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PROGRAMME DES ACTIVITÉS SECTORIELLES

Document de travail

Promotion de la compétitivité socio-économique


dans le secteur Textile-habillement en Tunisie

Saïd Ben Sedrine

Les documents de travail sont des documents préliminaires


à distribution restreinte destinés principalement
à stimuler la discussion et l’analyse critique

Bureau international du Travail


Genève

Avril 2007

Externe-2007-04-0157-01.doc
Copyright © Organisation internationale du Travail 2007

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ISBN 978-92-2-219834-4 (PdfPrint)


ISBN 978-98-2-219835-1 (PdfWeb)

Première édition 2007

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Imprimé par le Bureau international du Travail, Genève, Suisse


Préface
Les industries du textile-habillement (TH), de par leur caractère global, sont
fortement soumises à la pression de la concurrence internationale. Cette pression s’est
accentuée au cours des dernières années avec le démantèlement progressif de
l’arrangement multifibres et la suppression des systèmes de quotas depuis janvier 2005.

Dans ce contexte, il est important que la recherche d’amélioration de la compétitivité


s’effectue dans un cadre approprié qui prenne en compte les éléments économiques mais
également les éléments sociaux qui conditionnent de plus en plus la position
concurrentielle des entreprises au plan international.

Lorsque l’on analyse l’évolution des paramètres de compétitivité des industries TH,
on se rend compte que les paramètres sociaux occupent une place de plus en plus
importante. La compétitivité interne des entreprises est grandement influencée par
l’existence d’un climat social favorable qui, lui-même, repose sur de bonnes pratiques de
travail et l’existence d’un dialogue social constructif entre les partenaires sociaux.

La compétitivité externe des entreprises est également influencée par l’image que ces
entreprises donnent en matière de respect des normes fondamentales du travail. Le marché
mondial des produits TH est en effet influencé par l’attitude des consommateurs finaux qui
se préoccupent de plus en plus des conditions dans lesquelles ont été produits les
vêtements qu’ils achètent. Ceci explique la prolifération des codes de conduite et autres
initiatives volontaires privées qui, pour les secteurs TH, font principalement référence au
respect des normes fondamentales de l’OIT.

Les donneurs d’ordre des pays industriels, lorsqu’ils ont recours à la sous-traitance
internationale, assortissent de plus en plus fréquemment à leurs cahiers des charges le
respect des normes fondamentales du travail et de la législation nationale du travail en
vigueur dans les pays avec lesquels ils opèrent. Cette pratique, qui tend à se généraliser,
influence les décisions stratégiques des acheteurs mondiaux et, par voie de conséquence, la
position compétitive des entreprises selon leur capacité à respecter la législation nationale
et les normes fondamentales du travail.

Compte tenu de l’importance croissante de ces facteurs sociaux de compétitivité dans


les secteurs TH et de la convergence de ces paramètres avec les objectifs stratégiques de
l’OIT, une stratégie globale d’amélioration de la compétitivité des secteurs TH par la
promotion du travail décent a été développée par l’OIT et testée dès 2004 dans un
échantillon pilote de pays (Maroc, Philippines, Roumanie). D’autres pays, avec l’appui de
l’OIT, ont adopté une démarche similaire. La Tunisie est le premier d’entre eux.

La Tunisie a fait le choix très tôt de relever le défi d’affronter la mondialisation


comme une opportunité de développement économique et social. C’est le premier pays du
Maghreb qui a signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne en adoptant un
modèle de développement qui intègre l’économique et le social.

Sur le plan économique, l’adoption d’un programme de mise à niveau des entreprises
traduit tout à la fois une volonté politique forte de pilotage des réformes et un recentrage
du rôle de l’Etat vers des fonctions de régulation. Les mesures prises ont pour objet de
lever les contraintes qui altèrent le «climat des affaires», d’inciter les entreprises à devenir
compétitives en termes de coûts, qualité, innovation et, enfin, de renforcer la capacité de
ces entreprises à suivre l’évolution des techniques et des marchés. Les multiples réformes
en cours de réalisation en consultation avec les acteurs concernés et notamment les
partenaires sociaux, se complètent en vue d’aboutir à la mise à niveau intégrale de

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l’économie nationale. L’enjeu est de maximiser la croissance économique et l’emploi et de
créer un environnement favorable au développement de l’entreprise

Dans ce cadre, le secteur TH a fait l’objet d’une attention stratégique nationale.


D’abord c’est un secteur clé pour la production, l’exportation, l’emploi et le
développement d’une façon générale. Ses contributions à la valeur ajoutée industrielle et
au PIB représentent respectivement 42 pour cent et 5,6 pour cent. Plus de
200 000 travailleurs tirent leurs moyens de subsistance et leurs revenus du secteur TH. Les
femmes y représentent environ 80 pour cent de cet effectif. Le secteur TH fournit
également une grande source de devises au pays. Sa contribution aux recettes d’exportation
représente 58 pour cent du total des exportations non pétrolières. La filière d’habillement
est à l’origine de 95 pour cent des exportations totales de textiles et de vêtements.

Le démantèlement progressif de l’arrangement multifibres, engagé dans le cadre de


l’Accord sur les textiles et les vêtements a conduit la Tunisie à adopter, depuis 1997, une
nouvelle stratégie de prévention matérialisée par un plan national qui a été mis à jour en
2004 tenant compte des mutations et changements intervenus dans l’environnement
national et international, pour améliorer la compétitivité du secteur TH en vue de maintenir
son rôle dynamique dans l’économie nationale. Cette stratégie de prévention a contribué au
renforcent de la capacité du secteur à exploiter les avantages de la proximité avec l’Union
européenne en se concentrant davantage sur les produits ayant de brefs délais d’exécution
et pour lesquels un réapprovisionnement rapide est nécessaire pendant la saison de vente.
Les réformes de facilitation du commerce et de renforcement de la logistique commerciale
devraient transformer la proximité en avantage compétitif réel. Les mesures prises visent
également à réduire le coût des fils, des tissus et d’autres facteurs entrant dans la
fabrication des vêtements. A moyen terme, les mesures incitent les entreprises à améliorer
leurs stratégies commerciales, investir dans de nouvelles techniques de gestion et
technologie de l’information, a progressé dans la chaîne des valeurs, à développer les
ressources humaines et à promouvoir des conditions de travail décentes permettant un
développement durable de l’entreprise.

L’enjeu est de faire de la mondialisation une opportunité de développement juste et


durable et de minimiser ainsi ses risques.

Le BIT, dans le cadre de ses activités de coopération avec la Tunisie, a été sollicité
par le ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger et par
l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) pour l’accompagner dans la mise en
place de sa nouvelle stratégie pour développer la compétitivité socio-économique du
secteur.

Une étude, a été réalisée avec l’appui du Bureau des activités pour les travailleurs du
BIT et l’UGTT en 2005. Elle dresse un bilan de la situation socio-économique du secteur
TH en Tunisie et des défis auxquels il a fait face au lendemain des restructurations
imposées par l’ouverture de l’économie. Elle aborde surtout la question des travailleurs
licenciés du secteur et propose une série de mesures pour leur réinsertion et la valorisation
des compétences et des ressources humaines.

Ce travail s’inscrit dans le cadre de la coopération OIT/Tunisie pour le secteur TH qui


a débuté en 1998 par une étude sur «les entreprises multinationales dans l’industrie du
textile et de l’habillement en Tunisie: l’impact économique et social», suivie, en 1999, par
une étude réalisée avec l’appui du Département des activités sectorielles sur «l’industrie du
textile et de l’habillement en Tunisie: les besoins des chefs d’entreprise et les conditions de
travail des femmes dans les PME».

La présente étude réalisée dans un cadre tripartite aborde les changements nécessaires
aux niveaux de la qualification des travailleurs, de l’innovation technologique, de la

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gestion des ressources humaines, des relations et de l’organisation du travail dans le
secteur TH et propose des mesures qui améliorent la compétitivité socio-économique dans
ce secteur par la promotion du travail décent.

Le travail décent résume les aspirations des êtres humains au travail. Il implique la
possibilité d’accéder à un travail productif et justement rémunéré, la sécurité sur le lieu de
travail et la protection sociale, de meilleures perspectives de développement professionnel
et d’intégration sociale, la liberté d’exprimer ses revendications, de s’organiser et de
participer aux décisions, l’égalité des chances et de traitement pour tous, femmes et
hommes.

Les auteurs soulignent à juste titre que la Tunisie a des acquis dans ces domaines du
travail décent. Les propositions de l’étude consolident ces acquis pour améliorer la
compétitivité socio-économique dans le secteur TH. Elles s’articulent autour de trois
objectifs spécifiques complémentaires:

1) consolider le dialogue social au niveau de l’entreprise et de la branche (OS1);

2) promouvoir la gestion des ressources humaines dans l’entreprise fondée sur


l’approche par compétences et la promotion du travail décent (OS2);

3) développer le lien entre le système de formation initiale, la recherche-développement


et les entreprises du secteur TH (OS4).

L’étude a été pilotée par un Comité national tripartite et les propositions ont été
discutées et validées, en février 2007, au cours d’un atelier regroupant les représentants des
ministères, des Institutions concernées et des partenaires sociaux.

Les trois axes du Programme de suivi constituent une contribution pour renforcer la
mise à niveau sociale des entreprises du textile, et ce pour maximiser les opportunités de
succès du Programme de modernisation industrielle (PMI) et de mise à niveau économique
du secteur. Le développement cohérent du secteur ne peut être assuré que dans le cadre
d’une approche globale (stratégie gagnante) intégrant les variables technologiques,
économiques et sociales dans le cadre d’une nouvelle dynamique mettant à contribution
l’ensemble des acteurs économiques et les partenaires sociaux du pays.

La stratégie intégrée dans ses dimensions économiques et sociales, mise en œuvre en


Tunisie pour améliorer la compétitivité du textile-habillement semble avoir porté ses fruits
puisque, malgré l’accroissement des pressions concurrentielles, depuis 2005 les
exportations du secteur ainsi que l’emploi n’ont que faiblement été affectés par la fin de
l’ATV.

E. Tinoco, S. Bel Hadj Hassine,


Chef, Directeur,
Service des activités sectorielles. bureau de l’OIT pour l’Algérie,
la Jamahiriya arabe libyenne,
le Maroc et la Tunisie.

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Table des matières

Page

Préface ...................................................................................................................................... iii

Introduction ...................................................................................................................................... 1

Partie I. Les caractéristiques du modèle de compétitivité et des conditions de travail


dans le secteur Textile-habillement (TH): état des lieux

Chapitre 1. Les caractéristiques du développement du secteur Textile-habillement....................... 7


1. Le poids du secteur TH dans l’économie tunisienne .................................................... 7
1.1. Evolution de l’emploi ......................................................................................... 8
1.2. Evolution de la production et de la valeur ajoutée.............................................. 11
1.3. Evolution de l’investissement ............................................................................. 13
2. Investissements directs étrangers et intégration à l’économie mondiale ...................... 18
2.1. L’investissement direct étranger dans le secteur TH .......................................... 19
2.2. Les appuis institutionnels à l’investissement ...................................................... 21
2.3. L’accord de libre-échange avec l’Union européenne.......................................... 22
2.4. Les caractéristiques des investissements directs étrangers
dans le secteur TH............................................................................................... 23
2.5. La structure des investissements étrangers ......................................................... 23
2.6. Impact des investissements directs étrangers dans le secteur TH
sur l’économie tunisienne ................................................................................... 26
3. Dynamique des échanges sur le marché du textile-habillement ................................... 28
3.1. Poids et dépendance des pays exportateurs sur le marché européen .................. 28
3.2. Dynamique des avantages comparatifs ............................................................... 34
3.3. Evolution des parts de marché ............................................................................ 35
3.4. Taux de couverture ............................................................................................. 38
4. Dynamique de la productivité et de la compétitivité .................................................... 41
4.1. Les indicateurs de productivité ........................................................................... 41
4.2. Les indicateurs de croissance.............................................................................. 43
4.3. Les indicateurs de compétitivité ......................................................................... 46
5. Dynamique de la répartition ......................................................................................... 51
5.1. Répartition de la valeur ajoutée .......................................................................... 51
5.2. Evolution de l’emploi ......................................................................................... 52
5.3. Evolution des salaires et des profits.................................................................... 53

Chapitre 2. Etat des relations de travail........................................................................................... 55


1. Les acquis du système en vigueur................................................................................. 55
1.1. Une consécration juridique des normes fondamentales du travail...................... 55
1.2. Une politique tournée vers l’incitation à l’emploi. ............................................. 57
1.3. Une réglementation fondée sur la protection de l’intégrité physique
des salariés .......................................................................................................... 57
1.4. Un cadre juridique et institutionnel pour promouvoir le dialogue social............ 58

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Page
1.5. La promotion du dialogue au niveau de l’entreprise par la direction
générale de l’Inspection du travail et de conciliation.......................................... 61
1.6. La promotion du dialogue au niveau de la direction générale du travail ............ 63
1.7. La promotion du dialogue social par le bureau d’assistance
aux entreprises et aux exportateurs ..................................................................... 64
2. Les aspects du système en vigueur qui pourraient être améliorés
par le dialogue social .................................................................................................... 65
2.1. La réglementation des contrats du travail à durée déterminée ............................ 65
2.2. La réglementation du licenciement collectif: un débat ambigu sur la question .. 66
2.3. La réglementation relative à l’organisation du travail ........................................ 67
2.4. La réglementation relative au système de rémunération..................................... 70
2.5. Le système de dialogue social............................................................................. 71
2.6. Le système de représentation des travailleurs dans l’entreprise:
comment développer le rôle du ministère et celui des partenaires sociaux
dans la promotion du dialogue social? ................................................................ 72
3. Situation des relations de travail dans le secteur TH .................................................... 75
3.1. Le modèle de compétitivité du secteur est particulièrement associé
à des relations de travail conflictuelles, mais des améliorations
se sont produites depuis 2004 ............................................................................. 76
3.2. Difficulté pour l’inspection du travail d’assurer sa mission de conciliation
dans le contexte d’un modèle de compétitivité fondé principalement
sur la baisse du coût des facteurs ........................................................................ 77
3.3. Le phénomène de licenciement collectif du secteur TH échappe
au droit du licenciement collectif........................................................................ 78
3.4. Les accidents de travail et les maladies professionnelles handicapent
la compétitivité socio-économique du secteur TH.............................................. 79

Chapitre 3. Impact du démantèlement des accords multifibres ....................................................... 81


1. Des indicateurs d’essoufflement du secteur.................................................................. 81
2. Le segment exportateur resiste a la crise ...................................................................... 82
3. L’effet de la crise diffère selon le groupe de produits exportés.................................... 83
4. Fragilité du segment non exportateur............................................................................ 84
5. L’impact de la crise sur la main-d’œuvre et les entreprises.......................................... 85

Partie II. Les mutations du secteur Textile-habillement en Europe et les perspectives


de construction d’un espace euroméditerranéen

Chapitre 4. Les entreprises européennes du textile face à la crise du secteur ................................. 91


1. Les mutations des trente dernières années .................................................................... 91
1.1. La révolution technologique et ses effets sur l’organisation du travail............... 91
1.2. La mobilité dans le fonctionnement et dans l’actionnariat des entreprises,
seconde mutation principale des trente dernières années.................................... 92
1.3. L’insuffisance de rentabilité................................................................................ 93
1.4. Des stratégies de plus en plus différenciées des entreprises ............................... 93

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2. La crise du secteur textile s’étend progressivement à tous les pays
de l’Union européenne.................................................................................................. 94
2.1. Les raisons de la résistance de la Belgique sont nombreuses ............................. 95
2.2. Les raisons de résistance en Italie ....................................................................... 95
2.3. Les handicaps du secteur TH en France.............................................................. 95
3. Les principaux axes d’action des entreprises dans la gestion des emplois ................... 96
3.1. Aménager le temps de travail ............................................................................. 96
3.2. Gérer les sureffectifs ........................................................................................... 97
3.3. Remonter les qualifications................................................................................. 97
4. L’élaboration d’un plan régional: une démarche pour affronter la crise
du secteur TH................................................................................................................ 97
4.1. La crise peut être une opportunité pour la mobilisation des acteurs
d’un territoire autour d’un objectif stratégique ................................................... 97
4.2. Le développement des compétences des ressources humaines du secteur,
un axe principal du plan régional: une gestion paritaire de la formation
professionnelle initiale et continue ..................................................................... 98
4.3. La réinsertion professionnelle des salariés ayant perdu leur emploi:
un souci majeur de la région ............................................................................... 99

Chapitre 5. Le projet de construction d’un «espace euroméditerranéen»:


une réponse au démantèlement des accords multifibres ............................................... 101
1. Le nouveau contexte mondial du secteur TH ............................................................... 101
1.1. L’accord multifibres et les mutations économiques du secteur TH .................... 101
1.2. L’Union européenne est le principal débouché des pays méditerranéens........... 102
2. La compétitivité des pays méditerranéens dans le secteur TH ..................................... 102
2.1. Dotations factorielles .......................................................................................... 102
2.2. Proximité............................................................................................................. 104
2.3. Le tissu industriel, facteur d’intégration et de coopération................................. 104
2.4. La taille des entreprises....................................................................................... 105
2.5. La capacité de satisfaire les exigences de son propre marché ............................ 107
2.6. Rôle de l’Etat ...................................................................................................... 108
3. Les perspectives d’insertion de la Tunisie dans un espace euroméditerranéen ............ 108
3.1. Le concept euroméditerranéen ne s’applique pas à tous les pays européens ...... 109
3.2. L’initiative des partenaires sociaux français pour la construction
d’un espace euroméditerranéen........................................................................... 110
3.3. L’adhésion des partenaires sociaux tunisiens à l’initiative française.................. 112
3.4. Fragilité de la complémentarité économique Nord-Sud ..................................... 113
4. La promotion d’un label étique dans le secteur TH renvoie au débat
international sur le commerce et les normes fondamentales du travail ........................ 113
4.1. Principales dates marquantes .............................................................................. 114
4.2. L’action des organisations internationales.......................................................... 116
4.3. Les initiatives unilatérales et les accords privés ................................................. 120
4.4. La mobilisation des acteurs non étatiques........................................................... 120
4.5. L’apport des recherches sur la relation: commerce et normes
fondamentales du travail ..................................................................................... 121

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Partie III. Les ressources humaines et le dialogue social moteurs de la compétitivité


socio-économique des entreprises du secteur Textile-habillement

Chapitre 6. La nouvelle stratégie de développement du secteur TH en Tunisie.............................. 125


1. Ce que nous enseignent les nouvelles théories de la croissance ................................... 125
1.1. Les investissements dans le savoir sont la clé de la croissance
économique à long terme .................................................................................... 125
1.2. Les nouvelles théories de la croissance reposent sur quatre idées essentielles ... 126
1.3. La codification du savoir: quatre types de savoir dans l’économie du savoir..... 128
1.4. Les voies d’acquisition des quatre types de savoir ............................................. 128
2. Les axes et les mesures de la stratégie de développement du secteur TH .................... 129
2.1. Les axes des recommandations de l’étude stratégique sur le secteur.................. 129
2.2. Le plan d’action adopté en Tunisie ..................................................................... 130
2.3. Le passage de la sous-traitance à la cotraitance et au produit fini:
un changement radical pour améliorer la compétitivité du secteur..................... 131
3. Le programme de «mise à niveau des entreprises», un outil de développement
de la compétitivité des entreprises ................................................................................ 133
3.1. Le programme de mise à niveau, composante d’une politique de croissance
accélérée et riche en emplois qualifiés................................................................ 133
3.2. Adhésion tardive des entreprises du secteur TH au programme
de mise à niveau.................................................................................................. 134

Chapitre 7. La politique de développement des ressources humaines au service


du secteur TH en Tunisie .............................................................................................. 137
1. Les métiers du secteur TH auxquels doit préparer le système de formation ................ 137
1.1. Les métiers exigent de la qualification................................................................ 137
1.2. Les titulaires des métiers ont des perspectives d’évolution ................................ 139
2. La réforme de la formation professionnelle répond aux besoins en compétences
de la nouvelle stratégie du secteur TH .......................................................................... 141
2.1. Les orientations de la réforme............................................................................. 141
2.2. L’identification des besoins des entreprises du secteur TH
est le point de départ de l’élaboration des programmes de formation ................ 142
2.3. Formation des formateurs pour réaliser un saut quantitatif et qualitatif ............. 144
2.4. Ampleur du développement de la formation professionnelle
dans le secteur TH............................................................................................... 144
2.5. La formation professionnelle offre à la femme les chances d’accéder
au secteur TH avec le statut de qualifiée............................................................. 145
2.6. De la difficulté d’organiser la formation en alternance selon la qualité
exigée par la réforme de la formation professionnelle........................................ 147
2.7. Le dialogue social autour de la formation professionnelle offre
des perspectives de développement de l’alternance et de renforcement
des compétences des travailleurs ........................................................................ 148
3. La contribution de l’enseignement supérieur à la satisfaction des besoins
en compétences du secteur TH ..................................................................................... 151
3.1. Tendance à la professionnalisation de l’enseignement supérieur:
rôle de la filière courte ........................................................................................ 152

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Page
3.2. Contribution des ISET à la formation des techniciens supérieurs
du secteur TH...................................................................................................... 153
3.3. Contribution de l’enseignement supérieur à la formation
des cadres supérieurs du secteur TH ................................................................... 154

Chapitre 8. La politique de recherche et de l’innovation au service du secteur TH en Tunisie ...... 157


1. Concepts et modèles de l’innovation ............................................................................ 157
1.1. Qu’est-ce que l’innovation?................................................................................ 157
1.2. Passage d’un modèle linéaire a un modèle interactif de l’innovation................. 159
2. Le secteur TH occupe une position prioritaire dans la politique de recherche
et de l’innovation technologique................................................................................... 160
2.1. Développement des programmes de recherche scientifique
et de l’innovation technologique en fonction des besoins
du développement économique et social ............................................................ 161
2.2. Création de pôles technologiques ....................................................................... 161

Chapitre 9. Un grand défi à relever par les entreprises: promouvoir une nouvelle culture
de la gestion des ressources humaines .......................................................................... 163
1. La flexibilité sans sécurité ............................................................................................ 163
1.1. Flexibilité interne vs flexibilité externe .............................................................. 164
1.2. Flexibilité quantitative vs. flexibilité qualitative ................................................ 165
1.3. Les effets pervers de la flexibilité quantitative ................................................... 167
1.4. Une société à haut risque pour les travailleurs.................................................... 168
1.5. Le modèle juridique «fordiste» des relations de travail est bouleversé? ............ 169
1.6. Flexibilité et sécurité sont-ils antagonistes?....................................................... 170
2. Le travail decent, une vision du travail qui intègre l’économique et le social.............. 170
2.1. Le travail décent facteur de développement de la compétitivité......................... 171
2.2. Les normes internationales du travail ................................................................. 171
2.3. Les conventions fondamentales de l’OIT ........................................................... 172
2.4. La Tunisie a ratifié toutes les conventions fondamentales de l’OIT................... 172
3. La gestion des ressources humaines selon l’approche par compétences
favorise la promotion du travail décent ........................................................................ 173
3.1. Les conditions d’émergence de la notion de compétence................................... 174
3.2. Définition et caractéristiques de la compétence individuelle.............................. 175
3.3. Les processus de gestion des compétences dans les entreprises ......................... 175
3.4. Le marché est le point de départ de la gestion des emplois
et des compétences.............................................................................................. 177
3.5. Les bases de la logique «compétences».............................................................. 179
3.6. L’évaluation des compétences et les actes de GRH concernés
par la gestion des emplois et des compétences ................................................... 179
3.7. Les conséquences de la gestion des compétences sur la formation continue...... 180
3.8. La gestion des compétences, objet du dialogue social........................................ 181

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Page
4. La promotion du dialogue social dans le secteur TH: un moyen d’améliorer
la compétitivité socio-économique du secteur .............................................................. 181
4.1. Les formes du dialogue social indiquent son intensité........................................ 182
4.2. Le dialogue permanent: une approche adaptée aux mutations complexes
de l’économie et de l’organisation du travail...................................................... 182
4.3. Les conditions nécessaires à l’établissement d’un dialogue social
constructif ........................................................................................................... 183
4.4. Le dialogue social au niveau de l’Union européenne, partenaire
de la Tunisie........................................................................................................ 184

Chapitre 10. Propositions pour promouvoir la compétitivité socio-économique


du secteur TH................................................................................................................ 187
1. Consolider le dialogue social et moderniser les relations et l’organisation
du travail aux niveaux de l’entreprise et de la branche................................................. 188
2. Promouvoir la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion
des compétences et le travail décent ............................................................................. 192
3. Développer le lien entre le système de formation et les entreprises
du secteur TH................................................................................................................ 194

Bibliographie ..................................................................................................................................... 197

Annexes

A. ................................................................................................................................................. 202

B. ................................................................................................................................................. 202

C. Cadre juridique relatif aux régimes d’annualisation du temps de travail en Europe............... 204

D. Déclaration de principe des partenaires sociaux sur le textile et la mondialisation ................ 207

E. Déclaration commune des partenaires sociaux français et tunisiens....................................... 213

F. Procédures du programme de mise à niveau ........................................................................... 215

G. Définitions des principaux concepts de la gestion des emplois et des compétences............... 218

H. Convention concernant la protection des représentants des travailleurs


dans l’entreprise et les facilités à leur accorder....................................................................... 219

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Introduction
La montée de l’Asie dans les exportations d’habillement a été freinée par l’Accord
multifibres qui a soustrait le textile du droit commun des échanges, tandis que la
multiplication d’accords commerciaux préférentiels a favorisé le développement du secteur
dans les pays en développement. C’est le cas pour la Tunisie qui a fait le choix d’attirer
l’investissement étranger et d’encourager l’exportation en 1972 en adoptant un ensemble
de mesures incitant la création d’entreprises sous le statut offshore. Ce choix a trouvé un
écho favorable en Europe dans la mesure où les entreprises européennes ont abandonné la
fabrication des articles les plus courants et se sont appuyés sur des sous-traitants situés
dans des pays bénéficiant d’un accès privilégié à leurs marchés.

Il n’y a pas longtemps, le secteur est à l’origine de la moitié des exportations


manufacturières, emploie la moitié des salariés de l’industrie manufacturière tunisienne et
a attiré plus de la moitié des investisseurs étrangers dans l’industrie. Mais aujourd’hui, le
modèle de sous-traitante qui est à l’origine de cet essor économique n’est plus adapté au
nouveau contexte de démantèlement des accords multifibres. S’appuyant sur les résultats
d’une étude stratégique réalisée en 1996 et actualisée en 2003 1, la Tunisie a adopté une
nouvelle stratégie pour développer la compétitivité du secteur. Il s’agit de passer de la
sous-traitance à la cotraitante et au produit fini. Ceci exige des changements considérables
à plusieurs niveaux.

Le champ de notre étude se limite à aborder les changements nécessaires aux niveaux
de la qualification des travailleurs, de l’innovation technologique, de la gestion des
ressources humaines, des relations et de l’organisation du travail dans le secteur. Pour
définir le contenu de ces changements nous adoptons une démarche qui cherche à intégrer
l’économique et le social en adoptant le concept de «compétitivité socio-économique»
empruntée à la littérature de l’organisation internationale du travail (OIT). Celle-ci
considère que «la compétitivité interne des entreprises est grandement influencée par
l’existence d’un climat social favorable qui, lui-même, repose sur de bonnes pratiques de
travail et l’existence d’un dialogue social constructif entre les partenaires sociaux. La
compétitivité externe des entreprises est également influencée par l’image que ces
entreprises donnent en matière de respect des normes fondamentales du travail» 2.

Dans le contexte de la mondialisation et des mutations économiques, l’approche de


l’OIT nous invite à évaluer l’ancien et le nouveau pour essayer de trouver les meilleures
réponses possibles aux problèmes d’aujourd’hui, et nous devons envisager la manière de
structurer une démarche qui augmentera nos chances de trouver les meilleures solutions
possibles aux problèmes de demain. Ces solutions doivent contribuer à l’amélioration de la
compétitivité par la promotion du travail et où les risques et les bénéfices sont partagés
dans le nouveau contexte de la mondialisation du secteur TH.

Dans le champ de notre étude, la Tunisie a plusieurs atouts pour relever le défi auquel
est confronté ce secteur. Il s’agit des acquis des réformes introduites dans le
développement des ressources humaines, la consolidation du dialogue social, la
modernisation des relations du travail et le souci constant d’intégrer l’économique et le

1
Etude Gherzi.
2
OIT, Département des activités sectorielle, programme d’action «Améliorer la compétitivité des
secteurs THC (Textiles, Habillement, Chaussure) par la promotion du travail décent», document de
travail, Genève, fév. 2004.

Externe-2007-04-0157-01.doc 1
social dans une société fondée sur le savoir 3 . L’objectif de nos propositions est de
développer ces acquis pour améliorer la compétitivité socio-économique du secteur TH
durant la période du 11e plan (2007-2011).

Cette étude est réalisée dans le cadre des activités de l’Institut National du Travail et
des études sociales et plus précisément dans le cadre du programme de son unité de
recherche sur la productivité et les salaires dont la création a été ordonnée par le Président
de la République à l’occasion du 1er mai 2002. Elle est soutenue par le bureau d’Alger du
BIT et elle s’inscrit dans le cadre de son programme d’action «Améliorer la compétitivité
dans les secteurs, textile-habillement-cuir, par la promotion du travail décent» 4. La Tunisie
est effet l’un des pays sélectionnés par ce programme de l’OIT, après le Maroc qui a déjà
bénéficié d’un programme pilote dans ce domaine 5.

Les termes de référence de l’étude ont été élaborés au cours d’une réunion organisée
au ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, sous la
présidence de Monsieur le chef de Cabinet et en présence de M. Sadok Belhadj Hassine,
représentant du BIT. Elle a regroupé des représentants du:

– ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger;

– ministère du Développement et de la Coopération internationale;

– ministère de l’Industrie, de l’Energie et des Petites et moyennes entreprises;

– Conseil économique et social;

– l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA), et

– l’Union générale tunisienne du travail.

Selon ces termes de référence, «l’étude devra analyser la compétitivité socio-


économique du secteur TH dans une perspective de moyen et long terme. L’analyse et les
recommandations doivent être centrées sur l’avenir du secteur marqué par un changement
du modèle développement avec le plan d’action annoncé par le gouvernement le 2 mars
2005. A cet effet l’étude devra:

– dresser l’état des lieux du secteur TH en Tunisie;

– analyser le contexte international du secteur TH;

– analyser les caractéristiques de la nouvelle stratégie tunisienne de développement du


secteur et définir les exigences de cette nouvelle stratégie en matière de normes de
qualité, de formation, de gestion des ressources humaines, de relation et
d’organisation du travail, de conditions de travail, de dialogue social, d’inspection du
travail et des caractéristiques du cadre juridique et institutionnel.»

3
Voir 10e plan (2002-2006), volume sectoriel.
4
OIT: Département des activités sectorielles, programme d’action «Améliorer la compétitivité dans
les secteurs textile-habillement-cuir, par la promotion du travail décent», document de travail,
17 fév. 2004.
5
S. Belghazi, consultant BIT: Mise à niveau et compétitivité du textile-habillement: l’importance
d’une approche durable fondée sur le travail décent et l’efficacité économique, 2003.

2 Externe-2007-04-0157-01.doc
Nous présentons nos remerciements à tous les ministères, l’UTICA (FENATEX),
l’UGTT et le CETEX qui nous ont fourni la documentation nécessaire pour la rédaction de
ce rapport construit autour de trois parties.

La première partie présente un état des lieux où sont analysées successivement, les
caractéristiques du développement du secteur depuis 1972 (chap. 1), l’état des relations de
travail (chap. 2) et l’impact du démantèlement de l’accord multifibres au cours des
premiers mois de 2005 (chap. 3).

La deuxième partie examine les mutations du secteur en Europe (chap. 4) et les


perspectives de construction d’un espace euroméditerranéen textile-habillement, dans
lequel pourrait s’insérer la Tunisie (chap. 5)

La troisième et dernière partie aborde la promotion des ressources humaines, la


rénovation du dialogue social, et la modernisation des relations de travail comme moteur
de la compétitivité socio-économique du secteur. Nous y présentons la nouvelle stratégie
tunisienne de développement du secteur et son contexte qui est celui de l’économie du
savoir (chap. 6) puis nous montrons comment la formation professionnelle et
l’enseignement supérieur répondent aux besoins du secteur en compétences, en soulignant
les domaines où des améliorations devraient se produire pour satisfaire ces besoins
(chap. 7). Le chapitre 8 montre comment la politique de recherche et d’innovation
technologique est cohérente avec la nouvelle stratégie de développement du secteur en
soulignant aussi, à ce niveau, les domaines à développer.

Le chapitre suivant démontre que le grand défi à relever par le secteur TH est la
promotion d’une nouvelle culture du travail; c’est-à-dire des idées et des comportements
partagés par les employeurs et les travailleurs pour promouvoir la compétitivité du secteur
par la promotion du travail décent. Après l’analyse des caractéristiques de la flexibilité et
ses conséquences sociales associées au nouveau modèle productif émergeant au début des
années quatre-vingt, ce chapitre montre que le concept «travail décent» est l’alternative qui
concilie flexibilité et sécurité car il intègre l’économique et le social. La gestion des
ressources humaines selon l’approche par compétences et le dialogue social rénové sont les
moyens stratégiques pour atteindre cet objectif.

Enfin, le dernier chapitre de cette troisième partie présente les propositions qui
contribuent à la promotion de la compétitivité socio-économique du secteur TH. Elles
constituent les éléments d’un plan d’action qui doit mobiliser les partenaires sociaux, à
côté des services publics de plusieurs ministères. L’enjeu de ce plan est de construire un
modèle de compétitivité fondé sur la participation plutôt que l’affrontement. Et, au-delà du
cas particulier du secteur, il s’agit de contribuer à enrichir le contenu du modèle de
développement économique et social adapté au projet visant l’édification d’une société
tunisienne fondée sur le savoir, d’une part, et à la configuration actuelle du marché du
travail, marquée par la proportion croissante de diplômés de l’enseignement supérieur dans
le flux d’entrée dans la vie active, d’autre part.

Externe-2007-04-0157-01.doc 3
PARTIE I

Les caractéristiques du modèle de compétitivité


et des conditions de travail dans le secteur
Textile-habillement (TH): état des lieux
Chapitre 1. Les caractéristiques du développement
du secteur TH
L’ouverture des économies à la concurrence internationale est aujourd’hui un
phénomène général. Dans ce contexte, le marché international du secteur TH subit
d’importantes restructurations et de fortes pressions concurrentielles. Les pays qui sauront
le mieux répondre aux attentes des consommateurs en matière de prix et de qualité
l’emporteront.

Notre étude commence par une présentation du secteur TH en Tunisie. On essaye


alors de montrer l’importance de ce secteur dans l’économie tunisienne et d’étudier sa
dynamique en matière d’investissement (section 1).

La section 2 étudie la dynamique des investissements directs étrangers dans le secteur


TH en Tunisie. Cette section vise à saisir les retombées de ces investissements sur
l’économie tunisienne, notamment en matière d’emploi et d’insertion dans la division
internationale du travail.

La section 3 analyse principalement les performances et les dynamiques récentes dans


les structures de spécialisation de la Tunisie et d’un ensemble de pays concurrents au
niveau du marché européen du textile-habillement. Le calcul de plusieurs ratios dans le
temps et dans l’espace a permis de comparer les performances du secteur TH en Tunisie
avec celles des secteurs Textile-habillement des autres pays concurrents. Les analyses
empiriques présentées dans cette section étudient l’échange essentiellement au niveau de
trois segments de la branche Textile-habillement (fils et tissus, vêtements de confection et
vêtement de bonneterie).

La section 4 se consacre à l’étude de la dynamique de la productivité, et de la


compétitivité du secteur TH en Tunisie.

Les données statistiques utilisées proviennent essentiellement du CEPII 6 (base de


données CHELEM), de la banque mondiale, de l’Organisation mondiale du commerce, de
l’Institut national de la statistique (INS), du CETTEX 7, de l’Agence de promotion des
investissements (API) et de l’Agence de promotion des investissements extérieurs (APIE).
Il convient de souligner enfin que, dans certains paragraphes, nous avons adopté des
démarches empruntant les méthodes d’Amri 8, lesquelles ont été appliquées au secteur TH
au Maroc. Ces démarches nous ont permis, entres autres, de comparer les performances du
secteur TH en Tunisie avec celles du secteur TH au Maroc.

1. Le poids du secteur TH dans l’économie tunisienne

Le secteur TH occupe une place très importante dans l’économie tunisienne. Il


représente à lui seul environ la moitié des effectifs de l’industrie manufacturière et le tiers

6
Centre d’études prospectives et d’informations internationales.
7
Centre technique du textile.
8
A. Amri, 2003: «Tableau de bord économique et social de l’industrie du textile et de l’habillement
au Maroc» (1988-2000), rapport définitif, Casablanca, BIT.

Externe-2007-04-0157-01.doc 7
de la valeur ajoutée de cette dernière. En outre, il est le premier secteur exportateur et de ce
fait le secteur le plus pourvoyeur en devises du pays.

1.1. Evolution de l’emploi

En 1997, le nombre d’emploi du secteur TH est de 233 439, soit 46 pour cent de
l’emploi total de l’industrie manufacturière. Cette proportion a légèrement diminué sur la
période 1992-1997, comme le montre le tableau 1.

Tableau 1. Evolution de l’emploi dans le secteur Textile-habillement

1992 1993 1994 1995 1996 1997


T-H 210 000 216 200 222 000 228 000 229 147 233 439
IM 436 300 451 300 467 000 484 000 488 000 506 522
T −H
(en %) 48 48 48 47 47 46
IM
Source: CETTEX et INS.

Durant la période 1992-1997, 70 222 emplois ont été créés, dont 23 439 dans le
secteur TH, soit le tiers des créations d’emplois dans l’industrie manufacturière.

Tableau 2. Evolution des créations d’emplois (en pourcentage)

T-H IM
1993 –5,26 7,14
1994 14,81 10,00
1995 – 3,23 3,03
1996 –13,93 –17,65
1997 –16,89 32,30
1992-1997 –5,52 5,76
Source: Calculs faits à partir des données du CETTEX et de l’INS.

Cependant, on assiste à une diminution du rythme des créations d’emploi (en


moyenne) dans le textile-habillement (tous segments confondus). Cette évolution contraste
avec l’accroissement du rythme des créations d’emplois observées dans l’industrie
manufacturière durant cette période (voir tableau 2). Deux catégories d’entreprises
déterminent la dynamique de l’emploi dans le secteur TH: les entreprises totalement
exportatrices et les entreprises partiellement exportatrices et travaillant pour le marché
local. Ce sont généralement les premières qui contribuent le plus aux créations d’emplois.
Les effectifs employés par ces entreprises représentent 83 pour cent de l’emploi total du
secteur TH en 2004 (voir tableau 8).

Le tableau 3 montre que les entreprises totalement exportatrices sont spécialisées


essentiellement dans la confection, les services et le traitement sur articles confectionnés.
Quant aux entreprises partiellement exportatrices, elles sont surtout spécialisées dans la
filature, le tissage, la tapisserie et la friperie.

8 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 3. Répartition des emplois par type d’entreprise et par activité du secteur Textile-habillement
(en pourcentage)

Entreprises totalement Entreprise partiellement


exportatrices exportatrices
Accessoires 47,35 52,65
Autres industries textiles 65,17 34,83
Broderie 67,73 32,27
Confection 91,18 8,82
Filature 15,24 84,76
Finissage 31,24 68,76
Friperie 4,42 95,58
Non tissés 65,36 34,64
Services 93,00 7,00
Tapisserie 4,26 95,74
Tissage 7,54 92,46
Traitement sur articles confectionnés 87,75 12,25
Tricotage 55,70 44,30
Total (textile-habillement) 82,60 17,40
Source: API.

L’analyse de l’évolution de l’emploi au niveau de quatre segments du secteur TH


(voir tableau 4) montre que ce sont les vêtements de confection qui ont créé le plus
d’emplois (65 pour cent de la création totale de l’emploi dans le textile). Toutefois, il
convient d’observer que le rythme d’évolution de l’emploi dans ce segment (6,97 pour
cent) a été, sur la période 1994-1997, largement inférieur à celui de la branche Tapis
(12,1 pour cent) et de la branche Vêtement de bonneterie (127,8 pour cent) dont les
effectifs ont plus que doublé en trois ans.

Graphique 1. Evolution de l’emploi dans les secteurs Textile-habillement (TH) et industrie manufacturière
(IM)

20 000
18 000
16 000
14 000
12 000
TH
10 000
IM
8 000
6 000
4 000
2 000
0
1992 1993 1994 1995 1996 1997

Externe-2007-04-0157-01.doc 9
Tableau 4. Evolution des effectifs par segment d’activité dans le secteur Textile-habillement

Segments 1994 1997 Variation 1994-1997


En nombre d’emplois En pourcentage
Fils et tissus 33 230 32 236 –994 –3,0
Tapis 36 005 40 356 4 351 12,1
Vêtements de
bonneterie 1 953 4 448 2 495 127,8
Vêtements de
confection 147 003 156 399 9 366 6,4
Total 218 221 233 439 15 218 7,0
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Toutefois, ces rythmes d’évolution contrastés ont très peu modifié la structure de
l’emploi dans le secteur TH qui a très peu varié sur la période 1994-1997 (voir tableau 5).

Graphique 2. Répartition des emplois par segment des activités

Bonneterie
1% Fils et tissus
15%

Tapis
16%

Confection
68%

Tableau 5. Part des segments en pourcentage de l’emploi total du secteur Textile-habillement


(en pourcentage)

Segments 1994 1997


Fils et tissus 15,23 13,81
Tapis 16,50 17,29
V. bonneterie 0,89 1,91
V. confection 67,38 67,00
Total 100,00 100,00
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Par ailleurs, il convient d’observer que le secteur TH occupe une main-d’œuvre


essentiellement féminine, qui représente 84 pour cent de l’emploi total du secteur en 1997.
L’examen de la répartition de l’emploi selon le sexe et le segment d’activité (voir tableau
6) montre qu’en 1997 les femmes sont employées essentiellement dans les branches

10 Externe-2007-04-0157-01.doc
Vêtements de confection (67 pour cent) et tapis (20 pour cent). En somme, ces deux
branches accaparent à elles seules 87 pour cent des femmes employées. Quant aux
hommes, ils sont concentrés essentiellement dans les branches Vêtements de confection et
Fils et tissus, avec respectivement 66 pour cent et 27 pour cent. Ces deux branches
accaparent 93 pour cent de l’ensemble des hommes employés dans le secteur TH.

Tableau 6. Structures de l’emploi dans la branche Textile-habillement, selon le sexe (en pourcentage)

1994 1997
F M F M
Fils et tissus 11,93 30,51 11,32 26,83
Tapis 19,11 4,42 19,68 4,76
V. bonneterie 0,79 1,39 1,93 1,79
V. confection 68,18 63,68 67,07 66,63
Total 100,00 100,00 100,00 100,00
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

1.2. Evolution de la production et de la valeur ajoutée

D’une manière générale, la décélération de la croissance (en termes d’emplois) du


secteur Textile ne signifie nullement le déclin de ce secteur. Pour s’en convaincre, il suffit
d’analyser l’évolution de sa production et de sa valeur ajoutée (richesse créée) et
d’observer la dynamique de l’effort fourni par les entreprises en matière d’investissement.

L’évolution indicielle de la valeur de la production se présente comme suit:

Tableau 7. Evolution de la production (en millions de dinars courants)

Année Textile-habillement Fils et tissus Habillement Tapis


1997 100,0 100,0 100,0 100,0
1998 111,1 104,0 112,6 116,3
1999 114,0 106,6 115,6 119,3
2000 122,9 115,9 124,5 125,1
2001 139,4 128,3 142,5 121,9
2002 143,0 129,5 146,4 126,2
Taux de croissance
annuel moyen (en %) 7,4 5,3 7,9 4,8
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Les calculs effectués au tableau 7 laissent apparaître qu’en termes d’indice la valeur
de la production du secteur TH est passée de l’indice 100 en 1997 à l’indice 143,7 en 2002,
soit, en termes de taux de croissance, une progression annuelle moyenne de l’ordre de
7,4 pour cent environ. Mais ce taux global recouvre des rythmes d’évolution différents
selon les branches d’activité. Ainsi, dans la branche Habillement, le niveau de la valeur de
la production a été multiplié par environ 1,5 durant la période 1997-2002, passant de
l’indice 100 en 1997 à l’indice 146,4 en 2002, soit un taux de croissance moyen de la
valeur de la production de 7,9 pour cent par année, contre environ 5 pour cent pour les
branches Fils et tissus et Tapis. Par ailleurs, l’évolution de la valeur ajoutée dénote au
niveau du secteur TH une hausse importante passant de l’indice 100 en 1997 à 143,7 en

Externe-2007-04-0157-01.doc 11
l’an 2002, soit un taux de croissance annuel moyen de l’ordre de 8 pour cent, dont 5 pour
cent pour le textile et 8 pour cent pour l’habillement (voir tableau 8).

Tableau 8. Evolution de la valeur ajoutée (en millions de dinars courants)

Année Textile-habillement Fils et tissus Habillement Tapis


1997 100,0 100,0 100,0 100,0
1998 111,2 104,1 112,7 116,1
1999 114,8 106,7 116,6 119,4
2000 123,9 116,8 125,4 127,9
2001 140,3 128,5 143,9 124,4
2002 143,7 129,7 147,9 128,8
Taux de croissance
annuel moyen (en %) 7,5 5,3 8,1 5,2
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Au niveau de toutes les branches du secteur TH, on assiste à un fort ralentissement du


rythme de croissance de la valeur ajoutée en 2002 (voir tableau 8). L’évolution de la part
de la valeur ajoutée du secteur TH dans la valeur ajoutée de l’industrie manufacturière
dénote une hausse importante du poids de ce secteur en termes de valeur ajoutée. En effet,
comme le montre le graphique 3, ci-dessous, la part de la valeur ajoutée de ce secteur a
suivi une pente ascendante sur la période 1989-1998, pour représenter en 1998 plus de
28 pour cent la valeur ajoutée totale de l’industrie manufacturière. Par conséquent, le
secteur TH apparaît de plus en plus comme un secteur moteur en termes de croissance et
de développement pour l’économie tunisienne.

Graphique 3. Evolution de la part de la valeur ajoutée du secteur TH dans la valeur ajoutée de l’industrie
manufacturière (en pourcentage)

30

25

20

15

10

0
1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998

Il convient toutefois d’observer que la faible intégration de ce secteur explique qu’il


n’assure qu’un pourcentage modeste du produit intérieur brut du pays (voir tableau 9).

12 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 9. Production et valeur ajoutée par pays en 2000

Pays Production Valeur ajoutée Valeur ajoutée en


(en milliards de dollars E.-U.) (en pourcentage du PIB) pourcentage de la valeur
ajoutée de l’industrie
manufacturière
Tunisie 2,8 3,0 32
Maroc 2,3 2,5 –
Egypte 3,8 6,5 34
Turquie 25,0 2,5 10
Source: Eurostat et banque mondiale.

1.3. Evolution de l’investissement

1.3.1. L’effort d’investissement

L’investissement du secteur TH est passé d’une valeur de 165 millions de dinars en


2002 à 198 millions de dinars en 2003. Il représente environ 13 pour cent du total des
investissements de l’industrie manufacturière en 2003. Le tableau 11 montre qu’en termes
d’évolution, cette proportion n’enregistre qu’une très légère variation. Elle était de l’ordre
de 12 pour cent en 2002 et passe à environ 13 pour cent en 2003. Toutefois, en termes
absolu, les dépenses d’investissements augmentent de 32,7 millions de dinars de 2002 à
2003, ce qui correspond à un taux de croissance de l’ordre de 20 pour cent en un an.

Tableau 10. Evolution des dépenses d’investissement par secteur dans les industries manufacturières
(en millions de dinars)

2002 2003 Taux de croissance


(en pourcentage)
IAA 430,9 511,2 18,64
IMCCV 299,7 362,8 21,05
IME 185,7 179,1 –3,55
ICH 94,5 97,9 3,60
ITH 164,9 197,6 19,83
ICC 20,0 22,3 11,50
ID 161,0 200,8 24,72
Total 1 356,7 1 571,7 15,85
Source: Calculs faits par les auteurs à partir des données de l’API.

Externe-2007-04-0157-01.doc 13
Tableau 11. Structure des dépenses d’investissement, par secteur, dans les industries manufacturières
(en pourcentage)

2002 2003 Taux de croissance


IAA 31,76 32,53 2,41
IMCCV 22,09 23,08 4,49
IME 13,69 11,40 –16,75
ICH 6,97 6,23 –10,57
ITH 12,15 12,57 3,44
ICC 1,47 1,42 –3,75
ID 11,87 12,78 7,66
Total 100,00 100,00
Source: Calculs faits par les auteurs à partir des données de l’API.

L’examen du graphique 4 et du tableau 12 montre que les dépenses d’investissement


de la branche Filature, tissage et finissage ont augmenté sur la période 1997-2002. Ils sont
passés de 29,3 millions de dinars en 1997 à 42,3 millions de dinars en 2002, soit une
croissance moyenne annuelle de l’ordre de 7,6 pour cent. Ces investissements concernent
aussi bien des créations d’entreprises que des extensions et des investissements de
modernisation, notamment dans le cadre du programme de mise à niveau. Ils représentent
environ un tiers du total des investissements du secteur TH en 2002. L’augmentation de
cette proportion tend à conférer à cette branche un rôle stratégique (filière amont) dans le
secteur TH. Quant à l’investissement dans la branche Habillement, il a connu une
diminution importante (– 40 pour cent) entre 2001 et 2002. Cette décroissance pourrait
s’expliquer en partie par la prudence des investisseurs face à la perspective de
démantèlement des accords multifibres à la fin de l’année 2004.

En dépit de cette forte chute, cette branche continue d’accaparer à elle seule les deux
tiers de l’ensemble des investissements du secteur TH.

Tableau 12. Evolution de la structure des dépenses d’investissement dans le secteur Textile-habillement
(en pourcentage)

1997 1998 1999 2000 2001 2002


Filature, tissage et finissage 21,09 21,11 21,10 21,11 20,55 28,99
Tapis 1,80 1,82 1,82 1,79 1,63 2,33
Confection et bonneterie 77,11 77,07 77,08 77,10 77,82 68,68
Total 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
Source: Calculs faits par l’auteur à partir des données de l’INS.

14 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 4. Evolution des dépenses d’investissement par segment d’activités du secteur TH
(en millions de dinars tunisiens)

180
167
160
147
136
140 131

120
107
100
100

80

60
44,2 42,3
37,1 40,2
35,9
40 29,3

20
2,5 3,1 3,2 3,4 3,5 3,4
0
1997 1998 1999 2000 2001 2002

Filature, tissage et finissage Tapis Confection et bonneterie

1.3.2. Taux d’investissement et productivité marginale du capital

L’investissement est mieux saisi à travers le taux d’investissement. Celui-ci est


mesuré par la part de la valeur ajoutée consacrée annuellement à l’investissement
∆ K où:
VA
∆ K = Formation brute de capital fixe ( ou investisse ment brut )
VA = Valeur ajoutée

Tableau 13. Evolution des taux d’investissement par secteur (en pourcentage)

Année Textile-habillement Textile Habillement


1997 12,19 13,83 12,17
1998 13,44 16,33 13,23
1999 13,43 16,47 13,20
2000 13,49 16,33 13,29
2001 13,47 16,32 13,21
2002 8,92 15,48 7,69
Moyenne 12,49 15,79 12,13
Ecart type 1,82 1,03 2,21
Coefficient de variation 0,15 0,07 0,18
Source: Calculs faits par les auteurs à partir des données de l’INS.

Le tableau 13, montre que le taux d’investissement dans le secteur TH a stagné durant
la période 1998-2001, pour chuter fortement en 2002 (13,44 pour cent en 1998 contre
8,92 pour cent en 2002). Cette chute de l’effort d’investissement au niveau global,
s’explique essentiellement par la forte baisse du taux d’investissement constatée dans la
branche Habillement (13,23 pour cent en 1998 contre 7,69 pour cent en 2002). Quant au

Externe-2007-04-0157-01.doc 15
taux d’investissement dans la branche Textile, il a augmenté entre 1997 et 1998, puis il a
stagné sur la période 1998-2001, pour enfin diminuer légèrement en 2002.

En outre, il convient d’observer que la volatilité du taux d’investissement (mesurée


par l’écart type) est plus élevée dans l’habillement que dans le textile avec un écart type de
2,21 pour cent contre 1,03 pour la branche Textile.

A ce niveau de l’analyse, on ne peut s’empêcher de comparer nos résultats avec ceux


d’une autre étude faite sur le Maroc (pays concurrent) 9 . Celle-ci fait apparaître une
volatilité du taux d’investissement plus élevée dans la branche Textile que dans
l’habillement. Il s’agit là d’un résultat contraire à celui obtenu par notre étude sur la
Tunisie. Il ressort également de ces deux études que les écarts types sont beaucoup plus
élevés au Maroc qu’en Tunisie, respectivement et pour l’ensemble du secteur TH 8 pour
cent et 1,83 pour cent. Ces résultats suggèrent que la volatilité de l’effort d’investissement
est globalement plus élevée au Maroc qu’en Tunisie.

Par ailleurs, il convient de souligner que le taux d’investissement détermine en partie


le taux de croissance du niveau de production. En effet, si l’on considère la valeur de la
production nette des consommations intermédiaires ( Y ) on a:

∆Y ∆ K ∆ Y [1]
= ⋅
Y Y ∆K

où:

∆Y
= Taux de croissance de la valeur de l’output
Y

∆K
= Taux d’investissement
Y

∆ Y Productivité marginale du capital


=
∆K

Par conséquent, il est clair que le rythme d’évolution de la valeur ajoutée dépend de
deux facteurs, le taux d’investissement et la productivité marginale du capital.  ∆ Y  La
 
relation [1] signifie que la vitesse de croissance de la valeur ajoutée évolue en  ∆ K 
raison directe du taux d’investissement et de la productivité marginale du capital. Autrement
dit, plus le taux d’investissement et la productivité marginale du capital sont élevés et plus la
croissance de la valeur ajoutée est rapide. On peut aussi imaginer que les deux facteurs
explicatifs évoluent en sens inverse. Dans ce cas de figure, le rythme et le sens de variation
de la valeur ajoutée dépendent fortement du facteur dont la valeur absolue est la plus forte.
Aussi, il faut bien comprendre que le rythme de croissance de la valeur ajoutée peut être,
pour un secteur donné, faible même en présence d’un effort d’investissement important.

9
Op. cit.

16 Externe-2007-04-0157-01.doc
Ce résultat est possible si l’état du processus de production (pour des quantités de
travail et de capital données) est tel que la productivité marginale du capital est faible. En
effet, pour un secteur d’activité donné et pour un taux d’investissement donné, plus la
productivité marginale du capital est faible, plus le coefficient marginal du capital (inverse
de la productivité marginale du  ∆ K  capital 10 est élevé et plus la croissance de
∆Y
la valeur ajoutée est faible.  

Généralement, la productivité marginale du capital est plus élevée (coefficient


marginal du capital plus faible) dans les secteurs intensifs en travail (tel que
l’habillement 11 ) que dans les secteurs intensifs en capital (tel que le textile). Par
conséquent, si l’on veut avoir un rythme de croissance de la valeur ajoutée dans le textile
(sur une période donnée) au moins égal à celui de l’habillement, il faut réaliser un effort
d’investissement dans le textile nettement supérieur à celui de la branche Habillement. Un
taux d’investissement plus élevé dans le textile permet de compenser la faiblesse relative
de son coefficient marginal du capital. Cette question est importante dans une perspective
de développement de la branche Textile et de son intégration à la branche Habillement
(stratégie de remontée de filière).

Tableau 14. Evolution de la productivité marginale du capital (en pourcentage)

Année Textile-habillement (filière) Textile Habillement


1998 13,48 4,33 15,73
1999 19,52 15,25 20,07
2000 22,80 21,19 23,39
2001 25,30 22,05 26,19
2002 –1,86 –4,21 –1,74
Moyenne 15,85 11,72 16,73
Ecart type 10,84 11,37 11,03
Coefficient de variation  σ  0,68 0,97 0,66
 x 

Source: Calculs faits par l’auteur à partir des données de l’INS.

Tableau 15. Evolution du taux de croissance de la production (en pourcentage)

Année Textile-habillement (filière) Textile Habillement


1998 11,12 4,04 12,65
1999 2,60 2,48 2,63
2000 7,77 8,70 7,66
2001 13,45 10,74 14,52
2002 2,44 0,88 2,74
Taux de croissance moyen 7,38 5,30 7,93
Source: Calculs faits par l’auteur à partir des données de l’INS.

10
Ce rapport représente le montant d’investissement nécessaire pour obtenir une unité de valeur
ajoutée supplémentaire. Il peut aussi indiquer dans l’optique du principe d’accélération, le montant
d’investissement induit par la variation de la demande de l’output.
11
Comme l’illustre les résultats du tableau 11.

Externe-2007-04-0157-01.doc 17
Les résultats des tableaux 14 et 15 confirment notre analyse théorique. En effet, pour
des taux d’investissements assez proches dans les branches Textile et Habillement (voir
tableau 13), le taux de croissance de la production observé est plus élevé dans la branche
Habillement (7,93 pour cent) que dans la branche Textile (5,3 pour cent). La même
volatilité de la productivité marginale du capital est observée dans le textile et dans
l’habillement. L’écart type peut être interprété ici comme une mesure du risque
d’investissement lié à l’activité.

Tableau 16. Evolution du taux d’investissement, de la productivité marginale du capital


et du taux de croissance de la production au niveau du secteur Textile-habillement

Année Taux Productivité Taux de croissance


d’investissement marginale du capital de la production
(en pourcentage) (en pourcentage)
∆K ∆Y ∆Y
(1) (2) = (1) x (2)
Y ∆K Y
1998 13,44 13,48 11,12
1999 13,43 19,52 2,60
2000 13,49 22,80 7,77
2001 13,47 25,30 13,45
2002 8,92 -1,86 2,44
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Les résultats consignés dans le tableau 16 montrent bien que le rythme d’accroissement
de la production ∆ Y n’est déterminé qu’en partie par le taux d’investissement, l’autre
partie explicative Y est liée à l’évolution de la productivité marginale du capital.

2. Investissements directs étrangers


et intégration à l’économie mondiale

En 2003, les entreprises du secteur TH représentent 41 pour cent de l’ensemble des


entreprises de l’industrie manufacturière. Ces entreprises sont en grande majorité à
participation étrangère. En effet, sur 1 103 entreprises, 997 sont à participation étrangère,
soit 90,4 pour cent du total des entreprises du secteur TH. Parmi ces dernières,
632 entreprises sont détenues à 100 pour cent par des étrangers, soit 63 pour cent du total
des entreprises à participation étrangère.

Les partenaires étrangers proviennent essentiellement de pays européens avec


lesquels la Tunisie entretient des relations commerciales étroites depuis son indépendance.
Parmi ces pays la France se trouve en première position en termes de nombre d’entreprises
à participation étrangère. Cette position dominante de la France se retrouve aussi dans la
plupart des autres secteurs de l’industrie manufacturière (voir tableau 17).

18 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 17. Entreprises à participation étrangère par secteur d’activités et par pays partenaire en 2003

Secteur France Italie Allemagne Belgique Autres Total


IAA 28 23 1 4 42 98
IMCCV 16 14 2 27 59
IMM 37 20 3 3 34 97
IEEE 48 42 30 3 32 155
ICH 31 9 4 1 30 75
ITH 399 213 139 125 227 1 103
ICC 44 48 7 7 26 132
IB 12 8 1 4 7 32
ID 42 19 12 5 23 101
Total 657 396 197 154 448 1 852
Source: API (www.tunisianindustry.nat.tn).

2.1. L’investissement direct étranger


dans le secteur TH

L’investissement des entreprises à participation étrangère est vital pour les


exportations, le transfert de technologie, l’emploi et la croissance de l’économie
tunisienne. La grande majorité de ces investissements sont à la recherche de gains de
compétitivité par une baisse du coût de la main-d’œuvre. Les entreprises multinationales
concernées délocalisent certains segments du processus de production, voire la totalité de
la production, en implantant des unités de production dans des pays étrangers à bas
salaires. La production de ces entreprises est en grande partie réexportée vers le pays
d’origine.

Les investissements directs étrangers, dont bénéficie la Tunisie, cherchent à


bénéficier des avantages comparatifs de la Tunisie en matière de main-d’œuvre. Les
investisseurs escomptent une amélioration de la compétitivité de leur entreprise par une
diminution du coût de production.

La délocalisation des entreprises des pays développés vers les pays en développement
est concevable, dans la mesure où il est possible de fragmenter la fabrication des produits
textiles en plusieurs segments séparés. Les investisseurs étrangers délocalisent les
segments de production intensifs en main-d’œuvre et maintiennent dans leurs pays
d’origine les activités de recherche développement et les segments de production intensifs
en capital et nécessitant un niveau da qualification élevé de la main-d’œuvre.

De nombreuses entreprises européennes (en grande partie françaises) se sont


installées en Tunisie (voir annexe A). Ce sont généralement des petites ou moyennes
entreprises qui cherchent à maintenir leur compétitivité en transférant certaines activités de
production dans des pays en développement, en l’occurrence la Tunisie. Afin de mieux
comprendre la dynamique des investissements étrangers dans le secteur TH et leurs
retombées sur la dynamique de croissance et d’intégration de l’économie tunisienne, il est
utile de s’interroger sur le cadre institutionnel et juridique des IDE en Tunisie.

Depuis l’indépendance, la mesure la plus importante en faveur des investissements


étrangers est celle prise en 1972 par le gouvernement de l’époque (loi no 72-38). Cette loi
accorde aux entreprises offshore une libre importation des biens nécessaires à leur activité

Externe-2007-04-0157-01.doc 19
de production et un libre rapatriement des bénéfices réalisés vers leurs pays d’origine. La
stratégie sous-jacente à l’époque visait:

– la création d’emplois;

– la promotion des exportations et l’abandon de la politique de substitution aux


importations;

– la modernisation de l’appareil de production.

En 1993, un nouveau code unique des investissements a été promulgué (loi


no 93-120) entraînant l’annulation des codes d’investissements sectoriels appliqués jusque-
là. Cette réforme cherche à renforcer l’ouverture de l’économie tunisienne vers l’extérieur.
Elle concerne tous les secteurs d’activité hormis celui des mines et de l’énergie et du
secteur financier qui restent régis par des lois spécifiques.

Au-delà des avantages acquis depuis la promulgation de la loi no 72-38, ce nouveau


code d’investissement accorde d’autres avantages pour l’encouragement à l’exportation, à
la création d’emplois, au développement régional, à la protection de l’environnement et la
promotion de la technologie et la recherche-développement. Soulignons aussi qu’à côté des
avantages communs accordés aux investisseurs étrangers ou nationaux des avantages
spécifiques supplémentaires sont consentis aux entreprises totalement exportatrices 12.

„ Avantages communs à tous les investisseurs:

– dégrèvement fiscal pour les sociétés qui réinvestissent au sein d’elles-mêmes


dans la limite de 35 pour cent des bénéfices soumis à l’impôt;

– amortissement dégressif;

– droits de douane limités à 10 pour cent pour les équipements importés et n’ayant
pas d’équivalents sur le marché local;

– suspension de la TVA pour les équipements fabriqués localement.

„ Avantages spécifiques aux entreprises totalement exportatrices:

– exonération de l’impôt des bénéfices provenant des exportations pendant les dix
premières années d’activité. Au-delà de cette période, cette déduction est
ramenée à 50 pour cent;

– octroi du bénéfice du régime de «zone franche», qui permet une franchise fiscale
intégrale pour les biens et les intrants nécessaires à la production et à
l’investissement. Elle concerne les droits de douane et taxes d’effet équivalent et
la TVA;

– exonération fiscale intégrale des sommes réinvesties dans le capital;

– les agents d’encadrement étrangers sont assujettis à un impôt forfaitaire, fixé à


20 pour cent de leur rémunération brute.

12
Une entreprise est considérée comme totalement exportatrice(ETE) lorsqu’au moins 80 pour cent
de son chiffre d’affaires est réalisé à l’exportation. Les entreprises travaillant exclusivement avec
des ETE deviennent elles aussi des ETE.

20 Externe-2007-04-0157-01.doc
Outre ce cadre incitatif, d’autres facteurs contribuent à l’attractivité de l’économie
tunisienne (taux de croissance économique de 5 pour cent en moyenne sur les dix dernières
années, maîtrise des grands équilibres macroéconomiques, main-d’œuvre relativement
qualifiée et rémunération salariale relativement compétitive, tissu industriel diversifié et en
plein développement, proximité géographique avec l’Europe, signature d’un accord de
libre-échange avec l’Europe en 1995 prévoyant le démantèlement progressif des taxes
douanières sur douze ans). Certains de ces facteurs jouent un rôle particulièrement
important dans l’attractivité des investissements étrangers en Tunisie. Ce sont:

– la compétitivité relative des salaires;

– les appuis institutionnels à l’investissement en général et à l’investissement étrangers


en particulier;

– l’accord de libre-échange avec l’Europe.

Reprenons successivement les deux derniers aspects pour en préciser le contenu.

2.2. Les appuis institutionnels à l’investissement

Depuis la promulgation de loi no 72-38, la Tunisie a essayé de renforcer son cadre


législatif en développant un ensemble d’institutions. Ces organismes de promotion et
d’accompagnement de l’investissement sont nombreux. Ils peuvent être regroupés en trois
catégories:

– les agences spécialisées: API (Agence de promotion de l’industrie), CEPEX (Centre


de promotion des exportations), CETTEX (Centre technique du textile), FIPA
(Agence de promotion des investissements étrangers), etc.;

– les organismes professionnels: UTICA (Union tunisienne de l’industrie du commerce


et de l’artisanat), FENATEX (Fédération nationale du textile), chambres de
commerce, etc.;

– le réseau bancaire et financier: plusieurs banques de développement, huit banques


offshore et de nombreuses sociétés de leasing et d’investissement.

Les organismes spécialisés et les organismes professionnels jouent un rôle important


en particulier dans le secteur de la formation. En effet, ces organismes (FENATEX,
CETTEX et les centres de formation professionnelle) collaborent avec les entreprises
étrangères du secteur TH dans le but de satisfaire leurs besoins en termes de main-d’œuvre
qualifiée.

Par ailleurs, le réseau bancaire et financier est relativement varié et dense, du moins si
on le compare à ceux d’autres pays en développement. Il convient ici de souligner que la
loi no 75-63 du 12 juillet 1975 a favorisé l’implantation de banques étrangères en Tunisie.
Ainsi, pour illustrer la présence des banques françaises en Tunisie, soulignons que la BNP
y possède une filiale, l’Union bancaire du commerce et de l’industrie (UBCI). Pour sa part,
la Société générale a acquis en 2002 une part majoritaire dans l’Union internationale des
banques (UIB).

Le développement de ces banques est aussi en partie lié à l’installation des entreprises
étrangères en Tunisie. En effet, les institutions financières étrangères ont suivi le
mouvement de délocalisation dans un but de fidélisation de leurs clients habituels et de

Externe-2007-04-0157-01.doc 21
préservation de leurs parts de marché 13. Ce système financier a permis de mobiliser un
important volume de capitaux pour le financement des investissements étrangers.

2.3. L’accord de libre-échange avec l’Union européenne

En 1995, la Tunisie a signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne.


Celui-ci prévoit le démantèlement progressif des taxes douanières entre 1995 et 2007. Cet
accord a permis la création d’organismes de coopération spécialisés tels que l’Agence
française de développement et la société de promotion et de participation pour la
coopération économique (PROPARCO), filiale de la Caisse centrale de coopération
économique (CCCE).

L’Agence française de développement est chargée par le gouvernement français de la


mise en œuvre des protocoles intergouvernementaux d’aide à la réalisation de projets ou
d’accompagnement des actions de partenariat financées en partie par des prêts accordés par
le Trésor. Dans ce cadre, les procédures FASEP (Fonds d’aide au secteur privé) visent à
faciliter la création et le développement des PME françaises à l’étranger (FASEP-garantie)
et à garantir des prêts consentis à leurs filiales tunisiennes par des banques tunisiennes ou
étrangères, dans le cadre d’un programme d’implantation et de développement. L’Agence
française de développement apporte également une aide à l’Etat tunisien pour soutenir ses
efforts de mise à niveau de l’économie tunisienne. Ses actions visent à renforcer la
productivité du secteur productif. La PROPARCO est spécialisée dans le financement sur
prêts au secteur privé productif; elle intervient sous forme de participations en fonds
propres dans le capital d’entreprises tunisiennes ou de prêts à long et moyen terme
accordés aux entreprises. D’autres pays européens (Allemagne, Belgique, Espagne, etc.)
fournissent des aides et participent à des projets de coopération entre la Tunisie et l’Union
européenne.

Il est par conséquent clair que les entreprises étrangères qui souhaitent s’implanter en
Tunisie peuvent compter sur plusieurs organismes et procédures qui facilitent la mise en
œuvre de leurs projets. Cette diversité de concours financiers et de procédures est une aide
précieuse et très appréciable qui contribue fortement à l’attractivité de la Tunisie vis-à-vis
des capitaux étrangers. En définitive, on constate que, depuis le début des années soixante-
dix, l’Etat tunisien n’a cessé de mener une politique volontariste visant à attirer les
investissements étrangers en Tunisie.

Les dispositions prises en 2003 14 montrent que la Tunisie reste pleinement engagée
dans cette politique. Cependant, la question importante concerne l’impact de cette stratégie
sur l’économie tunisienne. Cela nous renvoie à l’analyse des caractéristiques des
investissements étrangers et de leurs retombées sur l’économie du pays (contribution à la
production et à l’emploi, contribution aux exportations, contribution à l’insertion dans la
division internationale du travail, contribution à l’apprentissage industriel et à l’apport
technologique).

13
Selon C.A. Michalet, 1985: «Dans le cas où la banque habituelle n’est pas présente sur place, les
entreprises françaises risquent de s’adresser à celles qui sont les plus proches. Une brèche est ainsi
ouverte dans laquelle les banques concurrentes ne manqueront pas de s’engouffrer», Banques
multinationales, firmes multinationales et économie mondiale, édition Economica, p. 92.
14
L’article 29 de la loi de finances pour l’année 2003, proroge le délai de l’exonération totale
d’impôt sur les bénéfices jusqu’au 31 décembre 2007, pour les entreprises dont la durée de
déduction totale du bénéfice expire avant 2007, jusqu’au 31 décembre 2007.

22 Externe-2007-04-0157-01.doc
2.4. Les caractéristiques des investissements
directs étrangers dans le secteur TH

Si l’on s’intéresse aux secteurs d’activités concernés par les investissements


étrangers, on constate que les entreprises à participation étrangère sont concentrées
essentiellement dans le secteur TH. Entre 1998 et 2003, prés de 78 pour cent des
entreprises totalement exportatrices ont été créées dans ce secteur. Celui-ci regroupe au
total 2 135 entreprises en 2003, dont 1 370 sont totalement exportatrices. On dénombre,
par ailleurs, 148 entreprises à participation étrangère et totalement exportatrices dans le
secteur des industries électriques, électroniques et de l’électroménager, 181 dans les
industries du cuir et de la chaussure et 114 dans les industries agroalimentaires.

