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Du nouveau sur la céramique gallo-romaine de

la nécropole des Sables à Châtelaillon (17)


Denis Briand*, association Archéaunis (association des archéologues de l’Aunis).

Résumé Peu d’éléments nous sont connus de la petite nécropole gallo-romaine découverte en 1887 à Châtelaillon
(Charente-Maritime). Malgré tout, quatre vases qui en proviennent mais aujourd’hui disparus, ont pu être étudiés en
1969. Maigre témoignage, la diffusion de ces notes inédites apporte, quand même, de nouvelles données à l’archéologie
de l’Aunis.

Abstract Few elements are known about the small Gallo-Roman necropolis discovered in 1887 in Châtelaillon
(Charente-Maritime). Nevertheless, four ceramics, today disappeared, were studied in 1969. Thin testimony, the
publication of these new notes brings to us new informations about the archaeology of Aunis.

Mots-clés Nécropole gallo-romaine, Châtelaillon, céramique à l’éponge, rite funéraire.

C’est grâce à une mention, figurant dans un intéressant article publié en 1991 parmi les Actes du col-
loque de la SFECAG de Cognac1, que nous avons pu être mis sur la voie d’un document tout à fait précieux
pour l’archéo-histoire locale. En effet, l’inventaire brossé par Dominique Simon-Hiernard, des différents sites
ayant livré de la céramique gallo-romaine dite «à l’éponge» dans la région, évoque Châtelaillon en Cha-
rente-Maritime. Sans plus de précisions, un astérisque précise tout de même que la céramique de ce site
fut étudiée dans une thèse de 3e cycle, soutenue en 1969 à Poitiers par Michel Raimbault**. C’est ce travail
universitaire, intitulé «La céramique gallo-romaine dite «à l’éponge» dans l’Ouest de la Gaule»2, consultable
à la bibliothèque universitaire Droit-Lettres de la Faculté de Poitiers3 qui se révèle être d’un réel intérêt.
Il faut dire, qu’à la lumière de nos différents dépouillements bibliographiques, cette thèse demeure,
encore à ce jour, tout à fait méconnue des archéologues et historiens ayant traité de Châtelaillon. De plus, il
demeure qu’elle est aussi absente des sources alimentant la carte archéologique4.
Voici donc en quoi consiste, pour nous, l’apport de ce document :
L’an passé, dans un article destiné à une publication inventoriant les découvertes archéologiques
effectuées à Angoulins et Châtelaillon5, nous tentions de poser, de la manière la plus exhaustive possible, les
maigres items connus, relatifs à une petite nécropole de la fin de l’époque gallo-romaine mise au jour à la fin
du XIXe s. par Georges Musset au lieu dit les Sables, à Châtelaillon6. Après avoir resitué géographiquement
le lieu perdu de la découverte, en bas du coteau et au bord d’un ancien chemin gallo-romain dont l’assiette
avait été jetée sur le cordon dunaire dès le début de notre ère, nous tentions de décrire les différentes mises
au jour. Cette énumération nous avait été rendue possible notamment grâce à quelques notes manuscrites
rédigées à l’époque par l’inventeur du site, notes actuellement conservées dans les fonds de la médiathèque
Michel Crépeau à La Rochelle7.
Parmi les découvertes effectuées, nous avions souligné l’usage d’un rite funéraire qui consistait en
un dépôt de céramiques à la tête et/ou aux pieds des défunts dans les sépultures par inhumation (« ...les
ossements sont accompagnés de vases en terre rouge ou grise ou de verre, quelques uns forts jolis de pâte,
de couleur ou de forme; plusieurs d’entre eux, à mouchetures jaunes sur fonds rouges, rappellent un peu les
vases trouvés si fréquemment dans les sépultures poitevines...8 ). »
Les modestes croquis de G. Musset, nous avaient aussi conduit à dénombrer la mise au jour d’un
minimum de 13 vases et de 6 assiettes (quantitatif sûrement loin d’être exhaustif).
Plusieurs types alors décrits semblaient très caractéristiques des céramiques gallo-romaines : Les
vases en terre rouge faisant évidemment penser à de la sigillée, ceux de terre grise évoquaient de la céra-
mique commune grise et dans celles ornées de mouchetures jaunes sur fonds rouge ainsi que dans le vase
à l’étoile, nous n’hésitions pas à y voir les fameuses céramiques dites à l’éponge. Par ailleurs, au sujet de
ces dernières, une courte lettre9, datée de novembre 1887, signée de M. de Villefosse et à l’adresse de G.
Musset, confirmait bien la présence de ce type de céramique : «Deux lignes à la hâte pour vous dire que
j’ai vu, hier, au musée de la Société des Antiquaires de l’Ouest, une série de poteries trouvées par le père
De Lacroix dans les fouilles de Poitiers. C’est absolument identique à ce que vous avez découvert à Chatel-
Aillon (...) venez voir cela on y remarque de nombreux fragments de vases rougeâtres avec des espèces de
disques solaires jaunâtres comme vous m’en avez montré. »
Mais jusqu’alors, notre connaissance du site était strictement limitée à l’indigence de ces quelques
mentions manuscrites.
Afin d’étoffer notre note, nous avions entrepris de retrouver le mobilier, puisqu’une mention de G.
Musset précisait son dépôt au Musée de La Rochelle. Mais, malgré une visite approfondie des collections
exposées et des réserves du Musée d’Orbigny-Bernon, en avril 2006, en compagnie de Mme Dagout, nous
devions nous résoudre à constater la disparition de ces pièces.
Pourtant et en dépit de ce constat, il s’avère qu’en 1969, Michel Raimbault a eu accès à ces cérami-
ques puisqu’il signale dans sa thèse « le matériel étudié ici est exposé au musée d’Orbigny de La Rochelle
dans une vitrine particulière à Châtelaillon. » Ainsi, certaines des céramiques aujourd’hui disparues, en l’oc-
currence celles dites à l’éponge, ont donc pu être étudiées avant qu’elles ne disparaissent dans l’intervalle
des 35 années qui suivirent. Dans le corpus du chercheur il s’agit des quatre cotes désignées ainsi : n° 419.
Bol ; n° 420. Jatte à collerette de préhension ; n° 421. Écuelle ; n° 422. Cruche ovoïde.

