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Nous voici devant la rentrée d’une nouvelle saison de judo. Les débutants
comme certains anciens seront soumis aux exigences de la peur. On a peur
de ce qui nous est étranger. On a peur de quelque chose qui peut nous causer
des menaces physiques ou mentales. On a peur devant l’exercice de
certaines techniques étrangères et desquelles nous n’avons pas encore sût
maîtriser. Ces expressions d’angoisse peuvent provenir de notre bagage
génétique, notre milieu social, notre éducation, notre environnement social
ou du milieu familial.
La peur est une émotion normale que nous ressentons tous à certains
moments devant l’inconnu ou le danger. Au dojo, les conditions de la nature
humaine s’expriment là aussi sous diverses facettes. On appréhende d’abord
les chutes, puis, on craint de faire face à divers adversaires de tailles
différentes. On a peur pour soi ou pour les autres devant le danger réel ou
imaginaire qui accompagnent une chute, une projection, un étranglement ou
une clef portée contre une articulation. Ce phénomène est naturel, il n’est
différent de celui que nous ressentons devant les choses inconnues : de la
mort, de la souffrance, de la maladie et même de l’obscurité. Le monde du
judo n’offre pas d’exception à la règle.
Il en est de même pour celui qui se voit incapable d’effectuer aisément une
technique ou de subir une contre prise non planifiée. Des conditions
similaires seront apparentes. Une hésitation, une peur, un raidissement
musculaire et autres conditions frustrantes font leur apparition. Ne pouvant
trouver une solution adéquate immédiate, il y aura un début de
procrastination. La peur de se compromettre, d’être mis en danger durant le
déplacement ou faillir à percevoir le bon moment de porter le Kake vont
ralentir les gestes efficaces et retenir l’élan de s’affirmer. Donner trop
d’importance aux éléments de risque conduit à un ralentissement de la prise
de décision.
Ces conditions émotionnelles peuvent conduire à un manque de confiance en
soi et une sous estimation des valeurs propres qui ralentiront la progression
technique et la liberté de mouvement de l’élève.
Pour le professeur, il est important d’être attentif aux signes avant coureurs
exprimant la crainte et la peur : angoisse, tension, transpiration, expression
vocale négative, recours aux raccourcis, abandon. Tous ces éléments
entourent l’appréciation et la confiance en soi.
Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux
Si l’élève ne peut pas trouver son mode d’expression personnel sans avoir
recours à des pressions sociales, il ira chercher ailleurs ce dont il a besoin
pour s’affirmer et jouir de ses activités dans d’autres sports.
L’abandon au judo suit les mêmes parcours que l’arrêt dans d’autres
activités sportives : on aime pas l’ambiance, on ne s’entend pas avec
l’instructeur, les règles sont trop sévères, on ne termine pas les exercices, on
se sent insatisfait de sa performance, on a peur d’être jugé par les autres, on
craint de se blesser ou blesser les autres, on entre dans la déprime, on
compte les difficultés et les erreurs et non les succès, on remet à plus tard, on
doute de ses capacités, on perd la direction du but visé, on a peur de
demander de l’aide, on distance nos séances de pratique et on fini par tout
abandonner.
Ce qui est demandé ou changé doit être clair pour l’élève. Le but doit être
précis et les étapes bien définies afin de canaliser les efforts. Les propriétés
de l’action demandée doivent être facile à découvrir et à cerner. Encourager
l’élève à se prendre en main, à se découvrir et à laisser son naturel
s’exprimer en fonction de ses capacités, faire ressortir le meilleur de ses
qualités et de son potentiel sont des étapes importances à suivre. Le
professeur doit tenter également de récompenser verbalement l’élève des
résultats même fractionnels qui seront obtenus à travers le nouveau
cheminement.
Si l’élève peut s’exprimer librement sans qu’il soit sous la loupe d’un
jugement omniprésent de ses pairs ou du professeur, la transformation sera
possibles. La pendule doit maintenant osciller vers une remontée de
confiance en soi. L’élève doit s’affirmer à nouveau et être prêt à affronter les
difficultés avec une meilleure connaissance de cause. Il reprendra espoir en
ses capacités intellectuelles et physiques s’il connaît des réussites
occasionnelles. L’enseignant doit diffuser les idées positives qui
accompagneront les nouveaux gestes ou décisions. Pensons à l’ancien
proverbe Zen qui dit : « Celui qui sait qu’il peut réussir n’est pas à l’abri de
l’échec pour autant, mais tant qu’il ne sait pas qu’il peut réussir, il
échouera. » Le maître doit alors lui proposer une telle attitude positive de la
réussite.
« Il y a dans le monde une voie toujours victorieuse et une voie qui ne l’est
jamais. La première s’appelle douceur, l’autre la violence. Elles sont toutes
les deux aisées à connaître, mais l’homme les ignore. » Lie Tseu1
1
Lie-Tseu, Le vrai Classique du vide parfait, chapitre 17, Gallimard, 1961
Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux
Terminons cet exposé à propos de la peur avec une pensé de Lie Tseu :
Vaincre n’est pas difficile.
S’y maintenir après la victoire là est la difficulté. »2
Épilogue
Il est souvent dit que les violents l’emportent sur ceux qui sont moins
agressifs. Mais il faut penser que ceux-là s’exposent à graves dangers
lorsqu’Ils confrontent des égaux. Cependant, la victoire des doux provient
de la connaissance et de la maîtrise de soi.
Devant un adversaire ou un inconnu, ils n’ont pas peur du danger car ils
n’ont pas le désir de le confronter force avec force ou de s’imposer à
outrance. Leur supériorité étant à l’intérieur d’eux-mêmes, ils possèdent une
puissance sans pareil car l’agresseur ne peut évaluer ni leur force ni leur
intention. Ils peuvent mieux juger de l’apparence et de la réalité des choses
et ce, avec un esprit calme. De plus, ils savent apprécier les sentiments et les
émotions des hommes et peuvent aisément se mettre en harmonie avec eux
avant de porter une action.
Bien avant la venue du maître Jigoro Kano, les écritures chinoises nous
révèlent de sérieuses réflexions à propos du comportement humain. Il est
dit : « Désires-tu la rigidité? Tu l’obtiendras par la souplesse. Désires-tu la
force? Tu dois la protéger par la faiblesse. Pratiques la souplesse et tu
deviendras ferme. Exerces-toi dans la faiblesse et tu deviendras fort. »
Telles étaient les recommandations attribuées au maître Yu de la Chine
ancienne.3
Le maître Jigoro Kano qui avait étudié les textes chinois classiques s’en est
inspiré pour formuler l’un de ses principes du judo :
Emploie intelligente de l’énergie.
2
Lie-Tseu, Discours sur les conventions, chapitre 12
3
Yu Hiong, roi de Wen de Tcheou. Le chemin de la victoire, Chapitre 17