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Le roman est un outil de réflexion morale pour beaucoup de romancier des années 30, qu'il
s'agisse d'auteurs catholiques (Mauriac, Bernanos et Green), agnostiques (Malraux), ou athées
(Montherlant). Le roman permet de s'interroger sur leur foi et de mettre en scènes les conflits
qu'elle fait naître, ou de méditer sur la place et le rôle dévolus à des « valeurs » comme
l'héroïsme, l'action politique, l'art, l'amour...
La fiction est une mise en scène dialectique du monde qui se nourrit de conflits opposant les
hommes entre eux ou de conflits au cœur d'une conscience. Ces romanciers préfèrent peindre
des personnages en proie à des conflits intimes qui les torturent : Conviction que « le péché de
chair » = mal auquel on doit échapper. La des ces romans n'est pas seulement dûe à leur
dimension moralisatrice mais aussi d'une inquiétude métaphysique qui hante les romanciers et
éclaire l'univers.
Comme Mauriac, Bernanos = haine du pharisaïsme qui s'entend par une dévotion par trop
ostentatoire pour être sincère, mais aussi comme l'utilisation à des fins idéologiques de la
pensée chrétienne.
Comme Malraux l'a bien vu, Bernanos veut « charger des créatures d'exception – presque
toujours de prêtres – d'assumer la vocation sacerdotale telle que nous la suggèrent les saints »;
il ne cherchent pas à être « ressemblant, mais contagieux » en imposant « au lecteur un lien
passionnel avec une expérience qu'il ignore ». Malraux définit Sous le soleil de Satan comme le
« poème du sacerdoce, donc du Surnaturel ».
Le mal est au cœur de la thématique de l'œuvre. Son univers de romancier l'a conduit à peindre
un univers en proie au mal, déserté par le bien. Dans Monsieur Ouine (1946) : La paroisse de
Fenouille est un lieu privé du secours de la Grâce et livré au Mal.
Selon Michel Estève on peut voir l'évolution créatrice du romancie en matière de technique.
Les modalités narratives sont sensibles dans les premiers romans : Sous le soleil de Satan,
L'imposture, La joie mais aussi Un crime... On peut faire en effet un rattachement avec le
grand roman du 19ème siècle :
Mais nous ne pouvons dire que Bernanos agit dans la droite ligne de Balzac puisque la
psychologie mise en œuvre ne repose pas sur une notion de causalité : les comportements des
personnages demeurent souvent mystérieux et inexplicables. En 28 Malraux dit à ce sujet en
rendant compte de L'imposture :
« M. Bernanos n'entend pas analyser les crises, mais les peindre. Il peint d'abord l'angoisse de
son personnage; puis il le fait agir; et, soudain, le personnage découvre qu'il vient de faire un
geste grave auquel il se refusait, d'exprimer ce qu'il se cachait à lui-même. Là commence
l'intervention de Satan. Ces procédés sont à l'opposé des procédés ordinaires du roman ».
En 36 avec Journal d'un curé de campagne, il rompt avec les modalités narratives évoquées :
Renoncement de la troisième personne
Adopte le journal intime .
Descriptions et portraits deviennent de simples notations et cela témoigne d'un lien avec le
Surnaturel.
En 46 avec Monsieur Ouine : avancées novatrices sur le plan technique. La critique a souvent
vu dans l'œuvre le « premier nouveau roman français » selon Estève. Aspects de la narration
que reprendra Robbe-Grillet et Butor. Mais Bernanos vise l'intériorité et non l'objectivité.
Roman = « allégorie d'un monde où rien ne saurait être clair [...] puisqu'en est absente la clé
du mystère, la présence réelle de Dieu, qui seule pourrait [...] donner un sens à l'ensemble »
(Claude Edmonde Magny).
Auteur de nombreux romans qui font de lui le continuateur du roman d'analyse et du roman
réaliste.
Mauriac incarne une forme de classicisme. Ses technique romanesque s'accommode du 19ème
siècle. La conscience des personnages est ancrées dans leur classe, dans leurs passions
(avarice, désir, haine, pulsion de meurtres) et qui agissent sur un arrière-plan métaphysique et
religieux qui met en perspective les intrigues et les arrache à leur dimension sociologique.
Mauriac a bâti son univers imaginaire sur les conflits nés entre « cette éducation de la pureté »
qui fut la sienne et les tentations de la chair et du Mal :
« Les refoulements et les complexe chez certains, cela peut donner le pire. Cela peut donner au
mieux ce qui s'appelle un romancier catholique, et alimenter une fructueuse carrière d'écrivain.
Ce qu'il en a coûté réellement au bénéficiaire, Dieu seul le sait » (M. François Mauriac et la
liberté, 39, repris dans Situations, I, 1947).