Nous avons donc jugé bon, avec cette communication, d’isoler et de réunir les seules données exis-
tantes qui nous permettent de mieux prendre connaissance de quelques uns des vases en présence dans
les sépultures de la nécropole (nous remercions d’ailleurs Michel Raimbault de nous avoir autorisé à le faire)
:
1. Bol hémisphérique, intact (n° 419).
- Descriptif10 : surface lisse ; engobe solide, rouge-brun mat. Décor de fleurs sur toute la panse. Traî-
nées plus claires, au doigt, à l’intérieur. Pâte dure, beige-jaune ; arêtes assez vives.
- Iconographie : une photographie de ce bol est donnée dans le cahier iconographique11 (fig. 1) et
sa représentation graphique (fig. 2) est donnée à la fois dans la thèse12 mais aussi dans un article paru in
Gallia13.

Fig. 1 : Bol hémisphérique n° 419 (Cl. M. Raimbault).

Fig. 2 : Représentation graphique du bol hémisphérique n°419 (DAO : D. Briand, d’après M. Raimbault).
- Observations : à son sujet14, M. Raimbault affirme que ce type de bol (qu’il nomme forme III) est « une ré-
miniscence de la forme classique Drag. 37 qui a connu un succès commercial tout au long des trois premiers
siècles, à travers toute la Gaule. Sous sa forme dans la céramique à l’éponge sa panse est toujours aussi
arrondie, mais la lèvre supérieure si caractéristique a disparu. Elle est remplacée par une gorge resserrant
le haut de la panse sous le rebord. Dans l’ensemble les mesures employées pour ces bols sont inférieures à
celles relevées sur les produits des trois premiers siècles (cf. dimensions). » Continuant la description on lit :
« Le pied a changé. Il n’est plus un simple anneau ajouté sur la panse. Sur notre exemplaire, le pied du vase
est bas, à paroi extérieure à bourrelet arrondi formant une gorge étroite à la jonction du pied avec la panse,
légèrement évidé par le dessous. Cette forme est plutôt rare et semble céder le pas aux terrines (évolution
des usages culinaires ?). »
- Dimensions15 : hauteur : 6,6 ; diamètre b. : 14,5 ; diamètre p. : 5 : épaisseur paroi : 0,6 ; diamètre/hauteur
: 2,18.

2. Jatte à collerette de préhension brisée (n° 420)


- Descriptif16 : Engobe usé, rouge-orange mat à noir métallique ; traces d’empreintes digitales. Décor de ta-
ches plus claires sur les deux faces. Pâte dure, beige à gris.
- Dimensions17 : hauteur. : 8 ; diamètre b. : 17,2 ; diamètre p. : 5,6 ; hauteur rebord : 1,4 ; épaisseur paroi :
0,4.
- Observations : Michel Raimbault classe cette jatte dans un groupe qu’il nomme forme VI. Elle est à rap-
procher, selon lui, du type drag. 38, notamment en raison de « la collerette facilitant la préhension qui est
convexe et située à mi-hauteur. Le pied est à fond plat. Sa paroi extérieure est légèrement arrondie à la base.
Au centre du fond on relève un petit ombilic conique, en creux.18 »