Concernant l’origine géographique des investissements, on remarque que ces


entreprises proviennent à près de 80 pour cent de pays européens. La France est le
principal partenaire de la Tunisie, avec près de 979 entreprises à participation étrangère en
2003, soit 40 pour cent du total de cette catégorie qui comporte 2 444 unités 15 . Les
investissements réalisés atteignent 1 234,5 millions de dinars, soit 15,4 pour cent du total
des investissements accumulés dans les entreprises à participation étrangère. Sur la période
1997-2002, les investissements directs étrangers d’origine française ont quadruplé, passant
de 47,5 à 198 millions de dinars. En termes d’effectifs, ces investissements représentent
75 149 emplois en 2003, dont 52 pour cent se trouvent dans le secteur TH. L’Italie compte
396 entreprises à participation étrangère, près de 54 pour cent d’entre elles opèrent dans le
secteur TH. Pour sa part, l’Allemagne compte 197 entreprises, dont près de 78 pour cent
d’entre elles se trouvent dans le secteur TH.

D’une manière générale, la part des emplois créés dans les entreprises à participation
étrangère dans le secteur TH, qu’elles soient totalement exportatrices ou partiellement
exportatrices, représente 33 pour cent du total de l’emploi des entreprises de l’industrie
manufacturière. Cette part reste, cependant, modeste quand on la compare à la totalité de la
population active occupée, soit environ 5 pour cent.

Ces données montrent que, sur le plan quantitatif, les investissements directs
étrangers ont atteint un niveau non négligeable, notamment en termes de création
d’emplois. Reste alors la question de l’aspect qualitatif de ces investissements. En
particulier, ces investissements sont-ils intensifs en capital ou en main-d’œuvre? Cette
question est importante, dans la mesure où elle détermine celle de l’apport technologique
de ces investissements et de leurs retombées sur les plans de l’apprentissage et de la
maîtrise des nouvelles technologies au niveau industriel.

2.5. La structure des investissements étrangers

Les mesures d’incitation décidées depuis la promulgation de la loi no 72-38 en faveur


des investissements étrangers expliquent en partie la tendance ascendante de
l’investissement direct étranger en Tunisie (voir graphique 5). Durant la même période, on
assiste à une augmentation importante de la part des investissements directs étrangers dans
l’investissement total réalisé en Tunisie, passant ainsi de 2,3 pour cent en 1986 à 14 pour
cent en 2000 (voir graphique 6).

Cette évolution concerne, cependant, l’ensemble des secteurs d’activités. Il convient


par conséquent de représenter la structure sectorielle des investissements directs étrangers

15
Hors secteur de l’énergie.

Externe-2007-04-0157-01.doc 23
afin d’apprécier le poids du secteur TH en matière d’attraction des investissements directs
étrangers.

Graphique 5. Evolution du montant de l’Investissement direct étranger en Tunisie


(en milliers de dollars E.-U.)

800 000
700 000
600 000
500 000
400 000
300 000
200 000
100 000
0
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Graphique 6. Evolution de la part des investissements direct étranger dans la formation brute de capital
fixe en Tunisie (en pourcentage)

16
14,1
14
13,15
12 12,14
9,9 11,29
10
8
5,93 6,78
6 6,22
4,03 4,85
4 3,27
2,63 3,01
2 2,9
1,9
0
1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000

Tableau 18. Structure des investissements directs étrangers en Tunisie (en millions de dinars)

1982 1991 2003


Energie 218,8 110,0 315,9
Industries. manufacturières 5,0 62,0 282,6
Tourisme et immobilier 5,5 30,0 18,8
Autres 34,2 8,0 134,6
Total 263,5 210,0 751,9
Sources: Budgets économiques 1982, 1991 et Banque centrale de Tunisie.

La répartition sectorielle (voir tableau 18) révèle que le secteur énergétique accapare
à lui seul près de la moitié des investissements étrangers.

24 Externe-2007-04-0157-01.doc
Le secteur de l’industrie manufacturière dans son ensemble occupe la deuxième place
en matière d’attraction des investissements étrangers. Il concentre près de 40 pour cent des
flux des investissements étrangers en 2003. Si l’on regarde de près ce qui s’est passé dans
ce secteur, on découvre qu’il a drainé respectivement 2 pour cent, 29 pour cent et 38 pour
cent du total des flux des investissements étrangers en 1982, 1991 et 2003.

Tableau 19. Répartition des entreprises à participation étrangère dans le secteur Textile-habillement et
des emplois par pays investisseur en 2004

Pays investisseur Nombre d’emplois Nombre Emploi Entreprises


d’entreprises (en %) (en %)
France 46 841 410 31,88 38,18
Italie 24 006 213 16,34 19,83
Belgique 20 542 122 13,98 11,36
Allemagne 14 956 110 10,18 10,24
Hollande 9 622 41 6,55 3,82
Suisse 5 200 33 3,54 3,07
Luxembourg 5 191 21 3,53 1,96
Grande-Bretagne 5 110 25 3,48 2,33
Etats-Unis 4 274 11 2,91 1,02
Espagne 1 590 10 1,08 0,93
Jamahiriya arabe libyenne 1 445 6 0,98 0,56
Portugal 1 006 10 0,68 0,93
Autres 7 144 62 4,86 5,77
Total 146 927 1 074 100,00 100,00
Source: API.

Pour des raisons de disponibilités des données statistiques, l’examen des


investissements directs étrangers dans le secteur TH se fera essentiellement à partir de
données sur les entreprises à participation française. Ce choix est celui qui convient le
mieux pour mesurer l’apport réel des investissements directs étrangers dans le secteur TH
en termes de technologie et de développement. En effet, la France est le premier pays
investisseur dans le secteur TH en termes de nombre d’entreprises et d’emplois (voir
tableau 19).

L’examen de l’ensemble des investissements (tous secteurs confondus) réalisés par


les entreprises à participation française en 2002 (voir tableau 20) montre que:

– l’investissement par entreprise est relativement moyen (1 260 000 dinars);

– par entreprise, le nombre moyen d’emplois créés est de 77;

– l’investissement par personne employée, autrement dit l’intensité capitalistique, est de


16 416 dinars.

Si l’on considère maintenant les investissements du secteur TH, on constate que


l’investissement moyen par entreprise est de 498 000 dinars, soit presque trois fois moins
que le niveau de l’investissement moyen observé au niveau global. Le nombre moyen
d’emplois créés par entreprise est d’environ 85 emplois. Cette valeur (supérieure à la
moyenne) suggère que le secteur TH est relativement intensif en main-d’œuvre.

Externe-2007-04-0157-01.doc 25
En accord avec cette conclusion, l’intensité capitalistique de ce secteur est de
5 890 dinars, soit presque trois fois moins que la valeur obtenue au niveau global. Le
secteur TH semble avoir un niveau capitalistique relativement faible. Dans ce cas, l’apport
technologique semble être peu consistant. Ce résultat s’explique par la spécialisation de la
grande majorité des entreprises du secteur TH (plus de 90 pour cent) dans la confection et
la bonneterie. Contrairement à l’industrie du textile, ces sous-secteurs sont intensifs en
main-d’œuvre et nécessitent une technologie banalisée dans des tâches de coupe et de
couture.

Tableau 20. Répartition sectorielle des entreprises à participation française totalement ou partiellement
exportatrices en 2002

Nombre d’entreprises Investissement Nombre d’emplois


(en milliers de dinars)
Secteur industriel 844 846 846,0 69 191
Textile-habillement 468 233 022,0 39 557
Mécanique, métallurgie 83 77 403,0 3 525
Industries diverses 81 76 602,0 3 086
Industries électriques et
électroniques 67 83 803,0 9 812
Cuir et chaussures 51 23 145,0 5 231
Agroalimentaire 40 137 287,5 3 882
Chimie et caoutchouc 32 107 646,0 1 822
Matériaux de construction 22 65 439,0 2 276
Secteur des services 64 20 680,5 1 328
Etudes et conseils 29 4 323,0 793
Services informatiques 21 7 225,5 360
Autres services 14 9 133,5 175
Télécommunications 0 0 0
Secteur du tourisme 52 278 262,0 4 076
Hébergement 25 229 029,0 3 664
Animation 17 44 361,0 376
Divers tourisme 10 4 872,0 36

Secteur de l’agriculture 19 87 867,0 554


Agriculture 13 36 931,5 277
Services agricoles 4 42 363,0 141
Aquaculture 1 8 508 131
Pêche 1 67,5 5
Total général 979 1 233 652,5 75 149
Source: API.

2.6. Impact des investissements directs étrangers


dans le secteur TH sur l’économie tunisienne

A partir de cette analyse, nous essaierons d’appréhender l’impact des investissements


étrangers dans le secteur Textile sur la balance commerciale tunisienne et, partant, sur
l’insertion économique du pays dans la dynamique des échanges internationaux.

26 Externe-2007-04-0157-01.doc
Autrement dit, il s’agit de déterminer la contribution des investissements étrangers dans le
secteur TH au commerce extérieur et de voir dans quelle mesure cette contribution
participe à une insertion économique de la Tunisie dans l’économie internationale.

Alors qu’en 1970 le secteur TH représentait seulement 2 pour cent des exportations
totales, aujourd’hui, il joue un rôle de premier plan dans la balance commerciale de la
Tunisie, avec une recette de 3 263,7 millions de dinars en 2000. En tant que premier
secteur exportateur, le textile-habillement assure une contribution aux exportations de
41 pour cent. La part impressionnante détenue par le secteur TH est assurée à 96 pour cent
par des entreprises offshore.

Il est donc clair que les investissements directs étrangers jouent un rôle capital dans le
dynamisme des exportations du secteur TH en Tunisie. Cependant, ce dynamisme à
l’exportation des entreprises à participation étrangère est contrebalancé par une part non
négligeable de ces entreprises dans les importations totale du pays (18 pour cent en 2000).
Aussi, le taux de couverture des importations par les exportations dans le régime offshore
pour la même année 2000 est d’environ 148 pour cent.

Au-delà de cette réserve, les investissements à participation étrangère dans le secteur


TH ont eu un impact positif sur la dynamique des exportations du pays et ont permis une
amélioration du solde de la balance commerciale. En effet, comme le montre le tableau 21,
le régime général enregistre en 2000 un taux de couverture nettement plus faible (35 pour
cent) que celui du régime offshore (146 pour cent). De telle sorte que, si le taux de
couverture pour l’économie tunisienne a pu atteindre 68 pour cent la même année, c’est en
grande partie grâce à l’excédent commercial dégagé par les entreprises offshore du secteur
TH 16.

Tableau 21. Taux de couverture par régime de production en 2000

Produits Exportations Importations Taux de couverture


(en millions de dinars) (en millions de dinars) (en %)
Textile-habillement 3 263,7 2 384,4 137
Régime général 118,4 258,9 46
Régime offshore 3 145,3 2 125,5 148
Ensemble des produits 8 004,8 11 738,0 68
Régime général 2 912,4 8 250,5 35
Régime offshore 5 092,4 3 487,5 146
Source: INS, annuaire statistique de la Tunisie, 2000.

Les données concernant le régime général (voir tableau 14) suggèrent une insuffisante
intégration du système productif tunisien dans son ensemble et du secteur TH en
particulier. Cette insuffisance s’expliquerait par l’absence d’une stratégie de remontée de
filière dans le cadre de la politique de développement du secteur TH mise en œuvre depuis
le début des années soixante-dix. La faible intégration de ce secteur est attribuable à la
faiblesse du potentiel productif tunisien en termes de matières premières. La Tunisie
produit, en particulier, très peu de fibres naturelles et de fibres synthétiques. Les tissus
fabriqués en Tunisie, à l’exception du denim indigo, sont de moyenne gamme et ne
couvrent que 16 pour cent des besoins en 1999.

16
En 2000, 62 pour cent des exportations du régime offshore proviennent du secteur TH.

Externe-2007-04-0157-01.doc 27
D’une manière générale, l’analyse de quelques ratios du commerce extérieur permet
de mesurer l’impact des investissements directs étrangers en termes d’intégration de la
Tunisie au marché mondial. Cette analyse confirme l’intégration de l’économie tunisienne
dans la dynamique économique mondiale. Ainsi, le taux d’effort à l’exportation 17 est passé
de 26 pour cent en 1993 à 30 pour cent en 2000. Cette augmentation est révélatrice de
l’impact des entreprises à participation étrangère sur l’intégration de la Tunisie au marché
mondial. Le taux d’effort à l’exportation des entreprises du régime offshore représente à
lui seul 19 pour cent du PIB.

Dans cette perspective, le taux d’ouverture de l’économie 18 est passé de 34 pour cent
en 1993 à 57 pour cent en 2000. Les entreprises à participation étrangère enregistrent,
quant à elles, un taux d’ouverture de 25 pour cent en 2000. Ces résultats ont généré une
dépendance globale accrue de l’économie tunisienne vis-à-vis de l’étranger. Le taux de
dépendance, mesuré par le rapport des importations au PIB, est passé de 42 pour cent en
1993 à 44 pour cent en 2000. Enfin, le taux de pénétration, exprimant la part de la
demande intérieure satisfaite par les importations, a augmenté de 22 pour cent en 1993 à
38 pour cent en 2000. L’économie tunisienne est désormais pleinement intégrée à
l’économie mondiale. Cette intégration est due en grande partie au développement des
investissements directs étrangers dans le secteur TH.

3. Dynamique des échanges sur le marché


du textile-habillement

3.1. Poids et dépendance des pays exportateurs


sur le marché européen

Le marché européen 19 constitue, sans conteste, le premier débouché de nombreux


pays en développement et des nouveaux pays industrialisés en matière de textile-
habillement. A titre d’illustration, 92 pour cent des exportations de vêtements de
confection des pays du Maghreb et de l’Egypte sont destinés au marché européen.

La hiérarchie de ces pays exportateurs vers l’Europe de l’Ouest a connu des


transformations importantes au cours des deux dernières décennies, comme le montrent les
tableaux 22 et 23 20. Dans la branche Textile, l’Egypte, la Turquie et le Japon ont vu leur
part dans le total des exportations vers le marché européen diminuer de manière très
importante.

D’autres pays, au contraire, ont vu leur poids augmenter sur le marché européen. Il
s’agit surtout de l’Indonésie, de l’Inde et de la Corée du Sud. Cependant, il convient de
remarquer que ces évolutions d’ensemble masquent des réalités individuelles contrastées.
Ainsi, par exemple, la Turquie se désengage partiellement du marché allemand du textile et
accentue dans le même temps sa présence sur le marché français.

17
Le taux d’effort à l’exportation = Total des exportations/PIB.

18 Exportation + Im portation
Taux d’ouverture =
2 . PIB

19
Il s’agit ici de l’Europe de l’Ouest.
20
Deux échantillons de 14 et 13 pays exportateurs ont été respectivement retenus dans les
tableaux 15 et 16.

28 Externe-2007-04-0157-01.doc
Au niveau de la branche Vêtements de confection, la Tunisie a réalisé une
performance remarquable en termes de présence sur le marché européen. Sa part dans les
exportations totales de l’échantillon a connu une augmentation de l’ordre de 74 pour cent
durant la période 1984-2001. A noter qu’au niveau du marché français de la confection la
Tunisie se place au premier rang des exportateurs retenus dans l’échantillon. Les calculs
effectués ont permis de mettre en évidence l’importance de sa part dans les exportations
totales de l’échantillon (25,8 pour cent en 2001).

Il convient aussi de souligner la montée en puissance de la Chine sur le marché


européen des vêtements de confection. Ce pays quadruple sa part dans les exportations
totales de l’échantillon à destination de l’Europe sur la période 1984-2001 (22,18 pour cent
en 2001, contre 5,47 pour cent en 1984).

Tableau 22. Part des exportations de fils et tissus de chaque pays des exportations totales
de l’échantillon retenu (en pourcentage)

Exportateur Importateur
Europe de l’Ouest France Allemagne
1984 2001 1984 2001 1984 2001
Tunisie 1,24 1,93 5,18 5,97 0,02 0,23
Algérie 0,02 0,02 0,00 0,00 0,00 0,00
Maroc 1,78 1,18 10,31 4,53 0,17 0,06
Egypte 6,88 2,82 8,12 1,76 7,62 1,29
Turquie 27,10 18,83 7,42 16,08 45,11 19,90
Indonésie 1,81 8,62 1,96 4,48 0,58 4,38
Inde 8,70 17,59 7,56 9,69 6,80 8,89
Hong-Kong 3,26 0,91 0,56 0,50 1,15 0,07
Chine 12,74 15,96 18,10 22,31 10,70 13,65
Hongrie 3,17 3,57 1,68 1,00 1,54 5,29
Roumanie 2,59 1,62 6,62 0,91 2,43 1,58
Pologne 2,27 4,69 1,63 4,56 1,11 16,95
Corée du Sud 5,94 13,91 5,41 15,15 5,12 12,51
Japon 22,50 8,35 25,47 13,23 17,65 15,21
Total 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Externe-2007-04-0157-01.doc 29
Tableau 23. Part des exportations de vêtements de confection de chaque pays des exportations totales
de l’échantillon retenu (en pourcentage)

Exportateur Importateur
Europe de l’Ouest France Allemagne
1984 2001 1984 2001 1984 2001
Tunisie 6,89 12,01 23,69 25,80 5,90 8,36
Algérie 0,00 0,00 0,00 0,01 0,00 0,00
Maroc 3,49 9,66 26,65 20,54 1,20 2,81
Egypte 0,19 0,31 0,73 0,26 0,03 0,09
Indonésie 1,06 5,08 0,73 3,85 0,82 4,77
Inde 7,22 6,54 10,08 8,08 4,37 4,55
Hong-kong 35,16 7,65 8,35 2,37 29,79 5,67
Chine 5,47 22,18 5,52 20,26 6,02 19,56
Hongrie 3,55 2,85 3,66 2,63 5,18 3,58
Roumanie 5,74 13,08 5,09 6,06 6,58 16,29
Pologne 3,71 8,40 1,96 3,84 5,89 16,34
Corée du Sud 12,67 1,17 7,32 1,02 11,52 0,67
Turquie 14,86 11,07 6,22 5,28 22,69 17,31
Total 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Les deux tableaux 22 et 23 nous ont permis de réaliser une analyse «en coupe».
Cependant, dans certains cas, le faible volume des exportations masque leur dynamisme.
Pour anticiper les éventuels mouvements de réorientation des spécialisations
géographiques, on utilise deux nouveaux indicateurs. Dans les deux tableaux suivants (24
et 25) sont présentés les taux de croissance annuels des différents flux d’échange entre les
pays exportateurs et l’Europe de l’Ouest, d’abord par rapport à leur valeur, puis par rapport
à leur poids au sein des exportations totales de l’échantillon. Les résultats consignés dans
les tableaux 24 et 25 peuvent être précisés de la manière suivante:

„ Au niveau de la branche Textile (fils et tissus). Les échanges entre la Tunisie et


l’Europe de l’Ouest font état d’un dynamisme soutenu. Le taux de croissance annuel
moyen est parmi les plus forts (+ 10,19 pour cent), tandis que le poids relatif de ces
flux augmente. Cette évolution repose principalement sur une intensification des
relations avec l’Allemagne. A noter que l’Inde, l’Indonésie et la Pologne réalisent une
forte progression sur le marché allemand du textile.

„ Au niveau de la branche Vêtements de confection. Sur ce segment du secteur TH, la


Tunisie fait preuve d’un bon dynamisme. Le taux de croissance annuel moyen de ses
exportations vers l’Europe de l’Ouest est de 13,65 pour cent, soit presque le double
du taux de croissance des exportations mondiales vers cette zone (7,90 pour cent).
Cependant, la Tunisie fait moins bien que le Maroc (16,79 pour cent), la Pologne
(15,42 pour cent), la Hongrie (15,47 pour cent), la chine (19,44 pour cent) et
l’Indonésie (20,61 pour cent). Ces résultats confirment la montée en puissance des
PECO, de l’Indonésie et de la Chine sur le marché européen de la confection.

30 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 24. Evolution des flux d’exportation de fils et tissus sur la période 1984-2001
(taux de croissance annuel moyen en pourcentage)
Exportateur Importateur
Europe de l’Ouest France Allemagne
Flux en Part en % des Flux en Part en % des Flux en Part en % des
valeur exportations valeur exportations valeur exportations
totales de totales de totales de
l’échantillon l’échantillon l’échantillon
Tunisie 10,19 2,66 6,97 0,66 19,27 14,16
Algérie 6,68 –0,62 – – – –
Maroc 4,78 –2,38 1,25 –4,72 –1,96 –6,16
Egypte 1,84 –5,12 –2,87 –8,60 –5,89 –9,92
Turquie 5,06 –2,12 11,22 4,66 –0,43 –4,70
Indonésie 17,66 9,61 11,57 4,99 17,71 12,67
Inde 11,87 4,23 7,83 1,48 6,14 1,59
Hong-kong –0,41 –7,22 5,54 –0,69 –11,51 –15,31
Chine 8,77 1,33 7,58 1,24 5,99 1,44
Hongrie 8,10 0,71 3,05 –3,03 12,34 7,53
Roumanie 4,43 –2,71 –5,43 –11,0 1,85 –2,51
Pologne 12,00 4,35 12,89 6,23 22,68 17,42
Corée du Sud 12,85 5,13 12,90 6,25 10,12 5,39
Japon 1,26 –5,66 2,25 –3,78 3,57 –0,87
Monde 4,16
Total 7,34 0,00 6,27 0,00 4,48 0,00
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Tableau 25. Evolution des flux d’exportation de vêtements de confection sur la période 1984-2001
(taux de croissance annuel moyen en pourcentage)
Exportateur Importateur
Europe de l’Ouest France Allemagne
Flux en Part en % des Flux en Part en % des Flux en Part en % des
valeur exportations valeur exportations valeur exportations
totales de totales de totales de
l’échantillon l’échantillon l’échantillon
Tunisie 13,65 3,32 14,86 0,50 9,16 2,07
Algérie – – – – – –
Maroc 16,79 6,17 12,55 –1,52 12,45 5,14
Egypte 13,29 2,99 7,48 –5,96 13,18 5,82
Turquie 8,11 –1,72 13,19 –0,96 5,26 –1,58
Indonésie 20,61 9,64 26,01 10,26 18,58 10,87
Inde 9,36 –0,58 12,81 –1,29 7,21 0,24
Hong-kong 0,56 –8,58 6,13 –7,14 –3,00 –9,30
Chine 19,44 8,58 23,37 7,95 – –
Hongrie 8,58 –1,29 12,09 –1,92 4,65 –2,15
Roumanie 15,47 4,97 15,47 1,03 12,81 5,48
Pologne 15,42 4,93 18,89 4,03 – –
Corée du Sud –4,39 –13,08 1,80 –10,93 –9,50 –15,38
Monde 7,90 – – – – –1,58
Total 10,00 0,00 14,29 0,00 6,95 0,00
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Externe-2007-04-0157-01.doc 31
Afin de mesurer le degré de dépendance des pays en développement et des nouveaux
pays industrialisés par rapport au marché européen, on a calculé la part des exportations de
textile-habillement destinées au marché européen dans les exportations totales de textile-
habillement de chaque pays.

L’examen des résultats consignés dans les tableaux 26 et 27 montre que les PECO et
les pays du sud de la Méditerranée sont orientés vers l’Europe de l’Ouest qui représente
entre 60 pour cent et 75 pour cent de leurs débouchés. En détaillant, il apparaît une forte
dépendance de la Tunisie et du Maroc face au marché français. Celui-ci représente un
débouché important pour ces deux pays, respectivement 27 pour cent et 47 pour cent de
leurs exportations totales de textile-habillement. A noter que les logiques d’intégration des
pays du sud de la Méditerranée et des PECO, d’un côté, et des pays asiatiques, de l’autre,
sont très différentes. Alors que les premiers sont résolument orientés vers l’Europe de
l’Ouest, les exportations des seconds sont surtout orientées vers les pays du Golfe et les
Etats-Unis.

Tableau 26. Dépendance des pays exportateurs par rapport aux débouchés européens dans la branche
Textile

Exportateurs Importateurs
Europe de l’Ouest France Allemagne
Part moyenne Taux de Part moyenne Taux de Part moyenne Taux de
des exporta- croissance des exporta- croissance des exporta- croissance
tions destinées annuel moyen tions destinées annuel moyen tions destinées annuel moyen
vers l’Europe de la part vers la France de la part vers de la part
dans les exportée vers dans les exportée vers l’Allemagne exportée vers
exportations l’Europe exportations la France dans les l’Allemagne
totales de (1984-2001) totales de (1984-2001) exportations (1984-2001)
chaque pays chaque pays totales de
sur la période sur la période chaque pays
1984-2001 1984-2001 sur la période
1984-2001
Tunisie 74,83 –1,73 26,49 –4,61 2,10 6,36
Algérie 59,06 –1,68 5,28 – 0,00 –
Maroc 71,26 –0,50 46,43 –3,85 1,84 –6,90
Egypte 65,61 1,87 6,09 –2,85 11,36 –5,86
Turquie 58,79 –0,94 5,63 4,86 12,04 –6,13
Indonésie 29,36 –2,55 3,39 –7,60 3,58 –2,51
Inde 38,05 –2,66 3,18 –6,17 5,16 –7,65
Hong-kong 8,76 –4,81 0,36 0,87 0,52 –15,43
Chine 16,26 –2,43 2,35 –3,50 3,01 –4,93
Hongrie 72,69 1,98 2,04 –6,03 17,58 –1,46
Roumanie * 62,86 3,77 2,95 3,24 8,89 8,12
Pologne 61,91 1,39 3,76 7,37 29,43 6,06
Corée du Sud 8,99 –0,89 1,01 –0,84 1,59 –3,29
Japon 11,35 0,38 1,77 1,36 2,64 2,66
Monde 45,39 –2,02
Total 19,46 –0,60 2,33 –1,59 3,54 –3,25
* Les valeurs indiquées pour ces trois pays sont calculés sur la période 1993-2001.
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

32 Externe-2007-04-0157-01.doc
Cette dépendance est encore plus forte au niveau de la branche Vêtements de
confection. En effet, plus de 90 pour cent des exportations de vêtements de confection de
la Tunisie, du Maroc et des PECO sont orientées vers l’Europe de l’Ouest. Le marché
français est, en particulier, un débouché important pour les exportations tunisiennes et
marocaines de vêtements de confection. Ces deux pays y écoulent respectivement près de
35 pour cent et de 50 pour cent de leurs exportations totales de vêtements de confection.
Quant à l’Allemagne, elle représente un grand débouché pour la Turquie et la Tunisie,
respectivement 46,34 pour cent et 29,27 pour cent de leurs exportations de vêtements de
confection.

Toutefois, il convient d’observer que le rythme d’accroissement des exportations de


vêtements de confection de la Turquie, de l’Inde, de l’Indonésie, de la Chine et des PECO
vers le marché français est supérieur à celui des exportations tunisiennes vers la France.
Dans le futur, on peut craindre le renforcement de la présence de ces pays sur le marché
français, ce qui pourrait poser à terme certaines difficultés pour les exportations
tunisiennes.

Tableau 27. Dépendance des pays exportateurs par rapport aux débouchés européens dans la branche
Vêtements de confection

Exportateur Importateur
Europe de l’Ouest France Allemagne
Part moyenne Taux de Part moyenne Taux de Part moyenne Taux de
des exporta- croissance des croissance des exporta- croissance
tions destinées annuel moyen exportations annuel moyen tions destinées annuel moyen
vers l’Europe de la part destinées vers de la part vers de la part
dans les exportée vers la France dans exportée vers l’Allemagne exportée vers
exportations l’Europe les la France dans les l’Allemagne
totales de (1984-2001) exportations (1984-2001) exportations (1984-2001)
chaque pays totales de totales de
sur la période chaque pays chaque pays
1984-2001 sur la période sur la période
1984-2001 1984-2001
Tunisie 97,58 –0,10 35,25 0,97 29,27 –4,04
Algérie 58,12 8,82 – – 0,00 –
Maroc 93,12 1,10 50,48 –2,58 16,25 –2,67
Egypte 38,71 –6,86 9,12 –11,63 4,48 –6,95
Turquie 74,98 –0,92 5,71 3,73 46,34 –3,54
Indonésie 27,31 3,03 3,86 7,65 8,40 1,30
Inde 41,68 –0,55 6,21 2,58 12,52 –2,51
Hong-kong 38,53 –1,25 1,67 4,22 12,86 –4,74
Chine 21,97 2,04 2,41 5,40 5,40 –
Hongrie 89,44 –0,51 10,40 4,89 – –4,53
Roumanie * 93,97 –0,06 6,01 2,35 – –6,44
Pologne 94,71 –0,21 5,92 4,59 – –
Corée du Sud 16,79 –3,06 1,69 3,22 6,26 –8,24
Total 43,31 –0,04 6,60 3,85 15,03 –2,82
* Les valeurs indiquées pour ces trois pays sont calculés sur la période 1993-2001.
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Externe-2007-04-0157-01.doc 33
3.2. Dynamique des avantages comparatifs

Les pays doivent, pour se maintenir dans la concurrence mondiale, faire preuve d’une
capacité à s’adapter. C’est cette aptitude à anticiper l’évolution des marchés ou à en créer
de nouveaux qui détermine la dynamique des stratégies de spécialisation. Le concept
d’avantage comparatif développé par Balassa 21 est utilisé pour étudier ces évolutions. Cet
indicateur compare la structure des exportations d’un pays à la structure des exportations
d’une zone de référence qui pourrait être l’ensemble des pays concurrents directs de ce
même pays. Pour chaque produit «i», on cherche à savoir si la part des exportations du
produit «i» dans les exportations totales du pays «j» est significativement différente de la
part moyenne observée chez les concurrents. On obtient un indice sous la forme suivante:

X ij
X.j
IAC =
X i.
X ..

où:

IAC = Indice de l' avantage comparatif

X ij = mesure les exp ortations du produit i par le pays j

X . j = mesure les exp ortations totales du pays

X . . = mesure les exp ortations totales de la zone de référence

La Tunisie a des avantages comparatifs très marqués dans les branches Vêtements de
confection et Vêtements de bonneterie (voir tableaux ci-dessous). Son principal atout est la
branche Vêtements de confection. Elle est par contre en difficulté sur la branche Fils et
tissus. En comparaison avec les autres pays concurrents retenus dans l’échantillon, la
Tunisie se place au premier rang en termes d’avantages comparatifs dans la confection, la
bonneterie et dans le secteur TH sur la période 1993-2001.

Tableau 28. Avantages comparatifs dans le secteur Textile-habillement

Année Tunisie Maroc Egypte Turquie Indonésie Inde Hongrie Roumanie Pologne Chine
1993 6,34 4,50 1,83 4,66 2,56 4,03 1,97 2,87 1,93 4,57
1994 6,31 4,60 2,19 4,65 2,38 4,23 1,83 2,97 1,89 4,41
1995 6,79 4,80 2,51 5,16 2,40 4,24 1,56 3,14 1,82 4,21
1996 7,0 4,84 2,21 4,97 2,33 4,10 1,58 3,61 1,85 4,09
1997 6,74 4,77 2,72 4,97 2,25 4,09 1,28 4,13 1,65 3,85
1998 7,04 4,85 2,97 5,07 2,13 4,16 1,18 4,79 1,68 3,67
1999 7,11 4,96 2,71 5,07 2,21 4,42 1,09 5,15 1,68 3,73
2000 7,42 5,21 2,87 5,33 2,26 4,28 0,97 5,09 1,52 3,77
2001 7,30 5,32 2,73 4,75 2,34 4,22 0,92 5,57 1,37 3,60
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

21
B. Balassa, 1989: «New Directions in the World Economy», Londres, MacMillan.

34 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 29. Avantages comparatifs dans la branche Fils et tissus

Année Tunisie Maroc Egypte Turquie Indonésie Inde Hongrie Roumanie Pologne Chine
1993 1,01 0,71 2,54 2,45 2,22 3,22 0,61 0,84 0,53 1,65
1994 1,14 0,63 3,63 3,27 2,16 3,57 0,61 0,65 0,51 1,67
1995 1,12 0,62 3,60 3,19 2,12 3,79 0,57 0,69 0,47 1,64
1996 0,98 0,54 2,37 3,20 2,09 4,09 0,51 0,62 0,49 1,39
1997 0,90 0,52 3,48 3,45 2,02 4,52 0,41 0,68 0,60 1,35
1998 0,73 0,42 3,0 3,51 2,14 4,16 0,41 0,57 0,62 1,23
1999 0,84 0,44 2,03 3,78 2,36 4,51 0,45 0,49 0,63 1,25
2000 1,10 0,50 2,42 4,05 2,33 4,57 0,47 0,54 0,70 1,38
2001 1,25 0,61 2,23 4,0 2,28 4,41 0,51 0,63 0,67 1,37
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Tableau 30. Avantages comparatifs dans la branche Vêtements de confection

Année Tunisie Maroc Egypte Turquie Indonésie Inde Hongrie Roumanie Pologne Chine
1993 18,57 11,59 1,92 5,07 2,98 5,15 3,45 6,78 5,16 6,11
1994 18,03 12,29 2,05 4,77 2,71 5,59 3,17 7,24 5,08 5,64
1995 19,84 13,25 2,43 6,00 2,67 5,43 2,51 7,61 4,88 5,25
1996 20,67 12,86 2,47 5,55 2,56 4,78 2,52 8,79 4,77 5,22
1997 19,62 12,77 2,66 5,28 2,57 4,43 1,99 9,85 4,02 4,70
1998 19,70 12,69 3,24 5,22 2,44 4,82 1,78 11,51 4,00 4,15
1999 19,25 12,54 2,97 5,33 2,51 4,96 1,54 11,67 3,74 4,25
2000 18,97 13,14 3,08 5,66 2,67 4,86 1,26 11,11 3,07 4,29
2001 18,71 13,18 3,06 5,04 2,81 4,60 1,13 11,79 2,72 3,98
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Tableau 31. Avantages comparatifs dans la branche Vêtements de bonneterie

Année Tunisie Maroc Egypte Turquie Indonésie Inde Hongrie Roumanie Pologne Chine
1993 6,51 6,21 2,13 11,10 2,26 2,67 2,55 2,45 1,29 4,75
1994 7,16 6,39 2,11 10,55 2,07 2,51 2,35 2,34 1,35 4,72
1995 7,81 6,59 2,82 12,19 2,07 2,64 2,06 2,42 1,32 4,42
1996 7,64 6,96 3,05 11,50 1,98 2,71 2,18 3,00 1,45 4,27
1997 7,17 6,50 3,54 10,38 1,88 2,57 1,67 3,46 1,22 3,82
1998 7,88 6,80 4,33 10,46 1,82 2,83 1,64 4,09 1,21 3,79
1999 7,57 6,70 4,22 9,40 1,80 3,08 1,36 4,54 1,28 3,80
2000 8,50 7,24 4,23 9,50 1,96 2,89 1,26 4,77 1,20 3,92
2001 7,68 7,53 3,92 8,03 2,19 3,03 1,20 5,07 1,08 3,70
Source: Calculs faits par l’auteur à partir de la base de données CHELEM.

3.3. Evolution des parts de marché

La part de marché est souvent utilisée pour analyser la performance en termes de


commerce extérieur d’une branche d’activité. Elle est égale au rapport des exportations

Externe-2007-04-0157-01.doc 35
d’un pays à la demande d’une zone de référence . Les parts de marché sont qualifiées de
relatives dans le sens où elles rapportent les exportations d’un pays à la totalité
des importations d’une zone de référence donnée. La part de  XP  marché relative est,
par conséquent, la part d’un pays dans les importations de  Dzr  cette zone de
référence.

Pour analyser la performance à l’exportation de l’industrie du textile et de


l’habillement tunisienne sur le marché de l’Europe de l’Ouest, on a utilisé les données
statistiques sur les échanges extérieurs avec l’Europe fournies par la base de données
CHELEM. L’utilisation de ces données nous a permis d’étudier l’évolution de la part de
marché des différentes branches d’activité du secteur TH de la Tunisie et d’un certains
nombre de pays concurrents du Sud par rapport à la concurrence mondiale. Les résultats
des calculs présentés dans les tableaux 32, 33 et 34 montrent que:

1) Dans la branche Fils et tissus, la Tunisie détient une part de marché relativement
faible en comparaison avec les autres pays retenus dans l’échantillon. Sa part de
marché moyenne en valeur est de 0,2 pour cent. Les parts les plus élevées reviennent
à l’Inde, la Turquie et la Chine respectivement 2,39 pour cent, 2,23 pour cent et
1,83 pour cent. Cependant, quand on observe le rythme d’évolution des parts de
marché, on s’aperçoit que la Tunisie est parmi les pays les plus dynamiques puisque
sa part de marché a augmenté au taux de croissance annuel moyen de 9,98 pour cent.
Seule la Pologne et la Hongrie réalisent de meilleures performances, avec
respectivement 12,08 pour cent et 11,31 pour cent. Il convient de noter que durant la
même période les exportations mondiales vers l’Europe de l’Ouest ont augmenté au
taux de croissance moyen de 0,52 pour cent.

2) Pour la branche Vêtements de confection, la Tunisie se place au deuxième rang en


termes de part de marché (4,55 pour cent), juste après la Chine qui détient la part la
plus élevée (8,12 pour cent). A noter que sa part de marché en valeur est supérieure à
celle de la Turquie (3,91 pour cent), du Maroc (3,78 pour cent) et de la Pologne
(3,98 pour cent). De plus, la Tunisie enregistre un taux de gain de marché annuel
moyen relativement élevé (3,19 pour cent). Ce rythme d’évolution est supérieur au
taux de croissance moyen des exportations mondiales vers l’Europe de l’Ouest
(2,18 pour cent). A noter aussi que seules la Roumanie et la Turquie ont réussi à faire
mieux que la Tunisie. Ces deux pays ont augmenté respectivement leurs parts de
marché au rythme annuel moyen de 15,34 pour cent et 4,14 pour cent.

3) La branche Vêtements de bonneterie a enregistré en 2001 une amélioration notable de


sa part de marché atteignant le pourcentage de 2,13 pour cent, soit le double de sa part
de marché relative en début de période (1993). Cependant, en dépit d’un taux de gain
de part de marché moyen élevé (7,31 pour cent), la part de marché relative moyenne
de la Tunisie reste modeste (1,76 pour cent) quand on la compare à celle de la
Turquie (7,74 pour cent) ou à celle de la Chine (7,17 pour cent). A noter que le taux
de croissance des exportations mondiales des vêtements de bonneterie vers l’Europe
de l’Ouest a connu une croissance moyenne en valeur durant la même période de
l’ordre de 3,21 pour cent.

36 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 32. Evolution des parts de marché en valeur dans la branche Fils et tissus par rapport
à la concurrence mondiale (en pourcentage)

Pays 1 TUN TUR EGY MAR INDO IND POL ROU HON CHI
1993 0,14 1,42 0,64 0,12 1,45 1,90 0,30 0,14 0,24 1,38
1994 0,21 1,81 0,94 0,14 1,42 1,94 0,31 0,15 0,27 1,39
1995 0,19 1,84 0,77 0,15 1,45 2,31 0,32 0,18 0,30 1,64
1996 0,18 1,93 0,53 0,12 1,49 2,37 0,32 0,15 0,29 1,41
1997 0,18 2,26 0,76 0,12 1,51 2,54 0,41 0,18 0,29 1,63
1998 0,14 2,38 0,53 0,10 1,52 2,43 0,50 0,16 0,33 1,84
1999 0,17 2,73 0,40 0,10 1,32 2,41 0,53 0,15 0,41 1,98
2000 0,23 2,70 0,52 0,14 1,40 2,80 0,63 0,19 0,49 2,65
2001 0,30 2,97 0,44 0,19 1,36 2,78 0,74 0,26 0,56 2,25
PMM 2 0,20 2,23 0,61 0,13 1,44 2,39 0,45 0,17 0,35 1,83
TCMPM 3 9,98 9,71 –4,4 5,62 –0,78 4,85 12,08 7,87 11,31 7,80
TCMIE 4 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52 0,52
1 TUN (Tunisie), TUR (Turquie), EGY (Egypte), MAR (Maroc), INDO (Indonésie), IND (Inde), POL (Pologne), ROU (Roumanie),

HON (Hongrie), CHI (Chine). 2 Part de marché moyenne. 3 Taux de croissance moyen de la part de marché. 4 Taux de
croissance moyen des importations européennes.
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Tableau 33. Evolution des parts de marché en valeur dans la branche Vêtements de confection
par rapport à la concurrence mondiale (en pourcentage)

TUN TUR EGY MAR INDO IND POL ROU HON CHI
1993 3,86 3,31 0,21 3,33 1,86 2,95 3,83 1,73 1,54 8,08
1994 4,08 3,28 0,21 3,58 1,82 3,40 4,26 2,20 1,56 8,30
1995 4,45 3,89 0,20 3,87 1,69 3,73 4,44 2,56 1,41 6,86
1996 4,76 3,86 0,22 3,78 1,56 3,25 4,30 2,91 1,53 7,45
1997 4,50 3,87 0,22 3,74 1,86 2,72 3,90 3,29 1,47 7,78
1998 4,88 4,01 0,23 3,93 1,88 2,56 4,24 4,00 1,58 7,51
1999 4,86 4,03 0,19 3,91 1,99 2,49 3,90 4,24 1,44 8,62
2000 4,62 4,36 0,15 3,90 2,32 2,82 3,49 4,56 1,24 9,29
2001 4,96 4,58 0,13 3,99 2,10 2,70 3,47 5,41 1,18 9,17
PMM 4,55 3,91 0,20 3,78 1,90 2,96 3,98 3,43 1,44 8,12
TCMPM 3,19 4,14 –5,87 2,28 1,51 –1,09 –1,22 15,34 –3,28 1,59
TCMIE 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18 2,18
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

Externe-2007-04-0157-01.doc 37
Tableau 34. Evolution des parts de marché en valeur dans la branche Vêtements de bonneterie
par rapport à la concurrence mondiale (en pourcentage)

TUN TUR EGY MAR INDO IND POL ROU HON CHI
1993 1,21 7,04 0,28 1,68 1,89 1,94 0,84 0,56 1,10 6,48
1994 1,54 7,00 0,29 1,81 1,84 1,95 1,02 0,66 1,13 6,97
1995 1,72 7,99 0,34 1,91 1,74 2,12 1,16 0,78 1,15 5,81
1996 1,67 7,82 0,37 1,95 1,90 2,16 1,22 0,96 1,29 6,30
1997 1,55 7,15 0,36 1,76 1,96 1,91 1,04 1,06 1,18 6,39
1998 1,95 8,11 0,43 2,03 1,99 2,15 1,20 1,34 1,48 7,01
1999 1,95 7,97 0,53 2,03 2,01 2,40 1,25 1,58 1,28 8,15
2000 2,09 8,24 0,59 2,12 2,23 2,55 1,26 1,85 1,24 8,78
2001 2,13 8,36 0,55 2,35 2,33 2,79 1,34 2,28 1,29 8,65
PMM 1,76 7,74 0,41 1,96 1,99 2,22 1,15 1,23 1,24 7,17
TCMPM 7,31 2,17 8,62 4,27 2,70 4,68 6,08 19,11 2,01 3,68
TCMIE 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21 3,21
Source: Calculs faits à partir de la base de données CHELEM.

3.4. Taux de couverture

Les performances des échanges extérieurs peuvent être mesurées par le taux de
couverture en valeur. Celui-ci est égal au rapport des exportations en valeur aux
importations en valeur 22. Cet indicateur est du point de vue de sa signification très proche
du solde de la balance des paiements. Toutefois, il présente sur ce dernier l’avantage d’être
un indicateur normé et donc indépendant de l’effet taille lié à la croissance du niveau des
échanges.

Le tableau 35 donne l’évolution des taux d’évolution des taux de couverture en


valeur, en volume 23 et en termes de l’échange 24 du textile-habillement par rapport au
marché de l’Europe de l’Ouest. Sur la période retenue, le secteur TH a connu une
amélioration de son taux de couverture en valeur et une stagnation de son taux de
couverture en volume. Corrélativement, le secteur TH a connu une amélioration de ses

22
Taux de couverture en valeur = P X X où:
PM M
PX = Pr ix courant à l’ exp ortation X = Volume exp orté

PM = Pr ix courant à l’ importatio n M = Volume importé

23
Le taux de couverture en volume est égal au rapport du volume exporté au volume importé  X 
 .
M 
Cet indicateur peut être aussi exprimé en pourcentage  X × 100 . Dans ce cas de figure:
M 

– un indicateur > 100 pour cent, signifie que le pays est exportateur net;
– un indicateur < 100 pour cent, signifie que le pays est importateur net;
– un indicateur = 100 pour cent, signifie que la balance commerciale est équilibrée.

24
Termes de l’échange = PX
PM

38 Externe-2007-04-0157-01.doc
termes de l’échange qui sont passés d’une valeur de 1,86 en 1997 à 1,96 en 2002, soit une
amélioration moyenne de 1,02 pour cent chaque année, passant ainsi de l’indice 100 en
1997 à l’indice 106,12 en 2002. Ce résultat est la résultante de deux effets:

1) un effet-prix positif: les prix à l’exportation exprimés en dinars ont dans l’ensemble
augmenté plus rapidement que les prix à l’importation exprimés en dinars, d’où une
amélioration du taux de couverture en valeur de 1,3 pour cent en moyenne chaque
année;

2) un effet volume très légèrement positif: le taux de couverture en volume a augmenté


en moyenne annuelle durant la même période de 0,2 pour cent.

Mais qu’en est-il de la situation au niveau des branches d’activité du textile-habillement?


En effet, la situation d’ensemble du secteur recouvre des situations individuelles
contrastées.

Tableau 35. Evolution du taux de couverture en valeur, en volume et des termes de l’échange du secteur
Textile-habillement

Année En valeur En indice


Taux de Taux de Termes de Taux de Taux de Termes de
couverture couverture l’échange couverture couverture l’échange
en valeur en volume en valeur en volume
1997 1,33 0,71 1,86 100 100 100
1998 1,27 0,71 1,78 95,57 99,73 95,83
1999 1,31 0,70 1,86 102,91 98,49 104,49
2000 1,31 0,71 1,84 100,42 101,60 98,84
2001 1,32 0,72 1,85 100,92 100,75 100,17
2002 1,41 0,72 1,96 106,76 100,61 106,12
Moyenne de
la période 1,33 0,71 1,86
Taux de
croissance 1,3 0,2 1,02 1,3 0,12 1,19
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Tableau 36. Evolution du taux de couverture en valeur, en volume et des termes de l’échange
des branches Fils et tissus

Année Fils et tissus


Taux de couverture Taux de couverture Termes de l’échange
en valeur en volume
1997 0,09 0,10 0,95
1998 0,08 0,09 0,94
1999 0,09 0,09 1,00
2000 0,10 0,11 0,87
2001 0,11 0,13 0,82
2002 0,15 0,18 0,81
Moyenne de la période 0,10 0,12 0,90
Taux de croissance (en %) 9,8 13,4 –3,1
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Externe-2007-04-0157-01.doc 39
Tableau 37. Evolution du taux de couverture en valeur, en volume et des termes de l’échange
des branches Bonneterie et Confection

Année Bonneterie Confection


Taux de Taux de Termes de Taux de Taux de Termes de
couverture couverture l’échange couverture couverture l’échange
en valeur en volume en valeur en volume
1997 1,53 1,57 0,98 6,80 6,85 0,99
1998 1,54 1,60 0,96 7,46 6,52 1,14
1999 1,69 1,64 1,03 7,16 6,55 1,09
2000 1,54 1,67 0,92 6,83 9,28 0,74
2001 1,70 1,63 1,04 6,88 9,71 0,71
2002 1,62 1,58 1,03 8,47 14,34 0,59
Moyenne de
la période 1,61 1,62 0,99 7,27 8,88 0,88
Taux de
croissance (en %) 1,18 1,05 1,07 4,49 15,91 –9,85
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Les résultats de nos calculs montrent que:

„ Le taux de couverture en valeur de la branche Fils et tissus est sur notre période
d’étude structurellement inférieur à l’unité. Toutefois, ce taux structurel en valeur
augmente d’année en année, passant de l’indice 100 en 1997 à l’indice 135,8 en 2002,
soit un accroissement annuel moyen de 9,8 pour cent. Dans le même temps, le taux de
couverture en volume s’accroît à un rythme plus rapide (13,4 pour cent par an en
moyenne).

„ Corrélativement, on assiste à une relative détérioration des termes de l’échange qui


sont passés d’un indice 100 en 1997 à un indice 99 en 2002, soit une baisse moyenne
annuelle de 3,1 pour cent.

La situation de la branche Bonneterie est différente de celle des Fils et tissus, en


moyenne, un taux de couverture en valeur de l’ordre de 1,61. L’amélioration de l’excédent
structurel en valeur est le résultat d’une baisse des prix à l’exportation moins importante
que celle des prix à l’importation. L’indice des prix à l’exportation est passé de 104 en
1997 à 93 en 2002, alors que celui des importations a diminué dans des proportions encore
plus importantes, passant de 106 en 1997 à 88 en 2002.

La branche Vêtements de confection a connu une augmentation importante de son


excédent structurel en volume (+ 15,9 pour cent par année). En revanche, l’excédent
structurel en valeur a connu une croissance moins rapide (+ 4,49 pour cent en moyenne par
année). Cet excédent est cette fois le résultat d’une augmentation des prix à l’exportation
moins importante que celle des prix à l’importation (voir tableau 38).

Tableau 38. Evolution des indices de prix

Indice de prix 1997 2002


Exportation 102 114
Importation 89 191
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

40 Externe-2007-04-0157-01.doc
4. Dynamique de la productivité et de la compétitivité

4.1. Les indicateurs de productivité

Trois indicateurs sont généralement utilisés pour évaluer la productivité d’une


industrie ou d’un secteur d’activité:

1) la productivité du travail;

2) la productivité du capital;

3) la productivité globale des facteurs.

4.1.1. La productivité du travail

La productivité du travail est égale au rapport de la valeur ajoutée au nombre de


travailleurs utilisés 25:

Valeur a joutée
Effectif utilisé

C’est une mesure partielle de la productivité. Cependant, cet indicateur est très utilisé
du fait qu’il est facile à mesurer. En outre, il sert de référence à la progression des salaires.

En termes d’indice, la productivité du travail est égale au rapport de l’indice de la


valeur ajoutée à l’indice de l’effectif de travailleurs utilisé. Cet indice indique la variation
de la valeur ajoutée par travailleur utilisé (unité de travail utilisée):

Indice de la valeur ajoutée


Indice du facteur travail

4.1.2. La productivité du capital

La productivité du capital est égale au rapport de la valeur ajoutée à la valeur du


facteur capital:

Valeur a joutée
Valeur du capital utilisé

Le capital correspond au stock net d’investissement en actifs fixes. Les actifs fixes
sont les investissements en infrastructures, en bâtiments, en machines et en équipements.
Toutefois, il convient de souligner que le capital est une variable difficile à évaluer. La
plupart des études économiques utilisant les fonctions de production ne retiennent que le
capital reproductible.

25
Cette mesure est facile à calculer. Cependant, elle ne rend pas suffisamment compte de
l’efficacité du travail car elle laisse de côté les variations de la durée effective du travail.

Externe-2007-04-0157-01.doc 41
En termes d’indice, la productivité du capital est égale au rapport de l’indice de la
valeur ajoutée à l’indice de la valeur du capital utilisé:

Indice de la valeur ajoutée


Indice de la valeur du facteur capital

L’indice de la productivité du capital indique la variation de la valeur ajoutée par


unité du facteur capital. C’est aussi une mesure partielle de la productivité d’un secteur.
Elle est moins utilisée que la productivité du travail du fait que le capital est difficilement
mesurable. Toutefois, la productivité du capital reste un indicateur utile pour apprécier
l’efficacité des investissements en capital fixe réalisés.

4.1.3. La productivité globale des facteurs

La productivité globale des facteurs concerne l’ensemble des facteurs de production


utilisés. Elle est égale au rapport de la valeur ajoutée à la valeur globale des facteurs de
productions utilisées (valeur du travail et du capital).

En termes d’indice, elle est égale au rapport de l’indice de la valeur ajoutée à l’indice
global des facteurs (combinaison pondérée du travail et du capital):

Indice de la valeur ajoutée


IGP =
Indice global des facteurs

VA( t )
IGP =
[SL(t )× L(t ) + SK(t )× K(t )]
où:

IGP = Indice global de productivité

VA(t ) = Indice de la valeur ajoutée à l’ ins tan t t


SL(t ) = Part relative de la masse salariale dans la valeur ajoutée
L(t ) = Indice du facteur travail à l' ins tan t t
SK (t ) = 1 −SL(t )
K (t ) = Indice du facteur capital

Cet indice indique la variation de «l’efficacité productive». Il tient compte de


l’efficacité avec laquelle l’ensemble des facteurs de production est utilisé.

La croissance de la productivité est un déterminant essentiel de la compétitivité d’une


activité économique. Les secteurs qui réalisent des gains de productivité accroissent
généralement leur part de marché. Le tableau 39 présente les trois mesures précédemment
évoquées de la productivité pour le secteur TH.

42 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 39. Evolution des indicateurs de productivité du secteur Textile-habillement (1997-2001)

Année Indice Indice Indice Indice Indice Indice Masse


valeur facteur facteur productivité productivité productivité salariale/
ajoutée travail capital du travail du capital globale des valeur
facteurs ajoutée
1997 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0 0,44
1998 106,3 103,1 102,6 103,1 103,5 103,3 0,44
1999 109,0 106,2 107,6 102,7 101,3 101,9 0,44
2000 115,8 109,2 111,4 106,1 104,0 104,8 0,38
2001 129,7 112,3 115,5 115,5 112,3 113,5 0,36
Taux de
croissance
annuel moyen
(en %) 6,73 2,9 3,7 3,7 3 3,2 –4,4
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Les résultats obtenus montrent qu’au niveau du secteur TH les facteurs travail et
capital ont réalisé des gains de productivité respectivement de l’ordre de 3,7 pour cent et
de 3 pour cent par an. Corrélativement, la productivité globale des facteurs a augmenté de
3,2 pour cent en moyenne par année. A noter que l’augmentation de la productivité du
travail dans le secteur TH s’est réalisée avec une augmentation concomitante des effectifs.
Il convient aussi de souligner la baisse de la part relative de la masse salariale dans la
valeur ajoutée (– 4,4 pour cent en moyenne par an), et ce en dépit d’une amélioration de la
productivité du travail sur la période retenue.

4.2. Les indicateurs de croissance

La croissance des capacités de production dépend essentiellement des investissements


réalisés par les entreprises. A ce niveau, la détermination de la valeur ajoutée dépend de la
relation technique qui lie le niveau du capital au volume de la production.

Ce rapport  K  peut être défini comme le capital nécessaire afin d’accroître d’une
Y
unité la valeur ajoutée réalisable par l’entreprise. Ainsi, il exprime le potentiel de
croissance de la capacité de production de l’entreprise. Ce coefficient est fonction d’autres
paramètre traduisant les choix techniques de l’entreprise, notamment l’intensité
capitalistique (capital/travail) et la productivité du travail (valeur ajoutée/travail). Dans
cette perspective, nous pouvons caractériser le potentiel de croissance de la capacité de
production de l’entreprise en retenant la relation suivante:

Y Y L
= × où:
K L K
Y
= Pr oductivité moyenne du capital
K
Y
= Pr oductivité moyenne du travail
L
L
= Intensité du travail (inverse de l' int ensité capitalistique)
K

Externe-2007-04-0157-01.doc 43
4.2.1. Evolution de la productivité du capital

Le coefficient moyen du capital permet le passage de l’investissement à la capacité de


production recherchée. Il est défini comme le capital nécessaire afin d’accroître la capacité de
production de l’entreprise d’une unité. Il est dépend de deux facteurs: le coefficient du travail
 L  (inverse de la productivité moyenne du travail) et l’intensité capitalistique  K  .
   
 Y  L 

La productivité moyenne du capital du secteur TH a évolué comme suit:

Tableau 40. Evolution de la productivité moyenne du capital

Année Productivité moyenne du capital


1997 0,86
1998 0,87
1999 0,85
2000 0,84
2001 0,92
Moyenne 0,87
Taux de croissance moyen annuel (en %) 1,80
Coefficient moyen du capital 1,15
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Les résultats consignés dans le tableau 40 montrent que:

1) au niveau du secteur TH, la productivité moyenne du capital est de 0,87. Autrement


dit, pour obtenir un dinar de valeur ajoutée, il faut investir 1,15 dinar. En moyenne, la
productivité du capital est de 0,87, le coefficient moyen du capital est de 1/0,87 =
1,15. Il est alors équivalent de dire qu’en moyenne une production de 1 dinar de
textile-habillement nécessite 1,15 dinar de capital ou qu’il convient d’investir 1 dinar
pour obtenir 0,87 dinar de valeur ajoutée;

2) à noter que la productivité moyenne du capital a augmenté de l’ordre de 7 pour cent


sur la période 1997-2001, passant de 0,86 à 0,92, soit un taux de croissance annuel
moyen de 1,8 pour cent.

4.2.2. Evolution de la productivité du travail

L’évolution de la productivité apparente du travail  Valeur ajoutée  se présente


 
comme suit:  Travail 

Tableau 41. Evolution de la productivité apparente du travail

Année Indice
1997 100,0
1998 103,1
1999 102,7
2000 106,1
2001 115,5
Taux de croissance annuel moyen (en %) 3,7
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

44 Externe-2007-04-0157-01.doc
Comme le montre le tableau 41, la productivité apparente du travail du secteur TH a
augmenté de manière significative. Celle-ci est passée de l’indice 100 en 1997 à 115,5 en
2001, soit un gain de productivité de l’ordre de 3,7 pour cent en moyenne par année.

4.2.3. Evolution de l’intensité capitalistique et de l’intensité du travail

Au cours du temps, les entreprises effectuent des choix de techniques de production.


En particulier, elles modifient les proportions des facteurs capital (K) et travail (L) utilisés
dans le processus de production. Ces modifications sont la plupart du temps dictées par la
mise en place de nouvelles techniques de production, l’inadaptation du travail non qualifié
au changement de techniques de production et, surtout, la modification des prix relatifs des
facteurs.

L’intensité capitalistique est définie comme le rapport du capital au travail  K  .


T

L’intensité du travail est quant à elle égale au rapport du travail au capital  T  .


K

Tableau 42. Evolution de l’intensité du capital et du travail

Année Intensité capitalistique Intensité du travail


1997 100,0 100,0
1998 101,9 0,98
1999 103,5 0,97
2000 108,0 0,93
2001 107,7 0,93
Taux de croissance annuel moyen (en %) 1,9 –1,8
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Le tableau 42 résume l’évolution de l’intensité capitalistique et de l’intensité du


travail dans le secteur TH. Il fait apparaître une augmentation de l’intensité capitalistique.
Celle-ci est passée de l’indice 100 en 1997 à l’indice 107,7 en 2001. En termes de taux de
croissance annuel moyen, l’intensité capitalistique a connu une augmentation moyenne de
l’ordre de 1,9 pour cent, contre une baisse de 1,8 pour cent de l’intensité du travail. Il
semble ainsi que l’augmentation de la productivité moyenne du capital dans le secteur TH
soit due à l’augmentation plus que proportionnelle de l’intensité capitalistique par rapport à
la productivité moyenne du travail.

En conclusion, sur l’effet de la croissance du capital réalisé par les entreprises, les
résultats statistiques mettent en évidence une augmentation de la productivité du capital
 Y  . Celle-ci est le résultat d’une hausse de la productivité du travail  Y  supérieure à
   
K   L 
celle de l’intensité capitalistique K.
 
L

Externe-2007-04-0157-01.doc 45
Tableau 43. Les indicateurs de croissance du secteur Textile-habillement

Année Productivité du travail Intensité du travail Productivité apparente


(en milliers de dinars 1990) (en milliers de dinars 1990) du capital
Y L Y
L K K
1997 3,7 0,23 0,86
1998 3,8 0,23 0,87
1999 3,8 0,22 0,85
2000 3,9 0,21 0,84
2001 4,3 0,21 0,92
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

4.3. Les indicateurs de compétitivité

4.3.1. Les indicateurs de la compétitivité prix

L’enrichissement du modèle ricardien dans les années quatre-vingt a permis de


montrer qu’un avantage comparatif ricardien, fondé sur les structures de coûts relatifs 26,
pouvait être annulé ou réduit par l’existence d’un taux de change monétaire surévalué et/ou
par des prix trop élevés par rapport aux prix des pays concurrents 27 . C’est sur cette
transition entre les coûts relatifs et la compétitivité prix que porte cette section. La
compétitivité prix est ici la résultante:

– des coûts relatifs;

– des prix fixés par les exportateurs;

– du taux de change du pays par rapport aux pays concurrents.

4.3.1.1. La compétitivité prix

La compétitivité prix se mesure généralement par le quotient du prix à l’exportation


du pays étudié à celui de ses concurrents:

PEXP
où:
PEXC
PEXP = Prix à l’exportation du pays étudié
PEXC = Prix à l’exportation des pays concurrents

26
Les coûts relatifs traduisent les productivités des facteurs.
27
Ces prix élevés par rapport aux prix des concurrents peuvent être dus à des taux de salaires trop
élevés au regard des coûts salariaux des concurrents.

46 Externe-2007-04-0157-01.doc
L’indicateur de la compétitivité prix est une information importante pour les
acheteurs. Pour que ces derniers puissent choisir entre les différentes offres, il est
nécessaire que les prix soient exprimés dans la même unité monétaire (par exemple le
dollar):

PEXP PEXPMN
= * TXC où:
PEXC PEXCMN
PEXPMN = Prix à l’exportation du pays étudié en monnaie nationale
PEXCMN = Prix à l’exportation des pays concurrents en monnaie nationale
TXC = Taux de change du pays étudié par rapport aux pays concurrents

Par conséquent, la compétitivité prix dépend des prix fixés et du taux de change. Les
prix à l’exportation sont déterminés par les coûts de production et le marché. Quant au taux
de change, il résulte des rapports de force existants au niveau des marchés et du choix de la
politique monétaire. L’évolution des prix tunisiens à l’exportation (en dollars E.-U.) fait
apparaître des tendances assez proches au niveau du secteur TH et au niveau des branches
Habillement et Textile.

Tableau 44. Evolution des prix à l’exportation du secteur Textile-habillement (les prix sont exprimés en
dollars E.-U.)

Année Indice des prix à Indice des prix à Indice des prix à Indice des prix à
l’exportation Tunisie l’exportation Maroc l’exportation Intra * l’exportation extra **
1997 100,00 100,00 100,00 100,00
1998 99,84 97,44 99,22 99,03
1999 94,91 73,50 95,31 93,20
2000 81,64 81,19 88,28 79,61
Taux de croissance
(en %) –6,50 –6,70 –4,07 –7,32
* Intra: prix à l’exportation du commerce intra communautaire. ** Extra: prix à l’exportation du commerce extracommunautaire.
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS et des données de l’étude réalisée par Amri 28.

Tableau 45. Evolution des prix à l’exportation des branches Habillement et Fils et tissus (les prix sont
exprimés en dollars E.-U.)

Année Habillement Fils et tissus


Indice des Indice des Indice des Indice des Indice des Indice des
prix à l’export prix à l’export prix à l’export prix à l’export prix à l’export prix à l’export
Tunisie Maroc Intra Extra Tunisie Maroc
1997 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
1998 99,67 97,12 97,96 127,03 102,65 90,12
1999 94,38 68,27 87,76 114,86 105,25 101,23
2000 81,87 79,81 80,61 72,97 77,70 83,95
Taux de croissance
(en %) –6,45 –7,24 –6,93 –9,97 –8,07 –5,66
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS et des données de l’étude réalisée par Amr i29.

28
Op. cit.

Externe-2007-04-0157-01.doc 47
Les tableaux 44 et 45 montrent que:

1) la baisse des prix à l’exportation a concerné la branche Habillement et la branche


Textile, respectivement – 6,45 pour cent et – 8,07 pour cent;

2) au niveau de la branche Habillement, les prix tunisiens à l’exportation ont connu une
baisse équivalente à celle des prix marocains à l’exportation (pays concurrent). En
revanche, les prix marocains à l’exportation du textile ont connu une baisse nettement
inférieure à celle des prix tunisiens: – 5,66 pour cent contre – 8,07 pour cent;

3) les prix tunisiens à l’exportation du secteur TH ont baissé dans une proportion
nettement supérieure à la moyenne des prix intracommunautaire (– 6,5 pour cent contre
– 4,07 pour cent). En revanche, ils ont baissé dans une proportion inférieure à la
moyenne des prix extracommunautaire (– 6,5 pour cent contre – 7,32 pour cent);

4) au niveau de la branche Habillement, les prix tunisiens à l’exportation ont baissé dans
une proportion nettement inférieure à la moyenne des prix du commerce
extracommunautaire (– 6,45 pour cent contre – 9,97 pour cent).

4.3.1.2. Indicateur synthétique de compétitivité

Afin de mieux suivre l’évolution de la compétitivité du secteur TH, une analyse


incluant le coût salarial unitaire nous paraît nécessaire. Pour cela, nous adoptons
l’indicateur synthétique de compétitivité utilisé par Amri 30. Cet indicateur synthétique de
compétitivité se mesure par le rapport des prix étrangers exprimés en monnaie nationale au
coût salarial unitaire (coût unitaire) du pays étudié. Plus les prix étrangers exprimés en
monnaie nationale sont élevés par rapport au coût unitaire du pays étudié et plus la
compétitivité de ce dernier s’améliore.

PT
ISC = où:
CSU
ISC = Indice synthétique de compétitivité
P = Indice pondéré de prix étrangers
T = Taux de change effectif
CSU = Coût salarial unitaire du pays étudié

Une baisse de l’indice signifie une détérioration de la compétitivité générale du pays


étudié par rapport aux pays étrangers concurrents. Cette baisse peut être due à une
diminution des prix étrangers, à une hausse du taux de salaire, à une diminution de la
productivité, à une appréciation de la monnaie. Tous ces paramètres permettent d’expliquer
l’évolution de l’indice synthétique de compétitivité.

Le coût salarial unitaire représente les paramètres internes (taux de salaire et


productivité du travail). L’indice de prix étrangers et le taux de change représentent les
paramètres externes. L’évolution de l’indice synthétique de compétitivité laisse apparaître
une détérioration de la compétitivité du secteur TH due à une baisse des prix étrangers plus
rapide que celle du coût salarial unitaire tunisien (– 3,9 pour cent contre – 0,4 pour cent).

29
Op. cit.
30
Op. cit.

48 Externe-2007-04-0157-01.doc
Le tableau 46 montre que:

1) l’indice synthétique de compétitivité a connu une détérioration sur la période 1997-


2000 au niveau du secteur TH, de l’ordre de 3,5 pour cent en moyenne par année,
passant ainsi de l’indice 100 en 1997 à l’indice 89 en 2000;

2) l’indice synthétique de compétitivité du Maroc (pays concurrent) a baissé dans une


proportion nettement supérieure à l’indice de compétitivité tunisien: – 9 pour cent
contre – 3,5 pour cent. Il convient de remarquer ici que la forte détérioration de
l’indice synthétique marocain est due, contrairement au cas tunisien, à une hausse
importante du coût salarial unitaire (+ 5,7 pour cent en moyenne par année)
conjuguée à une baisse des prix étrangers (– 3,9 pour cent par an).

Tableau 46. Evolution de l’indice synthétique de compétitivité du secteur Textile-habillement

Année Indice des prix Indice du coût Indice du coût Indicateur Indicateur
étrangers à salarial unitaire salarial unitaire synthétique synthétique
l’exportation de la Tunisie du Maroc de compétitivité de compétitivité
en dinars de la Tunisie du Maroc
1997 100,00 100,00 100,00 100,00 100,00
1998 97,25 107,41 102,14 90,54 95,21
1999 93,37 108,74 106,06 85,87 88,04
2000 88,78 98,9 117,95 89,77 75,27
2001 – 104,02 – – –
Taux de croissance
(en %) –3,9 –0,37 1 +5,66 –3,53 –9,03
1 Tauxmoyen par année sur la période 1997-2000.
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS et des données de l’étude réalisée par Amri 31.

4.3.2. Les indicateurs de coût salarial du travail


et de consommation intermédiaire

L’étude de la structure des coûts de production d’un secteur d’activité permet de


mieux cerner les contraintes qui pèsent sur sa dynamique de compétitivité. De ce point de
vue, l’étude du coût du facteur travail du secteur TH est essentielle, dans la mesure où les
pays en développement (en l’occurrence la Tunisie) fondent leurs avantages compétitifs au
niveau international sur les écarts de salaires. Le coût du facteur travail est certes important
au niveau de la compétition internationale; néanmoins, c’est l’ensemble du coût de
production qui détermine la position compétitive d’un secteur d’activité. Pour cette raison
et faute de données sur le capital, les indicateurs suivants ont été calculés:

1) coût du travail;

2) coût des consommations intermédiaires.

4.3.2.1. Le coût du travail

Le coût du travail est mesuré ici par l’indicateur du coût salarial unitaire. Cet
indicateur est égal au rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée. Il mesure le coût du
travail par unité de valeur ajoutée créée; coût du travail et valeur ajoutée sont exprimés en

31
Op. cit.

Externe-2007-04-0157-01.doc 49
milliers de dinars courants. Le coût salarial unitaire est souvent utilisé pour comparer
l’évolution de ce coût à d’autres variables macroéconomiques comme la valeur ajoutée
d’un secteur d’activité.

Cet indicateur permet aussi d’étudier l’évolution de la répartition des revenus dans
une économie car, si l’évolution des salaires est inférieure à celle de la productivité du
travail, la part salariale dans la valeur ajoutée diminue.

Tableau 47. Evolution de l’indice du coût salarial du travail du secteur Textile-habillement

Année Indice de la valeur Indice de la masse Indice du coût salarial


ajoutée salariale du travail
1997 100,0 100,0 100,0
1998 110,4 110,8 100,4
1999 114,5 115,4 100,8
2000 124,3 108,0 86,9
2001 141,9 116,8 82,3
Taux de croissance
annuel moyen (en %) 9,2 4,0 5,1
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Au niveau du secteur TH, le tableau 47 laisse apparaître une augmentation de la


masse salariale (4 pour cent) inférieure à celle de la valeur ajoutée (9,2 pour cent) sur la
période 1997-2001. Corrélativement, l’indice du coût salarial unitaire a connu une
diminution annuelle moyenne de l’ordre de 5,1 pour cent de 1997 à 2001.

