhesen en mourut. De ce Brunon ou Bruno nous
dans son Bouclier astrologique contre le fléau avons quelques commentaires sur les Psau-
des astrologues de François Rapaërt (2), et mes (6). » II n'y a qu'un petit, malheur
depuis on a fait des almanachs sur le modèle dans ce conte rapporté par Leloyer, c'est
de Bruhesen, et ils n'ont pas cessé d'avoir un que tout en est faux.
débit immense. BRUTUS. Plutarque rapporte que peu de
BRULEFER. C'est le nom que donnent les temps avant ta bataille de 'Philippes, Brutus
Véritables clavicules de Salomon à un démon étant seul et rêveur dans sa tente, aperçut
ou esprit qu'on invoque quand on veut se un fantôme d'une taille démesurée, qui se
faire aimer. présenta devant lui en silence, mais avec un
BRUNEHAUT, reine d'Austrasie, au sixiè- regard menaçant. Brutus lui demanda s'il
me siècle, accusée d'une multitude de crimes était dieu ou homme, et ce qu'il voulait. Le
et peut-être victime historique de beaucoup spectre lui répondit Je suis ton mauvais
de calomnies. Dans le siècle où elle vécut, génie, et je t'attends aux champs de Philip-
on ne doit pas s'élonner de trouver au nom- pes. Eh bien 1 nous nous y verrons 1 ré-
bre de ses forfaits la sorcellerie et les malé- pliqua Brutus,
fices Le fantôme disparut; mais on dit qu'il se
BRUNO philosophe, né à Noie dans le montra derechef au meurtrier de César, la
royaume de Naples au milieu du seizième nuit qui précéda la bataille de Philippes, où
siècle. Il publia à Londres, en 1584, son li- Brutus se tua de sa main.
vre de l'Expulsion de labéte triomphante (3). BUCAILLE (MARIE), jeune Normande de
Ce livre fut supprimé. C'est une critique stu- Valogne, qui au dernier siècle, voulut se
pide dans le fond, maligne dans les détails, faire passer pour béate. Mais bientôt ses vi-
de toutes les religions, et spécialement de la sions et ses extases devinrent suspectes
religion chrétienne. elle s'était dite quelquefois assiégée par les
L'auteur ayant voulu revoir sa patrie, fut démons elle se faisait accompagner d'un
arrêté à Venise en 1598, transféré à Rome, prétendu moine, qui disparut dès qu'on vou-
condamné et brûlé le 17 février de l'an 1600, lut examiner les faits elle se proclama pos-
moins pour ses impiétés flagrantes, que pour sédée. Pour s'assurer de la vérité des pro-
(t) Magnumet perpetuumalmanacli seu empiricorum 158i. In-8°.
et tnedicastrorumflagellum.In-12, 1531. (i) De compendiosaarchitecturaet complementoartis
(2) Clypeusastrologicuscontra Dagellumastrologorum Lul'ii, etc. lu-16.Paris, 1582,etc.
"ranciscillapardi.In-12,1531. (5j ParticulièrementLa Cenade le ceneri, descrlta in
(3) Spacciode la bestiatriomphante,proposto.daGiove, ciriquedialogi, etc. In-8°. Londres,1581.
vfletualo dal conseglo,revelato da Mercurio, recilalo(la (b")Leloyer, Dise. et hist. des spectres, liv. III,
Sofia, udito ria Saulino, registralo dal ftotand,divisoin ch. xvi.
tre dialogi, subdivisiin tre parti. In Pariai. Londres.
273 5 DICTIONNAIRE DES SCIliNCES OCCULTES. 276 •.

J! »_ll l tt 1 Ci l*_ 5 »_ J_ 1»L .(


diges qu'elle opérait, on la fit enfermer au nos, et auteur de l'hérésie manichéenne.
secret. On reconnut que les visions de Ma- C'était, dit Pierre Delancre (3), un magicien
rie Bucaille n'étaient que fourberies; qu'elle élève des Brahmanes, et en plein commerce
n'était 'certainement pas en commerce avec avec les démons. Un jour qu'il voulait faire
les anges. Elle fut fouettée et marquée, et jene sais quel sacriGce magique, le diable
toj.it fut fini (1). l'enleva de terre et lui.tordit lé cou (4.) di-
BUCER (Martin), grand partisan de Lu- gne récompense de la peine qu'il avait prise
ther, mort à Cambridge en 1551. « Etant aux de rétablir par le manichéisme la puissance
abois de la mort, assisté de ses amis, le dia- de Satan 1 • S
ble s'y trouva aussi, l'accueillant avec une BUER, démon de seconde classe, prési-
figure si hideuse, qu'il n'y eut personne qui, dent aux enfers; il a la forme d'une étoile ou
de frayeur, n'y perdit presque la vie. Icelui d'une roue à cinq branohes, et s'avance en
diable l'emporta rudement, lui creva ie ven- roulant surlui-même. II enseigne la philoso-
tre et le tua en lui tordant le cou et em- phie, lalogique et les vertus désherbes médi-
porta son âme, qu'il poussa devant lui, aux cinales. Il donne de bons domestiques, rend
enfers (2). » la'sânté aux malades, et commande cinquante
BUCKINGHAM (GEORGEVILLIERS,DUCDE), légions.
favori de Jacques I", mort à Porlsmouth en BUGNOT ( Etienne ) gentilhomme de la
1623, illustre surtout par sa fin tragique.- chambre de Louis XIV, auteur d'un livre
On sait qu'il fut assassiné par Felton, offi- rare intitulé Histoire récente pour servir
cier à qui il avait fait des injustices. Quelque de preuve à la vérité du purgatoire, vérifiée
temps avant sa mort,. Guillaume Parker, an- par procès- verbaux dressés en 1663 et 1684,
cien ami de sa famille, aperçut à ses côtés avec un Abrégé de la Vie d'André Bugnot,
en plein midi le fantôme du vieux sir Georgc colonel d'infanterie, et de son apparition
Villiers, père du duc, qui depuis longtemps après sa mort. ln-12, Orléans 1665. Cet
ne vivait plus. Parker prit d'abord cette ap- André Bugnol était frère d'Etienne. Son
parition pour une illusion de ses sens; mais apparition et'ses révélations n'ont rien d'o-
bientôt il reconnut la voix de son vieil ami, riginal.
qui le pria d'avertir le duc de Buckingham BUISSON D'EPINES. Selon une coutume
d'être sur ses gardes, et disparut. Parker, assez singulière, quand il y avait un malade
demeuré seul, réfléchit à cette commission, dans une maison, chez les anciens Grecs, on
et, la trouvant difficile, il négligea de s'en attachai! à la porte un buisson d'épines pour
acquitter. Le fiinlôme revint une seconde élpigner les esprits malfaisants.
fois et joignit les menaces aux prières, de BULLET (JEAN- BAPTISTE),académicien de
sorte que Parker se décida à lui obéir; mais Besançon, mort en 1775. On recherche ses
il 'fut Iraité.de fou, et Buckingham dédaigna Dissertations sur la mythologie française et
son avis. sur plusieurs points curieux de l'histoire de
,Le spectre reparut-une troisième fois, se France. In-12, Paris, 1771.
plaignit de l'endurcissement de son fils, et BUNE, démon puissant, grand-duc aux en-
tirant un poignarda de dessous sa robe fers. Il a la forme d'un dragon avec trois tê-
Allez encore dit-il à Parker annoncez à tes, dont la troisième seulement est celle d'unri
l'ingrat que vous avez vu l'instrument qui homme. Il ne parte que par signes; il déplace
doit lui donner la mort. les cadavres, hante les cimetières et rassem-
Et de peur qu'il ne rejetât ce nouvel aver- ble les démons sur les sépulcres. Il enrichit
tissement, le fantôme révéla à son ami un des et rend éloquents ceux qui le servent; on
plus intimes secrets du duc. Parker re- ajoute qu'il ne les trompe jamais. Trente
tournaà la cour. Buckingham, d'abord frappé légions lui obéissent (5).
de'le voir instruit de son secret, ivprit bien- Les démons soumis à Bune et appelés
tôt le ton de la raillerie et conseilla au Bunis, sont redoutés des Tartares,qui tes
prophète d'aller se guérir de sa démence. disent très-malfaisants. Il faut avoir la con-
Néanmoins, quelques semaines après, le duc science nette pour être à l'abri deleur malice;
de Buckingham fut assassiné. On ne dit pas car leur puissance est grande et leur nombre
si le couteau de Fcllon était ce même poi- est immense. Cependant les sorciers du pnys
gnard que Parker avait vu dans la main du !es apprivoisent, et c'est par le moyen des
fantôme. Bunis qu'ils se vantent de découvrir l'avenir.
On peut, du reste, expliquer cette vision. BUNGEY (Thomas), moine anglais, ami de
On savait que'le duc avait beaucoup d'enne-
Roger Bacon, avec qui les démonographes
mis, et quelques-uns de ses amis, craignant l'accusent d'avoir travaillé sept ans à la mer-
pour ses jours, pouvaient fort bien se faire veilleuse tête d'airain qui parla, comme on
dés hallucinations. sait (6). On ajoute que Thomas était magi-
BUCON mauvais diable ( ilé dans les cien, et on en donne pour preuve qu'il publia
Clavicules de Salomon. 11 sème la jalousie un livre de la magie naturelle, de Magiana-
et la haine. turali, aujourd'hui peu connu. Mais Delrio
BUDAS, hérétique qui fut maître de Ma- l'absout de l'accusation de magie (7), et il
(1) Lettresdu médecin Saint-André sur la magie et sur (4) Socrate,Histor.ecck's.,lil>. I, cap.'xxi.
les maleuV.es, p.- 188et 431. (5)AVierus,in Pseudomonarclna démon.
(2)Delancre,Tableaude l'inconstancedesdémous,etc., (6) VoyezBacon.'
liv. I, dise.t. .(7) Disquisit.magie, lib. I, cap.m, qu. 1.
ta) Discoursdes spectres, liv. VIII, cli.v.
277 BUX BYR S78
-.1- -.1- l:n. "1'0. .t. t., 1:(. LLL_ eean
avoue que son livre ne contient qu'une cer- dans la littérature hébraïque, mort en 1629.
taine dose d'idées superstitieuses. Une autre Les curieux lisent son Abrégé dit Talmud, 3a
preuve qu'il n'était pas magicien mais Bibliothèque ralbiniqite et sa Synagogue ju-
seulement un peu malhémalicien c'est daique (5). Cet ouvrage, qui traite des dog-
qu'on l'élut provincial des franciscains en mes et des cérémonies' des Juifs, est plein des
Angleterre (1).. rêveries des rabbins, à côté desquelles on
BUNIS.Vov.Bcne. trouve des recherches curieuses.
BUPLAGE ou BUPTAGE. Après la ba- BYLETH, démon fort et terrible, l'un des
taille donnée entre le roi Antiochus et Les" rois de l'enfer, selon la Pseudomonarchie de
Romains, un officier nommé Buplage, mort Wicrus. Il se montre assis sur un cheval
dans le combat où il avait reçu douze blanc, précédé de trompettes et de musiciens
blessures mortelles, se leva tout d'un coup de tout genre; L'exorciste qui l'évoquea a be-
au milieu de l'armée romaine victorieuse soin de beaucoup de prudence, car il n'obéit
et cria d'une voix grêle à l'homme qui le qu'avec fureur. Il faut, pour te soumettre,
pillait avoir à la main un bâton de coudrier; et,
Cesse,soldatromain,de,déponillerainsi se tournant vers le point qui sépare l'orient
Ceuxqui sontdescendusdans l'enfer obscurci, du midi, tracer hors du cercle' où l'on s'est
« II. ajouta on vers que la cruauté des Ro- place un triangle; on lit ensuite la prière qui
mains serait bientôt punie, et qu'un peuple enchaîne les esprits, et Byleth arrive dans le
sorti de l'Asie viendrait désoler l'Europe; ce triangle avec soumission. S'il ne paraît pas,
qui peut marquer l'irruption des Francs ou e-'est.qùe l'exorciste est sans pouvoir, et que
celle des Turcs sur les terres de l'e'mpire. l'enfer méprise sa puissance. On dit aussi
Après. cela, bien que mort, il monta sur un que quand on donne à Bylelh un verre de vin,
chêne, et prédit qu'il allait être dévoré-par un il faut le poser dans le, triangle i! obéit plus
loup; ce qui eut lieu quoiqu'il fût sur un volontiers et sert bien celui qui le régale.
chêne quand le loup eut avalé le corps, là On doit avoir soin, lorsqu'il parall.de lui
tête parla encore aux Romains et leur défendit faire un accueilgracieux, de le complimen-
de lui donner la sépulture. Tout cela parait ter sur sa bonne miné, de montrer qu'on fait
très-incroyable (2). Ce ne furent pas les peu- cas de' lui et des autres rois ses frères il est
ples d'Asie, mais ceux du nord "qui renversè- sensible à tout cela. On ne négligera pas non
rent .l'empire. romain. plus, tout le temps qu'on passera avec lui,
BDRGOT ( PIERRE), loup-garou, brûlé à d'avoir au doigt du milieu de la main gau-
Besançon en 1521 avec Michel Verdun. che un anneau d'argent qu'on lui présentera
BURROUGH(George) ministre de la relir devant ta face. Si ces conditions sont difficiles,
gion anglic'aneà Salem, dans la Nouvelle-An- en. récompense celui qui soumet Byleth de-
gleterre pendu comme sorcier en 1632. On vient le plus puissant des hommes. II était
l'accusait d'avoir maléficié deux femmes qui .autrefois de l'ordre des puissances; il espère
venaient de mourir. La mauvaise habitude .un jour remonter dans le ciel sur le septième
qu'il avait de se vanter sottement qu'il savait ttrône, ce qui n'est guère croyable. Il com-
'tout ce qu'on disait de lui en son absence fut mande quatre-vingts légions.
'admise comme preuve qu'il communiquait BYRON. Le Vampire, nouvelle traduite de
avec le diable (3). l'anglais de lord Byron, par H?.Faber in-8%
BURTON (Robert), auteur d'un ouvrage <Paris 1819. Cette nouvelle, publiée sous
intitulé Anatomie de la mélancolie, par Dé- le nom de lord Byron, n'est pas l'ouvrage
'mocrite le jeune, in-4°, 1624- mort en 1639. dç ce poëte, qui l'a désavouée. L'auteur n'a
L'astrologie était de son temps très-respedée pas suivi les idées populaires sur les vampi-
en Angleterre, sa patrie. Il y croyait et vou- res-; il a beaucoup trop relevé le sien. C'est
qu'on ne doutât pas de ses horoscopes. un speclre-qui voyage dans la Grèce, qui fré-
'Ayant prédit publiquement le jour de sa quente les sociétés d'Athènes, qui parcourt
'mort, quand t'heure fut venue il se tua pour <le monde, qui se marie pour sucer sa femme.
.la gloire de l'astrologie et pour ne pas avoir Les vampires de Moravie étaient extrême-
un démenti dans ses pronostics. Cardan et ment redoutés; mais ils avaient moins de
quelques autres personnages habiles dansla puissance. Celui-ci quoiqu'il ait l'œil gris-
science des astres ont fait, à ce qu'on croit, mort, fait des conquêtes. C'est, dit-on, une
la même chose (4). 'historiette populaire de la Grèce moderne
BDSAS, prince infernal. Voy. PRUFLAS. que lord Byron raconta dans un cerc!e, et
BUTAUIEU démon rousseau, cité dans qu'un jeune médecin écrivit à tort car il re-
des procédures, du dix-septième siècle. mit à la mode, un instant, des horreurs qu'il
BUXTORF (Jean) Westphalicn savant fallait laisser dans l'oubli.
(1) Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc., Berlin,1. 1, p. 51.
p. 495. (Si)Ôperistalmudicihrevis.recensioet Bibliqtliecarab-
(2) Traité dogmatiquedes apparitions, t. II, p. 155. biuica. In-8° Bàle 1613. Synagogajudaïca. ln-8*
.Leloyer,r. 253.. Bàle, 1603,en allemandet en latin. Hanau,1601.Bâle,
!SJ Godwin,Vie des Nécromanciens. 1641.
i) Curiositésde la littérature, trad. de l'anglais, par
«79 1 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 230
M

c
CAABA. Voy. KAABA. ques combinées, et fit des miracles avec l'al-
CAACIUNOLAAS, nommé aussi Caasst- phabet.
molar el Glassialabolas, grand président aux La grande cabale, ou la cabale dans la
enfers. II se présente sous la forme d'un sens moderne proprement dite est l'art do
chien, et il en a la' démarche, avec des ailes commercer avec les esprits élémentaires
de griffon. Il donne la connaissance des arts elle lire aussi bon parti de certains mots
libéraux, et, par un bizarre contraste il mystérieux. Elle explique les choses les plus
inspire les homicides. On dit qu'il prédit obscures par les nombres par te change-
bien l'avenir. Ce démon rend l'homme invi- ment de l'ordre des lettres et par des rap-
sible et commande trente-six légions (1). Le ports dont les cabalistes se sont formés des
grand Grimoire le nomme Classyalabolas, et règles.
n'en fait qu'une espèce de sergent qui sort Or, voici quels sont, selon les cabalistes,
quelquefois de monture à Nébiros ou Nabe- les divers esprits élémentaires:
rus. Voy. Cerbère. Les quatre éléments sont habités chacun
CABADÈS. Voy. Zocbdadeyer. par des créatures particulières, beaucoup
CABALE ou CABBALE. Pic de la Miran- pius parfaites que l'homme, mais soumises
dole dit que ce mot qui dans son origine comme lui aux lois de la mort. L'air, cet
hébraïque, signifie tradition, est le nom d'un espace immense qui est entre la terre et les
hérétique qui a écrit contre Jésus-Christ, et cieux, a des hôtes plus nobles que les oi-
dont les sectateurs furent nommés caba- seaux et les moucherons. Ces mers si vastes
listes (2). ont d'autres habitants que les dauphins et
L'ancienne cabale des Juifs est, selon quel- les baleines. La profondeur de la terre n'est
ques-uns, une sorte de maçonnerie mysté- pas pour les taupes seulement et l'élément
rieuse selon d'autres, ce n'est que l'expli- du feu plus sublime encore que les trois
cation mystique de la Bible, l'art de trou- autres, n'a pas été fait pour demeurer inu-
ver des sens cachés, dans la décomposition tile et vide.
des mots (3), el la manière d'opérer des pro- Les salamandres habitent donc la région
diges par la vertu de ces mots prononcés du feu; les sylphes, le vague de l'air; les
d'une certaine façon. Voyez Thémura et gnomes, l'intérieur de la terre el les ondins
Théomancie. Cette science merveilleuse si .ou nymphes, le fond des eaux. Ces êtres sont
l'on en croit les rabbins, affranchit ceux qui composés des plus pures parties des éléments
la possèdent des faiblesses de l'humanité, qu'ils habitent. Adam plus parfait qu'eux
leur procure des biens surnaturels, leur com- tous, était leur roi naturel; mais depuis sa
munique le don de prophétie, le pouvoir de faute, étant devenu impur et grossier, il
faire des miracles, et l'art de transmuer les n'eut plus de proportion avec ces substances,
métaux en or, c'est-à-dire la pierre philoso- il perdit tout l'empire qu'il avait sur elles,
phale. Elle leur apprend aussi que le monde et en ôla la Annaissance à sa postérité.
sublunaire ne doit durer que sept mille ans, Que l'on Se^console pourtant; on a trouvé
et que tout ce qui est supérieur à la lune en dans la nature les moyens de ressaisir ce
doit durer quarante-neuf mille. pouvoir perdu. Pour recouvrer la souverai-
Les Juifs conservent la cabale par tradi- neté sur les salamandres, et les avoir à ses
tion orale; ils croient que Dieu l'a donnée à ordres, on attire le feu du soleil, par des mi-
Moïse, au pied du mont Sinaï; que le roi roirs concaves, dans un globe de verre; il s'y
Salomon, auteur d'une figure mystérieuse forme une poudre solaire qui se' purifie elle-
que l'on appelle l'arbre de la cabale des Juifs, même des autres éléments, et qui, avalée,
y a été très-expert et qu'il faisait des ta- est souverainement propre à exhaler le feu
lismans mieux que personne. Tostat dit' qui est en nous, et à nous faire devenir pour
même que Moïse ne faisait ses miracles ainsi dire de matière ignée. Dès lors, les
avec sa verge, que parce que le grand nom habitants de la sphère du feu deviennent nos
deDieu y était gravé. Valderame remarque inférieurs et ont pour nous toute l'amitié
que, les apôtres faisaient pareillement des qu'ils ont pour leurs semblables tout le
miracles avec le nom de Jésus, et les partisans respect qu'ils doivent au lieutenant de leur
•le ce système citent plusieurs saints dont le créateur.
nom ressuscita des morts. De même pour commander aux sylphes,
La cabale grecque, inventée, dit-on, par aux gnomes, aux nymphes, on emplit d'air,
Pythagore et par Platon, renouvelée par les de terre ou d'eau, un globe de verre; on le
Valentiniens, tira sa. force des lettres grec- Laisse, bien fermé, exposé au soleil pendant
(1) Wierus,in Pseudomonarcbiadœm. bolique, qui eut l'impiété d'écrire beaucoup'de choses
(2) « Ua critique ignorant voulait fairedes affairesà contre Jésus-Christmême qui formaune hérésie détes-
Rome, au prince Pic de la Mirandole,particulièrement table et dont lessectateurss'appellentencorecabalistes?»
pour le nomde cabale qu'il trouvaitdansles ouvragesdr, (GabrielNaudé,Apologiepour les grandspersonnagesac-
ce prince. On demandaà ce ce qui l'indignaitsi cusésde magie. Adrien Baillet, Jugements
fort dansce motde cabale. critique
Ne savez-vouspas, répondit .Citai"XI;1,§ des Jugements
des savants.
sur les livresen générât.)
le stii|ide que ce Cabaleétait un scélérattout à faitdia- (5) VoyezÀbdeel.
281 CAB CAB m
un mois. Chacun de ces éléments, ainsi pu- de n'avoir pas voulu suivre ses bons con-
rifié, est un aimant qui attire les esprits qui seils.
lui sont propres. Plusieurs hérétiques des premiers siècles
Si on prend tous les jours durant quel- mêlèrent la cabale juive aux idées du chris-
ques mois, de la drogue élémentaire formée tianisme, et ils admirent entre Dieu et
ainsi qu'on vient de le dire dans le bocal ou l'homme quatre sortes d'êtres intermédiai-
globe de verre, on voit bientôt dans les airs res, dont on a fait plus tard les salamandres,
la république volante des sylphes, les nym- les sylphes les ondins et les gnomes. Les
phes venir en foule au rivage, les gnomes Chaldéens sont sans doute les premiers qui
gardiens des trésors et des mines, étaler leurs aient rêvé ces êtres ils disaient que les es-
richesses. On ne risque rien d'entrer en com- prits étaient les âmes des morts qui pour
merce avec eux, on les trouvera honnêtes, se montrer aux gens d'ici-bas, allaient pren-
savants, bienfaisants et craignant Dieu. Leur dre un corps solide dans la lune.
âme est morlelle, et ils n'ont pas l'espérance La cabale des Orientaux est encore l'art
de jouir un jour de l'Etre suprême, qu'ils de commercer avec les génies, qu'on évoque
connaissent et qu'ils adorent. Ils vivent fort par des mots barbares. Au reste, toutes les
longtemps,et ne meurent qu'après plusieurs cabales sont différentes pour les détails
siècles. Mais qu'est-ce que le temps auprès de mais elles se ressemblent beaucoup dans le
l'éternité?. Ils gémissenldonc de leur cou- fond.
dition. Mais il n'est pas impossible de trou- On conte sur ces matières une multitude
ver du remède à ce mal car, de même que d'anecdotes. On dit qu'Homère, Virgile, Or-
l'homme par l'alliance qu'il a contractée phée furent de savants cabalistes.
avec Dieu, a élé fait participant de la divi- Parmi les mots les plus puissants en ca-
nité, les sylphes, les gnomes, les nymphes et. bale, le fameux mot agla est surtout révéré.
les salamandres deviennent participants de Pour retrouver les choses perdues, pour ap-
l'immortalité en contractant alliance avec prendre par révélations les nouvelles des
l'homme. (Nous transcrivons toujours les, pays lointains, pour faire paraître les ab-
docteurs cabalistes.) Ainsi, une nymphe ou sents, qu'on se tourne vers l'orient, et qu'on
une sylphide devient immortelle, quand elle prononce à haute voix le grand nom Agla.
est assez heureuse pour se marier à un sage; Il opère toutes ces merveilles, même lorsqu'il
et un gnome ou un sylphe cesse d'être mor- est invoqué par les ignorants. Voyez Agla.
tel, du moment qu'il épouse une fille des On peut puiser sur les rêveries de la ca-
hommes. On conçoit par là que ces êtres se bale des instructions plus étendues dans di-
plaisent avec nous quand nous les appelons. vers ouvrages qui en traitent spécialement,
Les cabalistes assurent que les déesses de mais qui sont peu recommandables 1° Le
l'antiquité, et ces nymphes qui prenaient comte de Gabalis, ou Entretiens sur les scien-
des époux parmi les mortels et ces démons ces secrètes par l'abbé de Villars. La
incubes et succubes des temps barbares, et meilleure édition est de 174.2, in-12; 2" Les
ces fées qui, dans le moyen âge, se mon- Génies assistants, suite du Comte de Gabalis,
traient au clair de la lune ne sont que des in-12, même année; 3" Le Gnome irréconci-
sylphes ou des salamandres ou des on- liable, suite des Génies assistants; 4° Nou-
dins. veaux Entretiens sur les sciences secrètes,
11' a pourtant des gnomes qui aiment suite nouvelle du Comte de Gabalis, même
mieux mourir que risquer, en devenant im- année; 5° Lettres cabalistiques, par le marquis
mortels, d'êlie aussi malheureux que les dé- d'Argens, La Haye, 1741, 6 volumes in-12. Il
mons. C'est le diable (disent toujours nos faut lire dans cet ouvrage, plein, beaucoup
auteurs) qui leur inspire ces sentiments; il plus que les précédents, dè passages con-
ne néglige rien pour empêcher ces pauvres damnés, les lettres du cabaliste Abukiback.
créatures d'immortaliser leur âme par notre Voy. GNOMES, Ondins, SALAMANDRES, SYL-
alliance. PHES, Zédéchias, etc.
Les cabalistes sont obligés de renoncer à CABIRES, dieux des morts, adorés très-
tout commerce avec l'espèce humaine, s'ils anciennement en Egypte. Bochard pense qu'il
veulent ne pas offenser les sylphes et les faut entendre sous ce nom les trois divinités
nymphes dont ils recherchent l'alliance. Ce- infernales Pluton, Proserpine et Mercure.
pendant, comme le nombre des sages caba- D'autres ont regardé les Cabires comme
listes est fort petit, les nymphes et les syl- des magiciens qui se mêlaient d'expier les
phides se montrent quelquefois moins déli- crimes des hommes, et qui furent honorés
cates, et emploient toutes sortes d'arlifices après leur mort. On les invoquait dans les
pour les retenir. périls et dans les infortunes. Il y a de gran-
Un jeune seigneur de Bavière était incon- des disputes sur leurs noms, qu'on ne décla-
solable de la mort de sa femme. Une syl- rait qu'aux seuls initiés (1). Ce qui est cer-
phide prit la figure de la défunte et s'alla tain, c'est que les Cabires sont des démons
présenter au jeune homme désolé, disant que qui présidaient autrefois à une sorte de sab-
Dieu l'avait ressuscitée pour le consoler de bat. Ces orgies, qu'on appelait fêtes des Ca-
son extrême affliction. Ils vécurent ensemble bires, ne se célébraient que la nuit l'initié,
plusieurs années, mais le jeune seigneur après des épreuves effrayantes, était ceint
n'était pas assez homme de bien pour rete- d'une ceinture de pourpre, couronné de
nir la sage sylphide; elle disparut un jour, branches d'olivier et placé sur un trône illu-
et ne lui laissa que ses jupes et le repentir (1) Delandine.L'Enferdes peuplesanciens,cb. xix..
sâV dictionnaire DES sciences Occultes-. 2^
niiné, pour représenter le maître du sabbat, CÀG-UOSTllO. Tout le monde connaissait.
pendantqu'on exécutait autourdeluides dan- a Palerme, en 17-80, un orfèvre nommé Ma-.
sés hiéroglyphiques plus ou m'oins infâmes. rano, descendant des Juifs ou des Maures,
CACODÉMON, mauvais, démon. C'est le qui ont laissé tant de vestiges dans le' midi
nom que les anciens donnaient aux esprits de l'Europe. On citait son avarice et sa cré-^
malfaisants. Mais ils appelaient spécialement dulité superstitieuse. Enrichi par l'usure et
ainsi un monstre effrayant, un spectre hor- la mauvaise foi, il faisait assez souvent des
ri-Ible, qui n'était pas assez rcconnaissable brèches à sa fortune pour des tentatives in-
pour être désigné autrement. sensées qui devaient, au moyen de l'alchi-
"Chaque homme avait son bon et son m au- mie ou de 'a magie, lui do'nner des millions,
vais démon, eudémon et cacodémon. et avec ces millions le fameux élixir qui em-
Les .astrologues appelaient aussi la dou- pêche de mourir.
zièmç maison du soleil, qui est la plus ru.au En 17C0, pourtant, Marano était devenu
vaise de toutes, encodéinon, parce que Sà- moins facile. 1.1avait cinquante ans; l'expé-
turne y répand; ses malignes influences,. et': rience lui était venue, et il fallait, pour l'ai-"
qu'on n'en peut tirer que des pronostics rc- tpaper dans quelque piège, un peu plus
dôntables. d'habileté. Toutefois, depuis quelque temps,
'CACTONITE, pierre merveilleuse, qui, se- il prétait une oreille attentive aux relations-
Ion quelques-uns, n'est autre chose que la qu'on lui faisait des merveilles opérées par
côrn.aiinc. On lui attribue de grandes pro- un jeune Sicilien plein de. mystères. Celui-ci
priétés. Les Anciens en faisaient des talis- ne commerçait pas avec les dénians et ne re--
mans qui assuraient la victoire. cherchait pas la pierre philosophais; il s'en-
*CACUS, espèce d'ogre de l'antiquité. Il' tretenait avec les anges il' dominait ainsi
était fils de Vulcain et vomissait du feu par' lés esprits des ténèbres, et de grands secrets'-
la gueulé. Ce monstre, de taille gigantesque, lui étaient révélés. On le nommait Joseph.
moitié homme et moitié bouc, mangeai! les Balsamo. Tous les bourgeois de Palerme, où.
passants dans sa caverne, au pied du mont il était né, voyaient en lui le fils très-intelli-
Aventin, et accrochait tes têtes à sa porte. gent de parents obscurs; mais quelques jeu-
11. fut étranglé par Hercule. Cacus a été nes gens, qui paraissaient mieux instruits,
peint quelquefois avec une tête de béte sur disaient que sa famille apparente était sup-
un corps' d'homme. posée, et qu'il était fils, d'une grande prin-
CADAVRE. Selon la loi des Juifs, quicon- cesse d'Asie. Ce jeune homme extraordinaire
que avait touché un cadavre était souillé; il' avait dix-sept ans; il parlait peu; sa figure
devait se puriGer avant de se présenter au et ses regards exerçaient une sorte de fasci-
tabernacle du Seigneur. Quelques censeurs; nation. On ne savait rien de sa vie intérieu-
des fois de Moïse ont jugé que celle ord,oif-i re; seulement, plusieurs l'avaient entendu
nance était superstitieuse. Il nous paraît au1; s'entretenir en hébreu a.vec les" anges. Lui
Contraire, dit fiergier, qu'elle était très-sage. seul, disait-on, les voyait; mais ceux qui
C'était une précaution contre la superstition. Pépiaient avaient pu tout entendre, à la vé-
des païens qui interrogeaient les morts. rité sans y comprendre autre chose que les
jpoura'pprendre d'eux l'avenir ou les choses sons de plusieurs voix qui leur avaient sem-
•eachée's abus sévèrement interdit aux Juifs, blé très-mélodieuses.
mais qui a régné chez la plupart des na.
étions. Voy. Aimant, Cercueil, etc. L'orfèvre, que sans doute on voulait sé-
CADMKE ou CADMIE, qu'on appelle plus duire, rêvait de Joseph Baisamo. C'était la
enfin l'homme qu'il lui fallait pour réparer
généralement calamine, fossile bitumineux d'un seul coup toutes ses pertes. 11 ne man-
qui donne une teinte jaune au cuivre rouge,
<et que certains chimistes emploient pour quait aucune occasion de le voir, le considé-
faire de l'or.' rait avec une vénération profonde, mais
n'osait lui adresser la parole.
ÇAD1EHE. Voy. Girard
^CADUCEE. C'est avec celle baguette, or- Bientôt il n'y tint, plus il pria l'un des
née de'deux serpents entrelacés, que Mer- admirateurs ou des compères de Joseph, qui
cure conduisait les âmes aux enfers et qu'il se vantait d'être dans ses bonnes grâces, de
lés en lirait au besoin. le présenter au, jeune ami des esprits céles-
CADULUS, pieux soldaj, dont la légende tes. Celui-ci lui amena Balsamo, qui, malgré
ses privilèges
rapporte qu'il était obsédé par le diable en surnaturels toujours logé
fi 4brm!» d'ours (1). Il s'en délivra par la prièrev chez ses pauvres parents, n'avait pas encore
une salle, où il pût recevoir. Il n'eu était pas
j CiECfJLUS, petit démon né d'une étincelle
'qui vola éc la forge de Vulcain dans le siin moins fier et superbe il laissa dignement
i'de Prcncstji. Il fut élevé parmi les bêlos sau- l'orfèvre Te mettre' à genoux devant lui, lee
releva ensuite avec, une bienveillance très-
wagos. On le reconnut à cette particularité,
qu'il vivait d.ans le feu comme dans son éié- jra.ve, et lui demanda ce qu'il voulait.
ment; ses yeux, qui étaient fort petits, La nature de vos relations- pourrait
t étaient seulement un peu endommagés par' vous le dire, jcuue seigneur, répondit Mara-
•la fumée. Lescabalisles font de lui un sala- 1no. J'ai été trompé par divers imposteurs
"•jnandre.. <]ui m'ont enlevé une partie des biens gagnés
CAF. Voy. Kaf. 1par mon travail, persévérant. Il vous serait
I facile de réparer ces dégâts.
| .1) BollandiActasanctorum,21 aprilis. Je-le pais, si vous croyez, dit Joseph.
B8S. CAG CAG 28Ô
Si je crois? répliqua- l'orfèvre je crois L'ami des esprits célestes ne releva uaa~
ci j'ai confiance. cette exclamation; il reprit silencieusement
Trouvez-vous donc demain à cent pas le chemin de la ville; .l'orfèvre les*" suivais
de la porte de Palerme, sur le chemin des sans rien dire, mais évidemment en pr.oio à
deux chapelles de sainte Rosalie, à six'heu- de grandes méditations et à de profonds
"res du malin.. c'alcnls.
Sans ajouter un mot de plus, Joseph Bal-' Ils marchèrent ainsi une demi-heure comme
samo se retira. deux muets; En arrivant à l'endroit d'e la
Le lendemain, Marano fut scrupuleuse- route où ils s'étaient donné rendez-vous le.
ment exact dix minutes avant l'heure prc- jeune homme s'arrêtant dit à l'avare
scrite, il comptaitses pas trèsatlentivement, Nous nous séparerons ici;' et vous saurez
et s'arrêtait au centième .avec une précision que, sur votre tête, vous ne. devez. jamais
mathématique. Commesix'heures sonnaient dire un mot de ce qui vient de se passer.
aux horloges de la ville, le favori des anges En même -temps, il Gt un mouvement pour
était devant lui; il salua l'orfèvre en silence s'éloigner.-
et le conduisit sans dire un mot à une grotte Un seul instant, jeune seigneur, s'écria
qui se trouvait écartée dans une espèce de Marano d'un ton suppliant;' soixante onces
solitude, à la distance d'environ trois-quarts d'orl est-ce donc le dernier mol?
de lieue. Je le- pense, répliqua froidement Joseph
-7- Ici, lui dit-il en ouvrant enfin la bou- et il refit le mouvement d'un homme (lui s'é-
che, repose un trésor de grand prix, sous la loigne.
garde des esprits infernaux. Deux des anges -Un seul instant, reprit encore l'orfèvre,
qui viennent à ma voix savent les dompter. qui avait supputé toute la vateu'r du trésor,
Mais je ne puis enlever ce trésor moi-même, à quelle- heure demain matin?
ni le toucher, ni m'en servir, sans perdre À six heures, au même lieu
ma pureté et ma puissance. Et le merveilleux jeune homme quitta di-
Et moi? qui en cela n'ai rien à perdre, gnement Marano, qui se contenta d'ajouter
demanda l'orfèvre. en gémissant
Le trésor peut être à vous, si vous fai-, Je serai prêt.
tes ce qui sera exigé.. Il fut. aussi exact que le premier jour, ayant
Oh je le ferai, jeune' seigneur; dites. rempli toutes les prescriptions indiquées,
seulement. lavé, peigné, muni de ses soixante onces
t– Ce n'est pas moi qui puis le dire, ré- d'or, qu'il serrait convulsivement sur sa
pondit Balsamo; mais je prie Uricl de vous poitrine. Joseph' Balsamo le' joignit', comme
éclairer. la veille,;)l'instant où six. heures sonnaient.
En achevant ces mots, le jeune homme se Ils se dirigèrent en silence ve'rsla grotte. Les
mit à genoux; il fit prendre à Marano la anges furent interrogés d.è nouveau; ils firent
même posture. Aussitôt on entendit dans le exactement les mêmes réponses. que le jour
vague une voix harmonieuse et claire qui précédent.
disait Le trésor contient soixante onces L'orfèvre tira son or, qui lui tenait au
de pertes, soixante onces de rubis, soixante cœur et aux mains, et dont il. lui paraissait
onces de diamants, dans une boîte d'or ciselé triste de se dessaisir.
du poids de cent vingt onces. Les démons N'enlrez-vous pas avec moi dans cette
qui le gardent le remettront aux mains de grotte profonde demanda-t-il.
l'homme que présente notre ami, s'il a cin- Non, répondit Balsamo; je dois rester
quante ans. ici, jusqu'au moment où les esprits noirs,
Je les ai depuis huit jours, interrompit dépossédés de leur trésor, viendront se ruer
joyeusement l'orfèvre. sur vos soixante onces.
S'il a des enfants. -N'y a-t-il aucun danger?
J'en ai deux, vivants. Aucun, si le compte est fidèle.
S'il porte quelques poils gris. L'orfèvre déposa son précieux fardeau à
J'en possède abondamment dans mes l'entrée de la grotte; il fit quelques pas e
cheveux et dans ma barbe. puis il" revint; le jeune homme était immo-
S'il n'a- pas coupé ses ongles depuis sept hile en silence; il rentra revint encore fit
jours. plusieurs fois ce même manége, dans une
Je ne les ai pas coupésdepuis quinze. espèce de lutte 'intérieure. 11 ne recevait
S'il s'est lavé les mains et le visage. aucun encouragement de son guide, qui pa-
-Je les laverai. raissait aussi froid que silencieux, surtout
Et s'il dépose à l'entrée de la grotte. auprès des duprs que ses compères avaient
avant d'y mettre le pied, soixante onces d'or suffisamment travaillés.
pur, pour les gardiens. Enfin le pauvre orfèvre alla jusqu'au fond
Un profond silence succéda à ces paroles et cette fois, lorsqu'il voulut reculer encore.
l'orfèvre frappé de stupeur fermait les il; en fut empêché. Trois êtres noirs, qu'it
dents et les lèvres. Balsamo" s'était relevé; eut pris pour des charbonniers s'il ne se
l'orfèvre écoutait encore à genoux. fût pas attendu à rencontrer des démons, lui.
Vous avez entendu? reprit le jeune barrèrent le chemin avec des grondements
homme. sinistres et se mirent à le faire pirouetter
-Soixante onces d'or! dit Marano avec dans la grotte. Il poussa des cris, auxquels
un immense soupir. personne n'accourut et que tes trois gaillards;
287 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 288

réprimèrent promptement en le rouant de ne voyaient en lui qu'un adroit charlatan.


coups. Brisé d'effroi et de douleur, Marano On disait qu'un hermétique nommé Allotas,
tomba ventre à terre. Il toi fut signifié, en qui avait longtemps voyagé avec lui qu'il
langage intelligible et clair, de rester là sans avait perdu à Malte et dont il parlait comme
mouvement, s'il ne voulait pas être assommé. du plus sage des hommes, lui avait appris
Après quoi il se trouva abandonné à lui- les arts magiques. On parlait encore d'un
même et n'entendit plus aucun bruit. joueur de gobelets avec qui Cagliostro avait
Pendant un quart d'heure, il n'osa remuer été très-Iié ce joueur de gobelets était assisté
ni les mains, ni la tête; il s'enhardit enfin d'un esprit; et cet esprit était l'âme d'un juit
se souleva tremblant rampa, se traîna et cabaliste, qui avait tué son père par nécro-
gagna l'issue de la grotte, étonné de ce qui mancie avant la venue de Notrc-Seignenr.
tous les
se passait en lui. Les soixante onces d'or,' Cagliostro disait intrépidement que
Balsamo, les trois démons supposés tout prodiges qu'il opérait se faisaient unique-
avait disparu. Le pauvre homme, commen- ment par l'effet d'une protection spéciale du
çant à croire qu'il était la victime d'une ,ciel; il ajoutait que l'Etre-Suprémc, pour
nouvelle friponnerie, plus hardie et plus t'encourager avait daigné lui accorder la
violente que les anciennes., revint pénible- vision, béatifique; qu'il venait convertir les
ment à Palerme et alla déposer sa plainte. incrédules et relever le catholicisme Avec
Mais on ne retrouva plus Joseph Balsamo, une si haute mission, il disait la bonne aven-
qui évidemment avait quitté le pays. ture, donnait l'art de gagner à la loterie,
Le 19 septembre 1780, dans une guinguette expliquait les rêves, et faisait des séances de
extérieure de Strasbourg, au milieu d'un fantasmagorie transcendante. Aussi le bon
groupe de modestes buveurs qui regardaient abbé Fiard est-il excusable de n'avoir vu
par les fenêtres la foule immense, agitée par' dans Cagliostro qu'un démon détaché du
l'attente de quelque événement extraordi- sombre empire; en le jugeant ainsi, l'abbé
naire, on remarquait. une vieille figure Fiard se conformait à l'opinion populaire de
chauve et ridée, qui accusait ses soixante- la majorité.
dix ans et son origine méridionale c'était Mais reprit vivement le cordier cet
l'orfévre Marano. Des pertes successives et homme ne peut pas être le diable, puisqu'il
des dettes qu'il n'avait pas jugé convenable a des entretiens avec les anges
de payer l'avaient contraint à quitter Pa- Ah 1 il a aussi des entretiens avec les
lerme et après avoir tenté la fortune à Lon- anges 1 s'écria Marano frappé de cette cir-
dres et à Paris, il était venu s'établir à Stras- constance. Pour lors je dois absolument le.
bourg où il était toujours orfèvre. Il venait voir. Quel âge a-t-il?
voir, comme toute la ville, le personnage Est-ce qu'un être pareil peut avoir un
prodigieux que l'on attendait. Cet homme, âge? dit le droguiste. On dit qu'il paraît
qui produisait plus de sensation qu'un grand porter trente-six ans.
monarque, était le comte de Cagliostro. Il Oh 1 oh! marmotta l'orfèvre, si c'était
venait, par l'Allemagne, de Varsovie où il mon coquin ? mon coquin en a trente-sept
avait amassé de grandes richesses en trans- Comme le vieux Sicilien ruminait ainsi
muant en or de vils métaux. Car il savait le son triste passé, un grand tumulte de voix
secret de la pierre philosophale et possédait vint fixer son attention. L'être surhumain
tous les inappréciables talents des alchimistes. arrivait. Il parut bientôt, entouré d'un nom-
N'importe 1 dit un chapelier, je suis bien breux cortège de courriers, de laquais et de
aise d'avoir vécu jusqu'ici, puisque je vais valets de chambre en livrées magnifiques;
voir le fameux mortel, si c'est un mortel. lui-même avait l'air d'un prince. A côlé de
On assure, ajouta un droguiste qu'il lui, dans sa voiture découverte se pavanait
est fils de la princesse de Trébisonde, et' Lorenza Féliciani sa femme, qui le secon-
qu'il a tout à fait les beaux yeux noirs de sa dait dans tout ce qu'on appelait modérément
mère. ses intrigues. Son luxe expliquait ce que di-
Et qu'il descend en droile ligne de saient les gens sensés, que Cagliostro n'était
Charles-Martel, dit un écrivain public. autre chose qu'un membre voyageur de la
Il date de plus loin, interrompit un cor- maçonnerie lemplière, constamment opulent
dier, car il a assisté aux noces de Cana. par les secours nombreux qu'il recevait des
C'est donc le juif-errant? dit Marano. différentes loges de l'ordre. Quelques-uns
Mieux que cela. Des gens à qui on. peut donnaient au faste qu'il étalait une source
avoir foi prétendent qu'il est né avant le encore moins honorable. Toutefois, il exer-
déluge. çait la maçonnerie élevée; et c'était lui qui
Voilà qui est fort; si c'était le diable?. avait instituéles mystères de ce qu'on appelle
Ces idées, que nous rapportons fidèlement la maçonnerie égyptienne. On dit même qu'il
et qui s'enrichissaient des plus singuliers avait toujours été un charlatan subalterne,
ad-
commentaires, étaient alors en effet géné- jusqu'au moment où il avait pu se faire
ralement répandues dans 'le peuple, sur mettre en Angleterre dans les hauts grades
l'homme mystérieux qu'on appelait le comte de la franc-maçonnerie. Il avait compris dès-
de Cagliostro. Les uns le regardaient comme lors tout le parti qu'il pouvait tirer de l'as-
un saint,' un inspiré, un faiseur du miracles, sociation et il avait imaginé ce rite particu-
un être tout à fait extraordinaire et. hors de lier, dont il prétendait avoir reçu les élé-
ta nature; on n'expliquait pas les cures nom- ments dans les pyramides d'Egypte. Le fait
breuses qui lui étaient attribuées. Les autres est qu'il avait emprunté au manuscrit d'un
289 CAG CAG 290
nommé Georges Coston le plan de sa ma- Une partie du peuple tomba à genoux;
çonnerie égyptienne moitié jonglerie et une autre partie s'empara du pauvre orfèvre.
cabale, moitié science hermétique et four- et le brillant cortège poursuivit sa marche
berie, avec quelque magnétisme dont il abu- triomphale. De tels faits certainement excu-
sait d'autant plus aisément que l'on ne con- sent l'abbé Fiàrd d'avoir vu le diable dans cet
naissait pas encore celle puissance. homme.
Son institution avait pour but de conduire '• Arrivé dans Strabourg en fête, Cagliostro
les adeptes qu'il recevait à la perfection, par s'arrêta devant une grande salle où les cor-
la régénération physique et la régénération nacs qui le précédaient partout avaient ras-
morale. La première rendait les formes de la semblé un grand nombre de malades. Le fa-
jeunessè et empêchait de vieillir; il la prati- meux empirique y entra et les guérit tous,
quait au moy.en de son élixir universel, re- les uns par le simple-attouchement, les au-
mède qu'il appliquait à tous les maux. La tres pardes paroles, ceux-ci par le moyen
seconde restituait l'innocence perdue et con- d'un pourboire en argent, ceux-là par son
duisait l'homme à l'état d'ange. Elle s'obte- remède universel. Il est vrai que les arran-
nait, non parle repentir et l'humilité, mais geurs de ces cures surprenantes avaient
par la foi aux promesses du grand Cophte choisi leurs malades et qu'ils n'avaient pas
( c'est le grade que c'était donne Cagliostro ), admis certains cas sérieux auxquels ils
et en conséquence de cette foi qui devait être avaient promis des secours à domicile.
absolue, par des visions et des extases, par « Quant au savoir en médecine de Caglios-
l'évocation des esprits, par des communica- tro (dit l'auteur anonyme de sa notice,
tions avec les anges. dans la bibliographicuniverselledeMichaud),
i: Mais le grand Cophte n'avait de puissance il parait constant que ce savoir était très-
que par l'intermédiaire d'un jeune garçon borné. Comme tous les partisans des doctri-
ou d'une jeune fille, qu'il appelait ses pupil- nes hermétiques et paracelsiques, il faisait
les ou ses colombes et qui devaient être de grand usage des aromates et de l'or. Nous
l'innocence la plus pure. Après que ces en- avons eul'occasion de goûter sonélixir vital,
fants avaient reçu ce que le grand Cophte ainsi que celui d'un fameux comte de Saint-
appelait la consécration, ils prononçaient Germain ils n'avaient point d'autre base. »
devant une carafe pleine d'eau les paroles Quoi qu'il en soit, Cagliostro sortit de la
qui évoquent les anges. Les anges venaient salle des malades, au milieu des acclama-
dans la carafe; quelquefois on les entendait tions et des trépignements de la foule; il alla
donner leurs réponses; le plus souvent il s'installer dans le magnifique hôtel qui était
fallait que les pupilles lussent ces réponses préparé pour lui, iladmitàsa table somptueuse
qui arrivaient dans la carafe à fleur d'eau l'élite de la société de Strasbourg; et le soir
'et qui n'étaient visibles qucpourcux(c'élait il voulut bien donner une séance de ses co-
du somnambulisme). lombes.
Ce qu'il y.a de plus merveilleux dans tout On amena dans le salon de Cagliostro,
ceci, c'est que la maçonnerie égyptienne éclairé par des procédés où l'optique et la
éleva tout-à-coup Cagliostro au niveau de fantasmagorie jouaient un grand rôle, plu-
ce qu'il y avait de plus grand en Europe. En sieurs petits garçons et plusieurs petites filles
France surtout, à côté de l'esprit philosophi- de sept à huit ans. Le grand Cophte choisit
que qui niait les saintes merveilles, ces mer- dans chaque sexe la colombe qui lui parut
veilles absurdes furent accueillies avec une montrer le plus d'intelligence; il livra les
admiration qui allait jusqu'au fanatisme. Le deux enfants à sa femme, qui les emmena
portrait de celui qu'on osait appeler le divin dans une salle voisine où elle les parfuma,
Cagliostro fut partout, jusque sur les éven- les vêtit de robes blanches, leur fit boire un
tails, sur les bagues, sur les tabatières. On verre d'élixir etles représenta ensuite prépa^
coula son buste en bronze, on le sculpta en rés à l'initiation.
marbre. Les plus grands personnages de Cagliostro ne s'était absenté qu'un mo-
cette époque de philosophie se,firent admet- ment pour rentrer sous le costume de grand
tre dans ses loges tout le monde voulut Cophte. C'était une robe de soie noire, sur
assisteraux séances publiques de ses colom- laquelle se déroulaientdes légendes hiérogly-
bes. phiques brodées' en rouge; il avait une coif-
Un grand cri retentit lorsque le comte fure égyptienne avec les bandelettes plissées
de Cagliostro passa devant la guinguette. -et pendantes après avoir encadré la tête; ces
Marano l'avait reconnu et il avait arrêté les bandelettes étaient de toile d'or. Un cercle de
chevaux de sa voiture. pierreries les retenait au front. Un cordon
C'est Joseph Balsamo, disait-il; et l'a- vert émeraude, parsemé de scarabées et de
postrophant avec colère, il répétait ces seuls caractères de toutes couleurs en métaux ci-
mots Mes soixante onces d'or! 1 selés, descendait en sautoir sur sa poitrine.
Cagliostro regarda à peine l'orfèvre, ne A une ceinture de soie rouge pendait une
montra aucune émotion; mais au sein du large cpée de chevalier, avec la poignée en
profond silence que ce singulier incident croix. Il avait une figure si formidablement
avait jeté dans la foule épaisse, on entendit imposante sous cet appareil que toute
sur-le-champ une voix qui paraissait venir l'assemblée fit silence dansfline sorte de ter-
des airs et qui disait reur.
Ecartez du chemin cet insensé, que les On avait placé sur une pelite table roude
esprits infernaux possèdent» en ébène la carafe decristal. Suivant le rite,
;sgj DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 292
;on mitderrièrè les deux enfants, transfor- de tontes les marq-uesde la vénération. Lors-
més en pupilles ou colombes un paravent qu'il fut parti, on remarqua enfin que l'or-
pour les abriter. févre Marano n'avait pas reparu chez lui; on
Deux valeU de chambre, vêtus eh esclaves lu retrouva dans un fossé où il avait été
cgyptiens,»comme ils sont représentés dans noyé* le jour de l'arrivée de l'illustre voya-
les sculptures de Thèbes, fonctionnaient au- geur. On considéra sa triste fin comme un
tour de la tablè. Ils amenèrent les deux en- châtiment mérité.
fants devant legrahdCophle.qui leurimposa Cagliostro parcourut de nouveau, dans un-n
les mains sur la tête, sur les yeux et sur la grand éclat, la France, l'Angleterre, l'Italie,
poitrine, en faisant silencieusement des si- la Suisse, faisant partout des cures dites
gnes bizarres, qui pouvaient figurer aussi dus merveilleuses, étalant sa fastueuse bienfai-
hiéroglyphes, et que l'ordre appelait des my- sance avec une affectation habile, qui fit
thes ou symboles. dire à la marquise dé Créquy qu'il avait de
Aprèscelle première cérémonie (magnéti- l'esprit de plus d'une sorte, opérant des pro-
que), un des valets présenta à GàgHoslro la diges surprenants, s'il faut en croire les re-
petite truelle d'or, sur. un coussin de velours lations. Car on a conté qu'il fit paraître de-
blanc. Il frappa du manche d'ivoire dé sa vant quelques grands seigneurs de Paris et
truelle sur la table d'ébène et demanda.: de Versailles dans des glaces, sous des
Que fait en ce moment l'homme qui ce, cloches de verre et dans des bocaux, des
ee matin, aux portes de la ville, a insulté le spectres animés et se mouvant, des person-
grand Gophté? nes absentes, et différents morts qu'on lui
,.Les cotonibes regardèrent dans la carafe; désignait. Ona même rapporté, comme chose
et apparemment qu'elles y virent quelque- très-véfidiqùe, que dans des soupers qui
chose; car la petite fille s'écria Je l'aper- firent alors grand bruit à Paris, Cagliostro,
çois qui(lort.. • nouveau Faust, avait évoqué les plus illus-
r On a prétendu que le dessous de la table tres morts, Socrate, Plalon, Charlemagne,
était préparé de manière à faire passer sous Pierre Corneille, et même Voltaire et d'Alem-
la" carafe des figures et des caractères. Cfi- hert. Mais depuis que la fantasmagorie est
qui le ferait croire,' c'est que dans les cas devenue à Paris un spectacle public, on a
qui sortaient du cours ordinaire des répon- compris ces illusions.
ses banales, les enfants ne voyaient rien. 11 est bon toutefois de lire les éloges qu'on
Mais alors là voix des anges invisibles répon- faisait alors du grand homme. Bordes, dans
dait. sès Lettres sur la Suisse, le qualifie d'homme
Sur l'invitation de Càgliostro, qui annonça admirable. « Sa figure, dit-il, annonce l'es-
qu'on pouvait faire toute question, plusieurs prit, décèle le génie; ses yeux de feu lisent
dames s'émurent. L'une demanda ce que au fond des âmes. II sait presque toutes les
faisait sa mère, alors à Paris? La réponse fut. langues de l'Europe et de l'Asie son élo-
qu'elle était au spectacle entre deux vieil- quence étonne et entraîne, même dans celles
lards. Une autre, voulut savoir quel était qu'il parle le moins bien. »
l'âge de son. mari; il n'y eut point de répon- Le marquis de Ségur et MM. dcMéroménil.
`
s'e ce qui Glpousserdescris d'enthousiasme, et de Vergennes, en 1783, recommandaient
car cette dame n'avait point de mari; et l'é- Cagliostro dans les termes les plus flatteurs.
chec de cette tentative de piège fit qu'on n'en Cependant lorsqu'il revint à Paris en 1785,
tendit pas d'autres. ses rapports avec les anges ne le préservè-
Une troisième damedéposaun billet fermé. rent pas d'une aventure fort désagréable. Il
Le petit garçon lut .aussitôt dans la carafe se trouva très-gravement compromis avec le
ces mots Vous ne l'obtiendrez pas. On prince de Rohan,dans la malheureuse affaire
ouvrit le billet, qui. demandait si le régiment du collier. La comtesse de La Molle l'accu-
que la dame sollicitait poursonGls lui serait sait d'avoir reçu le collier des mains du
accordé. Cette justesse éleva encore l'admi- prince et de l'avoir dépecé pour grossir l:.«.
ration. trésor occulte de sa fortune inouïe. Le grand
Uu juge, qui pourtant doutait, envoya se- Cophte fut arrêté le 22août et mis à laBaslille.
crèlemcnt son fils à sa maison, pour savoir Il publia un mémoire où, pour justifier ses
ce que faisait en ce moment sa femme; puis dépenses, il nomme les banquiers. -qui, dans
quand il fui parti, il fit cette question au tous les pays de l'Europe, lui fournissent des
grand Cophte. La carafe n'apprit rien, mais fuuds.Mais il ne fait connaître ni t'origine,
une voix annonça que la dame jouait aux ni la source de ses richesses.
cilles avec deux voisines. Ce mémoire, très-adroitement rédigé, était,
Celtevoix mystérieuse, qui n'était produite attribué a unmagislral célèbre;el il augmen-
par aucun organe visible, jeta la terreur tait le poids dé cette réflexion' que là eon-
dans une partie de l'assemblée; et le fils du science et les talents de certains avocats sont
ma'gistrat étant venu confirmer l'exactitude choses qui se vendent, puisque, moyennant
de l'oracle, plusieurs dames effrayées se reti- argent, ils défendent toute cause quelcon-
rèrent. que. juste ou injuste, loyale ou déloyale.
-Onïraconlc.q.ue d'autres merveilles signa- Comme on avait détaché dans le factum
lèrent. cette E.oirée mais les détails en sont quelques-unes des aventures romanesques
très-vagues. de Cagliostro, il fut accueilli dans le public
Pendant le peu de temps, que le comte de avec tout l'empressement qu'inspirait le per-
Caglioslro resta à Strasbourg, il fut comblé. sonnage.
295 CAG CAC 2S*

L'arrêt du parlement de Paris, du 31 niai tique des apparitions qui ont troublé do
•1786, déchargea 'Caglioslro des accusations paisibles consciences.
intentées contre lui, et il fut mis cri liberté, Il h renié le catholicisme et s'est levé contre
mais avec- ordre de quitter Paris 'da'iis les lui en établissant sa maçonnerie égyptienne.
vingt-quatre heures et le royaume dans trois Savez-vous quels mystères impurs et scan-
semaines. Lorsqu'il s'embarqua a Boulogne, daleux se pratiquaient dans ses logés téné-
il était suivi d'un cortège de quatre à cinq breuses?
inillo personnes qui lui demandaient sa béné- En s'excitant par des potions violentes pourr,
diction. se donner l'air inspiré, il s'est rendu frênes
Il passa en Angleterre, où il séjourna deux tique; et pour ce motif seul, il devait étrd
ans, continuant d'établir ses loges égyptien-1 surveillé.
nés et propageant son rite particulier, qu'it Vous l'appelez le comte de Cagliostro Mais
apf.ela.it aussi le rite de Mizraïm. apprenez que ce noin niéme est une de ses,
Et le matin du 7 avril de l'année 1791, à innombrables impostures. Son nom, à Pas
Rome. au milieu d'une affluence avide do • lerme où il est né, est Joseph Balsamo. À
curieux, le. tribunal du saint-office jugeait un Venise, il s'appelait le marquis de Pellegrini.
liomhie important. Cet homme avait un nom Il s'est nommé encore Tischio, Belmontë
européen, diversement estimé, ange pour les Harat, Métissa» Fénix; il a étédoclcur, co-
uns, démon pour les autres, bienfaiteur de. lonel, gentilhomme, danseur, sans parler de
l'humanité et divin philosophé .devant- les professions moins honorables, il a volé ave«S
têtes légères, charlatan saugrenu et redou- une grande adresse des sommes. énormes; à
table imposteur devant 1rs personnes gra- peine adolescent il à escroqué 'd'un seul
ves. Cet homme était lecomlc di-'Caglioslro.. coup soixante onces d'or à un orfèvre dé Pu-
De Londres il était encore retourné en- lërme, pauvre idiot que les séides' du comte'
Suisse; puis il était venu en Savoie, puis à de Cagliostro ont noyé à Strasbourg. 11serait.'
Gènes, à Varsovie, à Trente d'où il s'était, triste et de mauvais exemple de publier toute:
fait chasser; puis à Rome où il avait eu l'au-, la vie de cet homme.
dace d'ouvrir des loges, et do faire des récep-. Mais', reprit encore Malléo", dans sa lettré
tions pour sa maçonnerie égyptienne.. On au peuple français, datée de Londres te, 20.
l'avait arrêté avec sa femme, le 27 décembre' juin 1786, Cagliostro prédit que la Bastille
1-789,- el transféré au château S.'iinl-Àngc. serait démolie et deviendrait un lieu de pi'o-)
Quoique accusé de franc-maçonnerie, dema-, menade. Comment expliquer cela?
gie, d'apostasie, d'hérésie et méjie de l'réné?. D'une manière bien naturelle. Cétte.dc-
sfe, on avait .mis plus 'de seize mois à in- molition était déjà dans les projets de:
struire sa cause, que les renseignements re-: Lous XIV; et en 1786, la Bastille tombait en.
cueillis chargeaient de toutes sortes de cri- ruines. Croyez bien. que Joseph Balsamo,,
mes. avec tous ses noms et tous. ses .litres, n'est
Mais, disait le jeune Maltr-o Ferrante à qu'un imposteur dangereux et un fripon.
Paolo Uambaldi,. son oncle dans la cour. du L'oncle et le neveu entrèrent alors dans la.
saint-office, il est étonnant que. l'inquisition, salle où se plaidait la cause de l'homme. fa-:
qui est ici un. tribunal si doux, poursuive meux. Les faits de sa vie, en se déroulant,;
criminellement ce gentilhomme. Qu'a'-l-il ne présentaient que des vices et des crimes..
donc fait? Tant do rapports s'accordent aie Les juges, <ipiès avoir tout pesé, condam-
peindre comme un être vénérable, dont la • nèrent Cagliostro à la peine de mort.
conduite, est exemplaire. On l'a vu guérir les. Mais à Rome on donne aux condamnés. Io:
malades, soulager les pauvres, répandre les. temps du repentir. Le pape Pie VI commua
consolations cl prodiguer. !es bienfaits, dans, la peine de Cagliostro en une prison pcrpé->
le seul but de soulager {"humanité. tuelle; on mit sa femme dans'une maison dey
Ce que vous dites là, mon enfant, pénitence; on l'enferma lui,dans le château,
répliqua Paolo, n'est que de l'exagération, Saint-Ange.
à propos d'un très-adroit charlatanisme. Cet On lui laissait une liberté de mouvement
étalage de bienfaisance cachait tous les vices. assez étendue; maison reconnut bientôt qu'il
Que direz.-vo.us, si l'on, vous établit que l'ar-. ne fallait. pas oublier un des motifs de son
gent qu'il distribuait ainsi était de l'argent mandat d'arrêt, la frénésie; car on le surprit
volé? Il est facile de la sorte d'être charitable. un jour occupé à étrangler un bon prêtre,
O''C direz-vous, si l'on vous fait voir qu'il. qu'il avait demandé sous prétexte du s:> con-
empoisonnait par ses remèdes empiriques fesser, et sous les habits duquel ii méditait,
ceux qu'en apparence il- soulageait un mo-. son évasion. On arriva assez tôt pour empé-.
ment? Que dirêz-v'ous, lorsqu'on vous aura cher la consommation de ce nouveau forfait;.
montré que cet homme est le plus dangereux et, depuis, l'ami des anges fut surveillé avec,
des escrocs? grand soin..
Vous vous étonnez de le voir accusé do. Quand les Français entrèrent à Rome.
magie ruais c'est lui-même qui s'est donné, en 1797, quelques officiers se rappelèrent
pour magicien, dominateur des esprits in-. Caglioslro, qu'ils avaient vu à Paris. lis vou-
l'ernaux. lurent.le visiter dans sa prison. Mais alors il
1.1. s'est dit en correspondance avec les. y avait deux ans que l'homme. prodigieux,, i
angi'S, faisant lui-méire les demandes et les, ne pouvant, plus nuire à personne, s'était
réponses;i-ii.r il est VliNTUlLOQUE. étranglé luirrnéme.
Il: feint, par fantasmagorie et jeux d'opv On met sur le compte, de Cat;l.iostro une.
295 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 296
détestable brochure qui apprend aux vieilles » C'estdonc à eux qu'il faut se confier?..
femmes l'art de prévoir les numéros gagnants » Silence, M. le marquis; ne distrayons
des loteries par l'interprétation de leurs pas notre pensée par des idées accessoires;
Jêvcs. Avant la suppression de la loterie en n'oublions pas que c'est au devant des morts
France, on vendait tous les ans un nombre que nous allons.
inouï d'exemplaires de ce fatras dont voici » Je me tus; pendant quelque temps, je
le titre Le Vrai Cagliostro, ou le Régulateur reconnus les rues par où nous passions'; mais
des actionnaires de la loterie augmenté de bientôt les lumières disparurent peu à peu;
nouvelles cabales faites parCagliostro volume bientôt les roues de la voiture ne retentirent
in-8°, orné du portrait de Cagliostro, au bas plus sur le pavé; nos lanternes s'éteignirent,
duquel on lit ces treize syllabes, que l'éditeur et l'obscurité fut complète. Me penchant à la
a probablement prises pour un vers majes- portière, je cherchais, à travers la glace, à
tueux et qui ne sont qu'un noble vers défi- distinguer où nous étions; mais pas la plus
guré et souillé dans son application petite lueur ne tombait des étoiles; je ne
Pour savoirce qu'il est, il faudraitêtre lui-même. voyais, je ne reconnaissais rien. Cependant,
j'ai toujours cru que c'était à la plaine des
Nous avons emprunté à un journal le pas- Sablons qu'il m'avait conduit.
sage suivant; c'est un des mille traits attri- » Au bout d'une heure et demie d'une
bués à Cagliostro. Nous n'en citons pas course très-rapide, la voiture s'arréla.
l'écrivain, qui n'a pas signé. « C'est ici » me dit Cagliostro; et,
comme il prononçait ce mot, la portière s'ou-
Cagliostro et la tempête. vrit d'elle-méme, le marchepied se baissa
« Au milieu des premiers symptômes de sans que personne y mit la main; je descen-
la révolution, on parlait autant, à Paris, de dis le premier, non sans émotion.
Cagliostro, de Mesmer, de Swedenborg et du « L'espace, autant que je pouvais le dis-
comte de Saint-Germain, que de l'assemblée tinguer, était vaste, et, dans tout ce vide noir
des notables qui venait d'avoir lieu et de que j'avais devant moi, il me sembla qu'un
l'assemblée des états-généraux qu'on allait seul bâtiment s'élevait. Et nous y touchions.
bientôt avoir. « Pendant que nous étions en voiture, j'a-
» Les philosophes de l'école de Voltaire vais entendu quelques rafales de vent; quand
et de Rousseau étaient fort répandus dans la j'eus mis pied à terre, je sentis qu'il en fai-
société; chaque grand seigneur en avait un sait beaucoup, et je m'enveloppai dans mon
chez lui, qu'il nourrissait et hébergeait. Dans manteau.
toutes les familles les Cabanis, les d'Holbach, « Vous aurez moins froid ici » me dit
les Helvétius, les Raynal, les Diderot, étaient mon guide.
devenus intimes. Les aventuriers et les im- » Et comme il parlait, une porte s'ouvrit
posteurs avaient beau jéu. Aussi Cagliostro sans bruit.
faisait-il fureur tout le monde se le dispu- » Alors je vis. autre chose que le noir de la
tait. Le marquis de Choiseul-Beaupré, menin nuit. L'intérieur de la maison ou de la bara-
de M. le dauphin l'ayant rencontré chez que, de la grange ou de la chapelle où Ca-
madame la duchesse de Grammont, et l'ayant gliostro me commandait d'entrer, était fai-
entendu assurer qu'il avait le pouvoir d'évo- blement éclairé par une lumière qui me sem-
quer les morts, il avait pris le magicien à part,' blait à une grande distance du seuil; cette
et lui avait dit à l'oreille qu'il désirait voir lumière bleuâtre et vacillante était à une
sa femme, qui venait de mourir à vingt ans. certaine hauteur du sol. Par instant, et com-
» Vous la verrez avait répondu Ca- me par bouffées, sa lueur, se ravivant, lais-
gliostro séquestrez-vous du monde, restes sait voir un autel mortuaire, entouré de plu-
chez vous, jeûnez et priez et, dans trois sieurs cercueils, et tout à coup ces objets lu-
nuits, j'irai vous prendre à votre hôtel. gubres disparaissaient dans les ombres.
» Je lui donnai mon adresse dit M. de. » J'avais fait une vingtaine de pas en avan-
Choiscul dont le récit a été recueilli dans çant du côté de la lumière, quand un coup
une lettre du comte de Motteville; et ef- de vent plus bruyant que tous ceux qui
fectivement, la troisième nuit, Cagliostro avaient soufflé depuis une heure, ébranla ré-
vint vers les onze heures. difice où nous nous trouvions.
» Il dut me trouver pâle et faible; car, sans « Cette tourmente va passer, » ditCaglio-
ajouter beaucoup de foi à ce qu'on m'avait stro.
raconté de lui j'avais cependant obéi à son » II se trompait, elle ne fit que redoubler
ordonnance; depuis trois jours, je n'étais pas de furie. Bientôt le tonnerre se mêla à la tem-
sorti de chez moi, j'avais jeûné et prié de mon pête. Jamais de ma vie je n'avais entendu
mieux. Quand je le vis entrer dans mon salon, d'ouragan rugir do la sorte. En ce moment
je sonnai pour' faire avancer ma voiture; j'acquis la certitude que le bâtiment, qui nous
mais il me dit abritait encore, n'était pas de pierres mais
» M. le marquis', c'est inutile la simplement construit en planches il cra-
mienne est à votre porte-, et si vous le per- quait de toutes parts, et le vent, passant
mettez, c'est elle qui nous conduira où nous dans les jointures de ces murs de sapin, sou-
devons aller. levait les tentures noires qui drapaient l'in-
» Est-ce loin? demandai-jc. térieur.
» Je ne sais, mes chevaux s'arrèleront » Cagliostro, voyant que la lampe allait
où ils doivent s'arrêter. s'éteindre, venait d'allumer une torche; à sa
r-
*97 CA1 CAL 298
flamme agitée et rougeâtre, je distinguai des filles, Aclima et Lébuda, voulut unir Caïn
têtes de mort et des ossements croisés, tran- avec Lébuda, et Aclima avec Abel. Or, Caïn
chant en blanc sur les draperies funèbres. était épris d'Aclima. Adam, pour mettre ses
Tous ces emblèmes, toutes ces figures du sé- fils d'accord leur proposa un sacrifice et
pulcre, soulevées abaissées par le vent comme bh le sait, l'offrande de Caïn fut re-
avaient quelque chose d'effrayant on eût jetée. Il ne voulut pourtant pas céder Aclima;
dit une autre danse macabre. il résolut, pour l'avoir plus sûrement, de tuer
« Nous ferions mieux de remettre à un son frère Abel mais il ne savait comment s'y
autre jour la vision », dis-je l'homme qui prendre. Le diable, qui l'épiait, se chargea
m'avait promis d'intervertir pour moi l'ordre de lui donner une leçon. Il prit un oiseau
de la nature. qu'il posa sur une pierre, et avec une autre
« Non, dit-il, je vais conjurer l'orage pierre il lui écrasa la tête. Caïn, bien instruit
il cessera bientôt. » alors, épia le moment où Abel dormait, et lui
» II n'avait pas achevé ces paroles, que laissa tomber une grosse pierre sur le front.
l'ouragan, plus furieux, plus rugissanl,-plus A la suite de ce crime, disent les mêmes doc-
terrible que jamais, enfonça toute une des teurs, il se trouva dans un autre embarras;
parties latérales et la légère charpente de la il ne savait que faire du corps. Il l'enveloppa
couverture, n'étant plus, soutenue que d'un dans une peau de bête, et l'emporta sur ses
côté, s'écroula sur l'autel mortuaire et sur épaules pendant quarante jours. L'infection
les cercueils qui l'environnaient. A cet in- l'obligea à la fin de déposer son fardeau, qu'il
stant, Cagliostro, effrayé, s'écria enterra; après quoi, il mena une vie errante
« Sauvons-nous. » et vagabonde, jusqu'à ce qu'il fût tué par un
» Et je fis bien de suivre ce conseil; car, de ses petits-fils, qui, ayant la vue courte, le
à peine étais-je sorti, que tout le frêle édifice prit pour une bête fauve.
fut renversé. Il y a eu dans le deuxième siècle une
» Cagliostro, honteux de n'avoir pu faire secte d'hommes effroyables qui glorifiaient le
cesser la tourmente s'étant élancé avant crime et qu'on a appelés caïnites. Ces misé-
moi, hors du sanctuaire de ses évocations rables avaient une grande vénération pour
avait dit à son cocher « Vous conduirez Caïn, pour les horribles habitants de Sodome,
la personne que vous avez amenée ici avec pour Judas et pour d'autres scélérats. Ils •
moi, où elle vous le dira; » puis il avait dis- avaient un évangile de Judas, et mettaient la
paru. Je le cherchais, quand le cocher m'ap- perfection à commettre sans honte les actions
prit l'ordre qu'il venait de recevoir. Alors, je les plus infâmes.
montai'en voiture, et à deux heures du ma- Les mêmes hérétiques avaient aussi, on ne
tin, j'étais de retour chez moi. sait comment, ni dans quel but, un livre
» Je dormis peu dès qu'il fit jour, j'ordon- apocryphe de l'Ascension de saint Paul, con-
nai de mettre mes chevaux à la voiture et tenant tout le voyage de saint Paul dans le
de prendre le chemin de la plaine des Sa- ciel, avec le détail de ce qu'il y avait vu.
blons. Quand j'y arrivai, on commençait à CAINAN. On attribue à Caïnan, fils d'Ar-
voir un peu; ce fut en vain que je cherchai phaxad, la conservation d'un traité d'Astro-
des débris de la baraque funèbre après nomie, qu'il trouva gravé sur deux colonnes
avoir parcouru la plaine dans tous les sens, par les enfants de Seth, ouvrage antédiluvien
j'ai acquis la certitude que ce n'était pas là qu'il transcrivit. On prétend aussi que Caï-
qu'elle avait été construite. J'allai aux envi- nan découvrit encore d'autres ouvrages écrits
rons de Grenelle et, là encore, je ne trouvai par les géants, lesquels ouvrages ne sont pas
rien. venus jusqu'à nous (1).
» Je racontai tout cela à un adepte ardent CA1UMARATH ou KAID-MORDS. Le pre-
de Cagliostro; ce crédule disciple de l'aven- mier homme selon les Persans.Voy. BouNDs-
turier me dit CHESCH.
« C'est bien dommage que l'ouragan ait CALA (CHARLES),Calabrois qui écrivait au
soufflé cette nuit-là; sans la tourmente, no- dix-septième siècle; On recherche son Mé-
tre maître à tous vous aurait fait voir que la moire sur l'apparition des croix prodigieu-
mort lui obéit. » ses (2), imprimé à Naples en 1661.
» Quelques semaines après cette mystifica- CALAMITÉS. On a souvent attribué aux
tion, Cagliostro était chez la duchesse de démons ou à la malice des sorciers les cala-
Grammbnt, quand on y annonça le marquis mités publiques. Pierre Delancrc dit que les
de Choiseul. A ce nom, il disparut comme si calamités des bonnes âmes sont les joies et
un autre ouragan l'emportait. » les festoiements des démons pipeurs (3).
CAGOTS, individus des Pyrénées qui y.sont CALAYA. Le troisième des cinq paradis
des sortes de parias. Les autres habitants les indiens. Là réside Ixora ou Eswara, toujours
évitent comme gens maudits. Ce sont, dit-on, à cheval sur un bœuf. Les morts fidèles le
des restes de la race des Goths, appelés Ca- servent; les uns le- rafraîchissant avec des
Goïhs, en abréviation de canes Gothi, chiens éventails, d'autres portant devant lui la chan-
de Goths. delle pour l'éclairer la nuit. Il en est qui lui
CA1N. Les musulmans et les rabbins disent présentent des, crachoirs d'argent quand il
qu'Eve ayant deux fils, 1
Caïn et Abel, et deux veut expectorer.
(1) Syncelli Chronographhc, p. 80. (3) Tableau de l'iuconsiancedes mauvaisanges, etci
(2) Memorieliistorieliedell'apparitionedelle crocipro- liv. I, p. 25.
diaiose da CarloCala.Iil-l».!:i Napoli, 166t.
DlCTIONN piSrf SCIENCES OCCULTES. I.. 10
Ç99 DICTIONNAIRE
DÉSSCIENCES
OCCULTES.. 300
s* i r min i m r\ t» A/iitnn t\i_ rt i 11 • • .•• »
CALCERAND-ROCHEZ. Pendant que Hu- vants les plus laborieux et les plus utiles du
gues de Moncade était vice-roi de Sicile pour dernier siècle, mort en 1757, dans son ab-
le roi Ferdinand d'Aragon, un gentilhomme baye de Senones. Voltaire même mit ces qua-
espagnol, nommé Calcerand-Rochez, eut une -tre vers au bas d'e son portrait
vision. Sa maison était située près .du port de
Palerme. Une nuit qu'il ne dormait pas, il DesoraclessacrésqueDieudaigna nousrendre
crut entendre des hommes qui cheminaient Sontravailassiduperça l'obscurité;
II lit plus, il les crut avecsimplicité,
et faisaient grand bruit dans sa basse-cour; Et fut, par ses vertus, digne de les entendre.
il se leva, ouvrit la fenêtre, et vit, à la clarté
du crépuscule, des soldats et des gens de pied Nous le citons ioi pour sa Dissertation sur les
en bon ordre, suivis de piqueurs; après eux, apparitions des anges, des démons et des es-
venaient des gens de cheval divisés en esca- prits, et sur les revenants et vampires de Hon-
drons, se dirtgeant vers la maison du viée- grie, de Bohême, de Moravie et de Silésie,in-12,
roi. Le lendemain, Calcerand conta le tout à Paris, 1746. La meilleure édition est de 1751;
Moncade, qui n'en tint compte; cependant, Paris, 2 vol. in-12. Ce livre est fait avec
peu après le roi Ferdinand mourut, et ceux bonne foi l'auteur est peut-être trop crédule,
de Palerme se révoltèrent. Cette sédition, il admet facilement les vampires. Il est vrai
dont la vision susdite donnait clair présage, qu'il rapporte ce qui est contraire à ses idées
ne fut apaisée que par les soins de Charles avec autant de candeur que ce qui leur est
d'Autriche (Charles-Quint) (1). favorable. Voy. VAMPIRES.
CALCHAS fameux devin de l'antiquité, CALUNDRONIUS, pierre magique dont on
qui prédit aux Grecs que. le siège de Troie ne désigne ni l'a couleur ni la forme, mais
«liiFcrait dix ans et qui exigea le sacrifice qui a la vertu d'éloigner les esprits malins,
d'Ipliigénie. Apollon lui avait donné la con- de résister aux enchantements de donner à
naissance du passé, du présent et de l'avenir. celui qui la porte l'avantage sur ses ennemis,
11 serait curieux de savoir s'il aurait prédit et de chasser l'humeur noire.
aussi la- prise de la Bastille. Sa destinée était CALVIN (Jean), V'un des chefs de la ré-
de mourir lorsqu'il aurait trouvé un devin forme prétendue né à Noyon en 1509. Ce
plus sorcier que lui. Il mourut en effet de dé- fanatique qui se vantait comme les autres
pit, pour n'avoir pas su deviner les énigmes protestants d'apporter aux hommes la li-
de Mopsus. berté d'examen et qui fit brûler Michel Ser-
CALEGUEJERS Les plus redoutables d'en- vet, son ami, parce qu'il différait d'opinion
tre les génies chez les indiens. Ils sont de avec lui, n'était pas seulement hérétique on
taille gigantesque et habitent ordinaire- l'accuse encore d'avoir été magicien. « II fai-
'ment le patala ou l'enfer. sait des prodiges à l'aide du diable qui, quel-
CALENDRIER. L'ancien calendrier des quefois ne le servait pas bien car un jour il
païens se rattachait au culte des astres et voulut donner à croire qu'il ressuscitait un
presque toujours il était rédigé par des as- homme qui n'était pas mort e(, après qu'il
trologues. eut fait ses conjurations sur le coiripèrc, lors-
•' Ce serait peut-être ici l'occasion de parler qu'il lui ordonna de se lever, celui-ci n'en fit
du Calendrier des bergers de l'Almanach du rien, et on trouva qu'icelui compère était
bon laboureur, du Messager boiteux deBdle en mort tout dé bon pour avoir voulu jouer
Suisse, et de cent autres recueils où l'on voit cette mauvaise comédie (3). » Quelques-uns
exactement marqués les jours où il fait bon ajoutent que Calvin fut étranglé par le dia-
rogner sés ongles et prendre médecine; mais bte il ne l'aurait pas volé.
ces détails mèneraienHrop loin. Voy. ALMA- -En son jeune âge, Calvin avait joué la co-
nach. médie et fait des tours d'escamotage.
CALI, reine des démons et sultane de l'en- CAMBIONS.Enfants des démons. Delancre
fer indien. On la représente tout à fait noire, et Bodin pensent- que les démons incubes
avec un collier de crânes d'or. On lui offrait peuvent s'unir aux démons succubes, et qu'il
autrefois des victimes humaines. nait de leur commerce des enfants hideux
CALICE DU SABBAT. On voit, dans Pierre qu'on nomme cambions, lesquels sont beau-
Deiancre que lorsque les prêtres sorciers coup plus pesants que les autres, ava-
disent la messe au sabbat, ils se servcntd'unii lent tout sans être plus gras, et tariraient
hostie et d'un calice noirs, et qu'à l'élévation trois nourrices qu'ils n'en- profiteraient pas
ils disent ces mots Corbeau noir corbeau mieux(i). Luther, qui était très-superstitieux,
noir! invoquant le diable. dit dans ses Colloques que ces enfants-là ne
CAL1GULA: On prétend qu'il fut empoi- vivent que sept ans il raconte qu'il en vit
sonné ou assassiné par sa femme. Suétone un qui criait dès qu'on le touchait el qur
dit qu'il <f pparul plusieurs fois après sa mort, ne riait-que quand-il arrivait dans la maison
et que sa maison fut infestée de monstres et quelque chose de sinistre.
de spectres jusqu'à ce qu'on lui eût rendu Maïole rapporte qu'un meudiant galicien
les honneurs funèbres (2). excitait la pitié publique avec un cambion
CALMET (DOMAUGUSTIN),bénédictin de la qu'un jour un cavalier, voyant ce gueux très»'
congrégation de Saint-Vannes l'un des sa- embarrassé pour passer un fleuve, prit, par
compassion le petit enfant sur son cheval,
(1) Leloyer,Disc.et bist. des spectres, p. 272.
(2) Delandine Enfer des peuples,anciens cl), n Boguet,Discoursdes sorciers,cli.xvni.
p. 516.Delancre,L'Inconstancedes démons,etc., liv. VI, (3)
(4) Defancre, Tableau de l'inconslaucedes démons,
461. Uf. 11, à la fia. Bjiiu, Déoionomanie,liv. II, eu. vu.
•801 CAM CAN 302
mais qu'il était si lourd que ic cheval pliait mais de peu de jugement, né dans un bourg
sous le poids. Peu de temps après le men- de la Calabre en 1568. Tout jeune, il rencon-
diant, étant pris, avoua que c'était un petit de tra, dit-on un rabbin qui l'initia dans les
démon qu'il portait ainsi, et que cet affreux secrets de l'alchimie, et qui lui apprit tou-
marmot, depuis qu'il le trainait avec lui, tes les sciences en quinze jours au moyen
avait toujours agi de telle sorte que personne de l'Art Notoire.
ne lui refusait l'aumône (1). Avec ces connaissances, Campanella, en-
CAMÉLÉON. Démocrite au rapport de tré dans l'ordre des dominicains, se mit à
Pline, avait fait un livre spécial sur les su- combattre la doctrine d'Aristote alors en
perstitions auxquelles le caméléon a donné grande faveur. Ceux qu'il attaqua l'accusè-
lieu. Un plaideur .était sûr de gagner son pro- rent de magie et il fut obligé de s'enfuir de
cès, s'il portait avec lui la langue d'un ca- Naples. On s'empara de ses cahiers l'inqui-
méléon arrachée à l'animal pendant qu'il sition y trouvant des choses répréhensibles,
vivait. f condamna l'auteur à la retraite dans un cou-
On faisait tonner et pleuvoir en brûlant la vent notez que c'était l'inquisition d'Etat et
la tête et le gosier d'un caméléon sur un feu que la vraie cause qui lui fit imposer le si-
de bois de chêne ou bien en rôtissant son lence dans une sorte de séquestration fut
foie sur une tuile rouge. Boguet n'a pas man- une juste critique qu'il avait faite, dans son
cette merveille dans le Traité de la monarchie espagnole, des torts
qué de remarquer
chapitre 23 de ses Discours des sorciers. graves de celle nation, dominée alors par
L'oeil droit d'un caméléon vivant, arraché un immense orgueil. Il sortit de sa retraite
et mis dans du lait de chèvre, formait un ca- par ordre du pape, en 1620, et vint à Paris,
où il mourut chez les jacobirisde la rue saint
taplasme qui faisait tomber les taies des yeux.
Sa queue arrêtait le cours des rivières. Onse Honoré, le 21 mai 1639.
On a dit qu'il avait prédit l'époque de sa
guérissait de toute frayeur en portant sur mort.
soi sa mâchoire, etc.
Des curieux assurent encore que cette es- Nous ne citerons de ses ouvrages que ses
pèce de lézard ne se nourrit que de vent. quatre livres Du sens des choses et de la ma-
Riais il.est constant qu'il mange des insectes; gie (7), et ses six livres d'astrologie (8); l'au-
et comment aurait-il un estomac et tous les teur, qui faisait cas de cette science, s'effor-
ce d'accorder les idées astrologiques avec la
organes de la digestion s'il n'avait pas be-
soin de digérer? Comment encore, s'il ne doctrine de saint Thomas.
mange pas produit-il des excréments, dont CAMPETTI, hydroscope, qui renouvela, à
les anciens faisaient un remède magique pour la fin du dernier siècle, les merveilles de la
nuire à leurs ennemis? baguette divinatoire. Il était né dans le Ty-
La couleur du caméléon paraît varier con- rol. Mais il a faitmoinsde bruit que Jacques
tinuellement, selon la réflexion des rayons Aymar. Au lieu de baguette pour découvrir
du soleil et la position où l'animal se trouve les sources, les trésors cachés et les traces de
vol ou de meurtre, il se servait d'un petit
par- rapport à ceux qui le regardent c'est
ce qui l'a fait comparer à l'homme de cour.. pendule formé d'un morceau de pyrite, ou
-*• Delancre dit, d'un autre côté que le ca- de quelque autre susbstance métallique sus-
méléon est l'emblème des sorciers, et qu'on pendue à un fil qu'il tenait à la main. Ses
en trouve toujours dans les lieux où s'est épreuves n'ont pas eu de suites.
tenu le sabbat. CAMUZ (PnILIPPE), romancier espagnol
du seizième siècle. On lui attribue la Vie de
CAMÉRARIUS (Joachim), savant allemand Ruber l-le- Diable (9), qui fait maintenant par-
du seizième siècle. On recherche son traité tie de la Bibfiothèque Bleue.
De la nature et des affections des démons (2)
et son Commentaire sur les divinations (3). CANATË montagne d'Espagne, fameuse
dans les anciennes chroniques il y avait au
Nous indiquerons aussi de Barthélemi Ca-
pied une caverne où les mauvais génies fai-
merario, Bénévcntin, mort en 156i, un livre saient leur résidence, et les chevaliers qui
tfir le feu dti purgatoire (&) les Centuries de s'en approchaient étaient sûrs d'être enchan-
Jean-Rodolphe Camérarius, médecin alle- tés s'il ne leur arrivait pas pis.
mand du dix-septième siècle, surleshoroscopes CANCER OU L'ECREVISSE, l'un des si-
et l'astrologie (5), et le fatras du même auteur
sur les secrets merveilleux de la nature (6). gnes du zodiaque. Voy. HOROSCOPE.
Enfin Elie Camérarius, autre rêveur de CANG-HY, dieu des cieux inférieurs, chez
Tubingue a écrit en faveur de la magie et les Chinois. Il a pouvoir de vie et de mort.
des apparitions, des livres que nous ne con- Trois esprits subalternes sont ses ministres:
naissons pas. Tànkwam, qui préside à l'air dispense la
CAMPANELLA (Thomas), homme d'esprit, pluie Tsuikwam, qui gouverne la mer et
Boguet, Discoursdes sorciers, ch. xiv. L'éditionln-8°de Tubingue, 1683,est augmentéeet con-
(2) De naluraet affeclionibus daemonumlibri duo. Lip- tient XXcenturies.
Sire,1576,In-8°. (7) De sensurerum et magialibri IV, etc. In-4».Franc-
(5) Commentariusde generibusdivinationum,ac graecis fort, 1620.
latimsqueearumvocabulis.Lipsi», 1B76.tn-8°. libri VI. In-4».Lyon,1629.L'éditioir
U) Ue purgatorioigné. Romas,1557. (8) Astrologicorum
(S) Horaruin natalium centuriseII pro corlitudine as- de Francfort, 1630, est plus recherchée, parce qu'elle
irologiœ.In-i». Francfort,1607et 1610. coniienturiseptièmelivre intitulé: De fatosideraliviUmdo.
(6) Sjllogc memorabilium nediciux et mirabiliumna- (9) La Vidade Robertoel Diablo, etc. In-folio. Sewlle,.
lor* arcanorumcenturie Xll. Tn-12.Strasbourg, 162*. 16k
SOS DICTIONNAIREMS SCIENCES OCCULTES. SOI
les eaux envoie les vents et les orages repoussait. Ayant reconnu que cette femme
Teikwam, qui préside à la terre surveille était fort sanguine, Capperon conclut qu'il
l'agriculture et se mêle des batailles. fallait lui faire une saignée, avec la précau-
CANICULE, constellation qui doit son nom tion de lui en cacher le motif ce qui ayant
à l'étoile Syrius ou le chien, et qui domine été exécuté, l'apparition s'évanouit.
dans le temps des grandes chaleurs. Les Ro- Tous les traits qu'il rapporte, et tous ses
mains persuadés de la malignité de ses in- raisonnements, prouvent que les vapeurs ou
fluences, lui sacrifiaient tous les ans un chien l'imagination troublée sont la cause de la
roux. Une vieille opinion populaire exclut plupart des visions. II admet les visions rap-
les remèdes pendant cette saison, et remet à portées dans les livres saints; mais il re-
la nature la guérison de toutes les maladies. pousse les autres assez généralement. Il
C'est aussi une croyance encore répandue, parle encore d'une autre femme à qui un es-
mais dénuée de fondement, qu'il est dange- prit venait tirer toutes les nuits la couver-
reux de se baigner dans la canicule. ture. 11 lui donna de l'eau, en lui disant d'en
CANIDIA, magicienne dont parle Horace; asperger son lit et ajoutant que cette eau,
elle enchantait et envoûtait avec des figures particulièrement bénite contre les revenants,
de cire, et par ses conjurations magiques la délivrerait de sa vision. Ce n'était que de
forçait la lune à descendre du ciel. l'eau ordinaire; mais l'imagination de la
CANTERME nom que donnaient les an- vieille femme se rassura parce petit strata-
ciens à certains enchantements et malé- gême, qu'elle ne soupçonnait pas, et elle ne
fices vit plus rien.
r CANTWEL (André-Samuel-Michel), mort CAPRICORNE. L'un des signes du zodia-
bfbliothécaiie des Invalides le 9 juillet 1802. que. Voy. HOROSCOPES:
Il est auteur d'un sot roman intitulé le Châ- CAPUCIN. Ce sont les protestants qui ont
teau d'Albert ou le Squelette ambulant, 1799, mis à la mode ce stupide axiome supersti-
2 vol. in-18. tieux, que la rencontre d'un capucin était un
CAOUS. Les Orientaux donnent ce nom a mauvais présage. Un jour que l'abbé de Voi-
des génies malfaisants qui habitent les ca- senon était allé à la chasse sur un terrain
vernes du Caucase. très-giboyeux, il aperçut un capucin. Dès ce
CAPNOMANCIE, divination par la fumée. moment il ne tira plus un coup juste, et
Les anciens en faisaient souvent usage on comme on se moquait de lui Vraiment,
brûlait de la verveine et d'autres plantes sa- messieurs, dit-il, vous en parlez fort à votre
crées on observait la fumée de ce feu, les aise; vous n'avez pas rencontré un capu-
figures et la direction qu'elle prenait, pour cin (1).
en tirer des présages. CAQUEUX ou CACOUX. Les cordiers
On distinguait deux sortes de capnoman- nommés ca queux ou cacoux, en Bretagne,
cie t'une qui se pratiquait en jetant sur des sont relégués dans certains cantons du pays
charbons ardents des grains de jasmin ou de comme des espèces de parias on les évite;
pavot, et en observant la fuméo qui en sor- ils inspirent même de l'horreur, parce qu'ils
tait l'autre, qui était la plus usitée, se pra- font des cordes autrefois instruments de
tiquait par la méthode que nous avons in- mort et d'esclavage. Ils ne s'alliaient jadis
diquée. Elle consistait aussi à examiner la qu'entre eux et l'entrée des églises leur
fumée des sacrifices. Quand cette fumée était était interdite. Ce préjugé commence à se
légère et peu épaisse, c'était bon augure. On dissiper; cependant ils passent encore pour
respirait même cette fumée; et l'on pensait sorciers. Ils profitent de ce renom ils ven-
qu'elle donnait des inspirations. dent des talismans qui rendent invulnéra-
CAPPAUTAS, grosse pierre brute qui, blé, des sachets à l'aide desquels on est in-
dans les croyances populaires, guérissait vincible à la lutte ils prédisent l'avenir;
de la frénésie ceux qui allaient s'y asseoir on croit aussi qu'ils jettent de mauvais
elle se trouvait à trois stades de Gytheum en vents.
Laconie. On les disait au quinzième siècle', juifs
CAPPERON doyen de Saint-Maixant. Il d'origine, et séparés par la lèpre du reste des
publia, dans le Mercure de 1726, une lettre hommes. Le duc de Bretagne, François 11,
sur les fausses apparitions, que Lenglet-Du- leur avait enjoint de porter une marque de
fresnoy a réimprimée dans son recueil. Il. drap rouge sur un endroit apparent de leur
montre peu de crédulité et combat les faus- robe. On assure que le vendredi saint tous
ses apparitions avec des raisons assez bon- les caqueux versent du sang par le nombril.
nes. 11 conte qu'un jour il fut consulté sur Néanmoins on ne fuit plus devant les cor-
une femme qui disait voir chaque jour, à diers mais on ne s'allie pas. encore aisé-
midi, un esprit en figure d'homme, vêtu de ment avec leurs familles (2). N'est-ce pas ici
gris, avec des boutons jaunes, lequel la mal- la même origine que celle des cagoths ? Voy.
traitait fort, lui donnant même de grands ce mot.
soufflets ce qui paraissait d'autant plus cer- CARABIA ou DECARABIA. Démon peu
tain qu'une voisine protestait qu'ayant mis connu, quoiqu'il jouisse d'un grand pouvoir
sa main contre la joue de cette femme dans au sombre empire. II est roi d'une partie de
le temps qu'elle se disait maltraitée, elle l'enfer, et comte d'une autre province eon-
avait senti quelque chose d'invisible qui la sidérable. Il se présente sous la figure d'une
(1) M. Salgues,Des erreurs et des préjugés, etc., 1.1. (2) Cambry,Voyagedans le Finistère, t. 111,p. 146;
p«o09. t. I, oie.
SOS CAR CAR 306
1.
étoile à cinq rayons. II connaît ics vertus aes Il dit, dans le livre 8Q .1
t; de la Variété des
plantes et des pierres précieuses; il domine choses, qu'il tombait en extase quand.il vou-
sur les oiseaux, qu'il rend familiers. Trente lait, et qu'alors son âme voyageait hors de
légions sont à ses ordres (1). son corps, qui demeurait impassible eteommo
• CARACALLA.L'empereur Caracalla ve- inanimé. Il prétendait avoir deux âmes,
nait d'être tué par un. soldat. Au moment où l'une qui le portait au bien et à la science,
l'on n'en savait encore rien à Rome, on vit l'autre qui l'entraînait au mal et à l'abrutis-
un diable en forme humaine qui menait un sement.
âne, tantôt au Capitole, tantôt au palais de II assure que, dans sa jeunesse, il voyait
l'Empereur, en disant tout haut qu'il cher- clair au milieu des ténèbres; que l'âge affai-
chait un maître.. On lui demanda s'il cher- blit en lui cette faculté que cependant quoi-
chait Caracalla il répondit que celui-là était que vieux, il voyait encore en s'éveillant au
mort, sur quoi il fut pris pour être envoyé à milieu de la nuit, mais moins parfaitement
l'Empereur, et il dit ces mots «Je m'en vais que dans son âge tendre. Il avait cela de
donc, pu:squ'il le faut, non à l'empereur que commun, disait-il, avec l'empereur Tibère
vous pensez, mais à un autre » et là-dessus il aurait pu dire aussi avec les hiboux.
on le conduisit de Rome à Capoue, où il dis- Il donnait dans l'alchimie, et on reconnaît
parut, sans qu'on ait jamais su ce qu'il de- dans ses ouvrages, qu'il croyait à la cabale
vint (2). et qu'il faisait grand cas des secrets cabalis-
CARACTÈRES. La plupart des talismans tiques. Il dit quelque part que, la nuit du 13
doivent leurs vertus à des caractères sacrés au \h août 1&91, sept démons ou esprits élé-
que les anciens regardaient comme de sûrs mentaires de haute stature apparurent à Fa-
préservatifs. Le fameux anneau de Salomon, zio Cardan, son père ( presque aussi fou quo
qui soumit les génies à la volonté de ce roi lui ), ayant l'air de gens de quarante ans,
magicien, devait toute sa force à des carac- vêtus de soie, avec des capes à la grecque,
tères cabalistiques. Origène condamnait chez des chaussures rouges et des pourpoints cra-
quelques-uns des premiers chrétiens l'usage moisis qu'ils se dirent hommes aériens, as-
de certaines plaques de cuivre ou d'étain surant qu'ils naissaient et mouraient; qu'ils
vivaient trois cents ans; qu'ils approchaient
chargées de caractères, qu'il appelle des res-
tes de l'idolâtrie. L' Ènchiridion du pape beaucoup plus de la nature divine que les
Léon III, le Dragon Bouge, les Clavicules de habitants de la terre; mais qu'il y avait néan-
moins entre eux et Dieu une distance infinie.
Salomon, indiquent dans tous leurs secrets
Ces hommes aériens étaient sans doute des
magiques des caractères incompréhensibles,
tracés dans des triangles ou dans des cer- sylphes.
II se vantait d'avoir, comme Socrate, un
cles, comme des moyens puissants et certains démon familier, qu'il plaçait entre les sub-
pour l'évocation des esprits.
stances humaines et la nature divine, et qui
Souvent aussi des sorciers se sont servis se communiquait à lui par les songes. Ce dé-
de papiers sur lesquels ils avaient écrit avec mon était encore un esprit élémentaire
du sang des caractères car,
indéchiffrables et dans le dialogue intitulé Telim, et dans le
ces pièces, produites dans les procédures,
traité De libris propriis il dit que son dé-
ont été admises en preuve de maléfices jetés. mon familier tient de la nature de Mercure
Nous avons dit quel était le pouvoir des mots et de celle de Saturne. On sent bien qu'il s'a-
agla, abracadabra, etc. Voy. TALISMANS. git ici des planètes. Il avoue ensuite qu'il
CARDAN (Jérôme ). Médecin, astrologue doit tous ses talents, sa vaste érudition et
et visionnaire, né à Pavie en 1501, mort à ses plus heureuses idées à son démon. Tous
Rome en 1576. Il nous a laissé une histoire ses panégyristes, en faisant son éloge, ont
de sa vie, où il avoue sans pudeur tout ce fait la part de son démon familier, ce qu'il est
qui peut tourner à sa honte. Il se créa beau- bon de remarquer pour l'honneur des esprits.
coup d'ennemis par ses mœurs; du reste, ce Cardan assurait aussi que son père avait été
fut un des hommes habiles de son temps. Il servi trente ans par un esprit familier.
fit faire des pas aux mathématiques, et il pa- Comme ses connaissances en astrologie
raît qu'il était savant médecin; mais il avait étaient grandes il prédit à Edouard VI, roi
une imagination presque toujours délirante, d'Angleterre, plus de cinquante ans de rè-
et on-l'.a souvent excusé en disant qu'il était gfle, d'après les règles de l'art. Mais par mal-
fou. heur Edouard VI mourut à seize ans.
Il rapporte, dans le livre De vita propria, Ces mêmes règles lui avaient fait voir clai-
que, quand la nature ne lui faisait pas sen- rement qu'il ne vivrait que quarante-cinq
tir quelque douleur, il s'en procurait lui- ans. Il régla sa fortune en conséquence; ce
même en se mordant les lèvres, ou en se ti- qui l'incommoda fort lerestede sa vie. Quand
raillant les doigts jusqu'à ce qu'il en pleu- il dut avouer s'être trompé dans ses calculs,
rât, parce que s'il lui arrivait d'être sans il refit son thème,-et trouva qu'au moins il
douleur, il ressentait des saillies et des im- ne passerait pas la soixante-quinzième an-
pétuosités si violentes, qu'elles lui étaient née. La nature s'obstina encore à démentir
plus insupportables que la douleur même. l'astrologie. Alors, pour soutenir sa réputa-
D'ailleurs, il aimait le mal physique à cause tion, et ne pas supporter davantage la honte
du plaisir qu'il éprouvait ensuite quand ce d'un démenti ( car il pensait que l'art est in-
mal cessait. faillible et que lui seul avait pu se tromper),
(1) Wierus, in Pseudomonarchia dsem. (2) Leloyer, Hist. et dise,des spectres, liv.III, ch. *vi;
507 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 303
on assure que Cardan se laissa mourir de calier de la chaire et lui annonça qu'il irait
faim. 'le voir dans trois jours. D'autres disent que
« De tous les événements annoncés par les l'homme noir se tint devant lui le regardant
astrologues, je n'en trouve qu'un seul qui d'un œil fixe, à quelques pas de la chaire et
soit réellement arrivé tel qu'il avait été parmi les auditeurs. Quoi qu'il en soit, Car-
prévu, dit un écrivain du'dernier siècle (1), lostad se troubla; il dépêcha son prêche, et,
c'est la mort de Cardan, qu'il avait lui-même au sortir de la chaire, il demanda si l'on con-
prédite et ûxée à un jour marqué. Ce grand naissait l'homme noir qui en ce moment sor-
jour arriva Cardan se portait bien; mais il tait du temple. Mais personne que lui ne
fallait mourir ou avouer l'insuffisance et la l'avait vu. Cependant le même fantôme
vanité de son art; il ne balança pas et, se noir était allé à la maison de Carlostad et
sacrifiant à la gloire des astres, il se tua lui- avait dit au plus jeune de ses fils
même il n'avait pas expliqué s'il périrait Souviens-toi d'avertir ton père que je
par une maladie ou par un suicide. » reviendrai dans trois jours. et qu'il se tienne
II faut rappeler, parmi les extravagances prêt.
astrologiques de Cardan, qu'il avait dressé' Quand l'archidiadre rentra chez lui, son
l'horoscope de Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils lui raconta cette autre circonstance. Car-
qu'il publia en Italie et en France. Il trou- lostad épouvanté se mit au lit, et trois jours
vait, dans la conjonction de Mars avec la après, le 25 décembre 15W, qui était la fête
Lune au 'signe de la Balance, le genre de de Noël, le diable, dit-on, lui tordit le cou.
mort de l'Homme-Dieu; et il voyait le ma- L'événement eut lieu dans la ville de Bâle (5).
hométisme dans la rencontre de Saturne CARMENTES, déesses tutélaires des en-
avec le Sagittaire, à l'époque de la naissance fants chez les anciens. Elles ont été rempla-
du Sauveur. placées par nos fées elles présidaient à la
En somme, Jérôme Cardan fut un homme naissance, chantaient l'horoscope du nou-
superstitieux, qui avait 'plus d'imagination veau-né, lui faisaient un don, comme les fées
que de jugement. Ce qui 'est bizarre, c'est en Bretagne, et recevaient de petits présents
que, croyant à tout, il croyait mal aux seu- de la part des mères. Elles ne se montraient
les merveilles vraies, celles que l'Eglise ad-
pas; cependant on leur servait à dîner dans
met. On le poursuivit à la fois comme magi- une chambre isolée pendant les couches.
cien et comme impie. On donnait aussi, chez les Romains, le nom
Delancre dit qu'il avait été bien instruit en de carmentes (ou charmeuses) aux devineres-
la magie par son père, lequel avait eu trente ses célèbres; et l'une des plus fameuses pro-
ans un démon enfermé dans une cassette, et
phétesses de l'Arcadie s'est nommée Carmen-
discourait avec ce démon sur toutes ses af- tie. On l'a mise dans le ci-devant Olympe.
faires (2).
On trouve donc des choses bizarres dans CARNAVAL. Voy. MASCARADES.
CARNOET. Voy. Trou DU chateao.
presque tous ses ouvrages, qui ont été re-
cueillis en dix volumes in-folio, principale- CARNUS, devin d'Acarnanie, qui, ayant
ment dans le livre de la Variété des choses, prédit de grands malheurs sous le règne de
de la Subtilité des démons, etc., et dans son Codrus, fut tué à coups de flèches comme
Traité des Songes (3). Voyez Métoposcopie. magicien. Apollon envoya la peste pour ven-
CARENUS (ALEXANDRE),auteur d'un Traité ger sa mort.
des songes (4) publié à Padoue en 1575. CARON. La fable du batelier des enfers
vint, dit-on, de Memphis, en Grèce. Fils de
CARLOSTAD (André BODENSTEINDE), l'Erèbe et de la Nuit, il traversait le Cocyto
archidiacre de Wurtemberg, d'abord parti- et l'Achéron dans une barque étroite. Vieux
san, ensuite ennemi de Luther, mais toujours et avare, il n'y recevait que les ombres de
dissident comme lui. Il nia la présence réelle ceux qui avaient reçu la sépulture et qui lui
de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l'eucha-
payaient le passage. Nul mortel pendant sa
ristie, après avoir gagé avec Luther, le verre vie ne pouvait y entrer, à moins qu'un ra-
à la main, qu'il soutiendrait cette erreur. JI meau d'or consacré à Proserpine ne lui servit
abolit la confession auriculaire, le précepte de sauf-conduit; et le pieux Enée eut besoin
du jeûne et l'abstinence des viandes. 11 fut
le premier prêtre qui se maria publique- que la sibylle lui en fit présent lorsqu'il vou-
lut pénétrer dans le royaume de Plulon. Long-
ment en Allemagne; il permit aux moines de
sortir de leurs monastères et de renoncer à temps avant le passage de ce prince, le no-
cher infernal avait été exilé pendant un an
leurs vœux; il fit de mauvais ouvrages, au- dans un lieu obscur du Tartare, pour avoir
jourd'hui méprisés de toutes les sectes, et reçu dans son bateau Hercule, qui ne s'était
voici ce qui lui arriva, selon le récit de Mos-
pas muni du rameau.
trovius Mahomet, dans le Koran, chap. 28, a con-
Le jour que Carlostad prononça son der- fondu Caron avec Coré, que la terre englou-
nier prêche, un grand homme noir, à la figure
triste et décomposée, monta derrière lui l'es- tit lorsqu'il outrageait Moïse. L'Arabe Mu-
tardi, dans son ouvrage sur l'Egypte, fait de
(i) ¥< sur les superstitions,par M.L. C. In-1-2 (i>)Cette anecdotese trouve encore dansles écritsde
Lincrédulitéet mécréance, etc., traité 1", p. 15, Luther, et dans un livre du dernier siècle,intitulé La
13) Bahylonedémasquée,ou Entretiens de deux dames bot-
xJll Hieronymus Cardanus De Somniis. Bâle, 1585. landaisessur la religion catholiqueromaine, etc., p. 228-
èâ-4.. éditionde Pépie, rue St-Jacques,à Paris, 1727.
}*) Alex. Carenus,DeSomniis,in-4°. Patavii, IS73,
509 CAR CAR 310
-Caron un oncle du législateur des Hébreux, l'cn empêchât. Mais enfin, le fils du roi étant
et, comme il soutint toujours son parti avec mort, soit que Caron le prit simplement pour
zèle, ce dernier, dit-il, lui apprit l'alchimie le fils de quelque seigneur, soit que les ri.
-et le secret du grand oeuvre, avec lequel il chesses qu'il avait acquises enflassent son
amassa des sommes immenses. audace, il arrêta le prince comme les autres,
Hérodote nous a in-diqué l'opinion la plus prélendit avoir son droit; et, se moquant de
sûre Caron fut d'abord un simple prêtre de toutes les raisons qu'on lui put alléguer, il
Vulcain, mais qui sut usurper en Egypte le jura que le fils du roi ne passerait pas le lac
souverain pouvoir. Parvenu au faîte de la s'il ne payait pas.
,grandeur, il voulut rendre son nom immor- » Les officiers qui accompagnaient le corps
,tel par un ouvrage qui pût attester, dans fous mort, persuadés que le fils du roi devait être
les siècles, l'étendue de sa magnificence. Le exempt de toutes sortes d'impôts, et d'ailleurs
tribut qu'il imposa sur les inhumations lui irrités par l'impudence d'un homme qu ils
fournit des trésors qui facilitèrent son des- traitaient de valet subalterne, coururent por-
sein. C'est à lui que l'on doit ce labyrinthe ter leurs plaintes au Pharaon. Ils lui repré-r
égyptien, qui fut d'abord le palais qu'il se sentèrent que, depuis qu'il faisait lever un
plut à habiter, et qui passa ensuite, dans l'o-* tribut sur les morts, quoiqu'il semblât que
pinion vulgaire, pour faire partie des en- leurs corps, n'étant plus de ce. monde, ne
fers (1). devaient pas causer la misère de ceux qui y
Histoire populaire de Caron, tirée du second restaient, cependant aucun Egyptien n'avait
refusé de payer; et qu'en cela, comme en
voyage de Paul Lucas. toute autre chose, ils s'étaient toujours fait
« Le lac de Kern, autrefois Achérusia, en un plaisir de contribuer à la gloire et aux
Egypte, était, dit-on, dans les temps reculés, richesses de leur roi ;mais que, dans l'occa-
beaucoup plus grand qu'il n'est aujourd'hui. sion présente, ils serarent coupables de se
Alors les Pharaons avaient près de là une taire, et qu'il n'était pas supportable qu'un
grande ville où ils faisaient leur résidence. officier qui portait l'insolence jusqu'à refuser
Une femme de cette ville, se promenant un le passage au fils du souverain, et à maltrai-
jour sur tes bords du lac, y vit une vache qui ter les premiers officiers de la couronne, de-
'venait de mettre bas son veau. Cette femme meurât impuni.
"n'avait point d'enfants la réflexion qu'elle » Le Pharaon, qui n'avait rien compris
fit sur la stérilité dont elle était affligée, pen- 'dans le discour.s'de ses officiers, parce qu'il
-dant que tant de brutes faisaient tous les n'avait jamais entendu parler de Caron, fut
jours des petits, l'entraîna dans une espèce fort surpris lorsqu'on lui expliqua quel était
de fureur; elle éclata en injures contre la cet homme et de quelle nature était l'impôt
vache, qui ne s'en inquiéta point, et contre exigé. Il s'écria qu'il n'avait jamais donné
tes dieux', à qui elle reprochait de ne savoir de pareils ordres, et il envoya aussitôt un
pas discerner la juste valeur des choses. Aus- détachement de ses gardes pour arrêter l'in-
sitôt elle entendit une voix forte comme un solent qui osait usurper les droits de son roi.
tonnerre, qui semblait partir des nuages; » Caron, qui ne se piquait pas de timidité,
cette voix lui annonçait qu'elle aurait un se présenta effrontément. Le Pharaon lui
fils, qu'il s'appellerait Caron, et qu'il devien- "demanda qui lui avait donné la permission
drait même Pharaon d'Egypte. de piller ainsi le public. U répondit d'un ton
» A ce prodige, l'imprudente femme ren- ferme que ce qui était permis aux grands
tra en elle-même, moitié désespérée d'avoir seigneurs ne pouvait être un crime pour lui.
outragé les dieux, moitié consolée par l'es- » Le roi allait ordonner qu'on l'empalât;
poir de voir un jour ses vœux exaucés. Au mais Caron, sans se troubler, lui dit
bout de neuf mois, elle mit au monde un fils « Ecoutez-moi, sire, il ne faut pas trai-
qu'elle nomma Caron. Il croissait à vue' d'oeil, ter,si lestement les choses. Ce n'est pas pour
mais la malice de son esprit surpassait infi- "moi que j'ai tiré ce tribut de vos sujets, c'est
niment la force de son corps. pour vous, dont on ne prend pas assez les
» Dès qu'il fut grand, ses mauvaises incli- intérêts. Qù'ai-je besoin de ces richesses, moi
nations le portèrent aux crimes les plus af- qui sais me rendre heureux à si peu de frais?
freux. Voyant qu'on ne fait rien dans ce et peut-on dire que c'est pour en jouir dans
monde sans argent, il s'avisa de camper sur les délices, lorsqu'on me voit tous les jours
les bords du lac, à l'endroit où l'on passait exposé aux insultes de ceux qui mènent les
les morts pour" les ensevelir dans les grottes convois funèbres? Vous allez, sire, approu-
destinées aux momies. Là, pour chaque mort ver ma conduite je me suis persuadé que,
qui traversait, il exigeait, bon gré malgré, puisque vos intendants vous volaient, il fal-
une somme assez considérable et, afin qu'on lait du moins que quelque sujet fidèle remît
ne lui fit point de résistance, il publiait qu'il dans vos coffres ce qu'ils en étaient. J'ai
était chargé par le roi de lever cet impôt. A voulu être ce fidèle sujet; je vous ai acquis
mesure qu'il gagna de l'argent, il prit avec déjà de grandes richesses, et j'espère vous
lui d'autres brigands pour le soutenir dans en donner encore de plus grandes. »
la collecte de la taxe qu'il avait imaginée (2). » Le roi envoya aussitôt au lieu où Caron
Il fit ce métier plusieurs années, sans qu'on
déposait le produit de l'impôt qu'il levait sur
(1) Delandiae,Enfersdes peuplesanciens,ch.ix. lution, on proposad'établir un impôt sur les cercueils.
(4) Celait une taxe sur les enterrements, commeil y L'auteur de cette motionpensaitqu'au moinscet impôtne
pn a à Parisde si énormes. Dansnotre dernièreréyo- ferait pas crier ceuxqui useraientde l'objet taxé.
311 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 312
les morts; on y trouva de grosses sommes, CARTAGRA, région du purgatoire. Voy.
qu'il fit mettre dans ses coffres, et au lieu de GAMYGYN.
faire mourir cet homme, il en fit son pre- CARTES, voy. Cartomancie.
mier ministre, lui donna un palais somp- CARTICEYA, divinité indienne qui com-
tueux, et le confirma dans son emploi, dont mande les armées des génies et des anges
il fit la première dignité de l'Etat. Ce fut alors il a six faces, une multitude d'yeux et un
que l'impôt s'exigea par ordre du roi. Caron grand nombre de bras armés de massues, de
gagna des sommes énormes, et devint en- sabres et de flèches. Il se prélasse à cheval
suite si puissant qu'il fit assassiner le roi et sur un paon.
se mit la couronne sur la tête. Ainsi la pro-
CARTOMANCIE, divination par les car-
phétie qui avait consolé sa mère fut accom-
» tes, plus connue sous le nom d'art de tirer
plie. les cartes.
Cette histoire n'est qu'une tradition popu-
laire rapportée à Paul Lucas par des Egyp- On dit que tes cartes ont été inventées
pour amuser la folie de Charles VI; mais
tiens, sur les bords du lac de Kern mais ces
sortes de traditions servent quelquefois à dé- Alliette qui écrivit sous le nom d'Etteilla
nous assure que la cartomancie, qui est l'art
brouiller les faits obscurs de la vieille his- °
de tirer les cartes, est bien plus ancienne. Il
toire et l'on pourrait douter si c'est de ce'
fait remonter cette divination au jeu des bâ-
que nous venons d'extraire que les poëtes tons d'Alpha (nom d'un Grec fameux exilé
ont tiré la fable de Caron, le batelier des en-
en Espagne, dit-il). 11 ajoute qu'on a depuis
fers, ou si c'est des poëtes que les Egyptiens
tiennent leur conte populaire. perfectionné cette science merveilleuse. On
s'est servi de tablettes peintes; et quand Jac-
CARPENTIER (Richard), bénédictin an- quemin Gringoneur offrit les cartes au roi
glais du dix-septième siècle. On recherche de Charles le Bien-Aimé, il n'avait eu que la
lui 1° la Ruine de l'Antechrist, in-8°, 1648 peine de transporter sur des cartons ce qui
2° Preuves que l'astrolugie est innocente, utile était connu des plus habiles devins sur des
et précise, in-4°, Londres, 1653. Il a publié planchettes. Il est fâcheux que cette asser-
une autre singularité intitulée « la Loi par- tion ne soit appuyée d'aucune preuve.
'faite de Dieu, sermon qui n'est pas sermon,, Cependant les cartes à jouer sont plus an-
qui a été prêché et n'a pas été prêché, 1652.» ciennes que Charles VI. Boissonade a re-
CARPOCRATIENS, hérésiarques du h* siè- marqué que le petit Jehan de Saintréne fut
cle, qui reconnaissaient pour chef Carpo- honoré de la faveur de Charles V que parce
cratc, professeur de magie, selon l'expres- qu'il ne jouait ni aux cartes ni aux dés. Il
sion de saint Irénée. Ils contaient que les fallait bien aussi qu'elles fussent connues en
anges venaient de Dieu par une suite de Espagne lorsque Alphonse XI les prohiba
générations infinies, que lesdits anges s'é- en 1332, dans les statuts de l'ordre de la
taient avisés un jour de créer le monde et Bande.
les âmes lesquelles n'étaient unies à des Quoi qu'il en soit, les cartes, d'abord tolé-
^corps que parce qu'elles avaient oublié Dieu. rées, furent ensuite condamnées; et c'est
Carpocrate prétendait que tout ce que nous une opinion encore subsistante dans l'esprit
apprenons n'est que réminiscence. Il regar- de quelques personnes crédules que qui tient
dait les anges comme nous les démons il les les cartes tient le diable. C'est souvent vrai,
disait ennemis de l'homme, et croyait leur au figuré. « Ceux qui font des tours de cartes
plaire en se livrant toutes ses passions et sont sorciers le plus souvent, » dit Boguet.
aux plaisirs les plus honteux. Ses disciples Il cite un comte italien qui vous mettait e'.i
cultivaient la magie, faisaient des enchante- main un dix de pique, et vous trouviez que
.ments et avaient des secrets merveilleux. Ils c'était un roi de cœur (1). Que penserait-il
.marquaient leurs sectateurs à l'oreille et des prestidigitateurs actuels?
commettaient beaucoupd'abominations. Cette Il n'est pas besoin de dire qu'on a trouvé
secte ne subsista pas longtemps. tout dans les cartes, histoire, sabéisme, sor-
CARRA (Jean-Louis), aventurier cellerie. Il y a même eu des doctes qui jnt
du der-
nier siècle, qui se fit girondin et fut guillo- vu toute l'alchimie dans les figures et car-
tiné en 1793. Il a laissé, entre autres ou- tains cabalistes ont prétendu y reconnaître
les esprits des quatre éléments. Les carreaux
vrages, un Examen physique du magnétisme sont les salamandres les cœurs sonl les
animal in-8°, 1785.
sylphes, les trèfles les ondins, et les piques
CARREFOURS, lieux où quatre chemins les gnomes.
aboutissent. C'est aux carrefours que les sor-
ciers se réunissent ordinairement Arrivons à l'art de tirer les cartes.
pour faire On se sert presque toujours
le sabbat. On montre encore, dans plusieurs pour la car-
de tomancie, d'un jeu de piquet de trente-deux
provinces quelques-uns ces carrefours
au milieu desquels étaient placés cartes. Les cœurs et les trèfles sont gôr.érale-
redoutés ment bons et heureux
des poteaux que les sorciers ou les démons les carreaux et les
entouraient de lanternes pendant la fête noc- piques généralement mauvais et n alheu-
turne. On fait remarquer aussi sur le sol un reux. Les figures en cœur et en carreau an-
rond où les démons noncent des personnes blondes ou châtain-
large dansaient; et l'on
blondes les figures en pique ou en trèfle
prétend que l'herbe ne peut y croître. annoncent des personnes brunes ou châ-
C'est aussi dans un carrefour qu'on tue la
poule noire pour évoquer le diable, (t) Discoursdes sorciers,ch. un.
313 CAR CAR 514
tain-brunes. Voici ce que signifie chaque Quatre 'dames de suite, grands caquets
carte: trois dames de suite tromperies; deux da-
Les huit cœurs. Le roi de cœur est un mes de suite, amitié. i-
homme honorable qui cherche à vous faire Quatre valets de suite maladie conta-
du bien; s'il est renversé, il sera arrêté dans gieuse; trois valets de suite, paresse deux
ses loyales intentions. La dame de cœur est valets de suite, dispute.
une femme honnête et généreuse de qui vous Quatre as de suite une mort; trois as de
pouvez attendre des services; si elle est ren- suite, libertinage; deux as de suite, inimitié.
versée, c'est le présage d'un retard dans vos Quatre dix de suite, événements désa-
espérances. Le valet de cœur est un brave gréables trois dix de suite changement
jeune homme, souvent un militaire, qui doit d'état; deux dix de suite, perte.
entrer dans votre famille et cherche à vous Quatre neuf de suite, bonnes actions; trois
être utile il en sera empêché s'il est ren- neuf de suite imprudence deux neuf de
versé. L'as de cœur annonce une nouvelle suite, argent.
agréable; il représente un festin ou un repas Quatre huit de suite, revers trois huit de
d'amis quand il se trouve entouré de figures. suite, mariage; deux huit de suite, désagré-
Le dix de cœur est une surprise qui fera ments.
grande joie; le neuf promet une réconcilia- Quatre sept de suite, intrigues; trois sept
tion, il resserre les liens entre les personnes de suite, divertissements; deux sept de suite,
qu'on veut brouiller. Le huit promet de la petites nouvelles.
satisfaction de la part des enfants. Le sept Il y a plusieurs manières de tirer les car-
annonce un bon mariage. tes. La plus sûre méthode est de les tirer par
Les huit carreaux. Le roi de carreau est sept, comme il suit
un homme assez important qui pense à vous Après avoir mêlé le jeu, on le fait coupei
nuire, et qui vous nuira s'il est renversé. La de la main gauche par la personne pour qui
dame est une méchante femme qui dit du mal on opère; on compte les cartes de sept en
de vous et qui vous fera du mal si elle est sept, mettant de côté la septième de chaque
renversée. paquet. On répète l'opération jusqu'à ce
Le valet de carreau est un militaire ou un qu'on ait produit douze cartes. Vous étendez
messager qui vous apporte des nouvelles ces douze cartes sur la table les unes à côté
désagréables; et s'il est renversé, des nou- des autres, selon l'ordre dans lequel elles sont
velles fâcheuses. L'as de carreau annonce venues ensuite vous cherchez ce qu'eues si-
une lettre le dix de carreau, un voyage né- gnifient, d'après la valeur et la position de
cessaire et imprévu le neuf, un retard d'ar- chaque carte, ainsi qu'on l'a expliqué.
gent le huit, des démarches qui surpren- Mais avant de tirer les cartes, il ne faut pas
dront de la part d'un jeune homme le sept, oublier de voir si la personne pour laquelle
un gain de loterie s'il se trouve avec l'as de on les tire est sortie du jeu. On prend ordi-
carreau, assez bonnes nouvelles. nairement le roi de cœur pour un homme-
Les huit piques. Le roi représente un blond marié; le roi de trèfle pour un homme
commissaire, un juge, un homme de robe brun marié; la dame de cœur pour une dame
avec qui on aura des disgrâces; s'il est ren- ou une demoiselle blonde; la dame de trèfle
versé, perte d'un procès. La dame est une pour une dame ou une demoiselle brune le
veuve qui cherche à vous tromper si elle valet de cœur pour un jeune homme blond
est renversée elle vous trompera. Le valet le valet de trèfle pour un jeune homme brun.
est un jeune homme qui vous 'causera des Si la carte qui représente la personne pour
désagréments; s'il est renversé, présage de qui on opère ne se trouve pas dans les douze
trahison. L'as, grande tristesse; le dix, em- cartes que le hasard vient d'amener, on la
prisonnement le neuf, retard dans les af- cherche dans le reste du jeu et on la place
faires le huit, mauvaise nouvelle s'il est simplement à la fin des douze cartes sorties.
suivi du sept de carreau, pleurs et discordes. Si, au contraire, elle s'y trouve, on fait tirer
Le sept querelles et tourments à moins à la personne pour qui on travaille (ou l'on
qu'il ne soit accompagné de cœurs.. tire soi-même si c'est pour soi que l'on con-
Les huit trèfles. Le roi est un homme sulte) une treizième carte à jeu couvert. On
juste, qui vous rendra service; s'il est ren- la place pareillement à la fin des douze cartes
versé, ses intentions honnêtes éprouveront étalées parce qu'il est reconnu qu'il faut
du retard. La dame est une femme qui vous treize cartes.
aime; une femme jalouse si elle est ren- Alors, on explique sommairement l'en-
versée. Le valet promet un mariage, qui ne semble du jeu. Ensuite, en partant de la
se fera pas sans embarras préliminaires, s'il carte qui représente la personne pour qui
est renversé. L'as, gain, profit, argent à re- on interroge le sort, on compte sept et on
cevoir le dix, succès; s'il est suivi du neuf s'arrête; on interprète la valeur intrinsèque
de carreau, retard d'argent; perte s'il se et relative de la carte sur laquelle on fait
trouve à côté du neuf de pique. Le neuf, station; on compte sept de nouveau, et de
réussite; le huit, espérances fondées le sept, nouveau on explique, parcourant ainsi tout
faiblesse; et s'il est suivi d'un neuf hé- le jeu à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'on
ritage. revienne précisément à la carte de laquelle
Quatre rois de suite, honneurs; trois rois on est parti. On doit déjà avoir vu bien des
de suite, succès dans le commerce deux choses. Il reste cependant une opération im-
rois de suite bons conseils. portante.
515 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 516
On relève les treize cartes, on les mêle Mais c'en est assez sur la cartomancie.
on fait à nouveau couper de la main gauche. Nous n'avons voulu rien laisser ignorer du
Après quoi on dispose les cartes à couvert fondement de cette science aux dames qui
sur six paquets, 1° pour la personne; 2° pour consultent leurs cartes et q ui doutent de Dicu.
la maison ou son intérieur; 3° pour ce qu'clle Cependant nous les prierons d'observer que
attend 4° pour ce qu'elle n'attend pas ;5° pour ce grand moyen de lever le rideau qui nous
sa surprise; 6° pour sa consolation ou sa cache l'avenir s'est trouvé quelquefois en
pensée. Les six premières cartes ainsi défaut. Une des plus fameuses tireuses de
rangées sur la table, il en reste sept dans la cartes fit le jeu pour un jeune homme sans
main. On fait un second tour, mais on ne barbe qui s'était déguisé en fille.Elle lui pro-
met une carte que sur chacun des cinq pre- mit un époux riche et bien fait, trois gar-
miers paquets. Au troisième tour, on pose dons, une fille, des couches laborieuses mais
les deux dernières cartes sur les numéros 1 sans danger. -Une dame qui commençait à
et 2. On découvre ensuite successivement hésiter dans sa confiance aux cartes se fit un
chaque paquet, et on l'explique en commen- jour une réussite pour savoir si elle avait
çant par le premier, qui a trois cartes ainsi déjeuné. Elle était encore à table devant les
que le deuxième, et finissant par le dernier ,plats vides; elle avait l'estomac bien garni
qui n'en a qu'une. toutefois les cartes lui apprirent qu'elle était
Voilà tout entier l'art de tirer les cartes à jeun, car la réussite ne put avoir lieu.
les méthodes varient, ainsi que la valeur CASAUBON (Médék.ic), fils d'Isaac Casau-
des cartes, auxquelles on donne dans les li- bon, né à Genève en 1599. On a de lui un
vres spéciaux des sens très-divers et très-ar- Traité de l'Enthousiasme, publié en 1655
bitraires mais les résultats ne varient pas. iu-8". Cet ouvrage est dirigé contre ceux qui
Nous terminerons en indiquant la manière attribuent l'enthousiasme à une inspiration
de faire ce qu'on appelle la réussite. Pre- du ciel ou à une inspiration du démon. On
nez également un jeu de piquet de trente- lui doit aussi un Traité de la crédulité et de
deux cartes. Faites huit paquets à couvert l'incrédulité dans les choses spirituelles,
de quatre cartes chacun, et les rangez sur la Londres, 1670. Il y établit, la réalité des es-
table; retournez la première carte de cha- prits, des merveilles surnaturelles et des sor-
que paquet; prenez les cartes de la même ciers (1). Nous citerons aussi sa Véritable et
valeur deux par deux comme deux dix i fidèle relation de ce qui s'est passé entre Jean
deux rois deux as, etc., en retournant tou- Dée et certains esprits, 1659, in-fol.
jours à découvert sur chaque paquet la carte CASI.-C'est !-enom d'une pagode fameuse
qui suit celle que vous enlevez. Pour que la sur les bords du Gange. Les Indiens recher-
réussite soit assurée, il faut que vous retiriez chent le privilége d'y mourir car Eswara ne
de la sorte toutes les cartes du jeu, deux par manque pas de venirsoufflcr dansleuroreillc
deux, jusqu'aux dernières. On fait ces droite au dernier instant pour les pùriGer
réussites pour savoir si un projet ou une af- aussi ont-ils grand soin de mourir couchés
faire aura du succès, ou si une chose dont sur le côté gauche.
on doute a eu lieu. CASMANN (Othon) savant Allemand
du seizième siècle, auteur d'un livre sur les
Alliette, sous le nom d'Etteilla a publié
un long traité sur cette matière. Citons en- anges, intitulé Angélographie (2). Il a laissé
un autre ouvrage, que quelques personnes
core l'Oracle parfait, ou nouvelle manière do
tirer les cartes, au moyen de laquelle cha- recherchent, sur les mystères de la nature (3).
cun peut faire son horoscope. In-12, Paris CASSANDRE. -'Fille de Priam, à' qui
1802.Ce petit livre, de 92 pages, est dédié au Apollon accorda le don de prophétie pour la
beau sexe par Albert d'Alby. L'éditeur est séduire mais quand elle eut le don elle ne
,M. de Valembert, qui fait observer que 1'0- voulut pas répondre à let tendresse du dieu,
racle varfait devait paraîlre en 1788; que la et le dieu discrédita ses pronostics. Aussi
censure t'arrêta, et qu'on n'a pu qu'en 1802 quoique grande magicienne et sorcière
en gratifier le public. La méthode de ce livre comme dit Delancre (4), elle ne put pas em-
est embrouillée; l'auteur veut qu'on emploie pêcher la ruine de Troie, ni se garantir elle-
vingt, cartes disposées en cinq tas, de cette même des violences d'Ajax.
manière: un au milieu, un au-dessus, un CASSIUS DE PARME. Antoine venait de
au-dessous, et un de chaque côté; ce qui perdre la bataille d'Actium; Cassius de Par-
fait une croix. Les cartes d'en haut signifient me, qui avait suivi son parti, se retira dans
ce qui doit arriver bientôt, les cartes de Athènes: là, au milieu de la nuit, pendant
droite ce qui arrivera dans un temps plus que son esprit s'abandonnait aux inquiétu-
éloigné les cartes d'en bas sont pour le pas- des, il vit paraître devant lui un homme noir
sé les cartes de gauche pour les obstacles qui lui parla avec agitation. Cassius lui de-
les cartes du milieu pour le présent. On ex- manda qui il était. Je suis ton démon (5),
plique ensuite d'après les principes. répondit le fantôme. Ce mauvais démon
(1) Cet ouvrage est connuaussisous le titre de Traité Ci) Tableau de l'inconstancedes mauvaisanges, etc.,
des esprits des sorciers et des opérationssurnaturelles, liv. I, dise.3.
en anglais.Londres,1672.In-8°. (3) L'originalporte cacodaimon,mauvaisdémon.Chei
(2) Angelographia 2 vol. in-8°. Francfort, 1597 et les Grecs daimon,simplement,signifiaitun génie, une
i605, bonite intelligence,commele.démon de Socrat'eet quel-
(ô) Nucleus4mysteriorurnnaturœ eiiucleatus ICOo. ques autres.
îu-8".
'317 CAS « CAS 318
eiau la peur, a ceue paroie, uassius s ci- » yuana us avaient rail jouer leurs cnar-
fraya et appela ses esclaves mais le démon mes en quelques lieux par leurs arts perni-
disparut sans se laisser voir à d'autres yeux. cieux, ils se faisaient porter par les diables
Persuadé qu'il rêvait, Cassius se recoucha dans les nuées, de ville en ville, et quelque-
et chercha à se rendormir; aussitôt qu'il fut fois faisaient cent lieues le jour Mais comme
seul, le démon reparut avec les mêmes cir- la justice divine ne' veut pas longuement
constances.'Le Romain n'eut pas plus de for- souffrir les malfaiteurs, Dieu permit qu'un
ce que d'abord il se fit apporter des lumiè- curé, nommé messire Benoît la Favc, pas-
res,passa le reste de la nuit au milieu de ses sant près de Dôle, rencontrât ces Espagnols
esclaves, et n'osa plus rester seul. Il fut tué avec leur servante, lesquels se mirent en
compagnie avec lui, et lui demandèrent où
peu de jours après par l'ordre du vainqueur
d'Actium (1). il allait. Après leur avoir déclaré et conté
CASSO ou ALOUETTE. On assure que une partie de son ennui pour la longueur du
celui qui portera sur soi les pieds de cet oi- chemin, un de ces Espagnols, nommé Diego
seau ne sera jamais persécuté au contrai- Castalin lui dit Ne vous déconfortez
re, il aura toujours l'avantage sur ses enne- nullement, il est près de midi mais je veux
mis. Si on enveloppe l'œil droit de l'alouette que nous allions aujourd'hui coucher à Bor-
dans un morceau de la peau d'un loup deaux.
l'homme qui le portera sera doux, agréable » Le curé ne répliqua rien, croyant qu'il
et plaisant; et si on le met dans du vin, on le disait par risée, vu qu'il y avait près de
se fera chérir de la personne qui le boira (2). cent lieues. Néanmoins après s'être assis
CASSOTIDE. -Fontaine de Delphes, dont tous ensemble, ils se mirent à sommeiller.
la vertu prophétique inspirait des femmes Au réveil du curé, il se trouve aux portes de
qui y rendaient des oracles. Bordeaux avec ces Espagnols. Un conseiller
CASTAIGNE (Gabriel DE),- aumônier de de Bordeaux fut averti de cette merveille; il
Louis XIII, cordelier et alchimiste. On lui voulut savoir comment cela s'était passé il
doit l'or potable qui guérit de tous maux dénonce les trois Espagnols et la femme. On
in-8°, rare, Paris, 1611; le Paradis terrestre, fouille leurs bagages, où se trouvent plu-
où l'on trouve la guérison de toute maladie, sieurs livres, caractères, billets, cires, cou-
in-8°, Paris 1615; « le Grand miracle de na- teaux, parchemins et autres denrées servant
« ture métallique, que, en imitant icelle sans à la magie. Ils sont examinés ils confessent
« sophistiqueries tous les métaux impar- le tout, disant, entre autres choses, d'avoir
« faits se rendront en or fin, et les maladies fàit, par leurs œuvres périr les fruits de la
« incurables se guériront, n in-8% Paris terre aux endroits qu'il Icur plaisait, d'a-
1615. voir fait mourir plusieurs personnes et bes-
CASTALIE. Fontaine d'Antioche au tiaux, et qu'ils étaient résolus de faire plu-
sieurs maux du côté de Bordeaux..La cour,
faubourg de Daphné ses eaux étaient pro-
phétiques, et il y avait auprès un oracle cé- leur fit leur procès extraordinaire, qui leur
lèbre qui prédit l'empire à Adrien. Quand cet fut prononcé le 1" mars 1610, et-condamna
oracle fut accompli, Adrien fit boucher la Diego Castaliu, Francisco Ferdillo, Vincen-
fontaine avec de grosses pierres, de peur tio Torrados et Catalina Fioscla à être pris
qu'un autre n'y allât chercher la même fa-- et menés par l'exécuteur de la haute justice
veur qu'il avait obtenue. en la place du marché au porcs, et être con-
CASTALIN (Diego). « Discours prodi- duits sur un bûcher, pour là, être brutes tout
gieux et épouvantable detroisEspagnols et une vifs, et leurs corps être mis en cendres,
avec leurs livres, caractères, couteaux
Espagnole, magiciens et sorciers, qui se fai-
saient porter par les diables de ville en ville, parchemins, billets et autres choses propres
avec leurs déclarations d'avoir fait mourir servant à la magie.
plusieurs personnes et bétail par leurs sor- » L'Espagnole qui les servait, nommée
tiléges, et aussi d'avoir fait plusieurs dégâts Catalina Fiosela, confessa une infinité de
aux biens de la terre. Ensemble, l'arrêt pro- méchancetés par elle exercées, entre autres-
noncé contre eux par la cour de parlement que par ses sortiléges, elle avait infecté
de Bordeaux, in-8° (rare). Paris, 1626. » avec certains poisons, plusieurs fontaines,
fait
« Trois Espagnols accompagnés d'une puits et ruisseaux, et aussi qu'elle avait
femme espagnole aussi sorcière et magicien- mourir plusieurs bétails, et fait, par ses,
ne, se sont promenés par l'Italie, Piémont, charmes, tomber pierros et grêles sur les
Provence, Franche-Comté, Flandre, et ont, biens et fruits de la (erre.
par plusieurs fois traversé la France, et, 1 » Voilà qui doit servir d'exemple à plu-
tout aussitôt qu'ils avaient reçu quelque dé- sieurs personnes qui s'étudient à la magie
plaisir de quelques-uns, en quelques vil- d'autres, sitôt qu'ils ont perdu quelque cho-
les,ils ne manquaient, par le moyen de leurs se, s'en vont au devin et sorcier, et ne con-
pernicieux charmes, de faire sécher les blés sidèrent pas qu'allant vers eux,ils vont vers
et les vignes; et pour le regard du bétail, il le diable, prince des ténèbres. »
languissait quelques trois semaines, puis CASTELLINI (Lnc.) frère prêcheur du dix-:
demeurait mort, tellement qu'une partie du septième siècle. On rencontre des prodiges
Piémont a senti ce que c'était que leurs mau- infernaux dans son Traité des miracles (3).
dites façons de faire. CASTOR. C'est une opinion très-ancienne:
(1) Valère-Maxime,el d'autresanciens. (3) ïractatusde Miraculis.Rome, 1029.
(2] Admirablessecretsd'Albertle Grand.
vS10 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 520
et très-commune que le castor se mutile les jours pour l'exhorter à faire ce qu'il lui
pour se dérober à la poursuite des chas- avait ordonné. Enfin un matin avant le
seurs. On la trouve dans les hiéroglyphes jour, comme il était en prière, il aperçut Ca-
des Egyptiens, dans les fables d'Esope, dans taldc vêtu de l'habit épiscopal, lequel* Ini dit
Pline, dans Aristote, dans Elien mais celte avec une contenance sévère Tu n'as pas
opinion n'en est pas moins une erreur au-, tenu compte de chercher le livre que je t'a-
jourd'hui reconnue (1). vais enseigné et de l'envoyer au roi Ferdi-
CASTOR et POLLUX, fils de Jupiter et de nand sois assuré, cette fois pour toutes, que
Léda.On en fit, des dieux marins; et, dans si tu n'exécutes ce que je t'ai commandé, il
l'antiquité, les matelots appelaient feux de t'en adviendra mal.
Castor et Pollux ce que nos marins appel- Le jouvenceau intimidé de ces menaces,
lent feux Saint-Elme. publia sa vision le peuple ému s'assembla
Les histoires grecques et romaines sont pour l'accompagner au lieu marqué. On y ar-
remplies d'apparitions de Castor et Pollux. riva, on creusa la terre; on trouva un petit
Pendant que Paul-Emile faisait la guerre en coffre de plomb, si bien clos et cimenté que
Macédoine, Publius Vatinius, revenant à l'air n'y pouvait pénétrer, et au fond du cof-
Rome,vit subitement devant lui deux jeunes fre se vit le livre où toutes les misères qui
gens beaux et bien faits, montés sur des devaient arriver au royaume de Naples, au
chevaux blancs, qui lui annoncèrent que le roi Ferdinand et à ses enfants, étaient décri-
roi Persée avait été fait prisonnier la veille. tes en formes de prophétie, lesquelles ont eu
Vatinius se hâta de porter au sénat cette lieu; car Ferdinand fut tué au premier con-
nouvelle mais les sénateurs, croyant déro- flit son fils Alphonse, à peine maître. du
ger à la majesté de leur caractère en s'arrê- trône, fut mis en déroute par ses ennemis,
tant à des puérilités, firent mettre cet homme et mourut en exil. Ferdinand, le puîné, périt
en prison. Cependant, après qu'on eut re- misérablement à la fleur de son âge, acca-
connu par les lettres du consul que le roi blé de guerres, et Frédéric, petit-fils du dé-
de Macédoine avait été effectivement pris ce funt Ferdinand, vit brûler, saccager et rui-
jour-là, on tira Vatinius de sa prison; on le ner son pays (4).
gratifia de plusieurs arpents de terre, et le CATALONOS ou BABAILANAS, prétresses
sénat reconnut que Castor et Pollux étaient des Indiens des iles Philippines. Elles lisent
les protecteurs de la république. Pausanias dans l'avenir et prédisent ce qui doit arri-
explique cette apparition « C'étaient, dit-il, ver. Quand elles ont annoncé le bien ou le
des jeunes gens revêtus du costume des Tyn- mal à ceux qui les consultent, elles font le
darides, et apostés pour frapper les esprits sacrifice d'un cochon qu'elles tuent d'un coup
crédules. » On sait que Castor et Pollux de lance et qu'elles offrent en dansant aux
sont devenus la constellation des Gémeaux. mauvais génies et aux âmes des ancêtres,
CASTRO (ALPHONSEDE), célèbre prédica- lesquelles, dans l'opinion des Indiens, fixent
teur né au Pérou, et l'un des plus savants leurs demeures sous de grands arbres.
théologiens du seizième siècle, auteur d'un CATANANCÉE, plante que les femmes de
livre contre les magiciens (2). Thessalic employaient dans leurs philtres.
CATÂBOLIQUES. « Ceux qui ont lu les On en trouve la description dans Diosco-
anciens savent que les démons cataboliques ride
sont des démons qui emportent les hommes, CATARAMONACHIA, analhème que ful-
les tuent, brisent et fracassent, ayant cette minent les papas grecs. Dans quelques îles
puissance sur eux. De ces démons cataboli- de la Morée, on dit que cet anathème donne
ques, Fulgence raconte qu'un certain Cam- une fièvre lente dont on meurt en six se-
pester avait écrit un livre particulier qui maines.
nous servirait bien si nous l'avions, pour CATELAN (LAURENT), pharmacien do
apprendre au juste comment ces diables Montpellier au dix-septième siècle. 11 a laissé
traitaient leurs suppôts, les magiciens et les une llistoire de la nature, chasse, vertus,
sorciers (3).. propriétés et.usnges de la Licorne Montpel-
CATALDE, évêque de Tarente au sixième lier, in-8°, 1624, et un Rare et curieux Dis-
siècle. Mille ans après sa mort, on raconte cours de la plante appelée Mandragore, Paris,
qu'il se montra une nuit, en vision, à un in-12, 1639.
CATHARIN (Ambroise), dominicain de
jeune Tarentin du seizième siècle et le
chargea de creuser en un lieu qu'il lui dési- Florence, mort à Rome en 1553, auteur d'une
réfutation des prophéties de Savonarole (5),
gna, où il avait caché et enterré un livre et d'un Traité de lâ mort et de la résurrec-
écrit de sa main pendant qu'il était au tion.
monde, lui disant qu'incontinent qu'il aurait
recouvré ce livre, il ne manquât point de le CATHERINE. Voy. REVENANTS.
faire tenir à Ferdinand, roi.d'Aragon et de CATHERINE (sainte). Voy. INCOMBUS-
tibles.
Naples, qui régnait alors. Le jeune homme
n'ajouta point foi d'abord à cette vision, CATHERINE DE MÉDICIS, célèbre reine
quoique Catalde lui apparût presque tous de France, singulièrement maltraitée dans
(1) Brown,DesErreurs populaires,liv. ITl.ch.iv. (o) Discorsocontra la dottrina ole profetiedi Girolamo
;'2) De Sortilegis ac maleficis, eorumque punitione. Savonarola,da AmbrosioCàtarinopoliio. ln-8°. Venise,
Lyon,1568. 1518.ThomasNeri combattitcet ouvrage dansun livre in.
(3) Leloyer,Hist. et dise. des spectres, liv. VII,ch. iv. titulé Apologiadi TomasoNeri. in difesadglladolliiaa
(4) Histoiresprodigieusesde Boisludux,tom. I. OitiirolamoSavonarola.in-8°. Florence, 1564.
521 CAT CAU 323
l'histoire où l'esprit de la réforme n'a pas De Re Rustica, il enseigne, parmi divers re-
ménagé les princes catholiques; née à Flo- mèdes, la manière de remettre les membres
rence en 1519, morte en 1589. Elle croyait démis, et donne même les paroles enchan-
non-seulement à l'astrologie judiciaire, mais tées dont il faut se servir.
encore à la magie. Elle portait, dit-on sur CATOPTROMANCIE divination par le
l'estomac une peau de vélin, d'autres disent moyen d'un miroir. On trouve encore, dans
d'un enfant égorgé, semée de figures, de let- beaucoup de villages, des devins qui em-
tres et de caractères de différentes couleurs. ploient cette divination, autrefois fort répan-
Elle était persuadée que cette peau avait la due. Quand on a fait une perte, essuyé un
vertu de la garantir de toute entreprise con- vol, ou reçu quelques coups clandestins dont
tre sa personne. on veut connaître l'auteur, on va trouver le
Elle fit faire la colonne de l'hôtel de Sois- sorcier ou devin, qui introduit le consultant
sons (1), dans le fût de laquelle il y avait un dans une chambre à demi éclairée. On n'y
escalier à vis pour monter à la sphère ar- peut entrer qu'avec un bandeau sur les
millaire qui est au haut. Elle allait y con- yeux. Le devin fait les évocations, et le dia-
sulter les astres avec ses astrologues, dont ble montre dans un miroir le passé, le pré-
elle s'entoura jusqu'à sa mort. sent et le futur. Malgré le bandeau, les cré-
Celte princesse que l'on a fort noircie, eut dules villageois, dans de telles occasions, ont
beaucoup d'ennemis, surtout les protestants, la tête tellement montée qu'ils ne manquent
qui n'ont reculé devant aucune calomnie. Ils pas de voir quelque'chose.
la représentent comme ayant été très-versée On se servait autrefois, pour cette di-
dans l'art d'évoquer les esprits; ils ajoutent vination, d'un miroir que l'on présentait,
que sur la peau d'enfant qu'elle portait au non devant, mais derrière la tête d'un en-
cou, étaient représentées plusieurs divinités · fant à qui l'on avait bandé les yeux.
païennes. Etant tombée gravement malade, ;> Pausanias parle d'un autre effet de la ca-
elle remit, disent-ils, à M. de Mesmes une toptromancie. « II y avait à Patras, dit-il,
boite hermétiquement fermée, en lui faisant devant le temple dç Cérès, une fontaine sé-
promettre de ne jamais l'ouvrir et de la lui parée du temple par une muraille; là, on
rendre si elle revenait à la vie.'Longtemps consultait un oracle, non pour tous les évé-
après, les enfants du dépositaire ayant ou- nements, mais seulement pour les maladies.
vert la boîte, dans l'espoir d'y trouver des Le malade descendait dans la fontaine un
pierreries ou un trésor, n'y découvrirent miroir suspendu à un fil, en sorte qu'il ne
qu'une médaille de forme antique, large et touchât la surface de l'eau que par sa base.
ovale, où Catherine de Médicis était repré- Après avoir prié la déesse et brûlé des
sentée à genoux, adorant les Furies et leur parfums, il se regardait dans ce miroir, et,
présentant une offrande. Ce conte absurde selon qu'il se trouvait le visage hâve et dé-
donne la mesure de vingt autres. Catherine figuré ou gras et vermeil, il en concluait
de Médicis survécut à M.de Mesmes, et elle très-certainement que la maladie était mor-
n'aurait pas manqué de retirer la cassette. telle ou qu'il en réchapperait. » c*
Elle avait attaché à sa personne plusieurs CATTANI (François), iévêque de Fiésoles,
astrologues, parmi lesquels il ne faut pas mort en 1595, auteur d'un livre sur les su.
oublier l'illustré Luc Gauric. Ils lui prédirent perstitions de la magie (2).
que Saint-Germain la verrait mourir. Dès CAUCHEMAR. On appelle ainsi un cm
lors elle ne voulut plus demeurer à Saint- barras dans la poitrine, une oppression et
Germain-en-Laye et n'alla plus à l'église de une difficulté de respirer qui surviennent
Saint-Germain-d'Auxerrc. Mais Nicolas de pendant le sommeil, causent des rêves fati--
Saint-Germain, évêque de Nazareth, l'ayant gants, et ne cessent que quand on se ré
assistée à l'heure de sa mort, on regarda la veille.
prédiction comme accomplie. On ne savait pas trop, au quinzième siècle',
CATHO (Angelo), savant habile dans ce que c'était que le cauchemar, qu'on ap-
l'astrologie qui prédit à Charles-le-ïémé- pelait aussi alors chauche-poulet. Onen fit un
raire sa mort funeste. Le duc de Bourgogne monstre c'était un moyen prompt de résou-
n'en tint compte, et perdit tout, comme on dre la difficulté. Les uns imaginaient dans
sait. Malheureusement rien ne prouve que cet accident une sorcière ou un spectre qui
la prédiction ait eté faite en temps utile. pressait le ventre des gens endormis leur
Louis XI eslimait tant Angelo Catho, à dérobait la parole et la respiration, et les
cause de sa science, qu'il lui donna l'arche- empêchait décrier et de s'éveiller pour de-
vêché de Vienne en Dauphiné. mander du secours; les autres, un démon qui
CATILLUS. Voy. Gilbert. étouffait les gens. Les médecins n'y voyaient
CATOBLEBAS serpent qui donne la mort guère plus clair. On ne savait d'autre remède
à ceux qu'il regarde, si on en veut bien pour se garantir du cauchemar, que de sus-
croire Pline. Mais la nature lui a fait la tête pendre une pierre creuse dans l'écurie de sa
fort basse, de manière qu'il lui est difficile de maison et Delrio, embarrassé, crut décider
fixer quelqu'un. On ajoute que cet animal la question en disant que Cauchemar était un
habite près de la fontaine Nigris, en Elhio- suppôt deBelzébulh; il l'appelle ailleurs in-
pie, que l'on prétend être la source du Nil. cubus morbus.
CATON LE CENSEUR. Dans son livre, Dans les guerres de la république fran-
(i\ Cette colonneexiste encoreà Paris; elle est adossée la
(2) Sopra superstitione dell' arte magica. Florence.
à laHalleau blé. 1562.
325 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES 7y 324
çaise en Italie, on caserna dans une église contre eux la doctrine du purgatoire (3).
abandonnée un régiment français. Les CAYM démon de classe supérieure
paysans avaient averti les soldats que la nuit grand président aux enfers; il se montre
on se sentait presque suffoqué dans ce lieu- habituellement sous la figure d'un merle.
là, et que l'on voyait passer un gros chien Lorsqu'il paraît en forme humaine, il répond
sur sa poitrine; les soldats en riaient. Ils se du milieu d'un brasier ardent il porte à la
couchèrent après millc plaisanteries. Minuit main un sabre effilé. C'est, dit-on le plus
arrive, tous se sentent oppressés, ne respi- habile sophiste de l'enfer et il peut, par
rent plus et voient chacun sur son estomac l'astuce de ses arguments désespérer le lo-
un chien noir, qui disparut enfin, et leur gicien le plus aguerri. C'est avec lui que
laissa reprendre leurs sens. Ils rapportèrent Luther eut cette fameuse dispute dont il nous
le fait à leurs officiers, qui vinrent y 'con- a conservé les circonstances. Caym donne
cher eux-mêmes la nuit suivante, et furent l'intelligence du chant des oiseaux du mu-
tourmentés du même fantôme. Comment gissement des bœufs de l'aboiement des
expliquer ce fait?y chiens et du bruit des ondes. Il connait l'a-
« Mangez peu tenez le ventre libre ne venir. Ce démon, qui fut autrefois de l'ordre
couchez point sur le dos et votre cauche- des anges, commande à présent trente légions
mar vous quittera sans, grimoire » dit M. aux enfers (4).
Salgues (1). Il est certain que dansles pays où CAYOL, propriétaire à Marseille, mort
l'on ne soupe plus, on amoinsdecauchemars. au commencement de ce siècle. Un de ses
Bodin conte (2) qu'au pays de Valois en fermiers lui apporta un jour douze cents
Picardie il y avait de son temps une sorte il les reçut et promit la quittance
francs
de sorciers et de sorcières qu'on appelait
pour le lendemain, parce qu'il était alors oc-
canchemares qu'on ne pouvait chasser qu'à cupé. Le paysan ne revint qu'au bout de
force de prières.
quelques jours. M. Cayol venait subitement
CAUCHON (PIERRE), évêque de Beauvais de mourir d'apoplexie. Son fils avait pris
au quinzième siècle. Il poursuivit Jeanne
possession de ses biens il refuse de croire
d'Arc comme sorcière, et la fit brûler à Rouen. au fait que le paysan raconte, et réclame les
Il mourut subitement en l'«43. Le pape Ca- douze cents francs en justice. Le
lixte IV excommunia après sa mort ce prélat paysan fut
condamné à payer une seconde fois. Mais la
déshonoré, dont le corps fut déterré et jeté à nuit qui suivit cette sentence, M. Cayol ap-
la voirie.
parut à son fils bien éveillé et lui reprocha
CAUSATHAN démon ou mauvais gé- sa conduite J'ai été payé
nie que Porphyre se vantait d'avoir chassé ajouta-t-il
d'un bain public. regarde derrière le miroir qui est sur la che-
minée de ma chambre tu y trouveras mon
CAUS1MOMANCIE divination par le reçu.
feu, employée chez les anciens mages. C'é- Le jeune homme se lève tremblant, met la
tait un heureux présage quand les objets main sur la quittance de son père et se hâte
combustibles jetés dans le feu venaient à n'y de payer les frais qu'il avait faits au pauvre
pas brûler. fermier en reconnaissant ses torts (5).
CAYET ( Pierre-Victor-Palma ) savant CAZOTTE (Jacques) né à Dijon en 1720
écrivain tourangeau du seizième siècle. Ou- guillotiné en 1793 auteur du poëme d'Oli-
tre la Chronologie novennaire et la Chronolo- vier, où beaucoup d'épisodes roulent sur les
gie seplennaire il a laissé V Histoire prodi- merveilles magiques. Le succès qu'obtint
gieuse et lamentable du docteur Faust grand cette production singulière le décida à faire
magicien, traduite de l'allemand en français, paraître le Diable amoureux. Comme il y a
Paris, 1603, in-12 et l'Histoire véritable .dans cet ouvrage des conjurations et autres
comment l'âme de l'empereur Trajan a élédé- propos de grimoire, un étranger alla un
livrée des tourments de l'enfer par les prières jour le prier de lui apprendre à conjurer le
de saint Grégoire le Grand traduite du lalin diable, science que Cazotte ne possédait pas.
d'Alphonse Chacon. in-8°, rare Paris, 1607. Ce qui lui obtient encore place dans ce re-
Voy. FAUSTet Tbajan. cueil, c'est sa prophétie rapportée par La
Cayet rechercha toute sa vie la pierre phi- Harpe, où l'on a cru longtemps qu'il avait
losophale, qu'il n'eut pas le talent de trou- pronostiqué la révolution dans la plupart de
ver on débita aussi qu'il était magicien ses détails. Mais on n'avait imprimé, dit-on,
mais on peut voir qu'il ne pensait guère à qu'un fragment de cette pièce. On a pensé
se mêler de magie dans l'épllre dédicatoire plus tard la découvrir plus entière, et quel-
qu'il a mise en tête de l'histoire de Faust. ques-uns disent à présent que cette prophé-
Les huguenots dont il avait abandonné le tie a été supposée. Cependant, on a publié en
parti, l'accusèrent d'avoir fait pacte avec le l'an vi, à Paris, une correspondance mystique
.diable., pour qu'il lui apprit les langues de Cazotte, saisie par le tribunal révolulionr
c'était alors une grande injure Cayet s'en naire, et où brille un certain esprit prophé-
.vengea vivement dans un livre où il défendit tique inexplicable.
(1) M. Salgues, Des Erreurs et des préjugés, t, I, sotés et cavillationsineptes du prétendu ministreDu
p. 332. moulin. Paris, 1603. In-8°. Dumoulinvenait de publier
(2) Démonomaniedes sorciers,liv. II, cb. vu. les Eaux de Siloé,pour éteindre le feu du purgatoire,
(3)- Lafournaiseardente et le four du réverbère pour contre les raisonsd'un cordelierportugais.In-8«,1603.
évaporer les prétendueseaux de Siloé, et pour corrobo- (i) Wierus, in Pseudomonarchia dsem.
fer le purgatoire contre les hérésies»calomnies, faus- ili) Int'eriialiana,p. 226
525 CEI CEN 326
CEBUS ou CEPHUS monstre adoré des porter au malade une ceinture de fougère
Égyptiens. C'était une espèce de satyre, ou cueillie la veille de la Saint-Jean, à midi et
singe qui avait, selon Pline, les pieds et les tressée de manière à former le caractère ma-
mains semblables à ceux de l'homme. Dio- gique HVTY. Le synode tenu à Bordeaux, en
dore lui donne une tête de lion le corps 1600 a condamné ce remède et la raison
d'une panthère, et la taille d'une chèvre. On d'accord avec l'Eglise le condamne tous les
ajoute que Pompée en fit venir un à Rome, jours.
et qu'on n'en a jamais vu que cette fois-là. CELSE philosophe éclectique du deu,
CECCO D'ASCOLI (François Stabili, dit), xième siècle, ennemi des chréliens. En
professeur d'astrologie, né dans la mar- avouant les miracles de Jésus-Christ il di'-
chc d'Ancône au treizième siècle. Il se mê- sait qu'ils avaient été opérés par la magie, t
lait aussi de magie et d'hérésie. On dit, ce et que les chrétiens étaient des magiciens. 11
qui n'est pas certain, qu'il fut brûlé en 1327, a été réfuté par Origène.
avec son livre d'astrologie, qui est, à ce qu'on CELSIUS (André), Suédois mort en 1744;
croit le commentaire sur la sphère de Sa- auteur d'une Lettre. sur les comètes, publiée
crobosco (1). à Upsal l'année dosa mort.
11 disait qu'il se formait dans les çieuxdes CENCHROBOLES, nation imaginaire dont
esprits malins qu'on obligeait, par le moyen parle Lucien. 11 dit que les Cenchroboles
des constellations à faire des choses mer- allaient au combat montés sur de grands oi-
veilleuses. Il assurait que l'influence des as. seaux, couverts d'herbes vivaces au lieu dti
tres était absolue, et reconnaissait le fata- plumes.
lisme. Selon sa doctrine, Notre-Seigneur Jé- CENDRES. On soutenait dans le dix-
sus-Christ n'avait été pauvre et n'avait souf. septième siècle, entre autres erreurs, qu'il y.
fert une mort ignominieuse que parce qu'il avait des semences de reproduction dans les
était né sous une constellation qui causait cadavres dans les cendres des animaux cl
nécessairement cet effet. au contraire, même des plantes brûlées qu'une grenouille,
l'antechrist sera riche etpuissant, parce qu'il par exemple, en se pourrissant engendrait
naîtra sous une constellation favorable. des grenuuilles, et que les cendres de roses
« Une preuve que Cecco était fou disent avaient produit d'autres rosés. Voy. PALIN-
Naudé et Delrio c'est, 1° qu'il interprète te génésiis.
livre de Sacrobosco dans le sens des astrolo- Le Grand Albert dit que les cendres de
gues, nécromanciens et chiroscôpistes 2° bois astringent resserrent, et.qu'on se relâ-
qu'il cite grand nombre d'auteurs falsifiés che avec des cendres de bois contraire. « Et,
comme les ombres des idées de Salomon, ajoule-t-il, Dioscoride assure que la lessive de
le Livre des esprits d'Hipparchus, les Aspects cendres de sarments, bue avec du sel, est un;
des étoiles, d'Hippocrate etc. » remède souverain contre la suffocation do
On demandait un jour à Cecco ce que c'é- poitrine. Quant à moi, ajoute-t-il, j'ai guéri
lait que la lune il répondit « C'est une plusieurs personnes de la peste en leur fai-
terre comme la nôtre ut terra terra est. » sant boire une quantité d'eau où j'avais fait,
On a beaucoup disputé sur cet astrologue, amortir de la cendre chaude et leur ordon-,
connu aussi sous le nom de Cecus Asculan, nant de suer après l'avoir bue (3). »
et plus généralement sous celui de Cliicus CENETHUS, second roi d'Ecosse. Désirant
JEsculanus. Delrio ne voit en lui qu'un venger la mort de son père, tué par les Pic-
homme superstitieux, qui avait la tête mal tes, il exhortait les seigneurs du pays à re-
timbrée. Naudé, ainsi que nous l'avons noté, prendre les armes mais, parce qu'ils avaient'
le regarde comme un fou savant. Quelques été malheureux aux précédentes batailles
auteurs, qui le mettent au nombre des né- les-seigneurs hésitaient. Cénéthus, sous pré-
cromanciens, lui prêtent un esprit familier, texte de les entretenir des affaires du pays 1
nommé Floron, de l'ordre des chérubins, le- manda les plus braves chefs à un conseil. Il.
quel Floron l'aidait dans ses travaux et lui les fit loger dans son château, où il avait ca-
donnait de bons conseils, ce qui ne l'empê- ché dans un lieu secret quelques soldats ac-
cha pas de faire des livres ridicules. coutrés de vêtements horribles, faits de gran-
CECILE. Vers le milieu du seizième des peaux de loups marins, qui sont très-
siècle, une femme, nommée Cécile se mon- fréquents dans le pays à cause de la mer. Ils;
trait en spectacle à Lisbonne elle possédait, avaient à la main gauche des bâtons de ce
l'art de si bien varier sa voix, qu'elle la fai- vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite'
sait partir tantôt de son coude, tantôt de son descornes de bœuf» percées par le bout. Ils
pied, tantôt de son ventre. Elle liait conver- se tinrent reclus jusqu'à ce que les seigneurs
sation avec un être invisible qu'elle nom- fussent ensevelis dans leur premier sommeil
mait Pierre-Jean et qui répondait à toutes alors ils commencèrent à se montrer avec
-ses questions. Cette femme ventriloque fut leurs bois qui éclairaient et firent résonner
réputée sorcière et bannie dans l'île Saint- leurs cornes de bœufs, disant qu'ils étaient
Thomas (2), envoyés pour leur annoncer la guerre contre
CEINTURES MAGIQUES.– Plusieurs livres les Pictes Leur victoire ajoutaient-ils,
de secrets vous apprendrontqu'on guérit tou- était écrite dans le ciel. Ces fantômes jouè-
tes sortes de maladies intérieures en faisant rent bien leur rôle et, s'évadèrent sans être

(1) Commenlarii spbseram Joannis de Sacrobosco., (3) Les admirablessecrets d'Albertle Grand, liv. III
In-fol. Baie,1485. ch. i.
(2) M. Salgues,DesErreurs, etc., U, p, 217/
S27 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 528-
découverts. Les chefs émus vinrent trouver « queur de la tribu de Juda, racine.de Da-
le roi auquel ils communiquèrent leur vi- « vid. J'ouvrirai le livre et ses sept si-
sion et ils assaillirent si vivement les Pic- « gnes. »
les, qu'ils ne les déGrent pas seulement eu Il est fâcheux que l'auteur de ces belles
batailte, mais qu'ils en exterminèrent la oraisons ne soit pas connu, on pourrait lui
race (1). faire des compliments.
CEPHALONOMANCIE. Voy. Réphalono- On récite après la prière quelque formule
MANCIE. de conjuration, et les esprits paraissent. Voy.
CERAM, l'une des îles Moluques. On y re- CONJURATION.
marque sur la côte méridionale, une mon- Le Grand Grimoire ajoute qu'en entrant
tagne où résident, dit-on les mauvais gé- dans ce cercle il faut n'avoir sur soi aucun
nies. Les navigateurs de l'He d'Amboine, qui métal impur mais seulement de l'or ou de
sont tous très-superstitieux, ne passent guère l'argent, pour jeter la pièce à l'esprit. On
en vue de cette montagne sans faire une of- plie cette pièce dans un papier blanc, sur le-
frande à ces mauvais génies qu'ils empê- quel on n'a rien écrit; on l'envoie à l'esprit
chent ainsi de leur susciter des tempêtes. Le pour l'empêcher de nuire; et, pendant qu'il
jour, ils déposent des fleurs et une petite se baisse pour la ramasser devant le cercle,
pièce de monnaie dans une coque de coco; on prononce la conjuration qui le soumet.
la nuit, ils y mettent de l'huile avec des pe- Le Dragon rouge, recommande les mêmes
tites mèches allumées et ils laissent flotter précautions.
cette coque au gré des vagues. 11 nous reste à parler des cercles que les
CERAUNOSCOPIE. Divination qui se pra- sorciers font au sabbat pour leurs danses.
tiquait, chez les anciens, par l'observation On en montre encore dans les campagnes;
de la foudre et des éclairs, et par l'examen on les appelle cercle du sabbat ou cercle des
des phénomènes de l'air. fées, parce qu'on croyait que les fées tra-
CERBERE. Cerberus ou Naberus est chez çaient de ces cercles magiques dans leurs
nous un démon. Wierus le met au nombre danses au clair de la lune. Us ont quelque-
des marquis de l'empire infernal. Il est fort fois douze ou quinze toises de diamètre, et
et puissant; il se montre sous la forme d'un contiennent un gazon pelé à la ronde de la
corbeau; sa voix est rauque néanmoins il largeur d'un pied, avec un gazon vert au
donne l'éloquence et l'amabilité; il enseigne milieu. Quelquefois aussi tout le milieu est
les beaux-arts. Dix-neuf légions lui obéis- aride et desséché et la bordure tapissée
sent. d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les
On voit que ce n'est plus là le Cerbère des Transactions philosophiques attribuent ce
anciens, ce redoutable chien à trois têtes, phénomène au tonnerre ils en donnent
portier incorruptible des enfers, appelé aussi pour raison que c'est le plus souvent après
la bête aux cent têtes, centiceps bellua à des orages qu'on aperçoit ces cercles.
cause de la multitude de serpents dont ses D'autres savants ont prétendu que les cer-
trois chevelures étaient ornées. Hésiode lui cles magiques étaient l'ouvrage des fourmis',
donne cinquante têtes de chien; mais on parce qu'on trouve souvent ces insectes qui
s'accorde généralement à ne lui en recon- y travaillent en foule.
naître que trois. Ses dents étaient noires et On regarde encore aujourd'hui, dans les
tranchantes et sa morsure causait une campagnes peu éclairées les places arides
prompte mort. comme le rond du sabbat. Dans la Lorraine,
On croit que la fable de' Cerbère remonte les traces que forment sur le gazon les tour-
aux Egyptiens, qui faisaient garder les tom- billons des vents et les sillons de la foudre
beaux par des dogues. passent toujours pour les vestiges de la danse
C'est principalement ici du démon Cerbe- des fées, et les paysans ne s'en approchent
rus qu'il a fallu nous occuper. En 1586, il fit qu'avec terreur (2).
pacte d'alliance avec une Picarde nommée CERCUEIL. L'épreuve ou jugement de
Marie Martin. Voy. MARTIN. Dieu par le cercueil a été longtemps en
CERCLES MAGIQUES. On ne peut guère usage. Lorsqu'un assassin, malgré les in-
formations, restait inconnu on dépouillait
évoquer les démons avec sûreté sans s'être entièrement le corps de la victime; on mettait
placé dans un cercle qui garantisse de leur ce corps sur un cercueil et tous ceux qui
atteinte, parce que leur premier mouvement
serait d'empoigner, si l'on n'y mettait ordre. étaient soupçonnés d'avoir eu part au meur-
Voici ce qu'on lit à. propos dans le fatras in- tre étaient obligés de le toucher. Si l'on re-
titulé Grimoire du pape Honorius marquait un mouvement, un changement
Les cercles se doivent faire avec du char- dans les yeux, dans la bouche ou dans toute
autre partie du mort, si la plaie saignait,
bon, de l'eau bénite aspergée, ou du bois de celui qui touchait le cadavre dans ce mouve-r
la croix bénite. Quand ils seront faits de la
ment extraordinaire était regardé et pour-
sorte, et quelques paroles de l'Evangile écri-
tes autour du cercle, sur le sol, on jettera de suivi comme coupable. Richard Cœur-de-
l'eau bénite en disant une prière supersti- Lion s'était révolté contre Henri II son père,
tieuse dont nous devons citer quelques mots à qui il succéda. On rapporte qu'après lai
« Alpha Oméga mort de Henri II Richard s'étant rendu à
Ely; Elohé, Zébahot,
« Elion Saday. Voilà le lion qui est vain- Fontevrault, où le feu roi avait ordonné sa
(2) MadameElise Voîart,Notesau livre I" de la Vierga
Histoiresprodigieuses,1.1.
(t) _Boistuaux, d'ÂrUuèas.
'829 CER CER 530
sépulture, à l'approche du fils rebelle, le gué vie à certains animaux, et principale-
corps du malheureux père jeta du sang par ment aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode
la bouche et par le nez, et que ce sang jaillit dit que la vie de l'homme finit il quatre-vingt-
sur le nouveau souverain. On cite plusieurs seize ans que celle de la corneille est neuf
exemples semblables, dont la terrible morale fois plus longue, et que la vie du cerf est
n'était pas trop forte dans les temps bar- quatre fois plus longue que celle de la cor-
bares. neille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de
Voici un petit fait qui s'est passé en trois mille, quatre cent cinquante-six ans. ·
Ecosse Pline rapporte que cent ans après la mort
Un fermier, nommé John Makintos, avait d'Alexandre on prit dans les forêts plusieurs e
eu quelques contestations avec sa sœur cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-
Fanny Mac-Allan. Peu de jours après il même des colliers. On trouva, en 1037, dans
mourut subitement. Les magistrats se ren- la forêt de Senlis, un cerf avec un collier
dirent chez lui, et remarquèrent qu'il avait portant ces mots Cœsar hoc me donavil,
sur le visage une large blessure, de laquelle « C'est César qui me l'a donné; mais quel
aucune goutte de sang ne s'échappait. Les César? Ces circonstances ont fortifie toute-
voisins de John accoururent en foule pour fois le conte d'Hésiode. Les cerfs ne vivent
déplorer sa perte; mais, quoique la maison pourtant que trente-cinq à quarante ans. Ce
de sa sœur fût proche de la sienne, elle n'y que l'on a débité de leur longue vie, ajoute
entra pas, et parut peu affectée de cet événe- Buffon, n'est appuyé sur aucun fondement;
ment. Cela suffit pour exciter parmi les mi- ce n'est qu'un préjugé populaire, dont Aris-
nistres et les baillis le soupçon qu'elle n'y •tole lui-même a rclevé l'absurdité. Le col-
était peut-être pas étrangère. En consé- lier du cerf de la forêt de Senlis ne peut pré-
quence, ils lui ordonnèrent de se rendre près senter une énigme qu'aux personnes qui
du défunt et de placer la main sur son cada- ignorent que tous les empereurs d'Allemagne
vre. Elle consentit; mais avant de le faire, ont été désignés par le nom de César.
elle s'écria d'une voix solennelle Je sou- Une autre tradition touchant le cerf, c'est
haite humblement que le Dieu puissant qui que la partie destinée à la génération. lui,
a ordonné au soleil d'éclairer l'univers, fasse tombe chaque année. Après avoir ainsi ob-.
jaillir de cette plaie un rayon de lumière dont servé ce qui a lieu par rapport à son bois,
le reflet désignera le coupable. Dès que ces on s'est persuadé que la même chose arrivait
paroles furent achevées elle s'approcha à la partie en question. L'expérience et la
posa légèrement un de ses doigts sur la bles- raison détruisent également une opinion si
sure, et le sang coula immédiatement. Les absurde (1).
magistrats crurent y voir une révélation du CERINTHE hérétique du temps des apô-
ciel et la malheureuse Fanny fut exécutée tres. Il disait que Dieu avait créé des génies
le jour même. chargés de gouverner le monde; qu'un de
On voit dans la vie de Charles-le-Bon, par ces génies avait fait tous les miracles do,-
Gualbert (Collect. des Bollandisles, 2 mars), l'histoire dos Juifs; que les enfants de ces
que les meurtriers en Flandre, au douzième esprits étaient devenus des démons, et que
siècle, après avoir tué leur victime, man- le Fils de Dieu n'était descendu sur la terre
geaient et buvaient sur le cadavre, dans la que pour ruiner le pouvoir des mauvais an-
persuasion qu'ils paralysaient par cette céré- ges. Il avait écrit des révélations qu'il pré-
monie toute poursuite contre eux à l'occa- tendait lui avoir été faites par un ange de
sion du meurtre. Les assassins de Charles- bien, avec qui il se vantait de converser fa-
le-Bon avaient pris cette précaution ce qui milièrement. « Mais cet ange, comme dit Le-
ne les empêcha pas d'être tous mis au sup- loyer, était un vrai démon, et pas autre
plice. chose. »
CERDON, hérétique du deuxième siècle, CERNE, mot vieilli. C'était autrefois le
chef des cerdoniens. Il enseignait que le nom qu'on donnait au cercle que les magi-
monde avait été créé par le démon, et ad- ciens traçaient avec leur baguette pour évo-
metlait deux principes égaux en puissance. quer les démons.
CÉHÈS. « Qu'étaicnt-ce que les mystères CEROMANCIE ou CIROMANCIE. Divina-
de Cérès à Eleusis, sinon les symboles de la tion par Ic moyen de la cire, qu'on faisait
sorcellerie, de la magie et du sabbat? A ces fondre et qu'on versait goutte à goutte dans.
orgies, on dansait au son du clairon, comme un vase d'eau, pour en tirer, selon les figures
au sabbat des sorcières, et il s'y passait des que formaient ces gouttes, des présages heu-
choses. abominables, qu'il était défendu aux reux ou malheureux. Les Turcs cherchaient
.profès de révéler (1). » surtout à découvrir ainsi les crimes et les
On voit, dans Pausanias, que les Arcadiens larcins. Ils faisaient fondre un morceau de
représentaient Cérès avec un corps de femme cire à petit feu, en marmottant quelques pa-
et une tête de cheval. roles puis ils étaient cette cire fondue de,
On a donné le nom de Cérès à une planète dessus le brasier et y trouvaient des figures.
'découverte par Piazzi en 1801. Cette planète qui indiquaient le voleur, sa maison et sa
n'a encore aucune influence sur les horosco- retraite.
pes. Voy. ASTROLOGIE. Dans l'Alsace, au seizième siècle, et peut-
CERF. L'opinion qui donne une Irès-lon- • être encore aujourd'hui, lorsque quelqu'un
(t) Leloyer, Disc,el bist. des spectres, p. 689, 7£8. cb. x. M. Salgues, des Erreurs et des préjugés, t. H,
(2) Brown,Essaissur les erreurs, etc., t, l",Hv. UJ,. p. 2tS. Buffon,Hist. nat., etc.
DlCTIONl*. DES SCIENCESQCCULTBS.* Ii ii
331 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 5~<j
est malade et que les bonnes femmes veulent fantôme saisit la trompette de l'un d'eux; i
découvrir qui lui a envoyé sa maladie, elles sonne la charge, passe le fleuve1; et Césiir
prennent autant de cierges d'un poids égal s'écrie, sans délibérer davantage Allons
qu'elles soupçonnent d'êtres ou de person- où les présages des dieux et l'injustice de nns
nes elles les allument, et celui dont le cierge ennemis nous appellent. L'armée le sui-
est le premier consumé passe dans leur es- vit avec ardeur.
prit pour l'auteur (1). Lorsqu'il débarqua en Afrique pour faire
CERVELLE. On fait merveille avec la cer- la guerre à Juba, il tomba à terre. Les Ro-
velle de certaines bêtes. L'auteur des Admi- mains se troublèrent de ce présage; mais
rables secrets d'Albert le Grand dii", au liv. III, César rassura les esprits en embrassant le
'.que la cervelle de lièvre fait sortir les dents sol et en s'écriant, comme si sa chute eût été
aux enfants, lorsqu'on leur en frotte les gen- volontaire Afrique, tu es à moi, car je
cives. Il ajoute que les personnes qui ont te tiens dans mes bras.
peur des revenants se guérissent de < leurs On a vanté l'étonnante force de ses re-
terreurs paniques, si elles mangent souvent gards on a dit que, des côtes des Gaules, il
de la cervelle de lièvre. La cervelle de chat voyait ce qui se passait dans l'île des Bre-
ou de chatte, si on s'en frotte les dehors du tons. Roger Bacon qui ne doute pas de ce
gosier, guérit en moins de deux jours les in- fait, dit que Jules César n'examinait ainsi
flammations. qui s'y font sentir, mais après tout ce qui se faisait dans les camps et dans
une crise de fièvre violente. les villes d'Angleterre qu'au moyen de
Les premiers hommes ne mangeaient la grands miroirs destinés à cet usage.
cervelle d'aucun animal, par respect pour la On assure que plusieurs astrologues pré-
tête, qu'ils regardaient comme le siège de la dirent à César sa mort funeste que sa
vie et du sentiment. femme Calpurnie lui conseilla de se défier
CESAIRE ou CESARIUS (Pierre), moine des ides de mars; que le devin Artémidorc
de Coteaux, mort en 1240. On lui doit un re- tâcha également de l'effrayer par de sinistres
cueil de miracles où les démons figurent présages lorsqu'il se rendait au sénat, où il
très-souvent (2). Ce recueil, on ne salt trop. devait être assassiné; toutes choses contées
pourquoi, a été mis à l'index en Espagne. Il après l'événement
est cité plusieurs fois dans ce dictionnaire. On ajoute qu'une comète parut à l'instant
CESAIRE (ST). Voy. MIRABILISliber. de sa mort. On dit encore qu'un spectre
CESALPIN (ANDRÉ), médecin du seizième poursuivit Brutus, son meurtrier, à la ba-
siècle, né à Arezzo en Toscane, auteur de taille de Philippes; que, dans la même jour-
Recherches sur les Démons, où l'on explique née, Cassius crut voir au fort de la mêlée
le passage d'Hippocrate, relatif aux causes César accourir à lui à toute bride, avec un
surnaturelles de certaines maladies (3). Ce regard foudroyant, et qu'effrayé de cette vi-
traité, composé à la prière de l'archevêque sion terrible, il se perça de son épée.
de Pise, parut au moment où les religieuses Quoi qu'il en soit, Jules César fut mis au
d'un couvent de cette ville étaient obsédées rang des dieux par ordre d'Auguste, qui
du démon. L'archevêque demandait à tous prétendit que Vénus avait emporté son âmn
les savants si les conlorsions de ces pauvres au ciel. On le représentait dans ses temples
filles avaient une cause naturelle ou surna- avec une étoile sur la tête, à cause de la co-
turelle. Césalpin, particulièrement consulté, mète qui parut au moment de sa mort.
répondit parle livre que nous citons. Il com- CESAR charlatan qui vivait à Paris
mence par exposer une immense multitude sous Henri IV, et qui était astrologue, nécro-
de faits attribués aux démons et à la magie. mancien, chiromancien physicien, devin,
Ensuite il discute ces fàits; il avoue qu'il y faiseur de tours magiques. Il disait la bonne
a des démons mais qu'ils ne peuvent guère aventure par l'inspection des lignes de la
communiquer matériellement avec l'homme; iy main. 11 guérissait en prononçant des paroles
il termine en se soumettant à la croyance de et par des attouchements. Il arrachait les
l'Eglise. Il déclare que la possession des reli- dents sans douleur, vendait assez cher de pe-
gieuses de'Pise est surnaturelle; que les se- tits joncs d'or émaillés de noir, comme talis-
cours de la médecine y sont insuffisants et' mans qui avaient des propriétés merveilleu-
qu'il est bon de recourir au pouvoir des exor- ses contre toutes les maladies. Il escamotait
cistes. admirablement et faisait voir le diable avec
CESAR (Caïds Jolius). On a raconté de ses cornes.
cet homme fameux quelques merveilles sur- Quant à cette dernière opération, il semble
prenantes.. qu'il voulait punir les curieux d'y avoir cru
Suétone rapporte que César étant avec car ils en revenaient toujours si bien rossés
son armée sur les bords du Rubicon que ses par lés sujets de Belzébuth, que le magicien
soldats hésitaient à traverser il apparut lui-même était obligé de leur avouer qu'il
un inconnu de taille extraordinaire qui était fort imprudent de chercher à les con-
s'avança en sifflant vers le général. Les naître.
soldats accourent pour le voir; aussitôt lé Le bruit courut à Paris, en 1611, que l'e*n-
chanteur César et un autre sorcier de ses
(i) Deïârfcfe Incrédulité et 'mêcréaocedu sortilège
pleinementconvaincue,traité 8. Delrio.,lir. IV. In-fol.Cologne,1599.In-8". Douai,1604.
(2) Ulustrinïnmirâculorumet bistoriarum memorabi- Dsenionuminvestigatioi>eripotëtica in qua esplica-
liumlibri XII, a CaesarioHeist'efbacbeeiisi,ordiniscisier- • lur(5)
locus Hippocratissi quid divinumin morbisuabealur,
«eusis; etc. In-8°. Antvërpiae,1603. Nuremberg, 1481. Iu-4°. Florence,1580.
355 CHA CHA 334
amis avaient été étranglés par le diable. On fectionnèrenl. Ils étaient aussi habiles ma-
publia même, dans unpelil imprimé, les dé- giciens.
tails de cette aventure infernale. Ce qu'il y a CHAM troisième fils de Noé, inventeur
de certain, c'est que César cessa tout à coup ou conservateur dé la magie noire. Il per-
?dè se montrer. Il n'était, cependant point fectionna les divinations et les sciences su-
1 mort il n'avait même pas quitté Paris. Mais pérstitieuses. Cecco d'Ascoli dit, dans le
j 'il était devenu invisible comme quelques chapitre k de son Commentaire sur la Sphère
de loger (i).
j autres que l'État se charge de Sacrobosco avoir vu un livre de magie
CESARA. Le» Irlandais croient remon- par Cham, et contenant les éléments
composé
ter à Césara petite-fille de Noé disent-ils, et la pratique de la nécromancie. 11 enseigna
qui se réfugiadans leur île, où pargrâce spé- cette science redoutable à son fils Misraïm,
ciale, elle fut à l'abri des eaux du déluge. qui, pour les merveilles qu'il faisait, fut ap-
CÊSONIE, femme de Caligula. Suétone pelé Zoroastre, et composa sur cet art diâ-
conté que, pour s'assurer le cœur de son au- bolique, cent mille vers, selon Suidas, et trois
guste époux elle lui fit boire un philtre qui cent mille, selon d'aulres.
acheva de lui faire perdre l'esprit. On pré- Les monstruosités de Cham lui attirèrent,
tend qu'il y avait dans ce philtre de l'hippo- dit-on, un châtiment terrible il fut emporté
niane qui est un morceau de chair qu'on par le diable à la vue de ses disciples.
trouve quelquefois, dit-on, au front du pou- Bérose prétend que Cham est le même que
lain nouveau-né. Voy. Hipposiane. Zoroastre. Annius de Viterbe, dans ses notes
CEURAWATS sectaires indiens, qui ont au texte supposé de cet écrivain pense que
si grande peur de détruire des animaux, Cham pourrait bien être le type du Pan dus
qu'ils se couvrent la bouche d'un linge pour anciens païens (3). Kircher dit que c'est leur
ne pas avaler d'insectes. Ils admettent un bon Saturne et leur Osiris. D'autres prétendent
et un mauvais principe et croient à des
que c'est lui qui fut adoré sous le nom de
transmigrations perpétuelles dans différents Jupiter-Ammon. Ils le confondent avec Cha-
corps d'hommes ou de bêtes. mos.
CEYLAN. Les habitants croient que On dit encore que Chàm a inventé l'alchi-
cette îleYul le lieu qu'Adam et Eve habitè- mie, et qu'il avait laissé une prophétie dont
rent, après avoir été chassés du jardin de l'hérétique Isidore se servait pour faire des
délices. prosélytes. Nous ne la connaissons pas autre-
CHACON (Alphonse) en latin Ciaconius, ment que par un passage de Sand, qui dit
(dominicain espagnol du seizième siècle que Cham, dans cette prophétie annonçait
auteur du traité traduit par Cayet Comment l'immortalité de l'âme (4).
l'âme de Trajan {ut délivrée de l'enfer (2). sorciers des Ya-
tonnerre de Wishnou. Les CHAMANS, prêtres
CHAGRAN couts. Mang-Taar.
Indiens le représentent sous la figure d'un Voy.
CHAMBRES INFESTEES, Voy. CHAT,
cercle qui vomit du feu de tous côtés, comme
îios soleils d'artifice. DESHOULIÈRES DSSPILLIERS Athenagore,
CHAINE DU DIABLE. C'est une tradi- AYOLA,Château, etc.
les vieilles femmesdela Suisse CHAMEAU. Les musulmans ont pour
\ioiî parmi que ils
Mint Bernard tient le diable enchaîné dans cet animal une espèce de vénération
des environnent croient que c'est un péché de le trop charger
quelqu'une montagnes qui
ou de le faire travailler plus qu'un cheval.
l'abbaye de Clairvaux. Sur cette tradition est
Fondée la coutume des maréchaux du pays La raison de ce respect qu'ils ont pour le
tous les avant de se met- chameau, c'est qu'il est surtout commun
Ile frapper lundis,
tre en besogne., trois coups de marteau sur dans les lieux sacrés de l'Arabie, et que c'est
l'enclume pour resserrer la chaîne du diable, lui qui porte le Koran, quand on va en pèle-
afin qu'il ne puisse s'échapper. rinage à La Mecque.
CHAIS ( Pierbe ), ministre protestant, né Les conducteurs de ces animaux, après les
à Genève en 1701. Dans son livre intitulé le avoir fait boire dans un bassin, prennent
Sens littéral de l'Ecriture sainte, etc., traduit l'écume qui découle de leur bouche et s'en
«0
de l'anglais, de Stackhouse, 3 volumes in-8°, frottent dévotement la barbe, en disant:
il a mis une curieuse dissertation, dont père pèlerin! ô père pèlerin 1 Ils croient
1738,
il est l'auteur, sur les démoniaques. que cette cérémonie les préserve de méchef
CHALCEDOINE. On conte qu'après que dans leur voyage.
les Perses eurent ruiné Chalcédoine sur le On voit dans les Admirables Secrets d'Al-
Bosphore, Constantin le Grand voulut la re- bert le Grand, livre II, chap. 3, quo « si le
bâtir, parce qu'il en aimait le séjour. Mais sang du chameau est mis dans la peau d'un
des aigles vinrent, qui, avec leurs serres, taureau, pendant que les étoiles brillent, la fu-
enlevèrent les pierres des mains des ouvriers. mée qui en sortira fera qu'on croira voir un
Ce prodige se répéta tant de fois, qu'il fallut géanldontlalête semblera toucher le ciel.Her-
renoncer à reconstruire la ville si bien que mès assure l'avoir éprouvé lui-même. Si quel-
bientôt
l'empereur alla bâtir Constantinople. qu'un mange de ce sang, il deviendra
CHALDEENS. On prétend qu'ils trou- fou; et si l'on allume une lampe qui aura
vèrent l'astrologie ou du moins qu'ils la per-
de Prsestigiis,
(1) Charlatanscélèbres, t. I, p. 202. (3) Comment.ad Berosilib. III. Wierus
Tractatusde litieralione auimae dit que Pan est le prince des démonsincubes.
(2) Trajani imperatoris (4) Ctitisiop.Sandiilib.,deOrigineanima, p. 99.
a pœmsinferni, etc. Rome, 1576.Reggio,1383.
553 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 336
été frotléc de ce même sang, on s'imaginera Dieu de déclarer si l'on peut faire quelque
que tous ceux qui seront présents auront chose pour les mettre en lieu de repos il ne
des têtes de chameau, pourvu cependant qu'il faudra jamais manquer d'exécuter ce qu'ils
n'y ait point d'autre lampe qui éclaire la auront demandé (2).
chambre. » Voy. Jean-Baptiste. Les chandelles servent à plus d'un usage
CHAMMADAI, le même qu'Asmodée. On voit dans tous les démonographes que
CHAMOS, démon de la flatterie, membre les sorcières au sabbat, vont baiser le der-
du conseil infernal. Les Ammonites et les rière du diable avec une chandelle noire à la
Moabites adoraient le soleil, sous le nom de main. Boguet dit qu'elles qllument ces chan-
Chamos, Kamosch ou Kemosch et Milton delles, à un flambeau qui est sur la tête de
J'appelle l'obscène terreur des enfants deMoab. bouc du diable entre ses deux cornes, et
,D'autres le confondent avec Jupiter-Ammon. qu'elles s'éteignent ets'évanouissent dès qu'on
Vossius a cru que c'était le Cornus des Grecs les lui a offertes (3).
et des Romains, qui était le dieu des jeux, N'oublions pas que trois chandelles ou
des danses et des bals. trois bougies sur une table sont de mauvais
Ceux qui dérivent ce mot de l'hébreu Ka- augure et que quand de petits charbons se
mos prétendent qu'il signifie le dieu caché, détachent de la lumière d'une chandelle, ils
c'est à-dire Pluton, dont la demeure est aux annoncent, selon quelques-uns, une vi-
enfers. site (l); mais, selon le sentiment plus géné-
CHAMOU1LLARD, noueur d'aiguillellcral, une nouvelle, agréable s'ils augmentent
qui fut condamné, par arrêt du parlement de la lumière, fâcheuse s'ils t'affaiblissent.
Paris, en 1597, à être pendu et brûlé, pour CHANT DU COQ. Il dissipe le sabbat. Voy
avoir maléficié une demoiselle de la Barrière. Coq.
Voy. LIGATURES. CHAOMANC1E, art de prédire les choses
CHAMP DU RIRE. Annibal, futures par le moyen des observations qu'on
lorsqu'il
faisait le siége de Rome, se retira, dit-on, de fait sur l'air. Celte divination est employée
devant cette ville, épouvanté de vaines ter- par quelques alchimistes qui ne nous en ont
reurs et de fantômes qui troublèrent ses es- pas donné le secret.
prits. Les Romains, lui voyant lever le siége, CHAPEAU VENTEUX, voy. Eric.
poussèrent de tels cris de joie et firent de si CHAPELET. On a remarqué pertinemment
grands éclats de rire que Je lieu d'où il dé- que tous les chapelets de sorcières avaient
campa s'appela le Champ du Rire. une croix cassée ou endommagée c'était
CHAMPIER (Symphorien), Lyonnais du même un indice de sorcellerie qu'une croix
quinzième siècle, qui a publié en 1503 la Nef de chapelet qui n'était pas entière.
des Dames vertueuses, en.quatre livres mêlés CHAPELLE DU DAMNÉ. Raymond Dio-
de prose et de vers, dont le troisième contient cres, chanoine de Notre-Dame de Paris, mou-
les prophéties des sibylles. On l'a soupçonné rut en réputation de sainteté vers l'an 1081a.
à tort d'être l'auteur du traité des Trois Im- Son corps ayant élé porté dans le chœur de
la cathédrale, il leva la tête hors du cercueil
postetirs; mais il a laissé un petit livre inti-
tulé De Triplici disciplina, in-8°, Lyon, 1508. à ces graves paroles de l'office des morts
On lui doit aussi des Dialogues sur la néces- Réponds-moi; quelles sont tes iniquités?
sité de poursuivre les magiciens (1). Responde mihi quantas habes iniquitates ? etc.,
et qu'il dit Justo judicio Dei accusalus sum.
CHAMPIGNON. Les Hollandais appellent
le champignon pain du diable (duivels- (J'aiétécilédevant te juste jugement de Dieu.)
Les'assistants effrayés suspendirent le ser-
brood). vice et le remirent au lendemain. En atten-
CHANDELLE. –Cardan prétend que, pour
dant, le corps du chanoine resta déposé dans
savoir si un trésor est enfoui dans un souter- une chapelle de Notre-Dame, la même qu'on
rain où l'on creuse pour cela il faut avoir
une grosse chandelle, faite de suif humain, appelle depuis la Chapelle du Damné.
Le lendemain, on recommença l'office;
enclavée dans un morceau de coudrier en
forme de croissant, de manière à figurer avec lorsqu'on fut au même verset, le mort parla
de nouveau, et dit Justo Dei judicio ju-
les deux branches une fourche à trois ra-- dicalus sum. (J'ai été jugé au juste jugement
xneaux. Si la chandelle, étant allumée dans le de Dieu.)
lieu souterrain, y fait beaucoup de bruit en On remit encore l'office au jour suivant;
pétillant avec éclat, c'est une marque qu'il y et au même verset, le mort s'écria -Juslo
a un trésor. Plus on approchera du trésor,, Dei judicio condemnatus sum. (J'ai été con
plus la chandelle pétillera enfin elle s'étein- damné au juste jugement de Dieu.)
dra quand elle en sera tout à fait voisine.
Ainsi il faut avoir d'autres chandelles dans. Là-dessus, dit la -chronique, on jeta le
des lanternes afin de ne pas demeurer sans corps à la voirie; et ce miracle effrayant tut
lumière. Quand on a des raisons solides pour cause, selon quelques-uns, de la retraite de
saint Bruno, qui s'y trouvait présent.
croire que ce sont les esprits des hommes
défunts qui gardent les trésors, il, est bon de Quoique cette anecdote soit contestée, elle
est consacrée par des monuments. La pein-
tenir des cierges bénits au lieu de chandelles
ture s'en est emparée, et Le Sueur en a tiré
communes; et on les conjure de la part de.
parti dans sa belle galerie de saint Bruno.
in
(1) Dialogus magicarum arliumdestructionem.In-4». CHAPUIS (GABRIEL),né à Amboisecnl546.
lyon, Rilsarin, sansdate (vers 1507). (3) Discoursdes Sorciers, ch. xxn.
(2) Le Solidetrésor du Petit AiDeri (4) Brown,liv. V, eh.xxm.
337 CHA CHA 338
Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte grues s'élevèrent si haut qu'on ne le? vit
ce titre les Mondes célestes, lerrestres et in- plus.
fernaux, etc., tiré des Mondes de Doni. in-8°, Pendant que tous les assistants demeu-
Lyon, 1583. C'est un ouvrage satirique. raient ébahis d'un tel prodige, il vint un
CHAH DE LA MORT, voy. BROUETTE. homme qui leur demanda la cause de leur
CHARADRIUS, oiseau immonde que nous stupeur. El quanu il la sut Soyez en paix,
ne connaissons pas; les rabbins disent qu'il leur dit-il, votre sorcier n'est pas perdu; je
est merveilleux; et que son. regard guérit la viens de le voir à l'autre bout de la ville,
jaunisse. Il faut, pour cela, que le maladeet qui descendait à son auberge avec tout son
l'oiseau se regardent fixement car si l'oiseau monde.
détournait la vue, le malade mourrait aus- Un philosophe, qui cite ce fait comme un
sitôt. tour de magie, et qui n'admet pas qu'on
CHARRON. D'IMPURETÉ, l'un des démons puisse en douter, termine parcette réflexion:
de la possession de Loudun. Voy. GRANDIER. Il faut convenir que le diable fait pour ses
CHARLATANS. On attribuait souvent au- amis des facéties bien extraordinaires.
trefois aux sorciers ou au diable te qui n'é- Voici ce qu'on lit dans le Voyage de Schou-
tait que l'ouvrage des charlatans. Si nous Un aux Indes orientales
pensions comme au seizième siècle, tous nos « 11y avait au Bengale un charlatan qui,
escamoteurs seraient sorciers. en faisant plusieurs tours de souplesse, prit
Tout ce que nous voyons n'est rien pour- une canne longue de vingt pieds, au bout do
tant en fait de tours de passe-passe et les laquelle était une petite planche large de
hautes sciences dégénèrent. M. Comte, à trois ouqualrc pouces; il mit «ette canne à
Paris, escamote à peine des oiseaux. On vit sa ceinture, après quoi une fille de vingt-
sous l'Empire un habile opérateur, qui se deux ans lui vint sauter légèrement par der-
faisait appeler le grand enchanteur Cahin- rière sur les épaules, et, grimpant au haut
Caha, annoncer dans un programme imprimé de la canne, s'assit dessus, les jambes croi-
qu'il escamoterait sa femme et la changerait sées et les bras étendus. Après cela, l'homme,
est dindon il est vrai qu'il n'y put réussir, ayant les deux bras balancés, commença à
et que les spectateurs dirent unanimement marcher à grands pas, portant toujours cette
que lui-même était le dindon. Ne l'étaient- fille sur le bout de la canne, tendant le ven-
ils pas un peu plus, eux qui avaient donné tre pour s'appuyer, et regardant sans cesse
leur argent? Wierus, dans son deuxième li- en haut pour tenir la machine en équilibre.
vre des Prestiges, nous raconte que de son La fille descendit adroitement, remonta de-
temps, au seizième siècle, un savant magi- rechef et se pencha le ventre sur le bâton,
cien s'escamota lui-même, avec des circon- en frappant des mains et des pieds les uns
stances merveilleuses. Voici le fait. contre les autres. Le charlatan ayant mis
Ce' magicien, ou si vous l'aimez mieux, alors le bâton sur sa tête, sans le tenir ni des
cet escamoteur adroit gagnait sa vie à Mag- mains ni des bras, cette même fille et une
debourg, en faisant des tours de son métier, autre petite Moresque de quinze ans montè-
des fascinations et des prestiges, sur une es- rent dessus l'une après l'autre; l'homme les
trade élevée au milieu do la place publique. porta ainsi autour de la place, en courant et
Or, un jour qu'il montrait pour quelque se penchant, sans qu'il leur arrivât le moin-
monnaie un petit cheval, à qui il faisait exé- dre mal. Ces deux mêmes filles marchèrent
cuter, par la force de sa magie, des choses sur la corde la tête en bas, et firent une mul-
vraiment miraculeuses, comme de deviner la titude d'autres tours de force très-merveil-
pensée, de désigner, dans la foule le mari le leux. Mais, quoique plusieurs d'entre nous
plus doux, la femme la moins parleuse, la crussent que tous ces tours de souplesse
personne la plus belle, la plus riche, la plus fussent faits par art diabolique, il me semble
menteuse, la plus spirituelle de la société; qu'ils pouvaient se faire naturellement; car
après avoir fini son jeu, le prestidigitateur ces filles, qui étaient très- adroites, subtiles',
s'écria qu'il gagnait trop peu d'argent avec et dont les.membres étaient grandement agi-
les hommes d'ici-bas, et qu'il allait monter les, faisaient tout cela à force de s'y être ac-
à la lune. Ceci se faisait, comme d'ordinaire, coutumées et exercées. »
par une belle soirée, à la clarté de quelques Il y a eu des charlatans de toutes les espè-
chandelles. ces en 1728, du temps de Law, le plus fa-
Le magicien ayant donc jeté son fouet en meux des charlatans, un autre, nommé Vil-
l'air, le fouet commença de. s'élever. Le petit lars, confia à quelques amis que son oncle,
cheval ayant saisi avec ses dents l'extrémité qui avait vécu près de cent ans, et qui n'était
du fouet s'enleva pareillement. L'enchanteur mort que par accident, lui avait laissé le se-
no voulant pas abandonner son bidet, le prit cret d'une.eau qui pouvait aisément prolon-
par la queue et fut emporté de même. La ger la vie jusqu'à cent cinquante années,
femme de cet habile homme empoigua à son pourvu qu'on fût sobre. Lorsqu'il voyait
tour les jambes de son mari, qu'elle suivit ¡ passer un enterrement, il levait les épaules
la servante s'accrocha aux pieds de sa maî- de pitié. « Si le défunt, disait-il, avait bu.
tresse le valet, qui faisait les parades, se de mon eau, il ne serait pas où il est. » Ses
pendit aux jupons do la servante; et bientôt amis, auxquels il en donna généreusement,
le fouet, le petit cheval, le sorcier, sa femme, et qui observèrent un peu le régime prescrit,
la cuisinière, le paillasse, tous les éléments s'en trouvèrent bien et le prônèrent; alors il
de la troupe arrangés comme une bande de vendit la bouteille six francs; le débit en fut
339 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 340
-.1~
prodigieux. C'était de l'eau de Seine avec un se séparer. L'archevêque Turpin, ayant ap-
peu de nitre. Ceux qui en prirent et qui s'as- pris la durée de cette effroyable passion,
treignirent au régime, surtout s'ils étaient alla un jour, pendant l'absence du prince,
nés avec un bon tempérament, recouvrèrent dans la chambre où était le cadavre, afin de
en peu de jours une santé parfaite. Il disait voir s'il n'y trouverait pas quelque sort ou
aux autres C'est votre faute si vous n'ê- Dialéfice qui fût la cause de ce dérèglement.
tes pas entièrement guéris. On sut enfin Il visita exactement le corps mort, et trouva
que l'eau de Villars n'était que de l'eau de en effet, sous la langue, un anneau, qu'il
rivière; on n'en voulut plus et on alla à emporta. Le même jour Charlemagne, étant
d'autres charlatans. Mais celui-là avait fait rentré dans son palais, fut fort étonné d'y
sa fortune. Voy. ANE, Chèvbe, ALEXANDRE trouver une carcasse si puante; et, se réveil-
DE Paphlagonie, etc. lant comme d'un profond sommeil, il la fit
CHARLES-MARTEL. Saint Eucher, évéque ensevelir promptement.
d'Orléans, eut une vision, dans laquelle il se Mais la passion qu'il avait eue pour le ca-
crut transporté par un ange dans le purga- davre, il l'eut alors pour l'archevêque Tur-
toire. Là, il lui sembla qu'il voyait Charles- pin, qui portait l'anneau il le suivait par-
Martel, qui expiait les pillages qu'il avait tout, et ne pouvait le quitter. Le prélat, ef-
faits et ceux qu'il avait soufferts. frayé de cette nouvelle folie, et craignant
A cette vision, on ajoute ce conte que le que l'anneau ne tombâl en des mains qui en
tombeau de Charles-Martel fut ouvert, et 'pussent abuser, le jeta dans un lac afin que
qu'on y trouva un serpent, lequel n'était personne n'en pût faire usage à l'avenir. Dès
qu'un démon. Et là-dessus les philosophes, lors Charlemagne devint amoureux du lac,
s'en prenant au clergé, l'ont accusé de frau- ne voulut plus s'en éloigner, y bâtit auprès
des. Mais le tombeau de Charles-Martel n'a un palais et un monastère, et y fonda la ville
été ouvert à Saint-Denis que par les profa- d'Aix-la-Chapelle, où il voulut être enseveli.
nateurs de 1793. On sent que tout ce récit n'est qu'un conte,
CHARLEMAGNE. On lit dans la légende mais il est fort répandu. Voy. Vétin, etc.
de Berthe au grand pied, que Pépin le Bref CHARLES LE CHAUVE, deuxième du nom
voulant épouser Berthe, fille du comte de de Charles parmi les rois des Francs. JI eut
Laon, qu'il ne connaissait pas, ceux qui la la vision suivante, dont on prétend qu'il a
lui amenaient lui substituèrent une autre écrit lui-même le détail. La nuit d'un di-
femme que Pépin épousa. Ils avaient chargé manche, au retour des matines, comme il
des assassins de tuer la princesse dans la fo- allait se reposer, une voix terrible vint frap-
rêt des Ardennes. Ayant ému leur pitié, elle per ses oreilles. Charles., lui dit cette voix,
en obtint la vie, à condition de se laisser ton esprit va sortir de ton corps; tu viendras
passer pour morte. Elle se réfugia chez un et verras les jugements de Dieu, qui te ser-
meunier, où elle vécut plusieurs années. viront ou de préservatif ou de présage. Ton
Un jour Pépin, égaré à la chasse, vint esprit, néanmoins, te sera rendu quelque
chez ce meunier; son astrologue lui annonça temps après.
qu'il se trouvait là une fille destinée à quel- A l'instant il fut ravi; celui qui l'enleva
que chose de grand. Berthe fut reconnue, ré- était d'une blancheur éclatante. Il lui mit
tablie dans ses droits; elle devint mère de dans la main un peloton de fil qui jetait une
Charleniagne. La légende ajoute que la lumière extraordinaire Prends ce fil, lui
première épouse de Pépin avait donné le jour dit-il, et l'attache fortement au pouce de ta
à un fils, lequel, par la suite, élu pape sous main droite, par ce moyen je te conduirai
le nom de Léon III, couronna Charlemagne dans les labyrinthes infernaux, séjour de
empereur d'Occident (1). peines et de souffrances.
Il serait long de rapporter ici tous les pro- Aussitôt, le guide marcha devant lui avec
diges que l'on raconte de Charlemagne. Son vitesse, en dévidant le peloton de fil lumi-
règne est l'époque chérie de nos romans che- neux. Il le conduisit dans des vallées pro-
valeresques. On voit toujours auprès de lui fondes, remplies de feux et pleines de puits
des enchanteurs, des géants, des fées. On a enflammés où l'on voyait bouillir de la poix,
même dit qu'il ne porta la guerre en Espagne du soufre, du plomb, du bitume.
que parce que saint Jacques lui apparut « Je remarquai, dit le monarque, des pré-
pour l'avertir qu'il retirât son corps des lats et des chefs qui avaient servi .mon pèro
mains des Sarrasins. et mes aïeux. Quoique tremblant, je ne lais.
Ses guerres de Saxe ne sont pas moins fé- sai pas de les interroger, pour apprendre
condes en merveilles, et les circonstances de d'eux quelle était la cause de leurs tourments.
sa vie privée sont rapportées également d'une Ils me répondirent Nous avons été les
manière extraordinaire parles chroniqueurs. officiers de votre père et de vos aïeux et,
On dit qu'en sa vieillesse il devint si éper- au lieu de les porter eux et leurs peuples ai
dûment épris d'une Allemande, qu'il en né- la paix et à l'union, nous avons semé parmi
gligea non-seulement les affaires de son fflux la discorde et le trouble c'est pourquoi
royaume, mais même le soin de sa propre nous sommes dans ces souterrains. C'est ici
personne. Cette femme étant morte, sa pas- que viendront ceux qui vous environnent et
sion ne s'éteignit pas, de sorte qu'il continua qui nous imitent dans le mal. »
d'aimer son cadavre, dont il ne voulait pas Pendant que, tout,tremblant, le roi con-
(i) Voyez,dans les légendes des commandemenlsde aussi, dansles légendesde l'Hisloirede France, la nais-'
Pieu la légendedela reine Benhe an qranà pied. Voyez tance de Clmrtemagne.
54t CHA CHA 312
sidérait ces choses, il vit fondre sur lui d'af- Lothaire, assis sur nna
Ctll*
une ttopaze
/\r\rt rwn
d'une gran-
freux démons, lesquels, avec des crochets de deur extraordinaire et couronné d'un riche
fer enflammé, voulaient se saisir de son pe- diadème son fils, Louis, était dans un éclat
lolonde fil et le lui enlever des mains mais aussi brillant. A peine m'eut-il aperçu que,
l'extrême lumière qu'il jetait les empêchait d'une voix fort douce, il m'appela et me parla
•de le happer. Ces mêmes démons cherchèrent en ces termes Charles, qui êtes mon troi-
à saisir le roi et à le précipiter dans les puits sième successeur dans l'empire romain ap-
de soufre son conducteur le débarrassa des prochez. Je sais que vous êtes venu voir les
embûches qu'on lui tendait, et le mena sur lieux de supplices et de peines où votre père
de hautes montagnes d'où sortaient des tor- et mon frère gémissent encore pour quelque
rents de feux qui faisaient fondre et bouillir temps. Mais, par la miséricorde de Dieu, ils
toutes sortes de métaux. seront bientôt délivrés de leurs souffrances,
a Là, dit le roi, je trouvai les âmes de plu- comme nous-mêmes en âvons été retirés, à
sieurs seigneurs qui avaient servi mon père la prière de saint Pierre, de saint Denis et de
et mes frères les uns y étaient plongés 'saint Remi, que Dieu a établis les patrons
jusqu'au menton, et d'autres à mi-corps. des rois et du peuple français. Sachez aussi
Ms s'écrièrent, en s'adressant à moi que vous ne tarderez pas à être détrôné
Hélas Charles, vous voyez comme nous après quoi vous vivrez peu.
sommes punis pour avoir malicieusement « Et Louis, se .tournant vers moi L'em-
semé le trouble et la division entre votre pire romain, dit-il, que vous avez possédé,
père, vos frères et vous. doit passer incessamment entre les mains de
« Je ne pouvais, dit le monarque ( qui a Louis, fils de ma fille. A l'instant j'aper-
tout l'air de faire là une brochure poli- çus ce jeune enfant. –Remettez-lui l'auto-
tique, dans l'esprit de son époque), je ne rité souveraine, continua Louis, et donnez-
pouvais m'empêcher de gémir déleurspeines. lui-en les marques en lui confiant ce peloton
« Je vis venir à moi des dragons dont la que vous tenez.
gueule enflammée cherchait à m'engloutir « Sur-le-champ je le détachai de mes
mon^, guide me fortifia par le fil du peloton doigts pour le lui remettre. Parlà ilse trouva
lummeux dont il m'entoura, et cette clarté revêtu de l'empire, et tout le peloton passa
offusqua si bien les dangereux animaux qu'ils dans sa main. A peine en fut-il maître, qu'il
ne purent m'atleindre. devint brillant de lumière; mon esprit rentra
Nous descendîmes dans une vallée dont en même temps dans mon corps. Ainsi,
gn côté était obscur'ét ténébreux, quoique tout lé monde doit savoir que, quoi qu'on
rempli de fournaises ardentes. Je trouvai le fasse, il possédera l'empire romain que Dieu
côté opposé très-éclairé et fort agréable. Je lui a destiné et quand je serai passé à une
m'attachai particulièrement à examiner le autre vie, c'est ce qu'exécutera le Seigneur,
côté obscur j'y vis des rois de ma race tour- dont la puissance s'étend dans tous les siècles
mentés par 0 'étranges supplices. Le cœur sur les vivants et les morts (1). »
serré d'ennui et de tristesse, je croyais à tout Nous le répétons brochure politique.
moment me voir précipité moi-même dans CHARLES VI, roi de France. Ce prince,
.ces gouffres par de noirs géants. La frayeur chez qui on avait déjà remarqué une raison
ne m'abandonna pas. affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne,
« De l'autre côté du vallon je remarquai fut saisi en chemin d'une frayeur qui acheva
d.eux fontaines, dont l'une. était d'une eau de lui déranger entièrement le cerveau. 11 vit
très-chaude, et l'autre plus douce et plus sortir d'un buisson, dans la forêt du Mans,
tempérée. Je vis deux tonneaux remplis l'un un inconnu d'une figure hideuse, vêtu d'une
et l'autre de ces eaux dans l'un, je reconnus robe blanche, ayant la tête et les pieds nus,
mon père, Louis-le-Débonnaire, qui y était qui saisit la bride de son cheval, et lui cria
plongé jusqu'aux cuisses. Il me rassura et d'une voix rauque Roi, ne chevauche
me dit Mon fils Charles ne -craignez pas plus avant retourne, tu es trahi 1- Le
rien, je sais que votre esprit retournera dans monarque, hors de lui-même, tira son épée
votre corps Dieu a permis que vous vins- et ôta.la vie aux quatre premières personnes
siez ici pour voir les peines que mes péchés qu'il rencontra, en criant En avant sur
ont méritées. Si, par des prières et des au- les traîtres l
mônes, vous me secourez, vous, mes fidèles Son- épée s'étant rompue et ses forces épui-
cvêques et tout l'ordre ecclésiastique, je ne sées, on le plaça sur un chariot et on le ra-
tarderai guère à être délivré de ce tonneau. mena au Mans.
Regardez à votre gauche, ajouta mon père. Le fantôme de la forêt est encore aujour-
« A l'instant je tournai la tête je vis deux d'hui un problème difficile à résoudre. Etait-
grands tonneaux d'eau bouillante. Voilà ce ce un insensé qui se trouvait là par hasard?
qui vous est destiné, continua-t-il, si vous ne Etait-ce un émissaire du duc de Bretagne
vous corrigez et ne faites pénitence. Mon contre lequel Charles marchait ? Tous les
guide me dit alors Suivez-moi dans la raisonnements du temps aboutissaient au
partie qui est à droite de ce vallon, où se merveilleux ou au sortilége. Quoi qu'il en
trouve toute la gloire du paradis. soit, le roi devint tout à fait fou. Un médecin
« Je ne marchai pas longtemps sans voir de Laon, Guillaume de Harsely, fut appelé
au milieu des plus illustres rois mon oncle aq château de Creil, et, après six mois de
(1) Visio Caroli Calvide locis pœnarumcl felicitale justorum.ManuscriplaBibl.reg., n<"22*7,'p-
188.
513 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 54»
soins et de ménagements, la santé du Roi se là était d'avoir près de soi des sorciers ou
trouva rétablie. Mais, en 1393, son'état des charlatans, comme depuis les grands
devint désespéré, à la suite d'une autre im- eurent des fous, des nains et des guenons (1).
prudence. La Reine, à l'occasion du mariage CHARLES IX,-roi de France. Croirait-on
d'une de ses femmes, donnait un bal masqué. qu'un des médecins astrologues de Charles
Le Roi y vint déguisé en sauvage, conduisant IX lui ayant assuré qu'il vivrait autant de
avec lui de jeunes seigneurs dans le même jours qu'il pourrait tourner de fois sur son
costume, attachés par une chaîne de fer. talon dans l'espace d'une heure, il se livrait
Leur vêtement était fait d'une toile enduite tous les matins à cet exercice solennel pen-
de poix-résine, sur laquelle on avait appliqué dant cet intervalle de temps, et que les prin-
des étoupes. Le duc d'Orléans, voulant con- cipaux officiers de l'Etat, les généraux, le
naître les masques, approcha'un flambeau chancelier, les vieux juges pirouettaient tous
la flamme se communiqua avec rapidité, les sur un seul pied pour imiter le prince et lui
cinq seigneurs furent brûlés mais un cri faire leur cour (2) 1
s'étant fait entendre, Sauvez le Roi On assure qu'après le massacre politique
Charles dut la-vie à la présence d'esprit de de la Saint-Barthélemi, et par suite aussi de
la duchesse de Berri, qui le couvrit de son l'effroi que lui causaient les conspirateurs,
manteau et arrêta la flamme.- Charles IX vit des corbeaux sanglants, eut
L'étatduRoi empira decette frayeur ets'ag- des visions effroyables, et reçut par d'affreux
tourments le présage de sa mort prématurée.
jçr.ava de jour en jour le duc d'Orléans fut
On ajoute qu'il mourut au moyen d'images
soupçonné de l'avoir ensorcelé. Jordan de de cire faites à sa ressemblance, et maudi-
Mejér, de Divin., cap. 43, écrit que ce «lue,
voulant exterminer la race royale, confia ses tes par art magique, que ses ennemis, les
armes et sori anneau à un apostat, pour les sorciers protestants, faisaient fondre tous les
consacrer an diable et les enchanter par des jours par les cérémonies de l'envoûtement,
et qui éteignaient la vie du roi à mesure
prestiges qu'une matrone évoqua le démon
dans la tour de Montjoie près de Ligny qu'elles se consumaient (3).
,En ces temps-là, quand quelqu'un mou-
qu'ensuite le duc se servit des armes ensor- rait de consomption ou de chagrin, on pu-
celées pour ôter la raison .au roi Charles,
son frère, si subtilement, qu'on ne s'en aper- bliait que les sorciers l'avaient envoûté. Les
médecins rendaient les sorciers responsa-
çut pas d'abord.
bles des malades qu'ils ne guérissaient pas
Le premier enchantement, selon cette ver- à moins qu'il n'y ait, dans ce crédit uni-
sion, sc fit près de Beauvais; il fut si violent verselles sorciers, un mystère-qui n'est pas
que les ongles et les cheveux en tombèrent encore expliqué.
au Uni. Le second, qui eut lieu dans le Maine, CHARLES Il, duc de Lorraine. Votj. SAB-
fu: p!us fort encore personne ne pouvait bat.
assurer si leRoi vivait ou non. Aussitôt qu'i!
revint à lui Je vous supplie, dit-il, en- CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE, duc de Bour-
levez-moi cette épée, qui me perce le corps gogne. Il disparut après la bataille de Morat;
et, parmi les chroniqueurs, il en est qui di-
par le pouvoir de mon frère d'Orléans. sent qu'il fut emporté par le diable comme
C'est toujours Mejer qui parle. Le médecin
Rodrigue; d'autres croient qu'il se réfugia
qui avait guéri le Roi n'existait plus on fit en une solitude et se-fit ermite. Cette tradi-
venir du fond de la Guiennc un charlatan lion a fait le sujet du roman de M. d'Arlin-
qui se disait sorcier, et qui s'était vaille de court, intitulé le Solitaire.
guérir le Roi d'une seule parole; il apportait
avec lui un grimoire qu'il appellait Simago- CHARLES II, roi d'Angleterre. Quoique
rad, par le moyen duquel il était maître de la fort instruit, Charles II clait, comme son
nature. Les courtisans lui demandèrent de père, plein de confiance dans l'astrologie
qui il tenait ce livre il répondit effronté- judiciaire. Il recherchait aussi la pierre phU
ment que « Dieu, pour consoler Adam de la losophale. Voy. Alchimie.
mort d'Abel, le lui avait donné, el que ce li- CHARMES, enchantement, sortilége, cer-
vre, par succession, était venu jusqu'à lui. » tain arrangement de paroles, en vers ou en
II traita le Roi pendant six mois et ne fit prose, dont on se sert pour produire des ef-
qu'irriter la.maladie. Dans ses intervalles fets merveilleux.
lucides, le malheureux prince commandait. Quelquefois les cnarmeurs ont été des em-
qu'on enlevât tous les instruments dont il poisonneurs.
pourrait frapper. J'aime mieux mourir, a Dans tous les temps, dit un écrivain an-
disait-il, que de faire du mal. Il se cro- glais, le crime d'empoisonnement a été un
yait de bonne foi ensorcelé. Deux moines fléau pour la société; aussi les législateurs
empiriques, à qui on eut l'imprudence de ont-ils cherché à le frapper des plus rudes
l'abandonner, lui donnèrent des breuvages châtiments. Dès les premiers siècles de Rome,
désagréables lui firent des scarifications on trouve déjà en vigueur des lois fortement
magiques; puis ils furent pendus, comme répressives de ce crime; mais deux cents
ils s'y étaient obligés en cas que la santé du ans avant l'ère chrétienne, les mœurs étaient
Roi ne fût point rétablie au bout de six mois tellement relâchées et l'empoisonnement
de traitement. Au reste, la mode de ce temps-a si généralement répandu à Rome, qu'au rap-
(UM. Garinet, Histoirede la magie en France, p. 87. Berlin, t. I, p. 249.
(2)Curiositésde la lilrôrature, traduit de l'anglais par (3) Delrio,Disquisit.mag., lib. 111,cap.I, quoest.3
S45 CHA CHA 546
port de Tite-Live, cent cinquante dames ro- Ciguëarrachée h la brune,
et condamnées Peau de grenouillede marais,.
maines furent poursuivies Ecailled'un dragonbizarre,
pour avoir employé le poison. Nez de Turc,lèvre de Tartare,
Néanmoins l'art de l'empoisonnement Doigt d'urienfantmorten naissant,
avait fait tant de progrès en Italie, qu'il s'é- Qu'onétouffalout vagissant
Remplissezla chaudièreardente ·
tablit à Rome une société de jeunes femmes Fraisede tigre, pattes, yeux,
mariées, dans 'le but de l'exploiter. Elles Et faites, ingrédientshideux,
avaient pour présidente Hiéronime Sparra, La bouillieépaisseet gluante (1).
diseuse de bonne aventure; elles aidaient de Mais il y a des charmes moins affreux.
leurs mystères les héritiers impatients, et les Une femme, de je ne sais quelle contrée,
femmes mariées qui voulaient se débarras- ayant grand mal aux yeux, s'en alla à une
ser de leurs maris. école publfque et demanda à un écolier quel-
Elles furent cependant toutes arrêtées, et, ques mots. magiques qui, pussent charmer
toutes elles confessèrent leur crime, à l'ex- son mal et le guérir, lui promettant récom-
ception de Sparra qui fut pendue avec trois pense.
L'écolier lui donna un billet enveloppé
autres, tandis que, pour le reste, le fouet ou
le bannissement parut un châtiment suffi- dans un chiffon et lui défendit de l'ouvrir.
sant • Elle le porta et guérit. Une des voisines
En France, la Brinvilliers, la Voisin et la ayant cù la même maladie porta le billet et
Vigoreux, ne turent pas moins célèbres par guérit pareillement. Ce double incident ex-
leurs crimes et par le supplice qui y mit un cita leur curiosité, elles développent le chif-
fon et lisent « Que le diable t'écarquille les
ternie et si les annales de là justice anglaise
n'offrent pas des noms aussi infâmes, on deux yeux et te les bouche. avec de la
trouve cependant partout la preuve que le boue. »
'crime de l'empoisonnement Delrio cite un sorcier qui, en allumant
n'y était pas
moins fréquent qu'en France et en Ita- une certaine lampe charmée, excitait toutes
lie. les personnes qui étaient dans la .chambre,
La manière dont le père d'Hamlet fut em- quelque graves et réservées qu'elles fus-
poisonné, bien que rapportée par un reve- sent, à danser devant lui. « Ces sortes de
nant, jette quelque lumière sur un des mo- charmes, dit-il, s'opèrent ordinairement par
des d'empoisonnement des paroles qui font agir le diable. »
qui étaient aiors usi-
lés, et la scène des sorcières, dans la tragé- Toute l'antiquité a remarqué que les sor-
die do Macbeth, caractérise aussi parfaite- ciers charmaient les serpents, qui quelque-
menl cette époque superstitieuse et barbare. fois tuent le charmeur. Un sorcier de Salz-
Il ne sera peut-être pas sans intérêt de la bourg, devant tout le peuple, fil assembler
en une fosse tous les serpents d'une lieue à
reproduire ici. la ronde, et là, les fit tous mourir, hormis le
"PREMIÈRE SORCIÈRE.
dernier qui était grand, lequel sautant fu-
Tournonsen rondautourduchaudron(luibouillomio, rieusement contre le sorcier le tua.
Jetons-yle poisond'immondesintestins.
Crapaud,qui, dormantsousla pierre, « En quoi il appert que ce n'est pas le mot
Asdurant trente jours écliaullétes venins, hipokindo, comme dit Paracelse, ni autres
Bousle premierdans la chaudière. mots semblables, ni certaines
CHOEUn. paroles du
Redoublonsde travail,etde soin, > psaume 91, qui font seules ces prodiges car
Le mystèrenousenvironne, comment les serpents eussent-ils ouï la
Nousn'avonsque J'enferpour témoin voix d'un homme d'une lieue à la ronde, si
Feu brûle et chaudière,bouillonne! le diable ne s'en fût mêlé (2). »
°
SECONDE SORCIÈRE.
Nicétas indique à ce propos un charme
OEildes lézardsdansl'eau pourri,
Filet d'un serpent aquatique, qui s'opère sans le secours des paroles « On
Poil infectde chauve-souris, tue nu serpent,. une vipère et tout animal
Bouillezdans le chaudronmagique portant aiguillon, dit-il, en crachant dessus
Aile lugubre des hiboux, avant déjeuner » Figuier prétend qu'il a
Aiguillonfonrchude vipère, tué diverses fois des serpents de cette ma-
Pour que l'enchantements'opère
Dansla marmitemêlez-vous nière, mouillant de sa salive un bâton ou
Ainsiqu'une infernalesoupe une pierre, et en donnant un coup sur la tête
Bouillezdanscette immensecoupe du serpent. »
Et formezun cbarmefatal
De tousles élémentsdu mal On cite un grand nombre d'autres charmes
CHOEUR. dont les effets sont moins vrais qu'étonnants.
Le myslèrenousenvironne, Dans quelques villages du Finistère, on em-
Nous iravonsque l'enfer pour témoin; ploie celui-ci on place secrètement sur l'au-
Redoublonsde travailet de soin tel quatre pièces de six liards, qu'on pulvé-
Feu, brûle! et chaudière,bouillonne rise après la messe; et cette poussière, ava-
TROISIÈME SORCIÈRE. lée dans un verre de vin, de cidre ou d'eau-
Dentde loup et tanguede chien de-vie, rend invulnérable à la course et à la
Momieimpure de sorcière, lutte (3). Ces charmes se font au reste à l'insu
Foie ou de juif ou de païen,
Gueulede requinsanguinaire, du curé; car l'Eglise a toujours sévèrement
Fiel de bouc,branchede cyprès, interdit ces superstitions.
Coupéeaux éclipsesde lune Le grand Grimoire donne un moyen de
H) Traductionde niad.LouiseCollet. charmer les armes à feu et d'en rendre l'cf-
12}Bodin,Démouomaiiie, etc. liv. II, chap. n. {">)Canibry,Voyagedanste Finistère, t. III, p. 193.
547 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 348
ret infaillible; il faut dire en les chargeant le soleil entre dans le signe du bélier « Ar-
« Dieu y ait part, et le diable la sortie; » et, quebuse, pistolet canon ou autre arme à
lorsqu'on met en joue,il faut dire en croisant feu, je te commande que tu ne puisses tirer
la jambe gauche sur la droite: Non tradas. de par l'homme, etc. «
Alathon. Amen, etc. On guérit un cheval encloué en mettant
La plupart des charmes se font ainsi par trois fois les pouces en croix sur son pied,
des paroles dites ou tracées dans ce sens; en prononçant le nom du dernier assassin
charme vient du rnutlalin carmen, qui signi- mis à mort, en récitant trois fois certaines
fie non-setïleiiieiit des vers et de la poésie, prières (3j.
mais une formule de paroles déterminées Il y a une infinité d'autres charmes.
dont on ne doit point s'écarter. On nommait On distingue le charme de l'enchantement,
carmina les lois, les formules de$, juriscon- en ce que celui-ci se faisait par des chants.
su!(es, les déclarations de guerre, les clau- Souvent on les a confondus. Voy. CONTRE-
ses d'un traité, les évocations des dieux (1). Charmes, Enchantements, M4Léfices, TA-
Tite-Live appelle lex horrendi carminis la lismans, PAROLES, Philactères, LIGATURES,
loi.qui condamnait à mort Horace meurtrier CHASSE,PHILTRES, etc.
de sa sœur. CHARTIËR (Alain), poêle du commence-
Quand les Turcs ont perdu un esclave qui ment du quinzième siècle. Ou lui attribue
s'est enfui, ils écrivent une conjuration sur un traité sur la Nature dit feu de l'Enfer, que
un papier qu'ils attachent à la porte de la que nous ne sommes pas curieux de connaî-
hutte ou de la cellule (le cet esclave, et il est tre.
forcé de revenir au plus vite devant une CHARTUMINS, sorciers chaldéens qui
/nain-invisible qui le poursuit à grands coups étaient en grand crédit du temps du prophète
de bâton (2). Daniel.
Pline dit que, de son temps, par le moyen CHASDINS, astrologues de la Chaldée. Ils
de certains charmes, on éteignait les incen- tiraient l'horoscope, expliquaient les songes
dies, on arrêtait le sang des plaies, on re- et les oracles, et prédisaient l'avenir par di-
'mctlail los membres disloqués, on guérissait vers moyens.
la goutte, on empêchait un char de ver- CHASSANION (Jean DE), écrivain protes-
ser, etc. Tous les" anciens croyaient ferme- tant du seizième siècle. On lui doit le livre
ment aux charmes, dont ta. formule consis- « Des grands et redoutables jugements et pu-
tait ordinairement en certains vers grecs ou. nitions de Dieu advenus au monde, princi-
latins. palement sur, les grands, à cause de leurs
lîotlin rapporte, au chap. 5 du liv. 3 de la méfaits. » In-8% Morges, 1581, Dans cet ou-
Démonomanie, qu'en Allemagne les sorcières .yrage très-partial, il se fait de grands mira-
tarissent par charmes le lait des vaches, cl cles en faveur des protestants; ce quj es-t
qu'on s'en venge par un contre-charme qui prodigieux. Chassaniori a écrit aussi un vo-
est tel: lume sur les géants (4).
On met bouillir dans un pot du lait de la CHASSE. -'Secrets merveilleux pour la
ache tarie, en récitant certaines paroles chasse.
(Bodin ne les indique pas) et frappant sur le Mêlez le sucre de jusquiame avec le sang
pot avec un bâton. En même temps le diable et la peau d'un jeune lièvre; cette compo-
frappe la sorcière d'autant de coups, jus- sition attirera tous les lièvres des envi-
qu'à ce qu'elle ait ôté le charme. rons.
On dit encore que si, le lendemain du jour Pendez le.gui de chêne avec une aile d'hi-
où l'on est mis en prison, on avale à jeun rondelle 'à un arbre; tous les oiseaux s'y
une croûte de pain sur laquelle on aura rassembleront de deux lieues et demie.
écrit Sendzam, Gozozaf Gober, Dom,, et On dit aussi qu'un crâne d'homme, caché
qu'on dorme ensuite sur le côté droit, on dans un colombier y attire tous, les pigeons
sortira avant trois jours. d'alentour. •
On arrête les voitures en mettant an milieu Faites tremper une graine, celle que vous
du chemin un bâton sur lequel soient écrits voudrez, dans la lie de vin, puis jetez-la aux
ces mots Jérusalem, omnipbtens, etc., con- oiseaux ceux qui en tâteront s'enivreront,
vertis-toi, arrête-toi là. Il faut ensuite tra- et se laisseront prendre à la main."
verser le chemin par où U'on voit arriver les Et le Petit Albert ajoute
chevaux. a Ayez un hibou que vous attacherez à un
On donne à un pistolet la portée de cent arbre: allumez toi't près un gros flambeau,
pas, en enveloppant la balle dans un papier faites du bruit avec un tambour; tous les oi-
où l'on a inscrit le nom des trois rois. On seaux viendront en foule pour faircla guerre
aura soin, en ajustant,de retirer son Kaleine, au hibou et on en tuera autant qu'on voudra
et de dire « Je te conjure d'aller droit où je avec du menu plomb. »
veux tirer. » Pour la chasse de Saint-Hubert,
Un soldat peut se garantir de l'atteinte des voyez VE-
NEUR. Voyez aussi Arthus,. M. DE LAFO-
• rmes à feu avec un morceau de peau de rèt, etc.
oup oit de bouc, sur lequel on écrira, quand Les chasseurs des monts Ourals sont su-
'il! HerFier-Dictionnairethéologique,aumot Charme. (4) De Gigantibus eorumquereliquiis lis qua
eh Leloyer, Hist. et dise. Jes spectres, iiv. IV, ante annos aliquot nostra auate in Galliaatque
reperta suqL
I5j TIiilts, Truite dossuperstitions. In-8-.Baie, 1S80.
>•
349 CIIA CHA 350
pcrstitieux, comme tous les chasseurs. Ainsi MesMariannes affrihnpnt
attribuent Ta
le nn
pouvoir de tour'
un chasseur de ces sauvages contrées ne menter ceux qui tombent dans, ses mains.
cherchera tout le jour les écureuils qu'au L'enfer est pour eux la maison de Chassi.
haut des sapins rouges, si le premier qu'il a CHASTENET (Léonaude), vieille femme
tué le matin s'est trouvé sur un arbre de cette de quatre-vingts ans, mendiante en Poitou
espèce; et il est fermement convaincu qu'il vers 1591 et sorcière. Confrontée avec Ma-
en chercherait en vain ailleurs. Il ne porte thurin Bonnevault, qui soutenait l'avoir vue
ses regards, pendant toute la journée, que au sabbat, elle confessa qu'elle y était allée
sur les arbres de la nature de celui qui lui a avec son mari; que le diable; qui s'y mon-
offert son premier gibier. trait en forme de bouc, était une bête fort
En 1832, on vit à Francfort, aux premiers
puante. Elle nia qu'elle eût fait aucun malé-
jours du printemps, un chssseur surnaturel fice. Cependant elle fut convaincue, par dix-
qui est supposé habiter les ruines du vieux neuf témoins d'avoir fait mourir cinq la-
château gothique de Rodenstein. Il traversa boureurs et plusieurs bestiaux. Quand elle
les airs dans la nuit, avec grand fracas de se vit condamnée, pour ces crimes reconnus,
nieutes, de cors de chasse, de roulements de elle confessa qu'elle avait fait pacte avec le
voitures ce qui infailliblement annonce diable, lui avait donné de ses cheveux, et
la guerre selon le préjugé du peuple. promis de faire tout le mal qu'elle pourrait;
CHASSEN (Nicolas), petit sorcier de Fra- elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le
neker, au dix-septième siècle; il se distingua diable était venu à elle, en forme de chat,
dès l'âge de seize ans. Ce jeune homme, «'auquel, ayant dit qu'elle voudrait è\re
Hollandais et calviniste, étant à l'école, fai- morte, icelui diable lui avait présenté deux
-sait des grimaces étranges, roulait les yeux morceaux de cire, lui disant qu'elle en man-
et se contournait tout le corps; il montrait à geât, et qu'elle mourrait; ce qu'elle n'avait
ses camarades des cerises mûres au milieu voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire;
de l'hiver; puis, quand il les leur avaitoffer- on les visita et on ne put juger de quelle
tes, il les retirait vivement et les man- matière ils étaient composés. Cette sorcière
geait. fut donc condamnée, et ces morceaux de cire
Dans le prêche, où les écoliers avaient une brûlés avec elle (2). »
place à part, il faisait sortir de l'argent du CHASTETÉ. Les livres de secrets mer-
banc où il était assis. Il assurait qu'il opérait veilleux qui ne respectent rien, indiquent
tous ces tours par le moyen d'un esprit ma- des potions qui selon eux ont pour effet
lin qu'ilappelait Sérug. Balthazar Bekker de révéler la chasteté, mais qui, selon l'ex-
dit, dans le monde enchanté (1), qu'étant allé périence, ne révèlent rien du tout.
à cette école, il vit, sur le plancher, un cer- CHAT. Le chat tient sa place dans l'his-
cle fait de craie, dans lequel on avait tracé tojre de la superstition. Un soldat romain
des signes dont l'un ressemblait à la tête ayant tué, par mégarcle, 'un chat en Egypte,
d'un coq; quelques chiffres étaient au milieu. toute la ville se souleva ce fut en vain que
Il remarqua aussi une ligne courbe comme le roi intercéda pour lui, il ne put le sau-
la poignée d'un moulin à bras; tout cela ver de la fureur du peuple. Observons que
était à demi effacé. les rois d'Egypte avaient rassemblé, dans
Les écoliers avaient vu Chassen faire ces Alexandrie, une bibliothèque immense, et
caractères magiques. Lorsqu'on lui demanda qu'elle était publique les Egyptiens culti-
ce qu'ils signifiaient, il se tut d'abord; il dit vaient les sciences et n'en adoraient pas
ensuite qu'il les avait faits pour jouer. On moins les chats (3). •
voulut savoir comment il avait des cerises et Mahomet avait beaucoup d'égards pour
de l'argent; il répondit que l'esprit les lui son chat. L'animal s'était un jour couché sur
donnait. la manche pendante de la veste du prophète,
Qui est cet esprit? et semblait y méditer si profondément, que
Beelzébulh, répondit-il. Mahomet, pressé de se rendre à la prière,
Il ajouta que le diable lui apparaissait sous et n'osant le tirer de son extase, coupa,
forme humaine quand il avait envie de lui dit-on, la manche de sa veste. A son retour,
faire du bien, d'autres fois sous forme de il trouva son chat qui revenait de son assou-
bouc ou de veau; qu'il avait toujours un pissement, et qui, s'apercevant de l'attention
pied contrefait; etc. de son maître, se leva pour lui faire la révé-
Mais, dit Bekker, on finit par reconnaître rence, et plia le dos en arc. Mahomet com-
que tout cela n'était qu'un jeu que Chassen prit ce que cela signifiait; il assura au chat,
avait essayé pour se rendre considérable qui faisait le gros dos, une place dans son
parmi les enfants de son âge; on s'étonne paradis. Ensuite, passant trois fois la main
seulement qu'il ait pu le soutenir devant sur l'animal, il lui imprima, par cet attou-
tant de personnes d'esprit pendant plus d'une chement, la vertu de ne jamais tomber que
année. sur ses pattes. Ce conte n'est pas ridicule
ÇHASSI démon auquel les habitants des chez les Turcs (4).
(t) TomeIV, p. tîii. une rente viagère. Il existe au Caire tout près de Bal-el
(2) Discourssommairedes sorlilégeset véaéfices,tirés Naza(porte de la Victoire) un hôpitalde ces animaux on
des procèscriminelsjugés au siège royalde Monlmorillon, y recueille les chats maladeset sans asile; les t'enêtret
eu Poitou, en l'année 1599,p. 19. sont souventencombréesd'hommeset de femmesqui leuï
(5) Saiut-Foix,Essaissur Paris, t. II, p. 500. donnentà mangerà travers les barreaui.
U> Quelquefoisils laissentà leur chat par testament
331 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. ZjÏ ~i

Voici une anecdote où le chat joue un teur, tournait autour de lui des yeux aussi
mauvais rôle il est vrai que c'est un chat flamboyants que le feu lui-même, et en
snïivage. même lemps on cn'tondit par-dessus les rires
Un aide-de-camp du maréchal do Luxem- de la multitude la voix d'une vicille femme
bourg vint loger dans une auberge, dont la qui criait de toutes ses forces
réputation n'était pas rassurante. Le diable, « Le voilà Martial, mon chat Martial,
disait-on, arrivait toutes les nuits dans une Martiall 1 Martial »
certaine chambre, tordait le cou à ceux qui a La vieille availreconnuson chat. L'animal
osaient y coucher, et les laissait étranglés reconnut aussi la voix de sa maîtresse; car,
dans leur lit. au moment où il. était près de disparaître
Un grand nombre .de voyageurs remplis- dans les tourbillons de flammes, il se lança
sant l'auberge quand Taidc-de-camp y en- .d'un bon prodigieux et tomba au delà du
tra, onlui dit qu'il n'y avait malheureusement cercle de feu qui entourait l'arbre. Les ser-
de vide que la chambre fréquentée par le gents qui veillaient autour pour l'attiser,
diable, où personne ne voulait prendre gîte. voulurent frapper le chat; mais il s'enfuit
Oh 1 bien, moi, répondit-il, je ne serai du côté de sa maîtresse au milieu des rires
pas fâché de lier connaissance avec lui de la cour et du peuple, ravis de voir cet
qu'on fasse mon lit dans la chambre en ques- animal sauvé par son intrépidité. »
tion, je me charge du reste. On lit dans la Démonomanie de Bodin (2)
Vers minuit, l'officier vit descendre le dia- que des sorciers de Vernon auxquels on fit
ble par la cheminée sous la figure d'une .le procès en 1SC6, fréquentaient cl s'assem-
bête furieuse, contre laquelle il fallut se dé- blaient ordinairement dans un vieux châ-
fendre. Il y eut un combat acharné, à coups teau sous la forme d'un nombre infini de
de sabre de la part du militaire, à coups de chais. Quatre hommes, qui avaient résolu
griffes et de dents de la part de la bêlé; cette d'y coucher, se trouvèrent assaillis par cette
lutte dura une heure. Mais le diable finit par multitude de chats; l'un de ces hommes y fut
rester sur la place l'aide-de-camp appela tué, les autres blessés; néanmoins ils bles-
du monde on reconnut un énorme chat sèrent aussi plusieurs chattes, qui se trou-
sauvage qui selon le rapport de l'hôte, vèrent après en forme de femmes, mais bien
avait déjà étranglé quinze personnes (1). réellement mutilées.
11 y avait jadis à Paris, un usage peu gra- On sait que les chats assistent au sabbat,
cieux et dont on n'a jamais bien expliqué qu'ils y dansent avec les sorcières, et que
l'origine. On brûlait une ou deux douzaines lestlitcs sorcières, aussi bien que le diable
de chais dans le feu de la Saint-Jean. Ce feu leur maître, prennent volontiers la figure de
de joie s'allumait autour d'un niât élevé sur cet animal. On lit dans Boguetqu'un laboureur
la place de Grève. Les chats, retenus dans près de Strasbourg fut assailli par trois gros
des panier?, étaient lâchés lorsque le feu chais, et qu'en se défendant il les blessa sé-
flamboyait tout autour d'eux. Ils n'avaient rieusement. Une heure après, le juge fit de-
'de retraite que le mât. au haut duquel ils mander le laboureur et le mit en prison
grimpaient en triste désespoir, pour être pour avoir maltraité trois dames de la ville.
étouffés par la fumée, ou retomber dans les Le laboureur étonné assura qu'il n'avait
flammes. M. Frédéric Souliô mentionne celle maltraité que des chats, et en donna tes preu-
coutume dans un de ses récits • ves lcs plus évidentes il avait gardé de la
« Cependant, le roi Charles IX était ar- peau. On le relâcha, parce qu'on vit que le
rivé. On lui avait remis une torche de cire diable était coupable en cette affaire.
blanche de deux livres, garnie de deux poi- On ne finirait pas si on rappelait tout ce
gnées de velours rouge. Sa Majesté s'était que les dômonomanes ont rêvé sur les chats.
approchée de l'arbre de la Saint-Jean, en Boguct dit encore que la chatte, étant frottée
avait allumé les premiers fagots, puis était d'une herbe appelée népeta, conçoit sur-le-
remontée à l'Hôtel-de-Ville. Peu à peu le champ, cette herbe suppléant au défaut du
feu gagna les bourrées- cotterels et les mâle (3). Les sorciers se servent aussi de la
tonneaux vides accumulés à une grande cervelle des chats pour donner la mort; car
hauteur autour de l'arbre; et alors, tandis c'est un poison, selon Bodin et quelques-au-
que Michel Noiret, trompette-juré du roi, tres (4).
et six compagnons trompettes sonnaient des Les matelots américains croient que si
fanfares on vit un spectacle réjouissant. d'un navire on jette un chat vivant dans la
Les chats amarrés et retenus jusque-là au mer, on ne manque jamais d'exciter une fu-
pied de l'arbre, se'prirent à s'élancer de tou- rieuse tempête. Voy. BLOKULA BEURRE DES
tes façons; les uns grimpant jusqu'au plus SORCIÈRES,MÉTAMORPHOSES, ClC.
haut de l'arbre pour retomber dans la four- ^CHATEAU DU DIABLE. Plusieurs vieux
naise allumée au pied; d'autres s'y précipi- manoirs portent ce nom dans des traditions
tant do rage et s'y débattant avec des hurle- et des conles populaires.
ments qui dominaient le bruil des trompettes. Le château de Ronquerollcs.
Tout à coup, du milieu des flammes, on vit Dans les Mémoires du Diable livre dont
s'élancer un maître chat qui gravit jusqu'à nous ne pouvons, malgré le talent de l'auteur,
la plus finé pointe du mât, et qui, de cette hau- recommander la lecture, M. Frédéric Soulié
(1) Gabrielledp. 1" Hist. des fantômes cl des ilc- Discours des sorciers, ch. xi-v,p. 81.
Bioiis,etc., p. 203. (D Codin Dûmonomauiedes sorciers, liv. IH, ch. u
(2) Cbap.iv, Hv.II, p. VS\. p. 520.
353 CHA CIIA 554
débute par une scène et des détails qui récla- habitants de Ronquerolles le lendemain de la
ment leur place dans ce livre. Nous croyons mort du baron Hugues-François de Luizzi
devoir les transcrire en partie. père du baron Armand-François de Luizzi
« Le 1" janvier 18. le baron François- et le matin 'du 1" janvier 18. sans qu'on
Armand de Luizzi était assis au coin de son pûtdirequi l'avait percée et arrangée comme
feu, dans son château de Ronquerolles. Quoi- elle, l'était.
que je n'aie pas vu ce château depuis plus de « Ce qu'il y a de plus singulier, c'est que la
vingt ans, je me le rappelle parfaitement. tradition racontait que toutes les autres croi-
Contre l'ordinaire des châteaux féodaux il.. sées s'étaient ouvertes de la même façon et
était situé au fond d'une vallée il consistait dans une circonstance pareille, c'est-à-dire
alors en quatre tours liées ensemble par sans qu'on eût vu exécuter les moindres tra-
quatre corps de bâtiment, les tours et les vaux, et toujours le lendemain de la mort de
bâtiments surmontés de toits aigus en ar- chaque propriétaire successif du château. Un
doise, chose rare dans les Pyrénées. fait certain, c'est que chacune de ces croi-
a Ainsi, quand on apercevait ce château sées était celle d'une chambre à coucher qui
du haut des collines qui l'entouraient, il pa- avait été fermée pour ne plus se rouvrir, du
raissait plutôt une habitation du seizième ou moment que celui qui eût dû l'occuper toute
du dix-septième siècle qu'une forteresse de sa vie avait cessé d'exister.
l'an 1327, époque à laquelle il avait été bâti. « Probablement si Ronquerolles avait été
« Aujourd'hui que nous savons que de tous constamment habité par ses propriétaires,
les matériaux durables le fer est celui qui tout cet étrange mystère eût grandement
dure le moins, je me garderai bien de dire agile la population mais depuis plus de
que Ronquerolles semblait être bâti de fer, deux siècles chaque nouvel héritier des
tant l'action des siècles l'avait respecté; Luizzi n'avait paru que durant vingt-quatre
mais ce que je dois affirmer, c'est que l'état heures dans ce château, et l'avait quitté
de conservation de ce vaste bâtiment était pour n'y plus revenir. Il en avait éfé ainsi
véritablement très-remarquable. On eût dit pour le baron Hugues-François de Luizzi;
que c'était quelque caprice d'un riche ama- et son fils François- Armand de Luizzi
teur du gothique qui avait élevé la veille ces arrivé le 1" 18. avait annoncé son départ
murs, intacts, dont pas une pierre n'était pour le lendemain.
dégradée, qui avait dessiné ces arabesques « Le concierge n'avait appris l'arrivée de
fleuries dont pas une ligne n'était rompue son maître qu'en le voyant entrer dans le
dont aucun détail n'était mutilé. Cependant, château; l'étonnemént de ce brave homme'
de mémoire d'homme on n'avait vu personne s'était changé en terreur, lorsque, voulant
travailler à l'entretien ou à la réparation de faire préparer un appartement au nouveau
ce château. venu, il vit celui-ci se diriger vers le corri-
« II avait pourtant subi plusieurs change- dor où étaient situées les chambres mysté-
ments depuis le jour de sa construction, et rieuses dont nous avons parlé, et ouvrir avec
le plus singulier est celui qu'on remarquait une clef qu'il tira de sa poche une porte que
lorsqu'on approchait de Ronquerolles du côté le concierge ne connaissait pas encore, et
du midi. Aucune des six fenêtres qui occu- qui s'était percée sur le corridor intérieur
paient la façade de ce côte n'était semblable comme la croisée s'était ouverte sur la fa-
aux autres. La première à gauche était une çade. La même variété se remarquait pour
fenêtre en ogive, portant une croix de pierre les portes comme pour les croisées. Chacune
à arétes. tranchées qui la partageaient en était d'un style différent, et la dernière était
quatre compartiments garnis de vitraux à en bois de palissandre incrusté de cuivre. Le
demeure. Celle qui suivait était pareille à la mur continuait après les portes,dans le cor-
première, à l'exception des vitraux, qu'on ridor, comme il continuait à l'extérieur après
avait remplacés par un vitrage blanc à lo- les croisées sur la façade. Entre ces deux
sanges de plomb porté dans des cadres de fer murs nus et impénétrables, il se trouvait
mobiles. La troisième avait perdu son ogive probablement d'autres chambres. Mais des-
et sa croix de pierre. L'ogive semblait avoir tinées sans doute aux héritiers futurs des
été fermée par des briques, et une épaisse Luizzi, elles demeuraient, comme l'avenir
menuiserie, où se mouvaient ce que nous auquel elles appartenaient, inaccessibles et
avons appelé depuis des croisées à guillotine, fermées. Celles que nous pourrions appeler
tenait la place du vitrage à cadres de fer. les chambres du passé étaient de même clo-
La quatrième, ornée de deux croisées, l'une ses et inconnues, mais élles avaient cepen-
intérieure, l'autre extérieure, toutes deux à dant gardé les ouvertures par lesquelles on'
espagnolettes et à petites vitres, était en ou- y pouvait pénétrer; la nouvelle chambre, la
tre défendue par. un contrevent peint en chambre du présent si vous voulez, était
rouge. La cinquième n'avait qu'une croisée seule ouverte; et durant toute la journée
à grands carreaux, plus une persienne peinte du 1" janvier; tous ceux qui le voulurent y
en vert. Enfin, la sixième était ornée d'une pénétrèrent librement.
vaste glace sans tain, derrière laquelle on « Ce corridor, qui en vérité nous parait
voyait un store peint des plus vives cou- un peu sentir l'allégorie, ne parut sentir à
leurs. Cette dernière fenêtre était en outre Armand de Luizzi que l'humidité et le froid
fermée par des contrevents rembourrés. et il ordonna qu'on allumât un grand feu
« Le mur uni continuait après ces fenêtres, dans la cheminée en marbre blanc de sa'
dont la dernière avait paru aux regards des nouvelle chambre. Il y resta toute la journée
S55 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. S5l!
pour régler les comptes de -la propriété de qui était près du feu. Le diable, car c'était
Ronquerolles; en ce qui concernait le châ=- lui-même, se pencha négligemment en ar-
teau, ils ne furent pas longs. Ronquerolles rière et dirigea vers le feu l'index et le pouce
ne rapportait rien et ne coulait rien. Mais Ar- de sa main blanche et effilée; ces deux doigts
mand de Luizzi possédait aux environs quel- s'allongèrent indéfiniment comme une paire
ques fermes dont les baux étaient expirés et de pincettes et prirent un charbon dans le
qu'il voulait renôuveler. feu. Le diable, car c'était le diable en per-
« La journée entière se passa à discuter sonne, y alluma un cigare qu'il prit sur la
et à arrêter les bases des nouveaux contrats, .table. A peine en eut-il aspiré une bouffée,
et ce ne fut que le soir venu qu'Armand de qu'il rejeta le cigare avec dégoût, et dit à
Luzzi se trouva seul. Il était assis au coin de son Armand de Luizzi Est-ce que vous n'a-
feu; une table sur laquelle brûlait une seule vez pas de tabac de contrebande? P
bougie était près de lui. Pendant qu'il restait « Armand ne répondit pas.
plonge dans ses réflexions, la pendule sonna « En ce cas, acceptez du mien, reprit le
successivement minuit, minuit et demi, une diable.
heure. Luizzi se leva et se mit à se.promener « Et il tira de la poche de sa robe de cham-
avec agitation. Armand était un homme d'une bre un petit porte-cigares d'un goût exquis.
taille élevée; l'allure naturelle de son corps H prit deux cigarettes en alluma une au
dénotait la force,et l'expression habituelle de charbon qu'il tenait toujours et le présenta
ses traits annonçait la résolution. Cepen- à Luizzi. Celui-ci le repoussa du geste, et le
dant il tremblait, et son agitation augmentait diable lui dit d'un ton fort naturel Ah 1 vous
à mesure que l'aiguille approchait de deux faites le dédaigneux, mon cher, tant pis.
heures. Quelquefois il s'arrêtait pour écou- « Puis il se mit à fumer, sans cracher, le
ter si un bruit extérieur ne se faisait pas en- corps penché en arrière et en sifflotant de
tendre mais rien ne troublait le silence so- temps en temps- un air de contredanse, qu'il
lennel dont il était entouré. Enfin Armand accompagnait d'un petit mouvement de tête
enlenditce petit choc produit par l'échappe- tout à fait impertinent.
ment dé la pendule et qui précède l'heure « Armand demeurait toujours immobile
qui va sonner. Une pâleur suhite et profonde devant ce diable étrange. Enfin il rompit le
se répandit sur son visage; il demeura un silence; et s'armant de cette voix vibrante et
moment immobile et ferma les yeux comme saccadée qui constitue la mélopée du drame
un homme qui va se trouver mal. A ce mo- moderne, il dit
ment le premier coup de deux heures ré- « Fils de l'enfer, je t'ai appelé.
sonna dans le silence. Ce bruit sembla réveil- « D'abord, mon cher, dit le diable en
ler Armand de son affaiblissement; et avant t'interrompant, je ne sais pas pourquoi vous
que le second coup ne fût sonné, il avait me tutoyez. C'est de fort mauvais goût. C'est
saisi une petite clochette d'argent posée sur une habitude qu'ont prise entre eux ceux
sa table et l'avait violemment agitée en di- que vous appelez les artistes. Faux semblant
sant ce seul mot1 d'amitié, qui ne les empêche pas de s'envier,
« Viens. de se haïr et de se mépriser. C'est une forme de
Tout le monde peut avoir une clochette langage que vos romanciers et vos drama-
o argent; tout le monde peut l'agiter à deux turges ont affectée à l'expression des passions
heures précises du matin eten disantcemol: poussées à leur plus haut degré, et dont les
Viens Mais très-probablementil n'arrivera gens bien nés ne se servent jamais. Vous qui
personne, ce qui arriva à Armand de Luizzi.La n'êtes ni homme de lettres ni artiste, je vous
clochette qu'il avait secouée ne rendit qu'un serai fort obligé de me parler comme au pré-
son faible et ne frappa qu'un coup unique qui mier venu; ce qui sera beaucoup plus con-
vibra tristement et-sans éclat. Lorsqu'il pro- venable. Je vous ferai observer aussi qu'en
nonça le mot. viens 1 Armand y mit tout m'appelant fils de l'enfer, vous dites une de
l'efforl.d'iin homme qui crie pourétre entendu ces bêtises qui ont cours dans toutes les lan-
de loin, et cependant sa voix poussée avec vi- gues connues. Je ne suis pas plus le fils de
gucur de sa poitrine, ne put arriver à ce ton l'enfer que vous n'êtes le fils de votre cham-
résolu et impératif qu'il avait voulu lui donner; bre parce que vous l'habitez.
il sembla que ce fût une timide supplication « Tu es pourtant celui que j'ai appelé, ré-
qui s'échappait de sa bouche; et lui-même pondit Armand en affectant une grande puis-
s'étonnait de cet étrange résultat, lorsqu'il sance dramatique.
aperçut à la place qu'il venait de quitter un « Le diable regarda Armand de travers et
être, qui pouvait être un homme, car il en répondit avec une supériorité marquée
avait l'air assuré; qui pouvait être une « Vous êtes un faquin. Est-ce que vous
femme, car il en avait le visage et les mem- croyez parler à votre groom ?
bres délicats; et qui était assurément le « Je parle à celui qui es! mon enclave,
diable, car il n'était entré par nulle part et s'écrie Luizzi en posant la main sur la clo-
avait simplement paru. chette qui était devant lui.
« Son costume consistait en .une robe de « Comme il vous plaira, monsieur le
chambre à manches plates, qui ne disait rien baron, reprit le diable. Mais, par ma foi, vous
du sexe de l'individu qui la portait. êtes bien un véritable jeune homme de notre
« Armand de Luizzi observa en silence ce époque, ridicule et butor. Puisque vous êtes
singulier personnage, tandis qu'il se casait si sûr de vous faire obéir', vous pourriez bien
commodément dans le fauteuil à la Voltaire me parier avec politesse, cela vous coûterai»
!.S- CHA CHA 558
peu. D'ailleurs, ces manières-là sont bonnes à. être poli, je me suis soumis à être insolente,
pour les manants parvenus qui, parce qu'ils et me voilà comme sans doute vous me désU
se vautrent dans le fond de leur calèche, s'i- rez. M'sieur n'a-t-il rien à m'ordonner?
uiàginent qu'ils ont l'air d'y être habitués. « Oui, vraiment. Mais j'ai aussi un con-
Vous éios de vieille famille; vous portez un seil à te demander.
assez beau nom, vous avez très-bon air, et vous « M'sieur permettra que je lui dise que
pourriez vous passer'de ridicules pour vous consulter son domestique c'est faire de la
faire remarquer. comédie du XVII" siècle.
« Le diable fait de la morale 1 c'est « Où as-tu appris ça?
étrange. « Dans les feuilletons des grands jour-
« Ce dialogue avait eu lieu entre ce per- naux.
sonnage surnaturel et Armand de Luizzi « Tu les as donc lus? Eh bien 1 qu'en
sans que l'un ou l'autre eût changé de place. penses-tu?
« Jusqu'à ce moment Luizzi avait parlé « Pourquoi voulez-vous que je pense
plutôt pour ne point paraître interdit que quelque ch,ose de gens qui ne pensent pas?
pour dire ce qu'il voulait. Il s'était remis peu « Luizzi s'arrêta encore, s'apercevant qu'il
à peu de son trouble et de l'étonnemenl que n'arrivait pas plus à son but avec ce nou-
lui avaient causé la figure et les manières de veau personnage qu'avec le précédent. Il
son interlocuteur; et il résolut d'aborder un saisit sa sonnette; mais avant de l'agiter, il
,'iutre sujet de conversation, sans doute plus dit au diable
important pour lui. « Quoique tu sois le même esprit sous
« II prit donc un second fauteuil, s'assit de une forme différente, il me déplaît de traiter
l'autre côté de la cheminée, et examina le avec loi du sujet dont nous devons parler,
diable de plus près. Il acheva son inspection tant que tu garderas cet aspect. En peux-tti
en silence, et, persuadé qu'une luMè'd'espril changer?
.ne lui réussirait pas avec cet être inexplica- « Je suis aux ordres de m'sieur.
ble, il prit sa clochette d'argent et la fit son- « Peux-tu reprendre la forme que tu
ner encore une fois. A ce commandement, avais tout à l'heure?
car c'en élait un, le diable se leva et se tint « A une condition c'est que vous me
debout devant Armand dé Luizzi dans l'atti-' donnerez une des pièces de monnaie, f qui sont
tude d'un domestique qui attend les ordres dans cette bourse.
de sori maître. Ce mouvement, qui n'avait «Armand regarda sur la table et vit une
duré qu'un dixième de seconde, avait ap- bourse qu'il n'avait pas encore aperçue. Il
porté un changement complet dans la phy- l'ouvrit, et en tira une pièce. Elle était d'un
sionomiç et le costume du diable. L'être fan- métal inestimable, et portait pour toute ins-
tastique de tout à l'heure avait disparu, et cription UN MOISDE LA VIE DU BARONfran-
Armand vit à sa place un rustre en livrée çois-ARîfAND DE luizzi. Armand comprit sur-
avec des mains de bœuf dans des gants de le-champ le mystère de cette espèce de paie-
coton blanc, une (rogné avinée sur un gilet ment, et remit la pièce dans la bourse, qui
rouge, des pieds plats dans ses gros souliers, lui parut très-lourde, ce qui le fit sourire.
et point de mollets dans ses guêtres. « Je ne paie pas un caprice si cher.
« Voilà, m'sieur, dit le nouveau paru. « Vous êtes devenu avare?
« Qui es-tu? s'écria Armand, blessé de « Comment cela?
Cet air de bassesse insolénte et brute, carac- «. C'est que vous avez jeté beaucoup de
tère universel du domestique français. cette monnaie pour obtenir moins que voua
« Je ne suis pas le valet du diable, je ne demandez.
n'en fais pas plus qu'on ne m'en dit; mais 'e « Je ne me le rappelle pas.
/dis ce qu'on me dit. « S'il. m'était permis de vous aire votre
« Et que viens-tu faire ici? compte, vous verriez qu'il n'y a pas un mois
« J'attends les ordres de m'sieur. de votre vie que vous ayez donné pour quel-
*(-Ne sais-tu pas pourquoi je t'ai appelé? que chose déraisonnable.
« Non, m'sieur. « Cela se peut; mais du moins j'ai vécu.
« Tu mens? « C'est selon le sens que vous attachez
« Oui, m'sieur. au mot vivre.
« Comment te nommes-tu? « Il y en a donc plusieurs ?2
« Comme voudra m'sieur. « Deux très-différents. Vivre, pour beau-
ce N'as-tu pas un nom de baptême? coup de gens, c'est donner sa vie à toutes
« Le diable rie bougea pas; mais tout le les exigences qui les entourent. Celui qui vit
château se mit à rire depuis la girouette jus- ainsi se nomme, tant qu'il est jeune, un bon
qu'à la cave. Armand eut peur, et pour rie enfant; quand il devient mûr, on l'appelle
pas le laisser voir, il se mit eh colère. C'est un brave homme, et on le qualifie de bon
un moyen aussi côiinu que celui de chanter. homme quand il est vieux. Ces trois noms ont
« Enfin, réponds, n'as-tu pas un nom? un synonyme commun c'est lé mot dupe.
« J'en ai tant qu'il vous plaira. J'ai servi « Et lu penses que c'est en dupe que
sous toute espèce de nom. j'ai vécu?
« Tu es donc mon domestiqué? « Je crois que m'sieur le pense comme
« Il a bien fallu. J'ai essayé de venir moi, car il n'est venu dans ce château que
vers vous àunaiilrè titre; vous m'avez parlé pour changer de façon de vivre, et orendre
Comme à un laquais. Ne pouvant vous forcer l'autre.
559 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 560
« Et celle-là, peux-tu me la définir? flétri par la douleur, altéré par la haine, dé-
« Comme c'est te sujet du marché que gradé par la débauche, il gardait encore,
nous allons faire ensemble. tant que son visage restait immobile, une
« Ensemble 1. Non, reprit Armand en trace endormie de son origine céleste; mais
interrompant le diable, je ne veux pas traiter dès qu'il pariait, l'action de ses traits déno-
avec toi cela me répugnerait trop. Ton as- tait une existence où avaient passé toutes
pect me déplaît souverainement. les mauvaises passions. Cependant, de toutes
« C'était pourtant une chance en votre les expressions repoussantes qui se mon-
faveur on accorde peu à ceux qui déplai- traient sur son visage, celle d'un dégoût pro-
sent beaucoup. Un roi qui traite avec un fond dominait les autres.
ambassadeur qui lui platl lui fait toujours Au lieu d'attendre qu'Armand l'interro-
quelque concession dangereuse. Pour ne geât, il lui adressa la parole le premier.
pas être trompé, il ne faut faire d'affaire « Me voici pour accomplir le marché
qu'avec les gens déplaisants. En ce cas, le que j'ai fait avec ta famille et par lequel je
dégoût sert de raison. dois donner à chacun des barons de Luizzi,
« Et il m'en servira pour te chasser de Ronquerolles, ce qu'il me demandera; tu
dit Armand en faisant sonner la cloche ma- connais les conditions de ce marché, je sup-
gique qui lui soumettait lé diable. pose ?
« Comme avait disparu l'être androgyne « Oui, répondit Armand en échange de
qui s'était montré d'abord, de même disparut, ce don, chacun de nous t'appartient, à moins
non pas le diable, mais cette seconde appa- qu'il ne puisse prouver qu'il a été heureux
rence du diable en livrée; et Armand vit à sa durant dix années de sa vie.
place un assez beau jeune homme. Celui-ci « Et chacun de tes ancêtres reprit
était de cette espèce d'hommes qui changent Satan m'a demandé ce qu'il croyait le
de nom à tous les quarts de siècle, et que, bonheur, afin de m'échapper à l'heure de sa
dans le nôtre, on appelle fashionables. Tendu mort.
comme un arc entre ses bretelles et les sous- « Et tous se sont trompés, n'est-ce pas ?
pieds de son pantalon blanc, il avait posé a Tous. Ils m'ont demandé de l'argent,
ses pieds en bottes vernies et éperon nées sur de la gloire, de la 'science, du pouvoir, et le
le chambranle de la cheminée, et se tenait pouvoir, la science, la gloire, l'argent, les
assis sur le dos dans le fauteuil d'Armand. ont tous rendus malheureux.
Du reste, ganté avec exactitude, la man- « C'est donc un marché tout à Ion avanr
chette retroussée sur le revers de son frac tager, et que je devrais refuser de conclure?
à boutons brillants, le lorgnon dans l'œil et « Tu le peux.
la canne à pomme d'or à la main, il avait « N'y a-t-il donc aucune chose à deman-
tout à fait l'air d'un camarade en visite chez der, qui puisse rendre heureux?
le baron Armand de Luizzi. « II y en aune.
< Celle illusion alla si loin, qu'Armand le « Ce n'est pas à toi de me la révéler, je
regarda comme quelqu'un de connaissance. la sais; mais ne peux-tu pas me dire si je la
« Il me semble'vous avoir renconlré quel- connais?
que part? i « ^Tu la connais; elle s'est mêlée à tou-
« Jamais! 1 Je n'y vais pas. tes les actions de ta vie, quelquefois en toi,
« Je vous ai vu au bois à cheval. le plus souvent chez les autres, et je puis
« Jamais 1 Je fais courir. t'affirmer qu'il n'y a pas besoin de mon aide
« Alors c'était en calèche? pour quela plupart des hommes la possèdent.
« Jamais! Je conduis. « Est-ce une qualité morale? est-ce une
« Ah 1 pardieu 1 j'en suis sûr, j'ai joué chose matérielle?
avec vous chei M016. « Tu m'en demandes trop. As-tu fait
« Jamais! je parie. ton choix? Parle vite j'ai hâte d'eu finir.
« Vous valsiez toujours avec elle. « -Tu n'étais pas si pressé tout à l'heure.
« Jamais! je galope. « C'est que tout à l'heure j'étais sous
« Vous ne lui faites pas la cour? une de ces mille formes qui nie déguisent à
« Jamais! J'y vais je ne la fais pas. moi-même, et me rendent lé présent suppor-
« Luizzi se sentit pris de l'envie de donner table. Quand j'emprisonne mon être.sous les
à ce monsieur des coups de cravache pour traits d'une créature humaine, vicieuse ou
lui ôter un peu de sottise. Cependant la ré- méprisable, je me trouve à la hauteur du
flexion venant "j son aide, il commença à siècle que je mène, el je ne souffre pas du
comprendre que s'il se laissait aller à discu- misérable rôle auquel je suis réduit. La va-
ter avec le diable, en vertu de toutes les for- nité se satisfait de grands mots, mais l'or-
mes qu'il plairait à celui-ci de se donner, il gueil veut de grandes choses, et tu sais qu'il
n'arriverait jamais au but de cet entretien.- fut la cause de ma chute; mais jamais il ne
Armand prit donc la résolution d'en finir avec fut soumis à une si rude épreuve. Après
celui-ci aussi bien qu'avec un autre, et il s'é- avoir lutté avec Dieu, après avoir mené tant
cria en faisant encore tinter sa clochette de vastes esprits, suscité Je si fortes passions,
« Satan, écoute-moi et obéis. fait éclater de si grandes catastrophes, je
« Ce mot était à peine prononcé, que l'être suis honteux d'en être réduit aux basses
surnaturel qu'Armand avait appelé se montra intriguesclauxsollesprétentions de l'époque
dans sa sinistre splendeur. C'était bien l'ange actuelle, el je me cache à moi-même ce que
déchu que la poésie a rê>é. Type de beauté î'ai èUé*pour oublier, autant que je puis* cq,
561 CHA Â CHA 362
que je suis devenu. Cette forme que tu m'as teau du diable. Des monstres, des damnés,
forcé dé prendre m'est par conséquent odieuse des démons à longuequeue formaient,disait-
et insupportable. Hâte-toi donc, et dis-moi on, en bas-reliefs et en peintures, les déco-
ce que tu veux. rations intérieures de ce manoir.Depuis;bien
« Je ne le sais pas encore, et j'ai compté des années, nul ne l'avait visité. On ajoutait
sur toi pour m'aider dans mon choix, que le 13 de chaque mois, l'enfer venait y
« Je t'ai dit que c'était impossible. faire ses orgies; on citait vingt personnes
« Tu peux cependant faire pour moi ce qui autrefois s'étant réfugiées là parmégarde
que tu as fait pour mes ancêtres; tu peux me n'en étaient jamais sorties. L'opinion com-
montrer à nu les passions des autres hom- mune assuraitqu'elle avaient eu lecoutordu.
mes, leurs espérances, leurs joies, leurs dou- On racontait des choses effrayantes.
leurs, le secret de leur existence afin que Cependant un jeune seigneur, méprisant
je puisse tirer de cet enseignement une lu- les leçons de l'expérience, résolut d'aller
mière qui me guide. au château du diable et d'y passer la nuit. 11
« -Je puis faire tout cela; mais tu dois décida deux de ses domestiques, qu'il savait
savoir que tes ancêtres se sont engagés à intrépides, à l'accompagner; il se fit suivre
m'appartenir avant que j'aie commencé mon encore prudemment d'un sorcier ou char-
récit. Vois cet acte; j'ai laissé en blanc le meur, qui passait pour un homme très-habile
nom de la chose que tu me demanderas: dans les circonstances de maléfice. S'il faut
signe-le; et puis après m'avoir entendu, tu en croireles récits, le 13 octobre de l'année
écriras toi-même ce que tu désires être, ou 1622, il se rendit bien armé, avec ses trois
ce que tu désires avoir. compagnons, dans l'enceinte redoutée du
« Armand signa et reprit château du diable. Le silence de la mort ré-
« Maintenant je t'écoute. Parle. gnait dans les cours et dans les galeries.
« Pas ainsi. La solennité que m'impo- Mais à la porte de la première salle, une
serait à moi-même cette forme primitive fa- vieille se présenta, branlant la tête et leur
tiguerait ta frivole attention. Ecoute: mêlé défendant d'une voix cassée d'aller plus avant.
à la vie humaine, j'y prends plus de part que Le charmeur fit une conjuration qui ne nous
les hommes ne pensent. Je te conterai mon a pas été conservée; la vieille s'éloigna en
histoire, ou plutôt je te conterai la leur. grondant; néanmoins elle escamota les deux
« Je serai curieux de la connaître. valets, qu'elle emmena à la cave, où elle les
« Garde ce sentiment; car du moment retint et que le sorcier jura de faire rendre.
que tu m'auras demandé une conGdence, il Un ours qui gardait la seconde porte s'enfuit
faudra l'entendre jusqu'au bout. Cependant devant une allumette que lui présenta le sa-
tu pourras refuser de l'entendre en me don- vant. L'ours ne fut pas plutôt dehors que le
nant une des pièces de monnaie de cette jeune seigneur vit tomber, du milieu du pla-
bourse. fond, des gouttes de sang qui se succédaient
a J'accepte, si toutefois ce n'est pas une trois par trois, de seconde en seconde, avec
condition pour moi de demeurer dans une ré- des gémissements. La terreur qui le saisit
sidence fixe. devint au comble, lorsqu'il aperçut dans un
a Va où tu voudras; je serai toujours coin du salon, couché sur un lit, un squelette
au rendez-vous partout où tu m'appelleras. chargé de chaînes, dont le cœur, par un pro-
Mais songe que ce n'est qu'ici que tu peux dige inouï, battait au milieu des ossements
me revoir sous ma véritable forme. Tu m'ap- desséchés. Ses yeux, qui seuls vivaient en-
pelleras avec cette sonnette à toute heure, core, roulaient avec une lueur horrible dans
en tout lieu, sur quelque place que ce soit. leurs orbites décharnés. Le sorcier, craignant
Trois heures sonnèreut, et le diable dispa- une faiblesse de la part du jeune homme, fit
rut. un charme à la hâte; le salon changea d'as-
ArmanddeLuizzise retrouva seul. La bourse pect le repaire de vint unmagnifique appar-
qui contenait ses jours était sur sa table. tement un souper délicat parut tout servi
Il eut envie de l'ouvrir pour les compter, sur une table somptueuse; le jeune seigneur
mais il ne put y parvenir, et il se coucha et son mentor se mirent à table.
sous son Comme ils touchaient au dessert, un grand
après l'avoir soigneusement placée mouvement extérieur amena subitement la
chevet.
Nous le répétons, il est fâcheux que les nuit, mais une nuit ornée de tonnerres et
histoires racontées par le diable soient-géné- d'éclairs, avecun bruit tel, que jamais le fra-
ralement de nature à ne pouvoir être lues cas d'une artillerie complète n'égala le va-
d'un lecteur chrétien; car, dans ce cadre, carme qui se fit alors dans le château du
diable. La table disparut; la salle sembla
l'auteur, dont on ne saurait nier le grand il en
mérite, eût pu faire un très-bon livre. enflammée; le plafond s'entr'ouvrit;
Nous donnerons, dans un autre genre, un tomba une légion défigures bizarres qui for-
mèrent des danses grotesques. Des démons
conte fantastique où se retrouvent plusieurs démons cor-
éléments de la poésie satanique ou infernale. ailés, des démons ardents, des
Le chdteau du Diable. nus, dessorciers à cheval sur des boucs, des
S'il faut en croire des récits populaires, sorcières à califourchon sur des manches à
on montrait encore en 1640, dans le grand- balai, arrivaient par le même chemin et dan-
duché de Luxembourg, tout auprès d'Arlon, saient de toutes leurs forces, aussitôt qu'ils
les ruines d'un ancien château féodal, depuis avaient mis pied à terre.
Lone-temps inhabité, et qu'on appelait le châ- Le charmeur, au moyen d'une fascination,
Dictions, DES sciences occultes. I.
DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 36*
s'était rendu invisible, ainsi que son jeune le château du diable s'écroula; et c'est à
compagnon.Une vieille sorcière, parut, costu- peine aujourd'hui si l'on reconnaît la place.
niée comme on les voit dans les esquissés de (\ CHAT-HUANT, Voy. HiBOU, CHOUETTE,
Téniërs; elle portait Un enfant qu'elle fit rôtir CHASSE,CHEVESCHE,etc.
pour -le banquet. Alors il tomba d'en haut Chaughe-poolet. Voy. Cauchemar.
une vaste cruche noire, devant laquelle cha- CHAUDIÈRE. C'est ordinairement dans
euh se prosterna; le diable en sortit, et lès une chaudière de fer que, de temps immé-
danses recommencèrent. morial, les sorcières composentleurs malé-
Au moment où les 'réjouissances se sus- 'fices, qu'elles font bouillirsurun feu, de ver-
pendifent pour l'adoration de Satan, le jeune veine et d'autres plantes magiques.
seigneur remarqua que le diable, qui était CHAUDRON (Madeleine-Michelle), Ge-
en formede bouc,avait au derrière un visage névoise, accusée d'être sorcière en 1652. On
humain, que les sorcières allaient baiser. II dit qu'ayant rencontré le diable en sortant
fut frappé d'horreur, et né se put retenir de de la ville réformée, il reçut son hommage,
faire un signe de croix. Tout s'envola, et imprima sur sa lèvre supérieure son seing
Vous m'avez fait bieh mal, dit le sôr- ou marque. Ce petit seing rend la peau in-
cier deNamur. Mais àllons nous coucher. sensible, comme l'affirment les démoiiôgra-
En disant cela, il se jeta sur le lit dû spec- phes. Le diable ordonna à Michelle Chau-
tre et y attira lé jeune homme. dron d'ensorceler deux filles; elle obéit; les
Le squelette se leva debout sur-le-champ, parents l'accusèrent de diablerie, les filles
éclairant la salle du feu de ses yeux.-Mal- interrogées attestèrent qu'elles étaient pos-
heur, dit-il d'une voix sourde, a qui trouble sédées. On appela ceux qui passaient pour
le repos des morts 1 médecins; ils cherchèrent surMicheilc Chau-
Et comme ilallongéait lesos de ses mains, dron te sceau du diable, que le procès-ver-
le sorcier l'arrêta: bal appelle les marques sataniques; ils y cn-
Je t'ordonne, dit-il, de noùs dire qui foncèrent une aiguille. Michelle fit connaître
tu es, ce que tu veux, â'où tu viens? .par ses cris que les marques sataniques ne
-Pourquoi nié forcez-vous, dit le sque- rehdent point insensible. Les juges," ne
lette, à rompre un silence que regarde de- voyant pas de preuve complète, lui firent
puis cent ans Je ine nommé Lenderborn. donner la question. Celte malheureuse, cé-
Célui qui possédait ce château -me prit à son dant à la violence des tourments, confessa
service dans ses jeunes années. Il n'était pas tout ce qu'on voulut, Elle fut brûlée, après
marié. Un soir qu'il se baignait ad clair de avoir été pendue et étranglée.
la lune, il aperçut à Quelques pas au-dessous CHAUDRON-DU-D1ABLE* gouffre qui se
de lui une jëùne dame qui se noyait. Voter à trouve au sommet du pic de 'Çénériffe. Les
son secours, la saisir, la sauver, tout cela
Espagnols ont donné le nom de Chaudron-
ne futqu un mouvement La jeune dame loi du-Diable à ce gouffre à cause du bruit que
plut, ill épousa. Elle lui donna un fils; mais l'on entend lorsqu'on y jette une pierre; elle
à peiné fut-il au monde, qu elle disparut y retentit comme un vaisseau creux de cui-
avec lui. Les sages du temps, consultés là- vre contre lequel on frapperait avec un m;ir-
dessus, répondirent que mon maître en teau d'une prodigieuse
grosseur. Les natu-
croyant épouser une femme, avait épousé un rcls de ,io sont persuadéf que c'est l'enfer,
démon succube. Cette nouvelle le frappa si et que les âmes des méchants .y font leur sé-
vivement que, renonçant au monde, il
jour (1).
Tiiis^iit %avie à la fi
Un jour que avec lui dans la phnssp
forêt CHAUVE-SOURIS. Les Caraïbes regar- re ar-
étais dent les chauves-souf.s comme de bons an-
voisine, il mVperÇ«t derrière un arbre
touffu, me prit pour un loup et me tua. Je ges qui veillent à la sûreté des maisons
ne sais pas où j'allai; mais je me trou- durant la nuit; les tuer, chez •«»*. est ««
vaï après ma mort face face avec ma mai- sacrilège chez nous, c est un des animaux
tressé. qui figurent au sabbat.
Lenderborii me dit-elle, mon mari CHAVIGNY (Jean-Aimé dé), astrologue,
m'est infidèle, je le sais. Retourne au château, disciple de Nostradamus, rnouïul 6n 1604.
je t'en donne le pouvoir, mais à condition Il a composé la Première face du Janus
qu'il mourra de ta main. français, contenant les troubles de France cle-
j'obéis; et depuis vous voyez l'existence puis 1534 jusqu'en 1589; Fin de la maison
que je mène sur la terre. J'ai étranglé tous valésienne, extraite et colligée des cenluries ét
ceux qui sont venus ici. Pourma délivrance, commentaires de Michel Noslradumus ( en
il faut qu'une main innocente sacrifie une latin et en français), Lyon, 1594, in-8°; et
poule noire à minuit sur le seuil du château. nouvelle édition, augmentée, sous Ic titre de
-Si tu veux, dit le sorcier, nous rendre Commentaires sur les centuries et pronostica.
les deux valets que la vieille nous a ôlës, lions de Nostradamus, Paris, in-8°, rare; les
demain à minuit, je te rends libre. Pléiades, divisées en sept livres, prises des an-
Ce que le charmeur demandait fut fait à ciennes prophéties, et conférées avec les or a
l'instant. Les quatre compagnons sortirent çïes de Nostradamus, Lyon, 1603; la plus
du château. Le lendemain, à minuit, une ample édition est de 1606. C'est un recueil
jeune fille, conduite par le magicien, immo- de prédictions, dans lesquelles l'auteur pro-
jait une poule noire. Après la formule caba- (l) LaHarpe,Abrégé de rHistoire généraledes vcya
listique qu il prononça, il se fit grand bruit, ges,t.l.
§65 CHE CHE 566
met à Henri IV l'empire de l'univers. Voy. Rubicon.vouaàcefleuveun grand nombrede
ibre de
NOSTRADAMUS. chevaux, qu'il abandonna dans les pâturages
CHAX ou SCOX, démon. Voy. Scox. Ses environs.
CHEKE, professeur de grec à Cambridge, Une tradition superstitieuse portait qu'une
mort en 1557. Il écrit un 'livre (1) qu'il espèce de chevaux, qu'on nommait arzels, et
adressa au roi Henri VIII, et qu'il plaça à la qui ont une marque blanche au pied de der-
tête de sa traduction latine du Traité de Plu- rière du côté droit, était malheureuse et fu-
tarque de la Superstition. 11 avait des con- neste dans les combats.
naissances en astrologie, et croyait ferme- Anciennement on croyait aussi que les
ment à l'influence des astres quoiqu'ils lui chevaux n'avaient pas de fiel; mais c'est une
promissent du bonheur tout juste dans les erreur aujourd'hui presque généralement
occasions où il était lo plus malheureux. reconnue. Voy. Drapé, Bâtard, TROUPEAU,
CHEMENS, génies ou esprits que les Ca- etc.
raïbes supposent chargés de veiller sur les CHEVALIER IMPÉRIAL, Voy. ESPAGNET.
hommes. Ils leur offrent les premiers fruits, CHEVALIER DE L'ENFER. Ce. sont des
et placent ces offrandes-dans un coin de leur démons plus puissants que ceux qui n'ont
hutte, sur une table faite de nattes, où ils aucun titre, mais moins puissants que les
prétendent que les génies se rassemblent comtes, les marquis et les ducs. On peut les
pour boire et manger; ils en donnent pour évoquer depuis le lever de l'aurore jusqu'au
preuve le mouvement des vases et le bruit lever du soleil, et depuis le coucher du soleil
qu'ils se persuadent que font ces divinités en jusqu'à la nuit (3).
soupant. CHEVALIER (Guillaume), gentilhomme
CHEMISE DE NECESSITÉ. Les sorcières béarnais, auteur d'un recueil de quatrains
allemandes portaient autrefois une chemise moraux, intitulé leDEcès'ou Fin dn monde,
faite d'une façon détestable, et chargée de diviséen trois visions, in-8°, 1584.
croix mêlées à des caractères diaboliques, CHEVANES ( Jacques ) capucin, plus
par la vertu delaquelle elles se croyaient ga- connu sous le nom de Jacques d'Autun,. du
ranties de tous maux (2). On l'appelait la lieu de sa naissance, mort a Dijon en 1678.
chemise de nécessité. Ori a de lui l'Incrédulité savante et la crédu-
.Les habitants du Finistère conservent en- lité ignorante, au sujet des magiciens et des
core quelques idées superstitieuses sur les sorciers. Lyon, ,1671, in-4°. Ce recueil, plein
chemises des jeunes enfants. Ils croient que d'extravagances curieuses, dont nous rap-
si elles enfoncent dans l'eau de certaines portons en leur lieu les passages remarqua-
fontaines, l'enfant meurt dans l'année il vit bles, estune réponse à l'apologie de Naudé
longtemps, au contraire, si ce vêtement.sur- pour tous les grands personnages soupçon-
nage. nés de magie. Heureusement pour l'auteur,
CHERIOURT, ange terrible, chargé de pu- dit l'abbé Papillon, l'irascible Naudé était
hir le crime et de poursuivre les criminels, mort depuis long-temps quand ce livre pa-
seïon la doctrine des guèbres. rut.
CHE3NAYE DES BOIS (François-Alexan- CHEVESCHE espèce de chouette, que
DRE-AUBERTDE LA), capucin, mort en 1784. Torquemada définit un oiseau nocturne fort
On a de lui, l'Astrologue dans le puits, 1740, bruyant, lequel tâche d'entrer où sont les
in-12; et Lettres critiques, avec des songes enfants; et, quand il y est, il leur suce le
moraux, sur les songes philosophiques de sang du corps et le boit.
l'auteur des Lettres juiveà (le marquis d'Ar- Les démonographes ont donné le nom de
gens), in-12, 1745. chevesche aux sorcièresj parce que, sembla-
CHETEB ou CHERER, Voy. DEBER. bles à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux
CHEVAL. Cet animal était, chez les an- qu'elles peuvent saisir, et principalement
ciens, un instrument à présages pour la des petits enfants (4). C'est sans doute là l'i-
guerre. Les Suèves, qui habitaient la Ger- dée mère des vampires. Les sorcières qui
manie, nourrissaient à frais communs, dans sucent le sang ont aussi quelque analogie
dos bois sacrés,des chevaux dont ils tiraient avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies.
des augures. Le grand-prêtre et le chef de CHEVEUX.. « Prenez des cheveux d'une
la nation étaient les seuls qui pouvaient les femme dans ses jours de maladie; mettez-les
toucher ils les attachaient aux chariots sous une terre engraissée de fumier, au com-
sacrés, et observaient avec attention leurs mencement du printemps, et, lorsqu'ils se-
hénnissements et leurs frémissements. Il n'y ront échauffés par la chaleur du soleil il
avait pas de présages auxquels les prêtres et s'en formera des serpents (5). »
les principaux de la nation ajoutassent plus Quelques conteurs assurent que les mau-
de foi. vais anges étaient amoureux des cheveux des
On voit encore que chez certains peuples femmes, et que les démons incubes s'atta-
on se rendait les divinités favorables en pré- chent de préférence aux femmes qui ont de
cipitant des chevaux dans les fleuves. Quel- beaux cheveux.
quefois on se contentait de les laisser vivre Les sorcières donnent de leurs cheveux au
en liberté dans les prairies voisines, après les diable, comme arrhes du contrat qu'elles font
avoir dévoués. Jules César, avantde passer le avec lui; le démon les coupe très-menu, puis
1) De Supnrstilione,ad regem Henricum. • (4) Torquemada,Hexameron,troisièmeJournée.
2) liodia, Démonomanie,liv. I, cli.3. (fi) Secretsd'Albert le Grand,p. 27.
3) Wierus,in Pseuclomonarch. dsem.,ad fin'em.
567 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 568
les mêle avec certaines poudres il les remet tuer, parce qu'on croyait que Pan, la grande
aux sorciers, qui s'en servent pour faire divinité de cette ville, s'était caché sous la
tomber la grêle; d'où vient qu'on trouve or- figure d'une chèvre; aussi le représentait-on
dinairement dans la grêle de petits poils, avec une face de chèvre", et on lui immolait
qui n'ont pas une autre origine. On fait des brebis.
encore, avec ces mêmes cheveux, divers Souvent des démons ou des sorciers ont
maléfices (1). pris la forme de chèvre. Claude Chappuis de
On croit en Bretagne qu'en soufflant des Saint-Amour, qui suivit l'ambassadeur de
cheveux en l'air on les métamorphose en Henri III près la sublime Porte, conte qu'il
animaux; les petits garçons de Plougasnou, vit sur une place publique de Constanti-
qui font des échanges entre eux, confirment nopledes bateleurs qui faisaient faire à des
la cession en soufflant au vent un cheveu, chèvres plusieurs tours d'agilité et de passe-
parce que ce cheveu était autrefois l'emblème passe tout à fait admirables; après quoi,
de la propriété. Des cheveux, dans les temps leur mettant une écuelle. la bouche, ils leur
modernes, ont même été trouvés sous des commandaient d'aller demander, pour leur
sceaux ils tenaient lieu de signatures (2). entretien, tantôt au plus beau ou au plus
Enfin il y a des personnes superstitieuses laid, tantôt au plus riche ou au plus vieux
qui croient qu'il faut observer les temps de la compagnie ce qu'elles faisaient dextre-
pour se couper les cheveux et se rogner les ment, entre quatre à cinq mille personnes,
ongles. Autrefois on vénérait le toupet-, et avec une façontelle,qu'il semblait qu'elles
par lequel les Romains juraient, et qu'on of- voulussent parler. Or, qui ne voit clairement
frait aux dieux. Il parait qu'ils étaient sen- que ces chèvres étaient hommes ou femmes
sibles à ces présents, puisque, quand Béré- ainsi transmués, ou démons déguisés (3)?.
nice'eut offert sa chevelure, ils en firent une Voy. Bouc.
constellation. CHIBADOS, secte de sorciers qui font mer-
Chez les Francs, c'était une politesse de veille au royaume d'Angola.
donner un de ses cheveux et les famillès CHICOTA, oiseau des îles Tonga, qui a
royales avaient seules le privilége de les lais- l'habitude de descendre du haut des airs en
ser pousser dans tout leur développement. poussant de grands cris. Les naturels sont
En Hollande beaucoup de gens croient persuadés qu'il a le don de prédire l'avenir.
qu'en vendant leurs cheveux à un perru- Quand il s'abaisse près d'un passant on
quier, ils auront par sympathie les maux de croit que c'est pour lui annoncer quelque
tête de ceux qui les porteront. Une dame malheur.
âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à CHICUS jESCULANUS, voy. CECCO d'As-
La Haye de beaux cheveux blancs d'argent, COLI.
très-abondants et très-longs. Le tondeur lui CHIEN. Les chiens étaient ordinairement
en offrit 20 florins (42 fr.). Elle aima mieux les compagnons fidèles des magiciens. C'é-
les brûler. J'aurais, dit-elle, toutes les tait le diable qui les suivait sous cette forme,
douleurs' que mes cheveux couvriraient. pour donner moins à soupçonner. Mais on le
CHEVILLEMENT, sorte de maléfice em- reconnaissait malgré ses déguisements. Léon
ployé par les sorciers et surtout par les ber- de Chypre écrit que le diable sortit un jour
gers. Il empêche d'uriner. Le nom de ce ma- d'un possédé, sous la figure d'un chien noir.
léGce lui vient de ce que pour le faire on se C'est surtout la couleur noire qui dénote
sert d'une cheville de bois ou de fer qu'un le diable sous une peau de chien.
plante dans la muraille, en faisant maintes De bonnes gens se noient assez fréquem-
vonjurations. ment à Quimper. Les vieilles et les enfants
« J'ai connu une personne, dit Wecker, assurent que c'est le diable, en forme de gros
qui mourut du chevillement il est vrai chien noir, qui précipite les passants dans
qu'elle avait la pierre. » Et le diable, qui la rivière (k).
parfois aime à se divertir, chevilla un jour Il ya beaucoup desuperstitionsqui tiennent
la seringue d'un apothicaire en fourrant sa au chien dans le Finistère, où les idées drui-
queue dans le piston. Voy. Noals. diques ne sont pas toutes éteintes. 'On croit
Pour empêcher l'effet de ce charme, il faut encore, dans le canton sauvage de Saint-Ro-
cracher sur son soulier du pied droit avant nal, que l'âme des scélérats passe dans le
que de s'en chausser. Ce qui approche de ce corps d'un chien noir.
qu'on lit dans Tibulle, que les anciens cra- Les anciens mages croyaient aussi que les
chaient dans leur sein par trois fois pour se démons se montraient en forme de chiens
désensorceler ou empêcher le sortilége. On et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte
voit dans un livre, intitulé
l'Urotopégnie ou qu'un mauvais génie, travesti en chien noir,
chevillement, que les tonneaux, les fers, les vint annoncer à Cimon qu'il mourrait bien-
fours, les lessives, les moulins à vent et tôt.
ceux qui sont sur les ruisseaux et Un charlatan, du temps de Justinien, avait
rivières,
peuvent être pareillement liés et maléGciés. un chien si habile, que, quand toutes les
Voy. Ligatures. personnes d'une assemblée avaient mis à
CHÈVRES. Ces animaux étaient fort révé- terre leurs anneaux, il les rendait sans se
rés à Mendès en Egypte. 11était défendu d'en
tromper, l'un après l'autre, à qui ils appar-
(1) Boguet,Discoursdes sorciers,ch. 2S,p. 15& (3) Delaucre,Incrédulitéet mécréancedusortilégeplei
et19S
M, Cambry,Voyagedansle Finistère, t. lt», p. 174 nementconvaincues,traité 6, p. 3i8.
et t9:1.,
(4)Cambry,Voyagedansle Finistère, t. III, p. 22.

