You are on page 1of 1240

DIODORE DE SICILE.

PRÉFACE.
Ce qui caractérise au plus haut degré les historiens grecs, c'est cette
universalité de connaissances qu'on chercherait en vain chez les historiens
modernes. Les Grecs avaient conçu l'histoire sur le même plan que leur
philosophie : tout devait y entrer. La mythologie , la morale, la législation ,
la théologie, dans le sens qu'y attachaient les anciens, les lettres, les
sciences devaient trouver leur place dans l'histoire universelle dont
Diodore a essayé de réaliser l'idée gigantesque. Cette multiplicité de
matières est loin d'être un défaut : elle fait le mieux ressortir les
conditions dans lesquelles un empire naît, grandit et tombe. Car, il faut
bien le reconnaître, l'homme moral, malgré son libre arbitre, se modifie
insensiblement en raison des circonstances qui l'entourent, de même que
l'homme physique subit l'influence absolue du milieu atmosphérique. Les
conditions dans lesquelles l'homme et la société se développent, sont
soumises à des lois certaines, et donnent l'explication naturelle de bien
des événements.
Les ouvrages historiques des anciens renferment des détails que les
historiens de nos jours semblent dédaigner. Les descriptions minutieuses
d'un temple, d'une statue, d'un tombeau, d'un vase, d'un alliage précieux,
d'une mine en exploitation, etc., paraissent des hors-d'œuvre inutiles. Mais
VI ces prétendus hors-d'œuvre, ces détails taxés de superflus, sinon de
puérils, nous permettent précisément de sonder, en grande partie, le
milieu moral, la civilisation industrielle, dont les arts et les sciences sont
les principaux agents. Avec des fragments empruntés aux œuvres
d'Hérodote, de Thucydide, de Xénophon, de Polybe, de Diodore, de
Plutarque, on pourra réussir à construire l'histoire des arts et des sciences
dans l'antiquité; — je l'ai moi-même naguère essayé pour la chimie ; —
mais jamais nos descendants ne pourront faire de semblables tentatives
avec les œuvres des historiens de nos jours.
Telles sont les réflexions qui se sont présentées à mon esprit pendant la
traduction de la Bibliothèque historique.
Peu d'écrivains ont été aussi différemment, je dirai même aussi
injustement appréciés que Diodore, natif d'Agyre, en Sicile, et
contemporain de Jules César. Si les uns lui ont décerné des éloges
exagérés, les autres lui ont infligé un blâme immérité.
Justin le martyr n'hésite pas à considérer Diodore comme le plus célèbre
des historiens grecs (01). Eusèbe lui-même semble partager cette opinion
(02). Enfin, Henri Etienne, renchérissant encore sur ces témoignages,
s'écrie avec enthousiasme : « Notre Diodore brille parmi tous les historiens
qui sont parvenus jusqu'à nous, comme le soleil parmi les astres (03) ! »
viiAu nombre des détracteurs de Diodore, nous citerons en première ligne
L. Vives, savant espagnol, mort en 1540. Suivant Vives, l'auteur de la
Bibliothèque historique n'est qu'un conteur fastidieux (04). Nihil est eo
nugacius, dit-il, en parodiant ces paroles de Pline l'ancien : Primus apud
Grœcos desiit nugari Diodorus (05). Bodin, Dodwell et d'autres critiques
emploient un langage plus modéré ; mais le jugement qu'ils portent sur
l'ouvrage de l'historien d'Agyre, est au fond tout aussi sévère, pour ne pas
dire injuste. Le comte de Caylus, qui a consacré un mémoire assez étendu
à l'appréciation des qualités et des défauts des historiens grecs, et
particulièrement de Diodore de Sicile, ne reconnaît à ce dernier qu'un
génie très médiocre (06). Beaucoup de ces critiques ont trouvé de l'écho ;
et même de nos jours, l'opinion de Vives a rencontré des partisans. Miot
lui-même ne me semble pas avoir rendu à Diodore toute la justice qu'il
mérite.
Ces jugements si contradictoires s'expliquent et peuvent même se
concilier. Diodore donna à son ouvrage le titre modeste de Bibliothèque
historique en quarante livres. Ce titre seul aurait déjà dû le garantir contre
d'injustes attaques. L'auteur, en effet, n'a d'autre prétention que déléguer
à la postérité un recueil complet des matériaux d'une histoire universelle,
coordonnée chronologiquement. On y trouve de nombreux extraits de
Ctésias, de Timée, d'Éphore, d'Hécatée , de Callisthène, d'Agatharchide et
de tant d'au- viii tres écrivains dont nous déplorons aujourd'hui la perte
(07). Au milieu de ces matériaux divers, il est souvent difficile de
distinguer ce qui appartient en propre à Diodore.
Dé cet immense répertoire historique, il ne nous reste plus que quinze
livres à peu près entiers ; les autres sont devenus la proie du temps , sauf
quelques faibles débris qui nous font regretter plus vivement encore une
perte irréparable. Ces débris ont été sauvés par un hasard assez singulier.
Constantin IX Porphyrogénète, le même qui fit, par un serment terrible,
jurer le secret du feu grégeois, eut une idée aussi originale que louable. Il
ordonna à une commission de savants d'extraire des auteurs anciens tous
les passages qui, vrai code moral, pourraient servir de règles aux hommes
dans leur vie privée aussi bien que dans leur conduite politique. Ces
extraits étaient divisés en quarante-trois titres ou sections, dont il nous a
été conservé la section xxvii, des Députations (περὶ Πρεσβειών) et la
section L, des Vertus et des Vices (περὶ Ἀρετῆς καὶ Κακώσεως), Si l'on
ajoute à cette source quelques citations de Photius, de Syncelle, de
Ttetzès, de saint Clément d'Alexandrie, on aura à peu près tous les
fragments consignés dans les aνciennes éditions de la Bibliothèque
historique.
En 1827, le cardinal Angelo Mai publia un livre remarςuable sous le titre de
: Scriptorum veterum nova collectio, e Vaticanis Codicibus edita; Romae,
1827. C'est du second volume de cet ouvrage que sont tirés les fragments
nouveaux , presque aussi nombreux que les anciens.
Diodore expose lui-même, dans une sorte d'introduction, ix l'économie, le
plan et le but de son ouvrage : il voulait être tout à la fois utile et
agréable.
« En examinant, dit-il, les travaux de nos prédécesseurs, nous leur avons
rendu toute la justice qu'ils méritent ; mais nous avons pensé qu'ils
n'avaient pas encore atteint le degré d'utilité et de perfection nécessaire.
Car l'utilité de l'histoire réside dans un ensemble de circonstances et de
faits très nombreux et très variés; et pourtant, la plupart de ceux qui ont
écrit l'histoire, ne se sont attachés qu'au récit des guerres particulières
d'une nation ou d'une seule cité. Un petit nombre d'entre eux ont essayé
de tracer des histoires universelles depuis les temps anciens jusqu'à
l'époque où ils écrivaient. Et parmi ceux-ci, les uns ont entièrement
négligé la chronologie, les autres ont passé sous silence les faits et gestes
des Barbares ; d'autres ont évité, comme un écueil, les temps fabuleux ;
d'autres enfin n'ont pu achever leur œuvre, enlevés au milieu de leur
carrière par l'inexorable destin. Aucun d'entre eux n'est encore allé plus
loin que l'époque des rois macédoniens; ceux-là ayant fini leur histoire à
Philippe, ceux-ci à Alexandre, et quelques autres aux successeurs de ces
rois. Depuis cette époque jusqu'à nos jours il s'est passé bien des
événements qu'aucun historiographe n'a encore tenté de rédiger et de
mettre en ordre ; tous ont reculé devant l'immensité de cette tâche.
« Après avoir réfléchi à tout cela, nous avons jugé à propos d'entreprendre
cet ouvrage dans le but d'être utile et le moins fastidieux que possible
pour le lecteur.
« Comme l'exécution d'un projet si utile demandait beaucoup de travail et
de temps, nous y avons employé trente x ans. Nous avons parcouru, avec
bien des fatigues et bien des risques, une grande partie de l'Asie et de
l'Europe, afin de voir de nos propres yeux la plupart des contrées les plus
importantes dont nous aurons occasion de parler. Car c'est à l'ignorance
des lieux qu'il faut attribuer les erreurs qui sont commises même parles
historiens les plus renommés.
«Ce qui nous porte à entreprendre cet ouvrage, c'est surtout le désir
d'être utile, puis, la facilité avec laquelle nous pouvons nous procurer à
Rome tout ce qui est capable de contribuer à la réalisation de ce projet. En
effet, cette ville, dont l'empire s'étend jusqu'aux confins du monde, nous a
fourni de grandes facilités, à nous qui y avons séjourné pendant un temps
assez long. Natif d'Agyre, en Sicile, et ayant acquis de grandes
connaissances de la langue latine, à cause des rapports intimes et
fréquents que les Romains ont avec cette île, nous avons consulté avec
soin les documents conservés depuis si longtemps par les Romains, afin
d'éclaircir l'histoire de ce grand empire.
« Puisque notre ouvrage est achevé et que les livres qui le composent sont
encore inédits (08), je veux d'abord dire un mot sur le plan général que j'ai
suivi. Les six premiers livres renferment les événements et les récits
fabuleux antérieurs à la guerre de Troie ; et, de ces six, les trois premiers
comprennent les antiquités des Barbares, et les trois autres, celles des
Grecs ; dans les onze livres suivants, nous don- xi nons l'histoire
universelle depuis la guerre de Troie jusqu'à la mort d'Alexandre. Enfin ,
les derniers vingt-trois livres contiennent la suite de cette histoire jusqu'au
commencement de la guerre entre les Celtes et les Romains, sous le
commandement de Jules César, qui fut mis par ses exploits au rang des
dieux. Ce chef avait dompté les innombrables peuplades belliqueuses des
Celtes et reculé jusqu'aux îles Britanniques les limites de l'empire de
Rome. » (Livre I, chap. 3 et 4.)
Cette déclaration simple et modeste vaut mieux que de savants
commentaires.
Pendant la lecture aussi variée qu'instructive de la Bibliothèque historique,
on est frappé de la répétition de certaines idées qu'on pourrait d'abord
attribuer à la négligence du narrateur. Mais, après un examen plus
approfondi, on ne tarde pas à reconnaître que ces redites sont le résultat
d'une conviction qui déborde, pour ainsi dire, aux moindres occasions.
Ainsi, dans plusieurs endroits différents, Diodore répète, quelquefois dans
les mêmes termes, que les grands hommes sont la ruine d'un État. C'est là
son cœterum censeo. Si l'on recueillait les votes, on trouverait peut-être
pour lui la majorité des peuples.
La guerre est un jeu de hasard, est une autre sentence reproduite jusqu'à
satiété. Aujourd'hui comme autrefois le militaire la conteste, l'homme
d'État l'approuve : qui des deux a raison?
Les réflexions sur l'intervention de la providence divine (πρόνοια θεία)
dans les choses humaines, sur l'instabilité de la fortune, sur les devoirs
religieux, sur la faiblesse de la xii nature de l'homme, sur les rapports avec
nos semblables , portent l'empreinte de la morale la plus pure du
christianisme.
Il vaut mieux pardonner que punir; cette maxime éminemment chrétienne
revient bien souvent dans le cours de l'ouvrage.
Si Diodore n'avait pas été de cent ans plus ancien, on aurait pu le croire
initié dans la religion du Christ. Ce qu'il y a d'incontestable, c'est qu'il
connaissait la religion d'un peuple que les historiens grecs et romains
nomment à peine et pour lequel ils semblent affecter le plus profond
dédain.. Le passage que je vais citer est peut-être le fragment le plus
étendu et le plus intéressant que l'antiquité païenne nous ait légué sur le
peuple de Dieu. Ce fragment, extrait d'Hécatée de Milet, est d'autant plus
remarquable, qu'il explique en quelque sorte les intimes sentiments des
Grecs et des Romains à l'égard de la nation juive, dont le culte était pour
eux une bizarre anomalie :
« Avant de décrire la guerre contre les Juifs, nous croyons, dit l'historien,
devoir donner quelques détails sur l'origine et les institutions de cette
nation. Il se déclara anciennement en Égypte une maladie pestilentielle ;
le peuple fit remonter à la divinité l'origine de ce fléau. Comme le pays
était habité par de nombreux étrangers, ayant des mœurs et des
cérémonies religieuses très différentes, il en résulta que le culte
héréditaire était négligé. Les indigènes crurent donc que, pour apaiser le
fléau, il fallait chasser les étrangers. C'est ce qu'on fit sur-le-champ. Parmi
ces exilés, les plus distingués et les plus vaillants se réunirent, selon
quelques historiens, pour se rendre en Grèce et dans quelques au- xiii tres
contrées ; ils avaient à leur tête Danaus, Cadmus et plusieurs chefs
célèbres. Mais la plus grande masse envahit ce qu'on appelle aujourd'hui
la Judée, assez voisine de l'Égypte, et tout à fait déserte à cette époque
reculée. À la tête de cette colonie était un nommé Moïse, homme d'une
sagesse et d'un courage rares. Il vint occuper ce pays, et fonda entre
autres villes celle qui porte le nom de Jérusalem et qui est aujourd'hui très
célèbre. Il construisit aussi le temple le plus vénéré chez les Juifs, il
institua le culte divin et les cérémonies sacrées, donna des lois, et fonda
un gouvernement politique. Il divisa le peuple en douze tribus, parce que
ce nombre était réputé le plus parfait, et correspondait aux douze mois de
l'année. Il ne fabriqua aucune idole, parce qu'il ne croyait pas que la
divinité eût une forme humaine, mais que le ciel qui environne la terre est
le seul dieu et le maître de l'univers. Les institutions religieuses et les
coutumes qu'il établit sont tout à fait différentes de celles des autres
nations. Par son éloignement pour les étrangers, il introduisit des mœurs
contraires à l'esprit de l'humanité. Il choisit les hommes les plus
considérés et les plus capables de régner sur toute la nation, et les investit
des fonctions sacerdotales ; il leur assigna le service du temple, du culte
divin et des cérémonies religieuses. Il leur remit le jugement des causes
les plus importantes, et leur confia la garde des lois et des mœurs. C'est
pourquoi les Juifs n'ont pas de roi, et le gouvernement de la nation est
entre les mains du prêtre réputé le plus sage et le plus vertueux ; on lui
donne le nom de grand prêtre, et on le considère comme le messager des
ordres de Dieu. C'est lui qui, dans les assemblées xiv et dans d'autres
réunions, transmet les commandements de Dieu, et en cet instant
solennel les Juifs se montrent si soumis qu'ils se prosternent
immédiatement à terre, et adorent le grand prêtre qui leur interprète les
ordres divins. A la fin des lois se trouvent écrits ces mots : Moïse a
entendu ces paroles de Dieu et les transmet aux Juifs. Ce législateur a
même porté son attention sur ce qui concerne l'art militaire : il obligea les
jeunes gens d'acquérir, par les exercices, de la bravoure et de la vigueur
pour supporter toutes les fatigues. Il entreprit aussi plusieurs expéditions
contre les peuples voisins, conquit beaucoup de terres qu'il distribua par
portions égales aux simples particuliers ; mais il en donna de plus grandes
aux prêtres, afin qu'ils eussent assez de revenus pour se livrer assidûment
au culte divin. Il n'était pas permis aux simples particuliers de vendre les.
terres qui leur étaient échues en partage, afin que quelques gens cupides
n'achetassent pas ces terres au préjudice des pauvres, et ne fissent
diminuer la population. Moïse obligea les habitants de la campagne
d'élever soigneusement leurs enfants, et comme ce soin exigeait peu de
dépenses, la race des Juifs devint de plus en plus nombreuse. Les
coutumes qui concernent les mariages et les funérailles diffèrent
beaucoup de celles des autres nations. Sous les diverses dominations qui
furent établies plus tard, sous la domination des Perses et sous celle des
Macédoniens, qui renversèrent l'empire des derniers, les Juifs modifièrent
en grande partie leurs anciennes institutions par leur mélange avec les
autres peuples. » (Fragments du livre XL. )
La Bibliothèque historique est une riche mine qui n'a été encore que
médiocrement exploitée. Ceux qui s'occu- xv pent d'archéologie, de
géographie et d'ethnographie comparées, y trouveront des documents
précieux sur l'Égypte, l'Éthiopie, l'Arabie, l'Inde, sur les habitants primitifs
de l'Ibérie, de la Gaule, des îles de Corse, de Sardaigne, de la Sicile, etc.
Quelquefois les détails en apparence les plus insignifiants reçoivent une
importance réelle et inattendue. L'auteur se montre toujours habile et
ingénieux lorsqu'il fait ressortir des moindres causes les plus grands
effets.
Savez-vous à quoi il attribue l'immense population de l'Égypte, ainsi que le
grand nombre d'ouvrages et de monuments qu'on y admirait? le voici :
« Ils (les Égyptiens) pourvoient à l'entretien de leurs enfants sans aucune
dépense et avec une frugalité incroyable. Ils leur donnent des aliments
cuits très simples, des tiges de papyrus, qui peuvent être grillées au feu,
des racines et des tiges de plantes palustres, tantôt crues, tantôt bouillies
ou rôties; et comme presque tous les enfants vont sans chaussures et
sans vêtements, à cause du climat tempéré, les parents n'évaluent pas au
delà de vingt drachmes (un peu moins de vingt francs) toute la dépense
qu'ils font pour leurs enfants jusqu'à l'âge de la puberté. C'est à ces
causes que l'Égypte doit sa nombreuse population ainsi que la quantité
considérable d'ouvrages et de monuments qu'on trouve dans ce pays. »
(Livre I, chap. 80. )
Diodore doit être le principal guide pour ce qui concerne l'histoire de la
Sicile depuis Gélon jusqu'à Agathocle, et les premières guerres des
Carthaginois avec les peuples d'origine grecque. C'est la source primitive
pour tout ce qui est relatif à l'histoire d'Alexandre le Grand et de ses
succes- xvi seurs; car Plutarque, Arrien, Quinte Curce et Justin sont
postérieurs à l'historien d'Agyre.
Mais ce qui avait pour moi le plus d'attrait, et ce qui m'avait même
déterminé à entreprendre cette traduction, c'est le riche butin que la
Bibliothèque de Diodore fournit à l'histoire des sciences physiques et
naturelles. Qu'il me soit donc permis d'y insister, d'autant plus que cette
partie des études historiques est encore, pour ainsi dire, à l'état
rudimentaire.
La science des poisons et des médicaments est presque aussi ancienne
que l'astronomie. L'homme, à son origine, semble avoir voulu connaître en
même temps ce qui était le plus loin de lui, et ce qui le touchait de plus
près. C'est chez les Égyptiens qu'on trouve les premiers vestiges de
l'astronomie et de la médecine.
Beaucoup de récits fabuleux admettent une interprétation toute
scientifique. C'est ce qui est surtout vrai pour Hécate, Médée et Circé.
Dans les langues anciennes, les mots donnent quelquefois la raison même
des choses : pharmacum (φάρμακον) signifie tout à la fois poison et
médicament. C'est qu'en effet les médicaments pris à hautes doses
agissent comme des poisons ; et, inversement, les poisons, à très faibles
doses, constituent \es meilleurs médicaments. Les matières qui sans doute
jouaient le plus grand rôle dans les sortilèges et dans les enchantements
relégués parmi les fables, étaient empruntées aux plantes de la famille
des solanées, la même famille à laquelle appartient la plante la plus utile à
l'homme, la pomme de terre. Les fruits ou les feuilles de la stramoine, de
la belladone, de la jusquiame, de quelques es- xvii pèces de solanum, voilà
les véritables secrets des Médées de l'antiquité et du moyen âge. Il y a
surtout deux effets singuliers que ces matières ne manquent presque
jamais de produire : une aberration de la vision et une grande
somnolence. C'est précisément aussi ce qu'on remarque chez Pélias
succombant sous la puissance de Médée : « D'abord il vit des figures de
dragons, et plus tard il tomba dans un profond assoupissement. » (Liv. IV,
chap. 51. )
Ceux qui s'empoisonnent avec des plantes de la famille des solanées sont
atteints d'un délire pendant lequel ils voient les images les plus étranges,
et se croient transportés dans une autre sphère. À cette hallucination ,
dont la durée varie, succède un sommeil tourmenté par des rêves affreux.
On trouve consignés dans les annales de la science mille exemples de ce
genre d'empoisonnement. Un de ces exemples les plus frappants a été
rapporté par un témoin oculaire, M. Gauthier de Claubry. En 1813, toute
une compagnie de soldats français, fatigués par une longue journée de
marche, mangea, dans un bois des environs de Dresde, des fruits de
belladone, que la plupart avaient pris pour des cerises d'une nouvelle
espèce. Peu de moments après, ces malheureux offrirent le spectacle le
plus singulier. Les uns commandaient la charge, prenant leurs camarades
pour des Cosaques ; les autres brûlaient leurs doigts dans le feu du bivac,
s'imaginant allumer leurs pipes ; tous étaient atteints des aberrations les
plus bizarres de la vision.
Si ces soldats de Napoléon ont pris leurs doigts pour des pipes, pourquoi
les compagnons d'Ulysse ne se seraient-ils pas crus transformés en
pourceaux ? Circé, qui avait opéré ce xviii dernier miracle, était sœur de
Médée et fille d'Hécate, si habile dans les compositions des poisons
mortels. « Hécate découvrit ce qu'on appelle l'aconit Elle expérimentait la
puissance de chaque poison en le mélangeant aux aliments qu'elle
donnait aux étrangers .»»(Li ν. IV,chap. 45). Plus tard, Locuste répéta les
expériences d'Hécate pour l'instruction de Néron. L'aconit est un genre de
plantes comprenant des espèces très vénéneuses. Le traducteur allemand
de Diodore, Str¨οth, ignorait sans doute les propriétés toxiques de cette
plante, puisqu'il n'a pas craint de commettre une infidélité en rendant
ἀκόνιτον, aconitum, par ciguë.
Il est probable que les anciens soumettaient les différentes parties de la
plante à une opération particulière, dans le but d'en concentrer le principe
le plus actif. L'opération la plus simple consistait à faire bouillir les tiges,
les feuilles et les fleurs, avec de l'eau ou du vin, et à évaporer ensuite la
liqueur, de manière à obtenir un extrait aqueux ou alcoolique.
J'incline à penser que c'est sous forme d'extrait que la ciguë, l'aconit et
d'autres plantes vénéneuses ont servi à un si grand nombre
d'empoisonnements et d'exécutions judiciaires chez les Athéniens et chez
les rois de Macédoine. Cette hypothèse semble d'ailleurs très bien
s'accorder avec ce que dit Apollonius de Rhodes, d'après lequel « Hécate
instruisit Médée dans l'art de préparer (τεχνήσασθαι) les poisons que
produisent la terre et l'eau, » c'est-à-dire dans l'art de faire subir un
traitement artificiel aux poisons naturels, aux plantes vénéneuses, afin de
rendre leur action encore plus énergique. Or, cet art, dans son plus grand
état de simplicité, ne pouvait être que xix a préparation des extraits
pharmaceutiques, à moins d'admettre que les anciens aient connu le
moyen de retirer des végétaux les alcaloïdes, l'aconitine de l'aconit, la
cicutine de la ciguë, etc. ; ce qui ne me paraît point vraisemblable.
« Thémistocle périt comme Jason, par le sang de taureau. » (Liv. IV, 60 ;
XI, 58.) Cette intoxication a été une pierre d'achoppement pour tous les
commentateurs qui se sont refusés à reconnaître au sang des propriétés
vénéneuses. Le sang de bœuf, de porc, etc., ne sert-il pas tous les jours
d'aliments? Il y a à cela une réponse qui, selon moi, tranche toutes les
difficultés : pour que le sang de taureau, comme celui de tout autre
animal, devienne un poison, et des plus actifs, il faut qu'il soit, non pas
frais, mais à l'état de putréfaction. C'est du sang de taureau putréfié,
c'est-à-dire un poison septique, que les Athéniens donnaient à boire aux
condamnés à mort. Tout le monde connaît les accidents
d'empoisonnement si souvent occasionnés par les produits de charcuterie
mal conservés.
Il résulte de l'ouvrage de Diodore et de l'Alexipharmaque de Dioscoride,
que presque tous les poisons connus des anciens étaient empruntés au
règne organique ; c'étaient à la fois les plus énergiques et les plus difficiles
à constater en médecine légale.
Quiconque aborde, sans être suffisamment initié dans les sciences, la
critique ou la traduction des historiens anciens, s'expose quelquefois à
commettre les plus graves erreurs.
Ainsi le mirage, décrit par Diodore (liv. III, 50), avait été, pendant des
siècles, regardé comme un conte fabuleux, xx jusqu'à ce que Monge le vît
en Égypte et l'expliquât scientifiquement.
Le récit que Diodore fait de la température du climat dans le pays des
Troglodytes a été regardé comme une pure invention de l'historien. «
Personne, dit-il, ne peut marcher dans ce pays sans chaussure ; car ceux
qui y vont pieds nus sont aussitôt atteints de pustules. Quant à la boisson,
si l'on n'en usait pas à satiété, on mourrait subitement, la chaleur
consumant les humeurs du corps. Si l'on met quelque aliment dans un
vase d'airain avec de l'eau , et qu'on l'expose au soleil, il est bientôt cuit,
sans feu ni bois. » (Liv. III, chap. 34. )
En effet, il est aujourd'hui acquis à la science que la température la plus
élevée s'observe, non pas précisément sous l'équateur, mais sur les bords
de la mer Rouge, tout près de l'ancienne contrée des Troglodytes. La
température d'été y dépasse quelquefois cinquante-six degrés du
thermomètre centigrade, à l'ombre. C'est une chaleur de dix-huit degrés
supérieure à celle du sang de l'homme.
Certains mythes semblent, sous l'enveloppe du merveilleux, cacher des
vérités scientifiques. « Phaéton (le maladroit conducteur du char d'Hélius)
tomba à l'embouchure du Pô, appelé autrefois Éridan. Ses sœurs
pleurèrent amèrement sa mort ; leur douleur fut si grande qu'elles
changèrent de nature et se transformèrent en' peupliers. Ces arbres
laissent annuellement, à la même époque, couler des larmes. Or, ces
larmes solidifiées constituent l'electrum (succin). » (Liv. II, chap. 23.)
C'est là, si l'on veut, l'allégorie ingénieuse d'un fait physique. On a
beaucoup discuté sur l'origine du succin. L'opi- xxi nion que la science a fait
prévaloir est que le succin ou l'ambre jaune, sur lequel on a pour la
première fois observé le phénomène électrique de l'attraction, est un
produit d'altération d'une résine découlant, sous forme de larmes, d'une
espèce de plante aujourd'hui inconnue.
Autre exemple. « Les Argonautes furent assaillis d'une violente tempête.
Comme les principaux désespéraient de leur salut, Orphée, le seul des
navigateurs qui fût initié dans les mystères, fit, pour conjurer l'orage, des
vœux aux dieux de Samothrace. Aussitôt le vent cessa; deux étoiles
tombèrent sur les têtes des Dioscures,' au grand étonnement de tout le
monde, et on se crut à l'abri des dangers par l'intervention d'une
providence divine. » (Liv. IV, chap. 43.)
Pendant un temps orageux, où l'air est chargé d'électricité , il n'est pas
rare de voir des étincelles au sommet des pointes métalliques, et même
sur la tête de certaines personnes qui semblent mieux conduire
l'électricité que d'autres. César (de Bello Affricano, cap. 6), Tite-Live (XXII,
1), Pline (Hist. nat., II, 37), ont décrit des phénomènes semblables. Les
marins, dit Pline, les attribuaient à Castor et Pollux qui étaient, pendant les
tempêtes, invoqués comme des dieux. M. Schweigger, célèbre physicien
de Halle, s'est attaché à démontrer que , par le mythe des Dioscures, les
anciens représentaient symboliquement la connaissance de l'électricité
positive et de l'électricité négative : l'une ne se manifeste qu'autant que
l'autre disparaît, de même que Pollux vit pendant que l'autre meurt, et
réciproquement. Il y a encore d'autres analogies qui pourraient venir à
l'appui de cette opinion. Ainsi, les Dioscures sont représentés ayant
chacun une flamme au sommet de la tête ; xxii leur vitesse, qui est
extrême, est figurée par des ailes blanches ou des chevaux blancs ; leur
apparition, comme de bons génies pendant les orages, le bruit sifflant qui
accompagne cette apparition, la puissance et les attributs des Dioscures,
peuvent merveilleusement s'appliquer à plusieurs propriétés du fluide
électrique. Enfin, l'opinion aujourd'hui scientifiquement démontrée, que
l'orage est un phénomène électrique qui se passe surtout entre les deux
électricités opposées du ciel et de la terre, les anciens semblent l'avoir
enseignée symboliquement par le mythe des Dioscures, tous deux fils du
dieu de la foudre, tous deux envoyés comme des génies propices au
milieu des tempêtes ) l'un étant au ciel, pendant que l'autre résidait dans
les enfers.
Je comprends combien il faut être réservé dans ces sortes de
rapprochements que l'imagination tend toujours à exagérer. Mais il faut
aussi reconnaître que plusieurs de ces rapprochements sont si naturels
qu'ils se présentent d'eux-mêmes à l'esprit.
Dans l'antiquité et au moyen âge, les sciences physiques étaient
enseignées secrètement et à un petit nombre d'initiés ; elles n'étaient
traduites au dehors que sous des formes obscures et allégoriques. Le
Timée de Platon et les œuvres des alchimistes en sont une preuve
évidente. Les sociétés savantes de nos jours étaient, si je ne m'abuse,
représentées par les mystères dans l'antiquité, et par les adeptes du
grand œuvre dans le moyen âge. Cette opinion est peut-être hardie, et j'ai
longtemps hésité à l'émettre ; mais plusieurs faits sont venus m'y
confirmer. Le passage suivant de Diodore est de ce nombre :
xxii« On donne une interprétation physique de ce mythe, en disant que
Bacchus, fils de Jupiter et de Cérès, signifie que la vigne s'accroît, et que
son fruit, qui fournit le vin, mûrit par le moyen de la terre (Cérès), et par la
pluie (Jupiter). Bacchus, déchiré dans sa jeunesse par les enfants de la
terre, signifierait la vendange que font les cultivateurs ; car les hommes
considèrent Cérès comme la terre. Les membres qu'on a fait bouillir
indiqueraient l'usage assez général de faire cuire le vin pour le rendre
meilleur et lui donner un fumet plus suave. Les membres déchirés par les
enfants de la terre et remis dans leur premier état par les soins de Cérès,
expriment qu'après qu'on a dépouillé la vigne de son fruit, et qu'on l'a
taillée, la terre la met à même de germer de nouveau, selon la saison de
l'année. En général, les anciens poètes et les mythographes appellent la
terre, en tant que mère, du nom de Cérès (Déméter). Tout cela est
conforme aux chants d'Orphée, et aux cérémonies introduites dans les
mystères dont il n'est pas permis de parler à ceux qui n'y sont pas initiés.
» (Livre III, chap. 6a. )
Ainsi donc, l'interprétation physique du mythe de Bacchus est conforme
aux cérémonies des mystères qu'il est défendu de révéler aux profanes.
Prenons acte de ces paroles de Diodore qui, selon toute apparence, était
initié dans les mystères.
C'est surtout dans les paroles suivantes que Diodore semble soulever un
coin du voile qui dérobait la science des initiés aux yeux du vulgaire.
« C'est, dit-il, en imitation de la puissance naturelle du soleil que les arts
pratiqués par l'homme, disciple de la nature, arrivent à colorer la matière
et à la faire varier xxiv d'aspect ; car la lumière est la cause des couleurs.
De plus, elle développe le parfum des fruits, les propriétés des sucs, la
taille et les instincts des animaux. La lumière et la chaleur du soleil
produisent les différentes qualités du sol ; elles rendent, par leur douce
influence, la terre fertile et l'eau fécondante; enfin, le soleil est l'architecte
de la nature. » (Livre II, chap. 52.)
Il y a de ces vérités qui sont senties plutôt que comprises : elles sont
contemporaines de l'homme. Le culte que les peuples primitifs ont voué
au soleil a certainement sa raison , non pas seulement dans l'éclat
lumineux de cet astre qui fait distinguer le jour des ténèbres, mais surtout
dans l'influence vivifiante, mystérieuse, et, pour ainsi dire, toute divine,
que le soleil exerce sur tout l'ensemble de la nature. Cette influence a été
sans doute reconnue de tout temps, bien qu'on n'eût encore aucun moyen
de s'appuyer sur des démonstrations scientifiques. Depuis des milliers
d'années (Diodore n'est ici que l'interprète de témoignages plus anciens),
on sait que la lumière du soleil est la cause des couleurs ; mais c'est
depuis un siècle et demi à peine que l'on a trouvé la démonstration
scientifique de ce fait par la décomposition de la lumière en ses couleurs
primitives : les corps qui nous paraissent jaunes absorbent toutes les
autres couleurs du spectre solaire, moins le jaune ; les corps qui nous
paraissent verts absorbent toutes les autres couleurs, moins le vert, etc.
Les anciens savaient comme nous que le chatoiement irisé des plumes
d'oiseau est un effet du soleil ; mais ils ne savaient pas comment cet effet
résulte de certains phénomènes de diffraction que la physique nous
explique aujourd'hui. Les anciens attri- xxv buaient à l'action du soleil le
parfum des fruits du Midi. La chimie cherche aujourd'hui à nous rendre
compte de ce fait. Les philosophes de l'école ionienne avaient été conduits
à admettre théoriquement qu'il existe dans l'air un esprit (πνεῦμα) qui
entretient le feu et la respiration ; pendant des siècles, on l'a cherché en
tâtonnant ; maintenant tout le monde le connaît, cet esprit auquel
Lavoisier a donné le nom d'oxygène. Il serait inutile de multiplier les
exemples. Il me suffit d'avoir fait ressortir que les grandes vérités
scientifiques, exprimées dans leur formule la plus générale, ont été
connues presque de tout temps, et qu'elles sont en quelque sorte
inhérentes à l'intelligence même de l'homme. C'est là qu'il faut, selon moi,
chercher le secret des mystères.
Je passerai sous silence d'autres points de l'histoire des sciences (la
métallurgie, l'exploitation des mines, la fabrication des pierres précieuses
artificielles, les embaumements, etc.) dont j'ai parlé d'une manière assez
étendue dans mon Histoire de la Chimie.
Qu'il me soit permis, en terminant, de dire un mot des traductions qui ont
été jusqu'ici faites de la Bibliothèque historique. Diodore avait déjà été
traduit en français par Terrasson, vers le milieu du siècle passé, et assez
récemment par Miot. La première traduction est si défectueuse qu'une
simple révision aurait été insuffisante ; il fallait une traduction entièrement
nouvelle. Miot, traducteur beaucoup plus exact que Terrasson , n'a eu que
le tort de s'être laissé trop souvent guider par l'interprétation latine de
Rhodoman, au lieu de suivre fidèlement le texte grec. Il en est résulté
quelques erreurs qui auraient pu être facilement xxvi évitées. Quelques-
unes de ces erreurs ont été, avec une grande autorité, relevées par M.
Letronne, dans la critique qu'il a faite de la traduction de Miot, dans le
Journal des Savants.
C'est surtout les détails relatifs aux sciences et décrits dans des termes
techniques (09) qui ont été rendus par la plupart des interprètes avec une
inexactitude déplorable et sans aucune intelligence des choses. Il serait
donc imprudent de construire l'histoire des sciences dans l'antiquité avec
des matériaux tirés de pareilles traductions. C'est principalement cette
considération qui m'avait déterminé à entreprendre un travail aussi long
que pénible ; et c'est sous ce rapport que j'ai essayé de faire mieux que
mes prédécesseurs (10).
FERD. HOEFER.
Paris , le 1er février 1846.
(01) ἐνδοξότατο παρ' ὑμῖν τῶν ἱστοριογράγων Διόδωρος. Just. martyr.
Protrep.
(02) Σικελιώτης Διόδωρος γνωριμώτατος τοῖς τῶν Ἑλλήνων
λογιωτάτοις, Euseb. Préparat. Evangel.
(03) Quantum enim solis lumen inter stellas, tantum inter omnes,
quotquot ad nostra tempora pervenerunt, historicos noster hic Diodorus
eminere dici potest. Brevis Tractatus de Diodoro, p. 14, dans le tom. I de
l'édition bipontine.
(04) De Causis corruptarum Artium, in Opp. Lud. Vives. Basil., 1555, in-fol.,
p. 369.
(05) Hist. nat., I, 3.
(06) Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, tom. XXVII.
(07) Voyez G. Heyne, de Fontibus hist. Diodori, dans le tom. I de l'édition
bipontine.
(08) On lit dans un des nouveaux fragments du livre XL (Excerpt. Vaticana,
p. 181 ) un avertissement fort curieux. Diodore y annonce qu'avant d'avoir
eu le tempe de mettre la dernière main à son ouvrage, plusieurs livres lui
ont été dérobés et publiés sans son approbation. Peut-être ces livres sont-
ils précisément ceux dont il ne nous reste plus que des fragments. Je
soumets cette conjecture à des juges plus compétents que moi.
(09) Ainsi, livre XX, chap, 71, l'expression empruntée au langage
chirurgical de ἀστραγάλους ἐπιτέμνειν, réséquer les os (astragales) du
pied, est rendue par Miot, par coups de fouets garnis d'osselets. ( Voyez
ma note de la page 177 du tom. IV.)
(10) Le texte grec que j'ai eu sous les yeux est celui des éditions de Deux-
Ponts ( 11 vol. in-8, 1808), de Tauchnitz (Lipsiœ, 1829) et de M. A. Didot
(Paris, 1842 ; réimpression du texte de Dindorf

