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Oto-rhino-laryngologie

A 40

Vertige
Orientation diagnostique
PR Jean-Pierre SAUVAGE
Service ORL, CHU Dupuytren, 87000 Limoges.

Points Forts à comprendre 1. Caractères du vertige


C’est l’illusion de déplacement du corps ou d’objets
• Le vertige est une illusion de mouvement. environnants en un sens donné, le plus souvent de forme
C’est la manifestation caractéristique rotatoire. Beaucoup plus rarement, c’est l’impression de
des lésions de l’appareil vestibulaire, constitué déplacement rectiligne. Parfois s’y ajoutent de fausses
par les canaux semi-circulaires et les macules sensations de position telle l’impression que le corps est
otolithiques, et de leurs connexions avec incliné d’un côté. Il convient de noter si le vertige est
les centres (voir : Pour approfondir 1). exagéré par les changements de position de la tête
• Les causes les plus fréquentes de vertige (argument en faveur de l’origine vestibulaire péri-
correspondent à des excitations anormales phérique), s’il existe un mouvement qui déclenche le
générées le plus souvent au sein de l’oreille vertige (désignant généralement le côté atteint) ou
interne : canalolithiase et maladie de Menière encore s’il existe une position de confort (généralement,
(voir : Pour approfondir 2). Plus rarement, en position couchée sur l’oreille saine).
le vertige est lié à la destruction partielle ou
totale de l’appareil vestibulaire en rapport avec
2. Signes associés
une lésion traumatique, infectieuse ou vasculaire. Trois ordres de signes peuvent s’associer au vertige : des
• Les connexions entre les noyaux vestibulaires signes de déséquilibre, des signes neurovégétatifs et un
et les noyaux oculomoteurs d’une part retentissement psychique. Les signes de déséquilibre
et les motoneurones médullaires d’autre part résultent du retentissement sur les voies motrices de
expliquent qu’en cas de lésion vestibulaire l’excitation vestibulaire. Ce sont des mouvements
unilatérale apparaissent un nystagmus brusques donnant l’impression de corriger l’équilibre
et une hypotonie homolatérale à la lésion. que le sujet croit avoir perdu. Les signes neurovégétatifs
Le vertige est ainsi la manifestation cardinale correspondent à l’excitation vestibulaire sur les noyaux
du syndrome vestibulaire. En cas de lésion bulbaires du X marqués par des nausées et vomissements,
unilatérale irréversible, les symptômes une pâleur, une bradycardie et des douleurs abdominales
vestibulaires disparaissent par un mécanisme pouvant en imposer pour une affection digestive. Le
de compensation centrale. retentissement psychique est souvent intense avec
angoisse et réactions émotives parfois spectaculaires.

Examen clinique
L’examen clinique effectué au cours de la crise est
d’une importance capitale car il recueille des signes ves-
1. Nystagmus vestibulaires
tibulaires et neurologiques qui peuvent disparaître par la • Le nystagmus vestibulaire spontané est un déplace-
suite. À distance de la crise, le diagnostic repose ment rythmique des globes oculaires constitué d’une
essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen clinique. secousse lente d’origine vestibulaire et d’une secousse
Les examens instrumentaux aident à poser l’indication rapide qui ramène l’œil à sa position de départ. Par
d’une imagerie en cas d’examen neurologique normal. définition, c’est le sens de la secousse rapide qui définit
le sens du nystagmus. Le nystagmus horizontal rotatoire
Diagnostic positif est en faveur d’une d’origine périphérique. Les nystagmus
purs, vertical, horizontal ou rotatoire, sont en faveur
Il repose sur la mise en évidence des éléments du d’une origine centrale.
syndrome vestibulaire, sur l’examen neurologique et • Le nystagmus vestibulaire provoqué de positionne-
sur l’étude de la fonction auditive et vestibulaire. ment est recherché par la manœuvre de Dix et Hallpike
(fig. 1) qui consiste à allonger brutalement le patient, la
Interrogatoire tête tournée soit à droite, soit à gauche, dans le plan du
canal postérieur jusqu’à atteindre une position tête
Le vertige est le symptôme majeur. pendante au bord de la table d’examen. On observe alors

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1 Manœuvre de Dix et Hallpike.