569 cm cm 370

tenaient. Ce
tenaient. flft chien riîctinmi!)
P.llîPIl Wniiaoi
distinguait aussi /lonc
dans lala uns
uns r>inm! /miv MMs\fnnn An« lo. A.*lf»
parmi eux professent le culte du soleil;
A., .«i»!i.

foule, lorsque son maître le lui ordonnait, les autres celui du chien (4).
les riches- et les pauvres, les gens honnêtes On a toutefois honoré quelques individus
et les fripons « Ce qui fait voir, dit Leloyer, de cette race tel est le dogue espagnol Bé-
qu'il y avait là de la magie, et que ce chien recillo, qui dévorait les Indiens à Saint-Do-
était un démon (1). »
mingue, et qui avait, par jour, la paye do
Delancre conte qu'en 1530 le démon, par trois so!dats.
le moyen d'un miroir, découvrit, à un pas- Il y aurait encore bien des choses à dire
teur de Nuremberg, des trésors cachés dans sur les chiens. En Bretagne surtout, les hur-
une caverne près de la ville, et enfermés lements d'un chien égaré annoncent la mort.
dansdes vases de cristal. Le pasteur prit avec Il faut que le chien de la mort soit. noir; et
lui un de ses amis pour lui servir de s'il aboie tristement à minuit, c'est .une mort
compa-
gnon ils se mirent à fouiller et découvrirent inévitable qu'il annonce à quelqu'un de la
une espèce de, coffre, auprès
duquel était famille pour la personne qui l'entend.
couché un énorme chien noir. Le pasteur Wiérus dit qu'on chasse à jamais les dé-
s'avança avec empressement pour se saisir mons, en frottant les murs de la chambre
du trésor; mais à peine fut-il entré dans la qu'ils infestent avec le Cet ou le sang â'un
caverne qu'elle s'enfonça sous ses pieds et chien noir (5). Voy. Agrippa, Biugadini
l'engloutit (2). DORMANTS,etc.
Notez que c'est un conte et que personne La petite chienne blanche, conte populaire.
n'a vu ce grand chien. Mais on peut juger On remarquait, dit-on au dix-septième
par ces traits quelle idée avaient des chiens siècle dans la forêt de Bondi deux vieux
les peuples mal civilisés. chênes que l'on disait enchantés.' Dans lo
Chez les anciens, on appelait les furies les creux de l'un de ces chênes on voyait tou-,
chiennes de l'enfer; on sacrifiait des chiens jours une petite chienne d'une éblouissante
noirs aux divinités infernales. Chez nos blancheur. Elle paraissait endormie et ne
pères on pendait entre deux chiens les plus s'éveillait quelorsqu'un passant s'approchait;
grands criminels. mais elle était si agile, que personne ne pou-
Quelques peuples pensaient pourtant au- vait la saisir. Si on voulait la surprendre
trement on a même honoré le chien d'une elle s'éloignait de quelques pas, et, dès qu'ou
manière distinguée. Elien parle d'un s'éloignait, revenait à sa place avec opiniâ-
pays
d'Ethiopie dont les habitants avaient. pour treté. Les pierres et les balles la frappaient
roi un chien; ils prenaient ses caresses et sans la blesser; enfin, on croyait dans le pays
ses aboiements pour des marques de sa bien- que c'était un démon, ou l'un des chiens du
veillance ou de sa colère. grand veneur ou du roi Arthus ou encore
Les guèbres ont une grande vénération la chienne favorite de saint Hubert, ou. enfin
pour les chiens. On lit dans Tavernier que le chien de Montargis; qui, présent à l'assas-
lorsqu'un guèbre est à l'agonie, les parents sinat de son maître dans la forêt de Bondi,
prennent un chien dont ils appliquent la révéla le meurtrier et vengea l'homicide au
gueule sur la bouche du mourant, afin qu'il quatorzième siècle. On disait aussi que des
reçoive son âme avec son dernier soupir.. sorciers faisaient assurément le sabbat sous
Le chien leur sert encore à faire connaître les deux chênes.
si le défunt est parmi les élus. Avant d'ense- Un jeune garçon de dix à douze ans, dont.
velir le, corps, on le pose à terre on amène les parents habitaient la lisière de la forêt,
un chien qui n'ait pas connu le mort, et au faisait ordinairement de petits fagots à quel-
moyen d'nn morceau de pain, on l'attire le que distance de là. Un soir qu'il,ne revint
plus près du corps qu'il est possible. Plus pas, son père, ayant pris sa lanterne et son,
le chien en approche, plus le défunt est heu- fusil, s'en alla avec son fils aîné battre le bois.
reux. S'il vient jusqu'à monter sur lui et à La nuit était sombre. Malgré la lanterne, les
lui arracher de la bouche un morceau de deux bûcherons se heurtaient à chaque ins-
pain qu'on y a mis, c'est une marque .assu- tant contre les arbres, s'embarrassaient dans
rée que le défunt est dans le paradis des les ronces, revenaient sur leurs pas et s'é-
guèbres. Mais l'éloignement du chien est un garaient sans cesse.- Voilà qui est sin-
préjugé qui fait désespérer du bonheur du gulier, dit enfin le père il ne faut qu'une
mort. heure pour traverser le bois et nous mar-
Il y a aussi des gens qui tiennent à hon- chons depuis deux sans avoir trouvé les chê-
neur de descendre d'un chien. Les royaumes nes il faut que nous les ayons passés.
de Pégu et de Siam reconnaissent un chien En ce moment, un tourbillon ébranlait la
pour chef de leur race. A Pégu et à Siam on forêt. Ils levèrent les yeux, et virent, à vingt
a donc grand respect pour les chiens, si pas les deux chênes. Ils marchèrent dans
maltraités ailleurs (3). cette direction; mais à mesure qu'ils avan-
La population du Liban qui s'élève à cent, il semble que les chênes s'éloignent:
quatre cent mille âmes est composée de la forêt parait ne plus finir; on entend de
trois races, les Ansariés les Druses et les toutes parts des sifflements, comme si le bois
Maronites. Les Ansariés sont idolâtres. Les était rempli de serpents; ils sentent rouler à
(1)Leloyer,Hist. et dise,desspectres, liv. 1er, ch. 8. premièrejournée.
(2) MadameGabriellede P. Histoire des raiitûmes, (4) Voyagesdu duc de Raguse.
p. 27. (5) De Prœst.daem.,lit».»»«ap.21.
(3)HexamérondeTorquemada,traduit par G.Chappuis,
371 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 572
leurs pieds des corps inconnus des griffes sur le témoignage de Gontrand frère de
entourent leurs jambes et les effleurent; une Chilpéric, celle vision merveilleuse. Gontrand
odeur infecte les environne ils croient vit l'âme de son frère Chilpéric liée et char-
séntir des êtres -impalpables errer autour gée de chaînes, qui lui fut présentée par trois
d'eux. évêques.L'un étaitTétricus, l'autre Agricola,
Le bûcheron, exténué de fatigue, conseille le troisième Nicétius de Lyon. Agricola et
à son fils de s'asseoir un instant mais son Nicétius, plus humains que l'autre, disaient:
fils n'y est plus. Il voit à quelques pas dans -Nous vous prions de le détacher, et, après
lés buissons, la lumière vacillante de la lan- l'avoir puni, de permettre qu'il s'en aille.
terne; il remarque le bas des jambes de son L'évéque Tétricus répondit avec amertume
fils, qui l'appelle; il ne reconnaît pas la voix. de cœur: 11 ne sera pas ainsi mais il sera
Il se lève; alors la lanterne disparaît il ne châtié à cause de ses crimes.-Enfin dit
sait plus où il se trouve une sueur froide Gontrand le résultat fut de précipiter cette
découle de tous ses membres; un air glacé pauvre âme dans une chaudière bouillante
frappe son visage comme si deux grandes que j'aperçus de loin. Je' ne pus retenir mes
ailes s'agitaient au-dessus de lui. Il s'appuie larmes lorsque je vis le misérable état de
contre un arbre laisse tomber son fusil, re- Chilpéric jeté dans la chaudière où tout à
commande son âme à Dieu et tire de son coup il parut fondu et dissous (2).
sein un crucifix il se jette à genoux et perd. CHIMÈRE, monstre imaginaire, né en Ly-
connaissance. cie,que les poëtes disent avoir été vaincu par
i Le soleil était levé lorsqu'il se réveilla; il Bellérophon; il avait la tête et t'estomac d'un
vit son fusil brisé et macéré comme si on lion, le ventre d'une chèvre et la queue d'un
l'eût mâché avec lesdents; les arbres étaient dragon. Sa gueule béante vomissait des flam-
teints de sang; les feuilles noircies; l'herbe mes. Les démonographes disent que c'était
desséchée le sol couvert de lambeaux le un démon.
bûcheron reconnut les débris des vêtements CHIMIE. On la confondait autrefois avec
de ses deux fils qui ne reparurent pas. Il l'alchimie. La chimie, selon les Persans, est
rentra chez lui épouvanté. On visita ces lieux une science superstitieuse qui tire ce qu'il y
redoutables. On y vérifia toutes les traces du a de plus subtil dans les corps terrestres pour
sabbat; on y revit la chienne blanche insai- s'en.servir aux usages magiques. Ils font Ca-
sissable. On purifia la place; on abattit les ron (le Coré du Pentateuque) inventeur de
deux chênes à la place desquels on planta. cette noire science qu'il apprit, disent-ils, de
deux croix, qui se voyaient encore il y a peu Moïse.
de temps et, depuis, cette partie de la forêt' Louis deFontenettcs, dans l'épitre dédica-
cessa d'être infestée par les démons M,). toire de son Hippocrate dépaysé dit que
CH1FFLET (JEAN), chanoine de Tournay, «"d'aucuns prétendent que la chimie, qui est
né à Besançon vers 1611.11 a publié: Joannis « un art diabolique a été inventé par
Macarii Abraxas, seu Apistopistus, quœ est « Cham. »
antiquaria de gemmis basilidianis disquisitio, CHION philosophe d'Héraclée disciple
commentants illust. Anvers 1657 in-4°. de Platon. Il fut averti en songe de tuer
Cette dissertation traite des pierres gravées Cléarque tyran d'Héraclée, qui était son
portant le nom cabalistique Abraxas-, par le- ami. Il lui sembla voir une femme qui lui
quel Basilide, hérétique du deuxième siècle, mitdevant les yeux la bonne renommée qu'il
désignait le Dieu créateur et conservateur. acquerrait par le meurtre du tyran;. et
Elle est curieuse, et le commentaire que Chif- poussé par cette vision, il letua. Mais ce qui
flet y a joint est estimé. prouve que c'étaitune vision diabolique, c'est
CHIJA ou CHAJA (ABRAHAMBEN) rabbin que Cléarque, tyran tolérable, ayant été tué,
espagnol du onzième siècle. 11 a écrit, en hé- fut remplacé par Satyre son frère bien
breu, le Volume du Révélateur où il traite plus cruel que lui et que rien ne pouvait
de l'époque où viendra le Messie, et de celle adoucir.
où se fera la résurrection générale. Pic de la CHIORGAÎIR. Voy. Gaobic.
Mirandole cite cet ouvrage dans son traité CHIRIDIRELLÈS démon qui secourt les
contre les astrologues. voyageurs dans leurs besoins, et qui leur en-
CHILDÉRIC 1". Voy. BASILE et CRISTAL- seigne leur chemin lorsqu'ils sont égarés.
LOMANCIE. On dit qu'il se montre à ceux qui l'invo-
CHILDÉRIC III, fils de Chilpéric II, etder- quent, sous la forme d'un passant à cheval.
nier des rois-de la première race. Il publia, CHIROMANCIE, art de dire la bonne aven-
en 7k2, un édit contre les sorciers, où il or- ture par l'inspection des lignes de la main:
donne que chaque évêque, aidé du magistrat Cette science, que les Bohémiens ont rendue
défenseur des églises, mette tous ses soins à célèbre, est, dit-on, très -ancienne. Nous en
empêcher le peuple de son diocèse de tomber exposons les principes à l'article Main.
dans les superstitions païennes. Il défend les CHODAR démon que les nécromanciens
sacrifices aux mânes, les sortiléges, les phil- nomment aussi Bélial il a l'Orient pour
tres, les augurés, les enchantements, les di- district, et commande aux démons des pres-
vinations, etc. tiges.
CfflLjPÉRIC I", roi de France, fils de Clo- CHOQUET (Louis) auteur d'un mystère
taire I". Saint Grégoire de Tours rapporte très-rare,intitulé L' Apocalypse de saint Jean
(î) Infernaliana,p. 132'. glet-Dufresnoy, Recueil de dissertationssur. les appari-
(2)Greg. Turon.,Hist. Franc., lib. VIII, cap. 5.– Len- tions,p. 72 de la préface.
575 CHO fIC 574
Zébédée où sont comprises les visions et _avait causé. C'est un
révélations système qui.n!est pas
qu'icelui saint Jean eut en l'île plus bête que celui des philosophes modernes.
de Patmos; in-fol., Paris, 1541.
CHOUX.Unecroyance qui n'est pas extrê-
CHORROPIQUE (Marie) sorcière borde- mement rare, c'est qu'on ne doit pas manger
laise du temps de Henri IV qui confessa de choux le jour de saint Etienne; parce qu'il
s'être donnée au diable par le moyen d'un s'était caché dans un carré de choux pour
nommé Augerot d'Armore, qui la mena dans éviter le martyre (2).
une lande où elle trouva un grand seigneur Conte très-stupide et
superstition très-absurde.
vêtu de noir, dont la figure était voilée. Il
était entouré d'une inGnilédegens richement CHRISOLYTES, hérétiques du sixième
habillés. Marie Chorropique ayant prononcé siècle, qui disaient que Notre-Seigneur avait
laissé son corps et son âme aux enfers et
le nom de Jésus tout disparut incontinent. n'était remonté aux cieux qu'avec sa
Son guide ne vint la reprendre que trois qu:il
divinité.
heures après la tança d'avoir prononcé le CHRISTOPHE. Autrefois, d'après une opi-
nom de Notre-Seigneur et la conduisit au nion exprimée par ce vers:
sabbat, près d'un moulin, ou çlle retrouva
le même seigneur noir avec un jiommê Çuristophorumvideas,posteatutus eas,
Menjoin, qui portait un pot de terre où il y on croyait que celui qui avait vu quelque
avait de grosses araignées enflées .d'une image de saint Christophe le matin était en
drogue blanche, et deux crapauds qu'ou tua sûreté toute, la journée.
à coups de gaule, et qu'on
chargea Marie CHRISTÔVÀL m LA GARRAPE. Voy.
d'écorcher. Marissane.
Ensuite Augerot pila ces'araignées dans CHRYSOLITHE pierre précieuse qu'Al-
un mortier avec les crapauds. Ils jetèrent bert le Grand regarde comme un préservatif
cette composition sur quelques pâturages contre la fpjie. Elle a encore, dit-il, la vertu
pour faire mourir les bestiaux. Apr|s quoi, de mettrele repentir dans le çoeurde l'homme
ils s'en allèrent au bourg d'Irauris où ils qui a fait des fautes.
prirent sans bruit un enfant ajiberce.au. ÇHRYSQMALLON nom du fameux bélier
Augerot et Menjoin l'étranglèrent et te mi-
rent entre son père et sa mère .qui dormaient, qui portait ta toison d'or. On dit qu'il volait
dans les airs qu'il nageait en perfection
afin que le père crût que sa femme l'avait
qu'il cour^U avec la légèreté d'un cerf, et
étouffé et que la mère à son tour accusât que Neptune, dont i,l était fils, t'avait
son mari. Ils en empoisonnèrent d'autres. couvert de soie d'or au Heu de laitve. Il
A toutes ces exécutions, Marie Chorropique avajt aussi l'usage Lde la parole, et 4.pfl-
attendait les deux bandits à la porte des mai- nait de bons avis.. Il est le premier signe jdu
sons. Que penser de ces récits?
zod.iaque.
Elle dit encore que, dans un autre sabbat,
elle vit deux sorcières qui apportèrent le CHRYSOPÉE.œuvre d:or.C'estleoom grec
cœur d'un enfant dont la mère s'était fait que les alchimistes donnent à Ja pierre phi-
ou à l'art de transmuer tous les
avorter, et qu'elles le gardèrent pour 'en faire losophale,métaux
un sacriGçe au diable. Cette en or pur.
horrible sor-
cière fut brûlée le 2 octobre 1576 (i). CHRYSOPOLE, démon. Voy. Quve.
CHOUETTE espèce de hibou de la gros- CHRYSOPRASE,pierre précieuse à laquelle
seur d'un pigeon, qui ne paraît qu'au point l.i superstition attachait l,a propriété dé for-
du jour ou à l'approche de la nuit. Chez les tifier la v.ue, de réjouir l'esprit et de rendre
Athéniens et les Siciliens, cet oiseau était l'homme .libéral et joyeux.
d'un bon augure^ partout ailleurs,' la ren- CICÉRON (Marcus Tollios ). Leloyer dit
contre d'upe chouette était d'un mauvais qu'.un spectre apparut à[lanourrice de Cicé-
présage. Cette supers.tition vit encore dans r.on c'était un démon de ce,ux qu'on appelle
plusieurs pays. Voy. Chevesche Chat-hmnt, génies familiers. Il lui prédit "qu'Jelle allaitait
CHOUN,divinité adorée chezlesPér.uyiens, un enfant qui un jour à venir ,,ferait grand
qui racontaient ainsi son histoire bien, à l'État. « Mais d'où. tenaii-iltput cela,
II vint des parties septentrionales dujnonde me ^dira-t-pn ? Je répondrai C'est Llacou-
un homme qui avait un corps sans os et t.ume du diable de bégayer dans les choses's
sans muscles, et qui s'appelait Càoun; il futures. » Cicéron devint en ieffet ce qu'on
abaissait les montagnes, comblait les vallées, sait (3). "
et se frayait un chemin dans tes lieux inac-
.C'.est' lui gui disait .qu'il ne concevait
cessibles. Ce Choun créa les premiers habU- pas que deux augures pussent se 'regarder
tants du Pérou; il leur apprit à se nourrir sans rjjre.
des herbes et des fruits sauvages. Mais un Il a combattu les idées, suporslitjeuàes dans
jour, offensé par quelques Péruviens, il con- plusieurs de s.es ouvrages, surtput.d^ns tes
vertit en sables arides une partie de la terre, trois livr,os delà Nature dep 4\eMx,? 4ÀPS=\cs
auparavant très-fertile partout; il arrêta la Tuseulaties et dans les deux livres ,d? ''<•
pluie, dessécha les plantes; et ensuite, ému Divination.
de compassion .il ouvrit .les fontaines et fit ;Regnier Desmarais., en ;tête de sa.traduc-
couler les rivières, pour réparer le mal qu'il tion de l'ouvrage de Cicéron, de Divinatione,
(t) Delancre,Tableaudel'inconstancedes démons,etc., (ôKLeloyer,Hist. et dise. des spectres,Jiv. U(1çh.8;i
17. liy. III, ch.17.
(îj Ttiiers. Traitédes superstitions,1. 1.
DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES 576
57S
et par ces mots « Les cieux sont les œu-
a donné de ce traité un sommaire que nous
transcrivons ici: vres de tes doigts, » qui sont au nombre de
a Chez les Romains dit-il la divination dix (1).
(c'est-à-dire le pressentiment et la prédiction Les rabbins prétendent que le ciel tourne
de l'avenir ) était principalement fondée sur sans cesse, et qu'il y a au bout du monde un
la fonction de ceux qu'on appelait Anuspices, lieu où le ciel touche la terre. On lit dans le
Talmud que le rabbin Bar-Chana, s'étant
qui consistait dans l'inspection des entrailles en cet endroit se mit
des victimes et dans l'interprétation des pro- arrêté pour reposer,
et des et sur la fonction des son chapeau sur une des fenêtres du ciel, et
diges foudres, un moment
Augures, qui prenaient les auspices par l'ob- que, l'ayant voulu reprendre
servation du vol des oiseaux, par celle de après il ne le retrouva plus, les cieux
leur chant, et de leur manière de manger. A l'ayant emporté dans leur course de sorte
ces deux sortes de divinations tenaient qu'il fallut qu'il attendit la révolution des
qui
en même temps à la religion et au gouver- mondes pour le rattraper.
nement de la république il faut ajouter les CIERGES. On allume deux cierges à Scaer,
livres de la sibylle Erithrée auxquels le en Bretagne, au moment du mariage; on en
sénat avait quelquefois recours; les réponses place un devant le mari, l'autre devant la
des oracles; les prédictions des personnes femme la lumière la moins brillante indi-
qu'on croyait éprises de fureur divine; les que celui des deux qui doit mourir le pre-
-visions dans les songes; les présages tirés de mier. L'eau et le feu, comme chez les an-
certaines choses dites au hasard ceux des ciens, jouent un grand rôle chez les Bretons.
astrologues et les sorts qu'on appelait les Du côté de Guingamp, et ailleurs, quand on
sorts de Préneste. ne peut découvrir le corps d'un noyé, on
» C'est de toutes ces différentes divinations met un cierge allumé sur un pain qu'on
qu'il s'agit dans les deux livres de Cicéron. abandonne au cours de l'eau on trouve,
Dans le premier, il introduit son frère qui dit-on, le cadavre dans l'endroit où le pain
étant stoïcien les soutient toutes avec cha- s'arrête (2).
leur et s'appuie pour cet effet sur l'autorité CIGOGNE. On croit que les cigognes pré-
des anciens philosophes, sur divers exemples servent des incendies les maisons où elles se
de l'antiquité, sur la pratique universelle de retirent. Cette erreur n'est plus très-répan-
toutes les nations sur les arguments par due. On a dit aussi que les cigognes ne s'é-
lesquels les stoïciens, grands partisans de la tablissaient que dans les Etats libres; mais
divination prétendaient la prouver. Dans le les Egyptiens, qui eurent toujours des rois,
second livre, Cicéron réfute tout ce que son leur rendaient un culte; et c'était un crime
frère avait avancé dans le premier: d'abord capital en Thessalie, qui était monarchique,
il commence par démontrer la vanité l'inu- de tuer une cigogne, parce que le pays est
tilité et même l'impossibilité de toute divi- plein de serpents, et que les cigognes les dé-
nation en général ensuite examinant chaque truisent. Elles sont enfin très-communes en
sorte de divination en particulier, il découvre Turquie, eu Egypte et en Perse, où l'on ne
l'origine la nature et les abus de chacune. songe guère aux idées républicaines.
Voilà en gros quel est le sujet des deux livres CILANO ( Georges -Chrétien -M aternos
de la Divination. » Voy. Divination. se), Hongrois du dix-huitième siècle, qui a
Valère-Maxime conte que Cicéron ayant écrit un livre del'Origine et de la Célébration
été proscrit par les triumvirs se retira dans des saturnales chez les Romains (3), et (sous
sa maison de FoVmies où les satellites des le nom d'Antoine Signatelli) des Recherches
tyrans ne tardèrent pas à le poursuivre.Dans sur les géants (4).
ces moments de trouble il vit un corbeau C1MER1ÈS, grand et puissant démon, mar.
arracher l'aiguille d'un cadran c'était lui quis de l'empire infernal. Il commande aux
annoncer que sa carrière était finie. Le cor- parties africaines. Il enseigne la grammaire,
beau s'approcha ensuite de lui, comme pour la logique et la rhétorique; il découvre les
lui faire sentir qu'il allait bientôt être sa trésors et révèle les choses cachées; il rend
proie et le prit par le bas de sa robe qu'il l'homme léger à la course, et donne aux
ne cessa de tirer que quand un esclave vint bourgeois la tournure fringante des militai-
dire à l'orateur romain que des soldats arri- res. Le marquis Cimeriès, capitaine de vingt
vaient pour lui donner la mort. Les corbeaux légions, est toujours à cheval sur un grand
d'aujourd'hui sont plus sauvages. palefroi noir (5).
CIEL. Un tel article ne peut eutrer dans ce CIMETIÈRE. Il n'était pas permis en Espa-
dictionnaire qu'à propos de quelques folles gne, au quatrième siècle, d'allumer des cier-
croyances. Les musulmans admettent neuf ges en plein jour dans les cimetières, de peur
cieux; il y eut, parmi les chrétiens,» des d'inquiéter les esprits. On croyait que les
hérétiques qui en annonçaient trois cent âmes des trépassés fréquentaient les cime-
soixante-cinq', avec des anges spécialement tières où leurs corps étaient enterrés (6) et
maîtres de chaque ciel. Voy. Basilide. le clergé eut quelque peine à détruire cette
Bodin assure qu'il y a dix èieux, qui sont opinion.
marqués par les dix courtines du tabernacle On croit encore aujourd'hui, dans les cam-
(1) Préfacédela Démonomaniedessorciers. (4) De Gigautibusnova disquisitiohislorica et 'crilica,
2) Voyagede Cambrydans le Finistère,t. Ill, p. 159. 1756.
(S)De Saturnaliumorigine et celebrandiritu apud Ro- (5) Wierus, in Pseudomonarchia dam.
maaos,U59. (6) DomCalmei,Traité sur lesapparitions,etc., ch. xi
577 C1P CIV 578
pagnes, que les âmes du purgatoire revien- lui dit seulement que c'était une marque
nent dans les cimetières; on dit même que qu'il régnerait dans Rome; mais il n'y vou-
lés démons aiment à s'y montrer, et que c'est lut plus entrer. Cette modération est plus
pour les écarter qu'on y plante des croix. merveilleuse que les cornes.
On conte des anecdotes effrayantes. Peu de CIRCÉ, fameuse magicienne qui changea
villageois traverseraient le cimetière à mi- les compagnons d'Ulysse en pourceaux. Elle
nuit ils ont toujours l'histoire de l'un d'en- savait composer des potions magiques et des
tre eux qui a été rossé par une âme (ou plu- enchantements par lesquels, au moyen du
tôt par un mauvais plaisant) qui lui a re- diable, elle troublait l'air, excitait les grêles
proché de troubler sa pénitence. Voy. Appa- et les tempêtes, et donnait aux hommes des
ritions. maladies de corps et d'esprit. Saint Jean
Henri Estienne et les ennemis du catholi- Chrysostome regarde la métamorphose des
cisme ont forgé aussi des aventures facétieu- compagnons d'Ulysse comme une vive allé-
ses, où ils attribuent de petites fraudes aux gorie.
gens d'église pour maintenir cette croyance; CIRCONCELLIONS, fanatiques du qua-
mais ces historiettes sont des inventions ca- trième siècle, de la secte des donatistes. Ils
lomnieuses. parurent en Afrique. Armés d'abord de bâ-
On a vu quelquefois, dans les grandes fons qu'ils appelaient bâtons d'Israël, ils
chaleurs, des exhalaisons enflammées sortir commettaient tous les brigandages sous pré-
des cimetières; on sait aujourd'hui qu'elles texte de rétablir l'égalité. Ils prirent bientôt
ont une cause naturelle. des armes plus offensives pour tuer les ca-
CIMMÉRIENS, peuples qui habitaient au- tholiques. On les appelait aussi scotopètes.
tour des Palus-Méotides, et dont les Cimbres Ils faisaient grand cas du diable et l'hono-
sont les descendants. Beaucoup de savants raient en se coupant la gorge, en se noyant,
ont placé dans ce pays l'antre par lequel on en se jetant, eux et leurs femmes, dans les
allait aux enfers. Leloyer dit que les Cimmé- précipices. A la suite de Frédéric Barbe-
riens étaient de grands sorciers, et qu'Ulysse rousse, au treizième siècle, on vit reparaître
ne les alla trouver que pour interroger, par des circoncellions qui damnaient les catho-
leur moyen, les esprits de l'enfer. liques. Ces violents sectaires, à l'une et l'au-
CIMON, général athénien, fils de'Miltiade. tre époque, ne durèrent pas longtemps.
Ayant vu en songe une chienne irritée qui CIRE. C'est avec de la cire que les sorciè-
aboyait contre lui et qui lui disait d'une, voix res composaient les petites figures magiques
humaine « Viens; tu me feras plaisir, à qu'elles faisaient fondre lorsqu'elles vou-
moi et à mes petits, » il alla consulter un laient envoûter et faire périr ceux qu'elles
devin nommé Astyphile, qui interpréta sa avaient pour ennemis. On décapita à Paris,
vision de cette manière « Le chien est en 1574 un gentilhomme chez qui l'on
ennemi de celui contre lequel il aboie; or, trouva une petite image de cire ayant la
on ne pourrait faire à son ennemi un plus place du cœur percée d'un poignard. Voy.
grand plaisir que de mourir; et ce mélange ENVOUTEMENT.
de'la voix humaine avec l'aboi dénote un CIRUELO (Pierre), savant aragonais du
Mède qui vous tuera, » quinzième siècle, à qui l'on doit un livre
Les Grecs étaient en guerre avec les Per- d'astrologie (1), où il défend les astrologues
ses, et les Mèdes il y avait donc chance. et leur science contre les raisonnements de
Malheureusement pour le devin, le songe ne Pic de la Mirandole.
s'accomplit pas, et Cimon ne mourut que de CITATION, formule employée pour appe-
maladie.. ler les esprits et les forcer à paraître. Voy.
CINCINNATULUS ou CINCINNATUS (le Evocation.
petit frisé), esprit qui, au rapport de Rhodi- CITU, fête au Pérou, dans laquelle tous
ginus, parlait par la bouche d'une femme les habitants se frottaient d'une pâte où ils
nommée Jocaba, laquelle était ventri- avaient mêlé un peu de sang tiré de l'entre-
loque. deux des sourcils de leurs enfants. Ils pen-
CINQ. Les Grecs modernes se demandent saient par là se préserver pour tout le mois
excuse en prononçant le nombre cinq, qui de tout malaise. Les prêtres idolâtres fai-
est du plus mauvais augure, parce qu'il ex- saient ensuite des conjurations afin d'éloi-
prime un nombre indéfini, réprouvé par les gner les maladies, et les Péruviens croyaient
cabalistes. que toutes les fièvres étaient chassées dès
CIONES. Voy. Kiones. lors à cinq ou six lieues de leurs habita-
CIPPUS VENELIUS, chef d'une partie de tions.
l'Italie, qui, pour avoir assisté à un combat CIVILE (François DE), gentilhomme nor-
de taureaux et avoir eu toute la nuit l'ima- mand, né en 1536, dont la vie fut remplie de
gination occupée de cornes, se trouva un catastrophes, pour la plupart imaginées par
front cornu le lendemain. D'autres disent les écrivains protestants, qui ont si souvent
que ce prince, entrant victorieux à Rome, fabriqué des romans et des historiettes, dans
s'aperçut en se penchant au-dessus des eaux le but de faire lire leurs écrits. Comme on
du Tibre, car il n'avait pas de miroir, qu'il classe cette vie prodigieuse dans les impos-
lui était poussé des cornes. Il consulta les tures historiques, nous en donnerons un pe-
devins pour savoir ce que lui présageait une tit précis.
circonstance si extraordinaire. On pouvait
(1) Apotolesmataaslrologlaehumanm, hoc est de mutai
expliquer ce prodige de plusieurs façons; on tionibuslefnporum.Alcala,1521.
579 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 380
La mère de François de Civile étant morte bliée par Misson, qui aurait dû yvoir le pen-
enceinte, pendant l'absence de son mari, dant des aventures de M. de Crac.
avait été enterrée sans qu'on.songeât à tirer CLAIRON (CLàIRE-JoSÈPHE-LEYRISDE LA-
l'enfant par l'opération césarienne. Un peu TUDE, connue sous le nom d'Hippolyte), tra-
après l'enterrement, le mari arrive; il ap- gédienne française, morte en 1803. Dans ses
prend avec surprise la mort de sa femme, Mémoires, publiés en 1799, elle raconte l'his-
et le peu d'attention qu'on a eu pour le fruit toire d'un revenant qu'elle croit être l'âme
qu'elle portait; il la fait exhumer; on lui de M. de S. fils d'un négociant de Breta-
ouvre les entrailles, d'où l'on tira François gne, dont elle avait rejeté les voeux, à cause
de Civile encore vivant, de son humeur haineuse et mélancolique,
Cet homme, entré ainsi dans la vie, se quoiqu'elle lui eût accordé son amitié. Cette
trouvant en 1562, capitaine de cent hommes passion malheureuse avait conduit le jeune
de pied, dans la ville de Rouen, que Char- insensé au tombeau. Il avait souhaité de la
les IX assiégeait, reçut dans la joue une v,oir dans ses derniers moments mais on
balle qui lui traversa le cou; et il tomba du avait dissuadé mademoiselle Clairon de faire
haut du rempart dans le fossé. Des. pion- cette démarche; et il s'était écrié avec dés-
niers, le croyant mort, le mirent dans une espoir Elle n'y gagnera rien je la pour-
fosse,.avec un aujre corps qu'ils jetèrent sur suivrai autant après ma mort que je l'ai
lui, et ils les couvrirent d'un peu de terre. Il poursuivie pendant ma vie 1.
resta ainsi toute la, journée. Son valet vint Depuis lors, mademoiselle Clairon enten-
le soir chercher son corps pour lui donner dit, vers les onze heures du soir, pendant
une sépulture plus honorable. Il le déterra plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses
el ne le reconnut pas, tant il était défiguré. amis, ses voisins, la police même, entendi-
Cependant, un diamant qu'il avait au doigt rent ce bruit,, toujours à la même heure,
ayant frappé les yeux de ce domestique, il toujours partant sous ses fenêtres, et ne pa-
sut par là qu'il avait retrouvé son maître, et raissant sortir que du vague de l'air.
enleva le corps. Ces cris cessèrent quelque temps. Mais ils
Après l'avoir lavé, il J'embrassa en pleu- furent remplacés, toujours à onze heures du
rant il crut sentir encore quelque chaleur; soir, par un coup de fusil tiré dans ses fenê-
il porta bien vite le corps aux chirurgiens de tres, sans qu'il en résultât aucun dommage.
L'armée qui, le regardant comme mort, ne La rue fut remplie d'espions, 'et ce bruit
voulurent pas en prendre soin. Civile fut ainsi fut entendu, frappant toujours à la même
cinq jours et cinq nuits abandonné, sans par- heure, dans le même carreau de vitre, sans
ler ni donner aucun signe de mouvement, que jamais personne ait pu voir de quel en-
mais toujours ardent de fièvre. Un médecin droit il partait. A ces explosions succéda un
çonsentit alors enfin, à lui faire prendre un claquement de mains, puis des sons mélo-
peu de bouillon; le lendemain, le malade dieux. Enfin, tout cessa après un peu plus
entr'ojuvrit les yeux. Mais sur ces entrefai- de deux ans et demi (1)..
tes, la ville ayant été prise d'assaut, le bruit Voilà ce que disent les mémoires publiés
qui se fit lui ôta, de nouveau toute connais- par mademoiselle Raucourt. Ce qui n'empê-i
sance. Dans le pillage, on le jeta par la fenê- che pas que ce fait n'est qu'une mystification,
tre il tomba sur un fumier, où il resta trois qui eût fait un peu plus de bruit à Paris si
jours en chemise, sans être secouru de per- c'eût été autre chose.
sonne. CLARUS. Saint Augustin rapporte qu'un
Enfin un de ses parents vint le voir. et fut jeune homme de condition, nommé Clarus,
trèsrétonné de le trouver encore vivant. Ci- s'étant donné à Dieu dans un monastère
vile demanda à boire par signes; on lui d'Hippone, se persuada qu'il avait commerce
donna de la bière, qu'il avala très-avide- avec les anges. Il en parla dans le couvent.
ment ou l'emporta dans un château où il Comme les frères refusaient de le croire, il
fut soigné, et au bout de six semaines, il se prédit que la nuit suivante Dieu lui enver-
trouva bien portant. rait une robe blanche avec laquelle il parai-
Il fut proscrit comme protestant, sous. trait au milieu d'eux. En effet, vers minuit,
Henri III, et se réfugia en Angleterre, où la le monastère fut ébranlé, la cellule du jeune
reine Elisabeth lui fit coûter son histoire; ne homme parut brillante de lumière; on en-
sachant pas peut-être qu'il y a des Gascons tendit le bruit de plusieurs personnes qui
ailleurs qu'aux bords de la Garonne, elle allaient, venaient et parlaient entre elles,
donna son.p.ortrait au conteur. Le règne de sans qu'on pût les voir. Clarus sortit de sa
Henri le Grand lui permit de rentrer en cellule et montra aux frères la tunique dont 1
France. D'Aubigné dit qu'il l'a vu souvent il était vêtu c'était une étoffe d'une blan-
« aux assemblées nationales, député de Nor- cheur admirable et d'une finesse si extraor-
mandie, à l'âge de soixante-six ans, et qu'il dinaire, qu'on n'avait jamais rien vu desem-
signait toujours François de Civile,, trois blable. On passa le reste de la nuit à chan-
fois mort, trois fois enterré, et trois fois, par ter des psaumes en actions de grâces; en-
la grâce de Dieu, ressuscité. » II était octogé- suite on voulut conduire le jeune homme à
naire, iorsqx»'|l mourut d'une fluxion de saint Augustin; mais il s'y opposa, disant
poitrine. que les anges le lui avaient.déféndu. Cepen-
Nous avons tiré la plupart de ces détails dant on ne l'écouta point; et, comme on l'y
de l'histoire du capitaine François de Civile,
extraité de ses mémoires manuscrits, et pu- (t) Mémoiresd'HippolyteClairou, édit. de Buisson1
P. 167.
581 CLE CLE 382
conduisait malgré sa résistance, la'tunique Samien son nom; et, apprenant qu'il s'ap-
disparut aux yeux des assistants; ce qui fit pelait Hégésistrate, mot qui signifie conduc-
juger que le tout n'était qu'une illusion de teur d'armée, il répondit j'accepte t'augure
l'esprit de ténèbres. d'Hégésistrate.
CLASSYALABOLAS, Voy. CAACRINOLAAS. Ce qu'il y avait de commode en tout ceci,
CLAUDE, prieur de Laval, fil imprimer à c'est qu'on était libre d'accepter ou de refu-
la fin du seizième siècle un livre intitulé ser le mot à présage. S'il était saisi par ce-
Dialogues de la Lycanthropie. lui qui l'entendait et qu'il frappât son ima-
CLAUDER(Gabriel), savant saxon* mort gination, il avait toute son influence; mais si
en 1691, membre de l'académie des Curieux l'auditeur le laissait tomber, on n'y faisait
de la Nature. Il a laissé, dans les Mémoires pas une prompte attention, l'augure était
de cette société, divers opuscules singuliers, sans force.
tels sont îftleRemède diabolique du délire, » CLEF D'OR. On a publié, sous le titre de
et « les Vingt-cinq ans de séjour d'un démon la Clef d'or, plusieurs petits volumes stupi-
sur la terre (1). » des qui enseignent les moyens infaillibles de
Son neveu, Frédéric-Guillaume Clauder, a faire fortune avec la loterie, et qui, quand la
donné, dans les Éphémérides de la même loterie existait, ne faisaient que des dupes.
académie, un traité sur les nains (2). La Clef d'or ou le Véritable trésor de la for-
CLAUNECK, démon qui a puissance sur tune, qui se réimprimait de temps on temps
les bieus, sur les richesses il fait trouver à Lille, chëzCastiaux, n'est pas autre chose
des trésors à celui qu'il sert en vertu d'un que la découverte des nombres sympathi-
pacte. 'Il est aimé de Lucifer, qui le laisse ques, que l'auteur se vante d'avoir trouvés,
maître de prodiguer l'argent. Il rend com- ce qui lui a valu trois cent mille francs en
plaisance pour complaisance à qui l'ap- deux ans et demi. 11 est mal de mentir aussi
pelle (3). impunément pour engager les pauvres gens
CLAUZETTE. Sur la fin de 1681, une fille à se ruiner dans les loteries. Or, les cinq
insensée, Marie Clauzette, se mit à courir les nombres sympathiques ne manquent pas de
champs aux environs de Toulouse, en se ré- sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tira-
clamant du nom de Robert, qu'elle disait ges qui suivent la sortie du numéro indica-
être le maître de tous les diables. On la crut teur. Il faut donc les suivre pendant cinq ti-
possédée, et 'tout -le monde voulut la voir. rages seulement pour faire fortune. Par.
Quatre jeunes filles, qui assistèrent aux pre- exemple, les nombres sympathiques de h
niiers exorcismes, se crurent possédées pa- sont 30, 4.0, 50, 70, 76. Ces cinq numéros
reillement. Le vicaire-général de Toulouse, sortiront dans les cinq tirages qui suivront
voulant éprouver si la possession était vraie, la sortie de 4, non pas tous à la fois peut-
fit employer d'abord des exorcismes feints être, mais au moins deux ou trois ensemble.
et l'eau commune, la lecture d'un livre pro- Du reste les nombres sont
sympathiques
fane, le ministère d'un laïque habillé en prê- imaginaires, et chacun les dispose a son gré.
tre, agitèrent aussi violemment les préten- CLEIDOMANC1E ou CLEIDONOMANCIE,
dues possédées, qui n'étaient pas prévenues, divination par le moyen d'une clef. On voit
que si un prêtre eût lu le rituel avec des as- dans Delrio et Delancre qu'on employait cette
persions d'eau bénite. Les médecins décla- divination pour découvrir l'auteur d'un vol
rèrent que le diable n'était pour rien dans ou d'un meurtre. On tortillait autour d'une
cette affaire. Les possédées vomissaient des clef un billet contenant le nom de celui qu'on
épingles crochues; mais on remarqua qu'elles soupçonnait puis on attachaiteette clef à une*
les cachaient dans leur bouche pour les re- Bible, qu'une fille vierge soutenait de ses
jeter devant les spectateurs. Le parlement mains. Le devin marmottait ensuite tout bas
de Toulouse proclama la fraude et dissipa le nom des personnes soupçonnées; et on
cette ridicule affaire. voyait le papier tourner et se mouvoir son-
CLAVICULES DE SALOMON, Voy. SA- siblement.
LOMON. On devine encore d'une autre manière par
CLAY (JEAN), littérateur allemand, mort la cleidomancie. On attache étroitement une
en 1592. On recherche son Alkumistica, petit clef sur la première page d'un livre on ferme
poëme en vers allemands contre la folie des le livre avec une corde, de façon que l'an-
alchimistes et faiseurs d'or. neau de la clefsoit dehors; la personne qui
CLÉDONISMANCIE divination tirée de a quelque secret à découvrir par ce moyen,
certaines paroles qui, entendues ou pronon- pose ledoigt dans l'anneau de la clef, en pro-
cées en diverses rencontres, étaient regar- nonçant tout bas le nom qu'elle soupçonne.
dées comme bons ou mauvais présages. Cette S'il est innocent, la clef reste immobile s'il
divination était surtout en usage à Smyrne est coupable, elle tourne avec une telle vio-
il y avait un temple où c'était ainsi qu'on lence, qu'elle rompt la corde qui attache le
rendait les oracles. Un nom seul offrait quel- livre (k).
quefois l'augure d'un bon succès. Léoty- Les Cosaques et les Russes emploient sou-
chide, pressé par un Samien d'entreprendre vent cette divination; mais ils mettent la clef
la' guerre contre les Perses, demanda à ce en travers et non à plat de manière que la
(1) De Diabolicodelirii remedio. De Diaboloper (5) Obediasilli, et obediet. ,Claviculesde Salomon,
viginli quinque annos fréquentante cum muliere, nulla p. 14.
veneficiiopéra. (4) Delancre, Incrédulité et mécréance du sortirgq
(2) Denanorumgeneratione. pleinementconvaincue,traité 5.
583 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 384
compression lui fait faire le quart de [tour. vue de tout le monde, sur son navire aérien.
Ils croient savoir par là si la maison où ils '« Qu'a-l-il fait aux docteurs qui les oblige
sont est riche, si leur famille se porte bien à l'ériger en démon? dit l'abbé de Vil-
en leur absence, si leur père vit encore, etc. lars (3). C'est en mémoire de cette origine
Ils font usage surtout de cette divination merveilleuse, diversement expliquée', qu'on
pour découvrir les trésors. Onles a vus plu- avait fondé au pays de Clèves, l'ordre des
sieurs fois en France recourir à cet oracle de chevaliers du Cygne (4).
la clef sur l'Evangile de saint Jean, durant CLIMATERIQUE, Voy. Année.
l'invasion de 1814. CLISTHERET, démon qui fait parattre la
CLÉONICE. Pausanias, général lacédémo- nuit au milieu du jour, et le jour au milieu
nien, ayant tué à Vicence une vertueuse de la nuit, quand c'est son caprice, si vous
jeune fille, nommée Cléonice, qui lui avait en croyez les Clavicules de Salomon.-
résisté, vécut dans un effroi continuel et CLOCHES. Les anciens connaissaient les
ne cessa de voir, jusqu'à sa mort, le spectre cloches, dont on attribue l'invention aux
de cette jeune fille à ses côtés. Si l'on con- Egyptiens. Elles étaient en usage à Athènes
naissait ce qui a précédé les visions, on en et chez les Romains.
trouverait souvent la source dans les re- Les musulmans n'ont point de cloches dans
mords. leurs minarets; ils croient que le son des
CLÉOPATRE. C'est, dit-on une erreur cloches effraierait les âmes des bienheureux
que l'opinion où nous sommes, que Cléopâtre dans le paradis.
se fit mourir avec deux aspics. Plutarque dit, Les cloches ne furent généralement em-
dans la vie de Marc-Antoine, que personne ployées, dans les églises chrétiennes que
n'a jamais su comment elle était morte. Quel- vers le septième siècle. On voit, dans Alcuin,
ques-uns assurent qu'elle prit un poison que la cérémonie du baptême qui les con-
qu'elle avait coutume de porter dans ses sacre avait lieu déjà du temps de Charle-
cheveux. On ne trouva point d'aspic dans le magne.
lieu où elle était morte; on dit seulement C'est, dit-on, parce qu'elles sont baptisées,
qu'on lui remarqua au bras droit deux pi- que les cloches sont odieuses, à Satan. On
qûres imperceptibles; c'est là-dessus qu'Au- assure que quand le diable porte ses suppôts
guste hasarda l'idée qui est devenue popu- au sabbat, il est forcé de les laisser tomber,
laire sur le genre de sa mort. Il est probable s'il entend le son des cloches-. Torquemada
qu'elle se piqua avec une aiguille empoi- raconte, dans sonHéxaméron, qu'une femme
sonnée (1). revenant du sabbat, portée dans les airs par
CLÉROMANCIE, art de dire la bonne aven- l'esprit malin entendit la cloche qui sonnait
ture par le sort jeté, c'est-à-dire avec des V Angélus. Aussitôt le diable l'ayant lâchée,
dés des osselets des fèves noires ou blan- elle tomba dans une haie d'épines, au bord
ches. On les agitait dans un vase, et après d'une rivière. Elle aperçut un jeune homme
avoir prié les dieux on les renversait sur une à qui elle demanda secours, et qui, à force
table et l'on prédisait l'avenir d'après la dis- de prières, se décida à la reconduire en sa
position des objets. Il y avait à Bura, en maison. Il la pressa tellement de lui avouer
Achaïe un oracle d'Hercule qui se rendait les circonstances de son aventure, qu'elle la
sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après lui apprit; elle lui fit ensuite de petits pré-
avoir prié, jetait quatre dés, dont le prêtre sents, pour l'engager à ne rien dire mais la
d'Hercule considérait les points, et il en tirait chose ne manqua pourtant pas de se ré-
la conjecture de ce qui devait arriver. Il fal- pandre.
lait que ces dés fussent faits d'os de bêtes On croit, dans quelques contrées, que c'est
sacrifiées (2). le diable quiexcile les tempêtes et que, par
Le plus souvent on écrivait sur les osse- ainsi, les cloches' conjurent les orages. Les
lets ou sur de petites tablettes qu'on mêlait paysans sonnent donc les cloches dès qu'ils
dans une urne ensuite on faisait tirer un entendent le tonnerre, ce qui maintenant est
lot par le premier jeune garçon qui se ren- reconnu pour une imprudence. Citons à ce
contrait et si l'inscription qui sortait avait sujet un fait consigné dans les Mémoires de
du rapport avec. ce qu'on voulait savoir, l'Académie des sciences: « En 1718, le 15 août,
c'était une prophétie certaine. un vaste orage s'étendit sur la Basse-Bre-
Cette divination était commune en Egypte tagne le tonnerre tomba sur vingt-quatre
et chez les Romains; et l'on trouvait fré- et Saint-
églises situées entre Landerriau
quemment des cléromanciens dans les rues Pol-de-Léon c'était précisément celles où
et sur les places publiques, comme on trouve l'on sonnait pour écarter la foudre celles où
dans nos fêtes des cartomanciens. Voy. As- l'on ne sonna pas furent épargnées. » M. Sal-
TIUGAL0MANC1E. gues pense cependant que le son des cloches
CLÈVES. On dit que le diable est chef de n'attire pas le tonnerre parce que leur mou-
cette noble maison et père des comtes de vement a peu d'intensité; mais le bruit seul
Clèves. Les cabalistes prétendent que ce fut
agite l'air avec violence, et le son du tam-
un sylphe qui vint à Clèves par les airs sur bour sur un lieu élevé ferait peut-être le
un navire merveilleux traîné par des cygnes, même effet d'attirer la foudre.
et qui repartit un jour, en plein midi, à la On a cru encore, dans certains pays, qu'on
Voyez Brown, Des Erreurs populaires, liv. V, eh. 12. (*) Voyez,dansles Légendesdes commandements deDieu,
2) Delaocre, l'Incrédulité et mécréance, etc.; traité b. le chevalierdu Cygne.
3) L'abbé de Villars, dans le Comte de Gabalis.
il)
385 CLO 1 COB 386
se mettait à l'abri de toute atteinte des orages Les Romains pour chasser la peste
en portant sur soi un morceau de la corde fichaient un clou dans une pierre qui était
attachée à la cloche au moment de son bap- au côté droit du temple de Jupiter ils en
téme. faisaient autant contre les charmes et sorti-
Il nous reste à dire un mot de la Cloche du léges, et pour apaiser les discordes qui sur-
Diable. Dusaulx, visitantles Pyrénées à-pied, venaient entre les citoyens.
son guide, qui était un franc montagnard, Il y en a pareillement qui se voulant
le conduisit dans un marécage comme pour prévaloir contre leurs ennemis, plantent un
lui montrer quelque chose de curieux. Il clou dans, un arbre. Or, quelle force peut
prétendit qu'une cloche avait jadis été en- avoir ce clou ainsi planté (1)?
foncée dans cet endroit; que cent ans après, CLOVIS, fils de Chilpéric I". Il ne restait
le diable à qui appartenaient alors tous les à Chilpéric que ce fils de sa première femme;
métaux souterrains, s'était emparé de cette le jeune homme fut assez indiscret pour
cloche, et qu'un pâtre depuis peu de temps s'expliquer sans ménagement sur Frédé-
l'avait entendu sonner pendant la nuit de gonde, qu'il regardait comme son ennemie.
Noël dans l'intérieur de la montagne. Elle résolut de se débarrasser de lui. Clovis
Fort bien% dit Dusaulx; ce qu'on a pris aimait une jeune fille de basse extraction;
pour le son d'une cloche ne viendrait-il pas un émissaire de Frédégonde vint dire au roi
plutôt des eaux souterraines qui s'engouf- que c'était la fille d'une magicienne; que
frent dans quelque cavité ? Clovis avait employé les artifices de' cette
Oh 1 que non, répliqua le guide. femme pour se défaire de ses deux frères
Il y a des cloches célèbres. On respecte (empoisonnés, à ce qu'on croit), et qu'il tra-
beaucoup dans les Pyrénées, la cloche de la mait la mort de la 'reine. La vieille femme
vallée; on lui donne toutes sortes d'origines mise à la question fut forcée d'avouer
merveilleuses la plus commune, c'est qu'elle qu'elle était sorcière. Clovis, convaincu, se
a été fondue par les anges. On l'entend, vit dépouillé de ses riches vêtements et con-
ou peut-être on croit l'entendre quelquefois duit dans une prison où des assassins le
mais on ne sait pas où elle est suspendue. poignardèrent si les historiens disent vrai;
C'est cette cloche qui doit, à ce que disent les et on fit accroire au monarque qu'il s'était
montagnards, réveiller leurs patriarches en- tué lui-même. La magicienne, dont la fille ve-
dormis dans les creux des rochers, et appe- nait aussi d'être mise à mort, fut cpouvanléede
ler les hommes au dernier jugement. ses aveux, qu'elle rétracta mais on-se hâta
Lorsque Ferdinand le Catholique fut atta- de lui imposer silence en la conduisant au
jqué de la maladie dont il mourut, la fameuse bûcher. C'est du moins ainsi que racontent
cloche de la Villela (qui a dix brasses de tour) les choses, des chroniqueurs peu favorables,
[sonna, dit-on, d'elle-même; ce qui arrive il est vrai, à Frédégonde (2).
est menacée de quelque COBALES, génies malins et trompeurs de
[quand l'Espagne
jmalheur. On publia aussitôt qu'elle annonçait la suite de Bacchus, dont ils étaient à la fois
lia mort du roi, qui mourut effectivement peu les gardes et les bouffons.
après. Selon Leloyer', les cobales, connus des
CLOFYE, oiseau d'Afrique, noir et gros Grecs, étaient des démons doux et paisibles,
comme un étourneau. C'est pour les nègres nommés par quelques-uns bonhomets ou
un oiseau de présage. Il prédit les bons évé- petits bonshommes des montagnes parce
nements, lorsqu'en chantant il s'élève dans qu'ils se montrent en vieux nains de basse
les airs; il en pronostique de mauvais s'il stature; ils sont vêtus court demi-nus, la
Is'abaisse. Pour annoncer à quelqu'un une manche retroussée sur l'épaule et portent
mort funeste, ils lui disent que le Clofye a un tablier de cuir sur les reins.
(chanté sur lui. « Cette sorte de. démons est présentement
CLOTHO. L'une des troisParquesetla plus assez plaisante, car tantôt vous lesverrez rire,
jeune. C'est ellequi file les destinées;on lui tantôt se gaùdir, tantôt sauter de joie, et
!donne une quenouille d'une hauteur prodi- faire mille tours de singe ils contreferont
gieuse. La plupart des mythologues la placent et imiteront les singes, et feront tant et
avec ses sœurs à la porte du repaire de Plu- plus les embesognés, combien qu'ils ne fas-
ton. Lucien la met dans la barque à Caron sent rien du tout. A celte heure, vous les
mais Plutarque dit qu'elle est dans la lune, verrez bêcher dans les veines d'or ou d'ar-
dont elle dirige les mouvements. gent, amasser ce qu'ils auront bêché, et le
CLOU. Il y a, sur les clous, quelques pe- mettre en des corbeilles et autres vaisseaux
tites superstitions dont on fera son profit. pour cet effet préparés, tourner la corde et r
Les Grecs modernes sont persuadés qu'en la poulie afin d'avertir ceux d'en haut de
fichant le clou d'un cercueil à la porte d'une tirer le métal, et fort rarement voit-on qu'ils
maison infestée, on en écarte a jamais les offensent les ouvriers, s'ils ne sont grande-
revenants et les fantômes. ment provoqués de brocards, injures'et ri-
Boguet parle d'une sorcière qui, pour un sées dont ils sont impatients. Alors ils jette-
cheval blessé, disait certains mots en forme ront premièrement de la terre et des petits
d'oraison, et plantait en terre un clou qu'elle cailloux aux yeux des pionniers, et quelque-
né relirait jamais. fois les blesseront (3). »
(1)Boguet, Discoursdes sorciers,ch. 40. (3)Leloyer, Hist. et Disc,des spectres, etc., |p. 343;
(2) Sur le roi ClovisI", voyezses légendes, dansles post Wierum,De prœst., lib. I, cap. xxu.
légendesde ("Histoirede France.
fc87 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 588
Les Allemands appellent ces mêmes dé- sorcière s'avisa de traire une truie et en
mons familiers Kobold. Voy. ce mot. porta.le lait au Juif, qui le but. Ce lait com-
COBOLI; génies ou démons révérés par mençant à opérer, le Juif s'aperçut qu'il
les anciens Sarmates.Ils croyaient que ces grognait et devina la ruse de la sorcière,
esprits habitaient les parties les plus se- qui voulait sans doute lui faire subir la mé-
crètes des maisons et même les fentes du tamorphose des compagnons d'Ulysse. Il jeta
bois. On leur offrait les mets les plus déli- le reste du lait sans le boire, et incontinent
cats. Lorsqu'ils avaient l'intention de se fixer tous les cochons du voisinage moururent (1).
dans une habitation, ils en prévenaient ainsi Voy. BAUMEuniversel.
le père de famille la nuit ils assemblaient COCLÈS (Barthélémy), chiromancien du
des tas de copeaux et répandaient de la flente seizième siècle. Il avait aussi des connais-
de divers animaux dans les vases de lait i sances en astrologie et en physiognomonie. Il
gracieuses manières de s'annoncer. Si le len- prédit à Luc Gauric, célèbre astrologue du
demain le maître de la maison laissait ces même temps, qu'il subirait injustement une
copeaux en un tas et faisait boire à sa fa- peine douloureuse et infamante et Luc
mille le lait ainsi souillé, alors les cobolis se tiauric fut en effet condamné au supplice de
rendaient visibles et habitaient désormais l'estrapade, par Jean Bentivoglio, tyran de
avec lui mais s'il dispersait les copeaux et Bologne, dont il avait pronostiqué l'expul-
jetait le lait, ils allaient chercher un autre sion prochaine.
gite. Coclès prophétisa qu'il serait lui-même
Les cobolis, sont encore, ainsi queles gobe- assassiné, et périrait d'un coup sur la tête.
lins et les cobales le kobold des Alle- Son horoscope s'accomplit ponctuellement
mands. car Hermès de Bentivoglio, fils du tyran,
COCCONAS. Voy. ALEXANDREDE PAPHLA- ayant appris qu'il se mêlait aussi de prédire
GONIE. sa chute le. fit assassiner par un brigand
COCHON. Est-il vrai comme le croit le nommé Caponi, le 24 septembre 1504 (2j.
peuple, que de tous les animaux le cochon On assure même que connaissant le sort
soit celui dont l'organisation ait le plus de qui le menaçait, il portait depuis quelque
ressemblance avec celle de l'homme? Sur ce temps une calotte de fer, et qu'il ne sortait
point, dit M. Salgues on ne saurait mieux qu'armé d'une épée à deux mains. On dit
faire que de s'en rapporter Cuvier. Or, encore que celui qui devait l'assassiner étant
voici ce que lui ont révélé ses recherches. venu le consulter peu auparavant, il lui
L'estomac de l'homme et celui du cochon prédit qu'avant vingt-quatre heures il se
n'ont aucune ressemblance dans l'homme, rendrait coupable d'un meurtre. Il est plus
ce viscère a la forme d'une cornemuse; dans que probable que ces prophéties n'ont été
le cochon, il est globuleux dans l'homme, faites qu'après coup,
le foie est divisé en trois lobes dans le co- Coclès a écrit sur la physiognomonie et la
chon, il est divisé en quatre dans l'homme, chiromancie mais son livre a subi des mo-
la rate est courte et ramassée dans le co- difications. L'édition originale est Phy-
chon, elle est longue et plate; dans l'homme, siognomoniœ ac chiromanciœ Anastasis sive
le canal intestinal égale sept à huit fois la compendiumex pluribus et pene infinilis auc-
longueur du corps dans le cochon, il égale toribus, cum approbatione Alexandri Achil-
quinze à dix-huit fois la même longueur. lini Bologne 1504, in-fol. La préface est
Son cœur présente des différences notables d'Achillini.
avec celui de l'homme et j'ajouterai, pour COCOTO, démon succube adoré aux In-
la satisfaction des savants et des beaux-es- des occidentales, et mentionné par Bodin (3).
prits, que le volume de son cerveau est COCYTE, l'un des fleuves de l'enfer des
aussi beaucoup moins considérable ce qui anciens. Il entourait le Tartare, et n'était
prouve que ses facultés intellectuelles sont formé que des larmes des méchants.
inférieures à celles de nos académiciens. CODE DES SORCIERS. Voy. SORCIERS.
il y aurait biçu des choses à dire sur le CODRONCHI (BAPTISTE),médecin d'Imola,
cochon. Le diable s'est quelquefois montré au seizième siècle. 11 a laissé un traité des
sous sa figure. On conte, à Naples, qu'autrer années climatériques, de la manière d'en évi-
fois il apparaissait souvent avec cette forme ter le danger et des moyens d'allonger sa
dans le lieu même où l'église de Sainte-Ma- vie (4).
rié-Majeure a depuis été bâtie, ce quj ré- COELICOLES, secte juive qui adorait les
jouissait peu les Napolitains. Dès que l'église astres et les anges gardiens des astres.
fut commencée, la singulière apparition ne COEUR. Des raisonneurs modernes ontt
se montra plus. C'est en mémoire de cet critiqué ce qui est dit dans l'Ecclésiaste,
événement que l'éyéque Pomponius fit faire que le cœur du sage est au côté droit, et ce-
le pourceau de bronze qui est encore sur le lui de l'insensé au côté gauche. Mais il faut
portail de cette église. entendre cette maxime comme le mot de Jo-
Ôamérarius raconte que, dans une ville nas, à propos de ceux des Ninivites qui ne
d'Allemagne, un Juif malade étant venu chez savaient pas faire la différence de leur main
une vieille, et lui ayant demandé du lait de droite et de leur main gauche c'est-à-dire
femme, qu'il croyait propre die guérir, la du bien et du mal. Que le cœur de l'homme
<1)Çamerariiis,De pat. et afftjct.dœmon.,in proœmio. (i) De annis climatericis, nec non de ratione vittind
(2) M.Salgues,I)es Erreurs et des préjugés, eonmi pericula, itemque de modis vitam producendi com-
lô) Démonomanie, liv. U, cit.vu. menlariub. In-8°. Bologne. 1620.
COL 390
389 COL

_L·_l ~P__1
soit situé an côfé gauche de la poitrine, c'est qu'elle nommait Lizabet, fut appréhendée et
un sentiment qui, à la rigueur, peut être mise en prison, sur l'avis dcNicolas Millière,
réfuté par l'inspection seule, dit le docteur chirurgien. Elle confessa qu'étant détenue à
Brown car il est évident que la base et le Betoncourt, le diable s'était apparu à elle en
centre du cœur sont exactement placés au forme d'homme noir et l'avait sollicitée à se
milieu. jeter par une fenêtre, ou bien à se pendre
La pointe à la vérité incline du côté gau- une autre voix l'en avait dissuadée. Con-
che mais on dit de l'aiguille d'un cadran 'vaincue d'être sorcière, mais aussi d'avoir
qu'elle est située au centre, quoique la commis beaucoup de turpitudes, cette femme
pointe s'étende vers la circonférence du fut brûlée à Dôle en 1599 (5) et c'est ainsi
cadran. que se terminent ordinairement les histoi-
Nous rappellerons que quelques hommes res racontées par Boguet.
ont eu le cœur velu. Voy. Aristomène. COLEY HENRY) astrologue anglais
COIFFE. On s'est formé différentes idées mort en 1690. On a de lui, la Clef des élé-
ments de l'astrologie, Londres, 1675, in-8°.
sur la membrane appelée coiffe, qui couvre
la tête des enfants lorsqu'ils C'est un traité complet de cette science fan-
quelquefois
sortent du sein de leur mère. Les personnes 'tastique. On y trouve l'art de dresser toutes
la conservent avec soin, com- sortes de thèmes d'horoscopes avec des
superstitieuses
me un moyen de bonheur, et on dit d'un exemples de nativités calculées.
COLLANGES ( Gabriel DE) mathéma-
homme heureux qu'il est né coiffé. On a
ticien né en Auvergne en 152k. Il n'employa
même avancé que cette coiffe étend ses effets ses connaissances qu'à la recherche des se-
favorables jusque sur ceux qui la portent
crets de la cabale et des nombres. 11est tra-
avec eux. Spartien parle de cette super-
stition dans la vie d'Antonin. Il dit que les ducteur de la PolygraphieetuniverselleEcri-
vendaient ordinairement ces ture cabalistique de Trithème, Paris, 1561;
sages-femmes in-4°. On cite plusieurs ouvrages de lui, dont
coiffes naturelles à des jurisconsultes cré-
aucun n'a été imprimé, non plus que sa ver-
dules', qui en attendaient d'heureux résul-
'sion de la Philosophie occulte d'Agrippa. Il a
tats pour leurs affaires. Ils étaient persuadés
laissé manuscrit un Traité de l'heur et mal-
que ce talisman leur ferait gagner toutes les heur du mariage.
causes (1). On se les disputait chez nous au
seizième siècle. COLLEH1TES pierre que l'on assure
être propre à chasser les démons et à pré-
Dans quelques provinces, on croyait que venir les charmes (6), mais on aurait dû la
la coiffe révélait une vocation à la yie mo-
désigner.
nastique (2). Les sages-femmes prédisaient COLMAN ( Jean ) astrologue né à
aussi, chez nos pères, le sort de l'enfant qui
Orléans le roi Charles VII en faisait grand
apportait la coiffe sur la tête. Voy. Amnio- cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pen-
MANCIE.
Avant que l'empereur Macrin montât sur sions, parce qu'il lui apprit à supputer des
le trône, sa femme lui donna un fils qui na- almanachs. On dit que Colleman étudiait si
assidûment le cours de la lune, qu'à force
quit coiffé. On prédit qu'il s'élèverait au rang
suprême, et on le surnomma Diadematus. d'application il en devint lépreux (7).
Mais quand Macrin fut tué, il arriva de Dia- COLLYRE. -On voit, dans la Lycanthro-
dematus qu'il fut proscrit et tué comme son pie de Nynauld, qu'un sorcier composait un
père. certain collyre, avec le flel d'un homme, les
COIRIERES (Claude), sorcière du sei- yeux d'un chat noir et quelques autres cho-
zième siècle. Pendant qu elle était détenue en ses que l'écrivain ne. nomme pas « lequel
collyre appliqué aux yeux faisait voir et
prison elle donna une certaine graisse à
un nommé François Gaillard pareillement apparaître en l'air ou ailleurs les ombres des
démons. »'
prisonnier, lequel s'en étant frotté les mains,
fut enlevé de sa prison par l'assistance du COLOKYNTHO-PIRATES, pirates; nains
diable, qui toutefois le laissa reprendre (3). fabuleux, qui, dans l'histoire véritable, de
Lucien, naviguaient sur de grandes citrouil-
COLARBASSE hérétique valentinien les ou coloquintes, longues de six coudées
qui prêchait la cabale et l'astrologie comme ( trois mètres ). Lorsqu'elles étaient sèches,
sciences religieuses. Il était disciple de Va- ils les creusaient les grains leur servaient
lcntin. Il disait que la génération et la vie de pierres dans les combats, et les feuilles
des hommes dépendaient des sept planètes, de voiles, qu'ils attachaient à un mât de
et que toute la perfection et la plénitude de roseau.
la vérité était dans l'alphabet grec, puis-
que Jésus -Christ était nommé Alpha et COLOMBES.– Il y avait dans le temple de
Oméga (4). Jupiter, à Dodone, deux colombes que l'on
gardait soigneusement elles répondaient
COLAS ( Antide ), sorcière du seizième d'une voix humaine lorsqu'elles étaient con-
siècle, qui, faisant commerce avec le diable, sultées. Mais on lit dans Pausanias que c'é-

(1) Brown, des Erreurs popul., t. II, p. 88. (6) Delancre,Tableaudel'Inconslancedes démons,.elc,
(2) Salgues, Des Erreurs et des préjugés. liv.IV, p. 297.
(3) Boguet, Discoursdes sorciers, ch. 52, p. 527. (7) Ancieninanuscrit-dela Biblietlièqueroyale. Voyer
(4) Bergier,Dict. tMolog. Joly, Remarquessur Bayle,à lafin.
(p) 'Boguet, Discours des sorciers', ch. i5, p. 52S.
591 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 592
de: femmes prétresses qu'on appelait
taient des
laient Tous les peuples regardent également les
colombes dodoniennes. comètes comme un mauvais présage cepen-
Les Perses, persuadés que le soleil avait en dant, si le présage est funeste pour les uns
horreur les colombes blanches, les regar- il est heureux pour les autres puisqu'en
daient comme des oiseaux de mauvais au- accablant ceux-ci d'une grande défaite il
donne à ceux-là une grande victoire.
gure, et n'en souffraient point dans leur
pays, Cardan explique ainsi les causes de l'in-
COLMA, château fort sur le Danube, fluence des comètes sur l'économie du globe.
qui, selon la tradition, est sorti de terre tout « Elles rendent l'air plus subtil et moins
construit, par une puissance magique, comme dense, dit-il, en l'échauffant plus qu'à l'or-
autrefois dans la Mythologie grecque, Pégase dinaire les personnes qui vivent au sein de
sous le pied de Minerve. Des savants disent la mollesse,:qui ne donnent aucun exercice à
qu'en réalité il a été bâti en une nuit par la leur corps, qui se nourrissent trop délicate-
puissante armée sarmate du roi Deucaos. ment, qui sont d'une santé faible, d'un âge
COLONNE DU DIABLE. On conserve à avancé et d'un sommeil peu tranquille, souf-
Prague trois pierres d'une colonne que le frent dans un air moins animé, et meurent
diable apporta dé Rome pour écraser un prê- souvent par excès de faiblesse. Cela arrive
tre avec lequel il avait fait pacte, et le tuer plutôt aux princes qu'à d'autres, à cause du
pendant qu'il disait la messe. Mais saint genre de vie qu'ils mènent; et il suffit que la
Pierre, s'il faut en croire la légende popu- superstition ou l'ignorance aient attaché aux
'laire, étant survenu, jeta trois fois de suite comètes un pouvoir funeste pour qu'on
le diable et sa colonne dans la mer, et cette remarque, quand elles paraissent, des acci-
diversion donna au prêtre le temps de se re- dents qui eussent été fort naturels en tout
On ne devrait pas non plus
pentir. Le diable en fut si désolé, qu'il rom- autre temps.
pit la colonne et se sauva (1). s'étonner de-voir à leur suite la sécheresse et
COMBADAXUS, divinité dormante des la peste, puisqu'elles dessèchent l'air, et ne
Japonais. C'était un bonze dont ils racontent lui laissent pas la force d'empêcher les exha-
l'anecdote suivante. A huit ans, il fit cons- laisons pestiférées. Enfin les comètes produi-
truire un temple magnifique; et, prétendant sent les séditions et les guerres en échauffant
être las de la vie, il annonça qu'il voulait se le cœur de l'homme et en changeant les hu-
retirer dans une caverne et y dormir dix meurs en bile noire. »
mille ans en conséquence, il y entra; l'is- On a dit de Cardan qu'il avait deux âmes,
sue fut scellée sur-le-champ les Japonais l'une qui disait des choses raisonnables,
le croient encore vivant. l'autre qui ne savait que déraisonner. Après
COMEDIENS. « 11 serait bon, comme dit avoir parlé comme on vient de voir, l'astro-
Boguet, de chasser nos comédiens et nos jon- logue retombe dans ses visions. Quand une
comète paraît auprès de Saturne, dit-il, elle
gleurs, attendu qu'ils sont pour la plupart
sorciers et magiciens, n'ayant d'autre but présage la peste, la mort des souverains
que de vider nos bourses et de nous débau- pontifes et-les révolutions dans les gouver-
cher. » Boguet n'est pas tout à fait dans son nements auprès de Mars, les guerres au-
tort. près du soleil, de grandes calamités surtout
le globe auprès de la lune, des inonda-
COMENIUS ( Jean-Amos ), philologue du tions et quelquefois des sécheresses auprès
dix-septième siècle. Il a laissé la Lumière de Vénus, la mort des princes et des nobles;
dans les ténèbres, Hollande, 1657, in-4.% idem
auprès de Mercure, divers malheurs en fort
augmentée de nouveaux rayons. 1665, 2 vol. grand nombre.
in-V, fig. C'est une traduction latine des pré- Wiston a fait de grands calculs algébri-
tendues prophéties et visions de Kolter, de
Dabricius et de Christine Poniatowska, habi- ques pour démontrer que les eaux extraor-
dinaires du déluge furent amenées par une
les gens que nous ne connaissons point. comète, et que quand Dieu décidera la fin
COMÈTES. On a toujours vu dans les du monde ce sera une comète qui le brû-
comètes les signes avant-coureurs. des plus lera.
tristes calamités. Une comète parut quand COMIERS (Claude) docteur en théolo-
Xerxès vint en Europe avec dix-huit cent gie, mort en 1693. Il est auteur d'un Traité
mille hommes ( nous ne les avons pas comp- des prophéties, vaticinations, prédictions et
tés) elle prédisait la défaite de Salamine. prognostications. Il a écrit aussi sur la ba-
Il en parut une avant la guerre du Pélopo- guelte divinatoire et sur les sibylles.
nèse une, avant la défaite des Athéniens en COMP1TALES fêtes des dieux Lares ou
Sicile 'une, avant la victoire que les Thé- lutins du foyer, chez lesanciens Romains. On
bains remportèrent sur les Lacédémoniens leur sacrifiait dans l'origine des enfants,;aux-
une, quand Philippe vainquit les Athéniens; quels Brutus substitua des têtes de pavots.
une, avant la prise de Carthage par Scipion; COMTES DE L'ENFER démons d'un
une, avant la guerre civile de César et de ordre supérieur dans la hiérarchie infernale,
Pompée; une, à la mort de César; une, à la et qui commandent de nombreuses légions.
prise de Jérusalem par Titus une, avant la On les évoquera toute heure du jour, pourvu
dispersion de l'empire romain par les Goths; que ce soit dans un lieu sauvage, que les
une avant l'invasion de Mahomet, etc. une hommes n'aient pas coutume de fréquen-
enfin, avant la chute de Napoléon. ter (2).
(I) Voyagesdu docteurPatin. (2) Wierus, in Pseudomonarcliia
Uœm.
`
595 CON CON 594
CONCLAMATION, cérémonie romaine, Su nom du grand Pieu vivant, ae m apparaître
lemps du paganisme. Elle consistait à appe- en telle forme (on l'indique) sinon, saint
ler à grands cris l'individu qui venait de Michel archange, invisible, te foudroiera
mourir, afin' d'arrêter l'âme fugitive et de dans le plus profond des enfers; viens donc.
lui indiquer son chemin, ou de la réveiller (on nomme l'esprit), viens, viens, viens, pour
si elle était encore trop attachée au corps. faire ma volonté. »
CONDÉ. On lit dans une lettre de ma-
Cunjuration d'un livre magique.
dame de Sévigné au président de Monceau « Je vous conjure et ordonne, esprits, tous
que, trois semaines avant la mort du grand et autant que vous êtes, de recevoir ce livre
Condé, pendant qu'on l'attendait à Fontai- en bonne part, afin que toutes fois que nous
nebleau, M. de Vernillon, l'un de ses gen- lirons ledit livre, du qu'on le lira étant ap-
tilshommes, revenant de la chasse sur les
trois heures, et approchant du château de prouvé et reconnu être en forme et en va-
leur, vous ayez à parattre en belle forme
Chantilly (séjour ordinaire du prince), ut, à
une fenêtre de son cabinet, un fantôme re- humaine, lorsqu'on vous appellera, selon que
le lecteur 'le jugera, dans toutes circon-
vêtu d'une armure, qui semblait garder un stances. Je vous conjure de venir aussitôt la
• homme enseveli il descendit de cheval, et
le voyant toujours; son valet vit conjuration faite, afin d'exécuter, sans re-
s'approcha, tardement, tout ce qui est écrit et mentionné
la même chose et l'en avertit. Ils demandè-
en son lieu dans ce dit livre vous obéirez,
rent la clef du cabinet au concierge mais
vous servirez, enseignerez, donnerez, ferez
ils en trouvèrent les fenêtres fermées, et un
tout ce qui est en votre puissance, en utilité
silence qui n'avait pas été troublé depuis six de ceux qui vous ordonneront, le tout sans
mois. On conta cela au prince, qui en fut un
illusion. Et si par hasard qùelqu'un des
peu frappé, qui s'en moqua cependant ou
parut s en moquer mais tout le monde sut esprits appelés parmi vous ne pouvait venir
ou paraître lorsqu'il serait requis, il sera
cette histoire et trembla pour ce prince, qui
mourut trois semaines après. tenu d'en envoyer d'autres, revêtus 'de son
CONDORMANTS, sectaires qui parurent pouvoir, qui jureront solennellement d'exé-
cuter tout ce que le lecteur pourra deman-
en Allemagne au treizième et au seizième
der en vous conjurant tous, par les très-
siècle, et qui durent leur nom à l'usage qu'ils saints noms du tout-puissant Dieu vi-
avaient de coucher tous ensemble, sous pré-
texte de charité. On dit que les premiers vant, etc.
adoraient une image de Lucifer et qu'ils en Conjuration des démons.
tiraient des oracles. « Alerte, venez tous, esprits. Par la vertu
CONFERENTES, dieux des anciens, dont elle pouvoir de votre roi, et par les sept cou-
parle Arnobe, et qui étaient, dit Leloyer, ronnes et chaînes de vos rois, tous esprits
des démons incubes. des enfers sont obligés d'apparaître à moi
CONFUC1US. On sait que ce philosophe devant ce cercle, quand je les appellerai.
est révéré comme un dieu à la Chine. Ou lui Venez tous à mes ordres, pour faire tout ce
offre surtout en sacrifice de la soie, dont les
qui est à votre pouvoir, étant recommandés
restes sont distribués aux jeunes filles, dans venez donc de l'orient, midi, occident et sep-
la persuasion où l'on est que, tant qu'elles tentrion je vous conjure et ordonne, par la
conservent ces précieuses amulettes, elles vertu et puissance de celui qui est Dieu, etc.
sont à l'abri de tous dangers.
CONJURATEURS, magiciens qui s'attri- Conjurations pour chaque jour de la semaine.
buent le pouvoir de conjurer les démons et Pour le lundi, à Lucifer. Cette expérience
les tempêtes. se fait souvent depuis onze heures jusqu'à
CONJURATION, exorcisme, paroles et cé- douze, et depuis trois heures jusqu'à quatre.
rémonies par lesquelles on chasse les dé- Il faudra du charbon, de la craie bénite,
mons. Dans l'Eglise romaine, pour faire sor- pour faire le cercle, autour duquel on écrira:
tir le démon du corps des possédés, on em- « Je te défends, Lucifer, par le nom que tu
ploie certaines formules ou exorcismes, des crains, d'entrer dans ce cercle. •» Ensuite on
aspersions d'eau bénite, des prières et des récite la formule suivante « Je te con-
cérémonies instituées à ce dessein (1).-Les jure, Lucifer, par les noms ineffables On.
personnes superstitieuses et criminelles qui Alpha, Ya, Rey, Sol, Messias, Ingodum, etc.
s'occupent de magie abusent du mot, et que tu aies à faire, sans me nuire (on dési-
nomment conjuration leurs sortiléges im- gne sa demande).
pies. Dans ce sens, la conjuration est un Pour le mardi, à Nambroth. Cette expé-
composé de paroles souvent sacriléges et de rience se fait la nuit, depuis neuf heures
cérémonies détestables ou absurdes, adoptées jusqu'à dix; on doit donner à Nambroth la
par les sorciers pour évoquer les démons. première pierre que l'on trouve, pour être
O.i commence par se placer dans le cercle reçu de lui en dignité et honneur. On procé-
'magique (Voy. cercle); puis on récite les dera de la façon du lundi on fera un cercle
formules. Voici quelque idée de ces procé- autour duquel on écrira «Obéis-moi, Nam-
dés. Nous les empruntons, aux Grimoires. broth, obéis-moi, par le nom que tu crains. »
Conjuration universelle pour les esprits. On récite, à la suite, cette formule >*Je
« Moi (on se nomme), je te conjure, esprit te conjure, Narnhrolh, et te commande par
(un nomme l'esprit qu'on veut évoquer\ au tous les noms par lesquels tu peux être con.
( I) Bergier, Dictionnairelliéolog. traint et lié, de faire telle chose. »
DlCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I. 13
395 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 596
Pour le mercredi, à Aslarotli. Cette expé- CONJUREURS DE TEMPÊTES. Les ma-
rience se fait la nuit, depuis dix heures jus- rins superstitieux donnent ce nom à cer-
qu'à 'Onze on le" conjure pour Jivoir les tains êlres, marins comme eux, mais en
bonnes grâces du roi et des autres. On écrira commerce avec le diable, de qui ils obtien-
dans le cercle « Viens, Astaroth viens, As- nent le pouvoir de commander aux vents.
4aw)tl» viens, Astarolh » ensuite on réci- Ce pouvoir réside dans un anneau de fer
tera ceUc formule « Je te conjure, Asta- qu'ils portent au petit doigt de la main
roih, «léchant esprit, par les paroles et droite, et les soumet à certaines conditions,
vertus de Dieu, etc. » comme de faire des voyages qui ne dépassent
Pour le jeudi, à Acham. Cette expérience pas un mois lunaire, de n'être jamais à terre
se fait la nuit, de trois heures à quatre il plus de trois jours. Si ces conditions n'ont
paraît en forme de roi. Il faut lui donner un pas été observées, on n'apaise l'esprit maître
morceau de pain lorsqu'on veut qu'il parte. de l'anneau qu'en luttant avec lui, ce qui est
On écrira autour du cercle Par le Dieu périlleux, ou en jetant un homme à la mer.
saint-, Nasirh, 7, 7, H. M. A.; ensuite on CONSTANTIN. Tout le monde sait que,
récitera la formule qui suit « Je te con- frappé de l'apparition d'une croix miracu-
jure, Acham; je te commande par tous les leuse, et de l'avis qui lui était donné qu'il
royaumes de Dieu, agis, je t'adjure, etc. » vaincrait par ce signe, Constantin le Grand
Pour le vendredi, à Béchet. Cette expé- se convertit et mit la croix sur ses étendards.
rience se fait la nuit, de onze heures à douze; Jusqu'au seizième siècle, aucun écrivain
il lui faut donner une noix. On écrira dans n'avait attaqué la vision de Constantin tous
le cercle « Viens, Béchet; viens, Béchel; les monuments contemporains attestent ce
viens, Béchet » et ensuite on dira cette con- miracle. Mais les protestants, voyant qu'il
juration Je te conjure, Béchet, et te con- pouvait servir à autoriser le culte'de la
trains de venir à moi je te conjure de re- croix, ont entrepris d'en faire une ruse mi-
chef, de faire au plus tôt ce que je veux, qui litaire. Les philosophes du dernier siècle
est. etc. » n'ont pas manqué de copier leurs déraison-
Pour le samedi, à Nabam. Cette expérience -nements.-J.-B. Duvoisin, évêque de Nantes,
se fait de nuit, de onze heures à douze, et et l'abbé de l'Estocq, docteurs en Sorbonne,
sitôt qu'il parait il lui faut donner du pain ont publié des dissertations sur la vision de
Vxûlé, et lui demander ce.qui lui fait plai- Constantin.
,»r on écrira dans son cercle «N'entre
pas, Nabam; n'entre pas, Nabam; n'entre Dissertation historique sur ta vision de Con-
pas, Nabam » et puis on récitera la conju- stantin. (Par le Père Du Moulinet, biblio-
ration suivante: Je te conjure Nabam, au thécaire de sainte Geneviève (1).
nom de Satan, au nom de Béelzébuth, au
nom d'Astaroth et au nom de tous les es- La recherche des médailles et leur expli-
`
etc. » cation ne sont pas une curiosité vaine et
prits, inutile. On y trouve de grands secours pour
Pour le dmnnchc, h Aquicl. Cette expé-
rience se fait la nuit, de minuit à une heure; les lettres; pour les coutumes et Ics usages
il demandera un poil de votre lélc il lui des anciens, et particulièrement pour l'His-
faut donner un de renard; il le toire. Les lumières que le cardinal Baronius
poil prendra.
On écrira dans le cercle « Viens, Aquiel; et les autres historiens en ont reçues en plu-
lieu d'en
viens, Aquicl; viens, Aquiel. » Ensuite on. sieurs occasions, ne donnent pas
récitera la conjuration suivante « Je le douter. Nous en avons une nouvelle preuve
Aquiel, par tous les noms écrits dans la confirmation.que le Père du Mouli-
conjure, net lire de ces sortes de monuments pour
dans ce livre, que sans délai tu sois ici tout
prêt à m'obéir, etc. » l'apparition que l'empereur Constantin eut
tous de la Croix de Noire-Seigneur avant de don-
Conjuralion très- forte, pour les jours
et à toute heure du jour et de la nuit, pour ner le combat contre Maxence.
les trésors cachés tant par les hommes que a L'Histoire nous fournit trois témoigna-
les ges si authentiques de celle vision, qu'il y a
par esprits.
« Je vous commande, démons qui résidez sujet de s'étonner qu'un auteur qui a écrit
en ces lieux, ou en quelque partie du monde depuis quatre ans (2) sur les médailles, ait
que vous et eu la témérité d'avancer que ce n'était qu'une
soyez, quelque puissance qui
vous ait été donnée de Dieu et des saints illusion.
anges sur ce lieu même, je vous envoie au « Eusèbe nous assure qu'il en avait appris
plus profond des abîmes infernaux. Ainsi', l'histoire de la bouche même de Constantin.
allez tous, maudits esprits et damnas, au S. Artémius qui avait porté les armes sous
l'eu éternel qui vous est préparé et à tous.vos cet empereur en sa jeunesse, se souvenait
compagnons. Si vous m'clcs rebelles et déso- encore très-bien sur le déclin de son âge, de
béissants, je vous contrains et commande cette apparition, dont il avait été spectateur
par toutes lés puissances de vos supérieurs avec toute l'armée. Lactance, précepteur du
démons, de venir, obéir et répondre positi- fils de Constantin, en fait mention dans son
vement. à ce que je vous ordonnerai au nom traité de la Mort des Persécuteurs. Ces trois
de J.-C., etc. » Voy. PIERRE D'ApONE,etc.
Nous n'avons fijjt qu'indiquer ces stupidi- (1) Journal des Savants.'année 1G81,n" il.
tés inconcevables. Les commentaires sont (2) Ce ne peut être que Jacques Oi,sclitis qui publia en
1677, à Amsterdam son Thésaurus telectorum Numisma*
inutiles. Vo.y. Evocations. luin Antiquorum, in- 4°.
897 CON CON 398
témoins (1) qui déposent de ce qu'ils ont vu,
tt r
étaient aussi gardés et préservés par sa vertu
rt de ce qu'ils ont ouï dans le temps même, divine. Car Eusèbe dit qu'il a ouï raconter à
ne sont– ils pas plus croyables que les centu- cet empereur, qu'un jour celui qui la portait
rialeurs de Magdebourg, qui contestent ce sur son épaule à la tête de l'armée, enten-
miracle si authentique, pour déroger à l'hon- dant les cris des ennemis qui venaient ave c
neur que l'on doit à la croix de Jésus-Christ fureur, en fut si étonné qu'il'donna le laba-
et à la vénération que les infidèles même lui rum à un de ses camarades pour prendre la
ont toujours rendue? i^- fuite, mais qu'il n'alla pas loin ayant été
« Les chrétiens reconnaissant que c'est de percé d'une flèche. Au contraire, celui qui
la croix qu'ils ont tiré la vie, l'ont toujours avait pris cet étendard, et qui le portait élevé
regardée comme la source de leur bonheur; devant lui ne reçut aucun mal, quoique les
ils lui ont rendu leur culte et leurs adora- ennemis tirassent sur lui de tous côtés, et
tions, et ont élevé partout ce trophée de leur que le bâton qu'il tenait fut tout couvert de
salut dès le commencement même de l'É- flèches, qui y étaient demeurées attachées.
glise. On a trouvé en effet depuis un siècle On voit même une médaille de Constantin, qui
en la ville de Meliapour aux Indes, les ves- a pour revers le labarum orné du monogram-
tiges d'une église, dressée à ce qu'on tient me du Christ, gardé par deux soldats, avec
par l'apôtre saint Thomas, où il y avait des ces mots pour légende Gloria exercitus.
croix. Tertullien remarque que les chréliens Les enfants de Constantin ayant reconnu
avaient mis en plusieurs endroits la figure les effets et la vertu de ce signe miraculeux,
de ce signe salutaire; et Constantin le plaça s'en servirent à l'exemple de leur père dans
sur la porte de son palais, tout enrichi d'or les occasions. Témoin la médaille de Con-
et de pierreries; mais il lui rendit encore stantin le Jeune, qui a pour revers le labarum
des honneurs plus particuliers; il le fit pas- qu'il tient en main avec ces mois: H oc si gno
ser, comme dit saint Augustin, a loco sup~ victor eris.
pliciorum ad frontem imperatorum, depuis « Telle est la vérité de la vision que Con-
qu'il eut vu ce signe miraculeux, qui lui pro- stantin cul de la sainte croix; et comme elle
mettait la victoire contre Maxence. est appuyée sur des témoignages si authen-
« Voici comme le tout se passa au rapport tiques et des preuves aussi solides et aussi
d'Eusèbe qui l'avait appris, comme nous l'a- anciennes que le fait même, il y a sujet de
vons dit, de la bouche même de cet empe- s'étonner qu'on veuille aujourd'hui révo-
reur. Il leur avait donc dit, comme le rap- quer en doute cet insigne miracle, qui a été
porte cet historien, que la veille du jour qu'il vu en plvin jour par tant de personnes, et
devait donner le combat; savoir le 26 octo- par une armée des plus nombreuses.
bre de l'an 312, il vit clairement au ciel, un « Ce qui est constant dans toute celle hi-
peu après midi, le signe de la croix tout bril- stoire est l'apparition en elle-même. Quel-
lant de lumière, avec celte inscription: Tu ques circonstances qui varient dans tes au-
seras victorieux par la vertu de ce signe (2); teurs, montrent qu'ils ne se sont pas copiés
ce qui le surprit fort, aussi bien que toute servilement, et prouvent du moins que le
son armée, qui 'vit comme lui ce phénomène fond en était certain, ce qui suffit pour la
miraculeux. La nuit suivante Jésus-Christ vérité de l'apparition. »
s'apparut à lui durant son sommeil, avec ce Combien de remarques ne pourrait-on
signe céleste il lui enjoignit de le faire gra- pas ajouter à celte dissertation du P. du
ver sur les houcliers de ses soldats et Cou- Moulinet? ajoute Lenglel Dufrcsnoy, dans
stantin le porta depuis sur son casque,comme son Traité des Visions. On peut voir ce qu'ont
on le voit dans plusieurs médailles de cet dit de celle-ci le savant Père Pagi sur Baro-
empereur. nius, et Tillemont dans son Histoire si exacte
« Le même Eusèbe fait aussi la peinture des Empereurs. Ces témoignages, rendus à la
du labarum ou étendard que Constantin fit vérité par de tels écrivains, doivent l'empor-
faire en cette manière. C'était un grand bâ- ter sur les doutes des critiques, à qui rien
ton en forme do pique, qui en avait un autre ne plait, que ce qui part de leur incrédule
plus petit en travers, lequel composait une imagination. Volontiers pour se distinguer
croix, et d'où pendait une bannière carrée du commun, ils adoptent des fables qui peu-
d'une étoffe de pourpre fort précieuse, enri- vent préjudicier à quelque doctrine généra-
chie de broderie d'or, éclatante de pierre- lement avouée; mais ils se gardent bien de
ries au-dessus de cette bannière, il y avait croire des points d'histoire, appuyés sur les
une couronne d'or, qui portait le mono- preuves communément reçues dans la dis-
gramme de Jésus-Christ. cussion des faits historiques.
« Constantin se servit de cette mystérieuse CONSTANTIN COPRONYME .empereur
enseigne qu'on appelait labarum, non-seule- iconoclasle de Constanlinople. Il était, dit-
ment dans la guerre qu'il eut contre Maxen- on, magicien. 11 conjurait habilement les
ce, mais encore contre ses autres ennemis, démons, dit Leloyer; il évoquait les morts,
et il en ressentit toujours des effets merveil- et faisait des sacrifices détestables et invoca-
leux. Il destina cinquante des plus braves tions du diable. 11 mourut d'un feu qui le
officiers de son armée pour la porter tour à saisit par tout le corps, et, dont la violence
tour, et pour la garder ceux qui la portaient était telle, qu'il ne faisait que crier (3).

(1) Onpeut ajouter à ces trois témoinsSocrale, Sozo- (2) Hoc signo rinces.
mènes, Pliilostorge tous trois historiens de riiglise, (5) l.eloyei', llist. di;s spectres e. qcs apparitions tlei
8ai:itGrégoirede Nazianzequi ena pareillementparlé,oie. esprits, liv. IV,cli. vi, p. 503.
-1>99 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 40D
CONSTELLATIONS. Il y en a douze, qui voix étouffée, et débiter toutes les extrava-
-sont les douze signes du zodiaque, et que gances dont leur folle imagination est remplie.
lies astrologues appellent tes douze maisons Tout le monae a entendu parler des con-
du soleil, savoir: le bélier, le taureau, les vulsions et des merveilles absurdes qui
-gémeaux, l'écrevissc, le lion, la vierge, la eurent lieu, dans. la capitale de la France,
balance, le scorpion, le sagittaire, le capri- sur le tombeau du diacre Pâris, homme in-
.corne, le verseau et les poissons. On tes dé- connu pendant sa vie, et trop célèbre après
signe très-bien dans ces deux vers techni- sa mort (2). La frénésie fanatique alla si
ques, que tout le monde connaît loin, que le gouvernement fut obligé, en
1732, de fermer le cimetière Saint-Médard,
Suntaries, taurus, gemini, cancer,leo, virgo, où Paris était enterré. Sur quoi un plaisant
Libraque,scorpius.arciteneDs.caper,ampliora,pisces. fit ces deux vers
On dit la bonne aventure par le moyen de De par le roi, défenseà Dieu,
ces constellations. Voy. HOROSCOPESet As- D'opérermiracle en ce lieu.
.TROLOGIE.
Dès lors les convulsionnaires tinrent leurs
CONTRE-CHARMES. charmes qu'on em-
séances dans des lieux particuliers, et se
ploie pour détruire l'effet d'autres charmes. donnèrent en spectacle certains jours du
Quand les charmeurs opèrent sur des ani- mois. On accourait pour les voir, et leur ré-
maux ensorcelés, ils font des jets de sel pré-
parés dans une écuelle avec du sang tiré putation surpassa bientôt celle des bohé-
d'un des animaux maléficiés. Ensuite ils ré- miens puis elle tomba, tuée par l'excès et
citent pondant neuf jours certaines formules. le ridicule.
COPERNIC, astronome célèbre, mort en
Voy. GRATIANNE,AMULETTES,SORT, Malé- 15'V3. On dit communément que son système
fices, Ligatures, etc.
fut condamné par la cour de Rome ce qui
CONVULSIONS. Au neuvième siècle, des est faux et controuvé. 11 vivait à Rome d'un
«personnes suspectes déposèrent dans une bon canonicat, et y professait librement l'a-
église de Dijon des reliques qu'elles avaient, stronomie. Mais voyez à ce sujet l'article Ga-
-disaient-elles, apportées de Rome, et qui lilée.
.étaient d'un saint dont elles avaient oublié
<le nom. L'évêque Théobald refusa de rece- COQ. Le coq a, dit-on, le pouvoir de met-
voir -ces reliques sur une allégation aussi tre en fuite .les puissances infernales et
comme on a remarqué que le démon, qu'on
.vague. Néanmoins, elles faisaient des prodi-
ges. Ces prodiges étaient des convulsions appelle le lion d'enfer, disparait dès qu'il
voit ou entend le coq, on a répandu aussi
dans ceux qui venaient les révérer. L'oppo-
sition de l'évêque Gt bientôt de ces convul- cette opinion que le chant ou la vue du coq
sions unc.cpitiémie; les femmes surtout s'em- épouvante et fait fuir le lion. C'est du mains
le sentiment de Pierre Dclancre.
pressaient de leur donner de la vogue. Théo- u Mais il faut répondre à ces savants, dit
bald consulta Àmolon, archevêque de Lyon, AI. Salgues (3), que nous avons des lions
dont il était suffragant <t Proscrivez, lui ré- dans nos ménageries; qu'on leur a présenté
pondit l'évêque, ces fictions infernales, ces des coqs; que ces coqs ont chanté, et qu'au
hideuses merveilles, qui ne peuvent être que
des prestiges ou des impostures. Vit-on ja- lieu d'en avoir peur, les lions n'ont témoigné
mais, aux tombeaux des martyrs, ces funes- que le désir de croquer l'oiseau chanteur,
tes prodiges qui loin de guérir les malades, que toutes les fois qu'on a mis un coq dans
la cage d'un lion, loin que le coq ait tué le
font souffrir les corps et troublent les es-
lion, c'est au contraire le lion qui a mangé
prits V. » le coq. »
Cette espèce de manie fanatique se re-
nouvela quelquefois; elle fit grand bruit au On sait que tout disparalt au sabbat aus-
commencement du dix-huitième sitôt que le coq chante. On cite plusieurs
siècle; et
on prit encore pour des miracles les convul- exemples d'assemblées de démons et de sor-
cières que le premier chant du coq a mises
sions, les contorsions et les grimaces d'une en déroute; on dit même que ce son, qui est
foule d'insensés. Les gens mélancoliques et
atrabilaires ont beaucoup de dispositions à pour nous, par une sorte de miracle perpé-
xes jongleries. Si dans le temps surtout où tuel, une horloge vivante, force les démons,
dans les airs, à laisser tomber ce qu'ils por-
;.lcur esprit est dérangé, ils s'appliquent à
'J.évèr fortement, ils finissent toujours par tent c'est à peu près la vertu qu'on attribue
.tomber en extase, et se persuadent qu'ils au son des cloches. Pour empêcher le coq de
chanter pendant leurs assemblées nocturnes,
peuvent ainsi prophétiser. Cette maladie se les sorciers, instruits par le diable, ont soin
.communique aux esprits faibles, et le corps de lui frotter la tête et le front d'huile d'o-
s'en ressent. De là vient, ajoute Brucys (1),
live, ou de lui mettre au cou un collier de
.que, dans le ftrl de leurs accès, les convul- sarment.
sionnaircs se jettent par terre, où ils demeu- se ratta-
rent quelquefois assoupis. D'autres fois, ils Beaucoup d'idées superstitieuses
chent à cet oiseau symbole du courage et
s'agitent extraordinairement; et c'est en ces
différents états qu'on les entend parler d'une chessedu Maine
Un décrolteurà la royajp,
(il!Préfacode l'Histoiredu Fanatisme. Du talon gauche estropié,
\z) Carré de. Monlgerona recueilli ces merveillesen Obtint,pour grâcespéciale,
trois gros volumes i"-4°, aTecfigures. Voici un de ces D'être boiteuxde l'autre pie.
"jiracjcs rapporté dans une ckiusoiide inadjine la"du- (3) Des Erreurs et des préjugés, elc.,prvface.
401 COR COR «3:
de la vigilance, vieil emblème des Français. dans les idées superstitieuses, annonce des
On dit qu'un jour Vitellius rendant la jus- malheurs et quelquefois la mort. Il a pour-
tice à Vienne en Dauphiné, un coq vint se tant des qualités merveilleuses. Le livre des-
percher sur son épaule ses devins décidè- Admirables secrets d'Albert le Grand dit que
rent aussitôt que l'empereur tomberait sûre- si l'on 'fait cuire ses œufs, et qu'ensuite on
ment sous un Gaulois; et, en effet, il fut lés remette dans le nid où on les aura pris,
vaincu par un Gaulois de Toulouse. aussitôt le corbeau s'en ira dans une Ile où
On devinait les choses futures par le moyen Alogrictis, autrement appelé Alruy, a été en-
du coq (Voy. Alectryomancie). seveli, et il en apportera une pierre avec
On dit aussi qu'il se forme,dans l'estomac laquelle, touchant ses œufs, il les fera reve-
des coqs une pierre qu'on nomme pierre alec- nir dans leur premier état; « ce qui est tout
torienne, du nom grec de l'animal. Les an- à fait surprenant. » Cette pierre se nomme-
ciens accordaient à cette pierre la propriété pierre indienne, parce qu'elle se trouve or-
de donner le courage et la force c'est à sa dinairement aux Indes.
vertu qu'ils attribuaient la force prodigieuse On a deviné, par le chant du corbeau, si
de Milon de Crotone. On lui supposait enco- son croassement peut s'appeler chant. M. Bo-
re le don d'enrichir, et quelques-uns la re- ry de Saint-Vincent trouve que c'est un lan-
gardaient comme un philtre qui modérait la gage. On l'interprète en Islande pour la con-
soif. naissance des affaires d'Etat. Le peuple lé re-
On pensait encore autrefois qu'il y avait garde comme instruit de tout ce-qui se passe
dans le coq des vertus propres à la sorcelle- au loin, et annonçant aussi très-bien l'avenir.
rie. On disait qu'avant d'exécuter ses malé- Il prévoit surtout les morts qui doivent frap-
fices, Léo-nora G'aligaï ne mangeait que des per une famille, et vient se percher sur le
.crêtes de coq et des rognons de bélier qu'elle toit de la maison, d'où il part pour faire lo
avait fait charmer. On voit, dans les accusa- tour du cimetière, avec un cri continu et des
tions portées contre elle, qu'elle'sacrifiait des ingexions de voix. Les Islandais disent qu'un
coqs aux démons (1). de leurs savants, qui avait le don d'entendre
Certains Juifs, la veille du chipur ou jour l'idiôme du corbeau, était, par ce moyen-
du pardon, chargent de leurs péchés un coq instruit des choses les plu; cachées.
blanc qu'ils étranglent ensuite qu'ils font Hésiode avance que lacorncille vit huit
rôtir, que personne ne veut manger, et dont cent soixante-quatre ans, tandis que l'hom-
ils exposent les entrailles sur le toit de leur- me ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans,
maison. et il assure que te corbeau vit trois fois plus
On- sacrifiait, dans certaines localités su- que la corneille ce qui fait deux mille cinq
perstitieuses, un coq à saint Christophe, cent quatre-vingt-douze ans.
pour en obtenir des guérisons. On croit, dans la B7retagne,,qtie déux cor-
On croyait enfin que les coqs pondaient beaux président à chaque maison, et qu'ils
des œufs, et que, ces œufs étant maudits il annoncent la vie et la mort. Les habitants du
en sortait un serpent ou un basilic. « Cette Finistère assurent encore que l'on voit, sur
superstition fut irès-répandue en Suisse; et, un rocher éloigné du rivage, les âmes de leur
dans une petite chronique de Bâlc Gross roi Gralon et de sa fille Dahut, qui leur ap-
raconte sérieusement qu'au mois d'août 1474 paraissent sous la forme de deux corbeaux
un coq de cette ville ayant été accusé et elles disparaissent à l'œil de ceux qui s'en,
convaincu de ce crime, fut condamné à mort. approchent (3). Voy. Odin, Cïcéron Augu-
Le bourgeois le brûla publiquement avec son res, etc..
œuf, dans un endroit nommé Kablenbcrg, à
l'a vue d'une grande multitude de person- Légende du jugement dés corbeaux:
nes (2). » Voy. BASILIC,MARIAGE,etc.. Auhautdu chemin deSaint-Jacques, qu'on
CORAIL. Quelques auteurs ont écrit que' nomme aujourd'hui à Bruxelles la rue de la
le corail a la vertu d'arrêter le sang et d'é- Madeleine, 'il y avait jadis un cabaret de
carter les mauvais génies. Marsilc Ficin pré- grande renommée. On l'appelait le cabaret
tend que le corail éloigne les terreurs pani- de la Haute-Pinte. On croit qu'il florissait
ques et préserve de la foudre et de la grêle. déjà au dixième siècle. Quand l'empereur.
Liceti en donne cette raison, que le corail Othon 11 habitait cette ville alors peu éten-
exhale une vapeur ,chaude qui, s'élevant en due, on voyait dans son voisinage une mai-
l'air, dissipe tout ce qui peut causer la grêlo son de plaisancé où l'on se rendait par un,
ou le tonnerre. chemin qui est à présent la rue de l'Empe-
Brown, dans ses Estais sicr les erreurs po- rcur; et déjà l'on ajoute que l'estaminet, de
pulaires, dit qu'il est tenté de croire que l'u- la Haute-Pinte était prospère..
sage de mettre des colliers dé corail au cou Vers l'an 950., il n'y avait pas encore do
des enfants dans l'espérance de leur faire
sortir les dents, a une origine superstitieuse, puissance organisée dans ce pays proba-
blement ce fut Henri 1" qui commença la
et que l'on se servait autrefois du corail série des ducs de Brabant, quoique des ama-
comme d'une amulette ou préservatif contre teurs fassent remonter ce titre jusqu'à Pépin
les sortilèges. de Landen, et d'autres même jusqu'à Salvius
CORBEAU,oiseau de mauvais augure, qui, Brabo, qui, investi par César du pouvoir su<
il) M. Garlnot, Histnirt de la magie en France, p. 100. (3)Cambry,voyagedansle Finistère, t. Il, p. 261.
t) Dictionnaire d'anecdotes suisses, |>. lli.
405 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 404
prême sur ces contrées, donna son nom à la bonne bière en tout ce pays; que déjà on en
principale province de la Belgique. C'était employait l'écume à la levure du pain. Alors
Conrad le Roux, qui, duc de la France Rhé- pareillement, il y avait de grands vignobles
nane en 950, devait passer pour suzerain de à Etterbeek et à Saint-Josse-ten-Noode.
Bruxelles. Cette ville, née dans l'ite de Saint- Mais revenons à notre .simple histoire.
Géry, s'avançait à peine jusqu'à la Grande- Nous remettrons donc en avant ce fait, qu'en
Place actuelle, qui était un étang; ses envi- 950, deux Bruxellois de la banlieue ou de
rons appartenaient à. sept puissants sei- l'extra muros, habitant l'un la seigneurie de
gneurs. Possesseurs du sol et souverains des Kanlersteen, l'autre les domaines de sir
habitants ils n'y purent cependant aussi Steenwegs prétendirent tous deux avoir,
complètement qu'en Allemagne établir la trouvé le secret du faro. LeseigneurHugues,
hiérarchie féodale. qui était grand buveur, et pour qui, dans la
Le premier de ces seigneurs était Huygs suite on fit le lembeek avait promis une
seigneur de la Kantersteen, dont le nom n'a récompense encourageante à celui de ses
pas encore péri dans Bruxelles; son château voisins qui perfectionnerait la bière Cette
s'élevait au coin de la rue des Sols, vis-à-vis prime était l'exemption à perpétuité de tout
le cabaret; l'avenue large et spacieuse qui impôt. Maître Géry Knaps maître de l'esta-
conduisait à ce manoir en a gardé le nom. minet de la Haute-Pinte, fut, à ce qu'on croit,
Après lui venait ser Leeuws, ou sire Lion, le véritable inventeur. Mais Jean Munters,
seigneur de Maximiliansteen, de qui vient le qui tenait cabaret dans la rue de la Kanter-
nom de la rue Maximilienne, et non de l'em- steen, se présenta comme t'ayant imaginée
pereur allemand, comme quelques-uns l'ont aussi. Il avait pour enseigne La bouteille
cru. On a dit aussi que ser Leeuws ayant un de Brabant. Sir Hugues qui se faisait vieux,
lion pour insigne, avait donné à son pays le fit comparaître les parties en sa présence et
Lion Belgique c'est une autre erreur. Vous dégusta longuement et gravement leurs li-
pouvez lire dans la chronologie de Thomas quides. La comparaison qu'il en voulut ana-
Blaise, que le pieux Hildegard qui vivait à lyser dura trois jours plusieurs brocs y
la cour de Sunnon, l'un des rois francs, pré- passèrent. Les deux cabareliers ayant eu
décesseur de Mérovée, prédit que les aigles également bon succès, sir Hugues ne sut rien
romaines seraient un jour terrassées par le décider et confessa en conscience qu'ils
Lion Franco -Belge; et en effet, depuis l'éta- avaient tous deux parfaitement travaillé.
blissement des Francs dans la Campine en Ne voulant pourtant récompenser qu'un
280, on vous soutiendra que les Gaules du seul industriel, il déclara qu'il fallait pour
Nord ont toujours eu le lion à leur bannière. connaître qui avait inventé le premier,
Les cinq autres seigneurs, beaucoup moins s'en rapporter à une épreuve, par le juge-
importants, étaient Steenwegs, seigneur de ment de Dieu. On sait que ce jugement se
Valkenboûrg Caudenberg, seigneur de rendait par le sort ou par le combat. Les ca-
Zouthuys, ou, selon d'autres, Zouthuys, sei- baretiers sont peu guerroyeurs la pinte et
gneur de Caudenberg Roelofs ou Rodolphe, la bouteille ne se soucièrent pas de se heur-
seigneur de Huysteen; Sweerts, seigneur de ter. On chercha l'autre moyen'.
Paëhuys et Rodenbeek seigneur de Plat- 11 y avait encore dans le pays une vieille
testeen, Son château était à la rue de la coutume qui venait des Druides, et qu'on
Pierre Plate (plattesteen) qui a conservé son employait quelquefois. Dans les querelles-
nom. Plusieurs autres rues portent encore en embrouillées, où les plaideurs ne voulaient
flamand les noms de ces seigneurs. se battre ni à l'épée ni au bâton, deux cor-
Or en cette même année 950, les hommes beaux devenaient arbitre du procès. Les
moins inventifsquenous ne le sommes deve- parties mettaient sur une planche deux gâ-
nus, trouvèrent pourtant (car ils trouvaient teaux de farine, détrempée avec de l'huile,
quelquefois) le secret de fabriquer cette bière des œufs et un peu de vieux vin ils por-
exquise que, depuis le seizième siècle, on ap- taient ces deux gâteaux au bord du lac
pelle faro; et qui est demeurée sans contre- d'Ixelles, après quoi on lâchait deux cor-
dit l'une des premières bières du monde. On beaux qui mangeaient un des gâteaux en
a dit à tort qu'elle n'avait été inventée qu'au entier et éparpillaient l'autre. La partie dont
treizième siècle, puisqu'on en buvait à la le gâteau n'était qu'éparpillégagnaitsa cause.
cour de Jean 1". On a avancé qu'elle se Il est facile de faire de-l'csprit. Saint-Foix
nommait faro, d'un vieux mot français qui a dit que cette ordalie était un emblème par
s'écrit faraud aujourd'hui et qui veut dire lequel les Druides ont prophétisé la façon
élégant et riche, parce que cette bière, per- dont on rendrait un jour la justice chez nous.
fectionnée au treizième siècle, n'était desti- « Les corbeaux sont voraces ajoute-t-il;
née qu'aux gens aisés mais elle fut nommée leur plumage est noir, et la partie qui gagne
faro par les espagnols venus à la suite de est presque toujours aussi ruinée que celle
Charles-Quint, parce qu'au premier aspect qui perd. »
ils la prirent pour du vin de Faro en Portu- Quoiqu'il en soit, Jean Munters qui était
gal, dont elle a la couleur dorée. fin ayant mis du vin d'Eiterbeek dans son
C'est aussi des Espagnols qu'est venu le gâteau, les deux corbeaux mangèrent celui
mot estaminet, estaminetto dans leur langue, de Géry Knaps et ne firent qu'éparpiller le
voulant dire réunion ou petite assemblée. gâteau de la grosse Bouteille. Munters eut
Dans tous les cas César et Tacite nous donc l'exemplion dont il ne jouitque jusqu'à
apprennent que de leur temps, on faisait de l'avénemeut de Jean I" duc de Brabant do
105 cou con 40G
la maison de Louvain, qui aimait la pielcr- d'Etat un arrêt qui condamnait huit corde-
in.iii. Mais l'estaminet de la Bouteille de liers d'OVléans à faire amende honorable^
Brabant, dans la Kanters(cen a toujours pour avoir supposé de fausses apparitions
eu depuis le corbeau pour emblème. Il n'en (1534).
reste plus que l'enseigne; le cabaret s'est Une preuve que celte faute était indivi-
transporté ailleurs. duelle, c'est qu'elle fut condamnée par l'au-
CORBEAU NOIR. Voy. CAUCE DU SABBAT. torité ecclésiastique, et que tes huit condam-
CORDE DE PENDU. Les gens crédules pré- nés, dont deux seulement étaienl coupables,
tendaient autrefois qu'avec de la corde de le gardien et le custode, furent bannis sans
pendu on échappait à tous les dangers et que personne n'appelât ni ne réclamât.
qu'on était heureux au jeu. On n'avait qu'à CORÉ, compagnon de Dalhan et d'Abiron.
se serrer les tempes avec une corde de pendu Les mahométans, qui le confondent avec le
pour se guérir de la migraine. On portait un batelier Caron, le font cousin-germain do
morceau de cette corde dans sa poche pour Moïse, qui, le voyant pauvre, lui enseigna
se garantir du mal de dents. Enfin, on se sert l'alchimie, par le moyen de laquelle il acquit
de cette expression proverbiale, avoir de la de si grandes richesses qu'il lui fallait qua-
corde de pendu, pour indiquer un bonheur rante chameaux pour porter son or et son ar-
constant, et les Anglais du menu peuple cou-, gent. Il y en a qui prétendent même qua
rent encore après la corde de pendu (1). plusieurs chameaux étaient chargés seule-
CORDELIERS D'ORLÉANS. On a fait grand ment des clefs de ses coffres-forts.
bruit de l'affaire des cordeliers d'Orléans, qui Moïse ayant ordonnéaux Israélites de payer
eut lieu sous François I". Les protestants s'en la dîme de tous leurs biens ( nous suivons
emparèrent; et d'un iort qui est assez mal toujours les auteurs musulmans), Coré'refusa
établi, on fit un crime aux moines. C'était d'obéir, se souleva même contre son bienfai-
peut-être faire leur éloge que de s'étonner teur jusqu'à répandre sur lui des calomnies
qu'ils ne fussent pas tous des anges. Voici qui allaient lui faire perdre son autorité
l'histoire. parmi le peuple, si Moïse ne s'en fût plaint à
Le seigneur de Saint-Mesmin, prévôt d'Or- Dieu, qui lui permit de punirl'ingrat; alors
léans, qui donnaitdans les erreurs de Luther, Moïse lui donna sa malédiction, et ordonna
devint veuf. Sa femme était commelui luthé- à la terre de l'engloutir, ce qui s'exécuta.
rienne en secret. Il la fit enterrer sans flam- CORNEILLE. Le chant de la corneille était
beaux et sans cérémonies. Elle n'avait pas regardé des anciens comme un très-mauvais
reçu les derniers sacrements. Le gardien et présage pourceluiqui commençaitune entre-
le custode des cordeliers d'Orléans, indignés prise ils l'invoquaient cependant avant te
de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de mariage, parce qu'ils croyaient que les cor-
leurs novices dans les voûtes de l'église, avec neilles, après la mort de l'un ou de l'autre-
des instructions. Aux matines, ce novice fit le observaient une sorte de veuvage..
du bruit sur les voûtes. L'exorciste, qui pou- Voy. CORBEAU,Augures, etc.
vait bien n'être pas dans le secret, prit le ri- Les sorcières ont eu quelquefois des cor-
tuel, et croyant que c'était un esprit, lui de- neilles à leur service, comme on le voit par
manda qui il était? la légende qui suit, et qui, conservée par
Point de réponse. Vincent de Guillerin (Specl. hist., lib. 26), a
S'il était muet? inspiré plus d'une ballade sauvage, en Angle-
H frappa trois coups. terre et en Ecosse.
On n'alla pas plus loin ce jour-là. Le len- La Corneille de Barkley.
demain et le surlendemain le même incident
se répéta. Une vieille Anglaise, de la petite ville de
Fantôme on esprit, dit alors l'exorciste, Barkley, exerçait en secret, au onzième siècle,
es-tu l'âme d'un tel? ta magie et la sorcellerie avec grande habi-.
Point de réponse. lelé. Un jour pendant qu'elle dinuit, une-
D'un tel. corneille qu'elle avait auprès elle et dont
Point de réponse. personne ne soupçonnait l'emploi,lui croassa
On nomma successivement plusieurs per- je ne sais quoi de' plus clair qu'à l'ordinaire.
sonnes enterrées dans l'église. Au nom de Elle pâlit, poussa de profonds soupirs et s'é-
Louise de Marcau femme de François de cria J'apprendrai aujourd'hui de grands
Saint-Mesmin, prévôt d'Orléans, malheurs.
l'esprit
frappa trois coups. A peine achevait-elle ces mots qu'on vint
Es-tu dans les flammes ? lui annoncer que son fils aine et toute la fa-
Trois coups. mille de ce fils étaient morts de mort subite.
Es-tu damnée pour avoir partagé les Pénétrée de douleur, elle assembla ses autres
crreurs de Luther? enfants, parmi lesquels était un bon moinu
Trois grands coups. et une sainte religieuse elle leur dit en gé.
Les assistants étaient dans l'effroi. On se missant
disposait à signifier au seigneur de Saint- Jusqu'à ce jour, je me suis livrée, mesen-,
Mesmin d'enlever de l'église sa luthérienne fanis, aux arts niagiques.Vousfrémisscz.; mai*
mais il ne se déconcerta pas. Il courut à le passé n'est plus en mon pouvoir. Je n'ai
Paris et obtint des commissaires du conseil d'espoir que dans vos prières. Je sais que tes
démons sont à la veille de me posséder pour
(t) Salgues,Des Erreurset despréjugés,t. 1, p. 155. me punir de mes crimes. Je vous prie, comme
«07 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 408
votre
vnlrn m
mère, de soulager les tourments que CORNET D'OLDENBOURG, Voy. OLDEN-
j'endure déjà. Sans vous, ma perle me paraît BOURG.
assurée; car je vais mourir dans un instant. CORRESPONDANCE avec l'enfer. Voy.
Renfermez mon corps, enveloppé d'une peau BERBIGUIER.
de cerf, dans une bière de pierre recouverte CORSNED, sorte d'épreuve chez les Anglo-
de plomb que vous lierez par trois tours de Saxons, qui consistait à faire
manger à l'ac-
chaîne. Si, pendant trois nuits, je reste tran- cusé à jeun une once de pain ou de fromage
quille, vous m'ensevelirez la quatrième, quoi- consacré, avec beaucoup de cérémonies. Si
queje.craigneque la terre neveuille point re- l'accusé était coupable, cette nourriture de-
cevoir mon corps. Pendant cinquante nuits, vait l'étouffer en s'arrêtant dans le gosier;
chantez des psaumes pour moi, et que pen- mais si elle passait aisément, l'accusé était
dant cinquante jours on dise des messes. déclaré innocent.
Ses enfants troublés exécutèrent ses ordres; CORYBANTIASME espèce de frénésie.
mais ce fut sanssuccès.La corneille, qui sans Ceux qui en étaient attaqués s'imaginaient
doulen'étaitqu'undémon, avait disparu. Les voir des fantômes devant leurs yeux, et en-
deux premières nuits tandis que les clercs tendaient continuellement des sifflements. Ils
chantaient des psaumes les démons enlevè- ouvraient les yeux lorsqu'ils dormaient. Ce
rent, comme si elles eussent été de paille, les délire sanguin a souvent été jugé possession
portes du caveau et emportèrent les deux du diable par les démonomanes.
premières chaînes qui enveloppaientla caisse: COSINGAS, prince des Cerrhénicns peu-
la nuit suivante, vers le chant du coq, tout ples de Thrace, et prêtre de Junon. Il s'avisa
le monastère sembla ébranlé par les "démons d'un
singulier expédient pour réduire ses su-
qui entouraient l'édifice. L'un d'entre eux, le jets rebelles. Il ordonna d'attacher plusieurs
plus terrible, parut avec une taille colussale, longues échelles les unes aux autres, et fit
et réclama la bière. Il appela la morte par courir le bruit qu'il allait monter au ciel, vers
son nom; il lui ordonna de sortir. Je ne te Junon, pour lui demander raison de la déso-
puis, répondit le cadavre, je suis liée. béissance de son peuple. Alors les Thraces,
Tu vas être déliée répondit Satan et superstitieux et grossiers, se sbumirenl à Co-
aussitôt il brisa comme une ficelle la troi- singas, et s'engagèrent par serment à lui rester
sième chaîne de fer qui restait autour de la fidèles.
bière; il découvrit d'un coup de pied le çou- COSQUINOMANClE.sortedcdivinationqui
vercle, et prenant la morte par la main, il se pratique au moyen d'un-crible, d'un sas,
l'entraîna en présence de tous les assistants. ou d'un tamis. On mettait un crible sur des
Un cheval noir se trouvait là, hennissant fiè- tenailles,
qu'on prenait avec deux doigts; en-
rement, couvert d'une selle garnie partout suite on nommait les personnes soupçonnées
de crochets de fer; on y plaça la malheureuse de larcin ou de quelque crime secret, et on
et tout disparut; on entendit seulement dans jugeait coupable celle au nom de qui le crible
le lointain les derniers cris de la sorcière. tournait ou tremblait, comme si celui qui te-
CORNELIUS, prêtre païen de Padoue, nait les tenailles, ne pouvait pas remuer le
dont parle Aulu-Gelle. Il avait des extases, et crible à sa volonté 1
son âme voyageait hors de son corps le jour Au lieu du crible, on met aussi (car ces
de la bataille de Pharsale, il dit en présence divinations se pratiquent encore) un tamis
de plusieurs assistants, qu'il voyait une forte sur un pivot, pour connaître l'auteur d'un
bataille, désignant les vainqueurs et les vol on nomme de même les personnes soup-
fuyards; et, à la fin, il s'écria tout à coup que çonnées, et le tamis tourne au nom du voleur.
César avait vaincu (1). C'est ce qu'on appelle, dans les campagnes
CORNES. Tous les habitants du ténébreux tourner le sas. Cette superstition est surtout
empire portent des cornes; c'est une partie très-répandue dans la Bretagne (3). Voy.
essentielle de l'uniforme infernal. CRIBLE.
On a vu des enfants avec des cornes, et COTE. Dieu prit une côte d'Adam, pour en
Bartholin cite un religieux du monastère de faire notre mère Eve. Mais il ne faut pas
Saint-Justin, qui en avait deux à la tête. Le croire pour cela, comme fait le vulgaire, que
maréchal de Lavardin amena au roi un hom- dans les descendants d'Adam les hommes ont
me sauvage qui portait des cornes. On mon- une côte de moins que les femmes.
trait à Paris, en 1699 un Français, nommé COU. On regardait chez les anciens com-
Trouillon,dont le front était armé d'une corne me un augure favorable une palpitation
de bélier (2). Voyez Cippus. dans la partie gauche du cou, et comme fu-
Dans le royaume de Naples et dans d'au- neste celle qui avait lieu dans la partie
tres contrées, les cornes passent pour un pré- droite.
servatif contre les sortiléges. On a dans les COUCHES.On prétendait, en certains pays,
maisons des cornes ornées et dan's la rue ou faire accoucher aisément les femmes en liant
dans les conversations, lorsqu'on leur ceinture à la cloche de l'église, et en son-
un sorcier,on lui fait discrètement soupçonne des cornes nant trois coups.Ailleurs, la femme en cou-
avec les doigts pour paralyser ses intentions ches mettait la culotte de son mari. Voy.
magiques. On pend au cou des enfants, com- AÉTITE.
me ornement, une paire de petites cornes.
COUCOU. On croit en Bretagne, qu'en
(1) Uloyer, Histoire des ou Appar.dese.srrils.
li IV, cU. xxv, p. 456. spectres, (2) M. Salgufts.Dcs Erreurs el despréjugés, t. IH,p. 128..
(3) M. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. lit, p. 43
#49 cou cou 410
comptant le chant du coucou, oay trouve Ministères. Adrameleck, grand chancelier,
l'annonce de l'année précise où l'on doit se grand'croix de l'ordre de la Mouche.
marier (1). S'il chante trois fois, on se mariera Astaroth grand trésorier.
dans trois ans, etc. Nergal, chef de la police secrète.
On croit aussi, dans la plupart des provin- Baal, général en chef des armées infer-
ces, que si on de l'argent avec soi la pre- nales, grand'croix de l'ordre de la Mouche.
mière fois qu'on entend le chant du coucou, Léviathan grand amiral chevalier de la
on en aura toute l'année. Le coucou do Mouche.
Belkis, dontnous ne savonsguère quelenom, .4môassadewrs.BeIphégor, ambassadeur en
est un des dix animaux que Mahomet place France.
dans son paradis. Mammon, ambassadeur en Angleterre.
COUCOULAMPONS. anges du deuxième Bélial, ambassadeur en Turquie.
ordre, qui, quoique matériels, selon les ha- Rimmon, ambassadeur en Russie.
bitants de Madagascar, sont invisibles et ne Thamuz, ambassadeur en Espagne,
se découvrcrïtqu'à ceuxqu'ils honorent d'une Hutgin, ambassadeur en Italie.
protection spéciale. 11y en a des deux sexes; Martinet ambassadeur en Suisse.
ils contractent le mariage entre eux, et sont Justice. Lucifer, grand-justicier.
sujets à la mort; mais leur vie est bien plus Alastor, exécuteur des hautes-œuvres.
longue que celle des hommes, et leur santé Maison des princes. Verdelet, maitre des
n'est jamais troublée par les maladies. Leur cérémonies.
corps est à l'épreuve du poison et de tous les Succor-Benoth, chef des eunuques.
aecidents. Chamos, grand-chambellan, chevalier de
COUDRIER. Les branches de cet arbre ont la Mouche.
servi à quelques divinations. Voy. BAGUETTE Melchom trésorier-payeur.
DIVINATOIRE. Nisroch chef de la cuisine.
COULEURS. Pline le naturaliste nous ap- Béhemoth, grand échanson.
prend que les anciens tiraient des augures et Dagon grand panetier.
des présages de la couleur des rayons du so- Mullin premier valet de chambre.
leil, de la lune, des planètes, de l'air, etc. Le Menus-plaisirs. Kobal, directeur des spec-
noir est le signe du deuil, ditRabelais, parce tacles.
que c'est la couleur des ténèbres, qui sont Asmodée, surintendant des maisons de jeu.
tristes, et l'opposé du blanc, qui est la cou- Nybbas, grand-pâradiste.
leur de la lumière et de la joie. Antéchrist, escamoteur et nécromancien.
COUPE (divination par la) très-usitée Boguet l'appelle le singe de Dieu.
en Egypte dès le temps de Joseph, employée On voit que les démonomanes se montrent
encore aujourd'hui. Voy. Hydromancie. assez gracieux envers les habitants du noir
COUPS. En 1582, dit Pierre Dclancre (2), séjour. Dieu veuille qu'après tant de rêveries
il arriva qu'à Constantinople, à Rome et à ils n'aient pas mérité d'aller en leur socielé 1
Paris, certains démons et mauvais esprits M. Berbiguier a écrit en 1821, après avoir
frappaient des coups aux portes des maisons transcrit cette liste des princes de la cour
et c'était un indice de la mort d'autant de infernale
personnes qu'il y avait de coups. «Cette cour a aussi ses représentants sur
COUR INFERNALE. Wierus et d'autres la terre Moreau magicien et sorcier à
démonomanes, versés dans l'intime connais- Paris représentant de Belzébulh. Pinel
sance des enfers, ont découvert qu'il y avait père, médecin à la Salpêtrière, représentant
là des princes, des nobles, des officiers, etc. de Satan. Bonnet employé à Versailles
Ils ont même compté le nombre des démons, représentant d'Eurynome. Bouge, associé
et distingué leurs emplois leurs dignités et de Nicolas représentant de Pluton. Ni-
leur puissance. colas, médecin à Avignon de
représentant
Suivant ce qu'ils ont écrit, S:itan n'est plus Moloch. Baptiste Prieur, de Moulins re-
trop le souverain de l'enfer; Belzébulh règne présentant de Pàn. Prieur aîné, son frère,
à sa place. Voici l'état actuel du gouver- marchand droguiste représentant dé Lilitii.
nement infernal. Étienne Prieur, de Moulins, représentant
Princcs et grands dignitaires. Belzébulh de Léonard. cousin des
Papon-Lominy
chef suprême de l'empire infernal, fondateur Prieur, représentant de Baalberith. Jean-
de l'ordre de la Mouche. nelon Lavalelle, la Mansotte et la Vand.eval,
Satan, chef du parti de l'opposition. représentant de l'archidiablesse Proserpine,
Eurynome, prince de la mort, grand'croix qui a voulu mettre trois diablesses à mes
de l'ordre de la Mouche. trousses etc. (3) » Voy. Berbiguier.
Moloch, prince du pays des larmes COURILS petits démons malins, corrom-
grand'croix de l'ordre. pus et danseurs, dont M. Cambry a trouvé la
Pluton prince du feu. croyance établie sur les côtes du Finistère.
Léonard grand-maitre des Sabbats, che- On les rencontre au clair de la 'lune, sautant
valier de la Mouche. autour des pierres consacrées ou des monu-
Baalberith maître des alliances. ments druidiques. S'ils vous saisissent par la
Proserpine archidiablcsse souveraine main il faut suivre leurs mouvements; ils
princesse des esprits malins. vous laissent exténués sur la place quand ils
(1) M. Cambry, Voyage dans le Finistère, t. I, p. 175. p. 57.
(2) Incrédulité el mécréance du sortilé^ etc., traité 7, (3) Les Farfadets,etc., t. 1, p. 4 et S.
«II DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 412
la quittent. Aussi les Bretons, dans la nuit, être ensuite brûlés et les cendres jetées au
évilent avec soin les lieux habités par cette vent les deux domestiques, à avoir la main
espèce de démons. droite coupée, et après, être pendus et
On ajoute que les Courils perdirent une étranglés leurs corps aussi brûlés (2).
grande partie de leur puissance à l'arrivée Cet événement eut lieu vers la fin du sei-
des apôtres du catholicisme dans le pays. zième siècle.
Voy. Wilis. COURTISANES. Les chrétiens sont bien
COURONNE NUPTIALE. Chez les habi- étonnés de voir des courtisanes servir de
tants de l'Enllebuch, en Suisse, le jour des prêtresses dans les Indes. Ces filles juste-
noces, après le festin et les danses, une ment déshonorées chez nous sont privilé-
femme vêtue de jaune demande à la jeune giées là depuis l'aventure de l'une d'elles. De-
épousée sa couronne virginale, qu'elle brûle vendiren, dieu du pays, alla trouver un jour
en cérémonie. Le pétillement du feu est, cette courtisane, sous la figure-d:un homme,
dit-on de mauvais augure pour les nou- et lui promit une haute récompense si elle
veaux mariés (1). était fidèle; pour l'éprouver le dieu fit le
COURROIE DE SOULIER. C'était un mau- mort. La courtisane le croyant véritable-
vais présage chez les Romains de rompre ment mort, se résolut à mourir aussi dans
la courroie de son soulier en.sortant de chez les flammes qui allaient consumer le cada-
soi. Celui qui avait ce malheur croyait ne vre, malgré les représentations qu'on lui
pouvoir terminer une affaire commencée, faisait de ce qu'elle n'était pas mariée. Elle
et ajournait celles. qu'il s'était proposé d'en- allait se mettre sur le bûcher déjà enflammé,
treprendre. lorsque Devendiren se réveilla, avoua sa
COUIVTIN1ÈRE. Un gentilhomme breton, supercherie, prillacourtisane pour sa femme
nommé M. de La Courtinière, ayant reçu un et l'emmena dans son paradis.
jour dans son château plusieurs seigneurs CRACA, magicienne qui, au rapport de
ses voisins, les traita bien pendant quelques Saxon-le-Grammairien changeait les vian-
jours. Après leur départ il se plaignit à sa des en pierres ou autres objets, aussitôt
femme de ce qu'elle ne leur avait pas fait qu'elle les voyait posées sur une tablé.
assez bon visage; et, quoiqu'il fît sans doute CRACHAT. Lorsque les sorciers renon-
ces remontrances avec des paroles honnêtes, cent au diable, ils crachent trois fois à
cette femme, d'une humeur hautaine ne terre. Ils assurent que le diable n'a plus
répondit mot, mais résolut intérieurement alors aucun pouvoir sur eux. Ils crachent
de se venger. encore lorsqu'ils guérissent des écrouelles
M. de La Courtinière s'étant couché et et font de leur salive un remède.
dormant profondément, la darne, après avoir Les anciens avaient l'habitude de cracher
corrompu deux de ses domestiques leur fit trois fois dans leur sein pour se préserver
égorger son mari, dont ils portèrent le corps de tous charmes et fascinations.
dans un cellier. Ils y firent une fosse, l'en- Cracher sur soi mauvais présage.Z> Voy.
terrèrent et ils placèrent sur la fosse un Chevillement.
tonneau plein de chair de porc salée. CRACHAT DE LA LUNE. Les alchimistes,
La dame le lendemain, annonça que son appellent ainsi la matière de la pierre philo-
mari était allé faire un voyage. Peu après sophale avant sa préparation. C'est une
elle dit qu'il avait été tué dans un bois, en espèce d'eâu congelée, sans odeur et sans
porta le deuil, montra du chagrin et fit faire saveur, de couleur verte, qui sort de terre
des services dans les paroisses voisines. pendant la nuit ou après un orage. Sa sub-
Mais ce crime ne resta pourtant pas im- stance aqueuse est très-volatile et s'évapore
puni le frère du défunt, qui venait consoler à la moindre chaleur, à travers une peau
sa belle-sœur et veiller à ses affaires se extrêmement mince qui la contient. Elle ne
promenant un jour dans le jardin du châ- se dissout, ni dans le vinaigre, ni dans l'eau,
teau et contemplant un parterre de fleurs ni dans l'esprit de vin mais si on la ren-
en songeanl à son frère, fut pris d'un ferme dans un vase bien scellé, elle s'y dis-
saigne-
ment de nez qui Félon na;, n'ayant jamais sout d'elle-même en une eau puante. Les
éprouvé cet accident. Au même instant il lui philosophes hermétiques la recueillent avant
sembla voir l'ombre de M. de La Courtinière, le lever du soleil, avec du verre ou du bois,
qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le et en tirent une espèce de poudre blanche
spectre jusqu'au cellier, où il le vit dispa- semblable à l'amidon, qui produit ensuite ou
raître. ne produit pas la pierre philosophale.
Ce prodige lui ayant donné des soupçons CRAMPE. Les morses ont sur les babines,
il en parla à la veuve, qui se montra épou- comme au-dessous, plusieurs soies creuses.
vantée. Les soupçons du frère se fortifiant Il n'y a point de matelot qui ne se fasse une
de ce trouble, il fit creuser dans le lieu où il bague de ces soies dans l'opinion qu'elles
avait vu disparaître le fantôme. On décou- garantissent de la crampe (3).
vrit le cadavre qui fut levé et reconnu par CRANOLOGIE. Voy. Phrénologie.
le juge de Quilnper-Corentin. Les coupables, "CRAPAUD. Les crapauds tiennent une
arrélés, furent condamnés, la veuve ( Marie place dans la sorcellerie. Les sorcières les
de Sornin ) à avoir la tête tranchée et tous aiment et les choient. Elles ont toujours
les membres de son corps dispersés
pour
<I ) Dictionnaired'anecdotessuisses,au mot Nocrs. tionsde Lenglel-Diifcesnoy;
et Leloyer,liv. III, ch. iv.
t?J Atiêi du parlementde Bretagne, t. H des Disserta- (3) H. Lebrun,abrégédes Voyagesau l'OIe-iNurd, cil.«.
415 CIU CRI 41'.
soin d'en avoir quelques-uns, qu'elles habi- chent pour leurs maléfices. Plusieurs écri-
tuent à les servir, et qu'elles accoutrent du vains assurent que c'est un objet très-rare,
livrées de velours vert. et si rare, que quelques-uns nient l'existence
Pierre Delancre dit que les grandes sor-, de cette pierre. Cependant Thomas Brovn
cières sont ordinairement assistées de quel- ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il,
que démon, qui est toujours sur leur épaule tous les jours on trouve tics substances pier-
gauche, en forme de crapaud, ayant deux reuses dans la lête des morues, des carpes,
petites cornes en tête; il ne peut être vu des gros limaçons sans coquilles. Il en est
que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. qui pensent que ces crapaudines sont des
Le diable baptise ces crapauds au sabbat. concrétions minérales que les crapauds re-
Jeannette Abadie, et d'autres femmes, ont jettent après les avoir avalées, pour nuire à
révélé qu'elles avaient vu de ces crapauds l'homme (4). Mais ce ne sont là encore que
habillés de velours rouge, et quelques-uns des contes ridicules.
du velours noir; ils portaient une sonnette CRAPOULET, Voy. Zozo.
au cou et une autre aux jambes de derrière. CRATÉIS déesse des sorciers et des en-
Au mois de septembre 1610. un homme se chanteurs, mère de la fameuse Scylla.
promenant dans la campagne, près de Bazas, CRESCENCE cardinal légat du Saint-
vit un chien qui se tourmentait devant un Siège au concile de Trente, qui. mourut pai-
trou; ayant fait creuser, il trouva deux siblement en 1552. Jean de Chassanion, hu-
grands pots renversés l'un sur l'autre liés guenot, n'aimant pas ce prince de l'Eglise
ensemble à leur ouverture et enveloppés de parce qu'il s'était élevé contre les protes-
toile; le chien ne se calmant pas on ouvrit tants, a écrit que le diable, en forme de chien
les puis, qui se trouvèrent pleins de son au noir, était venu le voir à son dernier moment
dedans duquel reposait un gros crapaud vêtu et l'avait étranglé (5), ce qui. n'est pas vrai.
de taffelas vert (1). C'était à coup sûr une sor- Mais Voy. CARLOSTAD et Luther.
cière qui i'avait mis là pour quelque maléfice. CRESPET (PIERRE), religieux célestin
Nous rions de ces choses à présent; mais mort en 1594, autour d'un traité contre la
c'étaient choses sérieuses au seizième siècle, magie, intitulé Deux livres de la haine de
et choses dont l'esprit ne nous est pas bien Satan et des malins esprits contre l'homme, etc.
expliqué. Paris, 1590, in-8°. Cet ouvrage est rare et
Le peuple est persuadé, dit M. Salgues (2), curieux.
que le crapaud a la faculté de faire évanouir CRIBLE. Parler au crible est, un ancien
ceux qu'il regarde fixement et cette asser- proverbe qui signifiait faire danser un tamis
tion est accréditée par un certain abbé Rous- par le moyen de paroles mystérieuses. Théo-
seau, qui a publié, dans le cours du dernier crite nommait lés gens qui avaient ce pou-
siècle, quelques observations d'histoire na- voir crible-sorciers ou sorciers du crible.
turelle il prétend que la vue seule du cra- Je me suis trouvé,dit Bodin (6), il ya vingt
paud provoque des spasmes, des convul- ans, dans une maison à Paris où un jeune
sions, la mort même. JI rapporte qu'un gros homme fit mouvoir un tamis sans y toucher,
crapaud,qu'il tenait renfermé sous un bocal; par la vertu de certaines paroles françaises,
l'ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt et cela devant une société; et la preuve, dit-il,
saisi de palpitations, d'angoisses, de mouve- que c'était par le pouvoir de l'esprit malin,
ments convulsifs, et qu'il serait mort infail- c'est qu'en t'absence de ce jeune homme on
liblement sil'on n'étaitvenuàson secours. essaya vainement d'opérer en prononçant les
Elien, Dioscoride, Nicandre, jElius, Gesner, mômes paroles. Voy. Cosquinomancie.
ont encore écrit que l'haleine du crapaud CRIÉRIENS fantômes des naufragés, que
était mortelle, et qu'elle infectait les lieux les habitants de l'île de Sein, en Bretagne,
où il respire. On a cité l'exemple de deux croient entendre demander la sépulture, .àà
amants qui, ayant pris de la sauge sur la- travers ce bruit sourd qui précède les orages.
quelle un crapaud s'était promené, mouru- Les anciens Bretons disaient « Fermons les
rent aussitôt. Mais ce sont là des contes portes, on entend les criériens; le tourbillon
démentis, comme tant d'autres, par les ex- les suit. »
périences. CR1STALOMANCIE divination par le
Sur les bords de l'Orénoque sans doute moyen du cristal. On lirait des présages des
pour consoler le crapaud de nos mépris miroirs et des vases de cristal, dans lesquels
des Indiens lui rendaient les honneurs d'un le démon faisait, dit-on sa demeure. Le roi
culte ils gardaient soigneusement les cra- Childéric cherchait l'avenir (tans les prismes
pauds sous'des vases, pour en obtenir de la d'un petit globe de cristal. Voy. Chien.
pluie ou du beau temps, selon leurs besoins Les devins actuels prédisent encore parle
et ils étaient tellement persuadés qu'il dé- miroir. L'anecdote suivante fera connaître
pendait de ces animaux de l'accorder, qu'on leur méthode. Un pauvre laboureur des
les fouettait chaque fois que la prière n'était environs de Sézannc, à qui on avait volé six
pas exaucée (3). cents francs, alla consulter le devin c'était
CRAPAUDINE, pierre qui se trouve dans en 1807. Le devin lui fit donner douze francs,
la tête des crapauds les sorcièrés là recher-
de l'Amériqueméridionale,t. I.
(I) Delancre,Tableaudel'inconstancedesdémons,etc. (4) ThomasBrovvn Essai sur les erreurs populaires,
liv.II, dise. 4, p. 153. t. I, liv. III, cli. xii],p. 512.
Des
(-2) Erreurs et despréjugés,etc., t. 1, p. 423. (a) DesGrandset redoutablesjitgementsdeDieu, p. 6(5
(3j Tous,Voyageà la partie orientaledj la terre fcnne (t>)Démoii'jojamedes sorciers,liv. 11,p. loîi.
ilo DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 4IU
lui mit (rois mouchoirs plies sur les yeux', pcrstition jusqu'à se réjouir de voir leurs
un blanc, un noir et un bleu, lui dit de re- enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces
garder alors dans un grand miroir où il fai- animaux étaient en horreur dans le reste do
sait venir le diable et lous ceux qu'il voulait l'Egypte.
évoquer. Que voyez-vous? lui demanda- Ceux qui les adoraient disaient que, pen-
t-il. Rien répondit le paysan. dant les sept jours consacrés aux fêtes de la
Là-dessus le sorcier parla fort et long- naissance d'Apis, ils oubliaient leur férocité
temps il recommanda au bonhomme de naturelle, et ne faisaient aucun mal; mais
songer à celui qu'il soupçonnait capable de que le huitième jour, après midi ils rede-
l'avoir volé de se représenter les choses et venaient furieux.
les personnes. Le paysan se monta la tête, CROIX. Ce saint nom qui est la terreur
et, à travers les trois mouchoirs qui lui ser- de l'enfer, ne devrait pas non plus figurer ici.
raient les veux il crut voir passer dans le Mais la superstition qui abuse de tout, ne l'a
miroir un homme qui avait un sarrau bleu, pas respecté. 11 y a des croix dans toutes les
un chapeau à grands bords et des sabots. Un formules des grimoires et aucun sorcier no
moment après il crut le reconnaître, et il s'est jamais vanté de commander au moindre
s'écria qu'il voyait son voleur, démon sans ce signe.
-Eh bien 1dit le devin, vous prendrez un Les croix que les sorcières portent au cou
cœur de bœuf, et soixante clous à lattes, que et à leurs chapelets et celles qui se trou-
vous planterez en croix dans ledit cœur vous vent aux lieux où se fait le sabbat,. ne sont
le ferez bouillir dans un pot neuf, avec un jamais entières, comme on le voit par celles
crapaud et une feuille d'oseille trois jours' que l'on trouve dans les cimetières infestés
après, le voleur, s'il n'est pas mort, viendra de sorciers 'et dans les lieux où les sabbats
vous apporter votre argent, ou bien il sera se tiennent. La raison en est disent les dé-
ensorcelé. monomanes que le diable ne peut appro-
Le paysan fit tout ce qui lui était recom- cher d'une croix intacte.
mandé. Mais son argent ne revint pas d'où CROIX (EPREUVESDE LA), Voy. EPREUVES.
il conclut que son voleur pouvait bien être CROIX (MADELEINEDE LA), religieuse de
ensorcelé. Cordoue,.qui mena mauvaise vie au seizième
CRITOMANCIE divination qui se prati- siècle, se disant sorcière et se vantant d'avoir
quait par le moyen des viandes et des gâ- pour familier un démon. François de Torre-
teaux. On considérait la pâte des gâteaux Blanca raconte qù'elle avait à volonté des
qu'on offrait en sacrifice et la farine d'orge rosés en hiver, de la neige dans le mois
qu'on répandait sur les victimes pour en d'août, et qu'elle passait à travers les mars,
tirer des présages. qui s'ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée
CROCODILES. Les Egyptiens modernes par l'inquisition mais ayant tout confessé,
assurent que jadis les crocodiles étaient des elle fut admise à pénitence (2) car les inqui-
animaux doux et ils racontent de la ma- siteurs n'ont jamais eu la férocité que leur
nière suivante l'origine de leur férocité. Hu- prêtent certains livres,
meth, gouverneur d'Egypte sous Gisar Al- CUOMERUACH id'ole principale des Ir-
Mutacil calife de Bagdad, ayant fait mettre landais, avant l'arrivée de saint Patrice en
en pièces la statue de plomb d'un grand leur pays. L'approche du saint la fit tomber,
crocodile (Ggure lalismanique) que l'on avait disent les légendes tandis que les divinités
trouvée en creusant les fondements d'un inférieures s'enfoncèrent dans la terre jus-
ancien temple de païens, à l'heure même de qu'au menton. Suivant certains récits en
cette exécution les crocodiles sortirent du mémoire de ce prodige, on voit encore leurs
Nil, et ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire têtes à fleur de terre dans une plaine, qui no
parleur voracité (1). Voy. TALISMANS. se trouve plus.
Pline et Plutarque témoignent que les CROMNIOMANC1E divination par les oi-
Egyptiens connaissent par l'endroit où les gnons. Ceux qui la pratiquaient mettaient,
crocodiles pondent leurs œufs jusqu'où ira la veille de Noël, des oignons sur un autel.
le débordement du Nil. Mais il serait difficile, Ils écrivaient sur les oignons le nom des per-
dit Thomas Brown, de cômprendre comment sonnes dont on voulait avoir nouvelle. L'oi-
ces animaux ont pu deviner un effet qui gnon qui germait le plus vite annonçait que
dans ses circonstances dépend de causes la personne dont il portait le nom jouissait
extrêmement éloignées c'est-à-dire de la d'une bonne santé.
mesure des rivages dans l'Elhiopie. Cette divination est encore en usage dans
Les habitants de Thèbes et du lac Moeris plusieurs cantons de l'Allemagne, parmi les
rendaient un culte particulier aux croco- jeunes filles, qui cherchent à,savoir ainsi qui
diles. Ils leur mettaient aux oreilles des elles auront pour époux (3).
pierres précieuses et des ornements d'or, et CROQUE-MITAINE, espèce d'ogre dont on
les nourrissaient de viandes consacrées. épouvante à Paris les petits enfants indociles.
Après leur mort, ils les embaumaient et les Aujourd'hui que ses dents sont tombées il
déposaient en des urnes que l'on portait dans se contente de les mettre au cachot et de leur
le labyrinthe qui servait de sépulture aux donner le fouet, malgré les lumières du siècle.
rois. Les Ombites poussaient même la su- voy. Babau.
it) Leloycr,Hist. et dise. des spectres, etc., liv. IV, et U6.
cb. xx!,p. 417. (5) Ddal1cre,Incrédulitéet mécreance, clc, traita ».*
(i) Frauçoisde Torrc-ttlanca,lipit. delict.,etc., p. 183 p. 201.
117 cun CYR 419
CRUSEMBOURG ( Guy DE) alchimiste. encore sur le sol africain non plus comme
VOY. Pierre piiilosophale. valet mais avec la qu'alité de commandant
CDBOMANCIË divination par Je moyen en chef, et qu'il y mourrait. Cette prédiction
des dés. Auguste et Tibère avaient grande s'accomplit entièrement Curtius fut ques-
confiance en Cette manière de consulter le teur, puis préteur; il eut les priviléges du
sort. Les Grecs s'en servaient aussi. C'est à consulat et fut envoyé comme gouverneur
peu près la même chose que l'astragalo- en Afrique mais en débarquant il se scntjt
mancie. Voy. ce mot. frappé d'une maladie dont il mourut (l).ll est
CUIVRE. Théocrile assure que le cuivre très-probable que ce conte a été fait après
pur a naturellement la vertu de chasser les coup. Pour un autre Curtius, Voy. Dévoue-
spectres et fantômes c'est pourquoi les La- ment.
cédémoniens frappaient sur un chaudron CYLINDRES, sortes d'amulettes circulaires
toutes les fois qu'un de leurs rois venait à que les Perses et les Egyptiens portaient au
mourir. cou, et qui étaient ornées de figures et d'hié-
CULTE. Les démons recevaient un culte "roglyphes.
par tout 1'tinivers avant le christianisme. CYMBALE, c'est le nom que les sorciers
Jupiter et les autres dieux n'étaient vérita- donnent au chaudron dans lequel ils man-
blement que des démons mais lediable a reçu gent leur soupe au lard parmi les fêtes du
un culte plus spécial de gens qui savaient sabbat.
bien qu'ils s'adressaient à lui et non à un CYNANTHROPIE, espèce de frénésie dont
dieu. Ainsi, les sorciers au sabbat adorent le ceux qui en sont attaqués se persuadent
diable par son nom. Le culte qu'ils lui ren- qu'ils sont changés en chiens. C'est comme
dent consiste principalement à lui baiser le la bousanthropie une nuance de l'état de
derrière, à genoux, avec une chandelle noire loup-garou. Voy. Lycanthropie.
à la main. CYNOBALANES nation imaginaire que
Certains peuples de l'Afrique ne rendent Lucien représente avec des museaux de
aucun culte à Dieu qu'ils croient bon et chien et montés sur des glands ailés.
font des sacrifices au diable pour la raison CYNOCÉPHALE singe que les Egyptiens
contraire. nourrissaient dans leurs temples pour con-
CUNÉGONDE femme de Henri Il empe- naître le temps de la conjonction du soleil et
reur d'Allemagne. Elle fut accusée J'adultère de la lune. On était persuadé que, dans cette
par dés calomniateurs, et se purgea de l'ac- circonstance, l'animal devenu aveugle, re-
cusation en marchant pieds nus sans acci- fusait toute nourriture. Son image placée
dent, sur des socs de charrue rougis au feu. sur les clepsydres était purement hiérogly-
Voy. Epreuves. phique. On prétondait qu'à chaque heure du
CUPAI. Voy. CUPAI. jour le cynocéphale criait très-exactement.
Cuiides. Voy. KURDES. CYPRIEN. Avant de se convertir au chri-
CUREAU DE LA CHAMBRE habile mé- stianisme, saint Cypiicn s'occupait de magie.
decin, mort en 1669. On a de lui un discours On voit, dans la Légende dorée, qu'il évo-
sur les principes de la chiromancie et de la quait les démons, et que ce furent les épreu-
méloposcopie. Paris, 1653, in-8".On l'a aussi ves qu'il fit de leur impuissance contre le
imprimé sous te titre de l'Arl_dc connaître simple signe de la croix qui l'amenèrent la
les hommes. foi.
CURMA. Du temps de saint Augustin un CYRANO DE BERGERAC, écrivain remar-
paysan des environs d'Hippone nommé quable du dix-septième siècle. On trouve
Curma mourut- un matin et demeura deux dans ses OEuvres, deux lettres sur les sorciers.
ou trois jours sans sentiment. Comme on al- Nous n'avons pas besoin d'indiquer ses his.
lait l'enterrer, il rouvrit les yeux etdemanda toires des empires du soleil et de la lune. JI a
ce qui se passait chez un autre paysan du fait aussi un voyage aux enfers c'est une
voisinage qui comme lui se nommait petite plaisanterie
Curma on lui répondit que ce dernier venait « Je me suis trouvé cette nuit aux enfers,
de mourir à l'instant où lui-mêmo était res- dit-il maisces enfers-là m'ont paru bien dif-
suscité. Cela ne me surprend pas, dit-il on férents des nôtres. J'y, vis les gens fort socia-
s'était trompé sur les noms; on vient de me bles c'est pourquoi je me mêlai à leur com-
dire que ce n'était pas Curma le jardinier alors à changer de
pagnie. On était occupé
mais Curma le maréchal, qui devait mourir. maison tous les morts qui s'étaient plaints
11 raconta en même temps qu'il avait d'être mal associés l'un d'eux remarquant
entrevu les enfers et il mena depuis meil- que j'étais étranger me prit par la main et
leure vie. nie conduisit à la salle des jugements. Nous
CURSON. Voy. Pursan. nous plaçâmes tout proche de la chaire du
CURTIUS fils d'un gladiateur romain. On juge, pour bien entendre les querelles. de
dit qu'un spectre lui annonça ainsi sa mort.: toutes les parties.
H avait accompagné en Afrique un lieutenant a D'abord j'aperçus Pythagore qui très-
re-
du gouverneur de ce pays conquis. Il vit un ennuyé d'une compagnie de comédiens
lé spectre d'une leurs continuels le
jour, dans une galerie présentait que caquets
Le
femme de haute stature qui lui dit qu'elle détournaient de ses hautes spéculations.
homme de
était l'Afrique, et qu'elle venait lui annoncer juge lui dit que, l'estimant grande
le bonheur. Elle l'assura qu'il aurait de (1) Leloyer, Histoire des spectres ou apparflionsJ 1
grands honneurs à Rome; qu'il reviendrait esprits, liv. lit, cli. xvi, p. 2C8.
419 DICTIONNAIRE
DESSCIENCES
OCCULTAS. .120
npuisque
mémoire après quinze cents ans il pieds, au milieu d'un désert ou je ne rencon-
s'était souvenu d'avoir été au siège de Troie, trai aucun sentier. Cependant je résolus do
on l'avait appareillé avec des personnages pénétrer et de reconnaître les lieux. Mais
qui n'en sont pas dépourvus. On entendit j'avais beau pousser contre l'air, mes efforts
toutefois ses raisons et on le fit marcher ne me faisaient trouver partout que l'impos-
ailleurs. sibililé de passer outre.
« Aristote, Pline, TElian, et beaucoup d'au- « A la fin fort harassé, je tombai sur mes
tr.es naturalistes,furent mis avec les Maures, genoux; et ce qui m'étonna ce fut d'avoir
parce qu'ils ont connu les bêtes le médecin passé en un moment de midi à minuit. Je
Dioscoride avec les Lorrains parce qu'il voyais les étoiles luire au ciel avec un feu
connaissait parfaitement les simples. Esope bleuettanl la lune était en son plein mais
et Apulée ne firent qu'un ménage à cause beaucoup plus pâle qu'à l'ordinaire elle
de la conformité de leurs prodiges car Esope s'éclipsa trois fois et trois fois dépassa son
d'un âne a fait un homme en le faisant par- cercle. Les vents étaient paralysés les fon-
ler, et Apulée d'un homme a fait un âne en taines étaient muettes; tous les animaux
le faisant braire. n'avaient de mouvement que ce qu'il leur en
Il Caligula voulut être mis dans un appar- faut pour trembler; l'horreur d'un silence
tement plus magnifique que celui de Darius, effroyable régnait partout et partout la na-
comme ayant couru des aventures plus glo- ture semblait attendre quelque grande aven-
rieuses car dit-il moi Caligula j'ai fait ture.
mon cheval consul, et Darius a été fait empe- « Je mêlais ma frayeur à celle dont la face
reur par le sien. Dédale eut pour confrères de l'horizon paraissait agitée, lorsqu'au clair
les sergents les huissiers les procureurs de la lune je vis sortir d'une caverne un
personnes qui comme lui volaient pour se grand et vénérable vieillard vêtu de blanc
sauver. Thésée suivit quelques tisserands le visage basané, les sourcils touffus et rele-
se promettant de leur apprendre à conduire vés, l'œil effrayant, la barbe renversée par-
le fil. Néron choisit Erostrate, ce fameux dessus les épaules. Il avait sur la tête un
insensé qui brûla le temple de Diane,aimant chapeau de verveine et sur le dos une cein-
comme lui à se chauffer de gros bois. Achille ture de fougère de mai tressée. A l'endroit du
prit la main d'Eurydice Marchons, lui dit- cœur était attachée sur sa robe une chauve-
il, marchons;aussi bien ne saurait-on mieux souris à demi-morte et autour du cou un
nous assortir, puisque nous avons tous deux carcan chargé de sept différentes pierres
l'âme au talon. précieuses dont chacune portait le cara-
« II ne fut jamais possible de séparer les ctère de la planète qui la dominait.
Furies des épiciers tant elles avaient peur « Ainsi mystérieusement habillé portant
de manquerde flambeaux. Les tireurs d'armes à la main gauche un vase triangulaire plein
furent logés avec les cordonniers d'autant de rosée, et à la droite une baguette de sureau
que la perfection du métier consiste à bien en séve dont l'un des bouts était ferré d'un
faire une botte; les bourreaux avec les mé- mélange de tous les métaux, il baisa le pied
decins, parce qu'ils sont payés pour tuer; de sa grotte, se déchaussa, prononça en grom-
Echo avec nos auteurs modernes qui ne melant quelques paroles obscures et s'ap-
disent, comme elle, que ce que tes autres procha à reculons d'un gros chêne, à quatre
ont dit; Orphée, avec les chanteurs du Ponl- pas duquel il creusa trois cercles l'un dans
Neuf. parce qu'ils avaient su attirer les bétes. l'autre. La nature, obéissant aux ordres du
« On en mit quelques-uns à part entre nécromancien, prenait elle-méme en frémis-
lesquels fut Midas, le seul homme qui se soit sant les figures qu'il voulait y tracer. Il y
plaint d'avoir été trop riche; Phocion, qui grava les noms des esprits qui présidaient au
donna de l'argent pour mourir; et Pygma- siècle à l'année à la saison au mois au
lion, pareillement n'eût point de compa- jour et à l'heure. Ceci fait il posa son vase
gnon, à cause qu'il n'y a jamais eu que lui au milieu des cercles le découvrit mit un
qui ait épousé une femme muette. » bout de sa baguette entre ses dents so
Dans les lettres de Bergerac sur les Sor- coucha la face tournée vers l'orient, et
ciers, on trouve ce curieux morceau s'endormit.
Un grand sorcier. « Vers le milieu de son sommeil je vis
tomber dans le vase cinq grains de fougère.
Il m'est arrivé une aventure si étrange Il les prit quand il fut éveillé en mit deux
que je veux vous la raconter. Vous saurez dans ses oreilles un dans sa bouche il re-
qu'hier, fatigué de l'attention que j'avais plongea l'autre dans l'eau et jeta le cin-
mise à lire un livre de prodiges, je sortis à la quième hors des cercles. A peine fut-il part 'i
promenade pour dissiper les ridicules ima- de sa main que je le vis environné de plus
ginations dont j'avais l'esprit rempli. Je d'un million d'animaux de mauvais augure.
m'enfonçai dans un petit bois obscur où je Il toucha de sa baguette un chal-huant unn
marchai environ un quart d'heure. J'aperçus renard et une taupe qui entrèrent dans les
alors un manche à balai qui vint se mettre cercles en jetant un cri formidable. Il leur
entre mes jambes, et sur lequel je me trouvai fendit l'estomac- avec un couteau d'airain
à califourchon. Aussitôt je me sentis volant leur ôta le cœur qu'il enveloppa dans trois
par le vague des airs. feuilles de laurier et qu'il avala il fit ensuite
crJe ne sais quelle route je fis sur cette de longues fumigations. Il trempa un gant do
monture: mais je me trouvai arrêté sur mes parchemin vierge dans un ba s'ia plein de
121 DAB DAB 4Î2
rosée el de sang mit ce gant à sa main forces, Si tu as considéré trois fioles que m'a
droite et après quatre ou cinq hurlements présentées le roi des Salamandres la pre-
horribles, il ferma les yeux et commença les mière en est pleine la seconde contient de
évocations. la poudre de projection et la troisième de
« II ne remuait presque pas les lèvres l'huile de talc.-Au reste tu m'es obligé
j'entendis néanmoins dans sa gorge un bruit puisque, entre tous les mortels, je l'ai choisi
semblable à celui de plusieurs voix entremê- pour assister à des mystères que je ne célè-
lées. Il fut enlevé de terre à la hauteur d'un bre qu'une fois en vingt ans. C'est par
demi-pied, et de fois à autre il attachait mes charmes que sont envoyées, quand il
attentivement la vuo sur l'ongle de l'index me plait, les stérilités et les abondances. Je
de sa main gauche; il avait le visage en- suscite les guerres en les allumant entre les
flammé et se tourmentait fort. génies qui gouvernent les rois. J'enseigne
a Après plusieurs contorsions effroyables, aux bergers la patenôtre du loup. J'apprends
il tomba en gémissant sur ses genoux mais aux devins la façon de tourner le sàs.Je fais
aussitôt qu'il eut articulé trois paroles d'une courir les feux follets. J'excite les fées à
certaine oraison, devenu plus fort qu'un danser au clair de la lune. Je pousse les
homme; il soutint sans vaciller les violentes joueurs à chercher le trèfle à quatre feuilles
secousses d'un vent épouvantable qui souf- sous les gibets. J'envoie à minuit les esprits
flait contre lui. Ce vent semblait tâcher de le hors du cimetière, demander à leurs héri-
faire sortir des trois cercles. Les trois ronds tiers l'accomplissement des voeux qu'ils ont
tournèrent ensuite autour de lui. Ce prodige faits à la mort. Je fais brûler aux voleurs
fuL suivi d'une grêle rouge comme du sang, des chandelles de graisse de pendu, pour en-
et cette gréle fit place à un torrent de feu dormir leurs hôtes pendant qu'ils exécutent
accompagné de coups de tonnerre. Une lu- leur vol. Je donne ta pistole volante, qui ,vientt
mière éclatante dissipa enfin ces tristes mé- ressauter dans la pochette quand on l'a em-
téores. Tout au milieu parut un jeune hom- ployée. Je fais présent aux laquais de ces
me, la jambe droite sur un aigle, la gauche bagues qui font aller et revenir d'Orléans à
sur un lynx qui donna au magicien trois Paris en un jour. Je fais tout renverser dans
fioles de je ne sais quelle liqueur. Le magi- une maison par les esprits follets qui cul-
cien lui présenta trois cheveux, l'un pris au butent les bouteilles les verres les plats
devant de sa téte^ les deux autres aux tem-r quoique rien ne se casse et qu'on ne voie
pès; il fut frappé sur l'é'pauled'un petit bâton personne. Je montre aux vieilles à guérir la
que tenait le fantôme; et puis tout disparut. fièvre avec des paroles. Je réveille les villa-
a Alors le jour revint. J'allais me remettre geois la veille de la Saint-Jean, pour cueillir
en chemin pour regagner mon village; mais son herbe à jeun et sans parler. J'enseigne
le sorcier, m'ayaut envisagé, s'approcha du aux sorciers à devenir loups-garous. Je tords
lieu où j'étais. Quoiqu'il parût cheminer à le cou à ceux qui lisant dans un grimoire,
pas lenls, il fut plus tôt à moi que je ne l'a- sans le savoir, me font venir et ne me don-
perçus bouger. Il étendit sur ma main une nent rien. Je m'en retourne paisiblement
main si froide que la mienne en demeura d'avec ceux qui me donnent une savate, un
longtemps engourdie. Il n'ouvrit ni les yeux, cheveu ou une paille. J'enseigne aux nécro-
ni la bouche; et dans f.e profond silence il manciens à se défaire de leurs ennemis en
me conduisilà travers des masures, sous les moulant une image de cire, et la piquant ou
ruines d'un vieux château inhabité où les la jetant au feu, pour faire sentir à l'original
siècles travaillaient dcpuismille ans à mettre ce qu'ils font souffrir à la copie. Je montre
les chambres dans les caves. Aussitôt que aux bergers à nouer l'aiguillette. Je fais sen-
nous fûmes entrés: tir les coups aux sorciers, pourvu qu'on les
« Vante-toi me dit-il en se tournant batte avec un bâton de sureau. Enfin je
vers moi d'avoir contemplé face à face le suis le diable Vauvert, le Juif errant, et le
sorcier Agrippa, dont l'âme est par métemp- grand veneur de la forêt de Fontaine-
sycose celle qui animait autrefois le savant bleau. »
Zoroastre', prince des Bactriens. Depuis « Après ces paroles, le magicien disparut,
près d'un siècle que je disparus d'entre les les couleurs des objets s'éloignèrent. je
hommes je me conserve ici par le moyen me trouvai sur mon lit, encore tremblant do
de l'or potable dans une santé qu'aucune peur. Je m'aperçus que toute cette longue
maladie n'a interrompue. De vingt ans en vision n'était qu'un rêve: que je m'étais en-
vingt ans je prends une prise de cette mé- dormi en lisant mon livre de noirs prodiges,
decine universelle qui me rajeunit et qui et qu'un songe m'avait fait voir tout ce qu'on
restitue à mon corps ce qu'il a perdu de ses vient de lire. n

D
DABA1DÀ. Les naturels de Panama ont il tonne ou qu'il fait des éclairs, c'eslDabaïdn
une idole de ce nom, qui était née de race qui est fâchée; alors on brûle des esclaves
mortelle, et qu'ou déifia après sa mort. Quand' en son honneur. •
423 DICTIONNAIREDES SC1ENCLSOCCULTES m
DACTYLOMANC1E, divination qui se pra- que les Philistins s'étant rendus maîtres do
tiquait au moyen de bagues ou anneaux fon- l'arche du Seigneur, et l'ayant placée dans
dus sous l'aspect de certaines constellations, leur temple d'Azot, à côté de l'idole de Da-
et auxquels étaient attachés des charmes et gon, on trouva le lendemain celle idole mu-
des caractères magiques (Voy. Alectryoman- tilée, et sa tête avec ses deux mains sur le
cie). C'est, dit-on, avec un de ces anneaux seuil de la porte. « C'est pour cela, dit l'au-
teur sacré, que les sacrificateurs de Dagon
que Gygès se rendait invisible, en tournant
le chaton dans sa main. et tous ceux qui entrent dans son temple ne
Clément d'Alexandrie parle de deux an- marchent point sur le seuil de la porte. »
neaux que possédaient les tyrans de la Pho- DAHUT, Voy.Is.
cide, et qui les avcrlissaient,par un son du DAMNETUS, ou DAMACHUS, loup-garou,
temps propre à certaines affaires; ce qui ne de l'antiquité. On conte qu'ayant mangé le
les empêcha pas de tomber dans les griffes du ventre d'un petit enfant sacrifié à Jupiter Ly-
démon, lequel leur tendait un piège par ses cien en Arcadie, il fut changé en loup. Mais
artifices (i). Voy. ANNEAUX. il reprit sa première forme au bout de dix
DADJAL, nom de l'Antechrist chez lesChal- ans. Il remporta même depuis le prix de la
déens il signifie dans leur langue le men- lutte aux jeux olympiques (3).
teur et l'imposteur par excellence DANIEL, l'un des quatre grands prophè-
DAGOBERT 1er, roi de France, mort en tes. On lui attribue un Iraité'îipocryphe de
638, à l'âge de trente-sept ans. Une vieille lé- l'Arl des songes. Les Orientaux le regardent
gende établit qu'après qu'il fut mort un bon aussi comme l'inventeur de la géomancie.
ermite nommé Jean, qui s'était retiré dans DAN1S, sorcier du dernier siècle. Le ven-
une petite ile voisine des côtes de la- Sicile, dredi, 1" mai 1705, à cinq heures du soir,
vit en songe, sur la mer, l'âme du roi Dago- Denis Milanges de la Ilichardière, fils d'un
bert enchaînée dans une barque, el des diables avocat au parlement de Paris, fut attaqué,
qui ta maltraitaient en la conduisant vers la à dix-huit ans, de léthargies et de démences
Sicile, où ils devaient la précipiter dans les si singulières, que les médecins ne surent
gouffres de l'Etna. On croyait autrefois que qu'en dire. On lui donna de l'émétique
le cratère de ce volcan était une des entrées et ses parcn<s remmenèrent à leur maison
de l'enfer; et il n'est pas encore vérifié que de Noisy-le-Grand, où son mal devint plus
ce soit une erreur. L'âme appelait à son se- fort; si bien qu'on déclara qu'il était ensor-
cours saint Denis, saint Maurice et saint Mar- celé.
tin, que le roi, en son vivant, avait fort ho- On lui demanda s'il n'avait pas eu de dé-
norés. Les trois saints descendirent, revêtus mêlés avec quelque berger; il conta que le
d'habits lumineux, assis sur un nuage bril- 18 avril précédent, comme il traversait à
lant. Ils se jetèrent sur les malins esprits cheval le village de Noisy, son cheval s'était
leur enlevèrent la pauvre âme et l'empor- arrêté court dans la rue de Feret, vis-à-vis
tèrent au ciel (2), !a chapelle, sans qu'il pût le faire avancer
Un monument curieux, le tombeau de Da- qu'il avait vu sur ces entrefaites un berger
gobert, sculpté vers le. temps de saint Louis, qu'il ne connaissait pas lequel lui avait
retrace ces circonstances merveilleuses. La dit Monsieur, retournez chez vous, car
principale façade est divisée en trois bandes. votre cheval n'avancera point.
Dans la première on voit quatre diables Cet homme qui lui avait paru âgé d'une
(deux ont des oreilles d'âne) qui emmènent cinquantaine d'années, était de haute taille,
l'âme du roi dans une barque la seconde de mauvaise physionomie, ayant la barbe et
représente saint Denis, saint Maurice et saint les cheveux.noirs, la houlette à la main et
Marlin, accompagnés de deux-anges, avec deux chiens noirs à courtes oreilles auprès
le bénitier et le' goupillon ils chassent les de lui.
démons. Sur la troisième bande, on voit Le jeune Milanges se moqua du propos du
l'âme qui s'enlève et une main généreuse berger. Cependant il ne put faire avancer
sort d'un nuage pour l'acëueillir. son cheval et il fut obligé de le ramener
Les farceurs ont glosé sur celle poésie du par la bride à la maison, où il tomba ma-
moyen âge sur cette légende, et sur le mo- lade. Etait-ce l'effet de l'impatience et de la
nument, qui est toujours dans l'église de colère? ou le sorcier lui avait-il jeté un sort ?2
Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc M. de la Uichardièrc le père fit mille choses
dans ces récits, que l'Eglise n'a jamais im- en vain pour la guérison de son fils. Comme
posés, et qui sont toutefois des fleurs ? Ce un jour ce jeune homme rentrait seul dans
qu'il y a de mal, c'est que ces fleurs tom- sa chambre, il y trouva son vieux berger,
bent quelquefois devant des pourceaux. assis dans un fauteuil, avec sa houlette et
DAGON, démon de second ordre, boulan- ses deux chiens noirs. Cette vision l'épou-
ger et grand panetier de la cour inferna!e. vanla il appela du monde; mais personne
Les Philistins l'adoraient sous la forme d'unn que lui ne voyait le sorcier. Il soutint tou-
monstre réunissant le buste de l'homme à la tefois qu'il le voyait très-bien; il ajouta mê-
queue de poisson. Ils lui attribuaient l'in- me que ce berger s'appelait Danis, quoiqu'il
vention de l'agriculture, qu'on a attribuée à ignorât qui pouvait lui avoir révélé son nom.
tant d'autres. Il continua de le voir tout seul. Sur les six
On voit, dans le premier livre des Rois
(2) GeslaDagobenlrégis, etc.-
(1) Delancre, Incrédulité et Mccréancesdu sortilége (3) Delancre,tableaude l'inconstancedes dénions,etc.,
traité 5, p. 261.
cleincinenicouvaitiet,.es, liv, IV,dise. 5, p. 267.
kB DAN DAN m
L_ J
heures du soir il tomba à terre en disant gazon au clair de la lune. Voy. Fées.
que le berger était sur lui et l'écrasait; et, en DANSE DES GEANTS. Merlin, voulant
présence de tous les assistants qui ne faire une galanterie de courtisan fit venir,
voyaient rien, il tira de sa poche un couteau dit-on, d'Irlande en Angleterre, des rochers
pointu, dont il donna cinq ou six coups dans qui prirent des figures de géants et s'en al-
le visage du malheureux par qui il se croyait lèrent, en dansant, former un trophée pour
assailli (1). le roi Ambrosius. C'est ce qu'on appelle la
Enfin, au bout de huit semaines- de souf- danse des géants. Des écrivains soutenaient,
frances, il alla àSaint-Maur, avec confiance il n'y a pas longtemps, que ces rochers dan-
qu' il guérirait ce jour-là. 11 se trouva mal saient encore à l'avénement des rois d'An-
trois fois; mais, après la messe, il lui sembla gleterre.
qu'il voyait saint Maur debout, en habit de DANSE DES MORTS.-L'origine des dan-
bénédictin, et le berger à. sa gauche, le vi- ses des morts dont on fil. le sujet de tant de
sage ensanglanté de cinq coups de couteau peintures date du moyen âge elles ont été
sa houlette à la main et ses deux chiens à longtemps en vogue. D'abord on voyait fré-
ses côtés. Il s'écria qu'il était guéri, et il le quemment, pendant le temps du carnaval
fut en effet dès ce moment. des masques qui représentaient la mort ils
Quelques jours après, chassant dans les avaient le privilége de danser avec tous ceux
environs de Noisy, il vit effectivement son qu'ils'renconlraienl en les prenant par la
berger dans une vigne. Cet aspect lui fit hor- main et feffroi des personnes qu'ils for-
reur il donna au sorcier un coup de crosse çaient de danser avec eux amusait le public.
de fusil sur la tête Ah 1 monsieur, vous Bientôt ces masques curent l'idée d'aller
me tuez 1 s'écria le berger en fuyant; mais le dans les cimetières exécuter leur danse en
lendemain il vint trouver M. de la Richar- l'honneur des trépassés. Ces danses devin-
dière, se jeta à ses genoux, lui avoua qu'il rent ainsi un effrayant exercice de dévotion^
s'appelait Danis, qu'il était sorcier depuis elles étaient accompagnées de sentences lu-
vingt ans, qu'il lui avait eneffet donné le sort gubres, et l'on ne sait pourquoi alors elles
don il avait étéaffligé, quece sort devait durer prirent le nom de danses macabres. On fit des
un an; qu'il n'en avait été guéri au bout de images de ces danses qui furent révérées par
huit semaines qu'à la faveur des neuvaines le peuple.
qu'on avait faites; que le maléfice était re- Les danses macabres se multiplièrent à
tombé sur lui Danis, et qu'il se recomman- l'infini au quinzième et au seizième siècle:
dait à sa miséricorde. Puis, comme les ar- les artistes les plus habiles furent employés
chers le poursuivaient, le berger tua ses à les peindre dans les vestibules des cou-
chiens, jeta sa houlette, changea d'habits, se vents et sur les murs des cimetières.
réfugia à Torcy, fit pénitence et mourut au La danse des morts de Bâle fut d'abord
bout de quelques jours. exécutée dans cette ville en 1435 par l'ordre
Le père Lebrun qui rapporte (2) longue- du concile qui y était rassemblé. Ce qui l'a
ment cette aventure,. pense qu'il peut bien y rendue célèbre c'est qu'elle fut ensuite re-
avoir là sortilège. 11 se peut aussi plus faite par Holbein.
vraisemblablement, qu'il n'y eût qu'hallu- « L'idée de cette danse est juste et vraie
cination. disait, il y a quelque temps, M. Saint-
DANSE DES ESPRITS.– Olaus Magnus,au Marc-Girardin. Ce monde-ci est un grand
troisième livre de son Histoire des peuples bal où la mort donne le branle. On danse
septentrionaux, écrit qu'on voyait encore de plus ou moins de contredanses, avec plus'
son temps en beaucoup de ces pays-là, des ou moins de joie mais cette danse enfin
esprits et fantômes dansant et sautant, c'est toujours la mort qui la mène: et ces
principalement de nuit,au son de toutes sor- danseurs de tous rangs et do tous états
tes d'instruments de musique. Cette danse que sont-ils Des mourants à plus ou moins
est appelée par les gens du pays chorea long terme.
elvunim (danse des elfes). Saxon-le-Grammai- «Je connais deux danses des morts, pour-
rien fait mention de ces danses fantastiques suit le même écrivain l'une à Dresde dans
dans son Histoire de Danemarck. Pompo- le cimetière au delà de l'Elbe; l'autre en
nius Mela, dans sa description de l'Ethiopie, Auvergne, dans l'admirable église de la
dit qu'on a vu quelquefois au delà du mont Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque
Allas des flambeaux et entendu des flûtes que l'humidité ronge chaque jour. Dans ces
et clocheltes et que le jour venu on n'y deux danses des morts la mort est en tête
trouvait plus rien (3). On ajoutait que les d'un choeur d'hommes d'âges et d'états di-
-fantômes faisaient danser ceux qu'ils ren- vers il y a,le roi et le mendiant, le vieillard
contraient sur leur chemin, lesquels ne man- et Je jeune homme, et la mort les entraîna
quaient pas de se tenir pour avertis qu'ils tous après elle. Ces deux danses des morts"
mourraient bientôt. On ne rencontre plus expriment l'idée populaire de la manière la
guère de ces choses-là. Voy. FOLLETS Cou- plus simple. Le génie d'Holbein a fécondé
RILS, WiLis.etc. cette idée dans sa fameuse Danse des Morts-
DANSE DES FÉES. On prétendait, chez du cloître des Dominicains à Bâle, c'était
nos pères que les fées habitaient les forêts unn fresque, et elle a péri comme périssent
désertes et qu'elles venaient danser sur le peu à peu les fresques. II eu reste au Mufi'm
(1) VoyezHallucinations. p. 281.
(2) Histoire des pralines superstitieuses, tom. I Psychologie,p. 17o.
(3jTaillepied,
DICTIONN.DESSCIENCESOCCOLTES, I. a4
457 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 428
de Bâle quelques débris et des miniatures lette et broie les couleurs; dans le jardin,
coloriées. La danse d'Holbein n'est pas où, vêtue en jardinier, l'arrosoir à la main,
comme celles de Dresde et de la Chaise- elle mène le maître voir si ses tulipes sont
Dieu, une chaîne continue de danseurs me- écloses dans la boutique, où, en garçon
nés par la Mort chaque danseur a sa mort marchand, assise sur des ballots d'étoffe, elle
costumée d'une façon différente selon l'état a l'air engageant et appelle les pratiques;
du mourant. De cette manière, la danse dans le corps-de-.garde, où, le tambour en
d'Holbein est une suite d'épisodes réunis main, elle bat le rappel; dans le carrefour,
dans le même cadre. Il y a quarante et une où, en faiseur de tours, elle rassemble les
scènes dans le drame d'Holbein et dans badauds; au barreau, où, vêtue en avocat,
ces quarante et une scènes une variété irr– elle prend des conclusions le seul avocat
finie. Dans aucun de ces tableaux vous ne {dit la légende en mauvais vers allemands
trouverez la même pose, la mêmeattitude, la placés au bas de chaque tableau) qui aille
même expression Holbein a compris que vite et qui gagne toutes ses causes; dans
les hommes ne se ressemblent pas plus dans l'antichambre du ministre, où, en solliciteur,
leur mort que dans leur vie, et que, comme l'air humble et le dos courbé, elle présente
nous vivons tous à notre manière, nous une pétition qui sera écoutée; dans le com-
avons tous aussi notre manière de mourir. bat, enfin, où elle court en tête des batail-
« Holbein costume le laid et vilain sque- lons et, pour se faire suivre, elle s'est noué
lette sous lequel nous nous figurons la mort, le drapeau autour du cou. »
et il le costume de la façon du monde la DANSE DU SABBAT. Pierre Delancre as-
plus bouffonne exprimant par les attri- sure que les danses du sabbat rendent les
buts qu'il lui donne le caractère et les ha- hommes furieux et font avorter les femmes.
bitudes du personnage qu'il veut représen- Le diable, dit-on, apprenait différentes sor-
ter. Chacun -de ces tableaux est un chef- tes de danses aux sorciers de Genève. Ces
d'oeuvre d'invention. Il est incroyable danses étaient fort rudes, puisqu'il se servait
avec quel art il donne l'expression de la de verges et de bâtons, comme ceux qui font
vie et du sentiment à ces squelettes hideux, danser les animaux. Il y avait dans ce pays
à ces figures décharnées. Toutes ses morts une jeune femme à qui le diable avait donné
vivent, pensent respirent; toutes ont le une baguette de fer qui avait la vertu de
geste la physionomie, j'allais presque dire faire danser les personnes qu'elle touchait.
les regards et les couleurs de la vie. File se moquait des juges durant son procès,
« Holbein avait ajouté à l'idée populaire et leur protestait qu'ils ne pourraient la
de la Danse des Morts le peintre inconnu faire mourir; mais elle déchanta (1).
du pont de Lucerne a ajouté aussi à la Danse Les démons (2) dansent avec les sorcières,
d'Holbein. Ce ne sont pas des peintures de en forme de bouc ou de tout autre animal.
prix que les peintures du pont de Lucerne; On danse généralement en rond au sab-
mais elles ont un mérite d'invention fort bat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y
remarquable. Le peintre a représenté, dans a trois branles le premier se nomme le
les triangles que forment les poutres qui branle à la bohémienne; le second s'exécute
soutiennent le toit du pont, les scènes ordi- comme celui de nos artisans dans les cam-
naires de la vie, et comment la mort les in- pagnes, c'est-à-dire en sautant toujours, le
terrompt brusquement. dos tourné; dans le troisième branle, on se
« Dans Holbein, la mort prend le costume place tous en long, se tenant par les mains
et les attributs de tous les états, montrant et avec certaine cadence, à peu près comme
par là que nous sommes tous soumis à sa dans ce qu'on appelle aujourd'hui le galop.
nécessité. Au pont de Lucerne, la mort vit On exécute ces danses au son d'un petit
avec nous. Faisons-nous une partie de cam- tambourin, d'une flûte, d'un violon ou d'un
pagne, elle s'habille en cocher, fait claquer autre instrument que l'on frappe avec un bâ-
son fouet; les enfants rient et pétillent la ton. C'est la seule musique du sabbal. Cepen.
mère seule se plaint que la voiture va trop dant des sorciers ont assuré qu'il n'y avait
vite. Que voulez-vous? C'est la mort qui pas de concerts au monde mieux exécutés.
conduit; elle a bâle d'arriver. Allez-vous au DANSE DU SOLEIL. C'est une croyance
bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le encore répandue dans beaucoup de villages
peigne à la main. Hâtez-vous, dit la jeune que le soleil danse le jour de Pâques. Mais
fille, hâtez-vous 1 je ne veux point arriver cette gracieuse tradition populaire n'est que
trop tard. Je ferai vitel Elle fait vite; de la poésie, comme les trois soleils qui se
car à peine a-t-elle touché du bout de son lèvent sur l'horizon le matin de la Trinité.
doigt décharné le front de la danseuse, que DANSES ÉPIDÉMIQUES. Au quatorzième
ce front de dix-sept ans se dessèche aussi siècle, il y eut une secte de danseurs qui
bien que les fleurs qui devaient le parer. parcoururent le Luxembourg, le pays de
.« Le pont de Lucerne nous montre la mort Liège, leHainaut et les provinces Rhénanes,
à nos côtés et partout à table, où elle a la dansant avec fureur et se prélendant favori-
serviette autour du cou, le verre à la main, sés pendant leurs danses, devisions merveil-
et porte des santés; dans l'atelier du peintre, 'leuses. On croit qu'ils étaient possédés, puis-
où, en garçon barbouilleur, elle tient là pa- qu'on ne les guérit que par les exorcismes (3).
de
(1)Delancre,Tableau l'iocooslancedesdémons,etc., (5) Voyezle Ménétrierd'Echternach,dansles Légendes
liv.lll.disc. 4, p. 204. des commandementsde Dieu. 1
(?) Bodin. Démonomanie,liv. I, ch, iv.
#29 DAV DEC 430
t,r a" nom
DAPHNÉPHAGES, devins qui, avant de reux; mais il changeait de pour se met-
répondre aux questions qu'on leur faisait, tre à couvert des poursuites. On croyait qu'il
mangeaient des feuilles de laurier, parce avait intelligence avec les oiseaux; ear il
que cet arbre étant consacré à Apollon, ils se parlait avec eux~en différentes langues, et
croyaient de la sorte inspirés de ce dieu. ces oiseaux, disait-on, lui portaient parfois
DAPHN0MANC1E, divination par le lau- de la proie pour ses aliments. A Bâle, il se
rier. On en jetait une branche dans le feu fit appeler Jean Bruch, se disant neveu de
si elle pétillait en brûlant, c'était un heureux Dieu, qu'il appelait son oncle, ajoutant tou-
présage; mais si elle brûlait sans faire de tefois qu'il était né en Hollande. Il voulut
bruit, le pronostic était fâcheux. aussi se faire passer pour le prophète Daniel,
DARDS MAGIQUES. Les Lapons, qui pas- que Dieu envoyait en ce monde afin de réta-
blir le royaume d'Israël et le tabernacle de
saient autrefois pour de grands sorciers et
Jacob.
qui le sont à présent bien peu, lançaient, Il ensorcelait les esprits, dit Delancre, tan-
dit-on, des dards de plomb, longs d'un doigt, dis que les autres sorciers ensorcelaient les
contre leurs ennemis absents, et croyaient
leur envoyer, avec ces dards enchantés, des corps. Au bout de treize ans qu'il séjourna à
maladies et des douleurs violentes. Voy. Bâle, il mourut, ayant abusé tellement le
TYRE. peuple, qu'on lui 6t de magnifiques obsèques
DAROUDJI. C'est le nom que les Persans et qu'il fut enterré en l'église de Saint-Léo-
donnent à la troisième classe de leurs mau- nard. Ses disciples furent étonnés de sa
vais génies. mort; car ils le croyaient immortel il avait
prédit qu'il ressusciterait trois jours après
DAUGIS, auteur peu connu d'un livre con- son trépas. Comme on vit que cette pro-
tre les sorciers, intitulé Traité sur la magie, phétie, au bout de trois ans, ne s'accom-
le sortilége, les possessions, obsessions et ma-
plissait point, on le reconnut pour impos-
léfices, où l'on en démontre la vérité et la teur. On le tira de son cercueil et on le porta
réalité avec une méthode sûre et facile sur un échafaucl, où il fut brûlé avec les li-
pour les discerner, et les réglements contre vres qu'il avait composés, le 26 août 1559 (2).
les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris, DAVID-JONES. Les matelots anglais ap-
in-12, 1732. 1
pellent de ce nom le mauvais génie qui pré-
DAUPHIN. On ne sait pas trop sur quoi side à tous les esprits malfaisants de la mer.
est fondée cette vieille croyance populaire, Il est dans tous les ouragans; on l'a vu quel-
que le dauphin est l'ami de l'homme. Les quefois d'une taille gigantesque, montrant
anciens le connaissaient si imparfaitement, trois rangs de dents aiguës dans sa bouche
qu'on l'a presque toujours représenté avec énorme, ouvrant de grands yeux effrayants
le dos courbé en arc, tandis qu'il a le dos et de larges narines, d'où sortaient des flam-
plat comme les autres pois-sons; à moins que mes bleues.
nous donnions le nom de dauphin à un pois- DEBER. Des théologiens hébreux disent
son qui ne serait pas celui des anciens. Il y que Deber signifie le démon qui offense la
a des races perdues. nuit; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense
On trouve dans Élien et dans d'autres na- en plein midi.
turalistes, des enfants qui se promènent en DECARABIA. Voy. Carabîa.
mer, à cheval sur des dauphins apprivoisés DÉCIUS (Publius). Pendant la guerre des
ce sont de ces merveilles qui ne sont plus Romains contre les Latins, les consuls Pu-
faites pour nous. blius Décius et Manlius Torquatus, campés
On sait que le dauphin est le symbole de près du Vésuve, eurent tous deux le même
la rapidité et c'est dans un sens emblémati- songe dans la même nuit ils virent en dor-
que, pour rappeler qu'il faut se hâter avec mant un homme d'une figure haute, quileur
prudence, qu'on a peint le dauphin entortillé dit que l'une des deux armées devait descen-
à une ancre; car il est faux que par affection dre chez les ombres, et que celle-là serait
pour l'homme il la conduise au fond de la victorieuse dont le général se dévouerait.
mer, comme le contaient nos pères (1). aux puissances de la mort."
DAVID. Selon les Orientaux, ce prophète- Le lendemain, les consuls, s'étant raconté
roi se faisait obéir des poissons, des -oiseaux leur songe, firent un sacrifice,pour s'assurer
et des pierres; ils ajoutent que Ic fer qu'il encore de la volonté des dieux; et les en-
tenait dans ses mains s'amollissait, et que les trailles des victimes confirmèrent ce qu'ils
larmes qu'il versa pendant les quarante avaient vu. Ils convinrent donc entre eux
jours qu'il pleura son péché faisaient naître que le premier qui verrait plier ses batail-
îles plantes. Adam, disent les musulmans, lons s'immolerait au salut de la patrie.
avait donné soixante ans de la durée de sa
Quand le combat fut engagé Décius, qui
vie pour prolonger celle de David, dont. il vit fléchir l'aile qu'il commandait, se dévoua,
prévoyait le règne glorieux. • et avec lui toute l'armée ennemie, aux dieux
DAVID-GEORGE, vitrier de Gand, qui, en infernaux, et se précipita dans les rangs des
1525, se mit à courir les Pays-Bas, en disant Latins, où il reçut la mort en assurant à
qu'il était le Messie envoyé sur la terre pour Rome une victoire éclatante (3).
remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de Si ce double songe des consuls et les pré-
Vide. On le signala comme un fou danger
(2) Delancre Tableaude l'inconstancedes démons,etc.,
Jiv.-V.-p.S37.
(IJBrown, des Erreurspopul.,liv. V, cb. ii. (3)'file-Live et Valère-Maxime.
*ôl i DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 432

sages des victimes publiés dans les deux mécréance des juges en tait de sorcellerie.
armées n'étaient qu'un coup de politiqne, le Le tout est suivi d'un recueil à' Arrêts no-
dévouement de Décius était un acte de pa- tables contre les sorciers.
triotisme bien grand, mêmechez les Romains. 2° Tableau de l'inconstance des mauvais
DECREMPS, escamoteur du dernier siècle, anges et démons, où il est amplement traité
qui publia un Traité de la magie blanche. de la sorcellerie ,et des sorciers; livre très-
DEDSCHAIL, le diable chez plusieurs tri- curieux et très-utile, avec un discours con-
bus arabes. tenant la procédure faite par les inquisiteurs
DEIPHOBE, sibylle de Cumes: Voy. Sibyl- d'Espagne et de Navarre à cinquante-trois
LES. magiciens, apostats, juifs et sorciers, en la
DEJECTIONS. Le médecin deHaën, dans ville de Logrogne en Castille, le 9 novembre
le dernier chapitre de son Traité de la magie, 1610; en laquelle on voit combien l'exercice
dit que si l'on voit sortir de quelques parties de la justice en France est plus juridique-
que ce soit du corps humain sans lésion ment traité et avec de plus belles formes
considérable, des choses qui naturellement qu'en tous autres empires, royaumes, répu-
ne puissent y entrer, comme des couteaux, bliques et Etats, par P. Delancre, conseiller
des morceaux de verre, du fer, de la poix, du roi au Parlement de Bordeaux; Paris,
des touffes de crin, des os, des insectes, de Nicolas Buon, 1612, in-4° d'environ 800
grosses épingles tordues, des charbons, etc., pages (1), très-recherché surtout lorsqu'il
on doit attribuer tout cela au démon et à la est accompagné de l'estampe qui représente
magie. Voy. Excréments. les cérémonies du sabbat.
DELANCRE (Pierre) démonographe re- Cet ouvrage est divisé en six livres; le
nommé, né à Bordeaux dans le seizième siè- premier contient trois discours sur l'incon-
cle. 11 fut chargé d'instruire le procès de stance des démons, le grand nombre des sor-
quantité de vauriens accusés de sortiléges. ciers et le penchant des femm.es du pays de
Son esprit crédule en demeura convaincu de Labour pour la sorcellerie. Le second livre
toutes les extravagances du sabbat et des traite du sabbat, en cinq discours. Le troi-
sorciers. 11 mourut à Paris, vers 1630. On a sième roule sur la même matière et sur les
de lui deux ouvrages recherchés sur ces pactes des sorciers avec le diable, pareille-
matières ment en cinq discours. Le quatrième livre
1° l'Incrédulité et mécréance dit sortilége qui contient quatre discours, est consacré
pleinement convaincues, où, il est amplement aux loups-garous; le livre cinquième, en
et curieusement traité de la vérité ou illusion trois discours, aux superstitions et appari-
du sortilége, de la fascination, de l'attouche- tions et le sixième, aux prêtres sorciers, en
ment, du scopélisme de la divination, de la cinq discours.
ligaturc ou liaison magique, des apparitions Tout ce-que ces ouvrages présentent de
et d'une infinité d'autres rares et nouveaux curieux tient sa place dans ce Dictionnaire.
sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en DELANGLE |( Louis ), médecin espagnol
son conseil d'Etat. Paris, Nicolas Buon, 1612, et grand astrologue. On raconte qu'il prédit
in-k° de près de 900 pages, assez rare, dédié au roi de France Charles VII la journée de
au roi Louis XIII divisé en dix traités. Frémigny, en 1450; il prédit aussi selon
Dans le premier traité.l'auteur prouve que quelques auteurs, l'emprisonnement du petit
tout ce qu'on dit des sorciers est véritable. prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon
Le second, intitulé De la fascination dé- l'année suivante. On l'accusa de superstition,
montre que les sorcières ne fascinent, en quoiqu'il ne se dît qu'astrologue. Le roi le
ensorcelant qu'au moyen du diable. Par le retint à quatre cents livres du pension, et
troisième traité, consacré à l'attouchement, l'envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit
on voit ce que peuvent faire les sorciers par plusieurs livres et traduisit, d'espagnol en
le toucher, bien plus puissant que le regard. latin, les Nativités, de Jean de Séville. On
Le traitéquatrième,ouil s'agitdu scopélisme, ajoute qu'il prévit le jour de sa mort. Il fit
nous apprend que, par cette science secrète, faire dit-on, quinze jours d'avance son
on maléficie les gens en jetant simplement service, que l'on continua jusqu'à l'heure
des pierres charmées dans leur jardin. Le marquée, où en effet il mourut (2).
magnétisme explique aujourd'hui la plupart DELR1O (MARTIN-ANTOINE),né à Anvers
de ces prodiges. Le traité suivant détaille en 1551, savant jésuite, auteur d'un livre
toutes les divinations. Au sixième traité, on intitulé Recherches magiques (3), en six li-
s'instruit de tout ce qui tient aux ligatures. vres, où il est traité soigneusement des arts
Le septième roule sur les apparitions. L'au- curieux et des vaines superstitions; \n-k°,
teur, qui ne doute jamais de rien, en rap- Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre
porte beaucoup. Il tombe dans le huitième célèbre, qui eut dans son temps beaucoup
traité, sur les juifs, les apostats et les athées. de vogue, a éjé abrégé et traduit en français
Dans le neuvième, il s'élève contre les héré- par André Duchesne, Paris, in-4° cl in-8°,
tiques, dont l'apparition dans tous les temps 2 vol., 1611, très-recherché. L'auteur se
a produit en effet des fanatismes plus ou montre généralement un peu crédule, mais
Tnoins absurdes ou abominables. 11se récrie, plus éclairé que la plupart des écrivains de
dans le dernier traité, contre l'incrédulité et son siècle. Son ouvrage est divisé en six li-
H) II ya unepréfacede Jean d'Espagnct. (5) Disquisitionummagicarumlibri sex, etc., auctore
(2) Ancienmanuscritdela Bibliuthèquedu roi, rappor- MartinoDclri'j,etc.
té à laUn desRemarquesde Jolysur Bayle.
433 DEM DEM 4M
vres; lé premier traite de la magie en géné- DE11SONOGRAPHIE histoire et descrip-
ral, naturelle et artificielle, et des prestiges tion de ce qui regarde les démons.On appelle
le second, de la magie infernale; le troisième, démonographcs les auteurs qui écrivent sur
des maléfices; le quatrième, des divinations ce sujet, comme Delancre, Leloyer, Wié~,
et prédictions; le cinquième, des devoirs du rus, etc.
juge et de la manière de procéder en fait de DEMONOLATR1E, culte des démons. On a
sorcellerie; le sixième, des devoirs du con- publié à Lyon, vers 1819, un volume in-12,
fesseur et des remèdes permis ou prohibés intitulé Super.slilions et Démonoldtrie des
contre la sorcellerie. En général, ces disqui- philosophes. Ce livre a le tort d'être trivial
sitions magiques sont un recueil de faits quelquefois, mais il contient de bonneschoses
bizarres, mêlés de raisonnements et de cita- et de tristes vérités.
tions savantes. DEMONOLOGiE, discours et traité sur
DELUGE. Voy. Is. les démons pour la démonologie du roi Jac-
DEMOCRITE philosophe célèbre qui ques. Voy. ce nom. Voy. aussi WALTER
florissait en Grèce environ trois cents ans SCOTT.
après la fondation de Rome. Les écrivains du DEMONOMANCIE, divination par le
quinzième et du seizième siècle l'ont accusé moyen des démons. Cette divination a lieu
de magie; quelques-uns lui ont même attri- par les oracles qu'ils rendent ou par les ré-
bué un traité d'alchimie. Psellus prétend ponses qu'ils font à ceux qui les évoquent.
qu'il ne s'était crevé les yeux qu'après avoir DEMONOMANIE manie de ceux qui
soufflé tout son bien à la recherche de la croient à tout ce qu'on raconte sur les dé-
pierre philosophale. mons et les sorciers, comme Bodin, Leloyer,
La cécité de Démocrite a embarrassé bien Delancre, etc. L'ouvrage de Bodin porte 10
des personnes. Tertullien dit qu'il se priva titre de Démonomanie des sorciers; mais là
de la vue parce qu'elle était pour lui une ce mot signifie diablerie. Voy. BODIN.
occasion de mauvaises convoitises. Plutarque DEMONS. Ce que nous savons d'exact sur
pense que c'était pour philosopher plus à les démons se borne à ceque nous en enseigne
son aise, et c'est le sentiment le plus répandu, l'Église que ce sont des anges tombés, qui,
quoiqu'il soit aussi dénué de fondement que 'privés de la vue de.Dieu depuis leur révolte,
les autres. ne respirent plus que le mal et ne cherchent
Démocrite ne fut point aveugle, si l'on en qu'à nuire. Ils ont commencé leur règne
-croit Hippocrate, qui raconte qu'appelé par sinistre par la séduction de nos premiers pè-
les Abdéritains pour guérir la folie prétendue res; ils continuent de lutter contre les anges
de ce philosophe, il le trouva occupé à la fidèles qui nous protégent, et ils triomphent
lecture de certains livres et à la dissection de nous quand nous ne leur résistons pas
de quelques animaux ce qu'il n'eût point avec courage, oubliant de nous appuyer sur
fait s'il eût été aveugle. la grâce de Dieu.
De jeunes Abdéritains, sachant que Dé- Nous ne pouvons faire ici un traité dog-
mocrite s'était enfermé dans un sépulcre matique sur les.démons, Nous devons nous
écarté de la ville pour philosopher, s'habit- borner à rapporter les opinions bizarres et
tèreht un jour en diables avec de longues singulières auxquelles ces êtres maudits ont
robes noires, et portant des masques hideux; donné de l'intérêt.
puis l'allèrent trouver, et se mirent à danser Les anciens admettaient trois sortes de dé-
autour de lui Démocrite n'en parut point mons, les bons, les mauvais et les neutres.
effrayé, il ne leva pas même les yeux de Mais ils appelaient démon tout esprit. Nous
dessus son livre et continua d'écrire (1). entendons par démon un ange de ténèbres,
Il riait de tout, nous dit-on, mais son r~re un esprit mauvais.
était moral, et il voyait autrement que les Presque toutes les traditions font remon-
hommes dont il se moquait. Croyons donc ter l'existence des démons plus loin que la
avec Scaliger, qu'il était aveugle morale- création du monde matériel. La chute des
ment, quod aliorum more oculis non M<6?'e~tfr. anges a eu lieu en effet, selon la croyance
On a dit qu'il entendait le chant des oi- commune, avant que Dieu ne fît le monde
seaux, et qu'il s'était procuré cette faculté visible. Parmi les réveurs juifs Aben-Esra
merveilleuse en mangeant un serpent en- prétend qu'on doit fixer cette chute au second
gendré du sang mélangé de certains oisillons; jour de la création. Ménassé Ben-Israël, qui
mais que n'a-t-on pas dit 1 Ona dit aussi qu'il suit la même opinion, ajoute qu'après avoir
commerçait avec le diable, parce qu'il vivait créé l'enfer et les démons, Dieu. les plaça
solitaire. dans les nuages et leur donna le soin de
DEMON BARBU.Voy. BARBU. tourmcnler les méchants (3)-. L'homme n'é-
DEMONItIr7UES. Voy. PossÉDÉs. tait pas créé le second jour il n'y avait donc
DEMONOCRATIH, gouvernement des dé- pas encore de méchants à punir. Les démons
mons, influence immédiate des esprits mal- d'ailleurs ne sont pas sortis noirs de la main
faisants, religion de quelques peuplades du Créateur; ils ne sont que des anges de
américaines, africaines, asiatiques, sibérien- lumière devenus anges de ténèbres par leur
nes kamfschadates, etc. qui révèrent le crime.
diable avant tout, comme par exemple les Origène et quelques philosophes soutien-
Kurdes. nent que les bons et les mauvais esprits sont
(1) Lelo9er,Histoiredes spectres ouapparitiondes es- (2) DeKesHrrcctionemortuoruro,lih. III, cap. y.
prits, liv 1, c6.rx, p. 80.
t35 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES.. 456
beaucoup plus vieux que notre monde qu'il inspiration viennent d'eux. seuls. Honte et
n'est pasprobable que Dieu se soit avisé tout malheur à qui les écoute 1
d'un coup, il y a seulement six ou sept mille Selon Michel Psellus, les démons se divi-
ans (1), de tout créer pour la première fois sent en six grandes sections. Les premiers
que les anges et les démons étaient restés sont les démons du feu, qui en habitent les
immortels après la ruine des mondes qui régions éloignées les seconds sont tes démons
ont précédé le nôtre, etc. de l'air, qui volent autour de nous, et ont le
Manès, ceux qu'il a copiés et ceux qui ont pouvoir d'exciter les orages; les troisièmes
adopté son système, font le diable éternel et sont les démons de la terre, qui se mêlent
le regardent comme le principe du mal, ain- avec les hommes et s'occupent de les tenter;
si que Dieu est le principe du bien. Il a été les quatrièmes sont les démons des eaux,
sufusamment réfuté. Nous devons donc nous qui habitent la mer et les rivières, pour y
en tenir, sur les démons, au sentiment de élever des tempêtes et causer des naufrages;
.l'Église universelle. les cinquièmes sont les démons souterrains,
Dieu avait créé les choeurs des anges. Tou- qui préparent les tremblements de terre,
te cette milice céleste était pure et non portée soufflent les volcans, font écrouler les puils
au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à et tourmentent les mineurs les sixièmes
l'orgueil ils osèrent se croire aussi grands sont les démons ténébreux, ainsi nommés
que leur Créateur, et entraînèrent dans leur parce qu'ils vivent loin du soleil et ne se
crime une partie de l'armée des anges. Satan, -montrent pas sur la terre.
le premier des Séraphins et le plus grand de On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé
tons les êtres créés (2), s'était mis à la tête ces belles choses; mais c'est dans ce systè-
des rebelles. Il jouissait dans le ciel d'une me que les cabalistes ont imaginé les sala-
gloire inaltérable et ne reconnaissait d'autre mandres, qu'ils placent dans les régions du
maître que l'Éternel. Une folle ambition cau- feu; les sylphes qui remplissent l'air; les on-
sa sa perte il voulut régner sur la moitié du dins, ou nymphes, qui vivent dans l'eau, et
ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que les gnomes, qui sont logés dans l'intérieur
celui du Créateur. L'archange Michel et les de la terre.
anges restésdans le devoir lui livrèrent com- Des doctes ont prétendu que les démons
bat. Satan fut vaincu et précipité dans l'a- multiplient entre eux comme les hommes;
btme avec tous ceux de son parti (3). ainsi, leur nombre doit s'accrottre, surtout
Dieu exila donc les anges déchus loin du si l'on considère la durée de leur vie, que
ciel, dans un lieu que nous nommons l'enfer quelques savants ont bien voulu supputer
ou l'abîme. car il en est qui ne les font pas immortels.
Quelques opinions placent l'enfer âu cen- Hésiode leur donne une vie de six cent qua-
tre enflammé de notre globe. Plusieurs rab- tre-vingt mille quatre cents ans. Plutarque,
bins disent que les démons habitent l'air, qui ne conçoit pas bien qu'on ait pu faire
qu'ils remplissent. Saint Prosper les place l'expérience d'une si longue vie, la réduit à
dans les brouillards. Swinden a voulu dé- ,neuf mille sept cent vingt ans.
montrerqu'ils logeaient dans le soleil; d'au- 11y aurait encore bien des choses à dire
tres les ont relégués dans la.lune. Bornons- sur les démons et sur les diverses opinions
nous à savoir qu'ils sont dans les lieux infé- qu'on s'est faites d'eux. On trouvera géné-
rieurs, bien loin du soleil et de nous, comme ralement ces choses, à leurs articles, dans
*dit ~lilton, et que Dieu leur permet toutefois ce Dictionnaire.
de tenter les hommes qui sont sur la terre, et Les Moluquois s'imaginent que les démons
de les éprouver. swintroduisent dans leurs maisons par l'ou-
Tout chrétien connaît la dure et incontes- verture du toit, et apportent un air infect
table histoire du péché originel, réparé, dans qui donne la petite-vérole. Pour prévenir ce
ses effets éternels, par la divine rédemption. malheur, ilsplacent àl'endroitoù passent ces
On sait aussi que, depuis la venue du Messie, démons certaines petites statues de bois pour
te pouvoir des démons, resserré dans de plus les épouvanter, comme nous hissons des
étroites limites, se borne,à un rote vit et té- hommes de paille sur nos cerisiers pour
nébreux, qui a produit quelques tristes récits écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires
mêlés souvent de mensonge. sortent le soir ou la nuit, temps attristé
On n'a aucune donnée du nombre des dé- par les excursions des esprits malfaisants
mons. Wiérus toutefois, comme s'il les avait ils portent toujours sur eux comme sauve-
comptés, dit qu'ils se divisent en six mille six garde un oignon ou une gousse d'ail
cent soixante-six légions, composés chacune un couteau, quelques'morceaux de bois; et
de six mille six cent soixante-six anges té- quand les mères mettent leurs enfants au
nébreux il en élève ainsi le nombre à qua- 'lit, elles ne manquent pas de mettre l'un'ou
rante-cinq millions, ou à peu près, et leur l'autre de ces préservatifs sous leur tête.
donne soixante-douze princes, ducs, marquis, Les Chingulais, pour empêcher que leurs
prélats ou comtes.-Mais il y en a bien da- fruits ne soient volés, annoncent qu'ils les
vantage, et ils ont leur large part dans le ont donnés aux démons. Dès lors, personne
mal qui se n'ose plus y toucher.
faitici-bas, puisque les mauvaises
(1) La version des Septante donneau mondequinzeou
dix-bilit centsans de plusque nous. Les Grecsmodernes (2) Quiquecréature proefulsitin ordineprimus Aie.
poeiii., lib. II.
ont suivice calcul,et le P. Pezron l'a un peu réveillé (5) Apocalypse,ch. v, vers.7 et 9.
dans l'AntiquitéRétablie.
437 DEM DEM 488
Les Siamois ne connaissent point d'autres prudent, un curieux, un scephque peut-être,
démons que les âmes des méchants qui, sor- voulut braver la défense et eotr'ouviir le
tant des enfers où elles étaient détenues, er- gouffre. Mais il en sortit des tourbillons de
rent un certain temps dans ce monde et font flamme qui le dévorèrent et rentrèrent en-
aux hommes tout le mal qu'elles peuvent. suite d'elles-mêmes dans le trou où la volonté
De ce nombre sont encore les criminels toujours vivante du saint les tenait enchaî-
exécutés, les enfants mort-nés, les femmes nées. »
mortes en couches et ceux qui ont été tués «Voilà bien le démon de l'incendie voilà
en duel. Voy. Diable. bien, comme le fait remarquer M. Guizot,
Le démon de l'incendie. dans la préface de Flodoard qu'il a traduit,
une bataille épique, aussi belle que la ba-
« Un jour dit Flodoard (historien, né à taille d'Achille contre le Xante: Le. fleuve
Epernay en 894, et qui a écrit l'histoire de est un demi-dieu, l'incendie est un démon.
l'église de Reims), un jour, saint Remi, ar- C'est aussi beau que dans Homère (1). »
chevêque de Reims, était absorbé en prières C'est que les légendaires, en dépit du mé-
dans une église de sa ville chérie. Il remer- pris que les écrivains froids des derniers
ciait Dieu d'avoir pu soustraire aux ruses siècles s'efforçaient de leur témoigner
du démon les plus belles âmes de son dio- étaient des poëtes et des croyants ils repré-
cèse, lorsqu'on vint lui annoncer que toute sentaient souvent par l'allégorie les der-
la ville était en feu. Alors la brebis devint nières luttes du paganisme grossier contre
lion, la colère monta au visage du saint, qui le christianisme naissant; ils révéraient l'es-
frappa du pied les dalles de l'église avec une pèce humaine ils se refusaient à croire que
énergie terrible et s'écria Satan, je te re- des âmes sorties de la main de Dieu pussent
connais je n'en ai donc pas encorefini avec concevoir de mauvaises actions ils attri-
ta méchanceté buaient Satan tout le mal et tous les
«On montre encore aujourd'hui, encas- crimes.
trée dans les pierres du portail occidental DEMONS BLANCS. Voy. Femmes BLAN-
de Saint-Remi de Reims, la pierre où sont ches.
très-visiblement empreintes les traces du DEMONS FAMILIERS, démons qui s'ap-
pied irrité de saint Rémi. privoisent et se plaisent à vivre avec les
« Le saint s'arma de sa crosse et de sa hommes qu'ils aiment assez à obliger.
chape, comme un guerrier de son épée et Voy. BÉRITH.
de sa cuirasse, et vola à la rencontre de Un historien suisse rapporte qu'un baron
l'ennemi. A peine eut-il fait quelques pas de Regensberg s'était retiré dans une tour de
qu'il aperçut des gerbes de flammes qui dé- son cliâleaùde Bâle pour s'y adonner avec
voraient, avec une furie que rien n'arrêtait, plus de soin à l'étude de l'Ecriture sainte et
les maisons de bois dont la ville était bâtie et aux belles-lettres. Le peuple était d'autant
les toits de chaume dont ces maisons étaient plus surpris du choix de cette retraite, que
couvertes. A la vue du saint, l'incendie sem- la tour était habitée par un démon. Jusqu'a-
bla pâlir et diminuer. Rémi, qui connaissait lors le démon n'en avait permis l'entrée à
l'ennemi auquel il avait à faire, fit un signe personne; mais le baron était au-dessus
de croix', et l'incendie recula. d'une telle crainte. Au milieu de ses travaux,
« A mesure que le saint avançait en fai- le démon lui apparaissait, dit-on, en habit
sant des signes de croix, l'incendie lâchait séculier, s'asseyait à ses côtés, lui faisait des
prise et fuyait, comme' fasciné devant la questions sur ses recherches, et s'entrete-
puissance de l'évéque; on aurait dit un être nait avec lui de divers objets, sans jamais
intelligent et qui comprenait sa faiblesse. lui faire aucun mal. L'historien crédule
Quelquefois il se roidissait; il reprenait cou- ajoute que, si le baron eût voulu exploiter
rage il cherchait à cerner le saint dans une méthodiquement ce démon, il en eût tiré
enveloppe de feu, à l'aveugler, à le réduire beaucoup d'éclaircissements utiles (2). Voy.
en cendres. Mais toujours un redoutable ESPRITS, LUTINS,Farfadets, KOBOLD,etc.
signe de croix parait les attaques et arrêtait DEMONS DE MIDI. On parlait beaucoup
les ruses. chez les anciens de certains démons qui se
« Forcé de reculer ainsi, de lâcher succes- montraient particulièrement vers midi à ceux
sivement toutes les maisons qu'il avait en- avec lesquels ils avaient contracté familia-"
tamées, l'incendie vint s'abattre aux pieds rite. Voy. Agathion. Ces démons visitent
de l'évéque, comme un animal dompté; il ceux à qui ils s'attachent, en forme d'hom-
se laissa prendre et conduire, à la volonté du mes ou de bêtes, ou en se laissant enclore
saint, hors de la ville, dans les fossés qui en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un
fortifient encore Reims. Là, Remi ouvrit une anneau vide et creux au dedans. «Ils sont
porte, qui donnait daus un souterrain il y connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui
précipita les flammes; comme on jette dans s'en servent, et, à mon grand regret, je suis
un gouffre un malfaiteur, et fit murer la contraint de dire que l'usage n'en est que

porte. trop commun (3) » Voy. Empuse.
« Sous peine d'anathème, sous peine de la DENIS ANJORAND, docteur de Paris, mé-
ruine du corps et de la mort de l'âme, il dé- decin et astrologue au quatorzième siècle. Ce
fondit d'ouvrir à jamais cette porte. Un im- fut lui qui prédit la venug du prince de Gal-
(1) M. Didron,Histoire du diable. (3) Histoiredes spectres, liv. III;,cli. iv, p. 198.
(2) Dictionnaired'anecdotessuisses,p. 82.
439 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 410
les, et qui configura d'avance par astrolo- Plus de la moitié des habitants de ce w'IKige
gie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on manquent de dents (4).
n'en tint pas compte. Néanmoins, après que On voit dans les Admirables secrets d'AU
la chose fut advenue, il fut grandement es- bert-le-Grand qu'on calme le mal de dents en
timé à la cour (1). demandant l'aumône en l'honneur de saint
DENIS-LE-CHARTREUX, écrivain pieux Laurent. C'est une superstition. N
du quinzième siècle, né dans le pays de Liège. Les racines d'asperges sont, dit-on, un très-
Nous ne citerons que son ouvrage Des Qua- bon spécifique séchées et appliquées sur les
tre dernières fins de l'homme, où il traite du dents malades, elles les arrachent sans dou-
purgatoire et de l'enfer. Voy. Enfer. leur. Nous ne l'avons pas éprouvé.
DENIS DE VINCRNNES, médecin de la DÉRODON (DAVID) dialecticien du dix-
Faculté de Montpellier et grand astrologue. septième siècle. On conte qu'un professeur,
Appelé au servic^du duc Louis d'Anjou, il pressé par un argumentateur inconnu, lui
fut fort expert en ses jugements pàrticuliers, dit sur le point de se rendre « Tu es le dia-
entre lesquels il en fit un audit duc, qui était ble, ou tu es Dérodon. » Ce savant a laissé
gouyerneurdu petit roi Charles VI, au moyen un Discours contre l'astrologie judiciaire,
duquel iltrouva le trésor du roi Charles V, qui in-8°, 1663.
était seulement à la connaissanced'un nommé DERSAIL, sorcier du pays de Labour, qui
Errart de Serreuze, homme vertueux, discret portait le bassin au sabbat, vers l'an 1610.
et sage. 11 y ^vait dans ce trésor, que Denis Plusieurs sorcières ont avoué l'y avoir vu
de Vinccnnes découvrit par son art, dix-huit recevant les offrandes, à la messe du sab-
millions d'or. Aucuns (attendu que ce roi bat elles ont assuré de plus qu'il employait
avait toujours euJa guerre) disent que Jean cet argent pour les affaires des sorciers et
deMeung, auteur du roman de la- Rose, lui pour les siennes (5).
avait amassé ce trésor par la vertu de la DESBORDES, valet de chambre du duc de
pierre philosophale (2). Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en
DENTS. Il y a aussi quelques histoires 1628, d'avoir avancé la mort de la princesse
merveilleuses sur les dents; et d'abord on Christine, mère du duc, et causé diverses
a vu des enfants naitre avec des dents; maladies que les médecins attribuaient à des
Louis XIV en avait deux lorsqu'il vint au maléfices. Charles IV avait conçu de violents
monde. Pyrrhus, roi des Epirotes, avait au soupçons contre Desbordes, depuis une partie
lieu de dents un os continu en haut de la de chasse où il avait servi un grand diner au
mâchoire et un pareil en bas. Il yavait même duc, sans autres préparatifs qu'une petite
en Perse une race d'hommes qui apportaient botte à trois étages, dans laquelle se trouvait
ces os-là en naissant (3). un repas exquis. C'était peut-être un au !o-
La république des Gorgones devait être clave. Dans une autre occasion il s'était
bien laide, comme dit M. Salgues, s'il est permis de ranimer trois pendus (car il fai-
vrai que ces femmes n'avaient pour elles sait toujours tout par trois) qui, depuis trois
toutes qu'un œil et qu'une dent, qu'elles se jours étaient attachés à trois gibets; et il
prêtaient l'une à l'autre. leur avait ordonné de rendre hommage au
En 1591, le bruit courut en Silésie que, les duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs
dents étant tombées à un enfant de sept ans, potences.. On' vérifia encore qu'il avait or-
il lui en était venu une d'or. On prétendait donné aux personnages d'une tapisserie de
qu'elle était en partie naturelle et en partie s'en détacher et de venir danser,dans le salon.
merveilleuse, et qu'elle avait été envoyée du Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut
ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens qu'on informât contre Desbordes. On lui fit
affligés par les Turcs, quoiqu'il n'y eût pas son procès et il fut condamné au feu (6)
grand rapport entre cette dent et les Turcs, mais soyez assuré qu'il y avait à la charge
et qu'on ne voie pas quelle consolation les de cet homme, autre chose que des tours de
chrétiens en pouvaient tirer,. Cette nouvelle gibecière et des tours de passe-passe.
occupa plusieurs savants; elle éleva plus DESCARTES (René), l'un des hommes les
d'une dispute entre les grands hommes du plus célèbres du dix-septième siècle. Il fut
temps, jusqu'à ce qu'un orfèvre ayant exa- persécuté en Hollande lorsqu'il publia pour
miné la dent, il se trouva que c'était une la première fois ses opinions.Voët (Voetius),
dent ordinaire à laquelle on avait appliqué qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht,
une feuille d'or avec beaucoup d'adresse l'accusa d'athéisme; il conçut même le des-
mais on commença par disputer et faire des sein de provoquer sa condamnation, sans lui
livres, puis on consulta l'orfévre. permettre de se défendre, et, avec la man-
Nous ajouterons que dans le village "de suétude protestante, de le faire brûler à
Senlicës il ya une fontaine publique dont on Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la
dit que l'eau fait tomber les dents, sans flu- flamme serait aperçue de toutes les Provin-
xion et sans douleur. D'abord elles branlent ces-Unies (7). pays assez plat pour une
dans la bouche comme le battant d'une clo- telle tentative.
che, ensuite elles tombent naturellement. DÉSERTS. C'est surtout dans les licuxdé-
(1) Ancienmanuscritde la Bibliothèquedu roi, cité par (a) Delancrc,Tableaude l'inconstancedes démons,etc,
Joly, Remarquessur Bayle. etc., p. 90.
(2) Twquemada,HoxaméroD,p. 29. (6) M.Salues, des Erreurs et des préjugés, et M. Ju-
(5) Saint-Foix;Essais,1. 1. les Garinet, Histoirede la magie en France, p. 204.
(i) Manuscrit
de la Bibliothèque,cité par Jolydansses (7) Curiositésde littérature, trad. de l'anglais,par Ber.
Remarquessur Bayle. 'tin, t. 1, p. 52.
141 DES DES 442

que les sorciers font


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serts et abandonnés bras était si fortement tenu qu'il en conserva
leur sabbat et les démons leurs orgies. C'est une douleur.
dans de tels lieux que le diable se montre à Il voyait continuellement le fantôme, un
ceux qu'il veut acheter ou servir. C'est là peu plus grand que de son vivant, à demi
aussi qu'on a peur et qu'on voit des fantô- nu, portant entortillé dans ses cheveux blonds
mes. Voy. Carrefours. un écriteau où il ne-pouvait lire que le mot
DESFONTAINES.'En 1695, un certain in. Il avait le même son de voix; il ne pa-
M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valogne), raissait ni gai ni triste, mais dans une tran-
étant alors écolier de quinze ans, fit la con- quillité parfaite. Il pria son ami survivant,
naissance des enfants d'un procureur nommé quand son frère serait revenu, de le charger
d'Abaquène, écoliers comme lui. L'aîné était de dire certaines choses à son. père et à sa
de son âge; le cadet, un peu plus jeune s'ap- mère ;-il lui demanda de réciter pour lui les
pelait Desfontaines; c'était celui des deux sept psaumes qu'il avait eus en pénitence lo
frères que Bézuel aimait davantage. Se pro- dimanche précédent, et qu'il n'avait pas en-
menant tous deux en 1696, ils s'entretenaient core récités; ensuite il s'éloigna en disant
d'une lecture qu'ils avaient faite de l'histoire Jusqu'au revoir, qui était le terme ordinaire
de deux amis, lesquels s'étaient promis que dont il se servait quand il quittait ses ca-
celui qui mourrait le premier viendrait dire marades.
des nouvelles de son état au survivant. Le Cette apparition se renouvela plusieurs
mort revint, disait-on, et conta à son ami fois. Quelques-uns l'expliqueront par les
des choses surprenantes. pressentiments, la sympathie, etc. L'abbé
Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de Bézuel en raconta les détails dans un diner.
se foire mutuellement une pareille promesse. en 1708, devant l'abbé'de Saint-Pierre, qui
Bé2ucl ne le voulut pas d'abord; mais quel- en fait une longue mention dans le tome IV
ques" mois après il y consentit, au moment de ses OEuvres politiques.
où son ami allait partir pour Caen. Desfon- DESFORGES (PIERRE- JEANBaptiste Chou-
taines lira de sa poche deux petits papiers DARD),né à Paris en 1746, auteur plus que
qu'il tenait tout prêts l'un signé de son frivole. Dans les Mille et un souvenirs ou
sang, où il promettait, en cas de mort, de Veillées conjugales, livre immoral qu'on lui
venir voir Bézuel l'autre où la même pro- attribue, il raconte plusieurs histoires de
messe était écrite, fut signée par Bézuel. Des- spectres qui ont été reproduites par divers
fontaines partit ensuite avec son frère, et les recueils.
deux amis entretinrent correspondance. DESHOULIÈRES. Madame Deshoulières
Il y avait six semaines que Bézuel n'avait étant allée passer quelques mois dans une
reçu de lettres, lorsque, le 31 juillet 1697, se terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit
trouvant dans une prairie, à deux heures de choisir la plus belle chambre du château;
mais on lui en interdisait une qu'un revenant
après midi, il se sentit tout d'un coup étourdi visitait toutes les nuits. Depuis longtemps
et pris d'une faiblesse, laquelle néanmoins
se dissipa; le lendemain, à pareille heure, il madame Deshoulières désirait voir des reve-
éprouva le même symptôme; le surlende- nants et, malgré les représentations qu'on
lui fit, elle se logea précisément dans la
main, il vit pendant son affaiblissement son chambre infestée. La nuit venue, elle se mit
ami Desfontaines qui lui faisait signe de ve-
nir à lui. Comme il était assis, il se recula au lit, prit un livre selon sa coutume; et, sa
sur son siège. Les assistants remarquèrent lecture Gnie, elle éteignit sa lumière et s'en-
ce mouvement. dormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit
Desfontaines n'avançant qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal;
pas Bézuel se on l'ouvrit, quelqu'un entra, qui marchait
leva enfin pour aller à sa rencontre le spec- assez fort. Elle parla d'un ton très-décidé,
tre s'approcha alors, le prit par le bras gau-
car elle n'avait pas peur. On ne lui répondit
che et le conduisit à trente pas de là dans un
lieu écarté. point. L'esprit fit tomber un vieux paravent
et tira les rideaux avec bruit. Elle harangua
Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mou- encore l'âme, qui s'avançant toujours lente-
rais avant vous, je viendrais vous le dire ment et sans mot dire, passa dans la-ruelle
je me suis noyé avant-hier dans la rivière, du lit, renversa le, guéridon et s'appuya sur
à Caen, vers celte heure-ci. J'étais à la pro- la couverture.
menade il faisait si chaud, qu'il nous prit Ce fut là que madame Deshoulières fit pa-
envie de nous baigner. Il me vint une fai- raître toute sa fermeté. Ah 1 dit-elle, je
blesse dans l'eau et je coulai. L'abbé de saurai qui vous êtes 1. Alors, étendant ses
Ménil-Jean mon camarade, plongea je sai- deux mains vers l'endroit où elle entendait
sis son pied, mais soit qu'il crût que ce fût elle saisit deux oreilles velues
le'spectre,
un saumon, soit qu'il voulût promptement
remonter sur l'eau, il secoua si rudement le qu'elle eut la constance de tenir jusqu'au
matin.
jarret, qu'il me donna un grand coup dans la Aussitôt qu'il fut jour, les gens du château
poitrine, et me jeta au fond de la rivière qui vinrent voir si elle n'était pas morte. Il se
est là très-profonde. trouva que le prétendu revenant était un gros
Desfontaines raconta ensuite à son ami chien, qui trouvait plus commode de cou-
beaucoup d'autres choses. cher dans cette chambre déserte que dans la
Bézuel voulut l'embrasser, mais alors il basse-cour.
ne trouva qu'une ombre. Cependant, son DESPILLIERS. Le comte Despilliers te
4J3 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 444
père, qui mourut avec le grade de maréchal- bruit qu'elle avait fait tomba subitement.
de-camp de l'empereur Charles VI, n'était DEUIL. Les premiers poëtes disaient que
encore que capitaine de cuirassiers, lors- les âmes après la mort allaient dans le som-
que, se trouvant en quartier d'hiver en bre empire c'est peut-être conformément à
Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le ces idées, dit Saint-Foix, qu'ils Crurent que
prier de le changer de logement, disant que le noir était la couleur du deuil.
toutes les nuits il revenait dans sa chambre Les Chinois et les Siamois choisissent lo
un esprit qui ne le laissait pas dormir. blanc, croyant que les morts deviennent des
Despilliers se moqua de sa simplicité, et le génies bienfaisants.
renvoya. Mais le militaire revint au bout de En Turquie, on porte le deuil en bleu ou
quelques jours, et répéta la même prière; il en violet en gris, chez les Ethiopiens; on
fut encore moqué. En6n il revint une troi- le portait en gris de souris au Pérou, quand
sième fois, et assura à son capitaine qu'il se- les Espagnols y entrèrent.
rait obligé de déserter si on ne le changeait Le blanc, chez les Japonais, est la marque
pas de logis. Despilliers, qui connaissait cet du deuil, et le noir est celle de la joie. En
homme pour bon soldat, lui dit en jurant Castille, les vêtements de deuil étaient au-
--Je veux aller cette nuit coucher avec loi, trefois de serge blanche.
et voir ce qui en est. Les Perses s'habillaient de brun, et se ra-
Sur les dix heures du soir, le capitaine saient avec toute leur famille et tous leurs
se rend au logis de son cavalier; ayant mis animaux. Dans la Lycie, les hommes por-
ses pistolets armés sur la table; il se couche taient des habits de femme pendant tout le
tout vêtu, son épée à côlé de lui. temps du deuil..
Vers minuit il entend quelqu'un qui entre Chez nous, Anne de Bretagne, femme de
dans la chambre, qui, en un instant, met le Louis XII, changea en noir le deuil, qui jus-
lit sens dessus dessous, et enferme le capi- que-là avait été porté en blanc à la cour.
taine et le soldat sous le matelas et la pail- A Argos, on s'habillait de blanc et on fai-
lasse. sait de grands festins. A Délos, on se cou-
'• Après s'être dégagé de son mieux, le comte pait les cheveux, qu'on mettait sur la sépul-,
Despilliers, qui était cependant très-brave, turc du mort. Les Egyptiens se meurtris-
s'en retourna tout confus et fit déloger le ca- saient la poitrine et se couvraient le visage
valier. de boue. Ils portaient des vêtements jaunes
H raconta depuis son aventure, pensant ou feuille-morte.
bien qu'il avait eu affaire avec quelque dé- Chez les Romains, les femmes étaient obli-
mon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le gées de pleurer la mort de leurs maris, et
lutin n'était qu'un grand singe. les enfants celle de leur père pendant une
DESRUES, empoisonneur, rompu et brûlé année entière. Les maris ne pouvaient pleu--
à Paris, en 1777, à l'âge de trente-deux ans. rer leurs femmes; et les pères n'avaient
Il avait été exécuté depuis quinze jours, droit de pleurer leurs enfants que s'ils
lorsque tout à coup le bruit se répandit qu'il avaient au moins trois ans.
revenait toutes les nuits sur la place de Le grand deuil des Juifs dure un an; il a
Grève. lieu à la mort des parents.
On voyait un homme en robe de chambre, Les enfants ne s'habillent pas de noir;
tenant un crucifix à la main, se promenant mais ils sont obligés de porter toute l'année
lentement autour de l'espace qu'avaient oc- les habits qu'ils avaient à la mort de leur
cupé son échafaud et son bûcher, et s'écriant père, sans qu'il leur soit permis d'cn chan-
d'une voix lugubre -Je viens chercher ma ger, quelque déchirés qu'ils soient. Ils jeû-
chair et mes os. nent tous les ans à pareil jour. Le deuil
'Quelques nuits se passèrent ainsi, sans moyen duré un mois il a lieu à la mort des
que personne osât s'approcher d'assez près enfants, des oncles et des tantes.
pour savoir quel pouvait être l'auteur de Ils n'osent, pendant ce temps, ni se laver,
cette farce un peu sombre. ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même
Plusieurs soldats de patrouille et de garde se couper les ongles; ils ne mangent point
en avaient été épouvantés. Mais enfin la ter- en famille.
reur cessa; un intrépide eut le courage de Le petit deuil dure une semaine il a lieu
s'avancer sur la place; il empoigna le spec- à la mort du mari ou de la femme.
tre et le conduisit au corps-de-garde, où En rentrant des funérailles, l'époux en
l'on reconnut que ce revenant était le frère deuil se lave les mains, déchausse ses sou-
de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui liers, et s'assied à terre, se tenant toujours
était devenu fou de désespoir. en cette posture, et ne faisant que gémir et
DESTINÉE. Voy. FATALISME. pleurer, sans travailler à quoi que ce soit
DESVIGNES, parisienne qui avait, au com- jusqu'au septième jour. Ces usages n'ont lieu
mencement du dix-septième siècle, des atta- que chez les juifs pur sang.
ques de nerfs dont elle voulut tirer parti Les Chinois en deuil s'habillent de grosse
pour se faire une ressource. Les uns la di- toile blanche, et pleurent pendant trois mois.
saient sorcière ou possédée, les autres la Le magistrat n'exerce pas ses fonctions; le
croyaient prophétesse. Le père Lebrun, qui plaideur suspend ses procès. Les jeunes
parle d'elle dans son Histoire des Supersti- gens vivent dans la retraite, et ne peuvent
tions, reconnut comme les médecins qu'il y se marier qu'après trois années.
avait dans son fait une grande fourberie. Le Le deuil des Caraïbes consiste à se couper
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lescheveux et à jeûner rigoureusement jus- avec le vôtre mais il rie 1-1-'
-1
cédera point à mes
qu'à ce que le corps du défunt qu'ils pleurent conjurations, si vous ne consentez à certai-
soit pourri; après quoi ils font la débauche, nes conditions absolument nécessaires.
pour chasser toute tristesse de leur esprit. Les dames demandèrent avec empresse-
Chez certains peuples de l'Amérique, le ment quelles étaient ces conditions Les
deuil était conforme à l'âge du mort. voici, poursuivit la vieille; il s'agit de dé-
On était inconsolable à la mort des en- pouiller les vêtements qui vous couvrent, et
fants, et on ne pleurait presque pas les vieil- de déposer un instant ces ouvrages de luxe,
lards. Le deuil des enfants, outre sa durée, qui prouvent combien le genre humain s'est
était commun, et ils étaient regrettés de tout perverti. Adam était nu quand il conversait
Je canton où ils étaient nés. avec les esprits,
Le jour de leur mort, on n'osait point ap- Les deux dames hésitent elles sont d'abord
procher des parents, qui faisaient un bruit tentées de se retirer; mais elles s'encoura-
effroyable dans leur maison, se livraient à gent, et la curiosité l'emporte. Les-robes et
des accès de fureur, hurlaient comme des les bijoux sont déposés dans une chambre,
désespérés, s'arrachaient les cheveux, se et chacune des curieuses passe dans un cabi-
mordaient, s'égratignaient tout le corps. Le net séparé. Elles y restèrent deux heures
lendemain, ils se renversaient sur un lit dans une impatience difficile à exprimer.
qu'ils trempaient de leurs larmes. Enfin, ne voyant point paraître l'esprit, elles
Le troisième jour, ils commençaient les commencent à croire qu'elles ont été trom-
gémissements qui duraient toute l'année pées. La frayeur les saisit, elles poussent
pendant laquelle le père et la mère ne se la- des cris; leurs gens, les voisins accourent,
vaient jamais. Le reste de la ville, pour com- et on les lire de leur prison. La prétendue
patir à leur affliction, pleurait trois fois le sorcière, après les avoir enfermées, avait dé-
jour, jusqu'à ce qu'on eût porté le corps à ménagé avec leurs hardes et les siennes (4).
la sépulture (1). Voy. Funérailles. Un plat d'argent ayant été dérobé dans la
DEUMUS ou DEUMO, divinité des habi- maison d'un grand seigneur, celui qui avait
tants de Calicut, au Malabar. Cette divinité, la charge de la vaisselle s'en alla avec un de
qui n'est qu'un diable, adoré sous le nom de ses compagnons trouver une vieille qui ga-
Deumus, a une couronne, quatre cornes à la gnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir
tête et quatre dents crochues à la bouche, découvert le voleur et recouvré le plat, ils
.qui est fort grande elle a le nez pointu et arrivèrent de bon matin à la maison de la
crochu, les pieds en pattes de coq, et tient devineresse, qui', remarquant en ouvrant sa
entre ses griffes une âme qu'elle semble porte qu'on l'avait salie de boue et d'ordure,
prête à dévorer (2). s'écria tout en colère –Si je connaissais le
DEVAUX, sorcier du seizième siècle, à gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la
qui l'on trouva une marque sur le dos, de la nuit, je lui rejeterais tout au nez.
forme d'un chien noir. Lorsqu'on lui enfon- Celui qui la venait consulter regardant son
çait une épingle dedans, il n'en éprouvait compagnon Pourquoi, lui dit-il; allons-
aucune douleur; mais lorsqu'on se disposait nous perdre de l'argent ? cetté vieille nous
à y planter l'aiguille, il se plaignait beau- «pourra-t-elle dire qui nous a volés, quand
coup, quoiqu'il ne vît pas celui qui portait elle ne sait pasles choses qui latouchent(5)?» »
les doigts au-dessus de la marque (3). Un passage des Confessions de saint Au-
DEVINS, gens qui devinent et prédisent gustin ( Liv. IV, chap. 2) nous donne une
les choses futures.Dans un siècle aussi éclairé idée de ce que faisaient les devins de son
que le nôtre prétend l'être, il est encore des temps.
personnes qui croient aux devins; souvent « J'ai un souvenir bien distinct, dit-il,
même ces personnes si crédules ont reçu une quoiqu'il y ait longtemps que la chose soit
éducation qui devrait les élever au-dessus arrivée qu'ayant eu dessein de disputer un
des préjugés vulgaires. prix de poésie, qui se donnait publiquement
Deux dames d'un rang distingué entendi- a celui qui avait le mieux réussi, un certain
rent parler d'une devineresse pour qui l'ave- homme qui faisait le métier de devin voulut
nir n'était point caché; elles résolurent de la traiter avec moi pour me faire remporter lo
consulter, et se rendirent chez elle en allant prix. Saisi d'horreur pour les sacrifices abo-
au spectacle, c'est-à-dire dans toute leur pa- minables que les gens de cette profession
rure. Les bijoux qu'elles étalaient frappè- offraient aux démons, je le renvoyai au plus
rent la sorcière Mesdames, leur dit-elle, loin, et lui fis dire que, quand la couronne
si vous voulez lire dans l'avenir, il faut vous dont il s'agissait ne se devrait jamais flétrir,
armer de courage. Apprenez que nous avons quand même ce serait une couronne d'or, je
tous, dans ce monde, un esprit qui nous ac- ne consentirais jamais que pour me la pro-
compagne sans cesse, mais qui ne se commu- curer il en coûtât la vie à une mouche. »
nique qu'autant qu'il y est forcé par une Aujourd'hui, chez nous, dans beaucoup de
puissance supérieure. 11 ne tient qu'à moi départements encore, les jeunes villageois
de vous procurer un entretien particulier que le recrutement militaire menace dans la
(1) Muret,des Cérémoniesfunèbres, etc. (4)' Madame Gabrielle de P' Démoniana,p. 24.C'est
(2) Leloyer,Histoiredes spectresou apparitionsdes es- peut-être l'histoire contée par Dufrcsny et qu'on peut
prits, liv. III, cl>.iv, p. 207. voir au mot Bohémien.
(5) Delâncrè,Tableaude l'inconstancedesdémons,etc., (b)Bardai, dans l'Argenis.
liv. III, p. 185.
i47 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 44S
plus sainte des libertés, vont trouver les de- fait injure. Le soldat, de son côté, taxa l'hô-
vins pour obtenir un heureux numéro au lesse d'infidélité; ce que l'hôte ayant en-
tirage. tendu, il jeta le pauvre homme hors de sa
Voyez CATOPTROMANCIE, Cmstallomancie, maison., lequel tira son épée et en donna de
CARTOMANCIE MAIN, Divination PnÉnic- la pointe contre la porte. L'hôte commença
TIONS, etC. à crier au larron, disant qu'il voulait forcer
DEVOUEMENT mouvement de ceux qui sa maison, ce qui fut cause que le soldat fut
se dévouent, ou sort de ceux qu'on dévoue. mis en prison et son procès fait par le magis z'
Les histoires grecque et romaine fournissent trat, qui le voulut condamner à mort.
beaucoup de traits de dévouement. Nous ne Le jour étant venu que la sentence devait
rappellerons pas ici le dévouement de Décius être prononcée et exécutée, le diable entra
(Voyez ce nom), ni celui de Codrus, ni tant en la prison, et annonça au prisonnier qu'il
d'autres. Il y avait aussi des. villes où l'on était condamné à mourir toutefois, que s'il
donnait des malédictions à un homme pour se voulait donner à lui, il lui promettait qu'il
lui faire porter tous les maux publics que le n'aurait aucun mal. Le prisonnier répondit
peuple avait mérilés. qu'il aimerait mieux mourir innocent que
Valère-Maxime rapporte l'exemple d'un d'être déjivré par ce moyen. Le diable dere-
chevalier romain, nommé Curtius, qui vou- chef lui ayant représenté le danger où il était,
lut attirer sur lui-même tous les malheurs et voyant qu'il perdait sa peine lui promit
dont Home était menacée..La terre s'était de l'aider gratis, disant qu'il ferait tant qu'il
époùvantablement entr'ouverte au milieu du le vengerait de ses ennemis. 11 lui conseilla,
marché on crut qu'elle ne reprendrait son lorsqu'il serait appelé au jugement, de re-
premier état que lorsqu'on verrait quelque montrer son innocence, en déclarant le tort
action de dévouement extraordinaire. Le qui lui était fait et que, pour cette cause, il
jeune chevalier monte à cheval fait le tour priait le juge de lui bailler pour avocat celui
de la ville à toute bride et se jette dans le qu'il verrait là présent avec un bonnet bleu
précipice que l'ouverture de la terre avait c'est à savoir, lui,'démon, qui l'assisterai!.
produit, et qu'on vit se refermer ensuite Le prisonnier accepta cette offre. Etant donc
presque en un moment. au jugement, après qu'il eut entendu l'accu-
On lit dans Servius, sur Virgile, qu'à Mar- salion qui lui était faite, il ne faillit point à
seille, avant le christianisme, dès qu'on demander l'avocat qui s'était présenté à lui
apercevait quelque commencement de peste, ce qui lui fut accordé. Alors ce fin docteur
on nourrissait un pauvre homme des meil- ès-lois commença à plaider et à défendre sub-
leurs aliments on le faisait promener par tilement sa partie, disant qu'elle était faus-
toute la ville en le chargeant hautement de sement accusée, et par conséquent mal jugée;
malédictions, et on le chassait ensuite afin que l'hôte lui retenait son argent et l'avait
que la peste et tous les maux sortissent avec forcé et il conta comme le tout s'était passé.
lui (1). Qui plus est, il déclara le lieu où l'argent
Les Juifs dévouaient un bouc pour la ré- avait été mis. L'hôte, étonné, ne s'en défen-
mission de leurs péchés. Voy. AzAZEL. dait pas moins fort et ferme, et niait impu-
Voici des traits plus modernes Un inqui- demment en se donnant tau diable; c'était là ce
siteur, en Lorraine ayant visité un village qu'attendait le genlil docteur au bonnet bleu,
devenu presque désert par une mortalité, qui, ne demandant pas plus, laissa la cause,
apprit qu'on attribuait ce fléau à une femme empoigna l'hôte, l'emporta hors du parquet,
ensevelie, qui avalait peu à peu le drap et l'éleva si haut en l'air, que jamais depuis
mortuaire dont elle était enveloppée. On lui on n'a pu savoir ce qu'il. est devenu.
dit encore que le fléau de la mortalité cesse- Ainsi le soldat fut délivré de peine, et mis
rail lorsque la morte, qui avait dévoué le hors de procès par un moyen étrange, au
village, aurait avalé tout son drap. L'inqui- grand étonnement de tous les assistants.
siteur, ayant assemblé le conseil, fit creuser On cite beaucoup d'histoires de ce genre
la tombe. On trouva que le suaire était déjà entre autres l'aventure d'une riche demoi-
avalé et digéré. A ce spectacle, un archer selle d'Anvers, coquette et orgueilleuse, qui
tira son sabre, coupa la tête au cadavre, la vivait au temps où le duc d'Alençon domi-
jeta hors de la tombe, et la peste cessa. Après nait pour quelques jours en Brabant. Irritée
une enquête exacte, on découvrit que cette de certains contretemps, survenus à sa toi-
femme avait été adonnée à la magie et aux letté, dont elle s'occupait fort, elle se mit en
sortiléges (2). Au reste celte anecdote con- fureur et se donna au diable dans son em-
vient au vampirisme. portement. Elle tomba étranglée..
On lit ce qui suit dans les Grands et redou- Nous allons donner une légende qui ex-
tables jugements de Dieu, de Chassanion «Un plique ce fait dans un autre sens.
soldat qui passait par l'Allemagne se sen- La jolie fille d'Anvers.
tant malade, demeura dans une hôtellerie, 1.
et donna son argent à garder à son L'union d'Utrecht avait déclaré Philippe
hôtesse
quelques jours après qu'il fut guéri, il le re- II déchu de toute souveraineté dans les Pays-
demanda à cette femme, laquelle avait déjà Bas. Mais la nationalité belge sommeillait en.
délibéré avec son mari de le retenir elle le core card'imprudents traités avaientappeié
lui nia donc et l'accusa comme s'il lui eut au pouvoir le duc d'Alençon quatrième fils
(1) Lebrun, Histoiredes superstitions, t. r, cliap.iv, (2) Sprenger,Maliensmalcfic,part. I, quœst.'lS.Yqj-r»
p#4I3». aussiEnvoûtement.
449 DEV DEV 460
é\fk fol 11 Al
de Catherine de Médicis, frère du roi de Fran- lui en savoir gré. Après quoi ils retournè-
ce Henri III, de triste mémoire. François de rent à Londres.
Valois duc d'Alençon débarqua donc le 10 Cette nouvelle désenchanta quelques-uns.
février 1582, à Flessingue. Il venait de Lon- des partisans du duc d'Alençon. Il avait beau
dres, où son mariage avec Elisabeth parais- s'appeler par la grâce de Dieu, duc de Lo-
sait d'autant plus assuré qu'on avait dressé thier, de Brabant de Limbourg et de Guel-
les articles du contrat et que la reine d'An- dre, comte de Flandre marquis du Saint-
gleterre lui avait mis au doigt son anneau Empire,seigneur deMalines.clc. On savait
en présence de toute sa cour. Quoique Elisa- qu'il lui fallait conquérir la plupart des pays
beth eût alors quarante-huit ans ,'et le duc dont il prenait les titres; et il avait pour ad-
d'Alençon vingt-cinq, cette alliance était si versaire Alexandre prince de Parme fils
brillante pour leur nouveau souverain, que de la gouvernante Marguerite, que les Belges
lesBrabançons ellesFlamands.n'en voyaient avait aimée. Le prince de Parme alors fort
pas le côté ridicule. jeune avait fait en 1560 un séjour de quel-
François de Valois était assez laid. Il avait ques mois à Anvers où il s'était montré si
le nez gros et enflé, un peu aquilin, rappro- aimable qu'on ne l'avait point oublié. Il y
ché de la bouche, le menton court et pointu, avait donc deux factions.
les joues faneés et bourfies les yeux rouges. L'un des plus chauds partisans du duc d'A-
et presque toujours à moitié fermés, les che- lençon, était un très-riche négociantd'An vers,
veux châtains ardents, les moustaches fau- qui se nommait André Vynck et qui habitait
ves et clair-semées. Une pareille tête, enca- une sorte de palais sur la place de Meir.
drée dans une fraise énorme à gros tuyaux Malgré les sommes considérables que lui
avait-elle pu plaire à la reine d'Angleterre avait prêtées la reine Elisabeth, le nouveau
qui, de son cô'.é, était rousse et laide aussi, duc se trouvant sans argent, en attendant les
mais se jugeait une beauté? 11s'habillait avec subsides que lui fournirent les Etats -André
élégance. Son caractère humoriste et in- Vynck lui avança deux cent mille florins
quiet aurait pu se révéler dans son teint dont il se trouva sans doute dédommagé par
bilieux, s'il n'avait pas mis du rouge et des les fêtes brillantes qu'il donna, et que le duc
mouches. d'Alençon voulut bien honorer de sa pré-
Ce prince sans étoffe fit son entrée à An- sence.
vers le 19 février, accompagné de plusieurs André Vynck avait pour unique héritière
gentilshommes anglais et d'une suite nom- de son immense fortune, une fille d'une
breuse de jeunes seigneurs français, qui gou- beauté si éblouissante qu'on ne l'appelait
vernaient son esprit et qui n'avaient de re- pas autrement que la jolie fille d'Anvers.
marquable que leur étourderie. Il alla se lo- Elle se nommait Sabine, ayant eu la comtesse
ger à l'abbaye de Saint-Michel, où il fut re- d'Egmond pour marraine en 1564. On ne
connu et proclamé duc de Brabant et mar- saurait faire le portrait de cette jeune fille
grave du saint Empire. Des fêtes publiques mais ce que les récits en disent la porte aux
animèrent Anvers pendant plusieurs jours nues. Elle avait été élevée avec un cousin
à l'occasion de cet événement. Cependant Paul Lcenaer, né à Anvers en 1561, qui n'a-
beaucoup de bourgeois tout en préférant la vait jamais connu son père et qui était or-
France à l'Espagne, avaient espéré mieux. phelin depuis trois ans. Ce jeune homme, à
Ils regardaient le duc d'Alençon comme une. qui sa mère jusqu'à sa mort n'avait cessé de
espèce d'aventurier qui venait exploiter le recommander l'affection et l'attachement au
pays. On parlait avec surprise du prince prince de Parme ne partageait pas les opi-
d'Orange, qui lui avait remis le chapeau et nions d'André Vynck; et depuis l'avènement
le manteau ducal, et qui le premier l'avait du duc d'Alençon le vieux négociant ex-
salué duc de Brabant. On avait remarqué clusif comme on l'est si impitoyablement en
encore que le nouveau souverain avait politique ne recevait plus Paul dans sa
maison.
paru peu gracieux en jurant de maintenir 0
les priviléges acquis. Il avait près de lui un autre adversaire
Parmi les officiers français qui accompa- o qu'il ne pouvait pas traiter si cruellement
gnaient le duc d'Alençon on avait observé mais qu'il s'efforçait de soumettre c'était Sa-
surtout le sieur de Rochepot courtisan de bine. Elle avait adopté les sentiments de Paul.
haute taille fat de quarante ans dont la 11y avait mêmeunc opinion répanduetout bas
figure effrontée contrastait singulièrement dans le public, que la jolie fille d'Anvers n'au-
avec les bonnes faces anversoises, et qui s'é- rait jamais d'au trcépoux que son jeune cousin;
tait raillé des prérogatives du peuple, de fa- quoique le fier André Vynck plein de la
çon à inspirer d'avance de l'ombrage. morgue hautaine que donne l'aristocratie
Le 1" mars on annonça d'une manière d'argent, fût loin de soupçonner que sa fille
presque officielle le mariage du nouveau duc pût s'allier à un homme sans fortune d'au-
avec la reine d'Angleterre. Toutes les clo- tant plus que Sabine se montrait à tous les
ches sonnèrent à cette occasion. Mais peu de yeux superbe altière excessivement co-
jours après, l'amiral Howard et le lord Ley- quette et fière, qualités que son père admi-
cester déclarèrent au duc de Brabant que rait avec orgueil.
leur souveraine voulait rester libre; qu'elle Or, le 18 mars, de ladite année 1582, pen-
n'avait fait mine de consentir à l'épouser que dant que la cour fêtait le jour natal du duc
pour lui procurer une souveraineté indépen- d'Alençon, le prince d'Orange sortant de ta-
dante qu'il y était parvenu et qu'il devait ble à son hôtel, un jeune Espagnol, nommé
451 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 452
lui lira un coup de pistolet dans qui par la vanité et trop grande curiosité de
Jarreguy
la tête. La balle entra sous l'oreille gauche, ses habits et collets à fraise, goudronnés à
traversa le palais sous les dents supérieures la pouvelle mode, fut étranglée du diable en
et sortit par ta joue droite. L'assassin fut tué 1582, traduit de la langue flamande en fran-
sur la place par les gens du prince qui se çais, avec une remontrance aux dames el
assez vite et continua d'être l'un des filles. » Nous n'avons pu nous procurer cet
guérit
plus assidus courtisans du duc d'Alençon. ouvrage en flamand.
Mais au premier bruit de ce crime, la partie Il parait donc que Sabine Vynck alla au
du peuple qni aimait le prince d'Orange, at- bal offert par le duc d'Alençon. Elle y frappa
tribuant l'attentat aux Français courut en toute la cour. Elle s'aperçut aussi de l'empire
armes investir l'abbaye de St-Michel, avec l'in- qu'elle exerçait; ne pouvant espérer d'atten-
tention d'y mettrelefeuetdemassacrerlenou- drir son père, elle obtint de Rochepot lui-
veau duc et sa suite. Fort heureusement, André même un peu de temps pour se préparer au
Vynck, se trouvant chez le prince d'Orange, mariage.
fouilla l'assassin trouva sur lui des lettres Plusieurs fêtes se donnèrent en son hon-
qui prouvaient qu'il était Espagnol et qu'il neur. Le vingt-septième jour de mai de l'année
n'avaittentéle forfait que parce que Philippe 1582 le contrat de Sabine et de Rochepot
II avait promis quatre-vingt mille ducats devait enfin se signer. « Cette jeune et belle
pour ce meurtre. Il courut éclairer la foule, au possible et tant aimable fille (dit la rela-
dont la colère changea d'objet et qui se re- tion imprimée, qui du reste la traite fort mal),
tira vomissant des imprécations contre l'Es- fière et orgueilleuse de son opulence, com-
pagne. Il parait, au reste, que François de plaisait par sa rare beauté et ses habits
Valois avait eu peur; car le lendemain il somptueux à une infinité de seigneurs, qui
alla avec sa cour chez André Vynck pour le tous lui faisaient la cour. Pour le festin qui
remercier. lui fut donné ce jour-là, voulant paraître en
Le sieur de Rochepot que les pompeux bonnes grâces par-dessus toutes les dames
éloges qu'on faisait de la beauté de Sabine et filles, elle résolut de se parer de ses plus
avaient déjà rendu pensif, sollicita l'honneur riches vêtements de friser sa chevelure et
de la saluer; il en fut si ébloui qu'abaissant de l'orner d'épingles d'argent comme fai-
sa fierté devant le riche négociant il profita saient les Italiennes et attendu que les Fla-
de l'occasion pour la demander en mariage. mandes surtout aiment le beau linge, elle fit
Le sieur de Rochepot était un gentilhomme faire quatreou cinq collets ou fraises en toile
distingué par sa position et sa naissance; le fine dont l'aune coûtait neuf écus. Elle
duc; qui l'aimait, pour favoriser cette union, manda une empeseuse, la priant de lui en
promit de lui donner le gouvernement d'An- préparer deux magnifiquement et lui pro-
vers et, bien différent de la plupart des mettant pour la peine vingt-quatre sous de
pères dans ce pays où toute espèce de ty- Brabant.
rannie est un phénomène, André Vynck, « L'empeseuse, au mieux qu'il lui fut pos-
sans consulter Sabine, répondit qu'une telle sible, arrangea lesdits collets. Mais ils ne se
alliance l'honorait et qu'il y donnait les trouvèrent pas au gré de ladite fille coquette,
mains. La jolie fille consternée, se retira qui à l'instant envoya quérirune autrefemme,
pour pleurer dans sa chambre. Le duc d'A- à qui elle promit un écu, si elle accommodait
lençon, avant de quitter André Vynck, l'in- bien ses fraises. Celle-ci ne réussit pas mieux
vita avec Sabine à un grand bal qu'il voulait et la jeune fille, dépitée, jeta tout par terre,
donner, pour annoncer ce mariage. jurant et disant qu'elle aimerait mieux se
Une heure après une lettre mouillée de donner au diable que d'aller à la cour, parée
larmes fut apportée mystérieusement par la de si mauvaise sorte.
nourrice de la jolie fille d'Anvers à Paul Lee- « La pauvre et forcenée fille n'eut pas plu-
naer qui habitait une petite maison du Mar- tôt achevé ce propos, que le diable, qui était
ché-aux-Gants. aux aguets ayant pris la figure d'un secret
Il. amoureux qu'elle avait se présenta devant
Nous éprouvons ici quelque embarras. Les elle, portant à son cou une fraise dressée en
documents qui nous ont guidés jusqu'à pré- perfection. Ah 1 mon ami, lui dit-elle, que
vous avez une belle fraise I voulez-vous me
sent deviennent incomplets pour la conti- la donner, à moi qui suis toute à vous?
nuation de l'histoire impartiale de la jolie
fille d'Anvers. L'esprit malin l'ôte àussitôt de son cou la
met joyeusement à celui de la jolie fille, puis
Nous avons dit qu'il y avait dans cette l'embrassant, lui tord misérablement le cou,
ville deux factions. Les partisans du prince et la laisse morte et désanimée sur le plan-
de Parme étaient ennemis acharnés d'André cher de sa chambre. »
Vynck, qui s'était attaché au duc d'Alençon Quand son père vint la chercher pour la
et nous tenons d'eux les seuls matériaux de conduire à la cour, il la trouva
cette seconde partie. On doit donc s'attendre gisante, roide
morte, et si défigurée, si tordue, si affreuse,
à y rencontrer de l'animosité. Ces matériaux qu'il ne l'eût jamais reconnue, si sa nourrice,
sont des fragments manuscrits, appuyés d'un avec un monde de sanglots, ne lui eût conté
petit volume imprimé à Paris avec permis- l'horrible aventure, dont le récit lui fit dresser
sion, chez. Benoit Chaudet, èt intitulé « Dis- les cheveux sur la tête. Après qu'il se fut la-
cours miraculeux inouï et épouvantable menté avec.angoisse, André Vynck fit-ense-
advenu à Anvers, d'une jeune fille flamande, velir sa fille; on la mit dans un cercueil et
*S5 DEV DEV «54
on dit aux voisins qoe la pauvre Sabine était troubles des Pays-Bas, commandaità Anvers.
morte subitement d'une apoplexie. Les assiégés et les assiégeants se surveil-
Le seigneur de Rochepot se consola de laient sans relâche dans les guerres d'alors
cette perte; ce qui a fait croire qu'il aimait les surprises offraient de vastes ressources.
encore mieux, dans la jolie fille d'Anvers, ses Le prince de Parme avait surtout établi dans
grandes richesses que sa rare beauté. son camp une austère discipline.
On ne voyait presque plus Paul Lenaer. Or, une nuit qu'un des officiers de ee
Deux mois après cet événement il entra un prince faisait la ronde, il trouva dans les
jour dans l'église de Saint-Jacques, où cer- postes avancés une sentinelle endormie. On
tain ministre huguenot faisait le prêche; car sait que ce délit, dans les codes militaires,
en ces temps mauvais, les catholiques n'a- est un crime qui mérite la mort; car il peut
vaient pas le dessus à Anvers. Ledit ministre, perdre une armée. Le lendemain matin, un
qui est, à ce qu'on croit, l'auteur de la rela- conseil de guerre condamna l'infortuné à'
tion imprimée, se dressant contre l'orgueil et mourir. C'était PaulLeenàer, qui, toujours
les parures mondaines racontait la cruelle partisan du prince de Parme, s'était rangé
mort de Sabine ajoutant sur sa sépulture sous ses drapeaux. Mais se considérant
d'horribles détails. Il finit par cette pieuse comme volontaire, souvent il s'absentait du
exhortation « Par cet exemple véritable et camp durant le jour; on ignorait absolument
tout nouvellement advenu, vous devez, mes- le but de ses courses il était présent lors-
dames, prendre garde à vous et croire que qu'il fallait se battre il faisait la nuit son
le ciel vous avertit de-corriger vos vices et service. Cette fois, fatigué sans doute, il
modérer vos habits effrénés et voluptueux avait, sans le savoir, succombé au sommeil.
si vous voulez finir par une mort honorable.» Pouvait-il vaincre la nature? et les lois qui
A ce discours, Paul Leenaer se mit à rire tuent pour cela ont-elles été faites par des
tout bas, d'une façon si singulière que le hommes ?
bedeau voulut l'arrêter à cause du scandale. Quoi qu'il en soit l'exemple et la disci-
Mais un gantier qui le reconnut se prit à pline demandaient son sang. On le vit pleu-
dire Laissez-le sortir en paix. C'était le fu- rer, presque demander grâce, hésiter sur un
tur époux de Sabine et la perte de la jolie aveu qu'il ne fit pas. On s'en étonna, car il
fille l'a rendu insensé. était brave. Il supplia qu'on lui permit d'é-
III. crire une lettre d'adieu, qu'il remit à l'un de
Le 16 janvier 1583 le duc d'Alençon, mé- ses camarades après quoi il marcha à la
content du peu d'autorité qu'il avait en Bel- mort conduit par six vieux arquebusiers',
gique, résolut de s'emparer militairement des que commandait un archer du prévôt mili-
villes pour les gouverner ensuite, comme on taire. Son régiment, suivant l'ordre, l'accom-
faisait alors en France sous le régime du pagna sans armes au terràin choisi pour
bon plaisir. Quoique fatigué par les fêtes, il l'exécution,et forma un carrésur trois faces.
s'était personnellementchargéd'Anvers. Mais Les tambours battirent un ban un officier
ce projet n'alla pas comme il l'avait espéré. rappela aux soldats, d'une voix haute et
Ses troupes repoussées avec perte, furent grave, qu'il était défendu, sous peine de
obligées d'évacuer Anvers; le sieur de Ro- mort de crier Grâce 1 Paul se mit à genoux
chepot,qui avait pris beaucoup de peine pour devant un prêtre, pendant qu'un soldat disait
tendre un piège aux bourgeois fut tué; le à ses voisins Allongez-vous un peu par là,
duc d'Alençon s'enfuit l'esprit affaibli le vous autres, et ne laissez pas voirà ce pauvre
corps malade, et s'en alla mourir à Château- garçon ces figurés d'infirmiers qui viennent
Thierry. Le prince d'Orange, d'un autre côté, déjà chercher son corps pour l'enterrer.
avait été tué par Balthazar Gérard. La posi- Quand le prêtre eut entendu la confession
tion s'était donc bien simplifiée. du jeune condamné, sa figure se décomposa.
André Vynck qui malgré sa dureté de On battit un second ban; le greffier lut
cœur, ne s'était pas consolé encore de la à Paul sa sentence; il en passa la moitié
mort de sa fille, était furieux contre le duc pour abréger son agonie. Le prêtre n'enten-
d'Alençon. Le petit souverain était parti sans dait rien; il paraissait hors des choses de ce
lui rendre ses deux cent mille florins. Le monde. Leenaer demanda d'un ton altéré,
vieux négociant sentait ses opinions, singu- à commander lui-même le feu. On lui ac-
lièrement mitigées se rapprocher tous les corda cette faveur il ne savait pas que cet
jours du prince de Parme qui, dans l'été de affreux exercice se commandait en signes
1584, reconnu de la plupart des provinces;bel- et que par humanité on exécutait toujours
ges, vint commencer ce fameux siège d'An- un temps d'avance. Il dit adieu à ses amis et
vers, l'un des plus mémorables de l'histoire. et fit face aux mousquets.-
Alexandre, prince de Parme, étaitfils d'Oc- Mais au moment ou les soldats appuyaient
i.i ve Farnèse et de Marguerite d'Autriche leur arme sur l'épaule lorsqu'il n'y avait
fille de Charles-Quint. Cette circonstance, plus pour Paul Leenaer qu'une seconde de
jointe à beaucoup de qualités éminentes, lui distance entre la vie et la mort le prêtre
avait ramené de nombreux amis. Cependant sortant tout à coup d'une sorte. de rêve hor-
il avait aussi des opposants; il lui fallut pour rible, se jeta avec un grand cri au-devant
entrer dans Anvers poursuivre un siège qui du corps de Paul. Il avait aperçu, accourant
dura plus d'un an. échevelée, la jeune femme dont il venait de
Marnix de Sainte-Aldegonde celui qui lui parler dans sa confession. Elle parutaus-
comme on disait, avait ouvert la scène aux sitôt criant Grâce 1 Toutes les armes tom-
455 DICTWNNAIREDES SCIENCES OCCULTES 4S6
bèrcnt à terre. C'était Sabine la jolie fille n'a jamais pu retrouverles traces; tantôt les
d'Anvers qui s'était échappée par strata- crimes épouvantables de monstres à formes
gème à la recherche du sieur de Rochepot, humaines, qui ont porté le ravage et la mort
et que Paul avait épousée en secret. jusque dans le village même. Quelquefois le
Le vieux André Vynck pleura de joie en narrateur rustique mêle des images riantes
retrouvant sa fille dont il approuva le à ces sombres tableaux; c'est ainsi qu'il se
mariage; et à la capitulation d'Anvers, qui pliiît à conter comment une femme d'une
eut lieu le 17 août 1585, il fêta sou gendre majestueuse beanté s'est élevée un jour du
par des fêtes plus joyeuses que celles du fond du Saut de l'Ermite, et a calmé l.a tem-
duc d'Alençon car personne n'y souffrait. pête qui avait déjà détruit la moitié de Ville-
DIABLE. C'est le nom général que nous en-Selve. Mais parmi ces récits, l'origine du
donnons à toute espèce de démons. Il vient Saut de l' Ermite est celui qu'il reproduit avec
d'un mot grec qui désigne Satan précipité le plus d'amour. Le voici dans toute sa sim-
du ciel. Mais on dit le diable lorsqu'on parle plicité.
d'un esprit malin, sans le distinguer particu- Vers la fin du neuvième siècle, vivait dans
lièrement. On dit le diable pour nommer spé- les bois de Germanie un vénérable ermite
cialement l'ennemi des hommes. qui avait nom Fulgunde. Ce saint homme
On a fait mille contes sur le diable. Nous passait sa vie à prier Dieu et à parcourir les
en citerons un. hameaux voisins. A dix lieues à la ronde il
Un chartreux étant en prières dans sa était connu et chéri de tous. Aux riches il
chambre, sent tout à coup une faim non ac- recommandait les pauvres aux malades, il
coutumée, et aussitôt il voit entrer une fem- apportait quelques secours à tous il don
me, laquelle n'était qu'un diable. Elle s'ap- nait des consolations. Le bon ermite ne de-
proche de la cheminée allume le feu et mandait rien pour lui-même et cependant
trouvant des pois qu'on avait donnés au re- une idée fixe le préoccupait il avait un dé-
ligieux pour son dîner, les fricasse les met sir, un désir aussi saint qu'il était ardent:
dans Técuelle et disparaît. Le chartreux con- il voulait élever une chapelle en l'honneur
tinue ses prières puis il demande au supé- de l.i sainte Vierge, c'était le seul vœu de sa
rieur s'il peut manger les pois que le diable vie; il se mêlait à tous ses rêves, à tous ses
a préparés. Celui-ci répond qu'il ne faut jeter travaux, à toutes ses prières.
aucune chose créée de Dieu, pourvu qu'on la Un soir que Fulgunde s'était endormi
reçoive avec action de grâces. Le religieux bercé par cette douce pensée, unjeune homme
mangea les pois et assura qu'il n'avait ja- luiapparul; il était vêtud'unerobe blanche,et
mais rien mangé qui fût mieux préparé (1). avait ce visage éclatant et radieux qui n'appar-
Nous pourrions former des volumes sur tientqu'aux anges.-Bon ermite, lui dit-il,le
les traditions populaires dont le diable est FilsdeDicua entendu vosprières;ceque vous
l'objet. Nous choisissons trois légendes, dans désirez s'accomplira comme vous le voulez.
le recueil piquant que M. le comte Amédée Prenez cette image de sa sainte Mère; par
de Beauforl a consacré au midi de la France. elle vous opérerez des prodiges. Souvenez-
Le Saut de l'Ermite. vous seulement des paroles du Fils de Dieu:
A quelques lieues de Louvois, près d'un Veillez et priez.
poétique hameau nommé Ville-en-Selve il Fulgunde, éveillé par cette vision, trouva
existait encore, il y a plusieurs années, une seulement auprès de son chevet une petite
sombre excavation qui avait été autrefois image de la Vierge. Il la prit, la plaça dans le
une carrière, et qui portait le nom singulier lieu le plus apparent de son oratoire; puis
de Saut de l'Ermite. Les habitants des envi- il se jeta à genoux. Avec quelle effusion
rons racontent des choses étranges et mer- il remercia la Vierge sainte 1 comme il était
veilleuses au sujet de ce précipice. 11est vrai heureux et reconnaissant 1 Tout à coup une
que sa position a dû singulièrement prêter idée soudainetraversa son esprit: Je punirai
aux récits fantastiques des conteurs de lé- Satan, pensa-t-il^ c'est lui qui édifiera la
gendes. Le Saut de l'Ermite est situé au mi- chapelle de la Vierge.
lieu d'une forêt séculaire, loin de toute habi- Aussitôt Fulgunde prit l'image mystérieu-
tation d'épaisses broussailles en défendent se, et ordonna à Satan de paraître.
l'entrée, et des cavités profondes semées tout Au même instant la terre s'ouvrit et le
alentour rendent son accès dangereux à ceux diable parut. Quoiqu'il n'eût pas l'air tout à
que les bruits populaires n'en éloignent pas. fait humble et soumis, il ressemblait plutôt à
Pendant les troubles de la terreur, une bande un serviteur indisciplinéqu'àun ange déchu.
de brigands avait choisi cet abîme pour re- Pourtant à le considérer attentivement, on
'paire, ce qui n'a pas médiocrement contribué pouvait apercevoir en lui quelque chose
à augmenter sa mauvaise réputation. Aussi, d'étrange et en même temps de terrible. Or
quand les rudes labeurs de la journée sont çà maître Satan lui dit l'ermite la bonne
terminés le gouffre fatal fournit toujours à Vierge m'a permis de lui édifierune chapelle,
la veillée quelques-uns de ces mystérieux ré- j'ai pensé à toi pour la lui bâtir.
cits qui resserrent autour de l'âtre à demi On peut imaginer quelle horrible grimace
éteint le cercle effrayé des jeunes filles de fil le monstre à cet ordre. Lui, Satan, bâtir
Ville-en-Selve. Tantôt ce sont les terribles une chapelle à la Mère de son juge sortir
aventures d'une jeune princesse enlevée à de son repos pour voir abaisser son orgueil
son père en passant dans la forêt, et dont on à uncœuvre d'esclave; c'était trop. Il essaya
(t) Le cardinalJacquesde Vitry. de fuir, l'image de la Vierge le retint coin m a
4o? DIA ,i>« «58
une chaîne brûlante. Depuis longtemps, l'er- avait Pair triste et affligé.– Pauvre ermite,
mite avait choisi le lieu où il désirait que sa lui dit-il vous avez été vaincu par Satan;
chapelle fût élevée; c'élaitune riante colline, vous êtes son esclave. Vous n'avez.pas su
couronnée au sommet d'un bouquet d'arbres veiller et prier jusqu'à la fin.
touffus, et qui dominait les villages voisins. La figure horrible du diable remplaça prés-
Arrivé là avec Satan, Fulgundc lui ordonna que aussitôt celle de l'ange auprès de Ful-
de creuser les fondements. Quand ce travail gunde.Marchc, marche, lui disait-il, tu as
l'ut terminé, l'ermite se rendit dans un vallon, creusé un précipice tu y tomberas.
dont le sol pierreux lui paraissait propre à Et ce disant il le poussa dans un vallon
fournir les matériaux dont il avait besoin. Il qui avait servi de carrière et l'y précipita.
avait pris avec lui l'image sainte; il n'eut Le pauvre ermite ne mourut pas de sa chute:
qu'à la tourner vers la terre et aussitôfle le bon ange le soutint sur ses ailes il inter-
vallon s'entr'ouvrit et les pierres en sorti- céda même si ardemment pour lui auprès de
rent avec un grand fracas. On raconte que la Vierge qu'au bout de deux ans d'expia-
le démon ne mit que trois jours à les trans- tion, Fulgunde fut rendu à son cher ermita-
porter sur la colline et à les tailler. Il est ge. La miséricorde de la sainte Vierge ne se
vraique l'ermite ne lui laissaitpas un instant borna pas au pardon; elle fit redevenir Satan
de relâche; chaque fois que Satan voulait se esclave, et cette fois l'ermite sut se montrer
reposer, Fulgunde tournait vers lui l'image si vigilant qu'avant la nuit la chapelle était
miraculeuse, et le démon se remettait aussi- construite et le diable replongé dans l'enfer.
tôt au travail en faisant d'horribles contor-
Le Pas de Souci.
sions. C'était merveille de voir avec quelle
habiletéil maniait la pierre et lui donnait une En remonlantles rives pittoresques du Tarn,
forme élégante et pleine de vie; sous ses on arrive à un bassin d'un aspect si sauvage,
griffes elle se découpait en rosaces brodées qu'on le dirait bouleversé par une main sur-
comme une fine dentelle elle s'élançait en naturelleetmalfaisante. Figurez-vous une es.
clochetons aériens en longues colonnettes pèce de cirque fermé prcsqu'éntièrcmenl par
,semblables à des tuyaux d'orgues elle se des rochers inaccessibles. Aucune trace de
sculptait en bas-reliefs, en figurines de toute culture, aucune végétation n'adoucissent aux
espèce. Jamais ouvrier n'avait misla main à un yeux leur âpre nudité; le lierre et le huisson
chef-d'œuvre aussi accompli. A chaque nou- ne croissent pas même dans leurs fissures.
velle pierre qui enrichissait sa chère cha- Seulement quelques lichens verdâtres, des
pelle, Fulgunde souriait de bonheur et de arbustes rares et rabougris, rampent au pied
joie, il en aurait presque moins haï Satan de ces masses désolées; et pourtant il y a
si cela eût été possible. quelque chose de riche et d'énergique dans
Cependant la nuit du quatrième jour ap- ces pics aigus et dépouillés, dans ces roches
prochait, et l'ermite n'avait pas pris un ins- tantôt à pans larges et lourds, tantôt décou'
tanlde repos. Malgré lui, le sommeil fermait pées en dentelures délicates, comme par la
ses paupières: il avait beau redoubler d'ef- fantaisie d'un artiste. Le soleil fait éclater
forts, il ne pouvait plus surveiller le diable les chaudes teintes dont elles sont colorées.
avec autant d'attention. Disons-le,à la honte Ici, des aiguilles d'un ton ardent et rou-
de la faiblesse humaine Fulgunde s'en- geâtre s'enlèvent en lumière sur le fond
dormit. sombre et béant de cavités profondes; là,
A cette vue, un sourire épouvantable con- une immense pierre, coupée comme une mu-
tracta le visage de Satan. Le sommeil du raille, offre les teintes grises d'une ruine
maître lui rendait sa liberté; il ne pouvait en plus loin, et par de larges ouvertures, d'au-
profiter que pour la vengeance. Ce n'était tres rochers, disposés en perspective, pas-
plus cet esclave soumis qui obéissait au sent d'un bleu foncé au bleu le plus transpa-
moindre signe,c'étail l'ange du mal déchaîné, rent. Tous.ces jeux de l'ombre et de la lu-
joignant à son indomptable orgueil la rage mière à travers ces formes bizarres animent
d'avoir été asservi. Il se trouvait alors sur le celle nature si âpre, et peuvent fournir à la
faite du clocher, dont il achevait d'effiler palette du peintre les plus piquantes opposi-
l'aiguille percée à jour; il glissa doucement tions.
le.long de la pente extérieure, comme un en- L'enceinte que forment ces masses abruptes
fant qui se laisse aller sur le penchant d'une est parfaitement en harmonie avec leur as-
verte colline; en passant, il jetait un regard pect sauvage; tout y indique un effrayant
moqueur et une insulte à chaque statuette cataclysme les rochers y sont entassés dans
de saint qu'il avait sculptée; on dit même le plus étrange désordre, et c'est à peine si
qu'il porta l'audace jusqu'à promener sa le voyageur peut se frayer un passage à tra-
queue sur le visage de ces saintes images. vers leurs débris.
Arrivé au bas du clocher, il poussa un rire Jadis deux immenses pyramides se dres-
épouvantable, et renversa d'un coup de pied saient dans ce lieu àune hauteur prodigieuse
la merveilleuse chapelle. l'une se nomme le roc d'Aiguillé, et son nom
Le fracas de la chute éveilla le pauvre er- indique sa forme celui-là seul est resté de-
mite. Pour juger de sa désolation figurez- bout. L'autre s'appelle le roc de Lourdes; de
vous la douleur d'un homme qui voit échouer celui-ci il ne reste plus que la base, il s'est
au port le vaisseau qu'il avait chargé de ses écroulé dans la vallée. C'est à travers les dé->
biens. Fulgunde était consterné. Au même bris de ce géant terrassé que le Tarn a dû,
instant le messager de la Vierge parût; il se frayer
1\ Un passage.;
1 1 arrêté à chaque pa.$
DlCTIONN, PES' SCIENCES OCCULTES.,I, 1§
459 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 460.
deux une mule, s'interpellaient violemment, et des
par mille obstacles, tantôt serré entre
couches, il s'élance avec fracas de leur ex- menaces ils allaient bientôt en venir aux
trémité, tantôt faible et inaperçu, il s'est coups. Le saint homme fut obligé d'interve-
creusé sans bruit un étroit canal. Ce n'est nir, et comme il ne put apaiser leur colère,
il se mit à genoux, priant Dieu de les éclai-
plus une seule rivière, mais une multitude de
sources dont le murmure trouble seul le rer.
silence de la vallée. Mort Dieu 1 dit l'un des paysans mes-
Le bassin désolé que nous venons de dé- sire ermite, mieux vaudrait prier le ciel de
crire a reçu des habitants des montagnes nous bâtir ici un pont.
voisines le nom de Pas de Souci. L'imagina- Mon fils, dit le saint, Dieu est tout-puis-
tion naïve et pittoresque du moyen âge n'a sant mais il ne faut pas le tenter.
de s'exercer sur un lieu qui Puis à force d'instances il apaisa la que-
pas manqué
prétait si bien à la légende aussi, quelle relle. Mais depuis lors, il passait les jours
de marché à pleurer et à jeûner, s'offrant
que soit la cause que la science pourrait at-
tribuer au cataclysme dont cette vallée a été en expiation pour tous les péchés qui se
le théâtre, voici celle que lui a assignée la commettaient à ce fatal passage de la Junto.
pieuse crédulité des anciens temps. Dieu tenait son serviteur en trop grande
A peu. de distance du Pas de Souci, il existe estime pour ne pas prendre en considération
un village dont la situation pittoresque est ses prières et ses vœux ardents. Un soir
parfaitement en harmonie avec le site qui Guillaume était en prières; un ange lui ap-
l'environne seulement, le paysage est plus parut. Il portait une blanche tuuique; son
varié que dans le bassin de Souci, et abonde front était ceint de la céleste auréole, son
en oppositions charmantes. Ici, la même visage respirait la douceur et la bonté.
nature sauvage et grandiose; là, sur tes Dieu a ouï ta prière, dit-il au saint il en a
bords de la Junte, une verdure émaillée de été touché. Mais, Guillaume, qu'est-ce que
fleurs, des eaux limpides et murmurantes la foi qui n'agit point? A l'ceuvre donc; Dieu
puis, derrière, un rideau de peupliers. Au- t'aidera.
dessus de rochers moussus, s'élève le village Il n'en fallut pas davantage pour enflam-
de Sainte-Enimie et le clocher pointu de sa mer le zèle du saint. Il su rend aussitôt à
petite église. La civilisation n'y a point en- l'église; et après une homélie sublime d'une.
core passé plaise à Dieu qu'elle en oublie les éloquente simplicité, il entraîne les habitants,
rustiques habitants 1 de Sainte-Eminie sur les bords de la Junte
C'est dans ce village que vivait, au hui- pour y construire un pont. Le secours de Dieu
tième siècle, un saint homme, nommé Guil- fut visible. En peu de jours, le pont s'éleva
laume. Un jour on l'avait vu arriver seul comme par enchantement. Les habitants bé-
et grave, un bâton blanc à la main, vêtu d'un nissaient Guillaume, qui s'humiliait en ren-
simple habit de bure. D'où veriait-il? On l'i- voyant toutes les louanges à Dieu.
gnorait. Avait-il un autre nom ? Personne Mais ce succès, merveilleux ne faisait pas
ne put jamais le savoir. Mais, certainement, le compte'de mons Satan; il se voyait enlever
il avait été habitué à porter d'autres habits ainsi désormais toutes les âmes qui se dam-:
que ceux qui le couvraient dans son air naient au passage de la Junte. Il eut l'audace
noble et fier, et qu'il cherchait à rendre de s'adresser à Dieu pour se plaindre de ce-
humble et modeste, on lisait l'habitude du lui qu'il regardait comme son ennemi, Guil-.
commandement. Il choisit sa demeure dans laume; il lui renouvela le même discours
l'excavation profonde d'un rocher, et sa vie qu'il lui avait tenu autrefois au sujet du saint
fut bientôt admirée comme le modèle d'une homme Job (1). Ce n'est pas gratuitement'
grande perfection. Le village de Sainte-Eni- que Guillaume craint votre droite, lui dit-il;
mie ne tarda pas à ressentir d'heureux effets n'avez-vous pas béni l'œuvre de ses mains?
du voisinage du saint homme il se connais- Le Seigneur lui répondit: Va, détruis
sait merveilleusement en simples et sa le pont de Guillaume; je t'en abandonne
haute sagesse le faisait consulter dans les jusqu'à la dernière pierre.
affaires les plus difficiles. Il fut bientôt vé- Satan ne perdit pas de temps, il se rendit
néré comme l'ange du village; chaque jour sur les bords de la Junte, et d'un souffle il
quelque nouveau bienfait, quelque prodige renversa le pont. La ruine en fut si complète
inouï, que l'on racontait à la veillée, ve- qu'il était impossible que les matériaux qui
naient augmenter sa réputation. avaient servi à l'édifier fussent employés une
Le village de Sainte-Enimie était alors le, seconde fois.
centre qu'avaient choisi les populations voi- Guillaume ne fut pas découragé un instant;
sines pour les ventes et les marchés. Ces il adressa' une fervente prière au ciel et les
réunions ressemblaient assez à nos foires. ouvriers se remirent à.l'œuvre. Mais au mo-
Ces jours-là, le seul endroit guéable de la ment où le pont allait être fini, le saint se
Junte qui conduisait à Sainte-Enimie se trou-, douta bien que Satan allait renouveler ses
vait encombré, et alors des rixes sanglantes, infernales manœuvres il passa donc la nuit,
des blasphèmes et des jurements éctataient en prières et en oraisons dans son ermitage.
à chaque instant. Un de ces jours que le bon Vains efforts 1 le matin le pont était renver-
Guillaume passait tont auprès de ce lieu ai- sé.
mé de Satan, il fut grandement surpris d'en- Cette fois la terreur était à son comble
tendre comment le nom de Dieu était peu (1) On retrouve constammentle souvenirde l'Ecriture
respecté. Deux paysans, moules chacun sur mêléaux traditionspopulaires.
461 DIA DIA 4M
dans la contrée, et Guillaume ne put réunir ment, comme celui-ci se plaignit à Dieu, le
les ouvriers pour recommencer encore les bassin- où coulait le Tarn lui fut laissé en
constructions. A quoi bon disaient-ils propriété. On l'entend souvent la nuit pous-
fatiguer nos bras? Satan est plus fort que ser des gémissements lamenlables sous les
nous. rochers qui le tiennent captif.
L'ermite usa d'un dernier moyen il se Guillaume mourut longtemps après en
rendit à l'église et prêcha une belle homélie odeur de sainteté, laissant la contrée parfai-
sur les ruses de l'esprit malin, sur la con- tement rassurée. S'il lui était donné de repa-
fiance en Dieu et sur la nécessité de la per- raître dans ce monde, peut-être trouverait-il
sévérance les habitants se laissèrent tou- que Lourdes a lâché sa proie.
cher un troisième pont vint bientôt rempla- Saint Guillem du Désert,
cer les deux premiers.
Cette fois le saint voulut défendre son A quelques lieues de Montpellier, entre
œuvre. Dès qu'il fut nuit, il se rendit sur les Aniane et Lodève, on trouve une vallée
bords de la Junte, se cacha derrière un ro- riante qui forme une sorte d'oasis au milieu
cher, d'où il pouvait voir ce qui allait se d'un pays âpre et sauvage. De hautes monta-
passer, et attendit en redoublant d'oraisons. gnes couvertes de plantes aromatiques l'en-
11 était à peine minuit, lorsqu'il vit se tourent de toutes parts, et la dérobent aux
dresser une grande figure à quelques pas du yeux du voyageur. La vigne et l'olivier crois.
pont. Ce personnage, à mine suspecte, regar- sent dans la plaine, et rendent le paysage
da de tous les côtés, poussa un sauvage éclat aussi riche que varié. A la seule extrémité
de rire et s'avança vers le pont. Il était im- accessible, coule l'Hérault, qui, resserré en-
possible de ne pas reconnaître Satan à cet air tre deux rochers, s'élance avec fracas d'une
insolent de réprouvé. D'ailleurs malgré assez grande hauteur. Ses eaux, dans leur
l'obscurité profonde, Guillaume aperçut le course rapide, font jaillir une écume bleuâ-
pied fourchu de l'esprit de ténèbres. Il n'hé- tre qui reçoit du soleil l'éclat d'une poussière
sita pas un instant et marcha droit à lui. Sa- transparente et dorée; plus bas, devenues
tan, étourdi des nombreux signes de croix- calmes et limpides, elles réfléchissent l'azur
dont il était assailli, ne vit de salut que dans des cieux et les teintes plus sombres des ro-
la fuite; mais celle victoire ne parut point chers. Un pont jeté d'un bord à l'autre sur
assez décisive au saint: il voulut terrassèr deux énormes masses calcaires taillées à pic
Satan et le forcer de renoncer à son infernal joint le désert à la fertile plaine d'Aniane
projet. Il se mit donc à le poursuivre sans se on l'appelle le pont de Saint-Jean de Fos. Le
laisser intimider ni par les obstacles, ni par lieu que nous décrivons se nommait autre-
l'obscurité profonde de la nuit. Il était guidé fois Gellone; .il porte aujourd'hui le nom de
dans sa course par une foi ardente et par un Saint Guillem du Désert.
certain rayonnement qui s'échappait du front A l'entrée de cette vallée, et comme pour
de l'ange maudit. Cette course dura long- faire contraste avec la culture qui atteste
temps. Peut-être l'espace d'une nuit humaine partout la main de l'homme, s'élève une an-
ne lui suffit-il pas. Quoi qu'il en soit, ils ar- tique abbaye à moitié ruinée et au-dessus
rivèrent, l'homme de Dieu et Satan, dans les de cette abbaye, un château féodal dont il
lieux,où le Tarn s'élendait en large et pro- reste encore moins de vestiges. Le monastère
fond bassin au pied des rocs de Lourdes et a eu pour fondateur le duc Guillaume. On
d'Aiguille. Parvenu au bord de l'eau, Satan ignore par qui fut bâti le château il nous
se retourne se voyant serré de près par son paraît à peu près contemporain de l'abbaye.
adversaire, il n'hésite pas et s'élance dans le Voici deux légendes que la tradition a con-
Tarn, ni plus ni moins que si l'eau eût été i servées jusqu'à nous sur les lieux que nous
son élément naturel. A peine y est-il plongé venons de décrire.
qu'elle s'élève en gros bouillons et sort de Guillaume, duc de Toulouse, et parent de
son lit. Mais déjà Satan a atteint l'autre Charlemagne célébré par les poëtes du
bord; déjà il a posé une main sur la base du moyen.âge sous le nom du Marquis-au-Court
roc de Lourdes. C'en est fait, il va échapper. Nez, pacifia l'Aquitaine, et la défendit contre
Guillaume ne perd pas courage, il se jette à les Sarrazins d'Espagne. Après d'aussi glo-
genoux et implore le ciel. Au même instant rieux travaux, il aurait pu goûter en paix
un craquement affreux se fait entendre. Le les charmes du repos; mais son esprit était
roc de Lourdes, ébranlé jusque dans ses fon- trop actif pour se complaire en une molle oi-
dements, se balance un instant sur sa base, siveté il voulut, à la gloire d'un conquérant,
et., s'écroulant avec fracas, couvre de ses joindre celle d'un pieux fondateur d'abbaye.
débris le lit du Tarn et la vallée tout entière. La solitude de Gellone lui ayant paru favo-
Satan était pris. rable à son projet, il résolut de s'y fixer.
Cependant le roc d'Aiguille, qui ui était resté
res té Au neuvième siècle, Gellone était un dé-
debout, craignit un instant que son frère ne sert aride, couvert de buis, de -chênes et de
fût point assez fort pour, contenir l'esprit in- sapins les ronces y étendaient partout une
fernal. Frère, s'écria-t-il, est-il besoin que luxuriante végétation, et il n'avait pour ha-
je descende? bitant qu'un géant à forme humaine, dont
-Eh! non, répondit l'autre, je le tiens bien. les meurtres et les déprédations répandaient
Cette victoire préserva non-seulement le au loin la terreur. Un poëme du moyen âge
pont de Guillaume, mais encore le village de le dépeint ainsi « A travers le pays, se dé-
Saiute-Enimie des maléfices de Satan. Seule- mène un géant horrible à voir, égaleiueul
463 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. «4
-I "7~ .n.:l.`. n1 In nl.:lnnn .im V,d.
cruel pour les femmes et les enfants quand sit son monastère et le château du Verdus
il les surprend, il les étrangle quand la faim en devint une des dépendances.
Je presse, il les mange. Il rôde à travers ro- Cependant l'esprit du mal n'avait pas en-
chers et montagnes, et toute la contrée est tièrement disparu avec le géant. Guillaume,
tremblante d'effroi. Le païen a quatorze qui allait souvent visiter son ami saint Benoit
pieds de slature sa lête est monstrueuse; au couvent d'Aniane, voulut construire un
ses yeux sont grands et ouverts. JI a déjà tué pont sur l'Hérault au lieu ordinaire de sa tra-
dans le jour quatre hommes qui n'ont pas eu versée mais là encore il trouva le génie
le temps de se confesser, et un abbé avec sept malfaisant, qui tenta de s'y opposer. Le dia-
de ses moines. 11 est armé d'une massue si ble veillait dans les ténèbres, et renversait la
bien ferrée, qu'un homme, quelle que fût sa nuit ce que l'homme de Dieu avait édifié à
force, ne la soulèverait point sans se rompre grand'peine pendant le jour. Celui-ci ne se
les nerfs. » décourageait pas il espérait à force de con-
Le duc Guillaume, qui, pour élrc moine, stance faire lâcher prise à Satan. II n'en fut
n'avait point oublié qu'il était gouverneur rien la nuit venue, des sifflements se fai-
d'Aquitaine, fit sommer le monstre par deux saient entendre, et toutàcoupun grand bruit
hérauts d'armes de venir lui faire hommage annonçait que l'œuvre de la journée avait
de son château. Le géant répondit par des disparu dans, le gouffre. Guillaume se lassa
bravades. Le duc emporté par son courage de cette lutte sans fin il appela le diable en
lui offrit alors le combat; mais le félon lui fit conférence, et fit un pacte avec lui. Il en ob-
répondre qu'il l'attendait dans son caste), et tint qu'il pourrait construire son pont, à con-
qu'il ne ferait pas un pas vers lui. Le duc vit dition que le premier passager lui appartien-
le piège, et ne s'y laissa pas prendre ne drait. Le saint, plus rusé que Satan, fit con-
pouvant employer la force, il eut recours à naître le marché à tous ses amis pour les en
la ruse. préserver; puis il lâcha un chat qui le pre-
Un jour qu'il rôdait autour du Verdus mier traversa le pont, et dont Satan fut bien
(c'était le nom du château du géant), il vit forcé de se contenter. Depuis ce temps, dans
venir à lui une jeune fille qui portait un vase ce pays, les chats appartiennent au diable,
sous le bras; et allait puiser de l'eau dans la et le pont à saint Guillem, Voyez PONTS.
rivière. A qui appartenez-vous? lui dit le
Voici, dans un genre analogue une légcnclo
Duc.
que M. Henry Berthoud a donnée dans le pre-
Beau sire chevalier, répliqua la jeune mier volume du Vusée des familles.
fille, je suis au service de monseigneur le
géant. La Chaire Grise.
Une pensée soudaine traversa l'esprit de Le château d'Esnes, dit M. Henri Berthoud,
Guillaume. -Maudit soit le géant, s'écria- est une de ces vieilles habitations féodales
t-il, car sa soif le perdra 1. que l'on rencontre si fréquemment dans la
Et s'adressant à la servante Vous allez Flandre. Au rebours de la plupart des autres
changer d'habits avecmoi, et,ce faisant, vous forteresses, on a bâti celle-là au fond d'une
me rendrez un service dont vous serez large- vallée que des hauteurs dominent de toutes
ment récompensée. parts; et ses murailles de pierres blanches
Mais, beau sire, mon maître me tuera. énormes, loin d'être noircies par le temps, se
Il sera mort avant de pouvoir le tenter. détachent éblouissantes sur la verdure som-
La jeune fille n'osa pas résister; elle se re- bre d'un bois.immense.
tira derrière un quartier de roche. Guillaume On ne connaît pas l'époque précise où fut
lui passa une à une les pièces de son armure, construit le château d'Esnes, et son archi-
et en reçut en échange ses grossiers vête- tecture, pleine de bizarrerie et d'un caractère
ments dont il s'affubla. Cela fait, il attendit particulier, ne donne aucune lumière à cet
que lanuit fût venue; puis il prit le vase sous égard.
son bras, et à la faveur de son déguisement, A l'extrémité septentrionale du château, et
il s'introduisit dans le château.
par une exception dont il est difficile de se
Mais à ce moment, son projetfaillit échouer rendre compte, s'élève une petite tourelle
par une circonstance qu'il n'avait pu prévoir. construite en grès; ses formes élégantes et
Une maudite pie le reconnut, et aussitôt elle
se mit à crier Guillem! Gare légères présentent avec le reste du manoir
Gare, un contraste singulier. Ses ogives, à triples
Guilleml. colonnettes, sont unies entre elles par une
Le géant, qui ne se doutait pas que le dan- tête d'uneexpression bouffonne, et, sur.les pa-
ger fût si proche, courut à une des fenêtres rois, des figurines d'un travail exquis joi-
pour observer les dehors du château. Au gnent leurs mains dans l'attitude de la prière.
même instant, Guillaume saisit le monstre L'œil, blessé par la blancheur uniforme de.
par les pieds, et le précipita sur les rochers, tous les objets qui l'entourent, se repose avec
où il se brisa. Quant à la pie, le saint vou- charme sur cette délicieuse petite construc-
lut aussi la punir. Il prononça contre elle un tion qui rappelle par sa forme ce que l'on
anathème qu'il étendit à toutes les pies de nomme, en architecture militaire, un nid
la contrée. Les vieillards du pays assurent
d'hirondelle, mais qui ne peut servir en au-
que depuis lors elles ne peuvent jamais y vi- cune façon à la défense du manoir. Les ha-
vre plus de trois jours.. bitants du pays désignent cet objet sous le
Délivré de son ennemi, Guillaume construi- nom de caiere grise (chaire grise) sans doute
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à cause de la couleur des grès avec lesquels place sans doute à quelque usine, comme
on l'a construite. les joyeuses légendes se sont effacées pour
Les Flamands aiment trop le merveilleux un temps devant .les tristes systèmes des
pour ne point expliquer par l'intervention philosophes.
du diable l'origine de la Chaire grise et voici Or, voici l'aventure
la tradition répandue à cet égard. Lorsque Une vieille femme de Mons. qui avait mené
saint Vaast, l'apôtre de la Flandre, vint prê- une vie dissipée, mais qui tous les jours s'é-
cher le christianisme dans ce pays alors bar- tait recommandée à saint Ghislain, se trou-
bare, ses miracles, plus encore que ses pré- vait sur son lit de mort.
dications, convertissaient les sauvages.Ner- Au moment où elle. allait rendre l'âme, le
viens. Satan poussa des cris de douleur en diable arriva à son chevet et se posta à sa
voyant ceux qu'il regardait naguère comme gauche. Presqu'aussitôt saint Ghislain parut
une proie certaine courir au-devant du saint de l'autre côté. Le diable le regarda de tra-
évêque, et recevoir de lui le baptême et la vers le saint ne baissa pas les yeux il était
foi. Il résolut, pour maintenir sa puissance accoutumé à affronter l'ennemi. Après avoir
chancelante, d'opposer miracle à miracle; toussé un peu avec un certain embarras, le
pour cela, il fit tomber, le feu du ciel sur lé diable dit
château d'Esnes, dont il ne resta bientôt plus J'imagine que vous ne venez pas en-
pierre sur pierre. core m'enlever celle-là?
Le baron d'Esnes, propriétaire de ce ma- Au contraire, répondit Ghislain.
noir, était un nouveau converti; il courut se C'est ce que nous verrons. Vous n'avez
jeter aux piedsde saint Vaast, en le suppliant pas de droits.
de reconstruire son château par un miracle. Pas de droits! s'écria le saint; cette
Le saint répondit au nouveau chrétien par femme a été à moi toute sa vie.
une remontrance paternelle, et lui prêcha la A vous 1 hurla le diable avec un éclat
résignation aux décrets de la volonté divine. de rire vous n'êtes pas difficile. Je vous ci-
Comme le baron d'Esnes s'en revenait triste terai cent chrétiens qu'elle a scandalisés. Jo
et désappointé, le diable lui apparut. Il s'of- ne compterais pas tous les péchés qu'elle a
frit de reconstruire en une nuit le château faits. Il y a longtemps que nous la choyons
brûlé, si le baron voulait abjurer sa religion comme notre gibier.
nouvelle. Le baron accepta le parti, et, le 11 est possible qu'elle ait péché souvent,
lendemain, à la grande surprise de tout le dit le saint mais elle s'est longuement re-
pays, le château d'Esnes, reconstruit d'une pentie elle s'est confessée; elle meurt pé-
façon nouvelle, apparut au lieu des ruines nitente. Je -ne suis pas venu pour l'aban-
fumantes et,des débris qui la veille couvraient donner et je l'emmène.
la terre. Une merveille si grande ébranla Le saint parlait d'un ton si assuré, qué le
beaucoup les témoins du refus qu'avait fait diable commença à concevoir des alarmes.
saint Vaast d'en opérer une semblable. L'a- Cependant il reprit du cœur et il se mit à dé-
pôtre, pour détruire cette mauvaise impres- tailler avec tant de soin toutes les fautes de
sion, se rendit au châteaud'Esnes et, comme la pauvre pécheresse, que le saint craignit
on lui en refusa l'entrée, il s'adossa contre à son tour.
les fortifications, pour parler à la foule-ac- Pendant qulils disputaient, la pauvre
courue de toutes parts. Tandis que le saint femme mourut.
faisait une exhortation à ces chrétiens chan- Voilà qui est au mieux, dit le diable
celants, un rayon brûlant do soleil vint tom- en se frottant les ergots; elle vient de passer;
ber sur sa tête chauve soudain, des anges et elle a oublié de se purger d'un péché mor-
descendirent et construisirent autour de lui tel. A moi donc 1
la Chaire grise. A ce miracle, dont plus de Et il allongea la griffe.
quatre mille personnes furent témoins, dit la -Un instant, dit doucement Ghislain.
tradition, les blasphèmes se changèrent en Quel péché mortel s'il vous plaît ?
prières et tous ceux qui n'avait point encore Et il étendit la main pour proléger l'âme.
reçu le baptême le reçurent aussitôtdes mains Mais a-t-elle dit qu'il y a trente ans,
de saint Vaast. Le baron d'Esnes ne put ré- un certain dimanche, le. premier du carême,
sister lui-même à une telle preuve de la puis- elle manqua la messe pour aller à une fête ?
sance de Dieu et le diable, confus et chassé, Vous avez bonne mémoire, répondit le
s'en retourna aux enfers. saint avec un sourire triste. Mais vous êtes
mal informé. La pauvre femme s'est con-
La vieille femme de Mons.
fessée de cette faute grave et l'a réparée.
Le diaDleen aura sur Ics'doigls. La dispute recommença vive et animée. Le
MYSTÈRE DE LA patience DE Job.
diable enfin proposa un moyen d'en finir.
Qu'il nous soit permis de rapporter du bon Voici trois dés, dit-il, nous réclamons
saint Ghislain, vénéré en Hainaut, une lé- tous deux l'âme de cette femme jouons à
gende qui frise le petit conte. Un fabliau qui l'aura
à demt'perdu, a rendu célèbre ce trait, à la Je le veux bien à vous les honneurs.
fois, merveilleux et naïf. On le voyait encore, Le diable parut flatté de cette politesse. Il
il n'y a pas beaucoup d'années, représenté salua le saint, remua les dés et les jeta..
d'une manière piquante, dans un tableau du -r- Trois six s'écria-t-il. Elle est à moi;
quinzième siècle, que possédait l'abbaye de Un instant, dit Ghislain.
Saint-Ghislain. Pauvre abbaye 1.elle a fait Mais le diable derechef se frottait les griffes.
467 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 468
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Vous ne ferez du moins pas mieux, di- le champ de Saint-Gilles. Quand ce sera fait,
sait-il. tu reviendras à la fête
Qui sait? Marguerite ne répliqua rien. Mais pour la
Le bon saint agita les dés, les lança il se première fois l'idée du travail l'affligea. Elle
fit quelque chose comme un petit prodige ôta tristement sa cornette à pointe de fine
trois sept sortirent du cornet, et Ghistain toile, son jupon de drap rouge, mit une cotte
emporta l'âme de la défunte. de grosse toile et des sabots, pauvre fille 1
elle prit sa fourche et partit. En arrivant au
Comment le diable fut attrapd.
champ, adieu la fête 1 Elle calcula rapidement
Il nous faut reculer à une époque assez l'ouvrage qu'elle avait à faire, et reconnut
ancienne c'était au moins vers le règne de qu'il nepouvaitêtre achevé qu'à la nuit noire.
Henri 111. Si vous êtes allé jamais sur la Son cœur se serra. Elle n'en commença pas
route de Saint-Cloud qui n'était pas alors moins en soupirant sa triste et pénible be-
la somptueuse résidence -royale que nous sogne.
admirons aujourd'hui, vous aurez remarqué 11y avait une heure qu'elle se hâtait, sans
à mi-chemin un groupe de maisons qu'on pouvoir se consoler; elle apercevait avec cha-
appelle, je ne sais pourquoi, le Point du grin, sur la route, les bonnes gens de Paris
jour sans doute de quelque enseigne de qui se rendaient joyeusementà la fête,et gé-
cabaret; plusloin, à droite, estBoulogne-sur- missait de penser qu'elle n'y paraîtrait pas,
Seine. lorsqu'elle vit venir à .elle un petit homme
Or, au temps d'autrefois il y avait au Point qui semblait vouloir-lui parler. 11 était fait
du jour un vieil homme de noble race mais un peu de travers et marchait en se balan-
un de ces gentilshommes avancés qui ne çant. Ses pieds étaient enfermés dans des
dédaignaient pas de faire eux-mêmes valoir bottes noires. Il avait un haut de chausses
leurs terres. Les terres de culture étaient plus écarlate, un pourpoint gris taillé a la bour-
rares alors que maintenant; le pays était geoise avec les basques continues, un cha-
presque couvert de bois. peron à deux cornes de même couleur. Si
Le vieil homme se nommait Egidius ce chaperon eût été jaune il eût ressemblé
Cressère, bon viveur allant aux fêles de loin à celui des fous de la Bazoche. A
buvant au. cabaret, familier ayec les simples mesure que le petit homme s'approchâit,
gens, traitant bien ses serviteurs, mais Marguerite le considérait avec plus d'éton-
exigeant un grand travail car il travaillait nement. C'était une Ggure qu'elle n'avait
beaucoup lui-même et disait que la terre jamais vue, une tête énorme, un visage pâle
gardait rancune quand on la négligeait. Il comme les murailles, sur lequel dominait
avait en sa maison une jeune et robuste ser- un long nez qui tournait évidemment sa
vante, qu'on appelait Gritte, abréviation pointe a gauche. Les mains de l'homme était
de Marguerite elle avait vingt ans. Elevée cachées dans de grands gantelets noirs. IL
dans le manoir elle plaisait à tous on la s'arrêta devant la jeune fille, et faisantunsou-
vantait comme une fille laborieuse qui rire qui avait quelque chose de' singulier.
jamais n'avait reculé devant le travail. -Eh 1 mais, ma fille, dit-il, vous voilà
Mais vint le jour de la fête de Saint-Cloud, -bien occupée, pour un dimanche? 2
déjà courue alors. C'était un beau jour, ton- -–C'est vrai, messire: mais il y a dispense
guemént attendu. Les ménétriers du village de vêpres, aux travaux des champs.
avaient graissé la roue de leurs vielles ils 11 y a sans doute aussi dispense de la
s'étaient renforcés, de joueurs de rebec et de fête qui va être si animée et si gaie ?
tambourin venus de Paris ils avaient -Oh 1 pardon, messire. Mais je ne suis
deux flûtes une cornemuse et un cor de pas ma maîtresse. 11 faut que je fasse tout
chasse on annonçait grandes joies et la le champ.
bonne Gritte se promettait de l'agrément –Vous n'aurez pas fini au coucher du
depuis quatre heures jusqu'à huit, car pour soleil. Si vous vouliez faire un marché avec
un tel jour on retardait jusque-là le couvre- moi, j'ai làdans le bois des camarades nous
feu, que nous appelons aujourd'hui la clo- vous aiderions tous et dans un instant vous
che de retraite. pourriez retourner au Point du jour.
Malheureusement', au retour de la messe, -Eh 1 quel marché, messire, voulez-vous
Egidius qui n'oubliait rien se rappela 'que qu'une pauvre fille fasse avec vous?2
la veille il avait mené avec ses garçons, Il y avait do l'inquiétude dans la parole de
plusieurs charrettes de fumier sur le che- Marguerite, et un sourire sardonique sur
min des Bons-Hommes, dans un champ qu'il les lèvres pâles du petit homme.
voulait labourer le lendemain pour y semer -Le marché ne vous gènera guère, re-
du seigle. Il fallait disperser avec soin tous prit-il je demande seulement que vous me
les tas d'engrais qui répandus ainsi et cou- donniez demain matin la première botte quo
vrant toute la surface du champ devaient vous lierez à votre réveil.
l'échauffer et le rendre fertile. C'était la -Oh 1 si ce n'est que cela, je vous le pro-
besogne de Marguerite; la. pauvre fille son- mets de bon cœur.
geai) aux moyens qui pourraient encore Elle n'eut pas plutôt dit ce mot que le-petit
rehausser sa toilette pour la fête, quand son homme siffla; aussitôt une troupe de nains
maître l'appela. bizarres sortit du bois voisin. Il s'en trouvait
Allons Gritte dit-il tu prendras ta un pour chaque tas de fumier. Ils se mi-
fourche et tu iras répandre le fumier dans rent rapidement à l'ouvrage et de leurs
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pieds et de leurs mains ils opérèrent si vi- -Ma fille, dit-il
it-il à Marguerite
Mareru en l'appe-
vement, qu'en peu de minutes tout le fumier lant de nouveau, le diable est fin c'est àlui
fut répandu, avec symétrie. Après quoi ils se que nous avons à faire.
retirèrent; autant en fit le petit homme, qui La servante pâlit.
ditàMarguerite, en la quittant brusquement: -Allons trouver le curé de Boulogne, re-
Vous voyez qu'un peu d'aide fait grand prit Egidins; lui seul peut nous tirer de là.
bien 1 Le vieil homme et la jeune fille se rendi-
La jeune servante resta un moment con- rent, sans perdre un instant, au presbytère
sternée de ce qui venait de se passer sous ses Marguerite expliqua la chose au bon curé. §
yeux? Etait-ce un homme, était-ce un esprit -Vous avez été bien avisés de me venir
qui l'avait obligée si merveilleusement? Elle trouver, dit-il; car vous étiez en péril. Mais
se ressouvint de tous les contes dont on l'en- rassurez-vou's.QuoiqueSatan soit bien rusé,
tretenait aux longues veillées du manoir, il trouve encore assez souvent plus rusé que
lorsqu'on file le chanvre et la laine dans les lui. Il vous a fait promettre la première
soirées d'hiver. Souvent on lui avait dit qu'il botte que vous lieriez demain matin à votre
y avait des lutins, des farfadets, et d'autres lever; ayez soin, aussitôt que vous serez
bons démons qui se plaisaient à rendre d'u- éveillée, de vous rendre à la grange, d'y lier'r
tiles services aux gens en peine. Elle avait une botte de paille et de la jeter à l'homme
refusé de le croire elle ne pouvait plus en qui viendra. Mais évitez sur toutes choses de
douter, à moins que, cependant,lepetit hom- serrer le cordon de votrejupe, ou votre bon-
me et ses camarades ne fussent une com- net ou vos jarretières car alors vous seriez
pagnie de farceurs, comme il y en avait quel- vous-même la botte qui lui appartient.
quefois dans le Paris d'alors, qui jouaient des Allez,mon enfant, vous en serez quitte pour
moralités (comédies du temps), qui disaient un moment de frayeur.
la bonne aventure, escamotaient et chan- Marguerite et son maître remercièrent le
taient, faisaient souvent de bons tours et par- curé et s'en retournèrent au manoir. La jeune
fois se plaisaient à étonner gracieusement 'fille ne songeait plus à la fête elle passa
par quelque subite obligeance. la soirée en prières et la nuit sans dormir.
Quoi qu'il en soit, dit-elle, ce bonhomme Dès çue le jour parut, elle se leva, sans lier
s'est contenté de peu; et je puis tranquille- son jupon, ni rien qui touchât à son corps,
mcnt me réjouir ma pleine soirée. et se rendit à la grange, où elle vit entrer
Elle s'en retourna sans pouvoir bannir en silence, un instant après elle, celui qui
pon-rlanlles flots dépensées quivenaientl'as- la veille lui avait rendu un si dangereux ser-
saillir -Pourquoi le petit homme lui avait- vice.
il demandé la première botte qu'elle lierait Il n'avait changé ni de forme, ni de cos-
le lendemain? et qu'en voulait-il faire? Puis tume.Mais son teint paraissait plus. pâle en-
elle se répondait à elle-même -C'est sûre- core ses yeux étincelaient ses lèvres trem-
ment une plaisanterie. blaient d'inquiétude. Dans un mouvement
En rentrant au manoir, elle n'y trouva plus qu'il fit,, son chaperon s'abattit par derrière;
personne. Tout le monde était parti pour la la servante alors remarqua deux petites cor-
fête, à l'exception d'un vieux serviteur, qui nes parmi ses cheveux crépus. Elle frissonn a,
ne pouvait plus marcher, et qui gardait lelo- lia en tremblant une botte de paille, et la
gis avec deux chiens solides. Elle se hâta de jeta au monstre, qui la saisit en grinçant des
remettre sa coiffe et sa jupe des dimanches, dents. Il hurla, bondit sur lui-même, sortit
ses bas jaunes et ses souliers. Elle arriva au par un trou qu'il fit au toit de la grango
moment où les réjouissances commençaient. et Marguerite alla s'habiller.
Depuis deux bonnes heures, Marguerite On dit que le champ où les démons avaient t
n'était plus qu'au plaisir; il semblait même travaillé produisitabondamment car le tra-
qu'elle eût complètement oublié,son aven- vail est toujours fécond, de quelque main
ture du champ, quand son maître crut la re- qu'il vienne.
connaître. Il se frotta les yeux, s'approcha, On ajoute que te trou de la grange, qui à
et vit qu'il ne s'était pas trompé. Un air sé- présent n'existe plus, ne put jamais se ré-
vère contracta sur le champ tous les traits parer.
de sa figure. Il appela la jeune fille, qui vint On dit encore que le diable, embarrassé de
aussitôt. sa botte de paille, vint pour la vendre' à
-Eh bien 1 Gritte, dit-il d'une voix aus- Paris. 11espérait qu'ayant passé par ses grif-
1ère, et l'ouvrage ?2 fes, sa botte de paille ferait mourirles va-
Il est fait, messire Egidius. ches qui la mangeraient et pousserait les
-Faitl lu aurais fait en uneheure ce qu'un fermiers à quelque blasphème. Mais il avait
homme ferait à peine en une demi-journée! si mauvaise mine que. jusqu'au soir, il ne
-S'il faut vous dire tout, messire, j'ai eu trouva personne qui voulût l'acheter. Il la
un peu d'assistance. broya de colère et en jeta les débris dans
Et la servante conta ce qui lui était arrivé. les égoûts de la capitale qui depuis lors
Le gentilhomme surpris ne répliqua pas puent toujours. Voy. GRANGEDU DIABLE.
un mot; mais croyant que Gritte le trom-' Voici d'autres histoires qui font voir qu'on
pait et qu'elle avait laissé sa besogne à moi- a pris souvent pour le diable des gens qui
tié faite, il courut à son champ, fit une ex- n'étaient pas de l'autre monde.
clamation de grand étonnement et s'en re- Un marchand breton s'embarqua pour Je
tint émerveillé, commerce des Indes, et laissa à sa femme le
471 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 472
soin de sa maison. Celte femme était sage; A la vue de ce personnage, le vieux mar-
le mari ne craignit pas de prolonger le cours chand eut le frisson. Le diable s'approcha
de son voyage et d'être absent plusieurs an- et* lui. dit II faut que tu me donnes sur
nées. Or, un jour de carnaval, ladame voulant l'heure douze cents dollars, si tu ne veux
s'égayer un peu donna à ses parents et à ses pas que je t'emporte en enfer.
amis un petit bal qui devait être suivi d'une Hélas 1 répondit le négociant, je n'ai pas
collation. Lorsqu'on se mit au jeu, un mas- ce que vous demandez.
que habillé en procureur, ayantdes sacs de Tu mens, interrompit brusquement le dia-
procès à la main, entra et proposa à la dame ble je sais que tu viens de les recevoir à
déjouer quelques pistoles avec elle elle ac- l'instant.
cepta le défi et gagna le masque présenta Diles que je devais les recevoir; mais on
encore plusieurs pièces d'or, qu'il perdit 1 ne m'en a pu donner que six cents. Si vous
sans dire mot. Quelques personnes ayant voulez me laisser jusqu'à demain, je promets
voulu jouer contre lui perdirent; il ne se de vous compter la somme.
laissait gagner que lorsque la darne jouait. Eh bien ajouta le diable, après un mo-
On fit d'injurieux soupçons sur la cause ment de réflexion, j'y consens; mais que de-
qui l'engageait à perdre. Je suis le dieu des main, à dix heures du soir, je trouve ici les
richesses, dit alors le masque, en sortant de douze cents dollars, ou je l'entraîne sans
ses poches plusieurs bourses pleines de louis. miséricorde. Surtout que personne, si tu tiens
Je joue tout cela madame, contre tout ce à la vie, ne soit instruit de notre entrevue.
que vous avez gagné, Après avoir dit ces mots, le diab!e sortit
La dame trembla à cette proposition et re- par la porte.
fusa le défi en femme prudente Le masque Le lendemain matin, le négociant, qui était
lui offrit cet or sans le jouer; mais elle ne de bonne pâte, comme on-voit, alla trouver
voulut pas l'accepter..Cette aventure com- un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents
mençait à devenir extraordinaire. Une dame dollars. Son ami lui demanda s'il en était
âgée, qui se trouvait présente,' vint à s'ima- bien pressé? Oh 1 oui, très-pressé; il me les
giner que ce masque pouvait bien être le faut avant la nuit. Il y va de ma parole et
diable, Cette idée se communiqua dans l'as- peut-être d'autre chose.
semblée, et comme on disait à demi-voix ce Mais n'avez-vous pas reçu hier une somme?
,qu'on pensait, le masque qui l'entendit se J'en ai disposé.
mit à parler plusieurs langues, pour les con- Cependant je ne vous connais aucune af-
firmer dans cette opinion; puis il s'écria faire qui nécessite absolument de l'argent.
tout à coup qu'il était venu de l'autre monde Je vous dis qu'il y va de ma vie.
pour venir prendre une dame qui s'était Le vieil ami, étonné, demande l'éclaircis-
donnée à lui, et qn'il ne quitterait point la sement d'un pareil mystère. On lui répond
place qu'il ne se fût emparé d'elle, quelque que le secret ne peut se trahir. Considé-
obstacle qu'on voulût y apporter. rez, dit-il au négociant effaré, que personne
Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse ne nous écoute; dites-moi votre affaire
du logis. Les gens crédules étaient saisis de vous prêterai les six cents dollars. -c jo
frayeur, les autres à demi épouvantés; la Sachez donc que le -diable est venu mo
dame de la maison se mit à rire. Enfin le voir; qu'il faut que je lui donne douze cents
faux diable leva son masque, et se fil recon dollars ce soir, et que je n'en ai que six
naître pour le mari. Sa femme jeta un cri de cents.
joie en le reconnaissant. J'apporte avec moi L'ami ne répliqua plus; il savait l'imagi-
l'opulence, dit-il. Puis se tournant vers les nation de ce pauvre ami facile à effrayer. Il
joueurs Vous êtes des dupes, ajouta-t-il; tira de son coffre la somme qu'on lui deman-
apprenez à jouer. dait, et la prêta de bonne grâce mais à huit
Il leur rendit leur argent, et la fêle devint heures du. soir, il se rendit chez le vieux
plus vive et plus complète. marchand.
Un vieux négociant des Etals-Unis, retiré Je viens vous faire société, lui dit-il, et
du commerce, vivait paisiblement, dé quel- attendre avec vous le diable, que je ne serai
ques rentes acquises par le travail. Il sortit pas fâché de voir.
un soir pour toucher douze cents dollars qui
lui étaient dus. Son débiteur Le négociant répondit que c'était impossi-
n'ayant pas
davantage pour le moment, ne lui paya que ble, ou qu'ils s'exposeraient à être emportés
la moitié de la somme. En rentrant chez lui, tous les deux. Après des débats, il permit
il se mit à compter ce qu'il venait de rece- que son ami attendît l'événement dans un
voir. Mais pcndanlqu'il s'occupait de ce soin, cabinet voisin.
il entend quelque bruit, lève les yeux, et A dix heures précises; un bruit se fait en-
voit descendre de sa cheminéedans sa cham- tendre dans la cheminée le diable paraît,
bre le diable en personne, il était en cos- dans son costume de la veille. Le vicillard se
'tume tout son corps couvert de poils rudes mit en tremblant, à compter les écus. En
et noirs, avait six pieds de haut. De grandes même temps, l'homme du cabinet entra. Es-
cornes surmontaient son Iront, accompagnées tu bien le diable? dit-il à celui qui deman-
d'oreilles pendantes; il avait des pieds four- dait de l'argent.
chus,des griffes au lieu de mains, une queue, Puis, voyant qu'il ne sepressait pas de ré-
un museau comme on n'en voit point, et des pondre, et que son ami frissonnait, grelottait
yeux comme on n'en voit gu,ère. et trcmblotlait, il tira de sa poche deux longs
'475
3 DIA DIA 474
pistolets, et. les présentant à la gorge du dia- main et un licou de l'autrè. Le texte disait
ble, il ajouta in mulomedici specie par l'introduction d'une
Je veux savoir si tu es à l'épreuve du virgule qui décompose le mot in mulo, me-
feu. dici specie, un copiste fit du diable ainsi dé-
Le diable recula, et chercha à gagner la guisé un docteur monté sur sa mule, comme
porte. cheminaient les docteurs en médecine avant
-Fais-toi connaître bien, vite, ou tu es l'invention des carrosses: et un tableau de
mort. cet épisode ayant été exécuté d'après ce texte
Le démon se hâta de se démasquer et-de corrompu, Satan a été souvent représenté
mettre bas son costume infernal. On trouva, avj£ la robe doctorale et les instruments de
sous ce déguisement, un voisin du bon mar- la profession en croupe sur sa monture.
chand, qui faisait quelquefois des dupes et Une autre fois, on dénonça à saint Benott
qu'on n'avait pas encore soupçonne, Il fut la conduite légère d'un jeune frère, apparte-
jugé comme escroc, et le négociant apprit nant à l'un des douze monastères affiliés à la
par là que le diable n'est pas le seul qui soit règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou
disposé à nous nuire. ne pouvait prieravec assiduité; à peine s'é-
Nous nous représentons souvent le diable tait-il mis à genoux, qu'il se levait et allait
comme un monstre noir les nègres lui attri- se promener. Saint Benolt ordonna qu'on le
buent la couleur blanche. Au Japon, les par- lui amenât au mont Cassin; et là, lorsque lo
tisans de la secte de Sintos sont persuadés moine, selon son habitude, interrompit ses
que le diable n'est que le renard. En Afrique devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un
le diable est généralement respeclé. Les nè- petit diable noir qui le tirait de toutes ses
gres de la Côte-d'Or n'oublient jamais, avant forces par le pan de sa robe.
de prendre leurs repas, de jeter à terre un Parmi les innombrables épisodes de l'his-
morceau de pain qui est destiné pour le mau- toire du diable dans les Vies des Saints, quel-
vais génie. Dans le canton d'Auté, ils se le ques-uns sont plus comiques, quelques au-
représentent comme un géant d'une prodi- Ires plus pittoresques. Saint Antoine vit Sa-
gieuse grosseur, dont la moitié du corps est tan dresser sa tête de géant au-dessus, des
pourrie, et qui cause infailliblement la mort nuages, et étendre ses larges mains pour in-
par son attouchement ils n'oublient rien de tercepter les âmes des morts qui prenaient
ce qui peut détourner la colère de ce mons- leur vol vers le ciel. Parfois le diable est un
tre. Ils exposent de tous côtés des mets pour véritable singe, et sa malice ne s'exerce qu'en
lui. espiègleries. C'est ainsi que, pendant des an-
Presque tous les habitants pratiquent une nées, il se tint aux aguets pour troubler la
cérémonie bizarre et extravagante, par la- piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses
quelle ils prétendent chasser le diable de avaient été vaines, lorsqu'enfin il se résolut
leurs villages huit jours avant celle céré- à un dernier effort. C'était la coutume de
monie, on s'y prépare par des danses et des cette noble et chaste vierge de se lever au
feslins; il est permis d'insulter impunément chant du coq et d'aller prier à l'église, pré-
les personnes même les plus distinguées. Le cédée de sa scrvante'portant une lanterne.
jour de la cérémonie arrivé, le peuple com- Que fit le père de toute malice ? il éteignit la
mence dès le matin, à pousser des cris hor- lanterne en soufflant dessus. La sainte eut
ribles les habitants courent de tous côtés recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se
comme des furieux, jetant devant eux des ralluma, miracle de la foi qui suffit pour ren-
pierres et tout ce qu'ils trouvent sous leurs voyer le malin honteux et confus.
mains; les femmes furètent dans lous les Il n'est pas sans exemple que le diable se
coins de la maison, et récurent toute-la vais- laisse tromper par les plus simples artifices,
selle, de peur que le diable ne se soit fourré et une équivoque suffit souvent pour le ren-
dans une marmite ou dans quelque autre dre dupe dans ses marchés avec les sorciers
ustensile. La cérémonie se termine quand un comme lorsque Nostradamus obtint son se-
a bien cherché et qu'on s'est bien fatigue; cours à condition qu'il lui appartiendrait tout
alors on est persuadé que le diable est loin. entier après sa mort, soit qu'il fut. enterré
Les habitants des îles Philippines se van- dans une église, soit qu'il fût enterré dehors.
tent d'avoirdes entretiens avec le diable. Ils Mais Nostradamus ayant ordonné par testa-
racontent que quelques-uns d'entre eux, ment que son cercueil fût déposé dans la mu-
ayant hasardé de parler seuls avec lui, avaient raille de la sacristie, son corps y repose en-
été tués par ce génie malfaisant aussi se core, et il n'est ni dans l'église, ni dehors.
rassemblent-ils en grand nombre lorsqu'ils Le vieil Heywood a rédigé en vers une no-
veulent conféreravec le diable. menclaturecurieuse de tous les petits démons
Les insulaires des Maldives mettent tout de la superstition populaire il y comprend
en usage lorsqu'ils sont malades pour se les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les
rendre le diable favorable. Ils lui sacrifient Robin Goodfellows, et ces lutins que Shak-
des coqs et des poules. speare a donnés pour sujets à Oberon et à
-Le diable nous est singulièrement dépeint, Titania. On a prouvé que le roi ou la reine
par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de de féerie n'est autre que Satan lui-même,
saint Benoît. Un jour que le saint allait dire n'importe son déguisement. C'était donc un
ses prières à l'oratoire de Saint-Jean, sur le démon que ce Puck qui eut longtemps son
mont Cassin, il rencontra le diable sous la domicile chez les dominicains de Schwerin
forme d'un vétérinaire, avec une Gole d'une dans le Mecklembourg. Malgré les tours
475 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 476
,L.
qu'il jouait aux étrangers qui venaient visi- matelots; on a crié tout d'un coup Voilà le
ter le monastère, Pack, soumis aux moines, diable, il faut l'avoir. Aussitôt tout s'est ré-
était pour eux un bon serviteur. Sous la veillé, tout a pris les armes. On ne voyait
forme d'un singe, il tournait la broche, tirait que piques, harpons et mousquets; j'ai couruu
le vin, balayait la cuisine. Cependant, mal- moi-même pour voir le diable, et j'ai vu un
gré tous ces services, le religieux à qui nous grand poissorTqui ressemble à une raie,
devons la Veridica relatio de dœmonio Puck hors qu'il a deux cornes comme un taureau.
ne reconnaît en lui qu'un esprit malin. Le Il a fait quelques caracoles, toujours accom-
Puck de Schwerin recevait pour ses gages pagné d'un poisson blanc qui, de temps en
deux pots d'étain et une veste bariolée de temps, va à la petite guerre, et vient se re-
grelots en guise de boutons. mettre sous le diable. Entre ses deux cornes,
Le moine Rush de la légende suédoise, et il porte un petit poisson gris, qu'on appelle
Bronzel de l'abbaye de Montmajor, près le pilote du diable, parce qu'il le conduit, et
d'Arles, sont encore Puck sous d'autres noms. le pique-quand il voit du poisson; et alors le
On le retrouve en Angleterre sous la forme diable part comme un trait. Je vous conte
de Robin Goodfellow ou de Robin Hood (Ro- tout ce que je viens de voir (2). »
bin des bois), le fameux bandit de la forêt de DIAMANT. La superstition lui attribuait
Sherwood ayant reçu ce surnom à cause de des vertus merveilleuses-contre le poison, la
sa ressemblance avec ce diable populaire. peste, les terreurs paniques, les insomnies,
Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d'E- les prestiges et les enchantements. Il calmait
cosse, et le diable saxon Hodeken, ainsi ap- la colère et entretenait l'union entre les
pelé de l'hoodiwen, ou petit chaperon rouge époux, ce qui lui avait fait donner le nom de
qu'il porte en Suède lorsqu'il y apparait sous pierre de réconciliation. Il avait en outre
la forme du Nisse ou Nissegodreng. Puck, cette propriété talismanique de rendre in-
en Suède, se nomme Nissegodreng (ou Nisse vincible celui qui le portait, pourvu que sous
le bon enfant), et vit en bonne intelligence la planète de Mars, la figure de ce dieu, ou
avec Tomlegoobe, ou le Vieux du Grenier, celle d'Hercule surmontant l'hydre y fût
qui est un diable de la même classe. On gravée. On a été jusqu'à prétendre que les
trouve Nissegodreng et Tomtegobbe dans diamants en engendraient d'autres; et lluérus
presqué toutes les fermes, complaisants et parle sérieusement d'une princesse de Lu-
dociles si on les traite avec douceur, mais xembourg qui en avait d'héréditaires, qui en
irascibles et capricieux malheur à qui les
produisaient d'autres en certains temps (3).
offense 1 Enfin les savants du seizième siècle cro-
Dans le royaume voisin, en Danemark, les
yaient qu'on pouvait amollir le diamant avec
Pucks ont un rare talent comme musiciens. du sang de bouc (4).
11existe une certaine danse appelée la gigue
du roi des Elfs, bien connue des ménétriers DIAMBILICHE, nom du diable dans l'Ile
de campagne, et qu'aucun d'eux n'oserait de Madagascar. Il y est plus révéré que les
exécuter. L'air seul produit le même effet dieux mêmes les prêtres lui offrent les pré-
mices de tous les sacrifices.
que le cor d'Oberon-: à peine la première
note se fait-elle entendre, vieux et jeunes DIDIER, imposteur bordelais du sixième
sont forcés de sauter en mesure les tables, siècle, qui parut vers ce temps-là dans la
les chaises et les tabourets de la maison com- ville de Tours. Il se vantait de communiquer
menceut à se briser, et le musicien impru- avec saint Pierre et saint Paul il assurait
dent ne peut rompre le charme qu'en jouant même qu'il était plus puissant que saint
la même danse à rebours sans déplacer une Martin, et se disait égal aux apôtres. Ayant
seule note, ou bien en laissant approcher un su gagner le peuple, on lui amenait de tous
des danseurs involontaires assez adroit pour côlés des malades à guérir; et voici, par
passer derrière lui et couper toutes les cor- exemple, comment il traitait les paralytiques.
des du violon par-dessus son épaule. Il ordonnait qu'on étendît le malade à
Les noms des esprits de cette classe sont terre, puis il lui faisait tirer les membres si.
très-significatifs de Gob le vieillard, devenu fort que quelquefois il en mourait s'il gué-
un nom du diable, les Normands semblent rissait, c'était un miracle.
avoir fait Gobelin (1). Voyez ce mot. Voyez Didier n'était pourtant qu'un magicien et
aussi FAUST, DRAME,PACTES, etc. un sorcier, comme dit Pierre Delancre; car
On a publié à Amsterdam une Histoire du si quelqu'un disait du mal de lui en secret, il
diable, 2 vol. in-12, qui est une espèce de le lui reprochait lorsqu'il le voyait ce qu'il
mauvais roman, où les aventures du diable ne pouvait savoir que par le moyen du dé-
sont plus que médiocrement accommodées à mon qui lui allait révéler tout ce qui se pas-
la fantaisie de l'auteur. M. Frédéric Soulié sait. Pour mieux tromper le public, il avait
a prodigué, dans les Mémoires du Diable, un capuchon et une robe de poil de chèvre.
beaucoup de talent à faire un livre, qui au- 11était sobre devant le monde mais lors-
rait pu être fort singulier et fort piquant, si ,qu'il se retrouvait en son particulier, il man-
l'auteur avait respecté les mœurs. Voy. DÉ- geait tellement qu'un homme n'aurait pu
MONS. supporter la viande' qu'il avalait. Enfin ses
DIABLE DE MER. « Grand bruit parmi fourberies ayant été découvertes, il fut ar-
(\) Essai sur les traditions populaires,publié dansle (5) Incrédulitéet mécréancedu sortilège,etc., traité 8,
Quartertyreyiew. p. 37.
(2) L'abbéde Choisy,Relation-del'ambassadede Siam. (4) Erasme,Discourssur l'enfantJésus,
477 DIO OIO 478
rété et chassé de la ville de Tours et on tu auras tué un sanglier. «Dioclétien, étonné,
n'entendit plus parler de lui. sentit l'ambition s'éveillcr dans son âme et
DIDRON savant archéologue qui a pu- chercha sérieusement à presser l'accomplis-
blié récemment une curieuse Histoire du sement de cette prédiction qui nous a été
diable. conservée par Vopiscus. Il se livra particu-
DIDYME. Voyez POSSÉDÉESDE Flandre. lièrement à la chasso du sanglier. Cependant
DIÉMATS. Petites images chargées de il vit plusieurs princes arriver au trône sans
caractères que les guerriers de l'Ile de Java qu'on songeât à l'y élever; et il disait sans
portent comme des talismans, et avec les- cesse: « Je tue bien les sangliers; mais les
quelles ils se croient invulnérables persua- autres en ont le profit. » 11 avait été consul,
sion qui ajoute à leur intrépidité. et il occupait des fonctions importantes.
DIGBY, fou et imposteur, connu sous le Quand Numéricn eut été tué par son beau-
nom du Docteur Sympathique. Il avait le se- père, Arrius Aper toutes les espérances de
cret d'une poudre sympathique avec laquelle -Dioclétien se réveillèrent: l'armée le porta
il guérissait les malades sans les voir, et don- au trône. Le premier usage qu'il fit de son
nait la fièvre aux arbres. Cette poudre com- pouvoir fut de tuer lui-même, de son épée, le
posée de rognures d'ongles, d'urine ou de che- perfide Aper dont le nom est celui du san-
veux du malade, et placée dans un arbre,com- glier, en s'écriant qu'il venait enfin de tuer
muniquait, disait-il, la maladie à l'arbre (1). 10 sanglier fatal.-On sait que Dioclétien fut
DINDARTE ( MARIE ) jeune sorcière de ensuite un des plus grands persécuteurs de
dix-sept ans, qui confessa avoir été souvent l'Eglise.
au sabbat. Quand elle se trouvait seule et DIOCRES. Voy. CHAPELLEDU damné.
que les voisines étaient déjà parties ou ab- DIODORE DE CATANE sorcier et magn
sentes, le diable lui donnait un onguent dont cien, dont le peuple de Catane garda long-
elle se frottait, et sur-le-champ elle se trans-
temps le souvenir. C'était le plus grand ma-
portait par les airs. Elle voyageait ainsi la gicien de son temps; il fascinait tellement les
nuitdu27 septembre 1609; on l'aperçut et on
personnes qu'elles se persuadaient être chan-
.la prit le lendemain. Elle confessa aussi gées en bêtes: il faisait voir en un instant
avoir mené des enfants au sabbat, lesquels aux curieux, ce qui se passait dans les pays
se trouvèrent marqués de la marque du dia- les plus éloignés. Comme on l'eût arrêté en
ble (2). Voy. SABBAT. qualité de magicien, il voulut se faire passer
DINDONS. On a dit long-temps que les pour faiseur de miracles. Il se fit donc trans-
dindons nous ont été apportés des Indes par porter, par le diable, de Catane à Constanli-
les pères jésuites; c'est pourtant une erreur. nople, et de Constantinople à Catane en un
Les poules d'Inde furent apportées en Grèce seul jour, ce qui lui acquit tout d'un coup
l'an du monde 3559, comme le prouvent les parmi le peuple,une grande réputation; mais
marbres d'Arundel, et elles se naturalisèrent ayant été pris malgré son habileté et sa
en Béotie. Aristote a même décrit l'Histoire puissance, on le jeta en un four ardent où il
physique et morale des dindons; les Grecs les fut brûlé (4).
appelaient méléagrides, parce qu'ils avaient DION DE SYRACUSE. Etant une nuit cou-
été introduits dans leur pays par le roi Mé-
ché sur son lit éveillé et pensif, il entendit
léagre. Ils étaient fréquents chez les Romains un grand bruit et se leva pour voir ce qui
mais leur race, par la suite, devint plus rare
en Europe, et on les montrait comme des pouvait le produire. Il aperçut au bout d'une
bêtes curieuses au commencement du sei- galerie une femme de haute taille hideuse
comme les Furies qui balayait sa maison.
zième siècle. Les premiers qu'on vit en France
11 fit appeler aussitôt ses amis et les pria de
y furent apportés par Jacques Cœur, en lk50. passer la nuit auprès de lui. Mais le spectre
Améric Vespuce ne les fit connaître que cin- ne reparut plus. Quelques jours après le fils
quante-quatre ans après. On en attribua en- de Dion se précipita d'une fenêtre et se tua.
suite l'importation aux jésuites, parce qu'ils Sa famille fut détruite en peu de temps
en envoyèrent beaucoup en Europe (3). et
« par manière de dire, ajoute Leloyer, balayée
D1NSCOPS sorcière et sibylle du pays de et exterminée de Syracuse, comme la Furie 1
Clèves, dont parle Bodin en son quatrième
livre. Elle ensorcelait et maléficiait tous ceux qui n'était qu'un diable, avait semblé l'en
avertir par le balai. »
vers qui elle étendait la main. On la brûla
et quand sa main sorcière et endiablée fut DIONYSIO DAL BORGO, astrologue italien
bien cuite, tous ceux qu'elle avait frappés de qui professait la théologie à l'université de
Paris au treizième siècle.VHlani conte (livrcX)
quelque mal revinrent en santé.
DIOCLÉTIEN. N'étant encore que dans les qu'il prédit juste la mort de Castruccio,tyran
de Pistoie.
grades inférieurs de l'armée il réglait un
jours ses comptes avec une cabaretière de DIOPITE, bateleur, né à Locres, ,qui, après
Tongrcs dans la Gaule Belgique. Comme avoir parcouru la Grèce se présenta sur le
cette femme, qui était druidesse lui repro- théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il
chait d'être avare: « Je serai plus généreux, avait sur le corps deux peaux de bouc, l'uno
lui dit-il en riant quand je serai empereur. remplie de vin,et l'autrede lait, par le moyen
-Tu le seras répliqua la druidesse quand desquelles il faisaitsortirde ces deuxliqueurs
(1) Charlatanscélèbres, de M.Gouriet, I, p. 263.
t. M.
(5) Salgues, des Erreurset des préjugés, t. III, p. 3Î.
,(2)Delancre,Tableaudel'inconstancedes démons,etc., (4) Leloyer, Histoire des spectres et apparitiousdes
l|y; IV,p. U7. esprits, liv. 111,eh. vm, p. 516.
479 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. IRO
1.
par sa bouche, si bien qu'on l'a mis au rang de fureur. Ce qui est indubitable, c'est qu'il
des sorciers (1). n'y a aucune nation dans le monde ni si
DISCOURS-. Discours des esprits follets, pu- polie et si savante ni si barbare cl" si peu
blié dans le Mercure galant de 1680. Dis- cultivée, qui ne croie qu'il y a des signes de
cours épouvantable d'une étrange apparition l'avenir, et des gens qui le connaissent et qui
de démons en la maison d'un gentilhomme en le prédisent.
Silésie, in-8°, Lyon, par Jean Gazeau, 1609, « Pour remonter jusqu'à la source de celle
brochure de 7 pages. Discours sur la vanité opinion, comme les Assyriens qui habitent de
des songes, et sur l'opinion de ceux qui croient vastes plaines, d'où ils découvrent le ciel de
quecesontdespressentimenls.Voy.SoNCES,etc. toutes parts ont les premiers observé le
DISPUTES. L'abominable Henri VIII avait cours des astres, ils ont été aussi les premiers
une telle passion pour l'argumentation, qu'il qui ont appris à la postérité les effets qu'ils
ne dédaigna pas d'argumenter avec un pauvre ont cru leur devoir attribuer. Et les Chal-
argumentatcur nommé Lambert. Une assem- déens, ainsi nommés non à cause de leur
blée extraordinaire avait été convoquée à profession mais à cause de la Chaldée, pro-
Wesminster pour juger des coups. Le roi vince de l'Assyrie, passent pour avoir été les
voyant qu'il avait affaire à forte partie,et ne premiers de tous les Assyriens qui en ob-
voulant pas avoir le dernier donna à Lam- servant continuellement le cours des astres
bert le choix d'être de son avis ou d'être aient fait de leurs observations une science
pendu. C'est ainsi qu'un dey d'Alger, faisant par laquelle ils prétendent pouvoir prédire à
un cent de piquet avec son vizir lui disait chacun ce qui lui doit arriver, et quelle des-
« Joue cœur, ou je t'étrangle. » Lambert ne tinée lui est préparée dès sa naissance.
joua pas cœur; il fut étranglé. « On tient que les Egyptiens ont eu la mê-
DIVES. Les Persans nomment ainsi les me science, et qu'ils l'ont acquise par une
mauvais génies; ils en admettent de mâles et longuesuite de siècles presque innombrables.
de femelles et disent qu'avant la création Les provinces de Cilicie, de Pisidie et de
d'Adam, Dieu créa les Dives ou génies mâles, Pamphylie, où j'ai commandé comme pro-
et leur confia le gouvernement du monde consul, prétendent que par le vol et par le
pendant sept mille ans; après quoi, lesPéris chant des oiseaux, on a des signes indubita-
ou génies femelles leur succédèrent et pri- bles de l'avenir.
rent possession de l'univers pourdeux autres « D'ailleurs quelle colonie la Grèce a-t-elle
mille ans sous l'empire de Gian-ben-Gian jamais envoyée en Etolie, en Ionie, en Asie,
leur souverain; mais ces créatures étant en Sicile, ou en Italie, sans s'être adressée
tombées endisgrâce pour leur désobéissance, auparavant ou à l'oracle d'Apollon Pythien,
Dieu envoya contre eux Éblis qui étant ou à celui de Dodone, ou à celui de Jupiter-
d'une plus noble nature et formé de l'élé- Ammon ? et quelle guerre a-t-elle jamais
• ment du feu, avait été élevé parmi les anges. entreprise, sans avoir consulté les dieux ?2
Éblis, chargé des ordres divins, descendit du On ne s'en est pas même tenu à un seul
ciel et fil la .guerre contre les Dives et les genre de divination et pour ne rien dire des
Péris qui se réunirent pour se défendre autres peuples, combien le nôtre n'en a-t-il
Éblis les défit et prit possession de ce globe point mis en usage?
lequel n'était encore habité que par des gé- » Premièrement, c'est une tradition con-
nies. Éblis ne fut pas plus sage que ses pré- stante parmi nous, que Romulus, le père et
décesseurs Dieu pour abattre son orgueil le fondateur de Rome, non-seulement ne la
fit l'homme et ordonna à tous les anges de fonda qu'après avoir pris les auspices
lui rendre hommage. Sur le refus d'Êblis mais qu'il était un Irès-excellent augure lui-
Dieu le dépouilla de sa souveraineté 'et le même. Les autres rois après lui se servirent
maudit. Ce ne sont là, comme on voit que d'augures; et quand les rois eurent été chas.
des altérations de l'Ecriture sainte. sés, on ne fit rien à Rome, dans la suite, par
DIVINATION. Nous trouvons dans Cicéron autorité publique, ni en paix ni en guerre,
(de Divinatione, lib.l) ce que nous devons sans l'intervention des auspices. Et comme
penser de la divination chez les anciens.Nous on crut que l'art des aruspices pourrait
reproduisons ce court exposé, en nous servant être d'une grande utilité, tant pour faire
de la traduction de Regnier-Desmarais. réussir les choses sur lesquelles on aurait à
« C'est une opinion aussi ancienne que les consulter les dieux, que pour interpréter les
siècles les plus reculés, et qui n'est pas prodiges, et pour en détourner l'effet, tout ce
moins reçue du peuple romain que des autres que les Etrurien's enseignaient là-dessus, fut
nations qu'il y a une divination parmi les aussi mis en pratique, afin qu'il n'y eût au-
hommes, c'est-à-dire un pressentiment et une cune sorte de divination qui parût avoir été
connaissance des choses futures. Et si cela négligée.
est, il faut avouer que la nature humaine « De plus, parce que l'esprit peut de lui-
jouit par là d'un grand et noble avantage qui même, par un mouvement libre, et sans que
l'approche fort de la nature divine. C'est la raison ni la science y aient part, être agi-
pourquoi, lorsque du mot de divinité nous té de deux manières, ou en songe, ou par
avons formé celui de divination, nous avons une espèce de fureur divine la pensée qu'on
en cela bien mieux rencontré que les Grecs, eut que les vers de la Sibylle étaient remplis
qui n'ont exprimé la même prérogative que de cette sorte de divination, porta le sénat à
par un mot qui, selon Platon, dérive de celui choisir dans toute la ville dix personnes,
(t) Leloyer,Hist.des spectres,etc., liv.î, p. 63. pour en être les interprètes; et souvent il a
4SI D1V DOJ ~8~
eu égard à d'autres prédictions faites par des m *•n*«*m
un *Aw
soit, c'est toujours grand avantage pour
devins en fureur, telles que-furent celles de l'académie, d'avoir pour elle le jugement et
Cornélius Culléolus, qu'on crut devoir écou- le témoignage d'un si excellent philosophe.
ter dans le temps de la guerre Octavienne. « Cependant puisque nous cherchons quel.
Il n'a pas même négligéles songes, lorsqu'ils le opinion nous devons avoir dé la divina-
lui ont paru avoir quelque relation au bien tion que c'est un sujet sur lequel Carnéade
de la république; et de notre temps, sur le a écrit avec beaucoup de force et de péné-
rapport d'un songe qu'avait fait une certaine tration contre les stoïciens; et qu'il ne faut
Cécilie, fille d'un homme des lies Baléares (1), acquiescer imprudemment, ni à quelque
les consuls Lucius Julius, et Publius Ru- chose de faux, ni à ce qu'on ne connait pas
tilius furent chargés de refaire te temple assez; je crois que nous ne pouvons mieux
de Juiion conservatrice. Mais selon mon faire que d'examiner, avec soin, les raisons
sentiment les anciens dans tout ce qu'ils ont qu'on allègue de part-et d'autre, pour ou
fait en cela, sc sont plutôt fondés sur l'évé- contre la divination; car si l'imprudence et
nement des choses que sur aucune raison l'erreur sont honteuses en toutes sortes de
Véritable. jugements; elles le sont encore principa-
« Quant aux philosophes, on a recueilli lement, quand il s'agit de juger jusqu'à quel
d'euxdivers arguments par lesquels ils ontes- point on doit déférer aux auspices, et à- tout
'sayé deprouverqu'ilyavaiteffectivementune cequi regarde la religion, de peur de tomber
divination. Mais Xénophane de Colophon, un ou dans l'impiété, en n'en faisant pas assez
des plus anciens d'entre eux niaitabsolument d'état, ou dans la superstition, en se laissant
qu'il pût y en avoiraucune, quoiqu'il nelaissât aller à une mauvaise crédulité. »
pas d'admettre des dieux. Tous les autres, DIVINATIONS. II y en a de plus de cent
hormis Epicure, qui n'a fait que bégayer en sortes. Voy. Alectryomancie ALPHITOMAN-'
parlant de la nature des dieux, ont admis c1e, ASTRAGALOMANCIE, ASTROLOGIE,bota-
une divination; les uns d'une façon, les au- nomancie CARTOMANCIE,Catoptromancie
tres d'uneautre. Car Socrate et ses sectateurs, Chiromancie Cristaixomancie, Cranologie,
Zenon, et tous ceux de son école, avec l'an- Daphnomancie, GASTROMANCIE,Hydroman-
cienne académie, et les peripatéticiens, ont CIE, Lampadomancie, Métoposcopie, Mimi-
été là-dessus de l'opinion des anciens philo- QUE, Nécromancie, Onomancie, Ornitho-
sophes, à laquelle Pythagore, qui prétendait MANCIE, Physiognomonie, Pyromancie, Rab-
même passer pour augure avait donné DOMANCIE,THÉOMANCIE,etc., etc., etc.
avant cela une grande autorité. Démocrite DOGDO, ou 'DODO, et encore DODU.
s'est aussi déclaré en plusieurs endroits pour Voy. ZOROASTRB.
le pressentiment des choses futures mais DOIGT. Dans le royaume de Macassar
Dicéarque péripatéticien, n'a reconnu que si un malade est à l'agonie, le prêtre idolâ-
deux sortes de divination; l'une parles son- tre lui prend la main et lui frotte .doucement
ges, l'autre par la fureur de l'esprit après le doigt du milieu, afin de favoriser par celte
lui Cratippe, avec qui j'ai eu une liaison friction un chemin l'âme, qui sort toujours,
très-familière, et que je tiens égal aux pé- selon eux, par le bout du doigt.
ripatéticiens les plus fameux, a rejeté aussi Les Turcs mangent habituellement Ic riz
toute autre divination que les deux que avec les doigts; ils n'emploient pour cela que
Dicéarque admettait. le pouce, l'index et le médius ils sont per-
« Comme toutefois les stoïciens les reçoi- suadés que le diable mange avec les deux
vent presque toutes, parce que Zénon a autres doigts.
jeté dans ses écrits je ne sais quelles semen- Dans certaines contrées de la Grèce mo-
ces de cette doctrine, que Cléanthe dans la .derne, on se croit ensorcelé, quand on voit
suite a plus étendue Cratippe, homme d'un quelqu'un étendre la main en présentant les
esprit ardent et vif, est venu depuis qui a cinq doigts.
traité en deux livres toute cette matière, ou- DOIGT ANNULAIRE. C'est une opinion
tre un livre qu'il a composé des oracles et reçue que le quatrième doigt de la main
un autre des songes. Diogène le Babylonien, gauche a une vertu cordiale que cette
son disciple, a fait aussi un livre de la divi- vertu vient d'un vaisseau, d'une artère ou
nation Antipater ensuite en a fait deux; et d'une veine qui lui est communiquée par le
notre ami Possidonius en a fait cinq. cœur, et, par cette raison, qu'il mérite pré-
« Mais Panœlius maître de Possidonius, et férablement aux autres doigts de porter l'an-
disciple d'Antipater, a été là-dessus d'un neau. Levinus Lemnius assure que ce vais-
sentiment bien différent du leur, et de celui seau singulier est une artère, et non pas une
de tous les stoïciens; quoique pourtant il veine, ainsi que le prétendent les anciens. Il
n'ait pas osé nier positivement qu'il y eût ajoute que les anneaux qui sont portés à ce
une divination; et qu'il se soit contenté de doigt influent sur le cœur. Dans les éva-
dire qu'il en doutait. Or ce qu'un stoïcien nouissements il avait coutume de frotter ce
comme lui s'est permis en cela, au grand doigt, pour tout médicament. Il dit encore
regret des stoïciens, les stoïciens ne le per- que la goutte l'attaque rarement, mais tou-
mettront-ils pas à un académicien; surtout jours plus tard que.les autres doigts, et que
Ïiuisqu'ils sont les seuls à qui il paraisse que la fin est bien proche quand il vient à se
la même chose 'que Panœtius met en doute, nouer.
soit plus claire que le jour? Quoi qu'il en DOJARTZABAL, jeune sorcière de quinze
(1) Aujourd'huiMajorqueçt Mi'wcjue. à seize ans qui confessa, vers 1609, avoir
483 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 484
été menée au sabbat par une autre sorcière, DOREE (Catherine), sorcière du. dix-
laquelle était détenue en prison (1) ce que septième siècle, qui fut brûlée vive pour
celle-ci niait /disant qu'étant attachée à de avoir tué son enfant par ordre du diable
grosses chaînes de fer et surveillée, elle ne elle jetait des poudres et guérissait les en-
pouvait être sortie de son cachot et que, si sorcelés en leur mettant un pigeon sur l'es-
elle en était sortie, elle n'y serait pas rentrée. tomac.
La jeune personne expliqua toutefois que, Barbe Dorée, autre sorcière, était parente
comme elle était couchée près de sa mère, de Catherine.
cette sorcière l'était venue chercher sous la DORMANTS. L'histoire des sept Dor-
forme d'un chat. pour la transporter au mants est encore plus fameuse chez les Ara-
sabbat, et que, malgré leurs fers, les sorciè- bes que chez les chrétiens. Mahomet l'a in-
res peuvent aller à ces assemblées, bien que sérée dans son Koran, et les Turcs l'ont em-
le diable n'ait pas moyen de les délivrer des bellie.
mains de la justice. Elle assura encore que Sous l'empire de Décius, l'an de notre ère
le diable qui la faisait enlever ainsi d'au- 250 il y eut une grande persécution contre
près de sa mère, mettait en sa place une les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au
figure qui lui ressemblait. Cette prétendue service de l'empereur ne voulant pas désa-
sorcière, qui n'exerçait probablement qu'une vouer leur croyance et craignant les suppli-
si elle n'était pas en proie ces, se réfugièrent dans une caverne située
petite vengeance,
a quelque illusion, ne fut pas châtiée. à quelque distance d'Ephèse. Par une grâce
DOMFRONT (Guérinde), fils de Guil- particulière, ils y dormirent d'un sommeil
laume de Bellême, seigneur de Domfront profond pendant deux cents ans. Les Maho-
ayant traîtreusement fait couper la tête à métans assurent que, durant ce sommeil, ils
son ennemi endormi chez lui, il fut, dit-on, eurent des révélations surprenantes, et qu'ils
étouffé par le diable (2). apprirent en songe tout ce que pourraient
DOM1NGINA-MALETANA sorcière qui savoir des hommes qui auraient employé un
dans une joûte qu'elle fit avec une autre pareil espace de temps à étudier assidûment.
sorcière sauta sans se blesser du haut de Leur chien, ou du moins celui d'un d'en-
la montagne de laRhune, qui borne les trois tre eux, les avait suivis dans leur retraite
royaumes de France d'Espagne et de Na- il mit à profit, aussi bien qu'eux, le temps
varre, et gagna le prix (3). de son sommeil. Il devint le chien le plus
DOMITIEN. Un jour qu'il donnait un instruit du monde.
festin aux sénateurs de Rome, à l'occasion Sous le règne de Théodose le Jeune, l'an
de son triomphe sur les Daces, Domitien, de Notre-Seigneur 450, les sept Dormants se
qui avait de singuliers caprices, les fit entrer réveillèrent et entrèrent dans la ville d'E-
dans une salle qu'il avait fait tendre en noir, phèse, croyant n'avoir fait qu'un bon somme
et qui étaitéclairée par deslampessépulcrales. mais ils trouvèrent tout bien changé. 11 y
Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d'un avait longtemps que les persécutions contre
cercueil sur lequel il vit son nom écrit. le christianisme étaient finies des empe-
Une troupe d'enfants barbouillés de noir re- reurs chrétiens occupaient les deux trônes
présentaient une danse des ombres inferna- impériaux d'Orient et d'Occident. Les ques-
les. La danse finie, ils se dispersèrent, cha- tions des frères etl'étonnemcnt qu'ils témoi-
cun auprès du convive qu'il devait servir. gnèrent aux réponses qu'on Icur fit surpri-
Les mets furent les mêmes que ceux que rent tout le monde. Ils contèrent naïvement
l'on offrait aux morts dans les cérémonies leur histoire. Le peuple, frappé d'admiration,
funèbres. Un morne silence régnait dans les conduisit à l'évêque, celui-ci au pa-
cette assemblée. Domitien parlait seul il ne triarche et le patriarche à l'empereur. Ses
racontait que des histoires sanglantes et sept Dormants révélèrent les choses du
n'éntretenait les sénateurs que de mort. Les monde les plus singulières, et en prédirent
convives sortirent enfin de la salle du festin, qui ne l'étaient pas moins. Ils annoncèrent
et furent accompagnés chacun à leur mai- entre autres, l'avénement de Mahomet, l'é-
son par des hommes vêtus de noir, armés et tablissement et Ies succès de sa religion,
silencieux. A peine respiraient-ils que comme devant avoir lieu deux cents ans
l'empereur les fil redemander mais c'était après leur réveil.
pour leur donner la vaisselle qu'on avait Quand ils eurent satisfait la curiosité de
servie devant eux et à chacun celui de ces l'empereur, ils se retirèrent de nouveau
petits esclaves qui les avaient servis. C'était dans leur caverne et y moururent tout de
bien là un plaisir de tyran. bon on montre encore cette grotte auprès
DOPPET ( Fhançois-Amédée ), membre d'Ephèse.
du conseil des Cinq-Cents, auteur d'un Traité Quant à leur chien Kratim ou Katmir il
théorique et pratique du magnétisme animal acheva sa carrière et vécut autant qu'un
Turin 1784 un vol. in-8° d'une Oraison chien peut vivre en. ne comptant pour rien
funèbre de Mesmef avec son testament Ge- les deux cents ans qu'il avait dormi en com-
nève, 1785, in-8° d'une Médecine occulte ou pagnie de ses maîtres. C'était un animal dont
Traité de la magie naturelle et médicinale les connaissances surpassaient celles de tous
1786, in-4\ les philosophes les savants et les beaux-
(1) Dclancre,Tabléaude l'inconstancedes démons,ele I)oml'rolit.
liv.Il, p. 101. (5) Delancre,Tableaude l'inconstancedes démons,eic,r
(2) Mémoiresde Thébautde Cbampassais sur la ville de liv. IU, p. 210.
483 DRA
DRA 480
esprits ae son siecie aussi s'empressait-on dragon en comparaison de celui qu'on dé-
de le fêter et de le régaler et les musul- couvrit dans l'Inde, et qui, suivant Maxime
mans le placent dans le paradis de Mahomet, de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.
entre l'âne de Balaam et celui qui portait Les Chinois rendent une espèce de culte
Noire-Seigneur le jour des Rameaux. aux dragons. On en voit sur leurs vête-
Cette historiette a tout l'air d'une contre- ments, dans leurs livres dans leurs ta-
partie de la fable d'Epiménides de Crète, qui, bleaux. Ils le regardent comme le
s'ctantendormi sur le midi dans une caverne de leur bonheur principe
ils s'imaginent qu'il dis-
en cherchant une de ses brebis égarée, ne se pose des saisons et fait à son
réveilla que quatre-vingt-sept gré tomber la
ans après et pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persua-
se remit à chercher ses brebis comme s'il dés que tous tes hiens de la terre ont été con-
n'eût dormi qu'un peu de temps. fiés à sa garde et qu'il fait son séjour ordi-
Delrio parle d'un paysan qui dormit un naire sur les montagnes élevées.
automne et un hiver sans se réveiller (1). Le dragon était aussi très-important chez
DOURDANS. Voy. Revenants. nos aïeux et tous nos contes de dragons
DOURLET (SIMONE). Voy. Possédées DE doivent remonter à une haute aniiquilé.
FLANDRE. Voici la chronique du dragon de Niort (3).
DOUZE, c'est un nombre heureux. Les Un soldat avait été condamné à mort pour
apôtres étaient douze, dit Césaire d'Heslcr- crime de désertion il apprit qu'à Niort, sa
bach, parce que le nombre douze est com- patrie, un énorme dragon faisait depuis trois
posé de quatre fois trois, ou de trois fuis mois des ravages, et qu'on promettait bonne
quatre: Ils ont été élus douze, ajoute-t-il, récompense à celui qui pourrait en délivrer
pour annoncer aux quatre coins du monde 'la contrée1. Il se présente; on l'admet à com-
la foi de la sainte Trinité. Les douze apôtres, battre le monstre et on lui promet sa grâce
dit-il encore sont les douze signes du Zo- s'il parvient à le détruire. Couvert d'un mas-
diaque, les douze mois de l'année, les douze que de verre et armé de toutes pièces, l'in-
heures du jour, les douze étoiles de la cou- trépide soldat va à t'antre obscur où se tient
ronne de l'épousé. Les douze apôtres sont en- le monstre ailé qu'il trouve endormi. Ré-
core les douze fils de Jacob les douze fon- veillé par une première blessure il se lève
taines du désert, les douze pierres du Jour- prend son essor et vole contre t'agresseur.
dain, les douze bœufs de la mer d'airain, les Tous les spectateurs se retirent lui seul
douze fondements de la Jérusalem céleste. reste et l'attend de pied ferme. Le dragon.
DRAC. Voy. OGRES. tombe sur lui et le terrasse de son poids;
DRACON1TES ou DRAC0NT1A. Pierre mais au moment qu'il ouvre.la gueule pour
fabuleuse que Pline et quelques naturalistes le dévorer, le soldat saisit l'instant de lui en-
anciens ont placée dans la léte du dragon foncer son poignard dans la gorge. Le mons-
pour se la procurer, il fallait t'endormir tre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait
avant de lui couper la tête. recueillir les fruits de sa victoire lorsque,
DRAGON. Les dragons ont fait beau- poussé par une fatale curiosilé il ôta son
coup de bruit; et pareequenousn'en voyons masque pour considérer à son aise le redou-
plus, les sceptiques les ont niés:mais Cuvier table ennemi dont il venait de triompher.
et les géologues modernes ont reconnu que Déjà il en avait fait le tour, quand lu mons-
les dragons avaient existé. C'est seulement tre, blessé mortellement et nage.ini dans
une race perdue. C'étaient des sortes de.ser- son sang.rccueilledes forces qui paraissaient
pents ailés. Philostrate dit que, pour deve- épuisées, s'élance subitement au cou de son
nir sorciers et devins les Arabes man- vainqueur; et lui communique un venin si
geaient le cœur ou le foie d'un dragon vo- malfaisantqu'il péril au milieu de son triom-
lant. phe. On voyait encore il y a peu de
On montre auprès de Beyrouth le lieu temps, dans le cimetière de l'hôpital de
où saint Georges tua un monstrueux dragon; Niort un ancien tombeau d'un homme tué
il y avait sur ces lieux consacrés par le par le venin
du serpent. Est-ce aussi une al-
courage de saint Georges une église qui ne légorie 2?
subsiste plus (2). A Mons, on vous contera l'histoire dudra-
Il est fait mention de plusieurs dragons gon qui dévastait le Hainaut (4), lorsqu'il
dans les légendes il est possible que quel- fut tué par le vaillant Gilles de Chin en
ques-unes soient des allégories et que, par 1132. Et que direz-vous du dragon de Rho-
le dragon il faille entendre le démon que des, qui n'est certainement pas un conte?
les saints ont vaincu. Le diable en effet Voy. TROUDU CHATEAUDE Carnoet.
porte souvent le nom d'ancien dragon, et DRAGON ROUGE. Le Dragon rouge, ou
quelquefois il a pris la forme de cet animal l'art de commander les esprits célestes, aé-
merveilleux c'est ainsi qu'il se montra à riens, terrestres, infernaux avec le vrai
sainte Marguerite. secret de faire parler les morts de gagner
On dit que le dragon dont parle Possido- toutes Ics fois qu'on met aux loteries, de dé-,
nius, couvrait un arpent de terre, et qu'il couvrir les trésors cachés, etc. etc. in- 18,
avalait comme une pilule, un cavalier tout 152t.
armé-; mais ce n'était encore qu'un petit Onaréimprimé très-fréquemment ce fatras
il) Dausles Disquisilionsmagiques. (4) Voyez celle légende dansLesdouzeconvives du ehth
S)VoyagedeMonconis, tlo Tlicvcnoletdu P. Goujon. nomede Tours.
3) Voyage dans lu t.
Finistère, III, p. 112
,487 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 4i>3