DIODORE DE SICILE.
LIVRE UN.
PREMIÈRE PARTIE
SOMMAIRE. (01)
Préface.
— Croyances des Égyptiens sur l'origine du Monde.
— Dieux fondateurs des villes de l'Égypte.
— Des premiers hommes, et du plus ancien genre de vie.
— Culte des Dieux; construction des temples.
— Topographie de l'Égypte ; le Nil.
— Opinion des anciens philosophes et historiens sur la cause des crues du
Nil.
— Premiers rois d'Égypte; leurs exploits.
— Construction des pyramides, comptées au nombre des sept merveilles
du Monde.
— Lois et tribunaux.
— Animaux sacrés des Égyptiens.
— Rites observés aux funérailles des Égyptiens.
— Voyageurs grecs qui ont emprunté à l'Égypte des institutions utiles.
I. Tous les hommes doivent de la reconnaissance à ceux qui
approfondissent l'histoire universelle et s'efforcent de contribuer, par leurs
travaux, au bien général de la société. Livrés à un enseignement utile, ils
procurent au lecteur la plus belle expérience des choses humaines, sans
lui en faire payer l'apprentissage. L'expérience qu'on acquiert soi-même
ne peut être le fruit que de grands labeurs et de beaucoup de souffrances.
Le héros le plus expérimenté , « Qui avait vu bien des 2 villes et appris à
connaître bien des hommes, » avait aussi beaucoup souffert (02). Les
historiens enseignent la sagesse par le récit des peines et des malheurs
d'autrui. Ils essaient de ramener à un même ordre de choses tous les
hommes, qui, avec une origine commune, ne sont distingués que par la
différence des temps et des lieux. Ils se constituent, en quelque sorte, les
ministres de la providence divine (03), qui soumet à un principe commun
la distribution des astres et la nature des hommes, et qui, tournant dans
une sphère éternelle, assigne à chacun leur destin. C'est ainsi qu'ils font
de leur science un objet de méditation pratique. Il est bon de profiter de
l'exemple d'autrui pour redresser ses propres erreurs, et d'avoir pour
guide, dans les hasards de la vie , non la recherche de l'avenir, mais la
mémoire du passé. Si, dans les conseils, on préfère l'avis des vieillards à
celui des jeunes gens, c'est à l'expérience, qui s'acquiert avec les années,
qu'il faut attribuer cette préférence ; or, l'histoire, qui nous procure
l'enseignement de tant de siècles, n'est-elle pas encore bien au-dessus de
l'expérience individuelle ? on peut donc considérer l'histoire comme la
science la plus utile dans toutes les circonstances de la vie : elle donne
non seulement aux jeunes gens l'intelligence du passé, mais encore elle
agrandit celle des vieillards. La connaissance de l'histoire rend de simples
particuliers dignes du commandement, et, par la perspective d'une gloire
immortelle , elle encourage les chefs à entreprendre les plus belles
actions. De plus, par les éloges que l'histoire décerne à ceux qui sont
morts pour la patrie, elle rend les citoyens plus ardents à la défendre, et,
par la menace d'un opprobre éternel, elle détourne les méchants de leurs
mauvais desseins,
II. En perpétuant la mémoire du bien, l'histoire a conduit les uns à fonder
des villes, les autres à consolider la société par des 3 lois, d'autres enfin à
devenir, par l'invention des sciences et des arts, les bienfaiteurs du genre
humain.
Il faut réclamer pour l'histoire une large part dans les éloges accordés aux
actions qui contribuent au bonheur général. Incontestablement, elle rend
les plus grands services à l'humanité en plaçant les modèles de la vertu en
face du vice démasqué. Si la fiction des enfers contribue puissamment à
inspirer aux hommes la piété et la justice, quelle influence bienfaisante
doivent exercer sur les mœurs et sur la morale les récits véridiques de
l'histoire ! La vie d'un homme n'est qu'un moment de l'éternité ; l'homme
passe et le temps reste. Ceux qui n'ont rien fait qui soit digne de mémoire
meurent avec leur corps et avec tout ce qui se rattachait à leur vie ; tandis
que les actes de ceux qui sont arrivés à la gloire par la vertu se perpétuent
et revivent dans la bouche de l'histoire; Il est beau, ce me semble,
d'échanger une renommée immortelle pour des travaux périssables.
Hercule s'est immortalisé par des travaux entrepris au profit du genre
humain. Parmi les hommes de bien, les uns ont été mis au rang des héros,
les autres ont reçu des honneurs divins; tous ont été célébrés par
l'histoire, perpétuant leur mémoire selon le mérite de chacun.
Tandis que les autres monuments deviennent la proie du temps, l'histoire
enchaîne, par sa toute-puissance , le temps, qui use tant de choses, et le
force en quelque sorte à transmettre ses témoignages à la postérité. Elle
contribue aussi au développement de l'éloquence, le plus beau talent de
l'homme. C'est par l'éloquence que les Grecs l'emportent sur les Barbares,
comme les gens instruits l'emportent sur les ignorants. C'est par le seul
secours de la parole qu'un homme peut se rendre maître delà multitude.
En général, l'effet d'un discours est déterminé par le pouvoir de
l'éloquence. Nous accordons des éloges aux bons citoyens qui, sous ce
rapport, se sont élevés au premier rang.
En poursuivant ce sujet, qui se divise en plusieurs parties, nous
remarquerons que la poésie est plus agréable qu'utile ; 4 que la législation
est appelée à réprimer plutôt qu'à instruire. Parmi les autres genres
d'éloquence, les uns ne contribuent en rien à la prospérité publique, les
autres sont utiles autant que dangereux; d'autres, enfin, ne font
qu'obscurcir la vérité. Transmettant à la postérité ses témoignages
ineffaçables, l'histoire, seule, par l'accord des actes avec les paroles,
réunit tout ce que les autres connaissances renferment de plus utile. Elle
se manifeste dans tout son éclat, en encourageant la justice, en blâmant
les méchants, en louant les bons, en offrant de grandes leçons à ceux qui
veulent en profiter.
III. La faveur avec laquelle ont été accueillis ceux qui se sont livrés à
l'étude de l'histoire nous a engagé à nous vouer à la même carrière. En
examinant les travaux de nos prédécesseurs, nous leur avons rendu toute
la justice qu'ils méritaient; mais nous avons pensé qu'ils n'avaient pas
encore atteint le degré d'utilité et de perfection nécessaire. Car l'utilité de
l'histoire réside dans un ensemble de circonstances et de faits très
nombreux et très variés ; et pourtant la plupart de ceux qui ont écrit
l'histoire ne se sont attachés qu'au récit des guerres particulières d'une
nation ou d'une seule cité. Un petit nombre d'entre eux ont essayé de
tracer des histoires universelles depuis les temps anciens jusqu'à l'époque
où ils écrivaient. Et parmi ceux-ci les uns ont entièrement négligé la
chronologie, les autres , ont passé sous silence les faits et gestes des
Barbares ; d'autres ont évité, comme un écueil, les temps fabuleux;
d'autres enfin n'ont pas pu achever leur œuvre, enlevés au milieu de leur
carrière par l'inexorable destin. Aucun d'entre eux n'est encore allé plus
loin que l'époque des rois macédoniens ; ceux-là ayant fini leur histoire à
Philippe, ceux-ci à Alexandre, et quelques autres aux successeurs de ces
rois. Depuis cette époque jusqu'à nos jours il s'est passé bien des
événements qu'aucun historiographe n'a encore tenté de rédiger et de
mettre en ordre; tous ont reculé devant l'immensité de cette tâche. Aussi
le lecteur doit-il renoncer à comprendre et à graver dans sa mémoire les
détails historiques et chronologiques consignés dans des ouvrages
nombreux et divers.
5Après avoir réfléchi à tout cela, nous avons jugé à propos d'entreprendre
cet ouvrage dans le but d'être utile et le moins fastidieux que possible
pour le lecteur. Une histoire universelle depuis les temps les plus reculés
jusqu'à nos jours est sans doute un travail d'une exécution difficile, mais
qui est du plus haut intérêt pour les hommes studieux. Chacun pourra
puiser à cette grande source tout ce qui lui paraît le plus utile. Ceux qui
veulent s'instruire manquent souvent des moyens de se procurer les livres
nécessaires ; de plus, il leur est difficile de démêler les faits véritables
dans la multitude et la variété des récits. Une histoire universelle
coordonne les faits, en rend la compréhension facile et les met à la portée
de tout le monde. En somme, elle est autant au-dessus des histoires
particulières que le tout est au-dessus de la partie, que le général est au-
dessus du particulier; et, en soumettant les faits à un ordre chronologique,
elle est supérieure à tout récit de choses dont la date est inconnue.
IV. Comme l'exécution d'un projet si utile demande beaucoup de travail et
de temps, nous y avons employé trente ans. Nous avons parcouru, avec
bien des fatigues et bien des risques, une grande partie de l'Asie et de
l'Europe, afin de voir de nos propres yeux la plupart des contrées les plus
importantes dont nous aurons occasion de parler. Car c'est à l'ignorance
des lieux qu'il faut attribuer les erreurs qui sont commises même par les
historiens les plus renommés.
Ce qui nous porte à entreprendre cet ouvrage, c'est surtout le désir d'être
utile ( désir qui chez tous les hommes mène à bonne fin les choses en
apparence les plus difficiles ) ; puis, la facilité avec laquelle nous pouvons
nous procurer à Rome tout ce qui peut contribuer à la réalisation de ce
projet. En effet, cette ville dont l'empire s'étend jusqu'aux confins du
monde nous a fourni de grandes facilités, à nous qui y avons séjourné
pendant un temps assez long. Natif d'Argyre, en Sicile, et ayant acquis une
grande connaissance de la langue latine, à cause des rapports intimes et
fréquents que les Romains ont avec cette île, 6 j'ai consulté avec soin les
documents conservés depuis si longtemps par les Romains, afin d'éclaircir
l'histoire de ce grand empire. Nous avons commencé par les temps
fabuleux chez les Grecs et les Barbares, après avoir soigneusement
examiné tout ce que les traditions anciennes rapportent sur chaque
peuple.
Puisque notre ouvrage est achevé et que les livres qui le composent sont
encore inédits, je veux d'abord dire un mot sur le plan général que j'ai
suivi. Les six premiers livres renferment les événements et les récits
fabuleux antérieurs à la guerre de Troie, et, de ces six, les trois premiers
comprennent les antiquités. des Barbares, et les trois autres, celles des
Grecs. Dans les onze livres suivants, nous donnons l'histoire universelle
depuis la guerre de Troie jusqu'à la mort d'Alexandre. Enfin les derniers
vingt-trois livres contiennent la suite de cette histoire jusqu'au
commencement de la guerre entre les Celtes et les Romains, sous le
commandement de Jules César, qui fut mis par ses exploits au rang des
dieux : ce chef avait dompté les innombrables peuplades belliqueuses des
Celtes et reculé jusqu'aux îles britanniques les limites de l'empire de
Rome. Les premiers événements de cette guerre tombent dans la
première année de la CLXXXe olympiade, Hérode étant archonte
d'Athènes.
V. Nous n'avons fixé aucun ordre chronologique pour la partie de notre
histoire qui est antérieure à la guerre de Troie, car il ne nous en reste
aucun monument digne de foi.
De la prise de Troie jusqu'au retour des Héraclides, nous avons compté
quatre-vingts ans, d'après l'autorité d'Apollodore d'Athènes (04), et trois
cent vingt-huit ans, depuis le retour des Héraclides jusqu'à la Ier
olympiade, en calculant cette période d'après les règnes des rois de
Lacédémone. Enfin, il s'est écoulé un intervalle de sept cent trente ans
depuis la Ier olympiade jusqu'au commencement de la guerre des Gaules,
à laquelle nous finissons (05). Ainsi, notre histoire, composée de quarante
livres, comprend un laps de temps de mille cent trente-huit ans, sans
compter l'époque qui précède la guerre de Troie.
Nous avons indiqué ces notions préliminaires, afin de donner au lecteur
une idée de l'ensemble de l'ouvrage et d'en prévenir l'altération de la part
des copistes. Nous souhaitons que ce qu'il y a de bon n'excite la jalousie
de personne, et que les erreurs qui s'y rencontrent soient rectifiées par
ceux qui sont plus instruits que nous. Après cette courte introduction ,
nous allons procéder à la réalisation de notre promesse.