parfois, soit immédiatement, soit après un temps de moins un audiogramme tonal à la recherche d’une surdité
latence l’apparition d’un nystagmus dont il convient de de transmission (en faveur d’une atteinte de l’oreille
noter le sens, la durée et s’il s’accompagne ou non d’un moyenne), d’une surdité de perception unilatérale sur
vertige. les fréquences graves (en faveur d’un hydrops endo-
labyrinthique) ou d’une surdité de perception unilatérale
2. Ataxie vestibulaire avec amputation des fréquences aiguës (en faveur d’un
Elle résulte de la présence d’une hypotonie homolatérale neurinome de l’acoustique). L’étude des potentiels
à la lésion. Elle est surtout nette au cours de la crise évoqués auditifs est indispensable en cas de surdité
vertigineuse. Dans la station debout les yeux fermés, de perception unilatérale pour préciser son caractère
il existe un signe de Romberg vestibulaire caractérisé endocochléaire ou rétrocochléaire. En cas de surdité
par une déviation latérale du corps, lente et progressive, de type rétrocochléaire, une imagerie par résonance
survenant après un temps de latence, avec une tendance magnétique (IRM) avec injection de gadolinium est
à la chute. À la marche, il y a une tendance à la déviation demandée directement à la recherche d’un neurinome
latérale, les pieds se croisant : c’est la marche en ciseau. de l’acoustique.
Si l’on demande au sujet de tendre les bras en avant et de
placer ses index face à ceux de l’opérateur, on constate, 6. Examen vestibulaire instrumental
après fermeture des yeux, une déviation des index dont Il comporte un enregistrement par électro- ou vidéo-
on doit noter le côté. nystagmographie (fig. 2) des nystagmus spontanés et
provoqués et une étude de la réflectivité vestibulaire par
3. Signes otologiques les épreuves rotatoire et calorique. Ces examens recher-
La recherche de symptômes auditifs (surdité et acouphènes chent des éléments topographiques essentiels.
unilatéraux) et l’otoscopie (découverte d’une otorrhée • Les nystagmus spontanés d’origine périphérique
purulente) apportent des éléments en faveur d’une origine sont exagérés dans l’obscurité et lorsque le regard se
périphérique. dirige du côté de la secousse rapide. Au contraire, les
nystagmus spontanés d’origine centrale changent de
4. Signes neurologiques sens avec la direction du regard et sont exagérés dans la
Des signes cérébelleux, des troubles moteurs et sensitifs, lumière et par la fixation oculaire.
une paralysie d’un nerf crânien sont surtout recherchés. • Les nystagmus positionnels d’origine périphérique
sont transitoires et s’accompagnent de violents vertiges.
5. Examen cochléaire instrumental Les nystagmus positionnels d’origine centrale sont
Il donne des arguments topographiques en faveur d’une prolongés et il n’y a pas de vertiges associés. En cas de
atteinte de l’oreille moyenne, de l’oreille interne ou compression dans la fosse postérieure, ils s’accompagnent
d’une lésion rétrocochléaire ou centrale. Il comporte au de malaises et de vomissements en jet.

