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Jean Darrouzès

Notes de littérature et de géographie ecclésiastiques


In: Revue des études byzantines, tome 50, 1992. pp. 87-112.

Résumé
REB 50 1992 France p. 87-112
J. Dabrouzès, Notes de littérature et de géographie ecclésiastiques. — L'article contient trente-six notices concernant autant
d'églises ou de monastères de Bithynie et de Paphlagonie. Elles sont regroupées sous les trois éparchies de l'Asie Mineure
septentrionale : Honoriade, Paphlagonie, Hélénopont.

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Darrouzès Jean. Notes de littérature et de géographie ecclésiastiques. In: Revue des études byzantines, tome 50, 1992. pp. 87-
112.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rebyz_0766-5598_1992_num_50_1_1853
NOTES DE LITTÉRATURE
ET DE GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUES

Jean DARROUZES

Cet article présente un ensemble de notes sur des églises et des


monastères de Bithynie et de Paphlagonie. Les notices concernent des
fondations qui, sans être tout à fait isolées, ne constituent pas des
ensembles tels qu'il eût été justifié de les inclure dans l'ouvrage qui
contient le relevé et la description sommaire des grands ensembles
monastiques de l'empire byzantin en dehors de la ville de Constanti
nople l.
Les trente-six notices qui ont été retenues intéressent trois épar-
chies du nord de l'Asie Mineure ; elles sont précisément classées par
éparchies et regroupées par villes à l'intérieur de chaque éparchie :
I. Honoriade (Klaudioupolis, Krateia, Héraclée du Pont, Prousias,
Tios, Hadrianoupolis), II. Paphlagonie (Amastris, Gangres, Pom-
pèïoupolis), III. Hélénopont (Amasée, Amisos).

I. Églises et monastères d'Honoriade

1. Monastère de Blachna (μονή της Βλάχνας)

Le monastère, désigné seulement par son toponyme (Blachna),


appartenait à la métropole de Klaudioupolis. Le métropolite, après
avoir cédé une propriété du monastère au patrice Eusèbe, en

1. R. Janin, Les églises et les monastères des grands centres byzantins (Bithynie, Hel
lespont, Latros, Galèsios, Trébizonde, Athènes, Thessalonique), Paris 1975. [Jean Darrou-
zès m'avait confié ce manuscrit en 1989, en précisant qu'il s'agissait d'un chapitre qu'il
avait envisagé d'insérer dans l'ouvrage qu'on vient de mentionner, ouvrage qu'il avait
entièrement revu et récrit après la mort de Raymond Janin ; il y avait renoncé, pour ne
pas introduire un déséquilibre dans un volume qui devait contenir uniquement des
ensembles importants de monastères ou d'églises urbaines: voir aussi FŒB 49. 1991.
p. 340. Albert Failler.]

Revue des Études Byzantines 50. 1992. p. 87-112.


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demanda le retour devant le tribunal du magistros (Eustathe Rhô-


maios). Les bornes de la propriété ayant été brouillées, le juge exigea
une enquête, pour les rétablir et délimiter la mitoyenneté avec le
village de Rhyakia2.
Il est probable que le métropolite n'était autre que celui qui prit
part au décret d'Alexis III Studite concernant les donations (loca
tions) de biens monastiques; il se nommait Jean3.

2. Monastère de Krateia

Jean, cornes des trésors impériaux, était originaire de Krateia.


Après avoir fait nommer son frère Platon évêque de la ville, il décida
de fonder un monastère près de la tombe de ses parents ; dans ce but,
il s'adressa à l'higoumène d'un monastère de la capitale, qui lui donna
le moine Abraamios4. C'était un Syrien venu d'Émèse avec l'abbé de
son monastère, vers l'âge de dix-huit ans, à la suite d'une incursion
des Sarrasins. Il arriva à Krateia et fut ordonné prêtre par l'évêque
Platon; après dix ans de supériorat dans le monastère qu'il avait
fondé, il fut excédé par la charge et les audiences qu'il devait accorder
aux visiteurs, laïques, moines et évêques, attirés par sa renommée ; il
se retira en Palestine dans l'année 511, à l'âge de trente-huit ans.
Cependant un habitant de Klaudioupolis nommé Olympios était
parti à sa recherche ; alors qu'il était chargé de le ramener, il se laissa
convaincre d'entrer lui-même au monastère de Jean ex-scholaire, à la
tour d'Eudocie. Mais l'évêque de Krateia continuait ses démarches et,
au bout de quatre ans, il recourut aux peines canoniques, d'abord la
suspense du sacerdoce, ensuite l'excommunication. Le bienheureux
Jean demanda au patriarche Élie de lever, si possible, l'excommunic
ation ; la réponse étant négative, Abraamios céda et revint à Krat
eia, où il fut rétabli dans sa charge d'higoumène. Peu après, Platon
décéda, et Abraamios lui succéda sur le siège de Krateia, qu'il occupa
au moins pendant quinze ans5.

2. Peira, XV, 10 : JGFt, Zachariae, I, p. 45-46; Zépos, IV, p. 51-52.


3. V. Grumel, Fiegestes, n" 833; texte du décret, entre autres éditions, dans PG 119,
837-844.
4. Vie d'Abraamios (BFIG 12) : E. Schwartz, Kyrillos von Skythopolis, Leipzig
1939, p. 243-247; le texte grec est incomplet, mais la version arabe contient toute la
Vie du saint : voir P. Pketers, Ilistoria S. Abramii ex apographo arabico, An. Boll. 24,
1905, p. 349-356.
5. La chronologie de cette Vie, écrite par Cyrille de Scyt.hopolis, laisse à désirer,
puisque l'auteur fait repartir Abraamios pour la Palestine en 530, alors qu il a assisté
au concile de Menas en 536 : K. Schwartz, ACO, III, p. 2834, 1 1620= Mansi, VIII,
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3. Église de la Vierge (ναός/οίκος Θεοτόκου) à Héraelée du Pont

Vers la fin du 6e siècle, Théodore Latzéas, d'Héraclée du Pont, vint


prier Théodore de Sykéôn de se rendre chez lui pour chasser des
esprits mauvais provenant d'une fosse proche de sa maison. Le saint
se laissa convaincre, surtout parce qu'il avait un grand désir de prier
dans l'église de la Mère de Dieu, qui se trouvait, selon une version du
texte, εν τω Σπηλαίω'\ C'est dans la même église sans doute qu'Alexis
Comnène, après avoir échappé à une embuscade durant sa visite à
Kastamonion, vint rendre grâce à la Théotokos dans son église «non
faite de main d'homme»7. Ce qualificatif, appliqué à l'église elle-
même, paraît signifier une particularité du lieu, plutôt que la posses
siond'une image miraculeuse de type assez commun. Selon P.
Makrès8, l'une des grottes qui se trouvent au nord-est de la ville, au
lieudit Panagia, avait été aménagée en lieu de culte; il y avait des
restes de pavement en mosaïque, et une autre mosaïque (murale?)
représentait une mitre épiscopale dont la croix était formée de pierres
vertes et blanches. Cette grotte avait 30 m de long sur 13 m de large ;
une autre, de dimensions encore plus grandes (27 X 27 m), disposait
de ce que P. Makrès appelle un pronaos. La description de G. Perrot
concorde avec celle de P. Makrès9; l'explorateur a aperçu aussi des
pierres de mosaïque, des niches creusées dans le roc, et il rapporte la
croyance que la rivière souterraine aurait son débouché vers Amasra
(Amastris). Les grottes sont à l'origine d'un culte et de légendes
anciennes confirmées par le nom du cap Achérousias et d'Achéron.
Il n'y a pas lieu sans doute de retenir l'allusion de P. Makrès à des
catacombes qui auraient servi de refuge au temps des persécutions. Le
rapport entre la Théotokos du Spèlaion et une église qui ne serait pas
faite de main d'homme paraît convenir au site où s'est perpétué, selon
P. Makrès, le toponyme Panagia. Il est probable qu'une grotte avait
été aménagée en lieu de culte de la Vierge; l'exploration archéolo-

978. 1146. L'intervalle entre le premier départ d'Abraamios et son retour est aussi de
plus de quatre ans, car· Platon était encore en vie en juillet 518 ibidem, p. 6533 = 1047.
:

Selon la Vie, il serait décédé juste après le retour d'Abraamios.


6. Vie de Théodore de Sykéôn. 44 Festugière, I. p. 39-40; IT, p. 200-201, 292.
:

7. Nicéphore Bryennios, II, 26 Bonn, p. 94 = Gautier, p. 119.


8. P. Makrès. Ήράχλειχ του Πόντου, Athènes 1903, p. 16-18.
:

9. G. Perrot, E. Ciiixavme et J. Dei. ret. Exploration archéologique de la Galatie et


de la Rilhi/nie .... I. Paris 1872. p. 16-17: L. Vivien de Saint-Martin, Description
tiistoriijiie et <iéit<jraphi(]ue de l'Asie Mineure... II. Paris 18f>2, p. 464.
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gique n'en a pas encore fourni la démonstration 10; s'il y avait autour
d'une grotte des constructions semblables à celles de la Théosképastos
de Trébizonde ", il n'en reste aucune trace.

4. Monastère anonyme à Héraclée du Pont

Un sceau du 7e ou 8e siècle désigne Marinos comme higoumène


d'Héraclée du Pont. V. Laurent se demande si le titre d'higoumène
équivaut dans le cas à celui d'archimandrite12. Les exemples fournis
par la liste du concile de Nicée (787) montrent que certains monast
ères, comme Germia et Amorion, sont désignés uniquement par le
nom de la ville, comme l'évêque ; on ne sait si le titre signifie dans ce
cas que le monastère est unique, mais il n'y a pas lieu de supposer que
cet higoumène était archimandrite, comme, par exemple, Bardas
higoumène et archimandrite de Prousias 13.
Les deux mentions de l'église de la Théotokos à Héraclée du Pont
ne font aucune allusion à son caractère monastique.