VI. Nous essaierons d'exposer à part les idées émises par les premiers
instituteurs du culte divin sur ce que la mythologie raconte de chacun des
immortels; car c'est là un sujet qui demande beaucoup d'étendue.
Cependant, nous ne manquerons pas de faire ressortir, dans notre exposé,
tout ce qui nous paraîtra convenable et digne d'être mentionné.
Commençant aux temps les plus anciens, nous décrirons soigneusement
et en détail tout ce qui a rapport au genre humain et aux parties connues
de la terre habitée. Parmi les naturalistes et les historiens les plus célèbres
il y a deux opinions différentes sur l'origine des hommes. Les uns
admettent que le monde est incréé et impérissable, et que le genre
humain existe de tout temps, n'ayant point eu de commencement. Les
autres prétendent, au contraire, que le monde a été créé, qu'il est
périssable, que le genre humain a la même origine que le monde et qu'il
est compris dans les mêmes limites.
VII. A l'origine des choses, le ciel et la terre, confondus ensemble,
n'offraient d'abord qu'un aspect uniforme. Ensuite , les corps se
séparèrent les uns des autres, et le monde revêtit la forme que nous lui
voyons aujourd'hui; l'air fut doué 8 d'un mouvement continuel : l'élément
igné s'éleva dans les régions supérieures, en vertu de sa légèreté. C'est
pourquoi le soleil et toute l'armée des astres, qui sont formés de cet
élément , sont entraînés dans un tourbillon perpétuel. L'élément terrestre
et l'élément liquide restèrent encore mélangés ensemble , en raison de
leur poids ; mais, l'air tournant continuellement autour de lui-même, les
particules humides produisirent la mer, et les particules plus compactes
formèrent la terre molle et limoneuse. Sous l'influence des rayons du
soleil, la terre prit de la consistance; par l'action combinée de la chaleur et
de l'humidité, sa surface se souleva comme une matière fermentescible : il
se forma en beaucoup d'endroits des excroissances recouvertes de minces
membranes, ainsi qu'on le voit encore aujourd'hui arriver dans les lieux
marécageux, lorsqu'à une température froide succède subitement un air
brûlant, sans transition successive. La matière, ainsi vivifiée, se nourrit
pendant la nuit de la vapeur qui se condense, tandis qu'elle se solidifie
pendant le jour par l'effet du soleil. Enfin, ces germes, après avoir atteint
leur dernier degré de développement et rompu les membranes qui les
enveloppaient, mirent au monde tous les types d'animaux. Ceux eu qui la
chaleur domine s'élevèrent dans les airs; ce sont les oiseaux. Ceux qui
participent davantage du mélange terrestre se rangèrent dans la classe
des reptiles et des autres animaux qui vivent sur la terre. Ceux qui
tiennent davantage de la substance aqueuse trouvèrent dans l'eau un
séjour convenable ; on les appelle animaux aquatiques. La terre, se
desséchant de plus en plus sous l'influence de la chaleur du soleil et des
vents, finit par ne plus engendrer aucun des animaux parfaits. Depuis lors,
les êtres animés se propagent par voie de génération, chacun selon son
espèce. Euripide, disciple d'Anaxagore le physicien, semble avoir les
mêmes idées sur l'origine du monde, lorsqu'il dit dans Ménalippe :
« Ainsi le ciel et la terre étaient confondus dans une masse commune ,
lorsqu'ils furent séparés l'un de l'autre.
« Tout prenait vie et naissait à la lumière : les arbres, les 9 volatiles, les
animaux que la terre nourrit, et le genre humain. »
VIII. Voilà ce que nous savons sur l'origine du monde. Les hommes
primitifs devaient mener une vie sauvage, se disperser dans les champs,
cueillir les herbes et les fruits des arbres qui naissent sans culture.
Attaqués par les bêtes féroces, ils sentaient la nécessité de se secourir
mutuellement, et, réunis par la crainte, ils ne tardaient pas à se
familiariser entre eux. Leur voix était d'abord inarticulée et confuse;
bientôt ils articulèrent des paroles, et, en se représentant les symboles
des objets qui frappaient leurs regards, ils formèrent une langue
intelligible et propre à exprimer toutes choses. L'existence de semblables
réunions d'hommes en divers endroits du continent a donné naissance à
des dialectes différents suivant l'arrangement particulier des mots de
chacun. De là encore la variété des caractères de chaque langue, et le
type naturel et primitif qui distingue toute nation. Dans leur ignorance des
choses utiles à la vie, les premiers hommes menaient une existence
misérable; ils étaient nus, sans abri, sans feu et n'ayant aucune idée d'une
nourriture convenable. Ne songeant point à cueillir les fruits sauvages et à
en faire provision pour la mauvaise saison, beaucoup d'entre eux
périssaient par le froid et le défaut d'aliments. Bientôt instruits par
l'expérience, ils se réfugiaient dans des cavernes pendant l'hiver, et
mettaient de côté les fruits qui pouvaient se conserver. La connaissance
du feu et d'autres choses utiles ne tarda pas à amener l'invention des arts
et de tout ce qui peut contribuer à l'entretien de la vie commune. Partout
le besoin a été le maître de l'homme : il lui enseigne l'usage de sa
capacité , de ses mains, de la raison et de l'intelligence, que l'homme
possède de préférence à tout animal. Cet exposé de l'origine et de la vie
primordiale des hommes suffira pour l'ordre de notre sujet.
IX. Nous allons entrer maintenant dans le détail des événements
mémorables qui sont arrivés dans les contrées les plus connues de la
terre. Nous n'avons rien à dire des premiers rois, et 10 nous n'ajouterons
point foi aux récits de ceux qui prétendent en savoir l'histoire. En effet, il
est impossible que l'écriture soit une invention contemporaine des
premiers rois. Et, supposé même que l'origine de l'écriture soit aussi
ancienne, ce n'est que beaucoup plus tard qu'il devait y avoir des
historiens. Non seulement les Grecs, mais encore la plupart des Barbares,
discutent beaucoup sur l'antiquité de l'histoire, en se disant autochtones,
et les premiers inventeurs des arts utiles, et en faisant remonter leurs
monuments historiques aux temps les plus reculés. Quant à nous, nous ne
voulons point décider quels sont les peuples les plus anciens, et encore
moins de combien d'années les uns sont plus anciens que les autres. Mais
nous exposerons dans un ordre convenable ce que chacun d'eux raconte
de leur antiquité et de leur origine. Nous commencerons par les Barbares,
non que nous les estimions plus anciens que les Grecs, comme Éphore l'a
avancé, mais afin d'achever cette partie de notre tâche avant d'aborder
l'histoire des Grecs, que nous ne serons pas ensuite obligé d'interrompre.
Comme la tradition place en Égypte la naissance des dieux, les premières
observations astronomiques et les récits sur les grands hommes les plus
dignes de mémoire, nous commencerons notre ouvrage par les Égyptiens.
X. Les Égyptiens disent que leur pays est le berceau du genre humain, à
cause de la fertilité du sol et de la nature du Nil. Ce fleuve fournit des
aliments appropriés aux nombreuses espèces d'animaux qu'il renferme ;
on y trouve, en effet, la racine du roseau , le lotus, la fève d'Égypte, le
corseon (06) et plusieurs autres produits qui peuvent également servir de
nour- 11 riture à l'espèce humaine. Ils essaient de démontrer la fertilité de
leur sol en racontant que l'on voit encore aujourd'hui dans 12 la Thébaïde
une contrée où naissent spontanément, dans de certains temps, des rats
si prodigieux par leur grosseur et leur nombre que le spectateur en reste
frappé de surprise, et que plusieurs de ces animaux, formés seulement
jusqu'à la poitrine et les pattes de devant, se débattent, tandis que le
reste du corps, encore informe et rudimentaire, demeure engagé dans le
limon fécondant. Il est donc évident, continuent-ils, qu'après la création du
monde un sol aussi propice que celui de l'Égypte a dû produire les
premiers hommes. En effet, nous ne voyons ailleurs rien de semblable à
ce qui se passe dans ce pays, où les animaux s'engendrent d'une manière
si extraordinaire. De plus, si le déluge de Deucalion a fait périr la plupart
des animaux, il a dû épargner ceux qui vivent dans le midi de l'Égypte, qui
est d'ordinaire exempt de pluie; et si ce déluge les a tous fait périr sans
exception, ce n'est que dans ce pays qu'ont pu s'engendrer des êtres
nouveaux. Les grandes pluies, tempérées par la chaleur du climat,
devaient rendre l'air très propre à la génération primitive des animaux; car
nous voyons encore aujourd'hui quantité d'êtres animés se former dans le
résidu des eaux qui inondent une partie de l'Égypte. Au moment où ces
eaux se retirent, le soleil, qui dessèche la surface du limon, produit, dit-on,
des animaux dont les uns sont achevés, tandis que les autres ne le sont
qu'à moitié et demeurent adhérents à la terre.

XI. Les hommes, dont l'Égypte est le berceau, contemplant l'univers et


admirant son ordre et sa beauté, furent saisis de vénération à l'aspect
du soleil et de la lune. Ils regardèrent ces deux astres comme deux
divinités principales et éternelles; 13 ils nommèrent l'un Osiris et l'autre
Isis, deux noms dont l'étymologie se justifie. Osiris, traduit en grec,
signifie qui a plusieurs yeux; en effet, les rayons du soleil sont autant
d'yeux avec lesquels cet astre regarde la terre et la mer. C'est ce que
semble avoir voulu dire le poète :
« Le soleil qui voit et qui sait toutes choses (07) » Quelques anciens
mythologistes grecs ont donné à Osiris les surnoms de Dionysus et de
Sirius ; de là vient qu'Eumolpe, dans ses Bachiques (08), a dit : «
Dionysus a la face étincelante comme un astre » ; et Orphée : « Aussi
l'appelle-t-on Phanétès Dionysus. »
Quelques-uns donnent à Osiris un habillement de peau de faon
tacheté et brillant comme des étoiles. Le nom d'Isis signifie ancienne,
rappelant ainsi l'origine antique de cette déesse. Les Égyptiens la
représentent avec des cornes, pour exprimer la forme que prend la lune
dans sa révolution mensuelle, et parce qu'ils lui consacrent une génisse.
Ce sont là les dieux qui, selon eux, gouvernent l'univers, et qui
nourrissent et développent tous les êtres dans une période de trois
saisons, le printemps, l'été et l'hiver, saisons dont le retour constant
forme l'ordre régulier des années. Ces deux divinités contribuent
beaucoup à la génération de tous les êtres : Osiris, par le feu et l'esprit;
Isis, par l'eau et la terre ; et tous deux, par l'air. Ainsi tout est compris
sous l'influence du soleil et de la lune. Les cinq éléments que nous
venons de nommer constituent le monde, comme la tête, les mains, les
pieds et les autres parties du corps composent l'homme.
XII. Les Égyptiens ont divinisé chaque élément, et leur ont assigné
primitivement des noms particuliers à leur langue. Ils ont donné à
l'esprit le nom de Jupiter, qui signifie principe psychique de la vie, et ils
l'ont regardé comme le père de tous les êtres intelligents. Avec cette
idée s'accorde ce qu'a dit le plus grand poète de la Grèce en parlant de
Jupiter « le père des 14 hommes et des dieux. » Ils ont nommé le feu
Vulcain, dieu du premier ordre, et qui passe pour contribuer beaucoup à
la production et à la perfection des choses. La terre, étant comme le
sein qui reçoit les germes de la vie, ils lui donnent le nom de Mère. C'est
pour une raison analogue que les Grecs l'appellent Déméter, nom qui
diffère peu du mot Ghemeter (terre mère), par lequel on désignait
anciennement la terre. C'est pourquoi Orphée a dit : « De tout être la
terre est mère et bienfaitrice. » L'eau fut appelée Océan, ce qui veut
dire Mère nourrice. Quelques Grecs l'ont pris dans le même sens,
comme l'atteste ce vers du poète : « Océan et Téthys des dieux sont
l'origine (09). »
Pour les Égyptiens l'Océan est le Nil, où, selon eux, les dieux ont pris
naissance, parce que de tous les pays du monde l'Égypte est le seul qui
ait des villes bâties par les dieux mêmes; telles sont les villes de Jupiter,
d'Hélios, d'Hermès, d'Apollon, de Pan, d'Élithya et plusieurs autres (10).
Enfin, l'air était appelé Minerve (11), qu'ils ont crue fille de Jupiter et
toujours vierge (12) parce que l'air est incorruptible, et qu'il s'étend
jusqu'au sommet de l'univers; car Minerve était sortie de la tête de
Jupiter. Elle s'appelle aussi Tritogénie, des trois changements que subit
la nature dans les trois saisons de l'année, le printemps , l'été et l'hiver.
Elle porte aussi le nom de Glaucopis, non parce qu'elle a les yeux bleus,
comme quelques Grecs l'ont pensé, mais parce que l'immensité de l'air
a un aspect bleu. Ils disent que ces cinq divinités parcourent le monde,
apparaissant aux hommes tantôt sous la forme d'animaux sacrés, 15
tantôt sous la figure humaine ou sous quelque autre forme ; et ceci
n'est point fabuleux, puisque étant les auteurs de tout être, les dieux
peuvent revêtir toutes sortes de formes. C'est ce que le poète, qui avait
été en Égypte et qui avait eu des relations avec les prêtres de ce pays,
fait entendre par ces mots : «Et les dieux, sous la forme de voyageurs
étrangers, parce courent les villes, et examinent eux-mêmes la
méchanceté et « la vertu des hommes (13). » Voilà ce que les
Égyptiens racontent des dieux célestes et immortels.
XIII. Les dieux ont eu des enfants terrestres. Ceux-ci, quoique nés
mortels, ont, par leur sagesse ou par le bien qu'ils ont fait aux hommes,
obtenu l'immortalité ; quelques-uns ont été rois dans l'Égypte. De ces
rois, les uns ont eu des noms communs avec les dieux, et les autres ont
eu des noms particuliers. C'est ainsi qu'on cite Hélios, Saturne, Rhéa,
Jupiter (que quelques-uns appellent Ammon), Junon, Vulcain, Vesta et
Hermès. Hélios, dont le nom signifie soleil, a régné le premier en
Égypte. Quelques prêtres nomment comme premier roi Vulcain,
inventeur du feu , et par cela même le plus digne de la royauté. Un
arbre frappé par la foudre avait mis en flamme Une forêt voisine;
Vulcain accourut, et quoique en hiver, il changea de vêtement à cause
de la chaleur ; le feu commençant à s'éteindre, il l'entretint en y jetant
de nouvelles matières; alors il appela les autres hommes pour venir
profiter de sa découverte. Après Vulcain, régna Saturne qui épousa sa
sœur Rhéa, et en eut, selon quelques mythologistes, Osiris et Isis, ou,
selon la plupart, Jupiter et Junon , qui par leurs vertus parvinrent à
l'empire du monde entier. De ceux-ci naquirent cinq dieux ; la naissance
de chacun coïncide avec un des cinq jours intercalaires de l'année
égyptienne. Ces dieux sont Osiris, Isis, Typhon, Apollon et Vénus. Osiris
correspond à Bacchus, et Isis à Cérès. Osiris ayant épousé Isis et
succédé au trône de son père, combla la société de ses bienfaits.
XIV. Il fit perdre aux hommes la coutume de se manger 16 entre eux,
après qu'Isis eut découvert l'usage du froment et de l'orge , qui
croissaient auparavant inconnus, sans culture et confondus avec les
autres plantes. Osiris inventa la culture de ces fruits, et par suite de ce
bienfait, l'usage d'une nourriture nouvelle et agréable fit abandonner
aux hommes leurs mœurs sauvages. Pour consacrer le souvenir de
cette découverte, on rapporte une pratique fort ancienne, encore usitée
maintenant. Dans le temps de la moisson , les premiers épis sont
donnés en offrande, et les habitants placés près d'une gerbe de blé la
battent en invoquant Isis. Il y a quelques villes où, pendant les fêtes
d'Isis (14), on porte avec pompe, parmi d'autres objets, des corbeilles
chargées de froment et d'orge, en mémoire des bienfaits de cette
déesse. On rapporte aussi qu'Isis a donné des lois d'après lesquelles les
hommes se rendent réciproquement justice, et font cesser l'abus de la
force et de l'injure par la crainte du châtiment. C'est pour cette raison
que les anciens Grecs ont nommé Cérès Thesmophore ( législatrice ),
comme ayant la première établi des lois.
XV. Selon la tradition, Osiris et ses compagnons fondèrent, dans la
Thébaïde d'Égypte, une ville à cent portes, qu'ils appelèrent du nom de
sa mère, Hérapolis, mais que ses descendants ont nommée Diospolis, et
d'autres Thèbes. Au reste, l'origine de cette ville est incertaine, non
seulement chez les historiens, mais encore parmi les prêtres d'Égypte ;
car plusieurs d'entre eux soutiennent que Thèbes a été fondée,
plusieurs années après Osiris, par un roi dont nous parlerons ailleurs.
Osiris éleva à Jupiter et à Junon, ses parents, un temple merveilleux par
sa grandeur et sa somptuosité. Il en consacra deux autres, tout d'or, le
plus grand à Jupiter Uranius, et le plus petit à son père, surnommé
Ammon, qui avait régné en Égypte. Il éleva aussi des temples d'or aux
autres dieux dont nous avons parlé ; il régla leur culte et établit des 17
prêtres pour le maintenir. Osiris et Isis ont honoré les inventeurs des
arts et ceux qui enseignent des choses utiles à la vie.
Après avoir trouvé, dans la Thébaïde, des forges d'airain et d'or, on
fabriqua des armes pour tuer les bêtes féroces, des instruments pour
travailler à la terre, et,, avec le progrès de la civilisation, des statues et
des temples dignes des dieux. Osiris aima aussi l'agriculture; il avait été
élevé à Nysa, ville de l'Arabie Heureuse et voisine de l'Égypte, où cet art
était en honneur. C'est du nom de Jupiter, son père, joint à celui de
cette ville que les Grecs l'ont appelé Dionysus. Le poète fait mention de
Nysa dans un de ses hymnes où il dit : « Nysa assise sur une colline
verdoyante, loin de la Phénicie et près des fleuves de l'Égypte (15). »
On dit qu'il découvrit la vigne dans le territoire de Nysa , et qu'ayant
songé à en utiliser le fruit, il but le premier du vin (16), et apprit aux
hommes la culture de la vigne, l'usage du vin, sa préparation et sa
conservation. Il honora Hermès quittait doué d'un talent remarquable
pour tout ce qui peut servir la société humaine (17).
XVI. En effet, Hermès établit le premier une langue commune , il
donna des noms à beaucoup d'objets qui n'en avaient pas ; il inventa les
lettres et institua les sacrifices et le culte des dieux. Il donna aux
hommes les premiers principes de l'astronomie et de la musique ; il leur
enseigna la palestre, la danse et les exercices du corps. Il imagina la
lyre à trois cordes, par allusion aux trois saisons de l'année ; ces trois
cordes rendent 18 trois sons, l'aigu, le grave et le moyen. L'aigu répond
à l'été , le grave à l'hiver, et le moyen au printemps. C'est lui qui apprit
aux Grecs l'interprétation des langues; pour cette raison ils l'ont appelé
Hermès ( interprète ). Il était le scribe sacré ( hierogrammate (18))
d'Osiris qui lui communiquait tous ses secrets et faisait un grand cas de
ses conseils. C'est enfin lui qui découvrit l'olivier, découverte que les
Grecs attribuent à Minerve.
XVII. Bienfaisant et aimant la gloire, Osiris assembla une grande
armée dans le dessein de parcourir la terre et d'apprendre aux hommes
la culture de la vigne, du froment et de l'orge. Il espérait qu'après avoir
tiré les hommes de leur état sauvage et adouci leurs mœurs, il recevrait
des honneurs divins en récompense de ses grands bienfaits, ce qui eut
lieu en effet. Et non seulement les contemporains reçurent ces dons
avec reconnaissance , mais encore leurs descendants ont honoré
comme les plus grands des dieux ceux auxquels ils doivent leur
nourriture. Osiris chargea Isis de l'administration générale de ses États,
et lui donna pour conseiller Hermès, le plus sage de ses amis, et, pour
général de ses troupes, Hercule qui tenait à lui par la naissance, et qui
était d'une valeur et d'une force de corps prodigieuses. Il établit Busiris
gouverneur de tout le pays qui avoisine la Phénicie. Antée reçut le
gouvernement des contrées de l'Éthiopie et de la Libye. Tout étant ainsi
disposé , il se mit en marche à la tête de son armée, et emmena avec
lui son frère, que les Grecs nomment Apollon. Celui-ci découvrit, dit-on ,
le laurier, que tous les hommes lui ont consacré; la découverte du lierre
est attribuée à Osiris. Les Égyptiens le consacrent à ce dieu comme les
Grecs à Dionysus, et ils l'appellent dans leur langue la plante d'Osiris.
Dans les cérémonies sacrées ils préfèrent le lierre à la vigne, parce que
la vigne perd ses 19 feuilles au lieu que le lierre reste toujours vert. Les
anciens en ont agi de même à l'égard d'autres plantes toujours
verdoyantes; ils ont consacré le myrte à Vénus, le laurier à Apollon et
l'olivier à Minerve.
XVIII. Dans cette expédition Osiris était, selon la tradition,
accompagné de ses deux fils, Anubis et Macédon; ils portaient l'un et
l'autre des armures provenant de deux bêtes dont ils imitaient le
courage. Anubis était revêtu d'une peau de chien et Macédon d'une
peau de loup : c'est pourquoi ces animaux sont en honneur chez les
Égyptiens. Il prit encore avec lui Pan qui est particulièrement vénéré
dans le pays ; car les habitants placent sa statue dans chaque temple,
ils ont même fondé dans la Thébaïde une ville appelée Chemmo (19),
mot qui signifie ville de Pan. Il se fit suivre enfin par deux hommes
instruits dans l'agriculture, Maron pour la culture de la vigne, et
Triptolème pour celle du blé. Tout étant prêt, Osiris promit aux dieux de
laisser croître ses cheveux jusqu'à son retour en Égypte, et se mit en
route par l'Éthiopie. C'est là l'origine de la coutume qui existe encore
aujourd'hui en Égypte, de ne point couper la chevelure pendant toute la
durée d'un voyage jusqu'au retour dans la patrie. On raconte que
lorsqu'il passait par l'Éthiopie, on lui amena des satyres qu'on dit être
couverts de poils jusqu'aux reins. Osiris aimait la joie, la musique et la
danse; aussi menait-il à sa suite des chanteurs parmi lesquels étaient
neuf filles instruites dans tous les arts; les Grecs leur donnent le nom de
Muses. Elles étaient conduites par Apollon, appelé pour cela Musègete.
Osiris attacha à son*expédition les satyres qui se distinguaient par le
chant, la danse et le jeu ; car son expédition n'était point militaire, ni
dangereuse : partout on recevait Osiris comme un dieu bienfaisant.
Après avoir appris aux Éthio- 20 piens l'agriculture et fondé des villes
célèbres, il laissa dans ce pays des gouverneurs chargés de
l'administrer et de percevoir le tribut.
XIX. Il arriva alors que le Nil, au lever du Sirius (époque de la crue ),
rompit ses digues et inonda toute l'Égypte et particulièrement la partie
dont Prométhée était gouverneur. Peu d'habitants échappèrent à ce
déluge. Prométhée faillit se tuer de désespoir. L'impétuosité et la force
du fleuve lui fit donner le nom d'aigle. Mais Hercule, entreprenant et
hardi, répara les digues rompues et fit rentrer le fleuve dans son lit.
C'est ce qui explique le mythe grec d'après lequel Hercule tua l'aigle qui
rongeait le foie de Prométhée. Le nom le plus ancien de ce fleuve est
Okéanés qui signifie en grec Océan. Depuis cette inondation, on l'avait
appelé Aëtos (Aigle) ; ensuite Aeyptus (20) du nom d'un roi du pays.
C'est ce que confirme le poète qui dit : « Je mis à l'ancre les légers
navires dans le fleuve Aegyptus. (21)» Car ce fleuve se jette dans la
mer près du lieu appelé Thonis, ancien entrepôt de l'Égypte. Enfin il a
reçu du roi Niléus le nom de Nil qu'il garde encore aujourd'hui.
Arrivé aux confins de l'Éthiopie, Osiris fit border le Nil de digues, afin
que ses eaux n'inondassent plus le pays au delà de ce qui est utile, et
qu'au moyen d'écluses on pût en faire écouler la quantité nécessaire au
sol. Il traversa ensuite l'Arabie le long de la mer Rouge (22), et continua
sa route jusqu'aux Indes et aux limites de la terre. Il fonda dans l'inde
un grand nombre de villes, et entre autres Nysa , ainsi appelée en
mémoire de la ville d'Égypte où il avait été élevé. Il y planta le lierre, qui
ne croît encore aujourd'hui dans les Indes que dans ce seul endroit.
Enfin il laissa encore d'autres marques de son 21 passage dans cette
contrée; c'est ce qui a fait dire aux descendants de ces Indiens,
qu'Osiris est originaire de leur pays.
XX. Il fit aussi la chasse aux éléphants, et éleva partout des
colonnes comme monuments de son expédition. Il visita les autres
nations de l'Asie, traversa l'Hellespont et aborda en Europe. Il tua
Lycurgue, roi de Thrace, qui s'opposait à ses desseins , laissa dans cette
contrée Maron, qui était déjà vieux, et le chargea du soin de ses
plantations. Il lui fil bâtir une ville appelée Maronée, établit Macédon,
son fils, roi de ce pays qui depuis a pris le nom de Macédoine, et confia
à Triptolème la culture du sol de l'Attique. En un mot, parcourant toute
la terre, il répandit partout les bienfaits d'une nourriture moins sauvage.
Là où le terrain n'était pas propre à la vigne, il apprit aux habitants à
faire avec de l'orge une boisson qui, pour l'odeur et la force, ne le cède
pas beaucoup au vin. Revenant en Égypte, il rapporta avec lui les dons
les plus beaux. En échange de ces grands bienfaits, il reçut l'immortalité
et les honneurs divins. Ayant ainsi passé du rang des hommes à celui
des dieux, Isis et Hermès lui instituèrent des sacrifices et un culte égal à
celui qu'on rend aux plus grandes divinités. Ils introduisirent dans ce
culte des cérémonies mystiques en honneur de la puissance de ce dieu.