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Imagerie
Exemple de nystagmus horizontal L’indication dépend de l’étiologie recherchée. Si l’on
enregistré au cours d’une épreuve cherche une lésion osseuse de l’os temporal (fracture,
otite chronique, processus occupant de l’os temporal,
rotatoire pendulaire
etc.), on demande un examen tomodensitométrique du
rocher. S’il existe des signes neurologiques, un syndrome
vestibulaire central ou une surdité de type rétrocochléaire,
on demande plutôt une imagerie par résonance magné-
tique avec injection de gadolinium. En urgence, si l’on
recherche un hématome cérébelleux et que l’on ne peut
obtenir une imagerie par résonance magnétique, un
examen tomodensitométrique montre l’hématome.
2 L’électronystagmographie utilise le fait que l’œil est un
dipôle et que ses mouvements engendrent des champs Diagnostic différentiel
magnétiques qui peuvent être enregistrés. Il est ainsi possible
de mettre en évidence des nystagmus les yeux fermés ou dans Pour le malade, le vertige est un symptôme difficile à
l’obscurité et de calculer leurs paramètres. La vidéonystag- identifier. La notion d’illusion de déplacement n’est
mographie utilise un système sophistiqué de reconnaissance nette que lorsqu’il s’agit d’illusions rotatoires générées
d’images aux infrarouges pour enregistrer les mouvements par le système des canaux semi-circulaires. Les illusions
oculaires et leurs paramètres. Ces examens peuvent être
remplacés en urgence par une simple vidéonystagmoscopie
engendrées par le système otolithique s’apparentent à un
aux infrarouges qui permet de mieux observer les nystagmus déséquilibre ou à des chutes brutales et n’ont rien de
d’origine vestibulaire. caractéristique. Seul le contexte clinique permet de les
rattacher à l’appareil vestibulaire.
Le diagnostic différentiel est encore compliqué par
le fait que l’anxiété procure des sensations pseudo-
• L’épreuve calorique de Barany teste séparément vertigineuses et qu’à l’inverse les vertiges sont très
chaque labyrinthe postérieur en irriguant successivement anxiogènes. Ainsi, certains patients ont au début une
le tympan avec de l’eau chaude et de l’eau froide à une réelle pathologie vestibulaire qui génère des vertiges.
température de 7 ˚C au-dessus et au-dessous de la tempé- Dans un 2e temps, même si la pathologie a disparu, la
rature du corps. Normalement, sont obtenus pour chaque peur d’avoir un vertige engendre des crises de panique
oreille des nystagmus de sens inverse en fonction de la qui comportent des sensations vertigineuses et font
température de l’irrigation. L’hyporéflexie calorique, croire que le patient n’est pas guéri. De même, l’appré-
voire l’aréflexie, témoigne d’un syndrome destructif ciation d’un résultat thérapeutique est difficile chez ces
vestibulaire unilatéral siégeant au niveau du canal semi- patients car l’angoisse de présenter une nouvelle crise
circulaire latéral ou du nerf vestibulaire, y compris sa entraîne des comportements d’évitement. Par exemple,
portion intra-axiale. le patient n’ose plus sortir de chez lui alors que le
• L’épreuve rotatoire sur un fauteuil selon des accéléra- symptôme n’existe plus.
tions sinusoïdales autour d’un axe vertical, provoque des Pour distinguer le vertige d’une lipothymie, d’un malaise
nystagmus de sens opposé, en fonction du sens de gira- vagal, d’une hypotension orthostatique ou d’une crise de
tion. Une épreuve rotatoire symétrique en cas d’épreuve panique, l’idéal est d’assister à la crise. La découverte
calorique asymétrique témoigne d’une bonne compen- d’un nystagmus spontané ou provoqué identifie le vertige.
sation centrale après une lésion vestibulaire périphé- Si l’on n’assiste pas à la crise, un bon moyen pour
rique. authentifier le vertige est de demander au patient après
• L’étude du réflexe vestibulo-oculaire obtenu lors de les épreuves caloriques d’indiquer si le vertige provoqué
l’épreuve calorique et lors de l’épreuve rotatoire est par cette épreuve est analogue au vertige qu’il a présenté
en faveur d’une lésion cérébelleuse en cas de défaut au cours de la crise.
d’inhibition à la fixation oculaire.
7. Étude des mouvements oculaires
non vestibulaires Diagnostic étiologique
Il s’agit de l’étude de la poursuite oculaire, des Classiquement, on opposait le syndrome périphérique
mouvements saccadés de l’œil et du nystagmus opto- (lésions du labyrinthe ou des voies périphériques) au
cinétique. Ces différents réflexes utilisent des circuits syndrome vestibulaire central (lésions des voies centrales).
encéphaliques dont certaines parties sont communes Le syndrome vestibulaire périphérique est complet
aux réflexes vestibulo-oculaires. Par comparaison, (associant vertiges, nystagmus horizontal rotatoire et
on peut en déduire différents niveaux lésionnels, troubles de l’équilibre) et harmonieux (secousse lente
en particulier des atteintes pédonculaires ou protu- du nystagmus, déviation des index et tendance à la chute
bérantielles. dans le même sens).

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À l’inverse, le syndrome vestibulaire central est qualifié


d’incomplet (avec vertige faible, déséquilibre important
et nystagmus pur : rotatoire, horizontal ou vertical).
Toutefois, cette classification est souvent prise en défaut
car le syndrome vestibulaire complet et harmonieux est
plus en rapport avec la brutalité et l’étendue de la lésion
qu’avec sa topographie.