absurde. Nous en donnons ici quelques ex-


.hl:!n.
Opérations pour forcer tes esprits à paraître.
traits, pris dans l'édition qui çorte le nom «Armez- vous d'intrépidité de prudence
de Gaude imprimeur-libraire a Nisme (sic)
de sagesse et de vertu pour pouvoir entre-
1823. On la vend à Paris sur les étalages pu-
blics, au grand scandale de ceux qui pen- prendre ce grand et immense ouvrage, dans
saient que nous étions dans le progrès lequel j'ai passé soixante-sept ans travail-
lant jour et nuit il faut donc faire exacte-
On lit textuellement en tête de ce livre, ce ment ce qui est indiqué ci-après.
prélude; c'est le nom que le compilateur « Vous passerez un quart de lune entier
donne à sa préface sans fréquenter aucune compagnie.
« L'homme qui gémit sous le poids acca- Vous commencerez votre quart de lune
blant des préjugés de la présomption aura en promettant au grand Adonay, qui est le
peine à se persuader qu'il m'ait été possible chef de tous les esprits, de ne faire que deux
de renfermer dans un si petit Recueil l'es- repas par jour, ou toutes les vingt-quatre
sence de plus de vingt volumes qui par heures dudit quart de lune, lesquels vous
leurs dits redits et ambiguïtés rendaient prendrez à midi et à minuit ou si vous ai-
l'accès des opérations philosophiques pres- mez mieux, à sept heures du matin et à sept
que impraticable. Mais que l'incrédule et le heures du soir, en faisant la prière (super-
prévenu se donnent la peine de suivre pas à stitieuse), ci-après, avant que de prendre
pas la route que je leur trace et ils verront vos repas pendant tout ledit quartier (1)
la vérité bannir de leur esprit la crainte que « Je l'implore grand et puissant Adonay,
peut avoir occasionnée un tas d'essais sans maître de tous les esprits je t'implore ô
fruits étant faits hors de saison ou sur Eloïm. Je t'implore ô Jehovam. 0 grand
indices imparfaits. Adonay 1 je te donne mon âme, mon cœur,
« C'est encore en vain qu'on croit qu'il mes entrailles mes mains mes pieds mes
n'est pas possible de faire-de semblables opé- soupirs et mon être ô grand Adonay, dai-
rations sans engager sa conscience il ne gne m'être favorable. Ainsi soit– i!. Amen,
faut, pour être convaincu du_contraire, que « Prenez ensuite votre repas et ne vous
jeter un clin d'oeil sur la vie de saint Cy- déshabillez ni ne dormez que le moins qu'il
prien. vous sera possible, pendant tout ledit quar-
«J'ose me flatter que les savants attachés tier de lune pensant continuellement à vo-
aux mystères de la science divine surnom- tre ouvrage le lendemain de la première
mée occulte regarderont ce livre comme le nuit dudit quart de lune vous irez chez un
plus précieux trésor de l'univers^ droguiste pour acheter une pierre sanguine
«Ce livre est si rare, si recherché dans nos dite ématille (2), que vous porterez conti-
contrées, que pour sa rareté on le peut ap- nuellement avec vous, crainte d'accident,
peler, d'après les rabbins le véritable attendu que dès lors l'esprit que vous avez
GRANDOEuvbe et c'est eux qui nous ont en vue de forcer et de contraindre fait tout
laissé ce précieux original que tant de char- ce qu'il peut pour vous dégoûter par la
latans ont voulu contrefaire inutilement, crainte pour faire échouer votre entre-
pour attraper de l'argent des simples. On a prise, croyant par cette voie se dégager des
copié celui-ci d'après les véritables écrits de filets que vous commencez à lui tendre il
Salomon, que l'on a trouvés, par un pur ef- ne faut être qu'un ou trois y compris le
fet du hasard ce grand roi ayant passé tous Karcist, qui est celui qui doit parler à l'es-
les jours de sa viç dans les recherches les prit, tenant en main la verge foudroyante;
plus pénibles et dans les secrets les plus oh- vous aurez soin de choisir pour l'endroit de
scurs et les plus inespérés mais enfin il a l'action un lieu solitaire el écarté, afin que
réussi dans toutes ses entreprises et.il est le Karcist ne soit pas interrompu après
venu à bout de pénétrer jusqu'à la demeure quoi vous achèterez un jeune chevreau
la plus reculée des esprits, qu'il a tous fixés vierge vous le décorerez le troisième jour
et forcés de lui obéir, par la puissance de son de la lune, d'une guirlande de verveine, que
Talisman ou Clavicule. Quel autre homme vous attacherez à son cou avec un ruban
que ce puissant génie aurait eu la hardiesse vert vous le transporterez l'endroit mar-
de mettre au jour les foudroyantes paroles qué pour l'apparition et là, le bras droit nu
dont Dieu se servit pour consterner et faire jusqu'à l'épaule, ;armé d'une lame de pur
obéir les esprits rebelles à sa première vo- acier, le feu étant allumé avec du bois blanc,
lonté ayant pénétré jusqu'aux voûtes céles- vous direz les paroles suivantes avec fer-
tes pour approfondir les secrets et les puis- meté
santes paroles d'un Dieu terrible et respec- « Je t'offre cette victime, ô grand Eloïm,
table, il a ce grand roi pris l'essence de Ariel et Jehovam, et cela à l'honneur, gloire et
ces secrets et nous a découvert les influen- puissance de ton être supérieur à tous les es-
ces des'astres, la constellation des planètes prits daigne le prendre pour agréable.
et la manière de faire paraître toutes sortes Amen.
d'esprits,en récitant les grandes appellations « Ensuite vous égorgerez le chevreau et
que vous trouverez ci-après, de même que la lui ôterez la peau et mettrez le reste sur
véritable composition de la Verge foudroyante, le feu pour y être réduit en cendres que
et les effets qui font trembler les esprits. » vous ramasserez, et les jetterez du côté du
(1) On nous pardonnera de donnerces absurditéscou (2) Ou (Sinaijte,
pableset plus répanduesqu'on ne croit,
489 DRA DRA 490
soleil levant,
levv en disant les paroles suivantes même sansIls s'énouvantfir.
s'épouvanter, <i queique bruit qu'il
C'est pour l'honnenr, gloire et puissance de entende plaçant les deux chandeliers el les
ton nom ô grand Eloïm Ariel et Jeho- deux couronnes de verveine à la droite et à
vam 1 que je répands le sang de cette vic- la gauche du triangle intérieur cela fait,
time daigne recevoir ces cendres pour vous allumerez vos deux cierges et aurez un
agréables. vase neuf devant vous c'est-à-dire devant
« Pendant que la victime brûle, vous pou- le Karcist, rempli de charbon de bois de
vez vous réjouir, ayant soin de conserver la saule, que l'on aura fait brûler le même jour-
peau de chevreau vierge pour former te le Karcist l'allumera y jetant une partie de
rond ou cercle cabalistique, dans lequel vous l'esprit de vin et une partie du camphre que
vous mettrez le jour de la grande entre- vous avez, réservant le reste pour entretenir
prise. un feu continuel pendant la, durée de la
« La veille de la grande entreprise vous chose tout ce qui est marqué ci-dessus étant
irez chercher une baguette ou verge de noi- fait, vous prononcerez les paroles suivantes
setier sauvage, qui n'ait jamais porté, ladite « Je le présente, 6 grand Ariel, ces char-
baguette devant faire fourche en haut sa bons comme sortant du plus léger bois. Je
longueur doit être de dix-neuf pouces et l'offre au grand et puissant Eloïm, Ariel et
demi après que vous l'aurez trouvée, vous Jehovam, de toute mon âme et de tout mon
ne la toucherez que des yeux, attendant jus- cœur; daigne le prendre pour agréable.
qu'au lendemain, jour de l'action, que vous Amen.
irez la couper positivement au lever du so- « Vous ferez aussi attention de n'avoir sur
leil vous la dépouillerez de ses feuilles et vous aucun métal impur, sinon de l'or ou de
petites branches, si elle en a, avec la même l'argent, pour offrir la pièce à l'esprit, la
lame d'acier qui a servi à égorger la victime, ployant dans un papier que vous lui jette-
qui sera encore teinte de son sang, attendu rez, afin qu'il ne vous fasse aucun mal,
que vous devez faire attention de ne point quand il se présentera devant le cèrcle. Pen-
essuyer ladite lame. Vous direz dant qu'il ramassera la pièce, vous commen-
« Je te recommande, A grand Eloïm, Ariel cerez la prière suivante, en vous armant de
et Jehovam, de m'être favorable et de donner courage, de force et de prudence; faites at-
à cette baguette que je coupe, la force et la tention qu'il n'y ait que le Karcist qui parle.
vertu de celle du grand Josue je te recom- les autres doivent garder le silence quand
mande aussi de renfermer dans cette baguette même l'esprit les interrogerait el les mena-
toute la force de Samson et les foudres du cerait.
grand Zariatnatmik, qui vengera les injures « 0 grand Dieu vivant 1. en une seule et
des hommes. Amen. même personne, le Père, le Fils et le Saint-
« Après avoir prononcé ces terribles-pa-
Esprit, je vous adore avec le plus profond
roles, ayant toujours la vue du côté du soleil respect, et me soumets sous votre sainte et
levant, vous achèverez de couper votre ba- digne garde avec la plus vive confiance jo
guette, et l'emporterez chez un serrurier crois, avec la plus sincère foi, que vous êtes
pour faire ferrer les deux branches fourchues mon créateur, mon bienfaiteur, mon soutien
avec la lame d'acier qui a servi à égorger la et mon maître, et je vous déclare n'avoir
victime; vous prendrez ensuite une pierre d'autres volontés que celle de vous apparte-
d'aimant que vous ferez chauffer pour ai- nir pendant toute l'éternité. Ainsi soit-il.
manter les deux pointes de votre baguette; « O grand Dieu vivant 1 qui avez créé
puis, vous vous réjouirez, étant sûr que vous l'homme, qui avez formé toute. chose pour
possédez le plus grand trésor de lumière le
ses besoins, et qui avez dit Tout sera sou-
soir, vous prendrez votre baguette, votre mis à l'homme soyez-moi favorable et no
peau de chevreau, votre pierre ématille.deux
couronnes de verveine, deux chandeliers et permettez pas que des esprits rebelles pos-
sèdent des trésors qui ont été formés pour
deux.cierges de cire vierge, faits par une
nos besoins temporels. Donnez-moi la puis-
fille vierge. Vous prendrez aussi un batte-feu
sance d'en disposer par les puissantes et ter-
neuf, deux pierres neuves avec de l'amadou ribles paroles de la clavicule. Adonay, Eloïm,
pour allumer votre feu, une demi-bouteille
Ariel, Jehovam, Tagla, Mathon soyez-moi
d'esprit de vin, du camphre, quatre clous favorables. Amen.
qui aient servi à la bière d'un enfant mort
vous vous transporterez à l'endroit où doit Vous aurez soin d'entretenir votre feu
se faire le grand œuvre, et ferez ce qui suit avec l'esprit de vin et le camphre et vous
« Vous commencerez par former un cercle reprendrez
la peau du chevreau, que vous cloue- « Empereur Lucifer, prince et maître des
rcz avec les quatre clous vous prendrez esprits rebelles, je te prie de quitter ta de-
votre pierre ématillc et tracerez un triangle meure dans quelque partie du monde qu'elle
au dedans du cercle, en commençant du côté puisse être, pour venir ne parler je te com-
du levant vous tracerez aussi avec la pierre mande et conjure de la part du grand Dieu
émalille le grand A, le petit E, le petit A, de vivant, de venir sans faire aucune mauvaise
même que le saint nom de Jésus au milieu de odeur, pour me répondre à haute et inlelli-
deux croix (f JHSf), afin que les esprits gible voix, article par article, sur ce que je te
ne vous puissent rien par derrière; après demanderai, sans quoi tu y seras contraint
quoi le Karcist fera rentrer ses confrères par la puissance du grand Adonay, Eloïm,
dans le triangle à leur place, y entrera lui- Ariel, Jehovam, Tagla, Malhon et de tous les
Dictionnaire DES SCIENCES OCCULTES. 1 16
491 DICTiONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. «93
autres esprits supérieurs qui t'y contrain- cordes ce que je vais te demander, je te tour-
dront malgré toi. menterai éternellement.
« Venite. Venite, a L'esprit dira
« Submiritillor LUCIFUGE. ou tu vas être a Ne me tourmente plus; dis-moi au plus
tourmenté éternellement par la grande force tôt ce que tu me demandes.
de cette baguette foudroyante. In subito. « Je te demande, reprendrez-vous,
« Je le commande et conjure, empereur que tu
me viennes parler deux fois tous les jours de
Lucifer, de la part du grand Dieu vivant, et la semaine, pendant la nuit, à moi ou à
par la puissance d'Emmanuel, son fils uni-
ceux qui auront mon présent livre, que tu
que, ton maître et le mien, je t'ordonne de et signeras, te laissant la vo-
quitter ta demeure dans quelque partie du approuveras
lonté de choisir les heures qui te convien-
monde qu'elle soit, jurant que je ne te donne
qu'un quart d'heure de repos, si tu ne viens dront, si tu n'approuves pas celles qui sont
me parler au plus tôt à haute et intelligible marquées par moi.
voix; ou si tu ne peux venir toi-même, m'en- « De plus, je te commande de me livrer le
voyer ton messager Astarot en signe hu- trésor le plus près d'ici te promettant pour
main, sans bruit et mauvaise odeur, sans récompense la première pièce d'or ou d'ar-
quoi je te vais frapper, toi et toute ta race, gent que je toucherai tous les premiers jours
de la redoutable baguette foudroyante jus- de chaque mois voilà ce que je te demande.
qu'au fond des abîmes, et ce, par la puis- « L'esprit répondra
sance de ces grandes paroles de la clavicule « Je ne puis t'accorder ce que tu me de-
Par Adonay, Eloim, Ariel, Jehovam, Tagla, mandes sous ces conditions ni sous aucune
Mathon, Almousin, Arios, Pythona, Magots, autre, si tu ne te donnes à moi dans cin-
Silphœ, Cabost, Salamandrœ, Gnomus, Ter- quante ans, pour faire de ton corps et de ton
rœ, Cœlis, Godens, Aqua, In subito. âme ce qu'il me plaira.
« Avant que de lire la troisième appella-
« Vous remettrez ici le bout de la baguette
tion, si l'esprit ne comparaît pas, vous frap-
foudroyante au feu et relirez la grande
perez tous les esprits en mettant les deux
bouts fourchus de votre baguette dans le feu, appellation de la clavicule, jusqu'à ce que
et dans ce moment ne vous épouvantez pas l'esprit se soumette à vos désirs, ce qu'il fera
des hurlements effroyables que vous enten- en disant Ne me frappe pas davantage,
drez, c;ir tous les esprits paraîtront; alors, je te promets de faire tout ce que lu voudras,
deux-heures de nuit de chaque jour de la se-
pendant le bruit que vous entendrez, vous
maine.
direz la troisième appellation.
« Je t'ordonne, cher Lucifer (1), de la part « Je m'engage aussi à te livrer le trésor
du grand Dieu vivant, de son cher fils et du que tu me demandes, pourvu que tu gardes
Saint-Esprit, et par la puissance du grand le secret, que tu sois charitable envers les
Adonay, Eloïm, Ariel et Jehovam, de com- pauvres, et que tu me donnes une pièce d'or
paraître dans la minute, ou de m'envoyer ou d'argent tous les premiers jours, de cha-
ton messager Aslarot, t'obligeant de quitter quemois:si tuy manques,tu seras à moi pour
ta demeure, dans quelque partie du monde toujours. » Voy. PACTES.
qu'elle soit, te déclarant que si tu ne parais DRAMES. -Le théâtre n'a pas négligé les
pas dans ce moment, je vais te frapper de- merveilleuses ressources que lui offraient les
rechef, toi et toute ta race, avec la baguette démons, les follets, les revenants, la magie
foudroyante du grand Adonay, Eloïm, Ariel et les sciences occultes. De nos jours on a fait
et Jehovam. les Sept chdteaux du Diable, les Pillules du
a Si l'esprit ne parait pas jusqu'ici, mettez Diable, la Part du Diable; on a même mis en
encore les deux bouts de votre baguette au vaudeville les Mémoires du Diable, de M. Sou-
feu, et lisez les puissantes paroles ci-après lié. L'Esprit Follet de Collé; le spectre de
de la grande clavicule de Salomon. Sémiramis, celui d'Hamlet, les sorcières de
« Je te conjure, ô esprit 1 de paraître dans Macbeth; la Sylphide, le magicien du ,Pied-
la minute, par la force du grand Adonay, de-Mouton, et une foule d'autres données
par Eloïm, par Ariel, par Jehovam, par Agla, sont prises, comme Robin des bois, le Chas-
Tagla, Mathon, Oarios, Almouzin, Arios, seur rouge Trilby le Vampire, les Wi-
Membrot, Varios, Pithona, Magots, Silphœ, lis, etc., etc., du vaste répertoire de prodi-
Cabost, Salamandre, Tabots, Gnomus, ïcr- ges qui alimentent ce dictionnaire.
rœ, Gœlis, Godens, Gingua, Janua, Etitua- L'un des drames les plus célèbres en ce
mus Zariatnatmik. genre est connu en Espagne sous le titre du
« Après avoir répété deux fois ces grandes Diable prédicateur. On ignore le poële qui a
et puissantes paroles, vous êtes sûr que l'es- produit ce singulier ouvrage, mais il l'a
prit paraîtra, disant puisé, comme Goethe a puisé Faust, dans les
a Me voici, que me demandes-tu? pour- légendes'populaires. Voy. Faost. Nous de-
quoi troubles-tu mou repos? Ne me frappe vons donner une rapide analyse du Diable
plus de cette terrible baguette. prédicateur, dans un livre où le diable, la
(IIVous répliquerez magie et les sciences occultes développent
« Si tu eusses paru quand je l'ai appelé, je toutes leurs phases. Nous empruntepons no-
ne t'aurais point frappé; et si tu ne m'ac- tre résumé aux curieuses étudesquëM. Louis
de Vieilcastel a publiées sur le théâtre es-
(<) Noustranscrivonstoujoursfidèlement. pagnol.
195 DRA DRA «4
T.fi. Tiinhlf tir 6âic.n\ \pm.T Hoc
des arPânlînnc
Le viable prédicateur. exceptions. D/\m*
Pour moi,mn! ï^ Hn»<A j*
je reste dans cette r
ville de Lucques, où je travaille, par mes ar-
L'action du drame intitulé ie Diable prédi- tifices, à empêcher ces moines de conserver
cateur, se passe à Lucques. uncouventqu'ilsy ont fondé. Je m'efforce d'en-
« Le prince de l'abîme, Lucifer, monté sur gager les habitants à changer en mauvais trai.
un dragon ailé, fait en ce moment un voyage tements et en injures les aumônes qu'ils leur
autour du monde pour s'assurer par lui- accordaient. Pars donc pour l'Espagne. Ces
même de l'étendue de sa puissance. Il ap- malheureux ont beau implorer la protection
pelle Asmodée, à qui il a laissé en son ab- divine je ferai si bien que ce nouveau vais-
sence le gouvernement de l'empire infernal; seau de l'Eglise échouera contre les écueils
il lui raconte ce qu'il a vu et les projets nou- impies et les cœurs rebelles. Se voyant refu-
veaux que lui ont suggérés ses observations. ser le strict nécessaire, ils auront peine à se
Parmi les ordres religieux qui, par leurs défendre des entraînements" de ta faiblesse hu-
prières, désarment la colère du Ciel, il en est maine. Leur confiance sera pour le moins
un qui a surtout frappé l'attention de Luci- ébranlée, et le navire qui les parte, s'il ne se
fer, et dont il ne parle qu'avec un doulou- perd pas tout à fait, sera au moins maltraité
reux emportement, parce qu'il y voit le prin- par la tempête; il s'égarera dans les bas-
cipal obstacle au succès de ses efforts c'est fonds, s'il ne se brise complètement, »
l'ordre des Franciscains. Le poëte place ici « Asmodée, obéissant aux ordres de son
dans la bouche du démon un résumé des lé- souverain, s'éloigne à l'instant. Depuis ce
gendes et des traditions qui ont popularisé moment, il n'est plus question de lui ni de
dans la Péninsule la mémoire de saint Fran- sa mission. Toute l'action d'u drame se con-
çois, et fait un magnifique éloge du zèle et centre dans l'attaque, que Lucifer lui-même
de la piété des religieux franciscains. Il voit dirige contre les religieux de Lucques. Le
en eux-ses. plus redoutables ennemis. Son or- plan qu'ilvient d'annoncer s'exécute de point
gueil s'en irrite autant que son ambition en point. Les bourgeois, cédant aux
sugges-
-Il ne faut pas le dissimuler, Asmodée, dit- tions secrètes du démon, deviennent sourds
il à son confiderft; si je ne me hâte d'y pour- aux prières des malheureux les
religieux
voir, il n'y aura bientôt plus un seul lieu où aumônes cessent complètement. Un certain
ces mendiants déguenillés n'aient arboré la Ludovic, le plus riche, mais aussi le plus im-
bannière de celui qui, par son héroïque hu- pie des habitants de Lucques, se distingue
milité, a mérité d'être appelé le grand lieute- surtout par la brutalité de ses refus. Vaine-
nant du Christ, et d'occuper la place que m'a ment le père gardien s'efforce de ranimer
fait perdre jadis ma téméraire présomption. par ses exhortations la ferveur des fidèles.
Voici l'entreprise où je l'appelle; certes, elle Son insistance ne fait qu'irriter des esprits
n'est pas aisée. La règle que suirent ces prévenus. Poursuivi, menacé, il se voit forcé
hommes, c'est, tu ne l'ignores pSs, la vie de rentrer dans son couvent, dont les portes,
apostolique.Cette règle n'a pas été établie se refermant à l'inslant sur lui, peuvent à
par une simple inspiration d'en haut; c'est peine le soustraire, lui et ses moines, aux
Dieu lui-même qui, de sa propre bouche, l'a outrages de la foule. Le gouverneur lui-
dictée à François, et lorsque François, ému même, s'associant à la haine populaire, es-
de pitié pour ses successeurs, lui demanda saye d'abord d'engager les religieux à quitter
où des êtres soumis aux faiblesses humaines une ville où on ne veut plus les supporter,
puiseraient la force nécessaire pour observer et bientôt il prétend les y obliger. Privés de
les vingt-cinq préceptes dont elle se com- toutes ressources, épuisés par la faim qui les
pose, préceptes si rigoureux qu'aucun ne presse, le courage des religieux faiblit. Déjà
peut être enfreint sans péché mortel Ne. on parlo de vendre les vases sacrés, d'aller
t'en inquiète pas, lui répondit le Seigneur; je chercher ailleurs une terre plus hospitalière.
me charge de susciter ceux qui les garde- Le père gardien, dont la pieuse et noble fer-
ront. Mais il n'a pas dit que tous sans ex- meté a jusqu'à ce moment résisté aux ins-
ception y seraient fidèles; s'il l'eût dit, tous tances de ses frères, commence à chanceler.
nos efforts seraient vains. Pars donc pour' Lucifer triomphe. Il se croit au moment
l'Espagne, dirige-toi sur Tolède, qui en est au- d'atteindre le but qu'il s'était proposé, mais
jourd'hui la principale cité; jettes-y les ger- sa joie est de courte durée. Tout à coup une
mes de l'impiété parmi les hommes d'une clarté éclatante vient l'éblouir. L'Enfant-Jé-
condition moyenne et dans le corps des mar- sus lui apparaît, le visage couvert d'un
chands, auxquels ces moines doivent prin- voile. Auprès de lui est saint Michel, qui
cipalement les aumônes qui les font vivre apostrophe ainsi l'ange déchu.
empêche que la dévotion ne prenne racine Saint Michel. Serpent infernal, j'humi-
dans leurs cœurs, car les Espagnols tiennent lierai ton orgueil.
fortement aux impressions qu'ils ont une fois Lucifer. Micheil 1 j
reçues. Quant aux riches, ne l'inquiète pas Saint Michel. –Comment, connaissant la ,•
d'eux, leurs désirs immodérés agiront plus < promesse que le Créateur a faite à François,
efficacement sur leur âme que toutes tes in- as-tu pu croire que tes fourberies enlève-
sin uatioiis. Eussent-ils sous les yeux des mil- raient à ces religieux leurs moyens d'exis- v.
liers de pauvres, ils n'y feront aucune atten- tencé ?
tion. Comme ils n'ont jamais vu de près le LUCIFER.-Nul ne sait mieux que moi qua
besoin, ils ne le comprennent pas je parle l'immense parole de Dieu ne peut manquer
4u plus grand nombre on trouve partout d'être accomplie, mais la confiance qu'on
498 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. «96

place en elle peut faillir, et déjà il est bien grand lieutenant du Christ doivent-ils aban-
sûr que,.si ce sentiment n'est pas tout à fait donner ainsi lâchement la place qu'il leur a
détruit chez ces moines, il est au moins fort confiée? Il n'y a pas encore deux jours que
ébranlé. Il n'est pas indispensable, pour que l'ennemi vous tient assiégés, et déjà votre
je triomphe, qu'ils soient privés de ce qui force, votre espérance, se sont évanouies 1
leur est nécessaire il suffit que j'aie décidé Ceux qui devaient résister comme des rocs
le peuple à le leur refuser. aux attaques de l'impiété, en qui la moindre
SAINT MICHEL. Eh bien 1 tu déferas toi- hésitation serait déjà coupable, reculentainsi
même ton ouvrage. Pour punir ta faute tu à la simple menace du danger Sachant que
es chargé d'amener Ludovic à se repentir, à Dieu a promis à notre père que le néces-
se soumettre à la loi sainte. saire ne manquerait jamais à ses enfants
Lucifer. Moi 1 lutter contre moi-même, ils ont pu se rendre coupables au point de
malheureux que je suis 1 douter de l'accomplissement d'une promesse
SAINTMICHEL. Ce n'est pas tout; il faut divine I (Apart.) Èsl-ilT)ien possible que ce.
encore que tu construises un autre couvent soit moi qui parle ainsi Je me sens tout
où en dépit de toi,.François comptera d'au- brûlant de colère. (Haut.) Croyez qu'alors
tres disciples. même quedans l'univers entier les êtres rai-
Lucifer. Comment ? sonnables fermeraient sans exception leur
SAINTMichel. Ne réplique pas. Il faut cœur à la pitié, les anges vous apporteraient
que tu fasses ce que ferait François. Entre la nouriture qui vous a élé promise; le démon
dans son couvent. Reproche à ses moines lui-même s'en chargerait au besoin.
d'avoir pu penser un instant à l'abandonner. LE FRÈRE ANTOLIN. 11 parle avec tant
C'est à toi qu'il appartient désormais d'assu- de chaleur, que la flamme sort par ses yeux.
rer leur subsistance, et en outre de leur LE PÈRE GARDIEN. Mon père je vois
fournir des moyens de secourir un certain bien que vous êtes un envoyé de Dieu je le
nombre de pauvres, comme le prescrit la reconnais à l'empire que vos paroles exer-
règle que Dieu leur a dictée. Va donc, et jus- cent sur nous. Je sens que maintenant j'ex-
qu'à ce que tu reçoives de nouveaux ordres, pirerais de faim mille fois plutôt que d'aban-
exécute scrupuleusement ceux que je viens donner la maison de mon père saint Fran-
de te donner. Tu apprendras ainsi à ne plus çois.
t'attaquer à François dans ses moines. LE FRÈREPIERRE. II n'est pas un de ses
« Lucifer reste accablé. Son désespoir vrais enfants qui ne soit prêt à donner sa
s'exhale en plaintes douloureuses contre la vie pour Dieu.
partialité du Très-Haut, qui, non content LE frère Nicolas. Et ils se repentent
d'avoir donné aux hommes tant de moyens tous, mon père, d'avoir pu un seul instant
de résister àses attaques, le force ainsi à se penser à tourner le dos au danger,
combattre lui-même. Cependant il faut obéir. LUCIFER, d part. Ainsi donc, la peur na-
Revêtu d'un froc de franciscain, il se pré- turelle à laquelle ils ont un moment cédé
sente à l'improviste au milieu des religieux, devient pour eux une occasion de s'acquérir
qui déjà se préparent à quitter leur retraite de nouveaux titres à la faveur du ciel 1 Ceux
et à s'éloigner. » que Dieu protège renlrent bien vite dans la
Lucifer. Deo grattas mes frères. bonne voie. (Haut.) Mes frères, apaisez par
(A part.) Quel supplice 1 des sacrifices le juste mécontentement du
LE PÈRE GARDIEN. Dieu me soit en aide 1 Créateur qui vous porte tant de tendresse.
Quiétes-vous, mon père? Comment êtes-vous Pour moi, je me charge de pourvoir à votre
entré ici ? subsistance je serai voire aumônier.
FRÈRE Nicolas. II n'a pu entrer par la LE FRÈRE ANTOLIN. Vous espérez trou-
porte, je l'avàis fermée. ver des aumônes dans cette ville? Vous me
Lucifer. Aucune porte n'est fermée faites rire.
pour la puissance divine. C'est elle qui, sans LUCIFER. Vous serez bientôt détrompé.
que je pusse m'y refuser, m'a amené ici d'un Père gardien, ne craignez rien faites ouvrir
pays tellement éloigné, que le soleil lui- ces portes.
même ignore son existence ou dédaigne de LE PÈREGARDIEN. C'est un ange, il faut
Je visiter. lui obéir. Mais le ciel m'éclaire. Dieu me
LE PÈRE GARDIEN. Votre nom ? soit en aide. Cachons ce prodige à mes re-
LUCIFER. Je m'appelle frère Obéissant ligieux.
forcé. On me nommait jadis Chérubin. LUCIFER. Allez tous au chœur, et cessez
LE FRÈRE Antolin (le gracioso). C'est de craindre. Tant que je vous assisterai lee
sans doute un Basque. bercail do François sera à l'abri des atta-
LE PÈRE GARDIEN. Mjn père, dites-nous ques des loups.
ce qui vous amène. Vos paroles, le prodige LE piiivu gardien. Oui, puisque Dieu a
de votre entrée dans ce couvent, malgré la changé le poison en contre-poison.
clôture des portes nous remplissent de « Lucifer se met à l'oeuvre, et tout a bien-
trouble et d'inquiétude. Je crains quelque tôt changé de face. Les aumônes arrivent de
piége de notre grand ennemi. toutes parts au couvent, les moyens ordina
Lucifer. Ne craignez rien. C'est par res ne suffisent plus pour les y transporter.
l'ordre de Dieu que je viens c'est lui qui Du surplus des produits de la charité publi-
m'a chargé de vous reprocher votre peu de que, un autre monastère s'élève avec rapi-
foi. Les soldats enrôlés sous la bu uni ère du dité. Le prétendu moine se multiplie. On la*
497 DRA DRA 498
voit partout à la fois parcourant la ville LE père GARDIEN. Je n'en ai jamais
pour stimuler la générosité des fidèles, diri- douté mais il n'est pas moins vrai qu'avec
geant la construction du nouvel édifice, pres- toute sa puissance avec toute sa science,
sant les ouvriers, faisant preuve en tous celui qui me parle n'a pu atteindre l'objet de
lieux d'une activité d'une adresse d'une ses vœux les plus ardents.
force miraculeuse. Les religieux, frappés de LUCIFER. Non ? Eh bien 1 mon père,
ces qualités extraordinaires auxquelles se pourquoi pensez-vous donc que Dieu me punit?
mêle dans l'inconnu quelque chose d'étrange LE PÈRE GARDIEN. Pour votre inten-
et de mystérieux se demandent qui il tion.
peut. être. L'un croit voir en lui un être Lucifer. Père gardien vous êtes un
étranger à l'humanité; l'autre, à son ton bon religieux mais votre intelligence est
d'dutorilé et à unecertaineâpretédelangage, faible. Lorsque je suis venu vous trouver,
le prend pour le prophète Elie. Le père gar- vous et vos moines, n'étiez-vous pas résolus
dien, qu'une révélation divine a instruit de à abandonner lâchement le couvent ? En ce
la vérité conseille à ses frères de lie pas. qui vous concerne, j'avais donc atteint mon
chercher à pénétrer les secrets du ciel, et de but, puisque le Créateur ne s'est interposé
se contenter d'obéir aux ordres de celui en que lorsqu'il vous a vus vaincus. Rendez-,
qui ils ne peuvent méconnaître un envoyé lui donc grâce de sa miraculeuse interven-
de Dieu. tion mais croyez que si vous aviez eu plus
« Le rôle du père gardien est d'unegrande de courage, mon châtiment serait moindre.
beauté. La simplicité, l'abnégation du moins LE PÈRE GARDIEN. C'est en toute justice
se réunissent en lui à la fermeté calme et que vous m'avez humilié.
prudente sans laquelle il n'est pas possible LUCIFER. Je suis condamné à faire ce
de diriger utilement d'autres hommes, Il y que ferait François, s'il vivait encore. Jugez
a entre lui et Lucifer une scène remar- s'il était possible de m'imposer une mortifi-
quable. » cation plus douloureuse sans compter l'i-
LE pèbk GARDIEN. Père Obéissant le gnominie d'être contraint à me couvrir de sa
couvent que vous construisez est-il bien bure.
avancé? 2 LE PÈRE GARDIEN. Jamais vous n'avez
Lucifer. II est achevé. été plus honoré depuis que vous êtes tombé
LE père gardien. Entièrement ? du ciel.
LUCIFER, H ne reste plus qu'à le blan- LUCIFER. L'orgueil vous aveugle et vous
chir. fait perdre la mémoire. Oubliez-vous donc
LE PÈRE GARDIEN. La rapidité de cette votre origine ? ignorez-vous que vous êtes
construction me surprend, je l'avoue. sorti de la boue et de la poussière ?
Lucifer. II y a pourtant cinq mois qu'on LE PÈREGARDIEN. Jetne l'oublie pas
en a posé la première pierre et ces cinq je sais que Dieu a formé le premier homme
mois m'ont paru cent années. Je n'y ai con- de ses propres mains, avec un peu de terre
tribué que par ma présence assidue aux mais la création de l'angelui a coûté moins
travaux, en cherchant l'argent nécessaire et encore, puisque d'une seule parole.
en traçant le plan de l'édifice; mais, si le Lucifer. Laissons cela; de telles ma-
Créateur me l'eût permis, j'eusse fait en cinq tières ne peuvent être trailées entre nous
jours et en moins peut-être plus que cent vous les ignorez, et il ne m'est pas permis
hommes n'ont fait en cinq mois. de vous répondre. Quand voulez-vous que
LE père GARDIEN,d part. II vaut mieux nous commencions la fondation nouvelle ?2
ne pas paraître comprendre. (Haut.) Je vous LE PÈREGARDIEN.-Sur-le-champ, si vous
crois mais Dieu ne fait pas de miracles le trouvez bon.
sans nécessité. LUCIFER. C'est ce que je désire. Quels
Lucifer. Ce miracle, je l'aurais fait à sont ceux des frères qui y travailleront ?
moi seul je suis assez puissant pour cela LE PÈRE GARDIEN. Je ne puis les dési-
si Dieu ne m'en eût empêché. gner c'est à vous qu'il appartient de les
LE PÈRE GARDIEN.-Je sais qui vous êtes. choisir et d'en fixcr le nombre. Mon devoir
Vous n'avez pas besoin de me le faire enten- est seulement d'exécuter tout ce que vous
dre. aurez ordonné.
Lucifer. Je ne l'ignore pas. Lucifer.. Quelle hypocrite humilité 1
LE PÈRE GARDIEN. Et je sais aussi que Mais le temps viendra bientôt où on le verra
votre puissance n'égale pas celle de mon père passer d'un extrême à l'autre.
saint François. LE PÈRE GARDIEN. Dieu permettra que
Lucifer. Père gardien, la faveur dont vos artifices nous fournissent de nouvelles
votre père jouit auprès du roi du ciel fait occasions de mériter sa grâce.
toute sa force, et, sous ce rapport, elle est LUCIFER. Si Dieu y iutervient, cela sera
grande je l'avoue mais ce n'est pas une facile sans doute. Autrement je sais par ex-
puissance véritable que celle qui a besoin de périence comment vous combattez.
recourir à la prière. LE PÈRE GARDIEN.-J'avoue que je nesuis
LE père GARDIEN. Quelle est donc la que poussière.
puissance qui ne procède pas de Dieu ? LUCIFER. Allez, allez faire paitre vos
Lucifer. N'argumentons pas soyez brebis. Je les vois qui attendent leur pas-
humble auprès de moi, le plus savant en teur. Prenez garde qu'il ne s'en égare quel- (
sait bien peu. qu'une elle pourrait se perdre,
499 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 500
Le PÈRE
LE Pi gardien. -Cesoin seraitsuperflu le nom de la Vierge. Lucifer, qui ttvait ordre
de ma part. C'est à vous de les garder s'il .de la sauver, mais qui n'a pu y parvenir, est
survient quelque danger, puisque Dieu ne auprès d'elle il reconnatt bientôt qu'un
vous a envoyé parmi nous que pour être le prodige va s'opérer. Elle est morte, et ce-
chien de garde de son troupeau. (Il sort.) pendant, dit-il, son âme n'est ni montée au
Lucifer. Il le faut bien, hélas 1 puis- ,ciel, ni descendue dans l'enfer, et elle n'est
qu'il lie m'est permis de mordre aucune de pas non plus enlrée dans le purgatoire.
ces brebis. Mais un jour viendra où, le ber- Tout à coup, au son d'une musique céleste,
ger et moi nous nous verrons d'une autre la Vierge apparaît au milieu d'un chœur
façon. d'anges; elle s'approche d'Octavie et la tou-
« JI y a, ce me semble, quelque chose d'é- che de ses mains. Le seul Lucifer a aperçu la
minemment dramatique' dans cet étrange reine des cieux invisible pour les yeux.Ï
dialogue, où le ciel et l'enfer, forcés, pour mortels. A l'aspect de sa plus puissante en-
ainsi dire, d'exister un momentà côté l'un de nemie, de celle qui a brisé son empire, de
l'autre, de suspendre leurs hostilités de douloureux souvenirs s'agitent en lui il
concourir au même but se dédommagent sent plus vivement les angoisses du déses-
d'une aussi pénible contrainte par un assaut poir éternel, et pourtant, subjugué par une
d'ironie amère si profondément empreint de puissance surnaturelle, il se prosterne, il
leur insurmontable antipathie. C'est une gémit de ne pouvoir s'associer au culte que
très-belle idée, imparfaitement esquissée, il l'univers rend à la mère de Dieu; il célèbre
est vrai, par l'auteur espagnol, que de mon- comme involontairement ses perfections in-
trer la simplicité d'une âme ferme pure et finies, sa puissance illimitée, les récompenses
religieuse, luttant contre toutes les ressour- qu'elle accorde à ceux qui lui ont voué une
ces du génie infernal, et le déconcertant dévotion particulière. Ses transports, le trem-
même quelquefois par la seule force de la blement qui l'agite, le feu qui sort de ses
vertu et de la vérité. Ce qui, dans le texte yeux, les paroles entrecoupées qui s'échap-
ajoute encore à l'effet de cette scène mais pent de sa bouche, étonnent et épouvantent
ce que nous n'avons pu transporter dans la un moine présent à cette scène, mais pour
traduction, c'est quo.les deux interlocuteurs qui l'apparition céleste est restée non ave-
ne se partent qu'à la troisième personne. nue. Lè miracle est enfin accompli; la Vierge
Cette forme autorisée par le génie de la langue s'éloigne, et Octavie ressuscite.
.(espagnole, donne'à leur entretien une teinte « Irrité, mais non persuadé par ce mira-
vague et mystérieuse parfaitement appro- cle, Ludovic persiste dans son impiété. Vai-
priée au sujet. nement Lucifer tente un dernier effort pour
« Cependant Lucifer, en raffermissant le le/ convertir; vainement il lui annonce la
courage des religieux, en leur élevant un mort qui le menace, la damnation qui doit la
nouveau couvent, en réchauffant la ferveur sui vie et qu'une aumône faite à saint François
du peuple de Lucques, n'a accompli qu'une peut détourner. Ludovic, averti qu'il n'a
partie de sa tâche. Nous avons vu que saint plus qu'un moment pour se repentir, brave
Michel lui a-aussi prescrit de travailler à encore la puissance divine. Au signal enfin
convertir le mauvais riche Ludovic. Mais ici donné par saint Michel, Lucifer s'empare de
tous ses efforts échouent contre l'avarice de sa proie, et Ludovic disparaît au milieu des
cet homme pervers, contre son "impiété, et flammes. Le démon croit avoir accompli
surtout contre la haine particulière qu'il toute sa mission déjà il vient rejeter le froc
porte à l'ordre de saint Français. L'élo- qui pèse tant à son orgueil; mais saint Mi-
quence du démon réussit bien à le troubler, chel lui déclare qu'il lui reste encore à faire
à l'effrayer, à le remplir d'une sorte de res- restituer aux pauvres tout ce que leur a dé-
pect dont il ne sait comment se rendre robé le scélérat qui vient de périr. Pour exé-
compte mais rien ne peut le déterminer à se cuter ce nouvel ordre, Lucifer appelle Asta-
départir de la moindre parcelle de son im- roth, un de ses lieutenants. Ce dernier prend
mense fortune. lit figure de Ludovic, fait convoquer tous
t( Ludovic vient de se marier. Sa jeune ceux qui ont à se plaindre de ses spoliations,
femme Octavie, douce, charmante, pieuse, et leur partage ses richesses. Lorsque cette
forme avec lui lp contraste le plus parfait.' œuvre de réparation est terminée, Lucifer,
Avant d'épouser Ludovic, elle avait donné dépouillant enfin le costume monacal, ra-
son cœur à un homme plus digne d'elle. conte en peu de mois au peuple, accouru de
Forcée de renoncer à lui, elfe se consacre toutes parts sur le bruit de la prétendue
désormais tout entière à l'indigne époux que conversion de Ludovic, les étranges événe-
j ses pnrents l'ont forcée d'accepter; elle ne ments qui viennent de se passer. Demain,
se permet ni un regret, ni un souvenir. dit-il, le père gardien, qui a tout vu, à qui
Néanmoins, la jalousie de Ludovic ne tarde Dieu a tout révélé, vous donnera, dans un
pas à s'éveiller, et dans son emportement il sermon, des explications plus complètes. Et
se résout à donner la mort à la malheureuse
maintenant, François, la trêve est expirée
Octavie. Avertie, par plusieurs indices, du entre tes enfants et moi. Je redeviens ton
sort qu'il lui prépare, elle se refuse à fuir plus grand ennemi. Veille sur eux puis-
elle croirait se rendre coupable. Le scélérat
qu'il ne m'est pas permis de les priver de
l'allirc dans un lieu écarté où il espère pou- leur subsistance c'est en attaquant leur
voir cacher son crime; il la
frappe d'un vertu que je satisferai ma haine
coup de poignard, elle tombe en invoquant « Ainsi se termine le Diable prédicateur. »
SOI DRU DUE 505
DRAPE. On donne à Aigues-Mortes le nom Drusus troublé tourna bride, fit sonner la
de Lou Drapé à un cheval fabuleux, qui est retraite et mourut au bord du Rhin.
la terreur des enfants, qui les retient un peu On vit en même temps deux chevaliers in-
sous l'aile de leurs parents, et réprime la né- connus qui faisaient caracoler leurs chevaux
gligence des mères. On assure que .quand autour des tranchées du camp romain, et on
iOm Drapé vient à passer, il ramasse sur son entendit aux environs des plaintes et des gé-
dos, l'uff après l'autre, tous les enfants éga- missements de femmes (1) ce qui n est
rés et que sa croupe, d'abord de taille ordi- pas merveille dans une déroute.
naire, s'allonge au besoin jusqu'à contenir DRYDEN (Jean) célèbre poëte anglais
cinquante et cent enfants, qu'il emporte on mort en 1707. On rapporte qu'il tirait aux
ne sait où. dés, le jour de la naissance de ses enfants,
DR1FF, nom donné à la pierre de Buttler, pour deviner s'il aurait un garçon ou une
à laquelle on attribuait la propriété d'attirer fille; et sa prédiction relative au sexe de son
le venin; elle était, dit-on composée de fils Charles se réalisa (2), ce qui n'est pas
mousse formée sur des têtes de mort, de sel fort étonnant. Voy. Astragalomancie.
marin, de vitriol cuivreux empâté avec de la DUALISME. Il y a des tremblements de
colle de poisson. On a poussé le merveilleux terre, des tempêtes, des ouragans, des débor-
jusqu'à prétendre qu'il suffisait de toucher dements de rivières, des maladies pestilen-
cette pierre du bout de la langue pour être tielles, des bêtes venimeuses, des animaux
guéri des maladies les plus redoutables. Van- féroces des hommes naturellement mé-
Helmont en fait de grands éloges. chants, perfides et cruels. Or, un être bien-
DROLLES. Les drolles sont des démons ou faisant, disaient les dualistes, ne peut être
lutins qui, dans certains pays du nord, pren- l'auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux
nent soin de panser les chevaux, font tout ce principes, l'un bon, l'autre mauvais, égale-
qu'on leur commande et avertissent des dan- ment puissants, coéternels, et qui ne cessent
gers. Voy. FARFADETS,Bérith, Kobold, etc. point de se combattre.
DRUIDES, prêtres des Gaulois. Ils ensei- Dieu a donné à l'homme le libre arbitre
gnaient la sagesse et la morale aux princi- c'est à lui de choisir entre le bien et le mal;
paux personnages de la nation. Ils disaient il n'en aurait pas le moyen, si le bien seul
que les âmes circulaient éternellement de ce existait. L'homme sans passions et obligé
monde-ci dans l'autre; c'est-à-dire que ce de faire le bien sans pouvoir faire le mal, se-
qu'on appelle la mort est l'entrée dans l'au- rait vertueux sans mérite. Dans un monde
tre monde, et ce qu'on appelle la vie en est sans dangers et sans besoins, l'homme vi-
la sortie pour revenir dans ce monde-ci (1). vrait sans plaisirs. La vertu ne brille que
Les druides d'Autun attribuaient une par le contraste du vice; les hommes, mor-
grande vertu à l'œuf de serpent; ils avaient tels depuis leur chute, sont dans ce monde
pour armoiries dans leurs bannières, d'azur comme dans un lieu d'épreuves on ne ré-
à la couchée de serpents d'argent, surmontée compense point une machine qui ne va bien
d'un gui de chêne garni de ses glands de si- que parce qu'elle est montée de manière à
no-ple. Le chef des druides avait une clef ne pouvoir aller autrement.
pour symbole (2). Si l'on réfléchit bien sur le dualisme, dit
Dans la petite île de Sena aujourd'hui Saint-Foix, je crois qu'on le trouvera encore
Sein, vis-à-vis la côte de Quimper, il y avait plus absurde que l'idolâtrie.
un collège do druidesses, que les Gaulois ap- Les Lapons disent que Dieu, avant de pro-
pellent Senes (prophétesses). Elles étaient au duire la terre, se consulta avec l'esprit ma-
nombre de neuf, gardaient une perpétuelle lin, afin de déterminer comment il arrange-
virginité, rendaient des oracles et avaient le rait chaque chose. Dieu se proposa donc de
pouvoir de retenir les vents et d'exciter les remplir les arbres de moelle, les lacs de lait,
tempêtes; elles pouvaient aussi prendre-la et de charger les plantes et les arbres de tous
forme de toute 'espèce d'animaux, guérir les les plus beaux fruits. Par malheur, un plan
maladies les plus invétérées et prédire l'a- si convenable à l'homme déplut à l'esprit
venir. malin, qui fit toutes sortes de niches; et il
Il y avait d'autres druidesses qui se ma- en résulta que Dieu n'établit pas les choses
riaient mais elles ne sortaient qu'une fois aussi bien qu'il l'aurait voulu.
dans l'année, et ne passaient qu'un seul jour Un certain Ptolomée soutenait que le
avec leurs maris (3).Voyez aussi Dioclétien, grand Être avait deux femmes que, par ja-
VELLÉDA,etc. lousie, elles se contrariaient sans cesse, et
DRUSUS. Chargé par l'empereur Auguste que le mal, tant dans le moral que dans le
du commandement de l'armée romaine qui physique, venait uniquement de leur mésin-
faisait la guerre en Allemagne, Drusus se telligence, l'une se plaisant à gâter, à chan-
préparait à passer l'Elbe, après avoir déjà ger ou à détruire tout ce que faisait l'autre.
remporté plusieurs victoires lorsqu'une Voy. TRADITIONS.
femme majestueuse lui apparut et lui dit DUENDE. « Le Duende, lutin espagnol,
Où cours-tu si vite, Drusus? Ne seras-tu correspond au Gobelin normand et au Tom-
jamais las de vaincre? Apprends que tes tegobbe suédois. Duende, selon Cobaruvias,
jours touchent à leur terme. est une contraction de dueno de casa, maître
(1) Diodorede Sicile. (4) DionCassius.
(2) Saint-Foix,Essais, etc., t. II (5) Bertin, Curiositésde la littérature, t. 1, p. 248.
(5) Saint-Foix,Essaissur Paris, t. III, p. 384..
SOS DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. SOi
de la maison. Ce diable espagnol fut de tout putation. Le démonologue cité par Reginald
temps cité pour la facilité de ses métamor- Scott nous apprend « qu'ils sont très-jaloux
phoses. » de leurs trésors cachés; qu'ils en veulent
DUERGARS. « Les diables nains ou duer- beaucoup à ceux qui les découvrent et
gars de la Scandinavie sont de la même fa- cherchent à tuer ou à blesser ceux qui vien-
mille que les clfs de la nuit. Les Norwégiens nent les leur enlever, hanlant d'ailleurs avec
attribuent la forme régulière et le poli (les persévérance les caves où l'argent est dé-
pierres cristallisées aux travaux des petits posé. » Un nommé Peters, du comté de De-
habitants de la montagne, dont l'écho n'est vonshire, ayant trouvé le secret de deviner
autre chose que leur voix. Cette personnifi- les lieux où les gobelins couvaient des tré-
cation poétique a donné naissance à un mè- sors, fut brûlé et réduit en cendres par les
tre particulier en Islande, appelé le galdra- démons irrilés. Quant aux mineurs, ils ne
lag, ou le lai diabolique, dans lequel le der- peuvent trop se défier de ces esprits malveil-
nier vers de la première stance termine lants qui leur tendent toutes sortes de piéges
toutes les autres. Et lorsque, dans une saga pour les détruire tantôt ils inondent leurs
d'Islande, le poëte introduit un esprit ou un travaux, tantôt ils les étouffent par des va-
fantôme qui chante, c'est toujours avec le peurs pestilentielles, parfois ils leur appa-
galdralag. Dans une autre variété du galdra- raissent sous des formes effrayantes. Tel
lag, c'est le premier vers qui est répété de était Vannaberge, animal terrible, qui fut si
stance en stance. On retrouve ce système funeste aux ouvriers employés dans la plus
métrique dans quelques-unes des incanta- riche mine d'argent de l'Allemagne, appelée
tions superstitieuses des Anglo-Saxons. Ce Corona Rosacea.
rhythme a un son monotone, mais solennel, « L'annaberge se. montrait sous la forme
qui, sans le secours de la tradition mytholo- d'un bouc avec des cornes d'or, et se préci-
gique, l'a fait employer par les poëles, de- pitait sur les mineurs avec impétuosité, ou
puis Virgile jusqu'à Pope. Le Dante se sert sous la forme d'un cheval, qui jetait la flam-
du galdralag pour l'inscription placée sur- me ct la peste par ses naseaux. » Ce terrible
les portes de l'enfer. annaberge pouvait bien n'être qu'un esprit
« On a dit que les véritables prototypes très-connu aujourd'hui des chimistes sous
des duergars sont les habitants de la vieille le nom de gaz hydrogène ou feu grisou. La
Finlande. Nous commençons à douter de lampe de sûreté d'Humphrey-Davy aurait
cette origine. Il est certain que les Finlan- été un talisman précieux aux mineurs de la
dais se vantèrent longtemps de leur com- Couronne de roses; et James Watt, en leur
merce intime avec le diable jusqu'à ce que prêtant.une de ses machines à vapeur, les
ce commerce fût traité de contrebande. On. aurait certainement bien défendus contre les
n'a pas cessé de les redouter comme sor- inondations suscitées par les kobolds (1). »
ciers mais, malgré leur talent en magie et DUFAY (Charles-Jérôme DE CISTERNAY)
en métallurgie, ,on doit les distinguer des chimiste, quoique homme de guerre. Il s'oc-
habiles ouvriers qui fabriquèrent le marteau cupait du grand œuvre; et il dépensa beau-
de Thor, les tresses d'or de Siva et la bague coup d'argent à la recherche de la pierre
d'Odin, toutes choses fameuses dans la bi- philosophale. 11 mourut en 1723.
zarre cosmogonie des Asi. Si nous voulions DUFFUS, roi d'Ecosse. Pendant une mala-
interpréter ces mystères selon la sagesse die de ,ce prince, on arrêta plusieurs sorciers
hiéroglyphique des rose-croix, nous dirions de son royaume, qui rôtissaient, auprès d'un
que les duergars étaient des personnifica- petit feu, une image faite à la ressemblance
tions de l'élément métallique ou des gaz qui du Roi,sortilége qui, selon leurs confessions,
en sont les véhicules dans les entrailles de causait le mal du monarque. En effet, après
la terre, fécondant les veines de la mine et leur arrestation, la santé de Duffus se ré-
se mêlant à la circulation de la vie électri- tabit (2).
que et magnétique du macrocosme. Du reste, magicien. Voy. Marignt.
DULOT,DULOT, MARIGNY.
ce sont des êtres trop allégoriques pour DUMONS (Antoine), sorcier du dix-sep-
qu'on les confonde avec les magiciens finlan- tième siècle* accusé de fournir des chandel-
dais dispersés sur la surface des régions les au sabbat pour l'adoration du diable.
septentrionales. Leur cachet d'antiquité pri- DUPLEIX (Scipion), conseiller d'Etat et
mitive parait d'autant plus marqué, selon historiographe de France, mort en 1661.
nous, qu'on les retrouve dans les vieilles tra- Parmi ses ouvrages très-remarquables on
ditions des Teutons, consacrées par les Ni- peut voir la Cause de la veille et du sommeil,
belungs et le Livre des Héros. Or, les Nibe- des songes de lu vie et de la mort. Paris, 1615,
lungs,e\. le Livre des Héros nous viennent de in-12; Lyon, 1620, in-8\
pays où jamais le Finlandais errant ne dressa DURANDAL, épée merveilleuse de Char-
sa tente. lemagne. C'était, selon les romans de che-
« Les pays de mines ont défendu très-long- valerie, un ouvrage des fées.
temps leur mythologie populaire contre les DURER (ALBERT), peintre illustre, né à
lumières de la saine philosophie et de la re- Nurenberg en 14-71, mort en 1528, avec la
ligion. On peut citer, par exemple, le comté gloire assez rare d'avoir laissé beaucoup de
de Cornouailles; et le Harzwald de Hanovre,
reste de l'ancienne forêt d'Hercynie, est en- (1) Quarlerlyrevieuw.Essai sur les traditions popu-
core une terre enchantée. Les gobelins des laires.
mines ont toujours eu une très-mauvaise ré- (2) Leloyer.Histoireet dise. des spectres,etc., liv.IV,
cli.xv, p. 369
SOS EAT RAT 500
chefs-d'œuvre où son pinceau, son crayon et se colore de feu et de flamme; des nuages
son burin n'ont jamais offensé en rien la re- bleus forment le fond sur lequel se dessinent
ligion, ni les mœurs. On raconte de lui une les figures imposantes des quatre évangélis-
vision que nous rapporterons ici tes. Ohl voilà, voilà, dit-il, les traits que j'ai
a Albert, le pieux artiste, rêvait quelque en vain cherché à retracer, qui échappaient
nouveau chef-d'œuvre; il voulait se surpas- à mon art débile 111 croit entendre les sons
ser lui-même, mais le génie de l'homme a ravissants de l'harmonie des sphères il se
ses limites que jamais il ne peut franchir voit entouré d'anges et de célestes esprits.
sans se perdre dans les abtmes du monde in- Un d'eux lui présente sa toile abandonnée,
tellectuel. Pendant une belle nuit d'été, Al- l'autre ses pinceaux. Albert les saisit, tra-
bert avait commencé et recommencé l'es- vaille avec une ardeur surhumaine, bientôt
quisse des quatre évangélistes. Il voulait l'esquisse est terminée. 11 ne sera pas diffi-
retracer les traits des hommes inspirés qui cile au grand artiste d'achever dignement
furent trouvés dignes de devenir les histo- son œuvre.
riens de l'Homme-Dieu. « Enfin la vision disparait il se retrouvait
« Mais rien de ce que sa main produisait dans sa chambre solitaire, rafraîchie par l'air
ne rendait à son gré les traits qui se pei- vif et pur de l'aurore. Il fixe ses regards sur
gnaient dans son âme. Comme nous parlons son travail il prévoit que ses quatre évan-
dans la musique une langue inconnue, dont gélistes seront ce qu'il a voulu qu'ils fus-
nous ne comprenons pas le sens, et dont sent, un chef-d'œuvre. Un pressentiment
nous ressentons néanmoins fortement les lui dit qu'il a travaillé pour la postérité, pour
effets, de même nous possédons en nous un les siècles futurs. Il termine par des actions
savoir que nous ne saurions rendre par des de grâces la séance qu'il avait commencée
mots nous portons dans notre âme des par une prière d'invocation 1
images que nos mains souvent ne peuvent « Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi
tra'duire matériellement. 'Las, épuisé parce il sut créer des chefs-d'œuvre d'une si pure
combat entre ses forces intellectuelles et ses spiritualité. Beaucoup (le ceux qui voulurent
forces matérielles, Albert jette son pinceau, marcher sur ses traces échouèrent souvent,
ouvre, la fenêtre et cherche à retremper son non parce que le talent leur manquait, mais
âme dans la contemplation de la nature. parce qu'ils n'avaient point sa foi naïve et
C'était à Nurenberg. inébranlable. Le ciel et ses merveilles res-
« La nuit était superbe, la lune éclairait tèrent cachés pour eux, derrière les sombres
de sa magique lumière les églises de Saint- nuages du monde matériel (1). »
Sébald et de Saint-Laurent, ainsi que d'au- DSIGOFK, partie de l'enfer japonais, où les
tres grandes œuvres d'architecture qui se méchants sont tourmentés, suivant le nom-
présentaient aux yeux de l'artiste. Des mit- bre ou la qualité de leurs crimes. Leurs sup-
liers d'étoiles brillaient à la voûte céleste plices ne durent qu'un certain temps, au
au-dessus de cette ville silencieuse et de ses bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans
rues désertes. Dieu, s'écria Albert, a permis le monde pour animer les corps des ani-
à des hommes de transformer ici des débris maux impurs dont les vices s'accordent avec
de rochers en bâtiments magnifiques, pleins ceux dont ces âmes s'étaient souillées. De là
d'harmonie dans leur ensemble et dans toutes elles passent successivement dans les corps
leurs parties, élevant majestueusement leurs des animaux plus nobles, jusqu'à ce qu'elles
tours vers le ciel,,et il ne me permettrait pas rentrent dans les corps humains, où elles
à moi de. rendre sur la toile et en son hon- peuvent mériter ou démériter sur nouveaux
neur les portraits de ses saints envoyés, por- frais.
traits que cependant je porte en mon âme 1 DYSERS, déesses des anciens Celtes, que
Albert se sent profondément ému, rappro- l'on supposait employées à conduire les
ché de la Divinité; ses mains se rejoignent âmes des héros au palais d'Odin où ces
pour prier, son dme adore. âmes buvaient de la bière dans des 'coupes
« Et en ce moment l'église de Saint-Sébald faites des crânes de leurs ennemis.

E
EATUAS, dieux subalternes des Otaïtiens, seaux, tels que le héron et le martin-pé-
enfants deleur divinitésuprême, Taroataihé-e cheur. Les Otaïtiens et les insulaires, leurs
toomoo, et du rocher Lepapa. Les Eatuas, voisins, honorent ces oiseaux d'une attention
dit-on, engendrèrent le premier homme. particulière; ils ne les tuent point et ne leur
Ces dieux sont des deux sexes: les hom- font aucun mal; mais ils ne leur rendent
mes adorent les dieux mâles, et les femmes pourtant aucune espèce de culte, ei parais-
les dieux femelles. Ils ont des temples où les sent n'avoir à leur égard que des idées su-
personnes d'un sexe différent ne sont pas perstitieuses, relatives à la bonne ou mau-
admises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres vaise fortune, telles que le peuple parmi
où les hommes et les femmes peuvent en- nous en a sur le rouge-gorge et sur l'hiron-
trer. delle.
Le nom A'Eatua est aussi donné à des oi- (I) Nouvellerevue de Bruxelles. Février 1844.
507 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 50S
T
Les f*
Otaïtiens croient que le grand Eatua pendu plus ou moins profondément. Ensuite
lui-même est soumis en certains cas aux gé- on enveloppait la main du patient avec un
nies inférieurs à qui il a donné l'existence, linge sur lequel le juge et la partie adverse
qu'ils le dévorent souvent, mais qu'il a tou- apposaient leurs sceaux. Au bout.de trois
jours le pouvoir de se recréer. jours on les levait; s'il ne paraissait point
EAU. Presque tous les anciens peuples de marques de brûlure, l'accusé était ren-
ont fait une divinité de cet élément, qui, sui- voyé absous.
vant certains philosophes, était le principe EAU D'ANGE. Pour faire de bonne eau
de toute chose. Les Guèbres le respectent
un de leurs livres sacrés leur défend d'em- d'ange, ayez un grand alambic, dans lequel
vous mettez les drogues suivantes benjoin.,
ployer l'eau la nuit et de jamais emplir tout quatre onces; styrax, deux onces; sandal
à fait un vase d'eau pour la faire bouillir,
citrin, une once; clous de girofle, deux
de peur d'en renverser quelques gouttes.
Les cabalistes drachmes; deux ou trois morceaux d'iris de
peuplent l'eau
D d'Ondins. Florence la moitié d'une écorce de citron
Voy. ce mot. deux noix muscades; cannelle, demi-once;
EAU AMÈRE (Epreuve DE l'). Elle avait deux pintes de bonne eau de roche; chopine
lieu ainsi chez les anciens Juifs lorsqu'un d'eau de fleurs d'orange; chopine d'eau de
homme soupçonnait sa femme en mal, il de-
mélilot vous mettez le tout dans un alambic
mandait qu'elle se purgeât selon la loi. Le bien scellé, et vous distillez au bain-marie;
juge envoyait les parties à Jérusalem, au cette distillation sera une eau d'ange ex-
grand consistoire, composé de soixante vieil- quise (4), ainsi nommée parce que la recette
lards. La femme était exhortée à bien regar- en fut enseignée par un ange.
der sa conscience, avant de se soumettre au Elle guérit
hasard de boire les eaux amères. Si elle per- beaucoup de maladies,,disent ses preneurs.
sistait à dire qu'elle était nette de péché, on EAU FROIDE (EPREUVE DE L'). Elle était
la menait à la porte du Saint des Saints, et fort en usage au neuvième siècle, et s'éten-
dait non-seulement aux sorciers et aux hé-
on la promenait afin de la fatiguer et de lui
laisser le loisir de songer en elle-même. On rétiques, mais encore à tout accusé dont le
lui donnait alors un vêtement noir. Un prêtre crime n'était pas- évident. Le coupable, ou
était chargé d'écrire son nom et toutes les prétendu tel, était jeté, la main droite liée au
paroles qu'elle avait dites;puis, se faisantap- pied gauche, dans un bassin ou dans une
cuve pleine d'oau, sur laquelle on
porlerun pot de terre, il versait dedans, avec grande
une coquille, la valeur d'un grand verre priait pour qu'elle ne pût supporter un cri-
minel de façon que celui qui enfonçait
d'eau il prenait de la poudre du tabernacle,
avec du jus d'herbes amères, raclait le nom était déclaré innocent.
écrit sur le parchemin, et le donnait à boire EAU LUSTRALE. Eau commune dans la.
,à la femme, qui, si elle était coupable, aus- quelle, chez les peuples païens, on éteignait
sitôt blêmissait; les yeux lui tournaient, et un tison ardent tiré du foyer des sacrifices.
elle ne tardait pas à mourir (1); mais il ne Quand il y avaitun mort dans une maison, on
lui arrivait rien si elle était innocente. meltailàla porte un grand vase rempli d'eau
lustrale, apportée de quelque autre maison
EAU BENITE. C'est une coutume très-an- où il n'y avait point de mort. Tous ceux qui
cienne dans l'Eglise, et de tradition apostoli- venaient à la maison en deuil s'aspergeaient
que (2), de bénir, par des prières, des exor- de celte eau en-sortant. Les druides em-
cistues et des cérémonies, de l'eau dont on l'eau lustrale à chasser les malé-
fait des aspersions sur les fidèles et sur les fices..ployaient
choses qui sont à leur .usage. Par cette bé-
EBÈRARD, archevêque de Trèves, mort
nédiction, l'Eglise demande à Dieu de puri- en 1067. Ayant menacé les Juifs du les chas-
fier du péché ceux qui s'en serviront, d'é- ser de sa ville, si dans un certain temps qu'il
carter d'eux les embûches de l'ennemi du leur accorda se faire instruire, ils
salut et les fléaux de ce monde (3). Bans lès n'embrassaient pour le
pas christianisme, ces mi-
constitutions apostoliques, l'eau bénite est sérables, qui se disaient réduits au désespoir,
appelée un moyen d'expier le péché et de subornèrent un sorcier qui, pour de l'argent,
mettre en fuite le démon. leur baptisa du nom de l'évéquc une image
On se sert aussi au sabbat d'une eau bé- de cire, à laquelle ils attachèrent des mè-
nite particulière. Le sorcier qui fait les fonc- ches et des bougies; ils les allumèrent le sa-
tions sacriléges (qu'on appelle la messe du medi
saint, comme le prélat allait donner le
sabbat) est chargé d'en asperger les assis- baptême. Pendant qu'il était occupé à cette
tants (4).
esainte fonction, la statue étant à moitié con-
EAU BOUILLANTE (Epreuve DE l'). On sumée, Ebérard se sentit extrêmement mal
l'employait autrefois pour découvrir la vé- on le conduisit dans la sacristie, où (dit la
rité dans les tortures qu'on appelait témé- chronique) il expira bientôt après (5).
rairement jugements de Dieu. L'accusé plon- EBLIS, nom que les mahomélans donnent
geait la main dans un vase plein d'eau au diable. Ils disent qu'au moment de la nais-
bouillante, pour y prendre un anneau sus- sance de leur prophète, le trône d'Eblis fut
(1) Leloyer, Hist.des spectres et des apparitionsdes Detancre, Tableau de l'inconstancedes démons, etc.
esprits,liv. IV,ch. xxi, p. 408. liv. VI, dise.3, p. 457.
(2) Le P. Lebrun,Explicationdes cérém., l. 1,p. 76. (4) Secrets du Petit Albert,p. 162.
Dict. théolog.
(5) Bergier,Discours (5) Histoiredes archevêquesde Trèves, ch. tvu.
(*) Boguet, des sorciers,ch. xxû, p. 141,et
5>O9 ECU ECL 51C
.J.f au fond de l'enfer, et que les idoles
précipité L'écho Cours.
des gentils furent renversées. L'amant La contree, instruite de tes ri-
EBROIN. On lit ceci dans Jacques de Vora- gueurs, ne sera plus assez insensée pour dire
gine (legenda 114) Une petite troupe de de toi un mot d'éloges.
pieux cénobites regagnait de nuit le monas- L'écho Déloge.
tère. Ils arrivèrent au bord d'un grand fleuve, Les anciens Ecossais croyaient que l'écho
et s'arrêtèrent sur le gazon pour se reposer était un esprit qui se plaisait à répéter les
un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs sons. Voy. Lavisari.
rameurs qui descendaient le fleuve avec une ECLAIRS. On rendait autrefois une espèce
grande impétuosité. L'un des moines leur de- de culte aux éclairs, en faisant du bruit avec
manda qui ils étaient « Nous sommes des la bouche; et les Romains honoraient, sous
démons, répondirent les rameurs, et nous le nom de Papysma, une divinité champêtre,
emportons aux enfers l'âme d'Ebroïn, maire pour qu'elle en préservât les biens de la
du palais, qui tyrannisa la France et qui terre. Les Grecs de l'Orient les redoutent
abandonna le monastère de Saint-Gall pour beaucoup.
rentrer dans le monde. ECLIPSES. C'était une opinion générale,
EBRON, démon honoré à Toûrnay, du chez les païens, que les éclipses de lune pro-
temps de Clovis. Il est cité parmi les démons cédaient de la vertu magique de certaines
dans le roman de- Godefroid de Rouillon, paroles, par lesquelles on arrachail la lune
vieux poëme dont l'auteur était du Hainaut. du ciel, et on t'attirait vers la terre pour la
ECHO. Presque tous les physiciens ont at- contraindre de jeter l'écume sur les herbes,
tribué la formation d.e l'écho à une répercus- qui devenaient, par là, plus propres aux sor-
sion de son, semblable à celle qu'éprouve la -tiléges des enchanteurs. Pour délivrer la
lumière quand elle tombe sur un corps poli. lune de son tourment et pour éluder la force
L'écho est donc produit par le moyen d'un du charme, on empêcliait qu'elle n'en enten-
ou de plusieurs obstacles qui interceptent le dîl les paroles en faisant un bruit horrible.
son et le font rebrousser eu arrière. Une éclipse annonçait ordinairement de
Il y a des échos simples et des échos com- grands malheurs, et on voit souvent, dans
posés. Dans les premiers, on entend une l'antiquité, des armées refuser de se battre à
simple répétition du son, dans les autres, on cause d'une éclipse.
l'entend une, deux, trois, quatre fuis et da- Au Pérou, quand le soleil s'éclipsait, ceux
vantage. tien est qui répètent plusieurs mots du pays disaient qu'il était fâché contre eux,
de suite les uns après les autres; ce phéno- et se croyaient menacés d'un grand malheur.
mène à lieu toutes les fois qu'on se trouve à Ils avaient encore plus de crainte dans
une distance de l'écho, telle qu;on ait le
l'éclipse de lune. Ils la croyaient malade
temps de prononcer plusieurs mots avant lorsqu'elle paraissait noire; ils comptaient
que la répétition du premier soit parvenue à qu'elle mourrait infailliblement si elle ache-
l'oreille. Dans la grande avenue du château vait de s'obscurcir; qu'alors elle tomberait
de Villcbertain, à deux lieues de Troyes, on du ciel, qu'ils périraient tous, et que la fin
entend un écho qui répète deux fois un vers du monde arriverait. Ils en,avaient une telle
de douze syllabes. frayeur, qu'aussitôt qu'elle commençait à
Quelques échos ont acquis une sorte de s'éclipser, ils faisaient un bruit.terrible avec
célébrité. On cite celui de la vigne Simonelta, des trompettes, des cornets et des tambours;
qui répétait quarante fois le même mot. A ilsfoueltaienldeschienspouries faire aboyer,
Woodstock, en Angleterre, il y en avait un dans l'espoir que la lune, qui avait de l'af-
qui répétait le môme son jusqu'à cinquante fection pour ces animaux, aurait pitié de
fois. A quelques lieues de Glascow, en Ecosse, leurs cris et s'éveillerait de l'assoupissement
il se trouve un écho encore plus singulier.
que sa maladie lui causait. En même temps,
Un homme joue un air de trompette de huit à les hommes, les femmes et les enfants la
dix notes; l'écho les répète fidèlement, mais suppliaient, les larmes aux yeux et avec de
une tierce plus bas, et cela jusqu'à trois fois,
grands cris, de ne point se laisser mourir, de
interrompues par un petit silence. peur que sa mort ne fût cause de leur perte
Il y eut des gens assez simples pour cher- universelle. Tout ce bruit ne cessait que
cher des oracles dans les échos. Les écrivains quand la lune, reparaissant, ramenait le
des derniers siècles nous ont conservé quel- calme dans les esprits épouvantés.
ques dialogues de mauvais goût sur ce sujet. Les Talapoins prétendent que quand la
Un amant: Dis-moi, cruel amour, mon lune s'éclipse, c'est un dragon qui la dévore;
bonheur est-il évanoui? et que quand elle reparaît, c'est le dragon
L'écho: Oui. qui rend son dîner.
L'amant: Tu ne parles pas ainsi, quand tu Dans les vieilles mythologies germaniques,
séduis nos cœurs, et que tes promesses^les deux loups poursuivaient sans cesse le soleil
cntraînenNlans de funestes engagements. et la lune les éclipses étaient des luttes con-
L'éèho Je mens. tre ces monstres.
L'amant: Par pitié, ne ris pas de ma peine. Les Européens, crédules aussi, regardaient
Réponds-moi, me reste-t-il Quelque espoir autrefois les éclipses comme des signes fâ-
ou non? cheux une éclipse de soleil, qui eut lieu le
L'écho: Non; 13 août 1664, fut annoncée .comme l'avant-
L'amant Eh bien c'en est fait, tu veux coureur d'un déluge semblable à celui qui
ma mort, j'y cours. était arrivé du temps de Noé, ou plutôt d'un
m
rit DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 512
déluge de feu, qui devait amener la fin du De tous les mouvements du corps, il n'en
monde. Cette prédiction épouvanta tellement est point d'aussi variés que ceux de la main
les masses, qu'un curé de campagne (c'est et des doigts, et de tous les mouvements de la
un petit conte que nous rapportons), ne main et des doigts, les plus diversifiés sont
pouvant suffire à confesser tous ses parois- ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre
siens, qui craignaient de mourir dans cette mot jeté sur le papier, combien de points
circonstance, et sachant que tout ce qu'il combien de courbes ne renferme-t-il pas!
pourrait leur dire de raisonnable à cet égard II estévidentencore, poursuit Lavater, que
ne prévaudrait pas contre les prédictions chaque tableau, que chaque figure détachée
fâcheuses, fut contraint de leur annoncer au et, aux yeux de l'observateur et du connais-
prône qu'ils ne se pressassent pas tant, et seur, chaque trait, conservent et rappellent
que l'éclipse avait été remise à quinzaine(l). l'idée du peintre. Que cent peintres, que
Dans les Indes, on est persuadé, quand le tous les écoliers d'un même maître dessinent
soleil ou la lune s'éclipse, qu'un certain la même figure, que toutes ces copies res-
démon aux griffes noires les étend sur l'as- semblent à l'original de la manière la plus
tre dont il veut se saisir; pendant ce temps, frappante, ellés n'en auront pas moins, cha-
on voit les rivières couvertes de têtes d'In- cune, un caractère particulier, une teinte et
diens qui croient soulager l'astre menacé en une touche qui les feront distinguer.
se tenant dans l'eau jusqu'au cou. Si l'onestobligéd'admettre une expression
Les Lapons sont convaincu&aussi que les caractéristique pourles ouvrages de peinture,
éclipses de lune sont l'ouvrage des démons. pourquoi voudrait-on qu'elle disparût entiè-
Les Chinois prétendaient, avant l'arrivée rement dans les dessins et dans les figures
des missionnaires jésuites, qui les éclairè- que nous traçons sur le papier? Chacun de
rent, que les éclipses étaient occasionnées nous a son écriture propre, individuelle et
par un mauvais génie, lequel cachait le soleil inimitable, ou qui du moins ne saurait être
de sa main droite et la lune de sa main gau- contrefaite que très-difficilement et très-im-
che. parfaitement. Les exceptions sont en trop
Cependant cette opinion n'était pas géné- petit nombre pour détruire la règle.
rale, puisque quelques-uns d'entre eux di- Celle diversité incontestable des écritures
saient qu'ilyavaitau milieudu soleil un grand ne serait-elle point fondée sur la différence
trou, et que, quand la lune se rencontrait vis- réelle du caractère moral?
à-vis, elle devait naturellement être privée de On objectera que le même homme, qui
lumière.
pourtant, n'a qu'un seul et même caractère,
Dieu disent les Persans, tient le soleil
peut diversifier son écriture. Mais cet homme,
enfermé dans un tuyau qui s'ouvre et se ferma
au bout par un volet. Ce bel ceil du monde malgré son égalité de caractère, agit ou du
moins paraît agir souvent de mille manières
éclaire l'univers et l'échauffé par ce trou; et différentes. De même qu'un esprit doux se
quand Dieu veut punir les hommes parla pri- livre quelquefois à des de
vation de la lumière, il envoie l'ange Gabriel emportements,
même aussila plus belle main sopermel,dans
fermer le volet, ce qui produit les éclipses.
Mais Dieu est si bon, qu'il n'est jamais fâché l'occasion, une écriture négligée; mais alors
encore celle-ci aura un caractère tout à fait
longtemps. Les Mandingues, nègres maho- différent du griffonnaged'un homme qui écrit
métansde l'intérieur de l'Afrique, attribuent
les éclipses de lune à un chat gigantesque toujours mal. On reconnaîtra la belle main
du premier jusque dans sa plus mauvaise
qui met sa patte entre la lune et la terre; et, écriture, tandisque l'écriture la plus soignée
pendant tout le temps que dure l'éclipse, ils du second se ressentira toujours de son bar-
ne cessent de chanter et de danser en l'hon-
neur de Mahomet bouillage.
Cette diversité de l'écriture d'une seule et
LesMexicains, effrayés, jeûnaient pendant
mêmepersonnenefaitque confirmerla thèse;
les écli.pses. Les femmes se maltraitaient, et
il résulte de là que la disposition d'esprit où
les filles se tiraient du sang des bras. Ils s'i-
nous nous trouvons influe surnotreécriture.
maginaient que la lune avait été blessée par Avec la même encre, avec la même plume
le soleil pour quelque querelle de ménage.
des et sur le même papier, l'homme façonnera
ECREGORES, pères géants, suivant un tout autrement son écriture quand il traite
livre apocryphe d'Enoch. Les anges qu'il
nomme ainsi s'assemblèrent sur le mont Hé- une affaire désagréable, ou quand il s'entre-
mon du temps du patriarche Jared, et s'en- tient cordialement avec son ami.
gagèrent par des anathèines à ne se point Chaque nation, chaque pays, chaque ville
séparer qu'ils n'eussent enlevé les filles des a son écriture particulière, tout comme ils
hommes. ont une physionomie et une forme qui leur
ECRITURE. Art de juger les hommes- par sont propres (1). Tous ceux qui ont un com-
leur écriture, d'après Lavater. Tous 1rs mence de lettres un peu étendu. pourront
mouvements de notre corps reçoivent leurs vérifier la justesse de cette remarque. L'ob-
modifications du tempérament et du carac- servateur intelligent ira plus loin, et il jugera
tère. Le mouvement du sage n'est pas celui déjà du caractère de son correspondant sur
de l'idiot, le port et ladémarche diffèrentsen- la seule adresse (j'entends l'écriture de l'a-
siblement du colérique au flegmatique, du
sanguin au mélancolique. (!) Quand Lavater écrivait, on n'avait pas encore intro-
duit l'écriture mécanique, dite écriture anglaise ou améri-
(1) Legall., Catend.véritable, p. 46. caine.
.0 f
515 ECR EDR 5U
dresse, car le stvle
style fournit des indices
indirp.s nlni
plus r«c anciens
Les tinKioni rois
mie <i'tni.inin.M <•>
d'Angleterre, suivant cer-
I positifs encore), a peu prèscomme letitre d'un tains auteurs, avaient ce pouvoir (1), mais
livre nous fait connaître souvent la tournure d'une autre source. Quand Jacques II fut re-
d'esprit de l'auteur. conduit de Rochester à White-Hall, on pro-
Une belle écriture suppose nécessairement posa de lui laisser faire quelque acte de
une certaine justesse d'esprit, et en particu-
lier l'amour de l'ordre. Pour écrire avec une royauté, comme de toucher les écrouelles. Il
ne se présenta personne.
belle main, il faut avoir du moins une veine
On attribua aussi aux rois de France le
d'énergie, d'industrie,de précision et de goût, don d'enlever les écrouelles par l'imposition
chaque effet supposant une cause qui lui est des mains, accompagnée du signe de la croix.
analogue. Mais ces gens, dont l'écriture est Louis XIII, en 1639, toucha,
si belleet si élégante, la peindraient peut-éire à Fontaine-
encore mieux si leur esprit était plus cultivé bleau, douze cents scrofuleux, et les mé-
et plus orné. moires du temps attestent que plusieurs fu-
On distingue, dans l'écriture, la substance rent guéris. On fait remonter cette préroga-
tive jusqu'à Clovis. Voy. Lancinet, Cra-
et le corps des lettres, leur forme et leur ar-
chat, etc.
rondissement, leur hauteur et leur longueur,
leur position, leur liaison, l'intervalle qui ECUREUILS. Les Sirianes, peuplades de
les sépare, l'intervalle qui est entre les li- la Russie d'Europe, ont pour la chasse de
gnes, la netteté de l'écriture, sa légèreté ou l'écureuil une superstitieuse idée qu'on ire
sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une peut déraciner. Us ne cherchent, dans toute
parfaite harmonie, il n'est nullementdifficile la journée, les écureuils qu'au haut des sapins
de découvrir quelque chose d'assez précis rouges, si le premier tué le matin s'est trouvé
dans le caractère fondamental de l'écrivain. sur un arbre de cette espèce; et ils sont fer-
Une écriture de travers annonce un ca- mement convaincus qu'ils en chercheraient
ractère faux, dissimulé, inégal. Il y a la plu- en vain ailleurs. Si c'est au contraire sur un
part du temps une analogie admirable entre sapin sylvestris qu'ils ont aperçu. leur pre-
le langage, la démarche et l'écriture. mier écureuil, ils ne porteront leurs regards
Des lettres inégales, mal jointes, mal sépa- que sur cette surte d'arbres pendant tout le
rées, mal alignées, et jetées en quelque sorte jour de chasse.
séparément sur le papier, annoncent un na- EDELINE(GuiLLAUME),docteuren théologie
turel flegmatique, lent, peu ami de l'ordre et du quinzième siècle, prieur deSaint-Germain-
de la propreté. en-Laye. Il fut exposé et admonesté publi-
Une écriture plus liée, plus suivie, plus quement à Evreux, pour s'être donné au
diable afin de satisfaire ses passions mon-
énergique et plus ferme annonce plus de vie, daines. Il avoua qu'il s'était transporté au
plus de chaleur, plus de goût. Il y a des écri- sabbat sur un balai (2); que, de sa bonne vo-
tures qui dénotent la lenteur d'un homme
lourd et d'un esprit pesant. lonté, il avait fait hommage à l'ennemi, qui
était sous la forme d'un mouton qu'il lui
Une écriture bien formée, bien arrondie, avait alors baisé brutalement sous la queue
promet de l'ordre, de la précision et du goût. son derrière, en signede révérence et d'hom-
Une écriture extraordinairement soignée an-
nonce plus de précision et plus de fermeté, mage (3). Le jour du jugement étant arrivé,
il fut conduit en place publique, ayant une
mais peut-être moins d'esprit. mitre de papier sur la tête
Une écriture lâche dans quelques-unes l'inquisiteur
Je
ses parties, serrée dans quelques autres, puis l'engagea à se repentir, et lut la sentence
qui le condamnait à la prison, au pain et à
longue, puis étroite, puis soignée, puis né- l'eau. « Lors ledit maître Guillaume com-
gligée, laisse entrevoir un caractère léger,
incertain et flottant. mença à gémir et à condouloir de son mé-
fait, criant merci à Dieu, à l'évéque et à jus-
Une écriture lancée, des lettres jetées, pour tice (4.). »
ainsi dire, d'un seul trait, et qui annoncent
la vivacité de l'écrivain, désignent un esprit EDRIS, nom que les musulmans donnent à
Enoch ou Hénoch, sur lequel ils ont forgé
ardent, du feu et des caprices. diverses traditions. Dans les guerres conti-
Une écriture un peu penchée sur la droite, nuelles qne se faisaient les enfants de Seth
et bien coulante, annonce de l'activité et de et de Caïn, Hénoch, disent-ils, fut le premier
la pénétration. Une écriture bien liée, cou-
lante et presque perpendiculaire, qui introduisit la coutume de faire des es-
promet de claves il avait reçu du ciel, avec le don de
la finesse et du goût. Une écriture originale science et de sagesse, trente volumes rem-
et hasardée d'une certaine façon, sans mé-
plis des connaissances les plus abstraites
thode, mais belle et agréable, porte l'em- lui-même en composa beaucoup d'autres,
preinte du génie, etc. aussi peu connus que les premiers. Dieu
Il est inutile d'observer combien, avec l'envoya aux Caïnites pour les ramener dans
quelques remarques judicieuses, ce système la bonne voie. Mais ceux-ci ayant refusé do
est plein de témérités et d'exagérations. >
Voy.
Physiognomonib. (1)PolydoreVirgile.
(2) Edoctus scopam sumere, et inter femora equilis
ECROUELLES. Delancre dit que ceux instar ponere,quo volebatbrevi momeuto,etc. Gaguin,
liv. X.
qui naissent légitimement septièmes mâles, (3) Monstrelet,AlainChartier, à l'année 1433.
sans mélanges de filles, ont le don inné de (4) Monstrelet, cité par M. Garinet, Histoire de la
guérir les écrouelles en les touchant. magie en France, p. 107.
515 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. SIS
l'écouter, il leur fit la guerre, et réduisit démon de la renverser. L'esprit malin obéis-
leurs femmes et leurs enfants en esclavage. sait ce signe était la preuve qu'il avait quitté
Les Orientaux lui attribuent l'invention de son gtte.
la couture et de l'écriture, de l'astronomie, ÉLÉAZAR DE GARNIZA, auteur hébreu,
de l'arithmétique, et encore plus particuliè- qui a laissé divers ouvrages dont plusieurs
rement de la géomancie. On dit de plus qu'il ont été imprimés, et d'autres sont restés ma-
fut la cause innocente de l'idolâtrie. Un de nuscrits. On distingue de lui un Traité de
ses amis, affligé de son enlèvement, forma de l'âme, cité par Pic de La Mirandole dans son
lui, par l'instigation du démon, une repré- livre contre les Astrologues, et un Commen-
sentation si vivement exprimée, qu'il s'entre- taire cabalistique s~ur le Pentateuque.
tenait des jours entiers avec elle, et lui ren- ÉLÉMENTS. Les éléments sont peuples de
dait des hommages particuliers qui peu à substances spirituelles, selon les cabalistes.
peu dégénérèrent en superstition. Voy. HÉ- Le feu est la demeure des salamandres; l'air,
NOCH. celle des sylphes; les eaux, celle des ondins
EFFRONTÉS hérétiques qui parurent ou nymphes, et la terre celle des gnomes.
dans la première moitié du seizième siècle. -Selon les démonomanes, les éléments sont
Ils niaient le Saint-Esprit, pratiquaient di- abondamment peuplés de démons et d'es-
verses superstitions, rejetaient le baptême prits. Et il est certain du moins que les puis-
et le remplaçaient par une cérémonie qui sances de l'air ne le laissent pas vide.
consistait à se racler le front avec un clou ÉLÉPHANT. On a dit des choses merveil-
jusqu'à effusion de sang, puis à le panser leuses de l'éléphant. On lit encore dans de
avec de l'huile. C'est cette marque qui leur vieux livres qu'il n'a pas de jointures, et
restait au front qui leur a fait donner leur que, par cette raison, il est obligé de dormir
nom d'effrontés. debout, appuyé contre un arbre ou contre un
ÉGÉRIE, nymphe qui seconda Numa Pom- mur; que s'il tombe, il ne peut se relever.
pilius dans son projet de civiliser les Ro- Cette erreur a été accréditée par Diodore de
mains. Les démonomanes en ont fait un dé- Sicile, par Strabon et par d'autres écrivains.
mon succube, et les cabalistes un esprit élé- Pline conte aussi que l'éléphant prend la
mentaire, une ondine selon les uns, une sala- fuite lorsqu'il entend un cochon et, en effet,
mandre selon les autres, qui la disent fille de on a vu en 1769, qu'un cochon ayant été in-
Vesta. Voy. ZOROASTRE et Numà. troduit dans la ménagerie de Versailles, son
ÉGJPANS, démons que les païens disaient grognement causa une agitation si violente
habiter les bois et les montagnes, et qu'ils à un éléphant qui s'y trouvait, qu'il eût
représentaient comme de petits hommes ve- rompu ses barreaux si l'on n'eût retiré
lus, avec des cornes et des pieds de chèvre. aussitôt l'animal immonde.
Les anciens parlent de certains monstres de jElien assure qu'on a vu un éléphant qui
Libye, auxquels on donnait le même nom avait écrit des sentences entières avec sa
ils avaient un museau de chèvre avec une trompe, et même qui avait parlé. Christophe
queue de poisson c'est ainsi qu'on repré- Acosta assure la même chose (3).
sente le capricorne. Ou trouve cette même Dion Cassius préle à cet animal des senti-
figure dans plusieurs monuments égyptiens ments religieux. Le matin, dit-il, il salue le
et romains. soleil de sa trompe; le soir il s'agenouille
ÉGITHE, sorte d'épervier boiteux dont et, quand la nouvelle lune parait sur l'hori-
une idée bizarre avait répandu l'opinion chez zon, il rassemble des fleurs pour lui en com-
les anciens, que sa rencontre était du plus poser un bouquet.
heureux présage pour les nouveaux mariés. On, sait que les éléphants ont beaucoup de
ÉLAIS, une des filles d'Annius, laquelle, en' goût pour la musique; Arrien rapporte qu'il
qualité de sorcière, changeait en huile tout y en a eu un qui faisait danser ses camara-
ce qu'elle touchait. des au son des cymbales. On vil à Rome des
ÉLASTICITÉ. Il y â des pierres élastiques éléphants danser la pyrrhique, et exécuter
et des grès flexibles. Une poutre en marbre, des sauts périlleux sur la corde.Enfin, avant
qui fait l'étonnement des curieux à la cathé- les fêtes données par Germanicus douze
drale de Lincoln, est élastique (1). De telles éléphants en costume dramatique exécutè-
raretés ont passé autrefois pour œuvres de rent un ballet en action. On leur servit en-
féerie. suite une collation ils prirent place avec
ÉLÉAZAR, magicien, juif de nation, qui décence sur des lits qui leur'avaient été pré-
attachait au nez des possédés un anneau où parés. Les éléphants mâles étaient revêtus
était enchâssée une racine dont Salomon se de la toge; les femelles, de la tunique. Ils se
servait, et que l'on présume être la squille (2). comportèrent avec toute l'urbanité de convi-
A peine le démon t'avait-il flairée, qu'il je- ves bien élevés, choisirent les mets avec dis-
tait le possédé par terre et l'abandonnait. Le cernement, et ne se firent pas moins remar-
magicien récitait ensuite des paroles que Sa- quer par leur sobriété que par leur poli-
loinon avait laissées par écrit; et, au nom de tesse 0).
ce prince, il défendait au démon de revenir Au Bengale l'éléphant blanc a les honneurs
dans le même corps après quoi il remplis- de la_ divinité il ne mange jamais que dans
sait une cruche d'eau, eL commandait audit de la vaisselle de vermeil. Lorsqu'on le con»
(1) MonthlyMagaziue,oct. 1825,p. 224: Hv.III, ch. i, p. 241.
(2) Bpdin,Démonomanie,etc., liv.I, ch. m,p. 88. `
(4) M. SaigHes,des Erreurs, etc., t. 111 u. 196.
(ÏJ ThomasBrown,Essaissur les erreurs populaires,
517 ELE ELF 818
duit à la promenade, dix personnes de dis- foule la remplissait. SousGf\ HO«1
unf vaste dais, des
tinction portent un dais sur sa tête. Sa mar- officiers richement vêtus attendaient le mo-
che est une espèce de triomphe, et tous les narque, qui a bientôt paru avec tous ses
instruments du pays l'accompagnent. ministres et ses esclaves on agitait devant
Les mêmes cérémonies s'observent lors- lui un vaste éventail de plume. L'éléphant
qu'on le mène boire. Au sortir de la rivière, sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit
un seigneur de la cour lui lave les pieds dans sous une tente magnifique dont j'apercevais
un bassin d'argent. les banderolles. Peu après, les gongs, les
Voici, sur l'éléphant blanc, des détails tambours, Iescymbales retentirent avec leurs
plus étendus Un Européen, établi à Cal- sons aigres et perçants. J'étais assez commo-
cutta depuis deux ans, écrivait dernièrement dément placé. Un cortége de talapoins com-
au Sémaphore de Marseille une lettre dont le mença à défiler; ces prêtres avaient l'air
passage suivant rappelle une des plus étran- grave et s'avançaient lentement. Une triple
ges superstitions des peuples de l'Inde rangée de soldats entourait le noble animal,
a Je veux vous envoyer-le récit que vient qui avait un air maladif et marchait difficile.
de me faire M. Smithson, voyageur anglais, ment. On cria à mes côtés –Voilà celui
arrivé tout récemment de Juthia, capitale du qui l'a pris.
royaume de Siam. M. Smithson m'a beaucoup « Je regardai et vis un petit homme borgne
amusé aux dépens de ces Siamois qui conti- et bossu, qui tenait un des nombreux rubans
nuent toujours à adorer leurs éléphants dorés passés au cou de l'éléphant; cet homme
blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse était mon domestique, Tungug-Poura.
était à la cour et parmi tous les habitants de « Le voilà donc gendre du roi.
Juthia un seul éléphant blanc avait survécu « 11 vint me voir un jour en palanquin et
à une espèce de contagion qui s'était glissée me parut fort content de sanouvelle position.
dans les' écuries sacrées. Le roi fit publier à L'éléphant blanc, qui a fait sa fortune, se
son de trompe qu'il donnerait dix esclaves, présenta à lui à cinquante journées do mar-
autant d'arpents de terre qu'un éléphant che de Juthia, dansun marais où il était cou-
pourrait en parcourir dans un jour, et une ché, abattu par une fièvre à laque)le les ani-
de ses filles en mariage à l'heureux Siamois maux de cette espèce sont sujets; car leur
qui trouverait un autre éléphant blanc. couleur blanche est, comme on sait, le résul-
M. Smithson avait pris à son service, pour tat d'une maladie. Tungug-Poura s'approcha
lui faire quelques commissions dans la ville, de l'éléphant, le nettoya, versa de l'eau sur
un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué les plaies et les boutons du dos, et prodigua
de misère, qui s'appelle Tungug-Poura. Ce tellement ses soins et ses caresses à l'intelli-
Tungug-Poura avait touché le cœur compa- gente bête, que celle-ci lécha Tungug' de sa
tissant du voyageur anglais,qui l'avait'fait trompe, et se mit à le suivre avec la docilité
laver, habiller, et le nourrissait dans sa cui- d'un petit chien. Tungug est ainsi parvenu,
sine. Tungug, malgré sa chétive et stupide favorisé d'abord par un hasard presque ines-
apparence, nourrissait une vaste ambition péré, à s'emparer d'un éléphant blanc. Le
dans sa chemise de toile, son unique vête- pauvre bossu a maintenant des esclaves, et
ment il entendit la proclamation de l'empe- possède la princesse dont le nom signifie en
reur de- Siam, et vint, d'un air recueilli se langue siamoise les yeux de la nuit. »
présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup ELFES, génies scandinaves. On croit, aux
en l'entendant lui déclarer qu'il allait cher- bords de la Ballique, qu'il y a un roi des El-
cher un éléphant blanc, et qu'il était décidé fes, qui règne à la fois sur l'Ile de Stern, sur
à mourir, s'il ne trouvait pas l'animal sacré. celle de Mœ et sur celle de Rugen. Il a un
« Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smith- char attelé de quatre étalons noirs. II s'en va
son l'effet d'un chasseur bien habile les élé- d'une île à l'autre en traversant les airs;
phants blancs se trouvent en très-petit nom- alors on distingue très-bien le hennissement
bre dans des retraites d'eaux et de bois d'unn de ses chevaux, et la mer est toute noire.
accès difficilè. Mais rien ne put changer la Ce roi a une grande armée à ses ordres ses
résolution de Tungug, qui, serrant avec re- soldats nesont autre choseque les grands chê-
connaissance une petite sommed'argent dont nes qui parsèment l'ile.Lejour, ils sont con-
son maître le gratifia, partit avec un arc, des damnés à vivre sous une écorce d'arbre; mais
flèches et une mauvaise paire de pistolets.- la nuit, ils reprennent leur casque et leur
M. Smithson, que je vais laisser parler, me épée, et se promènent fièrement au clair de la
disait donc l'autre soir lune. Dans les temps de guerre, le roi les as-
« Cinq mois après, je uic réveillai au bruit semble autour de lui. On les voit errer au-
de tous les tambours de l'armée du Roi un dessus de la côte, et alors malheur à cclui
tintamarre affreux remplissait la ville. Je qui tenterait d'envahir le pays (1)! Voy. Er-
m'habille et descends dans la rue, où des CELDODNE.
hommes, des femmes, des enfants couraient La tradition des bons et des mauvais anges
en poussant des cris de joie. Je m'informai de est sensible dans les fictions del'Edda. Snorro
la cause de tous ces bruits on me répondit Sterlason nous apprend que les elfs de la lu-
que l'éléphant blanc arrivait. mière, dont Ben Johnson a fait les esprits
« Curieux d'assister à la réception de ce blancs de ses Masques, séjournent dans Alf-
grand et haut personnage, je me rendis à la Heim (demeure des Elfs ), le palais du ciel.
porte de la ville, que précède une place im- tandis que les swart elfs, elfs do la nuit, ha-i
'inense entourée d'arbres et de canaux la (l) M. Marinier,Traditionsde la Baltique.
).
519 D1CTI0NN.AIKEDE3 SCIENCES OCCULTES. 520

le entrailles de la terre. Les premiers


litcnt les
Litent les-Quint pour général de cette armée navale
ne seront pas sujets à la-mort car les flam- qu'il envoya en Barbarie. Le bonhomme était
mes de Surtur ne les consumeront pas, et âgé de cent trente-deux ans, à ce qu'il as-
leur dernière demeure sera Vid-Blain, le plus sura à ce général, lequel était allé loger chez
haut ciel des bienheureux mais les. swart lui, et, le voyant d'un si grand âge, s'était in-
sont mortels et sujets à toutes les mala- formé de sa manière de vivre et de celle de
elfs
dies, quels que soient d'ailleurs leurs attri- plusieurs de ses voisins, qui étaient presque
buts. tous âgés comme lui (2).
Les Islandais modernes considèrent aussi On conte qu'un charlatan apporta un jour
le peuple elf commeformant une monarchie; à l'empereur de la Chine Li-con-pan, un
ou du moins ils le font gouverner par un vice- élixir merveilleux, et l'exhorta à le boire, en
roi absolu qui, tous les ans, se rend en Nor- lui promettant que ce breuvage le rendrait
immortel. Un ministre, qui était présent,
wége avec une députation de pucks (lutins),
pour y renouveler son serment d'hommage- ayant tenté inutilement de désabuser le sou-
lige au souverain seigneur, qui réside dans verain, prit la coupe et but la liqueur. Li-
la mère-patrie. 11 est évident que les Islan- con-pan, irrité de cette hardiesse, condamna
dais croient que les elfs sont, comme eux, à mort le mandarin, qui lui dit d'un air tran-
une colonie transplantée dans l'île (1). Voy. quille -Si ce breuvagedonne l'immortalité,
DANSESDES ESPRITS. vous ferez de vains efforts pour me faire mou-
ELIE. Les Orientaux en font un puis- rir et s'il ne la donne pas, auriez-vous l'in-
sant magicien. Voyez Alexandre le Grand. justice de me faire mourir pour un si frivole
larcin?
ELIGOR, le même qu'Abigor. Voy. Abi-
GOR. Ce discours calma l'empereur, qui loua la
ELINAS, roi d'Albanie. Voy.MÉLUsiNE. sagesse et la prudence de son ministre (3).
ELIXIR DE VIE. L'élixir de vie n'est au- ELOGE DE L'ENFER, ouvrage critique,
tre chose, selon le Trévisan,que la réduction historique et moral; nouvelle édition, La
de la pierre philosophale en eau mercurielle; Haye, 1759, 2 vol. in– 12, Gg. C'est un li-
on l'appelle aussi or potable. Il guérit toutes vre satirique très-pesamment écrit, dans un
sortes de maladies et prolonge la vie bien au esprit très-médiocre.
delà des bornes ordinaires. L'élixir parfait EL0SS1TE, pierre qui a la vertu de guérir
au rouge change le cuivre, le plomb, le fer les maux de tête. On ne sait pas trop où elle
et tous les métaux en or plus pur que celui se trouve.
des mines. L'élixir parfait au blanc, qu'on ap- ELXAI ou ELCESAI, chef des eleésaïtes,
pelle encore huile de talc, change tous les mé- hérétique du deuxième siècle, qui faisait du
taux en argent très-fin. Saint-Esprit une femme, et qui proposait une
Voici la recette d'un autre élixir de vie. liturgie dont les prières étaient des jure-
ments absurdes.
Pour faire cet élixir, prenez huit livres de
suc mercuriel deux livres de suc de bourra- EMAGD1NQUILLIERS, race de géants, ser-
viteurs dlamen, dieu de la mort chez les In-
che, tiges et feuilles, douze livres de miel de diens. Ils sont chargés de tourmenter les mé-
Narbonne ou autre, le meilleur du pays; chants dans les enfers.
mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon
EMBARHER. Voy. LIGATURES.
pour l'écumer; passez-le par la chausse à EMBUNGALA, prêtre idolâtre du Congo. 11
hypocras, et clarifiez-le. Mettez à part infu- passe chez les noirs de ces contrées pour un
ser, pendant vingt-quatre heures, quatre on- si grand sorcier, qu'il peut d'un coup de sif-
ces de racine de gentiane coupée par tranches flet faire venir devant lui qui bon lui semble,
dans trois chopines de vin blanc, sur des cen- s'en servir comme d'un esclave, et le vendre
dres chaudes, agitant de temps en temps même s'il le juge à propos.
vous passerez ce vin dans un linge'sans l'ex- EMERAUDE. La superstition a longtemps
primer mettez cette colature dans lesdits attribué à cette pierre des vertus miraculeu-
sucs avec le miel, faisant bouillir doucement
ses, telles entre autres que celle d'empêcher
le tout et cuire en consistance de sirop; vous les symptômes du mal caduc, et de se briser
le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée,
ensuite le déposerez dans des bouteilles que lorsque la crise est trop violente pour qu'elle
puisse la vaincre.
vous conserverez en un lieu tempéré, pour La poudre de franche émeraude arrêtait,
vous en servir, en en prenant tous les matins
une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, réta- disait-on, la dyssenterie et guérissait la mor-
sure des animaux venimeux.
blit la santé contre toutes sortes de mala- Les peuples de la vallée de Manta, au Pé-
dies, même la goutte, dissipe la chaleur des rou, adoraient une émeraude grosse comme
entrailles; et quand il ne resterait dans le un œuf d'autruche, et lui offraient d'autres
corps qu'un petit morceau de poumon et que émeraudes.
le reste serait gâté, il maintiendrait le bon et
rétablirait le mauvais; il guérit les douleurs EMMA, fille de Richard II, duc de Norman-
die. Cette princesse épousa Etheired, roi
d'estomac, la sciatique, les vertiges, la mi- et en eut deux fils, dont l'un
graine, et généralement les douleurs inter- d'Angleterre,
nes. régna après la mort de son père; c'est saint
Edouard. Ce prince écoutait avec déférence
Ce secret a été donné par un pauvre paysan les pieux avis de sa mère; mais un ambitieux,
de Calabre à celui qui fut nommé par Char-
li) Admirablessecretsdu Petit Albert,p. 163.
(0 Traditionspopulaires,dansle Quurlerlyrevieiiw. (3)Bibliothèquede société, t. 111.
521 EMP ENC S22
que l'histoire peint sous d'assez laides cou- trait à cette heure-la, on mourrait à l'instant
leurs, Godwin, comte de Kent, qui était son même.
ministre, et qui voyait avec peine son auto- ENARQUE. Il revint de l'autre monde (ou
rité partagée avec Emma, chercha à perdre d'une syncope ) après avoir passé plusieurs
cette princesse il l'accusa de différents cri- jours en enfer, et raconta à Plutarque lui-
mes, et il eut l'adresse de faire appuyer son même tout ce qui concernait Pluton, Minos,
accusation par plusieurs seigneurs, mécon- Eaque, les Parques, etc. (2).
tents comme lui du pouvoir d'Emma. Le roi ENCENS. « En la région Sachalile,- qui
dépouilla sa mère de toutes ses richesses. n'est autre que le royaume de Tartas, l'en-'
La princesse eut recours à Alwin, évéque cens qui s'y recueillait se mettait à grands
de Winchester, son parent. Le comte de monceaux en certaine place, non loin du
Kent, voulant écarter un protecteur aussi port, où les marchands abordaient. Cet en-
puissant, et ne reculant pas devant les moyens cens n'était gardé de personne, parce que
les plus infâmes, accusa la princesse d'un le lieu était assez gardé des démons et ceux
commerce coupable avec ce prélat cette qui abordaient près de la place n'eussent osé,
odieuse accusation, appuyée impudemment en cachette ni ouvertement, prendre un seul
par les ennemis de la princesse et du saint grain d'encens et le mettre en leur navire
évéque, fit impression sur l'esprit d'Edouard; sans la licence et permission expresse du
il eut la faiblesse de mettre sa mère en juge- prince; autrement leurs navires étaient rete-
ment elle fut condamnée à se purger par nus par la puissance secrète des. démons,
l'épreuve du feu. gardiensde l'encens, et ne pouvaient se mou-
La coutume de ce temps-là en Angleterre, voir ni partir du port (3). »
voulait que l'accusé passât nu-pieds sur neuf ENCHANTEMENTS. On entend par en-
coutres de charrue rougis au feu; et la con- chantement l'art d'opérer des prodiges par
damnation portait qu'Emma ferait sur ces des paroles chantées mais on a beaucoup
coutres neuf pas pourelle-méme et cinq pour étendu le sens de ce mot.
l'évêque de Winchester. Elle employa en
On voyait, au rapport de Léon l'Africain,
prières la nuit qui précéda cette périlleuse tout au haut des principales tours de la cita-
épreuve; puis raffermie, elle marcha sur les delle de Maroc, trois pommes d'or d'un prix
neuf coutres, au milieu de deuxévêques, ha-
billée comme une simple bourgeoise et les inestimable, si bien gardées par enchante-
ment, que les rois de Fez n'y ont jamais pu
jambes nues jusqu'aux genoux. Le feu ne lui
fit aucun mal; de sorte que son innocence toucher, quelques efforts qu'ils aient faits.
Ces pommes d'or ne sont plus.
fut reconnue.
Marc Paul conte que des Tartares ayant
EMODÈS, l'un des démons qui possédaient
Madeleine de La Palud. pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils
étaient en guerre, se disposaient à les déca-
EMOLE, génie que les basilidiens invo- piler mais ils n'en purent venir à bout,
quaient dans leurs cérémonies magiques. parce que ces insulaires portaient au bras
EMPUSE démon de midi. Aristophane, droit, entre cuir et chair, une petite pierre
dans sa comédie des Grenouilles, le représente enchantée qui les rendait insensibles au
comme un spectre horrible, qui prend diver- tranchant du cimeterre de sorte qu'il fallut
ses formes, de chien, de femme, de bœuf, de les assommer pour les faire mourir. Voy.
vipère, qui a le regard atroce, un pied d'âne PAROLESmagiques, CHARMES, FASCINATION,
et un pied d'airain, une flamme autour de la TOUR enchantée, etc.
tête, et qui ne cherche qu'à faire du mal. On entend souvent par enchantement
Les paysans grecs et russes ont conservé quelque chose de merveilleux. Les arts ont
des idées populaires attachées à ce monstre; aussi produit des enchantements, mais natu-
ils tremblentau temps des foins et des mois- rels, et regardés comme œuvre de magie-
sons à lit seule pensée de l'Empusc, qui, dit- par ceux-là seuls qui attribuent à la magie
on, rompt bras et jambes aux faucheurs et tout ce qui est extraordinaire. M. Van
aux moissonneurs, s'ils ne se jettent la face Estin, dit Decremps, dans sa Magie blanche
en terre lorsqu'ils l'aperçoivent. On ditméme dévoilée, nous fit voir son cabinet de machi-
en Russie .que l'Empuse et les démons de nes. Nous entrâmes daus une salle bien
midi, qui sont soumis à cet horrible fantôme, éclairée par de grandes fenêtres pratiquées
parcourent quelquefois les rues à midi, en dans le dôme.
habits de veuve, et rompent les bras ceux Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j'ai
qui osent les regarder en face. pu rassembler de piquant et de curieux en
Le moyen de conjurer l'Empuse et de s'en mécaniques.
faire obéir chez les anciens, c'était de lui Cependant nous n'apercevions de tous cô-
dire des injures. Chacun a ses goûts. tés que des tapisseries, sur lesquelles étaient
Vasco de Gama, cité par Leloyer (1), rap- représentées des machines utiles, telles que
porte qu'il y a dans la ville de Calicut un des horloges, des pompes, des pressoirs, des
temple consacré à des démons qui sont des moulins à vent, des vis d'Archimède, etc.
espèces d'Empuses. Personne n'ose entrer Toutes ces pièces ont apparemment
dans ces temples, surtout le mercredi, qu'a- beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill;
près que le midi est passé; car si on y cn- elles peuvent récréer un instant la vue; mais
(1) Histoiredes spectres,etc., liv.III, ch. xiv. (3) Leloyer,Disc,et hist. des spectres,p. 413.
(2) M.Salgues,des Erreurs et des préjugés,t. 1, p.315.
DICTIONN. DES SCIENCES occultes. 1. 17
523 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 524
il parait qu'elles ne produiront jamais de guerres dont le comté de Namur fut le théâ-
grands effets par leurs mouvements. tre durant le moyen âge. C'était un fief qui
M. Van Estin répondit par un coup de sif- relevait de l'égjise de Liège, à laquelle Phi-
Qet. Aussitôt les quatre tapisseries se lèvent lippe le Noble' l'avait donné.
et disparaissent la salle s'agrandit; et nos « En 1237, la garde en fut confiée, par
yeux éblouis voient ce que l'industrie hu- l'empereur Baudouin, comte de Namur, des
maine a inventé de plus étonnant. D'un côté, châtelains héréditaires, dignité dont furent
des serpents qui rampent, des fleurs qui s'é- d'abord revêtus les seigneurs de la maison
panouissent, des oiseaux qui chantent; de de Gomigny, et qui, dans la suite, passa de
l'autre, des cygnes qui nagent, des canards cette maison dans celles d'Evre et d'Oultre-
qui mangent et qui digèrent, des orgues mont. Ce monument est remarquable par les
jouant d'elles-mêmes, et des automates qui ruines imposantes qù'H étale sur le coin du
touchent du clavecin. rocher. où il est situé, et peut-être plus en-
M. Van Estin donna un second coup de core
par les singulières légendes qu'on en
sifflet, et tous les mouvements furent sus- raconte dans le pays. Les habitants de Mai-'
pendus. zerct et de Thon rivalisent de légendes étran-
Un instant après, nous vîmes un canard sur cette vieille forteresse. Voici une de
ges
nageant et barbottant dans un vase, au mi- ces traditions.
lieu duquel était un arbre. Plusieurs ser-
« C'est l'histoire de la Dame enchantée.
pents rampaient autour du tronc et allaient
successivement se cacher dans les feuillages. « Vis-à-yis de Sanson, sur la rive gauche
Dans une cage voisine étaient deux serins de la Meuse et sur la hauteur au pied de la-
qui chantaient en s'accompagnaut, un hom- quelle est situé le village de Namèche, croît
me qui jouait de la flûte, un autre qui dan- un arbre connu squs le nom d'arbre de
sait, un petit chasseur et un sauteur chinois, Sainte-Anne. Il est très-vieux; mais il n'est
tous artificiels et obéissant au commande- que le descendant d'une longue génération.
ment. Voy. Mécanique, Brioché, etc,. qui remonte peut-être aussi haut que le
Nos pères, qui croyaient si vivement aux château de Clodion le Chevelu. Cet arbre est
fées, mêlaient à toute histoire des enchante- le rendez-vous des fées,.au milieu de la nuit
ments. Les traditions populaires en regor- de la Saint-Jean, du Vendredi-Saint et de
geaient tous les romans de chevalerie, tou- saint Sylvestre. Les fées n'ont pas le pouvoir
tes les chroniques du moyen âge en étaient d'y toucher, parce que sainte Anne l'a pris
riches. Nous n'aurions que l'embarras du sous sa protection spéciale; mais elles dan-
choix pour en allonger démesurément cet sent à l'entour, en chantant leurs refrains
article. Nous nous bornons à reproduire ici incompréhensibles et en chevauchant sur
une légende encore vive dans les souvenirs leurs manches à balais à demi roussis au feu.
d'un peuple voisin, et qui a l'avantage, pour Cependant cette puissante protection ne put
le plus grand nombre de nos lecteurs,de leur empêcher, sous le règne du comte de Namur
être peu connue. Henri l'Aveugle, que dans cet arbre no fût
exilée l'âme d'une diime, appelée par les
Légende de la Dame enchantée. manants et par les nobles la Dame bleue, et
Nous devons cette tradition populaire à la qu'un sorcier, par d'étranges maléfices, avait
plume gracieuse de M. A. Van Hasselt. changée en rossignol. Cet oiseau perché
« Quand, au sortir de Namur, on suit le l'hiver et l'été sur les branches de l'arbre de
cours de la Meuse, qu'on laisse à sa droite le Sainte-Anne, chantait toujours les chants les
village de Live, et à sa gauche celui de Béez plus tristes; sa voix sonore retentissait sou-
qu'on dépasse les trois îles qui verdoient au vent jusqu'à la rive droite du fleuve, et les
milieu du fleuve, un peu au-dessus de Bru- bateliers qui montaient ou qui descendaient
maigne, et que le long du Moinil on se dirige la Meuse ne manquaient jamais de faire un.
tout droit vers le clocher de Vaux, on trouve signe de croix quand ils l'entendaient, en se
entre Thon et Maizevet un rocher escarpé, disant tout bas
sur lequel rampent quelques ruines infor- « C'est la Dame bleue qui. chante.
mes, où croissent en été de jolies touffes de « Comment ce nom de dame bleue avait été
clochettes bleues, et où glissent au soleil de donné à ce rossignol magique? d'où cette
petits lézards tachetés qui s'enfuient au bruit femme enchantée était venue ? personne
de vos pas. Ce .rocher, d'un accès difficile, -n'eût pu le dire. Seulement on savait qu'une
regarde le village de Namèche, bâti sur une demoiselle vêtue d'une robe bleue était arri-
pointe de terre autour de laquelle la Meuse vée au château noir de Sanson, conduite par
tourne en cet endroit. Ces ruines sont les le jeune châtelain qui l'avait amenée d'outre-
restes d'un château fort dont l'origine re- mer. Là, il s'était épris pour elle, et avait
monte bien loin dans le moyen âge, et dont résolu de vivre caché dans la calme solitude
on attribué la fondation à Clodion le Che- des remparts de son manoir. Il avait laissé
velu; son nom est le château de Sanson. là le tombeau du Sauveur et la défense de la
Philippe le Noble, comte de Namur, fit répa- Ville-Sainte, et ses compagnons d'armes, et
rer en 1208 les murailles de cette forteresse, toutes ces idées de gloire religieuse qui en-
dont Waleram de Limbourg se rendit matlre flammaient les chevaliers à cette époque
en 1216, et qui fut démolie sous le règne de d'héroïsme et de
croyance. Il s'en revint au
Charles H, roi d'Espagne, après avoir sur- rivage natal avec cette femme, qui n'avait
vécu à la fureur de toutes ces formidables promis d'être à lui que lorsqu'ils seraient
5'o ENC ENC 5Î6
entrés dans le château paternel. Ils y arrivè- « Longtemps le le châtelain fut inconsolable.
rent par une belle journée de mai. En vain les chevaliers lui parlaient de guerre
« Les remparts de Sanson étaient bariolés et de batailles rien ne put le distraire du
de pennons étincelants; la porte était OU' souvenir de la Dame bleue, jusqu'à ce qu'on
verte toute large; la herse, avec ses dents de lui eût dit que la voix du rossignol enchanté
fer. était levée, et le pont-levis était baissé se faisait entendre dans l'arbre de Sainte-
pour livrer passage à une magnifique caval- Anne. Depuis ce jour, il sortait tous les ma-
cade qui allait entrer dans la demeure du tins et ne rentrait que le soir, quand la lune
jeune chevalier. Il marchait en tête du cor- était depuis longtemps levée. Il passait des
tége, souriant à la belle étrangère, assise heures entières à l'ombre de l'arbre de
sur un palefroi blanc couvert d'une housse Sainte-Anne, à écouter le chant de l'oiseau:
bleue; elle portait une robe de velours de Souvent, la nuit, il quittait brusquement son
même couleur. Après eux venait une longue lit pour aller l'écouter encore.
suite de cavaliers et de dames, dont aucune « Un soir, une vieille bohémienne s'appro-
n'était aussi belle que l'étrangère, qui allait cha de lui, tandis qu'il était encore là couché
devenir l'épouse du châtelain de Sanson. sur la mousse et les yeux fixés sur l'arbre.
Lorsqu'ils furent tous parvenus dans la « Seigneur, lui dit-elle, Dieu gard 1
grande salle, le chevalier prit par la main la vous plait– il savoir l'avenir, seigneur?
belle étrangère et lui dit « L'avenir, vieille sorcière? N'est-ce pas
« Montons dans la grande tour. pour moi une vie désolée, ` puisque j'ai perdu
« Et ils montèrent dans la grande tour, ce que j'aime?
d'où la vue s'étendait sur tout le château, « Ne désespérez pas, beau seigneur;
sur les remparts crénelés, sur le cours de la l'avenir est une vie d'Or pour vous.
Meuse, colorée, en ce moment, de bleu com- « Arrière, fille de Satan l'sinon je te fais
me le ciel, comme la robe de l'étrangère. brûler vive dans une chaudière, comme on
°
« Maintenant, dit le châtelain à la dame, fait des faux monnayeurs.
tout cela est à vous; maintenant aussi, je «- Vous n'aurez garde, beau seigneur;
vous rappelle une parole sacrée, une parole car je vous rendrai la femme que vous avez
donnée en présence du tombeau du Christ. perdue par les maléfices d'un magicien. Re-
Le chapelain est là-bas, prêt à bénir notre venez ici après-demain à minuit, au milieu
amour au nom du ciel et à écrire nos noms de la nuit de la Saint-Jean, et vous reverrez
sur le livre saint, d'où Dieu seul peut les la Dame bleue.
effacer. « Femme, si cela est possible, je te fais
« Et l'étrangère le regarda, mais avec une riche.
tristesse infinie. « Eh bien! seigneur, après-demain à
`
« Il vit une larme poindre dans ses yeux et minuit.
rouler sur ses joues, qui devinrent pâles. « Et à peine eut-elle dit ces mots qu'elle
« Sans plus ajouter une parole, il prit l'é- disparut.
trangère par la main et l'entraîna vers la « Le chevalier ne dormit pas la nuit sui-
chapelle, où l'autel était paré et prêt à rece- vante.
voir leurs serments. Les cierges étaient al- « La deuxième nuit, à onze heures et de-
lumés; le prêtre, vêtu d'un surplis de den- mie, il descendit le sentier escarpé du rocher
telle, était sur les marches de l'autel. A ses de Sanson. Au pied du sentier, il trouva la
pieds s'agenouillèrent la dame et le cheva- bohémienne.
lier. Il les bénit au nom de Dieu et imposa « Je vous attends, seigneur.
sur eux ses mains tremblantes. Mais au mo- « Allons, répondit le chevalier.
ment où le châtelain voulut passer l'anneau « Et ils passèrent la Meuse au clair de la
d'or au doigt de sa bien-aimée, il sentit tout lune.
à coup cette main se rappetisser, et il vit « Quand ils furent parvenus au village de
(chose plus merveilleuse encore!) la robe Namèche
bleue de la dame devenir grise, son corps « Par ici, c'est le chemin le plus court,
devenir toujours plus petit, toujours plus pe- dit la vieille.
tit, ses doigts s'aiguiser en forme de pattes « Ils prirent par le cimetière.
d'oiseau, et deux ailes grises pousser à ses « Mais à peine se trouvèrent-ils au cime-
épaules. Ce fut l'affaire d'une minute. En un tière, que des voix étranges se firent enten-
clin-d'oeil, la dame était changée en oiseau, dre des hommes armés sortirent de derrière
changée en rossignol. Elle ouvrit'ses ailes les croix et de l'enfoncement du portail de
et se mit à voler d'abord autour des cierges,
l'église, et s'élancèrent vers le châtelain.
puis contre les vitraux de la chapelle, qu'elle a Ce sont des voleurs, pensa-t-il.
essaya vainement de traverser, jusqu'à ce
eût trouvé une issue « II tira sa grande épée de guerre, dont le
qu'elle par une vitre
qu'un orage avait brisée. Alors elle s'assit tranchant avait fait tomber plus d'une tête
sur la pointe d'un toit et se mit à chanter un de mécréant.
chant si triste,. qu'on n'en avait jamais en- « Mais les assaillants étaient si nombreux,
tendu de pareil. Le chevalier eut beau se qu'il y avait une forêt de dagues autour de
désespérer et rappeler la dame, le chant lui. Cependant il combattait vaillamment
continuait toujours et devenait toujours plus plus d'un mordit la poussière sous les coups
triste et plus triste. Enfin le rossignol prit sa terribles de l'épée qu'il brandissait comme
volée et disparut. une faulx. Il allait succomber pourtant. Une
527 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 5-28
-Il- la il s'é- du vu tous les mon ami et
idée singulière loi passa par tête; sorcier, j'ai jours
cria lui ai chanté chaque fois lés douleurs dont
« A moi les morts 1 mon âme est remplie. Il a souffert do me
« Tous les tombeaux s'ouvrirent, et de voir souffrir ainsi. Mais maintenant l'heure
chaque tombeau sortit un mort enveloppé de ma délivrance est venue, si celui que
dans un linceul et les yeux flamboyants, j'aime veut verser trois fois de l'eau bénite
pour prêter secours au noble guerrier. sur mes ailes, en me disant chaque fois
a Les brigands épouvantés à cette ef- « Je t'aime. »
frayante apparition, s'enfuirent aussi vite « Quand l'oiseau eut ainsi parlé, la vieille
terreur pouvait le leur permettre. fit signe au chevalier, qui tendit son doigt à
que la
« Le chevalier avait reçu plus d'une bles- l'oiseau. Et l'oiseau ouvrit ses ailes; d'un
;ure. vol léger il descendit de la branche où il
Vous saignez, dit la vieille. était el vint se percher sur le gant du châte-
« Ce n'est rien, dit le châtelain. lain.
« Tenez, messire, mettez cette herbe sur « II s'en alla avec l'oiseau et regagna son
vos blessures. château au clair de la lune. Quand il y fut
« Elle cueillit, dans un coin du cimetière, arrivé, la vieille bohémienne n'était plus là.
une herbe qu'elle posa sur les blessures le- « Il entra dans la chapelle et versa sur les
sang s'étancha et les blessures se fermèrent ailes du rossignol de l'eau bénite, en disant
aussitôt. « Je t'aime.
« Chevalier, vous êtes brave et ce « L'oiseau frissonna et hérissa ses plumes
combat ne fut qu'une épreuve que ma puis- grises.
sance vous a suscitée. « Pour la deuxième fois, le chevalier le
« Alors ils gravirent ensemble la hauteur, mouille d'eau bénite en disant Je
et ils parvinrent à l'arbre de Sainte-Anne. 11 t'aime.
était minuit. « L'oiseau jeta un cri, comme si une
« Le rossignol chantait; mais son chant barre de fer rouge l'eût touché 1
n'avait plus cet accent de tristesse que le « Quand l'eau bénite le toucha pour la
châtelain de Sanson y avait remarqué jus- troisième fois il commença à reprendre
qu'à cette heure. forme humaine; et le châtelain dit
« II y avait comme un accent d'espérance. « Je t'aime.
« La vieille commença à tracer un cercle « En ce moment la dame reparut devant
autour ileri'arbre, sur la mousse humide de lui avec sa robe de velours bleu, belle de
rosée. toute sa beauté et ses longs cheveux flot-
« Venez ici, messire, dit-elle. tants. Une larme roula dans ses yeux
« Tous deux se placèrent dans le cercle. « Maintenant, je suis à vous pour tou-
« Et la vieille, avec sa voix creuse, parla jours, dit-elle, et aucune puissance humaine
ainsi ne nous séparera. Maintenant je suis à vous
« Veux-tu descendre de cet arbre, ô pour toujours, et que le prêtre reçoive, au
rossignol magique? Je te mettrai des plumes nom de Dieu, mes serments et les vôtres.
d'or à tes ailes et te passerai un collier de « Ils furent bénis au nom du ciel; et leurs
à ton col. noms furent écrits sur le livre saint, d'où
perles
« Le rossignol répondit Dieu seul peut les effacer.
« Que m'importent des plumes d'or à « De ces époux si heureux descendit une
mes ailes? Que m'importe un collier de per- lignée de vaillants chevaliers qui firent bril-
lis à mon col? Je suis dans le monde un oi- ler leur courage dans plus d'une bataille et
seau sauvage; personne ne doit savoir qui je leur nom dans plus d'une guerre. »
suis. ENCHIRIPION. Voy. Léon III.
« La vieille reprit ÉNERGUMÈNE. On appelle énergurnènes
« Si tu es un oiseau sauvage dans le ceux qui sont possédés du démon.
monde, et que personne ne doive savoir qui ENFANTS. Croirait-on que des savants en
tu es, laisse au moins cet homme te prendre démence et des médecins sans clientèle ont
en pitié; car tu dois souffrir de soif et de recherché les moyens de s'assurer du sexe
faim. d'un enfant qui n'était pas né, et qu'on a
« De nouveau le rossignol répondit fait, autour de ce thème absurde, des livres
« Je ne souffre ni de soif, ni de faim, niais qui trouvent de niais lecteurs? Voy.
mais d'une douleur secrète qui ronge mon SEXE.
cœur; car là-bas, sur le rocher escarpé, là- ENFANTS DU DIABLE. Voy. Cambions.
bas, dans le vieux castel, habite un chevalier ENFERS, lieux inférieurs où les méchants
que je ne puis oublier voilà pourquoi je subissent après leur mort le châtiment dû à
souffre et pourquoi mon chant est si triste. leurs crimes. Nier qu'il y ait des peines et des
Je l'ai aimé sur la terre étrangère j'ai quitté récompenses après le trépas, c'est nier l'exi-
pour le suivre la demeure de ma mère'ché- stence de-Dieu, puisqu'il ne peut être que
ie. Un magicien jaloux m'a changée en ros- nécessairement juste. Mais les tableaux que
signol et m'a exilée sur cet arbre. Je serai certains poëles et d'autres écrivains nous ont
ainsi, à moins que mon ami ne vienne mo faits des enfers, ont été souvent les fruits de
délivrer et ne verse trois fois de l'eau bénite l'imagination. On doit croire ce que l'Église
sur mes ailes, en me disant « Je t'aime. » De- enseigne, sans s'egarer dans des détails que
puis que je gémis sous l'infernale puissance Dieu n'a pas jugé à propos de révéler.
;529 ENF ENF 550
Les anciens, la plupart des modernes, et meute de chiens féroces, qui, sans cesse ou-
surtout les cabalistes, placent les enfers au vrant leur large gueule de Cerbère, frappent
centre de ta terre. Le docteur Swinden, dans perpétuellement les airs des plus odieux hur-
ses Recherches sur le feu de l'enfer, prétend lements. Ce monstre est le Péché. fille sans
que l'enfer est dans le soleil, parce que le so- mère, sortie du cerveau de Satan; il tient les
leil est le feu perpétuel. Quelques-uns ont clefs de l'enfer. L'autre figure (si l'on peut
ajouté que les damnés entretiennent ce feu appeler ainsi un spectre informe, un fantôme
dans une activité continuelle, et que les ta- dépourvu de substance erde membres dis-
ches qui paraissent dans le disque du soleil, tincts), noire comme la nuit, féroce comme
après les grandes catastrophes, ne sont pro- les Furies, terrible comme l'enfer, agite un
duites que par l'encombrement. dard redoutable; et ce qui semble' être sa
Dans Milton (c'est du moins de la poésie), tête porte l'apparence d'une couronne royale.
l'abîme où fut précipité Satan est éloigné du Ce monstre est la Mort, fille de Satan et du
ciel trois fois autant que le centre du monde Péché.
l'est de l'extrémité du pôle c'est-à-dire, Nous suivons toujours Milton, ce grand
selon les calculs des astronomes, à 990,000,000 poëte. Après que le, premier homme fut de-
de lieues (1). L'enfer de Milton est un venu coupable, la Mort et le Péché construi-
globe énorme, entouré d'une triple voûte de sirent un solide et large chemin sur l'abîme.
feux dévorants; il est placé dans le sein de Le gouffre enflammé reçut patiemment un
l'antique chaos et de la nuit informe. On y pont, dont l'étonnante longueur s'étendit du
voit cinq fleuves le Styx, source exécrable bord des enfers au point le plus reculé de ce
consacrée à la Haine; l'Achéron, fleuve noir monde fragile. C'est à l'aide de cette facile
et profond qu'habite la Douleur; le Cocyte, communication que les esprits pervers pas-
ainsi nommé des sanglots perçants qui re- sent et repassent sur la terre pour corrom-
tentissent sur ses funèbres rivages; le fou- pre ou punir les hommes.
gueux Phlégéton, dont les flots précipités en Mais si le séjour des réprouvés est un sé-
torrents de feu portent la rage dans les jour hideux, ses hôtes ne le sont pas moins.
cœurs; et le tranquille Léthé, qui rouler dans Citons à présent le Tasse. Quand d'un son
un lit tortueux ses eaux silencieuses. rauque et lugubre l'infernale trompette ap-
Au delà de ce fleuve s'étend une zone dé- pelle les habitants des ombres éternelles, le
serte, obscure et glacée perpétuellement Tartare s'ébranle dans ses gouffres noirs et
battue des tempêtes et d'un déluge de grêle profonds l'air ténébreux répond par de
énorme, qui, loin de se fondre en tombant, longs gémissements. Soudain les puissances
s'élève en monceaux, semblable aux- ruines de l'abîme.accourent à pas précipités quels
d'une antique pyramide. Tout autour sont spectres étranges, horribles, épouvantables 1
des gouffres horribles, des abîmes de neige La terreur et la mort habitent dans leurs
et de glace; Le froid y produit les effets du yeux quelques-uns, avec une figure hu-
feu, et l'air gelé brûle et déchire. C'est là maine, ont des pieds de bêtes farouches;
qu'à certains temps fixés, tous les réprou- leurs. cheveux sont entrelacés de serpents
vés sont traînés par les Furies aux ailes leur croupe immense et fourchue se recourbo
de Harpies. Ils ressentent tour à tour les en replis tortueux. On voit d'immondes
tourments des deux extrémités dans la tem- Harpies, des Centaures, des Sphinx, des Gor-
pérature, tourments qye leur succession ra- gones, des Scylles qui aboient et dévorent;
pide rend encore plus affreux. Arrachés de des Hydres, des Pythons, des Chimères qui
leur lit de feu dévorant, ils sont plongés dans vomissent des torrents do flamme et de fu-
des monceaux de glaces immobiles, presque mée des Polyphèmes, des Géryons, mille
éteints, ils languissent, ils frissonnent et sont monstres plus bizarres que jamais n'en rêva
de nouveau rejetés au milieu du brasier in- l'imagination, mêlés et confondus ensemble.
fernal. Ils vont et reviennent ainsi de l'un à Ils se placent les uns à la gauche, les autres
l'autre supplice; et pour le combler, ils fran- à la droite de leur sombre monarque. Assis
chissent à chaque fois le Léthé. Ils s'effor- an milieu d'eux, il tient d'une main un scep-
cent, en le traversant, d'atteindre l'onde en- tre rude et pesant; son front superBe, armé
chanteresse ils n'en désireraient qu'une de cornes, surpasse en hauteur le roc le plus
seule goutte elle suffirait pour leur faire élevé, l'écueil le plus sourcilleux Calpé,
perdre, dans un doux oubli, le sentiment de l'immense Atlas lui-même, ne seraient au-
tous leurs maux. Hélas Méduse, aux re- près de lui que de simples collines (2).
gards terribles, à la télé hérissée de ser- Une horrible majesté, empreinte sur son fa-
pents, s'oppose à leurs efforts; et semblable rouche aspect, accroît la terreur et redouble
a celle que poursuivait si vainement Tantale, son orgueil son regard, tel qu'une funeste
l'eau fugitive se dérobe aux.lèvres qui l'as- comète, brille du feu des poisons dont ses
pirent. yeux sont abreuvés une barbe longue,
A la porte de l'enfer, sont deux figures ef- épaisse, hideuse, enveloppe son menton et
froyables l'une, qui représente une femme descend sur sa poitrine velue; sa bouche,
jusqu'à la ceinture, finit en une énorme dégouttante d'un sang impur, s'ouvre comme
queue de serpent recourbée, à longs replis un vaste abîme de cette bouche empestée
écailleux, et armée à l'extrémité d'un aiguil- s'exhalent un souffle empoisonné et des
lon mortel. Autour de ses reins est une tourbillons de flamme et de fumée. Ainsi
(1) Le poëtedit que la chulode Satandura neufjours: seconde.
d'oil il suivrait que Satan aurait fait 1,200 licùcs par (î) Miitondonneà Satanquarantemillepiedsde haut.
S31 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 532
I Etna, tic ses flancs embrasés, vomit avec un Non répondit le démon celui que je
bruit affreux de noirs torrents de soufre et de porte est un de mes amis je lui ai juré que
bitume. Au son de sa voix terrible, l'abîme je ne lui causerais aucun mal et je lui ai
tremble, Cerbère se tait épouvanté, l'Hydre promis que vous auriez la bonté de lui faire
est muette, le Cocyte s'arrête immobile (1). voir l'âme du landgrave, son ancien maître*
Voici quelques voyages aux enfers, em- afin qu'à son retour dans le monde il publie
pruntés aux chroniqueurs du moyen âge, et partout votre puissance. Le grand diable ou-
qui sont moins agréables que les tableaux vrit alors son puits, et sonna du cornet (3)
des poëtes, mais qui ont pourtant aussi leur avec tant de vigueur et de force, que la
charme de naïveté. foudre et les tremblements de terre ne se-
Le landgrave de Thuringe venait de mou- raient qu'une musique fort douce en com-
rir. Il laissait après lui deux fils à peu près paraison. En même temps le puits vomit des
du même âge, Louis et Hermann. Louis, qui torrents de soufre enflammé et au bout
était l'ainé et le plus religieux (puisqu'il est d'une heure l'âme du landgrave qui re-
mort dans la première croisade), publia cet montait du gouffreau milieu des tourbillons
édit après les funérailles de son pète étincelants montra sa tête au-dessus du
« Si quelqu'un peut m'apporter des nou- trou et dit au clerc
velles certaines de l'état où se trouve main- Tu vois devant toi ce malheureux
tenant l'âme de mon père, je lui donnerai prince qui fut ton maître, et qui voudrait
une bonne ferme. » maintenant n'avoir jamais régné.
Un pauvre soldat, ayant entendu parler de Le clerc répondit: -Votre fils est curieux
celle promesse, alla trouver son frère qui de savoir ce que vous faites ici, et s'il peut
passait pour un clerc distingué, et qui avait vous aider en quelque chose?
exercé pendant quelque temps la nécroman- Tu sais ou j'en suis reprit l'âme du
cie il chercha à le séduire par l'espoir de la landgrave, je n'ai guère d'espérance; cepen-
ferme qu'ils partageraient amicalement. dant, si mes fils veulent restituer certaines
J'ai quelquefois évoqué le diable ré-. possessions que je te vais nommer, et qui
pondit le clerc, et j'en ai tiré ce que j'ai vou- m'appartenaient injustement ils me soula-
lu mais le métier de nécromancien est trop geront.
dangereux, et il y a longtemps que j'y ai re- Le clerc répondit: Seigneur, vos fils ne
noncé. me croiront pas.
Cependant l'idée de devenir riche sur- Je vais te dire un secret, répliqua le
monta les scrupules' du clerc il appela le landgrave qui n'est connu que de moi et do
diable, qui parut aussitôt, et demanda ce mes fils.
qu'on lui voulait. En même temps il nomma les possessions
Je suis honteux de t'avoir abandonné qu'il fallait restituer, et il donna le secret'
depuis tant de temps, répondit finement le qui devait prouver la véracité du clerc.
nécromancien mais je reviens à toi. Indi- rentra
que-moi, je te prie où esl l'âme du land- Après cela l'âme du landgrave
tristement dans le gouffre le puits se refer-
grave, mon ancien maître ?
ma, et le nécromancien revint dans la Thu-
-Si tu veux venir avec moi, dit le diable,
ringe, monté sur son démon. Mais, à son
je te la montrerai. retour de l'enfer, il était si défait et si pâle
J'irais bien, répondit le clerc mais je qu'on avait peine à le reconnaître. Il raconta
crains trop de n'en pas revenir. aux princes ce qu'il avait vu et entendu et
Je te jure par le Très-Haut, et par ses cependant ils ne voulurent point consentir à
décrets formidables dit le démon, que si tu restituer les possessions que leur père les
te fies à moi je te conduirai sans méchef priait de rendre. Seulement le landgrave
auprès du landgrave et que je te ramène- Louis dit au clerc: Je reconnais que tu as
rai ici vu mon père, et que tu ne nie trompes point;
(2).
Le necromancien, rassuré par un serment aussi te vais-je donner la récompense que
aussi solennel monta sur les épaules du dé-
j'ai promise.
mon qui prit son vol et le conduisit à l'en- Gardez votre ferme répondit le clerc
trée de l'enfer. Le clerc eut le courage de
considérer à la porte ce qui s'y passait,mais pour moi je ne dois plus songer qu'à mon
il n'eut pas la force d'y entrer. Il n'aperçut salut.
qu'un pays horrible et des damnés tour- Et il se fit moine de Clleaux (4)
mentés de mille manières. Il remarqua sur- On voit que le légendaire ne désigne pas
tout un grand diable d'un aspect effroya- bien si les lieux que son héros a cru visiter
ble, assis sur l'ouverture d'un puits, qui sont le purgatoire ou l'enfer. Citons encore
était fermé d'un large couvercle, et ce spec- un bon religieux anglais dont le voyage a été
tacle le fit trembler. Cependant le grand dia- écrit par Pierre-le-Vénérable abbé de Clu-
ble cria au démon qui portait le clerc ni, et par Denys-le-Chartreux (5). Ce voya-
Que portes-tu là sur tes épaules? viens geur parle à la première personne r
ici que je te décharge. « J'avais saint Nicolas pour conducteur,
(1) Et phlegetonlea:requierunt murmuraripa. (4) Césarius,moined'Heisterbach,de l'ordredeCUeaux,
(XAUDIEN. Miraclesillustres, liv. I, ch. xxxiv.
(2) Juro tibi per Altisstmum,et per tremendum ejus (5) Petri Venerabilis, de miracul., et DionysiiCarthu-
judiciumquia, si fideimes te commiseris,etc. siani, De quatuor novissimis,art. 47.-Disons pourtant
(3) Buccinavittamvalide. que ce passagedu bienheureuxDenis-le-Chartreuxprail
533 ENF ENF 551
dit-il il me fit parcourir un chemin plat jus- honneurs de la sépulture; et lorsqu'Ulysse
qu'à un espace immense, horrible, peuplé évoqua les morts, ceux qui apparurent né
de défunts qu'on tourmentait de mille ma-. sortirent que de l'Erèbe. L'autre enfer était
nières affreuses. On me-dit que ces gens-là l'enfer des méchants là chaque crime était
n'étaient pas damnés, que leur supplice fi- puni; les remords dévoraient leurs victimes;
nirait avec le temps, et que je voyais le pur- et là se faisaient entendre les cris aigus de la
gatoire. Je" ne m'attendais pas à le trouver douleur. Le Tartare proprement dit venait
si rude tous ces malheureux pleuraient à après l'enfer c'était la prison des dieux.En-
chaudes larmes et poussaient de grands gé- vironné d'un triple mur d'airain, il soutenait
missements'. Depuis que j'ai vu toutes ces les vastes fondements de la terre et des
choses, je sais bien que si j'avais quelque mers. Les Champs-Elysées, séjour heureux
parent dans le purgatoire, je souffrirais des ombres vértueuses, formaient la qua-
mille morts pour l'en tirer. trième division des enfers il fallait traverser
Un peu plus loin j'aperçus une vallée où l'Erèbe pour y parvenir.
coulait un épouvantable fleuve de feu qui Chez res Juifs modernes, les justes seront
s'élevait en tourbillons à une hauteur énor- heureux, les méchants seront tourmentés
me. Au bord de ce fleuve il faisait un froid en enfer, et ceux qui sont dans un état mi-
si glacial qu'il est impossible de s'en faire toyen, tant Juifs que gentils, descendront
une idée. Saint Nicolas m'y conduisit, et me dans un abîme avec leurs corps, et ils pleu-
fit remarquer les patients qui s'y trouvaient, reront pendant douze mois,en montant et en
en me disant que c'était encore le purga- descendant d'un lieu moins pénible à un lieu
toire. plus rigoureux. Après ce terme, leurs corps
En pénétrant plus avant, nous arrivâmes seront consumés, leurs âmes brûlées, et le
en enfer. C'était un champ aride couvert d'é- vent les dispersera sous les pieds des justes.
Les rabbins ajoutent que, le premier jour de
paisses ténèbres coupé de ruisseaux de
soufre bouillant; on ne pouvait y faire un l'an, Dieu fait un examen du nombre et de'
l'état des âmes qui sont en enfer.
pas sans marcher sur des insectes hideux,
L'enfer des Romains était divisé en sept
difformes, extrêmement gros et jetant du
feu parles narines. Ils étaient là pour le sup- provinces différentes: la première renfermait
les enfants morts-nés, comme ne devant
plice des pécheurs, qu'ils tourmentaient de être ni récompensés ni punis; la seconde
concert avec les; démons. Ceux-ci^ avec des
crochets, happaient; les ârries punies et les je- était destinée aux innocents condamnés à
taient dans des chaudières, où ces âmes se mort; la troisième logeait les suicides; dans
fondaient parmi des matières liquides après la quatrième erraient les parjures; la cin-
cela ou leur rendait leur- l'orme pour de nou- quième province était habitée par les héros
velles tortures. Ces tortures se faisaient dont la gloire avait été souillée par la
en bon ordre et Chacun était tourmenté se- cruauté la sixième était le Tartare ou lieu
lon ses crimes. » des tourments, et la septième les: Champs-
il voitênsûile des prélats, des chevaliers,' ElyséeSjComme chez les Grecs.
L'enfer des Musulmans a sept portes, et
des dames, dés religieux, des princes. Mais chacune a son supplice particulier. Cet en-
toutes ces relations se ressemblent un peu. fer est rempli d'e torrents de feu et de soufre,
Voy. Vétin, Berthojld, Charles-le-Chabve, ôù les damnés chargés de' chaînes de soixante-
Kngelbrecht, etc. dix coudées sont plongés et replongés con-
11 serait très-long de rapporter les senti- l'inueFlement par de mauvais anges. A cha-
ments des différents peuples sur l'enfer. cune dés sept portes, il y a une garde de
Les D'ruses" disent que tout ce qu'on man- dix-neuf démoins, toujours prêts à exercer
gera dans le's enfers aura un goût de fiel et leur barbarie envers les damnés et surtout
d'amertumé, et que les damnés porteront envers l'es infidèles, qui seront à jamais dans
sur ht tête, en signe d'une éternelle répro- ces prisons souterraines, où les serpents, les
bation, un bonnet de poil- d'e cochon d'un. grenouilles et lés corneilles aggravent encore
pied et demi dé long. les tourments de ces malheureux. Les Maho-
Les Grécs représentaient l'enfer comme un méfans n'y demetrféront au plus que sept
tien vast'e et obscur, partagé en plusieurs mille ans au bout dé ce temps, le prophète
régions', l'une affreuse où l'on voyait des lacs obtiendra leur délivrance. On ne donne aux
dont l'eau infecté et bôirfbeuse exhalait des damnés dé cet enfer que des fruits amers,
vapeurs mortelles, un fleuve de feu, des tours ressemblant à des têtes de diables; leur
(le fer et d'airain, des foùrn'aises ardentes, boisson se puise dans des sources d'eaux
des' rfto'ristïes et des furies acharnés à tour- soufrées et brûlantes, qui leur procureront
nicnter- lés scélérats l'autre riante, paisible, des tranchées douloureuses.
destinée' aux sag'esôt ârr* héros. Lé lieu le Quelques Japonais prétendent que ta peine
plus voisin de làt terre était l'Erèhë1;- on y des méchants estde passer dans le cofpsd'un
rencontrait lé palars dé l'a N'ûit, celui du^ renard, qui'est leur enfer.
Sommefl et des Songes. C'était le séjour d'e Lés Guèbres disent que les méchants sont
Cerbère, des Furies et de là mort c'est là les victimes d'un feu dévorant qui les brûle
qu'erraient pendant cent ans les ombres in- sans les consumer.Un des tourments de leur
fortunées' dont le corps n'a vtfit:pas- reçu les Crifer est l'odeur infecte qu'exhalent les
âmùs scélérates; les unes habitent d'affreux
interpolé, et que.le« critiques peuseut qu'il n'est pàs
de lui. cachots où elles sont étouffées par une fu-
555 D1CTIONNAIUEDES SCIENCES OCCULTES. S5C
mée épaisse et dévorées par les morsures Cyrano. Souvent aussi il sent l'hérésie à
d'un nombre prodigieux d'insectes et de rep- pleine gorge.
tiles venimeux; les autres sont plongées Dans le Songe d'Enfer de Houdan, le poëte
jusqu'au cou dans les flots noirs et glacés arrive à la ville de Convoitise, il y voit En-
d'un fleuve; celles-ci sont environnées de vie, Avarice, Rapine. Plus loin il s'arrête à
diables furieux qui les déchirent à coups de la demeure de Filouterie, qui lui, demande
dents; celles-là sont suspendues par les des nouvelles de certains Parisiens nommés
pieds,et dans cét état on les perce dans tous là par leur nom. Il passe à Ville-Taverne,
les endroits du corps avec un poignard. où il trouve Ivresse avec son fils, né en An-
On croit, dans l'île Formose, que les hom- gleterre. On voit que ce sont des allégories.
mes, après leur mort, passent sur un pont Mais il parvient à la porte des enfers, gardée
étroiL de bambous, sous lequel il y a une par Meurtre, Désespoir et Mort-Subite. Le
fosse profonde pleine d'ordures. Le pont s'é- roi d'Enfer tient table ouverte; et on lui sert
croule sous 'les pas de ceux qui ont mal de la chair d'usurier.
vécu, et ils sont précipités dans cette horrible Rutebeuf fit la contre-partie en quelque
fosse. sorte de ce fabliau, sous le titre du Chemin
Les Musulmans ont aussi, au-dessus de de paradis. Par une route étroite et raboteuse,
il arrive à la ville de Pénitence, où il trouve
leur enfer, un pont qui est fait en lame de
rasoir. Toutes les âmes doivent passer sur ce Piété, qui veut bien le guider pour le garan-
tranchant; et il n'y a que les âmes justes qui tir des différents ennemis qu'il doit rencon-
le traversent sans tomber dans le gouffre. trer en voyage. Le premier est Orgueil, dont
le palais, magnifique par devant, tombe en
Les Cafres admettent treize enfers et vingt-
ruines par derrière. Il dédaigne tout lemonde,
sept paradis, où chacun trouve la place qu'il
a mérité d'occuper suivant ses bonnes ou quoique souvent son insolence lui ait attiré
de cruelles humiliations. Ses courtisans sont
mauvaises actions. Les sauvages du Missis- vêtus de soie écarlate et portent en tout
sipi croient que les coupables iront dans un
temps sur la tête un riche chapeau. Il les
pays malheureux, où il n'y a point de chasse. fixe auprès de lui en leur promettant des di-
Les Virginiens placent l'enfer à l'Occident,
'et précisément à l'un des bouts du monde. gnités et des honneurs.
Plus loin est Colère, le visage rouge les
Les Floridiens sont persuadés que les
âmes criminelles sont transportées au milieu yeux enflammés, grinçant des dents, et dans
sa rage se déchirant et se frappant elle-
des montagnes du nord; qu'elles restent ex-
même.
posées à la voracité des ours et à la rigueur Au détour d'un vallon il voit Avarice. Elle
des neiges et des frimas.
a de vastes prisons dans lesquelles elle tient
Les Kalmouks ont un enfer pour les bêtes renfermés ses sujets, maigres et pâles, assis
de somme; et celles qui ne s'acquittent pas sur des monceaux d'or qu'attire un aimant
bien de leurs devoirs ici-bas sont condam- particulier, dont sa maison est couverte. Chez
nées, selon eux, à porter sans relâche dans elle tout est fermé à double serrure, et l'on
l'autre monde les fardeaux les plus pesants.
n'y entre que par une seule porte, dont elle
L'enfer du Dante est célèbre. La forme de tient toujours la clef.
cet enfer ressemble à un entonnoir ou à un Tout au fond de la vallée s'est retirée En-
cône renversé. L'espace qui se trouve depuis vie qui, selon Ovide, dit l'auteur, lient en
la porte de l'enfer jusqu'au fleuve Achéron main des serpents dont elle suce le venin.
se divise en deux parties dans la première Toujours cachée dans l'ombre, elle n'en
sont les âmes de ceux qui vécurent sans sort que pour venir secrètement épier ses
honneur; ils sont tourmentés par des frelons voisins. Si alors elle entend des gémissements
qui leur piquent le visage ces damnés cou- et voit couler des larmes, elle est dans la
rent après une bannière qui tourne sans joie; mais s'ils rient ou s'ils chantent, elle
cesse autour d'un cercle. Dans la seconde se pleure et se retire.
trouvent les enfants morts sans baptême; ces Près d'elle est le séjour de Pareise. Du
ombres poussent des gémissements conti- lit où elle est couchée, elle entend le bruit
nuels. Il y a des cercles concentriques autour des cloches qui l'appellent à l'église; elle
de l'enfer. Le second cercle renferme les maudit le sonneur et voudrait ne jamais se
luxurieux; ils sont sans cesse agités, trans- lever que pour se mettre à table.
portés ça et là sur des tourbillons de vent. Gourmandise, quoique malade encore
Le troisième est rempli par les gourmands d'une indigestion qu'elle a eue la veille, ne
étendus dans la fange et continuellement ex- songe cependant qu'à retourner à la taverne.
posés à un déluge épouvantable de pluie, de Plus loin enfin est un manoir où l'on n'en-
neige et de grêle. Le quatrième contient les tre qu'avec honte, où l'on reste caché dans
prodigues et les avares ils sont condamnés les ténèbres, et d'où l'on ne sort que mécon-
à rouler éternellement les uns contre les au- tent. Le portier rebute ceux qui s'y préseu-
tres des poids énormes. Les autres cercles sont tent les mains vides; il ouvre à ceux-là
partagés aussi bien. seuls qui apportent. La maîtresse les ac-
Les trouvères du moyen âge se sont exei-
cueille, mais c'est pour les voler. Ils y sont
cés fréquemment sur l'enfer. Les fabliaux venus à cheval, ils s'en retournent à pied.
qui s'en occupent sont nombreux. Mais sou- Aussi très-rarement y reviennent-ils deux
vent le poëte ne fait qu'une critique de ce fois ou, si leur faiblesse les y entraîne, ils
auonue sous le masque de l'autre. Voy. savent que c'est se préparer un repentir.
837 ENF EiNF 538

Rutebeuf après avoir traversé heureuse- Volontiers, Sire au moins je serai sûr
ment le quartier des vices, arrive enfin dans dorénavant de n'avoir pas froid. Notre
celui des vertus. Il voit Libéralité qui est homme aussitôt se rendit à son poste, et, pen-
mourante Franchise dont la maison est dant quelque temps, • il s'acquitta exactement
presque déserte, etc. Enfin il parvient chez de sa commission.
Confession, où il' voulait aller; et c'est là ce Mais un jour que Lucifer avait convoqué
qu'il appelle la voie de paradis (1). tous ses suppôts pour aller faire avec eux sur
Un autre fabliau plus célèbre est celui du la terre une battue générale, avant de sortir
Jongleur qui alla en enfer, ou de saint Pierre il appela le chauffeur-. Je vais partir, lui
et du Jongleur. On en pardonnera le dit-il, et je laisse ici sous ta garde, tous mes
ton. prisonniers; mais songe que tu m'en répon-
A Sens jadis vivait un ménétrier qui pour dras sur les yeux de ta tête, et que si, à mon
un trésor, n'eût pas voulu avoir querelle retour, il en manquait un seul. Sire, par-
avec un enfant, mais homme sans conduite tez en paix, je réponds d'eux; vous trouve-
et dérangé s'il en fut jamais. II passait sa rez les choses en ordre quand vous revien-
vie an jeu ou à la taverne. Gagnait-il quel- drez, et vous apprendrez à connaître ma fi-
que argent? vite il le portait là. N'avait-il délité. Encore une fois prends bien garde,
rien? il y laissait son violon en gage. Aussi, il y va de tout pour toi, et je te fais manger
toujours sans le sou, il vous eût fait compas- tout vif. Ces précautions prises, l'armée
sion. Malgré cela, gai, content, la tête en infernale partit.
tout temps couronnée d'un chapel de bran- C'était là le moment qu'attendait le bon
ches vertes, il chantait sans cesse et n'eût saint Pierre. Du haut du ciel il avait entendu'
demandé à Dieu qu'une seule chose, de met- ce discours, et se tenait aux aguets pour en
tre toute la semaine en dimanches. profiter. Dès que les démons furent dehors,
Il mourut enfin. Un jeune diable, novice il se déguisa, prit une longue barbe noire,
encore, qui depuis un mois cherchait et cou- descendit en enfer, et s'accostant du méné-
rait partout pour escamoter quelque âme, trier -Ami, dit-il, veux-tu faire une partie
sans avoir jusque-là, malgré toutes ses pei- nous deux? Voilà des dés, et de bon argent
nes, pu réussir, s'étant trouvé là par hasard à gagner. En même temps il lui montra
quand notre violonneur trépassa, il le prit une longue bourse toute remplie d'esterlins.
sur son dos et tout joyeux l'emporta en Sire, répondit l'autre, c'est bien inutile-
enfer. •• ment que vous venez ici me tenter; il ne me
C'était l'heure précisément où les démons reste rien au monde que celte chemise dé-
revenaient de leur chasse. Lucifer s'était as- chirée que vous me voyez. Eh bien 1si tu
sis sur son trône pour les voir arriver; et à n'as point d'argent, mets en place quelques
mesure qu'ils entraient, chacun d'eux venait âmes, je veux bien me contenter de cette
jeter à ses pieds ce que dans le jour il avait monnaie, et tu ne dois point craindre ici d'en
-Tudieul je n'ai garde;
pu prendre; celui-ci un huissier, celui-là un manquer de sitôt.
voleur, les uns des champions morts en je sais trop ce que mon maître m'a promis
champ clos, les autres des marchands, tous en partant. Trouvez-moi quelque autre ex-
gens surpris au moment qu'ils s'y attendaient pédient, car pour celui-ci je suis votre ser-
le moins. Le noir monarque arrêtait un in-' viteur. Comment veux-tu qu'il le sache?
stant ses captifs pour les examiner', et d'un Sur.une telle multitude, que sera-ce, dis-moi,
signal aussitôt il les faisait jeter dans sa que cinq ou six âmes de plus ou de moins ?'t
chaudière. Quand l'heure fut passée, il or- Regarde, voilà de belles pièces toutes neuves.
donna de fermer les portes et demanda si Il ne tient qu'à toi d'en faire passer quelques
tout le monde était rentré Oui, répondit unes dans ta poche. Profite de l'occasion,
excepté un idiot, qui est sorti tandis que me voilà, car une fois sorti, je ne
quelqu'un, reviens plus. allons je mets vingt sous au
depuis un mois, et qu'il ne faut pas encore
attendre aujourd'hui probablement, parce jeu, amène quelque âme.
Le malheureux dévorait des yeux les dés.
qu'il aura honte de rentrer à vide.
Le railleur achevait à peine de parler, Il les prenait en main, les quittait, puis les
quand arriva le jeune diable, chargé de son reprenait de nouveau. Il n'y put tenir, et
ménétrier déguenillé qu'il présenta humble- consentit à jouer quelques coups; mais une
ment à son souverain. Approche, dit Lu- âme seulement à la fois, de peur de s'expo-
ciferau chanteur; qui es-tu? voleur? espion? ser à trop perdre. Tope pour une, répond
soldat? Non, Sire, j'étais ménétrier, et l'apôtre, mets au jeu. L'un va donc cher-
vous voyez en moi cher quelques patients, l'autre élalo ses os-
quelqu'un qui possède
toute la science qu'un homme sur la terre terlins ils s'asseoient au bord du fourneau
avoir. cela eu là-haut bien et commencent. Mais le saint jouait à coup
peut Malgré j'ai
de la misère; mais enfin, puisque vous vou- sûr; aussi gagna-t-il constamment. Le chan-
lez vous charger de mon Jugement, je chan- teur, pour rattraper ce qu'il perdait, eut beau
terai, si cela vous amuse. Oui, des chan- doubler, tripler les mises, il perdit toujours.
sons 1 C'est bien là la musique qu'il me faut Ne concevant rien à un malheur si con-
ici 1 Ecoute; tu vois cette chaudière, et te stant, il se fâcha, et déclara qu'il ne paierait
voici tout nu je te- charge de la faire chauf-' point. Puis il proposa de recommencer la
fer et surtout qu'il y ait toujours bon feu. partie, si l'on voulait tenir la première pour
(t) Le Grand d'Aussy. Nouslui empruntons le fabliau nulle, offrant alors de donner à choisir dans
suivant. la chaudière tout ce qu'on voudrait. A cette
Bob DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES 540
partie, il ne fui pas plus heureux qu'à la duisit en paradis. Quand Engelbrecht eut
première. 11se piqua, joua cent âmes, mille goûté les délices du séjour divin, un ange lui
ûincs à la fois, changea de dés, changea de ordonna de retourner sur la terre pour an-
placé, et n'en perdit pas moins à tous les noncer ce qu'il avait vu entendu et senti,
coups. Enfin, de désespoir il se leva et quitta avec la charge d'exhorter les hommes à la
le jeu, maudissant sa mauvaise fortune qui pénitence. Engelbrecht, revenu à la vie, ra-
le suivait jijsqVen enfer. Pierre alors s'ap- conta sa vision. Dans un de ses ouvrages,
procha dé la chaudière pour y choisir et en ( car il a fait des ouvrages, quoiqu'il ne sût
tirer ceux qu'il avait gagnés. Chacun d'eux pas lire), il dit que tous les assistants, pen-
implorait sa pitié afin d'être l'un des heu- dant son récit, sentirent la puanteur horrible
reux. C'étaient des cris à ne pas s'entendre. de l'enfer, et que lui-même, en sortant de
Le méDétrier furieux y accourut, ét résolut son lit, en élaitencoreinfccté;maispersonnc,
de s'acquitter ou de tout perdre. En homme excepté lui, ne put jouir des parfums suaves
qui ne véiit plus rien ménager il proposa de de la demeuré des bienheureux. Il annonca
jouer ce qui lui restait. L'apôtre ne deman- dès lors qu'il avait été mort et qu'il était res-
dait pas mieux. Ce va-toul si important se suscité, et il fonda sur te prodige la dignité
décida sur le lieu même ë(je n'ai pas besoin de sa mission.
de vous dire quelles furent pendant ce tèmps Il eut éncore d'autres visions; il entendit
les transes des patients qui en étaient les té- pendant quarante nuits une musique céleste
moins. Leur sort heureusement se trouvait si harmonieuse, qu'il ne put s'empêcher d'y
entre bonnes mains. Saint Pierre gagna en- joindre sa voix. Les ministres protestants
core, et partit avec eux tous pour le para- crurent reconnaître en lui quelque chose de
dis. surnaturel. Mais dès qu'il leur eut reproché
Quelques heures après rentra Lucifer. leur avarice, ils déclarèrent que tout n'était
Mais quelle fut sa douleur quand* il vit ses que l'oeuvre du démon. Parcourant la Basse-
brasiers éteints, sa chaudière vide et pas Saxé, ii prêchait, disait-il, comme il en avait
une seule âme dé tous ces milliards qu'il reçu l'ordre d'en haut. Un jour qu'il racon-
avait laissés. 11 appela le chauffeur Scé- tait ses extases, il dit qu'il avait vu les âmes
lérat, qu'as-tu fait oc mes prisonniers? des bienheureux voltiger autour de lui, sous
^h sire, je me jette à vos genoux, ayez pi- la forme d'étincelles, et que, voulant se mê-
tié de moi, je vais tout you9 dire. Et if'con- ler à leur dansé, il avait pris le soleil d'une
ta son aventuré, avouant q,u'il n'était pas main et la lune de l'autre.
plus heureux en enfer qu'il ne l'avait été Ces absurdités ne l'empêchèrent pas de
sur la terre. Quel est le butor qui nous a faire des prosélytes parmi les réformés. Il a
amené ce joueur? dit le prince iïrilé; qu'on laissé divers volumes i° Véritable Vue et
lui donne les étrivières. Aussitôt on saisit le- histoire du ciel, Amsterdam, 1690, in-l°
petit diablotin q,ui' avait fait un si mauvais* c'est le récit de son- excursion en enfer et en
présent, et on l'étrilla si_verfement qu'il pro- paradis 2° Mandat et ordre divin et céleste
mit bien de ne jamais se charger de méné- délivrés par la chancellerie céleste, Brème
trier. Chassez ij'îcj ée marchand de mu- 1625, in-4°; cet écrif manque dans le recueil
sique, ajouta (e mbnàïitùe on peut les rece- intitulé: OÊuvres, Visions et Révélations de
voir dans leparadiSjOÛ l'on aime la joie; moi Jean Engelbrecht, Amsterdam, 1680, in-4°.
je neveux plus jamais entendre parler d'eux. ENIGME. On lit dans de vieilles histoires
Le chanteur n'en demanda pas davantage. de Naples que, sous le règne de Robert Guis-
Il se sauva promptement, et vint en paradis card, on trouva une statue qui avait eu la
où saint Pierre le reçut et le fit entrer avec tête dorée, et sur laquelle était écrit Aux
les autres. culendesde mai, quand le soleil se lèvera, j'au-
ENGASTRI.M1SME art des ventriloques. rai la téle toute d'or. Robert chercha long-
On l'attribuait autrefois à la magie. temps à deviner le sens de cette énigme;
ENGASTR1M1THÈS ou ENGASTRIMAN- mais ni lui ni les savants de son royaume nj
DRES, devins qui faisaient entendre leurs purent la résoudre. Un prisonnier de guerre
réponses dans leur ventre. Voy. Ventrilo- sarrazin promit de l'interpréter, si on lui ac
QUES,Cécile, etc. cordait la liberté sans rançon. II avertit donc
ENGELBRECHT (Jean], visionnaire alle- le prince d'observer aux premiers jours de
mand, mort en 16^2. Il était protestant et nmi l'ombre de la tête de la statue, au lever
d'un naturel si mélancolique, qu/il tenta sou- du soleil, et de faire bêcher la terre à l'en-
vent de s'ôter la vie. Un soir, vers minuit, droit où tomberait cette ombre. Robert sui-
il lui sembla que son corps était transporté vit ce conseil et trouva de grands trésors, qui
au milieu des airs avec la rapidité d'une flè- lui servirent dans ses guerres d'Italie. Il ré-
che. Après un voyagé très-court, il arriva à compensa le Sarrazin, non-seulement en lui
la porte de l'enfer, où régnait une obscurité' accordant la liberté, mais encore en lui don-
profonde, et d'où s'exhalait une puanteur à nant de bonnes sommes d'argent. Voy. Ro-
laquelle il n'y a rien à comparer sur la terre. DEIUK.
11 entendit les cris et les gémissements des il y a beaucoup d'énigmes dans les divi-
damnés. Une légion de diables voulut l'ên- nations. On peut voir le traité des énigmes
Iraîner dans l'abime; il se débarrassa de leurs' du père Merïestrier, dé la compagnie de Jé-
griffes, pria, et tout cet horrible spectacle sus, ïnlilulé la Philosophie des images éni-
s'évanouit. Le Sainl-Espiitlui apparut,dit-il, gmctliques où il est traité des énigmes,
sous la forme d'un homme blanc et le con- hiéroglyphiques, oracles, prophéties, sorts 1
S41 ENS ENT 543
divinations, loteries, talismans, songes, cen- porté chez lui, il vécutdeux
vécut deuxjours encore;
turies de Nostradamus, et de la baguette. mais son état était désespéré et il expira après
Lyon, 16%, in-12. soixante heures des plus cruelles souffran-
ENLEVEMENT. Nous ne parlons ici que ces. » Dans d'autres temps ou dans d'au-
de ceux qui ont été enlevés par le diable. tres pays, o;i eût vu là un ensorcellement.
Une Allemande avait contracté l'habitude Voy. toutefois SORTILÈGES,PAROLES, BER-
de jurer et de dire des mots de corps-de- GERS,etc., etc.
garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par ENTERRÉS-VIVANTS. Indépendam-
quelques femmes de son pays, et il fallut un ment de ce qu'elles ont d'effroyable pour
exemple qui arrêtât le désordre. Un jour ceux qui en sont victimes, les morts appa-
qu'elle prononçait avec énergie ces paroles, re.ntes ont donné lied à plus d'une terreur.
qui sont tristes surtout dans la bouche d'une Les soupirs entendus dans un cimetière ont
femme Que le diable m'empoflel. le diable passé pour la voix d'un revenant, quand ce
arriva tout équipé et l'emporta (1). n'était que le sanglol d'angoisse d'un infor-
On lit en beaucoup de livres qu'un certain tuné enterré vivant. Ces choses tiennent
comte de Mâcon, homme violent et impie, trop à la mort, pour que nous ne nous y ar-
exerçait une espèce de tyrannie contre les rêtions pas un peu. Mais; au lieu de donner
ecclésiastiques et contre ce qui leur appar- des histoires de morts-vivants, nous croyons
tenait, sans se mettre en peine de cacher ni plus utile de rapporter ici la curieuse thèse
de colorer ses violences. Un jour qu'il était du docteur Vinslow sur cette matière. Le
assis dans son palais, bien accompagné, on lecteur sera bien aise de trouver en son en-
y vil entrer un inconnu à cheval, qui s'a- tier cette petite pièce rare et intéressante.
vança jusqu'auprès du comte, et lui dit: L'auteur l'a intitulée Terrible supplice &t
Suivez-moi, j'ai à vous parler. cruel désespoir des personnes enterrées vi-
Le comte suit l'étranger, entraîné par un vantes. Rien de si certain. que la mort,
pouvoir surnaturel. Lorsqu'il arrive à là puisqu'elle est inévitable; rien de si incer-
porte, il trouve un cheval préparé, le monte, tain, puisque des personnes réputées mor-
et il est transporté dans les airs, criant d'une tes et qu'on avait ensevelies, sont sorties do
voix terrible, à ceux qui étaient présents leur cercueil, et même de leur tombeau.
A moi 1 au secours 1. On le perdit de vue, Combien de gens y sont morts, pour avoir
et on ne put douter que le diable ne l'eût été enterrés avec trop de précipitation 1 sort
emporté. bien plus affreux, sans doute, que celui des
Dans la même ville, il y eut un bailli qui misérables livrés aux derniers supplices. Il
fut aussi enlevé par le diable à l'heure de y a des exemples de personnes qui ont dénué
son dîner, et porté trois fois autour de Mâ- des marques certaines de vie, à l'instant où
con, à la vue de tous les habitants, qui assu- t'anatomiste imprudent, portant sur elles un
rent ne l'avoir pas vu revenir (2). Voy. fer meurtrier, se couvrait de honte, et exci-
AGRIPPA.,Simon, GABRIELLEd'Estrées, Lu- tait l'indignation de toute une famille (3).
THER. DÉVOUEMENT,etc. Direz-vous que tout cela est fabuleux?
ENOCH. Voy. Hénoch. Croyez-vous qu'il soit faux que Scot se soit
ENSORCELLEMENT. Bien des gens se rongé tes bras dans son tombeau, et que
sont crus ensorcelés, qui n'étaient que le J'empereur Zénon en ait fait autant, après
jouet de quelque hallucination. On lisait ce plusieurs gémissements que ses gardes ont
fait dans le Journal des Débats du 5 mars entendus. Je le veux bien mais rejetterez-
1841. « 11 y a trois jours, M. Jacques Co- vous le témoignage irréprochable de gens,
quelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean, dont la probité reconnue égale lôslumières et le
n° 21, à Paris, logé au troisième étage, ren- discernement. Ecoutez l'illustre Lancisi, pre-
trait chez lui vers onze heures du soir, la mier médecin du pape Clément XI. «Ce n'est
tête échauffée par le vin. Arrivé sur le palier pas, dit-il, pardesimplesoui-dires.quej'ai su
du deuxième étage, il se croit dans son do- que plusieurs personnes que l'onallait enter-
micile il se déshabille tranquillement, jette rer, ont donné des signes qu'elles étaient vi-
une une ses hardes par une large fenêtre vantes j'ai vu, il y a environ vingt ans, un
donnant sur la cour et que dans son ivresse gentilhomme qui vit encore, à qui le senti-
il prend pour son alcôve puis il se fait un ment et le mouvement sont revenus dans
bonnet de nuitavecsacravate, et n'ayant plus l'église, pendant le service qu'on chantait à
que sa chemise sur le corps. il se lance lui- côté de son corps; co qui fut moins un su-
même par .la fenêtre, croyant sejeter sur son jet d'admiration que de frayeur pour les as-
lit.. Ce ne fut que le lendemain, verssix heures sistants.
du matin, que les autres habitants de la Le P.Zacchias, très-habile médecin deRome,
maison s'aperçurent de ce malheureux évé- rapporte qu'un jeune homme pestiféré tomba
nement. Le corps de l'infortuné Coquelin en syncope, et fut porté dans cet état parmi
était étendu sans mouvement sur les dalles les morts; ceux qui se disposaient à l'enter-
de la cour. Pourtant cet homme, âgé seule- rer, ayant découvert en lui quelques signes
ment de vingt-sept ans, et doué d'une grande de vie, le reportèrent à l'hôpital. Deux jours
force physique, n'était pas mort, quoique après, étant de nouveau tombé en syncope,
son corps fût horriblement mutilé. Trans- on le crut bien mort cette seconde fois. On le
(t) Wierus de Prœst. dsem., lib. II; Bodir. Démono- tables jugements de Die'l advenus au monde, p. 116.
manie, liv. III,-ch. î. (3) L'abbé Prévost, que l'ou croyait mort, fut tué ainsi
(2) Jean de Chassanion,huguenot,Des grandset rcdou- par celui qui voulait l'ouvrir.
SIS DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 5«
mit avec 1les cadavres pour être enterré. 11 Réol, en présence de son père et de plusieurs
donna encore des marques de vie. Les se- personnes, tirer du tombeau un religieux de
cours qu'on lui administra eurent tout le l'ordre de Saint-François, qui était enterré
succès imaginable. Ce jeune homme est en- depuis trois ou. quatre jours. II était encore
core vivant. 11 y en a bien d'autres qui, vivant; mais il mourut un instant après son
pendant cette maladie contagieuse, ont été exhumation, faite sur l'avis d'un de ses amis,
mis dans le tombeau sous de fausses appa- qui manda qu'il était sujet à des attaques de
rences nous en sommes certains. » catalepsie. La justice dressa un procès-verbal
Philippe Peu, très-habile accoucheur, fait de ce fait.
avec une franchise qu'on ne peut assez Madame Landry, veuve du graveur de ce
louer, l'aveu d'une faute qu'il a commise. nom, rapporte que son père a été tenu pour
Appelé pour faire l'opération césarienne à mort pendant plusieurs heures sur une
une femme que l'on croyait morte dans l'in- paillasse, et qu'il est revenu par le moyen
stant, il tâta la région du cœur et n'y aper- de l'eau salée qu'on lui fit couler dans la
çut aucun mouvement; le miroir approché bouche, par le conseil d'une de ses amies,
de la bouche ne fut point terni. Sur ces in- qui soutint avec obstination qu'il n'était pas
dices, lui-même la crut morte. A peine eut- mort.
il commencé l'opération, qu'il s'aperçut d'un Tous ces faits suffisent pour convaincre de
tremblement dans tout le corps de cette ce que dit Lancisi. « Qui ne sait qu'en temps
femme. Elle grinça des dents et remua les de peste tout se fait en désordre, et que l'on
lèvres. Cet accident causa une telle frayeur ne donne pas l'attention nécessaire pour dis-
à ce chirurgien, qu'il se promit bien de ne tinguer ceux qui sont réellement morts, de
plus entreprendre une telle opération dans la ceux qui ne le sont qu'en apparence ? »
suite, sans avoir des preuves bien certaines N'est-il pas permis de penser que cela se
de la mort. passe de même parmi nous, dans les temps
On assure que pareil malheur est arrivé, il où règne quelque maladie épidémique ? Pou-
n'y a pas longtemps, à un homme de la pre- vons-nous en douter lorsque nous voyons
mière distinction, que l'on voulait ouvrir dans les hôpitaux, dans les faubourgs et ail-
avant l'expiration des vingt-quatre heures, leurs, les enterrements si fréquents, et qui
depuis qu'il était réputé mort. On sait qu'un semblent demander vengeance de la mort
événement aussi funeste réduisit aux der- violente qu'ils causent? Combien de gens à
nières extrémités le fameux Vesale, le plus moitié morts, et même vivants, sont, surtout
grand anatomiste de son siècle- après les batailles, les victimes de l'usage
Ces exemples ne suffisent-ils pas? Faut-il terrible où l'on est de précipiter les enterre-
des témoins connus, et à qui l'on puisse ments 1
s'informer de la vérité des faits? Le révérend Celse nous apprend que Démocrite, qui
père Lecler, ci.-devant procureur de la mai- était, à juste titre, un homme de grande ré-
son des pensionnaires au collége de Louis- putation, avait pensé que les signes de la
le-Grand, dont la probité est' notoire, vous mort n'étaient pas suffisamment certains.
dira que la sœur de la première femme de L'apoplexie, la syncope, la vraie suffoca-
son père, ayant été enterrée dans le cime- tion, telle que celle des gens qu'on a étran-
tière public d'Orléans, avec une bague au glés ou étouffés, des noyés, de ceux qui ont
doigt, un domestique, attiré par l'appât du été enfermés dans des lieux trop étroits, ou
gain, découvrit le cercueil la nuit suivante, exposés à des vapeurs nuisibles la fausse
et que ne pouvant parvenir à ôter la bague, suffocation des femmes hystériques, des hy-
il se disposait à couper le doigt. La douleur pocondriaques, de ceux qui sont saisis do
fit jeter un grand cri à cette femme; ce qui violentes passions de l'âme tous ces cas,
effraya et mit en fuite le voleur. Elle se dé- et plusieurs autres de la même nature, peu-
barrassa des linges qui l'enveloppaient, et vent induire en erreur sur les signes de la
revint à sa maison. Elle n'est morte que dix mort; et ce n'est pas tant par l'imperfection
ans après, ayant survécu à son mari, dont de la médecine, que par l'ignorance ou la
elle eut un enfant depuis cet accident. négligence de ceux qui l'exercent, ou par le
M. Mareschal, prêtre très-digne de foi, peu d'attention, quelquefois même par la
chapelain de Notre-Dame à Paris, et prieur méchanceté de ceux qui ont soin des malades.
de Saint-Jean de la Motte, au Mans, dit que, La couleur vermeille du visage, la chaleur du
vers l'année 1714, passant dans la rue Jean- corps, la flexibilité des membres, ne sont
lloberf, il vit sur le pas d'une porte une que des marques incertaines que l'on soit en
femme enveloppée d'une grosse couverture vie. De même la pâleur du visage, le froid
de laine, assise dans un fauteuil, à côté d'un du corps, la raideur des extrémités, l'aboli-
cercueil, dans lequel elle avait été apportée tion des mouvements et des sens externes,
jusque-là, et d'où l'on venait de la tirer à sont des signes qui ne prouvent pas certai-
l'instant. Il certifie aussi avoir vu, en 1722 nément que l'on soit mort. Le pouls et la
ou 1723, des gens qui criaient aux porteurs respiration sont des signes indubitables de
de morts, qui s'avançaient vers la rue de la vie, car elle ne peut subsister sans ces
Champ -Fleury, que celui qu'ils venaient fonctions; mais ne croyez pas qu'elle soit
chercher, était sorti de la bière, et qu'il n'é- entièrement éteinte lorsque vous ne les
tait pas mort. apercevrez point. Examinez les choses avec
M. Bernard, chirurgien de Paris, assure soin; en faisant fléchir le poignet, on trouve
qu'étant jeune, il a vu dans la paroisse de souvent le pouls, que l'on n'avait point senti
5J5 ENT ENT 546
quand le poignet était droit ou renversé. Par lion, présentent d'une main sûre la flamme
ce mouvement on relâche l'artère, et le d'une bougie à la bouche et aux narines. Si
sang qui n'est poussé que faiblement peut y la flamme vacille sans qu'on puisse attri-
parvenir. Quelquefois aussi on sent Tarière, buer ce tremblement à quelque autre cause,
entre le pouls et le premier os du métacarpe, ils jugent que la vie n'est point entièrement
lorsqu'on ne la trouve point au poignet. Il éteinte. Ils pensent le contraire, si la flamme
faut la tâter légèrement; par une compres- n'est agitée en aucun sens. D'autres font la
sion trop forte vous en empêcheriez la même expérience avec un fil très-délié de
pulsation. Le battement des petites artères laine cardée, ou de colon. Il n'y a personne,
de l'extrémité de vos doigts, peut aussi vous qui ne puisse se convaincre de l'insuffisance
faire croire que le pouls bat, quoique la de cette épreuve, en modérant sa respiration.
personne soit réellement morte soyez éga- Ces signes ne sont donc rien moins que cer-
lement en garde contre ces illusions. tains. Nous en disons autant de l'épreuve
Tout n'est pas désespéré, lorsqu'on ne avec le miroir puisqu'il s'exhale de la bou-
sent point le pouls où on le trouve ordinai- che et des narines d'un cadavre encore chaud,
rement. On peut tâter l'artère temporale et des vapeurs capables de ternir la glace.
îes carotides. Celles-ci sont considérables et Selon quelques-uns, on peut juger qu'une
7eçoivent le sang du cœur en ligne droite. personne n'est pas morte si l'on aperçoit
Leur situation profonde exige que pour les du mouvement dans l'eau, dont on aura
découvrir, on appuie les doigts avec assez de rempli un verre posé sur l'avance xiphoïde,
force, à côté du bord postérieur du muscle le sujet étant couché sur le dos. Il serait je
sternomastoïdien. On peut encore tâter le pense, plus convenable qu'on fil cette expé-
pools avec succès aux artères crurales, vers rience, en mettant le sujet sur le côté, do
la région des aines. Il faut aussi faire des façon que l'extrémité du cartilage de l'avant
recherches à la région du cœur; mais pour dernière côte fut la partie la plus élevée et
les faire utilement, il faut que le corps soit sur laquelle on placerait le verre plein d'eau:
sur le côté. Quand le corps est sur le dos, le il y serait mieux que sur le cartilage xi-
cœur s'approche de l'épine, et s'éloigne des phoïde pour apercevoir le plus léger mouve.
côtes au point qu'il ne frappe que très-fai- ment qui se ferait dans la poitrine. Mais de
blement, ou même point du tout, contre plus, ne sait-on pas que, pour entretenir la
elles c'est ce que chacun peut éprouver sur respiration dans le cas dont il s'agit, il suffit
lui-même. Le cœur bat ordinairement du que le diaphragme ait du mouvement et
côté gauche; mais ses battements sont à que ce mouvement peut être assez doux pour
droite, dans ceux dont les viscères sont n'en causer aucun aux côtes ainsi le repos
transposés, singularité qui a peut-être été de la liqueur n'est pas une preuve que les
plus d'une fois une source d'erreur dans le fonctions vitales soient abolies et même l'a-
traitement des maladies du foie, de la rate, gitation de cette liqueur ne prouve pas
de l'intestin colon et du cœcum. Il faut donc qu'elles subsistent car la fermentation des
avoir égard à la possibilité de cette transpo- humeurs pourrait exciter ce mouvement
sition dans l'examen que nous indiquons. dans un mort.
Cependant te mouvement du cœur et des Quels reproches n'aurait-on pas à se faire,
artères peut échapper à toutes ces recher- si l'on abandonnait un sujet sur lequel ces
ches si l'on n'avait recours à d'autres si- moyens auraient été éprouvés sans succès 1
gnes, on jugerait mortes des personnes qui On doit en tenter d'autres, qui sont efficaces
sont vivantes. L'examen de la respiration ne pour rappeler d'une mort apparente à la vie.
fournit 'pas, dans ces circonstances des Il faut irriter l'intérieur du nez avec des
preuves plus certaines d'une mort douteuse. sternutatoires, des sels et des liqueurs péné-
Ses mouvements peuvent être absolument trantes, de la moutarde, du jus d'oignon,
imperceptibles. Lorsque les vibrations du d'ail de raifort sauvage avec les barbes
cœur et de l'aorte sont languissantes, la d'une plume ou le bout d'un pinceau. Il faut
vertu élastique des bronches et des vésicules frotter fréquemment et assez fortement les
du poumon, aidée par de légers frémisse- gencives avec les mêmes drogues; piquer les
ments du cœur et de l'artère pulmonaire, organes du tact avec des orties, irriter les
suffit alors pour la respiration, qui continue intestins avec des lavements, de la fumée
de se faire, quoique insensiblement. Les re- qu'on y introduira agiter les' membres par
cherches qu'on a faites inutilement sur les de fortes extensions et flexions faire beau-
organes de la circulation du sang, ne dis- coup de bruit et crier aux oreilles. Il ne
pensent pas de celles qu'on doit faire sur les faut pas s'imaginer que la personne n'entend
organes de la respiration, du sentiment et point parce qu'elle aura paru ne pas en-
du mouvement. En les négligeant, on se tendre car de même que le cœur est appelé
rendrait coupable de la mort de ceux que le premier vivant, on peut dire que des or-
l'on aurait privés de secours, d'après un ju- ganes sensitifs, celui de l'ouïe, est le dernier
gement porté sur des apparences trompeu- qui perde son action. On a là-dessus le té-
ses. moignage de ceux qui, privés de l'usage de
Diiïérents auteurs ont proposé différentes tous les autres sens, ont entendu très-di-
épreuves pour distinguer ceux qui sont vé- stinctement et rapporté ensuite tout ce qui
ritablement morts de ceux dont la mort avait été dit pendant leur léthargie. Un théo-
est douteuse. Les uns pour découvrir s'il y togienavait toujours enseignéqu'on ne devait
a encore quelques mouvements de respira- point donner l'absolution à un agonisant qui
547 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. US
ne témoignait, par aucun signe extérieur, à l'Académie royale des sciences. Un soldat
qu'il eût la faculté d'entendre il changea de ne sentait
point
la chaleur d'un fer rouge
sentiment, parce que, privé lui-même de quoiqu'il eut conservé la puissance molrice
tout mouvement dans une faiblesse consi- des parties qui étaient devenues insensi-
dérable, il avait entendu tout ce qui avait bles.
été dit à côté de lui. Que résultera-t-il me direz-vous, de tout
De toutes les parties de la médecine, la ce que vous proposez? à quoi bon piquer,
chirurgie, comme Celse l'a remarqué il y a inciser et brûler ainsi les corps? A quoi bon?
longtemps est celle dont les effets sont les le voici l'exemple des autres m'épouvante,
plus certains c'est donc à elle qu'il faudra moi surtout qui, au jugement même de mé-
enfin avoir recours pour tâcher de trouver decins, ai été réputé mort et enseveli deux
des signes de la vie ou de la mort. Les épreu- fois, l'une dans mon enfance et l'aulre
ves chirurgicales les plus convenables" dans étant adolescent. «Au surplus le commun-
ce cas, sont des piqûres, des. incisions, ou des hommes, comme l'a remarqué Zacchias,
des brûlures. Par ces moyens on a quelque- ne doit pas se moquer de l'habileté des méde-
fois réussi à rappeler à la vie des personnes cins qui feraient des expériences sur ceux que
sur lesquelles les autres épreuves avaient été l'on croirait morts, ou qui le seraient véri-
entièrement inutiles. L'irritation et la divul- tablement, pour tâcher de découvrir si la
sion que les épreuves chirurgicales causent vie subsiste encore, on si elle est entière-
aux houpes nerveuses, dont l'organe du tact ment éteinte.» Nous pouvons citer'ici ce que
est formé, produisent une sensation doulou- Lancisi rapporte d'après Quintilien. « D'où
reuse des plus vives; la communication au croyez-yous que soit venue la coutume de
siège de l'âme s'en fait avec une vitesse éton- différer les enterrements ? Pourquoi trou-
nante et d'une manière qu'on n'a pu ex- blons-nous les pompes funèbres, par nos
pliquer jusqu'ici. C'est par cette raison que pleurs, nos gémissements et nos cris, si ce
les piqûres dans les mains ou à la plante des n'est parce qu'on a vu souvent des gens
pieds, le$ scarifications sur les épaules et qu'on croyait morts revenir à la vie contre
les bras etc. ont servi quelquefois à dé- toute espérance? C'est pourquoi, continue
couvrir que les apparences delà mortétaient pe savant homme on ne peut trop louer la
trompeuses. C'est aussi par cette raison sagesse de la loi, qui défend d'ensevelir pré-
qu'une femme a été tirée d'une attaque d'a- cipitamment les morts, et surtout ceux dont
poplexie, en lui faisant entrer profondé- la mort a été subite. Il prie ensuite les mé-
ment une. longue aiguille sous l'ongle d'un decins, de même que les personnes pieuses,
des doigts du pied moyen dont le succès dont l'état est d'exhorter les mourants, de
ne justifie pas la témérité. Les incisions faire usage des moyens proposés. Il exhorte
peuvent produire le même effet enfin la surtout les médecins à chercher de nouveaux
cautérisation est regardée comme un moyen moyens, par lesquels on puisse soustraire
très-efficace. des. victimes la mort, ou du moins gagner
Lancisi dont le témoignage est si respec- assez de temps pour que ceux que l'on
table, rapporte que des gens du peuple, que pourra réchapper puissent au moins se re-
les remèdes les plus violents n'avaient pu connaître et faire les actes de religion né-r
réveiller d'un assoupissement apoplectique, cessaires. Riolan, un des flambeaux de l'E-
ont été sur le champ rappelés à la vie par cole de Médecine de Paris, a donné des mar-
des fers rouges qu'on approcha de la plante ques à peu près pareilles de sa charité, en
de leurs, pieds. Quelques autres conseillent parlant des corps des jûsticiés qu'on des-
de mettre des fers rouges sur le sommet de tine aux dissections anatomiques: «II ne faut
la tête-. On peut exciter avec succès, sur les y procéder, dit-il, tant que le corps est chaud,
mains, les bras ou autres parties du corps, et s'il n'y a pas longtemps que l'exécution"
une sensation douloureuse avec l'eau bouil- -soit faite; la religion et l'humanité exigent
lante, la cire ordinaire ou la cire d'Espa-» que l'on donne à ces malheureux tous les
gne brûlante ou avec une pièche allumée. gecours convenables pour les rappeler à la
Les frictions violentes opèrent à peu près de vie afin qu'ils puissent faire pénitence de
la même manière, On lit dans les ouvrages leurs crimes. » Mais comme il n'y a (surtout
de l'Académie des Curieux de la Nature: dans les cas dont qous parlons), aucun signe
« Qu'un médecin s'étànt aperçu qu'un hom- certain de la mort, que les taches livides du
a me qu'on'croyait mort avait ençore les sujet, et Kodeur cadavéreuse qui en exhale,
« membres flexibles, quoiqu'on ne sentit pdeur bien différente de toutes celles qui
« point de pouls que l'immobilité du coton émanent des excréments ou de certains ut-
« déposât contre l'existence de la respira- cères, etc., le plus sûr sera de garder dans
« tion et que les lavements les plus âcres le lit, pendant deux ou trois jours, celui que
« fussent sans effet, il fit frotter fortement la l'on croira mort, avec ses draps, ses cou-
« plante dès pieds de cet homme avec une yertures, et ses oreillers', comme s'il était
« étoffe de crin, pénétrée d'une saumure vivant. On le laissera ainsi jusqu'à ce qu'il
« très-forte, et par ce moyen, il le rappela soit froid et devenu raide. Le sentiment du
« à la vie. » célèbre Terilli, médecin de Venise, mérite-
Quelque utiles que ces épreuves parais- rait d'être gravé en lettres d'or « Comme il
sent, elles peuvent néanmoins être fautives. est très-certain par tout ce qui a été dit,
Enlfe plusieurs exemples qui le prouvent, il que les fonctions. vitales peuvent être dimi-
suffit de citer une observation communiquée nuées au point que le corps paraisse tout-à
549 ENT ENT 550
» « «t » • 11 _> • 1-
fait semblable à celui d'un mort il est à morceaux quand on y touche, cl que l'on
propos de différer les enterrements assez de emporte facilement en essuyant la cornée
temps, pour que la vie puisse se manifester; ce qui donne lieu de dire en différents pays
la charité et la religion ne permettent pas que les yeux sont crevés, pu que le larmier
qu'on s'expose, faute de cette précaution à est rompu.
enterrer des personnes qui ne sont point VIL Un seul cadavre mort d'une maladie
réellement mortes. Selon tous les auteurs maligne, peut causer .dans les églises une
il faut attendre trois jours naturels, ou soi- .infection tr.ès-dangereuse q plusieurs, à qui
xante et douze heures (_). Si 'pendant ce la même maladie se peut communiquer fa-
temps on n'aperçoit aucup signe de Vie, et cilement si l'on n'a ,sqin de bien sceller
qu'au contraire les corps exhalent une odeur la. tombe sous laquelle on les aura in-
fétide, c'est une preuve infaillible de la mort, humés.
et l'on peut-les enterrer sans scrupule. » Nous compléterons ce qu'on vient de lire
Zacchias est aussi de cet avis «Un çom- .par un Mémoire .présenté, en 1839, au Con-
mencement de putréfaction est le seul signe seil central ç\e Stilujtrité' publique, d Bru-
certain de la mort. u II ne faut donc pas être xelles par SIM..de Losen, Bigot et Vander-
surpris si quelques personnes, dans la crainte glraeien.
d'être enterrées vivantes, ont ordonné par S'il est une; .question qui se rattache inti-
leur testament qu'on ne les enterrât qu'au moment à l'hygiè/ie publique ot qui inlé4-
bout de quarante-huit heures, et après qu'on resse la société tout- entière, c!est sans con-
aurait fait sur ejles les épreuves chirurgi, tredit celle des dangers des inhumations pré-
cales qui peuvent servir à constater leur cipitées. En effet, arracher un grand nombre
mort. Tout le monde sait que madame do do .victimes à la morl, p'esttce point, d'unee
Corbeville a prescrit ces précautions dans part', contribuer à la conservation de l'es-
son testament ce qui fut exécuté et je dé- pèce humaine, en la préservant du plus ter-
sire bien fort qu'on ait les mêmes atten- rible des malheurs,, celui d'être enterré vi-
tions pour moi lorsque je serai dans le mémo vant, et de l'autre, rassurer l'humanité contre
cas. les erreurs déplorables que peut entraîner une
Donc les épreuves chirurgicales ne don- mort apparente garantir l'honneur et le re-
nent pas des signes plus certains d'une mort p'os des familles, et fournir à la justice les
douteuse que les autres épreuves. moyens de connaître; des crimes qui reste-
raient impunis ou ignorés.
Epreuves' contre une mort apparente pour Les apparences de la mort ont été quel-
prévenir les enterrements précipités. quefois si grandes, que la vérité n'a pu
1. Ne point retirer de son lit le malade que éclairer les yeux de. médecins instruits;
l'on présume être mort et l'y laisser avec, mais plus souvent l'ignorance, la précipi-
les mêmes draps couvertures et oreillers tation et la cupidité placèrent dans le tom-
qu'il avait dans le cours de sa maladie. beau des malades qui n'avaient point perdu
II. Souffler avec un tuyau ou chalumeau tous leurs droits à la vie. Winslow Bru-
de l'air dans les poumons pincer le nez et hier, Louis, etc., ont démontré l'incertitude
les lèvres contre le tuyau, afin que cet air des signes do la mort ot on ne saurait trop
ne revienne point par les lèvres et par les accorder d'éloges au, zèle qui inspira leurs
narines. éloquentes réclamations. Aujourd'hui il n'est
111. L'application d'un vésicaloirc ou plus de médecin qui ne soit' convaincu que
d'une pierre à cautère si ce remède ex- les signes qui semblent être le cachet de la
cite des vessies, c'est un signe certain de vie; mort, n'en sont point une preuve évidente
car il n'agit point sur des parties mortes. et que leur ensemble même ne peut que la
1V. La flexibilité des membres est un des faire présumer sans l'établir d'une manière
principaux signes qu'une personne n'est pas absolue enfin que la putréfaction en est la
morte, quoiqu'elle ne donne aucun signe de, seule preuve indubitable parce que les nou-
vie, à moins que la raideur des1 membres ne velles réactions chimiques, qui s'opèrent
soit causée par une affection convulsive ce alors dans le corps, démontrent qu'il a cessé
qu'on connaîtra facilement, parce que le d'être sous l'influence. du principe de la vie.
membre convulsif retourne avec violence Rien n'est donc plus difficile que de s'assu-
yers le lieu où il était on observe tout le rer de la mort réelle. Et puisque des exem-
contraire dans les cadavres dès qu'on a ples ont prouvé et prouvent encore tous les
forcé l'articulation, le membre est indifférent jours que .la précipitation des inhumations
a telle ou telle situation, et il suit les règles a causé de grandes catastrophes, l'humanité
des corps inanimés. n'ordonne-t-elle pas de prendre, pour l'évi-
V. Tant que le globe de l'œil conserve sa ter, toutes les précautions suggérées par la
fermeté naturelle, qn ne peut pas prononcer prudence humaine.
que la personne est morte, quelles que soient La plupart des peuples ont tellement senti
les autres marques qui déterminent à le > l'importance de s'assurer de la mort réelle
penser. d'un individu, qu'ils ont pris des mesures
Vi. La cornée transparente des morts est pour éviter les inhumations précipitées. Le
ordinairement couverte d'une toile glai- législateur des Hébreux Moïse, à qui l'on
reuse très-ûne qui se fend en plusieurs. doit plusieurs admirables préceptes d'hy-
(I) C.'eslcoqui se fait en Allemagne,en llollariefe'.A giène, prescrivait de garder les morts peu-
Tai-is,on aUonûà peinevingt-quaireheures. dant trois jours. Hérodote affirme qu'il était
55t DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES, 552
défendu
HÂ fan H ilaux Egyptiens d'enterrer leurs morts En France, l'article 77 du code civil
exige
avant le quatrième jour du décès. Les an- qu'aucune inhumation ne soit faite sans une
ciens Perses n'inhumaient aucun cadavre autorisation de l'officier de l'état civil, qui
sans que son odeur putride n'eût attiré les ne pourra la délivrer qu'après s'être trans-
oiseaux de proie. Lycurgue avait fixé à onze porté auprès de la personne décédée, pour
jours la durée des lamentations funéraires s'assurer du décès, et que vingt- quatre heures
et le corps du décédé ne pouvait être inhumé après le décès.
avant cette époque. A Athènes les corps Les mesures administratives concernant
après avoir été lavés et parfumés, étaient ex- les inhumations sont les mémes pour la Bel-
posés, la tête découverte, dans le vesti- gique. Il est aisé de démontrer leur insuffi-
bule des maisons et ne recevaient les sance. Nous avons vu que les peuples anciens
honneurs funèbres qu'après le troisième conservaient les cadavres pendant plusieurs
jour. Dans plusieurs autres villes de la Grèce, jours, et cependant, malgré tous les soins
on attendait le sixième et même le septième. qu'ils prenaient pour s'assurer que la perte
Les'Romains conservaient leurs morts pen- de la vie était réelle, Pline parle de plusieurs
dant sept jours, confiés à la garde de per- morts en apparence ressuscités sur le bû-
sonnes chargées de les appeler plusieurs fois cher. A plus forte raison le terme de
et à grands cris par leurs noms cet usage vingt-quatre, ou même de quarante-huit
se nommait la conclamation. Avant de dépo- heures, est-il insuffisant, surtout dans les
ser le corps sur le bûcher, on l'appelait une morts subites. Il est encore souvent abrégé
dernière fois, on lui coupait un doigt, et s'il par la précipitation des ensevelissements et
ne donnait aucun signe d'existence, il était de la mise dans la bière (à couvercle cloué),
jugé privé de la vie pour jamais. par les autopsies et les embaumements éga-
Avanl'Léopold Ier, on avait l'habitude, en lement précipités, enfin par les fausses dé-
Toscane, d'inhumer les morts dans les vingt- clarations de décès.
quatre heures. Ce sage souverain prorogea En effet, à peine quelqu'un est-il en état
le délai à quarante-huit, et il prescrivit que, de mort, que parents, amis tout le monde,
dans le cas où des circonstances particuliè- l'abandonne; une main mercenaire s'em-
res se présenteraient, on ne pourrait enter- presse de l'ensevelir; il devient pour tout ce
rer les corps avant qu'ils ne manifestassent qui l'entoure un objet d'horreur dont on a
des signes indubitables de mort réelle. Il fit hâte de se débarrasser; aussi, ne manque-
à cet effet établir des gardiens pour veiller t-on presque jamais dans les déclarations
les décédés et pour faire appeler àu besoin de décès, d'anticiper de cinq, six, et même de
les hommes de l'art chargés de donner les dix heures, l'heure de la mort, afin de pou-
secours nécessaires. Afin que toutes ces voir inhumer plus vite, sans s'inquiéter si
mesures fussent religieusement observées, l'on va cônfier à la terre un corps en état
ce prince préposa à Florence et dans toutes de mort apparente, ou un cadavre de telles
les communes du grand duché un magistrat déclarations sont répréhensibles souvent
à la surveillance exclusive des sépultures. même elles sont criminelles.
Il ordonna en outre que, sans une permission Encore si le médecin voyait son malade
écrite de ce magistrat, on ne pourrait pro- lorsqu'il a cessé d'exister 1 Mais non l'hom-
céder à aucune inhumation, et il commina me de l'art qui craint pour la vie de son
des peines très-sévères pour les cas de con- client, a soin de prendre des informations
travention. chez les voisins, et, selon leur réponse, il
Les Anglais n'enterrent les personnes qua- entre ou s'éloigne. S'il n'a pas prévu l'événe-
lifiées qu'au bout de trois jours, et les autres ment, pour l'ordinaire on le fait avertir que
dans le délai de vingt-quatre à trente-six ses. visites ne sont plus nécessaires, que le
heures mais dans l'un et l'autre cas ce malade a succombé. Eh 1 qui a prononcé
n'est qu'après que les experts ont certifié qu'il est mort? Des parents désespérés par
que la mort n'a été produite ni par le fer ni une fausse apparence, ou des héritiers qui
par le poison. cachent leur satisfaction sous les dehors
En Portugal, la loi exige vingt-quatre d'une feinte douleur, ou enfin des gardes-
heures entre le décès et la sépulture, qui malades, souvent fort ignorantes.
néanmoins a lieu par fois cinq ou six heures En Belgique, M. le ministre de l'intérieur,
après la mort. frappé de la gravité des inhumations préci-
L'Espagne est le pays où l'on garde le pitées, a adressé, en juillet 1838, à tous les
moins les morts: pour peu que vous dormiez gouverneurs du pays une circulaire pour
trop longtemps, dit M. Langle, on vous met s'assurer si dans les différentes provinces,
en terre. l'officier de l'état civil se transportait auprès
En Allemagne, avant l'impératrice Marie- de la personne décédée; cette circulaire por-
Thérèse, le temps entre la mort et l'inhuma- tait aussi que dans le cas où l'article 77 ne
tion était arbitraire elle remédia à cet état serait pas exécuté, MM. les gouverneurs
de choses en ordonnant que dans ses états étaient priés de rechercher quelles seraient
on n'enterrerait désormais que quarante- les mesures qu'il serait préférable d'adopter
huit heures après le décès. Aujourd'hui les pour remédier à cet abus, et de les lui signa-
Allemands soumettent leurs morts à une ler. Or voici ( si nos renseignements sont
suite d'épreuves qui rendent toute surprise exacts, et nous avons tout lieu de le croire),
impossible, et ne les ensevelissent qu'après les résultats qu'a obtenus M. le ministre
plusieurs jours. A Anvers l'officier de l'état civil n'exécuta
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dère celle déposition comme insuffisante; il grandes précautions dans la chambre du dé-
exige que la mort soit attestée par un mé- funt, et à peine t'a-t-il entrevu, qu'il le dé-
decin. clare bien el dtiment mort.
A Malines, un agent de police se trans- Supposons main.
tenant qu'il parvienne à vaincre cette
répu-
porte auprès du décédé, pour vérifier la gnance ordinaire qu'a l'homme pour un
mort. cadavre, pensc-t-on qu'il aille examiner
A Turnhout, la loi ne s'exécute pas, ainsi scrupuleusement toutes les parlies?etquand
que dans toutes les autres communes de la bien même il se dévouerait à ce point, croit-
province. on que son regard scrutateur puisse saisir
A Bruxelles, à Louvain à Nivelles un les causes d'une mort violente, ou les
signes
commissaire de l'état civil est délégué pour caractéristiques de la mort réelle, signes
constater les décès. Dans quelques communes qui échappent quelquefois à l'investigation
le secrétaire de la régence, ou le garde-cham- des médecins? Tout homme de bonne foi ré-
pêtre est chargé de la même fonction dans pondra sans hésiter non. Nous ne crai-
tout le reste de la province la loi n'est pas gnons donc pas de dire que ces visites uni-
exécutée. quement faites par des hommes étrangers à
Pour la Flandre Orientale, M. le gouver- l'art médical sont illusoires. Nous irons
neur a fait une singulière réponse. Depuis plus loin, nous dirons même que cette dis-
l'existence des dispositions de l'article 77, position est funeste à la société, car elle con-
dit-il aucune réclamation aucune plainte sacre en principe que toute mort apparente
ne s'estélevée dans cette province, signalant est une mort réelle. De là aucune tentative,
quelque abus on quelque infraction à leur aucune expérience pour rappeler à la vie
ponctuelle exécution. Est-ce parce que les tant de malheureux qui ne sont réellement
morts ne réclament ni ne se plaignent? Nous pas morts. En effet, l'expérience ne démon-
serions tentés de le croire. tre-t-elle pas que beaucoup d'états nerveux
M. le gouverneur du Hainaut y met beau- ou apoplectiques se trouvent dissipés par
coup plus de franchise il avoue que dans des secours convenablement administrés, et
aucune ville ni commune de sa province la- qui, abandonnés à eux-mêmes, auraient
loi n'est exécutée (1). amené la mort réelle.
Depuis quelque temps, à Liège et à Ver- Bruhier, dans son Traité sur l'incertitude
viers, des médecins vérificateurs des décès des signes de la mort, publié en 1740, a ras-
ont été institués par le conseil communal semblé 181 cas de méprises, parmi lesquels
dans tout le reste de la province la loi ne figurent 52 individus enterrés vivants, Cou-
reçoit aucune exécution. verts avant leur mort, 53 de personnes reve-
Dans les villes de la Flandre Occidentale, nues spontanément à la vie après avoir été
c'est un agent de police qui s'assure des dé- enfermées dans un cercueil, et 72 autres ré-
cès. M. le gouverneur garde le silence sur putées mortes sans l'être.
toutes les autres communes. Tout en admettant qu'un grand nombre de
Dans le Luxembourg, la loi n'est exécutée ces faits ne présentent pas toute la garantie
nulle part. désirable il n'en reste pas moins démontré
II en est de même dans la province de Na- que des erreurs nombreuses ont été commi-
mur. ses. D'ailleurs, Bruiner n'est pas le seul au-
Dans le 'Limbourg l'article 77 n'est ob- teur qui ait rapporté des faits de ce genre
servé que dans très-peu de communes. Zucchias Lancisi, Philippe Peu, Guillaume
Ainsi donc, presque partout la loi est ou Fabri Pechlin Kirrhmann Kornmann
inexéculée ou violée; car une délégation, Winslow.Falconel, Rigodeaux.etc, ont cité
soit à un agent de police, soit à un garde- des exemples analogues. On sait que sous
champêtre, ou même à un médecin, est une Charles IX, François Civile gentilhomme
violation de l'article 77 puisqu'il y est dit normand se qualifiait dans ses actes de
textuellement que l'officier de l'état civil de- trois fois mort, trois fois enterré, et trois
vra s'assurer en personne des décès. OuAla fois ressuscité par la grâce de Dieu.
loi est bonne nu elle est mauvaise dans ce Nous pourrions citer ici un grand nombre
dernier cas, il faut la modifier. decas de résurrections en qui lquesorle mira.
Nous venons de voir que l'article 77 n'é- culeuses nous nous contenterons de rappor-
tait exécuté nulle part; mais fût-il observé ter l'un des plus récents etdes plus dignes de
partout, il serait encore illusoire. Voyons remarque, que nous empruntons au Journal
en effet de quelle utilité peut être l'officier des sciences physiques chimiques, arts
de l'état civil, ou son délégué, pour consta- agricoles et industriels de France (cahier de
ter lés décès. D'abord le plus souvent il se mai 1838).
dispense de cette pénible corvée en second Philippe Marbois, cultivateur à Cvsoin,
lieu, si quelquefois il prend cette peine ce village à quelques lieues de Lille âgé de
n'est qu'avec un sentiment de dégoût ou 58 ans, d'un caradère bon, d'une patience
même d'horreurpour un cadavre. Aussi que rare, à la suite d'une vive altercation avec
fait-il? Muni d'un flacon de vinaigre ou d'un sa femme et ses enfants, fut atteint tout à
(i) Depuisdeux moisseulemontla ville de Tournay,à médecinsInspecteurspour s'assurer de la mort réelle.,
l'instar de Paris et de la plupart des grandes villesde Maisoutre !a visitede ces médecins,il faudraitl'attesta-
France où t'insuffisancede ta constatationdes décès par tiousignée du médecinqui a soignéle malade.
l'officierde l'état civil a été bien sentie, a instituédes
Dictions, DES SCIENCESOCCULTES. 1. 18
5S5 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. CS«.
coup d'une attaque de catalepsie. On le crut connu assassiné. Sa femme, son fils, sa fille
mort. En conséquence troisjours après (le et un domestique ont été condamnés comme
16 janvier 1838), jour où le froid fut exces- les auteurs du crime.
sif, Philippe Marbois fut inhumé à très-peu, Dans le numéro du 19 avril, Julien Rous-
de profondeur, à cause de la difficulté qu'on seau, fermier dans le département de la
éprouvait pourcreuser la terre. Le 23 janvier, Loire-Inférieure, a été reconnu pour avoir
le temps étant au dégel, l'exhumation fut en- empoisonné sa quatrième femme, et l'instru-
treprise pour procéderà une nouvelle inhuma- ction a en partie démontré qu'il s'était dé-
tiondu cadavre. Quel fut l'étonnement du fos- barrassé violemment des trois autres.
soyeur d'entendre un soupir étouffé partir du Dans le numéro du 24 juin, la femme He-
cercueil; on ouvre la bière, on en sort Mar- drix, du département de l'Aube, a été condam-
bois, on le transporte dans une maison voi- née pour avoir empoisonné son mari le poi-
sine où, à l'aide des secours qui lui sont son a été signalé dans l'estomac de la vic-
prodigués par un homme de l'art, il ne tar- time exhumée.
de pas à être rappelé à la vie. Dans le numéro du 13 septembre, Philippe
Nous lisons dans les Notices de Froriep Cros, tonnelier à Béziers, a empoisonné suc-
(année 1829,n° 522) que, d'après une nou- cessivement ses deux femmes et son enfant.
velle mesure adoptée à New-York, on ne Après avoir exhumé les cadavres des trois
peut procéder à aucune inhumation avant victimes, on a reconnu chez toutes de l'ar-
d'avoir exposé le cercueil pendant huit senic le criminel s'est tué en prison.
jours, avec une ouverture pratiquée dans Dans le numéro du 19 septembre, Michel
la région de la tête, et des cordons qui des Mentes a été condamné pour avoir assassiné
pieds et des mains vont aboutir à une son- sa femme ce dont on s'est convaincu après
nette. Sur 1200 individus exposés de la sorte, avoir exhumé le cadavre.
il y en eut 6 en état de mort apparente. Dans le numéro du 22 du même mois, Marie
Ainsi ce n'est pas sur des millions où des Lamoure, veuve Malaurent, du département
milliers de morts, mais bien sur 200 seule- de la Corrèze, a été condamnée pour avoir
ment qu'un individu aurait été enterré vi- empoisonné son enfant de 4>ans. De l'arsenic
vant. En vérité cette proportion d'un ,demi a été trouvé dans l'estomac du cadavre ex-
pour cent a de quoi effrayer, si elle est la humé.
même partout. Si nous en voulions faire par Dans le numéro du 4 octobre, madamc'N.,
hasard l'application à Bruxelles, nous trou- de Paris, a empoisonné successivement son
verions que depuis 1824 jusqu'en 1837 il est mari et deux enfants.
mort 51,805 personnes; or, il yen aurait donc Dans le numéro du7dumême mois, M. 5a-
eu 259 d'enterrées vivantes, et quand bien vin, médecin à Pouilly, a été arrêté comme
même nous réduirions ce nombre de moitié, ayant empoisonné sa femme avec de l'opium.
le résultat n'en serait pas moins effrayant et Depuis, Savin s'est suicidé en prison.
digne d'appeler toute notre sollicitude. Dans le numéro du 31 du même mois. Le-
Le danger d'ensevelir un vivant n'est pas cocq, du département de l'Oruc, a été con-
la seule considération qui doit faire pro- damné pour avoir assassiné sa tante. Le
scrire les inhumations précipitées, et engager cadavre exhumé n'a laissé aucun doute à cet
à vérifier scrupuleusement le genre de mort. égard.
Il en est d'autres dont l'importance en ma- Dans le numéro du 7 décembre Mariclte
nière criminelle et dans l'ordre moral est fort Tollon, veuve Froquais du département du
grande puisqu'elles facilitent au crime les l'Isère, est accusée d'avoir empoisonné son
moyens de se soustraire aux regards des premier mari et la première femme de son
hommes, et de braver ainsi les lois. second. Après avoir exhumé les victimes, on
En lisant les journaux français, et surtout a trouvé de l'arsenic dans l'estomac de l'une
la Gazette des Tribunaux, on est vraiment des deux.
effrayé d'y rencontrer si souvent des crimes Dans le numéro du 8 du même mois, uu
qui d'abord ensevelis sous terre, n'ont dû enfant de cinq ans, de l'arrondissement de
leur découverte, et par suite leur punition., Fougères, a succombé sous les mauvais trai-
qu'à des soupçons qui ont forcé l'autorité tements de son tuteur l'exhumation du ca-
judiciaire à exhumer les cadavres des vic- davre en lambeaux ne laisse aucun doute à
times. Il est à regretter que l'administration cet égard.
de la justice, dans les comptes-rendus qu'elle Dans le numéro du 23 du même mois,
publie, ne donne pas la statistique des ex- M. Camus, riche propriétaire du département
humations judiciaires. Peut-être qu'effrayé de Loir-et-Cher, est mort à Orléans, et quel-
par cet épouvantable résultat, le gouverne- ques soupçons oui donné lieu à l'exhumation;
ment aurait déjà depuis longtemps pris les les viscères, soigneusement recueillis, ont
mesures les plus minutieuses pour la con- été envoyés à Paris pour être soumis à des
statation des décès. Pour vous convaincre analyses chimiques.
de ce que nous avançons, nous avons pris au Il y a quelques jours la gazette contenait
hasard quelque's numéros de la Gazette des encore le récit d'un triple empoisonnement
Tribunaux del838, et voici ce que nous y commis successivement sur ses trois femmes
avons trouvé par un habitant de Beaupréau, département
Dans le numéro du 11 janvier, un nommé de Maine-et-Loire. Après avoir été exhumés,
Delunet, meunier dans le département de la l'examen des cadavres de deux des victimes
Meurthe, après avoir été exhumé a été re- a prouvé l'emploi manifeste de l'arsenic
BB7 ENT ÉNT 558
Enfin, aujourd'hui 19 février 1839, nous tous ces meurtres détournés qne commettent
lisons dans la gazette du 17 de ce mois, qu'à des héritiers avides ou des enfants dénaturés,
Saint-Genis, arrondissement de Libourne, en ne donnant pas à des vieillards faibles ou
l'exhumation du cadavre de la femme Bouri- infirmes les aliments nécessaires à leur con-
caut vient d'avoir lieu,et que de graves pré- servation, ou en les privant des secours de
somptions accusent son mari d'être l'auteur la médecine et des remèdes qui pourraient
du crime qui a causé la mort de cette femme. .leur conserver la vie.
Nous avons trouvé dans un autre journal Ne croyez pas que nous cherchions ici à
que Joseph Clémot habitant de la commune rendre plus hideux pour effrayer vos ima-
de Ncuvy (Maine et Loire), a empoisonné ginations, un tableau déjà si horrible par
successivement avec de l'arsenic trois femmes lui-même, non; nous ne vous avons entre-
et un enfant; la première Anne Bourdier, tenus que de choses qui se passent tous les
en 1828, la seconde, Geneviève Brillonet, en jours au milieu de nous. En faisant ressortir
1837, et Marie Bondu, le 26 septembre 1838. des faits qui passent inaperçus nous n'à-
Le même journal rapporte qu'à Xain- vons eu en vue qu'une seule chose, de vous
trailles, arrondissement de Nancy Jeanne signaler les vices de la législation actuelle
Caseaux, femme Sourisseau, a empoisonné, concernant les inhumations, et de vous prier
le 2 octobre 1838, son mari avec de l'arsenic de vous joindre à nous pour engager le gou-
qui a été retrouvé dans l'estomac du cadavre vernement et les différentes autorités com-
exhumé. Les débats de la cour d'assises ont munales à adopter des mesures qui puissent
en partie démontré qu'elle avait empoisonné remédier à tous ces vices et combler les la-
de la même manière son second et son pre- cunes de la législation.
mier mari. Les moyens qui nous paraissent les plus
Si nous avions eu à notre disposition la propres à remplir ce but, consistent, selon
collection complète de la Gazelle des Tribu- nous, l°dans des améliorations à apporter à
naux de 1838, et le temps de la compulser, la législation sur la manière de vérifier et de
nous ne doutons pas que nous n'eussions pu constater les décès, et 2° dans rétablissement
signaler au moins cinquante à soixante cri- de dépôts ou maisons mortuaires à l'instar
mes de la nature de ceux que nous venons de celles qui existent dans plusieurs villes
de vous relater; or, en admettant que la ga- d'Allemagne.
zette ne consigne que le quart des exhuma- Les maisons dont il s'agit, placées dans
tions qui ont lieu dans toute la France, ce les cimetières, sont destinées à recevoir les
qui n'est certes-pas exagéré, il en résulterait morts.qui, après y avoir été convenablement
donc à peu près par an 200 exhumations par déposés, y sont observés jusqu'à l'apparition
suite de suspicion de crime souvent justifié, des signes non équivoques de la putréfaction.,
n'est-ce pas là un chiffre effrayant? Et si )1 y a déjà longtemps qu'en Allemagne, le
maintenant nous réfléchissons à la quantité célèbre Hufeland avait parlé avec chaleur
de crimes qui restent enfouis et impunis, et contre l'insouciance, la superstition et la lé-
on n'en saurait douter, puisque, comme nous gèreté avec laquelle on traite les morts, et
J'avonS vu, un grand nombre de coupables c'està son mérite et à ses sollicitations qu'en
avant d'être découverts en étaient à leur 1791, on dut, à Weimar, l'établissement de
deuxième, troisième et quatrième crime; n'en la première maison mortuaire. Le grand-duc
devons-nous pas conclure avec douleur que Charles-Auguste et sa famille s'étant inté-
les plus grands coupables ne sont pas tou- ressés à cette institution une souscription
au bagne qu'il n'y a que les plus ef- fut ouverte, et les amis de l'humanité virent
jours
frontés et les plus maladroits, mais que les avec plaisir toutes les classes de la société
plus profonds scélérats vivent la plupart du saisir cette idée avec empressement; aussi,
temps à nos côtés et quelquefois sous notre en peu de temps-, tous les moyens furent
propre toit. réunis pour établir une maison qui répondît
En lisant les débats criminels, nous avons tout à fait au but qu'on s'était proposé. A
vu d'autres genres de crime, qui doivent l'occasion du nouveau cimetière de Weimar,
échapper souvent à la justice en raison de la on a construit en 1824. une nouvelle maison
manière vicieuse avec laquelle on constate mortuaire qui est encore plus parfaite que
les décès; nous voulons parler de ces séques- l'ancienne, sur la porte de laquelle est placée
trations pires qu'un assassinat, telles que les l'inscription suivante Vitw dubiœ asylum.
époux Wieland et plusieurs autres parents C'est également à Hùfeland qu'un doit la
dénaturés nous ont fourni des exemples dans fondation d'une maison mortuaire à Berlin.
ces derniers temps. Qui aurait révélé le genre Elle a été construite en 1797 par la société
de mort de ces malheureux, s'ils étaient des Amis, et se distingue par sa construc-
morts quelques jours avant la découverte du tion elle contient deux salles, une pour les
crime de séquestration? Qui peut nous dé- hommes et l'autre pour les femmes.
voiler les manœuvres coupables employées A l'exemple de Weimar et de Berlin, et à
pour produire l'avortement et qui amènent l'instigation du professeur Ackermann, on a
en mémo temps la mort de la mère? Qui peut fondé à Mayence, en 1803, une maison mor-
nous signaler la mort de tant de jeunes en- tuaire à laquelle on a donné depuis quelques
fants assassinés par leurs parents même lé- années plus d'extension.
gitimes ou qu'on laisse périr volontairement La maison mortuaire de Munich est eon-
par un assassinat plus leut, mais non moins struite sur un plan plus étendu et se distingue
révoltant. Qui pourra nous faire connaître tant en raison de la magnificence dé l'archi-
B5Ô DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 860
lerlurc qu'à cause oe l'arrangement conve- Ah 1 que vous me faites mal 1 on s'empressa
nable de l'intérieur. Elle a été bâiie en 1818 de lui donner tous les secours de l'art. Cette
sur le nouveau cimetière; elle contient deux femme a en depuis vingt-six enfants.
Balles spacieuses, l'une est destinée aux ri- ENTHOUSIASTES. On a donné ce nom à
ches, l'autre aux pauvres. Du centre de ia certains sectaires qui, étant agités du démon,
maison s'étend à chaque côté une cotonnade se croyaient inspirés.
de 9i colonnes d ordre corinthien au mur ENVOUTEMENT. Les sorciers font, dit-on,
extérieur, on a ménagé des niches pour y la figure en cire de leurs ennemis, la pi-
mettre les bustes des hommes qui se sont quent, la tourmentent, la fondent devant le
distingués par leurs vertus et leurs.connais- feu, afin que tes originaux- vivants et ani-
sances. més ressentent les mêmes douleurs. C'est ce
On procéda à Bamherg à la construction que l'on appelle envoûter, du nom de la
d'une maison mortuaire, en 1821; à Wurz- figure, vois ou vousl voyez ce mot. Voy.
bourg et à Augsbourg se trouvent également aussi Dlffus, Ciuni.ES IX, Glocester, etc.
de pareil établissements. Le plus nouveau EON DE L'ETOILE. Dans le douzième
a été élevé dans le cimetière j» Francfort- siècle, un certain Kon de l'Eloile, gentil-
sur-le-Mein; il peut servir de modèle à tous homme breton, abusant de la manière dont
les autres. Naguère les journaux ont annoncé on prononçait ces paroles Prr eum quiven-
que, convaincu de l'importance ei de la né- tnrus est ( on prononçait per Eon ) préten-
cessité de ces salutaires institution.1;, le roi dit qu'il était le Fils de Dieu qui doit venir
de Prusse allait eu créer plusieurs dans ses juger les vivants et les morts, se donna pour
Etats. <*• le.l, eut des adhérents qu'on appela Eoniens,
Avant de terminer cet aperçu historique, et qui se mirent, comme ions les novateurs,
nous ne devons pas passer sous silence une à piller les églises et les monastères.
institution de ce genre créée en Belgique, en ÉONS. Selon les gnostiqu.es, les Eons sont
1825. C'est le caveau ou dépôt morluaire que les êtres vivants et intelligents que nous ap-
Ja ville de Verviers doit à la générosité de pelons des esprits. Les Grecs les nommaient
madame Simonis de Sanzcilles. démons ce mot a le même sens. Ces Eons
Voici quelques autres faits. prétendus étaient ou des attributs de Dieu
En 1827, dans la séance du 10 avril de personnifiés, ou des mois hébreux thés de
l'Académie royale de médecine de Paris l'Ecriture, ou des mots barbares forgés à
M. CbanlunreUe lut une note sur les dangers discrétion. Ainsi de l'Uroma la divinité, sor-
des inhumations précipitées. Celte lecture taient Suplùa la sagesse. Nous l'intelligence,
amena une discussion dans laquelle M. Ds- Si(jé le silence. Logos le verbe, Achnn-ollt la
genettes dit tenir de M. ïhouret, qui avait prudence, etc. L'un de ces Eons avait formé
présidé à la destruction du cimetière et du le monde, l'autre avait gouverné les Juifs et
charnier des Innocents, que beaucoup de fabriqué leur loi, un troisième était venu
squelettes avaient été trouvés dans d"S parmi les hommes, sous le nom de Fils
positions annonçant que 1rs individus s'é- de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n'en coûtait
taient mus après leur inhumation. M. Thou- rien pour les multiplier; les uns étaient
ret en avait été si frappé, qu'il en DÎ la mâles et les autres femelles, et de leur ma-
matière d'une disposition testamentaire re- riage il était sorti une nombreuse famille.
lative à sou enterrement. Les Eons étaient issus de Dieu par émana-
Meruac rapporte que la femme de M. Du- tion et par nécessité de nature. Les inven-
hamel, avocat célèbre au parlement de Paris, teurs de ces rêveries disaient encore que
regardée comme morte pendant vingt-quatre l'homme a deux âmes, l'une sensitive qu'il a
heures, fut placée sur une table 'pour être reçue des Eous, et l'autre intelligente et rai-
ensevelie. Son mari s'y oppose fortement sonnable que Dieu lui a donnée pour répa-
ne la croyant pas morte. Pour s'en convain- rer les bévues des Eons maladroits (1).
cre, sachant qu'elle aimait beaucoup le son- EPAULE DE MOUTON. Giraud, cité par
de la vielle et les chansons que chantent les M. Gaulrel, dans son Mémoire sur la part
vielleurs, il en fait monter un. Au son de que les Flamands prirent à la conquête de
l'instrument et de la voix, la défunte reprend l'Angleterre par les Normands, dit que les
le mouvement et la parole. Elle a survécu Flamands qui vinrent en Angleterre connais-
quarante ons à sa mort apparente. saient l'avenir et le passé par )'inspec)i.)u de
M. Housseau, de Rouen, avait épousé une l'épaule droite d'un mouton, dépouillée de
femme de quatorze ans, qu'il his.-a en par- la viande non rôtie, mais cuite à l'eau: « Par
faite santé pour faire un petit \oy;;ge quatre un art admirable el vraiment prophétique,
lieues de la ville. Le troisième jour de son ajoute le même écrivain ils savent les cho-
voyage, on vient lui annoncer que s'il ne ses qui, dans le moment même, se passent
part promptement il trouvera sa femme eu- loin d'eux ils anuonccnlavec la plus grande
terrée. En arrivant chez lui il la voit certitude, d'après certains signes, la guerre
exposée sur la porte, et le clergé prêt à l'em- et la paix, les massacres et les incendies, la
porter. Tout entier à son désespoir il lait maladie et la mort du roi. C'est à let point
porter la bière dans sa chambre, la fait dé- qu'ils prévirent, un an auparavant, le buu-
clouer, place la défunte dans son lit, lui fait leversement de l'Etat après la mot de
faire vingt-cinq scariGcations par un chirur- Henri I", vendirent tous leurs biens et
gien, à la vingt-sixième plusdouloureusesans échappèrent à leur ruine en quittant le
doute que les autres, la défunte s'écria (t) Bergier, Dict. lliéolog., aa motGnostiques.
5G1 EPR ERC SU
royaume avec leurs richesses. » Pourtant d'une voix nnanime, d'après ce principe
on voit dans les historiens du temps que ce qu'un chien enragé mord tout ce qu'il ren-
fait avancé par Giraud n'est pas exact, et contre. S'il lâche, au contraire, de s'échap-
qu'il arriva au contraire à ces Flamands per et de fuir à toutes jambes, l'espérance
beaucoup de choses qu'ils n'avaient pas de salut est perdue sans ressource on sait
prévues. de reste qu'un Il chienenragé court avec force
EPHIALTES
ou HYPHIALTES.ÉPHÉLÈS, et tout droit devant lui sans se détourner.
nom.que donnaient les Eolieiis à une sorte La sorcière soupçonnée était plongée dans
de démons incubes (1). l'eau, les mains et les pieds fortement liés
1ÎPICUIIE. « Qui pourrait ne pas déplorer ensemble. Snrnageait-clli;, un l'enlevait aus-
le sort d'Epirure, qui a le malheur de passer sitôt pour la précipiler dans un huilier-,
pour avoir attaché le souverain bien aux comme convaincue d'être criminelle, puis-
plaisirs des sens, et dont à cette occasion un que l'eau des épreuves la rejetait de son sein.
a flétri la mémoire? Si l'on fait réflexion Enfonçait-elle, son innocence était dès lors
qu'il a vécu soixante-dix ans, qu'il a com- irréprochable; mais celle justification lui
posé plus d'ouvrages qu'aui:n dos autres coûtait la vie \h).
philosophes, qu'il se contentait (le pain et Il y avait bien d'autres épreuves. Celle do
d'eau, et que quand il voulait dîner avec la croix consistait généralement, pour les
Jupiter, il n'y faisait ajouter qu'un peu de deux adversaires, à demeurer les bras élen-
fromage, on reviendra bientôt de celle fausse dus devant une croix, celui qui y tenait le
prévention. Que l'on consulte Diogène l.acr- plus longtemps gagnait sa cause.
ce, on trouvera dans ses écrits la vie d'Epi- Mais le plus souvent les épreuves judi-
cure, ses lettres, son testament, et l'on se ciaires se faisaient autrefois par l'eau ou le.
convaincra que les faits que l'on avance feu. Voy. EAU bouillante, CERCUEIL, FER
contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné chaud, Ôudauiî. etc.
lieu à cette erreur, c'est que l'un a mal pris EllCELfiOUNB. Les aventures merveil-
sa doctrine en effet, il ne faisait pas consis- leuses de Thomas d'Eiceldoune- sunt l'une
ter In félicilé dans' les plaisirs du corps, mais des plus vieilles légendes de fées que l'on
dans ceux de 1 âme, et dans la tranquillité connaisse. Thomas d'Erceldoune dans le
que selon lui on ne petit obtenir que de la Laiidenlalc, surnommé le Itimeur parce
sagesse et de la vertu (2). >> qu'il avait composé un roman poétique sur
Voilà ce que disent quelques critiques, Tristrem et Yseult, roman curieux comme
combattus par d'autres. l'échanlillon de vers anglais le plus ancien
EPILEPSIE. Les rois d'Angleterre ne gué- qu'on sache exister, florissait sous le règne
rissaient pas seulement les écrouelles ils d'Alexandre III d'Ecosse. Ainsi que d'autres
bénissiiieiit encore des anneaux qui préser- hommes de talent à celle époque. Thomas fut
vaient de la crampe et du mal caduc. Cette soupçonné de magie. On disait aussi qu'il
cérémonie se faisait le vendredi saint. Le avait le don de prophétiser; on va voir pour-
roi, pour communiquer aux anneaux leur quoi.
vertu salutaire, les froHait entre ses mains. Un jour qu'il était couché sur la colline
Ces anneaux qui étaient d'or ou d'argent appelée Hunlley, dans les montagnes d'Eil-
étaient envoyés dans toute l'Europe, comme don, qui dominent le monastère de Melrose,
des préservatifs infuiriil>lcs;ilen est f.iit men- il vit une femme merveilleusement belle son
tion dans différents monuments anciens (3). équipement était ce'.ui d'une amazone ou
Il y a d'autres moyens naïfs de traiter l'é- d'une divinité des bois son coursier é ait de
pilepsie, qui n'obligent pas à passer la mer. la plus grande t>eauté, à sa crinière étaient
On croyait en guérir chez nos aïeux, en suspendues trente-neuf sonnettes d'argent
attachant au bras du malade un clou tiré que le vent faisait retentir; la se le élail d'os
d'un crucifix. La même cure s'opérait en lui royal, c'est-à-dire d'ivoire, ornée d'orfèvre-
mettant sur la poitrine ou dans la poche les rie tout correspondait à la magnificence de
noms des trois rois mages, Gaspard, Bal- ccléquipeincul. La chasseresse avait un arc
thazar, Melchiur. Cette recette est indiquée en main et des flèches à sa ceinture. Ele con-
dans des livres anciens duisait trois lévriers en laisse, et trois bas-
sets ta suivaient de près. lïlle rejeta l'hom-
Gasparfert myrrhain, UnisMeleliior,Balthasaraurum,
Haectria qui secumpurlabitnommareguni, mage féodal (jue Thomas voulut lui r. ndre,
Solvitura morbo,Christi,pietate,caduco. en disant qu'elle n'y avait aucun droit. Tho-
EPREUVES. L'épreuve gothique qui ser- mas, éperdumeut épris, lui proposa alors de
l'épouser. La dame lui répondit qu'il ne
vait à reconnailre les sorciers a beaucoup
pouvait être son époux sans devenir son es-
de rapport avec la manière judicieuse que
le peuple emploie pour s'assurer si un chien clave; et comme il acceptait, l'extérieur de la
belle inconnue se changea aussitôt en celui
est enragé ou ne l'est pas. La foule se ras- de la plus hideuse sorcière-: tout un côté de
semble et tourmente, autant que possible son visage élait flétri et comme attaqué de
le chien qu'on accuse de rage. Si l'animal
dévoué se défend et mord, il est condamné, paralysie;son teint, naguère si brillant, était
maintenant de la couleur brune du plombj
(t) Lelover,Hist.des spectresou an. des esprils, liv. H. (S) Lebrun. Hist. des pratiquessuperstitieuses, t. Ht
«h. v, |>.197..
(2) Browu, Essaissur les erreurs, etc., liv. VII,ch. xxvu, p. 12B.
r. 329* (i) Goldsiniih,Essaisur les mœurs.
303 .DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 504
Tout affreuse
'Tout i qu'elle était, la passion de vous allirera ses regards; c'est pourquoi le-
Thomas t'avait mis sous sa puissance, et vons-nous et partons.
quand elle lui. ordonna de prendre congé du Cette terrible nouvelle réconcilia Thomas
soleil et des feuilles qui poussent sur les ar- avec l'idée de son départ hors de la terre des
bres, il se sentit contraint de lui obéir. Ils fées; la reine ne fut pas longue à le replacer
pénétrèrent dans une caverne où il voyagea sur la colline d'Huntley, où chantaient les
trois jours au milieu de l'obscurité, tantôt oiseaux. Elle lui fit ses adieux; et, pour lui
entendant le mugissement d'une mer loin- assurer une réputation, le gratifia de la lan-
taine, tantôt marchant à travers des ruis- gue qui ne peut mentir.
seaux de sang qui coupaient la route souter- Thomas, dès lors, toutes les fois que la
raine. Enfin il revit la lumière du jour, et conversation roulait sur l'avenir, acquit une
arriva dans un beau'verger. Epuisé, faute réputation de prophète, car il ne pouvait
de nourriture, il avance la main vers les rien dire qui ne dût infailliblement arriver;
fruits magnifiques qui pendent de toute part et s'il eût été législateur au lieu d'être poëte,
autour de lui; mais sa conductrice lui dé- nous avions ici l'histoire de Numa et d'Egérie.
fend d'y toucher, lui apprenant que ce sont Thomas demeura plusieurs aunées dans sa
les pommesfatales qui ontoccasionnéla chute tour près d'Erceldoune, et il jouissait tran-
de l'homme. 11 s'aperçoit aussi que sa con- quillement de la réputation que lui avaient
ductrice n'était pas plutôt entrée dans ce faite ses prédictions, dont plusieurs sont en-
mystérieux jardin, n'en avait pas plutôt res- core aujourd'hui retenues par les gens de la
piré l'air magique, qu'elle avait repris sa campagne. Un jour qu'il traitait dans sa mai-
beauté, son riche équipage et toute sa splen- son le comte de March, un cri d'étonnement
deur qu'elle était aussi belle, et même plus s'éleva dans le village, à l'apparition d'un
belle, que lorsqu'il l'avait vue pour la pre- cerf et d'une biche qui sortirent de la forêt,
mière fois sur la montagne. Elle se met alors et, contrairement à leur nature timide, conti-
à lui expliquer la nature du pays. nuèrent tranquillement leur chemin en se
« Ce chemin à droite, dit-elle, mène les dirigeant vers la demeure de Thomas. Le
esprits des justes au paradis; cet autre à prophète quitta aussitôt la table; voyant dans
gauche, si bien battu, conduit les âmes pé- ce prodige un avertissement de son destin,
cheresses au lieu de leur éternel châtiment; il reconduisit le cerf et la biche dans la forêt,
la troisième route, par le noir souterrain, et depuis, quoiqu'il ait été revu accidentel-
aboutit à un séjour de souffrances plus dou- lement par des individus auxquels il voulait
ces, d'où les prières peuvent retirer les pé- bien se montrer, il a rompu toute liaison
cheurs. Mais voyez-vous encore une qua- -avec l'espèce" humaine.
trième voie qui serpente dans la plaine On a supposé de temps en temps que Thu-
autour de cechâteau ? C'estla route d'Elfland, mas d'Erceldoune, durant sa retraite, s'oc-
(le pays des Elfs) dont je suis la reine; c'est cupait à lever des troupes pour descendre
aussi celle que nous allons suivre mainte- dans les plaines, à quelque instant critique
nant. Quand nous entrerons dans ce château, pour le sort de son pays. On a souvent ré-
observez le plus strict silence, ne répondez pété l'histoire d'un audacieux jockey, lequel
à aucune des questions qui vous seront vendit un cheval à un vieillard très-vénéra-
adressées; j'expliquerai votre mutisme en ble d'extérieur, qui lui indiqua dans les mon-
disant que je vous .ai retiré le dou de la pa- tagnes d'Eildon Lucken-Hare, comme l'en-
role en vous arrachant au monde des hu- droit où, à minuit sonnant, il recevrait son
mains. » prix. Le marchand y a'ila, son argent lui fut
Après ces instructions, ils se dirigèrent payé en pièces antiques, et l'acheteur l'iiivila
vers le château. En entrant dans la cuisine, à visiter sa résidence. Il suivit avec étonne-
ils se trouvèrent an milieu d'une scène qui ment plusieurs longues rangées de stalles,
n'eût pas été mal placée dans la demeure dans chacune desquelles un cheval se tenait
d'un grand seigneur ou d'un prince. Trente immobile, tandis qu'un soldat armé de toutes
cerfs étaient étendus sur la lourde table, et pièces était couché, aussi sans mouvement,
de nombreux cuisiniers travaillaient à les aux pieds de chaque noble animal. a Tous
-découper et à les apprêter. Ils passèrent en- ces hommes, dit le sorcier à voix basse, s'é-
suite dans le salon royal des chevaliers et veilleront à la bataille de Sherilfmoo,r. »
des dames, dansant par trois, occupaient le A l'extrémité étaient suspendus une épée
milieu. Thomas, oubliant ses fatigues, prit et un cor que le prophète montra au jockey
part aux amusements. Après un espace de comme renfermant les moyens de rompre le
.temps qui lui sembla fort court, la reine le charme. Le jockey prit le cor et essaya d'en
tenant à l'écart lui ordonna de se préparer à donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt
retourner dans son pays. dans leurs stalles; les soldats se levèrent et
Maintenant ajouta-t-elle combien firent retentir leurs armes, et le mortel épou-
croyez-vous être resté de temps ici? vanté laissa échapper le cor de ses mains.
Assurément, belle dame, répondit Tho- Une voix forte prononça ces mots « Malheur
mas, pas plus de sept jours. au lâche qui ne saisit pas le glaive avant
Vous êtes dans l'erreur, répondit-elle; d'enfler le cor. » Un tourbillon de ventchassa
vous y êtes demeuré sept ans, et il est bien le marchand de chevaux de la caverne, dont
temps que vous en sortiez. Sachez, Thomas, il ne put jamais retrouver l'entrée (1)
que le diable de l'enfer viendra demain de- ER1ÎBE, fleuve des enfers on le prend
mander son tribut et un homme comme (1) Walier Scott, Démonologie.
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aussi pour une partie de l'enfer et pour l'en- poil de sanglier. Le peuple croit fermement,
fer même. Il y avait chez les païens un sa- dans certaines provinces, que la louve en-
cerdoce particulier pour les âmes, qui étaient fante, avec ses louveteaux, un petit chien
dans l'Erèhe. qu'elle dévore aussitôt qu'il voit le jour.
ERGENNA, devin d'Etrurie dans l'anti- Voyez la plupart des articles de ce Diction-
quité. naire.
ERIC AU CHAPEAU VENTEUX. On lit dans ERUS ou Er, fils de Zoroastre. Platon as-
Hector de Boëce que le roi de Suède, Eric sure qu'il sortit de son tombeau douze jours
ou Henri surnommé le Chapeau venteux, après avoir é(é brûlé sur un bûcher, et qu'il
faisait changer les vents, en tournant son conta beaucoup de choses sur le sort des
bonnet ou chapeau sur sa tête, pour mon- bons et des méchants dans l'autre monde.
trer au démon, avec qui il avait fait pacte, ESCALIBOR, épée merveilleuse du roi Ar-
de quel côté il les voulait; et le démon élait thus. Voy. ARTHUS.
si exact à donner le vent que demandait le ESCAMOTAGE. On l'a pris quelquefois
signal du bonnet, qu'on aurait pu, en toute pour la sorcellerie; le diable, dit Leloyer,
sûrelé, prendre le couvre-chef royat pour une s'en est souvent mêlé. Delrio (liv. 2, quest.
girouelle. 2) rapporte qu'on punit du dernier supplice,
ERICHTHO, sorcière, qui, dans la guerre à Trêves, une sorcière très-connue qui fai-
entre César et Pompée, évoqua un mort, le- sait venir le lail de toutes les vaches du voi-
quel prédit toutes les circonstances de la ba- sinage en un vase placé dans le mur. Spren-
taille de Pharsale (1). ger assure pareillement que certaines sor-
EROCONOPES, peuples imaginaires que cières se postent la nuit dans un coin de leur
Lucien représente comme d'habiles archers, maison, tenant un vase devant elles qu'elles
montés sur des moucherons-monstres. plantent un couteau ou tout autre instru-
EROCORDACÈS, autre peuple imaginaire ment dans le mur. qu'elles tendent la main
que le même auteur représente combattant pour traire, en invoquant le diable, qui tra-
avec des raves en guise de flèches. vaille avec elles à traire telle ou telle vache
EROMANT1E, une des six espèces de divi- qui paraît la plus grasse et la mieux fournie
•nalions pratiquées chez les Perses par le de lait que le démon s'empresse de presser
moyen de l'air. Ils s'enveloppaient la tête les mamelles de la vache, et de porter le lait
d'une serviette, exposaient à l'air un vase dans l'endroit où se trouve la sorcière qui
rempli d'eau, et proféraientà voix basse l'ob- l'escamote ainsi. Voy. Eascination, CHARMES,
jet de leurs vœux. Si l'eau venait à bouillon- AGRIPPA, Faust, etc.
ner, c'était un pronostic heureux.. Dans les villages, les escamoteurs ont en-
EROTYLOS, pierre fabuleuse dont Démo- core le nom de sorciers. Voici toutefois d'un
crite et Pline après lui vantent la propriété escamoteur un joli petit traitqu'on a rapporté
pour la divination. dans la Chronique de Cour tray, du 25 avril
ERREURS POPULAIRES. LorsqueleDante 1843.
publia son Enfer, la simplicité de son siècle « Dans unedesbaraquessurlaGrand'Placc,
le reçut comme une véritable narration de hier, pendant qu'un escamoteur exécutait
r;a descente- dans les sombres manoirs. A ses tours, il vit un dés assistants dérober
l'époque où l'Utopie de Thomas Morus parut fort adroitement le mouchoir de son voisin
.1011r la première fois, elle occasionna une et s'en écarter aussitôt en allant se placer
'plaisante méprise. Ce roman poétique donne d'un autre côté. Il trouva là une occasion
le modèle d'une république imaginaire, dans superbe de se donner du relief. Monsieur,
une île qui est supposée avoir été nouvelle- dit l'escamoteur titulaire à la victime du
ment découverte en Amérique. Comme c'était larcin, prêtez-moi, s'il vous plaît, votre fou-
le siècle, dit Granger, Buddœus et d'autres lard, je vais faire un tour des plus surpre-
écrivains'prirent le conte pour une histoire nants. Celui-ci s'empressa de mettre la main
véritable, et regardèrent comme une chose dans Ta poche, et tout ébahi s'écria qu'il
importante qu'on envoyât des missionnaires était volé, en dirigeant ses regards accusa-
dans cette ile._ teurs sur ceux qui l'entouraient. Volél 1
Ce ne fut que longtemps après la publica- s'écria l'opérateur tout étonné; eh bienl tant
tion des Voyages de Gulliver, par Swift, mieux, mon tour en sera plus beau. De
qu'un grand nombre de ses lecteurs demeura quelle couleur est votre foulard? Rouge et
convaincu qu'ils étaient fabuleux (2). jaune.– Bon, soyez tranquille, s'il est encore
Les erreurs populaires sont en si grand dans la salle, il vous reviendra.-Et faisant
nombre, qu'elles ne tiendraient pas toutes tourner sa baguelle sur le bout de ses doigts,
dans ce livre. Nous ne parlerons pas des er- il en arrêta le mouvement dans la direction
reurs physiques ou des erreurs d'ignorance de l'escamoteur de contrebande, et lui dit:
nous ne nous élèverons ici que contre les Le foulard est dans ta poche, rends-le.
erreurs enfantées par les savants. Ainsi Car- Cette apostrophe consterna le voleur qui ce.
dan eut des partisans lorsqu'il débita que, pendant se remit aussitôt, affecta une grande
dans le Nouveau-Monde, les gouttes d'eau se surprise, et passa le mouchoir à son pro-|
changent, en petites grenouilles vertes. Cé- priétaire, aux acclamations des' spectateurs1
drénus a écrit.très-merveilieusement que tous saisis d'admiration. La police ful avertit?, lo
les rois francs de la première race naissaient filou mis en prison, et l'art du devin, prôné
avec l'épine du dos couverte et hérissée d'un par toutes les bouches, ne cessa d'attirer une
de lib,
il) Wierus, Prsestig.(jaem., II, cap. (S) Bertin, Curiositésde la littérature, 1. 1, p. 304.
«57 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 568
foule considérable à sa baraque pendant rompre les nues et les transporter où ils
toute la journée.» veulent, avec de grands tourbillons; enlever
ESCHYLE, tragique grec, à qui on avait l'eau de la mer, en former la grêle et tout ce
prédit qu'il mourrait de la chute d'une mai- que bon leW semble.»
son ce qui fit qu'il s'alla loger en pleine Il y a, dans l'intérieur de l'Amérique sep-
campagne; mais le conte ajoute qu'un aigle, tentrionale, des peuplades sauvages qui
qui portait une tortue dans ses serres, la croient que lorsqu'un homme est enterré, lui
laissa tomber sur la tête chauve du poëte, sans qu'on place auprès de lui tout ce qui
pensant que ce fût un rocher; et la prédiction a appartenu son esprit revient sous forme
s'accomplit. humaine, et se montre sur les arbres les
ESDRAS. Pour les écrits apocryphes plus près de sa maison, armé d'un fusil; on
qu'on lui attribue voy. Pic DE LA Miran- ajoute qu'il ne peut jouir du repos qu'après
DOLE. que les objets qu'il réclame ont été déposés
ESPAGNET (Jean D'),-philosophe hermé- dans sa tombe.
tique, qui a fait deux traités intitulés: l'un Les Siamois admettent une multitude d'es-
Enchiridion de la physique rétablie; l'autre, prits rép indus dans l'air, dont la puissance
Secret de la philosophie hermétique (1); encore est fort grande, et qui sont très-malfaisants.
lui conteste-t-on ce dernier que l'on attribue Ils tracent certaines paroles magiques sur
à un inconnu qui se faisait appeler le Che- des feuillesde papier, pour se prémunir con-
valier Impérial (2). tre leur malice. Lorsqu'ils préparent une
Le Secret de la philosophie renferme la médecine, ils garnissent le bord du vase d'un
pratique du grand œuvre, et l'Enchiridion grand nombre de ces papiers, de peur que
la théorie physique sur laquelle repose la les esprits n'emportent la vertu des remèdes.
(ransmulabililé des métaux. Les autres cabalistiques ont prétendu que
D'Espagnct est encore auteur de la préface les esprits étaient des créatures mal rielles,
qui précède le Traité de l'inconstance des dé- composées de la substance la plus pure des
mons de Pierre Delancre. On lit dans cette éléments; que plus cette matière était suh-
préface que les sorcières* ont coutume de vo- tile, plus ils avaient de pouvoir et d'action.
ler les petits enfants pour les consacrer au Ces auteurs en distinguent de deux sorles,
démon. de supérieurs et d'inférieurs: les supérieurs
ESPAGNOL (Jean l'), -docteur en théo- sont ou célestes ou aériens; les inférieurs
logie, grand-prieur de Sainl-Kcmi de Reims, sont ou aquatiques ou terrestres.
auteur d'un livre intitulé Histoire nutable Ceux qui ont cru que ces esprits étaient
delà conversion des Anglais, etc., in-S°, Douai, des créatures matérielles, les ont assujettis à
1614. La vingtième annotation, qui commen- la mort comme le, hommes. Cardan dit que
ce à la page 206 et va jusqu'à la 308% est un les esprits qui apparurent à son père lui fi-
traité sur les apparitions des esprits, où, rent connaître qu'ils naissaient et qu'ils
avec des choses passables et médiocres, on mouraient comme nous mais que leur
trouve de bonnes observations (3). vie était plus longue et plus heureuse que
ESPRITS. Les anciens ont cru que les la nôtre.
esprits, qu'ils appelaient démons on génies, Voici de petits traits d'esprits.
étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Guillaume de Paris écrit que l'an 14V7, il
Apulée même chaque famille et chaque y avait un esprit à Poitiers, dans la paroisse
homme, a son esprit qui le guide el qui veille de Saint-Paul, lequel rompait vitres et ver-
sur sa conduite. Tous les peuples avaient rières, et frappait à coups de pierres sans
du respect pour eux, et les Romains les ré- blesser personne (5).
véraient. Ils n'assiégeaient les villes et n'en- Csesarius raconte que la fille d'un prévôt
treprenaient leurs guerres qu'après que leurs de Cologne était si tourmentée d'un esprit
prêtres avaient invoqué le génie du pays. malin, qu'elle en devint frénétique. Le père
Caligula même Gl punir publiquement qucl- fut averti de faire aller sa fille au delà du
ques-uns de ceux qui les avaient maudits v4). Rhin et de la changer de lieu ce qu'il fit.
Des philosophes se sont imaginé que- ces L'esprit fut obligé d'abandonner la fille, mais
esprits n'étaient que les âmes des morts qui, il battit tant le père qu'il en mourut trois
étant. une fois séparées de leurs corps, er- jours après (6).
raient incessamment sur la terre. Ce senti- Nous rapporterons d'autres histoires d'es-
ment leur paraissait d'autant plus vraisem- prits. « Au commencement du règne de
blable, qu'ils se vantaient de voir des spectres Charles IV, dit le Bel, l'espril d'un bourgeois,
auprès des tombeaux, dans les cimetières, mort depuis quelques années, parut sur la
dans les lieux, où l'on avait tué quelques place publique d'Arles en Provence; il rap-
personnes. portait des choses merveilleuses de l'autre
«Les esprits,ditWecker, sont les seigneurs monde. Le prieur des Jacobins d'Arles, hom-
de l'air; ils peuvent exciter les tempêtes, me de bien, pensa que cet esprit pouvait bien
(1) Enchiridionpbysieserestitutae.Arcanumphilosopliise In-16.
lieriiielice. (3) Lengtet-Dufresnoy, Catalogue desauteursqui ont
Vi)Ce chevalier,très-révéré des alchimistes,est men- écrit surles apparitions.
tionnésouventdaus la Trompettefrançaise petit volume (4) Discourssur les esprits follets, Mercure Galant,
coiit.'iiaolune Prophétiede Boiii6.ulsur la nu'usanccde 1680.
LuhisXI V. On a, du ChevalierImpérial, le Miroir des (5; Bodin,Démonomaoie des sorciers,liv. 111,p. 395.
Alchimistesavecinstruclionsau\ damespour dorénavant (6) Id ibid
6lle oelles sans plus user de leurs dardsvenimeux,1C09.
869 ESP ESP 570
être un démon déguisé. Il se rendit sur la fit aucun mal à personne, et ne rendit que
place.; soudain l'esprit découvrit qui il était, de bons offices, contre l'ordinaire de ceux
et pria qu'on le tirât du purgatoire. Ayant de son espèce. Voy. Hecdekin.
ainsi parlé, il disparut; et, comme on pria Sur la fin de l'année 1746, on entendit
pour son âme, il ne fut oncques vu depuis(i).r> comme des soupirs qui partaient d'un coin
En 1750. un officier du prince de Conti, de l'imprimerie du sieur Lah a ni, l'un des
étant couché dans le cliâleau de Ille-Adam, conseillers de la ville de Constance. Les
sentit tout à coup enlever sa couverture. 11 garçons de l'imprimerie n'en firent que
la retire; on renouvelle le manège, tant qu'à rire d'abord. Mais dans les premiers jours
la fin l'officier ennuyé jure d exterminer le de janvier, on dislingua plus de bruit
mauvais plaisant, met l'épéeà la main, cher- qu'auparavant. On frappait rudement con-
che dans tous les coins et ne trouve rien. tre la muraille, vers le même coin où l'on
Etonné, mais brave, il veut, avant de conter avait d'abord entendu des soupirs on
son aventure, éprouver encore le lendemain Il eu vint jusqu'à donner des soufflets aux
si l'importun r<'viendr;i.lls'enfermeavecsoint imprimeurs et à jeter leurs chapeaux par
se couche, écoule longtemps et finit par s'en- terre. L'esprit continua son manège pen-
dormir. Alors on lui joue le même tour que dant plusieurs jours, donnant des soufflets
la veille. Il s'élance du lit, renouvelle ses aux uns, jetant des pierres aux autres; en
menaces. el perd son temps en recherches. sorte que les compositeurs furent obligés
La crainte s'empare de lui; il appelle un frot- d'abandonner ce coin de l'imprimerie. 11 se
teur, qu'il prie de coucher dans sa chambre, se fit alors beaucoup d'autres tours, dans
sans lui dire pour quel motif. Mais l'esprit lesquels les expérieneesde la physique amu-
qui avait fait son lour, ne parait plus. sante enlrèrenlprobablemenl pour beaucoup;
La nuit suivante, il se fait accompagner et enfin cette farce cessa sans explication.
du fi-otteur, à qui il raconte ce qui lui est Voy Revenants, Apparitions, DROLLES,etc.
arrivé, el ils se couchent tous deux. Le fan- Voici l'histoire d'un esprit qui fut ciié en
tôme vient bientôt, éteint la chandelle qu'ils justice. En 1761, un fermier de Southams,
avaient laissée allumée, les découvre et s'en- dans le comlé de Warwick (Angleterre), fut
fuit. Comme ils avaient,entrevu cependant assassiné en revenantchez lui: le lendemain,
un monstre difforme, hideux et gambadant, un voisin vint trouver la femme de ce fer-
le frotteur s'écria que c'était le diable, et mier et lui demanda si son mari était rentré;
courut chercher de l'eau bénite. Mais au mo- elle répondit que non, et qu'elle en était
ment qu'il levait le goupillon pour asperger dans de grandes inquiétudes.
la chambre, l'esprit le lui enlève et dispa- Vos inquiétudes, répliqua cet homme,
raît. ne peuvent égaler les miennes car, comme
Les deux champions poussent des cris; on j'étais couché cette nuit, sans être encore
accourt; on passe la nuit en alarmes, et le endormi, votre mari m'est apparu, couvert
malin on aperçoit sur le toit de la maison' un de blessures, et m'a dit qu'il avait été assas-
gros singe qui, armé du goupillon, le plon- siné par son ami John Dick, et que son ca-
geait dans l'eau de la gouttière et en arro- davre avait été jeté dans une marnière.
sait les passants. La fermière, alarmée, fil des perquisitions.
En 1210, un bourgeois d'Epinal, nommé On découvrit dans la marniére le corps blessé
Hugues, fut visité par un esprit qui faisait aux endroits que le voisin avait désignés.
des choses merveilleuses, et qui parlait sans Celui que le revenant avait accusé fut saisi
se montrer. On lui demanda son nom et de et mis entre les mains des juges, comme vio-
quel lieu il venait? Il répondit qu'il était l'es- lemment soupçonné du meurtre. Son procès
prit d'un jeune homme de Clérenline, village fui instruit à Warwick; les jurés l'auraient
à sept lieues d'Epinal, et que sa femme vi- condamné aussi témérairement que le juge
vait encore. de paix l'avait arrêté, si lord Raymond le
Un jour, Hugues ayant ordonné à son va- principal juge, n'avait suspendu l'arrêt.
let de seller son cheval et de lui donner à Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que
manger, le valet différa de faire ce qu'on vous donnez plus de poids au témoignage
lui commandait; l'esprit fit son ouvrage, au d'un revenant qu'il n'en mérite. Quelque cas
grand étonnement de tout le monde. qu'on fasse île ces sortes d'histoires, nous
Un autre jour, Hugues, voulant se faire n'avons aucun droit de suivre nos inclina-
saigner, dit à sa fille de préparer des bande- tions particulières surce point. Nous formons
lettes. L'esprit alla prendre une chemise neu- un tribunal de justice, et nous devons nous
ve dans une autre chambre, la déchira par régler sur.la loi or je ne connais aucune loi
bandes, et vint la présenter au maître, en existante qui admette le témoignage d'un re-
lui disant de choisir les meilleures. venant et quand il y en aurait uue qui l'ad-
Un autre jour, la servante du logis ayant mettrait, le revenant ne paraît pas pour faire
étendu du linge dans le jardin pour le taire sa déposition. Huissiers, ajoula-t-il, appelez
sécher, l'esprit le porta au grenier elle plia le revenant.
plus proprement que n'auraitpu faire la plus Ce que l'huissier fit par trois fois, sans que
habite blanchisseuse. le revenant parût.
Cequi est remarquable, c'est que, pendant Messieurs, continua lord Raymond,
six mois qu'il fréquenta cette maison, il n'y le prisonnier qui est à la barre est suivant
le ic.noignage de gens irréprochables, d'une
(!) Leloycr, Hist. des spectres et apparitions'les es-
prits. réputation sans tache; et il n'a point paru,
571 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES 5--Ï
.20 '1
dans le cours des informations, qu'il y ait eu passé au futur, comme fait le' temps. Elle est
aucune espèce de querelle entre lui et le un présent continuel. Voilà pourquoi, com-
mort. Je le crois absolument innocent et me le remarquent les théologiens, Dieu dit
comme il n'y a nulle preuve contre lui. ni. en parlant de lui-même: Ego sum qui sum.
directe ni indirecte, il doit être renvoyé. fais L'éternité n'appartient qu'à Dieu elle ne
par plusieurs circonstances qui m'ont frappé peut être communiquée à aucune créature
dans le procès je soupçonne fortement la puisque ce qui est créé a un commence-
personne qui a vu le revenant d'être le meur- ment.
trier auquel cas il n'est pas difficile de con- Mais pourtant on dit l'éternité, pour dési-
cevoir qu'il ait pu désigner la place, les bles- gner la vie future des intelligences créées
sures, la marnière et le reste sans aucun vie qui n'aura point de fin. Dans ce sens il
secours surnaturel; en conséquence de ces y aura dans le ciel l'éternité de bonheur pour
soupçons, je me crois en droit de le faire ar- les justes, et dans l'enfer l'éternité de peines
rêter, jusqu'à ce que l'on fasse de plus amples pour les réprouvés. C'est un dogme que les
informations. cerveaux impies ont combattu mais qu'ils
Cet homme fut effectivement arrêté; on fit n'ont pu ébranler; et saint Thomas d'Aquin
des perquisitions dans sa maison on trouva en a démontré la nécessité équitable.
les preuves de son crime, qu'il avoua lui-
même à la fin, et il fut exécuté aux assises Légende de l'Eternité.'
suivantes. V. Génies, Kleudde, Démons, etc. Nous transcrivons ici celle belle et singu-
ESPRITS ÉLÉMENTAIRES. Les cabalistes lière légende, qui a été publiée en France
peuplent les éléments, comme on l'a dit (1) depuis peu.
d'esprits divers. Les Salamandres habitent le Avant que Luther fût venu prêcher sa dés-
feu; les Sylphes, l'air; les Gnomes, la terre; astreuse réforme, on voyait des monastères
l'eau est le séjour des Ondins ou Nymphes. au penchant de toutes les collines de l'Alle-
Voy. ces mots. magne. C'étaient de grands édifices à l'as-
ESPRITS FAMILIERS. Scaliger Cecco pect paisible, avec un clocher frêle qui s'é-
d'Ascoli Cardan et plusieurs autres vision- levait du milieu des bois et autour duquel
naires ont eu comme Socrate des esprits voltigeaient des palombes. Là vivaient des
familiers. Bodin dit avoir connu un homme hommes qui n'occupaient leur esprit que
qui était toujours accompagné d'un esprit des choses du ciel.
familier, lequel lui donnait un petit coup sur A Olmulz, il en était un que l'on citait
l'oreille gauche.quand il faisait bien, et le ti- dans la contrée pour sa piété et son instruc-
rait par l'oreille droite quand il faisait mal. tion. C'était un homme simple, comme tous
Cet homme était averti de la même façon si ceux qui savent beaucoup, car la science est
ce qu'il voulait manger était bon ou mau- semblable à la mer; plus on s'y avance, plus
vais, s'il se trouvait avec un honnête homme l'horizon devient large, et plus on se sent
ou avec un coquin, etc. C'était très-avanta- petit. Frère Alfus, après avoir ridé son front
geux. et blanchi ses cheveux dans la recherche de
ESPRITS FOLLETS. Voy. Feux, FOLLETS. démonstrations inutiles, avait appelé à son
ESSÉNIENS, secte célèbre parmi les Juifs. secours la foi des petits enfants: puis, con-
Les Esséniens avaient des superstitions par- fiant sa vie à la prière, comme à une ancre
ticulières. Leurs devins prétendaient connaî- de miséricorde, il l'avait laissée se balancer-
tre l'avenir par l'élude des livres saints, faite doucement au roulis des pures amours et des
avec certaines préparations. Ils y trouvaient célestes espérances.
même la médecine et toutes les sciences, par Cependant de mauvaises rafales agitaient
des combinaisons cabalistiques. encore par instants le saint navire. Par in-
ESTERELLE. Voy. Fées. stants les tentations de l'intelligence reve-
ETANG DE LA VIE. Au sortir du pont ou naient, et la raison interrogeait la foi avec
se fait la séparation des élus et des réprouvés, orgueil. Alors frère Alfus devenait triste de
les docteurs persans font descendre les bien- grands nuages voilaient pour lui le soleil in-
heureux dans cet étang, dont les eaux sont térieur sou cœur avait froid. Errant dans les
blanches et douces comme le miel. Pour la campagnes, il s'asseyait sur la mousse des
commodité des âmes, il y a tout le long de rochers, s'arrêtait sous l'écume des torrents,
l'étang des cruches en forme d'étoiles, tou- marchait parmi les murmures de la forêt
jours pleines de cette eau les fidèles en boi- mais il interrogeait vainement la nature. A
ront avant d'entrer dans le paradis, parce toutes ses demandes, les montagnes, les flots
que c'est l'eau de la vie éternelle, et que si et les fleuves ne répondaient qu'un seul mol •
l'on en boit seulement une goutte, on n'a plus Dieu 1
rien à désirer. Frère Alfus était sorti victorieux de beau-
ETERNITE. Boèce définit l'éternité l'en- coup de ces crises chaque fois il s'était af-
tière, parfaite et complète possession d'une fermi dans ses croyances; car la tentation est
manière d'exister, sans commencement, sans la gymnastique de la conscience. Quand elle
fin, sans aucune succession. Le latin est plus ne la brise point, elle la fortifie. Mais depuis
rapide Interminabilis vitre Iota simul et per- quelque temps, une inquiétude plus poi-
fecla possessio. gnante s'était emparée du frère. Il avait re-
L'éternité n'a point de parties qui se suc- marqué souvent que tont ce qui est beau
cèdent elle ne va point par le présent du perd sou charme par le long usage, que l'œil
Cl)Yt'i-exrariicîr (toi»»» ge fatigue du plus merveilleux paysage, l'o«
575 ETE ETE 57'
reille de la plus douce voix, et il s'étai| de- tagnes elles-mêmes ne se montraient-plus plus à
mandé comment nous pourrions trouver, l'horizon que comme des nuages; tout à coup
même dans les cieux, un aliment de joie le moine s'arréta; il était à l'entrée d'une
éternelle! Quedevicndraillamobililé de notre grande forêt qui se déroulait à perte de vue,
âme, au milieu de magnificences sans terme? comme un océan de verdure; mille rumeurs
L'éternité 1. quel mot pour une créature, charmantes bourdonnaient à l'entour, et une
qui ne connaît d'autre loi que celle do la di- brise odorante soupirait dans les feuilles.
versité et du changement! O mon Dieu 1 plus Après avoir plongé son regard étonné dans
de passé ni d'avenir, plus de souvenirs ni la molle obscurité des bois, Alfus y entra en
d'espérances L'éternité l'éternité! 0 mot hésitant, et comme s'il eût craint de faire
qui fais pleurer sur la terre, que peux-lu quelque chose de défendu. Mais à mesure
donc signifier dans le ciel? qu'il marchait, la forêt devenait plus grande;
Ainsi pensait frère Alfus, et ses incertitu- il trouvait des arbres chargés de fleurs, qui
des étaient grandes. Un matin, il sortit du exhalaient un parfum inconnu. Ce parfum
monastère avant le lever des frères et des- n'avait rien d'enivrant comme ceux de la ter-
cendit dans la vallée. La campagne, encore re on eût dit une sorte d'émanation morale
toute moite de rosée, s'épanouissait aux pre- qui embaumait l'âme c'était quelque chose
miers rayons de l'aube. Alfus suivait lente- de fortifiant et de délicieux à la fois, comme
ment les sentiers ombreux de la colline; les la vue d'une bonne action, ou comme l'ap-
oiseaux, qui venaient de s'éveiller, couraient proche d'un homme dévoué que l'on aime.
dans les aubépines, secouant sur sa tête Bientôt Alfus entendit une harmonie qui
chauve une pluie de rosée et quelques pa- remplissait la forêt il avança encore et il
pillons encore à detaii endormis voltigeaient aperçut de loin une clairière tout éblouis-
nonchalamment au soleil pour sécher leurs sante d'une lumière merveilleuse. Ce qui le
ailes. Alfus s'arrêta à regarder la campagne frappa surtout d'élonnemenl, c'est que le par-
qui s'étendait sous ses yeux il se rappela fum, la mélodie et la lumière ne semblaient
combien elle lui avait semblé belle la pre- former qu'une même chose tout se com-
mière fois qu'il l'avait vue et avec quelle muniquait à lui par une seule perception
ivresse il avait pensé à y finir ses jours. C'est commes'ileût cessé d'avoir des sensdislincts,
que pour lui, pauvre enfant des villes, ac- et comme s'il ne lui fût resté qu'une âme.
coutumé aux ruelles sombres et aux tristes Cependant il était arrivé prèsde la clairière
murailles des citadelles, ces fleurs, ces ar- et s'était assis pour mieux jouir de ces mer-
bres, cet air, étaient nouveautés enivrantes. veilles, quand tout à coup une voix se fait
Aussi la douce année qu'avait été l'année de entendre; mais une voix telle que, ni le bruit
son noviciatl Que de longues courses dans des rames sur le lac, ni la brise riant dans
les vallées 1 Quede découvertes charmantes! 1 les saules, ni le souffle d'un enfant qui dort,
Ruisseaux chantant parmi les glaïeuls, clai- n'auraient pu donner une idéede sa douceur.
rières habitées par le rossignol églantines Ce que l'eau, la terre et le ciel ont de mur-
roses, fraisiers des bois, oh! quel bonheur de mures enchanteurs, ce que les langues et les
vous trouver une première fois quelle joie musiques humaines ont de séductions sem-
de marcher par des sentiers inconnus que blait s'être fondu dans cette voix. Ce n'était
voilent les ramées, de rencontrer à chaque point un chant, et cependant on eût dit des
pas une source où l'on n'a point encore bu, flots de mélodie ce n'était point un langage,
une mousse que l'on n'a point encore foulée. et cependant la voix parlait 1 Science poé-
Mais, hélas 1 ces plaisirs eux-mêin'es du- sie, sagesse, tout était en elle. Pareille à un
rent peu; bientôt vous avez parcouru toutes souffle céleste, elle enlevait l'âme et la faisait
les routes de la forêt, vous avez entendu tous ondulerdans je ne sais quelle région ignorée.
ses oiseaux, vous avez cueilli de toutes ses En l'écoutant, on savait tout, on sentait tout;
fleurs, et alors, adieu aux beautés de la cam- et comme le monde de la pensée qu'elle em-
pagne, à ses harmonies l'habitude qui des- brassait en entier est infini dans ses secrets,
cend comme un voile entre vous et la créa- la voix toujours unique était pourtant fou-
lion vous rend aveugle et sourd. jours variée; l'on eût pu l'entendre pendant
Hélas 1 frère Alfus en était là; semblable à des siècles sans la trouver moins nouvelle.
ces hommes qui, après avoir abusé des li- Plus Alfus l'écoutait, plus il sentait grandir
queurs les plus enivrantes, n'en sentent plus sa joie intérieure. 11 semblait qu'il y décou-
la puissance, il regardait avec indifférence le vrait à chaque instant quelques mystères
spectacle naguère si ravissant à ses yeux. ineffables c'était comme un horizon des AJ-
Quelles beautés célestes pourraient donc oc- pes à l'heure où les brouillards se lèvent et
cuper éternellement cette âme, que les œu- dévoilent tour à tour les lacs, les vals et les
vres de Dieu sur la terre n'avaient pu char- glaciers.
mer qu'un.instant? Mais enfin la lumière qui illuminail la forêt
Tout en se proposant à lui-même cette s'obscurcit, un .long murmure retentit sous
question, Alfus s'était enfoncé dans la vallée. les arbres et la voix se tuf. Alfus demeura
La tête penchée sur sa poitrine et les bras quelque temps immobile, comme s'il fût sorti
pendants il allait toujours sans rien voir, d'un sommeil enchanté. Il regarda d'abord
Franchissant les ruisseaux, les bois, les col- autour de lui avec stupeur, puis voulut se le-
lines. Déjà le clocher du monastère avait dis- ver pour reprendre sa route mais ses pieds
paru Olmutz s'était enfoncé dans les brumes élaientengourdis, sesmembres avaiènt perdu
avec «es églises et ses fortifications; les mon- leur agilité. JI parcourut avec peine le sen-
Ê73 DICTIONNAIREDES. SCIENCESOCCULTES. 576
lier par lequel il était venu et se trouva on le vit se perdre au loin derrière les bois,
bientôt hors du bois. puis on l'attendit vainement on ne sut ja-
Alors il chercha le chemin du monastère mais ce que frère Alfus était devenu. De-
il hâta le pas, car puis ce temps il s'est écoulé un siècle
ayant cru le reconnaître,
la nuit allait venir; mais sa surprise aug- entier.
mentait à mesure qu'il avanç;iil davanlage A ces mots, Alfus jeta un grand cri car il
on eût dit que tout avait été changé dans la avait tout compris. Il se laissa tomber à ge-
campagne depuis sa sortie du couvent. Là noux sur la terre, et joignant les mains avec
où il avait vu les arbres naissants, s'élevaient ferveur 0 mon Dieu dit-il vous avez
maintenant des chênes séculaires. Il rhercha voulu me prouver combien j'étais insensé
sur la rivière un petit pont de hois tapissé de en comparant les joies de la terre à celles du
ronces, qu'il avait coutume de traverser il ciel. Un siècle s'est écoulé pour moi comme
n'existait plus, et à sa place s'élançail une un seul jour à entendre votre voix je nom-
solide arche de pierre. En passant près d'un prends maintenant le paradis et ses joies
étang, des femmes, qui taisaient sécher leurs éternelles soyez béni, ô mon Dieu 1 et par-
toiles sur les sureaux fleuris s'interrompi- donnez à votre indigne serviteur.
rent pour le voir et se dirent entre elles Après avoir parlé ainsi, frère Alfus étendit
Voici un vieillard qui porte la robe des moi- les bras, embrassa la terre et mourut.
nes d'Olmutz nous connaissons tous les frè- L'histoire du moine Alfus fait partie d'un
res, et cependant nous n'avons jamais vu des ouvrages de Schubert, l'un des écrivains
celui-là. les plus populaires de l'Allemagne. Elle est
Ces femmes sont folles, se dit Alfus, et dans le livre De l'ancien et du nouveau S>u
il passa outre. titre est l'Oiseau du Pdradis. Nous avons
Cependant il commençait à s'inquiéter donné ici la belle traduction de M. Emile
lorsque le clocher du couventse montra dans Sonvesiro.
les feuilles. Il pressa le pas gravit le petit ETIÏUNUMENT. On vous salue quand
sentier, tourna la prairie et s'élança vers le vous élcrnui'Z, pour vous marquer, dit Aris-
seuil. Mais, ô surprise la porte n'était plus tote, qu'on honore voire cerveau, le siège du
à sa place accoutumée 1 Alfus leva les yeux bon sens et de l'esprit. Celte politesse s'étend
et demeura immobile de stupeur. Le mouas- jusque chez les peuples que nous traitons
tère d'Olmutz avait changé d'aspect l'en- de barbares. Quand l'empereur du Monomo-
ceinte était plus grande, les édifices plus tapa éternuait ses sujets en étaient avertis
nombreux; un platane qu'il avait planté lui- par un signal convenu, et il se faisait des
même près de la chapelle quelques jours au- acclamations généra'es dans tons ses états.
paravant, couvrait maintenant l'asile saint Le père Famien Strada prétend que, pourl'
de son large feuillage. trouver l'origine de ces salutations, il faut
.Le moine hors de lui se dirigea vers la remonter jusqu'à Prométhçe; que cet illustre
nouvelle entrée et sonna doucement. Ce contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un
n'était plus la même cloche argentine dont il rayon solaire dans une petite botte pour ani-
connaissait le son. Un jeune frère gardieu mer sa statue, le lui insinua dans les narines
vint ouvrir. comme une prise df tabac, ce qui la fit éter-
Que s'est-il donc passé? demanda Alfus. nuer aussi:ôt.
Antoine n'est-il plus le portier du couvent? Les rabbins soutiennent que c'est à Adam
Je ne connais point Antoine répondit qu'il faut faire honneur du premier élernu-
le frère. ment. Dans t'origine de; temps, c'était, dit-
Alfus porta les mains à son front avec on, un mauvais pronostic et le présage de
épouvante. Suis-je devenu fou ? dit-il la mort. Cet état continua jusqu'à Jacob,
n'est-ce point ici le monastère d'Olmutz, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi
d'où je suis parti ce matin ? légère pria Dieu de changer cet ordre de
Le jeune moine le regarda. Voilà cinq choses et c'est do là qu'est venu, selon ces
années que je suis portier, répondit-il, et je docteurs l'usago de faire des souhaits heu-
ne vous connais pas. reux quand on éternue.
Alfus promena autour de lui des yeux On a trouvé une raison- plus probable de
égarés plusieurs mpines parcouraient les cette politesse.; c'est que, sous le pontificat
cloîtres il les appela, mais nul ne répondit de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie
aux noms qu'il prononçait il courut à eux une sorte de peste qui se manifestait par des
pour regarder leurs visages, il n'en con- élernumcnts; tous les pestiférés éternuaient;
naissait aucun. on se recommanda à Dieu, et c'est de là
Y a-l-il ici quelque grand miracle de qu'est venue l'opinion populaire que la cou-
Dieu ? s'écria-t-il au nom du ciel mes tume de se saluer tire son origine d'une ma-
frères, regardez-moi. Aucun do vous ne m'a- ladie épidémique qui emportait ceux dont la
t-il déjà vu ? N'y a-t-il personne qui con- membrane pituitaire était stimulée trop vi-
naisse le frère Alfus ? vement.
Tous le regardèrent avec étonnement En général, l'éternument chez les anciens
Alfus 1 dit enfin le plus vieux, oui, il y était pris tantôt en bonne tantôt en man-
eut autrefois à Olmutz un moine de ce nom, vaise part suivant les temps les lieux et
je l'ai entendu dire à mes anciens. C'était un les circonstances. Un' bon éternument était1
homme savant et rêveur qui aimait Ja so- celui qui arrivait depuis midi jusqu'à minuit,
litude. Un jour il descendit dans la- vallée et quand la lune était dans les signes du
"1 • •
BTT ETR EVO S78
taureau du lion de la balance, du capri- qui embouchera la trompette pour annoncer
corne et des poissons mais s'il venait de le jour du jugement.
minuit à midi, si la lune était dans le signe ETRENNES. Dans les temps reculés, chez
de la vierge, du verseau, de l'écrevisse du nos pères loin de se rien donner mutuelle-
scorpion, si vous sortiez du lit ou de la table, ment dans les familles le premier jour de
c'était alors le cas de se recommander à l'an, ou n'osait mémo rien prêter à son voi-
Dieu (1). sin. Mais chacun mettait à sa porte des tables
L'étcrnument quand on l'entendait à sa chargées de viandes pour les passauts. On y
droite était regardé chez les Grecs et les plaçait aussi des présents superstitieux pour
Romains, comme un heureux présage. Les les esprits. Peut-êlre était-ce un reste de ce
Grecs, en parlant d'une belle personne di- culle que .les Romains rendaient, le premier
saient que les amours avaient éternué à sa jour de l'année,. ;iux divinité* qui présidaient
naissance. aux petits cadeaux d'amis. Quoi qu'il en soit,
Lorsque le roi de Sennaar éternuait ses l'Eglise fut obligée, sous Charlemagne, d'in-
courtisans lui tournaient le dos en se don- terdire les présents superstitieux que nos
nant de la main une claque sur la fesse ancêtres déposaient sur leurs tables. Les ca-
droite. nons donnent à ces présents le nom d'é-
ETHNOPHRONES, hérétiques du septième lrenw>s duclinble.
siècle, qui joignaient au christianisme les ETTEILLA, On a publié sous ce nom dé-
superstitions païennes, l'astrologie, les au- guisé, qui est l'anagramme d'Aliielte plu-
sieurs i »*;iite de cartomancie.
gures, les expiations les jours heureux et
malheureux, les divinations diverses. EUBIUS, auteur d'un livre intitulé Appa-
Etienne. Un homme, qui s'appelait Etien- ritions WApollonius ou Démonstration des
ne, avait la mauvaise habitude de parler à «p~'n t~'ffK cl'avjourd'l~ui. 111-4.°, Amsterdam,
ses gens comme s'il eût parlé au diable 1735. (En latin.)
EUCHARISTIE. «.L'épreuve par l'Eucha-
ayant toujours le diable à la bouche. Un ristie se faisait en recevant la communion.
jour, qu'il revenait de voyage, il .-appela son Ainsi Loihaire roi de Lotharingie
valet en ces termes Viens çà, bon diable, jura 9
tire-moi mes chausses. en recevant la communion de la main du
A peine eut-il prononcé ces paroles pape Adrien H, qu'il avait renvoyé Valdrade,
sa concubine; ce qui était faux. Comme Lo-
qu'une griffe invisible délia ses caleçons,
fit tomber ses jarretières el descendit ses thaire mourut un mois après, en 868, sa
chausses jusqu'aux talons. Etienne., effrayé, mort fut attribuée à ce parjure sacrilége.
s'écria: Cette épreuve fut supprimée par le pape
Relire-loi, Satan, ce n'est pas Alexandre II (4). »
toi, mais bien mon domestique que j'appelle.
Le diable se retira sans se montrer, et maî- EUMÈCES, caillou fabuleux, ainsi nom-
tre Etienne n'invoqua plus ce nom (2). mé de sa forme oblongue, et que l'on disait se
Pour un autre Etienne, Voy. GUIDO. trouver dans la Ba'ctriaue; on lui attribuait
la vertu d'apprendre à une personne endor-
ETNA. Le christianisme chassa de l'Etna mie ce qui s'était passé pendant son sommeil,
et des îles île Lipari Vulcain les Cyelopes si cllcavail dormi avec cettepierre posée sur
et les Géants. Mais les démons se mirent à sa tête.
leur place et quand on institua la fête des EURYNOME, démon supérieur,
afin d'enlever au purgatoire et de prince de
morts la mort, selon quelques démonomanes. Il a
rendre au paradis une foule d'âmes souf- de grandes et longues dents, un corps ef-
frantes on entendit, comme le raconte un
saint ermite des bruits affreux dans l'Etna froyable, tout rempli de plaies, et pour vêle-
ment une peau de renard. Les païens le
et des détonations' étourdissantes dans les connaissaient. Pausaniasdit qu'il se repaitde
îles voisines. C'était Satan et toute sa cour
Si tan et tout son peuple de démons qui charognes et de corps morts. Il avait, dans
le temple de Delphes, une statue qui le re-
hurlaient de. désespoir et redemandaient
à grands cris les âmes que la nouvelle foi présentait avec un teint noir, montrant ses
venait de leur ravir (3). grandes dents comme un loup affamé et
assis sur une peau de vautour.
ETOILES. Mahomet dit que les étoiles sta- EVANGILE DE SAINT JEAN. On croit
bles et les étoiles qui filent sont les senti- dans les campagnes que celui qui porte sur
nelles du ciel elles empêchent les diables soi l'évangile de saint Jean, In principio erat
d'en approcher et de connaître les secrets de verbum, écrit sur du parchemin vierge, <»t
Dieu. renfermé dans un tuyau Je plumed'oie.lepre-
Les Romains voyaient des divinités dans micr dimanche de l'année, une heure avant
les étoiles. le lever du soleil, sera invulnérable et se
Les Etéens observaient, un certain jour de garantira de quantité de maux (5), Voy.
l'année, le lever de l'étoile Sirius si elle Cléidomancie.
paraissait obscure, ils croyaient qu'elle an- EVE. Les Musulmans et les Talmudistes lul
nonçait la peste. donnent, comme à notre premier père, une
ETRAPHILL, l'un des anges des musul- taille d'une lieue. Voy. Adam, Samâel, etc.
mans. 11 se tient toujours debout c'est lui ÉVOCATIONS. Celui qui veut évoquer le
(1) M.Saleues, Des erreurs et des préjugés, t. I, (3) M. Didron,Histoiredu diable.
p. 391. (4) Bergier. DictionnaireItiéoiogiquft,
(2) Gregoriimagnidialog.,lib. 111,cap. xx. (5) Thiers, Traitédes superstitions,t. I.
57tf DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 580
diable lui doit le sacrifice d'un chien, d'un sacrifice de la messe, le diacre ayant crié tout
chat ou d'une poule,àcondition que ces trois haut à l'ordinaire Que les catéchumènes
animaux soient sa propriété. Il jure ensuite et ceux qui ne communient pas se retirent,
fidélité et obéissance éternelles, et reçoit une on vit tout à coup le tombeau s'ouvrir de
marque, au moyen de laquelle il jouit d'une lui-même, et le corps du martyr se retirer
puissance absolue sur trois esprits infer- dans le vestibule de l'église. Après la messe
naux, l'un de la terre, l'autre de la mer, le il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un
troisième de l'air (1). pieux vieillard ayant prié pendant trois
On se flaltede faire venir le diable en lisant jours, apprit par révélation que ce religieux
certaines formules du grimoire. Voy. CoN- avait encouru l'excommunication pour avoir
jurations. désobéi à son supérieur, et qu'il derneurait
Deux chevaliers de Malte avaient un es- lié jusqu'à ce que ce même supérieur lui eût
clave qui se vantait de posséder le secret d'é- donné l'absolution. On alla donc au désert;
voquer les démons et de les obliger à décou- on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le
vrir les choses cachées. On le conduisit dans cercueil du martyr et lui donna l'absolution,
un vieux château, où l'on soupçonnait des après quoi il demeura en paix dans son tom-
trésors enfouis. L'esclave descendit dans un beau (4).
souterrain, 8t ses évocations: un rocher C'est là un fait merveilleux, que nous ne
s'ouvrit, et il en sortit un coffre. Il tenta plu- prétendons pas donner comme incontestable.
sieurs fois de s'en emparer; mais il n'en put Dans le second concile de Limoges, tenu
venir à bout, parce que le coffre rentrait dans en 1031, l'évéque de Cahors raconte une
le rocher dès qu'il s'en approchait. Il vint aventure qui lui était particulière, et qu'il
dire aux chevaliers ce qui lui arrivait, et de- présenta comme toute récente
manda un peu de vin pour reprendre des « Un chevalier de notre diocèse, dit ce
forces. Onlui en donna. Quelque temps après, prélat, ayant été tué dans l'excommunica-
comme ilne revenait point, on alla voir ce tion, je ne voulus pas céder aux prières de
qu'il faisait; on le trouva étendu morl, ses amis, qui me suppliaient vivement de lui
ayant sur toute sa chair des coups de canif donner l'absolution je voulais en faire un
représentant une croix. Les chevaliers por- exemple, afin que les autres fussent touchés
tèrent son corps au bord de la mer, et l'y de crainte; il fut enterré par quelques gen-
précipitèrent avec une pierre au cou ("2). tilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques
Pour l'évocation des âmes, voy. Nécroman- et sans l'assistance des prêtres, dans une
CIE. église dédiée à saint Pierre.
EXAEL, le dixième des premiers anges. Il « Le lendemain matin, on trouva son corps
apprit aux hommes, selon le livre d'Enoch, hors de terre et jeté nu loin de son tombeau,
l'art de fabriquer les armes et les machines qui était demeuré entier, et sans aucune
de guerre, les ouvrages d'or et d'argent qui marque qui prouvât qu'on y eût touché. Les
plaisent aux femmes, et l'usage des pierres gentilshommes qui l'avaient enterré n'y trou-
précieuses, ainsi que le fard. vèrent que les linges où il avait été enve-
EXCOMMUNICATION. Il y a eu quelque- loppé ils l'enterrèrent une seconde fois, et
fois des abus, de la part des hommes, dans couvrirent la fosse d'une énorme quantité de
terre et de pierres.
l'usage des excommunications; et on est
parti de là pour crier contre ces excommuni- « Le lendemain, ils trouvèrent de nouveau
cations, qui ont rendu cependant desi grands le corps hors du tombeau, sans qu'il parût
srrvices à la société dans des siècles barbares. qu'on y eût travaillé. La même chose arriva
Riais on ne trouverait pas facilement, dans jusqu'à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l'ex-
toute l'histoire, un excommunié frappé ré- communié comme ils purent, loin du cime-
gulièrement parle Saint-Siège, qui ait pro- tière, dans une terre profane; ce qui rem-
spéré jusqu'au bout. Napoléon même peut plit les seigneurs voisins d'une si grande
fournir un exemple récent (3). terreur, qu'ils vinrent tous demander la
On lit dans les Menées des Grecs, au 15 oc- paix (5). n
tobre, qu'un religieux du désert de Scété, Jean Bromton raconte dans sa chronique
ayant été excommunié par son supérieur que saint Augustin, apôtre de l'Angleterre,
pour quelque désobéissance, sortit du dé- ayant dit devant tout le peuple, avant de
sert et vi:il à Alexandrie, où il fut arrêté par commencer la messe « Que nul excommu-
le gouvernement de la ville, dépouillé du nié n'assiste au saint sacrifice 1 » on vit sor-
saint habit, puis vivement sollicité de sacri- tir aussitôt de l'église un mort qui était eo.-
fier aux faux dieux. Le solitaire résista gé- terré depuis longues années. Après la messe,
néreusement il fut tourmenté en diverses saint Augustin, précédé de la croix, alia de-
manières,jusqu'à ce qu'enfin on lui tranchât mander à ce mort pourquoi il était sorti ?2
la tête; on jeta son corps hors de la ville. Le défunt répondit qu'il était mort dans
Les chrétiens l'enlevèrent la nuit, et l'ayant l'excommunication. Le saint pria cet excom-
enveloppé de linceuls, l'enterrèrent dans l'é- munié de lui dire où était enterré le prêtre
glise comme martyr. Mais pendant le saint qui avait porté contre lui la sentence. On s'y
(1) Danaeuf Fortianis. la flnde l'abominableempereur HenriIV. Lisezdans le
,2) D. Calfiietel Guyot-Delamarre. protestantVoigtl'iiistoiredu saint pape Grégoire VU.
(3) Voyez, dans les légendes des commandements de (4) D. Calmet,Dissertationsur les revenants, p. 329,
Pieu, la légendedu chanoinede-Liége,et dansla Chroni- (5) Concil.,t. IX,p. 903.
tiuede Goaefroidde Bouillonle chap. wni où se trouve
{>8t EXO EXT 582,
transporta. Augustin conjura le prêtre de se entendu ces choses, voulut bien en donner
lever il le fit; la demande du saint évéque, l'absolution à son moine;. après quoi il or-
il donna l'absolution à l'excommunié, et les donna au diable de quitter ta possédée.
deux morts retournèrent dans leurs tom- Où voulez-vous que j'aille? demanda le
beaux. démon.
Les critiques vont ici se récrier et nous -Je vais ouvrirma bouche, répondit l'abbé,
adresser quelque froide plaisanterie; nous tu entreras dedans, si lu peux.
les avertissons que nous ne rapportons cette -Il y- fait trop chaud, répliqua le diable i
légende que comme une tradition populaire; vous avez communié.
qu'il peut nous convenir d'y ajouter foi, mais -Eh bien 1 mets-toi ici; et l'abbé qui était
que pourtant nous ne la garantissons pas. gai tendait son pouce.
Les Grecs schismatiques croient que les Merci, vos doigls sont sanctifiés.
corps excommuniés ne pourrissent pas en -En ce cas, va où tu voudras, mais pars.
terre, mais qu'ils s'y conservent noirs et -Pas si vite, répliqua le diable; j'ai per-
puants. mission de rester ici deux ans encore.
En Angleterre le tribunal des doctors- L'abbé dit alors au diable Montre-toi
commons excommunie encore; et, en 1837, il à nos yeux dans ta forme naturelle.
a frappé de cette peine un marchand de pain Vous le voulez?
d'épices, nommé Studberry, pour avoir dit Oui.
une parole injurieuse à un autre paroissien, Voyez.
dans une sacristie anglicane.*Voy. Interdit. En même temps .a possédée commença de
EXCREMENTS. On sait que le dalaï-lama, grandir et de grossir d'une manière effroya-
chef de la religion des Tartares indépen- ble. En deux minutes, elle était déjà haute
dants, est regardé comme un dieu. Ses ex- comme une tour de trois cents pieds; ses
créments sont conservés comme des choses yeux devinrent ardents comme des four-
sacrées. Après qu'on les a fait sécher et ré- naises et ses traits épouvantables. Les deux
duits en poudre, on les renferme dans des. moines tombèrent évanouis; l'abbé, qui seul
boîtes d'or enrichies de pierreries, et on les avait conservé du courage, adjura le diable
envoie aux plus grands princes. Son urine de rendre à la possédée la taille et la forme
est un élixir propre à guérir toute espèce de qu'elle avail d'abord.– Il obéit encore et dit
maladie. à Guillaume -Vous faites bien d'être pur
Dans le royaume de Boutan, on fait sécher car nul homme ne peut, sans mourir, me
également les plus grossières déjections du voir tel que je suis, s'il est souillé. •
roi, et après les avoir renfermées dans de EXPIATION. Les anciens Arabes cou-
petites bottes, on les vend dans les marchés paient l'oreille à quelque animal et le lâ-
pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjec- chaient au travers des champs en expiation
TIONS,FIENTES, TANCHELM,etc. de leurs péchés. Un Juif, dit Saint-Foix,
EXORCISME, conjuration, prière à Dieu s'arme d'un couteau, prend un coq, le tourne
et commandement fait au démon de sortir du trois fois autour de sa tête, et lui coupe la
corps des personnes possédées. Souvent il gorgé en lui disant -Je te charge de mes
est seulement destiné à les préserver du dan- péchés ils sont à présent à toi tu vas à la
ger. mort, et moi je suis rentré dans le chemin de
On regarde quelquefois exorcisme et con- la vie éternelle.
iuration comme synonymes; cependa.nt la EXTASES.- L'extase (considérée comme
conjuration n'est que la formule parlaquelle crise matérielle) est un ravissement d'esprit,
on commande au démon des'éloigner l'exor- une suspension des sens causée par une forte
cisme est la cérémonie entière (1). contemplation de quelque objet extraordi-
Les gens qui s'occupent de magie ont aussi naire et surnaturel. Les mélancoliques peu-
leurs exorcismes pour évoquer et renvoyer. vent avoir des extases. Saint Augustin fait
Voy. CONJURATIONS. mention d'un prêtre qui paraissait mort à
Voici une légende bizarre sur un exor- volonté, et qui resta mort, très-involontaire-
cisme on lit dans Césaire d'Hesterbach (2), mentsans doute, dans une de ses expériences.
que Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au S'il fit le mort, il le fit bien. Ce prêtre se nom-
diocèse de Liége, étant allé à Cologne avec mait Prétextât il ne sentait rien de ce qu'on
deux de ses moines, fut obligé de tenir tête lui faisait souffrir pendant son extase.
à une possédée. Il lit. à l'esprit malin des Les démonomanes appellent l'extase un
questions auxquelles celui-ci répondit comme transport en esprit seulement, parce qu'ils re-
il lui plut. Le diable faisant autant de men- connaissent le transport en chair et en os,
songes que de réponses, l'abbé s'en aperçut par l'aide et assistance du diable. Une sur-
et le conjura de dire la vérité; il obéit. Il cière se frotta de graisse, puis tomba pâmée
apprit au bon abbé comment se portaient sans aucun sentiment: et trois heures après
plusieurs défunts dont il voulait savoir des elle retourna en son corps, disant nouvelles
nouvelles. Undes frères qui l'accompagnaient de plusieurs pays qu'elle ne connaissait
voulut lier conversation avec le diable. point, lesquelles nouvelles furent par la suite
Tais-toi, lui dit l'esprit malin, tu as volé hier avérées (3).
douze sous à ton abbé; ces dou.ze sous sont Cardan dit avoir connu un homme d'église,
maintenant dans ta. ceinture.– L'abbé ayant qui tombait sans vie et sans haleine toutes
(1) Bergier, Diçlionn.de Idéologie. Shelleo,De Diabol.,liv. VII.
(2) Céesarii Hcisterbacli Miracul., liv. Y, ch. xxix et (3)Bodiu,danslà Démouomaiiie
S83 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 984
lesfoisqu'il Icvoulait.Cel état durait ordinai- cheval il avait porté de très-pesantes charges,
rement quelques heures; on le tourmentait, quoique son corps n'eût pas quitté le lit; et #
on le frappait, on lui brûlail les chairs, sans l'un regarda comme une extase, produite par
qu'il éprouvât aucune douleur. Mais il en- sortilège, ce qui n'était qu'un cauchemar
tendait confusément, et comme à une distance causé par une indigestion.
très-éloignée, le bruit qu'on faisait autour de Le magnétisme produit des extases.
lui. Cardan assure encore qu'il tombait lui- EZECHIEL. Les musulmans disent que
même en extase à sa volonté; qu'il enten- les ossements desséchés que ranima le pro-
dait alors les voix sans y rien comprendre, phète Ezéchiel étaient les restes de la ville de
et qu'il ne sentait aucunement les douleurs. Davardin, que la peste avait détruite et qu'il
Le père de Prcstantius, après avoir mangé releva par une simple prière.
un fromage maléficié, crutuu'étant devenu