4.3.2.2. Coût des consommations intermédiaires

L’examen des tableaux 48, 49 et 50 fait ressortir que:

1) le coût des consommations intermédiaires (matières premières, transports, frais


divers, etc.) représente une part très importante du coût de production total 32. Celle-ci
est de l’ordre de 60 pour cent pour la branche Fils et tissus, soit environ six fois la
part relative de la masse salariale dans la valeur de la production;

2) les droits de douane sont de l’ordre de 2 pour cent pour le secteur TH. Ce résultat
global masque en réalité des situations contrastées des branches d’activité du secteur.
Dans la branche Fils et tissus, les droits de douane représentent environ 9 pour cent de
la valeur de la production. Ils sont nettement plus importants que ceux de la branche
Habillement (environ 3 pour cent). Ce résultat semble être une conséquence logique
du poids important des importations dans les intrants de la branche Fils et tissus;

3) la part relative de la marge commerciale dans la valeur de la production du secteur


TH est de l’ordre de 9 pour cent. Là aussi ce pourcentage global camoufle des
situations individuelles contrastées. En effet, la branche Habillement présente une
marge commerciale nettement inférieure à celle de la branche Fils et tissus (environ
7 pour cent, contre 16 pour cent).

32
La valeur de la production ne contient pas ici de marge commerciale. Par conséquent, on peut
supposer que la valeur de la production est équivalente au coût de production.

50 Externe-2007-04-0157-01.doc
Tableau 48. Structure des coûts en pourcentage de la valeur de la production du secteur Textile-
habillement

Année Masse salariale Consommation Droits de douane Marge commerciale


intermédiaire nette
des droits de douane
1997 14,0 66,7 1,8 8,9
1998 13,7 66,6 1,8 8,5
1999 13,9 66,5 1,7 8,2
2000 11,5 66,6 1,6 8,6
2001 11,0 66,5 1,7 8,5
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Tableau 49. Structure des coûts en pourcentage de la valeur de la production de la branche Fils et tissus

Année Masse salariale Consommation Droits de douane Marge commerciale


intermédiaire nette
des droits de douane
1997 11,7 59,5 8,5 16,2
1998 12,7 58,6 9,4 17,7
1999 13,2 59,1 8,8 15,8
2000 11,0 59,4 8,4 15,9
2001 10,7 59,3 8,6 17,0
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Tableau 50. Structure des coûts en pourcentage de la valeur de la production de la branche Habillement

Année Masse salariale Consommation Droits de douane Marge commerciale


intermédiaire nette
des droits de douane
1997 14,5 68,9 0,2 7,2
1998 13,8 68,9 0,2 6,5
1999 14,0 68,6 0,3 6,6
2000 11,8 68,7 0,2 7,0
2001 11,1 68,5 0,3 6,7
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

5. Dynamique de la répartition

5.1. Répartition de la valeur ajoutée

La dynamique de la croissance du secteur TH dépend en grande partie de la


dynamique de la répartition de la valeur ajoutée entre les différents facteurs qui créent cette
richesse. Il est donc légitime d’étudier la répartition de la valeur ajoutée entre les différents
agents économiques (entreprises, salariés, consommateurs, etc.). A cet égard, les
indicateurs de répartition sont mesurés à travers le modèle suivant:

Externe-2007-04-0157-01.doc 51
∆Y ∆L ∆W ∆ Π ∆P
=θ +θ + (1 −θ ) − 33
où:
Y L W Π P
∆Y
= Taux de var iation de la valeur ajoutée
Y
∆L
= Taux de var iation de l' emploi
L
∆W
= Taux de var iation du salaire moyen
W
∆Π 34
= Taux de croissance du profit
Π
∆P
= Taux de croissance des prix
P

5.2. Evolution de l’emploi

L’analyse des résultats du tableau 51 montre que:

1) l’emploi augmente d’année en année, passant ainsi de l’indice 100 en 1997 à


l’indice 112,3 en 2001, soit une croissance moyenne de l’ordre de 2,9 pour cent par an;

2) la comparaison de l’évolution de l’emploi avec celle de la valeur ajoutée montre que


le secteur TH a connu un taux de croissance de la valeur ajoutée nettement supérieur à
celui des emplois.

Tableau 51. Evolution de la valeur ajoutée et de l’emploi du secteur Textile-habillement

Année Valeur ajoutée 1 Emploi


1997 100,0 100,0
1998 111,1 103,1
1999 114,9 106,2
2000 123,9 109,2
2001 140,2 112,3
Taux de croissance annuel moyen (en %) 8,8 2,9
1 En prix courants.

Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Par ailleurs, on peut apprécier l’aptitude du secteur TH à créer des emplois en


calculant l’élasticité de l’emploi par rapport à la valeur ajoutée:

∆L
( Ee / va = L )
∆Y
Y

33
Voir démonstration, annexe C.
34
Il s’agit ici de l’excédent brut d’exploitation.

52 Externe-2007-04-0157-01.doc
Cette élasticité montre qu’une variation de 1 pour cent de la valeur ajoutée du secteur
TH conduit à une variation peu élevée de 0,44 pour cent dans l’emploi total.

5.3. Evolution des salaires et des profits

L’évolution indicielle de la valeur ajoutée et de la masse salariale du secteur TH


montre une tendance comparable des deux courbes jusqu’en 1999. Au-delà, le rythme de
croissance de la masse salariale est nettement inférieur à celui de la valeur ajoutée.

Graphique 7. Evolution indicielle de la valeur ajoutée(VACF) et de la masse salariale entre 1997 et 2001

145

140

135

130

125

120

115

110

105

100
1997 1998 1999 2000 2001

VACF Masse salariale

Au niveau du secteur TH, la masse salariale a connu un taux de croissance moyen de


l’ordre de 2,2 pour cent. En outre, les salariés du secteur TH ont vu leur part dans la valeur
ajoutée diminuer de 4 pour cent durant la période 1997-2001, soit en moyenne une baisse
de 1 pour cent par an.

Tableau 52. Evolution de la masse salariale

Année Masse salariale Masse salariale


Valeur ajoutée

1997 100,0 0,44


1998 108,5 0,44
1999 112,8 0,44
2000 101,1 0,38
2001 109,3 0,36
Taux de croissance moyen par ascendance
nationale (en %) 2,2
Source: Calculs faits à partir des données de l’INS.

Par ailleurs, les calculs réalisés à partir du modèle de répartition de la valeur ajoutée
ont donné les résultats consignés dans le tableau 53.

Externe-2007-04-0157-01.doc 53
Tableau 53. Répartition de la valeur ajoutée (en pourcentage)

Indicateurs de répartition Secteur Textile-habillement


Taux de croissance de la valeur ajoutée 6,73
Taux de croissance de l’emploi 2,94
Part des salaires dans la valeur ajoutée 50,00
Taux de croissance des salaires –0,67
Part des profits dans la valeur ajoutée 50,00
Taux de croissance des profits 13,69
Taux de variation des prix (consommateurs) –1,24
Répartition par agent
Croissance de la valeur ajoutée 6,73
Part revenant à l’emploi nouveau 1,47
Part revenant aux salariés –0,34
Part revenant aux entreprises 6,85
Part revenant aux consommateurs –1,20

Sur la base des données du tableau 53, les gains de croissance en termes de valeur
ajoutée obtenus dans le secteur TH durant la période 1997-2001 et estimés en moyenne à
7,93 pour cent (6,73 pour cent de valeur ajoutée et 1,2 pour cent de hausse des prix) par
année se sont répartis comme suit:

1) les salariés ont subi une perte de 4,3 pour cent de la valeur ajoutée créée;

2) les nouveaux emplois ont obtenu 18,5 pour cent;

3) les entreprises ont bénéficié de 86,4 pour cent;

4) les consommateurs ont subi une hausse des prix de 1,2 pour cent.

La dynamique de la répartition laisse apparaître une baisse de la part relative des


salaires dans la valeur ajoutée. En moyenne, celle-ci a diminué de l’ordre de 6 pour cent.
En revanche, la part relative des profits a connu une hausse moyenne d’environ 3 pour cent
par année. L’analyse de la dynamique de répartition de la valeur ajoutée s’inscrit dans une
question fondamentale: quels sont les rapports entre l’efficacité du système productif et le
progrès social?

54 Externe-2007-04-0157-01.doc
Chapitre 2. Etat des relations de travail
Ce chapitre analyse le système en vigueur des relations de travail dans le secteur TH.
Il convient de préciser au préalable que les relations de travail dans ce secteur sont régies
par des normes juridiques qui découlent des sources générales (lois, textes réglementaires)
et des sources professionnelles spécifiques à ce secteur. Il s’agit de deux conventions
collectives sectorielles, dont la première est applicable aux activités de l’industrie du
textile, c’est-à-dire le traitement de fibres naturelles et chimiques 1 , et la seconde est
applicable à l’industrie de la bonneterie et de la confection 2. Ces deux conventions sont en
vigueur depuis le 1er juin 1974 et ont fait l’objet de plusieurs modifications apportées par
les différents avenants conclus par les deux organisations signataires: l’UGTT et l’UTICA.

Les dispositions prévues par ces deux conventions sont presque identiques,
abstraction faite du champ d’application professionnel et de quelques dispositions
spécifiques propres au système de rémunération. Pour cette raison, le présent rapport
analysera les dispositions prévues par les deux conventions mentionnées, sans faire de
distinction entre le secteur Textile et celui de la Bonneterie et de la Confection.

En se référant aux multiples dispositions légales et conventionnelles mentionnées, il


convient de dresser un bilan relatif à l’état des lieux du système des relations
professionnelles et de l’organisation du travail dans le secteur TH. Ce bilan nous permettra
de constater, d’une part, des éléments positifs qui constituent des acquis et de dégager,
d’autre part, des imperfections et lacunes du système actuellement en vigueur, tout en
proposant des pistes de réflexions orientées vers la promotion de la compétitivité socio-
économique de ce secteur.

1. Les acquis du système en vigueur

1.1. Une consécration juridique des normes


fondamentales du travail

L’interface complexe entre la mondialisation et la promotion des normes


fondamentales liées au travail suscite partout une attention de plus en plus grande. Les
débats menés au niveau international sur ce sujet témoignent d’un soutien général à l’égard
de la promotion des droits fondamentaux au travail, dont le caractère immuable a été
réaffirmé par la Déclaration de l’OIT de 1998.

La Tunisie a ratifié toutes les conventions de l’OIT relatives aux normes


fondamentales du travail. Le respect de ces normes s’impose donc à toute entreprise
soumise à la législation tunisienne, quel que soit son secteur d’activité. Le secteur TH ne
fait pas évidemment exception à cette règle. D’ailleurs, il n’est pas difficile de constater, à
la lumière des dispositions normatives applicables aux relations de travail dans ce secteur,
que le système tunisien est globalement respectueux des principes et droits fondamentaux
annoncés par les normes de l’OIT.

1
La convention collective du textile a été conclue le 26 juillet 1974 et agréée par le ministre des
Affaires sociales en date du 29 août 1974.
2
La convention collective de l’industrie de la bonneterie et de la confection a été conclue le 29 avril
1975 et agréée par le ministre des Affaires sociales le 19 juin 1975.

Externe-2007-04-0157-01.doc 55
A cet égard, il convient d’observer d’abord que l’emploi dans le secteur TH, comme
ailleurs, est placé sous l’égide de la liberté contractuelle qui implique évidemment
l’interdiction du travail forcé. Le principe de la liberté contractuelle connaît naturellement
certaines restrictions légales, liées surtout à des considérations d’ordre public. C’est le cas
notamment de l’interdiction de l’emploi des enfants au-dessous de l’âge légal. A ce sujet,
les dispositions conventionnelles spécifiques au secteur TH se limitent à renvoyer à la
législation en vigueur, c’est-à-dire le Code du travail, qui pose comme règle générale
l’interdiction du travail des enfants de moins de 16 ans, et ce conformément aux
dispositions de la convention internationale du travail no 138.

Un autre principe fondamental est largement consacré par le droit positif tunisien:
c’est le principe de non-discrimination. Ainsi, conformément au Code du travail et aux
normes internationales, les dispositions conventionnelles régissant les relations de travail
dans le secteur TH affirment nettement ce principe, notamment en ce qui concerne
l’emploi des femmes et en matière de liberté syndicale.

S’agissant particulièrement de la non-discrimination fondée sur le sexe, il n’est pas


excessif d’affirmer que l’histoire moderne de la Tunisie témoigne d’une constante
évolution de la situation des femmes et leur intégration dans les différents domaines de la
vie économique et sociale. Nous savons, par ailleurs, que la part de l’emploi féminin est
dominante dans le secteur TH où elle représente environ 80 pour cent de la main-d’œuvre.
Du reste, une enquête a révélé que dans ce secteur il y a autant de possibilités pour le
personnel féminin de bénéficier d’une promotion que pour le personnel masculin. Ainsi,
75 pour cent des femmes chefs de chaîne ou d’atelier ont commencé leur carrière en tant
que simples ouvrières et ont gravi par la suite les échelons 3.

Mais des pratiques discriminatoires peuvent toujours être dissimulées sous


l’apparence d’un acte de direction parfaitement licite. La difficulté probatoire est très
grande. Du reste, la méconnaissance du principe de non-discrimination demeure
faiblement sanctionnée. Ainsi, par exemple, le non-respect du principe d’égalité entre
l’homme et la femme, consacré par l’article 5 bis du Code du travail, est sanctionné par
une amende de 24 à 60 dinars, comme le prévoit l’article 234 du même Code. Quant à la
discrimination fondée sur l’appartenance syndicale du travailleur, elle n’est sanctionnée
que civilement par une réparation pécuniaire sous forme de dommages et intérêts.

Enfin, le droit tunisien consacre aussi le principe de la liberté syndicale comme


manifestation de la liberté d’association qui revêt le caractère d’une liberté fondamentale
au sens de la Déclaration de l’OIT de 1998. Dans ce cadre, la loi accorde aux syndicats des
prérogatives assez larges, notamment au niveau de l’exercice du droit de grève 4 et en
matière de négociation collective 5 . Les conventions collectives ont consolidé ces
prérogatives par l’introduction de l’ébauche d’un statut du syndicat dans l’entreprise. Mais
ce statut reste précaire à cause des lacunes et insuffisances qui affectent le système des
relations professionnelles dans l’entreprise 6.

3
Voir R. Meddeb: L’industrie du textile et de l’habillement en Tunisie: les besoins des chefs
d’entreprise et les conditions de travail des femmes dans les PME, OIT, Service des activités
industrielles, SAP2.77/WP.136.
4
Le Code du travail exige que la grève soit approuvée préalablement par la centrale syndicale.
5
La loi accorde un monopole à l’organe syndical pour négocier et conclure au nom des salariés des
conventions collectives de travail
6
Voir infra.

56 Externe-2007-04-0157-01.doc
1.2. Une politique tournée vers l’incitation à l’emploi.

La politique de l’emploi en Tunisie est essentiellement incitative. Elle repose sur un


ensemble de techniques juridiques portant encouragement à l’emploi, se traduisant par des
mesures multiples et variables. Certaines mesures sont d’ordre général, ne s’adressant pas
à une catégorie déterminée de demandeurs d’emploi. Dans ce cadre, on peut mentionner
notamment les mesures liées à la réforme du Code du travail par la loi no 96-62 du
15 juillet 1996, ayant introduit une certaine flexibilité en matière de recrutement. Parmi ces
mesures, il y a lieu de signaler notamment:

„ L’assouplissement des règles relatives à la procédure d’embauchage. Ainsi,


l’employeur n’est plus tenu de déclarer préalablement ses besoins de personnel au
bureau de placement.

„ L’introduction de nouvelles dispositions relatives aux contrats de travail à durée


déterminée (CDD) accordant une large autorisation de recourir à ce type de contrat.
A cet égard, la loi distingue entre deux catégories de contrat à durée déterminée. La
première concerne les contrats à durée déterminée à terme incertain que justifie une
situation objectivement temporaire (accomplissement de travaux neufs, surcroît
extraordinaire de travail, replacement provisoire d’un travailleur absent, exécution de
travaux saisonniers, etc.). La seconde catégorie a trait aux contrats à durée déterminée
à terme certain, par la volonté des parties, sans qu’il existe une cause objective
justifiant le recours à cette modalité de travail temporaire, dont la durée ne doit pas
excéder quatre ans. On doit signaler que toutes les dispositions du Code du travail
relatives aux contrats à durée déterminée ont été intégralement reprises par les deux
conventions collectives du secteur TH, sans aucune modification tenant compte de la
spécificité de ce secteur.

„ L’institution d’un régime spécifique au travail à temps partiel. Ce régime est basé
sur deux principes essentiels: l’exigence de l’accord du salarié pour le recours à ce
régime et l’égalité de traitement entre les travailleurs à plein temps et les travailleurs à
temps partiel (sous réserve des dispositions particulières relatives au régime du travail
à temps partiel, notamment la règle de la proportionnalité en matière de salaire).

„ D’autres mesures d’incitation à l’emploi sont spécifiques en ce sens qu’elles


s’adressent à des catégories de demandeurs d’emploi présentant des difficultés
particulières d’accès au travail, telles que les mesures visant l’insertion
professionnelle des jeunes. Cette insertion se réalise à travers des contrats d’initiation
et d’adaptation professionnelle, réglementés par un arsenal juridique spécifique relatif
à la promotion de l’emploi des jeunes (contrats d’apprentissage, contrat emploi-
formation, stages d’initiation à la vie professionnelle, etc.). On doit surtout signaler
l’existence de plusieurs incitations financières liées à ces contrats alliant à des degrés
divers un travail et une formation. Ces incitations financières se présentent
essentiellement sous forme de subventions accordées par l’Etat et d’exonérations en
matière de cotisations sociales, en plus de nombreuses incitations fiscales. Elles ont
un coût budgétaire important, mais leur impact réel sur l’emploi reste mitigé. Du
reste, il s’agit souvent d’exonérations ou d’allègements des charges sociales accordés
d’une manière généralisée au lieu d’être ciblés en fonction de la capacité d’emploi des
secteurs et entreprises concernées.

1.3. Une réglementation fondée sur la protection


de l’intégrité physique des salariés

La protection de l’intégrité physique des salariés constitue sans doute l’un des
éléments essentiels de la législation sociale. Mais il serait fastidieux d’énumérer

Externe-2007-04-0157-01.doc 57
l’ensemble des dispositions relatives à ce sujet. On se limitera alors à évoquer quelques
aspects traduisant l’importance des prescriptions relatives à la sécurité des travailleurs.

Dans ce cadre, s’inscrit l’obligation de sécurité prévue légalement à la charge de


l’employeur et fondée essentiellement sur l’idée de prévention. Ainsi, conformément aux
dispositions du Code du travail, «tout employeur est tenu de prendre les mesures
nécessaires et appropriées pour la protection des travailleurs et la prévention des risques
professionnels» (art. 152-2). Les deux conventions collectives régissant les relations de
travail dans le secteur TH ont renforcé le dispositif légal relatif à l’hygiène et à la sécurité
des travailleurs par un ensemble de prescriptions techniques détaillées qui impose à
l’employeur d’aménager les locaux dans un état sanitaire répondant à toutes les conditions
d’hygiène et de sécurité, ainsi que de prendre toutes les mesures nécessaires à la protection
du travailleur contre les risques professionnels. Par ailleurs, le législateur a réglementé
d’une manière minutieuse l’organisation et le fonctionnement des services de la médecine
du travail chargée d’examiner et de suivre la santé des travailleurs et leurs aptitudes
physiques à effectuer les travaux exigés d’eux.

Enfin, le régime de réparation des préjudices nés des accidents de travail et des
maladies professionnelles a été refondu et amélioré par la loi no 94-28 du 21 février 1994
qui a intégré les risques professionnels dans le cadre de la sécurité sociale et a introduit le
mécanisme de modulation des cotisations en fonction de l’importance et de la gravité de
ces risques, visant à renforcer ainsi le dispositif préventif en la matière.

Mais il n’est pas excessif de dire qu’en matière d’hygiène et de sécurité au travail la
loi manque beaucoup d’effectivité. En effet, malgré la richesse des textes juridiques relatifs
à ce sujet et la multiplicité des institutions appelées à intervenir dans ce domaine, la réalité
atteste que la prévention contre les risques professionnels est généralement loin d’être
assurée efficacement.

1.4. Un cadre juridique et institutionnel


pour promouvoir le dialogue social

1.4.1. Cadre historique

Les bases juridiques du dialogue social en Tunisie remontent aux années trente,
surtout avec la consécration légale du droit syndical (décret du 16 novembre 1932) et la
création d’un statut propre aux conventions collectives de travail (décret du 4 août 1936).
Mais le contexte lié à la seconde guerre mondiale ayant imposé une tutelle excessive de
l’Etat sur le système des relations professionnelles va engendrer une stagnation quasi
complète du dialogue social et un blocage des négociations collectives, notamment à cause
de l’interdiction faite aux organisations syndicales d’introduire des dispositions relatives
aux salaires dans les conventions collectives.

Cette situation marquée par le blocage du système de dialogue social va se poursuivre


après l’indépendance, dans le cadre de la politique étatique dirigiste des années soixante,
malgré quelques réformes adoptées dans l’esprit de promouvoir ce dialogue, telle que
l’institution d’un premier système légal de représentation du personnel dans l’entreprise
par la loi du 14 décembre 1960, dont les dispositions seront reprises par le Code du travail
en 1966.

C’est surtout à partir des années soixante-dix que l’on va assister à un allégement de
la tutelle étatique sur les syndicats, se traduisant par la levée de l’interdiction de négocier
les salaires dans le cadre des accords collectifs (décret du 25 mai 1973). Cette mesure très
importante a constitué la pierre angulaire de la nouvelle institution de la négociation
collective en Tunisie. A la suite de cette mesure, une convention collective-cadre a été
signée le 20 mars 1973 par l’UGTT et l’UTICA, et agréée par le ministre des Affaires

58 Externe-2007-04-0157-01.doc
sociales le 29 mai de la même année. Cette convention qui a constitué une véritable charte
interprofessionnelle est venue marquer l’avènement d’une nouvelle ère des négociations
collectives.

Aujourd’hui, la négociation collective est considérée comme l’instrument approprié


de dialogue social, à côté d’autres structures de représentations des salariés dans
l’entreprise et des institutions de concertation à l’échelle nationale. Les deux grandes
réformes du Code du travail en 1994 et 1996 n’ont pas touché profondément au régime de
la négociation collective. En revanche, le système de représentation du personnel dans
l’entreprise a subi des modifications substantielles par la loi du 21 février 1994, alors que
la loi du 15 juillet 1996 a institué une nouvelle structure de concertation appelée la
Commission nationale de dialogue social.

1.4.2. Le système de négociation collective

La négociation collective occupe aujourd’hui une place centrale dans le système


tunisien des relations professionnelles. En effet, la conclusion de la convention collective-
cadre, en 1973, a déclenché un processus de négociations sectorielles très intenses
couvrant la majorité des secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Ce processus
a été consolidé au fil des ans, notamment depuis 1990. En effet, les partenaires sociaux ont
adopté à partir de cette année une nouvelle démarche consistant à renégocier les
conventions collectives une fois tous les 3 ans, ce qui a donné lieu à des augmentations
salariales d’une manière régulière et a permis d’apaiser les tentions sociales.

Aujourd’hui, le tissu conventionnel comprend 51 conventions collectives de branche


et une vingtaine de conventions d’établissements dans le secteur privé, outre un grand
nombre de statuts propres aux agents publics. Ainsi, on a pu assister à l’émergence d’un
droit négocié très développé, illustrant le pouvoir normatif des syndicats et renforçant les
acquis du droit étatique. Il traduit la reconnaissance des organisations syndicales patronales
et ouvrières comme les représentants des intérêts collectifs de la profession et les
collaborateurs de l’Etat à la réglementation des conditions de travail. Grâce à la
négociation collective, le dialogue social est devenu un mode de régulation créateur de
cohésion fondée sur une logique de compromis.

1.4.3. Concertation tripartie: la Commission nationale


du dialogue social

Cette commission a été instituée par la loi du 15 juillet 1996 ayant modifié les
dispositions de l’article 335 du Code du travail. Elle est créée auprès du ministre chargé
des affaires sociales et appelée à exercer des fonctions purement consultatives qui
consistent à émettre son avis sur des questions relatives au travail, notamment celles
concernant la législation sociale, les normes internationales du travail, les salaires, la
classification professionnelle, les négociations collectives et le climat social.

La composition et le fonctionnement de la Commission nationale du dialogue social


ont été précisés par le décret no 2000-1990 du 12 septembre 2000. Notons que cette
commission, présidée par le ministre des Affaires sociales, se compose de 15 membres
représentant les différents départements ministériels; trois membres de la Centrale
syndicale des salariés (UGTT); deux membres de l’UTICA et un membre représentant
l’organisation des agriculteurs (UTAP).

Les prérogatives de la commission et sa composition attestent bien que cette


institution est venue illustrer le principe du tripartisme en matière de dialogue social,
conformément aux normes internationales ratifiées par la Tunisie, notamment la
convention de l’OIT no 144 sur les consultations tripartites relatives aux normes
internationales du travail. Mais on constate que l’apport de cette institution reste dans la

Externe-2007-04-0157-01.doc 59
pratique très limité. D’une part, ses fonctions sont purement consultatives et, d’autre part,
elle n’a pas pu fonctionner régulièrement, quoique le décret du 12 septembre 2000 indique
que cette commission doit se réunir au moins deux fois par an.

Enfin, en dehors de cette institution, il existe d’autres structures de concertation, dont


le fonctionnement repose sur le principe du tripartisme au sens large. Ainsi, par exemple,
les représentants des partenaires sociaux siègent, à titre consultatif, dans certains
organismes publics, tels que les conseils d’administration des caisses de sécurité sociale.

1.4.4. Le système de représentation des travailleurs


dans l’entreprise

La représentation des travailleurs dans l’entreprise est souvent considérée comme un


instrument idéal de dialogue social. En Tunisie, cette représentation est dualiste, reposant
sur le côtoiement entre les structures de représentations syndicales et non syndicales.
Avant la réforme du Code du travail en 1994, le système de représentation non syndicale
dans l’entreprise était marqué par la multiplicité de ses structures: comité d’entreprise,
délégués du personnel, comité d’hygiène et sécurité, et Commission consultative paritaire
(créée par le droit conventionnel). A cette multiplicité de structures s’ajoutaient
l’enchevêtrement des attributions de ces différentes structures ainsi que le manque
d’efficacité au niveau de leur fonctionnement.

Cette situation a justifié l’intervention du législateur par la loi no 94-29 du 21 février


1994 en vue de simplifier le système de représentation du personnel dans l’entreprise et le
rendre plus efficace. Cette réforme a permis surtout de fusionner les anciennes structures
en un seul organe: la Commission consultative d’entreprise. Selon l’article 157 du Code du
travail, cette commission doit être instituée dans toute entreprise employant au moins
40 travailleurs permanents 7 . Présidée par le chef d’entreprise, elle est composée d’une
façon paritaire de représentants des travailleurs (élus par ces derniers) et de représentants
de la direction de l’entreprise.

La Commission consultative d’entreprise intervient à titre consultatif dans plusieurs


domaines liés à la vie sociale et professionnelle des salariés: organisation du travail dans
l’entreprise, promotion, reclassement professionnel, apprentissage, œuvres sociales,
discipline, etc. De par ses fonctions et sa composition, cette commission se présente
comme une structure de dialogue et de concertation plus qu’une structure de représentation
des travailleurs. D’ailleurs, dans l’accomplissement de ses missions, elle doit tenir compte
à la fois des intérêts des travailleurs et des intérêts de l’entreprise.

Les partenaires sociaux ont consolidé le choix du législateur, en abrogeant toutes les
dispositions conventionnelles relatives à l’ancienne Commission paritaire consultative
(créée depuis 1973 par voie de négociation collective) pour les remplacer par d’autres
dispositions très brèves faisant référence aux articles du Code du travail concernant la
représentation du personnel. Ainsi, dans le secteur TH, les dispositions conventionnelles se
contentent généralement de renvoyer à la loi s’agissant de la mise en place de la
Commission consultative d’entreprise et ses prérogatives, tout en ajoutant quelques
précisions portant sur les modalités d’élection des représentants du personnel. A cet égard,
l’employeur est tenu d’informer par écrit le syndicat de l’entreprise concernant
l’organisation des élections. De même, un délégué syndical doit être désigné comme
membre du bureau électoral dans le cas où le syndicat a présenté une liste de ses candidats.

7
Dans les entreprises employant un nombre de travailleurs égal ou supérieur à 20 et inférieur à 40,
la loi prévoit l’élection d’un délégué titulaire du personnel et un délégué suppléant (art. 163 du Code
du travail).

60 Externe-2007-04-0157-01.doc
1.5. La promotion du dialogue au niveau de l’entreprise
par la direction générale de l’Inspection du travail
et de conciliation

La direction générale de l’Inspection du travail et de conciliation assure trois grandes


missions complémentaires: le contrôle de l’application du droit social, la conciliation entre
les partenaires sociaux entrant en conflit et la promotion du dialogue social au niveau des
entreprises pour anticiper et minimiser l’ampleur des conflits de travail.

L’inspection du travail est exercée par des fonctionnaires relevant du ministère des
affaires sociales. Leur mission peut être confiée par des lois spéciales à des fonctionnaires
relevant d’autres ministères 8. Selon le Code du travail, les agents de l’inspection du travail
sont chargés de:

– veiller à l’application des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles


organisant les relations du travail ou qui en découlent, dans tous les domaines
d’activité des établissements de l’industrie, du commerce, de l’agriculture et à leurs
dépendances, de quelque nature qu’ils soient, publics ou privés, religieux ou laïque,
même s’ils ont un caractère professionnel ou de bienfaisance. Il s’agit également de
l’activité des professions libérales, des établissements artisanaux, des coopératives,
des sociétés civiles, des syndicats, des associations et groupement de quelque nature
que soit 9;

– fournir des informations et des conseils techniques aux employeurs et aux travailleurs
sur les moyens les plus efficaces d’appliquer la législation du travail 10;

– porter à l’attention des autorités compétentes toute déficience ou abus qui n’est pas
spécifiquement couvert par les dispositions légales en vigueur 11;

– assister les gouverneurs dans la mission de conciliation qui leur est dévolue et ce
conformément aux dispositions de l’article 172 du Code du travail;

– établir des statistiques de toute nature concernant les conditions de travail et de


l’emploi dans les secteurs de l’activité économique soumis à leur contrôle 12.

Cet ensemble de missions montre bien que, juridiquement, l’inspecteur n’a pas seulement
la mission d’une police de travail, mais il doit jouer un rôle de promotion du dialogue entre
les employeurs et les travailleurs qui se présentent à titre individuel ou à titre collectif (par
l’intermédiaire de leur organisation). Informer, conseiller et concilier sont en effet les
tâches prévues pour atteindre cet objectif. Il s’agit de tâches différentes par les
compétences exigées et le temps de travail qu’elles consomment pour les exercer
efficacement. Une spécialisation est nécessaire pour que ce corps puisse jouer son rôle.
L’organigramme de la direction générale annonce cette spécialisation.

8
Art. 171 du Code du travail (CT), modifié par la loi no 94-29 du 21 fév. 1994.
9
Art. 170, modifié par la loi no 94-29 du 21 février 1994, et art. 1 relatif au champ d’application du
Code du travail.
10
Art. 170.
11
Art. 170.
12
Art. 179.

Externe-2007-04-0157-01.doc 61
Service Direction générale Unité
de documentation administrative

Direction
Direction Direction
de la promotion
de contrôle de la conciliation
du dialogue social

Division régionale

Unité du contrôle Unité Unités locales


de la conciliation

La direction de conciliation et ses unités implantées dans tous les gouvernorats


parviennent à transformer plusieurs conflits en une série d’accords entre les parties. Ces
accords représentent un gisement de réussites du dialogue au niveau microéconomique
qu’il convient de valoriser.

Parallèlement, au sein de la même direction générale, la direction de promotion du


dialogue social a réalisé un effort considérable pour l’installation de 2 703 structures de
dialogue dans les entreprises. Il s’agit de 1 929 commissions consultatives d’entreprises et
774 délégations du personnel. L’ensemble est réparti sur tout le territoire national et
couvre la quasi-totalité des entreprises concernées par ces structures, comme cela est
prévu par le Code du travail (voir graphique ci-dessous). Le secteur TH et cuir regroupe
682 commissions consultatives et 216 délégations du personnel, soit un total de 898 unités
de dialogue social représentant le tiers du total général des structures.

Taux de couverture des entreprises par une commission consultative d’entreprise


ou une délégation du personnel – janvier 2006 (en pourcentage)

moyenne nationale

100
90
80
70
60
50
40
30
20
10
0
Ben Arous

Ariana

Béja

Tataouine

Tozeur
Tunis1

Tunis2

Jendouba
Kef

Gafsa
Bizerte

Siliana

Sousse

Kasserine

Sfax

Gabes
Zaghouan

Kairouan

SidiBouzid
Nabeul

Kebili
Manouba

Mahdia

Médenine
Monastir

62 Externe-2007-04-0157-01.doc
La direction de promotion du dialogue social a assuré également l’installation de
1 855 comités de santé et de sécurité au travail en réalisant dans ce domaine un taux de
couverture de 96 pour cent des entreprises concernées par cette disposition du Code du
travail.

La large couverture de l’espace économique et géographique par les structures du


dialogue social mesure l’ampleur de l’effort réalisé par le ministère dans la promotion du
dialogue social au niveau microéconomique. Elle montre aussi le volume de travail qu’il
faut fournir au cours des prochaines années, en étroite collaboration avec les partenaires
sociaux, pour catalyser et soutenir le dynamisme de ces structures de dialogue. L’absence
d’unités régionales chargées de la promotion du dialogue social est un obstacle à cette
action qui est par définition une action de proximité demandant la disponibilité totale de
l’agent animateur du dialogue.

L’enjeu est évidemment de développer la compétitivité socio-économique des


entreprises. Le recensement des activités des structures du dialogue au cours de janvier
2006 par la direction de promotion du dialogue social montre clairement que c’est
l’objectif recherché par les structures du dialogue social.

La compétitivité de l’entreprise, le renforcement des compétences et la promotion


professionnelle du personnel représentent environ 50 pour cent du contenu des réunions. Si
l’on y ajoute les réunions sur les projets sociaux et la santé et la sécurité au travail, 90 pour
cent des réunions contribuent au développement de la compétitivité socio-économique des
entreprises, et seulement 10 pour cent des réunions correspondent à des conseils de
discipline. Par conséquent, l’image du passé associant les structures de dialogue de
l’entreprise à un conseil de discipline ne correspond plus aujourd’hui à la réalité (voir
graphique ci-dessous).

A la lumière de cette évolution, il apparaît clairement que le droit du travail tunisien


permet aux structures de dialogue de s’adapter aux mutations économiques et sociales
lorsque l’effort de tous les partenaires sociaux est conforme à l’esprit de la loi. C’est par
cet effort collectif que le droit du travail actuel devient un facteur de développement de la
compétitivité et de l’emploi décent. Le rôle du ministère est à cet égard stratégique pour
assurer la mobilisation des partenaires sociaux autour de cet objectif.

Distribution par thème des réunions des structures de dialogue au cours du mois de janvier 2006

225 220 215 214 115 117

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100%

Santé et sécurité au travail


Projets sociaux
Promotion et reclassement professionnel
Organsation du travail pour améliorer la productivité
Formation professionnelle
Conseil de discipline

1.6. La promotion du dialogue au niveau


de la direction générale du travail

Dans le cadre de la politique des relations du travail, la Direction générale du travail


prend de la distance par rapport au quotidien. Elle éclaire et aide les partenaires sociaux et

Externe-2007-04-0157-01.doc 63
le personnel de la direction de l’inspection générale du travail et de conciliation. Elle
répond aux attentes de tous les acteurs de l’entreprise et de l’administration qui demandent
des conseils juridiques. Elle analyse la dynamique de mise en œuvre du droit social et tire
les leçons stratégiques pour l’adapter par le dialogue aux mutations économiques et
sociales, voire les anticiper, comme c’est le cas pour la promotion du dialogue social au
niveau de l’entreprise. Elle joue un rôle décisif dans la promotion des normes
internationales du travail donnant une image positive de la Tunisie sur le plan
international.

La Direction générale du travail assure aussi l’animation de tout le processus des


négociations collectives en lui offrant les meilleures conditions de déroulement pour
déboucher sur des accords qui concilient les intérêts de tous les partenaires et ceux du
pays.

1.7. La promotion du dialogue social par le bureau


d’assistance aux entreprises et aux exportateurs

Un bureau d’assistance aux entreprises et aux exportateurs est créé en 1995. Sa


mission principale est de fournir une assistance aux entreprises en difficultés économiques
dans le champ des services relevant du ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et
des Tunisiens à l’étranger et de contribuer avec les cellules similaires implantées dans
d’autres ministères à renforcer le développement de la compétitivité des entreprises et de
l’emploi.

En plus de cette mission, ce bureau a été chargé en 1996 d’organiser un séminaire


annuel regroupant les comités consultatifs des entreprises. Les séminaires sont une
opportunité offerte à plusieurs comités d’échanger leurs points de vue sur plusieurs thèmes
en vue de promouvoir le dialogue social dans l’entreprise. Huit séminaires ont été
organisés autour du rôle des commissions consultatives dans:

– la mise à niveau des entreprises (1996);

– le renforcement du dialogue social au niveau de l’entreprise (1997);

– l’effort national du développement de l’emploi (1998);

– le développement des ressources humaines (1999);

– la consolidation de la paix sociale (2000);

– l’amélioration de la compétitivité de l’entreprise (2001)

– la promotion de la culture d’entreprise (2002);

– le développement des technologies de l’information et de la communication et


l’insertion de l’entreprise dans la nouvelle économie (2005).

64 Externe-2007-04-0157-01.doc
2. Les aspects du système en vigueur qui
pourraient être améliorés par le dialogue social

2.1. La réglementation des contrats du travail


à durée déterminée

Si la réforme du Code du travail en 1996 a introduit une certaine flexibilité en matière


de recrutement, il demeure que les règles adoptées par le législateur et reprises par les deux
conventions collectives du secteur TH, concernant le recours aux contrats de travail à
durée déterminée, comportent des lacunes aussi bien au niveau de la forme qu’au niveau
du fond.

Au niveau de la forme, on observe que l’écrit n’est exigé que pour les contrats à durée
déterminée à terme certain (temporaires par la volonté des parties) et non pour les CDD
objectivement temporaires. De même, la loi ne précise pas les mentions qui doivent être
insérées dans le contrat. Or il est souhaitable de préciser ces mentions, par voie légale ou
conventionnelle, pour éviter toute ambiguïté concernant le statut du salarié.

Au niveau du fond, nous savons que la loi établit deux grandes catégories de CDD:
les contrats objectivement temporaires et les contrats temporaires par la volonté des
parties. Or ces deux catégories de contrat se recoupent largement dans leur utilisation, alors
qu’elles ont des conséquences différentes, voire opposées, notamment en ce qui concerne
la possibilité de renouvellement du contrat 13.

La confusion entre les deux catégories de CDD est due surtout à l’absence de
dispositions légales fixant de manière précise les activités et professions pour lesquelles il
est permis de recourir aux contrats de travail objectivement temporaires. A cet égard, il
nous semble nécessaire d’établir, par voie réglementaire ou conventionnelle, la liste des
cas de «surcroît extraordinaire de travail», des travaux saisonniers et autres activités pour
lesquelles il ne peut être fait recours, «selon l’usage ou de par leur nature», au CDD. Ainsi,
par exemple, concernant les entreprises qui produisent des articles d’habillement pour le
compte de donneurs d’ordre étrangers, la question se pose: le recours aux salariés
temporaires, recrutés dans le cadre de l’exécution d’une commande déterminée, doit-il être
classé parmi les catégories de CDD à terme incertain (objectivement temporaires) ou celle
de CDD à terme certain (contrat temporaire par la volonté des parties)? Ni la loi ni les
dispositions conventionnelles spécifiques au secteur TH n’ont donné une réponse à cette
question.

Mais, dans la pratique, on a pu constater que les entreprises de confection concernées


par cette situation utilisent souvent la formule de CDD à terme certain, avec
renouvellement du contrat en cas de besoin. Mais, étant donné la nature de leur activité,
qui est souvent une activité de sous-traitance, marquée par une nette dépendance vis-à-vis
des donneurs d’ordre, elles évitent de titulariser les salariés concernés ayant acquis une
ancienneté de quatre ans, tout en voulant les maintenir dans leurs postes pour pouvoir
bénéficier de leur expérience. Ainsi, plusieurs entreprises sont amenées à recourir à des
formules détournées, qui sont à la frontière du licite et de l’illicite, tel que le recours aux
entreprises de travail temporaire ou intérimaire, en l’absence d’un statut juridique

13
Cette possibilité est sans limite s’agissant des CDD objectivement temporaires, alors que pour
l’autre catégorie de CDD (temporaires par la volonté des parties) la durée totale du contrat ne doit
pas dépasser 4 ans, y copris ses renouvellements.

Externe-2007-04-0157-01.doc 65
réglementant l’activité de ces entreprises 14. Il serait alors souhaitable que la loi intervienne
pour l’introduction d’un statut propre aux entreprises de travail temporaire, permettant de
concilier l’utilité économique et sociale de cette forme d’emploi, tout en réprimant le
marchandage et les prêts illicites de main-d’œuvre.

2.2. La réglementation du licenciement collectif:


un débat ambigu sur la question

La thèse considérant le droit du licenciement rigide est récurrente. Elle revendique


explicitement la flexibilité sans poser, simultanément, le problème de réinsertion
professionnelle des victimes du licenciement et celui de l’absence de transparence sur la
situation économique réelle de l’entreprise au moment du licenciement. Les faits montrent
que de plus en plus les licenciements collectifs échappent au droit en raison d’une forte
proportion de fermeture illégale d’entreprises, d’une part, et le dispositif de réinsertion
professionnelle est inefficace, d’autre part 15.

L’étude de l’UGTT et du BIT 16 formule des propositions qui peuvent contribuer à


construire un droit de licenciement associé à un droit à la réinsertion professionnelle. Sur le
plan institutionnel, les propositions rendent effective la mobilisation collective des
partenaires sociaux et de plusieurs organismes publics et privés autour de cet objectif. Les
propositions de renforcement de la compétence technique des partenaires sociaux pour
piloter le dispositif y occupent une place centrale. Sur un plan technique, les propositions
donnent au dispositif les caractéristiques suivantes:

„ L’action s’inscrit dans la durée de la restructuration économique du secteur TH.

„ Les opérations du dispositif obéissent à un cahier des charges définissant la qualité


des services rendus aux travailleurs licenciés.

„ Ces opérations sont évaluées régulièrement selon les critères du cahier des charges.

„ Le travailleur bénéficiaire du dispositif est incité à adopter un comportement actif


dans le processus de réinsertion professionnelle.

„ La démarche de l’ensemble des propositions peut être adaptée à d’autres secteurs


économiques.

Sur le plan juridique, les objectifs d’une réglementation souhaitée du licenciement


pour motif économique en Tunisie sont:

– la définition sans ambiguïté de la notion de licenciement économique;

– la prévention du licenciement collectif au niveau de l’entreprise et la


responsabilisation de l’employeur dans la recherche de solutions de réinsertion
professionnelle;

14
Au terme de quatre ans, des travailleurs se déplacent vers une autre entreprise appartenant au
même employeur en adoptant le même type de contrat de travail.
15
Voir UGTT-BIT: Le secteur Textile-habillement et le défi de la réinsertion professionnelle des
travailleurs, Tunis, avril 2005.
16
UGTT-BIT (2005), op. cit.

66 Externe-2007-04-0157-01.doc
– le renforcement du rôle du juge;

– la protection sociale des travailleurs licenciés.

La question est alors de construire un compromis juste entre:

– flexibilité de la gestion des ressources humaines par l’entreprise qui doit faire face
aux contraintes d’un marché fortement concurrentiel;

– partage juste du risque de licenciement au lieu de le faire supporter uniquement par


les travailleurs; sachant que les indemnités, quel que soit leur montant, ne suffisent
pas à compenser les conséquences du risque d’exclusion du marché du travail;

– mise en place d’un dispositif d’aide à la réinsertion professionnelle efficace où


l’entreprise y est impliquée.

C’est sur la base de cet ensemble d’éléments que pourrait se construire le droit de
licenciement collectif par le dialogue social.

Il importe de souligner que de nouvelles mesures sont récemment prises par le


Président de la République pour renforcer la protection des travailleurs licenciés suite à la
fermeture subite et illégale de leurs entreprises. Il s’agit des mesures annoncées dans son
discours à l’occasion du 50e anniversaire de l’indépendance, le 20 mars 2006:

Nous avons toujours entouré d’une attention particulière les travailleurs dont les
entreprises sont confrontées à des difficultés économiques ou techniques. Nous avons, dans ce
cadre, ordonné, dés l’année 2001, d’étendre aux travailleurs qui se sont trouvés sans travail à
la suite de fermeture subite et non réglementaire des entreprises qui les emploient la
couverture sociale applicable aux travailleurs licenciés pour des raisons économiques ou
techniques, et cela à travers la prise en charge des indemnités de licenciement et autres
indemnités et droit qui leur sont dus en vertu de la loi, tout en continuant de les faire profiter
de la couverture maladie et des allocations familiales, pendant une année, en plus des
mécanismes de formation et de réinsertion.
Dans le but d’améliorer le système de protection de cette catégorie de travailleurs, nous
ordonnons de porter de six mois à douze mois la durée maximale du bénéfice de l’indemnité
qui leur est servie, et de simplifier les conditions et procédures de son octroi et celles du reste
des mécanismes d’encadrement.

2.3. La réglementation relative à l’organisation du travail

La réforme du Code du travail adoptée en 1996 a permis d’introduire certaines


flexibilités, surtout aux niveaux du régime du temps de travail et du système de
rémunération. Mais la réglementation reste toujours marquée par certaines imperfections
qui limitent l’apport de cette réforme.

2.3.1. Au niveau de la modulation du temps de travail: lacunes


du système tunisien et enseignements du droit comparé

Conformément aux dispositions du Code du travail, depuis sa réforme en 1996, la


durée maximum du travail peut être établie sur une période de temps supérieure à la
semaine, pouvant aller jusqu’à une année 17. La loi semble donc autoriser une modulation
du temps de travail, permettant de faire face aux fluctuations d’activité. Mais elle ne

17
Voir les dispositions de l’article 79 du Code du travail, tel que modifié par la loi du 15 juillet
1996.

Externe-2007-04-0157-01.doc 67
réglemente aucunement la mise en place d’un tel système et ses implications, notamment
aux niveaux du salaire et du statut des travailleurs.

On doit observer d’ailleurs que la réglementation en vigueur concernant le temps de


travail et sa rémunération font actuellement obstacle à la possibilité de mise en œuvre du
système d’annualisation tel qu’il existe dans certains pays étrangers. En effet, pour le
législateur tunisien, il n’est pas question de réduire la durée de travail, par voie
conventionnelle, au-dessous de 40 heures par semaine. Du reste, le calcul des heures
supplémentaires et leur rémunération majorée sont toujours déterminés par référence à la
notion de «durée hebdomadaire normale» qui ne peut être évidemment inférieure à
40 heures.

A titre de comparaison, il est utile de signaler que la technique des horaires annualisés
est de plus en plus adoptée dans les pays européens 18, même si elle trouve une opposition
de la part de certaines organisations syndicales. Cette technique repose sur des régimes
souples permettent de planifier et de calculer le temps de travail (et les salaires) sur une
période supérieure à une semaine et pouvant s’étendre sur une année. Les horaires
annualisés sont souvent conçus par les entreprises comme une opportunité pour accroître la
flexibilité dans la gestion de main-d’œuvre et l’organisation de travail.

L’analyse sommaire du cadre juridique relatif à ce système dans un ensemble de pays


européens (voir en annexe le tableau relatif aux régimes d’annualisation en Europe) permet
de faire les constatations suivantes:

1) Dans la plupart des cas, des amendements législatifs pertinents ont été instaurés vers
le milieu ou la fin des années quatre-vingt-dix, dans le cadre d’une législation
générale sur le temps de travail, comportant des dispositions souples relatives à
l’aménagement de ce temps. Ces amendements sont souvent adoptés en réponse à la
directive de l’UE sur le temps de travail de 1993 (directive no 93/104CE). Cette
directive ne spécifie pas à proprement parler un régime d’annualisation complet ou
bien défini, mais elle prévoit que la durée moyenne de travail pour chaque période de
sept jours ne peut excéder 48 heures, y compris les heures supplémentaires, sur une
période de référence ne dépassant pas quatre mois. Les Etats membres ont la faculté
de la prolonger jusqu’à six mois pour des secteurs ou activités déterminés ou pour des
raison de santé et de sécurité, et de permettre que, pour des raisons objectives,
techniques ou d’organisation du travail, les conventions collectives fixent des
périodes de référence ne dépassant pas douze mois.

2) La plupart des pays concernés ont aujourd’hui un cadre législatif où les limites
journalières et/ou hebdomadaires imposées sur le temps de travail (fixé par voie
légale ou conventionnelle) peuvent être dépassées, dans la mesure où des horaires
normaux sont maintenus en moyenne sur une certaine période de référence. Cette
période est dans beaucoup de pays au maximum d’un an et, dans certains pays, plus
courte, mais le principe de base est le même en ce sens que le temps de travail est
établi en fonction d’un nombre d’heures travaillées au total sur une période de
référence (d’un an ou moins), et non en fonction d’un nombre d’heures donné par
semaine, comme dans les systèmes traditionnels. Il en résulte que le salaire n’est plus
calculé en fonction des heures de travail par semaine mais sur la base d’une
rémunération forfaitaire correspondant à une semaine de travail standard ou une
quantité d’heures fixées sur une période de référence. Les régimes d’horaires
annualisés sont souvent associés à diverses autres formes d’aménagement du temps

18
Voir Observatoire européen des relations industrielles (EIRO): L’annualisation du temps du
travail en Europe.

68 Externe-2007-04-0157-01.doc
de travail, telles que le modèle «à fourchette», les comptes de temps de travail ou les
banques d’heures.

3) L’introduction du système des horaires annualisés se fait généralement dans le cadre


d’un consensus entre les partenaires sociaux pour modifier les normes en vigueur en
matière de temps de travail. A cet effet, la loi accorde un rôle déterminant à la
négociation collective dans la conception et la mise en œuvre des systèmes
d’annualisation. Dans tous les cas, les aménagements liés à ce système ne peuvent pas
être mis en place unilatéralement dans le cadre du pouvoir de direction au sein de
l’entreprise.

4) Dans beaucoup de pays, les régimes d’annualisation convenus collectivement sont


mis en place en définissant les paramètres de base dans des accords sectoriels, alors
que leur application concrète fait l’objet d’accords d’entreprise ou d’établissement,
entre la direction et l’organe syndical ou le comité d’entreprise.

5) Etant donné la grande diversité des expériences et les spécificités de chaque système,
l’impact des horaires annualisés sur la performance des entreprise et les conditions de
travail doit être traité avec prudence. Mais il y a des avantages et des inconvénients
potentiels tant pour les employeurs que pour les salariés, et il ne semble pas approprié
d’adopter une approche idéologique sur ce sujet. La modulation du temps de travail
ne peut se concevoir qu’en termes de compromis entre les intérêts des employeurs et
des salariés. Il va sans dire que, dans leur formule de base visant une répartition plus
souple du temps du travail pour faire face aux fluctuations d’activité, les régimes
d’annualisation présentent des avantages plus tangibles pour les employeurs
(meilleure exploitation des ressources humaines, réduction des heures
supplémentaires, meilleure budgétisation car les coûts sont plus prévisibles, etc.).

Aussi les employeurs sont-il généralement favorables au système des horaires


annualisés, alors que l’attitude des syndicats n’est pas toujours favorable à ce système. En
réalité, pour que les salariés puissent apprécier les avantages potentiels d’un tel système, sa
mise en place doit s’accompagner de certains ajouts, comme l’amélioration du salaire de
base pour compenser la perte du paiement des heures supplémentaires, une réduction
globale du temps de travail, une réduction de l’emploi précaire, etc. En somme, les
systèmes d’annualisation devraient être conçus selon une approche dynamique qui intègre
l’économique et le social et favorise la conciliation entre les exigences de flexibilité et de
sécurité.

2.3.2. Limites liées au régime du travail à temps partiel

La flexibilité introduite par la loi en 1996, concernant le régime du temps de travail,


se manifeste aussi à travers l’institution du système de travail à temps partiel. Ainsi, le
législateur a réglementé, de manière relativement détaillée, cette modalité de travail 19
supposée avoir un effet incitatif en matière d’embauche, notamment pour les secteurs très
féminisés comme celui du textile-habillement.

Deux principes essentiels se dégagent de la réglementation relative au travail à temps


partiel. D’une part, le recours au régime du travail à temps partiel est un choix contractuel
qui suppose toujours l’accord écrit des deux parties. L’employeur n’est donc pas en mesure
d’imposer unilatéralement à un salarié le passage du régime de travail à plein temps à celui
du travail à temps partiel. D’autre part, la loi consacre le principe d’égalité de traitement
des salariés à temps partiel et des salariés à plein temps, sous réserve des dispositions

19
Voir les articles 94-2 à 94-14 du Code du travail.

Externe-2007-04-0157-01.doc 69
particulières relatives au régime du travail à temps partiel, notamment la règle de
proportionnalité en matière de rémunération.

Cependant, le recours au régime du travail à temps partiel est resté dans la pratique
très limité. Cette situation semble s’expliquer, entre autres, par certaines lacunes au niveau
de la loi. En effet, d’une part, le législateur n’a prévu aucune incitation financière pour les
entreprises qui adoptent cette formule. Or l’expérience de plusieurs pays européens montre
que le régime du travail à temps partiel a souvent été accompagné de certaines mesures qui
visent à le rendre économiquement et socialement acceptable en exonérant l’entreprise qui
utilise cette formule, totalement ou partiellement, des charges sociales.

D’autre part, le législateur tunisien n’a pas prévu des garanties ou des mécanismes de
compensation en faveur des salariés disposés à travailler à temps partiel, pour éliminer ou
neutraliser les implications négatives au niveau de leurs droits, particulièrement en matière
de sécurité sociale 20. Toutes ces lacunes ayant marqué le régime du travail à temps partiel
expliquent pourquoi le recours à ce régime est toujours limité dans la pratique, et son
impact positif sur la politique de l’emploi, comme instrument de partage du travail, n’est
pas très développé.

2.4. La réglementation relative au système


de rémunération

En Tunisie, les salaires dans le secteur privé sont déterminés principalement par voie
de négociation collective, les autorités publiques se contentant de fixer par décrets les
salaires minimums. Les négociations salariales, qui se déroulent en pratique tous les trois
ans, sont devenues d’ailleurs un élément constant dans le système des relations
professionnelles, même s’il n’existe pas encore un cadre juridique réglementant la
procédure de déroulement de ces négociations et leur périodicité.

Mais le système de rémunération régi par les conventions collectives présente


plusieurs lacunes susceptibles d’avoir un impact négatif sur la motivation des travailleurs
et la compétitivité de l’entreprise. Ces lacunes du système découlent d’abord de la
centralisation excessive des négociations collectives et se traduisant par des augmentations
généralisées et uniformisées des salaires, avec un esprit «égalitariste» peu motivant.
L’uniformité des augmentations salariales a constitué, en effet, un facteur de
découragement de l’effort et de la mobilité externe de la force de travail. En plus, ce
système a abouti à un fort tassement des rémunérations, voire à un écrasement excessif de
la pyramide des salaires, rendant parfois caduques les classifications professionnelles du
personnel 21, et ce au détriment des salariés qualifiés et des cadres de maîtrise.

Les lacunes du système se manifestent ensuite au niveau de la structure même des


salaires qui se caractérise par la place extrêmement réduite accordée aux primes incitatrices
à la production et à l’amélioration du rendement. Même les primes supposées récompenser
le rendement sont devenues, dans la pratique, des éléments accessoires du salaire accordés
presque systématiquement. C’est le cas de la prime dite «de rendement et de fin d’année»,
prévue par les deux conventions collectives du secteur TH. Cette prime, censée être
incitatrice à la production, est octroyée en fonction d’une note professionnelle annuelle
calculée selon certains critères très vagues (rendement, valeur professionnelle, assiduité et

20
Voir L. Bensalem: Le travail à temps partiel: instrument de promotion ou de précarisation de
l’emploi?, Revue Travail et développement, nos 18-19, 2000, p.159.
21
Voir H. Dimassi: «Réflexions sur le système de rémunération conventionnel en Tunisie»,
L’entreprise et l’environnement social, Institut arabe des chefs d’entreprise, Sousse, 1990, p. 131.

70 Externe-2007-04-0157-01.doc
comportement). En réalité, tout salarié, quel que soit son rendement, peut bénéficier de
cette prime, du moins partiellement, même s’il obtient une faible note professionnelle. En
effet, les salariés ayant une note professionnelle égale ou inférieure à 10 sur 20 ont le droit
de percevoir le minimum de la prime à allouer, soit le tiers. Ainsi, la prime de rendement a
perdu beaucoup de son caractère incitatif.

Une autre prime dite d’«encouragement à l’assiduité» fut instituée depuis 1983 par le
système conventionnel. Mais elle a aussi servi presque systématiquement en tant que
complément de salaire et a perdu alors, en grande partie, son caractère incitatif. Certes,
depuis 1990, les dispositions conventionnelles prévoient que cette prime n’est pas servie au
travailleur qui s’absente plus d’une fois par mois, sans motif légalement valable. Mais il
est difficile d’appliquer ces dispositions en l’absence d’un système de contrôle détectant
les absences injustifiées, surtout lorsqu’il s’agit d’absences de courte durée couvertes par
des raisons de santé. D’ailleurs, il n’est pas étonnant de constater que, dans le secteur TH,
le problème le plus évoqué par les chefs d’entreprise est celui de l’absentéisme, suivi des
problèmes de retard et d’insuffisance d’efforts 22.

Enfin, depuis la réforme du Code du travail en 1996, la loi a voulu introduire une
certaine mobilité salariale en fonction de l’effort et du rendement de chaque travailleur.
Ainsi, elle a autorisé qu’une partie du salaire soit fixée sur la base de la productivité, en
vertu d’accords conclus au niveau de l’entreprise entre l’employeur et les représentants des
travailleurs. Ces accords doivent comprendre notamment «les normes adoptées pour
l’amélioration du rendement et les mesures susceptibles d’accroître la production et
d’améliorer sa qualité» (art. 134-3 du Code du travail). Or, jusqu’à nos jours, le problème
de fixation des normes de production reste entièrement posé dans la grande majorité des
secteurs, y compris celui du Textile-habillement où les négociations collectives menées au
niveau de la branche n’ont pas pu apporter une solution à ce problème. D’ailleurs, n’est-il
pas paradoxal de vouloir établir des normes de production uniformes pour toute une
branche d’activité, alors que celle-ci est composées d’entreprises hétérogènes quant à leur
capacité de production, leur niveau technologique, leurs taux d’encadrement, leur
organisation, etc.?

Ce paradoxe explique en grande partie la difficulté pour les partenaires sociaux


d’établir au niveau sectoriel des normes de production; ce qui les a amenés à modifier à
deux reprises, en 1990 et 1996, les dispositions conventionnelles relatives à ce sujet.
Actuellement, ces dispositions prévoient que les normes de production doivent être
normalement déterminées au niveau de l’entreprise par une commission technique paritaire
et qu’en cas de désaccord le litige doit être porté devant une autre commission technique
composée de trois experts représentant le ministère chargé des affaires sociales, l’UTICA
et l’UGTT. Mais, à notre connaissance, la mise en œuvre de cette procédure de fixation des
normes de production fait encore défaut dans la grande majorité des entreprises du secteur
TH, ce qui traduit aussi les difficultés du système de dialogue entre l’employeur et les
représentants des salariés.

2.5. Le système de dialogue social

Le système de négociation collective en Tunisie souffre encore de quelques lacunes


qui limitent cette fonction de régulation. Ces lacunes se traduisent essentiellement par:

„ Une centralisation excessive du système de négociation et sa méconnaissance des


possibilités réelles des entreprises. Cette caractéristique peut s’expliquer, entre

22
En effet, les chefs d’entreprise évaluent l’absentéisme à 25 pour cent en moyenne, ce qui est un
taux très élevé (enquête BIT, juin 1998), voir Riad Meddeb, étude précédente.

Externe-2007-04-0157-01.doc 71
autres, par l’attitude des centrales syndicales ouvrières et patronales qui semblent
privilégier la négociation de branche, par souci de sauvegarder leur pouvoir normatif
et de bien contrôler le processus des négociations. Juridiquement, elle s’explique
surtout par la place subsidiaire qu’occupe la convention d’entreprise par rapport à la
convention collective de branche. En effet, la conclusion d’une convention
d’entreprise est conditionnée par l’existence d’une convention sectorielle agréée par
le ministre chargé des affaires sociales. En l’absence de cette condition, l’élaboration
d’une convention d’entreprise nécessite une dérogation spéciale accordée par arrêté
du ministre des Affaires sociales. En plus, le contenu de la convention d’entreprise
reste largement conditionné par celui de la convention sectorielle. La convention
d’entreprise, étant hiérarchiquement subordonnée à celle-ci, aura pour objet d’adapter
ses clauses aux conditions particulières de l’entreprise.

„ La prééminence de l’autorité étatique exerçant un rôle déterminant dans tout le


processus de la négociation. En effet, l’autorité étatique dispose d’un large pouvoir
d’orienter indirectement la négociation, surtout que la loi donne au ministre des
Affaires sociales la possibilité de ne pas agréer la convention ou de retirer l’agrément
qu’il a donné à une convention, ce qui prive celle-ci de tout effet juridique. Même si
cette prérogative n’a pas été exercée en pratique, elle nous donne une idée sur le
pouvoir d’influence indirecte très important détenu par l’autorité publique dans ce
domaine.

„ L’absence d’un cadre juridique adéquat réglementant le processus de la négociation.


En effet, il n’existe pas en droit tunisien des dispositions procédurales définissant la
périodicité des négociations, leurs différentes étapes, les obligations des parties, etc.
La loi semble s’intéresser plus au produit des négociations (la convention collective),
qu’à la négociation elle-même.

Toutes ces lacunes du système de négociation collective en Tunisie justifient à notre


avis l’introduction d’une réforme en la matière en vue de redynamiser ce système en tenant
compte des nouvelles exigences socio-économiques. Une telle réforme devrait notamment
aboutir à mettre fin à la centralisation trop poussée des négociations et à éviter la forte
prééminence des pouvoirs publics dans ce domaine. Elle devrait aussi permettre de
diversifier les niveaux de négociation, en assurant une articulation adéquate entre ces
différents niveaux. Il convient surtout de réhabiliter l’entreprise comme lieu de négociation
pour permettre l’adaptation du droit conventionnel aux réalités économiques et sociales et
aux spécificités de chaque entreprise. Enfin, la réforme du système de négociation
collective devrait conduire à la mise en place d’un cadre juridique adéquat, organisant avec
précision le processus des négociations dans leurs différentes étapes et prévoyant les
mécanismes permettant de lever les difficultés entravant leur déroulement normal.

2.6. Le système de représentation des travailleurs


dans l’entreprise: comment développer le rôle
du ministère et celui des partenaires sociaux
dans la promotion du dialogue social?

L’efficacité du système de représentation non syndicale semble être très limitée à


cause, notamment, de l’insuffisance des moyens d’action dont dispose la Commission
consultative d’entreprise. Ainsi, la loi a gardé le silence sur certains moyens qui sont
pourtant indispensables à l’exercice des attributions de la commission, tels que le local de
réunion, le budget réservé aux œuvres sociales, les moyens d’information et de
communication, etc. Du reste, la commission n’a pas la personnalité juridique et demeure
ainsi en grande dépendance vis-à-vis du chef d’entreprise. Tout cela explique que le
syndicat et une grande partie des salariés observent une attitude marquée par l’hostilité ou
la réticence vis-à-vis de cette commission qui est souvent considérée comme une structure

72 Externe-2007-04-0157-01.doc
exclusivement disciplinaire, intervenant seulement pour légitimer l’autorité patronale dans
l’entreprise.

Tout en consacrant un chapitre à la représentation du personnel, le Code du travail


garde le silence sur la présence de l’organe syndical ou des délégués syndicaux dans
l’entreprise. Nous savons, pourtant, que le législateur consacre le principe de la liberté
syndicale et accorde aux syndicats des prérogatives très larges en dehors de l’entreprise,
notamment en matière de conflits collectifs et de négociation collective.

Les conventions collectives ont atténué ce vide juridique. Ainsi, dans le secteur TH,
comme ailleurs, les dispositions conventionnelles ont introduit l’ébauche d’un statut du
syndicat au sein de l’entreprise, en imposant à l’employeur de reconnaître l’organisation
syndicale représentée par ses délégués et de recevoir ces derniers une fois par mois et
toutes les fois qu’il y a urgence.

Cette reconnaissance de l’organe syndical comme interlocuteur privilégié de


l’employeur est complétée par l’institution d’un ensemble de moyens d’action en faveur du
syndicat et des délégués syndicaux: tableaux d’affichage, crédit d’heures de fonction,
possibilité de tenir des réunions syndicales dans l’entreprise après accord de l’employeur,
etc.

Mais l’apport des conventions collectives dans ce domaine reste généralement


insuffisant. D’une part, les moyens d’action attribués aux structures syndicales dans
l’entreprise sont encore limités et dépendent souvent du bon vouloir du chef d’entreprise.
D’autre part, le droit conventionnel n’assure pas aux délégués syndicaux une protection
efficace contre les agissements patronaux susceptibles de porter atteinte au principe de la
liberté syndicale.

Tout cela ne favorise pas l’instauration d’un climat de confiance qui est absolument
nécessaire pour concrétiser l’idée de dialogue social dans l’entreprise. En partant des
acquis de l’expérience tunisienne dans ce domaine et à la lumière des enseignements tirés
des expériences étrangères, il est vivement souhaitable de réhabiliter les institutions du
dialogue social, ce qui exige au préalable d’établir un bilan à la fois objectif et approfondi
du système des relations professionnelles dans l’entreprise. Cette démarche devrait tendre
vers l’émergence d’un consensus entre les partenaires sociaux; un nouveau pacte social
tenant compte des exigences de la compétitivité socio-économiques, permettant d’inscrire
les relations professionnelles dans un projet à la fois souple et dynamique, ouvrant de
nouvelles perspectives pour l’entreprise et les salariés.

A l’évidence, la tâche n’est pas facile. Comme tout projet d’avenir, celui de la
réhabilitation du dialogue social doit s’inscrire dans le cadre d’une approche durable qui
devrait conduire au préalable à une transformation des mentalités et à un ajustement des
comportements de tous les partenaires sociaux.

Cela touche d’abord la politique de régulation de l’Etat. A cet égard, une intervention
du législateur est vivement souhaitable pour mettre fin aux lacunes qui marquent
actuellement le dispositif juridique relatif au système du dialogue social dans l’entreprise.
Cette réforme devrait aboutir à activer le fonctionnement des structures de représentation
du personnel dans l’entreprise et leur donner plus d’autonomie et d’efficacité. Dans le
même cadre, il convient d’encadrer légalement la présence syndicale dans l’entreprise, tout
en assurant une meilleure articulation entre les structures de représentation syndicale et
non syndicale.

Le discours du Président de la République à l’occasion du 50e anniversaire de


l’indépendance, le 20 mars 2006, renforce le droit syndical et la promotion du dialogue

Externe-2007-04-0157-01.doc 73
social en ordonnant «de ratifier la convention internationale du travail no 135, concernant
la protection des représentants des travailleurs dans les entreprises» 23.

2.6.1. Comment développer le rôle du ministère


dans l’animation du dialogue social au quotidien?

La présence des structures de dialogue dans toutes les régions du pays exige que
l’action d’animation du dialogue soit une action de proximité, et son caractère
pédagogique (c’est-à-dire aider les acteurs à dialoguer) exige le recours à un personnel
disponible et compétent. De ce point de vue, les mesures suivantes pourraient contribuer à
développer le rôle du ministère dans la promotion du dialogue social au niveau de
l’entreprise au cours de la période du 11e plan:

„ Créer des unités régionales de promotion du dialogue social pour que cette action
soit spécialisée et de proximité par rapport à la distribution géographique des
structures de dialogue (voir graphique plus haut).

„ Donner au personnel une formation adaptée à sa mission de promotion du dialogue


social dans les régions.

„ Mettre à la disposition du personnel les outils nécessaires pour l’exercice de leur


mission d’animateur du dialogue social.

2.6.2. Comment développer la contribution de la direction


générale du travail à la promotion du dialogue social?

Dans les faits, nous observons aujourd’hui que le dialogue ne se déroule pas
seulement au niveau national et au niveau de la branche, mais il se déroule aussi au
quotidien et au niveau microéconomique. En effet, plusieurs accords sur des sujets
différents sont obtenus par le dialogue entre employeurs et salariés. Compte tenu de cette
évolution dictée par le nouveau contexte d’ouverture de l’économie tunisienne à
l’économie mondiale, faut-il décentraliser la négociation?

C’est à tous les niveaux qu’il faut consolider le dialogue social, mais il convient alors
de définir la spécificité de chaque niveau de négociation et sa complémentarité avec les
autres niveaux. C’est un sujet de réflexion à conduire d’abord dans la sérénité et d’une
manière scientifique puis soumettre les résultats obtenus à la discussion des partenaires
sociaux.

Dans le cadre de cette réflexion, il est utile d’exploiter le gisement des accords
obtenus par le dialogue au niveau de l’entreprise. On peut, par exemple, identifier les
dénominateurs communs à ces accords et évaluer leur pertinence pour devenir un champ
de convergence aux niveaux de la branche, d’une part, et de leur impact macroéconomique
et social, d’autre part. Les résultats de cette réflexion devraient aider à définir
progressivement la complémentarité entre les différents niveaux de promotion du dialogue
social au cours de la période du 11e plan.

C’est bien le rôle de la direction générale du travail d’animer cette réflexion.

Ce rôle animateur de la réflexion des partenaires sociaux sur un sujet est engagé
aujourd’hui autour de certains thèmes choisis par les partenaires: «annualisation du temps
de travail» pour la branche Textile-habillement, «la classification professionnelle en

23
Voir en annexe le texte de la convention.

74 Externe-2007-04-0157-01.doc
fonction des compétences» pour l’industrie électronique et «les normes de production»
pour la branche Bâtiment. C’est une opportunité pour rénover les méthodes de travail du
dialogue social et favoriser ainsi sa promotion dans toutes les branches économiques.

Dans ce domaine comme dans d’autres, la coopération technique internationale du


ministère pourrait contribuer à mobiliser l’expertise nationale et internationale pour
analyser les problèmes et trouver les solutions qui conviennent aux partenaires sociaux.
L’expertise doit aborder d’une manière pluridisciplinaire les différents sujets car la réalité
a plusieurs dimensions, notamment économique, psychosociologique et juridique.

La mobilisation de l’expertise permettra à la direction générale de développer les


compétences de ses cadres pour assurer le pilotage de l’animation technique du dialogue et
le renforcement des compétences des partenaires sociaux à dialoguer sans préjugés sur des
sujets complexes.

2.6.3. Quelle est la contribution des partenaires sociaux


à la promotion du dialogue social?