XXI. Les prêtres avaient caché longtemps la mort d'Osiris; mais enfin
il arriva que quelques-uns d'entre eux divulguèrent le secret. On
raconte donc qu'Osiris, régnant avec justice sur l'Égypte, fut tué par son
frère Typhon, homme violent et impie, et que celui-ci partagea le corps
de la victime en vingt-six parties, qu'il distribua à ses complices afin de
les envelopper tous dans une haine commune, et de s'assurer ainsi des
défenseurs de son règne. Mais Isis, sœur et femme d'Osiris, aidée de
son fils Horus, poursuivit la vengeance de ce meurtre ; elle fit mourir
Typhon et ses complices, et devint reine d'Égypte. Il y avait eu un
combat sur les bords du fleuve, du côté de l'Arabie, près du village
d'Antée, ainsi nommé d'Antée qu'Hercule y avait tué du temps d'Osiris.
Isis y trouva toutes 22 les parties du corps d'Osiris, excepté les parties
sexuelles. Pour cacher le tombeau de son mari, et le faire vénérer par
tous les habitants de l'Égypte, elle s'y prit de la manière suivante : Elle
enveloppa chaque partie dans une figure faite de cire et d'aromates, et
semblable en grandeur à Osiris, et convoquant toutes les classes de
prêtres les unes après les autres, elle leur fit jurer le secret de la
confidence qu'elle allait leur faire. Elle annonça à chacune des classes
qu'elle lui avait confié de préférence aux autres la sépulture d'Osiris, et
rappelant ses bienfaits, elle exhorta tous les prêtres à ensevelir le corps
dans leurs temples, à vénérer Osiris comme un dieu, à lui consacrer un
de leurs animaux, n'importe lequel ; à honorer cet animal pendant sa
vie, comme autrefois Osiris, et à lui rendre les mêmes honneurs après
sa mort. Voulant engager (es prêtres par des dons à remplir leurs
offices, Isis leur donna le tiers du pays pour l'entretien du culte et des
sacrifices. Les prêtres, se rappelant les biens qu'ils avaient reçus
d'Osiris, «et comblés des bienfaits de la reine, firent selon l'intention
d'Isis à laquelle ils cherchaient tous à complaire. C'est pourquoi encore
aujourd'hui tous les prêtres prétendent avoir chez eux le corps d'Osiris,
ainsi que les animaux qui lui sont consacrés dès l'origine ; et ils
renouvellent les funérailles d'Osiris à la mort de ces animaux.
Les taureaux sacrés, connus sous le nom d'Apis et de Mnévis, et
consacrés à Osiris, sont l'objet d'un culte divin auprès de tous les
Égyptiens, parce que ces animaux ont été très utiles à ceux qui ont
trouvé l'agriculture et l'usage du blé.
XXII. Après la mort d'Osiris, Isis jura de ne jamais se livrer à aucun
homme durant le reste de sa vie, à régner avec justice, et à combler ses
sujets de bienfaits. Enlevée aux hommes, elle participa aux honneurs
divins; son corps fut enseveli à Memphis, où l'on montre encore
aujourd'hui le tombeau d'Isis dans le temple de Vulcain. D'autres
soutiennent que les corps de ces deux divinités ne reposent point à
Memphis, mais près des frontières de l'Éthiopie et de l'Égypte, dans une
île du Nil, 23 située près des Philes (23), et qui pour cela s'appelle le
Champ Sacré. Ils montrent à l'appui de leur opinion les monuments qui
se trouvent dans cette île : le tombeau d'Osiris, respecté des prêtres de
toute l'Égypte et les trois cent soixante urnes qui l'environnent. Les
prêtres du lieu remplissent chaque jour ces urnes de lait, et invoquent
en se lamentant les noms de ces divinités. C'est pour cela que l'abord
de cette île est défendu à tout le monde, excepté aux prêtres; et tous
les habitants de la Thébaïde (qui est la plus ancienne contrée de
l'Égypte) regardent comme le plus grand serment de jurer par le
tombeau d'Osiris aux Philes. C'est ainsi que les parties du corps d'Osiris
retrouvées ont reçu la sépulture. Les parties sexuelles avaient été
jetées par Typhon dans le fleuve (24) ; mais Isis leur fit accorder des
honneurs divins tout comme aux autres parties. Elle en fit construire
une image dans les temples, et lui attribua un culte particulier dans les
cérémonies et dans les sacrifices qu'on fait en l'honneur de ce dieu.
C'est pourquoi les Grecs, qui ont emprunté à l'Égypte les orgies et les
fêtes Dionysiaques, ont les parties sexuelles, appelées Phallus, en
grande vénération dans les mystères et les initiations de Bacchus.
XXIII. On dit qu'il s'est écoulé plus de dix mille ans (25) depuis Osiris
et Isis jusqu'au règne d'Alexandre, qui a fondé en Égypte la ville qui
porte son nom ; d'autres écrivent qu'il y en a près de vingt-trois mille.
Ceux qui prétendent qu'Osiris est né à Thèbes en Béotie, de Sémélé et
de Jupiter, sont dans une erreur dont voici l'origine : Orphée, voyageant
en Égypte, 24 fut initié aux mystères de Bacchus; et comme il était aimé
et honoré des Cadméens, fondateurs de Thèbes en Béotie, il avait, pour
leur complaire, transporté dans leur pays la naissance de ce dieu. La
multitude, soit ignorance, soit désir de faire de Bacchus un dieu grec,
accueillit volontiers les mystères et les initiations dionysiaques. Pour
établir cette croyance, Orphée se servit du prétexte suivant : Cadmus,
qui était originaire de Thèbes en Égypte, eut, entre autres enfants, une
fille nommée Sémélé. Séduite par un inconnu , elle devint enceinte, et,
au bout de sept mois, mit au monde un enfant qui eut une grande
ressemblance avec Osiris. Cet enfant ne vécut pas longtemps, soit que
les dieux l'aient ainsi voulu, soit que ce fût là son sort naturel.
Cadmus, instruit de cet événement et conseillé par un oracle de
conserver les usages de ses ancêtres, fit dorer le corps de cet enfant
(26) et lui offrit des sacrifices, comme si Osiris avait voulu se montrer
sous cette forme parmi les hommes. Il attribua à Jupiter la naissance de
l'enfant, qu'il désignait comme étant Osiris, et sauva ainsi la réputation
de sa fille déshonorée. De là vient la croyance établie chez les Grecs
que Sémélé, fille de Cadmus, eut de Jupiter Osiris. Orphée, renommé
chez les Grecs par son chant et par ses connaissances dans les
mystères et les choses sacrées, était reçu en hospitalité par les
Cadméens et fort honoré à Thèbes. Initié dans les sciences sacrées des
Égyptiens, il rapporta à une époque plus récente la naissance de
l'antique Osiris ; et, pour se rendre agréable aux Cadméens, il institua
de nouveaux mystères où l'on apprend aux initiés que Dionysus est fils
de Sémélé et de Jupiter. Les hommes, entraînés, soit par leur ignorance
soit par leur foi en Orphée, et, avant tout, accueillant avec plaisir
l'opinion d'après laquelle ce dieu est d'origine grecque, ont admis avec
empres- 25 sèment les mystères institués par Orphée. Depuis lors, cette
opinion , dont les mythographes et les poètes se sont emparés, a rempli
les théâtres et s'est beaucoup fortifiée par la tradition. C'est ainsi, dit-
on, que les Grecs se sont approprié les héros et les dieux les plus
célèbres, et jusqu'aux colonies qui viennent de l'Égypte.
XXIV. Hercule qui, confiant en sa force, avait parcouru une grande
partie de la terre et élevé une colonne aux frontières de la Libye, était
aussi d'origine égyptienne ; les Grecs eux-mêmes en fournissent les
preuves. En effet, d'après la croyance générale, Hercule avait aidé les
dieux de l'Olympe dans la guerre contre les géants. Or, l'existence des
géants ne coïncide nullement avec l'époque de la naissance d'Hercule,
laquelle est fixée par les Grecs à une génération d'hommes antérieure à
la guerre de Troie ; mais elle remonte plutôt, comme l'affirment les
Égyptiens , à l'origine même des hommes ; et, à partir de cette époque,
ils comptent plus de dix mille ans, tandis qu'ils n'en comptent pas douze
cents depuis la guerre de Troie. De même aussi, la massue et la peau
de lion ne peuvent convenir qu'à l'antique Hercule ; car, les armes
n'étant pas alors inventées , les hommes n'avaient que des bâtons pour
se défendre et des peaux d'animaux pour armures. Les Égyptiens
donnent Hercule pour fils de Jupiter, mais ils ne connaissent pas sa
mère. C'est plus de dix mille ans après qu'Alcmène eut un fils, d'abord
appelé Alcée, et qui prit ensuite le nom d'Héraclès (Hercule), non pas,
comme le prétend Matris, à cause de la gloire qu'il obtint par Junon (27)
mais parce que, digne émule de l'ancien Hercule, il eut en partage la
même renommée et le même nom. Les Égyptiens citent encore à
l'appui de leur opinion une tradition depuis longtemps répandue chez
les Grecs, suivant laquelle Hercule purifia la terre des monstres qui la
ravageaient. Or, ceci ne peut se rapporter à une époque aussi
rapprochée de la guerre de Troie, puisque la plupart des pays étaient
déjà civilisés et se distinguaient par l'agriculture, le nombre des villes et
de leurs habitants. Ces 26 travaux d'Hercule, qui amenaient la
civilisation, doivent donc être placés dans des temps bien plus reculés,
où les hommes étaient encore infestés par un grand nombre d'animaux
sauvages, particulièrement en Égypte, dont la haute région est encore
aujourd'hui inculte et peuplée de bêtes féroces. C'est ainsi que, dévoué
à sa patrie , Hercule nettoya la terre de ces animaux, livra le sol aux
cultivateurs et obtint les honneurs divins. Persée est aussi né en Égypte,
selon la tradition; et les Grecs transfèrent à Argos la naissance d'Isis,
lorsqu'ils racontent, dans leur mythologie, qu'Io fut métamorphosée en
vache.
XXV. En général, il y a une grande divergence d'opinions sur toutes
ces divinités. La même Isis est appelée par les uns Déméter (Cérès), par
les autres Thesmosphore, par d'autres encore Séléné (Lune) ou Héra ;
plusieurs écrivains lui donnent tous ces noms à la fois. Quant à Osiris,
les uns le nomment Sérapis, les autres Dionysus, d'autres encore Pluton
ou Ammon ; quelques autres l'appellent Jupiter, et beaucoup d'autres
Pan. Il y en a qui soutiennent que Sérapis est le Pluton des Grecs. Selon
les Égyptiens, Isis a inventé beaucoup de remèdes utiles à la santé, elle
possède une grande expérience de la science médicale, et, devenue
immortelle, elle se plaît à guérir les malades, elle se manifeste à eux
sous sa forme naturelle, et apporte en songe des secours à ceux qui
l'implorent ; enfin, elle se montre comme un être bienfaisant à ceux qui
l'invoquent A l'appui de leur opinion, ils citent non pas des fables,
comme les Grecs, mais des faits réels, et assurent que presque le
monde entier leur rend ce témoignage par le culte offert à cette déesse
pour son intervention dans la guérison des maladies. Elle se montre
surtout aux souffrants pendant le sommeil, leur apporte des
soulagements et guérit , contre toute attente, ceux qui lui obéissent
Bien des malades, que les médecins avaient désespéré de rétablir, ont
été sauvés par elle ; un grand nombre d'aveugles ou d'estropiés
guérissaient quand ils avaient recours à cette déesse. Elle inventa le
remède qui donne l'immortalité : elle rappela à la vie, non seulement
son fils Horus tué par les Titans, et dont le corps fut trouvé dans l'eau, 27
mais elle lui procura l'immortalité. Horus paraît avoir été le dernier dieu
qui ait régné en Égypte, après le départ de son père pour le séjour
céleste. Horus signifie Apollon ; instruit par Isis, sa mère, dans la
médecine et la divination, il rendit de grands services au genre humain
par ses oracles et ses traitements des maladies.

XXVI. Les prêtres égyptiens comptent un intervalle d'environ vingt-


trois mille ans depuis le règne d'Hélios jusqu'à l'invasion d'Alexandre en
Asie. D'après leur mythologie, les dieux les plus anciens ont régné
chacun plus de douze cents ans, et leurs descendants pas moins de
trois cents. Comme ce nombre d'années est incroyable, quelques-uns
essayent de l'expliquer en soutenant que le mouvement (de la terre)
autour du soleil n'était pas anciennement reconnu, et qu'on prenait
pour l'année la révolution de la lune. Ainsi, l'année ne se composant que
de trente jours, il n'est pas impossible que plusieurs de ces rois eussent
vécu douze cents ans ; car aujourd'hui que l'année se compose de
douze mois, il n'y a pas peu d'hommes qui vivent plus de cent ans. Ils
allèguent des raisons semblables au sujet de ceux qui ont régné trois
cents ans. Dans ces temps, disent-ils, l'année se composait de quatre
mois (28) période qui comprenait les saisons qui se succèdent : le
printemps, l'été et l'hiver. Delà vient que l'année est appelée Horus (29)
par quelques Grecs, et que les annales portent le nom de Horographies.
Les Égyptiens racontent que c'est du temps d'Isis que naquirent ces
êtres à plusieurs corps que les Grecs appellent géants, et que les
Égyptiens représentent dans leurs temples comme des monstres 28
frappés par Osiris. Les uns prétendent que ces monstres sont nés de la
terre au moment où elle produisait les animaux. Selon d'autres, ces
monstres ont eu pour générateurs des hommes remarquables par leur
force physique et qui, après avoir accompli de nombreux exploits, ont
été dépeints dans la mythologie comme des êtres à plusieurs corps.
C'est une croyance presque universelle, qu'ils furent tous tués dans la
guerre qu'ils avaient entreprise contre Jupiter et Osiris.
XXVII. Contrairement à l'usage reçu chez les autres nations, les lois
permettent aux Égyptiens d'épouser leurs sœurs, à l'exemple d'Osiris et
d'Isis. Celle-ci, en effet, ayant cohabité avec son frère Osiris, jura, après
la mort de son époux, de ne jamais souffrir l'approche d'un autre
homme, poursuivit le meurtrier, régna selon les lois et combla les
hommes des plus grands biens. Tout cela explique pourquoi la reine
reçoit plus de puissance et de respect que le roi, et pourquoi chez les
particuliers l'homme appartient à la femme, selon les termes du contrat
dotal, et qu'il est stipulé entre les mariés que l'homme obéira à la
femme. Je n'ignore pas que, suivant quelques historiens, les tombeaux
de ces divinités existent à Nysa, en Arabie; ce qui a fait donner à
Dionysus le surnom de Nyséen. A chacune de ces divinités est élevée
une colonne avec une inscription en caractères sacrés. Sur celle d'Isis,
on lit :
« Je suis Isis, reine de tout le pays; élevée par Hermès, j'ai établi des
lois que nul ne peut abolir. Je suis la fille aînée de Saturne, le plus jeune
des dieux. Je suis la femme et la sœur du roi Osiris. C'est moi qui ai la
première trouvé pour l'homme le fruit dont il se nourrit. Je suis la mère
du roi Horus. Je me lève avec l'étoile du chien. C'est à moi qu'a été
dédiée la ville de Bubaste. Salut, salut, ô Égypte, qui m'as nourrie! »
Sur la colonne d'Osiris est écrit : « Mon père est Saturne, le plus
jeune de tous les dieux ; je suis le roi Osiris, qui, à la tête d'une
expédition, ai parcouru toute la terre jusqu'aux lieux inhabités des Indes
et aux régions inclinées vers l'Ourse, jusqu'aux sources de l'Ister, et de
là dans d'autres contrées jusqu'à 29 l'Océan. Je suis le fils aîné de
Saturne, je sortis d'un œuf beau et noble, et je devins la semence qui
est de la même origine que le jour. Et il n'y a pas un endroit de la terre
que je n'aie visité, prodiguant à tous mes bienfaits. »
Voilà, dit-on, ce qui est écrit et ce qu'on peut lire sur ces colonnes ;
le reste a été effacé par le temps. Les opinions diffèrent sur la sépulture
de ces divinités, parce que les prêtres, cachant tout ce qui s'y rapporte,
ne veulent point divulguer la vérité, et qu'il y aurait des dangers à
révéler au public les mystères des dieux.
XXVIII. Selon leur histoire, les Égyptiens ont disséminé un grand
nombre de colonies sur tout le continent. Bélus, que l'on dit fils de
Neptune et de Libya, conduisit des colons à Babylone. Établi sur les
rives de l'Euphrate, il institua des prêtres, qui étaient, comme ceux
d'Égypte, exempts d'impôt et de toute charge publique ; les
Babyloniens les appellent Chaldéens. Ils s'occupent de l'observation des
astres, à l'imitation des prêtres et physiciens de l'Égypte ; ils sont aussi
astrologues. Danaus partit également de l'Égypte avec une colonie, et
fonda la plus ancienne des villes grecques, Argos. Les Colchidiens du
Pont et les Juifs, placés entre l'Arabie et la Syrie, descendent aussi de
colons égyptiens. C'est ce qui explique l'usage qui existe depuis
longtemps chez ces peuples de circoncire les enfants; cet usage est
importé de l'Égypte. Les Égyptiens prétendent que les Athéniens eux-
mêmes descendent d'une colonie de Sais, et ils essaient de démontrer
ainsi cette opinion : Les Athéniens, disent-ils, sont les seuls Grecs qui
appellent leur ville Asty, nom emprunté à l'Asty d'Égypte ; de plus, leur
organisation politique a le même ordre, et divise, comme chez les
Égyptiens, les citoyens en trois classes. La première se compose des
eupatrides (30) qui, comme les prêtres en Égypte, sont les plus instruits
et dignes des plus grands honneurs. La seconde classe comprend les
possesseurs de terres, qui devaient avoir des armes 30 et défendre
l'État, comme en Égypte les cultivateurs qui fournissent des soldats. La
dernière classe renferme les ouvriers occupés à des arts manuels et
payant les charges publiques les plus nécessaires; un ordre semblable
existe aussi chez les Égyptiens. Les Athéniens ont eu des généraux
d'origine égyptienne; tel était Pétès, père de Ménesthé, qui avait été de
l'expédition de Troie, et qui avait régné ensuite sur Athènes. [On dit la
même chose de Cécrops] (31) qui avait une double nature; les
Athéniens n'ont jamais pu donner les véritables raisons de ce
phénomène. Il est pourtant évident pour tout le monde que, puisqu'il se
trouvait citoyen de deux États, l'un grec et l'autre barbare, on lui
attribua une double nature, moitié bête et moitié homme.
'XXIX. Les Égyptiens avancent aussi qu'Érechthée, ancien roi
d'Athènes, était originaire d'Égypte, et ils en apportent les preuves
suivantes : Selon une croyance généralement accréditée , une grande
sécheresse désola tout le continent, à l'exception de l'Égypte, qui en fut
préservée par sa position naturelle ; cette sécheresse faisait périr les
hommes et les fruits. Érechthée se souvenant de sa double origine fit
alors transporter du blé de l'Égypte à Athènes, dont il fut nommé roi par
la reconnaissance publique. Après avoir accepté la royauté, il institua à
Éleusis les initiations et les mystères de Cérès, d'après les rites
égyptiens. C'est à cette époque que la tradition place l'apparition de
Cérès dans l'Attique et l'importation des céréales dans Athènes ; c'est
ce qui a donné lieu à la croyance que Cérès fit. connaître la première la
culture de ces fruits. Les Athéniens affirment que l'apparition de Cérès
et le don du blé arrivèrent sous le règne d'Érechthée, dans un temps où
le manque de pluie avait fait périr tous les fruits. De plus, les initiations
et les mystères de cette déesse furent alors établis h Éleusis, où les
Athéniens observent les mêmes rites que les Égyptiens; caries
Eumolpides dérivent des prêtres égyptiens, et les hérauts des
Pastophores (32). Enfin, 31 les Athéniens sont les seuls Grecs qui jurent
par Isis, et qui, par leurs opinions et leurs mœurs, ressemblent le plus
aux Égyptiens. Ces derniers apportent encore beaucoup d'autres
documents à l'appui de leur colonie, mais qui me paraissent plus
ambitieux que vrais; car la fondation d'une ville aussi célèbre
qu'Athènes était pour eux un titre de gloire. Ils se vantent d'avoir
dispersé leur race dans un grand nombre de contrées de la terre, ce qui
attesterait la suprématie de leurs rois et une abondance de population.
Comme cette opinion ne repose sur aucune preuve digne de foi, et
qu'ils ne citent pas à cet égard d'autorité solide, nous n'avons plus rien
qui mérite d'être rapporté. Nous terminons ainsi ce que nous avions à
dire sur la théogonie des Égyptiens. Nous allons maintenant décrire en
détail tout ce qui concerne le sol, le Nil, et d'autres choses
remarquables.
XXX. L'Égypte s'étend principalement au midi, et semble, par la
force de sa position et la beauté du sol, l'emporter sur tous les
royaumes. Car, au couchant, elle a pour boulevard le désert de la Libye,
peuplé de bêtes féroces, occupant une vaste surface qu'il serait non
seulement difficile mais fort dangereux de traverser, à cause du
manque d'eau et de la rareté des vivres. Au midi, elle est défendue par
les cataractes du Nil et par les montagnes qui les bornent A partir du
pays des Troglodytes et des frontières de l'Éthiopie, dans un espace de
cinq mille cinq cents stades (33), le fleuve n'est guère navigable, et il
est impossible de voyager à pied, à moins de mener à sa suite un train
royal ou du moins beaucoup de provisions. Du côté du levant, l'Égypte
est protégée en partie par le Nil, en partie par le désert et par des
plaines marécageuses connues sous le nom de Barathres (34), Il y a,
entre la Cœlé-Syrie (35) et l'Égypte, un lac 32 très peu large, d'une
profondeur prodigieuse et d'une longueur de deux cents stades
environ : il s'appelle Serbonis et fait courir, au voyageur qui s'en
approche, des périls imprévus. Son bassin étant étroit comme un ruban
et ses bords très larges, il arrive qu'il se recouvre de masses de sable
qu'apportent les vents continuels du midi. Ce sable fait disparaître à la
vue la nappe d'eau et confond son aspect avec celui du sol. C'est ainsi
que des armées entières ont été englouties par l'ignorance de ce lieu et
s'étant trompées de route. Le sable, légèrement foulé, laisse d'abord la
trace des pas et engage, par une funeste sécurité, les autres à suivre,
jusqu'à ce qu'avertis du danger ils cherchent à se secourir au moment
où il ne reste plus aucun moyen de salut. Car un homme ainsi englouti
dans la fange ne peut ni nager, le mouvement du corps étant empêché,
ni sortir de là, n'ayant aucun appui solide pour se soulever. Ce mélange
intime d'eau et de sable constitue quelque chose de mixte où l'on ne
saurait ni marcher ni naviguer. Aussi, ceux qui s'y trouvent engagés,
sont entraînés jusqu'au fond de l'abîme, puisque les rives de sable
s'enfoncent avec eux. Telle est la nature de ces plaines auxquelles le
nom de Barathres convient parfaitement.