5. Église Sainte-Sophie (?) à Héraclée du Pont

L'emplacement et le caractère architectural de la mosquée Orta


Cami conviennent à l'église principale d'Héraclée du Pont. La déno
mination Hagia Sophia vient de P. Makrès, qui ne donne aucune
indication sur l'ancienneté du nom 14. La dédicace à la Sagesse de
Dieu n'est nullement improbable, mais elle n'est pas suffisamment
attestée.
L'église ancienne est de type basilical : trois nefs séparées par des
colonnes avec une abside. La construction est estimée du 5e ou
6e siècle 15.
Une inscription sur une porte indiquerait, selon P. Makrès, une
intervention impériale ; il s'agit très probablement de celle qui se
trouve sur la porte d'une maison voisine et où l'empereur cité est
Trajan; elle n'a aucun rapport avec l'église chrétienne.

10. W. Hoepfner, Ilerakleia Pontike-Eregli. Eine baugeschichtliche Untersuchung,


Wien-Köln-Graz 1966, plan I (nos 31-33).
11. H. Janin, op. cit., p. 272-273.
12. V. Laurent, Le corpus des sceaux de l'empire byzantin, V/2, Paris 1965, n" 1257,
p. 177.
13. R. Janin, op. cit., p. 434-440, suus les nos 52, 85, 110, 114.
14. P. Makrès, op. cit., p. 16.
15. W. Hoepfner, op. cit., p. 93-97, avec des plans, et Tafel 28.
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6. Monastère de Prousias

Les moines de Prousias étaient représentés au concile de Nicée (787)


par l'higoumène et archimandrite Bardas16. Le titre d'archimandrite
laisse entendre que le monastère était important ou que le personnage
dirigeait une sorte de confédération des moines de la ville ou de la
région de Prousias sur Hypios ; il y avait neuf archimandrites présents
au concile et tous sont désignés par le nom de leur établissement
(Stoudios, Hérakleion, Sakkoudion, etc.). L'opposition des moines de
Prousias à l'iconoclasme est indiquée aussi dans la Vie d'Etienne le
Jeune 17 ; les moines de Byzance, de Thynia, de Bithynie et de la
région de Prousias reconnaissaient Etienne du mont Saint-Auxence
comme leur chef de file. Ce témoignage, malgré le caractère peu histo
rique du récit hagiographique, a du moins l'avantage de bien distin
guer Prousias et la Bithynie, où se trouvait l'autre Prousias (Kios),
que la Vie de Michel le Syncelle confond d'ailleurs avec Prousa 18.
Après le concile de Nicée, les sources ne disent plus rien des moines
de Prousias. C'est l'évêque Paul, membre du concile de 787, qui repré
senta l'opposition postérieure. Exilé sous Léon V l'Arménien (813-
820), il vécut le reste de sa vie dans la retraite 19 et ne semble pas être
revenu sur son siège ; sa résidence était près de Brilès, dans le Pandè-
mos, où Pierre d'Atroa20 et Antoine le Jeune21 vinrent le voir.

7. Monastère de Xèrolimnè (Ξηρολίμνη, λαύρα)

En l'année 921, Michel Maléïnos et son compagnon de solitude Aga-


pios quittèrent les environs du Gallos et se rapprochèrent des confins
de Prousias22. Michel trouva un lieu favorable à Xèrolimnè, près d'un
solitaire déjà établi, et il bâtit là sa cabane. Il demeura là quatre ans,
pendant lesquels une cinquantaine de frères se réunirent autour de lui
pour partager le même régime ascétique. Malgré le régime au pain et à

16. Mansi, XIII, 152-156; cf. R. Janin, op. cit., p. 439.


17. Vie d'Etienne le Jeune (BHG 1666) : PG 100, 1113'·.
18. Vie de Michel le Syncelle (BHG 1296) : Th. M. Schmit, p. 23735 (Παρουσιάδος),
p. 27334 (ΙΙρουσαιών).
19. Syn. (IP, 7 mars : Delehaye, p. 518.
20. Vie de Pierre d'At.roa, 60 : Laurent, p. 197. L'éditeur a préféré la leçon Πλου-
σιάδος à Προυσιάδος, qui est de première main. Dans ce passage, l'évêché de Prousias est
dit appartenir aux Boukellarioi, nom du thème qui englobait diverses divisions ecclé
siastiques (llonoriade, Paphlagonie. (lalatie).
21. Vie d Antoine le Jeune {BHG 142), 41-43 : Papadopoulos-Kérameus, p. 215:
pour la date de la visite, voir F. Haï, kin. Saint Antoine le Jeune et Pétronas le vain
queur des Arabes en 863. An. Boll. 62. 1944. p. 19S.
22. Vie de Michel Maléïnos (BHG 1295), 13-15 : Petit, p. 15-18 et p. 62 n. 14-16.
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l'eau, les ressources du lieu s'avérèrent insuffisantes. Laissant à Aga-


pios le soin de diriger cette laure, Michel revint en Bithynie avec
quelques disciples et fonda une nouvelle laure sur le mont Kyminas.
L'emplacement de Xèrolimnè correspond vraisemblablement au lac
d'Eftene (ou Melen göl), qui s'étend dans la vallée de l'Hypios, au bas
des derniers contreforts du Kardüz dag (dit aussi Dikmen dag). La
frontière entre la Paphlagonie et la Bithynie pour cette époque se
trouvait à Modrènè23, mais, comme l'identification du mont Kyminas
est incertaine, de même que celle du Gallos24, on ne sait pas exacte
mentdans quelle partie de la Bithynie était située la seconde fonda
tionde Michel Maléïnos, la seule où furent édifiés des bâtiments. La
laure de Xèrolimnè resta sans doute un groupement de cabanes pour
ermites dépourvu de locaux de communauté.

8. Monastère de la Théotokos (Θεοτόκος, μονή) à Tios

Au concile de Nicée (787), l'évêque Michel de Tios n'apparaît qu'à


la septième session et hors du groupe de sa province ; il retrouve son
rang hiérarchique pour la signature. La ville était représentée aussi
par Nicétas, «higoumène de la sainte Théotokos du kastron de
Tios»25.
Dans son état actuel, le site de Tios (Tion, Teion, Teios) montre
encore la justesse de l'appellation de kastron26; on ne sait si le grand
édifice à péristyle et abside qui se trouve dans la plaine fut utilisé
comme église27.

9. Monastères du saint stylite Alype à Hadrianoupolis

Le cadre historique de la vie d'AIype est assez bien délimité, bien


que les récits hagiographiques ne donnent aucune date précise28. Il

23. Constantin Porphyrogknètiï, De Ihematibus : Bonn, p. 28= Pertusi, p. 71.


24. La solution est d'admettre deux rivières du nom de Gallos, le Mudurnu et le Gok
su. Cela ne résout pas toutes les difficultés pour la période byzantine; cf. R. Janin,
op. cit., p. 107-109, 116-118.
25. M ANSi, XIII, 156; cf. R. Janin, op. cit., p. 438-439, n" 98.
26. L. Robert, Études anatoliennes. Recherches sur les inscriptions grecques de l'Asie
Mineure, Paris 1937, p. 266-282, pi. X-XIV (photographies).
27. Ibidem, p. 279 (avec le plan de J. Laurens et les notes de Bore et Kalinka).
28. On peut se contenter de renvoyer à la Vita prior, écrite sans doute dans le
courant du 7·' siècle; les deux compilateurs postérieurs, Syméon Métaphraste et Néo
phyte le Reclus, n'ajoutent au récit primitif aucune connaissance personnelle des lieux ;
les trois textes sont réunis dans l'édition de II. Dei.iîhaye, Les saints stylites, Bruxelles
1923, p. lxxvi-lxxxv. 148-169 (Vita prior, BUG 65), p. 170-187 (Syméon Métaphrasle,
BUG 64), p. 188-194 (Néophyte le Reclus, BUG 66).
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mourut sous le règne d'Héraclius (610-641), à un âge centenaire, et il


avait connu probablement l'évêque Théodore d'Hadrianoupolis, pré
sent au synode de juillet 518 29. Deux évêques de même nom se succé
dèrent au début de la vie d'Alype, dont la période active comme
fondateur doit se situer dans la seconde moitié du 6e siècle. Le saint et
l'auteur de sa première Vie sont restés à l'écart des événements exté
rieurs de leur époque, comme s'ils n'avaient touché en rien la vie de la
petite ville d'Hadrianoupolis30.
Confié tout jeune à l'évêque Théodore, qui prit soin de sa première
éducation, Alype est ordonné diacre par le second Théodore et choisi
comme économe de l'église épiscopale plutôt en considération de sa
vertu que de son expérience des affaires. Son premier essai de fuite
avorte, car l'évêque Théodore le retrouve à Euchaïta, près du tom
beau du saint martyr Théodore ; il tente ensuite de s'établir en soli
taire sur une montagne du sud de la ville, mais l'évêque s'arrange de
nouveau pour l'empêcher d'élever là un autel. Alype se dirige enfin
vers la région proche de la ville, pleine de tombes anciennes, et il
inaugure son combat contre les démons en abattant un «taurolion»31,
qui se dressait au sommet d'une colonne près d'un tombeau; il le
remplace par une croix. Tous les tombeaux ne devaient pas être
païens, car deux défunts apparaissent au diacre en cet endroit et lui
indiquent où il devra édifier une église en l'honneur de la martyre
Euphémie.
C'est sur la même colonne, semble-t-il, que l'ascète aménagea sa
résidence définitive. Au pied de la colonne, les fidèles commencèrent à
se réunir. Une dame de la ville, Euphémie, donna l'exemple, suivie
par Euboula et par Maria, la sœur d'Alype; ce fut le début d'une
communauté monastique. Un groupe d'hommes se forma également.
Deux monastères séparés furent construits près de la colonne, de sorte
que le stylite pouvait se joindre aux psalmodies des moines et des
moniales.
Le site d'Hadrianoupolis, dont l'appellation antérieure était Césa-
rée, n'a été reconnu définitivement qu'après la publication des ins-