De leur côté, les organisations professionnelles patronales et ouvrières devraient se


restructurer pour s’adapter aux mutations socio-économiques et pouvoir participer
activement à ce projet de réhabilitation de la vie sociale au sein de l’entreprise. Elles sont
appelées ainsi à décentraliser leurs activités et leurs programmes d’action pour favoriser
l’émergence d’un nouveau dialogue social qu’il faudrait instituer à la base. Elles sont aussi
invitées à développer leurs actions de formation pour renforcer la capacité de leurs cadres à
engager un dialogue fructueux. Il est évidemment nécessaire aussi d’impliquer les
travailleurs dans ce processus en vue d’approfondir leur sentiment d’appartenance et
d’attachement à l’entreprise.

L’entreprise n’est pas seulement une unité de production. Elle est aussi une
communauté d’êtres humains. Son capital le plus précieux c’est son capital humain. Aussi,
une entreprise qui réussit est une entreprise où ses membres sont épanouis, exerçant leurs
tâches avec motivation et ambition, tout en étant sensibilisés aux défis et aux projets
d’avenir de l’entreprise. Il appartient aux chefs d’entreprise d’inscrire leur comportement
dans cette démarche dynamique, agissant dans un esprit de rassembler les hommes, de leur
assurer les meilleures conditions pour réaliser leurs performances et de porter toujours plus
haut leur ambition.

Réhabiliter l’entreprise, lui permettre de prospérer et développer sa compétitivité


socio-économique, est la responsabilité de tous les acteurs sociaux. Elle ne peut être
efficacement assumée que sur la base d’un nouveau compromis fondé sur l’idée que, si les
hommes sont une ressource pour l’entreprise, l’entreprise doit aussi être une ressource pour
les hommes.

3. Situation des relations de travail dans le secteur TH

La dynamique de la répartition marquée par la baisse de la part relative des salaires


révèle un déficit du travail décent dans le secteur TH. Selon l’OIT, le travail décent
regroupe divers éléments: possibilité d’exercer un travail productif et convenablement
rémunéré; sécurité au travail et protection sociale pour les familles; amélioration des
perspectives de développement personnel et d’intégration sociale; liberté pour les êtres
humains d’exprimer leurs préoccupations, de s’organiser et de participer à la prise des
décisions qui influent sur leur vie; égalité de chances et de traitement pour l’ensemble des
femmes et des hommes.

Externe-2007-04-0157-01.doc 75
Le travail décent joue un rôle fondamental dans les efforts tendant à lutter contre la
pauvreté et constitue un moyen de réaliser un développement durable fondé sur l’équité et
l’inclusion. L’OIT œuvre à la promotion du travail décent dans le cadre de ses activités
relatives à l’emploi, à la protection sociale, aux normes et aux principes et droits
fondamentaux au travail et au dialogue social.

Nous avons déjà montré plus haut que les salariés du secteur TH ont vu leur part dans
la valeur ajoutée diminuer de 4 pour cent durant la période 1997-2001. Dans cette section,
nous proposons de montrer que le modèle de compétitivité du secteur TH est
structurellement caractérisé par des relations de travail conflictuelles et une faible
protection de la sécurité et de la santé au travail.

3.1. Le modèle de compétitivité du secteur est particulièrement


associé à des relations de travail conflictuelles,
mais des améliorations se sont produites depuis 2004

Le modèle de compétitivité du secteur TH est marqué par une forte fréquence du


conflit du travail. Entre 1998 et 2003, la part des grèves dans le secteur se situe autour
d’une moyenne de 40 pour cent de l’effectif total des grèves, tous secteurs confondus.
Mais une amélioration nette s’est produite en 2005, dans la mesure où cette part est
devenue 25 pour cent, ceci est probablement l’effet très récent de la mise à niveau
économique du secteur, introduisant un modèle de compétitivité plus ouvert au dialogue
social.

Les problèmes liés au salaire est la cause principale des conflits, mais sa part tend à
baisser, passant en effet de 58 à 47,5 pour cent entre 2003 et 2005. Les mauvaises
conditions de travail occupent la seconde position dans l’explication des conflits et la
solidarité syndicale occupe la quatrième position (voir tableau 54). Dans ce contexte des
relations de travail, le dialogue social est alors difficile à instaurer.

Tableau 54. Distribution des grèves selon leurs causes (en pourcentage)

2003 2004 2005


Problèmes liés au salaire et les indemnités 58,2 52,5 47,5
Revendication d’amélioration des conditions de travail 19,0 27,5 26,4
Solidarité syndicale 15,4 9,5 12,0
Revendication d’une amélioration des relations de travail 3,3 9,1 7,7
Autres causes 4,4 1,4 6,4
Total 100,0 100,0 100,0
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, rapport annuel de la direction générale de
l’inspection du travail et de la conciliation, situation de l’année 2004 comparée à celle de 2003.

76 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 8. Part sectorielle des grèves (en pourcentage du total général des grèves)

60

50 51,7
44,2
40 41,5 39,4
33,7 35,5
30 36
25,8
20

10

0
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Source: UGTT-BIT(2005).

3.2. Difficulté pour l’inspection du travail d’assurer sa mission


de conciliation dans le contexte d’un modèle de compétitivité
fondé principalement sur la baisse du coût des facteurs

En dépit du caractère conflictuel du modèle de compétitivité du secteur, un effort de


conciliation est effectué par l’inspection du travail pour rétablir le dialogue entre
employeurs et travailleurs. Cet effort débouche sur des solutions qui ont évité le
déclenchement de certaines grèves dites légales; c’est-à-dire précédées d’un avis de grève.
Dans ce cas seulement, les inspecteurs et les autorités locales ont eu le temps d’intervenir
pour éviter une grève, mais cette situation est relativement rare car le secteur se caractérise
par un taux élevé de grèves illégales: 88,7 pour cent en 2004 et 90,5 pour cent en 2003.

Tableau 55. Indicateurs sur les mouvements de grève et l’impact de la conciliation et du dialogue social
dans le secteur TH

2003 2004
1) Nombre total de grèves 138 141
2) Nombre de grèves illégales 125 125
3) Nombre d’entreprises concernées par les grèves 88 92
4) Nombre total des salariés des entreprises 20 302 20 988
5) Nombre des salariés en grève 14 708 15 732
6) Taux moyen de grèves illégales (2/1) (en %) 90,5 88,7
7) Taux moyen de participation des salariés à la grève (5/4) (en %) 72,4 75,0
8) Taille moyenne d’une entreprise concernée par les grèves (4/3) 231 228
9) Nombre d’avis de grève 50 66
10) Nombre de grèves légales 13 16
11) Nombre de grèves évitées (9 – 10) 37 50
12) Taux moyen de grèves évitées par la conciliation et le dialogue social (11/9)
(en %) 74,0 76,0
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, rapport annuel de la direction générale de
l’inspection du travail et de la conciliation, situation de l’année 2004 comparée à celle de 2003. Calcul des indicateurs par les
auteurs.

Dans le cas particulier où les conflits de travail sont précédés d’un avis de grève, la
conciliation de l’inspection du travail est efficace. En effet, le nombre de grèves évitées par

Externe-2007-04-0157-01.doc 77
la conciliation et le dialogue atteint 74 pour cent en 2003 et 76 pour cent en 2004 (voir
tableau ci-dessous).

Il importe de constater que les entreprises du secteur TH concernées par les grèves
ont une taille moyenne de 231 salariés en 2003 et de 228 en 2004. Par conséquent, les
statistiques de l’administration du travail ne saisissent pas ce qui se passe dans les petites
entreprises. Celles-ci doivent être concernées par les conflits de travail car leur modèle de
compétitivité n’est pas différent des entreprises de taille supérieure. Probablement, les
conflits de travail ne sont pas portés systématiquement à la connaissance de l’inspection du
travail en raison de la faible couverture syndicale, le comportement des salariés marqué par
leur méconnaissance du droit du travail ou l’absence de confiance dans l’intervention de
l’administration du travail.

Trois conditions sont à satisfaire pour que les inspecteurs puissent exercer
efficacement leurs missions de promotion du dialogue social dans le secteur TH comme
ailleurs:

1) le secteur TH doit changer de modèle de compétitivité;

2) la politique du travail doit promouvoir le dialogue social permanent 24;

3) les compétences des inspecteurs doivent être renforcées, leur effectif doit augmenter
dans les unités régionales de promotion du dialogue social et les moyens
d’intervention devraient être renforcés pour assurer efficacement leur mission de
proximité dans les bassins d’emplois régionaux.

3.3. Le phénomène de licenciement collectif du secteur


Textile-habillement échappe au droit du licenciement
collectif

Dans les faits, une part importante du licenciement dans le secteur TH n’est pas
protégée par le dispositif prévu par le Code du travail. En 2005, 89 pour cent des
licenciements collectifs ont échappé au droit car ils ont eu lieu en dehors de la Commission
de contrôle des licenciements (CCL). Il s’agit souvent de fermetures subites d’entreprises.

Tableau 55 bis. Effectif des travailleurs du secteur Textile-habillement licenciés en 2003 et 2005

Cadre du licenciement collectif 2003 2005


Effectif % Effectif %
1. Au sein de la CCL 648 14 417 11
2. En dehors de la CCL 4 009 86 3 286 89
Total 4 657 100 3 703 100
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Travailleurs tunisiens à l’étranger, direction générale de l’inspection
du travail et de conciliation.

24
Cette question est développée dans la troisième partie de ce rapport.

78 Externe-2007-04-0157-01.doc
3.4. Les accidents de travail et les maladies
professionnelles handicapent la compétitivité
socio-économique du secteur TH

La Tunisie a mis en œuvre une politique de développement de la sécurité et la santé


au travail. Des mesures sont prises pour encourager les entreprises à investir dans ce
domaine. La Caisse nationale de la sécurité sociale octroie des crédits et des subventions
pour financer des projets dans les domaines de la sécurité et la santé au travail. Les crédits
et les subventions couvrent respectivement 70 et 20 pour cent du coût du projet, sur la base
d’un plafond égal à 300 000 dinars (environ 231 000 dollars E.-U.). La période de
remboursement des crédits est de dix ans, avec une période de trois ans de grâce et un taux
d’intérêt de 6 pour cent. Un institut public spécialisé dans le domaine est créé pour offrir
ses services de conseil aux entreprises.

Une direction de l’Inspection médicale et de la sécurité au travail est créée au


ministère des Affaires sociales, de Solidarité et des Tunisiens à l’étranger au début des
années quatre-vingt-dix 25. Elle doit:

– promouvoir la santé et la sécurité au travail;

– élaborer une stratégie de prévention du risque professionnel et d’amélioration des


conditions du travail;

– instaurer une législation avant-gardiste en matière de santé et de sécurité au travail;

– participer à la mise en place d’un observatoire national du risque professionnel.

Cette direction dispose de 20 inspections médicales régionales du travail couvrant tout le


territoire du pays. Toutefois, son personnel a besoin d’être renforcé pour assurer, dans les
meilleures conditions, ses nombreuses missions de promotion de la santé et de la sécurité
au travail.

L’ensemble des mesures prises dans ce domaine n’ont pas encore un écho favorable
dans le secteur TH car ce dernier accapare la part la plus importante des maladies
professionnelles: 29,7 pour cent, 29,3 pour cent et 31,7 pour cent, respectivement en 2003,
2004 et 2005. Par ailleurs, en termes d’accidents de travail et de journées de repos, les
indicateurs du secteur sont à la hausse entre 2003 et 2005. De ce fait, le coût des mauvaises
conditions de travail est croissant, ce qui risque alors de réduire la compétitivité
économique et sociale du secteur 26.

25
Décret no 559 du 30 mars 1990.
26
La mesure précise du coût des conditions de travail et de son impact sur la compétitivité du
secteur doit faire l’objet d’une étude particulière.

Externe-2007-04-0157-01.doc 79
Tableau 56. Comparaison des conditions de travail de la branche Textile-habillement
par rapport à l’ensemble des branches

2003 2004 2005


1. Evolution des accidents de travail
Nombre total des accidents de travail de la branche Textile-habillement 6 059,00 6 388,00 6 435,00
En pourcentage du total des accidents toutes branches confondues 13,13 13,50 14,30
Indice de fréquence des accidents de la branche Textile-habillement
pour 1 000 travailleurs 24,50 24,90 28,40
Indice de fréquence des accidents toutes branches confondues
pour 1 000 travailleurs 40,50 36,80 33,30

2. Evolution des journées de repos


Journées de repos de la branche Textile-habillement 120 461,00 119 281,00 141 620,00
En pourcentage du total des journées de repos toutes branches
confondues 11,26 11,40 12,70
Durée moyenne de repos par accident de la branche (jours) 21,60 19,00 22,50
Durée moyenne de repos par accident toutes branches confondues
(jours) 24,00 22,80 25,30

3. Evolution des maladies professionnelles


Total des maladies professionnelles de la branche 148,00 177,00 187,00
En pourcentage du total des maladies professionnelles toutes branches
confondues 29,70 29,30 31,70
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, Direction générale de la sécurité sociale.

Graphique 9. Répartition des maladies professionnelles (2003, 2004, 2005)

Autres secteurs 99

Industries mécanique et métallique 76

Textile-habillement 187

Papier et impression 9

Industries matériaux de construction 29

Industries électriques 7

Industrie chimique et plastique 35 2003 2004 2005

Industrie du cuir 22

Commerce, transport et services 32

Carrières 16

Bâtiment et travaux publics 18

Industrie bois et meuble 10

Industrie agroalimentaire et boissons 44

Agricultue et pêche 5

0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger.

80 Externe-2007-04-0157-01.doc
Chapitre 3. Impact du démantèlement
des accords multifibres

1. Des indicateurs d’essoufflement du secteur

Après une période de forte croissance entre 1997 et 2001, la production du secteur TH
connaît en termes réels une quasi-stagnation entre 2001 et 2003 (environ 1 pour cent). Les
investissements ont subi une chute en 2002, après une croissance régulière entre 1997 et
2001. Durant les cinq premiers mois de 2005, l’indice de production indique une baisse de
5,7 pour cent, contre 1,7 pour cent en 2004 1.

Graphique 10. Evolution des investissements en millions de dinars tunisiens (MDT)

250

200

150

100

50

0
1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

Source: FENATEX-UTICA.

La progression des exportations des dernières années ne reflète pas une amélioration
des positions concurrentielles, dans la mesure où elle découle essentiellement d’un effet de
change 2 . Evaluées en euros, les exportations tunisiennes ont chuté de 1,3 pour cent et
2,9 pour cent, respectivement en 2002 et 2003. Selon la Fédération nationale du textile et
de l’habillement (FENATEX), «la baisse notable de la croissance des exportations
tunisiennes n’est pas le seul résultat de la récession économique qu’ont connue les pays de
l’Union européenne, mais plutôt le signe avant-coureur d’une montée en puissance de
certains pays fournisseurs des pays de l’UE, en particulier la Chine» 3.

1
Ministère du Développement et de la Coopération, rapport annuel sur le développement en 2005,
résumé en arabe, juillet 2004.
2
FENATEX-UTICA, op. cit., p. 7.
3
FENATEX-UTICA, op. cit., p. 9.

Externe-2007-04-0157-01.doc 81
2. Le segment exportateur résiste à la crise

Les données de la balance commerciale du secteur TH révèlent aussi que ce secteur


résiste à la crise économique au cours des huit premiers mois de 2005, par référence à la
même période de 2004. La balance commerciale dégage en effet un excédent de
1 096 MDT en 2005, contre 1 080 MDT en 2004, soit une quasi-stagnation des recettes en
devises du secteur sur cette période de référence.

Tableau 57 bis. Balance (en MDT)

8 mois 2004 8 mois 2005 Variation


(en %)
Exportations (1) 3 017 3 057 1,93
Importations (2) 1 936 1 961 1,33
Balance 1 080 1 096
Taux de couverture (1/2) (en %) 156 156
Source: CETTEX.

En comparant les huit premiers mois de 2004 et de 2005, trois marchés de taille
inégale ont enregistré une régression également inégale: l’exportation a baissé de 3 pour
cent au niveau du marché français, de 16 et 8 pour cent respectivement aux niveaux des
Etats-Unis et des Pays-Bas, dont le marché est de taille nettement inférieure au marché
français.

Tableau 58. Comparaison sur la valeur des exportations réalisées au cours des huit premiers mois
de 2005 par rapport à la même période de 2004 (en pourcentage)

Evolution 2004-05 en valeur


Marchés en progression
France –3
Etats-Unis –16
Pays-Bas –8

Marchés en régression
Italie 5
Allemagne 2
Belgique 4
Royaume-Uni 11
Espagne 8
Suède 32
Source: CETTEX.

La part de marché de la Tunisie dans les importations d’habillement de l’Union


européenne reste entre 5 et 6 pour cent durant la période 1998-2005 4 . La décision du
Conseil d’association UE-Tunisie, du 14 juillet 2005, relative au cumul d’origine autorise

4
Voir P. Morand: La zone Euromed à la veille du démantèlement des quotas, conférence à la
rencontre franco-tunisienne des partenaires sociaux, Lille, juillet 2004.

82 Externe-2007-04-0157-01.doc
les confectionneurs tunisiens à utiliser les tissus turcs pour la fabrication de certains
produits et à les exporter vers l’UE. C’est une autorisation provisoire d’une année qui
permet à l’industrie tunisienne de continuer à résister à la concurrence asiatique en
exportant à droits nuls. Un nouveau protocole d’accord est en cours de préparation pour
instituer le «cumul diagonal Euromed».

Si l’on fait l’hypothèse que les entreprises totalement exportatrices résistent à la


concurrence beaucoup mieux que celles qui ne le sont pas, cela expliquerait le faible
impact de la crise sur l’exportation tunisienne, puisque environ 80 pour cent des
entreprises du secteur TH, de taille supérieure à dix emplois, sont totalement exportatrices
(voir graphique 13). Il importe de souligner que ces entreprises bénéficient de l’appui
considérable de la politique de promotion de l’exportation 5.

Graphique 11. Part de marché de la Tunisie dans les importations d’habillement de l’UE en valeur

6,50%

6,00%

5,50%

5,00%

4,50%

4,00%

3,50%

3,00%
1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005

Source: Pascal Morand, IFM.

3. L’effet de la crise diffère selon le groupe


de produits exportés

Les sept groupes de produits du tableau ci-dessous représentent 71 pour cent des
exportations des vêtements et 64 pour cent des exportations du secteur. La lingerie, les
pantalons de ville et les tee-shirts ont subi fortement les effets de la crise durant la période
de janvier à août 2005. Toutefois, la montée en gamme pour certains produits a atténué
l’effet de la crise sur les exportations, comme le révèle, en partie, l’écart entre l’évolution
en volume et en valeur.

5
Le Centre de promotion de l’exportation (CEPEX) joue un rôle important dans la mise en œuvre
de cette politique.

Externe-2007-04-0157-01.doc 83
Tableau 59 bis. Evolution des exportations des principaux produits durant la période janvier-août
en 2004 et 2005

Evolution en pourcentage 2004-05


Valeur Valeur Volume
(en MDT) (en M. d’euros) (en M. p.)
Pantalons jeans 12,3 8,6 –7,0
Vêtements de travail –0,8 –4,1 –10,2
Lingerie –10,3 –13,2 –23,9
Pantalons de ville –1,7 –5,0 –16,2
Tee-shirts & maillots de corps –3,5 –6,7 –16,1
Pull-over, sous-pulls & gilets –0,8 –4,1 –14,0
Chemises & chemisiers –1,1 –4,4 –4,4
Source: CETTEX.

4. Fragilité du segment non exportateur

La crise économique a anticipé l’événement «démantèlement des accords


multifibres», ce qui se traduit par un effet négatif sur le segment des entreprises non
exportatrices. La création nette d’emplois entre 1997 et 2001 atteint 4 000, contre 6 000 au
cours de la période 1994-1997.

Tableau 60. Création nette d’emplois en milliers par an (1989-2001)

1989-1994 1994-1997 1997-2001


Industrie manufacturière 15 17 16
dont Textile-habillement 10 6 4
Source: Estimation de la Banque mondiale, sur la base des enquêtes sur l’emploi de l’INS, Stratégie de l’emploi, vol. 1, rapport
principal, fév. 2003, p. 22.

L’emploi dans le segment non exportateur est relativement le plus menacé par la
crise. Il regroupe environ 40 000 emplois dans les entreprises de taille supérieure à dix
emplois (voir graphique 12). La menace provient de la concurrence des produits asiatiques.
En effet, pour les catégories textile-habillement libéralisées, les prix unitaires des produits
asiatiques (Chine, Hong-kong, Taiwan) ont baissé de 20 pour cent en 2001-02 et de
17 pour cent en 2002-03 6. La menace concerne aussi les emplois des entreprises de taille
inférieure à dix emplois, appartenant souvent au secteur informel.

Ainsi, dans le moyen terme, la menace du démantèlement des accords multifibres


concernera aussi bien le marché local que le marché d’exportation. Le défi à relever par la
Tunisie est alors:

– de réaliser un changement radical du mode de développement de ce secteur, c’est


l’objectif du programme annoncé par le gouvernement en mars 2005; et

– de définir une politique active efficace de réinsertion professionnelle des travailleurs


du secteur. Une étude récente, réalisée conjointement par le Bureau international du

6
P. Morand, op. cit.

84 Externe-2007-04-0157-01.doc
Travail et l’Union générale tunisienne du travail, présente des propositions pertinentes
en vue d’améliorer l’efficacité et l’équité de la politique active du marché du travail
dans ce domaine 7.

Graphique 12. Répartition de l’emploi selon le caractère exportateur ou non de l’entreprise TH de taille
supérieure à dix emplois (2005)

40 170

169 830

Emplois dans les entreprises totalement exportatrices


Emplois dans les entreprises non exportatrices

Source: Ministère de l’Industrie.

5. L’impact de la crise sur la main-d’œuvre et les entreprises

Selon les données de la Caisse nationale de sécurité sociale, la baisse du stock


d’entreprises et de l’emploi en 2005, par rapport à 2004, est très faible. Ceci traduit une
résistance du secteur à la crise liée au démantèlement de l’accord multifibres.

Tableau 60. Evolution du nombre d’entreprises et de l’emploi entre 2004 et 2005 par sous-branche
du secteur Textile-habillement

Textile Habillement Ensemble


2004 2005 2004 2005 2004 2005
Nombre d’entreprises 890 881 4 176 4 152 5 066 5 033
Nombre de travailleurs 19 103 19 205 157 735 157 028 176 838 176 233
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Travailleurs tunisiens à l’étranger, Direction générale de la sécurité
sociale.

La stabilité relative du stock d’entreprises et de l’emploi n’exclut pas l’apparition du


phénomène de licenciement collectif ou du chômage technique. Ce stock est en effet la
résultante des flux de créations et de fermetures d’entreprises, d’une part, et des flux de
création et de compression de l’emploi, d’autre part.

Les licenciements, le chômage technique, la réduction de l’horaire de travail et la


mise à la retraite anticipée sont les indicateurs des difficultés économiques rencontrées par
le secteur. L’effectif global des travailleurs réparti sur ces différentes situations atteint
12 228 personnes en 2005, dont 7 279 ne sont pas passées par la Commission de contrôle

7
UGTT-BIT: Le secteur Textile-habillement et le pari de la réinsertion professionnelle des
travailleurs, Tunis, juin 2005.

Externe-2007-04-0157-01.doc 85
de licenciement (CCL) en raison de la fermeture illégale des entreprises. L’effectif total
des entreprises concernées par le licenciement et les différentes formes de compression de
l’effectif des travailleurs est de 142, dont 96 ont eu une fermeture subite et illégale (voir
tableau 61).

Tableau 61. Licenciement et différentes formes de réduction de l’effectif des travailleurs dans le secteur
TH en 2005

Au sein de la CCL Hors CCL Ensemble


Nombre Nombre de Nombre Nombre de Nombre Nombre de
d’entreprises travailleurs d’entreprises travailleurs d’entreprises travailleurs
concernées concernés concernées concernés concernées concernés
Chômage technique 20 3 391 26 3 238 46 6 629
Réduction de l’horaire
de travail 6 971 5 755 11 1726
Retraite anticipée 170 0 0 170
Licenciement légal 20 417 0 – 20 20417
Licenciement suite à
la fermeture subite et
illégale des
entreprises 0 0 65 3 286 65 3 286
Total 46 4 949 96 7 279 142 12 228
Source: Ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger, Direction générale de l’inspection du travail
et de conciliation.

Le licenciement et le chômage technique concernent respectivement 30 pour cent et


55 pour cent du total des travailleurs passant ou non par la CCL. La question de la
réinsertion professionnelle des travailleurs licenciés devient ainsi un élément de la
problématique des mutations du marché du travail. La Tunisie dispose d’un dispositif de
réinsertion mais dont les acquis devraient se développer pour faire face à ces mutations.
Les propositions de l’étude de l’UGTT et du BIT sur ce sujet permettent d’atteindre cet
objectif. Elle propose en effet un dispositif aux caractéristiques suivantes 8:

„ L’action de réinsertion professionnelle des travailleurs doit s’inscrire dans la durée


de la restructuration économique du secteur TH.

„ Les opérations du dispositif doivent obéir à un cahier des charges qui définit la
qualité des services rendus aux travailleurs licenciés.

„ Ces opérations sont évaluées régulièrement selon les critères du cahier des charges.

„ Le travailleur bénéficiaire du dispositif est incité à adopter un comportement actif


dans le processus de réinsertion professionnelle.

„ La démarche de l’ensemble des propositions peut être adaptée à d’autres secteurs


économiques.

8
UGTT-BIT, op. cit., p. 135.

86 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 13 Licenciement et différentes formes de réduction de l’effectif des travailleurs
dans le secteur TH en 2005

Réduction Horaire Retraite anticipée


travail 1%
14%

Chômage
technique
55%

Licenciement
30%

Externe-2007-04-0157-01.doc 87
PARTIE II

Les mutations du secteur Textile-habillement


en Europe et les perspectives de construction
d’un espace euroméditerranéen
Chapitre 4. Les entreprises européennes
du textile face à la crise du secteur
Dans ce chapitre, nous présentons l’expérience des entreprises européennes du textile-
habillement face à la crise qui a débouché sur les délocalisations et les licenciements
collectifs massifs. Ces licenciements ont fortement marqué la situation sociale des
territoires où sont concentrées les activités du secteur. Les leçons à tirer de cette situation
concernent particulièrement la démarche suivie par les partenaires sociaux et les pouvoirs
publics européens pour définir une stratégie de développement de la compétitivité du
secteur.

1. Les mutations des trente dernières années

Trois caractéristiques ont conditionné les stratégies des entreprises pendant les trente
dernières années: l’accélération des innovations technologiques, l’exigence de mobilité et
l’insuffisance de rentabilité.

1.1. La révolution technologique et ses effets


sur l’organisation du travail

La révolution technologique des années cinquante et soixante avait introduit dans les
ateliers des techniques de production nouvelles et une organisation scientifique du travail
plus rigoureuse. Les procédés de fabrication vraiment révolutionnaires seront moins
nombreux pendant la période suivante mais les progrès beaucoup plus rapidement
généralisés: open-end et levée automatique en filature, métiers sans navette en tissage,
tufting en tapis, etc. La course à la productivité devient une obsession, car il faut à tout prix
réduire la part de main-d’œuvre dans le prix de revient. La vitesse des machines s’accroît:
de 300 à 600 coups par minute en laine, 1 000 en coton et en synthétique pour les métiers à
tisser, de 30 000 à 130 000 tours par minute pour les broches d’open-end avec des
développements de 200 mètres par minute au lieu de 50. Conduites pneumatiques,
convoyeurs et robots se substituent aux hommes pour les manutentions. L’informatique
envahit ateliers, laboratoires et bureaux. Les machines sont équipées de commande et de
contrôles électroniques qui enregistrent et analysent instantanément les productions, temps
de marche et incidents. La conception assistée par ordinateur se répand pour la création de
dessins en tissage, le patronage et l’optimisation de la découpe en confection, la sous-
traitance à distance.

La technique doit aussi prendre en compte des problèmes nouveaux. La protection de


l’environnement devient une préoccupation majeure. Les utilisateurs d’eau, laveurs de
laine et ennoblisseurs, sont soumis à une pression constante des pouvoirs publics pour
qu’ils réduisent leurs rejets, ce qui entraîne des taxations et des investissements coûteux
qui sont un handicap dans la compétitivité avec des pays développés et en développement
moins exigeants dans ce domaine. La population est plus sensibilisée au bruit, aux odeurs,
à la pollution atmosphérique, ce qui contraint les établissements insérés en milieu urbain à
prendre des mesures coûteuses permettant de réduire ces nuisances.

La demande des consommateurs et des distributeurs se porte vers des produits plus
diversifiés avec des délais de livraison courts, ce qui réduit l’importance des lancements de
fabrication et la durée des cycles. En même temps que la pression sur les prix augmente, le
besoin de flexibilité et de réponse rapide s’accroît, rendant la production en série plus
difficile.

Externe-2007-04-0157-01.doc 91
Ces évolutions entraînent des changements dans l’organisation du travail et la
qualification requise pour le personnel 1. Il s’agit de la disparition ou de la forte diminution
du contact physique avec la matière, des manutentions, des interventions et de la charge
physique. La machine impose son rythme au travail infiniment plus que l’habileté
manuelle de l’opérateur.

En revanche, le contrôle, l’attention, la charge mentale s’accroissent


considérablement. Le travail devient continu dans le temps comme dans l’espace: dans le
temps, la généralisation du travail en trois équipes et l’instauration d’équipes de week-end
allongent la durée de l’utilisation des machines; dans l’espace, l’organisation en filière tend
à se substituer à la succession des opérations. Au lieu d’avoir la charge d’un ou de
quelques métiers, les ouvriers participent à un travail en groupe sur un ensemble de
machines avec une autonomie et une responsabilité élargies. Une même filière peut
intégrer préparation, filature, bobinage, recordage et encaissage fonctionnant en continu, là
où précédemment il s’agissait d’opérations indépendantes entrecoupées de stockages
intermédiaires. Un agent de maîtrise et quatre ouvriers se voient confier un assortiment.

1.2. La mobilité dans le fonctionnement et dans


l’actionnariat des entreprises, seconde mutation
principale des trente dernières années

La seconde mutation des trente dernières années, peut-être la plus importante, est la
mobilité dans le fonctionnement et dans l’actionnariat des entreprises. Elles portaient
souvent le nom de leurs fondateurs depuis des générations. Dirigeants, cadres et ouvriers y
entraient à la sortie de l’école pour y faire carrière, souvent à la suite de parents, frères ou
sœurs. Les ouvriers étaient attachés à leur métier. Les relations sociales répondaient au
modèle d’intégration. La fonction principale de l’entreprise était de fabriquer des produits
pour une clientèle déterminée et son ambition de maîtriser le processus de production
jusqu’en amont: approvisionnement en laine dans les pays producteurs, fabrication des
semi-produits, traitements de teinture et d’ennoblissement, parfois même conception et
construction des matériels.

Les bouleversements de tous ordres de ce quart de siècle vont ébranler ce modèle de


stabilité. Les maîtres mots seront: mobilité, flexibilité, adaptabilité. Il ne sera pas facile de
gérer cette révolution, certaines entreprises ne résisteront pas à la tourmente faute d’avoir
su ou pu la conduire à temps.

Les dirigeants prennent conscience des rigidités qu’entraîne une organisation trop
intégrée et s’efforcent d’y remédier en se recentrant sur ce qui fait le cœur de leur métier et
en «externalisant» le plus possible les autres activités. Les entreprises intégrées
abandonnent les stades de production situés en amont, se séparant de leurs ateliers de
construction mécanique. Le recours à la sous-traitance et l’achat à l’extérieur se
développent quand la productivité interne n’est pas optimale pour les produits considérés
ou si les volumes ne justifient pas de lourds investissements. Ces évolutions permettent
d’alléger les stocks, d’étendre les collections et de satisfaire plus rapidement les demandes
des clients. Certains vont plus loin et se désengagent, en tout ou en partie, de la production.
Les entreprises qui se sont tournées fortement vers l’aval considèrent désormais la
fabrication comme une activité accessoire, voire un mal nécessaire strictement limité à ce

1
J.-C. Rabier: Changement technique et changement social, le cas de l’industrie textile, thèse de
doctorat ès lettres et sciences humaines présentée à l’USTI, en avril 1992, après une étude menée
dans 251 établissements textiles de la région et l’analyse en détail d’un millier de postes de travail
dans 26 d’entre eux.

92 Externe-2007-04-0157-01.doc
qui ne peut se sous-traiter à l’extérieur. D’autres situées en amont font aussi le choix
d’externaliser la production.

Une mobilité plus grande se constate au niveau du capital des entreprises. Celui-ci n’a
jamais été figé; il y a toujours eu des fusions, des scissions et des arrêts d’entreprises. Mais
la règle générale demeure le contrôle de l’entreprise par un actionnariat familial stable,
même dans les sociétés cotées en bourse. Les entreprises, dont le capital est contrôlé par
une famille, demeureront très largement majoritaires, mais le capital va devenir plus fluide,
la stabilité et les spécificités traditionnelles de l’actionnariat familial vont s’atténuer. Plus
nombreuses seront les entreprises faisant appel à des partenaires financiers ou industriels
minoritaires pour conforter leurs fonds propres, concrétiser une stratégie d’alliance ou
permettre à des actionnaires familiaux de mobiliser leur part de capital. De grands groupes
d’origine familiale passeront sous le contrôle de pools bancaires. L’ouverture du capital à
des tiers modifiera la relation entre les dirigeants et leurs actionnaires et administrateurs,
ces derniers ayant de plus grandes exigences en termes de contrôle et de rentabilité.

Des cessions successives d’une même entreprise deviendront monnaie courante.


Certaines changeront plusieurs fois d’actionnaires et de dirigeants dans une même
décennie en raison de difficultés financières, de changement de stratégie de la part du
repreneur ou parce que la reprise ne lui a pas apporté les synergies escomptées 2 . Les
liquidations d’entreprises après dépôt de bilan constituent la forme ultime de mobilité.
Elles sont beaucoup plus nombreuses que précédemment et jalonnent la période en une
longue litanie de disparitions, signe que le dépôt de bilan est devenu fréquent.

1.3. L’insuffisance de rentabilité

C’est aussi la conséquence d’une rentabilité insuffisante, troisième point commun à


beaucoup d’entreprises pendant le dernier quart du siècle. En France, la valeur ajoutée des
entreprises textiles (hors négociants et façonniers) se situe généralement aux environs du
tiers du chiffre d’affaires 3 . A la veille de la crise de 1973, les charges salariales en
représentaient en moyenne de l’ordre de 65 à 70 pour cent, les impôts et les frais financiers
entre 12 et 15 pour cent. Au cours des années suivantes, la situation se dégrade. Le résultat
brut d’exploitation, qui atteignait de 15 à 20 pour cent suivant les secteurs en 1972, chute à
5 à 10 pour cent en 1999, ce qui laisse un résultat net extrêmement réduit après
amortissement. Les rendements insignifiants des capitaux investis constituent, sans nul
doute, un frein aux investissements.

1.4. Des stratégies de plus en plus différenciées


des entreprises

L’examen des stratégies menées par les entreprises au cours des trente dernières
années permet de dégager cinq catégories: créativité et différenciation des produits,
standardisation de la fabrication, priorité donnée à la distribution, diversification
industrielle et recherche d’alliances. On retrouve quatre de ces stratégies pendant le dernier
quart du siècle, mais leur contenu change et elles s’imbriquent davantage l’une dans l’autre
au sein de la même entreprise. Peu à peu, la stratégie de différenciation va s’imposer à
toutes les entreprises. La diversification dans d’autres activités industrielles disparaît
pratiquement de la panoplie des stratégies des entreprises textiles, non pas que le besoin
s’en fasse moins sentir, mais parce que le recentrage sur l’activité principale absorbe

2
Voir études annuelles de la Banque de France de Roubaix et de Lille.
3
Voir études annuelles de la Banque de France de Roubaix et de Lille.

Externe-2007-04-0157-01.doc 93
désormais tous leurs moyens humains et financiers. Voyant comment ont évolué les quatre
autres types de stratégies.

i) L’implication d’entreprises dans la distribution se poursuit sur sa lancée. C’est dans le


fil à tricoter que l’intégration vers l’aval et le développement de la franchise avaient
été les plus précoces. Le mode de gros fils rapides à tricoter, le lancement de
fantaisies, l’action promotionnelle des marques et de la profession, la maîtrise des
circuits de distribution permettent de soutenir la demande. La chute de la demande en
1980 dans tous les pays européens entraîne une chute brutale des activités des
filatures. Au-delà du cas particulier du fil à tricoter, la stratégie d’intégration vers
l’aval a souvent conduit à une marginalisation de l’activité industrielle, voire à son
abandon, les efforts et les moyens étant concentré sur l’activité commerciale, plus
rémunératrice et en fort développement.

ii) La fabrication en grande série de produits standardisés est apparue longtemps comme
la réponse la plus adéquate à la concurrence des pays à bas salaires: l’automatisation
devait réduire la part du coût salarial dans la valeur ajoutée dans des proportions telles
que l’avantage de ces pays en matière de salaire serait compensé par une meilleure
productivité et par des délais et des frais d’acheminement inférieurs. C’est la stratégie
suivie particulièrement par les peignages de laine et les filatures de coton, dont les
produits sont très standardisés. Mais cette stratégie a montré ses limites au début des
années quatre-vingt-dix. Le choix de la spécialisation se justifiait dans un marché
large et stable. Or la demande s’étant fortement diversifiée, de nombreux clients
européens ont disparu et, par voie de conséquence, les quantités à produire sont
moindres, les séries plus courtes et l’alimentation des usines moins régulière. La
stratégie a également montré ses limites car les pays à bas salaires bénéficient de prêts
à taux bonifiés accordés par les institutions internationales et d’une extrême flexibilité
de la main-d’œuvre, y compris dans les pays ayant une législation du travail dite
«rigide» 4. La plupart des entreprises européennes qui ont appliqué cette stratégie ont
opté pour la délocalisation d’une partie de leur production.

iii) Le troisième type de stratégie adoptée par les entreprises est la recherche d’alliance
dans des formes qui se différencient. Les PME participent beaucoup plus souvent
qu’auparavant à des actions en commun ciblées sur des objectifs bien délimités et
fonctionnent en réseau, en menant par ailleurs leur stratégie propre et sans rechercher
un rapprochement durable conduisant à un abandon d’autonomie. L’alliance peut
également prendre la forme de fusions.

iv) Enfin, le quatrième type de stratégie consiste à se différencier de ses concurrents


européens et lointains et à valoriser ses avantages concurrentiels pour être le plus
performant et le plus compétitif dans le créneau choisi. Les entreprises peuvent
chercher à se différencier par le produit, la technologie ou le service. Le secteur des
textiles techniques offre un champ idéal de diversification par la technologie. La
qualité du service et la livraison immédiate sur stock constituent également des atouts
de la différenciation compétitive.

2. La crise du secteur textile s’étend progressivement


à tous les pays de l’Union européenne

Le déclin du secteur textile a été d’une grande ampleur en France; notamment au


Nord–Pas-de-Calais. La crise a été également importante dans les pays du Nord de

4
Le droit du travail et le droit conventionnel ne sont pas toujours appliqués.

94 Externe-2007-04-0157-01.doc
l’Europe – Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni et pays scandinaves –, dont l’industrie
textile a souffert plus tôt et plus profondément qu’en France. C’est grâce à des salaires
sensiblement inférieurs aux salaires en France que l’Espagne, la Grèce et le Portugal ont
tiré avantage de leur intégration dans l’Europe et de la mondialisation. La Belgique et
l’Italie ont mieux résisté que d’autre à la crise. Dans les deux cas, il s’agit de régions qui
avaient un retard industriel après la seconde guerre mondiale et dans lesquelles entreprises
et pouvoirs publics se sont mobilisés pour le rattraper.

2.1. Les raisons de la résistance de la Belgique


sont nombreuses

Les raisons de la résistante de la Belgique sont nombreuses 5. D’un côté, de nouveaux


industriels flamands, descendants de cultivateurs de lin, tenaces, fonceurs et pragmatiques,
souvent créateurs de leurs entreprises, généralement trilingues ou même quadrilingues, ont
eu l’intuition ou la chance de se lancer dans des secteurs en forte croissance peu exposés à
la concurrence des pays émergents: le tapis et l’ameublement. Les ouvriers flamands sont
durs à la tâche, assidus, mobiles et autonomes, les structures administratives et
d’encadrement sont légères, des syndicats forts et représentatifs défendent âprement les
intérêts de leurs mandants mais sont respectueux des accords passés et peu enclins aux
débats idéologiques. La dimension réduite du marché intérieur rend l’exportation
indispensable. Les plans textiles belges ont été particulièrement efficaces. Les
administrations se préoccupent moins de vérifier de façon pointilleuse l’application des
textes réglementaires que de trouver des solutions aux problèmes qui se posent en
concertation avec les employeurs et les représentants des salariés.

2.2. Les raisons de résistance en Italie

Du côté italien, un patronat renouvelé par l’arrivée d’anciens cadres et ouvriers ayant
créé leur propre affaire dirige de très nombreuses petites entreprises. Les relations sociales
sont simples et directes avec un personnel souple et mobile. Clients, fournisseurs et sous-
traitants entretiennent une forte complicité entre eux et privilégient les fournisseurs
nationaux dans un maillage serré d’entreprises de production et de constructeurs de
matériels 6. La distribution concentrée ne détenant que 30 pour cent de part de marché, les
magasins de détail ont pu se maintenir nombreux. De ce fait, les confectionneurs et les
bonnetiers ont pu continuer à présenter une offre étendue de produits de moyenne et haute
gamme sur leur marché intérieur et, par la suite, à l’exportation. Les qualités de créativité
et de mode des italiens, universellement reconnues, les y ont aidés. Les industries du textile
situées en amont ont participé à leur développement et soutenu des marques importantes de
prêt-à-porter. L’Etat et les administrations ont toujours considéré que le textile et
l’habillement étaient les principaux supports de l’économie et du commerce extérieur. De
ce fait, plusieurs avantages ont été accordés au secteur.

2.3. Les handicaps du secteur TH en France

En comparaison avec les cas belge et italien, la situation du secteur TH en France se


caractérise par de nombreux handicaps liés à une longue histoire et des traditions
transmises depuis des générations. La préservation à court terme des emplois et la défense
des droits acquis et des organisations ont parfois prévalu sur les restructurations

5
Voir P. Wallaert: Situation comparative emploi-salaires Belgique/France, GRIT, 1990.
6
Voir études de la CEGOS réalisées à la demande du Comité central de la laine au cours des années
quatre-vingt.

Externe-2007-04-0157-01.doc 95
nécessaires. La forte concentration mono-industrielle n’a favorisé ni la rénovation du tissu
industriel ni un renouvellement important des dirigeants. Les syndicats majoritaires et
l’environnement local étaient, à des degrés divers, imprégnés d’idéologies contestataires
ou de fortes réserves vis-à-vis de l’économie libérale. On peut ajouter encore la forte
pression de la grande distribution qui a favorisé les importations et poussé à la
standardisation et à l’appauvrissement de l’offre nationale de produits, puis à la disparition
de beaucoup de confectionneurs. Enfin, la tradition centralisatrice et interventionniste de
l’Etat, le poids des prélèvements obligatoires et les contrôles tatillons des administrations
ont aussi constitué des handicaps. En dépit de leurs encouragements verbaux, «les pouvoirs
publics ont souvent donné l’impression de brader l’industrie textile au profit des Airbus ou
des centrales nucléaires» 7.

Dans une période de mutation rapide et profonde qui réclame mobilité, réactivité et
conjonction des efforts, tous ces facteurs ont certainement freiné l’adaptation de l’outil
industriel français au nouveau contexte économique né de la mondialisation et retardé les
prises de décisions 8.

A partir de 2000, la crise du secteur Textile en Europe s’étend à la Belgique et à


l’Italie car ils ont subi le contrecoup de la mondialisation, notamment par la concurrence
venant de l’Espagne, du Maghreb et du Portugal.

3. Les principaux axes d’action des entreprises


dans la gestion des emplois

Aménager le temps de travail, adapter les effectifs et relever les qualifications, tels
ont été les principaux axes d’action des entreprises dans la gestion des emplois pendant ces
trente dernières années.

3.1. Aménager le temps de travail

L’allongement de la durée d’utilisation des machines, rendu indispensable dans la


plupart des métiers textiles par leur coût élevé et leur obsolescence rapide, implique la
généralisation du travail de nuit et des week-ends. Les entreprises doivent aussi adapter
leurs horaires de travail aux fluctuations des ventes saisonnières et conjoncturelles et
développer leur capacité à réagir vite aux demandes imprévues et urgentes. Cette
nécessaire flexibilité n’est pas compatible avec un horaire rigide de 40, 39 ou 35 heures par
semaine tout au long de l’année.

Le chômage partiel et les heures supplémentaires apportent un peu de souplesse dans


un cadre réglementaire très strict. Le travail temporaire sous contrat à durée déterminée
contribue à apporter de la souplesse. La solution la mieux adaptée pour faire face aux
fluctuations d’activité est la modulation du temps de travail dans le cadre de
l’annualisation: un horaire moyen annuel est convenu, la rémunération mensuelle est fixe,
l’horaire effectif est adapté chaque semaine au volume de production nécessaire. Mais il
importe de souligner que cette solution s’est heurtée, notamment en France, à l’opposition
déclarée des syndicats.

7
Voir J. Bonte: Patrons textiles, un siècle de conduite des entreprises textiles à Roubaix-Tourcoing,
1900-2000, édition La Voix du Nord, Lille, 2002.
8
J. Bonte, op. cit.

96 Externe-2007-04-0157-01.doc
3.2. Gérer les sureffectifs

Même si on le cache pudiquement derrière les appellations de «restructuration», de


«plans sociaux», voire de «décrutement», les licenciements ont marqué douloureusement
la profession tout au long de la période entre 1972 et 2004. Des dispositifs sont mis en
place pour atténuer les conséquences sociales du phénomène: préretraite-licenciement pour
les salariés âgés, contrat de conversion, congés de conversion permettant de maintenir le
contrat de travail pendant une période de formation, conventions de passage à mi-temps ou
de préretraite progressive, de formation-adaptation, d’aide à la création d’entreprises et à la
mobilité, allocations temporaires dégressives, etc.

Des cellules de reclassement sont créées en France et en Belgique. L’obstacle le plus


important à la reconversion des salariés licenciés a été le niveau de formation générale et
professionnelle insuffisant de nombreux salariés ayant fait toute leur carrière dans la
profession.

3.3. Remonter les qualifications

Cette préoccupation relative aux salariés privés d’emplois rejoint le souci plus général
de la montée en qualification de l’ensemble du personnel pour répondre à la transformation
des organisations et des métiers. L’Europe dispose d’une panoplie complète, sans doute
unique, de 35 établissements dispensant un enseignement textile, situés essentiellement en
France. La formation initiale et continue est devenue un terrain de consensus et de
coopération entre le patronat et les syndicats.

4. L’élaboration d’un plan régional: une démarche


pour affronter la crise du secteur TH

4.1. La crise peut être une opportunité pour la mobilisation


des acteurs d’un territoire autour d’un objectif stratégique

Dans la région du Nord–Pas-de-Calais, en France, le secteur TH occupe une place


centrale depuis plusieurs années. Pour affronter la crise du secteur liée au phénomène de
délocalisations économiques, un plan «Plan régional textile-habillement» (PRHT) est
élaboré par les partenaires sociaux, l’Etat et le Conseil régional. Ils ont voulu ainsi
concevoir et développer conjointement un véritable outil de dynamisation et
d’accompagnement du redéploiement de la filière textile-habillement dans la région. Ce
plan est construit dans un dialogue permanent avec les partenaires sociaux, l’Union de
l’industrie textile-Nord (UIT-Nord) et l’Union régionale de l’industrie de confection
(URIC) pour les organisations professionnelles, la CGT, la CFDT, FO, la CGC et la CFTC
pour les syndicats de salariés.

Le PRTH traduit l’idée que la crise peut être une opportunité pour la mobilisation de
tous les acteurs d’un territoire autour d’un objectif stratégique commun. Le dialogue est
une voie incontournable pour relever ce défi. Le plan est né d’une réflexion commune et
d’une volonté partagée 9:

– de renforcer l’organisation de la filière en réseau et les pratiques de coopération entre


ses acteurs;

9
Voir Plan régional textile-habillement: Ici, le textile a de l’audace! Nord–Pas-de-Calais.

Externe-2007-04-0157-01.doc 97
– de conforter la recherche, l’innovation et l’appropriation des techniques nouvelles
(technologies de l’information et de la communication, veille technologique);

– de soutenir le développement des productions à haute valeur ajoutée;

– d’élever les qualifications et de développer les compétences par la formation, en


adéquation avec l’évolution du contexte économique et technique.

Le PRTH agit au niveau de chaque entreprise, en lui proposant une palette d’outils
pour l’accompagner dans son développement individuel, au niveau de l’organisation de la
filière régionale, en encourageant les pratiques coopératives, et au niveau du territoire, en
soutenant des projets qui renforcent l’attractivité de la région textile.

Le plan s’appuie sur des outils adaptés aux attentes des acteurs et aux objectifs fixés.
L’opération «NORTEX Stratégie» est un programme qui aide les entreprises à définir leur
stratégie, les accompagne d’une manière personnalisée avec le soutien d’un cabinet et
donne une formation aux chefs d’entreprise pour développer leurs compétences 10 .
L’opération «NORTEX Formation» est un programme qui aide les entreprises à définir et
mettre en œuvre un plan de formation des salariés adapté à la stratégie de l’entreprise.
Enfin, l’opération «GISTEX» 11 facilite l’accès à des informations dites «stratégiques»:
qu’est-ce que l’intelligence économique? Que peut-elle apporter à l’entreprise et à son
développement? Quelle organisation adopter pour utiliser au mieux ces informations?

Quatre atouts autour desquels la branche Textile-habillement est structurée:

– une profession mobilisée au service des entreprises;

– un pôle scientifique et technique majeur (IFM, ENSAIT, etc.);

– un pôle de formation prêt à accompagner la région textile dans son évolution; et

– une tradition de créativité et d’innovation.

4.2. Le développement des compétences des ressources


humaines du secteur, un axe principal du plan régional:
une gestion paritaire de la formation professionnelle
initiale et continue

Le FORTHAC est un organisme paritaire collecteur agréé (OPCA). Il collecte la taxe


et gère les fonds de formation. Depuis sa création en 1995, la mission du FORTHAC est
de:

– gérer les fonds de la formation continue;

– informer et conseiller les chefs d’entreprise, les salariés et leurs représentants;

– impulser la mise en œuvre d’actions de formation en adéquation avec les besoins des
entreprises dans le cadre du développement de la filière textile-habillement-cuirs;

10
E. Mezin, délégué général de l’URIC Nord anime les partenaires qui ont mis au point le
programme de formation et d’accompagnement des chefs d’entreprise.
11
GIS pour «Gestion de l’information stratégique».

98 Externe-2007-04-0157-01.doc
– favoriser l’insertion des jeunes en contrat d’alternance.

L’approche par compétence structure ses interventions en vue de monter en


compétences l’ensemble des salariés des entreprises textile-habillement. De ce fait, le
FORTHAC contribue à la montée en compétences des salariés, prépare à la reconversion
des salariés et assure l’accompagnement de la reconversion des salariés licenciés. Le
parcours modulaire qualifiant (PMQ) 12 est un outil de gestion des ressources humaines qui
vise:

– le développement et la consolidation des compétences des opérateurs;

– la construction de parcours de formation parfaitement adaptés au profil de chaque


salarié et aux besoins de la production;

– l’accès à des qualifications reconnues par un diplôme.

Le PMQ se décline en plusieurs étapes:

– le positionnement du salarié au regard des exigences du métier visé et du diplôme


correspondant. Ses acquis professionnels sont évalués, son potentiel repéré et les
compléments en formation nécessaires, définis;

– l’organisation d’une formation individualisée, progressive, organisée en modules


courts, dispensée par un organisme de formation de la branche (formations
techniques) et/ou de l’Education nationale;

– la validation des compétences professionnelles acquises par la délivrance du diplôme.

Le PMQ est une démarche qui implique totalement l’entreprise tout au long du
processus, et en particulier l’encadrement. Le FORTHAC assure son appui technique et
financier aux entreprises qui mettent en place des PMQ.

Un observatoire des métiers du secteur est mis en place. Il est fondé sur une base de
données relative à l’emploi et la formation et des études et analyses prospectives.

4.3. La réinsertion professionnelle des salariés ayant


perdu leur emploi: un souci majeur de la région

Pour répondre aux préoccupations exprimées par les élus et les partenaires sociaux
suite aux fermetures des usines tant dans le secteur TH que dans d’autres secteurs, le
Service public de l’emploi mobilise son offre de service dans un dispositif d’appui à la
reconversion et au reclassement sur la métropole lilloise (ARRMEL). L’action de ce
dispositif est fondée sur un diagnostic de la situation des salariés licenciés. A chaque
situation correspond une mesure particulière. On distingue alors:

a) les salariés dont le reclassement nécessite un accompagnement (recherche d’emploi


assisté);

b) les salariés dont le reclassement ou la reconversion nécessitent le suivi d’une


formation;

12
Voir FORTHAC: Le parcours modulaire qualifiant, la qualification des opérateurs des industries
du textile-habillement.

Externe-2007-04-0157-01.doc 99
c) les salariés en incapacité temporaire; et

d) les salariés aptes à un reclassement en autonomie (recherche d’emploi autonome).

Des outils pour l’emploi sont mobilisés au service des quatre catégories de salariés
licenciés. Des cabinets privés ont été créés en France pour se spécialiser dans le
reclassement et la reconversion des salariés licenciés dans le cadre des plans sociaux. Leur
intervention ne semble pas efficace, dans la mesure où ils n’ont assuré le reclassement que
de 53 pour cent des salariés en 2002, contre 54 pour cent en 2001 13 . Les syndicats
revendiquent de les soumettre à une labellisation sévère.

13
Voir P. Robes: Les prédateurs du reclassement, Journal Marseille solidaire, 29 fév. 2004.

100 Externe-2007-04-0157-01.doc
Chapitre 5. Le projet de construction d’un «espace
euroméditerranéen»: une réponse
au démantèlement des accords multifibres
L’intégration industrielle existante à l’échelle euroméditerranéenne doit faire face à
court terme à deux chocs concurrentiels: le démantèlement de l’accord ATV et l’adhésion
de la Chine à l’OMC. Ces deux chocs entraîneront inéluctablement une concurrence
exacerbée et affecteront l’architecture existante des marchés. Si l’interdépendance
industrielle euroméditerranéenne est forte, elle ne saurait néanmoins passer ce prochain cap
sans une amélioration de sa compétitivité, et sans la consolidation d’un véritable espace
paneuroméditerranéen (qu’il s’agisse de règles d’origines, de normes industrielles ou de
coûts de transport) visant à favoriser l’avantage comparatif régional.

1. Le nouveau contexte mondial du secteur TH

1.1. L’accord multifibres et les mutations


économiques du secteur TH

Le TH est sorti du droit commun du commerce international par la mise en œuvre en


1960 de l’accord à court terme qui ne portait que sur les textiles de coton. Confrontés à la
concurrence du Japon et des nouveaux pays industrialisés d’Asie, les pays développés ont
proposé une gestion administrée des échanges sous la forme de l’arrangement à long terme
(1962-1974) qui a été intégré dans le GATT en tant que régime dérogatoire, sous la forme
de l’Accord multifibres (AMF) en 1974. Les restrictions imposées sur les exportations
asiatiques ont eu comme conséquence la multiplication des vocations exportatrices de tous
les pays qui, de Jakarta à Casablanca en passant par Bucarest, ont cherché à transformer
leurs bas salaires en avantages comparatifs.

La fabrication n’est qu’une étape dans la chaîne qui commence à la conception et


aboutit à la vente; une étape qui perd de son importance relative car, de plus en plus, la
création de valeurs est basée sur l’immatériel: si l’usine fabrique des produits, les
consommateurs achètent des marques. Les dépenses de conception, de marketing et de
distribution – activités de services – font que, selon la qualité de l’article, son prix de vente
au détail sera trois à quinze fois plus élevé que son prix à la sortie de l’usine.

La distribution (chaînes spécialisées, grands magasins, ventes par correspondance) a


supplanté l’industrie pour devenir le principal donneur d’ordre au sein de la filière TH.
Alors que les industriels européens étaient relativement peu présents dans les pays du Sud,
les centrales d’achat et les plates-formes commerciales ont multiplié leurs implantations au
sud de la Méditerranée puis en Asie à partir des années quatre-vingt-dix. La mondialisation
du secteur prend une dimension nouvelle avec le commerce électronique. Les sous-
traitants sont désormais «invités» à participer aux enchères organisées sur un portail pour
gagner les contrats.

L’Asie assurait 60 pour cent des exportations des pays non OCDE en 1967, sa part est
passée par un maximum de 85 pour cent en 1988 pour revenir à 63 pour cent en 1998 (et
augmenter légèrement depuis). Le rééquilibrage entre l’Asie et les autres régions du Sud
traduit le resserrement des relations commerciales entre les marchés des pays
industrialisés et leurs périphéries respectives. Ce processus est particulièrement évident
dans le cas de l’Amérique du Nord où l’Initiative des Caraïbes et la création de l’ALENA
ont ramené la place de l’Asie de 82 pour cent (1980) à 40 pour cent (2000) des
importations américaines d’habillement. Comblant les vœux de l’Association américaine

Externe-2007-04-0157-01.doc 101
du textile qui avait milité pour l’ALENA, le Mexique a supplanté la Chine pour devenir le
premier fournisseur des Etats-Unis (l’industrie textile américaine s’est massivement
délocalisée au Mexique). La régionalisation des échanges, qui est également perceptible en
Asie autour du Japon, est moins affirmée dans le cas de l’Union européenne (UE) où la
moitié des importations provient d’Asie.

1.2. L’Union européenne est le principal débouché


des pays méditerranéens

L’UE est, cependant, le principal débouché des exportations de TH des pays


méditerranéens (et des PECO). Toutefois, entre 1990 et 2000, la part des exportations des
pays méditerranéens dans les importations extracommunautaires d’habillement a progressé
plus lentement que la part des exportations chinoises (alors que la Chine était soumise à
quotas). La moyenne européenne masque des situations très contrastées selon les pays.
L’Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni importent proportionnellement plus d’Asie,
’Italie et l’Allemagne davantage des PECO. Les pays les plus ouverts aux pays
méditerranéens sont l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne et la France. Dans ces
conditions, pour les autres pays européens, le concept euroméditerranéen reste assez
théorique.

La régionalisation des échanges de TH est la résultante de deux évolutions:

– la généralisation du «circuit court» pour les articles «mode» qui offre une prime aux
fabricants proches des lieux de consommation capables de répondre en moins de dix
jours à une commande de réassortiment;

– les distorsions créées par les accords régionaux qui favorisent les zones périphériques
(Caraïbes, Mexique, pays méditerranéens et PECO) au détriment des pays asiatiques
dont les exportations sont contingentées.

Dans le nouveau contexte de la mondialisation du secteur TH, la création d’un espace


euroméditerranéen est-elle possible? Pour répondre à cette question, nous devons d’abord
présenter les fondements de la compétitivité dans les pays méditerranéens puis examiner la
réponse donnée par les partenaires sociaux au nord et au sud de la Méditerranée. Nous
examinerons l’initiative particulière des partenaires sociaux français et leurs homologues
tunisiens.

2. La compétitivité des pays méditerranéens


dans le secteur TH

La compétitivité des pays méditerranéens dans l’industrie de l’habillement peut être


analysée en utilisant la grille de lecture de Porter qui considère successivement les
dotations factorielles (salaires, matières premières, proximité), les qualités du tissu
industriel, les entreprises, le marché et le rôle de l’Etat.

2.1. Dotations factorielles

A l’exception de la Turquie et d’Israël, la compétitivité des pays méditerranéens


repose presque exclusivement sur le différentiel de coûts de la main-d’œuvre et la
proximité du marché européen.

102 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 14. Salaires horaires minima en mars 2004 (en euros)

8 7,19
7
6
5
4
3
2 1,2
0,81 0,66
1 0,5 0,35 0,25 0,22
0
France Turquie Maroc Tunisie Roumanie Ukraine Chine Inde

Source: Texas Consulting.

L’écart en termes de coût-minute rend mieux compte des coûts de production car
cette notion intègre les coûts d’exploitation (salaires et charges, énergie, amortissements,
matières, etc.) rapportés à la minute de travail offerte à la main-d’œuvre directe. Dans les
années à venir, la montée des exigences pour un commerce éthique ou équitable est
susceptible de freiner la surenchère aux plus bas salaires. Cette évolution pourrait être à
l’avantage des pays méditerranéens les plus respectueux des droits sociaux.

La productivité de la main-d’œuvre est liée à son niveau de formation. La Tunisie est


le seul pays dans le bassin méditerranéen qui a engagé une profonde réforme de la
formation professionnelle.

Graphique 15. Coût-minute dans l’industrie de l’habillement (base indice 100 en Turquie)

Bangladesh 25

Chine 28

Viet Nam 30

Ukraine 33

Inde 40

Bulgarie 44

Roumanie 50

Tunisie 78

Egypte 83

Maroc 89

Turquie 100

0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100

Source: Texas Consulting.

Externe-2007-04-0157-01.doc 103
2.2. Proximité

Le coût du transport représente entre 1 et 3 pour cent du prix de revient du produit


fini. Paradoxalement, l’Asie bénéficie d’un avantage car le transport maritime (qui
concerne les produits basiques non soumis à des exigences de réactivité) est moins onéreux
(rapport de 3 à 1) que le transport routier. Parmi les pays méditerranéens, le Maroc est
mieux placé que la Tunisie où le marché du transport n’est pas libéralisé et que la Turquie
du fait de la distance. Pour les produits mode, la proximité géographique est le principal
atout des pays méditerranéens (et des PECO) car elle permet de répondre en moins d’une
semaine aux commandes de réassort des circuits de distribution.

Mais la proximité est une notion relative: les articles de moyenne gamme
«supportent» le surcoût du transport aérien, aussi le circuit court peut s’organiser à grande
distance. La proximité géographique du marché est plus importante pour la conception et
le marketing que pour la production. L’avantage de proximité des pays méditerranéens (et
des PECO) pourrait ne pas résister à la libéralisation des échanges. Ainsi, selon
l’Association des industries de l’habillement de la province de Canton – qui a exporté pour
10 milliards de dollars d’articles en 2000 –, 10 pour cent de ses exportations se font d’ores
et déjà en circuit court. Il n’en demeure pas moins que, pour des raisons de qualité de vie,
un donneur d’ordre peut préférer sous-traiter (et donc séjourner assez régulièrement) dans
un pays proche culturellement et géographiquement de l’UE.

L’Egypte, la République arabe syrienne et la Turquie sont des producteurs de coton.


La demande pour les articles à base de coton devrait être la plus dynamique et l’on pourrait
assister à une hausse relative des prix du coton. La République arabe syrienne a d’ailleurs
investi dans la filature et doublé sa consommation de coton. Mais l’assurance d’un
approvisionnement en coton ne peut être considérée seule comme un facteur de
compétitivité. Les succès asiatiques dans l’industrie cotonnière accréditeraient plutôt la
proposition inverse. En Egypte, le gouvernement réserve une partie de sa récolte aux
entreprises d’Etat qui sont mal équipées pour traiter les fibres longues et n’ont pas les
moyens financiers d’importer du coton syrien ou grec. L’Egypte valorise donc peu son
coton, et les produits exportés sont fabriqués à partir de fils et tissus importés en admission
temporaire.

2.3. Le tissu industriel, facteur d’intégration


et de coopération

Les possibilités d’intégration et de coopération sont deux facteurs de compétitivité


que peut offrir un tissu industriel. Le principal avantage de la Turquie n’est pas les bas
salaires mais la qualité de son tissu industriel (voir graphique plus haut). Les entreprises
sont en effet assurées de trouver sur place toutes les fournitures dont elles ont besoin. La
Turquie est le seul pays méditerranéen qui ait «remonté la filière textile» (il dégage un
excédent commercial dans ses échanges d’habillement mais également de fils et tissus) et
qui, plus en amont, dispose d’une industrie des fibres synthétiques performante (neuvième
place mondiale avec 3 pour cent des capacités installées) où l’on trouve des leaders
mondiaux (Aksa dans l’acrylique). L’intégration de la filière constitue un facteur de
compétitivité car elle permet un approvisionnement rapide dans un secteur qui fonctionne
en flux tendu et où tout délai a un coût rédhibitoire. Aucun autre pays de la région (et des
PECO) ne peut se prévaloir du même avantage.

Les avantages organisationnels des districts industriels (le modèle du Prato) ont
longtemps permis à l’industrie italienne de la confection de résister à la concurrence
asiatique. L’industrie turque bénéficie des mêmes avantages qui, à quelques exceptions
près (Ksar Hellal en Tunisie, Fès au Maroc), ne semblent pas jouer un rôle important dans
les autres pays.

104 Externe-2007-04-0157-01.doc
2.4. La taille des entreprises

Dans les pays méditerranéens comme partout ailleurs, le TH s’appuie surtout sur un
réseau de PMI. Une caractéristique qui n’est pas exclusive de l’existence de grands
groupes. Au niveau mondial, le classement des 300 plus grandes entreprises mondiales de
TH comprend 102 entreprises des pays du Sud, dont 64 originaires d’Asie et 24 des pays
méditerranéens, dont 19 de Turquie, deux d’Egypte, deux d’Israël et un de République
arabe syrienne. Parmi les entreprises méditerranéennes, la plus grande est Sahinler fondée
par un Turc résidant en Allemagne (voir tableau ci-dessous). Oriental Weavers, créée en
1988, regroupe 17 entreprises (dont une entreprise de distribution aux Etats-Unis), domine
le marché égyptien du tapis et exporte près de la moitié de sa production. L’entreprise
israélienne Delta est présente en Egypte, en Jordanie et en Turquie, et elle a racheté des
usines en Asie et dans les Caraïbes. Aucune entreprise marocaine ou tunisienne (et des
PECO) ne figure dans ce classement mondial. En Turquie, 99 entreprises de textile se
classent parmi les 500 premières entreprises turques et réalisent un chiffre d’affaires de
5 milliards de dollars. Les grands groupes marocains sont très peu présents dans le TH. Les
groupes tunisiens de taille plus petite sont surtout présents dans l’habillement.

Au cours des années quatre-vingt-dix, l’industrie turque de la filature et du tricotage a


réalisé un effort de modernisation considérable: la Turquie a été le premier marché
mondial de broches (8 pour cent des achats mondiaux, trois fois plus que la Chine) et le
second de rotors «open-end» derrière la Fédération de Russie. Ses acquisitions de
machines de tricotage sont d’un montant comparable à ceux de la Chine (respectivement 9
et 11 pour cent des achats dans le monde, soit dix fois plus que les PECO). Parmi les pays
méditerranéens, la République arabe syrienne (filature) et l’Egypte (tissage, tricotage) ont
été les deux principaux marchés d’équipement de la région. Au Maroc et en Tunisie,
l’industrie est dominée par l’habillement, et les investissements dans le TH ont stagné: les
incertitudes qui planent sur les perspectives du secteur après 2002 font hésiter les
entreprises à s’engager dans ce secteur. Leur attitude contraste avec celle beaucoup plus
agressive des entreprises chinoises qui se restructurent pour capitaliser sur l’après-
démantèlement. La Chine est le principal débouché des ventes de machines textile. A
l’exception de la Turquie, les pays méditerranéens représentent un débouché assez limité
de biens d’équipement textile.

Tableau 61. Achats d’équipement: tissage, filature, tricotage (en milliers d’unités)

Tissage (sans navette) Filature Monde OE Monde Tricotage


(en %) 1990-1999 (en %)
Achat Monde Spindle Achat
1990-1999 (en %) 1990-1999 1995-1999
Turquie 16,1 3,3 2 957 8,3 369 12,4 4,5
Israël 0,4 0,1 21 0,1 2 0,1 0,2
Jordanie 0,1 0,0 24 0,1 0 0,0 0,0
République arabe
syrienne 0,9 0,2 306 0,9 14 0,5 0,6
Egypte 2,4 0,5 391 1,1 1 0,0 1,0
Maroc 1,0 0,2 92 0,3 10 0,3 0,3
Tunisie 0,3 0,1 78 0,2 3 0,1 0,0
Pays méditerranéens 21,2 4,3 3 868 11,0 400 13,5 6,7
Chine 90,7 18,6 1 135 3,2 36 1,2 5,6
Monde 489,0 100 35 770 100, 2 966 100 50,9
Source: ITMF.

Externe-2007-04-0157-01.doc 105
Tableau 62. Les entreprises des pays méditerranéens parmi les 300 premières mondiales

Entreprise Pays Rang Millions (en euros)


Sahinler Turquie 26e 923
Multiligne group République arabe syrienne 39e 672
Oriental Weavers Egypte 49e 546
Delta Israël 83e 334
Bilkent Turquie 96e 288
Sanko Tekstil Turquie 119e 236
Misr Spinning Egypte 127e 216
Korteks Turquie 140e 194
Taris Pannuk Turquie 154e 186
Gunney Sanay Turquie 172e 165
Kitan Textile Israël 176e 162
Kordsa Turquie 195e 139
Bossa Turquie 197e 137
Cukunova Turquie 259e 104
Summer Holiday Turquie 278e 97
Altinyildiz Turquie 281e 96
Ozdilek Turquie 284e 95
Zorlu linen Turquie 285e 94
Ak Al Turquie 294e 89
Cetinkaya Turquie 303e 85
Mensa Turquie 309e 84
Nergis Turquie 321e 81
Orta Anadalu Turquie 324e 80

La production de TH est relativement peu internationalisée. L’absence de barrières


technologiques a permis aux entrepreneurs du Sud d’investir seuls, tandis que les
industriels du Nord, souvent des PMI, ont préféré sous-traiter plutôt que d’immobiliser des
actifs à l’étranger. Le TH a absorbé 2 pour cent des IDE extraeuropéens de l’UE en 1997-
98. Les pays méditerranéens en ont accueilli très peu dans ce secteur.

La Tunisie est le seul pays de la région qui dispose d’un véritable guichet unique pour
l’investissement étranger; sa politique d’accueil des IDE (et les exemptions fiscales
accordées pendant dix ans) lui a permis de valoriser son avantage de proximité auprès des
investisseurs. En mars 2004, les entreprises, dont le capital est 100 pour cent étrangers ou
mixtes, représentent 45 pour cent des entreprises du secteur 1.

1
Voir FENATEX-UTICA: L’avenir du secteur Textile-habillement après 2005, juin 2004,
documents de travail.

106 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 16. Nationalité du capital des entreprises du secteur TH en Tunisie (2004)

capital 100%
étranger
39%

capital 100%
tunisien
55%
capitaux mixtes
6%

Source: Recensement du CETTEX.