Classification
Mieux vaut classer les causes en fonction du caractère et
du type évolutif du vertige. On distingue ainsi trois
types de causes.
• La crise unique est d’apparition brutale, évoluant sur 3 Fracture transversale du rocher (examen tomodensito-
plusieurs jours et régressant progressivement en métrique).
quelques jours à quelques semaines. Elle résulte d’une
lésion brutale parfois réversible récupérant progressive-
ment ou d’une lésion irréversible disparaissant grâce à faciale, surdité de perception brutale et éruption dans la
la compensation centrale. zone de Ramsay Hunt. D’autres virus peuvent être en
• Le vertige paroxystique est un vertige survenant par cause : ourlien, adénovirus, cytomégalovirus, herpès
crises. Les crises résultent d’un dysfonctionnement simple ou simple notion d’épidémie. Les réactions séro-
intermittent de l’appareil vestibulaire. Il en existe 2 variétés. logiques sont peu contributives. Une maladie de Lyme a
La première est constituée de crises continues durant de pu être parfois être incriminée même en l’absence de
20 min à plusieurs heures, séparées par des intervalles neuroborréliose patente. Cliniquement, le diagnostic
sains ou paucisymptomatiques. On parle alors de vertige repose sur l’apparition brutale d’un syndrome vestibulaire
itératif ou récurrent. La deuxième est constituée de vertiges harmonieux typique durant plusieurs jours. Les épreuves
brefs, positionnels ne durant que quelques secondes à caloriques mettent en évidence une aréflexie calorique
quelques minutes du côté opposé au nystagmus spontané. Il n’y a ni symp-
• Les situations vertigineuses chroniques sont faites tômes auditifs, ni signes cérébelleux. La régression des
de manifestations vertigineuses stéréotypées, souvent symptômes se fait soit par la récupération de la fonction
positionnelles, entrecoupées d’accès d’instabilité de vestibulaire soit par compensation centrale. Elle est
durée variable. Elles correspondent à des lésions progres- accélérée par la rééducation vestibulaire et retardée par
sivement destructrices d’un des éléments de l’appareil les thérapeutiques sédatives.
vestibulaire.
4. Thrombose dans le territoire vertébro-basilaire
Crise unique de plusieurs jours • La thrombose peut se situer dans le territoire de
l’artère cérébelleuse postérieure et inférieure (PICA).
Le vertige est continu, « d’une seule tenue », ne laissant Le vertige est très fréquent dans les infarctus cérébelleux.
aucun repos au patient qui doit rester strictement immo- Il existe une ataxie cérébelleuse avec syndrome statique
bile pour éviter d’aggraver le vertige. et cinétique. Les épreuves caloriques sont normales ou
donnent des réponses exagérées. Typiquement, il existe
1. Causes traumatiques à la vidéonystagmographie des anomalies de la poursui-
Le cas le plus fréquent est celui de la fracture transversale te oculaire et des anomalies d’inhibition du réflexe ves-
du rocher où le trait de fracture passe à travers l’oreille tibulo-oculaire par la fixation oculaire. Il faut se méfier
interne, souvent associé à une surdité totale (cophose) et d’une évolution en 2 temps avec constitution d’un
une paralysie faciale (fig. 3). hématome cérébelleux annoncé par des troubles de la
conscience.
2. Otite chronique • La thrombose peut se situer dans le territoire des
Au cours d’une poussée d’otite chronique, le plus souvent branches de l’artère vertébrale. Le syndrome de
cholestéatomateuse, la survenue d’un grand vertige Wallenberg (thrombose de l’artère de la fossette latérale
évoque une labyrinthite infectieuse liée à la propagation du bulbe), avec infarctus de la région latérale du bulbe,
de l’infection au labyrinthe postérieur au travers de la comporte fréquemment un grand vertige avec souvent
membrane de la fenêtre ronde ou par l’intermédiaire aréflexie calorique. D’autres atteintes neurologiques
d’une fistule labyrinthique. coexistent typiquement du côté de l’aréflexie (un syn-
drome cérébelleux, une hémianesthésie de la face avec
3. Névrite du nerf vestibulaire (parfois appelée anesthésie cornéenne, une paralysie vélo-pharyngo-
neuronite vestibulaire) laryngée, un syndrome de Claude Bernard-Horner) ;
Elle peut être d’origine virale dans le cadre d’un zona du côté opposé à l’aréflexie (hémianesthésie thermo-
auriculaire ou d’un syndrome de Sicard avec paralysie algésique dissociée).