29. E. Schwartz, ACO, III, p. 6526 27 = Mansi, VIII, 1047; cf. M. Le Quien,
Oriens christianus, I, Paris 1740. col. 577-578.
30. 11 est bien question d'une impératrice qui sollicite l'envoi au Palais de la croix
que le saint avait dressée sur sa colonne : Vita prior, 22 (Delehaye, p. 1642635). Aucun
indice de datation ou d'identification n'est donné en cet endroit.
31. Vita prior, 9 (Delehaye, p. 15445) : τω δε τύμβω κίων ύπήρχεν έφεστηκώς έπ' άκρω
της κορυφής ίδρυμένον έχων ταυρολέοντα. Je n'ai trouvé nulle part le terme de taurolion ; il
s'agit peut-être d'un lion tauroctone ou d'une association du lion et du taureau sur une
même stèle; cf. F. Cumont. Les religions orientales dans le paganisme romain, Paris
1929. p. 221 n. 7 (voir aussi pi. XIIT2). Il semble qu'un symbole funéraire n'aurait pas
été dressé au sommet d'une colonne.
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criptions de la ville par G. Mendel ; on n'a pas signalé de monuments


chrétiens en cet endroit32.

10. Église de la martyre Euphémie (μαρτύριον/έκκλησία Ευφημίας


μάρτυρος) à Hadrianoupolis

Diacre économe de l'évêché d'Hadrianoupolis, Alype dut accompag


ner son évêque Théodore dans un voyage à la capitale. A Chalcé-
doine, réfugié dans l'église de Bassa, il méditait l'abandon de ses
charges, mais sainte Euphémie lui conseilla en songe de regagner sa
patrie. A son retour, il s'occupa d'élever une église en l'honneur de la
sainte martyre. L'endroit où il devait la bâtir lui fut de nouveau
révélé en songe par deux saints personnages, dont les restes mortels
furent découverts par la suite. Alype fit déposer ces reliques dans le
narthex de la petite église de sainte Euphémie, qui ne devait pas être
très éloignée de sa propre cellule ni de la colonne où il s'établit
ensuite. Au jour de la dédicace de l'église, Alype officiait comme
diacre, et les démons furent définitivement chassés de ces lieux par la
proclamation de l'évangile ; la foule, qui semble avoir hésité jusque-là
à se présenter, entra dans le lieu consacré33.

II. Églises et monastères de Paphlagonie

1. Église du martyr Hyacinthe (Υάκινθος μάρτυς, ναός) à Amastris

Selon la notice du Synaxaire, Hyacinthe vivait sous un évêque


Hèrakleidès34 ; traduit devant le gouverneur de la ville, Kastrikios,
par les idolâtres dont il avait détruit un arbre sacré, il fut torturé et
mourut en prison. Sur sa tombe se produisait au jour de sa fête une
effervescence du sol dont les pèlerins recevaient comme relique la
poussière qui s'en dégageait à cette occasion35.

32. G. Mendei,, Inscriptions de Bithynie, BCH 25, 1901, p. 7-23; voir le type de
tombeau ou de niche votive dans R. Lkonhard, Paphlagonia. Reisen und Forschungen
im nördlichen Kleinasien, Berlin 1915, p. 345 (ce doit être la photographie de la niche
que décrit G. Mendei, p. 8).
33. Vie de saint Alype (Vita prior, BUG 65), 9-12 : Delehaye, p. 154-157. Néophyte
le Reclus (ibidem, p. 19213) considère l'église Sainte-Euphémie comme celle de la
communauté monastique des frères.
34. Syn. CP, 18 juillet : Delehaye, p. 827-828 ; par distraction, le nom d'Hèrakleidès
est cité comme Basilcidcs dans V. Schultzk, Altchristliche Städte und Landschaften. 11.
Kleinasien, 1, Gütersloh 1922, p. 215.
35. BUG 608 : PG 105, 417, 440.
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L'éloge du martyr par Nicétas le Paphlagonien ajoute une touche


locale à cette notice36. Il débute par un éloge de la ville, «œil de la
Paphlagonie et même, peu s'en faut, de l'univers», remarquable sur
tout par son port, trait d'union entre le nord (Scythes du Pont Euxin)
et le sud, et entre l'est et l'ouest. Le martyr Hyacinthe en est le
protecteur et fondateur (πολιούχος και πολιστής). Avant son décès, il
promet sa protection à ceux qui accorderont à ses restes un édifice
pour les commémoraisons et le culte37. Peu de temps avant la compos
ition de cet éloge, le miracle annuel du soulèvement du sol et de
l'émission de poussière s'était accompagné d'une nouvelle manifesta
tion : le doigt majeur était apparu, comme détaché fraîchement de sa
main droite, pour témoigner de la présence des restes du martyr et
susciter l'érection d'une église38. Ces deux passages paraissent indi
quer que la construction n'était pas très ancienne à la date du récit
(9e siècle) et que l'église avait été édifiée à la suite de l'invention
miraculeuse des reliques. D'après le Synaxaire, le tombeau était resté
à l'air libre ; Nicétas ne dit pas expressément que l'édifice recouvrait
la tombe, constituée d'une sorte de sarcophage autour duquel on all
umait des lampes39.

2. Église cathédrale (?) d'Amastris

Georges, archevêque d'Amastris, honoré comme saint40, avait été


ordonné par Taraise entre octobre 790 et janvier 792 41. Il était origi
naire de Kromna, évêché côtier proche d'Amastris, dont l'évêque
avait veillé à sa première éducation. Un solitaire du mont Agriosè-
rikè42, auprès duquel il s'était réfugié pour embrasser la vie ascétique,
le dirigea vers le monastère de Bonita. Après le décès de Grégoire,
l'évêque qui avait assisté au concile de 787, la population d'Amastris

36. PG 105, 421 '~υ. Au sujet de la place commerciale que fréquentent les Scythes du
nord, le témoignage de Nicétas le Paphlagonien revêt une importance particulière,
relevée par A. A. Vastmev, The Russian attack on Constantinople in 860, Cambridge
Mass. 1946, p. 88; si l'attaque russe dont, parle la Vie de Georges d'Amastris datait de
860, il est vraisemblable qu'elle aurait, été évoquée aussi dans le discours du Paphlagon
ien.
37. PG 105, 436''.
38. Ibidem, 437-440 (le § 22).
39. Ibidem, 437D : το τοϋ τάφου στόμα και τήν καλύπτουσαν λαρνακοειδώς οίκοδομίαν.
40. Syn. CP, 21 février : Delehaye, p. 481-482.
41. V. Grumel, Regestes, n" 367. Tous les renseignements qui suivent sont tirés de
la Vie de Georges d'Amastris (BHG 668). dans l'édition de V. Vasilievskij. Il n'y a pas
lieu de retenir l'hypothèse de M. Le Quien (I, col. 363) sur l'identification de Grégoire
et de Georges «1 Aniasti'is.
42. Dans le Synaxaire, Agriosèrikè devient Sèrikè.
96 J. DARROUZÈS

proposa Georges à l'ordination ; bien que l'empereur eût choisi un


autre candidat, Taraise et le synode décidèrent de nommer Georges.
Le fait le plus notable de sa vie est le sauvetage de la population au
cours d'une incursion des Agaréniens (Arabes) : il parcourut les vil
lages voisins et mit les habitants à l'abri dans la ville, tandis qu'il
circulait lui-même au-dehors comme une sentinelle43.
Après sa mort, Georges fut enseveli dans une église, dont le nom
n'est pas donné. Au cours de l'invasion russe, qui est, selon
A. A. Vasiliev, celle d'Igor en 941, les barbares entrèrent dans le sanc
tuaire et se préparaient à violer le tombeau du saint; mais les soldats
restèrent comme paralysés; sur le conseil d'un captif, le chef respecta
la tombe et laissa la liberté aux chrétiens44. L'église où se trouvait la
tombe était peut-être la cathédrale de l'archevêché, mais elle ne se
trouvait pas dans la citadelle. En effet, au cours d'une inondation
catastrophique, pendant laquelle l'eau entrait par les toits et les
portes, l'édifice ressemblait à un esquif ballotté par les flots en pleine
mer; cependant, l'inondation ne toucha pas le tombeau, autour
duquel les eaux formèrent comme un mur solide45.

3. Église du martyr Georges (εκκλησία Γεωργίου μάρτυρος) à Amastris

Sur le territoire d'Amastris existait une église très fréquentée du


martyr Georges46; elle se trouvait au lieudit Potamos ou bien Oikia-
kos. Le fleuve qui aboutit à la mer près d'Amastris n'est désigné ici
que par le terme général ; la seconde désignation du lieu peut corre
spondre au nom du fonctionnaire byzantin propriétaire de l'endroit, un
έπί των οίκειακών, dit simplement οίκειακός47. L'église était desservie
par un prosmonarios, un prêtre gardien qui assurait le service et
tenait une petite école.