2.5. La capacité de satisfaire les exigences


de son propre marché

Une industrie réussit d’autant mieux à l’exportation qu’elle peut séduire des
consommateurs exigeants sur son propre marché. C’est moins la taille de leurs marchés
que leur sophistication qui permet aux pays asiatiques de créer leurs propres collections.
La Turquie et Israël qui ont ouvert leur marché à la concurrence, se situent dans une
situation un peu analogue. Ailleurs les marchés domestiques, étroits et protégés, ne sont
pas un atout (et l’absence d’échanges régionaux est un handicap supplémentaire). La
concurrence étrangère est le fait des articles de seconde main (les ventes de fripe sont assez
développées en Egypte et en Tunisie) ou de contrebande. La notion d’exportation peut être
trompeuse. Les entreprises engagées dans des activités de perfectionnement passif
n’exportent pas des produits mais elles vendent un «service industriel» qui se mesure en
coûts minutes. Dans ces conditions, la recherche de nouveaux marchés ne consiste pas à
prospecter des débouchés mais à convaincre de nouveaux donneurs d’ordre. Cette nuance
est à prendre en compte lorsque l’on estime les effets de la consolidation d’un véritable
espace paneuroméditerranéen.

Les exportations des pays méditerranéens se concentrent sur une poignée de pays
européens. La mesure de l’intensité des relations montre que les exportations de la Tunisie
et du Maroc sont fortement polarisées sur la France et l’Italie. Les pays méditerranéens
sont absents des marchés européens les plus dynamiques (en dix ans, la consommation
mesurée en euros a augmenté de 88 pour cent au Royaume-Uni). A l’exception de l’Egypte
et de la Turquie, les pays méditerranéens n’ont pas percé sur le marché américain. A plus
long terme, le tropisme européen du textile méditerranéen peut représenter un handicap.
Au cours des dix dernières années, la consommation européenne per capita, mesurée en
euros, a augmenté de 21 pour cent. Mais, vieillissement aidant, l’UE sera la région où la
consommation sera la moins dynamique. L’enjeu commercial des décennies à venir sera
d’habiller la classe moyenne des grands pays émergents.

La Turquie, le Maroc et l’Egypte excellent dans les articles de bonneterie. La Tunisie


réussit sur les vêtements en chaîne et trame avec une spécialisation très marquée dans les
pantalons en jean: elle occupe, avec la Turquie, une place importante sur ce marché
cyclique. La Turquie mais également (de façon relative) la République arabe syrienne et

Externe-2007-04-0157-01.doc 107
l’Egypte sont assez engagées dans l’exportation de produits dits sensibles (c’est le cas des
tee-shirts) qui seront les plus menacés par la concurrence asiatique après la libéralisation
des échanges. L’analyse des postes TH figurant parmi les trente premières exportations (à
six chiffres) des pays méditerranéens montre qu’ils sont en concurrence directe sur six
postes pour lesquels ils occupent des parts de marché mondial comprise entre 5 et 10 pour
cent. La croissance des débouchés mondiaux de ces postes a été assez soutenue entre 1995
et 1999. L’un des postes les plus importants (tee-shirts) est aussi l’un des plus exposé à la
concurrence.

2.6. Rôle de l’Etat

Les parités monétaires jouent un rôle important dans les performances et la


compétitivité globale des entreprises à l’exportation, qu’il s’agisse d’une dévaluation
compétitive (cas de la Turquie et de l’Egypte en 2002) ou d’une dépréciation monétaire
(cas de la Roumanie) 2. Les monnaies de la Tunisie et du Maroc ont connu une faible
érosion par rapport à l’euro ce qui les situent dans une mauvaise position compétitive par
rapport aux pays asiatiques ou ceux de l’Europe de l’Est 3.

La présence d’entreprises d’Etat dans le secteur TH est un héritage des politiques de


substitution aux importations menées jusque dans les années soixante-dix. Dans plusieurs
pays, l’Etat a établi des entreprises intégrées de filature-tissage, dont il cherche depuis à se
désengager. Ces privatisations se heurtent au manque d’appétit des investisseurs pour des
entreprises qui occupent une main-d’œuvre souvent pléthorique. Les entreprises d’Etat
dominent le secteur en République arabe syrienne et jouent un rôle important dans
l’industrie égyptienne; elles sont moins actives au Maroc (Cotex), en Tunisie et en Turquie
(Sumer Holdings).

La Tunisie est le seul pays de la région où l’Etat a engagé actuellement une stratégie
industrielle dans le TH qui a été élaborée en étroite collaboration avec la profession 4.

3. Les perspectives d’insertion de la Tunisie


dans un espace euroméditerranéen

Confrontée à la menace du démantèlement des accords multifibres, la Tunisie a


élaboré une stratégie qui accorde une grande importance à la construction d’un espace
euroméditerranéen compétitif dans le secteur TH. Ceci est conforme à sa politique de
coopération avec l’Union européenne marquée par la signature d’un accord d’association
en juillet 1995. Avant d’aborder, les perspectives d’insertion de la Tunisie dans un espace
euroméditerranéen, il importe d’examiner le pourtour géographique réel de cet espace
économique, en s’appuyant sur les échanges commerciaux entre les pays européens et
méditerranéens.

2
Voir J.-F. Limantour: L’avenir du secteur tunisien Textile-habillement après 2005, Actes de la
journée organisée par la FENATEX-UTICA, 5 juin 2004, p. 27.
3
J.-F. Limantour, op. cit.
4
Voir Fédération nationale du textile (UICA): L’avenir du secteur Textile-habillement après 2005,
Tunis, 5 juin 2004, documents de travail.

108 Externe-2007-04-0157-01.doc
3.1. Le concept euroméditerranéen ne s’applique pas
à tous les pays européens

L’UE est le principal débouché des exportations TH des pays méditerranéens (et des
PECO). Toutefois, entre 1990 et 2000, la part des exportations des pays méditerranéens
dans les importations extracommunautaires d’habillement a progressé plus lentement que
la part des exportations chinoises (alors que la Chine était soumise à quotas). La moyenne
européenne masque des situations très contrastées selon les pays. Le Royaume-Uni, les
Pays-Bas et l’Espagne importent proportionnellement plus d’Asie, l’Italie et l’Allemagne
davantage des PECO. Les pays les plus ouverts aux pays méditerranéens sont la France,
l’Allemagne, la Belgique et l’Espagne. Dans ces conditions, pour les autres pays
européens, le concept euroméditerranéen reste assez théorique.

Pour la Tunisie, les pays les plus ouverts à sa production sont: la France, l’Italie,
l’Allemagne et la Belgique (voir graphique ci-dessous sur les marchés d’accès du secteur
TH). L’ouverture de l’Espagne aux pays méditerranéens devrait s’ajouter à cet espace de
consommation favorable à la production tunisienne.

Tableau 63. Origine des importations extracommunautaires d’articles d’habillement (2000)


(en pourcentage)

Union Allemagne France Belgique Espagne Royaume- Italie Pays-Bas


européenne Uni
Asie 50 41 41 49 63 63 40 62
Méditérannée 23 25 38 31 23 20 19 19
PECO 21 31 12 14 3 8 36 13
Afrique 3 1 7 3 4 5 2 1
Amérique
du Sud 1 0 0 2 3 0 1 1
OCDE 1 1 1 1 1 2 1 1
Total 100 100 100 100 100 100 100 100
Source: Calcul à partir d’Eurostat.

Graphique 17. Marchés d’accès du secteur Textile-habillement tunisien (2004)

Autres 144,6
Suède 10,9

Malte 16,3
Etats-Unis 33,1

Espagne 151,6
Royaume-Uni 176,1

Pays-Bas 174,8

Belgique 275,4

Allemagne 474,4

Italie 1 191,0
France 1 830,9

0 250 500 750 1 000 1 250 1 500 1 750 2 000

Source: Ministère de l’Industrie.

Externe-2007-04-0157-01.doc 109
3.2. L’initiative des partenaires sociaux français pour
la construction d’un espace euroméditerranéen

L’ouverture de la France aux pays méditerranéens et l’existence dans ce pays d’un


secteur TH qui est fortement sinistré suite aux mouvements de délocalisations a conduit les
partenaires sociaux de ce pays de prendre l’initiative de revendiquer la création d’un
espace euroméditerranéen. En mai 2004, les partenaires sociaux français du secteur TH ont
signé une déclaration de principe pour la construction d’un espace euroméditerranéen 5.
Pour les signataires de cette déclaration, le problème posé aujourd’hui, n’est plus la
réparation des sinistres, mais la nécessité qu’un territoire s’organise pour favoriser un flux
permanent d’activités et d’emplois. Il faut comprendre qu’aucun des leviers n’est dans les
mains d’un seul acteur et qu’aucun acteur, y compris l’Etat, n’est en mesure d’assurer à lui
seul le maniement de tous les leviers. Par ailleurs, il n’y a pas de monopole de l’expertise,
tous les acteurs doivent avoir, dans ce domaine, un rôle. Au nom de l’ordre public, l’Etat a
un rôle d’équité entre les territoires et les entreprises; il doit avoir, en outre, la prise en
charge de l’urgence sociale là où elle s’impose.

Les mutations industrielles font parfois peur aux salariés et aux organisations
syndicales parce qu’à l’expérience, elles se font souvent dans l’urgence. Pour que le
processus s’inverse, il est nécessaire de privilégier un nouveau type de rapports assis sur
des règles de confiance, de transparence, de tolérance et d’efficacité, visant à aboutir à des
résultats concrets.

Les mutations nationales ne peuvent s’appréhender sans une vision européenne. Pour
aller de l’avant, sur l’économique et le social, d’un même mouvement, il faut une volonté
politique pour traiter en même temps les problèmes liés à la compétitivité, à
l’environnement, aux accords commerciaux, au social. Ce dernier a souvent été géré en
termes de conséquences et de réparations, alors qu’il doit l’être en termes de transition.

L’Europe a besoin d’instaurer une «discipline» globale, de fixer un cadre politique et


de préparer les contreparties sociales en mobilisant, à cet effet, de façon forte et prioritaire
les fonds structurels européens pour assurer les transitions liées aux mutations industrielles
dans tous les pays européens.

Les partenaires sociaux souhaitent s’impliquer aux plans national et européen, au


minimum (et aussi à l’OMC), pour «réguler» et humaniser, autant qu’il est possible, la
mondialisation accélérée en cours. Ils soulignent que leurs intérêts doivent les conduire à
privilégier les pays qui leurs sont proches. Ensuite, ils considèrent que le problème
essentiel n’est pas un nouvel ordre mondial du travail Nord-Sud mais celui de zones
régionales. Il n’est plus, de ce fait, celui de la concurrence Nord-Sud mais celui de la
concurrence entre PVD et entre zones régionales dans un contexte de surcapacités
mondiales et, jusqu’à présent, de baisses des prix sur les produits basiques, voire de
moyenne gamme.

5
Déclaration de principe des partenaires sociaux sur le textile et la mondialisation, texte définitif,
mai 2004.

110 Externe-2007-04-0157-01.doc
L’espace euroméditerranéen à construire doit intégrer l’économique et le social 6 .
L’espace économique est une zone qui serait caractérisée par:

i) la création d’un espace de compétitivité textile-habillement pour lutter à armes égales


avec la zone des Amériques et la zone asiatique;

ii) la préférence tarifaire;

iii) la «fluidification» de la zone par des règles d’origine adaptées au secteur TH.

Cet espace ne sera viable que si le taux de change de l’euro par rapport au dollar et aux
monnaies asiatiques liées au dollar permet de maintenir la compétitivité des produits issus
de la zone.

Plusieurs facteurs peuvent fonder l’idée sociale euroméditerranéenne. Tout d’abord,


la compétitivité de l’espace intégré euroméditerranéen peut permettre d’y préserver les
emplois (à l’échelle macro), ce qui ne peut se produire à l’échelle de l’Europe seule que sur
des segments spécifiques. La division du travail a clairement un sens au niveau
euroméditerranéen avec la séparation entre industries à fort coefficient technologique (par
exemple, filature et tissage) et industries de main-d’œuvre (par exemple confection). Si
l’on ajoute à cela la création d’emplois dans les services (encore que la compensation soit
partielle et qu’il ne s’agisse pas du même type d’emplois, de profils, de localisation, etc.),
on peut aboutir à la formulation d’une politique de l’emploi, en adéquation avec
l’environnement économique et ses impératifs.

Les partenaires sociaux soulignent qu’il est possible de promouvoir la dimension


sociale à l’échelle du partenariat méditerranéen: imaginer la mise en place d’un «label
éthique» volontaire à l’échelle euroméditerranéenne. Il s’agit de prendre des mesures
visant à promouvoir la consommation de produits manufacturés qui donnent des
informations sur le respect des droits fondamentaux au travail et de l’environnement qui
permettent aux consommateurs de connaître l’origine des produits importés. L’étiquetage
volontaire peut permettre aux consommateurs d’identifier des produits qui ont été
fabriqués dans le respect des droits fondamentaux au travail, tels que définis par l’OIT.

La branche est un lieu majeur pour la construction d’une nouvelle étape du dialogue
social – au plan national et européen –, pour partager des analyses, une vision économique
et sociale, proposer des solutions opérationnelles.

6
Rappelons ici que l’on appelle espace euroméditerranéen l’ensemble constitué par l’Europe et les
pays du pourtour méditerranéen, espace paneuropéen l’ensemble constitué par l’Europe et les pays
d’Europe centrale et orientale (dont les contours sont donc modifiés suite à l’élargissement de
l’Europe). espace paneuroméditerranéen, l’ensemble constitué par l’Europe, les PPM (pays du
pourtour méditerranéen) et les PECO (pays d’Europe centrale et orientale).

Externe-2007-04-0157-01.doc 111
Résumé des propositions pour l’avenir des industries textiles
Déclaration des partenaires sociaux français (mai 2004)
Nous devons rappeler sans cesse que l’objectif à atteindre dans les négociations de l’OMC est l’équité
et la réciprocité dans les conditions d’accès aux marchés mondiaux. Il faut que l’Europe recoure, chaque fois
que nécessaire, aux instruments de défense commerciale (clauses de sauvegarde, anti-dumping,
antisubventions).
Nous devons mettre en place un observatoire européen permanent de la mondialisation, et en priorité
sur la Chine pour veiller aux conditions dans lesquelles la Chine met en œuvre l’accord de son adhésion à
l’OMC et s’assurer de nos propres conditions d’accès au marché chinois.
Nous devons dénoncer la volatilité, dangereuse pour nos entreprises en France comme dans
l’Euroland, du taux de change de l’euro par rapport au dollar et aux monnaies asiatiques liées au dollar.
Nous devons obtenir une meilleure utilisation des fonds structurels européens dès 2004 pour
accompagner les mutations du secteur et étudier avec la Banque Européenne d’Investissement les voies et
moyens d’améliorer les conditions d’accès de nos PME au financement de leur développement.
Nous devons encourager l’investissement matériel et immatériel. Les pouvoirs publics français doivent
poursuivre les réformes fiscales, la fiscalité actuelle pénalisant lourdement les entreprises industrielles et
améliore, dans le domaine de l’innovation et de la création, le dispositif du crédit impôt-recherche.
Il convient, en Europe et dans le reste du monde, de combattre la contrefaçon et le piratage des
marques, dessins et modèles textiles.
Nous devons enrichir et approfondir le dialogue avec les partenaires sociaux de nos industries, tant en
Europe qu’en France, tant au plan de la branche, que des régions et des entreprises, afin de trouver les
voies d’une prise en compte réelle des conséquences sociales des mutations industrielles.
Nous devons également développer en concertation avec les organisations syndicales, au sein
notamment du FORTHAC; des programmes de formation ciblés sur les salariés car la formation développe
l’employabilité et accroît les chances de promotion des salariés (formations qualifiantes, nouvelles
compétences). Nous devons aussi développer la formation des entrepreneurs et des équipes des PME:
vision stratégique, réseaux électroniques.
Enfin, nous devons mettre en synergie, au bénéfice de nos PME, les importantes ressources que
constituent en France les écoles d’ingénieurs et de style, l’Institut Française de la Mode (IFM), l’Institut
Français du Textile et de l’Habillement (IFTH) et le réseau d’innovation industriel du textile-habillement
(R2ith), et renforcer de façon générale en Europe et dans la zone Euromed les synergies entre
enseignement, recherche et création.

3.3. L’adhésion des partenaires sociaux tunisiens


à l’initiative française

L’initiative française a eu un écho favorable en Tunisie. Les partenaires sociaux


tunisiens ont fait alors la proposition d’organiser une rencontre à Lille avec leurs
homologues français en vue d’examiner les moyens de contribuer ensemble à la
construction d’un espace euroméditerranéen compétitif dans le secteur TH. Une
déclaration commune est adoptée aux termes des travaux qui se sont déroulés au Nord–
Pas-de-Calais, les 6 et 9 juillet 2004. Elle traduit leur adhésion à la vision d’un espace de
textile-habillement euroméditerranéen compétitif et socialement équitable. Les signataires
de la déclaration appellent:

– à poursuivre les accords économiques et sociaux, environnementaux entre les


partenaires de la zone Euromed afin de créer, à terme, une zone homogène de libre-
échange, tout en préservant une préférence tarifaire significative;

– à réorienter les fonds structurels européens pour assurer aux salariés et aux entreprises
des différents pays de la zone Euromed, de la formation pour des emplois durables et
à valoriser l’exploitation de ces fonds à travers la mise en œuvre des projets de
coopération;

112 Externe-2007-04-0157-01.doc
– à rendre éligible et favoriser l’approche sectorielle, fondée sur la logique partenariale
entre les Fédérations de la branche pour l’attribution des fonds;

– à mettre en place, avec les institutions européennes, un Observatoire sur les effets de
la mondialisation, à engager un processus sur les respects et l’application des normes
fondamentales du travail reconnu par le BIT;

– à promouvoir les investissements par la création d’une banque de développement et


de coopération interindustrielle euroméditerranéenne, à l’instar de la BERD
favorisant la transition des pays d’Europe centrale et orientale;

– à promouvoir et à mettre en place un label éthique (labellisation et certification de


conformité aux règles sociales et environnementales).

L’idée d’intégrer l’économique au social devient un point de convergence entre


syndicats et patronats face à la menace de la concurrence des pays asiatiques. La
promotion des normes sociales de l’OIT trouve ainsi un écho favorable dans un secteur qui
est pourtant caractérisé par un déficit du travail décent.

3.4. Fragilité de la complémentarité économique Nord-Sud

La construction d’un espace euroméditerranéen fondé sur une division du travail qui
garantie les intérêts de tous les pays de cet espace en réduisant la concurrence entre eux se
heurte à des obstacles. L’étude des structures et intensité des échanges commerciaux dans
le secteur TH montre que plusieurs éléments fragilisent la complémentarité Nord-Sud 7:

„ Il existe une concurrence Maghreb PECO et Maghreb Turquie.

„ Le développement de la cotraitance éloigne les tisseurs de leur clientèle: ce sont les


confectionneurs des zones de délocalisation qui achètent de plus en plus les tissus.

„ Les exportations turques de tissus vers la Roumanie se développent.

„ L’accord Maroc-Turquie, et plus récemment Tunisie-Turquie, favorisera l’utilisation


de tissus turcs par les confectionneurs marocains et tunisiens.

La segmentation actuelle de l’espace euroméditerranéen devra se maintenir. Au sud de la


Méditerranée, les accords devant favoriser l’intégration économique des pays arabes,
notamment maghrébins, ne sont pas appliquées et parallèlement, au Nord, l’Union
européenne donne la priorité à son élargissement; ce qui limite ses efforts d’aide au
développement du Sud 8.

4. La promotion d’un label étique dans le secteur TH


renvoie au débat international sur le commerce
et les normes fondamentales du travail

Les déclarations des partenaires sociaux français et leurs homologues tunisiens visent
clairement la promotion d’un label éthique dans l’espace euroméditerranéen textile-

7
P. Morand, op. cit.
8
Ministère du Développement et de la Coopération internationale, rapport annuel sur le
développement en 2005, résumé en arabe, Tunis, juillet 2005.

Externe-2007-04-0157-01.doc 113
habillement. Cet objectif renvoie au débat international sur le commerce et les normes
fondamentales du travail. Les partenaires sociaux dans le secteur TH posent ainsi la
question du commerce international et des normes du travail. Depuis la conclusion du
Cycle d’Uruguay en avril 1994, cette question est passée au premier plan des
préoccupations gouvernementales; le grand défi à relever consiste en effet à maintenir les
marchés ouverts, tout en réduisant l’exclusion.

Le débat sur la scène internationale s’est focalisé sur certaines normes du travail qui
touchent aux droits de l’homme. Certaines normes du travail, estime-t-on, sont le reflet des
droits fondamentaux de l’être humain et tous les pays du monde devraient donc les
respecter. «Les droits fondamentaux ne sont pas fondamentaux parce que la Déclaration le
dit, mais la Déclaration le dit parce qu’ils le sont 9.»

Les avis divergent nettement sur les moyens de promouvoir ces normes du travail.
Certains estiment que la communauté internationale devrait faire pression sur les pays qui
ne les respectent pas, en ayant recours éventuellement à des sanctions commerciales en
dernier ressort. D’autres ne sont toujours pas convaincus de la nécessité de mettre en place
à cette fin de nouveaux mécanismes internationaux s’ajoutant à ceux qui existent déjà dans
le cadre de l’OIT et craignent que la défense des droits de l’homme ne soit mise au service
d’intérêts protectionnistes.

La question plus fondamentale qui se pose est de savoir si le développement


économique – et, partant, la libéralisation du commerce international – entraînera
progressivement une amélioration des normes du travail ou s’il serait nécessaire de prendre
des dispositions complémentaires (notamment en imposant des critères sociaux de
conditionnalité dans les accords commerciaux multilatéraux).

4.1. Principales dates marquantes

Avril 1994. Lors de la conclusion des négociations du Cycle d’Uruguay, un certain


nombre de délégations, dont la France et les Etats-Unis, avaient demandé que la relation
entre le système commercial et les normes de travail reconnues sur le plan international
soit examinée par la nouvelle Organisation mondiale du commerce qui devait se mettre en
place l’année suivante. L’opposition des pays en développement à ce que la nouvelle OMC
intègre ce sujet dans son programme de travail a conduit, en 1994, à la constitution d’un
groupe de travail spécial de l’Organisation internationale du Travail qui a reçu comme
mandat d’étudier «la dimension sociale du commerce international». Ce groupe a décidé de
suspendre tout examen du lien pouvant exister entre les échanges et les normes du travail
au travers des sanctions commerciales. Il s’est en revanche entendu sur un programme de
travail qui s’articule autour des éléments suivants:

– recherches et études par pays concernant l’incidence de la libéralisation des échanges


sur les normes du travail;

– examen des moyens d’action à la disposition de l’OIT pour promouvoir les normes
fondamentales.

Les travaux du groupe de travail ont permis une prise de conscience progressive de l’enjeu
social de la globalisation à travers l’ouverture des marchés pour l’OIT. Cet enjeu n’est pas

9
OIT: Examen d’une éventuelle Déclaration de principes de l’Organisation internationale du
Travail relative aux droits fondamentaux et de son mécanisme de suivi approprié, Conférence
internationale du Travail, 86e session, Genève, juin 1998, rapport VII, signification générale de la
Déclaration de principes de l’OIT sur les droits fondamentaux.

114 Externe-2007-04-0157-01.doc
de remédier aux distorsions que la différence des niveaux de protection suscite pour le
commerce international, mais de veiller à ce que le progrès économique engendré par la
libéralisation se traduise concrètement en termes de progrès social.

Juin 1994. Les ministres ont invité l’Organisation de coopération et de


développement économiques (OCDE) à entreprendre une analyse des domaines où de
nouveaux progrès dans le processus de libéralisation et de renforcement du système
multilatéral pourraient être nécessaires. Un rapport a été présenté aux ministres à leur
réunion de 1996 – «Le commerce, l’emploi et les normes du travail: une étude des droits
fondamentaux des travailleurs et de l’échange international» – qui tend à démontrer que le
respect des normes fondamentales peut être un facteur d’efficacité économique et que le
non-respect de ces normes ne conduit pas nécessairement les pays, où il est observé, à
enregistrer de meilleures performances globales à l’exportation.

Mars 1995. Sommet mondial pour le développement social, organisé par les Nations
Unies à Copenhague. Ce sommet aura contribué à mettre «sous surveillance» les politiques
d’ajustement structurel, critiquées pour leurs conséquences sociales. La Déclaration de
Copenhague et son plan d’action stipulent que les programmes du FMI et de la Banque
mondiale devront désormais intégrer des objectifs sociaux. Ils appellent à instaurer des
«filets de sécurité» sociaux et invitent les institutions de Bretton Woods à mieux
coordonner leurs programmes avec les actions de développement. Trois documents des
Nations Unies (le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention sur les droits de
l’enfant) contiennent des dispositions détaillées en matière de normes fondamentales du
travail: elles ont été ratifiées par plus de 120 pays.

Décembre 1996. La première Conférence ministérielle de l’OMC s’est tenue à


Singapour, à cette date. Un paragraphe de la Déclaration finale est consacré au sujet:

Nous renouvelons notre engagement d’observer les normes fondamentales du travail


reconnues sur le plan international. L’OIT est l’organe compétent pour établir ces normes et
s’en occuper, et nous affirmons soutenir les activités qu’elle mène pour les promouvoir. Nous
estimons que la croissance économique et le développement, favorisés par une augmentation
des échanges commerciaux et une libéralisation plus poussée du commerce, contribuent à la
promotion de ces normes. Nous rejetons l’usage des normes du travail à des fins
protectionnistes et convenons que l’avantage comparatif des pays, en particulier des pays en
développement à bas salaires, ne doit en aucune façon être remis en question. A cet égard,
nous notons que les secrétariats de l’OMC et de l’OIT continueront de collaborer comme ils le
font actuellement.

Alors que le résultat final des négociations commerciales du Cycle d’Uruguay ne


comportait aucune référence aux normes sociales, la Conférence ministérielle de l’OMC de
Singapour a permis de progresser sur trois plans:

– un paragraphe entier de la déclaration ministérielle, texte officiel et contraignant de


l’OMC, est consacré aux normes sociales fondamentales;

– l’ensemble des membres de l’OMC sont engagés;

– ils appellent au respect de ces normes et reconnaissent la nécessité d’assurer leur


promotion.

Le débat mené avant Singapour et à Singapour a permis de lever certains malentendus et


de mieux expliquer les préoccupations des partisans de l’inscription des normes sociales au
programme de travail de l’OMC. Alors que la totalité des pays en développement – avec
l’appui d’une majorité de pays industrialisés – était hostile à la perspective d’une simple
évocation de ce thème dans une enceinte à vocation commerciale, des principes communs

Externe-2007-04-0157-01.doc 115
ont pu être dégagés et affirmés. De plus, la déclaration ministérielle laisse ouverte la
possibilité de poursuivre le débat au sein de l’OMC. Celle-ci reste saisie puisque les
secrétariats de l’OIT et de l’OMC sont appelés à continuer à collaborer.

Mars 1998. L’Union européenne a introduit une clause incitative, dans le cadre du
système de préférences généralisées. Il s’agit de faire bénéficier d’un bonus douanier les
pays qui respecteraient les normes sociales minimales telles qu’elles ont été définies par
l’OIT.

Mai 1998. L’OIT adopte la Déclaration sur les droits et principes fondamentaux de
l’homme au travail et présente un projet de convention sur les formes les plus intolérables
du travail des enfants.

4.2. L’action des organisations internationales

4.2.1. L’Organisation internationale du Travail (OIT)

En juin 1998, a été adoptée la Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits
fondamentaux au travail, qui énonce succinctement quatre grands principes, oblige les
Etats Membres de l’OIT à les respecter et souligne que les normes du travail ne doivent
pas être utilisées à des fins protectionnistes. Aux termes de cette Déclaration, ces droits et
principes comprennent:

a) la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation


collective;

b) l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire;

c) l’abolition effective du travail des enfants; et

d) l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession.

Rappelant l’importance des conventions de l’OIT relatives à ces questions (dites


«conventions fondamentales»), la Déclaration de 1998 élargit le champ des notifications de
l’application des principes et droits fondamentaux à des pays qui n’avaient pas ratifié ces
conventions. En juin 1999, les Etats Membres de l’OIT ont adopté une nouvelle
convention fondamentale (C182), qui interdit les pires formes de travail des enfants. Elle
est entrée en vigueur en novembre 2000 et est devenue alors la huitième convention
fondamentale.

La Déclaration de 1998 de l’OIT a permis de mettre en place une méthode de suivi


axée sur la promotion des principes et droits fondamentaux au travail, dont un rapport
annuel spécial destiné à présenter une image dynamique et globale de la situation et à
faciliter l’appréciation et la hiérarchisation des activités de coopération technique de l’OIT.
Ce mécanisme, ainsi que d’autres initiatives, lui ont permis de donner une nouvelle
impulsion aux activités d’assistance technique déjà importantes menées par l’OIT. Même
s’il va falloir du temps pour que tous les effets de ces changements se fassent sentir, il
semble que certains pays soient sensibles au resserrement de la surveillance et à
l’intensification de l’aide au niveau international.

A l’avenir, l’enjeu consistera à trouver un moyen d’attirer l’attention de la


communauté internationale sur les carences les plus graves de façon à encourager une
rapide amélioration, tout en continuant à promouvoir, d’une manière générale, un plus
grand respect des normes du travail dans les lois et les pratiques des Etats Membres.

116 Externe-2007-04-0157-01.doc
4.2.2. L’Organisation mondiale du commerce (OMC)

L’intention d’introduire des clauses sociales dans les accords commerciaux figurait
dans les projets, mort-nés, de l’Organisation internationale du commerce de 1947. Reprise
par certains pays, comme les Etats-Unis et la France, au cours des négociations du Cycle
d’Uruguay, elle avorta au dernier moment en 1994, du fait de la vive opposition de
certaines délégations. En effet, le résultat final des négociations commerciales du Cycle
d’Uruguay ne comporte aucune référence aux normes sociales fondamentales.

A Marrakech, le président uruguayen du comité de négociations, dans ses conclusions


formelles, notait toutefois que «les ministres représentant un certain nombre de délégations
participantes ont souligné l’importance qu’ils attachent aux demandes qu’ils ont formulées
afin que soit examinée la relation entre le système commercial et les normes de travail
reconnues sur le plan international». Etaient évoqués, sur un plan équivalent, une dizaine
d’autres sujets d’intérêt pour certaines délégations. La question des normes sociales était
donc:

– renvoyée dans une déclaration du président sans valeur formelle;

– mise en avant par un nombre limité de délégations;

– cantonnée dans l’examen de la relation normes sociales/système commercial.

La Conférence ministérielle de l’OMC de Singapour de 1996 a permis de progresser sur ces


trois plans par l’intégration dans la déclaration ministérielle – texte officiel et contraignant de
l’OMC – d’un paragraphe entier consacré aux normes sociales fondamentales et par
l’engagement de l’ensemble des membres de cette organisation à assurer leur respect et leur
promotion. La conférence a reconnu que l’OIT est l’organisme compétent pour établir les
normes fondamentales du travail et s’en occuper. Elle a appuyé la collaboration entre le
secrétariat de l’OMC et celui de l’OIT, et rejeté l’utilisation des normes du travail à des fins
protectionnistes.

4.2.3. L’Organisation de coopération et de développement


économique (OCDE)

Il y a plusieurs années que l’OCDE, sous différents angles, aborde le thème des
aspects sociaux des relations économiques internationales. D’ailleurs, parmi les valeurs qui
fondent officiellement l’Organisation figurent la «démocratie pluraliste» (y compris le
droit d’association professionnelle) et le respect des droits de l’homme au travail. Par
ailleurs, les principes directeurs «recommandent» aux entreprises multinationales de
respecter les normes sociales fondamentales et de ne pas utiliser l’argument de l’emploi
pour faire accepter aux travailleurs concernés une diminution de leurs droits sociaux liée à
un investissement étranger. L’OCDE a publié un rapport approfondi sur «les échanges et
les normes de travail» qui:

– identifie les normes sociales de base retenues par les pays membres de l’OCDE;

– étudie les liens existants entre l’application de ces normes et la libéralisation des
échanges, l’investissement étranger, le développement et l’emploi;

– passe en revue les principales procédures existantes de promotion des normes de


travail, notamment dans le cadre de l’OIT.

Externe-2007-04-0157-01.doc 117
4.2.4. L’Organisation des Nations Unies (ONU)

L’ONU a élaboré de nombreux textes, pour la plupart adoptés à une très large
majorité, concernant les droits de l’homme, y compris leur traduction dans le domaine
économique et social. On peut citer à cet égard:

– les deux pactes de 1966, relatifs l’un aux droits économiques, sociaux et culturels
(ratifié par 131 pays) et l’autre aux droits civils et politiques (ratifié par 129 pays);

– la convention de 1989 sur les droits de l’enfant visant à protéger la main-d’œuvre


enfantine de l’exploitation et des abus (ratifiée par 168 pays).

Il n’est guère possible de connaître avec précision le degré d’application concrète de ces
textes, très proches des conventions de base de l’OIT. Au Sommet social mondial de
Copenhague de mars 1995, l’engagement no 3 de la Déclaration et le chapitre III du
programme d’action qui ont été adoptés visent directement la définition et la promotion des
droits des travailleurs dans le contexte mondial.

4.2.5. L’Union européenne (UE)

Outre ce qui concerne la progression de la cohésion sociale au sein de l’Union


européenne, les autorités européennes jouent un rôle particulièrement actif dans les
institutions internationales pour y faire progresser l’idée de conditionnalité sociale.

Le Parlement européen demanda, dès 1983, de «voir imposer à tous les pays membres
du GATT le respect des conventions de l’OIT» concernant les normes minimales et
renouvela sa demande en 1986, et plus récemment le 11 novembre 1998. Le 9 février
1994, il adoptait une résolution établie à partir du rapport d’André Sainjon, se prononçant
très clairement en faveur de l’introduction de clauses sociales dans le système commercial
mondial. Dans son projet de résolution, présenté en novembre 1998, la Commission des
relations économiques extérieures du Parlement européen:

– demande à la Commission européenne de tenir compte de l’état de ratification, par les


pays candidats à l’entrée dans l’Union, des conventions faisant partie de la
Déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail;

– demande à la Commission européenne et au Conseil d’apporter un soutien politique


plus décidé à l’OIT et de mettre tout en œuvre pour qu’une véritable coordination
s’établisse entre l’OMC et l’OIT, à commencer par l’établissement immédiat de liens
entre leurs secrétariats, comme cela fut décidé en 1996 à Singapour;

– insiste pour que ces liens ne soient pas de simples rencontres d’information et
demande que, à terme, tout pays membre de l’OMC ait ratifié la Déclaration de l’OIT
relative aux principes et droits fondamentaux au travail;

– souhaite que cette question soit traitée lors de l’élaboration d’un document commun
entre les deux organisations;

– demande à la Commission et aux Etats membres de l’Union européenne d’intervenir


au sein des instances décisionnelles de l’OMC pour que, lors de l’évaluation des
demandes d’adhésion, le respect des normes sociales minimales dans les pays
candidats soit retenu comme critère d’admission à l’OMC;

– demande à la Commission de proposer, à l’image de ce qui s’est fait aux Etats-Unis,


l’élaboration d’un code de conduite minimale s’appuyant sur la Déclaration de l’OIT

118 Externe-2007-04-0157-01.doc
relative aux principes et droits fondamentaux au travail, qui pourrait être ratifié
librement par des multinationales européennes;

– souhaite la mise en place d’une initiative européenne visant à lutter contre le travail
des enfants dans les pays concernés et qui aide ces pays en permettant l’octroi d’une
allocation de substitution aux familles des enfants contraints au travail forcé destinée
à leur scolarisation.

Le Conseil des ministres, qui a procédé à plusieurs reprises, notamment en mars


1995, à des débats sur la nécessaire dimension sociale du commerce international, a adopté
le Mémorandum de la présidence (exercée à l’époque par la France), qui invitait l’Union à:

– prendre position, de façon concrète, en faveur de l’intégration de normes sociales


dans les accords commerciaux;

– s’accorder sur quelques règles simples en ce qui concerne leur contenu et leur mise en
œuvre pour assurer la protection des droits fondamentaux de l’homme au travail et de
la dimension sociale, prendre les normes internationales de l’OIT comme instrument
de référence et établir un lien entre les mécanismes de l’OIT et de l’OMC.

En 2004, la Commission des communautés européennes publie un rapport qui milite


pour la promotion du travail décent 10. Dans le contexte des mutations économiques, elle
souligne que la qualité des ressources humaines est le facteur essentiel de la compétitivité à
l’échelle internationale. Les entreprises doivent faire face à des changements structurels,
revoir leurs besoins en qualifications et repenser l’organisation de la production, en
général, et des méthodes de travail, en particulier. Le défi prioritaire est l’amélioration de
la qualité au travail de manière à gérer positivement tous les aspects du changement
– économique, social et environnemental.

Dans ce rapport, la Commission souligne que le renforcement de la capacité


d’adaptation de la main-d’œuvre, des entreprises et des secteurs dans les économies de
l’Union européenne est une nécessité d’une importance primordiale. Pour améliorer la
capacité d’adaptation, il importe de parvenir à un équilibre entre la flexibilité et la sécurité
dans les relations de travail. Cet objectif est fondamental à la fois pour les employeurs, afin
qu’ils soient en mesure d’exploiter des entreprises compétitives, et pour les salariés, pour
que ceux-ci bénéficient de conditions de travail et de rémunération décentes. Dans ce
contexte, de nouvelles questions se posent relatives à la manière de gérer la main-d’œuvre
et des compromis se négocient avec les partenaires sociaux à tous les niveaux concernant
les relations de travail, les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie, la flexibilité
du temps de travail et l’organisation de marchés du travail de transition.

Des relations de travail de qualité peuvent contribuer à créer des conditions propices à
l’innovation, à l’amélioration de la qualité de l’emploi et de la compétitivité. Investir dans
la qualité de l’emploi en termes de santé et de sécurité sur le lieu de travail, offrir un accès
approprié à la formation et au développement des qualifications à toutes les catégories
d’âge et de bonnes conditions de travail pour garder et attirer le personnel sont autant
d’éléments importants dans l’approche du défi de la gestion des mutations. Des
organisations de travail hautement performantes sont mises en place au travers d’accords

10
Voir Commission des communautés européennes: Partenariat pour le changement dans une
Europe élargie – Renforcer la contribution du dialogue social européen, communication de la
commission COM(2004)557 final, Bruxelles, août 2004.

Externe-2007-04-0157-01.doc 119
conclus entre direction et personnel, et la meilleure façon d’aboutir à ces accords est la
négociation et la collaboration au niveau de l’entreprise 11.

4.3. Les initiatives unilatérales et les accords privés

4.3.1. Les initiatives unilatérales

Ce sont les Etats-Unis qui se sont engagés les premiers et le plus vigoureusement sur
la voie de la «conditionnalité sociale». Depuis 1983, ils l’ont introduite dans quatre
principaux textes de loi portant respectivement sur les thèmes ci-dessous:

„ L’initiative concernant le Bassin des Caraïbes (CBI 1983). Des préférences


supplémentaires sont accordées aux pays des Caraïbes et d’Amérique centrale (une
vingtaine environ) où le Président jugerait que les travailleurs jouissent de conditions
de travail satisfaisantes et du droit syndical. Cinq ans plus tard, l’administration
américaine affirmait que, sur sept pays où avaient été constatés des abus intolérables,
des promesses de réforme avaient été obtenues, souvent suivies d’effets.

„ La société pour les investissements privés outre-mer (OPIC). Suite à une pression
de l’AFL-CIO, cet organisme public s’était vu imposer l’obligation de vérifier, avant
d’accorder ses financements ou ses garanties, l’application locale des normes sociales
internationales.

„ Le SPG américain. Lors du renouvellement du SPG en 1984, le Congrès a ajouté à


la liste des conditions de refus d’admissibilité une clause concernant les droits des
travailleurs (art. 502 b); la loi donne aux organisations et aux particuliers la possibilité
de dénoncer les cas de non-respect de cette clause auprès des autorités commerciales
américaines, qui sont alors obligées de «prendre des mesures».

„ La loi générale sur le commerce et la concurrence de 1988. Cette loi qui définissait
les objectifs des négociateurs américains au GATT disposait, entre autres, que «le
refus des droits des travailleurs ne saurait permettre à un pays ou à l’un de ses
industriels d’acquérir un avantage de concurrence dans le commerce international».
Par ailleurs, la section 301 du Trade Act. autorise le Président à «utiliser des moyens
réalistes pour assurer l’observation d’un code international de normes du travail».

4.3.2. Les accords privés

Il existe quelques exemples d’accords conclus entre des distributeurs et des


producteurs étrangers, dans lesquels il est spécifié que les conditions de production
devraient être conformes aux normes sociales internationales. Ainsi, Levi’s imposerait à
ses sous-traitants des règles très précises en ce qui concerne le travail des enfants et le
travail carcéral, ce qui l’a conduit à ne plus travailler avec la Chine. Quelques années
auparavant, en 1983, la coopérative suisse de consommation Migros avait exigé de son
fournisseur Del Monte des garanties précises en matière de conditions de travail dans ses
plantations d’ananas, assorties de visites régulières d’experts internationaux.

4.4. La mobilisation des acteurs non étatiques

Le progrès social n’est plus l’affaire exclusive des Etats. En nombre croissant, les
entreprises se préoccupent des répercussions sociales ou environnementales de leur action;

11
COM(2004), op. cit.

120 Externe-2007-04-0157-01.doc
les consommateurs sont également de plus en plus conscients des responsabilités qui leur
reviennent à travers leur choix de produits ou de services. Ce double mouvement
convergent se traduit par une prolifération de chartes, de codes, de pratiques et de «labels»
censés garantir le respect de différents critères, sociaux ou autres, dans la fabrication de tel
ou tel article. Les codes internationaux de conduite à l’intention des entreprises, comme la
Déclaration tripartite de l’OIT et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des
entreprises multinationales, peuvent aussi exercer une grande influence.

La mondialisation s’intensifiant, les entreprises multinationales jouent un rôle de


premier plan dans le transfert de technologies, d’innovations et de méthodes de gestion
modernes. Mais il ne faut pas surestimer l’influence des entreprises multinationales sur la
promotion des normes fondamentales du travail. L’effet le plus direct qu’elles peuvent
avoir consiste à améliorer les normes du travail appliquées à leur propre personnel. Elles
peuvent aussi exercer une influence indirecte en exigeant de leurs fournisseurs et autres
partenaires locaux qu’ils mènent de bonnes politiques du personnel. De fait, la diversité
des codes de conduite existants à l’intention des entreprises semble refléter le rôle croissant
que joue l’éthique dans la gestion courante des entreprises. De surcroît, ces codes n’étant
pas imposés, il est plus facile pour les entreprises de les adopter. Cependant, on ne dispose
pas de suffisamment d’éléments pour pouvoir dire si ces codes sont un moyen efficace de
promotion des normes fondamentales du travail dans les pays en développement.

Un autre moyen consiste à persuader les consommateurs de tenir compte, lorsqu’ils


achètent des produits, non seulement de leur prix, mais aussi des principes moraux. Les
consommateurs peuvent, par exemple, boycotter les produits qui seraient associés au non-
respect des normes fondamentales du travail. Une telle action est d’une efficacité variable
et incertaine, car elle dépend de l’accord de nombreux consommateurs. En outre, le
boycott peut avoir des répercussions sur le commerce et risque d’être utilisé pour servir des
intérêts nationaux étroits.

En décernant un «label social» à certains produits, on permet aux consommateurs


d’acheter des articles qui satisfont à certains critères jugés souhaitables pour la société.
Cette formule a l’avantage d’être une incitation plutôt qu’une sanction et d’exiger la
coopération aussi bien des fabricants que des importateurs, ce qui en accroît l’efficacité.
Mais, comme pour tous les systèmes d’étiquetage, il faut veiller à ce que les critères
d’attribution du label soient correctement définis et contrôlés, et que tous les
composants/éléments d’un produit satisfassent à ces critères. Il est peu probable que le
label social puisse permettre de faire face à toutes les situations où les normes du travail
sont médiocres.

En somme, les codes de conduite et les mécanismes du secteur privé peuvent être
d’une certaine utilité dans des cas bien précis, en particulier s’ils renforcent d’autres
dispositifs plus généraux, mais il ne faut pas en attendre une solution universelle. Plus
généralement, il faut se poser la question de savoir comment veiller à ce que l’information
sur laquelle les mécanismes du secteur privé reposent soit exacte et contrôlée.

4.5. L’apport des recherches sur la relation:


commerce et normes fondamentales du travail

En 1996, l’OCDE a publié une première étude importante qui a permis de dégager, au
niveau international, un consensus politique fort sur la définition d’un certain nombre de
normes fondamentales du travail 12. Les pays qui renforcent leurs normes fondamentales

12
OCDE: Le commerce, l’emploi et les normes du travail: une étude sur les droits fondamentaux
des travailleurs et l’échange international, 1996, 270 pp.

Externe-2007-04-0157-01.doc 121
du travail peuvent favoriser la croissance et l’efficience économiques en relevant les
niveaux de compétences de leur main-d’œuvre et en créant un climat propice à
l’innovation et à une plus grande productivité. Selon des études récentes examinant les
liens entre commerce, démocratie et salaires, il s’avère que les pays qui se dotent
d’institutions démocratiques – considérées ici comme englobant la reconnaissance des
droits fondamentaux des travailleurs – avant de s’ouvrir à la libéralisation des échanges,
effectuent la transition plus facilement que les pays dépourvus de telles institutions.

Les quelques études récentes où l’on suggère une corrélation négative entre le respect
de certaines normes du travail et la performance commerciale ne permettent pas de
remettre en question les conclusions de l’étude de 1996 de l’OCDE, à savoir que les pays
où les normes fondamentales du travail sont insuffisantes n’obtiennent pas de meilleurs
résultats à l’exportation que ceux où ces normes sont élevées 13. Cela tient au fait que ces
études portent sur les normes du travail en général et non sur les normes fondamentales.
Cette distinction revêt une importance cruciale dans l’analyse car, selon qu’elles sont ou
non fondamentales, ces normes devraient avoir des effets différents, souvent inverses, sur
les résultats économiques.

Dans le domaine des normes du travail, le «nivellement par le bas» se heurte à des
obstacles de taille. Toute entreprise qui tente de bénéficier d’un avantage concurrentiel en
réduisant les avantages sociaux sans accorder d’augmentations de salaire en contrepartie
cherche en fait à ramener les salaires en dessous de la valeur marginale du travail. Or, sur
les marchés concurrentiels, la pression exercée par les autres employeurs finit par
contraindre cette entreprise à rétablir son régime de rémunération à son niveau initial si
elle veut pouvoir embaucher. Mais là où les pressions concurrentielles sont faibles, le
résultat peut être différent.

Des études récentes conduisent à penser que les pouvoirs publics des pays dans
lesquels les enfants travaillent préféreront modifier leur législation plutôt que de s’exposer
à des sanctions commerciales 14. Elles semblent également indiquer que, dans certaines
circonstances, interdire le travail des enfants peut être un moyen efficace pour que
s’instaure une économie où les salaires des adultes sont élevés et où les enfants ne
travaillent pas. Ces conclusions sont probablement valables pour les pays où la
productivité de la main-d’œuvre est relativement forte et qui peuvent assurer à tous leurs
enfants des moyens d’existence sans les faire travailler. Mais, dans les pays très pauvres,
une telle interdiction risque de placer les ménages dans une situation encore plus précaire.
En outre, interdire l’importation de biens dont les fabricants utilisent la main-d’œuvre
enfantine peut amener les industries exportatrices à renoncer à employer des enfants, mais
il est peu probable que cela ait le même effet dans le secteur informel, qui est celui qui en
emploie le plus.

Les faits montrent qu’un écart important subsiste entre la ratification des conventions
fondamentales, d’une part, et l’application concrète de leurs principes, d’autre part. En
outre, la complexité et l’extrême diversité des questions entourant les normes
fondamentales du travail ont suscité d’innombrables débats à l’échelle internationale et mis
en évidence l’importance des divers mécanismes d’incitation, dont certains peuvent être
complémentaires, qui permettraient de s’attaquer à une, voire plusieurs, causes du non-
respect de telles normes.

13
OCDE: International Trade and Core Labour Standards: A Survey of Recent literature.
14
OCDE: Echanges internationaux et normes fondamentales du travail, 2000, 136 pp.

122 Externe-2007-04-0157-01.doc
PARTIE III

Les ressources humaines et le dialogue social


moteurs de la compétitivité socio-économique
des entreprises du secteur Textile-habillement
Dans le nouveau contexte de la mondialisation du secteur TH, les modèles de
compétitivité ne sont pas liés seulement à l’intensité du capital mais aussi à la maîtrise des
connaissances et des technologies, à une plus grande qualification des ressources
humaines, à la capacité d’adaptation aux mutations du travail, à l’adoption de
comportements intégrant l’innovation et l’initiative pour un meilleur positionnement dans
l’économie mondiale.

Le travail décent est un moyen de mobiliser tous les acteurs de l’entreprise, dans la
mesure où il favorise l’adhésion des salariés à la stratégie de développement de la
compétitivité de leur entreprise. La promotion du travail décent concilie l’intérêt des
travailleurs et celui de l’entreprise. De ce fait, c’est un projet qui intègre l’économique au
social.

L’enjeu est en fait de passer d’un modèle de compétitivité marqué structurellement


par les conflits du travail à un modèle qui doit s’appuyer sur le travail décent pour
développer la compétitivité du secteur. Nous montrerons que la Tunisie a plusieurs atouts
pour mettre en œuvre ce type de modèle. Il s’agit des acquis de sa politique d’éducation, de
formation et de recherche-développement et de la longue tradition des partenaires sociaux
à pratiquer le dialogue social. Nous proposerons comment développer ces acquis pour
renforcer la compétitivité socio-économique des entreprises dans le nouveau contexte de la
mondialisation et de l’économie du savoir.
Chapitre 6. La nouvelle stratégie de développement
du secteur TH en Tunisie
Le Centre technique du textile (CETTEX), l’Agence de promotion de l’industrie
(API), la Banque de développement économique en Tunisie (BDET) et la Fédération
nationale du textile affiliée à l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de
l’artisanat (FENATEX-UTICA) ont réalisé, sous l’égide du ministère de l’Industrie, une
étude stratégique pour le secteur TH en 1997 et actualisée en 2004 1. L’étude souligne que
la Tunisie est entrée dans une ère où la qualité et le prix sont devenus de simples prérequis
pour accéder à un marché. L’arme gagnante utilisée par les entreprises les plus
performantes est incontestablement celle du temps, dans le but de fournir aux clients les
produits dans un délai de plus en plus court. Il s’agit de mettre en place «une véritable
culture de réactivité des opérateurs locaux». Cette culture est nécessairement liée à une
nouvelle culture de la gestion des ressources humaines. Selon les conclusions de l’étude
précitée, la nouvelle politique industrielle du secteur TH doit s’articuler autour d’un plan
d’action dont la mise en œuvre est urgente. Ce chapitre présente le contexte global de cette
stratégie et ses caractéristiques qui traduisent un changement radical du modèle de
compétitivité adoptée par la stratégie de développement du secteur.

1. Ce que nous enseignent les nouvelles théories


de la croissance

1.1. Les investissements dans le savoir sont la clé


de la croissance économique à long terme

Le terme d’«économie du savoir» est né de la prise de conscience du rôle du savoir et


de la technologie dans la croissance économique. Le savoir, en tant que «capital humain»
et inclus dans les technologies, a toujours été au centre du développement économique.
Mais c’est seulement ces dernières années que son importance, qui va grandissant, amène à
revoir certaines théories et certains modèles économiques, car l’analyse économique suit la
réalité.

Les «fonctions de production» traditionnelles sont axées sur le travail, le capital, les
matériaux et l’énergie; le savoir et la technologie influent sur la production de l’extérieur.
On élabore aujourd’hui des approches analytiques qui permettent d’inclure plus
directement le savoir dans les fonctions de production. Les investissements dans le savoir
peuvent accroître la capacité productive des autres facteurs de production ou les
transformer en nouveaux produits et procédés. Et, comme ces investissements dans le
savoir se caractérisent par des rendements croissants (plutôt que décroissants), ils sont la
clé de la croissance économique à long terme.

Dire que le savoir joue un rôle important dans l’économie n’est pas une idée nouvelle.
Adam Smith faisait référence à ces nouvelles générations de spécialistes, hommes de
spéculation, qui contribuaient significativement à la production d’un savoir utile pour
l’économie. Friedrich List insistait sur l’infrastructure et les institutions qui concourent au
développement des forces productives par la création et la diffusion du savoir. La
conception schumpétérienne de l’innovation comme l’un des principaux ressorts de la
dynamique économique a été reprise par les schumpétériens modernes, tels que Galbraith,

1
Gherzi Organisation-Zürich, étude stratégique du secteur Textile-habillement, janv. 1999.

Externe-2007-04-0157-01.doc 125
Goodwin et Hirschman. Enfin, des économistes élaborent aujourd’hui de nouvelles
théories de la croissance pour expliquer les forces qui sous-tendent la croissance
économique à long terme 2.

Selon la fonction de production, telle qu’elle est décrite par les néoclassiques, la
rentabilité décroît à mesure que l’on accroît la quantité de capital injecté dans l’économie,
effet qui peut toutefois être compensé par l’apport de nouvelles techniques. Bien que le
progrès technologique soit considéré comme un moteur de la croissance, il n’existe pas de
définition ni d’explication des processus technologiques. Dans la nouvelle théorie de la
croissance, le savoir peut accroître la rentabilité de l’investissement, laquelle peut, à son
tour, contribuer à l’accumulation de connaissances du fait qu’elle encourage l’adoption de
méthodes plus efficientes d’organisation de la production ainsi que l’amélioration des
produits et des services. Cela peut ainsi donner lieu à un accroissement durable de
l’investissement qui peut se traduire par une progression continue du taux de croissance
d’un pays. Le savoir peut aussi avoir des retombées, d’une entreprise ou d’une branche
industrielle à une autre, en favorisant l’exploitation répétée de nouvelles idées pour un coût
supplémentaire minime. De telles retombées peuvent atténuer les entraves à la croissance
que fait naître la rareté du capital.

1.2. Les nouvelles théories de la croissance


reposent sur quatre idées essentielles

Développées au cours de ces quinze dernières années, les nouvelles théories de la


croissance 3 reposent sur quatre idées essentielles que l’on peut résumer ainsi:

„ L’innovation et l’adaptation technologiques sont les moteurs de la croissance de la


productivité et, par suite, de la croissance à long terme d’un pays ou d’un secteur de
l’économie. Elles prennent la forme de nouveaux produits, de nouveaux procédés de
production, de nouvelles formes d’organisation au sein des entreprises et des marchés.

„ L’innovation et l’adaptation technologiques sont produites pour une large part au


sein des entreprises. Ces activités dépendent des incitations entrepreneuriales à
innover, elles-mêmes étant influencées par les politiques et l’environnement
économiques (politique des brevets et de la propriété intellectuelle, subventions à la
R&D, politique de la concurrence, offre de travailleurs qualifiés, etc.).

„ L’idée schumpetérienne de «destruction créatrice» explique une large part du


phénomène de croissance de la productivité. Toute innovation nouvelle accélère
l’obsolescence des technologies existantes ainsi que celle des biens d’équipement et
des qualifications associés à ces technologies. Par conséquent, l’innovation contribue
à augmenter les inégalités entre ceux qui s’adaptent rapidement au progrès technique

2
P.M. Romer (1990): «Endogenous Technological Change», Journal of Political Economy, no 98-5,
pp. 71-102.
P.M. Romer (2000): «Should the Government Subsidize Supply or Demand in the Market for
Scientists and Engineers?», NBER Working Paper No. 7723.
3
P.M. Romer (1990): «Endogenous Technological Change», Journal of Political Economy, no 98-5,
pp. 71-102.
P. Aghion et P. Howitt (1992): «A Model of Growth Through Creative Destruction», Econometrica,
vol. 60, pp. 323-351.
P. Aghion et P. Howitt (1998): Endogenous Growth Theory, Cambridge, MIT Press.

126 Externe-2007-04-0157-01.doc
et ceux qui ne suivent pas; en particulier, elle tend en général à creuser les écarts de
revenus entre travail qualifié et travail non qualifié.

„ Le stock de capital humain conditionne l’aptitude d’un pays à innover et/ou à


rattraper les pays plus développés. L’éducation et la recherche sont facteurs de
croissance dans tous les pays, quel que soit leur niveau de développement
technologique 4. Dans les pays les plus avancés sur le plan technologique, comme les
Etats-Unis, l’éducation augmente l’offre de chercheurs ou développeurs potentiels et,
par suite, réduit le coût de la R&D; c’est le moyen de rester dans le peloton de tête et
d’affronter les contraintes de concurrence et de compétitivité. Dans les pays ou les
secteurs moins développés technologiquement, l’éducation et la R&D facilitent
l’adoption de nouvelles technologies introduites auparavant dans les pays plus
avancés et leur adaptation aux situations géographiques et économiques locales (ce
qui est en soi une innovation), permettant ainsi d’atteindre un niveau plus élevé de
productivité des facteurs.

Cette complémentarité entre éducation et progrès technique a d’importantes


implications concrètes pour la politique économique. En particulier, elle suggère qu’une
bonne politique de croissance passe à la fois par:

– des subventions à la R&D ou à l’équipement de laboratoires utilisés prioritairement


par les entreprises innovantes;

– une politique adaptée des droits de propriété sur l’innovation;

– une amélioration de la qualité du système éducatif;

– une réduction des rigidités qui peuvent exister entre le côté offre et le côté demande
du marché du travail qualifié, notamment en fournissant une meilleure information
aux entreprises sur l’offre de travail qualifié et aux chercheurs techniciens sur
l’évolution des secteurs innovants.

Intégrer le savoir aux fonctions de production économiques standard n’est pas chose
facile, dans la mesure où ce facteur défie certains principes économiques fondamentaux,
comme le principe de la rareté. Le savoir et l’information sont plutôt du côté de
l’abondance; ce qui est rare, c’est la capacité de les exploiter de façon constructive. Le
savoir n’est pas non plus facilement transformé en un objet de transactions économiques
standard. Il est difficile d’acheter du savoir et de l’information car, par définition,
l’information sur les caractéristiques de ce qui est acheté est inégalement répartie entre le
vendeur et l’acheteur. Certains types de savoir peuvent être facilement reproduits à peu de
frais au profit d’un vaste éventail d’utilisateurs, ce qui tend à mettre à mal la propriété
privée. D’autres types de savoir ne peuvent être transférés d’une organisation à une autre,
ou entre des individus, sans que s’établissent des liens complexes sous la forme de
relations de réseaux ou d’apprentissage, ou bien que ne soient investies des ressources
considérables dans la codification et la transformation de ce savoir en information.

4
D’autres éléments influent également sur la capacité d’adaptation technologique: les échanges
commerciaux ainsi que les investissements directs en provenance de pays ou secteurs plus avancés.

Externe-2007-04-0157-01.doc 127
1.3. La codification du savoir: quatre types de savoir
dans l’économie du savoir

Pour faciliter l’analyse économique, l’OCDE a établi des distinctions entre les
différents types de savoir qui importent dans une économie fondée sur le savoir: le «savoir
quoi», le «savoir pourquoi», le «savoir comment» (ou savoir-faire) et le «savoir qui» 5.

Le «savoir quoi» renvoie à la connaissance «factuelle». Le savoir est voisin de ce que


l’on appelle normalement l’information et peut être fragmenté. Dans certains domaines
complexes, les spécialistes doivent acquérir une grande quantité de savoir de ce type pour
mener à bien leurs tâches professionnelles 6.

Le «savoir pourquoi» renvoie à la connaissance scientifique des lois et des principes


naturels. Ce type de connaissances détermine le progrès technologique et les avancées en
termes de produits ou de procédés dans la plupart des branches industrielles. La production
et la reproduction de «savoir pourquoi» sont souvent organisées au sein de structures
spécialisées, comme des laboratoires de recherche ou des universités. Pour accéder à ce
type de savoir, les entreprises doivent avoir une interaction avec ces structures soit en
recrutant des éléments ayant reçu une formation scientifique, soit directement en
entretenant avec elles des relations ou en menant des activités conjointes.

Le «savoir comment» (savoir-faire) renvoie à des compétences ou à une aptitude


données. Les hommes d’affaires qui évaluent les débouchés commerciaux d’un nouveau
produit ou un directeur des ressources humaines qui sélectionne le personnel ou organise
sa formation doivent utiliser ce savoir-faire. Il en va de même pour le travailleur qualifié
qui fait fonctionner des machines-outils de maniement très complexe. Le «savoir
comment», ou savoir-faire, est typiquement une forme de savoir élaborée et préservée au
sein de l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle le «savoir qui» prend de plus en plus d’importance. Il a
trait à la formation de relations sociales privilégiées qui rendent possible d’entrer en
contact avec des spécialistes et d’utiliser efficacement leurs connaissances. Ce type de
savoir a de l’importance dans les économies où les compétences sont très dispersées en
raison d’une grande division du travail parmi les structures et les spécialistes. Pour le
gestionnaire ou l’organisation moderne, il importe d’utiliser ce type de savoir de façon à
pouvoir s’adapter au rythme accéléré du progrès.

1.4. Les voies d’acquisition des quatre types de savoir

Il existe plusieurs voies pour apprendre à maîtriser ces quatre types de savoir. Si le
«savoir quoi» et le «savoir pourquoi» peuvent s’acquérir par la lecture de manuels, la
participation à des conférences ou l’accès à des bases de données, les deux autres types de
connaissances relèvent de l’expérience pratique.

Le «savoir comment», ou savoir-faire, s’acquiert principalement à partir de situations


où un apprenti suit un maître et s’en remet à lui comme autorité. Le «savoir qui» s’apprend
par la pratique sociale et parfois dans des environnements éducatifs spécialisés, ou encore
au gré des contacts quotidiens que l’on peut entretenir avec des clients, des fournisseurs ou
des établissements indépendants. C’est souvent parce qu’elles veulent avoir accès à des
réseaux de spécialistes universitaires, dont les connaissances sont déterminantes pour leur

5
OCDE: L’économie fondée sur le savoir, Paris, 1996.
6
Par exemple, les hommes de loi ou les praticiens de la médecine appartiennent à cette catégorie.

128 Externe-2007-04-0157-01.doc
capacité d’innovation, que les entreprises s’engagent dans la recherche fondamentale. Le
«savoir qui» est un savoir enraciné dans le collectif qui ne peut pas facilement être
transféré par les circuits officiels de l’information.

Les technologies de l’information accélèrent la codification des connaissances et


favorisent la croissance dans une économie du savoir. De ce fait, il y a nécessairement des
conséquences pour la population active.

2. Les axes et les mesures de la stratégie


de développement du secteur TH

2.1. Les axes des recommandations de l’étude


stratégique sur le secteur

Le plan d’action proposé par l’étude Gherzi regroupe, par ordre décroissant, trois
groupes d’actions 7. Le premier groupe concourt à la meilleure performance industrielle et
à la formation des managers. Il s’agit des actions suivantes qui sont jugées urgentes et dont
une part importante vise la mobilisation des ressources humaines compétentes:

– intensifier les efforts de mise à niveau des entreprises via le programme de mise à
niveau (PMN);

– promouvoir la notion de service-client au sein de l’entreprise;

– encourager une relance des investissements de modernisation et d’accès aux


nouvelles technologies;

– favoriser les regroupements d’entreprises sous forme de consortiums;

– stimuler les initiatives de regroupement et de travail en réseau;

– renforcer la compétence managériale;

– développer les métiers clés de la cotraitance;

– accroître la qualité de la formation des ingénieurs et techniciens;

– faciliter le recours à l’assistance technique étrangère;

– développer la formation continue.

Le deuxième groupe d’actions favorise un meilleur accès aux matières et aux


marchés. Il s’agit dans le court terme de:

– favoriser la création de sociétés tunisiennes de services spécialisées dans le sourcing


des matières;

– accélérer l’intégration de la Tunisie dans la zone panEuromed;

7
Gherzi Organisation-Zürich, étude stratégique du secteur Textile-habillement dans FENATEX
(UTICA): L’avenir du secteur Textile-habillement … après 2005, samedi 5 juin 2004, à la Maison
de l’exportateur, document de travail, pp. 14-15.

Externe-2007-04-0157-01.doc 129
– faciliter l’accès des sous-traitants au statut de cotraitant par la maîtrise du sourcing
des matières;

– restaurer la compétitivité des usines textiles existantes et statuer sur leur avenir;

– faire connaître les acteurs de la filière aux donneurs d’ordre internationaux;

– promouvoir les débouchés à l’export sur d’autres pays européens;

– proroger et amplifier les dispositifs d’accompagnement des entreprises à l’export;

– mettre en place une stratégie «plate-forme» offensive pour la Tunisie;

– organiser la survie du secteur local.

Le troisième groupe d’actions regroupe des mesures relatives à l’environnement, aux


facteurs de coûts, aux infrastructures et à l’organisation collective de la profession. A
moyen terme, il s’agit de:

– donner à l’organisation patronale FENATEX un rôle prépondérant dans la vie de la


filière;

– clarifier les missions des différents intervenants de la filière;

– disposer des informations nécessaires au bon pilotage de la filière et à l’anticipation


des décisions;

– promouvoir l’image d’une filière forte et bien organisée;

– soutenir comme priorité no 1 tous les efforts de formation;

– adapter le Code du travail aux exigences du marché et de la compétition mondiale;

– intensifier les efforts en équipements structurants;

– réduire certains facteurs de coûts pour améliorer le levier de performance des


entreprises;

– piloter le plan d’action;

– dynamiser l’investissement direct étranger.

2.2. Le plan d’action adopté en Tunisie

Le Conseil ministériel restreint du 2 mars 2005 a examiné le dossier Textile et a


retenu un programme d’action axé sur les mesures suivantes qui sont conformes aux
recommandations de l’étude réalisée par Gherzi:

„ Assistance technique au profit des entreprises afin de les aider à passer de la sous-
traitance à la cotraitance, et élargissement du champ de fabrication du produit fini afin
de réaliser un surplus de valeur ajoutée.

„ Renforcer les fonds propres d’un certain nombre d’entreprises afin de les aider à
passer de la sous-traitance à la cotraitance, grâce à une intervention spéciale du Fonds
de développement de la compétitivité industrielle.

130 Externe-2007-04-0157-01.doc
„ Mettre en place un mécanisme pour aider les entreprises du secteur à opérer leur
restructuration financière et promouvoir ainsi leurs capacités et retrouver leur
équilibre.

„ Prévoir des encouragements spécifiques aux activités de finissage, accorder aux


entreprises opérant dans ce domaine des facilités en ce qui concerne le raccordement
aux réseaux du gaz, de l’eau potable et de l’assainissement, et créer une zone réservée
à cette activité à El-Agba, dans le Grand Tunis.

„ Créer une société anonyme chargée de la réalisation, de la gestion et de la


commercialisation de la technopole textile de Monastir et de la zone industrielle
réservée au finissage d’El-Agba.

„ Intensifier les contacts avec les structures de l’Union européenne dans le cadre des
relations de partenariat avec cet ensemble afin de mieux coordonner les efforts dans
ce domaine.

„ Oeuvrer à l’attraction de plus d’investissements extérieurs à la faveur de contact


direct avec les investisseurs et mettre au point un programme spécial destiné à faire
connaître le secteur à l’étranger.

„ Encourager un meilleur accès aux circuits de distribution dans les marchés


d’exportation.

„ Accorder davantage d’intérêt aux ressources humaines opérant dans ce secteur par le
renforcement de la formation et de l’encadrement.

„ Mettre à la disposition du Centre technique textile (CETTEX) les moyens financiers


et humains nécessaires pour lui permettre de mener à bien la mission qui lui est
dévolue.

2.3. Le passage de la sous-traitance à la cotraitance


et au produit fini: un changement radical pour
améliorer la compétitivité du secteur

Depuis 1972, le secteur TH a connu une expansion fondée sur le développement des
activités de sous-traitance, particulièrement en maille et en confection. Comme nous
l’avons vu plus haut, la réponse de la stratégie tunisienne à la nouvelle situation
internationale du secteur est de passer de la sous-traitance à la cotraitance et au produit
fini. Les changements visés par ce choix sont profonds. Pour apprécier leur ampleur, il
convient de montrer les différences entre les notions de «sous-traitance», «cotraitance» et
«produit fini». Zacaropoulos résume le contenu précis de chaque notion 8.

Dans le modèle de sous-traitance, on constate que:

– le produit est conçu par le donneur d’ordre;

– les matières premières de base sont achetées et fournies par le donneur d’ordre (avec
une prise en charge directe d’une part plus ou moins grande de fournitures de base par
le sous-traitant);

8
R. Zacaropoulos: Le financement du passage de la sous-traitance à la cotraitance et au produit
fini, FENATEX: L’avenir du secteur tunisien Textile-habillement après 2005, documents de travail,
juin 2005, pp. 32-41.

Externe-2007-04-0157-01.doc 131
– la gradation et le traçage peuvent être pris plus ou moins en charge;

– la fabrication est assurée par le sous-traitant;

– la facturation est celle d’une prestation d’un service.

Le sous-traitant a une connaissance limitée de son marché et, dans de nombreux cas,
il ne connaît que le donneur d’ordre avec lequel il négocie le temps de travail et le coût
minute. Les industriels font régulièrement appel à un façonnier pour faire face à une
commande plus importante (sous-traitance de capacité) ou pour diminuer ses coûts
(externalisation des opérations les plus intensives en travail). Lorsque le donneur d’ordre
est un distributeur, ce dernier doit remplir auprès du sous-traitant les mêmes fonctions
qu’un industriel: il se charge du choix et de l’achat des matières (fils et tissus), il conçoit
les modèles et contrôle le travail du sous-traitant.

Dans le modèle de cotraitance, on constate que:

– le produit est conçu sur le plan stylistique par le donneur d’ordre;

– les matières premières sont approvisionnées par le cotraitant sur la base de


spécifications du donneur d’ordre (voire de désignations précises: référence,
fournisseur, prix) et des commandes précises du donneur d’ordre;

– la mise au point technique est assurée par le cotraitant;

– la fabrication est assurée par le cotraitant sur commandes précises;

– la facturation est celle d’un produit fini.

L’activité de fabrication du cotraitant ne diffère pas de celle du sous-traitant sinon par


le fait qu’il assure toujours la coupe du tissu et le conditionnement des articles. La
différence réside dans l’approvisionnement. C’est en effet le cotraitant qui choisit le tissu.
Pour ce faire, il doit avoir une bonne connaissance du marché des tissus pour en choisir un
répondant aux spécifications du donneur d’ordre. Il doit pouvoir financer cet achat et cela
augmente de façon considérable son besoin de fonds de roulement. Son degré d’autonomie
est assez variable. Dans certains cas, le donneur d’ordre sélectionne directement le
fournisseur et la qualité de tissu et indique au sous-traitant à quel prix il doit les acheter.
Dans d’autres cas, le cotraitant a toute latitude pour faire son choix à partir du cahier des
charges du donneur d’ordre.