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• Lors de la thrombose isolée de l’artère auditive interne, • Les déficits visuels se traduisent par une perte de
l’association d’un syndrome vestibulaire harmonieux vision complète ou partielle, en particulier par une
et d’une cophose (surdité totale) est évocatrice d’un hémianopsie bilatérale homonyme.
accident labyrinthique constitué. • Les manifestations fonctionnelles sont une diplopie,
une dysphagie et une dysarthrie.
Vertige itératif ou récurrent 3. Neurinome de l’acoustique
Ce sont des épisodes de vertige continu d’une durée Au début, le neurinome de l’acoustique peut simuler une
comprise entre 20 min et quelques heures sans dépasser maladie de Menière par compression de l’artère labyrin-
24 h. Les périodes entre les crises sont souvent complè- thique. L’étude des potentiels évoqués auditifs montre
tement « silencieuses » ou bien les symptômes y sont une surdité typiquement rétrocochléaire dans le neurinome
mineurs : sensation d’instabilité ou vertiges positionnels et une surdité typiquement endocochléaire dans la maladie
intermittents. de Menière.
1. Maladie de Menière
Vertige paroxystique positionnel
La maladie de Menière (5 % des vertiges) est une maladie
de l’oreille interne de cause inconnue caractérisée par Ce sont des vertiges très brefs qui n’existent pas lorsque
une triade symptomatique, survenant par crises, et une le patient est immobile mais qui apparaissent lorsqu’il
évolution chronique. La triade symptomatique comporte : adopte certaines positions ou éxécute certains mouvements.
un vertige itératif, une surdité unilatérale fluctuante
au début de la maladie et des acouphènes également 1. Vertige positionnel paroxystique bénin
fluctuants du même côté que la surdité. L’évolution s’étale C’est la cause la plus fréquente de vertiges (1 tiers des cas).
sur de nombreuses années et comporte 2 stades successifs : • Description : le plus souvent, il apparaît brutalement
le stade de vertige itératif et le stade chronique. La maladie au cours de la nuit ou au lever. C’est un vertige violent et
de Menière est liée à un hydrops endolymphatique et bref déclenché par le fait de regarder en l’air, de
serait provoquée par un défaut de réabsorption de l’endo- s’allonger sur le côté ou de se retourner dans son lit. Il
lymphe au niveau du sac endolymphatique. est possible de le reproduire par la manœuvre de Hallpike
Les crises sont spectaculaires, elles sont annoncées par (v. supra) : le vertige apparaît après un temps de latence
une sensation de plénitude dans une oreille, avec un (2 à 15 s après que la position tête pendante est atteinte).
ronflement grave souvent comparé au bruit de la mer dans Simultanément, apparaît un nystagmus rotatoire roulant
un coquillage. Une baisse de l’audition survient, avec par- énergiquement vers le côté déclive. Si l’on maintient la
fois quelques otalgies. En quelques heures, le vertige se position, vertige et nystagmus se calment en 20 s et se