43. Vie de Georges d'Amastris, 24 : Vasilievskij, p. 38-40. Le récit ne donne pas de


date pour cette incursion et ne dit pas que les Arabes se présentèrent effectivement
devant la ville; il est probable que les précautions prises par l'archevêque datent des
dernières années du 8° siècle : en 798, le raid des Arabes atteignit Malagina, sur le
Sangarios.
44. Ibidem, 43-46 : p. 66-71. L'éditeur date cette invasion russe de l'année 860-861 ;
il semble que la Vie est écrite au 10'' siècle et peut-être à la suite de l'invasion russe :
A. A. Vasiliiîv, op. cit., p. 86-88.
45. Vie de Georges d'Amastris, 42 : Vasilievskij, p. 65-66.
46. Miracula s. Georgii (BflG 688): AASS, April., Ill, p. xxix ; Aufhauser,
p. 18-20.
47. Le terme οίκειακός n'est guère employé seul pour désigner le fonctionnaire qui
succède à l'eidikos (idikos); cf. Π. Gun.land, Les logothètes, BEB 29, 1971, p. 95-98.
L'hypothèse est avancée seulement pour distinguer le terme géographique et un
anthroponyme et exclure que le fleuve se nomme Oikiakos.
LITTÉRATURE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUES 07

Le récit qui mentionne l'église n'est pas datable. Le jeune homme


sauvé de la captivité par saint Georges avait été envoyé aux armées
par son père Léon, un vétéran qui ne pouvait plus prendre du service.
D'après la date du plus ancien manuscrit48, le témoignage vaut pour
la période antérieure au 11·' siècle. Selon le même récit, les habitants
de Paphlagonie vénéraient beaucoup le saint martyr et lui avaient
consacré plusieurs églises.

4. Bonisai

Au concile de Nicée (787), le monastère de Bonisai était représenté


par deux délégués, les moines Jean et Galliste, dont l'un est le délégué
personnel de l'higoumène Etienne. Ce ne doit pas être un hasard que
le délégué du monastère de Tios (ou Tion) signe exactement après
eux; ils viennent de la même région. A la même date, en effet,
Georges, le futur archevêque d'Amastris, vivait dans le monastère de
Bonyssa, qui doit être le même que le Bonisai des signatures conci
liaires49. La Vie du saint ne donne aucune indication précise sur l'e
mplacement exact de Bonyssa ; elle dit seulement qu'il s'agissait d'un
monastère cénobitique50, comme le laisse supposer la mention des
délégués.
Une inscription de Meire, aux environs d'Eflâni, conserve le nom de
Zeus Bonitènos et donne le site de son temple51. Il est vraisemblable
que ce fut aussi l'emplacement du monastère ; les communications
avec Amastris passaient par le bassin du Parthénios (Bartin su) et de
ses affluents.

5. Monastère du hiéromoine Galliste à Amastris

En mars 1400, le hiéromoine Calliste, déposé par son métropolite,


réussit à se présenter au synode malgré le blocus de la capitale par
Bayezid5'2. Le patriarche estima la condamnation anticanonique,
parce que le jugement exigeait la présence de six évêques, et il
demanda en conséquence au métropolite de se présenter lui-même au

48. Aufhauser (p. 18) utilise le Mosquensis 381 [Vladimir], daté de l'année 1023.
49. M ANsi, ΧΠΤ. 156; cf. R. .Ianin, op. cit., p. 438, n" 97 le nom est écrit Βονισών
:

(génitif).
50. Vie de Georges d'Amastris, 12 : Vasilievskij, p. 22; le nom est écrit Βόνυσσαν
(accusatif): cf. Syn. CP Delehaye, p. 48215 (Βόνυσαν) et p. 21624 (Βόνιτα de l'Anatoli-
:

koii).
51. G. Dru Ht.icT. Inscriptions de Paphlagonie, BCIl 13, 1889, p. 311-313;
!.. Hokkut, Villes d'Asie Mineure2. Pans 1962. p. 311.
52. MM. H. n" 661, p. 370-372.
98 J. DARROUZÊS

synode, s'il voulait soutenir l'accusation. Le hiéromoine vivait donc


dans quelque monastère des environs d'Amastris, ou de la ville elle-
même, car son territoire extérieur devait être bien réduit à cette date.
Par une note de manuscrit, qui doit concerner le même hiéromoine,
on sait que Calliste se trouvait à Amastris en mai 1401 53 ; à cette
date, il fit cadeau au métropolite Germain de Gangres, nouvellement
ordonné, d'un manuscrit de Damascene. En plus de la survivance
d'un petit monastère (μονύδριον) géré par ce hiéromoine, les notes
attestent l'existence d'un clergé encore important dans la métropole
d'Amastris; il y a un grand sacellaire du nom d'Allènarès et son fils
Dèmètrios tient la charge de primicier des notaires ; ces titres laissent
entendre que d'autres postes existaient et que l'officialité diocésaine
était comparable à celle des autres villes byzantines. De plus, le
métropolite de Gangres, qui avait été envoyé au synode par la popula
tion de sa ville, faisait sans doute une partie du voyage par mer :
c'était un prêtre séculier nommé Georges Kontophé, qui prit à l'ord
ination le nom de Germain54.

6. Église d'Hypatios ('Τπάτιος, οίκος) près de Gangres

La Vie d'Hypatios de Gangres est pleine d'incertitudes; selon le


récit qui a le plus de chances de retenir des éléments authentiques de
l'histoire locale, sinon de l'épiscopat lui-même, Hypatios aurait vécu
sous l'empereur Constant (337-361) 55 ; dans cette hypothèse, il assista
au concile qui se tint dans sa ville et qui réunissait les évêques
«d'Arménie»56; cependant, dès le prologue, l'auteur anonyme indique
sa propre origine en opposant l'autochtone Hypatios au Cilicien Calli-
nique. Un détail fournit un indice de datation qui vaut sans doute
aussi pour les renseignements concernant les églises : Hypatios aurait
obtenu de l'empereur Constant l'allégement de l'impôt dit ξυλέλαιον57.
Or, selon Malalas58, c'est l'empereur Justinien qui fit grâce de cet
impôt particulier d'origine gothique.

53. Paris, gr. 1233 : notes éditées dans Άρχεΐον Πόντου 26, 1964, p. 36-37.
54. MM, II, n" 465, p. 491-492.
55. Vie d'Hypatios
F.' de Gangres (BUG 759a), éditée par S. Ferri ; voir la critique de
l'édition par Halkin, An. Boll. 51, 1933, p. 392-394.
56. Mansi, II, 1095; cf. Ch.-J. Hefele, Histoire des conciles, 1/2, Paris 1907,
p. 1030.
57. Le décret impérial fut gravé sur une stèle de bronze et exposé en pleine ville (Vie
d'Hypatios, 10 : Ferri, p. 83); l'impôt était destiné aux soldats en stationnement ou de
passage.
58. Malalas, XVIII : Bonn, p. 4371718.
LITTÉRATURE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉS1AST1OI ES (J1)

Hypatios périt dans une embuscade tendue par des Novatiens du


village de Kobara, assez proche de la ville de Gangres5"'.
Son corps, ramené dans la ville, fut déposé dans une église édifiée
du côté du soleil levant60, près de la Grande Église.

7. Église métropolitaine de Gangres


D'après la Vie d'Hypatios61, l'église épiscopale de Gangres avail
été aménagée dans un temple païen dédié à Dionysios. La transformat
ion aurait eu lieu sous le prédécesseur d'Hypatios lui-même, Atha-
nase ; c'est près de cette «grande église» que fut élevée aussi la
demeure destinée à recevoir la dépouille mortelle d'Hypatios6'2.
Les dédicaces d'églises anciennes sont le plus souvent indécises; le
récit dit simplement que l'eidoleion de Dionysios fut changé en
temple de Dieu. Au cours des temps, ces dédicaces primitives se sont
précisées. Il semble qu'au 12e siècle la principale église de Gangres
était dédiée à la Théotokos ; avant de donner l'assaut à la ville
occupée par les Turcs, Jean Comnène adresse une longue prière à la
Mère de Dieu ; une fois entré dans la ville, il se rend à l'église, où il
installe l'évêque sur son siège, puis rend grâces à Dieu et à la
Vierge63. Le témoignage est bien vague, comme il sied à la poésie. Les
sceaux de métropolites ne fournissent aucune donnée valable64.

59. Vie d'Hypatios, 13 : Ferri, p. 84. Il n'y a sans doute aucun rapport entre le nom
de ce village (Κοβάρων, au génitif) et celui du roi scythe Χωβάρ ou Χαβάρ cité dans la
Passion légendaire : ibidem, p. 98, début du § 21. A propos d'une rencontre antérieure
d'Hypatios avec des Novatiens de Lazianè, l'éditeur met en note : cf. Aizanoi in Phry-
gia (p. 83). Il y avait aussi des Novatiens en Paphlagonie, mais dans la partie ouest, à
Mantineion : Sozomène, IV, 21 : Bidez-Hansen, p. 171. Les indications topographiques
de cette Vie concernent certainement la région proche de Gangres ; ainsi on évitera de
corriger Άλμυρώ en "Αλυι (p. 79, début du § 7). L'Halys est assez éloigné de la ville, et la
rivière «salée», à l'est de la ville, correspond à une saline, indiquée sur la carte de
H. Lf.onhard (Paphlagonia. Reisen und Forschungen im nördlichen Kleinasien, Berlin
1915). Le mont Mala doit se trouver entre l'IIalmyros et l'IIalys, toujours en allant vers
l'est.
60. Vie d'Hypatios, 14 : Ferri, p. 86. Dans ce contexte, Γοΐκος qui abrite la dépouille
est un édifice distinct de la Grande Église elle-même; mais l'emploi des termes μητρό
πολις et μεγάλη εκκλησία dénote une rédaction assez éloignée de la vie du saint.
61 Vie d'Hypatios de Gangres, 2 : Ferri, p. 76 ; dans le contexte, την καλλίστην ημών
.

έκκλησίαν se rapporte certainement à l'église cathédrale.