XXXI. Après avoir indiqué les trois points qui protègent l'Égypte du
côté de la terre, nous y ajouterons ce qui nous reste à dire. Le
quatrième côté, baigné presque entièrement par des flots inabordables,
est défendu par la mer d'Égypte offrant un vaste trajet d'où il est
difficile de gagner la terre avec sécurité. Car depuis Paraetonium. en
Libye jusqu'à Joppé en Cœlé-Syrie, dans une étendue de presque cinq
mille stades, on ne rencontre pas de port sûr, excepté Phare. Outre
cela, presque tout le côté littoral de l'Égypte est bordé par un banc de
sable qui échappe aux navigateurs inexpérimentés. Croyant être sauvés
des dangers qui les menaçaient en pleine mer, et faisant, dans leur
ignorance, joyeusement voile vers la terre , ils se heurtent inopinément
contre ces bancs, et leurs vaisseaux font naufrage. D'autres, ne pouvant
distinguer la terre de loin, à cause de l'abaissement de la côte, tombent,
à leur insu, soit 33 dans des endroits marécageux, soit sur une plage
déserte. Ainsi donc, l'Égypte est de tous côtés fortifiée par la nature.
Quant à sa configuration, elle est oblongue et a, du côté de la mer, une
étendue de deux mille stades, et se prolonge environ six mille stades
dans l'intérieur. L'Égypte était anciennement plus peuplée que toutes
les autres contrées delà terre, et encore aujourd'hui, elle n'est, sous ce
rapport, inférieure à aucune autre nation. Elle comptait autrefois, outre
des villages considérables, plus de dix-huit mille villes, .comme on peut
le voir consigné dans les archives sacrées. Sous le règne de Ptolémée
Lagus, il y avait plus de trente mille villes, dont un grand nombre s'est
conservé jusqu'à nos jours. Dans un dénombrement qui s'était fait
anciennement de toute la population, on avait compté environ sept
millions d'habitants; et encore maintenant elle ne s'élève pas à moins
de trois millions (36). C'est à cause de ce grand nombre de bras que les
anciens rois d'Égypte ont pu laisser ces grands et merveilleux
monuments qui immortalisent leur gloire. Nous en parlerons plus tard
d'une manière plus spéciale. Nous allons maintenant traiter de la nature
du fleuve et des particularités du sol.
XXXII. Le Nil coule du midi au nord; il a ses sources dans des lieux
non visités, qui s'étendent des limites extrêmes de l'Éthiopie vers le
désert, pays inaccessible à cause de sa chaleur excessive. C'est le plus
grand de tous les fleuves ; il parcourt la plus grande étendue du pays,
en formant de grandes sinuosités, tantôt au levant, vers l'Arabie, tantôt
au couchant, du côté de la Lybie. Son cours, y compris ses sinuosités,
comprend , depuis les frontières de l'Éthiopie jusqu'à son embouchure
dans la mer, un espace de douze mille stades au moins. Dans les
régions basses le fleuve grossit considérablement, et 34 son lit s'élargit,
envahissant de part et d'autre le continent. Il se divise ensuite ; la
branche qui se dirige vers la Lybie est absorbée par des amas de sable
d'une incroyable épaisseur, et la branche qui incline vers l'Arabie
aboutit à d'immenses marais et à de vastes étangs, dont les bords sont
habités par de nombreuses peuplades. Entré dans l'Égypte, où sa
largeur est de dix stades et quelquefois moins, il ne suit plus une
direction droite, mais forme des flexuosités variables, tantôt à l'orient,
tantôt à l'occident , et même parfois vers le midi, en retournant en
arrière ; car, les montagnes qui le bordent, et qui constituent une
grande partie de ses rives, sont coupées par des anfractuosités et des
gorges étroites sur lesquelles le courant se brise ; ainsi arrêté, le
courant revient en arrière à travers la plaine, et, arrivé au midi, à un
niveau convenable, il reprend sa direction naturelle. Plus considérable
qu'aucun autre fleuve, il est aussi le seul dont les eaux coulent sans
impétuosité , excepté à l'endroit qu'on appelle les Cataractes. C'est un
espace de dix stades, déclive, et qui, resserré entre des rochers
escarpés, forme un précipice rapide, hérissé de blocs de pierres et
d'écueils menaçants. Le fleuve se brise avec violence contre ces
obstacles, et rencontrant des contre-courants, forme des tournants
d'eau prodigieux. Tout le milieu est couvert d'écume et remplit
d'épouvante ceux qui en approchent. Dans cet endroit, le courant est
aussi violent et aussi rapide qu'un trait. A l'époque de la crue du Nil,
tout cet espace, hérissé d'écueils, est caché par les eaux, qui le
recouvrent ; quelques navigateurs peuvent alors descendre la cataracte
en profitant d'un vent contraire, mais aucun ne peut la remonter, car la
violence du fleuve l'emporte sur le génie de l'homme. Il existe plusieurs
de ces cataractes; mais la plus grande est celle qui se trouve sur les
frontières de l'Éthiopie et de l'Égypte.
XXXIII. Le Nil circonscrit plusieurs îles, surtout du côté de l'Éthiopie.
Parmi ces îles il y en a une surtout remarquable par sa grandeur; elle
s'appelle Meroë et renferme une ville du même nom, fondée par
Cambyse, qui lui donna le nom 35 de sa mère. On dit que cette île a la
forme d'un bouclier, et qu'elle surpasse en étendue toutes les autres
îles de cette contrée, qu'elle compte trois mille stades de longueur sur
mille de largeur, et qu'elle a de nombreuses villes, dont la plus célèbre
est Méroë. La partie qui regarde la Lybie a pour rivages un énorme banc
de sable ; tandis que, du côté de l'Arabie, l'île est bordée par des
rochers escarpés. On y trouve des minerais (37) d'or, d'argent, de fer et
de cuivre ; il y a aussi en abondance du bois d'ébène et des pierres
précieuses de toute espèce. Il est cependant difficile de croire que ce
fleuve forme des îles aussi nombreuses qu'on l'entend dire. Car,
indépendamment des lieux qui sont environnés d'eau dans le Delta, on
compte plus de sept cents îles. Dans quelques-unes de ces îles, qui sont
desséchées par les Éthiopiens, on cultive du millet ; les autres sont
rendues inaccessibles aux hommes par la quantité de serpents, de
cynocéphales, et d'autres animaux sauvages qui s'y trouvent. Le Nil se
divisant en plusieurs branches, dans la Basse-Égypte, constitue le lieu
appelé le Delta, d'après sa configuration qui est celle d'un triangle, dont
les côtés sont représentés par les branches extrêmes , et la base par la
mer, qui reçoit toutes les bouches du fleuve. Ces bouches sont au
nombre de sept : la première, et la plus orientale, est la bouche
Pélusiaque, là seconde la bouche Tauitique, la troisième la bouche
Mendésienne, viennent ensuite les bouches Phatmique, Sebennytique,
Bolbitienne et Canopique; cette dernière est aussi appelée Herculéenne.
Il y a encore d'autres bouches faites par la main des hommes; mais
elles ne méritent aucune mention. Sur chaque embouchure est bâtie
une ville coupée par le fleuve en deux parties, qui sont jointes par des
ponts et convenablement fortifiées. Un canal, construit à force de bras,
s'étend de la bouche Pélusiaque jusqu'au golfe Arabique et à la mer
Rouge. Necos, fils de Psammitichus, commença à 36 faire construire ce
canal ; Darius, roi de Perse, le continua, mais il le laissa inachevé, car il
avait appris que s'il perçait le détroit il ferait inonder toute l'Égypte. On
lui avait en effet démontré, que le niveau de la mer Rouge est plus
élevé que le sol d'Égypte (38). Plus tard, Ptolémée Il y mit la dernière
main, et fit construire une écluse dans l'endroit le plus favorable; on
l'ouvre quand on veut traverser le canal, et on la ferme ensuite
exactement. Ce canal est appelé fleuve de Ptolémée. A son embouchure
est située la ville d'Arsinoé.
XXXIV. Le Delta, dont la configuration ressemble à celle de la Sicile,
a, pour chacun des côtés, une longueur de cinq cent cinquante stades ;
sa base, qui est baignée par la mer, a mille trois cents stades. Cette île
est traversée par un grand nombre de canaux, ouvrages de l'homme,
qui rendent ce pays le plus beau de l'Égypte.
Le terrain alluvionnaire du Nil est bien arrosé ; il produit des fruits
abondants et variés (39). Le Nil y dépose annuellement, après ses
crues, du nouveau limon, et les habitants peuvent facilement arroser
toute l'île à l'aide d'une machine construite par Archimède, de Syracuse,
laquelle, pour sa forme, porte le nom de limaçon (40). Les eaux du Nil,
coulant très lentement, charrient avec elles beaucoup de terre, et
forment, dans les endroits bas, des marais extrêmement fertiles. On y
voit naître des racines de diverses saveurs, des fruits et des tiges d'une
nature particu- 37 lière, et qui suffisent aux besoins des indigents et des
malades. Ces plantes offrent non seulement une nourriture variée et
toujours prête, mais encore elles sont utiles à d'autres besoins de la vie.
On y trouve en abondance le lotus (41), avec lequel les habitants font
du pain propre à satisfaire au besoin physique du corps; on y rencontre
encore en très grande abondance le ciborium, qui porte ce qu'on
appelle la fève d'Égypte (42). Il y croît aussi plusieurs espèces d'arbres,
parmi lesquels on remarque l'arbre persique (43), dont les fruits sont
remarquables par leur douceur; cet arbre a été importé de l'Éthiopie par
les Perses, à l'époque où Cambyse était maître du pays. On y rencontre
aussi des sycomores (44), dont les uns produisent des mûres et les
autres des fruits 38 semblables aux figues. Et comme ces arbres
rapportent pendant presque toute l'année, les indigents ont toujours de
quoi satisfaire leur faim. Enfin on y voit des espèces de ronces dont le
fruit, appelé myxarion(45), se recueille après la retraite des eaux, et
qui, à cause de sa douceur, est mangé aux secondes tables (dessert).
Les Égyptiens fabriquent avec de l'orge une boisson nommée zythos
(46), qui, par son odeur, se rapproche du vin. Ils entretiennent la
lumière de leurs lampes en versant dans celles-ci, au lieu de l'huile
(d'olive), le liquide exprimé d'une plante nommée kiki (47). Il y a encore
beaucoup d'autres plantes nécessaires à la vie, qui croissent
abondamment en Égypte, et qu'il serait trop long de décrire.
XXXV. Le Nil nourrit beaucoup d'animaux et d'espèces variées ; on
en distingue surtout deux, le crocodile et l'hippopotame. Le crocodile,
très petit d'abord, devient très grand ; car il pond des œufs semblables
aux œufs d'oie, et l'animal qui en sort atteint jusqu'à seize coudées de
longueur (48). Il vit très long- 39 temps, comparativement à l'homme, et
il n'a pas de langue (49). Son corps est naturellement protégé par une
cuirasse merveilleuses car toute sa peau est recouverte d'écaillés
remarquables par leur dureté ; ses deux mâchoires sont garnies d'un
grand nombre de dents, et les canines supérieures dépassent les autres
par leur longueur. Il dévore non seulement les hommes, mais encore
tous les animaux qui s'approchent du fleuve. Ses morsures sont
profondes et dangereuses; il déchire sa proie avec ses griffes et fait des
blessures très difficiles à guérir. Les Égyptiens péchaient anciennement
ces animaux avec des hameçons amorcés avec de la chair de porc ;
plus tard on les prit tantôt comme des poissons dans des filets épais,
tantôt en les harponnant avec des projectiles de fer lancés d'un bateau
sur la tête de l'animal. La quantité de crocodiles vivant dans le Nil et
dans les lacs adjacents est innombrable, d'autant plus qu'ils sont très
féconds et ne sont que rarement tués par les hommes. Car c'est un
usage religieux établi chez la plupart des indigènes de vénérer le
crocodile comme un dieu; puis, ce n'est qu'une chasse très peu
lucrative aux étrangers, la chair de ces animaux n'étant pas mangeable.
Mais la nature a fourni un grand remède à la propagation d'un animal
aussi dangereux pour l'homme (50); car l'ichneumon, semblable à un
petit chien, s'occupe à casser les œufs que le crocodile vient pondre sur
les rives du fleuve, et, chose merveilleuse , ce n'est ni pour les manger
ni pour aucun autre besoin , mais pour satisfaire un instinct naturel, qui
est un grand acte de bienfaisance envers l'homme. L'hippopotame 40
n'a pas moins de cinq coudées de longueur ; c'est un quadrupède
biongulé, rappelant la forme du bœuf; ses défenses sont plus grandes
que celles du sanglier et au nombre de trois sur chaque côté de la
mâchoire; il a les oreilles, la queue et la voix comme celles du cheval, et
tout l'extérieur du corps semblable à celui d'un éléphant ; sa peau est
plus dure que celle d'aucun autre animal. Il est à la fois fluviatile et
terrestre; il passe les jours à s'ébattre dans la profondeur des eaux, et
les nuits à se repaître, sur le sol, de blé et d'herbes, de telle façon que si
la femelle était très féconde, et qu'elle mît bas tous les ans, toutes les
moissons de l'Égypte seraient bientôt dévastées. On s'empare de cet
animal à l'aide de harpons de fer qu'on manœuvre à force de bras. Dès
qu'il s'est montré quelque part, on dirige toutes les barques vers cet
endroit, et se rangeant autour, on le blesse à coups de harpons munis
de crochets de fer; après avoir fixé une corde à un de ces harpons
enfoncé dans les chairs, ils la lâchent jusqu'à ce que l'animal demeure
épuisé par la perte de son sang. Sa chair est coriace et indigeste (51).
Aucun des viscères de l'intérieur du corps n'est mangeable.

XXXVI. Outre ces animaux, le Nil renferme des espèces de poissons


variées et en quantité incroyable. Ces poissons procurent aux habitants
des ressources inépuisables, soit à l'état frais, soit à l'état de salaison.
En somme, le Nil surpasse tous les autres fleuves du monde par les
biens dont il comble les indigènes. Ses eaux commencent à croître à
partir du solstice d'été ; ces crues continuent jusqu'à l'équinoxe
d'automne, formant sans cesse de nouveaux atterrissements (52), et
arrosant la terre inculte aussi bien que celle qui est ensemencée ou
cultivée, et cela pendant 41 tout le temps que les laboureurs le jugent
nécessaire. Gomme le courant est très lent, ils le détournent aisément
au moyen de petites digues, et font répandre les eaux dans les champs
quand ils le jugent à propos. Tout cela rend la culture du sol si facile et
si profitable qu'après sa dessiccation les laboureurs n'ont qu'à y jeter la
semence et à y conduire les bestiaux, qui la foulent sous leurs pieds; au
bout de quatre ou cinq mois ils reviennent pour la moisson (53).
D'autres, après avoir passé une' charrue légère sur les champs qui ont
été ainsi arrosés, recueillent des monceaux de fruits sans beaucoup de
dépense et de peine. En général, chez les autres peuples , l'agriculture
demande de grandes dépenses et bien des soins ; ce a'est que chez les
Égyptiens qu'elle est exercée avec peu de moyens et de travail. Le
terrain vignoble, cultivé delà même manière, rapporte aux indigènes
abondance de vin. Les terrains qu'on laisse incultes, après l'inondation,
donnent des pâturages si riches que les troupeaux de brebis qu'on y
nourrit donnent une double portée et une double tonte. Les crues du Nil
sont un phénomène qui frappe d'étonnement ceux qui le voient, et qui
paraît tout à fait incroyable à ceux qui en entendent parler. Eu effet,
tandis que les autres fleuves diminuent vers le solstice d'été, et se
dissipent de plus en plus à dater de cette époque, le Nil seul commence
alors à croître, et ses eaux grandissent de jour en jour, jusqu'à inonder
42 enfin presque toute l'Égypte; de même aussi il va en décroissant
pendant une égale durée de temps, puis il revient au même état d'où il
était parti. Comme le pays est plat, et que les villes, les villages et
même les habitations champêtres sont situés sur des digues, ouvrage
de la main des hommes, l'aspect de cet ensemble rappelle les îles
Cyclades. Quantité d'animaux terrestres périssent noyés dans ces
inondations ; d'autres échappent, se réfugiant sur des lieux élevés. Les
bestiaux restent alors dans les villages et dans les habitations rustiques
où on leur a apporté du fourrage. Le peuple qui est, pendant ce temps,
libre de tout travail, chôme, s'abandonne aux plaisirs des festins et à
toutes sortes de réjouissances.. Les inquiétudes auxquelles donnent lien
ces inondations ont fait concevoir aux rois l'idée de construire à
Memphis un niloscope, au moyen duquel on mesure exactement la crue
du Nil ; ceux qui sont chargés de ce soin envoient dans toutes les villes
des messages faisant savoir de combien de coudées ou de doigts le
fleuve s'est élevé, et quand il commence à baisser. Ainsi instruit de la
crue et de la baisse des eaux, le peuple est délivré de toute anxiété.
Tout le monde peut indiquer d'avance la richesse de la récolte, grâce à
ce moyen, dont les résultats sont consignés, chez les Égyptiens, depuis
un grand nombre d'années (54).
XXXVII. Beaucoup de philosophes et d'historiens ont essayé de se
rendre compte du phénomène de la crue du Nil. Nous 43 nous
occuperons de ce sujet sommairement, sans cependant omettre aucun
point important. Quelques historiens, quoiqu'ils aient la coutume de
décrire le moindre torrent, n'ont pourtant osé rien avancer sur la crue
du Nil, sur ses sources, sur son embouchure et sur d'autres choses qui
distinguent ce fleuve, le plus grand du monde. Beaucoup de ceux qui se
sont occupés de ce sujet se sont bien écartés de la vérité ; car
Hellanicus, Cadmus, Hécatée, et beaucoup d'autres, sont tombés dans
des récifs fabuleux. Hérodote, plus sagace et plus versé dans l'histoire
qu'aucun autre historien, et qui a tenté d'aborder ce sujet, est lui-même
surpris en flagrant délit de contradiction. Xénophon et Thucydide, loués
pour leur véracité, se sont entièrement abstenus de parler de l'Égypte.
Éphore et Théopompe, qui se sont beaucoup occupés de cette question,
sont loin d'avoir atteint la vérité. Il se sont tous trompés, non par
négligence, mais parce qu'ils ignoraient le caractère propre de l'Égypte.
Depuis les temps anciens jusqu'à Ptolémée, surnommé Philadelphe,
aucun Grec n'avait pénétré dans l'Éthiopie, et ne s'était même pas
avancé jusqu'aux frontières de l'Égypte. Tous ces lieux étaient trop
inhospitaliers et dangereux à parcourir. On en a une plus exacte
connaissance depuis l'expédition que ce roi avait faite en Éthiopie, à la
tête d'une armée grecque. C'est là ce qui explique l'ignorance des
premiers historiens. Jusqu'à ce jour aucun d'eux n'a dit avoir vu ou
appris sûrement les sources du Nil et l'endroit où il prend sa naissance.
Aussi cette question est-elle tombée dans le domaine des hypothèses et
des conjectures. .Les prêtres égyptiens prétendent que le Nil prend son
origine à l'Océan, qui entoure la terre. Leur prétention est irrationnelle :
c'est résoudre un problème par un autre, c'est affirmer une chose par
une assertion qui, elle-même, a besoin d'être démontrée. Les
Troglodytes, nommés Molgiens, qui ont changé de demeure pour se
soustraire à un soleil ardent, racontent à ce sujet quelques faits d'où
l'on pourrait conclure que le Nil a plusieurs sources qui viennent se
réunir ensemble : ce qui expliquerait même sa grande fécondité, qui le
distingue des autres 44 fleuves. Les habitants de l'île Méroë (qui
méritent peut-être le plus de foi), ennemis de vaines conjectures, et se
trouvant le plus rapprochés des lieux en question, sont si éloignés
d'affirmer à cet égard rien de positif qu'ils appellent le Nil Astapus, nom
qui signifie en grec eau dérivant des ténèbres. C'est ainsi qu'ils
manifestent, par cette dénomination, leur aversion pour toute
conjecture et l'ignorance dans laquelle ils sont à l'égard des sources du
Nil. Cette opinion nous paraît aussi la plus vraie et éloignée de toute
fiction. Je n'ignore pas cependant qu'Hérodote, lorsqu'il décrit les limites
de la Libye à l'orient de ce fleuve et à l'occident, attribue aux Libyens
Nasamons une connaissance exacte de ce sujet, et ajoute que le Nil
prend son origine dans un certain lac, d'où il se répandrait dans une
contrée inconnue de l'Éthiopie ; mais il est impossible d'ajouter foi ni au
récit des Libyens (bien qu'ils l'aient donné comme une vérité), ni à
l'historien qui s'efforce de le démontrer.
XXXVIII. Après avoir parlé des sources et du cours du Nil, nous allons
essayer d'exposer les causes de sa crue. Thalès, l'un des sept sages,
prétend que les vents étésiens, soufflant contre les embouchures de ce
fleuve, l'empêchent de verser ses eaux dans la mer; et, qu'ainsi enflé, le
Nil monde toute la Basse-Égypte. Cette opinion, quelque probable
qu'elle paraisse, est aisément réfutée. En effet, si elle était vraie, tous
les fleuves dont les embouchures sont à l'opposite de la direction des
vents étésiens devraient offrir un semblable débordement. Or, cela
n'étant pas, il faut chercher une autre cause à ce phénomène.
Anaxagore, le physicien, a cru trouver celte cause dans la fonte de la
neige en Éthiopie ; cette opinion a été adoptée par le poète Euripide,
qui était le disciple d'Anaxagore. Car il dit : « Quittant les rives du Nil,
dont le lit se remplit des belles eaux qui s'écoulent de la terre
éthiopienne aux noirs habitants, lorsque les neiges fondent... » Cette
opinion n'a pas non plus besoin d'une longue réfutation ; car il est
évident pour tout le monde qu'à cause d'une excessive chaleur il ne
peut pas tomber de neige en Éthiopie. Du 45 reste, il n'y a dans ces
régions ni gelée, ni froid, ni en général aucun indice d'hiver, surtout au
moment de la crue du Nil. Et même en accordant qu'il y ait beaucoup de
neige en Éthiopie, l'opinion émise n'en serait pas moins entachée
d'erreur. Car, tout fleuve provenant de la fonte des neiges donne, sans
aucun doute, des exhalaisons froides qui rendent l'air épais et brumeux.
Or, le Nil est le seul fleuve autour duquel il ne s'élève ni brouillards ni
vapeurs froides qui pourraient épaissir l'air. Suivant Hérodote, la crue
est l'état naturel du Nil ; en hiver, le soleil s'avançant vers la Libye (55)
attire beaucoup d'humidité qu'il enlève au Nil, ce qui expliquerait
pourquoi, contre les lois ordinaires, les eaux de ce fleuve décroissent
dans cette saison ; dans l'été, au contraire, le soleil revenant vers
l'Ourse, dessèche les fleuves de la Grèce et ceux des autres pays
voisins. Envisagé de cette manière, le Nil n'offrirait rien de paradoxal ;
on s'expliquerait ainsi le grossissement de ses eaux pendant l'été, et
leur diminution pendant l'hiver. Mais on peut objecter à Hérodote, que si
le soleil attire et dessèche les eaux du Nil à l'époque de l'hiver, il doit de
même diminuer les fleuves de la Libye. Or, comme rien de tout cela
n'arrive pour les fleuves de la Libye, cet historien fait évidemment une
supposition gratuite. D'ailleurs les fleuves de la Grèce grossissent en
hiver, non parce que le soleil est plus éloigné, mais à cause de
l'abondance des pluies.