3. Ecuelle à galbe surbaissé, sur pied conique évidé (n° 421)


- Descriptif19 : engobe usé, noir métallique, avec dépôt de calcaire. Décor de traînées plus claires sur les
deux faces. Pâte assez dure, beige à gris. Dimensions : hauteur. : 6,2 ; diamètre b. : 13 ; diamètre p. : 5,1 ;
épaisseur paroi : 0,5.
- Observations : En ce type d’écuelle («forme VII») l’auteur voit une « réminiscence celtique ». Dans la plupart
des exemplaires qu’il étudie, « la face supérieure de la lèvre de l’écuelle est aplatie. Pour sa face extérieure,
la liaison avec le col est soit en courbe continue, soit elle se fait par un ressaut bien marqué ou bourrelet ». Le
profil de l’extrémité des lèvres de notre exemplaire est arrondi comme sur les autres écuelles examinées. M.
Raimbault observe ensuite « que la bande du col est légèrement infléchie. La partie supérieure de la panse
est très courte. Le profil est régulièrement convexe. La liaison entre ces deux parties de la panse, au niveau
du grand diamètre, est continue. Le pied conique est peu élevé, légèrement évidé par le dessous20. »

4. Cruche ovoïde sur pied conique (n° 422) Forme peu courante.
- Dimensions21 : hauteur : 21 ; diamètre ouverture : 4,3 ; diamètre maximum : 13,5 ; diamètre p. : 6,1 ; épais-
seur paroi : 0,4 ; hauteur / diamètre maximum : 1,55.
- Descriptif22 : engobe solide, rouge-brun. Décor de longues traînées plus claires, au doigt, à l’extérieur. Pâte
dure, beige ; arêtes rugueuses.
- Observations23 : il s’agit d’ « une cruche ovoïde, à col ramassé, à
une seule anse, à contour anguleux, sur pied élevé, «à tampon».
L’orifice supérieur est fait d’un godet tronconique souligné d’une rai-
nure circulaire sous le rebord. Les profils de ce vase rappellent ceux
du IVe siècle. »
- Iconographie : une photographie24 (fig. 3).

Fig. 3 : Cruche ovoïde sur pied conique


n° 422 (Cl. M. Raimbault).
A l’inverse de la logique habituelle, il arrive donc que des études générales permettent, par transver-
salité, d’apporter de nouvelles données particulières. C’est ici le cas de ce travail universitaire qui constitue,
en outre, une référence quant à l’étude des céramiques dite «à l’éponge» de notre région. Mais, nous impor-
tant à l’échelle de notre archéo-histoire locale, la thèse de Michel Raimbault est donc d’un apport vraiment
sensible puisque, vous l’aurez compris, elle demeure le seul document à témoigner précisément de cérami-
ques mises au jour dans la nécropole dite des Sables à Châtelaillon.

* Denis Briand, président fondateur de l’association Expression-Hist (histoire et patrimoine de la commune d’Angoulins/
mer) et membre du comité d’administration de l’association Archéaunis (association des archéologues de l’Aunis).
Contact : expressionhist@gmail.com

** Michel Raimbault, professeur d’Histoire-Géographie à la retraite, Docteur d’Etat en Préhistoire rattaché au laboratoire
ESEP, Maison de la Méditerranée, Aix-en-Provence, et membre de la commission scientifique des Gorges de l’Ardè-
che.
Contact : michel.raimbault2@wanadoo.fr.

1
Simon-Hiernard (Dominique), Du nouveau sur la céramique à l’éponge. In Actes du congrès de Cognac (8-11 mai 1991). Société
Française d’Étude de la Céramique Antique en Gaule, éd. L. Rivet, SFECAG, Marseille, 1991, p.61-76.
2
Raimbault (Michel), La céramique gallo-romaine dite «à l’éponge» dans l’Ouest de la Gaule, thèse de 3e cycle, XIII-200ff + 1
vol. de 61 pl.
3
Cote TL 28.1969.14.1.
4
Document du Service Régional d’Archéologie de Poitou-Charentes.
5
Briand (Denis), La nécropole des Sables. In : Briand (Denis), Angoulins Châtelaillon - Traces et vestiges du passé. Expression-
Hist, 2006, p.37-41.
6
Gabet (Camille), Notes sur l’histoire de Châtelaillon, Revue de la Saintonge et de l’Aunis, t. II, 1976, p.47 ; Musset (Georges), Les
ports francs, Recueil de la Commission des Arts et monuments de la Charente-Inférieure, t. XVI, 1902-1904, p.245 ; Musset (Geor-
ges), Sépultures à Châtelaillon, Bulletin de la Société des Archives Historiques de la Saintonge et de l’Aunis, t.V, p.340-341.
7
Sous la cote Ms 2613.
8
G. Musset, Sépultures..., op. cit.
9
Ms 2613 MMCLR.
10
Raimbault (Michel), La céramique..., op. cit., p.156.
11
idem, planche XXXIII.
12
idem, planche VII.
13
Raimbault (Michel), La céramique gallo-romaine dite «à l’éponge» dans l’Ouest de la France, Gallia, 31, 1973, planche I,
p.192.
14
Raimbault (Michel), La céramique..., op. cit., p.28.
15
idem, p.27-28.
16
idem, p.157.
17
idem.
18
idem, p.33-34.
19
idem, p.157.
20
idem, p.35.
21
idem, p.45.
22
idem, p.157.
23
idem, p.45.
24
idem, planche L.

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