déclenche, de type giratoire, accompagné d’importants reproduisent lorsque le patient se relève. Le nystagmus
troubles de l’équilibre. Il s’accompagne de signes neuro- bat alors en sens inverse de la première fois. Si l’on
végétatifs. Le patient garde sa conscience pendant toute la répète la manœuvre au complet, vertige et nystagmus se
durée de la crise. Ensuite, il reste en proie à un malaise et à reproduisent, mais moins fort (fatigue). Lorsque vertiges
une angoisse pouvant durer plusieurs jours. Il n’y a aucun et nystagmus provoqués ont tous ces caractères, aucun
signe neurologique. L’examen montre un nystagmus examen supplémentaire n’est nécessaire.
horizontal rotatoire dont le sens varie au cours de la crise. • Étiopathogénie : le vertige positionnel paroxystique
Le stade chronique est rencontré après plusieurs années bénin serait lié à une canalolithiase. Après une lésion de
d’évolution. Les crises vertigineuses font la place à des l’oreille interne entraînant un essaimage d’otolithes, un
sensations de bascule, de flottement ou encore des accès dépôt lithiasique se constitue dans le canal postérieur.
de pseudo-ébriété, tandis que la surdité devient perma- Un vertige apparaît alors chaque fois que le patient
nente, s’accentue et que les acouphènes se pérennisent. effectue un mouvement dans le plan du canal postérieur.
Le temps de latence nécessaire à son apparition rend
2. Accidents ischémiques transitoires compte de l’inertie de la masse amorphe qui se déplace
La durée d’un accident ischémique transitoire (AIT) dans le labyrinthe. De nombreuses maladies de l’oreille
dans le territoire vertébro-basilaire est courte : 2 à 15 min, interne sont susceptibles de provoquer un vertige posi-
toujours moins de 24 h. Un tel vertige itératif ne peut tionnel paroxystique en provoquant une dégénérescence
donner lieu à un diagnostic d’accident ischémique tran- des otolithes. Les plus fréquentes sont les causes virales,
sitoire que s’il est associé à des symptômes ou des ischémiques ou dégénératives. Les traumatismes crâniens
signes neurologiques évoluant parallèlement à la crise. sont à l’origine des formes les plus rebelles. Le vertige
• Des déficits moteurs apparaissent dans un ou plusieurs positionnel paroxystique peut survenir au cours de
membres. Ils sont variables d’un épisode à l’autre dans l’évolution d’une otite chronique et de l’otospongiose.
le côté atteint ou dans la gravité : de la simple perte des • Évolution : la régression spontanée se fait en 1 à
mouvements volontaires d’un membre à la quadriplégie. 3 semaines par dispersion et réabsorption de la lithiase au
• Les déficits sensitifs se traduisent par des fourmille- niveau du sac du canal endolymphatique. On peut hâter
ments, des engourdissements dans une hémiface, dans cette guérison par la manœuvre libératoire de Semont qui
un membre ou dans un hémicorps. consiste à propulser le patient en sens inverse de la