XXXIX. Suivant Démocrite d'Abdère, il ne neige jamais


( contrairement à ce qu'avancent Euripide et Anaxagore ) dans le climat
méridional, mais bien dans les régions voisines de l'Ourse; et cela est
évident pour tout le monde. Cette masse de neige qui tombe dans les
contrées septentrionales reste sous formé compacte à l'époque du
solstice d'hiver (56) ; mais ces glaces 46 étant fondues en été par la
chaleur du soleil, occasionnent an grand dégel, et donnent naissance à
des nuages épais, accumulés dans les régions supérieures par suite des
vapeurs abondantes qui s'élèvent. Ces nuages sont emportés par les
vents étésiens et viennent s'abattre sur les montagnes de l'Éthiopie, qui
passent pour les plus élevées de la terre. Pressés avec violence contre
ces montagnes, ils produisent des pluies énormes qui font gonfler le Nil,
principalement pendant la période des vents étésiens. Mais cette
opinion est également facile à réfuter, quand on examine avec attention
les moments de la crue. En effet, le Nil commence à croître au solstice
d'été, époque où les vents étésiens ne soufflent point ; puis il décroît à
l'équinoxe d'automne , alors que les vents étésiens ont déjà cessé de
souffler. C'est ainsi qu'une opinion doit être confirmée par l'expérience,
et recevoir une démonstration avant de pouvoir être admise comme
vraie. J'omets de faire valoir une autre raison, c'est que les vents
étésiens soufflent tout autant du nord que du couchant (57) ; car non
seulement les vents septentrionaux et de l'Ourse, mais encore les
argestes, qui soufflent du couchant d'été, sont compris sous la
dénomination commune d'étésiens. Quant à l'assertion que les plus
hautes montagnes sont en Éthiopie, elle n'est ni démontrée, ni mise en
aucune façon hors de doute. Éphore a essayé de donner une explication
plus neuve, mais n'atteint pas davantage la vérité. Il avance que toute
l'Égypte étant une terre d'alluvion, et d'une nature spongieuse,
présente dans le solde larges et profondes crevasses, dans lesquelles
l'eau s'infiltre et demeure absorbée pendant l'hiver; mais qu'en été
cette eau exsude de toutes parts, comme une sueur, et fait ainsi croître
47 le Nil. Cet historien ne nous paraît ni avoir lui-même visité le sol de
l'Égypte, ni avoir pris des renseignements exacts auprès de ceux qui en
connaissent la nature. D'abord, si le Nil ne recevait son accroissement
que dans l'Égypte même, sa crue n'existerait pas dans les contrées plus
hautes, où le sol est rocailleux et compacte; or, son cours à travers
l'Éthiopie est de plus de six mille stades, et ses eaux grossissent déjà
avant d'arriver en Égypte ; ensuite, si le lit du Nil était au-dessous du
niveau d'un terrain alluvionnaire spongieux, il serait impossible que ces
crevasses superficielles fussent suffisantes pour le séjour d'une si
grande masse de liquide, et si le lit du fleuve était supérieur à ce terrain
crevassé, l'eau ne pourrait pas s'écouler de ces cavités inférieures sur
une surface plus élevée. D'ailleurs, qui voudrait croire que ces sueurs
aqueuses, sortant d'un sol alluvionnaire 4 puissent faire croître le fleuve
de manière à submerger presque toute l'Égypte? Je passe sous silence
l'idée mensongère qu'on a de ces atterrissements et des eaux qui se
conservent dans leurs fissures : ces erreurs sont palpables. Car le
Méandre, fleuve de l'Asie, a formé de grands atterrissements qui ne
présentent rien de semblable aux crues du Nil. Il en est de même de
l'Achélous, fleuve de l'Acarnanie, et du Céphise en Béotie, lequel prend
son origine dans la Phocide et dépose également beaucoup de terrain
alluvionnaire ; l'un et l'autre mettent en évidence l'erreur de l'historien.
Au reste, il ne faut pas chercher, à cet égard, de l'exactitude chez
Éphore, puisqu'on le voit, sous beaucoup d'autres rapports, manquer à
la vérité.
XL. Quelques philosophes de Memphis ont essayé de donner de la
crue du Nil une explication plus spécieuse que convaincante, et qui est
adoptée par beaucoup de monde : ils divisent la terre en trois parties;
l'une est notre continent, l'autre a les saisons inverses des nôtres, et la
troisième, située entre ces deux parties, est inhabitable par son
extrême chaleur. Si le Nil croissait en hiver, il tirerait évidemment son
accroissement de notre zone, par suite des pluies qui tombent chez
nous , principalement vers cette époque. Or, comme sa crue a, au
contraire, 48 lieu en été, il est manifeste que l'hiver existe alors dans des
climats opposés aux nôtres, et que l'excédant des eaux de ces régions
est versé sur notre continent. On conçoit que personne ne peut visiter
les sources du Nil, puisque ce fleuve, sorti de la zone opposée, traverse
la zone intermédiaire, qui est inhabitable. Ils apportent encore à l'appui
de leur assertion l'extrême douceur des eaux du Nil ; ces eaux
éprouvent une sorte de digestion pendant qu'elles coulent à travers ces
régions brûlées; et il est de la nature du feu de rendre toute eau douce
(58). Cette explication , donnée par les philosophes de Memphis, trouve
une réfutation éclatante et toute prête dans l'absurdité d'admettre
qu'un fleuve coule d'une terre opposée pour arriver sur la nôtre, surtout
lorsqu'on considère que la terre est sphéroïdale. Et ceux qui, par leurs
raisonnements, oseraient aller contre l'évidence, ne parviendraient
jamais à changer la nature des choses. Ils ont, en effet, introduit un
argument qu'ils regardent comme irréfragable, en plaçant entre les
deux zones une contrée inhabitable ; ils croient par là échapper à toute
objection sérieuse. Mais il faut qu'ils appuient leur opinion sur un
témoignage irrécusable ou qu'ils confirment leurs démonstrations
accordées d'avance. Comment le Nil aurait-il seul une pareille origine ?
Il faudrait admettre la même chose pour les autres fleuves; quant à la
cause de la douceur des eaux, elle est tout à fait irrationnelle. Car si les
eaux du Nil avaient été rendues douces par l'effet de la chaleur, elles ne
seraient pas fécondantes et ne nourriraient pas de nombreuses espèces
de poissons et d'autres animaux qui s'y trouvent ; attendu que toute
eau qui a été altérée parle feu est entièrement impropre à nourrir des
animaux (59). Or, comme la nature du Nil 49 est tout à fait contraire aux
résultats que donnerait cette coction supposée, l'explication que les
philosophes de Memphis donnent de la crue du Nil doit être regardée
comme erronée.
XLI. Suivant Oenopide de Chio (60), les eaux souterraines sont
froides en été et chaudes en hiver, ainsi que le font voir les puits
profonds; car l'eau qui s'y trouve n'est nullement froide, même au fort
de l'hiver, tandis qu'elle en est retirée très froide pendant les plus
grandes chaleurs (61) ; aussi le Nil est bas et son lit se resserre en
hiver, parce que la chaleur souterraine absorbe beaucoup d'eau, et qu'il
ne pleut pas en Égypte. En été, au contraire , celte absorption
souterraine n'ayant plus lieu, les eaux du Nil grossissent naturellement
et sans obstacle. A cela on peut objecter que beaucoup de fleuves de la
Libye, qui ont des embouchures et une direction semblables, ne
présentent rien d'analogue au débordement du Nil ; ils grossissent, au
contraire, en hiver et diminuent en été ; ils font ainsi ressortir l'erreur
d'Oenopide, qui essaie par ces raisons de combattre la vérité, dont
Agatharchide de Cnide a le plus approché. Celui-ci soutient que tous les
ans il tombe, dans les montagnes de l'Éthiopie, des pluies continuelles
depuis le solstice d'été jusqu'à l'équinoxe d'automne. Il est donc
rationnel de croire que le Nil diminue en hiver, ne charriant que les eaux
de ses sources, et qu'il augmente en été par suite des eaux pluviales
qu'il reçoit. Si personne n'a pu, jusqu'à présent, donner la cause de la
crue de ses eaux, il n'est pas convenable de mépriser l'opi- 50 nion que
chacun s'est faite à cet égard, car la nature offre bien des phénomènes
en apparence contradictoires, dont il n'est pas donné aux hommes de
trouver exactement les causes. Agatharchide cite à l'appui de son
assertion ce qui se passe dans certaines contrées de l'Asie. Sur les
frontières de la Scythie qui touchent aux montagnes du Caucase, il
tombe, chaque année, à la fin de l'hiver une quantité énorme de neige
pendant plusieurs jours de suite. Dans les régions de l'Inde qui
regardent le nord, il tombe, à des époques fixes, des gréions
incroyables par leur nombre et leur grosseur. Aux environs du fleuve
Hydaspis, il y a des pluies continuelles au commencement de l'été, et
ces pluies se reproduisent quelques jours après en Éthiopie. Ce climat
d'hiver fait sentir son influence sur les pays circonvoisins. Il n'y a donc
rien de paradoxal d'admettre que les pluies permanentes qui tombent,
au-dessus de l'Égypte, en Éthiopie, remplissent en été le lit du fleuve;
ce fait est d'ailleurs garanti par les Barbares eux-mêmes qui habitent
ces lieux (62). Quoique toutes ces choses soient en opposition avec ce
que nous voyons chez nous, il ne faut pas cependant les rejeter comme
incroyables. Ne savons-nous pas que le vent du midi, qui amène chez
nous le mauvais temps, apporte en Éthiopie un temps calme et serein ;
et que les vents du nord, si vifs et si pénétrants en Europe, sont mous,
détendus et tout à fait faibles en Éthiopie? Il nous serait aisé de trouver
beaucoup d'autres objections contre les diverses opinions émises au
sujet de la crue du Nil ; mais nous nous contenterons de ce que nous
avons dit, afin de ne pas franchir les limites que nous nous sommes
tracées dès le commencement. Comme nous avons divisé ce livre, à
cause de son étendue, en deux parties, nous terminerons ici la première
pour mettre de l'ordre dans l'exposé de notre matière. Dans la seconde
partie, nous continuerons l'histoire de l'Égypte , en commençant par les
rois de ce pays et la manière de vivre de ses anciens habitants.

NOTES

(01) Les sommaires placés en tète de chaque livre sont la


traduction des sommaires grecs. Les sommaires des chapitres, que
Terrasson et Miot ont donnés dans.leurs traductions , n'existent
pas dans le texte original.

(02) Ulysse. Voy. Odyssée, chant Ier, vers 3.

(03) Traduction littérale de θείας προνοίας. Il est à remarquer


que Diodore revient souvent à ridée d'une providence divine, et
qu'il n'attribue pas, a l'exemple de beaucoup d'historiens de ce
temps, le gouvernement des choses humaines au hasard ou à une
sorte de fatalité inexorable.

(04) Apollodore l'Athénien avait écrit une Bibliothèque


mythologique en vingt-quatre livres, dont il ne nous reste plus que
trois. Il était disciple d'Aristarque, et vivait cent trente ans avant
Jésus-Christ. La meilleure édition d'Apoilodore est celle de Gottlob
Heyne, Gœtting., 1782, in-8. — Ejusdem notœ ad Apollodori bibli-
thecam cum fragmentis; Gœtting., 1783, 3 vol. in-8.

(05) L'auteur se trompe ici de quelques années. Sept cent


trente ans équivalent à cent quatre-vingt-deux olympiades et
demie. Or, le commencement de la guerre des Gaulois, époque où
Diodore termine son ouvrage, coïncide avec la première année de
la CLXXXe olympiade. Il paraît donc probable que Diodore a
confondu le commencement de la guerre des Gaulois avec celui de
la guerre civile. Au reste, les erreurs de ce genre sont assez
fréquentes dans l'ouvrage de Diodore.

(06) Ce que les botanistes anciens désignent par ῥίζα n'est pas
toujours la racine; c'est souvent la tige ou le rhizome (tige
souterraine) de quelques végétaux mono-cotylédonés de la famille
des Graminées, des Liliacées, des Àroïdées, etc. Il n'est pas
absolument nécessaire d'admettre que le roseau dont il est ici
question soit la canne à sucre ( Saccharum officinale ) ; car une
quantité considérable de plantes, et particulièrement les tiges du
maïs et d'autres graminées, sont riches en sucre. Il est même à
remarquer que les tiges de ces plantes étaient bien plus propres à
servir de nourriture que le sucre pur. En effet, ces tiges
contiennent, indépendamment du sucre, des matières azotées,
telles que l'albumine, etc., bien plus propres à réparer les pertes
de l'économie que le sucre, auquel manque l'azote, clément
essentiel à l'alimentation de l'homme et des animaux.

Le nom de lotus a été donné par les auteurs anciens à des


espèces de plantes très-différentes. En Egypte, il a été appliqué à
trois plantes aquatiques de la famille des Nymphéacées : 1° le
lotus à fleurs blanches, nymphœa, ou lis du Nil à graines de pavot,
décrit par Hérodote; 2° le lotus à fleurs bleues , nymphœa
cœrulea, dont la fleur est peinte dans les temples d'Egypte; 3° le
lotus à fleurs roses ou antinoïen (fève d'Égypté, lis rose du Nil
d'Hérodote), nymphœa nelumbo. Le lotus de Libye, dont parle
Homère, appartient à une famille toute différente de celle des lotus
d'Egypte ; le lotus de Libye, qui a donné son nom aux lotophages,
est un arbrisseau d'une espèce de nerprun, rhamnus lotus, Linn.
( Voy. Histoire du lotus de Libye, par Desfontaines, dans les
Mémoires de l'Académie des Sciences, ann. 1788, p. 443.) Le nom
de lotus a été encore appliqué à deux arbres de la Grèce et de
Italie, le celtis australis, Linn., et le diospyros lotus, Linn. Enfin, une
espèce de trèfle a reçu le nom de lotus corniculatus, Linn. Les deux
premières espèces de lotus ( nymphœa alba et nymphœa
cœrulea) tout à fait semblables au nénuphar blanc et jaune qu'on
voit fleurir dans quelques endroits de la Seine et de la Marne,
portent des fruits de la forme des capsules du pavot. Ces fruits
renferment de petites graines semblables aux graines de pavot ou
de millet. C'est avec la farine de ces graines que les Égyptiens
faisaient du pain. La description qu'Hérodote, Théophraste et
Athénée donnent du lotus s'adapte parfaitement aux espèces de
nymphœa que nous avons citées (Hérodote, l, 92; Théophraete,
Hist. des Plantes, IV, 10; Athénée, Deipnosoph., XV, p. 677). Les
Égyptiens leur ont donné le nom de naufar (d'où l'on a tiré
nénuphar) ou de a' rays el Nyl, c'est-à-dire les épouses du Nil,
désignation tout à fait convenable à ces plantes, qui fleurissent
pendant la crue du Nil, gages certains de la fécondité de ses eaux.
Non-seulement les graines, mais encore la racine de ces plantes,
servaient de nourriture aux Égyptiens. Cette racine est appelée
xopesov par Théophraste, qui la compare, pour la grosseur, au fruit
du cognassier.J'incline à croire que c'est dans le même sens qu'il
faut prendre ici le mot κόρσεον de Diodore, que quelques
commentateurs ont voulu entendre d'une espèce végétale
particulière. Le lotus ou nymphœa à fleurs blanches et le lotus ou
nymphœa à fleurs bleues croissent encore aujourd'hui
abondamment dans la basse Egypte. Le lotus bleu a été souvent
représenté sur les hiéroglyphes.

Voy. chap. 34. — La fève d'Egypte, Αἰγύπτιος κύαμος, autrefois


si commune, n'existe plus en Egypte, et n'a été retrouvée dans
aucune partie de l'Afrique ; elle appartient à l'Asie (Inde et Chine),
où elle est indigène. L'Écluse, en 1602, fut le premier botaniste qui
reconnut que le fruit du nymphœa nelumbo était Αἰγύπτιος κύαμος
ou faba œgyptiaca des anciens. Le fruit du nympliœa nelumbo est
évasé en ciboire, large environ comme la paume de la main à sa
face supérieure, qui est percée de vingt à trente fossettes, dont
chacune contient une graine ovoïde un peu saillante, de la
grosseur d'une noisette; l'écorce des graines est dure, noire, lisse,
et renferme une amande douce, .blanchâtre et charnue comme la
substance des glands, partagée en deux lobes, entre lesquels est
une feuille verte, roulée, amère, recourbée; cette amande est
bonne à manger. Les peuples de la Chine, du Japon et de l'Indèstan
cultivent celte plante, naturelle à leurs climats ; comme les anciens
Égyptiens, ils la croient agréable à leurs divinités, qu'ils
représentent placées sur sa fleur. Plusieurs médailles égyptiennos
représentent Horus posé sur la fleur ou le fruit du nymphœa
nelumbo. Les tiges de cette plante, eu faisceaux, décorent les
côtés des dés de pierre qui servent de siège aux slatues colossales
égyptiennes. (Voy. R. Delile, Flore d'Egypte, dans la Description de
l'Egypte, t. XIX, p. 415.)

Κόρσεον. Nom de la tige souterraine du lotus. (Théophraste,


Histoire des Plantes, IV, 10.)

(07) Odyssée, chant XII, v. 323

(08) Les poésies d'Eumolpe, fils de Musée, ne nous ont pas été
conservées. Voy. Fabridus, Bibliotheca grœca, lib. I, c. 6.

(09) Iliade, chant XIV, v. 311.

(10) Ces villes portaient les noms de Diospolis, Héliopolis,


Hermopolis, etc.

(11) Les Égyptiens donnaient à Minerve le nom de Nit ou Neïth.


Les vestiges de cette dénomination se trouvent dans Nitocris, nom
d'une reine célèbre; et dans Pateneït, nom de l'ami que Solon avait
en Egypte.

(12) C'est un fait très-remarquable que l'air conserve toujours à


peu près les mêmes proportions d'oxygène, d'azote et d'acide
carbonique, quelque immenses que soient les quantités de ces gaz
consommées par la respiration des êtres vivants. On peut donc
réellement dire que l'air est incorruptible ou non corrompu,
ἄφθορος, comme Minerve.

(13) Odyssée, chant XVII, v. 485.

(14) 1 La fête d'Isis était célébrée deux fois par an, au


printemps et en automne. Ces fêtes avaient quelque analogie avec
les fêtes de Cérès chez les Grecs, Isis, comme Cérès , portait
l'épithète de θεσμοφόρος, legifera.
(15) Fragment d'un hymne d'Homère.

(16) Selon quelques historiens, il n'y avait pas de vigne en


Egypte; les naturels du pays faisaient usage ou de vins étrangers
ou d'une boisson faite avec de l'orge fermentée et semblable à la
bière, s'il faut en croire Hérodote, liv. II, 77 ; et III, 6. Les rois
d'Egypte antérieurs à Psammitichus n'avaient jamais fait usage de
vin, liqueur qui, selon les traditions mythologiques, provenait du
sang des impies qui jadis avaient fait la guerre aux dieux.
Cependant, il résulte des témoignages du Pentateuque ( Nombres,
XX, 5 ), de Strabon ( XVII, p. 1163), de Pline (XIV, 7 ), d'Athénée ( I,
p. 33 ), que la culture de la vigne n'était pas tout à fait inconnue en
Egypte.

(17) Quant au Thot, ou Mercure des Égyptiens, voyez Platon,


Phileb., p. 18, Phœd., p. 274; Cicéron, de Natura Deorum, III, 21; et
mon Histoire de la Chimie, t. I.

(18) Lucien compare les hiérogrammates aux brahmanes chez


les Indiens, et aux interprèles des traditions divines chez les
Arabes et les Assyriens. Diodore donne plus de détails sur les
hiérogrammates ( liv. I, chap. 70 et 87). Voy. Élien, Hist. animal.,
XI, 10; et Eusèbe, Prœp. evangel, IX, 8.

(19) D'après Hérodote, Chemmis est le nom d'une grande ville


située dans le nome thébaïque, près de Néapolis (II, 91 ). Ailleurs
(II, 156), c'est le nom d'une île. Chemmo paraît être le nom
égyptien , que les Grecs ont changé en Chemmis. C'est sans raison
qu'on a voulu faire dériver de Chemmis le nom de chimie,
alléguant que celte science avait été d'abord cultivée dans cette
ville de l'Egypte. Voy. mon Histoire de la Chimie, 1.1, p. 32.

(20) Aegyptus, nom primitif du Nil. Γύψ, αἴγυψ (œgyps), nom


grec du vautour de là le nom d'Αἰγύπτιος Aegyptii, de la couleur
fauve du vautour. Voy. Perizonius, Orig, Aegypt;, cap. 1.

(21) Odyssée, chant XIV, ν 258.


(22) La mer Rouge des Grecs était le plus souvent l'océan
Indien, ou plutôt le golfe Pérsiqne, dans lequel se jettent l'Euphrate
et le Tigre.

(23) Voy. Servius, ad Aeneid., VI, 154 : Circa Syenem,


extremam Aegypti partem, est locus, quem Philas, id est, amicas,
vocant; ideo quod illic est placata Isis ab Aegyptiis, quibus
irascebatur, quod membra mariti Osiridis non inveniebat, quem
frater Typhon occiderat.

(24) Voy, lib. III, 6. Sur le Phallus des Égyptiens voyez Hérodote,
II, 48. Le Phallus jouait un grand rôle dans les mystères de
Bacchus.

(25) Cette chronologie n'est pas sérieuse; un peu plus loin


(chap. 26), l'auteur dit que l'on comptait vingt-trois mille ans
depuis le règne du Soleil jusqu'à l'expédition d'Alexandre-le-Grand.
Ce nombre est encore plus considérable, si l'on admet que (chap.
44) le règne des dieux et des héros a duré près de dix-huit mille
ans, et celui des hommes près de quinze mille jusqu'à l'époque de
Diodore.

(26) Rhodomann propose, sans motif plausible, de lire


καθιερώσασθαι, consacrer, au lieu de χρυσώσασθαι, dorer, qui est
dans le texte. C'était la coutume des Égyptiens dè dorer les caisses
contenant les corps embaumés, ainsi qu'on peut s'en assurer
encore aujourd'hui par l'inspection des caisses de momies. Dorer le
corps doit donc s'entendre de la dorure de la caisse contenant le
corps de l'enfant.

(27) Héra (Junon ) et klèos ( gloire ) ; de là, Héraclès, nom grec


d'Hercule.

(28) Plutarque (t. I, p. 74) s'accorde avec Diodore, en soutenant


que les Égyptiens avaient une année quadrimensuelle (τετράμηνον
ἐνιαυτόν). Chaque saison comptait pour une année, et les saisons
étaient au nombre de trois : le printemps, l'été, l'hiver. C'étaient là
les saisons tripartites, τριμερεῖς ὧραι dont parle Eschyle
(Prométhée, v. 454). Comparez Tacite, de Moribus Germanorum, c.
26.

(29) Voy. Plutarque (t. II, p. 677). Censorin., de Die natali, 19 :


Sunt, qui tradant, hunc annum trimestrem Horum instituisse,
eoque ver, œstatem, autumnum, hiemem, ὧρας et annum, ὧρον
dici, et Grœcos annales ὥρους, eorumque scriptores ὡφογράψους.
Selon Hesychius, les horographes sont des historiographes,
rédigeant l'histoire par année (ὡρογράψοι, ἱστοριογράφοι τὰ
κατ'ἔτος πραττόμενα γράφοντες )

(30) Εὐπατρίδες, patriciens, nobles (cognoscibiles, nobiles),


c'est-à-dire dont les pères sont connus.

(31) Les mots placés entre deux crochets n'existent pas dans le
texte, qui est ici évidemment mutilé. Tous les critiques sont
d'accord qu'il est question de Cécrops.

(32) Ceux qui portent dans les processions égyptiennes le


châssis ( παστός ) d'Isis.

(33) Cent myriamètres.

(34) Les Βάραθρα étaient situés entre Péluse et le mont


Cassius (Polybe,v. 80). C'étaient des marais inaccessibles et
répandant des exhalaisons délétèree ( Strabon, XVI, p. 1076).
L'auteur en parle encore plus bas, liv. XX, chap 74. Ces marais sont
aujourd'hui en grande partie desséchés.

(35) Κοίλη Συρία, la Syrie Creuse. C'était la vallée comprise


entre le Liban et l'Anti-Liban.

(36) Après la chute de la dynastie des Ptolémées, la population


de l'Egypte est allée toujours en diminuant. Aujourd'hui elle ne
s'élève pas à un million et demi d'àmes. Tous les peuples qui ont
jadis joué un rôle important dans l'histoire ont subi cette loi du
déeroissement des populations. Le Péloponnèse, qui à l'époque de
Périclès était peuplé de plus d'un million d'habitants , n'en compte
pas aujourd'hui deux cent mille.

(37) Minerais d'or, d'argent, de fer, etc. Le mot μέταλλα ne


doit pas être rendu ici par métaux, ainsi que l'ont fait Terrasson et
Miot; car le fer, le cuivre, et même l'argent, ne se rencontrent que
très-rarement dans la nature a l'état de métaux proprement dits;
ils ne se rencontrent guère que euiuluués avec les principaux corps
minéralisateurs, tels que l'oxygène et le soufre.

(38) Ici, comme dans beaucoup d'autres circonstances, les


recherches des modernes sont venues confirmer l'opinion des
anciens. En effet, l'élévation des eaux de la mer Rouge au-dessus
du niveau de la Méditerranée a été trouvée, par une opération
exacte, de cinq toises et demie. (Voy. Mémoire sur le canal de
Suez, par M. le Père.)

(39) Les plantes que l'on rencontre encore aujourd'hui dans les
endroits marécageux de la Basse-Égypte sont : Nymphœa lotus,
nymphœa cœrulea, cyperus papyrus, cyperus articulatus, cyperus
alopecuroïdes, calamus aromaticus, scipus mucronatus, scirpus
fistulosus, arum colocasia, panicum colonum, panicum fluitans. Les
fruits de plusieurs de ces plantes (N. lotus, N. cœrulea, P. fluitans,
P. colonum), pouvaient, en effet, servir à faire du pain. D'autres (C.
aromaticus) pouvaient fournir des boissons aromatiques ou
mucilagineuses, utiles dans certaines maladies.

(40) Vis d'Archimède.

(41) Le lotus dont il est ici question ne peut être que le fruit du
nymphœa lotus ou du nymphœa cœrulea. Ce fruit, semblable à
une capsule de pavot, contient une quantité prodigieuse de petits
grains qui peuvent servir à fabriquer du pain.

(42) Le nom de Αἰγύπτιος κύαμος s'applique ici à la plante


entière, tandis que son fruit s'appelle κιβώριον (Strabon, XVII). Ce
fruit, ressemblant à la pomme d'un arrosoir, appartenait au
nymj)hœa nelumbo. Diodore de Sicile contredit Hérodote, en
parlant des fèves comme d'un des aliments les plus abondants en
Égypte (Voy. Hérodote, II, 37). Mais cette contradiction n'est
qu'apparente. En effet, il paraît hors de doute que la fève d'Égypte,
dont parle ici Diodore, appartient à une plante différente de la fève
de marais, qu'Hérodote semble avoir eu en vue. Les taches noires
et tristes des fleurs de la fève de marais ou ancienne fève des
Grecs ( κύαμος Ἑλλενικός, Dioscorid., II, 127 ) font évidemment
reconnaître cette plante pour avoir été celle que les prêtres
égyptiens croyaient impure. Suivant Pline et Varron, les taches des
fleurs de la fève étaient regardées comme des caractères de deuil ;
on croyait que les âmes des morts pouvaient être contenues dans
les fèves, et on était dans l'usage de porter ces fruits en allant aux
funérailles (Pline, Hist.nat., XXVIII, 12). Quant à la fève d'Égypte de
Diodore (κύαμος Αἰγύπτιος), c'était le fruit d'une espèce de
nymphœa (voy. page il, note) qu'Hérodote a désignée sous le nom
de lis ou lotus rose du Nil. Les fleurs et les fruits de cette plante se
voient souvent sculptés dans les temples égyptiens.