Dans le modèle de produit fini:

– les produits sont conçus par l’entreprise; il s’agit d’une collection «vitrine» de savoir-
faire et d’idées, souvent inspirées de l’existant sur le marché;

– intégration du produit, plus ou moins adapté, dans la collection du donneur d’ordre;

– choix et sourcing des matières;

– approvisionnement en matières sur des commandes précises;

– mise au point technique;

– fabrication sur commandes précises;

– facturation d’un produit fini.

132 Externe-2007-04-0157-01.doc
Le tableau ci-dessous, réalisé à partir d’une enquête auprès de donneurs d’ordre
européens, montre que les confectionneurs et les marques sont ceux qui ont le plus recours
à la sous-traitance, alors que la grande distribution pratique la cotraitance et l’achat de
produits finis.

Tableau 64. Mode d’approvisionnement des marques, distributeurs et confectionneurs (en pourcentage de
la valeur totale des approvisionnements)

Production propre Sous-traitance Cotraitance Achats produits finis


Marques 16 54 27 3
Distributeurs 5 29 51 15
Confectionneurs 47 47 6 0
Source: Espace Textile IFM, juin 2004.

Les conséquences financières du passage de la sous-traitance à la cotraitance et le


produit fini sont lourdes. L’estimation réalisée par Zacaropoulos indique une multiplication
par 3 à 4,5 des coûts gérés et par 6 à 10 des besoins de financement de l’exploitation 9. Des
investissements en bâtiment, en matériel et en logiciel sont nécessaires. Les outils de
pilotage et de contrôle de gestion doivent porter sur de nouveaux axes de contrôle. Le
changement de modèle crée surtout de nouveaux besoins en savoir-faire, aussi bien pour le
manager que pour les travailleurs. De ce fait, de nouveaux métiers doivent apparaître
auxquels doit préparer le système de formation.

L’Etat a mis en œuvre un programme de mise à niveau (PMN) au service des


entreprises du secteur industriel. C’est un outil qui doit permettre aux entreprises du
secteur TH d’opérer le passage de la sous-traitance à la cotraitance et au produit fini.

3. Le programme de «mise à niveau des entreprises»,


un outil de développement de la compétitivité
des entreprises

3.1. Le programme de mise à niveau, composante


d’une politique de croissance accélérée et riche
en emplois qualifiés

L’internationalisation de l’entreprise est une nouvelle alternative économique générée


par la globalisation des échanges mettant le potentiel productif, partout dans le monde,
devant un double impératif: s’ouvrir et se mettre constamment à niveau. La Tunisie, qui a
opté pour l’intégration de son économie à l’économie mondiale, a engagé à partir de 1995
un programme de mise à niveau de l’entreprise (PMN) ayant pour objectif de renforcer la
capacité concurrentielle des entreprises, d’encourager le partenariat industriel et de
renforcer l’environnement socio-économique de l’entreprise. Pour occuper une position
économique qui tire profit des opportunités offertes par l’intégration dans le système
mondial, le principal défi à relever par la Tunisie au cours de la période des 10e et 11e plans
est de développer un modèle de croissance économique dont le contenu devrait être riche
en emplois qualifiés.

9
R. Zacaropoulos, op. cit.

Externe-2007-04-0157-01.doc 133
Bougault et Filipiak considèrent, à juste titre, qu’un programme de mise à niveau peut
être appréhendé comme la composante, à l’attention du secteur privé, d’une politique de
croissance accélérée. «Les leviers sur lesquels les programmes de mise à niveau des
entreprises jouent sont la productivité et le développement des emplois qualifiés. Ils
doivent être secondés par un développement de l’éducation et de la formation ainsi que par
des politiques plus larges portant sur la modernisation du secteur bancaire et financier, la
stabilité économique et la modernisation de l’environnement des affaires. Leurs impacts,
notamment au niveau de l’emploi, ne seront effectifs que s’ils se traduisent par une
croissance rapide de la production, et donc un accès accru des entreprises à une demande
plus large et solvable, ce qui suppose un cadre concurrentiel (libéralisation de l’économie),
un développement de la demande intérieure (politique de redistribution – émergence d’une
classe moyenne) et une ouverture à l’international (accès aux marchés d’exportation)» 10.

3.2. Adhésion tardive des entreprises du secteur TH


au programme de mise à niveau

Le programme de mise à niveau s’est fixé pour objectif de soutenir 2 000 entreprises
durant la période 1997-2001 en vue de s’engager, de manière volontaire, dans le processus
de mise à niveau et mobiliser leur potentiel de croissance. Le Bureau de mise à niveau
(BMN) a été créé à l’effet de soutenir cet effort, de sensibiliser et d’informer les divers
intervenants sur le processus, la réglementation et les procédures de mise à niveau 11 .
L’Agence de promotion de l’industrie (API) présente, dans les diverses régions du pays,
les centres techniques 12 couvrant l’ensemble des secteurs porteurs de l’économie
tunisienne, et les banques constituant le premier maillon du processus de mise à niveau
sont associées à la mise en œuvre du programme.

Depuis la création du PMN, le nombre cumulé de dossiers du secteur TH, approuvé par
le comité de pilotage du programme, représente, au mois d’octobre 2004, 42 pour cent des
dossiers approuvés (785 sur 1 885), soit la part sectorielle la plus importante. Mais il importe
de souligner que le nombre de dossiers est environ huit fois supérieur à celui des entreprises
ayant déposé ces dossiers 13. Par conséquent, le nombre d’entreprises adhérentes au PMN est
faible, relativement à l’effectif total des entreprises du secteur et à l’ampleur des risques
auxquels est exposé le secteur suite au démantèlement des accords multifibres.
Probablement, cette situation s’explique en partie par le comportement de certains chefs
d’entreprise qui avaient décidé de changer d’activité, alors que d’autres avaient fait le choix
de se délocaliser vers les pays asiatiques 14. La réaction tardive du gouvernement à la mise en
place d’une stratégie spécifique au secteur a probablement encouragé ces deux
comportements.

10
H. Bougault et E. Filipiak: Les programmes de mise à niveau des entreprises, Tunisie, Maroc,
Sénégal, édition AFD, 2005.
11
Voir annexe F sur les procédures.
12
Le CETTEX est le centre technique qui correspond au secteur TH.
13
Nous n’avons pas de données précises sur le secteur ITH. Toutefois, les données globales pour le
secteur industriel montrent que 1 885 dossiers de mise à niveau approuvés sont déposés par
245 entreprises; soit environ une moyenne de 8 dossiers par entreprise (source BMN).
14
Explications obtenues au cours des entretiens avec certains chefs d’entreprise du secteur TH.

134 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 18. Evolution du nombre de dossiers de mise à niveau approuvés dans le secteur ITH

160

140 135
121
120 109
102
100 88

80

60
43
33
40
22
20

0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Source: Bureau de mise à niveau.

En termes d’investissement, 19 pour cent des investissements du PMN ont été réalisés
par le secteur TH, occupant ainsi la seconde position parmi l’ensemble des entreprises de
l’ensemble des secteurs qui ont adhéré au programme. Par ailleurs, 21 pour cent des
investissements du secteur sont réalisés dans l’immatériel, contre une moyenne de 14 pour
cent, tous secteurs confondus. Ceci signifie donc que les entreprises adhérentes au
programme de mise à niveau ont fait le choix d’améliorer leur compétitivité.

Tableau 65. Situation des dossiers de mise à niveau par secteur (fin octobre 2004)

IAA ICC ICH ID IMCCV IME ITH Total


Nombre de dossiers
approuvés 264 144 102 273 100 217 785 1 885
Investissements (en MD) 648 122 217 429 499 392 526 2 833
Part sectorielle (en %) 23 4 8 15 18 14 19 100
Investissement immatériel
(en MD) 68 28 28 52 39 72 108 395,7
Part de l’immatériel (en %) 10 23 13 12 6 18 21 14
Prime octroyée (en MD) 85 19 28 63 54 60 97 406,3
Source: Bureau de mise à niveau.

Externe-2007-04-0157-01.doc 135
Chapitre 7. La politique de développement
des ressources humaines au service
du secteur Textile-habillement en Tunisie
Le passage de la sous-traitance à la cotraitance et au produit fini doit conduire le
secteur TH à mobiliser une main-d’œuvre qualifiée. Nous montrerons que le niveau de
développement actuel du système d’éducation et de formation permet de satisfaire
rapidement les besoins en compétences dans tous les métiers du secteur TH.

Le secteur de la formation professionnelle a bénéficié d’une réforme qui vise son


pilotage par la demande économique plutôt que par l’offre de formation. C’est un véritable
changement de paradigme, dans la mesure où cela conduit à une nouvelle organisation du
système et à l’adoption de nouvelles approches pédagogiques.

L’enseignement supérieur a adopté une stratégie qui se fixe quatre priorités: la


contribution à l’édification de l’économie du savoir, le renforcement des pôles
universitaires dans les régions et leur ouverture sur l’environnement, la consolidation de la
recherche universitaire et l’assurance de l’employabilité des diplômés.

Dans une première étape, nous présentons les métiers du secteur auxquels doit
préparer le système de formation. Nous abordons ensuite la contribution de la formation
professionnelle et celle de l’enseignement supérieur pour satisfaire les besoins du secteur.

1. Les métiers du secteur TH auxquels


doit préparer le système de formation

1.1. Les métiers exigent de la qualification

Les métiers du secteur TH peuvent être regroupés en quatre grands domaines:

– création;

– production;

– gestion;

– achat, marketing, vente.

Les tableaux ci-dessous donnent la liste des métiers dans chaque domaine et le niveau
de formation d’accès à ces métiers. Il apparaît clairement que la nouvelle stratégie de
développement du secteur TH est appelée à mobiliser principalement une main-d’œuvre
qualifiée et, parmi celle-ci, le secteur doit recruter des diplômés de l’enseignement
supérieur. Nous montrerons plus loin que cette main-d’œuvre est disponible sur le marché
du travail grâce à la réforme du système d’éducation et de formation introduite depuis le
début des années quatre-vingt-dix.

Externe-2007-04-0157-01.doc 137
Tableau 66. Le niveau d’accès aux métiers du secteur Textile-habillement

Métiers Niveau d’accès au métier


1. Création
1.1. Styliste BTS stylisme de mode
1.2. Modéliste BTS, modéliste
1.3 Infographiste BTS spécialisé

2. Production
2.1. Ingénieur recherche-développement Ingénieur
2.2. Responsable laboratoire BTS, productique textile
2.3. Laborantin BTS, productique textile
2.4. Chef d’atelier BTS, productique textile
2.5. Responsable de fabrication BTS, productique textile
2.6. Responsable logistique BTS, transport logistique
2.7. Responsable magasin CAP ou BTP
2.8. Responsable maintenance et environnement BTS
2.9. Responsable qualité BTP avec expérience professionnelle, BTS,
productique textile
2.10. Mécanicien régleur BTS, productique textile, option filature, tissage,
bonneterie.
2.11. Automaticien BTP, BTS
2.12. Electronicien BTP, BTS
2.13. Opérateur de production (filateur, tisseur, bonnetier,
opérateur de confection) CAP, BTP, BTS
2.14. Opérateur ennoblissement (teinturier, imprimeur, coloriste,
échantillonneur) CAP, BTP

3. Gestion
3.1. Directeur financier Maîtrise, DESS, master
3.2. Comptable BTP, BTS
3.3. Responsable ressources humaines Maîtrise, DESS, master
3.4. Responsable informatique et nouvelles technologies Ingénieur
3.5. Contrôleur de gestion BTS, comptabilité, commerce

4. Achat, marketing, vente


4.1. Chef de vente dans l’industrie Maîtrise, ingénieur
4.2. Commercial sédentaire BTS
4.3. Responsable collection dans l’industrie textile et la
distribution Maîtrise, DESS, master
4.4. Acheteur dans l’industrie textile BTS
4.5. Acheteur dans la distribution BTS
4.6. Responsable marketing communication dans l’industrie BTS
textile
4.7. Responsable marketing communication dans la distribution BTS
Source: Union des industries textiles du Nord, les métiers du textile et de l’habillement, Europôle textile-habillement Nord–Pas-de-
Calais, France.

138 Externe-2007-04-0157-01.doc
1.2. Les titulaires des métiers ont des perspectives
d’évolution

Le tableau ci-dessous donne l’évolution possible pour chaque métier. Cette évolution
interne ou externe à l’entreprise suppose un développement important du tissu industriel
dans le secteur TH. L’évolution externe peut se dérouler en dehors du secteur pour les
métiers «transversaux», comme, par exemple, responsable des ressources humaines,
contrôleur de gestion ou responsable informatique.

Tableau 67. L’évolution possible des titulaires des métiers du secteur TH

Métiers Mission * Evolution

1. Création
1.1. Styliste Créer de nouvelles formes de produits (matières, Directeur artistique ou
couleurs, dessins) destinés à être fabriqués en série et directeur en studio de
parfois à l’unité. Peut être chargé de tout ou partie de la style
conception ou participer au suivi de la fabrication du
produit et de la diffusion.
1.2. Modéliste Réaliser un modèle à partir du croquis de style produit par Responsable fabrication
la styliste.
1.3. Infographiste Participer à la réalisation d’un support de communication Chef de création
visuelle (dessin, graphisme, mise en page, mise en artistique ou chef de
volume, etc.). studio
Etudier et rechercher les informations qui conditionnent la
création ou l’exécution de la commande.

2. Production
2.1. Ingénieur recherche Rechercher et mettre au point de nouveaux produits et de Directeur de fabrication
et développement nouveaux procédés de transformation. ou directeur industriel
2.2. Responsable Assurer la mise en œuvre et la bonne exécution des tests Recherche-
laboratoire et analyses permettant de vérifier les caractéristiques des développement dans de
produits, conformément au cahier des charges et aux grosses structures
normes préconisées.
2.3. Laborantin Procéder à des tests et à des contrôles sur des matières Responsable de
premières, des en-cours de fabrication, des produits laboratoire
fabriqués élaborés par le service recherche.
2.4. Chef d’atelier Organiser et suivre la fabrication. Responsable de
fabrication
2.5. Responsable de En plus de la mission du chef d’atelier, participer à la Directeur d’usine
fabrication détermination des objectifs de production (coûts, qualité,
quantités).
2.6. Responsable Gérer les transports afin d’assurer la livraison des Responsable d’entrepôt
logistique marchandises dans les meilleures conditions de coûts, de
qualité et de respect des délais contractuels.
2.7. Responsable magasin Participer à la fonction logistique de l’entreprise en Responsable d’entrepôt
assurant la réception, le stockage, la préparation et la ou directeur d’usine
distribution des marchandises.
2.8. Responsable Assurer le maintien au meilleur niveau de l’outil de Directeur d’usine
maintenance et production, tant du point de vue de la production que de
environnement la sécurité ou de la conformité face à la législation en
vigueur.
2.9. Responsable qualité Mettre en œuvre les différentes procédures garantissant Cadre technicien en
la qualité des produits ou services. qualité
Superviser, suivre le contrôle des produits et participer à
l’amélioration des procédés de fabrication.

Externe-2007-04-0157-01.doc 139
Métiers Mission * Evolution
2.10. Mécanicien régleur Procéder aux préréglages, mises en route et réglages des Assistant ou chef de
machines-systèmes-équipements, après analyse du production
dossier de fabrication ou du cahier des charges.
Assurer le contrôle, la surveillance et la maintenance de
premier niveau.
2.11. Automaticien Concevoir, modifier et monter des éléments Cadre technicien, chef
d’équipements automatisés à partir d’un cahier des de production ou
charges. responsable de
maintenance
2.12. Electronicien Réaliser la maintenance préventive et corrective Cadre technicien,
d’appareils à forte composante électronique. responsable
maintenance, Chef de
production
2.13. Opérateur de Conduire, surveiller et éventuellement approvisionner une Chef d’équipe ou chef de
production machine ou un ensemble de machines destinées aux production
opérations de fabrication textile.
2.14. Opérateur Mettre au point, à partir d’un échantillon, les recettes Chef de laboratoire
ennoblissement destinées à la teinture ou à l’impression de textiles.

3. Gestion
3.1. Directeur financier Superviser, organiser et coordonner les services Directeur général
administratifs, comptables et financiers.
3.2. Comptable Assurer la tenue courante des comptes en comptabilité Contrôleur de gestion,
générale et parfois en comptabilité analytique, en direction financière
conformité avec des règles comptables, fiscales et
sociales.
3.3. Responsable Elaborer et mettre en œuvre les moyens pour adapter les Consultant au sein d’un
Ressources Humaines ressources humaines aux projets de l’entreprise. cabinet conseil
Intervenir sur la totalité du contenu lié à sa fonction:
gestion administrative du personnel, gestion des
ressources humaines, relations avec les partenaires
sociaux et communication interne.
3.4. Responsable Développer la création, la qualité des systèmes Directeur informatique
informatique et d’information et de communication interne et externe au
nouvelles technologies service de la stratégie fixée par la direction.
Concevoir et mettre en œuvre des actions visant à
faciliter les relations de l’entreprise et son environnement.
3.5. Contrôleur de gestion Aider la direction dans l’orientation et le suivi de la Directeur financier
stratégie qu’elle s’est fixée.
Participer à la définition des objectifs et anticiper les
résultats.

4. Achat, marketing, vente


4.1 Chef de ventes dans Fidéliser la clientèle et développer le portefeuille clients Directeur commercial
l’industrie de l’entreprise
4.2. Commercial sédentaire Fidéliser la clientèle et développer le portefeuille clients Chef de vente ou
de l’entreprise chef de secteur
4.3. Responsable Bâtir et faire évoluer la collection en partant de Directeur marketing ou
collection dans l’observation du marché. direction produits
l’industrie Textile et la Poste d’interface en relation étroite avec les stylistes, les
distribution commerciaux et la production.
4.4. Acheteur dans Concevoir et mettre en œuvre une politique d’achat qui Il peut y avoir passerelle
l’industrie textile concourt à la rentabilité finale de l’entreprise. vers le marketing

140 Externe-2007-04-0157-01.doc
Métiers Mission * Evolution
4.5. Acheteur dans la Trouver les produits adaptés au positionnement de Chef de groupe,
distribution l’enseigne, et ce au meilleur rapport qualité/prix. directeur achat
4.6. Responsable Adapter l’offre aux besoins des clients qui ne sont pas Directeur marketing ou
marketing toujours des consommateurs finaux, mais des fonction commerciale
communication dans entreprises, des collectivités, des administrations.
l’industrie textile Ce poste peut prendre le nom de chef de produit ou de
responsable de collection.
4.7. Responsable Faire évoluer l’offre des produits de l’entreprise en Chef de groupe ou
marketing cohérence avec le positionnement de l’enseigne et le directeur marketing
communication marché.
dans la distribution
* Plusieurs tâches sont exécutées pour réaliser chaque mission.
Source: Union des industries textiles du Nord, Les métiers du textile et de l’habillement, Europôle textile-habillement Nord–Pas-
de-Calais, France.

2. La réforme de la formation professionnelle


répond aux besoins en compétences
de la nouvelle stratégie du secteur TH

2.1. Les orientations de la réforme

Le programme de réforme de la formation professionnelle est une composante du


programme global de mise à niveau de l’économie tunisienne et de son environnement. En
Tunisie, la loi d’orientation de la formation professionnelle, promulguée en février 1993, a
jeté les bases d’un système national de formation professionnelle. Elle a permis, pour la
première fois, la conception d’un système national de formation professionnelle (initiale et
continue) et entrepris sa valorisation.

La première phase de mise en œuvre de la loi d’orientation a été une réforme


institutionnelle visant la restructuration des établissements publics en charge de la
formation professionnelle 1. La deuxième phase a visé le court terme pour permettre la
réalisation des objectifs inscrits au 8e plan (1992-1996), d’une part, et répondre aux besoins
des entreprises en restructuration, d’autre part. La troisième phase a démarré en 1994-95 et
a visé, cette fois-ci, le long terme par l’homologation des diplômes et le
redimensionnement de l’ensemble du système de formation, tant par rapport aux besoins
économiques que par rapport à la demande sociale de formation.

Le saut qualitatif a commencé en 1996 avec la mise en œuvre du programme de mise


à niveau de la formation professionnelle «Manforme». Cette stratégie vise à piloter la
formation sur la base de la satisfaction des besoins de l’économie en qualifications. Elle
vise aussi l’optimisation de l’emploi des ressources mises à la disposition de la formation
professionnelle. Cette stratégie implique évidemment des changements structurels dans la
manière de concevoir, de gérer et de sanctionner les formations.

1
L’ancien Office de la formation professionnelle et de l’emploi (OFPE) a été dissous et remplacé
par quatre agences: i) l’Agence tunisienne de la formation professionnelle (ATFP); ii) le Centre
national de la formation continue et de la promotion professionnelle (CNFCPP); iii) le Centre
national de la formation des formateurs et de l’ingénierie de la formation (CENAFFIF); et
iv) l’Agence tunisienne de l’emploi et du travail indépendant (ATEI).

Externe-2007-04-0157-01.doc 141
Le projet «Manforme» a insufflé un dynamisme indéniable à la formation
professionnelle par:

– la réforme de ses programmes selon l’approche par compétences;

– l’adoption de la pédagogie de l’alternance;

– la formation du personnel; et

– des investissements substantiels dans les infrastructures et les équipements.

Le pilotage de la formation professionnelle par les besoins de l’économie fait de


l’emploi le point de départ et l’objectif du processus de formation. De ce fait, la probabilité
de trouver un emploi est maximisée car, au terme du processus de formation, les diplômés
cherchent des emplois qui existent sur le marché et possèdent les compétences requises
pour les occuper. Le chômage frictionnel est minimisé, dans la mesure où le mode de
formation en alternance offre l’opportunité aux jeunes de s’informer sur les salaires et les
conditions du travail au cours de la séquence de formation en entreprise 2 . Enfin, le
candidat à l’emploi issu du mode de formation en alternance présente un signal positif qui
maximise sa probabilité d’être accepté par l’employeur 3. Le pilotage de la formation par la
demande économique maximise donc l’employabilité des diplômés. De ce fait, la réforme
de la formation professionnelle intègre l’économique et le social.

2.2. L’identification des besoins des entreprises


du secteur TH est le point de départ de
l’élaboration des programmes de formation

Le nouveau modèle productif qui se propage dans le contexte de la mondialisation


conduit à poser en termes nouveaux la question de construction des curriculums. Plus le
degré de professionnalisation d’une filière est élevé, plus s’impose l’adoption de
l’approche par compétences pour la définition du contenu des programmes et
l’organisation institutionnelle étroite entre un établissement de formation et le système
productif. L’approche par compétences se définit par une approche en trois temps:

– la définition d’un ou de plusieurs référentiels métier, qui décrit le ou les métiers


auxquels doit préparer le référentiel de formation pour un secteur déterminé au niveau
de la filière de formation. Ce(s) métier(s) est(sont) décrit(s) en termes d’activités
exercées, regroupées dans des grands domaines d’activités qui constituent les
compétences nécessaires à l’exercice de ce(s) métier(s);

– l’adoption d’un référentiel de compétences dans lequel sont définies les ressources,
c’est-à-dire les connaissances, savoir-faire et attitudes, liées aux compétences
retenues pour une filière donnée;

2
Le chômage frictionnel est lié à l’information imparfaite sur le marché du travail. Le diplômé
formé dans un mode de formation résidentiel ne reçoit pas d’informations pertinentes sur le marché
du travail. Au moment de son entrée dans la vie active, il passe par une période de chômage durant
laquelle il reçoit l’information pertinente sur le marché et ajuste alors ses exigences (salaire et autres
caractéristiques de l’emploi) à la réalité découverte.
3
Les employeurs veulent de la productivité, mais ils ne connaîtront vraiment les performances des
candidats qu’après l’embauche. Le recrutement est une décision en situation d’incertitude. Pour
minimiser le risque lié à cette situation d’incertitude, l’employeur se réfère à des signaux qui
révèlent la compétence du candidat.

142 Externe-2007-04-0157-01.doc
– la définition d’un référentiel de formation pour une filière donnée qui reprend les
objectifs généraux de la formation, les compétences à développer, les contenues-
matières, les objectifs spécifiques, les méthodes pédagogiques, les supports
documentaires, les modalités d’évaluation.

L’approche par compétences est fondée sur quelques principes méthodologiques


largement partagés et reconnus comme efficaces:

– se centrer sur l’étudiant apprenant;

– différencier son enseignement;

– pratiquer des méthodes actives.

Elle ajoute d’autres exigences:

– considérer les savoirs comme des ressources à mobiliser;

– travailler régulièrement par problèmes;

– créer ou utiliser d’autres moyens de formation;

– négocier et conduire des projets avec les étudiants;

– adopter une planification souple et indicative, improviser;

– mettre en place et expliciter un nouveau contrat didactique;

– pratiquer une évaluation formatrice, en situation de travail;

– aller vers un moindre cloisonnement disciplinaire

Il est important de remarquer que le point de départ de la construction du curriculum


d’une filière est l’analyse des exigences du système d’emplois. Mais, comme celles-ci
changent dans le temps, les filières de formation doivent avoir une organisation
pédagogique qui assure leur réactivité. Pour cela, elles doivent bénéficier du soutien
d’institutions spécialisées en matière d’analyse des métiers et de collecte de l’information
fiable et pertinente sur le marché du travail; c’est le rôle du Centre national de formation
des formateurs et d’ingénierie de la formation (CENAFIF).

Pour répondre aux demandes pressantes des professionnels du secteur TH, exprimées
aux diverses manifestations professionnelles, le ministère de l’Education et de la
Formation a entrepris, au cours des années 1999-2001, plusieurs études d’opportunité de
projets de création de nouveaux centres sectoriels de formation professionnelle (CSFP) et
de restructuration de CSFP existants, en partenariat avec l’organisation patronale
FENATEX et avec l’appui de l’organisation patronale française «Syndicat de l’habillement
de Midi-Pyrénées».

Les programmes de formation ont été élaborés par le CENAFFIF, selon l’approche
par compétences, en réponse aux attentes des entreprises. Ceci s’est effectué en étroite
collaboration avec l’Agence tunisienne de formation professionnelle (ATFP), la Fédération
nationale du textile et de l’habillement (FENATEX) et les entreprises du secteur.

Environ 53 entreprises dans les différentes branches (Filature, Tissage, Bonneterie et


Confection) ont bénéficié chacune d’une expertise de haut niveau pour identifier leurs
besoins en compétences, conformément à leur stratégie d’amélioration de leur
compétitivité (voir tableau 67). La finalité de l’appui aux entreprises est d’amener celles-ci

Externe-2007-04-0157-01.doc 143
à identifier et à formuler les principales compétences professionnelles de son personnel
nécessaires pour atteindre ses objectifs stratégiques. Les résultats de l’appui sont traduits
en mesures à mettre en œuvre pour combler les déficits en compétences soit par des actions
de formation continue du personnel en exercice, soit par le recrutement d’un personnel
qualifié, d’une part, et par le développement de la gestion des ressources humaines de
l’entreprise selon l’approche de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences,
d’autre part.

Tableau 68. Distribution des entreprises enquêtées par sous-branche

Branche d’activités Nombre d’entreprises Nombre d’employés


Branche Filature 1 60
Branche Tissage 3 312
Branche Bonneterie 10 1 700
Branche Confection 39 6 800
Total 53 8 872
Source: MEF.

Les résultats de cette identification des besoins en compétences a permis d’élaborer:


le référentiel métier, le référentiel de compétences et le référentiel de formation, tels que
définis plus haut.

2.3. Formation des formateurs pour réaliser


un saut quantitatif et qualitatif

Le développement accéléré de la formation professionnelle en habillement a nécessité


le recrutement d’un grand nombre de formateurs à partir de 1998, estimés initialement à
148 pour l’ensemble des centres. Devant la pénurie de formateurs qualifiés, il a fallu initier
des actions de formation de formateurs, souvent en recourant à des actions de reconversion
de diplômés de spécialités annexes. Ces actions de longue durée ont abordé les sujets
suivants:

– l’organisation du travail par des cellules flexibles et de groupes autonomes;

– l’assurance qualité;

– la mise en œuvre des outils CAO-DAO, GPAO, GMAO;

– les nouvelles fibres et leurs applications;

– la maîtrise des flux d’information;

– les techniques de fabrication des produits: maille, sportswear, lingerie, etc.

Les nouveaux formateurs, majoritaire par rapport aux formateurs existants, ont bénéficié
de l’accompagnement des experts durant les trois premières années de l’exercice de leur
métier.

2.4. Ampleur du développement de la formation


professionnelle dans le secteur TH

L’effectif en formation dans les matériaux souples (textile, habillement, bonneterie) a


évolué d’une manière très sensible de 1994 à 2003 grâce aux importants investissements

144 Externe-2007-04-0157-01.doc
réalisés dans la construction de huit nouveaux centres et la restructuration des centres
existants. Les investissements réalisés représentent 30 millions de dinars tunisiens (MDT).
Le secteur comprend actuellement 38 centres répartis sur plusieurs régions et mobilise
383 formateurs 4. Le nombre de jeunes en formation durant le mois de novembre 2003 est
de 6 464 apprenants, dont 2 447 jeunes en formation résidentielle, et 4 017 suivent le mode
de formation en alternance.

Le nombre de diplômés est passé de 990 à 3 181 entre 1996 et 2003. Comme le
montre le graphique ci-dessous, sa croissance suit une tendance exponentielle. En 2003, la
part des inscrits dans le mode de formation en alternance représente 75 pour cent des
inscrits en CAP, 54 pour cent en BTP et 44 pour cent en BTS. Dans ce domaine, la
stratégie de la réforme vise un objectif de 70 pour cent en 2006. Ce mode de formation
associe étroitement l’entreprise du secteur TH durant tout le processus de formation.

Graphique 19. Evolution du flux de diplômés dans le secteur Textile-habillement

6 000
0,1823x
y = 695,47e
5 000

4 000
3 181
3 000 2 586
2 263
2 000 1 495
1 315
990 993 1 077
1 000

0
1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006

2.5. La formation professionnelle offre à la femme les chances


d’accéder au secteur TH avec le statut de qualifiée

La branche Textile-habillement a toujours été le principal débouché professionnel


industriel des femmes. Dans le cadre de la nouvelle stratégie de développement du secteur,
les femmes ne peuvent avoir la chance d’y accéder que munies d’une qualification. La
formation professionnelle leur offre cette possibilité aux trois niveaux de qualification:
CAP, BTP et BTS. Quels que soient le niveau de qualification et le mode de formation, la
proportion des filles est très forte parmi les inscrits en 2005. Toutefois, cette proportion est
décroissante en fonction de l’élévation du niveau de qualification, dans tous les modes de
formation (voir tableau 69). En moyenne, l’écart est de 20 points entre la base et le sommet
de la pyramide des qualifications des diplômes (voir graphique 20). La forte présence des
filles dans la filière devrait conduire à une reproduction de la caractéristique par genre
d’emploi dans le secteur TH.

4
MEF: Note sur la formation professionnelle dans le secteur Textile-habillement, Tunis, avril 2004.

Externe-2007-04-0157-01.doc 145
Graphique 20. Proportion moyenne des filles par niveau de qualification (ensemble des modes
de formation) (2005)

95
91
90
85
85

80

75

70 71

65

60
CAP BTP BTS

Tableau 69. Distribution par genre selon le niveau de qualification des inscrits dans la filière de formation
professionnelle textile-habillement (2005)

Garçons Filles T Fille (en %)


Mode de formation résidentielle
BTS 68 203 271 75
BTP 91 628 719 87
CAP 17 186 203 92
Total 176 1 017 1 193 85

Mode de formation en alternance


BTS 189 418 607 69
BTP 265 1 391 1 656 84
CAP 190 1 267 1 457 87
Total 644 3 076 3 720 240

Apprentissage
CAP 89 1 520 1 609 94

Ensemble
BTS 257 621 878 71
BTP 356 2 019 2 375 85
CAP 296 2 973 3 269 91
Total 909 5 613 6 522 86
Source MEF.

146 Externe-2007-04-0157-01.doc
2.6. De la difficulté d’organiser la formation
en alternance selon la qualité exigée par
la réforme de la formation professionnelle

Dans la filière de formation textile-habillement, le taux d’alternance est de 54 pour


cent en 2005 5. Une série de problèmes devraient être résolus pour faire de ce mode de
formation le mode de référence garantissant une relation étroite et continue entre la
formation et les besoins de l’économie.

2.6.1. La diversité de concepts et de pratiques de la formation


en alternance porte préjudice aux objectifs de la réforme

Actuellement, deux statuts de la formation en entreprise coexistent: l’alternance et


l’apprentissage. Sur le plan pédagogique, les deux concepts désignent théoriquement le
même contenu, à savoir la formation qui alterne des séquences de formation en entreprise
et des séquences dans le centre. Sur le plan juridique, il existe deux différences:

„ La formation en alternance est régie par une convention de partenariat spécifique


entre un centre de formation et une entreprise. Cette convention se base sur la
convention-cadre entre l’ATFP, l’UTICA et l’UGTT de l’année 1995. Donc, la
convention entre un centre et une entreprise ne constitue pas une relation juridique
entre l’apprenant «en alternance» et l’entreprise qui le forme, parfois avec de graves
conséquences: Un apprenant ayant eu un accident de travail sera transporté au CFP
afin que celui-ci s’en occupe – au lieu de le transporter directement à un hôpital,
comme ce serait le cas avec un apprenti 6.

„ Par contre, la formation par apprentissage diplômant est régie par le Code du travail.
Cela constitue une relation juridique entre l’entreprise formatrice et l’apprenti.

„ L’apprenti a le droit de recevoir une rémunération (pourcentage du SMIG), tandis que


l’apprenant «en alternance» n’a pas ce droit et ne reçoit qu’une bourse bénévole.

Sur le plan juridique, il ne semble exister qu’un seul obstacle sérieux à la fusion des
deux systèmes: c’est la limite d’âge des apprentis (20 ans), une limite qui n’existe pas pour
les apprenants en formation par alternance.

Sur le plan pratique, il existe deux situations différentes pour l’apprentissage et


l’alternance. Dans la première, le séjour de l’apprenant dans l’entreprise est une véritable
séquence de formation conforme à l’objectif pédagogique, et inversement. Dans la
seconde, le séjour de l’apprenant dans l’entreprise ne se déroule pas dans des conditions
conformes au contenu pédagogique des concepts. Dans ce cas, l’apprenti et l’apprenant
sous le régime d’alternance ont plutôt le statut déguisé d’un salarié, situation qui n’est pas
conforme au Code du travail et à la convention-cadre citée plus haut.

L’existence de deux concepts qui désignent le même contenu pédagogique et


l’application perverse de ces deux concepts portent préjudice à la crédibilité du discours
pédagogique de la réforme, et par conséquent à l’image de la formation professionnelle.

5
Sur 6 861 inscrits en mars 2005, 3 722 suivent le mode de formation en alternance.
6
P. Schuh: Le positionnement du projet «Pérennisation du système de la formation en alternance»
dans le cadre du programme Manforme en Tunisie, rapport élaboré pour le compte de GTZ, fév.
2003.

Externe-2007-04-0157-01.doc 147
2.6.2. Pourquoi deux concepts pour désigner
le même contenu pédagogique?

L’explication est liée à l’âge des inscrits dans la formation professionnelle qui
dépasse souvent le maximum autorisé par le Code du travail. L’article 26 de la loi no 93-10
du 17 février 1993, portant loi d’orientation de la formation professionnelle, dispose que
«l’âge d’admission en apprentissage est compris entre 15 et 20 ans». En fait, plusieurs
inscrits (les trois quarts au moins) dans le système de formation professionnelle ont un âge
supérieur à 20 ans 7 . Donc, pour faire du mode de formation en entreprise un mode
dominant, il importe d’amender l’article 26 en prenant en considération les caractéristiques
démographiques de la population inscrite dans le système de formation professionnelle,
sachant par exemple que l’âge maximum est de 26 et 30 ans, respectivement en France et
en Italie. Le recours à la convention-cadre entre le ministère et les partenaires sociaux a été
le moyen d’éviter cette impasse juridique.

2.6.3. Pourquoi le mode de formation en entreprise


est détourné de son objectif pédagogique?

Deux raisons complémentaires expliquent cette situation. La première est historique.


La forte déperdition scolaire au niveau de l’école primaire exerce une pression sur le
marché du travail et les autorités locales. Plusieurs segments de l’économie fondent leur
compétitivité sur la minimisation du coût du facteur travail et, de ce fait, utilisent une forte
proportion de main-d’œuvre non qualifiée. L’apprentissage détourné de son objectif
pédagogique était alors le moyen de réduire la pression de la demande juvénile d’emplois
et, en même temps, permettre à certaines entreprises d’utiliser une main-d’œuvre à bon
marché. Cette situation est évidemment illégale car l’organisation juridique de
l’apprentissage doit avoir un objectif de formation.

La seconde raison est liée à la tendance inévitable chez les centres d’améliorer le taux
d’alternance pour s’approcher des indicateurs de la planification dans ce domaine. C’est
inévitable car le modèle d’organisation et de gestion ne donne pas les moyens aux centres
d’identifier les entreprises où doit se dérouler correctement la séquence de formation, et de
mobiliser son personnel dans cette voie. Par ailleurs, il n’existe pas encore un système
efficace qui incite les entreprises à adhérer au mode de formation en alternance, en dépit de
l’effort considérable fourni dans ce sens grâce au développement du partenariat avec le
patronat.

2.7. Le dialogue social autour de la formation professionnelle


offre des perspectives de développement de l’alternance
et de renforcement des compétences des travailleurs

La réforme de la formation professionnelle a été bâtie, dès sa conception, sur la


démarche partenariale. A travers le partenariat, il s’agissait de mettre en place un rapport
de type nouveau entre le système de formation et les acteurs économiques représentés par
leurs structures professionnelles respectives. Les deux parties prenantes de l’entreprise sont
donc appelées à être autant impliquées l’une que l’autre dans le dossier des compétences et
des qualifications.

L’engagement effectif des partenaires sociaux aux côtés de l’Etat pour le


développement des compétences a été concrétisé par la mise en place d’instances de

7
Les jeunes accèdent au système de formation après une trajectoire d’échec scolaire qui est
évidemment marquée par plusieurs redoublements durant le cursus scolaire.

148 Externe-2007-04-0157-01.doc
concertation et de coordination impliquant les deux partenaires sociaux sur les questions de
la formation professionnelle et de l’emploi.

2.7.1. Les instances du dialogue social autour


de la formation professionnelle initiale et continue

Le Conseil supérieur de développement des ressources humaines (CSDRH) créé en


2002 est l’instance la plus élevée pour examiner les orientations des politiques de
l’éducation, de la formation professionnelle et l’emploi, et le contenu et la cohérence des
programmes pour mettre en œuvre ces politiques 8. Ce conseil est consultatif. Il regroupe
des membres du gouvernement et des représentants des organisations nationales politiques
et professionnelles. L’UGTT et l’UTICA y sont donc représentées. Ce conseil est aidé par
des commissions spécialisées permanentes ou provisoires.

La Commission nationale du dialogue social. «Il est créé auprès du ministère chargé
des affaires sociales une commission dénommée Commission nationale du dialogue social
chargée d’émettre son avis sur les questions relatives au travail qui lui sont soumises, et
notamment celles concernant la législation du travail, les normes internationales du travail,
les salaires, la classification professionnelle, les négociations collectives et le climat
social» (art. 335 du Code du travail).

La Commission permanente de coordination de la formation professionnelle. Cette


commission a été créée par un arrêté du Premier ministre du 26 février 2003,
conformément à l’article 7 du décret de création du CSDRH. Elle est «chargée d’entretenir
une concertation permanente entre les opérateurs de formation professionnelle, de proposer
toutes mesures visant la promotion du dispositif national de formation professionnelle et
son développement, et de donner son avis sur les dossiers qui lui sont présentés par le
ministre de l’Education et de la Formation…» (art. 1). L’article 2 dispose que cette
commission se compose, sous la présidence du ministre de l’Education et de la Formation
ou de son représentant, des membres suivants:

– un représentant du ministère de l’Education et de la Formation;

– un représentant du ministère de l’Enseignement supérieur;

– un représentant du ministère du Tourisme et de l’Artisanat;

– un représentant du ministère de la Santé publique;

– un représentant du ministère de l’Emploi;

– un représentant du ministère de l’Agriculture, de l’Environnement et des Ressources


hydrauliques;

– un représentant du Centre national de formation des formateurs et d’ingénierie de


formation;

– un représentant de l’Union générale tunisienne du travail;

– un représentant de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat;

– un représentant de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche.

8
Décret no 1047 du 7 mai 2002.

Externe-2007-04-0157-01.doc 149
Les structures d’appui aux centres de formation et aux entreprises. L’Agence
tunisienne de formation professionnelle (ATFP), le Centre national de formation des
formateurs et de l’ingénierie de formation (CENAFIF) et le Centre national de formation
continue et de promotion professionnelle (CNFCPP) sont ouverts aux partenaires sociaux
pour un dialogue aux niveaux national et de la branche professionnelle.

Les Conseils d’établissement des centres de formation professionnelle. Au vu des


besoins de l’environnement économique, le conseil d’établissement fixe les orientations
générales à court et à moyen terme intéressant les différents domaines d’activité du centre,
et ce conformément aux objectifs stratégiques définis par l’autorité de tutelle. Il comprend
les membres suivants:

– un représentant de la direction régionale chargée de la formation professionnelle;

– le directeur du centre;

– trois représentants des entreprises choisis par les organisations professionnelles


sectorielles ou régionales concernées, compte tenu des domaines d’activité et de
l’emplacement géographique du centre;

– deux représentants des syndicats de travailleurs choisis par la structure syndicale


sectorielle ou régionale concernée, compte tenu des domaines d’activité et de
l’emplacement géographique du centre;

– un représentant des formateurs exerçant au centre, élu par ses collègues.

La Commission consultative des entreprises (CCE). Il est institué dans chaque


entreprise régie par les dispositions du Code du travail et employant au moins
40 travailleurs permanents, une structure consultative dénommée «commission
consultative d’entreprise». L’article 158 du Code du travail dispose que «la commission
consultative d’entreprise est composée d’une façon paritaire de représentants de la
direction de l’entreprise, dont le chef d’entreprise, et de représentants de travailleurs élus
par ces derniers. La commission est présidée par le chef d’entreprise ou, en cas
d’empêchement, son représentant dûment mandaté» 9.

2.7.2. Des conventions de partenariat autour de la formation


professionnelle initiale et continue mobilisent
les partenaires sociaux autour des objectifs de la réforme

Dès 1996, le ministère de l’Education et de la Formation a signé des conventions de


partenariat avec plusieurs fédérations patronales. Celles-ci ont offert un cadre structuré à la
participation effective des professionnels au pilotage de la plupart des projets de création
des centres de formation professionnelle. Le partenariat particulier avec l’Union générale
tunisienne du travail s’est concrétisé par la signature d’une convention-cadre en août 2004,
suivie de l’élaboration d’un plan d’action qui vise à «donner plus d’efficience au rôle de
l’UGTT dans la consolidation du partenariat tripartite autour de la formation

9
L’article 4 de la loi no 94-29 du 21 février 1994 dispose que la Commission consultative
d’entreprise remplace le «comité d’entreprise», la «Commission consultative paritaire» et le
«Comité d’hygiène et de sécurité».

150 Externe-2007-04-0157-01.doc
professionnelle initiale et continue» 10. Les résultats attendus pour atteindre cet objectif
sont les suivants 11:

„ La culture de la formation professionnelle et de la gestion des compétences est


partagée par les représentants de l’UGTT au sein des structures du dialogue social.

„ Les règles et les modalités de participation de l’UGTT dans la mise sur pied d’un
système de validation des acquis de l’expérience professionnelle sont définies et
maîtrisées.

„ Les règles et les modalités de participation de l’UGTT au développement du


partenariat autour de la formation professionnelle initiale et continue sont définies et
maîtrisées aux niveaux national, de la branche, des centres et de l’entreprise.

3. La contribution de l’enseignement supérieur


à la satisfaction des besoins en compétences
du secteur TH

La politique de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la


technologie est fondée sur sept axes stratégiques 12:

1) favoriser la réussite des étudiants: promotion de tous par le savoir;

2) faire de l’employabilité la première priorité;

3) préparer à des métiers changeants et à une économie mondialisée;

4) veiller à la rénovation pédagogique: faire de la pédagogie une industrie prometteuse;

5) cibler la production scientifique selon les priorités de l’économie et les attentes de la


société;

6) s’engager dans un partenariat efficient, dans une économie ouverte et un espace


globalisé;

7) assurer la pérennité du financement en favorisant le développement de


l’investissement privé.

10
MEF & UGTT, avec l’appui de la GTZ: Plan pour le développement du partenariat autour de la
formation professionnelle, entre le ministère de l’Education et de la Formation et l’Union générale
tunisienne du travail, août 2005.
11
MEF & UGTT (2005), op. cit.
12
MES: Stratégie de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la technologie, 2010,
www.mes.tn.

Externe-2007-04-0157-01.doc 151
3.1. Tendance à la professionnalisation de l’enseignement
supérieur: rôle de la filière courte
Depuis quelques années, les filières courtes sont l’objet, en Tunisie, de
préoccupations spécifiques au sein de l’enseignement supérieur. La filière courte se
compose de deux types d’établissements:

– les instituts supérieurs d’enseignement technologique (ISET), dont l’organisation, le


régime des études et le statut des enseignants sont très différents des établissements
universitaires;

– les établissements qui appartiennent aux universités.

La création des ISET en 1992 est la première action de réforme de grande envergure
pour «professionnaliser» l’enseignement supérieur. D’après la loi no 92650 du 18 mai
1992, les ISET sont «destinés à préparer les étudiants à l’exercice des fonctions
d’encadrement technique dans les secteurs de la production, des services et de la recherche
appliquée». Durant la période du 10e plan, la part des étudiants inscrits aux ISET doit
passer de 7,5 pour cent à 11,7 pour cent entre 2002 et 2006.

Tableau 70. Evolution de l’effectif étudiant des ISET durant la période du 10e plan (2002-2006)

2001-02 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 2006-07


Nombre total des étudiants 226 102 255 600 282 000 308 000 340 000 375 500
Effectif des ISET 17 062 23 000 28 000 33 900 39 200 44 100
Part ISET (en %) 7,5 9,0 9,9 11,0 11,5 11,7
Source: 10e plan, volume sectoriel.

L’appui des universités au cours de ces dernières années est devenu nécessaire pour
développer la part de la filière courte dans le flux de diplômés. Entre 1997 et 2004, la part
de cette filière est passée de 11 à 25 pour cent suite à cet appui 13. En 2006, elle sera de
30 pour cent selon l’objectif fixé par le 10e plan (2002-2006).

Graphique 21. Evolution de la part de la filière courte dans l’effectif des étudiants (en pourcentage)

Evolution réelle Projection

35 30,08
27,68 29,33
30
25,14
25
20 21,03
16,91
15 12,43
10,92 12,39 13,45
10
5
0
1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05 2005-06 2006-07

Source: MES.

13
Ministère de l’Enseignement supérieur, 50 indicateurs de l’enseignement supérieur, de la
recherche scientifique et de la technologie, mai 2004.

152 Externe-2007-04-0157-01.doc
3.2. Contribution des instituts supérieurs d’enseignement
technologique (ISET) à la formation des techniciens
supérieurs du secteur TH

Les ISET sont les seuls établissements de l’enseignement supérieur qui offrent une
formation destinée spécifiquement au secteur TH. Il s’agit de l’Institut supérieur de métier
de modes à Monastir et de l’Institut supérieur des études technologiques de Ksar Hellal 14.
L’effectif des nouveaux inscrits dans ce dernier établissement est passé de 110 à 142 entre
2000 et 2004. C’est un faible effectif, relativement au nombre de techniciens formés dans
le système de formation professionnelle.

Tableau 71. Evolution des nouveaux inscrits à l’ISET – Ksar Hellal

2000-01 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05


Filière Textile-habillement 110 115 124 149 142
Source: MESRST.

La filière n’attire pas encore les bacheliers, dans la mesure où la majorité des inscrits
y sont orientés après plusieurs tours de l’orientation universitaire; environ la moitié des
inscrits est issue du quatrième tour de l’orientation universitaire (voir graphique 72). La
baisse du score minimum d’accès à la filière TH située à Ksar Hellal est un autre indicateur
du manque d’attractivité de cette filière 15. La perception des bacheliers associe, à juste
titre, le secteur TH à la main-d’œuvre non qualifiée.

Il est donc important de donner aux bacheliers des informations sur la nouvelle
stratégie de développement du secteur TH et les nouvelles perspectives d’insertion
professionnelle qu’elle offre aux diplômés de l’enseignement supérieur.

Tableau 72. Evolution du score minimum d’accès à la filière TH à l’ISET de Ksar Hellal selon la capacité
d’accueil réservée à chaque type de bacheliers

Série du bac 2000 2001 2002 2003


Score minimum des bacheliers «Math» 101,14 115,66 109,72 90,77
Score minimum des bacheliers «Science expérimentale» 104,08 108,81 101,82 89,19
Score minimum des bacheliers «Technique» 102,51 113,19 93,82 89,92
Source: Guides de l’orientation universitaire pour les rentrées des années universitaires de 2000-01, 2001-02, 2002-03 et 2003-04.

14
Les deux instituts se situent dans la région du centre-est qui est un grand pôle de l’industrie du
textile et de l’habillement.
15
Le score baisse lorsque l’offre de formation (capacité d’accueil) devient supérieure à la demande
(nombre de bacheliers candidats à la filière).

Externe-2007-04-0157-01.doc 153
Graphique 22. Distribution des nouveaux inscrits en 2004 selon le tour d’orientation universitaire-ISET-
Ksar Hellal-Filière TH

1er tour
8%

4e tour 2e tour
47% 8%

3e tour
37%

3.3. Contribution de l’enseignement supérieur


à la formation des cadres supérieurs du secteur TH

La forte croissance des diplômés de l’enseignement supérieur offre la possibilité au


secteur TH de trouver sur le marché du travail les candidats aux postes de cadres dans les
domaines de la gestion, du commerce et de la production. Le nombre de diplômés a atteint
environ 42 000 en 2004, contre environ 7 000 en 1991. Au mois de mai 2004, les titulaires
d’une maîtrise ou d’un diplôme de filière courte représentent, respectivement, environ
65 pour cent et 32 pour cent des diplômés à la recherche d’un emploi 16 . Une part
importante des titulaires de la maîtrise ont suivi une formation en économie et en gestion.

C’est à partir de ce gisement de compétences que le secteur TH pourra recruter ses


cadres supérieurs. La politique active du marché du travail offre la possibilité de le faire à
un coût abordable et de donner une formation d’adaptation aux besoins spécifiques de
l’entreprise. C’est le rôle des programmes «Stage d’initiation à la vie professionnelle»
(SIVP1), le Fonds d’emploi «21-21» et le Fonds d’insertion et d’adaptation (FIAP). Le
programme «SIVP1» est le plus important et le plus ancien. Il offre des avantages pour le
stagiaire et son employeur.

Le stagiaire reçoit une bourse mensuelle comprise entre 100 et 250 dinars par mois
qui peut être complétée par une indemnité de l’employeur. Il bénéficie aussi d’une
couverture de la sécurité sociale, d’une assurance contre les accidents de travail et les
maladies professionnelles, à la charge de l’Etat. L’employeur est ainsi exonéré de la
contribution patronale au titre des cotisations sociales durant la période du contrat
«SIVP1». Il bénéficie également de la même exonération durant une année en cas de
recrutement du stagiaire titulaire d’une spécialité marquée par un taux de chômage élevé 17.
Les diplômés bénéficiaires du programme «SIVP1» sont en nette croissance entre 2000 et
2004.

16
Hafedh Attab: L’emploi des diplômés de l’enseignement supérieur, Acte de la journée d’étude
organisée par l’INTES, Tunis, mai 2005, en cours de publication.
17
Le ministère de l’Emploi élabore une liste révisée régulièrement en fonction de la situation du
marché du travail.

154 Externe-2007-04-0157-01.doc
La mise en œuvre de la nouvelle stratégie de développement du secteur TH ne doit
pas alors rencontrer de grandes difficultés pour satisfaire les besoins du secteur en cadres
supérieurs. Cette stratégie est un exemple de politique économique sectorielle adaptée à la
configuration du marché du travail en Tunisie, puisque ce marché est marqué par la forte
proportion des diplômés du supérieur dans le flux annuel de demandeurs d’emploi (voir
tableau ci-dessous).

Tableau 73. Part des diplômés de l’enseignement supérieur dans le flux de demandes additionnelle
d’emplois – prévisions du 10e plan (en pourcentage)

2002 2003 2004 2005 2006


35,3 42,3 52,3 62,9 70,0
Source: MESRST, 50 indicateurs de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la technologie.

Graphique 23. Distribution des diplômés du supérieur inscrits aux bureaux d’emploi selon le diplôme-
(mai 2004)

Ingénieur Autres
3% 1%

Filière courte
32%

Maîtrise
64%

Graphique 24. Evolution du nombre additionnel annuel de contrats «SIVP1»

6 333
7 000

6 000 5 089
4 412 4 511
5 000

4 000
2 503
3 000
1 607
2 000 901
554 472 527
1 000

0
2000 2001 2002 2003 2004

Maîtrise BTS

Externe-2007-04-0157-01.doc 155
Chapitre 8. La politique de recherche et de l’innovation
au service du secteur TH en Tunisie
La création d’un pôle technologique est l’une des mesures importantes de la stratégie
de développement du secteur TH en Tunisie. L’objectif est d’établir un lien étroit entre
formation, innovation, recherche et stratégie de développement de la compétitivité des
entreprises. Ce chapitre donne d’abord un éclairage conceptuel puis présente la politique
de recherche et de l’innovation qui est au service du secteur TH.

L’innovation est un processus complexe qui met en jeu l’ensemble des


comportements de l’entreprise. Les conceptions ont évolué en même temps que les réalités
économiques elles-mêmes. Du «modèle linéaire» au «modèle interactif», et de la
croissance exogène à la croissance endogène, une nouvelle façon de concevoir le système
d’innovation d’une nation s’est progressivement imposée, système dans lequel les
entreprises en concurrence sur les marchés mais aussi l’Etat entrent en interaction. De cette
interaction dépend la performance collective.

D’après la théorie classique, l’innovation est un processus de découverte qui évolue


en phases selon une séquence fixe et linéaire: en premier lieu, la recherche scientifique,
puis les stades successifs de la mise au point, de la production et de la commercialisation
du produit et, enfin, la vente des nouveaux produits, procédés ou services. On admet
aujourd’hui que les germes de l’innovation peuvent provenir de multiples sources,
notamment des nouvelles capacités de fabrication et de l’identification de besoins
commerciaux.

1. Concepts et modèles de l’innovation

1.1. Qu’est-ce que l’innovation?

Plusieurs approches classiques de l’innovation sont rappelées par Boyer et Didier 1.

Innovation de procédés, innovation de produits. L’innovation de procédés est


associée à l’adoption de méthodes de production nouvelles ou sensiblement améliorées.
Ces méthodes peuvent impliquer des modifications portant sur l’équipement ou
l’organisation de la production. Elles peuvent viser à produire des produits nouveaux ou
améliorés, impossibles à obtenir à l’aide des installations ou des méthodes classiques, ou
bien à augmenter le rendement dans la production de produits existants. Elles peuvent
enfin conférer davantage de souplesse à la production, abaisser les coûts ou bien encore
limiter les déchets, les atteintes à l’environnement, les coûts de conception des produits ou
améliorer les conditions du travail.

Innovation radicale, innovation incrémentale. On distingue habituellement deux


grandes formes de l’innovation de produits: d’une part, la conception de produits très
largement nouveaux; on parle alors d’innovation radicale de produit; d’autre part,
l’amélioration des performances de produits existants; on parle alors d’innovation
progressive de produits ou d’innovation incrémentale.

1
Voir R. Boyer et M. Didier: Innovation et croissance, édition La documentation française, Paris,
1998.

Externe-2007-04-0157-01.doc 157
Il y a innovation radicale de produits dans le cas d’un produit dont l’utilisation
prévue, les caractéristiques de performance, les attributs, les propriétés de conception ou
l’utilisation de matériaux et de composants présentent des différences significatives par
rapport aux produits antérieurs. De telles innovations peuvent faire intervenir des
technologies radicalement nouvelles ou bien reposer sur l’association de technologies
existantes dans des applications complètement nouvelles 2.

Il y a innovation progressive de produits dans le cas où un produit existant voit ses


performances sensiblement augmentées ou améliorées. L’innovation progressive peut elle-
même prendre deux formes. Un produit simple peut être amélioré (par amélioration des
performances ou abaissement du coût) grâce à l’utilisation de composants ou de matériaux
plus performants. Un produit complexe, qui comprend plusieurs sous-systèmes techniques
intégrés, peut être amélioré au moyen de modifications partielles apportées à l’un des sous-
systèmes 3.

Le caractère radical ou progressif de l’innovation n’est pas nécessairement lié à


l’ampleur ou à la nature des conséquences qui peuvent en résulter pour l’entreprise. Une
innovation radicale peut entraîner un déséquilibre majeur, voire une menace, pour
l’entreprise, alors qu’une innovation progressive peut être source de profits importants.

L’innovation est un concept large. L’innovation est un concept large, qui dépasse
les aspects strictement techniques et recouvre le changement organisationnel, commercial,
voire financier. Certaines limites doivent, cependant, être posées pour éviter que le concept
ne devienne un concept flou. On considère ainsi généralement que les modifications
techniques mineures ou esthétiques apportées à un produit (différenciation du produit) ne
constituent pas une innovation de produit si les changements apportés ne modifient pas
notablement les performances, les propriétés, le coût ou l’usage des matériaux et des
composants d’un produit. Par exemple, dans un textile, la modification d’un mélange de
fibres pourrait être considérée comme une innovation progressive car elle change les
performances et les propriétés du produit. En revanche, un nouveau coloris ou une
nouvelle impression ne seraient pas considérés comme une différenciation du produit
valant innovation.

Certains auteurs ajoutent aux catégories précédentes innovation de produits et


innovation de procédés, deux types d’innovation de nature particulière: les «nouveaux
systèmes technologiques» et les «technologies génériques diffusantes». Les nouveaux
systèmes technologiques sont des ensembles d’innovations liées dans un système cohérent.
Les technologies génériques sont des innovations diffusant leurs effets sur un grand
nombre de secteurs économiques, par exemple l’informatique.

L’innovation n’est pas la recherche. La différence entre la recherche et l’innovation


commence à être reconnue et admise dans l’analyse économique. Il en résulte un
changement de vision sur le processus d’innovation dans le système économique.
L’activité de recherche et de développement expérimental (souvent résumée par les
initiales R&D) a longtemps été considérée comme le déterminant premier du
développement économique. Les données sur la recherche-développement étaient, et

2
Les premiers microprocesseurs ou magnétoscopes étaient des innovations radicales, le walkman
est une innovation progressive car il associe des technologies existantes dans une fonctionnalité
nouvelle.
3
Le remplacement du métal par des matières plastiques dans le mobilier de cuisine ou dans la
fabrication automobile est un exemple de la première forme d’innovation. L’introduction du
freinage ABS ou d’autres améliorations de sous-systèmes sur les automobiles relève de la deuxième
forme d’innovation progressive.

158 Externe-2007-04-0157-01.doc
restent d’ailleurs largement, les principaux, si ce n’est les seuls, indicateurs du niveau
technologique d’une industrie ou d’un pays.

1.2. Passage d’un modèle linéaire à un modèle


interactif de l’innovation

Au cours des années quatre-vingt, la vision des relations entre la technologie et


l’économie et la conception de la place de l’innovation technologique dans le système
économique se sont élargies et modifiées. Les modèles dits «interactifs» ont remplacé le
modèle précédent dit «modèle linéaire», afin de mettre l’accent sur le rôle de la conception
industrielle et sur les relations entre les phases en aval (liées au marché) et les phases en
amont (liées à la technologie) de l’innovation, ainsi que sur les nombreuses interactions
entre la science, la technologie et les activités industrielles et commerciales du processus
d’innovation.

Dans le modèle traditionnel, l’innovation était conçue comme un processus linéaire.


Au départ se trouve la recherche. De la recherche naît l’invention. L’invention engendre
ensuite l’innovation. Enfin, l’innovation se diffuse et conduit à de nouveaux produits et de
nouvelles techniques. Il y aurait donc une succession linéaire d’événements sans retour ni
rétroaction. Dans cette analyse, renforcer l’innovation passe ainsi nécessairement par une
augmentation de l’effort de recherche. C’est en se référant au modèle linéaire que la
politique industrielle a souvent confondu la recherche, voire la recherche publique, avec
l’innovation.

Or innovation et recherche sont des notions différentes. La recherche est l’affaire des
scientifiques, l’innovation celle des entrepreneurs. Cette distinction ne diminue en rien le
rôle du chercheur dans la découverte fondamentale qui alimente le progrès des
connaissances ni celle des pouvoirs publics pour faciliter l’initiative industrielle et
l’innovation. Elle rappelle néanmoins que l’innovation va au-delà de la recherche, qu’elle a
ses lois et ses déterminants qui relèvent non seulement des marchés, mais aussi des
laboratoires. L’innovation interactive mobilise l’environnement des firmes. Dans le modèle
dit interactif proposé, l’innovation n’est pas une succession de phases isolées mais un aller-
retour permanent entre des possibilités (offertes par la technologie ou le marché) des
moyens et des stratégies. Des possibilités nouvelles peuvent, par exemple, découler de
l’évolution de la structure de la demande ou du cycle des produits ou de nouveautés
scientifiques ou technologiques. Le processus d’innovation dépend de la façon dont les
entreprises reconnaissent l’existence de ces possibilités et y réagissent par des stratégies de
produits. L’innovation est donc conçue comme une interaction entre, d’une part, les
possibilités offertes par le marché et, d’autre part, la base des connaissances
technologiques et les moyens dont dispose l’entreprise.

Une vision de même inspiration, mais peut-être plus large encore, est la vision qui
unit de façon indissociable compétitivité et innovation. Cette vision permet de mettre en
relation l’innovation et ses principaux déterminants. Dans chaque pays, l’environnement
de l’entreprise se révèle plus ou moins favorable à l’éclosion de ses avantages
concurrentiels. Cet environnement qui commande le processus d’innovation et la conquête
d’avantages concurrentiels peut être caractérisé par quatre ensembles de paramètres:

„ La structure de la rivalité entre les entreprises, c’est-à-dire le contexte dans lequel les
entreprises sont créées, sont dirigées et se font concurrence. Ce contexte, qui englobe
mais dépasse la simple concurrence sur le marché des produits, influence directement
les objectifs, le dynamisme et les performances économiques des entreprises et leur
incitation comme leur capacité à innover.

„ L’efficacité des facteurs de la production. Le deuxième paramètre est l’efficacité


des facteurs de production, c’est-à-dire la capacité à mettre en œuvre efficacement

Externe-2007-04-0157-01.doc 159
l’ensemble des ressources en hommes, en données naturelles et en infrastructures, en
capital, en savoirs et en connaissances nécessaires à la production. La qualité des
facteurs de production et de leur mise en œuvre détermine le potentiel d’efficacité ou
de productivité de la production.

„ La demande adressée à l’entreprise ou à un secteur. La demande, c’est-à-dire ce


que le marché accepte d’acheter, détermine la mise en œuvre effective et le niveau de
la production. Elle commande par sa composition et son rythme d’expansion la
dynamique de l’effort d’innovation à entreprendre et des progrès effectivement
accomplis.

„ La compétitivité des industries proches. Enfin, le dernier paramètre qui détermine


l’avantage concurrentiel d’une industrie est l’existence d’industries en amont ou
d’industries apparentées fortes et compétitives. Les industries en amont transmettent
en effet à leurs clients une partie de leurs compétences et de leurs gains de
productivité. Les industries apparentées à une industrie sont celles qui, bien qu’elles
ne se situent pas dans la même filière, peuvent partager avec elle une partie de leur
chaîne de valeur. La dynamique innovatrice d’une industrie est dépendante de la
nature de l’environnement industriel dans lequel elle opère. Les industries
compétitives au plan international sont celles dont les firmes ont la capacité et la
volonté de se perfectionner et d’innover, avec l’ambition de créer et de défendre
durablement un avantage concurrentiel.

A ces quatre paramètres il faudrait encore ajouter l’action des pouvoirs publics et
l’attitude des entreprises elles-mêmes. Les pouvoirs publics (au sens large) n’interviennent
pas comme un cinquième facteur à côté des quatre autres. Leur importance vient de ce
qu’ils peuvent influencer de façon positive (ou négative) les quatre paramètres
d’environnement, tout particulièrement les facteurs de production (par la formation, par la
recherche fondamentale) et la forme de la compétition (par la législation, la politique de la
concurrence, la politique de financement, etc.), mais aussi la formation de la demande (par
la réglementation, la normalisation), enfin, la compétitivité des autres industries (par les
politiques de développement régional, etc.). L’attitude de l’entreprise est aussi un
paramètre clé, dans la mesure où le même environnement peut être utilisé à des fins
diverses ou avec une efficacité inégale.

Cet éclairage sur le concept de l’innovation et sa relation avec la recherche et la


formation puis la stratégie des entreprises est utile à la veille de la création d’un pôle
technologique dans le secteur TH en Tunisie.

2. Le secteur TH occupe une position prioritaire


dans la politique de recherche et de l’innovation
technologique

La stratégie de développement de la recherche scientifique et de la technologie durant


le 10e plan (2002-2006) accorde une place importante au soutien de la recherche
sectorielle, la promotion de l’innovation technologique et la valorisation des résultats de
recherches et la création de pôles technologiques. Entre 1992 et 2004, la part des dépenses
en recherche-développement dans le PIB est passée de 0,43 pour cent à 1 pour cent, soit
plus que le double de l’effort financier enregistré au début de la période. Cet indicateur
traduit la volonté politique de rapprocher la Tunisie de la position des pays développés,
conformément au choix d’édifier une société fondée sur le savoir.

160 Externe-2007-04-0157-01.doc
Graphique 25. Evolution de la part des dépenses en recherche-développement dans le PIB
(en pourcentage)

0,9

0,8

0,7

0,6

0,5

0,4

0,3

0,2

0,1

0
1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

2.1. Développement des programmes de recherche


scientifique et de l’innovation technologique en fonction
des besoins du développement économique et social

Au cours de la période du 10e plan, les domaines prioritaires des programmes de


recherches scientifiques sont relatifs à l’eau, à l’énergie, aux zones de libre-échange, aux
technologies de l’information et de la communication, à la biotechnologie, à la santé, à
l’environnement ainsi qu’à l’industrie et l’agriculture. Parallèlement, la recherche
sectorielle, effectuée par les organismes spécialisés, portera sur le développement des
différents secteurs tels que l’agriculture, la santé, l’industrie, la culture, les technologies de
la communication, l’environnement, l’équipement et l’habitat.

La promotion de l’innovation technologique et la valorisation des résultats de


recherche sont désormais l’objet d’une attention particulière, eu égard à leur impact direct
sur le renforcement de la compétitivité des entreprises dans le contexte de la libéralisation
économique. Les pôles technologiques et les pépinières d’entreprises constituent les lieux
d’accueil adéquats au développement et à l’exploitation des résultats de recherche ainsi
qu’à la promotion des projets innovants.

2.2. Création de pôles technologiques

Les pôles technologiques offrent des espaces intégrés favorisant la coopération entre
les secteurs de production, de formation et de recherche car les idées d’innovation sont
partout. Cela est de nature à créer une synergie entre elles et à permettre la mise en place
d’un nouveau tissu d’entreprises innovantes et à haut niveau technologique. Les entreprises
gérant les pôles technologiques seront chargées de la coordination entre les différents
services, les entreprises et les établissements installés au sein de ces pôles. Le secteur privé
est considéré comme un partenaire principal dans la réalisation et le développement des
différentes étapes de création des technopôles. La spécialité de chaque pôle tient compte
des impératifs du développement de la région ainsi que des exigences des secteurs
économiques.

Le pôle technologique de Monastir concentrera son activité sur le développement de


la créativité et de l’innovation dans le secteur TH. Le choix de la région de Monastir

Externe-2007-04-0157-01.doc 161
s’explique par sa longue tradition dans le domaine du textile ainsi que par l’existence
d’établissements d’enseignement supérieur et de formation et d’entreprises spécialisées
dans ce domaine.

Tableau 74. Les pôles technologiques programmés pour la période du 10e plan

Technopôle Spécialité Superficie Financement


(en ha) prévu (en MD)
Borj Cedria Energie, environnement et biotechnologie 89 88,5
(sud du Grand Tunis)
Sidi Thabet (nord-est) Fabrication de sérum et de vaccins et industries 92 89,0
pharmaceutiques
Sousse (centre-est) Mécanique, électronique et informatique 60 70,0
Sfax (sud-est) Informatique, multimédia, télécommunication et 60 80,0
biotechnologie
Monastir (centre-est) Textile et habillement 100 52,0
Bizerte (nord-est) Industries alimentaires 87 74,0
Ariana (Grand Tunis) Technologie de la communication 65 35,0
Gammarth (Grand Tunis) – –
Réseau des technologies Aquaculture – –
marines Biotechnologie marine
Technologie de la pêche et de la biodiversité
marine
Environnement marin
Source: Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de la Technologie, 50 indicateurs, mai 2004
(www.mes.tn).

162 Externe-2007-04-0157-01.doc
Chapitre 9. Un grand défi à relever par les entreprises:
promouvoir une nouvelle culture de la gestion
des ressources humaines
L’étude stratégique sur le secteur TH recommande, à la demande pressante de la
profession, d’examiner la question de l’annualisation du temps de travail et la flexibilité en
général. Ce chapitre examine le contenu de la notion de flexibilité en accordant une place
particulière à la relation entre «flexibilité et sécurité» dans le contexte de la mondialisation
et celui de l’économie du savoir.

Ce contexte a évolué suite à la mise en question du caractère injuste de la


mondialisation. Les donneurs d’ordre internationaux, qu’il s’agisse des entreprises de
textile-habillement qui ont leur siège dans les pays industriels ou des grands groupes de
distribution, lorsqu’ils ont recours à la sous-traitance internationale, assortissent de plus en
plus fréquemment à leurs cahiers des charges le respect des normes fondamentales du
travail et de la législation nationale du travail en vigueur dans les pays avec lesquels ils
opèrent. Cette pratique, qui tend à se généraliser, influence les décisions stratégiques des
acheteurs mondiaux et, par voie de conséquence, la position compétitive des entreprises
selon leur capacité à respecter la législation nationale et les normes fondamentales du
travail. Une stratégie d’amélioration de la compétitivité des entreprises par la promotion du
travail décent est précisément le défi à relever en Tunisie.

Dans le cadre de la sous-traitance, les entreprises du secteur ont choisi la stratégie de


minimisation des coûts de main-d’œuvre et l’embauche de travailleurs très peu qualifiés et
occasionnels. Comme nous l’avons montré dans la première partie de cette étude, ce
modèle produit un grand déficit du travail décent. La nouvelle stratégie de développement
du secteur, fondée sur la cotraitance et le produit fini, doit promouvoir un nouveau modèle
de gestion des ressources humaines pour renforcer la compétitivité des entreprises. La
mobilisation efficace des ressources humaines pose le problème de la gestion de la
flexibilité. Nous montrerons que l’enjeu est de concilier flexibilité et sécurité pour
promouvoir un modèle de gestion des ressources humaines qui favorise le travail décent.