F
FAAL, nom que les habitants de Saint- vent de l'allégement lorsqu'on jette ces pa-
Jean-d'Acre donnent à an recueil d'observa- piers sur l'eau on en voit tes bords du lac
tions astrologiques, qu'ils consultent dans couverts. 11 est aisé de reconnaitre dans
beaucoup d'occasions. ces usages des traditions altérées de l'Eglise.
FABEH (Albert-Othon), médecin de Ham- FALCON ET (Noël) médecin mort en
bourg au dix-septième siècle. il a écrit quel- ITek. Nous ne citerons de ses ouvrages que
ques rêveries sur l'or potable. ses Lettres et remarques sur l'or prétendu
FABRRT (ABRAHAM); de simple soldat, il potable; elles sont assez curieuses.
devint maréchal de France, et s'illustra sous FANATISME. L'Eglise l'a toujours con-
Louis XIV. C'était alors si extraordinaire, damné, comme elle cond.imne tous es excès.
qu'on l'accusa de devoir ses succès à un ,Les actes de fanatisme des conquérants du
'commerce avec le diable. 'Nouveau Monde étaient commis par des scé-
FABRE (Pierre Jean), médecin de Mont- lérats, contre lesquels le clergé s'élevait de
pellier, qui fit l'aire des pas à la chimie au toutes ses forces. On peut le voir dans la vie
commencement du dix-septième siècle. 11 y et dans les écrits de Rarthélemi de Las Casas.
mêlait un peu d'alchimie. Il a écrit sur cette Les écrivains philosophes ont souvent ap-
matière et sur la médecine spagyrique. Son pelé fanatisme ce qui ne l'élait pas. Ils se
plus curieux ouvrage est l'Alchimiste chré- sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par
tien (Alchimisla christianus), in 8° Toulouse, exemple, ils ont attribué le massacre politi-
1632. que de la Saint-Barlhélemi à la religion, qui
11 a publié aussi V Hercules piochi/micus y fut étrangère; lorsqu'ils ont défendu les
Toulouse 163i. in 8°. livre où il soutient que fanatiques des Cévennes, etc.
les travaux d'Hercule ne sont que des em- Il y a eu très-souvent du fanatisme outré
blèmes qui couvrent les secrets de la philo- dans les hérésies et même dans la sorcel-
sophie Hermétique. lerie.
FABR1C1US (Jean-Albert), bibliographe Sous le règne de Louis XII. un écolier de
allemand, né à Lcipsick en 1668. Il y a des l'université de Paris, persuadé que la reli-
choses curituses sur les superstitions et les gion d'Homère était la bonne, arracha la
contes populaires de l'Orient dans son recueil sainte hostie des mains d'un prêtre q"ui la
des livres apocryphes que l'Eglise a repous- consacrait, et la foula aux pieds. Voilà du
sés de l'Ancien et du Nouveau Testament (1). fanatisme.
FA1RFAX (Edouard) poëte anglais du Les Juifs en ont fourni de nombreux exem-
seizième siècle,. auteur d'un livre intitulé la ples, et un très-grand fanatisme distingue
Démonologie, où il parle de la sorcellerie beaucoup de philosophes modernes.
avec assez de crédulité. «11y a un fanatisme politique, un fanatisme
F AIRFOLKS, espèce de farfadets qui se littéraire, un fanatisme guerrier, un fana-
montrent en Ecosse, et qui sont à peu près tisme philosophique (2). »
nos fées. On a nommé d'abord fanatiques les pré-
FAKONE. lac du Japon, où les habitants tendus devins qui rendaient leurs oracles
placent une espèce de limbes habités par dans les temples, fana. Aujourd'hui on en-
tous les enfants morts avant l'âge de sept tend par fanatisme tout zèle aveugle.
i\r.s. Ils sonlpcrsuadés que les âmes de ces FANNIUS (Chus), historien qui mourut de
enfants souffrent quelques supplices dans ce peur en composant un ouvrage contre Né-
lieu-là, et qu'elles y sont tourmentées jus- ron. 11 en avait terminé trois livres, et il
qu'à ce qu'elles soient rachetées par les commençait le quatrième, lorsque Néron,
passants. Les bonzes vendent des papiers dont il avait l'imagination remplie, lui ap-
sur lesquels sont écrits les noms de Dieu. parut en songe, et, après avoir parcouru les
Comme ils assurent que les enfants éprou- trois premiers livres de son ouvrage, se re-
(1) Codexpseudepigraphusveteris Tesiamenli collec- CodexapocryphusnoviTestamenti, etc. Hambourg,1719.
tus, casligalus,teslimoniisquecensuriset animadversio- Iii-8».
nibus illustratus.Ia-8». Hambourget Leipsick, 1715. (2) Bergier, Dict. théol.
58S FAN FAQ 586
tira sans toucher au quatrième qui était en de son délabrement; mais elle lui dit qu'elle
train. Ce rêve frappa Fannius; il crut y voir s'en contenterait, pourvu qu'on lui fit un
que son ouvrage ne serait pas achevé, et il bon lit et un bon feu.
mourut en effet peu après. Après qu'on eut fait ce qu'elle désirait, elle
FANTASMAGOUIANA, titre d'un recueil soupa légèrement, et s'étant bien réchauffée,
de contes populaires où les apparitions et les elle se mit au lit. Ellecommençait à s'endormir,
spectres jouent les premiers, rôles. Ces con- lorsqi?un bruit de chaînes et des sons lugu-
tes prolixes sont, pour la plupart, traduits de bres la réveillèrent en sursaut. Le bruit ap-
l'allemand, 2 vol. in-12; Paris, 1812. proche, la porte s'ouvre,' elle voit, à la clarté
LAIM'aSMAGORIE spectacle d'optique, de son feu, entrer un fantôme couvert de
du genre des lanternes magiques perfection- lambeaux blanchâtres; sa figure pâle et mai-
nées, et qui, aux yeux des ignorants, peut gre, sa barbe longue et touffue, les chaînes
paraître île la sorcellerie. qu'il portait autour du corps, tout annonçait
FANTOMES, esprits ou revenanls de: mau- un habitant d'un autre nionde. Le fantôme
vais augure, qui effrayaient fort nos pères s'approche du feu, se couche auprès tout de son
quoiqu'ils sussent bien qu'on n'a aucune- long, se tourne de tous côtés en gémissant,
ment peur des fantômes si l'on tient dans sa puis, à un léger mouvement qu'il entend
main île t'ortie avec du rnillefeuille (1). près 'du lit, il se relève promptement et s'en
Les Juifs prétendent, que le fantôme qui approche. Quelle amazone eût bravé un tel
apparait ne peut reconnaître la personne adversaire? Quoique notre voyageuse ne
qu'il doit effrayer si elle a un voile sur le maiiquâl pasde courage, elle n'osa l'attendre,
visage; mais quand cette personne est cou- se glissadaris la ruelle du lit, et. avec une agi-
pahle, ils prétendent, au rapport de Buxtorf, lité dont la frayeur rend capables les moins
ijuo te masque tombe, afln quel'ombre puisse légères, elle se sauve en chemise à toutes
la voir et.la poursuivre. jambes, enfile de longs et obscurs corridors,
On a vu souvent des fantômes venir an- toujours poursuivie par le terrible fantôme,
noncer la moi;t; un spectre se présenta pour dont elle entend iel'rollenientdeschaînescon-
cela aux noces du roi d'EcosseAlexandre III, tre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible
qui mourutpeu après; •• clarté, et, reconnaissant!» portedu concierge,
Camerarius rapporte que, de son temps, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil.
on voyait quelquefois dans les églises des JI vient ouvrir, la fait transporter sur son lit
fantômes sans tête, vêtus en moines et en et lui prodigue tous les secours qui sont en
religieuses, àssis dans les stalles des vrais son pouvoir. Elle raconta ce qui.lui était ar-
moines et des soeurs qui devaient bientôt rivé.
mourir. Hélas 1 s'écria le concierge, notre fou
Un chevalier espagnol avait osé concevoir aura brisé sa chaîne ct'se sera échappé I
une passion criminelle pour une religieuse. Ce fou était un parent du maître du châ-
Une nuit, qu'il traversait l'église du couvent teau,qu'on gardait depuis plusieurs années.
dont il s'était procuré la clef, il vit des cierges H avait effectivement profilé de l'absence de
allumés et des prêtres, qui lui étaient incon- ses gardiens, qui étaient à la noce. pour dé-
nus, occupés à célébrer l'office des morts au- tacher ses chaînes, elle hasard avait con-
tour d'un tombeau. Il s'approcha de l'un deux duit ses pas à la chambre de la voyageuse,
et demanda pour qui on faisait'le service. qui en fut quitte' pour une grande peur (3).
«Pour vous, lui dit le. prêtre.Tous les autres Voy. Apparitions, Visions, Hallucinations,
lui. firent la même réponse; il sortit effrayé, ESPRITS,REVENANTS,SPECTRES,Deshouliè-
monta à cheval, s'en retourna à sa maison, bes, etc., etc.
et deux chiens l'étranglèrent à sa porte (2). FANTOME VOLANT. On croit, dans la
Unedame voyageant seule dans une chaise Basse-Bretagne, entendre dans les airs, lors-
de poste futsurprise par la nuit près d'un qu'il fait un orage, un fantôme volant qu'on
village où l'essieu de sa voiture s'était brisé. accuse de déraciner les arbres et de renver-
On était en automne, l'air était froid et plu- ser les chaumières. Voy. VOLTIGEURhollan-
vieux; il n'y avait point d'auberge dans le dais.
village; on lui indiqua le château. Comme FAPISIA, herbe fameuse chez les Portu-
elle en connaissait le maître, elle n'hésita gais, qui l'employaient comme un excellent
pas à s'y rendre. Le concierge alla la rece- spécifique pour chasser les démons (4)..
voir, et lui dit qu'il y avait au château dans FAQUIK ou FAKIR. Il y a daus l'Inde des
ce moment beaucoup de monde qui était ve- fakirs qui sont d'habiles et puissants jon-
nu célébrer une noce, et qu'il allait informer gleurs. On lit ce qui suit dans l'ouvrage de
le seigneur de son arrivée. La fatigue, le M. Osborne, intitulé 'la Cour. et le Camp
désordre de sa toilette et le désir de conti-' de Rundjet-Sing
nuer son voyage engagèrent la voyageuse à « A la cour (te ce prince indien. la mission
prier le concierge de ne.point déranger son anglaise eut l'occasion de voir un personna-
maître. Elle lui demanda seulement une ge appelé le Fakir, homme enterré el ressus-
chambre. Toutes étaient occupées, à l'excep- cité, dont les prouesses avaieut fait du bruit
tion d'une seule, dans un coin écarté du dans les provinces de Punjab.
château, qu'il n'osait lui proposer'à cause « Ce Fukir est en grande vénération parmi
(1) Les Admirablessecretsd'Albert.leGrand. (4) Delancre,Tableaude l'inconstancedes démons,etc.,
(2) Torquemada,Hexuiiiéron. liv. IV, p. 297.
3) Speciriana,p. 79.
DlCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I. Il*
5B7' DlCTiOiSNAlREDES SCIENCES OCCULTES. 583
les Sihks, à cause de la faculté qu'il a de mettre aux conditions britanniques. Runjet-
s'enterrer toulvivant pendant un temps don- Sing se fâcha.
né. Nous avions ouï raconter de lui tant « Je vois bien dit le Fakir au capitaine
d'histoires, que notre curiosité était excitée. Osborne, que vous voulez me perdre, et que
Voilà plusieurs années qu'il fait le métier je ne sortirai pas vivant de mon tombeau.
de se laisser enterrer. Le capitaine Wade « Le capitaine, ne désirant pas du tout
me dit avoir été témoin d'une de ses résur- avoir à se reprocher la mort du pauvre char-
rections, après un enterrement de quelques latan. renonça à l'épreuve. » V. Jamàmbuxes.
mois. La cérémonie préliminaire avait ed FARFADETS, esprits ou lutins ou démons
lieu en présence de Rundjet-Sing, du géné- familiers, que les personnes simples croient
ral Ventura et des principaux sirdars. voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se
« Les préparatifs avaient duré plusieurs montrent sous des figures d'animaux, le plus
jours, on avait arrangé un caveau tout ex- grand nombre restent invisibles. Ils rendent
près. Le Fakir termina ses dispositions fina- généralement de bons offices.
les en présence du souverain; il se boucha Des voyageurs crédules ont prétendu que
ave'c de la cire les oreilles, le nez et tous les les Indes étaient pleines de ces esprits bons
autres orifices par lesquels l'air aurait pu ou mauvais, et qu'ils avaient un commerce
entrer dans son corps. H n'excepta que la habituel avec les hommes du pays.
bouche. Cela fait, il fut déshabillé et mis dans Voici l'histoire d'un farfadet
un suc de toile, après qu'il se fut retourné la En l'année 1221, vers le temps des ven
langue pour fermer le passage de la gorge, danges, le frère cuisinier d'un monastère de
et qn'il se fut posé dans une espèce de lé- Cîteaux chargea deux serviteurs de garder
le sac fut fermé et cacheté du sceau les vignes pendant la nuit. Un soir, l'un de
thargie
de Rundjct-Sing et déposé dans une boite de ces deux hommes, ayant grande envie de dor-
sapin, qui, fermée et scellée également, fut mir, appela le diable à haute voix et promit
descendue dans le caveau. Par-dessus on ré- de le bien payer s'il voulait garder la vigne à
pandit et on foula de la terre, on sema de sa place. Il achevait à peine ces mots, qu'un
farfadet parut.
l'orge et on plaça des sentinelles. Me voici prêt, dit-il à celui qui l'avait
« Il parait 'que le maha-rajah, très-sce-
demandé. Que me donneras-tu si je remplis
ptique sur cette mort, envoya deux fois des ta charge ?2
gens pour fouiller la terre, ouvrir le caveau et -Je te donnerai un panier de raisin, ré-
visiter le cercueil. On trouva chaque fois le
Fakir dans la même position et avec tous les pondit le serviteur, à condition que tu veille-
ras jusqu'au matin.
signes d'une suspension de vie. Le farfadet accepta l'offre; et le domesti-
« Au bout de dix mois, terme fixé, le capi- que rentra à la maison pour s'y reposer. Le
taine Wade accompagna le maha-rajah pour frère cuisinier, qui était encore debout, lui
assister à l'exhumation il examina attenti- demanda pourquoi il avait quitté la vigne?
vement par lui-même l'intérieur de la tombe; Mon compagnon ta garde répondit-il
il vit ouvrir les serrures, briser les sceaux et et il la gardera bien.
porter la boîte ou cercueil au grand air. Va, va, reprit le cuisinier, qui n'en sa-
Quand on en tira le Fakir, les doigts posés vait pas davantage, ton compagnon peut
sur son artère et sur son cœur ne purent avoir besoin de toi.
percevoir aucune pulsation. La première Le valet n'osa répliquer et sortit; mais il
chose qui fut faite pour le rappeler à la vie, se garda bien de paraître dans la vigne. Il
et la chose ne se fit pas sans peine, fut de
appela l'autre valet, lui conta le procédé dont
ramener la langue à sa place naturelle. Le il s'était avisé; et tous deux, se reposant sur
capitaine Wade remarqua que l'occiput était la bonne garde du lutin, entrèrent dans une
brûlant, mais le reste du corps très-frais et, petite grotte qui était auprès de là, et s'y en-
très-sain. On l'arrosa d'eau chaude, et au dormirent. Les choses se passèrent aussi bien
bout de deux heures le ressuscité était aussi
qu'on pouvait l'espérer; le farfadet fut fidèle
bien que dix mois auparavant. à son posté jusqu'au matin, et on lui donna
« II prétend faire dans son caveaules rêves le panier de raisin promis. Ainsi finit le
les plus délicieux aussi redoute-t-il d'être conte (1). Voy. Berbjguier, Réiuth, ESPRITS,
réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses che- FEUX FOLLETS,HECDEK.IN,OuTHON, ClC.
veux cessent de croître sa seule crainte est FARMER ( Hugdes ) théologien angli-
d'être entamé par des vers ou des insectes; can, mort en 1787. On a de lui un Essai sur
c'est pour s'en préserver qu'il fait suspendre les démoniaques du Nouveau Testament, 1775,
au centre du caveau la boite où il repose. où il cherche à prouver, assez gauchement,
« Ce Fakir eut la maladroite fantaisie de que les maladies attribuées à des possessions
faire l'épreuve de sa mort et de sa résurre- du démon sont l'effet de causes naturelles, et
ction devant la mission anglaise, lorsqu'elle non l'effet de l'action de quelque malin es-
arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une prit.
cruelle méfiance,, proposèrent de lui imposer FASCINATION, espèce de charme qui fait,
quelques précautions de plus ils montrèrent qu'on ne voit pas les choses telles qu'elles
des cadenas à eux appartenant, et parlèrent sont. Un Bohémien sorcier, cité par Boguet,
de mettre au tombeau des factionnaires euro- changeait des bottes de foin en pourceaux,
péens. Le Fakir fit d'abord de la diplomatie; et les vendait comme tels, *n avertissant tou-
il se troubla, et finalement refusa de se sou- (t) Ccesarius
Hcisterbacheensisill. miracul.,lib. V.
·
m fat t&u g90
tefois l'acheteur de -ne laver ce bétail dans de plus fortuit que de périr par le fer, de se
aucune eau. Un acquéreur de la denrée du noyer, d'être malade?. L'homme vertueux
Bohémien, n'ayant pas suivi ce conseil, vit, qui parvient par de grands efforts à vaincre
au lieu de pourceaux, des bottes de foin na- ses passions, n'a donc plus besoin de s'étu-
ger sur l'eau où il voulait décrasser ses dier à bien faire, puisqu'il ne peut être vi-
bêtes. cieux ?. C'est un peu la doctrine de Calvin.
Delrio conte qu'un certain magicien, au
FAUNES, dieux rustiques inconnus aux
moyen d'un certain arc et d'une certaine Grecs. On les distingue des
corde tendue à cet arc, tirait une certaine satyres et syl-
vains, quoiqu'ils aient aussi des cornes de
flèche, faite d'un certain bois, et faisait tout chèvre ou de bouc, et la figure d'un bouc de-
d'un coup paraître devant lui un fleuve aussi
puis la ceinture jusqu'en bas, Mais ils ont
large que le jet de cette flèche. les traits moins hideux, une figure
Et d'autres rapportent qu'un sorcier juif, plus gnie.
que celle des satyres, et moins de brutalité.
par fascination, dévorait des hommes et des D'anciens Pères les regardent comme des dé-
charretées de foin, coupait des télés,. et dé- mons incubes (2); et voici l'histoire
membrait des personnes vivantes, puis re- qu'en
donnent les docteurs juifs
mettait tout en fort bon étaf. « Dieu avait déjà créé les âmes des faunes
Dans la guerre du duc Vladislas contre et des satyres, lorsqu'il fut interrompu
Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sor- le jour du sabbat, en sorte qu'il ne par
cière dit à son beau-fils, qui suivait lé parti put les
unir à des corps, et qu'ils restèrent ainsi de
de Vladislas, que son maître mourrait dans
purs esprits et des créatures imparfaites.
la bataille avec la plus grande partie de son Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent la
armée, et que; pour lui, il pouvait se sauver jour du sabbat, et se cachent dans les lénèr
du carnage en faisant ce qu'elle lui conseil- bres jusqu'à ce qu'il soit passé; ils prennent
lerait c'est-à-dire, qu'il tuât le premier qu'il quelquefois des corps pour épouvanter
rencontrerait dans la mêlée; qu'il lui coupât les
hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Ce-
les deux oreilles, et les mit dans sa poche;
pendant ils peuvent approcher si près des in.
puis qu'il fit, avec la pointe de son épée, une telligences célestes, qu'ils leur dérobent quel-
croix sur la terre entre les'pieds de devant
de son cheval, et qu'après avoir baisé cette quefois la connaissance de certains événe-
ments futurs, ce qui leur a fait produire des
croix il se hâtât de fuir.
Le jeune homme, ayant accompli toutes ces prophéties, au grand étonnemeut des ama-
teurs. »
choses singulières, revint sain et sauf de la
bataille où périrent Vladislas et le plus grand FAUST (JEAN), fameux magicien allemand,
nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans né à Weimar au commencement du seizième
la maison de sa marâtre, ce jeune guerrier siècle. Un génie plein d'audace, une curio-
trouva sa femme, qu'il chérissait unique- sité indomptable, un immense désir de sa-
ment, percée d'un coup d'épée, expirante et voir, telles étaient ses qualités prononcées.
sans oreilles. Il apprit la médecine, la jurisprudence, la
Les femmes maures s'imaginént qu'il y a théologie; il approfondit la science des astro-
des sorciers qui fascinent par leur seul re- logues quand il eut épuisé les connaissances
gard, et tuent les enfants. Cette idée leur est naturelles, il se jeta dans la magie du moins
commune avec les anciens Romains, qui ho- toutes ses histoires le disent. On le con-
noraient le dieu Fascinus, à qui l'on attri- fond souvent avec Faust, l'associé deGuttem-
buait le pouvoir de garantir les enfants des berg dans l'invention de l'imprimerie; on
fascinations et maléfices. Voy. OEIL, CHAR- sait que quand les premiers livres imprimés
mes, Enchantements, FAUST, Prestiges, etc. parurent, on cria à la magie! on soutint
FATALISME, doctrine de ceux qui recon- qu'ils étaient l'ouvrage du diable; et sans la
naissent une destinée inévitable. protection de Louis XI et de la Sorbonne,
Si quelqu'un rencontre un voleur, les fata- l'imprimerie, en naissant, était étouffée à
listes disent que c'était sa destinée d'être tué Paris.
par un voleur. Ainsi cette fatalité a assujetti Quoi qu'il en soit, voici les principaux
le voyageur au fer du voleur, et a donné long- traits de la légende de Faust.
temps auparavant au voleur l'intention et la Curieux de se lier avec les êtres d'un
force, afin qu'il eût, au temps marqué, la vo- monde supérieur, il découvrit la terrible for-
lonté et le pouvoir de tuer celui-ci. mule qui évoque les démons. Il s'abstint d'a-
Et si quelqu'un est écrasé par la chute d'un bord d'en faire usage; mais un jour, se pro-
bâtiment, le mur est tombé parce que cet menant dans la campagne avec son ami
homme était destiné à être enseveli sous les Wagner, il aperçut un barbet noir qui for-
ruines de sa maison. Dites plutôt qu'il a mait des cercles rapides en courant autour
été accablé sous les ruines, parce que le mur de lui. Une trace ardente brillait à la suite
est tombé (1). du chien. Faust étonné s'arrête; les cercles j
Où serait la liberté des hommes, s'il leur que formait l'animal étrange devenaient tou-
était impossible d'éviter une fatalité aveugle, jours plus petits; il s'approche bientôt de
une destinée inévitable? Faust et le (laite. Le savant s'en retourne
Est-il rien de plus libre que de se marier, pensif, et lé barbet le suit.
de suivre tel ou tel genre de vie? Est-il rien Faust ne se retrouva seul que pour se H-
M) Barclai, dansl'Argenis.
(3) Delancre, Tableau de l'inconstance des démons, etc., p. 2t t
soi blCtlONNAÎRÉ DES SCIENCESOCCULTES. S92

vrer à de noires idées. Le chien, son nou- jour, au village de Rosenlhal une jeune fille
veau compagnon les interrompait par des ingénue que Widman représente comme
hurlements. Faust le regarde, s'étonne de le surpassant en grâces toutes les beautés de la
voir grandir, s'aperçoit qu'il a reçu un dé- terre, et qu'il appelle Marguerite, Il en de-
livre se vint mais elle était vertueuse. Méphis-
mon, saisit son magique, place dans épris;
un cercle, prononce la formule, et ordonne tophclès,pour le détourner de cette passion
j l'esprit de se faire connaître. qu'il redoutait, le mena à la cour. Charles-
Le chien s'agite, une fumée l'environne, Quint, sachant ses talents magiques, le pria
et, à sa place, il voit un démon sous le cos-. de lui faire voir Alexandre le Grand. Faust
tume d'un jeune seigneur, vêtu avec élé- obligea aussitôt le fameux roi de Macédoine
gance. C'était le démon Méphislophelès, le à paraître. Il vin sous la figure d'un petit
second des archanges déchus, et; après Sa- homme trapu, haut en couleur, avec une
tan, le plus redoutable chef des légions in- espèce de barbe rousse, le regard perçant et
fernales. la contenance fière. Il fit à l'empereur une
Les divers légendaires rapportent cet évé- révérence, et lui adressa même quelques
nement avec des variantes. Widman dit qu'é- mots, dans une langue que Charles-Quint
tant décidé à évoquer un démon, Faust alla n'entendait point. D'ailleurs il lui était dé-
dans l'épaisse forêt de Mange.aU près de fendu de parler. Tout ce qu'il put faire fut de
là, il fit à terre un cercle ma- le bien considérer, ainsi que César et quel-
Wiltemberg
gique, il se plaça au milieu et prononça la ques autres que Faust ranima un instant
formule de conjuration avec tant de rapidité, pour lui.
qu se fit autour de lui un bruit effroyable. L'enchanteur opéra mille merveilles sem-
Toute la nature parut s'ébranler. Les arbres blables. A en croire ses historiens, il usait
pliaient jusqu'à terre, de grands coups de sans discrétion de son pouvoir surnaturel.
tonnerre interrompaient les sons lointains Un jour, se rencontrant à table dans un ca-
d'une musique solennelle, à laquelle se mê- baret, avec douze ou quinze buveurs qui
laient des cris, des gémissements, des clique- avaient entendu parler de ses prestiges, ils
tis d'épées de violents éclairs déchiraient le le supplièrent de leur en faire voir quelque
voile noir qui cachait le ciel. Une masse en- chose. Faust perça la'table avec un foret, et
flammée parut, se dessina peu à peu et en fil sortir les vins les plus délicats. Un des
forma un spectre qui, s'approchant du cercle convives n'ayant pas mis ta coupe assez vi-
sans parler, se promenu alentour, d'une vement sous le jet, la liqueur prit feu en
marche inégale, pendant un quart d'heure. tombant à terre, et ce prodige effraya quel-
L'esprit revêtit enfin la figure et le costume ques-uns des a>sislanls. Le docteur sut dis-
d'un moine gris, et entra en conversation siper leur trouble. Ces gens, qui avaient la
aveu Faust. tête échauffée, lui demandèrent alors una-
Le docteur signa de son sang, sur un par- nimement qu'il leur fît voir une vigne char-
chemin vierge, avec une plume de fer que. gée de raisins mûrs.
lui présenta le démon, un pacte par lequel Ils pensaient que, comme on était en dé-
Méphislophelès s'obligeait à le servir vingt- cembre, il ne pourrait produire un tel pro-
quatre ans, après lesquels Faust appartien- dige. Faust leur annonça qu'à l'instant, sans
drait à t'enfer. sortir de table, ils allaient voir une vigne
Widman, dans son Histoire de Faust, rap- telle qu'ils la souhaitaient mais à condition
porte les conditions de ce pacte, dont on as- que tous ils resteraient à leurs places et
sure qu'on trouva le double parmi les papiers attendraient pour couper les grappes de
du docteur. Il était écrit sur parchemin, en raisin qu'il le leur commandât, les assurant
caractères d'un rouge foncé, et portait que quiconque désobéirait, courait risque
1* Que l'esprit viendrait toujours au com- de la vie. Tous ayant promis d'obéir, le ma-
mandement de Faust, lui apparaîtrait sous gicien fascina si bien les yeux de ces gens,
une ligure sensible, et prendrait celle qu'il qui étaient ivres, qu'il leur sembla voir une
lui serait ordonné de revéiir; très-belle vigne, chargée d'autant de longues
2° Que l'esprit ferait tout ce que Faust lui grappes de raisin qu'ils étaient de convives.
commanderait Cette vue les ravit; ils prirent leurs couteaux,
3° Qu'il serait exact et soumis comme un et se mirent en devoir de couper les grappes,
serviteur au premier signal de Faust. Il se donna le
4.° Qu'il arriverait à quelque heure qu'on plaisir de les tenir quelque temps dans celte
l'appeiâi posture, puis tout à coup, il fit disparaître
5° Qu'a la maison, il ne serait vu ni re- la vigne et les raisin^ ét chacun de ces bu-
connu-que de lui. veurs, pensant avoir en main sa grappe pour
De son tôle, Faust s'abandonnait au dia- la couper, se trouva tenant d'une main le
ble, sans réserve d'aucun droit à la ré- nez de son voisin et de l'autre le couteau
demption, ni de recours futur à la miséri- levé de sorte que s'ils eussent coupé les
corde divine. grappes, sans attendre l'ordre de Faust, ils
Le démon lui donna, pour arrhes de ce se seraient coupé le nez les uns aux autres.
traité, un coffre plein d'or. Dès lors, Faust On a dit que Faust avait, comme Agrippa,
fut maître du monde, qu'il parcourut avec l'adresse de payer ses créanciers en monnaie
éclat. 11 allait partout, lorsqu'il ne voyageait de corne ou de bois qui paraissait buuuc
pas à travers les airs dans de riches équi- au moment où elle sortait de sa bourse, et
l»a#es accompagné de son démon. Il vit un reprenait, au bout de quelques jours, sa
593 FAI) FAU Mi
véritable formé. Mais le diable lui donnait On trouve, dans les légendes, populaires
assez d'argent pour qu'il n'eût pas besoin plusieurs personnages qui font pendant avec
d'user de ces fraudes. Faust, en ce point du moins qu'ils se lient
Wecker dit qu'il n'aimait pas le bruit, et avec le diable au moyen d'un pacte. L'une
que souvent il faisait taire, par la force de des plus originales, parmi ces traditions, est
sa magie, les gens qui le fatiguaient, a té- celle" du maréchal de Tamine le Faust du
moin ce certain jour qu'il lia la bouche à une pays wallon. Nous la rapporterons ici.
demi-douzaine de paysans ivres pour les
La légendé du Maréchal de Tamine.
empêcher de babiller et de piailler comme ils
faisaient. » Dans ce beau village de Tamine que
II n'avait pas renoncé à son projet chéri baigne la Sambre, à quatre lieues de Namur,
d'épouser Marguerite; mais le démon l'en vivait, il y a un peu plus de Irois siècles,
détournait d'autant plus, comme dit Wid- peut-être au temps de la jeunesse de Charles-
man, qu'appartenant à l'enfer par son pacte, Quint, un maréehal-ferrant renommé pour
il n'avait plus le droit de disposer de lui ni sa bonne humeur. Son atelier flnrissail; il
de former un nouveau lien. Méphislophelès dormait sans soucis et menait joyeuse vie,
l'éloignait donc sans cesse. lorsqu'un jour, en revenant d'une fête voi-
Faust allait au sabbat; il poursuivait le sine, il trouva sa maison brûlée.
cours de sa destinée infernale. Lorsque le Adieu dès lors l'aisance et la gatlé.
temps du pacte fut accompli. il frissonna à Maiscommentçellemaison.ivait elle été. la
la pensée du sort qui lui était maintenant proie des flammes? Les uns dirent que c'é-
réservé. 11 voulut s'enfuir dans une église ou tait un pur accident; ceux-ci un effet de
dans tout autre lieu saint, pour implorer la .quelque négligence; ceux-là un coup de
miséricorde divine. Méphislophelès l'en em- malveillance sans doute; les autres, plus
péVha; il le conduisit tremblant sur la plus pénétrants, soutinrent que le diable seul
liauie montagne de la Saxe. Faust voulut se avait fait le mal. C'était ajoutaient-ils-, une
recommander à Dieu. Désespère et meurs, épreuve offerte à la patience du maréchal de
lui dit le démon, tu es maintenant à nous. Tamine, qui avait ainsi l'occasion de 'se mon-
A ces mots, l'esprit des ténèbres apparut trer le Job de la contrée.
aux yeux de Faust sous la forme d'un géant Le Wallon, qui n'avait pas la vertu du
haut comme le firmament ses yeux enflam- sage Chaldéen, aima mieux, dans sa gros-
més lançaient la foudre sa bouche vomissait sièreté matérielle, être le Faust du pays,
du feu, ses pieds d'airain ébranlaient la terre. moins savant et moins grave que l'Allemand,
Il saisit sa victime avec un éclat de rire qui mais plus malin pourtant etplus habile.
retentit comme le tonnerre, déchira son Si le diable veut de moi, dit-il, nous
corps en lambeaux, et précipita son âme dans allons voir.
les enfers. Selon l'usage populaire, qui déjà était bien
Apprenez par là, frères, que tout n'est pas connu de tout mauvais drôle, ayant quelque
gain en mauvaise compagnie. leiiïie des sciences de sorcellerie, le maré-
Nous avons dit que la découverte de l'im- chat de Tamine s'en alla seul, le soir
primerie fit poursuivre Faust comme sor- hors de son village, s'arrêta dans un car-
cier on assurait que l'encre rouge de ses refour où venaient aboutir quatre che-
Bibles était du sang; il est vrai qu'elle a un mins; et là, ayant tracé un cercle avec un
éclat particulier, et qu'on a pu croire au bâton de coudrier, il se planta au milieu,
moins, dans un siècle d'ignorance, que le se- puis au son des heures sinistres de minuit,
cret en avait été donné par le diable. il immola une poule noire, avec les cérémo-
On dit encore qu'il débitait en Allemagne nies voulues. Celait le moyen d'obliger le
des alinanachs qui dictés par Méphislophe- diable à paraître.
lès, prédisaient toujours juste, et avaient, Le diable accourut. Il trouva un homme
par conséquent, plus de succès encore que qui avait la bourse vide, les dents longues,
Matthieu Laensberg, qui se trompe quelque- l'esprit inquiet, et qui se montrait disposé
fois. Mais on ne retrouve aucun de ces al- à traiter, dil la légende, mais qui ne voulait
rnan'àchs. pas faire un marché de dupe.
La vie de Faust et de Christophe Wagner, Après des pourparlers qui durent être cu-
son valet, sorcier comme lui, a été écrite par rieux, le Wallon vendit son âme, moyen-
Wiiiman Francfort, 1587, in-8\ traduite en nant trois stipulations spéciales
plusieurs langues, et en français par Victor 1° Qu'il pourrait, pendant le bail qu'il fai-
Palnia Cayet, Paris, 1603, in-12. Adelung sait avec le diable, retenir à son gré, sur un
lui a consacré un grand article dans son
grand poirier qui s'élevait devant sa maison,
Histoire des folies humaines. Tous les démo- tout iinprudentqui se serailavisé d'y monter.
nographes ont parlé de lui Goethe a mis ses 2° sa bourse de cuir, une fois fermée,
aventures en un drame bizarre ou chronique Que
MM. Desaur et de ne s'ouvrirait plus sans sa permission.
dialoguée. Saint-Geniès
ont publié, en 1825, les Aventures de Faust 3° Que son tablier de cuir aurait désormais
et sa descente aux enfers roman en trois cette vertu que jamais aucune puissance ne
volumes in-12, où l'un ne trouve pas tout pourrait l'en détacher, s'il parvenait à s'l.
le merveilleux des légendes allemandes. asseoir.
M. Marmier a donné aussi une curieuse lé- Le diable accorda tout; il rebâtit la maison
gende de Faust. et consentit, selon les clauses du marché, à
533 DICTIONNAIREDES SClKNCES OCCULTES. 5<JC
ne réclamer l'âme du Wallon qu'au bout de .Au .,bout de cet autre terme, te maréchal
dix ans. de Tamine, sentant qu'il vieillissait, n'at-
Le maréchal de Tamine se reprit donc à tendit pas que le diable à qui il s'était vendu
mener plus joyeuse vie encore que par le vint le chercher. 11 alla lui-même frapper à
passé, jouissant du présent. et s'occupant la porte de l'enfer. Son diable s'y trouvait de
très-peu de l'avenir. Les dix ans s'écoulèrent garde; mais dès qu'il le vit, craignant de
ainsi. nouvelles malices, il lui ferma la porte au nez.
Le diable vint alors sommer son homme Repoussé delà sorte, le Wallon, quidécidé-
d'exécuter le contrat. ment s'ennuyait ici-bas, s'en alla chercher
Je suis prêt dit l'autre; et quoique la ailleurs. Nous suivons toujours la légende
journée ne soit pas finie, je ne vous deman- populaire. En rôdant, il parvint à l'entrée du
derai qu'une légère faveur, celle de manger paradis. Saint-Pierre le reconnut pour un
encore une fois du fruit de mon poirier. homme en commerce avec le diable et lui
Le diable se montra charmé des disposi- refusa le passage.
tions du maréchal il se prêta de bonne grâ- Le maréchal de Tamine ne se rebutait pas
ce à sa fantaisie et grimpa sur l'arbre; ce d'un premier refus. Il demanda, de l'air le
qui n'était pas difficile. plus humble, qu'on lui permit seulement de
Mais fallaiten descendre. Nulnelepouvait regarder un peu, par la porte cntr'ouvertn
sans la permission du maître c'était, comme le bonheur des élus. Saint-Pierre, qui est
on l'a vu, un des avantages du contrat. Le bon, se laissa gagner, mais le rusé Wallon,
diable, cloué sur le poirier, n'obtint sa liberté jetantdans le paradis son tablier de cuir, se
que moyennant un sursis de dix ans. coucha dessus, et l'on ne put l'en arracher (1),
Le temps passa, dans cette nouvelle pério- Sur quoi, les uns vous affirmeront quc,
de, aussi rapide que la première fois, en- malgré les murmures, il obtint,-en récom-
traîné par les plaisirs et l'insouciance. pensede son stratagème, une petite place par-
Lcdiable revint, sur lesoir du dernier jour. mi les bienheureux. Mais les traditions mieux
Je suis prêt, dit encore le Wallon. informées portent que le tablier fut jeté de-
-Marchons donc, répliqua le diable, d'un hors avec ce qu'il portait, rien d'impur ne
ton sérieux. Il s'était bien promis, cette fois, pouvant entrer dans le ciel.
de ne plus être victime de sa complaisance. L'idée de J'arbre a été employée dans un
Mais il ne savait pas à qui il avait affaire. sens plus neuf. Elle fait le fond de la char-
Le maréchal de Tamine avait calculé une mante légende que voici, et qui a été donnée
,ressource nouvelle; il prit l'ange déchu par par M. Léopold de Monvert, dans le journal
son faible, l'amour-propre. l'Univers.
-On raconte, dit-il d'un air bonhomme, Le bonhomme Misère.
que vous êtes très-puissant; et vous m'en
avez donné quelques marques; c'est ce qui Quelques années après la venue du Mes-
me rend joyeux de partir avec vous. Mais on sie, on voyait siir le haut de la montagne
me disait tout à l'heure une merveille que Saint-Jean d'Alfrctz un village isolé, assez
je n'ai pas pu croire. Est-il donc vrai que vous peuplé pauvre, quoique l'on y comptât
ayez le pouvoir de prendre la taille qui vous quelques richards fort avares, un curé fort
plaît? que vous puissiez à l'instant paraître débonnaire et un cabaretier dont les profits
un géant énorme, et aussitôt après devenir étaient considérables et le vin mauvais le
le nain le plus exigu? vin chose rare en ce temps-là, les vignes
-C'est très-vrai, dit le diable avec impor- du bas Languedoc n'étant pas encore plan-
tance et tu vas le voir. tées. On trouvait-aussi à Saint-Jean de fraî-
Pour prouver ce qu'il avançait, il se gran- ches, de jolies paysannes fort coquettes
dit tellement en quelques secondes, qu'il pa- trois ou quatre dévotes, de méchantes lan-
raissait avoir trois cents pieds: gues, des coquins qui passaient pour hon-
C'est prodigieux 1 dit le Wallon, c'est nêtes gens. A une certaine distance s'éle-
superbe; et je le répète, je suis. ravi. Vous vait, abritée du nord, une étroite cabane bâ-
êtes plus grand que notre clocher. Ah 1 c'est tie en pierre sèche, couverte en chaume, en-
beau de s'élever si haut. Mais il doit être tourée de quelques toises de jardin où se
bien plus difficile de se faire petit, impercep- faisait remarquer un fort beau poirier.
tible; grand comme le pouce, petit à se loger Là vivait, dans le plus grand désintéresse-
là-dedans. ment des biens de ce monde, c'est-à-dire
En disant ces mots, il tenait sa bourse dans une heureuse tranquillité, le bonhomme
entr'ouverte. Misère. Poser quelques pierres sur la mu-
Il n'avait pas achevé, que le diable, étourdi raille qui défendait son petit terrain de la
par la vanité, se ramassait dans la forme la visite des loups, rafistoler la porte, la lucarne
plus mignonne et se plongeait tout entier ou t'intérieur du sa demeure, donner parfois
dansla bourse. Le maréchal de Tamine en un coup de bêche au jardin, et de temps à
serra les cordons. "Tenant de nouveau son autre prendre son bâlon pour aller faire sa
créancier, il rentra dans sa forge, mit sa tournée des châteaux, suivi de Far ou, chien
bourse sur l'enclume et trayailla à t'aplatir tel-
maigre, peu doux, mais très-intelligent,
à grands coups de marteau. les étaient les vicissitudes de son existence.
et
Le diable hurlait. Pour sa délivrance, jl Quand Misère avait rempli ses besaces
accorda un nouveau sursis de dix ans, et a ce les rabbinsracontent do
(1) C'est peu près que
s'en alla de mauvaise humeur. JosuéIîcn-Lévi.VoyezJosué.
v 507 FAU FAU 598
-l
son armoire de légumes secs, de pain bien mais il m'a indiqué ta cabane tu m'as ou-
cuit et de laine à filer; quand il avait ra- vert, et je t'en remercie, car j'ai froid et tu
l massé autour de la cabane quantité de as du Jeu.
branches mortes quand il avait bouché Farou léchait en gémissant les pieds écor-
avec, soin dans son réduit les trous et les chés de l'étranger. Misère, étonné, s'écria
fentes, il attendait avec patience les rigueurs Je crois .que vous avez charmé mon
!de la rude saison. L'hiver venu, son occupa- chien, si méchant pour lout le monde; mais
tion était de fllèr sa laine, assez bon métier n'importe, vous devez avoir faim, et voici ce
en ces temps heureux où l'on ne voyait pas que j'ai à vous donner.
de nature dans les vallons du pays. Sachant Le vieillard tira de l'armoire les trois mor-
ainsi s'industrier, Misère ne mourait pas de ceaux de pain, qu'il offrit à son malheureux-
faim pour le froid, il était habitué, depuis convive et quand celui-ci les eut dévorés,
longues années, à l'endurer; d'ailleurs on Misère, étendant sa paillasse, l'y fit coucher,
lui avait donné une vieille paillasse cl une enveloppé de la vieille couverture.
couverture bonne encore, quoique un peu Le chien s'allongea aux pieds du nouvel
trouée. hôte, et le maître de la cabane s'endormit
Certaine année, l'hiver, fort rigoureux, se sur l'escabeau, près des cendres chaudes.
prolongea plus longtemps que de coutume Un moment avant l'aurore, les deux vieil-
Misère se trouvait à la fin de,ses provisions lards s'éveillèrent, etla première choseque fit
cela le tracassait peu tant qu'il lui restait Misère fut d'aller examiner le ciel pour savoir
quelque chose, il n'en mangeait pas moins s'il lui serait possible de se mettre en quête.
sa croûte et sa' bouillie tranquillement et A peine sur le seuil, la douce tiédeur d'une
d'aussi bon appétit que le roi. Cependant le matinée de printemps vint le charmer; sa
mauvais temps continua, et Misère, un beau surprise était grande, ne comprenant rien à
soir, n'avait plus que deux morceaux de un si subit et si extraordinaire changement.
pain il les divisa, pour les multiplier, en Nous aurons un beau jour, lui dit en
quatre parties, en prit un et dit en souriant sortant l'étranger je pense que tu sauras le
Dans trois jours nous verrons. Possédant mettre à profil; pour moi, je dois te quitter;
encore du bois, il fit bon feu et se mit à filer, adieu 1 Mais, reprit-il sur un ton plus grave .1
tout en chantant,.d'une voix tremblante, les tu m'as cédé ta couche, tu m'as donné ton
louanges du Seigneur. dernier morceau de pain sans même savoir
Tout à coup l'on frappe à la porte. N'é- si tu pourrais te procurer quelque chose au-
tant pas habitué à recevoir des visites, Mi- jourd'hui, que te faut-il pour cela? demande
sère ne se souciait pas d'ouvrir à pareille ce que tu voudras, je puis tout l'accorder;
heure; mais pensant au froid que devait tu as agi selon mes commandements, et tu
éprouver l'étranger, il se leva, et voyant le recevras ta récompense Je suis Jé-
chien faire des bonds de joie à la porte, sus-Christ 1
flairer, gratter dessous, donner mille signes A ce nom, Misère se signa, et tombant a
du plus grand -empressement il n'hésita genoux, dit au Sauveur
plus, certain que ce ne pouvait être un en- Je ne m'étonne plus, bon Dieu 1 des ca-
nemi, puisque Farou avait si grande envie resses de Farou. quant à ce que je vou-
de le recevoir. Dès qu'il eut ouvert, un drais. Seigneur, je n'ai besoin de rien je
homme entra précipitamment, tout dégue- me trouve heureux comme je suis.
nillé, bleu de froid, l'air mourant de faim, et Es-tu bien sûr de ne rien désirer?
lui demandant d'une voix douce songes-y, Misère.
N'es-tu pas Misère ? Au fait, Seigneur Jésus, j'ai là un poi-
C'est moi-même, répondit le vieillard. rier qui porte beaucoup de poires et fort
On m'a dit que tu me donnerais l'hos- bonnes, mais les 'enfants du village me les
pitalité, et je viens avec confiance. viennent voler; je voudrais que quiconque
Vous avez bien fait, car il ne sera pas montera dorénavant sur cet arbre ne puisse
dit que Misère ait laissé périr par sa faute plus en descendre sans ma permission-. Le
une créature du bon Dieu. Sauveur sourit, jeta sur Misère un regard
Qu'il te bénisse donc, répondit l'in- paternel, lui donna le pouvoir qu'il dernan-
connu, puisque tu l'aimes dans ses enfants. dait, sa bénédiction, et disparut.
A ces paroles, Misère se sentit tressaillir; Misère fit alors sa prière avec beaucoup
quelque chose comme un charme puissant de dévotion, prit joyeusement ses besaces,
pénétra tout son corps; il lui semblait re- et, suivi de Farou, s'en fut quêter dans les
naître à la vigueur, à la jeunesse. châtcllenies d'alentour.
Avant de venir à la cabane, continua Tout le monde se trouvait de bonne hu-.
l'étranger, je suis allé d'abord chez le caba- meur ce jour-là, et le mendiant rencontra
rclier; il.m'a répondu qu'il ne logeait pas de sur sa route la plupart des seigneurs qui
voleurs et de décamper sur-le-chàmp. J'ai chevauchaient. Dans la vallée, et tout cou-
frappé à toutes les maisons; on y dormait, vert de ses armes, l'un accompagné de vas-
on né voulait pas se déranger, ou bien on saux, criait d'une voix rude Misère 1
ne se souciait pas de recevoir un inconnu passe au castel, dis que tu m'as rencontré et
l'un m'a dit d'aller au diable, l'autre d'aller qu'on te donne 1N'oublie pas un Paler à mon
chez le voisin; le voisin protesté n'avoir intention.
pas la plus petite place; le pain, le vin lui Plus loin, sur l'étroite plaine dominant la
manquaient, il croyait même l'eau gelée; hauteur, une jeune et jolie châtelaine arri-
S3D DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. GOO
vait au galop, suivie de ses pages et de son quelques instants qu'il m'est ordonné, d'en
époux; elle arrête le fringant coursier, et, haut, de t'accorder.
d'une voix caressanle Misère,' mon pau- Puisque vous ne voulez rien écouter, il
vre vieux, il y a longtemps que je ne t'ai vu 1 faut bien en prendre son parti, et, au fait,
tu te portes toujours bien? Demande à Ma- peut-être dites-vous la vérité, répliqua Mi-
rianne, la gouvernante, ce que tu voudras; i sère avec une feinte résignation; rendez-
prie pour moi surtout! Et, vive et joyeuse, .moi donc, s'il vous plall, le service de m'al-
sans crainte, elle lançait son cheval dans lcr quérir trois poires sur le poirier qui est
le chemin étroit au bord des précipices. là, afin que, pendant les moments accordés,
Misère était rempli de bonheur, des larmes je les mange en les offrant au Père, au Fils
de reconnaissance et d'amour se mêlaient à et au Saint-Esprit, comme un témoignage
ses rires remerciant' avec effusion Jéslts- de ma gratitude pour tout ce qui m'a été
Christ de son beau jour, il rentra à la ca- donné de joie et de contentement sur la
bane, courbé sous le poids des aumônes terre.
dont il ne portait encore qu'une moitié. Par respect pour la très-sainte Trinité, la
De longues années s'écoulèrent sans que. Mort voulut bien se prêter au désir de celui
le pauvre vieillard reçût d'autres visites qui allait devenir sa proie; elle monta sur
mais chaque jour quelque petit polisson res- le poirier et cueillit les trois poires; mais,
tait immobile sur l'arbre enchanté. au moment de descendre, bernicq, elle se
Un soir d'été, pendant qu'avec délices il trouva prise comme un oiseau à la glu.
prenait les derniers rayons du soleil, car Mi- 11faisait beau la voir ainsi enchaînée, la
sère aima toujours beaucoup le soleil, du main droite étendue portant les trois fruits,
milieu de la campagne silencieuse une voix 'le .bras gauche replié autour du poirier ma-
lugubre retentit tout à coup gique, les deux jambes pendantes comme
Misère 1 Misère 1 deux longs fuseaux, son hideux visage se
II en trembla de tous ses vieux membres décomposant, et le rusé Misère lui faisant
sur le petit banc de pierre dont était orné le des langues et des pans de nez à n'en pas fi-
devant de sa porte. Mais. quel n'est pas son nir il riait, riait, riait tant qu'il pouvait,
effroi, quand, tournant la tête, il aperçoit à certain qu'il n'en mourrait pas.
ses côtés la Mort, la Mort elle-même Peu à La Mort employa tour à tour les menaces
peu cependant t'épouvante décroît, Misère et les supplications, rien ne fit; elle eut re-
revient à lui, son œil reprend bientôt une cours à la philosophie; mais à ses arguments,
certaine vivacité, son air de quiétude repa- Misère répondait: Alt bai! Ah bai tu me*
raît, et il répond avec calme à la Mort plais infiniment sur ce fruitier, je t'y trouve
Que me voulez-vous? bien gentille et t'y veux laisser passer au
Ce que je veux? ne me reconnais-tu moins un mois. D'après ce que j'ai entendu
pas ? je suis la Mort 1 Je viens-te prendre 1 dire, tu as tué beaucoup trop de monde de-
Comment, déjà? puis quelque temps; tu dois être fatiguée,
Tu dois m'en savoir gré; traînant de- .ma chère repose-toi donc l'immobilité
tant d'années une si misérable existen- c'est le repos.
puis Tu ne te rendras point coupable de cette
,ce, fatigant les hommes de tes haillons re-
cruauté 1 s'écria la Mort. Tu crois peut-être
poussants, de tes sollicitations importunes,
la vie doit te peser; viens donc I Viens, lu que tout le monde me déteste? Oh I détrompe-
ne peux-tu entendre, comme je les
ne fus ni menteur, ni ivrogne^ niïiberlin, ni toi que
avare; tu aimas Dieu et ton prochain; que entends, les pensées, les désirs, les cris, les
craindre de l'autre monde? Tu es vieux et prières, les invocations qui,-de toutes parts,
cassé, que regretter de celui-ci? Laisse-moi me conjurent et m'appellent? De ce côté, .des
t'emporter, ma main te sera douce: la âmes choisies qui convoitent les trésors cé-
ami, lestes ailleurs, ceux que brûle la soif de la
mort, c'esl le repos.
-Je n'ai garde de vous contredire vengeance, ceux que tourmente une ambition
mais, dévore un amour impur; par-
entre nous, les hommes se mettent peu en tout des que jalouse,
cœurs ardents qui m'aiment, me
peine de moi; vous êtes mille fois trop bonne me désirent, toute laide et horrible
de vous en inquiéter prient,
certes, je suis sensi- que je suis, comme la jeune amante la plus
ble à votre amitié 1 cependant, s'il vous était
aimable, la plus belle des fiancées. Ils sont
égal de me'laisser encore quelque temps ici- .là, suppliant avec larmes, avec fureur; il
bas, je vous le dis avec franchise, vous me suffirait d'un geste pour m'entourer dans
paraîtriez beaucoup plus aimable le far- l'ombre de leur cortége passionnel Dé-
deau de la vie est lourd, je n'en disconviens
livre-moi, j'ai à remplir dans ce monde une
pas; mais, par suite de la longue habitude, haute fonction 1Si je le quittais, le mensonge,
j'aime à le porter. le vice s'en empareraient; la terre devien-
Se peut-il que les hommes soient si bi- drait l'enfer, et il n'y aurait pas de ciel pour
zarres, et que précisément ceux qui, de- les hommes 1 Laisse, laisse donc sa liberté
vraient, à bon droit, me craindre, m'invo- à la Mort. Ne faut-il pas que je conduise les
quent avec ferveur, tandis que d'autres, à bienheureux élus au pied du troue de l'E-
qui je ne saurais apporter que des consola- ternel ? Nefaut-il pas purger la terre des mé-
lions, rue repoussent? J'aurai pourtant pi- chants et livrer au démon ceux qui l'ont servi?
tié de Misère plus que Misère lui-même Puisque tu es si désirée, si nécessaire,
$l>répare-loi dont à me suivre, et profite des je veux bien consentir à te laisser aller,
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mais à une condition tu ne viendras me Dans certaines contrées de l'Ecosse, on dit
prendre que sur nia demande ou sur un ordre que les fées sont chargées de conduire au
du Sauveur. ciel tes âmes des enfants nouveau-nés et
Tu as tort de m'imposer une semblable qu'elles aident ceux qui les invoquent à
condition; mieux te vaudrait partir mainte- rompre les maléfices de Satan.
nant au ciel tu seras heureux. Possible 1 On voit dans tous les contes et dans les
possiblel \e serai toujours à temps de. t'appe- vieux romans de chevalerie, où les fées jouent
ler. Pour le, moment, je trouve qu'il fait bon un si grand rôle, que, quoique immortelles,
sur la lerre. Jure donc, si tu veux quitter ce elles étaient assujetties à une loi qui les for-
bel arbre, jure sur le saint Evangile de n'ap- çait à prendre Ions les ans, pendant quelques
procher de ma personne que lorsque je t'au- jours, la forme d'un animal, et les exposait,
rai appelée très-distinctement et par trois sous cette métamorphose, à tous les hasards,
fois de suite, ou que lorsque Notre-Seigneur même à la mort, qu'elles ne pouvaient re-
Jésus-Christ lui-même l'en aura signifié le cevoir que violent1.
commandement exprès. On les distinguait en bonnes et méchantes
Impatiente, la Mort jura ce serment Mi- féfs; on était persuadé que leur amilié ou
sère, alors, lui donna la permission de des- leur haine décidaitdu bonheur ou du malheur
cendre du poirier enchanté; d'un bond elle des familles.
disparut par-dessus les montagnes. A la naissance de leurs enfants les Bre-
Le Sauveur n'a jusqu'à présent donné à la tons avaient grand soin de dresser, dans une
Mort aucun ordre nouveau, et il n'est pas chambre écartée une table abondamment
encorc.arrivé au vieux mendiant de l'appeler servie, avec trois couverts, afin d'engager
trois fois de suite; voilà pourquoi Misère est les mères, ou fées, à leur être favorables, A
toujours stlr la terre. les honorer de leur visite, et à douer le nou-
FECHNER (Jean), auteur d'un traité latin veau-néde quelques qualités heureuses. lls
sur la pneumatique, ou doctrine des esprits avaient pour ces êtres mystérieux le même
selon les plus cé:èbres philosophes de son respect que les premiers Romains pour les
temps. Breslau, in-12, J698. carmenles, déesses lulélaires des enfants, quii
FÉCONDITÉ. De graves écrivains affir- présidaient à leur naissance, chantaient leur
ment que le vent produit des poulains et des horoscope et recevaient des parents un culte.
perdrix. Varron dit qu'en certaines saisons On trouve des fées chez tous les anciens
le vent rend fécondes les juments et les puules peuples du Nord, et c'était une opinion par-
de Lusitanie. Virgile, Pline, Columelle, ont tout adoptée que la grêle et les tempêtes ne
adopté ce conte; et'le mettent au nombre des gâtaient pas les fruits dans les lieux qu'elles
faits constamment vrais, quoiqu'on n'en habitaient. Elles venaient le soir, au clair de
puisse dire la raison. la lune, danser dans les prairies écartées.
On a soutenu autrefois beaucoup d'imper- Elles se transportaient aussi vite que la pen-
tinences de ce genre, qui aujourd'hui sont sée partout où elles souhaitaient, à cheval
reconnues des erreurs. On a publiéun arrêt sur un griffon, ou sur un chat d'Espagne, pu
donné en 1537 par le parlement de Grenoble, sur un nuage.
qui aurait reconnu la fécondité d'une femme On assurait même que, par un autre ca-
produite par la seule puissance de l'imagi- price de leur destin, les fées étaient aveugles
nation. Cet arrêt supposé n'est qu'une assez chez elles, et avaient cent yeux dehors.
mauvaise plaisanterie. Frey remarque qu'il y avait entre les fées,
FÉCOR. Voy. ANARAZEL. comme parmi les hommes, inégalité de moyens
FÉES. Si les histoires des génies sont an- et de puissance. Dans les romans de cheva-
ciennes dans l'Orient, la Bretagne a peul-élre lerie et dans les contes, on voit souvent une
le droit de réclamer les fées et les ogres. Nos bonne fée vaincue par une méchante, qui a
fées ou fades (fatidicœ) sont assurément les plus do pouvoir.
druidesses de nos pères. Chez les Bretons, de Les cabalisles ont aussi 'adopté l'existence
temps immémorial, et dans tout le reste des des fées, mais ils prétendent qu'elles sont des
Gaules pendant la première race des rois sylphides, ou esprits de l'air,. On vit sous
francs, on croyait généralement que les drui- Cliarleniagne et sous Louis-le-Débonnairo,
desses pénétraient les secrets de la nature, une multitude de ces esprits,- que les légen-
et disparaissaient du monde visible. Elles daires appelèrent des démons, les cabalisles
ressemblaient en puissance aux magiciennes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées.
des Orientaux. Ou en a fait des fées. Ou di- Corneille de Kempen assure que, du temps
sait qu'elles habitaient au fond des puits, au de Lothaire, il y avait en Frise quantité de
bord des torrents, dans des cavernes som- fées qui séjournaient dans les grottes, au-
bres. tour des montagnes, et qui ne sortaient qu'au
Elles avaient le pouvoir de donner aux clair de la lune. Olaûs Magnus dit qu'on en
hommes des formes d'animaux, et faisaient voyait beaucoup en Suède de son temps.
quelquefois dans -les forêls les mêmes fonc- « « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des
tions que les nymphes du paganisme. antres obscurs, dans le plus profond des fo
Elles avaient une reine qui Ics convoquait rêls; elles se montrent quelquefois, parlent
tous les ans en assemblée générale; pour pu- à ceux qui les consultent, et s'évanouissent
nir celles qui avaient abusé de leur puis- siibilcmcul. »
sance et récompenser celles qui avaient fait On voit, dans Froissard. qu'il y avait éga-
!du bien. lement une multitude de fées dans l'île de
C05 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 604
Céphalonie; qu'elles protégeaient le pays Le comte d'Angeweiller, marié avec la
contre tout méchef, et qu'elles s'entretenaient comtesse de Kinspein, allait habituellement
familièrement avec les femmes de l'île. à la chasse. Quand il revenait tard ou qu'il
Les femmes blanches de l'Allemagne sontt voulait partir de grand matin sans réveiller
encore des fées mais celles-là étaient pres- sa femme, il couchait dans une petite cham-
que toujours dangereuses. bre, au-dessus de la porte d'entrée de son
Leloyerconte que les Ecossais avaient des château. On avait mis là pour lui une cou-
fées, ou fairs ou fairfolks, qui venaient (a chette de bois bien travaillée selon le
nuit dans les prairies. Ces fées
paraissent temps.
être les striges, ou magiciennes, dont parle Or un lundi en montant à sa chambre,
Ausone. Hector de Boëce, dans ses Annales sur le portait, il y trouva une fée endormie.
d'Ecosse, dit que trois de ces fées prophéti- Il ne la troubla point; et durant quinze ans
sèrent à Banque, chef des Stuarts, la gran- elle revint lit tous les lundis, jusqu'à un cer-
deur future de sa maison. dans tain jour que la comtesse, étant entrée dans
Shakspeare,
son Macbeth, en a fait trois sorcières. cette chambre
Il reste beaucoup de monuments de la fée et le y vit le couvre-chef de la
dérangea. La fée se voyant décou-
croyance aux fées telles sont les grottes du verte, dit au comte qu'elle ne reviendrait
Chablais, qu'on appelle les grottes des fées. p!us, et lui donna un gobelet, une cuiller et
On n'y aborde qu'avec peine. Chacune des une bague, lui' recommandant de partager
trois grottes a, dans le fond, un bassin dont ces trois dons à trois filles qu'il avait.
l'eau passe pour avoir des vertus miracu- Ces gages, dit-elle
leuses. L'eau qui distille dans la grotte porteront le bon-
supé- heur dans les maisons où ils entreront tant
rieure; à travers le rocher, a formé, dans la qu'on les y gardera; et tout malheur arri-
voûte, la figuro d'une poule qui couve ses vera à qui dérobera un de ces objets pré-
poussins. A côté du bassin, on voit un rouet, cieux.
ou tour à filer, avec la « Les
quenouille. Après ces mots, la fée s'en alla, et le comte
femmes des environs, dit un écrivain du der- ne la revit jamais plus. Il ma-
nier siècle, prétendent d'Angeweiller
avoir vu autrefois, ria ses trois filles avec trois seigneurs des
dans l'enfoncement, une femme pétrifiée au- maisons de Croy de Salm et de Bassom-
dessus du rouet. Aussi on n'osait guère ap- pierre, et leur donna à chacune une terre
procher de ces grottes; mais depuis que'la et un gage de la fée. Croy eut le gobelet et la
figure de la femme a disparu, on est devenu terre d'Angeweiller Salm eut la bague et la
moins timide. » terre de Feneslrange et Bassompierre eut
Auprès de Ganges, en Languedoc, on mon- la cuiller avec la terre d'Answeiller. Trois
tre une autre grotte des fées, ou
grotte des abbayes étaient dépositaires de ces gages
demoiselle.* dont on fait des contes merveil- quand les enfants étaient mineurs; Nivelles
leux. On voit à Merlingen en Suisse, une pour Croy, Remenecour pour Salm, Epinal
citerne noire qu'on appelle le puits de la pour Bassompierre; et en effet ces trois mai-
Non loin de fée.
Boid-Saint-Georges, à deux lieues sons prospérèrent longtemps.
de Chambon, on respecte encore les débris Quant à l'autre prédiction de la fée, rela-
<i'un vieux puits qu'on appelle aussi le tivement au vol de ces objets, on en recon-
des fées, ou fades', et sept bassins puits
-qu'on a nut la vérité dans la maison de M. de Pange,
nommés les crettx des fjdes. On voit près de seigneur lorrain, qui déroba au prince de
là, sur la roche deBeaune, deux empreintes Salm la bague qu'il avait au doigt, un jour
de pied humain l'une est celle du pied de qu'il le trouva assoupi pour avoir trop bu.
saint Martial, l'autre appartient, suivant la Ce M. de Pange avait quarante mille écus
tradition, à la reine des fées, qui, dans un de revenu il avait de belles terres il était
moment de fureur, frappa si fortement le ro- surintendant des finances du duc de Lor-
cher de son pied droit, qu'elle en laissa la raine. Cependant à son retour d'Espagne
marque. On ajoute que, mécontente des ha- où il ne réussit à rien, quoiqu'il y eût fait
hitants du canton, elle tarit les sources mi- pendant longtemps bien de la dépense (il
néralesqui remplissaient les creux des fées, était ambassadeur chargé d'obtenir une fille
et les fit coulcr à Evaux, où ellessont encore. du roi Philippe II pour son maître), il trouva
On voyait, près de Domremy, l'arbre des tout son bien dissipé; il mourut de regret
Fées Jeanne d'Arc fut même accusée d'a- et ses trois filles qu'il avait mariées furent
voir eu des relations avec les fées qui ve- abandonnées d« leurs maris.
naient danser sous cet arbre. On ne saurait dire de quelle matière sont
On remarque dans la petite île de Concou- ces dons de la fée. Ils sont grossiers. On ra-
rie, à une lieue de Saintes une haute butte conte que Diane de Dampmartin, marquise
de terre, qu'on appelle. le Mont des Fées. d'Havre, de la maison de Croy, ayant laissé
La Bretagne est pleine de vestiges sembla- tomber le gobelet en le montrant, il se cassa
bles; plusieurs fontaines y sont encore con- en plusieurs pièces. Elle les ramassa, les 1
sacrées à des fées lesquelles métamorpho- remit dans l'étui en disant
sent en or, en diamant, la main des indis- Si je ne puis l'avoir.entier, je l'aurai au
crets qui souillent l'eau de leurs sources. moins par morceaux et le lendemain, en
Tallemant des Réaux rapporte cette mer- ouvrant l'étui elle trouva le gobelet aussi
veilleuse histoire de fée qui se rattache à entier que devant. Voilà, ajoute Talle-
l'origine des maisons de Croy, de Salra et de manl, une belle petite fable.
Bassompierre On lit, dans la légende de saint Armen-
€05 FEE FEE eoc

taire, écrite en l'an 1300, quelques détails sorte qu'il Souhaitait à tout le monde et ses
sur la fée Esterelle, qui vivait' auprès d'une vœux prospéraient si rarement que pres-
fontaine où les Provençaux lui apportaient que toujours on se moquait de lui.
des offrandes. Elle donnait des breuvages Or, un jour qu'il passait à Beauraing il
enchantés aux femmes. Le monastère de s'arrêta devant deux jolies maisonnettes bâ-
Notre-Dame de l'Esterel était bâti sur le lieu ties sur une hauteur, au sud de celle petite
qu'avait habité cette fée. ville. Les deux maisonnettes étaient habitées
Mélusine était encore une fée; il y avait par trois bonnes commères., toutes trois
dans son destin cettè particularité, qu'elle veuves, 'el dont les deux moins charitables
était obligée tous les samedis de prendre la demeuraient ensemble. La nuit venue il
forme d'un serpent dans la partie inférieure heurta à la porte où logeaient ces deux
de son corps. · femmes, qui étaient la commère Yolande et
La fée qui épousa le seigneur d'Argouges, la commère Babet. Ce fut la commère Babet
au commencement du quinzième siècle, l'a- qui vint le vieux Biron la pria de lui don-
vait, dit-on, averti de ne jamais parler de la ner à coucher pour la nuit. Elle qui était
mort devant elle mais un jour qu'elle s'é- avare, s'excusa sur sa commère, disant
lit fait longtemps attendre son mari,' im- qu'elle était chiche et grondeuse, et lui con-
patienté, lui dit 'qu'elle serait bonne à aller seillaut d'aller demander l'hospitalité à la
chercher la mort. Aussitôt la fée disparut en voisine Symphorianc. Le bonhomme y alla,
laissant les traces de ses mains sur les murs, fut reçu honnêtement et bien traité par Sym-
contre lesquels elle frappa plusieurs fois de phoriane, qui pourtant n'était pas riche non
dépit. C'est depuis ce temps que la noble mai- plus.
sou d'Argouges porte dans ses armes trois Après avoir passé la nuit dans un bon lit:
mains posées en pal et une fée pour ci- Ma bonne dame, dit-il le lendemain ma-
micr. tin, je vous remercie du bien que vous m'a-
L'époux de Mélusine la vit également dis- vez fait excusez-moi si vous n'en avez pas
paraître pour n'avoir pu vaincre la curiosité meilleur paiement.
de la regarder à travers la porte dans sa mé- -Je vous ai reçu, dit-elle, pour l'amour
tamorphose du samedi. de Dieu et quand vous n'aurez pas d'autre
La reine des fées est Tilania épouse du asile, vous serez encore le bien venu.
roi Obéron qui a inspiré à Wieland un Aussi reprit le vieillard, je vous fais
l»oërne célèbre en Allemagne. Voyez ërcej: de bon cœur un souhait, que la première
»;>«NE. chose que vous ferez aujourd'hui soit si
bonne que vous ne puissiez de tout le jour
Les trois commères de Beauraing tradition »
du temps des- fées. faire autre chose.
Ayant parlé de la sorte, il partit; et la
Tout passe et comme dit Blaise Pascal, commère Symphoriane, ne donnant guère
c'est une mort continuelle' que ce change- d'attention au souhait de son hôte, prit un
ment de tous les instants, qui fait que les peu de linge qu'elle avait blanchi la veille
jours se suivent sans jamais se ressembler. et se mit à le plier; mais tant plia, tant plia,
Les rois abso'us sont déjà loin les hochets que plus elle pliait, plus il y avait à plier
de nos pères sont remplacés par d'autres et plia tellement jusqu'au soir, qu'il y avait
jouefs; les sorciers font place aux charla- autour d'elle de grands monceaux, de linge
tans; les magiciens sont remplacés par les lesquels emplissaient sa maison.
magnétiseurs les fées mêmes, dont le pou- Sa servante alla conter ce prodige aux
voir en général l'ut si. gracieux', ne se mon- voisines. Les deux commères chiches accou-
trent plus depuis plusieurs siècles. Il parait rurent et furent bien affligées de voir la
que, dès le douzième, elles étaient déjà en grande fortune qui leur avait échappé et qui
commencement de décadence. était survenue à Symphorianc. La commère
Pendant que le pays de Namur obéissait à Yolande en fit reproche assez aigrement à la
Henri l'aveugle et à sa noble épouse, Lau- commère Babet, comme elles s'en retour-
retle d'Alsace on vit s'éteindre en cette pro- naient en leur maison.
vince la race des fées, dont la dernière, très mais
J'ai cru bien faire dit l'autre
avancée en âge, laissait un fils, seul reste Biron qui revient de ce côté. Vous pou-
de cette mystérieuse mais âgé voici
famille vez tout réparer, ma commère allez au-de-
de quatre-vingts ans, tout cassé et presque vant de lui.
sans puissance car les fées, lorsqu'elles se
mariaient, léguaient leurs baguettes à leurs La commère Yolande ne se le fil pas dire
filles et n'accordaient aux garçons que peu deux fois. Elle courut à la rencontré de,
de chose. Biron. Ah 1 mon père, lui dit-elle, que je
Le fils de la fée du pays de Namur était suis aise- de vous rencontrer. Ma commère
donc un vieux bonhomme qui s'appelaifBi- Babet ne me connaît .guère. Quand elle
ron. C'est un nom comme un autre. Il n'a- m'eut dit hier qu'elle ne vous avait pas hé-
et vivait de charités bergé, je pensai en mourir de peine. Je vous
vait pas d'argent qu'il
accrochait à droite et à gauche, et qu'il prie de ne point prendre en mauvaise part
payait comme il pouvait, en faisant des sou- ce qu'elle a fait, et de nous accorder la
haits, lesquels ne s'accomplissaient jamais faveur de venir ce soir loger chez nous.
qu'à l'égard des veuves de bonne, vie; mais Le bonhomme s'y rendit avec joie fut
lui-même ignorait cette particularité, de comblé de soins et d'égards, et mis dans un
607 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. «m
bon lit, apres un souper aussi recherché que core des profits lors même qu'elle est faite
purent le faire les deux veuves. par intérêt ou à contre-cœur.
Le lendemain matin il Gt la même petite FELGENHAVER (Paul) .visionnaire alle-
excuse qu'il avait exposée à Symphoriane, mand du seizième siècle. Il se vantait d'avoir
disant qu'il était marri de ne pouvoir payer reçu de Dieu la connaissance du présent, du
l'hospitalité des deux commères. passé et de l'avenir; il prêchait un esprit
Eh mon bon ami, dit' Babet, nous ne astral, soumis aux régénérés (ses disciples),
l'avons pas fait par intérêt. lequel esprit astral soumis aux régénérés 1
Nous l'avons fait pour l'amour de Dieu, est celui qui a donné, disait-il, aux prophè-
ajouta Yolande. tes et aux apôtres le ponvoir d'opérer des
Grand merci donc 1 répliqua le. vieil- prodiges et de chasser les démons. Ayant été
lard et je souhaite bien sincèrement que la mis en prison à cause de quelque' scandale
première besogne que vous ferez ce matin, qu'il avait causé il- composa un livre où il
se continue tant que vous ne fassiez autre prouvait la divinité de sa mission par ses
chose de tout le jour. souffrances. Il y raconte une révélation dont
Les deux commères entendirent ce vœu le Seigneur, à ce qu'il disait, l'avait favorisé.
avec joie, et désirèrent que le souhaiteur fût Ses principaux ouvrages sont:
déjà loin, pour se mettre à l'ouvrage. 1° Chronologie oit efficacité des années du
Aussitôt qu'il fut parti, elles dirent à leur monde, sans désignation du lieu d'impres-
servante sion, 1620, in-4°. Il prétend y démontrer que
Allons, Bribrine, va prendre notre linge le monde est de 2^5 ans plus vieux qu'on ne
et l'apporte, que nous le puissions plier. En le croit; que Jésus-Christ est né l'an 4235 de
pliant à deux jusqu'au soir, nous en aurons la création; et il trouve de grands mystères
le double'de la voisine Symphoriane. dans ce nombre, parce que le double septe-
l'undiint que Bribrine allait au grenier cher- naire y est contenu (1). Or, le monde ne
cher le'peu de linge des commères., Yolande pouvant pas subsister plus de six mille ans,
dit Afin que nous puissions, sans en être il n'avait plus, en 1620, à compter que sur
aucunement détournées, plier tout le jour, une durée de 145 ans. Le jugement dernier
je vais tirer de la bière et faire des tartines. était très-proche, et Dieu lui en avait révélé
Et moi, dit Babet, je me sens comme un l'époque, qui était 1765.
petit besoin. Je ne yeux [tas être dérangée. 2° Miroir des temps, dans lequel, indépen-
Les deux commères sortirent donc, très- damment des admonitions adressées à tout le
affairées. monde, on expose aux yeux ce qui a été et ce
Bribrine cependant avait apporté le linge qui est parmi toits les Etats écrit par la
dans son tablier; mais elle attendit vaine- grdce de Dieu et par l'inspiration dit Saint-
ment la commère Babet et la commère Yo- Esprit. 1620, \k\
lande, ses deux ïnaîiresses, qui étaient, com- 3° Postillon ou Nouveau calendrier et,pro-
me il fut prouvé là, deux veuves de bonne griosticon astroloyico-propheticum présenté
vie, malgré leur avarice; car le souhait que à tout l'univers et à toutes les créatures, 1656,
le bonhomme avait souhaité s'accomplit sur in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résu-
elles. Mais la joyeuse Yolande ayant com- mé, nous paraît avoir été un rival de Mat-
mencé par boire un coup dè sa bière pour se. thieu Laensberg.
-conforter, ne fit que boire jusqu'à la nuit, et FEMMES. II y eut une doctrine adoptée
vida le tonneau qui était plein; tandis que la
par quelques hérétiques que les femmes
prévoyante Babet s'étant accroupie en son étaient des brutes, mulieres non esse homines.
jardiu pour une de ces détestables petites né- Un concile de Mâcon foudroya cette extrava-
cessités qui sont pourtant infirmité commune
et obligation universelle de nature, elle ne gance.
Nous ne rapporterons pas ici toutes les
se put relever qu'au coucher du soleil, res- mille et une erreurs qu'on a débitées contre
tituant en quelque sorte, par un très-singu- les femmes. Delaucre et Bodin assurent qu'el-
lier phénomène, tout ce que buvait sa com- les sont bien plus aptes que les hommes à la
mère Yolande et au delà.
Cette merveilleuse aventure, dont nous ne sorcellerie, et que c'est une terrible chose
vous présentons les dernier détails qu'avec qu'une femme qui s'entend avec le diable.
D'anciens philosophes disent aussi que la
un humble embarras, produisit un petit ruis-
seau qui a conservé sa source à Beauraing, présence des femmes en certains jours fait
tourner le lait, ternit les miroirs dessèche
et qui coule toujours dans le pays, s'appelant les campagnes
le Biron, à cause du bonhomme-fée à qui on engendre des serpents et
rend les chiens enragés. Les philosophes sontt
le doit. bien niais.
Bel exemple et clair miroir, qui vous FEMMES BLANCHES. Quelques-uns don-
prouve que l'hospitalité, si bien récompensée nent le nom de femmes blanches aux sylphi-
quand elle-est cordiale, amène pourtant en-
des, aux nymphes et à des fées qui se mon-
(1) C'estde la cabale commeen faitl'almanachprophé- traient en Allemagne D'autres entendent par
tique si célèbre de M. Eug. Baivste 4,235 se composent
de 4 chiffresqu'on additionne 4 Mais4,156donnentle même résultat, aussibien qu'une
2 foulpd'autrescoiubiiiaisonsdeqiiatpecliitfres, par exemple,
3 ,5,245, 2,453, etc., à inoins qu'on ne veuille prendre le
5 premier el le troisièmecliiflVequi foui7, commelesecond
avecle quatrième; ce qui ne fait que dimiuuerle nombra
14oudeuxfois 7. des combinaisons.
600 FEM FER 610
m. 0- A n__u _n__ r.
là certains fantômes qui causent plus de peur inconvenants tant contre Dieu que contre
que do mal.. son service elle se montre bonne envers les.
Il y a une sorte de spectres peu dangereux, pauvres, et se tourmente fort quand on ne les
dit Delrio, qui apparaissent en femmes tou- aide p.as à sa fantaisie.- Elle en donna des
tes blanches, dans les bois et les prairies; marques lorsqu'après que les Suédois curent
quelquefois même on les voit-dans les écu- pris le château, ils oublièrent de donner aux
ries, tenant des chandelles' de cire allumées,- pauvres le repas de bouillie qu'elle a institué
dont elles laissent tomber des gouttes sur le de son vivant. Elle fit un si grand charivari,
toupet et le crin des chevaux, qu'elles pei- que les soldats qui y faisaient la garde ne
gnent et qu'elles tressent ensuite fort propre- savaient où se cacher. Les généraux mêmes
ment; ces femmes blanches, ajouie le même ne furent pas exempts de ses importuuiiés
auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. jusqu'à ce qu'enfin un d'eux rappelât aux
En Bretagne, dos femmes blanches, qu'on autres qu'il fallait faire de la bouillie et la
appellelavandières ou chanteuses de nuit, la- distribuer aux pauvres ce qui ayant été ac-
vent leur linge en chantant au clair. de la compli, tout fut tranquille. » Voy. FÉES.
lune, dans les fontaines écartées; elles ré- FER CHAUD (Epreuve DU). Celui qui vou-
clament l'aide des passants .pour tordre leur lait se justifier (l'une accusation, ou prouver
linge, et rassenl le bras à qui les aide de mau- la vérité d'un fait 'contesté, et que l'on con-
vaise grâce. damnait pour cela à l'épreuve du fer chaud,
Erasme parle d'une femme blanche célèbre était obligé de porter, à neuf ou douze pas,
en Allemagne, et dont voici le conte « La une barre de fer rouge pesant environ trois
chose qui est presque, ta plus remarquable livres. Cette épreuve se faisait aussi en met-
dans notre Allemagne dit-il est la femme tant la main dans un gantelet de fer sortant
blanche, qui se fait voir quand la mort est de la fournaise, ou en marchant sur du fer
prête à frapper à la porte de quelque prince, rougi. Voy. Emma.
et non-seulement en Allemagne., mais aussi Un mari de Didymotèque, soupçonnant la
eu Bohême, En effet, ce spectre s'est montré fidélité de sa femme,* lui proposa d'avouer
à la morlde la plupart des grands de Ncu- son crime ou de prouver son innocence par
haus et de Rosetnberg, et il se montre encore l'attouchement d'un ferchaud. Si.elleavouait,
aujourd'hui. Guillaume Slavata chancelier elle était morte si elle tentait l'épreuve, elle
de ce royaume déclare que cette femme ne, craignait d'être brûlée.' Elle eut recours à
peut être retirée du purgatoire tant que l'évêque de Didymotèque, prélat recomman-
.le château de Neuhaus sera debout. Elle y dable elle lui avoua sa faute en pleurant et
apparaît, non-seulement quand quelqu'un promit de la réparer. L'évêque assuré de
doit mourir, mais aussi quand il se doit faire 'son, repentir, et sachant que le repentir vrai
un mariage, ou qu'il doit naître un enfant restitue l'innocence lui dit qu'elle pouvait
avec cette différence que quand elle apparaît sans crainte se soumettre à l'épreuve. Elle
avec des vêlements noirs, c'estsigne de mort; prit un fer rougi au feu fit trois fois le tour
el, au contraire, un témoignage de joie quand d'une chaise, t'ayant toujours à la main et
on la voit toul en blanc. Gerlanius témoigne le mari fut pleinement rassuré. Ce Irait eut
aussi avoir ouï dire au baron d'Ungenaden, lieu sous Jean Cantacuzène. v
ambassadeur de l'empereur à la Porte que Sur la côte du Malabar, l'épreuve du fer
cette femme blanche apparaît toujours en chaud était aussi en usage. On couvrait la
habit noir, lorsqu'elle prédit en Bohême la main du criminel d'une feuille de bananier,
mort de quelqu'un de la- famille de llosern- et l'on y appliquait un fer rouge; après quoi
berg. Le seigneur Guillaume de llasemberg le surintendant des blanchisseurs du roi en-
s'étant allié aux quatre maisons souveraines veloppait la main del'accuséaveeuneservielte
de Brunswick, de Brandebourg de Bade et trempée dans de l'eau de riz; il la liait avec
de Pernstein, l'une après l'autre, et ayant fait des cordons puis le roi appliquait lui-même
pour cela de grands frais, surtout aux noces son cachet sur le nœud. Trois jours après on
de la princesse de Brandebourg la femme déliait la main, et on déclarait le prévenu in-
blanche s'est rendue familière à ces quatre nocent, s'il ne restait aucune marqué de brû-
maisons et à quelques autres qui lui sont lure mais s'il en était autrement il était
alliées. v envoyé au supplice.
• «A l'égard de ses manières d'agir, elle passe Au reste, l'épreuve du fer chaud est fort
quelquefois très-vite de chambre en cham- ancienne car il en est question dans l'Elec-
bre, ayant à sa ceinture un grand trousseau' Ire de Sophocle.
de ciels, dont elle ouvre et ferme les portes FERDINAND IV (dit 1" Ajourné) roi de
aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive Castilie et de Léon, né en 1285. Ayant con-
qu equelqu'un la salue, pourvu qu'où la laisse damné à mort deux frères que l'on accusait
faire, elle prend un ton de voix de femme d'avoir assassiné un seigneur castillan au
veuve, une gravité de personne noble et, sortir du palais, il voulut que la sentence fût
après avoir fait une honnête révérence de la exécutée, quoique les accusés protestassent
tête, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de de leur innocence, et quoiqu'il n'y eût au-
mauvatises paroles à personne au contraire, cune preuve solide contre eux. Alors, disent
elle regarde tout le monde avec modestie et les historiens de ce temps les deux frères
avec pudeur. Il est vrai que souvent elle s'est ajournèrent Ferdinand à comparaître dans
fâchée, et que même elle a jeté des pierres à trente jours au tribunal du juge des rois et,
ceux à qui elle a entendu tenir des discours précisément trente jours après, le roi s'étant
cili DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 612
retiré, après le'diner, pour dormir, fut trouvé différend dans un combat où les deux litur-
mort d.-ins son lit. Voy. AJOURNEMENT. gies seraient représenlée's par deux cham-
FERNAND (ANTOINE) jésuite espagnol, pions mais ensuite on jugea qu'il était plus
auteur d'un commentaire assez curieux sur convenable de jeter au feu les deux liturgies
les visions et révélations de l'Ancien Testa- et de retenir celle que le feu ne consumerait
ment, publié en 1617 (1). pas ce prodige fut opéré, dit-on, en faveur
FERRAGDS géant dont parle la chroni- de la liturgie mozarabique (2). Voy. Fur
que de l'archevêque Turpin. 11 avait douze CHAUD.
pieds de haut, et la peau si dure, qu'aucune FEU DE LA SAINT-JEAN. En 1634, à
tance ou épée ne la pouvait percer. Il fut Quimper, en Bretagne, les habitants met-
vaincu par l'un des preux de Charlemagne. taient encore des sièges auprès des feux de
FERMER (Acger), médecin et astrologue, joie de la Saint-Jean, pour que leurs' parents
auteur d'un livre peu connu, intitulé Juge- morts pussent en jouir à leur aise.
ments d'astronomie sur les nativités, ou ho- On réserve, en Bretagne, un tison du feu
roscopes, in-16, qu'il dédia à la reine Cathe- de la Saint-Jean pour se préserver du ton-
rine de Médicis. Auger Ferrier a laissé nèrre. Les jeunes filles, pour être sûres de se
cncoro un petit traité latin, De somniis im- marier dans l'année, sont obligées de danser
primé à Lyon en 1549," avec le traité d'Hip- autour de neuf feux de joie dans cette
pocrate sur les insomnies. même nuit ce qui n'est pas difficile, car ces
FÉTICHES, divinités des nègres de Guinée. feux, sont tellement multipliés dans la cam-
Ces divinités varient ce sont des animaux pagne, qu'elle parait illuminée.
desséchés, des branches d'arbres, des arbres On conserve ailleurs la même opinion
mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. qu'il faut garder des tisons du feude la Saint-
Ils en ont de petits qu'ils portent au cou ou Jean comme d'excellents préservatifs qui, de
au bras, tels que des coquillàges. Ils hono- plus, portent bonheur.
rent un arbre qu'ils appellent l'arbre des fé- A Paris, autrefois on jetait deux douzai-
tiches ils placent au pied une table couverte nes de petits chats (emblèmes du diable sans
de vins de palmier, de riz et de millet.– Cet doute) dans le feu de la Saint-Jean (3),
arbre est un oracle que l'on consulte dans parce qu'on était persuadé que les sorciers
les occasions importantes il ne manque ja- faisaient leur grand sabbat cette nuit-là.
mais de faire connaître sa réponse par l'or- On disait aussi que la nuit de la Saint-
gane d'un chien noir, qui est le diable, selon Jean était la plus propre aux maléfices, et
nos détnonographes. Un énorme rocher qu'il fallait recueillir alors le trèfle à quatre
nommé Tabra, qui s'avance dans la mer en feuilles, et toutes les autres herbes dont on
forme de presqu'île, est le grand fétiche du avait besoin pour les sortiléges.
cap Corse. On lui rend des honneurs parti- FEU GREGEOIS.-Du terrible feu grégeois
culiers, comme au plus puissant des féti- et de la manière de le composer. « Ce feu est s)
ches. AuCongo, personne ne boit sans faire violent, qu'il brûle tout ce qu'il touche, sans
une oblation à son principal fétiche, qui est pouvoir être éteint, si ce n'est avec de l'u-
souvent une défense d'éléphant. rine, de fort vinaigre ou du sable. On le
FEU. Plusieurs nations ont adoré cet élé- compose avec du soufre vif, du tartre de-la
ment. En Perse, on faisait des enclos fermés sarcocole, de la picole, du sel commun re-
de murailles et sans toit, où l'on entretenait cuit, du pentréole et de l'huile commune
du feu. Les grands y jetaient des essences et on fait bien bouillir le tout., jusqu'à ce qu'un
des parfums. morceau de toile qu'on aura jeté dedans soit
Quand un roi de Perse était à l'agonie, on consumé on le remue avec une spatule de
éteignait le feu dans les villes principales du fer. Il ne fau! pas s'exposer à faire cette
royaume, pour ne le rallumer qu'au couron- composition dans une chambre, mais dans
nement de son successeur. une cour parce que si le feu prenait, on se-
Certains Tartares n'abordent jamais les rait très-embarrassé de l'éteindre. (4). »
étrangers qu'ils n'aient passé entre deux Ce n'est sans doute pas là le feu grégeois
feux pour se purifier ils ont bien soin do d'Archimède.
boire la face tournée vers.le midi, eo l'hon- FEU SA1NT-ELME ou FEU SAINT.GER-
neur du feu. MAIN, ou FEU SAINT-ANSELME. Le
Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu'il prince de Radzivill, dans son Voyage de Jé-
existe dans le feu un être qui dispense le bien rusalem, parle d'un feu qui parut plusieurs
et le mal ils lui offrent des sacrifices perpé- fois au haut du grand mât du vaisseau sur
tuels. lequel il était monté il le nommait feu
On sait que, selon les cabalistes, le feu est Saint-Germain, d'autres, feu Saint-Elme, et
l'élément dès Salamandres. Voy. ce mot. feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce
Parmi les épreuves superstitieuses qu'on prodige à Castor et Pollux, parce que quel-
appelait jugements de Dieu, l'épreuve du feu quefois il paraît double. Les physiciens di-
ne doit, pas être oubliée. Lorsqu'il fallut dé- sent que ce n'est qu'une exhalaison enflam-
cider en Espagne si l'on y conserverait la li- mée. Mais les anciens croyaient y voir quel-
turgie mozarabique, ou si l'on suivrait le rit que chose de surnaturel et de divin (5).
romain, on résolut d'abord de terminer le FEUX FOLLETS.– On appelle feuxfolicls,
(1) Antonii Fernandii etc. Commentarii in visiouc. (31Voyez l'arliclo Chat.
yeleris Tesiamenli. Lugd., 1617. (4) Admirables secrets du Petit Albcn, p. 88.
'C2U!ergier, Dict. ttieolog. (5) Dom Calinct, Dissertât, sur les apparitions, j>. 88.
3lS FKV FID 611
ou esprits follets, ces exhalaisons enflammées Il y avait en Egypte, aux bords du Nil,
que la terre, échauffée par les ardeurs de de petites pierres faites comme des fèves,
l'été, laisse échapper de son sein, principale- lesquelles mettaient en fuite les dénions.
ment dans les longues nuits de l'Avent et, N'étaient-ce pas des fèves pétrifiées ? Festus
comme ces tlammes roulent naturellement prétend que la fleur de la fève a quelque
vers les lieux.' bas et les marécages les chose de lugubre et que le fruit ressemble
paysaus, qui les prennent pour de malins exactement aux portes de l'enfer.
esprits, s'imaginent qu'ils conduisent au pré- Dans l'Incrédulité et rnécréance du sorti-
cipice le voyageur' égaré que leur éclat lége pleinement convaincue, page 263, Delan
éblouit, et qui prend pour guide leur trom- cre dilqu'en promenant une fève noire, avec
peuse lumière. les mains nettes, par une maison infestée, et
Olaûs Magnusdil que les voyageurs et les la jetant ensuite derrière le dos en faisant
bergers de son temps rencontraient des es- du bruit avec un pot de cuivré, et priact neuf
prits follets qui brûlaient tellement l'endroit fois les fantômes de fuir, on les force de vi-
où ils passaient, qu'on n'y voyait plus croî- der le terrain.
tre ni herbes ni verdure (1). Les jeunes filles de Venise pratiquaient,
Un jeune homme, revenant de Milan pen- avec des fèves noires, une divination qui
dant une nuit fort noire, fut surpris en che- n'est pas encore passée de mode. Quand- on
min par un orage bientôt il crut apercevoir veut savoir de plusieurs coeurs quel sera le
dans le lointain une lumière et entendre plu. plus fidèle, oh prend des fèves noires, on
sieurs voix à sa gauche peu après il distin- leur donne à chacune le nom d'un des jeunes
gua un char enflammé qui accourait à lui gens par qui on est recherchée on les jette
conduit par des bouviers dont les cris répé- ensuite sur le carreau la fève qui se fixe
tés laissaient entendre ces mots Prends en tombant annonce l'amant certain cel-
garde d toi 1 Le jeune homme épouvanté les qui s'écartent avec bruit sont des amants
pressa son cheval mais plus il courait, plus volages.
le char le serrait de pies. Enfin, après une FIARD, auteur des Lettres philosophiques
heure <le course, il arriva, en se recomman- sur la magie iu-8° de la France trompée
dant à Dieu de toutes ses forces, à la porte par les magiciens et démonoldtres du dix-hui-
d'une église où tout s'engloutit. Cette vision, tième siècle, in-8° de la Superstition ei dé-
ajoute Cardan, était le présage d'une grande monolâtrie des philosophes in-12, ouvrages
peste qui ne tarda pas à se faire sentir, ac- publiés il y a quarante ans.
compagnée de plusieurs autres fléaux. Rien de plus crédule, disent les critiques,
Cardan était enfant lorsqu'on lui raconta que ce bon abbé qui voit dans Cagliostro
cette histoire, de sorte qu'il peut aisément Mesmer, Saint-Germain, ces charlatans do
l'avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut vrais sorciers. Il met dans la même liste
la vision n'avait que vingt ans il était seul, Rob'M'tson, Olivier et tous les escamoteurs.
il avait éprouvé une grande frayeur. Quant II prétend aussi que Voltaire était un démon
à la peste qui suivit, elle était occasionnée, et qui sait ?
aussi bien que l'exhalaison par une année FICINO (Maksile), philosophe florentin,
de chaleurs extraordinaires. 'né en 1433. Un jour qu'il disputait avec Mi-
FEVES.Pythagore défendait à ses élèves chef Mcrcati, son disciple, sur l'immortalité
de manger des fèves, légume pour lequel il de l'âme, comme ils ne s'entendaient pas, ils
avait une vénération particulière, parcequ'el- convinrent que le premier qui partirait du
les servaient à ses opérations magiques et monde en viendrait donner des nouvelles à
qu'il savait bien qu'elles étaient animées. l'autre. Peu après ils se séparèrent.
On dit qu'il les faisait bouillir qu'il les Un soir que Michel Mercati bien éveillé
exposait ensuite quelques nuits à la lune, s'occupait de, ses études, il entendit le bruit
jusqu'à ce qu'elles vinssent à se convertir en d'il!) cheval qui venait en grande hâte à sa
sang, dont il se servait pour écrire sur un porte, et en même temps la voix de Marsilo
miroir convexe ce que bon lui semblait. Ficino qui lui criait Michel, rien n'est plus
Alors, opposant ces lettres à la face de la vrai q-ue ce qu'on dit de l'autre vie.
lune quand elle était pleine il faisait voir à Michel Mercaii ouvrit la fenêtre, et vit son
ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, maître Ficino monté sur un cheval blanc,
tout ce qu'il avait écrit sur son miroir. qui s'éloignait au galop.
Pythagore avait puisé ses idées sur les fè- 11 lui cria de s'arrêter mais Marsile Fi-
ves chez les Egyptiens, qui ne touchaient pas cino continua sa course jusqu'à ce qu'on no
àce légume, s'imaginant qu'elles servaient de le vît plus.
'refuge à certaines âmes, comme les oignons Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt
de ce peuple servaient de logement à cer- chez Ficino, et apprit qu'il venait d'expirer.
tains dieux. On conte qu'il aima mieux se Marsile Ficino a publié sur l'astrologie,
laisser tuer par ceux qui le poursuivaient sur l'alchimie, sur les apparitions et sur les
que de se sauver à travers un champ de fè- songes, divers ouvrages devenus rares.
ves. C'est du moins une légende borgne FIDELIÏE, On lit dans fes Admirables
très-répandue. secrets d'Albert le Grand, qu'en mettant un
Quoi qu'il en soit, on offrait chez les an- diamant sur la tête d'une femme qui dort, on
ciens des fèves noires auxdivinites infernales. connaît si elle est fidèle ou infidèle parce
que, si elle est infidèle, elle s'éveille en sur-
(t) DomCalniet.Dissertationsur les apparitions,p. 109. saut et de mauvaise humeur si, au cou-
61S DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 61G
tant du beurre frais, et on la. lui donne à
traire, elle es» fidèle, cllea un réveil gracieux.
Le Petit Albert dit qu'on peut être bien avaler. »
sûr de la fidélité d'une femme, quand on lui -Fiente de chèvre. « La fiente de chèvre a la
a fait manger la moelle de l'épine du dos d'unn vertu de faire suppurer toutes sortes de tu-
loup (1). meurs. Gatien guérissait fort souvent ces tu-
FIEN (Thomas ), anversois auteur d'un meurs et les duretés des genoux, mêlant cette
livre curieux sur les effets prodigieux de fiente avecde la farine d'orge et de t'oxycrat,
l'imagination, Veviribus imaginationis, Lon- et t'appliquant en forme de cataplasme sur la
dres, 1657. dureté; e:le est admirable pour les oreillons,
mêlée avec du beurre frais etde la lie d'huile
FIENTES.– Des vertus et propriétés de plu- de noix. Ce secret semblera ridicule mais
«
sieurs sortes de fientes. CommeJ'iioniine est
il est véritable, car on a guéri plus de vingt
ta plus noble créature, ses excréments ont
aussi une propriété particulière pour guérir personnes de la jaunisse, leur faisant boire
tous les matins, pendant huit jours, à jeun,
plusieurs maladies. Dioscoride et Galien en
font cas et assurent qu'ils enlèvent les maux cinq petites crottes de chèvre dans du vin
blanc. »
de gosier ou esquinancies.
a Voici la manière de les préparer. On don-
Le la fiente de brebis. « 11 ne faut jamais
/homme de bon prendre cette fiente par la bouche comme
nera, à manger à un jeune
trois celle des autres animaux, mais. l'appliquer
tempérament des lupins pendant jours extérieurement sur le mal elle a les mêmes
et du pain bien nuit, où il y aura du levain
on lui'fera boire du vin et propriétés que la fiente de chèvre. Elle guérit
et du sel clairet, toutes sortes de verrues, de furoncles durs
on gardera les excréments qu'il rendra après
et de clous, si on la détrempe avec du vinai-
trois jours de ce régime. On les mêlera avec et qu'on l'applique sur la douleur.»
autant de miel, et on les fera boire et ava- gre,
De la fiente des pigeons ramiers et des pi-
ler commedcl'opiat, ou bien, si le malade n'est
tel condiment, on les appli- geons domestiqués. « Pour les douleurs de
pas ragoûté d'un l'os ischion, la fiente des pigeons ramiers
quera comme un cataplasme le remède est
ou domestiques est admirable, étant mêlée
infaillible. » Nous ne dirons pas s'il est
avec de la graine de cresson d'eau et
agréable. lorsqu'on veut faire mûrir une tumeur ou
De la fiente de chien. « Si on enferme un une fluxion, on peut user d'un cataplasme
chien et qu'on ne lui donne pendant trois
sa dans lequel entre une once de cette fiente,
jours que des os à ronger, on ramassera deux drachmes de graine de moutarde et de
fiente, qui, séthée et réduite en. poudre, est une once d'huile distillée de vieilles
un admirable remède contre, la cresson',
dyssenterie. tuiles. Il est sûr que plusieurs personnes ont
« On prendra des cailloux de rivière qu'on
été guéries par cette n'ente, mêlée avec de
fera chauffer; ensuite on les jettera dans un l'huile de noyaux de pêches. »
vaisseau plein d'urine, dans lequel on met-
Galien dit. que la fiente d'oie est inutile, à
tra un peu de cette fiente de chien réduite en cause de son âcrelé: mais on est certain
poudre on en donnera à boire au malade
deux fois la journée, pendant trois jours, qu'elle guérit aussi,de la jaunisse, lorsqu'on
la détrempe dans du vin blanc et qu'on en
sans qu'il sache ce qu'on lui donne. Cette
boit pendant neuf jours. »
fiente est aussi un des meilleurs dessiccatifs
« Dioscoride dit que la fiente de poule ne
pour les vieux ulcères malins et invété- peut être efficace que pour guérir de la brû-
rés »
De la fiente de loup. « Comme on sait que lure, lorsqu'elle est mêlée avec de l'huile
rosat, mais Galien et Eginelte assurent que,
cet animal dévore souvent les os avec la avec de l'oxymel, celte fiente apaise la
chair de sa proie, on prendra les os que l'on jointe
suffocation et soulage ceuxqui ont mangé des
trouvera parmi sa fiente, parce que, pilés
bien menus, bus dans du vin, c'est un spé- champignons, car elle fiit vomir tout ce qui
embarrasse le cœur. Un médecin du temps
cifique contre la colique, » de Galien guérissait la colique avec cette
De la fiente de bifiif et de vache. « La fiente
de et fiente, détrempée d'hypocras, fait de miel et
de boeuf et vache, récente nouvelle, de vin.-»
enveloppée dans des feuilles de vigne ou de « La fiente de souris, mêlée avec du miel,
chou, et chauffée dans les cendres, guérit les
les La fait revenir le poil lorsqu'il est tombé,
inflammations causées par plaies. en frotte l'endroit avec cette
même fiente apaise la sciatique. Si on la mêle pourvu qu'on
mixtion. »
àvec du vinaigre elle a la propriété de « Pour conserver la beauté, voici un se-
faire suppurer les glandes scrofuteuses et
cret très-important au beau sexe c'est une
écrouelles.Galien dit qu'un médecin de My- manière de faire le fard. On prendra .de la
sie guérissait toutes sortes d'hydropisies en
fiente de petits lézards, du tartre de vin
mettant sur l'enflure de la fiente chaude de
vache. Cette fiente aussi appliquée sur la pi- hlanc, de la raclure de corne de cerf, du co-
rail blanc et de la farine de riz, autant de
qûre des mouches à miel, frelons et autres, l'un que de l'autre; on broiera le tout dans
en enlève aussitôt-la douleur. » un mortier, bien menu, on le fera tremper
Fiente de porc. « Cette fiente guérit les cra- ensuite dans de l'eau distillée d'une sembla-
chements de sang. On la fricasse avec au- ble quantité d'amandes, de limaces de vigne
tant de crachats de sang du malade, y ajou- ou de jardin, et de fleurs de bouillon blanc,
(1) Le Solidetrésor du Petit Albert, p. 24. après cela on y mêlera autant de miel blanc,
617 FIG FIN CiS
et l'on broiera encore le tout ensemble. Cette Cœsarius d'Heisferbach ajoute à ce signa-
composition doit être conservée dans un vase lement qu'en prenant la forme humaine, le
d'argent ou de verre, et l'on s'en servira diable n'a ni dos ni derrière, de sorte qu'il
pour se frotter le visage et les mains (1). » se garde de montrer ses talons ( Miracul
Voilà, convenez-en, une singulière phar- lib. 3).
macopée. 1 Les Européens représentent ordinai-
FIÈVRE. Quelques personnes croient en- rement le diable avec un teint noir et
core se guérir de la fièvre en buvant de l'eau brûlé; les nègres au contraire soutiennent
bénite la veille de Pâques ou la veille de la que le diable a la peau blanche. Un officier
Pentecôte. En Flandre, on croyait autrefois français se trouvant au dix-septième siècle
ceux sont nés un vendredi ont dans le royaume d'Ardra, en Afrique, alla
que qui reçu
de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre (2). faire une visite au chef des prêtres du pays.
Il aperçut dans la chambre du pontife une
FIGURES DU DIABLE. Le diable change blanche, et demanda ce qu'elle
souvent de formes, selon le témoignage de grande poupéeOn lui
représentait. répondit que c'était le
quantité de sorcières. Marie d'Aguère con- diable.
fessa qu'il sortait en forme de bouc d'une Vous vous trompez dit bonnement le
cruche placée au milieu du sabbat. Fran- Français, le diable est noir.
çoise Sècrétain déclara qu'il avait la formé C'est vous qui êtes dans l'erreur,répli-
d'un grand cadavre. D'autres sorcières ont le vieux prêtre; vous ue pouvez pas sa-
qua
dit qu'il se faisait voir sous les traits d'un voir aussi bien que moi quelle est la couleur
tronc d'arbre, sans bras et sans pieds, assis du diable je le vois tous les jours, el je vous
dans une chaire, ayant-cependant quelque assure qu'il est blanc comme vous (5). Voy.
forme de visage humain. Mais plus généra-
Sabbat, Démons, etc.
lement c'est un bouc ayant deux cornes par
devant et deux par derrière. Lorsqu'il n'a FIL DE LA VIERGE. Les bonnes gens
cornes, on voit une espèce de lu- croient que ces Qocon$ blancs cotonneux,
que trois
mière dans celle du milieu, laquelle sert à qui nagent dans l'atmosphère et descendent
du ciel, sont des présents que la Sainte
allumer les bougies du sabbat. Il a aussi une
manière de bonnet ou chapeau au-dessus des Vierge nous fait, et que c'est de sa quenouille
cornes. céleste qu'elle les détache. Ils annoncent le
On a prétendu que le diable se présente beau temps.
souvent sous l'accoutrement d'un homme Le physicien Lamarck prétend que ce ne
qui ne veut pas se laisser voir clairement, et insectes
sont pas des toiles -d'araignées ni d'autres
a le comme du feu D'au- fileurs, mais des filaments atmo-
qui visage rouge (3).
tres disent qu'il a deux visages à la tête, sphériques qui se remarquent dans les jours
comme Janus. qui n'ont pas offert de brouillard. Selon le
Delancre rapporte que dans les procédures résultat des observations de ce savant, les
en fils de la Vierge ne sont qu'un résidu des
de la Tournelle, on l'a représenté. grand brouillards dissipés, et en quelque sorte ré-
levrier noir, et parfois comme un bœuf d'ai- duits et condensés par l'action des'rayons
rain couché à terre. 11 prend encore la forme
d'un dragon. solaires, « de sorte qu'il ne nous faudrait
Quelquefois c'est un gueux qui porte les qu'une certaine suite de beaux soleils et de
dit D'autres fois brouillards secs pour approvisionner nos
livrées de la misère, Leloyer. et nous fournir un coton
manufactures tout
il abuse de la figure des prophètes; et, du
il prit celle de Moïse filé, beaucoup plus beau que celui que nous
temps de Théodose tirons du Levant (6). »
pour noyer les Juifs de Candie, qui comp-
taient, selon ses promesses, traverser la mer FIN DU MONDE. Hérodote a prédit que
à pied sec (4). le monde durerait 10,800 ans; Dion, qu'il
Le commentateur de Thomas Valsingham durerait 13,984 ans; Orphée 120,000; Cas-
rapporte que le diable sortit du corps d'un sander, 1,800,000. Il serait peut-être mieux
diacre schismatique sous la figure d'un âne, de croire à ces gens-là-, dont les prédictions
et qu'un ivrogne du comté de Warwick fut ne sont pas encore démenties, qu'à une foule
longtemps poursuivi par un esprit malin dé- de prophètes maintenant réputés sols dans
les annales astrologiques. Tel fut Arustar-
guisé on grenouille. Leloyer cite quelque
la débâcle générale du
part un démon qui se montra à Laon sous que, qui prédisait
la figure d'une mouche ordinaire. genre humain en l'an du monde 348k Daré-
Ces figures diverses que prennent les dé- tès en l'an 5552; Arnauld de Villeneuve, eu
mons, pour se faire voir aux hommes, sont l'an de Notre-Seigneur 1395.; Jean Hilten,
à l'infini. Quand ils apparaissent allemand, en 1651. L'Anglais Wistons, ex-
multipliées
avec un corps d'homme, on tes reconnait à plicateur de l'Apocalypse, qu'il voulait éclair-
leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs cir par la géométrie et l'algèbre, avait con-
et à leurs cornes, qu'ils peuvent bien clu après bien des supputations, que le juge.
griffes
cacher en partie mais qu'ils ne déposent ment dernier aurait lieu en 1715, ou au plus
entièrement. tard en 1716. On nous a donné depuis bien
jamais
(1) Secretsd'Albertle Grand,p. 167. (4) Socrate,Hist. eccl., liv.VII, ch. xxvm.
(2) Delaucrc Incrédulité cl mécréance du sorlilége 5) Anecdotesafricainesde la côtedes Esclaves,p. 57
pleinementconvaincue,p. 137. (6) M.'Salgues. Des Erreurs et des préjugés, l. IIÏ,
(5) Delancre,Tableaude l'inconstancedcsdémons,etc., p. 18*. r.f.. .0
liv.II u. 70.
Dictionnaire DES SCIENCES occultes. I. $&
6i9 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 620
d'autres frayeurs. Le 18 juillet 1816 devait
tf FLAMBEAUX. Trois flambeaux allumés
être le dernier jour. M. de Krudener l'avait dans la même chambre sont un présage de
remis à 1819, M. de Libenstein à 1823,.M. de mort. Ayez donc soin d'en avoir deux ou
Salimard-Montfort à 1836, et d'autres pro-
quatre.
phètes, sans plus de succès, au 6 janvier FLAMEL (Nicolas), célèbre alchimiste du
1840. quatorzième siècle. On ne connait ni la date
Attendons:, mais si nous sommes sages, ni le lieu de sa naissance; car il n'est pas
tenons-nous prêts. certain qu'il soit né à Paris on à Pontoise. 11
Non loin d'Avignonet, village qui est au- fut écrivain public au charnier dés Inno-
près de Villefranche en Languedoc, est un cents, libraire juré, poëte, peintre; mathé-
petit monticule situé au milieu d'une des maticien, architecte; enfin, de pauvre qu'il
plus fertiles plaines de l'Europe était, il devint riche; et on attribua ses suc-
ait haut de
ce monticule sont placées les pièrres de Nau- cès au bonheur qu'il eut de trouver la pierre
rause c'est-à-dire deux énormes blocs de philosophale.
granit qui doivent avoir été transportés là
Une nuit, dit-on, pendant son sommeil, un
du temps des druides. Or, il faut que vous ange lui apparut, tenant un livre assez re-
sachiez (tous les gens du pays vous le diront) marquable couvert de cuivre bien ou-
que quand ces deux pierres viendront à se vragé, les feuilles d'écorce déliée, gr-avées
baiser, ce sera le signal de la fin du monde. d'une très-grande industrie, et écrites avec
Les vieilles gens disent que, depuis un siè- une pointe de fer. Une inscription en grosses
cle, elles se sont tellement rapprochées lettres dorées contenait une dédicace faite d
le passage
la gent des Juifs, par Abraham le Juif, prince,
qu'un gros homme a tout au plus
libre, tandis qu'il y a cent ans uu homme à prêtre, astrologue et philosophe.
cheval y passait sans difficulté. Voyez BER- Flamel, dit l'ange, vois ce livre auquel
NARDDE Thcringe^Felgenhaver tu ne comprends rien
Ectip- pour bien d'autres
SES, ClC. que toi, il resterait inintelligible; mais tu y
FINNES. On lit dans Albert Krantz (1) verras un jour ce que tout autre n'y pourrait
que .les Finnes ou Finlandais sont sorciers voir.
qu'ils ont le pouvoir de connaître l'avenir et A ces mots, Flamel tend les mains pour
lés choses cachées; qu'ils tombent en extase, saisir ce présent précieux; mais l'ange et le
que dans cet état ils font de longs voyages livre disparaissent, et il voit des flots d'or
sans que leur corps se déplace, et qu'à leur rouler sur leur trace.
réveil ils racontent ce qu'ils ont vu, appor- Nicolas se réveilla et le songe tarda si
tant, en témoignage de la vérité, une bague, longtemps à s'accomplir-, que son imagina-
un bijou, que leur âme a pris en voyageant tion s'était beaucoup refroidie, lorsqu'un
dans les pays éloignés. jour, dans un livre qu'il venait d'acheter en
Delancre dit que ces sorciers du Nord ven-» bouquinant, il reconnut l'inscription du
dent les vents, dans des outres, aux navi- même livre qu'il avait vu en songe, la mémo
gateurs, lesquels se dirigent alors comme ils couverture, la même dédicace, et le même
veulent. Mais un jour, un maladroit, qui ne nom d'auteur.
savait ce que contenaient ces outres les ayant Ce livre avait pour objet la transmutation
crevées, il en sortit une si furieuse tempête métallique, et les feuillets étaient au nombre
que le vaisseau y périt. de 21, qui font la mystérieuse combinaison
Olaüs Magnus rapporte que certains de cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit
ces magiciens vendaient aux navigateurs trois à étudier; et ne pouvant comprendre les Ggu-
nœuds magiques, serrés avec une courroie. res, il fit un vœu, disent les conteurs her-
En dénouant le premier de ces nœuds, on métiques, pour posséder l'interprétation d'i-
avait des vents doux et favorables; le second celles, qu'il n'obtint pourtant que d'un
en élevait de plus véhéments; le troisième > rabbin. Le pèlerinage à Saint-Jacques, qui
excitait les plus furieux ouragans. était son vœu, eut lieu aussitôt; Flamel ea
• FINSKGALDEN,espèce de magie en usage revint tout à fait illuminé.
chez les Islandais; elle a été apportée en Is- Voici, selon les-mémes conteurs, la prière
lande par un magicien du pays, qui avait fait qu'il avait faite pour obtenir l'intelligence
à ce dessein un voyage en Laponie. Elle -r- « Dieu tout-puissant, éternel, père de la
consiste à maîtriser un esprit, qui suit le lumière, de qui viennent tous les biens et
sorcier sous la forme d'un ver ou d'une tous les dons parfaits, j'implore votre misé-
mouche, et lui fait faire des merveilles. ricorde infinie; laissez-moi connaître votre
•FIORAVANTÏ (LÉoNARD), médecin, chi- éternelle sagesse; c'est elle qui environne
rurgien et alchimiste du seizième siècle. On votre trône, qui a créé et fait, qui conduit
remarque parmi ses ouvrages, qui sont nom- et conserve tout. Daignez me l'envoyer du
breùx, le Résumé des secrets qui regardent la ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre
médecine, la chirurgie et l'alchimie (2). Ve- gloire, afin qu'elle soit et qu'elle travaille en
uise, 1571, in-8, 1666; Turin, 1580. moi; car c'est elle qui est la maîtresse de
F1ORINA. Voy. Florine. tous les arts célestes et occultes, qui possède
FLAGA, fée malfaisante des Scandinaves. la science et l'intelligence de toutes choses.
Quelques-uns disent' que ce n'était qu'une
Faites qu'elle m'accompagne dans toutes
magicienne, qui avait un aigle pour monture. mes œuvres; que par son esprit j'aie la véri»
(2)Conipendiodei secretl, etc.
(.1)Leloyer, llisl. des spectres et apparitionsdes ès
jrvlla.liv. IV. [>.4aQ.
621 .>A
6ï2 • FLA 6fc v.

table intelligence que je procède infailli- lequel n'a pbjnt paru. On à ddhhé enfin là
blement dans l'art noble, auquel je me suis Musiqué chimique opuscule très- rare et
consacré, dans la recherche de la miracu- d'autres fatras qu'on ne recherche
leuse pierre des sages que vous avez cachée pliis. •
Au résumé, Flamel était un homme làbô- {
au inondé, mais que, vous àjVéz coutume au Deux, qui sut acquérir de la foUqhe en tra-
ihôins dé découvrir à vos élus; que ce grand vaillant avec les juifs, et comme il en fit
œuvré que j'ai à faire, içi-b^s, je le com- mys-
tèré, on l'attribua à des moyens merV.ëillèûx.
mence, je le poursuive et jej'achèvé heureu- L'abbé de Villars métamorphosé
sement Flâmel,
que, content, j,'éii jouisse à tou- dans le Comte de Gabàlis en 4R chirurgien
jours. Je vous lerdeniaûde jiar Jésus-Christ, qui commerçait avec les,é'spri(s éZémèniàu-es
la pierre céleste, apgulaire,'imiraculeuse et On a débité âiif lui iiiillé contes •
fondée de toute éternité, qu\ commande et et de nos jours un chercheur désinguliers ou
règhe avec vous (1)', >>etc. dupes,
peut-être un plaisant, i?épâhdit êif mai 1818
P-®1'.?FJ'Çf6 eut tout son en"et.»puisque Fla- dans les cafés de Paris, une espèce a'âvértis-
met convertit d'abord, du sèment où il déclarait qu'il était le
mercure en argent, fameux
et bientôt du cuivre en
or. ïi.ne, se vit pas, HJicolas Flamel, qui recherchait là pierre plii-
plus tôt en possession de la pierre phiioso- içSophâlé au coin de la rue Marivaux, à Pa-
phalè, qu'il voulut que des monuments pu-- • Eis'.il,y a plus dé quatre cents ans qu'il avàit
blics attestassent sa pieté et sa
prospérité. Il voyagé dans tous les pays du monde, et qu'il
n'oublia pas aussi de faire mettre, partout s.es prolongeait. sa carrière depuis quatre siècles
st.àtues et son image sculptées, accompa- par le moyen de Vélîxîr de vïè> qu'il avait le
gnées, d'un écussqn ou une njairi: teniait uoe bonheur de posséder. Quatre siècles de ré-
écritoire en formé d'arajoirie. ï\G.t graver de cherches l'.avaient rendu disâil-il, (rék-sà-
plus Je. portrait de sa femme, Pe'rneile, qui vant, et le plus savant des âlchfmistés. Il
1 accompagna dans ses. travaux, alchimiques. faisait. de l'or à volonté. Lés curieux
ou-
Flâmel fut enterré dans l'église de Sàint- vaient se présenter chez lui, rue de
et Çléry,
JacquésVlâ-Bôucheri&jà^arïs. Âpres sa mort, n°,22, y prendre ùné inscrrplion qui cou-
plusieurs personnes se sont imaginé que tait irois cent mille francs, moyennant quoi
toutes; ces peintures çV sculptures allégori-, ils seraient initiés aux secrets du màitrej et
ques étaient autant, de], symboles, cabalisti-i se feraient sans peiné ûii, million huit cent
ques qui renfermaient un sens, qu'on pouvait mille, francs de rente.
mettre à profit. Sa ma/isan vi.eiUe rue de .Nous sommes heureux de pouvoir citer ici
Marivaux, n° lô^passa dans leur imagination, sur Nicolas Flamel les curieuses recherches
pour un lieu ou r911.de.vait. trouver des tré-, de M. Auguste Vallei, de l'école des Charles.
sors enfouis un. ami du défunt, Elles résument une foulé de, livres et d'essais
s'engagea,
dans cet espoir, à la restaurer gratis il brisa
publiés sur ce sujet.
tout et ne trouva rien. Parmi les. arcades qui composaient jadis
D'autres ont prétendu que Flamel n'était les Charniers des.Innocehts,on en remarquait
pas mort, et qu'il avait encore mine ans ai deux, qui se. recommandaient
vivre il pourrait même vivre plus, en vertu plus particu-
lièrement à la curiosité. Sur la première se
du baume universel qu'il avait découvert. voyait une peinture représentant un homme
Quoi qu'il eu soit, le voyageur Paul Lucas, dans l'attitude d'un spettaleur,
affirme dans une de ses relations, portant un
avoir phylactère dont la légende témoignait de
parlé à un derviche ou moine turc, qui âyail, son admiration. La seconde offrait un
rencontré Nicolas tym-
Flamel et sa femme, s'ém-. pan ogive décoré de, sculptures et servait de
bârquant pour les Indes.. monument tumulâire.
On ne s'est pas contenté de faire de Fla,m,el « Sauvai (â) nous apprend que de son
un adepte, on en a fait aussi; un auteur. Eu temps, les alchimistes visitaient ces deux
1561, cent quarante-trois ans après sa iport, arcades, et se mettaient t'esprit à la torture
Jacques Gohorry publia, in~i8, soûf le ti- pour découvrir le sens mystérieux des figures
tre de Transformation métallique* t/ois traités qu'on y avait peintes et sculptées.
en rhyihme français 1 la Fontaine des amou- C'est qu'elles avaient été construites par
reux des sciences le,s Remontrances dénature Nicolas-Flamel.
d l'alchimiste errant ayee la. réponse. par « Ce Flamel, dit Sauva!, est en telle véné-
Jean de Meung, et le Sommaire philosophique <cration parmi eux qu'its né l'estiment
attribué à Nicolas. Flamel, « moins que Guillaume de Paris pas
etYeu-
On met aussi sur s.o.o.compta le, Èésir dê~ « lent qu'eh 1382 (4),, il souffla de(3),, sorte que
siré, ou Trésor de philosophifi, auUeiû.eoiie q. sou creuset. valut. bien le, sien. Aussi, ne
Livre des six. par oies,, qui se trouve av,e.c lit- « sont-ils p^s paresseux, de visiter souvent.
Traité dusoufrq, du çosrnopoÙlev et i'ceu;YFe, « tous les' lieux qu'il à bâtis,, lïs\ se distillent f
royale de Charles VJf,Paris^ ÎÇ48, 163$, in-#>. «.l'esprit pour q.ùintessen.ciet des vers goffii-
On le fait encore çiuteu? du grand Eçlaip-r « quesejdes. figures, ïes,ùnes. en ronde Basse,
cissement de la pierre Qhàùojopjfâle^ pouç iâ <t les autres égratignées comme on, dit sut-
transmutation de tou& métaux,. jn-*K Pa.Fi^j «.tes pierres.^ tau,t de fa maispn. du Coin, de la
1628. L'éditeur promettait la; fqio,-f>nr(ai(e, d$ « rue Marivaux, que des deux
hôpitaux qu'il
moi, Nicolas Flamel, et â&J!eÇneUe>n\Qfemme,
J1)HydroIicussopbicusseu Ç>)Célèbreévêquede Paris, qui passait pouralchimiste,
chim.de Manget.t. It, p. SS7. aquariu» sapient. Bibl. ettlOQtla statue est, dit-on, celle qui se voit au Iriimeuq
du portaildroit de Notre-Damede Paris.
(21Morten 1670. (4)Le texte porte 1332,maisévidemmentpar erruur.
(12? • DICTIONNAIRE t)ËS SCIENCES OCCULTES, 09i
« a fait faire à la rue de Montmorency. De là, et commenter les figures. Il expose que, tout
« ils vont à Sainte-Geneviève-des-Ardents, en exerçant sa fonction d'écrivain, à Paris,
à à l'hôpital Saint-Gervais à Saint-C6me, à en face la chapelle de Saint-Jacques-la-Bou-
« Saint-Martin, à Saint-Jacques-de-la-Bou- cherie, il n'a pas laissé d'entendre au long
« chérie, où l'on voit des portes qu'il a fait les livres des philosophes, et d'apprendre en
« construire, et où presque à toutes, et en- iceux leurs tant occultes secrets: «.Donc moi,
« core ailleurs se remarquent des croix qu'ils Nicolas Flamel, dit-il, ainsi qu'après le décès
« tiennent pour mystérieuses. de mes parents je gagnais ma vie en notre
« Quatre gros chenets de fer dressés près Art de l'Ecriture, faisant des inventaires,
«le portail Saint-Gervais et à la rue de.la dressant des comptes, et arrêtant les dépenses
« Ferronnerie, sont encore de lui, à ce qu'ils des tuteurs et mineurs, il me tomba entre les
« prétendent sans savoir pourquoi ni ce mains, pour la somme de deux florins un
« qu'ils signifient ils en disent autant des livre doré fort vieux et beaucoup large; il
« demi-reliefs, des figures de ronde-bosse et n'était point en papier ou parchemin comme
de quelques peintures des charniers des sont les autres, mais était fait de déliées écor-
Saints-Innocents, et que même il les a ex- ces, comme il me semble, de tendres arbris-
« pliqués dans le livre des figures hiérogly- seaux (2), sa couverture était de cuivre bien
« fiques. Cependant il est certain que ce délié toute gravée de lettres ou figures
« livre est la traduction d'une pièce latine étranges. Quant à moi, je crois qu'elles pou-
« qu'on n'a jamais vue. » vaient bien être des caractères Grecs ou d'au-
« Le livre dont parle Sauvai est un ou- tre semblable langue ancienne. Je neles savais
vrage assez rare aujourd'hui et recherché pas lire, et je sais qu'elles n'étaient lettres
des bibliophiles. Il s'agit d'un petit \a-k° de latines ou gauloises car nous y entendons un
98 pages dont la première est entièrement peu. Au premier des feuillets, y avait écrit
occupée par le titre suivant en lettres grosses capitales dorées. Abraham
« Trois traités de la philosophie naturelle, LE JUIF, PRINCE,PRÊTRE,LÉVITE,ASTROLOGUE,
non encore imprimés. Savoir, le secret li- et PHILOSOPHE, A LAGENTDESJUIFS, PARL'iRB
vre du très-ancien philosophe Artephius, DE DIEU dispersée AUXGAULES,SALUT,etc. »
traitant de l'art occulte et transmutation mé- « Ce livre était rempli de figures
peintes
tallique, lat.-français. Plus.-Les figures hié- en diverses couleurs et dont Flamel ne
pou-
roglyphicques de Nicolas Flamel, ainsi qu'il vait découvrir le sens mystérieux. Au der-
les a mises en la quatrième arche qu'il a bâ- nier revers du cinquième feuillet, il
y avait,
tie au cimetière des Innocents à Paris, en- poursuit-il, un roi avec un grand coutelas,
trant par la grande porte de la rue Saint-De- qui faisait tuer en sa présence par des sol-
nis, et prenant la main droite avec l'expli- dats grande multitude de petits
enfants,
cation d'icelles, par iceluy Flamel. Ensemble les mères desquels pleuraient aux pieds des
-Le vrai livre du docte Synesius, abbé grec, impitoyables gendarmes. Le sang des petits
tiré de la bibliothèque de l'Empereur sur enfants était puis après recueilli par d'autres
le même sujet, le tout traduit par P. Arnauld, soldats et mis dans un grand vaisseau,
sieur de la Chevallerie poitevin.A Paris dans lequel le soleil et la lune du ciel se ve-
chez la veuve Guillemot et S. Thiboust, naient baigner. Et parce que cette histoire
au palais en la galerie des prisonniers. représentait la plupart de celle des Inno-
MDCXII (1). cents, occis par Hérode, et qu'en ce livre -ci
La première partie de ce livre contient un j'ai appris la plus part de l'Art, ça a été une
traité d'alchimie, texte latiiret français en des causes que j'ai mis en leur cimetière ces
regard, qui renferme une recette pour le symboles hiérogiyGques de cette secrète
grand œuvre. La seconde est précédée d'une science. »
planche composée de plusieurs pièces gra- « Enchanté de posséder ce livre Flamel
vées sur bois et formant une arcade ogive, l'étudiait avec ardeur. Mais tout en compre-
représentant celle que Nicolas Flamel fit éle- nant qu'il donnait la marche pour procéder
ver aux charniers des Innocents.– Le sujet au Grand OEuvre, il ne pouvait lever le voile
principal montre lePère éternel, tenant d'une énigmatiquedont l'auteur, suivantl'usage des
main le globe surmonté d'une croix et levant philosophes hermétiques, avàit gazé ses su-
l'autre pour bénir. -A sa droite Nicolas Fla- blimes prescriptions. En vain communiqua-
mel, les mains jointes, est aux pieds de saint t-il le sujet de ses peines à sa femme Petre-
Paul qui intercède pour lui. Pernelle sa nelle, « qu'il aimait autant que lui-même et
femme à gauche et dans la même attitude, laquelle il avait épousée depuis peu. » Per-
parait également protégée par son patron, nelle, ainsi que son mari, prenait plaisir à
saint Pierre. Au-dessous sont représentés di- contempler les ornements dont le livre était
vers sujets, parmi lesquels ou remarque un extérieurement et intérieurement embèlli
Jugementdernier,et,dansla partie inférieure « mais, dit-il, elley entendait aussi peu
que
du tympan, le Massacre des Innocents. Dans moi. Enfin il fit peindre dans son logis quel-
les angles de l'ogive sont des anges; chacune ques-unes de ces figures, et les montra à
de ces figures est, en général, accompagnée plusieurs grands clercs leur disant que ce
de banderolles sur lesquelles se lisent des livre contenait une recette pour trouver le
inscriptions. Magistère. « Mais dit-il encore la plupart
« L'auteur entre en matière; Nicolas Fla- d'iceux se moquèrent de moi et de la bénito
mel est censé raconter lui-même son histoire
(2) C'est aiusiqu'au moyenâge on décrivaitles manu-
il) Sauvaiécrivaiten 16oi. scrits sur papyrus..
625 FLA FLA C2G
pierre, » excepté toutefois un nommé maître femme, se 1.~
livra aux œuvres ..1.
de Il
charité. Il
Anseaulme licencié en médecine qui lui combla de bienfaits les pauvres répara les
interpréta de la manière la plus satisfaisante églises et les cimetières, fonda des hôpitaux,
les premières figures peintes au commence- etc. « Bâtissant donc, continue le récit, ces
ment de cet ouvrage.
J « Cette églises, cimetières, et hôpitaux,- je me réso-
première conquête ne fit que l'en- lus de faire peindre en la quatrième arche
flammer et fut cause « que durant le du cimetière des Innocents les plus vraies
long
espace de vingt et un ans, il fit mille brouille- et essentielles marques de l'Art, sous néan-
ries.» Ne possédant qu'à moitié le critérium de moins des voiles et couvertures
hiéroglyfi-
ces préceptes cabalistiques, il était toujours à ques,à l'imitation du livre doré du juif Abra-i
recommencer. Enfin « ayant perdu espé- ham, pouvant représenter deux choses, selon
» rancft de jamais comprendre ces il la capacité et savoir des contemplants, pre-
» fit vœu à Dieu et à monsieur saint figures
Jacques mièrement les mystères de notre résurrec-
» de Gallice pour demander tion future et indubitable, au jour du juge-
» d'icelles à quelque l'interprétation
sacerdot juif.en quelque ment et avènement- du bon Jésus (auquel
» synagogue d'Espagne. » Prenant le bour-
plaise nous faire miséricorde), histoire qui
don, muni d'un extrait de son livre Nicolas convient bien à un cimetière et puis après
Flamel se mit en route pour le pèlerinage de encore pouvant signifier à ceux qui sont
Saint-Jacques de Compostelle. Il accomplit entendus en la philosophie naturelle, toutes
son vœu avec grande dévotion,et passant par les principales et nécessaires opérations du
Léon, pour revenir en France, il fit la con- Magistère. Ces figures hiéroglyfiques ser-
naissance d'un « médecin juif de nation et viront comme de deux chemins pour mener
lors chrétien demeurant audit Léon, lequel à la vie céleste; le premier sens plus ouvert,
était fort savant en sciences sublimes, appelé enseignant les saints mystères de notre sa-
maître Canches.. a lut, l'autre enseignant à tout homme, pour
« Le docteur fut ravi d'entendre parler de ce peu entendu qu'il soit en la pierre la voie
livre merveilleux qu'ilcroyailà jamais perdu. linéaire de l'œuvre, laquelle étant parfaite
Aussitôt que Flamel lui eut communiqué son par quelqu'un le change de mauvais en
extrait, le docteur lui donna l'explication des bon, lui ôte la racine de tout péché (qui est
premières figures. II fut décidé qu'ils revien- l'avarice) le faisant libéral, doux pieux
draient en compagnie, et ils s'embarquèrent religieux, et craignant Dieu, quelque mau-
pour la France. Le juif déjà avait expliqué vais qu'il fût auparavant. Car dorénavant il
la plupart de mes figures où jusque même demeure toujours ravi de la grande grâce et
aux points il trouvait de grands mystères miséricorde qu'il a obtenue de Dieu. »
quand arrivant à Orléans, cedocte juif tomba « Après ce long préliminaire l'auteur
malade et mourut le septième jour. Du mieux prend une à une les diverses figures qui
que je pus dit Flamel, je le fis enterrer en composent le dessin général mis en tête de
l'église de Sainte-Croix à Orléans,où il repose son traité; puis les analysant successive-
encore. ment et en détail, il en montre le double sens
« Nicolas Flamel revint àParis et reprit ses commun ou
théologique, et hiéroglyfique ou
opérations chimiques; il ne tarda pas, à hermétique.
l'aide des instructions contenues dans son « Nous ne suivrons pas cette énumération
livre, à composer la sublime pierre. « J'ac- dans laquelle il renchérit sur mattre Canches
complis aisément le Magistère dit-il; aussi lui-même qui, jusque même aux points
sachant la préparation des premiers agents, trouvait de grands mystères. Dans cette dis-
et suivant à la lettre mon livre, je n'eusse pu sertation alamhiquée, il n'est pas jusqu'à
faillir encore que je l'eusse voulu. Donc la l'écritoire de Flamel qui ne puisse, comme
première fois'que je 6s la projection, ce fut dit Sauvai, se quintessencier en interpréta-
sur du mercure, dont j'en.convertis une de- tions. Ainsi, cette écritoire doit être prise
mi-livre ou environ, en pur argent, meilleur pour « un matras de verre plein des confec-
que celui de la minière, comme j'ai essayé et tions de l'art, comme de l'écume de la mer
fait essayer par plusieurs fois. Ce fut le 17 Rouge et de la graisse du vent mercurial que
de janvier, un lundi environ à midi, en ma tu vois, dit le traité, peint en forme d'écri-
maison, présente Perrenelle seule, l'an mil toire. » Et l'armoire (dans laquelle est con-
trois cent quatre-vingt-deux. Et puis après, tenue cette écritoirej qui se trouve répétée
suivant toujours de mot à mot mon livre, je trois fois en signe de la triplicité de l'œuvre
la fis avec la pierre rouge, sur semblable accompli par Flamel doit elle-même être
,qualité de mercure, en présence encore de considérée comme le Vaisseau philosophi-
Perrenelle seule, en la même maison, le 25 que, le Triple vaisseau, l'Athanor crible, le
d'avril suivant, sur les cinq heures du soir: Fumier, le Bain Marie, la Fournaise, la
je transmuai véritablement en quasi autant Sphère, le Lyon verd, la Prison, le Sépulcre,
de pur or, meilleur- très-certainement que la Phiole, etc., etc., où doit s'enfanter lei
l'or commun, plus doux et plus ployable. » grand œuvre (1) 1
« Pour remercier Dieu de la grâce qu'il « Vient ensuite le troisième livre qui con-
lui avait faite en lui accordant le don de la tient un troisième et dernier traité de la
transmutation Flamel de concert avec sa pierre philosophale.
(1) «IIne faut pas omettrede direque cette interpréta- pourvusde sensni d'intérêt pour ceux qui se sont occupé»
tion et chacundes mots qui la composent quelque absur- d'études hermétiques.» Notede M.Aug.Vallet.
des qu'ilsparaissent, ne sont pas, intrinsèquement, dé-
C27 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. £|S4
« Nous n'aurions pas arrêté si longtemps anonyme, spus le titre de Transformation
le lecteur sur ce livre, s'il ne contenait l'ex- métallique, attribué au même Gpnorry. Ç.p
position à peu près complète de la légende 4e recueil contient trois petits traités, savoir
1 Nicolas Flamel, et s'il n'avail donné Heu 2/(j Fontaine des amoureux de science, par
touchant cette légende à des controverses, Jean de la Fontaine, de Valenciennes les
qu'on nous saura peut-être gré d'avoir ré- Remontrances de Nature â l'Alchimiste errant,
sumées ici. avec la Réponse de VAlçhimiste, par Jean de
« L'histoire fabuleuse que nous tentons pleung; et le Sommaire philosophique de
d'éclaircir, nous a été transmise par deux Pfiçolas Flamel. En tête. de cet ouvrage se
voies la tradition orale et la tradition écrite! lit une préface relative à ces trois traités.
Examinons d'abord la première. Dans la partie de cette préface qui concerne
a Le livre qu'on vient d'analyser, et que Nicolas Flamel l'auteur tait allusion à ses
nous reprendrons comme monument de la talents à}chimjgues et parle des figures
tradition écrite, en contient à peu près la symboliques que l'on voyait sur les arcjies
substance. On rapportait donc qu'au temps du cimetière qu'il avâitYondées.
du roi Charles VI, un certain Nicolas Flamel, « ftoch le Baillif! auteur breton, qui vivait
obscur écrivain, devint possesseur d'un livre àlafin du seizième siècle, dans un traité sur
mystérieux dans lequel il découvrit les se- diverses matières, et entre autres sur tes
crets du grand oeuvre, et qu'ayant le pouvoir sciences alchimique et médicale, qui, de son
de faire de l'or, il se trouva bientôt le maître temps, se trouvaient confondues, parle éga-
d'une fortune "de 1,500,000 écus, avec les- lement de, Nicolas flamel, dont il rappelle la
quels il construisit quatorze hôpitaux, fon- science féconde, les richesses et les construc-
da les deux charniers des Ipnocents, les por- tions remarquables (2).
tails de Saint-JacquesrlarBoucherie, de sainte « Les ouvrages attribués Nicolas Flamel
Geneviève -des -Ardents etc. etc. sans sont encore mentionnés dans le tome II dé (a
compter les réparations innombrables des Bibliolhêgiie des Philosophes de Salomon et
lieux saints, hôpitaux, églises, qu'il aida de Mangin (3), dans Manget (V), dans le Muséum
ses richesses, ni .les aumônes considérables hermeticum de lëffi] dans le recueil des écri-
qu'il répandait parmi lés pauvres. Qn disait vains alchimistes de l'abbé Lenglet du Fres-
également qu'il avait déposé la science inef- npy en un mot, dans presque fous tes cata-
fable dont il était un adepte si fortuné, dans logues de livres hermétiques.
plusieurs ouvrages entre lesquels on citait te « En 1612, Pierre Arnauld, seigneur de la
Sommaire philosophique, le- Qe'sir désiré ou flbevalerie, publia le Livre des figures hiéro-
le Livre des six Puroles., (e Livre des Lavurp's glyphiques, dont nous avons donné l'analyse,
et la Vraie Pratique de la Sçiet\ce d'Alquimiè ouvrage' évidemment composé par le gentil-
ou les Lavures de Flamel. Enfin, pn allait homme poitévinr mais contenant toutefois
jusqu'à dire que non pontept d'avoir fait ser- un exposé de Ja tradition dont Flamel était
vir le magistère à s'enrichir, il l'avait encoree le héros.
employé comme breuvage sous ^espèce d.'J?.- « Le médecin Borel, dans un article plein
lixir de longue vie, et flui'qn be.aq jour il d'inexactitude et surtout empreint d'une
avait disparu pour aller rejoindre Pernelle, crédulité puérile, qui le recule d'un siècle,
censée morte et enterrée au cimetière des Bprel, dis-je, au mot Énsemenl d'é'soti dic-
Innocents, mais qui, réellement, c'avait faitt tionnaire (oj. répète sàps intelligence tout
que partir pour des contrées lointaines «ù ce qu'on qvait débité jusqu'à lu) sur la science
tous deux étaient a|lés ÇQU,Wîr. les, jours s~a,ns de Fjâmel, sur ses' richesses; son livreuses
cesse renaissants de leur vie immortelle. talents, ses constr)iclionsVses'quvrages, elc.
a Majs la tradition orale ne contribua pas « Quant au départ de Flamel et à son im-
seule à 'perpétuer je souyenjr de notre BLoser mortalité, rien de plus précieux ni fie plus
Croix. Son histoire fut encore enregistrée étendu n'a été dit sur cette matière, que ce
dans un grand nombre de livres, Lp premier qui en est rapporté par' Pàu\ Lucas, dans sa
ouvrage imprimé que npus, trouvions sur relation dédiée au roi Louis XIV de son.
cette matière est de la seconde moitié du sei- voyage en Asie Mineure (6). On pourra s'en
.zième siècle. En 1572, Jacques Gohorry, dit former une idée par le court extrait que
.le Solitaire, publia un petit traité, en vers, nous allons en faire. Le voyageur raconte
intitulé: Le Livre de là Fontaine périlleuse qu'a Bournqus-Bacfii le dervis des Usbecs
(1). Dans les notes de cet opuscule, il menr v'int lui rendre visite, etque s'ehtrelehant tous
tionne la peinture et les sculptures de Nicolas dçjùx tie diverses matières, ils vinrent à parler
Fjaiael, en leur attribûani pn sens, hiéro- cjé la philosophie et de l'alehimie. Le dervis
.gtyphique.
glyphique. liji dit entre autres choses de la même force
« En 1561, il avait déjà que tes vrais philosophes possédaient le
para un recueil
(1) Livre deXaFontaine Périlleuse.:aytteme'ntintitulé Salomon; augmentéepar J. M. 1). R.(Jean Manginde
le Songe duvergèr; avec commentairede I. G:P. (.lâc- iô-12.Paris, 1741et 1734.
ques-Gohorry,Pàrisien).AParis,par JeanRuelle,libraire, Piçjièbpurgj,
(A)J.-J. MahgetiÉiblïottiecà-chemkncuriosaseurerum
lU"o îO/Z. ad alclieiniampertinenliumthésaurus. Gcuevae,2 vol.
de Rochle Baillif Kdelphe,
"Y^yîé'p'émottérion méde- iri-;folio.
tiinr Spagiric;!etc. -i- Rennes.Par Pierre Lebret. 15.78 (5) Trésor des Rechercheset Antiquités,gauloises et
'• Voicison passage « Lequel(NicolasFlawiel) françaises par P\ Bo'reljniédècip.P.ans, in-4»."l6ob.
lie pauvreeserivainqu'il estoit et ayant trouveeu un vieil (6}'PaulLucas. Voyagedans là Grèce, l'Asie- ainewe,
livro une recepte métalliquequ'il «prouva, fut l'un des la Macédoineet l'Afrique. Paris, 1712.2 voj. in-12;
plus:riches:de.6pntemps, etc., etc. » p. 8!j a lia, 1. 1. ;'"
(3) Bibliothèquedes Philosopheschimiques,par Guil.
629 FLA FLA 650
moyen de prolonger jusqu'à mille ans le homme qui joignait à une érudition brillante,
terme de leur existence, et de la préserver un esprit presque toujours droit et judicieux,
de toutes les maladies. « Enfin, poursuit l'abbé Vilain, entreprit d'examiner l'histoire
Lucas, je lui parlai de l'illustre Fla.mel, et je de Nicolas Flamel, et de dissiper l'auréole
lui dis que, malgré la pierre philosophale, il nuageuse dont l'amour du merveilleux avait
était mort dans toutes les formes. A ce nom entoure sa mémoire. Il publia sur cette ma-
il se mit à rire de ma simplicité. Gomme j'a- tière deux volumes (2), dans lesquels il prend
vais presque commencé à lé croire sur le l'une après l'autre, toutes les assertions hy-
reste, j'étais extrêmement étonné de le voir perboliques émises sur le compte de Flamel,
douter de ce que j'avançais. S'étarit aperçu et il les réfute avec les trésors d'une vaste
de ma surprise, il me demanda sur le même érudition, avec les traits acérés d'une logique
ton si j' étais assez ton pdur croire que Fla- qui sont parfois dignes d'une cause plus
mel fut mort. « Non, non, me dit-il, Vous importante. Il résulte de l'examen critique
» vous trompez, Flàmel est vivant;'ni lui, auquel l'abbé Vilain soumet la légende de
» ni sa femme ne savent encore ce que c'est Nicolas Flamel, que ce dernier était simple-
» que la mort.. Il n'y a trois ans que je ment un bon bourgeois, qui grâces à son
» les ai laissés l'un et 1pas autre aux Indes, et économie et à son activité dans son métier
» c'est un de mes plus fidèles amis. » II al- d'écrivain, auquel-il se livra lui et sa femme
lait même me marquer le temps qu'ils avaient avec assiduité, avait acquis une fortune aisée,
fait connaissance; mais il se retint et 'me dit mais qui n'avait rien d'exorbitant ni dans
qu'il voulait m'apprendre son histoire que son chiffre ni dans son, origine; il résulte
sans doute on ne savait pqs en mon pays. » également que ces deux époux, s'abandon-
«Alors Lucas débite'un roman à péii près nant à un goût de bâtisse analogue à celui
calqué, pour la marche générale, sur lé récit qui anime encore aux jours de -notre dix-
de Pierre Arnauld, mais évidemment modifié nëuvième siècle les bourgeois de Paris, firent
'et augmenté de ce qu'il avait lu ou entendu exécuter plusieurs constructions parmi les-
dire d'après La Crojx dû Majné (1). Dans quelles on remarque le portail de/quelques
cette histoire figurent également, et l'acqui- églises, deux charniers au cimetière des In-
sition du livre hermétique, qui, selon le nar- nocents et une maison hospitalière rue de
rateur provenait d'un juif très-savarii, assas- Montmorency. Quand à ses prétendus traités
siné par un autre juif, et dont Flamel aurait s'ur l'alchimie, l'inexorable abbé les biffe im-
hérité, et le voyage en Espagne qu'il raconte pitoyablement jusqu'au dernier, et prononce
avec de nouvelles variantes. Il' termine en cette sentence d'anéantissement avec une sé-
disant que, pour se soustraire à l'envie etvérité qui, toutefois ne prête point à ré-
"aux persécutions, Pernelle d'intelligence plique.
avec son mari fit enterrer à sa place un «Cependant l'abbé Vilain, quel que soit le
morceau de bois habillé, 'et se rendit en mérite incontestable de son œuvre, ne laisse
Suisse pour y attendre son mari, qui, après point, son livre une fois clos, l'esprit de son
avoir fait son testament fit également ense- lecteur dans une satisfaction pleine et com-
velir à sa place une bûche et vint rejoindre plète préoccupé de montrer'ce qu'il y avait
sa femme. «Depuis ce temps^là continue le de faux et d'exagéré dans la chronique her-
dervis ils ont 'mené l'un et l'autre une viee métique de Nicolas Flamel il a négligé de
philosophique, et ils sont'tantôt dans uM pays1s faire voir ce qu'il y avait d'originairement
et tantôt dans un autre. -^Yoîlà la véri- vrai, dans cette même chronique, et comment
table histoire de Flamel et npn pas ce que ce noyau de vérité s'était, chemin faisant,
vous en croyez, ni ce qu'on en rjerise folle- grossi et enveloppé d'un entourage d'erreurs,
ment à Paris, où peu de gens ont cpnnais.- 1 comme une pierre qui roule dans un sentier
sance de la vraie sagesse. » de neige. Ainsi, par exemple sans prendre
« Ce récit, ajoute Paul Lucas, me parut et de conclusions formelles sur le fait et sans
il est en effet fort singulier. J'éit fris d'autant même t'élucider bien clairement,, il admet la
plus surpris, qu'il m'était fait par utif urc possession du fameux livre d'Abraham le
que je croyais n'avoir jamais mis le pied en juif, par Nicolas Flamel. Or ce fait prouve-
France. Au resté je ne le rapporté qu'en his- rait, s'il était irrévocablement constaté, non
torien, et je passé même plusieurs choses pas que Flamel trouva une recette pour faire
encore moins croyables, qu'il me raconta de l'or, mais qu'il cherchait cette recette et
cependant d'uii ton'afârmalrf. Je me conten- que partant il s'adonnait effectivement à
terai de remarquer que l'on a ordinairement l'alchimie (3) point qu'il était fort curieux
une idée trop basse de la science des Turcs, d'éclaircir.
et que celui dont je parle est un homme d'un «Il existe à la bibliothèque du Roi un petit

génie supérieur.» » livre manuscrit (4), grossièrement relié, ap-
«Enfin vers le déclin du siècle dernier, un partenant selon toute apparence à la fin du

(1) Voyezla Noticebiographiqueconsacrée à Flamel Mais,dit mademoisellede Liissan,dans son histoire de


dans la,Bibliothèquede la Croixdu Maineet Duyerdier. CharlesVI (t. VI, p. 360).C'esl une preuve certaine qu'il
(2) Essai 'sur unehistoirede Saint- Jacques-lâ-Bpucheçne contenait que de vainesidées car qu'eussent-ilspu
rie; par L.V. Paris, 17S8Ïin- 12. Histoire'critique emporter déplus précieux?* –Bien de si sensé que ce
de NicolasFlamelet dePemel sa femme;par le même. mot, ajoutelîabbéVilain.Et jamais Juifs,dépouillésde
les
Paris, iu-12, 1782.. leurs biens et chassés, n'auraient négligéla ressource la
(5) Yoicflepassage'del'abbé Vilafn,auquelnousfaisons plus prochaineet la plus abondantedaus leur misère. •
allusion. «LesJuifs, ditril chas.sés de Paris, y avaient Hist: critique,etc., in-12.1782;p. 22.
laissé le magnifiquelivre dont on a lu la description". -(i) FondsdeSaiul-Gerniain-des-Prés,n° 1960.
C5Ii DICTIOiNNAIKK DES SCIIùNCES OCCULTES. 632
quatorzième siècle et traitant des opérations FLAQUE (Louis-Eugène), sorcier jugé
alchimiques. Ce petit livre que nous avons à Amiens en 1825. On l'accusa d'escroque-
attentivement parcouru, commence par ces ries à l'aide d'opérations magiques et caba-
mots listiques, de complicité avec Boury, teintu-
« Cy commence la vraie pratique de la noble rier, logé rue des Hautes-Cornes au dit
science d'alkimie. Amiens, et encore avec François Russe, la-
« Le désir désiré et le prix que nul ne peut boureur de Conti. Au mois de mars 1825,
priser, de tous les philosophes composé, et des la cour royale d'Amiens confirma un juge-
livres des anciens pris et tiré, etc. ment par lequel il appert que les trois indi-
« II enseigne la manière de parvenir au vidus susnommés ont, par des manœuvres
grand œuvre à l'aide d'opérations succes- frauduleuses persuadé à des particuliers
sives nommées dans ce traité Lavures et qui l'existence d'un pouvoir mystérieux surna-
sont au nombre de six. turel sur quoi, et pour en user, l'un de ces
« Au dernier feuillet du manuscrit se lit crédules particuliers remit à Boury la somme
cette indication écrite de la même main que de cent quatre-vingt-douze francs Boury
le reste du texte: présenta le consultant à un individu déguisé
« Le présent livre est et appartient d Nico- en démon, dans le bois de Naours. Le démon
lus Flamel, de la paroisse Saint-Jacques-de- promit au particulier huit cent mille francs,
la-Boucherie, lequel il a écrit et relié de propre qui -n'arrivèrent jamais. Boury, Flaque et
main. Russe n'en gardèrent pas moins les cent
«Concluons 1° Si Flamel avait transcrit quatre-vipgt-douze francs; mais le bailleur
et relié pour son propre usage un livre d'al- les poursuivit. Boury fut condamné à quinze
chimie, c'était donc qu'il s'occupait effective- mois de prison, Flaque et Russe à une an-
ment de cette science; 2° Si l'on rapproche née, à l'amende de cinquante francs, et au
des premières lignes formant le titre de ce remboursement des frais, etc.
petit livre, les désignations des ouvrages qui Voici ce qu'on apprit dans les débats.
sont attribués à Nicolas Flamel comme étant Boury exerçait l'état de chirurgien dans la
de sa composition, et que l'exagération tra- commune de Mirvaux n'étant pas toujours
ditionnelle n'avait cessé de multiplier, l'on heureux dans ses cures, il persuadait à ses
reconnaitra comme nous, que tous ces noms, malades que l'on avait jeté un sort sur
savoir le Sommaire philosophique, le Désir eux; il leur conseillait de chercher un devin
désiré ou le Livre des six paroles, la Vraie plus savant que lui; cependant il se faisait
pratique de la science d'alquimie ou les La- payer et se retirait. Ces escroqueries n'é-
vures de Flamel, se trouvent tous plus ou taient que le prélude de facéties plus gra-
moins textuellement compris dans le titre ves.
réel que nous venons de rapporter. N'est-il En 1820, le charron Louis Pâque ayant
donc pas évident que toute cette bibliogra- besoin d'argent, se rendit à Amiens, là il en
phie apocryphe a pour origine ce seul et emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la
même petit livre, qui fut sinon composé, du chose, dit qu'il procurerait de l'argent à
moins écrit et possédé par Nicolas Flamel? meilleur compte, moyennant quelques avan-
« Maintenant résumons en parallèle la ces. Le charron alla le trouver; Boury lui
chronique pure et la chronique amplifiée du déclara que le meilleur moyen d'avoir des
héros qui nous occupe. Flamel était un fonds était de se vendre au diable; et
écrivain qui gagna sa fortune dans l'exercice voyant que Pâque ne reculait pas à une telle
de son métier et qui, probablement, en dé- proposition, il lui demanda deux cents francs
pensa quelque partie à transcrire, à étudier, pour assembler le conseil infernal; Louis
et à mettre en œuvre des livres d'alchimie;' Pâque tes donna.
Et ses contemporains amis du merveil- Boury s'arrangea de façon à toucher ainsi
leux, se plurent à imputer à l'alchimie, en pour frais préliminaires, sept à huit mille
les exagérant, les richesses qu'il tenait de francs.
son travail. Le hasard ou une circons- Enfin il fut convenu qu'en donnant encore
tance quelconque fit vraisemblablement tom- .quatre louis, Pâque obtiendrait cent inillo
ber entre ses mains un livre d'alchimie francs; malheureusement il s'était fort dé-
réputé précieux; Et la rumeur tradition- pouillé il n'en put donner que deux. Il par-
nelle répéta que dans ce livre il avait puisé tit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef
le secret du grand œuvro, source hypothé- sorcier, et un sieur de Noyencourt, pour le
tique et censée de sa fortune réelle. 11 fit bois de Saint-Gervais. Boury tira d'une de
bâtir quelques édifices dont lui-même indi- ses poches un papier écrit qu'il fit tenir aux
qua, la décoration et dirigea la construction; assistants, chacun par un coin. Il était mi-
Et le bruit se répandit qu'il avait sous des nuit. Flaque fit aussitôt trois conjurations.
signes mystérieux et par de somptueux le diable ne parut pas.
monuments retracé les emblèmes de l'art Noyencourt et Boury dirent alors que le
qui l'avait enrichi, etc., etc. diable était occupé ce jour-là; on prit un au-
« De ce petit travail il résulte encore une tre rendez-vous au bois de Naours.
vérité. C'est qu'en général, là où vous voyez Pâque à cet autre rendez-vous mena sa
une légende, quelque erronée quelque am- fille avec lui pauvre fille Mais Boury lui
plifiée qu'elle soit, vous pouvez être sûr, en avait dit qu'il fallait que son premier-né
allant au fond des choses que vous y trou- assistât à l'opération.
'ferez une histoire. » Flaque et Boury appelèrent le diable en
633 FLA FLO 634
latin. Le diable enfin parut. 11 avait une re- rents peuples touchant les revenants et les
dingote rougeâtre-bleuâtre, un chapeau ga- spectres, raconte toutefois le fait suivant
lonné. Il portait un sabre. Sa taille était « Flaxbinder, plus connu sous le nom de
d'environ cinq pieds six pouces. Le nom de Johannes de Curiis, passa les années de sa
ce démon était Robert; et celui du valet qui jeunesse dans l'intempérance et la débauche.
raccompagnait, Saday. Un soir, tandis qu'il se plongeait dans l'i-
Boury dit au diable Voici un homme vresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un
que je te présente; il désire avoir quatre spectre qui ressemblait si fort, par la figure
cent mille francs pour quatre louis, peux- et la contenance, à son fils, qu'elle le prit
tu les lui donner? pour lui-même. Ce spectre était assis près
Le diable répondit II les aura. d'un bureau couvert de livres, et paraissait
Pâque lui présenta l'argent; et le diable profondément occupé à méditer et à lire tour
lui, fit faire le tour du bois en quarante-cinq à tour. Persuadée qu'elle voyait son fils, et
minutes avec Boury et Flaque, avant de agréablement surprise elle se livrait à la
bailler les 400, 000 francs. L'un des sorciers joie que lui donnait ce changement inat-
perdit même un de ses souliers dans la- tendu, lorsqu'elle entendit dans la rue la
course. Pâque, à un détour, aperçut une voix de ce môme Flaxbinder, qui lui semblait
table et des chandelles dessus; il poussa un être dans la chambre. Elle fut horriblement
cri effrayée. On le serait à moins. Cependant,
Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout ayant observé que celui qui jouait le rôle de
perdu; l'affaire est manquée. son fils ne parlait pas, qu'il avait l'air som-
Le stupide charron s'enfuit à travers le bre, hagard et taciturne, elle conclut que ce
bois; puis reprenant courage il revint de- devait être un spectre et, cette conséquence
vant le diable, qui lui dit Scélérat, tu as redoublant sa terreur, elle se hâta de faire
traversé le bois au lieu d'en faire le tour. ouvrir la porte au véritable Flaxbinder. Il
Itelire-toi sans te retourner, ou je te tords le entre, il approche; le spectre ne se dérange
cou. pas. Flaxbinder pélrifiéa ce spectacle, forme,
Mais ce n'était pas fini. Une autre opéra- en tremblant, la résolution de s'éloigner du
tion eut encore lieu dans le même bois; vice de renoncer à ses désordres, d'étudier
quand Pâque cette fois demanda l'argent, le enfin et d'imiter le fantôme. A peine a-t-il
diable lui dit Adresse-toi au bureau. conçu ce louable dessein que le spectre sou-
C'était un buisson. rit d'une manière un peu farouche, comme
Comme il n'y avait rien dans ce buisson, font les savants, ferme les livres et ° s'en-
le démon promit que la somme se trouverait vole.» »
le lendemain dans la cave même du charron; FLÈCHES. Voici une divination qui so
Pâque s'y rendit le lendemain avec sa pratique chez les Turcs par le moyen des flè-
femme et celle du bonhomme qui avait ches. S'ils doivent aller à la guerre, entre-
donné les cent quatre-vingt-douze francs prendre un voyage, ou acheter quelque mar-
pour la première affaire. Mais néant encore; chandise, ils prennent quatre flèches qu'ils
et pour surcroît, Boury, qu'ils prenaient dressent en pointe l'une contre l'autre, et
à partie, les menaça de se plaindre au qu'ils font tenir par deux personnes, c'est-
procureur du roi. Pâque reconnut qu'il à-dire par quatre mains; puis ils mettent sur
était trompé, et se retira avec son argent' un coussin une épée nue devant eux, et lisent
perdu. un certain chapitre du Koran. Alors les flèches
Nous sommes cependant dans le dix-neu- se battent durant quelque temps, et enfin les
vième siècle, et nous avons les lumières du unes montent sur les autres. Si, par exemple,
(lix-huitièmel. les victorieuses ont été nommées chrétiennes
FLAUUOS, grand-général aux enfers.' Il (car dans les divinations relatives à la guerre
se fait voir sous_. la figure d'un terrible ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et
léopard. Lorsqu'il prend la forme humaine, donnent aux deux autres le nom de leur en-
il porte un visage affreux, avec des yeux nemi), c'est signe que les chrétiens vain-
enflammés. Il connaît lo passé, le présent et cront si autrement, c'est une marque du
l'avenir, soulève tous les démons ou esprits contraire (3). Voy. Bélomancie.
contre sos ennemis les exorcistes, et- cbm- FL1NS. Les anciens Vandales adoraient
nuimle vingt légions (1). sous ce nom une grosse pierre, qui représen-
FLAVIA-VKNERIA-BESSA, femme qui fit tait la Mort couverte d'un long drap, tenant
bâtir une chapelle en l'honneur des anciens un bâton à la main et une peau de lion sur
monarques de l'enfer, Plulon et Proserpine, les épaules. Ces peuples croyaient que cette
ej>- suite d'un avertissement qu'elle avait divinité, lorsqu'elle était de bonne humeur,
eu en songe (2). pouvait les ressusciter après leur trépas.
FLAV1N auteur d'un' ouvrage ouvra- intitulé FLORENT DE V1LLIERS. Voy. VILLIERS.
l'Elat des âmes trépassées, in-8°, Paris, FLORINE, Fiorina et Florinde, noms d'un
1579. démon familier qui, au rapport de Pic de La
FLAXBINDER. Le professeur Hanov, bi- Mirai)dole, fréquenta longtemps un sorcier
bliothécaire à Dantzick, après avoir com- nommé Pinet.
battu les apparitions et les erreurs des diffé- FLORON, démon familier de Cecco d'As-
(1) Wierus,de Prœslig.dsem.,p. 939. (3) Lebrun, Hist. des pratiques superstitieuses, t. II,
(2) Leloyer, Hist. des specircs ou apparitions,t. IV, p. 405.
L>.459.
S35 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 036
coli. 11 est de l'ordre des chérubins damnés. ainsi toutes les influences qu on en peut ap-
FLOT1LDE. Ce personnage est inconnu préhender. Les voisins qui prennent cette
niais ses Vision pnj été conservées. On les précaution contre le danger, ne manquent
trouve dans le Recueil de Duchesne (1). pas chaque jour de visiter plusieurs fois le
FLOTS. Cambry parle d'un genre de divi- magot chargé de veiller à leur défense. Ils
nation assez curieux, qui se pratique dans brûlént de l'encens devant lui, ou plutôt de-
les environs de Plougasnou des devins in- vant l'esprit qui le gouverné, et qu'tls croient
terprètent les mouvements de la mer, les sans cesse oçcupélle ce soin.
flots mourants sur la plage, et prédisent l'a- FONG-ONÔANG, oiseau fabuleux auquel
venir d'après cette inspection (2). les Chinois attribuent à peu près les mêmes
FO ou FOÉ, l'un des principaux lieux des propriétés qu'au phénix. Les femmes se pa-
Chinois. 11 naquit dans les Indes, environ rent d'une figure de cet oiseau, qu'elles por-
mille ans avant notre ère. Sa mère, étant en- tent en or, en argent ou en cuivre, suivant
ceinte de lui, songea qu'elle avalait un élé- leurs richesses et leurs qualités.
phant blanc, conte qui peut-être a donné lieu FONTAINES. On prétend encore dans la
aux honneurs que les rois indiens rendent Bretagne que les fontaines bouillonnent
aux éléphants de cette couleur. Il finit ses quand le prêtre chante la préface le jour de
jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes fa Sainte-Trinité (5]u Voy. Hydromancie.
assurent qu'il est né huit mille fois, et qu'il Il y avait au château de Coucy, en Picar-
à passé successivement dans le corps d'un die, une fontaine appelée Fontaine de la mort,
grand nombre d'animaux, avant de s'élever parce qu'elle se tarissait lorsqu'un seigneur
à la divinité. Aussi est-il représenté dans les de la maison de Coucy devait mourir.
pagodes sous la forme d'un dragon, d'un élé- FONTENETTES (Charles), auteur d'une
phant, d'un singe, etc. Ses sectateurs l'ado- Dissertation sur une fille de Grenoble, qui de-
rent comme le législateur du genre humain. puis quatre ans ne boit ni ne mange, 1737,
FQCALOR, général aux enfer6. JI se mon- in-4", prodige qu'on attribuait au diable, et
tre sous les traits d'un homme ayant des ailes dont Fontèneltés explique les causes moins
de griffon. Sous cette forme il tue les bour- ténébreuses.
geois et les jette dans les flots. 11 commande FORAY ou MORAX. Voy. Morax.
à la raer, aux vents, et renverse les vais- FORÇAS, FORRAS ou FURCAS, chevalier,
seaux de guerre. Il espère rentrer au ciel grand président des enfers; il apparaît sous
dans mille ans; mais il se trompe. Il com- la forme d'un homme vigoureux, avec une
mande à trente légions, et obéit en rechi- longue barbe et des cheveux blancs; il est
gnant à l'exorciste (3). monté sûr un grand cheval et tient un dard
FOI. Un ministre suisse de la secte des et des
aigu. Il connaît les vertus des herbes
dissidents méthodistes, persuadé que tout est pierres précieuses; il enseigne la logique,
possible à la foi et à l'esprit de Dieu, deux l'esthétique, la chiromancie, la pyromancie
grâces qu'il se flattait vaniteusement de pos- et la rhétorique. Il rend l'homme invisible,
séder, su vanta en 183â qu'il marcherait sur ingénieux et beau parfeur. Il fait retrouver
le lac de Constance. Le résultat de cette les choses perdues; il découvre les trésors
éprçuve insensée a ét]è ce qu'on pouvait pré- et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de
voir,'sans que cette étrange confiance ait pu démons (6).
s'ébranler dans le cœur de celui qui s'y li- FORCE. Milon dé Crotone n'eut pas seul
vrait. Il en tira la conséquence que sa foi 'Une force prodigieuse. Louis de Boufflers,
était trop faible, quQ son coeur n'avait pas surnoinmé le Fort, au quatorzième siècle,
assez ressenti l'efficacité de l'esprit de ï)ieu possédait une force et une agilité extraordi-
et.il se remit à l'année suivante pour naires, s'il faut en croire les récits du temps.
recommencer sa tentative. Cette seconde Quand il avait .croisé ses deux pieds, il était
épreuve faite en 1833 s'est terminée comme impossible de le faire avancer ou reculer
la première. Le ministre a. pris un bain (4). d'un pas. 11 brisait sans .peine un fer à che-
FOLLET Voy. FEUX Follets,' LUTINS val et lorsqu'il saisissait un taureau par la
Fabfapets, etc. queue, il l'entratnait où il voulait. 11enlevait
FÔNG-CHWI, Opération mystérieuse qui un cheval et l'emportait sur ses épaules. On
se pratiqua dans Jà Chine,' dans la disposi- l'a vu souvent, armé dé toutes pièces, sauter
tion des
des édiGce~, et surtout
édifices, et surtout dès dés tombeaux.
tombeaux. à cheval sans s!appuyer et sans mettre le
Si quelqu'un bâtit par hasard dans une posi- pied dans l'étrier. Sa vitesse à la course n'é-
tion contraire à ses yoisjns, et qu'un coin tait pas moins remarquable, puisqu'il dé-
de sa maison soit opposé au côté de celle passait le cheval d'Espagne le plus léger,
d'un autre, c'est assez ppur faire croire que dans un espace de deux cents pas.
tout est perdu. n en résulté des haines qui Un certain Barsabas, qui servait au com-
durent qussi longtemps que l'édifice. Le re- mencement du dix-huitième siècle dans les
mède consiste à placer djins une chambre armées françaises, emporta un jour, devant
un dragon ou quelque autre monstre de 1 Louis XIV, unchevalchiirgedesoncavalier.il
terre cuite, qui jette un regard terrible sur alla trouver une autre fois un maréchal-fer-
le coin de la falale maison, et qui repousse rant; il lui donna unferdecheval à forger. Ce-
(1) Flotildoevisiones, in tom.II Script. Hist. franc, (i) Le libre Examen,journalprotestant.Janvier 1854.
And.Duchesne,1836. (5) Cambry,Voyagedans le Finistère, t. Il, p. 15.
(2}Voyagedansle Finistère, t. 1, p. 193. (6) Wierus,dePraestig., p. 921.
(3),Wierus,De prœsligiisdsein.,p. 926.
637 FOR FOR 038
*)
lui-ci s'étant un peu éloigné., Barçabas, prit dquees choses dans leur langage de parfums.
Penclame et la cacha sous son manteau,. Le Mais quand le souriant avril arrivait, quand
maréchal se retourne bientôt ppur battre le les premières hirondelles, attirées par un
fer il est tout étonné de pe plus trpuyer s,pn tiède rayon du soleil, venaient à légers coups
encjume, et bien plus surprix ppcorp de voir de becs frapper sur les vitres de la serre,
cet officier la remettre sans difficulté à sa comme pour inviter les fleurs à en sortir, ils
place. Un Gascon, que ^arsab^s avait offensé en sortaient avec toute leur famille de roses,
dans une. compagnie, jui prpppsa, un duel de lilas et toutes ces milles richesses variées
rr. Trèsryplpnliefs réppndUBarsabas.; ton- du printemps, ils revenaient vivre au grand
chez là. r- Il prit la main du Qasçpn, et la soleil.
lui serra si fort que fous les doigts, en furent Ainsi deux années s'étaient écoulées. Rien
écrasés. Il le mit ainsi hors d'état de se bat- encore n'avait troublé cette vie charmante.
tre, Pas un nuage n'était venu obscurcir l'azur
Le. maréchal de (5axe était de même cali- de leur beau ciel. Un matin de printemps,
bre. Pans les anciens jours, on regardait Maurice le jardinier dit à sa femme
comme favprjsés par le diable les gens doués Ma bonne Thérèse, il faut que je m'ab-
d'une force extraordinaire. sente un jour tout entier. Il faut que je passe
FORETS. Les fprêts sombres sont des un jour à Argenteau, là-bas où les fleurs du
lieux où, comme' dif. Leloyer (1), les diables comte m'appellent. Demain, avant midi, je
se mêlent a'véc les sorciers. Ces diables y serai de retour. Aie soin, jusque-là, de notre
font leurs orgies com,mp^ément sous la feuil- serre, car les nuits sont froides encore. Que
lée, et il n'y a pas de lieux où. ils se rendent le feu ne s'éteigne pas. Adieu, à demain I
plus volontiers visibles. Ademainl répondit la jeune femme, triste
FORGE. La forge de Vivegnis légende comme si Maurice allait s'absenter pour un'
liégeoise (2). long voyage. Elle senlit son cœur se serrer
Quand, après avoir laissé derrière soi les quand elle eut entendu la porte du jardin se
'deux tours lourdes et écrasées de Saint-Bar- refermer; elle pressa sur sa poitrine son fils
thélemy, on prend par la rue au Potay et en lui disant, a l'enfant qui ne comprenait
<]u'on sort de la ville'de Liège par la porte pas encore
de Vivegnis, oh trouve à peu près au milieu Nous prierons pour ton père.
du faubourg à droite, une petite porte basse Le jour se passa; puis, le soir venu, elle
peinte en vert et surmontée d'une enseigne mit son fils dans son berceau et l'endormit
de fleuriste. Cette porte s'ouvre dans un jar- doucement en lui chantant sa plus belle
din assez spacieux où croissent, en toute chanson de nourrice. Mais cette chanson fut
saison, soit en pleine terre, soit dans une d'une singulière tristesse ce soir-là. L'enfant
vaste serre impénétrable au froid, les fleurs dormait profondément, et la mère, assise à
les plus riches et les plus variées. A côté de côté de lui, le regardait, respirant à peine,
cette serre s'élève une modeste habitation et s'enivrait de cette délicieuse contempla-
occupée de père en fils par une dynastie de lion. Thérèse s'était oubliée ainsi à côté de
fleuristes renommés dans- tout ce faubourg l'enfant; minuit était prêt à sonner quand
où cependant les fleuristes abondent; une elle se leva tout à coup pour s'assurer que
profonde solitude règne dans ce jardin les le feu n'était pas éteint dans la serre. Elle vit
abeilles et lès papillons des environs y font, que la houille était morte, que la cepdre était
durant la saison tout entière, une ample froide, que les tuyaux étaient glacés comme
moisson de miel et de parfums. Rien n:y je foyer lui-même. Les Heurs avaient froid.
trouble leurs folâtres ébats, ni, le roulement Elles grelottaient et se cachaient; Thérèse
des lourds chariots qui ébranlent presque en eut pitié.
sans relâche le paVé de la rue, ni le reten- Mais elle eut beau remuer l'âtre de la cui-
tissement continuel des marteaux qui frap- sine, pas. une braise à rallumer le foyer de
pent sur l'enclume d.'une forge, située en face la serre.
de la porte. Là un silence presque claustral, Les pauvres fleurs 1 se disait-elle, lors-
tandis qu'un bruit perpélgel gronde au de- qu'elle avisa tout à«coup, par la fenêtre, une
hors. • vive clarté dans la forge d'en face.
Dans cette solitude, dans ce silence, vivait, Minuit sonnait en ce moment, et tout y pa-
il y a quarante ans, le aménage le plus heu- raissait déjà en pleine besogne; le vaste
reux de la terre; plus d'une fois vous avez soufflet animait la flamme du fourneau. Les
rôvéle^ bonheur qgi régnait dans çet enclos. compagnons, groupés autour de l'enclume,
Vous eussiez" envié le couple fortuné qui vi- frappaient à grands coups de marteau sur-le
vait là Ipin du monde, s'épanouissant parmi fer rouge dont les étincelles jaillissaient au-
les. fleurs;, lui né dans cette maison, elle tour d'eux comme des gouttes de lumière.
rieuse enfant née. dans le joyeux village de Elle s'en alla donc à la forge..
Jupille. L'hiver, ils restaient là cachée à tous Maître Thomas, nie pefmeltriez-vous,
les yeux çpmme les roses dé leur serre; cha- dit-elle, de prendre quelques charbons à vo-
que jour seulement, 'vers le soir, la porte tre fourneau pour rallumer le feu de noire
s'ouvrait à demi pour livrer passage à de serre qui vient de s'éteindre?
l'fais bouquets qui s'en allaient dans le mon- Une figure qui n'était pas celle de maltre
de, messagers embaumés qui disaient de si Thomas le forgeron, lui fit unsigne affirmatif.
(1) Leloyer, lllst. des spectresouapparitions,chap.4, C-) Empruntéeà M.A.Van-Hasselt.
u. ~u.
e3u DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 64V
Thérèse
ThÁ. prit donc trois ou quatre char- lumait plus tous les matins, faute de travail;
bons ardents, et courut à la serre. Mais elle le vent et la pluie y exerçaient à loisir leurs
y fut à peine arrivée, que les charbons ravages. Comme la misère menaçait le maî-
étaient déjà éteints. Elle eut beau souffler, tre, la ruine menaçait la forge.
elle ne put parvenir à les rallumer. Ils étaient Un soir, maître Thomas était tristement
froids. assis à sa porte, rêvant à son malheur et
Elle retourna une seconde fois à la forge. cherchant un moyen d'en sortir.
Maitre, vos charbons se sont éteints Si vous me vendiez vôtre forge, mallre
avant que je ne fusse entrée dans la serre; Thomas? lui dit Maurice qui depuis long-
me permettez-vous d'en prendre d'autres ? temps convoitait la propriété de cette mai-
La même figure lui répondit par le même son noire et détraquée, et du triste verger
signe de tête. qui s'étendait derrière.
Elle prit de nouveau quelques charbons. La charité, s'il vous plaît, monsieur,
Mais ils étaient éteints et froids comme les interrompit en ce moment un vieux mendiant
autres, avant qu'elle n'eût franchi le seuil du qui s'arrêta devant les interlocuteurs.
jardin. Il avait entendu Maurice proposer au for-
Pour la troisième fois elle voulut retour- geron l'achat de la forge.
ner à la forge, lorsqu'au moment de mettre J'y penserai, voisin, répondit matlre
le. pied dans l'ouvroir, elle fut prise soudain Thomas au fleuriste avec un accent plein de
d'une grande épouvante. Elle s'aperçut d'une tristesse. Demain je vous dirai ma réponse.
chose qu'elle n'avait pas remarquée d'abord, Une nuit ce n'est pas trop pour se décider à
c'est que los marteaux qui forgeaient à sortir d'une maison où l'on est né, où l'on a
grands coups te fer rougi ne produisaient pas grandi, où l'on a été heureux et à laquelle la
le moindre bruit sur l'énclume et retom- misère vous attache par un lien plus puis-
baient sur le métal pétillant comme des mar- sant encore.
teaux de ouate sur une barre de coton. La charité, s'il vous plaît, monsieur,
Les forgerons s'arrêtèrent aussi et se tour- interrompit de nouveau le mendiant.
nèrent vers la jeune femme avec des regards • Donc, à demain, voisin, répliqua Mau-
aussi flamboyants que la braise de leur four- rice.
neau. L'un d'eux lui cria d'une voix creuse Le forgeron rentra dans sa maison, ver-
comme si elle sortait d'un souterrain rouilla la porte, et s'en alla trouver le repos
-Que je ne te revoie, plus ici, car ce se- qu'il ne goûtait plus aussi bien depuis que le
rait pour ton malheur. travail était devenu plus rare.
Thérèse fut tellement effrayée, qu'un cri Maurice traversa lentement la rue, suivi
qu'elle voulut jeter s'éteignit sur ses lèvres. par le mendiant, qui le prit par le bras:
Au même instant elle reconnut que les for- Vous voulez acheter cette forge? dit-il
gerons n'étaient pas des vivants, mais des à Maurice, eh bien ce n'est pas trop de tout
morts qui faisaient là leur travail nocturne et ce que vous avez au monde pour payer cette
mystérieux. Elle vit qu'ils tenaient les mar- bicoque, ce palais d'or. Vendez tout ce que
teaux dans leurs mains osseuses et déchar- vous avez, et achetez la forge; pour ce con-
nées, elle vit les linceuls qui enveloppaient seil, je ne vous demande que la vingtième
ces corps de squelettes flotter d'une façon partie du trésor que vous y trouverez, et je
étrange, et ces figures funèbres éclairées' serai plus riche encore qu'un empereur.
comme des formes infernales et les orbites Un trésor dans la forge ? Tu rêves, je
creux de leurs têtes où il n'y avait pas d'yeux, pense, lui répondit le fleuriste.
-elle s'enfuit commeun éclair, et tomba à Ce n'est pas un rêve, reprit l'autre. Un
côté du berceau de son enfant. trésor à payer un empire, et vingt diamants
Combien de temps elle resta ainsi, elle l'i- comme celui du Grand-Mogol. Vous n'êtes
gnora toujours. Elle revint à elle, dans les pas lettré. Mais je sais moi que les livres
bras de Maurice, qui, rentré le matin, ne parlent de l'écrin de Charlemagne enfoui en-
put comprendre comment sa femme était là tre Liège et Herstall, dans un palais de Pé-
couchée sur les dalles. Il l'avait crue morte pin, son aïeul. Ce palais, tombé en ruines,
au premier instant. Lentement elle reprit on bâtit une église à la même place, une
connaissance; et ses yeux, lorsqu'elle les église dont je ne me rappelle pas bien le nom.
rouvrit, se dirigèrent'd'abord du côté de la Sans doute l'église de Sainte-Foi.
forge, qui était fermée, où rien n'annonçait Cela se peut. Si vous avez vu cette
qu'on eût déjà travaillé. Cependant sur le église, vous avez dû remarquer, sur une
plancher, autour d'elle, gisaient des scories dalle incrustée dans le mur, au fond du
et des charbons éteints. chœur, trois têtes taillées dans la pierre, et
Alors Thérèse lui raconta- l'histoire de sous ces têtes, un fer à cheval, des ciseaux
cette nuit. de tailleur et un cornet de berger.
Ce sont de-folles imaginations, un rêve C'est vrai, j'ai vu tout cela, mais per-
sans doute, répondit Maurice. Toute la jour- sonne n'a pu m'expliquer le sens caché de ce
née pourtant ils y pensèrent. Mais le lende- singulier emblème.
main tout était oublié, Je vous l'expliquerai, moi. Ces trois
Deux années s'étaient écoulées depuis cette têtes signifient un maréchal-ferrant, un
inexplicable vision, et le forgeron voyait, de tailleur et un berger. Ils se réunirent, voilà
jour en jour, la misère gagner plus de ter- bien longtemps déjà, pour déterrer le trésor.
rain dans sa demeure. Son fourneau ne s'al- Par une nuit obscure, ils s'en allèrent creu-
641 FOR FOS 642
ser au milieu du cimetière et trouvèrent l'é- Aussitôt la forge s'illumina d'une grande
crin impérial, dont ils firent trois parts. Le clarté; le fourneau s'alluma, et quatre sque-
berger employa la sienne à s'acheter de ri- lettes se rangèrent autour de l'enclume, avec
ches métairies,des forêts, des campagnes, des de lourds marteaux à la main. Le chef de
châteaux. Le tailleur dissipa sa richesse en ces forgerons demanda à ses compagnons
folles orgies. Le maréchal-ferrant enterra la Que ferons-nous de cet homme qui a
sienne dans sa forge, sous l'enclume, vécut voulu déterrer le trésor ?
comme devant sous les semblants de la pau- Nous le jetterons dans le fourneau, dit
vreté, et mourut sans avoir touché à un le premier.
diamant, sans avoir vendu un joyau, sans Nous lui brûlerons, avec un fer chaud,
avoir échangé une pièce d'or.. On dit que un signe sur le front, dit le deuxième.
toutes les nuits il revient veiller à la garde Nous lui mettrons la main dans un éfau
de sa richesse. Mais n'importe, le trésor est ardent, dit le troisième.
à vous, si vous achetez la forge. Non, reprit le maître, nous lui martel-
Les paroles du mendiant émurent le fleu- lerons la tête.
riste. Toute la nuit. il vit devant ses yeux la Six mains formidables s'emparèrent de
dalle où étaient sculptées ces trois têtes, et Maurice et placèrent sa tête.sur l'enclume.
l'écrin presque fabuleux, Et à propos du Un cri déchirant s'échappa de sa bouche;
mystérieux gardien du trésor déposé dans la mais ce'cri fut étouffé presque aussitôt par
forge, il se rappela l'étrange apparition qui .un terrible coup de marteau.
s'était révélée à Thérèse lorsque, pour ral- Le lendemain on trouva là forge déserte,
lumer le foyer éteint de la serre, la jeune quelques charbons mal éteints dans le four-
femme avait été demander quelques charbons neau, et le corps de Maurice dont la tête
ardents à maître Thomas. Il trouva je ne sais écrasée reposait sur l'enclume, autour de la-
quelle liaison intime entre, l'histoire de l'é- quelle la terre était fraîchement remuée. On
crin impérial et la vision nocturne de Thé- assura que le malheureux avait été victime
rèse. d'un guet-à-pens des chauffeurs qui ré-
Le lendemain il s'en fut trouver le forgeron. gnaient à cette époque aux environs de
Eh bien, maître Thomas, votre résolu- Liège.
tion est-elle prise? FORNEUS, marquis infernal, semblable à
.C'est une chose bien triste de quitter la un monstre marin. Il instruit l'homme dans
maison où l'on est né. les plus hautes affaires, fait du bien à ses
Quatre mille francs pour votre forge. amis et du mal à ses ennemis; il a sous son
La maison où l'on a grandi. pouvoir vingt-neuf légions de trônes et d'an-
Six mille francs pour votre forge. ges (1).
Voisin quitteriez-vous la maison ou FORRAS. Voy. Forças.
vous avez été heureux? FORTES EPAULES. Le peuple de Dijon
Huit mille francs pour votre forge. croit à l'existence d'une espèce de lutin de
Huit mille francs, Maurice? Est-ce pour ce nom, qui porte des fardeaux et qui rap-
rire que vous dites cela? pelle le Forte-échine de madame d'Aulnoy,
Non, maître Thomas. Ce prix îe vous dans le conte du Chevalier Fortuné.
l'offre sérieusement. FOSITE. Saint Willibrord, au septième
Tope donc, la forge est à vous. siècle, apôtre des Frisons jeté par une
L'argent fut compté et la maison vidée le tempête dans une petite île des côtes de la
même jour. Maurice attendit avec impatience Frise, l'île d'Alemand, appelée alors Fositc-
le retour de la nuit pour se mettre en quête land (2), vit avec douleur que ces pauvres
du trésor. peuples adoraient là le démon Fosite, qui
Onze heures du soir étaient sonnées; Mau- donnait son nom au pays. 11y recevait un
rice alluma une petite lanterne et descendit culte étendu. On regardait comme impie et
dans le jardin. Thérèse vit briller la lumière sacrilège quiconque aurait osé tuer les ani-
derrière les vîtres de la serre, la regarda maux qui y vivaient, manger quelque chose
deux minutes, puis se mit au lit et ne tarda de ce qu'elle produisait, et parler en puisant
pas à s'endormir profondément. Maurice de l'eau à une fontaine qui y était. Le saint
croyant, après une demi-heure écoulée, sa voulut détromper ces peuples aveuglés d'une
femme plongée dans le sommeil, cacha la lu- superstition si grossière. Il fit tuer quelques
mière de sà.lanterne, ouvrit la porte du jar- animaux que lui et ses compagnons mangè-
din, traversa la rue à pas furtifs, et s'enfer- rent et il baptisa trois enfants dans la fon-
ma dans la forge, armé d'une bêche et d'un taine, en prononçant à haute voix les paro-
levier. 11 se mit aussitôt à l'oeuvre; mais les prescrites par l'Eglise. Les insulaires
l'enclume tenait ei bien, qu'on l'eût dite pro- s'attendaient à voir les saints punis de mort;
fondément enracinée dans la terre. Malgré mais ils durent reconnaître que leur dieu
les efforts inouis du fleuriste, elle ne bou- Fosite ne pouvait rien contre eux. Ee roi
geait pas. La sueur lui coulait à grosses Frison Radbod, furieux de l'audace des mis-
gouttes du front et des tempes. Toutes ` ses sionnaires, ordonna de tirer au sort trois
peines n'aboutissaient à rien.. jours de suite et trois fois chaque jour, dé-
Alors il se dit Si je creusais autour de clarant qu'il ferait périr celui sur qui le sort
l'enclume? 2 tomberait. Il tomba sur un compagnon du,
Et il se mit à creuser avec sa bêche. (1) Wierus,de Presligiis.
Minuit sonnait en ce moment. (2) Land,dansl'idiomenéerlandais,veutdire payt.
C43 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 044
3
saint qui fut sacrifié à- la superstition, et FOUGÈRE. Personne n'ignore lés inau-
mourut martyr de la vérité. Mais il ne tomba vaises et diaboliques façons dont on se. serl<
jamais sur saint Willibrord. pour 1cueillir ta fougère. Le
fougère. 4ç 23 juin..
juin, veille
v~i1le de
FOSSILES. Ce qu'on a découvert des la Saint-Jean-BaptUte,, après un jeune de,
fossiles, dans ce premier feuillet de la géolo- quarante jours, plusieurs sorciers conduits
gie, que nous n'avons encore tourné qu'à par Satan, recueillent pendant, cette nuit la
demi est venu démolir toutes les tours de graine de cette herbe, qui n'a ni tige ni
Babel que dressaient ies. philosophes du fleur, ni serpence, et qui renaît de ia, même
dernier siècle. Et Cuvier, qui n'est pas allé racine; qui plus est le. malin se joue de ces,
loin, a déjà fait voir, aux pauvres têtes étroi- misérables sorciers çn leur apparaissant cette
tes, qui n'ont pas place pour loger u.u peu 'nuit-là,, au, milieu, des, t,empél,es, sous quel-
de foi, que Moïse ne pouvait pas être, atta- que forme monstrueuse pour tes épouvau-,
que- Attendons. Et en attendant, eitQns ter davantage. Ils croient s en, «défendre par,
une découverte récente leurs exar.çismes i les cercles, et caractères
La, Gazette de Cassel publiait (mai 18/il) auHU font sur la terre autour d'eux e.nsuit&
une lettredeBombay.dans l'Etat 4e, Mls.s«^ïi iits mettent une n.ap,pe..n.eUYede tin lia ou de,
(Amérique du Nord), en date tlu 16 février chanvre sous ta fougère, qu'ils. croient voir
même année, qui rendait compte d'unie dé-r. fleurir en une heure, pour en, recèvoir la
couverte très-intéressante, faite tout fr^tche^ graine. Us Jà,pliçnt, dans un, taffetas ou dans
ment par M. Eugène K^och, naturaliste Wur- du parchemin" v,ie,rge,, e,t la gardçat soignëu-
temburgeois, domicilié à Saint-Louis, eapi-r, sem,çnt pour deviner Jes. songes et faire pa-
tale du même Etat. çatlFé. les esprits, te démon paf ses malices,
« M. Koch dit cette lettre se trouvant et menteries, leur persuade que cette semen-
dernièrement dans la petite ville d'Occol» i ce n'est, pas ssulenjent propre à deviner, et,
située près du fleuve d'Osage, apprit qu'une que si on met de l'or ou de l'argent, dans là
tradition fort ancienne et répandue parmi1 bourse où l'on doit garder la semence fo.Ur,
toutes les tribus indigènes de cette contrée» gère, le nombre en sera doublé le jour sui-
porte qu'ilyavait existé une race d'animaux vant.. Si l'événement c'a pas lieu,, les magi-
et ciens vous accuseront de mauvaise (oitou ils,
gigantesques terribles* qui faisait les plus
grands ravages que ces animaux avaient diront que vous avez commis quelque crime,
fini par se faire entre eux une guerre achar- tant nous nous laissons aller à ces àUîomi-j
née, où ils avaient tous péri; et qu'ensuite nables impostures, de Satan (1}..
ils avaient été enterrés par te Grand-Esprit, i FOULQUES. Au temps; de la; guerfe. des
dans le voisinage du ruisseau appelé actuel-» Albigeois vivait un méchant comte Foul-
lementAschty.M. Koek fit exécute* des fouil- ques, lequel avait la, coutume détestavble_de
les à cet endroit et, à la profondeur d'envi- jurer et maugréer. Ûu. jour qu'étant à che-
ron vingt pieds, il trouva en effet deux val, il blasphémait furieusement,, il fat jeté
un est entièrement complet,- à bas de sa monture, et ne se releva point.
squelettes,dont
et l'autre l'est à peu de chose près, d'un ani- On pense qu'il avait élé assommé, par le dia-r
mal d'une taille gigantesque et tout à fait ble, son grapti'çuni.
inconnu jusqu'à présent. Ces squelettes ont FOURBERIES.'Voij. Sorciers^Sabbat, etc.
seize à dix-sept pieds de hauteur sur trente-* Voy. aussi,, GaÔlios.tr"o et les autres im-
quatre pieds de longueur, et huit pieds de posteurs.!
largeur. Les tibias ont quatre pieds de hau- FOÛRMiS. tes fb^ssaliens honoraient ces
teur. La mâchoire supérieure a quinze animaux dont ils croyaient tirer leur ori-
pou-
ces-de saillie sur la mâchoire inférieure gine. Les Grecs étaient si sottement vains,
elle est armée de deux défenses recourbéesj qu'ils aimaient mieux descendre des fourmis
La tête, y comprises les deux dents, pèse onze de la forêt d'Egine, que de reconnaître qu'ils
cents livres. M. Koch adonné aux animaux étaient des colonies de peuples étrangers.
auxquels ces ossements ont La fourmi était un attribut dé Cétè's j elle
appartenu le fournissait
nom de Missourium, et il a envoyé ceuoc-ckà matière aux observations des a,u-i
Saint-Louis, où il possède un riche musée gures.
d'histoire naturelle. Il se propose d'e» pu- FOUS. On sait le respect superstitieux que
blier une description détaillée. » tes Musulmans ont pour lés fous. Nous
On voudrait, il est vrai, des fossiles de citerons un passage du Voyage curieux de
géants, mais les enfants insensés n'ont pas M. Drummond-Hay dans là, Barbarie occi-
tout ce qu'ils souhaitent. dentale (Western Baibary»London, 1844).
FOUDRE. Malgrè l'ignorante brutalité des popula-
L'empereur Auguste gardait tions assez peu civilisées de Tanger, ua Eu-
soigneusement une peau de veau marin pour
se mettre à l'abri de la ftrtidrè.– Tibère ropéen ne court pas autant de dangers qu'il
por- serait, permis de le. croire, lorsquil se ha-
tait dans la même Vue une couronne dé lau-
rier. sarde dans ces régions inhospitalières; mais
Quand la foridte était partie de l'o-
et il faut,qft'il soit muni de J.ettr,esides autorités
rient, que n'ayant fait qu'effleurer quel- du lieu il faut qu'il soit accompagné d'un
qu'un, elle retournait dû même côté, c'était
le signe d'un bonheur parfait. soldat qui répond de lui sur .sa fête. La police
Les Grecs s'administre rigoureusement et promptement
modernes chassent les chiens et- les chats
dans le Maroc dans chaque ville, dans
quand il tonne, parce que leur présence est
censée attirer la foudre sur les maisons. (1) Delancre, Tableaude l'iuconstancedes déni., etc.;
p. 151.
645 FOU FOÙ 646

chaque bourg, un fonctionnaire publie con- des cris terribles, ïaisant tourner un
long
damne, sans plaidoiries sans phrases et bâto,n et entouré de femmes qui baisaient
sans appel un délinquant à la bastonnade avec respect sa main ou'sa robe. Nous étions
l'on n'attend point, pour exécuter la sen- près d'un rocher, nous nous réfugions en
tence, qu'elle ait été rendue, et cette méthode toute h.â.te dans une cavité qu'il nous offre
rapide, énergique, impose un frein salutaire et qui était tournée vers la mer. Nous res-
aux penchants désordonnés de la plèbe. tons quelque temps muets et immobiles dans
Il est toutefois un péril, contre lequel la l'espqjr que la patience de ce maudit insensé
protection des gens en place devient insuffi- se sera lassée. Je le crois parti, j'avance la
sante. Les fous sont nombreux dans le Ma-r tête et je vois juste visrà-vis de mon œil le
roc ils sont l'objet d'une vénération univer- fusil qui avait suivi notre direction et qui
selle, ils sont parfois redoutables et féroces; nous attendait au passage. Une heure après,
c'est aux étrangers surtout qu'ils en veulent. je regarde encore; Sœdy-Fayeb était aussi
Les Mores prétendent que Dieu a retenu au patleaj, que son fusil; ni l'un ni l'autre n'avait
ciel la raison des aliénés, tandis que leur bougé..
corps est sur la terre. Dès qu'un imbécile « Pour comble de désagrément, la marée
parle on recueille. avec soin les absurdités montait; les pots lançaient leur écume dans
qu'il débite, comme étant paroles dictées par l'asile sans issue où nous étions emprison-
une inspiration surnaturelle. Un de ces saints nés,; &i nous attendions encore, nous étions
personnages tomba à coups de bâton sur le certains d'avoir bientôt vingt-cinq pieds d'eau
consul de France, il y a une vingtaine d'an- par-dessus la tête; il n'y avait pas à hésiter;
nées, et il s'en fallut de fort peu que le consul il fallait braver la fusillade j'enjoins à ma
ne fût complètement assommé, Il porta sœur de me laisser partir le premier: je m'é-
plainte à l'Empereur, il demanda, que le cou- lance, le coup part, la balle, siffle derrière
pable lui fût livré pareil ou.tra.ge au droit ma tête; ma sœur s'é,jance aussitôt après
des gens ne devait pas rester impuni: La, ré- moi; nous courons, à toutes, jambes, tandis
ponse du monarque fut adroite promesse de que le fusil se recharge avec colère et trouve
châtier exemplairement l'agresseur, si l'of- le temps de jeter à notre poursuite un plomb
fensé l'exigeait; sermon sur le pardon, des qui ne manque encore son but que de fort
injures et sur l'obligation imposée, à t.out peu de,chose. Nous touchons enfin à la porta
chrétien de pratiquer la miséricorde et de de la. ville; nous nous y précipitons, pâles,
rendre le bien pour le mal développement hors d'haleine. Ma sœur fut malade d,u sai-
de la maxime du coran « II est trois sortes sissement qu'elle avait éprouvé. La chose
de personnes dont les actions ne peuvent s'était passé sous les yeux de bon nombre
s'imputer à crime, l'insensé, i'hpmoje, qui d'habitants qui, du haut des murs, avaient
dort et le petit enfant. » assisté avec quelque intérêt à ce spectacle
Le consul ne put s'empêcher, de paraître ils se seraient; bien gardés de troubler, le
touché d'une exhortation aussi adroitement moins du monde, le respectable aliéné dans
calculée il lui fallait faire grâce, et l'aliéné sesmeurtrières méditations, et si nous avions
put impunément rôder en liberté, au grand, reçu un coup funeste, ç'aurait été pour nous
désespoir des Juifs, qu'il se plaisait surtout beaucoup d'honneur et matière à félicita^
à abreuver de mauvais traitements, et qui tions. »
se sèraient exposés aux plus, cruels, sup-
Légende de la franc-maçonnerie..
plices, s'ils s'étaient permis le plus léger
simulacre. de résistance ou l'ombre d'une, I.– Jacquemin initié aux premières notionsde la
plainte. On ne saurait imaginer à quel point maçonnerie.
les enfants d'Israël sont vexés, humiliés, Au mois de mars de l'année 1814, pendant
tyrannisés dans les états du Maroc. Regardés que les alliés repoussaient Napoléon de pro-
comme les esclaves des esclaves, ils ne peu- vince en province, il y avait à Paris dans
vent sortir sans s'exposer à des volées d'in-; un modeste hôte! garni du quai.des Orfévres,
jures, très-fréquemment .accompagnées des un jeune homme qui était né dans un village
indices les plus frappants del'animadversion du. Tournaisis et se nommait Jacquemin
populaire. Les petits enfants et les vieilles Claes.
femmes se plaisent surtout à lés tourmenter; il faisait sa rhétorique à Tournai lors
outrages et coups, l'Hébreu doit tout endu- de l'invasion de son pays. Plus intrépide dans
rer avec un air de résignation parfaite.. les luttes où il s'agissait de vaincre par la
M. Drummond se trouva un jour, grâce, version ou par le thème, que dans les com-
au zèle haineux d'un de ces fous dont nous bats d'alors où l'on hasardait autre chose
venons de parler dans une situation éminem- que de l'encre, il avait filé prudemment de-
ment critique. Laissons-le parler. vant les approches des gens de guerre. Avec
« Masœur et moi, nous étions, sortis delà vil- une petite somme; d'argent que lui avait
le; nous nous promenions fort paisiblement donnée sa famille, fortifié des bons et sages
sur la plage; soudain, soixante pas de. moi, avis de ses maîtres il était parti, se pro-
j'aperçois un long fusil appuyé sur un petit mue posant d'attendre doucement la paix et do
etse dirigeant sur moi; dans lefon,d, presse ce profiter en même temps de son séjour daus
fusil une tête queje reconnus pour celle.de- Sœ- la capitale,, pour s'instruire en toutes aoi'U'S
dy-Fayeb, pour celle d'un fou,qao j'e.nleudàis de bonnes choses. Il emportait quelques; leV
à chaque heure, que j'évitais dix lois par jour, tres de recommandation qui lui, furent inu-
car il courait sans cesse les. rues., poussant' tiles car, soit qu'ils tussent réellement a.b-
647 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 618
.( ivw'ïln
sents, soit qu'ils
oa (iAii/tîio(<Atil
se souciassent naît de
peu
t\a sc ûivi
em- zinc
des w\ n/*nnc
maçons des
nac im hoi>i I ae
imbéciles /tnmtv\A
comme Ait
dit In
la
barrasser de lui il ne put jamais trouver chanson.
chez eux les personnages à qui il était Jacquemin, comprenant le mot au positif,
adressé. Il vivait donc solitaire, dans sa pe- s'étonna de voir des gens de bâtiment se par-
tite chambre meublée, allant travailler aux ler en signes et venir au cabaret en si
bibliothèques, fréquentant les cours du col- bonne tenue.
lége de France, se préservant assez heureu- Ce sont à coup sûr les chefs entrepre-
sement de la contagion morale qui dominait neurs, dit-il en lui-même; ou bien c'est que
à Paris, et se contentant pour distraction les maçons parisiens s'habillent en quittant
du mouvement de la grande ville et de la va- leur ouvrage; car tous ceux que j'ai vus au
riété des habitués qui venaient diner dans la Louvre sont vêtus de toile et souillés de plâ-
salle commune de son hôtel. tre ils sont mémo fort sales.
Jacquemin Claes avait déjà dix-huit ans. Dans son pays on ne supprimait pas en-
On s'effrayait, en ce temps-là, de la marche core aux maçons leur épithète on disait les
des années. C'est que aussi le pauvre garçon francs-maçons et les bonnes gens voyaient,
était dévolu à la conscription prochaine, et dans les hommes affiliés à cet ordre mysté-
il faisait, comme tous les jeunes gens, comme rieux, des êtres sinistres en plein commerce
toutes les mères, comme toutes les familles avec le diable. Ses professeurs lui avaient
alors, des vœux ardents, mais bien secrets, bien dit que les francs-maçons n'étaient ni
pour la chute de cet horrible régime impé- si malins, ni si habiles qu'on le croyait dans
rial, dont nous ne voyons plus aujourd'hui les villages, et que leurs prestiges n'étaient
que le prisme. que des farces plus ou moins ridicules. Tou-
L'empire tomba le 31 mars et le lende- tefois ils avaient laissé attachée à ce nom
main, la restauration poisson d'avril peu une prévention nuageuse qui jusque-là lui
agréable à quelques gens en place fut ac- avait fait redouter le contact des francs-
cueillie partout, il faut l'avouer, avec assez maçons.
de joie. Jacquemin Claes respira plus libre- Dans une petite explication qu'il sollicita
ment. Il continua de vivre sans fracas, dans le lendemain, il apprit que les maçons, dont
son petit hôtel qui était en même temps res- son hôtel paraissait être une des étapes
taurant et cabaret. Il y venait des gens de étaient non pas des ouvriers de bâtiment
toutes sortes. Il vit là l'ouvrier de Paris, l'é- mais de vrais francs-maçons. Il ressentit à
migré, le grognard le soldat congédié le cette nouvelle un certain frisson qui le trou-
bourgeois de la garde nationale, l'étudiant, bla, moins cependant qu'il n'eût fait avant
tous pêle-mêle avec les Russes, les Prus- son séjour à Paris. 11 se hasarda à demander
siens, les Anglais et les uniformes blancs de si les francs-maçons n'étaient donc pas de
l'Autriche. mauvais drôles? 1
Il y vit aussi beaucoup d'agents de police, Des imbéciles répondit encore l'hô-
que le voisinage de la rue de Jérusalem ame- tesse.
nait là pour dîner. En recueillant quelques De mauvais drôles 1 reprit J'hôte en
bribes des entretiens de ces hommes chargés éclatant do rire mais j'en suis mon jeune
de la sûreté publique, il se forma beaucoup monsieur; mais mon voisin le marchand de
dans l'appréciation des dangers que l'on doit tabac, le libraire à gauche, le sellier de la
éviter à Paris. 11 était curieux et faisait des rue Sainte-Anne, les deux orfèvres que vous
questions, sans que sa curiosité fût impur- voyez devant leur porte tout le monde en
tune ni déplacée car sa naïveté et sa jeu- est. Si les femmes sont un peu contre nous
nesse intéressaient à lui; et il tombait pres- c'est à cause du serment qui nous oblige à
que toujours sur cette classe de Parisiens garder des secrets qu'elles voudraient sa-
parleurs, qui aiment, comme ils disent, à voir.
dégrossir un provincial. Mais sous le rapport Alors la maçonnerie était fort répandue
des principes, Jacquemin se déforma un peu; à Paris surtout mais dans les grades insi-
il ne remarquait pas assez qu'il était géné- gnifiants. Napoléon arrivant au pouvoir à
ralement en mauvaise société. Les propos la suite d'une révolution qui avait fait ger-
inconsidérés, les plaisanteries inconvenan- mer aussi toutes les idées factieuses avait
tes, les chansons hasardées, ne le choquaient bien prévu qu'il pourrait avoir contre lui
pas autant qu'il aurait dû l'être il se refroi- les sociétés secrètes s'il ne s'en emparait
dissait dans l'accomplissement do ses devoirs pas et il s'était empressé de réorganiser la
de chrétien dont il avait toujours chéri au- franc-maçonnerie, sous la haute direction de
paravant l'observation indispensable. Pour- l'Orientde Paris. Il y avait établi pour grand-
tant il ne se perdait pas encore, parce qu'en maître un de ses frères, puis à son défaut le
lui le fonds était bon. prince Cambacérès ex-deuxième consul
H venait surtout dans le petit hôtel beau- archi-chancelier de l'Empire. Tous ses of-
coup de gens qui se saluaient d'un air go- ficiers, tous ses agents tous ses fonction-
guenard, avec des signes géométriques et des naires devaient se faire affilier aux loges
gestes singuliers. Après qu'il eut plusieurs qui devenaient ainsi un auxiliaire de sa po-
fois observé cette bizarrerie il demandà à lice. Mais des trente-deux degrés qui com-
madame Gersant, son hôtesse*, ce que pou- posent la hiérarchie obscure des francs-
vaient être. ces messieurs qui se disaient bon- maçons, il était difficile aux bourgeois de
jour, en s'envoyant des triangles. s'élever plus haut que le troisième, qui con-
Ohl répondit-elle simplement, ce sont fère la maîtrise. Ceux des habitants de Paris
049 FRA FRA 650
1- __1~ -I, _t. _e .1. £'0'" .In nt.h. ,1. _n-
chez qui la religion n'était plus qu'un sou- •*îif dans sa petite chambre, envahi par un
venir, n'étaient pas satisfaite de porter l'ho- certain désir de se faire recevoir maçon,
norable uniforme de la garde nationale, s'ils combattant ses précédentes antipathies pat
ne pouvaient encore de temps en temps se la persuasion où il entrait que les francs-
décorer du tablier brodé et passer en sautoir maçons n'étaient que de bons réjouis inof-
le cordon bleu du maître, qui leur donnait fensifs et calomniés.

l'agrément de jouer au dignitaire. Ils y te- Dans sa perplexité, il redescendit; et trou-


naient ils tenaient également aux dîners et vant seule la bonne.hôtesse, il entama une
aux petites féics de l'ordre; et pour donner conversation qu'il ramena assez adroitement
quelque satisfaction aux femmes de Paris, et assez vite sur la maçonnerie. 11 lui de-
qui sont très-opposées aux plaisirs dont elles manda bientôt pourquoi l'autre jour elle
sont exclues ils avaient multiplié les loges avait traité les francs-maçons d'imbéciles
d'adoption, où. les femmes étaient admises à comme dit la chanson.
des conditions spéciales. Mais on avait soin Oh 1 c'est que vous ne connaissez pas
de ne s'occuper en loges ni de la politique, la grande chanson des ma-
ni des affaires de l'Etat, ni des événements répondit-elle
çons. Eh bien 1 je vais vous la dire. Ce qu'elle
publics, ni de l'empereur, ni des ministres, lit aussitôt, selon l'usage des Parisiennes, qui
ni des gens en place, ni de rien qui fût sé- ne se font pas*pricr pour chanter
rieux. A cela près on pouvait faire des pa-
rades en secret, pourvu que la police sût CHANSOX
MAÇOKMQUE.
fidèlement de qui la loge était composée et air Rions, chantons, aimons, buvons. DESéour
de quoi elle s'amusait. A ma truelle de fer-blanc,
M. Gersant vanta à Jacquemin, pour l'al- Sachez ma dignité suprême.
lécher, les vertus des francs-maçons, leur Je suis obtus; et cependant
fraternité, leur égalité, leur union, leur fidé- J'ai le triangle pour emblème.
lité à toute espèce d'engagement. Lorsque j'étais petit garçon,
On me traiiait comme un vrai Gille.
Tous les ans conlinua-t-il notre loge A présent que je suis maçon, bis.
est admise au Grand-Orient de Paris et l'an Ai-je encor l'air d'un imbécile';
passé, par exemple, moi qui vous parle, j'ai J'aime à produire de l'effet;
reçu l'accolade fraternelle du grand-maître,
J'aime à me décorer, pour cause:
J'ai le genou gros et mal l'ait,
qui est son altesse sérénissime monseigneur Le tablier couvre la chose.
le prince Gambacérès aichi-cliancelier de Mon dos à droite est un peu rond
l'Empire. C'est qu'en loge nous ne sommes Le cordon là se montre utile.
A présont que je suis maçon,
plus que des frères, ni plus ni moins. Ai-je encor l'air d'un imbécile ?7
s
Oh 1 mais c'est très-avantageux ré-
Quand jVi mon êquerre en sautoir,
pondit Jacquemin, séduit; et si vous aviez El que ma ceinture me saugle,
besoin de recourir à son altesse sérénissime Chacun prend plaisir à me voir
monseigneur le prince Cambacérès. Avec ma règle et mon triangle.
Vous qni m'appeliez cornichon,
C'est clair. Cependant il n'en. faut pas Dans mes simples habits de ville;
abuser. Ainsi, moi, a près qu'il m'euiembrassé A présent que je suis maçon,
DIS-
en m'appelant son frère je. nie hasardai à Ai-je eucor l'air d'un imbécile? 2
lui demander par écrit, dans les formes ma- Fringant comme un chapeau chinois, y
une petite faveur qui dépendait Lorsque je me pavane en loge,
çonniques Je suis fier jusqu'au bout des doigts,
de lui il ne me répondit point. Et comme Elanl lrès-sensil>le à l'éloge.
je m'en étonnais M. Lassource un de mes Qu'on me traite de polisson;
amis que vous voyez souvent à cette table Ma réponse devient facile
A présent que je suis maçon,
du fond, me fit observer que j'avais été bis.
Ai-je eucor l'air d'un imbécile?
trop hardi, que si je m'étais présenté chez Ma femme dit que le compas,
son altesse, elle m'eût certainement fait jeter Le point-parfait et la truelle
à la porte malgré l'accolade attendu qu'on Sont (je le répète tout bas)
n'est frère qu'en loge. Ce sont des choses D'une stupidité cruelle.
Le tablier n'est qu'un torchon,
qu'il est bon de savoir. Si je veux en croire sa bile.
Peu de jours après cet entrelien Jacque- Cependant je suis franc-maçon
fut ar- DIS-
min Claes, remontant à sa chambre Ai-je donc l'air d'un imbécile?
rêté dans l'escalier par de grands éclats de A table, au sein d? mes amis,
joie qui partaient d'une salle du premier On m'a souvent blâmé de prendre
Des tons qui ne sont pas permis.
étage. 11 entendait t'hôte parler de truelles J'étais un porc, à les entendre.
de poudre, de barils, d'étoiles allumées; une Je suis peut-être un peu glouton;
autre voix proposait une santé au grand ar- Mais quoiqu'à l'ivresse facile,
chitecte de l'univers puis on discutait sur A présent que je suis maçon,
Ai-je encor l'air d'un imbécile? P
une planche mal faite, et on interpellait les
A ceux qui marchent de travers
frères surveillants. Tout ce qui se disait s'ex- Je puis me donner en exemple;
primait dans un argot où Jacquemin ne com- Sur mon tablier aux bords, verts
prit autre chose, sinon que c'était un dîner J'ai les deux colonnes du temple.
Je vais. ferme sur mon arçun
de francs-maçons.
Appuyé de leur double pile.
Les allégresse.s bruyantes ont pour la jeu- A présent que je suis maçon,
nesse quelque^chose d'engageant; le pauvre Ai-je encor l'air d'uu imbécile?
garçon eût voulu être de ce tumulte, qui lui On me croyait un sot. Parbleu
paraissait de la gaîté. Il s'assit tout médila- Ce n'est plus qu'une calomnie

Dictionn. dbs SCIENCES.OCCULTES. 21


6511 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES., G52
O.l:'n"11
Piiisqu'au boutde
Lnnf An moncordonbleu
n.nn nnrAnn Vln., 1.
voyage vous vous trouviez sans .1
argent, vous
Brille l'étoiledu génie. 'allez en loge, vous vous faites tuiler (recon-
C'est pour les sots une leçon.
J'aurai du moinsouvert la file. naître au moyen de signes) vous dites le
A présentque je suis maçon,1 biss. mot de passe; et vous avez là des frères qui
Ai-je eucûr l'air d'un imbécile? vous garnissent le gousset. Si vous avez une
Ainsiparlaitun homme,vain querelle, entre maçons le duel est interdit;
De sonéquerre et de sa règle. aussitôt
-Frère, lui dit un écrivain que vous signalez lc fait votre
Quipassaitpour un vieilespiègle, adversaire est obligé de mettre bas les ar-
Tontablieret toncordon mes.
Net'ont pasrendu plus habile;
Et ceux qui t'ont fait franc-maçon, bis –Mais, s'il en est ainsi, c'est superbe, dit
T'ont faitdoublementimbécile. Jacquemin et volontiers je me ferais ma-
çon si c'était possible.
Cette chanson n'était pas faite pour fixer Ainsi nous dirons que vous êtes louve-
les esprits flottants du Tournaisien. Mais
teau, mon jeune monsieur; et personne n'en
tout en la chantant, il parait que l'hôtesse doutera.
avait fait ses réflexions car elle s'empressa La seconde condition exigée dans les, as-
d'ajouter que l'auteur était un homme qu'on pirants est de la conduite, de la fidélité aux
n'avait pas voulu recevoir à- la loge.
engagements. Cela lie nous embarrassera
Quoique je me permette d'en rire dit- pas; je serai votre parrain, et je répondrai
elle' encore c'est bon à connaître pour un de vous.
jeune homme c'est curieux, à ce qu'on dil En troisième lieu il faut du courage les
et dans les choses de la vie cela peut se trou- épreuves d'admission ne sont pas des jeux.
ver très-utile. Mais pourtant si on vous reçoit comme luu-
La bonne dame s'était rappelée que cha- veteau, vous ne subirez que les épreuves
que admission amenait un repas, et que les momies c'est plus facile.
festins de la loge de son mari se faisaient Enfin, la dernière condition, qui certaine-
chez elle. ment n'est pas la moins importante, c'est le
Jacquemin s'alla coucher, bercé par les chapilrede
l'argent. On ne peut pas être reçu
chanlsales frères, qui poussèrent leur orgie par d'honnêtes gens que l'on dérange de leurs
jusqu'au delà de minuit. affaires, sans les régaler un peu. Il faut d'ail-
Le lendemain matin, notre jeune homme leurs que vous soyez initié aux usages des
s'ouvrit à son hôte sur les pensées qui l'agi- festins maçonniques et il est juste que vous
taient.. M. Gersant l'accueillit avec empresse- en payiez tes frais.
ment, comme un digne cabaretier qu'il était. Jacquemin Claes, à cette partie du dis-
On arrivait au milieu de juin l'époque des cours, était devenu plus sérieux. Il avait de
fêtes maçonniques approchait. l'ordre. Il sentit que le festin, avec des gail-
Mon jeune monsieur, dit-il, vous pou- lards comme son hôte, ferait une brèche à sa
vez certainement connaître la lumière, si
petite réserve.
vous remplissez quaire points, dout le pre- Je suis mal en fonds pour le moment,
mier est l'âge. dit-il; je dois attendreque mes parents m'aient
Et quel âge faut-il avoir ? demanda fait un envoi, et remettre ma réception à un
Jacquemin. autre temps.
Vingt et un ans. Mais le marchand de vin était un ardent
Alors je dois attendre je n'en ai pas faiseur de prosélytes. H ne se déconcerta que
encore dix-neuf. modérément. Après s'être éch;iuffé sur la
Nous passerons là-dessus répliqua pensée d'amener un nouveau frère il la loge
l'hôte; je vous présenterai comme louve- des Amis réunis qui était assez mal cnm- r
teau. posée, et sur l'espoir de présenter dans Jac-
Qu'est-ce que c'est qu'un louveteau? quemin, qui avait fait ses éludes, un orateur,
Ahl ahl c'est comme qui dirait un petit spécialité dont on manquait alors, il lui sem-
loup, un fils de'maçon. (Le cabaretier estro- bla dur de lie pas avoir les petits agréments
piait le mot vrai Lonflon qu'on applique qu'il s'était promis.
aux fils de maçons, et qui veut dire en effet, Ecoulez, dit-il, en se frappant le front
dans une vieille langue du nord quelque où il venait d'apercevoir une idée, je connais
chose comme enfant de la balle. ) Un louve- un juif, qui demande aussi à voir la lumière.
teau, poursuivit-it, a le privilége, entre au- S'il peut payer un dîner convenable, je vous
tres passe-droits d'être reçu à dix-huit ans, ferai recevoir le même jour et comme lou-
et même à quatorze dans certaines loges. veteau, vous serez exempt de frais.
Votre père| mon jeune monsieur, est-il ma- Au moment où M. Gersant achevait ces
çon ? mots le juif lui -mêmecentra.
Ahl grand Dieul il s'en garderait bien. C'est vous, Gédéon, dit l'hôte' connais-
C'est un honnête fermier d'auprès de Tour- sez-vous l'acacia ?
nay. Les francs-maçons pour lui ne sont que Lequel? demanda le juif.
des excommuniés et des sorciers. Ah! l'innocent! ah 1 le profane, s'écria (
Ahl ahl ahl s'écria l'hôte; nous sommes le marchand de vin, en riant aux éclats. Al-j «
de trop bonsdiables nous-mêmes, pour avoir lonsl nous vous donnerons un âge, selon vost i
rien à faire avec le mauvais. Les francs- dispositions trois ans, cinq ans, sept ans.
maçons, mon jeune monsieur sont des frè- Oh l cette bêtise 1
res. Si yous êtes franc-maçon et qu'en Mun fils car vous n'êtes pas encore
C53 FRA FRA 654
IVArn tV\\
dit t rAc-rrrn vnmnnM'hAlo
l'hôlc, f*A
ce r\*psf
n'est nrtïnt crpnr*>. Prnnor
Prenez r.n
ce nniîmi) mnn
mon înnnp ami
frère, Irès-gra veinent point genre. poëme jeune ami
une hôlisc on a sept ans et plus et si vous vous le lirez; vous verrez jusqu'où nous re-
ricanez, nous ne vous donnerons que trois montons. Demain j'aurai l'honneur de vous
ans et quelque chose 1 exposer le reste car vous n'avez ici que les
Alors encore l'entretien fut rompu par premières origines.
l'arrivée d'un maçon qui entra tout houle- Il donna à Jacquemin un vieux petit vo-
versé. C'était le voisin Cavard, sellier en lume in-12 et il ajouta Du reste, c'est
chambre, qui avait un duel. L'hôte, compre- de la naïve poésie. Vous en' serez charmé.
nant qu'on venait l'appeler pour être témoin, Là-dessus, il se jeta dans la littérature
emmena vivement son voisin à l'écart, afin cita trois strophes de l'ode à la Fortune,
qu.e les néophytes qu'il travaillait ne com- beugla une tirade de Mérope hurla quatre
prissent pas que, malgré leurs- serments, les passages d'Héraclius s'appuya de Mar-
frères se battaient en duel. Le sellier en monlel de Laharpe d'Armand Gouffé de
chambre avait cherché querelle à Delon le J.-J. Rousseau de Désaugiers de Planard
boucher. Il accusait Delon d'avoir fait la et de Lncépède, et se relira après avoir parlé
cour à sa femme, nonobstant la fidélité pro- une heure tout seul, émerveillant M. Ger-
mise en loge à toute espèce d'engagement saut, étourdissant Jacquemin.
et de scandaleuses récriminations avaient Un homme très-prodigieux dit l'hôte
lieu de part et d'autre, en dépit des mœurs après qu'il fut parti. <
maçonniques. Que fait-il? demanda Jacquemin.
On se battit le lendemain matin; car celui Il est à la préfecture.
qui eût refusé le duel. eût été accusé de se -De police?
retrancher par làchelé derrière son titre de De police répondit le franc-maçon
maçon.' avec une affirmation hésitalive. Mais, soyez
Mais à la première égralignure qui déchira tranquille, continua-t-il en se raffermissant,
le pantalon de nankin du boucher, M. Ger- il est employé dans les bureaux.
sant, qui avait intérêt à fournir un déjeuner Et il est de votre loge ?
d'amis,. fil un signe qui arrêta le combat; et Certainement c'est un homme tres-
les duelli:4es, ramenés par leurs témoins, se instruit, qui parlé comme vous voyez, sans
réconcilièrent à table. compter qu'il lait des chansons fort spiri-
H. On fait à Jacqucinln un cours d'histoire de la tuelles.
franc-maçonnerie. Jacquemin avant de se coucher, lut le
Deux jours après le duel du frère Delon et poëme, qui lui sembla long, et dont nous
du frère Cavard, le frère Gersant vint s'as- sommes obligés de donner ici une rapide
svoir auprès de Jacquemin, qui achevait de analyse. Ce poëme était intitulé Noblesse
dîner. Tous les habitués étaient partis il ne des francs-maçons, ou Institution de leur su-
restait que M. Lassource, dans son coin. ciété avant le déluge universel et son rétablis-
-Mon jeune monsieur, dit l'hôte, avant sement après le déluge sans nom d'auteur.
d'entrer dans l'ordre, il est bon d'en savoir C'est un volume in-12 que l'on rencontre
l'historique; et voici notre ami, qui est sa- encore il a des sommaires aussi utiles
vant et qui veut bien vous en faire le récit. qu'ingénieux sur les. marges et il a été im-
M. Lassource était un gros homme à la primé à Francforl-sur-le-Mein, chez Jean-
figure ouverte, qui aimait à se communi- Auguste l\aspe,cn 1756.
quer, mais qui ne se remuait pourtant qu'a- Ce poëme commence tout à fait comme un
près avoir été annoncé d'une manière con- vrai poëme
venable. Il avait salué à l'épithète de savant; Desdiscrets francs-maçons je chantela noblesse.
il se leva dès que le frère Gersant eut fini de L'action s'ouvre en Arménie. Avant de
parler, et vint s'asseoir de l'autre côléde Jac- mourir, Noé, qui voit ses nombreux enfants
quemin, attiré sans doute par les manières prêts à se disperser, veut leur donner un
de l'hôte qui tenait d'une main trois petits lien, en -rétablissant l'ordre des francs-ma-
verres, et de l'autre un flacon d'une certaine çons (1).
liqueur qu'il appelait du cent-sept-ans. Il fai- Un jour le patriarcheà la foisles rassemble.
sait cette liqueur avec les restes de toutes les Après lesacrilice.ils mangenttous ensemble.
bouteilles de cogiiac, d'aniselle de cassis Avantquede mourir quellejoie
de curaçao et de kirsch que l'on vidait chez Au milieudu festin il leur lient ce discours:
Pourriez-vous,chersenlants, mettreen oubliles jours
lui et personne ne disputait au cent-sept- • Oùd'unDieu protecteurla bontésouveraine
ans un nom que personne ne comprenait. Daignavousarracheraux dentsde la baleiue,
Il versa trois petits verres. Jacquemin Voussauvadudélugeetde l'abîmed'eau
Par qui le mondeimpurprit un être nouveau?Y
ayant salué M. Lassource celui-ci, toussa
élégamment et dit Il ajoute à ces vers mélodieux qu'il faut se
Mon jeune ami, comme l'a exprimé le séparer ;k quoi Sem répond qu'on va s'y pré-
chef, il est utile et péremptoire de connaître parer et alors
la chose. Il y a des gens qui deviennent A l'opulent,maistriste et tranquillefestin
francs-maçons et ne se doutent de rien. Ce La nuit bien avancéeet Noémettentfin,
n'est pas cela. Vous me paraissez être doué
d'une éducation de collège. Vous avez fait (1) On remarqueral'usageque les francs-maçonsfont
certainement vos humanités. Je veux donc de l'histoiresainte pour expliquerleur origine. est cu-
rieux de voir qut les savantsde l'ordre ne dédaignentpas,
vous développer agréablement tout ce qui pour satisfairedes prétentionsorgueilleuses,de r<v.ounr
nous concerne et je procède dans le bon a ces mêmeslivres sacrésque leursfrères les l>hllos\)j>iic:a
655 DICTIONNAIREDES SCISNCLS OCCULTES. G50
Mais tout le monde est convoqué pour un ou un bureau de palissandre à incrustations. Ilions,
sacrifice qui doit avoir lieu le lendemain au 11se sauve du bureau par une apostrophe au
point du jour. Noé tombe en extase au mo- cordon
ment de rétablir la franc-maçonnerie; l'ave- Noblecordon!heureux qui s'en voitrevêtul
nir des frères lui apparaît; il fait choix de C'est un signecertaind'une haute vertu
ceux qu'il veut initier, il leur annonce qu'il Cordon,qui produiramillefois plusde gloire
Quetout autre cordonrenommédansl'histoire!
va perpétuer un ordre dont il est le seul reste.
Tubal- Et pour lors Noé installe Sem en qualité de
Cet ordre leur dit-il fut fondé par
dans ses grand-maître des francs-maçons en Asie il
cain, le même qui avait entrepris
nomme Cham grand-mallre pour l'Afrique
soucis nouveaux, il proclame Japhct grand-maître en Europe,
De perfectionnertous les arls libéraux le tout rehaussé de longs discours en vers
S'uflonnani.à la forge, aux plusdurs exercices,
Sur uneardente enclumeil trouvaitdes délices. aussi pompeux que ceux qu'on a lus. Seule-
Tuhalcain s'était vu secondé par trois hom- ment, avant de parler à Japhet il y met un
mes anlé– diluviens peu plus de façons.
Jabel qui méditait,
dessinait, dressait des tentes et faisait le Ici le patriarche, ayantrepris haleine,
D'un prophétiqueécart, qu'il réprime avec peine,
commerce de fourrure; Jubal père de la S'abandonneau transport. Il bégaie; il se lait;
musique: L'attentionredoubleaux mouvementsqu'il fait.
Des instrumentsà vent, danssonnouveautravail Aussi il prédit à frère Japhet toutes sortes
L'ingénieuxJubal inventele'détail. de succès maçonniques; et il donne aux ini-
11 imagina même l'orgue* du premier coup. tiés l'accolade obligée.
Le troisième personnage est un anonyme qui En quittant ce séjour, ajoutele grand-maître,
dota l'humanité de la poterie ou si vous Milletroupeauxchérisà voireomhre vontpaître.
l'aimez mieux»,jle l'art de faire des pots N'oubliezdonc jamaiscette infaillibleloi,
Et de cet art nouveaules fruitsuniversels Qu'unroi bon franc-maçonn'en est que meillourroi.
Descendentjusqu'à nouset sur tous les mortels. Voilà qui est d'un à-propos très-ingénieux
Après que Noé a raconté que Tubalcain et et parfait pour les rois. Enfin Noé recom-
ses trois amis établirent, pour se reconnaître, mande aux frères le langage des signes, qui
les signes et les mots de passe, il ajoute que. leur sera nécessaire dit-il à la confusion
l'ordre des maçons s'est perpétué un «certain des langues ( il prévoit la tour de Babel ) il
temps, mais, que tombé en oubli, il n'avait annonce Ljcurgue, qui sera un franc-maçon
plus que lui pour adepte au déluge qu'il l'a distingué, et fera de sa république une vaste
sauvé dans l'arche, et qu'il le reconstitue. H loge il prophétise le grand éclat de l'ordre
en exotique les règlements · sous le règne de Salomon il salue de loin le
De nos lois.la|>lussainte et la plus nécessaire frère Charlemagne; les maçons anglais du
Sera de les celer à l'aveuglevulgaire, dix-huitième siècle; François 1", empereur
dit-il et il ne donne. pas d'autres prescrip- d'Allemagne et protecteur (te la maçonnerie;
tions. C'est peu de chose. Tous les assistants Frédéric Il, grand-maître de- Prusse et de
brûlent de connaître les grandeurs qu'il leur Brandebourg, et tous les maçons futurs, sué-
promet dois, danois, polonais, russes, français, bel-
ges, hollandais etc. Il nomme Frère Jébus
Surle fameuxdétail dus mystèressacrés
-Tous veulent sur-le-champêtre plus éclairés. son petit-fils, archiviste et secrétaire général
Le grand-imittreattendri récile un formulaire de l'ordre; après quoi le poëme finil, comme
Terrible et de tout lumpsignorédu vulgaire. tout ce qui se f;iil dans la maçonnerie sym-
La vertueuse;troupe, en élevanlles mains,
Le répèle et dès lursau reste des humains bolique, p;ir un nouveau repas qui dure
Elle est supérieure; elle en est séparée; toute la nuit.
Ellen'est désormaisqu'unetroupe sacrée. En rendant ce volume le lendemain à M.
Elle entre au temple, où luit lasublimeclarté. Lassource, Jacqucmin témoigna qu'il en avait
Des profanessentiersce temple est écarté. tiré peu de lumières précises.
Que d'objetsvariés la mainqui le.leur ouvre
Auxfrères éblouissubitementdécouvre! Je le sais, dit le frère: j'avoue même que
Le poêle ne décrit rien de ces objets variés, dans quelques détails c"esl un peu hasardé.
Mais le fond est historique et la forme est
qui auraient eu de l'intérêt pour l'histoire de littéraire. J'ai voulu vous le faire
l'art ancien et comme il est embarrassé du lire mon
il fait descendre des cieux jeune ami, pour vous prouver, comme j'avais
costume l'ange l'honneur de vous le dire hier, que nous da-
dts maçons apportant un coffre où Nué
trouve des tabliers, des grands-cordons, des tons d'assez loin.
des des Je crois bien; avant le déluge 1
étoiles compas truelles de,s
équerres. = -A présent je pourrai vous conter le
Sur un bureau prochainil fait en peude temps reste.
Des merveilleuxbijouxtrois monceaux éclatants. Vous saurez donc que ceux mêmes qui nous
Puis il tient un discoursà ceux qui sontau temple• contestent l'honorable antiquité dont nous
Il metson liibKer;chacunsuit son exemple; parlons, reconnaissent au.moins, pour fon-
Et des riches colliersqui sont sur te bureau, dateur do la maçonnerie symbolique, Hiram
Pour en vêtivNoé,l'ange prend le plusbeau.
Le poële tient à son bureau, mais il ne dit
ou Adon-Hiram que l'historien Josèphe
appelle Adoram architecte du temps de Sa-
pas si c'était un bureau d'acajou à cylindre lomon. On a raconté son histoire avec quel.-
ont attaquésavectant d'acharnement.Du resje.ee poëme ques variantes. Des savants ont écrit qu'il
repose surdes actionsridicules,bien qu'il ait été composé s'agissait là de Hirait roi lie Tyr qui fit
dansle but de glorifierla maçonneriesymbolique. Alliance avec Salomon et lui fut d'un grand
«57 FRA FRA 650
secours pour la construction du temple de par la porte de l'occident, après qu'il eut fait'
Jérusalem. Mais nous avons nos archives; le sa^ronde, voulut sortir par la porte du midi.;
vénérable Hirani était un artiste éminemment Le compagnon qui l'attendait lui demanda le,
distingue, fils d'un Tyrien et d'une femme de mot de maître en levant sur lui le marteau
la tribu de Nephlhaii. II est nommé dans le qu'il tenait à la main.' Hiram lui dit que le.
quatrième livre des Rois. mot de maître ne s'obtenait pas de cette ma-:
Salomon le fit donc venir pour diriger les nière. Aussitôt le compagnon lui porta sur ta
tiavaux du temple. Il voulut montrer incon- tête un coup de'marteau.
tinent son habileté; il construisit devant le Ce coup n'ayant pas été assez violent pour
portique deux merveilleuses colonnes de le renverser le grand-maître s'enfuit vers
cuivre, qui avaient chacune vingt-sept pieds la porte du nord, où il trouva le second com-
de haut et six pieds de diamètre; il donna pagnon, qui lui en fit autant. Quoique fort
à l'une le nom de Jakin à l'autre le nom de blessé, il tenta de sortir alors par la porte de
Booz. On payait les apprentis autour de la l'orient; le troisième compagnon, après lui
première, et les compagnons autour de la avoir fait la même demande que les deux
seconde. premiers, acheva de l'assommer.
Or, Adon-Hiram avait sous ses ordres un Les trois meurtriers s'étant rapprochés
nombre immense d'ouvriers soixante-dix cachèrent le corps sanglant, et quand la nuit
mille apprentis quatre-vingt mille compa- fut devenue sombre, ils le transportèrent sur
gnons et trois mille trois cents maîtres. une montagne voisine où ils l'enterrèrent.
Ayant la direction de tout le personnel et Afin de reconnaître l'endroit, ils plantèrent
ne pouvant connaître chaque individu par une branche d'acacia sur la fosse. D'ouest
son "nom Hiram pour ne pas être exposé à venue la question maçonnique: Connaissez-
payer l'apprenti comme le compagnon et le vous l'acacia? 2
compagnon comme le maître convint avec -A quoi le petit juif n'a pas su répondre.
les maîtres, de mots secrets,de signes et d'at- -Ni vous non plus, sans doute car il n'y
touchements qui devaient servir à les dis- a qu'une seule formule de réponse, qui n'est
tinguer de leurs subalternes. Il donna pa- donnée qu'aux maîtres, et qui est L'acacia
reillement aux compagnons des signes de m'est connu.
reconnaissance qui n'étaient pas sus des Mais je vous livre le secret'des loges. Il
apprentis et aux apprentis des mots et des est vrai que vous allez être des noires/ Re-
signes qui les discernaient des profanes, prenons.
étrangers au bâtiment. Salomon ayant été sept jours sans voir
Tout cela se fit d :ns un ordre si admirable, Adon-Hiram ordonna à neuf maîtres de le
mon jeune ami que Salomon en fut charmé chercher.
el qu'il voulut être affilié lui-même à la con- Les neuf maîtres obéirent. A la suite de
frérie des travailleurs. Dans son poëine inti- longues et vaines perquisitions, trois d'entre
tulé Essai sur la franc-maçonnerie, en trois eux qui se trouvaient un peu fatigués
ct'ants dédié à son altesse sérénissime mon- s'élant assis près de l'endroit où le grand
seigneur le prince Cambacér-ès, archi-chan- artiste avait été enterré, l'un des trois arra-
celier du ci-devant empire, le frère Pillon du cha machinalement la branche d'acac-ia. Il
Chemin a tiré bon parti de cette glorieuse reconnut que la terre en ce lieu-là avait été
circonstance. Le frère Pillon du Chemin est remuée depuis peu il fouilla avec sa truelle
membre de la loge du Centre des Amis. Il et découvrit Iç corps d'Hiram. Il al.)pela aus-
s'écrie sitôt les autres maîtres, qui examinèrent les
Vouspeindrai-je,au milieude.ee peuplede l'rèrps, plaies et soupçonnèrent les compagnons
Le vénérableHirmndonnanth Salomon d'avoir commis le crime. Dans la pensée que
L'augustecaractèreell'haliit d« maçon? peut-être ils avaient tiré du défunt le mot de
Et ce lilsde David,li1 plus granddes monarques,
Fier d'en portersur lui les honorablesmarques, maître quiélait Jehovah, ils le changèrent
Et de sa vanitédéchirantlo liainleau sur-le-champ en un autre 9 lequelsignifiait
Eclairanlses sujets placéssousle niveau? le corps corrompu, et ils allèrent rendre
C'est irès-maçonnique et fort délicat. Le compte à Salomon de l'aventure.
poëme a été imprimé à Paris en 180". Mais Ce prince touché dou!oureusement fit
le frère Pillon du Chemin ne nous donne au- transporter le corps dans le temple où les
cunement, ni dans son texte-, ni dans ses honneurs funèbres lui furent rendus avec la
notes les détails dramatiques de l'histoire plus grande pompe. Tou's les maîtres à cette
d'Hiram que je dois vous achever. triste cérémonie portaient des tabliers et
Trois compagnons peu satisfaits de leur des gauts de peau blanche pour exprimer
paie formèrent le dessein d'exiger d'Hiram qu'aucun d'eux n'avait souillé ses mains dans
le mot de passe des maîtres. Ils cherchèrent le sang du chef. Et quand vous serez admis
l'occasion de le rencontrer seul résolus à comme je l'espère, mon jeune ami, à l'hono-
obtenir ce qu'ils voudraient, de gré ou de rable dignité de maître vous verrez que lo
force. souvenir de la mort d'Hiram est toujours
Vous me direz C'étaient de mauvais frères. présent à l'ordre. Les maîtres en loge ne
Il y en a. marchent qu'en zigz.ig pour signifier leurs
Un soir,,ils attendirent Hiram dans le tem- recherches; ils font le gesie de l'horreur à
ple, et se cachèrent, l'un à la porte du nord, cause du meurtre; ils ont la tête couverte
l'autre à la porte du midi et le troisième à pour marquer le deuil.
la porte de l'orient. Hiram étant entré seul Ici, M. Lassource s'arrêta, probablement
(S9 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 660
ne sachant guère autre chose, et bornant son des hommes religieux qu commençaient
cours d'histoire à la légende d'Hiram, laquel- leurs travaux et les terminaient chaque joui-
le n'est bonne qu'à expliquer aux apprentis, par la prière en commun, qui campaient au-
aux compagnons et aux maîtres, l'origine tour de l'église qu'ils construisaient et pas-
merveilleuse de ces trois premiers grades de saient joyeusement leurs soirées à chanter de
la maçonnerie. pieux cantiques
Les adeptes, qui prétendent que la maçon- Plusieurs princes, sur le continent aussi;
nerie s'est conservée sans interruption jusqu'à se firent un honneur de protéger les maçons
nous, y rattachent tous les mystères et tou- et de s'affilier à leurs confréries. Jacques I",
tes les initiations de l'antiquité païenne, ainsi couronnéen 14-24, fut grand-maiire des lo-
que toutes les associations secrètes du moyen ges ou assemblées des constructeurs de l'E-
âge et des temps modernes les templiers cosse. Les maçons de Saint-Pierre de Home,
les philosophes hermétiques les universités sous Léon X, avaient des franchises pareil-
secrètes où se formaient les Agrippa, les lement et des privilèges qui leur donnaient
Nostradamus et tous ceux que l'opinion pu- aussi le nom de francs-maçons. Inigo-Jones,
blique appelait devins ou magiciens les élève de Palladio, regardé par les Anglais
réunions infâmes de ceux qui dans le Midi se comme leur Vitruve, fut grand-maftre des
faisaient passer pour loups-garous; les affi- francs maçons d'Angleterre. Christophe
liations qui jouaient le sabbat dans les cam- Wren, grand surveillant, à la mort d'Inigo-
pagnes ce qui explique la raison que le Jones, est celui qui fit rétablir toutes les
peuple avait de traiter les francs-maçons de églises de Londres, après le lerrible incendie
sorciers, commeil fait encore. Mais le nom de de 1666, et spécialement la grande église de
maçonnerie symbolique et de francs-maçons Saint-Paul, qui', après Saint Pierre de Ro-
resta concentré en Angleterre jusqu'en 1721; me, passe pour la plus vaste église du monde.
ce fut alors qu'il se répandit au dehors, et Il avait tenu en 1663 une loge ou assemblée
voici comment les maçons anglais expliquent générale, et fut grand-maître en 1685.
l'origine de l'ordre (1) Après lui l'association s'écarta de son point
Lorsque Carausius, ce vaillant enfant de de vue, qui était l'art. Lord Montague, ayant
la Gaule Belgique, qui battit tant de fois les été élu grand-maître en 1721, résolut, avec
Romains sur terre et sur mer, au troisième quelques amis, de construire, non plus des
siècle, eut conquis la Grande-Bretagne et édifices matériels, mais des systèmes philo–
s'y fut fait proclamer empereur, voulant, sophiques. 11fit imprimer en 1723, dans l'es-
comme quelques-uns des autres successeurs pritde son projettes constitutions de l'ordre,
d'Auguste, doter ses nouveaux états de beaux et s'occupa d'étendre J'affiliation au dehors
édifices, il se déclara le protecteur des arts comme un vaste réseau.
utiles, a la tétedesquels il mil Yhti de cons- En 1725, lord Denvent-Waters établit une
truire. 11donna à son ami Albanus la direc- loge à Paris, d'autres se formèrent rapide-
tion particulière des ouvriers maçons, leur ment ailleurs. Des bruits étranges accueilli-
accorda des franchises spéciales, des signes rent ces réunions mystérieuses, que l'on vit
de reconnaissance, et leur permit de s'as- se propager rapidement et lénébreuseincut
sembler en son nom. Ces hommes recevaient en Allemagne, en Italie, en Hollande, en Po-
deux schellings par semaine, et chaque jour logne. en Russie, en Turquie même. JI devint
trois sous pour leur diner. On les appelait bientôt évident que leur but principal était
les frères-maçons. d'arrêter le catholicisme, et que leur esprit
Ces prétendus règlements furent établis en n'élailautre choseque le protestantisme par-
l'année 287. venu à l'état d'indifférence et ligué avec
Dans les troubles qui suivirent la mort de le déisme. Le pape Clément XII, en 1735,
Carausius, arrivée en 293, la société ma- condamna la maçonnerie symbolique, ce qui
çonniques'obscurcil un peu. Athelstan, petit- décida les francs-maçons allemands à pren-
lils d'Alfred le Grand, la rétablit en 924., mit dre le nom de Mopses. Ce mot signifie dogue;
son frère Edwin à la lêle'des maçons, leur et sous cet emblème ils se piquaient de vi-
accorda des franchises, une juridiction et. le gilance et de fidélité. D'autres donnèrent à
droit d'avoir des assemblées. La première leur association le nom imposant d'Ordre
grande loge s'ouvrit à Yorck en 926. de la liberté, dont ils .prétendirent que Moïse
Robert, roi d'Ecosse en 1314-, Edouard III, était le fondateur; ils portaient à la bouton-
roi d'Angleterre en 1327, donnèrent de meil- nière une petite plaque de métal figurant les
leures formes aux règlements des francs- tables de la loi. Mais ce n'était pas le nom seu-
maçons. Le roi Henri VI se fit admettre dans lement, c'était la chose que le saint-siège
la maçonnerie. Mais alors il y avait partout interdisait.
des francs-maçons, comme il y.vait des francs- En 1737, le Châtelet de Paris jugea com-
archèrs.des francs-taupins, desïrancs-bour- me le souverain pontife et lança des ordon-
geois. On encourageait par des franchises nances qui défendaient la maçonnerie sym-
et des priviléges les arts'utiles; et c'est à ces bolique.
mesures que nous devons les cathédrales et Louis XV se montra irrité contre ceux
les nombreux édifices religieux des treizième, des seigneurs de sa cour qui entrèrent dans
quatorzième et quinzième siècles. Cesfrancs- un ordre mystérieux dont on ne, pouvait
uiaçons, positifs et non symboliques, étaient appuyer les intentions d'aucun bon motif.
(t) The constitutionsofllieancientand uonourahlefra- Le duc d'Antin n'en accepta pas moins le li-
lernity of freeand acceptedmasons.Editionde 1767. tre de grand-maître en France; il fut rem-
i
661 FRA FRA- G6t

placé en 1743 par le prince de Çlermont, et reloge du n.1 F


célibat. i^M-li
La toilette des Françaises
ensuite par d'au!res personnes dont nous lui parait ridicule; et tant qu'elle a l'espoir
parlerons tout à l'heure. de plaire. elle lire ses modes du France. A
En 1793, la franc-maçonnerie fut suppri- soix;>nte-huil ans, il y avait déjà onze ans
mée en France, avec le carnavat elle ne re- qu'elle n'avait osé se regarder dans un mi-
vint qu'à sa suite six ou sept ans plus roir; et lorsqu'on venait lui rendre visite,
tard. elle recevait en domino et en masque.»
Jacquemin Claes ignorait toutes ces cho- Cette femme donna à lord Montaguo un
ses et beaucoupd'autresencore. On lui disait fils, fameux aussi parlabizarreriedesesaven-
qu'une loge est le temple de l'amitié, à tures. Perdu à cinq ans, on le retrouva par-
la porte duquel veille le silence, II se dis- mi les ramoneurs; et ce fut afi de perpétuer
posait à y entrer, comme nous verrons la joie causée parson retour, queses parents
bientôt. fondèrent une rente pour que les ramoneurs
III. Digressionhistorique. de Londres eussent tous les ans un bon dî-
L'histoire de la franc-maçonnerie symbo- ner dans les jardins de l'hôtel Montague. Co
lique, quoiqu'elle ne date que de cent vingt dîner se fait encore le 1" mai; chaque con-
ans, est à peu près impossible à faire. On vive reçoit, outre le petit repas, un schelling
en aperçoit quelques sommets obscurs et.la singulière permission d'emporter soit
comme ces chaînes de montagnes que la mer couvert, qui n'est pas d'argent. Rentré chez
n'interrompt pas mais qu'elle recouvre. ses parents, le jeune Edouard Worlley Mon~
Nous empruntons cette comparaison au pe- tague fut mis à l'école de Westminster. Au
tit essai de M. Edmond Leclerc sur la franc- bout de quelques années, il s'échappa encore.
maçonnerie. Ajoutons avec lui qu'il faut, en On.le retrouva viyidant du poisson sur le
attendant mieux, se bornera signaler quelques port de Blackwall. 11se laissa reconduire à
faits, quetes vénérables ont laissé surprendre. regret dans sa famille, s'enfuit de nouveau
L'auteurallemand d'Herman d'Unna, malgré (il avait alors dix ans), s'engagea comme
ses recherches, n'a recueilli pareillement sur mousse, sesauva du navireà Oporto, se mit
les Francs-juges que des documents conti- au service d'un vigneron. Reconduit dere-
nuellement brisés; et il n'a pu nous montrer chef, il commit d'autres extravagances qui
que la superficie de cet autre ordre mysté- ne peuvent tenir place dans ces notes, fit
rieux, qui du moins ne s'est pas élevé contre tous les métiers, professa toutes les religions,
l'Eglise. parcourut tous les pays du monde, etmou-
Nous chercherons seulement à présenter rut sous le turban à Venise, étranglé par
ici quelques notes sur les personnages émi- un os de perdrix (1).
nents que les francs-maçons, au dernier siè» Le père de ce fou, l'époux de lady Mon-
clc, ont reconnus pourleurs chefs. Des prin- tague, seul chez lui, car en même temps que
ces y furent admis. C'était une habileté pro- son fils disparaissait, sa femme faisait de
pre à donnerde la splendeur à la secte. Mais petites absences de vingt-deux ans, imagina
en général, grands-maîtres pour l'honneur pour se désennuyer les formules do l'ordre
(si l'honneur a jamais pu être là), ils étaient maçonnique qu'il institua en 1721, et que
menés par des mains invisibles. ses dîners consolidèrent.
L'empereur François I"dut soninitiation Tel'est le chef des francs-maçons mysté-
de grandes fautes et de grands revers; Fré- rieux. 11 avait succédé au poste de Christophe
dérjc Il s'en moqua, comme il se moquait Wren grand-maître des francs*- maçons
de tout; les autres potentats n'y trouvèrent réels, de la manière usitée en Angleterre où
rien de ce qu'on leur avait promis. l'aristocratie envahit tout, où, l'on mit lord
Lord Montague, le fondateur delà maçonr Wellington occuper le poste honorable de
nerie symbolique, était un fou, qui pour quelque vieux savant sous le titre de chan-
surcroît n'avait que folies autour de lui. Sa celier de'l'univcrsilé de Cambridge.
femme était cette illustre aventurière qui A l'ombre de sa dignité, lord Montague
visita le harem du sultan Achmet, puhlia des peu disposé à construire des édifices, bâU.s-
lettres prétentieuses, et nous rapporta par sait, ainsi qu'on l'a dit, des systèmes. Son
hasard l'inoculation, Dominée par l'orgueil, plan de philosophie n'était pas très-spiritua-
étrangère à toute sensibilité, onne la vit jamais liste il ne se proposait que la glorificalion
contente d'elle-même, ni de sa position. M. du matérialisme, en plaçant toutes les reli-
Fiévée a retracé d'elle ce portrait exact: gions à la même table sous le niveau. Sa fra-
« A seize ans, dit-il, elle regrette de n'être teruité se jurait te verre à la main.
pas homme à trente, elle demande déjà dix Il n'avait d'ahord institué que trois degrés,
années de moins; mère .de famille, elle fait qui sont toujours la base de l'ordre les as-
(I) Un autre descendant de hdy Momague, que le toujourscroissantevers la chute, en présencede plusieurs
prince Pueklsr-Muskaiiconfondavecle ramoneur, a fait centainesde spectateurs.Ce quetout le mondeavaitprévu
d'autres extravaganceset de longsvoyagesaussi, la suite arriva.Le bateau, ayant heurté contredes pointesde ro-
desquels, a étantarrivéà Shaffhouseen 1790,ce tord ont cher, chavira les deux hommesne reparurent qu'une
la malheureuseidée devouloirdescendrela chutedu'Ilhih sente foissur la surfacede l'eau. Le bruit assourdissant-
dansun bateau.Onfit toutau monde pourle retenir; mais des flotséloulfaleurs cris, qu'onn'eutendaitqu'iudislinc
il n'écoutarien. II se rendit an bord du fleuve; et après tententpar intervalles. Ils disparurent bieulûl tout à fait,
avoir envoyéen avant-, commeessai, un bateauvide qui et l'onlie put retrouver leurs corps.
arriva au basde la chutesans malencontre,il s'embarqua Par une coïncidenceextraordinaire, -le jour même de
dansun secondavecson ami, M. Barnett,qui nes'en sou- leur mort, le chàtpauhéréditairede la familleMontagne,
ciait guère. dansle comtéde Sussex, fut totalemeut.consumépar les
Ils voguèrentd'abordlentement, puis avecune rapidité flammes.»
6G3 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. GG4

pirants ou apprentis, sur lesquels on prenait térielles que lord Montagne et ses amis
des informations les novices ou compa- avaient inventées, et dont la mèche n'est pas
gnons, que l'on soumettait à des épreuves; découverte encore.
les convives ou maîtres, qui étaient initiés Dans l'opulence du choix, on ne reçut d'à-
aux plans et aux secrets. Tout cela se per- bord à Paris que les grands seigneurs.
fectionna ensuite. A la vue de cet ordre, dont tous Iesmem-
Si lord Monlague était une tête timbrée bres étaient liés par des serments terribles,
un fou moitié turc, moitié bœuf, et le reste dont les secrets ne pouvaient être trahis im-
anglais, comme on a dit lord Derwent- punément, dont les affidés s'entendaient au
Waters, qui vient après lui, n'était du moins loin par des mots de convention et des signes
qu'un homme faible et les malheurs de aussi incompréhensibles pour les étrangers
ses jeunes années excusent cette faiblesse.. que le langage des télégraphes, des ambi-
Son père, dévoué à là cause du préten- tieux sentirent qu'il y avait dans la franc-
dant, fut fait prisonnier à Preston con- maçonnerie un levier puissant. La loge de
damné à mort par George Ier, exéculé le Paris, sous prétexte de simples festins, s'or-
6 mars 1716, sur l'esplanade de la Tour de ganisa ténébreusement bientôt Derwent-
Londres. « Le comte de Derwent-Waters Waters lui-même ne fut plus initié à tous
dit Smollet, était un homme doué des plus les secrets, et reconnut qu'on ne s'occupe-
belles qualités. Sa funeste destinée tira des rait pas là de sa cause. On attira le duc d'An-
larmes, de tous les spectateurs, et fut très- tin, qui se fit recevoir. C'était un person-
préjudiciable au pays où il vivait; il était nage éminent, que deux petites anecdotes
catholique et il faisait subsister par ses feront connaître.
bienfaits une foule de malheureux. » En al- On citait le duc d'Antin comme un des plus
lant à la mort, il fit monter son fils sur l'écha- habiles courtisans de Louis XIV. Le monar-
faud il lui dit:-Sois couvert de mon sang et que, un soir, alla coucher à Petit-Bourg
apprends à mourir pour ton roi.-Le shérif il y critiqua une allée d'arbres qui cachait
lui ayant demandé s'il voulait faire un dis- la vue de la rivière, et fut surpris de ne plus
cours, il répondit qu'il n'était pas venu là la voir le lendemain matin. Le duc d'Antin
pour haranguer, mais pour mourir, et qu'il l'avait fait disparaître pendant la nuit et il
se bornait à prolester hautement de son at- dit an roi, qui témoignait son élouncment
tachement à la religion catholique et à la Les arbres n'y sont plus parce que Votre
cause de Jacques III. Après quoi il tendit la Majesté les a condamnés.
tête au bourreau. 11 était intendant des bâtiments de la cou-
L'enfant, qui n'avait que quinze ans, fut ronne.
emporté évanoui de l'échafaud. Il conserva Il fit plus à Fontainebleau. Sachant qu'un
de celte scène un abattement et une timi- certain petit bois déplaisait à Louis XIV, il
dité qui le fit tomber dans plus d'un piège. en fit scier tous les arbres, et posta derrière
Six ans après, ses amis, sachant qu'il ne des hommes prêts au premier signal à tirer
songeait dans son cœur qu'à la cause pour la- les
cordes qui
devaient les abattre. Le roi,
quelle son père lui avait recommandé de allant se promener de ce côté-là, suivi de
mourir, lui persuadèrent qu'il trouverait toute sa cour, ne manqua pas de répéter
dans l'ordre mystérieux fondé par lord Mon- que le bois ne lui plaisait point. Il dispa-
tague, les moyens de relever les espérances raîtra, dit le duc d'Antin, aussitôt que Votre
des Stuarts. On le présenta à lord Montague. Majesté l'aura ordonné.
Un certain intérêt s'attachait à ce jeune Vraiment), repondit Louis XIV, le plus
homme. C'était un prosélyte important, dans tôt sera le mieux.
une opinion qu'il était bon de mettre aussi Au même instant part un coup de sifflet,
sous le niveau. On le reçut sans effaroucher et la forêt tombe comme par enchantement.
sa conscience d'ailleurs, rien alors n'inter- C'est alors que la duchesse de Bourgogne
disait encore la franc-maçonnerie aux ca- s'écria émerveillée Ah 1 mesdames si
tholiques. Le sarnt-siége qui ne fait rien le roi avait demandé nos têtes M. d'Antin
légèrement, ne connaissait pas encore le but les eût fait tomber de même.
des maçons. Dès qu'il servit initié, Derwent- Le grand courtisan avait conservé, au-
Waters passa en France, où il savait que près de Louis XV, l'art particulier non de
tes Stuarts avaient des amis. La bizarre in- dire, mais de faire des choses flatteuses. Eh
stitution de lord Montague commençait à bien 1 chose surprenante 1 Louis XV, à qui
faire grand bruit à Paris. Le jeune Anglais la franc'-maçonne.rie donnait de l'ombrage,
n'eul pas de peine à former une loge qui, échoua contre toute attente dans la de-
dans le principe, se réunit rue des Boucheries- mande qu'il fit au duc d'Anlin de ne plus
Saint-Honoré, et comme de juste chez un fréquenter la loge.
traiteur. 11 était lié; sans doute déjà on lui avait
On ne parla bientôt plus que de cette as- inculqué cette règle des initiations égyp-
semblée, secrète, où l'on n'admettait que tiennes, qu'une fois engagé dans les sentiers
quelques élus, où l'on employait un langage de l'ordre il n'est plus permis de se retour-
obscur, où l'on se faisait reconnaître par des ner.
signes singuliers, où l'on pratiquait, disait- Le duc d'Antin avait soixante ans. On le
on, de terribles cérémonies. Car l'ordre à fit grand-maître de France.
sa naissance, exigeait un grand déploiement Ou ne voit plus du tout, dans les premières
(te courage physique, dans des épreuves ma- lignes, lord Derwent-Waters, qui voyageait
CG5 FRA FIU~1 6CC
sans doute, agent désormais exploité •
il fon- choix tomba sur un maître de ( danse, nommé
dait un temple dans l'Artois des loges s'ou- Lacorne, qui sans doute avait donné des ga-
vraient partout, avec une activité incroya- ges à l'ordre.
ble. Il y en eut rapidement dans tous les Etats Celui-ci convertit la loge en salle de bals
de l'Europe. pour les initiés fit sauter les frères et
Mais quoique leurs menées fussent bien voulant amener les dames à ses fêtes, in-
secrètes, ils ne purent dissimuler entièrement venta les loges d'adoption. La duchesse de
leur but. Par la butte in Entinenti lancée Bourbon fut la première grand'-maîtresse de
le 23 avril 1537, le pape Clément XII con- ces loges de femmes, où l'on eut de petits
damna la franc-maçonnerie. La bulle Pro- signes, de petits mots d'argot, de petites
vidas, deBenoîlXIV (18 mars 1751), confirma truelles, de petits tabliers; de petits maillets;
cet aiialhèine. Ces mesures produisirent quel- mais où l'on ne sut de l'ordre que les enfan-
que effet. En France, toutefois les maçons tillages et les petits mystères sans consé-
qui conservaient quelques dehors religieux quence.
se relranchèrent derrière le gallicanisme, et Pendant.que ces joyeusetés se faisaient à
plusieurs allèrent leur train. Paris, le prétendant Charles-Edouard Stuart,
Le duc d'Antin étant mort en 1736, la se figurant que la loge d'Arras lui avait
grande-maitrise fut donnée à un prince du rendu des services, ou qu'elle pouvait lui en
sang, le comte dé Clermont. rendre, donna à cette loge le diplôme hono-
Louis de Bourbon-Condé, comte de Cler- rifique et splendide de Ch-.tpitre primordial
mont, n'avait guère que trente ans c'était sous le nom de Loge d'Ecoss.e-Jacobile il
une de ces têtes qui ont besoin de mouve- confia la direction de cette loge à deux avo-
ment et de nouveautés. 11 avait été tonsuré cats d'Arras, M. Lagneau et M. Robespierre,
pour les ordres; il obtint des dispenses et oncle de la terrible célébrité de 1793. Ceux-
entra dans la carrière militaire. Voyant là se hâtèrent de constituer la maçonnerie
qu'il y produisait peu de bruit, il voulut se dans les Pays-Bas.
faire recevoir membre de l'Académie fran- On sait'les tristes aventures de Charles-
çaise. Ce fut tout un bouleversement dont it Edouard Stuart,àqui satoged Ecosse-Jacobite
triompha. Devenu académicien il fut acca- ne rendit pas le moindre service, et que peut-
blé d'épigranimes, parmi lesquelles nous ne être elle perdit, en faisant répandre à Londres,
citerons que celle-ci sous prétexte de lui gagner des partisans,
Trente-neuf unis à zéro. le bruit injurieux qu'il avait abjuré la reli-
Si j'entends bien mon numéro, gion catholique; ce qui était faux.
N'ont jamais pu faire quarante ·; La grande loge de Paris, que l'on commen-
D'où je conclus, troupe savante,
Qu'ayant à vos côlés admis çait à appeler le Grand-Orient, préparait dès
Clermont, cotte masse, pesante. lors, au milieu des bals et des fêtes, un hardi
Ce digne cousiniliî Louis,
La place est encore vacante.
coup d'Etal. Helvélius, Voltaire, Diderot, d'Ar-
gens, Holbach, Boulanger, Dalembert, tous
Cette épigramme est du poëte Roy, de qui les philosophes et encyclopédistes s'étaient
elle causa ta mort les gens du conte de affiliés à la maçonnerie; et l'esprit de cette
Clermont le bâtonnèrent tellement qu'il institution n'était plus douteux pour per-
expira peu de jours après. sonne. Les jésuites, devant qui les bulles dos
Le prince pourtant supporta d'autres cru- 'souverains pontifes étaient choses sérieuses,
dités. Lorsqu'il battait en retraite après là se croyaient tenus par leur devoir à combat-
journée de Crevelt, il demanda, en entrant tre un ordre si dangereux pour l'Eglise. Us
à Nuylz, s'il avait paru des fuyards. Une en découvraient si précisément tes inten-
bonne femme lui répondit Monseigneur, tions et la marche, ils en démasquaient si
vous êtes le premier. nettement les iniquités, que le Grand-Orient
Voilà l'homme, de poids que les maçons de s'en troubla, prévoyant une lutte où l'unc
France mirent à leur tête en 1743. des deux armées devait tomber.
Disons pourtant que le comte de Clermonl. Le parti fut bientôt pris, et les batteries
qui avait aussi de bonnes qualités, qui'plcura a dressées. Les maçons se renforcèrent d'une
ses fautes et ses égarements, qui termina sa grande troupe d'avocats, gens très-propres
vie dans les bonnes œuvres et dans d'immen- en France à la guerre d'intrigue. Ou accusa
ses aumônes, ne voulut rester qu'un an les jésuites de domination, que ceux-ci pou-
grand-maître des francs-maçons. Il lut rem- vaient reprocher à l'ordre les plans de bou-
placé par le banquier Baure, qui prit la leversements qui murissaient dans la loge
chose sur une autre face et en fit une affaire leur furent rondement attribués. Ou mit euil
d'argent. cause les petites difficultés ridicules que l'on
Ce fut Baure qui imagina tous les grades est convenu d'appeler libertés de l'église gal-
honorifiques, chevaliers du Soleil, chevaliers licane on attira dans l'ordre les philoso-
Kadusch, chevaliers d'Asie, frères du poi- phes du parlement, le corps de hPcbicam:
gnard, templiers frères du royal secret qui n'a jamais aimé l'esprit conciliant <lo.
Roses-Croix, etc. Il vendit ces dignités aux l'Eglise romaine, et enfin les jansénistes, que
amateurs, trafiqua de tout et s'enrichit au les bulles des papes irritaient toujours.
moyen de la fraternité. La campagne fut si -habilement conduite,
Les gros bonnets de l'ordrel'arrétèrentdans que les jésuites furent supprimés; elle Grand-
.cette voi.e; en 174G ils le remplacèrent daus Orient triompha.
sa qualité de substitut du grand-maître; leur Les francs-maçons, dans leurgloire, élurent
«67 • DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 608
pour grand-maître un autre prince du sang, rapprocher, la chose finalement fut arrêtée à
e duc de Chartres, qui, plus tard, devenu soixante francs; pour laquelle somme le
duc d'Orléans, en dépit des arrestations, des frère Gersant promit un souper digne do
menaces, de la crainte du poignard et des l'ordre, àvec une nappe blanche.
terreurs de toute espèce, se leva en pleine Ou avait annoncé au juif douze convives.
Convention, et renia publiquement la franc- On eut soin de ne convoquer que les sept
maçonnerie. frères de rigueur; car il faut au moins sept
Un regard de Robespierre, son collègue à membres pour composer une loge et comme
l'assemblée, son frère à la loge, lui fit com- il n'est pas permis d'être à table en nombre
prendre' ce qui l'altendait. Le prince était pair, on compta fort bien que les sept mem-
perdu. Il alla le 6 novembre 1793 à l'écha- bres, le juif et le louveteau, feraient neuf.
faud. Sa mort expia les égarements qu'on Les sept frères maçons qui devaient for-
lui reproche, car elle fut toute chrétienne. mer la loge, étaient l'hôte M. Gersant, à qui
Maxirailien Robespierre avait hérité, dé sa taille et si physionomie prononcée, quoi-
son oncle d'Arras, le secret et le pouvoir qu'il frit bon homme, donnaient dans toutes
dans l'ordre maçonnique. Ce ne fut que les cérémonies d'admission le rôle du frère
quand cet homme, qui dirigeait tout par des terrible; M. Lassource, que ses habitudes
ressorts incompris, tomba lui-même, que ia littéraires plaçaient au siége de vénérable ou
franc-maçonnerie ferma ses temples, président; M. Savoie, le marchand d'épon-
Voilà, sur l'ordre mystérieux dont nous ges, et M. Cavard, le sellier en chambre,
nous occupons, des aperçus et des faits rapi- que l'on ne manquait pas de nommer frères
dement indiqués à vos méditations. Les gou- surveillants, parce qu'ils n'avaient pas d'au-
vernements, fussent-ils despotiques comme tre indemnité M. Félix, le peintre en bâti-
celui de Napoléon, ne peuvent pas maîtriser ments, qui était chargé de la décoration de
une institution qui échappe à tout. On ne .la loge; M. Delon, le boucher, et M. Hulin
peut lui opposer que la religion. le fruitier, ou, pour parler plus à la pari-
Et si vous repoussez la religion vous sienne, le mari de la fruitière; ils fournis-
serez comme cette peuplade de TOricnt qui, saient dans les repas ce qui était de leur
dans une sorte d'illuminisme, trouvant sa .ressort.
vuo insuffisante, se creva les yeux et fut La soirée pour la double réception fui
dévorée par les chacals. mise au 15 juin. Il n'y avait plus que trois
En fait de religion, n'oubliez pas, lecteurs, jours; on s'occup,i des préparatifs; et tous
qui que vous soyez, qu'il n'y en a qu'une. Si les soirs, l'un ou l'autre des frères travail-
vous penchez pour les néo-chrétiens, per- lait à l'éducation de Jacquemin, que l'hôte
mettez-moi de les comparer à ces gens qui avait présenté comme louveteau. Quant
vous disent: H y a assez longtemps qu'on à Gédéon, qui payait, il devait subir les
fait du pain avec le grain, faisons -eu avec épreuves.
la paille. Mon jeune ami dit M. Lassource au
Si vous n'avez pas trop de honte des philo- Tournaisien, nous vivons au milieu d'allégo-
sophes, i-appe!ez-vouis le mot de Napoléon, en ries sublimes, et voici l'explication que le
quittant un philosophe illustre de son épo- vénérable Hiram en donna lui-même aux
que En vérité, il faut avec ces gens-là ffères initiés à ses grands mystères.
avoir les mains dans ses poches. Le compas et l'équerre avertissent le maçon
Ajoutons une parole illustre sur les francs- que toutes ses actions doivent être réglées;
maçons; ç'est aussi de l'histoire. Lorsque la le niveau, 'qu'il doit régner entre tous les
France repoussa les jésuites, le grand Fré- frères une parfaite égalité, cimentée par la
déric, dans son langage de philosophe, se truelle.
mit à dire: Les Français renvoient les Les colonnes d'airain, dont l'une signifie
rcnaids; mais ils gardent les loups', et ils il donnera la fermeté, et l'autre: en lui se
en seront dévorés. trouvela force, annoncent que le grand archi-
Le vénérable Frédéric I1, grand-maitre tecte de l'univers est le principe de la force
des fraucs-maçoits de Prusse et de Brande- et de la persévérance maçonniques. Josèphe,
bourg, savait bien de quels loups il parlait. au premier livre de ses Antiquités judaïques,
IV. Comment Jacquemindevient,franc-maçon. parle de deux colonnes fameuses, l'une de
briques et l'autre de pierres, sur lesquelles
C'est quelque chose d'extraordinaire que les enfants de Sclh avaient gravé les scien-
l'approche du jour où l'on doit être reçu en ces humaines en caractères hiéroglyphiques,
toge c'est ridicule, quand la loge est sans afin qu'elles ne périssent point au déluge,
portée, comme la loge des Amis réunis; c'est qui avait été prédit par Adam. Il ajoute que
triste, quand celte loge, comme il arrive ces deux colonnes, que n'endommagèrent
assez souvent, est un "foyer- de sombres pas les eaux, subsistèrent longtemps après
projels. •Noé il est probable, mon jeune ami, qu'Hi-
Pour fixer le jour de la -réception de Jac- .ram, en élevant ces deux colonnes d'airain,
quemin,il fallait stipuler avec le juifGôdéon., voulut conserver ainsi le souvenir du mo-
qui, fidèle à sa nature, marchanda son ad- nument antédiluvien, dont les mystères et
mission comme toute autre chose. On lui de- les hiéroglyphes lui étaient parfaitement
manda, pour le diner, deux cents francs; il connus.
en offrit vingt-cinq; et comme il éiait le plus La perpendiculaire, dont l'usage est sou-
tenace dans les efforts que l'on fit pour se vent -rappelé, indique que tout vient d'en
660 FRA FRA 670
haut. Le pavé mozaïque, qui se voit dans les vait pas bien déterminer, et qui semblait lui
loges rigoureuses, est l'emblème de l'union dire qu'il s'embarquait dans une sotie af-
qui règne, comme on sait, entre tous les faire. Mais la curiosité l'entraînai). On l'en
maçons. Le dais d'or et d'azur, qui surmonte Iretenaii di- tout ce qui pouvait l'exciter on
le siège du vénérable, signifie par l'or la lui parlait des trente-deux grades de la ma-
richesse, et par l'azur la sagesse. çonnerie, chevaliers, templiers, frères du
L'étoile flamboyante, continua-t-il, est poignard, ro^es-cioix; on lui disait que ces
l'emblème du génie qui élève aux grandes titres n'étaient qu'honorifiques, et qu'il n'y
choses. avait de grades réels que les trois premiers,
C'est aussi, ajouta le sellier, la signifi- qui devaient lui être conférés to l d'un
cation du grand architecte de l'univers. coup. Ceux qui lui parlaient ne savaient rim
Et le Delta, poursuivit l'hôte, voilà qui encore des projets qui grondaient dans les
est sublime; ça signifie tout. hautes loges; ils lui dirent le peu qu'ils sa-
On vous- parlera encore de la pierre angu- vaient des luges du rite écossais, des loges
laire, symbole que vous connaîtrez plus d'adoption, des loges d'élite, où l'on faisait
tard. un choix épuré des frères mêmes; el dms
Ce pathos, que l'orateur empruntait sans ces causeries, le jour de la .réception arriva.
rien dire au frère Pillon du Chemin, ne pa- Le quinze juin, à sept heures du soir, tous
raissait pas à Jacquemin très-orthodoxe. les membres convoqués arrivèrent à l'hôtel
Mais on ne lui laissa pas le temps d'entrer du quai des Orfèvres. Jacquemin avait mis
trop avant dans ses réflexions. Ces leçons se son habit noir et sa culotte cotirlc, qui alors
donnaient autour d'une table chargée de pe- était de grande mode. Géiléon était éclalan),
tits verres; le boucher avait pris un morceau chamarré de chaînes d'or el de bijoux, à ta
de papier, et, avec une vraie plume d'au- manière des juifs. On n'attendait pour partir
berge, il avait écrit une demi-page, où l'on que M. Lassource. qui fit dire tout inopiné-
ne voyait que des signes, comme il suit ment qu'il était indisposé et qu'on devait tra-
Au G. O. de P. le G. A. de IU.\ a vailler sans' lui.
mis le N.\ sur les F. de l'O. sur les M.1, • La femme de M. Lassource n'aimait pas
de la L.\ comme sur le V.\ et sur tous les non plus que son mari allât en loge; cela lui
F. M. La F. M. dans son T. sous l'E.\ semblait ténébreux, et elle ne manquait pas
F.\ qui est l'œil de J.\ unit tout avec la T. de lui jouer des tours lorsqu'elle le voyait
Ainsi vivons d'E. et que le C.\ nous règle tirer de la commode son tablier de maçon et
à la G. du G. A., de l'U. le mettre à l'air <ans le projet de s'en parer
Lisez cela, jeune homme, dit-il, en le soir. Ce jour-là, elle avait mis' de la rhu-
poussant ce papier sous les yeux de Jacque- barbe dans une omelette aux' fines herbes
min. Voilà une langue qui devient la vôtre; que M. Lassource avait mangée pour son
et quand désormais vous écrirez à des frères, déjeuner. 11 en était devenu si relâché et si
c'est ainsi que vous devez marquer vos fade, qu'il devait garder la chambre..
mots, à moins de continuer à passer pour Les frères se tussent trouvés dans un
un profane. grand embarras, si l'hôte n'eûl songé aussi-
Jacquemin avait déjà parcouru quelques tôt au voisin Guenaud,le marchand de tabac,
livres de maçonnerie cependant, le même chez qui il courut, et qui fut prêt en cinq
signe étant employé pour diverses expres- minutes, dès qu'il apprit qu'il y avait un
sions, il ne se retrouvait pas bien. souper.
Voilà, fieu, reprit le boucher en lisant On partit donc courageusement pour la
« Au grand Orient de Paris, le grand rue Saint-Merry.
architecte de l'univers a mis le niveau sur Comme la troupe maçonnique enfilait celle
les frères de l'ordre, sur les maîtres de la rue avec une grande vigueur de jarrets, lé
loge comme sur le vénérable et sur tous les hasard, qui est souvent original et quelque-
francs-maçons. La franc-maçonnerie, dans fois plaisant, voulut qu'un gamin de Paris
son temple, sous l'étoile flamboyante qui est crouât les frères en chantant une joyeuse
l'œil, de Jéhovah, unit tout avec la truelle. chanson, dont ils attrappèrent ce couplet
Ainsi, vivons d'équerre, et que le compas CadelRoussellea un cochon
nous règle, à la gloircdu grand architecte OJei Bnussellea un cochon
de l'univers. » Que t'on a ri çuIVanc-iiKiçun,
On ignore si Jacquemin eut la pensée que Quel'ou ari çufraue-uiuçoii;
ce devait être encore là un sublime morceau II l.iil cau:isur la Iruelle.
yue (iilea-vous d CadetRousselle?
pillé à quelque gros bonnet de l'ordre. Mais Ali ah! ali nui vraiment,
le boucher l'avait appelé fieu, et ce fut ce qui CadetKoussellecsi ljouon'aut. t,
le frappa; car c'était un mot du patois de Polisson cria, de ses solides poumons,
son pays. M- Cavard en s'arrélant. Mais le gamin avait
Vous m'avez appelé fieu, dit-il à Delon.
passé, et il poursuivait:
Fieu 1 certainement, reprit celui-ci, c'est CadetRousspllea un cheval,
que je suis de Lille, et de la rue des Chats- CadîH Itoiisselleun cheval
Boss-us encore. Ainsi, nous sommes voisins; (Ju'uslcjtlkiermunicipal,
et c'est pour cela que je vous protège; et Qu'est ollicifi1 municipal,
vous serez maître. lit qui ne va plusa ta s. Ile.
Jacquemin parut très-flatté. Il y avait ce- Un fiacre qui arrivait avec fracas empêcha
pendant en lui quelque chose qu'il ne pou- d'entendre le reste.
C71
1 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 072
Ne voyez-vous pas, dit M. Gersant, pour connais ici personne, j'aurais dû écrire à
calmer le se.llier, que c'est une chanson du mes maîtres ou à des personnes vraiment
temps de la Terreur? éclairées.
Il est fâcheux, ajouta le peintre en bâti- Cependant il était là, devant la tête de
ments, que M. Lassource ne soit pas des nô- mort, qui n'est jamais chose réjouissante. La
tres. C'est celui-là qui à table sait de belles peur, l'embarras, la fausse honte, la curio-
•chansons! 1 sité le ballottaient. N'osant pas ôter la tête de
Cependant on était arrivé au n" 22, où se mort, il tira doucement le papier, écrivit à
trouvait la loge des Amis réunis. On entra. ,la hâte quelques lignes, puis frappa trois
Jacquemin était un peu honteux. Après coups, ainsi qu'on le lui avait prescrit.
qu'on eut monté trois étages, on s'arrêta de- Le frère surveillant rentra aussitôt
vant une porte sur laquelle le frère Félix
avait peint ces mots en lettres rouges -Vous êtes déjà prêt, dit-il; à la bonne
heure. J'aime cela.
Lauge des Francs-Maçons. Il mit à Jacquemin un bandeau sur les
Les amisréunis. yeux, le prit par la main et le conduisit, avec
Félix s'approcha de Jacquemin, qu'il sa- le papier, qu'il appelait son testament, à la
vait être un jeune homme ayant fait ses étu- porte du temple, où il frappa trois fois trois
des, et lui montrant l'inscription Je suis coups.
en discussion, lui dit-il, avec le frère Las- Qui frappe là? demanda une voix de
source, à propos de mon orthographe. 11 l'intérieur.
prétend qu'il faut, au premier mot, une Uu frère.
apostrophe après l'L. Que demandez-vous?
Ces paroles furent pour le Tournaisien un Je demande à présenter au temple un
coup de foudre. Il était évident que M. Las- candidat, fils de maçon.
source se moquait de la maçonnerie. Dans cette circonstance solennelle, le
La porte cependant s'était'ouverle. mensonge, quoiqu'il fût convenu, fil battre
Vous causerez à fable, interrompit le le cœur de Jacquemin, qui pourtant se hor-
marchand d'éponges, en poussantJacquemin nait à le tolérer.
dans l'antichambre de la loge. Quel est le nom du louveteau? reprit la
Il y avait à droite et à gauche de cette anti- voix.
chambre, des cabinets, et au fond, une porte Jacquemin Claes, jusqu'à ce qu'il lui
qui ouvrait dans le temple, ou du moins soit permis (le s'appeler le frère Jacquemiu.
dans la pièce qu'on nommait ainsi. Les frères Que désire-t-il?
Savoie et Cavard, en qualité de frères sur- Voir la lumière.
veillants, s'emparèrent des deux néophytes A-l-il fait son testament?
et les conduisirent aux cabinets de réflexion, Je J'apporte.
Jacquemin, sous la garde du. frère Savoie, Qu'il soit introduit; il a ici un parrain.
entra dans le cabinet de droite, qui était bar- Tout cela n'était pas très-régulier de for-
bouillé ou tendu de noii jusqu'au plafond. me. Néanmoins la porte s'ouvrit, et Jacque-
Une seule chandelle brûlait sur une petite min entra, mais sans rien voir; car il avait
table. Devant cette chandelle on avait pré- sur les yeux une serviette épaisse
paré une feuille de papier, une plume et de Après qu'il eut fait trois pas dans la loge,
l'encre; et sur celte feuille, en guise de serre- il sentit que lit main du frère surveillant !e
papier, une tête de mort. lâchait et qu'il était abandonné à lui-même.
Le marchand d'épongés dépouilla Jacque- La feuille de papier qu'on appelait son testa-
min de ses bijoux, de son argent, de tout ce ment fut remise au frère Félix, qui la lut à
qu'il avait sur lui de métallique; puis il lui haute voix. Elie contenait ce qui suit
dit « Je. suis sous la garde de Dieu. Que sa
-Ce que je fais là est pour marquer l'ab- main me dirige si je m'égare, qu'elle me
négation que lout franc-maçon doit faire des fasse rentrer dans la voie. »
richesses et des vanités de ce monde. A pré- Celle lecture fut suivie d'un moment de si-^
sent, vous allez rester seul un moment, pour lence,.que le frère Gersant rompit en disant
faire vos réflexions avant les engagements C'est fort tien ce n'est pas le style ma-
qu'il s'agit de contracter. Vous allez voir la çonnique aussi le candidat n'esl-il pas en-
lumière; considérez que c'est une vie non- core initié. Je suis son répondant, corps pour
velle pour vous. En sortant des ténèbres où corps; et je demande que, comme louveteau.
végètent les profanes, nos statuts veulent il soit exempté des épreuves matérielles et
que vous fassiez votre testament on entend physiques..
par Jà l'expression de vus plus intimes sen- C'est accordé, répondit le vénérable.
timents. Qu'il subisse donc la question morale. Com-
Tout ce discours du frère était une formule mencez, frère Félix.
apprise; et la même chose fut dite avec les 'Jeune candidat, dit le peintre en bâti-
mêmes accompagnements à Gédéon le juif, ments en se tournant du côté de Jacquemin,
dans le cabinet de gauche. qui avait toujours les yeux bandés, que fe-
Jacquemin, laissé seul, ne se trouva pas à riez-vous si vous étiez au haut d'une échelle
sou aise. Qu'est-ce que tout cela? dit-il; et qu'on menaçât de vous en précipiter, à
c'est stupide ou c'est mal. J'aurais dû recher- moins de renier la franc-maçonnerie ?7
chef quelque bon conseil; et puisque je ne Je me dépêcherais de descendre, ré-
673 F1U FRA 671
pondit Jacquemin, et je me moquerais de la en lui-même Jacqucmin singulièrement pré-
menace. occupé. 11 avait cru que c'était plus curieux.
C'est finement répondu, s'écria le par- Il se consola en se promettant quelque agré-
rain. A vous, frère Guenaud. ment à voir les épreuves du juif.
Que feriez-vous, jeune candidat, dit ce- Cependant tous les frères s'étaient assis au
lui-ci, si l'on voulait vous faire dîner gras moment où son parrain lui avait ôté le ban-
un vendredi, à moins de révéler les secrets deau ils voulaient le frapper par un impo-
de l'ordre, qui vont vous être confiés ? sant spectacle; ils quittèrent bientôt leurs
Je ne dînerais pas du tout, répondit siéges, aussi bien que le vénérable, et firent
Jacquemin. cercle autour de lui, pour l'initier.
Voilà q*ûi vous la coupe, dit le parrain; Ce fut son hôte, le frère terrible, qui avait
vous faites des questions insidieuses à ce déposé son formidable ministère pour être
jeune homme, que vous effarouchez. A vous, son parrain, qui fut chargé aussi de lui ou-
vénérable, la troisième question. vrir le trésor des secrets. lui apprit d'a-
Je ne ferai pas une simple question, dit le bord la marche en loge des apprentis et des
boucher. Le candidat est chrétien catholique. compagnons, qui consiste à n'avancer que
C'est une religion intolérante. Je propose du pied droit, en traînant le pied gauche et
donc que le jeune homme abjure devant nous, le frappant à chaque pas, par le travers,
s'il veut être admis; ou bien qu'on le rejette contre le talon de l'autre; puis la marche des
dans les ténèbres. maîtres, car on lui conférait à la fois les
Si ce qu'on dit là est sérieux, répondit trois grades. Son parrain marcha en maître
Jacquemin, on aurait dû m'en prévenir. devant lui avançant le pied.droit sur la
Supérieurement parlé, interrompit le droite et frappant le talon du flanc du pi 1.
parrain nous avons du caractère. C'est ce gauche, avançant ensuite le pied gauchi .r
qu'il taul dans notre ordre. Puis, se re- la gauche, et frappant pareillement le U.1
tournant vers l'auteur de la proposition, il du flanc du pied droit; puis reparlant de ce
lui dit à voix basse Nous ferons son édu- pied droit, et toujours de même en zigz.-igs
cation. à angles parfaits.
S'adressant à Jacquemin, il ajouta: Vous A. l'enseignement de la marche succéda
avez glorieusement subi les éprouves. Sortez l'enseignement des attouchements. Il lui ap-
des ténèbres. prit que reconnaître un maçon par l'attou-
En disant ces mots, le frère Gcrsant en- chement, cela s'appelle le tuiler. Il lui lit
leva le bandeau qui couvrait les yeux du l'attouchement de l'apprenti, qui se pratique
néophyte; et Jacquemin vit la lumière. en se prenant mutuellement la main droite,
Il se trouvait au milieu d'une grande pièce plaçant le pouce sur l'os de la racine du doigt
longue, barbouillée d'une couleur qui pou- du milieu de la main que l'on serre, et' pous-
vait avoir la prétention d'être bleue. Le pla- sant cet os trois fois, les deux premières ra-
fond se trouvait peint en azur, avec des pidement, la troisième avec un peu plus de
étoiles, une lune et un soleil en découpures lenteur.
de papier doré. Dans le haut de la salle Il exécuta les autres attouchements, qui
étaient deux colonnes, et entre les deux co- varient peu, indiqua les signes triangulaires
lonnes le siège du vénérable, surmonté d'un et le signal du niveau que l'on fait devant sa
dais en papier azur et en papier doré. Au- figure pour saluer il dit les mots sacrés,
dessus du dais l'étoile flamboyante »n clin- depuis le Jakin et le Tubalcain des apprentis
quant au milieu de l'étoile, qui avait trois jusqu'au Sisholeth des maîtres, et ajouta quo
pieds de diamètre, un delta, et au milieu du les mots de passe variaient selon les saisons,
delta un G, première lettre du nom de Dieu donnés qu'ils sont par le Grand-Orient.
(God) en anglais. On lui dit beaucoup d'autres choses que,
Au-dessous du vénérable, des sièges ados- par exemple, en langage maçonnique un
sés aux murs à droite et à gauche. Les frères, apprenti avait trois ans et plus, un compa-
décorés de leurs tabliers et de leurs cordons, gnon cinq ans et plus, un maître sept ans et
étaient tous assis, ayant aux mains des gants plus, et qu'il fallait, dans les questions re-
qu'ils croyaient blancs. Tous tenaient l'épée latives à ce point, répondre conformément
nue à la main gauche il y avait devant cha- à la règle, qui ne varie pas avec les années,
que siège un petit bureau, sur lequel repo- un maître n'ayant jamais que son âge de
saient la truelle et le maillet. Ils se servaient maître, et un apprenti que son âged'apprenli.
de ce dernier instrument en frappant trois On lui fit noter qu'à la demande Connaissez.
coups, pour approuver, pour applaudir, ou vous la lumière? qui se fait à tous les frères,
pour demander la parole. et à la demande: Connaissez-vous l'acacia ?7
A-quelques pas devant le vénérable, s'é- qui ne s'adresse qu'aux maîtres, on devait
levait un petit autel triangulaire, sur lequel répondre textuellement et invariablement
on avait mis quelques fleurs dans un vase La lumièrem'est connue; l'acacia m'est connu.
de verre bleu. On lui expliqua que le rôle du frère terrible
Tout ce que nous venons de décrire occu- était de faire peur aux candidats et de les
pait la partie gauche du temple, qui avait un maltraiter pour éprouver leur courage. On
aspect assez misérable. La partie droite avait lui dit encore que ce qu'on appelait loge»
l'air d'un magasin, étant remplie et obstruée d'adoption étaient des tenues de fêtes où les
d'objets singuliers en usage dans les épreuves. femmes é'aienl admises au temple, nvec lo
Voilà donc ce que c'est qu'une loge, dit tablier elle conion en sautoir, et le titre de
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11
sœur«, mais pour des bats ou des gueuletons qu'il eut fait vingt-cinq échelons, ce qui de-
seulement; <'t que dans ces occasions il y vait lui faire cr.oirc qu'il étail à une certaine
avail des moU de passe de circonstance et hauteur, on lui commanda de se précipiter.
des signes de convcnlion particuliers, qui Apparemment qu'il avait confiance on qu'il
ne compromettaient rien des secrets fonda- était prévenu; car il sauta sans hésiter.
mentaux. Toutefois il parut surpris, ayant pris un cer-
Ce cours, dont 1rs détails, si nous les al- tain élan, de tomber seulement de la hauteur
longions, pourraient sembler fastidieux, du- d'un tabouret.
ra tout un quart d'heure. On lui présenta alors une planche hérissée
Cependant Gédéon avait déjà frappé trois' de clous, en lui ordonnant -de se laisser tom-
fois. Le frère surveitlant qui l'avait mis au ber dessus. Après qu'il l'eut bien lâiée, il se
cabinet des réflexions alla te prendre enfin. laissa choir; mais on avait substitué à la
Tout le monde rentra dans le silence. planche un malelaf..
On heurta trois fois trois coups à la porte, On lui dit ensuite que, pour arriver au
comme on avail fait pour Jacquemin; seule- temple, il fallait faire un périlleux voyage
ment, au lieu de répondre que celui qui de- souterrain. On le fil.tourner quatre fois au-
mandait a être admis élaitunûlsde maçon, on tour d'une longue table, sur laquelle des frè-
répondit que c'était un profane. Le frère Ger- res, armés d'épées de théâtre, faisaient un
sant reprit son personnage de frère terrible cliquetis épouvantable le frère terrihle hur-
et demanda si le postulant s'était préparé à la à ses. oreilles, simulant les cris des bêles
supporter courageusement les épreuves. Sur féroces avec une effroyable vigueur; on cor
la réponse affirmative du frère surveillant, na dans des instruments sinistres on agita
qui consentait être parrain, on introduisit de grandes crécelles; c'était un vacarme in-
Gédéon, pâle, défait, les yeux bandés selon fernal. On brûla autour du visage de Gédéon
l'usage. des étoupes imprégnées d'esprit (le vin; le
Son testament, qui occupait toute une page, petit j.uif suait à grosses gouttes. Mais il allait
eût pu se résumer en ce peu de mots, qu'il son chemin.
léguait la direction de sa conduite aux frè- A la fin on lui dit qu'il était au bout du
res. On en fut assez content. souterrain et qu'il fallait. descendre dans un
Pendant qu'on lisait, Jacquemin continuait précipice. Le juif, pensant piobablement que
son examen de la loge. Il vit alors que' le quoique en loge il était sous la protection des
temple était éclairé par un lustre en bois, cinq codes, se laissa faire. On l'attacha sur
chargé de sept chandelles allumées. 11re-. une bascule, que l'on Gt tourner avec vitesse.
marquait partout la consécration du nombre Quarnd on arrêta la roue, il élail temps.
impair, et surtout des nombres trois, sept et Le candidat se soutenait à peine. On .lui ôta
neuf. son bandeau et on le fit asseoir, en lui dé-
II jeta aussi les yeux sur ses nouveaux clarant qu'il était reçu le courage qu'il avait
frères. Le marchand detabac avait un tablier montré le dispensait des épreuves morales,
tout gâté, et un cordon privé de son étoile. qui d'ailleurs pour les frères présents étaient
Il lui en fit l'observation. plus embarrassantes que les épreuves phy-
Vous savez ce qu'on dit, répliqua ingé- siques.
nument le frère Guenaud, que les cordon- La joie le remit bien vile.
niers sont toujours les plus mal chaussés. Aussitôt qu'on le vit ranimé, on lui de-
C'est que je vends des attributs; et j'espère manda de faire le serment, circonstance que,
bien que vous me donnerez votre pratique. dans la préoccupation des frères, on avait
C'est un de nos frères, qui va demain à la oubliée pour Jac.;ucmm. Celui-ci s'en ré-
loge du Pélican, qui est venu changer so:i jouit vivement, lorsqu'il en entendit la for-
tablier et son cordon contre des neufs. Ce mule. Gédéon prit cette formule qu'on lui
que c'est que d'avoir des enfants son petit présentait, et la prononça, la inain droite po-
garçon avait pendu un polichinelle au bout sée sur l'autel triangulaire
du cordon, à la place de l'étoile qu'il a éga- « Je jure sur les slaluls généraux de l'or-
rée, et sa fille avait collé des mâts de cocaïne, » -.drc et sur le glaive, symbole de l'honneur,
des soldats et des canards sur le tablier. j'ai » de garder inviolablemenl tous les secrets
mis cela pour aujourd'hui, ne voulant pas en » qui me seront confiés. Je promets d'aimer
compromettre de neufs. » mes frères et de les secourir selon mes l'a-
En riant de tout cela, lc frère Guenaud al- » cultes. Je consens, si je deviens parjure, tl
luma un cigare. Le frère Félix vint lui faire » avoir la gorge coupée, le cœur ut les en-
observer que ce n'était pas permis et qu'il » Irailles arrachés, lc corps brûlé et réiluil
gâtait le temple. » en cendres, mes cendres jelées au tenl; et
(Je n'est pas le Pérou que ton temple, » que ma mémoire soit en exécration à tous
répondit le frère en éteignant son cigare. » les francs-maçons. Que le grand architecte
Il marmotta pour se consoler qu'il fume- » de l'univers nie soit en aille 1 »
rait en sortant, et qu'il revaudrait l'affront Le bandeau n'eût dû tomber de sus yens
au peintre. qu'après ce serment, dont donnons le
On commençait alors les épreuves, qui texte officiel, mais on avait craint que Gcdeon
attirèrent l'attention de Jacquemin. ne se. trouvât mal.
On fit monter le juif sur une échelle qui, On lui dit alors qu'il devait ïc féliciter de
à chaque échelon qu'il montait, descendait n'avoir pas subi de plus violentes épreuves;
dans un trou de la valeur d'un échelon. Après ou di omit de lui en conter de curieuses à
657 FRA FRA 6îft
1~ _u_II_-
on venait de leur emplir les oreilles, les frè- 1_ P '1.
table; on lui apprit tout ce qu'on avait appris
à Jacquemin. Après cela, on ferma la loge; et res montèrent sans s'arrêter, à la salle du
la bande, enrichie de deux nouveaux frères, premier étage, où le festin se dressait. La
s'en alla souper. table fut garnie en un clin (l'œil. Les étoiles,
Dans le chemin, ils se trouvèrent, par un qu'on -appelle dans le langage humain des
jeu du hasard, escortés par une bande d'ou- chandelles, étaient au nombre de neuf, ran-
vriers ivres, dont l'un chantait à gorge dé- gées trois par trois et en triangles, selon le
ployée la chanson suivante. Tous les efforts devoir. Le vénérable, conservant sa dignité
des frères ne purent obliger cet insolent au toute la soirée, prit le siège du milieu et
silence. cria Frères, a l'ouvrage! –Ce qui veut
LA ÎBtJELtÉ. dire Messieurs, à table 1
Ain du ménage de garçon Tout le monde le comprit Les frères an-
Je loge au quatrième étuge. ciens tracèrent en l'air devant leur nez des
Je suis un avocat sans cause, triangles plus ou moins corrects; Jacquemin
Quoiqu'à l'aflûl comme un requin. fit le signe de la croix et d;l son Bene.dicite.
Sur mon compte le bourgeois glose; Le frère Louveteau fnil des triangles
On m'ose traiter de coquin.
La médisance est bien cruelle. quadrangulaires dit le juif en se penchant
Mais quelque jour on se taira. vers l'hôte.
Je suis maçon; j'ai ma truelle Faites vos triangles comme vous l'en-
Le reste ira comme il pourra.
tendez, répondit le frère Gcrsanl vous n'êtes
On me fait des reproches- graves,
A moi qui suis fort et puissant, pas frère surveillant.
De n'être point parmi nos braves Cette planche est mal travaillée, dit le
Er/d'avoir pris un remplaçant. frère Savoie en changeant la disposition de
Mais le courage en moi chancelle; II critiquait la manière
Jamais il ne s'affermira.
quelques plats.
Je suis maçon; j'ai ma truelle
dont la lable était servie.
Le reste ira comme il pourra. -A vous la truelle, vénérable, interrom-
J'ai fait souvent pleurer ma mère; pit le frère Hullin, qui dévorait des yeux un
Tout petit je battais messoeurs; morceau de veau aux petits pois.
J'ai cent fois chagriné mon |.ère Le vénérable prit la truelle, c'est-à-dire la
J'ai désolé mes professeurs.
A l'étude j'étais rebelle, grande cuiller, et servit le potage.
Mais âpre aux jeux, et cœtera. A ce mot de truelle ainsi appliqué, Jacque-
Je suis maçon j'ai ma truelle; min pensa malgré lui au cochon de C-ulet
Le reste ira comme.il pourra.
Rousselle; ce qui fit qu'il ne mangea que la
Je vivais mal avec ma femme moitié de sa soupe.
J'ai planté là mes deux enfants.
Mes voisins m'appellent infâme, Avant d'attaquer les plats de viande, le
Avec d'autres mots étouffants. vénérable ordonna que l'on chargeât les
Au diable leur triste créielle! 1 barils; ce que vous autres, bons et honnêtes
Nargue de tout ce qu'on ilira lecteurs, vous appelleriez emplir les verres.
Je suis maçon; j'ai ma truelle;
Le reste ira comme il pourra. Il se leva ensuite, en proposant un toast aux
Pour moi la chicane est une ombre deux frères initiés.
Qui m'a loujours accompagné. Ce toast obligé fut accueilli par des trian-
Àusshj'eus des procès sans nombre gles horizontaux, que tracèrent les barils-
Mais je n'en ai jamais gagné.
Je n'ai plus rien dans l'escarcelle; dans l'espace, avant de se choquer. Après
Et quand mon crédit s'éteindra cela, chacun joua des dents.
Je suis maçon; j'ai ma truelle; Dès que la conversation se ranima, elle ne
Le reste ira comme il pourra.
roula, comme de juste, que sur l'admission
Mon crédit se meurt assez vite
Mes plus beaux jours sont terminés.
qui. était la cause du repas. On refélieila les
On dirait que chacun m'évite nouveaux frères; on leur fit valoir l'agré-
On me ferme la porte au nez. ment qu'ils auraient désormais dans leurs
Je vais à ma loge fidèle. voyages de pouvoir se dire en mettant le pied
Là du moins ,on me recevra. dans une ville
Je suis maçon; j'ai ma truelle; J'ai ici des frères.
Le reste ira comme il pourra. Il ne faut plus aux jeunes initiés, pour
J'ai fait des tours de passe-passe; être en règle, que deux petites dépenses, dit
Dans plus d'un j'eus un vrai bonheur; le marchand de tabac; la première est l'ac-
Et pour un iraitqui tes surpasse, quisition du tablier, du cordon bleuet des
Ou dit que j'ai perdu l'honneur.
Mais de cette autre bagatelle autres attributs pour cela je me recom-
j Le souvenir s'amortira. mande aux frères de notre loge, je fais des
s le suis maçon j'ai ma truelle j remises qu'ils n'auront pas ailleurs.
] Le reste ira comme il pourra.
Nous nous entendrons, dit le.juif.
( Maçon, sans que rien te déroute, chez vous, dit
J'achèterai certainement
Va, moque-loi des préjugés.
Mais que la mort t'attrappe en route, Jacquemin. Il ajoula tout bas Quand j'a-
Tes comptes sont mal arrangés. chèlerai; car sa conscience éprouvait t
Satan te tient par la (ici Ile.
Si tu dis, quand il te prendra quelque trouble.
« Je suis maçon; j'ai ma truelle, »
La seconde dépense aura lien, reprit
Le reste ira comme il pourra. Hullin, quand les frères se présenteront au
Grand-Orient pour avoir leur diplôme.
V. Souper maçonnique. Mais, demanda Gédéon surpris, est-ce
En arrivant à l'hôtel du quai des Orfèvres, qu'on a besoin d'un diplôme écrit? On ne
désagréablement préoccupé des coupletsdont m'avait pas dit cela. Les mots et les signes
679 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES G80
Oh! la frime 1 il était fier ie
qui viennent de nous être appris ne suffisent- gigot pour
le ravir le nez, dit encore l'ivrogne, dont le
ils pas ? murmure fut couvert par le refrain
-Ils suffisent pour la loge, dit le véné-
rable. Il est indispensable que vous les sa- Atable1 chersamis1 en ('ignésfrancs-maçons,
chiez pour prouver au Grand-Orient, à qui Buvons,mangeons!
Et qu'un vin pur animenoschansons!
nous vous présenterons, que vous êtes ini-
tiés. Mais sans un diplôme du Grand-Orient, Quel est ce grand plat d'écrevisses,
De crêtes et de champignons?.
avec lequel on vous donnera en même temps
les mots de passe, vous ne pouvez entrer ni Où ça des écrevisses? où ça des cham-
pénétrer dans aucune loge étrangère. pignons ? interrompit derechef le frère Gue-
Et quelle est demanda Gédéon, le naud, à qui son voisin mit la main sur la
montant de cette dépense? bouche, peur ne pas déranger le chanteur,
Le diplôme est très-flatteur répondit qui allait toujours
Félix, je vous ferai voir le mien; c'est un Pour qui la choucrouteaux saucisses
avec Et la friture de goujons?(bis.)
parchemin gravures allégoriques.
Et cela coule ? Ohl la friture les tas de menteurs,
Les colonnes et tous les attributs y grommela le frère ivre en dépit des efforts
éclatent. de son voisin. C'est le vénérable qui l'aura
Mais le prix? pêchée, la friture.
Oh le prix varie, dit l'hôte, de cent à Mais le peintre en bâtiments continuait
trois cents francs. sans s'ébranler
Bon! répliqua le juif, on peut s'arranger. Maçons,pour nous! Et le champagne,
Mais on ne peut pas avoir cela d'occa- Le clos-vougeot,le chambertin.
sion, ajouta malicieusement le frère Cavard; C'est ça! hurla Guenaud en frappant la
c'est personnel. table; donnez-en, versez-en; chargez les
Quanta vous, mon jeune frère, inter- barils 1
rompit le vénérable en changeant la conver- Et ici, pendant que le frère Savoie gour-
salion et s'adressant à Jacquemin, à la pre- mandait rudement l'interrupteur, le frère
mière assemblée, nous vous ferons orateur Félix se vit obligé de reprendre
de la loge. Maçons,pour nous! Et le Champagne,
Je suis trop timide, répondit Jacquemin. Le clos-vougeot,le chamhertin,
Viennentrehausser le festin
Bah!1 vous nous connaissez tous; vous Cédonsau transportqui nous gagne.
parlerez de devoirs et de morale, de fidélité A table! chers amis! un dignesfrancs-maçons,
et de bienfaisance. Vous y mettrez de la sen- Buvons,mangeons!
Et qu'un vin pur animenos chansons!
sibilité; cela fait toujours bien. Vous pour-
riez écrire vos discours. Est-ce que pour la Maçons,en gourmetspleinsd'adresse,
solennité de ce jour vous n'avez pas fait une Sachonsdiriger nos travaux.
chanson? Lnttonsun peu contre l'ivresse
petite Mangeonssans presser les 'morceaux,(bis.)
Une chanson, répliqua le Tournaisien, Il n'y a plus rien, vieux blagueur! gro-
mais je ne sais pas faire de chansons..
Eh bienl si c'est cela que vous voulez, gna le marchand de tabac, sans empêcher la
chanson de marcher
dit le peintre en bâtiments, je vais, moi, vous
la de M. vu Maisdehors les bouteillesvides!
chanter chanson Lassource, qu'il Maisloinde nousle plat désert!
n'est pas là pour la chanter lui-même. Et le Et sur l'agréable dessert
frère chanta à plein gosier, après qu'on eut Tombonseii.colouuesavides.
fermé les fenêtres, à cause de l'air patrio- Oui, tu tomberas sur-ton Prussien, avec
tique que la Restauration n'aimait guère. tes colonnes, dit encore le frère Guenaud.
PLANCHE DETABLE. Heureusement le chorus couvrit cette nou-
Sur l'air de la Marseillaise. velle incongruité
Allons,enfantsde la truelle, A table chers amis en dignesfrancs-maçons,
Voicile momentdu dlner. Buvons,mangeons
Si la l'aimnous semblecruelle, Et qu'un vin pur anime noschansons!
Nosdents vontpouvoirs'en donner, (bis.)
Voyez-vousla tourte imprévue Fi doncde ces bourgeoi?austères,
Craignanttoujoursde s'sublier
Mais on n'avait pas remarqué jusqu'alors Ah!s'ils connaissaientnos mystères,
que le frère Guenaud,qui buvait sans relâ- Ils prendraienttous le tablier. (bis.)
che, s'était enivré eu silence, et qu'un très- Pour des festins pareils, il y a presse
grand scandale se préparait. Ce frère se mit intercala l'obstiné contradicteur.
a faire sa partie dans la chanson -Cet homme a le vin mauvais, dit le vé-
-Je n'ai pas vu la tourte, dit-il en inter- nérable.
rompant le chanteur. Chut 1 crièrent les autres frères, en ré-
On lui cria unanimement le chut solennel. le bis
Le frère Félix poursuivit pétant
Les pouletsà la Marengo. Ils prendraienttous le tablier.
Aux maçonsla vive allégresse
Les poulets à la quoi?. demanda pa- Le bouquetde ce jus divin,
reillement Guenaud, pendant que Félix im- Et les ragoûts et le bon vin!
Aux maçonsla tableet l'ivresse1
perturbable achevait son couplet
lls viennent, flanquésdu gigot, -Je crois qu'il nous insulte ce.loriot-là,
rtousravirle nezet la vue. dit le frère Guenaud.
681 FRA
A FRA 032