62. Ibidem, 14 : p. 84. Dans ce passage, il faut sans doute lire έξ ανατέλλοντος ηλίου (et
non έξανατέλλοντος) et μεγάλης εκκλησίας (non πόλει μεγάλη) ; il s'agit de l'église métropoli
taine citée dès le début.
63. W. Hôrandner, Theodoros Prodromos. Historische Gedichte, Wien 1974, p. 238
(vers 151-172) et 241 (258-263).
64. V. Laurent, Le corpus des sceaux de l'empire byzantin, V/l. Paris 1963, n" 439.
Il y aurait, au revers, une représentation de saint Hypatios entre deux monuments,
mais ce n'est pas lui qui transforma le temple de Dionysios (ligure à droite?) en église
100 J. DARROUZËS

8. Monastère du martyr Georges (μονή Γεωργίου μάρτυρος) à Gangres

Au mois de novembre 932, le moine Timothée achevait la copie


d'un manuscrit de Chrysostome à l'intention de Nicolas, métropolite
de Gangres, et de son économe, le moine Nicéphore, du monastère
Saint-Georges65. On ne sait si la copie fut exécutée dans la ville
même ; c'est d'ailleurs l'unique mention du métropolite Nicolas, origi
naire peut-être du même monastère local. Il n'était pas courant que
des moines prennent la charge d'économe d'une métropole ; le qualifi
catifde «très cher» donné à Nicéphore peut indiquer la parenté
monastique avec le métropolite.

9. Église du martyr Georges (εκκλησία Γεωργίου μάρτυρος) à Gangres

Le village de Didia avait pour principale église celle qui était dédiée
au martyr Georges ; ce devait être aussi un lieu de pèlerinage assez
fréquenté, car le personnage qui est le héros du récit, un habitant du
village nommé Léon, avait une dévotion à tous les saints réputés et
envoyait son fils Manuel porter une offrande à Saint-Michel de Cho-
nai66; ce fut à l'occasion de ce pèlerinage de Manuel que saint Georges
délivra le voyageur dans une auberge de l'Anatolikon qui était un
véritable coupe-gorge.
Didia devait être un bourg assez important des alentours de la ville
ou de son ressort administratif67.

10. Église du martyr Callinique (Καλλίνικος μάρτυς, ναός) à Gangres

Originaire de Cilicie, Callinique fut jugé et torturé à Ancyre, puis


conduit jusqu'à Gangres, où il fut jeté dans une fournaise68. Cepen
dant,il restait de lui des reliques déposées dans une église qui portait
son nom. Le transfert du condamné de la province de Galatie dans

(esquissée à gauche). S'il s'agit d'Hypatios, peut-être l'image veut-elle indiquer le rap
port entre la cathédrale et l'église qui conservait les reliques.
65. Colophon du manuscrit flalki Panagia 4 : EEBS 10, 1933, p. 248.
66. Miracula s. Georgii, 11 : Aufhauser, p. 108e"12.
67. Dans le contexte, περιοικίδι, appliqué à la métropole, indique plutôt la dépen
dance administrative.
68. Syn. CP, 26 juillet : Dclchaye, p. 853-854; Passion de Callinique (BUG 286y) :
PG 115, 477-488.
LITTÉRATURE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUES 101

celle de Paphlagonie paraît invraisemblable69, mais l'itinéraire


que dans le récit de la Passion garde un certain intérêt70.
L'église n'est pas mentionnée dans le texte hagiographique, mais à
propos de la mort du patriarche Macédonius ; celui-ci, exilé à
Euchaïta par l'empereur Anastase, quitta cette ville pour se réfugier à
Gangres à cause d'une invasion des Huns; il mourut en 516, et son
corps fut déposé prés des reliques du martyr Gallinique dans son
église71. Elle est mentionnée aussi vers cette date par le pèlerin Théod
ose, qui ne l'a citée que par ouï-dire7"2.
A une date indéterminée se produisit une certaine confusion avec
H y patios, car le synaxaire fait de ce dernier un Gilicien d'origine ; la
Vie authentique insiste au contraire sur le fait qu'Hypatios est un
Paphlagonien authentique. Était-ce une querelle de sanctuaires?

11. Église Saint-Étienne à Safranbolu

Une église Saint-Étienne existait au 19P siècle; elle est citée une
première fois par G. Doublet au sujet d'une inscription que lui
communiqua un diacre Hiérothéos73, mais dont la pierre n'a pas été
localisée ; cependant, É. Legrand a copié une autre inscription
métrique dans la même église74.
Une fois éliminée l'identification de Safranbolu (Zafaranboli) avec
Euchaïta proposée par G. Doublet75, qui rapportait une opinion

69. C'est l'opinion de S. Lenain de Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire


ecclésiastique des six premiers siècles, V, Paris 1698, p. 798; cependant la Paphlagonie
intérieure (par distinction avec la région côtière) dépendit de la Galatie : G. Perrot,
Exploration archéologique de la Galatie et de la Bithynie .... I. Paris 1872, p. 195 (re
nvoyant à sa thèse : De Galatia provincia romana, Paris 1867, p. 50). Ainsi, dans la notice
de Pierre, la métropole de Gangres est rattachée à l'éparchie Galaktikè : Syn. CP (I)ele-
haye, p. 122M).
70. W. M. Ramsay, The historical geography of Asia Minor, Londres 1890, p. 258;
l'auteur se fonde sur la traduction latine de la Passion de Gallinique, mais dans le
Synaxaire il y a une variante portant sur la distance : 70 ou 80 stades.
71. La source est Théodore Lecteur, repris par les chroniqueurs byzantins : Théo-
piianiï, an 6008 (De Boor, p. 161-162); Cedrenus (Bonn, p. 633); Nicéphore Cal-
liste {PG 147, 168).
72. V. Schui.tze, Altchristliche Städte und Landschaften. II. Kleinasien, 1 Gütersloh
,

1922, p. 201-202.
73. G. Doublet, Inscriptions de Paphlagonie, BCH 13, 1889, p. 294-299.
74. K. Lkurand. Inscriptions de Paphlagonie, BCH 21, 1897, p. 92-93 : inscription
funéraire, sans aucun nom d'édifice chrétien.
75. W. M. Ramsay, op. cit. p. 319-320; Π. Grégoire, BZ 19. 1910, p. 59-60;
,

V Hai.kin. Inscriptions grecques relatives à l'hagiographie. IX. L'Asie Mineure. An.


.

Boll. 71, 1953. p. 96.


102 J. DARROUZÈS

exprimée par L. Duchesne, il reste peu de chose à tirer aussi bien du


nom d'Etienne que de celui de Théodore donnés par l'inscription76.
Il n'y a pas dans cette localité de tradition valable concernant une
église Saint-Théodore ou bien l'appellation de Théodoroupolis. L'at
tribution à Eudocie d'une donation de relique demande aussi un
témoignage plus autorisé ; il n'y a aucun rapport apparent entre la
donation de la relique du pied de saint Etienne et la dédicace de saint
Théodore.

12. Monastère de Gaudiolos à Pompèïoupolis

Dans la seconde moitié du 5e siècle, un moine acémète nommé Tha-


lassios rencontre l'higoumène Gaudiolos, dont le monastère se trou
vait à Pompèïoupolis. Comme on lui donnait en exemple la mansué
tude de Marcel à l'égard de ses moines77, Gaudiolos réplique qu'il ne
faut pas mettre en comparaison des êtres non comparables : Marcel
pouvait légiférer comme un Moïse, lui-même devait s'en tenir aux
règles communes, et il refusait de réintégrer des moines qui étaient
sortis du monastère. Il fallait bien montrer aux autres qu'on ne sort
pas et qu'on ne revient pas dans un monastère comme on veut.

13. Église d'Anthime martyr à Pompèïoupolis

A Taskopru, qui se trouve sur le site de Pompèïoupolis, une inscrip


tion mentionne les «bornes inviolables» du saint martyr Anthime 78.
L'inscription figure sur une dalle, qui ne se'trouve plus sans doute in
situ ; elle atteste néanmoins l'existence d'un sanctuaire dédié au mar
tyrde Nicomédie, l'évêque Anthime, dans la ville ou aux environs.

76. Dans les diverses mentions de reliques de saint Etienne, il n'y a pas de localisa
tion en Paphlagonie; une relique du pied est située dans la ville de Genova après les
croisades : R. Janin, Les églises et les monastères (de Constantinople)2, Paris 1969,
p. 472 (d'après Riant, Exuviae sacrae Constaniinopolitanae, II, Genève 1878, p. 185-
187). Il n'y a pas d'évêché à Safranbolu, dont le rapport avec un toponyme byzantin est
encore indécis; cf. D. J. Georgacas, The names for the Asia Minor Peninsula and a
Register of surviving Anatolian pre-Turkish placenames, Heidelberg 1971, p. 121. L'équi
valence avec Germia indiquée sur des cartes (par exemple R. Leonhard, op. cit.) et
avancée par W. M. Ramsay est tout à fait exclue d'après la liste des évèchés.
77. Vie de Marcel l'Acémète (BUG 1027z), 24 : Dagron, p. 306-307. Dans ce récit, la
ville est considérée comme appartenant au Pont.
78. Éditée par G. Doublet, Inscriptions de Paphlagonie, BCH 13, 1889, p. 309; cf.
V. Schultze, op. cit., II/l, p. 211 ; F. Ηαι,κιν, art. cil., p. 96.
LITTÉRATURE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUES 103

III. Églises et monastères d'Hélénopont

1. Oratoire de l'apôtre André près d'Amasée

Hésychius était originaire du territoire ou de la ville des Andrapè-


noi, c'est-à-dire Andrapa (Néaklaudioupolis, Vezirköprü)79. Il cher
cha une retraite monastique vers la «mer d'Adrania» sur le mont
Maion80; au pied de cette montagne, près d'une source, il éleva un
sanctuaire à saint André.
Sur le littoral du Pont Euxin, aucune localité ne porte le nom
d'Adrania ; le nom s'applique peut-être à quelque lac de l'intérieur,
qui n'est pas signalé autrement, non plus qu'une montagne du nom de
Maion. Le transfert des reliques du saint fut effectué par un métropol
ite d'Amasée nommé Théophylacte, en l'an 6300 (792) H1 ; c'est égal
ement une mention unique du successeur de Daniel qui assistait au
concile de Nicée (787). La notice hagiographique fut composée ce
rtainement à l'occasion du transfert et elle laisse entendre que le saint
avait vécu assez près de la métropole. Son oratoire, qui était aussi un
hagiasma, devait être un petit lieu de pèlerinage.