1. La flexibilité sans sécurité

L’apparition des préoccupations en matière de flexibilité des organisations semble liée à


l’instabilité qui caractérise l’environnement économique depuis les années soixante-dix. De
manière très globale, la flexibilité d’un système peut se définir comme «son aptitude à se
transformer pour améliorer son insertion dans l’environnement et accroître ainsi sa
probabilité de survie» (Tarondeau) 1. Ce lien étroit avec l’environnement se retrouve dans les
différentes définitions de la flexibilité des organisations: «aptitude ou capacité de l’entreprise
capable d’utiliser ou de contrebalancer l’action de son environnement» (Reix) 2, «aptitude à
s’adapter sans délai à des modifications imprévisibles de l’environnement» (Cohen, 1994) 3,
«aptitude de l’entreprise à répondre aux modifications de l’environnement pour assurer le
maintien de ses objectifs fondamentaux» (Reix, 1999), «capacité d’adaptation à des

1
J.-C. Tarondeau (1999a): «Approches et formes de la flexibilité», Revue française de gestion,
no 123.
2
R. Reix (1979): La flexibilité dans l’entreprise, Paris, Cujas.
3
E. Cohen (1994): Dictionnaire de gestion, Paris, La Découverte.

Externe-2007-04-0157-01.doc 163
changements non anticipés de l’environnement» (Tarondeau) 4 , «capacité à s’adapter aux
événements ou aux circonstances imprévus et à saisir ainsi des opportunités ou à écarter des
menaces» (Desreumaux) 5.

L’intérêt porté à la flexibilité n’a donc de sens que dans le cas où une organisation
n’est pas totalement maître de son environnement, où elle est face à des situations
d’incertitude sur l’évolution de cet environnement. Ces turbulences sont induites par
différents facteurs (Agro et coll.) 6, au premier rang desquels on trouve la mondialisation
des marchés et la nécessité de répondre rapidement aux demandes des clients, la diffusion
des modèles d’organisation américains, l’évolution technologique. Rojot formule
l’hypothèse selon laquelle deux facteurs expliquent l’accroissement récent du besoin de
flexibilité des entreprises: d’une part, le passage d’une partie croissante de l’entreprise aux
services et, d’autre part, l’introduction massive des nouvelles technologies 7.

L’entreprise, face à ces différents facteurs qui s’imposent simultanément, est


confrontée à l’obligation de se «flexibiliser» afin d’accroître sa capacité et sa vitesse
d’adaptation. Cette flexibilisation, au sens d’ajustement de l’organisation aux
modifications de son environnement, s’opère par le biais de divers mécanismes:

– ajustement des flux de production (aspects capitalistiques, modernisation, etc.);

– ajustement des processus organisationnels (réorganisation, décentralisation, réduction


de la division verticale du travail, déspécialisation de la division horizontale, etc.);

– ajustement de la force de travail (effectifs, coûts du travail, organisation, durée,


contenu, etc.).

1.1. Flexibilité interne vers flexibilité externe

Les différentes formes de flexibilité du travail qui sont observées dans les pratiques
des entreprises peuvent tout d’abord être regroupées en deux catégories: la flexibilité
interne et la flexibilité externe (Boyer 8, 1987; Cohendet et Llerena 9, 1989; Brunhes 10,
1990). La flexibilité interne du travail est «la possibilité, pour une entreprise, d’ajuster
l’utilisation et les rémunérations de ses salariés en fonction des besoins de la production et

4
J.-C. Tarondeau (1999b): La flexibilité dans les entreprises, Paris, Presses universitaires de France.
5
A. Desreumaux (1999): «Flexibilité», R. Le Duff (éditeur): Encyclopédie de gestion et du
management, Paris, Dalloz, p. 406.
6
L. Agro, A.-M. Dieu, F. Schoenaers (2001): «La représentation des travailleurs à l’heure de la
flexibilité», Revue de gestion des ressources humaines, no 39, pp. 3-14.
7
J. Rojot (1989): «Flexibilité du marché du travail: expériences nationales», OCDE: La flexibilité
du marché du travail – Nouvelles tendances dans l’entreprise, Paris, pp. 39-64.
8
R. Boyer (1987): La flexibilité du travail en Europe, Paris, La Découverte.
9
Cohendet, Llerena (1999): «Flexibilité et modes d’organisation», Revue française de gestion,
no 123, pp. 72-79.
10
B. Brunhes (1990): «La flexibilité du travail: définitions et modèles», Cahiers français, no 246,
pp. 73-76.

164 Externe-2007-04-0157-01.doc
des résultats financiers» (Dif, 1998, p. 233) 11. Elle se manifeste donc, comme son nom
l’indique, à l’intérieur des frontières de l’organisation considérée, et implique de disposer
de surcapacités en ressources et en compétences. La flexibilité externe consiste, quant à
elle, à «ajuster le niveau de l’emploi au sein de l’entreprise en fonction des besoins de la
production et du marché» (Dif, 1998, p. 234). Elle revient donc soit à jouer sur le nombre
de salariés de l’entreprise (embauches et licenciements, contrats à durée déterminée), soit à
faire appel aux services d’autres entreprises (intérim, sous-traitance, filialisation). Outre le
fait qu’elle participe à la précarisation de l’emploi, l’un des risques liés à la pratique de la
flexibilité externe est de voir disparaître les savoirs opérationnels, et tout particulièrement
les savoirs tacites liés à la pratique quotidienne des salariés de l’entreprise (Tarondeau,
1999b) 12 . Cette typologie flexibilité interne/flexibilité externe est souvent utilisée pour
marquer les différences de pratiques selon les pays. Ainsi, deux modèles principaux
s’opposeraient (Brunhes, 1990) 13: d’un côté, un modèle britannique, qui se base sur une
flexibilité externe et quantitative des ressources humaines; d’un autre côté, le modèle
suédois, qui correspond à une perspective à long terme des ressources humaines, où la
flexibilité est majoritairement interne, orientée vers la flexibilité qualitative. L’existence
d’une flexibilité technico-organisationnelle en est l’une des conditions de base 14.

1.2. Flexibilité quantitative vs. flexibilité qualitative

Comme cela vient d’être mentionné, il est également possible d’opposer la flexibilité
quantitative à la flexibilité qualitative. La flexibilité quantitative s’illustre par les travaux
d’Adkinson et des théoriciens de la segmentation du travail, dans laquelle on trouve au
centre un marché interne, relativement stable, composé du «noyau dur des salariés» qui
bénéficient de la forme classique du contrat de travail (contrat à durée indéterminée) et un
marché externe, instable, archétype de l’emploi flexible, avec des formes d’emploi
particulières ou atypiques (CDD, temps partiel, intérim, etc.). Dans cet aspect quantitatif de
la flexibilité, cette dernière est sous-tendue dans la nature même du contrat de travail, qui
permet alors d’aboutir à une flexibilité du temps de travail en tant qu’élément majeur de la
gestion des ressources humaines, en opposition à la fidélisation ou aux mécanismes de
loyauté (Baret, 1997) 15.

Dans le secteur privé, les deux marchés ne sont pas étanches, les salariés du marché
interne pouvant d’un moment à l’autre être en situation de précarité, ceux du marché
externe ayant, quant à eux, l’espoir de se trouver à l’inverse en phase de stabilisation de

11
M. Dif (1998): «Flexibilité du travail et ses implications pour l’emploi: réflexion sur les modèles
émergents», Economies et sociétés, no 20, 3, pp. 231-246.
12
J.-C. Tarondeau (1999b): La flexibilité dans les entreprises, Paris, Presses universitaires de
France.
13
B. Brunhes (1990): «La flexibilité du travail: définitions et modèles», Cahiers français, no 246,
pp. 73-76.
14
Avec l’apparition de nouveaux systèmes productifs depuis les années quatre-vingt, l’ajustement
des flux de production est censé accroître la capacité de l’entreprise à réagir face aux «aléas» de la
demande. La flexibilité de la production provient de transformations technologiques et
organisationnelles qui visent à ce que l’organisation s’adapte mieux aux variations quantitatives et
qualitatives de la demande.
15
C. Baret (1997): «La gestion de la flexibilité du temps de travail dans les grandes distributions
françaises: la GRH mise en échec?», M. Tremblay et B. Sire (éditeurs.): GRH face à la crise.

Externe-2007-04-0157-01.doc 165
leur emploi. Rojot (1989) 16 souligne, cependant, que le modèle de flexibilité du travail
noyau-périphérie n’a aucune validité explicative dans la réalité, du fait notamment que
certains effets résultent plus de stratégies produits-marchés que de stratégies de main-
d’œuvre (flexibilité stratégique, technologique, etc.).

1.2.1. La flexibilité quantitative du travail

La flexibilité quantitative du travail repose principalement sur les heures


supplémentaires et les emplois qualifiés d’atypiques (en opposition à un CDI). Ces contrats
atypiques peuvent poser problème lorsque le niveau de qualification est élevé, que les
technologies utilisées sont complexes ou que les savoir-faire nécessaires sont tacites et
difficiles à contrôler. Cependant, les entreprises peuvent y avoir plus facilement recours
lorsque les travailleurs ont des compétences dont l’entreprise n’a pas besoin régulièrement.
Une stratégie de flexibilisation quantitative du travail présente des avantages évidents pour
les dirigeants d’entreprise. Le principal est peut-être que les résultats en sont tangibles dans
des délais courts, ce qui est important si l’on fait l’hypothèse que les dirigeants sont soumis
à une pression sur des résultats chiffrés à court terme (Everaere, 1999) 17. Mais d’autres
avantages sont également prégnants, comme la possibilité, via l’intérim, de disposer de
travailleurs de qualité, sans que l’entreprise ait pour autant des devoirs importants envers
ces individus. La présence côte à côte de salariés titulaires et de personnes sous contrats
atypiques peut également se traduire par une sorte de concurrence entre ces deux groupes,
positive en termes de productivité pour l’entreprise: les premiers entrent dans ce jeu afin
d’assurer leur place dans le «noyau dur», les seconds le font dans l’espoir d’une embauche
durable.

1.2.2. La flexibilité qualitative (ou fonctionnelle)

La flexibilité qualitative (ou fonctionnelle) porte sur le contenu même du travail


(Tarondeau, 1999b) 18, sur «le niveau et l’étendue des qualifications des employés et sur
leur degré d’autonomie dans l’organisation» (Tarondeau, 1999a, p. 66) 19. Elle vise, grâce à
l’élargissement des compétences et aux efforts de formation, à accroître la polyvalence des
salariés ainsi que leur mobilité interne. Le travailleur flexible est donc polyvalent; il a une
étendue de compétences qui lui permet de maîtriser un grand nombre de tâches.

La polyvalence est accrue par des formations ponctuelles et, au quotidien, par les
capacités d’apprentissage des individus. La flexibilité qualitative du travail est amplifiée
pour des organisations où le travail de groupe occupe une place importante, où il y a une
importante mobilité interne et où la direction développe une politique visant à mobiliser la
capacité d’apprentissage. Elle repose donc sur l’étendue des compétences, ou la
polyvalence, et sur les capacités d’apprentissage des individus.

16
J. Rojot (1989): «Flexibilité du marché du travail: expériences nationales», OCDE: La flexibilité
du marché du travail – Nouvelles tendances dans l’entreprise, Paris, pp. 39-64.
17
C. Everaere (1999): «Emploi, travail et efficacité de l’entreprise: les effets pervers de la flexibilité
quantitative», Revue française de gestion, no 124, pp. 5-21.
18
J.-C. Tarondeau (1999b): La flexibilité dans les entreprises, Paris, Presses universitaires de
France.
19
J.-C. Tarondeau (1999a): «Approches et formes de la flexibilité», Revue française de gestion,
no 123.

166 Externe-2007-04-0157-01.doc
L’accroissement de l’autonomie et des compétences des salariés est une condition
nécessaire au développement de la flexibilité qualitative (Everaere, 1997) 20 . Ceux-ci
doivent donc être en mesure de maîtriser les différentes situations de travail et de répondre
aux aléas (ce qui induit de rompre avec la logique taylorienne de séparation entre la
conception et l’exécution), afin d’être effectivement mobiles au sein de l’entreprise. La
polyvalence et la mobilité sont également en rupture avec la vision classique de la
parcellisation des tâches issue du management scientifique.

Dans la typologie à laquelle il a recours, Dif (1998) 21 intègre la flexibilité


fonctionnelle (ou qualitative) comme sous-dimension de la flexibilité interne. Elle consiste
selon lui, et pour un volume donné de travail, à affecter «les salariés de l’entreprise à des
fonctions variables en fonction des besoins de la chaîne de production ou des fluctuations
de la production» (Dif, 1998, p. 233). Le point important noté par l’auteur est que la
flexibilité qualitative du travail est un élément indispensable à la flexibilité technico-
organisationnelle. En effet, «la polyvalence des salariés constitue l’élément de base pour la
mise en œuvre effective de la flexibilité technico-organisationnelle» (Dif, 1998, p. 233).

Il est par conséquent très difficile de séparer dans les faits la flexibilité au niveau
organisationnel de la flexibilité au niveau des individus. De plus, la mise en œuvre de la
flexibilité qualitative n’est pas chose aisée. En effet, si, de manière théorique, la mobilité
des salariés en divers points du processus productif est réalisable par le biais de leur plus
grande polyvalence, cela se révèle plus difficile dans les faits et trouve ses limites lorsque
ce processus devient complexe, et donc que la polyvalence devient plus difficile à acquérir
(Everaere, 1997).

1.3. Les effets pervers de la flexibilité quantitative

La flexibilité quantitative génère un certain nombre d’effets pervers, mis en évidence


par Everaere (1999) 22 et classés en six catégories. Tout d’abord, l’arrivée de nouveaux
travailleurs au sein de l’entreprise se traduit par des problèmes de productivité, puisque le
nouveau travailleur, par exemple intérimaire, ne peut pas être tout de suite totalement
opérationnel face aux particularismes de l’entreprise dans laquelle il vient d’arriver
(repères spatiaux, techniques, organisationnels, socioculturels, etc.). Cette méconnaissance
peut également se traduire par un deuxième effet négatif, c’est-à-dire l’augmentation de la
probabilité de survenue d’accidents du travail.

Si la flexibilité quantitative est susceptible de générer une concurrence entre les


individus, elle risque également de se traduire par une insatisfaction, liée par exemple à la
précarisation ou au caractère aléatoire des horaires de travail, ce qui se manifeste par une
dégradation de l’implication et de la sensibilité à la qualité du travail effectué. Cette
concurrence qui vient d’être évoquée se traduit également par des problèmes de cohésion
sociale, préjudiciable à l’efficacité collective. La gestion des compétences, qui nécessite
une optique à long terme de l’entreprise et de ses ressources humaines, est également
remise en cause par le recours à une flexibilité externe du travail. Enfin, cette flexibilité
conduit aussi à paralyser l’autonomie des salariés alors qu’on la considère généralement
comme allant de pair avec les processus de production flexibles.

20
C. Everaere (1997): Management de la flexibilité, Paris, Economica.
21
M. Dif (1998): «Flexibilité du travail et ses implications pour l’emploi: réflexion sur les modèles
émergents», Economies et sociétés, no 20, 3, pp. 231-246.
22
C. Everaere (1999): «Emploi, travail et efficacité de l’entreprise: les effets pervers de la flexibilité
quantitative», Revue française de gestion, no 124, pp. 5-21.

Externe-2007-04-0157-01.doc 167
1.4. Une société à haut risque pour les travailleurs

Les recherches consacrées dans les années quatre-vingt-dix à l’étude des modalités de
gestion des ressources humaines semblent indiquer une très forte flexibilité des modes de
gestion de la main-d’œuvre et la création d’emplois plutôt précaires sur lesquels se reporte
une partie les aléas de la demande, en complète contradiction avec le niveau requis
d’implication du personnel pour satisfaire la clientèle. La tendance est une segmentation et
une flexibilisation accrue des politiques et des pratiques de GRH (Allouche & Sire édition,
1998; Louart, 1994; Bournois, 1994) 23.

Des signes montrent que, dans certains secteurs et entreprises et sur les marchés du
travail tendus, la relation traditionnelle entre employeurs et travailleurs s’affaiblit.
Beaucoup d’employeurs se sentent aujourd’hui moins responsables de la sécurité de
l’emploi et de revenu et de la carrière de leurs personnels. Par ailleurs, les travailleurs
hautement employables jugent souvent qu’il est dans leur intérêt de ne pas se cantonner
dans la même entreprise.

Il faut souligner d’abord que, de manière générale, les travailleurs sont appelés à
assumer une part de plus en plus grande des risques inhérents aux nouvelles méthodes de
faire des affaires ou d’exploiter une entreprise. En effet, la nouvelle économie semble se
dérouler sur un mode qui rappelle le fonctionnement très mouvant des marchés financiers:
on récompense ou punit démesurément le succès ou l’échec, et bon nombre d’entreprises,
de haute technologie par exemple, fonctionnent largement à partir de leurs propres
institutions ou règles de travail, qu’il s’agisse de la rémunération, des heures de travail ou
des formes de représentation. Ainsi, une large part des risques reliés au marché et au milieu
de travail retombent de plus en plus sur eux. C’est dans cette perspective que l’on parle de
plus en plus d’une société à hauts risques, considérée ainsi en regard de l’ensemble des
conditions d’emploi et de carrière d’un grand nombre de travailleurs. Ces risques sont
multiples:

„ L’éclatement du marché du travail et l’extrême mouvance des marchés et des produits


rendent plus illusoires que jamais, dans un cas comme dans l’autre, les perspectives
de l’emploi stable.

„ L’accès aux avantages sociaux constitue une matière à risques hautement accrus. Les
assurances collectives, traditionnellement négociées ou offertes par les entreprises à
leurs employés réguliers, risquent de devenir l’apanage d’un nombre de plus en plus
restreint d’employés, au fur et à mesure que s’accroît la part relative des emplois
atypiques, souvent précaires.

„ Les besoins de formation constituent un autre phénomène qui comporte un niveau


élevé de risques. Il y a d’abord celui relié à la qualité et à la pertinence de
l’apprentissage initial d’un métier et de sa pertinence future à l’égard des besoins de
la nouvelle économie. La durée escomptée des habiletés et des compétences acquises
s’écourte considérablement et s’apparente de plus en plus à celle des marchés et des
produits eux-mêmes. Il est difficile d’imaginer, dans pareil contexte, un métier qui,
comme autrefois, garantissait à un individu la mobilité ou la sécurité sa vie durant.

23
J. Allouche et B. Sire (éditeurs) (1998): Ressources humaines: une gestion éclatée, Paris,
Economica.
P. Louart (1994): «La GRH à l’heure des segmentations et des particularismes», Revue française de
gestion, mars 1994, pp. 79-94.
F. Bournois (1994): «L’emploi et la gestion des ressources humaines en Europe. Une synthèse des
évolutions majeures depuis 1993», Revue Personnel, no 354, oct. 1994, pp. 43-49.

168 Externe-2007-04-0157-01.doc
L’accès à la formation constitue un autre risque. En effet, à moins d’avoir déjà un
emploi régulier, les coûts de formation s’avèrent souvent prohibitifs pour le
travailleur sans emploi ou détenteur d’un emploi précarisé. Enfin, il faut souligner les
risques d’obsolescence de la formation lorsque les connaissances acquises sont liées à
des processus industriels ou à des produits en constante mutation, sinon à des
entreprises spécifiques;

„ Le temps du travail n’est plus le même. La distribution des heures de travail devient
de plus en plus inégale avec l’émergence des formes atypiques de travail.

„ La structure de l’emploi n’est plus la même. A cet égard, le nouveau milieu de


travail se démarque de l’ancien en présentant une nouvelle pyramide: au sommet, des
spécialistes dans les domaines de la conception et de l’utilisation stratégique de
l’information et, à la base, des préposés au traitement routinier de l’information. C’est
à ces derniers que s’appliquent plus aisément les méthodes de contrôle à distance de
performance. A cette polarisation des emplois correspond, on le devine, celle des
revenus. C’est là un phénomène dont les répercussions sociales sont importantes. La
plus inquiétante d’entre elles serait l’amenuisement ou l’érosion de la classe
moyenne.

„ La sécurité de l’emploi n’est plus la même. Un aspect fondamental des


transformations du milieu de travail concerne leur impact sur la sécurité de l’emploi.
La vague de restructurations des entreprises, combinée à la déréglementation et aux
efforts d’assainissement des finances publiques, a eu pour effet d’accroître, de façon
significative, le sentiment d’insécurité dans le monde du travail, et cela y compris
chez ceux qui ont conservé leur emploi. Nous avons souligné plus haut que cette
insécurité a des effets néfastes sur la motivation et la loyauté des employés, qu’il
s’agisse de ceux qui partent ou de ceux qui restent. Chose certaine, pareille
démobilisation s’accorde mal avec le besoin croissant de toute entreprise à haut
rendement de devoir compter sur la participation active de ses employés dans tout
processus de changement.

1.5. Le modèle juridique «fordiste» des relations


de travail est bouleversé?

La législation du travail constitue la pierre angulaire des structures et des règles qui
encadrent les systèmes de travail et de gestion du travail. Essentiellement, ce cadre
législatif repose sur le modèle du «taylorisme», c’est-à-dire sur la relation d’emploi stable
dans une organisation industrielle du type des grandes entreprises manufacturières.
Destinée à répondre à des besoins normalisés et répétitifs, cette législation est fondée sur
des relations de travail systématiquement encadrées, où les fonctions sont parcellisées dans
des descriptions de tâches souvent fort détaillées et où bon nombre d’employés sont
contraints à jouer le rôle d’exécutants dociles. La dynamique propre des relations
industrielles est essentiellement conflictuelle, c’est-à-dire fondée sur l’exercice du droit de
grève ou de lock-out, ou l’appréhension de celui-ci. La conclusion d’une convention
collective, sorte de traité de paix à durée limitée, signifie la fin de la négociation et la
confine dans le temps.

L’emploi atypique étranger au moule traditionnel s’amplifie dans le monde. En cela,


il échappe aussi bien à la philosophie qu’à la législation du travail fondée sur le modèle
«fordiste». Le lien d’emploi traditionnel et la relation de travail binaire, c’est-à-dire
employeur et employé, subissent une transformation profonde dans la nouvelle

Externe-2007-04-0157-01.doc 169
économie 24. Les phénomènes de sous-traitance, d’impartition ou de recours aux agences
de personnel amènent un éclatement des concepts juridiques en usage. Traditionnellement,
la notion d’«employé» ou de «salarié» se réfère à un état de subordination direct dans une
relation bipartite, inscrite dans un lieu de travail stable où l’autorité est incarnée par un
contremaître. Or ni ce type de relation ni un lieu de travail identifié, ni même l’existence
d’un niveau intermédiaire d’encadrement ne correspondent à la réalité de l’économie du
savoir où l’initiative et l’autonomie sont au cœur même de l’organisation.

En dépit de situations similaires apparentes, des individus ont juridiquement accès, ou


non, à des bénéfices sociaux sans trop en connaître la raison. D’autres sont victimes d’une
organisation du travail trop rigide ou encore précarisés par des entreprises désireuses
d’échapper à leurs charges sociales ou à la syndicalisation.

1.6. Flexibilité et sécurité sont-ils antagonistes?

Flexibilité et sécurité sont-ils antagonistes? Peut-on, au contraire, trouver les voies et


moyens d’accroître à la fois la sécurité des travailleurs et la flexibilité de l’économie?
C’est l’objectif explicitement formulé dans les lignes directrices pour l’emploi retenues
dans l’agenda européen fixé à Lisbonne pour la décennie en cours. C’est aussi l’orientation
retenue par plusieurs pays européens ayant adapté récemment leur dispositif législatif et
conventionnel en utilisant le néologisme de flexicurité.

Les lignes directrices de l’Union européenne pour l’emploi de 2003 précisent


explicitement que «la mise en place d’un équilibre adéquat entre flexibilité et sécurité est
indispensable pour soutenir la compétitivité des entreprises, améliorer la qualité et la
productivité du travail et faciliter la capacité d’adaptation des entreprises et des travailleurs
aux mutations économiques» (Commission européenne, 2004). Elles font de la «promotion
de la mobilité professionnelle» l’un des objectifs à atteindre et mentionnent «une meilleure
reconnaissance et […] la transparence accrue des qualifications et des compétences […], la
transférabilité des prestations de sécurité sociale et des droits à pensions» comme moyens
pour y parvenir.

L’OIT définit sa stratégie pour concilier flexibilité et sécurité à l’échelle


internationale à partir du concept «travail décent». C’est une vision articulée autour de
quatre éléments essentiels, à savoir: un objectif universel, un emploi productif, la double
condition du respect des droits des travailleurs et de la protection sociale, et enfin le moyen
de les mettre en œuvre par le dialogue social.

2. Le travail décent, une vision du travail


qui intègre l’économique et le social

Le travail n’est pas un «matériel humain» 25 ajustable aux impératifs de l’industrie ou


du commerce. Et pourtant, depuis vingt ans, il a été envisagé dans le monde comme une
question secondaire, comme l’objet d’une «ingénierie» de la ressource humaine. «D’une
main, on s’est employé à faire du travail un matériau “flexible”, adaptable “en temps réel”
aux besoins de l’économie; de l’autre, on a fait du “social” ou de l’“humanitaire” pour
assurer un minimum de subsistance ou d’occupations au flot grandissant de ceux qui se

24
Voir BIT: La relation de travail, rapport V(1), Conférence internationale du Travail, 95e session,
2006, Genève, 2005.
25
V. Klemperer, 1975: LTI Notizbuch eines Philologen (Leipzig, Reclam Verlag), traduit de
l’allemand sous le titre: LTI La langue du IIIe Reich (Paris, Albin Michel), 1996, pp. 197 et suiv.

170 Externe-2007-04-0157-01.doc
trouvent ainsi privés de la possibilité de vivre de leur travail 26 .» Cette approche du
problème, qui mêle efficacité et bons sentiments, et subordonne la question du travail à
toutes les autres, est condamnée à l’échec. «Le problème est dans tous les cas de concilier
le temps court de l’échange économique réalisé par le contrat avec le temps long de la vie
humaine» 27.

2.1. Le travail décent facteur de développement


de la compétitivité

Lorsque l’on analyse les recommandations de l’OIT, de l’Union européenne et de


l’OCDE, on se rend compte aujourd’hui que les paramètres sociaux occupent une place de
plus en plus importante. La compétitivité interne des entreprises est grandement influencée
par l’existence d’un climat social favorable qui, lui-même, repose sur de bonnes pratiques
de travail et l’existence d’un dialogue social constructif entre les partenaires sociaux.
Lorsque le climat social se dégrade, les entreprises ne sont plus en mesure de satisfaire aux
exigences nouvelles des marchés (production en juste-à-temps et à flux tendus) et les
salariés ne sont plus motivés pour améliorer leurs compétences et assurer les niveaux de
qualité requis. Il en résulte une baisse de compétitivité qui, sur un marché hautement
concurrentiel, peut entraîner la fermeture des entreprises concernées et la perte des emplois
associés.

La compétitivité externe des entreprises est également influencée par l’image que ces
entreprises donnent en matière de respect des normes fondamentales du travail. Le marché
mondial des produits THC est en effet influencé par l’attitude des consommateurs finaux
qui se préoccupent de plus en plus des conditions dans lesquelles ont été produits les
vêtements ou les chaussures qu’ils achètent. Ceci explique la prolifération des codes de
conduite et autres initiatives volontaires privées qui, pour les secteurs THC, font
principalement référence au respect des normes fondamentales de l’OIT.

2.2. Les normes internationales du travail

L’OIT a été créée en 1919, principalement dans le but d’adopter des normes
internationales pour remédier aux «conditions de travail impliquant l’injustice, la misère et
les privations». L’incorporation de la Déclaration de Philadelphie dans sa Constitution en
1944 a permis d’étendre le mandat normatif de l’Organisation à des questions d’un ordre
plus général mais liées à la politique sociale, aux droits de l’homme et aux droits civils.
Les normes internationales du travail résultent d’un accord international tripartite sur ces
questions.

Les conventions et les recommandations. Les normes de l’OIT revêtent la forme de


conventions ou de recommandations internationales du travail. Les conventions de l’OIT
sont des traités internationaux ouverts à la ratification des Etats Membres de l’OIT. Les
recommandations, qui sont des instruments non contraignants, portent le plus souvent sur
les mêmes sujets que les conventions et fixent des principes susceptibles d’orienter les
politiques et les pratiques nationales. Ces deux formes visent à influer véritablement sur les
conditions et les pratiques de travail dans chaque pays.

Autres types de normes. La Conférence internationale du Travail, qui se tient chaque


année, et d’autres organes de l’OIT adoptent souvent des documents d’un caractère moins

26
Voir A. Supot: Le travail en perspectives, Revue internationale du Travail, vol. 135 (1996), no 6.
27
Op. cit.

Externe-2007-04-0157-01.doc 171
contraignant que les conventions et recommandations. Il s’agit des recueils de directives
pratiques, des résolutions et des déclarations. En règle générale, ces documents cherchent à
avoir un effet normatif, mais ils ne sont pas considérés comme faisant partie du système
des normes internationales du travail de l’OIT. On en compte de nombreux exemples.

L’OIT a adopté plus de 180 conventions et plus de 185 recommandations qui portent
sur un grand nombre de sujets. Le Conseil d’administration du Bureau international du
Travail a décidé de considérer huit conventions comme fondamentales pour les droits des
travailleurs. Elles doivent être mises en application et ratifiées par tous les Etats Membres
de l’Organisation. Il s’agit des conventions fondamentales de l’OIT. Quatre autres
conventions portent sur des questions essentielles pour les institutions et les politiques du
travail. Ce sont les «conventions prioritaires». Les autres instruments, qui couvrent un
large éventail de sujets, ont été rangés dans 12 catégories de conventions et de
recommandations.

2.3. Les conventions fondamentales de l’OIT

Le Conseil d’administration du BIT a considéré comme fondamentales pour les droits


de l’homme au travail huit conventions de l’OIT, quel que soit le niveau de développement
des différents Etats Membres. De ces droits dépendent les autres car ils sont nécessaires
pour agir librement en vue de l’amélioration des conditions individuelles et collectives de
travail.

Liberté syndicale

– convention (nº 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948;

– convention (nº 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective, 1949.

Abolition du travail forcé

– convention (nº 29) sur le travail forcé, 1930;

– convention (nº 105) sur l’abolition du travail forcé, 1957.

Egalité

– convention (nº 111) concernant la discrimination (emploi et profession), 1958;

– convention (nº 100) sur l’égalité de rémunération, 1951.

Elimination du travail des enfants

– convention (nº 138) sur l’âge minimum, 1973;

– convention (nº 182) sur les pires formes de travail des enfants, 1999.

2.4. La Tunisie a ratifié toutes les conventions


fondamentales de l’OIT

Les normes du travail se veulent par définition minimales et universelles, qu’il


s’agisse des heures de travail ou du salaire minimum. Elles s’appliquent de droit et
l’emportent sur toutes les ententes particulières, contrats ou conventions collectives,
susceptibles de comporter des conditions moins avantageuses; bref, en principe, les
avantages dont conviennent les particuliers ne peuvent y déroger.

172 Externe-2007-04-0157-01.doc
Les normes du travail assurent la réalisation d’objectifs d’équité et de proportionnalité
des coûts sociaux. Globalement, les travailleurs ont besoin de mutualiser les risques
sociaux auxquels ils font face, ce qui devrait valoir également pour les travailleurs
atypiques. Les protections sociales, accessibles à des travailleurs en usine, doivent
également s’appliquer aux autres travailleurs à un coût comparable.

Chacune des normes minimales prises isolément, que ce soit les heures normales, la
durée du travail, le temps supplémentaire, le salaire minimum, les congés etc., sanctionne
quelque droit que l’Etat choisit d’imposer ou de donner d’autorité à tous les travailleurs.
Une telle norme se doit d’avoir par définition l’universalité propre aux droits d’ordre
public. La Tunisie a adhéré à cette logique juridique et humaniste des normes
fondamentales du travail en ratifiant toutes les conventions fondamentales de l’OIT (voir
tableau ci-dessous).

Tableau 75. Les conventions fondamentales de l’OIT selon la date de ratification par la Tunisie

Travail forcé Liberté syndicale Discrimination Travail des enfants


C.29 C.105 C.87 C.98 C.100 C.111 C.138 C.182
17.12.1962 12.01.1959 18.06.1957 15.05.1957 11.10.1968 14.09.1959 19.10.1995 28.02.2000
Source: OIT.

Les conventions fondamentales relatives au travail des enfants ont été ratifiées à partir
de 1995 suite à la mise en œuvre de la réforme de l’enseignement scolaire qui vise à
assurer l’éducation de base pour tous. La lutte contre l’échec scolaire est en effet le moyen
le plus efficace pour éliminer le travail des enfants. Le programme de réforme mis en
œuvre par la Tunisie a permis l’application effective de l’obligation scolaire des enfants de
6-16 ans, sans discrimination. Le tableau ci-dessous indique le progrès obtenu dans ce
domaine entre 1997-98 et 2004-05. L’amélioration du niveau de vie des familles
tunisiennes, l’effort budgétaire de l’Etat pour assurer la gratuité de l’enseignement et les
réformes pédagogiques introduites ont été à l’origine du progrès obtenu dans la lutte contre
l’échec scolaire.

Tableau 76. Evolution du taux de scolarisation 6-16 ans par genre (en pourcentage)

Année scolaire 1997-98 1998-99 1999-00 2000-01 2001-02 2002-03 2003-04 2004-05
Garçons 88,4 88,2 89,6 89,5 90,1 90,4 90,0 90,0
Filles 86,5 87,2 88,8 89,1 90,1 91,4 91,0 91,0
Ensemble 87,5 87,7 89,2 89,3 90,1 90,9 90,5 90,5
Source: Ministère de l’Education et de la Formation, statistiques scolaires, 2004-05, p. 375.

3. La gestion des ressources humaines selon l’approche


par compétences favorise la promotion du travail décent

Historiquement, l’entreprise s’est développée en adaptant son organisation à ses


marchés. Le XXe siècle a vu se généraliser les techniques d’organisation du travail basées
sur la définition des postes, les organigrammes définissant les responsabilités et les
niveaux hiérarchiques. Ces techniques ont montré leur efficacité pendant des décennies sur
la compétitivité des entreprises et restent la référence pour beaucoup d’entre elles. Dans le
nouveau contexte de la mondialisation, l’entreprise doit trouver des modalités de gestion
des ressources humaines différentes, faisant une plus large part à la compétence et à
l’implication des salariés. Le nouveau modèle productif s’articule de façon interactive:

Externe-2007-04-0157-01.doc 173
– le marché marqué par la différenciation des produits;

– l’organisation productive qui doit concilier réactivité des processus, qualité des
produits et réduction des coûts; et

– le système de formation initiale et continue qui assure un haut niveau général de


compétences, une forte capacité d’initiative individuelle et d’apprentissage de
nouveaux savoirs.

Ce nouveau modèle productif explique le basculement de la notion de qualification à celle


de compétence. L’entreprise doit articuler deux approches; une approche stratégique et une
approche «Gestion du personnel». Selon l’approche stratégique, la compétence apporte à
l’entreprise la possibilité d’une différenciation concurrentielle durable, difficilement
copiable, en respectant les normes externes. La «Gestion du personnel» doit anticiper les
besoins quantitatifs et qualitatifs. Les actes de gestion renforcent le déploiement de la
stratégie jusqu’aux équipes et aux personnes et assure le maintien de l’employabilité.

3.1. Les conditions d’émergence


de la notion de compétence

Les progrès de l’automatisation ont transformé le rôle de l’homme dans son travail. Pour
Stroobants, «on ne parle plus de l’ouvrier qui exécute une tâche, mais de l’opérateur qui
maîtrise des incertitudes, qui doit résoudre des problèmes, voire gérer des projets» 28. L’auteur
pose l’hypothèse «d’une abstraction croissante des compétences associées à
l’automatisation» 29. Pour Parlier, les transformations technologiques ont eu des répercussions
sur tous les métiers. «Dans ce contexte de travail évolutif et soumis à des aléas non strictement
prévisibles, la compétence prend une importance centrale puisqu’il ne s’agit plus seulement de
mettre en œuvre des savoirs directement liés à des activités délimitées et prédéfinies, mais aussi
et surtout de faire face à des situations évolutives. Etre capable de réagir à une situation connue
en fonction d’une solution préexistante bien identifiée n’est plus suffisant; ce qui importe
désormais, c’est de faire face à l’imprévu, d’élaborer des solutions inédites pour des situations
imprévisibles» 30.

Les mutations économiques ont entraîné dans les années quatre-vingt-dix un


recentrage sur le métier d’origine 31 (théorie des compétences organisationnelles 32) et un
nombre croissant d’opérations de coopération et de partenariats. Zarifian dresse une
typologie de ces types d’accord. Il lie la coopération au modèle de la compétence en

28
M. Stroobants: La compétence à l’épreuve de la qualification, J.P. Durand: Vers un nouveau
modèle productif, Syros, p. 269.
29
Op. cit., p. 275.
30
Article «La compétence au service d’objectifs de gestion», pp. 91-107, issu du livre de M. Parlier;
F. Minet, S. Witte: La compétence mythe, construction ou réalité?, édition L’harmattan, 1994.
31
G. Hamel, C.K. Prahadal: La conquête du futur, Interédition, chap. 1, pp. 9-33.
32
Les compétences organisationnelles sont traitées principalement par la littérature anglosaxone.
Nous souhaitons souligner deux articles principaux:
– R.G. McGrath, I.C. MacMillan, S. Venkataraman: Definig and developing Competence: a
strategic process Paradigm, Strategic Management Journal, Vol. 16, 1995, pp. 251-275.
– C.K. Prahadal, G. Hamel: The Core Competence of the Corporation, Harvard Business Review,
May-June 1990, pp. 79-91.

174 Externe-2007-04-0157-01.doc
rappelant que c’est «de plus en plus au sein de rapports coopératifs que cet
autodéveloppement de la compétence apparaît, à la fois comme besoin et comme
dynamique, par interpellations croisées des savoirs et des intelligences des personnes
impliquées dans ces rapports, face à des situations qu’ils assument ensemble» 33.

Un troisième facteur participe à l’émergence de la compétence: l’environnement


sociologique sous l’angle de l’évolution des comportements des salariés. Ceux-ci, dans
leurs nouveaux thèmes de revendication, attachent de l’importance à une formation
continue de qualité ainsi qu’à une prise en charge par l’entreprise du développement de
leurs compétences individuelles et collectives. Ils considèrent que ces acquisitions leur
procurent une plus-value non négligeable sur un marché du travail toujours plus exigeant et
concurrentiel 34.

3.2. Définition et caractéristiques


de la compétence individuelle

La notion de compétence individuelle ne génère pas encore d’approche théorique


générale validée empiriquement. On peut admettre qu’il existe une définition consensuelle
minimale que nous utiliserons comme référence: le triptyque («savoir, savoir-faire, savoir
être» 35). Celui-ci repose sur le concept de connaissance («le savoir»), sur une composante
relative à l’expérience («le savoir-faire» ou le «savoir agir») et sur une composante
comportementale («le savoir être» ou «la faculté de s’adapter»).

La compétence s’observe en situation de travail. C’est un savoir-faire perçu par les


autres (clients/usagers, collègues, encadrement). Le diplôme n’est qu’un élément de
pronostic. La compétence est une combinaison de connaissances, de savoir-faire et
d’expériences. Ainsi, cette notion est fortement liée à l’individu et le rôle de la formation
est relativisé car celle-ci n’est pas le seul moyen d’acquérir une compétence. La
compétence est «contextualisée», c’est-à-dire qu’elle est activée ou non dans un
environnement (organisation, management, équipement). La compétence est validable. Des
règles sont nécessaires. Qui valide quoi? Quels effets? Les règles du jeu sont internes
(classification, rémunération, carrière) et externes (certifications, validation des acquis de
l’expérience – VAE).

3.3. Les processus de gestion des compétences


dans les entreprises

On observe une évolution de la gestion du personnel vers la gestion préventive et


prévisionnelle des emplois et des compétences 36. Besseyre des Horts, dans un ouvrage
consacré à la gestion stratégique des ressources humaines 37, soutenait, dès 1988, que les

33
P. Zarifian: Coopération, compétence et système de gestion dans l’industrie: à la recherche de
cohérence, cinquième congrès de l’AGRH, 17-18 nov. 1994, Montpellier, pp. 15-21.
34
L’accord entre les partenaires sociaux français sur la formation tout au long de la vie est le
résultat d’un mouvement social qui s’appuie sur l’action de plusieurs syndicats, y compris la CGT.
35
G. Donnadieu, P. Denimal: Classification, qualification: de l’évaluation des emplois à la gestion
des compétences, Liaisons, p. 140.
36
M. Parlier: La compétence: mythe, construction ou réalité?, édition L’harmattan, 1994, p. 9.
37
C.-H.. Besseyre des Horts: Vers une gestion stratégique des ressources humaines, éditions
d’Organisation, 1988.

Externe-2007-04-0157-01.doc 175
trois missions de la GRH pour mettre en œuvre la stratégie de leur entreprise reposaient sur
l’acquisition, la stimulation et le développement des compétences. Dans un article sur «les
axes actuels de la réflexion en GRH», Henriet 38 considère que ce concept est une piste de
réflexion à développer. Il rappelle, toutefois, qu’il a déjà été utilisé par de grandes
entreprises sidérurgiques pour faire de la compétence le vecteur à la fois de l’évolution des
individus et de la rémunération. Dans ce cadre, différents outils sont proposés 39: les bilans
de compétences, les portefeuilles de compétences, l’outplacement, la méthode Hay, la
matrice de base pour la compétence professionnelle, etc. La compétence individuelle peut
être également appréhendée dans une optique de gestion stratégique. Elle est, dans ce cas,
assimilée à une ressource immatérielle 40 que l’entreprise doit maximiser. Cet «actif
invisible» 41 est alors intégré dans un processus de gestion stratégique afin de produire un
avantage concurrentiel significatif.

La gestion des compétences n’est pas un processus qui revêt un contenu identique
dans toutes les organisations. Dans certains cas, il représentera uniquement les entretiens
d’embauche. Dans d’autres sociétés, il comprendra les étapes d’évaluation annuelle et de
formation à de nouvelles compétences. Dans les organisations qualifiantes, la gestion des
compétences est une conséquence directe de la définition de ce type d’organisation. On
s’aperçoit donc que chaque entreprise gère les compétences de façon plus ou moins
intégrée. Michel et Ledru considèrent que: «la gestion des compétences est en fait un terme
générique que l’on pourrait détailler de la façon suivante:

– décrire les compétences liées aux emplois actuels et futurs;

– analyser les compétences détenues par les personnes;

– comparer les compétences pour décider;

– préparer les compétences nécessaires pour agir» 42.

38
B. Henriet: «Les axes actuels de la réflexion en GRH»; premières rencontres nantaises
chercheurs-praticiens de la GRH; 31 mars 1994, pp. 13-18.
39
Beaucoup de littérature existe sur ce sujet. Nous prendrons nos sources auprès de P. Michard,
A. Yatchinsky: «En quoi les bilans de compétences renouvellent la problématique de la
compétence», article du livre M. Parlier, F. Minet, S. Witte: La compétence: mythe, construction ou
réalité?, édition L’harmattan, 1994, pp. 193-211.
M. Anger, C. Courtin, P. Tronina: «Le portefeuille de compétences, un outil au service de la gestion
des carrières ouvrières, l’expérience du groupe TEM», article du livre M. Parlier, F. Minet, S. Witte:
La compétence: mythe, construction ou réalité?, édition L’harmattan, 1994, pp. 213-221.
La méthode Hay est largement expliquée dans cet ouvrage qui lui est totalement consacré:
A. Mitrani, D.M. Murray, A. Bernard: Des compétences et des hommes, le management des
ressources humaines en Europe, éditions d’Organisation, 1992.
40
Dans le cadre de la théorie des ressources, de nombreux travaux sur les ressources immatérielles
(«intangible ressource») font état de leurs caractères stratégiques durables («sustainable competitive
adavantage»), R. Hall: «A framework linking intangible resource an capabilities to sustainable
competitive advantage», Strategic Management Journal, vol. 14, 1993, pp. 607-618.
41
I. Hiroyuki, T.W. Roehl: Mobilizing Invisible Assets, Harvard University Press, Cambridge,
Massachusetts, 1987.
42
S. Michel, M. Ledru: Capital compétences dans l’entreprise: une approche cognitive, ESF, 1991,
p. 28.

176 Externe-2007-04-0157-01.doc
Pour que le processus de «gestion des compétences» fonctionne, on observe qu’il faut
que:

– le salarié soit suffisamment motivé pour développer des capacités intellectuelles lui
permettant de réaliser des enseignements opératoires à partir des situations
rencontrées au cours de sa vie, qu’elle soit professionnelle ou extraprofessionnelle,
etc.;

– une organisation procède à une accumulation de capitaux compétences (qui apprend


d’elle-même, par elle-même) 43.

3.4. Le marché est le point de départ de la gestion


des emplois et des compétences

La qualité n’existe que par les hommes. Les normes internationales, comme ISO 9001
(version 2000), accordent une forte importance à leurs compétences et à leur implication.
Dans le chapitre 6.2 de la norme, les exigences sont définies comme suit dans le
chapitre 6.2: Ressources humaines:

6.2.1. Généralités: le personnel effectuant un travail sur la qualité du produit doit être
compétent sur la base de la formation initiale ou professionnelle, du savoir-faire et de
l’expérience.
6.2.2. Compétence, sensibilisation et formation précisent les exigences normatives:
– déterminer les compétences nécessaires pour le personnel effectuant un travail ayant une
incidence sur la qualité du produit;
– pourvoir à la formation ou entreprendre d’autres actions pour satisfaire ces besoins;
– évaluer l’efficacité des actions entreprises;
– assurer que les membres de son personnel ont conscience de la pertinence et de
l’importance de leurs activités et de la manière dont elles contribuent à la réalisation des
objectifs qualité;
– conserver les enregistrements appropriés concernant la formation initiale et
professionnelle, le savoir-faire et l’expérience.

Au niveau de l’entreprise, la gestion des compétences doit répondre aux questions


suivantes:

„ Quelles compétences pour fiabiliser la capacité à répondre aux attentes des clients
d’aujourd’hui?

„ Quelles compétences pour répondre aux nouvelles exigences des clients?

„ Quelles compétences permettraient de conquérir de nouveaux marchés?

„ Quelles compétences pour se positionner avant les concurrents sur les marchés les
plus intéressants de demain?

Parallèlement, en partant des exigences du marché de l’emploi interne et externe,


l’individu doit répondre aux questions suivantes:

„ Quelles compétences pour bien maîtriser mon emploi?

43
Idée énoncée par G. Jedliczka, G. Delahaye: Compétences et alternances, éditions Liaisons, 1994.

Externe-2007-04-0157-01.doc 177
„ Quelles compétences pour répondre aux nouvelles exigences de mon emploi?

„ Quelles compétences permettraient une mobilité réussie vers d’autres emplois?

„ Quelles compétences pour se positionner sur les emplois les plus porteurs de demain?

Aussi bien pour l’entreprise que pour l’individu, quatre compétences sont
fondamentales: consolider, développer, anticiper et innover. L’innovation crée de la valeur
ajoutée. L’entreprise doit être à l’écoute de toutes les catégories du personnel pour repérer
les idées innovantes. L’enjeu de la gestion des emplois et des compétences est de trouver
de nouvelles règles socialement équitables pour les organisations d’aujourd’hui.
L’efficacité des organisations du passé reposait sur un modèle mécanique des rouages et
l’homme qu’il faut à la bonne place. Les organisations efficaces d’aujourd’hui reposent sur
un modèle «biologique» d’adaptation permanente. Il devient alors important d’apprendre
«tout au long de la vie» et de trouver de nouvelles règles qui concilient efficacité et équité.

Certaines entreprises tunisiennes se sont engagées dans la démarche de gestion des


compétences avec le soutien du programme «Manforme». La raison principale de leur
engagement dans cette démarche est de consolider et/ou de développer leurs compétences.

Tableau 77. Raisons de l’engagement dans la démarche de gestion des compétences par certaines
entreprises tunisiennes

Cas Secteur de l’entreprise Raisons


1 Métallurgie Consolider et développer le marché d’exportation en améliorant la qualité de
service
2 Hôtellerie Attirer et fidéliser des Tour Opérators et des clients individuels, en offrant une
qualité de prestation du niveau international 5 *
4 Equipementier Développer les compétences de l’encadrement intermédiaire pour améliorer les
performances, sous la pression du donneur d’ordre
5 Métallurgie Rentabiliser un investissement de capacités pour répondre au marché avec un
niveau amélioré de qualité, par le développement des compétences des
opérateurs et une réorganisation des emplois
6 Confection Optimiser la réponse aux demandes du marché par la création d’une
organisation en groupe de production
9 Equipementier auto Evaluer et faire évoluer la formation de jeunes techniciens diplômés, jugés mal
préparés à la prise en compte de l’importance des fonctions supports
(logistique, ordonnancement, maintenance préventive)
10 Céramique Renforcer par la qualité des produits et des services, et donc la compétence, un
positionnement stratégique dans le haut de gamme pour justifier durablement
une politique de prix élevés
11 Agroalimentaire Consolider le système de management des compétences après sa
formalisation dans le cadre de la certification ISO 9001
12 Agroalimentaire Assurer la compétence du personnel pour consolider la qualité acquise pour
cette entreprise fortement exportatrice
14 Produits d’équipement Rechercher des critères d’évaluation des cadres, permettant la distribution de
primes incitant à une amélioration des performances et de qualité (la capacité à
développer les compétences du personnel faisant partie de ces critères)
15 Transports Rechercher les voies et moyens pour motiver une population de techniciens,
par l’intérêt du travail et les ouvertures de carrière
16 Agroalimentaire Permettre une évolution de carrière des techniciens et de l’encadrement moyen
Source: Programme Manforme GRH.

178 Externe-2007-04-0157-01.doc
3.5. Les bases de la logique «compétences»

Il existe deux approches fondamentales: d’abord, l’approche par les compétences des
personnes dans leur emploi: emplois types (regroupement plus ou moins large de postes de
travail), hiérarchisés par métier; ensuite, l’approche par les compétences collectives de
l’organisation: Il s’agit d’identifier les points forts et les points faibles dans la maîtrise des
processus.

La notion de poste d’emploi est remplacée par celle d’emploi type, plus large, auquel
sont attachées des compétences requises. Si, physiquement, les personnes sont bien
affectées à un certain moment à un poste de travail, elles n’y sont pas enfermées. Leur
encadrement doit organiser leur mobilité entre ces postes pour les mettre en situation.
Chaque personne affectée à l’emploi a vocation de maîtriser l’ensemble des compétences
requises.

Dans un même emploi, des salariés peuvent donc avoir des niveaux de maîtrise des
compétences différents. Cela ouvre des voies d’évolution individuelle dans l’emploi sans
qu’un poste de niveau supérieur se libère. La manière dont ces niveaux sont reconnus dans
des conditions socialement équitables, avec un effet positif sur la compétitivité de
l’entreprise, est un sujet clé du dialogue social dans l’entreprise.

Les branches professionnelles peuvent aider les entreprises en créant le cadre


contractuel (accords-cadres), formatif et méthodologique (répertoires des compétences). Le
référentiel de compétences est un inventaire écrit des compétences individuelles requises
pour l’exercice d’un emploi type. La position de l’individu par rapport aux différents
niveaux des compétences de ce référentiel permet son «évaluation formative». Autrement
dit, par cette position, l’individu prend conscience du chemin à parcourir pour évoluer dans
l’emploi type.

L’emploi type est un regroupement sous un même intitulé de plusieurs emplois


actuels ayant une forte similitude de contenu et d’exigence de compétences. L’approche
par emploi type standardise les définitions, fournit un cadre cohérent à la communication
métiers et permet la participation.

Quatre logiques structurent la gestion des compétences: une logique de la


performance: la compétence est attestée par les résultats «en situation»; une logique
éducative: la compétence est attestée par l’obtention du diplôme; une logique statutaire et
contractuelle: la compétence est attestée par le classement dans une échelle de
classification; une logique de l’employabilité: la compétence facilite le maintien ou la
recherche de l’emploi.

3.6. L’évaluation des compétences et les actes de GRH


concernés par la gestion des emplois et des compétences

L’évaluation de la compétence est parfois binaire (oui/non). Elle est également selon
l’autonomie: ne sait pas faire, sait faire avec de l’aide, sait faire de manière autonome, est
capable d’en former d’autres. Elle est évaluée aussi selon la complexité (de l’application
répétitive de consignes sur des tâches simples jusqu’à la coordination de tâches complexes)
L’évaluation individuelle peut être interne. Il s’agit de l’autoévaluation, avec discussion
avec l’encadrement, l’observation en situation par l’encadrement et le test professionnel
L’évaluation peut être externe: examens, validation des acquis de l’expérience,
certifications.

Externe-2007-04-0157-01.doc 179
Tableau 78. Les actes de gestion des ressources humaines concernés par la gestion des emplois
et des compétences

Recrutement Besoins? Profils?


Intégration Parcours d’intégration
Evaluation Entretien professionnel
Développement individuel Besoins individuels, formation et autres moyens, bilan de compétence,
maintien de l’employabilité
Mobilité, gestion des carrières Parcours de carrière, filières de mobilité; projets transversaux, etc.
Gestion des redéploiements
Organisation du travail Polyvalence, souplesse organisationnelle, externalisation
Motivation Reconnaissance (salariale ou non); VAE
Identité professionnelle
Management des idées (innovation et créativité)

3.7. Les conséquences de la gestion des compétences


sur la formation continue

On passe d’une logique de programmes (enseigner) à une logique de résultats (faire).


Le «client» devient prescripteur (cahier des charges) de prestations «sur mesure». La forme
«séminaire» n’est qu’une modalité possible, rarement seule. Pour les adultes,
individualisation maximale des parcours en fonction des acquis et des préférences
d’apprentissage. L’évaluation se fait en partie en situation réelle de travail, avec
participation de l’encadrement.

Le plan de formation doit être élaboré à partir d’objectifs à atteindre. Le canevas


suivant qui pourrait être adapté à la situation particulière d’une entreprise distingue trois
grands objectifs: améliorer l’existant, réussir les changements et accompagner les
mouvements du personnel. Pour améliorer l’existant, il convient d’améliorer les résultats
des unités (qualité, performances, etc.) et de développer la maîtrise individuelle des
emplois actuels (perfectionnement). Pour réussir les changements, il est nécessaire de
maîtriser les investissements (matériel, informatique, etc.), faciliter les transformations des
métiers et des organisations et renforcer la qualification dans un groupe d’emplois. Enfin,
pour accompagner les mouvements de personnel, l’entreprise doit intégrer les nouveaux,
faciliter les mobilités et préparer l’accès à une qualification.

Un cahier des charges de formation comprend principalement les rubriques suivantes:

„ Contexte et objectifs généraux: pourquoi? Problème à résoudre et amélioration


souhaitée?

„ Population concernée: effectifs, niveaux, expériences, etc.

„ Objectifs de formation/Compétences à acquérir/Moyens d’évaluation souhaités.

„ Dispositif de formation envisagé (temps plein, temps partagé, principes


pédagogiques, stages pratiques ou non, etc.).

„ Eléments de gestion de la formation: contraintes de temps ou de planning, moyens


pédagogiques et équipements nécessaires, aspects pratiques (lieu, hébergement, etc.),
budget prévisionnel.

180 Externe-2007-04-0157-01.doc
„ Répartition des rôles et des responsabilités: rôles respectifs de la hiérarchie et des
formateurs – internes ou externes – avant, pendant et après, rôle des stagiaires, etc.
Qui sont les «acteurs de la réussite»?

3.8. La gestion des compétences, objet du dialogue social

Deux conditions sont à satisfaire pour mettre en œuvre une gestion des ressources
humaines selon l’approche de la gestion des emplois et des compétences:

– la mobilisation d’un appui technique dans le domaine; et

– l’existence d’une volonté des partenaires sociaux à développer le dialogue social au


sein de l’entreprise. Deux forces contribuent à l’émergence de cette volonté: le
développement du processus démocratique dans l’environnement de l’entreprise et la
poussée du marché concurrentiel de l’entreprise qui adopte un modèle de
compétitivité fondé sur la maximisation de la valeur ajoutée.

Le dialogue social suppose donc que chaque entreprise fasse du développement des
compétences des salariés qu’elle emploie un enjeu de sa performance et que chaque salarié
fasse du développement de ses compétences un enjeu de la conduite de son parcours
professionnel. Le dialogue porte sur un projet de développement de compétences lié à la
stratégie de développement de la compétitivité de l’entreprise. Il pourrait porter
notamment sur:

– l’identification et l’anticipation des besoins en compétences;

– l’acquisition, la reconnaissance et la validation des compétences et des qualifications;

– l’information, l’accompagnement et le conseil;

– les ressources 44.

4. La promotion du dialogue social dans le secteur TH:


un moyen d’améliorer la compétitivité socio-économique
du secteur

La nouvelle stratégie de développement du secteur TH exigent des transformations


fondamentales qui affectent la façon de travailler des salariés, le profil de l’emploi et la
conception traditionnelle des relations de travail au sein de l’entreprise pour faire face à
des changements structurels dictés par le passage de la sous-traitance à la cotraitance et au
produit fini. Le défi est de gérer tous les aspects du changement – économique, social et
environnemental – afin de contribuer à l’amélioration de la compétitivité du secteur. Le
dialogue social permanent au sein de l’entreprise permet de relever ce défi lorsque les
partenaires projettent ensemble d’améliorer la compétitivité par la promotion du travail
décent.

44
Mobiliser les ressources pour développer les compétences professionnelles tout au long de la vie
est une question centrale qui ne peut pas être considérée comme dépendant exclusivement des
partenaires sociaux. D’autres acteurs ont également un rôle important, notamment les autorités
publiques afin de promouvoir l’intégration sur le marché du travail; l’entreprise afin de développer
ses compétences stratégiques; le salarié afin d’être acteur de son propre développement.

Externe-2007-04-0157-01.doc 181
Les entreprises tunisiennes du secteur TH sont appelées à évoluer dans un contexte
international et particulièrement européen qui devient de plus en plus sensible à la
promotion du dialogue social dans l’entreprise pour parvenir à un équilibre entre flexibilité
et sécurité. De nouvelles questions se posent relatives à la manière de gérer la main-
d’œuvre, et des compromis se négocient concernant les relations de travail, les possibilités
d’apprentissage tout au long de la vie, la flexibilité du temps de travail et l’organisation du
travail.

4.1. Les formes du dialogue social indiquent son intensité

La définition du dialogue social retenue par l’OIT inclut toutes les formes de
négociation, de consultation ou d’échange d’informations entre représentants des
gouvernements, des employeurs et des travailleurs, qui portent sur des questions d’intérêt
commun liées à la politique économique et sociale 45. L’OIT admet que la définition et le
concept de dialogue social peuvent varier d’un pays à l’autre et évoluer dans le temps.

L’échange d’informations est l’intensité la plus faible du dialogue social; c’est l’étape
élémentaire du processus de dialogue. La consultation est pour les partenaires sociaux un
moyen non seulement de partager des informations, mais aussi de s’engager dans un
dialogue approfondi portant sur les questions abordées. La consultation exclut le pouvoir
décisionnel, mais elle aide à la décision. La négociation collective consiste en des
négociations entre, d’une part, un employeur, un groupe d’employeurs ou des représentants
d’employeurs et, d’autre part, des représentants de travailleurs, ayant pour objet de
résoudre les problèmes liés aux salaires et aux conditions d’emploi. Elle est très répandue
et institutionnalisée dans plusieurs pays et elle peut se dérouler au plan national, aux
niveaux des secteurs, des régions, de l’entreprise. La négociation collective traduit
l’intensité la plus élevée du dialogue social, notamment lorsqu’elle débouche sur la
signature de conventions collectives.

Le Groupe de haut niveau sur les relations du travail et les mutations dans l’Union
européenne a adopté une définition plus restrictive; le dialogue social est défini comme un
«processus où les acteurs s’informent mutuellement de leurs intentions et moyens,
analysent les informations qui leur sont fournies et précisent et expliquent leurs hypothèses
et attentes» 46.

4.2. Le dialogue permanent: une approche adaptée


aux mutations complexes de l’économie
et de l’organisation du travail

La négociation collective demeure un concept central de l’organisation du travail et


de ses modes de rémunération. Par-delà son rôle microéconomique, la négociation
collective remplit également, au plan de l’ensemble de l’économie, un rôle de
redistribution de la richesse entre le capital et le travail.

45
J. Ishikawa: Caractéristiques du dialogue social national: document de référence sur le dialogue
social, Programme focal sur le dialogue social, la législation du travail et l’administration du travail,
BIT, Genève, mai 2004.
46
Commission européenne, Direction générale de l’emploi et des affaires étrangères, Unité
EMPL/D1, rapport du Groupe de haut niveau sur les relations du travail et les mutations dans
l’Union européenne. Commission européenne, Bruxelles, 2000.

182 Externe-2007-04-0157-01.doc
La conclusion d’une convention collective, sorte de traité de paix sociale à durée
limitée, signifie malheureusement la fin de la négociation et la confine dans le temps. Ce
modèle est dépassé dans le nouveau contexte des mutations rapides de l’économie et de
l’organisation du travail.

L’organisation du travail conflictuelle, fondée sur le modèle fordiste, doit ouvrir la


voie à un modèle plus souple et plus performant. Le taylorisme qui sous-tend les rapports
actuels dans le secteur TH ne survivra pas aux nouvelles réalités du travail. L’ampleur des
changements observés dans le monde du travail et de l’emploi met en cause la capacité du
modèle des relations de travail conflictuelles à s’adapter aux changements. L’ampleur et
l’urgence de mettre en œuvre la nouvelle stratégie de développement du secteur TH
laissent peu de doute sur la nécessité de promouvoir une nouvelle culture du travail qui
renforce la compétitivité de l’économie sans porter préjudice à la justice sociale.

Il convient d’aborder l’ensemble des questions du travail sur un mode consensuel:


préférer le dialogue permanent aux échanges sporadiques et mettre en place une
dynamique fondée sur la coopération plutôt que sur l’affrontement. C’est une approche
pragmatique et davantage orientée vers la recherche de solutions à des questions précises
sur l’organisation du travail, la gestion des ressources humaines, le développement de la
compétence des travailleurs et des managers en relation avec le développement de la
compétitivité et de l’emploi. Ce dialogue favorise des processus de participation plutôt que
des processus d’affrontement lorsque les partenaires sont animés par la volonté d’aboutir
à un accord.

4.3. Les conditions nécessaires à l’établissement


d’un dialogue social constructif

Certaines conditions de base contribuent à l’efficacité et à la réussite du dialogue


social. Le dialogue social repose en tout premier lieu sur le respect et l’application du
principe de la liberté syndicale qui présente plusieurs aspects précisés dans les conventions
nos 87 et 98 de l’OIT. Le dialogue social peut offrir un mécanisme efficace de participation,
indispensable à la gestion démocratique des affaires publiques.

L’efficacité du dialogue social dépend de la légitimité des partenaires sociaux. Les


organisations d’employeurs et de travailleurs doivent être représentatives et refléter les
intérêts de leurs membres. Les partenaires sociaux doivent prendre aussi en considération
les questions concernant l’ensemble de la population au-delà du monde du travail.

Pour participer au dialogue social de façon constructive, il importe que les partenaires
sociaux aient la capacité technique de traiter les questions abordées au cours du dialogue
social. Cette condition devient de plus en plus importante dans le contexte des mutations
économiques à l’échelle mondiale. Les partenaires doivent ainsi avoir recours à l’expertise
dans plusieurs domaines et être formés pour jouer efficacement leur rôle. Il s’agit de créer
des conditions politiques et logistiques rendant possible le dialogue et de donner l’appui
technique et scientifique en amont et en aval aux différentes organisations participant au
dialogue social.

Une approche pragmatique et davantage orientée vers la recherche de solutions


contribue à la réussite du dialogue social 47. Les intérêts particuliers pourraient bloquer les
réformes, et l’absence d’accord sur les questions fondamentales ne favorise pas la
promotion du dialogue social. Un dialogue social institutionnalisé à l’excès et trop rigide

47
J. Ishikawa, BIT (2004), op. cit.

Externe-2007-04-0157-01.doc 183
rend opaques les décisions prises et, de ce fait, produit une réaction négative chez les
acteurs concernés par les résultats du dialogue.

Il importe de souligner que deux grandes forces conduisent les partenaires sociaux à
s’engager dans la promotion du dialogue social: le développement du processus
démocratique et la haute concurrence du marché de l’entreprise adoptent un modèle de
compétitivité qui maximise la valeur ajoutée. Le contexte international est aujourd’hui de
plus en plus marqué par ces deux forces.

4.4. Le dialogue social au niveau de l’Union


européenne, partenaire de la Tunisie

La Tunisie a signé un accord de libre-échange avec l’Union européenne en 1995 qui,


au-delà de son objet économique, devra favoriser une dynamique de convergence sur les
grands principes de gestion des relations du travail qu’il convient de promouvoir. C’est
pourquoi il est utile de présenter la situation du dialogue social au niveau de l’Union
européenne.

Il existe aujourd’hui un lien entre le dialogue social et les politiques d’entreprise pour
promouvoir la responsabilité sociale des entreprises (RSE) 48. Au cours des vingt dernières
années, des entreprises ont lancé un nombre croissant d’initiatives en matière de
responsabilité sociale et environnementale, parfois en réponse à des pressions exercées par
leurs parties prenantes. Certains des partenaires sociaux sectoriels européens entreprennent
actuellement des initiatives dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises,
comme la négociation de chartes et de codes de conduite.

Le dialogue social européen a évolué considérablement ces dernières années. Sur le


plan quantitatif, le travail des divers comités de dialogue social a débouché sur l’adoption
de plus de 40 textes conjoints par les partenaires sociaux interprofessionnels et d’environ
300 textes conjoints par les partenaires sociaux sectoriels 49 . Ces textes prennent une
diversité de formes, allant des avis conjoints aux accords en passant par des lignes
directrices et des codes de conduite. Le dialogue social a également évolué
considérablement en termes de portée des sujets traités. Les sujets couverts par le dialogue
social sont divers comme l’indique le graphique ci-après.

48
Communication de la commission: La responsabilité sociale des entreprises: une contribution
des entreprises au développement durable, COM(2002)347 final.
49
Voir Commission des communautés européennes: Partenariat pour le changement dans une
Europe élargie – Renforcer la contribution du dialogue social européen, COM(2004)557 final.

184 Externe-2007-04-0157-01.doc
Nombre de textes sectoriels conjoints par domaine au niveau européen (1997-2003)

Développement durable 4

Non-discrmination 5

Temps de travail 7

Santé et sécurité 10

Elargissement 11

Emploi 16

Formation 18

Conditions de travail 28

Dialogue social 29

Politique économique et/ou sectorielle 30

0 5 10 15 20 25 30 35

Source: Commission des communautés européennes: Partenariat pour le changement dans une Europe élargie – Renforcer la
contribution du dialogue social européen, COM(2004)557 final.

Externe-2007-04-0157-01.doc 185
Chapitre 10. Propositions pour promouvoir la compétitivité
socio-économique du secteur TH
La nouvelle stratégie tunisienne qui vise l’amélioration de la compétitivité du
secteur TH doit affronter avec succès les changements considérables qui se sont produits
dans le secteur TH à l’échelle mondiale. Nous sommes entrés dans une ère où la qualité et
le prix sont devenus de simples prérequis pour accéder à un marché. L’arme gagnante
utilisée par les entreprises les plus performantes est incontestablement celle du temps, dans
le but de fournir aux clients les produits dans un délai de plus en plus court. Au-delà du
simple avantage que la Tunisie tire de sa proximité avec l’Europe, la stratégie préparée
vise à mettre en place une véritable culture de réactivité des opérateurs locaux. Elle vise
ainsi le développement de la «capacité productive» 1 du secteur pour occuper une position
compétitive dans la chaîne des valeurs des produits 2.

Le plan d’action de cette stratégie prévoit en détail les changements à conduire dans
les domaines économique, financier et technologique conformément à l’exigence
opérationnelle de tout plan d’action. En revanche, l’axe relatif aux ressources humaines
prévoit des actions importantes mais sans les développer à un niveau opérationnel. Par
ailleurs, la question de la rénovation du dialogue social n’est pas abordée, alors qu’elle doit
être au cœur du plan d’action pour que «le moteur humain» 3 fonctionne dans le sens de
l’amélioration de la compétitivité.

L’ouverture de l’économie à la concurrence internationale place chefs d’entreprise et


salariés face à un défi commun à relever: améliorer la compétitivité pour consolider
l’emploi décent. Le dialogue des sourds et les conflits permanents, dont les effets pervers
étaient masqués par l’économie protégée, conduisent aujourd’hui à la disparition de
l’entreprise et de l’emploi. Dans le nouveau contexte de la mondialisation du secteur TH et
de l’économie du savoir, le défi à relever par tous les partenaires sociaux est de
promouvoir une nouvelle culture du travail qui renforce la compétitivité économique sans
porter préjudice à la justice sociale. Il n’y a pas d’autres choix pour relever ce défi.

Anthropologiquement parlant, «la culture opère comme une logique que partagent les
membres d’une société et qui sous-tend leur action individuelle et leurs réactions aux
situations vécues. Du point de vue de la gestion, la culture apparaît comme une contrainte
qu’il est nécessaire de prendre en considération pour le choix des politiques et des
techniques de gestion. Chaque culture comporte des valeurs favorables à la performance, à

1
La capacité productive est définie comme l’aptitude, premièrement, à produire des biens qui
répondent aux normes de qualité des marchés actuels et, deuxièmement, à se mettre à niveau pour
accéder à de nouveaux marchés.
2
Une chaîne de valeur consiste à décomposer le processus en une séquence d’activités créatrices de
valeur ajoutée et d’identifier les sources d’avantages pour les utilisateurs finaux d’un produit
particulier. La clé du concept de chaîne de valeur réside dans le fait qu’il y a création de valeurs à
chaque maillon de la chaîne. Cette création de valeurs peut être mesurée et sa répartition le long de
la chaîne analysée. On distingue deux principaux types de chaîne de valeur: les chaînes mues par les
acheteurs et les chaînes mues par les producteurs. Les industries à forte intensité de main-d’œuvre,
courantes dans les pays les moins industrialisés, sont souvent mues par l’acheteur (vêtements, fruits
transformés et produits horticoles).
3
L’étude stratégique sur le secteur souligne, à juste titre, que pour agir l’entreprise dispose de deux
moteurs principaux: le moteur technologique et le moteur humain (voir Gherzi: mise à jour de
l’étude stratégique du secteur Textile-habillement, Synthèses et conclusions, janv. 2004).

Externe-2007-04-0157-01.doc 187
condition qu’elles soient rigoureusement identifiées et opérationnalisées» 4 . L’enjeu est
qu’elle soit favorable au travail décent qui est un facteur de performance, comme nous
l’avons souligné dans cette étude.

