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2. L'évolution du genre de vie des mineurs
A la veille de la première guerre mondiale, plus d'un tiers des mineurs sont propriétaires
de leur maison. Transformation du régime alimentaire : hausse (multiplication par six) de la consommation
de viande, liée à la généralisation du service militaire (Weber). Le budget moyen des mineurs correspond à
la fameuse loi d'Engel : le premier poste est le poste alimentaire (60 %), puis le logement (9 %) et
l'habillement (20 %).
Démographie : les mineurs de Carmaux respectent la norme des mineurs : forte natalité
alors qu'ils sont déchristianisés. En 1910, le taux de natalité est de 24, 8 pour mille contre 18, 5 en France.
Sentiment de prolétarisation à partir des années 1880, car le salaire est devenu leur seule source de revenu.
Les liens avec le monde rural ont été coupés par la politique de la compagnie et les changements d'horaire.
L'autre source de conflit est le statut des Caisses de Secours (la Sainte-Barbe) : elles
versaient des indemnités en cas d'accidents du travail et des indemnités de retraite. La compagnie assure le
prélèvement des cotisations sur le salaire des mineurs, mais il existe des querelles entre les mineurs et la
compagnie sur deux points : la retraite est fixée à Carmaux à 50 ans, mais les dernières années sont
problématiques ; les accidents du travail : caractère antisocialiste des médecins locaux.
Grâce à l'intervention de Jaurès, le parlement adopte en 1894 une loi dont il est le
rapporteur et qui permet aux mineurs de gérer les caisses de secours, mais qui fixe l'âge de la retraite des
mineurs à 55 ans. En 1898 seulement est votée la loi sur la responsabilité patronale.
Le grand apport de Carmaux aux mouvements revendicatifs est d'avoir permis à Jaurès
de prendre place au Palais Bourbon, et d'avoir fait voter une loi qui institue l'arbitrage facultatif de l'Etat en
cas de conflit du travail. Il est rendu obligatoire en 1917 grâce à Albert Thomas.
Carmaux était une ville exceptionnellement revendicative, puisque les mineurs pouvaient
compter sur la solidarité des verriers. Postérité politique et historiographique. En 1896 a été ouverte la
verrerie ouvrière d'Albi, ce qui explique l'échec de Jaurès en 1898 pour ne l'avoir pas installée à Carmaux.
2. Le socialisme
a. La lutte contre l'emprise religieuse de la compagnie
Elle porte sur trois points : l'enseignement, la pratique religieuse et l'assistance
obligatoire aux messes. Le marquis soutient l'activité des Maristes qui ouvrent la seule école de garçons en
1856 de Carmaux, puis soutien une congrégation qui ouvre en 1875 une école de filles. Laïcisées de force
en 1886. Les religieux ont recréé les écoles libres ; leurs élèves avaient priorité à l'embauche.
La pratique religieuse est faible : le taux des pascalisants est de 12 % chez les
hommes et 28 % chez les femmes. 20 % de funérailles civiles de mineurs, derrière le drapeau rouge.
L'anticléricalisme précède le socialisme. Il a deux causes : une cause exogène, l'influence du Sud-Ouest et
de la Dépêche, radicale et anticléricale ; une cause endogène : la compagnie exerçait des pressions
cléricales et demandait pour avoir des primes qu'on assiste à deux messes. En 1891, le drapeau a été aboli
pendant la messe et a fait cesser la tradition.
b. L'adoption du socialisme
Le sentiment républicain augmente à partir de 70, et en octobre 77, le candidat
soutenu par la compagnie a été battu aux législatives, ce qui est relativement banal, mais il y a eu après des
rétorsions, notamment au niveau du salaire. Si les mineurs deviennent de plus en plus socialistes, ils se
méfient des opportunistes. En 1883, ils avaient déposé un projet de loi sur les Caisses de Secours, qui a mis
onze ans pour être voté. Jusqu'en 92, gauche et camp républicain peuvent être assimilés ; mais les
républicains restent conservateurs socialement.
De nombreux orateurs socialistes sont venus à Carmaux en 1880, mais le
détonateur est 1889, avec la candidature du marquis de Solages, lancé avec le soutien d'un comité de 77
mineurs. Sa victoire a deux conséquences : d'une part, la création d'un cercle d'études sociales à Carmaux
dès 1892, d'autre part, l'élection de Calvignac comme maire de Carmaux en mai 1892. La grève de 1892 a
laissé des traces profondes. Le compromis n'est alors pas à l'avantage des mineurs, qui auraient voulu
l'élection d'un des leurs comme députés. Jaurès a été adopté avec réticence : ce sont ses talents d'orateurs
qui lui ont permis de dépasser ces réticences.