Après quoi il se mêla au chœur d'une voix pas qu'on administre icf rn comme
pnmmn il faut. Notre
creuse loge est sale et décorée sans goût.
A boire, chers amis! en dignesfrancs-maçons, -Sans goût, releva le peintre; donnez de
Buvons,mangeons! l'argent, et vous aurez du goût. Tiens 1 on me
Et qu'un vin pur anime noschansonsI passe cinq francs par réception pour l'entre-
Amoursacré de la cuisine, tien de la loge, et on veut du luxel Vous êtes
Conduis,soutiensnos appétits. trop sur votre gueule. Tout l'argent qui
-En voilà une bonne 1 en voilà une salée 1 rentre, vous le mangez.
-Tu n'en laisses pas ta part aux chiens,
On te dit qu'il n'y a plus rien, glapit le ma-
lencontreux frère ivre. toi, riposta le frère Delon en colère.
Le peintre en bâtiments suivit son che- -Cela n'empêche pas, cria Savoie, que le
min avec onction souper que nous avons fait ne vaut pas ce
Queles rôtis aientbonne mine! qu'il coûté. J'ai encore faim.
Que tout soit dignedes rôtis (bis.) L'hôte poussa un pain de quatre livres de-
fais que ce banquet délectable vant le plaignant, mit la main sur son cœur
Jusqu'au bout soitun vraifestin! pour se contenir, agita la tête pour secouer
Quele soleil, demain matin, sa douleur;, puis il frappa trois fois la table
Nousretrouve eneor tousà table.
du manche de son couteau,
-Quand il n'y a plus rien dessus, .on peut -Je demande la parole, dit-il
bien être dessous marmotta le frère Gue- Vous l'avez, répondit le vénérable; et il
naud et il coula sous la table en effet, et se promena sur les convives un regard qui im-
mit à ronfler comme une cloche au bruit du
posa silence.
refrain: Frères, reprit l'hôte, expliquons-nous.
A table, chers amis! en dignesfrancs-maçons, Comptez les bouteilles. On en a bu quarante.
Buvons,mangeons! J'en ai fait monter quarante-cinq. C'est cinq
El qu'un vin pur animenoschansons! bouteilles par travailleur; du vin à douze;
Le frère Guenaud est sujet à ces incon- je ne le fais pas. Cinq bouteilles à douze font
venances, dit l'iiôleà Jacqucmin. Aussi nous trois francs. De cinq francs que nous allouons
ne l'avions pas engagé. Il n'est venu que par tête dans nos diners de corps, ôtez trois
du frère Lassource. reste deux; deux francs mes frères
grâce à l'indisposition pour
Mais n'en concevez pas mauvaise opinion de le potage, la viande, les légumes, le poisson,
nos assemblées. Si nous n'étions pas comme le rôti, les. ragoûts, le beurre, le sel, le poi-
ce soir en petit comité, en famille, pour ainsi vre, la moutarde, le pain, les chandelles et
dire, on l'eût mis dehors. Excepté lui, tousles le dessert jugez.
autres frères ont bon genre et se respectent. Tous les frères, à ce discours, furent at-
Malheureusement pendant que le frère tendris. Des excuses furent faites; la paix se
Gersant faisait ainsi l'apologie de sa loge, le remontra; l'hôte, pour la cimenter, alla
vin, qu'il n'avait pas ménagé (on n'avait bu prendre une bouteille de cent sept ans; et à
que du vin ordinaire), lui préparait de cruels minuit, Jacquemin qui n'avait Icavaillé
démentis. Le boucher et le mari de la frui- qu'avec une extrême modération dans l'ex-
tière se tenaient calmes; mais les frères Savoie ploilation des bouteilles, put s'aller coucher,
et Cavard, à qui la chanson avait fait venir seul entre tous, de sang-froid et méditant
l'eau à la bouche en évoquant toutes sortes sur tout ce qu'il venait de voir-et d'entendre.
de bonnes choses dont ils avaient été privés, Les scènes qui avaient été jouées devant
commencèrent à se plaindre de la mesqui- lui et dans lesquelles il avait eu son person-
nerie du dîner. nagè, se représentèrent dans ses rêves agités,
C'est lui qui ordonne la chose, dit le comme une fantasmagorie absurde. Il s'é-
frère Cavard, en désignant l'hôte, et c'est lui- veilla le lendemain très-fatigué; il descendit
qui empoche l'argent; voilà l'injustice. bientôt pour déjeuner.
-Le mal vient de là, ajouta le frère Savoie, L'hôte lui fit de nouvelles excuses, d'un
que tous les dîners se font chez lui. air tout penaud.
-Voulez-vous, dit le boucher en venant à
l'aide du frère Gersant, qu'on les fasse chez -J'aurai soin, ajouta-t-il, que la pro-
le sellier? chaine loge soit mieux composée; et j'espère
Ou chez le marchand d'épongés? ajouta que nous aurons le plaisir de travailler de
le frère Hullin. nouveau à la Saint-Jean. Je me suis rappelé
Vous me faites de la peine, dit l'hôte un singulier oubli qu'on a fait hier; cela ne
dès qu'il se vit appuyé; s'est peut-être jamais vu; et je désire que
avec componction
vous êtes des ingrats; je suis seul de la loge personne ne l'ait remarqué. Dans la préci-
restaurant-traiteur,faut-il porter notre argent pitation qui nous dominait, on n'a pas pensé
à des profanes? Faut-il vous exposer chez à vous demander le serment. Vous n'êtes
des gens qui vous verront, quand vous vous ainsi frère qu'à demi, car vous n'êtes pas
lié à nous. C'est commeun mariage dont une
oubliez, comme le marchand de tabac, sous des parties n'aurait pas donné son consente-
la table? Qu'est-ce qu'on dira de l'ordre ?
-L'ordre ne va déjà pas si bien, reprit ment. Heureusement que nous sommes gens
de revue. Nous réparerons cela à la tenue
Cavard; vous n'avez pas besoin de nous re-
garder avec votre mine de frère terrible; on prochaine.
ne fait pas d'épreuves ici. Mais si on se jette Plus heureusement pour Jacquemin, il fut
dans le chapitre des reproches, je ne trouve dispensé de répondre, par l'arrivée d'uuo
DICTIONN.DES SCIENCESOCCULTES.J. 22
C8$ DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 68*
lettre que la servante du marchand d.:
'1_'8_- 1. .n..l.. d.n..n6.d
dé f..i.n
tabac 1", .0 6lnW Fniln n..f..n ),.n n,11:Áft
que la paix était faite entre les alliés, et que
n.;

apportait. le pàys était tranquille. Jacquemin saisit


Qu'est-ce que peut avoir cet animal-là l'occasion sans hésiter; il paya son compte,
pour m'écrire? dit le marchand de vin, en fit sa malle, et monta le jour même, à quatre
tournant la lettre entre ses doigts. Il se dé- heures dans la diligence de Lille, avant le
cida à l'ouvrir. retour de son hôte.
Mais comme^e frère Guenaud -écrivait fort Il prit à Lille la voiture deTournay. et ar-
mal et que le frère Gersant ne lisait pas très- riva sans accident à son village déjà remis
bien, Jacquemin fut prié de lire Celte mis- et calmé par la certitude que la enfin il ver-
sive, dont voici le contenu rait véritablement la lumière.
Paris, le 16 juin 1814. Après les premiers embrassements et les
mille questions qui accompagnent le retour
« Monsieur Gersant, d'un enfant dans sa famille à la suite de
« Ayant été insulté hier avec ma figure quatre ou cinq mois d'absence, Jacquemin
tachée de vin, que le frère Cavard ou autre conta à son père comment il était devenu
avait marché sur ma cravate et sur la poi- franc-maçon. Aux détails qu'il donna, son
trine de ma chemise, et même que des petits père trouva que les gens des villes, qui s'oc-
pois au lard étaient collés au dos de monhabit, cupent sérieusement de stupidités si grandes,
ma femme a dit que cela n'avait pas de bon devaient cacher là-dessous quelque but se-
sens ni 'de sens commun, et que ça ne pou- cret et il çonseilla à son fils d'aller con-
vait pas continuer, et que nous n'étions tous sulter son curé, qui était un savant homme.
que des bêtes, des serins, dés vrais jocrisses. Quand le bon curé eut tout appris il tint
Attendu que les petites loges comme nous ce langage à Jacquemin Claes
passent pour des pas-grand'choses et les La franc-maçonnerie s'est élevée au
grandes, des conspirateurs, vu que tous les dernier siècle, dans des projets anti-chré-
amis du tyran s'en mettent; que sa majesté tiens et dès qu'on eut vu sa marche, les
Louis le Désiré ne veut plus de francs-ma- papes Clément XII el Benoît XIV la condam-
çons, qui sont les agents de l'ogre de Corse nèrent (1).
et ceux qui trament pour réintégrer l'usur- Indépendamment de l'infaillibilité du saint-
pateur et la république. Avec çà que la police s.iége, qui est un dogme pour nous, n'admet.
a l'œil dessus; et que nous ne faisons que tez-vous pas quele pape et ses cardinaux ont
des bêtises, dont un enfant rougirait de les aussi, humainement parlant, quelque impor-
faire, comme dit ma femme. Si bien que je tance et que les avis qui viennent de là va-
ne tiens plus l'article.» lent bien les jugements isolés de notre intel-
-Tant mieux, interrompit l'hôte, il ne ligence? '1
nous vendait que du rebut,qu'il achetait aux Nous devons nous soumettre à l'autorité;
ventes du mont-de-piété. et dans le cas dont il s'agit nous pouvons
«Et je donne ma retraite et démissionne la même marcher droit en ne nous soumettant
loge, abdiquant mon titre et dignité de franc- qu'à la raison. Quand bien même la franc-
maçon. Et si on veut me tuer et me couper maçonnerie ne serait pas instituée dans le
en morceaux pour les jeter au vent, comme but secret de démolir ce qui vient de Dieu,
franc-maçon réfractaire, j'ai l'autorité qui pour édifier à sa place ce qui vient de l'or-
me protège. Et je me moque de vous. Et gueil humain (et vous savez qui est le père
quant à la franc-maçonnerie et tout le bata- de l'orgueil 1), n'est-il pas vrai que l'ordre
clan, je fais comme le cochon de Cadet Rous- maçonnique, dans la grossièreté où vous l'a-
selle. vez connu, est au moins une occasion de pé-
« Etant en cette qualité monsieur, votre ché? Car il ouvre la porte aux mascarades, à
voisin très-obligé, U. Guenaud.» a la vanité, aux excès de la table, à l'ivrogne-
Après la lecture de cette lettre, l'hôte la rie, aux querelles, à l'oubli de Dieu on ne
prit avec consternation, la regarda, la re- saurait être à la fois franc-maçon et catholi-
tourna, s'assura de son mieux que tout ce que. C'est à vous de choisir.
qu'il venait d'entendre y était bien; puis it Je resterai catholique, répondit Jac-
marmotta en soupirant quemin Claes, et que Dieu me soit en aide 1
J'avais toujours bien dit qu'il n'y avait
VI.– Le mystèredu chevalierPrussien.
pas de fond à faire sur cet homme-là. Mais
il se taira et ne nous trahira pas. Il sait ce Le curé, qui avait à souper un de ses pa-
qui lui en reviendrait. rents, retint Jacque:v.in qu'il aimait. Lors-
Le frère Gersant sortit avec la lettre, que qu'on fut à table, il lui dit:
sans doute il allait communiquer aux autres Je vais, mon enfant, vous raconter une
frères et Jacquemin retomba. dans une per- piquante aventure de maçonnerie. Elle vous
plexité pire que toutes celles qu'il avait instruira lo principal personnage est le
éprouvées avant son admission. Il en fut grand Frédéric:
tiré agréablement, deux heures après, par Le jeudi 15 mars 1753, Frédéric II soupait
une lettre de son père qui lui envoyait un en petit comité à Postdain avec Voltaire
peu d'argent et l'engageait à revenir, attendu qui était alors en disgrâce et qui demandait
il) Les francs-maçonsont été condamnéspar Clément 13 septembre1821;–les francs-maçonset tous ordres
XII, bulle,fnemnenti, le 23 avril 1758;–par BeuoltXIV, isecretscondamnéspar le pape LéonXII, bulle du 13mars
bullePromdas le 18 mars 1731.Les carbonari ont été 1825.Les évêquesde Belgiquen'ont émisleur circulaire
condamnéspar Pie VII, bulle Ecclesiama Jesu Cluristot contretes francs- maçons
qu'endécembre1857.
685 FRA ''•••>"
FRA 680
U\iJ'"
à s'en aller; avec Maupertuis, qui se réjouis- encore chevaliers prussiens. Depuis trois
sait de la disgrâce de Voltaire, avec le mar- cents ans mes' ancêtres sont les
protecteurs
quis d'Argens qui, un peu revenu de ses ex- de ce grade.
travagances, ne cherchait plus qu'à vivre en Est-ce que c'est vrai? demanda naïve-
paix. Tous ces illustres convives, à l'exem- ment d'Argens.
ple du roi dont, l'appétit était formidable, -Vous ne voyez pas, répliqua Maupertuis,
avaient mangé copieusement et bu en ama- que Sa Majesté s'amuse, comme M. de Vol-
teurs la conversation avait prodigué ses taire quand il écrit l'histoire ?
épigrammes sur tout ce qui avait un nom, C'est aussi .vrai dit Frédéric que ce
sur tout ce qui était respectable; elle tomba qu'on vous à dit dans les loges adoniramiles.
enfin sur la franc-maçonnerie. •Lés chevaliers prussiens étaient célèbres
un peu cette matière flam- déjà
Épuisons dans la mythologie sous le nom de Titans
boyante, dit Frédéric; les francs-maçons se ils voulurent escalader le ciel. Nous qui con-
propagent; il y en a partout; il s'en glisse naissons le grand architecte de l'uni vers, nous
jusque dans mes États. Ces sociétés secrètes laissons les Titans dans les fables; nous ne
nous joueront quelque tour, si nous ne leur remontons comme je l'ai dit, qu'à là tour
donnons un croc-en-jambe. Vous messieurs de Babel. Nous célébrerons notre te-
les philosophes, vous ne devez pas approuver nue dans la nuit de la pleine lune grande dé mars,
des mystères qui se font dans l'ombre, quand anniversaire de la confusion des langues et
vous répandez si généreusement la lumière. de la dispersion des ouvriers rebelles. Et
La franc-maçonnerie, dit Voltaire, n'est comme c'est là un châtiment de l'orgueil, ce
qu'un amas de stupidités imaginées il y a qui est toujours de bon exemple, les cheva-
trente ans,par un Anglais ivrogne, propagées liers prussiens ne s'assembleront que daiis
par des fous. Si vous redoutez ces platitudes, un lieu retiré et n'auront en
loge d'autre lu-
faites-les jouer sur le théâtre. C'est le conseil mière que la ldnè.
qu'on donnait au lieutenant de police à pro- -Ce sera fort commode en campagne, dit
pos des convulsions de Sainl-Médard. d'Argens.
• Cependant, interrompit Maupertuis, Vous -Et si le roi, ajouta Voltaire, permet à ses
vous êtes fait recevoir. officiers de connaître la lumière-de la lune.
–Vous aussi, répliqua Voltaire; on dit -=–ils le feront à peu de frais.
mêmequevous cherchez en loge les moyens de –Ainsi, messieurs, reprit le roi, nous de-
faire votrepuits.qui descendra aux antipodes. vons arranger cela entre nous. Comme il
Allons messieurs, dit d'Argens, en re- est bon de savoir ce qui se fera en loge le
marquant la pâleur subite de Maupertuis et grand maître général de l'ordre sera à per-
s'e hâtant d'intervenir ne querellons point. pétuité le roi de Prusse.
Moi aussi je suis-maçon, et j'avoue qu'enap- -A perpétuité veut
dire, interrompit Mau-
parence c'est un peu enfant, mais. pertuis, tant que durera le grade des cheva-
Mais, poursuivit te roi, ces enfantillages liers prussiens.
joués par des hommes me paraissent sus- -Si c'est fort stupide, dit d'Argens, il eti
pects. Si. j'avais été à la place de ce gros sera d'eux comme des sorciers, qui durent
bœuf de comte de Clermont qu'on a fait toujours.
grand maître enFrance, j'en saurais plus que Le roi reprit: Le grand maître général
lui. Il paraît qu'ils sont excommunies c'est de l'ordre s'appellera en loge grand comman-
une preuve messieurs, que la chose n'est deur le premier surveillant, grand inspec-
pas si innocente. Eh bien 1 ils se font remon- teur le second surveillant, grand introduc-
ter au temple de Salomon; je veux faire dans teur le secrétaire, grand chancelier; lé tré-
mon royaume ùn ordre qui aura des titres sorier, grand'trésorier.
plus anciens. -Vous leur donnerez bien de la grandeûrl
-Au delà du temple de Salomon 1 s'écria dit d'Argens en riant.
d'Argens, je ne vois rien en fait de maçonne- -Ce sont des grandeurs qui ne coûtent
rie, sinon les pyramides. rien à Sa Majesté, riposta Voltaire.
J'ai mieux que cela répondit Frédéric. -L'orateur, poursuivit Frédéric, s'appel-
Je veux que les maçons prussiens n'aient rien lera chevalier d'éloquence. C'est un titre
à envier; ils remonteront à la tour de Babel. que nous vous eussions conféré avec joie,
Bien trouvé, dit Maupertuis. Mais c'est monsieur de Voltaire; mais vous étes résolu
une entreprise de rébellion que celte tour. à nous quitter.
N'importe, cria Voltaire, le roi arranger,! -i-
Sire répondit le philosophe donnez
cela comme vous arrangez vos étoiles, qui cette dignité à Maupertuis. Au clair de la lune
ont la forme d'une meule de moulin. il sera plus pathétique qu'à l'Académie.
Soyons d'accord interrompit encore Ainsi donc, reprit encore le roi nous
d'Argens; nous aiderons Sa Majesté. Les descendons de Phaleg, grand architecte de la
choses maçonniques me plaisent à moi à tour de Babel qui s'éleva plusieurs siècles
cause des festins. avant le temple de Salomon. Nous établis-
Eh bien 1 mon cher d'Argeus, je vous ferai sons cette origine, avec les statuts du grade,
faire une collation qui aura du moins le mé- qui seront déposés dans nos archives royales;
rite de la singularité. Voici mes bases, mes- et il sera expressément défendu aux cheva-
sieurs, continua Frédéric, nos frères s'appel- liers prussiens, de recevoir aucun candidat
leront Nqachites ou enfants de Noé; ils s'ap- qui né pourrait pas prouver qu'il est au
pelleront même patriarches; ils s'appelleront moins maître et qu'il a rempli des fonctions
C87 DICTIONNA1UK
DES SCIENCES OCCULTES.. 688
I d'officier dignitaire dans une loge complèU 3 boutonnière de la veste. Ayant lié leurs ta-
• et régulière. De la sorte sans que nous al-bliers de peau jaune, mis leurs gants jaunes,
lions à personne, les maçons qui se trouven t et tenant d'une main l'inévitable truelle, de
déjà dans nos états seront obligés de venir àt l'autre le maillet, les frères entrèrent dans le
nous. Si c'est votre bon plaisir, messieurs temple, que la lune éclairait par trois gran-
nous allons ce soir même établir ce quei des fenêtres, et qui était régulièrement com-
vous appelez le rituel', fixer les cérémonies, posé de deux appartements. Le firmament
arrêter les signes et les mots de reconnais- était badigeonné au plafond de la première
sance, déterminer le costume et les insignes. pièce, destinée aux travaux. Il y avait dans
Demain nous nommerons les dignitaires un coin une grotte factice, et sur l'un des
avec de simples frères en nombre suffisant côtés de la grotte un cercueil vide.
pour composer une loge. Nous ferons prépa- Le roi, en qualité de grand commandeur,
rer le temple; et lundi prochain 19 mars se plaça à l'opposé de la lune qui éclairait
jour de la pleine lune nous tiendrons loge en plein son visage. Les frères s'approchè-
avec un aplomb suffisant pour nous montrer rent de lui, pour être à portée d'enlendre ses
constitués. Nous ferons la veille une répéti- ordres n'ayant point de places fixes pour
tion générale. faire voir qu'ils étaient tous égaux. Le grand
-Mais observa d'Argens rien ne sera commandeur ayant frappé trois coups, et le
prêt; nous n'avons que trois jours. grand inspecteur ayant répondu par un coup
Comme nous ne pouvons pas reculer de maillet frappé sur le pommeau de son
la pleine lune de mars dit le roi il faudra épée car les chevaliers prussiens n'avaient
bien que nous soyons prêts. Je me charge ni table ni bureau le grand commandeur
du temple. Les costumes seront des vestes dit: A l'ordre, mes frères 1
d'ouvriers. De vrais maçons n'ont pas de Aussitôt, tous les maçons furent debout
robes. élevant les bras les doigts étendus vers la
-Et quel sera le degré du grade? demanda lune.
Maupertuis. Alors le grand commandeur, procédant à
-Le vingt-et-unième, répondit le roi. l'instruction qui doit se faire à chaque te-
Mais c'est superbe s'écria d'Argens nue, lorsqu'il n'y a pas de planche détermi-
ils n'ont encore que onze degrés à Paris née, s'adressa à l'un des frères. C'était,
et on n'en compte que huit dans le rit écos- sous sa veste, un grave général prussien il
sais (1). lui demanda:-qui êtes-vous?
-Les grades intermédiaires se feront, dit Le frère réponditselon la formule :-Dites-
le roi. Travaillons. moi qui vous êtes et je vous dirai qui je
Les quatre philosophes occupés par l'ac- suis.
tivité de leur chef, se couchèrent fort tard. –Connaissez- vous les enfants de Noé? re-
Le lendemain et les jours suivants, leur uni- prit le grand commandeur.
que affaire fut de suivre le bizarre projet dit -J'en connais trois.
roi; et le lundi 19 mars assuré par une ré- -Qui sont-ils?
pétition très-étudiée que tout irait bien, le -S. dit le général.
roi s'en alla au lever de l'astre de la nuit, C. poursuivit le roi.
suivi de quatorze courtisans inaugurés ma-. -J. continua l'autre.
çons du grade de chevalier prussien, à l'o- -Que signifient ces lettres?
rangerie du palais,dont il avait pris une par- -Ce sont les initiales du mot sacré ( Sem,
tie, exposée en plein au clair de la lune, pour Cham, Japhet).
en faire son temple. Donnez-moi l'attouchement.
Nous rapporterons les détails de cette te- -Le voici. Et comme le grand comman-
nue, où le marquis d'Argens devait jouer le deur présentait les deux premiers doigls de
rôle de récipiendaire. la main droite étendus, l'autre les prit avec
le pouce elles deuxdoigts suivants, les pressa
Les-quinze maçons entrèrent dans une
salle où ils déposèrent leurs habits et leurs trois fois en disant: Sem, Cham; à quoi le
armes ou insignes pour endosser des ves- roi répliqua: Japhet; puis il reprit:– Faites-
tes d'ouvriers qu'on avait faites à la hâte. moi le signe.
Tous ceignirent l'épée antique et se passè- J'y satisfais répondit le frère. Il éleva
rent au cou le cordon ou ruban en soie les mains ouvertes, les pouces formant l'é-
noire unie, auquel pendait le bijou; ce bijou querre avec l'index mit les pouces contre
est un triangle équilatéral dont la bande in- ses oreilles et-fit trois génuflexions du genou
férieure est traversée par une flèche, la pointe gauche.
en bas. Il est en or lorsqu'on le porte au bout -C'est le signe général, dit Frédéric. Fai-
du cordon, et en argent lorsqu'il se met à la tes le signe d'entrée ou signe de passe,
(1) Pour donnerune idée de tous ces-degrés,qui vien- 1 royalehache ou prince du Liban, chefdu tabernacle
nent après les titres d'apprenti compagnon et maître du tabernacle,-chevalier de.l'Orient ou de l'é-
nousciteronsici les qualitéshonorifiquesd'unmaçonà qui -prmce
pée prince de Jérusalem,,-souverain prince rose-
on vient de décerner récemmentle titre insignede su- croix,–chevalierdu pélican,-chevalier du serpentd'»i>
blime princeroyal. Il est– maitredes logessymboliques, rain,-prince de Mercy,–souveraincommandeur du tem-
–maîtresecret,– maîtreparfait,– maître anglais,–maître ple,-chevalier du soleil chevalierKadosch,-grand
en
irlandais,– maître Israël,~maître élu des neuf,-illu- inquisiteursouverain,-patriarche des croisades, prince
stre des quinze sublimeche\alier élu grand-maître souveraindu royalsecret,-grand écossaisde saintAndré
architecte,– templieret précepteur d'Asie sublime- etc., etc.– Et ces gens-là se moquentdes
écossaisougrandpontite. uoacliilcou chevalierprussien, d'Ecosse,etc.,
titres!
689 FR FRA (•90
Le chevalier frappa trois coups égaux avec un candidat maître maçon demande la fa-
son maillet sur le manche de sa truelle; puis veur de participer à nos travaux.
il avança les trois premiers doigts allongés En répondez-vous ? dit Frédéric.
de la main droite en disant Noé. Le grand Comme de moi-même.
commandeur empoigna ces trois doigts en Introduisez-le;et qu'il entre en maître,
répondant: Noé, Noé. Et il continua; dites-- après avoir donné les signes et mots le
moi le mot de passe. passe de son grade.
Phaleg. On fit avancer le marquis d'Argens, dans
Connaissez-vous le grand architecte ses habits de ville, sans épée, portant le ta-
de la tour de Babel? blier de maçon du troisième degré et les
'Phaleg est son nom. gants blancs.
Qui vous a appris son histoire ? Chevaliers, dit le grand commandeur,
Le chevalierd'éloquence des chevaliers celui qui vous est présenté est un maître
noachites. demande
maçon, descendant d'Adoniram,qui
En quelle loge? à être reçu chevalier prussien. Y consentez-
Dans une loge que la lune éclairait vous ?
N'aviez-vous pas d'autre lumière? Tous les chevaliers ensemble tirèrent leurs
Non. en dirigèrent la pointe vers le réci-
épées
Cet édifice de la tour de Babel était-il piendaire et lui demandèrent s'il persistait
louable ? dans ses serments. Après qu'il eut répondu:
.Non, la perfection en était impossible. J'y persiste, tout le monde rengaina, et le roi
Pourquoi ? dit au marquis d'Argens
Parce que l'orgueil en était le fonde- Mon frère, le désir de parvenir à esca
ment. laderle ciel nous en fait chercher les moyens
Est-ce pour imiter les enfants de Noé Promettez-vous de nous seconder et de tra-
que vous en gardez la mémoire? vailler avec nous ?
Non, c'est pour avoir leurs fautes de- Je le promets.
vant les yeux. Frère grand introducteur, mettez-le à
Où repose le corps de Phaleg ? l'ouvrage et dirigez-le.
Dans un tombeau. Aussitôt on donna au candidat une truelle;
A-t-il été' réprouvé ? et tous les frères Voltaire et Maupertuis
Non la pierre d'agate dit que Dieu comme les autres, se mirent avec lui à faire
a eu pitié de lui, parce qu'il est devenu semblant de maçonner, manœuvre fictive
humble.
qu'ils exécutaient avec une gravité inexpli-
Comment avez-vous été reçu ? cable.
Par trois génuflexions après avoir Ils maçonnaient ainsi dans le vagué, sans
baisé le pommeau de l'épée du grand com- trop de fatigue, depuis trois minutes, quand
mandeur. ` dans la seconde pièce on entendit un bruit
Pourquoi vous a-t-il fait faire des génu- qui imitait le fracas du tonnerre. Toutes les
flexions ? truelles tombèrent à la fois des mains des
Pour me rappeler que je dois être chevaliers,qui aussitôt se remirent l'ordre,
humble. faisant des cornes à la lune.
Pourquoi les chevaliers prussiens por- Frère grand introducteur,'cria le roi,
tent-ils un triangle? prenez cet orgueilleux (il désignait le mar-
En mémoire du temple de Phaleg.
quis d'Argens ) dont l'ostentation nourrit un
Pourquoi la flèche renversée ?. projet qui ne tend à rien moins qu'à défier
En mémoire de ce qui arriva la tour le grand architecte de l'univers. Conduisez-
de Babel, le au nord, qu'il y pleure sa faute qu'il tra-
Les ouvriers travaillent-ils jour et verse, pour y parvenir, les déserts les plus
nuit? ? affreux.
Oui, le jour à la clarté du soleil, la nuit Le grand introducteur fit donc faire à d'Ar-
à la faveur des rayons de la lune.
gens le tour de la loge, ce qui passa pour
Pendant cette dernière question, le grand les plus affreux déserts il le conduisit à la
introducteur était sorli. Aussitôt que le grotte factice, le fit asseoir dans le cercueil,
frère interrogé eut terminé sa réponse, le lui servit une cruche d'eau dont il lui fit
grand introducteur frappa trois coups lents boire un coup, et une assiette de carottes
a \i> porte. crues qu'il lui fit manger.
Le grand inspecteur répondit par un seul C'est là sans doute, dit d'Argens le
coup violent, en disant Qui étes-vous ? friand festin que Sa Majesté m'avait promis.
Un chevalier qui demande l'entrée, ré- La surprise est frugale.
Pendant que le marquis d'Argens croquait
pondit la voix du dehors. son assiette de carottes, s'exécutant assez
Le grand inspecteur ouvrit la porte, reçut
les attouchements, signes et mots de passe mal, tous les frères passèrent dans le second
du grand introducteur le fit entrer seul, appartement.
Frère grand inspecteur, dit alors le roi,
quoiqu'il eût un compagnon avec lui et re- qu'est devenu Phaleg ?
ferma la porte. Le frère répondit: 11 est dans les déserts,
Grand commandeur, dit alors en s'a- cherchant par sa oénitence à apaiser la co-
dressant au roi le frère grand introducteur, lère du ciel.
691 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 692

Patriarches, mes frères, reprit le grand ne jamais révéler les secrets des noachites
commandeur, allons à sa recherche. Espé- ou chevaliers prussiens,' à aucun frère d'un
rons que le grand architecte de l'univers lui grade inférieur, ni à aucun profane, et à me
aura accordé son pardon. soumettre aux statuts et règlements du
Sur ces paroles, le grand commandeur, grade, appelant sur moi là vengeance si j'y
suivi de tous les chevaliers, fit le tour de la manque; ce dont me préserve le grand ar-
seconde pièce, qui n'avait aucune .décora- chitecte de l'univers I »
tion, revint dans la première, en fit le tour Dès que ce serment fut achevé, le grand
également, sans' avoir l'air de rien remar- commandeur fit, passer la truelle sur la tête
quer à cette promenade silencieuse. du récipiendaire et lui dit
Mais dans un second tour qui se fit avec En vertu des pouvoirs dont je suis re-
la même gravité, le grand commandeur pa- vêtu, et au nom du sublime conseil des che-
rut apercevoir la grotte il y entra; il fit des valiers prussiens je vous reçois chevalier
gestes d'éton'nement en découvrant le cer- noachite.
cueil. Il le montra aux frères avec des Sur quoi il lui donna le baiser de paix,
signes d'intelligence et tous se mirent à lui communiqua, avec dignité et précision,
l'ordre. les signes, attouchements et mots de passe,
En baissant les yeux, le grand comman- et, reprit
deur aperçut' à terre un bijou de chevalier Promettez-vous, foi de maître maçon,
prussien il le ramassa, tandis que le grand de garder les secrets que je vous ai confiés ?
inspecteur en ramassait un autre. Je le promets.
Frédéric chercha dès lors plus soigneuse- Vous soumettez-vous aux trois obliga-
ment il vit dans le cercueil le candidat qui, tions que je vais énoncer 1* De ne jamais
après avoir mangé ses carottes, s'était éten- révélera aucun des enfants d'Adam les mys-
du tout de son long; il le fit lever, en lui tères de notre ordre, à moins que vous ne
disant les connaissiez pour maçons 2° d'être offi-
Mon frère, mettez votre confiance dans cieux et compatissant pour tous les cheva-
la bonté du' grand architecte de l'univers. liers de notre grade; 3° de ne souffrir ja-
Fiez-vous à lui; il vous conduira par dés mais, même ait péril de votre vie qu'aucun
.voies sûres au but où vous aspirez. homme porte le bijou de chevalier prussien,
Le grand commandeur et tous les frères à moins qu'il ne se fasse reconnaître de vous
retournèrent ensuite dans la seconde pièce, comme tel?
dont ils fermèrent la porte. Je le jure et je m'engage sous serment
Le grand introducteur était resté seul avec à ces conditions.
le candidat; il le prit par la main et alla Alors le grand inspecteur et le grand in-
frapper trois coups auxquels trois coups troducteur ôtèrenl à d'Argens son habit, et
pareils répondirent. lui mirent la veste, qui, avec sa haute taille,
Voyez qui frappe, dit le grand comman- lui donnait un air très-singulier. On le fit
deur. asseoir et le chevalier d'éloquence qui
C'est, répondit le frère introducteur, était en effet Maupertuis, fit le discours his-
un enfant de Noé, parfait maçon, qui, après 'torique.
avoir fait pénitence, demande la faveur d'être «Les enfants deNoé,dit-il, nonobstant l'arc-
admis parmi les patriarches noachites. en-ciel, qui était le signe de réconciliation
Donnez-lui l'enlrée dit le grand com- que le Seigneur avait donné aux hommes,
mandeur. Consent-il à se dépouiller, dès ce pour les assurer qu'il ne se vengerait plus
moment et.pour toujours, de toute ostenta- d'eux par un déluge universel résolurent
tion et de tout orgueil ? toutefois de construire une tour assez élevée
Je le promets répondit d'Argens in- pour se mettre à l'abri d'un désastre nou-
troduit.. veau. Ils choisirent pour cela une plaine
Que demandez-vous ? reprit Frédéric. nommée Sennaar, dans l'Asie. Dix ans après
La faveur d'être admis parmi vous. qu'ils eurent assis les fondements de cet édi-
Y consentez-vous, mes frères? fice, et comme ils étaient déjà à une grande
Tous les patriarches tirèrent de nouveau hauteur, le Seigneur, dit l'Ecriture, jeta les
-leurs épées, et les abaissèrent vers le candi- yeux sur la terre et vit l'orgueil des hom-
dat, en signe de consentement. mes. Pour les punir, il mil la confusion
Faites approcher le candidat de l'autel, dans leurs langues c'est pourquoi on ap-
dit le roi. pela cette tour Babel, qui veut dire confu-
Le frère introducteur fit faire au candidat sion.
trois génuflexions du genou gauche et le « Quelque temps après Nemrod qui a
conduisit à l'autel triangulaire. été le premier à établir des distinctions par-
Mon frère, dit le grand commandeur, mi les hommes, fonda, dans le même lieu,
commencez par un acte d'humilité. une ville qui pour cela fut appelée Babylone,
11 lui présenta le pommeau de son épée, c'est-à-dire enceinte de confusion.
que d'Argens baisa trois fois. Puis s'étant mis « Ce fut dans la nuit de la pleine lune de
à genoux, les mains étendues sur l'autel, il mars que le Seigneur opéra la merveille de
prêta le serment en ces termes la confusion des langues. C'est en mémoire
a Moi Jean-Baptiste de Boyer marquis de cet événement que les noachites font tous
d'Argens, je promets et jure, sous les peines les ans leur grande assemblée dans la pleine
portées dans mes précédentes obligations, de lune de mars, et leurs assembles d'instruc-
Cfl* FRA FRA «91
tion tous les mois le soir de la pleine lune, Il frappa trois coups; les deux surveillants
attendu qu'ils ne peuvent avoir d'autre lu- répétèrent
mière en loge. Le chapitre est fermé.
« Les ouvriers de la tour de Babel ne s'en- Tous les chevaliers prussiens, se mettant
(endant plus, furent obligés de se séparer. à l'ordre, gémirent trois fois d'une voix lu-
Chacun prit son parti; il le fallait bien. gubre Phaleg I
Phaleg, qui avait donné l'idée et le plan du Et comme il était neuf heures du soir, toute
bâtiment, et qui en avait dirigé les travaux, la société alla souper, après avoir déposé la
était le plus coupable. Il se condamna à une veste et les insignes de patriarches.
pénitence rigoureuse. Il se retira jusqu'au Avouez, dit tout bas d'Argens à Vol-
nord de l'Allemagne dans des déserts où il taire, auprès de qui il cheminait, regagnant
ne trouva pour toute nourriture, que dés le palais, avouez que c'est encore plus bêU
racines ou des fruits sauvages. » que le reste.
Voilà pourquoi, pensa d'Argens, on -N'importe, répondit l'autre, les cht»
fait manger au récipiendaire des carottes; valiers prussiens n'en seront pas moins
mais on pourrait encore le traiter plus mal. fiers.
« Phaleg vint, reprit le chevalier d'élo- Mais nous nous prétons à ces plates fo-
quence, dans cette partie de la Germanie lies et puis nous combattons les cérémonies
qu'on nomme aujourd'hui la Prusse. Il con- religieuses, qui sont si augustes et si impo-
struisit quelques cabanes pour se mettre lui santes.
et les siens à l'abri des injures du temps il Ah je vous vois venir, poltron 1 s'écria
éleva aussi un temple en forme de triangle, Voltaire en s'arrôtant; vous nous quitterez,
et il s'y enferma personnellement, pour solli- je l'avais prévu vous vous convertirez.
citer le pardon de son péché. --Mais ce ne sera peut-être pas ce que je
« Or en l'an 553 en faisant des fouil- ferai de plus mal, répliqua froidement d'Ar-
les non loin d'ici on déterra un édifice gens.
triangulaire, dans lequel se trouvait une Et Maupertuis, ce rêveur, nous tournera
table de marbre blanc. Toute cette histoire aussi casaque; j'en suis sûr.Eh bien 1 quand
était écrite sur cette table en caractères hé- si peu de têtes,ont la force de nous suivre
braïques. A côté se trouvait un tombeau de jusqu'au bout, il nous faut d'autres .appuis.
pierre de grès, et une agate chargée de Avec ses stupidités, la maçonnerie au moins
l'inscription suivante: nous soutiendra.
« Ici reposent les cendres du grand archi- Mais, reprit d'Argens étonné, après un
tecte de la tour de Babel le Seigneur eut moment de silence; vous êtes donc Satan? °
pitié de lui, parce qu'il était devenu humble.» Sous certains rapports, répondit Vol-
Du moins on ne dira pas, interrompit taire en riant, je ne dis pas non.
Frédéric, en se penchant d'un air goguenard VII. Le ComédienFranc-Maçon.
vers son voisin, que nous enseignons une
morale de vanité. 1" citoyen..Prendsgarde,citoyenMelon,
tu trahis les secrets.
« Tous ces monuments, poursuivit l'ora- 2' CITOYEN. C'est grand'choseque tes se-
leur, sont conservés chez Sa Majesté le roi de crets
Prusse. L'épitaphe n'exprime pas le nom du • 5« citoyen. Dessalôperiesdesecretscoimne
ceux-là, citoyenRâteau,j'en ai pleinle ilos.
grand architecte de la tour de Babel; mais D'ailletirs la franc-maçonnerieest encore
la table de marbre le mentionne formelle- une invention des aristocrateset des avo-
ment et elle nous apprend que Phaleg était cats, avecleurscordons et dorures à trois
fils d'Héber, fils d'Arpaxad, fils de Sem, fils pointes.C'estencoreplus bète quele car
naval, pour des Français qui ont reconquis
aîné *ileNoé. » leurs droitsde l'hommeet consentiS l'exis-
Le discours historique étant fini; le grand tence de l'Être suprême. Ça lié peut servir
commandeur fit donner une épée au récipien- qu'à des conspirateurs.
daire et lui attacha le bijou de l'ordre en ar- Aneriesrévolutionnaires.
gent à la troisième boutonnière de la veste. Voici autre chose.
Puis il ajouta Le comédien Morel, bien connu à Marseille
^Quittez, mon frère, les ornements de où il joua quarante ans la comédie classique,
maître et portez comme nous l'humble ta- faisait, sous la république et sous l'empire, la
blier de compagnon. joie des enfants de cette ville, parce qu'il por-
D'Argens ôta ses gants et son tablier blanc tait des bas rouges et qu'il se promenait dans
et prit les gants et le tablier de peau jaune les rues avec ses habits de théâtre. A la scène
qu'on lui offrait. il jouait souvent les charges; hors de la scène
C'est, en effet, moins salissant, répon- il conservait de la gravité. On le regardait
dit-il, en admirant comme le roi avait tout au reste comme un assez bon homme. Il dî-
prévu. nait habituellement chez un petit traiteur
:Quelle heure est-il, frère grand'inspec- voisin du théâtre. Par convention formelle,
teur ? demanda alors Frédéric, en frappant quoiqu'il mangeât toujours seul, on ne pan-
l'un
un coup. quait jamais de lui mettre deux couverts,
Le grand inspecteur répondit II est pour lui, l'autre pour le grand Architecte d*
l'heure du repentir; le soleil est levé. ïhmivers.
Puisque le soleil est levé, répliqua le Avant de s'asseoir à table, il saluait sort
grand commandeur, frères, le chapitre est convive invisible; if lui servait lé potage,
fermé. après quoi it se servait quand il avait alv*
GTi
ï DICTIONNAIREDKS SCIENCESOCCULTES 696
sorbé son assiette, il prenait doucement celle temple, fit faire les costumes; et au bout de
du grand architecte de l'univers, et l'avalait trois mois la loge s'installa. Il lui avait fallu
très-dignement. Il servait au grand archi- tout ce temps pour les préparatifs spéciaux,
tecte le premier verre de vin, se versait te et pour refaire l'instruction des nouveaux
second, lui portait une santé, et dinait, par- frères, à qui la curiosité donnait une forte
tageant exactement toutes ses portions" en dose de patience.
deux, ne. se servant jamais que le dernier., Sans doute qu'ils s'étaient attendus à plus
mais mangeant toujours la part de son con- de merveilles qu'on ne leur en donna car il
vive à la suite de la sienne; au bout du dlner, y en eut qui regrettèrent leur temps perdu et
sa bouteille vide, il prenait modestement le leurs dépenses; et des dépits éclatèrent comme
vin verséau grand architecte de l'univers, le on le verra. Mais nous devons procéder avec
buvait et s'en allait. ordre.
Qu'il fût seul ou entouré d'autres dîneurs, La loge s'ouvrit un vendredi du mois de
Morel ne se gênait point il divertissait sou- septembre. C'était une vaste salle tendue de
vent les étrangers, qui le voyaient faire toutes bleu parsemé d'étoiles d'or. Morel, le trois-fois-
sortes d'offres obligeantes et polies à une as- puissant, vêtu d'une robe de satin- blanc, por-
siette devant laquelle on n'apercevait jamais tant sur le front un bandeau de velours bleu
personne. où étaient brodées en or douze étoiles, ayant
A ceux qui demandaient si cet homme n'é- un sceptre à la main, s'assit sur un trône
lait pas fou, le traiteur répondait bleu, surmonté d'un dais de même couleur.
Non, il est franc-maçon. Au-dessus de sa tête pendait un transparent,
Il était arrivé à Morel, en 1799, à l'époque où l'on avait peint le delta. Ce transparent,
où l'on s'occupait de réorganiser en France éclairé par une énorme lampe à troisbecs,
la maçonnerie, une aventure assez fâcheuse était la seule lumière du temple, le rituel
pour l'ordre. Ce pauvre homme voyait dans. n'en permettant pas d'autres. Tous les frères
la suppression des francs-maçons, qui avait étaient vêtus dé robes blanches; ils portaient
eu lieu sous la Terreur, le plus grand délit tous le même bandeau que le trois-lbis-puis-
de la révolution. JI np parlait qu'en pâlissant sant, mais lui seul avait le sceptre. Tous
de l'audace d'un écrivain qui avait traduit avaient aussi le cordon, placé de l'épaule
les loges sur la scène dans la comédie des droite à la hanche gauche; c'était un large
Francs-Maçons. Il soupirait après le réta- ruban cramoisi, liséré de blanc, sur lequel
blissement de la, société, où il avait occupé étaient brodés les mots Alpha par devant,
un grade très-éminent car il était grand Omega par derrière, séparés par douze étoiles
pontife ou sublime maçon écossais, dix-neu- d'or. Au bout du cordon pendait ce que les
vième degré de la hiérarchie maçonnique. maçons appellent le bijou; c'était un carré
II regrettait amèrement les jours où il avait long doré, portant d'un côté la première
figuré en loge, voyant fièrement au-dessous lettre de l'alphabet grec et de l'autre côté la
de lui dix-huit grades. dernière.
Aussi, dès que le vent de la réorganisation Il n'y avait,. selon le réglement de cette
souffla, il se mit en mouvement pour recons- loge, qu'un surveillant, assis à l'ouest, à l'op-
tituer son existence de dignitaire. Mais après posé du trois-fois-puissant. Il tenait à la
les longs bouleversements qui venaient d'a- main une étoile d'or au bout d'une baguette.
voir lieu, si les simples maçons de sept ans On voyait dans la loge une peinture qu'on
et plus avaient déjà grande peine à se re- appelle le tableau. C'était la représentation
trouver, les chevaliers hors d'dge étaient d'une ville carrée qui semblait descendre du
bien plus empêchés. Comment rassembler ciel sur des nuages et se disposer à écraser
une loge degrands pontifes à Marseille? Deux un serpent à trois têtes. Le serpent se trou-
mois de recherches ne lui avaient déterré que vait façonné en carton. La ville carrée avait
quatre membres; il en fallait douze pour douze portes, trois sur chaque face on re-
composer une loge de perfection. On lui joua marquait au centre un arbre qui portait
un tour indigne. douze sortes de fruits. En avant du tableau
Des farceurs, qui savaient son embarras, était une montagne haute de six pieds, cons-
et dont quelques-uns avaient été maçons du truite en planches recouvertes de toile peinte
troisième degré, mais se moquaient alors de comme au théâtre.
l'institution, vinrent le trouver solennelle- Après que les frères eurent admiré la di-
ment et lui dirent, avec effronterie, qu'avant gnité de leur temple, le trois-fois-puissant
quatre-vingt-treize ils avaient eu la dignité frappa douze coups avec son sceptre, et tout
de grands-pontifes ils s'appuyèrent de quel- le monde s'étant assis, il dit
ques secrets que l'un d'eux avait accrochés -Fidèles él vrais frères (c'est ainsi qu'on
dans la grande débâcle ils lui demandèrent parle aux maçons grands pontifes), quelle
le rétablissement d'une loge dont ils lui of- heure est-il?
frirent la présidence. On répondit
Très-flatté de cette démarche, de l'honneur Il est l'heure prescrite
qu'on lui faisait, et du bonheur de s'appeler Fidèles et vrais frères, reprit Morel,
le trois-fois-puissant, qui est le titre officiel tout est Alpha, Omega et Emmanuel. Tra-
du président des loges de grands pontifes, vaillons.
Moret accepta; et comme il possédait le livre Sur quoi, le frère surveillant frappa douze
des formules, que les francs-maçons appellent coups à son tour avec son étoile et dit
leur rituel, il se mit à l'œuvre, fit préparer le "r Fidèles et vrais frères, la loge des grands
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pontifes est ouverte. Faites l'applaudisse- céleste, et combien de portes aura son en-
ment. ceinte ??
Chacun
des assistants cria trois fois Al- Chacune des quatre faces aura trois
leluia 1 portes comme au tableau ;-l'élendue totale
Pour comprendre ce mélange de choses de la ville sera de douze mille stades.. Les
sacrées à des choses absurdes, il faut assis- douze portes indiquent qu'on s'y rendra de
ter à toute la séance. Morel y déploya toute toutes les parties du monde.
sa science et tout son savoir-faire. Comment y parviendra-t-on? -t-on?
II avait pensé que le meilleur moyen de En suivant des routes étroites et difG-
remettre' tous les assistants sur la voie des ciles et en,combattant les ennemis qui en
bonnes doctrines, était de repasser toutes les défendent l'entrée.
instructions, en interrogeant le frère qu'il Pourquoi portez-vous ce bandeau ?
savait le plus solide. C'était un vieil arma- Parce qu'on ne peut, sans ce bandeau,
teur, qu'il interpella ainsi, avec la gravité être admis dans les sublimes kiges écossai-
coiivenable ses, et qu'il faudra le porter pour être admis
Qui êtes-vous? dansla Jérusalem céleste, ainsi que saint Jean
Grand pontife, ou sublime écossais, à s'en est expliqué.
oui rien n'est inconnu. Que signifient les douze étoiles que
Où avez-vous été reçu? porte votre bandeau ?P
En un lieu qui n'a besoin, pour être Elles représentent les douze anges qui
éclairé, ni du soleil ni de la lune. gardent les douze portes de la Jérusalem
Expliquez-vous là-dessus. céleste.
De même que la loge de sublime écos- Que faut-il entendre par la couleur bleue?
sais n'emprunte point de lumière extérieure -La douceur, qui doit être le partage des
pour être éclairée, de même le fidèle et vrai fidèles et vrais frères.
frère n'a besoin ni de richesse ni de naissance Quel âge avez-vous ?
pour être admis en loge. Mais il doit faire Je ne compte plus.
preuve de son attachement à la maçonnerie, Comment vous nommez-vous ?
de son dévouement pour ses frères. Fidèle et vrai frère.
Que représente le tableau de la loge? Après cette réponse, il y eut un moment de
Une ville carrée avec trois portes à cha- silence. Le trois-fois-puissant reprit bientôt
que face. Au milieu est un arbre qui porte Ce que vous venez d'entendre est une
douze espèces de fruits. La ville sur des nua- instruction. Pour achever de rappeler aux
ges est suspendue au-dessus d'une autre usages les frères dont tant d'années d'exil
ville détruite d'où sort un serpent à trois ont affaibli la mémoire, je vous ai ménagé
têtes. aussi une réception.
Expliquez-vous là-dessus. Frère préparateur, continua Morel en s'a-
La ville carrée représente la nouvelle ma- dressant à l'un des assistants, allez prendre
çonnerie, du titre de Sublime-Ecossais; elle l'aspirant qui est du grade des rose-croix.
vient remplacer l'ancienne, qui est détruite, Vous, frère expert, dit-il à un autre grand
et elle écrasera le serpent à trois têtes qui pontife, recueillez-vous.
est enchaîné. Le frère préparateur entra dans une cham-
Comment la maçonnerie ancienne est- bre voisine, où était l'aspirant, vêtu de la
elle-tombée en ruines, puisque ses liens sont chasuble de rose-croix. Il l'amena à la porte
indissolubles ? du temple et.frappa onze coups. Tous les
Cela fut ainsi décrété de tous temps frères étaient attentifs et reconnaissants de
nous l'apprenons par saint Jean, que nous la bonne idée de Morel.
reconnaissons pour le premier maçon qui On a frappé en chevalier rose-croix, dit
tint une loge de perfection. le frère expert qui avait compté les onze
Où saint Jean dit-il cela ? coups.
Dans la Révélation ou Apocalypse, -Voyez qui frappe ainsi, dit le trois-fois-
lorsqu'il parle de Babylone et de la Jérusa- puissant, et demandez ce qu'on veut.
lem céleste. Frère préparateur dit alors le frère
expert, pourquoi frappez-vous ainsi? qui
Dans tous ces détails, remarquez qu'on
se borne à transcrire est celui qui vous accompagne, et que cher-
scrupuleusement un che-t-il ?
procès-verbal et des pièces authentiques. ) Je frappe, répondit le frère préparateur,
Que signifie, continua Morel, l'arbre pour présenter au trois-fois-puissant un che-
qui est au milieu de la ville et qui porte douze valier rose-croix, qui désire, pour acquérir
espèces de fruits?-C'est l'arbre de vie placé de nouvelles vertus, être admis au grade de
là pour faire comprendre que' c'est dans la sublime écossais. x »
loge sublime écossaise, parmi les grands S'il en est ainsi, qu'il soit introduit pour
pontifes, fidèles et vrais frères, qu'on trouve être soumis aux épreuves.
les douceurs de la vie ici-bas. Les douze On fit entrer alors le récipiendaire, chargé
espèces de fruits signifient que nous devons de sa chasuble de rose-croix, toute bariolée
nous rassembler tous les mois en tenue pour de hiéroglyphes. Le trois-fois-puissant l'in-
nous faire part de nos mutuelles lumières et
terrogea aussitôt
nous soutenir contre nos ennemis. D'où venez-vous, mon frère?
Quelle.élendue doit avoir la Jérusalem De la Judée. 1
G99 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 700
11.
Par quelle ville avez-vous passé ? de son mieux au moyen d'un sifflet que le
Par Nazareth. trois-fois-,puissant dirigeait avec une corde
Qui vous a conduit? attachée à son pied il agita ses trois têtes
t- Raphaël, de carton. Le récipiendaire présenta son
De quelle tribu étes-vous ? bijou de rose-croix incontinent le monstre
De celle de Juda. devint immobile; et le frère préparateur,
Qu'ayez-yous appris dans vos Voyages? reparaissant, fit marcher le nouveau frère
t-t A croire, à espérer, à aimer. sur le serpent.
-r- Mon frère, ne'croyez pas aux perfides Vous avez atteint la perfection, s'écria
insinuations des flatteurs; n'espérez pas dans Morel; vous avez dompté votre ennemi, dont
ce inonde un bonheur parfait; n'aimez pas les trois têtes vomissent trois venins. Pros-
les objets frivoles. Mais aimez nos cérémo- 'ternez-vous devant l'Eternel, qui vient de
nies, détestez les traîtres et rompez avec eux. vous accorder la victoire.
Le promettez-vous? 2 Le récipiendaire fit trois génuflexions; et le
Je le promets et-je le juré. trois-fois-puissant reprit encore
Vous avez manifesté le désir de parvenir Mon frère, vous voyez sous vos yeux le
à la Jérusalem céleste. Une seule route y plan de la Jérusalem céleste que vous dési-
conduit. Un guide éclairé vous serait utile; rez habiter. Un jour vous y serez admis.
mais ce serait nuire à votre mérite. Ne devez Remarquez sa vaste étendue; elle est ouverte
qu'à vous seul la gloire du succès; et choi- à tous les peuples de la terre. L'arbre qui
sissez le chemin qui vous séduira. est au centre porte autant d'espèces de fruits
Aussitôt la voix du frère préparateur, qui que l'enceinte a d'ouvertures, pour mar-
avait disparu derrière un rideau, se fit en- quer que chacun y trouvera la nourriture
tendre avec solennité elle prononça ces qui lui convient. Approchez, mon frère et
mots venez prendre l'engagement du grade subli-
Qu'il gravisse la montagne, s'il veut me qui va vous être conféré.
parvenir à son but. Nous avons négligé de dire qu'il y avait
Pour arriver au sommetde la montagne de devant le président, comme dans toutes les
planches, qui était haute de sixpieds, il y loges, un autel triangulaire sur une estrade
avait deux chemins, un chemin fleuri et un de trois marches. Le frère, admis fut conduit
chemin raboteux. Il fallait, pour la leçon" à l'autel par le frère préparateur qui lui
qu'il prît le chemin fleuri ce qu'il ne man- fit mettre le genou droit sur la troisième
qua pas de faire. Quand il l'eut parcouru en marche et ta main droite sur le chapitre XXI
cinq ou six pas, il fut contraint-de s'arrêter, de l'Apocalypse. Tous les frères s'étaient ap-
la montagne étant coupée à pic en face du prochés. Le trois-fois-puissant posa sa.main
trois-fois-puissant. gauche sur la main étendue du récipien-
Que ne continuez-vous votre route, mon daire et de la droite qui tenait le glaive, il
frère? lui dil Morel. forma avec les glaives éjevés de tous les
-Je ne puis aller plus loin. membres présents, une sorte de berceau au-
Le trois-fois-puissant frappa trois coups dessus de la tête du frère à genoux. C'est le
et s'écria berceau que les, maçons appellent la voûte
Fidèle surveillant, volez au secours1 de d'acier.
ce présomptueux, qui a pris la route fleurie, Dans cet appareil le nouveau frère pro-
et montrez-lui coinment on parvient à la nonça ce serment
perfection. « Moi, Pierre Scœvola d'H. de ma
Le frère appelé monta aussitôt par le sen- libre volonté, en présence du grand archi-
tier difficile qui était opposé au premier, prit tecte de l'univers et des fidèles et vrais frères
le récipiendaire par les deux mains, le fit ici l'assemblés, je jure sur ce livre sacré, sous
descendre à reculons et'|e reconduisit à sa toutes les peines portées par mes précédentes
1
place. obligations, de garder religieusement le se-
Frère imprudent, reprit Morel, vous cret d.es sublimes écossais tant envers les
avez choisi, pour arriver à la Jérusalem cé- aiaçqns des grades inférieurs qu'envers les
leste, une routo facile et jqnchéo de fleurs. profanes.
La perfection ne peut s'acquérir ajnsi. Vous « Je promets de ne consulter dans mes liai-
marchiez- vers un précipice affreux votre sons d'amitié ni la naissance, ni lerang, de
perte était infaillible, si une main généreuse n'estimer les hommes qu'en -raison de leur
n'était venue à voire secours. Ce guide pré- attachement à la maçonnerie, qui est la pra-
cieux vous a fait franchir des routes escar- tique des vertus civiles et morales, de proté-
pées et vous a garanti des dangers qui vous ger, accueillir et rechercher les vrais maçons,
entouraient» Mais ne croyez pas avoir sur- enfin de me montrer digne d'habiter un jour
nvMilé toutes les difficultés.; un ennemi puis- la Jérusalem céleste. Amen. »
sant s'oppose, à votre, passage, Plusieurs rous les assistants dirent trois fois Amen.
avant vous ont succombé sous, ses coups. Puis le trois-fois-puissant, couvrant seul le
Regardez ;.iï est sous vos yeux et vous at- récipiendaire de son glaive. leconstitua grand
tend pour vous dévorer. Pour arriver jusqu'à pontife en disant
.moi, opposez-lui le bijou que vous portez." Je reçois votée serment et. convaincu
Alors le serpent à trois- (êtes, qui était une que vous le tiendrez, je vous reconnais et
machine, prêtée par le théâtre se mil à vous proclame sublime écossais de la Jéru-
remuer la queue assez lourdem.en,!j i il siffla' salem céleste.
701 FItA FRA 702
1 11 _~L -6
Après ces mots, le digne Morel, posant son comme un procès-verbal, sèchement et sans
sur la tête du nouveau frère, frappa commentaire, vous laissant le soin d'appré-
glaive décès pontifes. <
douze coups de son sceptre sur le dit glaive cier les doctrines
puis il mit bas les armes, embrassa le frère Quant à Morel, il devint à*moilié fou de
reçu, lui fit ôter la chasuble de rosé-croix, son aventure. Comme preuve de cette asser-.
lui fit revêtir une robe blanche avec les or- tion, on raconte que depuis, lorsqu'il était
nements du grade, puis lui donna les signes, sifflé, il donnait en rentrant chez lui son sou.
du
mois et attouchements, lesquels consistent, per à son chien et mangeait lui le souper
savoir le signe d'ordre, à élever perpendi- barbet. Quand il était mécontent de là ma-
culairement le bras droit vers le ciel, que l'on nière dont il avait joué les pères ganaches,
semble montrer avec le pouce et l'index,-les car on l'avait fait passer à ces rôles (terme
trois autres doigts étant pliés, mais non fer- de comédien), il faisait coucher son chien sur
més le signe de reconnaissance, à tenir le son fit et se couchait dessous comme indi-
bras droit horizontalement, les doigts de- gne. On assure même qu'il y eut souvent,
meurant comme au signe d'ordre l'attou- entre ces deux amis, des débats de-politesse,
chement, à se mettre réciproquement (le frère et que le chien, dans ces circonstances, vou-
qui tuile et le frère qui est tuilé) la main tait à toute force coucher aussi sous le lit, à
droite sur le front, en disant, le second Al- côté de son maître.
leluia le premier Louez le Seigneur, qui On parla un jour de remercier Morel du
Mais
sont les mots sacrés; puis lo second Emma- théâtre, parce qu'il était Irès-vicux. il
le Dieu vous assiste; les deux plus de quarante ans de services,
nuel premier après le
ensemble Amen, qui sont les mots de passe. avait tellement habitué le public à voir,
demanda qu'il
Après avoir ajouté que la réponse à l'âge que ta majorité des abonnés
demandé est pour les grands pontifes ou su- fût maintenu dans la troupe. Le. directeur du
blimes écossais, je ne'compte plus, le trois- théâtre, pour faire sa cour aux jeunes gens,
fois-puissant retourna à son trône, tous les annonça donc à Morel que non-seulement on
frères à leurs sièges; on fit asseoir le nou- -le conservait; mais qu'au, lieu de deux mille
veau venu et le trois-fois-puissant ayant cent francs qu'il avait eus jusqu'alors pour
demanda on lui donnerait cent louis.
frappé trois coups appointements,
habitué comme une
Quelle heure est-il? Le pauvre homme,
Le" frère expert répondit machine à ses deux mille cent francs, né vit
lui fai-
-r- L'heure est accomplie. qu'un dérangement dans l'offre qu'on
il le gardât
Alpha et Oméga, reprit Morel, réjôuis- sait répondit qu'il désjrail qu'on
sons-nous, mes frères. Il frappa douze coups, sans rien changer à son traitement qu'il s'é-
le frère surveillant les répéta et dit en se le- tait habitué à le distribuer de manière à s'y
vaut: reconnaître qu'à son âge il ne pouvait plus
Fidèles et vrais frères la loge des se rompre la têie à faire de nouveaux calculs,
grands pontifes est fermée. et qu'il demandait à rester dans le cercle de
Sur quoi, la loge alla dîner travail des ses vingt et un cents francs c'était sa ma-
ne put lui
mâchoires qui est la conséquence obligée de nière dé s'exprimer. Comme on
toute réunion maçonnique. faire comprendre qu'au delà de cette somme
Morel était triomphant et superbe; ce qui il trouvait encore trois cents francs dans les
ne l'empêcha pas, sous un costume moins cent louis proposés, on lui laissa ses vingt et
imposant, de jouer Crispin, le soir môme, un cents francs, qu'il toucha jusqu'à sa mort,
dans le Légataire universel. arrivée au commencement de la restaura-
mois il sa et cette intellectuelle de la
Mais au bout d'un paya joie par tion puissance
une grande douleur. Quatre des plaisànts franc-maçonnerie continua de porter tous les
toasts et d'offrir ses politesses en
qu'il avait admis dans sa loge avec un peu jours ses
de légèreté; n'étaient pas même maçons.. L'un dînant, n au grand architecte de l'univers.
d'eux. était libraire. Dans l'espoir de retrou-
ver ainsi les frais qu'ils avaient faits pour VIII.– Jacqueminan Grand-Orient.
être initiés, ils publièrent une brochure qui C'est du Grand-Orientla merveilleincomprise,
se vendit rapidement, et qui révélait tous les Où vousallez marcher de surprise en surprise.
secrets qu'on avait fait passer devant leurs P. LEBLANC, LesSymbolesmaçonniques.
Cette brochure était intitulée Une
yeuxi avis de son
séance à la loge des grands pontifes sous la Jacquemin Claes, sur l'honnête de
curé, abandonna donc sa dignité miiltre
présidence du père Morel, trois- fois-puissant, est à
sublime écossais et artiste dramatique; tout renonçant à cette pompe de Satan, qui
la fois'plus périlleuse qu'on ne pense et plus
cela en toutes lettres. n'en a l'air. Mais vous
Lo Grand-Orient de Paris, qui se réorga- stupide encore qu'elle
voir comment un piège attire un autre
nisait, envoya l'ordre à tous les maçons de allez et comme il n'est pas bon d'avoir
supprimer cette brochure; il interdit au pau- piège,
vre Morel toute présidence de loge; il défen- connu la mauvaise compagnie.
son père se mit
dit pour dix ans à Marseille toute tenue de. Jacquemin, revenu chez
On fit à faire du commerce. Pour l'apprendre au-
loge des grands pontifes. comprendre
trement qu'à ses dépens, il se plaça dans une
au libraire qu'il ne fallait pas jouer avec la
de sorte qu'il n'osa pas réim- maison honorable deTournay. Par son exac-
maçonnerie,
est devenue titude et sa bonne conduite, il gagna promp-
primer sa brochure épuisée; elle tomcnt la confiance de son chef, ou si ce mot
fort rare; nous avons suivi cette relation
703 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 704
lie vous va pas, de son patron. Il fut chargé rement il est même arrivé quelque chose de
bientôt de voyages importants, intéressé dans singulier à ce sujet.
la maison investi de pouvoirs; et il méri- Un paysan des environs de Tournay, cœur
tait l'estime qu'on faisait de lui, car il avait perverti comme il y en a malheureusement
de la. probité; et son ardeur était tempérée quelques-uns en tout pays, se trouvant pressé
par une timidité rassurante. d'un besoin d'argent un mauvais plaisant
En 1822, il avait gagné une petite somme s'avisa de lui dire qu'en se faisant recevoir
assez ronde, soigneusement économisée par franc-maçon, il deviendrait tout d'un coup
sa mère; il se décida à se marier. Il devait riche. Mais, ajouta-t-il, vous risquerez votre
faire à 1 automne le voyage de Paris, pour de âme. Le paysan savait bien que les francs-
nombreux recouvrements, mêlés de quelques maçons passaient pour être en commerce
achats; il comptait rapporter de là ses plus avec le diable; il songea sans doute qu'il
élégants présents de noces. s'occuperait de son âme un peu plus tard;
II partit, l'esprit tranquille, le cœur en car il se résolut à tenter le chemin de fortune
paix, comme un honnête garçon qu'il était. qui lui était présenté.
Il arriva sans accident fit rapidement ses Il vint à Tournay se promena sans rien
affaires; et il n'avait plus que deux jours à dire devant le bâtiment ou les macons tien-
demeurer dans la grande ville, lorsqu'en pas- nent leur loge l'examina d'un œil d'envie
sant sur le quai des Orfévres, il se rappela puis il entra dans un petit cabarét voisin, et
tout à coup le séjour qu'il y avait fait et sa tout en buvant sa pinte de bière, il demanda
réception à la loge des Amis réunis. Il lui au cabaretier ce qu'on faisait dans ce bâti-
vint, je ne sais comment, la capricieuse idée ment.
de savoir ce qu'étaient devenus ses. anciens On y fait de la franc-maçonnerie ré-
frères; il se dirigea vers le petit hôtel qu'il pondit l'autre, qui était aussi un goguenard,
avait habité; mais il reconnut à l'enseigne et il faut qu'il s'y passe de terribles choses
qu'il avait changé de maitre. Au même in- car toutes les fois qu'ils tiennent loge, s'ils
s !ant, il aperçut. dans sa boutique le mar- entrent trente, ils ne sortent que vingt-neuf.
chand de tabac, et il entra. Tout en achetant -Comment cela? demanda le paysan in-
de mauvais cigares il demanda à M. Gue- trigué.
naud s'il ne le reconnaissait pas ? C'est, répondit le cabaretier en baissant
-Mais attendez donc, répondit M. Gue- mystérieusement la voix, qu'on tue un hom-
naud, en rejetant sa tête en arrière, je crois me à chaque assemblée. Tenez, comptez, les
qu'il me semble en effet que je pourrais bien voici qui entrent.
vous avoir. vu 1. Tout juste, continua-t-il, Le paysan compta vingt-quatre personnes;
en se remettant, c'est à vous que je dois le et la porte s'étant refermée, il n'ajouta pas un
bonheur d'avoir été si vertement houspillé mot. Il tomba dans une profonde méditation.
par ma femme, qui m'a fait planter là les Au bout d'un quart-d'heure, il demanda
bêtises des francs-maçons. Est-ce que vous une autre pinte, et reorit Restent-ils
en êtes encore ? longtemps là?
-Non certainement, répliqua Jacquemin. Il désignait la loge..
J'ai donné ma démission le même jour que Ce n'est pas grande assemblée aujour-
vous. d'hui, répondit le cabaretier, fier de l'effet
Touchez là, dit le marchand, vous êtes qu'il avait produit sur son homme, ils reste-
un homme. C'élail en vérité trop absurde. ront une heure.
Esi-Ct.' qu'il y a des francs-maçons dans votre Le villageois, décidé à attendre, retomba
pays? Quoique je ne sache pas de quel pays de nouveau dans le silence.
vous êtes vous devez être d'un pays quel- Dès que les maçons sortirent, il les compta
conque. d'un oeil ardent, et la porte s'étant refermée
-Je suis de Tournay. II y a en effet des sur le vingt-troisième, parce que le surveil-
francs-maçons chez nous, qui font les mêmes lant restait pour remettre les choses en or-
singeries qu'ici. On les dit inoffensifs. Cepen- dre Ils en ont vraiment tué un dit-il.
dant n'est-ce pas quelque chose de louche Mais quel profit ont-ils à cela?
qu'ils soient toujours en lutte avec le clergé? Oh 1 c'est une épreuve; celui qui la fait
C'est plus que louche, c'est obscur. Et reçoit, dit-on, une bonne somme.
puis, que dites-vous de la sorte de défiance Le paysan paya ses deux pintes et s'en
qu'ils inspirent aux villageois ? de la mau- alla. Commeil était Gn, il s'informa dans une
vaise renommée qu'ils ont chez les simples autre maison de la demeure de l'un des prin-
gens? Généralement il n'y a point de fumée cipaux maçons et il alla le trouver tout ron-
sans feu. Je suis allé récemment dans le pays dement.
de ma femme, qui est Gonesse-au-bon-beur- Je voudrais être reçu, monsieur, lui
re j'étais allé auparavant dans mon propre dit-il; j'ai besoin d'argent; je suis prêt à
pays, qui est Longjumeau j'ai vu que par- tout. Ou conte que vous tuez un homme à
tout les paysans regardent encore les francs- chaque séance je ne recule pas pour cela,
maçons comme des sorciers. Pour moi qui si cela me profite.
ne le suis pas, je ne me suis point vanté d'a- Le maçon un peu surpris d'une pareille
voir élé de la clique. Je pense qu'il n'est ja- ouverture, voulut en réjouir ses frères.
mais agréable d'être vu de travers. Nous avons assemblée samedi dit-il au pay-.
-On a tout à fait les mêmes opinions dans san venez me voir au coucher du soleil. Je
nos contrées reprit Jacquemin et derniè- vous dirai si vous pouvez être reçu mais
705 FRA FRA 70G
aujourd'hui écrivez là-dessus votre nom et les phases qui ajoutent à la joie
que j'é-
votre village. prouve de n'être plus porte-tablier. Depuis
Il lui présenta en même temps une tête de 1815, la politique s'est jetée parmi les frères;
lettre chargée des hiéroglyphes de la maçon- plusieurs loges sont devenues des foyers de
nerie. Le villageois ne savait pas écrire, mais conspiration; de sociétés secrètes permises,
il dicta son nom et avoua sa demeure. quelques-unes se sont faites sociétés secrèles
Les maçons consentirent à s'amuser du prohibées. Il en est même qui se sont trans-
personnage, qui vint exactement le samedi, • formées en ventes.
à l'heure prescrite, fut conduit en loge, in- Qu'est-ce que vous entendez par là? de-
troduit les yeux bandés, et placé ensuite au manda Jacquemin.
milieu du temple, où il fut surpris de ne voir Les ventes sont les loges des carbonari,
que des bourgeois et des chandelles. Il s'at- attendu qu'une loge. de carbonari s'appelle
tendait un peu à voir le diable. On lui de- une vente, une venta; c'est un mot étranger.
manda s'il voulait être reçu maçon il répon- Là, c'est bien pis. On ne s'assemble que pour
dit que oui s'il voulait vendre son âme il conspirer; et je sais beaucoup de maçons qui
répondit qu:il la vendrait pour dix ans s'il n'étaient, comme dit la chanson,que des
voulait tuer un homme, il répondit que cela imbéciles et qui se sont laissé entraîner
dépendait du prix. dans le carbonarisme, où ce ne sera pas leur
Alors on lui demanda quelle somme il faute s'ils ne deviennent pas criminels, puis-
voulait. Il me faut six mille francs ré- qu'ils doivent à leurs chefs l'obéissance ab-
pondit-il. solue et passive.
Nous ne nous arrangerons pas dit un -Mais, reprit Jacquemin élonné me di-
maçon, car nous ne payons que trois mille riez-vous des nouvelles de vos anciens con-
francs par homme. frères, de ceux qui vous ont aidé à me rece-
Pendant que ces mots se disaient, pour voir ?2
achever d'exciter le villageois, un frère ap- Difficilement. Tous se sont dispersés: je
portait et remuait des corbeilles d'écus. crois' que tous ont fait de mauvaises affaires.
-Je tuerai donc deux hommes, dit le néo- L'argent qu'on sème dans les loges ne pro-
phyte, car je veux six mille francs. duit rien de bon.
Les maçons commencèrent à trouver l'a- Il n'y a qu'une chose que je regrette
mateur un peu féroce. Ils le firent boire et monsieur reprit Guenaud après un petit
l'enivrèrent, à quoi il se prêta de son mieux. silence c'est de n'avoir pas été admis une
Puis on le mit dans une voiture sous pré- fois du moins, dans les cérémonies du Grand-
texte d'épreuves on le reconduisit à. sa mai- Orient.
son. Le lendemain matin on prévint les au- N'est-ce pas la chef-loge de la franc-
torités, qui firent savoir à l'ambitieux pay- maçonnerie ?
san qu'il élail désormais surveillé. II n'en Si vous voulez. Toutefois on ne s'y
est -rien arrivé de plus. Mais vous avouerez occupe que de la distribution des grades et
qu'il n'est pas très-doux d'être d'une société insignes de l'organisation des choses, de la
qui donne Heu à des opinions comme celles fixation des mots d'ordre solennels, de la con-
de ce malheureux enragé. fection des diplômes, et on y donne continuel-
Mais encore, monsieur, si vous n'êtes lement de fort belles fêles.
venu en loge que le jour où nous vous avons Mais reprit le Tournaisien l'Eglise
reçu, vous ne savez que peu de chose. Il faut qui repoussela franc-maçonnerie, en excepte-
connaître les doctrines. Voici par exemple, t-elle le Grand-Orient?
en opposition aux commandements de Dieu, C'est probable, dit le marchand de
les commandements de quelques loges tabac, puisqu'on y voit des personnages de la
Adore ce que tu voudras; cour.
C'est ton affaire entièrement De singulières idées se heurtèrent dans la
Sermentsde maçon tu tiendras; tête de Jacquemin, qui ne sentit pas l'absur-
Mais des autres fais librement. dité des raisonnements du marchand de
Tous les dimanches tu feras
Ce qui te plaira seulement. tabac,et qui ne tarda'pasà sorliren songeant
au Grand-Orient.
Le Grand-Orient serviras,
Si tu veux vivre sûrement. Il n'avait pas remarqué que pendant l'éloge
du Grand-Orient par l'ancien frère Guenaud,
Dispute et meurtre empêcheras
Entre maçons iidètement. un homme était entré dans la boutique pour
Dans tes amours éviteras allumer son cigare. Cet homme, convenable-
Tout scandale publiquement. ment vêtu le suivit jusqu'au Pont-Neuf et
Aux frères nul tort ne feras l'accosta alors, en lui disant aussi
Et ne leur nuiras nullement Vous ne me reconnaissez pas ?
Jamais rien ne révèleras
De nos secrets imprudemment Mais, mais, mais,.répondit Jacquemin
Amour d'autrui ne troubleras absolument comme le, marchand de tabac, il
En loge principalement. me semble que je vous ai vu autrefois.
Le bien des frères n'envieras, En loge frère vous ne remettez pas
Faisant tout délicatement Félix, alors peintre, et aujourd'hui.spécula-
Et je vois avec plaisir, poursuivit le mar- teur ? Je suis bien charmé de vous revoir
chand de tabac, que cette poésie-là ne vous vous me rappelez tout un heureux temps et
platt guère. Du reste, il est arrivé de nouvel- vous accepterez un petit verre.
707 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 708
Je suis Irès-prcssé dit Jacquemin; je autre issue; il déposa son habit sa montre,
n'ai plus que deux jours à rester ici. sa bourse, qui contenait deux mille francs en
-Cinq minutes ne vous retarderont pas. or. Son portefeuille où il avait ses recou-
On était devant le café Dauphine; le spé- vrements en papier, montant à une quaran-
culateur avait l'air si décent, que Jacquemin taine de mille francs était dans une poche
céda. intérieure de son gilet il l'y laissa; d'ail-
-Comme vous êtes pressé, reprit Félix leurs, il ne contenait d'autres métaux qu'un
après avoir demandé un demi-bol de punch, crayon. Il endossa la robe; elil fut introduit
qu'il paya de suite très-délicatement je ne dans un second salon, fort propre aussi.Félix
veux pas vous retenir. Mais je me fais une lui demanda la permission de le laisser un
fête de vous procurer à la volée le plaisir que moment seul pour l'annoncer; puis il ouvrit
désirait tant le marchand de tabac. une petite porte et disparut.
-Quel plaisir? demanda Jacquemin. Alors seulement Jacquemin put se recueil-
-Le plaisir de voir le Grand-Orient où lir alors seulement, se retrouvant seul avec
je suis officier introducteur. lui7même il put se demander s'il ne. faisait
-Mais vous ignorez que je ne suis plus pas des extravagances? s'il avait-besoin de
maçon. voir le Grand-Orient? s'il n'avait pas été
Qu'importe je ne vous offre qu'un spe- bien faible? s'il devait se fier à Félix ? s'il
ctacle. Il ne s'agit là ni d'épreuves ni de ne s'exposait pas à mille périls? Il put son-
serment; vous n'aurez rien à dire; vous vous ger tout à son aise car un quart d'heure se
bornerez à voir. Il se trouve qu'en ce mo- passa sans que le silence où on le laissait fût
ment il y a solennité. Du moins vous aurez interrompu. Il prit enfin une résolution
joui du plus piquant spectacle et de la pompe Il est possible que je fasse mal dit-il;
la plus bizarre qu'on puisse voir à Paris. je dois oser me montrer ce que je suis et re-
Vidons nos verres nous sommes à deux pas fuser de mettre le pied dans ce qu'ils appel-
c'est l'affaire d'un quart-d'heure. Garçon lent le temple.
une voiture 1 Il tourna donc la clef du premier salon
Jacquemin comme nous l'avons dit déjà pour reprendre ce qu'il y avait déposé
était timide et faible; il était de plus un peu remettre son habit et partir; mais la porte so
curieux. Des sentiments divers se déballaient trouvait fermée.
dans son esprit. Félix ne lui laissa pas le Il se dirigea vers celle que Félix avait
temps de se reconnaître. Les gens qui, à prise pour aller au temple elle était fermée
Paris surtout, n'ont pas la décision prompte, aussi.
les gens qui ne savent pas dire non doivent La pièce n'avait pas d'autre issue. Une
s'attendre à être menés. Jacquemin fut en- seule fenêtre donnait sur une cour déserte.
levé, mis en fiacre et conduit plus loin qu'il -Serais-je pris par des filous se demanda-
ne devait penser, car la course dura dix mi- t-il, ou par des maçons qui veulent me punir
nutes, pendant lesquelles son ancien frère d'avoir abandonné l'ordre?
acheva d'enflammer sa curiosité et de gagner Il ressentit une petite terreur inquiète; et
sa confiance. voyant le cordon d'une sonnette, il le tira.
On s'arrêta enfin devant une maison de Des pas bientôt se firent entendre quelqu'un
bonne apparence on monta au premier vint, qui tourna la clef dans tous les sens et
étage; on entra dans un petit salon bien ne put ouvrir la porte.
meublé.– Réjouissez-vous dit Félix nous. -Est-ce vous qui avez sonné? dit une
voici à la porte du grand temple. Vous n'au- voix.
rez à remplir qu'une seule cérémonie, qui est -Oui, c'est moi; ouvrez.
de rigueur; c'est de revêtir une robe comme -Mais je ne le puis; vous êtes enfermé.
la mienne. Je suis enfermé en dehors.
L'introducteur tira d'une armoire deux C'est vrai dit la voix qui était celle
robes d'avocat; il avait sonné, deux domes- d'un concierge. 11 tira un petit verrou qu'on
tiques en grande livrée entrèrent. Félix ôla avait poussé sans bruit et il entra. Surpris
son habit, sa montre, sa bourse qu'il remis de voir un avocat à l'air effaré, seul dans le
au valet de chambrevenu pour lui et que salon :-Qui êtes-vous? lui demanda-t-il.
celui-ci plaça soigneusement dans l'armoire. Je suis Jacquemin.
Mais en même temps, voyant que Jacquemin -Je ne connais pas Jacquemin. Comment
endossait sa robe par-dessus son habit de vous trouvez-vous ici ?
ville, il lui dit en riant avec une bonhomie J'y suis venu avec M. Félix.
qui ne permit pas la défiance: -Je ne connais pas M. Félix.
Mais vous ne pouvez pas entrer ainsi. C'est l'officier introducteur.
Les maréchaux et les princes qui viennent -Quel introducteur?
d'être introduits ne sont pas plus exempts L'introducteur du Grand-Orient. Ne
que nous de la formalité exigée. Il faut ôter sommes-nous pas ici au Grand-Orient?
seulement votre habit et vous dépouiller de Ni à l'Orient, ni à l'Occident; vous êtes
tout métal. Si vous avez des clefs, une mon- dans-un hôtel garni..
tre, quelque argent, mettez tout cela avec ma Mais qui occupe cet appartement?
défroque; c'est l'usage. Trois messieurs, qui n'y sont que d'hier.
Jacquemin n'osa ni hésiter ni reculer. 11 -Enfin, ditJacquemin, je suis fait; et je-
fit comme ceux qui se montrent braves lors- tant sa robe il ouvrit l'armoire de la pre-
qu'il ne leur est plus possible de trouver une mière pièce
Î09 FRA FRA 710
_L_
J'ai laissé là, dit-il, mon habit, ma mon- sa gauche il touche les statuts de l'ordre, et,
tre et ma bourse. dans cette attitude, on lui fait prêter le ser-
Il pâlit en reconnaissant que l'armoire ment suivant:
était vide. « Je jure par tout ce que j'ai de plus sacré,
Il me semblait bien, dit le portier, com- par les statuts du grade auxquels je m'en-
prenant enfin, que ces messieurs étaient trois gage, de m'y conformer en tout temps et en
voleurs. Vous devez rester monsieur, pour tous lieux, et, au péril de ma vie, de garder
ma décharge. Marie, cria-t-il par la fenêtre, avec une fidélité à toute épreuve les secrets
va chercher le commissaire. qui me seront confiés par cet illustre con- i
Le pauvre Jacquemin, en manche de che- seil. Je jure de coopérer à la destruction des
mise, aida le concierge à visiter l'apparle-i traîtres et des persécuteurs de la franc-ma-
ment, qui consistait en quatre pièces; ils eu- çonnerie, de les écraser par tous les moyens
rent bientôt reconnu que les locataires qui seront en mon pouvoir. Je jure haine
avaient tout dévalisé de leur mieux. Dans sa éternelle à la servitude, aux oppresseurs de
détresse le Tournaisien remercia Dieu du l'humanité et de la' saine philosophie; de re-
bonheur qu'il avait eu de sauver son porte- connaîtrecommele fléau du malheureuxetdu
feuille, dont la perte eût été sa ruine entière. monde les rois et les fanatiques religieux, et
Ii fut obligé de conter au commissaire toute de les avoir toujours en horreur. Je jure do
son histoire. Le magistrat vit bien qu'il ne jamais mefuireconuailre comme chevalier
n'avait devant lui qu'une honnête victime ;.il de l'Asie qu'à celui qui possède ce grade; jo
la fit reconduire en fiacre à son hôtel car jure de.prêcher partout dù je me trouverai
il ne pouvait même lui laisser la robe'd'avo- les droits de l'homme, et de ne suivre d'autre
cat qui devait être jointe comme pièce au religion que celle que la nature a gravée
procès-verbal. dans nos cœurs je m'engage à la répandre
Quand Jacquemin de retour à Tournay sur les deux hémisphères. Je jure de ne ja-
dit son malheur au bon curé dont il ne s'était mais admettre à ce grade aucun individu
peut-être pas souvenu assez tôt: C'est une couronné ou régnant, aucun ecclésiastique,
seconde leçon que vous eussiez pu éviter ni aucun homme qui ne soit maçon et initié
lui répondit le vieillard. Mais remerciez Dieu régulièrement dans le grade de kadosch, et
de n'y avoir perdu que votre argent. qui n'ait toutes les qualités requises par les
Dans l'histoire que vous vene^ de parcou- statuts du grade des chevaliers de l'Asie. Je
rir,vous avez vu,du moins,le côté grotesque jure obéissance sans restriction au chef de
de la franc-maçonnerie; et vous avez pu en ce conseil ou à celui qui le représentera. Je
juger les aspects coupables. jure de ne reconnaître aucun mortel supé-
rieur à moi, et de travailler de toutes mes
Nous croyons devoir rapporter encore deux
pièces intéressantes. forces à établir la liberté et l'égalité parmi
F. les hommes, de ne voir dans les hommes
M.
que les enfants d'une même famille dont
Initiationau grade de chevalierde l'Asie. Dieu seul est le souverain. Que toutes les
«On prépare, dans une maison de campa- épées tournées contre moi s'enfoncent dans
gne écartée, un caveau lugubre et une mon cœur, si jamais j'avais le malheur de
chambre tendue de noir. Les frères qui re- m'écarter de mes engagements, pris de ma
çoivent le nouveau venu sont au nombre de pleine et libre volonté. Ainsi soit-il. u
cinq. Aussitôt qu'il arrive, on l'enferme « Dès que le candidat a prononcé ces pa-
dans une chambre de réflexion, décorée lu- roles, on le délivre dé ses liens, on lui ar-
gubrement et où se trouvent plusieurs em- rache son bandeau et on lui ordonne d'exa-
blèmes relatifs aux droits de l'homme et aux miner tout ce qui l'entoure. Tous les frères
crimes commis par la tyrannie et par le fa- se jettent de nouveau sur lui: on lui ouvre
natisme. Des questions lui sont proposées une veine et on lui fait écrire de son sang ce
par écrit sur ces objets, et on attend ses ré- même serment au grand livre de l'architec-
ponses pour voir s'il est digne de l'honneur ture et de la correspondance secrète. Après
auquel il aspire. Les réponses étant.satis- cela, le grand maître lui dit Toi que le ciel
faisantes, on lui bande les yeux, on lui lie envoie sur la terre pour amener le bonheur
les mains on lui met la corde au cou; il est parmi les hommes, ton courage [et ta fer-
nu-tête, et il a pour tout vêtement une robe meté méritent notre estime uous te créons à
blanche teinte de sang; tous les frères sont perpétuité chevalier de l'Asie. Sois discret et
en deuil. Une musique funèbre se fait enten- n'oublie jamais les engagements que tu as
dre. Le récipiendaire subit différentes épreu- contractés parmi nous. »
ves physiques, et les frères le repoussent « Ces cérémonies sont suivies de réjouis-
tour à tour avec le plus grand mépris. Fina- sances. On complimente le nouveau cheva-
lement, il est introduit dans le caveau lier, on lui jette des fleurs, on s'embrasse, on
éclairé seulement par la flamme bleuâtre danse au bruit d'une musique gaie et légère;
d'un vase rempli d'esprit de vin. Là se trou- L'initié reprend ses habits et met par-dessus
vent un squelette, différents ossements et une robe noire, en mémoire de la mort do
un cadavre couvert d'un drap mortuaire. De Jacques Molai. Alors commencent les tra-
nouvelles questions sont adressées au can- vaux dans une chambre où tout respire le
didat; et tous les frères lui mettent le glaive deuil.' Le grand maître siège sur un trône
sur le cœur, prêts à le percer. On saisit, sa couvert d'une étoffe noire. Devant lui, sur la
main droite, et on la pose sur le cadavre: de table également couverte d'un tapis noir,
711 DICTIONNAIREDES SCI NCES OCCULTES. 712
sont deux épées en croix. Au milieu de la nieuse et fort simple. Tous les frères étei-
chambre est un tombeau, éclairé par trois gnent successivement leurs étoiles c'est à-
vases d'esprit de vin allumé. Alors a lieu une dire leurs chandelles, et le vénérable souffle
sorte de catéchisme ou d'instruction par de- la sienne le dernier. Tout est dit alors; la
mandes et par réponses. loge est morte.
« Entre autres questions du grand maître, « Immédiatement après commencent les
on remarque celle-ci A quelle époque travaux du Grand-Orient, les cérémonies de
sommes-nous? Rép. A la régénération du la résurrection, de la vie. Les commissaires
monde. installateurs vont d'abord tuiler chacun des
« A la clôture, le grand maître prononce membres présents, c'est-à-dire les passent en
les mots suivants « Mes frères, retirons- revue, examinant sévèrement s'ils sont vrai-
nous allons éclairer les hommes et exter- ment maçons, et si les frères députés et visi-
miner les serpents qui régissent l'ignorance teurs ont le mot d'ordre annuel. Cela fait,
humaine. et tout ayant été trouvé en règle, le premier
« La décoration du chevalier de -l'Asie est des trois commissaires, qui a le titre de pré-
un large sautoir noir, liséré de blanc, au mi- sident, fait donner lecture des pouvoirs qui
lieu duquel sont brodées les lettres initiales leur sont accordés par le Grand-Orient et
de Jacques Molai, entourées de six larmes. des lettres de constitutions. Ces lettres por-
Au bas du sautoir est le bijou; c'est un poi- tent expressément que le Grand-Orient agit
gnard traversant un coeur. La parole du sous la protection spéciale de sa majesté
grade est Melchisedech; le mot de passe Sy- Lépold 1er, roi des Belges. Elles confèrent à
nedrion, mot grec qui signifie conseil, as- la nouvelle loge le pouvoir de se livrer a us.
semblée. Le signe consiste à tirer la main travaux de l'art royal. Ensuite le président
droite en arrière, comme si on voulait en- ayant reçu de chaque frère séparément la
foncer un poignard dans le ventre de quel- promesse de fidélité et d'obéissance au
qu'un. L'attouchement se fait en mettant Grand-Orient, procède aux cérémonies de
d'abord la main sur le cœur, en se donnant l'installation et de la résurrection. Cela se
ensuite mutuellement un fort coup dans la fait ainsi
main droite, en disant « Sauvons le genre « Le président se procure du feu en battant
humain opprimé. » le briquet, allume une étoile vierge, c'est-à-
(Journalhistoriqueet littéraire à Liége.Janvier 1841.) dire une chandelle neuve; celle-ci commu-
Installationà Bruxellesde la logemaçonniquele Travail. nique la flamme à deux autres étoiles vier-
ges. Puis il annonce, le plus sérieusement et
« Le 17 août 1840, à deux heures de rele- le plus gravement qu'il lui, est possible, que
vée, les frères de la loge le Travail, qui la loge est installée. Ces paroles se répètent
étaient en instance pour se faire agréger au trois fois; et on y répond par trois applau-
Grand-Orient de Bruxelles, se réunirent au dissements. Le président ouvre alors la
Parc, dans le local provisoire du Waux- porte du temple, et s'écrie « Loin d'ici,
Hall, sous le maillet du très-illustre frère de profanes ce lieu est consacré au grand ar-
Wargny, vénérable. Quarante frères dont chitecte de l'univers. » II referme le temple;
trente-huit maçons et-deux apprentis, répon- encore trois applaudissements. Tous les
dirent à l'appel. Deux frères étaient absents frères se donnent la main et forment la
pour affaires profanes indispensables. Aus- chaîne; le président leur communique le
sitôt fûrent introduits les frères visiteurs et mot annuel, 'on rouvre le temple, et tous les
les députations de différentes loges, ainsi frères y. entrent. Puis le président prononce
que les trois commissaires installateurs un discours.
chargés par le Grand-Orient de constituer la, « Le très-illustre frère Defrenne, chargé
nouvelle loge et de lui donner ses pouvoirs. de présider, parla longuement. Vu son âge,
Ces trois commissaires étaient les très-illus- sa qualité et sa-longue expérience, il prit la
tres frères Defrenne, Wouters et Leroy. liberté de donner quelques leçons aux novi-
L'assemblée se composait en tout de quatre- ces, et c'est à eux surtout qu'il s'adressa. Il leur
vingt et une personnes. Deux loges de recommande, entre autres vertus, une discré-
Bruxelles n'avaient pas accepté l'invitation tion rigoureuse et un courage à toute épreu-
de la nouvelle, et n'y étaient pas représen- ve. « La discrétion, dit-il, parce que la du-
tées. Les deux grands maîtres du rit écossais, rée de notre existence maçonnique dépend
les illustres frères Walter et Stevens, n'a- de la conservation rigoureuse de nos secrets
vaient pu venir, à cause de quelques affaires et le courage, pour se moquer du diable et de
profanes. Quant au sérénissime grand maî- l'enfer. Combien n'en a-t-on pas vu, ajoute.
tre de l'ordre, le frère de Stassart, il était t-il tristement, abjurer au lit de la mort, par
en ambassade à Turin et son représentant, crainte des tourments de l'enfer, le titre de
l'illustre frère Verhaegen, était à Paris. A maçon, plus efficace, d'après moi devant le
cela près, la réunion était belle, gaie et con- trône des miséricordes, que des prières sa-
tente. lariées ? » Il fait observer que le courage
« La loge le Travail existait provisoire- est indispensable à tout initié et que
ment depuis neuf mois. Pour être reconnue c'est pour voir s'ils ont du courage qu'on
et installée par le Grand-Orient, il fallait 'soumet les candidats à diverses épreu-
qu'elle commençât par fermer son temple et ves physiques; qu'on leur bande les yeux,
ses travaux, par mourir en quelque sorte. qu'on les tire, qu'on les houspille, qu'on
Cette cérémonie a lieu d'une manière ingé- les introduit dans des caveaux faiblement
113 FKA FRA 714
¿"I"irf,Q n!>
éclairés par quelque lueur satanique, qu'on les mauvais anges, 1535, in-8°, etc. N'élail-il
présente tout à coup à leurs regards éton- pas le père du précédant ?
nés des cadavres, des squelettes, qu'on se FRANZOTIUS, auteur d'un ouvrage in-
jette sur eux le poignard à la main, qu'on tilulé De la divination des anges, in-i\
les tourmente enfin par toutes sortes de fan- Francfort on Venise, 1632.
tasmagories et de diableries, le tout pour FRAYEUR. Piron racontait souvent
s'assurer qu'ils sont hommes à se rire plus
tard du diable en personne. qu'il avait environ dix ans lorsqu'un soir
d'hiver, soupant en famille chez son père, on
« Après le discours où l'on dit encore que entendit des cris affreux qui partaient de
la maçonnerie ne s'occupe pas de politique, chez un tonnelier voisin on alla voir ce
tout en s'occupant chaudement de l'instruc- que c'était. Un petit garçon, transi de peur,
tion publique des élections, des moyens conduisit les curieux dans la chambre d'où
d'entraver l'action du clergé, les trois illus- venaient les cris, qui redoublèrent bientôt.
tres commissaires installateurs vont s'as- Ah 1 messieurs, dit le tonnelier tremblant,
seoir,.et les travaux du Grand-Orient sont couché en travers sur son.lit
fermés. La nouvelle loge est constituée; daignez au
plus tôt faire appeler un chirurgien, car je
c'est elle qui entre en fonctions. Le vénéra- sens que je n'ai pas longtemps à vivre.
ble se lève, remercie les commissaires, les Le père de Piron après avoir chargé un
députés du GraiH-Orient et des diverses lo- domestique de remplir les intentions du pré-
ges étrangères, les frères visiteurs, et ac- tendu malade, s'étant approché de lui, et
corde la parole au frère orateur. Celui-ci l'ayant interrogé sur la cause de sa mala-
prononce un discours où il considère la die
franc-maçonnerie comme une œuvre de pro- • Vous voyez, mon cher voisin, répondit le
pagande et de haute moralisation. Le dis- tonnelier, l'homme le plus misérable 1 Ah1
cours est suivi d'une prière à l'Eternel, avec maudite femme 1 on m'avait bien dit que tes
accompagnement de piano. La maçonnerie y liaisons avec la plus déteslable sorcière do
célèbre son triomphe sur Rome et sur l'E- la Bourgogne, ne tarderaient guère à m'être
glise catholique. fatales.
« Cependant il est tard, et, en dépit de la Ces propos faisant soupçonner que la
joie et des plus douces émotions, on s'aper- tête de.cet homme était dérangée, on atten-
çoit finalement qu'on a faim. Les frères mal- dit que le chirurgien fût arrivé.
tres des cérémonies viennent annoncer que Monsieur, s'écria le tonnelier, lorsqu'il le
le dîner est servi. L'assemblée ne se le fait vit entrer, j'implore votre secours, je suis un
pas dire deux fois, e!le se rend, en défilant homme mort 1
sur deux colonnes, dans la salle du banquet, Sachons d'abord lui dit le chirurgien, de
où la table est dressée en forme de fer à quoi il s'agit.
cheval. La réunion se trouve accrue. Le Ah 1 faut-il que je sois forcé, en vous di-
tracé, autrement dit procès-verbal, ne comp- sant d'où partent mes douleurs, de déshono-
tait que quatre-vingt-un frères dans la salle rer ma femme même 1 répondit le pauvre
d'installation; il en compte cent autour. des homme. Mais elle le mérite et dans mon
plats et des bouteilles. Musique, appétit, état, je n'ai plus rien à ménager. Apprenez
chansons, toasts, santés, etc. » donc qu'en rentrant chez moi ce soir, après
(Journalhistoriqueet littéraire. Mars1811.) avoir passé deux heures au plus chez le
marchand de vin du coin, ma femme, qui
FRANK ( Christian ) visionnaire qui me croit toujours ivre, m'ayant trop pous.>é
mourut en 1590 il changea souvent de reli-
à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me
gion, ce qui le fit surnommer Girouette. Il coucher en paix d'être un peu rude à son
croyait la religion japonaise meilleure que sur quoi, après m'avoir nienncé de
les autres égard
parce qu'il avait lu que ses mi- sa vengeance, elle 's'est sauvée du logis je
nistres avaient des extases. me suis déshabillé pour gagner mon lit
FRANK ( SÉBASTIEN ), autre visionnaire mais au moment d'y monter. Dieu 1 la mé-
du seizième siècle, sur la vie duquel on a chante créature 1 une main, pour ne pas dire
peu de données positives, quoiqu'il ait dans une barre de fer, plus brûlante qu'un tison,
son temps excité l'attention du public. Il est tombée sur ma fesse droite, et la douleur
donna en 1531 un traité de l'Arbre de la que j'en ailressentie, jointe à la peur qui m'a
science du bien et du mal, dont Adam a mangé saisi, m'a fait manquer le cœur au point que
la mort, et dont encore aujourd'hui tous les je ne.crois pas y survivre 1. Mais vous en
hommes la mangent. Le péché d'Adam n'est riez, je crois eh bien 1 messieurs, voyez si
selon lui qu'une allé'gorie, et l'arbre que la toute autre main que celle de Lucifer même
personne, la volonté, la science, la vie d'A- pût jamais appliquer une pareille claque 1
dam. Frank mourut 'en 15ï5. Au premier aspect de la plaie, de sa noir-
On a encore de lui une traduction alle- ceur et des griffes qui semblaient y être im-
mande de l'Eloge de la folie, par Erasme le primées, la plupart des assistants turent sai-
Traité de la vanité des sciencei, et l'Eloge de sis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais
l'dne, traduit d'Agrippa, en allemand Para- on rassura le malade sur les idées qu'il avait
doxa ou deux cent quatre-vingts discours mi- conçues, tant contre sa femme que contre la
raculeux, tirés de l'Ecriture sainte, Ulm, 1533, prétendue sorcière le chirurgien lui appli-
in-8°. Témoignage de l'Ecriture sur les bons et qua les remèdes convenables on le laissa un
DICTIONN.DES SCIENCESOCCULTES. I. 23
715 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 716
peu dans son effroi, ce qui le corrigea légè- et qu'il ira- reconquérir la terre sainte.
rement de son ivrognerie. Jusqu'au jour fixé par le destin, le grand
Ce remède avait été employé par la femme empereur s'est retiré dans le château de
(au moyen d'un parent qu'elle avait fait ca- •Kiffhausen, au milieu de la forêt d'Hercynie
cher dans la maison), pour corriger l'intem- c'est là qu'il vit à peu près de la vie des ha-
pérance du tonnelier. bitants de la caverne de Monlésinos, telle que
FRÉDÉRIC BARBEROUSSE. Nous ne Cervantès nous l'a décrite. Il dort sur son
voulons pas juger ici cet empereur. Nous trône sa barbe rousse a poussé à travers la
nous bornons à rapporter sa légende nous table de marbre sur laquelle s'appuie son
la prenons dans les curieuses recherches bras droit, ou selon une autre version ses
que la Quarterly review a publiées.sur les tra- poils touffus ont enveloppé la pierre comme
ditions populaires. l'acanthe enveloppe un chapiteau de co-
Dans les siècles de la chevalerie, une im- lonne.
mortalité romanesque fut souvent décernée On trouve en Danemark une variante de
aux hommes supérieurs, par la reconnais- la mêmefiction, arrangée d'après la localité,
sance ou l'admiration populaire. Ceux qui Où il est dit que Holger Dansvre, dont les
avaient vu leur chef ou leur roi dans sa. romans français ont fait Ogier le Danois, est
gloire, après une bataille où sa bravoure le endormi sous les voûtes sépulcrales du châ-
distinguait encore plus que sa couronne, ne teau de Cronenbourg. Quelqu'un avait pro-
pouvaient se faire à l'idée de le voir mourir mis à un paysan une forte somme s'il osait
comme le dernier de ses soldats. Le rêve d'un descendre dans le caveau et y rendre visite
serviteur fidèle et la fiction d'un poëte, d'ac- au héros assoupi. Le paysan se laissa tenter
cord avec la pompe des funérailles, avec au bruit de ses pas, Ogier, à demi renversé,
l'intérêt d'une famille avec la crédulité du lui demanda la main le paysan présenta à
peuple, tout concourait à prolonger au delà Ogier une barre de fer. Ogier la saisit et y
de la tombe l'influence du héros, "eu à peu laissa l'empreinte de ses doigts.-C'est bien! 1
les honneurs rendus à sa cendre devenaient ajouta-t-il, croyant avoir pressé le poignet
le culte d'un demi-dieu qui ne pouvait être, de l'étranger et éprouvé sa force. C'est bien,
sujet à la mort. Achille reçut des Grecs cette il y a encore des hommes en Danemark.
apothéose. De même les Bretons attendirent Cela dit, Ogier retomba dans son som-
longtemps le réveil d'Arthur assoupi à Ava- meil.
lon et, presque de nos jours, les Portugais Frédéric-Barberousse aime la musique et
se flattaient de l'espoir que le roi Sébastien il l'écoute volontiers. Il y a quelques années
reviendrait réclamer son royaume usurpé. qu'une troupe de musiciens ambulants crut
C'est ainsi que les trois fondateurs de la faire une bonne œuvre, en donnant une séré-
confédération helvétique dorment dans une nade au vieil empereur. Se plaçant donc sur
caverne près du lac de Lncerne. Les bergers son rocher tumulaire, ils se mirent à exécu-
les appellent les trois Tell, et disent qu'ils. ter un air de chasse, au moment où l'horloge
reposent là, revêtus de leur costume anti- de l'église de Tilleda sonnait minuit.
que si l'heure du danger de la Suisse son- A la seconde aubade on vit des lumière»
nait, on les verrait debout, toujours prêts à autour du rocher étlncelant à travers les
combattre encore pour reconquérir sa li- feuilles du taillis et illuminant les troncs gi-
berlé. gautesques des, chênes. Bientôt après, la fille
Ftédéric-Barberousse a obtenu la même de l'empereur s'avança gracieusement vers
illustration.Lorsqu'il mourutdansla Pouille, les musiciens élie. leur fit signe de la suivre
dernier souverain de la dynastie de Souabe, la roehe s'ouvrit, et les artistes entrèrent
l'Allemagne se montra si incrédule à sa dans la caverne en continuant leur concert.
mort, que cinq imposteurs, qui prirent suc- On les reçut à merveille dans la chambre
cessivement sun nom, virent accourir autour impériale où ils jouèrent jusqu'au matin.
de leur bannière tous ceux qui avaient ap- Frédéric leur adressa un sourire plein de
plaudi au règne de Rodolphe de Hapsbourg. douceur,, et sa fille leur offrit à chacun une
Les faux Frédéric furent successivement dé- branche verte. Le cadeau était un peu trop
masqués et punis cependant le peuple s'ob- champêtre pour des artistes modernes qui
stinait à croire que Frédéric vivait, et répé- n'avaient peut-être pas entendu dire que les
tait qu'il avait prudemment abdiqué la cou- vainqueurs des jeux olympiques ne rece-
ronne impériale. C'est un sage, disait-on vaient d'autre récompense qu'une couronne
il sait lire dans les astres il voyage dans les de laurier. Mais, tout en trouvant qu'on
pays lointains avec ses astrologues et ses payait mal la bonne musique chez le défunt
fidèles compagnons, pour éviter les malheurs mo,narque,. leur respect pour sa sépulcrale
qui l'auraient accablé s'il fût resté sur le majesté les empêcha de refuser. Ils s'en allè-
trône quand les temps seront favorables rent sans murmurer, et quand ils se virent
nous le verrons reparaître plus furt et plus de nouveau en plein air,,tous, à l'exception
redoutable que jamais. d'un seul', jetèrent dédaigneusement tes ra-
On citait 4 l'appui de celte supposition des meaux qui leur avaient été si gracieusement
prophéties obscurps, qui annonçaient que donnés par la fille de l'empereur. Le musi-
Frédéric était destiné à réunir l'Orient à cien qui conserva son rameau ne l'emportait
l'Occident ces prophéties prétendent que les chez fui. que comme un souvenir de cette
Turcs et les païens seront défaits par lui aventure.. Mais h lorsqu'il fut près de sa mai-
dans une bataille sanglante, près de Cologne, son, il lui sembla que la branche devenait
1
711 FRE KRI <718
plus lourde dans sa main il regarde, et que l'image s'échappe de l'enelumaet saute
voit chaque feuille briller d'un éclat métalli- sur le plancher de l'atelier. Aucun effort ne
que.Chaque feuille était changée en un put l'en arracher: mais l'orfèvre, devinant'
ducat d'or. Ses compagnons, ayant appris sa la nature de l'intluence attractive, t-reusa
bonne fortune, coururent aux rochers où ils sous la statue et découvrit un vase rempli
avaient jeté leurs rameaux. Hélas 1 il d'or qui avait été caché là par quelque an-
était trop tard ils ne les trouvèrent plus, et cien propriétaire de la maison. Il est faciio
s'en revinrent honteux de leur dédain pour de deviner le bonheur de l'artiste Me
la munificence impériale. voici donc maître de tous les trésors de la
L'empereur Frédéric avec ses branches terre, s'écria-l-il mais hâtons-nous avant
aux feuilles d'or, n'est, selon quelques-uns, que le cabaliste ne vienne réclamer s» statue.
que le démon gardien d'un de ces trésors du Résolu de s'approprier le talisman, l'or-
moyen âge dont la recherche devenait un févre L'emporte et s'embarque; sur un navire
métier pour certains charlatans de celle qui mettait justement à la voile. Le vent
époque prototypes du Dousterswivel de était favorable, et en peu de temps on fut on
l'illustre romancier d'Ecosse. Ces adeptes pleine mer. Tout à coup, le navire ayant
faisaient surtout des merveilles dans les pays passé sur un abîme ou quelque riche trésor
de mines, où ils ont encore des successeurs. avait été perdu par l'effet d'un naufrage, le
Chacun d'eux avait sa manière d'opérer ï talisman obéit à son, irrésistible influence,
c'était d'abord le théurgisle qui priait et jeû- et se précipita de lui-même dans les vagues,
nait jusqu'à co que l'inspiration lui vint. A au grand désappointement de l'orfèvre.
côté de lui venait le magicien de la nature. Ce n'est pas la snule légende, qui porte
Le seul talisman dont il armait sa main était avec elle sa moralité. L'avarice humaine
une baguette de coudrier, qui lui révélait, nous y est représentée courant après l'or et
par une sorte d'attraction magnétique, tan- le demandant à l'enfer comme au ciel son
tôt les sources d'eau vive (1), tantôt les mé- vœu est-il exaucé, c'est au prix d'une malé-
taux ensevelis sous les couches épaisses de diction qui en corrompt la jouissance mais
la terre. « Illusions s'écriait l'élève de Cor- plus souvent la destinée la tourmente, comme
nélius Agrippa toute la science est dans ce Tantale, par une continuelle déception.
livre du grand philosophe heureux qui sait FR1B00RG. M. Lucien Brun a publié
y lire pour apprendre à charmer le miroir cette curieuse légende des deux Fribourg.
dont la glace miraculeuse vous montre, sous Wilfrid de Thanenburg, un des riches gen-
les dimals les3 plus lointains les personnes tilshommes de Fribourg en Brisgaw, féiaif j
que la mer et les déserts séparent de vous. ses accordailles avec ta noble héritière do
Venez, vous qui osez y fixer les yeux ce
Rosenberg. Les vins du Rhin des meilleurs
miroir magique a été enterré trois jours sous cru» coulaient largement dans des coupes
un gibet où pendait un voleur et j'ai ouvert souvent vidées. Le vieux bourgmestre
les tombeaux pour présenter son cristal à la Conrad de Blumenthal céda doucement à
.face d'un mort, qui s'est agité convulsive- une impulsion communicalive et ne man-
ment »r>
qua pas, après des révélations que l'histoire
Si vous alliez consulter le cabaliste espa- n'a pas conservées, d'épancher quelque dose
gnol ou italien, il vous recevait paré de son de mauvaise humeur contre l'archevêque
costume, qui n'existe plus que dans les mas- Adhémar, qui lui rognait ses privilèges.
carades de noire carnaval une ceinture Les convives se récrièrent sur ce courage
particulière lui ceignait les reins vous ne inconnu dont ils firent du reste tous les
compreniez rien à ses telesmes et à ses pen- honneurs au tokay, et chacun de rappeter
tacles. 11 s'aidait aussi des idoles constellées, au bourgmestre les prétentions de l'arche-
dont l'anecdote suivante vous révélera la
vêque, suivies d'autant de soumissions du
merveilleuse action.
digne magistrat..
Un cabalislc- savait que, s'il pouvait se -Par saint Conrad, Messeigneurs 1s'écria*
procurer un certain métal, qui était peut- t-il aiguillonné, ne saurai-je donc pas mettre
être le platine et profiter de l'aspect favo- un trein à ses empiétements ?P
rable 'iles planètes pour en faire la figure Eh 1 mais nous avons lout lieu de le
d'un homme avec des ailes, cette figure lui croire l lui dit un de ses voisins.
découvrirait tous les trésors cachés. Après Eh bien 1 je veux que Satan nous em-
bandes recherches, il est assez heureux
porte, et avec nous la moitié de notre bonne
pour trouver le talisman, et il le confie à un ville, si hier déjà je ne lui ai fait sentir com-
ouvrier qui peu à peu le convertit en la bien son arrogance me déplaît et si de- t
forme astrale, ne travaillant avec ses outils main.
que Ses jours que tui indique le maître, qui En ce moment un éclat de rire moqueur,
consultait avec soin pour cela les tables al-
ibnsiues. Or, il arriva que l'ouvrier, étant la chute de quelques vases et d'un riche ba-
hut, interrompirent le bourgmestre
laissé seul avec la statue presque achevée,
eut la bonne inspiration de lui. donner la --•Qui ose rire ? s'éeria-t-il exaspéré,
dernière main dans un moment où toutes les quoiqu'un peu inquiet du mensonge qu'il
venait de faire qui veut que .je lui prouve
j constellations étaient d'accord pour la douer
de ses propriétés magiques. En effet, à peine ce que j'avance? '1
avait-elle reçu le dernier coup de marteau, C'est toi qui fais tout <ïebruit dit Wil-
1(i)VoyezBicorne divinatoire. frid à un vieux serviteur effrayé.
9 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 720
'IIi
Non monseigneur, mais quand on a prendre possession de l'endroit, trouvèrent
parlé du diable, j'ai senti. original d'être les fondateurs de cette cité
Le brûlé je parie, s'écria Wilfrid en qui tombait des nues, et laissèrent les con-
riant; eh bien! donne-nous du vin, et laisse vives et la colonie reconnaître leurs do-
le diable en paix s'il peut y rester. maines.
Cette saillie détourna l'attention et les Et cependant vous lirez partout qu'en l'an
convives eurent bientôt oublié la colère de 1178 Bcrthuld Vde Zœltringen érigea en ville
Blumenthal et le court incident qui en était Fribourg, dans l'OEchlland sans que des
résulté; ils s'amusèrent beaucoup toutefois ouvrages, du resle fort estimables, vous di-
de la figure bouleversée du vieil échanson, sent un mot du fondateur. Ce que c'est
qui affirma très-positivement qu'il avait vu que l'histoire
fuir les forêts et failli se heurter à la lune FRISSON DES CHEVEUX. On disait au-
qui n'était pas à hauteur d'homme. trefois dans certaines provinces que le fris-
Or voici ce qui se passait. son des cheveux annonçait la présence ou le
Le bourgmestre avait été pris au mot par passage d'un démon.
Satan lui-même, qui faisait voyager, pour FRONT. Divinalion.par les rides du front.
son instruction, un jeune diable. Voy. MÉTOPOSCOPIE.
Mon fils lui avait-il dit quand tu FROTHON. On lit dans Albert Krantz que
sauras qu'il y a chez un jeune fou un projet Frothon, roi de Danemark, fut tué par une
de fête invite-toi sans crainte le diable sorcière transformée en vache. Ce roi croyait
n'est jamais déplacé dans une orgie, au con- à la magie, et entretenait à sa cour une in-
traire. signe sorcière qui prenait à son gré la forme
Et ils s'en étaient allés chez Wilfrid de des animaux. Elle avait un fils aussi mé-
ïhanenburg. On a su ce qui précéda et chant qu'elle, avec qui elle déroba les tré-
suivit les paroles du bourgmestre. Satan fitt sors du roi et se retira ensuite. Frothon
un signe à son élève et l'un de droite et s'étant aperçu du larcin et ayant appris que
l'autre de gauche, ils prirent joyeusement la la sorcière et son fils s'étaient absentés, ne
moitié de Fribourg la plus éloignée de la douta plus qu'ils n'en fussent coupables. Il
cathédrale, etsVnfuirenl comme des larrons. résolut d'aller dans la maison de la vieille.
C'étaient leur joie et ce brusque mouvement La sorcière, voyant entrer le roi chez elle,
qui avaient interrompu le bourgmestre. eut recours aussitôt à son art se changea
Les deux démons ne savaient trop que en vache et son fils en bœuf. Le roi s'étant
faire de ce riche butin ils avaient enlevé baissé pour contempler la vache plus à son
Fribourg en vrais voleurs qui prennent par aise, pensant bien que c'était la sorcière
goût, par instinct, sans songer que la porte la vache se rua avec impétuosité sur lui, et
de l'enfer, quelque vaste qu'elle fût, et quoi- lui donna un si grand
coup dans les flancs
que donnant passage à des consciences d'une qu'elle le tua sur-le-champ (i).
largeur remarquable ouvrait inutilement FRUIT DÉFENDU. Voy. Tabac, POMME
ses deux battants devant une demi-ville D'ADAM,ADAM, etc.
d'une dimension presque égale et d'une na- FRUITIER. Celui qui fait le fromage et le
ture beaucoup moins élastique et compres- beurre dans le Jura est le docteur du canton.
sible. Ils suivaient donc leur route aérienne On l'appelle le fruitier; il est sorcier, comme
sans but arrêté et en devisant de choses et de juste. La richesse publiqne est dans ses
d'autres. Ils remontèrent ainsi le Rhin jus- mains il peut à volonté faire avorter les
qu'à Bâle, non sans admirer les riches plai- fromages, et en accuser les éléments. Son au-
nes de l'Alsace; puis, prenant un peu à torité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays
droite, ils s'avancèrent dans la Suisse. les sources du Pactole; ou sent quelle consi-
Satan discourait toujours. 11 est tout à dération ce pouvoir doit lui donner, et quels
coup interrompu par ùnébraulement subit du ménagements on a pour lui Si vous ajoutez
fardeau que son jeune compagnon avait à cela qu'il est nourri dans l'abondance, et
cessé de soutenir. A la vue du gouffre au- qu'une moitié du jour il n'a rien à faire qu'à*
dessus duquel il planait tout entouré de songer aux moyens d'accaparer encore plus
rochers à pic et de noires forêts suspendues de confiance; qu'il voit tour à tour, en parti-
sur l'abîme au fond duquel grondait un tor- culier, les personnes de chaque maison, qui
rent écumanl Satan comprit que l'autre viennent faire le beurre à la fruiterie; ju'il
avait été soudainement effrayé de l'aspect passe avec elles une matinée tout entière;
sauvage de cette nature inculte et que ce qu'il peut les faire jaser sans peine, et par
mouvement d'horreur avait causé sa chute. elles apprendre, sans même quelles s'en dou-
Jl se précipita tête baissée avec lui; Fribourg tent, les plus intimes srcrels de leurs familles
les suivait. La malheureuse ville ne fut ou de leurs voisins si- vous pesez bien toutes
cependant pas gravement endommagée. Elle ces circonstances, vous ne serez point étonné
se posa un peu rudement sur le flanc du d'apprendre qu'il est presque toujours sor-
ravin et routa de-ci de-là au fond de l'en- cier, au moins devin; qu'il est consulté quand
tonnoir. Cette ville est maintenant Fribourg on a perdu quelque chose, qu'il prédit l'ave-
en Suisse, où vous voyez (chose parfaite- nir, qu'il jouit enfin, dans le canton, d'un
ment inexplicable sans légende) des maisons crédit très-grand, et que c'est l'homme qu'on
superposées et des rues courant sur les toits. appréhende le plus d'offenser (2).
Satan et son compagnon voyant la ville FUMÉE. Dans toutes les communes du Fi-
(1) Leloyer,Hist. et Disc,des spectres,etc., p. 142. (2)Luquiuiu,VoyageOmis-le Jura, l. II, |i. 566.
721 FUZ FUZ TU
~a~ta. -f~:t "1,e
nistère, on-voit à chaque pas,
.~a
dit ~~M~~t*~
Cambry,
~~vt~nt
deux von~o..nc
et sauvages. !`.'naf
C'est sans rlnufn_
pour cela, cana
nnnr rala
doute, ii
des usages antérieurs à la religion catholi- <lu'il aimait beaucoup la mythologie barbare }
que. Quand un individu va cesser d'être, on (les Scandinaves
< il l'a prouvé par plusieurs
consulte la fumée. S'élève-l-elle avec facilité, Iableaux la Descente d'Odin au Nastrund
le mourant doit habiter la demeure des bien- iLock, dieu des jours noirs, dévorant des vie-
heureux. Est-elle épaisse, il doit descendre limes humaines, etc. Fusely avait tant de pré-
dans les antres du désespoir, dans les caver- <dilection pour son Thor combattant le ser-
nes de l'enfer. nent, qu'il le présenta à l'académie royale,
C'est une espèce de proverbe en Angle- comme son tableau d'admission. Il était em-
terre que la fumée s'adresse toujours à la barrassé quand il avait à peindre la beauté
plus belle personne. El quoique cette opi- tranquille ou les grâces paisibles. Dans les
nion ne semble avoir aucun fondement dans sujets chrétiens, il introduit toujours Satan
la nature, elle est pourtant fort ancienne. ou Lucifer. Son goût pour les sujets ef-
Victorin et Casauhon en ont fait la remarque frayants était si connu de ses confrères,
à l'occasion d'un personnage d'Athénée, où qu'i's l'avaient surnommé le peintre ordinaire
un parasite se dépeint ainsi Je suis ton- i dit diable. Il en riait lui-même en causant
jours le premier arrivé aux bonnes tables. avec eux. C'est vrai, disait-il, le diable a
d'où quelques-uns se sont avisés de m'appe- souvent posé pour moi.
ler soupe, il n'y a point de porte que je n'ou- Un jour qu'il dînait chez le libraire John-
vre comme un bélier; semblable à un fouet, son, un des convives lui dit M. Fuzely,
je m'attache à tout, et, comme la fumée, je j'ai acheté un de vos tableaux.
me lie toujours à la plus belle (1). Que) en est le sujet ?
On dit en Champagne que la fumée du Ma foi, je n'en sais rien.
foyer, quand elle s'échappe, s'adresse aux -Vous êtes un homme étrange, d'acheter
plus gourmands. un tableau sans connaître ce qu'il représente.
FUMÉE (Martin), sieur de Génillé il a Je l'ai acheté sur votre réputation cela
publié, comme traduit d'Athénagore, un ro- m'a sufû; mais je ne sais quel diable de sujet
man dont il est l'auteur, intitulé Du vrai et c'est.
parfait amour. Tout insipide qu'est ce roman, CVst cela, c'est sans doute le diable, ré-
Fumée trouva le moyen de le faire recher- pliqua Fuzely, je l'ai peint si souvent.
cher des adeptes, par diverses allusions, et Ace propos, quelqu'un de la compagnie se
surtout par un passage curieux où, sous le mit à dire pour changer la conversation qui
voile de l'allégorie, il peint îa confection du s'échauffait Fuzely, il y a un membre de
grand œuvre. Ce passage devenu célèbre votre académie qui a une singulière ligure;
chez les enfants de l'art, se trouve à la page il est aussi original que vous dans le choix
345, de l'édition de 1612, moins rare que la de ses sujets.
première, ainsi que dans Y Harmonie mysli* C'est vrai, répliqua le professeur; il ne
que de David Laigneau, Paris, 1636, in-8°. peint que des voleurs et des assassins, et
FUMIGATIONS. Quelques doctes pensent quand il manque de modèle, il se regarde
que les bonnes odeurs chassent les démons, dans la glace.
yens, qui puent et qui ne peuvent aimer, A la mort de Wilton, Fuzely devint le chef
comme a dit une grande sainte. de l'académie royale. Son talent, son origi-
Les exorcistes emploient diverses fumiga- nalité même lui attirèrent un grand nombre
tions pour chasser les démons; les magiciens d'élèves. La salle des leçons était ordinaire-
les appellent également par des fumigations ment pleine. Il était caustique et dur dans ses
de fougère et de verveine; mais ce ne sont propos, au demeurant le meilleur des hom-
que des cérémonies accessoires. mes, fou de la folie des artistes, c'est-à-dire,
FUNÉRAILLES. Voy. DEUIL, MORT. qu'il y avait toujours dans ses extravagances
FURCAS(le mêmei\\xcForcas). Voy.ce nom. un grand fonds de raison.
FURFUR, comte aux enfers. Il se fait voir Un élève lui montrait un dessin qu'il ve-
sous la forme d'un cerf avec une queue en- nait d'achever, en' lui disant avec cumplai-
flammée; il ne dit que des mensonges, à sance Voyez, je l'ai fini sans employer
moins qu'il ne soit enfermé dans un triangle. un seul morceau- de pain. Tant pis pour
Il prend souvent la figure d'un ange, parle votre dessin, répliqua Fuzely; achetez un
d'une voix rauque, et entretient l'union en- pain de deux sous, et effacez-le tout entier.
tre les maris et les femmes. 11 fait tomber la Où il n'y a point de fautes, il n'y a point de
foudre, luire les éclairs et gronder le ton- talent.
nerre dans les lieux où il en reçoit l'ordre. -Que voyez-vous? dit-il un autre jour à
It répond sur les choses abstraites. Vingt-six un élève qui,' son papier devant lui et son
légions sont sous ses ordres (2;. crayon à la main, regardait d'un air fixe.
FURIES, divinités infernales chez les an- Rien, monsieur, répondit le jeune homme.
ciens, ministres de la vengeance des dieux, Rien? reprit le maître; eh bien, vous ne
et ferez jamais que des croûtes. Pour être ha-
chargées d'exécuter les sentences des ju-
ges de I on fer; bile artiste, il faut.voir quelque chose Le
FUZELY (Hknri), célèbre artiste anglais. type idéal de votre dessin doit vous apparaî-
Il ressemblait un peu à nos peintres de l'école tre distinctement. Quant à.moi, j'ai de»an^
il affectionnait les de tout ce que je
romantique sujets hi- les yeux la représentation
(1) ThomasBrown,Essaissur les erreurs,etc., ch. xxu, peins et plût au ciel qu'il me fût donné d«
p. 80. (3) Wiorus, ln Pseiiflomonarchiailsem.
»5 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES, J34
reproduire sur Ja toile ce que m'offre mon chel-Ange, et en le voyant, vous seriez tous
imagination! I Ahl si j'avais pu rendre le dia- morts de peur et d'admiration (1).
ble comme je l'ai vu, j'aurais surpassé Mi-

G
GAAP (autrement dit Top). Voy. TAP. GAETH, dieu des morts chez les Kamts-
GABINIUS ou GABIENUS. Dans la guerre chadales. Voy. LÉZARDS.
de Sicile, entre OclaveetSextus Pompée, un GAFFAREL (Jacques), hébraïsant et
des gens d'Octave, nommé Gabinius, ayant orientaliste, né en Provence en 1601, mort
été fait prisonnier, eut la tête coupée. Un en 1681. Ses principaux ouvrages sont
loup emporta cette tête; on l'arracha au Mystères secrets de la cabale divine, défen-
loup, et sur le soir on entendit ladite tête dus contre les paradoxes des sophistes, Paris,
qui se plaignait et demandait à parler à 1825, in-4».
quelqu'un. Curiosités inouïes sur la sculpture lalisma-
On s'assembla autour; alors la bouche de nique des Persans, l'horoscope des patriar-
cette tête dit aux assistants qu'elle était re- ches et la Lecture des Etoiles. Paris, 1629,
venue des enfers pour révéler à Pompée des in-8°.
choses importantes. Pompée envoya aussitôt Index de 19 cahiers cabalistiques dont s'est
un de ses lieutenants, à qui le mort déclara servi Jean Pic de La Mirandole, Paris, 1651,
que ledit Pompée serait vainqueur. La iêle in-8".
chanta ensuite dans un poëme les malheurs Histoire universelle du monde souterrain,
qui menaçaient Rome; après quoi elle se tut, contenant' la description des plus beaux an-
à ce que disent Pline et Valère Maxime. tres et des plus rures grottes, caves, voûtes,
Si ce trait a quelque fondement, c'était sans cavernes et spélonques de la terre. Le prospec-
doute une fourberie exécutée au moyen d'un tus de ce dernier ouvrage fut imprimé à Pa-
ventriloque, et imaginée pour relever le cou- ris, 16G6, in-folio de 8 feuillets il est (rès-
rage des troupes. Mais elle n'eut point de rare. Quant au livre, il ne parut pas à cause
succès Sextus Pompée, vaincu et sans res- de la mort de l'auteur. On dit que c'était un
source, s'enfuit en Asie, où il fut tué par les monument de folie et d'érudition. Il voyait
gens de Marc-Antoine. des grottes jusque dans l'homme dont le
GABKAH. Les Orientaux croient à une corps présente mille cavilés; il parcourait les
ville fabuleuse appelée Gabkar, qu'ils disent cavernes de l'enfer, du purgatoire et des
située dans les déserts habités parles génies. limbes, etc.
GABRIEL (Gilles), a écrit au dix-septiè- GA1LAN. Les Arabes appellent ainsi une
me siècle un essai de la morale chrétienne espèce de démon des forêts, qui tue les hom-
comparée à la morale du diabte: Specimina mes et les animaux.
moralis christianœ et moralis diabolicœ in GAILLARD, Voy. COIRIÈRES.
praxi. Bruxelles, 1675, in-12. GAIUS, Hveugle guéri par un prodige, du
GABRIELLE. Dans le Vexin français, le temps d'Antonin. Esculape l'avertit, dans un
bourgeois qui a quatre filles et veut avoir un songe, de venir devant son autel, de s'y pro-
garçon, nomme la dernière Gabrielle; char- sterner, de passer ensuite de la droil.' à la
me qu'il croil de nàture à lui amener infail- gauche, de poser ses cinq doigts sur l'autel,
liblement un fils. de lever là main, et de la mettre sur ses
GAB1UELLE D'ESTRÉES, maîtresse de yeux. Il obéit, et recouvra la vue en pré-
Henri IV, morte en 1599. Elle cherchait à sence du peuple, qui applaudit avec trans-
épouser le Roi, et se trouvait logée dans la port.
maison de Zauiet, riche financier de ce temps. C'était une singerie qu'on faisait pour ba-
Comme elle se promenait dans les jardins, lancer les miracles réels du christianisme.
elle fut frappée d'une apoplexie foudroyante. GALACHIDE ou GARACH1DE, pierre noi-
On la porta chez sa tante, madame de Sour- râtre, à laquelle des auteurs ont attribué
di.s. Elle eut une mauvaise nuit; le lende- plusieurs vertus merveilleuses, celle entre
main elle éprouva des convulsions qui la autres de garantir celui qui la tenait, des
firent devenir toute nuire: sa bouche se con- mouches et autres insectes. Pour en faire
tourna, et elle expira horriblement défigu- épreuve, on frottait un homme de miel peu.
rée. On parla diversement de sa mort; plu- dant l'été, et on lui faisait porter cette pierre
sieurs en chargèrent le diable; on publia dans la main droite: quand cette épreuve,
qu'il l'avait étranglée; et au fait il en était réussissait, on reconnaissait que la pierre
bien capable. était véritable. On prétendait aussi qu'en la
GABIIIELLE du P., auteur de l'Ilistoire portant dans sa bouche, on découvrait les
des Fantômes et des Démons qui se sont mon- secrets des autres.
trés parmi les hommes, in-12, 1819, et du GALANTA, sorcière du seizième siècle.
Démoniana, ou Anecdotes sur les appari- Elle donna un jour une pomme à goûter à
tions de démons, de lutins et de la fille du suisse de l'église du Saint-Esprit à
spectres,
in- 18, 1820. Bayonne, qui désirait avoir trois paniers de
n (1) Nulice puhliée dans plusieursjournaux et signée ces pommes. Cette fille n'eut pas plutôt mor-
G..
G. du la pomme, qu'elle tomba du haut-mal;
Î25-5 GAL CAL 72«
et la
1.1foi
force du maléfice fut telle, qu'elle en fut miré et comblé d'honneurs par les cardinaux
tourmentée toute sa vie. Aussitôt qu'elle el les grands seigneurs auxquels il montra
voyait la sorcière, les accès lui prenaient ses découvertes. Lorsqu'il y retourna, en
très-Violemment « ce qui a été confirmé de- 1615, le cardinal Delmonte lui traça le cer-
vaut nos yeux,» comme dit Delancre. De cle savant dans lequel il devait se renfermer.
nos jours, on n'attribuerait peut-être pas Mais son ardeur et sa vanité l'emportèrent.
cela au sortilége; mais alors on poursuivit « Il exigeait, dit Guichardin, que le Pape et
la sorcière. le saint-office déclarassent le système de Co-
GALIEN. Le plus grand médecin des temps pernic fondé sur la Bible. Il écrivit à ce
passés après Hi|ipocrate. On lui attribue un sujet mémoires sur mémoires. Paul V, fati-
Traité des enchantements, et les médecins gué de ses instances, accorda que cette con-
empiriques ont souvent abusé de son nom. troverse fût jugée dans une congrégation.
GAL1GAI (Léonora), épouse du maréchal Malgré tout l'emportement qu'y mil Galilée,
d'Ancre Concino Concini, qui fut tué par la il ne fut point intéressé dans le décret rendu
populace en 1617. On la crut sorcière; et en parla congrégation, qui déclara seulement
effet, elle s'occupait de sciences occultes et que le système de Copernic ne paraissait pas
de charmes. On publia que par ses maléfi- s'accorder a.vec les expressions de la Bible.
ces elle avait ensorcelé la Reine; surtout Avant son départ, il eut une audience
lorsqu'on eut trouvé chez elle trois volumes très-gracieuse du Pape; et Bellarmin se
pleins de caractères magiques, cinq rouleaux borna, sans lui interdire aucune hypothèse
de velours destinés à .dominer les esprits astronomique, à lui interdire ses prétentions
des grands, des amulettes qu'elle se mettait théologiques.
au cou, des agnus que l'on prit pour des ta- Quinze ans après, en 1632, sous le ponti-
lismans, car elle mêlait les choses saintes ficat d'Urbain VIII. Galilée imprima ses cé-
aux abominations magiques, et une lettre lèbres dialogues Delle due'massime système
que Léonora avait ordonné d'écrire à une del mondo, avec une permission et une ap-
sorcière nommée Isabelle. Il fut établi au probation supposées. Personne ne réclama.
procès que le maréchal et sa femme se ser- Il fit reparaître ses mémoires écrits eu 1616,
vaient, pour envoûter, d'images de cire qu'ils où il s'efforçait d'ériger la rotation du globe
gardaient dans de petits cercueils; qu'ils sur son axe en question de dogme. Ses. bra-
consultaient des magiciens, des astrologues vades le firent citer à Rome. 11 y arriva le
et des sorciers; qu'ils en avaient fait venir 3 février 1633. 11 ne fut point logé à l'inqui-
de Tos-
de Nancy pour sacrifier des coqs aux dé- sition, mais au palais de l'envoyé
mons; et que dans ces cérémonies Galigaï cane.
ne mangeait que des crêtes de coti et des ro- Un mois après; il fut mis, non dans les
de –comme tant de
gnons de bélier qu'elle faisait charmer au- prisons l'inquisition,
paravant. Elle fut encore convaincue de s'ê- menteurs l'ont écrit* mais dans l'apparte-
tre fait exorciser par un certain Mathieu de ment du fiscal. Au bout de dix-huit mois,
Montanay, charlatan sorcier. Sur ses pro- s'étant rétracté, c'est-à-dire ayant renoncé
pres aveux, dit-on, elle eut la tête tranchée, à sa conciliation de Copernic et de la sainte
et fut brûlée en 1617. Cependant le prési- Bible, seule question qui fût en cause, il
dent Courtin lui demandant par quel charme s'en retourna dans sa patrie.
clle avait ensorcelé la Reine, elle répondit Voici ce qu'il écrivait en 1633, au P. Ré-
fièrement « Mon sortilége a été le pouvoir cénéri, son disciple: Le Pape me croyait
le déli-
que les âmes fortes ouUur les âmes faibles. » digne de son estime. Je fus logé dans
GALILÉE. Les protestants, copiés par les cieux palais de la Trinité-du-Mont. Quand
dumini-
jansénistes, ont beaucoup déclamé contre la j'arrivai au saint-office, deux pères
cains m'invitèrent liès-honnêiement à faire
prétendue persécution qu'essuya Galilée, à
cause de ses découvertes astronomiques On a mon apologie. J'ai été obligé de rétracter
fait fracas de ce qu'on appelle sa condam- mon opinion en bon catholique. Pour me
con-
nation au tribunal de l'inquisition romaine. punir, on m'a défendu les dialogues, et
Mais il est prouvé, il est constant, il est avé- gédié après cinq mois de séjour à Rome.
ré, il est établi, depuis longtemps déjà, qu'on Comme la peste régnait à Florence, on m'a
en impëse effrontément dans ces récits infi- assuré pour demeure le palais de mon meil-
dèlos ce qui n'empêche pas les écrivailleurs leur ami, monseigneur Piccolomini, archevê-
de les répéter toujours. que de Sienne; j'y ai joui d'une pleine tran-
Galilée ne fut pas censuré comme astro- quillité. Aujourd'hui je suis à ma campagne
nome* mais comme mauvais théologien. Il d'Arcèlre, où je respire un air pur auprès de
voulait expliquer la Bible. Ses découver- ma chère patrie (1). »
tes, à l'appui du système de Copernic; ne lui Néanmoins les philosophes rebelles con-
eussent pas fait plus d'ennemis qu'à cet au- tinueront à faire de Galilée une victime de la
le
tre savant. Ce fut son entêleniêht à vouloir superstition et du fanatisme. On citera
concilier; à sa manière, la Bible et Coper- conte de Galilée en prison, écrivant sur la
nic, qui le fit rechercher par l'inquisition. muraille autour d'un cercle e puer se
En même temps que lui vivaient à Rome un muove et pourtant elle tourne I Comme si
gfafirî nombre d'hommes célèbres, et le suint- jamais on lui cul interdit d'avancer cela. On
siége n'était pas entouré d'ignorants. Eu consacrera cette malice absurde par la pein-
1611$ pendant son premier voyage dans la ture et la gravure et on citera avec em-
capitale du monde chrétien, Galilée fut ad (1) Borgier, Dict. de théologie,au mot Sciekcbs.
757 DICTIONNAIREDES SC1KNCESt)GCULTES 7Î8
phase la même fausseté malveillante illustrée de Brunswick se mettent à califourchon sur
par les beaux vers de Louis Racine, dans le la même monture et tous les autres osse-
poème de la religion ments qui se trouvent dans la campagne, se
La terre cependant, à sa marchefidèle, pulvérisent à l'approche de l'un de ces ca-
EmportaGaliléeei son juge avecelle. valiers nocturnes. L'art de préparer leur
Tant il est difficile de déraciner une erreur équipage consiste dans une courroie d'une
passionnée! espèce de cuir qu'ils appellent Gandreid-
Dans tout cela, nous ne jugeons pas le Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes
système de Galilée, sur lequel il n'est pas im- ou caractères magiques (3).
possible que le dernier mot ne soit pas dit. GANGA-GRAMMA, -démon femelle que
On vient de retrouver les manuscrits de les Indiens craignent beaucoup, et par con-
Galilée, que l'on avait dit brûlés par l'inqui- séquent auquel ils rendent de grands hon-
sition. Que ne peut-on retrouver à l'usage neurs. Il a une seule tête et quatre bras il
des,ennemis de l'Eglise, la bonne foi 1 tient dans la main gauche une petite jatte,
GAMAHÉ on CAMAÏEU, espèce de talis- et dans la droite une fourchette a trois poin-
man qui consiste dans des images ou des ca- tes.
ractères naturellement gravés 'sur certaines On le mène en procession sur un char
pierres, auxquels la superstition a fait attri- avec beaucoup de pompe quelquefois il se
buer de grandes vertus parce qu'elle les trouve des fanatiques qui se font écraser par
croit produits par l'influence des esprits. Gaf- dévotion sous ses roues. Les boucs sont les
farel dit qu'Albert le Grand avait une de ces victimes ordinaires qu'on lui immole.
pierres, sur laquelle était un serpent qui Dans les maladies ou dans quelque autre
possédait cette admirable vertu d'attirer les danger, il se trouve des Indiens qui font vœu,
•mires serpents lorsqu'on la plaçait dans le s'ils en réchappent, de pratiquer en l'hon-
lieu où ils venaient. D'autres pierres, ajou- neur de Ganga-Gramma la cérémonie sui-
le-t-il, guérissent les morsures et chassent les vante. On leur enfonce dans la peau du dos
venins. George Agricola rapporte qu'on voit des crochets, par le moyen desquels on les
des Gamahés de la forme de quelques parties élève en l'air là ils font quelques tours
du corps, ou de quelques plantes et qui ont d'adresse, comme dés entrechats, en pré-
des vertus merveilleuses ainsi celles qui re- sence des spectateurs. Il se trouve des fem-
présentent du sang arrêtent les pertes, etc. mes simples et crédules, à qui l'on persuade
GAM0UL1S esprits qui selon les habi- que cette cérémonie est agréable à Ganga-
tants du Kamtschatka, produisent les éclairs Gramma, et qu'elle ne cause aucune dou-
en se lançant dans leurs querelles les tisons leur. Lorsqu'elles la sentent, il n'est plus
à demi consumés qui ont chauffé leurs hut- • temps de s'en dédire, elles sont déjà en l'air,
tes. Lorsqu'il tombe de la pluie, ce sont les et les cris des assistants étouffent leurs plain-
Gamoutis qui rejettent le superflu de la bois- tes.
son. Une autre sorte de pénitence,
toujours en
GAMYGYN, grand marquis des enfers. l'honneurdu même démon, consiste a se lais-
C'est un puissant démon. On le voit sous la ser passer une ficelle dans la chair, et à dan.
forme d'un petit cheval. Mais dès qu'il prend ser pendant que d'autres personnes tirent
celle d'un homme, il a une voix rauque et cette Ocelle.
discourt sur les arts libéraux. 11 fait paraître La nuit qui suit sa fête, on lui sacrifie un
anssi devant l'exorciste les âmes qui ont bulfle dont on recueille le sang dans un vase;
péri dans la nier, et celles qui souffrent dans on le place devant l'idole, et l'on assure que
celte partie du purgatoire qui est appelée le lendemain il se trouve vide. Des auteurs
Cartagra ( c'est-à-dire, affliction des âmes ). disent qu'autrefois au lieu d'un buffle on
Il répond clairement à toutes les questions immolait une victime humaine.
qu'on lui fait il reste auprès de l'exorciste GANGUY Simone), dite la Petite-Mère,
jusqu'à ce qu'il ait exécuté tout ce qu'on lui sorcière, amie de Madeleine Bavan. 11 ne pa-
ordonne cependant là-bas trente légions raît pas qu'elle ait été brûlée.
lui sont soumises (1). GANNA, devineresse germaine; elle avait
GANDILLON ( PIERRE ) sorcier de la succédé à Velléda elle fit un voyage à Rome,
Franche-Comté, qui fut brûlé vers 1610, où elle reçut de grands honneurs de Domi-
pour avoir couru ta nuit enforme de lîevre(â). tien (4).
GANDREID, sorte de magie en usage GANTIÈRE, sorcière. En 1582, le parle-
chez les Islandais, laquelle magie donne la fa- ment de Paris confirma la sentence de mort
cnlié de voyager dans les airs clle est, du bailli de la Ferté contre la femme Gan-
<!it-on, d'invention nouvelle, quoique le nom tière. Elle avouait que la Lofarde l'avait
en soit connu depuis des temps reculés. Mais transportée au sabbat que le diable l'avait'
o.n attribuait autrefois les cavalcades aérien- marquée qu'il était vêtu d'un habit jaune
nes au diable et à de certains esprits. Les qu'il lui avait donné huit sous pour payer sa
Islandais prétendent aujourd'hui que ce sont taille mais que, de retour dans son logis
èes sorcières montées sur des côtes de che- elle ne les avait plus trouvés dans son mou-
val cl des tibias, en guise démanche à choir.
balais,
qui se promènent par les airs. GARDE DES TROUPEAUX, Voy. Taou-
Les sorcières de Basse-Saxe et du duché PEAUX.
(1) Wierus,dePrsest.dsem.,p. 926. (5) Voyageen Islande,traduitdudanois,etc., 1802.
(2) M. Garinet, Histoirede la magie en France, p. V6G. (i) Tacite, Annales,55.
`
T29 GAK GA~ H 730
a" a.,
GARDEMAIN. Voyez GLOCESTER. les ,entendait de a:dix lieues,
):~ et verser des
GARGANTUA. « Histoire merveilleuse larmes si abondantes qu'elles auraient fait
• de Gargantua, dans laquelle on verra son tourner six gros moulins.
grigine surprenante, sa naissance, ses prodi- Ce couple allait à la chasse pour dissiper
oieux faits pendant ses voyages, et ses ac- ses chagrins.Mais la femme de Grand-Gosier
tions éclatantes au service du roi Arthus, devint mère; elle donna le jour à un gros
Clans'toutes les victoires qu'il a remportées garçon qu'ils élevèrent -et qu'ils aimèrent
sur ses ennemis. » beaucoup. Ils lui firent un tambour de douze
II y avait du temps du roi Arthus, un phi- peaux de bœufs, des baguettes de deux arbres
losophe, le plus habile du monde en nécro- de médiocre grandeur. On l'exerçait à jeter
mancie, appelé Merlin, lequel faisait des de petites pierres de la grosseur d'un homme.
merveilles. Il avait sauvé le roi et toute la Le terme prescrit^par Merlin étant. arrivé,
noblesse de la cour d'une maladif conta- Grand-Gosier et Galemelle se disposèrent
gieuse. 11 avait imaginé de faire un navire au voyage pour la cour du roi Arthus. La
qui voguait sur la terre ferme avec autant de jument élail haule comme un mât de navire;
facilité et de vitesse que ceux qu'on voit sur Gargantua, monté dessus tenait une perche
la mer. Mais un de ses plus grands services à la main, en guise de cravache; ses parents
fut de découvrir au roi, par son art, une avaient deux rochers sur leur tête pour
guerre qui le menaçait. Arthus, pour en dé- montrer leur fnrceau prince. Ils traversèrent
tourner l'orage,' donna à Merlin tous ses ainsi l'Allemagne et la Lorraine. Parvenus en
pouvoirs. Ce dernier se fit transporter sur la Champagne, qui était alors pays de forêts, il
plus haute montagne de l'Orient il avait se trouva que des mouches, ayant piqué la
avec lui une grande fiole pleine du sang de jument, la firent caracoler avec une telle
Lancelot du Lac, avec les rognures des on- violence, qu'elle renversait de sa queue les
gles de Genièvre la femme du roi Arthus. plus gros arbres, de manière qu'il n'en resta
Etant arrivé à cette montagne, il fit une en- pas un debout dans toute cette contrée. Gar-
clume d'acier, de la grosseur d'une lour il gantua cherchant à arrêter sa jument se
avait trois marteaux qui, par la puissance de mit un fétu au coin de l'œil, c'était un grand
son art, frappèrent d'eux-mêmes sur cette sapin, et une accroche au petit doigt du pied,
enclume avec tant do force, que l'on eût dit qui pesait plus de deux cents livres. Contraint
que c'était le tonnerre qui tombait du ciel. de s'arrêterpour dormir, on dit que la vaste
Il se fit ensuite apporter un os de baleine, et plaine où il se reposa fut abaisséede soixante
l'ayant arrosé du sang de la fiole, il le mit sur coudées par la pesanteur de son corps. Les
l'enclume où il le réduisit en cendres de brebis de cette plaine couraient sur lui, il en
cette poudre fut formé le père de Gargan- fut éveillé, crut que c'étaient des insectes, les
tua mit sous ses ongles, et en écrasa ainsi près
Voilà ce que dit le vieux conte populaire, de deux cents. Le berger qui courait après
fidèlement conservé par la bibliothèque le loup qu'il accusait de les avoir mangées
bleue, que Rabelais n'a pas toujours suivie, tomba dans la bouche de Gargantua; mais
mais qui lui a fourni son canevas. s'élanl logé dans une'de ses dents creuses, il
Merlin fil de nouveau une semblable opé- y demeura jusqu'à ce que le géant se lût
ration avec les ongles de la reine, desquels rendormi; car il dormait toujours la bouche
naquit la mère de Gargantua. ouverte; le berger profita du premier moment
Après avoir achevé ce grand ouvrage, pour sortir.
l'enchanteur vit devant lui deux géants sur Gargantua, à son réveil, continua sa route
lesquels il jeta un sort qui les endormit pen- avec ses parents, qui moururent d'une fièvre
dant neut jours dans l'espace duquel temps violente occasionnée par les grandes chaleurs.
il forma sur son enclume une jument assez Gargantua, au désespoir, donnait de la tête
forte pour porter ces deux créatures colos- contre les montagnes, dont il sortit trente
sales après quoi il rompit son enchante- tonneaux de sang. Quand sa tristesse fut cal-
ment. mée, il vonlut visiter Paris, où il jeta la ter-
-Que fais-tu là, Galemelle ? dit l'homme reur et l'admiration. 11alla s'asseoir sur lcs
à la femme. Elle répondit: Je t'attends, grosses tours de l'église de Notre-Dame, les
Grand-Gosier. jambes lui pendaient de là, depuis la rivière
Merlin rit beaucoup, et voulut d'abord de Seine jusqu'à la place Maubert. Ensuite
qu'ils gardassent tous deux ces noms qu'ils il 'fit sonner les deux grosses cloches, ce qui i
venaient de se donner. Il leur prédit qu'ils attira une grande foule qui fut bien surprise
auraient un fils qui serait invincible et re- de lui voir mettre ces cloches dans ses po-
doulé de ses ennemis qu'il était destiné à ches, pour les attacher au cou de sa jument
êlrc l'appui du trône d'Arthus, qu'il fallait le comme-dès grelots. Mais il les remit à leur
bien traiter et qu'à l'âge de sept ans on de- place, sur le présent que lui firent les Pari-
vait le mener à la cour du prince qui avait siens, de trois cents bœufs, trois cents mou-
sa résidence dans la Grande-Bretagne. Ils tous trois cents tonneaux de vin et trois
répondirent qu'ils ignoraient où était ce pays. cents fournées de pain pour son dîner..
Mais Merlin leur signifia qu'ils n'avaient Merlin s'étant présenté alors à Garganlua,
qu'à tourner la tête de leur jument du côté lui conseilla d'achever son voyage, et le con-
de l'Occident, et se laisser conduire par elle. duisit à la cour du roi Arthus. Le roi l'ayant
Après laquelle explication il disparut ce reçu favorablement, lui fit faire une massue
qui leur fit pousser des cris si violents, qu'on de soixante toises de long, dont le bout étail
T5i DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 732
trois fois de la grosseur d'un tonneau. Arthus il ouvrit unebouche fendue dequatorze bras-
lui dit que ses ennemis, les Goths et les Ma- sées. Ceux-ci tirèrent leurs flèches contre
gots, étaient de terribles gens armés de lui Gargantua les prit avec la main, les en-
pierres de taille, et lui montra un prisonnier. ferma au fond de ses chausses, et s'en re-
Mais Gargantua, loin d'être épouvanté, le tourna vers sés gens qui l'attendaient au
jeta si haut dans les airs, par le collet, qu'on bord de la mer.
leperdit de vue,etque quelques heures après Le nombre des prisonniers montait à huit
on le vit tomber les bras et les jambes rom- cent neuf, et un qui était mort d'un vent
pus. qu'avait fait Gargantua dans ses chausses,
La massue achevée, on conduisit Gargan- car il est à remarquer qu'il soufflait si fort,
tua à l'ennemi il fit un ravage affreux, sem- qu'avec ce souffle il renversait trois charret-
blable à un loup parmi des brebis. Après sa tes de foin, et faisait tourner plusieurs mou-
victoire il revint à la cour où il fut loué et lins. Cela ne paraîtra pas étonnant lorsqu'on
choyé. Le roi fit préparer une magnifique saura qù'un de ses crachats noyait six hom-
collation. On servit pour entrée et pour ré- mes.
veiller son appétit les jambons de quatre Le roi d'Irlande, effrayé, fit demander une
cents pourceaux, sans compter les andooilles trêve de quinze jours promettant de livrer
et les boudins. La soupe fut faite dans cin- deux vaisseaux de harengs frais, deux cents
quante grandes chaudières. Il y avait encore caquesde sardines salées, avec de la mou-
quatre cents pains de cinquante livres -cha- tarde àproportion. Le géant s'en accommoda,
cun. Il mangea plus de deux cents bœufs, et et il consomma ces vivres dans un déjeuner.
tout le temps du dîner il y avait quatre hom- Gargantua étant couché après cela à une
mes forts et robustes, qui, à chaque morceau demi-lieue de la ville, les magistrats conclu-
qu'il mangeait, lui jetaient une pelle de mou- rent, dans un conseil, qu'on irait l'attaquer
tarde dans la gorge.Son dessert fut une tonne de nuit et qu'on le tuerait. Quand on fut
de pommes cuites. Il but à son dîner six ton- arrivé au lieu où il dormait, du côté de la
nes de cidre et autant de bière. Au reste, sa tête car des pieds à la tête il y avait cent
fourchette et son couteau pesaient trois cents soixante-trois toises cinq pieds quatre pou-
livres chacun. ces, ils pensaient descendre dans une vallée
Le roi le fit ensuite habiller: huit cent et tombèrent au nombre de deux cent dix-
deux aunes un tiers de toile furent employées sept dans sa bouchequ'il tenait ouverte selon
pour sa chemise; cent cinq aunes un quart son usage.
Gargantua, les ayant avalés se
de satin moitié cramoisi et moitié jaune trouva si altéré a son réveil, qu'il mit à sec
pour son pourpoint, avec trente-deux aunes la rivière où il alla boire. 11 engloutit même
et demi-quart de franges pour la bordure; en buvant un bateau chargé de poudre à ca-
deux cents aunes et trois quarts d'écarlate non, pour le secours de la ville. Il s'en
pour des chausses; (rente-cinq aunes et un trouva un peu incommodé; c'est pourquoi
quart de taffetas, moitié noir et moitié gris,- il se mit à siffler le signal convenu pour
pour des jarretières. Pour les galons de li- faire venir ses gens. Il envoya avertir le roi
vrée, neuf cent trois aunes et un demi-quart, Arthus de sa position. Merlin se transporta
rouge et jaune pour la bordure, soixante- dans un nuage avec quatre médecins, qui
dix aunes deux pouces de velours cramoisi descendirent dans son gosier et de là dans
pour son manteau, quatre cents aunes et un le corps, pour découvrir la source du mal.
quart de drap de Hollande; quatre cent cin- Après la visite, les médecins ordonnèrent à
quante aunes defrise pour une robe de cham- Gargantua de tourner le derrière du côté dé
bre deux mille cinq cents peaux de renards la ville cette disposition ayant été exécutée,
pour la fourrure de cette robe; cinquante- on lui fit ouvrir la bouche, où on'jeta une
cinqpeaux de vache pour les souliers, dont charretée d'allumettes qui prirent feu dans
les semelles employèrent les cuirs de qua- son corps au moyen d'une torche qu'un
rante bœufs pour un bonnet à la dragonne, des médecins y avait glissée. Gargantua
deux cents quintaux, de laine de Ségovie ferma la bouche en même temps alors on
la houppe pesait plus de trois cents livres. entendit un effroyable tonnerre et du feu
II avait à un de ses doigts un cachet d'or qui sortit de son derrière, la ville et ses fau-
qui pesait trois cents marcs et dix onces, bourgs furent saccagés: le roi d'Irlande s'a-
avec un rubis du poids de trois cents livres vança enfin avectoutes ses forces, consistant
sa gibecière avait absorbé trois cents peaux en 900,000 nommes armés, qui furent mis en
de maroquin. déroute: le roi et ses barons furent prison-
Gargantua, ainsi équipé, se disposa à com- niers, placés dans une dent creuse et pré-
battre les Irlandais et les Hollandais, qui ve- sentés à la cour, au retour de l'armée victo-
naient de se soulever contre Arthus. Merlin rieuse. Le fils de Grand-Gosier purgea en-
fit une nuée sur laquelle le géant avec sa suite le pays d'ün géant qui avait pris le
massue passa la mer. Il marcha vers la ville parti des Goths ennemis d'Arthus; il l'en-
ennemie; voyant un homme armé et à che- ferma dans sa gibecière.
val, il les mit tous deux dans sa gibecière. Telle est la véridique histoire d'un des
Arrivé à la ville, tout le peuple se sauva à la héros lés plus célèbres. On ne s'accorde pas
vue de ce monstre; et on sonna lé tocsin. Le
roi d'Irlande, qui se trouvait dans la ville trop sur le genre de sa mort; mais si on con-
tèste quelques-uns de ses hauts faits, à cause
sortit avec cinq cents hommes pour attaquer du prodigieux qui les entoure, tout le monde
Gargantua. Mais quand celui-ci les vit venir, sait qu'au moins il se signala dans les envi-
733 GAR GAT 1U
rons d'Aigues-Alortes; car on montre près de qu'un autre jour étant en forme de loup
cette ville une vieille tour qu'on appelle la (travestissement horrible qu'il prenait sans
tour de Gargantua. La nuit on aperçoit de doute pour sa chasse), il avait également
loin cette tour qui se dessine dans l'ombre tué et dévoré un jeune garçon à une lieue
comme un géant; on croit même distinguer de Dôle, entre Grédisans et Monotée; qu'en
une tête monstrueuse et les bonnes gens du sa forme d'homme et non de loup il avait
voisinage sont persuadés que si on entrait pris un autre jeune garçon de l'âge de douze
après le coucher du soleil dans la tour de à treize ans, et qu'il l'avait emporté dans le
Gargantua, un grand bras de vingt-cinq bois pour l'étrangler. (2). »
mètres descendrait d'en haut et saisirait GARNIZA, Voy. Eléazar.
les téméraires pour les étouffer. GAItOSMANClE, Voy. Gastromancib.
GARGOUILLE. a Que vous dire de la GARUDA, oiseau fabuleux qu'on repro-
gargouille deRouen?li est certain que, tous sente souvent avec la tête d'Un beau jeune
les ans, le chapitre métropolitain de cette homme, un collier blanc et le corps d'un
ville présentait au parlement, le jour de l'As- aigle. Il sert de monture à Wishnou, comme
cension, un criminel qui obtenait sa grâce, l'aigle servait de véhiculo à Jupiter. Les Iii-
en l'honneur de saint Romain et de la gar- diens racontent qu'il naquit d'un œuf que sa
gouille. La tradition portait qu'à l'époque mère Diti avait pondu èt qu'elle couva cinq
où saint Romain occupait le siège épiscopal ans.
de Rouen un dragon embusqué à quelque GASTROCNÉM1E pays imaginaire dont
distance de la ville, s'élançait sur les passants parle Lucien, où les enfants étaient portés
et les dévorait. C'est ce dragon qu'on appelle dans le gras de la jambe; ils en étaient ex-
la gargouille. Saint Romain, accompagné traits au moyen d'une incision.
d'un criminel condamné à mort, alla attaquer GaSTROMANCIE ou GAROSMANC1E, di-
le monstre jusque dans sa caverne; il l'cn- vination qui se pratiquait en plaçant entre
chaina et le conduisit sur la place publique, plusieurs bougies allumées, des vases de
où il fut brûlé, à la grande satisfaction des verre ronds et pleins d'eau claire; après avoir
diocésains (1).»u invoqué et interrogé les démons à voix basse,
On a contesté celle légendo en niant les on faisait regarder attentivement la super-
dragons, dont les géologues actuels recon- ficie de ces vases par un jeune garçon ou
naissent pourtant que l'existence a été réelle. par une jeune femme; puis on lisait la ré-
JI se peut toutefois que ce dragon soit ici ponse dans des images tracées par la réfrac-
une allégorie. Des historiens rapportent que, tion de la lumière dans les verres. CngliostrO
duMemps de saint Romain, ta ville de Rouen employait celte divination. Une autre espèce
fut menacée d'une inondation; que ce saint de Gastromancie se pratiquait par le devin
prélat eut le bonheur de t'arrêter par ses qui répondait sans remuer les lèvres, en sorte
soins et par ses prières. Voilà l'explication qu'on croyait entendre une voix aérienne.
toute simple du miracle de la gargouille. Ce Le nom de cette divination signifie divina-
mot, dans notre vieille longue, signifie irrup* tion par le ventre; aussi, pour l'exercer, il
lion bouillonnement de l'eau. Des savants faut être ventriloque, ou possédé, ou sorcier.
auront rendu Icmol/iî/d/Yiparceluidcdragon. Dans le dernier cas, on allume des flambeaux
GARIBAUX (Jeahne), sorcière, Voy. Gre^ autour de quelques verres d'eau limpide,
NIER, et PIERRE Labourant. puis on agite l'eau en invoquant un esprit
GAR1NËT (JULES), auteur de {'Histoire de qui ne tarde pas à répondre d'une voix grêle
la magie en France, Paris, 1818 in-8°. On dans,le ventre du sorcier en fonction»
trouve à la tête de cet ouvrage curieux une Les charlatans trouvant, dans les moin'
description du sabbat, une dissertation sur dres choses, des moyens sûrs d'en imposer
les démons, un discours sur les superstitions au peuple et de réussir dans leurs fourberies)
qui se rattachent à la magie chez les anciens la ventriloquie doit être pour eux d'un grand
et chez les modernes. Beaucoup de faits in- avantage.
téressants mériteraient à ce livre une nou-* Un marchand de Lyon, étant un jour à la
velle édition; mais l'auteur, fort jeune lors- campagne avec son valet, entendit une voix
qu'il le publia, lui a donné une teinte philo- qui luiordonuait, delà partdu ciel, de donner
sophique et peu morale que son esprit élevé une partie de ses biens aux pauvres, et de
et ses vastes études doivent. lui faire désap- récompenser son serviteur. Il obéit, et re-^
prouver aujourd'hui. Une nouvelle édition garda comme miraculeuses les paroles qui
serait donc épurée. sortaient du ventre de son domestique. On
GARNIER (GILLES), loup^-garou, con- savait si peu autrefois ce que c'était qu'un
damné à Dôle sous Louis XIII, comme ayant ventriloque, que les plus grands personnages
dévoré plusieurs enfants. On le brûla vif, et attribuaient toujours ce talent à la présence
son corps réduit en. cendres fut dispersé au des démons. Pho'lius, patriarche de Cons-
vent. tantinople, dit, dans une de ses lettres «On
« Henri Camus, docteur en droit et con- a entendu le malin esprit parlerdans le ventre
sviller du roi, exposa que Gilles Garnief d'une personne, et il mérite bien d'avoir l'or-
avait pris dans uue vigne une jeune fille de dure pour logis. *>
dix ans, l'avait tuée et occise, l'avait traînée GATEAU DES ROIS. La part des absents,
jusqu'au bois de La Serre, etque, non content quand on partage le gâteau des rois.segarde
d'en manger, il en avait apporté à sa femme; précieusement; dans certaines maisons su*
(1) M. Salgiies, Des Erreurs, t. M, p. 570. (2) M,Jules Garinet,Hi4t.delà magieen France, p. 129
756 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 756
perstitieuses, elle indique l'état de la santé mais il ne parait pas que cet ouvrage soit de
de ces personnes absentes, par sa bonne Pomponius, il serait plutôt de Luc.
conservation une maladie, par des taches Le traité astrologique (2) de Luc Gauric
ou des ruptures. est un livre assez curieux. Pour prouver la
GATEAU TRIANGULAIRE DE SAINT- vérité de l'astrologie, il dresse l'horoscope de
LOUP. Les paonnes superstitieuses font ce tous les personnages illustres, dont il a pu
gâieau le 29 Juillet, avant le lever du soleil; découvrir l'heure de la naissance; il démontre
il est composé de pure farine do froment, de que tout ce qui leur est arrivé se trouvait
seigle et d'orge; pétrie avec trois œufs et trois prédit dans leur horoscope, comme si un
cuillerées de sel, en forme triangulaire. On n'y trouvait pas tout ce qu'on veut l
le donne, par aumône, au premier pauvre GAUTHIER (Jean), alchimiste Charles IX,
qu'on rencontre, pour rompre les maléfices. trompé par ses promesses, lui fit donner,
GAUFRIDI(Louis-Jean-Baptiste), curé de pour faire de l'or, cent vingt mille livres, et
Marseille qui, infidèle à ses devoirs, lomba l'adepte se mil à l'ouvrage. Mais après avoir
dans le désordre et se fit passer pour sorcier travaillé huit jours, il se sauva avec l'argent
vers la fin dujseizième siècle. du monarque on courut à sa poursuite, on
On raconte que le diable lui apparut un l'attrapa et il fut peniu.
jour, pendant qu'il lisait un livre de magie; GAUTHIER, conspirateur écossais, Voy.
ils entrèrent en conversation et firent con- WALTER.
naissance. Le prêtre se livra au diable par GAUTHIER DE BRUGES. On conte que
un pacte en règle, à condition qu'il lui don- ce cordelier, nommé évoque par le pape Ni-
nerait le pouvoir de suborner et de séduire, colas 111, et déposé par Clément V, appela à
en soufflant au visage. Le diable y consentit Dieu de celte déposition et demanda qu'en
d'autant plus volontiers, qu'il trouvait dans l'inhumant on lui mit son acte d'appel à la
ce marché un double avantage. main. Quelque temps après sa mort, le pape
L'apostat s'éprit de la fille d'un gentil- Clément V étant venu à Poitiers, et se trou-
homme, Madeleine de La Palud dont l'his- vant logé au couvent des Cordeliers, désira
toire est devenue célèbre. Mais bientôt la visiter les restes de celui qu'il avait déposé;
demoiselle effrayée se retira dans un couvent on ajoute qu'il se fit ouvrir le tombeau, et
d'Ursulines. Gaufridi' furieux y envoya, di- qu'il fut effrayé en voyant Gauthier de Bru-
sent les relations du temps, une légion de ges agitant son acte d'appel d'une main des-
diables; la sorcellerie du prêtre fut prouvée. séchée (3). » Conte imaginé par les ennemis
Un arrêt du ;parlement de Provence le con- du pape.
damna au feu, en avril 1611. GAZARDIEL, ange qui, selon le Talmud,
GAURIC, génie ou lutin que la supersti- préside à l'Orient, afin d'avoir soin quellee
tion des villageois bas-bretons croit voir soleil se lève, et de l'éveiller s'il ne se le-
danser autour des amas de pierres, ou mo- vait pas.
numents druidiques, désignés dans la langue GAZE (Théodore DE), propriétaire d'une
dès anciens insulaires par le mot chiorgaur, ferme dans la Campanie, au seizième siècle;
que l'on a traduits par ceux-ci cltorea gi- il la faisait cultiver par un fermier. Comme
gantum, ou danse des géants, mais qu'il se- ce bonhomme travaillait un jour dans un
rait peut-être plus exact d'entendre chorea champ, il découvrit un vase rond où étaient
Gauricorum danse des Gaurics. enfermées les cendres d'un mort. Aussitôt il
GAURIC (Luc), astrologue napolitain, né lui apparut un spectre qui lui commanda do
en 14.76, qui, selon Mézeray et le président remettre en terre le même vase avec ce qu'il
de Thou annonça positivement que le roi contenait, sinon qu'il ferait mourir son fils
Henri H serait tué dans un duel et mourrait aîné. Le fermier ne tint compte de ces me-
d'une blessure à l'œil; ce qui fut vrai. Mais naces, et, peu de jours après, son fils aîné
ne prédit-il pas après coup? fut trouvé mort dans son lit.
Calherine de Médecis avait en Luc Gauric Quelque temps plus tard, le même spectre
la confiance la plus entière.- Benlivoglio lui apparut, lui réitérant le même comman-
seigneur de Bologne le condamna à cinq dement, et le menaça de faire mourir son
tours d'estrapade, pour avoir eu la hardiesse second fils. Le laboureur avertit de tout ceci
de lui prédire qu'il serait chassé de ses Etals; Théodore de Gaze, qui vint lui-même à sa
ce qui n'était pas difficile à prévoir, vu la métairie, et fit remettre le tout à sa place-:
disposition des esprits qui détestaient ce sei- sachant bien, dit Leloyer, qu'il fait mauvais
gneur. Gauric mourut en 1558. jouer avec les morts.
On a de lui une Description de la sphère GAZIEL, démon chargé de la garde des
céleste, publiée dans ses Œuvres, Bâle, 1575, trésors souterrains qu'il transporte d'un
3. vol. in-fol. On y trouve aussi un Eloge de lieu à un autre pour les soustraire aux hom-
l'astrologie. mes. C'est lui qui ébranle les fondements
On attribue à son frère Pomponius Gauric des maisons et fait souffler des vents accom-
un livre dans lequel on traite de la physio- pagnés de lia mines. Quelquefois il forme des.
gnomonie, de l'astrologie naturelle, etc. (1) x danses qui disparaissent tout à coup; il ins-
(1) PomponiiGauriciNeapolilanitractais de symme- ctalus aslrologicus,in quoagitur de pranerilis niultorum
triis, lineameutiset physiognomonia,ejusquespeciebus, homimimaccidentibusl'er propriaseorum genituras, :ul
etc., Argentor.,1650,avec la Chiromanciede Jean al)In- un^ueinexaminait VenfliU. lui", 1552.
dagine. (5) 11.de Maruhaugj,Ciistau le voyageur,oula Francs
(î) LucseGauricigeophonensisepsscopicivitatensistra- au quatorzièmesiècle, t. 1", ebap.4, p. 63.
ni CEL GEN 758
pire la terreur par un grand bruit de cloches faisait mourir dans leur sein les enfants
et de clochettes; il ranime tes cadavres, mais qu'elles portaient, un peu avant qu'ils fus-
pour uu moment. Voy. Anahazel, son com- sent à terme (3). On voit que c'était l'épou-
pagnon. vantail du sixième siècle.
GEANTS. Les géants de la fable avaient GELOSCOPIE, Espèce de divination qui se
le regard farouche et effrayant, de longs che- tire du rire. On prétend acquérir ainsi la
veux, une grande harbe, des jambes et des connaissance du caraclère d'une personne,
pieds de serpent, et quelques-uns cent bras et de ses penchants bons ou mauvais. Un
et cinquante (êtes. rire franc n'annonce certainement
Homère représente les Aloïdes, géants re- pas une
âme fausse, et on peut se défier quelquefois
marquables. comme étant d'une taille si pro- d'un rire' forcé. Voy. Physiognomonie.
digieuse, qu'à l'âge de neuf ans ils avaient GEMATRIE. C'est une des divisions de la
neuf coudées de grosseur, trente-six de hau- cabale, chez les juifs. Elle consiste à prendre
teur, et croissaient chaque année d'une cou- les lettres (l'titi mot hébreu pour des chiffres
dée de circonférence et d'un mètre de haut. ou nombres arithmétiques et à expliquer
Les lalmudisles assurent qu'il y avait des
chaque mot par la valeur arithmétique des
géants dans l'arche. Comme ils y tenaient lettres qui le composent. Sélon d'autres,
beaucoup de place, on fut obligé, disent-ils, c'est une interprétation qui se fait par la
de faire sortirle rhinocéros, qui suivit l'arche des lettres.
transposition
A la nage: -GEMMA (Cornélius) savant professeur
Aux noces deCharles le Bel,roi de France, de Louvain, auteur d'un livre intitulé Des
on vit une femme de Zélande d'une taille ex- caractères divins et des choses admirables (h-),
traordinaire, auprès de qui les hommes les publié à Anvers; chez Christophe Plantin,
plus hauts paraissaient des enfants elle était architypographe du roi; 1575, in-12.
si forte, qu'elle enlevait de chaque main deux
GENERATION, Voy. ENFANTS.
tonneaux de bière, et portait aisément huit GENGUES, devins japonais qui font pro-
hommes sur une poutre (1). fession de découvrir les choses cachées et de
JI est certain qu'il y a eu, de tout temps, retrouver les choses perdues. Ils habitent des
des hommes d'une taille et d'une force au-
huttes perchées sur lc sommet des monta-
dessus de l'ordinaire. On trouva au Mexique
des os d'hommes trois fois aussi grands que gnes, et sont tous extrêmement laids. Il leur
est permis. de se marier, mais seulement avec'
nous, et, dit-on, dans l'île de Crète un cada- dés femmes de leur caste et de leur secte.
vre de quarante cinq pieds. Hector de Un voyageur prétend que le signe caracté-
Boëce dit avoir vu les restes d'un homme qui
avait quatorze pieds. ristique de ces devins est une corne qui leur
• Pour la force nous citerons Milon de Cro- pousse sur la tête. 11ajoute qu'ils sont tous
vendus au diable qui leur souffle leurs ora-
tone, tant de fois vainqueur aux jeux olympi- cles quand leur bail est fini, le diable leur
ques ceSuédois qui, sans armes, tua dix sol- ordonne de l'attendre sur une certaine roche.
dats armés.; ce Milanais qui portait un che- A midi, ou plus souvent vers le soir, il passe
val chargé de blé; ce Barsabas qui, du temps au milieu de l'assemblée; sa présence cause
de Louis XIV enlevait un cavalier avec son une vive émotion. Une force irrésistible en-
équipage et sa monture ces géants et ces traîne alors ces malheureux, qui sont préci-
hercules qu'on montre tous les jours au pu-
blic. Mais la différence qu'il y a entre eux et pités à sa suite et ne reparaissent plus..
te reste des hommes est petite, si on com- GENIANE, pierre fabuleuse à laquelle on
attribuait la vertu de chagriner les ennemis
pare leur taille réelle à la taille prodigieuse de ceux qui la portaient. On pouvait de très-
que les traditions donnent auxanciensgéanls. loin, en frottant sa pierre, vexer de toute
Voyez Gargantua. façon les amis dont on avait à se plaindre;
GEBEK, roi des Indes, et grand. magicien, et se venger sans se compromettre. Les doc-
auquel on attribue un traitéabsurde, Du rap- tes n'indiquent pas où se trouve cette pierre
port des sept planètes aux sept noms de Dieu, curieuse.
et quelques autres opuscules inconnus (2). GENIES. La tradition des anges, parvenue
GED1, pierre merveilleuse qui, dans l'opi- altérée chez les païens, en a fait des génies.
nion des Gèles, avait la vertu, lorsqu'on la Chacun avait son génie. Un magicien d'E-
trempait dans l'eau, de changer l'air et d'ex- gypte avertit Marc-Antoine que son génie
citer des vents et des pluies orageuses. On était vaincu par celui d'Octave; et Antoine
ne connaît plus la forme de celle pierre. intimidé se retira vers Cléopâtre (5). Néron.
GELLO ou GILO, c'était une fille qui avait dans Britannicus, dit en parlant ae sa mère:
la manie d'enlever des petits enfants. On dit
Mongénie étonnétrembledevantle sien.
niêin-o que parfois elle les mangeait, et qu'elle
emporta un jour le petit empereur Maurice; Les borboriies, hérétiques des premiers
mais qu'elle ne put lui faire aucun mal, par- siècles de l'Eglise, enseignaient que Dieu ne
ce qu'il avait sur lui des amulettes. Son fan- peut être l'auteur du mat que, pour gou-
tôme errait dans l'île de Lesbos, où, comme verner le cours du soleil, des étoiles et des
elle était jalouse de toutes les mères, elle planètes, il a créé une multitude innombrable
(1) Jonslhoniluaumalographia. (i) De naturaedivinis cliaracterismis;seu raris et ad-
(2) Naudé, Apologiepour tousles grands personnages miraudisspeciaculis,causis, indiciis;proprieialibusrerum
soupçonnésde magie,chap. 14, p. 500. in partibussingulisuuiversilibri2, atidore CornelioGeiu»
(3) Délrio.Disquisitionsmagiques;Wierus.de Pi'aest., ma, etc.
p. 466. (S) Plutarque,Vie deMarc-AMoine.
T59 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. TiO
de génies, qui ont été, qui sont et seronl t est honoré par des sacrifices solennels.
toujours bons et bienfaisants; qu'il créa t Voy. FÉES, ANGES,ESPRITS, etc.
l'homme indifféremment avec tous les au- GÉNIRADE, médecin matérialiste, ami de
tres animaux, et que l'homme n'avait que saint Augustin et très-connu à Carthage pour
des pattes comme les chiens; que la paix et sa grande capacité. Il doutait qu'il y eût un
la concorde régnèrent sur la terre pendant autre monde que celui-ci. Mais une nuit il
plusieurs siècles, et qu'il ne s'y commettait vit en songe un jeune homme qui lui dit
aucun désordre; que malheureusement un Suivez-moi. •11le suivit et se trouva dans
génie prit l'espèce humaine en affection, lui une ville où il entendit une mélodie admi-
donna des mains, et que voilà l'origine et l'é- rable.
poque du mal.' Une autre fois il vit le même jeune
L'homme alors se procura des forces arti- homme qui lui dit Me connaissez-vous ?
ficielles,.se fabriqua des armes, attaqua les Fort bien, lui répondit-il. Et d'où me con-
autres animaux, fît des ouvrages surprenants; naissez-vous? Génirade Lui raconta ce qu'il
et l'adresse dé ses mains le rendit orgueil- lui avait fait voir dans la ville où il l'avait
leux l'orgueil! lui inspira le désir de la pro- conduit. Le jeune homme ajouta Est-ce
priété, et la vanité de posséder certaines en songe ou éveillé que vous avez vu tout
choses à l'exclusion des autres; les querel- cela? C'est en songe, répondit le médecin.
les et les guerres commencèrent; la victoire Le jeune homme dit Oùest à présent votre
fit des tyrans et des esclaves, des riches et corps ?– Dans mon lit.-Savez-vous bien que
des pauvres. vous ne voyez rien à présent des yeux du
Il est vrai, ajoutent les borborites, que si corps? Je le sais. Quels sont donc les
l'homme n'avait jamais eu que des pattes, il yeux par lesquels vous me voyez?.
n'aurait point bâti des villes, nidespalais, ni Comme le médecin nésitait et ne savait
des vaisseaux; qu'il n'aurait pas couru les quoi répondre, le jeune ho:nme lui dit encore:
mers; qu'il n'aurait pas inventé l'écriture, ni -De même que vous me voyez etm'entendez, *1
composé des livres; et qu'ainsi les connais- à présent que vos yeux sont fermés et vos
sances de sonesprit ne seseraientpoint éten- sens engourdis; ainsi après votre mort vous
dues. Mais aussi il n'aurait éprouvé que les vivrez, vous verrez, vous entendrez, mais
maux physiques et corporels, qui ne sont pas des yeux de l'esprit. Ne doutez donc plus.
comparables à ceux d'une âme agitée par Génirade conclut que si l'âme pouvait
l'ambition, l'orgueil, l'avarice, par les in- voyager ainsi dans le sommeil, clle n'était
quiétudes et les soins qu'on se donne pour donc pas liée à la, matière; et il se convertit.
élever une famille, et par la crainte de l'op- GENNADI[JS,patiïarchedeConstaminopIe.
probre, du déshonneur, de la misère et des Allant à son église, il rencontra un spectre
châtiments. hideux. Il reconnut que c'était le diable, le •
Aristote observe que l'hommen'est pas su- conjura et entendit une voix qui lui dit
périeur aux animaux parce qu'ila une main Je t'avertis,- Gennadius, que durant ta vie je
mais qu'il a une main parce qu'il est supé- ne pourrai nuire à l'église grecque; mais
rieur aux animaux. après ta mort je la ruinerai.
Les Arabes ne croient pas qu'Adam ait Lé patriarche se mit à genoux, pria pour
été le premier être raisonnable qui ait habité son église, et mourut'peu après (1). Ceci se
la terre, mais; seulement le père de tous les passait tandisque Mahomet H faisait la con-
hommes actuellement existants. Ils pensent quête de l'empire.
que la terre était peuplée, avant la création GEOFFROI D'IDEN. Au treizième siècle le
d'Adam, par des êtres d'une espèce supé- seigneur Humbert, fils de Guichard de Bélioc,
rieure à la nôtre; que dans la composition de dans le diocèse de Mâcon, ayant déclaré la
ces êtres, créés de Dieu comme nous, il en- guerre à d'autres seigneurs de son voisinage,
trait plus de feu divin et moins de limon. Geoffroi d'Iden reçut dans la mêlée une blés-
Ces êtres, qui ont habité la terre pendant sure dont il mourut sur-le-champ. Environ
plu-
sieursmilliersfle siècles, sont les génies, qui deux mois après, Geoffroi apparut à Milon
ensuite furent renvoyés dans une région d'Anta, et le pria de dire à Humbert de Bélioc,
particulière, mais d'où il n'est pas impossible au service duquel il avait perdu la vie, qu'il
de les évoquer et-de les voir paraître encore était dans les tourments pour l'avoir aidé
quelquefois, parla force des paroles magi- dans une guerre injuste, et pour n'avoir pas
ques et des talismans. expié avant sa mort ses péchés par la péni-
Il y a deux sortes de génies, ajoutent-ils, tence qu'il le priait d'avoir compassion de
les péris, ou génies bienfaisants, et les1dives, lui et de son propre père Guichard, qui lui
ou génies malfaisants; Gian-ben-gian,du nom avait laissé de grands biens iont il abusait,
de qui ils furent appelés ginnes ou génies, et dont une grande partie était mal acquise
estle premiercomme le plus fameux de leurs qu'à la vérité, Guichard, père de Humbert,
rois. Le Ginnistan est un pays de délices et avait embrassé la vie religieuse à Cluny,
de où ils ont été relégués par mais qu'il n'avait eu le temps ni de satisfaire
merveillesf
Taymural, l'un des plus anciens rois de entièrement à la justice de Dieu, ni de répa-
Perse. rer ses torts envers le prochain qu'il te con-
Ce sont encore là des vestiges altérés de jurait donc de faire offrir pour son père et
l'ancienne tradition. pour lui, le saint sacrifice de la messe, de
Les Chinois ont des génies qui président
aux eaux, aux montagnes; (1) Leloyer, Hist.des spectres et apparitionsdes es-
et chacun d'eux«X prits, p. 270.
r
741 GER GER 74Î
b_·
faire aes .A. aumônes et a,t. d employer les prières
_a_t
accompagné de tambours et de dansès jus-
des gens de bien pour leur procurer à l'un et qu'au point du jour; les images sont jetées
à l'autre une prompte délivrance des peines alors sur les grands chemins, où elles
reçoi-
qu'ils enduraient. Il ajouta Diles-lui que vent les coups et épuisent la colère des dé-
s'il ne vous écoute pas, je serai contraint mons malintentionnés.
d'aller-moi-même lui annoncer ce que je GERMÂN1CUS, général romain qui fut em-
viens de vous prescrire. poisonné par Plancine. On ne dit pas si ce fut
Milond'Anta s'acquitta de sa commission par des parfums ou par un poison plus direct,
Humbert en fut effrayé, mais il n'en devint ou par des maléfices mais ce qui est certain,
pas meilleur. Toutefois, craignant que Gui- dit Tacite, c'est que l'on trouva dans sa de-
chard, son père, ou Geoffroi d'iden, ne vins- meure des ossements et des cendrés de morts
sent l'inquiéter, il n'osait demeurer seul, arrachés aux tombeaux, et le nom de Ger-
surtout pendant la nuit;JI voulait toujours manicus écrit sur une lame de plomb
qu'on
avoir auprès de lui quelqu'un de ses gens. avait dévouée à l'enfer (1).
Un matin donc qu'il était tout éveillé dans GERSON (Jean Chablier
son lit, il vit paraître en sa présence Geof- de), chancelier,
pieux et savant, de l'université de Paris, mort
froi, armé comme un jour de bataille, qui lui en- 1429, auteur de l'Examen des esprits
montrait la blessure mortelle qu'il avait re- (2),
où l'on trouve des règles pour discerner les
çue, et qui paraissait encore toute fraîche. fausses révélations des véritables, et de l'As-
Il lui fit de vifs reproches de son peu de pitié
envers lui et envers son propre père, qui gé- trologieréformée, qui eut un grand succès.
Nous ne parlons pas ici de ses ouvrages de
missait dans les tourments. Prends garde, piété.
ajouta-t-il, que Dieu ne te traite dans sa ri- GERT (Bërthomine de), sorcière de là ville
gueur, et ne te retire la miséricorde que tu
nous refuses, et surtout garde- loi bien de Préchac en Gascogne, qui confessa vers
1608 que lorsqu'un*; sorcière revenant du
d'exécuter la résolution que tu as prise d'al-
ler à la guerre avec le comte Amédée si tu sabbat était tuée dans le chemin, le diable
avait l'habitude de prendre sa figure, et de la
y vas, tu y perdras la vie et les biens. faire reparaître et mourir dans son logis pour
Humbert se disposait à répondre au fan-
Richard de la tenir en bonne réputation. Mais si celui
tôme, lorsque l'écuyèr Marsay,
conseiller de Humbert, arriva venant de la qui l'a luée a quelque hougieou chandelle de
aussiiôt le mort Dès ce mo- cire sur lui, et qu'il en fasse une croix sur
messe; disparut. la mortel le diable ne peut, malgré toute sa
ment Humbert travailla sérieusement à sou-
lager son père et Geoffroi, et il fit le puissance, la tirer de là, et par conséquent
voyage est forcé de l'y laisser (3).
de Jérusalem pour expier ses péchés. Ce
fait est rapporté par Pierre le Vénérable. GERVAIS, archevêque de Reims, mort en
GÉOMANCIE ou GÉOMANCE, divination 1067, dont on conte cette aventure. Un che-
valier normand qui le connaissait voulant,
parla terre. Elle consiste à jeter une poignée
de poussière ou de terre au hasard, sur une pour le besoin de son âme, aller à Rome vi-
siter les tombeaux des saints apôtres, passa
table, pour juger des événements futurs,, par
lcs lignes et les figures qui en résultent c'est par Reims, où 41 demanda à l'archevêque sa
bénédiction, puis reprit son chemin, dont
à peu près la mêmechose que le mare de café. il s'était éearlé. 11 arriva à Rome, et fît ses
Voy. MARCDE café.
Selon d'autres, la géomancie se pratique, oraisons.
tantôt en traçant par terre de* ligues et des Il voulut ensuite aller au mont Saint-Ange.
sur on croit Dans son chemin, il rencontra un ermilequi
cercles, lesquels pouvoir deviner lui demanda s'il connaissait Gervais, arche-
ce qu'on a envie d'apprendre; tantôt en fai-
sant au hasard, par terre ou sur le papier, vêque de Reims s'a quoi te voyageur répon-
dit qu'il le connaissait;
plusieurs points sans garder aucun ordre y -Gervais est mort, reprit l'ermite.
les figures que le hasard forme alors fondent
un jugement sur l'avenir; Le Normand demeura stupéfait il pria
tantôt enGn en
observant les fentes et les crevasses qui se l'inconnu de lui dire comment il savait cette
font naturellement à la surface de la. terre, nouvelle.
d'où sortent,, dit-on, des exhalaisons oro- L'ermite lui répondit, qn'ayant passé la
comme de l'antre de. nuit en prièredans sa cellule, il avait en-
phéliques,, Delphes. tendu Fe bruit d'une foule de gens qui mar-
GRRBBRT. Voy. Syivestre II. chaient le long de son corridor en faisant
GÉRÉAHS. Les habitants de Ceyfan croient beaucoup de bruit; qu'il avait ouvert sa le-
les planètes occupées par des esprits qufc nêtre, et demandé où ils allaient; que l'un
sont les arbitres de leur sort. Ils leur attri- d'eux lui avait répondu Nous sommes les
buent le pouvoir de rendre leurs favoris heu- angesde Satan; nous venons de Reiiris. Nous
reux en d'épit des. démons. Ils forment autant emportions l'âme de Gervais mais à eauso
d'images d'argile appelées Géréahs, qu'ils ds ses bonnes œuvres, on vient de nous lVa-
supposent d'esprfts mal disposés ifs leur lever, ce qui nous fâche rudement.
donnent des figures monstrueuses et l'es ho- Le pèlerin remarqua le temps et le jour où
norent en mangeant et bavant; le festin est il avait appris tout cela, et de retour à Reims,
(1).Leloyer, Hist.des spectres et apparitionsdes es- (3) Delancre,Tableaude l'inconstancedesdémons,etc.,
prits, p. 37<F. p.J:J.,
('2) De probationespirituum, etc.
743 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 744
il trouva que l'archevêque Gervais était mort sans peine, que celle qui l'avait frappé était
à la même heure (1). fille d'un sage qui n'avait point d'or à lui
GEYSERtC, démoniaque golh, dont l'âme donner, mais qui l'avait "élevée dans toutes
fut emportée par le diable en enfer, après que les sciences sublimes ces nouvelles ache-
son corps eut crevé, comme ceux de Bucer vèrent de l'enflammer. Dès lors, le mariage
et d'Arius pendant qu'il était au lit (2). projeté par son père devint impossible. 11
GHILCDL ou GILGUL. Chez les Juifs mo- alla trouver le vieillard et lui dit
dernes, c'est la métempsycose ou transmi- Mon père, vous savez que jusqu'ici je
gration des âmes en d'autres corps, doctrine n'ai su que vous obéir aujourd'hui je viens
reçuè dans quelques-unes de leurs sectes. vous supplier de m'accorder une épouse de
GHIRAIIDELL1 (Corneille) franciscain, mon choix.
né à Bologne vers la fin du seizième siècle. Il exposa sa répugnance pour la femme
11 étudia l'astrologie et la métoposcopie on qu'on lui proposait, et son amour pour l'in-
connaît de lui des discours astrologiques, des connue.-Le vieillard fit quelquesobjections,
almanachs comme celui de Mathieu Laens- mais, voyant que son fils était entraîné par
berg, enfin, la Céphalonie physionomique, ce que les musulmans regardent comme une
avec cent têtes dessinées, et des jugements fatalité irrésistible, il ne mil plus d'obstacle
sur chaque figure, lesquels jugements sont à, son désir il alla trouver le vieux sage et
renfermés en un sonnet rehaussé d'un disti- lui demanda sa fille.
que in-4% 1630. Le mariage se fit, dit le conte.
GHOLES. La croyance aux vampires, aux Au bout de trois mois Abdul s'étant é-
gholes, aux lamies, qui sont à peu près le veillé une certaine huit, s'aperçut que sa
même genre de spectres est répandue de jeune épouse avait quitté la couche nup-
temps immémorial chez les Arabes, chez les tiale. Il crut d'abord qu'un accident imprévu
Perses, dans la Grèce moderne et dans tout ou une indisposition subite avait causé cette
l'Orient. Les Mille et une Nuits, et plusieurs absence: il résolut toutefois d'attendre; mais
autres contes arabes, roulent sur cette ma- Nadila (c'était la jeune femme ) ne revint
tière, et maintenant encore cette terrible qu'une heure avant le jour. Abdul remar-
superstition porte l'épouvante dans plusieurs quant qu'elle rentrai avec l'air effaré et la
contrées de la Grèce moderne et de UArabie. démarche mystérieuse, fit semblant de dor-
Les Gholes sont du sexe féminin. On en mir, et ne témoigna rien de ses inquiétudes,
cite des histoires qui remontent jusqu'au résolu de s'éclaircir un peu plus tard.
dixième siècle et même jusqu'au règne d'Ha- Nadila ne lui parla point de son absence
roun al Raschild. Elles mangent la chair et nocturne; la nuit suivante, elle s'échappa
boivent le sang comme les loups-garous de nouveau, croyant Abdul endormi, et sor-.
plutôt que comme les vampires, car elles tit selon sa coutume. Abdul se hâta de s'ha-
n'ont pas toujours besoin d'être mortes pour biller, il la suivit de loin par de longs dé-
se livrer leurs festins funèbres. tours.
Dans un faubourg de Bagdad vivait, dit-on, Il la vit entrer enfin dans un cimetière; il
au commencement du quinzième siècle, un y entra pareillement.
vieux marchand qui avait amassé une for- Nadila s'enfonça sous un grand tom-
tune considérable et qui n'avait pour héritier beau éclairé de trois lampes. Quelle fut
de ses biens, qu'un fils qu'il aimait tendre- la surprise d'Abdul, lorsqu'il vit sa jeune et
ment. II avait résolu de le marier à la fille belle épouse, qu'il chérissait si tendrement,
d'un de ses confrères, marchand comme lui, entourée de plusieurs gholes, qui se réunis-
et avec qui il avait lié un commerce d'amitié saient là toutes les nuits pour leurs festins
dans ses fréquents voyages.– Cette jeune fille effroyables 1
était riche, mais laide; et Abdul (c'est le nom II avait remarqué, depuis son mariage, que
du jeune homme), à qui on montra son por- sa femme ne mangeait rien le soir mais il
trait, demanda du temps pour se décider à n'avait tiré de cette observation aucune con-
ce mariage. séquence fâcheuse.
Un soir qu'il se promenait seul, à la clarté Il vit bientôt une de ces gholes apportant
de la lune, dans (es campagnes voisines de un cadavre encore frais, autour duquel tou-
Bagd.id il entendit une voix fraîche qui tes les autres se rangèrent. L'idée lui vint de
chantait quelque versets du Koran en s'ac- se montrer, de dissiper ces hideuses sorciè-
compagnant d'une guitare. 11 traversa le res mais il n'eût pas été le plus fort: il se
bosquet qui lui cachait la chanteuse et se décida à dévorer son indignation. Le cada-
trouva au pied.d'une maisonnette où il vit vre fut coupé en pièces, et les gholes le man-
sur un balcon ombragé d'herbes traînantes, gèrent en chantant des chansons infernales.
une belle jeune femme. 11 n'osa se faire re- Ensuite, elles enterrèrent les os, et se sépa-
marquer que par des signes de respect; la rèrent après s'être embrassées.
fenêtre s'étant refermée, il regagna la maison Abdul, qui ne voulait pas être vu, se hâta
paternelle, sans savoir si seulement il avait de regagner son lit, où il feignit de dormir
été vu. jusqu'au matin. De toute la journée il ne
Le lendemain matin après la prière du ténioigna rien de ce qu'il avait vu; niais, la
lever du soleil, il revint dans les mêmes lieux, nuit venue, il engagea sa jeune épouse à
fit d'ardentes recherches, et découvrit non prendre sa part d'une légère collation. Na-
(t) Ma miserde la Bibliothèqueroyale,rapportépar (2) Delaucre,Tableaudel'inconstaocedesdémons,etc.,
Lengtet-Dufresnoy, Dissertations,1.1". p. S.
745 G1B GIR 746
dila s'excusa selon sa coutume; il insista bon présage lorsque la flamme ne les repous-
longtemps et s'écria enfin avec colère: Vous sait pas; car ils pensaient apaiser par là les
aimez mieux al!er souper avec les gholcsl dieux de l'enfer, dont ils croyaient que cette
Nadila ne répondit rien, pâlit, trembla de ouverture était l'entrée (1).
fureur, et alla en silence se mettre au lit avec GILBERT, démon dont parle Olaus Ma-
son époux. gnus. Il se montrait chez les Ostrogoths, et il
Au milieu de la nuit, lorsqu'elle le crut avait enchaîné dans une caverne le savant
plongé dans un profond sommeil, elle lui dit Catillus, nécromancien suédois qui l'avait
d'une voix sombre Tiens, expie ta curio- insulté (2). •
sité. GILO, voy. GELLO.
En même temps elle se mit à genoux sur GIMf ou GIMIN génies que les musul-
sa poitrine, le saisit à la gorge, lui ouvrit une mans croient d'une nature mitoyenne entre
veine, et se disposa à boire son sang. Tout l'ange et l'homme. Ce sont nos esprits fol-
cela fut l'ouvrage d'un instant. Le jeune lets.
homme qui ne dormait point, s'échappa avec GINGUÉRERS, cinquième tribu des géants
violence des bras de la furie et la frappa ou génies malfaisants, chez les Orientaux.
d'un coup de poignard qui la laissa mourante GINNES génies femelles chez les Persans,
à ses côtés. Aussitôt il appela du secours, on qui les disent maudites par Salomon, et for-
pansa la plaie qu'il avait à la gorge et le mées d'un feu liquide et bouillonnant, avant
lendemain, on porta en terre la jeune ghole. la création de l'homme.
Trois jours après, au milieu de,la nuit, elle
GINNISTAN, pays imaginaire, où les gé-
apparut à son époux, se jeta sur lui, et vou- nies soumis à Salomon font leur résidence,
lut l'étouffer de nouveau. Le poignard d'Ab- selon les opinions populaires des Persans.
dul fut inutile dans ses mains; il ne trouva
de salut que dans une prompte fuite.-Il tit Voy ."Génies.
ouvrir le tombeau de Nadila qu'on trouva. GINNUNGAGAP, nom de l'abîme partie
comme vivante, et qui semblait respirer dans de l'enfer, chez les Scandinaves.
son cercueil. On alla à la maison du sage qui GIOERNINCA-VEDUR. Les Islandais ap-
passait pour le père de cette malheureuse. pellent de.ce nom le pouvoir magique d'exci-
Il avoua que sa fille, mariée deux ans aupa- terdes orages et des tempêtes, et de faire périr
ravant à un officier du Calife, avait été tuée des barques et des bâtiments en mer. Cette
idée superstitieuse appartient autant à la ma-
par son mari; mais qu'elle avait retrouvé la
vie dans son sépulcre, qu'elle était revenue gie moderne qu'à l'ancienne. Les ustensiles
chez son père; en un mot, que c'était une que les initiés emploient sont très-simples
femme vampire. On exhuma le corps; on le par exemple, une bajoue de tête de poisson,
brûla sur un bûcher de bois de senteur; on sur laquelle ils peignentou graventdifférents
caractères magiques, entre autres la tête du
jeta ses cendres dans le Tigre, et le pauvre
époux fut délivré. dieu Thor, de qui ils ont emprunté cette es-
On sent bien que cette histoire n'est qu'un pèce de magie. Le grand art consiste à n'em-
pur conte mais il peut donner une idée des ployer qu'un ou deux caractères, et tout leur
croyances des Arabes. secret est que les mots Thor, hu/ot ou hafut
On voit dans certains contes orientaux une puissent être lus devant eux ou en leur ab-
espèce de vampire qui no peut conserver son sence sans être compris de ceux qui ne sont
odieuse vie qu'en avalant de temps en temps pas admis à la connaissance de ces mystères.
le cœur d'un jeune homme On pourrait citer GIOURTASCH, pierre mystérieuse que les
une. foule de traits de même sorte dans les Turcs orientaux croient avoir reçue de. mainn
contes traduits de l'arabe ces contes prou- en main de leurs ancêtres en remontant
vent que les horribles idées du vampirisme jusqu'à Japhet, fils de Noé, et qu'ils préten-
sont anciennes en Arabie. dent avoir la vertu de leur procurer de la
ou lamie, pluie, quand ils en ont besoin.
GHOOLÉE-BEENBAN,vampire, GIRAR.D, (Jean-Baptiste) jésuite né à
ou ghole. Les Afghans croient que chaque
Dôle eu 1680. Les ennemis de la société de
solitude, chaque désert de leur pays, estha- Jésus n'ont négligé aucun effort pour le pré-
bité par un démon, qu'ils appellent le G.hoo-
senter comme un homme de scandale. Ils
lée-Beenban,ou le spectre de la solitude. Ils l'ont accusé d'avoir séduit une fille nommée
désignent souvent la férocité d'une tribu en Catherine Cadière et sur ce thème ils ont
disant qu'elle est sauvage comme' le démon
du désert.. bâti tous les plus hideux romans. Cette fille,
folle on malade sembla possédée dans les
GIALL, fleuve des enfers scandinaves on idées du temps, ou le fut peut-être, et on dut
le passe sur un pont appelé Giallar. l'enfermer auxUrsulines de Brest. Sur quel-
G1AN-BEN-GIAN, voy. Génies.' ques divagations qu'elle débita, un procès
G1BEL, montagne volcanique, au sommet fut intenté par le parlement d'Aix. Mais tou-
de laquellé.se trouve un cratère d'où l'on en- tes choses examinées et pesées, il'fallut se'
tend, lorsqu'on prête l'oreille, des gémisse- borner à rendre Catherine Cadière à sa fa-
ments et un bouillonnement effroyable. Les mille: On ne put pas même trouver moyen
Grecs jetaient, dans .ce soupirail des vases d'impliquer le père Girard dans cette affaire,
d'or et d'argent, et regardaient comme, un commecoupable, quoiqu'on eût ameuté trois
(1) I.eloyer,Histoire des spectres ou apparitions des "(2) Wierus^dePraest^p.WÔ.
esprits, p. 50.
DlGTlONN. DES SCIENCES OCCULTES.I. 2V
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DICTIONNAIRE DE$
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Agrippa présente l'idée
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parlement et les philosophes. Ce qui n'a qu'on avait des sorciers en France sous
pas empêché les écrivains anti-religieux de Louis XIII, le passage que Swift leur a con-
faire revivre sur son compte des calomnies sacré au siècle suivant ne mérite pas moins
condamnées. d'être mis sous les yeux du lecteur. On le
GIRTÀNNER, docteur de Gottingue, qui. trouve aux chapitres. vu et vm du troisième
a annoncé que dans le dix-neuvième siècle; Voyage de Gulliver. ,i
tout le monde aurait le secret de la trans- « Glubbdubdrib, si j'interprète exactement
mutation des métaux; que chaque chimiste le mot, signifie l'île des sorciers ou des m'a–,
saurait faire de l'or; que les instruments de, giciens. Elle a trois fois l'étendue de l'île,,
cuisine seraient d'or et d'argent; ce qui de Wighl;. elle est très-fertile. Cette île est
contribuera beaucoup, dit-il, à prolonger la; s.ous la puissance d'un chef d'une tribu
vie, qui se trouve aujourd'hui compromise toute .composée de sorciers, qui rie s'allient
par les oxydes de cuivre, de plomb et de} qu'entre.eux, et dont le prince est toujours
fer que nous avalons avec notre nourri- le plus ancien de la tribu.
ture (1). Les bons chimistes actuels parta- «Ce prince ou gouverneur a un palais
gént cet avis. ·- magnifique et un parc d'environ trois mille
GITANOS, mot espagnol qui veut dire acres, entouré d'un mur de pierres de taille.
Egyptiens. Voy. BOHÉMIENS. 1 haut de vingt pieds. Ce parc renferme d'àu-
G1WON, esprit japonais. Les Habitants tres petits enclos pour les bestiaux, le blé.
croient qu'il veille particulièrement à la et les jardins. Le gouverneur et sa famille.
conservation de leur vie, et qu'il peut les sont servis par des domestiques d'une espèce)
préserver de tout accident fâcheux, comme assez extraordinaire. Par la connaissance'
des chutes, des mauvaises rencontres, des qu'il a de la nécromancie, il possède le pour-
maladies, et surtout de la petite. vérole.J voir d'évoquer les morts et de les obliger à
Aussi ont-ils coutume de placer sur la porte le servir pendant vingt-quatre heures ja->
de leurs maisons l'image de Giwori." mais plus longtemps et il ne peut évoquer
GRANVILLE curé anglican d'Abbey- le même esprit qu'à trois mois d'intervalle,
Church à Bath, mort en 1680. On lui attri- à. moins que ce ne soit pour quelque grande
bue un traité des Visions et apparitions in-8°, occasion.
Londres, 1700; mais il est certainement au- « Lorsque nous abordâmes à l'tle, il était
teur d'un ouvrage intitulé Considérations environ onze heures du matin. Un de .mes»
philosophiques touchant l'existence 'des sbȔ- deux compagnons alla trouver le gouver-
ciers et la sorcellerie, 1666, iri-&°. neur, et lui. dit. qu'un étranger souhaitait
GLAPHYRA, épouse d'Alexandre, ,61s de' avoir l'honneur, de .saluer son altesse. Ce
cet effroyable Hérode, qu'on à appelé Hé- compliment fut bien ieçu. Nous entrâmes
rodé le Grand. Cette princesse ayant perdu tous trois dans la cour du palais, et nous
Alexandre, se maria avec Archélàus', son passâmes au milieu d'une haie de garder
beau-frère, et mourut la nuit même de ses armés et habillés d'une manière très- an-"
noces, l'imagination troùblée par la vision' çieune, et d.ont la physionomie avait, quel-
de son premier époux qui semblait lui que chose qui me, causait une horreur indi-
.reprocher ses secondes noces avec soii. cible. Nous, traversâmes les appartements ,>'
frère (2). et rencontrâmes une foule de domestiques,
GLASIALABOLAS, Voy. Caacrinolaa's. de lâ; même sorte, avant de parvenir jusqu'à
GLOCESTER. Sous Henri VI, tes ennemis, la chambre du gouverneur.
de là duchesse de Glocestér voulant la pef- « Après que nous-eûmes fait trois révé-f
dre, l'accusèrent d'être sorcière. On préten- rences profondes, il, nous fit asseoir sur de:
dit qu'elle avait eu des entretiens secrets petits tabourets au pied de son trône. Il m'a-
avec Roger Bolingbrocke, soupçonné de né- dressa différentes Questions au sujet de nies,
cromancie, et Marie Gardeinain,-rép'utéesor- voyages; et, pour marquer .qu'il voulait en
cière. On déclara que ces trois personnes agir avec moi sans cérémonie, il fit signé
réunies avaient, à l'aide de cérémonies dia- avec le doigt à tous ses gens de se retirer
boliques, placé sur un fou lent une effigie et en un instant, eé qui ni'étônna beaucoup,,
du roi, faite eh cire, dans l'idée que tes forces ils disparurent comme tes visions d'uri rêve.
de ce prince s'épuiseraient à mesure que la' « J'eus de la peine a nie rassurer. Mais le,
cire fondrait; et qu'à sa totale dissolution, la1 gouverneur m'ayant dit que je n'avais rien à
vie de Henri VI serait terminée. Une. telle craindre, et voyant mes deux compagnon^
accusation devait s'accréditer sans peine parfaitement tranquilles, parce qu'ils étaient
dans ce siècle crédule; plus elle s'éloignait faits à ce spectacle, je commençai à' prendre
du bon sens, plus elle semblait
digne de foi. courage, et racontai à son altesse tes diffé-
Tous trois furent déclarés coupables, et ni rentes aventures de mes voyages, non sans
le rang ni l'innocence ne purent les sauver. un peu d'hésitation, ni sans regarder plus
La duchesse fut condamnée à un emprisori- d'une fois derrière moi la place où j'avais vu
nement perpetuel. Roger Bolingbrockependu, les fantômes disparaître.
etMarie Gardemain brûlée dans Smitfield « J'eus l'honneur de dîner avec lé gouver-
(3).
GLUBBDUBDRIB. Si le fragment de Cy- neur, qui nous fit servir par une nouvelle
(1) Philosophiemagique t. VI, p. 383,citée dans les esprits, chap.23 p. 436.
Curiositésde la littérature t. Ier, p. 262. (5) Goldsmlib,Histoire d'Angleterre
(2) Leloyer, Hist.des spectres et des apparitionsdes j..4
749 GLU GLU 750
T.
troupe de spectres. Je remarquai que m'a mées. Mais il me serait impossible d'expri-
frayeur était moins grande à cette seconde mer là satisfaction que j'éprouvai, de ma-
apparition. Nous fûmes à tablo jusqu'au nière à la faire partager à ceux qui liront
coucher du soleil. Je priai son altesse de ces pages.
permettre que je ne couchasse pas dans son « Désirant voir les anciens les plus renom.
palais, comme il avait la bonté de m'y enga- mes pour l'esprit et la science, je voulus
ger et mes deux amis et moi nous allâmes' leur consacrer un jour. Je demandai que
chercher un lit dans la ville voisine, capitale l'on fit apparaître Homère et Aristote à la
de la petite Ile. tête de leurs commentateurs; mais ceux-ci
« Le lendemain malin, nous revînmes étaient tellement nombreux, qu'il y en eut
rendre nos devoirs au gouverneur, comme plusieurs centaines qui furent obligés d'at-
il avait bien voulu nous le recommander; tendre dans les antichambres et dans les
et nous passâmes de cette manière une di- cours du palais. Au premier coup d'oeil, je
zaine de jours dans cette île, demeurant la reconnus ces deux grands hommes, et les
plus grande partie de la journée avec le distinguai non-seulement de la foule, mais
gouverneur, et la nuit à notre auberge. Je aussi l'un de l'autre. Homère était le plus
parvins à me familiariser tellement avec les grand et avait meilleure mine qu'Aristote. II
esprits, que je n'eu eus plus peur du tout, se tenait très-droit pour son âge, et ses yeux
ou du moins, s'il m'en restait encore un peu, étaient les plus vifs, les plus perçants que
elle cédait à ma curiosité. j'eusse jamais vus. Aristote se courbait beau-
« Son altesse me dit un jour de lui nom- coup et il se servait d'une canne. Son visage
mer tels morts qu'il me plairait, qu'il me était maigre, ses cheveux rares et lisses, sa
les ferait venir et les obligerait de répondre voix creuse. Je m'aperçus bientôt qu'ils
à toutes les questions que je leur voudrais étaient l'un et l'autre parfaitement étrangers
faire, à condition toutefois que je ne les in- au reste de la compagnie, et n'en avaient
terrogerais que sur ce qui s'était passé de pas entendu parler auparavant.
leur temps, et que je pourrais être bien as- a Un spectre, que je ne nommerai point,
suré qu'i'ls me diraient toujours vrai; car le me dit à l'oreille que ces commentateurs se
mensonge est un talent inutile dans l'autre tenaient toujours le plus loin qu'ils pou-
monde. J'acceptai avec 'de très-humbles vaient de leurs auteurs dans le monde sou-
actions de grâces l'offre de son altesse. terrain, parce qu'ils étaient honteux d'avoir
«Nous étions dans une pièce d'où l'on si indignement représenté à la postérité lés
avait une très-belle vue sur le parc; et, pensées de ces grands écrivains.
comme mon premier souhait fut de voir des « Je priai le gouverneur d'évoquer Des-
scènes pompeuses et magnifiques, je deman- cartes et Gassendi et j'engageai ceux-ci à
dai à voir Alexandre le Grand à la tête de expliquer leurs systèmes à Aristote. Ce grand
son armée, tel qu'il était à la bataille d'Ar- philosophe reconnut ses erreurs dans la
belles. Aussitôt, sur un signe du gouver- physique, lesquelles provenaient de ce qu'il
neur, le prince grec parut sur un vaste avait. raisonné d'après des conjectures
champ au-dessous de la fenêtre où nous comme tous les hommes doivent le faire; êt
étions. il nous fit remarquer que Gassendi et les
« Alexandre fut invité à monter dans la tourbillons de Descartes avaient été à leur
chambre. J'eus beaucoup de peine à enten- tour rejetés. Il prédit le même sort à l'at-
dre son grec, n'étant pas moi-même très- traction que les savants de nos jours sou-
versé dans cette langue. Il m'assura, sur son tiennent avec tant d'ardeur. Il disait que
honneur, qu'il n'avait pas été empoisonné, tout système nouveau sur les choses natu-
mais qu'il était mort d'une fièvre causée par relles u'était qu'une mode nouvelle et devait
un excès de" boisson. varier à chaque siècle, et que ceux qui pré-
Je vis ensuite Annibal passant les Al- tendaient les appuyer sur des démonstra-
pes et il me dit qu'il n'avait pas une seule tions mathématiques auraient de même
goutte de vinaigre dans son camp. une vogue momentanée et tomberaient en-
« Je vis César et Pompée à la tête de leurs suite dans l'oubli.
troupes prêtes à se charger. Je vis le pre- «Je passai cinq jours à converser avec d'au-
mier dans son grand triomphe. Je voulus tres savants hommes de l'antiquité. Je vis la
voir le sénat romain dans une grande salle, plupart des empereurs romaius. Le gouver-
avec une assemblée législative moderne ran- neur eut la complaisance d'évoquer les cuisi-
gée de l'autre côté. Le sénat me sembla une niers d'Héliogabale pour apprêter notre dî-
réunion de héros et de demi-dieux; l'autre ner;maisilsne purent nous mon trer toute leur
assemblée m'avait l'air, d'un tas de porte- habileté, faute de matériaux. Un ilote d'A-
balles, de filous, de voleurs de grand chemin gésilas nous fit un plat de brouèt noir lacé-
et de matamores. démonien, et nous ne pûmes avaler la se-
« Je fatiguerais le lecteur si je citais le conde èuillerée de ce mets.
grand nombre de personnages illustres qui « Mes découvertes sur l'histoire moderne
fut évoqué pour satisfaire au désir insatia- furent mortifiantes.- Je reconnus que des
ble que j'avais de voir toutes les périodes de historiens ont transformé des guerriers im-
l'antiquité, mises sous mes yeux. Je les ré- béciles et lâches en grands capitaines, des
jouis principalement par la contemplation insensés et de petits génies en grands politi-
des destructeurs, des tyrans, des usurpa- ques, des flatteurs et des courtisans en gens
teurs et des libérateurs des nations oppri- de bien, des athées en hommes pleins de re-
751 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 752
ligion, d'infâmes débauchés en gens chastes, GOAP, roi des démons de midi. On peut
et des délateurs de profession en hommes l'évoquer de trois heures du matin à midi, et
Vrais et sincères. Un général d'armée m'a- de neuf heures du soir à minuit (2).
voua qu'il avait une fois remporté une vic- GOBBINO, Voy. IMAGINATION.
toire par sa poltronnerie et son imprudence GOBELINS, espèce de lutins domestiques
et un amiral me dit qu'il avait battu malgré qui se retirent dans les endroits cachés de la
lui une flotte ennemie, lorsqu'il avait envie maison, sous des tas de bois. On les nourrit
de laisser battre la sienne. des mets les plus délicats, parce qu'ils ap-
« Comme chacun des personnages qu'on portent à leurs màtlres du blé volé dans les
évoquait paraissait tel qu'il avait été dans greniers d'autrui.
le monde, je vis avec douleur combien le On dit que la manufacture des Gobelins à
genre humain avait dégénéré. » Paris doit son nom à quelques follets q«i
GNOMES, esprits élémentaires amis de dans l'origine, venaient travailler avec les
l'homme, composés des plus subtiles parties ouvriers et leur apprendre à faire de beaux
de la terre, dont ils habitent les entrailles, tapis. C'est d'eux, ajoute-t-on, qu'on tient le
selon les cabalistes. La terre, disent-ils, secret des riches couleurs.
est presque jusqu'au centre remplie de gno- On appelait Gobelin ce démon d'Evrcux
mes, gens de petite stature, gardiens des que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant
trésors, des mines et des pierreries. Ils ai. montré un respect particulier au saint exor-
ment les hommes, sont iugénieux et faciles ciste, obtint la permission de ne pas retour-
à gouverner: Ils.fournissent aux cabalistes ner en enfer, et continua de hanter la ville
tout l'argent qui leur est nécessaire, et ne sous diverses formes, à condition qu'il se
demandent guère, pourprixde leurs services, contenterait de jouer des tours innocents
que la gloire d'être commandés. Les gnomi- aux bons chrétiens de l'Eure.
des, leurs femmes sont petites, mais agréa- Le Gobelin d'Evrcux semble s'être ennuyé
bles et vêtues d'une manière fort cu- de ses espiègleries depuis quelques années,
rieuse (1). et il a rompu son ban pour aller tourmenter
Les gnomes vivent et meurent à peu près les -habitants de Caen. L'un de ces derniers
comme les hommes; ils ont.des villes et se hivers, les bourgeois de la bonne ville de
.rassemblent en sociétés. Les cabalistes pré- Guillaume le Bâtard furent souvent effrayés
tendent que ces bruits qu'on entendait, au de ses apparitions. Il s'était affublé d'une
rapport d'Aristote, dans. certaines îles, où armure blanche, et se grandissait jusqu'à
pourtant on ne, voyait personne, n'étaient pouvoir regarder à travers les fenêtres des
autre chose que les réjouissances et les fêtes étages les plus élevés. Un vieux général ren-
.de noces de quelque gnome. Ils ont une âme contra ce diable importun dans un impasse
mortelle; mais ils peuvent se procurer l'im- et le défia, mais Gobelin lui répondit Ce
mortalité en contractant des alliances avec n'est pas de toi que j'ai reçu ma mission, ce
les hommes. Voy. CABALE,Pygmées, Nains, n'est pas à toi que je dois on rendre compte.
GOBELINS,KOBOLD,etc. Lé général ayant insisté, six diables blancs
GNOSTIQUES, hérétiques^qui admettaient de la même taille sortirent tout à coup de
une foule de génies producteurs de tout dans terre, et le général jugea prudent de battre
le monde. Leur nom signifie illuminés; ils en retraite devant le nombre. Le journal du
l'avaient pris parce qu'ils se croyaient plus département rendit justice à son courage
,éclairés que les autres hommes. Ils parurent mais le général n'eut pas moins besoin de
au premier et au second siècle, principale- se faire saigner par le docteur Vastel. Voy.
ment dans l'Orient. Ils honoraient, parmi LUTINS, FOLLETS. KOBOLD,etc.
les génies ceux qu'ils croyaient avoir GOBES. On appelle gobes, dans la campa-
rendu au genre humain les bons offices les gne, des boules sphériques que l'on trouve
plus importants. Ils disaient que le génie quelquefois dans l'estomac des animaux ru-
qui avait ..appris aux hommes à manger le minants, et qui sont formées de poils avalés
fruit de l'arbre de la science du bien et du spontanément, mêlés de fourrages et agglu-
mal avait fait pour nous quelque chose de tinés par les sucs gastriques. On persuaderait
très-signalé. Ils l'honoraient sous la figure difficilement à la plupart des gens dé la
qu'il avait prise, et tenaient un serpent en- campagne, que ces boules ne sont pas l'effet
fermé dans une cage :.lorsqu'ils célébraient d'un sort (3).
teurs mystères, ils ouvraient la cage et appe- GODESLAS. Lorsqu'on prêcha la première
laient te serpent, qui montait sur une table croisade dans le diocèse de Maëstricht, une
.où étaient les pains, et s'entortillait alentour. bulle permetlant aux vieillards et aux infir-
C'est ce qu'ils appelaient leur eucharistie. mes de s'exempter du voyage de Terre-Sainte
Les gnostiques auxquels se rattachaient -moyennant une certaine contribution, un
les basilidiens les ophites, les simoniens, meunier nommé Godeslas qui était en
les carpocratiens etc., tentèrent contre le même temps riche, vieux et usurier, s'arran-
catholicisme de grands efforts. Leur serpent, gea de manière' qu'il ne donna que cinq
non plus que, les autres, n'y. put faire qu'u- marcs d'argent pour avoir là liberté de rester
ser ses dents. Voy. Tête DE Bophomet, à son moulin. Ses voisins rapportèrent à celui
ÉONS, etc. qui levait l'impôt que lé meunier Godeslas
(1) II y a apparenceque ces contesde gnomes doivent (2) Wierus,lu Pseudomonarchiadsemon.
leur origine aux relationsde quelques anciens voyageurs •(5)Sa)gues,des Erreurs et des préjugés, t. II. p, il.
«n Lapônie.
755 GOD GON 75»
pouvait donner quarante marcs sans se gê- on a attribué, dans ians les
les différents â< une
différents âge?,
ner, rtfsans diminuer l'héritage de ses en- puissarice' surnaturelle.,
fants; mais il soutint le contraire, et per- GOETHE, auteur du drame de Faust. Voy.
suada si bien le dispensateur, qu'on le laissa Faust.
'tranquille. Son imposture, dit la légende, fut GOÉTIE, art d'évoquer les esprits malfai-
• sants, pendant la nuit obscure, dans des ca-
punie.
Un soir que, dans le cabaret, il avait raillé vernes souterraines'àla proximité des tom-
les pèlerins qui-faisaient le saint voyage, beaux et des ossements des morts,; avec sa-
'leur disant: Il faut convenir que vous crifice de victimes noires, herbes magiques,
êtes fous d'aller traverser les mers et risquer lamentations, gémissements. et offrande de
votre vie, tandis que, pour cinq marcs d'ar- jeunes enfants dans les entrailles desquels on
gent, je reste dans ma maison, et que j'aurai cherchait l'avenir. Voy. Thédhgie.
autantde mérite que vous; il advint ce qui GOGUIS, démons de.forme humaine qui
suit • • accompagnent les pèlerins' du Japon dans
De retour en son logis, le meunier s'étant leurs voyages, les font entrer dans une ba-
couché entendit tourner la meule de son lance et les contraignent de dire leurs pé-
moulin et toute la machine se mettre en chés. Si les pèlerins taisent une de leurs.s
mouvement d'elle-même, avec le bruit accou- fautes dans cet examen, les diables font pen-
tumé. Il appela le garçon, et lui dit d'aller cher la balance de sorte qu'ils ne peuvent
voir qui faisait tourner le moulin. Celui-ci y éviter de tomber dans un précipice où ils so
alla, mais il fut si effrayé, qu'il rentra sans rompent tous les membres (2). •
trop savoir ce qu'il avait vu. Ce qui se GOHORRY (Jacques), écrivain alchimiste.
passe dans votre moulin m'a tellement épou- Voy. Flamel..
vanté, répondit-il, que, quand on m'assom- GOITRES. Les Arabes prétendent guérir
merait,je n'y retournerais point. cette infirmité avec des amulettes. Le docteur
Fût-ce le diable, s'écria le meunier, j'i- Abernethy, que l'on consultait sur la manière
rai et je le verrai. de dissiper un goitre, répondit :« Je crois
Il saute donc à bas du lit; il met ses chaus- que le meilleur topique serait de siffler. »
ses, il ouvre la porte de son moulin, il entre GOMORY, fort et puissant duc des enfers
et voit deux grands chevaux noirs gardés par il apparaît sous la forme d'une femme, uno
un nègre, qui lui dit Monte ce cheval, il couronne ducale sur la tête, et monté sur un
est toi. chameau; il répond sur le présent, le passé
• Lepréparé pour et l'avenir; il fait découvrir les trésors ca-
meunier, tremblant, cherchait à s'es-
quiver le diable lui cria d'une voix terrible: chés il commande à vingt-six légions (3).
Plus de retard 1 ôte ta robe, et suis-moi. GONDERIC,-roi des Vandales, qui fut, à
Or, 'Godeslas portait une petite croix atta- .l'exemple de Geyseric et de Bucer, éventré
• chée à sa robe; il ne réfléchit point que ce par le diable, et dont l'âme, selon les chro-
.niqueurs, fut conduite en enfer (4).
signe le garantissait; il. fit ce qu'on lui com-
mandait, et grimpa sur le' cheval- noir, ou GONIN. Les Français d'autrefois don-
plutôtsurledémonqu'on lui disait démonter. naient le nom de maitre-gonin à leurs petits
Le diable se jeta sur l'autre cheval, et ces sorciers, charmeurs, escamoteurs et faiseurs
quatre personnages s'éloignèrent, allant aux de tours de passe-passe (S)-
enfers. Là on fit voir au meunier une chaise GONTRAN.. Helinand conte qu'un soldât
enflammée, où l'on ne pouvait attendre ni nommé Gontran, de la suite de Henry, ar-
tranquillité, ni repos, et on lui dit Tu chevêque de Reims, s'étant endormi en pleine
vas retourner dans ta -maison, tu mourras campagne, après le dîner, comme il dormait
• dans trois jours, et tu reviendras ici pour y la bouche ouverte ceux qui l'accompa-
passer l'éternité tout entière sur cette chaise gnaient,etqui étaient éveillés, virentsortirde
brûlante. sa bouche une bête blanche semblable à uno
A ces paroles, le diable reconduisit, Go- petite belette, qui s'en alla droit à uu ruis-
-seau assez près de là. Un homme d'armes la
deslas à son moulin. Sa femme, qui trouvait
son absence longue, se leva enfin, et fut voyant monter et descendre le bord du ruis-
seau pour trouver un passage, tira son épée
étonnée de' le voir, étendu sur le carreau, et en fit un petit pont sur lequel elle passa et
mourant de peur. Comme il parlait de l'enfer, courut plus loin.
'du diable, de la mort, d'une chaise ardente, Peu après, on la vit revenir, et le même
on envoya chercher un prêtre pour le rassu-
homme d'armes lui fit de nouveau un pont de
rer. Je n'ai pas besoin de me confesser,
dit-il au prêtre, mon sort est fixé. Ma chaise .son épée. La bête passa une seconde fois et
s'en retourna à la bouche du dormeur; où
est prête, ma mort arrive dans trois jours; elle rentra.
ma peine est inévitable. Et ce malheu- Il se réveilla alors et commè on lui de-
reux mourut sans vouloir se reconnaître (1).
mandait s'il n'avait point rêvé pendant son
G0DW1N, écrivain anglais qui a pu- sommeil, il répondit qu'il se trouvait fatigué
blié la Vie .des Nécromanciens ou histoire et pesant, ayant fait une longue course et
des personnages les plus célèbres auxquels passé deux fois sur un pont de fer.
(1) lib. (3) Wierus, In Tabl.
Pseudomon.daemorium.
rap. 7. CœsariiHeislerbach.deContrilione, 2 Mirac,
eap.7. (4) Delancré de l'incon'stancedes démons,etc.,
(2) Leloyer,Hist. desspectres ou appar. des esprits, p. S.
«h. II, p. 336 (5) BoJin Démonomanie,p 148.
Ï55 DICTIONNAlhEDES SCIENCESOCCULTES. .758
Mais ceqrii est plùs-merveilleùx, c'est qu' il grain qui brute annonce disette et cherté dans
alla par le-chemin qu'avait suivi la belette le mois qu'il désigne; et si tous les grains
qu'il bêcha au pied d'une petite colline (et disparaissent, c'est le signe assuré d'une an-
qu'il déterra un trésor que son âme avait v ut née de misères. Triste divination 1
en songe. GRAISSE DES SORCIERS. On assure que le
Le diable, dit Wierus, se sert souvent de ce s diable se sert de graisse humaine pour ses
machinations pour tromperies hommesetteu r maléfices. Les sorcières se frottent de cette
faire croire que l'âme, quoique invisible, esit graisse pour aller au sabbat par la chemi-
corporelle et meurt avec le corps car beau née; mais celles de France croient qu'eu se
coup de gens ont cru que cette bête blanch e mettant un balai entre les jambes, elles sont
était l'âme de ce soldat, tandis que c'était une .transportées sans graisse ni onguents. Celles
imposture du diable. d'Italie ont toujours un bouc à la porte pour
GOO, épreuve par le moyen de pilules die les transporter.
papier que les jammabos,. fakirs du Japon GRALON, Voy. Is.
fout avaler aux personnes soupçonnées il'ui i GRANDIER ( URBAIN).L'histoire d'Urbain
roi ou de quelque autre délit. Ce papier es t Grandier est encore une de ces tristes intri-
rempli de caractères magiques et de repré- gues dont nous n'avions pas eu jusqu'ici la
sentations d'oiseaux noirs; le Jammabos 1f clef. La relation des possessions où il fut im-
met ordinairement son cachet. Le peuple es t pliqué a été entreprise par plusieurs écri-
persuadé que si celui qui prend cette pilul< vains, presque tous ignorants ou malintcn-
est.co,upable, il ne peut la digérer et souffn 3 tionnés, surtout le calviniste Saint-Aubin,
'cruellement jusqu'à ce qu'il confesse son cri' dont VHistoiredes diables de Louduna
trompé
me. Voy. JChcmano-Goo. beaucoup de monde. Heureusement aujour-
GORSON, l'un des principaux démons, ro i d'hui nous avons d'autres guides. On a pu-
de l'Occident; il est visible le matin à neu f blié en 1839, du bon et pieux père Surin, un
heures (1). livre jusque-là resté inédit (3), et. qui, laissé
GOUFFRES, on en a souvent fait des ob- par un témoin irréprochable, nous permettra
jets d'effroi. Sur une montagne voisine de d'élre plus véridique.
Villefranche on trouve trois gouffres oui Un couvent d'Ursulines avait été établi à
étangs considérables, qui sont toujours le Loudun en 1626. Sept ans après, il y éclata de
théâtre des orages; les habitants du pays sinistres symptômes. II y avait eu de grands
croient que le diable est au fond, et qu'il ne procès entre deux chanoines de la collégiale
'faut qu'y jeter une pierre pour qu'il s'élève de Sainte-Croix de Loudun. L'un était M. Mi-
aussitôt sur ces étangs une tempête. gnon, homme sage et vertueux, et l'autre Ur-
GOUL, espèce de larves'ou sorcières-vam- bain Grandier, homme lettré, spirituel, caus-
pires qui répondent aux empuses des anciens. tique et plus dissipé que ne comportait sa
C'est la même chose que ghole. condition, comme disent les écrits du temps.
GOULEHO, génie de la mort chez les habi- 11 se répandait dans le monde, n'affectait
pas
tants des îles des Amis. Il gouverne une sorte des mœurs fort rigoureuses, et faisait sous le
de royaume sombre où se rendent les âmes. voile de l'anonyme des chansons et des pam-
GRAA, sorte d'immortelle (plante) que les phlets; ce qui convient assez peu à un prê-
Islandais. employaient autrefois à la magie,et tre. On lui attribue la brochure politique
qui servait aussi à écarter les sorciers. intitulée la Cordonnière de Loudun, petit écrit
GRAINS BENITS. On se sert encore dans dirigé contre Richelieu.
les campagnes (et cette coutume est désap- Mignon, généralement reconnu pour un
prouvée par l'Eglise commesuperstitieuse ) homme de bien, fut choisi par les religieuses
de certains grains bénits qui ont la propriété pour la direction de leurs consciences. Gran-
de délivrer les possédés par l'attouchement, dier, qui eût voulu avoir accès auprès de ces
d'éteindre les incendies et les embrasements, dames, échoua dans tous ses efforts aucune
de garantir du tonnerre, d'apaiser les tem- ne voulut même le voir. La haine qu'il por-
pêtes, de guérir la peste, la fièvre, la para- tait à Mignou et le dépit qu'il conçut dès-
lysie, de délivrer des scrupules, des inquié- lors contre tes Ursulines l'entraînèrent dans
tudes d'esprit, des tentations contre la foi, du une manoeuvre dont on ne le croyait pas ca.
désespoir, des magiciens et des sorciers (2). pable. Lé procès qui survint l'on convain-
GRAINS DE BLE, divination du jour de quit, bien qu'il n'ait jamais avoué que son
Noël. Dans plusieurs provinces du Nord, on fait fût une œuvre de magie noire.
fait, le jour de Nool, une cérémonie qui ne Citons ici une réflexion de l'éditeur du li-
doit pas manquer d'apprendre au juste com- vre que nous suivons (4) a Le principal mo-
bien on aura de peine à.vivre dans le courant tif qui faisait nier la possession de Loudun,
de l'année. Les paysans surtout pratiquent était l'impossibilité ou l'absurdité prétendue
cette divination. On se rassemble auprès d'un des phénomènes allégués en preuve. Cette im-
grand feu, on fait rougir une plaque de fer possibilité ou cetteabsurdité peut-elle être lé-
ronde, et, lorsqu'elle est brûlante, on y place gitimement opposée, maintenant que les plus
douze grains de blé sur douze points mar- incrédules reconnaissent, ou du moins n'o-
qués à la craie, auxquels on a donné les sent pas contester la réalité de tant d'autres
noms des douze mois de l'année. Chaque phénomènes analogues, tout aussi extraor-
(1) Wierus, Pseudom.daem.,p. 931. l'enfer. Avignon,Seguinatné, 1839.l.vol. in-12.
(2) Lebrun,Hist.des superstitions, 1.1", p. 397. [4) Triomphe Je t' Amour divin, etc. Avisde l'éditeur,
Q3)Triomphe de l'Amourdivin sur les puissancesde p. xi.
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.:1 1.. 1 18
dinaires, tout aussi bizarres, tout aussi pro- cer qu'il était condamné au feu; ce qui fut
'digieux, qui,' dit-on, se produisent chaque exécuté sur le grand. marché de Loudun.
Jour par le moyen du magnétisme? s' Une bande de corbeaux, dont quelques-
'i -Donc, pour trancher le mot, Urbain Gran- uns ont .fait une troupe de pigeons, volti-
idier résolut, non pas de magnétiser les Ursù- geait autour du •bûcher.

Il parait qu;il mourut
lines (le mot n'existait pas encore), mais de mal.
les ensorceler, de letir donner des diables, de Après sa mort, la possession n'étant pas vain-
«les'rendre possédées, de les livrer à des con- cue, les exorcismes continuèrent. Les démons
vulsions, et d'amener surtout cet effet qu'él- qu'il fallait chasser sont nommés Asmodée,
les devinssent éprises de lui, quoiqu'elles ne Léviathan, Béhémoth, Eliini, Grésil, Aman,
le connussent pas. Il exécuta son dessein de Easas, Astarolh, Zabulori, etc. Le père Lac-
cette sorte une branche de rosier chargée tance mourut de fatigue; il fut remplacé par
de plusieurs roses charmées ( les magnéti- le père Dupin; et en.6n le roi chargea des jé-
seurs comprendront parfaitement ce fait) fut suites de dompter cette hydre. Un très-saint
1 jetée dans.le couvent. Toutes celles qui les homme et très-instruit, le père Surin, qui
flairèrent .furent saisies d'esprits malins, et prêchait avec grands succès à Marennes, fut
livréesà à un ensorcellement qui les faisait sou- délégué à cette opération difficile. C'était un
pirer après' Urbain Grandier, qu'elles n'a- homme frêle et maladif, mais d'une grande
vaient jamais vu, Dieu permettant ainsi piété. Il finit par obtenir une victoire com-
cette plaie et cette perturbation de leurs sens, plète. Toutefois il ne sortit pas de cette lutte
.pour des raisons que nous n'avons ni le sans en porter de rudes cicatrices; car pen-
droit ni .le besoin d'approfondir. Elles étaient dant longues années, par la permission de
comme en démence, se retiraient dans les Dieu, dont les secrets ne nous sont pas tous
lieux écartés appelaient Grandier; et lors- connus, le père Surin vécut obsédé et souffrit
que, soit par une hallucination, soit par un des peines qui ont fait de sa vie un martyre.
acte de Satan, la figure imaginaire ou réelle Voy. son livre que nous avons indiqué.
de Grandier paraissait devant elles subite- GRANGE DU DIABLE. On voit,encore, à
ment, elles le fuyaient avec horreur; car le la ferme d'Hamelghem qui appartient à
cœur de ces pauvres filles restait pur; leurs M. d'Hoogsvorth et qui est tenue par
sens étaient seuls assiégés. M. Sterckx, frère de l'archevéquo de Ma-
Aucune d'elles ne consentit jamais aux lines, ferme dépendante de.la commune d'Os-
suggestions qui les éprouvaient. sell, entre Meysse et Ophem, à une bonne
Mignon, assisté d'un sage curé, exorcisa la lieue de Vilvorde, à trois lieues de Bruxelles
prieure, qui était en proie à d'étranges cri- en allant par Laeken on voit, dis-je dans
ses, et dont le corps parfois restait élevé de cette ferme une,grange, qui passe pour la
terre par une puissance occulte. La chose fit plus vaste du pays mais qui en est assuré-
bientôt tant de bruit, qu'on dut la déférer ment la plus remarquable et qu'on appelle
aux magistrats ordinaires. Le roi même, in- là Grange du Diable (Duyvel's dak).
struit de ce qui se passait, ordonna à Martin Voici l'histoire de cette grange qui n'est
de Laubardemont, intendant de la justice appuyéeau reste que sur des récits populaires.
dans la province, de prendre la conduite du Il est vrai que ces récits ont été peu contestés,
procès. et que la tradition orale, qui a conservé,l'ori-
Cet homme, trop noirci, mit dans l'instruc- gine et le nom de la Grange du Diable est
tion la lenteur et la modération la plus loua- une croyance à peu près universelle dans la
ble. Il assembla pour juger un cas si grave contrée.
quatorze juges de divers présidiaux voisins, 11 y a longtemps que cette grange est de-
Poitiers, Angers, Tours, Orléans, Chinon, bout ceux qui l'ont vu construire ne sont
La Flèche, etc. Un bon religieux recollet, le plus de ce monde. 11 ne nous a pas été pos-
père Lactance, exorcisait les possédées en sible de découvrir l'époque précise où elle
présence de l'évêque de Poitiers et d'un fut bâtie. Alors la ferme d'Hamelghem était
grand concours d'hommes éclairés, pendant occupée par un homme laborieux et actif,
que les juges recueillaient les dépositions à qui se nommait Jean Meulens. Il vivait heu-
la charge de Grandier. On trouva sur son reux, du produit de sa ferme qu'il cultivait
corps, chose singulière 1 les marques dont les avec ses frères dont il était l'appui. Il avait
sorciers ne manquaient jamais d'être tatoués. .épousé une jeune femme qu'il aimait et qui
Il fut démontré qu'il était l'auteur de la pos- pour la seconde fois était enceinte; les mois-
session des pauvres sœurs; et quand même sons étaient venues riches et abondantes;
ïl Veut pas été sorcier, l'enquête eût prouvé rarement il s'était présenté une année 'aussi
du moins sa mauvaise vie et ses mauvaises, belle; les récoltes étaient s'plendidês la si-
mœurs. On saisit dans ses papiers un livre tuation -de Jean était prospère et son
scandaleux qu'il écrivait contre le célibat sort digne d'envie lorsque par une cruelle
des prêtres. Mais ou n'y trouva pas, comme nuit du mois d'août le tonnerre tomba sur
t'out dit de mauvais plaisants, l'original du sa grange, et la réduisit en cendres, sans lais-
pacte qu'il avait pu faire avec lé diable; et ser un débris de chevron.
les pièces qu'on a publiées dans ce genre ont C'était le moment où l'on allait rentrer-les
été fabriquées après coup. grains; de belles moissons, fruits heureux
Grandier fredonnait dans sa prison une d'une année de travaux, d'un ciel indulgent,
chanson du temps L'heureux séjour de Par- d'une saison magnifique, étaient amoncelées
tfiénice et d'Alidor, lorsqu'on vint lui annon- dans les champs dépouillés. Et tout à coup il
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ln»
leur manquait un abri. Jean Meolens
w m~nm qui habiles. Jamais une activité comme celle
s'était couché heureux et opulent, se levait qu'on lui offrait ne lui avait semblé possible.
avec la cruelle perspective d'une ruine com- -Et 'quel prix mettez-vous à ce service î
plète car toute sa fortune était là exposée demarida-t-il car je dois aller selon mes
aux pluies et à l'orage; il n'était riche que de forces. i
ses récoltes. Il n'avait pas d'argent pour re- • -Un prix assez modeste, répondit l'étran-
faire une construction assez vaste. Et quand ger. Je suis un original et j'ai mes idées.
même il eût tenu une bourse bien garnie il -Vous me donnerez votre second fils qui va
n'avait plus le temps de" faire bâtir. Le mois bientôt naître. •
de septembre approchait à grands pas ame- •. Vous donner mon fils 1 dites-vous, et
nant la saison des pluies. Jean ne savait à qu'en voulez-vous faire?
qui recourir, à quel saint se voùer; ni quelle II sera sous mes ordres j'en prendrai
résolution prendre. soin. Que pouvez-vous craindre en le con-
Trois jours après l'incendie de sa grange, fiant à un seigneur puissant qui vous enrichit?
n'ayant pu jusque-là que se désoler sans -Pardon; interrompit le fermier. Où peu-
aviser un parti Jean se promenait seul à vent être vos domaines ?
l'entrée de la nuit sur un chemin croisé à Nous y serions en moins d'une heure, si
quelque distance de sa maison rêvant tris- nous allions un peu vite.
tement à la situation embarrassante où il se Le fermier garda de nouveau le silencè.
trouvait lorsqu'il vit venir à lui un homme Puis il dit:-Je ne puis donner mon enfant.
de moyenne taille vêtu de velours gris de Réfléchissez répliqua froidement l'in-
fer, avec un chapeau à cornes galonné d'ar- connu et revenez ici Jans trois jours.
gent, les pieds courts difformes emboîtés Jean rentra chez lui, excessivement préoc-
dans de légères bottines, les mains couvertes cupé. Il ne dit rien à sa femme rien a per-
de gants noirs, et marchant si lestement que, sonne mais il ne dormit pas de touté la nuit.
dans l'ombre du crépuscule, il paraissait glis- Il se creusa la tête à chercher qui pouvait
ser sur le chemin de traverse. être cet homme extraordinaire. Etait-ce un
Il s'approcha de Jean le salua avec poli- prince? un riche négociant? un sorcier? un
tesse et lui demanda le chemin de Meysse. démon ? Il repoussa ces dernières supposi-
Nous n'en sommes pas loin dit le fer- tions, pou s'attacher à l'idée qu'il avait
mier en sortant de sa rêverie je vais vous y affaire à quelque seigneur capricieux. 11 se
conduire. sentait de trop tendres entrailles de père pour
L'inconnu remercia vivement il fit à son livrer cependant ainsi son fils au hasard il
guide diverses questions qui témoignaient de se promit de ne pas retourner au rcndez-vous.
l'intèrêtpourlui. Jean répondait assez vague- Mais le second jour, un grand orage vint
ment. Il y'avait quelque chose qui le glaçait encore. Des torrents de pluie fondirent sur
dans l'extrême pâleur de l'étranger et dans la terre. Les récoltes qui restaient sans abri en
ses regards fixes et ardents. 11semblait pour- souffrirent cruellement. Jean pleura de dou-
tant s'apercevoir si bien des inquiétudes du leur et songeant que sa femme et son fils
fermier que s'arrêtant tout à coup au pied premier-né allaient bientôt languir dans la
d'un vieux noyer séculaire, en s'appuyant sur misère) il vit avec moins d'e'ffroi le sacrifice
sa canne pesante,il lui demanda d'une manière de son second enfant; il pensa que peut-être
formelle, le sujet des soucis qui paraissaient l'étranger, qui l'achetait si cher, voulait faire
le dévorer. Jean, subjugué en quelque sorte, son bonheur sa fortune; qu'il avait tort de
n'hésita plus. Il conta à l'inconnu toute sa le repousser; et il arriva au rendez-vous le
peine. premiyr.
-N'est-ce que cela? dit lentement l'homme Ses réflexions étaient amères.ll était pres-
vêtu de gris. Il fallait le dire plus tôt. Je suis • que nuit sombre lorsqu'il entendit un léger
riche et puissant je puis vous tirer du pas bruit les feuilles du vieux noyer s'agitèrent
fâcheux où vous êtes. brusquement,comme s'il eût fait un vent de
-Oh 1 soyez béni si vous le faites répli- tempête quoique l'air fût tout à fait calme
qua le fermier, à ces paroles consolantes, je et aussitôt Jean vit venir à lui l'homme au
ne l'oublierai de ma vie; et Dieu vous'verra. chapeau galonné d'argent.
L'inconnu tressaillit; il baissa les yeux -Je n'ai qu'un instant à vous donner, dit-
garda un moment le silence. Puis reprenant il, je retourne à Vilvorde. Que décidez-vous ?
la parole, comme's'il eût fait un effort:-Je -Je ne suis pas' encore maître de mon
puis fournir aux' frais de la construction de étonnement dit le fermier. Vous pourriez
votre grange, dit-il, et vous la faire même si rebâtir ma et la faire la plus vaste
grange
belle qu'elle sera la plus'grande du pays. du Brabant, et l'avoir finie dans la nuit?
J'aurais besoin qu'elle fûlgrandeêneffet,
-Avant le premier chant du coq, je le
répliqua Jean; mais le temps presse. Com- la
ment avoir fini assez tôt? répète. Si grange n'est pas parfaite et si
-J'ai des ouvriers en nombre suffisant. je manque à quelqu'une de mes conventions,
S'il le faut, ellésera terminée demain matin, je n'exigerai pas l'exécution des vôtres;
avant le lever de l'aurore avant le premier -Et mes blés que les pluies viennent de
chant du coq. gâter vous pourriez les faire étendre les
Le fermier recula de surprise. Il se de- sécher, les rentrer?
manda en lui-même qui pouvait être cet --Tout se fera en même temps. De plus
homme? Il avait ouï parler d'entrepreneurs voici une bourse qui renferme en or 1000 flu-
?CI CRA GRA 703
rins. Suffira-t-clle à payer les dégâts de ses yeux et mille petites circonstances inouïes
l'orage d'hier? ne lui 'permirent bientôt plus d'en douter.
-Oh 1 certainement, dit le fermier avec Frémissant à cette pensée désespéré de
des palpitations. l'horreur, d'avoir vendu son fils il ouvrit
-Acceptez donc et finissons-en hors de lui la porte de sa maison où sa
Mais, mon fils 1 encore qu'en voulez-vous femme l'attendait pour souper.
faire? Il avait les traits si décomposés, qu'elle lui
-Ce que je fais de ceux qui vivent sous demanda pourquoi il ne montrait pas plus
mes ordres et qui vont construire pour vous. décourage; car elle'attribuait encore sa dou-
Il se fit un silence nouveau; après quoi, 1 leur aux fléaux dont il était victime. Il ne
Jean Meulens reprit: -répondit rien, sinon qu'il était malade et
-Quand faudra-t-il vous le remettre? qu'il ne pouvait rien prendre. La pauvre
-Je viendrai vous le demander. jeune femme l'imita; elle pleura des. peines
-Je. je consens, dit enfin Jean, avec un de son mari et après une demi-heure de
long soupir.. silence pénible l'époux et là femme se mi-
-Signez ceci et tout sera fait répliqua rent au lit.
l'homme en sortant de sa poche une petite Le fermier ressentait des angoisses qui
feuille de parchemin dont l'extrême blan- l'étouffaient;en songeant à son fils qui n'était
cheur faisait ressortir l'écriture dans l'obs- pas né et qui devait être la proie du démon, il
curité qui commençait à devenir profonde. .s'arrachait les cheveux et frappait sa poitrine
Il n'y a là que ce qué nous avons dit?' pleine de sanglots. Sa douleur était si éner-
demanda Meulens d'une voix tremblante. gique, que sa femme ne pouvant en soutenir
-Pas.autre chose. Le fermier lut cepen- plus longtemps le spectacle, lui dit: r
dant les caractères étaient rouges et bril- Jean il y a quelque chose que tu me
lants. En même temps l'inconnu présentait caches. Tout n'est-il plus commun entre
une petite plume de fer. nous?
Mais nous n'avons pas'd'encre dit Jean Le fermier hésita à répondre^ Mais enfin
Meulens. il conta tout à sa femme la rencontre de
-C'est vrai. Nous y suppléerons. l'inconnu, le pacte signé et la grange qui
Aussitôt, par un mouvement si vif qu'oneut s'élevait. La fermière tressaillit d'horreur.
pu à grand'peine le remarquer, t'inconnu, de Elle se leva et-fit lever son mari. Minuit ve-
la pointe de sa plume de fer piqua la main nait de sonner dans les paroisses voisines.
gauche du fermier sous le doigt annulaire En mettant le pied dans leur cour, Jean et
un peu de sang en jaillit. Il le recueillitdans sa femme virent avec terreur leur vaste grange
le bec de la plume: et le fermier signa d'une achevée les grains rangés et cent ouvriers
main tremblante. •• agiles occupés à couvrir le toit de chaume
Dès qu'il eut fini l'étranger serra le par- avec une vitesse effrayante. Sans perdre un
chemin et disparut, comme s'il se fût envolé. instant, la jeune femme, heureusement ins-
Le fermier se croyait le jouet d'un prestige. pirée, courut à la portedu poulailler et frappa
11 redevint convaincu que son aventure était dans ses mains-. Il ne restait plus au haut du
réelle, en sentant sous sa main la bourse de toit qu'un troud'une aune à fermer.La butte
mille florins. 11 retourna à sa ;naison, moi- de chaume qui devait le clore s'élançait
tié craignant, moitié espérant, et sentant portée par un agent actif, quand aussitôt le
dans son cœur ce trouble, inexprimable que coq chanta. 1 1
doit éprouver un homme qui, sans savoir Toute la bande infernale disparut en hur-
pourquoi, n'est pas content de Aui. lant.
Il était nuit noire lorsqu'il rentra dans la Le jour vint;la grange était complètement
cour de sa ferme. Il la trouva déjà remplie'" terminée, sauf le trou de deux pieds de dia-
d'une foule de petits êtres minces et fluets mètre et le diable avait perdu.
mais singulièrement agiles, qui portaient des On a essayé vainement jusqu'à ce jour de
poutres des briques ,-du chaume du mor- fermer l'ouverture laissée au haut de cette
tier, des planches. Ils travaillaient avec une grange. Tout ce qu'on y met le jour disparatt
ardeur incroyable, et dans un silence si pro- la nuit. Mais cette imperfection n'a rien
digieux, qu'on les voyait scier, fendre, frap- d'incommodé si ce qu'on ajoute est bien
per, sans entendre le moindre bruit. Le exact que la grêle la neige et la.pluie s'y
ciment des briques se séchait aussitôt qu'il arrêtent, comme si la grange était close par
était posé. On apercevait leurs travaux • une
qui glace,etque rien ne pût passera travers.
montaient à vue d'oeil à la lumière que je- Il n'y a presque pas de province où l'on
taientleurs visages, d'oùsemblaient jaillir des ne montre dans quelque ferme écartée une
lueurs de l'eu. • grange mal famée qu'on appelle la Grange
Jean Meulens s'épouvanta. Il crut remar- du-diable. Par suite d'un pacte avec un paysan
quer de petitestornes surle frontdesouvriers dans l'embarras c'est toujours le diable qui
lestes qui travaillaient à sa grange. Il lui l'a bâtie en une nuit, et partout le chant du
sembla qu'ils avaient des griffes au lieu de coq l'a fait fuir avant qu'il n'eût gagné son
mains, et qu'ils voltigeaient plutôt qu'ils ne pari; car il y a un trou qui n'est pas cou-
montaient à l'échelle. vert, ou quelque autre chose qui manque à
Aurais-je fait pacte avec le démon ? dit- toutes ces granges.
il en lui-même, le cœur navré. Voici une autre version de la même lé-
La rapiditéde la besogne qui se faisait sous gende ( et nous pourrions en citer un grand
705. DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 764
nombre ) nous empruntons celle-ci aux tain, car il n'ignorait pas que tout lé monde
promenades d'un antiquaire dans l'ancien le détestait. Il était donc dans une" grande
duché de Brabant, par M. Eugène Gens. perplexité, et ne savait plus où donner de la
« Il y a à Bierbeeck, et dans tous les villa- tête.'
ges environnants, dans un rayon très-étendu, « Un soir qu'il s'en revenait seul vers le
une locution qui dit quand un travail s'est village, plus sombre encore que de coutume, il
exécuté avec une grande rapidité « Ils ont repassait tristement dans sa tête toutes les
travaillé comme les diables à la Grange- causes de son chagrin, et tout à coup il se
Bleue.» Or, c'est à Bierbeeckque s'est passée tordit les poings avec rage frappa la terre
l'histoire qui a donné lieu à ce proverbe. Le avec violence et laissa échapper un épou van-
conte fantastique de la Grange-Bleue est po- table blasphème. Alors il entendit un éclat
pulaire dans tout le Brabant; il a bercé l'en- de rire qui retentit derrière lui il se retourna,
fance de tous nos campagnards, et la terreur eti.Lvi.tun étranger qui avait de fort beaux
que me causait son récit est demeurée avec habits. Celui-ci l'aborda en riant et lui dit
la complainte de Malborough, parmi les plus « Camarade, il parait que tu as du cha-
vives impressions de mes premières années. grin et que ta patience n'est pas longue.
Cette tradition se reproduit, avec de légères a –Elle l'est si peu, répondit Walter avec
variantes dans beaucoup de pays mais un colère, que je n'ai jamais souffert qu'on se
fait remarquable, c'est que la Grange-Bleue moquât de moi. Et déjà il serrait son bâton
de Bierbeeck est célèbre en Allemagne les en signe de menace; mais quand il eut ren-
paysans de Bierbeeck furent trèsétonnés, contré les yeux de l'étranger, son bâton lui
lors de l'invasion des alliés, en 1814, de voir tomba des mains. Il continua d'un ton brus-
accourir par bandes chez eux des soldats que Passez votre chemin; si j'ai du cha-
autrichiens et prussiens qui venaient rendre grin, cela ne regarde que moi seul.
visite à leuriîrange-Bleue.Ilest probable que « Allons, allons, camarade, tu n'as pas
ce furent les Autrichiens qui emportèrent plus de raison qu'un poulain qu'on veut fer-
cette tradition dans leur pays, quand ils éva- rer. Calme-toi et conte-moi plutôt tes em-
cuèrent la Belgique. Le génie mystique de barras nous aviserons ensemble au moyen
'l'Allemagne s'en est emparé, comme d'une d'y remédier.
rêverie d'Hoffmann ou de Jean-Paul. La « Ce serait inutile mon malheur est
voici telle qu'elle charma plus d'une fois les tel que personne ne pourrait y remédier et
veillées de notre enfance vous pas plus que moi.
« Voilà la première fois qu'on me dit
La Grange-Bleue.
cela. Je peux tout.
Il y avait une fois un paysan,. très-riche « Tout ? dit Walter en riant à son
et très-avare qui s'appelait Waltler. Il avait tour.
un caractère dur et bourru qui le faisait dé- « Tout, reprit gravement l'étranger.
tester de tous ses voisins jamais il n'avait a Eh bien 1 si vous pouvez tout, voyons
donné une aumône aux pauvres quand ils si vous sauverez mon grain 1
s'adressaient à lui, il ne les accueillait qu'a- « Pour sauver ton grain, il ne te faut
vec des blasphèmes, et les chassait avec du- qu'une grange, et je puis t'en faire une.
reté. Quand on lui disait que cela lui porte- « Oui mais il m'en faudrait une pour
rait malheur qu'il pourrait bien un jour demain.
trouver sa fcrme'en flammes, et qu'à chaque « Tu l'auras.
jurement qu'il faisait le diable était là qui « Pour demain matin?
guettait, son âme, il ne faisait que rire de « Pour demain matin, mais à une con-
ces propos, et quant au diable disait-il, il dition il inu faut ton âme.
s'en moquait. 11 fallut bien cependant qu'il « Mon âme s'écria Waller qui ne riait
reconnût la vérité de ces sages discours plus, mais qui donc étes-vous ??
sou avarice faillit occasionner sa perte, si la a – Satan.
sainte Vierge n'avait eu pitié de sa femme « Et alors Walter le regarda avec terreur,
et de ses enfants. et il vit que les yeux de l'étranger luisaient
« II arriva qu'une année ses champs fu- dans l'ombre comme-deux charbons ardents,
rent couverts d'une moisson si abondante et qu'au lieu de pieds il avait; de grandes
que le temps de la récolte étant arrivé, il griffes d'oiseau. Un moment son avarice -fut
ne sut où placer tout' son grain. Déjà sa balancée parla peur, mais ce fut l'avarice qui
maison, ses greniers et sa grange étaient l'emporta.
encombrés, et une bonne partie restait en- « Eh bien 1 dit-il, après un moment de si-
core dans la campagne. Cependant la sai- lence, j'accepte ton marché, Satan mais il
son des pluies allait approcher, et il fal- faut que ma grange soit-faite demain, avant
lait bien prendre une résolution. Laisser le premier chant du coq alors je te livrerai
pourrir son grain dans les champs était chose mon âme. Dis-moi ce qu'il faut faire pour
impossible donner son superflu aux pau- conclure notre pacte.
vres était un acte au-dessus de ses forces, et « -Revenez ici ce soir, à l'endroit où ces
bâtir une nouvelle grange répugnait à son deux chemins se croisent; tracez un cercle
avarice et d'ailleurs, avant qu'elle n'eût été dont le centre se trouve au milieu des deux
faite, les pluies auraient détruit son blé al- chemins; faites trois fois le tour du cercle à
ler demander un voisin de pouvoir le placer reculons, en récitant le Pater à rebours; tuez
chez lui, c'eût été s'exposer à un refus cer- une poule noire, et répétez à haute voix les
705 GRA GRA 766
termes et les conditions de notre marché. arrondis. Vers- le haut est une ouverture, et
« A l'instant même, l'étranger disparut, les paysans affirment gravement 'qu'il est
les impossible de la fermer; que 'chaque fois
'et une odeur de fumée se répandit dans
^environs. qu'on l'a essayé, ils ont trouvé détruit le
i « Walter filce que Satanlui avait ordonné; lendemain l'ouvrage de la veille. J'ai vu la
cîil retourna au carrefour, traça un cercle, le grange et. l'ouverture, mais je n'ai pas es-
v.!$arcourut trois fois à reculons et récita le sayé de vérifier cette dernière assertion.
« Un fait qui paraît certain, c'est que cette
t-P.aier à rebours. Il tua une poule noire, et
l répéta les termes du marché. grange fut élevée dans l'espace d'une nuit.
4 ..«Mais la nuit venue, Walter ne pouvait J'avoue que je serais fort embarrassé d'assi-
dormir: le fatal marché lui revenait sans gner à cette étrange construction une origine
çesseà la mémoire. Encore quelques heures, plus raisonnable que celle que la tradition
c pensait-il; et il allait être damné sans rémis- lui assigne.
i sion; plus de joie, plus de repos pour lui sa « Mais pourquoi cette grange s'appelle-t-
pauvre âme était perdue 1 Et pourquoi? pour ejle « la Grange-Bleue? C'est ce que per-
1 quelques misérables gerbes de blél Que fera- sonne n'a pu me dire. »
t-il désormais de sa richesse? pourra-t-il en GRANSON.Paul Diacre (Bist.Lçngob.) fait
jouir encore quand il aura toujours devant ce conte Deux seigneurs lombards, nom-
lui Satan prêt à saisir sa proie? Et il se re- mésrAldon et Granson, ayant déplu à Cuni-
tournait dans sou lit, ne pouvant demeurer bert, roi de Lombardie, ce prince résolut de
un instant dans la même position, et il gé- les faire mourir. Il s'entretenait de ce projet
missait douloureusement. Sa femme qui avec son favori, lorsqu'une grosse mouche
s'aperçut de son agitation, lui demanda ce vint se planter surson front et le piqua vive-
qu'il avait, et pourquoi il soupirait ainsi. Il ment Cunibert chassa l'insecte, qui revint à
conta alors à sa femme lout ce qui était ar- la charge, et qui t'importuna jusqu'à le met-
rivé. En entendant ce récit, elle fit un grand tredans une grande colère. Le favori, voyant
signe de croix, et elle dit à son mari son maître irrité, ferma la fenêtre pour em-
« Comment, Walter, tu as vendu ton pêcher l'ennemi de sortir, et se mit à pour-
âme pour avoir une grange I suivre la mouche, pendant que le roi tira
« Oui, femme; au premier chant du coq son poignard pour la tuer. Après avoir sué
ma grange sera faite, mais je serai damné 1 bien longtemps, Cunibert joignit l'insecte
« Malheureux 1 dit-elle, je vais prier fugilif, le frappa; mais it ne lui coupa qu'une
pour toi. patte et la mouche disparut. Au même
« Alors elle récita une courte prière, et la instant Aldon etGranson, qui étaient ensem-
sainte Vierge ( comme elle l'a avoué ) lui ble, virent apparaître devant eux une es-
inspira un projet qui lui donna l'espoir de pèce d'homme qui semblait épuisé de fatigue
sauver l'âme de son mari. Elle s'habilla et et qui avait une jambe de bois. Cet homme
descendit dans la cour, tenant d'une main les avertit du projet du roi Cunibert, leur
une lanterne et de l'autre un tablier. Elle vit conseilla de fuir, et s'évanouit tout aussitôt.
de loin dans le jardin la grange qui s'éle- Les deux seigneurs rendirent grâces à l'es-
vait, et les ouvriers infernaux qui travail- prit do ce qu'il faisait pour eux; après quoi
laient avec une ardeur incroyable, dans un ils s'éloignèrent. comme l'exigeaient.les- cir-
silence de mort. Elle marcha droit au pou- constances.
lailler, tenant salanterne derrière le tablier, GRATAROLE ( Gdillacme ), médecin du
et, comme elle l'avait prévu, le coq, trompé seizième siècle, mort en 1568.11 est auteur
par cette lumière qu'il prit pour celle de d'un ouvrage intitulé: Observations des diffé-
l'aurore, se mit à chanter. Aussitôt on en- rentes parties du corps de l'homme pour juger
tendit un bruit épouvantable; tout le jardin de ses facultés morales (1). Bâle, 1554-, in'8°.
• parut en feu les démons descendirent pré- Il a composé aussi sur l'Antéchrist un ou-
cipitamment de la grange en se renversant vrage que nous ne connaissons pas; enGn
les uns les autres et en poussant des cla- des traités sur l'alchimie et sur l'art de faire
meurs de rage, parce qu'ils n'avaient pu des almanachs.
achever la grange avant le premier chant du GRAT1ANNE (Jeannette), habitante de
coq. La terre s'entr'ouvrit et les démons s'y Sibour ou Siboro, au commencement du dix-
engloutirent. septième siècle accusée de sorcellerie à l'âge
« Ainsi fut sauvée l'âme de Walter. de seize ans, elle. déposa qu'elles avait été
« Sa grange était sur le point d'être ache- menée au sabbat; qu'un jour le diable lui
vée il ne restait plus qu'une ouverture avait arraché un bijou de cuivre qu'elle por-
près du toit et personne n'a jamais pu bou- tait au cou ce bijou avait la forme d'un poing
• 'cher cette ouverture. Si vous' allez à Bier- serré, le pouce passé entre les doigts, ce que
beeck, vous la verrez vous-même. les femmes du pays regardaient comme un
« Telle est l'histoire de la Grange-Bleue. préservatif contre toute fascination et sorti-
« La Grange-Bleue existe encore à Bier- lège. Aussi le diable ne le put emporter, mais
beéck; elle est située près d'une ferme sur le laissa près de la porté. Elle assura aussi
le chemin d'Opvelp. C'est une construction -qu'en revenanl.un jour.du sabbat, elle avait
fort surprenante. La charpente est formée vu le diable en forme d'homme noir, avec
d'arbres entiers, employés avec leurs bran- six cornes sur la tête, uno queue au der-
ches et leurs racines; tous les angles, même (1) De prœJictionemorumnaturarumquehomiuuinfa-
ceux de la jonction du toit et des murs, sont cili ex iiispeclioneparliunicorporis.
707 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 7Ô8
rière, deux visages, etc.; qu'ayant été pré- (prêtre du sabbat), qui portait une peau de
sentée à lui elle en avait reçu une grosse loup (k) et qui lui avait appris le métier.
poignée d'or; qu'il l'avait fait renoncer à On ne sait ce que devint ce jeune homme.;
son Créateur, à la sainte Vierge, à tous les • Voy. POIRIER et PIERRE LABOURANT.
saints et à tous ses parents (1) GRENOUILLE. On n'ignore pas cet admi-
GRATIDIA, devineresse qui trompa Pom- rable* secret des paysans, que la grenouille
des buissons, coupée et mise sur les reins,
pée, comme le rapporte Horace: car lui
fait tellementuriner,
ayant demandé l'issue de'la guerre de Phar- que les hydropiques en
• sale, elle l'assura qu'il serait victorieux sont guéris. Voy. MESSIE DES Juifs,
néanmoins il fut vaincu (2). Tremblement de TERRE, etc.
Mais il y a sur les grenouilles d'autres cu.
GRATOULET insigne sorcier qui appre- riosités. Nous allons exposer ici les singu-
nait le secret d'embarrer ou nouer l'aiguil-
lette et qui s'était vendu à Belzebuth. Il lières excentricités qu'elles ont inspirées à
des philosophes allemands (5).
donna des leçons de sorcellerie à Pierre Au. On sait qu'en général ces philosophes
petit, condamné en 1598. qui
GREATRAKES (Val'entin), repoussent la révélation ne repoussent la.
empirique qui mais aucune rêverie.
rit du bruit en Angleterre dans le dix-sep- « Lavater a calculé d'instinct,
tième siècle; il était né en Irlande en 1628. disent-ils,
On ignore la date de sa mort: Il remplit de • lorsqu'il a fait voir combien peu de tran.
sitions deviennent nécessaires pour con-
brillants emplois, maisil avait la tête déran- duire un profil de grenouille au profil ma-
gée. En 1662, il lui sembla entendre une
voix lui dire qu'il avait le don de guérir gnifique de l'Apollon' du Belvédère. qui est,
tes écrouelles; il voulut en user et se crut dit-on, le beau idéal. Vingt-quatre géné-
rations qui se perfectionneraient avec per-
même appelé à traiter toutes les maladies sévérance arriveraient en effet du type cra-
ce qui lui attira une grande célébrité. Ce-
paud au type Apollon; et l'on.voit tous les
pendant une sentence de la cour de l'évê- jours, à l'appui de cette assertion, des vil-
que de Lismore lui défendit de guérir. lages où l'espèce est laide, s'embellir pro-
Sa méthode consistait à appliquer les dès qu'il arrive
mains sur la partie malade'et à faire de légè- gressivement, quelques
circonstances favorables qui pressentie ré-
res frictions de haut en bas; était-ce du sultat.
magnétisme? Il touchait même les possédés, « 11 est vrai que l'étude de Lavater eût
qui tombaient dans des convulsions aussitôt pu se faire sur un chien ou sur un ca-
qu'ils le voyaient ou l'entendaient parler. nard, aussi bien que sur une grenouille;
Plusieurs écrivains se moquèrent de lui. mais suivons nos philosophes.
Saint Évremont écrivit contre la crédulité « Ainsi en y réfléchissant, pour peu que
qu'on lui accordait. Mais Greatrakes a eu
des défenseurs, et Deleuze, dans son Histoire vous soyez disposé à admettre la nouvelle
• du magnétisme animal, Va présenté sous un doctrine d'un grand savant de l'Allemagne,
vous pourrez bien supposer avec lui que
jour qui fait voir que c'était en effet un ma- le monde autrefois était couvert par les
gnétiseur.
eaux; qu'il n'avait que' des habitants aqua-
GRÉGOIRE VII (saint), l'un des plus tiques, et qu'après qu'il se fut un peu séché,
grands papes, sauva l'Europe au onzième les premiers hôtes .de l'élément solide fu-
siècle. Comme il fit de grandes choses pour rent des grenouilles. Il raisonne très cu-
l'unité, il eut des ennemis dans tous les hé- rieusement là-Jessus; et les suppositions sont
rétiques, et en dernier lieu dans les prote- un champ vaste et commode.
stants, qui l'accusèrent de magie et même « Ainsi, il ne faut plus que nous soyons
de commerce avec le diable. Leurs menson- surpris de voir tant de nos frères ressem-
ges furent stupidement répétés par les catho- bler à des crapauds. La figure s'est uu peu
liques. Ce saint pape vient d'être bien vengé; arrondie: mais nous avons encore les bras
car l'histoire qui lui rend justice enfin est et les jambes de notre origine; nous nageons
écrite par un protestant (Voigt). comme la grenouille nous avons pris pour
GRÊLE. Chez les Romains, lorsqu'une l'agilité un juste milieu entre la grenouille
nuée paraissait disposée à se résoudre en et le crapaud nous avons fait des idiomes;
grêle, on immolait des agneaux ou par inventé l'imprimerie et les voitures à vapeur;
quelque incision à un doigt on en' faisait mais nous avons pérdu l'habitude de la. vie
sortir du sang dont la vapeur, montant amphibie. Voilà'du moins ce que dit le docte
jusqu'à la nuée, l'écartait ou la dissipait en- allemand.
tièrement ce que Sénèqué réfute comme «Un autre savant, Christian-Emmanuel
une folie (3).. -Hoppius'nous assignait, au dernier, siècle,
GRENIER loup-garou qui fio- une origine différente. Dans une dissertation
rissait vers l'an 1600. Accusé d'avoir mangé que ce savant lut à l'Académie d'Upsal, le
.des enfants, par Jeanne Garibaut et par 6 septembre. 1766, Académie où présidait
d'autres, quoiqu'il eût à peine quinze ans, alors Charles Linné ,Hoppius démontra que
il avoua qu'il était fils d'une prêtre noir .nous descendions du singe. Notre devoir
(1) Delancre,-Tabl. de l'inconstance des démons,etc., p.173.
Uv. iv, p. 152. (5) Lemorceauqui suit est détachéd'uu préambuledu
(2) Idem, ibid., liv.n, p. 53. nouveaudictionnairedes athées et des philosophes,publié
3» Lebrun,1. 1",p. 576. par l'auteur de cet euvrage.
\l) M.Jules Garin.et, Histoirede la magieen France,
769 GRE GRE 770,
!«• |I_|IJ/ 1 ï __ __ 1 » 1 III t j » ti !*• •• • s
d'impartialité, dans la recherche des belles l'herbe et du foin qu'il choisissait à l'odorat i
choses, nous oblige à faire connaître les au lieu de parler, il bêlait, commé les petits'
idées profondes du penseur Hoppius. Egyptiens que Psauimélicus avait fait nourrir
a II appelle anthropomorphes, de deux mots par des chèvres. On ne l'apprivoisa que diffi-
grecs qui veulent dire figure d'homme les cilement et fort tard. Tulp dit l'avoir vu à
singes qui nous ressemblent, c'est-à-dire, se- seize ans, à Amsterdam.
lon lui, les. singes sans queue. De tous les « Nous citerions une foule d'histoires sem-
êtres qui existent sur la terre, dit-il, aucun blables. Tout le monde a lu, dans Racine
genre ne se rapproche plus de l'homme que fils, le récit de la jeune fille sauvage, trou-,
celui des singes. Leur face, leurs mains,leurs vée en 1731 à Châlons-sur-Marne elle
pieds, leurs bras, leurs jambes.leur poitrine, avait dix ans elle grimpait aux arbres
leur intérieur, ont une grande similitude sautait de branches en branches, comme un
avec les nôtres. Leurs moeurs, les tours et écureuil se nourrissait de fruits de gre-
les espiègleries qu'ils inventent, surtout leur nouilles et de poissons qu'elle attrapait on
penchant à l'imitation, tout concourt à les put la civiliser un peu, et elle apprit le
présenter si semblables à nous qu'il serait français.
difficile en certain cas d'établir la différence « On a tiré grand parti de cette dernière
entre l'homme et le singe. circonstance, poursuivent nos savants. On a
« Quelques personnes ne seront pas de mon soutenu qu'un singe n'aurait jamais pu par-
avis, poursuit le savant. Si ces hommes diffi- ler cela n'est pas démontré complètement.
ciles veulent comparer les jeunes élégants de Linné dit avoir connu un chien qui parlait:
l'Europe aux Hottentots qui habitent le cap Assurément ce chien en progrès n'aurait pas
de Bonne-Espérance, s'ils mettent une belle fait des discours de tribune, et, n'aurait pas
damedela courauprès d'une hideusesauvage, pu jouer la comédie. Il ne devinait pas de
ils trouveront dans ces deux espèces plus de charades et ne faisait pas de caleuibourgs
différence qu'entre l'homme et le singe pris mais il demandait du café, du chocolat, du
généralement. Une poire des bois, âcreetpier.- pain. (c'est-à-dire, qu'il faisait entendre
reuse, ce fruit horrible qui vous étrangle,' quelques sons qu'on voulait, bien inter-
ressemble-t-il àla succulente poire de St-Ger- préter). 1. •
main, àla.poire sucréede Messire-Jean? C'est Des renseignements que des doctes ont
pourtant le même arbre. pris là-dessus, avec assez de peine leur ont
« Venons en aide au savant profond, puis- fait connaître que ce chien-parleur, qu'ils'
qu'on dit que les Allemands le sont. On 'a n'ont pas entendu', avait la bouche petite; ·
trouvé en Hongrie, il y a peu d'années, une et c'est là, disent- ils, tout le secret. Cousez
jeune fille élevée par une ourse. Nous en es- la bouche trop grande d'un chien ,'et soyez
périons des nouvelles qui ont manqué. Mais sûr qu'il parlera fendez la bouche d'un
un semblable cas eut lieu en 1661, dans une homme, jusqu'aux oreilles, et vous verrez s'il
forêt de la Lithuanie, et Valmônl-de-Bomare peut faire autre chose qu'aboyer. Les singes
(article homme sauvage) dit qu'onne put ja- ont, comme les chiens, la bouche faite de
mais apprivoiser le féroce petit Lithuanien manière à perdre les sons et à n'exhaler que
pris parmi les ours.Beaucoup de faits paréils des cris.
prouvent que l'homme dans l'état brut « On voit que les savants de la Germanie
est quelque chose comme le singe de mau- vont un peu devant eux. Ils ne songent pas
vaise espèce (nous continuons 'à ne pas rai- que, chez les hommes, les sourds-muets
sonner de'nous-méme). Philippe Camérarius parlent. sans le secours de la bouche.
raconte qu'en 1551, on trouva dans la Hessc, « Revenons à nos petits sauvages. Il est
parmi les loups,unpetit garçon que les loups constant que tous ceux qu'on trouva étaient
avaient élevé. Ils le nourrissaient, dit-il, des velus, qu'ils marchaient à quatre pattes,
meilleurs morceaux de leur proie ils l'a- qu'ils se servaient également bien des pieds
vaient naturellement laissé marcher à quatre et des mains, pour courir; qu'ils grimpaient
pattes'; il courait avec eux, les suivait au trot aux arbres avec une agilité singulière; qu'ils
et faisait les sauts les plus légers il se cou- étaient stupéfaits d'étonnement à l'aspect
chait dans un trou avec ses camarades- les des hommes, et qu'il était difficile de les dis-
loups. On le prit, on le mena à la'cour du tinguer des singes. On voit qu'ici nous ne
landgrave de Hesse; mais il préféra toujours raisonnons avec nos doctes que matière et
la manière de vivre des loups à celle des physique. Des naturalistes ont voulu trou-
hommes. On ne put pas l'accoutumer à mar- ver des différences en disant que dans les
cher sur deux pieds, et on ne le forçait à se .'singes, les mains et les pieds se ressem-
tenir debout, qu'en lui liantdes morceaux de blaient, et ils ont appelé des singes quadru-
bois autour du corps. manes mais il en était à peu près ainsi des
« Le même Camérarius parle d'un autre enfants trouvés dans les bois. L'd peu près
enfant, trouvé àBamberg, parmi des bœufs est naïf.
sauvages, à la fin du seizième siècle; il ne « Et de même, qu'il y a dans l'espèce hu-
marchait qu'à quatre pattes. Dans celte atti- maine plusieurs degrés, depuis l'homme <ic
tude, il se.battait à coups de dents avec les cour jusqu'au Hottentot, comme nous avons
plus grands chiens,1 et les mettait en fuite. 'dit,' il y a dans tes singes plusieurs classes
icolas Tulp cite un autre enfant, élevé par dont les dernières sont plus éloignées de nous
des brebis sauvages, et trouvé dans une con- ressembler. Nous ne voulons pas encore com-
trée déserte de l'Islande. Il mangeait de parer les hommes au singe à grande queue i
ni DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 772
maislî
-iAles
nlAnAin IVA
singes sans queue n'ont qu'un pas choses sucrées contribua sans doute à abré-
à faire pour être Ses hommes sauvages et gèr sa vie. 11 ne vécut à Paris qu'un été, et
lès hommes sauvages ont de grands échelons mourut l'hiver suivant à Londres.
à monter pour devenir fashionables. Seule- « Leguat cite une guenon qu'il connut et
ment il est singulier que les singes sans qui, lorsqu'elle avait mal à la tête, se. la ser-
queue ne fassent point le seul pas qu'ils ont rait d'un mouchoir et s'allait coucher dans
à faire pour être des hommes. son lit, qu'elle faisait elle-même.
On jugera par des détails de la ressem- « On citerait des volumes de ces anecdotes
blance pliysique, qui se trouve entre le singe exagérées. Il. n'y avait pas lougttmps qu'on
et l'homme. Le singe a les épaules, partagées voyait dans les rues de Paris un singe de
par des clavicules les mains divisées en deux pieds et demi, connu sous le nom de
doigts armés d'ongles arrondis il marche Jean-Bonhomme. Il balayait les pavés, bros-
fréquemment sur ses seuls pieds de derrière; sait les habits, cirait les bottes, sollicitait une
il prend sa nourriture avec les mains et la pièce de monnaie envoyait un baiser pour.
porte à sa bouche. Il est, comme nous, car- remercJmcnl, saluait en étant sa toque, pré-
irivore., hardi, voleur, effronté, rancunier, sentait son passeport quand on lui deman-
méchant comparaison flatteuse' dans le fond dait ses papiers et le remettait soigneuse-
et dans la forme. ment dans sa poche, car il était habillé. Ce
« A rencontre des autres bêtes, les singes singe a même fait, par ses gentillesses, la joie
connaissent et chérissent leurs enfants de plusieurs bals. On n'a pas pensé en France
quand leurs enfants n'ont plus besoin d'eux que ce fût un homme. Les penseurs alle-
(l'exception est fausse). mands se fussent extasiés.
« Nicolas Tulp décrit une. guenon de la" «Il est surprenant, disent-ils, qu'on né se
classe dite des satyres, qui fut amenée en soit pas plus occupé d'étudier ce q ui fait l'ob-
Hollande à la fin du seizième siècle elle' jet de cet article. Ce n'est qu'aux Indes qu'on'
avait près de cinq pieds dé haut; elle pre- peut observer les troglodytes il serait facile
nait un vase à boire d'une main soulevait a un roi à qui tant d'hommes cherchent à
le couvercle de l'autre, et s'essuyait la bou- plaire, de posséder quelques familles de cette
che, après avoir bu. En s'allant coucher, elle • espèce de singes, et d'ordonner là-dessus des
posait sa tête sur l'oreillér, s'enveloppait élucubrations mais on les a faites, et on a
d'une couverture, et dormait tranquille trouvé qu'il fallait renvoyer les philosophes
comme une femme bien élevée. de Germanie aux Javanais, lesquels disent
« Une autre famille de singes, les troglo- que les singes pourraient parler, mais qu'ils
dytes, ne nous ressemblent pas moins. Dans ne le veulent pas, de peur d'être obligés à
plusieurs contrées des Indes orientales, on travailler.
s'en sert comme de demi-domestiques (1). « Notis avons cité Hoppius, qui a de trèsr
Kopping dit en avoir vu un qui suivait larges épaules. C'est au lecteur à se faire sur
comme un laquais un capitaine de vaisseau lui une opinion. Nous n'avons ajouté à la
il levait les pieds très-haut en marchant doctrine du savant que des anecdotes.
parce que, venant des montagnes, il n'avait « Nous pourrions être bien, plus longs si
pas l'habitude-de marcher sur un pavé plat. nous voulions suivre complètement et dans
Rumphius raconte qu'il a possédé huit ans tous leurs détails les raisonnements de Hop-
un de ces singes; niais les observations qu'il pius. Millin s'était proposé de lui répondre:
avait écrites sur ces animaux sont perdues. Persuadé que l'élève de Linné avait une ma-
« Buffon parle d'un orang-outang qui se nière de voir tïès'^arriérée, Millin comptait à
tenait gravement sur ses deux pieds et-vivait son tour prouver que l'homme perfectionné
à Paris. Je l'ai vu, dit-il, s'asseoir à table., né ressemble pas le moins du monde au singe.
déployer sa serviette, s'en essuyer les lèvres, « Mais voici que M. Schneitz, un autre AU-
se servir de la cuiller et de la fourchette lemand, adoptant le système qui nous fait
pour porter les mets à sa bouche, verser lui- descendre des grenouilles, épouse en même
même sa boisson dans un verre, le choquer temps l'opinion de Hoppius. Seulement, à
lorsqu'il y était invité aller prendre une l'exemple du conciliateur dans la querelle
tasse et une soucoupe, l'apporter sur la ta- des deux frères, de Collin d'Harleville
ble, y mettre du sucre, y verser du thé., Allonschezle notaireen-passantpar le mail,
le laisser refroidir pour le boire, et tout cola
sans autre instigation que les signes et la « M. Schneitz nous fait descendre de la gre-
parole de son maître, et souvent de lui-même. nouille en passant par le singe, qui est, dit-il,
J'ai vu cet animal, présenter sa main pour -le crapaud un peu avancé, comme nous som-
reconduire tes gens qui venaient le visiter, mes, nous autres, dès singes très-améliprés.
se promener gravement' avec eux et comme « Les pauvres savants, en rejetant la révé-
de compagnie il ne faisait de mal à per- lation, n'ont pas vu qu'ils ne pouvaient que
sonne s'approchait.même avec circonspec- déraisonner. Lâ parole tes arrêtera toujours.
tion, et se présentait comme pourdemander Dans lés premières années du dixrneuvième
des caresses. Il aimait prodigieusement les sièclevM. de Boiiald émit sur lè langage nue
bonbons; tout le monde lui en donnait, et théorie qui posait admirâblenient la question
comme i) avait une toux fréquente et la poi- -en faveur de la tradition chrétienne.
trine attaquée, cette grande quantité de « Cëttcoquestiôn du langage' avait été, dit
.(1) Les Kangurousfont le môme officeà la Nouvelle 'M. Camille Baxton, un grand embarras pour
Zelande. les philosophes matérialistes du dix-uuilièuîo
11$ GRI GRI lit
siècle qui, bien que très-différents de DescarT dans les croyances de la société, en dônna'nï,
tes, relevaient de lui cependant en ce qu'ils: à ce mot son acception la plus étendue. «Ap-
prenaient pourpoint de départ de. tous.Ièurs' pelons vérité, dit-il, ce à quoi t'esprit de là
systèmes la faculté qu'à l'individu de trouver généralité adhère partout et toujours.» Ce
la vérilé par lui-même et sans secours esté; n'était là que poser la conséquence immé-
rieur (1). Dans leurs tentativès pour prouver diate et nécessaire du système de M. de Bo-
• nald mais celui
que l'homme était né du limon de la terre,' qui la posait agit avec une,
comme en naissent encore aujourd'hui les bien plus grande audace. que ne l'avaient
plus vils des reptiles et des insectes, qu'il fait ses devanciers. M. de Bonald. avait res-
avait passé par un état d'animalité absolue,1 pecté Descartes l'abbé de Lamennais le sai-
et de cet état s'élàitélevé par de lents degrés .s sit corps à corps et engagea avec lui une;
jusqu'à son état présent, ils ne purent reusr lutte d'ont il ne se reposa que quand il crut
sir à expliquer comment il avait inventé le l'avoir terrassé. M. de Bonald avait reconnu
langage; ce fut comme une impasse où tous dans l'individu, en la paralysant, il est vrai, là
leurs efforts rie purent leur faire découvrir faculté innée de penser. L'abbé de Lamennais
une issue. nia, pour l'individu, la réalité de la sènsa-,
« M. de Bonald; les reprenant par ce côté lion, du sentiment, dè la pensée, ou oc qui"i
faible, posa comme un point incontestable revient au même, li possibilité de se convain-
l'impossibilité de l'invention du langage, et cre de cette réalité (2).» Vousavouerez que Iç
comme conséquence nécessaire la révélation singe et la grenouille sont un peu loin de
de la parole. Mais ce lie fut pas tout. Après tout cela.
avoir ainsi remis aux mains de Dieu et à GRIFFON. Brown assure qu'il y a déj
celles de la société, héritière des traditions griffons, c'est-à-dire, des animaux
mixtes.
que Dieu a déposées dans son sein, cette qui par devant ressemblent à l'aigle, et par
belle faculté du langage parlé, qui distingué.e derrière au lion, avec des oreilles droites
extérieurement l'homme de là brute, et qui quatre pieds et une large. queue..
est, on le savait déjà, l'élément le plus in- GRIGRI. Démon familier que l'on voit chez
dispensable du progrès, M. de Bonald lui les Américains, et surtout dans les forêts du
donna encore une valeur bien supérieure. Canada et de la Guinée.
Il -l'identifia complètement avec la pensée. GRILLANDUS (Paul), Castillan auteur
Celle-ci, selon lui, sommeillerait éternelle- d'un traité des Maléfices (De maleficiis), pîiT
ment, si elle n'était éveillée par la parole ex- bliéà Lyon en 1555,d'un traité des Sortilèges,
térieure; et une fois éveillée, ce n'est encore des L'amies; dé ta Torture, etc., Lyon, 1536j
qu'à l'aide de cette parole apprise qu'elle et dé quelques autres ouvrages de ce genre,.
peut se prod'uire, même dans l'homme inté- Il conte quelque part qu'un avocat ayant été
rieur, qui n'a d'idées qu'à condition de se noué par un puissant maléfice, que nul ar,t
parler à lui-même. On connaît la phrase de dé médecine ne pouvait secourir, eut recours
M. de Bonald « L'homme pense sa parole à un magicien qui lui fit prendre, avant de
avant de parler sa pensée. » Ainsi par. cette dormir, une certaine potion,' et lui dit de nt
théorie l'homme se trouva dépendant, non^ s'effrayer de rien. A onze heures et demié.dë
seulement pour l'expression de la pensée, la nuit survint un violent orage açcompagné é
mais pour la, pensée même, de la société. d'éclairs l'avocat crut d'abord que la mai-
Sans son secours il resterait toujours dans son lui tombait sur le dos; il entendit bientôt
un état de torpeur, d'immobilité il serait de grands cris, des gémissements, et vit dans
enfin comme s'il n'était p'as. M. de Bo- sa chambre une multitude de personnes qui
nald 110 niait pourtant pas les idées innées.' se meurtrissaient. coups de,poing et à coups
« Notre entendement, dit-il dans un des plus de pied, et se déchiraient avec les ongles et
beaux passages de son livre est un lieu les dents il reconnut une cerfaine fcniuïe
obscur où nous n'apercevons aucune idée, d'un village voisin, qui avait la répulatipn
pas même celle de notre intelligence, jusqu'à de sorcière, et qu'il soupçonnait dè lui avoir
ce que la, parole, pénétrant par les sens de donné son ruai elle se plaignait plus qùç
l'ouïe et de la vue, porte la lumière dans les tous et s'était elle-même déchiré la face et
ténèbres, et appelle pour ainsi dire chaque arraché les cheveux. Ce mystère dura jus^
idée qui répond, comme les étoiles dans Job qu'à minuit, après quoi lu maître sorcier
Me voilà 1» entra tout disparut; il déclara au malade
« Mais sur ses traces apparut bientôt un qu'il était guéri ce qui fut vrai (3).
autre esprit doué d'une faculté d'expression GRILLON. Dans beaucoup de villages et
supérieure, d'une dialectique encore plus surtout en Angleterre, on regarde les grHj-
pressante, d,'une originalité de pensée égale Ions qui animent le foyer à la; campagne et j.
peut-être, l'abbé de Lamennais. Celui-ci fit qui chantent si joyeusement la nuit, comme
l'Essai sur l'indifférence, pour prouver que la de petits esprits familiers d'une nature bien- iî:
règle de la certitude est dans le sens commun, veillante, qui empruntent leur forme exiguë
c'est-à-dire, dans les croyances universelles,' pour échapper aux malices humaines. Beau-)
(1) II y a de,uxsièclesquo Réné Descartes, mettantde rieures à celle' de Dieu. Descartes arrivait ainsi à la
côté toutesles doctrinesde l'école, toute autorité toute possessionde toute certitude et de toute vérité.'
tradition,tout enseignementextérieur, toute notion reçue ..(Note de M.Baxton.)
du dehors,posaen principeque chaque individutrouvait, (2) M.CamilleBaxton, des nouvellespublicationsrelU
dans la consciencede sa.facutiéde penser, la puissance gieuses. Revuede Paris, décembre1840..
de conclureà.la réalité de.sonexistence, puis dcce|le,-ci (3) Debncre Tal>.de l'inconstance- des démons,eicj
aux etfistè'ocesextérieures puis des existences*èité- p. 3SS.
715 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 776
coup de villageois se figurent que leur pré- On trouve dans le même livre beaucoup
sence porte bonheur dans la famille, et qu'on de bêtises de ce genre, que nous rapportons
ne les tue pas impunément. Aussi, en géné- en leur lieu.
ral, ne voit-on point d'un bon œil le pied Grimorium verum, vel probatissimœ Salo-
brutal qui les écrase. monis clavicules rahbini Hebraici, in quibus
« Toute la tribu des grillons se compose tum naturalia, tum supernaturalia secreta, U-
de puissants esprits, bien que cela soit ignoré • cet abditissima, inpromptu apparent, modo
des gens qui ont affaire à eux et il n'est operator pernecessaria et contenta faciat;
pas dans le monde invisible de voix plus sciât tamen oportel dœmonum potentia dum-
gentilles et plus sincères, à qui on puisse se taxat peragantur traduit de l'hébreu, par
er davantage ou dont les conseils soient Plaingière, avec un recueil de secrets cu-
plus dévoués et plus sûrs que les voix qu'em- rieux. A. Memphis, chez Alibeck l'Egyptien,
pruntent ces esprits de l'âtre et du foyer pour 1517, in-16 (sic omnia), et sur le revers du
s'adresser à l'espèce humaine (1). » titre Les véritables clavicules de Salomon, à
GRIMALDI. Sous le règne de Louis le Memphis, chez Alibeck l'Egyptien, 1517.
Débonnaire, ily eut dans toute l'Europe une Le grand Grimoire avec la grande clavicule
maladie épidémique qui s'étendit sur les trou- de Salomon, et la magie noire ou les forces
peaux. Le bruit se répandit dans le peuple infernales du grand Agrippa, pour décou-
que Grimaldi duc de Bénévent ennemi de vrir les trésors cachés et se faire obéir a
Charlemagne, avait occasionné ce dégât en tous les esprits; suivis de tous les arts magi-
faisant répandre de tous côtés une poudre ques, in-18, sans date ni nom de lieu.
meurtrière par ses affidés. On arrêtaun grand Ces deux, grimoires contiennent, comme
nombre de malheureux, soupçonnés de ce l'autre, des secrets que nous donnons ici aux
crime; la crainte et la torture leur firent divers articles qu'ils concernent.
confesser qu.ils avaient en effet répandu Voici une anecdote sur le grimoire :-Un
celte poudre qui faisait mourir les troupeaux. petit seigneur de village venait d'emprunter
Saint Agobàrd archevêque de Lyon prit a son berger le'livre du grimoire, avec lequel
leur défense et démontra que nulle poudre celui-ci se vantait de forcer le diable à pa-
n'avait la vertu d'infecter l'air; et qu'en sup- raître. Le seigneur, curieux de voir le dia-
posant même que tous les habitants de Béné- ble, se retira dans sa chambre et se mit à
vent, hommes, femmes, jeunes gens, vieil- lire les paroles qui obligent l'esprit de ténè-
lards et enfants, se fussent dispersés dans bres à se montrer. Au moment où il pronon-
toute l'Europe, chacun suivi de trois chariots çait, avec agitation, ces syllabes niaises qu'il
de cette poudre, ils n'auraient jamais pu cau- croyait puissantes, la porte, qui était mal
ser le mal qu'on leur attribuait (2). fermés, s'ouvre brusquement le diable pa-
GRIMOIRE. Tout le monde sait qu'on raît, armé de ses longues cornes et tout cou-
fait venir le diable en lisant le Grimoire vert de poils noirs. Le curieux seigneur
mais il faut avoir soin dès qu'il paraît de perd connaissance et tombe mourant de peut
lui jeter,quelque chose à la tête une sava- sur le carreau, en faisant le signe de la
te, une souris un chiffon autrement on croix.
risque d'avoir le cou tordu.. Il resta longtemps sans que personne vint
Le terrible petit volume connu sous le ie relever. Enfin il rouvrit les yeux et se re-
nom de Grimoire, autrefois tenu secret, était trouva avec surprise dans .sa chambre. 'Il
brûlé très-justement dès qu'il était saisi. visita les meubles pour. voir s'il n'y avait
Nous donnerons ici quelques notes sur les rien de dégradé un grand miroir qui était
trois Grimoires les plus connus. sur une chaise se trouvait brisé; c'était l'œu-
Grémoire (sic) du pape Honorius, avec un vre du diable. Malheureusement pour la
recueil des plus rares secrets sous la rubri- beauté du conte, on vint dire un instant
que de Rome, 1670, in-16, orné de figures et après à ce pauvre seigneur que son bouc
de cercles. Les cinquante premières pages s'était échappé, et qu'on l'avait repris devant
ne contiennent que des conjurations. la porte de cette même pièce où il avait si
Voy.
CONJURATIONS et Evocations. bien représenté le diable. Il avait vu dans le
Dans le Recueil des plus rares secrets, on miroir un bouc semblable à lui et avait
,trouve celui qui force trois demoiselles à ve- brisé la glaée en voulant combattre son om-
nir danser le soir dans une chambre. Il faut bre (4).
que tout soit lavé dans cette chambre; qu'on GRISGRIS, nom de certains fétiches chez les
n'y remarque rien d'accroché ni de pendu Maures d'Afrique, qui les regardent comme
qu'on mette sur la table une nappe blanche, des puissances subalternes. Ce sont de pe-
trois pains de froment trois sièges trois tits billets sur lesquels sont tracées des figu-
verres d'eau on récite ensuite une certaine res magiques ou des pages du Koran en ca-
formule de conjuration (3), et les trois per- ractères arabes ces billets sont vendus assez
sonnes qu'on veut voir viennent, se mettent cher, et les habitants les croient des préser-
à table et dansent mais au coup'de minuit vatifs assurés contre tous les maux. Chaque
tout disparait. grisgris a sa forme et sa propriété. Voy. Goo.
GRISOU. Le feu Grisou est un gaz qui
(i) M. Cli.Dyckens,le Grillondu foyer,conte deNoël.
(2) M. Salgues, des Erreurs el des préjugés, t. I, créon. Je ne ments pas; je suis mattre'duparchemin;
p m par ta louange, prince de la montagne, fais taire nies
131 Voiciles paroles de cette- conjuration « Besiici- ennemiset donne-moice que tu sais. »
ruui! consolation, viens à. moi.Yerm créon, creon, j. (4) Histoiredes fOiHômes et des démons,p. 2U.
777 GUA GUI 778
s'entlamme spontanément ou par occasion Xérac, qui est chez eux le principe du bien.
dans les mines de houille, et qui produit sou- v GUECUBA, esprit du mal chez les Arau-
vent de grands désastres. Beaucoup de cans; Voy. Toqui.
mineurs regardent le grisou comme un lutin GUELDRE. On trouve ce récit dans les his-
de méchante espèce. 1- toriens hollandais « Un monstre affreux
GRQENJETTE. Il" y a, sur*les côtes de d'une grandeur prodigieuse ravageait la cam-
la Baltique, comme dans la plupart des con- pagne, dévorant les bestiaux et les hommes
trées montagneuses de l'Europe, des chas- même il empoisonnait le pays de son souf-
seurs défunts, condamnés pour leurs méfaits fle empesté. Deux braves gens, Wichard et
à courir éternellement à travers les marais et Lupold, entreprirent de délivrer la contrée
les taillis. Les habitants du Sternsklint enten- d'un fléau si terrible, etyréussirent. Le mon-
dent souvent le soir les aboiements des chiens stre, en mourant, jeta plusieurs fois un sou-
de Grœnjettc; ils le voient 'passer dans la pir qui semblait exprimer le mot ghelre. Les
vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la deux vainqueurs voulurent qu'en mémoire
main; et ils déposent devant leur porte un de leur triomphe, la ville qu'ils bâtirent prit
peu d'avoine pour son cheval, afin que dans le nom dé Ghelre, dont nous avons fait Guel-
ses courses il ne foule pas aux pieds leurs dre. »
moissons (1). Voy. VENEUR. GUI DE CHÊNE, plante parasite qui s'atta-
GROSSESSE. On a cru longtemps à Paris che au chêne, et qui était regardée comme
qu'une femme enceinte qui se regarde dans sacrée chez les druides. Au moisde décembre,
un miroir, croit voir le diable: fable autori- qu'on appelait le mois sacré, ils allaient la
sée par la peur qu'eut de son ombre une cueillir en grande cérémonie. Les devins
femme grosse, dans le temps qu'elle s'y mi- marchaient les premiers en chantant, puis
rait, et persnadée par son accoucheur qui lui le héraut venait, suivi de trois druides, por-
dit qu'il était toujours dangereux de se re- tant les choses nécessaires pour le sacrifice.
garder enceinte. Enfin paraissait le chef des druides, accom-
On assure aussi qu'une femme grosse qui pagné de tout le peuple; il montait sur le
regarde un cadavre, aura un enfant pâle et chêne, coupait le gui avec une faucille d'or,
livide (2)1 le plongeait dans l'eau lustrale et criait « Au
Dans certains cantons du Brésil, aucun gui de l'an neuf ( ou du nouvel an ). » On
mari ne tue d'animal pendant la grossesse croyait que l'eau charmée ainsi par le gui de
• de sa femme, dans l'opinion que le fruit chêneétait très-efficace contre le sortilège
qu'elle porte s'en ressentirait. Voy. Imagi- et guérissait de plusieurs maladies. Voyez
nation. GUTHEYL.
On ignore encore le motif pour lequel cer- Dans plusieurs provinces, on est persuadé
faines églises particulières refusèrent long- que si on pend le gui de chêne à un arbre
temps la sépulture aux femmes qui mou- avec une aile d'hirondelle, tous les oiseaux
raient enceintes c'était sans doute pour en- s'y rassembleront de deux lieues et demie.
gager les femmes à redoubler de soins envers GUIDO. Un seigneur, nommé Guido, blessé
leurs enfants. Un concile tenu à Rouen à mort dans un combat, apparut autrefois
en 1074-, a ordonné que la sépulture en terre tout armé àun prêtre nomméEtienne, quel-
sainte ne fût nulle part refusée aux femmes que temps après son décès, et le pria de dire
enceintes ou mortes pendant l'accouche- à son frère Anselme de rendre un bœuf que
ment. lui Guido avait pris à un paysan, et de répa-
GROSSE-TÊTE (Robert), évoque de Lin- rer le dommage qu'il avait fait à un village
coln, auquel Gouvérus donne une androïde qui ne lui appartenait pas, ajoutant qu'il
comme celle d'Albert le.Grand. avait oublié de déclarer ces deux péchés
GUACHARO. Dans la montagne de Tumé- dans sa dernière confession, et qu'il en était
réquiri, située à quelque distance de Cuma- 'tourmenté. Pour assurance de ce que je
na, se trouve la caverne de Guacharo, fa- -vous dis, continua-t-il, quand vous serez
meuse parmi les Indiens. Elle est immense et retourné à votre logis, vous trouverez qu'on
sert d'habitation à des milliers d'oiseaux vous a volé l'argent que vous destiniez à
nocturnes dont la graisse donne l'huile de faire le pèlerinage de Saint-Jacques.
guacharb. Il en sort une assez grande ri- Etienne, de retour, trouva en effet son coffre
vière on entend dans l'intérieur le cri lugu- forcé et son argent enlevé mais il ne put
bre de ces oiseaux, cri que les Indiens attri- s'acquitter de sa commission, parce qu'An-
buent aux âmes, qu'ils croient forcées d'èn- selme était absent.
trer dans cette caverne, pour passer dans Peu de jours après, le même Guido lui ap-
l'autre monde. Ce séjour ténébreux, disent- parut de nouveau et lui reprocha sa négli-
ils, leur arrache les gémissements plaintifs gence. Etienne s'excusa comme il put, et il
qu'un entend au dehors. Les Indiens du gou- alla trouver Anselme, qui lui répondit dure-
vernement de Cumana, non convertis à la foi, ment qu'il n'était pas obligé de faire pénitence
ont encore du respect pour cette opinion. •
pour les péchés de son frère..
Parmi ces peuples, jusqu'à deux cents lieues Le mort apparut une troisième fois au
de la caverne, descendre au Guacharo est syn- prêtre, et ?ui témoigna son déplaisir du peu
onyme de mourir. de compassion que son frère avait de lui
GUAYOTTA, mauvais génie que les habi- puis il le pria de le secourir lui-même dans
tants de l'He Ténériffe opposent à Achguaya- cette extrémité. Etienne restitua le prix d»
(1) Mariiiier,Trad. de la Baltique. (2) B«>wn,Essaisur les erreurs popul.,p 101.
Djctionn. des SCIENCESOCCULTES. I. 35 •••?:•
779 • blC'flOK'N.MRËDES SCIENCESOCCULTES. 780
bœuf, dit des prières, fit des aumônes, recom- trait de part en part. Le comte, troublé de
manda l'âme aux gens de bien de sa connais- ce spectacle, cria-pourtaul au bouc de s'ar-
sanc'e et Guido ne reparut plus (1). rêter, et lui demanda qui il était, qui il por-
GUILLAUME, domestique de Mynheer tail, où il allait? Le bouc répondit: Je suis
Cla'tz, gentilhomme 'du duché de Juliers, au le diable j'emporte Guillaume te Roux, et
quinzième siècle. Ce Guillaume fut possédé je vais le présenter au tribunal de Dieu, où il
du diable, et demanda pour exorciste un pas- sera condamné pour sa tyrannie; et il vien-
teur hérétique, nommé Bartholomée Panen, dra avec nous (i).»p
homme qui se faisait payer pour chasser le GUILLAUME DE PARIS. Il est cité par
diable, et qui, dans cette circonstance, fut les démonographes pour avoir fait des statues
penaud. parlantes, l'exemple de Roger Bacon, chose
Comme le démoniaque pâlissait, que son qui ne peut être faite que par les opérations
gosier enflait, et qu'on craignait qu'il ne fût diaboliques (5).
suffoqué entièrement, l'épouse du seigneur GUINEFORT. Tout le monde connaît Io
Clatz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille, fabliau intéressantdu chien et du serpent (6).
se mit à réciter la prière de Judith. Guillaume II est fondé sur une anecdote qui a produit
alors se prit à vomir, entre autres débris, la de graves superstitions. Legrand d'Aussy, qui
ceinture d'un bouvier, des pierres, des pelo- a publié ces détails, les doit au père Etienne
tons dé fil, du sel, des aiguilles, des lambeaux Bourbon, dominicain, mort en 1262 (Traité
de l'habit d'un enfant, des plumes de paon que des différentes matières de sermons, divisées se-
huit jours auparavant il avait arrachées de la lon les sept dons du Saint-Esprit, avec les
queue du paon même. causes, effets, raisons et exemples pour édifier.
On lui demanda la cause de son mal. 11 (Scriptores ordinis praedicatorum, tome i",
répondit que; passant sur un chemin, il avait page 193).
rencontré une femme inconnue qui lui avait Le P. Bourbon raconte que, préchant ct
soufflé au visage, et que tout son mal datait confessant dans le diocèse de Lyon, plusieurs
de ce moment. Cependant, lorsqu'il fut réta- femmes vinrent à lui s'accuser d'avoir porté
bli, il nia le fait, et ajouta que le démon l'a- leurs enfants à saint Guinefort. Curieux de
vait forcé à faire cet aveu, et que toutes ces connaître quel était ce saint dont le culte de-
matières n'étaient pas dans* son corps; mais venait un objet de confession, il fit des infor-
qu'à mesure qu'il vomissait, le démon chan- mations, examina et découvrit que c'était un
geait ce qui sortait de sa bouche (2). chien. Voici, selon lui, comment arriva l'é- °
GUILLAUME DE CARPENTRAS, astrolo- vénement.
gue qui fit pour le roi René de Sicile, et pour «Ce chien appartenait au seigneur de Vil-
le duc de Milan,des sphères astrologiques sur lar. Un jour que ce gentilhomme était sorti
lesquelles on tirait les horoscopes. II en fit avec sa femme, la nourrice qui allaitait leur
une pour le roi 'Charles VIII, qui lui coûta fils ayant quitté un instant son nourrisson, un
douze cents écus; cette sphère contenait plu- serpent entre dans la chambre pour le dévo-
sieurs utilités, et était fabriquée de telle ma- rer. Le chien l'attaque et le tue. La nour-
nière que tous les mouvements des planètes, rice; à son retour croit l'enfant étranglé. A
à toutes heures de jour et de nuit, s'y pou- ses cris, le père et la mère accourent et ce-
vaient trouver il l'a depuis rédigée par écrit lui-ci., sans rien examiner, tue son chien.
en tables astrologiques (3). Mais bientôt, convaincu de son injustice, il
GUILLAUME LE ROUX, fils de Guillaume ensevelit par reconnaissance l'animal dans
le Conquérant, et tyran de l'Angleterre dans un puits, qui était devant la porte du châ-
le onzième siècle. C'était un prince abomi- teau il le couvre de pierres et, pour éter-
nable, sans foi, sans mœurs, blasphémateur niser sa mémoire, il fait planter un arbre
et cruel. Il fit beaucoup de mal à l'Eglise en auprès de ce monument.
Angleterre; il chassa l'archevêque de Can- « Peu de temps après, le château ayant été
torbéry, et ne voulut point que ce siège fût détruitdefondcn comble, lelieu devint désert;
rempli de son vivant, afin de profiter des re- mais les paysans des environs,instruits de l'a-
venus qui y étaient attachés. Il laissa les venture et de la mort malheureuse du chien,
prêtres dans la misère et condamna les l'honorèrent comme martyr, sous le nom de
moines à la dernière pauvreté. Il entreprit saint Guinefort; et, séduits par le diable, ils
des guerres injustes et se fit généralement^ vinrent à son tombeau l'invoquer. dans leurs
détester. infortunes et leurs infirmités.
Un jour qu'il était à la chasse (en l'année « Les femmes surtout y apportaient leurs
1100, dans la quarante-quatrième de son âge enfants quand ils étaient malades. Elles s'y
et la treizième de son règne); il fut tué d'une faisaient conduire par une vieille sorcière
llèche lancée par une main invisible. Pendant qui habilaità une lieue de là, «t qui était ha-
rçu'il rendait le dernier soupir, le comte de bile dans l'art d'évoquer les démons. D'a-
Cornouailles, qui s'était un peu écarté de la bord la mère et la sorcière offraient à Gui-
chasse, vit un grand bouc-noir et velu, qui nefort du sel ou quelque autre don.; et toutes
emportait un homme défiguré et percé d'un deux enfonçaient des aiguilles dans les ar-
(1)Pierre le Vénéralile, Livredes Miracles. Hisloriamajor,t. II.
(-2)Wierus,(Je Ppxsl, lib.III, cap. vi. (5)Nauclé,Apol.pour les grandspersonnages accusés
(5) Extrait d'un ancien manuscrit cité ta fin des de magie, ch. xvn, i>. 493.
de
Ycmarqucs Jdly.surlîay'le. (fi)Voyezles Fabliaux du moyenâge, recueillis par
ïl) Wuuh&i Tymi'iiPrœmiavirWiurn.–MatthieuP&ris. J, Loyseau;olioz Périsse, 1816,i).'26.
781 CM,1* GUY 78*
bres du lieu. Puis, après avoir dépouilléi'en- En 1714, les Mémoires de Trévoux
populaire.
fant et posé, ses drapeaux sur les buissons ayant rendu compte du livre, ils çilèren:
voisins, elles se le jetaient l'une à l'autre, en l'histoire de Ganelon; et depuis, le P. Feijoo
le faisant passer entre deux arbres. Pendant bénédictin espagnol, l'a rapportée dans son
ce temps, elles invoquaient les démons et Théâtre critique des erreurs communes (lj.
surtout les faunes de la forêt Rimite, qu'elles GULLETS ou BONASSES, démons qui ser-
conjuraient de prendre cet enfant malade vent les hommes dans la Norwég-e, et qui se
qui leur appartenait, et de leur rendre le louent pour peu de chose. Ils pansent léj
leur, qui naguère était sain et bien portant. chevaux, les étrillent, les frottent, les bri-
L'enfant, après cet exercice meurtrier, était dent, les sellent, dressent leurs crins ci leurs
posé nu au pied d'un arbre, sur la paille de queues, comme le meilleur palefrenicr ils
son berceau. Les deux femmes alors -allu- font même les plus viles fondions de la mai-
maient deux cierges, gros comme le pouce, son. Voy. BÉîûTU, Hecoekin, etc.
qu'elles posaient, à sa tête et à ses pieds, sur GURME, chien redoutable, espèce de Cer-
une des branches de l'arbre. Puis elles se bère del'enfer des Celtes. Pendant l'existence
retiraient, ne s'arrêtant et ne cessant de du monde, ce chien est attaché à rentrée
marcher que quand elles ne pouvaient plus le d'une caverne; mais au dernier jour il doit
voir ni entendre ses cris. Lorsque les cierges être lâché, attaquer te dieu Tyr ou Thor, et
étaient consumés, elles se rapprochaient. le tuer.
Mais souvent il arrivait qu'en tombant, les GUSOYN, grand-duc aux enfers. 11 appa-
cierges mettaient le feu à la paille, et l'enfant raît sous la forme d'un chameau. Il répond
alors se trouvait brûlé. J'ai même ouï dire à sur te présent, le passé, l'avenir, et décou-
une mère, continue le bon dominicain, que, vre les choses cachées. II augmente les di-
tandis qu'elles se retiraient en invoquant les gnités et affermit les honneurs.,Il commande
faunes, un. loup sorti de la forêt, était accouru ` a quarante-cinq légions (2).
et aurait infailliblement dévoré son fils si GUSTAPH. Voy.Zoboastiik
elle n'était venue au secours. GUTHEYL ou GÛÏHYL, nom sous lequel
«Enfin, quand les femmes, à leur retour, les Germains vénéraient je gui de chêne. Us
retrouvaient l'enfant vivant,elles le portaient lui attribuaient des vertus merveilleuses
à un ruisseau voisin, nommé Chalarone et particulièrement contrel'épilcpsie, et le cueil-
là elles le plongeaient dans l'eau neuf fois de laient avec les rriêrnes cérémonies que les
suite. Pcu.d'enlants étaient capables de rési- Gaulois.
&ter à tant d'épreuves meurtrières, et ordi- Dans certains endroits de la Haute-Alle-
nairement ils périssaient à l'endroit même, magne, cette superstition s'est conservée, et
ou peu d'heures après. -les habitants sontr encore aujourd'hui dans
«Je me suis rendu sur le lieu, poursuit le l'usage de courir de maison en maison et de
père Bourbon j'y ai assemblé le peuple, et ville en ville, en criant: « Gùtheyll Qutheyll
contre cette superslition. Par mon Des Septentrionaux s'imaginaient qu'un
j'ai prêché muni de gui de chêne, non-seule-
ordre, on a détruit le bois, on a exhumé le homme,
mort/on a brûlé ses os, et le seigneur a ment no pouvait être blessé, mais était sûr
rcnduunc ordonnance qui défendait de ve- de blesser tous ceux contre lesquels il lançait
nir là pour pareil motif, sous peine d'une une flèche. C'est à cause de ces vertus ma-
confiscation générale de tous les biens. » giques, attribuées au gui de chêne, qu'on
11y a un autre récit, assez semblable à ce l'appelle en Alsace Marentakein, c'estrà-dirc
des spectres.
qu'on vient de lire seulement l'aventure a arbrisseau DE LA TOUCHE. Le règne de ;
lieu on Auvergne, sous le règne de Louis GUYMOND
le Débonnaire le chien périt dans le combat Voltaire, en 1757, brillait de toute sa fausse ">
avec te serpent. Ce chien s'appelait Ganelon. splendeur. Des souverains philosophes ou
Son maître, par reconnaissance, lui fait éle- indifférents l'encourageaient,. sans prévoir,
ver un tombeau près d'une fontaine. Deux dans leurs vues bornées, ce qui sortirait de
ou trois siècles ayant aboli la mémoire de ces doctrines. La société, tombée dans .un
et la fontaine s'étant trouvée grand.relâchement de mœurs, .applaudissait
l'événement,
les qu'opérèrent ses une philosophie qui mettait le.s. consciences'
médicinale, guérisons
eaux furent attribuées à la vertu du tombeau, à l'aise. Une morale facile, vague, arbitraire,
et l'on y'bâlit, sous l'invocation de saint Ga- toujours pliée aux passions humaines,.rem-
nelon, une sorte de chapelle que longtemps plaçait les grands enseignements de la reli-
le concours des peuples rendit célèbre. Enfin gion. On n'allait plus guère au sermon mais
un évoque, .après bien des recherches, dé- il y avait des prêches au théâtre. Voltaire
couvre dans les archives du château l'anec- avait iiîis à la modelçs tirades philosophiques
dote- du chien, et il abolit la superstition. sur la scène; çt.dans toutes les tragédies si
Celle, dernière histoire se trouve citée dans froides de ce temps^là, -on était sûr de ren-
un ouvrage imprimé en 1713, sur la vénéra- contrer, parmi les personnages, unprédiçant
tion- rendue aux reliques des saints selon l'es- qui débitait des axiomes à tort et à travers.
et de toute superstition Tous l.esjeunes poëtesfourvoyés avaient soin
prit de, l'Eglise, purgée
26 octobre1786,donne l'his- chienen reconnaissanceJe ce bienfait,animalne et le fit manger
11) ï.c Journal de Paris, devait
toire 'd'un interprètegrec h Consiaiiiino|ile, dontla maison par ses amis, prétendantqu'un pareil
a sa mort, la proie des vers.
était devenuela proiuîlesflammes,et dontle filsfutsauvé pas être,
do l'incendie par nu chien qui remporta dans sa, tuasun gueule. (2) Wicrus,iii.l'âcuUoi.uouarcbia Uaera.
Cet homme» dit l'auteur cite par le journaliste
785 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 784
de moraliser ainsi, quelquefois delà manière ferme dans ses convictions philosophiques,
la plus grotesque. niant sans réserve tout ce qu'il ne' compre-
On représenta en 1757, le k juin, une tra- nait pas, prétendant tout expliquer par la
gédie intitulée Jphigénie en Tauride, imita- seule puissance de la raison humaine, et se
tion, des anciens. Ceux qui connaissent la promettant bien de mourir 'enveloppé dan»
littérature dramatique, savent que dans cette sa philosophie, -manteau un peu troué.
pièce, Iphigénie, devenue vieilli!, rompue au Mais hélas 1 ainsi raisonnait l'anglais John-
métier de bourrelle, comme prêtresse de Dia- son, qui avait peur des revenants.
ne, immolait'de sa main, dans d'horribles sa- Dans ces stoïques dispositions le 11 fé-
crifices, tous les étrangers que la. mer jetait vrier 1760, tout préoccupé d'une tragédie de
sur son affreux rivage. ;£h bien! l'auteur lui Régulus, dont il venait de terminer le plan,
faisait faire à cette femme un discours moral, Guymond s'en alla rendre ses devoirs à une
le. couperet sanglant au poing. Et quel était très^graiule dame qui l'accueillait à ses soi-
le thème de ce hors-d'œuvre si singulière- rées. Au, lieu d'arriver dans une société nom-
ment placé? l'éloge de la loi naturelle, qu'elle breuse, comme il s'y .«tait attendu il ne
violait tous les jours. C'est, disait-elle, trouva que la princesse, laquelle, en com-
C'estla premièreloi, c'est laseule peut-être. pagnie de deux doses amies, se disposait à
C'est la seuledu moinsqui se fassecomtaitre, se rendre incognito chez une sorcière. Tel-
Qui soitde tousles temps,qui soitde tous les lieux,l' les étaientles mœurs d'alors; on n'avait pas
Et qui règle à la foisles hommes et les dieux. de religion, et on consultait les devineresses.
et malgré la critique de Gilbèrt, qui s'écriait Des femmes qu repoussaient le catéchisme,
indigne ouvraient les livres qui expliquent les son-
La musede Sophocle,en robe doctorale, ges. Qu'on se rappelle, un peu plus tard, les
Sur des tréteaux sanglantsprofesseta morale. succès d.e.cig!iostro et, sous l'Empire, l'Im-
pératrice Joséphine se faisant tirer les cai tes
malgré la spirituelle parodie de Favart et Voi- par mademoiselle, Lenormand.
senon (les Rêveries renouvelées des Grecs), La sagesse philosophique de Guymond se
qui est une si bonne critique, malgré le sens révolta d'abord. Malgré son respect pour la
(!i(ninun,le public d'alors applaudissait;- et grande dame, il osa dire Quoi 1 votre es-
de nos jours, car il n'y 'a pas longtemps prit élevé, madame peut-il croire aux sor-
qu'on jouait encore cette pièce, ceux qui vont cières ?
au théâtre ont vu de tels vers accueillis dans C'est fort curieux, répondit la princesse;
une telle bouche et 'dans une telle situation. et puis nous ne vous mettons point dans nos
L'auteur de cette tragédie était Guymond secrets pour subir votre critique.
de la Touché poëte de 38 ans né à Châ- --Mais vous n'ignorez pas, madame, qu'un
leauroùx'en 1719. Commeil n'a fait que cette vain charlatanisme est toute la science de
pièce, et que le jour de la représentation un ces femmes.
avocat au parlement de Paris, nommé Vau- Que vous importe? les philosophes sont
bertrand, fit vendre tout' imprimée une tTa- des charlatans aussi. •
gédiedë lui, intitulée pareillement Iphigénie Mais nous sommes sous le règne de la
.en Tauride, laquelle n'a pas été jouée, on a raison, dans le siècle des lumières.
voulu contester, à Guy mond l'invention de sa Notre sorcière. travaillé la nuit; et pour
fable. Mais il n'y avait invention pour per- vous punir de vos observations vous allez
sonne, puisque c'était, comme nous l'avons venir avec nous.
dit, une imitation. Les sorties philosophi- Ce sera toujours un grand honneur
ques seules étaient nouvelles et sont bien pour moi. Mais au moins madame, me sera-
de Guymond dé la-Touche.' Cet homme qui, t-il permis de rire des choses que je ver-
d'abord plein d'un zèle ardent et peut-être rai?
mal réglé.était entré dans une maison reli- Tant. qu'il vous plaira, si vous pouvez.
gieuse, vbulant se faire missionnaire, avait -1 Je suis donc à vos ordres.
ensuite rencontré dans le monde dés philo- H partit avec tes dames, et se promit, en
sophes dont il avait trouvé la condition plus y réfléchissant plus mûrement, une soirée
doûcé.; et il s'était laissé entraîner dans leur amusante. Toutefois, il ne pouvait se tenir
tourbillon. Il leur avait donné un de ces ga- 'en lui-même d'avoir orgueilleusement pitié
ges'qu'il's demandent souvent ceux de qui -de la princesse à l'esprit faible.
ils s'emparent il avait publié une mauvaise On arriva chez la sorcière. C'était une devi-
épître intitulée les Soupirs du cloître, ou le neresse de haute société. Les salons, myslc^
Triomphe du fanatisme, fruit aune colère rieusement décorés, avaient quelque chose
aveugle et injuste, dit un biographe. Lié avec 'de solennel et d'imposant. La tenture était
:les incrédules, il y avait quinze ans qu'it une étoffe brune, sur laquelle on avait brodé
s'était rayé lui-même de la liste des chré- 'en gris des chauves-souris, des scarabée»
tiyhs. H n'avait plus dé joug, disait-il, que et des hiéroglyphes. Une seule lampe, dont
la loi naturelle, qui n'est ni un joug ni un la clarté était fort vive éclairait la salle
frein puisqu'elle permet tout qu'elle se d'audience. Cette lainpereposailsurunetabio
plie à tout, et qu'elle est la licence. Il vivait carrée, couverte d'un tapis de serge noire qui
donc en esprit fort, ne croyant à rien mé- traînait jusqu'à. terre. Tout auprès était as-
prisant les préjugés, raillant la foi se mo- sise, sur un trépied de fer, la sorcière en vo-
quant de la foule, au-dessus, disait-il, de la gue. Elle était vêtue d'une robe pourpre
suDerslition. des faiblesses et de l'erreur, avec son capuchon, bordée de bandes blrin*
785. GUY CU* 786.
ches et semée d'étoiles des bandelettes égyp- neresse ne savait s'il devait la recevoir au
tiennes encadraient son visage sérieux et ré- sérieux ou s'il devait en rire. Elle reprit sur
gulier. Cette femme avait cinquante ans; le même ton théâtral
elle était forte et puissante, relevée encore Curieux étranger qui voulez pénétrer
par une haute taille et par un grand air de des mystères fermés pour vous et qui ne
dignité. voyez pas ce qui vous touche, je vais vous
Les ricanements de Guymond de la Touche apprendre un avenir que vous ne veniez pas
expirèrent un peu sur ses lèvres, à ce spec- chercher ici.
lacle qu'il n'avait pas prévu. Venu pour La cloche était redevenue transparente; le
railler, il ne sentait plus dans' son esprit nuage s'était évanoui. A la place des deux
qu'une curiosité vivement excitée. Se repro- billets qu'elle couvrait; et qu'on avait mis là
chant cette sorte de concession, il détourna pliés en carréj se trouvaient deux autres bil-.
les yeux de la sorcière cherchant à sourire lets plies en triangle/C'étaient lesréponscs
au moins des. assistants qui étaient nom- demandées.
breux. C'était, une séance de cette' maçonne- La jeune fille, qui devait les prendre, resta
rie égyptienne que des Juifs vagabonuV immobile, respectant l'action de la sorcière.
avaient depuis peu importée à Paris. Mais' Celle-ci fixait sur Guymond "un œil'ardenl;
tous les spectateurs étaient immobiles et et tous les regards s'étaient arrêtés sur lui.
gardaient le plus profond silence. Vous portez au front, ponrsuivit-èlle,
Une manière de Cophte entra, sans dire un signe qui ne me trompera point. Vous ne
un- mot vêtu d'une longue robe blanche, le reviendrez pas deux fois devant le trépied
front ceint d'une banderole d'argent. Il opé- de fer.
rait avec la devineresse. Ce personnage ne Le poëte fit un mouvement.
s'annonça qu'en traçant dans l'air un alpha Apprenez, dit-elle enfin, que vous
avec une baguette noire. Il amenait une jeune mourrez dans trois jours.
fille vêtue de noir' et couronnée de fougère Un cri étouffé sortit de la poitrine de; Guy-
de trèfle et de verveine, laquelle s'arrêta de- mond. A ce cri, la cloche bogdit sur latable
vant la table. Un des assistants déposa un et se brisa en retombant. Ce fait acheva de
papier, qui sans doute contenait une ques- l'épouvanter et cet homme, qui rfe croyait
tion la princesse, que le poëte dramatique à rien, qui niait tout, qui voulait tout. coin-:
accompagnait eu déposa un autre. Aucun prendre, s'affaissa sur lui-même et chercha
bruit, aucun mol ne rompait lé silence. un siège où il tomba.
Le Cophte, qui procédait avec une ex- Le Cophte, reparaissant subitementalofs,
trême gravité, se mit à enfoncer des épingles pour rappeler aux autres assistants la né-
dans le cou de la jeune fille dont le visage cessité au silence, avait tracé en l'air un lo-
n'exprimait pas la moindre sensibilité. Parmi sange avec sa baguette. Tous les habitués
les spectateurs tes uns témoignaient une savaient qu'un mol, un cri prononcé .'par un
terreur muette, les autres une singulière vé-, profane pendant les expériences^ détruisait^ ¡
nération; la princesse et ses amies demeu- les charmes.
raient calmes. La jeune fille remit au Cophte les deux,
Guymond cherchait une figure qui du billets celui-ci les' rendit à leur:a'dresse: La
moins échangeât avec lui un regard; mais; demande de la princesse était
personne n'était distrait du spectacle ex- Qu'est devenu ' un ami bien cher .>.• que
traordinaire de la jeune fitle piquée. j'ai perdu?
Quand les épingles qu'on lui enfonçait dans La réponse se formulait ainsi. '
le cou eurent formé un triangle enfermé dans' Il vous attend, plein de tendresse, dans
un cercle elle prit sur une console qui était votre salon: •' s< •
derrière la sorcière une cloche de verre par- Une grande joie se manifesta sur le visage
faitement transparent, et la posa sur les deux de la haule dame. Sans attendre autre chose,
papiers pliés qui étaient déposés devant la elle glissa dans la main de la jeune fille aux
lampe. Tout le monde redoubla d'attention. épingles une riche récompense fit un signe
Le Cophte se retira pendant qu'on admirait au poëte, qui se leva chancelant, et sortit
le phénomène des Jeux. billets agités, d'un avec ses deux amies..Guyrxiond était tombé
léger mouvement. Guymond frappé s'appro- dans une si profonde- rêverie et daiis'ùii.!si
cha davantage. Il voulait chercher des res- sombre abattement-, qu'il fut impussible aux'
sorts à cette magie'qu'il voyait. • trois dames de lé ramener à d'.aulres.itléé.s,-
La sorcière alors ouvrit enfin ta bouche et et qu'il se tint .'comme un malade dans .un
prononça sourdement majs distinctement, coin de la voiture. ::
ces paroles en s'adressant au poêlé En vain: là princesse fit- un appel à sa,
.Vous êtes bien empressé à vous éclair- philosophie, à son esprit fort; il 'était- la,
cir de ce qu'on fait ici 1 preuve encore vivante de la faiblesse des
Guymond releva la tête. Personne ne dé- sophistes.
tourna les yeux de la cloche de verre qu'un La dame avait hâte. de revoir son cher
nuage gris remplissait. On voyait à travers Lauzun. Dès qu'elle rentra dans son salon,
les deux billets danser. Le nuage s'épaissil sa femme de chambre le lui rcmilcnlre 1rs.
un moment on" ne vit plus ricn. La lumière' bras. C'était un joli épagncul anglais,- q.ui
de la lampe devint plus rouge et plus con- s'était perdu et qui, 'disait– 0*11à sa.louarige,
centrée; était revenu seul-, depuis un quart d'heure.
Le poëte, surpris de l'insolence de là devi- Cet incident acheva de confondre le plnlo-
H2~" ~M~
-87 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 788
sophe il fit ses révérences et se retira chez qui n'avait qu'une ligne de longueur et qui
lui. Il se mit au lit. La révolution que la der- était tellement fine avec une très-grosse fête,
nière parole de la sorcière avait opérée dans qu'elle entrait dans la peau sans y causer au-
son cerveau lui donna une fièvre telle que cun dégât.
le troisième jour en effet, îh février 1760, Enfin on sut que les nouvelles données sur
-Guymond de la Touche mourut de terreur. le tendre ami à quatre pattes de la princesse
-'Nous ignorons dans quels sentiments il n'avaient rien non plus de surprenant; c'é-
rendit l'esprit. Mais s'il y avait' une porte au tait le Cophte lui-même qui l'avait volé, sa-
cerveau des incrédules, on y verrait ainsi de chant bien ce qu'il faisait, erqui l'avait fait
surprenantes pusillanimités. reporter à l'heure convenable. On découvrit
Vous seriez mal satisfaits, si nous vous bien d'autres choses; et il s'agissait de faire
laissions dans le doute sur les merveilles le procès à cette petite bande d'imposteurs.
auxquelles nous vous avons fait assister, Mais comme les grandes dames, qui ne sont
quand nous en avons la clef et l'explication. jamais les dernières à fréquenter les galetas
Quinze jours après la visite dont nousve- où se fabriquent des singeries mystérieuses,
nons de voir les conséquences, le lieutenant craignaient de se voir compromises, on ob-
de police découvrit l'antre de la sibylle, qui tint du lieutenant de police qu'il se conten-
exerçait, sans permission une profession pro- tât de chasser de Paris la sorcière et ses
hibée. On l'arrêla, avec le Cophte, la jeune aides, qui allèrent ailleurs faire d'autres
fille aux piqûres et un petit nain très-futé dupes.
qui les servait. C'était une famille de Bohé- On eût pu éclairer Guymond de la Tou-
miens d'Alsace, qui gagnait beaucoup d'ar- che et le faire rougir de sa petitesse d'esprit.
gent. On reconnut que la table au tapis noir Mais il n'était plus temps.
était adroitement percée au milieu que le GYMNOSOPHISTES philosophes ainsi
nain se tenait dessous pendant les séances nommés parce qu'ils allaient nus ou sans
qu'il introduisait par un tube une fumiga- habits. Chez lesdémonomancs, les gymnoso-
tion dans la cloèTie,' au moyen de laquelle. il phistes sont des magiciens qui obligeaient
établissait l'obscurité; qu'il enlevait alors la les arbres à s'incliner et à parler aux gens
bonde parfaitement ajustée, retirait les bil- comme des créatures raisonnables. Thespe-
lets et les passait, au moyen d'une coulisse, sion, l'un de ces sages ayant commandé à
dans le réduit voisin où le Cophte faisait les un arbre de saluer Apollonius, il s'inclina,
courtes réponses. Quand ces réponses étaient- et, rabaissant le sommet de sa tête et ses
remises sous la cloche, le nain replaçait la branches les plus hautes, il lui fit des com-
bonde et par une petite machine aspirante pliments d'une voix distincte,mais féminine,
retirait la fumée. 11 produisait par les mê- ce, qui surpasse la magie naturelle (1).
mes agents des commotions et d'autres pro- GYROMANCIE, sorte de divination qui
diges, Ces opérations se faisaient avec une se pratiquait en marchant en rond, ou en
grande habileté. tournant autour d'un cercle, sur la circon-
On apprit aussi le secret des épingles. férence duquel étaient tracées des lettres. A
Elles étaient disposées sur une large pelote. force de tourner on s'étourdissait jusqu'à se
Le Cophte, n'ayant l'air d'en prendre qu'une, laisser tomber, et de l'assemblage des carac-
les prenait deux par
deux une très-grande tères qui se rencontraient aux divers endroits
que les assistants voyaient fort bien, une où l'on avait fait des chutes', on tirajt des
très-petite que l'on ne voyait pas. Il laissait présages pour l'avenir. Voy. ALECTRYOMAN-
couler la grande dans sa manche, disposée CIE,
pour la recevoir, et n'enfonçait que la petite,