(43) On n'est pas d'accord sur le genre de l'arbre auquel


Diodore donne le nom de περσία. Il paraît toutefois certain que
c'était un persica ( pêcher). Suivant Delile, le περσία de Diodore est
le balanites œgyptiaca, le heglyg ou lébakh des Arabes. C'est un
arbre de six à sept mètres de hauteur; son fruit a quelque
ressemblance avec celui du dattier ; l'amande, composée de deux
lobes, est d'un blanc sale, un peu jaune, huileuse et amère. Cet
arbre, aujourd'hui très rare en Égypte, ne se rencontre guère que
sur les frontières de l'Éthiopie, circonstance qui vient encore
confirmer le récit de Diodore. (Voy. Delile, Flore d'Égypte, t. XIX, p.
263 ; de la Description de l'Égypte. )

(44) Les deux espèces de sycomore dont parle ici Diodore


devaient avoir appartenu à deux genres bien différents : l'un était
probablement une espèce de mûrier, l'autre une espèce de figuier.
Il ne parle pas d'une troisième espèce de sycomore appartenant au
genre acer ( érable ).

(45) Les commentateurs ont été peu d'accord sur


l'interprétation de βατά καλούμενα μυξάρια. Les uns y ont vu des
poissons, les autres des fruits d'une plante particulière. Je suis
disposé à partager cette dernière opinion. Peut-être les μυξάρια
sont-ils les fruits du trapa natans, connue sous le nom de macres
ou châtaignes d'eau.

(46) Hérodote, Strabon et Athénée parlent à peu près dans les


mêmes termes de cette boisson, qui, évidemment, n'est autre
chose que la bière, ou plutôt une espèce de tisane d'orge; car il ne
parait pas qu'elle ait été préalablement soumise à la fermentation.
Les Ibériens, les Gaulois et les Germains connaissaient, de temps
immémorial, la fabrication de la bière. L'emploi du houblon dans la
fabrication de la bière est d'une date récente ; aussi les bières des
anciens devaient-elles facilement tourner à l'aigre.

(47) Le hiki des anciens est évidemment, ainsi que je l'ai déjà
fait voir ailleurs ( Histoire de la Chimie, t. I, p. 193 ), une espèce de
ricin (ricinus palma-christi?). Ce végétal parvient, en Egypte et
dans les climats chauds, à des dimensions considérables ;
transplanté dans nos contrées, il se dépouille, en quelque sorte, de
sa nature. et devient une plante annuelle. On se procurait l'huile
par deux procédés différents : 1° par la pression; 2° par la
décantation, en faisant digérer la graine écrasée dans de l'eau
bouillante. L'huile de ricin était employée, non-seulement comme
un moyen d'éclairage, mais encore comme purgatif, ainsi qu'elle
l'est encore aujourd'hui. (Cf. Dioscoride, IV, 164; Hérodote, II; Pline,
XV, 7, et XXIII, 4.)

(48) Environ huit mètres.

(49) Il n'a pas de langue ( γλῶτταν δὲ οὐκ ἔχει). Miot a omis


ces mots dans sa traduction. Aristote avait déjà dit que le crocodile
n'a pas de langue. C'est là une erreur accréditée dans toute
l'antiquité et au moyen âge. Le crocodile a une langue, mais elle
est si mince et si intimement soudée à la voûte palatine qu'elle
peut très-facilement échapper à un examen superficiel.

(50) Les crocodiles, ainsi que beaucoup d'autres animaux, sont


aujourd'hui beaucoup plus rares qu'ils ne l'étaient anciennement.
La religion des Égyptiens devait singulièrement favoriser la
multiplication de certaines espèces d'animaux qui, ne se trouvant
plus conservés par les soins de l'homme, ont aujourd'hui presque
entièrement disparu, tant il est vrai que les mœurs et les coutumee
religieuses peuvent changer non-seulement l'aspect de la société,
maie encore introduire des modifications profondes dans le monde
des êtres animés.

(51) Il a la chair coriace et difficile à digérer ( τὴν σάρκα


σκηρὰν ἔχει καὶ δύσπεπτον ). Mot et Terrasson ne me semblent pas
avoir compris la véritable signification du mot σάρκα δύσπεπτον,
en le rendant par « chair.... qui cuit difficilement. » Les mots
πέπτω, πεψία , très-familiers aux médecins s'entendaient de la
digestion stomacale, comparée à une espèce de coction ( πεψία )
des aliments.

(52) Le limon du Nil a été soumis à l'analyse chimique. Sur 100


parties, il contient : il p. d'eau, 9 de carbone, 6 de peroxyde de fer,
4 de silice, 4 de carbonate de magnésie, 18 de carbonate de
chaux, 48 d'alumine. L'azote, qui manque ici, et qui est pourtant
indispensable à la végétation, est sans doute emprunté à l'air.

(53) On commence vers la fin de juin à s'apercevoir de la crue


du Nil au-dessous de la dernière cataracte. Celte crue devient
sensible au Caire dans les premiers jours de juillet. Pendant les six
ou huit premiers jours il croit par degrés presque insensibles;
bientôt son accroissement devient plus rapide; vers le 15 août il
est à peu près arrivé à la moitié de sa plus grande hauteur, qu'il
atteint ordinairement du 20 au 30 septembre. Il se trouve, au 10
novembre, descendu de la moitié de la hauteur à laquelle il s'était
élevé ; il baisse encore jusqu'au 20 du mois de mai de l'année
suivante. Ces variations cessent de se faire apercevoir
sensiblement, jusqu'à ce que le fleuve recommence à croître à peu
près à la même époque que l'année précédente. Au moment de la
crue, ses eaux, bourbeuses, sont chargées de sable et de limon
ferrugineux qui leur donnent une couleur rougeàtre; elles
conservent cette couleur pendant toute la durée du débordement,
et ne la perdent que peu à peu , à mesure qu'elles rentrent dans le
lit. Elles redeviennent enfin parfaitement limpides. La plus grande
hauteur de la crue du Nil est d'environ sept mètres au-dessus du
niveau des eaux basses. (Girard, Observations sur la vallée du Nil,
t. X, p. 33 ; de la Description de l'Egypte. )

(54) La coudée nilométrique a-t-elle augmenté


progressivement depuis les temps les plus anciens jusqu'à nos
jours ? En parcourant les différents témoignages historiques depuis
Hérodote, on reconnaît, malgré quelques anomalies, une
progression soutenue. Les crues effectives de treize à quatorze
coudées sont encore suffisantes aujourd'hui, tandis que celles de
douze à treize coudées suffisaient sous les Romains. Les matières
exhaussant le lit du fleuve à mesure que le limon se dépose dans
la plaine, on conçoit que depuis longtemps il a dù s'établir une
sorte d'équilibre entre ces deux sols; car si le lit du Nil ne
s'exhaussait pas assez rapidement pour correspondre à l'élévation
de ses berges, les eaux, acquérant alors plus de profondeur,
perdraient une partie de leur vitesse et abandonneraient sur leur
fond une partie plus considérable des matières qu'elles entraînent.
Cet équilibre est confirmé par l'état actuel du Nil dans les basses
eaux, comparé avec son état ancien. (De Rosière, Constitution
physique de l'Egypte, t. XX, p. 911, de la Description de l'Egypte. )

(55) Ἥλιον κατὰ τὴν Λιβύων φερόμενον.... Miot me semble


avoir inexactement rendu ce passage par « le soleil se trouvant
perpendiculaire à la Libye. » En hiver, le soleil entrant dans le signe
du Capricorne, s'éloigne en apparence de l'Egypte, et s'avance
vers la partie de la Libye (κατὰ τὴν Λιβύων γερόμενον) située au
delà de l'équateur. L'opinion ancienne que le soleil attire les eaux
du Nil est assez remarquable ; elle ressemble à l'opinion moderne
qui attribue à la lune le phénomène de la marée.

(56) Tous les interprètes et commentateurs me paraissent


avoir mal compris ce passage. En effet, περὶ τὰς τροπὰς μένειν
πεπηγός ne veut pas dire « que.la neige reste sous forme
compacte jusque au solstice d'été. » D'abord, περὶ n'a point, autant
que je sache, la signification de μέχρι; ensuite τροπαί, terme
général, peut signifier solstice d'hiver aussi bien que solstice d'été.
Et le passage suivant (ἐν δὲ τῷ θέρει.... ) prouve qu'il est ici
réellement question du solstice d'hiver. C'est aussi dans ce sens
que je l'ai interprété.

(57) C'est sans doute par inadvertance que Miot a traduit « que
les vents étésiens ne soufflent pas plus du nord que du couchant. »
Car ceci ne concorde guère avec ce qui suit immédiatement.

(58) Τοῦ πυρώδους πᾶν τὸ ὑγρὸν ἀπογλυκαίνοντος.... L'auteur


fait ici évidemment allusion à la distillation. C'est, en effet, par ce
procédé que les eaux sont séparées des sels fixes qui les rendent
amères. J'ai fait voir ailleurs (Histoire de la Chimie, t.1, p. 91, 195
et 317) que la distillation n'a pas été inventée par les Arabes, mais
qu'elle était déjà connue des anciens. Aristote en parle en ternies
assez explicites ( Météorologiques, II, 2).

(59) Πᾶν γὰρ ὕδωρ ὑττὸ τῆς πυρώδους φύσεως ἀλλοιωθέν...


Diodore exprime ici un fait de la plus exacte vérité, et qui prouve
bien que les physiciens anciens ne se contentaient pas de théories
purement spéculatives. L'expérience démontre, eu effet, que les
poissons ou autres animaux aquatiques ne peuvent point vivre
dans de l'eau qui a été bouillie, c'e6k-à-dire qui a été altérée par
l'action du feu ( ὕδωρ ὑπὸ τῆς πυρώδους φύσεως ἀλλοιωθέν), pour
me servir des expressions de Diodore. Pourquoi l'eau bouillie est-
elle impropre à entretenir la vie ? C'est qu'elle est privée d'air;
conséquemment elle ne renferme pas d'oxygène, indispensable à
la respiration de tous les animaux.

(60) Oenopide de Chio était contemporain d'Anaxagore.

(61) On sait que ce phénomène repose sur une illusion. Les


eaux de puits profonds, les caves, en général tous les corps des
localités qui ne se mettent que très-lentement en équilibre avec la
température si changeante de l'air extérieur, produisent la
sensation de froid ou de chaud en raison de l'élévation ou de
l'abaissement rapide de la température de l'air extérieur.

(62) L'opinion d'Agatharchide est aujourd'hui généralement


adoptée. Les pluies qui tombent régulièrement en Abyssinie
submergent pendant plusieurs mois de l'année, un immense
plateau : elles s'écoulent de là dans le bassin du Nil, leur dernier
réceptacle ; et ce fleuve, chargé seul d'en porter le tribut à la mer,
les verse d'abord sur l'Egypte. (Girard, Observations sur la vallée
du Nil ; t. XX, p. 33, de la Description de l'Egypte. )

DIODORE DE SICILE.
LIVRE PREMIER.
SECONDE PARTIE
SECONDE PARTIE
XLII. Le premier livre de l'ouvrage de Diodore a été divisé, à cause
de son étendue, en deux parties; la première renferme une préface
générale et les traditions égyptiennes sur l'origine du monde et la
constitution primordiale des choses; déplus, l'histoire des divinités qui
ont attaché leurs noms aux villes qu'elles ont fondées en Egypte. Il y est
parlé des premiers hommes, de leur vie, du culte des dieux, de la
construction des temples; puis de la description du solde l'Egypte, enfin
des opinions et des explications proposées par les historiens et les
philosophes au sujet de la crue du Nil, avec les objections qu'elles
comportent. Dans la seconde partie nous continuerons notre récit; nous
commencerons par les premiers rois de l'Egypte, et nous en exposerons
l'histoire jusqu'au roi Amasis, après avoir auparavant traité
sommairement du plus ancien genre de vie des Égyptiens.
XLIII. Selon la tradition, les anciens Égyptiens vivaient d'herbes ; ils
mangeaient aussi les tiges et les racines qui croissent dans les marais,
et qu'ils essayaient par le goût. Ils recherchaient surtout l'agrostis,
plante remarquable par sa saveur douce et par la nourriture suffisante
qu'elle offre à l'appétit de l'homme ; elle est aussi considérée comme un
excellent aliment pour les bestiaux qu'elle engraisse promptement (01).
C'est en souvenir de ce 52 bienfait que les habitants ont encore
aujourd'hui la coutume de tenir cette plante dans la main, lorsqu'ils
offrent leurs prières aux dieux. Ils croient que l'homme est un animal
palustre ; à l'appui de cette opinion ils allèguent la nature lisse de sa
peau et les autres qualités naturelles; ils ajoutent encore comme preuve
que l'homme a besoin d'une nourriture plutôt humide que sèche. Les
anciens habitants du pays trouvent un second aliment dans les poissons
que le Nil fournit en abondance, surtout à l'époque où ses eaux se
retirent et se dessèchent. Ils mangeaient aussi la chair des troupeaux,
et s'habillaient avec les peaux des animaux qu'ils avaient mangés. Ils se
construisaient des habitations avec des roseaux. Les traces de cet
usage se trouvent encore chez les pâtres égyptiens, qui même
aujourd'hui ne connaissent d'autres habitations que des cabanes de
roseaux dont ils se contentent. Après avoir mené ce genre de vie
pendant une longue période, ils se sont enfin mis à manger des fruits,
parmi lesquels il faut comprendre le pain fait avec le lotus. La
découverte des fruits mangeables est attribuée par les uns à Isis, par
les autres à un ancien roi nommé Menas. Selon la tradition des prêtres,
Hermès est l'inventeur des sciences et des arts (02) ; tandis que les rois
ont inventé tout ce qui est nécessaire à la vie. Car anciennement la
royauté ne se transmettait pas aux enfants des rois, mais à ceux qui
avaient rendu les plus grands services au peuple, soit que les hommes
s'excitassent ainsi réproquement à travailler au bien public, soit, ce qui
est vrai, que la chose fût ainsi ordonnée dans les annales sacrées.
XLIV. Suivant le rapport de quelques mythologistes, les dieux et les
héros ont d'abord régné sur l'Egypte pendant l'espace de 53 près de
dix-huit mille ans; Horus, fils d'Isis, a été le dernier roi de race divine.
Ensuite, le pays a été gouverné par des hommes pendant environ cinq
mille ans (03) jusqu'à la CLXXXe olympiade (04), époque où nous
sommes allé en Egypte, sous le règne de Ptolémée, surnommé
Dionysus le jeune. La plupart de ces rois étaient des indigènes; il n'y
avait qu'un petit nombre d'Éthiopiens, de Perses et de Macédoniens. On
compte en tout quatre rois éthiopiens qui ont régné pendant trente-six
ans environ, non pas les uns après les autres, mais à des intervalles
plus ou moins éloignés. Depuis Cambyse, qui avait conquis le pays par
les armes, les Perses ont régné cent trente-cinq ans, en comptant le
temps où les Égyptiens, ne pouvant plus tolérer l'insolence des
gouverneurs et les sacrilèges commis envers les dieux indigènes, se
révoltèrent pour secouer le joug étranger. Enfin le règne des
Macédoniens a duré deux cent soixante-seize ans. Tout le reste du
temps a été rempli par le règne de la dynastie nationale, comprenant
quatre cent soixante-dix rois et cinq reines. Les prêtres avaient
consigné l'histoire de tous ces rois dans les livres sacrés et transmis de
toute antiquité à leurs successeurs. On y voit quelle était la puissance
de chacun d'eux, quel était leur aspect physique et ce que chacun avait
fait pendant son règne.
Mais il serait trop long de communiquer ici tous ces détails qui, la
plupart, sont inutiles ; nous essaierons donc de passer en revue les faits
les plus dignes de mémoire.
XLV. Après le règne des dieux, Menas fut, d'après la tradition, roi
d'Egypte ; il montra aux peuples à révérer les dieux et à leur offrir des
sacrifices. Il introduisit l'usage des tables, des lits, de riches tapis, en un
mot le luxe et la somptuosité. On raconte que Tnephachthus, père de
Bocchoris le Sage, qui régna plusieurs générations après, avait été
obligé, pendant une expédition en Arabie, manquant de vivres dans le
désert, de 54 se contenter d'un régime très-simple chez des particuliers
qu'il avait rencontrés, et que, s'en étant extrêmement réjoui, il avait
renoncé au luxe et maudit le roi qui avait le premier enseigné une vie
somptueuse ; enfin, qu'il prit tant à cœur ce changement de nourriture,
de boisson et de repos, qu'il fit transcrire cette malédiction en lettres
sacrées et déposer dans le temple de Jupiter à Thèbes. C'est pourquoi
sans doute la postérité n'a pas accordé d'éloges à la mémoire de
Menas. Après ce roi, régnèrent cinquante-deux de ses descendants,
pendant plus de mille quatre cents ans; ils nfont rien fait qui mérite
d'être mentionné. Busiris leur succéda et laissa la royauté à huit de ses
descendants dont le dernier, appelé également Busiris, fonda la ville
nommée par les Égyptiens Diospolis la. Grande, et par les Grecs Thèbes.
Il lui donna cent quarante stades de circuit, et l'orna merveilleusement
de grands édifices, de temples magnifiques et d'autres monuments; les
maisons des particuliers furent de quatre et de cinq étages; en un mot,
il en fit la ville la plus riche non-seulement de l'Egypte, mais de tous les
autres pays. Aussi, la renommée de sa richesse et de sa puissance
s'est-elle répandue en tout lieu ; le poète lui-même en fait mention,
lorsqu'il dit : « Quand il offrirait toute la ville de Thèbes en Egypte, dont
les édifices renferment tant de richesses, et qui a cent portes, de
chacune desquelles peuvent sortir à la fois deux cents guerriers avec
leurs chevaux et leurs chars (05)... » Quelques-uns prétendent que
cette ville n'avait pas cent portes, mais qu'elle a été nommée ville aux
cent portes, à cause des nombreux et grands propylées de ses temples;
ce qui signifierait ville aux nombreux portiques. Il est certain qu'elle
fournissait, en temps de guerre, vingt mille chars; et il y avait dans la
contrée riveraine, depuis Memphis jusqu'à Thèbes en Libye, cent
écuries pouvant contenir chacune environ deux cents chevaux, et dont
on voit encore aujourd'hui les fondements.

XLVI. Non seulement Busiris, mais encore tous ses successeurs ont
rivalisé de zèle pour l'agrandissement de Thèbes. Aussi 55 ne trouve-t-
on pas de ville sous le soleil qui soit ornée d'un si grand nombre de
monuments immenses, de statues colossales en argent, en or et en
ivoire ; à quoi il faut ajouter les constructions faites d'une seule pierre,
les obélisques. Parmi les quatre temples, remarquables par leur beauté
et leur grandeur, il y en avait un, le plus ancien, qui avait treize stades
de circonférence (06), quarante-cinq coudées de haut, et l'épaisseur des
murs était de vingt-quatre pieds. Les monuments de l'intérieur
répondaient, par leur richesse et la perfection de la main-d'œuvre, à la
magnificence extérieure. Ces édifices ont subsisté jusqu'à une époque
assez récente ; l'argent, l'or et les objets richement travaillés en ivoire
et en pierreries qu'ils renfermaient, furent pillés par les Perses à
l'époque où Cambyse incendia les temples de l'Égypte. On rapporte qu'il
fit alors transporter ces dépouilles en Asie, et qu'il emmena avec lui des
artisans égyptiens, pour construire les palais royaux si célèbres à
Persépolis, à Suse et dans la Médie. On ajoute que ces richesses étaient
si considérables que les débris qui avaient été sauvés du pillage et de
l'incendie donnaient plus de trois cents talents d'or, et un peu moins de
deux mille trois cents talents d'argent. On voyait aussi à Thèbes les
tombeaux des anciens rois qui, par leur magnificence, laissent à la
postérité peu de chance de produire sous ce rapport rien de plus beau.
Les prêtres affirmaient, d'après leurs annales, qu'on y trouvait
quarante-sept tombeaux royaux ; mais, sous le règne de Ptolémée, fils
de Lagus, il n'y en avait plus que dix-sept, dont plusieurs avaient été
détruits à l'époque où nous avons visité ces contrées, pendant la
CLXXXe olympiade. Non seulement les prêtres égyptiens qui puisent
leurs renseignements dans leurs annales, mais encore beaucoup de
Grecs qui, étant allés à Thèbes du temps de Ptolémée, fils de Lagus, ont
écrit (entre autres Hécatée (07)) sur l'histoire d'Égypte, s'accordent
avec ce que nous avons dit.
56 XLVII. À dix stades des premiers tombeaux où, selon la tradition,
sont ensevelies les concubines de Jupiter, il y avait, d'après ce qu'on
raconte, le monument du roi nommé Osymandyas (08) ; il existait, à son
entrée, un pylône (portail) en pierre marbrée ; sa largeur était de deux
plèthres, et sa hauteur de quarante-cinq coudées. Après l'avoir traversé,
on entrait dans un péristyle de pierre carré, dont chaque côté était de
quatre plèthres ; au lieu de colonnes il était soutenu par des animaux
monolithes de seize coudées de hauteur, et sculptés à la façon
ancienne; tout le plafond, de deux orgyes de large, était d'une seule
pierre et parsemé d'étoiles sur un fond bleu. A la suite de ce péristyle
venait une seconde entrée et un pylône semblable au premier, mais
orné de sculptures variées d'un travail plus parfait. A côté de la seconde
entrée se voyaient trois statues, toutes faites d'une seule pierre,
ouvrage de Memnon le Syénité. L'une, représentant une position assise,
était la plus grande de toutes les statues d'Égypte ; la mesure du pied
seul dépassait sept coudées, les deux autres, placées près des genoux,
l'une à droite, l'autre à gauche, étaient celles de la mère et de la fille, et
n'approchaient pas de la première en grandeur. Cet ouvrage était non
seulement mémorable par ses dimensions, mais il était digne
d'admiration sous le rapport de l'art et de la nature de la pierre, qui,
malgré son volume, ne laissait voir aucune fissure ni tache. On y lisait
l'inscription suivante : Je suis Osymandyas, roi des rois; si quelqu'un
veut savoir qui je suis et où je repose, qu'il surpasse une de mes
œuvres. Il y avait aussi une autre statue, représentant séparément la
mère de ce roi, haute de vingt coudées, d'une seule pierre, portant trois
diadèmes sur la tête, pour indiquer qu'elle avait été fille, femme et
mère de rois. Après le second pylône, on trouvait un autre péristyle plus
remarquable que le premier ; il était orné dé diverses sculp- 57 tures
figurant la guerre que ce roi avait faite contre les Bactriens révoltés. Il
avait marché contre eux à la tête de quatre cent mille hommes de pied,
de vingt mille cavaliers, après avoir partagé toute son armée en quatre
corps, commandés par les fils du roi.
XLVIII. Sur le premier mur de ce péristyle était représenté
Osymandyas assiégeant une forteresse entourée d'un fleuve,
s'exposant aux coups des ennemis, et accompagné d'un lion qui l'aidait
terriblement dans les combats. Parmi ceux qui expliquent ces
sculptures, les uns disent que c'était un lion véritable, apprivoisé et
nourri des mains du roi, qui l'assistait dans les combats, et mettait, par
sa force, l'ennemi en fuite; les autres soutiennent que ce roi, étant
excessivement vaillant et robuste, a voulu faire son propre éloge, en
indiquant ses qualités par l'image .d'un lion. Sur le deuxième mur
étaient représentés les prisonniers défaits par le roi, privés des mains et
des parties sexuelles, comme pour dire qu'ils ne s'étaient pas montrés
hommes par leur courage, et qu'ils étaient restés inactifs au milieu des
dangers. Le troisième mur était recouvert de sculptures variées, et orné
de peintures où l'on voyait le roi offrant le sacrifice des bœufs et son
triomphe, au retour de son expédition. Au milieu du péristyle était
construit un autel hypèthre (09), d'un beau travail et de dimensions
prodigieuses. Contre le dernier mur étaient appuyées deux statues
monolithes, hautes de vingt-sept coudées. A côté de ces statues on
avait pratiqué deux entrées par lesquelles on arrivait, en sortant du
péristyle, dans un hypostyle (10), construit à la manière d'un odéon (11)
et ayant chaque côté de deux plèthres. Là se trouvaient un grand
nombre de statues de bois représentant des plaideurs qui fixaient leurs
regards sur des juges. Ceux-ci étaient au nombre de trente, sculptés sur
une des murailles; au milieu d'eux se trouvait l'archi-juge, portant au
cou une figure de la Vérité aux yeux fermés, et ayant devant lui un
grand nombre de livres. Ces images indi- 58 quaient allégoriquement
que les juges ne doivent rien accepter, et que leur chef ne doit regarder
que la vérité.
XLIX. A cette salle touchait un promenoir rempli de bâtiments de
tout genre, où se préparaient toutes sortes d'aliments les plus agréables
au goût. On rencontrait aussi dans ce lieu des sculptures, et entre
autres la figure du roi peinte en couleurs; le roi était représenté offrant
à la Divinité l'or et l'argent qu'il retirait annuellement des mines
d'argent et d'or de l'Égypte. Une inscription placée au-dessous en
indiquait la somme qui, réduite en argent, s'élevait à trente-deux
millions de mines (12). Après cela, on voyait la bibliothèque sacrée
portant l'inscription suivante : Officine de l'âme (13). Dans une pièce
attenante se trouvaient les images de tous les dieux égyptiens, et celle
du roi qui présentait à chacun ses offrandes, prenant en quelque sorte à
témoin Osiris et ses assesseurs aux enfers qu'il avait passé sa vie dans
la piété et à rendre justice aux hommes et aux dieux. Il y avait ensuite
une salle contiguë à la bibliothèque, richement construite, et contenant
vingt lits qui portaient les images de Jupiter, de Junon et
d'Osymàndyas ; on croit que c'est là que se trouvait enseveli le corps de
ce roi. A l'entour étaient bâties un grand nombre de chapelles, ornées
de la peinture de tous les animaux sacrés de l'Égypte. On montait sur
des marches au sommet du tombeau, où il y avait un cercle d'or de trois
cent soixante-cinq coudées de circonférence et de l'épaisseur d'une
coudée. Ce cercle était divisé en autant de parties qu'il comprenait de
coudées; chacun indiquait un jour de l'année; et on avait écrit à côté les
levers et les couchers naturels des astres, avec les pronostics que
fondaient là-dessus les astrologues égyptiens. Ce cercle fut, dit-on,
dérobé par Cambyse dans les temps où les Perses conquirent l'Égypte.
Telle est la description qu'on donne du tombeau du roi Osymandyas, qui
paraît se distinguer de tous les autres monuments non seulement par
les dépenses qu'il a occasionnées, mais encore comme œuvre d'art.
L. Les Thébains se disent les plus anciens des hommes et
prétendent que la philosophie et l'astrologie exactes ont été inventées
chez eux, leur pays étant très favorable pour observer, sur un ciel pur,
le lever et le coucher des astres. Ils ont aussi distribué les mois et les
années d'après une méthode qui leur est particulière. Ils comptent les
jours, non d'après la lune, mais d'après le soleil; ils font chaque mois de
trente jours, et ajoutent cinq jours et un quart aux douze mois pour
compléter ainsi le cycle annuel. Ils n'ont donc pas recours, comme la
plupart des Grecs, aux mois intercalaires ou à des soustractions de
jours. Ils paraissent aussi savoir calculer les éclipses de soleil et de lune,
de manière à pouvoir en prédire avec certitude tous les détails.
Le huitième descendant de ce roi, et qui fut appelé comme son père
Uchoréus, fonda Memphis, la ville la plus célèbre de l'Égypte. Il avait
choisi l'emplacement le plus convenable de tout le pays, l'endroit où le
Nil se partage en plusieurs branches pour former ce qui, d'après sa
figure, a reçu le nom de Delta ; par cette position, Memphis est en
quelque sorte la clé de l'Égypte et domine la navigation de la haute
région. Il donna à cette ville une enceinte de cent cinquante stades; il la
fortifia, et assura les avantages de sa position admirable par de grands
travaux. Comme le Nil, à l'époque de ses crues, inondait la ville,
Uchoréus lui opposa, du côté du midi, une digue immense qui servit tout
à la fois à préserver la ville de l'inondation et à la défendre, en guise de
forteresse, contre les ennemis qui viendraient du côté de la terre. Dans
une autre étendue, il avait creusé un lac vaste et profond qui recevait
l'excédant des eaux du fleuve, et qui, entourant toute la ville, excepté
du côté de la digue, rendait sa position admirablement forte. Enfin, le
fondateur avait choisi un emplacement tellement opportun que presque
tous les rois, ses successeurs, quittèrent Thèbes pour établir leur
demeure à Memphis, et en faire le siège de l'empire. C'est à dater de ce
moment que Thèbes commença à perdre et Memphis à accroître sa
splendeur, jusqu'à l'époque d'Alexandre 60 le Macédonien. Car celui-ci
bâtit, sur les bords de la mer, la ville qui porte son nom, et que tous ses
successeurs ont agrandie à l'envi; les uns l'ont ornée de palais
magnifiques; les autres, de canaux et de ports; d'autres enfin l'ont
embellie par des monuments et des constructions tellement
remarquables qu'elle est réputée généralement la première ou la
seconde ville du monde. Mais nous la décrirons avec plus de détail
lorsque nous serons arrivé à cette période.

