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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=RFSP&ID_NUMPUBLIE=RFSP_584&ID_ARTICLE=RFSP_584_0679
Lectures critiques
2008/4 - Volume 58
ISSN 0035-2950 | ISBN 2-7246-3117-3 | pages 679 à 691
Elsa MOURAS
CRPS, Université Paris I-Panthéon Sorbonne
En publiant un recueil de douze articles, dont certains étaient difficiles d’accès, Y. Déloye
et O. Ihl fournissent à leurs lecteurs un bilan des travaux qu’ils ont menés, en commun ou
séparément, au cours des quinze dernières années sur le vote et les élections. Ce recueil n’est
pourtant pas un livre de circonstance et fait preuve d’une grande unité programmatique : tous
les articles s’inscrivent dans une même problématique, celle d’une histoire matérielle des
élections. Les différents textes proposent ainsi des analyses sur des objets variés, principale-
ment liés aux pratiques électorales françaises. Une bibliographie sélective complète l’ensemble.
Divisé en quatre parties, l’ouvrage propose une progression dans l’analyse à partir de ce
que les deux auteurs désignent, dans l’introduction, comme « le paradigme de l’acculturation
électorale » (p. 24). Il s’agit de prendre en compte les pratiques et les technologies électorales
en lien avec un processus de politisation envisagé « par le bas », en étant attentif aux « bri-
colages de sens et de pratiques mis en œuvre par les citoyens ordinaires » (p. 25). Le vote
apparaît ainsi comme un rituel dont la maîtrise n’est pas donnée aux acteurs, mais le fruit
d’un apprentissage. Dans ces conditions, l’étude des objets matériels et des techniques d’ingé-
nierie électorale prend tout son sens : elle donne à voir la ou les manières dont, investis de
croyance, ces éléments matériels rendent acceptables les éléments du rituel électoral. Les
pratiques électorales sont aussi des pratiques codifiées, soumises à des règles de droit dont il
est nécessaire de restituer l’historicité. Faute de quoi, comme le soulignent les auteurs, la
sociologie électorale prend le risque de réduire les investissements des acteurs intéressés à la
définition et à la codification de pratiques vertueuses à un simple jeu avec les règles. Avec
l’étude de la « pénalité électorale », c’est tout un ensemble de pratiques déviantes, progressi-
vement considérées et jugées comme frauduleuses, qui sont restituées dans leur épaisseur,
mais aussi l’activité des légistes qui concourent à la définition des règles participant à la
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Comptes rendus
« moralisation » du suffrage universel. L’ensemble de ces pratiques, suggèrent Y. Déloye et
O. Ihl, s’inscrit dans un processus plus vaste d’invention d’une « citoyenneté électorale »,
processus qui n’est pas la conséquence mécanique de la diffusion d’une idéologie républicaine
dans la France du 19e siècle, mais s’établit au croisement de formes congruentes de sociali-
sation et d’un reflux des comportements violents en dehors de l’espace du bureau de vote. La
quatrième partie du livre, intitulée « les nouveaux défis de la représentation politique », est
sans doute plus ouverte : sur une analyse comparative des pratiques électorales, d’une part
(avec deux articles sur les élections aux États-Unis), sur la prise en compte des formes contem-
poraines des « dispositifs de vote », de l’autre.
Ce n’est pas le moindre mérite de cet ouvrage que de suggérer ainsi de nouveaux objets
d’étude au sein d’un domaine de recherches que l’approche socio-historique a profondément
renouvelé 1.
Christophe VOILLIOT
GAP, Université Paris X-Nanterre
MONTERO (José Ramón), GUNTHER (Richard), LINZ (Juan J.), dir. – Par-
tidos políticos : viejos conceptos y nuevos retos. – Madrid, Fundación
Alfonso Martín Escudero/Editorial Trotta, 2007. 342 p.
1. Pour une synthèse critique des travaux récents, voir Michel Offerlé, « Capacités politiques
et politisations : faire voter et voter, 19e-20e siècles », Genèses, 67, juin 2007, p. 131-149, et 68,
septembre 2007, p. 145-160.
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