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manœuvre provocatrice, pour tenter de décoller la cupulo- ressemblent plutôt à des troubles de l’équilibre intermittents
lithiase de la cupule ou de faire sortir la lithiase du canal qu’à des vertiges proprement dits.
semi-circulaire postérieur. Les récidives sont fréquentes.
2. Fistules périlymphatiques
2. Vertiges de position d’origine centrale Après une blessure par coton-tige, un traumatisme crânien
Il sont provoqués par certaines lésions neurologiques : ou un accident de plongée, une fracture de l’étrier ou
tumeur du vermis, du plancher du 4e ventricule, com- une rupture de la fenêtre ronde, qui laissent sourdre la
pression au niveau de la charnière cervico-occipitale périlymphe par intermittence, peut survenir. Cette lésion
lorsque le patient prend certaines positions. À la est responsable d’une surdité de perception fluctuante et
manœuvre de Dix et Hallpike, on déclenche alors un de manifestations vertigineuses plus ou moins typiques
malaise et un nystagmus qui n’ont pas les caractères pouvant durer des mois. Ces symptômes sont souvent
typiques du vertige positionnel paroxystique bénin : confondus avec ceux du syndrome post-commotionnel.
aucun temps de latence, durée de plusieurs minutes, Le diagnostic ne peut être fait que par l’exploration chi-
faible vertige concomitant, vomissements en jet, etc. rurgicale. Elle met en évidence la fracture de la platine
de l’étrier.
3. Vertiges d’origine cervicale
Ils ne sont pas liés à l’arthrose mais à des malformations 3. Fistules labyrinthiques
de la charnière cervico-occipitale (impressions basi- Le labyrinthe osseux peut être érodé par tous les processus
laires) qui peuvent s’accompagner d’une malformation occupant le rocher. La cause la plus fréquente est l’érosion
d’Arnold-Chiari. La présence d’un nystagmus provoqué progressive du canal semi-circulaire latéral par un choles-
de type vertical inférieur est caractéristique. Le port téatome. Le patient éprouve alors des sensations verti-
prolongé d’une minerve ou des contractures cervicales gineuses intermittentes pendant des mois. Le diagnostic
peuvent aussi donner des sensations vertigineuses. repose sur la mise en évidence d’un nystagmus et d’un
vertige déclenché par la pression digitale sur le tragus
obturant le conduit auditif externe (signe de la fistule).
Situations vertigineuses chroniques
4. Maladies neurologiques
Elles correspondent à une lente dégradation de la fonction
vestibulaire, souvent associée à une dégradation progressive Il s’agit le plus souvent de lésions du tronc cérébral
ipsilatérale de la fonction cochléaire. Une surdité de per- (sclérose en plaques, syringobulbie, tumeurs intra-axiales)
ception se développe progressivement tandis que s’ins- ou comprimant le tronc cérébral (lésions vasculaires), etc.
talle une hyporéflexie calorique ipsilatérale. Deux causes On trouve des signes neurologiques en rapport avec ces
peuvent être reconnues : le neurinome de l’acoustique et affections car les vertiges y sont exceptionnellement isolés.
les fistules périlymphatiques. L’otite chronique et les 5. Causes inconnues
tumeurs du rocher sont habituellement détectées par
l’otoscopie. Souvent, la cause exacte reste inconnue. Parfois, on assiste à la destruction progressive de la
fonction cochléo-vestibulaire sans qu’aucune cause ne
1. Neurinome de l’acoustique soit découverte, y compris à l’imagerie par résonance
Dans sa forme habituelle, le neurinome de l’acoustique magnétique. On invoque alors la responsabilité d’une
donne peu de symptômes vestibulaires. Pourtant, il est boucle vasculaire développée à partir de l’artère cérébel-
pratiquement constant de découvrir une aréflexie calorique leuse antéro-inférieure et située dans le conduit auditif
ipsilatérale, même au début. En effet, la compensation où elle comprimerait le pédicule acoustique.
centrale s’effectue au fur et à mesure de la lente destruction
du nerf vestibulaire (fig. 4). Les manifestations présentées Situations inclassables
De nombreux vertiges ne rentrent pas dans les entités
précédentes et sont difficiles à définir car ils constituent
un mélange de vertiges positionnels, de crises d’instabilité
et de crises giratoires.
1. Exploration instrumentale cochléo-vestibulaire
• Une surdité de transmission ou une surdité mixte
apparaît au bilan audiométrique. Une otospongiose, un
cholestéatome, une dysplasie de l’os temporal (maladie
de Paget), une tumeur de l’os temporal, etc. peuvent être
en cause. Un examen tomodensitométrique de l’os tem-
poral en fenêtre osseuse est demandé.
• Une surdité de perception unilatérale apparaît au
bilan audiométrique. Si les potentiels évoqués auditifs
4 Neurinome de l’acoustique (imagerie par résonance orientent vers une surdité de perception de type rétro-
magnétique avec injection de gadolinium). cochléaire, une imagerie par résonance magnétique avec