2. Oratoire (οίκος ευκτήριος) de la Théotokos à Amasée

Un habitant d'Amasée nommé Chrysaphios fit transformer sa mai


son en oratoire ; comme celle-ci avait deux étages, celui du bas fut
consacré à l'archange Michel, et l'étage supérieur devint un grand
oratoire dédié à la Mère de Dieu82.

79. La Vie d' Hésychius n'est connue que par les notices du synaxaire, composées
vraisemblablement à l'occasion du transfert (.4/tS.S, Mart., I, p. 879) ; cf. Syn. CP,
6 mars (Delehaye, p. 515, donne seulement le début et la fin du texte). La mention du
10 mai, qui concerne peut-être le transfert lui-même, est un abrégé de la notice pré
cédente (Delehaye, p. 673-674).
80. J. G. G. Anderson, F. Gi'mont et IL Grégoire, Studia Pontica. III. Recueil défi
inscriptions grecques et latines du Pont et de F Arménie, Bruxelles 1910, p. 87 [dans la
suite de l'article, cet ouvrage sera cité sous le titre abrégé de Studia Pontica, III; de
même, on citera sous le simple titre de Studia Pontica, II, le volume précédent, qui
porte le titre suivant : F. Cumont et E. Cumont, Studia Pontica. II. Voyage d'explorat
ion archéologique dans le Pont et la Petite Arménie, Bruxelles 1906]; V. Schultze,
op. cit.. 1I/L p. 139-14-2.
SI. M. Le Ouif.n. 1, col. 528.
8:2. Vie d'Eutychios {BIIG 657), 5 : .1.1. S.S. April.. 1. p. i.xi (PC 86. ·2334Γ'-·2336Β). Οτι
remarque l'emploi unique de τίγν^ τοϋ μουσάρου : cf. Ducangtc. sub verbo μουσώτης.
104 J. DAHROUZÈS

La maison était ancienne ; sur les parois existaient des mosaïques


représentant Aphrodite ; il fallut les déposer avant de commencer la
décoration chrétienne des murs83. L'ouvrier occupé à ce travail souff
ritd'une inflammation de la main droite, au point qu'on envisageait
de l'opérer; Eutychios lui fit des applications d'huile sainte pendant
trois jours, et la main guérit. En reconnaissance, le mosaïste repré
senta son guérisseur sur un des tableaux de l'église. Le miracle fut
accompli pendant l'exil d'Eutychios à Amasée ; le portrait en
mosaïque fut exécuté sans doute après sa mort.

3. Oratoire (ευκτήριος οίκος) de l'Archange Michel à Amasée

L'oratoire de Saint-Michel se trouvait dans le même édifice que


l'oratoire de la Théotokos ; d'après le récit, ce dernier, à l'étage supér
ieur, était plus grand. Il est probable que la demeure transformée en
église se trouvait à l'Acropole ou sur la pente, et disposée de telle
manière que chacune des deux églises avait sa propre entrée.

4. Oratoire du martyr Thalélaios (Θαλελαΐος μάρτυς, ευκτήριος οίκος)


à Amasée

Avant son départ pour Constantinople, où il devait tenir la place du


métropolite d'Amasée au cinquième concile œcuménique, Eutychios
eut un songe et vit le doigt de Dieu apparaître au-dessus de la mon
tagne qui surplombait son monastère et où s'élevait un oratoire dédié
au martyr Thalélaios84. La vision signifiait la prochaine ascension
d'Eutychios au sommet de la hiérarchie sur le siège patriarcal.
Le monastère principal d'Amasée se trouvait quelque part dans la
ville basse. Par rapport au monastère Saint-Jean, situé sur l'Acropole,
l'oratoire de Thalélaios devait occuper un sommet distinct de celui de
l'Acropole et qui servait de point de repère dans la vision ; la configu
rationdes lieux permet certainement cette distinction85, bien que les
vestiges de ces monuments ne soient pas connus.

83. Entre les années 565 et, 577 ; le saint décéda le 6 avril 582.
84. Vie d'Eutychios, 21 : AASS, April., I, p. lv (PC, 86, 2297). Thalélaios est un
martyr de Cilicie, fêté le 20 mai.
85. Photographies dans Sludia Pontica, II ; c'est surtout l'Acropole qui a été visitée,
parce que les vestiges de la forteresse subsistent. Du temps de Strabon, les deux som
mets étaient compris dans l'enceinte fortifiée.
UTTÉRATl'BE ET GÉOGRAPHIE ECGLÉS1AST lOlJES 105

5. Monastère Saint-Jean de l'Acropole (μοναστήριον 'Αγίου 'Ιωάννου εις


Άκρόπολιν) à Amasée

Le patriarche Eutychios, exilé à Amasée, prit résidence dans son


propre monastère86; c'est pendant ce second séjour qu'il accomplit
plusieurs miracles. On lui amena un jour un jeune homme tourmenté
par un démon ; il se confessa au saint, qui le réconcilia avec Dieu et lui
fit réintégrer son monastère87. Tout le récit suppose que le monastère
Saint-Jean est distinct du monastère propre d'Eutychios88, car, si le
jeune homme avait appartenu au monastère principal dont Eutychios
était higoumène avant 558, il n'aurait pas eu besoin de raconter sa vie
ni d'exposer l'origine de son malaise.
L'Acropole s'élève sur le sommet occidental qui domine la ville
d'Amasée ; le monastère Saint-Jean ne pouvait guère se trouver qu'à
l'intérieur de cette enceinte dominée par un donjon, car les pentes par
lesquelles on y accède ne se prêtaient guère à la construction d'un
édifice. Sur le sommet jumeau, qui fut aussi fortifié, il y avait un
oratoire dédié au martyr Thalélaios89.

6. Monastère d'Amasée

Le monastère qui peut être considéré comme le plus important de


la ville d'Amasée devait sa fondation aux métropolites du lieu. Dans
le deuxième quart du 6e siècle, lorsque la direction du monastère
revint à Eutychios, la fondation était considérée comme ancienne90;
on ne connaît pas les dates de Mélétios, cité comme premier fonda
teur, mais le second, Séleukos, assistait au concile de Chalcédoine
(451); vers 540, le monastère était donc un peu plus que centenaire.
Les deux personnages qui assurèrent la fondation furent sans doute
eux-mêmes des moines du monastère ; un troisième, considéré aussi
comme fondateur, devint évêque d'Ibora91.

86. Vie d'Eutychios, 41-42 : AASS, April., I, p. lix (PG 86, 2321e).
87. Ibidem, 55-56 : p. i.xi (2337(\ 2340B).
88. V. Schultze, op. cil., IÎ/1, p. 104, 106; au contraire, J. G. C Anderson,
I7. Gumont et II. Grégoire [Studio Pontica, III, p. 112) distinguent les deux monast
ères, de même que M. Gédéon (Βυζαντινον 'Εορτολόγιο^, Constantinople 1899, p. 90);
cependant, F. Cumont, dans une édition antérieure (Stadia Pontica. II, p. 166 n. 7),
confondait aussi les deux établissements.
89. Sludia Pontica, II, p. 150-158, avec des photographies (datant de 1900 et dues à
M. Struck voir p. 159 n. 4) et un plan de la citadelle.
:

90. Vie d'Eutychios, 16 : .-1/1 S.S. April., I. p. liv {PG 86, 2293).
91. Les trois fondateurs sont cités vraisemblablement dans l'ordre chronologique
:

Mélétios, Ouranios. Séleukos; les deux premiers étaient antérieurs à Séleukos.


106 J. DARROUZÈS

Eutychios n'était pas originaire de la région, mais de la bourgade


de Phrygie nommée Theiou Komè92; il fut ordonné prêtre à Constant
inopleen 542 par un métropolite d'Amasée qui envisageait d'en faire
un évêque pour Zalichos93; sur le point d'être ordonné, Eutychios
décida d'embrasser la vie monastique et se rendit dans ce but à Ama-
sée, probablement sous l'influence du même métropolite qui l'avait
enrôlé dans son clergé94; en effet, il devint presque aussitôt higou-
mène du monastère de Mèlétios et reçut aussi la direction de tous les
monastères de la région avec le qualificatif de «katholikos»95, ind
iquant une certaine extension des pouvoirs de l'higoumène aux autres
monastères de la métropole.
En l'année 552, le métropolite nomma Eutychios son délégué pour
le concile convoqué par Justinien ; le délégué arriva quelques jours
avant le décès de Menas et fut choisi comme son successeur, à l'âge de
quarante ans. En janvier 565, Eutychios reprit la route d'Amasée
comme exilé et il prit résidence dans son propre monastère96, entouré
de grands égards, jusqu'à son rappel en septembre 577 : le 14 de ce