H
HAAGENTI, grand-président aux enfers. duc; il se montre à cheval sur une vipère,
Il parait sous la figure d'un taureau avec avec trois têtes, l'une de serpent, l'autre
des ailes de griffon. Lorsqu'il se montre por- d'homme, la troisième de chat. II tient à la
tant face humaine, il rend l'homme habile main une torche allumée. Il commande
à toutes choses il enseigne err perfection vingt-six légions. Quelques-uns disent que
l'art de transmuer tous les métaux en or, c'est le même quellaum ce-qui nous paraît
et de faire d'excellent vin avec de l'eau douteux.
claire. JI commande trente-trois légions. HACELDAMAou HAKELDAMA, qui si-
HABONDIA, reine des fées, des femmes gnifie héritage ou portion de sang. Ce mot est
blanches, des bonnes, des sorcières, des lar- devenu commun à toutes les langues du
ves, des furies et des harpies, comme l'assure christianisme, depuis le récit sacré qui nous
Pierre Delancre en son livre de l'inconstance apprend qu'après que Judas se fut pendu,
des démons. les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces
HABORYM, démon des incendies appelé d'argent qu'ils lui avaient données pour tra-
aussi Aym. 11 porte aus enfers, le titre de hir Notre-Seigneur, un champ qui fut des-
(t) Delancre,Incredplité et mécrdance du sortilège tiné à la sépulture des étrangers, et qui
p*9fiiemen<,
convaincuep. 55. porta le nom d'Haceldama. On montre encore
789 HAL HAL 790
ce champ aux étrangers. Il .t..mta
nn nh~m.v ~na 1FI _4
est petit et cou- faible est 1-la marque d'un
C,.C61, _7f_ i_1_u
tempérament usé
vert d'une voûte, sous laquelle on prétend et d'un esprit faible.
que les corps qu'on y dépose sont consumés HALLUCINATION. Walter Scott; dans sa
dans l'espace de trois ou quatre heures. démonologie, voit la plupart des apparitions
HAKELBEHG. « L'origine du nom de Wo- comme de véritables hallucinations. Il a rai-
den ou Odin se révèle par la racine étymolo- son en général. Mais il ne faut pas faire de
gique de l'anglo-saxon Woodin, qui signifie »cette explication un système, à la manière
le (éfocé ou le furieux. Aussi l'appelle-t-on des esprits qui veulent touteomprendre, dans
dans le Nord le chasseur féroce, et en Allema- un monde où nous sommes environnés de
gne Groden's heer ou Woden's heer. Woden, tant de choses que nous ne comprenons
dans le duché de Brunswick, se retrouve pas.
sous le nom du chasseur Hakelberq. Hakel- C'est une hallucinatiun épidémique que
berg, seigneur de Rodenstein, était un che- l'exemple qu'il cite de l'Ecossais Patrick
valier pervers qui renonça à sa part des joies Walkcr, si, en effet, il n'y a^ait là que les
du paradis, pourvu qu'il lui fût permis de phénomènes d'une aurore boréale. « En
chasser toute sa vie en ce monde le diable l'année 1G86, aux mois de juin et1 de juillet,
lui promit qu'il chasserait jusqu'au dit l'honnête Walker, plusieurs personnages
jour du encore vivants peuvent attester que, près le
jugement dernierr On montre son tombeau
dans la forêt d'Usslar c'est une énorme bac de Crosford, à deux milles au-dessous
pierre brute, un de ces vieux monuments de Lanark, et particulièrement aux Mains,
appelés vulgairement sur la rivière de la Clyde, une grande foule
pierres druidiques; de curieux se rassembla plusieurs fois après
nouvelle circonstance qui servirait encore à
confirmer l'alliance des traditions populai- midi pour voir une pluie de bonnets, de
res avec l'ancienne religion du pays. Selon chapeaux, de fusils et d'épées; les arbres et
les paysans, cette pierre est gardée par les le terrain en étaient couverts; des
compa-
chiens de l'enfer, qui y restent sans cesse gnies d'hommes armés marchaient en 1air
accroupis. En l'an 1558, Hans Kirchof eut le lu long de la rivière, se ruaient les unes con.
malheur de la rencontrer tre les autres, et disparaissaient pour faire
par hasard car
il faut dire que personne ne la trouve en se place à d'autres bandes aériennes. Je suis
rendant exprès dans la forêt avec l'intention allé là trois fois consécutivement dans l'a-
de la chercher. Hans raconte qu'à son ex- près-midi, et j'ai observé que les deux tiers
trême surprise, il ne vit pas les chiens, quoi- des témoins avaient vu, et que l'aulre tiers
n'avait rien vu.
qu'il avoue que ses cheveux se dressèrent « Quoique je n'eusse rien vu moi-même,
sur sa tête lorsqu'il aperçut le
mystérieux ceux qui voyaient avaient une telle frayeur
mausolée de ce chasseur félon.
et un tel tremblement, que ceux qui no
« Le silence règne autour de la pierre de la
forêt d'Usslar; ma.is l'esprit agité du cheva- voyaient pas s'en apercevaient bien. Un gen-
lier Hakelberg, ou du démon qui a pris ce tilhomme, tout près de moi, disait Ces
damnés sorciers ont une seconde vue; car le
nom, est aujourd'hui" tout-puissant dans le diable m'emporte si je vois quelque chose 1
voisinage d'Odcn-Wald, ou forêt d'Odin, au Et sur le champ il s'opéra un changement
milieu des ruines du manoir de. Rodcnstein.
Son apparition est un pronostic de guerre. dans sa physionomie. Il voyait.
« Plus effrayé que les autres, il s'écria
C'est à minuit qu'il sort de la tour gardée
-Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien
par son armée les trompettes sonnent, les car je vous assure que c'est un fait visible
tambours battent; on dislingue les paroles
de commandement pour tous ceux qui ne sont pas aveuglas.
adressées par le chef à Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient
ses soldats fantastiques et, si le vent souf- décrire les espèces de batterie des fusils, leur
fle, on entend lé frôlement des bannières;
longueur et leur largeur, et la poignée des
mais, dès que la paix doit se conclure, Ro-
denstein retourne aux ruines de son château, épées, les ganses des bonnets, etc. »
Ce phénomène singulier, auquel la multi-
sans bruit, ou à pas mesurés, et aux sons
tude croit, bien quo seulement les deux tiers
d'une musique harmonieuse. eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter
« Rodenstein peut être évoqué, si on veut Scott, à l'action de.ce plaisant qui, se posait
lui parler. 11 y a quelques années, un garde dans l'attitude de Tâtonnement les yeux
forestier passait près de la tour à minuit fixés sur le lion de bronze bien connu qui
il venait d'une orgie et avait une dose plus orne la façade de l'hôtel de Nqrlhumbcrland
qu'ordinaire d'intrépidité Rodenstein, ziche dans le Strand (à Londres), attira l'attention
herausl s'écria-t-il; Rodenstein parut avec de ceux qui le regardaient en disant Par
son armée hélas 1 telle fut la violence du le ciel, il remue 1. il remue de nouveau 1
choc dans l'air, que le garde tomba par terre et réussit 'ainsi, en peu de minutes, à faire
comme si un coup de vent l'avait frappé: obstruer la rue par une foule immense; les
il se releva plein d'effroi et n'osa plus uns s'imaginant avoir effectivement aperçu
répé-
ter Rodenstein, ziche herausl (1) » le lion de Percy remuer la queue; les autres
HALEINE. Une haleine forte et violente attendant pour admirer la même merveille.
est la marque d'un grand esprit, dit un sa- De véritables hallucinations sont enfan-
vant, et au contraire, ajoute-t-il, une haleine tées par une funeste maladie, que diverses
causes peuvent faire naître. La source la
(I) Traditionspopulaires.Quarterlyneview. plus fréquente est produite par les habitudes
791 D|CTFONNAIKBDES SCIENCES OCCULTES. 792
d'intempérance de ceux qui, à la suite d'ex- que. La pote de la chambre, même lorsque
cès de boissons contractent ce que !e j'ai eu la faiblesse de la vcrrouiller, ce qui
peuple nomme les diables bleus sorte de m'est arrivé souvent, s'ouvre tout à coup
spleen ou désorganisation mentale. Les une vieille sorcière, semblable à celles qui
joyeuses illusions que dans les commence- hantaient les bruyères de Forrès, entre d'un
ments, enfante l'ivresse, s'évanouissent avec air menaçant, s'approche, se jette sur moi
] le temps, et-dcgénèrç,nt en impression d'ef- mais si brusquement, que je ne puis l'évi-
«froi. Le fait qui va suivre fut raconté à l'au- ter, et alors me donne un violent coup de sa
teur par un ami du patient. béquille; je tombe de ma chaise sans con-
Un jeune homme riche qui avait mené naissance, et je reste ainsi plus'ou moins
une vie de nature à compromettre à la fois longtemps. Je suis tous les jours sous la
sa santé et sa fortune, se vit obligé de con- puissance de cette apparition.
sulter un médecin. Une des choses dont il se Le docteur demanda au malade s'il avait ja-
plaignait le plus, était ta présence habituelle mais invité quelqu'un à être avec lui témoin
d'une suite de. fantômes habillés de vert, d'une semblable visite. 11. répondit que non.
exécutant dans sa chambre une danse bi- Son mal était si particulier, on devait si na-
zarre, dont il était forcé de supporter la vue, turellement l'imputer à un dérangement
quoique bien convaincu que tout le corps de mental, qu'il lui avait toujours répugné d'en
ballet n'existait que dans son cerveau. Le parler à qui que ce fût. -rr Si vous le per-
médecin lui prescrivit un régime.; il lui re- mettez, dit le docteur, je dînerai avec vous
commanda de se retirer à la campagne d'y aujourd'hui tête à tête, et nous verrons si
observer une diète calmante, de se lever de votre méchante vieille viendra troubler notre
bonne heure de faire un exercice modéré, société.
d'éviter une trop grande fatigue. Le malade Le malade accepta avec gratitude. Ils dî-
se conforma à cette prescription et se réta- nèrent, et le docteur, qui supposait l'exis-
blit. tence de quelque maladie' nerveuse, em-
Un autre exemple d'hallucinations est ce- ploya le charme de sa brillante conversa-
lui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin. tion à captiver l'attention de son hôte, pour
Cet homme ne°se bornait pas à vendre des l'empêcher de penser à l'heure fatale qu'il
,3vres c'était encore un littérateur il eut avait coutume d'attendre avec terreur. Il
le courage moral d'exposer à la Société phi- réussit d'abord. Six heures arrivèrent sans
losophique de Berlin le récit de ses souf- qu'on y fît attention. Mais à peine quelques
frances, et d'avouer qu'il était sujet à une minutes élaient-elles écoulées que le mo-
suite d'illusions fantastiques. Les circon- nomane s'écria d'une voix troublée: Voici
stances de ce fait peuvent être exposées très- la sorcière 1 -et, se renversant sur sa chaise,
brièvement, comme elles l'ont été au public, il perdit connaissance.
attestées par les docteurs Ferriar, Hibbért Le médecin lui tira un peu de sang, et se
et autres qui ont écrit sur la démonologie. convainquit que cet accident périodique
Nicolaï fait remonter sa maladie à une série dont se plaignait le malade, était une ten-
de désagréments qui lui arrivèrent au com- dance à l'apoplexie. Le fantôme à la bé-
mencement de 1-791. L'affaissement d'esprit quille était simplement une sorte de combi-
occasionné par ces événements fut encore naison analogue à celle dont la fantaisie pro-
aggravé par ce fait, qu'il négligea l'usage de duit le dérangement appelé éphialte ou
saignées'périodiques auxquelles il était accou- cauchemar, ou toute autre impression exté-
tumé un tel état de santé créa en lui la rieure exercée sur nos organes pendant le
disposition à voir des groupes de fantômes sommeil.
qui se mouvaient et agissaient devant lui, et Un autre exemple encore me fut. cité dit
quelquefois même lui parlaient. Ces fantô- Walter Scott par le médecin qui avait été
mes n'offraient rien de désagréable à son dans le cas de l'observer. Le malade était un
imagination soit par leur forme, soit par honorable magistrat, lequel avait conservé
leurs actions; et le visionnaire possédait entière sa réputation d'intégrité, d'assiduité
trop de force d'âme pour être saisi, à leur et de bon sens. Au moment des visites du
présence, d'un sentiment autre que celui de médecin, il en était réduit à garder la cham-
la curiosité, convaincu qu'il était, pendant bre, quelquefois le lit; cependant, de temps
toute la durée de l'accès, que ce singulier à autre, appliqué aux affaires, de manière
effet n'était que la conséquence de sa mau- que rien n'indiquait à un observateur su-
vaise santé, et ne devait sous aucun autre perficiel la moindre altération dans ses fa-
rapport être considéré comme sujet de cultés morales "aucun symptôme ne faisait
frayeur. Au bout d'un certain temps, les craindre une maladie aiguë ou alarmante
fantômes parurent moins distincts dans leurs mais la faiblesse du pouls, l'absence de l'ap-
formes, prirent des couleurs moins vives pétit, le constant affaiblissement des esprits,
s'affaiblirent aux yeux du malade, et finirent semblaient prendre leur origine dans une
par disparaître entièrement. cause cachée que le malade était résolu à
Un malade du docteur Gregory d'Edim- taire. Le sens obscur des paroles de cet in-
bourg, l'ayant fait appeler, lui raconta,dans fortuné, la brièveté et la contrainte de ses
les termes suivants, ses singulières souf- réponses aux questions du médecin *c do
frances J'ai l'habitude, dit-il, de diner à terminèrent à une sorte d'enquête. Il eut re-
cinq heures et lorsque six heures précises cours à la famille personne ne devinait la
arrivent, je suis sujet à une visite fantasti- cause du mal.
ÏC'3 HAI. UAL 704
1Létal 1-
des affaires du patient était pro- zarrerie ne produisit pas beaucoup d'effet
spère aucune perte n'avait pu lui occasion- sur moi cependant elle m'alarma, à causo
ner un chagrin aucun désappointement dans de l'influence qu'elle pouvait avoir sur mes
ses affections ne pouvait se supposer à son facultés.
âge aucune idée de remords ne s'alliait à Après quelques mois, je n'aperçus plus le
son caractère. fantôme de l'huissier. Il fut remplacé par un
Le médecin eut donc recours avec le mo- autre horrible à la vue, puisque ce n'est
nomane à une explication il lui parla de la autre chose que l'image de la mort elle-
folie qu'il avait a se vouer une mort triste même, un squelettè. Seul ou en compagnie,
et lente plutôt que de dévoiler la douleur la présence de ce fantôme ne m'abandonne
qui le minait. JI insista sur l'atteinte qu'il jamais. En vain je me suis répété cent fois
portait à sa réputation, en laissant soupçon- que ce.n'est qu'une image équivoque et Pef-
ner que son abattement pût provenir d'une fet d'un dérangement dans l'organe de ma
cause scandaleuse, peut-être même trop dés- vue; lorsque je me vois, en idée à la vérité,
honorante pour être pénétrée; il lui fit voir. le compagnon d'un tel fantôme rien n'a de
qu'ainsi il léguerait à sa famille un nom pouvoir contre un pareil malheur, et je sens
suspect et terni. Lé malade frappé- exprima que je dois mourir victime' d'une affection
le désir de s'expliquer franchement avec le aussi mélancolique, bien que je ne croie
docteur, el la porte de la chambre fermée pas à la réalité du spectre qui est devant mes
il entreprit sa confession en ces termes yeux.
• Vous ne pouvez comprendre la nature Le médecin affligé fit au malade, alors au
de mes souffrances, et votre zèle ni votre lit, plusieurs questions. Ce squelette, dit-il,
habileté ne peuvent m'apporter de soulage- semble donc toujours là ?2
ment. La situation où je me trouve n'est Mon malheureux destin est de le voir
pourtant pas nouvelle, puisqu'on la retrouve toujours.
dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous Je comprends; il est, à l'instant même,
souvenez sans doute de la maladie dont il y présent à votre imagination ?7
est dit que mourut le duc d'Olivarès l'idée Il est présent à l'instant même.
qu'il était visité par une apparition, à l'exis- Et dans quelle partie de votre chambre
tence de laquelle il n'ajoutait aucunement te voyez-vous?
foi mais il en mourut néanmoins, vaincu Au pied de mon lit ;lorsque les rideaux
et terrassé par son imagination. Je suis sont entr'ou verts il se-place entre eux, et
dans la mémo position; la vision acharnée re'mplit l'espace vide
qui me poursuit est si pénible et si odieuse, Aurez-vous assez de courage pour vous
que ma raison ne suffit pas à combattre mon lever et pour vous placer à l'endroit qui
cerveau affecté bref, je suis victime d'une vous semble occupé, afin de vous convain-
maladie imaginaire. cre de la déception ?
Le médecin écoutait avec anxiété. Le pauvre homme soupira et secoua la
Mes visions, reprit le malade, ont com- tête d'une manière négative.
mencé il y a deux ou trois ans. Je me trou- Eh bien 1 dit le docteur, nous ferons
vais de temps en temps troublé par la pré- l'expérience une autre fois.
sence d'un gros chat qui entrait et sortait Alors il quitta sa chaise aux côtés du lit;
sans que je pusse dire comment, jusqu'à et se plaçant entre les deux rideauxcntr'ou-
ce qu'enfin la vérité me fût démontrée, verts, indiqués comme la place occupée par
et que je me visse forcé à ne plus le re- le fantôme, il demanda si le spectre était en-
garder comme un animal domestique, mais core visible.
bien comme un jeu qui n'avait d'existence Non entièrement, dit le malade, parce
que dans mes organes visuels en désordre ou que votre personne est entre lui et moi;
dans mon imagination déréglée. Jusque-là, mais j'aperçois sa tête par dessus vos
je n'avais nullement pour cet animal l'aver- épaules.
sion absolue de ce brave chef écossais, qu'on Le docteur tressaillit un moment, malgré
a vu passer par les différentes couleurs de sa philosophie à une réponse qui affirmait
son plaid lorsque par hasard un chat se d'une manière si précise que te spectre le
trouvait dans un appartement avec lui. Au touchait de si près. Il recourut à d'autres
contraire, je suis ami des chats, et je sup- moyens d'investigation mais sans succès.
portais avec tranquillité la présence de mon Le malade tomba dans un marasme encore
visiteur imaginaire, lorsqu'un spectre d'une plus profond il en mourut, et son histoire
grande importance lui succéda. Ce n'était laissa un douloureux exemple du pouvoir
autre chose que l'apparition d'un huissier de que le moral a sur le physique, lors même
la cour. que les terreurs fantastiques ne parviennent
Ce personnage avec la bourse et l'épée, pas à absorber l'intelligence de la personne
une veste brodée et le chapeau sous le. bras, qu'elles tourmentent.
se glissait à mes côtés, el, chez moi ou chez Rapportons encore, comme fait attribué à
les autres, montait l'escalier devant moi, l'hallucination', la célèbre apparition deMau*
comme pour m'annoncer dans un salon, puis pertuis à un de ses confrères, professeur de
se mêlait à la société, quoiqu'il fût évident Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la
que personne ne remarquât sa présence, et Société royale de Berlin, et se trouve rap«
que seul je fusse sensible aux chimériques portée par M. Thiébaut dans ses Souvenir)
honneurs qu'il me voulait rendre. Cette bi- de Frédéric le Grand. 11 est essentiel de
793 DICTIONNAIKEDES SCIENCES OCCULTES. 796

prévenir que M. GlcJilcli, à qui elle est arri- Les autres sens trompent aussi, mais sur-
vée, était un botaniste dislingué, professeur tout dans le sommeil ou dans la folie.
de philosophie naturelle et regardé comme La vision du suicide
un homme d'un caractère sérieux, simple et
tranquille. Ceci est un conte fantastique extrait de
Peu de temps après la mort de Mauper- Nicolas Nikleby, de M. Charles Dirkens.
tuis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle Le baron von Koeldwethout de Grogzwig
dans laquelle l'académie tenait ses séances, (Allemagne) était an désespoir sa femme
ayant quelques arrangements à faire dans le venait de lui donner son treizième enfant, et
cabinet d'histoire naturelle, qui était de son à chaque nouveau-né elle était plus gron-
ressort aperçut, en entrant dans ia salle, deuse. De plus, il venait de reconnaître que
l'ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe ses coffres étaient vides. Le baron ne chas-
dans te premier angle à main gauche, et ses sait plus, ne riait plus Je ne sais que
yeux braqués sur lui. faire, dit-il, j'ai envie de me tuer.
Il était trois heures de l'après-midi. Lee C'était une brillante-idée 1
professeur de philosophie en savait trop sur Le baron prit dans une armoire un vieux
sa physique pour supposer que son prési- couteau de chasse, et l'ayant repassé sur sa
dent, mort à Bâle dans la famille de Ber- botte, il fit mine de l'approcher de sa gorge.
nouilli, serait revenu à Berlin en personne." -Hem 1 dit-il, s'arrêtant tout court, il n'est
11ne regarda la chose que comme une illu- peut-être pas assez affilé.
sion provenant d'un dérangement de'ses or- Le baron le repassa de nouveau; et il fai-
ganes. Il continua de s'occuper de ses affai- sait une seconde tentative, quand il fut in-
res, sans s'arrêter plus longtemps à cet objet. terrompu par les clameurs, bruyantes des
Mais il raconta cette vision à ses confrères, jeunes barons et des petites baronnes; car
les assurant qu'il avait vu une figure aussi leur chambre était dans une tour voisine
bien formée et aussi parfaite que M. de Mau- dont les fenêtres étaient garnies de barres
pertuis lui-même aurait pu la présenter. de fer, pour les empêcher de tomber dans le
fossé. 0 délices du célibat l s'écria-t-il en
Après, avoir montré par ces récits les illu-
sions que la vue peut causer, Walter Scott soupirant, si j'avais été garçon j'aurais pu
me tuer Cinquante fois sans être dérangé.
s'occupe des déceptions que produit quel-
Le docteur Johnson Holàl mettez un flacon de vin et la plus
quefoisrorganedcl'ouïe.
conserva, dit-il, une impression profonde de grande de mes pipes dans la petite chambre
ce que, un jour qu'il ouvrait les portes de voûtée, derrière la salle d'armes.
son collège il entendit la voix de sa mère, Un valet, qui s'appelait Jèan, exécuta l'or-
à plusieurs milles de distance, l'appeler par dre du baron dans l'espace d'une demi-heure
son nom et il paraît surpris de ce qu'au- ou à peu près et le sire de Grogzwig, infor-
cun événement de quelque importance n'ait mé que tout était prêt, passadans la chambre
suivi cet avertissement. voûtée, dont les boiseries sombres étince-
laient à la lueur des bûches amoncelées dans
Le fait que voici fera connaître encore par le foyer.
quels incidents futiles l'oreille humaine peut La bouteille et la pipe étaient prêtes, et,
être abusée. Walter Scott lui-même mar- somme toute, la pièce avait un air conforta-
chait dans un lieu solitaire et sauvage, avec ble.
un jeune homme frappé de surdité, lorsqu'il -Laisse la lampe, dit le baron.
entendit ce qu'il crut être les aboiements Vous fuul-il encore autre chose, mon-
d'une meute, répétés par intervalles. C'était
dans la saison de l'été; ce qui, après une seigneur ? demanda le valet.
–Va-t'en.
courte réflexion, persuada l'illustre écrivain
Jean obéit et lè baron ferma la porte.
que ce ne pouvait être le bruit d'une chasse.
Cependant ses oreilles lui reproduisaient -Je vais fumer une dernière pipe dit-il,
continuellement les mêmes sons. Il rappela et tout sera fini.
ses chiens, dont deux ou trois le suivaient Mettant de côté le couteau de chasse en
ils s'approchèrent parfaitement tranquilles, attendant qu'il en eut besoin, et se versant
et ne paraissant évidemment point frappés un grand verre de vin, le sire do Grogzwig
des sons qui attiraient l'attention de leur s'étendit sur son fauteuil, allongea les jam-
iiitiltre, au point qu'il ne put s'empêcher de bes sur les chenets et se mit à fumer.
<!ire à son compagnon J'éprouve en ce mo- Le baron eût été certainement romantique,
ment un double chagrin de votre infirmité,
si le romantisme eût été inventé à cette épo-
,car elle vous empêche d'entendre le cri du
u chasseur sauvage. que mais il' élait doublement disposé à la
rêverie, par sa qualité d'Allemand et de fu-
Comme ce jeune homme faisait usage d'un meur. Rien n'est plus favorable que la pipe
cornet acoustique, il l'ajusta pendant que aux hallucinations. La monotonie du mou--
je lui parlais poursuit le narrateur et vement d'aspiration et d'expiration jette l'es-
dans ce mouvement, je vis la cause du phé- prit et les sens dans une espèce de somno-
nomène. Ces aboiements n'existant pas; c'é- lence. Les vapeurs narcotiques du tabac
tait simplement le sifflement de l'air dans surexcitent et exaltent l'imagination. Il sem-
l:instrument dont se servait le jeune homme, ble que du foyer de la pipe s'échappe une
mais qui pour la première fois produisait multitude d'êtres aériens qui flottent et tour.
cel.effet à mon oreille. bidonnent avec la fumée,. se cherchent et se
IAL IIAL 7!AJ
,97

nnlciocAnl Qn rvtîlîmi A * nniira


saisissent au milieu du nuage azuré, et mon n7in</> M rv*s\n –Mais nni
\T'tîc
oui, jein le
1 f> S111 S
suis par ces trCTÏl
fUîT ces Dft' de
temps; Ô&

lent au ciel en dansant. misère et d'ennui, j'ai beaucoup à, faire en


Le baron songea à une foule de choses, à Angleterre et en Franre où je vais de cep.is,
ses peines présentes, à ses jours de célibal et tout mon temps' est pris.
et aux gentilshommes vert-pomme, depuis Buvez-vous ? dit le baron, touchant la'
longtemps dispersésdans le pays, sans qu'on bouleille avec la tête de sa pipe.
sût ce qu'ils étaient devenus, à l'exception -Neuf fois sur dix et largement, reprit le
de deux qui avaient eu le malheur d'être dé- génie d'un ton sec.
capités, et de quatre autres qui s'étaient tués -Jamais avec modération?
à force de boire. Son esprit cirait au milieu -Jamais, répliqua le génie en «rissonnant,
des ours et des sangliers, lorsque, en vidant cela engendre la gaieté.
son verre jusqu'au fond, il leva les yeux et Le baron examina encore son nouvel hôte
crut s'apercevoir qu'il n'était pas seul. qu'il regardait comme un visiteur extraordi-
A travers l'atmosphère brumeuse dont il nairement fantasque, et lui demanda enfin
s'était entouré, le baron distingua un être s'il prenait une part active à tous les simples
hideux et ridé, avec des yeux creux et san- arrangements du genre de ceux dont il s'a-
glants, une figure cadavéreuse et d'une lon- gissait en ce moment. –Non, répondit évasi-
gueur démesurée, ombragée de boucles épar- vcment le génie; mais je suis toujours pré-
ses de cheveux noirs. Ce personnage fan- sent.
tastique était assis de l'autre côté du feu, et, -Pourvoirsi l'affaire va bien? je suppose.
plus le baron le regarda, plus il demeura -Précisément, répondit le génie en jouant
convaincu de la réalité de sa présence. L'ap- avec son pieu dont il examinait le fer. Ne
parition était affublée d'une espèce de tuni- perdez pas une minute, je vous prie car je
que de couleur bleuâtre,qui parut au baron suis mandé par un jeune homme affligé de
décorée d'os en croix. En guise de cuissards, trop de loisir et de trop d'argent.
ses jambes étaient encaissées 'lans des plan- -Se tuer parce qu'on a trop d'argenll
ches de cercueil, et sur son épaule gauche, s'écria le baron, en se laissant aller à une
était jeté un manteau court et poudreux, qui violente envie de rire. Ah ah ah 1voilà qui
semblait fabriqué d'un morceau de linceul. est bon 1
Elle ne faisait aucune attention au baron, C'était la première fois que le baron riait
mais contemplait fixement le feu. depuis longtemps.
Ohél s'écria le baron, frappant du pied -Dites donc, reprit le génie d'un ton sup-
pour attirer lec<regards de l'inconnu. pliant et d'un air d'anxiété, ne recommencez
Ohé 1 répéta celui-ci levant les yeux pas. s'il vous plait.
vers le baron, mais sans bouger. -Pourquoi?
–Qu'est-ce? dit le baron sans s'effrayer de -Vos rires me font mal. Soupirez tant
cette voix creuse et de ces yeux mornes; je que vous voudrez, je m'en trouverai bien.
dois vous adresser une question. Comment Le baron soupira machinalement, elle gé-
êtes-vous entré ici? nie, reprenant son courage lui tendit le •
Parja porte. couteau de chasse avec la plus sédùisanlepo-
-Qui étes-vous ? litesse.
-Un homme. Ah 1 ce n'est pas une mauvaise idée, dit.
-Je ne le crois pas. le baron, sentant la froide pointe de l'acier,
Commevous voudrez. se tuer parce qu'on a trop d'argent 1
L'intrus regarda quelque temps le hardi Bah 1 dit l'apparition avec pétulance,
baron deGrogzwig, et lui dit familièrement: est-ce une meilleure idée de se tuer parce
Il n'y a pas moyen de vous tromper, à qu'on n'en a pas assez?
ce que je vois. Je ne suis pas un homme. Je ne sais si le génie s'était compromis par
-Qui êtes-vous donc? mégarde en prononçant ces mots ou s'il
-Un génie.. croyait là résolution du baron assez bien ar-
-Vous n'en avez pas l'air, repartit dédai- rêtée pour n'avoir pas besoin de faire atten-
gneuscmentle baron. tion à ce qu'il disait je sais seulement que
-Je suis le génie du désespoir et du sui- le sire de Grogzwig s'arrêta tout à coup, ou-
cide, dit l'apparition vous me connaissez à vrit de grands yeux, et parul envisager l'af-
présent. faire sous un jour complètement nouveau.–
A ces mots, l'apparition se tourna vers le Mais, en effet, dit-il, rien n'est encore dés-
baron, comme si elle se fût préparée à agir espéré.
et ce qu'il y eut de remarquable, ce fut de la -Vos coffres sont vides, s'écria le génie.
voir mettre de côté son manteau exhiber -On peut les remplir.
un pieu ferré qui lui traversait le milieu du -Votre femme gronde.
corps, l'arracher brusquement et le poser -On la fera taire.
sur la table aussi tranquillement que si c'cût -Vous avez treize enfants.
été une canne de voyage. • -Ils ne peuvent tous mal tourner.
-Maintenant, dit le génie, jetant un coup- Le génie s'irritait évidemmentdes opinions
d'œil sur le couteau de chasse, êtes-vous avancées par le baron mais il affecta d'en
prêt ?7 rire, et le pria de lui faire savoir quand il
Pas encore, il faut que j'achève ma pipe. aurait fini de plai3anter.– Mais jo ne plai-
Dépôdhez- vous. sante pas, au contraire, reprit le baron.
–Vous scmblez pressé. Eh bien j'ensuis charmé, dit le génie.
799 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES sou
d'- -1 ~1 ,1.
parce que, je l'avoue franchement toute par cette fourberie il nourrissait des oiseaux
plaisanterie est mortelle pour moi. Allons à qui il apprenait à dire Hannon est un
quittez ce monde de misères. dieu. Puis il.leur donnait la liberté.
J'hésite, dit le baron, jouant avec le HAQU1N. Les anciennes histoires Scandi-
couteau de chasse; ce monde ne vaut pas naves font mention d'un vieux roi de Suède,
grand'chose, mais. nommé Haquin, qui commença à régner au
Dépêchcz-vom s'écria le génie en grin- troisième siècle, et ne mourut qu'au cin-
çant des dents. quième, âgé de deux cent dix ans, dont cent
Laissez-moi, dit le baron.; je cesserai quatre-vingt-dix de règJic. 11 avait déjà cent
de broyer du noir, je prendrai. gatméntjes ans, lorsque ses sujets Vêtant révoltés con-
choses, je respirerai le frais, j'irai à. la. tre lui, il consulta l'oracle d'Odin qu'on ré-
chasse aux ours, et, si l'on me contrarie, vérait auprès d'Up'sal. Il lui fut répondu que
j'enverrai promener les gens. s'il voulait sacrifier le seul fils qui lui res-
A ces mots, le baron tomba en arrière, tait, ii vivrait :et régnerait encore soixante
dans son fauteuil, et partit d'un éclat de ans. 11 y consentit, et. ses dieux lui tinrent
rire si désordonné, que la chambre en re- parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à
tentit. l'âge de cent cinquante ans; il.eut un fils et
Le génie recula de deux pas, regarda le successivement cinq autres, depuis cent cin-
baron avec une expression de terreur, reprit quante ans jusqu'à cent soixante.
son pieu ferré, se l'enfonca violemment au Se voyant près d'arriver à son terme, il
travers du corps, poussa un hurlement d'ef- tâcha encore de le prolonger; et les oracles
froi .et disparut. lui répondirent que s'il sacrifiait -l'aîné de
Ly sire de Grogzwig, comme le bûcheron ses enfants, il régnerait encore dix ans il le
de la fable, ne revit plus, le génie de mort. fit. Le second lui valut dix autres années de
Conformant ses actions à ses paroles, il vé- règne, et ainsi de suite jusqu'au cinquième
cut longtemps après sans beaucoup de for- Enfin il ne lui restait plus que celui-là; il
tune, mais heureux, laissant une nombreuse était d'une caducité extrême, mais il vivait
famille exercée sous ses yeux à la chasse toujours lorsqu'ayant voulu sacrifier ce
aux ours. dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé
Bonnes gens, si de semblables motifs vous du monarque et de sa barbarie, le chassa du
rendent jamais hypoconilr.es et .mélancoli- trône; il mourut, et son fils lui succéda..
ques, je vous conseille d'examiner les deux Dclancrc dit que ce monarque. était grand
faces de la question, cn'appliquanl à la meil- sorcier, et qu'il combattait ses ennemis à
leure un verre grossissant. Voy. VISIUNS. j'aide des éléments. Par exemple, il leur en-
HALPHAS, grand comte des enfers. 11 pa- voyait de la pluie ou de la grêle.
rait sous la forme d'une cigogne, avec une HAlliDI, serpent honoré à Akhmin, ville
voix bruyante. 11 bâtit des villes, ordonne tes de la Haute-Egypte. H y a quelques siècles
guerres et commande vingt-six légions (J). qu'un derviche, nommé Haridi, y mourut;
C'est peut-être le même que Malphas.. on lui éleva uu tombeau, surmonté d'une
IIALT1AS. Lus Lapons donnent ce nom aux coupole, au pied de la montagne; les peuples
vapeurs qui s'élèvent des lacs, et qu'ils pren- vinrent lui adresser des. prières. Un autre
.nent pour les esprits auxquels estcommisc la derviche profita de la crédulité des bonnes
garde des montagnes. gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l'es-
HAMELN. Voy. Magiciens.' prit du défunt dans le corps d'un serpent. Il
HAMLET, prince de Danemark, qui ap- en avait apprivoisé un de ceux qui sont
parut le spectre de son père, pour'demandur communsdans la'fhébaïdeetqui ne font point
une vengeance dont il se chargea. Shak- de malj-ce reptile obéissaità sa voix. Le
spcarc a illustré cette sumbre histoire. On derviche mit à l'apparition de son serpent,
montre toujours sur une colline voisine tout l'appareil du charlatanisme, éblouit le
d'Elseneur la tombe d'Hamlet des vulgaire, et prétendit guérir toutes les mala-
que
croyances peureuses entourent et proie-' dies. Quelques succès lui donnèrent la vo-
genl. gue. Ses successeurs n'eurent pas de peine
HANDEL célèbre musicien saxon. Se a soutenir une imposture lucrative; ils en-
trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du chérirent en donnant à leur serpent l'immor-
carnaval, il jouade la harpe dans unèmasca- talité, et poussèrent l'impudence jusqu'à en
rade. 11 n'avait alors que seize ans, mais son faire un essai public; le serpent fut coupé en
nom dans la musique était déjà très-connu. morceaux en présence de l'émir, et déposé
Dominique Scarlali, habile. musicien d'alors 'sous un vase pendant deux heures. A l'in-
sur cet instrument, l'entendit et s'écria.: 11 stant où' le' v.asc° fut levé, les serviteurs du'
n'y a que le Saxon Handel, ou le diable,.qui derviche eurent sans doute l'adresse d'en
puisse jouer ainsi. substituer un semblable ;'on cria au prodige,"
et l'immortel Haridi acquit un nouveau de-
HANNETON. 11y a, dans la Cafrerie, une
sorte de hanneton qui porte bonheur quand gréde considération.
il entre dans une hutte. 'On. lui sacrifie des Paul Lucas raconte que, voulant s'assurer
brebis. S'il se pose sur un nègre/le nègre en des choses merveilleuses que l'on racontait
devient tout fier. de cet animal, il fit- pour le voir le voyage
d'Akhinin;. qu'il s'adressa à Assan-Bey, le-
HANNON/ général carthaginois, distingué •qut'l fît venir le. derviche avec le serpent ou
(i) Wierusin Pseudomouarchiadx'in. l'ange, car tel est le nom qu'on lui donnait;
w
'BU II.VR HAK £02
et que cc^dcrviche tira de son sein, on sa pré- slencc de démons lulélaircs; et les- Islandais
sence, l'nnimnl merveilleux. Celait, «ijoute- leur avaient voué une reconnaissance par-
t-il, une couleuvre île médiocre grosseur, et ticulière pour avoir fait avorter les noirs
qui paraissait fort douce. desseins du roi Harold-Germson. Ce roi de
HARO. Le diable n souvent fait parler de Nonvège dit la Saga, désirant connaître la
lui en Kspagric comme partout; citons la lé- situation intérieure de l'île, qu'il avait l'in-
gende relative à l'origine démoniaque de la tention de punir/chargea un habile troldman
nohlc'faaiille de Haro. ou magicien de s'y rendre, sous la.forme qu'il 1
Don Diégo Lopcz, .seigneur de Biscaye, voudrait prendre.
claità l'affût du sanglier, lorsqu'il entendit Pour mieux se déguiser, le troldman se
les accords d'une délicieuse voix de femme. changea en baleine et nagea jusqu'à THe
Jl regardé et il aperçoit la chanteuse debout mais les rochers et les montagnes' étalent
sur un rocher. 11 en devint épris et lui proposa couverts de laclicaiturs ou génies propices qui
"de l'épouser. faisaient bonne garde.
J'accepte votre main, répondit-elle, beau Sans en avoir peur, l'espion d'Harold nagea
chevalier, car ma naissance est noble; mais vers le golfe de Vapna, et essaya de débar-
à une condition jurez-moi que vous ne pro- quer;'mais un énorme dragon déroula les
noncerez jamais devant moi un nom sacré. longs,anneaux de sa queue sur les rochers,
Le chevalier le jura et, quand le mariage et, suivi d'une armée innombrable de ser-
fut consommé, il s'aperçut que sa fiancée pents, descendit dans le détroit arrosant la
avait un pied de chèvre. Heureusement c'é- baleine d'une trombe de venin.
tait son seul défaut. Personne n'est parfait. Là baleine ne put leur résister, et nagea
Par une convention tacite,. le pied de chèvre à l'ouest vers la baie d'Ove; mais là elle
ne fut bientôt qu'un pied de biche, ce qui était trouva un immense oiseau qui étendit ses
plus poétique. Don Diégo n'en eut pas moins ailes comme un rideau sur le rivage, et l'ar-
d'attachement pour sa femme qui devint mée des esprits s'abattit à ses côtés sous la
mère de deux enfants, une fille et un fils même forme.
nommé Iniguez Guerra. Le Iroldman voulut alors pénétrer par Bri-
Or, un jour qu'ils- étaient à table, le sei- daford,ausud.Un taureau vintàsarencontre
gneur de Biscaye jeta un os à ses chiens un et -se précipita dans les flots, escorté d'un
mâtin et un épagneul se prirent dequerclle'; troupeau qui mugit autour de son chef d'une
l'épagneul saisit le mâtin à la gorge cl l'é- manière épouvantable.
trangta « Sainte vierge Marie s'écria don Cette nouvelle rencontre ne découragea
Diégo; qui a jamais vu chose pareille?» pas l'ennemi qui se dirigea vers Urekars-
La dame au pied de biche saisit aussitôt kinda mais là, un géant se présenta, un
les mains de ses enfants. Diégo retint le gar- géant dont la tétc dépassait le sommet de la
çon, mais la mère s'échappa à travers les airs plus haute montagne, un géant armé d'une
avec la fille. massue de fer, et accompagné d'une troupe
Par la suite don Diego Lopez envahit tes de géants delà même taille.
terres des Maures il fut malheureux dans Cette tradition est remarquable parce
un combat et fait prisonnier; les vainqueurs qu'elle nous fait voir que les Scandinaves
lui lièrent les mains et remmenèrent à To- classaient leurs esprits élémentaires d'après
lède. IniguezGuerra était triste (te la captivité là doclrinccabalislique'deParacèlsc.La terre
.deson père. Quelqu'un lui dit alors:– Pour- envoie ses génies sous la forme de géants;
quoi n'iriez-vous pas invoquer la fée' qui les sylphes apparaissent en oiseaux; le tau-
vous a donné le. jour? elle seule' peut vous reau est le type de l'eau; le dragon procède
indiquer un moyen de délivrer don Diégo. de la sphère du feu. •
Iniguez monta cheval, se rendit à la Le mont Hécla fait partie en quelque
montagne; la fée étaji sur le rocher. Elle sorte, de la mythologie des Skaldes. Les
'reconnut son fils: Viens à moi, lui dit-elle; hommes du Nord furent convertis peu cle
je sais ce qui t'amène et je te promets aide et temps après qu'ils curent fait connaissance
protection. Laisse là ton cheval, il rie le serait avec ses terreurs; et, lorsqu'ils- devinrent
d'aucun service. Je veux le remplacer par un chrétiens ils en firent la bouche de l'enfer.
aulre .qui en quelques' heures le portera à Hécla no pouvait manquer surtout d'être
Tolède;. mais tu ne lui mettras pas de bride; le refuge des esprits du feu, que la tradition
tu ne le feras pas ferrer; tu ne lui donneras avait probablement connus en Scandinavie
ni nourriture ni eau. La fée Pied-de-Biche et à Asgard. Leur grand ennemi était Luri-
appela Pardalo; c'était le noin de ce coursier dan.On lit dans le livre de Vanagastus, le
extraordinaire.. Norwégien, que Luridan l'esprit de l'air,
Iniguez s'élança sur sa croupe, et ramena «voyage par ordre du magicien en Laponie,
bientôt son père. • • ; en Finlande, en SkrikOnlande et jusqu'à la
La fée Pied-de-Biche était si bien un démon; nierGlaciale. C'est sa natured'être toujours
que la conclusion de. la légende, en mention- en opposition avec lé feu et de faire une
nant ses autres apparitions en Biscaye, nous guerre continuelle aux esprits du mont Hé-
dit qu'elle se montre sous les traits qui ca- cla. Dans celte guerre à mort, les deux partis
ractérisent le diatile (1). se déchirent l'un' l'autre, heurtant leurs ba-
HAROLD. Comme tous les anciens peuples, taillons à travers les airs. Luridan chercha
les Scandinaves croyaient volontiers à l'cxi- à livrer le combat au-dessus de l'Océan où
(1) Traditionspopulaires.QuarlcrlyÙcvictv. ks blessés de l'armée contraire tombent sans
003 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 804
ressource; mois si l'action a lieu sur la virons de Compiègne, au commencement du
montagne, l'avantage est souvent aux esprits seizième siècle. Dans son procès, elle racon-
du l'eu, et l'on entend de grandes lamentations ta que sa mère l'avait présentée au diable
en Islande, en Russie,. en Nonvége (1), etc.»» dès l'âge de douze ans que c'était un grand
HARPE. Chez les Calédoniens, lorsqu'un ,nègre vêtu de noir; qu'il arrivait quand elle
guerrier célèbre était exposé à un grand pé- le voulait, botté, éperonné et ceint d'une
ri), les harpes rendaient d'elles-mêmes un épée.; qu'elle seule le voyait, ainsi que son
son lugubre et prophétique souvent les om- cheval, qu'il laissait à la porte.
bres des aïeux du guerrier en pinçaient les La mère de Jeanne avait été brûlée comme
cordes. Les bardes alors commençaient un sorcière. Elle, /qui du reste avait commis
chant de mort, sans lequel aucun guerrier d'autres crimes, fut également brûlée, à l'âge
n'était admis dans- le palais de nuages, et de cinquante ans, le dernier jour d'avril de
dont l'effet était si salutaire que les fantômes l'année 1578 (3). Voy. Sorciers.
retournaient dans leur demeure pour y re- HARVIS. C'est le nom qu'on donne aux
cevoir avec empressement et revêtir de ses sorciers de l'Egypte moderne.
armes fantastiques le héros décédé. « De tout temps, dit M. Théodore Pavie,
HARPPE. Thomas Barlholin, qui écrivait l'Egypte a éu des sorciers. Les devins qui
an dix-septième siècle, raconte, après une luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges,
ancienne magicienne nommée Landela, dont qu'il fallut au législateur des Hébreux la
l'ouvrage n'a jamais été imprimé, un trait puissance invincible dont Jéhovah l'avait
qui doit être du treizième siècle ou du qua- doué, pour triompher de ses ennemis. La ca-
torzième. balistique, la magie, les sciences occultes,
Un homme du nord, qui se nommait Harppe, importées par les Arabes en Espagne, puis
étant à l'article de la mort, ordonna à sa dans toute l'Europe, où déjà elles avaient
femme de le faire enterrer tout debout devant paru sous d'autres formes à la suite des bar-
la porte de sa cuisine, afin qu'il ne perdit pas bares venus d'Orient par le Nord, n'étaient
tout à fait l'odeur des ragoûts qui lui étaient .que des tentatives pour retrouver ces pou-
chers, et qu'il pût voir à son aise ce qui se voirs surnaturels, premier apanage de l'hom-
passerait dans sa maison. me, alors qu'il commandait aux choses cle
La veuve exécuta docilement et fidèlement la création en les appelant du nom que la
ce que son mari lui avait commandé. voix de ('.Eternel leur avait imposé.
'Quelques semaines après la mort de « Désormais, soit que les lumières de la
Harppe, on le vit souvent apparaitre, sous vérité, plus répandues, rendent moins fa-
la forme d'un fantôme .hideux, qui tuait les ciles les expériences des sorciers dégénérés,
ouvriers et molestait tellement les voisins, soit que l'homme en avançant dans les siècles
que personne n'osait plus demeurer dans le perde peu à peu ce reste d'empire sur la ma-
village. Un paysan, nommé Olaus Pa, fut as- tière, qu'il cherche aujourd'hui à dompter
sez hardi pour attaquer ce vampire, car c'en par l'analyse des lois auxquelles elle obéit,
était un; il lui porta un grand coup de lance, toujours est-il que la magie est une science
et laissa la lance dans la plaie. Le spectre perdue ou considérée comme telle.
disparut. « L'Egypte cependant prétend en avoir
Le lendemain, Olaus fit ouvrir le tombeau conservé la tradition; et les devins du Caire
du mort; il trouva sa lance dans le corps de jouissent encore, sur les bords du Nil, d'une
Harppe, au même endroit où il avait frappé réputation colossale. il ne s'agit pas poureux
le fantôme. Le cadavrc.n'était pas corrompu; précisément de jeter des sorts, de prédire des
on le lira de terre; on le brûla, on jeta ses .malheurs; ils n'ont pas la seconde vite du Ty-
cendres à la mer, et un fut délivré de ses fu- rol <;u de l'Ecosse; teur science consiste à
nestes apparitions (2). évoquer, dans le creux de la main d'un en-
« 'Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmet fant pris ait hasard, telle personne éloignée
(si l'on admet la vérité de ce fait), était donc dont -le nom est prononcé dans l'assemblée,'
réellement sorti de terre lorsqu'il 'apparais-^ et de la faire dépeindre par ce même enfant,
sait. Ce corps devait êtrepalpable et vulné- sans qu'il l'ait jamais vue, sous des traits
rable, puisqu'on trouva la lance dans la impossibles à méconnaître.
plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et « Le plus célèbre des harvis a eu l'honneur
comment y rentra-t-il? C'est la difficulté; de travailler devant plusieurs voyageurs eu-
car qu'on ait trouvé la lance et la bles- ropéens', dont les écrits ont été tus avec avi-
sure sur son corps, cela ne doit pas sur- dité, et ila généralement assez bien réussi
prendre, puisqu'on assure que les sorciers, pour que sa gloire u'ait eu rien à souffrir de
qui se métamorphosent en chiens, en loups- ces rencontres périlleuses. Voir cet homme,
garous, en chats, etc., portent dans leurs assister à une séance de magie, juger par
corps humains les blessures qu'ils ont reçues mes propres yeux de l'état de la sorcellerie
aux mêmes parties des-corps dont ils se sont en Orient, trois choses qui me tentaient vio-
revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. » lemment l'occasion s'en présenta.
Le plus croyable sur cette histoire peu avé- « C'était au Caire, dans une des hôtelleries
rée est probablement que c'est un conte. 'de cette capitale de l'Egypte. A la suite di:
Voy. Vampires. quelques discussions qui s'étaient élevées
JJARV1LL1-ERS (JEANNE), sorcière des en- entre nous au sujet du grand harvi, il fut
(I) Traditionspopulaires.QuàrielyReview. cap.2.
12}BarUioliui,de Causacouieinplusmoriis,etc., lib II, (3) Histoirede la magieen France, p. 153.
30» HAtl HAR sou
unanimement résolu de le faire appeler.-La « On dirait que ce négrillon a vu quel-
table était presque toute composée d'Anglais. quefois les portraits de Lawrence, dit le
« Vers la On du dîner, le sorcier arriva. maître de l'esclave à son voisin il a deviné
Il entre, fait un léger signe de télé, et va juste, et pourtant jamais rien de semblable
s'asseoir au coin du divan, dans le fond du ne s'est présenté à ses yeux.
salon. Bientôt, après avoir accepté le café « Et puis, reprit l'enfant après quelques
et la pipe, comme chose due son impor- secondes, car il parlait lentement et par mots
.ance, il se recueille, toutenparcourantl'as- entrecoupés, cette belle dame a trois jambes1
semblécd'un regard scrutateur. Le devin est « L'effort que fit le harvi pour ne pas ané-
né à Alger; sa physionomie n'a rien de gra- antir le négrillon d'un coup de poing se tra-
cieux, son œil est perçant et peu ouvert; sa hit par un sourire forcé. Il lui répéta avec
barbe grisonnante laisse voir une bouche pe-, une douceur contrainte, une grâce pleine de
lite, à lèvres minces et serrées; ses trails, rage Shouf ta' ib regarde bien I
plus fins que ceux d'un Egyptien, n'ont pas « L'enfant tremblait; toutefois il affirma
non plus le calme impassible et sauvage du que le personnage évoqué dans le creux de
Bédouin; il est grand, fier, dédaigneux, et sa main avait trois jambes.
se pose en homme supérieur. « Aucun de nous ne put se rendre compte
« Tandis que nous achevions de fumer, ce- de l'illusion; mais on fit retirer le petit
lui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le qui fut remplacé par un autre en tout sem-
harvi, immobile dans son coin, cherchait à blable. Durant cette interruption, le sorcier
lire sur nos visages le degré de croyance que avait marmotté bon nombre de phrases ma-
nous étions disposés à lui accorder; puis tout giquesetbrûlé force papiers. L'assemblée fu-
à coup il tira de sa poche un calam (sorte de mait, le café circulait sans cesse: t'anima-
plume) et de l'encre, demanda un réchaud, .lion allait croissant. On convint d'évoquer
et se mit à écrire ligne à ligne, sur un long celte fois sir F. S. facile à reconnaître,
morceau de papicr,demystérieusessenterïces. puisqu'il a perdu un bras. Le nouveau né-
Dès qu'il eut jeté dans le feu quelques-unes grillon prit la place du premier, abaissa cle
de ces lignes, déchirées successivement, le même sa tête sur la goutte d'encre, et l'on
charme commençant à opérer, un enfant fut fit silence.
introduit. C'était un Nubien de sept à huit « Sir F. S. dit une voix dans l'assem-
ans, esclave au service de l'un de nos con- blée, et l'enfant. répéta, syllabe par syllabe,
vives, récemment arrivé de son pays, noir ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi
comme l'encre du harvi, et affublé du plus que son prédécesseur, il déclara voir des
ample costume turc. Le sorcier prit la main chevaux, des chameaux, des bannières et des
de l'enfant, y laissa tomber une goutte du li- troupes de musiciens c'est le prélude ordi-
quide magique, l'étendit avec sa plume de naire, le chaos qui se débrouille avant que
roseau, et abaissant la tête du patient sur la lumière magique de la goutte d'encre
ses doigts, de manière à ce qu'il' ne pût rien éclaire le personnage demandé.
voir, il le plaça dans un coin de l'apparte- « Le harvi ne comprend ni le français,
ment, près de lui, le dos'tourné à l'assemblée. ni l'anglais, ni l'italien mais, habitue à lire
« Lady K. s'écria le plus impétueux des dans les regards du public, il devina qu'on
spectateurs. -Et l'en faut, après avoir hésité lui proposait un sujet marqué par .quelque
quelques instants, prit la parole d'une voix signe particulier. Jadis on lui avait demandé
faible. Que vois-tu? lui demanda son maî- de faire paraitre Nelson, à qui, comme cha-
tre, tandis que le harvi, de plus en plus sé- cun sait, il manquait un bras et une jambe,
rieux, marmottait des vers magiques, tout et il avait rencontré juste, grâce à la célé-
eu brûlant ses papiers dont il tira une brité du héros. Cette fois, il eut vent de quel-
grande poignée de dessous sa robe. que tour de ce genre; aussi, après bien des
« Je vois, répondit le petit Nubien je réponses confuses, l'enfant s'écria
vois des bannières, des mosquées, des che- « Je vois un monsieur! c'est un chré-
vaux, des cavaliers, des musiciens, des cha- tien, il n'a pas de turban; son habit est
meaux. vert. Je uc.vois qu'un bras I
« Toutes choses qui n'ont rien à faire «A ces 'mots, nous'échiingeârncs un sou-
avec lady K. me dit tout bas un esprit fort. rire, comme des gens qui s'avouent vaincus
« Shouf ta' ib Shouf ta' ib regarde bien 1 il fallait croire à la magie. Mais mon voisin
criait le spectateur qui voulait évoquer lady l'esprit fort, après avoir fait bouillonner
K. IVau de son narguilé avec un bruit effroya-
« L'enfant se taisait, balbutiait;,puis il dé- ble, regarda le harvi. Je remarquai que
clara qu'il voyait une personne. notre pensée avait été mal interprétee par le
i( Est-ce une dame, un monsieur? devin, et qu'il chancelait dans son affirma-
« Une dame 1 tion, supposant que nous avions ri de pitié.
« Le harvi s'aperçut à nos regards qu'il .Il demanda donc a l'enfant
avait déjà converti à moitié les plus incré- « Tu ne vois qu'un bras? Et l'autre?
dules. « L'enfant ne répondit pas, et il se fit ur.
« Et comment est cette dame? grand silence. On entendit les petits papiers
« Elle est belle, reprit l'enfant, bien vé- s'enflammer plus vivement sur le réchaud
tue et bien blanche; elle a un bouquet à la « L'autre bras, reprit le négrillon. jo
main elle est près d'un balcon, et regarde le vois ce monsieur'le met devant son dos,
un beau jardin. et il tient un gant de cette main!»
i
M7 DtCTiOMAtRE DESSCIENCESOCCULTES. bo8
Ainsi le harvi qui opéra devant M. Th. Pa- puis il déroula trois petite cornets de papier
vie ne fut pasheureux ou ncrut pas adroit( 1), qui contenaient différents ingrédients, qu'il
M. Léon de Labordc avait été plus favorisé; jeta en proportion calculée sur'le feu. Il l'en-
car voici un fragment curieux qu'il a publié gagea de nouveau à chercher dans t'encre le
en 1833 dans la Revue des deux Mondes, et reflet de ses yeux, à regarder bien attentive-
qu'on retrouve dans, ses Co~nnaenGairesyéo- ment, et à l'avertir dès qu'il verrait paraître
~rajihiques sur la.Genèse. un soldat turc balayant une place.
« L'Orient, cet antique pays, ce vieux ber- « L'enfant baissa la tête; les parfums pé-
ceau de tous les arts t dé toutes les sciences, tillèrent au milieu des charbons: et le magi-
fut aussi et de tout temps le domaine'du sa-
cien, d'abord à voix basse, puis l'élevant da-
voir occulte et des secrets puissants qui frap-
vantage, prononça une kyrielle de mots dont
pent l'imagination des peuples. à peine quelques-uns arrivèrent distincte-
J'étais établi au Caire depuis plusieurs ment à nos oreilles. 'Le silence était pro-
mois (1827), quand je fus averti un matin
fond l'enfant avait les yeux fixés sur sa
par lord Prudhoe qu'un Algérien (2), sorcier main la fumée s'éteva en larges flocons, ré-
de son métier, devait venir chez lui pour lui
pandant une odeur forte et aromatique. Ach-
montrer un tour de magie qu'on disait ex- med, impassible, semblait vouloir stimuler
traordinaire. Bien que j'eusse alors peu de de sa voix, qui de douce devenait saccadée,
confiance dans la magie orientale, j'acceplai une apparition trop tardive, quand tout à
l'invitation; c'était d'ailleurs une occasion coup, jetant sa tête en arrière, poussant des
de me trouver en compagnie fort agréable. cris et pleurant amèrement,t'enfantnous
Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordi- dit,
à travers les sanglots qui le suffoquaient,
naire et cette humeur enjouée qu'il avait su
qu'il ne voulait plus regarder, qu'il,avait vu
conserver au milieu de-s-as connaissances si une figure affreuse; il semblait terrifié. L'Al-
variées et de ses recherches assidues dans gérien n'en parut point étonné, il dit simple-
les contrées les plus difficiles à parcourir. ment Cet enfant a eu peur, laissez-le;
c Un homme grand et beau, portant turban en le forçant, on pourrait lui frapper trop
vert et benisch de même couleur, entra c'é- vivement l'imagination.
tait l'Algérien. Il laissa ses souliers sur le
On amena un petit arabe au service de la
bout du tapis, alla s'asseoir sur un divan, et
nous salua tous, à tour de rôle,de la formule maison et qui n'avait jamais vu ni rencontré
en usage en Egypte. Il avait une physionomie le magicien peu intimidé de tout ce qui ve-
nait de se passer, il se prêta gaiement aux
doucect affable, un regard vif, perçan',jedirai
même accablant, et qu'il semblait éviter de préparatifs et fixa bientôt ses regards dans
ses yeux à droite et à gauche le creux de sa main, sur le reflet de sa fi-
fixer,'dirigeant
plutôt que sur lit personne à laquelle il par- gure, qu'on apercevait même de côté, vacil-
lant dans l'encre.-Les parfums recommen-
lait; du reste, n'ayant rien de ces airs étran- cèrent à s'élancer en fumée épaisse et les
ges qui dénotent des latents surnaturels et
formules pariées en un chant monotone, se
le métier de magicien. Habillé comme tes
écrivains ou les hoinmes de loi, il partait renforçant et diminuant par intervalles,
fort simplement de toutes choses et même de semblaient devoir soutenir son attention
sa science, sans emphase ni mystère, surtout Le voilà, et nous remarquâmes
l'émotion soudaine avec laquelle il porta ses
de ses expériences, qu'il faisaitainsi enpublic
et qui Semblaient à ses yeux plutôt un jeu, a regards sur le centre des signes magiques.
côté de ses autres secrets qu'il ne faisait -Comment est-il habillé ?
qu'indiquer dans la conversation. Ou lui ap- -II a une veste rouge brodée d'argent, un
porta la pipe et le café, et pendant qu'il par- turban et des pistolets à sa ceinture.
lait, on fit venir deux enfants sur lesquels il -Que fait=il?
devait opérer. –H balaie une pla~c devant une grande
« Le spectacle alors commença. Toute la tente riche et belle elle est rayée de rouge
société se rangea en cercle autour de l'Algé- et de vert avec des boules d'or en haut.
rien, qui fi( asseoir un des enfants près de -Regarde qui vient à présent ?
lui, lui prit la main et sembla te regarder –C'est le sultan suivi de tout son monde.
attentivement. Cet enfant, fils d'un Euro- Oh! que c'est beau
péen, était âgé de onze ans et parlait facile- « Et l'enfant regardait à droiteetà gauche;
mcnt l'arabe. Achmed, voyant son inquiétude comme dans les verres d'une optiq.ue dont on
au moment où il tirait de son écritoire sa cherche à étendre l'espace.
plume de'jonc, lui dit N'aie pas peur, -–Comment est son cheval?
enfant, je vais l'écrire quelques mots dans la -Blanc, avec des plumes sur la tête.
main, tu y regarderas et voilà tout. -Et le sultan?
L'enfant se remit de sa frayeur, et l'Algé- –h, a une barbe noire, un benisch vert.
rien lui traça dans la main un carré, entre- Ensuite l'Algérien nous dit Maintenant,
mêlé bizarrement de lettres et de chiffres, messieurs, nommez la personne que vous
versa au milieu une encre épaisse et lui dit désirez faire par.)!trc; ayez soin 'seulement
de chercher le reflet de son visage. L'enfant de bien articulerles noms, afin qu'il ne puisse
répondit qu'ille voyait.'Le magicien demanda 'pas y avoir d'erreur.
un réchaud qui fut apporté sur-le-champ; « Nous nous regardâmes tous et comme
(t) L'extrait qu'on vient,Je lire de M.ThéodorePavie (2) Ce n'était pas celui que vit plustard M.Pavie.
a vu le jour en 1839.
809 HAR HAR 810
toujours dans ce moment personne ne re- n'avaient point une direction fixe, son front
trouva un nom dans sa mémoire. était couvert de sueur; toutson être semblait
« -Shakspeare, dit enfin le major Félix, violemment attaqué. Cependant il se remit
compagnon de voyage de lord Prudhoe. peu à peu, devint gai, content de ce qu'il
Ordonnez au soldat d'amener Shaks- avait vu il se plaisait à le raconter, à en
peare, dit l'Algérien. rappeler toutes les circonstances, et y ajou-
« Amène Shakspeare 1 cria l'enfant d'une tait des détails comme à un événement qui
/oix de maître. se serait réellement passé sous ses yeux.
« Le voilà » ajouta-t-il après le temps « Mon étonnement avait surpassé mon
nécessaire pour écouter quelques-unes des attente; mais j'y joignais une appréhension
formules inintelligiblesdu sorcier. Notreéton- plus grande encore je craignais une mysti-^
nement serait difficile à décrire, aussi bien fication et je résolus d'examiner par moi-*
que la fixité de notre attention aux réponses même ce qui, dans ces apparitions en appa-
de l'enfant. rence si réelles et certainement si faciles à
« -Comment est-il? obtenir, appartenait au métier de charlatan,
« -Il porte un benisch noir; il est tout et ce qui pouvait résulter d'une influence
habillé de noir, il a une barbe. magnétique quelconque. Je me retirai dans le
« -Est-ce lui? nous demanda le magicien fond de la chambre et j'appelai Bellier, mon
d'un air fort naturel, vous pouvez d'ailleurs -drogman. Je lui dis deprendre à part Achmed
vous informer de son pays, de son âge. et de lui demander si pour une somme d'ar-
« Eh bien 1 où est-il né? dis-je. gent, qu'il fixerait, il voulait me dévoiler
« -Dans un pays tout entouré d'eau. son secret; à la condition, bien entendu, que
« Cette réponse nous étonna encore da- je m'engagerais à le tenir caché de son vi-
vantage. vant. -Le spectacle terminé, Achmed, tout
« Faites venir Cradock ajouta lord en fumant, s'était mis à causer avec quel-
Prudhoe, avec cette'impatience d'un homme ques-uns des spectateurs, encore surpris
qui craint de se fier trop facilement à une de son talent; puis après il partit. J'étais à
supercherie. peine seul avec Bellier, que je m'informai
-Le Caouas (soldat turc) l'amena. de la réponse qu'il avait obtenue. Achmed lui
« -Comment est-il habillé? avait dit qu'il consentait à m'apprendre son
« II a un habit rouge, sur sa tête un secret.
grand larbousch noir, et quelles drôles de « Le lendemain nous arrivâmes à la gran-
bottes 1 je n'en ai jamais vu de pareilles de mosquée El-Ahzar, près de laquelle de-
elles sont noires et lui viennent par-dessus meurait Achmed l'Algérien. Le magicien
les jambes. nous reçut poliment et avec une gaîlé affa-
« Toutes ces réponses dont on retrouvait ble un enfant jouait près de lui c'était son
la vérité sous un embarras naturel d'expres- fils. Peud'instants après, un petit noir d'une
sions qu'il aurait été impossible de feindre, bizarre tournure nous apporta les pipes.
étaient d'autant plus extraordinaires qu'elles « La conversation s'engagea. Achmed nous
indiquaient d'uné manière évidente que l'en- apprit qu'il tenait sa science de deux cheicks
fant avait sous les yeux des choses entière- célèbres de son pays, et ajouta qu'il ne nous
ment neuves pour lui. Ainsi, Sliakspeare avait montré que bien peu de ce qu'il pou-
avait le petit manteau noir de l'époque, qu'on vait faire.
appelait benisch, et tout le costume de cou- « Je puis, dit-il, endormir quelqu'un sur-
leur noir qui ne pouvait se rapporter qu'à le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en
un Européen, puisque le noir ne se porte rage, et au milieu de ses accès le forcer de
pas en Orient, et en y ajoutant une barbe répondre à mes demandes et de me dévoiler
que les Européens ne portent pas avec le tous les secrets. Quand je veux aussi, je fais
costume franc, c'était une nouveauté aux asseoir la personne sur un tabouret isolé,
yeux de l'enfant. Le lieu de sa naissance, et, tournant autour avec des gestes particu-
expliqué par un pays tout entouré d'eau, est liers, je l'endors immédiatement; mais elle
à lui seul surprenant. Quant à l'apparition reste les yeux ouverts, parle et gesticule
de M. Cradock, qui était alors en mission di- comme dans l'état de veille.
plomatique près du pacha, elle est encore « Nous réglâmes nos conditions il de-
plus singulière; car le grand (arbousch noir, manda quarante piastres d'Espagne et le ser-
qui est le chapeau militaire à trois cornes, ment sur le Koran de ne révéler ce secret à
et ces bottes noires qui se portent par-des- personne. La somme fut réduite à trente
sus la culotte, étaient des choses que l'enfant piastres; et le serment fait ou plutôt chanté,
avouait n'avoir jamais vues auparavant; et il fit monter son petit garçon et prépara
pourtant elles lui apparaissaient. pendant que nous fumions, tous les ingré-
« Nous fîmes encore apparaître plusieurs dients nécessaires à son opération. Après
personnes; et chaque réponse, au milieu de avoir coupé dans un grand rouleau un petit
son irrégularité, nous laissait toujours une morceau de papier, il traça dessus les^signes
profonde impression. Enfin le magicien nous à dessiner dans la main et les lettres qui y
avertit que l'enfant se fatiguait; il lui releva ont rapport; puis, après un moment d'hésita-
la (été, en lui appliquant ses pouces sur les tion, il me le donna.
yeux et en prononçant des paroles mysté- « J'écrivis la prière que voici sous sa dic-
rieuses puis il le laissa. tée « Anzilou-Aiouha-el-Djenni-Aiouha-el-
« L'enfant était comme ivre ses yeux Djennoun-Anzilou-"Belakki-Matalahoutou«=
DlCTlONN.DES SCIENCESOCCULTES. I. 26
r.n DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTER. 8«
liou-Aleikoum-Taiicki Arizildu, Taricki.» 1) les roues de la loterie, dans l'ordre des car-
Les trois parfums soiit « Tàkeh-Mabachi, tes, dans la chute des dés dans un tour de
Ambar-Indi. Kousombra-Djaou. » roulette ne soupirent qu'après le hasard.
« L'Algérien opéra sur son enfant devant Qu'est-ce donc que le hasard? Un événement
moi. Ce petit garçon en avait une telle habi- fortuit amené par l'occasion ou par des cau-
tude que les apparitions se succédaient sans ses qu'on n'a pas su prévoir, heureux pour
difficulté. Il nous raconta des clibses fort ex- les uns, malheureux pour les autres. Un f
traordlnaires; et dans lesquelles on rernar- Allemand sautant en la ville d'Agen sur le ï
qùalt une originalité qui était toute crainte gravier, l'an 1597, au saut de l'Allemand,
.de supercherie. mourut tout roide au troisième saut-. Admi-
« J'Opérai le lendemain devant Achmed rez le hasard, la bizarrerie et la rencontre
avec beaucoup de succès* et avec toute l'é- du nom, du saut et du sauteur, dit gravement
motion que peut donner le pouvoir étrange Delancre Un Allemand saute au saut de l'Al-
qu'il venait de me communiquer. A Alexan- lemand, et la mort, ait troisième saut, lui fait
drie je fis de nouvelles expériences, pensant faire le saut dé la mort. On voit qu'au sei-
bien qu'à cette distance je né pourrais avoir zième siècle même, on trouvait aussi des ha-
de doute sur l'absence d'intelligence entre le sards merveilleux dans des jeux de mots.
magicien et les enfants que j'employais, et, HATTONII surnommé BoNOSE, usurpa-
pour en être encore plus sûr, je les àllai cher- teur du siège archiépiscopal de Mayence, qui
cher dans les quartiers lès plus reculés ou vécut en 1074. Il avait refùsé de nourrir les
sur les routes, au moment où ils arrivaient pauvres dans un temps de famine, et, avait
de la campagne. J'obtins des révélations sur- même fait brûler une grange pleine de gens
prenantes; qui toutes avaient un caractère qui lui demandaient du pain il périt misé-
d'originalité encore plus extraordinaire que rablement. On rapporte que cet intrus, étant
l'eût été celui d'une vérité abstraite. Une fois tombé malade dans une tour qui est située
entre autres; je fis apparaître lord Prudhoe, en une petite fie sur les bords du Rhin, y
qui était au Caire, et l'enfant, dans la des- avait été visité de tant de rats, qu'il fut im-
cription de son costume, se mit à dire ,possible de les chasser. Il se fit transporter
Tiens, c'est fort drôle, il a un sabre d'argent. ailleurs, dans l'espoir d'en être délivré, mais
« Or, lord Prudhoe était le seul peut-être les rats s'étant multipliés passèrent à la
en Egypte qui portât un sabre avec un four- nage, le joignirent et le dévorèrent.
reau de ce métal. Poppiel II; roi de Pologne, souillé de cri-
« De retour au Caire, je sus qu'on parlait mes, fut pareillement dévoré par les rats.
déjà de ma science, et un matin, à mon grand HAUSSY (Marie DE), sorcière du seizième
étonnement, les domestiques de M. Msarra, siècle, qu'une autre sorcière déclara dans sa
drogman du consulat de France, vinrent chez confession avoir vue danser au sabbat avec
moi pour me prier de leur faire retrouver un un sorcier de la paroisse de Faks, lequel ado-
manteau qui avait été volé à l'un d'eux. Je rait le diable (1).
ne'commençai cette opération qu'avec une HÉCATE, diablesse qui préside aux rues
certaine crainte. J'étais aussi inquiet des ré- et aux carrefours. Elle est chargée-, aux en-
ponses de l'enfant que les Arabes qui atten- fers, de la police des chemins et de la voie
daient le recouvrement de leur bien. Pour publique. Elle a trois visages le droit de
comble de malheur, lé caouas ne voulait pas cheval, le gauche 'de chien, le mitoyen de
paraître, malgré force parfums que je pré- femme. Delrio dit « Sa présence fait trem-
cipitais dans le feu et les violentes aspira- bler la terre, éclater les feux, et aboyer les
tions de mes invocations aux génies les plus chiens. »
favorables enfin il arriva, et après les pré- Hécate, chez les anciens, était aussi la tri-
liminaires nécessaires, nous évoquâmes le ple Hécate Diane sur la terre, Proserpine
voleur. Il parut,. aux enfers, la Lune dans le ciel. Ce sont, au
a Il fallait voir les têtes tendues, les bou- dire des astronomes, les trois phases de la
ches ouvertes, les yeux fixes de mes specta- lune.
teurs, attendant la réponse de l'oracle, qui HÉCLA. Les Islandais prétendaient autre-
en effet nous donna une description de sa fi- fois que l'enfer était dans leur ile, et le pla-
gure, de son turban, de sa barbe C'est çaient dans le gouffre du mont Hécla. Ils'
lbrahim, oui, c'est lui, bien sûr 1 s'écria- croyaient aussi que le bruit produit par les
t-on de tous côtés et je vis que je n'avais glaces, quand elles se choquent et s'amon-
plus qu'à appuyer nies pouces sur les yeux cellent sur leurs rivages, vient des cris des
de mon patient; car ils m'avaient tous quitté damnés tourmentés par un froid excessif, et
pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu'il qu'il y a des âmes condamnées à geler éter-
ait été coupable; car j'ai entendu vaguement nellement, comme il y en a qui brûlent dans
parler de quelques coups de bâton qu'il re- des feux éternels.
çut à cette occasion. » Cardan dit que cette montagne est célèbre
HASARD. Le hasard, que les anciens ap- par l'apparition des spectres et des esprits.
pelaient la Fortune, a toujours eu un culle 11pense avec Leloyer (2) que c'est dans cette
étendu, quoiqu'il ne soit rien par lui-même. montagne d'Hécla que les âmes des sorciers
Les joueurs, les guerriers, les coureurs d'a- sont punies après leur mort. Voy. Harold.
ventures, ceux qui cherchent la fortune dans HECDEKIN. En l'année 1130, un démon
belancre, Tableaude l'inconstancedes démons,p. (2) Histoiredes spectres, p. 519.
(l) ï
813 Il KL HEL 814
que les Saxons nppelaient Hecdekin, ou Ro- répand au loin la peste et laisse tomber tous
deken, c'est-à-dire l'esprit au bonnet, à cause les fléaux do ses terribles mains en voya-
du bonnet dont il était coiffé, vint passer geant, la nuit, sur le cheval à trois pieds de
quelques mois dans la ville d'Hildesheim, en l'enfer (Helhest). Héla et les loups de la
Basse-Saxe. L'évêque d'Hildesheim en était guerre ont longtemps exercé leur empire en
aussi le souverain. En raison de ces deux Normandie. Cependant, lorsque les hommes
litres, le démon crut devoir s'attacher à sa du Nord de Hastings devinrent les Normands
maison. Il se posta donc dans fe palais et s'y de Rollon; ils semblent avoir perdu le souve-
fit bientôt connaître avantageusement, soit nir de leurs vieilles superstitions aussi rapi-
en se montrant avec complaisance à ceux quii dement que celui de leur langue maternelle.
avaient besoin de lui, soit en disparaissant D'Héla naquit Hellequih, nom dans lequel
avec prudence lorsqu'il devenait importun; il est facile de reconnaître Hela-Kïon, la race
soit en faisant des choses remarquables et d'Héla déguisée sous l'orlhographe romaine.
difficiles. Il donnait de bons conseils dans Ce fut le fils d'Héla que Richard sans Peur,
les affaires diplomatiques, portait de l'eau à la fils de Robert le Diable, duc de Normandie,
cuisine et servait les cuisiniers. Lachose s'est rencontra chassant dans la forêt. Le roman
passée dans le douzième siècle les mœurs raconte qu'Hellequin était un cavalier qui
étaient alors plus simples qu'aujourd'hui. avait dépensé toute sa fortune dans les guer-
Il fréquentait donc la cuisine et le salon res de Charles Martel contre les Sarrasins
et les marmitons, le voyant de jour en jour païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils;
plus familier, se divertissaient en sa compa- n'ayant plus de quoi soutenir leur rang, se
gnie. Mais un soir, un d'eux se porta con- jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de
tre lui aux injures quelques-uns disent vrais bandits, ils n'épargnaient rien; leurs
même aux voies de fait. Le démon en colère victimes demandèrent vengeance au ciel, et
s'alla plaindre au maître d'hôtel, de qui il ne leurs cris furent entendus. Hellequin tomba
reçut aucune satisfaction alors il crut pou- malade et mourut ses péchés l'avaient mis
voir se venger. Il étouffa le marmiton, en en danger de damnation éternelle heureu-
assomma quelques autres, rossa le maître sement ses mérites, comme champion de la
d'hôtel, et sortit de la maison pour n'y plus foi contre les païens, lui servirent. Son bon
reparaître (1). ange plaida pour lui, et obtint qu'en expia-
HÉRODIADE. On dit en Catalogne que la tion de ses derniers crimes, la famille d'Hel-
danseuse homicide d'Hérode, l'infâme Héro- lequin errerait après sa mort, gémissante et
diade, ayant longtemps couru le monde i malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt
se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lé- dans une autre, n'ayant d'autres distractions
rida, et cause de temps en temps des dévas- que la chasse au sanglier, mais souvent
tations. Les bonnes femmes ajoulent qu'Hé- poursuivie elle-même par une meute d'enfer;
rode y est enseveli avec elle. punition qui durera jusqu'au jugement der-
D'autres traditions noient Hérodiade dans nier.
un lac glacé sur lequel elle dansait; ce qu'elle HÉLÈNE, reine des Adiabénites dont le
n'avait cessé de faire depuis son affreuse tombeau se voyait à Jérusalem, non sans ar-
aventure. La glace se creva sous ses pieds, tifice, car on ne pouvait l'ouvrir et le fermer
et, se refermant pendant qu'elle s'enfonçait, qu'à certain jour de l'année. Si on l'essayait
lui trancha la tête. Ce lac est en Suisse et dans un autre temps, tout était rompu (4).
cette tête danse toujours. Mais peu de 93 gens
la peuvent voir. HÉLÉNÉION, plante que Pline fait naître
des larmes d'Hélène auprès du chêne où elle
HÉHUGASTE, sylphide qui se familiari- fut pendue, et qui avait la vertu d'embellir
sait avec l'empereur Auguste. Lès cabalistes
les femmes et de rendre gais ceux qui en
disent qu'Ovide fut relégué à Tomes pour
avoir surpris Auguste en tête à tête avec elle; mettaient dans leur vin.
que la sylphide fut si piquée de ce que ce RELGAFELE, montagne et canton d'Is-
.prince n'avait pas donné d'assez bons ordres lande, qui a joui longtemps d'une grande ré-
pour qu'on ne la vît point, qu'elle l'aban- putation dans l'esprit des Islandais. Lorsque
donna pour toujours ('2). des parties plaidaient sur des objets dou-
HÉKACONTALITHOS. Pierre qui en ren- teux, et qu'elles ne pouvaient s'accorder,
ferme soixante autres diverses, que les Tro- elles s'en allaient à Helgafell pour y prendre
glodytes offraient au diabledans leurs sorcel- conseil; on s'imaginait que tout ce qui* s'y
leries (8). décidait devait avoir une pleine réussite.
HÉLA, reine des trépassés chez les an- Certaines familles avaient aussi la persua-
ciens Germains. Son gosier toujours ouvert sion qu'après leur mort elles devaient reve-
ne se remplissait jamais. Elle avait le même nir habiter ce canton. La montagne passait
nom que l'enfer. Voy. ANGERBODE. pour un lieu saint. Personne n'osait la re-
La mythologie scandinave donne le pou- garder qu'il ne se fût lavé le visage et les
voir de la mort à Héla, qui gouverne lés neuf mains.
mondes de Nilleheim. Ce nom signifie mys'- HELIAS. « Apparition admirable et pro-
tère, secret, abîme. Selon la croyance popu- digieuse arrivée à Jean Hélias le premier
laire des paysans de l'antique Cimbrie, Héla jour de l'an 1623, au faubourg Saint-Germain
(1) Trithème, Chroniqued'Hirsange. p. 18.
(2) Lettres cabalistiques,t. I", p. 64. (4) Leloyer, Hist. des spectres et apparitionsdes es*
(3) Delaucre,T ableaudel'inconstance d es démons,elc, prits, p. 61.
815 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 816
à Paris. » C'est un gentilhomme qui HELLEQUIN. Voy. ELA.
conte (1) HENOCH. Les rabbins croient qu'Hénoch,
Etant allé le dimanche, premier jour de transporté au ciel, fut reçu au nombre des
l'année 1623, sur les quatre heures après anges, et que c'est lui qui est connu sous le
midi, à Notre-Dame, pour parler à M. le nom de Métraton et de Michel, l'un des pre-
grand-pénitencier sur la conversion de Jean miers princes du ciel, lequel tient registre des
Hélias, mon laquais, ayant décidé d'une heure mérites et des péchés des Israélites. Ils ajou-
pour le faire instruire, parce qu'il quittait tent qu'il eut Dieu et Adam pour maitres.
son hérésie pour embrasser la vraie religion, Saint Jude, dans son Epttre, parlant de
m'en fus passer le reste du jour chez M. de plusieurs chrétiens mal convertis dit
je
Sainte-Foy, docteur en Sorbonne, et me re- a C'est d'eux qu'Hénoch, qui a été le septième
tirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, depuis Adam, a prophétisé en ces termes
mon laquais avant de monter dans Voilà le Seigneur qui va venir avec la mul-
j'appelai
ma chambre; il ne me répondit point. Je de- titude de ses saints pour exercer son juge-
mandai s'il n'était pas à l'écurie; on ne m'en ment sur tous les hommes, et pour convain-
sut rien dire. Je montai, éclairé d'une ser- cre tous les impies. » Ces paroles de Saint
vante, je trouvai les deux portes fermées, les Jude ont donné lieu. de forger, dans le
clefs sur les serrures. En entrant dans la pre- deuxième siècle, un prétendu Livre d'Hé-
mière chambre j'appelai encore mon la- noch, rempli de visions et de fables touchant
quais, qui ne répondit point je le trouvai à la chute des anges (2). Voy. EDRIS.
demi couché auprès du feu, la tête appuyée HENRIIII. Fils de Catherine de Médicis; il
contre la muraille, les yeux et la bouche ou- était infatué des superstitions de sa mère. Ses
verts je crus qu'il avait du vin dans la tête; contemporains le représentent comme sor-
et le poussant du pied, je lui dis Levez-vous, cier. Dans un des pamphlets qu'on répandit
ivrogne 1 contre lui, on lui reproche d'avoir tenu au
Lui, tournant les yeux sur moi Mon- Louvre des écoles de magie et d'avoir reçu, en
sieur, me dit-il, je suis perdu; je suis mort; présent, des magiciens, un esprit familier,
le diable tout à l'heure' voulait m'emporter. nommé Terragon,' du nombre des soixante_
Il poursuivit qu'étant entré dans la chambre, esprits nourris en l'école de'Soliman. Cette
ayant fermé les portes sur lui et allumé le accusation de sorcellerie est, dit-on, ce qui
feu, il s'assit auprès, tira son chapelet de sa mit le poignard dans les mains de Jacques
poche et vit tomber de la èheminée un gros Clément. Les ennemis de ce mauvais prince
charbon ardent entre les chenets. Aussitôt avaient tenté auparavant de le faire mourir
on lui dit Eh bien, vous voulez donc me en piquant ses images en cire, ce qui s'appe-
quitter? 4 lait envoûter. 0"
Croyant d'abord que c'était moi qui par- Voici l'extrait d'un pamphlet intitulé Les
lais, il répondit Pardonnez-moi, mon-
sorcelleries. de Henri de Valois, et les obla-
sieur, qui vous a dit cela ? tions qu'il faisait au diable dans le bois de
Je l'ai bien vu, dit le diable vous êtes
Vincennes ( Didier-Millot, 1589 ), pamphlet
allé tantôt à l'église. Pourquoi voulez-vous
me quitter? je suis bon maître qui parut quelques mois avant l'assassinat
tenez, voilà de Henri III.
de l'argent prenez-en tant qu'il vous plaira.
Je n'en veux point, répondit Hélias. e Henri de Valois, d'Epernon, et les autres
Le diable, voyant qu'il refusaitson argent, mignons, faisaient quasi publiquement pro-
voulut lui faire donner son chapelet. fession de sorcellerie, étant commune à la
Donnez-moi ces grains que vous avez dans cour entre iceux et plusieurs personnes dé-
la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. voyées de la sainte religion catholique; on
Mon laquais répondit Dieu ne com- a trouvé chez d'Epernon un coffre plein de
mande point cela je ne veux pas vous obéir. papiers de sorcellerie, auxquels il y avait
Alors le diable se montra à lui; et voyant divers mots hébreux, chaldaïques, latins, et
qu'il était tout noir, Hélias lui dit Vous plusieurs caractères inconnus, des rondeaux
n'êtes pas mon maître; car il porte une ou cernes, desquels alentour il y avait di-
fraise blanche et du clinquant à ses habits. verses figures et écritures, même des miroirs,
Au même instant, il fit le signe de la croix onguents ou drogues, avec des verges blan-
et le diable incontinent disparut. ches. lesquelles semblaient être de coudrier,
HELIOGABALE, empereurderome; il s'oc- quel'on a incontinent brûlés pour l'horreur 0
cupait de nécromancie, quoiqu'il méprisât qu'on en avait.
toute religion. Bodin assure qu'il allait au sab- « On a encore trouvé dernièrement au bois
bat et qu'il y adorait le diable. de Vincennes deux sàtyres d'argent, de la
HELIOTROPE. On donnait ce nom à une hauteur de quatre pieds. Ils étaient au-devant I
pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée d'une croix d'or, au milieu de laquelle on f
de rouge, à laquelle les anciens ont attribué avait enchâssé du bois de la vraie croix de
un grand nombrede vertus fabuleuses, comme Notre-Seigneur Jésus-Christ. Les politiques
de rendre invisibles ceux qui la portaient. disent que c'étaient des chandeliers.. Ce qui
L'héliotrope, plante qui suit, dit-on, le fait croire le contraire, c'est que, dans ces
cours du soleil, a été aussi l'objet de plusieurs vases, il n'y avait point d'aiguille qui passât
contes populaires. pour y mettre un cierge ou une petite chan-
(t) Recueil de Dissertationsde Lenglet-Dufresnoy, t. (2) Bergier, Dictionnairethéologique.
lij {>.159.
817 HEN IIEN 818
delle. Ces monstres diaboliques ont été vus Henri de Bourbon, il y a quatorze lettres.
par messieurs de la ville. HENRI EE LION. Nous empruntons sa
« Outre ces deux diables, on a trouve une légende a Musaeus, dont les contes populaires
peau d'enfant, laquelle avait été corroyée, et sont i iciicn de tant de traditions merveilleu-
sur icelle y avait aussi plusieurs mots de ses.
sorcellerie et divers caractères » Pendant que la croisade de Frédéric Bar-
Le fait est que les Valois s'occupaient de berousse occupait le monde chrétien, il y eut
sciences occultes. Voy. TERRAGON. grand bruit dans toute l'Allemagne de l'a-
On fit l'anagramme du nom de Henri III. venture merveilleuse arrivée au duc Henri
Henri de Valois, où l'on trouve Vilain Hé- de Brunswick. –Il s'était embarqué pour
rode. la Terre-Sainte. Une tempête le jeta, sur la
HENRI III, empereur d'Allemagne. Etant côte d'Afrique. Echappé seul du naufrage,
encore très-jeune, Henri III obtint d'un clerc il trouva un asile dans l'antre d'un lion. L'a-
une petite canule d'argent avec laquelle les nimal, couché à terre, lui témoigna tant de
enfants s'amusent à jeter de l'eau. Pour l'en- douceur qu'il osa s'en approcher; il recon-
gager à lui faire ce modique présent, il avait nut que cette humeur hospitalière du redou-
promis à ce clerc que, dès qu'il serait monté table animal provenait de l'extrême douleur
sur le trône, il ne manquerait pas de le faire qu'il ressentait à la patte gauche de derrière;
éyêque. C'était à une époque où le Saint- il s'y était enfoncé une grosse épine, et la
Siège ne cessait de travailler à éteindre la douleur le faisait souffrir à un tel point qu'il
Simonie, fréquente surtout en Allemagne. ne pouvait se lever et qu'il avait complète-
Henri devint empereur en 1139; il se souvint ment perdu l'appétit. La première connais-
de sa parole et l'exécuta. Mais il ne tarda sance faite et la confiance réciproque établie,
guère à tomber dans une fâcheuse maladie; le duc remplit auprès du roi des animaux
il fut trois jours à l'éxtrémilé sans aucun les fonctions de chirurgien; il lui arracha
sentiment. Un faible mouvement du pouls fit l'épine et lui pansa le pied (1).
juger seulement qu'il y avait encore quelque Le lion guérit. Reconnaissant du service
lueur d'espérance de le ramener à la vie. Le que lui avait rendu son hôte, il le nourrit <
prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il abondamment de sa chasse, et le combla de
fit appeler ce prélat, qu'il avait fait si préci- toutes les caresses qu'un chien a coutume de
pitamment évêque, et, de l'avis de son con- faire à son maître.
seil, il le déposa. Afin de justifier un juge- C'était fort bien. Mais le duc ne tarda pas
ment aussi bizarre, il assura que, pendant à se lasser de l'ordinaire du lion, qui, avec
les trois jours de sa léthargie, les démons se toute sa bonne volonté, ne lui servait pas la
servaient de cette mêmecanule d'argent, qui venaison aussi bien apprêtée que le faisait
avait été le prix de l'évêché, pour lui souffler son cuisinier. Il désirait ardemment de re-
un feu si violent que notre feu élémentaire tourner dans sa résidence la maladie du
ne saurait lui être comparé. pays le tourmentait nuit et jour; mais il no
Ce fait singulier est rapporté par Guillaume voyait aucun moyen de pouvoir jamais re-
de Malmesbury, historien du douzième siècle. gagner ses états.
HENRI IV, roi d'Angleterre. II poursuivit Le tentateur s'approcha alors du duc, que
les sorciers, mais il encouragea d'autres la tristesse accablait. Il avait pris la forme
philosophes. Au rapport d'Evelyn, dans ses d'un petit homme noir. Henri d'abord crut
Numismata, Henri IV fut réduit à un tel de- voir un orang-outang; mais c'était bien
gré de besoin par ses folles dépenses, qu'il Satan en personne qui lui rendàit visite.
chercha à remplir ses coffres avec les secours Duc Henri, lui dit-il, pourquoi te lamentes-
de l'alchimie. L'enregistrement de ce singu- tu ? Si tu veux prendre confiance en moi-, je
lier projet contient les protestations les plus meltrai fin à tes peines, je te ramènerai près
solennelles et les plus sérieuses de l'existence de ton épouse. Aujourd'hui même, tu sou-
et des vertus de la pierre philosophale, avec peras à Brunswick, où l'on prépare ce soir
des encouragements à ceux qui s'occuperont un grand fostin car la duchesse, qui te croit
de sa recherche, et leur affranchissement de mort donne sa main à un nouvel époux.
toute espèce de contrariétés de la part des Cette nouvelle fut un coup de foudre pour
statuts et prohibitions antérieures. le duc la fureur étincelait dans ses yeux,
On avait prédit à ce roi Henri IV qu'il son cœur était en proie au désespoir. Il au-
mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d'y rait pu songer que, depuis trois' ans qu'on
aller. Mais il tomba malade subitement dans avait annoncé son naufrage et sa mort, il
l'abbaye de Westminster et y mourut dans était bien permis à la duchesse de se croire
une chambre appelée Jérusalem. veuve. Il ne s'arrêta qu'à l'idée qu'il était
HENRI IV, roi de France. On 6t une re- outragé.
cherche assez curieuse sur le nombre qua- -Si le ciel m'abandonne, pensa-t-il, je
torze relativement à Henri IV. H naquit qua- prendrai conseil de l'enfer.
torze siècles, quatorze décades, et quatorze II était dans une de ces situations dont le
ans après l'ère chrétienne. Il vint au monde diable sait profiter. Sans perdre le temps eu
le 14 décembre et mourut le 14-mai. Il a vécu délibérations, il chaussa ses éperons, cei-
quatre fois quatorze ans, quatorze semaines, gnit son épée, et s'écria –En route, ca-
quatorze jours. Enfin, dans son nom de marade.
(1) C'est ainsi que commençal'aventure d'Androclès, lion.
Quitrouva, commele duc de Brunswick; un ami dans son
619 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES, 8-20

A t'instant, > répliqua le démon mais HEPATOSCOPIE ou H1EROSCOP1E, divi-


convenons des frais de transport, nation qui avait lieu par l'inspection du foie
-r- Demanda ce que tu voudras, dit le duc, des victimes dans les sacrifices chez les Ro-
sur ma parole. mains.
je te le donnerai
^Eh bien! il faut que ton âme m'appar- Quelques sorciers modernes cherchaient
tienne dans l'autre monde. aussi l'avenir dans les entrailles des ani-
-Soit, répondit le duc, dominé par la maux. Ces animaux étaient ordinairement
ou un chat, ou une taupe, ou un lézard ou
colère; et il toucha la main du petit homme ou un crapaud, ou une
noir. une chauve-souris,
Le marché se trouva donc conclu entre les poule noire. Voy. ARUSPICES.
d'un
parties intéressées. Satan prit la forme
HÉRAIDE. Voy. HERMAPHRODITES.

saisit dans une de ses serres le duc HERBADILLA. Autrefois, il y avait à la


griffon,
Henri, dans l'autre, le fidèle lion, et les place du lac de Grand-Lieu en Bretagne un
des côtes de la Libye, dans la vallon délicieux et fertile, qu'ombrageait la
transporta, forêt de Vertave ou Vertou. Ce fut là que se
ville de Brunswick, où il les déposa sur la
place du marché, au moment où le guet dis- ve- réfugièrent les plus riches citoyens de Nan-
nait de crier l'heure de minuit. Puis il tes, et qu'ils sauvèrent leurs trésors de la
parut. rapacité des légions de César. Ils y bâtirent
Le palais ducal et la ville entière étaient une cité qu'on nomma Herbadilla à cause
illuminés; toutes les rues fourmillaient d'ha- de la beauté des prairies qui l'environnaient.
bitants qui se livraient à une bruyante Le commerce centupla leurs richesses mais
et couraient au château pour y voir en même temps le luxe charria jusqu'au
gaîté
la fiancée, et pour être spectateurs de la sein de leurs murs les vices des Romains. Ils
danse des flambeaux, qui devait terminer les provoquèrent lé courroux du ciel. Un jour
fêtes du jour. que saint Martin de Vertou, fatigué de ses
Le voyageur aérien, ne ressentant pas la courses apostoliques, se reposait près d'Her-
moindre fatigue, se glissa à travers la foule, badilla à l'ombre d'un chêne, une voix lui
sous le portail du palais et, accompagné de cria Fidèle confesseur de la foi, éloigne-toi
son lion fidèle, il fit retentir ses éperons d'or de la cité pécheresse.
sur l'escalier, entra dans la salle du festin, Saint Martin s'éloigne et soudain jail-
tira son épée, et s'écria A moi ceux qui lissent, avec un bruit affreux, des eaux jus-
sont fidèles au duc Henri 1 mort et malédic- qu'alors inaperçues, et qui faisaient irrup-
tion aux traîtres. tion d'une caverne profonde. Le vallon où
En même temps, le lion rugit secouant s'élevait la Babylone des Bretons fut tout à
sa crinière et agitant sa queue. On croyait coup submergé. A la surface de cet|e onde
entendre les éclats du tonnerre. Les trom- sépulcrale vinrent aboutir par milliers des
et les trombones se turent; mais les bulles d'air, derniers soupirs de iceux qui
pettes
voûtes antiques retentirent du fracas des expiraient dans l'abîme.
armes et les murs du château en trem- Pour perpétuer le souvenir du châtiment
blèrent.-Le fiancé aux boucles d'or, et la Dieu permet que l'on entende encore ail. fond
troupe bigarrée de ses courtisans tombèrent de cet abîme les cloches de la ville engloutie,
sous l'épée de Henri. Ceux qui échappaient el que l'orage y vive familièrement. Auprès
au glaive étaient déchirés par le lion. est une île au milieu de laquelle s'élève une
Après que le pauvre fiancé, ses chevaliers pierre en. forme d'obélisque. Cette pierre
et ses valets eurent mordu la poussière, et ferme l'entrée du gouffre qui a vomi les eaux
que le duc se fut montré le maître de la mai- du lac, et ce gouffre est la prison d'un géant
son d'une manière aussi énergique que jadis formidable qui pousse d'horribles rugisse-
Ulysse avec les prétendants de Pénélope, il ments.
prit place à table, à côté de son épouse. A quatre lieues de cet endroit, vèrs t'est,
Elle commençait à peine à se remettre de la on trouve une grande pierre qu'on appelle la
frayeur mortelle que lui avaient causée ces vieille de saint Martin car il est bon de sa-
massacres. voir que cette pierre, qui pour bonne raison
Tout en mangeant avec grand appétit des garde figure humaine, fut jadis une femme
mets que son cuisinier avait apprêtés pour véritable, laquelle, «'étant retournée malgré
d'autres convives, et en régalant son com- la défense en sortant de la ville d'Herbadilla,
pagnon de ragoûts qui ne paraissaient pas fut transformée en statue (1). Voy.ls.
non plus lui déplaire Henri jetait les yeux HERBE MAUDITE. Les paysans nor-
de temps en tewps sur sa femme, qu'il voyait mands croient qu'il existe une fleur qu'on
baignée de larmes. Ces pleurs pouvaient appelle l'herbe maudite celui qui marche
s'expliquer de deux manières mais en dessus ne cesse de tourner dans un même cer.
homme qui sait vivre, le duc leur donna cle, et il s'imagine qu'il continue son chemin
l'interprétation la plus favorablè. 11 adressa sans avancer d'un pas au-delà du lieu où
à la dame, J'un ton affectueux, quelques l'herbe magique l'a enchaîné.
reproches sur sa précipitation à former de HERBE QUI EGARE. Il y a, dit-on aussi,
nouveaux nœuds et il reprit ses vieilles ha- dans le Périgord, une certaine herbe qu'on
bitudes. ne peut fouler sans s'égarer ensuite de ma-
Henri le Lion, surnommé ainsi à cause de nière à ne plus retrouver son chemin. Cette
son aventure, disparut,.ajoute-t-on, en 1195, tl) M. de Marçhangy,Tristan le voyageur,tom. If g.
importé par le Délit homme noir. 115.
821 HEU H ES 82:1
herbe qui n'est pas connue, se trouvait abon- sorte que le vulgaire ne pouvant comprendre
damment aux environs du château de Lusi^ le mystère de ces choses, se persuadait qu'il
gnan.bâti parMélusine; ceux qui marchaient était fou. » Le vulgaire n'avait peut-être pas
dessus erraient dans de longs circuits, s'ef- tort.
forçaient en vain de s'éloigner, et se retrou- HERMÈS. On vous dira qu'il a laissé
vaient dans l'enceinte redoutée jusqu'à ce beaucoup de livres merveilleux qu'il a écrit
qu'un guide préservé de l'enchantement les sur les démons et sur l'astrologie. C'est lui
remit dans la bonne voie qui a décidé que, comme il y a' sept trous à
HERBE DE COQ. Les habitants de Pa- la tête, il y aussi sept planètes qui président'
nama vantentbeaucoup une herbe qu'ils ap- à ces trous, savoir Saturne et Jupiter aux
pellent herbe de coq, et dont ils prétendent deux oreilles, Mars et Vénus aux deux nari-
que l'application est capable de guérir sur- nes, lé soleil et la lune aux deux yeux, et
le-champ un poulet àqui l'on aurait coupé la Mercure à la bouche.
tête, en respectant 'une seule vertèbre du HERMIAL1TES, ou Hermiens, disciples
cou. Des voyageurs sollicitèrent en vain d'un hérétique du deuxième siècle, nommé
ceuxqui faisaient ce récitdeleurmontrerl'her- Hermas ils honoraient l'Univers-Dieu, di-
be ils ne purent l'obtenir, quoiqu'on leur sant à la fois que ce monde est Dieu et que
assurât qu'elle était commune d'où l'on ce monde est l'enfer.
doit conclure que ce n'est qu'un conte popu- HERMIONE, voy. Hermeline.
laire (1). HERMOTIME. On sait que Cardan etune
HÉRENBERG ( JEAN-CHRISTOPHE), auteur foule d'autres se vantaient de faire voyager
de Pensées philosophiques et chrétiennes sur leur âme sans que le corps fût de la partie
les Vampires,1733. Voy. Vampires. L'âme d'Hermotime de Clazomène s'absentai,
HERMAPHRODITES. Longtemps avant de son corps lorsqu'il le voulait, parcourait
Antoinette Bourignon, qui soutint cette sin- des pays éloignés, et racontait à son retour
gulière thèse au dix-septième siècle, il s'était des choses surprenantes. Apparemment que
élevé,sous le pontificat d'innocent 111, une Hermotime eut des ennemis. Un jour que son
secte "de novateurs qui enseignait qu'Adam âme était allée en course,, et que son corps
était à sa naissance homme et femme tout à était comme de coutume semblable à un ca-
la fois. davre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent
Pline assure qu'il existait en Afrique au ainsi à l'âme le moyen de rentrer dans son
delà du désert de Zara, un peuple d'andro- étui.
gynes. Mais, dans d'autres versions, Hermotime
Les lois romaines mettaient les herma- est un vampire. Voy. Huet.
phrodites au nombre des monstres, et les HÉRON, ermite qui, après avoir passé
condamnaient à mort. plus de cinquante ans dans les déserts de la
TiteLiveet Eutrope i;apportentqu'il naquit Thébaïde, se laissa persuader par le diable,
auprès de Rome, sous le consulat de Claur sous la figure d'un ange, de se jeter dans un
dius Néron, un enfant pourvu de deux sexes; puits, attendu que, comme il était en bonne
(lue le sénaf, effrayé de ce prodige, décréta grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal.
qy'jl fallait le noyer- On enferma l'enfant Il ajouta foi, dil Lcloyer, aux paroles du dia-
dans un coffre; on l'embarqua sur un bâtjr ble, et, se précipitant d'un lieu élevé, dans la
ment et on le jeta en pleine mer. persuasion que les anges le soutiendraient
Leloyer parle longuement d'une femme de il tomba dans le puits, d'où on le retira dis-
Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria loqué il mourut trois jours après (2).
comme femme, et devint homme ensuite dans HERVILLIERS Jeanne). C'est la même
ine absence de son marj. C'était, dans les que Jeanne Harvilliers.
vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on HÈSE (JEANde), voyageur du quinzième
ne voit plus d'hermaphrodites aujourd'hui. siècle, qui a' écrit de singulières choses. M.
Les hermaphrodites, dans les contes plus de Reiffenberg a consacré à ses récils un
anciens, avaient les deux sexes, deux têtes article curieux, AanslcRecueil encyclopédique
quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Belge. Nous en rapporterons quelques pas=
Platon, avaient d'abord formé l'hQmme avec sages. Jean de Hèse débute à peu près en ces
deux corps et les deux sexes. Ces hommes termes
doubles étaient d'une force si extraordinaire « L'an du seigneurl489, moi, Jean de Hèse,
qu'ils résplurentde fairela guerre aux dieux. du diocèse d'Utrecht, j'ai été à Jérusalem au
Jupiter irrité les partagea pour les affaiblir, mois de mai,visitant les lieux saints.Et, dans
et Apollon seconda le père des dieux dans la mer Rouge, j'ai vu -des poissons volant
l'exécution de ses volontés. Voy. Polycrite. aussi loin qu'une baliste aurait pu les lancer.
HEHMEL1NE, démon familier qui s'ap- Ces poissons-là sont rouges, longs de plus
pelait aussi Hcnnione et Hermelinde, et qui de deux pieds ils ont la tête ronde comme
fréquenta quarante ans Benedetto Berna des chats, avec un bec comme l'aigle; des-
dont François Pic de la Mirandole rapporte quels poissons moi, Jean de Hèse susdit, j'ai
lui-même l'histoire. « Cet homme, dit-il, bu- mangé. Et attendu que ces poissons sont
vait, mangeait, parlait avec son démon, qui gros, il faut les faire bouillir oendanl long?
t'accompagnait partout sans qu'on le vit; de temps.
(I) La Harpe,Abrégé de l'Hist. générale des Voyages, loin. I", p. 159, et Bodin,Démonomaniedes sorciers,p.
«l. XV[,p. 106del'édit. in-12. 279.
ÇâjLenglel-DufresnoyDissertationssur les apparit.,
?.35 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 824

« De la ville d'Hermopolis, il y a huit jours fut de descendre le navire d'environ vingt


de marche jusqu'à la ville appelée Amra coudées, parce que la mer était plus basse.
qui est assise sur la merRouge que l'on y « Après un mois de navigation, et vingt-
traverse; et en sept jours on arrive à pied quatre jours de marche, ils arrivèrent à
au mont Sinaï, où le corps de sainte Cathe- Edesse, où le prêtre Jean fait sa résidence.
rine est conservé dans un couvent de cha- Cette ville est la capitale de tout l'empire et
noines réguliers, vivant fort dévotement et plus grande que vingt-quatre villes comme
ne mangeant qu'une fois dans la journée. Cologne. Au milien est le palais du prêtre
Ces chanoines sont au nombre de treize; et Jean, lequel a environ deux milles d'Alle-
dans leur église, il y a treize lampes ardeni- magne en longueur. 11 est soutenu par neuf
tes, qu'on ne peut éteindre et qui brûlent cents colonnes; et à celles du milieu sont
toujours, quoique sans aliments. Mais lors- adossés quatre géants de pierres précieuses
qu'un des chanoines vient à mourir, une des dorées, qui semblent soutenir le palais sur
lampes cesse de briller, jusqu'à ce qu'il soit leur front incliné.
remplacé et alors elle se rallume d'elle- « Les merveilles se multiplient; on n'a que
même. le choix des prodiges. Tels sont une horloge,
«DumontSinaï, onarriveenquatrejoursau qui rend un son effrayant lorsqu'il s'intro-
camp d'Helym, duquellesanimaux venimeux duit dans le palais quelqu'un de suspect;
ne peuventapprocher.Danslevoisinageesl la une table de pierres précieuses et dorée, aussi
rivière Marath, dont les eaux ayant été frap- légère que si elle était de bois, et qui para-
pées par la baguette de Moïse devinrentdou- lyse les effets des mets empoisonnés que l'on
ces, de très-amères qu'elles étaient. Et au- pourrait poser dessus; une cloche que fit
jourd'hui, tous les matins, après le lever du fondre saint Thomas et dont le son guérit
soleil, vient une licorne (unicornus ) qui les possédés; des appartements tournant
exprime dans l'eau le poison que sa corne comme une roue; une chapelle où le prêtre
contient; ce que j'ai vu moi-même. Jean, qui est chrétien, entend la messe, et
u Après trois mois de navigation dans la qui suit tous les mouvements du ciel un mi-
mer Océarie, nous arrivâmes en Ethiopie roir orné de trois pierres précieuses, dont
dite l'Inde intérieure, où prêcha saint Barlhé- l'une fortifie la vue, l'autre rend plus exquise
lemi. Là habitent les nègres. Plus loin on la sensibilité, et la troisième augmente l'ex-
pénètre parmi lesPygmées, qui n'ont qu'une périence miroir que quatre docteurs choisis
coudée de haut; ils sont difformes, n'ont adhoc regardent sans cesse, pour savoir tout
point de maisons, et habitent dans les grot- ce qui se passe dans le monde. Ces raretés
tes, cavernes et couches marines, et l'on ra- et beaucoup d'autres sont répandues dans
conte dans ce lieu que les Pygmées combat- sept palais différents, aussi riches que celui
tent souventcontre les cigognes qui tuent quel- du soleil décrit par Ovide.
quefois leurs enfants. Ces nains vivent au « Et remarquez bien que de Hèse a été
plus douze ans. dans ces lieux en personne. Il visite ensuite
« Passant de la mer d'Ethiopie dans la mer une Ile où Gog et Magog étaient enfermés
de Jécor (mare Jecoreum) et dans la mer de disait-on, entre deux montagnes. Les insu-
sable, on parvient au bout de quatre jours laires étaient singulièrement conformés, car
dans le pays de Monocules ( qui n'ont qu'un ils avaient deux visages sur une seule tête,
œil). La mer de Jécor a la propriété d'attirer l'un devant et l'autre derrière.
les vaisseaux dans ses abîmes, à cause de « Après cet itinéraire vient une lettre du
leur ferrure, et parce que son fond est pavé prêtre Jean à son ami Emmanuel, gouver-
d'aimant qui attire le fer. De l'autre côté est neur de Rome. Il lui fait un détail de sa
la mer de sable. Et c'est un sable qui coule puissance, -et se met à conter de nouvelles
comme l'eau, et qui a son flux et son reflux. merveilles une pierre qui guérit tous les
Les Monocules, qui y entrent à pied, y pren- malades pourvu qu'ils soient chrétiens; des
nent des poissons. vers qui ne vivent que dans le feu; une table
« Les susdits Monocules sont gros, forts, toujours couverte pour trente mille person-
anthropophages ils ont au milieu du front un nes, sans compter les survenants, etc.
ceil unique, élincelant comme une escarbou- « Ce livre est terminé par un petit traité
cle, et ne vaquent à leurs affaires que la sur la vie et les mœurs du prêtre Jean et par
nuit.? » trois chapitres sur les curiosités de l'Inde.
Ici M. de Reiffenberg cesse de traduire J'ignore, dit M. de Reiffenberg, si ces fables
pour résumer. ( Cewoyage, écrit en latin a ont été recueillies par de Hèse; du moins
été publié en 1499, imprimé à Deventer.) l'auteur ne se met plus en scène; il ne dit
« De là notre véridique voyageur vient à plus « J'ai vu j'ai été là. » Le phénix, des
Andrinople, ville où il y a plus de cinq cents poissons de forme humaine, des hommes à
ponts de pierre. Après huit semaines de cap- tête de chiens, des satyres des peuples
tivité chez le roi Brandican, de Hèse et ses exempts de vieillesse .et de décrépitude sont
i compagnons s'embarquèrent de nouveau en mis sous la garantie de Pline le naturaliste.
dix jours ils furent en vue d'une montagne C'est peut-être là que notre voyageur les
de pierre, très-haute, sortant de la mer, et aura prises ou plutôt dans quelques-unes
percée d'un trou de trois milles dp longueur, de ces compilations du moyen âge où l'an-
à travers lequel il leur fallut passer. Ce trou tiquité était ridiculement travestie, et dont
était si noir qu'ils eurent continuellement l'auteur de la chronique Margaritique, Julien*
besoin de chandelle. Au sortir du trou, force Hossetier,d'Ath, extrayait encore, vers 1508,
1I" 'M'
i
825 HIE H1P «B
les contes puérils dont il a farci son ou- pèse que deux gros. Une femme qui n'avait
vrage. » qu'un enfant, ils la figuraient par une lionne,
HEURE. Voy. MINUIT. Anges ou démons parce que cet animal ne fait qu'un petit (du
des heures. Voy. PIERRE d'Apone. moins ils le croyaient de la sorte). Ils figu-
HIBOU, oiseau de mauvais augure. On le raient l'avortement par un cheval qui donne
regarde vulgairement comme le messager de un coup1 de pied à un loup, parce que, di-
la mort; et les personnes superstitieuses, qui saient-ils, une cavale avorte si elle marche
perdent quelque parent ou quelque ami, se sur les traces d'un loup (3), etc. M. Cham-
ressouviennent toujours d'avoir entendu le pollion donne d'autres explications.
cri du hibou. Sa présence, selon Pline, pré- HIEROMNENON, pierre que les anciens
sage la stérilité. Son œuf, mangé en ome- employaient dans leurs divinations, mais
lette, guérit un ivrogne de l'ivrognerie. dont ils ne nous ont laissé aucune descrip-
Cet oiseau est mystérieux, parce qu'il re- tion.
cherche la solitude, qu'il hante les clo- HIEROSCOP1E. Voy. Hépatoscopie.
chers, les tours et les cimetières. On redoute HIPOKINDO, mot qui, prononcé d'une
son cri, parce qu'on ne l'entend que dans les certaine façon, charme les serpents et les
ténèbres; et, si on l'a vu quelquefois sur la empêche de nuire. Paracelse en parle.
maison d'un mourant, il y était peut-être at- HIPPARCHUS. On lui attribue un ouvrage
tiré par l'odeur cadavéreuse, ou par le si- intitulé le Livre des Esprits.
lence qui régnait dans cette maison. HIPPOCRATE, père de la médecine. Les
Un philosophe arabe, se promenant dans légendes du moyen âge font de lui un grand
la campagne avec un de ses disciples, enten- magicien, et lui prêtent des aventures dans
dit une voix détestable qui chantait un air le genre de celles qu'elles attribuent à Vir-
plus détestable encore. Les gens super- gile. On met sous son nom un Traité des
stitieux, dit-il, prétendent que le chant du songes, dont on recherche les éditions accom-
hibou annonce la mort d'un homme; si cela pagnées des commentaires de Jules -Cés£.*r
était vrai, le chant de cet homme annonce- Scaliger; in-8", Gnesne, 1610; et un autre
rait la mort d'un hibou. livre intitulé les Aspects des étoiles.
Cependant si le hibou est regardé comme Légende d'Hippocrate.
un mauvais présage chez les gens de la cam-
pagne, quand on le voit perché sur le. haut Du temps que César-Auguste était empe-
d'une maison, il est aussi regardé, comme reur de Rome, son neveu Gatus, qu'il aimait
d'un bon augure quand il vient se réfugier par-dessus toutes choses et qui devait héri-
dans un colombier. Les anciens Francs con- ter de l'empire, tomba malade. Les médecins
damnaient à une forte amende quiconque ne purent le guérir. Il y avait trois jours et
tuait ou volait le hibou qui s'était réfugié trois nuits qu'il ne parlait plus; toute la
dans le colombier de son voisin (1). cour était dans une grande tristesse. Sur ces
On ne peut passer sous silence les vertus entrefaites Hippocrate entra dans Rome
surprenantes de cet oiseau. Si l'on met son qu'il fut surpris de trouver en deuil. Il avait
cœur avec son pied droit sur une personne beau interroger les passants personne no
endormie, elle dira aussitôt ce qu'elle aura lui parlait. Il monta au palais de l'empereur,
fait et répondra aux demandes qu'on. lui pour savoir la cause de cette douleur publi-
adressera; de plus, si on met les mêmes par- que. Il se fraya passage jusqu'à la chambre
ties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens où le malade était couché, comprit alors la
ne pourront aboyer après la personne qui douleur publique, mit la main sur le cœur
les portera; et enfin, si on pend le foie à un de Galus, et dit à César-Auguste Quelle fa-
arbre, tous les oiseaux se rassembleront veur m'accorderez-vous, si je rends la vie à
dessus (2). ce malade? L'empereur promit tout; et le
HIERARCHIE. Agrippa disait qu'il y avait savant médecin, prenant dans son aumônière
autant de mauvais anges que de bons, qu'il une herbe et un breuvage, en composa une
y en avait neuf hiérarchies de bons et neuf potion qu'il fit avaler au malade, en lui ou-
de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l'in- vrant doucement la bouche. L'enfant ouvrit
ventaire de là monarchie de Satan, avec les les yeux aussitôt, dit quelques paroles. En
noms et surnoms de soixante-douze princes moins de trente jours, Hippocrate le remit
et de plusieurs millions de diables, nombres en bonne santé.
fantastiques, qui ne sont appuyés sur d'au- Auguste combla de biens l'habile docteur
tres raisons que sur la révélation de Satan et fit élever deux piliers, sur lesquels il mit
même. Voy. COUR INFERNALE. la statue d'Hippocrale et celle de Gatus. Il
.HIEROGLYPHES. Les Egyptiens avaient admit le savant à sa table et lui donna place
beaucoup d'idées superstitieuses, s'il faut les dans son amitié.
juger par leurs-hiéroglyphes. Ils expriment Peu de temps après, des habitants du pays
le sexe masculin par un vautour, dit un an- de Galles vinrent s'établir à Rome. Il y avait
cien, parce que tous les vautours sont fe- parmi eux une dame d'une grande beauté.
melles, etque le vent seul féconde leurs œufs Un jour que de la fenêtre du palais elle re-
ils représentaient le cœur par deux drachmes on lui
gardait la statue d'Hippocrate, comme
que le cœur d'un enfant d'un an ne vantait le philosophe Tout philosopha
'parce
(1) M.Salgues,Des erreurs et despréjugés,etc., L.1", (3) Brown, Essai sur les erreurs populaires; tom. II,
p. 439. p. 691
(2) Des admirablesSecrets d'Albertle Grand,p. 107.
827 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTAS. 828
ï i un le
qu'il est, dit-elle, je gage qu'en jour je nins. Irritée de cet obstacle, la princesse dé-
ferai tenir pour le plus grand fou du monde. roba la coupe et la jeta dans la mer.
Le savant médecin, ayant appris ce pro- Hippocrate s'aperçut donc de ses mauvais
pos, voulut connaître la belle Galloise. A sa desseins aussi refit-il, au plus vite, une au-
vue, il en devint si épris, qu'il tomba malade. tre coupe moins belle,mais qui avait la même
L'empereur, inquiet, envoya toute sa cour vertu. Cependant il oubliait d'aller chercher
auprès de lui; la Galloise y vint, reçut les Jésus de Nazareth et pour ses passions,
aveux du philosophe, s'y montra sensible, et comme tant d'autres, il se perdait.
Hippocrate recouvra la santé. Sur ces entrefaites, le roi Antoine tint une
Mais la belle dame, qu'it croyait épouser, cour plénière, à laquelle Hippocrate s'em-
était une malicieuse. Comme Hippocrate la pressa de se rendre avec la princesse sa
pressait Venez cette nuit sous ma fenê- femme. Un soir, après souper, le roi, le phi-
tre, lui dit-elle; je descendrai une corbeille losophe et la méchante femme étaient à une
attachée à une corde, et avec l'aide de ma fenêtre qui donnait sur la cour du château.
servante, je vous monterai dans la tour, où Ils virent dans cette cour une jeune truie qui
je vous ferai savoir mes conditions. mangeait un grand ver. Hippocrate sécria
Le savant fut exact au milieu de la nuit Celui qui mangerait la tête de cet ani-
il se plaça dans la corbeille, que la Galloise mal périrait sur-le-champ, nul remède ne
et sa servante élevèrent au sommet de la pourrait le sauver.
tour, beaucoup plus haut que leur fenêtre; Nul remède? demanda la princesse.
puis, attachant la corde à un croc, elles lais- Nul remède, répéta le philosophe, ex-
sèrent le malheureux Hippocrate suspendu cepté s'il buvait l'eau dans laquelle cette tête
au milieu des airs. aurait été cuite.
Or, cette corbeille était à Rome une espèce Cela est bien étrange, ajouta la femme;
de pilori où l'on exposait les malfaiteurs. puis elle parut s'occuper de tout autre sujet.
Quand il fut jour ef que l'on vit là Hippo- Mais, aussitôt qu'elle fut libre, elle alla
crate, tout le monde chercha quel pouvait trouver le cuisinier du palais et lui ordonna
être son crime. L'empereur était à la chasse, de servir à Hippocrate la tête de cette truie,
d'où il ne revint que le soir et ainsi la cor- qu'elle désigna, et elle recommanda de jeter
beille ne fut descendue qu'à la nuit. l'eau qui aurait servi à faire cuire l'animal.-
Le savant, dont le cœur n'était pas guéri, Le cuisinier exécuta ponctuellement les or-
ne voulut pas faire connaître l'auteur de son dres qu'il avait reçus; et à peine le philoso-
triste accident, de peur d'exposer celle qu'il phe eut-il mangé une partie de la tête de la
aimait à la colère de l'empereur et sa pas- truie, que, devinant la trahison de sa femme,
sion à la risée des courtisans. La Galloise il s'écria
lui fit doncd'autres mauvais tours; si bien i–? Hélas 1 je suis mort
que, pour se venger alors, il la rendit éprise, Il s'empressa d'aller aux cuisines deman-
au moyen d'un philtre, d'un vieux nain der l'eau dans laquelle avait été cuite la tête
'bossu et contrefait, avec lequel on fut bien de l'animal venimeux; on lui indiqua le fu-r
surpris de la voir se marier. mier sur lequel cette eau avait été jetée. H
Quelque temps après, un chevalier vint à s'y coucha, niais inutilement le poison était
Rome annoncer à César- Auguste qu'un plus fort et le brûlait peu à pou.
homme de Nazareth, appelé Jésus, guérissait La princesse qui l'avait trahi ne put jouir
tous les malades, ressuscitait les morts et de sa mort car malgré les prières de son
faisait d'autres merveilles. Hippocrate aussi- mari, qui lui pardonnait et demandait grâce
tôt quitta Rome, en disant qu'il allait cher- pour elle, le roi Antoine la fit exposer sur
cher Jésus et apprendre de lui ce qu'il ne un rocher du rivage. Elle y resta trois jours
savait pas. et y mourut.
En cheminant, guérissànt partout les ma- Hippocrate cherchait à force de soins à
lades, mais ne ressuscitant pas les morts, il prolonger son existence; mais la vie le quit-
arriva chez Antoine, roi de Perse, dont il tait d'heure en heure. Il fit creuser sa tombe
rendit le fils à la santé. Antoine, pour récom. sous un rocher; et avant de mourir, il fil une
pense, lui fil épouser la fille du,roi de Syrie. chose qui étonna beaucoup tous ceux qui la
Pour recevoir dignement la belle prin- virent il prit un panier do jonc et le rem-
cesse, le philosophe, qui était magicien, plit d'herbes; puis il jeta dessus beaucoup
comme vous voyez, fit construire un palais d'eau, qu'il fit. sortir par un seul jet, sans
magnifique, où éclataient l'or, l'argent et les laisser une goutte s'échapper d'un autre
pierreries; son art, d'ailleurs, l'avait rendu côté. On eût dit qu'elle coulait d'un tonneau
puissamment riche. Il construisit aussi un bien fermé. On lui demanda pourquoi il agis-
lit qui guérissait de toutes maladies ceux sait ainsi..
qu'il y- faisait coucher. Je le fais, dit-il, pour vous montrer
Cependant la princesse ne l'aimait point, combien c'est une grande chose que la mort
parce qu'il n'était pas de race royale. Hippo- d'un homme, quand elle est résolue. Aucune
crate s'en aperçut, et il se fit une coupe d'or, médecine ne peut l'empêcher; car, si je de-
à laquelle il fixa des pierres précieuses qui vais guérir, je pourrais arrêter la dyssenterie
neutralisaient l'effet des poisons. Plusieurs qui me travaille, comme j'ai ôté de'ce panier
fois la méchante femme essaya de t'empoi- l'eau qui s'y trouvait.
sonner, mais inutilement le charme de la Après avoir ainsi parlé, le fils d'Esculape
coupe était supérieur à la puissance des ve- ne tarda pas à mourir; il expira le quin-
ô2'J HIP ma 83Q
zième jour de septembre, quinze années ménage si peu la délicatesse cle son lecteur,-
avant la n~ort de Nôtre-Seigneur. a donné aussi ¡J'Hippoçrate l'aventure de la
Nous avons emprunté cette l1o!ice à-un corbeille, qui du reste est copiée de la légende
extrait plus étendu que M. Leroux de Lincy de Vi~gile.
a publié. Ce savant y ajoute un fragment du HIPPOGRIFFE, animal fabuleux, composé
roman des Sept sages 'de Rome; ou Hippo- du cheval et du griffon, que l'Arioste et
crate joue un rÔ)e peu glorieux les autres romanciers donnent quelquefois
Hippocrate, dit l'une des histoires de ce pour monture aux héros des romans de chc-
livre, fut le plus savant médecin de la terre. valerie.
De toute sa famille, il ne lui resta qu'un ne- HIPPOMANE, excroissance charnue que
veu, auquel il se garda bien de découvrir la les poulains apportent à la tête en naissant,
science qu'il possédait. Malgré tout, le jeune et que la mère mange aussitôt.
homme étqdia en silence, et devint aussi Les anciens donnaient le nom d'hippo-
habile que son oncle, qui,ayant reconnu son mane à certains philtres, parce qu'on prétend
talent, n'en parut nullement contrarié. Il ar- qu'il y entrait de cette.excroissance.
riva que le fils du roi de Hongrie tomba ma- Hippornune est aussi le nom d'une herbe
lade.'Hippocrate fut mandé aussitôt; mais qui fait entrerics chevaux en fureur lorsqu'ils
d'importantes affaires l'empêchaient d'entRé-- la broutent (1).-On raconte qu'une cavale
prendre un aussi long voyage, Il répondit de bronze placée auprès du tujnpic de Ju-
au roi que ne pouvant obéir à ses ordres, il piter olyypien, faisait hennir Ips chevaux
lui enverrait un sien neveu. Ce dernier se comme si elle eût été vivante, vertu qui lui
rendit ~t la cour de Hongrie. était communiquée par l'hippomane qu'on
Le roi et ta reine présentèrent le malade avait mêlée avec le cuivre en la fondant.
au jeune médecin, qui regarda l'eufant, re- Voy. PHILTRES.
garda le père, regarda ta mère, puis demanda HiPPOMANCIE, divination des Celles. Ils
a voir leurs urines on les lui montra. Après formaient, leurs pronostics sur le hennis-
avoir IQngtemps réfléchi, le jeune médecin sement et le trémoussement de certains che-
dit Donnez à manger à cet enfant de la vaux blancs, nourris aux dépens du public
ch;nrde boelif. On obéit à la prescription, et dans des forêts consacrées, où ils n'avaient
le fils du roi de Hongrie guérit aussitôt. Le d'autre couvert que les arbres. Oh les faisait
jeune médecin, richement payé par le roi, marcher immédiatement après le char sacré.
retourpa près de son oncle. Hippocrate lui Le prêtre et le roi ou chef du canton obser-
demanda As-tu guéri l'enfant ? vaient tous leurs mouvements, et en tiraient
Oui, sire. des augures auxquels ils donnaient une ferme
Que lui as-tu donné? confance, persuadésque ces animaux étaient
Chair de bœuf. confidents du secret des dieux tandis qu'ils
Tu es bien savant, dit Hippocrate; n'étaient eux-mêmes que leurs ministres.
et de ce moment it roula dans son esprit des Les Saxons tiraient aussi des pronostics
pensées de mort et de trahison à !,égard de d'un cheval sacré, nourri dans le temple de
son noveu. leurs dieux, et qu'ils en faisaient sortir avant
Il l'~ppela un jour ét l'eminena avec lui de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand
dans un jardin. Je vois une belle herbe, dit le chcval avançait d'abord le pied droit, l'au.-
le jeune homme; et il s'empressa de la cueit- gure était favorable; sinon, le présage était
lir et de la présenter à son oncle. mauvais, et ils rcnonçaient à leur entreprise.
C'est vrai, répliqua Hippocrate, mais je HtPPOMYRMECËS, peuple imaginaire
crois en sentir une autre meilleure. placé par Lucien dans le globe du soleil. C'é-
Le neveu s'agenouilla pour la çueillir,; taient des hommes montés sur des fourmis
aussitôt Hippocrate tira un couteau qu'il ailées, qui couvraient deux arpents de leur
avait caché sous sa robe s'approcha du ombre, et qui combattaient de leurs cornes.
jeune homme, le frappa et le tua. Il fil plus i HIPPOPODES, peuple fabuleux qui avait
rentré chez lui, il prit tous les livres qui
des pieds de cheval, et que les anciens géo-
étaient en sa possession et le~ brûta.
Hippocrate, dit le même livre, sentant qu'il graphes placent au nord de l'Europe.
allait bientôt mourir, se fit apporter une IIIRIGOYEN, sorcier du commencement
tonne remplie d'eau pure, qu'il fit percer en du dix-septième siècle, que 1'0Q a vu danser
divers endroits, et qu'il boucha hermétique- au sabbat avec le diable' qu'il adorait (2)
ment. Puis, séché teau de la tonne HIRONDELLES. Plutarquc cite l'histoire
avec une poudre, il appela ses amis:-Voici d'un nommé Bossus qui avait tué son père
une tonne, leur dit-il, que j'ai remplie d'eau et dont on ignorait le crime. Etant un jour
claire; or, débouchez:"la. près d'aller à un souper, il prit une perche
Les amis d'Hippocrate tirèrent les che- avec laquelle il abattit un nid d'IirQn,delles.
villes mais l'eau ne coula pas J'ai pu Ceux qui 10 virent en furent indigl1és, et tui
étancher. toute l'eau de cette tonne, reprit le demandèrent pourquoi il mattraitait ainsi
médecin; mais je ne puis arrêter cette qui ces pauvres oiseaux. II leur répondit qu'il y
coule de mon corps c'est pourquoi je vais avait àssez longtemps qu'eUes lui criaient
mourir. Et il ne se trompait pas; il ne tarda qu'il avait tué son père. Toutes stupéfaites de
pas à rendre le dernier soupir. cette réponse, ces personnes la rapportèrent
Legrand d'Aussy, dans ses fabliaux, où il au juge, qui ordonna de prendre Bessus el
(1') Manuetlexique de l'abLéPrévost. (2) DGl'inc0nslanccdes dénlons.etc" p, 144.
831 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 854
de le mettre à la torture. Il avoua son crime Depuis quelques semaines, Antoine, tour-
et fut pendu (1). menté de ce qu'on appelle la maladie du
Brown, dans son Essai sur les erreurs po- pays, m'avait confié le désir ardent qu'il
pulaires, dit que l'on craint de tuer les hi- éprouvait d'aller passer quelques jours dans
rondelles quoiqu'elles soient incommodes, sa famille. Il n'osait pas en demander la per-
parce qu'on est persuadé qu'il en résulterait mission à mon père; je m'en chargeai, sur la
quelque malheur. Elien nous apprend que promesse qu'il me fit de revenir bien vite,
les hirondelles étaient consacrées aux dieux et je n'eus pas de peine à obtenir la grâce
Pénates, et que par cette raison on s'abs- désirée. Antoine était absent depuis une ving-
tenait de les tuer. On les honorait, dit-il, taine de jours et je commençais à m'impa-
commeles hérauts du printemps et, àRhodes, tienter un peu de ne pas le voir revenir. Il
on avait une espèce de chant pour célébrer n'avait pas même écrit, et je me sentais fâché
le retour des hirondelles. contre lui.
HISTOIRE. Il y a dans la bibliographie A quelques nuits de là, à peine étais-je
infernale, beaucoup d'histoires prodigieuses endormi, que je crus entendre du bruit. J'é-
publiées sans nom d'auteur. Nous n'en cite- coutai et n'entendis qu'un murmure confus.
rons que quelques-unes Puis je crus sentir quelque chose de pesant
Histoire d'une apparition, avec des ré- qui s'appuyait sur mon estomac. Cela res-
flexions qui prouvent la difficulté de savoir semblait à un coude plié, avec lequel on me
la vérité sur le retour des esprits, in-8°; pressait très-fort. Je me mets à crier, ou
Paris, chez Saugrin, 1722 brochure de 2fc plutôt je veux crier
pages. Qui est là?i
Histoire prodigieuse nouvellement arrivée C'est moi, me répond très-distinctement
à Paris d'une jeune fille agitée d'un esprit une voix basse qui semblait Rapprocher de
fantastique, in-8°. mon oreille c'est le pauvre Antoine qui vient
Histoire du diable, in-12, Amsterdam, vous dire adieu, et border votre lit pour la
1729, 2 vol.; et Rouen, 1730, 2 vol. dernière fois 1
Histoire miraculeuse advenue en La Ro- Et au même instant je me sens soulevé de
chette, ville de Maurienne en Savoie, d'une tous les .côtés de mon lit, comme si effective-
jeune fille ayant été enterrée dans un jardin ment on le bordait, et je vois très-distincte-
en temps de peste l'espace de quinze ans, ment, avec son chapeau rabattu, son gilet
par lequel son esprit est venu rechercher ses rouge et sa veste grise Antoine dont le vi-
os par plusieurs évidents signes miraculeux sage s'approchait du mien. Cela fait, il s'ar-
in-8°. Lyon. rêta devant moi les bras croisés, fixa un
Histoire remarquable d'une femme décédée instant sur mes yeux ses yeux pleins de lar-
depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver mes, et s'évanouit comme la fumée d'une
son mari, et parler à lui au faubourg Saint- lampe qui s'éteint.
Marcel, Paris, 1618, etc. Voy. ApPARITIONS. Tout trempé d'une sueur froide je tirai
mes rideaux d'une main tremblante et glacée.
Histoires à faire peur.
La lune pénétrait dans ma chambre; sa lueur
Les lecteurs qui aiment les violentes émo- mate donnait aux objets sur lesquels elle
tions recherchent beaucoup les histoires; et portait, une clarté fixe et immobile qui avait
on en a fait plusieurs recueils. Voici deux quelque chose d'effrayant. Je referme mes
histoiresà fairepeur.raconléespar Desforges, rideaux; mais tout à coup j'entends, assez
l'auteur du Sourd ou l'Auberge pleine, et en- près de notre corps de logis, de ces gémisse-
cadrées dans un des jolis récits que M.Henri ments plaintifs qui souvent retentissent la
Berthoud a semés si abondamment sur la nuit dans les bois, et que je ne savais point
presse périodique alors être les cris de certains oiseaux noc-
Encore enfant, dit le lugubre narrateur., turnes. Cela mit le comble à mon effroi; la
j'habitais avec mon père une maison de terreur enchaîna mes facultés; je n'osais ni
campagne dans les environs de Paris, et il respirer, ni rester dans mon lit, ni en sortir,
se trouvait dans cette maison de campagne ni faire le moindre mouvement, et je demeu-
un bon gros réjoui Champenois nommé rai quelques heures ainsi, douloureusement
Antoine. Il avait dix-huit ans à l'époque que suspendu-entre l'existence et le néant.
je cite. Ce garçon était extrêmement robuste Ce n'est pas sans raison que je raconte les
pour son âge. On l'employait aux commis- événements fantastiques de cette nuit, une
sions et aux transports de provisions de Paris des plus pénibles de ma vie c'était la nuit
à la campagne et de la campagne à Paris. Il du 9 au 10 septembre, et du vendredi au sa-
travaillait au jardin, avait soin du cheval et medi, l'an 1760; il était à peu près une heure
de la basse-cour; enfin, c'était un trésor pour et demie du matin lorsqu'il me sembla
l'utilité; ajoutez à cela qu'il était doux, com- qu'Antoine venait me rendre le dernier ser-
plaisant, toujours de la meilleure humeur vice que je viens de décrire. Je voudrais bien
du monde; nous nous aimions, dans toute la savoir maintenant quel sera le génie supé-
force du terme comme deux frères. Le bon rieur qui m'expliquera ce qui va suivre.
jeune homme se serait vraiment mis au feu Tout plein de ma nocturne frayeur, je ne
pour moi, et malgré mon extrême familiarité manquai pas, aux premiers rayons du jour,
avec lui jamais il n'oublia que j'étais le fils de fuir le théâtre des scènes qui m'avaient
de son maître. tant épouvanté et d'aller courant conter
(.11Taillepied,Apparitionsdes esprits, p. 40. non pas mon rêve, mais ma vision, à ceux
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qui, par état, se levaient dans la maison avec lorsqu'il en fut distrait par des cris redou-
le soleil, tels que le jardinier et sa femme. blés Au secours, d moi 1 au secours, on m'as-
Ces bonnes gens, comme on sait, qui nour- sassine Il tire son épée et court de toute sa
1 rissent une foule de petits préjugés super- force vers l'endroit d'où les cris semblent
f
stitieux, parce qu'on les en a nourris, ne partir. Il arrive et voit un infortuné que trois r
manquèrent pas de me dire que c'était mau- scélérats poignardaient. Ceux-ci prennent la
] vais signe; et moi de les croire, et moi de fuite à la vue de Pierret. Le jeune homme,
pleurer par anticipation mon pauvre Antoine. que cet affreux spectacle avait mis hors de
t Ma mère s'éveille. Je vais tout triste l'em- lui, se précipite sur leurs traces et ten mt
brasser à son chevet. Elle m'interroge; je son épée comme on tient un poignard, il n °
réponds, je raconte, et je fonds en larmes atteint un des voleurs et le renverse mon à
volontaires. On me console, on cherche à ses pieds. Sans ralentir sa course, il arrive
me désabuser. La douleur d'un enfant de au second assassin et le punit de même; il
quatorze ans ne saurait être longue; et dans était près du troisième, lorsque la maré-
la matinée même, un autre événement la chaussée, accourue enfin aux cris de la mal-
dissipa. heureuse victime des trois bandits, arrive au
Le dimanche suivant, dix jours après ma grand galop. Le scélérat, poursuivi par Pier-
vision, mon père reçut une lettre de Cham- ret, se retourne alors vers la maréchaussée,
pagne. Il l'ouvrit et fa lut devant moi à voix et supplie les cavaliers de le prendre sous
basse. leur protection contre la fureur de ce jeune
Oh 1 dit-il voilà qui est particulier. homme, qui venait déjà, disait-il, d'assassiner
Qu'est-ce donc? dit ma mère. trois de ses camarades. On se saisit de tous
«DeChaumont, en Bassigny, le 14- les deux Pierret, sans dire un mot, rend son
septembre 1760. épée sanglante, se laisse mettre les menottes,
« des chers monsieur et dame, et suit paisiblement la cavalcade, qui s'arrête
«Je vous écris ces lignes pour vous an- auprès de celui qu'il avait secouru. La
noncer que notre pauvre Antoine est mort quantité de sang que cet homme avait perdu
d'une fluxion de poitrine, la nuit du 9 au 10 lui avait absolument ôté toute connaissance.
de ce mois entre une et deux heures du On. fit venir des brancards, et les vivants,
matin, en se recommandant à votre bon sou- ainsi que les morts, furent tous, ou conduits
venir et à vos prières.» Il ou portés dans la prison. Pierret et le misé-
Un frisson mortel me saisit, je pensai tom- rable furent placés dans la chambre de l'as-
ber à la renverse; ma mère me soutint dans sassiné, que les chirurgiens avaient avoué
ses bras. n'être qu'évanoui.
«Le pauvre garçon n'avait qu'un regret Pierret, interrogé, avait naïvement raconté
en mourant; c'était de ne plus vous voir, les faits comme ils s'étaient passés il avait
mes chers monsieur et dame et surtout, dit son nom, et avait demandé qu'on donnât
bien pardon, excuse monsieur votre petit avis à sa famille de sa malheureuse affaire,
bonhomme, auquel il n'a décessé de penser ce qui lui avait été accordé
sur-le-champ.
jusqu'à son dernier soupir. a Cependant le blessé, percé ou pour mieux
Mon cœur alors se gonfla de telle façon dire criblé de coups de couteau ne donnait
qu'infailliblement j'aurais étouffé sans un encore aucun signe de vie. De lui seul on
cri terrible qui m'échappa et avec lequel pouvait attendre quelque lumière sur cet
sortirent mes sanglots et mes larmes, ce qui événement; et s'il périssait sans avoir donné
me soulagea et me sauva. Je laisse aux plus aucun éclaircissement que devenait son li-
savants le soin d'expliquer ce fait; je me bérateur, toujours effrontément accusé par
contente de l'attester. l'exécrable assassin? La figure douce et hon-
Quand il eut fait son récit, le conteur porta nête de Pierret, son maintien assuré, son air
les yeux autour de lui, et vit avec satisfac- distingué, ses discours sages et sensés, son
tion l'impression vive qu'il avait produite calme sa résignation héroïque à son sort
sur son auditoire. Les femmes surtout étaient tout cela avait beau parler en sa faveur, et
pâles et agitées. Il reprit sans leur laisser le intéresserà lui tous ceux qui l'environnaient,
temps de respirer. il n'en était pas moins dans un péril ef-
-Quelque extraordinaire que soit cette frayant, si le blessé mourait sans pouvoir
aventure il en est une encore non moins parler.
étrange et dont j'ai été pour ainsi dire éga- Enfin le ciel, qui le réservait à d'autres
lement le témoin. Je l'ai apprise l'année qui destinées sans doute, le ciel permit qu'un
rsuivit l'apparition d'Antoine. J'étais au col- profond soupir' de la victime annonçât son
lége et nous avions depuis quelque temps retour à la vie. Les gens de l'art aidèrent
parmi nos camarades un fort aimable garçon cette lueur d'espérance à se changer en cer-
d'une très-bonne famille.de Versailles, nommé titude: tous les secours, tous les soins furent
Pierret. Sorti de pension et maître d'une prodigués. Le malade commença à rouvrir
grande fortune, son premier soin fut de venir les yeux faiblement; ensuite il en retrouva I
à Paris pour y acheter un cheval de main; plus complètement l'usage et parvint à pou-
il aimait beaucoup cet exercice. N'ayant pu voir les tourner sur les objets qui l'environ-
faire affaire, il quitta le marché, et s'enfonça naient et qu'on avait entourés d'une lumière
seul dans les sentiers écartés et déserts qui suffisante. Tous les assistants attendaient,
se trouvent derrière. Il était selon sa cou- sans oser respirer, le premier geste, le pre-
tume plongé dans une profonde rêverie, mier mouvement, le premier mot de l'infor.
835 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 836
tuné. D'abord il promène des regards éga- connaissance, et ne se souvenait plus de rien
rés et incertains autour de 'lui. Peu à peu jusqu'à son retour à la vie.
sa vue se raffermit, le premier objet qu'il Une déposition aussi claire et aussi précise'
distingue est son assassin aux pieds de son ne laissait plus aucun nuage sur l'innocencfi
lit. Il fait un geste d'horreur, jette un cri d'ef- de Pierret, et l'environnait même de tout l'é-
froi, et referme les yeux pour un instant. clat attaché au courage: le jeune homme fu
On redouble les secours, on parvient à le déchargé de l'accusation, les procès-verbaux
ressusciter encore, on lui parle doucement; firent de sa belle action la mention la plus
on le console; on l'exhorte au courage; on honorable, et il revint en triomphe avec sa
l'nssnré qu'il est sauvé; en un mot, on par- mère au sein de sa famille. Ce ne furent que
vient à lui rendre du calme et quelques; for- fêtes et réjouissances à Versailles pendant
ces. Il recommence à faire la revue de tout 'quelques jours parmi ses parents et leurs
ce qui l'entourait; et, rencontrant enfin des nombreuses connaissances.
yeux le jeune Pierret, assis au chevet de son Au milieu de cet enthousiasme universel
lit, il s'écrie Ah! lé voilà! c'est lui et en et de tous ces transports d'allégresse, lui
même temps il le serre dans ses bras autant seul conservait un fond de mélancolie dont
que ses forces peuvent le lui permettre. Un rien ne pouvait le tirer, et que la tendresse
témoignage aussi authentique, aussi irrécu- de sa mère combattait en vain. Un jour
sable, devait, ce me semble, suffire pour qu'elle le pressait plus vivement que de cou-
attester l'innocence de notre ami et lui faire tume de lui ouvrir son cœur et de lui confier
rendre sur-le-champ la liberté; mais ce n'est la peine secrète dont il semblait dévoré, il
pas ainsi que marche la justice, qui ne veut lui dit en l'embrassant avec tendresse
rien faire avec précipitation, et ne lâche ce 0 ma bonne mère 1 pardonne à ton
qu'elle tient que quand il ne lui est plus pos- pauvre fils dont la tête faible nourrit des
sible de le retenir. idées noires que rien ne peut dissiper et qui
Sur ces entrefaites,la mère de Pierret était reviennent sans cesse agiter son âme. Je ne
accourue.sans délai au secours de son fils. sais si elles sont la suite de la funeste aven-
Bien informée du fait, munie d'une grande ture à laquelle je viens d'échapper; mais j'ai
quantité de lettres de recommandation, elle le pressentiment que cette année ne se
sollicite et obtient que le blessé soit transporté passera pas sans qu'il m'arrive quelque
chez elle à sa maison de Paris, et que son fils chose de fatal.
ne quitte pas sa chambre qui sera soigneu- Sa'mère employa tout ce que la tendresse
sement gardée. et la raison ont de plus efficace pour détruire
De jour en jour le malade reprenait ses cette chimère, si funeste à son repos et à
forces, et la connaissance avec elles. Quand celui de son fils. Elle ne put y parvenir. Elle
les chirurgiens eurent déclaré qu'il était en fut réduite à compter les jours de cette dan-
état de parler, il se fit une assemblée nom- gereuse année, à ne pas quitter son fils d'un
breuse de juges, et de tous les intéressés à instant, ni d'un pas; à l'entourer jour et nuit
l'affaire dans la chambre de l'assassiné. Le de tous les soins de la surveillance mater-
meurtrier, resté vivant, fut amené chargé de nelle; et en un mot, à jouer le rôle de ces
fers, les cadavres de ses complices avec leurs mères dont les enfants, dans les contes des
mêmes habits furent apportés aussi; on avait "fées, se trouvent menacés d'un grand dan-
eu soin de les mettre à l'abri de la corrup- ger jusqu'à une certaine époque. L'année fa-
tion par des moyens connus. Quand tout fut tale arrivait enfin à son dernier terme; la
dans l'état convenable, le blessé, se soulevant tendre mère avait rassemblé toute la famille
sur son coude, prit la parole et déposa pour célébrer un si grand jour, quoiqu'el!e
«Que teljour,àtelle heuredumatin, ilavait et son fils fussent seuls dans la confidence
rencontré au marché aux chevaux ces trois de ces craintes malheureuses. Quand le dî-
hommes avec lesquels il était lié d'intérêts de ner fut fini, comme il faisait. un temps su-
commerce; qu'ils lui avaient vu faire de très- perbe, et qu'on pouvait disposer encore de
bonnes affaires, et recevoir beaucoup d'or et quelques heures, on proposa de mettre les
beaucoup de billets au porteur, qu'ils l'avaient chevaux aux voitures et d'aller faire un tour
invité à dîner; que lui, ne se doutant de rien, à la chasse dans le parc jusqu'à la nuit. La
et ne se méfiant pas d'eux, avait accepté q u'ils proposition est accueillie hommes et fem-
avaient essayé de le faire boire, mais qu'il mes partent tous, et laissent le jeune Pierret
n'avait pas soupçonné leur dessein; qu'après peu ami de ces plaisirs bruyants, dans la
le dîner, où en effet il avait un peu passé les compagnie de sa mère.
bornes, ils l'avaient invité à faire un tour de Eh bien 1 lui disait la vieille dame, la
promenade, et l'avaient conduit à l'endroit voilà enfin -révolue celte terrible année que
écarté où on avait dû le trouver; que là ils tu craignais tant, et que lu m'as tant fait
s'étaient jetés sur lui armés de couteaux, craindrel Elle sera finie, elle l'est.
l'avaient dépouillé de son or, de son argent, Bientôt, mais pas encore, répondit-il
de ses billets; qu'il leur avait demandé au sérieusement.
moins la vie, que les scélérats pour réponse Madame Pierret se mit à rire et haussa les
l'avaient criblé de coups de couteau; que ses épaules. Cependant, peu à peu le jour tom-
cris redoublés avaient attiré ce jeune homme bait, et la compagnie, dont le rendez-vous
qui l'avait délivré et dont les traits s'étaient était à la maison, se rassemblait insensible-
sur-le-champ gràvés dans sa mémoire d'une ment. Ils arrivaient les uns après les autres,
manière ineffaçable; qu'ensuite il avait perdu et se trouvèrent bientôt en nombre assez
fe57 HOC HOC 858
L1 les
considérable pour essayer des jeux de so- Hocque, moins coupable que autres, et
ciété. On proposa !a main chaude: aussitôt qui n'avait été condamné qu'aux galères,
acceptée que proposée. On commence, on était à la chaîne dans les prisons de la Tour-
frappe tour à tour très peu occupé du jeu, nelle. On gagna un autre forçat nommé
et n'y trouvant de plaisir que celui que sa Béatrix, qui était attaché avec lui. Ce der-
complaisance pouvait faire aux autres, Pier- nier, à qui le seigneur de Pacy avait fait tenir
rel, bientôt la tête cachée sur les genoux tlë de l'argent, fit un jour tant boire Hocque
sa mère, se trompait à tous les coups et ne qu'il t'enivra et en cet état le mit sur le cha-
devinait jamais. 11 y avait une apparence pitre du sort de Pacy; Il tira de lui le secret
qu'il ne quitterait pas la place de la soirée, qu'il n'y avait qu'un berger nommé Bras-de-
lorsqu'un de ses beaux-frères, arrivé de la Fer, qui demeurait près de Sens, qui pût le-
chasse avec son fusil à la main, s'approche ver le sort par ses conjurations.
du jeune homme et le chalouille dans le Béatrix, profitant de ce commencement de
creux de la main avec le bout du fusil. Le confidence, engagea le vieux berger à écrire
coup éclate aussitôt, par je ne sais quelle à son fils une lettre par laquelle il lui man-
fatalité, et brise Ics reins du malheureux dait d'aller trouver Bras-de-Fer pour le
Pierret, sur le sein de sa mère plus malheu- prier de lever ce sort, et lui défendait surtout
reuse encore. Je n'entreprendrai pas de vous de dire à Bras-de-Fer qu'il fût condamné et
décrire cette scène d'horreur à laquelle j'as- emprisonné ni que c'était lui, Hocque, qui
sistai. Je ne dirai pas non plus que les der- avait posé le sort.
niers mots dé l'infortuné furent cette excla- Cette lettre écrite Hocque s'endormit.
mation murmurée avec douceur Mais à son réveil, les fumées du vin étant
Eh bien 1 ma mère 1
dissipées, el réfléchissant sur ce qu'il avait
Et il retomba mourant à ses pieds. fait il poussa des cris et des hurlements.
HOGQUE. Après l'édit de 1682 pour la pu- épouvantables, se plaignant que Béatrix l'a-
nilion des maléfices, la race des sorciers mal- vait trompé, et qu'il serait cause de sa mort.
faisants diminua sensiblement en France. Il se jeta en. même temps sur lui, et voulut
Mais il restait encore, dans la Brie, aux en- ce qui excita les autres forçats
l'étrangler,
virons de Paris, une cabale de bergers qui contre Béatrix, en sorte qu'il fallut que le
faisaient mourir les bestiaux, attentaient à la commandant de la Tournelle vint avec ses
vie des hommes, commettaient plusieurs au- gardes pour apaiser ce désordre, et tirer
Ires crimes, et s'étaient rendus formidables à Béatrix de leurs mains.
la province. I! y en eut enfin d'arrêtés le
,juge de Pacy instruisit le procès; et par les Cependant la lettre fut envoyée au sei-
gneur, qui la fit remettre à son adresse.
preuves, il parut évident que tous ces maux Bras-de-Fer vint à Pacy, entra dans les écu-
étaient commis par maléfices et sortilèges.
Les sorts et les poisons dont ces bandils ries, et, après avoir fait des figures et des
se servaient pour faire mourir les bestiaux imprécations, il trouva effectivement le sort
consistaient dans une composition qu'ils qui avait été jeté sur les chevaux et les va-
avouèrent au procès. et qui est rapportée ches il le leva et le jeta au feu, en présence
du fermier et de ses domestiques. Mais à
dans les factums, mais remplie de sacriléges,
l'instant il parut chagrin, témoigna du regret
d'impiétés, d'abominations et d'horreurs, en de ce qu'il venait de faire, et dit que le dia-
mêiiic temps que de poisons. Ils mettaient
cette composition dans un pot de terre, et ble lui avait révélé que c'était Hocque, son
ou sous le seuil de la porte des ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et
l'enterraient,
élables aux bestiaux, ou dâns le .chemin par qu'il était mort à six lieues de Pacy, au mo-
ment que ce sort venait d'être levé.
où ils passaient et tant que ce sort demeu-
rait en ce lieu, ou que celui qui l'avait posé En effet, par les observations qui furent
était en vie, la mortalité ne cessait point; faites au château de la Tournelle, il y a
c'est ainsi qu'ils s'en expliquèrent dans leurs preuve qu'au même jour et à la même heure
interrogatoires. que Bras-de-Fer avait commencé à lever lo
Une circonstance singulière de leur procès sort, Hocque, qui était un homme des plus
fit croire qu'il y avait un vrai pacte entre forts et des plus robustes, était mort en un
eux et le diable pour commettre tous ces instant dans des convulsions étranges, et se
maléfices. Ils avoueront qu'ils avaient jeté tourmentant comme un possédé, sans vou-
les sorts sur les bestiaux du fermier de la loir entendre parler de Dieu ni de confes-
terre de Pacy, près de Bric-Comte-Robert, sion.
pour venger l'un d'eux que ce fermier avait Bras-de-Fer avait été pressé de lever aussi
chassé et mis hors de son service. Ils firent le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu'il
le récit exact de leur composition mais ja- n'en ferait rien, parce qu'il venait d'appren-
mais aucun d'eux ne voulut découvrir le licu dre que ce sort avait été posé par les enfants
où ils avaient enterré le sort,et on ne savait, de Hocque et qu'il ne voulait pas les faire
après de semblables aveux, d'où pouvait ve- mourir comme leur père. Sur ce refus, le
nir leur réticence sur ce dernier fait. Le fermier eut recours aux juges du lieu. Bras-
juge les pressa de s'en expliquer; ils dirent 't de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque
que s'ils découvraienl ce lieu, et qu'on levât furent arrêtés avec deux autres bergers,
le sort, celui qui l'avait posé mourrait à l'iii- leurs complices, nommés Jardin et le Petit-
slcint. Pierre leur procès instruit, Bras-de-Fcr,
L'un de leurs complices, nommé Etienne Jardin cl le Petit-Pierre furent condamnés
839 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 840
à être pendus et brûlés, et les trois enfants LEBARON.
de Hocque bannis pour neuf ans (1). Quel feu dans ma poitrine!Ah quels déchirementsI
On ne peutsupporterde semblablestourmentsI
On lira ici avec plaisir la légende suivante Ahje me meursl'enfer! Sauve-moi;je le tivre.
de M. Edouard d'Anglemont LE BERGER.
Monseigneur,hàlez-voqs;jurez-le sur ce livre.
LE BERGER DE LABRIK.– 1230. Et le baron, en proie à sonégarement,
Sur le livre magiqueen fait l'affreuxserment
Aux temps peu reculés de la sorcellerie, Et le berger dansl'air agite sahoussme
Ah! qu'ils étaient puissants les bergers de la Brie! Dontle signe infernallenlH.me.nl se dessine
Il n'était point prudent d'allumer leur courroux! En s'écriant: « Alpha,Rello,Jaldérichell »
Tantôt on les voyait, changés en loups-garoux, LEBARON.
Rôder dans les hameaux, y chercher aventure, Je me sensbien.
Enlever les enfants, en faire leur pâture;" LE BERGER.
Tantôt de flots de grêle ils frappaient les moissons Tenez votre serment
Ou dans li'.stas de blé semaient des charançons. LEBARON.
Avaient-ils à franchir un immense intervalle,
Le manche d'un balai leur servait de cavale; Lequel?
LEBERGER.
Leur regard rendait pâle un visage vermeil; Livrez-moivotre enfant,car je ne puis attendre.
Avec un œil de pie ils étaient le sommeil. LEBARON.
Pour répandre l'effroi, pour troubler les esprits, Tu me percesle cœur,je ne sauraist'entendre.
Leur fallait-il un spectre, une chauve-souris Prendscet or, fuis, metsfinà ces cruelsdébats.
Leur baguette aussitôt les faisait apparattre; LEBERGER.
Voulaient-ils mettre ohstacle au sermon d'un saint prêtre; L'enfantde monseigneur!
D'un pécheur repentant arrêter les aveux cn VARLET entranl.
Ils jetaient sous leurs pieds des crins ou des cheveux. Le voyez-vous
Mais s'ils étaient connus par de noirs maléfices là-bas?
Sur la blanchejument sanourricel'emporte;
Ils rendaient quelquefois aussi de bons officese- Elle a, m'a-t-elle dit, écoutéde la porte;
Souvent avec une herhe, un signe, quelques mots, Courez;si vous,voulezlesatteindre, il est temps!
Mieux que tout l'art d'un mire, ils guérissaient les maux. Et roulantdes regards de colère éclatants,
En ces champs où, parmi les glayeuls et les aunes, Le berger aussitôtavecdes crisde rage:
La Marne vers Lagny roule ses ondes jaunes, « Devais-jeretirer ce fruit de monouvrage,?
Atteint d'un mal sans nomet qui semblait mortel, Belzébuthde ses droitsne peut être frusire!
Un baron languissait au sein de son castel. Il fautque quelqu'unmeure, et c'estmoiqui mourrai
Soudain la renommée apporte à son oreille
Le bruit d'une science à nulle autre pareille; Déjàdes doigtsde plombpèsentsur mapaupière
Ah! femmede malheur » Et, froidcommela pierre,
Aussitôt par son ordre un varlet va chercher II s'enfuit dela salle il veut franchirle pas,
Celui qui la possède, au fond de son rocher. Et tombeconsuméd'unfeu qu'on ne voit pas.
Il accourt au manoir; il entre; la rosée
l.uit sur ses longs sourcils, sur sa barbe frisée. HODEKEN. Voy. Hecdekin. Voy. aussi
Et sur ses cheveux roux au hasard ondoyants;)
Ses yeux sont tour à tour ternes ou flamboyants DIABLE.
II porte sur son front et verveine etsélage (2), HOFFMANN. Célèbre auteur allemand de
Sur son dos une peau d'uu noirâtre pelage contes fantastiques, où le surnaturel occupe,
Un sarreau de lin gris couvre ses reins pressés d'une manière très-originale, la plus grande
De rameaux de fougère en ceinture tressés;
Il tient de la main droite une baguette blanche: place.
Un coffret de fer-blauc, qui sonne sur sa hanche, HOLDA. La holda était, chez les anciens
Contient l'herbe qui tue et l'herbe qui guérit,
Un livre en traits de sang par Lucifer écrit. Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où
Autour de son cou brille un carcan planétaire des sorciers faisaient leurs orgies avec des
Et ses pieds, tout fangeux, sont empreints d'une terre, démons transformés en danscuses.Voy. BEN-
Qu'on ne peut rencontrer ailleurs qu'en un grand bois, SOZIA.
D'où partent nuit et jour des cris et des abois.
On est mort, si l'on ose en passer les barrières On parle encore en Allemagne de holda,
LEBARON. la bonne fileuse (sorte de fée qui remplace,
Approche. N'es-tu pas le berger des carrières? dans les opinions populaires une divinité
LEBERGER.
Oui. Que demandez-vous de moi ? antique). Elle visite sans être vue la maison
LE BARON. du laboureur, elle charge de laine les fu-
De me guérir. seaux des ménagères diligentes et répand
LE BERGER.
l'abondance autour d'elle (3).
Vous êtes en effet en danger de mourir.
LE BARON. BOLGER-DANSVRE ou Ogier le Danois.
Ton art n'aurait-il point de ressources?
LE BERGER.
Voy. Frédéric.
J'y pense. HOLLANDAIS ERRANT.C'est un vaisseau
LE BARON.
fantastique qui apparaît, dit-on, dans les para-
Sauve-moi tout cet or sera ta récompense
LE BERGER. ges du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau
Oui, je puis vous sauver, mais si vous consentez déploie toutes ses voiles lorsque aucun navire
A remettre en mes mains. n'oserait en risquer une seule. On est par-
LEBARON.
Ehl quoi donc? tagé d'opinions sur la cause de ce prodige;
LE BERGER.,
BERGER. • d'après la version la plus répandue, c'était,
Ecoutez: dans t'origine, un navire richement chargé
Vous avez, monseigneur, un enfant en bas-âge. à bord duquel se commit un horrible forfait.
Eh bien commel'enfer ne. veut aucun dommage, La peste s'y déclara et les coupables errè-
Il faudrait que le sort que l'on vous a jeté
Sur cet être innocent fût par moi transporté. rent vainement de port en port, offrant leur
LE BARON. riche cargaison pour prix d'un asile. On les
Que me prcpoees-tu ? retire-toi. repoussait partout, de peur de la contagion.
LE BERGER
Je reste. Les matelots disent que la Providence, pour
Vous sentez, je le vois, s'accroître un mal funeste perpétuer le souvenir de ce châtiment, per-
(1) Le commissaire Delamarre, Traité de la police. usage.-
1 Le sélage est une plante dont se paraient autrefois (3) M. Ozanam,De l'établissementdu Christianisme
en
les druidesses et dont les sorciers ont fait depuis le même Allemagne.
841 /10M IIOM 8~Q
met que le.Hollandais errant apparaisse en- il arrive des illusions nocturnes c'est parce
core dans'ces mers où la catastrophe eut qu'il n'y a proprement que lui qui se cou-
lieu. Celte apparition est considérée comme che sur le dos c'est-à-dire de manière que
un mauvais augure par les navigateurs (l). l'épine et la cuisse fassent une ligne droite,
Le Hollandais errant sujet de beaucoup et que l'une et l'autre, avec les bras, soient
de traditions s'appelle' aussi le Voltigeur parallèles à l'horizon. Or les animaux ne
hollandais. Voyez ce mot. peuvent pas se coucher ainsi quoique leur u
HOLLERE. Magicien danois qui s'était ac- épine soit parallèle à l'horizon, leurs épau-
quis, au treizième siècle, la réputation les sont détournées et forment deux angles.
d'un homme à miracles, el qui n'était qu'un Lisez Xénophon, Hérodote, Plutarque et
sorcier adroit. Pour passer la mer, il se ser- autres historiens, vous verrez qu'il existe
vait d'un os gigantesque marqué de quel- des contrées fabuleuses ou les hommes ont
ques charmes et caractères magiques. Sur une léte de dogue ou de bichon, des pays où
ce singulier esquif il traversait l'océan com- ils n'ont qu'un œil, d'autres où ils n'ont qu'un
me s'il eût été aidé de voiles et poussé par pied, sur lequel ils sauiesit de sorte que
les vents. Il fut maltraité par les autres sor- quand ils veulent courir, ils sont obligés de se
ciers, ses envieux, qui l'obligèrent à quitter mettre deux et de se tenir par le bras; d'au-
le pays (2). tres enfin où ils n'ont point de léte, etc. (4).
HOLZHAUSER (Barthélémy), visionnaire Voyez Hèsiî.
allemand, né en 1613. Le diable apparut à sa HOMME NOIR. L'homme noir qui promet
naissance, sous la forme d'un laid chien noir; aux pauvres de les faire riches s'ils veulent
le nouveau-né s'écria qu'il ne le craignait se donner à lui n'est autre que le diable.
point, et le diable décampa. On lit ce qui suit dans. la légende dorée
En étudiant le latin, il fut attaqué de la Un chevalier qui jouissait d'une grande for-
peste q'ji régnait à Cologne. Comme il était lune, et qui la dépensait en lihéralilés, de-
sur son lit, il sentit quelqu'un lui donner un vint hientôt si pauvre, qu'il manquait du né-
soufflet. Il se tourna, ne vit personne, mais le cessaire. Comme il n'avait pas le courage de
soufflet l'avait guéri; il retourna en classe. recourir à ses. amis, et que ses amis ne pa-
'Il.alla faire sa philosophie à Ingolsladt, raissaient pas disposés à se souvenir de lui,
eut des visions sans nombre, fut vexé par les il tomba dans une grande tristesse qui re-
démons, pourchassé par des spectres. Il dé- doubla encore à l'approche de son jour natal,
livra des possédés, prophétisa et publia ses où il avait coutume de faire le magnifique.
visions. Occupé de ses chagrins, il s'égara dans une
Et d'abord il mit au jour son Voyage aux solitude; il y vit bientôt paraître devant lui
enfers. II fit paraître ensuite un recueil un homme vêtu de noir d'une taille haute,
de diverses petites visions peu remarquables, monté sur un cheval superbe. Ce cavalier
et son Explication de l'Apocalypse dont il qu'il ne connaissait pas lui demanda la cause
trouva toutes les prédictions entrain de s'ac- de sa douleur. Après qu'il l'eut apprise, il
complir. H mourut en 1658. ajouta Si vous voulez me rendre hom-
Ses visions sont très-bizarres. Il vit un jour mage, je vous donnerai plus de richesses
sept animaux un crapaud qui chantait que vous n'en avez perdu.
comme un perroquet; un chameau qui por- Cette proposition n'avait rien d'extra-
tait des reliques; un être qui tenait du che- ordinaire dans un temps où la féodalité était
val hennissant et du chien aboyant un en usage. Le chevalicr promit à l'étranger de
grand serpent plein de fiel, qui avalait des faire ce qu'il exigerait, s'il pouvait lui ren-
âmes; un pourceau énorme qui se vautrait dre sa fortune. -Eh bien 1 reprit le diable
dans la fange et qui allait de travers un (car c'étaii. lui), retournez à votre maison,
sanglier qui exécrait, et enfin une septième vous trouverez dans tel endroit de grandes
bêle, morte et sans nom. r sommes d'or et une quantité de pierres pré-
Barthélémy vit ensuite une monarchie cieuses. Quant à l'hommage que j'attends de
deux sièges et un archange qui se prome- vous, c'est que vous ameniez votre femme
nait entre plusieurs fauteuils; il vit un roi à ici dans un an.
cheval sur le Danube, puis plusieurs petits Le chevalier s'engagea, regagna sa mai-
vers qui allaient en manger un grand lors- son, trouva les trésors indiqués, et reprit son
qu'un chat vint qui chassa tous les petits habitude de largesses qui lui ramena ses
vers et délivra le grand (3). bons amis.
Nous ne pouvons rien prononcer sur ces A la fin de l'année, il songea à tenir sa
visions. promesse. JI appela sa femme. Vous allez
HOMMES.11 paraît qu'il n'y a quel'homme monter à cheval et venir avec moi, lui dit-il,
à qui lit nature ait donné une figure droite car nous avons un petit voyage à faire.
et la faculté de contempler les cieux. Seul C'était une dame pieuse, qui avait grande
parmi les animaux il a l'épine du dos et l'os dévotion à la sainte Vierge. Elle lit sa prière,
de la cuisse en ligne droite. C'est un fait, dit et suivit son mari sans demander où il la
Aristote que si l'homme est le seul à qui conduisait.

(I) WallerScolt, Matuildede Rokeby,chant2e. venerabilis servi Dei Barllioloraœi Ilolzhauser, etc., digna
(2) Jugementsde Dieu, de Cliassagnon,p.Ui. séviuosiri memoria ad ejus Biograpliiam appeudix, Bam-
(3) Biographiavenerabilisservi Dei I)adholoma?iHol- bergœ, 1793, iu-8».
zhauser, eic, Bainlierga:,1784,in-8". Acceduntejusclcm (t) M.Salgues, des Erreurs et des préjugés t. 1"
M
in Apocatypsiu)
Apocalypsimcomraenlariip)ane
comme~arii plane admirabites.–Yisioues
admirabiles. Yisiones p. 10..
Dictionn. DESSCIENCESOCCULTES. I. m
t« DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES, 844
Apre» avoir marché plus d'une heure, eus, dont quelques-uns paraissaient d'or et
les deux époux rencontrèrent une église. La nouvellement frappés. Dans la méme bourse
dame voulant y entrer, descendit de cheval; il y avait une poudre que le spectre disait
son mari t'attendit à la porte. A peine fut- très-subtile. Il lui donna ensuite des conseils
elle entrée dans l'église qu'elle s'endormit en abominables, et l'exhorta à renoncer à l'u-
commençant à prier; la sainte Vierge ayant sage de l'eau bénite et à l'adoration de l'hos-
pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit tie. Le jeune homme eut horreur de ces pro-
avec.lui amendez-vous. positions il fit le signe de la croix sur son
Lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné, cœur, et en même temps il se sentit jeté si
le prince des démons y parut avec fracas. rudement contre terre, qu'il y demeura une
Mais dès qu'il aperçut la dame que le cheva- demi-heure. S'étant relevé* i) retourna chez
lier lui amenait, il commença à trembler de ses parents, fit pénitence et changea de con-
tous ses membres, et ne trouva plus de force duite. Les pièces qui paraissaient d'or et
pour s'avancer au-devant d'elle. Homme nouvellement frappées, ayant été mises au
perfide, s'écria-l-il, est-ce ainsi que tudevais. feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. »
reconnaître mes bienfaits? Je t'avais prié de Ainsi, bonnes gens, défiez-vous de l'homme
m'amener ta femme, et tu viens ici avec la noir. Voy. ARGENT. Voy. aussi HUGUES.
mère de Dieu, qui va me renvoyer aux en- HOMME ROUGE, démon des tempêtes.
fers! « La nuit, dans les affreux déserts des côtes
Le chevalier, stupéfait, ne savait quelle de la Bretagne, prèsSaint Paul-de-Léon (2),
contenance garder la sainte Vierge dit au des fantômes hurlants parcourent le rivage.
diable Méchant esprit, osêrais-tu bien L'homme rouge en fureur commande aux
faire du mal à une femme que je protège? éléments et précipite dans les ondes le voya.
Rentre dans l'abîme et souviens-toi de ne geur qui trouble ses secrets et la solitude
jamais chercher à nuire ceux qui mettent qu'il aime. »
en moi leur confiance. On croit dans le peuple qu'un petit homme
Le diable se retira. Le chevalier éperdu rouge mystérieux apparut à Napoléon pour
se jeta à genoux devant Notre-Dame, qui, -lui annoncer ses revers.
après lui avoir reproché son égarement indi- HONGROIS Voy. Ogres.
gne, le reconduisit à l'église où sa femme HONOR1US, Voy. Grimoire.
dormait encore. Les deux époux rentrèrent HOREY, nom que les nègres de la côte
chez eux; ils se dépouillèrent des richesses occidentale d'Afrique donnent au diable, qui
qu'ils tenaient du diable; mais ils n'en fu- n'est sans doute qu'un nègre aposté par les
rent pas plus pauvres, parée qu'ils recon- marabouts. Les cérémonies de la circonci-
nurent que lesbiens matériels ne sont pas les sion ne manquent jamais d'être accompa-
vraies richesses (1). gnées des mugissements du Horey. Ce bruit
Le père Abram rapporte l'anecdote sui- ressemble au son le plus bas de la voix hu-
vante, dans son histoire manuscrite de l'u- maine. Il se fait entendre à peu de distance,
niversité de Pont-à-Mousson et cause une frayeur extrême aux jeunes
« Un jeune garçon de bonne famille, mais gens. Dès qu'il commence, les nègres prépa-
peu fourni d'argent, se mit à servir dans rent des aliments pour le diable, et les :lui
l'armée parmi les valets. De là ses parents portent sous un arbre. Tout ce qu'on lui
renvoyèrent aux écoles mais ne s'accom- présente est dévoré, dit-on, sur-le-champ,
modant pas de l'assujettissement que deman- sans qu'il en reste un os. Si la provision ne
dent les études il résolut de retourner lui sulfit pas, il trouve le moyen d'enlever
à son premier genre de vie. En chemin il quelque jeune homme non encore circoncis.
rencontra un homme vêtu d'un habit de soie Les nègres prétendent qu'il garde sa proie
noire, au reste de mauvaise mine, qui lui dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens
demanda où il allait, et pourquoi il avait y ont passé jusqu'àdix ou douze jours. Après
l'air si triste? Je suis, ajouta-t-il, en état sa délivrance, la victime qui a été avalée de-
de vous mettre à votre aise si vous voulez meure muette autant de jours qu'elle en a
vous donner à moi. passé dans le ventre du diable.
Le jeune homme, croyant qu'il parlait de Les nègres parlent avec effroi de cet es-
l'engager à son service, lui demanda un mo- prit malin et l'on nu peut qu'ëtro surpris
ment pour y penser. Mais, commençant à se de la confiance avec laquelle ils assurent
défier des magnifiques promesses que l'étran- avoir été non-seulement enlevés, mais avalés
ger lui faisait, il le considéra de plus près, et par ce monstre.
ayant remarqué qu'il avait le pied gauche HOROSCOPES. Un maréchal ferrant de
fendu comme celui d'un bœuf, il fut saisi de Beauvais avait fait tirer l'horoscope de son
frayeur, 'fille signe de la croix et invoqua fils. L'astrologue, après avoir examiné les
le nom de Jésus. Aussitôt le spectre s'éva- divers aspects des astres, découvrit que l'en-
nouit. fant était menacé de mourir à quinze ans
« Trois jours après, la même figure lui ap- d'un coup de tonnerre. Il désigna en même
parut de nouveau, et'l ui demanda s'il avait temps le mois, le jour et l'heure où l'événe-
pris sa résolution? le jeune homme répondit ment devait avoir lieu mais il ajouta qu'une
qu'il n'avait pas besoin do maître. L'homme cage de fer sauverait le jeune homme.
nair jeta à ses pieds une bourse pleine d'é- Quand le temps arriva, le père chercha
(1) Voyezcette curieuseplusdéveloppéedans Sirede CUamg-Fleury
les légendesdela légende
samte Vierge, où elle est iulilulée le (2) Cambry',Voyagedansle Finistère, t. l.
845 HOR HOR 84G
fcomment
i rv\n la cage de fer pourrait éviter à son Ils aiment les plaisirs réussissent dans le
fils une mort si prématurée; il pensa que le commerce principalement sur les mers et
sens de l'oracle était probablement d'enfer- feront de grands voyages. Ils ont en partage
mer co jour-là son enfant dans une cage de la beauté, des manières aisées des talents
fer bien ferinée. Il se mit à travailler à la pour la parole cependant ils manquent à
construction de cette cage sans en parler à leurs promesses, et ont plus de bonheur que
personne. Le moment arriva. Une nuée pa- de soin. Ils auront de grands héritages.
raissait se former dans le ciel, et justifiait Ils seront veufs de leur première femme
jusqu'alors le dire de l'astrologue. Il appelle et n'auront pas beaucoup d'enfants. Qu'ils se
donc son fils et lui annonce que son étoile le défient des incendies et de l'eau chaude.
condamnait à être tué du tonnerre, un peu La femme qui nail sous celle. constellation
avant midi, s'il n'avait heureusement trouvé sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez
le moyen de le soustraire à sa mauvaise pla- heureuse. Elle aimera les fleurs: elle aura
nète il le pria.d'entrer dans la cage de fer. de bonnes manières la douce persuasion
Lefils, un peu plus instruit que son père, coulera de ses lèvres. Elle sera cependant
pensa que, loin de le garantir du tonnerre, susceptible et querelleuse. Elle se mariera
cette cage ne servirait au contraire qu'à l'at- à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu'elie se
tirer il s'obstina à rester dans sa chambre, défie du feu et de l'eau chaude.
où il se mit à réciter l'Evangile de saint 2° Le Scorpion. ( C'est Orion que Diane
Jean. Cependant tes nuages s'amoncellent, le changea en cet animal, et qu'on a mis au
temps se couvre, le tonnerre gronde, l'éclair nombre des constellations. JI donne la malice
brille, la foudre tombe sur la cage de fer et et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le
la réduit en poudre. Le maréchal surpris ciel du 22 octobre au 21 novembre.
bénit pour la première fois le ciel d'a.voir Ceux qui naissent sous cette constellation
rendu son fils désobéissant, et vit toutefois seront hardis, effrontés, flatteurs, fourbes et
l'oracle accompli. Du moins tel est le conte. cachant la méchanceté sous une aimable ap-
Voy. ASTROLOGIE. parence. Ou les entendra dire une chose,
.Horoscopes tout faits, ou -moyen de con- tandis qu'ils en penseront une autre; Ils se-
naître sa destinée par les constellations de ront généralement secrets et dissimulés.
la naissance. Leur naturel emporté les rendra inconstants.
Nous empruntons ces plaisanteries, qui Ils. jugeront mal des autres, conserveront
ont été si sérieuses pour nos pères, et que rancune, parleront beaucoup, et auront des
l'Eglise a toujours combattues, aux divers accès de mélancolie. Ils n'aimeront à rire
livres sur la matière, traitée par Jacques de qu'aux dépens d'autrui auront quelques
Hagen et par cent autres, du ton le plus amis, et l'emporteront sur leurs ennemis.
grave. Ils seront sujets aux coliques, et peuvent
Les auteurs qui ont écrit sur les horosco- s'attendre à de grands héritages.
pes ont établi plusieurs systèmes semblables La femme qui naîl sous celte constellation
à celui-ci pour la forme, et tout différents sera adroite et trompeuse. Elle se conduira
pour les choses. Les personnes qui se trou- •moins bien avec son premier mari qu'avec
vent ici nées avec le plus heureux naturel, son second. Elle aura les paroles plus douces
seront ailleurs des êtres abominables. Les que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant
astrologues ont fondé leurs oracles sur le à rire, mais aussi aux dépens des autres.
caprice de leur imagination, et chacun d'eux Elle fera des inconséquences, parlera beau-
nous a donné les passions qui se sont ren- coup, pensera mal de tout le monde. Elle de-
contrées sous sa plume au moment qu'il viendra mélancolique avec l'âge. Elle
écrivait. Qui croira aux présages de sa con- aura un cautère aux épaules à la suite d'une
stellation, devra croire aussi à tous les pro- maladie d'humeurs.
nostics del'almanach journalier, et avec plus 3° Le Sagittaire. (C'est Chiron le Cenlaure,
de raison encore, puisque les astres ont sur qui apprit à Achille à tirer de l'arc, et qui
la température une influence qu'ils n'ont pas- fut mis au nombre des constellations. Il
tant sur nous. Enfin, si la divination qu'on donne l'amour de la chasse et des voyages.)
va lire était fondée, il n'y aurait dans les Le Sagittaire domine dans le ciel, du 22 no-
hommes et dans les femmes que douze sor- vembre au 21 décembre.
tes de naturels, dès lors que tous ceux qui L'homme qui nait sous cette constellation
naissent sous le même signe ont les mêmes aimera les voyages et -s'enrichira sur les
passions et doivent subir les mêmes acci- mers. 11 sera d'un tempérament robuste,
dents et tout le monde sait si dans les mil- aura de l'agilité et se montrera d'un esprit
lions de mortels qui habitent la surface du attentif. Il se fera des amis dont il dépensera
globe, il s'en trouve souvent deux dont les l'argent. Il aura un goût déterminé pour l'é-
destinées et les caractères se ressemblent. quitation, la chasse, les courses, les jeux de
1° La Balance. (C'est la balance de Thémis force et d'adresse, et les combats. Il sera
qu'on a mise au nombre des constellations. juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et
Elle donne les procès.) La Balance domine aura autant d'amour-propre que d'esprit.
dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu'au La femme qui naît sous cette constellation
21 octobre. sera d'un esprit inquiet et remuant; elle ai-
Les hommes qui naissent dans cet espace mera le travail. Son âme s'ouvrira aisément
de temps, naissent sous le signe de la Ba- à la pitié; elle aura du goût pour les voya-
lance. Ils sont ordinairement querelleurs. ges, et ne pourra rester longtemps dans le
St7 D!CT!0!~AmE DES SCIENCES OCCULTES. 848
vnême pays. Elle sera présomplueuseet douée médiocrement sensible, et fuira le monde.
do quelques qualités tant de l'esprit que du Sa santé, faible jusqu'à vingt-huit ans, de-
cœur. Elle se mariera à dix-neuf ou à viendra alors plus robuste. Elle aura cepen-
vingt-quatre ans. Elle sera bonne mère. dant de temps en temps des coliques.
ls° Le Capricorne. (C'est la chèvre Amal- 7° Le Bélier. ( C'est le bélior qui portait la
thée qui Jupiter, et qui fut mise au toison {)'<))', et qui fut mis au nombre des
nombre des con~tellatic~ns. Elle donne l'é- constellations. Il donne les emportements.)
tourderie. ) Le Capricorne domine dans le Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au
ciel du 22 décembre au 21 janvier. 21 avril.
Celui qui nait sous cette constellation sera Ceux qui naissent sous cette constellation
d'un naturel irascihle, légc~r, soupçonneux, sont irascibles, prompts, vifs, éloquents,
ami des procès et des querelles; il aimera le studieux, violents, menteurs, enclins à l'in-
mais il hantera de mauvaises socié- constance. Ils tiennent rarement leur parole
tés. Ses excès le rendront malade. Rien n'est et oublient leurs promesses. Ils courront des
plus inconstant que cet homme, s'il est né dangers avec les chevaux. Us aimeront la
dans la nuit. Il sera enjoué, actif et fera pêche et la chasse.
quclquefois du bien. Son étoile le rendra La femme qui nait sous cette conslellation
heureux sur mer. Il parlera modérément, sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les
aura la tête pelite'et les yeux enfoncés. nouvelles, aura un grand penchant pour le
Il deviendra riche et avare dans les der- mensonge, et ne sera pas ennemie de la-
nières années de-sa vie. Les bains, dans ses bonne chère. Elle aura des colères, sera mé-
maladies, pourront lui rendre la santé. disante dans sa vieillesse et jugera sévère-
La femme qui naît sous cette constellation ment les femmes. Elle se mariera de bonne
sera vive, légère, et cependant tellement ti- heure et aura beaucoup d'enfants.
mide dans ses jeunes années, qu'un rien 8° Le Taureau. ( C'est le taureau dont Ju-
pourra la faire rougir. Mais son caractère piter prit la forme pour enlever Europe, et
deviendra plus ferme et plus hardi dans l'âge qui fut mis au nombre des constellations. Il
~~luz avancé. Elle se montrera jalouse, tout donne la hardiesse et la'force. ) Le Taureau
en voulant cacher sa jalousie. Elle parlera domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai.
beaucoup, et fera des inconséquences. Elle L'homme qui naît sous cette constellation
aimera à voyager. Elle ne sera pas d'une est audacieux; il aura des ennemis qu'il
grande beauté. saura mettre hors d'état de lui nuire. Le
5° Le Verseau. (C'est Ganymède, fils de bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera
Tros, que Jupiter enleva pour verser le nec- dans des pays lointains. Sa vie sera longue
tar aux dieux, et qu'on a mis au nombre des et peu sujette aux maladies.
cunstellations. Il donne lagaité.) Le Ver- La femme qui nait sous cette constellation
seau domine dans le ciel du 23 janvier au 21 est douée de force et d'énergie. Elle aura du
février. courage; mais elle sera violente et empor-
L'homme qui naît sous cette constellation tée. Néanmoins elle saura se plier à son de-
.sera aimable, spirituel, ami de la joie, cu- voir et obéir à son mari. On trouvera dans
rieux, sujet à la fièvre, facile aux projets, cette femme un fonds de raison et de bon
pauvre dans la première partie de sa vie, ri- sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle
che ensuite, mais modérément. Il sera ba- sera plusieurs fois veuve et aura quelques
vard et léger, quoique discret. 11 fera des enfants, à qui elle laissera des richesses.
maladies, courra des dangers. Il aimera la 9° Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Cas-
gloire; il vivra longtemps. Il aura peu d'en- tor et Pollux qu'on a mis au. nombre des
fants. constellations. Ils donnent l'amitié. ) Les
La femme qui naît sous cette constellation Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au
sera constante, généreuse, sincère et libé- 21 juin.
rate Elle nura des chagrins, sera en butte Celui qui nait sous cette constellation.
aux et fera de longs voyages. Elle aura un bon cœur, une belle figure, de l'es-
Sera tal~.lc;`s: et enjouée. prit, de la prudence et de la générosité. Il
t Les Poissons. ( Les dauphins qui ame- sera présomptueux, aimera les courses et
nèrent Amphitrite à Neptune furent mis au les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à
nombre des constellations. Ils donnent la augmenter sa fortune cependant il ne s'ap-
douceur.) Les Poissons dominent dans le pauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué; il
ciel du 22 février au 22 mars. aura des dispositions pour les arts.
Celui qui nait sous cette constellation sera La femme qui naît sous cette constellalion
officieux, gai, aimant à jouer, d'un bon na- est aimante et belle. Elle aura le coeur doux
heureux hors de sa maison. 11 ne sera et simple. Elle négligera peut-être un peu
pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus trop ses affaires. Les beaux-arts, principale-
aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et ment le dessin et la musique, auront beau-
ne profitera pas des leçons de l'expérience. coup de charmes pour elle.
Des paroles indiscrètes lui attireront quel- 10° L'Ecrevisse. ( C'est le cancre ou l'écre-
ques désagréments.'Il sera présomptueux. visse qui piqua Hercule taudis qu'il tuait
La femme qui naît sous cette constellation l'hydre du marais de Lerne, et qui fut mise
sera Elle éprouvera des ennuis et des au nombre des constcllàlions. Elle donne les
peines dans sa jeunesse. Elle aimera à faire désagréments. ) L'Ecrevisse domine dans le
du bien. Elle sera sensée, discrète, économe,
ciel du 22 juin au 21 juillet.
8«9 HOT HOT 880
l A v» 11.
Les hommes qui naissent sous cette con-
Tes époque où il vint à Bruxelles que par ses^
stellation sont sensuels. Ils auront des pro- dissipations et ses folies. Un immense besoins
cès et des querelles, dont ils sortiront sou- d'activité le portait aux voyages. Fils d'ut;
vent à leur avantage; ils éprouveront de riche marchand qui lui avait laissé de la
grands périls sur mer. Cet horoscope donne fortune, il avait visité l'Italie, jouant partout
ordinairement un penchant à la gourman- gros jeu et préparant déjà, du fruit de ses
dise quelquefois aussi de la prudence, de observations et de ses sensations propres, sa
l'esprit, une certaine dose de modestie. comédie du Joueur. Revenant par mer ei\
La femme qui liait sous cette constellation France, avec une dame dont il faisait grance
est assez belle, active, emportée, mais facile estime, il fut pris par des corsaires algériens,
à apaiser. Elle ne deviendra jamais très- emmené à Constantinople où une circon-
grasse elle aimera à rendre service, sera stance le vexa beaucoup, c'est que la dame.
limide et un peu trompeuse. dont il faisait tant de cas, fut vendue cinq
11° Le Lion. (C'est le lion de la forêt de cents francs moins que lui. Esclave avec elle
Némée, qu'Hercule parvint à étouffer, et qui chez le même patron, il sut adoucir les ri-
fut mis au nombre des constellations. II gueurs de la captivité par les talents qu'il
donne le courage.) Le Lion domine dans le possédait dans l'art culinaire. Enfin une
ciel du 22 juillet au 21 août. somme de douze mille francs, que lui en-
Celui qui naît sous celle constellation est voya sa famille, lui rendit la liberté, ainsi
brave, hardi, magnanime, tier, éloquent et qu'à la dame sa compagne qu'il voulait
orgueilleux. I! aime ia raillorio. Il sera sou- épouser en arrivant en France, quand le mari
vent entouré de dangers; ses enfants feront de cette dame, qu'on croyait mort, reparut
sa consolation et son bonheur. Il s'abandon- tout à coup, pour lui inspirer.la comédie du
nera à sa colère et s'en repentira toujours. Retour imprévu.
Les honneurs et les dignités viendront le Reprenant alors ses voyages, il se dirigea
trouver mais auparavant il les aura cher- vers les Pays-Bas et arriva à Bruxelles
chés longtemps. Il .aura de gros mollets. le 12 mai 1681.
La femme qui nait sous cette constellation II visitait les monuments les édifices pu.
sera vive, colère et hardie. Elle gardera ran- -blics, les objets curieux. Il alla voirSainte-
cune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles Gudule, l'église du Sablon Notre-Dame do
seront souvent amères. Au reste, elle sera la Chapelle, le palais de l'ancienne cour, qui
belle; elle aura la tête grosse. –Qu'elle se fut brûlé cinquante ans plus tard il s'arrêta
tienne en garde contre l'eau bouillante et le devant le Manneken-Pis; mais la plus grande
feu. Elle sera sujette aux coliques d'estomac. part de son admiration fut donnée à l'hôtel
Elle aura peu d'enfants. de ville de Bruxelles ce chef-d'œuvre lom-
12° La Vierge. (C'est Astrée qu'on a mise bard-gothique, d'une architecture que rien
au nombre des constellations. Elle donne la ne semble pouvoir reproduire aujourd'hui.
pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du
22 août au 21. septembre. Regnard s'était présenté avec des lettres
de recommandation chez maître Simon de
L'homme qui nait sous cette constellation Fiertant, chancelier de Brabant, chez maître
est bien fait, sincère, géuéreux, spirituel, Jean Locquel président au grand conseil
aimant les honneurs. Il sera volé. 11 ne saura et chez mes'sire Mulhias de Crumpippen
garder le secret des autres ni le sien. Il aura conseiller du prince "de Porme, gouverneur
de l'orgueil, sera décent dans son maintien, des Pays-Bas pour Charles 11. Ces trois gra-
dans son langage, et fera du bien à ses ves personnages faisaient au poële voyageur
amis. Il sera cumpatissant aux maux des les honneurs de Bruxelles.
autres. Il aimera la propreté et la toilette.
La femme qui naît sous cette constellation Pendant qu'il considérait les quatre-vingts
lucarnes du toit de l'hôtel-tle-ville, les qua-
sera chaste, honnête, timide, prévoyante et
rante fenêtres de la façade, séparées par des
spirituelle. Elle aimera à faire et à dire du niches qui attendent encore leurs hommes
bien. Elle rendra service toutes les fois
qu'elle le pourra mais elle seraun peu iras- illustres, les deux lions du perron qui gar-
cible. Cependant sa colère ne sera ni dange- dent l'ccussun du sénat et du peuple bruxel-
reuse ni de longue durée. lois, tes six tourelles exagones qui déco-
On peut espérer que le lecteur ne s'arré- rent l'édifice, Jean Locquet lui demanda s'il
tera à cette ridicule prescience, que pour se n'était pas étonné de la pompeuse tour de
Saint-Michel, haute de trois cent soixante-
divertir un instant.
HORTJLOPITS (JEANNE), sorcière du pays quatre pieds, percée à jour dans toute son
de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès élévation avec tant de hardiesse et de grâce,
surmontée de la statue dorée de saint Michel,
l'âge de 14- ans, et châtiée pour avoir été au
sabbat. girouette gigantesque de dix-sept pieds, jetée
dans les airs, sur une pierre-plate de douze
HOTELS DE VILLE. Plusieurs hôtels de au désespoir de tous les
ville, plusieurs cathédrales et beaucoup d'au- pieds de diamètre
Ires monuments qui surprennent, architectes à venir?
(sans par-
ler de divers ponts), passent pour avoir été C'est admirable, dit Regnard; et l'hôtel
faits avec l'aide du diable. Nous donnerons de ville de Bruxelles est le plus beau monu-
ici la légende de l'hôtel de ville de Bruxelles. ment de ce genre que j'aie vu jamais. Pour-
le poêle comique, n'était connu quoi faut-il que sa prodigieuse tour soit
"Regnard
dans le inonde à l'âge de trente-quatre ans, placée de travers ?
85i DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 852
OH c'est toute une histoire dit Simon où vous voyez unè vieille horloge placée la
de Fierlant. cnlWl, jusqu'à la grande tour de Saint-Mi-
Cela tient à l'aventure de l'architecte, chel inclusivement. Si vous en ôtiez cette
ajouta Jean Locquet. Cette belle place où toiir, l'escalier des lions ferait tout juste le
nous sommes était autrefois un étang. Lors- milieu de cette façade qui a, comme vous
qu'en 1380 on l'eut desséché et comblé par voyez, onze cintres au réz-de-chaussée et dix
des remblais successifs, on décida que cet fenêtres en ligne au premier étage. L'autre
endroit, comme point central serait la partie qui est à droite, ayant six arcades seu-
Grande-Place. Elle' était précédemment au lement surmontées' de huit fenêtres, n'est
Marché-aux-Herbes. On ne commença l'hô- plus de lui. Jean de Ruysbroeck' commençait
tet de Ville qu'en 14-03. On amenait les ma- à la rue' de l'Etoile et s'arrêtait à sa bonne
tériaux par une rue qui est ici près et qui tour.
commë' il voulait élever son
depuis s'est toujours appelée la rue des pier- Néanmoins
res, parce que durant quarante ans elle en monument et le rendre durable, il s'aperçut
fut constamment obstruée., Un bâtiment bientôt que la ville ne lui donnait pas assez
comme celui-ci en absorbe de fonds, et reconnut qu'il ne viendrait jamais
Par monseigneur de Parme s'écria à bout de son oeuvre. Il ne se découragea
Mathias de Crumpippen, vous n'arrivez pas pourtant point il avait coutume de dire (ce
à l'aventure de l'architecte. qui'est un propos blâmable) qu'il se donne-
N'était-ce pas un Italien, demanda Jean rait au diable plutôt que de laisser l'édifice
Locquel ? inachevé.
L'architecte de ceci riposta vivement Un jour qu'il manquait tout à fait d'argent,
Simon de Fierlant 1 Pour un président au ef qu'il ne savait plus que devenir, il vit en-
trer dans sa maison Utv frère Sachet, qui des-
grand conseil, vous êtes merveilleux 1 Ou-
bliez-vous que ce grand homme était Jean cendait la rue de la Madélaine.
de Ruysbroeck, notre compatriote? Lorsqu'il Qu'est-ce qu'un frère Sachet demanda
voulut placer sa tour, où l'on devait, selon le poëte?
le vœu du bon duc Henri Ie', élever l'effigiè C'étaient dit le président Locquet de
du saint archange qui est le patron de notre bons petits religieux auxquels on avait donné
ville, un religieux proposa de s'en rapporter la maison des Templiers, après leur suppres-
au saint lui-même. On jeta une plume au sion, maison située rue de'la Madelaine, au-
vent elle s'arrêta à l'endroit où vous ad- près de la chapelle, et qui s'appelaient Sa-
mirez l'élégant obélisque. chets, parce que leur habit avait la forme
Je voudrais savoir si c'est à la chan- d'un sac.
cellerie que vous avez pris cela, interrompit -Mais celui-là, reprit vivement Crumpip-
Jean Locquet. Il n'en fut pas ainsi mais pen, était un faux frère sachet il est même
Jean de Ruysbroeck, étant allé consulter une constant que ce n'était pas autre chose qu'un
sainte femme, qui vivait en recluse près de démon véritable, mon cher monsieur. II dit
Saint-Nicolas, paroisse de l'hôtel de ville, à Jean Vous avez fau le d'argent, et moi.
elle lui- dit de fouiller ses fondations et de j'ai besoin d'un serviteur dévoué. Si vous
poser sa tour, comme centre parfait de la voulez être à moi, signez ce contrat sur par-
ville, à l'endroit où il trouverait vers une chemin rouge, et voici de l'or.
profondeur de 27 pieds, deux petits lions de Le prétendu frère portaitsous sa vaste robe
pierres emblêmes de Bruxelles et du Bra- une valise plus grosse que lui, une valise
bant. Vous pouvez les voir dans la rue de que dix hommes n'eussent pas soulevée. Jean
l'Ami, où ils jettent de l'eau sur des coquilles. vit tout de suite à qui il avait affaire il leva
On les déterra à 27 pieds 6 pouces du sol, à la main pour se munir d'un signe de croix
l'endroit où vous contemplez la magnifique car il était encore bon chrétien, et n'avait
tour. tenu le propos malavisé que j'ai dit, que dans
Mille pardons messieurs dit alors un de ces moments de légèreté malheureuse-
en saisissant brusquement la ment fréquents chez les artistes. Mais i) no
Crumpippen,
parole. Mais vous déOgurez complètement fait pas bon jouer avec le diable; on y est
les faits. Par Marie-Louise d'Orléans, notre souvent pris. Le malin qui était là avec sa
digne reine 1 C'est comme l'a dit maître lourde sacoche arrêta la main qui l'allait
Simon de Fierlanl toute une grande his- éconduire et demandant à l'architecte s'il
toire. Je puis heureusement la conter à no- était fou, il le railla si ingénieusement et tou-
tre jeune ami car je descends par ma mère cha si bien dans son cœur les cordes de l'a-
de Jean de Ruysbroe'ck. mour-propre et de la vanité; que le pauvre
Je vous entendrai avec plaisir, dit Reg- Jean succomba à là" tentation et tomba dans
nard, tout enfoncé dans la contemplation du le piège.
chef-d'œuvre qu'il avait devant les yeux. Le marché va, dit-il brusquement, si
Or donc, reprit Malhias.vous saurez vous me donnez le moyen de faire l'autre aile
que Jean de Ruysbroeck, jeune architecte et de compléter mon édifice, de manière que
qui avait visité le monde, fut chargé en 1400 la tour soit au milieu.
de faire le plan de l'hôtel de ville de Bruxel- –Non pas, répliqua le Sachet; puisque tu
les et d'en diriger les travaux. Ayez mainte- me reconnais, tu dois savoir que nous ne
nant l'extrême bonté de diviser Tédiflce en pouvons rien faire de régulier. Mais tu élè-
deux parties; ta première comprend la fa- veras la tour bien haut dans les airs, et ton
çade qui est devant nous, depuis la tourelle nom vivra.
i)53 IiO'! HOU 854
Lés yeux du faux moine brillaient sur son travers que dans la relation, dé son Voyage
visage pâle, comme doux charbons ardents en Flandre il se borne à dire que « l'hôtel
sur un monceau de cendres. de ville de Bruxelles fut fait par un Italien,
Jean de Ruysbroeck signa le pacte et tout qui se pendit de dépit d'avoir manqué à met-
àlla si bien qu'en 1420, pendant qu'on n'a- tre la tour au milieu, comriie son épitaphe le
vait plus à élever que la tour, à laquelle il fait connaître. » Cette épitaphe n'existe pas.
voulait donner cinq cents pieds, il fit faire HOUILLE. Le charbon de terre qui se
les fondations de la seconde partie de l'hôtel trouve dans le Hainaut et dans le pays de
de ville malgré les formelles défenses du Liège, et que l'on y brûle communément,
Sachet. Mais il ne trouva qu'un sol maréca- porte le nom de houille, à cause d'un certain
geux et des fondrières qui se remplissaient maréchal nommé Prudhomme-le-Houilleux
d'eau toutes les nuits. 11 fit pourtant com- qui, dit-on, en fit la première découverte au
mencer la base, qu'on assit sur des sablières onzième siècle; et des doctes assurent qu'un
enveloppées de cuirs de bœufs, mais qu'on ne fantôme, sous la figure d'un vieillard habillé
put pousser plus loin que ce que vous voyez: de blanc, ou d'un ange, lui montra la pre-
car un gouffre se trouvait au bout, à l'en- mière mine et disparut.
droit où vous avez maintenant une rue. D'autres contes populaires font intervenir
Le démon, craignant qu'il ne parvint à le un gnome ou un gobelin dans la découverte
combler, quoique le terme du pacte ne fût de la houille, qui eut lieu au douzième siè-
pas échu, s'empara de Jean de Ruysbroeck, cle, selon les uns, au onzième, selon d'autres,
elleremplild'undésespoir de vanitési violent, mais qui est beaucoup plus ancienne.
que le pauvre architecte se pendit à sa porte. La Légende dû hoûilleur.
Sa maison était là dans la rue de ('Etoile
qui devrait s'appeler rue dc l'Etole. Mais on 11 y avait cinquante-cinq ans que le pieux
dénature tout, ainsi que vous allez en juger. Ansfride, dernier comte de Huy, avait donné
Un bon frère Bog,<rd vint à passer; il était ses domaines à l'évoque de Liège, lorsque le
religieux du tiers ordre de Saint Fran- pauvre Tiel, son petit-fils et son dernier
cois et venait dire la sainte messe aux ou- descendant, parvint à sa vingt-deuxième
vriers. Il aperçut l'arcliilecle, le détacha, lui année, vers la fin de. l'été de l'année 1040.
mit son étole autour du cou et l'exorcisa Il se fêta tout seul d'un petit esturgeon,
voyant bien que le diable l'avait envahi. Jean qu'il avait péché dans la Meuse. Le bravo
revint à la vie et se mit à hurler, mais le di- garçon se trouvant sans fortune, habitait
gne moine ne se rebuta point d'autres saints solitairement, dans le village de Plenevaux,
religieux étaient accourus. Le diable, solide- une petite cabane où il ne possédait qu'un arc,
ment assiégé, délogea enfin et s'alla préci- une cognée, une pioche et quelques instru-
piter dans le gouffre dont nous parlions. ments de pêche. Il gagnait sa vie au métier de
L'architecte délivré tomba à genoux plein de maréchal ferrant, qu'un vieux forgeron du
repenta rice il alla finir ses jours au couvent village avait eu la compassion de lui appren-
des Bogards; et son fils continua ses travaux. dre. Il était si sage et si doux, que tout lo
On fouilla le gouffre où le démon s'était monde l'aimait et qu'on ne l'appelait pas au-
jeté on en retira une immense tête dorée t trement que Tiel le Prud'homme. Les vieil-
qu'on apporta sur là place, et qui fit faire lards l'estimaient pour sa bonne conduite
bien des contes d'autant plus que le lende- toutes les jeunes fillesdu village,des hameaux
main elle avait perdu sa dorure et n'était voisins et de tout le Condros l'eussent vo-
plus qu'un bronze très-compac! On en fit la lontiers pris pour mari, malgré sa pauvreté
grande effigie du diable, qui est là haut, aux MaisTiel ne se pressait pas de donner son
pieds de l'archange. cœur.
Le nouvel architecte, pour laisser à son Un beau soir du 17 de septembre 1042,
père toute sa gloire, ne poussa pas les tra- qu'il revenait de faire ses dévotions à Se-
vaux plus loin sur l'aile droite, qu'il acheva raing, devant la sainte châsse de l'abbaye
ainsi .irrégulière et différente dans plusieurs du Val-Saint-Lambert, il s'égara parmi les
détails de la première construction. Il perça bois de Plenevaux et de Brion. La nuit était
sur'le gouffre qu'on parvint à remplir, une belle; il chercha longtemps son chemin avec
rue qui s'appelle encore rue de la ïéte-d'Or. patience; il éprouva enfin une singulière
Jean de Ruysbroefk était mort en 1440; émotion de joie, en apercevant une lumière
l'hôtel de ville fut achevé tel que vous le assez vive à l'endroit qu'on nomme aujour-
voyez, avec sa tour, cri 1442; en 1445 le d'hui le Champ deBoeur. Il s'en approcha; et
jour de l'Ascension, on plaça au sommet de peu à peu il découvrit que cette lumière, qui
la flè'che la statue dorée dé saint Michel ter- s'élevait par une petite cheminée comme
rassant le diable, en bronze vert antique, sur une gerbe de flamme, au-dessus de la cime
une base de pierre, de trente-six pieds de des vieux chênes, partait d'une cabane
circonférence, taillée à l'endroit qu'ou nom- isolée, laquelle paraissait construite à peine
me rue de la Pierre-Plate. En 1448 on érigea depuis quelques jours. Il n'y trouva point
dansl'hôtel une chapelle, où l'onditencorela de porte; mais la vaste baie qui servait de
messe tous les jours, pour le repos de l'âme fenêtre et qui descendait fort bas n'étant
de Jean de Ruysbroeck. Et voilà l'histoire. fermée ni par vitrail, ni par rideaux, il put
Regnard, qui fut lui-mêtné le type de son voir tout à son aise ce qui se passait dans
Joueur, se peignit sans doute aussi dans le l'intérieur.
Distrait; car il entendit ce récit tellement de n'était pas considérable.
L'ameublement
858 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 850
Il consistait en deux tabourets noirs une suivants. Jamais il ne put reroir la chau-
petite table d'ardoise, et deux lits de feuil- mière., et personne ne sut lui en apprendre
îape. La lumière que Tiel avait aperçue, aucune nouvelle; car lui seul, sans doute,
élait produite par un grand feu, qui flambait l'avait vue.
et pétillait joyeusement dans le foyer, mais De vieilles femmes et de pauvres bûche-
dont le jeune prud'homme ne put reconnaî- rons lui dirent pourtant que parfois en tra-
tre l'aliment, car il n'y avait dans l'âtre, bois, versant les bois de Brion, ils avaient entendu
paille, ni rameaux. C'était une masse de feu des chants sauvages, aperçu des lueurs, et
de nature inconnue, qui lançail une vive cru voir des follets mais qu'ils n'avaient eu
lumière, et jetait jusqu'au dehors une cha- garde de s'en approcher parce que le bruit
leur suave et confortante. courait que des lutins et des démons faisaient
Les reflets de ce feu surnaturel (alors on leur sabbat dans les bruyères de ces buis.
ne connaissait pas l'usage du charbon de Tiel ne se rebuta point et continua ses re-
terre) éclairaient assez pour laisser voir par- cherches.
faitemeut-les deux seuls habitants de la ca- Cependant les seigneurs du pays se fai-
bane; c'étaient un vieillard et sa fille. Le saient alors de ces guerres de destruction, si
vieillard n'avait pas quatre pieds de haut; fréquentes au moyen âge. En 10i4, presque
ses jambes étaient contournées; sa tête pro- tous les villages qui n'étaient pas fortifiés
fondément enfoncée dans ses solides épaules furent détruits, et beaucoup de forêts hrû-
ses yeux étincelanls sa figure extrême- lées. La désolation était grande sur les bords
ment grave. Ses cheveux épais devenaient de la Meuse. Un hiver s'avançait, que l'on
gris. 11 était vêtu d'un hoqueton rouge ba- présumait devoir être rigoureux; les bonnes
riolé de bandes noires. Tiel le vit tout entier, gens se voyaient forcées d'aller chercher le
d'un seul coup d'oeil et cet aspect lui bois, alors seul moyen de chauffage, jusqu'à
inspira un tel sentiment d'embarras ou de la forêt des Ardennes. Tiel le Prud'homme
crainte, qu'il n'osait avancer, lorsque ses ne méritait plus guère ce surnom; car il pa-
regards distinguèrent la jeune fille. raissait vivre isolé au milieu de ses voisins,
Elle paraissait avoir dix-huit ans. Un ins- ne rêvant qu'à sa vision, et oubliant tout le
tant Tiel se crut en présence d'un ange. Il reste. Néanmoins, le 17 septembre 10+i, jour
n'avait d'abord remarqué qu'une jolie main, de la fête du saint prélat de Maestricht, il se
blanche comme la neige, sortant d'une robe souvint que c'était à pareil jour, en revenant
de soie noire. Bientôt elle se tourna vers la d'honorer' la châsse miraculeuse de saint
baie, et'fiel le Prud'homme perdit le repos, en Lambert, qu'il avait fait son heureuse ren-
contemplant une jeune tête,- éblouissante de contre. 11 partit donc pour Seraing, s'age-
fraîcheur, une longue chevelure noire rele- nouilla humblement devant l'autel de l'ab-
vée en nattes par derrière, une peau comme baye, et pria avec tendresse jusqu'à la nuit.
l'albâtre, des yeux grands et doux, un sou- Il s'en revint, comme la première fois, pre-
rire capable de réveiller le monde éteint. nant son chemin à d'aventure, dans la direc-
Oui, le cœur de'fiel s'ébranla avec vio- tion des bois de Brion et de Plenevaux, qui
lence un grand amour se saisit de lui. Mais avaient été brûlés. Ceux qui ont ressenti les
la sorte de gêne que lui inspirait le vieillard, angoissesd'un grand sentiment que d'épaisses
le tumulte de ses idées, et peut-être la pen- ténèbres environnent comprendront seuls
sée de sa misère, pensée qui rend si timide, l'immense battement de coeur qui l'assail-
ne lui laissèrent pas la force d'entrer dans la lit, lorsqu'on traversant cette campagne
cabane. de cendres, il aperçut, de l'autre côté d'une
Le nain et sa fille ne parlaient point. Tiel masse sombre qui était devant lui, une
le Prud'homme était depuis longtemps con- lueur vive, qui s'allongeait sur le Champ de
tre un arbre dans l'extase, quand le vieillard Boeur. Cette masse était la cabane. Il la
se levant, prit par le bras la jeune fille, qui tourna en prenant le large, dans un trem-
le dépassait de la tête, et s'avança vers la blement extrême. Dès qu'il fut en face de la
haie comme pour sortir. baie, il revit le même feu que la première
Tiel, effrayé, s'enfonçajrapidementdansun fois, le même vieillard un peu plus gris, la
taillis. Pour tout au monde, par une de ces même jeune fille un peu plus radieuse. Il se
inexplicables faiblesses de l'esprit humain mit à genoux, leva les mains au ciel, et ren-
il n'eût voulu être vu en ce moment. dit grâces à saint Lambert.
Après avoir couru quelques minutes, il se Après qu'il eut prié, il se leva; il s'ache-
retourna, n'entendant et ne voyant plus rien; minait. décidéà franchir la baie de la cabane,
il écouta un moment; il hésita et ne distin- à se jeter aux genoux du vieillard, à obtenir
guant, dans le silence qui l'entourait, que les la main de sa fille. Il n'était plus qu'à quel-
palpitations de son cœur, qui lui semblait ques pas, lorsqu'il entendit le nain commen-
prêt à s'échapper de sa poitrine, il se ha- cer une chanson, tout en remuant la braise
sarda à revenir sur ses pas mais il s'égara pétillante avec un crochet de fer; la jeune
de nouveau, et il eut beau marcher jus- fille, dont la voix seule l'eût ravi, accompa-
qu'au jour, il ne put retrouver ni la cabane, gnait les accents bizarres de son père; ils
ni sa lumière, ni ses hôtes. chantaient en vieux langage wallon, ces cou-
Il revint à Pienevaux harassé de fatigue plets, que nous avons cru devoir traduire
et gonflé d'un sentiment qui devait désormais LE CHANTDESHOUILLEURS.
le dominer. Le soir venu, à demi reposé, il Avecardeur vouscherchezla fortune,
retourna dans le bois. 11 y alla tous les jours Disaitla terre, aux manantsdu bassin,
857 HOU HOU M»
Maischerchezmieux, car son poidsm'importune C'est possible, reprit le -vieillard; car je
Chercheztoujours,car elle est dansmonsein. vois que Florine vous aimera.
Pour vousje medépouille comme
De mes feuxles plus chers; La jeune fille rougit de nouveau
l'irez, lirezfa houille: pour ne pas démentir son père. Le pauvre
Réchaiiflezl'univers. garçon eut besoin de toutes ses forces pour
La terre seuleest mère de largesse, ne pas extravaguer de joie.
Dis:aitla houille;eu prenantson essor
Venezà moi,car je-suis la richesse, Mais qui étes-vous, dit le nain?
Et mon teint noir cachnnu vastetrésor. Je suis le petit-fils du comte Ansfride.On
Quele pic se dérouille, m'appelle Tiel le Prud'homme.
Frappez, lancezvosfers; C'était un noble et digne seigneur que
Tirsz, tirez la houille
H;iniuiezl'univers. le comte Ansfride. Mais ma fille aura de moi
Triomphezdonc,peuplesde la vallée,. une riche dot. Et n'est-il pas vrai Florine,
Huuilleursconstants,vutretravailest bon,
Dit l,i fortune,au grandjour étalée, que lorsqu'il sera voire époux, il faudra qu'il
Eli se montrantsur la fosseau charbon s'appelle Tiel le Houilleur?
Hou'lleur,touilleet refouille Florine répondit par un signe de tête. Tiel
Et répète ces vers ne s'était pas attendu à un tel accueil. Mais
Tirons, tironsla houille; ces mots « Ma fille aura une riche dot » vin-
Eclaironsl'univers.
rent le troubler. Le nain s'en aperçut.
Dès que tes chants eurent cessé, et que ta Ce nom de Tiel le Houilleur vous déplai-
cabane fut retombée dans le silence, Tiel le rait-il, mon fils, dit le vieillard? 1
Prud'homme, qui n'avait rien compris à la Alors, comme nous t'avons dit, la houille
chanson, s'élança vers la baie. Mais il s'ar- n'était pas connue. Tiel ne comprenait pas ce
rêta encore au moment de la franchir: nom, qui lui devenait cher s'il plaisait à Flo-
Seigneur et noble demoiselle, dit-il d'une rine. 11 expliqua donc la cause de son em-
voix émue, m'accorderez-vous de m'arrêter barras, qui était sa pauvreté. Le vieillard
un instant à votre foyer? lui dit:'
La jeune fille sourit et rougit, avec la plus L'homme est fait de chair et d'os; tous
gracieuse expression de hienveillance. Elle naissent également pauvres et aucun n'a
indiqua du doigt au pauvre Tiel un troisième dans lui-même la mine d'or. Mais la fortune
siège qu'il n'avait pas aperçu, pendant que est là (il frappa la terre du pied), dans te sein
le nain lui disait doucement de leur mère commune. Il faut la conquérir.
Soyez le bien venu, si vous. nous aimez. Voici l'immense trésor qui sera votre pré-
Tiel sentit son cœur se relever à ces pa- sent de noces, ajouta-t-il, en remuant avec
roles. son crochet un gros morceau de houille, que
Si je vous aime! dit-il. Tiel n'avait pas remarqué dans un coin de
La jeune fille reposait sur lui un regard si la cheminée, et dont il était loin de soupçon-
bon, qu'il s'affermit il osa se lancer tout ner les propriétés.
d'un coup; et se jetant à genoux entre le Tiel ouvrait de grands yeux, sans oserfaire
nain et sa fille de questions. Le vieillard reprit
Si je vous aime 1 reprit-il. llya deux Ceci, mon fils vous enrichira, vous,
ans que j'eus le bonheur de vous voir, ici vos enfants et les enfants de vos enfants, vos
même.. Depuis deux ans je ne vis que de mon parents, vos amis et vos concitoyens; c'est
souvenir. Je suis venu ici pour y mourir, si une fortune inépuisable qui doublera un
je ne puis obtenir la main de l'ange, dont jour la prospérité de ces contrées elle ré-
sans doute vous êtes le père. ses bienfaits sur le reste du monde.
pandra
Le cœur du jeune homme bondit; car, en Quand la civilisation-aura détruit les forêts,
.finissant ces mots, il ne vit pas le front de la dans les cruels hivers, on demandera à la
jeune fille se rembrunir. Le nain le releva terre la houille bienfaisante.
en disant Mais qu'est-ce que ce trésor? demanda
en tremblant Tiel le Prud'homme.
Asseyez-vous. Ce que vous demandez C'est le feu et la lumière, dit le nain. En
est possible.
même temps il brisa le morceau de houille
Peut être faut-il ici nous arrêter un in-
car vous devez éprouver de la sur- qui était devant lui il en jeta une partie dans
stant la flamme qui devint plus pétillante et plus
prise. En effet, les mœurs que nous essayons- vive. Tiel comprit que la houille pouvait
de décrire ne sont pas habituelles. On pro-
cède avec moins d'abandon parmi les hom- remplacer le bois, et qu'elle avait bien plus
de chaleur.
mes. Mais la naïveté du nain et de sa fille,
leur empressement à accueillir Tiel, ont fait Après cela, le nain mit l'autre morceau
enflammé dans un alambic il l'arrosa d'un
soupçonner aux savants que ce mystérieux peu d'eau, qui rendit son ardeur plus active
personnage était de l'espèce aujourd'hui peu il le distilla; il en tira unesortc de bitume
connue, que les-anciens appelaient Gnomes, babylonien, un cock ou charbon qui pouvait
ou habitants de l'intérieur de la terre, et brûler longtemps encore, et dans un tube il
gardiens de ses mines, petits êtres qui te- recueillit un léger gaz auquel il mit le feu.
naient à grand honneur d'être recherchés Une lumière immense éclaira la cabane. Tiel
par les hommes. se croyait dans un pays de prestiges.
Quoi qu'il en soit, Tiel baisa avec transport Cette lumière, dit le nain, viendra plus
la main du vieillard; après quoi il saisit celle tard. Ne vous occupez maintenant que de
de la jeune fille. tirer la houille et de remplacer le bois qui
859 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 860
manqué. Je vais vous conduire à la mine. que ces deux fléaux horribles épargnent ton-
Le nain, portant à la main le tube enflam- jours désormais les braves bouilleurs 1
mé, se mit en marche. Tiel, au comble du HOUMANI, génie femelle qui gouverne la
bonheur, donna le bras à la belle Ftorine, et région des astres chez les Orientaux. Voy.
le suivit. Arrivés au bord de la Meuse, le ScnADA-ScmvAorjN.
vieillard siffla; une barque descendit, con- HOURIS, vierges merveilleuses du para-
duite par sis. hommes trapus, hauts de qua- dis dé Mahomet elles naîtront des pepius
tre pieds, qui ramèrent en silence et dépo- de toutes les oranges servies aux fidèles
sèrent nos trois personnages dans un endroit croyants dans ce séjour fabuleux. Il y en
que le nain leur indiquait. La lumière et le aura de blanches, de jaunes, de vertes et de
vieillard marchaient devant. Tiel suivàit tou- rouges. Leur crachat sera nécessairement
jours avec Florine. Quand le nain s'arrêta, parfumé.
Tiel s'aperçut que les six petits hommes du HUBNER (Etienne), revenant de Bohême.
bateau, dont il n'avait point entendu les pas, Plusieurs auteurs ont dit qu'il parut, quelque
étaient avec eux. La terre en cet endroit temps après sa mort, dans sa ville, et qu'il
était' couverte de quelques grès tachetés de embrassa même de ses amis qu'il rencon-
noir. Les six hommes de quatre pieds se mi- tra (1).
rent à piocher avec une vitesse surhumaine; HUET (Pierre-Daniel), célèbre évêque d'A-
la terre s'ôuvrait, et on les y voyait descen- v-rancfies, mort en 1721.. On trouve ce qui
dre, comme des masses pesantes qui s'enfon- suit dans le Hueliana ou Pensées diverses
ceraient dans la neige. Bientôt ils découvri- de M. Huet, évêque d'Avranches (2), tou-
rent la houille. chant les broucolaques et les tympanites des
Voici, dit le nain, ce que je vous ai îles de l'Archipel.
promis. Amenez ici demain des hommes et C'est une chose assez étrange que ce
devenez heureux. Vous n'aurez à redouter qu'on rapporte des broucolaques des îles de
dans l'exploitation de la houille que deux l'Archipel. On dit que ceux qui, après une
sortes d'ennemis formidables. D'abord l'a Me- méchante vie, sont morts dans le péché, pa-
haigne, le Hoyoux, la Meuse et plusieurs raissent en divers lieux avec la même figure
autres fluents qui, sans doute irrités de vous qu'ils portaient pendant leur vie; qu'ils font
voir au-dessous de leur lit, chercheront à s'in- souvent du désordre parmi les vivants, frap-
filtrer dans vos galeries, détruire vos mines, pant les uns, tuant les autres; rendant quel-
à étouffer vos ouvriers. Prévoyez ces affreux quefois des services utiles, et donnant tou-
désastres. Craignez ensuite le Grisou, démon jours beaucoup d'effroi. Ils croient que ces
mauvais, rapide comme l'éclair, irritable et corps sont abandonnés à la puissance du
funeste, que l'on dit gardien de certains mé- démon qui les conserve, les anime et s'en
taux et qui, dès qu'il croit qu'on en appro- sert pour la vexation des hommes. Le Père
che, vomit la flamme dans les gaz, produit Richard, jésuite employé aux missions de
d'épouvantables détonations ébranle tes ces îles, il y a environ cinquante ans, donna
conduits souterrains et tue les mineurs. Veil- au public une relation de l'île de Sant-Erini
lez à ce que là lumière qui éclairera vos tra- ou de Sainte-Irène, qui était la Thera des
vaux ne soit pas eh contact avec le gaz in- anciens, dont la fameuse Cyrènc fut une co-
flammatoire. Adieu que le Très-Haut vous lonie. 11 a fait un grand chapitre de l'histoire
protège 1 Et vous, mafille maintenant que des broucolaques. Il dit que, lorsque le,peu-
vous avez un époux, embrassez votre père et pie est infesté de ces apparitions, on va dé-
me faites vos adieux. terrer le corps, qu'on trouve entier et sans
La joliè fille dù nain se mit alors à pleu- corruption, qu'on le brûle, ou qu'on le met
rer. Tiel là consolait encore, lorsqu'il s'a- en pièces, principalement le (3) cœur après
perçut que tout avait disparu autour de lui. quoi les apparitions cessent et le corps se cor-
Le nain et ses compagnons étaient partis. rompt. Le mot de Broucolaques vient du Grec
Tiel emmena à sa chaumière l'a fille du moderne Bourcos qui signifie' dela 6owe,et de
mystérieux vieillard, qu'il né revit plus. Il Laucos qui signifie fosse, cloaque, parce qu'on
épousa Florine le lendemain, à l'abbaye du trouve ordinairement, comme on l'assure,
Val-Saint-Lambert elle même jour il mit les tombeaux où l'ou a mis ces corps, pleins
des ouvriers à la fosse. Il devint bientôt' ri- de boue.
che. Il établit des usinés et de hauts-four- « Jé n'examine point si les faits que l'on
neaux. Il laissades enfants dans la splendeur. rapporte sont véritables, ou si c'est une er-
Le commerce de la houille devint si con- reur populaire; mais il est certain qu'ils
sidérable, qu'au quatorzième siècle les houil- sont rapportés par tant d'auteurs habiles et
leurs formaient une très-gràndè partie de la dignes de foi, et par tant de témoins oculai-
puissante armée liégeoise. res, qu'on ne doit pas prendre parti sans
Il serait inutile d'énumérer tout ce qu'on beaucoup d'attention. Il est certain aussi que
doit aujourd'hui à cette grande et précieuse cette opinion, vraie ou fausse, est fort an-
découverte. Tiel leHouilleur fut avec Florine cienne, et les auteurs en sont pleins. Lors-
le plus heureux, et avec sa dot le plus opu- qu'on avait tué quelqu'un frauduleusement
lent des hommes de son siècle. Son bonheur et par surprise les anciens habitants
le préserva, tant qu'il vécut, des inondations croyaient ôter au mort le moyen de s'en ven-
et du feu grisou. Fasse le bon saint Lambert ger en lui coupant les pieds, les mains, le
il) Lenglet-Dufresnoy,Dissertât., tom.I. (5) Relalionde l'Ile Santerini,par le P. Richard,c. 18.
2) lu 12,Paris, 1722.
861 HUG HUL 862
M~t<I~1!t~~
nez et'les oreilles. ~-1~~)~1~:t~
Cela s'appelait Acroteria-. 4% .10_" __1~
Quoique ce capitaine eût été assez dérangé
zein~, Ils pendaient tout cela au cou des dé- dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussi-
funls, ou.ils lé plaçaient sous leurs aisscites, tôt cette bande de diables se dissipa en fu-
d'où s'est formé le mot Nlascalizein qui signi- mée (3).
fie lâ même chose. On en lit un témoignage HUILE BOUILLANTE. Les habitants de
exprès dans les Scholies grecques (1) de So- Ceylan et dos côtes de Malabar emploient
phocle. C'est ainsi que fut traité par Ménélas l'huile bouillante comme épreuve. Les pre-
Déiphobe, mari d'Hélène, et ce fut en cet état miers ne s'en servent que dans tes affaires
qu'il fut vu d'Enée dans les enfers. de grande importance, commé lorsqu'ils ont
des procès pour leurs terres, et qu'il n'y a
Atque hic Priamidemlaniatumcorpore toto
Deiphobumvidit, laceruaicrudeliter ora, point de témoins.
Ora,maaosqueamb3s,poputataquelemporaraptis On se servait autrefois en Europe de l'é-
Auribus,et truncasinhonestovulnere nares. preuve par l'huile bouillante pour les causes
a Les anciens ont traité de fable l'histoire obscures. L'accusé mettait le poing dans la
d'Hermotime de Ctazoniènes, dont on dit que chaudière; s'il le retirait sans brulure, il
l'âme sortait souvent de soit corps pour était acquitté.
voyager dans les régions éloignées et s'in- HUILE DE BAUME. L'huile de baume,
struireâe ce qui s'y passait et de ce qui s'y extraite du marc de l'eau céleste, dissipera
préparait; qu'à son retour il instruisait ses la surdité, si on en met dans les oreilles trois
compagnons de l'avenir. Mais qu'enfin ses gouttes de temps en temps, en bouchant les di-
ennemis ayant obtenu de sa femme la liberté tes oreilles avec ducotonimbibéde ce baume.
de brûler son corps, l'âme, à son retour, se 11 buérit toute sorte de gale et de teigne les
trouvant privée de sa retraite ordinaire, s'é- plus invétérées, a postèmes.ptaies, cicatrices,
tait retirée pour ne plus revenir. ulcères'vieux et nouveaux, de morsures ve-
« Suétone écrit qu'après la mort violente nimeuses de serpents, de scorpions, etc., fis-
de Caligula, son corps n'ayant été brûlé qu'à tuies, cranipes et érysipèles, palpitation de
moitié et enterré fort superficicllemenl, la cœur et des autres membres, le tout par fo-
maison où on t'avait tué et tes jardins où il menttrtion et emplâtre. Crollius en t'ait tant
était mis en terre, furent inquiérés de spec- d'estime, qu'it te nommeparèxcel!encehécile
tres toutes les nuits, jusqu'à ce que cette mère ~tebaume (4).
maison fut brûlév, et que les sœurs du dé- HUILE DE TALC. Le talc est la pierre phi-
funt eussent rendu p!us régulièrement à sou Josophale fixée au blanc..Les anciens ont
corps les derniers devoirs. Servius (2) rnar- beaucoup parlé dé-l'huile de talc- à laquelle
que expressément que les âmes des morts its attribuaient tant de vertus, que presque
(dans l'opinion des anciens) ne trouvaient te tous Ics alchimistes ont mis en tout
lieu de leur repos qu'après que le corps ,leur savoir pour ta composer. Ils ont calciné,
était entièrement consumé. Les Grecs au- :purifié,sub!iméle talc, et n'en ont jamais pu
jourd'hui sont encore persuadés que les corps extraire cette'huile précieuse.
des excommuniés ne se corrompent point, .Quelques-uns entendent, sous ce nom, l'é-
mais s'enflcnt comme un tambour et en ex- lixir des philosophes hermétiques.
priment le bruit quand on les frappe ou HU-JUM-StN,- célèbre alchimisiè chinois
qu'on les roule sur le pavé. C'est ce qui les qui trouva, dit-on, ta pierre philosophale.
fait appeler totipi ou tympanites. » Ayant tué un horrible dragon qui ravageait
HUGON, espèce de fantôme malfaisant, à te pays, Hu-Jum-Sin attacha ce monstre à
l'existence duquel le peuple de Tours croit une colonne qui se voit encore aujourd'hui,
très-fermement. Il servait d'épouvantait aux. et s'éleva ensuite dans Ic ciel. Les Chinois,
petits enfants, pour qui il était une u~anièré par reconnaissance, l'ui érigèrent un temple
de Croquemitaine. C'est de lui, dit-on, que dans l'endroit mêmeoù avait tué le dragon.
les réformés sont appelés huguenots, à'cause HULIN, petit marchand de bois d'Orléans;
du mal qu'ils faisaient et de l'effroi que sentait. étant ensorcelé à mort, il chercher
leur passage au seizième siècle, qu'ils ont. un sorcier qui se vantait d'élever toutes les
ensanglanté et couvert de débris. maladies. Le sorcier répondit qu'it ne pou-
HUGUES bourgeois d'EpinaI. Voy. Es- vait le guérir, s'il ne donnait la maladie a son
FH1TS. fils qui était encore à la malll'e1le. Le père y
HUGUES LE GRAND, chef des Français, consentit. La nourrice, ayant entendu cela.
père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe .s'enfuit avec l'enfant pendant que te sorcier
rapporte qu'il était guetté par le diable à touchait le père pour lui 6tec te mat. Quand
l'heure de la mort. Une grandetrouped'hom- it eut fait, il demanda ou était t'cnfant. No
mes noirs se présentant à lui, le plus appa- le trouvant pas. il commença à cil
rent lui dit Me connais-tu ?2 Je suis mort, où est l'el1falit? Puis il s'
-Non, répondit Hugues; qui peux-tu être? alla très-piteux mais il n'eut pas plutôt mis
Je suis, dit l'homme noir, le puissant. les pieds hors la porte, que le dia~)1("te tua
des puissants, le riche des riches; si tu veux. soudain.' 11 devin) aussi noir que si O~Il'eût
croire en moi, je te ferai vivre. » noirci de propos dé!ibéré; car la malodie
'était restée sur lui (5).
(t) VideElectr. v.448; Meursiumin Lycophonem,pag..w
309;Stanleiumin ~Eschi).Cœph..v. 437: ] (4) Le Petit Albert,p. H2.
1
In liv. tv, vers. 418. t; (5) Boditi, Démonomanie,p. 330. C'est le trait dtt
-(3 Leloyer, HlslolI'cdes spectres ou apparitions des. berger de Brie. Voyezles vers cités à la tin de larucre
liv.
esprits, iii, p. 273. lfocque.
8G3 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 864
HI11141N
HUMMA,dieu souverain des Cafres, qui fait voulut se donner des licences mais le démon
tomber ta a pluie, souffler les vents, etqui donne l'en empêcha. Enfin le mari revint; Hutgin
le froid et le chaud. Ils ne croient pas qu'on courut au-devant de lui et lui dit
soit obligé de lui rendre hommage, parce -Tu fais bien de revenir, car je commence
que, disent-ils, il les brûle de chateuret de sé- à me lasser de la commission que tu m'as
cheresse sans garder la moindre proportion. donnée. Je l'ai remplie avec toutes les peines
HUNERIC. Avant la persécution Il'Huné- du monde; et je le prie de ne plus t'absen-
ric, fils de Genseric, roi des Vandales, qui ter, parce que j'aimerais mieux garder tous
fut si violente contre les catholiques d'tlfri- les pourceaux de la Saxe que ta femme (4~
que, plusieurs signes annoncèrent, dit-on, On voit que ce démon ne ressemble guère
cet orage. On aperçut sur le mont Ziquen un aux autres.
homme de haute stature, qui cri.lit à droite HVURGËLMER, fontaine infernale. Voy.
et à gauche « Sortez, sortez. Il On vit aussi NtFLBËtM.
à Crtrthage, dans l'église de Saint-Fauste, une HYACINTHE, pierre précieuse que l'on
grande troupe d'Ethiopiens qui chassaient les pendait au cou pour se défendre de la peste.
saints comme le berger chasse ses brebis. Il De plus, elle fortifiait te coeur, garantissait de
n'y eut guère de persécution d'hérétiques con- la foudre, et augmentait,tes richesses et les
tre tes catholiques plus forte que celle-là (1). honneurs.
HUNS. Les anciens, historiens donnent à HYDRAOTH, magicien célébré par le
ces peuples l'origine la plus monstrueuse. Tasse; il était père du soudan de Damas, et
Jornandès raconte (2) que Philimer, roi des .oncle d'Armide, qu'il instruisit dans les arts
Goths, entrant dans les terres gétiques, n'y magiques (5).
trouva que des sorcières d'une laideur af- HYUROMANC1E ou HYDROSCOPIE, art
freuse; qu'il les repoussa loin rie son armée; de prédire l'avenir par'le moyen de l'eau;
qu'elles errèrent seules dans les déserts, où on en attribue l'invention aux Perses. Les
des démons s'unirent avec elles. C'est de ce doctes en distinguent plusieurs espèces
commerce.infernal que naquirent les Huns, 1° Lorsqu'à la suite des invocations et au-
si souvent appelés les enfants du diable. Ils tres cérémonies magiques, on voyait écrits
étaient d'une difformité horrible. Les histo- sur l'eau les noms des personnes ou des cho-
riens disent qu'à leurs yeux louches et sau- ses qu'on' désirait connaître; et ces noms
vages, à leur figure torse, à leur barbe de se trouvaient écrits à rebours;
bouc, on ne pouvait s'empêcher de les re- 2° On se servait d'un vase plein d'eau et
connaître pour enfants de démons, Besoidus d'un anneau suspendu à un fil, avec lequel
prétend, après Servin, que te nom de ttuvs on frappait un certain nombre de fois les
vient d'un mot tudesque, ou celtique, ou bar- côtés du vase;
bare, qui signifie praissa.nts par la magie, 3° On jetait successivement et à de courts
grands magiciens. De Bonnaire dit, dans son intervalles, trois petites pierres dans une eau
Histoire de France, que-les Huns, venant faire tranquille et dormaute; et des cercles qu'en
la guerre à Clieiebei-1, ou Caribei-1, furentat- formait ta surface, ainsi que de leur intersec-
taqués près de la rivière d'Elbe par Sigebert, tion, on tirait des présages;
roi de Metz, et que tes Francs furent obligés 4.° On examinait attentivement les divers
de combattre contre les Huns et contre les mouvements et l'agitation des flots de la mer.
spectres dont ces barbares avaient rempli Les Siciliens et les Eubécns étaient fort
l'air, par un effet de la magie; ce qui rendit adonnés à cette superstition;
leur victoire plus distinguée. Voy. OGRES. 5° On tirait des présages de la couleur de
HUPPE, oiseau commun, nommé par les l'eau et des figures qu'on croyait y voir. C'est
Chaldéens Ilori, et par les Grecs lsan. Celui ainsi, selon Varron, qu'on apprit à Rome
qui le regarde devient gros; si on porte les quelle serait l'issue de la guerre contre Mi-
yeux de la huppe sur l'estomac, on se récon- thridate. Certaines rivières ou fontaines pas-
ciliera avec tous ses ennemis. Enfin, c'est de saient chez les anciens pour être plus pro-
peur d'être trompé par quelque marchand, pres que d'autres à ces opérations;
qu'un homme de précaution a sa tête dans 6° C'était encore par une espèce d'hydro-
une bourse (3) mancie que les anciens Germains éclairCis-
HUTGIN, démon qui trouve du plaisIr à saient leurs ~oupçons sur la lidélitédes fem-
obliger les hommes, se plaisant en leur so- mes ils jetaient dans le Rhin, sur un bou-
ciété, répondant à leurs questions, et leur clier, les enfants dont elles venaient d'ac-
rendant service quand il le peut, selon les coucher s'ils surnageaient, ils les tenaient
traditions de la Saxe. Voici une des nom- pour légitimes, et pour bâtards s'ils a<taient
breuses complaisances qu'on lui attribue au fond (6};
Un Saxon partant pour un voyage, et se 7° On remplissait d'eau une coupe ou une
trouvant fort inquiet sur la conduite de sa tasse, et, après avoir prononcé dessus cer-
femme, dit à Hutgin Compagnon, je te taines paroles, on examinait si l'eau bouil-
recommande ma femme aie soin de la gar- lonnaitet se répandait par-dessus les bords;
d.er jusqu'à mon retour. 8° On mettait de l'eau dans un bassin de
La femme, aussitôt que son mari fut parti, verre oude cristal puison y jetait une goutte
(1) Leloyer,Hist.des spectres,p. 272 (5) Delancre,Tableaude l'inconstancedesdérnOl.s,elc.,
(2) De rt'bus notais. tiv.1,
p. 57.
(~)Secretsti'Athertte Gr:ind,p. 1\1. (6)Voyez, dans les légendes de l'histoirede France,
(t) Wierus,De Præsligiisdaem.,etc. unefamillegauloisenuantCésar,
865 1CII IDO 866
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d'huile, et l'on s'imaginait voir dans cette HYMBriA. Une femme de Syracuse,
eau, comme dans un miroir, co dont on dé- nommée Hyméra, eut un songe, pendant le-
sirait d être instruit; quel elle crut monter au ciel conduite par
9° Les femmes des Germains pratiquaient un jeune hommequ'elle ne connaissait point.
une neuvième sorte d'hydromancie, en exa- Après qu'elle eut vu tous les dieux et ad-
miré les beautés de leur séjour, die aperçut,
minant, pour y deviner l'avenir, les tours et
détours, et le bruit que faisaient les eaux des atlachéavec des chaînes de fer, sous le trône
fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu'ils de Jupiter, un homme robuste, d'un teint
formaient roux, le visage tacheté de lentilles. Elle de-
manda à sort guide quel était cet' homme
10° Enfin, on peut rapporter à l'hydroman- ainsi enchaîné? Il lui fut répondu que c'é-
cie une superstition qui a longtemps été en tait le mauvais destin de l'Ilalie et de la Sicile,
usage en Italie. Lorsqu'on sonpçonnait des et que, lorsqu'il serait délivré de ses fers, il
personnes d'un vol, on écrivait leurs noms causerait de grands maux. Hyméra s'éveilla
surautanlde petits cailloux qu'on jetait dans là-dessus, et le lendemain elle divulgua son
l'eau. Lenom du voleur ne s'effaçait pas. Yoy. rêve.
OoMANCIE,CaGLIOSTRO,etc. Quelque temps après, quand Denys le Ty-
HYENE. Les Egyptiens croyaient que- la ran se fut emparé du trône de la Sicile, Hy-
hyène changeait de sexe chaque année. méra le vit entrera Syracuse, et s'écria que
On donnait le nom de pierres de la hyène à c'était l'homme qu'elle avait remarqué si
des pierres qui au rapport de Pline, se bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant
trouventdans le corps delà hyène, lesquelles, appris cette singulière circonstance, fit mou-
placées sous la langue, attribuaient à celui rir la'songeuse (1).
c;ui les portait le don de prédire l'avenir. HYPHIALTES. Voyez Ephialtes.

t
IALYSIENS, peuple dont parle Ovide, et une fable. Ces deux animaux n'ont jamais
dont les regards avaient la vertu magique de rien à démêler ensemble, ajoute-il puis-
gâter tout cequ'ils fixaient. Jupiter tes chan- qu'ils n'habitent pas les mêmes parafes. On
gea en rochers et les exposa aux fureurs ne voit pasdecrocodilesdanslabasseEgypte
des flots. on né voit pas non plus d'ichneumons dans
IAMEN, dieu de la mort chez tes Indiens. la haute (2).
IBIS, oiseau d'Egypte, qui ressemble à la ICHTHYOMANC1E, divination très-an-
cigogne. Quand il met sa tête et son cou cienne qui se pratique par l'inspection des
sons ses ailes, dit Elien, sa figure esta peu entrailles des poissons. Polydamas, pendant
près celle du cœur humain. la guerre de Troie et Tirésias s'en sont
On dit que cet oiseau a introduit l'usage servis.
des lavements, honneur qui est réclamé aussi On dit que les poissons de la fontaine d'A-
par les cigognes. Les Egyptiens autrefois pollon à Miré, étaient prophètes et Apulée
lui rendaient les honneurs divins et il y fut aussi accusé de s'en être servi (3).
avait peine de mort pour ceux qui tuaient IDA. On voit dans la légende de la bien-
un ibis, même par rnégarde. De nos jours, heureuse Ida de Louvain quelques pâles ap-
les Egyptiens regardent encore comme sa- paritions du diable qui cherche à la trou-
crilége celui qui tue l'ibis blanc, dont la pré- bler et qui n y parvient pas. (Bollandisles
sence bénil, disent-ils, les travaux champê- 13 avril.)
tres, et qu'ils révèrent comme un symbole IDIOT. En Ecosse les gens du peuple ne
d'innocence. voient pas comme un malheurun enfant idiot
IBLIS le même qu'Eblis. Voyez ce mot. dans une famille. Ils voient là, au contraire,
Voyez aussi ALEXANDRELE Grand. un signe de bénédiction. Cette opinion est
JGHNEUMON, rat du Nil, auquel les Egyp- partagée par plusieurs peuples de l'Orient.
tiens rendaient un cultn particulier; il avait Nous nous bornons à la mentionner sans la
ses prêtres elses autels. fiuffon dil qu'il vitdans juger.
l'état de domesticité, et qu'il sert comme les IDOLES. L'idole est une image, une figure,
chats à prendre les'souris. 11 est plus fort une représentation d'un être imaginaire ou
que le chat, s'accommode de tout, chasse aux réel. Le culte d'adoration rendu à quelque
oiseaux aux quadrupèdes, aux serpents et idole s'appelle idolâtrie.
aux lézards. Si les idoles ont fait chez les païens des
Pline. conte qu'il fait la guerre au croco- choses qu'on pouvait appeler prodiges ces
dile, qu'il l'épie pendant son sommeil, et que, prodiges n'ont eu lieu que par le, pouvoir des
si ce vaste reptile élait assez imprudent pour démons ou par le charlatanisme.
dormir la gueule ouverte, l'ichneumon s'in- Saint Grégoire le thaumaturge, se rendant
troduirait dans son estomac et lui rongerait à Néocésarée, fut surpris par la nuit et par
les entrailles. M. Denon assure que c'est une.pluie violente qui l'obligea d'entrer dans
(!) Vaière-Maxime. (3) Delancrc,Incrédulitéet mécréanco,etc., i>.26T.
12JM. Salgues,DesErreurs, elc, t. III, p. 561.
867 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 868
un temple d'idoles fameux dans le pays à qui établissaient ainsi des stations sor leur
cause des oracles qui s'y rendaient. Il invo- route (1).
qua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la ILLUMINÉS, sorte de francs-maçons d'Al-
croix pour purifier le temple, et passa une lemagne qui croient avoir la seconde vue
partie de la nuit à chanter les louanges de et qui prophétisent. On connaît peu leur
Dieu, suivant son habitude. Après qu'il fut doctrine, qui est vague et libre; mais ils ont
parti, le prêtre des idoles vint au temple, se eu des prédécesseurs. En. 1575, Jean de Vil.
disposant à faire les cérémonies de son culte. lalpando et unè carmélite, nommée Cathe-
Les démons, dit-on, lui apparurent aussitôt, rine de Jésus, établirent une secte d'illumi-
et lui dirent qu'ils ne pouvaient plus habi- 'nés, que l'inquisition de Cordoue dispersa.
terce lieu, depuis qu'un saint évêque y avait Pierre Guérin les ramena en France en
séjourné. Il promit bien des sacrifices pour 1634. Ils prétendaient que Dieu avait révélé
Jes engager à tenir ferme sur leurs autels; à l'un d'entre eux, le frère Antoine Bocquet,
mais la puissance de Satan s'était éclipsée une pratique de vie et de foi surémin.ente
devant Grégoire. Le prêtre, furieux, pour- au moyen de laquelle on, devenait tellement
suivit l'évéque de Néocésarée, et le menaça saint, qu'on ne faisait plus qu'un avec Dieu,
de le faire punir juridiquement s'il ne répa- et qu'alors on pouvait sans péché se livrer
rait le mal qu'il venait de causer.Grégoire, à toutes ses passions. Ils se nattaient d'en re-
qui l'écoutait sans s'émouvoir, lui répondit -montrer aux apôtres à tous les saints et à
Avec l'aide de Dieu, qui chasse les dé- toute l'Eglise. Louis XIII dissipa cette secte
mons, ils pourront revenir s'il le permet. de fous. Voy. Bloemardine.
Il prit alors un papier sur lequel il écri- IMAGES DE CIRE. Voy. ENVOUTEMENT.
vit Grégoire à Satan. Rentre. IMAGINATION. Les rêves, les songes, les
Le sacrificateur étonné porta cebillet dans chimères, les terreurs paniques, les supersti-
son temple fit'ses sacrifices, et les démons tions, les préjugés, les prodiges, les châteaux
y revinrent. Réfléchissant alors à la puis- en Espagne, le bonheur,- la gloire et tous ces
sance de Grégoire 'il retourna vers lui à la contes d'esprits et de revenants, de sorciers"
hâte, se fit instruire dans la religion chré- et de diables, sont ordinairement les enfan-
tienne, et convaincu par un nouveau mira- tements,de l'imagination. Son domaine est
cle du saint thaumaturge, il devint son dis- immense, son empire est despotique; une
ciple. grande force d'esprit peut seule en réprimer
Porphyre avoue que les démons s'enfer- les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu'il
maient dans les idoles pour recevoir le culte était devenu fou, en eut l'imagination telle-
des gentils. « Parmi les idoles dit-il il y a ment frappée, qu'à son réveil il fit des folies
des esprits impurs, trompeursetmalfaisants, comme il croyait devoir en faire, et perdit en
qui veulent passer pour des dieux et se faire effet la raison.
adorer par les hommes il faut les apaiser On connaît l'origine de la fièvre de Saint-
de peur qu'ils ne nous nuisent. Les uns, gais •Vallier. A cette occasion Pasquier parle de
et enjoués, se laissent gagner par des spec- la mort d'un bouffon du marquis de Fenare,
tacles et des jeux l'humeur sombre des au- nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire
tres veut l'odeur de la graisse et se repait qu'une grande peur guérissait de la fièvre,
des sacrifices sanglants. » voulut guérir de la fièvre quarte le prince son
1FURIN, enfer des Gaulois. C'était une ré- maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet,
-gion sombre et terrible, inaccessible aux passant avec lui sur un pont assez étroit, il le
rayons du soleil infectée d'insectes veni- poussa et le fit tomber dans l'eau au péril de
de de lions et de sa vie On repêcha le souverain, et il fut
meux, reptiles, rugissants
loups carnassiers. guéri. Mais, jugeant que l'indiscrétion de
Les grands criminels étaient enchaînés Gonelle méritait quelque punition, il le cun-
dans des cavernes encore plus horribles, daajna à avoir la tête coupée, bien résolu
dans un de couleuvres cependant de ne pas le faire mourir. Le jour
plongés étang plein de l'exécution, il lui fit. bander les yeux, et
fit brûlés par les poisons qui distillaient sans
ordonna qu'au lieu d'un coup de sabre on ne
cesse de la voûte. Les gens inutiles ceux
n'avaient fait ni bien ni lui donnât qu'un petit coup de serviette
qui mal résidaient
au milieu des vapeurs épaisses et mouillée; l'ordre fut exécuté et Gonelle délié
pénétran- aussitôt après mais le malheureux bouffon
tes, élevées au-dessus de ces hideuses pri- étail mort de peur. Est-ce vrai? Ce Pasquier
sons. Le plus grand supplice était un froid
a fait tant de contes I
très-rigoureux.
Héquet parle d'un homme qui, s'étant cou-
IGNORANCE..Ceux qui enseignèrent que ché avec les cheveux noirs, se leva le matin
l'Océan était salé de peur qu'il ne se corrom- avec les cheveux blancs, pareequ'il avait rêvé
pît, et que tes marées étaient faites pour con- qu'il était condamné à un supplice cruel et
duire nos vaisseaux dans les ports, ne sa- infamant. Dans le Dictionnaire de police de
vaient sûrement pas que la Méditerranée a
Des Essarts, on trouve l'histoire d'une jeune
des ports et point de reflux. Voy. ERREURS fille à qui une sorcière prédit qu'elle serait
MERVEILLES,PRODIGES,etc., CtC., etc. pendue; ce qui produisit un tel effet sur
ILES. Il y a,dans la Baltique,des iles rap- son esprit, qu'elle mourut suffoquée la nuit
prochées que les pécheurs croient avoir été suivante.
faites par des enchanteurs, qui voulaient s'en Athénée raconte que quelques jeunes gens
allerplus facilement d'un lieu à un autre, et [1)Marmior,Traditiondo la mer Baltique.
869 IMA IMA 870
d'Agrigente étant ivres, dans unechambrede la plus grande opulence. Un médecin le gué-
cabaret, se crurent sur une galère, au milieu rit, et il regretta sa folio.
de la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres On a vu, en Angleterre, un homme qui
tous les meubles de la maison, pour soulager voulail absolumentquerienne l'affligeât dans
le bâtiment. ce monde. En vain on lui annonçait un évé-
Il y avait à Athènes, un fou qui se croyait nement fâcheux; il s'obstinait à le nier. Sa
maître de tous les navires qui entraient dans femme étant morte, il n'en voulut rien croire.
le Pirée, et donnait ses ordres en consé- Il faisait mettre à table lo couvert de la dé-
quence. Horace parle d'un autre fou, qui funte, et s'entretenait avec elle,commesi elle-
croyait toujours assister à un spectacle, et eût été présente il en agissait de même lors-
qui, suivi d'une tro.ujpe de comédiens imagi- que son fils était absent. Près de sa dernière
naires, portait "un lliéâtre dans sa tête, .où heure, il soutint qu'il n'était pas malade, et
il était tout à la fois et l'acteur et je specta- mourut avant d'en avoir eu le démenti.
teur. Voici une autre anecdote Un maçon, sous
On voit, dans les maniaques, des choses l'empire d'une monomanie qui pouvait dé-
aussi singulières tel s'imagine être un moi- générer en folie absolue, croyait avoir avalé
une couleuvre il disait la sentir remuer dans
neau, un vase de terre, un serpent tel autre
se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et son ventre. M. Jules Clôquet, chirurgien de
l'hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené,
parmi lès gens qu'on dit sensés, en est-il
beaucoup qui. pialtrisent leur imagination, pensa que le meilleur peut-être le seul
et se montrent exempts de faiblesses et d'er- moyen pour guérir ce monopiane, était de
reurs ?1 se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence
d'extraire la couleuvre par une opération chi-
Plusieurs personnes mordues pardes chiens
ont été très-malades parce que, les suppo- rurgicale. Le maçon y consent; une incision
sant atteints -de la rage, elles se croyaient longue, mais superficielle, est faite à la ré-
gion de l'estomac, des linges des compres-
menacées ou déjà affectées du même mal. La ses, des bandages rougis par le sang sont
Société royale des sciences de Montpellier
appliqués. La tête d'une couleuvre dont on
rapporte, dans un mémoire publié en 1730, s'était précautionné est passée avec adresse
que deux frères ayant été mordus par un entre les bandes et la plaie. «Nous la. tenons
.chien enragé, l'un d'eux partit pour la Hol- enfin, s'écrie t'adroit chirurgien; la voici. v
lande, d'où il nerevint qu'au bout de dix ans. En même temps, le patient arrache son ban-
Ayant appris, à son retour, que son frère, deau il veut voir le reptile quNl a nourri
depuis longtemps, était mort hydrophobe, il dans son sein. Quelque temps après une
se sentit malade et mourut lui-même enragé nouvelle mélancolie s'empare de lui; il gé-
par la crainte de l'être. mit il soupire; le médecin est rappelé:
Voici un fait qui n'est pas moins extraordi- .«Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle
naire un jardinier rêva qu'uji grand cbien avait fait des petits? Impossible! c'est un
noir l'avait mordu. Il ne pouvait montrer au- mâle.»u
.cune trace de morsure; sa femme, qui s'était On attribue ordinairement à l'imagination
levée au premier cri, lui assura que toutes des femmes la production des fœtus mon-
les portes étaient bien fermées et qu'aucun strueux. M. Saignes a voulu prouver que
chien n'avait pu entrer. Ce fut en vain l'i- l'imagination n'y avait aucune part, en citant
dée du gros chien noir restait toujours pré- quelques animaux qui ont produit des mon-
sente à son' imagination; il croyait le voir stres, et par d'autres preuves insuffisantes.
sans cesse il en perdit le sommeil et l'ap- Plessman dans sa Médecine puerpérale
pétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa Harting, dans une thèse; Demangeun, dans
femme, qui, raisonnable au commencement, ses Considérations physiologiques sur le pou-
avait fait tous ses efforts pour le calmer et le voirde l'imagination maternelle dans la gros-
guérir de son illusion, finit par s'imaginer sesse, soutiennent l'opinion générale. Les
que, puisqu'elle n'avait pas réussi, il y avait femmes enceintes défigurent leurs enfants,
quelque chose de réel dans l'idée de son mari, quoique déjà formés, lorsque leur imagina-
et qu'ayantélé couchée à côté "de lui, il était tiou est violemment frappée. Malebranche
fort possible qu'elle eût été aussi morduc. parle d'une femme qui, ayant assisté à l'exé-
Cette disposition d'esprit développa chez ellen cution d'un malheureux condamné à la roue,
les mêmes symptômes que chez son mari, en fut si affectée, qu'elle mit au monde un
abattement lassitude, frayeur, insomnie. Le enfant dont les bras, les cuisses et les jambes
médecin, voyant échouer toutes les ressour- étaient rompus à l'endroit où la barre de
ces ordinaires de son art contre cette ma- l'exécuteur avait frappé le condamné. Le
ladie de l'imagination, leur conseilla d'aller peintre Jean-Baptiste llossi fut surnommé
en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment Gobbino parcequ'il étaita~réablementgobbo.
les deux malades furent plus tranquilles .ils c'est-à-dire bossu. Sa mère était enceinte de
allèrent à Saint-Hubert, y subirent le .traite- lui lorsque son père sculptait le gobbo, bé-
ment usité, et revinrent guéris (1). nitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant
Un homme pauvre et malheureux s'était du pasquino, autre bénitier de Gabriel Ca-
tellement frappé l'imagination de l'idée des gliari.
richesses, qu'il avait fini par se croire dans Une femme enceinte jouait aux cartes. En
(1) Cette anecdotene doit infirmeren rien la juste ré- (commeil est facile-auxcurieuxde s'en convaincre)qu'au-
tutatiûr. du pèlérip,age de Saint-Hubert,où ij est avéré cun maladen'est allé sanstrouver la guérison.
871 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 873
t-ntn
relevant son jeu, elle voit que, pour faire un était tellement pleine, qu'au temps de mettre
grand coup, il lui manque l'as de pique. La bas son fruit elle creva, et qu'il sortit d'elle
dernière carte qui lui rentre était effective- une mule qui mourut incontinent, ayant
ment celle qu'elle attendait. Une joie immo- comme sa mère le ventre si gros et si enflé,
dérée s'empare de son esprit. se communique, que le maître voulut voir ce qui était dedans.
comme un choc électrique, à toute son exi- On l'ouvrit et on y trouva une autre mule
stence et l'enfant qu'elle mit au monde porta de laquelle elle était pleine.
dans la prunelle de l'oeil la forme d'un as de Autre anecdote. Un duc de Mantoue avait
pique, sans que l'organe de la vue fût d'ail- dans ses écuries une cavale pleine qui mit
leurs offensé par cette conformation extraor- bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus
dinaire. célèbres astrologues d'Italie l'heure de la
«Le trait suivant est encore plus étonnant, naissance de cette bête, les priant de lui
dit Lavater. Un de mes amis m'en a garanti faire l'horoscope -d'un bâtard né dans son
l'authenticité. Une dame de condition du palais sous les conditions qu'il indiquait. Il
Rhinlhal voulut assister, dans sa grossesse, prit bien soin qu'ils ne sussent pas que c'é-
au supplice d'un criminel qui avait été con- tait d'un mulet qu'il voulait parler. Les de-
damné à avoir la tête tranchée et la main vins firent de leur mieux pour flatter le
droite coupée. Le coup qui abattit la main prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût
effraya tellement la femme enceinte qu'elle du prince. Les uns dirent qu'il serait général
détourna la tête avec un mouvement d'hor- d'armée les autres en firent mieux encore,
reur, et se retira sans attendre la fin de l'exé- et tous le comblèrent de dignités. Mais
cution. Elle accoucha d'une fille qui n'eut rentrons dans les accouchements prodi-
qu'une main, et qui vivait encore lorsque gieux.
mon ami me fit part de cette anecdote l'autre On publia au seizième siècle qu'une femme
main sortit séparément d'abord après l'en- ensorcelée venait d'enfanter plusieurs gre-
fantement. » nouilles. De telles nouveautés étaient reçues
II y a du reste, sur les accouchements pro- alors sans opposition. Au commencement
digieux, bien des contes. «J'ai lu, dans un du dix-huitième siècle, les gazettes d'Angle-
recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues terre annoncèrent, d'après le certificat da
(Des erreurs et des préjugés répandus dans la chirurgien "accoucheur, appuyé de l'anato-
société), qu'en 1778, un chat, né à Stap en miste du roi, qu'une paysanne venait d'ac-
Normandie, devint épris d'une poule du voi- coucher de beaucoup de lapins; et le public
sinage et qu'il lui fit une cour. assidue. La le crut jusqu'au moment où l'analomiste
fermière ayant mis sous les ailes de la poule -avoua qu'il s'était prêté à une mystifica-
des œufs de cane qu'elle voulait faire couver, tion.
le chat s'associa à ses travaux maternels. Il On fit courir le bruit en 1W1, qu'une
détourna une partie des œufs et les couvasi femme, à Pavie, avait mis bas un chien; on
tendrement, qu'au boutde vingt-cinq jours il cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le
en sortit de petits êtres amphibies, partici- jour à un lion, et la femme que Pline dit
pant de la cane et du chat tandis que ceux avoir été mère d'un éléphant. On voit
de la poule étaient des canards ordinaires. dans d'autres conteurs anciens qu'une autre
Le docteur Vimond atteste qu'il a vu, connu, Suissesse se délivra d'un lièvre; une Thu-
tenu le père et la mère de cette singulière ringienne, d'un crapaud; que d'autres fem-
famille, et les petits eux-mêmes. Mais on dit mes mirent bas des poulets (1).
au docteur Vimond « Aviez-vous la vue bien Ambroise Paré cite, sur ouï-dire, un jeune
nette quand vous avez examiné vos canards cochon napolitain qui portait une .tête
amphibies? vous avez trouvé l'animal vêtu d'homme sur son corps de cochon.
d'un poil noirâtre, touffu et soyeux; mais ne Boguet assure, dans ses Discours des exé-
savez-vous»pas que c'est le premier duvet crables sorciers, qu'une femme maléflciée
des canards? Croyez-vous que l'incubation mit au jour à la fois, en 1531, une têto
d'un chat puisse dénaturer le germe ren- d'homme, un serpent à deux pieds et un pe-
fermé dans l'œuf? Alors pourquoi l'incuba- tit pourceau. Bayle parle d'une femme qui
tion de la poule aurait-elle été moins efficace passa pour être accouchée d'un chat noir;
et nauiail-elle pas produit des êtres moitié le chat fut brûlé comme produit d'un dé-
poules et moitié canards?» mon (2).
On rit aujourd'hui de ces contes, on n'ose- Le même Torquémada que nousavons cité,
rait plus écrire ce que publiaient les jour- énumère beaucoup d'accouchements extra-
naux, de Paris, il y a soixante ans qu'une ordinaires une femme qui mit au monde
chienne du faùbourg Saint-Honoré venait de sept enfants à la fois, à Médina del C.unpo
mettre au jour quatre chats et trois chiens. une autre femme de Salamanque qui en eut
Elicn dans le vieux temps, a pu parler neuf d'une seule couche; puis une Ilalienne-
d'une truie qui mit bas un cochon ayant une qui donna le jour à soixante-dix enfants
tête d'éléphant, et d'une brebis qui mit bas d'une même portée. Et comme on pourrait
un lion. Nous le rangerons à côté de Tor- être surpris du nombre il rappelle ce que
quémada, qui rapporte, dans la sixième conte Albert le Grand qu'une Allemande
journée de son Examéron, qu'en un lieu enfanta, d'une seule couche, cent cinquante
d'Espagne, qu'il ne nomme pas, une jument enfants grands comme le doigt très-bien
(1) Bayle, Républiquedes lellres, 168i, t. III, p. 472, f2) Bayle,Républiquedes lettres, 1G86,tom. III, pag.
cité i>arRI.Saignes. 1018.
873 IMA IMM 874
formés et tous enveloppés dans une pellicule. se hâta de l'en retirer, mais ilil eut les oreilles
retirer,mais
On ne dit pas ce que devint cette petite fa- endommagées. Ce qui rendait le cas encore
mille. Mais avouez qu'il n'y a que l'Allema- plus singulier, c'est que la seconde tête était
gne pour ces choses-là. Une Hollandaise renversée le front en bas et le menton en
pourtant fit plus encore. Voy. Marguerite. haut. Lorsque l'enfant eut atteint l'âge de
Ces faits sunt difficiles à croire à qui ne les six mois les deux têtes se couvrirent d'une
a pas vus, » dit Torquémada; et il parle de quantité à peu près égale de cheveux noirs.
visu, d'un enfant né en Italie avec une barbe On remarqua que la tête supérieure ne s'ac-
de bouc; comment a-t-il reconnu que cette cordait pas avec l'inférieure; qu'elle fermait
barbe était précisément une barbe de bouc? les yeux quand l'autre les ouvrait,et s'éveil-
Volaterranus se préoccupe d'un enfant lait quand la tête principale était endormie;
qui naquit homme jusqu'à la ceinture, et elle avait alternativement des mouvements
chien dans la partie inférieure du corps. Un indépendants et des mouvements sympathi-
autre enfant monstrueux vint au monde ques. Le rire de la bonne tête s'épanouissait
sous le règne de Constance, avec deux bou- sur la tête d'en haut;mais la douleur de cette
ches, quatre yeux, deux petites oreilles et de dernière ne passait pas à l'autre, de sorte
la barbe. qu'on pouvait la pincer sans occasionner la
Un savant professeur de Louvain, Corné- moindre sensatïon à la tête d'en bas. Cet en-
lius Gemma, écrivant à une époque où l'on fant mourut d'un accident à sa quatrième
admettait beaucoup de choses rapporte année.
qu'en I5k5 une dame de noble lignée mit au Ce que nous venons de rapporter n'est
monde dans' la Belgique un garçon qui pent-être pas impossible. Mais remarquez
avait, au dire des experts, la tête d'un dé- que ces merveilles viennent t loujours de très-
mon avec une trompe d'éléphant au lieu de loin. Cependant nous avons vu de nos jours
nez, des pattes d'oie au lieu de mains, des Ritta-Christina cette jeune fille à deux tê-
yeux de chat au milieu du ventre, une tête tes, ou plutôt ces'deux jeunes filles accou-
de chien à chaque genou deux visages de plées.Nous avons vu aussi les jumeaux Sia-
singe sur l'estomac et une queue de scorpion mois, deux hommes qu'une partie du ventro
longue d'une demi-aune de Brabant (trente- rendait inséparables et semblait réunir enun
cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut seul être. Pour le reste le plus sûr est de
que quatre heures, et poussa des cris en rejeter en ces matières ce qui n'est pas cer-
mourant par les deux gueules de chien qu'il tifié par de suffisants témoignages.
avait aux genoux (1). Dans ce genre de faits on attribuait au-
Nous pourrions multiplier ces contes ridi- trefois au diable tout ce qui sortait du cours
cules, fondés sur quelques phénomènes na- ordinaire de la nature.
turels que l'imagination des femmes encein- Il.est certain qu'on exagère ordinairement
tes a produits. Arrêtons-nous un moment ces phénomènes. On a vu des fœtus mon-
aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les strueux, à qui on donnait gratuitement ta
enfants nés sans tête, ou plutôt dont la tête forme d'un, mouton, et qui étaient aussi bien
n'est pas distincte des épaules. Un de ces en- un chien un cochon un lièvre ,.etc, puis-
fantsvintau monde au villagede Schmechten, qu'ils n'avaient aucune figure distincte. On
près de Paderborn, le 16 mai 1565 il avait prend souvent pour une cerise, ou pour une
la bouche à l'épaule gauche et une seule fraise ou pour un bouton de rose ce qui
oreille à l'épaule droite. Mais en compensa- n'est qu'un seing plus large et plus coloré
tion de ces enfants sans tête, une Normande qu'ils ne le sont ordinairement. Voy.
accoucha, le 20 juillet 1684-, d'un enfant mâle FRAYEURS,HALLUCINATIONS, etc.
dont la tête semblait double. Il avait quatre IME géant. Voy. Nains.
yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux IMMORTALITE. Ménandre disciple do
langues et seulement deux oreilles. L'inté- Simon le Magicien se vantait de donner un
rieur renfermait deùx cerveaux, deux cer- baptême qui rendaitv immortel. On fut bien
velets et trois cœurs les autres viscères vite détrompé.
étaient simples. Ce garçon vécut une heure Les Chinois sent persuadés qu'il y a quel-
et peut-être eût-il vécu plus longtemps, si que part une eau qui empêche de mourir
la sage-femme qui en avait peur ne l'eût et ils cherchent toujours ce breuvage d'im-
laisse tomber. mortalité, qui n'est pas trouvé encore.
Le phénomène des êtres bicéphales est Les Strulldbruggs, ou immortels de Gulli-
moins rare que celui des acéphales. On pré- ver, sont fort malheureux de leur immorla-
senta en 1779, à l'Académie des sciences de lité. La même pensée se retrouve dans cette
Paris un lézard à deux têtes, qui se servait légende des bords de la Baltique A Fal-
également bien de toutes les deux. Le Jour- ster, il y avait autrefois une femme fort ri-
nal de médecine du mois de février 1808 don- che qui n'avait point d'enfants. Elle voulut
ne des, détails curieux sur un enfant né avec faire un pieux usage de sa fortune et elle
deux têtes mais placées l'une au-dessus de bâtiluneéglise.L'édificeachevé, elle le trouva
l'autre de sorte que la première en portait si bien, qu'elle se crut en droit de demander
une seconde; cet enfant était né au -Bengale. à Dieu une récompense. Elle le pria donc de
A son entrée dans le monde il effraya telle- la laisser vivreaussi longtemps que son église
ment la' s âge- femmeque croyant tenir le subsisterait. Son vœufutexaucé. La mort pas-
diable dans les mains, elle le jeta au feu.'On sa devant sa porte sans entrer;làmort frappa
(1) CorneliiGemmsecosmocrilicx,lib. I, cap. 8. autour d'elle voisins parents, amis, et ne lui
Dictions, DES SCIENCESOCCULTES.I. 28
875 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 878,
montra pas seulement le bout de sa fans. Elle Chassanion, huguenot, en ses Grands juge-
vécut au milieu de toutes les guerres, de ments de Dieu: « Quant à ceux qui sont
toutes les pestes de tous les fléaux qui tra- adonnés à maugréer, et qui, comme des
versèrent le pays. Elle vécut si longtemps gueules d'enfer, tout propos dépitent Dieu
qu'elle ne trouva plus un ami avec qui elle par d'horribles exécrations, et sont si forcer
pût s'entretenir. Ellè parlait toujours d'une nés que de le renier pour se donner au dia-
époque si ancienne, que, personne ne la ble, ils méritent bien d'être abandonnés de
comprenait.-Elle avait bien demandé une vie Dieu et d'être livrés entre les mains de Sa-
perpétuelle mais elle avait oublié de de- tan pour aller avec lui en perdition; ce qui
mander aussi la jeunesse; le ciel ne lui don- est advenu visiblement à certains malheu-
na que juste ce qu'elle voulait avoir, et la reux de notre temps, qui ont été emportés
pauvre femme vieillit elle perdit ses forces, par le diable, auquel ils s'étaient donnés.
puis la vue, et l'ouïe et la parole. Alors elle « Il y a quelque temps qu'en Allemagne
se fit enfermer dans une caisse de chêne et un homme de mauvaise vie était si mal em-
porter dans l'église. Chaque année à Noël bouché, que jamais il ne parlait sans nom-
elle recouvre, pendant une heure, l'usage mer les diables. Si en cheminant il lui adve-
de ses sens; et chaque année, à cette heure- nait de faire quelque faux pas ou de se heur-
là, le prêtre s'approche d'elle pour prendre ter, aussitôt il avait les diables dans sa
ses ordres. La malheureuse se lève à demi gueule. De quoi, combien que plusieurs fois
dans son cercueil, et s'écrie: Mon église il eût été repris par ses voisins, et admonesté
subsistè-t-elle encore ? de se châtier d'un si méchant et détestable
Oui répond le prêtre. vice, toutefois ce fut en vain. Continuant
Hélas 1 dit-elle. Et elle s'affaisse en dans cette mauvaise et damnable coutume,
poussant un profond soupir, et le coffre de il advint un jour qu'en passant sur un pont
chêne se referme sur elle (1). il trébucha et, étant tombé du haut en bas,
IMPAIR. Une crédulité superstitieuse a at- proféra ces paroles Lève -toi par tous les
tribué, dans tous les temps bien des pré- cent diables.
rogatives au nombre impair (2). Le nombre « Soudain, voici celui qu'il avait tant de
pair passait chez les Romains pour mau- fois appelé qui le vint étrangler et l'em-
vais, parce que ce nombre pouvant êlre di- porta.
visé également est le symbole de la morta- « L'an mil cinq cent cinquante et un, près
lité et de la destruction c'est pourquoi Nu- Mégalopole, joignant Voilstadt, il advint en-
ma, corrigeant l'année de Romulus y ajou- core, durant les fêtes de la Pentecôte, ainsi
ta un jour, afin de rendre impair le nombre que le peuple s'amusait à boire, qu'une fem-
de ceux qu'elle contenait. C'est en nombre me, qui était de la campagne, nommait or-
impair que les livres magiques prescrivent dinairement le diable parmi ses jurements
leurs opérations les plus mystérieuses. 'L'al- lequel, à cette heure, en la présence d'un
chimiste d'Espagnet, dans sa Description du chacun, l'enleva par la porte de la maison,
Jardin des Sages, place à l'entrée une fontai- et l'emporta en l'air. Ceux qui étaient pré-
ne qui a sept sources. Il faut dit-il y faire sents sortirent incontinent tout étonnés,
boire le dragon par le nombre magique de pour voir où cette femme était ainsi trans-
trois fois sept et l'on doit y chercher trois portée laquelle ils virent, hors du village,
sortes de (leurs qu'il faut y trouver néces-- pendue quelque temps en l'air bien haut
sairement pour réussir au grand œuvre. Le dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à
crédit du nombre impair s'est établi jusque peu près morte au milieu d'un champ.
dans la médecine l'année climatérique est « Environ ce temps-là, il y eut un grand
dans la vie humaine une année impaire. jureur en une ville de Savoie, homme fort
IMPOSTURES. On lit dans Leloyer qu'un vicieux et qui donnait beaucoup de peine
valet, par le moyen d'une sarbacane, enga- aux gens de bien, qui, pour le devoir de leur
gea une veuve d'Angers à l'épouser, en le charge, s'employèrent à le reprendre et l'ad-
lui conseillant de la part de son mari défunt. monestèrent bien souvent, afin qu'il s'amen-
Plus d'un imposteur a employé ce strata- dât à quoi il ne voulut oncquns entendre.
gème. Or, advint que, la peste étant en la ville, il
Un roi d'Ecosse, voyant que ses troupes en fut frappé et se retira en un sien jardin,
ne voulaient point combattre contre les Pic- avec sa femme et quelques parents. Là, les
tes, suborna des gens habillés d'écailles bril- ministres de l'Eglise ne cessèrent de l'exhor-
lantes, ayant en main des bâtons de bois lui- ter à repentance, lui remontrant ses fautes
sant, qui les excitèrent à combattre, comme et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais
s'ils avaient été des anges, ce qui eut le suc- tant s'en fallut qu'il fût touché par tant de
cès qu'il souhaitait (3). bonnes et saintes remontrances, qu'au con-
Nous aurions un gros volume à faire, si traire il ne fit que s'endurcir davantage en
nous voulions citer ici toutes les impos- ses péchés. Avançant donc son malheur, un
tures de l'histoire. On y pourrait joindre jour, comme ce méchant reniait Dieu et se
maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. donnait au diable et l'appelait tant qu'il pou-
APPARITIONS,FANTOMES BOHÉMIENS JET- vait, voilà le diable qui le ravit soudaine-
ZER, etc. ment et l'emporta en l'air; sa femme et sa
IMPRECATIONS. Ce qui va suivre est de parente le virent passer par-dessus leurs
(t) Marmier Traditionde la Baltique. (SI Hectorde Boëce.
(2) 'NuméroDeusimparegaudel.
'• -a
377 INC
c INC 878
têtes. Etant ainsi transporté, son bonnet lui i5oracte marchaient sur des charbons ar-
tomba de dessus la tête, et fut trouvé auprès (ients; on cita Varron qui affirme que ces
du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint ] arêtres avaient le secret d'une composition
sur le lieu, et s'informa du fait, prenant at- <lui les rendait pour quelques instants inac-
testation de ces deux femmes de ce qu'elles cessibles à l'action du feu.
avaient vu. Le P. Regnault, qui a faitquelques recher-
« Voilà des événements terribles, épouvan- <ches pour découvrir les secrets.de ces procé-
tables, pour donner crainte et frayeur à tels <:16s, en a publié un dans ses Entretiens sur
ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, la physique expérimentale.
desquels le monde n'est que trop rempli au- Ceux qui font métier, dit-il de manier le
Refrénez donc, misérables que feu et d'en tenir à la bouche, emploient quel-
jourd'hui.
vous êtes, vos langues infernales départez- quefois un mélange égal d'esprit de soufre,
vous de toutes méchantes paroles et exé- de sel ammoniac, d'essence de romarin et de
crations, et vous accoutumez à louer et glo- suc d'oignon. L'oignon est, en effet, regardé,
rifier Dieu tant de bouche que de fait » (1). par les gens de la campagne, comme un pré-
Quand les femmes grecques entendent des servatif contre la brûlure.
comme il s'en fait dans les, Dans le temps où le P. Regnault s'occupait
imprécations,
chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de ces recherches,un chimiste anglais, nom-
de mouiller leurs seins avec leur salive, de mé Richardson remplissait toute l'Europe
peur qu'une partie de ces malédictions ne du bruit de ses expériences merveilleuses. Il
tombent sur elles (2). Voy. JUREMENTS. mâchait des charbons ardents sans se brûler;
INCENDIE. En 1807, un professeur de il faisait fondre du soufre, le plaçait tout
Brunswick annonça qu'il vendait de la poudre animé sur sa main et le reportait. sur sa-
aux incendies comme un apothicaire vend langue, où il achevait de se consumer; il
de la poudre aux vers il ne s'agissait, pour mettaitaussi sur sa langue des charbons em-
sauver un édifice, que de le saupoudrer de brasés, y faisait cuire un morceau de viande
quelques pincées de cette poudre deux onces ou une huître, et souffrait sans sourciller,
suffisaient par pied, carré et comme la livre qu'on excitât le feu avec un soufllet il tenait
ne coûtait que sept à huit sous et qu'un un fer rouge dans ses mains sans qu'il y
homme n'a que quatorze pieds de superficie, restât aucune trace de brûlure prenait ce
on pouvait, pour 17 sous ou six deniers fer dans ses dents, et le lançait au loin avec
une force étonnante; il avalait de la poix et
(vieux style), se rendre incombuslible. Quel-
ques gens crédules achetèrent la poudre du du verre fondus, du soufre «t de la cire mê-
docteur. Les gens raisonnables crurent qu'il lés ensemble et tout ardents, de sorte que la
voulait attraper le public et se moquèrent flamme sortait de sa bouche comme d'une-
de lui (3). fournaise. Jamais dans toutes ces épreu-
INCOMBUSTIBLES. Il* y avait jadis en Es- ves, il ne donnait le moindre signe de dou-
d'es hommes d'une trempe supérieure leur.
pagne Depuis le chimiste Richardson
qu on appelait Saludadores Santiguador plusieurs
res, Ensalmadores Ils avaient non-seule- hommes ont essayé comme lui, de manier le
ment la vertu de guérir toutes les maladies, feu impunément. En 1774, on vit à la forge
avec leur salive mais ils maniaient le feu de Laune un homme qui marchait sans se
ils pouvaient avaler de l'huile brûler, sur des barres de fer ardentes, tenait
impunément
bouillante, marcher surles charbons ardents, sursa maindes charbons, et les soufflait avec
se promener à l'aise au milieu des bûchers sa bouche; sa peau était épaisse et enduite
enflammés. Ils se disaient parents de sainte d'une sueur grasse, onctueuse, mais il n'em-
Catherine, et montraient sur leur chair l'em- ployait aucun spécifique. Tant d'exemples
preinte d'une roue signe manifeste de leur proitvent qu'il n'est pas nécessaire d'être
glorieuse origine. parent de sainte Catherine pour braver les
Il existe aujourd'hui en. France, en Alle- effets du feu. Mais il fallait que quelqu'un
magne et dans presque toute l'Europe des prit la peine de prouver, par des expérien-
hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui ces décisives, qu'on peut aisément opérer
évitent avec soin l'examen des sa- tous les prodiges dont l'Espagnol incombus-
pourtant
vants et des docteurs. Léonard Vair conte tible a grossi sa réputation ce- physicien
qu'un de ces hommes incombustibles ayant s'est trouvé à Naples.
été sérieusement enfermé dans un four très- M. Sementini, premier professeur de chi-
chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit mie à l'université de cette ville; a publié à ce
le four. Il y a quelques années qu'on vil. à sujet des recherches qui ne laissent rien à
Paris un Espagnol marcher pieds nus sur désirer. Ses premières tentatives ne furent
des barres de ter rougies au feu promener pas heureuses mais il ne se découragea
des lames ardentes, sur ses bras et sur sa point. 11 conçut que ses chairs ne pouvaient
langue, se laver les mains avec du plomb acquérir subitement les mêmes facultés que
fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans celles du fameux Lionetti,,qui était alors in-
un autre temps, l'Espagnol eût passé pour combustible qu'il était nécessaire de répé-
un homme qui avait des relations avec le ter longtemps les mêmes tentatives etque,
démon; alors, on se contenta de ciler Virgile, pour obtenir les résultats qu'il cherchait il
qui dit que les prêtres d!Apollon, au mont fallait beaucoup de constance. A force de
(1) Chassanlon,Jugementsde D'eu, p. 169. \S) M. Salgues,des Erreurs et des préjugés, t. III, p.
(îj Ma/î-Farlane,Souvenirsdu Levant. 313.
MO DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 880
soins, il réussit. Il se. fit sur le corps des mettaient de la poussière et del'huiledelampe,
frictions sulfureuses et les répéta si sou- prétendant que, si elles étaient coupables, ce
vent, qu'enfin il put y promener impuné- breuvage leur ferailsouffrir des douleurs in.
ment une lame de fer rouge. Il essaya de supportables espèce d'épreuve connue sous
produire le même effet avec une dissolution le nom de culice du soupçon.
d'alun, l'nne des substances les plus propres INFLUENCE DES ASTRES. Le Taureau
à repousser l'action du feu le succès fut en- dominesur le cou; les Gémeaux sur les épau-
core plus complet. les; l'Ecrevisse sur les bras et. sur les mains;
Mais quand M. Sementini avait lavé la le Lion sur la poitrine, le coeur et le dia-
partie incombustible, il perdait aussitôt tous phragme la Vierge sur l'estomac, les intes-
ses avantages, et devenait aussi périssable tins, les côtes et les muscles; la Balance sur
que le commun des mortels. Il fallut donc les reins; le Scorpion sur les parties secrètes;
tenter de nouvelles expériences. le Sagittaire sur le nez et les excréments; le
Le hasard servit à souhait M. Sementini. Capricorne sur les genoux; le Verseau sur
En cherchant jusqu'à quel point l'énergie du les cuisses; le Poisson sur les pieds.
spécifique qu'il avait employé pouvait se con- Voilà en peu de mots ce qui regarde les
server, il passa sur la partie frottée un mor- douze signes du Zodiaque touchant les diffé-
ceau de savon dur, et l'essuya avec un linge rentes parties du corps. Il est donc très-dan-
il yporta ensuite une lame de fer. Quel fut gereux d'offenser quelque membre, lorsque
son étonnement de voir que sa peau avait la lune est dans le signe qui le domine, parce
non- seulement conservé sa première insensi- que la lune en augmente l'humidité, comme
bilité, mais qu'elle en avait acquis une bien on le verra si on expose de la chair fraîche
plus grande encore 1 Quand on est heureux, pendant la nuit aux rayons de la lune il s'y
on devient entreprenant M. Sementini tenta engendrera des vers, et surtout dans la pleine
sur sa langue ce qu'il venait d'éprouver sur lune (3). Voy. ASTROLOGIE.
son bras, et sa langue répondit parfaitement INIS-FAIL, nom d'une pierre fameuse at-
à son attente; elle soutint l'épreuve sans tachée encore aujourd'hui sous le siège où
murmurer un fer étincelant n'y laissa pas l'on couronnait dans l'église de Westmins-
la moindre empreinte de brûlure. Voilà ter, les rois de la Grande-Bretagne. Celte
donc les prodiges de l'incombustihilité ré- pierre du destin, que dans la légende hé-
duits à des actes naturels et vulgaires (1). roïque de ces peuples les anciens Ecossais
Voy. Feo. avaient apportée d'Irlande, au quatrième siè-
INCREDULES. On a remarqué par de cle, devait les faire régner partout où elle
tristes expériences, que les incrédules, qui serait placée au milieu d'eux.
nient les faits de la religion, croient aux fa- INQUISITION. Ce fut vers l'an 1200 que le
bles superstitieuses, aux songes, aux cartes, pape Innocent III établit le tribunal de l'in-
aux présages, aux plus vains pronostics, quisition pour procéder contre les Albigeois,
comme pour montrer que l'esprit fort est hérétiques perfides, qui bouleversaient la so-
surtout un esprit faible. ciélé. Déjà, en 118't-, le concile de Vérone
INCUBES, démons qui séduisaient les fem- avait ordonné aux évêques de Lombardie, de
mes. Servius Tullius, qui fut roi des Ho- rechercher les hérétiques rebelles, et de li-
mains, était le fils d'une esclave et de Vul- vrer au magistrat civil' ceux qui seraient
cain, selon d'anciens auteurs; d'un salaman- opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce
dre, selon les cabalistos d'un démon incube, tribunal en 1229; Grégoire IX, en 1233, le
selon les démonographes. confia aux dominicains. Les écrivains quiout
INCUBO, génie gardien des trésors de la dit que saint Dominique fut le premier inqui-
terre. Le petit peuple de l'ancienne Rome siteur général, ont dit là chose qui n'est pas.
croyait que les trésors cachés dans les en- Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur;
trailles de la terre étaient gardés par des il était morl en 1221. Le premier inquisiteur
esprits nommés Incubones, qui avaient de général fut le pieux légat Pierre de Castel-
petits chapeaux dont il fallait d'abord se sai- nau que les AlbigeoU assassinèrent.
sir. Si on avait ce bonheur, on devenait leur Le pape Innocent IV étendit l'inquisition
maître, et on les contraignait à déclarer et à dans toute l'Italie à l'exception de Naples.
découvrir où étaient ces trésors. Ces esprits L'Espagne y fut soumise de 1480 à 1484,
sont nos gnomes et nos lutins. sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle; le
INFERNAUX.Ou nomma ainsi, dans le sei- Portugal l'établit en 1557. L'inquisition parut
zième siècle, les partisans de.Nicolas Gallus depuis dans les pays où ces puissances do-
et de Jacques Smiilelin, qui soutenaient que, minèrent mais elle ne s'est exercée' dans
pendant les trois jours de la sépulture de aucun royaume que du consentement et le
Noire-Seigneur, son âme, descendue.dans le plus souvent à la demande des souverains (4).
lieu où les damnés souffrent, y avait été Elle a été repoussée en France et 'en Bel-
tourmentée avec ces malheureux (2). gique.
INFIDELITE. Quand les hommes de cer- « Si l'on excepte un très-petit nombre
taines peuplades d'Egypte soupçonnaient d'hommes instruits dit Joseph de Maistre
leurs femmes d'infidélité, ils leur faisaient il ne vous arrivera guère de parler de l'in-
avaler de l'eau soufrée dans laquelle ils quisition sans rencontrer daus chaque tête
M.
(1) Satgues,des Erreurs et des préjugés,t. II,p. 186 (3) Admirables secrets d'Albert le Grand, p. 18.
et suiv. (i) Bergier, Dict. Ihéolog.
(2) Beraier. Dict. tticolog.
881 INQ INQ 88*
4- Ia mort.
mnrt. Mais
Ma
trois erreurs capitales plantées et comme noncer la peine de peu nous im-
rivées dans les esprits, au point qu'elles porte; il nous suffit de savoir ce qui est
cèd<nt à peine aux démonstrations les plus incontestable, qu'il ne put acquérir ce droit
évidentes. qu'en devenant royal et que tout jugement
'« On croit que l'inquisition est un tribu- 'de mort demeure, par sa nature, étranger au
nal purement ecclésiastique cela est faux. sacerdoce.
On croit que les ecclésiastiques qui siègent « La teneur des jugements établit ensuite
dans ce tribunal condamnent certains accusés que les confiscations étaient faites au profit
à la peine de mort cela est faux. On croit 'de la chambre royale et du fisc de Sa Ma-
qu'i's les condamnent pour de simples opi- jesté.
nions cela est faux. « Ainsi, encore un coup, ce trihunal était
« Le tribunal espagnol de l'inquisition purement royal, malgré la fiction ecclésias-
était purement royal. C'était le roi qui dési- tique et toutes les belles phrases sur l'avi-
gnait l'inquisiteur général, et celui-ci nom- dité sacerdotale tombent à terre (3). Ainsi
mail à son tour les inquisiteurs particuliers, l'inquisition religieuse n'était, dans le fond,
avec l'agrément du roi. Le règlement consti- comme dit Garnier, qu'une inquisition poli-
tutif de ce tribunal fut publié en l'année 1484. tique (4j. Le rapport des cortès de 1812 appuie
par le cardinal Torquémada, de concert avec ce jugement.
le roi (1). « Philippe II, le plus absurde des princes,
« Doux, tolérant, charitable consolateur dit ce rapport, fut le véritable fondateur de
dans tous les pays du monde par quelle l'inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui
magie le gouvernement ecclésiastique sévi- la porta à ce point de hauteur où elle était
rait-il en Espagne au milieu d'une nation montée. Les rois ont toujours repoussé les
éminemment noble et généreuse? Dans l'exa- avis qui leur étaient adressés contre ce tri-
men de toutes tes questions possibles, il bunat, parce qu'ils sont dans tous les cas
n'y a rien de si essentiel que d'éviter la con- maîtres absolus de nommer de suspendre
fusion des idées. Séparons donc et distin- ou de renvoyer les inquisiteurs et qu'ils
guons bien exactement, lorsque nous rai- n'ont d'ailleurs rien à craindre de l'in-
sonnons sur l'inquisition, la part du gouver- quisition, qui n'est terrible que pour leurs
nement de celle de l'Eglise. Tout ce que le sujets. »
tribunal montre de sévère et d'effrayant et Ainsi tombent ces contes bleus de rois
la peine de mort surtout appartient au d'Espagne qui s'apitoyaient sur des con-
gouvernement; c'est son affaire; c'est à lui, damnés sans pouvoir leur faire grâce, quand
et c'est à lui seul qu'il. faut en demander il est démontré que c'étaient ces rois eux-
compte. Toute la clémence, au contraire, mêmes qui condamnaient.
qui joue un si grand rôle dans le tribunal On a dit que depuis trois siècles l'histoire
de l'inquisition, est l'action de i'Eglise, qui était une vaste conspiration contre Ic catho-
ne se mêle de supplices que pour les suppri- licisme. On ferait un volume effrayant du
mer ou les adoucir. Ce caractère indélébile catalogue des mensonges qui ont été prodi-
n'a jamais varié. Aujourd'hui, ce n'est plus gués dans ce cens par les historiens. La
une erreur c'est un crime de soutenir plupart viennent de la réforme mais les
d'imaginer seulement que des prêtres puis- écrivains catholiques les copient tous les
sent prononcer des jugements de mort. jours sans réflexion. C'est la réforme qui la
« II y a dans l'histoire de France un grand première a écrit l'histoire de l'inquisition
fait qui n'est pas assez observé c'est celui on a trouvé commode' de transcrire son
des templiers ces infortunés, coupables ou odieux roman, qui épargnait des recher-
non (ce n'est point de quoi il s'agit ici), de- ches. Vous trouverez donc partout des faits
mandèrent expressément d'être jugés par le inventés qui se présentent avec une effron-
tribunal de l'inquisition car ils savaient terie incroyable. Nous en citerons deux ou
bien disent les historiens que s'ils obte- trois.
naient de tels juges ils ne pouvaient plus « Si l'on en croit quelques. historiens,
être condamnés à mort Philippe III, roi d'Espagne, obligé d'assister
« Le tribunal de l'inquisition était composé à un auto-da-fé (c'est le nom qu'on donne
d'un chef nommé grand inquisiteur, qui aux exécutions des inquisiteurs), frémit, et
était toujours archevêque ou évoque; de ne put retenir ses larmes en voyant une
huit conseillers ecclésiastiques dont six jeune Juive et une jeune Maure de quinze à
étaient toujours séculiers, et de deux régu- seize ans qu'on livrait aux flammés, et qui
liers, dont l'un était toujours dominicain, en n'étaient coupables que d'avoir été élevées
vertu d'un privilége accordé par le roi Phi- dans la religion de leurs pères et d'y croire.
lippe III » (2). Ces historiens ajoutent que l'inquisition fit un
Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc crime à ce prince d'une compassion si natn-
pas l'inquisition puisque l'un d'eux seule- relle que le grand inquisiteur osa lui dire
ment en faisait partie par privilége. que pour l'expier, il l'allait qu'il lui en coulât
« On ne voit pas bien précisément, dit en- du sang que Philippe III se laissa saigner,
core Joseph de Maistre à quelle époque le et que le sang qu'on lui tira fut brûlé par la
tribunal de l'inquisition commença à pro- main du bourreau
(t) Voyezlerapportofficitlen vertu duquell'inquisition sur l'inquisitionespagnole.
fut suppriméepar lescortèsde 1812. (5J ld., ibid.
(J2)Joseph de Maistre,Lettres à un gentilhommerusse (4) Hist.de FrançoisIer, t. If,cliap.3
3
&83 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 881
C'est Saint-Foix qui rapporte ce tissu d'ab- sit chez une femme, qu'il disait beaucoup
surdes faussetés, dans ses Essais sur Paris, plus habile que lui dans les opérations de la
sans songer qu'aucun historien n'est là pour sorcellerie. Cette femme me conseilla de me
appuyer ces faits qu'ils ont été imaginés rendre, trois nuits de suite, sur la colline des
quatre-vingts ans après la mort de Philippe Vistillas de saint François et d'appeler à
III que Philippe III était maître de faire grands cris Lucifer, sous le nom d'ange de
grâce et de condamner; que l'inquisition ne lumière,. en reniant Dieu et la religion chré-
brûlait pas les Juifs et les Maures, coupa- tienne, et en lui offrant mon âme.-Je fis tout
bles seulement d'avoir été élevés dans la re- ce que cette femme m'avait, conseillé, mais
ligion de leurs pères et d'y croire; qu'elle se je ne vis rien alors elle mé dit de quitter le-
contentait de les bannir pour raisons poli- rosaire-, le scapulaire et les autres signes de
tiques, etc. chrétien que j'avais coutume de porter sur
s Vous lirez ailleurs que le cardinal Tor- moi, et de renoncer franchement et de toute
quémada, qui remplit dix-huit ans les fonc- mon âme à la foi de Dieu pour embrasser
tions de grand inquisiteur, condamnait dix le parti de Lucifer, en déclarant que je re-
mille victimes par an, ce qui ferait cent qua- connaissais sa divinité et sa puissance pour
tre-vingt mille victimes. Mais vous verrez supérieures à celles de Dieu même et après
pourtant ensuite qu'il mourut ayant fait m'être assuré que j'étais véritablement dans
îlans sa vie six mille poursuites, ce qui n'est ces dispositions, de répéter, pendant trois
pas centquatrc-vingt mille; que le pape lui fit autres nuits, ce que j'avais fait la première
trois fois des représentations pour arrêter sa fois.
sévérité; vous trouverez dans les jugements J'exécutai ponctuellement ce que cette
assez peu de condamnations à mort. Les femme venait de me prescrire; cependant
auto-da-fé ne se faisaient que tous les deux l'ange de lumière ne m'apparut point. La
ans; les condamnés à mort attendaient lon- vieille me recommanda de prendre de mon
guement leur exécution, parce qu'on espé- sang, et de m'en servir pour écrire sur du
rait toujours leur conversion et vous re- papier que j'engageais mon âme à Lucifer,
gretterez de rencontrer si raremènt la vérité comme à son maître et à son souverain de
dans les livres. porter cet écrit au lieu où j'avais fait mes
Un gros ouvrage qui vient de paraître (le invocations, et, pendant que je le tiendrais. à
Dictionnaire universel de la Géographie et. la main, de répéter mes anciennes paroles: je
de l'Histoire) porte à cinq millions le nombre fis tout ce qui m'avait été recommandé, mais
des personnes que l'inquisition-a fait périr toujours sans résultat.
en Espagne. C'est, de plus de quatre mil- « Me rappelant alors tout ce qui venait de
lions et neuf cent mille, une erreur, pour se passer, je raisonnai ainsi Sil y avait des
ne pas dire plus. diables, et s'il était vrai qu'ils désirassent de
Rapportons maintenant quelque procé- s'emparer des âmes humaines, il serait im-
dure de l'inquisition. Le fait qui va suivre possible de leur eu offrir une plus liclie oc-
est tiré de l'histoire de l'inquisition d'Espa- casion que celle-ci, puisque j'ai véritable-
gne, faite à Paris sur les matériaux fournis ment désiré de leur donner la mienne, 11
par D. Llorente, matériaux qu'on n'a pas n'est donc pas vrai qu'il y ait des démons
toujours employés comme Llorenle l'eût le sorcier et la sorcière n'ontdonc fait aucun
voulu; car on a fait de son livre un pam- pacte avec le diable, et ils ne peuvent être
phlet. que des fourbes et des charlatans l'un et
« L'inquisition faisait naturellement la l'autre. »
guerre aux francs-maçons et aux sorciers. .Telles étaient en substance les raisons qui
A la Gn du dernier siècle, un artisan fut ar- avaient fait apostasier l'artisan Jean Pérez.
rêté au nom du saint-office pour avoir dit Il les exposa, en confessant sincèrement son
dans quelques entretiens qu'il n'y avait ni péché. On entreprit de lui prouver que tout
diables, ni aucune autre espèce d'esprits in-, ce qui s'était passé ne prouvait rien contre
fernaux capables de se rendre maîtres des l'existence des démons, mais faisait voir
âmes humaines. Il avoua, dans la première seulement que le diable avait manqué de se
audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta rendre à l'appel, Dieu le lui défendant quel-
qu'il en était alors persuadé pour les raisons quefois, pour récompenser le coupable de
qu'il exposa, et déclara qu'il était prêt à dé- quelques bonnes oeuvres qu'il a pu faire
tester de bonne foi son erreur, à en recevoir avant de tomber dans l'apostasie. Il se sou-
l'absolution, et à faire la pénitence qui lui mit, reçut l'absolution et fut condamné à
serait imposée. une année de prison, à se confesser et à
«J'avais vu(dit-il en se justifia nt)un si grand communier aux fêtes de Noël, de Pâques et
nombre de malheurs, dans ma personne, ma de la Pentecôte, pendant le reste de ses
famille, mes biens et mes affaires,que j'en per- jours, sous la conduite d'un prêtre qui lui
dis patience, et que, dans un moment de dé- serait donné pour directeur spirituel; à ré-
sespoir, j'appelai le diable à mon secours je citer une partie du rosaire et à faire tous Ics
lui offris en retour ma personne et mon âme. jours des actes de foi, d'espérance, de cha-
Je renouvelai plusieurs fois mon invoèation rité, de contrition, etc. Tel fut son châti-
dans l'espace de quelques jours, mais inutile- ment.
ment,carlediable ne vint point. Jem'adressai Voici maintenant l'histoire d'un autre
a un pauvre homme qui passait pour sorcier; épouvantable auto-da-fé, extraitedu Voyage
je lui fis part de ma situation. Il me condui- fait en Espagne pendant les années 1786 et
885 INV IlNV 886
1787, par Joseph Fownsend recteur de grenouille. Ou bien,i disent
sliennt ces infâmes pe-
Pewsey tils litres dé secrets stupides, volez un chat
« Un mendiant, nommé Ignazio Rodriguez, noir, achetez un pot neuf, un miroir, un
fut mis en jugement au tribunal de l'inquisi- briquet, une pierre d'agate, du charbon et
tion pour avoir distribué des philtres amou- del'amadou, observant d'aller prendre de
reux, dont les ingrédients étaient tels que l'eau au coupde minuit àùne fontaine; après
l'honnêteté ne permet pas de les désigner. En quoi allumez votre feu, mettez le chat dans
administrant le ridicule remède (il paraît le pot, et tenez-le couvert de la main gau-
que le prédicant anglais n'est pas sévère), che sans jamais bouger ni regarder derrière
il prononçait quelques paroles de nécroman- vous, quelque bruit que vous entendiez; et
cie II fut bien constaté que la poudre avait après l'avoir fait bouillir vingt-quatre heu-
été administrée à des personnes de tout res, toujours sans bouger, sans regarder
rang. Rodriguez fut condamné à être con- derrière vous, sans boire ni manger, mettez-
duit dans les'rues de Madrid, monté sur un le dans un plat neuf, prenez la viande et là
âne, et à être fouetté. On lui imposa de plus jetez par-dessus j'épaule gauche, en disant
quelques pratiques de religion et l'exil de la ces paroles Accipe quod tibi do et nihil am-
capitale pour cinq ans. La lecture de la sen- plius; puis mettez les os l'un après l'autre'
tence fut souvent interrompue par'de grands sous les dents, du côté gauche, en vous re-
éclats de rire, auxquels se joignait le men- gardant dans le miroir: et si l'os que vous
diant lui-même. Le coupable fut, en effet, tenez n'est pas le bon, jetez-le successive-
promené par les rues, mais non fouetté; et ment, en disant les mêmes paroles jusqu'à
pendant la route, on lui offrait du 'vin et des ce que vous l'ayez trouvé; sitôt que vous ne
biscuits pour se rafraîchir. » vous verrez plus dans le miroir, retirez-
Nous pourrions rassembler beaucoup de vous à reculons. La possession de cet os vous
Iraits pareils, qui peindraient l'inquisition rendra invisible toutes les fois que vous le
tout autrement que ne la montrent des livres prendrez entre les dents.
infiniment trop menteurs. Vôy. TRIBUNAL On peut encore, pour se rendre invisible,
SECRET. faire celte opération que l'on commence un
INSENSIBILITE. On prétendait que le mercredi, avant le soleil levé. On se munit
diable rendait les sorciers insensibles à la de sept fèves noires; puis on prend une tête
question ou torture. Mais ce fait né s'est ja- de mort on met une fève dans la bouche,
mais vu, ou du moins avec certitude. deux dans les narines, deux dans les yeux
INTERDIT, censure de l'Eglise qui sus- et deux dans les oreilles on fait ensuite sur
pend les ecclésiastiques de leurs fonctions, cette tête la figure d'un triangle, puis on
et qui prive le peuple de l'usage des sacre- l'enterre la face vers le ciel.; on l'arrose
ments, du service divin et de la sépulture en pendant neuf jours avec d'excellente eau-de-
terre sainte. L'objet de l'interdit n'était, dans vie, de bon matin avant le soleil levé. Au
son origine, que de punir ceux qui avaient huitième jour, vous y trouverez un esprit ou
causé quelque scandale public, et de les ra- démon qui vous demandera: -,Que fais-
mener au devoir en les obligeant à deman- tu là ?
der la levée de l'interdit. Vous lui répondrez J'arrose ma plante.
Ordinairement l'interdit arrêtait les dérè- Il vous dira:- Donne-moi cette bouteille,
glements des monastères, empêchait les hé- je l'arroserai moi-même.
résies de s'étendre, mettait un frein aux ex- Vous lui répondrez que vous ne le vou-
cès des seigneurs tyranniques, des criminels lez pas. Il vous la demandera encore vous
puissants, des perturbateurs de la paix pu. la lui refuserez jusqu'à ce qu'il tende la
blique. Ainsi, après le massacre des vêpres main, où vous verrez une figure semblable à
siciliennes, le pape Martin IV mit en ihter- celle que vous avez faite sur la tête vous
dit la Sicile et les Etats de Pierre d'Aragon. devez être assuré dès lorsque c'est l'esprit
Grégoire VII, qui fit grand usage de l'inter- véritable de la tête.
dit, sauva plus d'une fois par cette mesure la N'ayant plus de surprise à craindre, vous
cause de l'humanité, qui sans lui périssait lui donnerez votre fiole il arrosera lui-
de toutes parts. même, et vous vous en irez.
L'interdit doit être prononcé dans les mê- Le lendemain qui est le neuvième jour,
mes formesque l'excommunication, parécrit, vous y retournerez vous y trouverez vos
nommément, avec l'expression de la cause et fèves mûres, vous les prendrez, vous en met-
après trois monitions. La peine de ceux qui trez une dans votre bouche, puis vous regar.
violent l'interdit est de tomber dans l'excom- derez dans un miroir si vous ne vous y
munication. voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de
INVISIBILITE. Pour être invisible, il ne même de toutes les autres celles qui ne
faut que mettre devant soi le contraire de la vaudront rien doivent être enterrées au lieu
lumière; un mur, par exemple (1). où est la tête. Pour cette expérience, ayeii
Mais le Petit Albert et les Clavicules de toutes les choses bien préparées avec dili-
Salomon nous découvrent des secrets plus gence et avec toutes les solennités requises.
rares et plus importants pour l'invisibilité. Il y a encore de malheureux niais qui
On se rend invisible, par exemple, en portant croient à ces procédés. Voy. ANNEAU.
sous son bras droit le cœur d'une chauve- INVOCATIONS. Agrippa dit que, pour in-
souris, celui d'une poulenoire ou celui d'une voquer le diable et l'obliger à paraître, on
Cl)Le comtede Gabjlis.
887 DICTIONNAIREDES SCI3NCES OCCULTES. 888
se sert des paroles magiques Dies mies, saint roi, qui ne peut s'en dégager une voix
jesquet benedo efet douvema enitemaiisl Mais terrible se fait entendre Prince, si tu
Pierre Leloyer dit que ceux qui ont des rous- veux te sauver, renvoie le diable qui te suit
seurs au visage ne peuvent faire venir les en croupe.
démons, quoiqu'ils les invoquent. Voy. Evo- La belle Dahut perdit la vie, elle se noya
CATIONSet CONJURATIONS. près du lieu qu'on nomme Poul-Dahut. La
10. Cette femme que Junon changea en tempête cessa, l'air devint calme, le ciel se-
genisse est traitée de sorcière dans les démo- rein mais depuis ce moment le vaste bassin
nographes. Delancre assure (1) que c'était sur lequel s'étendait une partie de la ville
une magicienne qui se faisait voir tantôt sous d'Is fut couvert d'eau. C'est maintenant la
les traits d'une femme, tantôt sous ceux d'une baie de Douarnenez (3).
vache avec ses cornes. o. ISAACARUM, l'undes
adjoinlsdeLeviathan
IPÈS ou AYPEROS, prince et comte de da»s la possession de Loudun.
l'enfer; il apparaît sous la forme d'un ange, ISLANDAIS. Les Islandais sont si experts
quelquefois sous celle d'un lion, avec la tête dans l'art magique, dit un voyageur du der-
et les pattes d'une oie et une queue de liè- nier siècle, qu'ils font voir aux étrangers ce
vre, ce qui est un peu court; il connaît le qui se passe dans leurs maisons, même leurs
passé et l'avenir, donne du génie et de l'au- pères mères, parents et amis vivants ou
dace aux hommes, et commande trente-six morts (4).
légions (2). ISLE EN JOURDAIN (Mainfroy DE L'), ha-
IRLANDE. Parmi beaucoup d'opinions bile devin qui découvrit par l'astrologie l'hor-
poétiques ou bizarres les Irlandais croient rible conduite de' deux chevaliers, Philippe
qu'une personne qui doit mourir naturelle- et Gaulhierd'Aunoy, lesquels étaient amants,
ment ou par accident, se montre la nuit à l'un de Marguerite de Navarre femme de
quelqu'un, ou plutôt son image dans un Louis le Hutin, et l'autre de Blanche, femme
drap mortuaire. Cette apparition a lieu dans de Charles le Bel; on prouva encore qu'ils
les trois jours qui précèdent la mort an- envoûtaient les maris de ces deux dames.
noncée. C'étaient les deux frères de Philippe de Va-
IS, Ville bretonne,, gouvernée par le roi lois. Le roi Philippe en fil justice les deux
Gralon toute espèce de luxe et de débau- chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et
che régnait dans cette opulente cité. Les les deux dames périrent en prison (5).
plus saints personnages y prêchaient en vain ISPARETTA, idole principale des habitants
les mœurs et la réforme. La princesse Dahut, de la côte du Malabar. Antérieurement à
fille du roi, oubliant la pudeur et la modéra- toute qréation, Isparetta se changea en un
tion naturelle à son sexe, y donnait l'exem- œuf d'où sortirent le ciel et la terre et tout ce
ple de tout genre de dépravation. L'heure de qu'ils contiennent. On le représente avec
la vengeance approchait le calme qui pré- trois yeux et huit mains, une sonnette pendue
cède les plus horribles tempêtes, les chants, au cou, une demi-lune et des serpents sur le
la musique le vin, toute espèce de spectacle front.
et de débauche enivraient, endormaient les ISRAFIL, ou ASRAFIL. Voy. Asrafil.
habitants endurcis de la grande ville. Le roi ITHYPHALLE, nom d'une espèce d'amu-
Gralon seul n'était pas insensible à la voix lettes que l'on pendait au cou des enfants et
du ciel un jour le prophète Guénolé pro- des vestales; on lui attribuait de grandes
nonça d'une voix sombre ces mots devant vertus. Pline dit que c'était un préservatif
le roi Gralon pour les empereurs mêmes, qu'il protégeait
Prince, le désordre est au comble, le contre les effets de l'envie.
bras de l'Eternel se lève, la mer se gonfle, la IWAN-BASILOWITZ. Voy. JEAN.
cité d'Is va disparaître partons. 1WANG1S, sorciers des îles Moluques, qui
Gralon monte aussitôt à cheval et s'éloigne font aussi le métier d'empoisonneurs. On
à toute bride; sa fille Dahut le suit en crou- prétend qu'ils déterrentles corps mortset s'en
pe. La main de l'Eternel s'abaisse; les nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à
plus hautes tours de la ville sont englouties, monter la garde auprès des sépultures, jus-
les flots pressent en grondant le coursier du qu'à ce que les cadavres soient pourris.