Nos propositions cherchent à développer l’axe du développement et de mobilisation


des ressources humaines dans la stratégie tunisienne. L’enjeu est d’améliorer la
compétitivité socio-économique du secteur en intégrant l’économique et le social. Cette
intégration des deux dimensions du changement s’appuie sur l’idée que la dimension
sociale n’est pas une charge mais un moteur du changement. C’est pourquoi le travail
décent, au sens défini par l’OIT, est un facteur d’amélioration de la compétitivité.

Pour la Tunisie, l’intégration de l’économique et du social est une orientation


constante de son modèle de développement économique et social. Nos propositions
cherchent à compléter les actions économiques prévues par le plan de développement du
secteur TH pour donner un contenu opérationnel à l’amélioration de la compétitivité
socio-économique de ce secteur. Elles s’articulent autour de trois objectifs spécifiques
complémentaires:

1) consolider le dialogue social aux niveaux de l’entreprise et de la branche (OS1);

2) promouvoir la gestion des ressources humaines dans l’entreprise fondée sur


l’approche par compétences et la promotion du travail décent (OS2);

3) développer le lien entre le système de formation initiale, la recherche-développement


et les entreprises du secteur TH (OS4).

Les propositions indiquent les activités et sous-activités à réaliser pour atteindre ces
objectifs.

1. Consolider le dialogue social et moderniser


les relations et l’organisation du travail
aux niveaux de l’entreprise et de la branche

Les orientations du 10e plan en matière d’emploi et de relations professionnelles sont,


à juste titre, axées «sur la promotion du dialogue social, la consolidation du pouvoir
d’achat des travailleurs, l’amélioration de la productivité, le renforcement de la paix
sociale et l’adaptation de la législation du travail à l’évolution économique» 5. Partant de
ces orientations et de ces objectifs, «l’action portera sur la consolidation de la politique
contractuelle, tant au niveau national que sectoriel, et sur la mise en place des structures de
dialogue au sein des entreprises, en diversifiant leurs activités pour concerner les
programmes nationaux, l’organisation du travail, la formation et les normes de
production 6.»

Le discours du Président de la République à l’occasion du 50e anniversaire de


l’indépendance, le 20 mars 2006, a de nouveau souligné l’importance stratégique de la
promotion du dialogue social pour renforcer la compétitivité socio-économique des
entreprises:

4
Voir R. Zghal: Gestion des ressources humaines, édition CPU, Tunis, 2000.
5
10e plan (2002-2006), volume sectoriel.
6
Op. cit.

188 Externe-2007-04-0157-01.doc
Nous sommes convaincus que le sens profond que les partenaires sociaux ont de l’intérêt
national ainsi que le souci de consensus qui anime l’Union générale tunisienne du travail et
l’ensemble des travailleurs, d’une part, et l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de
l’artisanat, et l’ensemble des chefs d’entreprise, d’autre part, et leur perception profonde des
défis posés leur permettront, sans nul doute, de tenir compte des droits de l’ensemble des
parties et de consacrer la complémentarité positive entre les différents partenaires de la
production, dans le cadre de relations confiantes et civilisées et de la prise en compte profonde
des exigences de l’étape en cours, afin de consolider l’équilibre souhaité entre la protection
des représentants des travailleurs et le renforcement de l’efficacité de l’entreprise et de son
aptitude à résister aux défis.

Le dialogue permanent est précisément l’approche qu’il convient de promouvoir pour


concrétiser ces choix. Ce n’est pas dans le temps court des négociations collectives que les
sujets complexes peuvent être abordés par les partenaires sociaux pour aboutir à un
compromis durable. Ce n’est pas non plus dans la précipitation que les solutions seront
trouvées car il ne suffit plus de cadrer le dialogue par le respect des équilibres
macroéconomiques. La diversité des situations concurrentielles des entreprises et la
nécessité de la réactivité de l’entreprise sont désormais un cadre qui doit être pris en
considération par les partenaires sociaux pour construire au quotidien un compromis qui
renforce la compétitivité et l’emploi.

En effet, il convient d’aborder l’ensemble des questions du travail sur un mode


consensuel: préférer le dialogue permanent aux échanges sporadiques et mettre en place
une dynamique fondée sur la coopération plutôt que sur l’affrontement. C’est une
approche pragmatique et davantage orientée vers la recherche de solutions à des questions
précises sur l’organisation du travail, la gestion des ressources humaines, le développement
de la compétence des travailleurs et des managers en relation avec le développement de la
compétitivité et du travail décent. Les partenaires sociaux doivent être animés par la
volonté d’aboutir à ce type d’accord pour donner de la crédibilité au dialogue social
permanent.

Selon l’OIT 7, sept formes de sécurité seraient liées au travail décent pour construire
une mondialisation juste:

1) Le travail décent est d’abord associé à un emploi productif résultant d’une politique
macroéconomique; c’est la sécurité du marché du travail.

2) Il assure la protection contre les licenciements abusifs et la stabilisation dans l’emploi


compatible avec une économie dynamique; c’est la sécurité de l’emploi.

3) Il assure la protection contre les accidents du travail et les maladies professionnelles


grâce à des réglementations sur la santé et la sécurité, sur la limitation du temps de
travail et des heures supplémentaires, grâce aussi à la diminution du stress au travail;
c’est la sécurité au travail.

4) Il offre la possibilité d’avoir une «carrière»; c’est la sécurité professionnelle.

7
Voir BIT (1999): Un travail décent, rapport de M. Juan Somavia, Directeur général du BIT,
87e session de la Conférence internationale du Travail.
P. Auer et B. Gazier (éditeurs), 2002: L’avenir du travail, de l’emploi et de la protection sociale,
dynamique du changement et protection des travailleurs, compte rendu du Symposium OIT/France,
Lyon, édition OIT, ministère des Affaires sociales, Institut international d’études sociales.
OIT (2004), Conférence internationale du Travail, 92e session: Une mondialisation juste. Le rôle de
l’OIT, Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation, rapport du Directeur
général sur la Commission mondiale sur la dimension sociale de la mondialisation.

Externe-2007-04-0157-01.doc 189
5) Il multiplie les possibilités d’acquérir ou de maintenir ses qualifications grâce à des
moyens innovants, à l’apprentissage ou à la formation professionnelle; c’est la
sécurité du maintien des qualifications.

6) Le travail décent est associé à la création de revenus adéquats; c’est la sécurité du


revenu.

7) Il assure la protection de l’expression collective sur le marché du travail grâce à des


syndicats et organisations patronales indépendants, ainsi qu’à d’autres organismes
capables de représenter les intérêts des travailleurs; c’est la sécurité de
représentation.

Le travail décent constitue donc un moyen de réaliser un développement durable


fondé sur l’équité et l’inclusion. Le dialogue social est le moyen de concilier travail décent
et compétitivité de l’entreprise.

Un effort considérable a été réalisé par le ministère des Affaires sociales, de la


Solidarité et des Tunisiens à l’étranger pour installer 2 703 structures de dialogue dans les
entreprises. Il s’agit de 1 929 commissions consultatives d’entreprises et 774 délégations
du personnel. L’ensemble est réparti sur tout le territoire national et couvre la quasi-
totalité des entreprises concernées par ces structures, comme cela est prévu par le Code
du travail. Le secteur TH et cuir regroupe 682 commissions consultatives et
216 délégations du personnel, soit un total de 898 unités de dialogue social représentant le
tiers du total général des structures.

La présence aujourd’hui des structures de dialogue dans toutes les régions du pays
exige que l’action administrative d’animation du dialogue soit une action de proximité. Le
recours à un personnel disponible et compétent dans ce domaine devient nécessaire pour
aider les partenaires à dialoguer autour de la compétitivité et le travail décent, tel que défini
plus haut par le BIT. La majorité du personnel de la Direction générale de l’inspection du
travail et de conciliation et celui de la Direction générale du travail ont reçu une formation
universitaire marquée par sa forte spécialisation en droit social 8 . Les métiers de
conciliation et d’animation du dialogue exigent aujourd’hui d’autres compétences pour
promouvoir efficacement le dialogue social dans le nouveau contexte économique des
entreprises. Nos propositions prennent en considération le caractère pédagogique de
l’animation du dialogue social.

Dans le cadre de la politique des relations du travail, la Direction générale du travail


assure un rôle central dans l’animation de tout le processus des négociations collectives en
lui offrant les meilleurs conditions de déroulement pour déboucher sur des accords qui
concilient les intérêts de tous les partenaires et ceux du pays. Cette direction est la mieux
placée pour conduire une réflexion sur la décentralisation du dialogue social et la
valorisation du dialogue au niveau de l’entreprise en partant des acquis dans ce domaine.
Elle est appelée à promouvoir une culture du dialogue social permanent en collaboration
avec les structures représentatives des travailleurs et des chefs d’entreprise. Pour atteindre
cet objectif, il convient:

1) d’améliorer les méthodes du dialogue social;

2) d’aborder les sujets urgents qui préoccupent le secteur sur la base d’un diagnostic
scientifique accepté par les partenaires avec le souci commun de concilier
compétitivité et travail décent; et

8
Le corps des inspecteurs regroupe 489 cadres répartis sur tout le territoire national.

190 Externe-2007-04-0157-01.doc
3) de développer le rôle des services du ministère des Affaires sociales dans l’animation
du dialogue social permanent au niveau de l’entreprise et de la branche.

Le tableau ci-dessous présente les activités proposées pour atteindre ces trois sous-
objectifs.

OS1 Consolider le dialogue social au niveau de l’entreprise et la branche

1.1. Améliorer les méthodes du dialogue social.

1.1.1. Promouvoir une culture partagée du dialogue social parmi les chefs d’entreprise et les syndicats.

1.1.1.1. Faire connaître les accords qui concilient compétitivité et travail décent et qui sont obtenus en Tunisie
par le dialogue au quotidien dans l’entreprise.

1.1.1.2. Organiser des séminaires d’information sur l’expérience internationale du dialogue social qui concilie
compétitivité et travail décent, au profit des chefs d’entreprise et des syndicats.

1.1.2. Elaborer un diagnostic scientifique des problèmes du secteur accepté par les partenaires et adopter
des solutions qui concilient «compétitivité» et «travail décent».

1.1.2.1. Créer, par grand sujet, un groupe de travail qui mobilise les représentants des partenaires sociaux et
des experts choisis par eux en vue de réaliser un diagnostic scientifique des problèmes et d’identifier
les solutions qui concilient compétitivité et travail décent.

1.1.2.2. Valider le diagnostic et les solutions par les partenaires sociaux.

1.1.2.3. Diffuser auprès des chefs d’entreprise et des travailleurs le diagnostic partagé et l’accord obtenu sur
le sujet examiné.

1.1.2.4. Elaborer une évaluation objective et régulière de l’application des accords obtenus entre les
partenaires sociaux.

1.1.3. Définir des méthodes, des règles et des procédures pour donner aux accords obtenus par le dialogue
permanent un caractère juridique approprié. Ce processus est indispensable si l’on souhaite aboutir à
une acceptation générale du dialogue social.

1.2. Aborder les sujets urgents du dialogue social dans le secteur TH pour concilier compétitivité et travail
décent.

1.2.1. Réaliser une analyse scientifique des causes de l’absentéisme dans le secteur TH et identifier les
mesures appropriées pour les neutraliser.

1.2.2. Réaliser une étude sur l’organisation du temps de travail pour aider les partenaires sociaux à trouver
un compromis qui concilie l’amélioration de la compétitivité et le travail décent dans l’entreprise.

1.2.3. Développer le dialogue sur les moyens d’améliorer les conditions de sécurité et de santé au travail.

1.2.4. Développer le dialogue social sur le maintien dans l’emploi et la réinsertion professionnelle des
travailleurs du secteur en s’appuyant sur les acquis dans ce domaine.

1.3. Développer le rôle du ministère des Affaires sociales, de la Solidarité et des Tunisiens à l’étranger
(MASSTE) dans la promotion du dialogue social permanent aux niveaux de l’entreprise et de la
branche.

1.3.1. Développer la proximité géographique de l’action administrative de promotion du dialogue social.

1.3.1.1. Créer des unités régionales spécialisées de promotion du dialogue social dans toutes les structures
régionales du ministère.

1.3.1.2. Donner au personnel de ces unités régionales une formation adaptée à sa mission de promotion du
dialogue.

Externe-2007-04-0157-01.doc 191
OS1 Consolider le dialogue social au niveau de l’entreprise et la branche

1.3.1.3. Mettre à la disposition du personnel les outils nécessaires pour l’exercice de leur mission d’animateur
du dialogue social, notamment les moyens de transport, de communication et de traitement
informatique.

1.3.2. Renforcer les compétences du personnel du ministère en fonction des exigences de leur métier.

1.3.2.1. Construire le référentiel de compétences de chaque métier exercé au sein du ministère.

1.3.2.2. Traduire ce référentiel en référentiel de formation initiale et continue.

1.3.2.3. Elaborer les outils techniques nécessaires à l’exercice du métier.

1.3.3. Valoriser le dialogue social au niveau de l’entreprise et définir sa complémentarité avec le dialogue
au niveau de la branche.

1.3.3.1. Définir la spécificité de chaque niveau de négociation (entreprise, branche, national) et sa


complémentarité avec les autres niveaux.

1.3.3.2. Définir le rôle de la Direction générale du travail dans l’animation et la rénovation des méthodes de
travail du dialogue social au niveau de l’entreprise.

1.3.3.3. Mobiliser l’expertise internationale, dans le cadre de la coopération technique internationale du


ministère, pour renforcer les ressources humaines de la Direction générale du travail et son rôle
d’animateur du dialogue social au niveau de l’entreprise.

2. Promouvoir la gestion des ressources humaines


fondée sur la gestion des compétences et le travail décent

Lorsque l’on analyse les recommandations de l’OIT, de l’Union européenne et de


l’OCDE, on se rend compte aujourd’hui que les paramètres sociaux occupent une place de
plus en plus importante dans les stratégies d’intégration dans la mondialisation. La
compétitivité interne des entreprises est grandement influencée par l’existence d’un climat
social favorable qui, lui-même, repose sur de bonnes pratiques de travail et l’existence
d’un dialogue social constructif entre les partenaires sociaux. Lorsque le climat social se
dégrade, les entreprises ne sont plus en mesure de satisfaire aux exigences nouvelles des
marchés (production en juste-à-temps et à flux tendus) et les salariés ne sont plus motivés
pour améliorer leurs compétences et assurer les niveaux de qualité requis. Il en résulte une
baisse de compétitivité qui, sur un marché hautement concurrentiel, peut entraîner la
fermeture des entreprises concernées et la perte des emplois associés.

La compétitivité externe des entreprises est également influencée par l’image que ces
entreprises donnent en matière de respect des normes fondamentales du travail. Le marché
mondial des produits THC est en effet influencé par l’attitude des consommateurs finaux
qui se préoccupent de plus en plus des conditions dans lesquelles ont été produits les
vêtements qu’ils achètent. Ceci explique la prolifération des codes de conduite et autres
initiatives volontaires privées qui, pour les secteurs THC, font principalement référence au
respect des normes fondamentales de l’OIT.

Une stratégie d’amélioration de la compétitivité des entreprises par la promotion du


travail décent est précisément le défi à relever en Tunisie; ceci exige la mise en œuvre d’un
nouveau modèle de gestion des ressources humaines fondé sur la gestion des compétences
et le travail décent.

Quatre sous-objectifs sont proposés pour mettre en place en Tunisie une gestion des
ressources humaines fondée sur la gestion des compétences et le travail décent:

192 Externe-2007-04-0157-01.doc
1) introduire un module de formation sur la gestion des ressources humaines (GRH)
fondée sur la gestion des compétences et le travail décent dans les programmes de
formation des futurs chefs d’entreprise;

2) aider les entreprises à mettre en œuvre ce modèle de GRH, dans le cadre du


Programme national de coaching (PNC);

3) développer la formation continue dans le secteur TH par le dialogue social;

4) élaborer un plan d’action pour la réinsertion professionnelle des travailleurs en


impliquant les partenaires sociaux et tous les acteurs concernés.

Le tableau ci-dessous présente des propositions d’activités pour atteindre les trois premiers
sous-objectifs. Le quatrième sous-objectif peut être atteint sur la base des propositions de
l’étude réalisée par l’UGTT et le BIT 9.

OS2 Promouvoir la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des compétences
et le travail décent

2.1. Introduire un module de formation sur la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des
compétences et le travail décent au profit des futurs chefs d’entreprise.

2.1.1. Introduire un module de formation sur la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des
compétences et le travail décent dans les programmes de l’Institut de formation des futurs chefs
d’entreprise.

2.1.2. Introduire un module de formation sur la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des
compétences et le travail décent dans les programmes de promotion de la micro-entreprise gérés par
le ministère de l’Emploi.

2.1.3. Introduire un module de formation sur la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des
compétences et le travail décent dans les programmes des établissements qui intègrent les
compétences entrepreneuriales (établissements de l’enseignement supérieur et centres de formation
professionnelle).

2.2. Aider les entreprises à mettre en place une gestion des ressources humaines fondée sur la gestion
des compétences et le travail décent, dans le cadre du Programme national de coaching (PNC).

2.2.1. Assister techniquement les entreprises à identifier leurs besoins en compétences.

2.2.2. Elaborer le répertoire des compétences dans le secteur.

2.2.3. Assister les entreprises à maîtriser les outils techniques de la gestion personnelle des compétences
dans la perspective de l’amélioration de la compétitivité et du travail décent.

2.2.4. Inciter les entreprises à recruter les diplômés de l’enseignement supérieur titulaires d’une maîtrise en
gestion des ressources humaines en utilisant les dispositifs d’aide à l’insertion professionnelle des
diplômés de l’enseignement supérieur.

2.2.5. Organiser des séminaires de vulgarisation sur les méthodes de gestion des compétences et du travail
décent au profit des membres des comités consultatifs des entreprises.

2.2.6. Organiser des séminaires de vulgarisation sur les méthodes de gestion des compétences et du travail
décent au profit des cadres syndicaux.

9
UGTT-BIT: Le secteur Textile-habillement en Tunisie et le pari de la réinsertion professionnelle
des travailleurs, Tunis, juin 2005.

Externe-2007-04-0157-01.doc 193
OS2 Promouvoir la gestion des ressources humaines fondée sur la gestion des compétences
et le travail décent

2.2.7. Inciter les entreprises à se conformer à la notion de «responsabilité sociale de l’entreprise».

2.3. Développer la formation continue dans le secteur TH par le dialogue social.

2.3.1. Elaborer un plan de formation continue sur la base de l’identification des besoins des entreprises en
compétences par le dialogue social.

2.3.2. Mettre en place un système de validation des acquis de l’expérience professionnelle dans le secteur
TH impliquant les partenaires sociaux.

2.4. Elaborer un plan d’action de réinsertion professionnelle des travailleurs du secteur en impliquant les
partenaires sociaux et tous les acteurs concernés.

3. Développer le lien entre le système de formation


et les entreprises du secteur TH

Dans le cadre de sa contribution à la mise en œuvre de la stratégie de développement


du secteur TH, le ministère de l’Education et de la Formation a créé et rénové huit centres
sectoriels de formation professionnelle en partenariat avec la FENATEX. De nouvelles
mesures seront mises en œuvre au cours de la période du 11e plan pour consolider les
acquis de ce partenariat, notamment dans le développement du mode de formation en
entreprise.

Au niveau de l’enseignement supérieur, l’ISET de Ksar Hellal et l’Institut supérieur


de la mode de Monastir forment aujourd’hui environ 380 techniciens supérieurs par
ascendance nationale, toutes spécialités confondues, dont 200 pour la confection, 70 pour
le textile classique et 90 pour la création textile. Par ailleurs, le département textile de
l’Ecole nationale d’ingénieurs de Monastir (ENIM) forme annuellement près de
70-75 ingénieurs en «génie textile». L’adoption en 2005 de l’architecture «LMD» prévoit
la mise en place de licences professionnelles en partenariat avec l’UTICA. Nos
propositions visent à renforcer le lien entre les établissements précités et les entreprises du
secteur TH.

Le pôle technologique textile-habillement est créé en mars 2005. La loi no 2001-50 du


3 mai 2001 donne la définition juridique du technopole comme étant «l’espace ou
l’ensemble des espaces intégrés et aménagés pour accueillir des activités dans le domaine
de la formation et la recherche scientifique et technologique, d’une part, et les domaines de
la production et de développement technologique, d’autre part, dans une spécialité
déterminée ou un ensemble de spécialités en vue de promouvoir la capacité concurrentielle
de l’économie et de développer ses composantes technologiques, et ce par
l’encouragement des innovations technologiques et le soutien de la complémentarité et
l’intégration entre ces activités dans le cadre des priorités nationales». La technopole
comprendra plusieurs espaces, dont notamment:

– L’espace de recherche-développement.

– L’espace de transfert de technologies et de l’innovation. Il est composé de trois


entités essentielles: i) la pépinière d’entreprises; ii) le centre de ressources
technologiques (CRT); et iii) les services relatifs à l’assistance et aux conseils
technologiques aux entreprises et les services d’accompagnement.

– L’espace de développement industriel et de production. Cet espace représente la


composante «application et production» de la technopole. Il comprend deux entités:

194 Externe-2007-04-0157-01.doc
les ateliers relais et la zone de production. Ainsi, les entreprises vont bénéficier, sur
les 40 hectares de terrains aménagés, d’un environnement propice à leur
développement.

– L’espace de formation. Cet espace devra comprendre des institutions de haut niveau
destinées à une élite d’étudiants plutôt qu’à une formation de masse.

Dans le domaine de la recherche scientifique, il existe actuellement quatre


laboratoires et trois unités de recherche qui sont impliqués dans des thématiques liées au
secteur Textile et regroupent environ 70 chercheurs. Depuis l’année universitaire 2003-04,
l’ENIM propose un master en «génie textile» et un doctorat en «génie textile». L’espace de
recherche-développement ne doit pas se limiter à des thématiques techniques. Nous
proposons de l’étendre au champ des sciences sociales.

Pour développer le lien entre le système de formation initiale, la recherche et les


entreprises du secteur TH, nous proposons de réaliser quatre sous-objectifs:

1) développer l’information sur les métiers du secteur au profit des jeunes dans le cadre
de la nouvelle stratégie de passage de la sous-traitance à la cotraitance et le produit
fini;

2) développer le mode de formation en alternance dans les établissements


d’enseignement supérieur qui forment pour le secteur TH;

3) donner aux établissements d’enseignement supérieur une organisation autonome et


responsable pour développer leurs liens avec les entreprises;

4) en plus de la recherche-développement dans le domaine technologique, il convient de


développer la recherche en sciences sociales pour aider les partenaires sociaux à
relever le défi de promotion de la compétitivité socio-économique dans le secteur TH.

OS3 Développer le lien entre le système de formation initiale, la recherche


et les entreprises du secteur TH

3.1. Développer l’information sur les métiers du secteur TH dans le cadre de la nouvelle stratégie de
passage de la sous-traitance à la cotraitance et le produit fini.

3.1.1. Développer l’information sur les métiers du secteur TH au niveau du second cycle de l’enseignement
de base en partenariat avec les professionnels du secteur.

3.1.2. Développer l’information sur les métiers du secteur TH au niveau de l’enseignement secondaire en
partenariat avec les professionnels du secteur.

3.1.3. Développer l’information sur les métiers du secteur TH au niveau de l’enseignement supérieur en
partenariat avec les professionnels du secteur.

3.2. Développer le mode de formation en alternance dans les filières de l’enseignement supérieur qui
forment pour le secteur TH.

3.2.1. Adopter l’approche par compétences dans l’ingénierie de la formation.

3.2.2. Identifier les entreprises dont l’organisation est favorable à la formation en alternance, notamment
parmi celles qui ont adopté un programme de mise à niveau.

3.2.3. Inciter les entreprises à adopter la formation en alternance.

3.2.3.1. Former des tuteurs pour la formation en entreprise parmi le personnel des entreprises.

Externe-2007-04-0157-01.doc 195
OS3 Développer le lien entre le système de formation initiale, la recherche
et les entreprises du secteur TH

3.2.3.2. Accorder une indemnité aux tuteurs et une subvention à l’entreprise pour compenser le manque à
gagner lié au temps alloué à la formation dans l’entreprise.

3.2.3.3. Engager des formateurs étrangers compétents pour des interventions courtes dans les conditions
définies par les entreprises.

3.2.3.4. Recueillir auprès des entreprises (notamment parmi celles qui réalisent un programme de mise à
niveau) d’autres propositions sur les conditions favorables à leur participation au mode de formation
en alternance. Cette activité pourrait se faire par la coopération entre les établissements de
l’enseignement supérieur, la FENATEX et le CETTEX.

3.3. Donner aux établissements d’enseignement supérieur une organisation autonome et responsable.

3.3.1. Identifier les obstacles à l’autonomie des établissements et définir les mesures pour les surmonter,
notamment dans les domaines suivants: la gestion du budget, le recrutement du personnel,
l’organisation et le développement des filières de formation, la négociation et la gestion des contrats
avec les entreprises, la planification et le développement futur de l’établissement.

3.3.2. Promouvoir l’évaluation de la formation et de la recherche-développement au profit du secteur TH.

3.3.2.1. Mettre en place, au niveau de chaque établissement, un système de suivi régulier de l’insertion
professionnelle des diplômés formés pour le secteur TH.

3.3.2.2. Mettre en place, au niveau de chaque établissement, un système d’évaluation de la recherche-


développement dans le secteur TH en partenariat avec les entreprises.

3.4. Développer la recherche en sciences sociales dans le pôle technologique textile-habillement.

3.4.1. Créer un laboratoire multidisciplinaire de recherche en sciences sociales appliquées au secteur TH,
au sein de l’espace recherche du pôle technologique. Ce laboratoire peut favoriser la création d’un
réseau de chercheurs appartenant à plusieurs établissements de l’enseignement supérieur et à
plusieurs disciplines des sciences sociales: économie, gestion, droit, sociologie, psychologie, etc.

3.4.2. Préparer un programme de recherche-développement sur les sujets qui préoccupent les partenaires
sociaux comme, par exemple, l’absentéisme dans le secteur TH, l’organisation du temps de travail
dans le secteur, les innovations dans la gestion des ressources humaines dans le secteur, les
facteurs de développement du dialogue social dans les entreprises du secteur, l’impact de ce
dialogue sur la compétitivité et l’emploi

196 Externe-2007-04-0157-01.doc
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Externe-2007-04-0157-01.doc 201
Annexe A.
ABSORBA CAMAIEU DIESEL
ADIDAS CATIMINI DMC
BALENO CELIO DOCKERS
BALMAIN CHANTELLE DODGE
BARBARA CHEVIGNON ETAM
BENETTON CHIPIE FILA
BERGER COATS VIYELLA FOR YOU
BIG-STAR COMPLICE FRANCK OLIVIER
BOUCHE A OREILLE CREEKS G-STAR
BUFALO D-LINE GAP
CACHAREL DESCAMPS GARDEUR

Annexe B.
y= ω L +Π

ωL+Π y
Y= (Y = )
P p

∂Y ∂Y ∂Y ∂Y
∂Y = dω + dL + dΠ + dp
∂ω ∂L ∂Π ∂p

∂Y L
=
∂ω p

ω L 
 
∂Y L ω ω dω  p = θ
dω = dω = L ,
∂ω p ω p ω  Y 
 
 

∂Y
∂ω dω
dω = θ
Y ω

202 Externe-2007-04-0157-01.doc
∂Y ω
=
∂L P

ω L 
 
∂Y ω L ω dL  p
dL = dL = L , =θ
∂L p L p L  Y 
 
 

∂Y
∂L dL
dL = θ
Y L

∂Y 1 Π
=
∂Π p Π

∂Y Π dΠ
dΠ =
∂Π p Π

∂Y Π Π 
 
∂Π p dΠ  p
dΠ = , = 1− θ
Y Y Π  Y 
 
 

∂Y
∂Π d Π = (1 − θ ) d Π
Y Π

∂y ωL + Π
=
∂p p2

∂Y ω L + Π
dp = − dp
∂p p2

∂Y ω L+ Π dp ωL + Π
dp = − , ( = Y )
∂p p p p

∂Y
∂p dp
dp= −
Y p

Externe-2007-04-0157-01.doc 203
Annexe C. Cadre juridique relatif aux régimes
d’annualisation du temps de travail
en Europe
Pays Principale Période Durée maximale Durée maximale Temps de Conditions
législation de référence de la journée de la semaine travail et exceptions
de travail de travail hebdomadaire
(heures) (heures) moyen (heures)
(ou maximum
annuel)
Autriche Loi sur le temps de Jusqu’à 12 mois – 48 40 heures Convention collective
travail (Arbeitszeigesetz, (ou la durée nécessaire pour
AZG) de 1997 (ainsi que hebdomadaire l’introduction des
des décrets dans le cas convenue horaires annualisés (ou
des services publics, collectivement si accord d’entreprises si
basés sur des inférieur des clauses
réglementations introductives le
spécifiques pour les permettent dans la
différentes catégories convention collective
de fonctionnaires correspondante)
Belgique Loi du 16 mars 1971 Entre 3 et 12 mois 9 heures dans le 45 heures dans le 38 Les formules flexibles de
(telle que modifiée), cadre des régimes cadre des régimes travail hebdomadaire
lois du 10 août 2001 et de semaines de semaines exigent normalement
du 17 mars 1987 et flexibles; flexibles; une convention
conventions collectives 11 ou 12 heures 50 ou 56 heures collective sectorielle.
no 42 bis du pour raisons pour raisons Raisons spécifiques: les
10 novembre 1987 spécifiques spécifiques horaires annualisés sont
autorisés pour des
raisons techniques ou
pratiques ou pour faire
face à une surcharge de
travail exceptionnelle et
l’accord du comité
sectoriel conjoint est
généralement
nécessaire. Sur la
période de référence, le
nombre d’heures
travaillés ne peut
dépasser les limites
normales de plus de
65 heures sans que le
travailleur ne se voie
immédiatement accorder
un repos compensateur
Danemark Loi de 2002 qui met en Jusqu’à 4 mois 40
œuvre la directive de
l’UE sur le temps de
travail (DK0112158F)
Finlande Loi sur le temps de Jusqu’à 40 Accord collectif au
travail (605/1996) 52 semaines niveau sectoriel (ou
accord local si l’accord
sectoriel le permet)
généralement requis
pour tout dépassement
de la durée de travail
légale de 8 heures par
jour et 40 heures
semaine

204 Externe-2007-04-0157-01.doc
Pays Principale Période Durée maximale Durée maximale Temps de Conditions
législation de référence de la journée de la semaine travail et exceptions
de travail de travail hebdomadaire
(heures) (heures) moyen (heures)
(ou maximum
annuel)
France Loi de Robien de juin Jusqu’à 12 mois Dix 48 ou 60 heures 35 heures Accord collectif au
1996 sur la réduction du dans certains cas (1 600 heures par niveau sectoriel ou de
temps de travail particuliers an maximum) l’entreprise nécessaire
(FR9705146F), lois pour l’introduction de
Aubry de juin 1998 l’annualisation
(FR9806113F) et de
janvier 2002
(FR0001137F) sur la
réduction du temps de
travail
Allemagne Loi sur le temps de 24 semaines Dix 48 8 heures par jour Des accords collectifs ou
travail d’entreprise peuvent
(Arbeitszeitegesetz) fixer une période de
1994 référence différente ou
une journée de travail
supérieure à 10 heures
dans certaines
circonstances
Grèce Loi no 2639/1998 Jusqu’à 12 mois 12 40 heures
(GR9807181F et (38 heures ou
GR9808185F) et loi 1 748 par an si la
no 2874/2000 période de
(GR0012192F) référence est de
12 mois)
Irlande Loi sur l’organisation du Jusqu’à 4 mois, 48 Accord collectif ou
temps de travail 1997 ou jusqu’à individuel nécessaire
12 mois par pour prolonger la
accord période de référence de
quatre mois à 12 mois
au maximum
Italie Loi no 196/1997 (art. 13), Jusqu’à 4 mois, 48 Convention collective
circulaire ministérielle ou jusqu’à nécessaire pour
no 10/2000 et décret 12 mois par prolonger la période de
législatif no 66/2003 accord référence de quatre mois
(IT0305305F) à 12 mois au maximum.
Luxembourg Lois du 9 décembre Un mois, Dix 48 40 heures Convention collective
1970 et du 12 novembre 4 semaines ou (10 heures par (ou autorisation
1971 telles que jusqu’à plus de un jour) ministérielle en
récemment modifiées an par accord l’absence de convention
par les lois du 12 février collective) nécessaire
1999, 8 mars 2002 et pour prolonger la
20 décembre 2002 période de référence de
un mois/quatre
semaines à un an ou
plus
Pays-Bas Loi sur le temps de 13 Normal: Normal: Normal: Convention collective ou
travail (Arbeidstijdenwet) – 9 heures – 45 heures – 40 heures accord conclu avec le
1995 (NL 0110102F) Par accord: Par accord: Par accord: comité d’entreprise
nécessaire pour
– 10 heures – 50 heures (sur – 45 heures; prolonger des horaires
Circonstances 4 semaines) Circonstances normaux dans tous les
particulières: Circonstances particulières: cas
– 12 heures particulières: – 48 heures
– 60 heures

Externe-2007-04-0157-01.doc 205
Pays Principale Période Durée maximale Durée maximale Temps de Conditions
législation de référence de la journée de la semaine travail et exceptions
de travail de travail hebdomadaire
(heures) (heures) moyen (heures)
(ou maximum
annuel)
Norvège Loi sur la protection des Accord individuel: Accord individuel: Accord individuel: Horaires normaux Accord écrit entre
travailleurs et – jusqu’à une – 9 heures – 48 heures l’employeur et le salarié
l’environnement de ascendance Convention Convention nécessaire pour le
travail nationale collective: collective: régime d’annualisation
(Arbeidsmiljoloven, AML) Convention de base; convention
1997 – 10 heures; – 54 heures collective nécessaire
collective Autorisation de Autorisation de pour des durées de
– jusqu’à un an l’inspection du l’inspection du travail journalières et
Autorisation de travail: travail: hebdomadaires
l’inspection du – pas de limites – pas de limites supérieures. Autorisation
travail: de l’inspection du travail
– jusqu’à 6 mois nécessaire pour
l’absence de limites
journalières ou
hebdomadaires (mais
sur des périodes plus
courtes)
Portugal Loi no 73/98 du Jusqu’à 4 mois ou 48 Convention collective
10 novembre 1998 sur jusqu’à 12 mois nécessaire pour
l’organisation générale par accord prolonger la période de
du temps de travail référence de quatre mois
(PT9812117N) à 12 mois au maximum
Espagne Décrets royaux Jusqu’à 12 mois 9 50 40 Convention collective
no 1/1995 et nécessaire pour
no 1561/1995, lois l’introduction de
nos 39/1999 et 12/2001 l’annualisation collective
(bien que certains
contrats de travail
individuels puissent
autoriser l’annualisation).
Suède Loi sur le temps de 4 semaines – – 40 Variations autorisées sur
travail (Arbetstidslagen) la période de référence
de 1982 si elles s’avèrent
nécessaires en raison de
la nature du travail.
Dérogations aux
réglementations relatives
au temps de travail
autorisées généralement
par convention collective
Royaume-Uni Réglementations sur le Jusqu’à – – 48 Convention collective
temps de travail de 1998 17 semaines ou (ou accord du personnel
(UK9810154F) jusqu’à lorsque les syndicats ne
26 semaines dans sont pas reconnus)
certains cas, ou nécessaire pour étendre
jusqu’à la période de référence
52 semaines par jusqu’à 52 semaines.
accord Les travailleurs peuvent
ne pas adhérer à la
semaine de 48 heures
maximum
Source: European Industrial Relations Observatory On-line.

206 Externe-2007-04-0157-01.doc
Annexe D. Déclaration de principe des partenaires
sociaux sur le textile et la mondialisation
(texte définitif, mai 2004)
Les industries textiles font partie intégrante de la tradition industrielle de l’Europe et
continuent d’y jouer un rôle important, notamment parce qu’elles font le lien entre, d’un côté,
l’industrie et l’innovation, de l’autre, la création et la culture. Elles ont aussi un rôle majeur en
termes d’emplois et d’aménagement du territoire. Parallèlement, ces industries ont une place
déterminante dans la structuration des industries des pays méditerranéens et de plusieurs pays
d’Europe centrale et orientale, puisqu’elles y occupent une part substantielle de la valeur
ajoutée des exportations et de l’emploi.

I. Intégration régionale, commerce


international et mondialisation
Le commerce des produits textiles est jusqu’ici particulièrement régionalisé. Ceci n’est
pas vrai que pour l’Europe. Ainsi, en textile, les importations en provenance de Chine
continuent de représenter une part limitée des importations européennes
(extracommunautaires), comme des importations américaines, alors qu’elles représentent
l’essentiel des importations japonaises. On retrouve des caractéristiques du même ordre (de
façon atténuée) pour l’Europe (avec les PPM et les PECO) et les Etats-Unis (avec le Mexique
et les pays des Caraïbes).
Cette régionalisation est le résultat de facteurs géographiques, historiques, économiques,
culturels, et aussi du fait que les échanges ont été structurés pendant de nombreuses années par
les AMF, qui ont conduit à la répartition et à la fragmentation des approvisionnements dans le
monde.
Mais les industries textiles se trouvent aussi au cœur des mécanismes
d’internationalisation de la production et des achats, et donc de la mondialisation. Elles sont
tout particulièrement concernées par l’évolution des pratiques d’achat des distributeurs et des
donneurs d’ordre, d’autant plus que le processus de concentration de la distribution se
poursuit.
La recherche de bas prix se confirme, tout particulièrement à travers les hypermarchés et
de nouvelles chaînes positionnées sur ce créneau. A cet égard, il faut souligner que le principe
des enchères inversées doit être réglementé, sa généralisation génère des dérapages et pénalise
les fournisseurs locaux.
Dans ce contexte, il est établi que l’abolition des quotas de textile et d’habillement va
conduire à une nouvelle baisse des prix, à une concentration des approvisionnements, dont les
premiers bénéficiaires seront la Chine (en premier lieu) et l’Inde.
La régionalisation des échanges va se trouver mise en cause, au détriment de nombreux
pays en développement et de l’espace régional euroméditerranéen.

Externe-2007-04-0157-01.doc 207
Il. Politique européenne textile
et espace euroméditerranéen 1

Politique européenne textile


L’Europe a fait le choix d’une stratégie et d’une politique de négociation multilatérale de
commerce international à l’OMC.
Cette politique continue de relever d’une vision d’un monde reposant sur «les seules
concessions tous azimuts» à faire aux pays en voie de développement, dont l’industrie et le niveau
de vie sont, pour une part importante, fondés sur le textile et l’habillement.
Or cette politique «tous azimuts» est contestable pour deux raisons:
– les pays européens restent premier exportateur mondial de textile et deuxième exportateur
mondial de vêtements. Nos intérêts doivent nous conduire à privilégier les pays qui nous sont
proches. L’élargissement de I’UE, à l’Est et au Sud, l’union douanière avec la Turquie,
l’ouverture aux autres pays du pourtour méditerranéen (Egypte, Maghreb, République arabe
syrienne), qui disposent d’industries textiles compétitives développées avec les industries et
les donneurs d’ordre européens, constituent une opportunité pour favoriser les pays moins
développés qui nous sont proches tout en consolidant nos industries et une grande part de nos
emplois;
– le problème essentiel n’est pas un nouvel ordre mondial du travail Nord-Sud mais celui de
zones régionales. Il n’est plus, de ce fait, celui de la concurrence Nord-Sud mais celui de la
concurrence entre PVD et entre zones régionales dans un contexte de surcapacités mondiales
et, jusqu’à présent, de baisses des prix sur les produits basiques, voire de moyenne gamme.

L’espace économique euroméditerranéen 1


Pour les instances politiques européennes, l’autre grand sujet à l’ordre du jour est celui de
l’élargissement de l’UE de 15 à 25 membres. Cette vision, pour le secteur Textile-habillement,
englobe aussi la Bulgarie, la Roumanie, la Turquie et les pays du pourtour méditerranéen afin de
créer une zone caractérisée par:
– la création d’un espace de compétitivité textile-habillement euroméditerranéenne pour lutter à
armes égales avec la future zone des Amériques et la zone asiatique constatée entre le Japon,
la Corée du Sud et la Grande Chine (KPC, Hong-kong, Taiwan);
– la préférence tarifaire;
– la «fluidification» de la zone par des règles d’origine adaptées au secteur Textile-habillement.
Cet espace ne sera viable que si le taux de change de l’euro par rapport au dollar et aux monnaies
asiatiques liées au dollar permet de maintenir la compétitivité des produits issus de la zone.

L’espace social euroméditerranéen


Plusieurs facteurs peuvent fonder l’idée sociale euroméditerranéenne. Tout d’abord, la
compétitivité de l’espace intégré euroméditerranéen peut permettre d’y préserver les emplois (à
l’échelle macro), ce qui ne peut se produire à l’échelle de l’Europe seule que sur des segments
spécifiques. La division du travail a clairement un sens au niveau euroméditerranéen avec la
séparation entre industries à fort coefficient technologique (par exemple, filature et tissage) et
industries de main-d’œuvre (par exemple confection). Si l’on ajoute à cela la création d’emplois

1
Rappelons ici que l’on appelle espace euroméditerranéen, l’ensemble constitué par l’Europe et les
pays du pourtour méditerranéen, espace paneuropéen, l’ensemble constitué par l’Europe et les pays
d’Europe centrale et orientale (dont les contours sont donc modifiés suite à l’élargissement de
l’Europe), espace paneuroméditerranéen, l’ensemble constitué par l’Europe, les PPM (pays du
pourtour méditerranéen) et les PECO (pays d’Europe centrale et orientale). On utilisera ici le terme
«euroméditerranéen» pour désigner ce dernier espace.

208 Externe-2007-04-0157-01.doc
dans les services (encore que la compensation soit partielle et qu’il ne s’agisse pas du même type
d’emplois, de profils, de localisation, etc.), on peut aboutir à la formulation d’une politique de
l’emploi en adéquation avec l’environnement économique et ses impératifs.
Par ailleurs, si l’Europe sociale est encore mal définie et si la politique sociale dans les pays
méditerranéens et les pays d’Europe centrale et orientale est encore peu développée, il est possible
de promouvoir la dimension sociale à l’échelle du partenariat méditerranéen. On pourrait à cet égard
imaginer la mise en place d’un «label éthique» volontaire à l’échelle euroméditerranéenne. Ce label
pourrait s’étendre à d’autres régions du monde, à la condition qu’y soit réduite la part d’ombre et
que les donneurs d’ordre appliquent à la lettre les règles très strictes qui le conditionneraient.
De façon générale, il s’agit d’afficher une volonté politique commune en introduisant des
mesures visant à promouvoir la consommation de produits manufacturés qui donnent des
informations sur le respect des droits fondamentaux au travail et de l’environnement qui permettent
aux consommateurs de connaître l’origine des produits importés. L’étiquetage volontaire peut
permettre aux consommateurs d’identifier des produits qui ont été fabriqués dans le respect des
droits fondamentaux au travail, tels que définis par l’OIT 2.

IlI. Les mutations industrielles


et leurs conséquences sociales

Mutations industrielles/restructurations/
redéploiement/fusion-cession
L’industrie française a perdu des dizaines de milliers d’emplois en 2003, et les industries liées
à l’équipement de la personne sont particulièrement touchées. Tous les corps constitutifs de la vie
politique et économique ont une réelle difficulté à regarder les processus concrets de mise en œuvre
des mutations, les traitements effectifs de leurs conséquences.
Le problème posé aujourd’hui n’est plus la réparation des sinistres mais la nécessité qu’un
territoire s’organise pour favoriser un flux permanent d’activités et d’emplois. Il faut comprendre
qu’aucun des leviers n’est dans les mains d’un seul acteur et qu’aucun acteur, y compris l’Etat, n’est
en mesure d’assurer à lui seul le maniement de tous les leviers. Par ailleurs, il n’y a pas de
monopole de l’expertise, tous les acteurs doivent avoir, dans ce domaine, un rôle. Au nom de l’ordre
public, l’Etat a un rôle d’équité entre les territoires et les entreprises; il doit avoir, en outre, la prise
en charge de l’urgence sociale là où elle s’impose.
Les mutations industrielles font parfois peur aux salariés et aux organisations syndicales parce
qu’à l’expérience elles se font souvent dans l’urgence.
Pour que le processus s’inverse, il est nécessaire de privilégier un nouveau type de rapports
assis sur des règles de confiance, de transparence, de tolérance et d’efficacité, visant à aboutir à des
résultats concrets.
Les mutations nationales ne peuvent s’appréhender sans une vision européenne. Pour aller de
l’avant, sur l’économique et le social, d’un même mouvement, il faut une volonté politique pour
traiter en même temps les problèmes liés à la compétitivité, à l’environnement, aux accords
commerciaux, au social. Ce dernier a souvent été géré en termes de conséquences et de réparations,
alors qu’il doit l’être en termes de transition.
L’Europe a besoin d’instaurer une «discipline» globale, de fixer un cadre politique et de
préparer les contreparties sociales en mobilisant, à cet effet, de façon forte et prioritaire, les fonds
structurels européens pour assurer les transitions liées aux mutations industrielles dans tous les pays
européens. Rappelons que les industries qui vont souffrir le plus ces prochaines années sont celles
du textile, de l’habillement et du cuir (trois millions d’emplois au plan européen, auxquels
s’ajoutent les emplois indirects).

2
Les codes de bonne conduite d’entreprises qui rassurent le public peuvent parfois éviter, en
revanche, de s’interroger sur la persistance des problèmes rencontrés.

Externe-2007-04-0157-01.doc 209
Face à de tels mouvements de restructurations qui sont à nos portes et qui s’ajoutent à celles
en cours, il faut un accompagnement public des restructurations. Pour que le changement ne soit pas
que des menaces, il faut redistribuer de l’activité sur les territoires touchés par les restructurations et
faire que la formation, la qualité et la mobilité soient des éléments motivants dépassant les seuls
problèmes de coûts. Au cœur de ces mutations industrielles, les PME et leurs salariés représentent
une chance pour résister économiquement et pour ancrer des emplois dans les régions.

Les plans sociaux


Etre ensemble socialement responsables, c’est prendre en compte de manière nouvelle les
préoccupations de toutes les parties concernées, en privilégiant à la fois la compétitivité des
entreprises, l’être humain et son environnement. Le socialement responsable s’impose à l’ensemble
des acteurs, aux entreprises, aux organisations syndicales et à l’ensemble des parties prenantes.
Le reclassement doit englober dialogue et coordination d’actions concrètes entre les acteurs
sociaux concernés par les plans sociaux et les responsables politiques aux différents niveaux. La
concertation avec les organisations syndicales en matière de mise en place des cellules de
reclassement doit être renforcée. Leur labellisation par les autorités publiques pourrait même être
envisagée afin de s’assurer de leur efficacité.
On doit permettre aux comités d’entreprise d’avancer ses propres propositions. Les mesures de
reclassement dans chaque plan de sauvegarde de l’emploi ne doivent pas être formelles mais viser à
aboutir à des résultats concrets pour que personne ne reste sans traitement social.
L’anticipation utile concernant les plans sociaux touche au dialogue social en amont, aux
problèmes de la formation, à la recherche de solutions pour éviter le maximum de licenciements et
avoir une vision nouvelle et offensive des changements en termes de qualification et de formation.
Les restructurations entraînent des départs contraints dont il faut tenir compte. Plus la
pyramide des âges grimpe, plus il faut se soucier de la «sortie» des salariés.
Il est nécessaire de trouver des formules du type FNE avec financements publics et privés,
adaptées à nos secteurs d’activité pour les salariés âgés, notamment ceux ayant exercé des travaux
pénibles.

Une meilleure employabilité des personnels


et une adaptation de la formation des salariés
aux évolutions des métiers
Concernant les actions de formation à développer en faveur des salariés du secteur, il faut
intensifier et adapter la formation dans ces secteurs, afin d’accompagner les mutations industrielles
et les actions de reconversion des bassins d’emplois concernés. L’enjeu est notamment de répondre:
– à l’émergence de nouveaux métiers;
– à la prise en compte de nouvelles contraintes stratégiques par les dirigeants;
– aux besoins de reconversion des salariés dans des bassins d’emplois particulièrement touchés;
et
– à la transmission des savoir-faire, via par exemple l’utilisation de compétences de salariés
ayant acquis une forte expérience.
Il est nécessaire d’adapter la formation des dirigeants et des cadres en tenant compte du recentrage
des métiers dans ces secteurs autour de la conception, du marketing, de la logistique et de la
création. La nécessité de réorienter les fonds structurels vers les bassins d’emplois textiles et
habillement en difficulté doit accroître les moyens permettant de diversifier la formation des salariés
et ouvriers du secteur afin d’anticiper ou de faciliter leur reclassement.

210 Externe-2007-04-0157-01.doc
La région au cœur des mutations
Il faut donner aux acteurs de terrain des obligations, mais aussi des moyens d’action. La
région apparaît comme un lieu central pour mener des politiques d’accompagnement des mutations
industrielles des PME dans l’Euromed et la mondialisation:
– financements des PME pour leurs investissements,
– fonds régionaux, fonds structurels européens,
– fonds d’Etat
doivent être mobilisés pour donner aux entreprises les moyens nécessaires à leur développement
(formation/innovation/exportation), en rediscutant les zonages actuels.
La région et le territoire sont des lieux adaptés également en matière de reclassement. Le
croisement des compétences entre l’ANPE, les cellules de reclassement et les acteurs de terrain
(maire, députés, conseils généraux, etc.) devrait, à cet égard, être systématique.

Le dialogue social de branche


La branche est un lieu majeur pour la construction d’une nouvelle étape du dialogue social
– aux plans national et européen – pour, dans le cadre de «l’Euromed/mondialisation, partager des
analyses, une vision économique et sociale, proposer des solutions opérationnelles.
Les partenaires sociaux souhaitent s’impliquer aux plans national et européen, au minimum (et
aussi à l’OMC), pour «réguler» et humaniser autant qu’il est possible la mondialisation accélérée en
cours.

Fonds publics, sous-traitance, information des salariés


L’utilisation des aides publiques dans les entreprises doit être transparente. De même, le
recours aux cessions et à la sous-traitance doit être explicité aux salariés et à leurs représentants
pour mieux protéger l’emploi.

Résumé des propositions pour l’avenir


des industries textiles
Nous devons rappeler sans cesse que l’objectif à atteindre dans les négociations de l’OMC est
l’équité et la réciprocité dans les conditions d’accès aux marchés mondiaux. Il faut que l’Europe
recoure, chaque fois que nécessaire, aux instruments de défense commerciale (clauses de
sauvegarde, antidumping, antisubventions).
Nous devons mettre en place un observatoire européen permanent de la mondialisation, et en
priorité sur la Chine pour veiller aux conditions dans lesquelles la Chine met en œuvre l’accord de
son adhésion à l’OMC et s’assurer de nos propres conditions d’accès au marché chinois.
Nous devons dénoncer la volatilité, dangereuse pour nos entreprises en France comme dans
l’Euroland, du taux de change de l’euro par rapport au dollar et aux monnaies asiatiques liées au
dollar.
Nous devons obtenir une meilleure utilisation des fonds structurels européens dès 2004 pour
accompagner les mutations du secteur et étudier avec la Banque européenne d’investissement les
voies et moyens d’améliorer les conditions d’accès de nos PME au financement de leur
développement.
Nous devons encourager l’investissement matériel et immatériel. Les pouvoirs publics français
doivent poursuivre les réformes fiscales, la fiscalité actuelle pénalisant lourdement les entreprises
industrielles, et améliorer, dans le domaine de l’innovation et de la création, le dispositif du crédit
impôt-recherche.
Il convient, en Europe et dans le reste du monde, de combattre la contrefaçon et le piratage des
marques, dessins et modèles textiles.

Externe-2007-04-0157-01.doc 211
Nous devons enrichir et approfondir le dialogue avec les partenaires sociaux de nos industries,
tant en Europe qu’en France, tant au plan de la branche que des régions et des entreprises, afin de
trouver les voies d’une prise en compte réelle des conséquences sociales des mutations industrielles.
Nous devons également développer, en concertation avec les organisations syndicales, au sein
notamment du FORTHAC; des programmes de formation ciblés sur les salariés car la formation
développe l’employabilité et accroît les chances de promotion des salariés (formations qualifiantes,
nouvelles compétences). Nous devons aussi développer la formation des entrepreneurs et des
équipes des PME: vision stratégique, réseaux électroniques.
Enfin, nous devons mettre en synergie, au bénéfice de nos PME, les importantes ressources
que constituent en France les écoles d’ingénieurs et de style, l’Institut français de la mode (IFM),
l’Institut français du textile et de l’habillement (IFTH) et le Réseau d’innovation industriel du
textile-habillement (R2ITH), et renforcer de façon générale en Europe et dans la zone Euromed les
synergies entre enseignement, recherche et création.

212 Externe-2007-04-0157-01.doc
Annexe E. Déclaration commune des partenaires
sociaux français et tunisiens

Initiatives locales pour un espace euroméditerranéen


compétitif dans le secteur TH
Soulignant l’importance stratégique de l’espace euroméditerranéen et animés par la volonté de
fonder une coopération solidaire et évolutive à la hauteur des liens forgés par le
voisinage et l’histoire;
Conscients que les nouveaux enjeux économiques et sociaux constituent des défis communs
qui appellent l’adoption d’une nouvelle alternative pour défendre les intérêts actuels et
futurs des pays euroméditerranéens;
Convaincus des risques majeurs qui pèsent sur le secteur Textile-habillement avec la fin des
accords multifibres, et mesurant le poids de ses répercussions sur les entreprises et les
salariés des deux rives de la méditerranée avec l’évolution des tendances du marché;
Considérant l’urgence économique et sociale de développer une stratégie commune pour faire
face à la mondialisation dans l’espace euroméditerranéen, et ce que ce soit pour les pays
du Nord comme pour les pays de la rive Sud;
Oeuvrant en faveur d’une industrie du textile et de l’habillement euroméditerranéenne qui soit
rentable, compétitive, basée sur le développement de l’emploi qualifié et sur le respect
tant des intérêts des travailleurs que des employeurs;
Estimant que la mobilisation des acteurs aux niveaux national et régional des deux rives de la
méditerranée pour le développement du secteur Textile-habillement constitue la
meilleure voie pour bâtir une ère nouvelle de progrès, de croissance durable riche en
emplois et de coopération multidimensionnelle, basée sur le dialogue social, la
formation, la recherche anticipée des solutions adéquates aux problèmes posés;
Les partenaires sociaux de la région Nord–Pas-de-Calais en France et des régions tunisiennes à fort
potentiel textile et habillement, réunis à Lille dans le cadre de la mission commune de travail
effectuée du 6 au 9 juillet 2004 dans la région Nord–Pas-de-Calais;
S’engagent
A développer les partenariats entre organisations syndicales et patronales des deux régions,
particulièrement autour du développement des compétences et de la formation professionnelle au
service d’un espace textile-habillement Euromed compétitif où le social sera pris en compte.
Déclarent
Leur engagement à construire et à renforcer, ensemble, partenaire à partenaire, et globalement
aux niveaux des deux régions et des deux secteurs, la coordination de leurs efforts en vue de la
construction d’un espace textile-habillement euroméditerranéen;
Leur volonté de consolider les échanges d’expériences et les collaborations afin de préserver,
en commun, l’avenir des entreprises et des emplois du secteur;
Leur adhésion à la vision d’un espace textile-habillement euroméditerranéen compétitif et
socialement équitable et engagé;
Leur conviction que le développement des compétences au sein du secteur constitue une voie
appropriée pour en assurer la compétitivité, le développement de nouvelles opportunités d’emploi et
un moyen efficace pour traiter les conséquences sociales des redéploiements.
Appellent
A poursuivre les accords économiques et sociaux, environnementaux entre les partenaires de
la zone Euromed afin de créer, à terme, une zone homogène de libre-échange, tout en préservant une
préférence tarifaire significative;

Externe-2007-04-0157-01.doc 213
A réorienter les fonds structurels européens pour assurer aux salariés et aux entreprises des
différents pays de la zone Euromed de la formation pour des emplois durables et à valoriser
l’exploitation de ces fonds à travers la mise en œuvre des projets de coopération;
A rendre éligible et favoriser l’approche sectorielle fondée sur la logique partenariale entre les
fédérations de la branche pour l’attribution des fonds;
A mettre en place, avec les institutions européennes, un observatoire sur les effets de la
mondialisation, à engager un processus sur les respects et l’application des normes fondamentales
du travail reconnu par le BIT;
A promouvoir les investissements par la création d’une banque de développement et de
coopération interindustrielle euroméditerranéenne, à l’instar de la BERD favorisant la transition des
pays d’Europe centrale et orientale;
A promouvoir et à mettre en place un label éthique (labellisation et certification de conformité
aux règles sociales et environnementales).

214 Externe-2007-04-0157-01.doc
Annexe F. Procédures du programme de mise à niveau

1. Eligibilité des entreprises


Sont éligibles au programme de mise à niveau:
– les entreprises industrielles en activité au moins depuis deux ans;
– les entreprises de services connexes à l’industrie en activité au moins depuis deux ans;
– les entreprises disposant d’un potentiel de croissance/d’un marché porteur, etc.;
– les entreprises qui ne sont pas en difficultés.

2. Diagnostic et plan de mise à niveau


Le diagnostic doit couvrir toutes les fonctions de l’entreprise en tenant compte du contexte
international et des mutations en cours afin de déceler ses forces et ses faiblesses pour la définition
d’orientations stratégiques et l’établissement d’un plan de mise à niveau.
Le plan de mise à niveau doit comporter des actions homogènes et cohérentes, une évaluation
des coûts et un calendrier de réalisation des différentes composantes. Il est défini par les trois axes
suivants:
– investissements matériels;
– investissements immatériels;
– restructuration financière.
Dans le cadre des facilitations, notamment pour les PME, et en cas d’investissement de mise à
niveau ne dépassant pas 200 000 dinars, le contexte international et le positionnement stratégique ne
sont plus exigés dans l’étude de diagnostic/plan de mise à niveau.

Par qui le diagnostic peut-il être réalisé?


L’entreprise est libre de choisir soit un centre technique, soit un bureau d’études, soit un
groupe de consultants pour la réalisation de son diagnostic et plan de mise à niveau. Elle peut en
outre déléguer le pilotage à un organisme compétent.

Composition de l’équipe intervenante


Il est conseillé que l’équipe intervenante comprenne au moins trois consultants afin de couvrir
toutes les fonctions assurées par l’entreprise:
– organisation/gestion/finances/gestion des ressources humaines;
– approvisionnement/achat/commercialisation et marketing/marché;
– technologie/production/recherche-développement;
– aspect international et positionnement stratégique.

3. Intervention de la banque
Préalablement au dépôt au ministère de l’Industrie et de l’Energie de la demande de
l’entreprise pour le bénéfice du FODEC, le rapport de diagnostic/plan de mise à niveau doit être
examiné par la banque en vue de l’approbation du financement.
Le dossier relatif au PMN est centralisé et traité par la «Cellule de mise à niveau» de la
banque en impliquant son réseau.

Externe-2007-04-0157-01.doc 215
Il est conseillé d’associer au processus de mise à niveau dès les premières démarches (choix
des consultants, bureaux d’études, déroulement du diagnostic, et ce dans le cadre d’une concertation
avec l’entreprise) la cellule de mise à niveau de la banque.
La banque est dans ce cadre le partenaire financier de l’entreprise dans sa mise à niveau. Elle
est aussi son conseiller.

4. Dossier de demande
Dans le cadre de la procédure, le Bureau de mise à niveau du ministère de l’Industrie et de
l’Energie (BMN) a pour mission:
– d’instruire et d’évaluer les dossiers des entreprises en vue de leur examen par le Comité de
pilotage (COPIL);
– d’assurer la mission de guichet unique vis-à-vis des entreprises; il s’agit d’instruire dans le
cadre du plan de mise à niveau approuvé les dossiers se rapportant aux actions relevant
d’autres fonds (FOPRODEX, FOPROMAT, etc.) en vue de leur examen par les commissions
et organismes gestionnaires.

Eléments constitutifs du dossier


– le diagnostic/plan de mise à niveau en trois (3) exemplaires;
– le schéma de financement du plan de mise à niveau hors prime en faisant apparaître, pour les
fonds propres, sous rubrique distincte toute augmentation de capital par apports nouveaux en
numéraire;
– les accords de financement des bailleurs de fonds participant au schéma de financement du
plan de mise à niveau;
– les états financiers des exercices des quatre dernières années, ceux de la dernière année
doivent être certifiés par un membre de l’Ordre des experts-comptables tunisiens;
– les tableaux des amortissements et des investissements relatifs aux exercices des trois
dernières années;
– les factures proformats des investissements matériels à effectuer;
– les devis relatifs aux investissements immatériels à effectuer;
– la fiche de caractérisation de l’entreprise dûment remplie, dont le modèle est disponible sur
disquette au Bureau de mise à niveau;
– la facture définitive de l’étude de diagnostic/plan de mise à niveau.

Le Comité de pilotage (COPIL)


Dans le cadre de cette procédure, le COPIL examine les demandes des entreprises en vue de
l’octroi des primes prévues par le FODEC.

5. Primes octroyées
„ Pour les investissements immatériels:
– 70 pour cent du coût des études de diagnostic préalables à la mise à niveau avec un
plafond de la prime ne dépassant pas 30 000 dinars après validation par le COPIL; et
– 70 pour cent du coût des autres investissements immatériels.
„ Pour les investissements matériels:
– 20 pour cent de la part de l’investissement de restructuration dans le cadre de la mise à
niveau financée par des fonds propres; et
– 10 pour cent du reliquat de l’investissement de restructuration dans le cadre de la mise à
niveau financé par des crédits.

216 Externe-2007-04-0157-01.doc
Lesdites primes peuvent êtres cumulées aux avantages accordés par le code d’incitation aux
investissements dans le cadre de l’encouragement au développement régional.

Déblocage des primes et suivi


„ Pour le diagnostic et l’étude du plan de mise à niveau:
– le déblocage en une seule tranche de la prime relative au diagnostic à hauteur de 70 pour
cent de son coût après approbation par le COPIL, avec un maximum de prime de
30 000 dinars;
– Le déblocage des primes FODEC relatives au plan de mise à niveau est subordonné à la
mise en œuvre et à la réalisation des actions de mise à niveau de l’entreprise qui feront
l’objet d’un suivi et d’un constat.
„ Pour les actions du plan de mise à niveau, les déblocages s’effectueront au maximum en trois
tranches selon la nature des actions et sur justification des réalisations.
„ Le déblocage est tributaire de la réalisation d’au moins:
– 30 pour cent des investissements éligibles au FODEC pour la première tranche;
– 30 pour cent des investissements éligibles au FODEC pour la deuxième tranche;
– 40 pour cent des investissements éligibles au FODEC pour les troisième et dernière
tranches.

6. Déchéance de l’entreprise des avantages


prévus par le FODEC
En cas de non-commencement d’exécution du plan de mise à niveau dans un délai de un an à
partir de la date de signature de la convention, les bénéficiaires des primes en sont déchus.
Sauf cas de force majeure, la non-exécution ou le non-respect des conditions de la convention
entraîne la déchéance totale ou partielle du droit de l’entreprise aux avantages.
La déchéance du droit de l’entreprise à la prime est prononcée par décision du ministre chargé
de l’industrie après avis du Comité de pilotage qui doit préalablement entendre le bénéficiaire
concerné dûment convoqué.

7. Deuxième plan de mise à niveau


Une fois que l’entreprise a mis en œuvre son plan de mise à niveau, elle peut solliciter les
avantages du FODEC pour un deuxième plan de mise à niveau visant à atteindre un nouveau palier
de performance et de compétitivité.

Externe-2007-04-0157-01.doc 217
Annexe G. Définitions des principaux concepts
de la gestion des emplois et des compétences
Carte des emplois: représentation graphique du positionnement de chaque emploi type au
croisement de sa famille d’emplois et des niveaux de qualification. C’est aussi une représentation
des parcours professionnels possibles entre différents emplois, indiquant le niveau de proximité des
compétences requises (et donc les facilités d’accès d’un emploi à l’autre).
Compétence individuelle: savoir-faire opérationnel validé d’une personne occupant un emploi
type.
Compétence collective: capacité collective à maîtriser un ou des processus. Elle comprend les
compétences individuelles des personnes intervenant dans le processus, plus les compétences
d’interface permettant de mener à bien le processus.
Emploi localisé (ou poste): situation de travail réelle.
Emploi type: regroupement sous un même intitulé de plusieurs emplois actuels ayant une forte
similitude de contenu et d’exigence de compétences.
Emploi cible: description d’un emploi type futur exprimant un choix de l’entreprise sur les
évolutions souhaitables.
Famille professionnelle: ensemble des emplois types relevant d’une activité de l’entreprise
(laminage à froid, vente, informatique, achats personnels, etc.).
Sous-famille: découpage interne d’une famille professionnelle.
Emploi clé: emploi type ayant pour l’entreprise une importance cruciale.
Emploi sensible: emploi type pouvant être profondément modifié (quantitativement et/ou
qualitativement).
Filière: hiérarchisation interne des emplois type à l’intérieur d’une famille d’emplois, par
niveau de complexité correspondant à des niveaux distincts de classification.
Nomenclature: liste des emplois types, classés par familles et sous-familles.
Passerelles: modalité de passage d’une famille à l’autre.
Référentiel de compétences: inventaire écrit des compétences individuelles requises pour
l’exercice d’un emploi type.

218 Externe-2007-04-0157-01.doc
Annexe H. Convention no 135

Convention concernant la protection


des représentants des travailleurs dans
l’entreprise et les facilités à leur accorder ∗

ARTICLE 1

Les représentants des travailleurs dans l’entreprise doivent bénéficier d’une protection efficace
contre toutes mesures qui pourraient leur porter préjudice, y compris le licenciement, et qui seraient
motivées par leur qualité ou leurs activités de représentants des travailleurs, leur affiliation
syndicale, ou leur participation à des activités syndicales, pour autant qu’ils agissent conformément
aux lois, conventions collectives ou autres arrangements conventionnels en vigueur.

ARTICLE 2

1. Des facilités doivent être accordées, dans l’entreprise, aux représentants des travailleurs,
de manière à leur permettre de remplir rapidement et efficacement leurs fonctions.
2. A cet égard, il doit être tenu compte des caractéristiques du système de relations
professionnelles prévalant dans le pays ainsi que des besoins, de l’importance et des possibilités de
l’entreprise intéressée.
3. L’octroi de telles facilités ne doit pas entraver le fonctionnement efficace de l’entreprise
intéressée.

ARTICLE 3

Aux fins de la présente convention, les termes «représentants des travailleurs» désignent des
personnes reconnues comme tels par la législation ou la pratique nationales, qu’elles soient:
a) des représentants syndicaux, à savoir des représentants nommés ou élus par des syndicats ou
par les membres de syndicats; ou
b) des représentants élus, à savoir des représentants librement élus par les travailleurs de
l’entreprise, conformément aux dispositions de la législation nationale ou de conventions
collectives, et dont les fonctions ne s’étendent pas à des activités qui sont reconnues, dans les
pays intéressés, comme relevant des prérogatives exclusives des syndicats.

ARTICLE 4

La législation nationale, les conventions collectives, les sentences arbitrales ou les décisions
judiciaires pourront déterminer le type ou les types de représentants des travailleurs qui doivent
avoir droit à la protection et aux facilités visées par la présente convention.

ARTICLE 5

Lorsqu’une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus,
des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence
de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs
représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les
représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part.


Note de l’éditeur: Date d'entrée en vigueur: 30 juin 1973.

Externe-2007-04-0157-01.doc 219
ARTICLE 6

L’application des dispositions de la convention pourra être assurée par voie de législation
nationale, de conventions collectives ou de toute autre manière qui serait conforme à la pratique
nationale.

ARTICLE 7

Les ratifications formelles de la présente convention seront communiquées au Directeur


général du Bureau international du Travail et par lui enregistrées.

ARTICLE 8

1. La présente convention ne liera que les Membres de l’Organisation internationale du


Travail dont la ratification aura été enregistrée par le Directeur général.
2. Elle entrera en vigueur douze mois après que les ratifications de deux Membres auront été
enregistrées par le Directeur général.
3. Par la suite, cette convention entrera en vigueur pour chaque Membre douze mois après la
date où sa ratification aura été enregistrée.

ARTICLE 9

1. Tout Membre ayant ratifié la présente convention peut la dénoncer à l’expiration d’une
période de dix années après la date de la mise en vigueur initiale de la convention, par un acte
communiqué au Directeur général du Bureau international du Travail et par lui enregistré. La
dénonciation ne prendra effet qu’une année après avoir été enregistrée.
2. Tout Membre ayant ratifié la présente convention qui, dans le délai d’une année après
l’expiration de la période de dix années mentionnée au paragraphe précédent, ne fera pas usage de la
faculté de dénonciation prévue par le présent article sera lié pour une nouvelle période de dix années
et, par la suite, pourra dénoncer la présente convention à l’expiration de chaque période de dix
années dans les conditions prévues au présent article.

ARTICLE 10

1. Le Directeur général du Bureau international du Travail notifiera à tous les Membres de


l’Organisation internationale du Travail l’enregistrement de toutes les ratifications et dénonciations
qui lui seront communiquées par les Membres de l’Organisation.
2. En notifiant aux Membres de l’Organisation l’enregistrement de la deuxième ratification
qui lui aura été communiquée, le Directeur général appellera l’attention des Membres de
l’Organisation sur la date à laquelle la présente convention entrera en vigueur.

ARTICLE 11

Le Directeur général du Bureau international du Travail communiquera au Secrétaire général


des Nations Unies, aux fins d’enregistrement, conformément à l’article 102 de la Charte des Nations
Unies, des renseignements complets au sujet de toutes ratifications et de tous actes de dénonciation
qu’il aura enregistrés conformément aux articles précédents.

ARTICLE 12

Chaque fois qu’il le jugera nécessaire, le Conseil d’administration du Bureau international du


Travail présentera à la Conférence générale un rapport sur l’application de la présente convention et
examinera s’il y a lieu d’inscrire à l’ordre du jour de la Conférence la question de sa révision totale
ou partielle.

220 Externe-2007-04-0157-01.doc
ARTICLE 13

1. Au cas où la Conférence adopterait une nouvelle convention portant révision totale ou


partielle de la présente convention, et à moins que la nouvelle convention ne dispose autrement:
a) la ratification par un Membre de la nouvelle convention portant révision entraînerait de plein
droit, nonobstant l’article 9 ci-dessus, dénonciation immédiate de la présente convention, sous
réserve que la nouvelle convention portant révision soit entrée en vigueur;
b) à partir de la date de l’entrée en vigueur de la nouvelle convention portant révision, la présente
convention cesserait d’être ouverte à la ratification des Membres.
2. La présente convention demeurerait en tout cas en vigueur dans sa forme et teneur pour
les Membres qui l’auraient ratifiée et qui ne ratifieraient pas la convention portant révision.

ARTICLE 14

Les versions française et anglaise du texte de la présente convention font également foi.

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