92. On a proposé l'identification de Theiou Komè avec Dioskomè, d'après


W. M. Ramsay (The cities and bishoprics of Phrygia, 1/2, Oxford 1897, p. 583). Or, selon
la carte de Ramsay (et de Kiepert, C II), Dioskomè est bien éloignée de la localité
d'Augustopolis où Eutychios fut baptisé et confié à son grand-père, gardien des objets
sacrés, c'est-à-dire skeuophylax, selon le terme employé par le Syn. CP (6 avril : Dele-
haye, p. 58713) ; cependant, cette notice ajoute le nom d'Hésychios au signalement du
grand-père; c'est un mauvais résumé de la Vie. Pour le biographe, l'éducation de l'en
fant à Augustopolis donne un présage de sa future ascension au siège patriarcal, dans la
ville des Augoustoi, c'est-à-dire des empereurs de Constantinople.
93. Vie d'Eutychios, 12 et 16. Les deux éditions donnent Λαζιχηνών πόλεως et
Λαζίχου επισκοπή, où il faut lire nécessairement Ζαλιχηνών et Ζαλίχου, c'est-à-dire le
suffragant d'Amasée que l'on situe à l'est de Sinope, à Alatcham ; cf. Studia Poniica, II,
p. 120.
94. Le nom du métropolite (ou des métropolites) n'est pas donné dans la Vie
d'Eutychios; on peut admettre que c'est le même qui ordonne Eutychios à Constanti
nople, puis l'admet comme higoumène à Amasée. En 553, le métropolite d'Amasée
Etienne assiste au concile (M. Le Quirn, I, col. 528). On ne sait si c'est le même qui
avait envoyé Eutychios comme délégué à cause de sa propre faiblesse, l'année pré
cédente. Lorsque Eutychios reprit la route en 577, le métropolite d'Amasée l'accompa
gna à Constantinople.
95. Vie d'Eutychios, 18 (AASS, p. liv = PG 86, 2296) : άναδέχεται τήν φροντίδα, ήτοι
την ήγουμενείαν, δλου τοϋ ύπό τήν μητρόπολιν μοναχικού συστήματος, δθεν και καθολικός ώνομά-
ζετο. Il est remarquable que le texte n'emploie pas le terme archimandrite, sans doute
pour indiquer le caractère particulier de la fonction d'Eutychios, auquel le métropolite
donne autorité sur tout le monachisme de son territoire.
96. Le récit insiste trop souvent sur ce monastère propre d'Eutychios pour qu'on
puisse le confondre avec le monastère Saint-Jean à l'Acropole; cf. V. Schui.tze,
op. cit., Π/1, p. 104 et 106.
LITTÉRATURE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉSIASTIQUES 107

mois, il célébrait les adieux dans son monastère et le 3 octobre il


réoccupait le siège patriarcal97.
Malgré son grand intérêt historique, le récit écrit par le prêtre Eus-
tratios peu après la mort du patriarche, sous le règne de l'empereur
Maurice, ne contient pas de description du monastère. Celui-ci devait
se trouver sans doute dans la ville basse et du côté est, s'il faut
prendre à la lettre l'allusion à l'église de Saint-Thalélaios, située sur le
second sommet rocheux qui dominait le monastère. On ignore aussi sa
dédicace ancienne, qui ne doit pas être celle des «Trois-Saints»98 (fon
dateurs) ; aucun vestige archéologique n'a subsisté.

7. Église des Saint s- Apôtres (?) à Amasée

Selon une légende hagiographique, l'apôtre Pierre serait passé par


le Pont en se rendant à Rome, et le souvenir de son passage restait
attaché à un lieu nommé «Chaire des Apôtres»99. L'œuvre authen
tiqued'Astérius d'Amasée ne contient aucune allusion à cette tradi
tion locale, que l'orateur aurait pu citer dans son homélie en l'hon
neur des apôtres Pierre et Paul 10υ. La logique du récit qui parle de la
Chaire des Apôtres laisse supposer que ce toponyme n'était pas à
l'intérieur de la ville, puisque c'est précisément Basileus qui entreprit
la construction de la première église dans les murs101.

97. Il faut relever ces dates (14 septembre -3 octobre), qui donnent une idée du
voyage d'Amasée à la capitale. La mention de deux étapes, Euchaïta et Nicomédie,
l'une au début et l'autre à la fin de la route, indique en effet l'itinéraire suivi par le
patriarche : c'était la voie impériale du nord, qui était encore celle des caravanes au
171' siècle (Tavernier).
98. C'est le nom que lui donne M. Gédéon (op. cit., p. 90); la dénomination est
suggérée par la mention des trois fondateurs au début de la Vie d'Eutychios. Dans le
catalogue des patriarches et dans la chronique de Théophane, Eutychios est signalé
simplement comme prêtre du monastère d'Amasée ; voir PG 1 19, 910 ; Théophane : De
Boor, p. 228. De la même manière, le monastère principal d'Amorion est cité par le
nom de la ville au concile de 787.
99. Éloge de saint Basileus d'Amasée (BHG 240) AASS, April., HT, p. xlvii ; cf.
:

Studia Pontica, III, p. 111 ; M. Le Quihn, I, col. 524.


100. PG 40. 284; cf. V. Schut.tze, op. cit.. II/l. p. 93, qui renvoie aussi à l'homélie
sur saint Etienne, où Astérius (PG 40, 340-341) parle des voyages de Pierre de ville en
ville, sans en citer aucun. Par contre, au sujet de saint Phokas, le même orateur déclare
que les Romains (d'Italie) vénéraient ce saint à l'égal de Pierre et Paul et qu'ils
s étaient procuré sa tète comme relique (PG 40. 309).
101. L'éloge de saint Basileus, du Pseudo-Astérius, ne fait que démarquer sur ce
point la Passion écrite par le prêtre Jean (BHG 239) : κτίζων ήν ναόν εις έκκλησίαν · μέχρι.
γαρ τοΰδε ούκ ήν ένδον τοϋ άστεως άγιασμα χριστιανοΐς (/L4.S.S, April., Ill, p. xliii, début du
§ 7). Cet édifice fut entrepris avant la défaite de Licinius (323). qui fit périr Basileus à
Nicomédie.
108 J. DARROUZÈS

A une demi-heure de la ville, sur la rive gauche du Yesil Irmak


(l'ancien Iris), un tombeau nommé Ainali Mahara fut transformé en
chapelle à l'époque byzantine102; on y observait des peintures repré
sentant les douze apôtres, le rouleau à la main. Cela ne signifie pas
nécessairement que la chapelle leur était dédiée, mais le lieu de culte
pourrait correspondre à celui que le texte cite comme Chaire des
Apôtres. Les représentations du moins se rattachent à la même tradi
tion que l'éloge de l'évêque Basileus par le Pseudo-Astérius.
C'est sans doute dans un autre sens qu'il faut prendre le terme
καθέδρα dans une inscription incomplète et d'époque assez basse : elle
commémore une adduction d'eau qui permet d'entourer cette «chaire
sacrée», qui est un temple du divin roi, de tous les agréments d'un
jardin H)3. La forme poétique est certes plus régulière que celle de
l'inscription de l'église Saint-Théodore, mais elle entraîne sans doute
aussi un choix des mots; comme pour l'autre église le terme θρόνος,
celui de καθέδρα peut faire penser au siège episcopal, à l'église cathé
drale ou métropolitaine; en fait, il peut s'agir de n'importe quelle
église, avec cette réserve cependant qu'elle formait un bâtiment
important par son élévation et par son environnement. De plus, les
inscriptions d'Amasée ne sont plus certainement à leur place origi
nelle.

8. Relique de Phokas martyr à Amasée

De même que le martyr Théodore Tiron a été doublé par un Théo


dore Stratélate, Phokas, le jardinier de Sinope, a été ennobli posté
rieurement et gratifié du titre episcopal de sa ville. L'homélie d'Asté-
rius d'Amasée en l'honneur de ce saint reste le document le plus
authentique de son culte; l'orateur prononce l'homélie devant une
assemblée qui s'était réunie pour fêter le martyr dans un endroit
d'Amasée où une petite relique était conservée 104.
Les relations entre Amasée et Sinope étaient celles d'une métropole
avec l'un de ses suffragants. Il y avait une voie terrestre entre les
deux villes; d'après la Passion de Basileus, la dépouille mortelle de ce
martyr, retrouvée miraculeusement dans la mer près de Sinope, fut

102. G. Perrot, Exploration archéologique de la Galatie et de la Bilhynie ..., I, Paris


1872, p. 383 et pi. 72.
103. Studia Ponlica, III, p. 127-128 : inscription n" 102, coupée au sommet, encas
tréedans le mur extérieur de la mosquée P'atiheh Djami, au pied du minaret.
104. Éloge de saint Phokas par Astérius d'Amasée (BHG 1538) : PG 40, 309A
(AASS, Sept., IV, p. 297A). La notice correspondante du Synaxaire est celle du 22
septembre (Syn. CP : Delehaye, p. 67-69).
LITTÉHATUBE ET GÉOGRAPHIE ECCLÉS1AST1O L'ES 109

apportée à Amasée en cinq jours 105. L'homélie ne dit pas explicit


ement qu'une église était dédiée à saint Phokas ; la relique pouvait être
déposée soit dans l'église construite par Basileus 106, où de nombreux
martyrs étaient honorés, soit dans un autre lieu.
D'après les homélies d'Astérius consacrées au premier martyr
Etienne et à tous les martyrs, l'indication fournie par la Passion de
Basileus doit correspondre à un état de choses qui a pu durer jusqu'à
la fin du 4e siècle. Les fêtes pour lesquelles ces homélies furent compos
ées étaient célébrées vraisemblablement dans l'église principale de la
ville, celle du siège episcopal ; l'orateur, qui ne manque pas de préci
sion dans sa description des peintures de Sainte-Euphémie 107, ne dis
tingue aucune église particulière dans sa propre ville.

9. Monastère Τα Φλαβίας à Amasée

Au 6e siècle, un monastère de femmes de la ville d'Amasée était


désigné par ce toponyme romain 108. Les moniales tenaient en pension
des petites fdles ; l'une d'elles, âgée de cinq ans, fut présentée à Euty-
chios à cause de son aversion pour la communion au corps et au sang
du Christ.

10. Église Saint-Théodore à Oulou-Keui

Des restes d'une église et d'un grand bâtiment contigu ont été
reconnus près du village d'Oulou-Keui à l'est d'Alala 109 ; on y faisait
un pèlerinage en l'honneur de saint Théodore encore à la fin du
19e siècle, mais la dédicace ne repose sur aucun document ancien,
épigraphique ou autre.