J
JABAMIAH, mot puissant de la cabale élé- sphère du feu, nous ne saurions oublier le
mentaire, lequel, prononcé par un sage ca- follet appelé vulgairement en Angleterre
baliste, restitue les membres tronqués. Jackwith the Icintern, Jack à la lanterne, que
JACOB. Voy. Eternument. Milton nomme aussi le moine des marais (6).
JACOBINS DE BERNE. Voy. JETZER Selon la chronique de l'abbaye de Corweg,
JACK. Parmi les démons inférieurs de la ce moine en séduisit un autre, frère Sébas-
1) Tableau de l'inconstance des démons, p. 48. (5) Manuscritde la Bibliothèque, cité par Jolydans ses
(2) Wierus, in Pseùdomonàrchiadaem. Remarquessur Bayie.
M. Cambry,Voyage dans le Finistère tom. II, pae. (6) Un romancieraméricaina tait un volumesur Jack à.
(3) la lanterne.
Û) Nonv. voyage vers le septent., 1708. chap. 66
,889 JAD JAM 890
,r d" .A,.6" 1..
tien, qui, revenant de prêcher la !'Ar~ .1~
fête de ~t
saint o.e
Paris,
:ril n .1. fton.J..ft.1'O
y a quelques années
a .0
mais cette""m.:

Jean, se laissa conduire à travers champs pierre prodigieuse a perdu sa réputation, el


par la fatale lanterne jusqu'au bord d'un pré- ses grandes vertus sont mises au rang des
cipice où il périt. C'était en l'année 1034; fables,
nous ne saurions vérifier le fait. JAK1SES, esprits malins répandus dans l'air
Les paysans allemands regardent ce diable chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour
de feu comme très-irritable pourtant ils ont obtenir leurs bonnes grâces.
quelquefois la malice de lui chanter un cou- JAMAMBUXES, ou JAMMABOS, espèce de
plet qui le met en fureur. 11 n'y a pas fanatique, japonais, du genre des fakirs, qui
trente ans qu'une fille du village de Lorsch errent dans les campagnes et prétendent con-
eut l'imprudence de chanter ce refrain, au verser familièrement avec le diable. Quand
moment où le follet dansait sur une prairie ils vont aux enterrements ils enlèvent,
marécageuse aussitôt il poursuivit la chan- dit-on, le corps sans qu'on s'en aperçoive,
teuse celle-ci se mit à courir de toute la vi- et ressuscitent les morts. Après s'être meur-
tesse de ses jambes; elle se croyait déjà s.m- tris de coups de bâton pendant trois mois, ils
vée en apercevant sa maison, mais à peine entrent en nombre dans une barque, s'avan-
franchissait-elle le seuil que Jack à la lan- cent en pleine mer, font un trou à la barque
terne le franchit aussi, et frappa si violem- et se noient en l'honneur de leurs dieux.
ment de ses ailes tous ceux qui étaient pré- Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce
sents qu'ils en furent éblouis. Quant à la qu'on assure entre les mains du diable
pauvre fille, elle en perdit la vue; elle ne même, qui se montre à eux sous une forme
chanta plus que sur le banc de sa porte, lors- terrible. Ils découvrent les objets perdus ou
qu'on lui assurait que le ciel était pur. Telle dérobés pour cela, ils font asseoir un petit
est du moins la légende. garçon à terre, les deux pieds croisés; en-
11 ne faut pas être un très-fort chimiste suite ils conjurent le diable d'entrer dans le
pour deviner la nature de ce démon électri- corps du jeune homme, qui écume, tourne
que mais on peut le classer avec les démons les yeux, et fait des contorsions effrayantes.
du feu qui dénoncent les trésors cachés par Le jamambuxe, après l'avoir laissé se débat-
les llammes livides qu'ils font exhaler de la tre, lui recommande de s'arrêter et de dire
terre, et avec ceux qui parcourent les cime- où est ce qu'on cherche le homme
tières par un temps d'orage. Maintes fois, obéit il prononce d'une voix enrouée le nom
autour des sources sulfureuses où tes petites du voleur, le lieu où il a mis l'objet volé, le
maîtresses vont chaque année réconforter temps où il l'a pris, et la manière dont ou
leurs poitrines délicates, le montagnard des peut le faire rendre. Voy. Goo.
Pyrénées voit voltigerdesgobelins de la même JAMBLIQUE, philosophe platonicien du
famille ils agitent leurs aigrettes bleuâtres quatrième siècle, né en Syrie sous lé règne
pendant la nuit, et font mêmeentendre de lé- de Constantin le Grand. 11fut disciple d'Ana-
gères détonations. tole et de Porphyre. Il admettait l'existence
Le plus terrible de ces démons est celui d'une classe de démons ou esprits d'un ordre
qui fond son essence vivante dans les li- inférieur, médiateurs entre Dieu et les hom-
queurs fermentées, qui s'introduit sous cette mes. Il s'occupait des divinations, et on a
forme liquide dans les veines d'un buveur, vu, à l'article Alectryomancie, que c'est lui
et y allume à la longue un incendie qui le qui prédit par cette divination l'avènement
dévore, en fournissant aux médecins un au trône de Théodose. On ignore.où, quand
exemple de plus de ce qu'ils appellent scien- et comment il mourut; mais Bodin assure
tifiquement une combustion spontanée (1). qu'il s'empoisonna lui-même pour éviter
JACQUES I". Le roi d'Angleterre Jacques le supplice que Valens réservait aux magi-
premier que Henri IV appelait si plaisam- ciens.
ment maltre Jacques ne se .contentait pas On conte qu'étant un jour dans la ville
de faire brûler les sorciers il a produit en- de Gadare en Syrie, pour taire voir sa science
core, sous !e titre de Démonologie, un gros magique, il fil son ir en présence du peuple
volume pour prouver que les sorciers entre- deux génies ou démons d'une fontaine; il
tiennent un commerce exécrable avec le dia- les nommait Amour et Contre- Amour (2);9
bie. On trouve dans ce livre toutes les idées l'Amour avait les cheveux dorés, tressés et
de son temps, dont quelques-unes sont assez flottants sur les épaules; ils paraissaient
étroites. éclatants comme les rayons du soleil; l'au-
JADE. Pierre à laquelle les Indiens attri- tre était moins brillant ce qui attira l'ad-
buaient, entre autres propriétés merveilleu- miration de toute la populace.
ses, celles de soulager les douleurs de reins, Leloyer dit (3) encore que c'est Jamblique
quand on l'y appliquait, et de faire écouler le et Maximus qui ont perdu,Julien l'Apostat.
i.able de la vessie. Ils la regardaient aussi On recherche de Jamblique le traité des
tomme un remède souverain contre l'épi- Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et des
lepsie, et s'étaient persuadé que portée en Assyriens (4). Il s'y montre crédule pour
amulette, clle était un préservatif contre les toutes les rêveries des astrologues.
morsures des bêtes venimeuses. Ces prélen- JAMBRÈS et JAMNÈS sorciers égyptiens
dues propriétés lui avaient donné la vogue à les plus anciens que les saints livres nous
(1) Traditionspopulaires.QuarlerhjReview. p. 312.
f2) Eroset Antéros. '(4) Jamblidnr-,De mysteriis/Egyiilioruin.Clwldreoruin,
(3) Hist.des spectreson apparitionsdesesprits, ,iv. iv, Assyriorum,avec d'autres opuscules,In-16, 1007.
'991 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 893
A La plupart de ces idées superstitieuses sub-
fassent connaître par leur nom après Cham.
Ils faisaient apparaître des grenouilles, des sistent encore.
serpents; ils changaient l'eau du Nil en sang, JEAN (EVANGILEDE saint). Voy. Biblio-
et tâchaient d'anéantir par leurs prestiges la MANCIE.
vérité des miracles que Dieu 'faisait par l'or- JEAN, magicien sectateur d'Apollonius
gane de Moïse (1). de Tyanc. Il courait de ville en fille, faisant
le métier de charlatan, et portait une chaîne
JAMMA-LOCON, enfer indien d'où, après fer au cou. Après avoir séjourné quelque
un certain de et de souffran- de
temps peines à Lyon, il acquit une si grande célé-
ces, les âmes reviennent en ce monde pour temps
animer le où elles brité par ses cures merveilleuses, que le sou-
y premier corps peuvent
verain du, pays l'admit en sa présence. Jean
entrer.
donna à ce prince une superbe épée enchan-
JARRETIÈRE. Secret de la jarretière pour tée elle s'entourait merveilleusement, dans
les voyageurs. Vous cueillerez de l'herbe que le combat, de cent quatre-vingts couteaux
l'on appelle armoise, dans le temps que le tirés. 11 lui donna aussi un bouclier portant
soleil fait son entrée au premier signe du Ca- un miroir, qu'il disait avoir la vertu de di-
pricorne vous la laisserez un peu sécher à
vulguer les plus grands secrets. Ces armes
l'ombre, et en ferez des jarretières avec la
disparurent un jour ou furent volées; sur
peau d'un jeune lièvre, c'est-à-dire qu'ayant quoi Delancre conclut (b) que si les rois de
coupé la peau du lièvre en courroie de la lar- France dressaient, comme les ducs d'Italie,
geur de deux pouces, vous en ferez un re- des arsenaux de vieilleries (ce qu'ils font à
doublé dans lequel vous coudrez ladite herbe, présent) on y trouverait de ces armes en-
et les porterez aux jambes. Il n'y a point de chantées et fabriquées par quelque magicien
cheval qui puissesuivre longtemps un homme ou sorcier.
de pied qui est muni de ces jarretières. de Con-
JEAN, patriarche schismatique
Ou bien vous prendrez un morceau de cuir Zonaras conte que l'empereur
stantinople.
de la peau d'un jeune loup, dont vous ferez
deux jarretières, sur lesquelles vous écrirez grec Théophile, se voyant obligé de mettre à
la raison une province révoltée sous la con-
avec votre sang les paroles suivantes Abu- duite de trois capitaines., consulta le patriar-
tnalith cados; vous serez étonné de la vitesse che Jean, habile enchanteur. Celui-ci fil faire
avec laquelle vous cheminerez, étant muni trois gros marteaux d'airain, les mit entre
de ces jarretières à vos jambes. De peur que les mains1 de trois hommes robustes, et con-
les caractères écrits ne s'effacent, il sera bon duisit ces hommes au milieu du de-
de doubler la jarretière d'un padoue de fil vant une statue de bronze à troiscirque, têtes, Ils
blanc du côté de l'écriture. abattirent deux de ces têtes avec leurs mar-
« 11 y a encore une manière de faire la
teaux, et firent pencher le cou à la troisième
jarretière, que j'ai lue dans un vieux ma- sans l'abattre..Peu après, une bataille se
nuscrit en lettres gothiques. En voici la re- donna entre Théophile et les rebelles deux
cette. Vous aurez les cheveux d'un larron des capitaines furent tués, le troisième fut
pendu, desquels vous ferez des tresses dont blessé et mis hors de combat, et tout rentra
vous formerez des jarretières que vous cou- dans l'ordre.
drez entre deux toiles de telle couleur qu'il JEAN XXII, pape, mort en 1334, après un
vous plaira; vous les attacherez aux jambes de dix-huit ans. On lui attribue
de derrière d'un jeune poulain; pontificat
puis vous les Taxes de la chambre apostolique, tradui-
laisserez échapper le poulain, le ferez courir tes en francais sous le titre de Taxes des
à perte d'haleine, et vous vous servirez avec casuelles de la boutique dit pape. Ce
parties
plaisir de ces jarretières » (2). texte, presque partout, est une supposition
On prétendait autrefois que les magiciens d'un protestant faussaire. On donne encore
pouvaient donner une jarretière enchantée, à Jean XXII l'Elixir des philosophes ou Art
avec laquelle on faisait beaucoup de chemin transmutatoire des métaux, livre qu'il n'a
en peu de temps. C'est là peut-être l'origine
des bottes de sept lieues. pas fait. Ce livre a été traduit du latin en
français in-12, Lyon, 1557.
JAUNISSE. Les rois de Hongrie croyaient On dit enfin que Jean XXII ou Jean XXI
avoir le privilége de guérir la jaunisse par s'occupait d'astrologie et s'amusait à suppu-
l'attouchement (3). ter les changements de temps. On a fait là-
JAYET d'ISLANDE. Les anciens Islandais dessus de petits contes assez dépourvus de
attribuaient des vertus surnaturelles à ce sel
jayet, qu'ils regardaient comme un ambre JEAN ou 1WAN BAS1LOWITZ, grand-duc
noir. Sa principale qualité était de préserver deMoscovie, au quatorzième siècle, tyran
de tout sortilège celui qui en portait sur soi. cruel. A l'article de la mort, il tomba, dit-on,
En second lieu, ils le croyaient un antidote dans des pamoisons terribles, et son âme
contre le poison. Sa troisième propriété était fit de pénibles voyages. Dans le premier, il
de chasser les esprits et les fantômes, lors- fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir
qu'on en brûlait dans une maison la qua- tenu au cachot des .prisonniers innocents
trième, de préserver de maladies épidémiques dans la seconde excursion, il fut encore plus
les appartements qui en étaient parfumés. tourmenté pour avoir accablé le peuple
(1)Léloyer,Hist. des spectres ou apparit. des esprits, aSalgues, Deserreurs et despréjugés, 1.1, p. 272.
Uv u, p. 129. (4) Tabl~:l.ude l'inconstancedes démons,etc., liv v,
(2) SecretsauPetit Albert,p. 90. p. 345.
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soin de l'en décharger en partie. lwan mou- seize ans, le cœur de Jeanne s'exalta. Vers
rut à son troisième voyage; son corps jeta l'heure de midi, elle vit un jour (était-ce eh
une puanteur si infecte qu'on ne pouvait imagination ou en réalité?) dans le jardin de
l'approcher; ce qui fit penser que son âme son père, l'archange Michel, l'ange Gabriel,
av.iil été emportée par le diable; d'autant sainte Catherine et sainte Marguerite re-
plus que son cadavre avait disparu, quand splendissants de lumière. Ces saints, depuis,
vint le jour fixé pour l'enterrement (1). la guidèrent dans ses actions. Les voix (car
JEAN- BAPTISTE. 11 y a des paysans qui elle s'exprimait ainsi) lui ordonnèrent d'aller
croient, on ne sait sur quelle autorité, que en aide au roi de France, et de faire lever
saint Jean-Baplisteestnédans un chameau. le siège d'Orléans. Malgré les avis contrai-
JEAN d'ARRAS, écrivain français du qua- res, elle obéit aux voix et se rendit d'abord
torzième siècle, qui compila le roman de à Vaucouleurs. Jean de Metz, frappé de ce
Mélusine. Voy. ce mot. qu'elle lui dit se chargea de la présenter
JEAN d'ESTAMPES. D'anciennes chroni- au roi.
ques rapportent que Jean d'Estampes, l'un Ils arrivèrent tous deux, le 24 février 1429,
des gardes de Charlcmagne, mourut en 1139, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour.
après avoir vécu 336 ans; mais d'autres di- Jeanne s'agenouilla devant lui.
sent qu'il ne, vécut que 250 ans malheureu- Je ne suis pas le roi, lui dit-il pour
sement son secret de longévité n'est connu l'éprouver; le voici, ajouta-t-il en lui mon-
de personne (2). trant un des seigneurs de sa suite.
JEAN DE MEDNGt astrologuequi composa Gentil prince, répliqua la jeune vierge,
le roman de la Rose, où il montre bien son c'est vous et non un autre. Je suis envoyée,
savoir, quoiqu'il ne fût âgé que de dix-neuf de la part de Dieu, pour prêter secours à
ans lorsqu'il le fit. Il est aussi l'auteur d'un vous et à votre royaume,; et vous mande le
livre intitulé Traité sur la direction des na- Roi des cieux par moi que vous serez sauvé,
tivités et révolutions des ans; il traduisit le et couronné en la ville de Reims, et serez
livre des Merveilles d'Irlande. lieutenant du Roi des cieux, qui est le vrai
On prétend que c'est lui qui a prédit les roi de France.
hauts faits d'armes du connétable de France Charles surpris tira Jeanne à l'écart; et,
Bertrand du Guesclin (3). après un court entretien, il déclara qu'elle
JEAN DE MILAN, astrologue du quinzième lui avait dit des choses si secrètes, que nul
siècle, qui prédit à Velàsquez, gouverneur ne pouvait les savoir que Dieu et lui ce qui
d'Hispaniola ou Saint-Domingue, l'heureuse attira sur-le-champ à la mystérieuse jeune
issue de la guerre du Pérou, entreprise par fille la confiance de la cour. Cependant un
Fernand Cortcz. doute restait à éclaircir, c'était de savoir si
JEAN DE SICILE, habile astrologue et elle était pure ce qui fut reconnu; si elle
théologien qui prédit le couronnement de était inspirée du ciel ou de l'enfer ce qui
l'empereur Sigismond. C'est encore lui qui sembla devoir être interprété en faveur du
annonça à Boucicault ce qui lui devait ad- ciel.
venir, et qui l'avertit de la trahison que fi- Après plusieurs consultations on lui
rent aux Français le marquis de Monlferrat donna des chevaux et des hommes; on l'arma
et le comte Francisque, trahison qu'il évita d'une épée que, sur sa révélation, on trouva
en fuyant (4).- enterrée dans l'Eglise de Sainte-Catherine
JEANNE d'ARC, dite la Pucelle d'Orléans, de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les
née en Champagne, à Domrémi près de Vau- murs d'Orléans, et combattit dès le premier
couleurs sur la lisière de la Lorraine, en jour avec un courage qui éclipsa celui des
1410. Jamais la France ne fut accablée de plus grands capitaines. Elle chassa les An-
calamités aussi grandes que durant le demi- glais d'Orléans, fit ensuite, selon l'ordre
siècle qui précéda l'année mémorable où l'on qu'elle avait reçu, sacrer son roi à Reims,
vit !c courage abattu de ses guerriers près lui rendit Troyes, Châlons, Auxerre, et la
de subir complètement le joug de l'étran- plus grande partie de son royaume. Après
gcr, se ranimer à la voix d'une jeune fille quoi, elle voulut se retirer, disant formelle-
de dix-huit ans. ment que sa mission était accomplie.
Charles VU était sur le point de céder Chi- Mais elle avait donné trop de preuves desa
non, sa dernière place, à l'ennemi, lorsque vaillance, et l'armée avait trop de confiance
Jeanne d'Arc parut vers la fin de février 1429. en elle, pour qu'on voulût sitôt lui accorder
Ce n'était qu'une simple paysanne. Son père sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs
se nommait lacques d'Arc sa mère, Isabelle elle les prévit, lés annonça en pleurant; et
Romée. Dès sa plus tendre enfance elle avait bientôt, s'étant jetée dans Compiègnc pour
montré une timidité sans exemple et fuyait défendre cette place contre le duc de Bourgo-
le plaisir pour se livrer tout entière à Dieu; gne, elle fut prise par un gentilhomme pi-
mais en même temps elle s'exerçait, dit-on, card qui la vendit à Jean de Luxembourg,
à manier les chevaux, et l'on remarquait lequel la revendit aux Anglais.
déjà en elle l'ardeur martiale qui devait si- Pour se venger de ce qu'elle les avait trop

Ci)Leloyer, Hist. des spectres et des apparitions des Remarques sur Bayle.
esprits, liv. iv, p. 301. (4) Manuscrit de la Bibliothèque du roi; extrait du livre
(2) Legall, Calend. véritab., p. 140. de Joly.
(3) Manuscrit de la Bibliothùftie du roi, cité dans les
895 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 896
«nnvAnt
souvent val
vaincus, ceux-ci l'accusèrent d'avoir ne plus porter les armes à l'avenir. 11fallait
ses triom- mourir ou signer cet écrit. Elle signa. Mais
employé les sortiléges et la magie cor- on avait substitué une cédule, par laqurlle
phes. On la traduisit devant un tribunal
rompu, qui la déclara fanatique et sorcière. elle se reconnaissait dissolue, hérélii|ue, sé-
Ce procès serait ridicule s'il n'était atroce. ditieuse, invocatrice des démons et sorcière.
Ce qu'il y a de plus horrible, c'est que l'in- Cette supercherie servit de hase au jugement.
Elle fut condamnée à passer le reste de ses
grat monarque qui lui devait sa couronne
l'abandonna;. il crut n'avoir plus besoin jours dans une prison perpétuelle, au pain
d'elle. de douleur et à l'eau d'angoisse.
Le procès se poursuivit avec activité; à la Les juges, après l'arrêt, furent poursuivis
treizième séance, on voulut lui faire com- à coups de pierres par le peuple qui aimait
l'é- Jeanne; en même temps, les Anglais vou-
prendre la différence qui existait entre laient les exterminer, les accusant de n'avoir
glise triomphante et l'église militante. On lui
demanda ce qu'elle en pensait. Je me sou- reçu l'argent du roi d'Angleterre que pour le
mets au jugement du Saint-Siège, répondit- tromper.
elle. -Ne vous embarrassez pas, dit l'un d'eux;
On lui demanaa si, dès son enfance, les nous la rattraperons bien.
saints qui lui apparaissaient parlaient an- Jeanne avait promis de ne plus porter
glais ou français? s'ils avaient des boucles d'habits d'homme; elle avait repris ceux de
d'oreilles? des bagues? etc. Vous m'en son sexe. La nuit, les gardes de sa prison
avez pris une, dit-elle pour toute réponse, enlevèrent ses vêtements, et y substituèrent
rendez-la moi. des habits d'homme. Lorsque le jour vint
Les saints sont-ils nus ou habillés? elle demanda qu'on la déferrât c'est-à-dire
Pensez-vous que Dieu n'ait pas de quoi qu'on relâchât la chaîne qui l'attachait par
les vêtir? le milieu du corps. Puis, voyant des habits
Comme on insistait sur la chevelure de d'homme, elle supplia qu'on lui rendit ses
saint Michel, elle dit Pourquoi la lui au- vêtements du jour précédent on les lui re-
rait-on coupée? 2 fusa elle resta couchée jusqu'à midi. Alors
Avez-vous vu des fées? elle fut forcée de s'habiller avec les seuls vê-
Je n'en ai point vu, j'en ai entendu par- tements qu'elle eût à sa disposition. Des té-
ler mais je n'y ajoute aucune foi. moins apostés entrèrent pour constater sa
Avez-vous une mandragore? qu'en avez désobéissance; les juges accoururent. Incon-
vous fait? tinent elle fut condamnée comme relapse, hé-
Je n'en ai point eu; je ne sais ce que rétique, sorcière, excommuniée, rejetée du
c'est. On dit que c'est une chose dangereuse sein de l'Eglise.
et criminelle. On lui lut sa sentence de mort, qu'elle en-
Quelquefois plusieurs juges l'interro- tendit avec constance. Elle demanda qu'il lui
geaient à la fois. Beaux pères, disait-elle, fût permis de s'approcher de l'eucharistie;
l'un après l'autre, s'il vous plait. ce qui lui fut accordé. Massieu, curé de Saint-
Durant l'instruction, Ligny-Luxembourg Claude de Rouen, qui avait la charge de la
vint la voir, accompagné de Warwick et de conduire devant ses juges, lui permettait de
Straffort Je sais bien, leur dit-elle, que faire sa prière devant la chapelle. Cette in-
ces Anglais me feront mourir, croyant qu'a- dulgence lui attira de sanglants reproches.
près ma mort ils gagneront le royaume de Jeanne alla au supplice le 30 mai, sous
France. Mais, seraient-ils cent mille, avec l'escorte de cent vingt hommes. On l'avait
ce qu'ils sont à présent, ils n'auront pas ce revêtue d'un habit de femme sa tête était
royaume. chargée d'une mitre en carton, sur lâquelle
Fatiguée de mauvais traitements elle étaient écrits ces mots Hérétique relapse,
tomba dangereusement malade. Bedfort apostate idolâtre. Deux pères dominicains
Wincester, Warwick chargèrent deux méde- la soutenaient elle s'écriait sur la route
cins d'en avoir soin, et leur enjoignirent de Ah 1 Rouen Rouen seras-tu ma. dernière
prendre bien garde qu'elle ne mourût de sa demeure?
mort naturelle, le roi d'Angleterre l'avait On avait élevé deux échafauds sur la place
trop cher achetée pour être privé de la joie du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur
de la faire brûler. victime chargée de fers. Son visage était
Le 24 mai, on la conduisit à la place du baigné de pleurs on la fit monter sur le bû.
cimetière de l'abbaye de Rouen. Guillaume cher, qui était fort élevé, pour que le peuple
Erard déclama contre le roi de France et entier pût la voir.
contre les Français; puis, s'adressant à la Lorsqu'elle sentit que la flamme appro-
Pucelle C'est à toi, Jeanne, que je parle, chait elle avertit les deux religieux de se
et te dis que ton roi est hérétique et schisma- retirer. Tant qu'elle conserva un reste de
tique. vie au milieu des gémissements que lui ar-
L'exécuteur attendait la victime à l'extré- rachait la douleur, on l'enlendit prononcer
mité de la place, avec une charrette, pour la le nom de Jésus, en baisant une croix de bois
conduire au bûcher. Mais tout cet effrayant qu'elle tenait de ses mains enchaînées. Un
appareil n'avait pour but que de lui arra- dernier soupir, longuement prolongé, avertit
cher des aveux. On lui lut une formule par qu'elle venait d'expirer
laquelle elle promettait de ne jamais monter Alors le cardinal de Wincester fit rassem-
à cheval, de laisser croître ses cheveux, de bler ses cendres, et ordonna qu'elles fussent
R97 JER JET 808
jetées dans la Seine. Son cœur, dit-on, fut' JÉRUSALEM. Avant la deslruction de
respecté par les flammes on le trouva sain Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on
et entier. distingua, dit-on une éclipse de lune qui
En face du bûcher, se trouvait un lableau se répéta douze nuits de suite. Un soir
portant une inscription qui qualifiait Jeanne vers le coucher du soleil, on aperçut dans
de meurderesse invocatrice des démons, l'air des chariots de guerre, des cavaliers,
apostate et mal créante de la' foi de Jésus- des cohortes de gens armés, qui, mêlés aux
Christ (1). nuages, couvraient toute la ville et l'envi-
Louis XI fit réhabiliter la mémoire de ronnaient de leurs bataillons. Pendant le
Jeanne d'Arc. Deux de ses juges furent brû- siège, et peu de jours avant la ruine de la
lés vifs, deux autres exhumés, pour expier ville, on vit tout à coup paraître un homme
aussi dans les flammes leur jugement inique. absolument inconnu, qui se mit à parcourir
Mais le procès de la Pucelle n'en sera pas les rues et les places publiques, criant sans
moins à jamais un sujet d'opprobre pour les cesse « Malheur à toi. Jérusalem » 1 On le
Anglais et aussi pour le roi Charles VII. fil battre de verges on le déchira de coups,
JEANNE DIBISSON sorcière, arrêtée à pour lui faire dire d'où il sortait mais sans
l'âge de vingt-neuf ans. On l'avait vue plu- pousser une seule plainte, sans répondre un
sieurs fois danser au sabbat; elle disait que seul mot, sans donner le moindre témoi-
ceux qui y vont trouvent le temps si court, gnage de souffrance, il criait toujours et sans
relâche « Malheur à toi, Jérusalem 1 » En-
qu'ils n'en peuvent sortir sans regret. Il ne
ait été brûlée fin, un jour qu'il se trouvait sur le rempart,
parait pas qu'elle (2). il s'écria « Malheur à moi-même 1 » et un
JEANNE DU HARD sorcière saisie à instant il fut écrasé par une pierre que
après,
l'âge de cinquante-six ans. On la trouve im- lançaient les assiégeants (5).
pliquée dans l'affaire de Marie Chorropique,
pour lui avoir louché le bras, lequel devint JÉSABEL, reine des Israélites, que Jéhu
comme mort. Nous ne dirons pas si elle fut fit manger aux chiens après l'avoir fait pré-
brûlée (3).. cipiter du haut d'une tour, et que Bodin met
JEANNE (mère). Une vieille fille véni- au nombre des sorcières.
tienne, connue sous le nom de mère Jeanne, JETZER. Cette affaire des jacobins de
infalua tellement Guillaume Postel de ses rê- Berne a fait un grand bruit; et les ennemis
veries, qu'il soutint, dans un livre écrit à de la religion l'ont travestie avec une insi-
son sujet, que la rédemption des femmes gne mauvaise foi. Voici toute l'histoire
n'avait pas encore été achevée, et que cette Les dominicains ou jacobins ne s'aècor-
Vénitienne devait accomplir le grand ou- daient pas entièrement avec les cordeliers
vrage. C'était la mère que cherchent aujour- sur le fait auguste de l'immaculée concep-
d'hui les saint-i-simoniens. tion de la très-sainte Vierge. Les domini-
JEANNE SOUTHCOTE. Voy. Southcote. cains ne l'admettaient pas absolument. Or 9
JÉCHIIÏL, rabbin et cabaliste. Voy. LAMPE au commencement du seizième siècle, il y
MERVEILLEUSE. avait, au couvent des dominicains de Berne,
JEHOVAH. Ce nom auguste est employé alors fort relâché, quatre mauvais moines
souvent chez les cabalislcs juifs. Ou le trouve qui imaginèrent une affreuse jonglerie, pour
dans les odieuses et absurdes conjurations faire croire que la sainte Vierge se pronon-
de la magie noire. çait contre les cordeliers, qui défendaient
JENNES célèbre enchanteur de l'E- une de ses plus belles prérogatives. Ils
gypte, un de ceux que Moïse confondit par avaient parmi eux un jeune moine, simple
ses miracles (4). et crédule, nommé Jetzer; ils lui firent ap-
JENOUNES. Quelques Arabes nomment paraître pendant la nuit des âmes du purga-
ainsi une sorte de génies intermédiaires en- toire, et lui persuadèrent qu'il les délivrerait
tre les anges et les diables ils. fréquentent en restant couché en croix dans une cha-
les bosquets et les fontaines, cachés sous la pelle, pendant le temps qu'on célébrerait la
forme de divers reptiles, exposés à être fou- sainte messe. On lui fit voir ensuite sainte
lés sous les pieds des passants. La plupart Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévo-
des maladies sont le résultat de leurs'ven- tion, et qui lui annonça qu'il était destiné à
geances. Lorsqu'un Arabe est indisposé, il de grandes choses. Par une nouvelle impos-
s'imagine avoir outragé un de ces agents in- ture sacrilége, le sous-prieur, qui était un
visibles il a aussitôt recours à une magi- des quatre moines criminels, fil le personnage
cienne qui se rend à quelque source voisine, de la sainte Vierge, s'approcha la nuit de
y brûle de l'encens, et sacrifie un coq ou une Jetzer et lui donna trois gouttes de sang,
poule, un bélier ou une brebis, suivant le disanl que c'étaient trois larmes que Jésus-
sexe, la qualité du malade, ou la nature de Christ avaient répandues sur Jérusalem. Ces
la maladie. trois larmes signinaient que la sainte Vierge
JEROME (saint). On a eu le front de était restée trois heures dans le péché origi-
lui attribuer des livres de nécromancie et nel. Cette explication était rehaussée de("
particulièrement Y Art notoire. Voy. ce mot. diatribes contre les cordeliers. Jetzer, (lui
(1) Voyezdansles légendes de l'histoirede France les liv. h, p. 107.
nocesd'A1-lon. (4) Saint Paul. II Tim..cliap.S v. 8.
(2) Delaucre,Tableaudel'inconstancedes démons,etc., (5) VoyezJosèphe, Hist. de la guerre de Judée. Bos-
liv. u, p. 127. suet, Discourssur l'.hist.universelle,2* part., cliap..8.
(3)Delancre,Tableaude l'inconstancedesdémons,etc.,
899 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 900
1.&
était .1-
de 1.
bonne foi et qui avait l'âme droite six et allant à la chasse du
pendant mois, re-
s'inquiétait de la passion qui perçait dans venant de Cock-Lane rejetant les généalo-
cette affaire, et se troublait surtout de recon- gies et les poëmes celtiques, et se déclarant
naître la voix du sous-prieur dans la voix de prêt à ajouter foi à la seconde vue des mon-
la sainte Vierge. Pour le raffermir, on l'en- tagnards d'Ecosse. En religion, plusieurs de
dormit avec un breuvage et on voulut le ses opinions étaient plus, que libérales, et en
stigmatiser; p.uis, comme il ne répondait même temps il vivait sous la tyrannie de
pas à l'espoir qu'on avait mis en lui, on certaines pratiques superstitieuses (2). Voy,
chercha, dit-on, à l'empoisonner, et on l'en- Hallucination.
ferma mais il trouva moyen de s'échapper; JOLI-BOIS. Voy. Verdelet
il s'enfuit à Rome, où il révéla toute L'intri– •
JONGLEURS. « Faisant route de Bombay à
gue. Le Saint-Sijége lit poursuivre les moines Pounnh (en 1839), dit jjl. Théodore Pavie (3,
scélérats et les Gt livrer au bras séculier. je m'arrêtai à Karli, pou.r visiter le temple
Les quatre dominicains coupables furent souterrain creusé dans la colline qui fait
brûlés le 31 mars 1509, à la porte de Berne. face au village; et, pendant la chaleur du
Mais le malheur de ces grandes profanations, jour, je me reposais sous l'ombrage des co-
c'est que les ennemis de l'Eglise, oublient la cotiers, si beaux en ce lieu, quand je vis s'a-
réparation ou la taisent, et n'en gardent que vancer, au bruit d'instruments discordants,,
le scandale. une bande d'Hindous. L'un d'eux tenait dans
JEUDI. Les sorciers font ce jour-là un. chaque main une cobra-capella,, la plus ter-
de leurs plus abominables sabbats,, s'il faut rible espèce de serpents dont l'Inde puisse se
en croire les démonomanes. vanter, et en outre il portait en sautoir un
JEU. Prenez une anguille morte par énorme boa.
faute d'eau prenez le,fiel d,un taureau qui « Arrivé près de moi, lejongleur jeta ses
aura été tué par la fureur des chiens,; met- serpents à terre, les fit courir, irrita les co-
tez-le dans la peau de cette anguille, joignez- bras, qui déroulaient leurs anneaux d'une
y un drachme de sang de vaùtour liez la manière effrayante, embrassa son boa; puis
peau d'anguille par les deux bouts avec de il se prit à les faire danser tous les trois au
la corde de pendu, et cachez cela dans du son d'un flageolet singulier, qui se touchait
'fumier chaud l'espaco de quinze jours puis comme une vielle, bien qu'il fût formé d'une
vous le ferez sécher. dans un four chauffé, calebasse. Pendant ce temps, ses acolytes
avec de la fougère cueillie la veille, de la avaient disposé, tout leur établissement sur
Saint-Jean; puis vous en ferez un bracelet la poussière; le tambourin rassemblait les
sur lequel vous écrirez avec une plume de enfants du village, et bientôt se forma un
corbeau et de votre propre sang ces quatre cercle considérable de spectateurs de dix ans
lettres HVTV, et, portant ce bracelet autour et au-dessous les plus petits nus, les autres
de votre bras, vous ferez fortune dans tous portant une ceinture, et tous accroupis, dans
les jeux (1). Voy. ROITELET. l'attente des: grandes choses qui se prépa-
JOACHIM, abbé de Flore, en Calabre, raient.
passa pour prophète pendant sa vie, et laissa « Ce jongleur avait toute la volubilité
des livres dé prédictions qui, ont été condam- d'expressions d'un saltimbanque européen.
nés en 1215, par le concile de Latran. On lui Il s'exprimait Irès-clairement, en- bon hin-
attribue aussi l'ouvrage intitulé l'Evangile doustani, bien qu'il se trouvât en pays mah-
éternel. ratte mais le public semblait n'y rien per-
JOB. Des alchimistes disent que Job, après: dre, tant ses gestes et ses gambades étaient
son affliction, connut le secret de la pierre inintelligibles.
philosophale, et devint si puissant, qu'il « D'abord il posa par terre une marion-
pleuvait chez lui du sel d'or idée analogue nette, soldat portant le sabre et l'arc. Al'en-
à celle des Arabes, qui tiennent que la neige tendre, c'était un sipahi, un grand chasseur,
et les pluies qui tombaient chez lui étaient un tueur de lions, de tigres, de gazelles.
précieuses. Bientôt, à son commandement, la marion-
Isidore place dans l'Idumée la fontaine de nette lança une flèche et renversa. le but dis-
Job, claire trois mois de l'année, trouble trois, posé devant elle, non pas une fois, mais à
mois, verte trois mois, et rouge trois autres. plusieurs reprises, à la satisfaction évidente
mois. C'est peut-être cette fontaine que, se- de la jeune assemblée.
lon les musulmans, l'ange Gabriel fit sortir. « Ce n'était là qu'un préambule, les baga-
en frappant du pied, et dont il lava Job. et le, telles de la porte Le jongleur prit une poi-
guérit. gnée de. blé noir (djouari), la mit dans.un
JOCABA. Voy. Cincinnatulds. manteau; puis, quand on eul bien secoué le
JOHNSON (Samuel). Johnson, incrédule manteau, bien vanné le grain, il se trouva
pour tout ce qui n'était qu'extraordinaire,. changé en un beau riz blanc, pur, prêt à
adoptait avec plus de confiance tout ce qui faire uri karry.
sentait le miracle, traitant de fable, par- « Je n'y avais rien compris, et je commen-
exemple, un phénomène de la nature, et çais à rentrer dans mes habitudes de crédu-
écoutant volontiers le récit d'un songe; dou- lité lorsque l'escamoteur ambulant étala
tant du tremblement de terre de Lisbonne une seconde marionnette, longue de six pou-
(t) Admirabless ecretsdu Petit Albert,p. 25. (5) Les harviset les jongleurs, écrit daté de.Pounali,,
(2) J. Macaulay, Samuel Jobnson et ses contempo- chez.tes Mahrattes le 25 décembre 1859-,publiéparla.
rains. Revuedes deux-monde*.
901 JON JON 90*
«
ces au plus et de la grosseur du poignet. Ensuite il tira de
r!p son
cnn sac une
paire de
Cette in,forme poupée épouvanta grandement pantoufles de bois plus larges que la pl-mte
la partie la plus naïve du public; mais quelle de ses pieds. Après bien des discours et des
ne fut pas la surprise générale, quand de ce charges, il finit par faire adhérer à ses ta-
morceau de bois, caché sous un mouchoir, lons nus ces semelles très-polies, et fit plus
sortirent successivement jusqu'à quatre gros de gambades avec de telles chaussures que
pigeonsl Ils devaient y être contenus d'a- n'en pourraient faire à l'Opéra de jolis petits
vance, à moins de sortijégç. Quant à moi, pieds chaussés d'élégants escarpins. Tantôt il
j'aurais eu peine à y introduire quatre moi- s'élevait en l'air; tantôt il frappait la pan-
neaux. tonne sur la terre, de manière à la faire tom-
« Noire jongleur accompagnait ses tours ber, mais jamais elle ne glissait. Ce fut en-
de mantras (prières magiques), et traçait des core là une chose inexplicable pour moi; car
cercles avec sa baguette'. Mais il avait sur il n'avait appliqué à ses pieds aucune sub-
ses confrères d'Europe un avantage, ou plu- stance collante, et il pouvait à volonté lâcher
tôt une supériorité bien marquée; car il opé- ces pantonfles unies comme la glace.
rait sur le sol, sans table ni gobelets, et com- « Enfin la séance se termina par une ex-
plètement nu, sauf1e turban et la ceinture, périence plus surprenante encore, ques par
que les Hindous ne quittent jamais donc, celle raison sans doute, notre magicien gar-
pas de manches, pas de gibecière. Son cabi- dait pour la dernière. L'un des joueurs île
net consistait en quelques mauvais paniers tambourins, grand garçon d'une belle taille,
de bambou, destinés à porter les serpents, se laissa attacher les pieds, lier les mains
qu'il escamotait aussi et faisait paraître et derrière le cou, et enfermer dans un filet à
disparaître avec une telle adresse, que le poissons bien serré par une douzaine de
plus fin n'y eût rien compris. Ainsi, d'un nœuds. Dans cet état, après l'avoir promené
mouchoir déroulé, secoué et mis au vent autour du cercle des spectateurs, on le con-
comme un pavillon, je le vis faire sortir une duisit près d'un panier de deux pieds de haut
de ces cobras, laissée dans un panier près de sur quatorze ponces de large.
moi, à une très-grande distance du lieu où il « Voulez-vous.que je le jette dans l'é-
se trouvait; en sorte que, voyant le nid de tang ? demanda le chef de bande. C'est un
l'animal entièrement vide je soupçonnai vaurien; le voilà bien lié; l'occasion est
qu'il s'était frayé un chemin sous terre. bonne j'ai envie de m'en défaire l
« Ce qui donnait à cette représentation un « Et l'auditoire crédule se tournait déjà du
caractère pittoresque et animé, c'étaient les côté de cette pièce d'eau, ombragée d'arbres
physionomies enfantines de ces petits grou- magnifiques et creusée au bas de la pigodo
pes si franchement effrayés et si franchement pour les ablutions et les besoins du village.
réjouis; puis ici une jeune fille, revenant de « Non, dit en s'interrompant le jongleur,
puiser de l'eau au pied de la pagode, s'arrê- après une minute de réflexion; je vais l'esca-
tait, la cruche sur la tête, et, après avoir moter, l'envoyer. où vous voudrez à Pou-
prêté un instant d'attention au spectacle, re- nah, à Delhi, à Ahmed Nagar, à Bénarèsl l
prenait sa route vers le village; là un vieux « Et sur-le-champ il enleva le patient, tou.
Mahratte, le bouclier sur l'épaule, la lance jours incarcéré dans son filet, et le plaça au
au poing, se levait sur l'étrier, et bientôt re- fond du panier, en rabattant le couvercle sur
tombait dédaigneusement sur sa selle; plus sa tête; il s'en fallait de plus de trois pieds
loin, de jeunes enfants attardés accouraient que les bords se joignissent. On jeta un
si vite, que quelques-uns tombaient en che- manteau sur le tout.
min. L'aîné pinçait le plus jeune sur sa han- « Insensiblement le volume diminua, s'af-
che, à la manière des Hindous, et, pliant faissa-; on vit voler en l'air le filet et les cor-
sous le faix, traînait par lit main le reste de des qui attachaient le jeune Hindou puis le
la famille. panier se ferma de lui-même, et une voix
« C'était une scène de nature, sans ma- qui semblait sortir des nues cria Adieu 1
nière ni affectation et en vérité je ne sais « Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est
rien de si gracieux que ces figures plus ou envolé Our-Gaya) Our-Gaya! répéta le jon-
moins brunes penchées en avant, ces têtes gleur avec transport; il ne saurait tenir dans
étranges chargées de pendants d'oreilles et un aussi petit espace (et cela paraissait phy-
d'anneaux passés dans le nez, appuyées sur siquement impossible). Je vais donc attacher
deux petites mains couvertes de bracelets, le panier et prendre congé de l'assemblée.
ces genoux pliés sous le menton et ces pieds « Le paquet fut ficelé; il ne restait plus
ornés de gougouroux sonores car tel est le qu'à le mettre sur le dos du buffle destiné à
vêiement des habitants de l'Inde, jusqu'à ce porter les bagages de la troupe.
que l'âge leur apprenne à porter quelque « Un instant! reprit subitement le jon-
chose de plus que des ornements. gleur si pourtant il était dans le panier Qui
« Cependant les 'tours de magie conti- sait?
nuaient sans interruption. Le jongleur tenait « Et là-dessus, tirant un long sabre, il tra-
à la main une cruche aussi impossible à vi- versa le panier presque par le milieu. Le
der que le tonneau des Danaïdes l'était à sang coula en abondance: l'anxiété était à
remplir il versait l'eau à terré, la jetait son comble. lorsque tout à coup le couver?
dans son oreille et la rendait par la bouche, cle se lève de nouveau, et d'un bond le grand
s'administrait des douches sur la tête, et tou- garçon saute hors de sa niche, frais et dispos,
jours -le vase était plein jusqu'au bord. sans la moindre égralignure! 1
903 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 90*
« Ce tour est simple, très-simple, dira-t- Voy. MESSIE DES Juifs, et à la suite de l'ar-
on ;,mais se débarrasser des cordes et du filet, ticle Faost, la légende du maréchal de Ta-
se radier dans un si petit espace, y rester mine.
un quart d'heure sans broncher, et de telle JUDAS ISCARIOTE. Après sa trahison in-
façon que le sabre ne puisse rencontrer fâme, il fut possédé du diable et se pendit à
quelque membre à entamer, ce sont là des un sureau. Les Flamands appellent.encore
prodiges de dextérité, de souplesse et de pa- les excroissances parasites de l'écorce du su-
tience que l'on ne peut concevoir, surtout reau sueur de Judas.
quand on les a vus. Dans le Mystère de la Passion, recueilli par
« Après ce nec plus ultra de'la science, les Jean Miehel et joue à Angers en I486, on
jongleurs firent leurs paquets et se mirent trouve réunies les traditions les plus célèbres
en marche vers Nagapour, leur patrie. Je les relatives à Judas. Suivant les légendaires, l'af-
vis se perdre dans la foule de bœufs chargés freux Judas avait épousé sa mère et tué son
que des troupes de mahrattes, tribus ambu- père. Au moment du grand sacrifice qui ra-
lantes traînant avec eux armes et bagages, chète le genre humain sur le Calvaire, les
femmes et enfants, conduisent dans l'in- auteurs des Mystères de la Passion nous mon-
térieur. trent Judas, saisi de rage et de désespoir, er-
« La foule se dispersa pen à peu. Le soleil rant autour du gibet ou étaient exposés les
déclinait derrière les montagnes, le peuple cadavres des suppliciés, dans un lieu souillé
se rendait à l'étang pour les ablutions, et le d'immondices et de décombres. Il entend de
gros oiseau pêcheur, hôte de ces eaux tran- loin les cris de la multitude autour du Christ
quilles, était si sérieux à la pointe de la pa- qu'il a livré. En proie à des tortures ef-
gode, qu'on l'eût pris pour le dieu de ce tem- froyables, courant çà et là comme un insen-
ple idolâtre. sé, il invoque l'enfer. Le démon, sous une
« Pour moi, je remontai sur mon petit forme hideuse, sort aussitôt de l'abîme.
cheval, et, tout en trottant au milieu des LE DÉMON.
nuages d'une poussière dorée par les der- Méchant,que veux-tu qu'on te fasse?
`1
niers feux du jour, je ne pus m'empêcher de A quel mort veux-tuaborder?2
reconnaître que ces jongleurs errants bat- JUDAS.
Je ne sais; e n'ay œil en face,
taient complètement non-seulement les har- les
Quidaigne cieux regarder.
vis du Caire, mais encore les plus fameux Qui es-tu?
P
LE DÉMON.
escamoteurs de l'Europe, et que, si la magie
n'est pas morte, c'est dans l'Inde qu'il faut Sansplus demander,
Je suispour venger ton offense.
la chercher. » JUDAS.
JOURS. Les magiciens et sorciers ne peu- D'oùviens-tu?
LE DÉMON.
vent rien deviner le vendredi ni le dimanche.
Je viensde l'enfer.
Quelques-uns disent même que le diable ne JUDAS
fait pas ordinairement ses orgies et ses as- Tonnom?
semblées ces jours-là; mais ce sentiment LE DEMON.

n'est pas général. Monnom?Désespérance.


JUDAS.
Si on rogne ses ongles les jours de la se- Approcheet me donneallégeance.
maine qui ont un r, comme le mardi, le LE DÉMON.

mercredi et lé vendredi, il viendra des envies Oui; mais il nousfaut abréger.


aux doigts. Il n'est pas facile d'en donner la Cet infernal dialogue continue. Judas hésite
raison, encore. Il voudrait invoquer Dieu, Jésus et
Suivant une autre croyance, en ne cou- la Vierge Marie. Mais la présence de son im-
pant ses ongles que le vendredi, on n'a jamais pitoyable compagnon l'arrête. Le démon le
mal aux dents. presse d'en finir; il lui présente alternative-
On a fait des tables des jours heureux et ment une dague, une corde à nœud coulant,
malheureux pour chaque mois. Mais comme et ne lui laisse que le choix de la mort. Un
elles varient toutes, le jour heureux de l'une arbre peu élevé croît près d'eux dans les fentes
étant malheureux dans l'autre, nous laissons d'un rocher. Désespérance le montre à Judas,
aux amateurs le soin de dresser ces tables à le pousse, l'aide à y monter. Une légion de dé-
leur gré pour leur usage. mons apparaît alors sur la scène. lis forment
JOSUE BEN-LEVI, rabbin si rusé et si au pied de l'arbre une ronde effroyable. -Dé-
sage, qu'il trompa le ciel et l'enfer tout en- sormais le trattre leur appartient; du haut de
semble. Comme il était près de trépasser, il ce nouveau gibet, il hurle son exécrable
gagna si bien le diable, qu'il lui fit promettre testament.
de le porter jusqu'à l'entrée du paradis, lui MoiJudas,jadis trattre apôtre
disant qu'il ne voulait que voir le lieu de l'ha- Medonne à vouscommele votre,
bitation divine, et qu'il sortirait du monde Et ne veux pointrequérirgrâce,
Ni que Dieuvrai pardonmefasse.
plus content. Le diable, ne voulant pas lui MaisrenonceDieu et les anges,
refuser cette satisfaction, le porta jusqu'au Et saintMichelet les archanges;
guichet du paradis; mais Josué s'en voyant si Je renie la Vierge Marie,
Et Jésus et sa compagnie.
près se jeta dedans avec vitesse, laissant le Item recommandemouâme
diable derrière, et jura par le Dieu vivant A Luciferord et infâme.
qu'il n'en sortirait point. Dieu, disent les rab- Et veux que moncorpssoit ravi
bins, fit conscience que le rabbin se parjurât, Eu enferau plusprès de lui.
et consentit qu'il demeurât avec tes justes. Bref, me donneâme,corps et bien.
Sansjamaisen excepterrien.
905 JUI JW 906
En dépitde Dieu qui me fit> .», Ce n'est pourtant qu'une allégorie ingé-
A'tousles diables. nieuse, qui représente toute la nation juive,
LUCIFER. errante et dispersée depuis l'analhème tombé
Il suffit.
Tu renoncesà tout pardon. sur elle. Leur race ne se perd point, quoique
confondue avec les nations diverses, et leurs
Le dernier crime est consommé. Judas a
devancé la justice de Dieu; mais son âme im- richesses sont à peu près les mêmes dans tous
les temps aussi bien que leurs forces. La re-
monde s'arrête sur ses lèvres, chaudes encore
du baiser du Sauveur. Lucifer s'étonne de ligion qu'ils professent les a jusqu'ici distin-
cette circonstance gués des autres hommes, et en fera toujours
un peuple isolé au milieu du monde.
Que diableest l'âmedevenue?' JUIFS. Indépendamment de ce coup do
11n'est donc pasmort7 foudre qui marque partout les Juifs et les fait
Si est, si est, répondent les démons. Et une partout reconnaître; il y sur eux plusieurs
oAeur infecte s'exhale du cadavre du ré- signes de l'abandon où les a jetés la malé-
prouvé. Ses entrailles se répandent sur le sol;/ diction de Dieu. Tant qu'ils ont été le peuple
l'âme s'échappe avec elles; fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des
Carpar sa boucheorde et maligne saintes Ecritures. Depuis leur crime, les en-
Qui baisasonmaistretant digne, seignements de Moïse sont étouffés chez eux
Elle ne peut, ni doit passer. par les incroyables absurdités du Talmud, et
Avant que les diables emportent le sens n'est plus avec eux.
l'âme,
elle dit
La Terre-Sainte, qui était le plus fertile
et le plus beau pays du monde, maudite
Ah mauditeâmemalheurée, avec la nation qu'elle portait, est devenue si
Enragéeet désespérée1. horrible, qu'elle ne nourrit plus ses rares
Le ver de dur et vif remord.
Sansfinme poingtet mord, habitants.
.Et je reste obstinée; Partout en exécration, les Juifs, qui avaient
Maisen mondolent tort massacré et torturé les chrétiens toutes les
Je ne quiers reconfort,
Puisqueje suis damnée. fois qu'ils avaient été les plus forts, se sont
vus en tous lieux haïs et mal tolérés. Onvous
JUGEMENT DE DIEU. Voy. EPREUVES. dira que souvent on tes poursuivit pour des
JUIF ERRANT. On voit dans la légende du crimes imaginaires mais on ne prête qu'aux
Juif errant que ce personnage était cordon- riches, et leur histoire est sérieusement pleine
nier de sa profession et qu'il se nommait de crimes Irop réels. On les chassa violem-
Ahassvérus mais la cuinplaintel'appelle Isaac ment de l'Espagne, qu'ils voulaient dominer;
Laquedem. A l'âge de dix ans, il avait enten- mais sans les mesures violentes des rois chré-
du dire que trois rois cherchaient le nouveau tiens la Péninsule serait aujourd'hui la proie
roi d'Israël; il les suivit et visita avec eux la des Juifs et des Maures.
sainte étable de Bethléem. II allait souvent Quelquefois, sans doute, on mit peu d'hu-
entendre Notre-Seigneur. Lorsque Judas eut manité dans les poursuites exercées contre
vendu son maître, Ahassvérus abandonna eux; mais on ne les bannissait pas sans leur
aussi celui qu'on trahissait. donner trois mois pour s'expatrier, et ils
Comme on conduisait Jésus au Calvaire s'obstinaient à demeurer dans les pays où
chargé de l'instrument de sa mort, le bon leurs têtes étaient proscrites.
Sauveur voulut se reposer un-instant devant Parmi les moyens que l'on employait
la boutique du cordonnier, qui, craignant de pour les découvrir il en est un singulier que
se compromettre, lui dit -Allez plus loin, rapporte Tostat dans son livre des Démons
je ne veux pas qu'un criminel se repose à ma c'était une tête d'airain, une androïde, qui,
forte. en Espagne, dit-il, révélait les Juifs ca-
Jésus le regarda et lui répondit Je vais, chés.
ei reposerai; mais vous marcherez et vous ne Ils faisaient l'usure et dépouillaient large-
reposerez pas; vous marcherez tant que le ment les chrétiens dans les contrées où ils
monde durera'; et au jugement dernier vous étaient soufferts puis, quand ils avaient (ont
me verrez assis à la droite de mon Père. ravi, les princes qui avaient besoin d'argent
Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la les faisaient regorger avec violence. Dans
main et se mit à marcher sans pouvoir s'ar- de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes
rêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un
parcouru toutes les contrées du globe, sous jour emprisonner les riches Juifs de son
le nom du Juif errant. Il a affronté les royaume pour les forcer à lui donner de l'ar-
combats, les naufrages, les incendies. Il gent; un d'eux, à qui on .arracha sept dents
a cherché partout la mort et ne l'a pas l'une après l'autre, en l'engageant de la sorte
trouvée. à contribuer, paya mille marcs d'argent à
Il 'a toujours cinq sous dans sa bourse. lahuilième.HenrijIIItirad'Aaron.Juifd'Yorlc,
Personne nepeutse vanter del'avoir vu; mais quatorze mille marcs d'argent, et dix mille
nos grands-pères nous disent queleursgrands. pour la reine. 11 vendit tes autres Juifs de
pères l'ont connu, et qu'il a paru, il y a plus son pays à son frère Richard pour le.terme
de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux d'une année, afin que ce comte éventrâteeux
de nbs grands-pères en disaient autant, et les qu'il avaitdéjàécorchés, comme dit Matthieu
bonnes gens croient à l'existence personnelle Paris
du Juif errant. En général, lorsqu'on tolérait les Juifs, on
Dictions, des sciences occultes, L, 29
907 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES- J 903
loa
les rlîcf innrii des autres habitants par des
distinguait tolérées dans les Etats des Turcs et "des Per-
marques infamantes. Philippe 1lI les obligèa sans. Des Juifs, à ConslanlinopTe, S'avisèrent
en France à porter une corne sur la tête il de dire, en conversation, qu'ils seraient les
leur était défendu de se baigner dans làSeine seuls qui entreraient tlans le paradis. Où
et, 'quand on les pendait, c'était entre deux serons-nous donc, nous autres? leur deman-
chiens. dèrent quelques Turcs avec qui ils s'entre-
Le jour de la fête de Pâques, c'était un vieil tenaient. Les Juifs n'osant pas leur dire
usage à Toulouse de donner un soufflet à un 'ouvertement qu'ils en seraient exclus, leur
Juif de la ville. On raconte qu'Àymeric, vi- répondirent qu'ils seraient dans les cours.
comte de Rochcchouarl, accompagné de Hu- Le grand vizir, informé de cette dispute, en-
gues son chapelain, se trouvant à Toulouse voya chercher les chefs de la synagogue, et
le dimanche de Pâques, les chanoines char- leur dit, que, puisqu'ils plaçaient les musul-
gèrent Hugues de cette cérémonie que le mans dans. les cours du paradis il était
chapelain donna un coup si'violent au Juif, juste qu'ils leur fournissent des tentes, -afin
qu'it lui fit sauter la cervelle; que ce malheu- qu'ils ne fussent pas éternellement exposés
reux tomba mort. Mais il parait que ce conte aux injures de l'air. On prétend que c'est
est faux. Les Juifs de Toulouse- enlevèrent depuis ce temps-là que Les Juifs, outre te tri-
leur mort de la cathédrale, et l'inhumèrent but ordinaire, payent une somme considéra-
dans le cimetière de leur synagogue sans ble pour les tentes du grand-seigneur et de
oser se plaindre, ajoute Dulaure(1), qui était toute sa maison, quand il va à l'armée (3).
un menteur. Le vrai de ce fait, et nous som- Nous ne réveillerons pas ici les accusations
mes loin de l'excuser, c'est que lé soufflet portées contre les Juifs à propos de l'assas-
renversa lé Juif. Voy. Bohémiens. sinat commis à Damas, le 5 février 1840,
« Avant de quitter Jaffa, je vous parlerai contre le père, Thomas et son domestique.
d'une coutume quevous ignorez peut-être et Ceux qui ont lu les pièces officielles de ce
qui est établie chez les Grecs de cette ville. triste procès savent ce qu'ils doivent en pen-
Chaque soir, pendant le carême; les petits ser. Mais nous extrairons du savant Journal
enfants des familles grecques vont à la porte historique et littéraire de Liége (janvier 18ïl)
des maisons chrétiennes, et demandent avec un passage relatif à la doctrine des Juifs sur
des cris monotones, qu'on prendrait pour le meurtre
une complainte, du bois ou des paras (liards) Le célèbre rabbin Maimonides, mort en 1205,
pour acheter du bois. Donnez, donnez, écrivait à l'époque où les Juifs furent le pins
disent-ils; et l'an prochain vus enfants seront accusés de meurtres sur les chrétiens. On
mariés; et leurs. jours seront heureux; et de ses principaux ouvrages est le Jad Cha-
tous jouirez longtemps de leur bonheur. zakah ou la Main forte qui est un abrégé
« Le bois que sollicitent ces enfants est substantiel du Talmud. Voici ce qu'il dit:
destiné à brûler les Juifs., C'est le soir du « Il nous est ordonné de tuer les héréti-
jeudi saint des Grecs qu'on allume lés feux ques [minim), c'est-à-dire ceux des Israélites
chaque petite troupe allume le sien. On fa- qui se livrent â l'idolâtrie, du celui qui pèche
brique un homme de paille avec le costume pour irriter le Seigneur, et les épicuriens,
juif, et là victime en effigie est ainsi conduite c'est-à-dire ceux des Israélites qui n'ajou-
devant le feu, au milieu des clameurs et des tent pas foi à la loi et à la prophétie. Si
huées. Les enfants délibèrent gravement sur quelqu'un a la puissance de les tuer publi-
le genre de supplice auquel il faut condam- quement par le duel, qu'il les tue de cette
ner l'Israélite; les uns disent Crucifions-le, manière. S'il ne peut faire ainsi, qu'il lâcho
il a crucifié Jésus-Christ; les autres Cou- de les circonvenir par fraude jusqu'à ce qu'il
pons-lui la barbe et les bras, puis la tête leur ait donné la mort. Mais de quelle ma-
d'autres enfin Fendons-le, déchirons-lui nière ? Je réponds .S'il voit l'un d'eux tombé
les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef au fond d'un puits dans lequel une échelle
de la troupe, prenant alors la parole avait été placêe auparavant, qu'il la relire tel
Qu'est-il besoin, dit-il, de recourir à tous dise Je suis obligé de faire descendre du
ces supplices? Il y a là un feu tout allumé toit mon fils qui est en danger; quand
brûlons le Juif. l'aurai sauvé, je vous remettrai l'échelle. Et
« Et le Juif est jeté dans les flammes. ainsi des autres circonstances. »
Feu, feu, s'écrient les enfants, ne l'épargne Ce passage n'est qu'une paraphrase du
pas, dévore-le; il a souffleté Jésus-Christ; texte talmudique de YAtocla-Sara, chap. 2,
il lui a cloué les pieds et lés mains. Les qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire
enfants énumèrént ainsi toutes les souffran- périr les hérétiques. Il ajoute un autre expé-
'ces que les Juifs firent endurer au Sauveur. dient, celui de fermer le puits au moyen d'uiîe
« Quand la victime est consumée, on jette pierre, 'el de dire qu'on l'a couvert de cràinle
au vent ses cendres avec dés imprécations; que le bétail n'y tombât.. L'objet de ces .ho-
et puis chacun se retiré,- satisfait d'avoir puni inicides est moins déterminé dans le Talmud
le bourreau du Christ. De semblables cou- que dans le passage de M'aimbhidcs; il laisse
tumes portent avec elles leur caractère et plus dé, latitude aux coups meurtriers! Tblia
n'ont pas besoin d'être accompagnées de ré- les mihim sont désignés au fer assassin et il
flexions (2). » est notoire que les chrétiens sont "appelés de
Les diverses religions sont plus ou moins ce nom. Lé Talmud appelle les Evangiles le
(1) Dulaurc,PrincipauxLieuxde France, toni.II,page (2) Micliamiet Poujoulat,Correspondance de l'Orient.
J
(5)Saint-Foix,Essais, t. il.
,909 JUI JUP 910
livrn rlne Maimonides Vous le.ferez tf\
donc y *KlATl
bien vm
A
moins
livre des miriim. compte parmi lorsqu'ils ap-
les hérétiques {miriim) ceux qui prétendent pelleront votre droite, droite, et votre gau-
que Dieu a pris un corps et qui adorent, che, gauche. »
outre le Seigneur, un médiateur' entre lui et JULIEN L'APOSTAT, né en 331, empereur
nous, c'est-à-dire les chrétiens. romain, mort en 363. Variable dans sa phi-
La haine des Juifs contre les chrétiens est losophie, inconstant dans sa manière de pen-
ancienne. Sans remonter au premier siècle ser, après avoir été chrétien, il retomba dans
tout plein d'exemples sanglants, Chosroès, le pagànisme. Les ennemis seuls de l'Eglise
roi de Perse, fit, 'en 615, une irruption sur la. ont trouvé, dans quelques qualités apparen-
Palestine; ,il comptait sur les Juifs pour se tes, des prétextes pourfaire son éloge. Ce sage
défaire des chrétiens. JI prit Jérusalem, et fit consultait Apôllon et sacrifiait aux dieux de
une multitude de prisonniers chrétiens qu'il pierre, quoiqu'il connût la vérité. Les démo-
abandonna aux Juifs. Ceux-ci les massacrè- nomanes l'ont mis au nombre des magiciens;
rent, dit-on, au nombre de quatre-vingt-dix et il est vrai qu'il croyait fermement à la
mille. L'empressement des Juifs fut tel que magie, qu'il attribuait à cette puissance les
chacun consacrait une partie de son patri- miracles de Notre-Seigneur, dont il n'était
moine à l'achat des prisonniers chrétiens, pas assez stupidè pour nier l'évidence; et il
qu'il massacrait aussitôt. Basnage, dans son expliquait de la même manière les prodiges
Histoire des Juifs, raconte ces massacres sans que Dieu accordait alors encore à la foi
élever le moindre doute sur leur authen- ferme des chrétiens. Enfin avec Maximus et
ticité. Jambliqoie il évoquait les esprits et recher-
Des Juifs convertis onti avoué plusieurs chait l'avenir parla nécromancie.
fois que chez eux on massacrait des enfants llavaitdes visions :AmmienMarcellin rap-
volés ou achetés sous prétexte qu'en les porte que peu avant sa mort, comme il écri-
tuant on empêchait toute une race idolâtre vait dans sa tente, à l'imitation de Jules Cé-
de naître. On peut aller loin avec ce prin- sar, il vit paraître devant lui le génie do
cipe. Rome avec un visage blême.
Leurs rabbins disent que le précepte du Il.fut tué par un trait que personne ne vit
'Non occides, vous ne tuerez venir, à l'âge de trente-deux ans. Ennemi
Décalogue des Israélites. acharné de Jésus-Chrisl, il recueillit, dit-on,
point, n'oblige qu'à l'égard
Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur en tombant un peu de son sang dans sa main
le Pentateuque, dit « Les paroles Vous ne et lé lança vers le ciel, en disant Tu as
tuerez point signifient vous ne tuerez point vaincu, Galiléen 1
parmi les Israélites; car il nous est permis Après sa mort, on trouva, dans le palais
de tuer lei* animaux; il nous est aussi or- qu'il habitait, des charniers et des cercueils
donné de tuer une partie des nations, comme pleins de têtes et de corps morts. En la ville
Amàlech et les autres nations à qui il nous de Carres de Mésopotamie, dans un temple
est commandé de ne pas laisser là vie. 11 est d'idoles, oh trouva une femme morte pen-
donc clair que le commandement défend due par les cheveux, les bras étendus, le
seulement de tuer les Israélites. » ventre ouvert et vide. On prétend que Julien

Maimonides dit aussi qu'on viole ce com- <l'avait immolée pour apaiser les dieux in-
mandement lorsqu'on tue un Israélite, lais- fernaux auxquels ils'élait voué, et pour
sant assez entendre qu'on ne le viole pas en apprendre par l'inspection du foie de cette
tuant un chrétien ou un gentil. « Uri Israé- femme le résultat de la guerre qu'il faisait
lite qui a tué un étranger habitant parmi alors contre les Perses.
nous, dit-il ailleurs, ne peut d'aucune ma- La mort de l'Apostat fut signifiée, dit-on,
nière être condamné à mort. » Dans le Bava dans plusieurs lieux à la fois, et au même
mezia, il est encore dit que les Juifs sont des moment qu'elle advint. Un de ses domesti-
hommes et que les autres peuples du monde qùes, qui allait le trouver en Perse, ayant
sont des brutes. Les. rabbins enseignent que été surpris par la nuit, et obligé de s'arrêter
les autres peuples du monde n'ont pas d'âme dans une église faute d'auberge, vit en songe
humaine; et ils les traitent, surtout les chré- des apôtres et. des prophètes assemblés qui
tiens, de porcs, de boeufs, de chiens, d'ânes déploraient les calamités de l'Eglise sous un
et'de sangliers. Dès lors le précepte. Vous ne prince aussi impie que Julién; et un,d'entre
tuerez point, n'obligeant pas envers les ani- eux s'étant levé assura les autres qu'il al-
maux, n'oblige pas envers les chrétiens. lait porter remède. La nuit suivante, ce
Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse, valet, ayant vu dans son sommeil la même
ni celles des autres livres saints. Ce sont les assemblée, vit venir l'homme de la veille qui
doctrines des talmudistes, rabbins ou scri- annonça la mort de Julien. •'
bes. Mais Buxtorf assure (in Synagoga Ju- Le philosophe Didyme d'Alexandrie vit
daica) que cet axiome est vulgaire Mon fils, aussi en songe des hommes montés sur des
faites plus attention aux paroles des scribes chevaux blancs, et courant dans les airs eu
(ou rabbins) qu'à celles de la loi. Salomon disant Annoncez à Didyme qu'à cette
Jarchi, un es plus fameux docteurs juifs, heure Julien l'Apostat est tué.
écrit dans ses commentaires sur le Deutéro- JUNG, auteur allemand, vivant encore sàns
nome « Vous ne vous écarterez pas des pa- doute il a'écrit surles-espritr un ouvrage
roles des rabbins, quand même ils vous intitulé Théorie de Geister-Kunder, Nurem-
diraient que votre maindrôite est votre main berg, 1898,. in-8°: • • • 'p".
gauche. ou que votre gauche est votre droite. JUPITER AMiMON.Les Egyptiens portaient
811 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 912
sur le cœur, comme un puissant préservatif, pauvre dame. Ces contes vous font rire;
une amulette ou pliilactère qui était une puissent-ils vous corriger (3) 1
lame sur .laquelle. ils écrivaient le nom de Un avocat gascon avait recours aux gran-
Jupiter Ammon. Ce nom était si grand dans des figures, pour émouvoir ses juges. Il plai-
leur esprit, et même chez les Romains, qu'on dait au quinzième siècle, dans ces temps où
en croyait l'invocation suffisante pour obte- les jugements de Dieu étaient encore en usa-
nir toutes sortes de biens. ge. Un jour qu'il défendait la cause d'un
On sait que'Jupiter Ammon avait des cor- Manceau cité en justice pour une somme
nes de bélier. Sa statue, adorée à Thèbes d'argent dont il niait la dette, comme il n'y
dans la haute Egypte, était un automate qui avait aucun témoin pour éclaircir l'affaire
faisait des signes de tête. ° les juges déclarèrent qu'on aurait recours à
JUREMENT. « C'est une chose honteuse, une épreuve judiciaire. L'avocat de la partie
dit un bon légendaire, que d'entendre si sou- adverse connaissant l'humeur peu belli-,
:venl répéter le nom du diable sans nécessité. queuse du Gascon, demanda que les avocats
Un père en colère dit ses enfants :Venez subissent l'épreuve, aussi bien que leurs
ici, mauvais diables Un autre s'écrie -Te clients le Gascon n'y consentit qu'à condi-
voilà; bon diable Celui-ci qui a froid, vous tion que l'épreuve fût à son choix. La chose
l'apprend en disant Diable te temps est se passait au Mans.
rude. Celui-là, qui soupire après la table, dit Le jour venu, l'avocat gascon ayant lon-
qu'il a une faim de diable. Un autre, qui s'im- guement réfléchi sur les moyens qu'il avait
patiente, souhaite que le diable l'emporte. à prendre pour ne' courir aucun péril, s'a-
Un savant de société, quand il a proposé une vança devant les juges, et demanda qu'avant
énigme s'écrie bravement Je me donne de recourir à une plus violente ordalie on
au diable si vous devinez cela. Une chose pa- lui permit d'abord d'essayer celle-ci, c'est-
.rait-elle embrouillée; on vous avertit que le à-dire qu'il. se donnait hautement et ferme-
diable s'en mêle. Une bagatelle est-elle' per- ment au diable, lui et sa partie, s'ils avaient
due, on dit qu'elle est à tous les diables. Un touché l'argent-dont ils niaient la dette. Les
homme laborieux prend-il quelque sommeil, juges, étonnés de l'audace du Gascon, se per-
un plaisant vient vous dire que le diable le suadèrent là-dessus qu'il était nécessaire-
berce. Ce qu'il y a de pis, c'est que des ment fort de son innocence et se disposaient
gens emploient le nom du diablo en bonne à l'absoudre mais auparavant ils ordon-
part; ainsi on vous dira d'une chose médio- nèrent à l'avocat de la partie adverse de
cre Ce n'est pas le diable. Un homme prononcer le même dévouement que venait
fait-il plus qu'on ne demande, on dit qu'il de faire l'avocat gascon.
travaille comme le valet du diable. Que l'on Il n'en est pas besoin, s'écria aussitôt
voie passer un grenadier de cinq pieds dix du fond de la salle une voix rauque.
pouces on s'écrie Quel grand diable En même temps on vit paraître un monstre
D'un qui vous étonne par son esprit, par son noir, hideux, ayant des cornes au front, des
adresse ou par ses talents, vous dites :-Quel ailes de chauve-souris aux épaules, et avan-
diable d'homme 1 On dit encore :-Une force çant les griffes sur l'avocat gascon. Le
de diable, un esprit de diable, un courage de champion, tremblant, se hâta de révoquer sa
diable un homme franc est un bon diable parole, en' suppliant les juges et les assis-
un homme qu'on plaint, un pauvre diable; tants de le tirer des griffes de l'ange de ténè-
un homme divertissant a de l'esprit en dia- bres.
,ble, etc., et une foule de mots semblables. Ce Je ne céderai, répondit le diable que
sont de grandes aberrations. » quand le crime sera révélé.
{ Un père en colère dit un jour à son Gis Disant ces mois il s'avança encore sur le
i Va-t'en au diable! Le fils étant sorti peu plaideur manceau et sur l'avocat gascon. Les
après, rencontra le diable, qui l'emmena; et deux menteurs,interdits,se hâtèrenld'avouer,
on ne le revit plus (1). l'un, qu'il devait la somme qu'on lui deman-
Un autre homme, irrité contre sa fille qui dait l'autre, qu'il soutenait sciemment une
mangeait trop avidement une écuelle de lait, mauvaise cause. Alors le diable se retira
eut l'imprudence de lui dire Puisses-tu mais on sut par la suite que le second avo-
avaler le diable dans ton ventre 1 La jeune cat, sachant combien le.Gascon était peureux,
fille sentit aussitôt la présence du démon et avait été instruit de son idée qu'il avait en
elle fut possédée plusieurs mois (2). conséquence affublé son domestique d'un ha-
Un mari de mauvaise humeur donna sa bit noir bizarrement taillé et l'avait équipé
femme au diable; au même instant, comme d'ailes et de cornes, pour découvrir la vérité
«'il fût sorti de la bouche de l'époux, le dé- par ce ministère.
mon entra par l'oreille dans le corps de cette

K
KAABA. Ce lieu célèbre à La Mecque dans l'enceinte du temple est dit-on la
`
U\ Cssarii Heisterb. miracul., lib. S, cap. 12. (3) Ejusdem, cap. 9, ibid.
(S) Kjusdem.cap. 2, ihid..
913 KAI1 •: KAL 9U
maison u Abraham, Datic par lui selon les nie du mal ou de la maladie quand il entre
croyances musulmanes. Le seuil est un bloc en vous et quand il en sort, car il parait que
de pierre qui a été, disent les Arabes, la sta- ces génies se promènent souvent; et il l'at-
tue de Saturne, autrefois élevée sur la Kaaba trape comme au vol ou bien il le saisit en
même, et renversée par un prodige, ainsi que vous frottant le bras et il l'enferme à son
toutes les autres idoles du lieu au moment tour dans une feuille où. il peut le dé-
de la naissance de Mahomet. truire (i). »
La Kaaba est un petit édifice d'une quin-' KAIDMORDS nom du premier homme
zaine de pieds. Les musulmans l'appellent qui sortit de la jambe de devant d'un tau-
la maison carrée et la maison de Dieu; dans reau, selon la doctrine des mages il fut tué-
le Koran elle est désignée comme le lieu lo par les Dives; mais il ressuscitera le jour du
plus saint de la terre aussi les bons musul- jugement. On invoque son âme chez les Guè-
mans se tournent-ils toujours dans leurs bres. Voy. Boundschesch.
prières vers laKaaba; et il faut être peu dé- KAIOMEHS, le premier roi de l'antique
vot pour n'en pas faire au moins une fois en dynastie des Pichadiens il était, suivant les
sa vie le pèlerinagc.On y révère la fameuse historiens persans, le petit-fils de Noé. C'est
pierre noire qui servait d'échafaud à Abra- lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies
ham lorsqu'il maçonnait la maison carrée. à la puissance desquels le pays était sou-
On conte qu'elle se haussait 'et se baissait mis.
d'elle-même, selon les désirs du patriarche.' KAKOS, démon invoqué dans les litanies
Elle lui avait été apportée par l'ange Ga- du sabbat.
briel et on> ajoute que cette pierre, se voyant KALMOUCKS. Les Kalmoucks rendent
abandonnée après qu'on n'eut plus besoin hommage à deux êtres' puissants au génie
d'elle, se mit a pleurer; Abraham la consola du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le
en lui promettant qu'elle serait extrême- sommet des montagnes, sur les bords des ri.
ment vénérée des musulmans; et il la plaça vières, ou dans l'intérieur des cabanes, à l'un
en effet près de la porte, où elle est baisée comme à l'autre mais le plus souvent à la
par tous les pèlerins divinité malfaisante, parce qu'ils jugent né-
KABOTERMANNEKENS, petits lutins fla- cessaire de la fléchir et d'en apaiser le cour-
mands qui font des niches aux femmes de la roux.
campagne, surtout en ce qui touche le lai- Le soleil, ou comme ils l'appellent, l'œil
tage et 1? beurre. de Dieu, est pour eux l'objet d'un culte par-
KACHER. vieux magicien qui dans ticulier. Quelque dégénérée que soit cette
l'histoire fabuleuse des anciens rois de Ka- fausse religion on voit cependant le rap-
chemirc, transforma le lac qui occupait ce port qui existe entre elle et l'une des plus
beau pays en un vallon délicieux et donna anciennes, celle des disciples de Zoroastre,
aux eaux une issue miraculeuse en coupant qui avait étendu son influence non-seule-
une montagne nommée Baraboulé. ment sur l'Inde et la Perse, mais encore sur
KAF montagne prodigieuse qui en- les peuples nomades des steppes mongoles
toure l'horizon de tous côtés, à ce que disent et nous voyons encore de nos jours des tri-
les musulmans. La terre se trouve au milieu bus, telles que les Kalmoucks, qui en ont
de celte montagne, 'ajoutent-ils comme le conservé le souvenir pendant une suite de
doigtau milieu de l'anneau. Elle a pour fon- siècles.
dement la pierre Sakhrat dont le moindre Aujourd'hui, comme au moyen âge les
fragment opère les plus grands miracles. Kalmoucks ont des schamanes qui abusant
C'est celte pierre, faite d'une seule émeraude,' de leur crédulité, leur persuadent qu'ils pos-
qui excite les tremblements de terre, en s'a- sèdent un empire magique sur une foule de
gitant selon que Dieu le lui ordonne. génies invisibles dont ils se disent accompa-
Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut gnés et qui leur révèlent l'avenir et les cho-
traverser de vastes régions ténébreuses ce ses secrètes. Comme au moyen âge, le mort
qu'on ne peut faire que sous la conduite et même le malade leur inspirent une hor-
d'un être supérieur. C'est, dit-on, la demeure reur qu'ils n'ont garde de cacher. Après
des génies. 11est souvent parlé de celle mon. avoir placé près de lui tout ce dont il peut
tagne dans les contes orientaux. Voy. Sakh- avoir besoin à leur avis, ils s'éloignent du
RAT. malade, fût-ce leur père la couche du mou-
KAHA maléfice employé aux îles Mar- rant s'il est riche, est gardée tout au plus
quises. Les habitants attribuent au Kaha la' par un schamane; la famille -se conlcnio
plupart de leurs maladies. Voici comment il d'envoyer de temps en temps demander de
se pratique « Quelque sorcier aura attrapé ses nouvelles.
de votre salive, et puis il vous a liéduler-, Cette indifférence inhumaine ne les empê-
rible Kaha ou maléfice du pays, en envelop- che pas de rendre après la mort tous les hon-
pant cette salive dans un morceau de feuille lieurs possiblesà celui qu'ils viennent do
d'arbre et la conservant en sa puissance. Il perdre. Le défunt vêtu-de ses plus beaux
tient là votre âme et'votre vie enchaînées. habits, est quelquefois enterré au fond des
A ce mal voici le remède ceux -qui ont eu bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa
le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi selle et son fouet. D'autres suspendent leurs
le pouvoir de vous l'ôtcr, moyennant quel- morts dans des couvertures de feutre au
que présent. Le sorcier vient donc se cou- (l) Lettres du P. Mathias Graciasur les lles Marquises;
cher près de vous; il voit ou il entend le gé- lettre 6«.
915 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 918
haut des arbres les plus élevés; d'autres en- river à tout moment. Ce qui était d'une'
fin en brûlent les restes mortels sur un bû- morale médiocre.
cher pour garder leurs cendres. Dans ce cas Kanlius fut obligé de quitter la société de
le cheval favori du défuut est brûlé avec bonne heure, pour veiller aux préparatifs
lui. d'un voyage. Arrivé chez lui, il alla à l'écu-
Ce sont encore les mœurs dont parlent les rie, examina son cheval, qui lui sembla
chroniques et les voyageurs du moyen âge. avoir perdu le fer de l'un des pieds de der-
En général cette peuplade offre jusqu'à pré- rière il voulut lui prendre la jambe pour
sent l'image fidèle de ce qu'étaient les Mon- voir le sabot, et reçut une violente ruade
gols à une époque malheureusement trop dans l'estomac. Il s'écria sur-le-champ
glorieuse pour cette nation; lorsque, conduits C'est fait de moK
par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire On le ta au lit; bientôt sa situation fut
en victoire la terreur et la désolation jus- désespérée. Pendant son agonie, il fut en
qu'au centre de l'Europe, jusque dans les proie à une grande tourmente d'esprit; il ré-
plaines riantes de la Silésie. pétait souvent Mes péchés sont tels, que
KALPA-TAROU, arbre fabuleux'sur le- le Tout-Puissant .ne me les pardonnera ja-
quel les Indiens d'autrefois cueillaient tout mais 1 Cet aveu était si étrangement con-
ce qu'ils pouvaient désirer. traire à l'opinion qu'on avait de lui, que les
KAMLAT opération magique en usage assistants ne savaient comment s'en rendre
chez les Tartares de Sibérie, et qui consiste compte. On en vint à soupçonner qu'il s'é-;
à évoquer le diable au moyen d'un tambour tait vendu au prince des ténèbres, et ce
magique ayant la forme d'un tamis ou plu- soupçon subit ne laissait pas d'être appuyé
tôt d'un tambour de basque. Le sorcier qui sur quelques faits auxquels on n'avait pas
fait le karnlat marmotte quelques mots tar- encore songé, entre autres sur ceux-ci. qu'il
tares, court de côté et d'autre, s'assied, se avait acquis ses immenses richesses avec une
relève fait d'épouvantables grimaces et soudaineté inconcevable et qu'il possédait
d'horribles contorsions, roulant les yeux, les dans son logis un chat noir d'une grosseur
fermant, et gesticulant comme un insensé. extraordinaire.
Au bout d'un quart d'heure, il fait croire L'heure de la mort de Kantius fut signa-
que, par ses conjurations, il évoque le dia- lée par un orage qui ne cessa qu'après ses
ble, qui vient toujours du côté de l'occident funérailles. Aussitôt quelecadavre^se trou-
en forme d'ours, pour lui révéler ce qu'il doit va déposé dans la fosse, les éléments rentrè-
répondre; il fait entendre qu'il est qaelque- rent dans le calme, comme si la terre eût
fois maltraité cruellement par le démon, et été délivrée de la présence de quelque dé-
tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en mon.
convaincre ses audiUurs, il feint de s'éveil- Bientôt le bruit courut qu'un spectre se
ler en sursaut en criant comme un possédé. promenait dans les appartements du défunt.
KAMOSCHet KEMOSCH. Voy. Chamos. Le garde de nuit du quartier avait, disait-il,
KANTIUS LE SILÉS1EN. L'histoire de e'ntendu un étrange tumulte dans la "maison,
Jean Kantius, racontée au docteur More par de Kantius il lui avait .semblé qu'on jetait
un médecin de la Silésie est un des exem- çà et là sur le parquet les glaces et les meu-
ples, les plus frappants de cette croyance aux bles, en riant aux éclats d'un rire aigu et sa-
vampires, qui a régné en souveraine sur cer- tanique. Des grilles de fer, qui chaque soir
tains esprits au dernier siècle. On dit que étaient fermées aux verrous se trouvaient
Kantius, sortant du tombeau apparut dans ouvertes le lendemain sans que personne
la ville qui l'a vu naître mais ce qui est po- eût passé par là. Ce bouleversement sur-
sitif, c'est que de nombreuses rumeurs re- naturel s'étendit même aux écuries de l'éche-
latives à ce même fait, jetèrent une agitation vin défunt tous les matins les chevaux
violente et une terreur profonde parmi ses étaient couverts d'écume comme s'ils eus-
concitoyens et dans toute l'étendue dea.la Si- sent fait une excursion dans de lointaines
lésie. contrées et cependant, à entendre les trépi-
Jean Kantius était un des échevins de la gnements extraordinaires dont toute la nui!
ville de,Pesth; sa réputation de probité et ifs ébranlaient le sol, on pouvait être assuré
son jugement droit lui avaient acquis une qu'ils n'avaient pas quille l'écurie. Les
grande considération. Un jour le maire l'en- chiens ne cessaient d'aboyer et de hurler' de
voya chercher pour l'aider à terminer une là manière la plus pitoyable. Les habitants
affaire qui venait de s'élever entre des voi- de Pesth ne pouvaient fermer l'œil de la
turiers et un négociant pannonien. L'affaire nuit.
arrangée, le maire invita Kantius, et l'invi- Une vieille domestique, qui prétait une
tation fut acceptée. Or le repas était excel- grande attention à tout ce qui se passait,
lent, et cette circonstance n'était pas d'un ra avoir ouï quelqu'un monter et descen-
médiocre intérêt pour Kantius qui savait dre les escaliers à cheval, et parcourir les
jouir en connaisseur'des plaisirs de la table; appartements au galop. L'acquéreur de la
aussi était-il de très-bonne humeur. maison de Kantius, épouvanté de tout ce va-
Cependant sa gaieté paraissait ce soir-là carme, se promenait un jour dans les envi-
plus folle que réelle; tout en sablant un rons de la ville; il vit distinctement sur la
grand verre de vieux vin du Rhin il pro-' terre couverte de neige l'empreinte de pas
nonça ces mots Plongeons-nous dans les qui n'appartenaient à aucune créature hu- J
joies de ce monde, car un malheur peut ai- mai.ne, à aucun animal terrestre.
917 KAN KAT 913
L'inquiétude devint inexprimable lors- quête en règle. Le tribunal condamna Jean
qu'on acquit la certitude, parle témoignage Kantius, échevin de Pesth, v à être brûlé com-
de personnes dignes de foi, que Kantius se. me vampire.
promenait à cheval non-seulement dans la Mais l'exécution rencontra un obstacle
cour de son ancienne maison, mais encore, étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse,
dans les rues de la ville, dans les vallées et tant il était pesant..
sur les collines des environs courant avec Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés,
la rapidité de l'éclair,' comme si que!que cherchèrent et découvrirent le cheval dont la
chasseur infernal eût été à sa poursuite.' ruade avait tué Kantius; ce cheval parvint à
Un Juif prétendit que Kantius avait engagé grand'peine à amener hors de terre les res-
une lutte avec lui et lui avait fait souffrir une tes de son ancien maître. Mais lorsqu'il s'a-
torture inouïe. Un charretier déclara qu'en git d'anéantir ces restes, une autre difficulté
approchant de Pesth il avait rencontré Ean- se présenta. On mit le corps sur un bûcher
tius, qui lui avait vomi à la figure dp lon- allumé, et il ne se consuma pas. On fut
gues flammes bleues et rouges. obligé de le couper en morceaux que l'on ré-
Mais voici qui est plus surprenant. Tous duisit partiellement en cendres, et depuist
les soirs, lorsque le pasteur se mettait au lit, lors l'échevin Jean Kantius cessa de faire des,
Kantius venait le rouler dans les draps en apparitions dans sa ville natale (1).
avant et en arrière, jusqu'à ce que l'unifor- KARCIST, nom qu'on donne, dans le Dra-
mité du mouvement et la fatigue le fissent
gon rouge, à l'adepte ou sorcier qui parle avec
succomber au sommeil. 11 se glissait auprès les esprits.
de lui sous là forme d'un nain à travers les
fentes de la cloison. KARRA-KALF le plus haut degré de la
Il arriva'encore que les lèvres d'un enfant magie en Islande. Dans les temps modernes,
furent tellement collées ensemble, qu'on ne lorsqu'on pratiquait le karra-kalf, le diable
put les séparer c'était l'œuvre de Kantius. paraissait sous la forme d'un veau nouvelle-
'ment né et non encore nettoyé par sa mère.
A certaines heures de la soirée, la lumière Celui qui désirait d'être initié parmi les ma-
des flambeaux devenait tout à coup, blanche
et triste c'était le signe infaillible de la vi- giciens était obligé de nettoyer le veau avec
site de Kantius.-Des vases qui contenaient sa langue; par ce moyen, il parvenait à la
connaissance des plus grands mystères.
du lait la veille furent trouvés le lendemain
vides qu remplis de sang. L'eau des fontai- KATAKHANÈS. C'est le nom que les ha-
nes devint insalubre et corrompue; des vieil- bitants de l'île de Candie donnent à leurs
lards furent étranglés dans leurs lits sans vampires. En aucune contrée du Levant la
croyance aux vampires ou.katakhanès n'est
que l'on parvînt à découvrir les auteurs de
ces crimes répétés. Tous ces événements ir- aussi générale que dans cette île, où l'on
régulicrs, et bien d'autres encore qu'il serait croit aussi aux démons des montagnes, dé
trop long d'énumérer ne devaient-ils pas l'air et des eaux. Voici un récit fait il n'yy
être attribués à Kantius ? a pas longtemps à un voyageur anglais
Qu'il nous sulfise, pour dernier trait, de M. Pashley, qui le rapporte comme il lui a
dire qu'à la funèbre clarté de la lune appa- été raconté. Nous l'empruntons à la Revue
raissait, à la lucarne d'une vieille tour, une britannique (mars 1837)
tête aux yeux étincelants, qui tout à coup cc Unjour le village de Kalikrati, dans lo
prenait la forme d'un manche à balai ou district de Sfakia, fut visité par qn katakha-
d'une chauve-souris. Cette tête était celle de nès les habitants s'«fforcèrent de découvrir
Kanlius, et ne pouvait être celle d'un autre. qui il était et d'où il venait. Ce katakhanès
Enfin la frayeur et le désespoir des habi- tuait non-seulement tes enfants, mais encore
tants de Pesth furent poussés au dernier les adultes, et il étendait ses ravages jusqu'aux
point. Les voyageurs évitaient la ville le villages des environs. Il avait été enterré
commerce s'anéantissait les citoyens fini- dans l'église de Saint-Georges à Kalikrati, et
rent par chercher un remède à cet état de une arche avait été construite au-dessus do
choses; il fut résolu en conseil de commune sa tombe. Un berger gardant ses moutons
que l'on comnie'nccrait par s'assurer si l'é- .et ses chèvres auprès de l'église fut surpris
chevin était bien mort. En conséquence par une averse, et vint se réfugier sous çetto
les plus courageux des habitants se mirent arche. Après avoirôlé ses armes pour prendre
en roule pour le cimetière, où ils ouvrirent du, repos, il les posa en çroix à côté de ta
plusieurs fosses avec précaution. Ils remar- pierre qui lui tenait lieu d'oreiller. La nuit
quèrent, non sans surprise, que,les voisins vint. Le katakhanès, sentant alors le besoin
de Kantius, qui avaient été enterrés avant ou de sortir pour faire du mal aux hommes, dit
après lui, étaient tous réduits en poussière, au berger:
tandis que sa peau lui était tendue et ver- Compère, lève-loi de là, car j'ai des affaires
meille. On lui mit un bâton dans la main, il qui m'obligent de sortir.
le saisit fortement, ouvrit les yeux et les re- Le berger ne répondit ni la première fois,
ferma aussitôt. On lui piqua une'veine de la ni la seconde, ni la troisième; il supposa que
jambe, et le sang coula en abondance. Ce- le mort inhumé danscette tombe était le ka-
pendant il y avait six mois qu'il avait été mis takhanès auteur de tous les meurtres commis
en terre. Le maire fit sur son compte une en- dans la contrée. Eu conséquence, la qua-
(t) Nousavonsrecueillicette histoiredansun feuilleton mesurecleciter l'auteur.
de la presse périodique.Nousregrettonsde n'être pas en
919 ;> DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. " 950
11 11 11 11"
trième fois qu'il lui adressa la parole, le ber- sent que cet esprit enlève les enfants les
ger répondit cache dans les creux des arbres et les y
Je ne me lèverai point de là, compère, car nourrit (1).
je crains que tu ne vailles pas grand'chose, KELBY esprit qu'une superstition écos-
et tu pourrais me faire du mal; mais s'il faut saise suppose habiter les rivières sous diffé-
que je me lève, jure par-ton linceul que tu rentes formes, mais plus fréquemment sous
ne me toucheras pas; alors je me lèverai. celle du cheval. Il est regardé comme mal-
Le katakhanès ne prononça pas d'abord faisant et porte quelquefois une torche. On
les paroles qu'on lui demandait; mais le attribue aussi à ses regards un pouvoir de
berger persistant à ne point se lever, il finit fascination.
par faire le serment exigé. Sur cela le berger KELEN et NYSROCK, démons que les dé-
se leva et ôta ses armes du tombeau; le ka- monographes, font présider aux débauches,
takhanès sortit aussitôt; après avoir salué le aux danses, aux orgies.
berger, il-lui dit KENNE pierre fabuleuse qui se forme
Compère, il ne faut pas que tu t'en ailles; dans l'œil d'un cerf, et à laquelle on attribue
reste assis là; j'ai des affaires dont il est né- des vertus contre les venins.
cessaire que je m'occupe; mais je reviendrai KEPHALONOMANCIE divination qui se
dans une heure, et je te dirai quelque chose. pratiquait en faisant diverses cérémonies sur
Le berger donc attendit; le katakhanès s'en la tête cuite d'un âne. Elle était familière aux
alla à environ. dix milles de là, où vivaient Germains. Les Lombards y substituèrent une
deux jeunes époux nouvellement mariés; il tête de chèvre.
les égorgea tous deux. A son retour, le berger Delrio soupçonne que ce genre de divina-
s'aperçut que les mains du vampire étaient tion, en usage chez les Juifs infidèles,donna
souillées de sang et qu'il rapportait un foie lieu à l'imputation qui leur fut faite d'adorer
dans lequel il soufflait, comme font les bou- un âne. Les anciens la pratiquaient en met-
chers, pour le faire paraître plus grand. tant sur des charbons allumés la tête d'un
Asseyons-nous, compère, lui dit le kata- âne, en récitant des prières superstitieuses,
khanès, et mangeons le foie que j'apporte. en prononçant les noms de ceux qu'on soup-
Mais le berger Gt semblant de manger; il connaît d'.un crime, et en observant le mo-
n'avalait que le pain et laissait tomber les -ment où les mâchoires se rapprochaient avec
morceaux de foie sur ses genoux. un léger craquement. Le nom prononcé en
Or, quand le moment de se séparer fut cet instant désignait le coupable.
venu, le katakhanès dit au berger: Le diable arrivait aussi quelquefois sans se
Compère, ce que tu as vu, il ne faut point montrer pour répondre aux questions qu'on
eu parler; car, si tu le fais, mes vingt ongles avait à lui faire.
se fixeront dans ta figure et dans celles de KHUMANO-GOO, sorte d'épreuve en usage
tes enfants. au Japon. On appelle goo un petit papier
Malgré cela le berger ne perdit point de rempli de caractères magiques, de figures de
temps; il alla sur-le-champ tout déclarer à corbeau et d'autres oiseaux noirs. On pré-
des prêtres et à d'autres personnes; et on se tend que ce papier est un préservatif assuré
rendit au tombeau, dans lequel on trouva le contre la puissance des esprits malins; et les
corps du katakhanès précisément dans l'état Japonais ont soin d'en acheter pour les ex-
où il était quand on l'avait enterré tout le poser à l'entrée de leurs maisons. Miis parmi
monde fut convaincu que c'était lui qui était ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu
cause des maux qui pesaient sur le pays. On viennent d'un certain endroit nommé Khu-
rassembla une grande quantité de bois que mano ce qui fait qu'on les appelleghumano-
l'on jeta dans la tombe, et on brûla le cada- goos.
vre. Le berger n'était pas présent; mais, Lorsque quelqu'un est accusé d'un crime
quand le katakhanès fut à moitié consumé, et qu'il n'y a pas de preuves suffisantes pour
il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et le condamner, on le force à boire une cer-
alors le vampire lança un crachat c'était taine quantité d'eau dans laquelle on met un
une goutte de sang qui tomba sur le pied du morceau de khumano-goo. Si l'accusé est
berger; ce pied se dessécha comme s'il eût innocent, cette boisson ne produit sur lui
été consumé par le feu. aucun effet; mais s'il est coupable il se
Quand on vit cela, on fouilla avec soin sent, attaqué do coliques qui le forcent à
dans les cendres; on y trouva encore l'ongle avouer. Quelquefois on fait avaler le Goo.
du petit doigt du katakhanès; on le réduisit Voy.ce mot.
en poussière. KIJOUN, nom d'une idole que les Israélites
Telle est la terrible histoire du vampire honorèrent dans le désert, et qui parait avoir
de Kalikatri. C'est sans doute au goût été le soleil. Le prophète Amos en parle au
qu'on
suppose à ces êtres malfaisants pour le foie chap. V.
humain qu'il faut attribuer cette exclamation KIONES, idoles communes en Grèce, qui
que ïavernier attribue à une femme can- ne consistaient qu'en pierres oblongues eu
diote:-J'aimerais mieux manger le foie de forme de colonnes; d'où vient leur nom.
mon enfant Voy. VAMPIRES. KIRGH1S. Les Kirghis voisins, des Kal-
KATMÎR-Voy. Dormants, à la On. moucks,sont d'une taille médiocre, ont presque e
KAYBORA,esprit des forêts, à l'existence tous les jambes cagneuses présentant une'
duquel croient encore les Américains ils dû- ]physionomie assez- agréable lorsqu'ils sont
(1) Voyageau Brésil, par le père Nèuwieiï,t. IT,c. 12 jjeunes; ils ne portent alors que la moustache,
Oïl KLE KLE 922
mais en vieillissant ils laissent croître leur 1 ï des
il se plaît au milieu minncruines
v*iiï couvertes da
barbeàpartirde la pointe du menton, et l'em- mousse; il fuit les saints lieux où reposent
bonpoint effrayant qu'ils atteignent, par suite des chrétiens l'aspect d'une croix l'ébloui t
d'une constante oisiveté, leur donne un as- et le torture; il ne boit qu'une eau verte
pect hideux. croupissant au fond d'un étang desséché le
Les Kirghis sont mahométans; ils ont un pain n'approche jamais de ses lèvres.
grand prétreappelé^c/iotm, qui réside près du Kleudde évite la foule; la lumière du grand
khan; ignorants et superstitieux, ils croient jour lui brûle les yeux; il n'apparaît qu'aux
aux sortiléges et possèdent cinq classes de heures où le hibou gémit dans la tour aban-
magiciens les uns font leurs prédictions avec donnée une caverne souterraine est sa de-
des livres d'autres se servent de l'omoplate meure ses pieds n'ont jamais souillé le seuil
d'une brebis, dépouillée avec un couteau, d'une habitation humaine le mystère et
car elle serait sans vertu si quelqu'un y avait l'horreur entourent son existence maudite.
fiorlé les dents; une troisième classe pour Vagues comme les atomes de l'air, ses formes
ire dans l'avenir, ..sacrifie un cheval, un échappent aux doigts et ne laissent aux
mouton ou un bouc sans défaut; la quatrième mains de l'imprudent qui essayerait de les
enfin consulte la flamme qui s'élève du étreindre qu'une ligne noire et douloureuse
beurre ou de la graisse jetée dans le feu. comme une brûlure.
Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les Son rire est semblable à celui des damnés
esclaves, persuadent aux mattres que si l'es- son cri rauque et indéfinissable, fait tres-
clave ensorcelé venait à déserter, il s'égare- saillir jusqu'au fond des entrailles; Kleudde
rait indubitablement dans sa fuite et retom- a du sangde démon dans les veines. Malheur
berait dans les mains de son maître; que s'il à qui, lé soir, dans sa route, rencontre
s'échappait, il rentrerait au moins dans l'es- Kleudde, le lutin noir 1
clavage du même peuple. Dans certains villages du Brabant le nom
Pallas rapporte, d'après le récit même qu'il seul de Kleudde exerce sur l'esprit des
en a entendu. faire par les Kirghis un, fait paysans un empire si redoutable, qu'il serait
assez ingénieusement inventé impossible de les faire sortir de leur maison
à une heure avancée de la nuit pour les en-
Un parti de Kirghis se mit un jour en cam-
voyer dans un champ, un bois, une prairie
pagne avec un des devins de la seconde classe où la croyance populaire place ce lutin. Les
pour attaquer lesKalmoucks; ceux-ci avaient enfants en ont une grande peur; on les me-
également un devin qui employant toute sa nace de la présence de Kleudde lorsqu'ils
science, avertit ses compatriotes do l'arrivée font mal. La frayeur des jeunes filles n'est
des Kirghis et les engagea à s'éloigner à
mesure que ceux-ci avançaient. pas moins enracinée, pour cette espèce do
Le devin
loup-garou; plus d'une le soir arrive essouf-
kirghis, voyant que son frère le Kalmouck flée au foyer paternel raconter en tremblant
allait faire échouer l'entreprise, employa la
qu'elle a aperçu Kleudde agitant ses chaînes
ruse; il dit aux Kirghis de seller leurs che- dans l'ombre.
vaux à reculons et de monter dessus. Le Au dire des campagnards, ce lutin est un
Kalmouck, ainsi induit en erreur;-vil sur son véritable protée, prenant les formes les plus
• osque les Kirghis rétrogradaient; il conseilla
donc à son parti de revenir sur ses pas. Les diverses, les plus bizarres: Tantôt c'est un
arbre d'abord très-petit ensuite s'allon-
Kirghis joignirent par ce moyen les Kal- geant peu à peu à une hauteur prodigieuse;
moucks et les firent prisonniers (1).
puis, se mouvant tout à coup, il s'élève de
KLEUDDE (2). Kleudde, tout barbare, tout terre et disparaît dans les nuages. Le seul
cacophonique quedoit vous paraître ce nom, mal que Kleudde fasse réellement sous celle
est un lutin, et un lutin national, un lutin forme, c'est de déraciner et de renverser les
vivant des brouillards de la Flandrc et du autres arbres qu'il rencontre sur son passage.
Brabant, un lutin belge en un mot. Si vous Tantôt il se revêt de la peau d'un chien
avez quelque feu dans l'imagination, sans noir; il marche sur ses pattes de derrière,
doute qu'à ce seul nom de lutin'vous vous agite une chaîne qu'il porte au cou et saute
formez déjà toute une cour fantastique, idéale, à l'improviste sur les épaules de celui qu'il
surnaturelle, composée de gnomes aux yeux voit la nuit dans un sentier isolé l'étreint,
malins, de sylphes aux ailes d'azur, aux le jette par terre et s'enfuit.
cheveux d'or, de salamandres aux pieds de r Souvent Kleudde est un cheval maigre et
feu. Poëtes, jeunes filles, enfants, Kleudde, efflanqué; alors il devient l'épouvantail des
avec son enveloppe sombre, avec son nom garçons d'écurie. On sait que c'est l'usage
aussi affreux que son être; Kleudde doit d'un dans les grandes fermes de mettre péndant
seul mot -tuer l'échafaudage de vos songes. la nuit les chevaux en pâture dans les prai-
Kleudde est un lutin malfaisant, qui à les re- • ries les domestiques rapportent avec une
gards du basilic et la bouche du vampire, bonne foi rustique qu'il leur arrive parfois,
l'agilité du follet et la hideur du griffon. lorsqu'ils croient monter sur une de leurs
Kleudde aime les nuits froides et brumeu- juments, d'enfourcher Kleudde,qui aussitôt se
ses, les prairies désertes et arides,'les champs met à courir de toutes ses forces, jusqu'à ce
incultes et blanchis par des os de morts, les que, arrivé pris d'un étang ou d'un ruisseau,
arbres frappés de la foudre, l.'if et le cyprès;' il se cabre et y précipite son cavalier ensuite,
(11 LaRussiepittoresque. nois, qui l'a donnée, il y à quelquesannées, dansle Jour'
(2) Cette noticeest de M.le baronJutes de Saint-Ge- naï desFlandres.
r025 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 954
pendant que la victime se débat dans l'eau croupissante dont l'odeursoulevait le cœur.
il se couche un instant à plat ventre, pousse L'âme damnée de la sorcière était passée
un éclat de rire et disparaît au moment où le dans le corps de cet homme noir, ou, pour
cavalier sort de son bain. mieux dire, dans le corps de ce diable, qui
Selon les circonstances, Kleudde se change depuis, n'ayant plus aucun repos, parcourt
en chat en cràpaud en chauve-souris en les campagnes et les plaines cherchant à
tout autre animal. Les paysans prétendent nuire à tout ce qu'il rencontre.
pouvoir reconnaîtreson approche à deux pe- KOBÀL, démon perfide qui mord en riant, di-
tites flammes bleues qui vacillent et s'avan- recteur général des farces de l'enfer, qui doi-
cent en sautillant mais toujours en ligne vent être peu joyeuses; patron des comédiens.
droite; ces petites flammes sont les prunel- KOBOLD esprit de la classe des lutins.
les dè ses deux' yeux. Le seul moyeu alors « C'est un petit nain étrange, de forme rabou-
d'éviter Kleudde, c'est de s'enfuir en zigzag, grie, avec des habits bariolés, un bonnet
comme ferait celui que poursuit un serpent. rouge sur la tête. Honoré par les valets, les
11 y a de cela trois mois je logeais par servantes et les cuisinières de l'Allemagne,
hasard dans une ferme à Ternath, aux envi- il leur rend de bons offices; il étrille leurs
rons de Bruxelles. C'était le soir; je me trou- chevaux, il lave la maison tient la cuisine
vais en compagnie avec tout le personnel de en bon ordre et veille à tout. Qu'on ne s'avise
la ferme, réuni autour d'un large foyer d'hi- pas de le négliger. Si c'est une cuisinière',
ver. En société de ces bons et simples pay- rien ne lui réussit; elle se brûle dans l'eau
sans, c'était pour moi une nouveauté d'au- [bouillante; élle brise la vaisselle elle ren-
tant plus piquante que je comptais mettre la verse ou gâte les sauces; et quand le maître
soirée à profit pour recueillir quelques ren- du logis la gronde, elle entend le Kobold
seignements sur Kleudde. J'amenai la cause- rire aux éclats derrière elle. S'il a reçu quel-
rie sur ce sujet, sur les lutins, sur les kabo- que insulte, la scène devient plus tragique,
termannekens et autres, follets dont le nom il verse dans les plats du poison ou du sang
m'échappe. de vipère quelquefois même il tord le cou
Monsieur, savez vous l'origine de à l'imprudent valet qui l'a harcelé (1) » 11
Kleudde? me dit un vieux domestique. est de la famille des Cobales et des Coboli;
Non, lui répondis-je, ravi de son inler- peut-être leur tige. Voy. ces mots.
.pellation. KORAN. Voy. Maorioath.
-C'est affreux àentendre,continuale vieil- KOUGHAS, démons ou esprilsmalfaisants',
lard. Voici comme on le raconte dans notre redoutés, des Aléotcs insulaires voisins du
endroit, lly a bien cent ans, on voyait au bout Kamtschalka. Ils attribuent leur état d'asser-
du bois qui borde la partie nord du village vissemeni et leur détresse à la supériorité
une petite et chétive maison habitée par une dés koughas russes sur les leurs; ils s'ima-
femme si décrépite, si hideuse, qu'on songea ginent aussi que les étrangers qui parais-
plus d'une fois à s'emparer d'elle afin de la sent curieux de voir leurs cérémonies,
brûler comme so.rcière car tout le monde n'ont d'autre intention que d'insulter à leurs
disait qu'elle avait des rapports avec le diable koughas, et de les engager à retirer leur pro-
et que sa baraque servait de lieu de réunion tection aux gens du pays.
pour le sabbat. Un soir qu'un orage, tel qu'on KRAT1M ou'KATMIR. C'est le nom qu'on
n'en avait entendu de mémoire d'homme, donne au chien des septDorinants. Voy. Don-
ébranlait toutes les habitations, le feu du ciel mants.
tomba sur la masure suspecte et la consuma KUHLMANN (Qojiunus), l'un des vision-
ainsi que la vieille femme, dont on aperçut ,naires du dix-septième siècle, né à Breslau
le lendemain le corps noirci gisant dans les en 1651. Il était doué d'un esprit vif; étant
cendres. Pendant trois jours personne n'osa tombé malade à l'âge de huit ans, il éprouva
'approcher du lieu de j'incendie; mais enfin un dérangement dans ses organes, et crut
comme le propriétaire du bois voulait utili- avoir des visions. Une fois il s'imagina voir
ser cette portion de son terrain, il prit avec le diable, escorté d'une foule de démons su-
lui quelques-uns de ses plus courageux do- balternes; un autre jour il se persuada que
mestiques munis de longs crochets pour re- Dieu lui avait apparu dès ce moment il ne
tirer la sorcière des décombres. Les valets cessa de voir à côté de lui une auréole écla-
de ferme se mirent en tremblant à l'ouvrage; tante de lumière. Il parcourut le Nord es-
à pein,e eurent-ils touché ta sorcière de leurs corté d'une très-mauvaise réputation. 11 es-
crocs qu'ils entendirent un grand bruit et' croquaitde l'argent à ceux qui lui montraient
t'cçurcnt dans tous les membres une violente quelque confiance pour l'employer, disait-
commotion ils virent un petit homme noir il, à t'avancement du royaume de Dieu.
sortir du corps de la vièille, graudir tout à Il fut chassé de Hollande au commence-
coup et s'échapper des ruines, en criant \Kleud- ment de l'année 1675 et voulut se lier avec
de, Kleudde, Kleudde Tous les domestiques Antoinette Bourguignon, qui rejeta ses avan-
perdirent connaissançe.el lorsqu'ils revinrent ces. Il fut arrêté en Russie pour des prédic-
a eux, ils plus rii/nsurle théâtre tions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 oc-
de l'incendie n'aperçurent
qu'un étang rempli d'une eau tobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité
la sagesse infuse d'Adam et de Scdomon (2);
(1) Ksitaii d'un articlesigné XX. dansVAmide la reli- ide
gion,ii°du 29 octobre1814". ^niimirabilis.In-8°; Leyde, 1674.Ou n'a qu'un volumede
(2) DeSapieiitiainfusa.AdaineaSalqmoneaque.4ir.a- cet ouvrage,qui devaiten avoirtrois etcontenircent mille
num niicrocosinioum; ftirts,.168i.– Prodioums quiiiqiieii- inventionscurieuses,etc.
925 LA LAC
C 928
on lui doit une quarantaine d'opuscules qui .KURDES, habitants de rAsie qui adorent
n'ont d'autre mért'lo que leur rareté. le diable.
KÙPAY, nom qui chez les Péruviens dé- KUTUKTUS. Les Tartares Kalkas croient
signait le diable. Quand ils prononçaient ce que leur souverain pontife, le kutuktus, est
nom, ils crachaient par terre en signe d'exé- immortel 'et, dans le dernier siècle, leurs
c'ration. On l'écrit aussi Cupai, etc'est encore fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le
le nom que les Floridiens donnent au sou- corps d'un savant qui dans ses écrits avait
verain de l'enfer. paru en douter.

L
LABADIE (JEAN), fanatique du dix-sep- de Bourges, qu'il y avait de son temps dans
tième siècle, né en 1G10 à Bourg sur la Dor- le Berry un lac de mauvaise renommée, qu'on
dogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste, appelait le lacdes Démons. Voy. PILATE, Her'
envoyé pour annoncer la seconde venue dit BADILLA,Is, CtC.
Messie, et s'imagina qu'il avait des révéla-' LACAILLE (Denyse de). En 1612 la ville
tions. II assurait que Jésus-Christ lui avait deBeauvais fut le théâtre d'un exorcisme sur
déclaré qu'il l'envoyait sur la terre comme lequel on n'a écrit que des facéties sans au-
son prophète. Il poussa bientôt la suffisance torilé. La possédée était une vieille, nommée
jusqu'à se dire revêtu de la divinité et parti- Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette
cipant du nom et de la substance de Notre- affaire la pièce suivante en résumé; nous la
Seigneur. Mais il joignit à l'ambition d'un croyons supposée par quelque farceur.
sectaire le goût des plaisirs il faisait servir Extrait de la sentence donnée contre les dé-
à ses odieux projets le masque de la religion, mons qui sont sortis dit corps de Denyse i de1
et il ne fut qu'un détestable hypocrite, Il Lacnille.
mourut en 1674. « Nous, étant dûment informés que plu-1
Voici quelques-unes de ses productions sieurs démons et malins esprits vexaient et
Le Héraûld du grand roi Jésus, Amsterdam, tourmentaient une certaine femme nommée
l'667, in-12. Le Véritable Edoi-cisnie, ou 'l'unir Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous
avons donné à Laurent Lepot toute puis-
que moyen de chasser le diable du monde chr'é-- sance dé conjurer lesdits malins esprits. Le-
tien. Le Chant royal du roi Jésus-Christ.
Ces ouvrages sont condamnés. dit Lepot, ayant pris la charge, a fait plu-
sieurs exorcismès et conj,urations, desquels
LABOUR, pays de Gascogne dont les ha-
bitants s'adonnaient au commerce et entre- plusieurs démons sont sortis, comme le pro-
cès-verbal le démontre. Voyant que, de jour
prenaient de longs voyages,; où ils croyaient en jour, plusieurs diables se présentaient;
que le diable les protégeait.. Pendant que les comme il est certain qu'un certain démon,
hommes étaient absents, Delancre dit que nommé Lissi, a dit posséder ladite Denyse,
Ips femmes devenaient d'habiles sorcières. nous commandons,
Henri IV envoya en 1609 ledit Pierre Delan- voulons, mandons, or-
donnons audit Lissi de descendre aux en-
cre, conseiller' au parlement de Bordeaux,
fers, sortir hors du corps de ladite Denyse,
pour purger le pays de ces sorciers, qui, sans jamais y rentrer; et, pour obvier à IaJ
instruits de son arrivée s'enfuirent en Es- revenue des autres démons, nous comman-
pagne. il en flt toutefois` brûler, quelques- dons, voulons, mandons et ordonnons que Bel-
uns.
zébuth, Satan, Motelu et Briffault,les quatre
LABOURANT, ypy. Pierre Laçourast. chefs, etaussi les quatre légionsquisontsous
LAC. Grégoire de Tours rapporte que leur puissance, et tous les autres, tant ceux
dans le Gévaudan il y av$tit une montagne qui sont de l'air, de l'eau, du feu, dé la terre
appelée Hélanie, au pied de laquelle était un et autres lieux, qui ont encore quelque puis--
grand lac; à certaines époques de l'année sance de ladite Denyse de Lacaille, compa-
les villageois s'y rendaient de toutes parts raissent maintenant et sans délai, qu'ils aient;
pour y faire des festins, offrir des sacrifices, a parler les uns après les autres, à dire leurs
et jeter dans le lac, pendant trois jours, une noms dé façon qu'on les puisse entendre,
infinité d'offrandes de toute espèce. Quand ce pour les faire mettre par écrit.
temps était expiré, selon la tradition que rap- « Et à défaut de comparoir, nous les met-
porte Grégoire de Tours, un orage mêlé d'é- tons et les jetons en la puissance de l'enfer,
clairs et de tonnerre s'élevait; il était suivi pour être tourmentés davantage que de cou-
d'un déluge d'eau et de pierres. Ces scènes .tume; et faute de nous obéir, après les avoir-
durèrent jusqu'à la fin du quatrième siècle. appelés par trois fois, commandons, vou-
Cent ans avant l'ère chrétienne il y avait tons, mandons que chacun d'eux reçoive les,
aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au. peines imposées' ci-dessus défendant au
dieu du jour et dans lequel les Tectôsages môme Lissi, et à.lous ceux qui auraient pos-
jetaient en offrandes de l'or et de l'argent en sédé" le corps de ladite Denyse de Lacaille,
profusion,. tant en lingots et monnayé que d'entrer'jâmais dans aucun corps, tant de
mis en œuvre et façonné. créatures raisonnables que d'autres^
On lit dans la Vie de saint Sùlpice, évêque «Suivant quoi ledit 'Lissi, 'malin esprit,
m DICTIONNAir.EDES SCIENCES OCCULTES. 928
prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzé- un sifflement de serpent. Quelle que soit leur
bulh paraissant, Lissi s'est retiré au bras 'demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu'il
droit; lequel Belzébulh a signé; pareillement en existe, « puisque cette croyance était en
Belzébuth s'étant retiré, Satan apparut, et a vigueur chez les anciens. » Le philosophe
signé pour sa légion, se retirant aubras gau Ménippe fut épris d'une lamie. Elle l'attirait
che; Motelu, paraissant, a signé pour toute à elle; heureusement qu'il fut averti de s'en
la sienne s'étant retiré à l'oreille droite; défier, sans quoi il eût été dévoré.
incontinent BjriffauH est comparu, et a signé Semblables aux sorcières, dit encore Le-
ces présentes. Signé Lissi; BELZÊBUTH; loyer (2), ces démons sont très-friands du
SATAN;Motelu Briffault. sang des petits enfants.
« Le signe et la marque de ces cinq dé- Tous les démonomanes ne sont pas d'ac-
nions sont. apposés à l'original du procès- cord sur la forme des lamies: Torquemada,
verbal. dans son Hexameron, dit qu'elles ont une
« Beauvais, le 12 décembre 1612. » figure, de femme et des pieds de cheval; qu'on
LACHANOPTERES, animaux imaginaires les nomme aussi chevesches, à cause du cri
que Lucien place dans. le globe de la lune. et de la friandise de ces'oiseaux pour la chair
C'étaient degrands oiseaux couverts d'herbes fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon
au lieu de plumes. les uns; d'autres les comparent' aux gholes
LACHUS, génie céleste, dont les Basili- de l'Arabie.
diens gravaient le nom sur leurs pierres d'ai- On a dit bien des bizarreries sur ces fem-
mant magique; ce talisman préservait des mes singulières. Quelques-uns prétendent
enchantements. qu'ellesne voient qu'àtraversune lunette (3).
LACI (JEAN), auteur d'un ouvrage intitulé Wierus parle beaucoup de ces monstres
Avertissements prophétiques, publié en 1708, dans le troisième livre de son ouvrage sur
un vol. in-8°; il parut différents ouvrages de les Prestiges. 11 a même consacré aux lamies
cette sorte à l'occasion des prétendus pro- un traité particulier (4).
phètes des Cévennes. LAMOTTE LE VAYER(François), littéra-
LAENSBERGH (Mathieu), Liégeois célèbre teur, né à Paris en 1588, et mort en 1672.
qui passe parmi le peuple pour le plus grand C'était, selon Naudé le Plutarque de la
mathématicien, astrologue et prophète des France, ressemblant aux anciens par ses opi-
temps modernes. Ses prédictions trouvent en- nions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules
core, dans les campagnes, de bonnes gens sur le Sommeil et les Songes, in-8°, Pa-
qui se feraient scrupule d'en douter, et qui, ris, 1643.
quand son almanach prédit de la pluie pour ,v LAMPADOMANCIE divination dans la-
un jour de beau temps, se contentent de dire quelle on observait la forme, la couleur et
« Il pleut ailleurs. » Le premier almanach de les divers mouvements de la lumière d'une
Mathieu Laensbergh a paru en 1636. lampe, afin d'en tirer des présages pour l'a-
LAFIN ( Jacques ), sorcier qui fut accusé venir.
d'envoûtement; on dit même qu'on trouva LAMPE MERVEILLEUSE. Il y avait à Pa-
sur lui des images de cire qu'il faisait par- ris, du temps de saint Louis, un rabbin fa-
ler (1).• meux, nommé Jéchiel, grand faiseur de pro-
LA1CA. Nom de fées chez les Péruviens. diges, et si habile à fasciner les yeux par les
Les laicas étaient ordinairement bienfaisan- illusions de la magie ou de la physique, que
tes, au lieu que la plupart des autres magi- les Juifs le regardaient comme un de leurs
ciennes mettaient leur plaisir à faire du mal. saints, et les Parisiens comme un sorcier.
LAMIA, reine de Libye, qui fendait le ven- La nuit, quand tout le monde était couché,
tre des femmes grosses pour dévorer leurs il travaillait à la clarté d'une lampe mer-
fruits. Elle a donné son nom aux lamies. veilleuse, qui répandait dans sa chambre une
LAM1ES, démons mauvais, qu'on trouve lumière aussi pure que celle du jour. Il n'y
dans les déserts sous des figures de femmes, mettait point d'huile elle éclairait conti-
ayant des têtes de dragon au bout des pieds. nuellement, sans jamais s'éteindre, et sans
Elles hantent aussi les.cimetières, y déter- avoir besoin d'aucun aliment.
rent les cadavres, les mangent, et ne laissent On disait que le diable entretenait cette
des morts que les ossements. lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel.
A la suite d'une longue guerre, on aperçut Aussi tous les passants heurtaient à sa porte
dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des pour l'interrompre. Quand des seigneurs ou
troupes de lamies qui dévoraient les cada- d'honnêtes gens frappaient, la lampe jetait
vres des soldats inhumés à fleur de terre. On une lueur éclatante, et le rabbin allait ou-
s'avisa de leur donner la chasse, et quelques vrir mais toutes les fois'que des importuns
jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups faisaient du bruit pour le troubler dans son
d'arquebuse; il se trouva le lendemain que travail, la'lampe palissait; le rabbin, averti,
ces lamies n'étaient plus que des loups et donnait un'coup de marteau sur un grand
des hyèneSi clou ûché au milieu de la chambre aussitôt
Il se rencontre des lamies, très-agiles à la la terre s'entr'ouvrait et engloutissait les
course, dans l'ancienne Libye; leur voix est mauvais plaisants (5). «
y
M.
(1) Garinet, Hist.de la magie en France,p. 113. chap. 8.
ou
spectres, Apparit. des esprits, liv. III, (4) j: Wieride Lamiisliber. In-4«;Baie, 1577.
199.
p.(2) Hist. des (5) Sauval, Antiquitésde Paris, etc.
(3)Naudé, Apol.pour les grands personnages,'etc.,
9S9 LAN LAN 930.
Les miracles de la lampe inextinguible un jour, comme .e roi Clovis sommeillait, il
étonnaient tout Paris. Saint Louis, en ayant lui fut avis qu'il touchait doucement le cou
entendu parler, ftt venir Jéchiel afin de la à Lancinet,'et qu'au même instant ledit Lan-
voir; il fut content, disent les Juifs, de la cinet se trouva guéri sans que même il parût
science étonnante de ce rabbin. aucune cicatrice. ¡
LAMPES PERPETUELLES. En ouvrant Le roi, s'étant levé plus joyeux qu'à l'or-
quelques anciens tombeaux tels que celui dinaire, tout aussitôt qu'il fit jour, manda
de la fille de Cicéron, on trouva des lampes Lancinet et essaya de le guérir en le tou-
qui répandirent un peu de lumière pendant chant, ce qui fut fait; et toujours depuis
quelques moments et même pendant quel- cette vertu et faculté a été comme hérédi-
ques heures; d'où l'on* a prétendu que ces taire aux rois de France et s'est transmise
lampes avaient toujours brûlé dans les tom- à leur postérité (2)..
beaux. Voilà, sans contredit, un prodige mais
Mais comment le prouver ? dit le père Le- on représentera que^personne ne se nom-
brun on n'a vu paraître des lueurs qu'a- mait Lancinet du temps de Clovis que ni
près queles sépulcres ontélé ouverts et qu'on Clovis, ni Clotaire, ni le roi Dagobert, ni au-
leur a donné de l'air. Or il n'est pas surpre- cun des Mérovingiens ne se vantèrent de
nant que dans les urnes qu'on a prises pour guérir les humeurs froides; que ce secret
des lampes il y eût une matière qui étant fut également inconnu aux Carlovingiens
exposée à l'air, devint lumineuse comme les et qu'il faut descendre aux Capétiens pour
phosphores. On sait qu'il s'excite quelque- en trouver l'origine (3).
fois des flammes dans les caves, dans les ci- LANDELA, magicienne. Voy. Harpe.
metières et dans tous les endroils où il y a LANGEAC, ministre de France, qui em-
beaucoup de sel et de salpêtre. L'eau de la ployait beaucoup d'espions, et qui fut sou-
mer, l'urine et certains bois produisent de vent accusé de communiquer avec le dia-
la lumière et même des flammes et l'on ne ble (k).
doute pas que cet effet ne vienne des sels LANGUE. On lit dans Diodore de Sicile
qui sont en abondance dans ces sortes de que les anciens peuples de la T.iprobane
corps. avaient une langue double, fendue jusqu'à la
Mais d'ailleurs Ferrari a montré claire- racine, ce qui animait singulièrement leur
ment, dans une savante dissertation, que ce conversation et leur facilitait le plaisir
qu'on débitait sur ces lampes éternelles n'é- de 'parler à deux personnes en même
tait appuyé que sur des contes et des his- temps (5).
toires fabuleuses. Mahomet vit dans son paradis des anges
LAMPON, devin d'Athènes. On apporta un bien plus merveilleux.; car ils avaient cha-
jour à Périclès, de sa maison de campagne, cun soixante-dix mille têtes, à chaque tête
un bélier qui n'avait qu'une corne très-forte soixante-dix mille bouches, et dans chaque
au milieu du front sur quoi Lampon pro- bouche soixante-dix mille langues qui par-
nostiqua ( ce que tout le monde prévoyait ) laient chacune soixante-dix mille idiomes
que la puissance jusqu'alors partagée en différents..
deux factions, celle de Thucydide et celle de LANGUE PRIMITIVE. On a cru autrefois
Périclès se réunirait dans la personne de que si on abandonnait les enfants à l'ins-
celui chez qui ce prodige était arrivé. truction de la nature ils apprendraient
LAMPROIES poisson à qui on a donné d'eux-mêmes la langue primitive c'est-à-
neuf yeux; mais on a reconnu que c'était dire celle que parlait Adam, que l'on croit
une erreur populaire, fondée sur ce que les être l'hébreu. Mais malheureusement l'expé-
lamproies ont sur le côté de la tête des cavi- rience a prouvé que cette assertion n'était
tés, qui n'ont aucune communication avec qu'une erreur populaire (6). Les enfants éle-
le cerveau (1). vés par des chèvres parlent l'idiomedes boucs,
r ont de et il est impossible d'établir que le langage
LANGINET. Les rois de France v
n'a pas été révélé.
temps immémorial revendiqué l'honneur de
guérir les écrouelles. Le premier qui fut LANGUET, curé de Saint-Sulpice, qui avait
guéri fut un chevalier nommé Lancinet. un talent tout particulier pour l'expulsion de
Voici comment le fait est conté certains esprits malins. Quand on lui ame-
II était un chevalier nommé Lancinet, de nait une de ces prétendues possédées que les
l'avis duquel le roi Clovis se servait ordi- convulsionnaires ont produites, et qui ont
nairement lorsqu'il était question de faire la donné matière à tant de scandales, il accou-
guerre à ses ennemis. Etant affligé de cette rait avec un grand bénitier plein d'eau com-
maladie des écrouelles, et s'étant voulu ser- mune, qu'il lui versait sur la léte, en disant:
vir de la recette dont parle Cornélius Celsus, -Je t'adjure de te rendre tout à l'heure à
qui dit que les écrouelles se guérissent si l'on la Salpêtrière, sans quoi je t'y ferai conduire
mange un serpent, l'ayant essayée par deux à l'instant. La possédée ne reparaissait
fois, et ce remède ne lui ayant point réussi plus.
(1) Brown Des Erreurs popul. tom. I", liv. III, (i) Berlin,Curiositésde la littérature, t. I", p. 51.
pag. 349. (5) M.Salgues,DesErreurs et des préjugés, tom. III,
(2) Delancre,Traité de l'attouchement,p. 159; Forca- p. 119.
tel, De Imper, et pliilosop.gall. (6) ThomasBrown,Essaissur les erreurs, I. II, eh.23,
(5) M.Salgues, Des Erreurs et des préjugés,etc.,
0 tom. p. 93.
ï".P-273.
'0
951 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 83v
LÀNTHILA • nomque les habitants des pour faire perdre la vie ou- la santé à leurs
Moluques donnent à un être supérieur qui ennemis.
commande à tous les Nélos ou génies malfai- Parmi ces peuples, certains magiciens ont
sants. ts. une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle
LAPALUD. Voy. Paujdï, Us tiennent des mouches magiques ou dés
LAPONS. Les Lapons se distinguent u'n démons, qu'ils lâchent de temps en temps
peu des autres peuples la hauteur des plus contre leurs ennemis, ou contre re bétail, ou
grands n'excède pas un mètre 'et demi; ils simplement pour exciter des tempêtes et faire
ontlatêle grôsse,le visage plat, lé nez écrasé, lever des vents orageux. Enfin ils ont une
les yeux petits, la bouche large, une barbe sorte de dard qu'ils jettent en l'air, et qui,
épaisse qui leur pend' sur l'estomac. Leur dans leur ôpinion, cause la mort à tout ce
habit d'hiver est une peau de renne, taillée qu'il rencontre. lis se servent encore, potfr
comme un sac, descendant sur les genoux, ce même effet, d'une pelote nommée tyre,
et rehaussée sur les hanches avec une cein- de la grosseur d'une noix, fort légère, pres-
ture ornée de plaques d'argent; cequi a donné que ronde; qu'ils envoient contre leurs en-
lieùà plusieurs historiensdedirequ'ily avait nemis pour lés faire périr; si par malheur
des hommes vers le Nord velus comme dés cette pelote rencontre en chemin quelque
bêtes, et qui ne se servaient point d'autres autre personne où quelque animal elle ne
habits que ceux que la nature leur avait manque pas de leur causer la mort (1). Voy.
'donnés. FINNES.
On dit qu'il y a chez eux une. école de ma- LARES. Les lares étaient, chez les anciens,
gie où lés pères envoient leurs enfants, per- des démons ou des génies. gardien's.du foyer.
suaités que la magie leur est- nécessaire pour' Cicéron, traduisant le Timée de Platon, ap-
éviter les embûches de leurs ennemis, qui pelle lares ce que Platon nomme démons.
sont eux-mêmes grands magiciens. Ils Festus les appelle dieux où démons infé-
font passer les démons familiers dont ils rieurs, gardiens des toits et dés maisons.
se servent en héritage à leurs enfants, aûn Àpulée dit que les larés n'étaient autre chose
qu'ils les emploient à surmonter les démons que les âmes de ceux qui avaient bien vécu
des autres familles qui leur sont contraires. et bien rempli leur carrière. Au contraire
Ils se servent souvent du tambour pour les ceux qui avaient mal vécu erraient vagâ1-
opérations de leur magie. Quand ils ont en- bonds' et épouvantaient les hommes'.
vie d'apprendre cequi se passe en pays étran- Selon Servius, le culte dés dieux lares est
ger, un d'entre eux bat ce tambour, mettant venu dé ce qu'on avait coùlùinè autrefois
dessus, à l'endroit où l'image du soleil est d'enterrer les corps dans lés maisons/ce gui
dessinée, des anneaux de laiton attachés en- donna occasion au peuple crédule dé s'ima-
semble par une chaîne de même métal. Il giner que" leurs aines y demeuraient aussi,
frappe sur ce tambour avec un marteau four- comme des génies seèouràbles et propices,
chu, fait d'un os, de telle sorte, que ces an- et de les honorer ên cette qualité.
neaux se remuent. Le curieux chante eh' On peut ajouter que la' coutume s'étant in-
même temps d'une voix distincte une chan- troduite plus tard d'inhumer lés' morts sur
son que les Lapons nomment jônkjlous ceux les grands chemins, ce pouvait bien être de
qui sont présents, hommeset-femmes, y ajou- là qu'on prit occasion de les regarder côirinïte
tent chacun son couplet, exprimant de temps les dieux des chemins. C'était lé sentiment
en temps le nom du lieu dont ils désirent sa. des platoniciens, qui des âmes des bons fai-
voir quelque chose. Le Lapon qui frappe le saient les lares, et des lémures des âmes des
tambour lé met'ensuite sur sa tête d'une méchants. On plaçait leurs statues dans un.
.certaine façon, et tombe aussitôt par terre, oratoire que l'on avait soin de tenir propre-
immobile, sans donner aucune marque de ment. Cependant quelquefois on perdait le
vie les assistants continuent de chanter respect à leur égard, comme à la mort de'
jusqu'à ce qu'il soit revenu à lui, car si quelques personnes chères; on les accusait
on cesse de chanter, l'homme meurt, disent- de n'avoir pas bien veillé à leur conserva-
ils, ce qui lui arrive également si quelqu'un tion, et de s'être laissé surprendre par les
essaye de l'éveiller en le touchant de la main esprits malfaisants. Caligiilà fit jeter les siens
ou du pied. Onéloigne même de lui les mou- par la fenêtre, parce que disait-il, il était
ches et les autres animaux qui pourraient le mécontent de leurs services.
faire revenir. Quand les jeunes garçons étaient devenus
Quand il reprend ses sens de lui-même, il .assez grands pour quitter lès bulles qu'on
répond aux questions qu'on lui fait sur le ne portait que dans la première jeu-
lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se nesse, ils les pendaient au cou des dieux
réveille qu'au bout de vingt-quatre heures, .lares. vLes esclaves y pendaient aussi leurs
selon que te chemin qu'il lui a fallu parcou- chaînes, lorsqu'ils recevaient là liberté. Voy.
rir a.élélongou court ;et, pour ne laisser au- LARVES
cun doute sur la vérité de ce qu'il raconte, LARMES. Les femmes accusées de sorcel-
il se vante d'avoir rapporté du pays où il a .lerie élaienfregardées comme véritablement
été la marque qu'on lui a demandée, comme sorcières lorqu'elles voulaient pleùrer et
un couteau, un anneau, un soulier ou quel- qu'elles" ne le pouvaient. Une sorcière dont
que autre chose. parle Boguet dans son premier avis ne put
Les Lapons se servent aussi du même tam- jeter aucune larme, bien qu'elle se fut plu-
bour pour savoir la cause d'une maladie, ou (1JDomCalmel,Sur les Vampires.,
`

933 LÂVV LAZ 934

sieurs fois
«ï/M-ina IV\ïb efforcée
aflrnrp^n devant
Hôvatïf son
enn iîîorp
juge « Car
it il
Car il II vit
II vit alors
nlrtrc /iii'il
qu'il était£fnif sur
ciît* le
In bord
Knr«ï d'un
H'titî

a été reconnu par expérience que les sor- gouffre où l'eau se jetait en tournoyant.
ciers ne jettent point de larmes ce qui à Epouvanté du danger que ce gouffre lui pré.
donné occasion Spranger, Grilland et Bodin sentait, il s'écrie encore une fois Faut-il
de dire que l'une des plus fortes présomp- que je passe ici ?..
tions que l'on puisse élever contre le sorcier La voix lui répondit Passe ici.
est qu'il ne larmoie point (1). » Il n'osa s'y hasarder, et, prenant l'écho
LARRIVEY (Pierre), ancieri'poëte drama- pour le diable il crut qu'il voulait le faire
tique du seizième siècle, né àTroyes en 1596. périr et retourna sur ses pas (3).
Il s'est fait connaître par un Almanach avec LAZARE, tzar dès Serviens dans leurs
grandes prédictions, le tout diligemment cal- temps héroïques. On lit sur ce prince, dans
'culé, qu'il publia de 1618 à 1647. Il précéda les chants populaires des Scrviens ( ces barr
ainsi MathieuLaensbergh.il ne mangeait point bares qui seront opprimés tant qu'ils outra-
de poisson, parce que, selon son horoscope, geront les femmes, tant qu'ils diront grossiè-
il devait mourir étranglé par une arête, pré- remént qu'elles ont les cheveux longs et le
diction qui ne fut pas accomplie. jugement court, tant qu'ils les écarteront de
w
Les almanachs qui continuent de porter leurs conseils ellestraiterbnt en esclaves,) on
son nom sont encore très-estimés dans le lit sur lui de singulières légendes.
midi de là France, comme ceux de Mathieu Leur grand cycle poétique, c'est l'ère fa-
Laensbergh dans le nord. talé de la conquête, c'estla bataille de Kos-
LARVES, âmes des méchants que l'on sowo-, où périt le roi Lazare trahi par.sorî
dit errer çà et là pour épouvantèr les vi-«- gendre >Vuk et par ses douze mille guerriers:
vants on les confond souvent avec les lému- A cette bataille, le poète, c'est-à-dire, le peu-
res, mais les larves ontquelque chose de plus ple ( car le poëte qui l'a chantée ne fait que
effrayant. poser une tradition) le peuple fait assister
Lorsque Caligula fut assassiné, où dit que et mourir, par un touchant anachronisme',
son palais devint inhabitable, à cause des les héros serviens qui naquirent plus tard,
larves qui l'occupaient, jusqu'à ce qu'on lui comme s'il manquait à leur 'gloire d'avoir
eût décerné une pompe funèbre. Voy. Fà'n- Sanctifié de leur présence et de leur mort cette
TOMES,SPECTRES,etc. mémorable défaite des Serviens que n'eût pu
LAUNAY (JEAN), célèbre docteur de Sor- détourner tout le courage des temps passés,
bonne, né le 21- décembre 1603 à Valdéric, rassemblé dans ce moment triste et solennel
diocèse de Coutances.il a laisséune disserta- de leur histoire. Dans un premier récit du
tion pédantesque sur la'vision de saintSimon poêle intitulé lês Apprêts religieux, le saint
-Stock, qu'il n'a pas su comprendre, étant un prophèie Elie vient annoncer au tzar la vo-^
peu janséniste un vol. in-8°; Paris 1653 lonté de Dieu et l'avertir qu'il est temps dë
et 1663. choisir entre le royaume du ciel et celui de la
LAURIER, arbre qu'Apulée met au rang terre.
des plantes qui préservent les hommes des « Lazare mande le patrjarche de Servie et
esprits màlins. On croyait .aussi chez les an-1 les douie grands archevêques, pour qu'ils
ciens qu'il garantissait de la foudre. donnentla sainte communion à ses braves, e't
LAUTHU, magicien tunquinois qui pré- que purifiés ils se préparent à la mort. »
tendait avoir été porté soixante-dix ans dans « Comme il mène la bataille le vaillant
le sein de sa mère. Sesdisciples leregardaient Lazare et avec fui périt l'armée entière des
comme le créateur de toutes choses. Sa mo- Serviens soixante dix-sept 'mille vaillants
rale est très-relâchée; c'est celle que suit le guerriers 1 maintenant tous pleins d'honneur
peuple, tandis que la cour suit celle 'de Cou- et de sainteté, ils-sont admis auprès du Toul,-
fucius. Puissant 1 » •
LAVATER (Lodis), théologien protestant, Voilà le christianisme dans sa mâle austé.-
né àKibourg en 1527; auteur d'un traité sur rité, et le paradis chrétien dans son plus
les spectres, les lémuresfè) etc., Zurich, 1570, beau 'contraste avec les joies sauvages du
in-12, plusieurs fois réimprimé. Walhalla et le.paradis de Mahomet.
LAVATER (Jean-Gaspard) né à Zurich Dans un second récit au moment où les
en 1741, mort en 1801, auteur célèbre de l'Art troupes défilent en bon ordre pour aller
de juger les hommes par la physionomie. mourir aux champs de Kossowo .la tzarine
Voy. Physiognomonie. Mililza demande à son noble époux qu'au
LAV1SARI. Cardan écrit qu'un Italien moins un de ses frères, un des neuf Iugowilz,
nommé Lavisàri, èonseiller et secrélaired'un reste avec elle dans la forteresse de Krusch-
prince, se trouvant une nuit seul- dans un watz. C'est bien le moment de tenircompagnie
sentier, te long d'une rivière, et ne sachant aux femmes 1 Ils refusent tous de se désho-
où était le 'gué pour la passer, poussa un cri, norer. Golabun le serviteur, reçoit l'ordre
dans l'espoir d'étré entendu des environs-. -de rester près de Mililza, el des larmes ruis-
Son cri ayant été répété "par une voix de l'au- sellent sur ses joues. Dès que l'aube du ma-
tre côté de reâu-,il se persuada que quelqu'un, tin parait, deux corbeaux messagers, comme
lui répondait, el demanda Dois-je passer dans les chants populaires de la Grèce mo-
ici? 7 derne, arrivent auprès de la tzarine qui se
La voix lui répondit: Ici.
fragoribnset prœsagilioriilmsquas obilumhominumcla-
'HlBôgùet, Premier avis,n° 60,p. 26. 'de's.ituUaiionesiiueimperù>runi pracedunt, etc. ->
-)
(2) De spectris lemuribûs et magnis alque insoliiis (3) LeflBlel-Dui'resQoy, Disseru,1. 1, p. 16&
r
955 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. %G
Irouble puis le guerrier Milutine couvert parlaient en hérétiques qu'elles n'aimaient
de dix-sept blessures et. portant sa main pas le son des cloches qu'elles aboyaient
gauche dans sa droite vient conter à Mi- comme des chiennes que l'aboiement de
litza comment l'illustre tzar, son époux, est l'une d'elles ressemblait à celui d'un dogue
lorabé, comment est tombé le vieux Iug, son que leur servante Anne Néel, quoique forte-
père comment sont tombés les neuf lugo- ment liée, s'était dégagée pour se jeter dans
witz (1) et comment est tombé Milosch le le puits ce qu'elle ne put exéculcr parce
W.iiwode. qu'une personne' la suivait mais que, pour
« Que Dieu bénisse Milosch et tous les échapper à cette poursuite, elle s'élança con-
siens 1 Son nom vivra dans les cœurs' ser- tre une porte fermée et passa au travers, etc.
viens dans les chants des femmes, dans les Le bruit s'étant répandu que les demoi-
-récits des vieillards. » selles de Leaupartie étaient possédées, un
Et comme le refrain lugubre de la chanson, curé nommé Heurtin, faible ou intriganl,
la malédiction tombe, avec le son monotone s'empara de l'affaire, causa du scandale, fit
de la gusla (2), sur l'infâme Wuk. Dans le des extravagances. Mais M. de Luynes, évê-
troisième récit, une jeune fille d'Amsel, le di- que deBayeux, le Gt renfermer dans.un sé-
manche au matin, parcourt à pas lents le minaire et les demoiselles ayant été pla-
champ de carnage, le Waterloo de la Servie, cées dans des communautés religieuses, se
lave avec de l'eau fraiche le visage des bles- trouvèrent immédiatement paisibles.
sés, et leur verse dans la bouche quelques LEBRUN (CHARLES), célèbre peintre, né
gouttes de vin. Sous cette main charitable, à Paris en 1619 mort en 1690. On lui doit
Paul Orlowitz, le jeune porte-étendard des un Traité sur la physionomie humaine compa-
princes de Servie, reprend assez de force pour rée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.
dire à la jeune fille d'Amsel où est tombé son LEBRUN (Pierre) oratorien né à Bri-
fiancé entre le waiwode Milosch et le kos- gnolles en 1661, mort en 1729. On a de. lui
1 1* Lettres qui découvrent l'illusion des philo-
santschitz Iwan
« Chère sœur, jeune vierge d'Amsel, vois-tu sophes sur la baguette et qui détruisent leurs
là-bas cet amas de lances de bataille ? Là où systèmes, 1693, in-12 2° Histoire critique des
elles sont plus hautes et plus pressées, là pratiques superstitieuses qui ont séduit les
ruisselait a grands flots le sang des héros. peuples et embarrassé les savants, 1702, 3
Les coursiers en avaient jusqu'aux élriers vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.
et aux sangles. Mais les héros en avaient Nous- avons occasion de le citer souvent.
jusqu'à la ceinture c'est là que tous trois LÉCANOMAN,CIE. divination par le moyen
sont tombés les braves 1 Pour toi, retourne de l'eau. On écrivait des paroles magiques
à ta blanche demeure, et ne souille pas ta robe sur des lames de cuivre, qu'on mettait dans
dans le sang. » un vase plein d'eau, et une vierge qui regar-
On n'avait pu retrouver sur la sanglante dait dans cette eau y voyait ce qu'on voulait
plaine >la tête de Lazare. Un jeune Turc, savoir, ou ce qu'elle voulait y voir.
né d'une Servienne, l'avait jetée dans une Ou bien on remplissait d'eau un vase d'ar-
source d'eau vive; elle y resta quarante ans, gent pendant un beau clair de lune en-
et elle brillait comme la lune sur l'eau. Ti- suite on réfléchissait la lumière d'une chan-
rée de là enfin et jetée sur le gazon, elle va delle dans le vase avec la laine d'un couteau,
rejoindre son corps qui fut déposé par les et l'on y voyait ce qu'on cherchait à connai-
douze grands archevêques dans le beau mo- tre.
nastère de Rawanitza en Macédoine, « fondé
C'est encore par la lécanomancie que chez
par Lazare de son propre argent, sans qu'il les anciens on mettait dans un bassin plein
en coûtât un para ou une larme à son pau-
vre peuple (3). » d'eau des pierres précieuses et des lamés d'or
et d'argent, gravées de certains caractères,
LAZARE (DENYS),prince de Servie, qui vi-
vait en l'année de l'hégire 788. 11 est auteur dont on faisait offrande aux démons. Après
les avoir conjurés par certaines paroles, on
d'un ouvrage intitulé-les Songes, publié en
leur proposait la question à laquelle ou dési-
1686, 1 vol. in-S°. Il prétend avoir eu des vi- rait une réponse. Alorsil sortait du fond de
sions nocturnes dans les royaumes de Sté-
l'eau une voix basse semblable à un siffle-
phan, de Mélisch et de Prague. ment de serpent, qui donnait la solution dé-
LEAUPARTIE seigneur normand d'un
sirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi
esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mé-
moire pour établir la possession et l'obses- d'Egypte, connut par ce moyen qu'il serait dé.
sion de. ses enfants et de quelques autres trôné et Delrio ajoute que de son temps
cette divination était encore en vogue parmi
filles qui avaient copié les extravagances de*e
ces jeunes demoiselles. II envoya à la Sor- les Turcs.
bonne et à la faculté de médecine de Paris des Elle était anciennement familière aux
observations pour savoir si l'état des possé- Chaldéens, aux Assyriens et aux Egyptiens.
dées pouvait s'expliquer naturellement. Il Vigenère dit qu'on jetait aussi du plomb
exposa que les possédées entendaient le la- fondu tout bouillant dans un bassin plein
tin qu'elles étaient malicieuses qu'elles d'eau et par les figures qui s'en formaient
on avait la réponse à ce qu'on deman-
(1) Iugowllz,enfantsde lug. dait (fc).
(2) Guitareà uneseulecorde.
(3)Extraitsdescomptesrenduspsr la presse périodique (i) Delancre Incrédulité et mécréance du sortilège
fur les légendesde ta Servie,
pleiucmcut convaincues, p, 268,
937 LEG 1 LES 938
LECHIES démons des bois, espèces de de Devon, dont il mesura le tombeau, faisait
satyres chez les Russes, qui leur donnent un des enjambées de cinq aunes. Lecat décou-
vrit en 175k, dans un cimetière de Bordeaux,
corps humain, depuis la partie supérieure
des os de géants qui avaient plus de neut
des
jusqu'à la ceinture, avec des cornes,
oreilles, une barbe de chèvre; et, de la cein- pieds; et il est constant qu'on a trouvé en
ture en bas, des formes de bouc. Quand ils Sicile des squelettes d'hommes qui ont eu
marchent dans les champs, ils se rapetis- douze coudées; c'est la mesure que donnent
sent au niveau des herbages; mais lorsqu'ils au géant Ferragus les chroniques de Char-
courent dans les forêts, ils égalent en hau- lentagne.
teur les arbres les plus élevés. Leurs cris Nous ne prétendons pas croire qu'il y ait
sont effroyables. Ils errent sans cesse autour en, depuis le déluge, des géants beaucoup
des promeneurs, empruntent une voix qui
plus hauts que ceux-là. Nous ne pensons pas
leur est connue, et les égarent vers leurs ca-
avec les musulmans que notre premier père
ait porté une lieue de hauteur; nous serions
vernes, où ils prennent plaisir à les chatouil-
ler jusqu'à la mort. trop dégénérés. Nous trouvons de l'exagéra-
LECOQ, sorcier qui fut exécuté à Sau- liait dans le peuple de Douai qui donne à
mur, au xvi° siècle, pour avoir composé des Gayant, l'un de ses aïeux, un (aille de vingt
vénéfices et poisons exécrables contre les en- mètres; mais nous admettons les géants; et
fants. Le bruit courait dans ce temps-là que, nos pères étaient plus grands que nous.
lui et d'autres sorciers ayant jeté leurs sorts Dans les cavalcades de fêtes que les pro-
vinces du Nord ont toujours aimées, on voit
de plume il devait s'y
diaboliques sur les lits
engendrer certains serpents qui piqueraient si partout des géants. A Douai, c'est donc Io
et tueraient les bonnes gens endormis; brave Gayant, avec sa famille colossale; à
bien qu'on n'osait plus se coucher. On at- Lille, c'était Lyderick et sa femme, fonda-
teurs de celte ville, hauts de soixante pieds.
trapa Lecoq, et on le brûla, après quoi on A Bruges, à Anvers, à Liège, à Matines
alla dormir (i) ce que vous pouvez faire à
aussi. Mons, à Bruxelles, on promène ainsi des
LEDOUX ( Mademoiselle ), tireuse de géants populaires. Charles-Quint trouvait du
carte», dont on fit le procès à Paris le 14 juil-
grandiose dans ces usages qu'il favorisait;
let1818. Elle fut condamnée à deux ans d'em- comme lui, la plupart des souverains les
prisonnement et à douze francs d'amende, encouragèrent.
Mais abordons notre chronique,
pour avoir prescrit à une jeune demoiselle qui s'ap-
d'aller la nuit en ^pèlerinage au Calvaire du puie sur un géant, et qui nous reporte à des
Mont-Valérien près Paris jours un peu éloignés.
et d'y porter
11 y avait, en 860, auprès de Bruxelles,
quatre queues de morue enveloppées dans
une sorte de petit château bâti en bois si-
quatre morceaux d'un drap coupé en quatre, tué à l'endroit même que l'on gravit encore
aGn de détacher, par ce moyen cabalistique,
le cœur d'un jeune homme riche, de neuf par les ruelles escarpées, qui se nomment
veuves et demoiselles qui te poursuivaient toujours la Monlagnc-du-Géant il occu-
en mariage (2). pait les lieux où le dernier siècle a encore
LÉGENDES. Nous avons rapporté plu- vu la Steenapoort, et s'étendait de la rue des
sieurs légendes qui tiennent aux sciences Alexiens à l'allée des Trois-Perdrix, tout en
occultes et aux croyances haut de la voie rapide dite rue de l'Escalier.
merveilleuses.
Nous pourrions ici en réunir un grand nom- Ce petit château était occupé par un géant
bre qui sont sur plusieurs points à la fois de dont le vrai nom n'a pas été conservé, mais
ces croyances. Nous nous contenterons que l'on appelait l'Onunéganck, d'un mot du
de
celles qui suivent. pays qui voulait dire alors protecteur des
chemins, et qui signifie aujourd'hui quelque
La Monlagne-du-Géanl. chose comme procession par les rues. Les
Si c'est possible,c'est fait; si c'est impossiblecelase fera.
langues ont aussi leurs changements. II n'a-
LE duc DEJii'cianGHiM.
vait que neuf pieds de haut.
Il est fâcheux que les hommes ne sachent Son manoir, bâti sur une colline plus éle-
garder aucune mesure dans leurs opinions vée de quatre-vingts pieds que le sol envi-
el leurs croyances. Autrefois on croyait tout; ronnant, -était alors inabordable; la monta-
maintenant on ne croit plus rien. Personne gne était de tous côtés abrupte, taillée à pic;
chez nos pères ne doutait des géants, que le géant n'y remontait qu'à l'aide d'un rude
vous regardez à tort aujourd'hui comme une escalier tourné vers la rue à laquelle il a
chimère. Il y a eu des géants, et même de donné son nom. Il s'y plaisait néanmoins. JI
très-grands géants. y élail respecté. On conte qu'il était bizarre,
Madeleine de Niquezza, pauvre Espagnole sauvage, ne parlant point, brusque en ses
de Carlhagène, prise par les Chiquitos, tomba manières mais ne l'aisant mal à personne,
successivement des mains du divers peupla- comme c'est l'ordinaire des gens forts et bra-
des sauvages dans une tribu de géants qui ves. 11 n'employait sa puissance et sa bonne
avaient neuf pieds de haut. Le doute s'est armure qu'à redresser les torts dans le pays,
emparé de cette aventure; cependant l'em- pourchassant les voleurs, dé|endant les mar-
pereur Maximin avait huit pieds. Guillaume chands et purgeant la contrée des brigands
de Malmesbury dit qu'Odorwpa, fils du comte vagabonds qui infestaient les routes.
fi) Nynauld,Discoursde la Lycanthropie,p. 5. (2) M. J. Garinet,HisLde la Magieen France,p. 291.
Dictionnaire DES sciences OCCULTES. I. 30
939 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 940
Or, ce géant n'avait plus cle femme mais re un chemin qui de Bruxelles dont la li-
il avait une fille qui lui ressemblait peu, mite était alors vers la Grande-Place con-
car elle était petite, gracieuse, ravissante. duisit à la montagne du géant. Les maîtres
Il la tenait enfermée pendant toutes ses ex- mineurs lui répondirent qu'il fallait plus d'u-
cursions, et jamais elle n'était descendue ne année pour de si vastes travaux.
dans la vallée de Rollcbeck ( aujourd'hui Hans n'ajouta rien et se mit à soupirer.-
combléej. Comme il errait, pensif et désolé, dans les
Un vaillant chevalier, qui s'était couvert sombres galeries, il vit un petit homme à
de gloire en repoussant les Normands, était cheveux blancs, haut de quatre pieds, qui le
revenu depuis peu dans le pays. Il avait regardait d'un œil fixe et ardent
trente ans. 11 succédait à son père qui avait Vous èies dans la douleur dit-il si
occupé de nombreux ouvriers dans ses mines vous le voulez, je vous tirerai de peine.
de cuivre de la forêt de Soigne. On le nom- Oh je ferai tout au monde, dit le che-
mait Hans dc Huysleen. valier.' Mais qui êtes-vous `? ?
Un jour que le géant, sorti pour ses cour- Vos gens, dit le petit homme, m'appcl-
ses, avait laissé seule au manoir sa fille lent le lutin Mais moi et les miens quels
Hélène, la jeune beauté mit la tête à une que nous soyons, nous habitons ces demeu-
petite fenêtre qui donnait sur Bruxelles alors res souterraines que vos fouillcs viennent
naissante. Le chevalier de Huysleen passait troubler. Si vous me jurez dp fermer cette
en ce moment au pied de la montagne; il mine et de nous y laisser, sire de Huysleen,
aperçut la charmante fillo un éclair n'est nous ferons cette nuit le chemin nous bâti-
pas plus rapide que le trait violent qui se rons la porte de pierre; et demain, au point.
jeta dans son cœur. Hors d'état de t'arracher, du jour, vous serez l'époux d'Hélè.ne.
il monta l'escalier du géant; mais au mo- Pour ne pas nuire à votre fortune, pour-
ment où il entrait dans le château, l'Ommé- suivit te nain, je vous indiquerai ailleurs une
de
ganck parut. Sa fille courut au devant autre mine plus abondante ,;et je vous don-
lui, le front beau de rougeur; après quoi nerai le secret d'étamer le cuivre.
elle salua l'étranger. Le géant fronça lé Le chevalier promit tout, bondissant d'al-
sourcil légresse.
Qui t'a rendu assez téméraire pour Pendant ce temps-là, logeant, voyant venir
mettre les pieds dans ce manoir? dit-il. la nuit, s'entretenait avec sa, fille. Il riait dp
Seigneur, répondit Huysteen, excusez. toutes ses forces. aux dépens du sire de
moi. J'ai vu votre fille et l'admiration m'a- Huysteen. Mais Hélène soupirait.
menait à ses genoux. Vers minuit il se fil une grande tempête.
Hélène' tremblait. Les vents ébranlaient le manoir; tes arbres
Qui es-tu ? dit le géant. voisins se rompaient en criant; des tonner-
Son ton brusque et mécontent fit frémir res lointains faisaient entendre-sans relâche
la demoiselle. leurgrondeincnl formidable. Hélène eut peur;
-Je suis Hans de Huysteen, répondit le le géant ouvrit la fenêtre
jeune homme. Lothaire m'a fait chevalier. C'est sans doute dit-il te démon de la
Tu n'es pas indigne de nous, reprit le. chasse qui sort de la forêt.
géant, avec un sourire qui annonçait quel- Mais la nuit était si noire qu'il ne vit rien
que chose de bizarre. Mais j'ai fait un vœu seulement il entendait le bruit des marteaux,,
tu ne seras l'époux' de ma fille, que si lu le cliquetis des pioches le roulement des
peux, demain, à la première heure du jour, brouettes et les voix confuses des travail-
venir ici la chercher à cheval, à travers un 'leurs. C'était un vacarme so.urd et un im-
portique de pierres pour la conduire à mense bourdonnement, comme si cent mille
l'église de Saint-Géry. hommes actifs, pressés, haletants, eussent
Là-dessus le géant rentra, ferma sa porte, été rassemblés là.
et laissa le pauvre jeune homme sur le pla- Il poussa un nouvel éclat de rire:-Huys-
teau de la petite montagne. Un regard teen est fou s'écria-t-il il a entrepris le
qu'Hélène ne lui avait pu refuser en s'é- chemin.
loignant lui mettait au cœur un bon cou- Il referma la fenêtre car le vent venait
rage. Maislorsqu'ens'approchant de l'escalier d'éteindre la lampe. Hélène ne put prendre
il vit ce qu'on lui avait prescrit, quand il aucun repos. Aux premiers rayons de l'au-
y songea quand il réfléchit qu'on lui don- rore, elle courut à la verrière. Quelle fut sa
nait la nuit seulement pour une entreprise surprise et sa joie, en voyant devant le ma-
immense; quand il eut mesuré les quatre- noir une magnifique porte de pierres (Steen-
vingts pieds d'escarpement sur lesquels il poort) elle poussa un cri si retentissant que
fallait faire une route, et l'impossibilité de le géant accourut.
inonterdes pierres pour bâtir là un portique, En ce moment, le chevalier Hans de Huys-
il vit bien que le géant l'avait raillé. Et tout teen par ut à cheval sous le portique con-
lo monde savait qu'il ne revenait jamais sur duisant à la main un élégant palefroi pour
une parole dite. Hélène. Tout ce que le géant avait demandé
Cependant le cœur touché voit rarement était fait.
un obstacle insurmontable. Hans courut à Il embrassa le chevalier qui ce jour-là
ses mines, où travaillaient six cents ou- môme, heureux époux d'Hélène, tint fidèle-
vriers. Il appela leurs chefs et leur demanda ment parole au petit homme -à cheveux
j'ils ne pourraient pas en une nuit construi- blancs. Il devint puissamment riche. Cent ans
?if LEG LEG 942
plus tard, un de ses descendants, sire Ro- C'est impossible; s'il dort, mille bras ne
dolphe de Huysteen qui fut chef des deux peuvent le tirer de sa place.
grandes familles patriciennes de Huysteon et -Fuyez avec moi 1
de Steenhuys, établit pour la première fois, en Ne voyez-vous pas que je suis enchal-
l'honneur du commerce, la procession de née (son pied était attaché aux parois de la
l'Omméganck, que Jean, Ier, duc de Brabant, roche)? Chaque'fois qu'il va dormir, il me
remit en vogue au treizième siècle. retient ainsi sous son odieux joug.
Les légendes, dans le Nord et dans le Midi, -Je vous délivrerai, belle inconnue, dût-
à l'Est et à l'Ouest, contiennent tant de tradi- il m'en coûter la vie.
tions piquantes, que l'on pourrait en citer Un regard de reconnaissance exprime les
ici un grand nombre. Nous donnerons d'abord sentiments de Bertha. Si vous y êtes dé-
quelques-unes de celles que Schreiber et ses terminé, dit-elle, allez.au burg de mon père.
amis ont publiées à Heidelberg, il y a une Le châtelain vous donnera le filet en mailles
trentaine d'années. On a publié celles de de fer que mon père a rapporté en trophée
Grimm et de Musœus, qu'il faudrait toutes de la Palestine. Il est tissu d'un art merveil-
reproduire, mais souvent elles sont trop leux nous y prendrons le monstre qui me
longues. persécute.
Le burg d'Eppstein. Ils convinrent icncore d'autres mesures.
Eppo courut au burg de Bremthal, et en rap-
On trouve dans les montagnes du Taunus porta le filet le lendemain, au lieu du ren-
quatre charmants vallons que le printemps dez-vous indiqué par Bertha. Il n'avait pas
orne annuellement de ses plus belles fleurs, attendu l'espace d'une heure dans le bosquet
de ses plantes les plus salutaires sur ces que Berlha lui cria de l'entrée de la caverne:
vallons domine tristement une roche escarpée -Dieu nous envoie le moment favoralile, le
où fut le burg (forteresse) solitaire d'Epps- voilà vers la montagne qui se fait un chalu-
tein. Eppo l'a bâti dans un temps dont il ne meau vite le filet, et ne bougez que je ne
reste plus de traces. Un jour il s'y était égaré vous appelle.
à la chasse; car alors toute la contrée était Le chevalier passe à travers la grille qui
sauvage et n'inspirait que de l'horreur. Eppo enfermait Bertha le filet souple; il se prête
fatigué se couche négligemment au pied du à toutes sortes de formes. Bertha grimpe
rocher sur un tapis de verdure arrosé d'une promptementsur la haule roche, et l'étend sur
source qui sort de la fente de cette masse la place où le monstre a coulumede prendre
informe. 11 s'endort, se réveille, et reposé il son repos. Elleasoin de le couvrir de mousse,
se relève pour chercher son chemin, lorsqu'il elle le jonche encore des fleurs champêtres
entend la voix mélodieuse d'une femme; l'air qui y croissent abondamment.
et les paroles étaient mélancoliques et parais- Midi approche; le géant à demi endormi
saient sortir du sein des rochers. Le cheva- s'avance vers le lit parfumé et croit voir là
lier se met en marche à travers les ronces les douces attentions de sa captive. La joie
et les buissons, et se fraye un sentier vers qu'il en a lui fait oublier de l'attacher comme
le-lieu d'où part la voix qui l'a charme. Il se d'ordinaire; il chancelle et tombe endormi
trouve enfin à l'entrée d'une grotte où est sur la couche traîtreusement apprêtée.
assise une demoiselle d'une éblouissante A peine est-il endormi, que Bertha accourt
beauté. La romance plaintive était achevée; replier sur lui tous les pans du filet; elle ap-
des larmes amères inondaient son visage pelle Eppo, qui n'arrive qu';iprès beaucoup
qu'elle essuyait avec les boucles des longs de fatigues, car le vrai chemin passait par
cheveux châtains qui flottaient sur son cou. la grotte fermée; il lui faut se faire voie à
Elle voit le chevalier, et implore son secours travers les ronces et les épines; enfin il ar-
d'une voix faible et tremblante. rive.
Eppo lui demande qui elle est et ce qui l'a Bertha le. prie de la ramener au burg de
conduite dans ce désert. son père dans le Bremihal.
Je ne puis vous en dire qu'un mot, dit-elle, Volontiers, dit Eppo, mais vous n'y seriez
car bientôt l'heure qui retient mon- tyran pas en sûreté contre le monstre, qui enfin
dans un sommeil léthargique est écoulée. Je parviendra à briser son filet. Qui pourrait
suis Bertha, née au Bremihal, burg qui est lui résister Qu'il meure 1 Bertha craint
là-bas. Le géant qui domino dans ces con- tout. Mais Eppo la conduit au pied de la
trées, a tué mon père et mes frères et me re- montagne, la prie de l'attendre, sans se li-
tient prisonnière dans ces lieux où il me vrer aux inquiétudes, remonte et s'efforce en
veut contraindre à l'épouser. Heureusement vain de précipiter le monstre dans l'ablme,
dès que je me mets à prier à haute voix, il sur le penchant duquel il était couché. Ses
perd ses forces et il est hors d'état de me efforts étaient sans succès. L'affreux co-
faire aucun mal. Tous les jours à midi il est losse immobile ouvre les yeux et se voyant
surpris d'un sommeil dont aucune puissance dans les lacets, hurle des cris effroyables
humaine ne peut le tirer. C'est à ce moment dont tous les vallons retentissent.. Commeil
qu'il repose sur cette pointe de rocher. fait un mouvement pour fâcher de rompre
Eppo tire son sabre; -Je vais, dit-il, en- les mailles Eppo en profite, et le lance
voyer ce monstre dans les abîmes infernaux. avec tant de vigueur vers les bords du ro-
Ah! reprit Bertha.^nul fer n'a de pou- cher, que le poids du monstre l'entraîne en
voir sur lui. roulant jusqu'au fond du valton. Tous ses
Ju vais le précipiter du- rocher. membres sont brisés et suspendus aux poin-
0« DTICIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 944
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tes des rochers; longtemps dé sa mère qu'ils avaient perdue, et
mort, qui enfin délivre la terre de son pou- dont le souvenir était toujours si cher au
voir tyrannique. Les oiseaux de proie se chevalier. Mais ni larmes ni paroles ne
précipitent en foule sur ses membres palpi- purent fléchir le vieux guerrier il menaça
tants, et mêlent les cris funèbres de leur Gisèle de maudire les cendres de sa mère,
voracité à ses accents de mort. si elle n'obéissait pas. Le cœur de la jeune
Eppo conduisit la captive au burg de ses fille se brisa, ses sens se troublèrent elle
pères. Après quelques semaines elle est son se lève, ouvre la porte de la salle bâtie sur
épouse. 11 bâtit le château d'Eppstein et le Rhin la tempête mugit dans l'enceinte
suspend à ses chaînes les mains du géant du vallon la malédiction de son père la
comme un éternel souvenir. trouble comme un spectre. Voulant s'en dé-
Le chevalier Brœmser de Rudesheim. livrer, dans un transport de démence, elle
se précipite.
Comme saint Bernard prêchait la croisade On trouva le lendemain le corps de Gi-
à Spire, Jean Brœmser de Rudesheim prit la sèle rejeté par le Rhin, près de la tour
croix avec beaucoup d'autres gentilshommes d'Hatton et, disent encore les bateliers alle.
et alla en Palestine. Là il fit de grands traits mands souvent le nautonnier voit: dans le
de valeur; son nom y fut fut honoré des Fran- calme de la soirée son ombre planer sur les
çais et redouté des Sarrasins. vieux murs du burg il entend des accents
Il y avait dans un vallon sauvage et pier- plaintifs se mêler aux sifflements des vents.
reux un dragon, qui s'était rendu redoutable Le vieux Brœmser, inconsolable fit vœu
à toute l'armée chrétienne; il égorgeait les alors de bâtir une église pour le repos de
bonnes gens qu'on envoyait pour faire du l'âme de sa fille, car il espérait qu'avant
bois et de l'eau de sorte que personne ne d'expirer elle avait pu se repentir et mériter
voulait plus se rendre dans le voisinage de le pardon d'un crime commis dans un accès
ce monstre. Brœmser met son casque,.prend de folie; mais il oublia bientôt cet autre
l'écu et l'épée, se rend au repaire du dragon vœu.
et le tue, comme il rampait hors de sa ca- Un soir à minuit il fut éveillé par un songe
verne. horrible le dragon qu'il avait tué autrefois
Le brave chevalier fut assailli dans ce en Palestine lui apparut ouvrant la gueule
moment par des infidèles qui étaient en et menaçant de le dévorer mais tout à coup
embuscade et qui le firent prisonnier. Il il vint une figure pâle et jeune qu'il recon-
languit longtemps dans les fers. Se voyant naît pour sa Gisèle.. A son aspect le monstre
sans aucune espérance d'être racheté, il fit s'éloigna et au moment même les chaînes'
vœu que, s'il revenait au beau Rhin, il con- qu'il avait portées en Palestine tombèrent du
sacrerait au ciel Gisèle, sa fille unique, et mur avec fracas, et le réveillèrent tremblant
lui donnerait le voile. Bientôt après la ville de frayeur. Le matin du même jour, un valet
où Brœmser était prisonnier fut prise par ses arriva de la
campagne avec une image de la
compatriotes. Libre alors, il échangea ses sainte Vierge un bœuf l'avait déterrée en
armes contre le bourdon et la calebasse du labourant, et l'image avait fait entendre, di-
pèlerin il parcourut la France, aborda en sait-on, un cri d'appel. Aussitôt Brœmser
Allemagne, et parvint à Rudesheim sans prit ses mesures pour l'accomplissement de
éprouver aucun accident. Les larmes cou- son vœu. Il fit bâtir à l'endroit où l'image
lèrent de ses yeux, en entrant dans le burg; avait été trouvée une église et un couvent
sa fille venait au-devant de lui,avec les ser- qu'on nomme encore Nothgott (secours de
viteurs de la maison, et il ne pouvait expri- Dieu). On montre dans celte église les chaî-
mer que par des regards levés au ciel ce qui nes de Brœmser et la langue du dragon qu'il
se passait dans son âme. La belle Gisèle avait vaincu. Son burg, que possède aujour-
avait, pendant les trois années qu'avait d'hui le comte de Metternich garde en-
duré son absence, acquis la force de la core des monuments de celle vieille époque.
jeunesse'; la joie de son retour l'embellissait La grande salle d'honneur est ornée des ta-
encore. bleaux de famille des Brœmser, hommes et
Lorsque le vieux Brcemser lui parla de son femmes peints sur une seule pièce de bois
vœu, Gisèle, comme frappée du coup de la avec les noms, l'année les armoiries et
mort pâlit et tous ses trails s'altérèrent. quelques rimes. Dans la chapelle on voit les
Sans nouvelles de son père, elle avait depuis cornes du bœuf qui a déterré la sainte image.
quelques mois promis sa main à un jeune La chambre à coucher est décorée de toutes
chevalier (lu voisinage, parfaitement digne sortes de figures, et le lit, qui est très-am-
de son choix. En revoyant son père elle ple, a des sculptures peintes qui retracent des
avait espéré le voir approuver par lui. Elle sujets de l'Ancien Testament, et qui font al-
se jeta à ses pieds embrassa ses genoux, et lusion à la foi conjugale. Près du lit se trou-
les arrosa de ses larmes elle lui représenta vent divers meubles, chaises, marchepieds,
qu'elle voulait bien renoncer à ce mariage etc., tous fort simples et sans apprêt, mais
mais qu'elle le priait de ne pas la repousser faits pour une longue durée, comme l'était
de la maison où elle était née, promettant encore alors la vie des hommes.
qu'elle se ferait un devoir bien doux de soi-
gner sa vieillesse et d'adouci. ses infirmités. L'échelle du diable.
Elle lui rappelait le temps où il la portait, On voit à Lorch, sur les confins du Rhin.
encore enfant, dans ses hras elle lui par- gau, quelques débris d'un vieux burg. C
?*S LKG LEC 946
fut la demeure
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épée, Garlinde été enlevée, et son père com-
d'une humeur bizarre et peu sociable. On mençait à perdre toute espérance de la revoir
frappa à sa porte pendant une nuit fort ora- de près, lorsque Ruthelm, jeune et brave che-
geuse. C'était un petit vieux bonhomme qui valier, revint de Hongrie, où il avait acquis
demandait l'hospitalité. Le chevalier refusa beaucoup de gloire en combattant contre les
brutalement de recevoir l'étranger sans ap- infidèles. Son burg n'était qu'à une demi-
parence. Tu me le payeras, rumine dans. lieue de Lorch. Dès qu'il apprit le malheu-
sa barbe le petit bonhomme, et il se retire. reux sort de Garlinde, sa grande âme conçut
Le sire de Sibo oublie bientôt cette insi- le dessein de la délivrer. Il vint donc trouver
gnifiante visite; mais le lendemain lors- le père désolé, et lui fit part de son projet.
qu'on sonne le dtner, sa fille, dont les beaux Sibo lui présente la main. -Je suis riche,
traits commençaient à se développer, son dit-il, je n'ai que cette enfant; si tu peux nie
unique enfant, qui n'a que douze ans, a dis- la rendre, elle est à toi.
paru. Il la fait chercher partout; lui-même Aussitôt Ruthelm va sonder les alentours
se fatigue en inutiles perquisitions. Il ren- du rocher; il examine s'il y a moyen d'y
contre enfin un jeune pâtre qui lui raconte parvenir, mais ce n'était qu'un mur uni
qu'il a vu le matin une petite fille cueillant comme une planche et qui ne présentait au-
des Oeurs là-bas au pied de la montagne es- cun accès. Pensif et consterné, il se tient là
carpée de l'inaccessible Kedrich que tout à debout jusqu'à l'entrée de la nuit; déjà il
coup étaient venus de petits hommes bien, reprenait In chemin de son burg, lorsqu'un
vieux, qui avaient pris la jeune fille par les petit nain l'aborde et .lui dit
bras et l'avaient emportée en grimpant en N'est-ce pas, beau sire, que vous avez
haut de la montagne aussi facilement qu'un aussi ouï parler de la belle Garlinde qui est
autre aurait couru dans les prés. Ah 1 là-haul sur cette roche? C'est ma pupille si
mon Dieu 1 ajouta-t-il, faisant un signe de vous la voulez pour épouse, je vous l'accor-
croix, ce sont sûrement les terribles lutins derai.
qui tiennent leur sabbat là-haut sur le Ke- Tôpel dit le chevalier en lui tendant la
drich, et qu'il est si aisé de fâcher. Le che- main.
valier regarde avec effroi la montagne; il Je ne suis qu'un nain à vos yeux, reprit
lève les yeux jusqu'en haut, et voit effecti- le petit bonhomme, mais je tiens parole de
vement sa fille Garlinde, qui, tout au faite, géant. La belle enfant est à vous, si le che-
semblait lui tendre les bras. min qui conduit à elle ne vous parait pas
JI rassemble aussitôt ses gens, espérant en trop difficile. Mais vraiment, le prix vaut le
trouver un qui saura grimper à la cime, travail; car, foi de nain pas une fille du
mais inutilement. Il leur fait apporter des Rhingau ne la vaudrait pour la beauté, pour
outils pour pratiquer un chemin. Ils s'em- l'esprit, la gentillesse et la relenue.
pressent d'y travailler; mais à peine se sont- Le petit vieillard sourit et disparalt dans le
ils mis à l'œuvre qu'une énorme roche roule bois. Cela donna bien à Ruthelm sujet de
du haut en bas, les force de prendre la fuite, penser qu'if se moquait de lui. Il jette encore
et une grosse voix se fait entendre C'est les yeux sur le rocher, murmurant à demi-
ainsi que se venge le refus d'hospitalité. voix :-Ah 1 si l'on avait des ailes pour planer
Le sire de Sibo se mord les lèvres, mais il jusqu'à la cime 1
ne renonce pas à l'espoir de tirer sa fille des On peut y parvenir sans ailes, dit une
mains de ces esprits malfaisants. Il fait des voix.
vœux; il répand à pleines mains des aumô- Le chevalier stupéfait regarde autour de
nes, donne aux pauvres aux couvents, et lui, et voit une petite vieille qui lui frappe
ne sait plus que faire encore. Les jours, familièrement sur l'épaule.
cependant, les semaines, les mois s'écoulent -C'est mon frère qui vient de vous parler,
sa seule consolation est de savoir que sa fille j'ai entendu tout ce qu'il vous a dit. Le pèro
vit encore car le matin et le soir, ses pre- de Garlinde, l'a offensé, mais il en est bien
miers et ses derniers regards sont fixés sur puni depuis quatre ans, et la pauvre fille n'y
le Kedrich et toujours il la voit; elle est là peut rien. C'est une belle et bonne petite en-
regardant au fond du vallon. fant, douce et compatissante, qui ne serait
Dans le fait', les lutins n'épargnent rien de pas capable de refuser le couvert. Je l'aime
ce qui peut conserver sa fraîcheur et sa santé. comme ma fille, et je ne souhaiterais rien
Un petit pavillon tapissé de coquilles, de cris- tant que de savoir un bon chevalier qui en
taux, de pierres brillantes, lui sert de de- ferait son épouse. Mon frère vous a donné
meure. Elle a des robes, des colliers de co- sa parole et nous ne manquons jamais à
rail et toutes sortes de joyaux., Des chants nos promesses. Prenez cette clochette, des-
mélodieux des contes agréables, une table cendez au Wisperthal. Vous trouverez là
ahondamment pourvue de laitage et de fruits, l'entrée d'une mine ombragée d'un hêtre et
rien n'est négligé pour rendre doux les jours d'un sapin qui croissent du mêmetronc. En-
de sa captivité. Une sorte de vieille petite trez-y sans crainte, et sonnez trois fois la
fée surtout prend à tâche de lui plaire, et lui clochette. Mon frère le jeune y demeure, et
dit souvent à l'oreille Courage, ma fille, vient dès qu'il entend ce signal. Vous lui di-
nous vous marierons avec un des nôtres. Je rez, pour vous faire connaître, que c'est moi
vous prépare un bon trousseau une reine qui vous envoie. Priez-le de vous faire une
n'en donne pas tant à sa fille. échelle aussi haute que le Kedrich, et vous
Il y avait déjà quatre ans que la pauvre pourrez parvenir au sommet sans danger.
947 DICTIONNAIKEDES SCIENCESOCCULTES. 043
Rutheljn suivit ponctuellement ce conseil L'échelle merveilleuse subsista longtemps
courut au Wisperthal trouva ta mine aban- au rocher impénétrable. Les voisins la re-
donnée et donna trois coups de sonnette. Au gardaient comme l'ouvrage d'un esprit mal-
troisième parut du fond de la mine un petit faisant. C'est ce qui fait qu'ils ont donné le
nain vieux et grison, une lampe de mineur nom d'échelle du diable au rocher de Ke-
à la main il demanda à Ruthelm ce qu'il drich.
voulait. Le chevalier lui exposa le sujet de
sa visite; il fut bien accueilli et recul l'ordre Le Wisperthal
de se trouver le lendemain matin au point 11y a derrière Lorch un vallon sauvage et
du jour au pied du Kcdrich le nain en même solitaire où ne se rencontrent que quelques
temps tire un sifflet du fond de sa gibecière, pauvres chaumières longtemps ce n'était
siffle trois fois et voilà que toute la, vallée désert; car si quelquefois les voisins
fourmilla de gnomes armés de cognées de qu'un
venaient à y pénétrer, ils y éprouvaient des
scies, de marteaux. Le chevalier entend en- angoisses et se trouvaient tellement harcelés
core dans l'éloignement le fracas des arbres au plus
par des lutins qu'ils s'enfuyaient
renversés, le bruit des haches qui taillent vite. On dit même que plusieurs y firent
et équarrissent, le choc des marteaux qui ras- une malheureuse fin.
semblent les pièces et enfoncent les chevilles; Dans un siècle qui est déjà loin de nous,
son cœur palpite d'espérance et de joie. Dès trois jeunes garçons de Nuremberg faisaient
qu'il entend le chant du coq, il se rend au en partie de plaisir un voyage du Rhin leurs
Kedrich ;'il y trouve l'échelle posée et bien
affermie. 11 frémit aux premiers échelons; pères étaient de riches marchands. Arrivés à
Lorch, ils enlendirent_ parlrrde la vallée
mais il prend courage à mesure qu'il avance. merveilleuse ils se déterminèrent à en tenter
Enfin il est à la cime, au moment où l'aurore la visite. Ils franchirent en moins d'une demi-
commence à dorer les montagnes; Garlinde heure un chemin qui y conduisait. Couvert
est là couchée sur un lit de mousse que l'é- de ronces et d'épines ce chemin avait à
glantine épineuse environne et que parfu- peine des traces. Ils virent bientôt devant
ment les fleurs les plus éclatantes de la mon- eux une énorme masse de roche qui avait
tagne. Elle était profondément assoupie. Elle presque la figure d'un château; de grandes
se réveille et voit le chevalier Je suis^ ouvertures, semblables de loin aux croisées
venu, lui dit-il pour vous reconduire à votre gothiques d'un vieux dôme, achevaient l'illu-
père. sion. A l'une de ces prétendues fenêtres pa-.
Garlinde verse des larmes de joie. Et alors rureut en un groupe trois têtes de femmes.
parait le vieux nain qui l'avait enlevée, et Des bstl bsll bien prononcés partirent de là,
derrière lui là bonne vieille qui a voulu lui comme un signe d'appel. Oh 1 oh 1 dirent
servir de mère. Le nain fronce un peu le les
jeunes gens, ce manoir n'est pas si 'ef-
sourcil à la vue du chevalier; mais il voit l'é-
frayant qu'on nous l'avait annoncé. Ces da-
chelle; il devine tout, rit aux éclats et dit mes s'ennuient sans doute, allons leur de-
Ce sont sûrement ces vieux cœurs amol- mander l'hospitalité, Ils une
lis qui ont tout comploté. Prends celle que porte étroite. Ils entrent et aperçoivent ne craignent pas
tu cherches, et sois plus hospitalier que de traverser une longue allée qui les conduit.
son père; mais il faut que de nouveaux pé- à un vaste et grand vestibule. Tout à coup
rils payent sa rançon. Va-t'en par où tu es ils se trouvent enveloppés de ténèbres si
venu; et pour la jeune fille nous saurons épaisses, qu'ils ne voient plus leur main
bien te la renvoyer par un chemin plus com- de leurs yeux. A
quoiqu'ils l'approchent
mode. force de tâtonner, l'un d'eux rencontre une
Ruthelm ne se le fait pas dire deux fois, il
descend vaillamment sa périlleuse échelle, porte qu'il s'empresse d'ouvrir. La lumière
de mille bougies les éblouit; c'était l'entrée
pendant que le vieillard et sa sœur condui- d'une magnifique salle dont les parois étaient
sent Garlinde par un souterrain jusqu'au couvertes de glaces depuis le plafond jusqu'à
pied du roc où est ménagée une secrète sor- terre. Chaque trumeau n'était' séparé de l'au-
tie en quittaiit sa protégée la vieille lui remit tre que par des girandoles qui portaient
une cassette de pierreries et lui dit Prends, d'innombrables flambeaux.
mon enfant, voilà ta dot que je t'ai amassée. Soyez les bien-
venus, s'écrient les Irois jeunes filles. Mais
Garlinde la remercia les larmes aux elles ne sonl plus trois seulement; elles se
yeux. multiplient en un clin d'oeil; elles circulent
Ruthelm, trouvant la jeune fille au pied du par centaines, répétées dans les glaces lim-
roc, la mena au hurg. Qui pourrait décrire pides, et rient aux éclats de leur étoime-
la joie et les transports de son heureux père nient.
en la revoyant? Corrigé par cette longue Enfin s'ouvre une porte à glaces placée
épreuve, son cœur s'ouvrit au plaisir d'o- dans une niche. Il en sort un grand vieillard
bliger ses semblables; depuis ce temps, tout vêtu de noir, la barbe plus blanche que la
étranger qui se présentait à Lorch y était neige. Soyez les bienvenus, dit-il; vous
reçu et bien traité pendant huit jours. venez sans doute épouser mes trois filles? Je
Ruthelm obtint la main de Garlinde et ne marchanderai
Técut longtemps avec elle dans un bonheur pas avec vous, car je ne
suis pas avare je leur donne à chacune
non interrompu; à chaque enfant que le ciel mille livres pesant d or.
leur donnait, la bonne vieille apporta un Et toutes les filles de rire avec plus de
présent au nouveau-né. br,uil; et nos trois compagnons de ne savoir
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que penser de tout cela. Eh bien I que sifs dé l'énorme voûte sont d'une horrible nu-
chacun de vous choisisse celle qui lui con- dité. Trois tables étaient couvertes, richement
vient pour épouse, dit d'une voix de tonnerre fournies de vins et de mets de toute espèce.-
le vieillard impérieux. Trois vieilles tout édenlécs viennent au-
Les trois voyageurs s'avancent en trem- devant d'eux. Ah! voici nos chers amants,
blant chacun d'eux présente la main à la criaillaient-elles toutes ensemble. Et les voilà
figure qui lui plaît et ne touche que l'informe à liasillonner.à gazouiller, marmotter entre
superficie d'une glace inanimée. leurs dents; et l'élouruenu de les accompa-
Le vieillard se prit à rire, comme toutes les gner de son énigme, le corbeau de son vau-
nymphes sa voix faisait trembler la salle.- deville, la pie de son conte de grand'mère.
J'oubliais une condition, dit-il, avant de pou- C'était une jaserie, une piaillerie, un gazouil-
voir être mes gendres, il faut que vous le lement, un bavardage tels que personne ne
méritiez. Mes filles ont perdu leurs oiseaux s'entendait. Les oiseaux croassaient, jasaient,
favoris c'est un étourneau, un corbeau, une volaient d'épaule à épaule, et ne faisaient pas
pie. Ils. sont sûrement là-bas dans le bois et la partie la moins bi-uyahie de ce tintamarre
très-faciles à reconnaître. L'élourneau pro- infernal. Car les trois vieilles étaient trois
pose des énigmes, le corbeau croasse sa sorcières. Nos trois coureurs d'aventures
chanson, la pi'e jase l'histoire de sa grand'- n'avaient plus ni faim ni soif.
mère, aussitôt qu'on les fait parler. Allez Cependant il leur fallut décemmentprendre
braves prétendants, et nous rapportez ces un doigt de vin le verre vidé, ils lombèrent
bons amis émpfumés, qui sont' docil'es et se dans un sommeil léthargique.
laissent facilement. saisir. Lorsqu'ils se réveillèrent le soleil était en
Les trois compagnons s'empressent d'o- son midi. lis se trouvèrent couchés dans d'é-
béir aux ordres du vieillard. Ils s'avancent paisses broussailles, au pied d'une roche sil-
dans le bois et trouvent en effet les trois lonnée par les ouragans, les jambes si pe-
oiseaux perchés sur les branches d'un chêne santes qu'ils eurent peine à gagner un terrain
à demi desséché. découvert. Honteux, épuisés, ils reprennent
Etourneau, dit l'un d'eux, propose-moi le chemin du vallon; mais de nouveau le
ton énigme.. maudit hst hst se fait entendre de tous les
L 'étourneau vole sur son épaule et lui dit côtés de la cime touffue de tous les arbres
et il leur sembla il voir percer à travers
Quellechose impriméeen ton ignobleface toutes les branches la tête d'une des vieilles
Ne peutpourtantse voirdansla meilleureglace?
guenons. Les trois oiseaux perchés sur un
Corbeau 1 corbeau 1 la petite chanson! 1 vieil orme à la lisière du bois escortèrent
dit le second jeune homme et le corbeau de lu retour de cette glorieuse caravane. L'élour-
chanter d'un ton enroué neau disait son énigme, le corbeau croas-
Sur un chevaldu paysde Cocagne sait sa chanson, la pie récitait son conte de
Troisjeunes gens visitentla campagne. grand'mère. «•
Forceortolansvolentde toutepart, Un des compagnons plus éveillé que les
Bien poteléset rôtis aviicart.
•'Mais
aucund'euxdes trois Nnrembergeois autres, et dont le grand air avait ranimé le
Ne peut franchirles gosierstrop étroits. courage, demanda à un paysan que le hasard
Mourantde fainr,les troisgaillardss'en vont amenait: L'ami, que penses-tu que veuil-
En'leurs pays,et peu contentsils sont. lent dire 'sérieusement ces maudits oiseaux ?2
Ils se disaient Ce paysque l'onvante
Méritemalle renomqu'on lui chaule Je vous le dirai, mais ne vous-fâchez pas,
Ils sonttropgros ses friandsortolans, dit le villageois L'énigme signifie un pied
Ou nosgosiers ne sont pasassezgrands. tie nez qu'on a reçu et dont personne ne
Le corbeau n'a pas plutôt fini sa chan- s'aperçoit. Le corbeau vous avertit de pren-
dre les oiseaux à ta main au lieu de les at-
son ingénieuse, qu'il s'élance de l'arbre, et tendre la bouche béante et la pie fait un
vient se percher sur l'épaule du second cum- rente tel que vos arrière-neveux en feront
pagnon. peut-être un de vous.
Margot 1 margol! raconte-moi l'histoire Ce qu'on vienj de lire est, comme on voit,
de ta grand'mère, dit le troisième. La pie se fin de ces contes de village que les Allemands
rengorge et se met à conter admirent beaucoup.
·
« Magrand'mèreétaitune pie qui pondaitdes œufsd'où
des pics, Le Drachenfels.
[sortaient
«Et si ellen'était pasmorte, elle serait encoreenvie..»
Le Drachenfels est un des sept monts ses
En parlant sans s'arrêter, elle bat <!es ruines dominent avec le plus de hardiesse
aileset vasejucher sur l'épaule du troisième. sur les contrées du Rhin qui l'avoisinent.
Quelle joie pour nos jeunes marchands Dans les vieux temps, dit une ancienne tra-
d'avoir mis si heureusement fin à leur ten- dition, la caverne qu'on y voit servait de re-
tative! 1Ils courent à toutes jambes au châ- traite à un monstrueux dragon, auquel les
teau-rocher qu'ils atteignent encore a'vant babitantsdu voisinage rendaient les honneurs
la fin de la nuit. divins et offraient des victimes humaines. On
Mais, ô surprise 1 ce n'était plus ce salon choisissait à cet effet les prisonniers dont la
magnifique tapissé de glaces, resplendissant guerre avait forgé les chaines; c'était, au dire
de lumière; ce n'étaient plus ces enchanteres- des habitants, le culte le plus cher à l'horrible
ses qui devaient couronner leur périlleuse divinité.
aventure. Les vieux mursgris, les piliers mas- Un jour il se trouva parmi les captifs une
651 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 952
.jeune fille des meilleures maisons du pays tenait sa cour dans la contrée, voulut la voir.
elle avait été élevée dans le christianisme Prétextant une course à Wesel, il monte
elle était d'une si rare beauté que deux des dans un batelet et se fait descendre jusqu'au
chef, se la disputèrent. Les anciens les mi- lieu où se montrait l'ondine, car c'en était
rent d'accord en décidant qu'ils ne l'épouse- une sans doute. Il y arriva au coucher du
raient ni l'un ni l'autre, mais qu'elle serait soleil., et l'étoile du berger dépassait l'ho-
offerte au dragon, puisque sa beauté devenait rizon lorsqu'il se trouva au Lurley.
une pomme do discorde. -La voyez-vous, la maudite magicienne?
Vêtue de blanc, couronnée de fleurs, la dirent en ramant les bateliers la voilà.
belle captive fut conduite à la cime de la Le jeune comte l'aperçoit effectivement,
montagne où gisait le monstre, et liée à un assise sur le revers de la roche; les boucles
arbre auprès duquel était une pierre qui de ses cheveux plus éclatants que l'or,
tenait lieu d'autel. Un nombreux peuple étaient retenues par une couronne de fleurs.
« s'était rassemblé à peu de distance pour être Il entend ses mélodieux accents il n'est plus
témoin de l'affreux spectacle. Tous les cœurs mattre de lui-méme; il force les matelots à
sensibles à la pitié plaignaient le sort de la s'approcher du rivage, et veut franchir l'es-
malheureuse jeune fille. Elle cependant, calme pace pour courir à la nymphe. Mais son
et résignée, fixait ses pieux regards vers le piad mal assuré glisse, et il disparaît dans
ciel. les flots écumants qui l'enveloppent de toutes
Le soleil lançait ses premiers rayons der- parts.
rière les sommets des montagnes et ces La nouvelle de l'événement funeste ne
avant-coureurs d'un beau jour traversaient tardé pas à se répandre, elle arrive aux
l'obscure entrée de la caverne. Bientôt, les oreilles du malheureux père. La douleur et
ailes déployées, le monstre rampe hors de la colère déchirent son cœur; il ordonno
son repaire il redouble l'active lourdeur aussitôt qu'on s'empare de la sorcière et
de ses replis tortueux dès qu'il s'approche qu'on la lui livre morte ou vive.
davantage du lieu où il a coutume d'assouvir Le plus hardi de ses capitaines est chargéé
sa voracité. La jeune fille n'est pas émue; de la dangereuse expédition il ne demande
elle lire de son sein le crucifix, l'unique objet que la permission de précipiter dans les flots
de sa confiance; elle l'oppose à son effroya- la magicienne, aussitôt qu'il l'aura saisie; il
ble ennemi. Le dragon recule avec épou- craint que dans le trajet elle n'emploie la
vante et, poussant d'horribles sifflements, il ruse. ou la magie pour briser ses fers et se
se précipite dans l'abîme profond des bois mettre en liberté. Le comte permet tout. A
voisins jamais depuis, dit la tradition, per- l'entrée de la nuit, la roche est environnée
sonne ne le revit. d'un nombreux corps de cavaliers qui for-
Le peuple, stupéfait de cette miraculeuse ment un demi-cerle jusqu'à la rivedu fleuve.
délivrance, s'empresse de rompre les liens Trois des plus courageux accompagnent le
de la jeune chrétienne; la foule voit avec capitaine au sommet du Lur'cy. L'ondine
élonnement le petit crucifix qui a produit malfaisante est à la cime, ses mains se jouent
cette grande merveille. La captive alors les. avec uneceinlure decoraux elle voitarriver
instruit de sa sainte croyance et du pouvoir les ravisseurs et leur demande ce qu'ils
de celui qu'elle adore. cherchent.
Ils se prosternent à ses pieds,la supplient C'est toi, magicienne empestée; viens
de retourner chez les siens, et de leur en- faire le saut périlleux dans les larges.bords
voyer un prêtre qui les instruise et les bap- du Rhin.
tise au nom de ce Dieu tout-puissant. Ainsi Eh bien que le capitaine vienne lui-
,le Drachenfcls fut le berceau de la foi dans même à moi, dit la jeune fille en souriant.
ces cantons, et une chapelle fut érigée dans En disant ces mots, elle jette sa ceinture
le lieu où la pierre avait servi d'autel. dans le fleuve et chante d'un ton formidable
« Entends ma voix, père des eaux lance tes
La vierge de Lurley.
coursiers rapides; qu'ils emmènent ta fille
Dans les vieux temps il apparaissait quel- dans les grottes profondes.»
quefois sur le Lurley, au déclin du jour et Sa voix est étouffée aussitôt par les mu-
au clair de la lune, une jeune fille qui chan- gissements d'un violent ouragan. Le Rhin
tait d'une voix si agréable que tous ceux qui bouillonne des flots écumants couvrent la
l'entendaient en étaient ravis. Plus d'un ba- plaine et les hauteurs de leur blanche écume.
telier, en descendant le Rhin, allait se briser Deux vagues qui ont la forme d'un beau
contre les écueils, ou se perdre dans le couple de chevaux blancs s'élèvent à la
gouffre, parce que, tout absorbé dans l'admi- cime du rocher et entraînent dans l'abîme
ration de ces sons divins, il devenait inca- des eaux la nymphe qui disparaît à jamais.
pable de mouvement et négligeait la con- A cet aspect, le capitaine reconnaît que la
duite de son navire. Personne n'avait encore magicienne est vraiment une de ces puis-
vu la nymphe de près, sinon quelques jeunes santes ondines sur lesquelles aucun homme
pêcheurs qu'elle favorisait et à qui elle mon- n'a de puissance.
trait, aux rapides instants du crépuscule, le Depuis ce temps l'ondine de Lurley ne
lieu où ils devaient jeter leurs filets. Ils fui- s'est plus montrée mais elle continue de
saient bonne capture lorsqu'ils suivaient son fréquenter la montagne et de se jouer des
conseil. Ils avaient tant vanté partout l'in- bateliers dont elle s'amuse à contrefaire la
connue, que le fils d'un comte palatin, qui voix, absolument comme un écho.
953 LEG LEG 954
Le Mummelsee. îi t lonrl
> {
priant le paysan d'attendre qu'il revint, on
au moins qu'il lu fît un signal. Au bout de
Sur une haute montagne de la Forêt-Noire, deux heures le villageois vit le bâton dn
non loin de Bade, il y a un lac dont on ne petit homme surnager avec deux poignées
trouve pas le fond. Si l'on nouedans un linge de pièces d'or, au-dessus du lac et venir à
des pois, de petites pierres ou d'autres cho- lui. Il comprit que c'était là le signal pro-
ses pareilles en nombre impair, et qu'on mis, prit les pièces d'or et s'en alla.
suspende ce linge au-dessus du lac, ce qui Un duc de Wurtemberg fit construire un
est impair devient pair, et ce qu'on met pair radeau pour aller sur le lac et en sonder la
devient impair.Telle est la croyance du lieu. profondeur. Ayant jeté la sonde à neufpelo-
Si l'on jette dans ce lac une pierre ou deux, tons de fil sans trouver le fond, il remarqua
le ciel se trouble; il se' fait un orage avec, o que le radeau, quoiqu'il fût de bois, com-
des grêlons et un grand vent de tempête. mençait à s'enfoncer; il se hâta de renoncer
Un jour que des pâtres gardaient leurs à son entreprise lâcha sa sonde et ne pensa
troupeaux autour du lac il en sortit un plus qu'a se sauver. On monlreencoreaubord
taureau brun qui vint se mêler aux trou- du Mummelsee quelques débris de ce radeau.
peaux. Un petit homme inconnu parut peu L'origine du monastère de Frauenalb.
après (sortait-il aussi du lac? on l'ignore;
mais personne ne l'avait jamais vu). II vou- Le comte d'Erchingen habitait son château
lut remmener son taureau; et comme l'ani- de.Magenheim ouMonheim dans le Zabern-
mal refusa de le suivre, il le laissa, le maudit, gau, canton voisin de ceux de Craich et du
et retournant au lac il y disparut. C'est là Nècre. Il reçut un jour la visite de Frédéric,
un des contes du Mummelsee. On ne dit rien duc de Souabe, d'Albert de Suinncrn, de
de plus de ce taureau; mais il y a bien d'au- Bertold d'Ebcrstein et d'autres seigneurs
tres récits. qui venaient se divertir avec lui. La forêt de
Un paysan passa un jour sur le lac alors Stromberg, pleinedegibier, n'est pas éloignée
glacé il menait ses bœufs qui conduisaient du château. Il, paraissait de temps en temps
quelques troncs d'arbres. Il n'y courut au- un grand cerf, que ni le comte ni ses gens
cun danger mais son petit chien qui sui- n'avaient jamais pu forcer. Le comte était à
vait son lourd chariot vit la glace se rompre table avec ses convives, lorsqu'un serviteur
sous ses pattes, et se noya. vint annoncer que le cerf venait de paraître.
Un chasseur, passant près du lac en hiver, Toute la compagnie fut ravie, et tous les
aperçut un homme des bois qui, assis sur la seigneurs avec leurs gens accoururent pour
glace du lac, s'amusait à jouer tout seul prendre le cerf mort ou vif. Albert de Suin
avec une grande sacoche de pièces d'or étin- mern poussait son cheval plus que les autres
celantes. Le chasseur avide coucha le bon dans la direction qu'on lui désignait comme
homme en joue pour le tuer et avoir son ar- celle que sa proie avait suivie. En avant de
L'homme des bois plongea aussitôt tout le monde il aperçut tout à coup le
gent.
avec sa sacoche puis il releva la tête sur grand cerf: il était tel qu'il n'en avait do
le lac et cria au chasseur que s'il l'en avait sa vie vu un pareil. Il redouble son galop,
prié, il aurait eu bientôt fait de le rendre le poursuit longtemps, et tout à coup le perd
riche mais qu'il resterait pauvre lui et de vue sans pouvoir deviner ses erres. Au
toute sa postérité. même instant paraît devant lui un hommo
Un jour un petit homme vint demander à qui portait une figure effrayante.- Albert'
coucher dans la ferme d'un paysan, voisine frémit à son aspect, quoiqu'il fût bien le
du Mummelsce..Le paysan n'ayant pas de lit moins peureux des chevaliers. Il fit le signe
lui offrit un banc de bois et une jonchée de de la croix. Sans se troubler de ce, signe 9-
paille dans la grange. Mais le petit homme l'homme l'aborde et lui dit Ne craignez
voulait coucher dans la fosse au chanvre.. point mais suivez-moi. Je suis envoyé pour
Comme tu voudras, répondit le paysan vous faire voir des choses surprenantes.
si cela te fait plaisir, tu pourras même cou- Marche donc, dit Albert sans peur. Et
cher dans le réservoir ou dans l'auge de la l'homme alla devant lui jusqu'au sortir
le de la forêt le chevalier se vit alors dans
fontaine. Voyant que paysan y consentait,
le petit homme alla se coucher dans les joncs une prairie émaillée de fleurs devant lui
bourbeux où était le chanvre et s'y enfonça n'élefvait un château magnifique qu'il n'avait
comme dans un lit de bon foin pour s'y ré- ïu de sa vie. Il suivit son guide jusqu'à la
chauffer. Le lendemain il se leva avec des porte d'honneur. Plusieurs domestiques ve-
habits tout secs. Comme le paysan marquait naient au-devant d'eux, et aucun ne disait
sa surprise, le petit homme lui dit qu'il se mot; mais ils prirent en silence la bride du
de ne p.is
pouvait bien qu'aucun de ses pareils ne re- cheval. Le guide laid dit.à Albert
vint coucher dans la ferme avanl dès cen- s'élohner de la taciturnité de ces gens, de no
taines d'années. Il lui confia alors qu'il était pas leur parler, mais de le suivre et de faire
nn homme des eaux; qu'il allait chercher sa ce qu'il lui dirait. Ils furent introduits dans
femme dans le Mummelsee et il le pria de uno grande salle où siégeait un grand sei-
l'accompagner. il lui raconta en chemin gneur au milieu de ses courtisans. Tous se
bien des merveilles, comment déjà il avait levèrent à la vue d'Albert, le saluèrent, se
cherché sa femme dans plusieurs lacs et. rassirent, et se mirent à boire et à manger
comment tout était fait dans ces demeures-là.. Albert avait l'épée à la main et ne. voulait
Arrivé au Mummelsee il s'y plongea pas la remettre dans le fourreau. 11 consi-
05S- DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 98(5

avec admiration les vases d'argent


lierait avec
dorait pas. Le soir du quatrième jour, comme il
précieusement travaillés, et contemplait le était là livré à des pensées inquiètes, seul,
mouvement du festin qui se dévorait, mais appuyé contre un chéne il entendit, subite-
toujours en silence. ment une voix mélodieuse qui chantait et
Après qu'il fut resté là longtemps sans qui semblait venir du fond de l'eau. Il s'ap-
que les convives parussent s'inquiéter da- proche doucement. regarde partout avec une
vantage de lui son guide lui fit signe de impatiente curiosité, ne peut rien découvrir,
se retirer. Albert salua la compagnie qui lui et bientôt la voix cesse de se faire entendre.
rendit le salut; il suivit l'homme affreux jus- Il s'en retournait à son chêne avec l'espoir
qu'à la cour d'honneur, où les domestiques- que peut-être la voix reprendrait ses chants.
muets, qui gardaient son cheval, lui tinrent Tout à coup il voit l'inconnue, assise sur la
les éperons. Ils rentrèrent sans ouvrir la pierre qu'il venait de quitter elle paraissait
bouche, dès qu'il eut pique. d'une humeur enjouée. A chaque question
L'homme étrange qui avait conduit Albert qu'il lui adressait elle ne faisait tout en
le ramena par le même chemin à la forêt de riant, que des réponses évasives, qui l'em-
Slrornberg, et lui confia alors le mot de ce barrassaient. 11en obtint cependant un ren-
mystère qui excitait si vivement sa curio- dez-vous pour le lendemain, au même
sité. Le seigneur que vous av<vz vu à ta- endroit. Le chevalier s'y trouva de bonne
ble, dit-il, est votre oncle Frédéric, qui a heure. L'inconnue sortit du taillis si gra-
vaillamment combattu les infidè'es. Mais cieuse, que le chevalier crut voir une fée
comme il opprimait ses vassaux et que lçs boucles de ses beaux cheveux blonds pa-
nous, ses serviteurs, nous l'aidions servile- raissaient humides une tresse de bleuets
ment dans ses exactions, nous souffrons avec éclatants mêlés de roses, entourait sa tête.
lui une juste peine jusqu'à ce qu'il plaise à Ebloui il lui prit la main et lui avoua la
Dieu de nous accorder pardon. Je vous fais passion qu'elle avait fait naître en son cœur.
connaître ces choses, afin que vous ne souil- Je ne suis pas une enfant des hommes
liez pas votre coeur généreux des mêmes lui dit-elle; les eaux m'ont donné naissance.
vices. Rejoignez vos amis mais regardez Je suis une nymphe, une ondinc, une fée
encore un peu en arrière, et voyez l'état des eaux ou tout ce que vous voudrez bien
vrai du château que vous venez de visiter. Nous n'accordons notre coeur
En disant ces mots, le fantôme s'évanouit. m'appeler.
qu'avec notre main. Pensez-y, sire cheva-
Albert se retourne, et ne voit que des tour- lier. Si vous me donnez votre foi votre fidé-
billons de flammes, à la place qu'il avait vue lité doit être pure comme cette eau.limpide
occupée par un château splendide il y en- èt ferme. comme l'acier de votre épée. Une
tend de longs gémissements qui paraissent seule inconstance causerait votre mort et à
sortir du sein de l'embrasement. Saisi d'ef- moi des regrets- éternels car et nos affec-
froi ,-ii galope jusqu'à Monheim; mais il ne tions et nos douleurs n'ont point de terme.
fut reconnu qu'avec peine par le duc Fré- Le chevalier confirma par serment ce qu'il
déric, son oncle, tant sa barbe et ses che- avait déjà dit, qu'il lui était impossible de
veux avaient blanchi. H raconta son aven-' 'vivre sans elle et que jamais il ne pourrait
ture, et demanda au comte d'Erchingen la l'offenser sans mourir. L'ondino lui donne
permission de bâtir une église à la place où alors un anneau précieux. Il lui parle de la
il avait vu l'apparition. Il y consentit, et charmante situation de son burg, lui dépeint
Bertold d'Eberstëin qui était présent fit le bonheur qu'elle aura à y vivre dans la
aussitôt vœu de fonder un couvent de femmes
dans la vallée qui s'appelait la vallée de paix; il fixe avec elle le lendemain pour la
conduire à l'autel.
l!Alb. Telle fut l'originezi du monastère de
Frauenalb, Le lendemain matin, au point du jour, le
La légende de messire Pierre de Stauffenberg. chevalier, entrant dans la salle d'honneur de
son manoir que l'on s'était hâté de parer, vit
Pierre d'Irminger, qui habitait son burg sur la table trois corbeilles artistement tres-
de Slauffen dans l'Ortenau, et se nommait sées. L'une était pleine d'or, l'autre pleine
messire de Stauffen revenait un jour de la d'argent, et la troisième pleine de pierreries
chasse, au coucher du soleil, lorsque, arrivé de tontes valeurs c'était la dot de l'épouse.
au village de Nnssbach, il se trouva accablé Elle parut bientôt elle-même suivie de nom-
cle soif et épuisé de fatigues. Il descendit" à breuses compagnes, inconnues comme elle
une source qui était sur le chemin, ombra- dans la contrée. Avant la célébration du ma-
gée de beaux chênes. Il y trouva une jeune riage, elle voulut encore parler au chevalier.
tille assise elle avait l'air noble et royal Elle le pria de songor une dernière fois à. ce
elle lui rendit modestement son salut, en le qu'il allait faire; elle lui rappela ce qu'elle
nommant par son nom. Le chevalier, stu- lui avait déjà dit, que si jamais il devenait
péfait, demande à l'inconnue qui elle est et inconstant, il serait perdu qu'il aurait alors
d'où elle vient. Je demeure près d'ici ré- un signe de sa mort prochaine; qu'il serait
pondit-elle je vous ai vu plusieurs fois à jamais séparé d'elle, son épouse; et, ajou-
venir avec vos chass-urs à cette fontaine ta-t-elle vous ne verrez plus rien -de toute
c'est ce qui m'a fait. connaître votre nom. ( ma personne que ce pied droit que voilà.
Stauffen encore sans engagement, futl, Le chevalier renouvela ses serments sans
émerveillé; son cœur se préoccupa, et tes hésiter et le mariage se fit. Ce jour et les
jours suivants, à la même heure, il revint suivants, et beaucoup d'autres, s'écoulèrent
à la source agreste; mais l'inconnue n'y était dans les plaisirs et la sérénité. La jeune
957 LEG LEG 958
'épousc'était une fleur qui se développait tou- Mais le chevalier avait disparu; et jamais on
jours avec de nouvelles grâces. L'année n'é- ne put retrouver son corps. Ce qui fait
tait pas encore révolue lorsqu'elle douna un bien voir que les ondincs et autres esprits
fils au chevalier. élémentaires sont des démons et rien plus.
Mais bientôt après une guerre lerribleeut
lieu vers les. frontières du pays des Francs. La 'grotte de Sainte-Odille près de Fr'ibourg.
Pierre était bravo et il aimait la gloire. L'am- Odilleétail fille d'Attich, duc d'Alsace. FJIc
bilion l'entraîna. La myslérieuse comtesse avait été élevée au couvent de Mayenfeld et
ne crut pas convenahle de s'opposer aux no- s'était promis dans son cœur de prendre le
b!es désirs de son époux; elle le laissa par- voile. Un jour qu'elle vint du couvent à la
tir, mais en le conjurant de n'oublier ni sa cour du- duc son père, tous les jeunes sei-
femme ni le gage chéri de leur tendresse. .grieurs furent épris de ses grûcos. Un prince
Pierre passa le Rhin à la tête d'une troupe allemand demanda sa main. Le duc approu-
d'élite et alla combattre sous les enseignes vant cette riche alliance, ordonna à sa fille
de Charles Martel duc des Francs. Dès la de considérer le prince comme son époux,
première affaire il montra sa valeur, sa force et de se préparer à le suivre à l'atitel. Mais
et son, intelligence. Le duc le remarqua, et Odille pensait à son vœu; ne sachant d'autre
dans une forte mêlée, en fut au chevalier moyen que'la fuile pour être libre de le rem-
Pirrrc qu'il fut redevable de la vie. Ce fut. plir, elle se dépouilla de ses précieux vêle-
aussi la bravoure du chevalier qui décida la ments, prit des habits pauvres et gagna le Rhin.
victoire. Le duc plein dé reconnaissance, Une nacelle la passa heureusement à l'autre
crut ne pas trop faire en lui proposant la rivage. Sa fuite fut bientôt découverte. Le
plus joune de ses filles; c'était aussi la plus duc envoya partout ses gens à sa recherche.
belle. Pierre en fut frappé, et se montra sensi- 1.1monta lui-même à cheval et prit par hasard
ble à l'honneur d'une alliance aussi ilustre; le même"chemin que la jeune princesse avait
mais il n'était pas assez vil pour dissimuler son suivi. Le batelier qui l'avait.passée la dépei-
mariage il raconta naïvement tout ce qui gnit si bien, qu'il ne laissa point de doute te
lui était arrivé. Le duc l'entendit en secouant père traversa le fleuve avec toute sa suite.
la tête, dit que l'esprit malin s'en mêlait, que Odille était déjà -arrivée à mi-côte de la
le chevalier n'était pas tenu de garder parole montagne qui domine le Rhin fatiguée d'une
i des fantômes et que pour le bien de son route'à laquelle elle était si peu accoutumée,
âme il désirerait le voir dégagé d'une si dan- elle s'était assise sur une roche; les yeux
gereuse liaison. On consulta des hommes levés au ciel et les mains jointes, elle priait.
habiles, qui assurèrent. que le chapelain qui Tout à coup elle entend du bruit; elle voit
avait uni Pierre à la fée des eaux s'était une troupe de cavaliers; elle reconnaît les
trouvé abusé par une puissance nccullc, et couleurs de sou père. Elle se lève et s'enfonce
que dès qu'il aurait reçu d'un saint prêtre la dans les épais buissons pour s'y cacher. La
bénédiction de l'Eglise, cette illusion magique crainte, d'abord, lui donnait des ailes; mais
s'évanouirait. L'infidèle Pierre n'eut pas do bientôt elle perdit ses forces, et tomba tout
peine à se laisser persuader, et l'on fit les •épuisée derrière une roche qui la dérobait
fiançailles. La noce fut remise à la quinzaine. aux yeux de ceux qui la cherchaient. Odille
La veille du jour fixé, il arriva un des gens tremblante étendles mains vers le ciel, implo-
de Stauffenberg apportant au chevalier la rant sa délivrance; Iii roche s'ouvre subite-
nouvelle que son enfant et sa femme avaient ment Odille s'y jette, et la pierre se referme.
disparu du burg. Pierre s'informa des cir- Au même instant, le trot des chevaux
conslances; et il apprit que c'avait été juste- frappe la roche. Odille entend la voix de son
ment à l'instant des fiançaiiles. Ce rapport père qui l'appelle par son nom. Monpère,
le confirma dans le soupçon de magie qu'on répond-elle. Attich, surpris de reconnaître
lui avail inspiré. 11alla donc; le cœur assez la parole de sa fille résonnant à travers la
dégagé, célébrer son nouveau mariage. roche sans ouverture crie de nouveau •
Comme on était gaiment table, le cheva- Odille I et frémit en entendant une se-
lior, alors en joyeuso humeur, jeta par'ha- conde fois la voix de sa fille percer le rocher.
sard les yeux devant lui sur le mur de la Vouspersécutez celui qui me protège, dit
sa.lle. Il y vit paraître, comme sortant de la la princesse. Je ne puis être l'épouse d'un
muraille, un joli petit pied de femme. Il se homme.
frotte les yeux, mais reconnaît clairement Attich comprend la généreuse résolution
cl longtemps ce funeste signe. Saisi de trou- de sa fille timide. Il révère dans ce qui se
ble, il boit coup sur coup pour dissiper de passe la main de Dieu; il jure de respecter
noirs pressentiments; il y réussit en quelque lc vœu de la pieuse Odille, etde lui bâtir un
sorte. Le soir on rentre au château. Il fallait couvent à Hohenbourg.
traverser un petit pont; Pierre, qui sedcfi.-il, La roche se rouvre alors. La jeune fille
aima mieux faire passer son cheval à gnc. reparaît. Elle semble rayonnante d'une lu-
A peine 6tait-il tu milieu de l'eau qu'elle mière céleste en tombant dans Ics bras de
s'agite, écume et bouillonne, comme s'il y son père.
eût eu une tempête; les flots se soulèvent; La roche de sainte Odille est restée ou-
le cheval s'effraye, se cabre renverse le che- verte jusqu'à ce jour. Dans la grotte qui
valier et gagne le rivage. La tempête aug- l'avait cachée jaillit une source, qui rend la
mente, à l'instant se calmp; les eaux repren- lumière aux yeux malades. Les pèlerins y
nent leur limpidité et leur paisible cours. vont en grand nombre.
959 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 9C0

Légende du Vieux Chasseur. burg, afin que jamais créature humaine n'y
pût pénétrer, et que le nom de sa race fût à
On voit encore dans une contrée sauvage jamais effacé de la mémoire des hommes. Et
et dés.erle du Schwarzwald (champ noir) les c'est ce qui arriva, et ce qui faitque personne
ruines d'un burg dont le nom même est igno- ne sait plus le nom de.ce burg.
ré. Mais on en raconte l'histoire suivante
La cloche de Wunnenstein.
Le dernier seigneur qui l'habita était un
comte fort riche qui passait sa vie à la chasse. L'appel aux nobles guerres de la terre
Il ménageait tellement son gibier que les sainte pour la délivrance du saint sépulcro
terres de ses vassaux en étaient dévastées, et avait retenti dans toutes les contrées de l'Al-
que ces pauvres gens mouraient de faim. lemagne. Maint chevalier aux cheveux gris
Une veille de fête qu'il chassait à son ordi- reprenait son armure et voulait donner de
naire, il s'égara dans la forêt sans pouvoir nouvelles preuves de valeur dans les com-
retrouver son chemin. En vain espère-l-il bats sacrés qui allaient se livrer en l'honneur
un sentier les bois, à mesure de la croix.
reconnaître
qu'il marche, deviennent plus épais et plus' Le chevalier de Stein aperçut de son don-
sombres. Bientôt il n'a plus qu'à grande jon de Wunnenstein un convoi de chevaliers
et d'écuyers,'qui remontaient la vallée du
peine la force de se retirer des buissons et
des ronces qui couvrent la terre. Enfin, à Nècre. Il leur envoie demander le sujet de
minuit, il parvient à une clairière qu'il n'a leur marche; il apprend que tous n'avaient
jamais vue au milieu des bois où il se sent qu'un but, le but gravé dans les cœurs de
tous les vrais fidèles, celui de venger l'igno-
étranger. Il se jette par terre pour reprendre
haleine. Il entend remuer alors dans les feuil- minie où se trouvait le sépulcre du Sau-
lages il prend son javelot pour se défendre, veur.
mais ses chiens se mettent à gémir d'un ton A ces mots, il selle son cheval, et va se
douloureux. Le bruit croissant, il est pris de joindre aux héroïques pèlerins qui se ren-
'peur; il rentre dans les buissons épais. Tout dent à la terre sainte. Ce ne fut qu'après
intrépide qu'il était, le comte se sent trembler un long et pénible voyage, qu'avec ses com-
en voyant apparaître un homme de haute pagnons il aborde en Palestine. Chacun se
taille, l'arc en main et le cor à la ceinture, prosterne spontanément; toutes les bouches
accourant, hors d'haleine et haletant, du fond des hommes,de cœur su.pplient humblement
du bois. Derrière lui venait avec ardeur une et avec larmes le Tout-Puissant de daigner
grande troupe de squelettes, tous montés sur couronner l'œuvre difficile qu'ils entrepren-
de vieux cerfs seize cors. nent pour sa gloire. Ce ne fut qu'au mois de
L'homme cherchait à leur échapper, mais mai de l'an 1099, après bien des combats et
de quelque côté qu'il tournât sa course, il bien des peines, qu'ilsaperçurentdans le loin-
était assailli par ses redoutables poursui- tain les créneauxdc la sainlecilé. Ils pressent
vanls. Le comte, éperdu, fit le signe de la leur marche; un cri général remplit les airs
croix et se mit à invoquer le nom du Sau- des torrents de larmes de joie inondent tous
veur. Tous les fantômes montés sur les cerfs les visages. Mais il leur restait à fournir de
disparurent aussitôt. L'homme traqué s'ap- grands coups de lance avant de jouir de la
procha alors du chasseur égaré Que ma conquête tant désirée. Maint valeureux che-
rencontre te profite, lui dit-il;jesuis undetes valier, et surtout le pieux sire de Stdn, mal-
ancêtres. Comme toi j'ai aimé passionnément gré toute l'ardeur avec laquelle il se prépare
le brutal plaisir de la chasse; comme toi j'ai au combat, ne manque pas de faire le vœu
tyrannisé mes vassaux.,J'ai fait enchaîner solennel de bâtir une église dans le burg
sur des cerfs plus de cent de ces malheureux qu'il a hérité de ses ancêtres, si Dieu lui fait
que j'appelais braconniers; je les ai fait pour- la faveur de couronner ses fatigues par le
suivre par mes chiens jusqu'à ce qu'ils tom- succès et de le ramener à sa terre, où il
bassent quelque part, et que le malheureux remerciera tous les jours l'auteur de tout
qu'ils portaient rendit, l'âme au milieu des bien.
tortures. C'est en punition de cette longue Enfin commencèrent les combats décisifs
barbarie que j'erre maintenant dans mes autour des murs de Jérusalem, et'ce fut une
forêts; et chaque nuit la troupe de ceux que horrible effusion de sang. Quand l'étendard,
j'ai fait périr me poursuit et me fait subir de la croix fut arboré sur les créneaux, le
mille fois ce que je leur ai fait endurer. Ren- glaive du vainqueur immola tout ce qui avait
trez dans votre manoir et que mon exemple vie parmi les Sarrasins. Ce ne fut qu'après
soit votre leçon. que l'effervescence des premiers moments de
A ces mots le malheureux Le la victoire fut un peu calmée, que les croisés
disparût.
comte, saisi d'effroi, ne pouvait plus se mou- et notre chevalier avec eux pensèrent à pu-
voir. Ses gens le trouvèrent le lendemain, rifier leurs épées souillées du sang infidèle.
mais si défiguré qu'ils ne le reconnaissaient Puis, la tête découverte et les pieds nus, ils
du saint sépulcre; et celle
pas. Ils voulaient le ramener au burg; il leur s'approchèrent
déclara la résolution qu'il avait prise de bâ- ville où venaient de se faire entendre les
tir une cellule 'en cet endroit, et de se retirer cris du désespoir et les hurlements du mas-
dans la plus proche caverne jusqu'à ce qu'elle sacre retentit de ferventes prières et do
fût achevée. Il distribua ses meubles aux pieux cantiques.
pauvres fit murer toutes les avenues du Quelques mois encore s'écoulèrent avanl
961 LEG LEG 962
Innl il Âtrt't t.1r\
que le chevalier de Stcin fût de retour belle, et pourtant il était redouté de tous ses
dans sa patrie mais pourtant il rentra un voisins. C'est qu'il n'aimait que la guerre et
jour dans Wunnenstein, le burg de ses pè- la chasse, et que, disait-on, son cœur n'avait
res, et son premier soin fut d'élever le saint pas battu encore d'un sentiment tendre.
édifice dont il avait fait vœu. L'église dédiée Il vint à un tournoi où le comte palatin
à saint Michel fut bientôt célèbre par les avait invité tous les barons du voisinage. Sa
miracles qui s'y opéraient. Le puissant ar- fière jeunesse et sa figure brillante fixèrent-
change protégeait la contrée contre les ra- tous les yeux sur lui; dans les joules il dé-
vages du tonnerre. La foudre épargnait les monta tous ses adversaires comme il l'a-
campagnes voisines au son de la cloche d'une vait fait en mille autre! océasions; et il reçut
le prix du tournoi des belles mains de Ma-
grandeur démesurée suspendue dans la tour
de son église. rie, fille du comte de Hochberg.
Souvent, pendant un temps calme, ses sons Rodenstein comblé de gloire fut frappé
harmonieux se faisaient entendre aux habi- en même temps des grâces de l'aimable per-
tants d'Heilbronn mais leur bénédiction sonne qui l'avait couronné publiquement.
ne s'étendait pas sur tous les nobles de Né avec des passions impétueuses il n'était
Wunncnstcin, qui souvent offensaient Ic pas de caractère à cacher sa passion. JI la
ciel. Aussi les bonnes gens d'Heilbronn cher- déclara à la jeune comtesse. Bien fait et re-
chèrent-ils tous les moyens de se rendre mal- nommé, il se vit accueilli. Il épousa Marie,
tres de la cloche. Mais toutes leurs démarches et la conduisit en triomphe à son burg, à
furent inutiles, jusqu'à ce qu'enfin les cha- Rodenstein. Ce fut une joie générale dans la
noinesses d'Obristenfeld, auxquelles l'église contrée, que de voir le chevalier au cœur de
et la commune appartinrent pendant un cer- fer subjugué enfin. Les premiers mois de
tain temps, la cédèrent à ceux d'Heilbronn son mariage furent pleins de bonheur. Marie
pour une grosse somme d'argent paraissait avoir adouci l'humeur sauvage et
Tous les villages qui environnaient Wun- turbulente .de son époux on ne le voyait
nenstein furent plongés dans la tristesse plus rêver sans cesse à la chasse et à. la
quand ils n'entendirent plus le son de leur guerre mais ses passions bouillantes re-
cloche protectrice, pendant que les habitants prirent bientôt le dessus une querellé avec
d'Heilbronn l'introduisaient en triomphe un baron voisin par qui il se croyait of-
dans leur ville. Ils la reçurent avec la plus fensé, lui fit reprendre les armes, et il se
grande solennité, la firent bénir derechef et prépara à l'attaque.
la placèrent dans leurgrande église. Le sénat Sa jeune épouse pria pleura, se désola
et la bourgeoisie s'étaient rassemblés pour mais en vain. Le chevalier emporté lui
entendre les premiers sons qu'elle rendrait imposa le plus strict silence, alléguant qu'il
parmi eux, mais inutilement elle resta s'agissait là de son honneur. Il part1 donc
muette. En vain les exorcistes prononcèrent- armé, et Marie éperdue s'étant couchée t
ils 'les formules les plus puissantes, la clo- pour le retenir, à travers la porte du burg,
ché persista dans son silence. Confus et re- en l'assurant qu'un pressentiment l'avait
pentants, les bourgeois, saisis de crainte, avertie qu'il ne rcverrait pas le seuil de sa
ramenèrent eux-mêmes la cloche dans son porte il la saisit, furieux, la repoussa bru-
sanctuaire favori. Des troupes nombreuses s talement monta à cheval, et s'éloigna. La
de campagnards, comblés de joie, l'attendi- pauvre épouse cependant, tombée évanouie,
rent aux limites de Wunnenstein, et la reçu- accoucha avant terme, d'un enfant mort,
rent comme s'ils avaient retrouvé la plus et succomba elle-même, suivant son premier-
tendre des mères. Pour ne point perdre de né au cercueil.
temps, un laboureur qui revenait des champs Rodenstein ne savait pas cette donble
la prit sur son chariot; et comme si le ciel perte. 11 se met en embuscade dans les épais
eût voulu mettre le comble à la joie commu- taillis du burg de Schnellert, son ennemi,
ne, il permit que deux bœufs franchissent à burg infesté d'esprits qui, la nuit, faisaient
p^js précipités la montagne escarpée, con- des rondes infernales, avec grand fracas.
duisant une masse que douze des meilleurs Là, couché sur la mousse, Rodenstein passe
chevauxd'Heilbronn n'avaient pu faire avan- sans sommeil une nuit redoutable. Tout à
cèr d'un pas. coup il voit venir de Rodenstein au-devant
Dès que la cloche fut replacée sur son des esprits de Schnellert un fantôme noir,
heffroi, elle reprit ses sons puissants; le peu- qui tient un enfant dans ses bras. Jusqu'a-
ple se prosterna en chantant des cantiques lors inaccessible à la peur, il sent ses che-
d'actions de grâces. Et depuis ce temps la veux se dresser sur sa (été car il reconnaît
cloche de Wunnenstein n'a jamais cessé sa femmedans le fantôme. Elle est à l'instant
d'annoncer harmonieusement aux campa- devant lui, avec les pâleurs de la mort; mais
gnes l'abondance des bénédictions que le il reconnaît bien ses traits. Elle se redresse
pieux chevalier avait rapportées de son pè- avec lenteur, et prononce ces mots, d'une
lerinage. voix sépulcrale:– Matendresse n'a pu qu'ex-
citer votre fureur. Vous avez oublié ces
Le chevalier de Rodenstein. droits sacrés qui me rendaient respectable
Le burg de Rodenstein dans l'Odenwald à vos yeux Avec la mère, vous avez con-
était occupé, à l'une des plus rudes époques duit au tombeau notre enfant, doux espoir 0
du droit féodal, par le vaillant chevalier qui d'un bon père. Vous serez puni, et vous
portait son nom. Sa figure était gracieuse et n'aurez point de repos, même après votre
9.63 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 9U
mort. Jusqu'à la fin des temps, vous errerez • fille déguisée; prenez confiance en moi, mes
de montagne en montagne et votre spectre enfants: dites-moi où demeur&nt vos parents
sera,dans ces villages,l'annoncede laguerre et ce que vous voulez faire à Windeck.
et de la désolation. » Les jeunes pèlerins se mirent à pleurer
Elle dit, et disparaît, et bientôt le sort du l'aîné répondit il est vrai que je suis une
chevalier est accompli. Il est blessé à mort fille; on m'appelle Emma d'Erstein, et l'en-
dans le premier choc de l'ennemi qu'il guet- fant qui m'accompagne est mon frère. Le
tait. On le porte mourant chez le châtelain .grand doyen de Strasbourg, notre oncle, a
de Schncllert il expire. eu pour nous les soins d'un père; il languit
Il fut, il est vrai, mhumé en terre sainte, là-haut dans les fers; nous venons implo-
mais la prédiction de Marie s'accomplit en rer sa délivrance auprès du seigneur du châ-
lui son esprit errant est condamné à précé- teau.
der les fléaux cruels; et jusqu'à nos jours, Apportez-vous donc une rançon? dit la
«lès que la guerre doit se lever, l'esprit.de bonne vieille.
Rodenstein, qui semble avoir t'odorat du Hélas 1' répondit Emma en tirant une
sang, six mois avant les hostilités, sort de croix de diamants de sa poitrine voilà tout
son tombeau de Schnellert à la tête d'une ce que je possède, mais nous prierons tant
troupe guerrière et nombreuse, que les cris ce seigneur, qu'il nous prendra pour otages,
dés soldats, le bruit des chariots le galop jusqu'à ce que mon oncfe ait pu fournir sa
des chevaux ardents, le son des tambours et rançon.
des fifres, des cors et des fouets accompagne Eh bien! dit la vieille, en caressant les
toujours ce tumulte mystérieux remplit cheveux bouclés de la jeune fille, c'est moi
toute la contrée, fait frissonner ie cultiva- qui payerai la rançon. Tenez, mes enfants
teur qui rentre chez lui à la hâte. Rodcns- eeux de Strasbourg se préparent au siège du
tcin, dit-on, traversant les vallées et les fo- château; j'ai vu cette nuit deux espions qui
rêts. se rend à son burg où il veille à la se tenaient cachés dans l'épaisseur du bois.
garde de ses trésors enfouis, et séjourni: là Ils avaient soigneusement observé les issues
jusqu'à ce que les prières des peuples aient du château et bien reconnu le côté faible,
ramené lit paix. Six mois avant les traités, il au bois des sapins, devant la croix sépul-
rentre avec le même vacarme dans son re- crale. Allez vite au manoir; dites à sire Re-
pos du Schncllert. naud, le jeune chevalier de Windeck, qu'il y
On montre dans le hameau d'Oberkries- fasse creuser un fossé profond dès aujour-
hach une grange par laquelle le chasseur d'hui car je crains que t'ennemi ne vienne
sauvage, comme l'appellent les gens du le surprendre à la chute du jour.
pays, passe toujours quand il se rend à Ro- Mais le chevalier nous rendra-t-il notre
dcuslein. oncle? dirent les enfants.
La Fosse d la poule. Je vais aussi vousdonner de quoi payer
la rançon.
Au temps où le grand doyen de Strasbourg Elle fit claquer ses doigts; et aussitôt ses
était étroitement resserré dans le château de
poules blanches accoururent de toutes
Windeck, une cabane couverte de mousse au parts. Elle en prit une et la donna à Emma
Wolfshag était habitée par une bonne vieille Portez-la, dit-elle, au chevalier Renaud
que les voisins appelaient la petite femme des de Wmdeck, afin qu'il relâche le grand
bois. Elle avait une profonde connaissance
des choses cachées, ainsi que de la vertu des cloypn, sire d'Oxenstein.
Les enfants, très-surpris, la regardaient
plantes et des racines. Les bêtes féroces de avec de grands yeux.
la forêt, loin de lui faire aucun mal, parais- Faites ce que je vous dis, continua-
saient au contraire obéir à sa voix. Son
t-elle vous lui recommanderez qu'au coucher
unique avoir consistait en quelques poules du soleil il ait soin de poser la poule à la
blanches d'une taille peu commune, qui al-
laient à la picorée dans les taillis. crojs, où les ennemis ont médité l'attaque;
car, j'y réfléchis, il n'a pas assez de gens au
Un jourqu'cllc était assise devant sa hutte, château pour creuser si vite un fossé large et
elle vit s'avancer deux jeunes garçons d'une
beauté remarquable. Ils étaient égarés et ve- profond.
A ces mots la bonne femme se mit à grat-
naient lui demander le chemin du burg elle ter la poule, en chantant à voix basse et pc;i
les accueillit avec bienveillance, les fit re-
poser dans sa cabane, leur offrit de son pain intelligible
et des fruits. Le plus jeune, qui n'avait que M'eutends-tu bien, poule blancheilc?
treize ans, mangeait de bon appétit; l'autre, Ce soir, au cri de la chouette,
Que le fossé soit prolongé
qui pouvait en avoir dix-huit, tenait négli- Jusqu'au fer que rien n'a rongé.
gemment sa pomme à la main et laissait Gratte et creuse de long eu largo,
échapper quelques larmes, que cependant il Jusqu'au charnier. Moi qui L'eu cliaigi',
cherchait à cacher. 11 alla même se laver les Je te sais capable du l'ait,
Et qu'à minuit tout soit parfait.
yeux à ia*fonlaine fraîche et limpide qui cou-
lait de la roche voisine ce rafraîchissement Emma prit la poule, non sans frémir un
rendit à son visage tout l'incarnat de la jeu- peu mais la bonne vieille étaii si caressante,
liesse. 'La femme des bois prit plaisir à le 'si engageante, qu'enfin ellc lui inspira de la
voir et lui dit Vous n'êtes pas un garçon, confiance. Le petit frère n'avait pas peur; il
mon enfant; vous êtes assurément une jeune se réjouissait au contraire de voir le spec>
965°~ LEG LEO 966
tacle si merveilleux d'une poule creusant • le cœur du chevalier.
nlipr Le
T.o doyen
dnven no consentit
ne rnn

un large fossé; à leur union qu'après un traité avantageux


A peine furent-ils à mi-chemin de la mon- qui rétablit la concorde entre les familles;
tagne, qu'ils rencontrèrent le jeune cheva- lui-même leur donna la bénédiction nupliale,
lier. C'était un guerrier d'un port noble. et libre désormais il demeura pourtant avec
Quoique d'abord la jeune demoiselle fût in- eux pour jouir détour bonheur. -Le nom
quiète de la gravité de ses manières, le ton de la Fosse à la poule s'est perpétué jusqu'à
de douceur avec lequel il lui parla l'eut bien- nos jours.
tôt rassurée. Hohenrechberg.
Il leur demanda qui ils étaient, ce qu'ils
venaient faire dans son burg. A unelieuedeSchwœbich-Gemund, villedu
Emma répondit Noble seigneur, vous Wurtemberg,et àunelieue de Hohenstaufen,
relenez prisonnier le grand doyen de Stras- berceau des illustres empereurs de la maison
bourg. C'est notre oncle. Il nous tient. lieu de Souabe, est le célèbre burgde Hohenrech-
de père, car nous sommes orphelins. C'est berg, qui a donné naissance au comte de
pourquoi nous venons vous supplier de lui Rechberg et à ceux de Rolhen-Lœwen. C'est
rendre Ici liberté; et vous nous retiendrez en un des sites les plus élovés des Aipes de
otages. Souabe, isolé des hauteurs de l'AIbach, au-
Le chevalier ne put dissimuler son émo- quel il ne lient que par ses racines et par un
tion. Il considérait avec attention l'un et rideau d'une lieue qui le met en liaison avec
l'autre enfant, et sans qu'il y pensât ses yeux Hohc-nslaufcn. Il a 2167 pieds d'élévation au-
se fixèrent spontanément sur la poule blanche dessus du niveau de la mer.
que tenait Emma. Celle-ci était là toute con- Ce vieux burg. dont les possesseurs sont
fuse, et elle ne put lu expliquer qu'avec des connus dans l'histoire dès le temps de Char-
paroles entrecoupées ce à quoi il pourrait lemagne, domine donc une des plus belles
s'en servir. contrées de la Souabe. Mais ce qui fait sur-
Le chevalier. prêtait une oreille attentive tout sa réputation, c'est la petite chapelle,
il pensait, il réfléchissait, il tâchait de péné- où demeura autrefois un ermite qui apporta
trer jusqu'au fond le secret de la poule, de là une miraculeuse imago de la vierge Marie,
lire les pensées les plus intimes d'Emma, but révéré de grands pèlerinages. D'autres
dont les discours étaient sans liaison. Son traditions s'y rattachent entre autres celle
frère enfin crut devoir s'en mêler.– Emma, du Klopferlé et celle de l'esprit du Stauf.
interrompit-il, ce n'est pas ainsi qu'a dit la Le Klopferlé est un grand mystère. On
bonne vieille. entend frapper comme du heurtoir lorsque
A ces mots Emma devint brûlante comme la mort va choisir une proie dans la famille
si le feu lui eût monté au visage. Mes de Rechberg. Ce bruit inconnu commence
beaux enfants, dit Windeck, c'est Dieu qui aussitôt que le malade ne donne plus d'espé-
vous a conduits ici, jouissez-y de toute ma rance de guérison, et dure jusqu'à sa mort.
protection. Entrez dans mon burg, dont vous Il a lieu non-seulement dans le burg, mais
sortirez quand il vous plaira; venez et faites encore dans toutes les maisons des Rechberg,.
à votre oncle la plus agréable surprise. mémo dans celles qu'ils ont aliénées. Et voici
Le chevalier les laisse dans les bras du comme on raconte l'origine de ce heurtement.
doyen et se hâte de faire les préparatifs de la Ulrich de Rechberg, celui qui a établi le
plus vigoureuse défense. Il n'ignorait pasque fidéi-commis de la famille, eut un grand chien,
lé côté de la sapinière était le moins bien à tellement dressé que lorsqu'il faisait quelque
couvert d'une attaque, et depuis quelques absence, il s'en servait comme d'un courrier,
jours il employait ses gens à y faire un fossé, lui attachant au cou une bourse de cuir qui
mais c'était un travail de longue haleine au- contenait ses lettres à sa femme, restée dans
quel ils n'auraient pu suffire. Aussi savait- le burg. On voyait autrefois ce chien intelli-
il bon gré de sa mission imprévue à la vieille gent, peint, dans ses fonctions de messager,
des bois, en qui il avait confiance. Dès que sur un vieux lambris du château de "Weis-
parut l'étoile du berger, il alla porter la senstein. Il arriva qu'Ulrich* étant en voyage
poule à la croix des morts où son aïeul en 1496, fut longtemps sans envoyer de let-
avait succombé vaillamment dans un com- tres à sa femme Anne de Venningen; Elle
bat et où reposaient ses cendres. Il y revint eut de vives inquiétudes, et tous les jours
à minuit sonnant, et quelle fut sa surprise d'y elle allait prier pieusement à la chapelle. Un
i trouver un profond et large fossé, garni de jour qu'elle répandait ainsi ses larmes devani
son parapet, et d'apercevoir à la lueur des le Seigneur, elle entendit frapper à la porle
étoiles l'épée resplendissante qu'on avait de l'humble sanctuaire. Elle se fâcha de cette
ensevelie avec le h.éros 1 La poule blanche importunité croyant que c'était le fait d'un
avait disparu. domestique, et tous savaient qu'elle n'aimait
Avant l'aurore on vit s'avancer les cou- pas à être interrompue dans &es pieux exer-
rageuses bandes, do la garnison de Stras- cices. Le bruit ne cessant pas, elle se leva de
bourg. Elles montaient hardiment à l'as- son prie-dieu et dit cette parole réprében-
sàut, mais le fossé leur opposa un obstacle sible Puisses-lu à jamais frapper ainsi 1
insurmontable. Le merveilleux travail de la Elle ouvrit en même temps la porte pour
poule avait déconcerté leurs projets; elles réprimander le domestique. Quel fat son ef-
furent repoussées avec une grande perte. froi de n'y trouver que le chien, revienu sans
Cependant Emma avaitfait impression sur lettre, et s'approchant tristement (pour la
967 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 968
caresser Elle reçut peu après la fatale On voit sur ses rives l'énorme Kraken
nouvelle de la mort du comte, et depuis ce soulever la masse de son corps, et couvrir,
temps on entend ainsi frapper dans le burg en se vautrant, un espace immense; là est
chaque fois que la mort enlève un Rechberg. aussi le serpent de mer, replié sur lui-même
Le l'ait est rapporté ainsi depuis plus de trois dans l'intervalle de ses apparitions, si mal à
cents ans; il est enregistré dans les papiers propos contestées là enfin le pélage bleu
de la famille, et confirmé par les officiers du trouve un port, jette son ancre, déroule sa
château. voile vaporeuse, et se repose Un moment de
Un autre récit des gens du pays explique la sa course éternelle.
tradition du Stauf, Staufengeist en voici le Là sont conservés les trésors engloutis par
résumé fidèle. L'esprit du Stauf est une lu- la mer des lingots d'or des caisses de per-
mière qui, aux temps d'orage, parait poindre les, de riches ballots d'étoffes orientales on
du Staufen dans la direction opposée au y voit scintiller le diamant et briller l'escar-
Rechberg. On la voit, après le repos de la boucle là mouillent dans des baies profon-
cloche qui sonne l'Angelus du soir, sur le des des vaisseaux enchaînés par un charme,
château d'Hohenstaufen; elle a tout l'aspect et depuis longtemps oubliés.
de !a bouche d'un four embrasé. Tout à coup On raconte de cette île bien d'autres mer-
l'esprit (les bonnes gens du pays lui donnent veilles ce que nous en avons dit répandra
ce nom) s'élève et s'avance au-dessus du au moins quelque lumière sur la légende
rideau qui sépare les deux châteaux, tantôt qui va suivre
planant lentement tantôt sautillant sur la Au commencement du xv siècle, lorsque
cime des sapins; puis laissant à gauche le le prince Henri de Portugal, de digne mé-
Rechberg, il se porte jusqu'au Herge, reprend moire, poursuivait le cours de ses explora-
ensuite son chemin vers le Staufen où il tions le long de la côte occidentale d'Afrique,
cesse d'êlre visible à VAngelus du matin. et que le monde entier retentissait des récits
Ce phénomène ne parait pas tous les jours, de continents tout semés d'or et d'îles ré-
mais de temps à autre, surtout en automne. cemment découvertes, ilarriva à Lisbonne un
Le nom d'esprit que lui donnent les habi- vieux pilote égaré, que des tempêtes avaient
tants indique qu'ils y trouvent quelque chose poussé hors de toute voie, et qui, fort éloigné
de surnaturel. C'est au reste un esprit bien- dans les mers, avait trouvé une île inconnue,
faisant, qui ne fait de mal à personne. habitée par des chrétiens et couronnée de
Passons à d'autres légendes. Celle qui suit nobles villes.
est empruntée au Bentley's Miscellany. Lesjiabitanls, qui n'avaient jamais eu la
moindre visite d'un vaisseau européen, s'é-
L'tledeSaint-Brandan.
taient, disait-il, rassemblés autour de lui, et
« II y a ici-bas plus de choses que n'en a ils lui avaient dit être les descendants de
rêvé notre philosophie » comme dit Ham- quelques chrétiens qui s'étaient enfuis d'Es-
let. Parmi ces choses inconnues il faut placer pagne à l'époque de la conquête de ce pays
l'île de Saint-Brandan, la merveille et le par les Maures. Ils avaient demandé des
mystère des mers. Tout le monde connaît les nouvelles de leur patrie, et s'étaient fort af-
Canaries, les îles Fortunées des anciens, fligés en apprenant que le royaume de Gre-
fragment, dit-on, et débris de cette immense nade appartenait encore à leurs ennemis. Ils
Atlantide engloutiepar l'Océan, comme nous avaient voulu mener le vieux marin à leur
le voyons dans Platon. Ceux qui ont lu église, pour le bien convaincre de leur foi;
l'histoire de ces îles se rappelleronl les ré- mais il avait cru devoir retourner immédia-
cits prodigieux d'une autre plus belle encore, tement à son bord. Il en avait été puni une
dont ou aperçoit de temps en temps de tempête furieuse s'était élevée, l'avait fait
leurs rivages, les longs promontoires bru- chasser sur son ancre, l'avait jeté au large
meux et les pics dorés par les feux du soleil. et il n'avait plus vu l'île inconnue.
Que de navigateurs sont partis des Canaries Cet étrange récit causa une grande sur-
à la découverte de cette île 1 Mais à mesure prise. Les hommes instruits se rappelaient
qu'ils avançaient, les montagnes et les pro- en effet qu'ils avaient lu, dans une ancienne
montoires s'évanouissaient peu à peu et chronique, qu'à l'époque du viir siècle, où
enfin rien ne frappait plus les regards des la croix sainte fut, en Espagne, renversée
navigateurs, si ce n'est le ciel d'azur au-des- par le croissant, et les églises chrétiennes
sus- de leurs têtes, et le bleu sombre des flots transformées en mosquées sept évêques, à
sous leurs pieds. Aussi les anciens géogra- la tête de pieux exilés s'étaient enfuis de I;i
phes ont-ils appelé cette terre fantastique Péninsule et mis en mer à la recherche de
l'Inaccessible les modernes ont révoqué en quelque île de l'Océan, où ils pourraient fon-
doute son existence, et l'ont traitée d'illu- der sept villes chrétiennes.
sion, comme les Fana tnorgana du détroit de Le sort de ces pieux aventuriers était
Messine, le Cap fugitif el laTerre desNuages. ignoré depuis. Le récit du vieux loup de
Pourtant son existence a été très-grave- mer ressuscita ce souvenir. On en conclut
juent attestée par les poêles, race douée que l'île, ainsi découverte par le hasard,.
d'une espèce de seconde vue, pour qui c'est était certainement la retraite des évêques er-
l'île où fleurissait jadis et où fleurit encore rants et de leur fidèle troupeau. L'île des
sans doute le jardin des Hespérides, avec les Sept -Villes excita alors autant d'intérêt
fruits d'or c'est là aussi que s'épanouissait parmi lcs chrétiens qu'en souleva la fameuse
le jardin enchanté d'Armide. cité de Tombvfuclou parmi les touristes mo-
969 LEG LEG 570