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injection de gadolinium doit être réalisée à la recherche POUR APPROFONDIR


d’une tumeur de la fosse postérieure et en particulier
d’un neurinome de l’acoustique. La découverte d’une
aréflexie calorique unilatérale développée à bas bruit 1 / Appareil vestibulaire
renforce cette hypothèse.
Le rôle de l’appareil vestibulaire est d’enregistrer les mouvements et
• La mise en évidence de signes centraux à la nystagmo- les positions de la tête.
graphie peut amener à réaliser une imagerie par résonance
Il comprend les éléments suivants.
magnétique à la recherche d’anomalies de la charnière
cervico-occipitale d’origine congénitale, de lésions du • Les capteurs périphériques sont des canaux semi-circulaires
sensibles aux accélérations angulaires et les macules otolithiques sont
tronc cérébral et cérébelleuses diverses (hémangiomes sensibles aux accélérations linéaires dont la « gravité ».
caverneux, atrophie, sclérose en plaques, etc.).
• Les voies périphériques sont constituées par le nerf vestibulaire
2. Affections générales (VIII) se terminant dans les noyaux vestibulaires.
• Les noyaux vestibulaires (plancher du 4e ventricule) n’appartiennent
• Les effets secondaires de certains médicaments pas exclusivement à l’appareil vestibulaire car ils reçoivent également
peuvent être en cause : anti-inflammatoires non stéroïdiens, des informations visuelles et proprioceptives soit directement, soit
anti-angoreux, barbituriques, antiépileptiques, anti- par l’intermédiaire du cervelet.
parkinsoniens, tranquillisants (souvent en décompensant • Les voies vestibulaires centrales sont constituées par les connexions
un syndrome vestibulaire jusque-là compensé). des noyaux vestibulaires avec :
• Les causes hématologiques et endocriniennes doivent – les noyaux oculomoteurs et le noyau du XI moteur par le faisceau
être recherchées telles que l’anémie, la polyglobulie du longitudinal médian (FLM ou faisceau vestibulo-oculo-céphalogyre) ;
patient alcoolo-tabagique, la maladie de Waldenström, – les cornes antérieures de la moelle épinière par le faisceau vestibulo-
spinal ;
le syndrome prémenstruel, la ménopause, l’hypothyroïdie. – le cortex cérébral par l’intermédiaire de relais thalamiques pour les
• L’insuffisance vertébro-basilaire posturale est un impressions conscientes ;
diagnostic incertain proposé chez des patients ayant des – le cortex cérébelleux pour les impressions inconscientes. Il existe
antécédents vasculaires. d’abord une projection vers l’archéo-cervelet puis un retour vers le
• La sénescence est suspectée lorsqu’existent des déficits noyau vestibulaire après contrôle et coordination.
sensoriels multiples.
• Le vertige « orphelin » est caractérisée par une 2 / Lésions intéressant l’organe vestibulaire
absence de cause et le patient doit rester sous surveil- périphérique
lance audiométrique et neurologique en attendant que
l’on puisse attribuer une paternité à son symptôme s’il • Les canalolithiases sont des concrétions provenant probablement
y a récidive. ■ d’otolithes dégénérés, formant des amas dans les canaux semi-circu-
laires mobiles avec les mouvements de la tête.
• L’hydrops labyrinthique est un trouble de la régulation du volume
de l’endolymphe contenue dans le labyrinthe membraneux le plus
Points Forts à retenir souvent d’origine inconnue (maladie de Menière).
• Les labyrinthites infectieuses peuvent être d’origine bactérienne
• La crise vertigineuse est un instant privilégié (secondaire à une otite chronique cholestéatomateuse) ou virale
où l’on peut recueillir des signes vestibulaires (oreillons).
(nystagmus) ou des signes neurologiques • Les fistules périlymphatiques sont le plus souvent d’origine
(en faveur d’un accident ischémique transitoire) traumatique. La fuite de périlymphe dans l’oreille moyenne se fait par
qui disparaissent par la suite. l’intermédiaire d’une fracture de la platine de l’étrier ou par une
• Le diagnostic repose sur l’interrogatoire rupture de la fenêtre ronde.
pour déterminer le type du vertige et son aspect • Les fistules labyrinthiques correspondent à l’érosion de la capsule
évolutif. labyrinthique au cours de l’otite chronique cholestéatomateuse.
• L’otoscopie et l’audiométrie sont indispensables • Les accidents vasculaires labyrinthiques constitués : la thrombose
pour le diagnostic étiologique des vertiges. peut siéger dans l’artère labyrinthique ou l’une de ses branches (artère
cochléaire propre, artère vestibulaire antérieure ou artère vestibulo-
• La maladie de Menière n’est pas caractéristique cochléaire).
par son vertige mais par l’association
• L’otospongiose est une dystrophie osseuse de la capsule de
à des symptômes auditifs. l’oreille interne caractérisée par une surdité de transmission.
• Le diagnostic du vertige positionnel paroxystique
• Lors des atteintes ototoxiques liées aux aminosides, les vertiges
bénin est clinique : vertige et nystagmus sont rares car l’atteinte vestibulaire est bilatérale et symétrique. La
caractéristique obtenu par la manœuvre de Dix symptomatologie est marquée par une instabilité dans l’obscurité.
et Hallpike.
• Le vertige peut être le premier symptôme
d’une affection de la fosse postérieure. POUR EN SAVOIR PLUS
• Dans de nombreux cas, la cause du vertige
reste inconnue. Vertiges. Rev Prat 1994 ; 3.

LA REVUE DU PRATICIEN 2000, 50 1853

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