105. Passion de Basileus (BHG 239), '20 AASS, April., Ill, p. xi.v. Le trajet en
:

cinq jours ne doit pas être matériellement impossible, bien que la distance soit de plus
de 150 km. Les inventeurs de la relique avaient fait cependant le trajet de Nicomédie à
Sinope par mer et, semble-t-il, en moins d'un mois (entre le 28 mars et le 21 avril) : ce
qui est proprement exceptionnel.
106. C'est là que fut déposée la relique de l'évêque martyrisé à Nicomédie : εις τον
νεόκτιστον αύτοΰ αποθεμένοι ναόν ; et un peu plus loin : πρό της ύπ' αύτοϋ πηχθείσης εκκλησίας,
κατά το ανατολικών μέρος, ένθα λέγεται και λοιπών αγίων μαρτύρων πολλά κατακεΐσθαι σώματα
κατέθεντο.
107. Voir, en dernier lieu, F. H ai. kin. Euphémie de Chakédoine. Légende» byzantines,
Bruxelles 1965. p. 1-8.
108. Vie d'Eutychios. 52 AASS, April.. I, p. i.x {PC, 86. 2333).
:

109. Sfudia Pontica. Il, p. 143 n. 3; selon cette note, il ne peut y avoir de rapport
entre ces ruines, situées dans la plaine, et le monastère de Dorothée, dressé au sommet
d'une petite hauteur.
110 J. DARROUZÈS

11. Monastère de la Sainte-Trinité ('Αγία Τριάς, ιερόν/μονή)


à Chiliokomon

Au cours d'une sortie pour le service de son monastère, Dorothée se


trouva au pied d'une montagne; un moine lui apparut et lui montra
du doigt un sommet, en lui disant qu'il y avait là autrefois une rés
idence monastique très peuplée avec un sanctuaire dédié à la sainte
Trinité110. En même temps, l'apparition lui signifiait la volonté de
Dieu que Dorothée entreprenne la restauration de ce monastère ; à
son retour au monastère de Genna, Dorothée reçut de son higoumène
Jean l'ordre de se dévouer à cette œuvre.
Dorothée était originaire de Trébizonde et appartenait à la famille
Génésios, dans laquelle le titre de patrice était quasiment hérédi
taire111; tout jeune, il avait quitté sa famille et gagné à Amisos le
monastère de Genna, dont le saint fondateur, nommé Jean, vivait
encore112. Après son initiation à la vie monastique, Dorothée fut
ordonné diacre et prêtre ; Dorothée célébra la messe quotidiennement
pendant soixante-deux ans : ce qui porte la durée de sa vie à un peu
plus de quatre-vingt-dix ans, puisque le sacerdoce était conféré no
rmalement vers la trentaine113.
Aucun point de repère n'est fourni dans le récit pour fixer la date de
fondation ; on a seulement l'impression que les faits remontent à deux
générations, car l'auteur ne cite aucun témoin oculaire de la vie du
saint et de la construction du monastère, qu'il faut reporter au moins
à la seconde moitié du 10e siècle. Le monastère antérieur, que Doro
thée ne semble avoir connu que par révélation, avait disparu depuis
longtemps114, car, lorsque le fondateur arriva sur place avec un seul
compagnon, les lieux étaient désertés, sans aucune voie d'accès, livrés

110. Vie de Dorothée (BHG 565), 12 : Lagarde, p. 212. Je renvoie aux divisions de
cette édition, plus précises que celles des AASS, Jun., I (PG 120, 1051-1074).
111. Ibidem, 3 : p. 210. A ma connaissance, le seul patrice Génésios cité est datable
du début du 11'* siècle, dans un acte du patriarche Serge cité par Dèmètrios de
Cyzique : V. Grumel, Regestes, n" 822 (PG 119, 1 113 = Rhallès-Potlès, V, p. 364).
La remarque sur le caractère héréditaire du patriciat ne manque pas d'intérêt; elle
signifie que l'auteur de la Vie avait connu plusieurs membres de cette famille.
112. Vie de Dorothée, 5 : Lagarde, p. 210.
113. Lorsque l'ordination déroge quelque peu à l'âge canonique des trente ans, les
biographes le signalent; par exemple, Cyrille de Scythopolis note l'ordination d'Abraa-
mios à vingt-sept ans; cf. Vie d'Abraamios {BHG 12) : Schwartz, p. 24425.
1 14. Les dédicaces anciennes à la sainte Trinité ne sont pas très fréquentes ; dans la
liste du concile de Nicée (787), il n'y a qu'un monastère, non localisé, dédié à la Trinité ;
cf. R. Jantn, Les églises et les monastères des grands centres byzantins, Paris 1975, p. 439,
n» 100.
LITTÉRATUBE ET GÉOGHAPH1E EGCLÉSIAST^UKS 111

à la végétation sauvage et couverts de décombres. Néanmoins la mon


tagne ou la colline (βουνός, λόφος) n'était pas très éloignée d'une région
peuplée et riche ; les deux moines trouvèrent assez rapidement le
concours de la population voisine pour le défrichement de la place et
la construction des locaux, ainsi que de l'église. Le nom du lieu n'est
cité que dans le titre de la Vie : Ghiliokomon (Mille Villages) ne
convient évidemment qu'à la plaine, et non à l'emplacement du
monastère, qui devait se trouver sur une des hauteurs qui bordent le
bassin de Chiliokomon, au sud ou au sud-est de Merzifon, site de
Phazimon/Néapolis 115.
On s'attendrait que Dorothée adoptât pour le nouveau monastère
de la Sainte-Trinité les coutumes et les règles du monastère de Germa,
son monastère d'origine ; au lieu de cela, le typikon qu'il donna à ses
moines était emprunté à celui du moine Arsène, fondateur du monast
ère de Chrysè Pétra. Il semble donc que la nouvelle fondation n'avait
gardé aucun lien avec le monastère de Genna ; d'ailleurs, en s'établis-
sant à Chiliokomon, Dorothée passait sans doute dans un autre dio
cèse et dans un territoire rattaché à la métropole d'Amasée elle-
même. C'est le siège le plus proche, mais le récit n'y fait aucune
allusion. Le monastère avait seulement profité de la sollicitude impér
iale, qui lui procura les moyens de subsister et le déchargea de toute
imposition116; incidemment, le récit parle de la culture de légumi-
neux (όσπρια) et de la vigne.
La seule date certaine de la vie du monastère découle du témoi
gnage de Jean d'Euchaïta, qui le visita vers le milieu du 1 1° siècle et
le déclare en pleine prospérité. 11 n'est pas interdit de penser que la
donation impériale provient de Basile II et se rattache aux visites de
cet empereur dans le Pont.

12. Église Sainte-Anne ('Αγία "Αννα, ναός) près d'Amisos

Une église Sainte-Anne s'élevait aux environs d'Amisos. Dorothée,


moine de Genna, s'y arrêta pour prier au cours d'une mission que lui
avait confiée son higoumène Jean117. Le contexte ne donne aucune
idée de la situation de l'église, mais il insinue qu'elle pouvait être
assez éloignée de la ville, comme le monastère de la Trinité cité peu
après.

115. Sludia Pontica. II. p. 142-144: dans la carte de Kiepert (A IV Sinob) de 1914,
un Monastir est indiqué près de Kyr Köi. à une altitude de 520 m.
I Hi. Vie de Dorothée. 37 hagarde, p. 217.
:

117. Ibidem, 10 : p. 212.


112 J. DARROUZÈS

13. Monastère de Genna (μονή Γέννας) à Amisos

Au moment où le jeune Dorothée, peu après sa douzième année,


demande d'être admis dans le monastère de Genna à Amisos, Jean, le
fondateur de l'établissement, venait d'en achever la construction. Les
dales de la vie de Dorothée nagent dans le vague; comme ce person
nageest mort nonagénaire, peut-être dans le premier quart du
11e siècle, le monastère de Genna doit dater du 10e siècle118.
Selon F. Cumont119, Genna doit être la forme populaire de
Γέννησί,ς ; mais en plus de la naissance du Christ, l'Église fêtait celle de
Jean-Baptiste 120 et celle de la Vierge ; le plus souvent aussi, on ment
ionnait la personne visée par la dédicace, principalement le Christ et
la Théotokos ; enfin il ne semble pas qu'au 10e siècle la coutume fût
déjà établie de nommer les sanctuaires d'après un mystère particulier
de la vie du Christ ou de la Vierge. Le cas du monastère de la Résur
rection au Galèsios peut servir de terme de comparaison : c'est une
dédicace inspirée au fondateur, Lazare, par son séjour prolongé en
Palestine. Il n'est pas impossible qu'une représentation de la Nativité
soit à l'origine de la désignation du monastère d'Amisos; on ne consi
dérera pas cependant le fait comme évident et acquis, et on envisa
geraaussi l'hypothèse d'un toponyme.

Jean Darrouzès (f)


Institut français d'Études byzantines

118. Ibidem, 4-5 : p. 211-212 (PG 120, 1056AB).


119. Studia Pontica, II, p. 114 n. 2.
120. Ibidem et plan X ; sur le versant ouest du plateau subsistaient, au début de ce
siècle, un toponyme Monastir et un pèlerinage à saint Jean-Baptiste le 24 juin (fête de
sa nativité). Ce renseignement fut donné à F. Cumont par Papagéorgiadès, auteur de
deux études publiées dans un journal de Constantinople; elles ont été publiées aussi à
Athènes en 1906, mais la bibliothèque de l'IFEB ne possède que le premier fascicule,
qui s'arrête à la période chrétienne; reste à savoir si le second fascicule fut publié. Sur
le même plateau, une autre caverne (salle voûtée, ancienne tombe) recevait les fidèles le
30 juin, pour la fête de saint Pierre.

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