dernes. Mais personne ne prit la chose à tente tempête
qu'il s'éleva une violente (en qui les sé-
cœur autant que don Fcrnand de Ulmo, para. Fcrnand, sur le seul navire qui lui
jeune cavalier portugais, d'un esprit ardent restait, fut plusieurs jours et plusieurs nuits
et romanesque. L'Ile des Sept-Villes devint le jouet des éléments; un soir enfin la
l'unique objet de ses pensées pendant le jour tempête se calma, les nuages se dissipèrent
et de ses rêves pendant la nuit. Elle balança comme si un rideau placé devant le ciel s'é-
même sa passion pour une riche Lisbon- tait écarté tout à coup; le soleil couchant
îiaise à laquelle il était fiancé. Il s'enflamma brilla sur une belle tle monlucuse. Les ma-
tellement, qu'il résolut de faire une expédi- telots, se frottant les yeux, contemplaient,
tion à la recherche de cette ville sain!e. Ce sans savoir encore si ce n'était pas une hal-
ne pouvait pas être une excursion bien lon- lucination, cette terre si soudainement sortie
gue, puisque, sur les calculs du pilote, l'île des ténèbres profondes. Mais clle était là,
en question devait être dans les parages des avec ses ravissants points de vue, ses villa-
Canaries; à cette époque où le nouveau ges, ses tours et ses clochers; et la mer
monde n'était pas encore découvert, les Ca- calmée roulait ses flots paisibles jusque sur
naries étaient la limite des navigateurs sur le rivage. A une lieue environ l'œil distin-
l'Océan. Fernand réclama pour son projetla guait fort bien, baignée par une rivière,
protection royale; comme il était aimé, il une superbe ville, avec des tours et des mu-
obtint du roi don Juan 11 une commission railles élevées, un fort qui la protégeait.
qui l'instituait adelantado ou gouverneur Fernand jeta l'ancre à l'embouchure de la
militaire des pays qu'il pourrait découvrir, rivière, qui paraissait former un port spa-
à la seule condition que tous les frais de cieux. Bientôt on vit s'avancer une embar-
son entreprise seraient à sa charge, et qu'il cation d'apparat; elle était ornée de dorures
abandonnerait à la couronne un dixième de fort riches, quoique bizarres. Une bannière
ses bénéfices. qui portait l'emblème sacré de la croix flot-
Don Fernand se mit à l'œuvre, vendit ses tait au vent. Cette chaloupe, montée par
terres et en convertit le produit en navires., seize rameurs qui marquaient avec leurs
en canons, en munitions et en vivres. Beau- avirons ta cadence d'un vieux chant espa-
coup de chercheurs d'aventures s'engagèrent gnol, était commandée par un cavalier vêtu
dans sa troupe. d'un pourpoint très-riche de forme an-
Un seul homme désapprouvait le projet cienne, et coiffé d'un vaste sombrero, qu'une
c'était don ltamire Alvarez, le père de Séra- plume légère décorait.
flna, la fiancée de don Fernand, vieillard Lorsque le canot eut abordé la caravelle,
positif. Il ne croyait pas à l'île des Sept- le cavalier monta à bord. JI était grand; il
Villes il voyait avec colère son gondre futur portait une longue figure espagnole avec
vendre de bonnes terres pour des châteaux une gravité fière; ses moustaches frisées se
en l'air, et il l'avait baptisé du sobriquet relevaient jusqu'aux oreilles; sa barbe était
d'Adelantado du pays des niais. régulière et partagée en deux ses gantelets
L'engagement de Fernand avec Sérafina lo lui montaient jusqu'aux coudes, et il lois-
jeta quelque temps dans un embarras ex- sait tralner derrière lui une lame de Tolède
trême. Il était Irès-altaché à la jeune dame dont l'énorme poignée était faite en cor-
mais il était plus épris encore de son projet. beille. 11 salua Fernand par son nom et lui
Comment concilier ces deux passions? Une souhaita sa bienvenue avec l'antique cour-
facile combinaison se présentait épouser toisie castillane. Etonné de s'entendre ap-
Sera fi mavant son départ. Il proposa cet ar- peler par son nom dans un pays étranger,
rangement à don llamire; mais alors le Fernand demanda en quelles régions il était
vieux cavalier laissa éclater la tempête de arrivé.
sa mauvaise humeur, et reprocha à Fernand Dans l'île des Sept-Villes.
ce qu'il appelait sa sotte crédulité; Fernand La tempête l'avait ainsi poussé vers la
était trop jeune pour écouler paisiblement terre même qu'il cherchait. Son autre cara-
un tel langage. Une querelle s'ensuivit; don velle, dont la tempête l'avait séparé, était
Itamire le traita de fou, et lui interdit sa entrée dans un port voisin, et avait annoncé
maison jusqu'à ce qu'il ait prouvé son re- l'expédition qui venait réunir ce pays à la
tour à des idées plus raisonnables. Le jeune grandu unité chrétienne. L'île entière célé-
homme sortit plus obstiné que jamais dans brait cet événement par des réjouissances;
sa résolution. et on n'attendait que sa présence pour jurer
Les apprêts de l'expédition se terminèrent. fidélité à ia couronne de Portugal et le sa-
Deux élégantes caravelles étaient à l'ancre luer adelantado des Sept-Villes.
dans le Tage, prêtes a mettre à la voile dès Un grand festin devait avoir lieu le soir
l'aurore. Le jeune homme écrivit à Sérafina même au palais de l'alcade ou gouverneur,
« Quelques mois, et je reviens triomphant. qui avait envoyé son grand chambellan dans
Votre père rougira alors de son incrédulité, sa chaloupe d'honneur pour conduire l'ada-
et m'appellera le bienvènu chez lui, lors- lantado à la cérémonie,
que je franchirai le seuil de sa porte, riche Fernand se crut bercé par un réve. Il
comme un puissant monarque et adalantado fixa un oeil scrutateur sur le grand cham-
des Sept-Villes. » Et au point du jour les ca- bellan, qui, son message accompli restait
ravelf.es gagnèrent la mer. Elles gouvernè- debout, dans une grande dignité. Le jeune
rent vers les Canaries. homme, voyant bien que ce qui se passait
A peine avaîent-elles atteint ces parages, ne pouvait être une fiction, revêtit ses plus
Dictionnaire DES SCIENCESOCCULTES.l. 31
971 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 972
beaux habits. 11 voulait mettre son canot à la pleine de douceur. Le jeune homme, à qui
mer et débarquer avec ses hommes; mais on la brusque et complète réalisation de ses
lui dit que la chaloupe avait été disposée espérances avait presque tourné la tête, et
pour lui qu'après la fête on le ramènerait à qui avait plusieurs fois vidé la coupe que
son navire et que le jour suivant il ferait, des pages attentifs lui présentaient à chaque
dans l'appareil convenable, son entrée au instant, n'était pas arrivé à la moitié du
port. 11 se jeta donc dans l'embarcation. Le banquet, que, très-épris, il sollicita l'hon-
grand chambellan s'assit sur un coussin en neur de sa main. La demoiselle baissa la léie
face de lui, et les rameurs se penchèrent sur d'une manière qui signifiait un consentement,
leurs avirons. et Fernand allait la demander à son père
La nuit vint avant qu'ils entrassent dans sans se ressouvenir de Sérafina, lorsque le
la rivière. Us doublèrent le promontoire dé- chambellan vint lui annoncer que la cha-
fendu par une tour; et les sentinelles criè- loupe l'attendait pour le conduire à sa cara-
rent Qui va là? velle. Don Fernand prit congé de la noble
L'adelantado des Sept-Villes. compagnie dans toutes les règles du cérémo-
Il est le bienvenu. Passez. nial, dit un tendre adieu jusqu'au lendemain
En entrant dans le port, ils ramèrent le à la fille de l'alcade, et fut reconduit à son
long d'une galère d'nn modèle fort ancien. vaisseau. Rentré dans sa chambre, et pris
Des soldats armés d'arbalètes étaient en fac- d'une sorte de vertige causé par tout ce qu'il
tion sur le pont. avait vu, il se jeta sur son lit, et tomba bien
Qui va là? demanda-l-on de nouveau. vite dans un sommeil fiévreux, agité de
L'adelanlado des Sept-Villes. rêves vagues et sans suite. Combien dura ce
Il est le bienvenu. Passez. sommeil? il ne le sut jamais. En se réveillant,
Ils abordèrent à un escalier de pierre con- il se trouva dans une cabine inconnue, en-
duisant, entre deux tours massives, à une touré de personnes qu'il n'avait vues de sa
porte où ils frappèrent. Une sentinelle cria vie. Dormait-il encore? 11 se frotta les yeux.
Qui est là? En réponse à ses questions, on lui apprit
L'adalantado des Sept-Villes. qu'il était sur un navire portugais faisant
La porte tourna sur ses gonds. voile pour Lisbonne, et qu'il avait été re-
lis entrèrent entre deux rangs de guer- cueilli sans connaissance sur un débris de'
riers, cuirassés de fer battu; portant des ar- navire (lottant à la merci des vagues au mi-
balètes, des haches d'armes, et des masses. lieu de l'Océan.
Ils firent le salut militaire en silence. La ville Fernand fut fort étonné; il se rappe-
était illuminée, mais sombre; on voyait dans lait parfaitement tout ce qui lui était arrivé
les rues des feux de joie autour desquels se dans l'île des
Sept-Villes et ce qu'il y avait
groupaient des costumes qui rappelaient le vu. On prit ses discours pour des divaga-
carnaval; les dames très-parées, que l'on tions et, dans leur sollicitude, les gens du
apercevait aux balcons tendus de vieilles navire lui administrèrent des remèdes si vio-
tapisseries ressemblaient plutôt à des fi- lents, qu'il se crut obligé degarderle silence.
gures bénites qu'à des femmes en toilette. Le vaisseau entra dans le Tage, et jeta l'an-
Tout portait l'empreinte des anciens temps cre devant Lisbonne. Fernand, s'élançant
ou plutôt c'était le monde espagnol rétro- sur le rivage, courut au manoir de ses an-
gradé de plusieurs siècles. On avait surtout cêtres. A sa grande stupéfaction, il le trouva
conservé dans l'Ile des Sept-Villes la vieille habité par des étrangers; et lorsqu'il demanda
gravité castillane quoiqu'on célébrât des des nouvelles de sa famille, personne ne put
réjouissances publiques et que Fernand lui en donner.
fût l'objet de leurs félicitations partout où 11 se dirigea alors vers la demeure de don
il se montrait, au lieu d'acclamations, ce
n'étaient que révérences officielles et som- Ramire, car sa passion pour Sérafina s'était
ranimée. Il s'approcha du balcon sous,lequel
breros silencieusement agités dans les airs.
En arrivant au palais de l'alcade, on ré- il lui avait donné tant de sérénades. Sérafina
elle-même était au balcon. Il poussa un cri
péta la formalité ordinaire
est là? de ravissement en tendant les bras vers elle.
-Qui Elle lui lança un regard d'indignation, se re-
L'adelantado des Sept-Villes.
Il est le bienvenu. Passez. tira et ferma la fenêtre. La porte était ou-
On entra dans un salon magnifique, illu- verte. Il franchit rapidement l'escalier, et en
miné aux flambeaux. L'alcade et les digni- entrant dans la chambre il se jeta à ses pieds
elle recula avec effroi. Un jeune cavalier
taires de la ville- attendaient leur.hôte illus-
qui était présent s'avança
tre ils le reçurent avec l'étiquette officielle
remarquée partout. M'expliquerez-vous, monsieur, ce que
Le banquet se composait de mets incon- vous venez faire ici? dit-il.
nus, de friandises oubliées un paon fut De quel droit, demanda Fernand, me
servi dans son plumage, sur un plat d'or, au faites-vous celte question ?
haut bout de la table Du droit d'un fiancé.
La fille de l'alcade était assise à côté de Fernand tressaillit et pâlit. 0 Sérafina °
Fernand. Sa toilette à la vérité avait pu être Sérafina 1 s'éciïa-t-il avec l'accent du déses-
de mode huit ou neuf cents ans auparavant poir, est-ce là la foi que vous m'aviez pro-
mais elle avait de beaux yeux noirs, une mise? Sérafina 1 Que voulçz-vous dire? 7
charmante figure andalouse, et une voix Cette jeune dame s'appelle Maria.
S73 LEG LEG 974
N'i .1 11A1
N'est-elle pas Sérafina Alvarez? et. ne tion à la recherche de l'Ile; mais il n'avait
vois-je pas là son portrait ?2 plus aucunes ressources, et personne ne vou-
Sainte Vierge, s'écria la jeune fille il lait ajouter foi à ses récits, que l'on regar-
parle de ma bisaïeule J dait comme les rêves d'un naufragé.
Le malheureux Fernand se trouvait dans Il s'embarqua pour les Canaries parce
un embarras nouveau s'il s'en rapportait au qu'elles étaient dans la latitude de son an-
témoignage de ses yeux, il voyait devant lui cienne principauté, et que les habitants ai-
Sérafina; s'il en croyait ses oreilles, ce n'é- maient assez à courir les aventures. Il trouva
taient que ses traits héréditaires perpé- là de dociles auditeurs les vieux pilotes et
tués dans la personne de sa petite-fille. Sa les vieux marins étaient là- des chercheurs
cervelle commença à s'embrouiller. 11 sortit d'Iles, et croyaient à toutes les merveilles des
brusquement; il courut au bureau du minis- mers. Tous regardèrent ce qui lui était arrivé
tère de la marine, et fit un rapport sur son comme une circonstance ordinaire et se
expédition et sur l'île des Sept-Villes. Per- dirent en branlant la télé Il a été à l'île de
sonne n'avait entendu parler de rien de sem- Saint-Brandan. »
blable. Il déclara qu'il avait formé cette en- Ils lui parièrent alors de cette énigme de
treprise, après avoir reçu une commission l'Océan,, de ses apparitions fréquentes et des
officielle qui le constituait adelantado. Ces nombreuses expéditions parties vainement à
paroles attirèrent l'attention d'un vieil cm sa recherche. Ils le menèrent à un promon-
ployé à cheveux blancs, dont la mémoire toire d'où l'on avait le plus souvent aperçu
n'était qu'un catalogue de faits officiels et de l'île mystérieuse.
documents.' Après avoir regardé quelque Fernand ne doutait plus que ce ne fût là
temps le navigateur du haut de son tabouret, le port où une influence surnaturelle avait
il se mit la plume derrière l'oreille et des- agi sur lui pour resserrerdans l'espace d'une
cendit. Il se souvenait d'avoir entendu son nuit l'événement d'un siècle. Il ne réussit
prédécesseur parler d'une expédition sembla- pas à engager les insulaires dans une nou-
ble à celle dont il était question. Mais elle velle tentative de découverte; ils avaient
était partie sous le règne de Juan II, mort de- renoncé tous à l'Ile inaccessible. Fernand
puis plus de cent ans. Pour éclaircir la chose, néanmoins ne se décourageait pas. Assis au
il fit d'actives recherches dans les archives, promontoire de Palma, il y restait de longues
il y trouva l'indication d'un contrat entre la journées, s'attendant toujours à voir poindre
couronne et un certain Fernand de Ulmo les magiques montagnes de Saint-Brandan;
pour la découverte de l'île des Sept-Villes, puis il s'en revenait désappointé, mais il
ainsi que d'une commission qui lui avait été retournait à son poste le lendemain. Ses che-
donnée comme adelantado du pays qu'il pou- veux y blanchirent; et un jour on l'y trouva
vait découvrir. mort.
Eh bien 1 s'écria Fernand triomphant, AUTRESLEGENDES.
•yous avez sous les yeux la preuve de ce que
Il y aurait une foule de légendes bizarres
j'ai dit. Jc-suis ce Fernand de Ulmo nommé à rassembler dans les mythologies anciennes.
dans cette pièce, j'ai découvert l'Ile des Sept-
Voici par exemple la fable que les Egyptiens
Villes, et j'ai droit d'en être adelantado. racontaient au sujet de Rhéa, la fille du Ciel
Le récit de don Fernand avait la meilleure
autorité historique, le témoignage des do- et de la Terre; pour expliqucr les change-
cuments. Mais comment un homme à la ments qu'ils avaient dû faire à Icur année
fleur de la jeunesse parlait-il d'événements qui n'avait d'abord que 360 jours.
qui dataient de plus d'uri siècle? On le re- Rhé.i étant devenue grosse de Saturne, le
garda comme un fou. Soleil, irrité la chargea de malédictions et
Le vieux commis haussa tes épaules et se jura qu'elle n'accoucherait dans aucun des
gratta le menton, remonta sur son tabouret douze mois de l'année. Elle fit part de son
et se remit à copier. Ainsi abandonné, Fer- embarras à Mercure, qui entreprit de la ga-
nand s'élança. hors du bureau la tête égarée. rantir des fureurs du Soleil. La souplesse
Dans son trouble il se dirigea de nouveau d'esprit qui le caractérisait lui fournit pour
vers la demeure d'Alvarez; mais elle lui fut y parvenir un expédient. Un jour qu'il jouait
fermée. Pour Ic convaincre que Sérafina aux dés avec la Lune, il lui proposa de jouer
était vraiment morte, on le conduisit à sa la soixante-douzième partie de chaque jour
tombe, qui portait l'empreinte du temps; de l'année. Il gagna, et, profilant de son
caries mains du cavalier son époux avaient gain, il en composa cinq jours qu'il ajouta
perdu leurs doigts, et la figure de la belle aux douze mois. Ce fut pendant ces cinq
Sérafina n'avait plus de nez. Il fit réparer jours quelthéa accoucha; elle mit au monde
par un habile statuaire le nez de Sérafina, et Isis, Osiris, Orus,Typhon et Nephlhé. Ainsi
dit adieu à ce monument. l'année égyptienne, qui n'était d'abord que
Il ne pouvait plus douter désormais qu'il de trois cent soixante jours reçut les cinq
n'eût franchi up siècle pendant la nuit qu'il jours.coinpléinentaires qui lui manquaient.
avait passée dans l'île des Sept-Villes. 11 se C'est aussi une légende que l'histoire de
trouvait aussi étranger au milieu de sa pa- Cadmus et de son dragon. Cadmus, fils d'Agé-
trie que s'il n'y eût jamais été. Il souhaita nor et de Tôléphassa, avant d'offrir un sa-
de se retrouver dans ces vieilles salles où il crifice à Pallas, envoya ses compagnons pui-
avait reçu un accueil si courtois; et il aurait ser de l'eau dans un bois consacré à Mars;
bien voulu entreprendre une autre expédi- mais un dragon, fils de ce dieu et de Vénus,
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les dévora. Cadmus vengea leur mort en que les Européens ont nommé l'arbre Dieu,
tuant le monstre, et en sema les dents, par en raison du culte qu'ils lui ont vu rendre.
le conseil de Minerve. Il en sortit dix hom- Le bogaha le plus renommé se trouve à An-
mes tout armés, qui l'assaillirent d'abord, narodgburro, ville ruinée dans la partie sep-
mais tournèrent bientôt leur fureur contre tentrionale des Etats du roi de Candy, dont
eux-mêmes et s'entre-tuèrent, à l'exception les sujets ont seuls la faculté de s'approcher
de cinq, qui lui aidèrent à bâtir la ville que de ce sanctuaire. Selon la tradition reçue, le
l'oracle de Delphes avait ordonné de cons- bogaha traversa les airs pour se rendre à
truire. Ceylan de quelque pays éloigné, et enfonça
En voici une autre lui-même ses racines en terre à la place qu'il
Anius, roi de Délos, et grand prêtre d'Apol. occupe actuellement. Il fit ce voyage pour
lon, eut de Dorippe trois filles, qui avaient servir d'abri au dieu Bouddha, qui se reposa
reçu de Bacchus le don de changer tout ce à son ombre tout le temps qu'il demeura sur
qu'elles touchaient, l'une en vin l'autre en la terre. Quatre vingt-dix-neuf rois, qui,
blé, et la troisième en huile, La première se par les temples et les images qu'ils ont dédiés
nommait OEno la deuxième Spermo et la a Bouddha, ont mérité que leur âme fût reçue
troisième Elaïs. Agamemnon, allant au siége dans le séjour de la félicité ont été enterres
de Troie voulut les contraindre de l'y sui- sous l'arbre sacré. Transformés en bons gé-
vre, comptant qu'avec leur secours il pour- nies, ils sont chargés de veiller à la sûreté
rait se passer de provisions. Mais Bacchus, des adorateurs de ce dieu, et surtout dc les
qu'elles implorèrent, les changea en colom- préserver du joug des Européens.
bes. Cambadaxus était un bonze dont les Japo-
11 y en aurait mille. nais racontent l'anecdote suivante A huit
Laodamie, fille d'Acaste, épousa Protésilas. ans, il fit construire un temple magnifique
Son mari ayant été tué par Hector, Laodamie et, se prétendant las de la vie, il annonça
fit faire une statue qui lui ressemblait un qu'il voulait se retirer dans une caverne, et
valet l'ayant vue devant cette statue, alla y dormir dix mille millions d'années. En
dire à Acaste que sa fille était avec un conséquence il entra dans une caverne dont
homme; il y courut. Ayant trouvé la statue, l'issue fui, scellée sur-le-champ. Les Japonais
il la fit brûler pour ôter à sa fille ce triste le croient encore vivant 1 et l'invoquent
souvenir. Mais Léodamie, s'étant approchée comme un dieu. C'est bien plus hardi que
du bûcher, s'y jeta et y périt. C'est là ce qui nos sept dormants.
a fait dire aux poëtes que les dieux avaient Voici comme le Shastah indien trace l'o-
rendu la vie à Protésilas pour trois heures rigine de la métempsycose ou de la transmi-
seulement, et que se voyant obligé de rentrer gration des âmes. Les debtahs ou anges
dans le royaume de Pluton il avait persuadé rebelles ayant encouru la disgrâce de l'E-
à sa femme de le suivre. ternel, l'univers fut créé pour leur servir de
On voit en Provence, entre Arles et Mar- séjour. Le dieu forma des corps qui devaient
seille, une très-grande plaine couverte de leur tenir lieu de prison et de demeure, as-
pierres d'égale grosseur dont chacune peut sujettit ces corps au changement, à la déca-
remplir la main. C'est aujourd'hui la Crau dence, à la mort, et soumit les debtahs cou-
petit pays de Provence, à l'embouchure du pables à quatre-vingt-neuf transmigrations.
Rhône. Voici la fable que les anciens ont ima- Les quatre-vingt-sept premières transmigra-
ginée pour expliquer comment cette plaine tions -devaient être leur châtiment à la
avait pris un tel aspect. Albion et Bergion quatre-vingt-huitième ils devaient animer
géants enfants de Neptune, eurent l'audace le corps d'une vache, et enfin à la quatre-
d'attaquer Hercule, et voulurent l'empêcher vingt-neuvième celui de l'homme et cette
de passer le Rhône. Ce héros ayant épuisé dernière épreuve devait être la plus forte da
ses flèches contre eux, Jupiter les accabla toutes.
d'une grêle de pierres, et le champ où les Lauthu était un magicien tunquinois qui
pierres tombèrent fut appelé campus lapi- prétendait avoir été formé et porté soixante et
deus. dix ans dans le sein de sa mère ses disciples
v Mais laissons les vieilles fables. Le sujet le regardaient comme le créateur de toutes
d'Hamzah, dans l'Orient, a donné lieu aux choses; c'est cette religion que suit le peu-
plus curieux récits. ple, tandis que la cour suit celle de Con- v
Hamzah, prophète d'Harem, divinité des futzée.
Druscs, est, disent-ils, descendu sept fois Mais le philosophe Tao-Kium, auquel les
sur la terre. Dans l'âge d'Adam, il a paru Chinois ont décerné les honneurs divins, est
sous le nom deChalnil; dans l'âge de Noé, encore plus surprenant. Porté quatre-vingt-
sous celui de Pythagore; dans l'âge d'Abra- dix ans dans les flancs de sa mère, il s'ou-
ham, sous celui de David; dans l'âge de vrit un passage par le côté gauche, et causa
Moïse sous celui de Chaïl dans l'âge de la mort de celle qui l'avait conçu « Tao, ou
Notre-Seigneur, sous celui de Messie ou d'Hé- la raison et plutôt le raisonnement disent-
liasar dans l'âge de Mahomet, sous celui de ils, produisit un, un produisit deux, deux
Selman et de Farsi; et dans l'âge de Saïd produisirent trois, et trois ont produit toutes
bous celui de Salih. Les livres des Druses choses. » Voyez la plupart des récits de ce
l'appellent le plus grand de tous les pro- dictionnaire.
phètes, et la cause des causes. LEGENDRE ( Gilbert- Charles ), mar-
Le bogaha est un arbre de l'île de Ceylan, quis de Saint-Aubin-sur-Loire, né à Paris en
077 -LEG
LEG 978
37!!
~oo,
1688, mort en 1746.0n dea de lui un Traité
Traité d,
d csprits, les visions, les
l'opinion, oit Mémoires pour servir à l'his (1 apparitions, les son-
toire de l'esprit geset les sortiléges
latcmain Paris 1733 6 vol 1752, !a vol. in-12.
in-12 ouvrage dont M. ou^SesV°nS puisé constamment dans ces
Sal-ties a tiré r
grand parti pour son livre Des errcurs ettrès- dé,5
ouvrages.
préjngés répandus dans la société. Nous donnerons une idée de ses
tions, en empruntant à son Traité compila-
LIIONS, Il y a aux enfers six mille si] historique
et ionslmnaUqUe sur les
cent soixante-six légions
légion (le l'enfer se compose de démons. Chaqu(• sions un assez curieux apparitions et les vi-
morceau qui termine
de six mille si] le tome second. C'est la
cent soixante~six
diables ce qui porte if observations reproduction, avëa
nombre de tous ces démons critiques d'un opuscule inti-
tre millions quatre cent à quarante-qua · Mé: Le retour des morts, ouTraité qui prouve,
trente-cinq millE par plusieurs histoires
cinq cent cinquante-six. à la tête desquels authentiques que
se trouvent soixante-douze les âmes des
trépassés reviennent quelque-
calcul de Wierus. Mais d'autreschefs selon le fois
doctes mieux &TouaseprsrdeDicu-Suri>'ra^
à Toulouse en 169~.
,informés élèvent bien plus haut le
des démons. nombre
LE RETOUR DES MORTS.
d~d~~?~
du du'c de Chaulnes contrôleur des droits Première apparition. Drithelme. (Beda lib.
sur la chaîne de V Genlis Anglor.
gny, qui demeurait à Amiens,rue de l'Aven- Piqui- cap. 13.)
ture, et dont la maison fut infestée de Entre les choses extraordinaires
mons pendant quatorze ans. dé-- qui sont
Après s'être ïbloî?? rAnglfterre' l'unedes PluîmémSÎ
plaint il avait obtenu qu'on fit la bénédic- rables est l'aventure d'un
nommé
dont le vénérable Bède nous a laiss, Drilhelme
tion des maisons infestées ce qui força les JI la rapporte comme un l'histoire.
diables à détaler (J).
LEMIA, sorcièro d'Athènes, bien informé, et qui arrivafaitde dont il était très-
qui fut pu- son temps avec
nic du dernier l'étonnement de tout le monde il le raconte
supplice au rapport de Dé-
mosthènc, pour avoir enchanté ainsi dans le cinquième livre de
fait périr le bétail-, car dans charmé et l'Histoire
cette république d'Angleterre.
on avait établi une De notre temps, il y eut en Angle-
chambre de justice desti- terre un miracle desdit-il
née à poursuivre les sorciers
< ou LEMMENS (2). sans doute est pareil à ceuxmémorables, et qui
plus
1505 à Ziriczée en (L,Ev,.), né en qui se faisaient
Zélande, médecin et théo- anciennement car pour la résurreclion
de l'âme de plusieurs
logien, personnes morles par
vrai et depublia
faux enun livre sur cc qu'il y a de le péché, I on a vu ressusciter un homme mort
astrologie, et un autre sur de la yie du corps. Cet homme rendu
les merveilles occultes de la nature à la vie
LÉMUIIES, génies malfaisants (3). raconta plusieurs choses
ou âmes très-considérables,
des morts damnés qui (selon les StJean\SCQ devoir citer «^"e-o-e. en
croyances cet endroit.
superstitieuses) revienncnt tourmenter les Il y avait un homme dans le
vivants et dans la classe pays de Nor-
mettre les vampires.On desquels il faut humberland
prétend que le nom qui vivait fort saintement avec
de Lémure est une corruption de toute sa famille il fut atteint d'une maladie
qui vicnt à son tour du nom de Rému,<" qui augmenla toujours de plus en
Rémus, tué mit si bas, qu'il mourut plus et le
~°°~ Rome; car après vers l'entrée de la
sa mort les esprits nuit. Mais sur le du jour ressuscitant
malfaisattlsserépat:dircnt et se levant tout à point
coup, il remplit de frayeur
datlS
T[TES R071)C (lb). l'OJ. LARES, L1RVES, SPEC- l'esprit de ceux qui, avec
VAMPIRES. elc. beaucoup de lar-
LENGLET-DUFRESNOY mes, avaient veillé auprès de son
Beauvais en 167li. et fN.coLAs) né à b.en qu'.ls s'enfuirent tous, à la réserve corps si
de
doit, 1° une Ilistoire de la en 1755. On lui
mort femme, qui, l'aimant beaucoup, resta seule
philosophie her- quoique tout effrayée. Le défunt
~<-«j/.<e,acco~ d'mt calalogtre rafso~tné pour la
des ér:rivai~ts de cette science, rassurer lui dit Ne craignez rien,
avec le véritable vraiment ressuscité, je suis
plzilalète, revit sur les originaux, et l'on m'a permis de
i n-12 174.2, 3 vol. vivre encore une fois parmi les
2° Un 7'ro:~ hommes, non
pas néanmoins ainsi que j'avais
historique et dogntatiytse sur mais d'une bien différente manière. accoutumé
les apparitions visions et révélations
culières, avec des observations sur lesparti- Ayant dit ce peude paroles, il se retira sou-
serlations du R. P. Dom Calmet sur dis. dain dans une petite chapelle
qu'il avait à sa
paritions et lcs revenants les ap- métairie, où sans cesse il à la
1751 2. vol. s'occupait
la-12 prière; et peu de temps après il divisa tout
3°UnRecueil de dissertations ce qU avait de bien en trois parties, dont
nouvelles sur les anciennes et il donna l'une à sa
apparitions les visions et femme, l'autre à ses en-
les songes,avec une préface historique et un lants, et la troisième il la distribua aussitôt
aux pauvres. Ainsi délivré de
catalogue des auteurs qui ont écrit sur les l'embarras et
des inquiétudes du siècle, il s'en vint au
mo.
t. (1) Lenglet-I;)ufresnoy,
111,p, 21:),
Dissertationssur les apparit., benda (ides; Anvers,15Si, 111-8°.–Deoccullis
mLiipspmi
(2)M.Garinet, Bis!.dela magie
cnFl'allCo,
p. li. raculislibri If Anvers155J,v:-1`~.lléimprimé
tin chezPlan-
(3)veri,quid
DeAslrologid Jibor,unus,ill quoobiter indicaturquid en quatre livres; Anvers,15~#.
lIla ficti fal~ique et Hist. des spectres ou appar,des
habeut, quatcllusarti sit lIa- eh.(4) Lcloyer, esprits,
979 DICTIONNAIUEDES SCIENCES OCCULTES, 980
il_. de
nastère J Mailros où il se fit raser et se posséder un jour les biens éternels, 11ma-
dans une petite cellule que l'abbé lui tait son corps par des jeûnes continuels, quoi-
logea
marqua, et où il passa le reste de ses jours qu'il fût déjà cassé de vieillesse enfin par
dans un si grand regret de ses offenses pas- ses paroles et par ses exemples, il contribua
sées, qu'il était aisé de juger par la vie qu'il beaucoup au salut de plusieurs personnes.
menait, plus que par ses paroles, qu'assuré- Observation.
ment il avait vu d'étranges choses capables Ce fait, raconté avec tant d'assurance par
de réveiller nos désirs ou d'exciter nos le vénérable Bède, caractérise sa crédulité.
craintes. Peut-on regarder comme une résurrection
11 racontait donc ainsi ce qu'il avait vu. la syncope d'un homme qui s'évanouit le
Mon conducteur; disait-il était merveilleu- soir, et qui le matin revient à lui? N'est-ce
sementéclatantensonyisage et en ses babils. pas donner dans l'excès que de qualifier co
Nous arrivâmes d'abord dans une vallée éga- réveil du nom de résurrection? Eh que ra-
lement large et profonde et d'une longueur conte cet homme? Il ne fait que rapporter ce
presque infinie; le côté gauche était horrible qu'une pieuse imagination lui a conservé des
à voir à cause des Dammes dévoranles qui récits journaliers du purgatoire. Que l'on
en sortaient, et le droit ne l'était pas moins examine toutes les peintures que ces préten-
parla grêle dont il était incessamment battu, dus revenants ou ressuscités font du purga-
par des neiges continuelles, et un vent froid toire, on n'en verra pas deux qui se ressem-
et piquant qui y règne toujours l'un et l'au- blent parce qu'elles sont, non les portraits
tre de ces deux lieux était tout rempli d'âmes, de la chose, mais de l'imagination de ceux
emportées comme par un tourbillon, qui se qui en font le récit. Or les imaginations ne
lançaient tantôt dans l'un et tantôt dans l'au- sont pas moins variées que les physionomies.
tre car ne pouvant d'une part souffrir l'ar- Cependant le purgatoire est toujours le
deur et la violence des flammes qui les dé- même pour toutes les âmes que la justice
voraient, elles se jetaient au milieu -de ces divine y envoie. Pourquoi donc le peindre si
froids cuisants; et de l'autre n'y trouvant pas différemment? Il ne saurait l'être que d'une
le soulagement qu'elles en avaient espéré, seule manière. Je n'en veux pas davantage
elles s'élançaient dans des feux qui ne s'étein- pour réfuter une historiette si mal appuyée.
dront jamais. D'ailleurs la conduite de ce prétendu ressus-
Voyant une multitude incroyable d'es- cité n'est pas conforme à son devoir. Dieu
prits tourmentés sans relâche, je n'hésitai l'avait appelé à l'état de mariage, et l'y avait
pas à croire que c'était là cet enfer dont fait prospérer; il devait en- suivant la loi, et
j'avais ouï dire des choses si effroyables. Mais non pas son imagination, rester dans le
mon guide, qui s'aperçut assez de ma pensée, monde pour y sanctifier sa femme et ses en-
me dit aussitôt Non, ce n'est pas l'enfer, fants, et il aurait agi conformément 'à sa
et savez-vous bien ce que c'est que vous avez première vocation. Satisfaire aux devoirs
vu ? Non vraiment, dis-je. Eh bien 1 généraux est la voie de la sanctification,
répliqua-t-il, cette vallée, que vous avez vue sans s'aller précipiter dans des abtmes d'ima-
si terrible par les flammes dévorantes qui en ginations scrupuleuses, qui ne sont pas de
sortent et par le froid si rude qu'on y sent, l'ordre de Dieu.
est justement le lieu où sont punis ceux qui Deuxième apparition.
ont toujours différé la confession de leurs Adelhard, religieux
de Fulde. ( Joannes Trithemius in Vita
péchés et l'amendement de leur vie, et qui B. Rabani Mauri, archiepiscopi Moguntini,
enfin à l'heure de la mort ont eu recours au
sacrement de ces lib.ll, cap. 3.)
pénitence gens-là, parce
qu'ils se sont confessés de leurs péchés, du L'histoire de Raban Maur, premièrement
moins à l'instant de leur mort, seront reçus abbé de Fulde et ensuite archevêque de
dans le ciel au jour du jugement il est vrai Maycnce, raconte que ce saint prélat avait
que, par des prières, des jeûnes et des aumô- beaucoup de charité pour les pauvres en
nes, et surtout par le sacrifice auguste de sorh; que la bonté avec laquelle il tâchait
l'autel, les personnes qui vivent encore dans de les secourir, et même de prévenir leurs
le monde peuvent leur abréger ce temps. nécessités, lui avait acquis à juste titre la
Le vénérable Bède ajoute que, comme ce qualité de père et protecteur des miséra-
saint homme ne cessait de se tourmenter par bles. 11 est vrai que ses 'largesses passèrent
de grandes austérités que souvent il priait, dans l'esprit de quelques-uns de ses reli-
Dieu et chantait ses louanges plongé dans gieux pour prodigalité, et qu'il s'en trouva
des fleuves tout glacés, ses confrères, surpris d'assez avaricieux pour plaindre ce qu'on
d'une si étrange conduite, lui dirent C'est donnait aux membres de Jésus-Christ. On
merveille, frère Drithelme, que vous puissiez remarque que ceux-ci n'étaient pas les -stu-
endurer la rigueur de ce froid il ne répon- dieux, mais ceux qui avaient soin du tem-
dait autre chose sinon Le froid que j'ai porel. Le chef de cette troupe fut un certain
vu est encore plus grand et comme on lui Adelhard, cellérier et économe du monastère;
répétait souvent C'est merveille que vous mais Dieu fit de sa personne un exemple
ayez entrepris de mener une vie. si austère, formidable, qui apprit aux autres à ne pas
il ne disait autre chose sinon J'ai vu de regretter le pain qu'on donne aux pauvres.
plus grandes austérités et il persista jusqu'à Le saint abbé avait fait une ordonnance
la mort dans la pratique de ces pénibles qui n'était pas moins avantageuse pour les
exercices <i dans un très-ardent désir de religieux décédés que pour les indigents
031 LEG LEG 952
elle portait qu'après la mort de chaque re- s'épouvanta point de cette apparition mais,
ligieux on donnât, l'espace de trente jours, rempli de confiance en Dieu, il interrogea ce
sa portion tout entière aux pauvres. I! arriva frère sur son état, et si les pénitences et les
que, plusieurs de ces religieux élant morts en oraisons qu'on avait faites pour lui l'avaient
même temps, l'abbé, qui connaissait l'humeur soulagé. Mon père, répond le mort, vos bon-
trop ménagère de son celléricr, commanda nes œuvres sont aussi agréables à Notre-
très-expressément, en présence des autres, Seigneur qu'utiles aux âmes du purgatoire
d'accomplir ce qu'il avait ordonné. Adelhard Hé 1 plût à Dieu que mon avarice n'en eût
l'assura qu'il n'y manquerait pas; cepen- point retardé l'effet pour moi 1 Maisvous sau-
dant son avarice prévalut sur l'obéissance; rez, mon père, que j'endure des tourments
de sorte qu'il retrancha plus de la moitié des inexplicables, et que Dieu par un juste ju-
aumônes et enfin il n'en donna plus du gement, me fera souffrir jusqu'à l'entière dé-
tout.1. livrance de tous nos frères, dont mon ava-
Un soir, étant occupé fort tard à son of- rice a relardé le bonheur, en sorte que le
fice, et la communauté étant retirée, comme mérite des aumônes qu'on fait pour moi leur
il passait devant le chapitre pour aller au est appliqué je vous demande donc la grâce
dortoir, il. aperçut, à la faveur de la lumière de les redoubler puisque c'est l'unique
qu'il portait, quantité de religieux assis aux moyen de me tirer de ces brasiers ardents,
deux côtés du chapitre; ce qui le surprit où je suis tourmenté plus qu'on ne peut ja-
d'autant plus, que c'était pendant la nuit. mais se l'imaginer. Le bon père lui promit
Regardant d'un peu plus près, il reconnut tout ce qu'il désirait, et l'exécuta avec une
que c'étaient tous ceux dont il avait retenu fidélité nonpareille. Trente jours depuis
les aumônes. Alors saisi de crainte, il aurait celte apparition, le même se présenta une
bien voulu prendre la fuite; mais sa frayeur seconde fois à son abbé mais dans un état
était si grande qu'il demeura immobile sans bien différent car il témoignait sur son vi-
pouvoir avancer un pas. Dans ce moment, sage autant de joie et de gloire qu'il avait au-
toutes ces ombres s'approchant de lui, le paravant fait paraître de douleur et do
renversèrent par terre, et l'ayant dépouil!é tristesse. 11 l'assura de sa béatitude cl lui
Voici, lui dirent-elles, le commencement rendit grâces de lui en avoir procuré l'avan-
des peines préparées à votre cruauté dans cement par ses charitables soins. Il n'est pas
trois jours, vous serez des nôtres, et vous besoin d'expliquer combien cette rencontre
apprendrez par-unc funeste expérience qu'il opéra de fruit dans ce monastère ni si l'ori
n'y a point de miséricorde pour ceux qui là donnait libéralement l'aumône aux pauvres.
refusent au prochain., Ils lui donnèrent en- Chaque religieux se retranchait tous les
suite la discipline jusqu'au sang, et le lais- jours une partie de sa nourriture pour ce su-
sèrcnt évanoui sur la place, où il demeura jet, et leur saint abbé avait plus de peine
jusqu'à minuit, que les religieux s'étant as- à modérer leur ferveur en ce point qu'à
semblés pour matines, le trouvèrent en ce l'exciter.
pitoyable état. Il fut porté à l'infirmerie, Observation.
où, par les soins des religieux étant revenu Cette seconde apparition n'est pas moins
à soi, il leur exposa ce qui lui était arrivé, singulière que la première. Trithèmc, quoi-
et l'arrêt irrévocable de la mort qu'il devait que habile,vivait dans un temps où ces sortes
subir dans trois jours. de merveilles étaient à la mode. Et quand la
Toute la communauté fut fort touchée, de rapporte-t-il ? Près de 700 ans après Raban
l'inforlune du celléricr, mais surtout le très- Maur, abbé de Fulde. Raban Maur vivait au
saint abbé. Il essaya de fortifier ce malade milieu du neuvième siècle, et Trithème sur
et de le disposer à une sérieuse pénitence, la fin du quinzième. Or, sur un fait de cette
l'assurant que Dieu lui serait propice, quoi- nature, je croirais difficilement Raban lui.
qu'il le châtiât, et qu'il importait peu qu'il même. Voici la raison que j'ai de rejeter
ne fit point de miséricorde en cette vie au cette apparition. Il est certain que ceux que
corps, pourvu qu'il ne la refusât pas éter- l'on suppose en purgatoire sont morts dans
nellement à l'âme. Enfin, ayant reçu les der- la grâce de Dieu et ave.: la charité dans le
niers sacrements, il décéda avec des marques, cœur, ainsi, avec la douceur et la modéra-
d'une véritable contrition. tion qui convient au vrai chrétien. Il leur
Le saint père Raban ne termina pas ses reste seulement quelque temps de pénitence
inquiétudes à sa mort au contraire, comme à accomplir. Au lieu qu'on nous représente
il jugeait bien que ses peines étaient extrê- dans les moines de cette apparition des fu-
mes dans le purgatoire il offrit beaucoup rieux qui se jettent sur ce pauvre ccllérier
plus de sacrifices et d'aumônes pour son sou- et qui le réduisent à la mort. JI avait fait
lagement qu'il n'avait fait pour les autres qui mal à la vérité mais ce n'est point par des
l'avaient précédé. Il ordonna des jeûnes et coups mortels que les âmes prédestinées cor-
des oraisons plus longues et plus fréquentes, rigent ou doivent corriger les défauts d'au-
et n'oublia rièn de ce qui pouvait fléchir la trui. C'est par de sages et utiles instructions.
justice de Dieu en sa faveur. Ce seul manque de charité me fait voir que
Trente jours après son décès, le vénéra- cette apparition est fausse le ccllérier se
ble abbé étant en oraison pour lui après ma- sera sans doute livré à quelque excès cela
tines, le défunt lui apparut triste, défiguré, arrivait quelquefois chez les moines alle-
portant même jusque sur son habit les si- mands de ces anciens temps. Pour couvrir
gnes de son tourment. Le saint homme ne sa turpitude, il aura feint cette apparition
P83 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 9-34
ou peut-être quelque moine mécontent de Observation.
son celléricr aura imaginé ce conte. C'était Cette historiette conduirait à l'impénik nce,
le caractère du temps. Voulail-on prouver en nous représentant un prêtre qui néglige
une vérité de morale, ou établir une règle ses devoirs, sans que l'on aperçoive qu'il en
de conduite, on apportait, quand on le pou- ait fait une pénitence commencée. Il se con-
vait, les témoignages de l'Ecriture et des Pè- tente de la faire faire à saint Rambert. C'é-
res, que l'on accompagnait de faits histori- tait pourtant la moindre chose que le crédule
ques si l'on, ne trouvait pas de traits auteur nous dit quelques mots de la conver-
d'histoire propres à prouver ce qu'on vou- sion d'Arnould. On le suppose je le veux
lait, on inventait ou l'on copiait une histo- croire; mais ce ne sont point là des choses
riette, qui pouvait s'y rapporter. C'est ce qui seulement à supposer. 11 faut,pour l'instruc.
nous en a produit un si grand nombre. Mais tion et l'édification des lecteurs, en donner
dans de si graves questions, nous voulons sinon le détail) du moins le principe et l'idée
du vrai, et du vrai solidement appuyé. générale.
Autre peinture du purgatoire c'est ici une
Troisième apparition. Arnould, prêtre. (Ex Pfjson de feu. Apparemment que celui qui a
nctis sancti Ramberli, archiepiscopi Ham- écrit cette apparition était un homme sombre,
burgensis, apud Henschenium, cap. 3.) à qui l'imagination représentait des prisons.
Enfin Arnould devait-il faire connaître à
L'auteur de la Vie de saint Rambert, arche- d'autres qu'à saint Rambert,son bienfaiteur;
vêque de Hambourg, rapporte qu'un prêtre, l'état de félicité où il avait été élevé par la
nommé Arnould, étant décédé depuis déjà
pénitence du saint? N'était-ce pas lui qu'il
longtemps, apparut à saint Rambert, lors- devait remercier en personne, puisque c'était
qu'il était encore sous la discipline de saint à lui qu'il s'était personnellement adressé
Anschaire, son prédécesseur. Dans cette ap- faire en son lieu et place une pénitence
pour
parition, Rambert interrogea Arnould sur volontaire?
l'état de son âme en l'autre vie il répondit
en soupirant Pendant que j'étais au Quatrième apparition. Saint Odilon, abbé de
monde, j'ai vécu dans une grande négligence Cluny. {B. Pelrus Damianus,in Vita sancti
de mon salut, et sans application à ce que Odilonts, cap. 10 et 11).
Dieu demandait de moi dans l'état sacerdotal; Nous lisons dans la Vie de saint Odilon,
au lieu d'aspirer à la sainteté et de pratiquer
les bonnes œuvres qui en sont le chemin, abbé de Cluny, qui a été écrite par le B. Pierre
Damien, cardinal de l'Eglise romaine, per-
j'ai' passé ma vie dans l'oisiveté et souvent
dans le désordre, jusqu'à rompre l'abstinence sonnage très-grave et digne de foi, qu'un re-
aux jours défendus c'est ce qui m'a empê- ligieux français venant du voyage de Jérusa-
ché de voir Dieu, et ce qui me retient lem, fut jeté par une tempête dans une île
dans une prison de feu où j'expie avec des proche de la Sicile, où il fit rencontre d'un
tourments inexplicables mes fautes passées. ermite, qui passait là ses jours dans une aus-
Si vous voulez tère pénitence au-dessous d'une caverne. Ce
ajoula-t-il entreprendre solitaire le reçut fort charitablement dans sa
un jeûne de quarante jours pour moi, ne
,cellule, en attendant que la mer fût calme et
mangeant que du pain et du sel, et ne buvant les vents propres à la navigation; et ayant
que de l'eau je crois que Dieu me fera misé-
ricorde et me délivrera du purgatoire. appris qu'il était Français de nation, il lui de-
manda s'il connaissait l'abbé Odilon et lo
Le saint lui promit d'accomplir sa prière monastère de Cluny. Le religieux français lui
et en ayant conféré avec saint Anschaire
son maître, il commença ce rigoureux ca- ayant dit qu'il connaissait l'un et l'autre, il
ajouta que proche de sa retraite il y avait
réme, pendant lequel il fut tourmenté d'un un certain lieu où, dit-il, j'ai vu souvent des
mal de dents si violent, qu'il ne pouvait flammes effroyables et des feux qui semblent
pas seulement manger son pain, ce qui ren- être capables de dévorer tout ce pays; sor-
dait sa pénitence encore plus longue et plus tant des abîmes de la terre, ils élèvent avec
difficile de sorte qu'il était contraint de le eux un million d'âmes tout
ardentes, qui
tremper dans l'eau pour pouvoir prendre sa endurent des tourments insupportables, et
nourriture.
purgent leurs péchés dans cet embrasement
Son jeûne expiré, le prêtre apparut à une avec des cris lamentables, parmi lesquels j'ai i
sainte femme, paralytique dopuis plusieurs encore entendu les hurlements horribles des
années, laquelle endurait son mal avec tant démons exécuteurs de la divine justice: je les
d'égalité d'esprit, qu'il ne l'empêchait pas de ai vus sous des figures affreuses; transpor-
se faire porter tous les jours à l'église pour tés de rage, ils se plaignent de ce que plu-
participer aux saints sacrements et entendre sieurs de ces âmes leur sont ravies avant le
la parole de Dieu. Elle apprit dans cette vi- temps, et sont conduites au ciel en triomphe
sion que la pénitence de saint Rambert avait par tes prières, sacrifices et pénitences de
délivré l'âme de ce prêtre du purgatoire, et tous les fidèles, et spécialement par les con-
qu'il la priait de l'en remercier de sa part, tinuelles mortifications, les sacrifices et les
ajoutant qu'il était du nombre des justes dont prières de l'abbé de Cluny et de ses religieux,
parle le Sage, qui portent le feu et la lumière qui s'emploient à cette œuvre de charité avec
partout où ils se rencontrent, et qu'il avan- beaucoup de zèle et de ferveur.
çait tous les jours notablement dans les voies Cela dit, il conjura le religieux, au nom
de la grâce. de Dieu, d'aller trouver Odilon de sa part,
985 LEG LEG 988
aussitôt qu'il serait de retour en France, de de sa part, do ne rienn épargner
énanrn pour avancer
lui rapporter fidèlement t6ut ce qu'il venait sa béatitude qu'if attendait -ce dernier té-
de lui dire, et de le supplier, au nom de moignage de son amitié, et que sa recon-
toutes les âmes dn purgatoire, de redoubler naissance en serait éternelle.
sa ferveur à les secourir, puisque ses prières Je ne prétends pas expliquer de quelle
et ses bonnes œuvres leur étaient si efficaces, manière notre saint s'employa pour procurer
ce qui paraissait visiblement par la rage de la délivrance du pape. On le peut bien pen-
l'enfer contre eux. ser, mais non pas écrire. Je dis seulement
Le religieux s'acquitta fidèlement d'une qu'il ne se donna pas un moment de repos,
commission si importante; et, aprèsavoirex- et qu'essayant d'animer ses religieux du mé-
pliqué à saint Odilon son aventure, ce saint me zèlo dont il brûlait, c'était à qui s'impo-
tâcha autant qu'il put de soulager encore da- serait à.soi-mémc de plus sévères pénitences.
vantage les âmes souffrantes. Il n'eut pas Bientôt après, Dieu délivra le pape du pur-
grande peine à se laisser persuader une chose gatoire, et alors il en vint remercier son li-
à laquelle ilavait déjà une vive inclination. bérateur. Un des religieux le vit entrer dans
Ainsi, depuis cette rencontre, son zèle parut le chapitre, suivi d'une grande multitude de
encore plus ardent, afin que l'embrasement de personnes vêtues de blanc qui portaient,
sa charité éteignît celui du purgatoire; cardes dans la joie imprimée sur leurs fronts, les
ce jour-là' il fit un décret qu'il envoya par marques assurées de leur béatitude. Le prin-
toutes les maisons dépendantes de Cluny, et cipal de cette heureuse troupe fit une incli-
dans lequel il ordonne que tous les ans on nation profonde à l'abbé, le remerciant des
ferait la commémoration des fidèles trépas- grâces qu'il avait reçues par son moyen. Le
sés, commençant leur office après les vêpres religieux s'étant informé de son nom par un
du jour de la fête de tous les saints; qu'en de la compagnie, il apprit que c'était l'âme du
ce même jour le doyen et le cellérier du mo- pnpc Benoit que saint Odilon avait délivrée du
nastère donneraient l'aumône générale à purgatoire, et qu'il était venu exprès pour lui
tous les pauvres, dè pain et do vin, selon la. en témoigner sa reconnaissance, et l'avertir
pratique du jeudi saint, et que l'aumônier qu'il entrait dans la gloire. On peut connat-
aurait soin de distribuer les restes des frères, Ire par cet exemple combien les prières, les
sans rien réserver pour le lendemain; que aumônes et le saint sacrifice de la messe sont
les prêtres offriraient le saint sacrifice de la utiles à ces Ames qui payent au milieu des
messe à leur intention, et qu'on donnerait à feux allumés la peine due à leurs péchés.
manger à douze pauvres. Observation.
Il promet à ceux qui voudront imiter sa Pierre Damien, bon chrétien, et même sage
charité de participer aux bonnes œuvres et vertueux ecclésiastique, était très-crédule,
faites par tous les religieux de là congréga- mais il vivait dans un siècle où l'on aimait les
tion de Ciuny, et conclut en exhortant ses choses merveilleuses. Il nous en donne ici
disciples d'avoir un soin particulier do sou- 'deux preuves: celle de l'ermite des environs
lager par leurs prières et par leurs péniten- de la Sicile est-formée sur les flammes du mont
ces les enfants deSaint-Benoîl, puisqu'on est Etna, que les païens aussi bien que le bon
plus obligé aux domestiques qu'aux étran- ermite regardaient comme une des bouches
gêrs. Il recommande aussi l'empereur Henri, de l'enfer; et le bruit des flammes de ce vol-
insigne bienfaiteur de l'ordre, et marque can, qui varie souvent de diverses manières,
quelques prières qu'on doit dire à son in- lui représentait les plaintes de tant de per-
tention. sonnes dans la peine et dans les souffrances.
Voyons, dans un exemple très -illustre, C'est encore une autre peinture du purga-
l'effet des prières de ce saint. toire. Mais qui avait dit à ce bon ermite
Le pape Benoit VIII étant décédé, saint que c'étaient les diables qui châtiaient les
Odilon, qui lui avait des obligations infinies, âmes détenues dans ce lieu d'attente et de
ressentit vivement sa perte, et ne manqua souffrances ? N'est-ce pns une imagination 7
pas de lui rendre devant Dieu tout Ic secours L'apparition du pape Benolt VIII n'est pas
que la nécessité de ce pape mort et son zèle mieux imaginée, puisque la fête des Trépas-
lui inspirèrent. H offrit quantité de sacrifices, sés, que l'on en regarde comme une suite,
veilla et pria pour lui; il fit des aumônes fut fondée en 998, ainsi 26 ans avant la mort
extraordinaires, et intéressa ses enfanls dans de Benoit Vlll, qui mourut seulement en
le soulagement du pontife universel de l'E- 1024, et qui fut pape l'an 1012, ainsi 14 ans
glise. Benoît connut, par la permission de après l'établissement de cette fête.
Dieu, au milieu de ses peines (car il était Pierre d'Engebert.
en purgatoire), les pénitences et lus orai- Cinquième apparition.
(Petr. Cluniac. lib. Il de Miraculis,cap.e28.)
sons que saint Odilon faisait pour en ac-
courcir la durée. JI apparut ensuite à trois Pierre de Cluny, surnommé le Vénérable,
personnes différentes desquelles le nom fui regardé do son temps comme l'oracle de
est supprimé, excepté celui de Jean, évêque là France c'était un hommè qui procédait
de Porto. II leur déclara la violence de ses en toutes choses avec considération, sans
tourments, dont il espérait néanmoins être avancer rien de frivole ni de léger. Voilà
délivré par les prières de l'abbé Odilon, se- pourquoi je me servirai volontiers de son
lon les promesses que Dieu lui eu avait faites: autorité. Il raconte qu'en une bourgade
il les conjura instamment d'envoyer en dili- d'Espagne nommée Estella il y avait un
gence à Cluny, pour prier le saint homme personnage de condition appelé Pierre d'En-
887 DICTiONNAHIEDES SCIENCESOCCULTES. 083
gebert, qui étail fort estimé dans le monde un lieu où l'on n'a pas coutume de se sanc-
rvfkV\fl«<t /11

pour ses belles qualités et ses grandes riches- tifier (à la guerre) la liberté, le mauvais
ses. Néanmoins, l'esprit cle Dieu lui ayant exemple, la jeunesse et la témérité, tout;
fail reconnaître la vanité fie toutes les choses conspire à perdre l'âme d'un soldat qui n'a
humaines, lorsqu'il était dans un âge mûr, point de conduite. J'ai fait des excès à la
il se rendit dans un monastère de l'ordre de guerre dernière, volant et pillant jusqu'aux
Cluny, pour y passer le reste de ses jours biens des églises, pour lesquels je suis à
plus saintement, comme on dit que le meil- présent grièvement tourmenté mais mon
leur encens vient des vieux arbres. 11 par- bon maître, si vous m'avez aimé pendant ma
lait assez souvent avec ses frères d'une vi- vie, comme vous appartenant, ne m'oubliez
sion qui lui était arrivée étant encore point après la mort. Je ne vous demande
dans le monde, et qui n'avait pas peu servi rien de vos grandes richesses, mais seule-
à sa conversion. Ce bruit vint aux oreilles ment vos prières et quelques aumônes en
du vénérable Pierre, qui était son général, ma considération, qui aideront beaucoup à
et qui pour les affaires de son ordre, s'était soulagermes peines. Ma maîtresse nie doit en-
alors transporté en Espagne voilà pourquoi, core environ huit francs du reste d'un compte
comme il ne permettait jamais qu'on avançât qu'elle fit avec moi; qu'elle emploie cela,
des discours de choses extraordinaires, s'ils non pour le corps, qui n'en a aucun besoin,
n'étaient bien vérifiés, il prit la peine d'aller mais au soulagement de mon âme, qui at-
jusqu'en un petit monastère de Navarre où tend cela de votre charité. ;j
était Engcbert, et l'interrogea en présence Je ne sais comment je me trouvais encou-
des évoques d'Oleron et d'Osma, le conjurant ragé par ce discours; mais j'avais plus do
en vertu de la sainte obéissance, toute puis- désir de m'entretenir que je n'avais de crainte
sante dans l'état monastique, de dire exac- de cette apparition. Je lui demandai s'il ne
tement la vérité touchant cette vision qu'il savait point de nouvelles d'un de mes com-
avait eue étant encore dans la vie séculière. patriotes nommé Pierre Dejaca, qui était
Il parti ainsi Du temps qu'Alphonse le mort depuis peu de temps. A quoi il fit ré-
Jeune, héritier du grand Alphonse, faisait la ponse- que je n'avais que faire de m'en met-
guerre en Castille contre quelqnes factieux, tre en peine et qu'il était déjà au nombre des
qui s'étaient soustraits à son obéissance il bienheureux, vu les grandes aumônes qu'il
porta un édit qui obligeait chaque maison de avait faites en. la famine dernière, et qui lui
son royaume de lui fournir un homme de avaient acquis le ciel. De là j'entrai en une
guerre. Pour obéir à ce commandement autre question, curieux de savoir ce qui était
j'envoyai à l'armée un de mrs domestiques, arrivé à un certain juge que je connaissais
qui se nommait Sanche. Depuis la paix fort bien, et qui était passé depuis peu en
étant faite et les 'troupes congédiées, il re- l'autre vie. Il me réplique là-dessus
vint dans ma maison où, après avoir séjourné Mon maître, ne parlez point de ce mi-
quelque temps, il fut atteint .d'une maladie sérable, car l'enfer le possède pour les cor-
qui l'emporta en peu de jours. Nous lui ren- ruptions de la justice qu'il a exercées par de
dîmes les devoirs qu'on a coutume de rendre damnables pratiques, ayant l'honneur et l'â-
aux morts et quatre mois étaient déjà pas- me vénale au préjudice de sa conscience.
sés, que nous n'avions appris aucune nou- Ma curiosité monta plus haut et je m'en-
velle de l'état de son âme quand voici quis de ce qu'était devenue l'âme du roi
qu'une nuit d'hiver, étant dans mon lit bien Alphonse le Grand. Alors j'entendis une au-
éveillé, j'aperçois un homme qui, remuant tre voix qui venait d'une fenêtre derrière ma
les cendres de mon foyer, découvrit les brai- tête, qui dit assez intelligiblement Ce
ses ardentes, à la lueur desquelles je le vis. n'est pas à Sanche que vous devez demander
Quoique je me sentisse un peu- surpris à la cela, d'autant qu'il ne peut rien savoir en-
vue de ce spectre, Dieu me donna cependant core de l'état de ce prince; mais j'en puis
la hardiesse de lui demander qui il était, et à avoir plus d'expérience que lui, étant mort
quel dessein il venait découvrir mon feu. Il depuis cinq ans, et m'étant trouvé à une
me répoudd'une voix assez basse: Monma1- rencontre qui m'a donné quelque éclaircis-
tre, ne craignez point, je suis Sanche, votre sement là-dessus.
pauvre serviteur. Je m'en vais en Castille, Je fus surpris d'entendre inopinément cette
avec bonne compagnie dc soldats pour voix; et me tournant, je vis à la clarté de la
expier mes péchés au lieu même où je les ai lune, qui donnait dans ma chambre, un hom-
commis. me appuyé sur ma fenêtre je le suppliai de
Je lui réplique d'une voix assurée Si le me dire où était donc le roi Alphonse. Sur
commandement de Dieu vous appelle là, à quoi il repartit qu'il savait bien qu'au sortir
quel propos êtes vous venu ici ? Mon de la vie il avait été fort tourmenté, et que
maître, dit-il, ne le trouvez pas mauvais; les prières des bons religieux lui avaient bien
cela ne se fait point sans la permission di- servi; mais qu'i! ne pouvait pas dire à pré-
vine. Je suis dans un état qui n'est point dé- sent en quel état il était. Et après qu'il eut
sespéré, et où vous pouvez me secourir, si dit cela, il se tourna vers Sanche, qui s'était
vous avez encore quelque bonté pour moi. assis auprès du feu, et lû"i dit Allons, il
Sur cela, je m'informe quelle était sa né- est temps de partir. A quoi Sanche, sans
cessité, et quel secours il prétendait de moi. lui rien répondre, se leva promptement et
Vous savez répondit-il, mon maître que redoubla ses.plaintes d'une voix pitoyable,
peu avant ma mort vous m'aviez envoyé en disant Mon maître, je vous en supplie
0S9 LEG LEG 090,
pour la dernière foi», souvenez-vous de moi, rait de loin; elle i était
Afnif r»nmnri(
composée d'hommes
et que ma maîtresse exécute la requête que tous vêtus de blanc, qui s'avançaient à grands
je vous ai faite. pas vers eux sur des chevaux blancs, avec
Le lendemain, Engebert apprit à sa femme des armes blanches et des drapeaux tout
ce que cet esprit lui avait dit, et se mit en blancs ce que les sentinelles coururent dire
devoir de satisfaire promptement et charita- au prince.
blement à tout ce qu'il avait demandé. 11 ne sait que penser et que faire à celle
Observation. étrange nouvelle; il craint et espère tout en-
Nous avons maintenant affaire à Pierre le semble;' il lient conseil, et de l'avis de ses
Vénérable, abbé de Cluny, homme très-dis- gens, il dépêche quatre hommes vers cette
tingué dans l'Eglise, tant par sa haute nais- armée pour demander s'ils viennent comme
sance que par ses talents dans le gouverne- ennemis ou comme amis. A la demande des
ment. Cet illustre abbé était de la maison de ambassadeurs, les chefs de l'armée répon-
Monthoissicr, dont il subsistecncorcplusieurs dent Nous sommes de la maison du Roi
branches avec dignité; mais s'il primait dans des rois, et 'nous venons offrir notre service
le gouvernement d'un ordre célèbre et fort à votre maître contre son ennemi.
étendu, il vivait dans le douzième siècle, siè- Eusèbe n'eut pas sitôt appris une si favo-
cle éclairé pour la doctrine, mais où l'on se rable réponse, qu'il marche en assurance
laissait aisément séduire sur des faits réputés contre Ostorge, dont l'armée était trois fois
miraculeux. Examinons celui de Pierre En- plus grosse que la sienne; mais son armée
gebert. cependant ne laissait pas de paraître égale à
Sanche, qui parait si bien instruit sur qüel- l'autre, .parce que l'armée blanche, qui lui
ques âmes ou bienheureuses ou damnées, servait d'avant-garde ou de troupes avan-
ne l'est nullement sur ce qui regarde celle cées, paraissait de quarante mille hommes.
du roi Alphonse. Cependant ce dernier fait Ostorge se trouva fort effrayé; ces cava-
était de plus grande importance que les au- liers blancs l'épouvantaient terriblement par
tres. Mais Pierre de Cluny devait savoir que leurs postures et leurs menaces. Il demande
les âmes séparées du corps sont autant d'ê- la paix, il s'offre à donner toute satisfaction
tres. indépendants les uns des autres, qui ne à Eusèbe. La paix se conclut, il rend et paye
savent que ce que la Divinité leur découvre au double tout ce qu'il avait pris, et se sou-
elle ne le fait même qu'en ce qui leur est met avec tous ses Etats au duc de Sardaigne.
nécessaire de ne pas ignorer; et de quelle Alors l'armée blanche voulant contenter
Utilité était à Sanche de savoir la damnation la curiosité d'Eusèbe, qui demandait à ces
du juge dont il est ici question? troupes qui elles étaient, on lui répondit
Sixième apparition. Nous sommes tes âmes de ces défunts que
Eusèbe, duc de Sar-
par vos bienfaits et par vos aumônes vous
daigne. (Roa, Pinelli, et alii.) avez mises dans le repos éternei. Travaillez
Quelques auteurs célèbres rapportent que incessamment à ce que toutes les autres, que
deux ducs se faisaient la guerre avec des vous racheterez de leurs peines reposent en
succès fort différents; l'un était Eusèbe, duc paix avec nous, afin que tant de bons amis
de Sardaigne; l'autre Ostorge, duc de Silésie. que vous aurez délivrés vous gagnent la fa-
Eusèbe avait une dévotion incomparable au veur du grand Juge et l'obligent à vous faire
secours des âmes des défunts il faisait offrir miséricorde. Et cela dit, ils parurent tous
pour elles tous les jours des-sacrifices, il don- s'en aller dans le chemin par où ils étaient
nait d'amples aumônes, et ne manquait point venus.
à faire payer la dîme de tous ses biens pour Nous savons que cette histoire a été avé-
leur soulagement. rée dans les deux provinces, et sur la rela-
Il fut jusqu'à cet excès de piété, qu'il voua tion d'un saint abbé de grande autorité, qui,
à Dieu la plus grossé et la plus riche de ses dans la guerre de ces deux princes, fut pri-
villes pour la délivrance de ces âmes, n'en sonnier, pendant qu'il visitait quelques ab-
voulant rien tirer pour son usage, et desti- bayes qui étaient sur les confins de leurs ter-
nant tout le revenu qu'il en recevait il pro- res. Et vraiment si cet abbé ou celui qui le
curer les moyens de les aider. II y nourris- fait auteur de cette aventure, eût voulu men-
sait et entretenait une grande multitude de tir ou faire un conte, il est croyable qu'il
pauvres à ce dessein; il y faisait dire tous les n'eût pas pris autant de témoins de son men-
jours dans toutes les églises un grand nom- songe qu'il y avait de soldats dans les deux
bre de messes, de sorte que cette ville se armées, el d'habitants dans la Silésie et dans
nommait communément la ville de Dieu. la Sardaigne. Car une chose si merveilleuse
Ostorge, son ennemi, s'attachant à cette n'a pu arriver sans que ces provinces en
ville, la prit et s'en rendit maître; de quoi eussent la connaissance.
Eusèbe eut un si sensible déplaisir, qu'il Observation.
protestait qu'il lui eût été plus supportable Voici une historiette qu'il ne sera pas dif-
d'avoir perdu la moitié de ses Etats que celte ficile de détruire la géographie seule en va
seule ville de Dieu. montrer la fausseté. On y fait parattre
Il amasse des troupes, il se met en cam- comme voisins un duc de Sardaigne et un
pagne contrele victorieux; son armée campe, duc de Silésic et entre les deux, il y a non-
et ceux qui faisaient la garde du camp re- seulement un peu plus de trois cents lieues
gardaient de tous côtés pour découvrir co de distance mais outre l'éloignemcnt on y
qui se passait. Alors une armée leur appa- trouve encore de terribles barrières^ savoir
001 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 092
A à 1
toute la Bohême l'Autriche les Alpes dans son corps et on ne saurait assez ad-
l'Apennin l'Italie et une partie de la mer mirer l'extrême vitesse avec laquelle ces es-
Méditerranée, et l'on appelle cela des princes prits bienheureux exécutèrent cet ordre; car
voisins et limitrophes 1 Et puis, où l'auteur comme on prononçait pour la première fois
a-t-il pris un Eusèbe, duc de Sardaigno, et l'Agnus Dei de la messe qu'on offrait pour
un Ostorge, duc de Silésie? La Sardaigne moi, je fus présentée devant le trône de
a passé des Sarrasins aux Génois, puis fut Dieu et quand on le dit pour la troisième
gouvernée par des juges et enfin elle eut fois, mon âme se trouva réunie à mon corps.
des rois mais dans tout cela point de duc. C'est ainsi que les choses se sont passées
A moins que les écrivains qui ont traduit dans ma mort et dans ma résurrection. Je
Sardaigne, aient mal traduit, et qu'il s'agisse suis donc revenue pour l'amendement des
d'une autre contrée. hommes ainsi je vous conjure de n'être pas
surpris des choses que vous verrez en moi,
Septième apparition. Sainte Christine. (Thom. quoiqu'on n'ait jamais rien vu de pareil dans
Cantaprilanus inVita sanctœ Christinœ.} le monde.
Sainte Christine qui a mérité le surnom C'est ainsi qu'elle parla. L'auteur de sa
d'Admirable, pour la vie tout à fait mer- Vie ajoute que pour lors elle commença à
veilleuse qu'elle mena en faveur des âmes exécuter les choses pour lesquelles Dieu l'a-
du purgatoire, raconte d'elle-même qu'étant vait renvoyée. On la voyait tout d'un coup
morte son âme fut aussitôt portée, par le se lancer dans des fournaises ardentes; e.t
ministère des anges, en un lieu obscur, hor- quoiqu'elle fût horriblement tourmentée au
rible et rempli d'âmes. Or les tourments milieu de ces brasiers, ce qui paraissait par
dit-elle, qu'on faisait endurer à ces pauvres les cris pitoyables qu'elle jetait, néanmoins
âmes me parurent si effroyables, que je ne étant sortie de là, il ne paraissait sur son
pense pas qu'on en puisse jamais donner corps aucune marque de brûlure. Ensuite
une juste idée. Je vis dans ce lieu les âmes elle se plongeait dans les eaux-toutes glacées
de plusieurs personnes que j'avais connues de la Meuse, et y demeurait l'espace de six
durant leur vie. Etant donc touchée d'une jours et quelquefois davantage.
extrême compassion à l'égard de ces pauvres Un peu plus bas il ajoute que, priant au
infortunées, je demandai quel était ce lieu milieu des eaux, elle en était entraînée jus-
dans la pensée que ce ne pouvait être que que dans les moulins, où étant froisséo
l'enfer. Mais mes conducteurs me dirent par les roues; elle en sortait sans qu'il en
d'abord que c'était le lieu du purgatoire où parût rien sur sa personne.'Elle se levait
les pécheurs qui à la vérité se sont repentis quelquefois à minuit, et parcourant toutes
durant leur vie de leurs offenses, mais qui les rues de la ville dé Sainl-Trond elle aga-
n'ont pas encore satisfait à la justice de Dieu çait les chiens, qui la déchiraient avec leurs
par des peines proportionnées à l'énormité dents comme une bête féroce quelquefois
de leurs crimes achèvent d'expier leurs elle courait parmi les épines et les ronces,
fautes. De là ils me conduisirent dans l'en- et en était tellement percée, qu'il n'y avait
fer, où je vis encore quelques, personnes que point de partie en tout son corps qui n'en fût
j'avais connues autrefois. Ensuite je fus por- ensanglantée. Cependant après avoir ré-
tée dans le paradis, devant le trône de la pandu-bien du sang, on ne voyait en elle
divine majesté, où, me voyant bien accueillie nulle apparence de blessure.
du Seigneur, j'en conçus une incroyable joie,
Observation.
dans la créance où j'étais que je demeurerais
éternellement avec lui en ce lieu de délices. Voilà des choses merveilleuses. N'y voit-on
Mais Dieu, qui voyait les désirs de mon pas l'effet d'une léthargie de vingt-quatro
coeur me dit aussitôt Il est vrai ma heures ou environ? Il s'en trouve encore de
chère fille, que vous serez un jour éternelle- plus longues, et la sainte, dont on peint ici
ment avec moi mais avant cela je veux l'imagination était frappée des peintures
vous donner le choix de deux choses bien que l'on fait et des discours que l'on tient et
différentes ou de demeurer ici avec moi que l'on a raison de tenir sur les peines des
durant toute l'éternité, ou de vous en re- âmes du purgatoire et encore plus- sur
tourner en terre, pour y endurer de grandes celles des damnés elle en est attendrie. Cela
peines en un corps mortel, et par ce moyen était de sa charité mais après avoir été pro-
délivrer ces pauvres âmes, dont vous re- menée en songe dans ces endroits de tris-
grettiez si fort le malheur et pour qui tesse et de peines, on lui fait apercevoir
Tous aviez tant de compassion; en même enfin ce lieu de délices et de repos où doi-
temps aussi par les exemples de votre vie vent aspirer tous les chrétiens, et où elle
pénitente vous porterez les pécheurs à aspirait elle-même. Revenue de sa léthargie,
abandonner leurs crimes et à se convertir elle raconte tout ce qu'elle a imaginé, ou
sincèrement à moi ensuite vous revien- plutôt tous les tableaux que lui a présentés
drez, après avoir accru vos mérites jusqu'à son imagination. Elle les raconte vraisem-
l'infini. blablement comme des songes et l'enthou-
A cetto proposition, je ne balançai pas un siasme de ses auditeurs va si loin que l'on
moment et dis d'abord que je voulais bien réalise en histoire tout ce qu'elle a pieu-
reprendre mon corps. Le Seigneur, après sement imaginé dans le sommeil. Il en est
m'avoir félicitée de m'être si promptement beaucoup d'autres de la même espèce. Je
offerte commanda qu'on remit mon âme ne crois pas non plus tous les tourments
093 LEG LEG 994
que l'on prétend qu'elle s'imposa volontai- hsf.rtifi.Hfin.
Observation.
rement. Je serai moins long sur ce récit que sur
les précédents. Celui qui l'a imaginé ne con-
Huitième apparition. Frère Pelerin cVOsma. naissait
pas l'efficacité du saint sacrifice de
(Peints Montrab. et alii in Vita S. Nicolai la messe. Il représente saint Nicolas de To-
de l'olentino.)
lentino, qui refuse d'en être le ministre ac-
Pendant que saint Nicolas de Tolentino tuel, parce qu'il veut faire quelque acte par-
demeurait au monastère de Valmanant, étant ticulier de pénitence pour retirer une âme
un samedi bien avant dans la nuit couché du purgatoire. Mais en est-il un plus efficace
sur son grabat, il ouït une voix qui semblait que celui de la prière, qui se fait à la vue
être arrachée des plus profondes entrailles et en vertu de Jésus crucifié prière même
de quelque personne réduite à l'extrémité, qui est soutenue des vœux ardents de toute
qui se plaignait amèrement et disait Pè- une pieuse communauté? Elle n'assiste aux
re Nicolas, ayez pitié de moi; grand servi- divins offices que pour y offrir conjointe-
teur de Dieu, écoulez-moi. Le saint, qui ne ment avec le prêtre les prières des fidèles
reconnaissait pas la voix, voulut savoir qui pour la gloire de Dieu et pour les besoins
l'appelait. Je suis dit cette même voix, de toute l'Eglise dont les âmes du purga-
l'âme de frère Pelerin d'Osma, qui expie toire font une des plus nobles parties. C'est.
-dans' les flammes du purgatoire les lâchetés même la scule manière de bien et réelle-
que j'ai commises en l'observance de mes ment assister à ce redoutable sacrifice, que
règles: je vous conjure, par l'amour que de s'unir au célébrant qui prie et avant et
vous portez à Dieu et la sainte amitié que après la consécration pour les fidèles qui
vous m'avez autrefois témoignée, d'ollrir sont décédés dans la foi et dans la charité
vos sacrifices à^Nolrc-Seigneur, afin qu'il afin que Dieu abrége le temps de leur péni-
plaise à sa bonté de me retirer de ces brasiers tence. Jésus-Christ est mort pour le salut de
et de me conduire en un lieu de rafraîchisse- tous les hommes nés et à naitre; il nous a
ment. ordonné de renouveler continuellement son
Saint Nicolas, qui devait cette semaine-là même sacrifice, et de le faire dans les mêmes
dire chaque jour la messe conventuelle, vues. Ce serait donc s'écarter, que de subs-
voulant s'en excuser, –Eh! mon père, ré- tituer des pénitences particulières et arbi-
pliqua cette âme, ne m'abandonnez point en traires à ce sacrifice, si nécessaire aux âmes
la nécessité, et ne fermez pas à une pauvre do tous les fidèles, et qui n'a été institué que'
âme qui n'espère du soulagement que par pour leur bien spirituel et pour leur pro-
la vertu de vos suffrages, les entrailles de curer les secours dont ils ont besoin.
votre charité, que vous tenez toujours ou- A la suite de ce traité, l'auteur donne une
vertes à tous ceux qui implorent votre se- curieuse pièce que voici
cours et afin que vous voyiez combien ma Lettre de M. Mollinger, premier secrétaire
requête est juste et civile, prenez la peine dit sérénissime électeur palatin à M-
de venir avec moi; vous verrez un spectacle 6'cA<Bp/y!t'H,de l'académie royale des inscrip-
qui sans doute arrachera les larmes de vos tions et belles-lettres, historiographe du roi,
yeux et la pitié de votre coeur. professeur d'histoire et de belles-lettres à
Le saint suivit cette âme, et vint à une Strasbourg.
vallée située à l'autre côté du désert, où il Les bontés infinies que vous m'avez tou-
découvrit un grand nombre d'âmes toutes jours prodiguées depuis que j'ai la bonheur
couvertes de flammes, et lesquelles, d'aussi d'être connu de vous Monsieur, me font
loin qu'elles l'eurent aperçu, se prirent à espérer que vous daignerez recevoir les
crier à haute voix Père Nicolas, père vœux que je fais pour vous au sujet du re-
Nicolas, ayez pitié de nous, puisque c'est en nouvellement,de l'année. Vous devez assez
vous seul que git l'espoir de notre délivrance connaître la source d'où ils partent, pour
A ce piteux spectacle, le cœur du saint être convaincu, Monsieur, que personne au
se trouva touché d'un si intime ressenti- monde n'en forme ni de plus ardents, ni de
ment, qu'il passa le reste de la nuit fondant plus sincères que moi.
en larmes, et priant Notre-Seigneur pour le A l'exemple des anciens, qui avaient cou-
soulagement de ces pauvres âmes. Le jour tume d'entretenir leur amitié par de petits
venu, du consentement de son supérieur, il présents, j'ose prendre la liberté, Monsieur,
commit sonofGceà à un autre, pour octroyer de vous joindre ici un échantillon du petit
à ces âmes ce qu'elles lui avaient demandé; i trésor, que je tiens sans doute de la main de
il redoubla la rigueur de ses exercices reli- la Providence ou du hasard suivant les
surtout dogmes des esprits forts de notre siècle.
gieux, jeûnant, pleurant, priant, et
offrant avec une extraordinaire ferveur le Heureux si vous vouliez bien lui accorder
saint sacrifice de la messe; si bien qu'au bout une place dans votre cabinet.
de huit jours l'âme de frère Pelerin lai appa- Comme nous avons la permission de creu-
raissant derechef, le vint remercier de la ser aussi longtemps que nous le jugerons à
propos, et que suivant les apparences il y
part de toutes les autres, de la grâce que
Dieu leur avait faite par l'oblation de ses a encore bien des choses cachées par ici,
sacrifices, les ayant retirées du purgatoire je compte que nous n'en resterons pas là
et logées dans le ciel pour jouir dans ce et que ce n'est que le commencement d'une
bienheureux séjour d'un repos ai jamais espèce do fortune. L'histoire de ce trésor
durable. s'est passée fort uniment.. Il y a plus d'un
995 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 890
an que M. Cavallari premier musicien de exploiter les passions plus ou moins cachées,
mon sérénissime maître, et Vénitien de na- ont toujours prospéré lorsqu'on les a lais-
tion, avait envie de faire creuser à Rolhen- sées faire. Mademoiselle Lenormand, qui est
kirchen à une demi-licue d'ici, qui était au- morte depuis peu, est une preuve de cette vé-
trefois une abbaye ou couvent fort renommé, rité peu flatteuse pour les lumières du siècle.
et qui fut ruiné du temps de la réformation. Ceux qui ne connaissent la sibylle pari-
L'occasion lui en fut fournie par une appa- sienne que par les réclames des journaux,
rition que la femme du ensier dudit Ro- les canards et les poufs qui se sont propagés
henkirchen avait eue plus d'une fois en plein sur son compte, les mystérieux prospectus
midi, et surtout le 7 mai pendant deux ans qu'elle a publiés en forme de mémoires, ne
consécutifs. Elle jure et veut prêter serment seront peut-être pas f;ichés d'avoir sur cette
d'avoir vu un prêtre vénérable en habils femme une notice plus complète. Elle a mis
pontificaux brodés en or, qui jeta devant au jour des souvenirs prophétiques et des
lui un grand tas de pierres. Et quoiqu'elle mémoires qu'elle n'a pourtant guère vendus
soit luthérienne, par conséquent peu crédule qu'à ceux qui allaient la consulter et d'après
sur ces sortes de choses-là, elle croit pour- ces autorités sans garanties on a écrit et
tant, que si elle avait eu la présence d'esprit arrangé sur elle des anecdotes que nous ré-
d'y mettre un mouchoir ou un tablier, toutes duirons à leur juste valeur.
ces pierres seraient devenues de l'argent. Ce qui a fait la célébrité de mademoiselle
Quelle folie 1 M. Cavallari demanda donc la Lenormand, c'est qu'elle tirait les cartes à'
permission de creuser. C'est ce qui lui fut l'impératrice Joséphine, commenous ledirons.
d'autant plus facilement accordé, moyennant Mais on vous contera qu'étant petite elle
le dixième qui en est dû au souverain fut illuminée et douée de bonne heure de l'art
qu'on le traita de visionnaire, et qu'on re- divinatoire; qu'elle prédit aux bonnes reli-
garda l'affaire des trésors comme une chose gieuses qui lui apprenaient à lire le dépla-
inouïe. Cependant il se moqua du qu'eu cement de leur supérieure, et d'autres parti-
dira-t-on et me demanda si je voulais être de cularités merveilleuses qu'en 1793 elle-
moitié avec lui. Passionné que je suis pour tenait déjà, à vingt-deux ans, un antre de
les antiquités, je n'ai pas hésité un moment sibylle; qu'elle reçut trois hommes qui vin-
à accepter cette proposition mais j'ai été rent savoir chez elle leur destinée qu'elle
bien surpris de trouver, au lieu des urnes prédit à tous trois une mort violente, avec
avec de la cendre de petits pots de terre des funérailles éclatantes pour l'un, et pour
remplis d'or. Toutes ces pièces plus fines les deux autres les insultes de la populace
que tes ducats, sont pour la plupart du xiv que ces trois hommes étaient Marat, Robes-
et du xv. siècle, à ce que je crois. II m'en est pierre et Saint-Just; qu'elle osa dire à d'au-
échu pour ma part six cent soixante-six, tres terroristes des choses aussi formidables;
trouvées à trois différentes reprises. Il y en que ses imprudences la firent mettre en pri-
a des archevêques de Mayence, de Trèves et son, et que la réaction thermidorienne la
de Cologne des villes d'Oppenhcim de sauva. Tous ces récits, faits après coup, sont
Biicharac, de Bingen de Coblence. II y des contes sans ombre de fondement. Made-
en a aussi de Rupert palatin, de Frédéric, moiselle Lenormand n'était pas connue en-
burgrave de Nuremberg, quelques-unes de core sous le Directoire.
Wenceslas et une de l'empereur Char- C'était en 1798 une grosse fille d'une édu-
les IV, etc. cation très-négligée, d'une'fortune assise sur
Je me propose d'en faire une petite des- les brouillards de la mer, qui, voulant un
cription, et je ferai graver en taille-douce mari pour avoir une position quelconque, le
une de chaque espèce. Je me regarderais cherchait dans les cartes, comme font à Pa-
comme sacrilége envers le monde savant ris, aujourd'hui encore, tant de jeunes filles
si je ne faisais pas cette petite opération. incomprises.
Oserai-je me flatter, Monsieur, que vous A force de remuer le jeu de piquet, de lire
voudriez bien m'indiquer l'auteur le plus nuit et jour les livres variés qui expliquent
convenable qui me pourrait servir de guide le jeu de cartes, les horoscopes et les songes,
en cette carrière ? J'aurais déjà pu faire la d'étudier les rêveries publiées par Alliette
vente de plusieurs de ces pièces dont on m'a sous l'anagramme d'Etteila, concernant la
offert neuf à dix florins. d'Allemagne. Mais je cartomancie et l'art de trouver les choses ca-
ne veux pas m'en défaire séparément. J'en chées dans les tarots, elle élait parvenue à se
tirerai peut-être davantage.. faire un babil qui en imposait.
J'ai l'honneur d'être avec un respect Elle était reçue dans une de ces maisons
infini, Monsieur, très-mêlées que fréquentait la veuve Beauhar-
Votre très-humble et très- nais, créole citoyenne, à qui une vieille né-
obéissant serviteur. gresse avait promis aux colonies, comme le
J.-F. Mollinger. promettent toutes les vieilles négresses
A Kirchheim, ce 1" janvier 11kl. qu'elle monterait sur un trône. La citoyenne
LENORMAND (Marie-Anne), née en 1772 Beauharnais venait d'épouser un simple offi-
à Aleuçon, morte à Paris en 1843, dite la cier, le jeune Bonaparte, dont on ne pré-
sibylle du faubourg Saint-Germain. voyait guère alors la splendeur future; car
C'est toujours une spéculation productive lui-même cherchait du service en -Corse.
que celle qui s'attache aux faiblesses de l'es- Curieuse et crédule elle se tirait les cartes
prit humain; et les devineresses qui savent elle-même. Elle n'eut pas plutôt appris que
997 LEN LEN 998
madomoiselle Lenormand avait dans cet art Elle le remuait ensuite, et voyait, dans la
un talent de société de quelque force, qu'elle forme des ondulations, ce qu'on ne soupçon-
la pria de lui faire le jeu. La grosse fille, sa- nerait jamais dans un jaune d'œuf.
chant le prix que madame Bonaparte atta- 5° Elle donnait des horoscopes, c'est-à-
chait, tout en riant, à son horoscope de la dire des thèmes tout faits, suivant les ensei-
négresse, rencontra intrépidement le même gnements des vieux astrologues, qui ont
horoscope dans le jeu de piquet, et protesta trouvé tant de lumières dans les douze signes
fermement que la dame de trèflc porterait la du' zodiaque. Us déclarent que ceux qui
couronne. Bonaparte, qui était le roi de trè- sont nés sous lé Sagittaire (du 22 novembre
fle, rit beaucoup du pronostic. Mais il avait au 21 décembre) feront des voyages mariti-
si bien pris que la devineresse promit depuis mes, tandis que ceux qui ont vu le jour sous
des royaumes à tout le monde. Si tous ces le Capricorne (du 22 décembre au 21 janvier)
royaumes n'arrivèrent pas, Bonaparte devint auront de petits yeux et que les personnes
premier consul; et quand sa femme fut l'im- venues au monde sous le Verseau (du 22 jan-
pératrice Joséphine, comme elle n'avait cessé vier au 21 février) vivront longtemps. 11y eu
de cultiver mademoiselle Lenormand et a ainsi. pour toute l'année.
qu'elle la consultait tous les mois, la sibylle Si votre acte de naissance vous place sous
se trouva à la mode. les Poissons (du 22 février au 21 mars), vous
Elle n'attrapait toujours point de mari, serez présomptueux. Sous le Bélier ( du 2:2
quoiqu'elle en vît sans cesse dans ses cartes. mars au 21 avril ) naissent les gens qui ont
Elle s'en consola de son mieux en établis- la migraine. Sous le Taureau (du 23 avril au
sant, à la rue de Tournon (à Paris), un salon 21 mai) on ne se marie qu'à vingt-quatre ans.
où elle disait la bonne aventure, sous le nom Soyez né sous les Gémeaux (du '22 mai au
un peu classique de sibylle du faubourg 21 juin), vous négligerez vos affaires et vous
Saint-Germain. Dix ans d'études l'avaient pourrez bien être artiste. Mais si l'Ecrevisse
préparée et c'était un état. a présidé à votre première heure (du 22 juin
1° Elle dirait les cartes. Ce qui consiste à au 21 juillet), vous risquez d'être gourmand
extraire, suivant diverses méthodes, d'un jeu et si c'est le Lion (du 22 juillet au 21 août),
de piquet, sept, treize ou dix-sept cartes, qui vous n'aurez pas de mollets.
font le petit, le moyen et le grand jeu, et à Sous la Vierge (du 22 août au 21 septem-
juger leur signification. bre) on naît discret; mais on aura la chance
Les cœurs sont excellents et les trèfles fort d'être volé dans sa poche. Sous la Balance
bons; les carreaux et les piques sont dange- (du 22 septembre au 21 octobre) vous au-
reux. Puis les combinaisons amènent des rez le don de dire la bonne aventure. Sous
nuances. Chaque carte sait ce qu'elle veut le Scorpion enfin (du 22 octobre au 21 no-
dire un dix de trèfle est la campagne, un vembre) on sera goguenard, sournois, et
sept de carreau un voyage, un huit de pique on gagnera un ventre ballonné. Voilà.
une querelle, un as de carreau une lettre, Nous ne donnons ici qu'un sommaire.
un as de pique un chagrin; et autres belles Avec toutes ces cordes à son arc, made-
choses. moiselle Lcnormand pouvait contenter les
Puis encore pour ne pas se borner à la plus difficiles. Elle travaillait pour cinq
première disposition des cartes étalées, on les francs, pour dix francs, pour vingt francs,
mêle; on les relève deux ou trois fois dans pour quatre cents francs. Moyennant cette
d'autres arrangements, on y voit encore tout somme on avait un horoscope écrit. Beau-
ce qu'on veut. coup de têtes faibles vinrent la consulter en
2n Elle faisait les tarots c'est le jeu de effet. De grands personnages, grands par
cartes allemand, avec des coupes, des épées, leur position, mais petits du reste, lui de.
des fleurs et des bâtons, au lieu de nos cœurs, mandèrent leur bonne aventure. Comme
de nos piques, de nos carreaux et de nos trè- elle était très-fine, lorsqu'elle avait à répon-
fles. Mais comme il y a dans ce jeu soixante- dre à des gens de bonne mine qu'elle ne con-
dix-huit cartes, contenant beaucoup de figu- naissait pas, elle les remettait au lendemain,
res, il offre un grimoire qui donne à la devi- les faisait suivre et savait ainsi ce qu'elle,
neresse plus de latitude. devait dire.
3° Elle disait la bonne aventure par le Voici deux anecdotes qui feront apprécier
marc de café. Voici le procédé. On verse le la hauteur de son talent. Un banquier qui
marc d'une once de café sur une grande as- en doutait lui mena son fils, âgé de quinze
siette blanche très-pjate percée au milieu ans et habillé en jeune fille. La sibylle y fut
d'un seul petit trou par lequel l'eau s'en va. trompée, comme l'avait été le docteur Gall
On laisse le marc s'assécher un quart d'heure. en pareille occasion, et promit un époux-
Il s'est formé alors des figurcs capricieuses merveilleux avec toutes sortes de choses qui
qui, à vos yeux, peut-être, ne diraient rien, convenaient au-sexe dont le déguisement
mais qui sont tout un livre pour les person- l'abusait.
nes dressées à lire dans les assiettes sales. Une dame, voulant savoir si les cartes di-
4° Elle pronostiquait par le blanc d'oeuf, saient la vérité, déjeuna parfaitement; puis,
autre recette qu'elle disait tenir de Caglios- désignant sous le nom d'une opération le
tro. Elle prenait un œuf frais, le cassait, en repas qu'elle venait de faire, elle alla de-
séparait le jaune, laissait tomber ce jaune mander à la sibylle si l'opération dont elle
dans un grand verre d'eau; s'il ne se divisait s'était occupée tout à l'heure avait été me-
pas dans la chute, c'était signe de succès. née à fin; les cartes dirent que «ou. On?
999 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES ICOO
citerait mille faits pareils. Mais le public Vous qui savez tant de choses vous
bénin des niais ne les remarquait pas plus ne savez pas cela? Cherchez dans vos cartes.
que les prédictions d'une grande fortune aux Au bout de peu de jours, comme on no
gens qui se ruinaient le mois suivant, et voulait donner qu'une leçon à la sorcière-, et
d'une longue vie aux infortunes qui se hâ- qu'oïi avait besoin d'elle on la remit en li-
taient de mourir pour lui donner un dé- berté. Mais plus tard, quand vinrent pour
mcnli. Napoléon tes jours de revers, la sibylle ayant
Cependant elle assaisonnait ses consul- caressé quelques espérances des légitimistes,
tations d'accessoires et de précautions qui fut emprisonnée de nouveau, toujours sans
auraient dû la rendre plus heureuse. l'avoir prévu.
Elle avait soin de demander au consultant:
Après la chute de l'empereur elle fut vi-
Quel âge avez-vous? Quelle couleur préfé- sitée par Alexandre et par le duc de Berry,
rez-vous ? Quel est la fleur que vous aimez?
qui croyaient ramasser dans son entretien
Quel est l'animal que vous ne pouvez souf- quelques piquantes anecdotes. Mais ce
frir ? Mangez-vous des ognons? et d'autres
qu'elle savait de détails conservait peu d'in-
questions bizarres qui lui fournissaient ma- térêt, lis n'y retournèrent pas. Ces visites
tière à des inductions et qu'ellc faisait d'un toutefois lui firent tirer beaucoup d'argent
air nonchalant, tout en recommandant de dos Russes, des Prussiens et des
Anglais.
couper les cartes de la main gauche et de Quand Joséphine fut morte et Napoléon à
garder telle ou telle position. Sainte-Hélène, elle se mit à rédiger ses sou-
Si l'on s'étonne de l'espèce de renommée venirs et ses mémoires, où elle débita tout
où s'est vue sous l'empire mademoiselle Le- ce qu'elle voulut. Elle, écrivit même, ou fit
normand, si l'on est surpris de la voir visi- écrire, une réponse à Hoffmann qui s'était
ter par de grandes dames et par des person- moqué d'elle dans le Journal des Débats. Et
nages notables il faut en dire les deux comme dans la suite la police ne pouvait
raisons. La première est dans la petitesse de guère souffrir une devineresse
exerçant pu-
l'esprit humain qui lui amena Talma, ma- bliquement, elle prit une patente de librairie,
dame de Staël elle-même, en dépit de sa su- et donna son adresse en mettant sur sa porte:
perbe philosophie, et le peintre David qui Mademoiselle Lenormand, libraire. On ne
faisait l'incrédule, et qui se battait les flancs trouvait chez elle que ses brochures. Mais ce
pourl'être.Laseconderaison était une idée de n'était pas pour se meubler l'esprit qu'on y
l'empereur, qui en tirait très-grand parti pour allait.
sa police. Tous les mois, et plus souvent au
besoin l'impératrice Joséphine, qui pouvait Son aslro pâlissait dans le calme de quinze
bien être de concert avec son illustre époux ans qui suivit les cent jours. Pour ramener
et jouer un jeu en simulant une grande con- sur elle l'intérêt public, elle fit quelques
fiance dans la sibylle, savait d'elle les visites voyages à 1'élranger. On se rappelle son ar-
avait et les secrets rivée à Bruxelles où elle se proposait de
qu'elle reçues qu'elle avait tirer l'horoscope du prince d'Orange. Elle
dépistés. C'est ce qui explique la protection avait fait des progrès elle joignait depuis
intéressée que Napoléon donnait à ces jon-
longtemps déjà à ses anciens procédés la
gleries.
Mais en même temps qu'il employait ma- chiromancie, ou l'art de lire les destinées
demoisolle Lenormand à l'éclaircir sur une dans les lignes de la main gauche. Elle pré-
foule de détails, il la faisait espionner elle- tendait savoir que le prince d'Orange avait
même. Lorsqu'il projeta son divorce avec dans ta main une ligne de fortune qui se
Joséphine, ce projet fut longtemps connu développait avec de beaux accroissements
avant que Napoléon voulût l'annoncer à sa elle se proposait de lui annoncer des con-
femme. Il était formellement recommandé à quêtes.
ceux qui approchaient l'impératrice de Pour seconde ressource, elle faisait un peu
ne rien éventer d'une telle intention. Napo- la contrebande; et les douaniers belges, plus
léon ne songeait pas à la sibylle elle ne fins que son jeu de cartes, ayant saisi, dans
manqua pas de dévoiler le fait à Joséphine ses bolles à double fond, des montres qu'elle
comme une prophétie. Le lendemain, Fou- fraudait, la sibylle fit dans les Pays-Bas son
ché, qui dirigeait la police, fit venir made- entrée triomphante en prison. Elle n'avait
moiselle Lenormand. pas compté là-dessus. Elle en sortit pour
Savez-vous, lui dit-il, pourquoi je vous dire la bonne aventure au prince d'Orange,
ai demandée ? qui en effet l'accueillit, dit-on; et elle ne vit
Pour une consultation, sans doute, ré- pas que la ligne de fortune du prince était
pondit-elle. J'ai apporté le grand jeu. rompuo en un certain point.
Fouché et Talleyrand l'appelaient quel- Depuis 1830, Mlle Lenormand était pres-
quefois ainsi, sous prétexte de son art, que oubliée, lorsque les journaux ont an-
mais pour la faire parler d'autre chose que noncé sa mort, arrivée le 25 juin 1843.
des cartes. Elle n'avait que soixante-douze ans, quoi-
-Vous n'avez pas regardé dans votre qu'elle rûl prophétisé qu'elle en vivrait cent
main, ou vos tarots sont embrouillés reprit et un. Elle a laissé une fortune assez ronde.
Fouché, car vous êtes arrêtée; et de ce pas On dit qu'avant de mourir elle a reconnu
vous allez en prison. Vous ne l'aviez pas les vanités stupides et condamnées de son
prévu? charlatanisme dangereux, et qu'elle a ter-
–Mais pourquoien prison? demanda-t-cllo. miné sa vie dans les sentiments chrétiens. Il
1001 LEO LES 1002
paraît même que cent pauvres femmes qui vent qu'il n'a pas de tinniidc
pieds quand il prend la
ont suivi son convoi, un cierge à la main, forme d'un tronc d'arbre, et dans d'autres
de l'église Saint-Jacques-du-Haut-Pas au circonstances extraordinaires.
cimetière du Père-Lachaise, sont des infor- Léonard est taciturne et mélancolique;
tunées à qui elle a laissé de petits legs. mais dans toutes les assemblées de sorciers
Quant à ce qu'ont dit les journaux pari- et de diables où il est obligé de figurer, il se
siens qu'on voyait aussi à la suite du cor- montre avantageusement et déploie une gra-
billard les élèves de la devineresse, c'est une vité superbe (3j.
plaisanterie; elle n'avait rien à apprendre à LÉOPOLD, fils naturel de l'empereur Ro-
personne, et depuis plusieurs années ne pra- dolphe Il. Il embrassa la magie et étudia le»
tiquait plus. arts du diable, qui lui apparut plus d'un*,
C'était, dans ses derniers temps, une courte fois. II arriva que son frère Frédéric fut pris
et grosse femme, à l'air commun, qui parlait en bataille en combattant contre Louis de
du nez, qui débitait ses oracles avec la vo- Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un
lubilité d'une actrice répétant un rôle, et qui
se coiffait, d'un vieux turban sur une per- magicien pour le délivrer de la prison de
Louis sans payer rançon, s'enferma avec ce
ruque blonde, mise du reste comme une magicien dans une chambre, en conjurant et
femme de chambre.
appelant le diable, qui se présenta à eux sous
Si les Parisiens ont de l'esprit, la vogue de forme et costume d'un messager de pied,
Mlle Lenormand fait voir qu'ils n'en ont pas
ayant ses souliers usés et rompus, le chape-
toujours. ron en tête; quant au visage, il.avait les
LE NORMANT (Martin), astrologue qui yeux chassieux.
fut apprécié par le roi Jean', auquel il pré- Il leur promit, sans que le magicien se dé-
dit la victoire qu'il gagna contre les Fla- rangeât', de tirer Frédéric d'embarras, pour-
mands (1). vu qu'il y consentit. Il se transporta de suite
LÉON III, élu pape en 795. On a eu dans la prison, changea d'habit et de forme,
l'effronterie de lui attribuer un recueil de prit celle d'un écolier, avec une nappe au-
et de choses ridicules embrouil. tour du cou, et invita Frédéric à entrer dans
platitudes la nappe, ce qu'il refusà en faisant le signe
lées dans des figures et des mots mystiques
et inintelligibles, composé par un visionnai- de la croix.
re, plus de trois cents ans après lui, sous le Le diable s'en retourna confus chez Léo-
titre d'Enchiridion Leonis papœ(2}. On a pold, qui ne le quitta point pour cela car,
ajouté qu'il avait envoyé ce livre à Gharle- pendant la maladie à la suite de laquelle il
magne. mourut, s'étant levé un jour sur son séant,
Voici le titre exact de cet ouvrage En- il commanda à son magicien, qu'il tenait à
chiridion du pape Léon donné coinme un gages, d'appeler le diable, lequel se montra
sous la forme d'un homme noir et hideux;
présent précieux au sérénissime empereur
Charlemagne récemment purgé de toutes Léopold ne l'eut pas plutôt vu, qu'il dit:
ses fautes. Rome, 1670. in-12 long avec un C'est assez, et il demanda qu'on le re-
cercle coupé d'un triangle pour vignette et couchât dans son lit, où il trépassa ('<•).
à l'entour ces mots en légende Formation LESAGE. Voy. Luxembourg.
réformation transformation. Après un avis LESCORIÈRE (Marie), vieille sorcière ar-
aux sages cabalistes, le livre commence par rêtée au seizième siècle, à l'âge de quatre-
l'Evangile de saint Jean, que suivent les se- vingt-dix ans. Elle répondit dans son inter-
crets et oraisons pour conjurer le diable.
etc. rogatoire qu'elle passait pour sorcière sans
Voy. CONJURATIONS, l'être; qu'elle croyait en Dieu, l'avait prié
LÉONARD, démon du premier ordre,grand journellement, etavait quitté le diable depuis
maître des sabbats, chef des démons subal- longtemps; qu'il y avait quarante ans qu'elle
ternes, inspecteur général de la sorcellerie, n'avait été au sabbat. Interrogée sur le sab-
de la magie noire et des sorciers. On l'ap- bat, elle dit qu'elle avait vu le d'iable en for-
pelle souvent le Grand Nègre. Il préside au me d'homme et de bouc, qu'elle lui avait cédé
sabbat sous la figure d'un bouc de haute les galons dont elle liait ses cheveux, que le
taille; il a trois cornes sur la tête, deux diable lui avait donné un écu qu'elle avait
oreilles de renard, les cheveux hérissés, les mis dans sa bourse; que le diable lui avait
yeux ronds, enflammés et fort ouverts, une surtout recommandé de ne pas prier Dieu, do
barbe de chèvre et un visage au derrière. nuire aux gens de bien, et lui avait donné
Les sorciers l'adorent en lui baisant ce vi- pour cela de la poudre dans une boite; qu'il
sage inférieur avec une chandelle verte à la était venu la- trouver en forme de chat, et
main. que, parce qu'elle avait cessé d'aller au sab-
Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à bat,il il l'avait meurtrie à coupsde pierres;que
un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou à un quand elle appelait lé diable, il venait à elle
tronc d'arbre surmontéd'un visage ténébreux. en figure de chien pendant le jour et en li-
Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont gure de chat pendant la nuit; qu'une fois elle
toujours des pattes d'oie. Cependant les ex- l'avait prié de faire mourir une voisine, ce
perts qui ont vu le diable au sabbat obser- qu'il avait fait; qu'une autre fois passant par
(I ) Manuscritcité à la findes rem.de Jolysur Baye. omnibuspurgatiim,etc.
(2) KnchiridionLeonisp.ipaeserenissimoimperaloriCa- (3) Delrio, Delaucrc, Bodin,etc.
rolo Magnoia mtinusprcliosiundalum,nupcrrimemendis (i) Leloyer,Hist. des spectres,p. 50J-.
DlGTlONN.DES'SCIENCESOCCULTES. I. 32
P. DES SClliiNGliSOCCULTES.
100o D1CT1O1NNAIUE 1004
un village. les chiens l'avaient suivie et mor- cueillir avec de certaines précautions, et on
duè que dans l'instant elle avait appelé le ne la trouvait qu'au point du jour, vers le
diable, qui les avait tués, Elle dit aussi qu'il commencement du printemps, lorsqu'on cé-
ne se faisait autre chose an sabbat sinon lébrait les mystères d'Hécate.
honneur air diable, qui promettait ce qu'on LÉVIATHAN, grand amiral de l'enfer, se-
lui demandait qu'on lui faisait offrande le lon tes démonomanes. Wicrus l'appelle le
baisant au derrière, ayant chacun une chan- grand menteur. Il s'est mêlé de posséder, de
delle à la main (1). tous temps? les gens qui courent le monde.
LESCOT devin de Parme qui dîs'àTt in- Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il
dilïéremm'ent à tout homme qui en voulait est tenace, ferme à son poste et difficile à
faire l'essai « Pensez ce que vous voudrez, exorciser.
et je devinerai ce que vous pensez, » pajrc'e On donne aùssi le nom de Léviathan à nu
qu'il était servi par un démon (2). poisson' immens'e' que les rabbins disent des-
LESPÈClï, Italien qui fut avalé pendant tiné aù repas du Messie. Ce poisson est si
le séjour de la flotte française au port de monstrueux', qu'il en avale d'un coup un
Zante., sous le règne ,de Louis. XII. 11 était autrc.lequel, tre moins grand que lui,
dans le brigandin de Fran.çois'dc Grammont. rie laisse pas d'avoir trois ieues de long.
Un jour, après avoir bien bu, il se mit à Toute.la masse des eaux est portée sur Lé-
jouer aux dés, et perdit tout son argent. 11 viàthan. Di'èu", au commencement, en créa
maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse deux, l'un mate et l'autre femelle niais de
Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le peur qu'Us ne renversassent la terre et qu'ils
diable à son aide. La nuit.venue, comme ne remplissent J'un'i Vers' de leurs semblables,
l'impie commençait à ronfler,, un gros et Dieu, disent encore lès rabbins, tua la fe-
horrible monstre, aux yeux élincelatits, ap- melle, et la sala pour" le repas du Messie qui
procha du brigandin. "Quelques matelots doit venir.
prirent cette bête pour un monstre marin LEn hébreu, Léviàilhan veut dire monstre
et voulurent l'éloigner; mais elle aborda le des eaux. Il parait que c'est le nom de la
navire, et alla droit à l'hérétique, qui fuyait baleine dans le livi'e dé Job, chap. lxi. Sa-
de tous côtés. Dans sa fuite il., trébucha muel Bochafd croit que c'est aussi le nom
et tomba dans la gueule de cet horrible ser-- du crocodile.
pent (3). LEWIS (Mathieu-Gbégojré) auteur de
LÉTHE, fleuve qui arrosait une partie du romans et de pièces" de11théâtre, ne en 1773 et
Tartare, et allait jusqu'à l'Elysée. Ses ondes mort en 1818. On a; de lui le Moine, 1795,
faisaient oublier aux ombres, forcées d'en 3 vol. in-1'2, production effroyable.eldange-
boire, lés piâisirs et les peines de la vie re'iise, qui fit plus de b'ru'il qu'elle ne mérite;
qu'elles avaient quittée. le Spectre du ctiâteaû, opéra ou' drame en
On surnommait le Lélhé le fleuve d'Huile, musique, etc.
parce que son cours était paisible, et par la LÉZARDS. Les Kamtschâdales en ont une
même raison Lucain l'appelle. deus l'aéitus, crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les
le dieu du silence car il ne faisait entendre espions de Gaeth (dieu des morts), qui vien-
aucun murmure. v. nent leur prédire lafin de leurs jours. Si on
C'était aux bords du Léthé que les âmes les attrape, on les coupe en petits mosecaux
des méchants, â'p"fès avoir expié leurs crimes pour qu'ils n'aillent rien dire au dieu des'
par de longs tourments, venaient perdre 16 morts. Si un lézard échappe, l'homme qui
souvenir de leurs maux et puiser une nou- Ua vu tombe dans la tristesse, et meurt quel-
velle vie. Sur s'es rives, comme sur celles du quefois delà peur qu'il a de mourir.
Cocyte, on voyait une porte qui communi- Les nègres qui habitent les deux bords du
quait au Tartare (k). Sénégal ne veulent pas souffrir au contraire
LETTRES sur les diverses apparitions d'Un qu'on tue les lézards autour de leurs mai-
bénédictin de l'oulouse, in-i", 1G79. Ces ap- Sons'. Ils sont persuadés que ce sont les âmes
paritions étaient, dit-on, des supercheries de de leurs pères, de leurs mèresetde leurs pro-
quelques novices delà congrégalioiVdé Saint- ches parents, qui viennent faire le folgar,
Maur, qui voulaient tromper leurs' supé- c'est-à-dire se réjouir avec eux (5).
rieurs. On lès fit1sortir de l'ordre. LIBANIÙS, magicien né en Asie, qui, peu-
LETTRES INFERNALES, ou Lettre^ des] dant le siège de Rayenne par Constance, en-
campagnés inferhatèsj publiées en 173Î.Cè voy'aildes moyens magiques en place d'armes
n'est qu'une satire contre lé's fermi'crs gêné-' pour vaincre lés ennemis(6).
raux. LIB.ANOMANCIE, divination qui se faisait
LEUCE-CAKfN,- hérétique' dusecôndsiè'cle, par le moyen de l'encens. Voici, seloll Dion
auteur apocryphe d'un livre intitulé;: Fôya- Cassius, les cérémonies que les anciens pra-
ges des apôtres. Il y cohiè des abs"urd'ité^ tiquaient dans la libanomancie. On prend,
LEUCOPHYLLE, plante fabuleuse .qui, se- dit-il, de l'encens, et, après avoir fiiil des
lon lés anciens, croissait' d'ans léPhase, euve Sïières relatives aux choses que l'on deman-
•le la Colchide. Ôiî lù'l attribuait ia vertu _e, .on jette cet encens dans le feu, afin que
d'empêcher les infidélités; mais il fallait la sa fumée porté lé prières jusqu'au ciel. Si
(1) Discoursdes sortilégeset vénéfices,tirés des procès (5) D'Auton,Histoirede LouisXII.
eriminpls,p. 32. (4) Dulaiidiue,l'Enfer des anciens,p. 281.
(2) Delancre,Incrédulitéet mécréancede la divination, (5) Abrégédes voyages,parde Lubarpe,t. H, p. 131
au sortilége,p. 504. (6)Leloyer,liist. et Disc. Messpectres,etc., p. 726.
lOOo LIE LIG 1000
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ce qu'on souhaite doit l'encens s'al- LIÈVRE (LE GitàND).LesChipiouyàns, peu-
lume sur-le-champ, quand même il serait plade sauvage qui habite l'intérieur de l'A-
tombé hors du feû le feu semble l'aller cher- mérique septentrionale, croient que le Grand
cher pour le consumer.. Mais' si les vœux Lièvre, nom qu'ifs donnent a l'Etre suprê-
qu'on a formés ne doivent pas êïre rempli's, me, étant porté sur les eaux avec tous les
ou l'encens ne tombe pa's dans le feu, ou' le quadrupèdes qui composaient sa cour, forma
feu s'en éloigne et ne le consume pas. Cet la terre d'un grafn de sable tiré de l'Océan,
oracle, ajoute-t-il, prédit tout, excepte ce et tira les hommes des corps des animaux.
qui regarde la mort et le mariage,. Mais le Grand Tigre, dieu des^eaux, s'op-
LIBERTINS fanatiques:qui s'élevèrent en posa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà,
Flandre au milieu du seizième siècle et qui' suivant eux, les principes qui se combattent
se répandirent en France, où ils curent pour perpétuellement.
chef un tailleur picard nommé Quintiiï. Ils LIGATURE. On donne ce nom à un malé-
professaient exactement' le panthéisme dés fice spécial, par lequel on liait et on paraly-
philosophes dê nos jours, et les rêveurs alle- sait quelque faculté physique de l'homme ou
mands les copient. Ils. regardaient te paradis de l'a femme.
et l'enfer comme des illusions, et se livraient On appelait chevillemeiit le sortilège qui
à leurs sens. Le nom qu'ils se donnaient, fermait un conduit et empêchait par exem-
comme affranchis est devenu une injure. ple les déjections naturelles. On appelait em-
LICORNE. La corne dé licorne préserve barrer l'empêchement magique qui empê-
des sorliléges. Le cardinal Torquemida, dit- chait un mouvement. On appelait plus spé-
on, en avait toujours une. sur sa table, Les cialement ligaturé le maléfice, qui affectait
licornes du cap de Bonne-Espérance sont dé- d'impuissance un bras, un pied ou tout au-
crites, avec des tètes de cli.eval, d'a'ùïrés avec tre membre.
des lèles de cerf. On dit que le puits du palais Le plus fameux de ces sortilèges est celui
de Saint-Marc ne peut êlre empoisonné, qui est appelé dans tous les livrcs'où il s'a-
parce qu'tin y a jeté des cornes de licornes. git de superstitions, dans le curé Thiers, dans
O"n est d'ailleurs indécis sur ce qui concerne lepèrcLebrun etdans touslês autres, \enoue-
ces animaux dont la race semble perdue. ment de l'aiguillette ou l'aiguillette nouée,
A^oy.. Cornes. désignation honnête d'une chose honteuse.
LIERRE. TCous ne savons pourquoi les C'est au reste le terme populaire.
FJam'ânds. appellent le lierre fil du diable Cette matière si. délicate, que nous aurions
(Duivels.Naaigaren). voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans
LIÈVRE. On raconte des choses merveil- les abominations superstitieuses' pour être
leuses du lièvre. Êvax et Aaron disent que passée sous silence.
sj" l'on joint ses pieds avec la tête d'un merle,; Les rabbins attribuent à Cham l'invention
ils rendront l'homme qui les portera si du nouement de l'aiguillette. Les Grecs con-
hardi, qu'il ne craindra pas même la mort. naissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux
Celui qui se les attachera au bras :ra par- qui se marient de prendre garde à ces char-
tout où il voudra, et s'en retournera sans mes ou, ligatures qui troublent la paix des
danger. ménages (3). Onnouait aussi l'aiguillette chez
Que si on en fait manger à un chien, avec les Romains cet usage passa des magiciens'
le coeur d'une belette, il est sûr qu'il n'obéira du paganisme aux sorciers modernes. On'
jamais, quand mêmeon le tuerait (1). nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plu-
Si des vieillards aperçoivent un lièvre tra- sieurs conciles frappèrent d'anathème les
versant un grand chemin, ils ne manquent noueurs d'aiguillettes le cardinal du Perron
guère d'en augurer quelque mal. Ce n'est fit même insérer dans le rituel d'Evreux des
pourtant, au fond, qu'unemenacedes anciens prières contre l'aiguillette nouée; car jamais
augures exprimée en ces termes ïnauspi- ce maléfice ne fut plus fréquent qu'au sei-
calum dat iler oblatus lepus. Cette idée n'a- zième siècle.
vait apparemment d'autre fondement, si ce « Le nouement de l'aiguillette devient si
n'est que nous devons craindre quand un commun, dit Pierre Delancre, qu'il n'y a
animal timide passe devant nous ;couimeun guère d'hommes qui s'osent marier sinon à
renard, s'il y passe aussi, nous présage quel- la dérobée. On se trouve lié'sans savoir par
que imposture. qui,et de'tant de façons, que le plus rusé n'y
Ces observations superstitieuses étaient dé- comprend rien. Tantôt le maléfice est pour
fendues aux Juifs comme on le voit dans. l'homme, tantôt pour la femme, ou pour tous
Maimonide, qui les rapporte à l'art de ceux les deux. Il dure un jour un mois un an.
qui abusent des. événements pour les con-' L'un aime et n'est pas aimé; les' époux se
vertir en signes heureux ou sinistres. mordent, s'égratignent et se repoussent; ou
Chez 'les Grecsmodernes, si un lièvre croise bien le diable interposent entre eux un fan-
le chemin d'une caravane, elle fera halte, tôme, etc. ».
jusqu'à ce qu'un passant qui ne l'ait pas vu Le démonologùe èxpose tous lescas bizar-
coupe le charme en traversant la même res et embarrassants d'une si fâcheuse cir-
route(2). constance.
A l'honneur des lièvres, voyez encore Sa- Mais l'imagination, frappée de la peur du
kim'oijki.. sortilège; faisait le plus souvent tout le màl.
(1) Secretsd'Albert le Grand,p. 108. (3) l'Ialoti, Des lois, liv. II.
1?JUrown,Erreurs populaire..
1007 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 1003
On attribuait aux sorciersles accidents qu'on de la porte qui ferme la chambre à cou-
ne comprenait point, sans se donner la peine cher.
d'en chercher la véritable cause. L'impuis- Hincmar, archevêque de Reims, conseille
sance n'était donc généralement occasionnée avec raison aux époux qui se croient maléfi.
que parla peur du maléfice, qui frappait les ciés du nouement de l'aiguillette, la pratique
esprits et affaiblissait les organes et cet état des sacrements comme un remède efficace.;
ne cessait que lorsque la sorcière soupçon- d'autres ordonnaient le jeûne et l'au-
née voulait bien guérir l'imagination du ma- mône.
lade en lui disant qu'elle le restituait. Le Petit Albert conseille contre l'aiguil-
Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin lette nouée de manger un pivert rôti avecdu
(1), accusa sa voisine de l'avoir liée. Le juge sel bénit ou de respirer la fumée de la dent
fit mettre la voisine au cachot. Au bout de d'un mort jetée dans un réchaud.
deux jours, elle commença à s'y ennuyer, et Dans quelques pays on se flatte (le dénouer
s'avisa de faire dire aux mariés qu'ils étaient l'aiguillette en mettant deux chemises à l'en.
déliés; et dès lors ils furent déliés. vers l'une sur l'autre. Ailleurs, on perce un
Les détails de ce désordre sont presque tonneau de vin blanc, dont on fait passer le
toujours si ignobles, qu'on ne peut mettre premier jet par la bague de la mariée. Ou
sous les yeux d'un lecteur honnête cet enche- bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé,
nillement, comme l'appelle Delancre (2). on écrit sur du parchemin vierge le mot avi-
Les mariages ont rarement lieu en Russie gazirtor. Il n'y a comme on voit, aucune
sans quelque frayeur de ce genre. « J'ai vu extravagance qui n'ait été imaginée.
un jeune homme, dit un voyageur (3), sortir Voici, avant de finir, un exemple curieux
comme un furieux de la chambre de sa fem- d'une manière peu usitée de nouer l'aiguil-
me, s'arracher les cheveux et crier qu'il, lette « Une sorcière, voulant exciter une,
était ensorcelé. On eut recours au remède haine mortelle entre deux futurs époux, écri-
employé chez les Russes, qui est de s'adres- vit sur deux billets des caractères inconnus,
ses à des 'magiciennes blanches, lesquelles, et les leur fit porter sur eux. Comme ce
pour un peu d'argent, rompent le charme et charme ne produisait pas assez vite l'effet
dénouent l'aiguillette; ce qui était la cause qu'elle désirait, elle écrivit les mêmes carac-
de l'état où je vis ce jeune homme. » tères sur du fromage qu'elle leur fit manger
Nouement de l'aiguillette. puis elle prit un poulet noir qu'elle coupa
Nous croyons devoir rapporter comme spé- par le milieu en offrit une partie au diable,
cimen des bêtises de l'homme la stupide for- et leur donna l'autre, dont ils firent leur sou-
mule suivante, qu'on lit au chapitre premier per. Cela les anima tellement, qu'ils ne pou-
des Admirables secrets du Petit Albert vaient plus se regarder l'un l'autre. -Y a-t-il
«Qu'on prenne la verge d'un loup nouvelle- rien de si ridicule? ajoute Delancre, persuadé
ment tué qu'on aille à la porte de celui pourtant de la vérité du fait, et peut-on re-
qu'on veut lier, et qu'on l'appelle par son pro- connaître en cela quelque chose qui puisse
pre nom. Aussitôt qu'il aura répondu, on forcer deux personnes qui s'entr'aiment à
.liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le se haïr à mort ? »
pauvre homme sera impuissant aussitôt. » On dit que les sorciers ont coutume d'en-
Ce qui est surprenant, c'est que les gens terrer des tètes et des peaux de serpent
de village croient à de telles formules, qu'ils sous le seuil de la porte des mariés, ou dans
les emploient, et qu'on laisse vendre publi- les coins de leur maison, afin d'y semer la
quement des livres qui les donnent avec de haine et les dissensions. Mais ce ne sont que
scandaleux détails. les marques visibles des conventions qu'ils
On trouve dans Ovide et dans Virgile les ont faites avec Satan, lequel est le maître et
procédés employés par les noueurs d'ai- l'auteur du maléfice de la haine.
guillette de leur temps. Ils prenaient une pe- Parfois continue Delancre le diable ne
tite figure de cire qu'ils entouraient de ru- va pas si avant, et se contente, au lieu de la
bans ou de cordons; ils prononçaient sur sa haine, d'apporter seulement de l'oubli, met-
tête des conjurations, en serrant les cordons tant les maris en tel oubli de leurs femmes,
l'un après l'autre; ils lui enfonçaient ensuite, qu'ils en perdent tout à fait la mémoire,
à la place du foie, des aiguilles ou des clous, comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Un
et le charme était achevé. jeune homme d'Etrurie devint si épris d'une
Bodin assure qu'il y a plus de cinquante sorcière, qu'il abandonna sa femme et ses
moyens de nouer l'aiguillette. Le curé Thiers enfants pour venir demeurer avec elle, et il
rapporte plusieurs de ces sortes de moyens, continua ce triste genre de vie jusqu'à ce que
qui sont encore usités dans les villages. sa femme, avertie du maléfice, l'étant venue
Contre l'aiguillette nouée. trouver, fureta si exactement dans la mai-
On prévient ce maléfice en portant un an- son de la sorcière, qu'elle découvrit sous son
neau dans lequel soit enchâssé l'œil droit lit le sortilége qui était un crapaud enfermé
d'une belette; ou en mettant du sel dans sa dans un pot ayant les yeux cousus et bou-
poche, ou des sous marqués dans ses souliers, chés, lequel elle prit, et, lui ayant ouvert les
lorsqu'on sort du lit ou, selon Pline, en frot- yeux, elle le fit brûler. Aussitôt l'amour et
tant de graisse de loup le seuil et les poteaux l'affection qu'il avait autrefois pour sa femme
(t) Démonomanie des sorciers, liv. ch.
IV, 5. (3) Nouveauvoyagevers le Septentrion, 1708.ch. 2.
(2) L'IncrédulitéeUmécréancc,etc.,Mr 6.
1009 LIM LIT 1010
et ses enfants revinrent tout à coup dans la des Secrets d'Albert le Grand, et il indique
mémoire du jeune homme, qui s'en retourna de suite quelques jocrissades.
chez lui honteux et repentant et passa Beaucoup de personnes doutent si les li-
dans de bons sentiments le reste de ses maçons ont des yeux. On s'est guéri de ce
jours. doute par le secours des microscopes les
Delancre cite d'autres exemples bizarres points ronds et noirs de leurs cornes sont
des effeis de ce charme comme des époux leurs yeux, et il est certain qu'ils en ont
qui se détestaient de près et qui se chéris- quatre.
saient de loin. Ce sont de ces choses qui se LIMBES. C'est lé mot consacré parmi les
voient aussi de nos jours, sans qu'on pense théologiens pour signifier le lieu où les âmes
à y trouver du maléfice. des saints patriarches étaient détenues en
Le P. Lebrun ne semble pas croire aux attendant la venue de Jésus-Christ. On don-
noueurs d'aiguillette; cependant il rapporta ne aussi le nom de Limbes aux lieux où
le trait de l'abbé Guilbert de Nogent, qui ra- vont les âmes des enfants morts sans bap-
conte (1) que son père et sa mère avaient eu tême.
'l'aiguillette nouée pendant sept ans, et qu'a- LIMYRE, fontaine de Lycie qui rendait
près cet intervalle pénible une vieille femme des oracles par le moyen de ses poissons.
rompit le maléfice et leur rendit l'usage du Les consultants leur présentaient à manger;
mariage. si les poissons se jetaient dessus, le présage
Nous le répétons la peur de ce mal qui était favorable s'ils le refusaient, surtout
n'a guère pu exister que dans les imagina- s'ils le rejetaient avec leurs queues c'était
tions faibles, était autrefois très-répandue. un mauvais indice.
Personne aujourd'hui ne s'en plaint dans les LINURGUS, pierre fabuleuse qui se trou-
villes mais on noue encore l'aiguillette vait, dit-on, dans le fleuve Achéloùs. Les an-
dans les villages; bien plus on se sert en- ciens l'appelaient lapis lineus. On l'enve-
core des procédés que nous rapportons ici, loppait dans un linge, et lorsqu'elle devenait
car la superstition n'est pas progressive. Et blanche, on se promettait bon succès dans
tandis qu'on nous vante à grand bruit l'a- ses projets de mariage.
vancement des lumières, nous vivons à quel- LION. Si on fait des courroies de sa peau,
ques lieues de pauvres paysans qui ont leurs celui qui s'en ceindra ne craindra point ses
devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne ennemis si on mange de sa chair, ou qu'on
se marient qu'en tremblant, et qui ont la tête boive de son urine pendant trois jours, on
obsédée de terreurs infernales. Voy. Chevil- guérira de la fièvre quarte. Si vous por-
LEMENT,GrILLANDUS, IMAGINATIONS, MALÉ- tez les yeux de cet animal sous l'aisselle,
fices, etc. toutes les bêtes s'enfuiront devant vous en
LIL1TH. Wierus et plusieurs autres démo- baissant la tête (3).
nomanes font de Lilith le prince ou la prin- Le Lion est un des signesduzodiaque. Voy.
cesse des démons succubes. Les démons HOROSCOPES.
soumis à Lilith portent le même nom que Le diable s'est montré quelquefois sous la
leur chef, et, comme les Lamies cherchent forme d'un lion, disent les démonographes.
à faire périr les nouveau-nés; ce qui fait Un des démons qui possédèrent Elisabeth
que les Juifs, pour les écarter, ont cou- Blanchard est désigné sous le nom du lion
tume d'écrire aux quatre coins de la cham- • d'enfer. Voy. Messie DÈS Juifs.
bre d'une femme nouvellement accouchée L1SSI, démon peu connu qui posséda De-
« Adam, Eve, hors d'ici Lilith (2). » nise de La Caille, et signa le procès-verbal
LILLY (William), astrologue anglais du d'expulsion.
dix-septième siècle qui se fit une réputa- LITANIES DU SABBAT. Les mercredis et
tion en publiant l'horoscope de Charles I". vendredis on chantait au sabbat les litanies
Il mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-mê- suivantes, s'il faut en croire les relations
me, contient des détails si naïfs et en m£me Lucifer, Belzébuth, Léviathan, prenez pi-
temps une imposture si palpable, qu'il est tié de nous.
impossible de distinguer ce qu'il croit vrai de Baal, prince des séraphins; Baalbérith,
ce qu'il croit faux. C'est lui qui a fourni la prince des chérubins; Astaroth, prince des
partie la plus 'considérable de l'ouvrage in- trônes Rosier, prince des dominations; Car-
titulé Folie des astrologues. Les opinions de reau, prince des puissances; Bélias, prince
Lilly et sa prétendue science avaient tant de des vertus, Perrier. prince des principautés,
vogue dans son siècle que Gataker fut Olivier, prince des archanges; Junior, prince
obligé d'écrire contre cette déception popu- des anges; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierre-
laire. dc-Feu, Carniveau, Terrier, Coutellier, Can-
Parmi un grand nombre d'écrits ridicules delier, Béhémolh, Oilette, Belphégor, Saba-
dont le titre indique assez le sujet, nous ci- than, Garandier, Dolers Pierre-Fort Axa-
(ero.ns de Lilly 1° le Jeune Anglais Merlin, phat, Prisier, Kakos, Lucesme, priez pour
Londres, 1664; 2° le Messager des étoiles, nous (4).
1645; 3° Recueil de prophéties, 1646. Il faut remarquer que Satan n'est pas in-
LIMAÇONS. Les limaçons ont de grandes voqué dans ces litanies, non plus qu'une
propriétés pour le corps humain, dit l'auteur foule d'autres.
(1)De Vita sua, lib 1, cip. lt. (3) Admirablessecretsd'Albert le Grand,p. 1C9.
(2) D. Calmet, Dissertationsur les apparit., tom.Il, (4) M.Garinet,Hist.de la magie en France.
74.
{OU DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 1012
L1THOMANCIE, divination par les pierres. Il a. laissé un grand nombre d'apolQgnes
Elle se faisaii au moyen de plusieurs cail- qui jouissent d'une grande célébrité. Les
loux qu'on poussait l'un contre l'autre, et écrivains de l'Asie réclament pour lui la plu-
dont le'son plus ou moins clair ou aigu don- part des actions que les Grecs attribuent à
nait connaître la volonté (les dieux. Esope.
On rapporte encore à cette divination -la LOLLARD (Gauthier), hérétique qui com-
superstition de ceux qui croient que l'amé- mença en 1315 à semer ses erreurs, qu'il
thyste a. lu' vertù de faire connaître à ceux avait prises des Albigeois. Il enseignait que
qui la possèdent les événements futurs par les démons avaient été chassés du ciel in-
tes songes. justement, qu'ils y seraient un jour rétablis,
.©> disait auss: que si on arrose l'amé- et que saint Michel et. les autres anges .se-
thysile avec de .l'eao, et qu'on l'approche de raient alors éternellement damnés. Il pré-
i'aimant,.elle.r.é[)ou(lra aux questions qu'on chait des .mœurs corrompues. Ses disciples
lui fera, mais d'une -vôix-fiiible comme celle firent beaucoup de mal'; pour lui, il fut
d'.un enfant (1). brûlé à Cologne en 1322.
L1TUUS baguette d'auguro recourbée LONGÉVITÉ. On a vu, surtout dans les
dans 'le bout le:plûsfort et le plus épais. -Le pays du nord, des hommes qui ont prolongé
lituus dont on fit usage à l'élection de Numa, leur vie au delà des termes ordinaires. Celle
seco.nd.roi de Home, était conservé dans le longévité ne peut s'attribuer qu'à une cons-
temple de Mars..On conte qu'il fut trouvé titution robuste, à une vie sobre et active
entier après l'incendie général de Rome (2). à un air vif et pur. Il n'y a.pas cinquante ans
LIVRES. -Presque tous les livres qui con- que Kotzebue rencontra en Sibérie un vieil-
tiennent les secrets merveilleux et les ma- lard bien portant, marchant et travaillant
nières ^d'évoqucrlc diable ont été attribués à encore, dans sa cent trente-deuxième année.
de grands personnages. Abel, Adam, Alexan- Des voyageurs', dans leNord, trouvèrent au
dre, Albert le Grand, Daniel, Hippocratc, coin d'un bois un vieillard à barbe grise (q ni
Gaiie.n, Léan iM.iHermès, .Platon, saint Tho- pleurait à chaud larmes. Ils
chaudès Î~rmes. lui demandè-
Ils·tai dem~ntie-
mas, sitint Jérôme passent dans l'idée des rent le sujet de sa douleur te vieillard ré-
imbéciles, pour auteurs de livres magiques. pondit que son père l'avait battu. Les voya-
La plupart de .ces .livres sont inintelligi geurs surpris le reconduisirent à la maison
blcs, 'et. d'autant plus .admirés des sots qu'ils paternelle, et intercédèrent pour lui 1 Après
qu sont.mqins entendus. «Voyez à leurs noms quoi, ils demandèrent au père le motif de la
les grands hommes auxquels on attribue les punitio.n qù'if avait infligée son fils. }l\ a.
livres magiques. manqué de respect son £rand-père .ré-
Le Livre (les prodiges, ou Histoires et Aven- pondit le vieux •bonhomme.7
turesjnerveijkuses et.remarquables de spec- Les chercheurs de merveilles ont ajouté les
Ires, revenants esprits fantômes dé- leurs à celles" de là nature. To.rqueînniia
mqjig, çtc.r.ap.partéespar des personnes di- conte qu'en ;153Ï un vieillard de Trente, âgé
gnes de foi. 1 vol. in-12, 5e édition rPafis, de cent ans, "rajeunît et vécut encore cin-
1821; iÇQmpil_ation'.saiis. objet. Voy. -Mira- quante ans; et Langius dit que les habitants
bilis Liber. dé l'île de Bonica en Amérique peuvent
L,l'ZA-BjÈT,Mmon. Voy.. Colas. aisément s'empêcher de vieillir, parce" qu'il
LQÇIÇ1. Chez:les Scandinaves, les tremble- y "a dans celto île une fontaine qui. rajeunit
ments de teri-e-él.iiient .personnifiés dans un pleinement." Voy. Haquin.
dieu,. un fl"ieu, mauvais un démon nommé Lorsque l'empereur Charles Quipt envoya
Iyocki. Après avoir répandale mal dans toute une armée navale en Barbarie, le général
la Scandinavie, comme un seineurune grai- qui commandait cette expédition passa par
ne, Lotki fut à l;t fin enchaîné sur des roches un village do la Calabre où presque tous
aiguës. ^Lorsqu'il se retourne, ainsi qu'un le*s paysans étaient âgés de cent trente-deux
niaiade, sur sqn;lit de pierres coupantes, la ans, et tous aussi sains et dispos que s'ils
terre.lremble; lorsqu'il écume et répand sur n'en avaient eu que trente. C'était, disent les
ses membres sa have qui est un poison, relations, un sorcier qui les rajeunissait.
ses, nerfs entrent en convulsion, et la terre En 1773 mourut, près de Copenhague un
s'agite (3).. matelot nommé Drakenberg, âgé de cent
LOFAl\DE sorcière qui .fut accusée, eu quarante-six ans la dernière fois qu'il se
1582 par sa compagne, la femme Gantière, maria il avait cent onze ans.çt il en avait
de 1'avojr menée au sabbat, où le diable cent trente, quand sa ,femmê mourut, if de-
l'avait marqué}1.. lequel .était vêtu d'un hila- vint épris .d'upe jepne fille, dedix-huit ans
ret jqune. qui.le refusa de dépit, il jura de vivre gar-
LQKMAN, fabuliste célèbre de l'Orient çon désormais,, et il tint parole.
qui vivait dit-on, vers lestemps de-David, •En 1670, sous Charles. II, mourut dans
ce qui n'estlpas certain il. fut surnommé le l!Yorkshire Henri Jen,kins, né.en 150.1, "sous
Sage.,Les Perses disent qu'il trouva le secret Henri VII. Il se rappelait à merveille d'avoir
de faire revivre les morts, et qu'il usa'de ce été de !'expéclitiou\de Flandrusous'HenriVIlI,
seçret pourjui-mémé ;;ils;lui accordent une en 1513.-11 mourut à cent'soixante-nèuf ans
longévité dectroi.s cents ans quelques-uns révolus après avoir vécu sous huit rois,
prétendent qu'il en vécut mille. sans compter le règne de Cromwell. Son der-
(1)Brown,Erreurs populaires,t. 1"; p. 162. (3) M. Didron,Histoiredu diable.
|2)Lebrun, Traitédes superstitions,-t. IF, p.39i.
1015 I.ON LON 40U
t
nier métier était celui de pécheur. ^Vgc de coupable en mangeairt nnivl f\
du m fi«i de
fruit l'arbre de
plus de cent aii(s, il Iravcfs'ii.it la rivière a la lai science du bien et du mal il en perdit le
nage. Sa petile-.fiïlc 'mourut à Cprk a cent rare privilège do l'immortalité l'Àr'bre dft
treize ans'. "Voy." Arth.êphics", .Dor.ma.nts', vie lui fut ravi. .•
Fi.amel Jean d'Estampes Lqjuîa'n Zo- Comme Adam n'élail pastant im.mprtel.pa.r
no.ASTRE,etc. sa propre constitution que par Un secours
afin que'la héco'ssilé'de l'employer
^xtrait D'UN LIVRE intitulé Histoire des emprunté,
Hii app/ît qu'il en d.vaïi l'avantage à la
personnes qui ont vécu plus d'un siècle et
de celles qui ont rajeuni, avec le secret dit pure libéralité de son Ciéiteur, sitôt que ce
tiré d'Arnauld de Ville- secours manqua, il fut trop faible pour su
rajeunissement soutenir par lui-même
neuve par M. dé Longeville-Hfir court l'innocence l'ayant
né Vol. abandonné, tout concourut à sa destruction
(nous connaissons pascet écrivain). sa perte fut arrêtée, .l'ange exlerminateur l<!
petit in-12,· Paris, 1716. sou
chassa du .paradis .terrestre; il perdit
I. autorité sur tout ce qui était créé; les bè tés
Dieu, qui s'était occupé de Jui-inëme du- qu'il avait nommées lui-mêmeîe méconnu-
rant l'éternité résolut de trrer^àVhéaiU.des r&nt. Sa désobéissance lui avait fait perdre la.
i-Véalures capables de 'le Jouer. Il forma sainteté et la justice,' dans lesquelles avait
l'homme à cet effet, et ce vaste univers de.->- été formé; son corps fut soumis à.la mort
tiné pour son àp.anagc fut aussitôt soumis à mais par la bonté de Dieu son âme resta 'im-
ses lois. L'homme, dès rinslaii,t de sa créa- mortelle.
tion futdoué /l'une .immprtaiilé qui répon- L'homme ne connut sans doute le prix çk»
dait jUXva.nîag£'d'élrOqr.lïVlè la main "de l'iinmoil.ililé qu'après l'avoir perdue et
Dieu. C'était te moyen de posséder 'pleine- comme la privation excite tes désirs, cette
ment les biens dont il était .comblé, pourvu perte lui donna l'envie d'en recouvrer au
0,
qu'il restât fidèle, ses Revoirs. moins quelque chose.
Cette immortalité dépendait de l'innocence La çrainle de mourir et le désir de vivre
où notre premier pèrVilevâit demeurer. furent, depuis celle sensible perte, les pas-
L'arbre de vie, qui était au milieu' du para- sions les "plus naturelles a l'homme it
dis terrestre, la deVail" conserver il avait tremble de finir avant d'avoir à peine com-
la force de réparer,^
·~ ;<Jégâ0 du temps qui mencé d'être. Il désire de perpétuer ses jour»
use tout. sans en co.mprcndrc le peu de durée, et dé-
Dans l'état d'innocence, l'homme ne lais- sespérant d'y réussir par .lui-même, on le
sait donc pas d'être çompos'é'cl.e parties dont voit appl.iijué à s'en dédommager, essayant
tes qualités contraires lui pouvaient nuire. au moins d'immortaliser son nom par la
La chaleur naturelle quirie.faisait vivre dé- célébrité'.de ses actions.
vorait son humideràdicâl en vain u,sail-il Ainsi les pèi'es souhaitent' (les enfants
d'aliments plus nburrissants'que'ie.s nôtres, pour revivre dans les temps' fulurs par leur
il avait besoin de réparer les désordres que poslérilé lès savants écrivent pour tromper
causait ce feu qui le consumait intérieure- l'oubli par la répiilàlion de leurs ouvrages
ment et comme .la Providence n'abandonne les princes élèvent des palais et bâtissent des
pas même rhommejcriminel, elle' avait pré- villes, pour être encore célèbres après la
paré pour l'homme~'innocent l'arbre de vie. mort par leur magnificence et les conqué-
Dans cette siluation'foriunée, où l'homme ra'nls né désolent l'univers que pour s'éla-»
n'était occupé qu'à louer Dieu", quelque temps lil ir unercnomiitée jusque, dans !c sein mémo
qu'elle eût duré, cet .homme toujours jeune de l'horreur cl du Qarn;ige.
avait en même ..temps les ^vanlfïgrs jle la C'est la pensée de Terlullien lorsqu'il a
vieillesse sans en éprou,v.e.r.i.e.s disgrâces sa Irai-lé des désirs que nous ressenlons pour
raison possédait les lumières .qu'il lui fallait l'immortalité. II dit que celle passion qui
pour su bien conduire', et il ji'â.v'ait pas be- nous est resiée pour une durée sans fin
soin d'affaiblir son corps pa.rTapplic.ïlipn à est une preuve certaine de notre origine im-
l'étude, afin de re'jidre son esprit supérieur mortelle.
ces deux parties de lui-même également Les physiciens ajoutent que l'homme ayant
innocentes, ne formaient, à l'envi l'une de été créé pour l'immortalité, il lui en est resté
de l'autre, aucuns désirs opposés toutes un principe qui ne saurait être détruit. Celle
deux semblaient agirde concert pour la-fé- opinion les persuade que le corps humain
iicil.é de la créature. renferme une source inépuisable d'un baume
L'une des principales merveilles de l'arbre cap.'ible de faire recouvrer cette longue vie;
(le vie était donc de préserver homme de la fis" disent qu'il est dans le sang, dans le lait,
mort. Il unissait si étroitement l'âme avec le dans la graisse, dans tes os dans la ccr-
corps, que'lé nombre des années ne les eût velle, dans le crâne, dans le fiel.
pu séparer, si l'innocence eûl toujours sou- Be.ker, fameux médecin, soulien,t que Pieu
tenu leur intelligence et prévenu leur divi-
w ayant mis dans la plupart des bêles "une infi-
sion. nité d'excellents antidotes comme dans le
Division funeste que causa l'égarement cerf, la vipère, le loup, le lièvre, le renard
du premier homme dès ce moment son et même dans les pierres où nous éprouvons
crime le rendit morte) ses yeux s'ouvrirent des vertus amuléliqucs telles que le jaspe
sur son infortune; sa nudité, jusqu'alors qni arrête le sang, le saphir qui préserve'la
jnnocenle, lui fît sentir qu'il était devenu vue dans la petite vérole, et la pierre uéphré-
101S DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 101d
tique qui soulage les reins, il a plu à sa Bonté
tin lia une nourriture solide, dut avoir recours aux
d'en répandre aussi dans le corps humain. animaux. Noé en immola sur l'autel qu'il
Elles les surpassent même autant que la éleva au vrai Dieu en sortant de l'arche et
créature raisonnable surpasse par sa dignité son sacrifice fut agréable.
tous les êtres créés. Alors, par l'ordre du Seigneur, l'homme
L'homme en effet fut destiné pour être le commença à vivre de la chair des bêtes.
roi de la nature. Son âme, la plus noble par- Nourrissez-vous de tout ce qui a vie et mou-
tie de lui-même, restée immortelle et l'éga- vement, dit le Seigneur. Peut-être cette sorte
lant aux anges, communique à son corps d'aliments composés de chair e't de sang, fut
cette majesté qui brille encore sur son visage. moins salutaire aux corps accoutumés aux
C'est ce qui fait croire que le corps humain fruits et aux racines. C'est l'avis des physio-
doit avoir mille vertus qui lui sont restées de logistes. Qui sait si la vie n'en fut pas abré-
ses anciennes prérogatives. Les théologiens gée ? La diversité des viandes est dangereuse
conviennent qu'il renferme un principe de à la santé, leurs différents sucs nuisent à
vie, parce qu'il était originairement immor- leur digestion et portent dans les veines un
tel le péché qui l'a depuis assujetti à la principe de corruption qui. devient aisément
mort, l'a privé de ce premier avantage à l'é- le levain des maladies aiguës. C'est peut-être
gard du corps, sans néanmoins anéantir sa ce qui engagea bien des nations à s'en pri-
nature, et sans donner atteinte à l'immorta- ver les Perses, les Grecs, les Romains, et
lité de son âme. jusqu'aux Gaulois, nos ancêtres, issus de Ja-
Ce n'est pas que le corps de l'homme eût phet, fils de Noé, en fournissent des exem-
toujours subsisté sur la terre; Dieu ne l'avait ples certains. La plupart des peuples de l'O-
mis dans le jardin de délices que pour le cul- rient ne se servent que de riz; les Ecossais,
tiver et pour le garder. Le premier homme les Islandais et les Irlandais ne vivent pres-
y devait travailler à sa sanctification par sa que que de laitages.
fidélité et par ses adorations. Alors, confirmé On sait que le paradis terrestre ayant été
dans son innocence et pénétré du désir de planté d'arbres dont les fruits devaient nour-
posséder son Dieu, une douce extase l'eût rir l'homme pendant qu'il n'avait pas appris
ravi au ciel. Dans ce brillant séjour que no- à vivre pour manger, mais à manger pour
tre esprit, selon saint Paul, ne saurait com- vivre, ce serait se déclarer contre cette sage
prendre, l'âme, aidée d'une faveur surabon- abstinence, dans laquelle on employait seu-
dante, eût glorifié son corps; bonheur dif- lement les fruits de la terre, son lait, son
féré pour nous jusqu'après la résurrection. miel et son huile, que d'en manger sans né-
Il y a là une preuve que cette immortalité cessité les animaux. Les hommes trop car-
n'est pas absolument perdue; les miséricor- nassiers en tirent leur force, disons en même
des divines l'ont seulement suspendue pour temps cette férocité qu'une pareille nourri-
ceux qui seront fidèles. Ainsi la prérogative ture pourrait bien communiquer à ceux qui
d'une durée éternelle n'a été qu'interrompue ont tant d'appétit pour s'en engraisser. Py-
et non pas éteinte; les sacrements de l'Eglise thagore, qui vivait 534- ans avant Jésus-
font chaque jour renaitre l'homme à la grâce Christ, défendait aux disciples de son école,
pour le faire véritablement revivre dans à Samos et à Tarente, l'usage de toutes sortes
toute l'éternité. de viandes l'immortalité de l'âme, qu'il en-
Maisil faut avouer que l'homme a beau seignait par la métempsycose, fut l'origine
désirer aujourd'hui cette immortalité éga- de cette défense; c'est pour la soutenir quo
rée, tout fuit et tout passe avec lui; la perte ces vers furent composés
de son innocence fut le terme de son bon- Heu quantumscelus est, in viscerevisceracondi,
heur. Le péché originel, qui depuis a infecté Congestoqueavidumpinguescerecorporecorpus;
toute la masse du genre humain, n'est effacé Alteriusqueanimantem,animantisvivereletho.
que par le secours inespéré du baptême. Quel crime d'enfermer des viscères dans
La mort toutefois ne fut pas si prompte à d'autres viscères, d'engraisser un corps af-
enlever les premiers hommes qui habitèrent famé en y entassant les morceaux d'un au-
la terre, puisqu'il s'en trouva qui l'habitè- tre corps, et de faire vivre une chose animée,
rent neuf siècles et au delà. au prix d'une autre à qui on a donné la
On peut dire à la vérité, que la terre, mort.
alors toute nouvelle, se ressentant de la bé-
nédiction de son créateur, était animée par II. Durée de la vie des hommes dans le pre-
des esprits plus vifs et remplie de sucs bien mier dge du monde, depuis la création jus-
plus nourrissants qu'après le déluge. Les qu'au déluge.
principes de sa fécondité étaient encore en- Il est certain que depuis la création du
tiers, rien n'en avait altéré la bonté; les monde jusqu'au déluge, qui abîma la nature,
racines et les fruits, qui faisaient les seuls et que les chronologistes marquent vers
aliments de l'homme, renfermaient toute la l'an 1656 de la création, 2307 ans avant Jésus-
vertu de leur espèce. Christ,et la 600° de Noé, les hommes vivaient
Après le déluge, la terre trop imbibée, ses' très-longtemps par rapport à ce qu'ils ont
sels plus détrempés qu'il ne convenait, et vécu
depuis.
les plantes ne tirant leur substance que d'un Ou la nature est devenue plus faible, ou
fonds altéré par le trop long séjour des eaux, Dieu avait jugé qu'une longue vie était né-
n'eurent ni d'égales saveurs ni de sembla- cessaire pour peupler l'univers, et pour trou-
bles qualités; l'homme n'y trouvant plus ver les sciences et les arts c'est ce qui pour.
1017 LON LON tOI"
rait avoir été cause que les premiers hom- 2..1A /.OO I]
Arphaxat 338, Salé 433, Héber 464, Phaleg
mes ont vécu plusieurs siècles. 239, Reu 239, Sarug 230, Nachor 148, et
Adam, le chef de la race humaine, a vécu Tharé 205.
930 ans, Seth 912, Enos 905, Caïnan 919, Il semble qu'à mesure que le monde vieil-
Malaleel 895, Jared 962, Enoch 365. lissait la terre perdait peu à peu de sa
On nous laisse douter si ce patriarche est vigueur.
mort; Dieu, selon quelques auteurs, le ré- Le troisième âge du monde ne donne à
serve pour rassembler les justes lorsqu'ils l'homme que des années toujours plus
seront dispersés par l'Antechrist. courtes.
Le 21e verset du chapitre v de la Genèse IV. Durée de la vie des hommes dans le troi-
porte que ce patriarche ne parut plus, parce sième dge du monde, depuis Abraham.
que Dieu l'enleva.
Mathusalem a vécu 969 ans. Abraham, le père des croyants, fils do
C'est celui des hommes dont la Providence Tharé, ne vécut quel75ans;Sara, sa femme,
a le plus étendu les jours. 127 ;!smaë!,ntsd'Agar, servante de Sara,137.
Sur la fin de ce'premier âge, Dieu résolut Isaac vécut 180 ans, Josèphe dit 185; Jacob,
d'exterminer la race des hommes, devenue fils d'Isaac, 147 Joseph, fils de Jacob et de la
criminelle et infâme. Alors la vie humaine belle Rachel, 110. Il gouvernait l'Egypte l'an
fut abrégée. Dieu se repentit en quelque fa- 1750 avant Jésus-Christ.
lin fin la vie de Job, cet homme d'une pa-
çon d'avoir créé l'homme; son amour ou- tience admirable, s'étendit jusqu'à 217 ans,
tragé par l'ingratitude selon Hugues de
1500 ans avant l'incarnation du Verbe.
Saint-Victor, ne donna que 120 ans à la créa1
ture, pour sortir de ses crimes, ou se dispo- V.-Des rois et des princes qui ont vécu plus
ser à un déluge universel. d'un siècle.
Ces 120 ans jettent dans l'erreur ceux qui Fohi, fondateur de l'empire de la Chine,
veulent qu'ils aient été marqués pour le 1000 ans environ avant Jésus-Christ, quoi
terme de la vie de tous les hommes en géné- qu'en disent les chronologies fabuleuses de
ral, au licu de l'avoir été seulement pour la l'empire du Milieu, régna, dit-on, 115 ans.
durée du monde d'alors, à qui ce peu d'an- C'est lui qui prit un dragon dans ses éten-
nées était donné. Noé les employa, par ordre dards.
du Seigneur, à bâtir l'arche qui devait con-- Zénung qui établit dans ce pays l'agri-
server le genre humain épuré. Des huit per- culture et la médecine, régna 140 ans.
sonnes renfermées dans cette arche sont Hoamti régna 110 ans; c'est lui qui prit le
également sortis tous lés hommes, les mo- jaune pour la couleur des empereurs chinois.
narques et les bergers, les riches et les pau- Yao régna 100 ans, il fut pieux et libéral;
vres. son empire fut affligé sous lui d'un déluge
Noé, le restaurateur de la nature, ainsi parliel qui dura neuf ans, et ruina presque
que l'appellent des interprètes sacrés, avait toute la Chine. Dans toutes ces chroniques
600 ans lorsque le déluge arriva il en vécut incertaines on voit des souvenirs altérés de
depuis 350, preuve certaine que les 120 ans l'Ecriture sainte.
tombaient absolument sur le terme donné à Apaphus le Grand, roi de Thèbes aux cent
la créature pour sortir de ses égarements, et portes, dans la basse Egypte, régna 100 ans,
non pas sur l'homme innocent, ou sur celui l'an 2248 du monde.
qui n'était pas encore né. En effet nous appre- Phiops, roi de Memphis, dans la basse
nons dé la Genèse que plusieurs de ceux qui Egypte, régna aussi 100 ans il en avait six
vécurent après le déluge ont passé bien plus lorsqu'il monta sur le trône.
de 120 ans sur la terre. Le chapitre suivant Antiochus IV, surnommé Epiphanes, mou-
l'exposera. rut à 149 ans.
III. Durée de la vie des hommes dans le Homère vante Nestor, fils de Nélée et de
second âge du monde, depuis le déluge jus- Chloris, lequel avait (si vous voulez bien le
qu'd Abraham. croire) 300 ans au siège de Troie en Phrygie,
l'an 2810 ans du monde, et 1184 avant Jésus-
Les eaux du déluge, qui purifièrent le Christ.
monde l'an 1656 de la création, tombèrent Tarquin le Superbe, dernier roi de Rome,
quarante jours et quarante nuits sur la terre; vécut en parfaite santé 90 ans, selon Lu-
elles s'y conservèrent 150 jours, après les- cien.
quels elles commencèrent à diminuer; et la Agathocle, roi de Sicile, vécut 95 ans.
terre ensuite devint sèche: ces eaux avaient Hiéron, roi de Syracuse, 92 ans.
surmonté de quinze coudées les plus hautes Antlicas, roi de Scythie, 90 ans, et fut tué
montagnes, et toute la nature en avait été dans une bataille contre Philippe, père d'A-
bouleversée. La terre parut depuis avoir lexandre.
moins de force dans ses productions il n'est Bardyles, roi des Illyriens, vécut le même
donc pas surprenant que l'homme en ait âge, et mourut de la même manière.
senti l'altération, et que le cours de sa vie Terée, roi des Odrysiens, 92 ans.
en ait été abrégé. Malgré toutefois cette ré- Antigonus, roi de Macédoine, surnommé
volution de l'univers, nous ne laissons pas le Borgne, 81 ans; il mourut dms un com-
de trouver que les jours de l'homme passè- bat conlreSéleucus elLysimachus enPhrygie.
rent encore bien au delà des 120 ans. Ptolomée, fils de Lagus, vécut 80 ans.
Sera, fils atné de Noé, a depuis vécu 600 ans, Attalus, son successeur, 82.
1010 DICTIONNAIRE" DES SCIENCES OCCULTES 1020

Chefs des peuples et généraux d'armées


Mithriclato, roi de Pont, 84. 'VI.
Ariarates, roi de Cappadoce, 82; Perdiccns, qui pnt vécu plus d'un siècle-
qui l'avait pris dans un combat, le fit pendre
à cet âge. Amrâm, père de Moïse et d'Aaron, vécut
Artaxerxès Mnemon vécut 91 .ans. 13!7,ans.
Synarlhocle, roî des Parthes, vint au trône Moïse, selon qu'il est.rap.pprté.au chapitre
à 80 ans, et mourut à 87. XjX\!dU,Dèùtcrü'npme,ne-ft1ÓÙrut w qu'à 120 ans
^arôn,' de Nu'n,; à .110.'
Tigrànnes, roi d'Arménie, à qui Lucullus
fit la guerre, vécût 85 ans.' îblfada, à.l.3Ô.
Hispasme, roi des Caraciens, vers -la mer Tôbie, à 102.
aussi 85 ans. Tcrée, son successeur, Mardpchée, oncle. d'Eslher, à~`197.
Rouge,
92, et Artabaze .successeur .de Teré.e, com- Lucius Melellus, â'105.
Marcus Perpehna renïYilitun siècle entier.
mença son règneJiSG. Valère Maxime nou,s offre Marcus Vale-
Mnaseire.roi desParthe.s, par.v.int à96ans.
Massinissa, roi dp Nuniidie, à 00 il .eut
rius Corvinus, âgé'de 1.00 ans, pour un
grand consul, un habile républicain, un la-
t)nvfils ,à il'jigp de "8G,hns,tant sa santé était, un excellent citoyen
robuste. boureur expérimenté
et ce qui comble tous les éioges, pour le
A¡m.Í1dre"q(t'Auguste .nomma roi du Bos-
cbmbailit à à90ans; meilleur père de famille, selon.Caton.
phore, pieçTefà cheval
il£c laissa courir dé" faim' du déplaisir d'a- Xénophon, le capitaine et l'historien de
la retraite des dix mille Grecs (qu'il ramena
voir .déplu à Augusïç. de Perse eh Grèce après la 'mort du' jeune
Goése,<,roi [des^Oïnmaniens, -dans l'Arabie
HeurciiseMmourui"a ïi^"àn,s tout cela sui- Cyrus, tué par son frère Artaxerxès .400'àris
vant cè'queTrapporfe le mênie Lucien. avant notre rédemption ), passa l'âge de 99
selon ans, malgré les fatigues de. la guerre et l'ap-
Tuis^co premier roi des Germains, i
plication à l'élude.
Tacite, parvinfà ,1'a'gé dé 173 ans: Pour nous rapprocher de notre temps, Al-
Juvénril dans' sa dixième satire parle d'un
nommé a vécu bert, duc de Saxe, a vécu 102 ans.
prince '-•' Pélîu's'qui
v plusieurs comte de Vignacourt, en-
siècles. François-Albert,
"Pline assure qu'un roi d'I.llyrie nommé voyé de France à .Vienne en Autriche, y
Daddon avait vécu 500 ans; il ajoute qu'il mourut à 103 ans, le 6 juin 1700, sur la pa-
roisse des Ecossais suivant son extrait fu-
n'éprouvait aucune des incommodités de" la Ce seigneur remplissait encore son
vieillesse, petH-êtrVpar ses attentions à les néraire.
ministère avec toute la dextérité qu'on pou-
prévenir.
est donnant vait attendre du génie le plus élevé dans la
Xéncfphon encore plus-libéral,
800 ans a l'un des rois latins, au père duquel négociation.
v
il en assure'.GOO. Des savants qui sont parvenus à de
VII.
Cyrûs` le "Grand, roi de Perse, vécut un très-grands âges:
siècle.
Ànacréon rapporte que Cyniras, roi de Epiménide, de l'île de Crète, selon Théo-
Chypre, qui ruina. ses Etats pour s'enrichir, pompe, a vécu 157 ans. D'autres dirent 29j).
a'véçy 160 ans, et 'qù'Argarilhonius, roi des Hippocrate, prince des médecins, 104 ans.
ïartàsses en'Espiigife,7 en a vécu 150. Silius Orbilius, du temps de Cicéron, avait 100
Italicus lui en donne 300. ans:
Gordien l'Africain fut salué empereur Euphranor enseignait ,ses écoliers à 100
après l'âge de 80 ans, l'an .241 de notre salut. ans.
Bonfinius écrit qu'Attila, qui vivait dans Demonax sous Adrien mourut à 100
le cinquième siècle1, 'parvint à 124- ans, et ans.
qu'il mourut d'excès aux fêtes de ses secon- Gallien, le médecin célèbre, a vécu dans
des noces. Il se nommait le Fléau de Dieu, la une parfaite santé 104 an,s. Jl ne mangeaft-
différence 'de ^CôXroès, roi des Perses, qui se _rien qui ne fût cuit, et ne satisfit jamais en-
qualifiait le 9,alut des hommes: tièrement sa faim, ni sa soif; d'où son ha-
Primislas, villageois "ou paysan qui, ma- leine se conserva toujours très-douce. Jl a
rié Par le .sort à.Libiissa, fille de Crocus, duc donné un traité de la manière de.se con-
de "Bohême, vers 'l'an 620^ succéda à ce server en santé; et fi .l'observa si précisé
duché qu'il gouverna sagement .près de 50 ment, qu'il n'eut aucujie infirmité dans toute
ans, vécut un s.iècle, et fut le premier roi de sa vie.
ce pays. Eginius a passé jusqu'à 200 ans.
Piast, paysan de la Crusvicie en Pologne, Démocrite mourut d'abstinence mal lé-
et qui en fut élu prince en 824, après que glée à 104 ans. interrogé de 'quelle manière
Poppielll eut été mangé par les rats avec sa il était parvenu à cet âge avec une'bbhno
femme et ses enfants, vécut 120 ans; il gou- santé, il répondit que c'était' en mangeant
verna ses sujets avec une douceur extrême. du miel, et en se frottant le corps d'hu.lé.
La postérité de Piast n'a. fin! que dans la per- Solon, Thalès et Piltacus," trois" sages de
sonne de Casimir H dit le Grand. la Grèce, vécurent chacun 100 ans.
Alphonse Ior, fils du comte Henri, issu de Zénon, chef des stoïciens, vécut 98 ans.
rRpnert, roi de France, a vécu 91 ans; il en Cléante, son disciple, 99.
régna 46 dans le onzième siècle, en qualité Diogène arriva à l'âge de 88 ans.
do p'i-psVior roi <!e-PoV(iigal. Platon, à 81.
1021 LON 1 .LON 10ug

Athénodore, précepteur d'Auguste, à 82. quatrième satire du premier livre d'Horace,


Nestor, précepteur de Tibère, à 92. était âgé de près d'un siècle, lorsqu'il expira
Ctesibius, historien, mourut en se prome- de douleur en voyant un tonneau romp.il,
nant, à 121 ans. et le vin qui s'en répandait.
Hiéronyme, capitaine sous Antigonus le Aristarque, poële de Tégcc en Arcadie, sous
Borgne, mourulà 10'j ans. Plolomée Philadelphe, passa l'âge de 100
Timée Tauroémnile*, à'93. ans. C'est lui qui disait Je ne puis écrire
Aristobule de-Macédoine, à90. 11 avait com- ce que je voudrais, et ~jo ne veux. pas éc.rire
mencé son Histoire à l'âge de"8i ans, comme ee que je pourrais.
il le dit dans sa préface. Pacuvius, neveu d'Ennius, mourut ,da,ns
Polémon, poëte, cessa de vivre à 97 ans,; Tarente à près de 100 ans.
et il mourut à force de rire pour avoir vu Vairon, le plus savant des Romains et
un âne manger de.s'figues qu'on avait servies l'intime de Cicérop,'A qui il dédia son livré
sur sa table. de la langue latine, et que l'on dit avoir
Sophocle, poète tragique .d'Athènes,. fu.t composé plus de 500 volumes, vécut aussi
étranglé par un graiii.de raisin à 130 ans. près d'un siècle.
L'un de ses enfants qui en avait 85, l'ayant Carnéades d'Athènes, que Cicéron et Caton
accusé de démence Sophocle lut devant les estimaient l'homme du monde le plus élo-
juges des vers qu'il avait composes depuis quent, s'empoisonna à 90 ans, du chagrin,,
peu, et ensuite leur dit qu'il eut de la mort d'Ahtipater. C'est ce
Si je suis Sophocle, je ne suis pas en dé- Cnrnéadcs qui étonna si fort le sénat de
lire ou si je suis en délire, je ne suis pas Rome, à qui.il parlait comme ambassadeur
Sophocle. (Erasm., I. VIII Apophl.) d'Athènes, qu'on le.renvoya au plus tôt,
Socrate l'orateur parvint à 106 ans, et tant son éloquence 'éblouissait les' esprits par
Gorgias Leontinus à 108. la subtilité dé ses raisons.
Asclépiadc, médecin de Pruse, était. si vi- VIII. Prélats et gens d'église, dont les jours
vace, qu'il serait peut-être encore en vie, ont été très-longs.
sans une chute 'qui termina ses jours à 150
ans. Il était si certain, dit-on, des principes L'histoire des Machabées nous instruit, de
de la science par 'laquelle il prolongeait sa la mort dé Maihalhias, à 146 ans il soute-
vie (quoique appuyée sur les conjectures et nait la rèligion de ses pères et l'honneur
sur 1'exp'érience) qu'il consentit à passer de.sa patrie ce vieillard intègre refusait do
pour un ignorant, s'il était attaqué de la manger des viandes défendues e même de
plus légère indisposition. C'est lui qui le faire semblant d'en manger.
premier crnployalc vin comme remède pour Saint Jean l'Evangéliste véciit plus de 100
ia santé, au contraire d'Androcide ce der- ans.
nier écrivait à Alexandre que le vin était le Saint Siméon, successeur de.saint Jacques,
sang de la terre, mais le poison de l'homme deuxième évêque de Jérusalem, fut mis en
lorsqu'il en usait au delà de ses besoins. croix sous Trajan, à 120 ans. La conformité
Ce conquérant en fit la triste épreuve un de sa mort avec celle du Fils de Dieu lui
vingt-deuxième, de mai, 303 ans avant notre donna des forces pour la souffrir en jeune
salut. JLcs astronomes chaldécns lui avaient athlète.
en vain prédit d'éviter Babylone il y mou- Saint Polycarpe, évêque de Sm,yrnc,,dis-
rut à 33 ans, n'y.faisant que manger, boire ciple de saint Jean fut brûlé, 99 ans.
et dormir. Sortant un jour d'un.festin où il .Narcisse, successeur de saint Siméon,
avait excessivement bu (car Alexandre était mourut à 1C6 ans, sous Septime- 'Sévère.
un fameux prince, et l'un des plus grands Oiaiïs Magnus parle d'un évéque d'An-
ivrognes)^ uii médecin l'invita à lui faire gleterre, nommé David, qui mourut âgé de
l'honneur d'entrer chez lui jgoûter son vin. 170 ans.
Le vainqueur de l'Asie y tléfla avec une Osius, .évéflue de Cordoue, vécut, selon
coupe de vin tenant quatre litres, un certain .Ellies Du'pin, .101 ,ans, étant né en 257, et
Prothéas, grand huveur, quoiqu'il ne fût ni mort en 358. Tillemont prétend qu'il a vécu
Allemand ni Suisse. Cet homme, charmé do tOi ans." A 100 ans il: tomba dans l'aria-
la préférence que lui donnait Alexandre sur nisme, pour avoir, par faiblesse, souscrit en
toute la compagnie, lui fit à l'instant raison; 357 la formule arienne de' Sirmium. Mais
et, remplissant aussitôt le même verre, défia saint Alhanase.son aini, déclare qù]en mou-
le roi de redoubler. Le' monarque voulait't rant il protesta contre cet égarement, et
partout vaincre; il but: mais son eslomao condamna' formellement l'hérésie d'Arius
ne pouvant garder le vin dont il le noyait dans laquelle l'empereur Constance l'avait
par une vanité hors de saison la coupe fa- forcé d'entrer.
tale tomba de ses mains, une violente fièvre Pierre de Nalalibus assure que saint Se-
le saisit et l'emporta le douzième jour. Ainsi veriri, évéque de Tongres, vécut 175 ans.
le vin l'empoisonna pour en avoir trop pris, Saint Kenigcrn, dont Bollandus parle au
comme lui avait écrit Androcide. 15 janvier, parvint à 185 ans.
Juvénal, poëte .latin du premier siècle, Saint Paul l'Ermite, le premier des hom-
vécut plus de 100 ans il en avait 50 lors- mes que l'Esprit de Dieu porta dans una
qu'il composa sa seizième satire contre sainte retraite. Ce chef des anachorètes, qui
Pâris, l'un des comédiens de Néron. préféra le silence des rochers et la tranquiN
Cratinus autre poëtc fameux, selon ,1a lilé des forêts ai la société' des hommes, nç
1023 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 1021
cessa de vivre
vivv qu'à 113 ans il parvint à cet Etienne Mabillon père du célèbre béné-
âge malgré ses macérations et' son jeûne dictin, avait passé l'âge de 108 ans lorsqu'il
continuel. Sa retraite était un désert où de mourut. Il était fils d'un homme qui en avait
l'eau et quelques dattes, avec la moitié d'un vécu 116. Ils étaient de Pierremont en
petit pain que depuis l'âge de 63 ans la Pro- Champagne.
vidence lui envoyait chaque jour, ont suffi Saint Simon Stock vécut 100 ans.
à sustenter sa vie. Mais l'amour de Dieu est
un grand aliment. IX. Personnages de diverses conditions qui
Saint Antoine cet autre solitaire que ont vécu plus d'un siècle.
l'Egypte aima comme son enfant, l'Afrique et Pierre Mafféi rapporte que dans le Ben-
l'Asie comme leur citoyen l'univers entier gala, un paysan avait vécu 335 ans, s'il n'y a
comme son protecteur, ce grand serviteur de pas erreur dans les chiffres.
Dieu vécut jusqu'à 105 ans. Guy Donalus remarque qu'en 1223 il con-
Daniel le prophète parvint à l'âge de 110 nutun certain Richard à qui on donnait plus
ans. de 400 ans; il était soldat de profession et
Pietro della Valle écrit au quatrième pouvait avoir porté les armes sous Charle-
tome de ses Relations qu'en 1626 le Père niaftnc.
Gaspard Dragonelti jésuite âgé de près de Juan d'Etampes écuyer de Charlemagne,
120 ans, était encore frais et robuste; il avait parvint à un âge semblable à celui de Ri-
toujours ses dents, lisait sans lunettes et fai- chard. H mourut sous Louis VII, dit le Jeune,
sait journellement ses leçons dans l'un des en 114-G.
colléges de liome avec cette éloquence vive Sous l'empereur Claude II on vérifia qu'un
et persuasive qui ne trouve rien d'impossible citoyen de Bologne, nommé Fullonius, avait
et qui sera toujours l'apanage des enfants de 152 ans.
saint Ignace. Lucius Térenlius, de la même ville, prouva
Saint Samson, abbé de Dôlc, avait vu trois qu'il avait 150 ans sous Vespasien.
siècles; il naquit en 495 de Jésus-Christ, Bucchanan en donne 170 à Laurent Hut-
vécut le cinquième siècle entier et mourut land.
en 607, le 28 juillet, âgé de 112 ans. Ovide parle de son père frais et vigou-
Sous Thuatalus, quatrième roi d'Hibernie, reux à 90 ans.
qui régnait l'an 510 de notre rédemption, Pline nous entrelient avec étonnement de
saint Mochée cessa de vivre dit-on, à 300 l'heureuse et agréable vieillesse du musicien
ans. Xénophilc. A 130 ans il en paraissait avoir
Dom Félibien a laissé des mémoires sur 50. exemple cité comme miraculeux.
son ordre, où l'on trouve, pag. 502, que La vieillesse n'était apparemment pas si
Turquélule, cousin germain d'Edouard 1", difficile à supporter chez les anciens que chez
dit le Vieux, après avoir été longtemps chan- nous quoique le poëte Euripide dans son
celier d-'Anglelerre sans être marié, se fit Hercule furieux assure qu'elle est plus
moine, et fut nommé abbé du monastère do lourde que tout le mont Athos.
Croyland que les Normands avaient ruiné C'est dans ce sens que saint Grégoire,
vers l'an 820, en sorte <iu'à peine cinq reli- évêque de Nazianze, écrivait qu'il était ac-
gieux y pouvaient subsister. Turquélule çablé d'une vieillesse plus pesante que toutes
le fit rebâtir et dota cette abbaye de six les montagnes de Sicile.
terres qu'il possédait. Avant sa retraite, par Si ces grands hommes eussent connu le
cri public dans Londres il en avait fait traité que Cicéron en a adressé à Atticus, ils
avertir ses créanciers et tous ceux à qui il. eussent changé de sentiments. Caton le Cen-
pouvait avoir fait quelque tort, injustice ou seur y prouve si agréablement à Scipion et à
violence dans le dessein de les réparer au Lélius que la vieillesse n'affaiblit ni l'esprit
triple. 11 s'adonna ensuite tout entier à ré- ni. le corps, qu'elle n'ôte nullement le goût ni
tablir son couvent, qui devint plus florissant l'usage des agréments de la vie et qu'elle
que jadis. Il y fit renaitre l'ancienne ferveur; n'est pas plus que la jeunesse menacée d'une
il divisa les moines en trois classes la pre- mort prochaine, que je ne sais trop si l'âge
mière, composée des jeunes, jusqu'à la vingt- florissant lui est préférable.
quatrième année de profession, portait tout le Lorsque les empereurs Vespasien et Titus,
poids des offices, du chœur et de la maison son fils, faisaientle dénombrement de l'Italie,
la seconde jusqu'à la quarantième année, on trouva à Vellejacium, près de Plaisance,
avait beaucoup moins d'obligations publi- 63 hommes âgés chacun de 110 ans quatre
ques à remplir; la troisième classe, jusqu'à qui en avaient chacun 120*, deux qui en
la cinquantième annçe de profession, com- avaient 125 quatre 130 aillant qui eu
prenait uniquement les anciens, nommés comptaient 137, et trois vieillards de 140 ans.
Sympectœ; ils avaient la liberté de vivre en A Parme, on en trouva trois âgés chacun
tranquillité sans même qu'on leur parlât de 120 ans, et deux de 130; à Plaisance un
jamais d'affaires temporelles. Les cinq moi- de 131; et enfin, à Bologne, Lucius Téren-
nes trouvés dans l'abbaye vécurent tous au tius fils de Marcus et à Rimini Marais
delà d'un siècle. L'un, nommé Clérambaut, Apponius, qui avaient 150 ans chacun.
parvint à l'âge de 148 ans Swarlinge arriva Vincent Coquelin, maître chapelier, mou-
à sa 142' année; Turgar mourut à 115 ans. rut à Paris, sur la paroisse de Saint-Sulpice,
Turquétule leur rendit les devoirs funèbres. vers 1664, à 112 ans.
ct vécut lui-même 88 ans. TTOrdinaire de Hollande du 3 avril 1687
«035 LON LON tous
faisait mention d'un homme nommé Galdo, haut, un an avant ant son décès-
dl II usait d'eau
passant alors par Venise il avait son por- de scorsonère pour toute boisson sans
trait avec lui les maîtres de l'art le recon- prendre vin, liqueur, sorbet, café ni tabac;
naissaient pour être du Titien qui vivait il vivait d'un peu de potage, de gibier rôti,
130 ans auparavant. Galdo pouvait en avoir el de fruits qu'il prenait avec le pain; il ne
30 lorsqu'on l'avait peint le tout revenait à mangeait jamais hors de chez lui, pour ne
160 ans sans ce que Galdo aura pu vivre de- pas interrompre son régime; il était catho-
puis 1687. lique, homme d'honneur, d'esprit et de mé-
Guillaume Rouillé, dans la troisième par- rite.
tie de sa Préexcellence de la Gaule, rapporte Le 19 novembre de la même année 1702
que dans la paroisse d'Ancines, près d'Alen- mourut au village de Vendeuille en Lorraine
çon en Normandie, il mourut de son temps Mathieu Littard, dit la Ronce, âgé de 118
un homme âgé de sept-vingt-dix ou 150 ans. ans; il avait servi dans la dernière guerre
Le même auteur dit encore que Philippe d'Italie, du règne de Henri IV.
Joannès, père d'un de ses beaux-frères, avait "Lefèvre de Lezeau, oncle de d'Ormesson,
12k ans lorsqu'il écrivait son livre. entrait au conseil du roi à 100 ans passés.
Alexandre Benoît et Cardan, après Albert La marquise de Luxembourg mourut à
le Grand, remarquent qu'un homme de Sa- 101 ans.
mothrace était frais et vigoureux à plus de En 1708 Catherine' de la Croix en Lyon-
104.ans. nais mourut à 113 ans.
Jacques Il roi d'Angleterre (à qui la En 1709 Jeanne Carrière, près de Langrcs,
France, asile ordinaire des princes a servi à 116 ans.
de retraite lors de l'invasion de l'Angleterre Augustin Galand, de Savignac en Auver-
en 1688) a eu la bonté de dire à l'auteur de gne, à 115 ans.
ceci, en présence de Monsieur, frère de Louis Le curé de Sassetot, pays de Caux, à 116
le Grand, que, le 9 octobre 1635, Thomas dns, plein de connaissance et de bon sens.
Parke, Anglais, âgé de 152 ans et quelques Nicolas de Bezanes, à 106 ans.
mois avait été présenté au roi Charles I", Claude Baranger, près d'Issoudun, à 107
père de Jacques II et de feu Charles H, son ans.
frère aîné. La femme de Sagonne, notaire à Margaux,
Ce vieillard de la paroisse d'Alberbury, dans le Médoc, à 116 ans.
était né l'an 1183; il avait vu dix rois ses Anne Marna, à Paris, chez madame la pré-
souverains Edouard IV, Edouard V, Ri- sidente de Bretonvilliers, à 102 ans.
chard 111, Henri VII Henri VJII qui com- En 1710 Jean Mensard cessa de vivre à
mença le schisme Edouard VI Marie qui 110 ans, avec bon sens et jugement. Il avait
rétablit la religion orthodoxe, Elisabeth, qui épousé dix femmes; celle qui lui a survécu
la renversa; Jacques VI, roi d'Ecosse et pre- avait dix-huit ans lorsqu'il l'épousa âgé de
mier d'Angleterre, de la maison des Stuarts; 99 ans.
et Charles 1", son fils, à qui on le présentait. Le sieur de Roque, avocat, près d'Agen,
Parke mourut seize ans après, à Londres, le mourut à 111 ans.
2k novembre 1651, sans douleur, à 169 ans. Michel de Gourgues, seigneur de la Bugc,
L'ouverture de son corps présenta des à 105 ans et 8 mois, dans la ville de Saintes
viscères fort sains; les seuls poumons étaient six jours avant il avait été à la chasse.
noyés dans le sang; les médecins attribuè- Guillaume Delabat, à la Flèciie, à 111 ans.
rent sa mort prompte à l'air grossier de Le sieur Castra, avocat à Bordeaux, à 111
Londres. ans 10 mois et 10 jours.
Presque au même temps la comtesse Jeanne Tiherge, veuve, paroisse Saint-
d'Arondel présenta à la reine, épouse de Germain-l'Auxerrois, à Paris, à 104-ans.
Charles Ier, une sage-femme âgée de 123 ans, Michel Fortin, de Vimoutier en Norman-
laquelle deux ans avant exerçait encore sa die, à 116 ans et 4 mois.
profession. Louis Amiot, de Geay, près de Charente en
Dans la province de Norlhamphton, en Aunis, à 107 ans 'et 3 mois. Il avait eu
Angleterre, Jean James, sur la fin de juillet sept femmes, et cherchait la huitième; il
1705, cessa de vivre à 122 ans encore assez, avait vu sa cinquième génération.
fort et d'assez bon sens. Jean Guichard,deSainte-Aulaye,à 108ans.
François Secardi Hongo, surnommé Hup- Catherine Petiglau, de Grès près de Beau-
pazzoli, mourut à llk ans 10 mois et 12 vais, mourut fille le 10octobre*1710, à 113
jours de la gravelle accompagnée d'un ans. Elle étail née pendant que Henri le Grand
rhume, le 27 janvier 1702, dans la ville de assiégeait Amiens, que les Espagnols avaient
Smyrne, où il était «onsul pour les Vénitiens surpris avec des noix au mois de mars 1597.
il n'avait jamais été malade, sans doute par Rachel du Bichois cessa de vivre, la même
la diète qu'il avait toujours observée avec année, dans la ville de la Rochelle à 107
exactitude. Sa vue, son ouïe, sa mémoire et ans 3 mois et 8 jours. Elle avait été vingt-
son agilité, étaient surprenantes; il faisait à deux fois mère. Le cardinal de Richelieu
pied quatre lieues par jour; à 100 ans ses t'avait ramenée de la religion prétendue ré-
cheveux blancs redevinrent noirs, ainsi que formée au bercail de Jésus-Christ pendant
ses sourcils et sa barbe; et ce qui est de plus le siège de cette ville en 1628. Louis XIII,
admirable, toutes ses dents étant tombées, il de glorieuso mémoire, lui avait fait l'hon.
lui en perça deux grosses à la mâchoire d'en ncur de manger deux fois chez elle dans
1027 DICTIONNAlliEDES SCIENCESOCCLLTES. 1028
une maison de plaisance qu'elle avait à'deux veau à 100 ans, et peu après retombèrent,
lieues de la Rochelle et dans laquelle les et revinrent, encore noirs.
incommodités du siège l'avaient obligée do Jacques Link,- archevêque de Tùam en
se retirer,. Irlande, et aumônier d'honneur de Charles Il,
La veuve Lemoine, paroisse de Saint-Ni- roi d'Espagne, mourut à Paris, le 29 octobre
colas du Chardonnet à Paris acheva sa 1713, à 105 ans.
catrière le 15 novembre 1710 à 106 ans. Dans le cours de cette année 1713 fut cé-
La veuve Favejà, à Carman, diocèse de lébré le; mariage du nommé Larcher, jardi-
Toulouse, mourut le 3 décembre suivant, à nicrdela paroisse Saint-Hippolyle, faubourg
113 ans. Elle n'avait jamais usé de remèdes. Saint-Marcel, à Paris; il épousait (en juillet),
En 1711 Benoît Chaumont de Sainl-Bon- à l'âge de 103 ans, une femme de 76. Ces
net en Auvergne, mourût à 110 ans 2 époux faisaient, ensemble 179 ans.
mois et 5 jours. On avait vu deux ans auparavant, en 1711,
Henri le Boucher, de la ville de Cacn,- sei- un mariage non moins surprenant: celui de
gneur dé Verdun, à 115' ans il: n'avait ja- Jeanne Serimphan, Anglaise, de la paroisse
mais été mala'd'e; son père avait vécu 108 de Boiiv",née le 3 avril 1584; elle épousait à
ans, son fils en avait 73. 127 ans Edouard Korkains, dont nous igno-
La dame Coupper présenta alors à la rons l'âge.,
reine d'Angleterre, Anne Sluart, une femme Jean Guillot de la ville de Dun-sur-
âgée de 128 ans.. Meuse, au diocèse de Reims, finit sa vie le 8
Lucrèce Jovin, du diocèse d'Autun, passa décembre 1713, à l'âge de 109 ans; il n'avait
à une meilleure vie, le 21 avril 1711, à 108 pas un seul cheveu blanc. Son ami Jean Ju-
ans. Elle avait toujours lu et écrit sans lu- vin, nianœuvre deBrieuleprèsdeDun^l'avait
nellcs. précédé de peu de jours, à 114 ans.
Guillaume Crevin, doyen des avocats de Le 28 décembre 1713 la princesse Ulrique
l'ont -l'Evêque en Normandie, mourut le Eléonore, sœur de Charles Xlï, roi de Stfèdé,
G mai, à 107 ans. et régente du, royaume. p.endant son absence,
La dame deCouseraus,prèsdeTorniac, au ayant assemblé les états ,.1'e nommé Danne-
diocèse de Caho'rs, mourut dans son château man, député du quatrième ordre, qui" est ce-
de Casoul à 111 ans. La veille de son décès lui des paysans y parla avec applaudisse-
elle était allée à pied à sa paroisse faire une nïents, quoique âgé de plus dV-100 ans.
confession générale de sa vie depuis l'âge de Charles Pasquot major des bourgeois de
cinq ans, avec mémoire et bon sens.. Joinville, mourut à 111 ans, en 1714; il avait
Jacques Thévcnot, laboureur, à Château- peu de jours avant tiré. le papeguay avec les
Vilain en Champagne, mourut le 11 sep- chevaliers de l'arquebuse.
tembre, à 114 ans. Le mois précèdent, il avait Le 29 mars 1714, jeudi saint, la cérémonie
fauché des prés trois épouses successives' du lavement des,pieds que l'empereur Char-
lui avaient donné trente-neuf enfants. ïes VI et les trois impératrices la régnante
Le chevalier Bulstrade à Saint-Germain- et les deux douairières firent à Viennè en
cn-Laye, près de Paris, décéda le 3 octobre, à Autriche, était composée, de quarante-huit
105 ans il laissait dix-sept enfants, dont personnes faisant ensemble 3695 années.
l'aîné avait 72 ans, et le dernier 14. L,'empereur lava les pieds à douze vieil-
En 1712 Angélique Boursaut de Vientais, lards qui comptaient ensemble 976 ans.
fondatrice et supérieure des religieuses de L'impératrice régnante fit la même céré-
Beaulicn, près de Loches en Tourraine, passa monie à douze vieilles faisant 833 années.
de cette vallée de misères à la céleste Jéru- L'impératrice mère fit la même chose à
salem, le 15 mars, à l'âge dé 112 ans. douze autres femmes composant 916 ans.
François Drouin, de Chaumont en Lyon- Et l'impératrice Amélie à douze encore,
nais, mourut le 9 novembre, à 109 ans. dont tes années revenaient à 970.
Anne d'Alecon, veuve du sieur Manueville, Phiégon, dans son opuscule sur ceux qui
mourut âgée de 106 ans, le 15 du même mois; ont longtemps vécu y parle d'une quantité
à Abbeville. de personnes arrivées à 100, à 120, à. 130
Alain des Croches, curé de Saint-Pierre-de- et à 150 ans il ajoute que la sibylle
la-Rivière, au diocèse de Lisieux, passa au Erythrée avait vécu dix âges, faisant 10001
mois de décembre, âgé de 113 ans; il était ans, un âge étant composé de 100 ans. Il
curé de, sa paroisse depuis 81 ans, et célé- parle bien encore d'un Macroseiris qui
brait encore la sainte messe peu de mois avait, vécu 5000 ans; mais ce fait n'est pua
avant son.décès. vérifié.
La dame de la Chassagne mourut la même L'abbé Dupin nous a aussi donné quelque
aanée, à 108 ans. chose des macrobies, ou gens qui ont long-
Madelaine le- Cas religieuse de Notre- temps vécu il dérive le nom des termes s
Dame de Soissons, y décéda le 3 janvier 1713, grecs macros, long, et bioéj vie il dit que ce
à 107 ans. nom a été donné à certains peuples d'Afri-
La demoiselle Jeanne Boor, au village de que, que Pomponius Mêla place dans l'île de
Peunnetier, près de ïréniolat en Périgor.d Méroé Pline les met dans l'Ethiopie, près des'
mourut le 12 août de la même année, à 108 peuples anthropophages ou mangeurs d'hom-
ans. A l'âge de 90 ans une fièvre avait fait mes, comme les Lestrigons, dont parlent Ho-
tomber ses cheveux blancs, qui avaient re- mère et Ovide; mais les habitants dc.cea. terres
poussé noirs; lesquels blanchirent de nou- barbares ne donnaient pas letempsàtla naturo
1029 LON LON 1030
lf> n'rnrliïïri
dé produire des maçrobies ;*le rni du pays Julia Modestin'àinà vil
vit l'âirc
l'âge de l'2Ô ans.
faisait tuer chaque jour dans son palais dis Lors du dénombrement dont .nous avons
Mohsol (capitale de ses Elals) deux cents parlé sous Vespasién et sops Titus on trouva
criminels ou esclaves, dont on apprêtait la à' Rimini üne femme nommée Tertulla
chair pour sa table et pour tfé'l'le'dc ses cour- âgée de-137 ans, et une autre à Pavenlia, qui
tisans' en avait 132.
La' femme dé>charge du vicomte .de Mor- JQdith cette veuve sainte dont l!Ecriture
tain', au dïùcèse'd'Avrâïiches1, mourut' e'h juil- a si gloriéûsemerît,. célébré, la' victoire sur
let 1712, à.lÔ2 ;ihs. Elle travaillait à: faire du HolOpherne général de Nàbu'ch,odonosbr,
linge la veïl.ledesôii décès et cinq femmes l'an .du mon.de. 3348 demeura 105 ans dans
qui faisaient ensemble 525 ans la portèrent la. maiso'iV de M<"jna's.sôs^soh'ma"ri; elle avait
en terre. x au moins' 20* ans a sbh'hiâïîage.
Louis Jb'uan, laboureur à Bervillé, pays'.de
Caux, décéda le 18 septembre1 1714,. à 108 ans XI. Latempérance contribue à la longue vie.
et demi, ayant conduit sa charrue la veille- Les' anachorètes çfës déserts n'ont dû
de sa mort.. -tl. M leurs longues, années qu'à la tempérance.
Acesmacrobiesquïrié sont .plus ion en join- Saint Simépn Slylitp mourut pçès d'-Anlioche
dra qiiî subsislenr aujourd'hui (. cmnVe1715) âgé de plus dé 100 ans. On voit dans saint
lois que le sieur de la Ïour-Gbry, âgé de 108 Jérôme qu'il en' avait passé 47 au haut d'une
ans il est filleul du p'reihler grésillent jVy, colonne dans la pratique d'une oraison conti-
décédé en 1640 (il y a ,76 ans)'. ,qé" vieil fa'rd nuelle et dans des jeunes extraoidinai.res.,
va presque toutes les semaines, dé la rue de Les philosophes païens on côn!nu l'excel-
Richelieu, oùil demeure, d'în'çr çlVêz" M.Pet- lence et lés avantages dé la tempérance; elle
letier' de Souzy.coii'si'ijler. d^Ëiat ordinaire, çonlrifruyi.t, selon eux., à formelles grands
rué de la" Couture-Sâiple-Cathéri'ne'. génies; ils estimaient qu'effe était le premier
M. Durand, curé dé Hombùu,rg-là-Forte- effet de l'étude de la sagesse ils croyaient
resse m'a envoyé par M. de laïdur, com- que la justice, ,1a prudence et la force ne
missaire des guerres un certificat du 30 pôuvai.èn't .subsister sans là tempérance.
juillet dernier, par lequel il atteste que les Apollonius' de Tyane se conserva, dit-on,
nom'més Jean Diedrick et Anne Schel, ses pa- dans une brillante jeunesse par la lempé-
roissiens, ont chacun 105 ans, et paraissent' rance et la sobriété, jusqu'au delà de 130'ans.
jS'cïr leur bonne santé en devoir vivre bien Démocri.tc dut aux mêmes vertus de se
davantage il ajoute qu'Anne Durand sa voir a. 109 àns d'ans une santé parfaite.
gVajnd'mère, était décédée depuis p'eu après Diogène Laërce rapporte une circonstance
àvoïr.achevé 108 années. parlipuliere dé sa fin'; savoir^ qu'à la prière
Philippe Herbelot demeurant à Paris de .s'a scéuVjil se çô'nserva les trois derniers
cloîtré Saint-Nicolas du Louvre, est un autre jours de sa. vie, ne se nourrissant que par
m'àcrol)je vivant; son extrait baptistère, dû- là seule odeur des pains chauds.
m'ent légalisé, prouve qu'il a 112 ans accom- Polydànias, ce. fameux athlète de ïhessa-
plis, étant né le 1'" janvier 1602 à Doulevant, liè'qûi arrêlait un char tiré par des chevaux
près'.Jbin ville en Champ'agne. lancés, et qui étrangJa un lion sur le mont
On assure qu'il y a dans les Cévenncs uiV Olympe'; Milôri.de Crotoné, qui portail un
macrobié de 1Ï0 ans' qui, par son grand' bœuf sur. son dos; Thèagène, qui courait,
âge, s'est cru exempt de toute imposition tenant, une statue de bronze de sa hauteur:
on ajoure que tes tra'ifanls n'ont pas eu l'in- tous ces .hommes rqb'u'stes n'avaient d'autre
humanité de faire persécuter une aussi' rcs- secret que la'. tempérance pour se conserver
pectable vïciïiesfs'é; dans une force capable de les conduire à la
X. Femmes de l'antiquité qui oû't beaucoup plus longue vie. Ils se préparaient à jouir drs
vécu. honneurs d'un misérable triomphe en s'abs-
tenant de tous les .plaisirs'; ils se condam-
Les1 sibylles, suivant le quatrième livré dés naient aû^régime le plus austère pour se
M'ét'ani'o'rphô'sésVvécurent chacune au moins procurer dés forces ceux* qui courent dans
sept siècles ;,nous avons dit que cette d'E'ry- la liçç s'abstiennent dé tout, dit saint Paul.
thrécavàil été p;lus loin. ïertulli.en ajoutait que ces. athlètes, pour
Ûa' siBylle dç'Samôs, qui vivait en'l'a-n 3300' rcdoûfifèr leur vigueur, étaient continents
dû' mondé, n'avait d,ué 50,!) ans au temps de et sobres jusqu'à la contrainte, à la vio-
Nù'ma, second roi de Rome. lence (et aux tourments; ils nç mangeaient
Tcrcnfia, ÔU'e dé Cicéron' parvint a Tâge q"ùe dés choses sèçfiesj insipides', dures, et
d"c 103 ans'. s'imposaient une abstinence qui allait jus-
Claudia' Elle d'Ôffilius après avoir été qu'à là macération'.
quinze fois hônoréedu titre de' mère, ne unit' GuiiraùmePôstel.a'e Normandie, fut si tem-
s.i carrière qç'à 115 ans- pérant, qu'il' porta sa< vie au delà. de 100
Gal'ena'.CppMôla Ëmbbîarîa à 10£ ans. ans on le surnomma l'Abîme de science du
Sammûlla' Vécut 110 ans. xv. ou du xvi- siècle;, il possédait les langues
Ludttya, comédienne^ jouai! encore à 100" si éminemment, qu'il pouvait faire le (our
ans a'voc applaudissements. du monde sans interprète..Sa réputation fut
Pausaiifas ilit que Tanagra, femme dé Pé- ternie par lés absurdités et les hérésies qu'il
maiid'ér vécut si Vieille, qu'un l'appelait soutint; car il était orgueilleux. C'est lui
gran'd'nièrç par excellence. qui avança que tes femmes n'avaient pas
303i DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 1032
/ttÂ~*nft
été rachetées du précieux sang de Jésus- vine, agréable à Dieu, amie de la nature; il
Christ. l'appelait fille de la raison, mère de toutes
De Thou fait mention, sous l'an 1566, les vertus, compagne de la chasteté; il disait
de Louis Cornaro, ayant plus de 104 ans, qu'elle était gaie sans évaporation, modeste
sain de corps et d'esprit, lorsqu'il mourut à sans contrainte, sage sans artifice, et réglée
Padoue, le 26 avril de celte année, dans son dans toutes ses entreprises; il la publiait
fauteuil, sans douleur, par la seule défail- l'appui de la vie, la conservatrice de la santé
lance de la nature. Peu de md^s auparavant et le plus puissant secours d'une bonne cons-
il avait perdu son épouse, qui n'était guère titution il lui donnait pour fondement les
moins âgée. lois les plus saintes; il assurait que son
Sa- tempérance et sa sobriété étaient usage chassait les intempéries de la réplé-
telles, qu'en vingt-quatre heures il ne pre- tion, la véritable cause de tous nos maux.
nait que douze onces de nourriture solide Il remarquait enfin que le bonheur et le
et quatorze de toute boisson. repos qui suivent la sobriété nous invitaient
Ajmesurequeson âge avançait, H diminuait à l'acquérir; que sa beauté nous y engageait,
insensiblement ce peu d'aliments, jusqu'à ne parce qu'elle nous offrait la durée de notre
prendre à chacun de ses deux repas qu'un être, et conservait notre vie.
jaune d'oeuf, encore le partageait-il en deux En effet cette vertu si rare enseigne au
sur la fin de sa vie, trouvant sa chaleur riche à se servir modestement de son opu-
moins forle', à mesure qu'il avançait vers lence au pauvre à couler sans murmure les
son terme tant il est vrai que la nature temps durs de la nécessité; aux vieillards
est simple; qu'il lui faut peu de choses pour l'art de vivre; aux jeunes celui de jouir de
la soutenir; et que la perfection qu'elle donne la vie. tlle épure les sens, fortifie le corps,
à ses ouvragés ne dépend que d'un fonds de illumine l'esprit, redouble la mémoire, éclaire
sagesse, qui, par une même conduite, rem- la raison, embellit l'âme; elle nous dégage
plit une infinité de vues. des liens qui nous attachent trop à la terre,
Par une attention aussi sage, il se con- et, nous élevant au-dessus de nous-mêmes,
serva toujours sain et vigoureux; son es- nous rend de nouveaux hommes à mesure
prit n'éprouva aucune diminution ses yeux qu'elle nous procure de nouveaux jours de
et ses oreilles restèrent sans altération et travail pour mériter la vie nouvelle de l'éter-
ce qui semblera hors d'apparence, sa voix nité.
s'entretint si nette, si étendue, si sonore et Lessius, en vue de sa santé, s'imposa une
si belle, qu'il chantait à cent ans avec une aussi sévère abstinence; le succès lui parut
douceur pleine d'harmonie. Il vérifiait les si favorable, qu'il entreprit de montrer qu'à
paroles de l'Ecclésiastique; le Saint-Esprit y l'aide de cette vertu on avait vu, dans tous
a dit que l'abstinent prolonge ses jours. les temps et dans toutes les conditions,
11 faut entendre l'abstinent qui se gouverne nombre de personnes vivre leur siècle; elles
avec prudence, les maladies provenant d'une n'imitaient pas apparemment l'athlète Bu-
diète outrée n'étant pas moins dangereuses thus, qu'Hésychius de Milcl rapporte, qui
que celles qui sont causées par la réplé- mangeait un bœuf dans un repas.
tion. Ce Buthus était bien éloigné du sentiment
Cornaro, à 83, à 86, 91 et à 98 ans, écrivit de Plutarque, que T/rajan fit consul ce Béo-
quatre traités sur la sobriété et sur le jeûne tien dans son livre de la conservation de
volontaire qu'il pratiquait depuis l'âge de 36 la santé désapprouve les viandes, parce
ans; on n'y trouve que de la clarté, de la qu'elles causent des crudités qui fournissent
force et du bon sens; tout y suit l'opinion de un. levain assuré aux maladies; opinion que
saint Jérôme, lorsqu'il a dit que le jeûne était Gallien a confirmée dans son ouvrage sur les
n,on-seulemcnt une vertu parfaite, mais en- aliments du bon ou du mauvais suc; il y
core la base de toutes les vertus. écrit que l'on jouira d'une santé parfaite
Cet illustre Vénitien disait que la nature tant qu'on aura soin d'éviter les crudités,
se contentait de peu; que ce qui excédait le ajoutant que le grandjemède contre tous les
nécessaire n'était qu'une source de maladies maux est la sobriété, la tempérance et-la
qui nous rendait vieux avant d'avoir eu le tranquillité.
plaisir d'être jeunes; et qu'à peine un siècle Cardan nous assure que le jurisconsulte
donnait des rides et de la caducité aux per- Panygarole différent de celui qui fut évêque
sonnes sobres; que la chair des animaux d'Asti,'se conserva sans incommodités plus
était inutile à la santé; et qu'un ou deux re- de 90 ans par la sobriété et par un travail
pas en vingt-quatre heures, de pain, de modéré;- il prenait seulement 28 onces de
fruits, d'herbes, de racines, de légumes et de nourriture par jour; 2 onces au delà de Cor-
laitages, avec de l'eau ou très-peu de vin, naro, qui vécut néanmoins davantage, bien
suivant le conseil de l'Ecclésiastique, suffi- qu'il prit moins d'aliments; il avait lu ces
saient à ceux qui ne comptaient pas leur mots dans l'Epydimion d'Hippocrate Le plus
ventre au nombre des fausses divinités; qu'il sûr moyen de préserver la santé est de
avait peine à concevoir que des personnes, manger sans se rassasier et de travailler
abusant de leurs richesses, s'exposassent à avec modération comme font les pauvres;
mourir de trop manger, pendant qu'une mul- ces gens-là sont moins malades de disette
titude d'infortunés tombaient chaque jour que les riches, ne le sont d'abondance.
dans l'affreuse nécessité de mourir do faim. Les solitaires de la Thébaïde dans la basse
il nommait la sobriété une inclination di- Egypte vivaient de 4 et 5 dattes en 24 heu-
1033 LON .ON :iO34
res, bien que les arbres de'leurs retraites les Rrfprtinon
d'avril et de mai perfectionne tellement la
fournissent avec profusion. nature par son baume vital, qu'elle peut
Ces modèles en austérités n'avaient peut- réparer les tempéraments usés, rappeler la
être pas étudié saint Basile il nous apprend fécondité et rendre en quelque manière la
qu'il ne faut pas accabler le corps de ma- jeunesse.
nière qu'on lui ôte les forces nécessaires à Lucien, déjà cité, dit que les Sères du
remplir ses devoirs; la Providence veut qu'on Cathaï par la bonté du climat, et parce
satisfasse ses justes besoins pour l'entretenir qu'ils ne boivent que de l'eau, vivent 300
et le ménager. ans, et les Athotes de Grèce 130 les Chal-
C'est ce qui obligea l'Eglise, dans le second déens un peu moins:. ces derniers mangent
siècle, à condamner les montanistes ils vou- du pain d'orge Lucien prétend qu'il éclair-
laient qu'on observât trois carêmes, avec les cit la vue et rend les sens plus vigoureux.
xérophagies de la semaine sainte c'étaient Antoine Pigafetta, remarque qu'au Drésil,
d'es jours où l'on jeûnait avec du pain et du dans le territoire de Verzine, on y arrive à
sel, et où l'on ne buvait que de l'eau on y 140 ans.
ajouta peu après des légumes, des herbes Louis Barthema assure que, dans l'Arabie
ou quelques fruits; les esséens au rapport Heureuse, on y voit ordinairement l'âge de
de Philon,se contentaient de joindre de l'hys- 120 ans.
sope à leur pain. Onésicrite d'Egine, historien oculaire des
Et pour faire voir que le jeûne n'est pas guerres d'Alexandre vers l'an 400 de Rome
si nuisible que nous le pensons, même ac- rapporte que, sous la zone torride il y a des
compagné d'une retraite, d'un silence et peuples dans ces mêmes Indes orientales
d'une macération continuelle tels que l'ob- qui sont hauts de 5 coudées, faisant 7 pieds
servent les chartreux et les chartreuses on et demi,lesquels vivent 130 ans sans vieillir.
trouve par les mémoires de cet ordre qu'en Ctésias raconte que ceux des Pandores
1524 dom Jean Briselance, profès du Val- qui habitent les vallons vivent 200 ans ils.
Dieu au Perche, après 78 ans de profession, ont cela de contraire aux autres hommes
y mourut à 101 ans que leurs cheveux sont blancs dans leur
Qu'en 1559 dom Jean-Edmond Clavel, jeunesse et noirs dans leur vieillesse.
profès de Bonnefoi en Vivarais y demeura Pomponius Mêla écrit comme Lucien,
90 ans, et ne cessa de vivre qu'à 111 ans que ceux qui demeurent près le mont Athos,
Qu'en 1593- dom Corneille profès de que Xerxès fit couper, pour s'ouvrir un pas-
Sainte-Sophie près Bois-le-Duc, y vécut 96 sage en Grèce du côté de la Macédoine vi-
ans, et ne finit ses jours qu'à 118 ans vaient deux fois plus que les autres peuples
Que vers 1610 dom Percheron, profès du de la terre.
Mont-Dieu près Sedan, parvint 105 ans Dans les montagnes de Yucatan vers le
Qu'en 1516 domne Michelle de Mon- Mexique, la vie est très-longue ainsi que
torsier, professe de Gannay près Béthune, y dans celles de l'Arabie où l'âge centenaire
arriva à 118 ans; est commun il en est ainsi dans celles de la
Qu'en 1574 domne de Marsoniias pro- .Laponie ctdcla Norwégc, où la plus extrême
fesse deSalette, fondée pour des filles nobles vieillesse porte toujours les cheveux noirs.
vers 1291, par Humbert 1" du nom, prince A l'occident d'Ecosse, dans les lies Hébri-
du Dauphiné, et par Anne son épouse, des, la vie des insulaires est d'une si longue
mourut. 103 ans, après 85 ans de religion durée, qu'on assure que les habitants ont la
Et enfin qu'en 1625 domne Isabelle de cruauté d'y faire mourir ceux qu'ils esti-
Bergues professe de la même chartreuse de ment, après 150 et 200 ans inutiles au
Gannay, y mourut à 101 ans, dont elle en monde par leur extrême caducité.
avait passé 83 dans les saintes austérités de Les lieux d'une élévation raisonnable et
sa règle. dans une exposition où l'air est pur, avec
l'eau claire et légère, sont très-salutaires
XII. Climats où l'on parvient à une extrême
vieillesse. pour la longue vie; les situations des mai-
sons royales de Saint-Germain de Meudon
L'Inde orientale selon Pline et Solin et de Saint-Cloud sont si heureuses qu'à
nourrit des peuples qui vivent 400 ans parce peine y voit-on des malades quand les envi-
qu'ils se nourrissent de vipères; ce reptile, rons en sont remplis.
qui sort entier du ventre de sa mère, et non L'abbé de Vertot.de l'académie royale des
en œuf, comme les autres reptiles, est sou- Inscriptions a fait le plaisir à l'auteur de
verain pour substituer des esprits dans les ceci, de lui communiquer ses lumières sur
corps affaiblis, ou qui en sont dénués; la vi- l'Atlantica du fameux Rudbeck.
père effectivement est remplie de sels vola- Cet auteur qui professait dans l'univer-
tils, qui sont alkalis raréfiants, sudorifiques sité d'Upsal, en Suède, nous apprend que les
et apéritifs; c'est l'un des sels les plus salu- descendants de Japhet,troisième fils de Noé,
taires, les plus subtils, et les plus propresàpu. passèrent dans cette contrée septentrionale;
rifier le sang; Charas a écrit de ses propriétés que l'air y est si favorable que les hommes
spécifiques, et avant lui Francesco Reddi, et y arrivent ordinairement à la plus extrême
Pandolphe Collenuccio ces auteurs remar- vieillesse.
quent que l'essence de ce reptile, ou 1 once Il assure qu'outre la fécondité qui permet
de son eau prise chaque matin à jeun pen- d'y voir 20 et 30 enfants d'une même mère
dant 15 jours, tous les ans, surtout au mois on a connu par les extraits baptistaires e,t
PjÇTIÇrWAlHRPflS SCIENCESOCCULTES,[., 33
10*3 DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. 1036
mortuaires, envoyés à Rudbeck par l'évêque lons Philibert second, dit le Beau, comte
d'Arosen, ou de Westeras, son frère, conte- de Brescia, et premier duc de Savoie, mou-
nant seulement les 73 premières années du rut pour avoir bu trop frais, l'an 1504. Il est
xvir siècle, que dans l'étendue de 12 parois- donc certain que les 120 ans de la prétendue
ses, il s'était trouvé 232 hommes, dont plu- restriction de nos jours, ne tombaient préci-
sieurs avaient 140 ans, et les autres 90. sément que sur la durée du monde jusqu'au
Que deux particuliers y étaient parvenus, déluge, et non pas. également sur la vie do
l'un à 156 ans et l'autre à 160; que ce der- tous les hommes.
nier avait vu la septième génération et que XIV. Sentiments de Salomon sur la mort.
dans ces mêmes paroisses il y avait eu plus
La mort est une suite du péché le Christ
-de 860 personnes âgées de 70 et de 80 ans;
a été envoyé pour en être le destructeur et
qu'il n'était pas surprenant en Suède de voir
des gens de 100 ans; et que dans la seule la mort de la mort même elle doit marcher
devant lui pour justifier cequ'cn a dit le pro-
ville d'Dpsal, le gouverneur et l'aïeul mater-
nel de Rudbeck approchaient de ce terme, phète Habacuc au chapitre troisième de son
cantique l'auteur de la vie ne se réjouit vé-
lorsqu'ils cessèrent d'y vivre à 98 et à 99 ritablement
ans. pas dans la destruction de son
ouvrage.
XIII. La vie de l'homme n'a jamais élé bor- Salomon pour marquer combien la longue.
née 70, 80; ni 120 ans, selon les théolo- vie est prépieuse devant Pieu, ajoute que là
giens vieillesse est la couronne du grand âge; elle
rend les cheveux blancs vénérables, ils don-
Les exemples devant de personnes qui ontt nent du poids à nos avis, de la confiance à
vécu au-delà de 100 ans, et qui même ont
nos desseins, de l'espoir nos entreprises et
passé plus de 2 siècles, font voir que le dé- de la préférence à nos actions
cret des 120 ans ne tirait à aucune consé- levez-vous,
dit le Dieu d'Israël, devant ceux qui ont les
quence pour le terme de la vie de tous-les cheveux blancs, et honorez la personne du
hommes en général, en dépit de toutes les^
vieillard.
disputes et de tous les écrits que cette ma- Si nous en croyons les anciens, la mort
tière a fait naître en Hollande.
était une divinité qu'ils adoraient, comme la
Ce point fatal de nos jours avait autrefois
fait dire à saint Thomas d'Aquin, que Dieu plus implacable des déesses ils la faisaient
ne trouble jamais l'ordre naturel des choses fille de la nuit et sœur du sommeil quel-
ques-uns l'estimaient l'une des trois Par-
que lui-même a établies, qu'il les veut et
les voit de la même manière qu'elles doivent ques on l'honorait à Lacédémoue les Phé-
niciens lui avaient élevé un temple dans l'île
être selon la nature qu'il leur a donnée; les
choses contingentes les de Gadira, aujourd'hui Cadjx; on lui sacri-
contingemment fiait un coq; sa robe était semée d'étoiles, et
choses nécessaires, nécessairement.
Le sixième chapitre de l'Apocalypse dé- ses ailes étaient noires.
On la représentait sans yeux, pour ne pas
clare que Dieu a donné pouvoir à la mort de
moissonner le genre humain les uns sont voir la beauté, les richesses el Jfl gloire, qui
enlevés par le glaive; 1,100,000 âmes périrent eussent pu la fléchir, la corrompre et la sé-
dans Jérusalem assiégée et prise par Titus, duire on la dépeignait sans oreilles, afinn
le 8 septembre de la seconde année de l'em- qu'elle fût sourde aux vo3ux, aux prières
et aux soupjrs on la.faisail paraître sans
pire de Vespasien. On dit que Jules César
tailla eh pièces 1,200,000 Gaulois avant de ,entrailles, pour être insensible à la douleui',
aux souffrances el l'affliction et l'on ar-
subjuguer leur patrie. mait ses cruelles mains d'une longue faux,
La mort tue par la famine. On pria l'em-
avec ces paroles qu'elle prononçait Je n'é-
pereur Honorius de permettre d'égorger les
vieillards, les femmes et les enfants, et de pargne personne.
mettre le prix sur leur chair exposée dans Les chrétiens sont ceux pour qui la durcie
les boucheries de Rome, pour essayer d'ef- de ce terrible arrêt n'eut jamais rien cie trop
facer l'opprobre de la faim, comme dit Ezé- effrayant pénétrés des vérités qui leur ont
chiel. appris que la vie passe aussi vile qu'une
fleur, coule. ainsi qu'une ombre, et s'évanouit
Lorsque Bénadab, roi de Syrie, assiégeait comme la fumée; ils savent que la seule
Samarie, capitale de Joram, roi d'Israël, du
mort les fera jouir de l'immortalité, pour la-
temps d'Elisée, 901 ans avant Jésus-Christ,
on y vendait la tète d'un âne 80 sicles, fai- quelle l'homme avait été créé. Quelle diffé-
sant 120 livres de nos monnaies; et deux rence entre la fin des païens qui terminait
femmes convinrent de mangerleurs tout leur bonheur, et celle des chrétiens qui
enfants, commence toute leur félicité I
et en mangèrent un en effet. Uneaussi déso-
lante èxlrèmîlé se fit éprouver au siége de XV.j?,« rajeunissement, et s'il est pos-
Jérusalem dont ont vient de parler. sible.
La mort enfin enlève une multitude de Rajeunir, c'est rentrer dans cette belle
créatures parles maladies et par les bêtes qui saison qui nous donne les agréments et les
-dévorent ou qui blessent. forces de la jeunesse.
On meurt encore par l'usage immodéré de Il est inutile de traiter ici la question que
-certains -aliments, ainsi qu'il arriva à Albert lant de savants ont agitée, pour savoir si
d'Autriche, à Frédéric III, et à Henri VII, Tart pourrait être porté jusqu'à ce poiirl
empereurs, pour avoir trop mangé de me- d'excellence, de rajeunir un vieillard on
*të?î LON LON 1053
sait combien Paracelse s'estvanlé que par. II y a des singesrnc dans
f~~nc leIn mont Caucase
qui
son mercure de vie, il lui était possible de vivent de poivre, dont ils font la récolte pour
métamorphoser une vieille en'jeune, aussi les habitants; la chair de ces animaux est
bien que de changer le fer en or; lui- un médicament souverain pour le lion, qui
même cependant qui promettait aux autres s'en guérit et qui rajeunit lorsqu'il en mange.
les années des sibylles, la longue vie des Le cerf que l'histoire de nos rois marque
cerfs, ou tout au moins les 300 ans lii; avoir été pris dans les forêts vers Sentis, sous
Nestor, cessa de vivre âgé d'un peu plus de Louis VI, dit le Gros, mort en 1037, avait
37 ans. éprouvé plusieurs rajeunissements depuis
Regarderons-nous cependant la nature, si Jules César. Cet empereur régnait environ
admirable dans ses ouvrages, comme une quarante ans avant la naissance de Jésus-
marâtre, et ne la croirons-nous capable que Christ. Il n'est pas impossible qu'en passant
d'é'.ouffer ses productions presque au mo- à la conquête d'Angleterre, alors dite Albion,
ment qu'elle les aura mises au jour? Cet il eût fait donner un collier à cet animal:
instinct qu'elle donne à toutes les créatures Ces mots y furent trouvés, d'un caractère
pour leur conservation lui manquera-l-il ? assez conforme au temps de la république
et, serait-il possible qu'elle pût refuser à César m'a fait ce présent. On y voyait, par la
l'homme, pour qui tout a été créé, ce qu'elle supputation des années, que ce cerf avait
accorde aux cerfs (1), aux aigles, et aux vécu près de douze cents ans (si ce n'était
serpents? On leur voit en effet quitter tous pas un autre César).
les ans les tristes apanages de leur caducité, Ceux qui ont écrit sur l'éléphant avancent
pour se revêtir des agréments de la jeunesse qu'il va jusqu'à trois siècles. Le Ceylan, lo'
la plus vive, la plus gracieuse et la plus bril-
royaume de Siam (2), où se trouve le fameux
lante. éléphant blanc qu'on y sert dans des vases
Dieux cruels 1 s'écriait Tibulle, qui dé- d'or, et le royaume d'Achem, dans l'île de Su-
pouillez les serpents d'e leurs vieilles années, matra, produisent les plus renommés. Le roi
qui, arrêtant la fluide rapidité de leurs jours, d'Achem fait rendre à ces animaux des hon-
retardez leur fin, et leur restituez les tendres neurs incroyables; on assure qu'ils ont assez
charmes du plus bel âge, pourquoi nous re-
d'esprit pour y être sensibles. Leur docilité
fusez-vous la même faveur? à l'instruction égale leur génie on en amène
Sentiment que Rimer a soutenu dans la un nombre devant le trône de diamants du
même idée de Tibulle; il se plaignait avec Mogol, les cinq jours que dure sa fête, qui
lui que la condition de l'homme fût moins commence à celui de sa naissance crs élé-
favorable que celle de plusieurs animaux phants, superbement parés, saluent profon-
ils portaient tous deux envie au rajeunisse- dément l'empereur, baissant trois fois leur
ment des serpents. trompe et la relevant sur leur tête, poussant
Effectivement, on ne trouve pas que l'art en même temps un grand cri d'allégresse.
soit encore parvenu à ce degré de perfection Passant de l'éléphant au cheval, l'histoire
capable de rajeunir l'homme; mais ce que le nous apprend que, dans le commencement
passé n'a point vu, l'avenir le pourrait trou- du neuvième siècle, Raoul, roi de Bourgogne,
ver ce prodige serait d'autant plus à espé- qui avait usurpé la couronne de France sur
rer, que la nature l'a opéré plusieurs fois Charles le Simple, fils de Louis le Bègue, roi
dans nombre de personnes que l'histoire et empereur, reçut l'hommage d'un duc de-
rapporte. Gascogne, lequel était monté sur un cheval
Il n'y aurait ainsi qu'à observer la ma- âgé de cent ans, qui était encore assez vigou-
nière dont elle fait de si étonnants miracles, reux. Disons en passant que le cheval est le
pour exécuter ensuite avec succès une aussi seul des animaux de la terre dont la perfec-
agréable métamorphose; l'art, par ce moyen, tion consiste à participer de l'homme, du
parviendrait certainement à ce que l'on a vu lion, du bœuf, du mouton, du mulet, du cerf,
de temps en temps arriver à plusieurs. Le du loup, du renard, du serpent et du lièvre,
premier moyen est un bon tempérament, prenant trois qualités de chaque de l'hom-
comme Moïse, dont il est dit que, pendant me la poitrine, la coupe et les crins; d*ulion
cent vingt ans qu'il vécut, sa vue ne baissa. le maintien, la hardiesse, la fureur; du bœuf
point.' l'œil, la narine, la jointure; du mouton le
Le cerf, l'aigle, l'épervier et le serpent ra- nez, la douceur, la patience; du mulet la
jeunissent Aldrovaridus traite du renouvel- force, la constance au travail, et le pied du
lement de l'aigle. Des oiseaux du ciel, entre cerf la tête, la jambe, le poil court; du loup
lesquels Pline dit que le corbeau et-le phénix la gorge, le col et l'ouïe; du renard l'oreille,
vivent chacun six cents ans, ce renouvelle- la queue, le trot; du serpent la mémoire, la
ment a passé aux animaux de la terre; per- vue, le contournement; et enfin du lièvre ou
sonne ne doute que le cerf ne répare sa ca- du chat la course, le pas et la souplesse.
ducité par l'usage des vipères et des serpents. Et pour venir des animaux terrestres aux
Le même Pline assure que, plus de cent ans l'an 1497, dans un étang de
aquatiques,
après Alexandre de Macédoine, on prit des Souabc, près d'Huilprin en Allemagne, on
cerfs auxquels ce prince avait fait mettre des
pécha un brochet d'une grandeur prodi-
colliers d'or, qui se trouvèrent recouverts de ce poisson portait à l'une de ses.
leur peau. gieuse
peau.
(1) C'estune opinionque chaqueaiméele cerf rajeunit (2) Relationdu chevalierde Chaumont,ambassadeurde
en quittant son bois,l'aigte ses i>lumes,et le serpent sa Franco,a Siam,en 1687
1039 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 1040
oreilles un anneau de cuivre; ces caractères t.ion d'une fontaine qui rétablissait les vieil-
latins s'y lisaient lards dans leur vigueur.
Je suis le premier poisson mis dans cet Pierre Chicza rapporte de semblables mi-
les mains de Frédéric Il, gouver- racles d'une fontaine située à Lucaya dans
étang par
neur du monde, le 5 octobre 1230. l'Amérique; c'est peut-être sur les admi-
Ce brochet paraissait avoir vécu 269 ans, rables vertus de pareilles eaux qu'a paru
sans ce qu'il eut pu vivre s'il n'eût pas été le proverbe d'aller à la fontaine de Jou-
vence.
pêché, et si ce récit est sincère.
Lé crocodile, selon Marmot, est encore un Le Campus Elysius d'Arejes cite André
animal aquatique qui vit très-longlemps. On Baccius, liv. VI, chap. 28 de Thermis, qui
en juge par ses forces, un seul s'étant dé- rapporte que l'ile d'Euboé, aujourd'hui Né-
fendu contre Irenle hommes; par sa grau- grepont, dans l'archipel de la Grèce, avait
deur on en a vu de trente-trois pieds de lon- une fontaine qui changeait la vieillesse en
gueur par sa grosseur, on en a trouvé dans jeunesse.
la gueule desquels un homme eût pu se tenir Au nord de Napoli de Romanie dans la
debout. On ajoutera que sa chair odorifé- Morée, près des ruines de l'ancienne Nau-
rante parfume les lieux où l'on en fait la plion, voisine d'Argos, on voyait autrefois la
ce qui pourrait encore contribuer célèbre fontaine nommée Canathus. Pausa-
dissection
à sa longue vie. nias dit que la déesse Junon s'y baignait
Des animaux de la terre le rajeunissement tous les ans il assure que les eaux de cette
est descendu jusqu'aux reptiles; le serpent source rétablissaient, dans cetteépouse de Ju-
renouvelle le cerf se renouvelle en quit- piter, ce que le temps, qui use tout, pouvait
qui
tant sa vieille peau on en peut déduire que, apporter de dommages à sa jeunesse. Ce fat
la nature se rajeunissant dans l'ordre infé- ce qui engagea les femmes du pays à y al-
rieur des productions de Dieu, il n'est pas ler en pèlerinage, supposé que Pausanias
hors d'apparence que le même prodige se ne nous en veuille pas faire accroire.
puisse trouver dans l'ordre supérieur de ces Valescus Tarentatius parle d'une abbesse
mêmes productions d'où l'homme a été tiré; de Morvédro, autrefois Sagonte, .au royaume
car enfin l'homme n'est pas de pire condition de Valence en Espagne; sa décrépitude fut
les bêtes qu'il devait dominer. convertie en brillante jeunesse, ses dents
que
Il est certain quo le secret du rajeunisse- redevinrent blanches, ses cheveux noirci-
ment serait l'art de trouver au moins la lon- rent et s'épaissirent, les rides de son front
vie; il faut pourtant convenir qu'elle disparurent; elle fut une seconde fois jeune.
gue
pourrait s'acquérir sans son secours; la na- Ferdinand Castenade et Mafféi assurent
ture peut donner à un seul homme autant unanimement qu'un noble Indien rajeunit
de jours qu'elle en donne à plusieurs ainsi trois fois pendant trois cent quarante ans
qu'elle a donné, par exemple, à des géants qu'il vécut.
autant dé stature qu'il en eût fallu pour for- Torquemada montre qu'en 1531, à Ta-
mer les corps de trois hommes raisonna- rente, ville du royaume de Naples un vieil-
bles. lard âgé de cent ans rajeunit un reste de
on mauvais cheveux tomba et il lui revint une
Moïse rapporte que de son temps voyait
le lit de fer d'un géant, lequel avait neuf tête naissante, en sorte qu'il se sentit re-
coudées de longueur, ou treize pieds et demi, nouvelé, et vécut encore cinquante ans.
sur six de largeur; cette taille était bien Pierre Martyr cite un autre vieillard, qui,
différente de celle de ces pygmées du détroit pour se procurer une longue vie, se baignait
de Magellan, ou de ces Lapons de Suède qui dans une fontaine, dont, ayant bu quelque
n'onl guère de haut que trois pieds et demi. temps, il parut jeune et frais se maria et
eut des enfants.
De semblables nains eussent pris pour un Le roi de Cambayc aux Indes orientales.
colosse cette Secundilla, qui vivait sous Au- prit dans ses troupes un habitant de Ben-
guste. Solin, dans son recueil des choses gala, âgé de trois cent trente- cinq ans qui
mémorables remarque qu'elle avait dix avait un fils très-vieux, s'il faut en croire la
pieds de- hauteur; et l'Hercule thébain, que physique curieuse de Gaspar Scot.
ses trente-sept travaux ont rendu si célèbre, Lorichius nous apprend qu'un homme
n'avait que sept pieds de taille, selon le même dans une maladie, perdit ses cheveux blancs,
écrivain1 sa barbe, et jusqu'à sa vieille peau. Sa sur-
XVI. –xDcs hommes et des femmes que l'on prise fut très-agréable quelques mois après,
croit avoir été rajeunies. voyant renaître sa chevelure blonde, et une
légère barbe, avec une peau de la plus
0 vide çonlcle rajeunissement du vieil Eson, vive fraîcheur.
qui était père de Jason, roi de Thcssalie, que Aulu-Gelle dit qu'une femme nommée Vic-
Médéo nimait. A sa prière, elle employa sa toria, à l'âge de quatre-vingts ans, perdit
science à'ce rajeunissement. Eson fut enve- ses mauvaises dents avec ses cheveux blancs;
loppé daiis une quantité d'aromates et d'her- dans la suite, les plus belles dents et les plus
bes chaudes, arrosées de liqueurs spécifi- beaux cheveux lui revinrent il est à sou-
ques et ce fut par le moyen de leurs sucs haiter que ces auteurs ne nous trompent pas
que Médéc lui fit recouvrer sa première jcu- en écrivant des événements si flatteurs.
posse. Pline a remarqué plusiéurs personnes très-
L,e quatrième livre d/Hërodoie fait mon» âgées, à qui les dents étaient revenues il
1041 LON LON 1042
ajoute que
ajoute c sur leurs léles les cheveux blancs ces reptiles QnD un
dans mi lAnnait
tonneau à l'effet île leur
avaient aussi cédé la place aux plus beaux couper aussitôt la tête et la queue puis les
cheveux noirs. ayant écorchés, un les trempera dans du vi-
Postel, dont nous avons parlé étant par- naigre, et on les frottera de sel avec une
venu à la plus grande vieillesse, vit ses che- étoffe rude ensuite les ayant mis' par mor-
veux et sa barbe changer du blanc au noir. ceaux, on tes jettera dans une grande marmite
Ces exemples prouvent le rajeunissement avec une demi-livre de fleurs de romarin, de
possible, d'où l'on pourrait espérer de très- fenouil, de calamanthe et d'anet, autant des
ongues années, pour qui découvrirait la unes que des autres et l'on y ajoutera
rare inventiontheureuxen même temps ceux une demi-livre d'herbes de cumin la mar-
qui jouiraient avec sagessedes choses de lu vie. mite étant aux deux tiers pleine d'eau pure,
Les gens, à la vérité, qui tranchent sur on la fera doucement bouillir jusqu'à la cuis-
toutes choses, qui font les génies sublimes son des vipères.
et qui ne trouvent rien sans le contester, Alors on y versera une quantité de fro-
affectent d'être incrédules sur de pareils pro- ment bien nettoyé, et suffisante à la nourri-
diges de la nature ils lui disputent son pou- ture des poules, pendant les jours arrêtés
voir et ne veulent pas qu'elle puisse opérer on fera cuire ce blé jusqu'à ce qu'il se soit
des choses si surprenantes. rempli de la qualité de ces reptiles, couvrant
la marmite pour y mieux conserver leurs
XVII. Méthode d'Arnaud de Villeneuve,
pour opérer le-grand œuvre du rajeunisse- esprits, et la tenant élevée sur un trépied où
elle agira également à feu doux jusqu'à ce
ment.
que tout s'épaississe en cas de besoin on y
Arnaud de Villeneuve, médecin en France, pourra remettre de l'eau.
vers la fin du xm» siècle avait apparem- La marmite ôtée de dessus le feu, on éten-
ment lu les rajeunissements dont nous venons dra ce blé pour le sécher dans un, lieu bien
de parler ils lui donnèrent envie d'inventer aéré, crainte decorruption,.et quoique chaud
une méthode pour parvenir à de tels prodi- on en donnera aux poules, leur en faisant de
ges, sans aller dans les pays éloignés, où se petites pelotes avec du son que l'on pétrira
sont trouvées les heureuses et favorables fon- dans le bouillon.
taines qui y ont le plus contribué. Pour cet Ces poules ainsi engraissées pendant un ou
effet il a laissé à ses plus intimes le secret du deux mois, la personne en mangera tous les
grand œuvre qu'il avait imaginé. jours une on la fera cuire seulè dans une
Il veut qu'on renouvelle cetteoRuvrc admi- quantité d'eau nécessaire à faire deux assiet-
rable tous les sept ans sur les corps naturel- tes de potage. On fera ce potage avec un pain
lement sains et bien organisés quant à ceux de farine purede froment, bien fait et de deux
qui sont trop ou trop peu resserrés, il ordonne jours au plus.
qu'on les tempère par l'usage d'une once de A souper, on ne prendra qu'un potage,
moelle de la meilleure casse, prise en entrant comme à diner, avec le reste de la poule, ou
à table une fois par semaine, et trois fois avant denx ou trois œufs frais bouillis dans l'eau, à
de commencer sa méthode; la casse étant fa- l'ordinaire, que l'on mangera avec un peu
vorable, suivant ce médecin, contre toutes de ce pain, buvant du vin blanc bu du clai-
les humeurs viciées. ret, à cause de leur légèreté.
Dès le premier jourdel'opération on mettra Cette opération est plus salutaire aux mois
sur le cœur, pendant le sommeil, un emplâtre d'avril et de mai, à cause du renouvellement
d'une once de safran oriental d'une demi- de la nature. Lorsque les jours en seront
once de roses ronges, de deux gros de santal achevés, on se baignera trois fois dans une
de pareille couleur, d'un gros de bois d'aloès, semaine, de deux jours l'un, dahs une eau
et d'autant de bon ambre ces drogues très- claire et tiède, où l'on aura mêlé une décoc-
pulvérisécs s'incorporeront avec une demi- tion de fleurs de. romarin, de sureau, des
Uvre de cire blanche, et se malaxeront dans deux sthécas, de camomille, de mélilol de
une quantité suffisante d'huile rosat. Au ré- roses rouges et de nénuphar, de chacune
veil on lèvera cet emplâtre pour le rouler, une livre; on y joindra des racines de bis-
afin de l'enfermer dans une boite de plomb torte, de brionne, de coulevrée, d'aùlnée, de
jusqu'au moment de s'en resservir en entrant patience et d'iris, de chacune une poignée,
au lit. nette et concassée, le tout mis dans un sac
Cette œuvre consiste ensuite à vivre quel- de toile de lin, et bouilli une ou'deuxonde*
que temps de poules préparées d'une certaine dans un grand chaudron plein d'eau de
manière; les tempéraments sanguins pen- rivière.
dant 16 jours, les flegmatiques durant 25, et Le bain se prendra à jeun et jusqu'au cou,
les mélancoliques pendant 30. et l'on s'y assiéra sur le sac de fleurs pour
Par cette raison on aura autant de poules y rester une heure au moins ce sac servira
que le tempérament l'indiquera; on les mettra seul aux trois bains.
dans un lieu spacieux où l'air soit pur et Sortant de l'eau, on avalera un gros do
l'eau claire, et dans lequel il n'y ait ni her- bonne thériaque dans six cuillerées de vin
bes ni autres choses à manger pour qu'elles infusé de fleurs de romarin et de cumin, cl
ne puissent être. nourries que de l'aliment l'on se mettra dans un lit tiède pour y repo-
destiné. ser et dormir.
Cet aliment se fera avec autant de bonnes S'il survenait une sueur, on la soutiendra
viuères qu'il y aura de poules; ou fouettera comme l'effet favorable de ce remède et
1045 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 1044
après avoir reposé, sué et dormi, on mangera rayons du soleil et l'eau-de-vie céleste, on
modérément selon l'appétit. par le jus de citron.
Pour achever cette opération, on usera au La quintessence des perles, si utile à for-
moins pendant douze jours de la confection tifier le principe de vie contre les venins.
qui suit, après s'être baigné. 'La quintessence de t'ambre gris pour la
Ayez quatre onces de chaux d'or, dissous santé (et non pour les parfums), laquelle"
philosophiquement, bois d'aloès, bois des trois augmente notre chaleur sans l'enflammer, et
santaux, semences de perles, saphirs, hya- la fomente sans la résoudre; elle relève les
cinthes, émeraudes, rubis, topazes, corail forces abattues des vieillards par l'esprit
blanc et rouge, baume très-pur, rapure d'i- universel dont elle est remplie.
voire, des os du cœur du cerf, de chacun un La quintessence du sucre (dont Isaac,
demi gros; ambre et musc des meilleurs, six hollandais, nous a laissé la pratique), et qui
grains de l'an et autant de l'autre. est si favorable à tous les tempéraments il
Pulvérisez le tout d'une manière impalpa- la prétend souveraine contre l'hydropisie,
la phthisie et la consomption, ainsi que dans
ble, et l'incorporez avec conserves de citrons,
de bourrache et de romarin, de chacune une l'épilepsie et les accouchements.
La quintessence de miel composé de
once; ajoutez-y une livre de sucre fin pour fleurs et de rosée, laquelle renferme en elle
former ce condiment avec du sucre rosat,
un esprit véritablement céleste.
autant qu'il en faudra pour mettre cette con-
fection dans un vase du porcelaine ou de La teinture de l'or naturel, réduit par cette
opération à l'huile véritable pu teinture
fayence que l'on couvrira bien. d'or.
lien faut prendre les matins àjeuncllessoirs De toutes ces essences ou teintures, on
en se couchant environ une demi-cuillerée,
et l'on connaîtra dans peu le prix de cette œu- compose ensuite le diaphoron, dont parle
vre rare pour réparer la caducité la plus Barthélemy Korodorfer dans ces termes
« Il serait difficile d'expliquer les vertus
décrépite. du diaphoron contre toutes sortes de maux.
Cet art merveilleux de rétablir la nature « Si l'on en mêle par dose avec notre °eau
n'est pas dans le volume in-folio des ouvra- dorée, on aura une très-vigoureuse santé.
ges du célèbre Arnaud de Villeneuve, impri- « Il est le baume de la vie, et a fait des
més à Lyon et à Bâle au quinzième siècle; miracles.
il est dans un ancien manuscrit latin, tombé « Un roi des gentils en a conservé ses
dans le dix-septième à M. du Poirier, pre- jours jusqu'à trois cents ans.
mier médecin de l'hôpital général de Tours; « Je m'en suis rétabli moi-même, et aussi
qui le prêta à M. l'abbé de Vallemont, au un mien ami, âgé de 89 ans, si bien, que
château de la Bourdaissière, en Touraine, le- nous étions comme à vingt ans.
quel l'a communiqué à l'auteur de ce traité. « J'en ai donné à des mourants une demi-
XVIII. Des choses qui peuvent prolonqer cuillerée ils sont revenus et se sont bien
notre vie. portés. »
Le savant M. de Corniers d'Ambrun nous
Ces choses sont des quintessences qui se a donné des règles pour la longue vie; on en
tirent des animaux, des minéraux et des vé- pourrait joindre la pratique aux secrets
gétaux. dont on vient de parler.
La perfection de ces quintessences con-
siste dans leur préparation; elle est si diffé- Règles pour la longue vie
rente dans les opérations, que souvent ces II faut qu'une bonne constitution puisse
essences ne semblent pas êlre une même donner lieu à de très-longs jours.
chose tirée du même principe. Que l'humeur radicale et la chaleur natu-
L'essence, par exemple, des vipères con- relle soient d'accord d'où natt le tempéra-
serverait la santé bien des années si elle ment sanguin, le plus favorable de tous.
était véritablement travaillée selon l'art Que dans un corps bien organisé il se
cette essence est bien plus salutaire que la trouve un esprit sain, gai et sage.
poudre des mêmes vipères, qui renferme Que l'on ne mange que pour vivre et ja-
toute leur matière terrestre. mais jusqu'à être rassasié.
L'essence de myrte préserve de corrup- Qu'on agisse médiocrement, pour tenir lo
tion jusqu'aux choses inanimées. corps dans une activité raisonnable.
L'huile balsamique du soufre, laquelle, Que l'on vive chastement, si l'on veut vi-
au dire de Paracelse, ne laisse corrompre vre longtemps.
aucune chose morte ou vivante; elle fait Que l'on s'abstienne de manger diverses
toujours du bien et jamais de mal, selon viandes et de boire différentes boissons dans
Fioramenti lorsqu'on a philosophiquement un même repas, de crainte que les sucs hêtô
extrait le sel, la teinture et l'huile essen- rogènes ne se nuisent dans l'estomac par
tielle de ce soufre, on procède ensuite à l'o- leurs qualités contraires.
pération de son huile balsamique. Que l^on brise parfaitement ce que l'on
L'huilede mars ou devilriol,extraitedesou mange. La mastication est une première di-
sel et de son huile, rectifiés et cuits ensemble, gestion elle se fait par l'humeur acide qui
produisent l'huile fixe de mars, dont les ver- sort des glandes salivales, proche les dents
tus ue sont pas connues de tout le monde. oculaires la mastication, la digestion et la
La vraie teinture de corail, tirée par les distribution des aliments font en nous uue
im LON LON. 1040
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1 ^h««n
espèce de chimie imperceptible, sans laquelle que son usage en boisson ayant été. intro-
nous ne pourrions subsister. duit en Amérique, les peuples y ont, ainsi
Que dans les repas on mange alternative- que nous, abrégé leur longue vie. t
ment les choses humides après les sèches, Si, après le dormir, les forces, qui doivent
les grasses après les maigres, les douces en é!re rétablies, se trouvent abattues, on
après les aigres, et les froides après les aura recours à la sueur, pour soulager la
chaudes, afin que l'une puisse être le cor- pesanteur que causera trop de suc nutritif.
rectif de l'autre. Pour cet effet, on se tiendra immobile sur
Qu'après avoir bu plus qu'on ne doit ori les reins, dans des draps blancs et chauds,
mange du pain sec et que l'on prenne du jus entre deux lils de plumes, n'ayant que le
de citron, pour se délivrer dans le moment visage découvert, et l'on ne sortira du lit
du hoquet, que ta réplélion engendre aussi qu'une heure après avoir sué.
bien que l'inanition; qu'alors on se garde de On suera trois fois l'année dans l'au-
boire de l'eau-de-vie ni d'autres liqueurs tomne, dans l'hiver et dans le printemps, et
chaudes elles. sont pernicieuses après avoir l'on se fera frotter deux fois par semaine,
bu trop de vin. au moins, avec des linges chauds, pour exci-
Que l'on ne fasse aucun exercice violent, ter la transpiration, si nécessaire à la vie.
mais seulement jusqu'à la rougeur jamais Si l'on était dégoûté, on fera diète pendant
jusqu'à la sueur. vingt-quatre heures et l'on se promènera
Que dans une sueur extraordinaire on ne doucement au grand air, pour ranimer la
se découvre en aucune manière, et que l'on ehaleur naturelle, accablée par trop de suc
marche modérément, de crainte de se refroi- nutritif.
dir, buvant un peu de vin pur et non de Ce trop de suc nutritif, poussant avec vio-
l'eau, si elle n'est tiède, et goutte à goutte, lence le. sang au cerveau, y cause une pe-
pour éviter la pleurésie ou quelque rhuma- santeur qui souvent est l'avant-coureur de
tisme. l'apopl'exie. Les plus tendres rameaux des
Qu'en sortant du lit on ne s'expose pas à veines se rompent, et ce suc, en s'épanchant,
ta fenêtre non plus qu'au feu quand on presse les nerfs et empêche la distribution
vient- du froid, parce que tout changement des esprits. Fernel prétend qu'ils sont le vé-
trop prompt est dangereux. hicule de la chaleur naturelle; son extinc-
Que dans les nouveaux fruits on en mange tion donne la mort. On remédiera à cet in-
peu, afin que l'estomac s'y puisse accoutu- convénient en ouvrant Vaveine sans différer,
mer et soit ainsi délivré des fermentations, pour diminuer la cause, et faisant suer dans
d'où proviennent tant de fièvres périlleuses. le lit les veines du cerveau s'amolliront et
Que la boisson soit d'un peu de vin l'eau, s'étendront sans se rompre. Changer de lieu
prise dans le besoin, serait plus salutaire; dans ces instants n'est pas indifférent, sur-
la bonne est limpide, légère, sans odeur ni tout si, l'on fait passer le malade dans un air
saveur; elle provoque un sommeil doux; les plus doux et raisonnablement frais.
idées y sont nettes, à la différence des illu- La diète et la sueur sont ainsi une espèce
sions et des rêveries causées par les cha- de médecine universelle, «apable de préser-
leurs et les fumées du vin. ver nos corps et de leur acquérir une longue
>On doit à Néron l'invention de boire l'eau vie.
épurée après la distillation et rafraîchie par La diète ramène l'appétit; l'appétit, médio-
la glace. Cette liqueur naturelle, pure et crement contenté, augmente les forces; les
simple, dont nos premiers pères ont usé turces contribuent à, la santé, et la santé
pendant près de dix-sept cents ans est donne la vie.
capable de détruire cette pépinière' de vers La sueur dégage des mauvaises humeurs
qu'une corruption engendre dans l'esto- et soulage les obstructions, d'où procèdent t
mac de ceux qui mangent sans choix et toutes nos maladies.
sans mesure, bien souvent sans goût ni déli- Les pl'us violentes sont guéries par la
catesse. M. Perrault,de l'académie des Scién- sueur réitérée; elle n'est pas même inutile
ces, délivra par cet innocent remède une1 re- contre le tremblement des nerfs. On le gué-
ligieuse tourmentée d'un pareil accident rit aussi buvant pendant trois mois, entre les
tant il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'ê- repas, de l'eau dans laquelle on aura fait in-
tre médecin pour guérir un malade; fuser à froid de la petite sauge verte passée
Le dormir se: trouvant une tendre inven- sur le feu, à cause des. reptiles qui vont y
lion de la miséricorde divine pour réparer la chercher leur guérison par exemple, une
nature épuisée, M. de Comiers veut (comme poignée de cette plante dans deux pintes
disait Apollonius de Thiane à Phraortes, roi oVeaa de rivière bien épurée et froide, où tes
de l'Inde) que l'on ne d'orme pas du' bout des sel's ne se fixent pas et où ils restent volatils,
paupières, mais bien de la pensée c'est ce à la différence de l'eau chaude, où les sels se
qui n'arrive guère à. ceux qui usent immo- fixent et se soutiennent.
dérément du vin et des liqueurs où entre A cette manière prompte et simple de gué-
l'eau-de-vie, et, qui pis est, de l'esprit-de- rir, M. de Comiers veut qne l'on joigne une
vin. Quoique deux ou trois cuillerées d'eau- nourriture de très-facile digestion pour les
de-vie puissent fortifier l'estomac et aider la malades; elle se fait de bonnes viandes cou-
digestion de ceux qui s'oublient jusqu'à trop pées par petits morceaux, avec les os moel-
manger, et qu'elle soit en certaines rencon- leux cassés très-menus, et piles dans un
tres un topique excellent, on a remarqué mortier de marbre ces viandes cuites à feu
1047 D1CTI0NNÂIUEDES SCIENCESOCCULTES l.Oi»
lent seront passées dans un linge .blanc, et l'ayant filtrée par le papier, versez-la dans
de cette espèce de panade les malades use- un autre matras de verre à col long, et
ront pour aliment et boisson en la rendant mettez par-dessus autant de bon esprit de vin
à leur gré plus ou moins liquide. bien rectifié; les deux tiers du malras restant
Ceux qui voudront dans les bouillons faire vides, bouchez-le bien, mettez-le ensuite en
retenir les sels volatils des viandes, qui en digestion à chaleur lente pendant quelques
font la meilleure partie. se serviront de la jours, jusqu'à ce que l'esprit de vin ait tiré
machine de M Papin pour amollir les us toute la couleur de l'huile en teinture de l'an-
l'utilité en est parfaitement démontrée dans timoine, de manière que l'huile de nitre res-
l'impression de 1682 faite chez Micliallet. tera au fond très-claire et blanche, sur la-
XIX. De la médecine universelle. quelle surnagera l'esprit de vin, et séparez-
le par décantation l'huile de nitre servira
La diète et la sueur, que M. de Comiers a
des remèdes lui ont fait in- toujours à d'autres opérations pour tirer l'es-
pensé certains, sence de l'antimoine autant que l'on voudra.
venter une médecine universelle qui les aidât Mettez votre esprit de vin dans un alambic
et même les perfectionnât.
de verre, distillez-le doucement jusqu'à ce
Dans cette vue, son étude nous a décou-
vert la teinture orifique de l'antimoine, qu'il n'en reste au fond que la cinquième
qui retiendra la teinture de l'anti-
est le premier être de l'or; il le prétend si partie qui
à nos si le secret n'en moine, ou bien distillez tout l'esprit de vin,
homogène corps, que ne taissant au fond que l'essence de l'anti-
est pas infaillible, au moins lui sera-t-on moine.
obligé d'avoir essayé de nous procurer une
Vous aurez ainsi en liqueur la médecine
santé capable de nous faire arriver à la plus
universelle, qui guérira ou préservera de
longue vie, après notre immortalité perdue. tout mal.
Composition de la médecine universelle. La dose est de cinq à six gouttes dans da
Prenez sel de nitre raffiné; fondez-te len- vin ou du bouillon, selon l'indisposition.
tement dans un vaisseau de fer; étant fondu, Une dose plus forte ne peut nuire; les ma-
jetez dessus une légère quantité de charbon ladies se guérissent dans la troisième prise;
de bois doux (comme du saule) bien pilé; ce si le mal se rendait opiniâtre, on redoublera
charbon se consommera d'abord, ce qui la dose et l'on en prendra trois fois par se-
obligera d'en remettre peu à peu, jusqu'à ce maine.
que le sel de nitre après la détonation, soit Cette médecine guérit les maux internes
fixe, et qu'il ait une couleur un peu verdâtre; et externes, comme plaies et gangrènes,
c'est ce qui arrive lorsque' le charbon ne se l'appliquant dessus en forme de baume; elle
soulève pas cifmmc il faisait auparavant conforte la tête et l'estomac, étant un véri-
alors versez votre sel de nitre fondu dans un table or potable; elle opère par l'insensible
mortier de marbre bien chaud; élant re- transpiration, souvent par les sueurs et les
froidi, il restera blanc comme pierre d'albâ- urines, rarement par ailleurs et presque
tre, et cassant comme verre; pilez-le incon- jamais par le vomissement: son effet est na-
tinent, et étendez la poudre sur une assiette turel et sans violence, ce qui fait qu'on en
•le fayence, et l'ayant couverte contre la peut user à tout âge, pour toutes com-
poussière, exposez-la un peu penchée à l'air, plexions, et dans tous les temps.
mais dans un endroit où le soleil, la'pluie ni A cette médecine universelle, nous en join-
la rosée ne puissent pénétrer; mettez au- drons une pour réparer les forces abattues
dessous un vase de terre, pour recevoir la et guérir toute lassitude.
liqueur huileuse qui en coulera; car l'humi- Pour rappeler les forces.
dité de l'air résolvant le sel de nitre en quel- Mettez un coq sous une geolc; nourrissez-
ques jours, on trouvera deux fois plus pesant ,le 15 jours de bon froment, et laissez pro-
d'huile qu'il n'y avait de sel, si l'opération mener autour six poules avec un autre coq
se fait dans un temps doux, tempéré et hu-
très-jeune: il excitera celui qui sera renfermé,
mide. en sorte qu'il mangera de colère et de ja-
Celte huile étant rectifiée est un très-puis- lousie, ce qui l'enflammera; après les 15
sant dissolvant pour extraire l'essence de jours tuez le coq ancien, dislillcz-eu le sang.
toutes sortes de mixtes. versant trois fois l'eau qui sortira sur les lies;
Ainsi prenez quatre ou cinq parties de prenez cette eau distillée, mellez-y trois
cette huile rectifiée, avec une partie du meil- gouttes d'ambre gris, et en avalez une cuil-
leur antimoine, que l'on reconnaît par cer- lerée à jeun les matins pendant 15 jours.
taines rousseurs qu'il tire de l'or, près de la Voyez SECRET.
mine duquel il se forme; t'antimoine étant
LQOTA, oiseau qui dans l'opinion des
réduit sur le marbre en poussière très-fine, habitants des Iles des Amis,mange à l'instant
mettez-le dans un grand malras de verre et de la mort les âmes des gens du peuple et
versez l'huile de nitre par-dessus il faut que qui pour cet effet se promène sur leurs
les deux tiers du malras restent vides; bou- tombes (1).
chez si bien le matras, qu'il ne transpire LORAY. Voy. Oray.
point; mettez-le en digestion à feu doux, ou LOTERIE. La loterie doit son origine à un
à feu de lampe, jusqu'à ce que l'huile, qui Génois. Elle fut établie à Gênes en 1720, eu
surnage l'antimoine, paraisse de couleur France en 1758. Elle est supprimée depuis peu.
d'or ou de rubis; alors tirez votre huile, et Entre plusieurs moyens imaginés par les,
jl) Yopgeude CooU.
.«ii–
1049 LOU LOU ib:<.
visionnaires pour gagner à la loterie, le plus prédiction de l'astrologue en ( etait la cause.
commun était celui des songes. Un rêve, le fit venir devant
levant lui avec
ave le dessein de lo
sans que l'on en sache la raison, indiquait à faire jeter parla fenêtre. -Toi qui prétends
celui qui l'avait fait les numéros qui devaient être né si habile homme, lui dit-il, ap-
sortir au prochain tour de roue. Si l'on voit prends-moi quel sera ton sort?
en songe un aigle, disent les livres qui en- Le prophète qui se doutait du projet
seignent cette science, il donne 8, 20, 46. Un du prince lui répondit Sire, je prévois
ange, 20, 46, 56. Un bouc, 10, 13, 90. Des que je mourrai trois jours avant votre ma-
brigands, 4, 19, 33. Un champignon, 70, 80, jesté.
90. Un chat-huant, 13, 85. Un crapaud. 4, Le roi le crut, et se garda bien de le faire
46. Le diable, 4,*70, 80. Un dindon, 8, 40, mourir. Du moins tel est le conte et on
66. Un dragon, 8, 12, 43, 60. Des fantômes, en a prêté beaucoup à ce roi si bizarre.
1, 22, 52. Une femme, 4, 9, 22. Une fille, 20, LOUIS XIII roi de France, né en 1601
35, 58. Une grenouille, 3, 19, 27. La lune, mort en 1641, surnommé le Juste'parce qu'il
9, 46, 79, 80. Un moulin, 15, 49, 62. Un ours, était né sous le signe de la Balance; mais il
21, 50, 63. Un pendu, 17, 71. Des puces, 45, mérita ce surnom. Lorsqu'il épousa l'infante
57,83. Des rats, 9, 40, 56. Un spectre, 31,43, Anne d'Aiitricho, on prouva, dit Saint-Foix,
74, etc. qu'il y avait entre eux une merveilleuse et
Or, dans cent mille personnes qui met- très-héroïque correspondance. Le nom de
taient à la loterie, il y avait cent mille rêves Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce
différents, et il ne sortait que cinq numéros prince avait treize ans quand le mariage fut
de plus, aucun système ne se ressemblait. résolu il était le treizième roi de France du
Si Caglioslro donnait pour tel rêve les nu- nom de Loys. Anne d'Autriche avait aussi
méros 11, 27, 82, un autre indiquait des nu- treize lettres enson nom son âgeélaitde treize
méros tout opposés. ans, et treize infantes du même nom se trou-
Secret pour gagner d la loterie vaient dans la maison d'Espagne. Anne et
Loys étaient de la même taille leur con-
Croirait-on que les livres de secrets mer- dition était égale il étaient nés la même
veilleux donnent gravement ce procédé ? 11 année et le même mois.
faut avant de vous coucher réciter trois fois LOUIS XIV. Voy. ANAGRAMMES.
la formule qui.va suivre; après quoi vous la LOUIS DE HONGRIE. Peu de temps avant
mettrez sous votre oreiller, écrite sur un la mort de ce prince, arrivée en 152C, comme
parchemin vierge; et pendant votre som- il dtnait, enfermé dans la citadelle de Bude,
meil le génie de voire planète vient vous on vit paraître à sa porte un boiteux mat
dire l'heure où vous devez prendre votre vêtu qui demandait avec grande instance à
hillet, et vous révéler en songe les numéros. parler au roi. Il assurait qu'il avait des
Voici la formule choses de la dernière importance à lui com-
« Seigneur montrez-moi donc un mort muniquer. On le méprisa d'abord, et l'on ne
mangeant de bonnes viandes, un beau pom- daigna pas l'annoncer. Il cria plus haut et
mier ou de l'eau courante, tous bons signes protesta qu'il ne pouvait découvrir qu'au roi
et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou seul ce dont il était
chargé. On alla dire à
Barachiel qui m'instruisent des nombres Louis ce qui se passait. Le prince envoya le
que je dois prendre pour gagner; par celui plus apparent des seigneurs qui étaient au-
qui viendra juger les vivants et les morts et près de lui, et qui feignit d'être le loi il de-
le siècle par le feu. » manda à cet homme ce qu'il avait à lui
Dites alors trois Pater et trois Ave pour dire. Il répondit Je sais que vous n'êtes
les âmes du purgatoire. pas le roi mais puisqu'il méprise de m'en-
LOUDUN. Pour la possession de Loudun, tendre, dites-lui qu'il mourra certainement
vîyez GRANDIER.L'histoire des diable3 de bientôt. Ayant dit cela, il disparut, et le roi
Loudun est l'ouvrage d'un calviniste très- mourut en effet peu après (2).
partial, pour ne pas dire très-menteur. LOUISE DE SAVOIE, duchesse d'Angou
LOUIS 1", surnommé le Débonnaire, fils lême, mère de François I", morte en 1532.
de Charlemagnc, né en 778, mort en 840. Elle avait quelques préjugés superstitieux
Les astrologues jouirent, dit-on, d'une grande et redoutait surtout les comètes. Brantôme
faveur à sa cour. raconte que trois jours avantcsa mort, ayant
A l'article de la mort, on raconte qu'au aperçu pendant la nuit une grande clarté
n. ornent où il recevait la dernière bénédic- dans sa chambre, elle fit tirer son rideau
tion, il se tourna du côté gauche, roula les et fut frappée de la vue d'une comète. Ah 1
yeux comme une personne fâchée et pro- dit-elle alors, voilà un signe qui ne parait
féra ces mots allemands hutz, hutz (dehors, pas pour une personne de basse qualité;
dehors) Ce qui fit conclure qu'il s'adres- refermez la fenêtre. C'est une comète qui-
sait au diable, dont il redoutait les appro- m'annonce la mort; il faut donc s'y pré-'
ches (1). parer.
LOUIS XI roi de France né en 1423 Les médecins l'assuraient néanmoins
mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la qu'elle n'en élail pas là. Si je n'avais vu,
mort d'une personne qu'il- aimait, et cette dit-elle, le signe de ma mort, je le croirais,
personne étant morte en effet, il crut que la car je n« me sens point si bas.

(J) M,Garjnei,Hist. de la magieen France,p. il (2) Leunclaviiis,Pjrincciseliiât.turcic«etsuric«,p.59


liai DICTIONNAIREDES SCIENCESOCCULTES. ios'*
~t Ino
Cette comète n'est pas la seule qui ait les moyens pour reconnaître les bons et les
épouvanté Louise de Savoie. Comme elle se mauvais et chasser les démons; aussi est
promenait dans le bois de Romorantin la traité des extases et ravissements de l'es-
nuit du 28 août 1514, elle en vit une vers sence, nature et origine des âmes, et de leur
l'occident et s'écria Les Suisses les état après le décès de leur corps; plus des
Suisses 1 magiciens et sorciers; de leur communica-
Elle resta persuadée que c'était un aver- tion avec les malins esprits; ensemble des
tissement que le roi serait en grande affaire remèdes pour se préserver des illusions et
contre eux (1). impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas
LOUP. Chez les anciens Germains et chez Buon, 1605, 1 vol, in-4-°.
les Scandinaves le diable ou le mauvais Ce volume singulier est dédié Deo optimo
principe était représenté par un loup énorme maximo il est divisé en huit livres, comme
et néant. l'annonce le titre qu'on vient de lire. Le pre-
A Quimper, en Bretagne, les habitants mier contient la définition du spectre, la ré-
mettent dans leurs champs un trépied on un futation des saducéens, qui nient les appari-
couteau. fourchu, pour garantir le bétail des tions et. les esprits; la réfutation des épi- ·
loups et autres hétes féroces (2). curiens qui tiennent les esprits corpo-
Pfine dit que si un loup aperçoit un homme rels, etc.
avant qu'il en soit vu, cet homme deviendra Le livre second traite, avec ta physique duu
enroué et perdra la voix; fable qui est restée temps, des illusions de nos sens, des prestiges,
en vigueur dans toute l'Italie. des extases et métamorphoses des sorciers,
En Espagne, on parle souvent de sorciers d.es philtres. •
qui vont faire des courses à cheval sur des Le hoisième livre établit les degrés, char-
loups, le dos tourné vers la tête de la bêle, ges., grades, et honneurs des esprits les his-
parce qu'ils ne sauraient aller autrement à- toires de Philinnion et de Polycrite, et di-
cause de la rapidité. Ils font cent lieues par verses aventures de spectres et de démons.
heure; car ces loups sont des démons. La Dans le livre suivant, on apprend à quelles
queue de ces loups est raide comme un bâ- personnes les spectres apparaissent; on y
ton, et il y a au bout une chandelle qui parle des démoniaques, des pays où les.
éclaire la route. spectres et démons se montrent plus volon-
Il n'y a pas un homme à la campagne qui tiers. Le déçaoi* de Socrate, les voix pro-
ne vous assure que les moutons devinent à digieuses, les- signes merveilleux, les songes
l'odorat la présence du loup; qu'un troupeau diaboliques lç> voyages de certaines âmes
ne franchira jamais le lieu où l'on aura en- hors de leur corps tiennent place dans ce
livre. ;•
terré quelque portion des entrailles d'un
loup; qu'un violon monté avec des cordes Le cinquième traite de, l'essence de l'âme,
tirées des intestins d'un loup mettrait en de son origine, de sa nature, de son éla*.
.fuite tout le bercail. Des hommes instruits et après la mort, des revenants.
sans préjugés ont vérifié toutes ces croyances Le li,vre sixième roule tout entier sur L'ap-
et en ont reconnu l'absurdité. Kirker a ré- parition des âmes; on y démontre que les
pété à ce sujet des expériences démonstra- âmes des damnés et des bienheureux ne re-
tives il a même poussé l'épreuve jusqu'à viennent pas mais seulement les âmes qui
suspendre un cœur de loup au cou d'un mou- s.ouffrent en purgatoire.
ton, et le pacifique animal n'en a pas moins Dans le septième livre, on établit que la
brouté l'herbe (3). Voy. Oraison DU LOUP, pythonisse d'Endor fit paraître un démon
ERREURSPOPULAIRES,etc. sous la ligure de l'âme de Samuel. Il est traité
LOUP GAROU ou LYCANTHROPE, en ce livre de la magie, de l'évocation des
homme ou femme métamorphosé en loup par démons, des sorciers, etc.
enchantement ou sorcellerie. Le dernier Uvre est employé à l'indication
Voy. Lycan-
thkopie. des exorcismes, fumigations, prières et autres
LOUV1ERS (POSSESSIONDE). Yoy. Picard. moyens anli-diaboliques. L'auteur, qui a
LOYER (Pierre, le), sieur de la, Brosse, rempli son ouvrage de recherches et de
conseiller du roi, au siège présidial d'Angers, science indigérée,, combat le sentiment ordi-
et démonographe, né à Huillé dans l'Anjou, naire qu'il faut donner quelque chose au
pn 1550, auteur d'un ouvrage intitulé Dis- diable pour le renvoyer.
cours et histoires des spectres, visions et ap- « Quant à ce qui est de donner quelque
paritions des esprits, anges, démons et âmes, chose au diable, dit-il, l'exorciste ne le peut
se montrant visibles aux hommes; divisé <;n faire, non pas jusqu'à un cheveu de la têtc,
huit livres, desquels, par les visiuns mer- non pas jusqu'à un brin d'herbe d'un pré
veilleuses et prodigieuses apparitions ave- car la terre et tout ce qui habite en elle ap-
nues en tous les siècles, tirées et recueillies partient à Dieu. »
des plus célèbres auteurs tant sacrés que LUBIN. C'est le poisson dont le fiel ser-
profanes est manifestée la certitude des vit au jeune Tobie pour rendre la vue à son
spectres et visions des esprits, et sont baillées père. On dit qu'il a contre l'ophthalmie une
les causes des différentes sortes d'appari- grande puissance, et que son cœur sert à
tions d'iceux, leurs effets, leurs différences, chasser les démons (4).
(1) M. Weiss,Biographieuniverselle. • (t) Leloyer, Hist.des spectres ou apparit. des esprits,
(2) Voyageau Finistère, t. III, p. 35. Hv.VIII, p. 835.
(ôj Saignes,Des Erreurs et des préjugés 1.1", p. 9
»053 LUG v LUL 4034
LUCtëSME,
LUCESME, démon invoqué dans les lita-
lila- funèbre ne se fait entendre que la nuit; ce
pies du sabbat. qui le fait respecter des naturels, qui sont
LUCIEN, écrivain grec dont on ignore l'é- persuadés qu'il est chargé de leur apporter
poque de la vie et de la mort. On a dit qu'il des nouvelles des morts. Léry voyageur
fut changé en âne, ainsi qu'Apulée, par les français, raconte que, traversant un village,
sorciers de Larisse, qu'il était allé voir pour il en scandalisa les habitants pour avoir ri
essayer si leur'art magique était visible; de de l'attention avec laquelle ils écoutaient le
sorte qu'il devint sorcier. cri de cet oiseau. Tais-toi, lui dit rude-
LUCIFER, nom de l'esprit qui préside à ment un vieillard-, ne nous empêche pas
l'orient, selon l'opinion des magiciens. Lu- d'entendre les nouvelles que nos grands-
cifer était évoqué le lundi, dans un cercle pères nous envoient.
au milieu duquel était son nom. I! se con- LULLE (Raymond), l'un des maîtres le
tentait d'une souris pour prix de ses com- plus souvent cite de la philosophie herméti-
plaisances. On le prend souvent.pour le roi que, et l'un des savants les moins connus
des enfers. Lucifer commande auxEuropéens du moyen- âge. Nous emprunterons ce, que
et aux Asiatiques. Il apparaît sous la forme nous allons en dire 'à un travail très- remar-
et la figure du plus bel enfant. Quand il est quable de M. E.-J. Delécluze.
en colère, il a le visage enflammé, mais ce- « Raymond; Lullo dit-il, fut le dernier
pendant rien de monstrueux. C'est, selon des grands chimistes du treizième siècle qui
quelques démonographes, le grand justicier étudia la science avec bonne foi et désinté-
des enférs. 11 est invoqué le premier dans ressement. A compter de 1330 à peu près, les
les litanies du sabbat. dupes et les fripons commencèrent à se mê-
LUCIFERIENS, nom donné aux partisans ler de la transmutation des mêlaux les uns
de Lucifer, évoque schismatique. de Cagliari, dans l'espérance de produire de l'or, les au-
au quatrième siècle. tres pour faire accroire qu'ils possédaient le
LUCUMORIENS, sujets du czar de Mosco- secret du grand œuvre, et bientôt l'alchimie
vie, qui, à l'instar de la marmotte depuis devint à la mode dans toutes les classes de
le mois d'octobre jusqu'à la fin du mois d'a- la société. Cependant l'engouement général
vril suivant, demeurent comme morts, au cessa peu à peu ,cl la chimie, qu'Arnaud' de
dire de Leloyer (1). Villeneuve et Raymond Lulle avaient lancée
LUDLAM sorcière fée ou magicienne dans une si bonne voie, ne fit plus de pro-
très-fameuse, dont les habitants du comté de grès jusqu'au commencement du xvir siècle.
Surrey, en Angleterre, placent l'habitation. Entré Raymond Lulle et Bernard Palissy,
dans une caverne voisine du château de Farn- cette science resta à peu près slatiounaire.
ham, connu dans le pays sous le nom de Lu- « Raymond Lulle naquit à Palma, capitale
dlam's Hole, caverne de la mère Ludlam. La de l'ile Majorque. Lorsqu'en 1231 lt; roi d'A-
tradition populaire porte que cette sorcier* ragon Jean ou Jayme I" assembla les corlès
n'était point un de ces êtres malfaisants qui et tit connaître à ses vassaux le dessein qu'il,
tiennent une place distinguée dans la démo- avait de chasser les Maures de l'île de Major-
nologie; au contraire, elle faisait du bien à que, un certain Raymond Lulle, père du chi-
tous ceux qui imploraient sa protection d'une miste, du docteur illuminé, qui nous occu-
manière convenable. Les pauvres habitants- pe, se présenta pour faire partie de cette
du voisinage, manquant d'ustensiles de cui- expédition, pendant laquelle il se distingua
sine ou d'instruments de labourage, n'avaient en effet par sa-bravoure. Après la conquête
qu'à lui manifester leurs besoins, ils la trou- et l'expulsion des Maures, Jean d'Aragon fit
vaient disposée à leur prêter ce qui leur était la vente d'es terres. Raymond-Lulle en acheta
nécessaire. L'homme qui voulait avoir un de une assez grande quantité et s'y établit. Re-
ces meubles se rendait à la caverne à mi-. vêtu d'emplois honorables et lucratifs, il ne
nuit, en faisait trois fois le tour, et disait tarda pas à se créer des revenus considéra-
ensuite Bonne mère Ludlam, ayez la bles, ce qui t'engagea à faire venir d'Espa-
bonté de m'envoyer telle chose; je vous gne sa femme,, dont ta couche avait élé jus-
promets de vous la rendre dans deux jours. que-là stérile, et d'ont il eut un fils en 1235.
Cette prière-faite, on se retirait; le lende- «L'éducation d'e cet enfant se ressentit de
main, de grand matin, on retournait à la ca- la position où se trouvaient son père et touto
verne, à l'entrée de laquelle on trouvait la sa famille. Quoique spirituel et fort intelli-
chose demandée. gent, il apprit peu de choses, et céda do-
Ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne bonne heure à toutes les fantaisies et aux
se montrèrent pas toujours aussi honnêtes désordres que pouvait se permettre impuné-
qu'elle un paysan vint la prier une fois de ment le fils d'un des conquérants de l'île a
lui prêter une grande chaudière, et la garda, qui des dépenses folles ne coulaient rien.
plus longtemps qu'il ne l'avait promis.La mère Cette vie oisive et désordonnée inspira des
Ludlam, offensée de ce manque d'exactitude, inquiétudes à son père, qui lui fit contracter
refusa de recevoir sa chaudière lorsqu'on la un mariage brillant dans l'espoir de l'amener
lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge à une conduite plus régulière. Le jeune Ray-
en ne se prêtant plus à aucune des demandes mond, qui, en raison des services rendus à
qu'on lui fait (2). Jean d'Aragon par son père avait été fait
LUGUBRE, oiseau du Brésil, dont le sri sénéchal de l'île et majordome du roi, épousa
(1) Lcloyer, Hist.des spectresou apparit, de? esprits, (2) M.Noël, Dictionnairede la Fable.
|iv. IV,p 453,
>-V:
JÔtô DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 10SS
une noble et richehérilièro, nommée Cathe- neuf années qu'il passa sur la montagne de
rine Labots, dont il eut trois enfants, deux Randa, il s'était déjà livré à la composition
fils et une fille. Malheureusement les so:ns de plusieurs ouvrages importants, puisque
de la famille n'apportèrent aucun change- après avoir fait un court séjour à Montpel-
ment dans la conduitc.de Raymond Lulle, et lier, il vint, à l'âge de trente-neuf ans, à Pa-
il n'en passait pas moins son temps à dissi- ris, où il publia différents traités de philo-
per une partie de sa fortune en bals, en fê- sophie, de médecine, d'astronomie el d'autres
les et en banquets. sciences.
« Converti ( à la suite d'une vision qui le « Raymond Lulle, dans sa cinquante-sep-
frappa dans son sommeil) il se sépara de tièine année, -avait atteint un âge où le corps
sa femme et de ses enfants après avoir dis- et l'esprit de la, plupart des hommes devien-
posé d'une partie de ses biens pour l'entre- nent ordinairement paresseux et stériles.
tien de sa famille, il en distribua le reste aux Cependant, grâce à l'énergie de son âme, et,
pauvres, et prit le parti de renoncer au mon- il faut bien le supposer, à la force de son
de. Ce grand événement dans la vie de Ray- tempérament ce ne fut qu'à dater de cette
mond Lulle eut lieu en 1267, lorsqu'il avait époque qu'il entra réellement dans la dou-
atteint sa trente-deuxième année. ble carrière de missionnaire et de savant
« Près des maisons élégantes dans lesquel- qu'il parcourut toujours avec tant de cou-
les il avait mené jusque-là sa vie dissipée, rage, et souvent avec supériorité.
était la montagne de Randa, dont il avait (1 Gênes parait avoir été pour lui le point
conservé la propriété et au sommet de la- central de ses opérations et de ses voyages.
quelle il se proposait de se retirer; mais, En quittant Tunis, il revint dans cette ville,
avant de se livrer à la retraite et à la péni- d'où, après quelques mois de repos employés
tence, il fit d'abord un pèlerinage à Saint- à perfectionner sa méthode, il partit pour
Jacques de Composlelle en Galice. A son re- Naples et y enseigna publiquement sa nou-
tour, et lorsqu'il se retira effectivement sur velle introduction aux sciences autre forme
le mont Randa, vêtu de l'habit des frères mi- dé son grand art.
neurs, et abrité seulement par une cabane « Cette époque (1263) fut marquée par un
qu'il avait construite lui-même, toute la ville événement très-important dans la vie scien-
de Majorque, sans en excepter les personnes tifique de Raymond Lulle. A Naples, où il
de sa famille, jugea qu'il était devenu fou, n'était venu que dans l'intention de répan-
et l'on ne fit bientôt plus guère attention à dre ses doctrines, il retrouva un homme fort
son nouveau genre de vie, auquel il se con- célèbre, avec lequel il avait eu déjà des re-
forma rigoureusement pendant neuf ans. lations à Montpellier et à Paris, Arnaud de
« Quoique dans cette retraite il eût de fré- Villeneuve, le plus savant chimiste de ce
quentes visions et qu'une bonne partie de temps. Il s'en fallait bien que Raymond
son temps fût consacrée à des devoirs reli- Lulle fût précisément étranger à l'art de la
gieux et à des actes de pénitence, cependant transmutation des métaux en lisant les
c'est du fond de cette cellule de Randa que auteurs arabes dans sa solitude de Randa,
Raymond forma le projet de travailler acti- il avait nécessairement acquis des connais-
vement à la conversion des infidèles, et sur- sances théoriques sur cette matière; mais il
tout des.sectateurs de Mahomet; c'est alors lui manquail la pratique, il n'était pas en-
qu'il commença à se livrer aux études gram- core ai-liste, lorsqu'un se trouvant avec Ar-
maticales et scientifiques qu'il regardait naud de Villeneuve à Naples, il prit goût à
comme indispensables à l'accomplissement cette science, se lia d'amitié avec le savant
de son vaste et hardi projet. En lisant les chimiste, reçut de' lui des conseils, et même,
livres des Arabes, les seuls où l'on puisât à ce que l'on dit, le secret de la transmuta-
alors la plupart des connaissances scientifi- tion des métaux et l'art de faire de l'or.
ques sur tous les sujets, Raymond Lulle se Quelles que soient l'importance et la réalité
familiarisa avec leur idiome, et acquit une de ces prodigieuses confidences, le résultat
érudition immense qui prépara son esprit à des entretiens scientifiques d'Arnaud de Vil-
s'occuper de toutes les matières, et le disposa leneuve avec Raymond Lulle à Naples fut
à embrasser l'ensemble des connaissances que le missionnaire devint aussi habile chi-
que l'homme peut acquérir. miste que son maître.
« Après neuf ans de retraite et d'études « On n'a sans doute pas oublié la distinc-
Raymond Lulle, sentant sa foi religieuse et tion que j'ai établie en commençant entre
ses connaissances scientifiques solidement les alchimistes et les chimistes. Raymond
affermies, crut qu'il était temps de se rendre Lulle était de ces derniers, et sans m'enga-
agréable à Dieu et utile'au monde en cher- ger ici dans une histoire dè la science lier
chant à mettre en pratique tout ce qu'il avait métique, je dois cependant pour faire con-
appris, tout ce qu'il avait conçu. Son idée naître le rang que notre missionnaire y
dominante, comme celle de tous les hommes occupe, indiquer les noms et les travaux des ·
distingués de cette époque, était de convertir hommes les plus distingués qui l'ont pré-
les infidèles de réfuter et de détruire les cédé dans les études chimiques depuis le
principes de l'Alcoran, et de répandre la foi vin* siècle.
chrétienne en opposant les vérités théologi- « Cette science déjà connue dans l'anti-
ques, soutenues par la démonstration scien- quité, fut transmise aux Européens par les
tifique, aux erreurs des enfants de Mahomet, Arabes. Le plus ancien chimiste de cette na-
« 11 est vraisemblable aue pendant les tion, parmi les véritables savants, est Gober,
1037 LUL LUL 1055
In ntiî finiiv\
qui vivait vers l'an 730 de notre ère. Il reste leurs, comme celle qui anima Roger Bacon
de lui un assez grand nombre d'ouvrages, et Raymond Lulle, lui faisait voir dans l'é-
dont les plus importants sont 1° Somme de tude des sciences physiques un moyen d'af-
la perfection du grand œuvre Summa per- fermir les bases sur lesquelles devait reposer
(ectionis magisterii; 2° Livres de la recher- la théologie, et une occasion d'augmenter et
che du grand œuvre, Libri investigatiunis de perfectionner les armes intellectuelles
magisterii; 3° enfin le Testament de Geber, destinées à combattre et à détruire les er-
philosophe et roi de l'Inde, Testamentum Ge- reurs de Mahomet.
bri philosophi et Indiœ regis. Le premier ou- « C'est donc sans étonnement que l'on doit
vrage traite de l'essence, des espèces diver- voir le nom de saint Thomas d'Aquin ad-
ses, de la sublimation et calcinutiou des joint à celui du chimiste Albert le Grand,
minéraux, des préparations qu'on peut leur dont il devint l'élève favori, lorsqu'il lui fut
faire subir et de l'emploi de ces corps dans confié à Cologne par Jean le Teutonique,
les opérations chimiques. Le second donne quatrième général de Tordre des domini-
une suite de recettes pour obtenir les sels cains. Sous ce maître, Thomas apprit non-
de toutes les substances minérales qui en seulement la théologie mais parcourut le
contiennent ou en produisent. Le troisième cercle des sciences, et se garda bien d'omet-
traite encore des sels, mais plus particuliè- tre la chimie.
rement de la calcination des métaux (1). « Roger Bacon, le moine anglais, contem-
« Rhazès médecin, chirurgien et anato- porain d'Albert, de Thomas et de Raymond
niiste, arabe de naissance, mort en 922 de Lulle, suivit la même direction qu'eux, et
notre ère tient encore une place éminente au nombre de ses écrits, tous destinés à con-
parmi les chimistes de son pays et de son solider la théologie et à combattre les doc-
temps. Il passe pour être le premier qui ait trines mahométanes, se trouve un traité de,
fait mention de l'eau-de-vic, arak. Son livre chimie, Speculum alchemiœ (2).
intitulé: Préparation du sel ammoniac, est « Alain, natif de l'Isle, dans les Pays-Bas,
cité par les savants comme une œuvre très- moine de Clairvaux et évêque d'Auxerre en
remarquable et dans le cours de ses traités 1151, surnommé le docteur universel, à cause
sur la médecine, on peut acquérir la conviè- de la variété de ses connaissances, cultiva
tion que ce célèbre praticien avait fait de également la chimie et s'occupa de la trans-
fréquentes applications de ses.connaissances mutation des métaux dans des intentions
chimiques à la pharmacologie. La nature pieuses.
de ses études l'avait également conduit à « Un seul homme en ce temps semble
s'occuper de la transmutation des métaux. s'être écarté du principe exclusivement reli-
» Vient ensuite, mais près de deux siècles gieux qui servit de règle à tous les autres
plus tard, Albert le Grand, issu d'une très- savants. Arnaud de Villeneuve, né en Pro-
noble famille et né à Lawingen dans le vence, mérita plus d'une fois les censures
duché de Neubourg, en Souabe, l'an 1193. de TEglise, cl risqua même d'être frappé de
Dès l'âge de vingt-deux ans, il était entré. ses foudres.
dans l'ordre des dominicains sa piété et sa « Le peu de détails que l'on ait sur les
vertu le firent nommer évéque de Ratisbonne relations scientifiques qui s'établirent entre
en 1260. Cet homme, dont les traditions po- ces deux hommes se trouvent épars dans
pulaires ont fait jusqu'à nos jours une es- les écrits de Raymond Lulle. Il dit, par exem-
pèce de thaumaturge et de sorcier, fut re- ple, dans celui de ses livres intitulé Mon
marquable au contraire par la profondeur Codicille: « Je crus témérairement qu'il me
de sa science et le calme de sa raison. Con- serait possible de pénétrer cette science
formément à la disposition de tous les es- (la
chimie) sans le secoursdepersonne, jusqu au
prits élevés de son temps, il s'appliqua aux jour où Arnaud de Villeneuve, mou maître,
études encyclopédiques et ne négligea pas me la fit connaître en me prodiguant tous les
la transmutation des métaux. Cependant son trésors de son esprit. » Dans le livre des -Ex-
principal ouvrage Des minéraux et des périences, on trouve encore ce passage « Je
substances minérales {De Mineralibus et re- n'ai pu fixer ces huiles, jusqu'à ce que mon
bus metallicis) forme, un traité dans lequel ami Villeneuve m'eût enseigné à faire celte
le savant expose et discute les opinions des expérience. » Mais le document de ce genre
chimistes de l'antiquité et de l'école arabe le plus curieux est la treizième expérience
avec une précision de critique et un calme du livre intitulé Experimenta. On lit en
scientifique qui ne justifient guère les légen- tête du chapitre Expérience treizième d'Ar-
des absurdes recueillies par ses biographes. naud de Villeneuve, qu'il me fit connaître à
Loin de se donner comme ayant des res- Naples, et le chapitre contient toutes les
sources surnaturelles et pour un inventeur opérations chimiques an moyen desquelles
de secrets, Albert le Grand guidé par l'ob- on obtient d'abord la pierre philosophale,
servation et esclave des expériences qu'il puis de l'or (3).
avait eu souvent l'occasion de faire dans son i<Mais revenons au récit de la vie de Ray-
pays si riche en mines fut au contraire un mond Lulle. Raymond avait obtenn, en 1311,9
savant plein de discrétion et de prudence, un deux succès importants, D'abord le pape Clé-
philosophe vraiment sage. Sa piété, d'ail- ment V, Philippe le Bel et Jayme H avaient
(1) Cestrois ouvragesse trouventdans la Bibliotliecq pag. 613.
fhimicucuriosa,de Mauget,loin. l", pag. 519-561. {3}VoyezBibtiotheçae/iim/cade .Mauget,tom. l", pur,
i2) Hse trouveûvish BilttiQllièqttedeMaugei,
lom. I* S'JSetsuir
1059
9 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 4000
établi des écoles pour les langues orientales;; prince ne foulait en faire usage que pour la
puis l'Université de Paris, par un acte au- cause sainte, tandis qu'au contraire Edouard,
thentique, adoptait et recommandait l'usage gouverné par des favoris et passant ses
de sa méthode et de ses doctrines. Aussi l'es- jours dans l'oisiveté et les délices ne pré-
poir de ruiner les doctrines de Mahomet et tendait user de la science du chimiste que
d'y substituer celles du çhristianisme était-* pour faire face à ses profusions. Dans ce
il devenu plus vif que jamais dans son conflit de passions si contraires le zèle du
cœur. missionnaire et la cupidité du roi, il est dif-
«A partirdecette époque, son existence dé- ficile de déterminer lequel des deux a été le
jà si aventureuse, va te devenir encore davan<- plus dupe mais ce que l'histoire rapporte
tage. Le théologien, le philosophe va nous et ce que Raymond affirme dans son Dernier
apparaître pendant dix-huil-mois (mars 131? Testament, c'est le succès d'une expérience
octobre 1313), comme un adepte de la qui tendait à convertir en une seule fois en
science hermétique, exclusivement occupé or cinquante mille pesants de mercure, de
de chimie et de métallurgie. plomb et détail) Converti in unu vice, in
« L'Université de Paris arbitre suprême mirum, ad L millia pondo argenti-vivi plumbi
alor^ par toutel'Etiropeen matièredescience, et sfanni.
avaitaccrusingulièrementlacélébrité du doc- « Edouard, beaucoup plus curieux de voir
teur illuminé, en approuvant ses doctrines. le résultat des opérations du chimiste que
Tous les souverains désiraient le voir et l'en- préoccupé de l'emploi sacré que le mission-
tretenir. Comme il était encore à Vienne, naire prétendait que l'on en fît, reçut Ray-
où se tenait le concile, il reçut des lettres mond Lulle en le comblant de caresses et
d'Edouard Il ou V (1), roi d'Angleterre, et d'honneurs. Jean Cremer, abbé de West-
de Robert Bruce, roi d'Ecosse, par lesquelles minster, contemporain de Lulle et qui
chacun de ces souverains l'invitait à se ren- çomme.l'ui, s'adonnait à l'élude de la chimie,
dre près de lui. Raymond Lulle, dont l'idée a laissé dans son Testament des détails sur
fixe était la conquête de la terre sainte et la cette réception (4). « J'introduisis, dit-il, cet
ruine de la loi. de Mahomet, se persuada, er| homme unique en présence du roi Edouard,
recevant les lettres flatteuses de ces deux qui le reçut d'une manière aussi honorable
princes,qu'ils voulaient se servir de lui pour que polie. Après être convenus ensemble de
combiner et entreprendre quelque nouveau ce qui devait être fait Raymond Lulle se
projet contre les infidèles de la Palestine. montra extrêmement satisfait de ce que la
Malgré ses soixante dix-sept ans, il passa divine Providence l'avait rendu savant dans
donc en Angleterre et se mit à la discrétion un art qui lui permettait d'enrichir le mi. Il
d'Edouard. La réalité de ce voyage a étécon-i promit donc au prince de lui donner toutes
testée par les aulcurs Espagnols, qui, en écri- les richesses qu'il désirerait, sous la condi-
vant la vie de Raymond, se sont efforcés de tion seulement que le roi irait en personne
faire croire qu'il ne s'était jamais occupé de, faire la guerre aux Turcs, que les (rés'ors ne
chimie; on ne peut cependant, à ce sujet, seraient employés qu'aux frais qu'occasion-
'concevoir aucun doute (2). Outre' les lettres nerait cette entreprise et que sans égard
du savant sur les opérations du grand œuvre,, pour aucun orgueil humain cet argent ne
adressées au roi Edouard en 1312 (3), il y a; servirait jamais à intenter des querelles aux
un passage d'un de ses livres intitulé Com~ princes chrétiens. Mais, 6 douleur ajoute le
pendium Iransmutationis animœ,où, en par- pieux abbé qui ne fut pas moins dupe que
tant de certaines coquilles'qu'il eut occasion son ami Lulle en cette occasion, toutes ces
d'observer, il dit .V idimus' ista omtiia dum promesses furent indignement violées.
ad Angliam transiimus propterintercessionem « Jean Cremer donna d'abord une cellule
domini régis Edoardi illustrissimi. J'ai vu; à Raymond, dans te cloître de t'abbaye de
.ces choses lorsque je passais en Angleterre, Westminster, d'où, dit-on, il ne se retira
d'après la prière que m'en avait faite le très- pas en hôte ingrat; car long-temps après sa
illustre roi Edouard. mort en faisant des réparations à la cellule
« Si le fait du voyage est avéré, il faut con- qu'ilavait habitée, l'architecte chargé de ce
venir que le peu que l'on sait sur son séjour travail y trouva beaucoup de poudre d'or,
à Londres est enveloppé d;'un assez grand dont il tira un grand profit.
mystère. D'après le témoignage de quelques « Mais son royal patron, impatient de voir
écrivains anglais, il paraîtrait que Raymond les résultats de la science de Raymond, lui
Lulle fut employé, à faire de l'or et à sur-* donna un logement dans la Tour de Londres.
veiller la fabrication de la monnaie en An- La simplicité d'âme du missionnaire ne lui
gleterre. On dit que, toujours préoccupé de., permit pas d'abord de s'apercevoir de la pré-
l'idée de reconquérir ta terre sainte, Ray- caution maligne qui couvrait cette politesse
mond se fit illusion sur les véritables motifs royale et il se mit à faire de l'or, dont on
qui donnaient à Edouard le désir de possé- battit monnaie. Jean Cremer affirme le fait,
der de grandes richesses. Il, s'imagina que ce et Camden dans ses Antiquités eaclésiasti-
(1) Voyez,dansl'Art de vérifierles dates, ladouble ma- de Mauget.
nière de compterles Edouardd'Angleterre. (4) Cet ouvrage, Cremeri abbalis Weitmonaiteriensh
Ci) Viday liechosdel admirabledotor marfyr Rnnront Teslamentum, se trouve dans le Muséum hermeticmn, in-4°
Luitde Mallorca, pdr et dotor Juan Seguy, eauouigode Francfort, 1677-78. Camden, dans ses Monuments- ecclé-
Mallorca;en Malloroa,ano 1606. siastiques, -donneaussi des détails sur le séjour de Ray-
(5)Voy.tom. I", paç. 8JJ3,de ta,Bibliothèquechimi<iues mond Lulle eu Angleterre.
1
1061 LUL LUL f(fC3
ques dit précisément que les pièces d'or traction, il sortit tout à coup des retraites
nommées nobles à la rosé et fabriquées au qu'on lui ménageait, et se mit à prêcher pu-
temps d'Edouard, sont le produit des opéra- bliquement l'Evangile.
tions chimiques que Raymond Lulle Gt dans « Par cet acte de témérité, Raymond Lullo
la Tour de Londres. espéra-t-il entraîner la population de Bougie
« Lorsque cet important travail fut ter- à lui, ou son but en celte occasion ne fut-il,
miné, et que Raymond put reprendre le comme le disent ses panégyristes que de
cours de ses études habituelles, il no tarda terminer sa carrière apostolique en méritant
pas à s'apercevoir que son logement à la ,la palme du martyre ? C'est ce que Dieu seul
Tour était une prison et que le roi le rete- peut savoir. Quoi qu'il en soit, aussitôt que
nait pour satisfaire sa cupidité. Malgré ses la populace le vit et l'entendit prêcher à
soixante-dix-huit ans, il rassembla tout son :haute voix la foi çhrélien.oe, elle le chargea
courage, et au moyen d'une barque s'étanl ,d'injures et bientôt de coups. Environné par
échappé par la Tarmise, il parvint à s'em- une multitude dont le cercle, en s'ayançanj
barquer sur un bâtiment qui le conduisit à sur lui, se rétrécissait de .plus en plus, Kay-
Messine. C'est en cette ville qu'il composa mond Lulle recula pas à .pas jusqu'au ri-
son livre des Expériences .(J&xperiinenta), où vage, contenant encore la, /{irçu.r des rnusuU
se trouve ce passage, faisant allusion à sa mans par son aspect vénérable, par la fer-r
captivité et à la mauvaise foi du prince an- jmeté de sa parole et surtout par l'insou7
glais Nous avons opéré cela pour le roi ciance qu'il montrait pour le danger. Mais
d'Angleterre, qui feignit de vouloir com- le souverain du pays n'apprit pas sans, in-
battre contre les Turcs, et qui combattit en- quiétude avec quel calme héroïque Raymond
.suite .contre le roi de France..Il me mit en parlait à la populace furieuse. |l anima ceux,
prison cependant je m'évadai. Gardez-vous des habitants qui étaient restés étrangers à
d'eux, mon Qls »Jt cette scène, en leur représentant l'injure quq
a 11 ne restait plus à cet homme extraor- l'on l'aisait à la loi de Mahomet et bientôt
dinaire qu'une année à vivre voici com- tout ce .qu'il y avait de pieux musulmans,
ment il l'employa de Messine, il revint à à Bougie se porta sur la plage vers laquelle
Majorque sa patrie, où, ayant pris le seul le missionnaire était toujours repoussé, En-.
genre de repos qui lui convint c'est-à-dire fin, plusieurs pierres jetées à Raymond LuJIq.
.ayant composé plusieurs ouvrages, il forma au même moment le forcèrent de fléchir, et
la résolution d'entreprendre encore un grand il tomba sur la grève, où, cependant il (il un,
voyage en Afrique, pour prêcher les doctri- drernier effort pour se relever et dire quel-
nes chrétiennes, visiter ceux de ses disciples ques mots. Alors la populace furieuse se jeta,
qu'il avait laissés en Palestine et sur le lit- sur lui, l'accabla de coups et le laissa pour
toral de l'Afrique, et enfin pour travailler de mort.
nouveau à la conversion des Turcs. Ce fut « La, nuit tombait, et son corps rçsla sur.
un spectacle bizarre et attendrissant tout à le rivage. Pendant toute la durée do cette
.la fois que de voir ce vieillard de soixa.nte- scèno terrible, aucun des convertis., et ent".
dix-neuf ans résistant aux prières et aux Gore moins les chrétiens d'Europe qui sq
larmes de ses amis, de ses parents et de ses trouvaient à Bougie, n'a.vaient osé défendre;
compatriotes, qui tous, en le voyant partir Raymond Luile, ou même intercéder e.n sa
sans espérance de retour, se réunissaient faveur. Cependant quelques marc.ha.nas S®
pour le conjurer de mourir aux milieu nois, désirant donner à son corps tes hon-
d'eux. Rien ne put ébranler s,a volonté ni neurs de l'a sépulture, vinrenj. dans une bar-
son courage, et il partit. que, pendant la nuit, pour l'enlever du ri-
« 11ne faut rien moins que l'attestation de
vage. Comme ils se disposaient à remplir ce
plusieurs écrivains recommandables pour pieux devoir ils s'aperçurent que Raymond
ajouter foi à ce que l'on dit de sa dernière Lulle respirait encore. Au lieu d'aller pren-
mission àpostolique. Il débarqua en Egypte, dre terre pour faire l'inhumation, ils se diri-
alla jusqu'à Jérusalem, puis revint à Tunis. gèrent aussitôt vers leur navire, et mirent
Là, toujours sous le poids d'une condamna- a. la voile pour Majorque, dans l'intention de.
tion à mort, il visita les amis les disciples reconduire le saint martyr dans sa patrie.
qu'il avait précédemment instruits dans la Mais le reste de vie que conservait Raymond
religion chrétienne, les exhortant à persé- dura peu, et, çommpje. vaisseau était en vue
vérer dans leur croyance, et leur enseignant do l'île le saint et savant hommp rendit
par son exemple à braver les fatigues çl la l'esprit, le 39 juin I315 » § l'Âge do quatre-
mort même pour la gloire de Dieu et le vjngîs ?ns.. »
triomphe de la foi chrétienne. Dès qu'il crut.t Le savant auteur de la belle et curieuse
élrecertain d'avoir affermi le couragedes nou-
notice qui nous a fourni ces fragments la
veaux chrétiens de Tunis, il se dirigea vers termine ainsi
Bougie pour prendre les mêmes soin§ auprès'
des disciples qu'il avait formés. Dans cette « Les chimistes des xr, xir et xin° siècles
ville ainsi que dans l'autre, sa tête était mise étaient-ils des fous, et ta transmutation des
à prix. Cependant après s'être conformé métaux est-elle une opération impossible 7?
pendant quelques jours aux précautions « Il ne m'appartient pas dç traiter une pa-
d'une pieuse prudence, afin de s'assurer que reille question, et je nie bornerai rapporter
les chrétiens de Bougie étaient demeurés' à ce sujet lés paroles d'un des chimistes les
fermes dans leur foi purs dans leur ins- plus éclairés de nos jours S'il ne sort de
v

1065 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES 4084


ces rapprochements, dit M. Dumas (1), au- étaient satiriques; peut-être plus tard nous
cune preuve de la possibilité d'opérer des donnera-t-on quelques détails de mœurs sur
transmutations dans les corps simples, du les habitants de la lune qu'on vient de dé-
moins s'opposent-ils à ce qu'on repousse couvrir et de décrire.
celte idée comme une absurdité qui serait « Après être entré dans quelques détails
démontrée par l'état actuel de nos connais- sur la topographie de la lune, et avoir dé-
sances. » crit une belle vallée dans laquelle se trou-
LUMIÈRE MERVEILLEUSE. Prenez vent des moutons semblables aux nôtres,
quatre onces d'herbe appelée serpentinette, l'auteur arrive à la description des êtres qui
mettez-la dans un pot de terre bouché, puis habitent cet astre. Ils avaient, dit M. Grant,
faites-la digérer au ventre de cheval, c'est-à- .taille moyenne, quatre pieds de haut; ils
dire dans le fumier chaud, quinze jours étaient couverts, excepté à la face, de longs
elle se changera en de petits vers rouges, poils touffus comme des cheveux, mais bril-
desquels vous tirerez une huile selon les lants et couleur de cuivre; ils avaient des
principes de l'art de cette huile vous gar- ailes composées d'une membrane très-mince
nirez une lampe, et lorsqu'elle sera allumée qui pendaient derrière leur dos très-confor-
dans une chambre, elle provoquera au som- tablement, depuis le haut des épaules jus-
meil et endormira si profondément ceux qui qu'au mollet. Leur figure, d'une couleur de
seront dans la dite chambre, que l'on ne chair jaunâtre,était un peu mieux conformée
pourra en éveiller aucun tant que la lampe que celle de l'orang-outang. Ils avaient une
brûlera (2). expression plus ouverte, plus intelligente,
LUNE, la plus grande divinité du sabéisme et leurs fronts beaucoup plus larges. Cepen-
après le soleil. l'indare l'appelle l'œil de la dant la bouche était très-proéminente, quoi-
nuit, et Horace la reine du silence. Une par- qu'elle fût un peu cachée par une épaisse
tie des Orientaux l'honoraient sous le titre barbe à la mâchoire inférieure et par des
d'Uranie. C'est l'Isis des Egyptiens, l'Astarté lèvres beaucoup plus humaines que celles de
des Phéniciens, la Myliltades Perses, l'Ali- toutes les espèces de la famille des singes. Eu
lat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la général la symétrie de leurs corps était in-
Diane, la Vénus, la Junon des Romains. Cé- finiment supérieure à celle des membres de
sar ne donne point d'autres divinités aux l'orang-outang. Le lieutenant Drummont
peuples du Nord et aux anciens Germains disait que sans leurs longues ailes ils paraî-
que le feu, le soleil et la lune. traientaussi bien sur un terrain de parade que
Le culte de la lune passa dans les Gaules, la plupart de nos anciens conscrits. Les che-
où la lune avait un oracle desservi par des veux étaient d'une couleur plus foncée que le
druidesses dans l'ile de Sein sur la côte mé- poil du corps; ils étaient v très-frisés, mais
ridionale de la Basse-Bretagne. Elle avait un moins laineux, au moins autant que nous
autel à Arlon (Ara Lunœ). pûmes juger; ils étaient arrangés sur les tem.
Les magiciennes de Thessalie se vantaient pesendeux demi-cercles très-singuliers. Nous
d'avoir un grand commerce avec la lune, et ne pûmes voir les pieds de ces êtres que lors-
de pouvoir, par leurs enchantements, la dé- qu'ils les levaient en marchant; cependant
livrer du dragon qui voulait la dévorer (lors- nous remarquâmes qu'ils étaient minces au
qu'elle était éclipsée), ou la faire à leur gré bout et très-protubérants au talon.
descendre sur la terre. « A mesure que leurs groupes passèrentsur
L'idée que cet astre pouvait être habité a le canevas, il était évident qu'ils étaient en-
donné lieu à des fictions ingénieuses telles gagés dans une conversation. Leurs gestes
sont entre autres les voyages de Lucien, de particulièrement, les actions variées de leurs
Cyrano de Bergerac, et la fable de l'Arioste, mains et de leurs bras, paraissaient passion-
qui place dans la lune un vaste magasin nés et emphatiques. Nous conclûmes de là
rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de que c'étaient des êtres intelligents, quoique
chaque individu est renfermé. peut-être pas d'un ordre aussi élevé que
On a publié en 1835, sous le chaperon du d'autres que nous découvrîmes le mois sui-
savant astronome Hurschcil, qui sans doute vant sur le bord de la baie des Arcs-en-ciel,
ne soupçonnait pas l'honneur qu'on lui fai- et qui étaient capables de produire des œu-
sait, la plaisanterie que voici vres-d'art.
« On sait que le célèbre John Herschell <c La seconde fois que nous les vîmes
fut envoyé en 1834. au cap de Bonne-Espé- nous pûmes les observer bien mieux encore:
rance pour observer le passage de Mercure c'était sur les bords d'un petit lac ou grande
sur le disque du soleil. Un M. Grant a publié rivière que nous aperçûmes coulant vers la
ses observations et les a enrichies de détails vallée du grand lac et ayant sur ses rives
très-plaisants sur des découvertes qu'il a orientales un joli petit bois. Quelques-uns
faites dans la lune. Malheureusement nous de ces êtres avaient traversé d'un bord à
ne connaissons pas les moyens qu'il a em- l'autre, et y était étendus comme des aigles.
ployés pour obtenir des résultats semblables Nous pûmes alors remarquer que leurs ai-
aux siens et qui détruiraient toutes les no- les avaient une énorme étendue, et étaient
tions d'optique admises jusqu'à ce jour. Nous semblables pour leur structure à celles de
ni; savons quel peut avoir été son but. Les la chauve souris elles étaient formées
voyages de Gulliver et ceux de Micromégas d'une membrane demi-transparente qui pour.
(l) Leçonssw la philosophieçllinùque,neuvièmeleçon $ UPelH Albert, P. j^,
m, m '•••
1UC5 Ll,N LUN 4C63
vait tse a~.
déployer en divisions courbes par le voyons à la lunea sont des bosquetsb( d'une es-
moyen de rayons droits liés au dos par des pèce d'arbres qui croissaient autrefois à
téguménlsdorsaux. Ce' qui nous étonna le Taïli un accident ayant détruit ces arbres,
plus, ce fut de voir que cette membrane les graines furent portées par des pigeons à
continuait depuis les épaules jusqu'aux jam- la lune, où elles ont prospéré (1).
bes, liée au corps, et diminuant graduelle- Les mahométans ont une grande vénéra-
ment de largeur. Ces ailes semblaient en- tion pour la lune; ils la saluent dès qu'elle
tièrement soumises à la volonté de ces êtres, parait, lui présentent leurs bourses ouvér-
car nous les vimes se baigner, et les étendre tes," et la prient d'y faire multiplier les espè-
aussitôt dans toute leur dimension, les se- ces à mesure qu'elle croîtra.
couer en sortant de l'eau, comme font les La lune est la divinité des Nicaborins, ha-
canards, et les refermer en une forme com- bitants de Java. Lorsqu'il arrive une éclipse
pacte. Les observations que nous finies sur de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la
les habitudes de ces créatures, qui étaient Sibérie, poussent des cris et des hurlements
des deux sexes, nous conduisirent à des ré- horribles, sonnent les Cloches, frappent con-
sultats si remarquables, que je préfère les tre du bois ou des chaudrons, et touchent à
voir livrer au publjc dans l'ouvrage du doc- coups redoublés sur les timbales de la grande
teur Herschel, où je sais qu'ils sont détaillés pagode. Ils croient que le méchant esprit de
avec une consciencieuse véri!é, quelle que l'air Aracbula attaque la lune, et que leurs
soit l'incrédulité avec laquelle on les lira.: tlameurs doivent l'effrayer.
« Au bout de quelques instants les trois II y a des gens qui prétendent que" la lune
familles étendirent leurs ailes presque si- est douée d'un appétit extraordinaire; que
multanément et se perdirent dans les som- son estomac, comme celui de l'autruche, di-
bres confins du canevas avant que nous gère des pierres. En voyant un bâtiment
pussions revenir de notre élonncnicnt. Nous vermoulu, ils disent que la lune l'a mutilé,
appelàmes scientifiquement ces êtres hom- et qu'elle peut ronger le marbre.
nies-cbauves-souris(fesper<î7to/io)no).Ccsoiit Combien de personnes n'osent couper
sûrement des êtres innocents et heureux. leurs cheveux dans le décours de la lune 1
« Nous nommâmes la vallée où ils vivent dit M. Salgues (2). Mais les médecins sont
le Cotisée de rubis, à cause des magnifiques convenus enfin que la lune influe sur le corps
montagnes qui l'entourent. La nuit étant humain, comme sur bien d'autres choses (3).
très-avancée, nous remîmes à une autre La plupart des peuples ont cru encore que
occasion la suite de nos éludes. » • le lever de' la lune était un signal mysté-
Ce canard qui venait des Etals-Unis où rieux auquel les spectres sortaient de leurs
il s'en fait tant, fut pris au sérieux par plu- tombeaux. Les Orientaux content que les
sieurs journaux. 'lamies et les gholes déterrent les' morts dans
Les l'éruviensregardaienl la lune comme les cimetières, et font leurs festins, au clair
la sœur et la femme du soleil, et comme la de la lune. Dans certains cantons de l'o-
mère de leurs incas; ils l'appelaient mère rient de l'Allemagne, on prétendait que les
universelle de toutes choses, et avaient pour vampires ne commençaient leurs infesta-
elle la plus grande vénération. Cependant tions qu'au lever de la lune, et qu'ils étaient
ils ne lui avaient point élevé de temple, et obligés de rentrer en terre au chant du coq.
ne lui offraient point de sacrifices, Ils pré- L'idée la plus extraordinaire, adoptée dans
tendaient aussi que les marques noires quelques villages, c'est que la lune ranimait
qu'on aperçoit dans la lune avaient élé les vampires. Lorsqu'un de ces spectres,
faites par un renard qui ayant monté au poursuivi dans ses courses nocturnes, était
ciel, l'avait embrassée si étroitement, qu'il frappé d'une balle ou d'un coup de lance, on
lui avait fail ces taches à force de la serrer. pensait qu'il pouvait mourir une secondefois,
Suivant les Taïticns, les taches que nous mais qu'exposé aux rayons de la lune il re-
•(I)Voyagesde Cook. la plusgrande facilité maisalorsii ne vaut rien pour les
(2) DesErreurs et des préjugés, etc., 1. 1", p. ,210. constructions,et se détériore bientôt. Faites des pieux
• (3) Ceux qui ont observéles phénomènesque présente avecdes bambousde la grosseurd'un bras; si vous les
le climatdes régions intertropicales n'onl pas prêté une avez coupésà la nouvelleluno, ils durerontdix ou douze
assezgrande attention à l'influenceque la lune y exerce.' années; maissi c'est pendantqu'elle était danssonplein,
Si l'ons'accordeà reronnaUreque la pressionou l'attra- ils seront pourrisenmoinsde deux ans:
ction lunaireagit fortementsur les marées, on ne doit Leseffets de la loue sur la vie animalesont prouvé*
pas craindred'allirmerque l'atmosphèreest soumiseà une aussipar un grand nombred'exemples.J'ai vu en Afrique
actionsemblable. Cequ'il y a de certain, c'est qne, dans des animaux.)nouveau-néspérir en quelquesheures au-
les liassesterres des i étionsintertropicales un observa- près de leur mère pour être restés exposésaux rayonsdo
teur altentiïde la natureest frappédu pouvoirque lalune la pleine lune. S'ilsen sont frappés, les poissonsIralche-
exerce sur I;s saisonsaussi bien que sur le animai mentpéchésse corrompent,et la viandene se peuti lus
et sur le végétal.A Démérara,il y a chaquerègne
année treize conserver, mêmeau moyendu sel.
printemps et treize automnes; car il est constaté quela Le marinier qui dort sans précautionla nuit sur le til-
sève des arbres y monteaux brancheset redescendaux lac, la l'acetournéevsts la lune est atteintde niclalopio
raciuestreizefoisalternativement. ou cécité nocturne, et quelquefoissa tête enfled'unema-
Le vallaba,arbrerésineux assezcommundans les bois nière prodigieuse.Les paroxismesdes tousredoublent
de Démérara,etqui ressembleà l'acajou,fournitun exein- d'unemanièreeffrayanteà la nouvelleet à la pleinelune
pl« très-curieuxen ce genre. Si ou le coupe la nuit li'sfrissonshumidesde la fièvreintermillente.sefontsentir
quelquesjours avantla nouvellelune, sonboisest excel- an lever de cet astre, dont la doucelueursembleà peine
lent pour tes charpenteset toute espècede constructions, eltleurer la terre. Maisqu'on ne s'y méprennepas, ses3
et la dureté en est telle qu'on ne le peut fendre,qu'avec effetssontpuissants,et, parmi les agentsqui règnent sur
beaucoup de peine, et encore inégalement. Abattez-le l'atmosphèreon peut affirmerqu'elle ne tient pasle der.
pendantla pleinelune, vousle partagezen une infinitéde nier rang. (Mdi/in'sInstonjofthe Fristisltcolonies.)
planchesaussiminceset aussidroites qu'il vousplatt avec
DfCTIiiKNAini:DESSCIEN'CEîÔCCUI.TKS. 1, Sir~
a-a
10C7 DICTIONNAIHE nfiS SCIENCES OCCULTF.S. 1058

prenait ses forces et pouvait sucer Je nou- pagnèrent le corps en croassant jusqu'à Wit-
veau les vivants. temberg.
LUNDI. En Russie, le lundi passe pour un La dispute de Luther avec le diable a fait
jour malheureux. Parmi le peuple et les per- beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour
sonnes superstitieuses, la répugnance à en- frapper rudement à sa porte, en demandant
treprendre ce jour-là quelque chose, surtout à lui parler. Le renégat ouvre; le prétendu
.un voyage, est si universelle, que le petit moine regarde un moment le réformateur
nombre de gens qui ne la partagent pas s'y et lui dit J'ai découvert dans vos opi-
.soumet par égard pour l'opinion générale. nions certaines erreurs papistiques sur les-
LÛUE (GUILLAUME),docteur en théologie, quelles je voudrais conférer avec vous.
.qui fut condamné comme sorcier, à Poitiers, Parlez, répond Luther.
en 1453 convaincu par son propre aveu, par L'inconnu proposa d'abord quelques dis-
témoins et pour avoir été trouvé saisi d'un cussions assez simples, que Luther résolut
pacte fait avec le diable, par lequel il renon- aisément. Mais chaque question nouvelle
çait à Dieu et se donnait à icclui diable (1). était plus difficile que la précédente, et le
LUU1DAN, esprit de l'air en Noi wége et en moine supposé exposa bientôt des syllogis-
Lapanie. Voy. Harold. mes très-embarrassants. Luther, offensé,, lui
LUSIGNAN. On prétend que la maison de dit brusquement: Vos questions sont trop
Lusignan descend en ligne 15 directe de Mélu- embrouillées; j'ai pour le moment autre
sine. Voy. Mélusine. chose à faire que de vous répondre.
LUTHER (Martin), le plus fameux nova- Cependant il se levait pour argumenter
teur religieux du xvi* siècle, né en H8i en encore, lorsqu'il remarqua que le religieux
.Saxe, mort en'15A6. Il dut son éducation à la avait le pied fendu, et les mains armées de
charité des moines, et entra chez les Augus- griffes. N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont
tins d'Erfurt. Devenu professeur de théolo- la naissance du Christ a dû briser la tête?
gip, il s'irrita de ne pas être le Judas des in- Et le diable, qui s'attendait avec son ami
.dulgences, c'est-à-dire de n'en pas tenir la à un combat d'esprit et non à un assaut d'in-
bourse; il écrivit contre le pape et prêcha jures, reçut dans la figure l'encrier de Luther,
contre l'Eglise romaine. Devenu épris de qui était de plomb (2): il dut en rire à pleine
Cilherine Bore, religieuse, il l'enleva de gorge. On montre encore sur la muraille, à
son couvent avec huit autres sœurs se Wittemberg, les éclaboussures de l'encre.
liâla de l'épou<er, et publia un écrit où il On trouve ce fait rapporté, avec quelque
comparait ce rapt à celui que Jésus-Christ différence de détails, dans le livre de Luther
fit, le jour de la. passion, lorsqu'il arracha lui-même sur la messe privée, sous le titre
les âmes de la tyrannie de Satan. de Conférence de Lxtther avec le diable (3). H
Nous ne pouvons ici faire sa vie, mais sa conte que, s'étant éveillé un jour, vers minuit,
mort nou.s revient. Ses ennemis ont assuré Satan disputa avec lui, l'éclaira sur les cr-»
que le diable l'avail étranglé; d'autres qu'il reurs du catholicisme, et l'engagea à se se-
mourut subitement en allant à la garde- parer du pape. C'est donner à sa secte une
robe, comme Arius, après avoir trop soupé; assez triste origine. L'abbé Cordemoy pense",1
que, son tombeau ayant été ouvert le lenile- avec beaucoup d'apparence de raison que
main de son enterrement, on n'y avait pu certains -critiques ont tort de prétendre quo'
trouver son corps, et qu'il en était sorti une cette pièce n'est pas de Luther. 11est constant
odeur de soufre insupportable. -George La- qu'il était très-visionnaire, ce qui doit suffire
pôtrc le dit fils d'un démon et d'une sorcière. aux incrédules; et que pour les croyants il'1
A fa mort de Luther, disent les relations était très en état de voir le diable. Il est
répandues choz ses contemporains, les dé- même possible que la bravade de l'encrier
mons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent soit une vanteriez
chercher cet ami de l'enfer. Ils assistèrent LUTINS. Les lutins sont du nombre des,
invisiblement aux funérailles; et Thyrœus démons qui ont plus de malice que de mé-
ajoute qu'ils l'emportèrent ensuite loin de ce chanceté. Ils se plaisenlàtourmenlerlesgcns,
monde,où il ne devait que passer.-On conte et se contentent defaire plus de peurque de mal,
encore que le jour de sa mort tous les dé- Cardan parle d'un de ses amis qui, couchant
mons qui se trouvaient en une certaine ville dans une chambre que hantaient les lutins
de Brabant (à Malines) sortirent des corps sentit une main froide et molle comme du co-
qu'ils possédaient et y revinrent le lende- ton passer sur son couelson visage, et cher-
main et comme on leur demandait où ils cher à lui ouvrir-lit bouche. Il se garda bien
avaient passé la journée précédente, ils ré- de bâiller; mais, s'éveillanl en sursaut, il en-
pondirent que, par l'ordre de leur prince, ils tendit de grands éclats de rire sans rien.voir
s'étaient rendus à l'enterrement de Luther. autour de lui.
Le valet de Luther, qui l'assistait à sa mort, Lcloycr raconte que de son temps il y
déclara, ce qui est très-singulier, en confor- avait de mauvais. garnements qui faisaient
mité, de ceci, qu'ayant mis. la tête à la fenê- leurs sabbats dans les cimetières pour éta-
tre pour prendre l'air au moment du trépas blir leur réputation et se faire craindre, et
de son maître, il avait vu plusieurs esprits que, quand ils y étaient parvenus, ils al-
horribles qui dansaient autour de la maison,, laient dans les maisons buffeter le bon vin.
et ensuite des corbeaux maigres qui accom- Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils
ft) Dfilancre, Inconstance des dénions I. VI, p..S95. (V;Colloquium Lutliérnminter et diabolum,ah ipsoLu*
{%) MelanchiUon.delÎJtarnin.lHeolog. opcriun.ii 1" Uieroconscr'n>luriïiu ejus librode Missapn.au, ele.
10C0 LUX LYC 1070
prenaier
prenaient quelquefois plaisir à lutter avec souvent allait elle-même en savoir. Se por-
les hommes. 11 y en avait un à Thermesge tant très-bien, elle s'éveille au milieu de la
qui se ballait avec tous ceux qui arrivaient nuit avec une agitation singulière èlle veut
dans cette ville. Au reste, disent de bons sonnerpour demander ce que fait son valet
légendaires, les lutins ne mettent ni dureté de chambre; elle ouvre les rideaux de son
ni violence dans leurs jeux. lit; à l'instant, l'imagination fortement frap-
LUTSCHIN. Au pied du Lutschin rocher pée, elle croit apercevoir dans son apparte-
gigantesque de la Suisse, coule un torrent ment un fantôme couvert d'un linceul blanc;
où se noya un fratricide en voulant laver elle croit entendre ces paroles Ne vous
son poignard ensanglanté. La nuit, à l'heure inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce
où le meurtre fut commis, on entend encore monde, et avant la Pentecôte vous viendrez
près du torrent des soupirs et comme le râle me rejoindre. « La fièvre s'empara d'elle; elle
d'un homme qui se meurt. On dit aussi que fut bientôt à toute extrémité. Ce qui contribua
l'âme du meurtrier rôde dans les environs, le plus à augmenter sa terreur, c'est qu'à l'in-
cherchant un repos qu'elle ne peût trouver. stant même, où elle fut frappée de celle vision,
LUTTEURS, démons qui aiment la lutte et l'homme en question venait effectivement
les petits jeux de mains. C'est de leur nom d'expirer. La maréchale a cependant survécu
qu'on a nommé les lutins. à la prédiction du fantôme imaginaire-, et
LUXEMBOURG (François DE Montjiorex- cette résurrection fait furieusement de tort
cr), maréchal de France, né en 1628, mort en aux spectres pour l'avenir (1). »
1695. On l'accusa de s'être donné au diable. LYCANTHROPIE transformation d'un
Un de ses gens, nommé Bonard, voulant homme en loup. Le lycanthrope s'appelle
retrouver des papiers qui étaient égarés, s'a communément loup-garou.
dressa à un certain Lesage pour les recou- Les loups-garous ont été bien longtemps
vrer. Ce Lesage était un homme dérangé, qui .la terreur des campagnes, parce qu'on savait
se mêlait de sorcellerie et. de divinations. Il que les sorciers ne pouvaient se faire loups
lui ordonna d'aller visiter les églises, de ré- que par le secours du diable: Dans les idées
citer des psaumes Bonard se soumit à tout des démonographes, un loup-garou est un
ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ne se 'sorcier que le diable lui-même transmue en
retrouvèrent pas. Une fHIe, nommée la Dupin, loup, et qu'il oblige à errer dans les campa-
les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, gnes en poussant d'affreux hurlements.
fit une conjuration au nom du maréchal de L'existencede loups-garous cstallestée par
Luxembourg; la Dupin ne rendit rien. Déses- Virgile, Solin, Strabon, Pomponius Mêla
péré, Bonard fit signer un pacte au maréchal Dionysius Afer, Varron, et par tous les ju-
qui se donnait au diable. A la suite de ces risconsultes et démonomanes des derniers
menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On siècles. A peine cornmençait-on à en douter
en accusa le maréchal. Le pacte fut produit y sous Louis XIV.
au procès. Lesage déposa que le maréchal L'empereur Sigismond fit débattre devant
s'était adressé au diable et à lui pour faire lui la question des loups-garous, et il fut
mourir la Dupin. Les assassins de- cette fille unanimement résolu que la transformation des
avouèrent qu'ils l'avaient découpée en quar- loups-garous élait un fait positif et constant.
tiers, et jetée dans la rivière par les ordres du Un garnement qui voulait faire des fripon-
maréchal. La cour des pairs devait le juger; neries mettait aisément les gens en fuile en
mais Louvois, qui ne l'aimait pas, le fit en- se faisant passer pour un loup-garou. ll n'a-
fermer dans un cachot. On mit de la négli- vait pas besoin pour cela d'avoir la figure
gence à instruire son procès enfin on lui d'un loup, puisque les loups-garous de répu-
confronta Lesage et un autre sorcier, nommé tation étaient arrêtés comme tels, quoique
Davaux, avec lesquels on l'accusa d'avoir fait sous leur figure humaine. On croyait alors
des sortiléges pour faire mourir plus d'une qu'ils portaient le poil de loup-garou entre
personne.– Parmi les imputations horribles cuir et chair.
qui faisaient In basedu procès, Lesage dit que Peucer conte qu'en Livonie, sur la fin du
le maréchalavait faitun pacte avec le diahle, mois de décembre, il se trouve tous les ans un
pour pouvoir allier un (le ses fils avec la fa- belîlrcqui va sommer les sorciers do se ren-
mille de Louvois. Le procès dura quatorze dre en certain lieu et s'ils y manquent lo
mois. Iln'yeut de jugement ni pour ni contre. diable les y.mène de force, à coups si rude-
La Voisin, la Vigoureux et Lesage, cnmpr,o- ment appliqués, que les marques y demeu-
mis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève. rent. Leur chef passe devant et quelques
Le maréchal de Luxembourg fut élargi milliers le suivent, traversant une rivière,
passa quelques jours à la campagne, puis re- laquelle passée ils changent leur figure en
vint à la cour, et reprit ses fonction de ca- celle d'un loup, se jettent sur les hommes et
pitaine des gardes,. .sur les troupeaux, et font mille dommages
LUXEMBOURG (La MARÉCHALE de ). Ma- Douze jours après ils retournent au même
dame la maréchale de Luxembourg avait fleuve el redeviennent hommes.
pour valet de chambre un vieillard qui la On aUrapa un jour un loup^garou qui
servait depuis longtemps et auquel elle courait dans les ruesdePadoue; on lui cou-
était attachée. Ce vieillard tomba toutà coup pa ses pattes de loup, et.il reprit au même
dangereusement malade. La maréchale était instant la forme d'homme, mais avec les
dans l'inquiétude. Elle ne cessait d'envoyer
demander des nouvelles de cet homme et ouprélcriduste)!, (011).
( t) 1I;stoire'd.e,revettanis t,r.t7t
1071 DICTIONNAIREDES SCIENCES OCCULTES. 1072
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bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel. caouie, mais dont il admet incontestablement la réalité.
Un sieur de Bcauvoys de-Chanvincourt, gentilhomme an-
L'an 1588, en un village distant de deux
gevin, a fait imprimer en 1399 (Paris, petit in-12) un vo-
lieues d'Apchon, dans les montagnes d'Au- lume intitulé Discours de la lycanlhropie, oude la transmu-
vergne, un gentilhomme, étant sur le soir à tation des hommes en loups- Claude, prieur deLaval, avait
sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa con- publié quelques années auparavant un autre livre sur la
même matière, intitulé Bioïoçiues de la lycanlhropie.
naissance, et le pria de lui rapporter de sa Ils affirment tous qu'il y a certainement des loups-garous.
chasse. Le chasseur promit, et, s'étant avancé Ce qui est plus singulier, c'est qu'il n'y a peut-être pas
dans la plaine, il vit un gros loup qui venait de village qui n'ait encore ses loups-garous il est possi-
ble que celui dont on va parler soit encore aux galères. Il
à sa rencontre. Il lui lâcha-un coup d'arque- se faisait appeler Maréchal, et demeurait en 1804 au vil-
buse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et lage de Longueville à deux lieues de Aléry-sur-Seine. Il
l'attaqua vivement. Mais l'autre, en se dé- était bûcheron, faisait des fossés, et s'occupait de divers
lui ayant la pale droite avec métiers qui s'exercent dans la solitude, et sout par consé-
fendant, coupé
son couteau le loup s'en- quent propres à la sorcellerie. Avec l'aide du diable, il se
de chasse, estropié changeait toutes les nuits en loup ou en ours, et faisait de
fuit et ne revint plus. Comme la nuit appro- grandes peurs aux bonnes gens. Un jeune paysan s'arma
chait, le chasseur la maison- de son d'un fusil et l'attendit une nuit. Il vit un monstre à quatre
gagna
s'il avait fait bonne pattes qui venait lourdement à lui. Il le coucha enjoué elle
ami, qui lui demanda
manqua. Le loup-garou, qui avait aussi un fusil, lira son
chasse. Il tira de sa gibecière la patte coupée tour sur le paysan et le blessa a la jambe. Celui-ci, stupé-
au prétendu loup, mais il fut bien étonne de fait de se trouver en face d'un loup qui tirait des coups de
la voir convertie en main de femme, et à fusil, se mit à fuir. A la fin, la justice informée s'empara de
le gen- l'homme. On ne trouva dans le prétendu sorcier qu'un vau-
l'un des doigts un anneau d'or que rien coupable de vols et de brigandages qu'il exerçait dans
tilhomme reconnut être celui de son épouse. ses courses nocturnes. On le condamna aux galères perpé-
Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès tuelles.
du feu cachant son bras droit sous son Le lecteur fera sans doute ici une réflexion toute natu-
relle comment se peut-il qu'un loup-garou épouvante
tablier. Comme elle refusait de l'en tirer, il une contrée pendant trois ou quatre ans, sans qufr la
lui montra la main que le chasseur avait rap- justice t'arrête? C'est encore une des misères de nos
portée; cette malheureuse, éperdue, avoua paysans. Comme il y a chi z eux. beaucoup de méchants,
ils se craignent entre eux i!s ont un discernement et une
que c'était elle en effet qu'on avait poursui- expérience qui leur apprennent que la justice n'est pas
vie sous la figure d'un loup-garou; ce qui se toujours juste et ils disent Si nous dénonçons un coupa-
vérifia, encore en confrontant la main avec le ble et qu'il ne soit pas mis hors d'état de nuire c'est un
ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysans
bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se
livra sa femme à la justice; elle fut brûlée.
venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu'un
Que penser d'une telle histoire, racontée coupable qui sort des galères n'eût pas le droit de repa-
comme étant de son temps? Etat- raltre dans la contrée qui a été le théâtre de ses crimes.
par Bognet
ce une trame d'un mari qui voulait, comme TOI/. CïNANTUBOPlEBOUSANTHROPIËRàOLLET, BlSCLÀVA-
ret, etc.
disent les Wallons, être quille de sa. femme? LYCAON, fils de Phoronée, roi d'Arcadie, à laquelle 11
donna le nom de Lycaonie. II liâtil sur les montagnes la
ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et
Les loups-garous étaient fort communs dans le Poitou
nu les y appelait la bête bigourne qui court la galipode, y éleva un autel à Jupiter Lycaeus auquel il commença à
sacrifier des victimes humaines. Il faisait mourir pour les
Ouumi les bonnes gens entendent les hurlements du loup- manger, tous les étrangers qui passaient dans ses Etats.
garou, ce qui n'arrive qu'au milieu de la nuit, ils se gar- Jupiter étant allé loger chez lui, Lycaon.se prépara à ôter
dent de mettre la tête à la fenêtre, parce qu'ils auraient la vie à son hôte pendant qu'il serait endormi mais aupa-
le cou tordu. Ou assure, dans cette province, qu'on ravant il voulut s'assurer si ce n'était pas un dieu et lui
forcer le loup-garou à quitter sa forme d'emprunt en fit servir à souper les membres d'un de ses hôtes d'au-
peut
lui deux
donnant un coup de fourche entre les jeux. tres disent d'un esclave. Un fen vengeur, allumé par l'or-
On sait que la qualité distinctive des loups garous est dre de Jupiter, consuma bientôt le palais, et Lycaon fui
îin grand goût pour la chair fratche. Delancre assure qu'ils
changé en loup. C'est le plus ancien lonp-garou.
étranglent les chiens et les enfants; qu'ils les mangent de
hou appétit jflu'ils marchent à quatre pattes; qu'ils hur- LYCAS, démon de Thémèse, chassé par le champion
lent comme de vrais loups, avec de graudes gueules, des Euthymius, et qui fut en grande renommée chezlesGrecs.
yeux étincelanls et des dents crochues. Il était très-noir, avait le visage et tout le corps hideux,
Bodin raconte sans rougir qu'en 1542 on vit un matin, et portait une peau de loup pour vêtement (2).
150 loups-garous sur une place de Constantinople. On LYCHNOMANCIE, divination qui se faisait par l'inspec-
irouve dans le roman de Persitès et Sigismonde dernier tion de la Oamme d'une lampe; il en reste quelques tra-
ouvrage de Cervantès, des îles de loups-garous et des ces.Lorsqu'une étincelle se détache de la mèche, elle an-
sorcières qui se changent en louves pour enlever leur nonce une nouvelle et la direction de cette nouvelle. Foi/.
proie, comme on trouve dans Gulliver une île de sorciers. LiMPADOMAKClE.
Mais au moins ces livres sont des romans. Delancre pro- LY'N'X. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-
pose (1) comme un bel exemple ce trait d'un duc de Rus- seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers les-
sie. Averti qu'un sien sujet se changeait en toutes sortes murs, mais encore la vertu de produire des pierres pré-
de bûtes, il l'envoya chercher, le lit enchaîner, Pt lui cieuses. Pline raconte sérieusement que les filets de son
commanda de donner une preuve de son art ce qu'il fit, se urine se transforment en ambre en rubis et en escarbou-
transformant en loup; mais ce duc, ayant préparé deux cles. Mais il ajoute que, par un sentiment de jalousie, cet
dogues, les lit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut animal avare a soin de nous dérober ces richesse^ en cou-
mis en pièces. Ou amena au médecin Pomponace un v ranl de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous
paysan atteint de lycanlrophie, qui criait à ses voisins de aurions pour rien l'ambre, les rubis et les ese.irboucles (3).
s'enfuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mangeât. Comme LYS1M ACH1li plante ainsi nommée parce que, posée
ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup, les sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient
villageois, persuadés pourtant qu'il l'était avaient com- attelés, elle avait la vertu de les empêcher de se battre.
mencé à l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil LYSIMAQUE, devin dont parle Démétrius de Phalère
sous la peau. Pomponace le guérit; ce n'était qu'un hypo- dans son livre de Socrate. Ii gagnait sa vie à interpréter
condre. 1. deNynauld a publié en 1615 un traité complet des songes au moyen de certaines tables astrologiques. 11
de la Lycantiopie, qu'il appelle aussi Folie touvière et lu- se tenait auprès du temple de tiacchus (i).

(1) Inconstance des mauvais anges. liv.IY, p. 30t. (3) M. de Salgues, Des Erreurs, etc., t. II, p. 105.
(2) Leloyer, Hist. des spectres, p. 198. (4) Plutarque, Vie d'Aristide, § LXVI.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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