LI. Le fondateur de Memphis, après l'achèvement de la digue et du


lac dont il a été question, construisit des palais qui ne sont pas
inférieurs à bien d'autres, mais qui ne sont pas dignes de la splendeur
et de la magnificence de ceux de ses prédécesseurs. Cela tient à la
croyance des habitants, qui regardent la vie actuelle comme fort peu de
chose, mais qui estiment infiniment la vertu dont le souvenir se
perpétue après la mort. Ils appellent leurs habitations hôtelleries, vu le
peu de temps qu'on y séjourne ; tandis qu'ils nomment les tombeaux
demeures éternelles, les morts vivant éternellement dans les enfers.
C'est pourquoi ils s'occupent bien moins de la construction de leurs
maisons que de celle de leurs tombeaux. Quelques-uns racontent que la
ville dont nous parlons reçut son nom de la fille du roi son fondateur ; et
ils ajoutent que le dieu du Nil, sous la forme d'un taureau, devint
amoureux de cette fille, qui donna le jour à un fils, nommé Aegyptus,
célèbre par sa vertu, et que c'est de lui que tout le pays prit le nom
d'Égypte. Ils disent enfin qu'arrivé à l'empire, Aegyptus se montra roi
bienveillant, juste et actif, ce qui l'avait fait juger digne d'un pareil
honneur.
Douze générations après le roi dont nous avons parlé (14) Moeris,
reconnu souverain de l'Égypte, construisit à Memphis les propylées
septentrionaux, qui surpassent tous les autres par leur magnificence. Il
creusa au-dessus de la ville, à dix schènes de distance (15), un lac
d'une admirable utilité et d'une étendue in- 61 croyable; car son circuit
est, dit-on, de trois mille six cents stades, et sa profondeur, dans
beaucoup d'endroits, de cinquante orgyes (16). A l'aspect de cet
immense ouvrage, qui voudrait chercher combien de millions d'hommes
et combien d'années ont été employés pour l'achever? Personne ne
pourrait assez louer le génie du roi qui a réalisé une entreprise d'une
utilité si générale pour les habitants de l'Égypte.
LII. Comme les crues du Nil n'offraient pas toujours une mesure
régulière, et que de la régularité de ce phénomène dépend cependant
la fertilité du sol d'Égypte, Mœris creusa un lac destiné à recevoir
l'excédant des eaux, afin que, par leur abondance, elles n'inondassent
pas le pays sans opportunité, formant des marais et des étangs, et que,
par leur manque, elles ne fissent pas avorter les récoltes. Pour faire
communiquer ce lac avec le fleuve, il construisit un canal de quatre-
vingts stades de long sur trois plèthres de large. Par ce moyen, on
détournait les eaux et on pouvait, en ouvrant et fermant l'entrée à l'aide
de machines dispendieuses, procurer aux agriculteurs assez d'eau pour
fertiliser leurs terres. Il n'en coûtait pas moins de cinquante talents (17)
pour ouvrir et fermer ce système d'écluses. Ce lac subsiste encore de
nos jours avec les mêmes avantages, et on l'appelle maintenant,
d'après son constructeur, le lac Mœris. En le creusant, le roi Mœris
laissa au milieu un espace libre pour y construire un tombeau et deux
pyramides d'un stade de hauteur (18), l'une pour lui, l'autre pour sa
femme; il plaça, sur leur sommet, des statues de pierre, assises sur un
trône. C'est ainsi qu'il crut laisser, par ces travaux, un souvenir
honorable et éternel. Il donna les revenus de la pêche du lac à sa
femme pour ses parfums et sa toilette ; cette pêche rapportait un talent
par jour (19) ; car on y trouve, dit-on, vingt-deux genres de poissons, et
on en prend une si grande quan- 62 tité que les nombreux ouvriers
employés à la salaison de ces poissons peuvent à peine suffire à ce
travail (20). Voilà ce que les Égyptiens racontent de Mœris.
LIII. Sept générations après, vécut, dit-on, Sesoosis (21), qui
accomplit les actions les plus grandes et les plus célèbres. Cependant,
non seulement les historiens grecs, mais encore les prêtres et les
poètes qui chantent ses louanges, ne s'accordent point sur l'histoire de
ce roi ; nous tâcherons de raconter les faits les plus vraisemblables et
les plus conformes aux monuments qui existent encore dans ce pays. A
la naissance de Sesoosis, son père fit un acte magnifique et vraiment
royal. Il rassembla tous les enfants d'Égypte qui étaient nés le même
jour que son fils; il leur donna des nourrices et des précepteurs, enfin, il
les soumit tous à la même éducation et à la même discipline ; car il était
persuadé que ces enfants, après avoir ainsi mené un genre de vie
commun, seraient plus attachés les uns aux autres et meilleurs
compagnons d'armes. Tout en fournissant abondamment à tous leurs
besoins, il les habituait à des exercices continuels et aux fatigues du
corps. Il n'était permis à aucun d'eux de prendre de la nourriture avant
d'avoir fait cent quatre-vingts stades à la course. Aussi, parvenus à
l'âge viril, étaient-ils tous des athlètes, robustes de corps, forts au moral
et dignes du commandement, par l'excellente éducation qu'ils avaient
reçue. Envoyé d'abord par son père en Arabie, Sesoosis, entouré de ses
compagnons nourris avec lui, combattit des bêtes féroces, et supportant
la soif et la faim, il soumit tout ce peuple barbare qui n'avait pas encore
porté de joug. Ensuite, détaché dans les régions de l'occident, il conquit,
quoique bien jeune, la plus grande partie de la Libye. A la mort de son
père, auquel il succéda dans la royauté, il entreprit, encouragé par ses
succès précédents, la conquête de toute la terre. Quelques- 63 uns
affirment qu'il fut poussé à une domination universelle par sa fille
Athyrtis, remarquable par son esprit, et qui avait, dit-on, appris à son
père combien une pareille expédition serait facile. D'autres prétendent
qu'Athyrtis, instruite dans l'art divinatoire, connaissait l'avenir par
l'inspection des victimes, par le sommeil dans les temples (22) et par
des signes apparaissant au ciel. Quelques historiens racontent qu'à la
naissance de Sesoosis, son père avait vu en songe Vulcain lui disant que
son fils serait un jour maître de toute la terre, et que c'est pourquoi il le
fit élever avec les compagnons dont nous avons parlé, lui préparant
d'avance les moyens d'arriver à l'empire du monde ; que Sesoosis,
entré dans l'âge viril et plein de confiance dans la prédiction de l'oracle,
s'était ainsi préparé à l'expédition dont il s'agit.
LIV. Avant de commencer cette expédition, il se concilia d'abord
l'esprit des Égyptiens, et, pour parvenir à son but, il était convaincu de
la nécessité de s'assurer si ses compagnons d'armes seraient toujours
prêts à mourir pour leur chef, et si ceux qui resteraient dans la patrie ne
tenteraient aucune révolte. Pour cela, il combla ses sujets de bienfaits :
il donna aux uns des présents, aux autres des terres, à d'autres encore
il remit des peines ; enfin il se montra envers tous affable et d'une
grande aménité. Il renvoya absous tous les accusés d'État, et il délivra
les détenus pour dettes, dont le nombre encombrait les prisons. Il divisa
tout le pays en trente-six parties que les Égyptiens appellent nomes ; il
proposa à chacune un nomarque, chargé de percevoir les tributs royaux
et de présider à l'administration locale. Il fit une élite des hommes les
plus robustes et se composa une armée digne de la grandeur de son
entreprise. Il leva ainsi six cent mille fantassins, vingt-quatre mille
cavaliers et vingt-sept mille chars de guerre. Il partagea le
commandement avec ses compagnons de jeunesse, tous exercés dans
les combats, pleins de bravoure et ayant entre eux et pour le roi 64 un
attachement fraternel ; ils étaient au nombre de plus de mille sept
cents. Sesoosis leur avait donné en partage les meilleures terres, afin
qu'ils eussent des revenus convenables, et qu'étant à l'abri du besoin ils
fussent plus occupés de la guerre.
LV. Après ces dispositions, il dirigea d'abord son armée vers les
Éthiopiens, qui habitent au midi de l'Égypte; ils les défit et leur fit payer
des tributs consistant en bois d'ébène, en or et en dents d'éléphant. Il
détacha ensuite vers la mer Rouge une flotte de quatre cents navires
(23) et fut le premier Égyptien qui eût construit des vaisseaux longs.
Cette flotte prit possession des îles situées dans ces parages, ainsi que
de tout le pays littoral jusqu'à l'Inde. Lui-même, se rendant en Asie, à la
tête de son armée, soumit tout ce pays; il pénétra non seulement dans
les pays qui furent plus tard conquis par Alexandre le Macédonien, mais
encore il aborda des contrées et des nations que celui-ci n'atteignit pas.
Car, il passa le Gange, et s'avança dans l'Inde jusqu'à l'Océan, et du
côté de la Scythie jusqu'au Tanaïs, fleuve qui sépare l'Europe de l'Asie.
On raconte même, qu'un certain nombre d'Égyptiens, laissés aux
environs du Palus-Méotide, donnèrent naissance au peuple des
Colchidiens. On cite comme preuve une coutume égyptienne, la
circoncision, qui s'y pratique comme en Égypte ; cette coutume subsiste
chez tous les colons égyptiens, comme chez les Juifs. Sesoosis subjugua
ainsi le reste de l'Asie et la plupart des îles Cyclades. Il passa en Europe,
et en traversant la Thrace il faillit perdre son armée, tant par défaut de
vivres que par la rigueur du climat. C'est dans la Thrace qu'il mit un
terme à son expédition et qu'il éleva sur plusieurs points des colonnes,
monuments de ses conquêtes. Ces colonnes portaient l'inscription
suivante, tracée en caractères égyptiens dits sacrés : Le roi des rois, le
seigneur des seigneurs, Sesoosis, a soumis cette contrée par ses armes.
On avait représenté, sur ces colonnes, chez les peuples guerriers, les
parties sexuelles de l'homme; et 65 celles de la femme chez les tribus
lâches et efféminées, afin d'indiquer, par cette partie importante du
corps, le caractère le plus saillant de chaque population. Dans quelques
endroits, Sesoosis avait fait élever sa propre statue, qui le représentait
tenant l'arc et la lance ; elle était de quatre palmes plus haute que la
taille naturelle de ce roi, laquelle était de quatre coudées. Enfin, se
montrant humain envers tous ses sujets, et ayant terminé son
expédition au bout de neuf ans, il ordonna à toutes les nations soumises
d'envoyer en Égypte, chacune selon ses facultés, un tribut annuel.
Rassemblant une quantité prodigieuse de prisonniers de guerre et
d'autres dépouilles, il retourna dans sa patrie, après avoir accompli ce
qu'aucun de ses prédécesseurs n'avait fait. Il orna tous les temples de
l'Égypte de monuments et de dépouilles magnifiques. Il récompensa les
soldats, chacun selon sa bravoure. En résumé, non seulement toute
l'armée revint riche et triomphante, mais encore toute l'Égypte retira de
celte expédition toutes sortes d'avantages.

LVI. Sesoosis mit ainsi fin à ses travaux militaires, et accorda à ses
guerriers la jouissance paisible de leurs biens. Mais, toujours avide de
gloire et désireux de perpétuer sa mémoire, il exécuta des travaux d'un
plan immense et d'une création merveilleuse ; il s'assura ainsi une
renommée immortelle et procura aux Égyptiens le repos et une sécurité
durable. Songeant d'abord aux dieux, il construisit dans chaque ville
d'Égypte un temple consacré à la divinité dont le culte est le plus en
honneur chez les habitants. Il n'employa pour ces travaux aucun
Égyptien ; il les fit tous exécuter par des prisonniers de guerre. C'est
pourquoi il fit inscrire sur les temples ces mots : Aucun indigène ne s'est
fatigué à cela. On raconte que les prisonniers qui avaient été emmenés
de Babylone s'étaient révoltés, ne pouvant supporter les fatigues de ces
travaux, et, qu'après s'être, emparés d'une place forte sur le bord du
Nil, ils faisaient la guerre aux Égyptiens et ravageaient les environs;
enfin, qu'après avoir obtenu le pardon du passé, ils fondèrent une cité
qu'ils appelèrent du nom de leur patrie, Babylone. C'est, dit-on, pour
une raison 66 semblable qu'on voit encore aujourd'hui, sur les bords du
Nil, une ville qui porte le nom de Troie. En effet, Ménélas revenant
d'Ilium aborda en Égypte avec un grand nombre de captifs ; ceux-ci se
révoltèrent et firent la guerre jusqu'à ce qu'on leur eût garanti leur
existence ; ils fondèrent alors la ville à laquelle ils donnèrent le nom de
leur ville natale. Je n'ignore pas que Ctésias de Knide a une opinion
toute différente sur ces villes; il pense qu'elles ont été fondées par des
guerriers étrangers venus en Égypte avec Sémiramis, et qui voulaient
ainsi conserver le souvenir de leur pays. Il n'est pas facile de démêler la
vérité de ces choses; il faut se contenter de consigner les opinions
émises par chaque historien, afin que le lecteur puisse lui-même à ce
sujet asseoir son jugement.
LVII. Sesoosis fit de grands travaux d'exhaussement pour y bâtir des
villes, lorsque le terrain était naturellement trop bas. Par là, les hommes
et les bestiaux étaient à l'abri de tout danger au moment des crues du
Nil. Dans toute la région qui s'étend depuis Memphis jusqu'à la mer, il
creusa de nombreux canaux qu'il fit tous communiquer avec le Nil, afin
de faciliter le transport des fruits et les relations commerciales de tous
les habitants; mais, ce qui est le plus important, il garantissait ainsi le
pays contre l'invasion des ennemis. Avant ce temps, le cœur de l'Égypte
était ouvert au passage des chevaux et des chars ; il devint dès lors
inaccessible par le grand nombre de ses canaux. Il fortifia également
l'Égypte du côté de l'orient, contre les attaques des Syriens et des
Arabes ; cette enceinte de fortifications s'étend depuis Péluse jusqu'à
Héliopolis, à travers le désert, sur une longueur de mille cinq cents
stades (24). Il construisit un navire en bois de cèdre, de deux cent
quatre-vingts coudées de long (25) ; ce navire était doré
extérieurement, argenté à l'intérieur, et consacré à la divinité qui est
particulièrement révérée à Thèbes. Il éleva aussi deux obélisques en
pierre dure, (26) de cent vingt coudées de 67 haut (27) sur lesquels il
avait inscrit la puissance de son armée, le nombre de ses revenus et
des peuples vaincus. Il plaça à Memphis, dans le temple de Vulcain, sa
statue monolithe et celle de sa femme, qui avaient trente coudées de
hauteur (28) ; puis les statues de ses fils, hautes de vingt coudées. Ceci
se fit à l'occasion de l'événement suivant : A son retour eu Égypte,
après sa grande expédition, Sesoosis s'arrêta à Péluse, où il faillit périr,
lui, sa femme et ses enfants, dans un repas donné par son frère.
Pendant qu'ils étaient assoupis par la boisson, le frère de Sesoosis
profita de la nuit pour mettre le feu à des roseaux secs, accumulés
d'avance autour de sa tente. Sesoosis se réveilla soudain à la clarté du
feu, mais ses gardiens enivrés tardèrent à venir à son secours. Levant
alors les mains, il implora les dieux pour le salut de ses enfants et de sa
femme, et traversa les flammes. Après s'être ainsi sauvé, comme par un
miracle, il éleva, comme nous l'avons dit, des monuments à tous les
dieux, mais particulièrement à Vulcain, auquel il devait surtout son
salut.
LVÏII. Au milieu de ces grandes choses, ce qui montre le plus la
magnificence de Sesoosis, c'est la manière dont il recevait les envoyés
étrangers. Les rois et les gouverneurs des pays conquis se rendaient en
Égypte à des époques déterminées ; Sesoosis, recevant leurs présents,
comblait ces envoyés d'honneurs et de distinctions. Mais, chaque fois
qu'il allait se rendre dans un temple ou dans une ville, il dételait les
chevaux de son char et mettait à leur place quatre de ces rois et
d'autres chefs, voulant indiquer par là qu'après avoir dompté les plus
braves et les plus vaillants, il n'y avait plus aucun rival qui pût se
mesurer avec lui.
Ce roi parait avoir surpassé tous les rois par ses exploits guerriers,
par la grandeur et le nombre des monuments et des travaux qu'il a faits
en Égypte. Après un règne de trente-trois ans, il perdit la vue et se
donna lui-même la mort. Ce dernier acte fut admiré par les prêtres aussi
bien que par les autres 68 Égyptiens, comme terminant la vie d'une
manière digne de la grandeur des actions de ce roi. La renommée de
Sesoosis était si solide et se conservait tellement dans la postérité que
lorsque plus tard, sous la domination des Perses, Darius, père de
Xerxès, voulut placer à Memphis sa propre statue au-dessus de celle de
Sesoosis, l'archiprêtre s'y opposa dans l'assemblée sacerdotale,
alléguant que Darius n'avait pas encore surpassé Sesoosis. Darius, loin
de se fâcher de cette parole hardie, y prit plaisir, disant qu'il
s'efforcerait d'égaler Sesoosis, s'il vivait assez longtemps. Seulement,
pour juger de la manière la plus équitable le mérite des deux rivaux, il
proposa de comparer entre elles les actions commises à la même
époque de la vie. Voilà tout ce que nous avons à dire de l'histoire de
Sesoosis.
LIX. Le fils de Sesoosis, portant le même nom que le père, hérita de
la royauté. Il ne fit pas d'exploits guerriers, et ne laissa rien qui fût
digne de mémoire. Il était privé de la vue, soit que ce mal fût
héréditaire, soit que ce fût la punition (comme quelques-uns le
prétendent ) d'un acte impie : il avait lancé des flèches contre les flots
du Nil. Dans son infortune il fut obligé d'avoir recours aux dieux ; il
chercha à se les rendre propices par des offrandes et des honneurs
religieux ; mais il resta aveugle. Dans la dixième année de son règne, il
reçut un oracle qui lui ordonna d'adorer le dieu d'Héliopolis, et de se
laver le visage avec l'urine d'une femme qui n'aurait jamais connu
d'autre homme que son mari. Il commença ainsi par sa propre femme,
et en essaya beaucoup d'autres ; mais il n'en trouva aucune qui fût
entièrement pure, à l'exception de la femme d'un jardinier, qui enfin lui
rendit la vue et qu'il épousa ; quant aux autres femmes, il les brûla
vives dans un village qui, par suite de cet événement, a été appelé par
les Égyptiens : Terre sacrée. Pour témoigner sa reconnaissance au dieu
d'Héliopolis, il lui consacra, d'après le sens de l'oracle, deux obélisques
monolithes de huit coudées (29) d'épaisseur sur cent de hauteur (30).
69 LX. La plupart des successeurs de ce roi n'ont rien laissé de
remarquable. Plusieurs générations après, Amasis régna sur le peuple
avec beaucoup de dureté. Il infligea à beaucoup d'hommes des peines
contre toute justice : il les privait de leurs biens, et se conduisait envers
tout le monde d'une façon hautaine et arrogante. Le peuple n'ayant
aucun moyen de se défendre contre son oppresseur, souffrit avec
patience pendant quelque temps. Mais, lorsque Actisanès, roi des
Éthiopiens, fit la guerre à Amasis, les mécontents saisirent cette
occasion pour se révolter. Amasis fut donc facilement défait, et l'Égypte
tomba sous la domination des Éthiopiens. Actisanès se conduisit
humainement dans la prospérité, et traita ses sujets avec bonté. Il se
comporta d'une manière singulière à l'égard des brigands; il ne
condamna pas les coupables à mort, mais il ne les lâcha pas non plus
entièrement impunis. Réunissant tous les accusés du royaume, il prit
une exacte connaissance de leurs crimes ; il fit couper le nez aux
coupables, les envoya à l'extrémité du désert, et les établit dans une
ville qui, en souvenir de cette mutilation, a pris le nom de Rhinocolure
(31), située sur les frontières de l'Égypte et de la Syrie, non loin des
bords de la mer ; elle est presque entièrement dépourvue des choses
nécessaires aux besoins de la vie (32). Le pays environnant est couvert
de sel; les puits qui se trouvent en dedans de l'enceinte de la ville
contiennent peu d'eau, et encore est-elle corrompue et d'un goût salé.
C'est dans ce pays que le roi fit transporter les condamnés, afin que,
s'ils reprenaient leurs habitudes anciennes, ils ne pussent inquiéter les
habitants paisibles et qu'ils ne restassent pas inconnus en se mêlant
aux autres citoyens. Puis, transportés dans une contrée déserte et
presque dépourvue des choses les plus nécessaires, ils devaient songer
à satisfaire aux besoins de la vie en forçant la nature, par l'art et
l'industrie, à suppléer à#ce qui leur manquait. Ainsi, ils coupaient les
joncs des environs, et, en les divi- 70 sant, Ils en faisaient de longs filets
qu'ils tendaient le long des bords de la mer, dans une étendue de
plusieurs stades, pour faire la chasse aux cailles. Ces oiseaux arrivent
de la mer par troupes nombreuses; les chasseurs en prenaient en
quantité assez grande pour assurer leur subsistance.

LXI. A la mort d'Actisanès, les Égyptiens rentrèrent en possession de


la royauté et élurent pour roi un indigène, Mendès, que quelques-uns
appellent Marrhus. Ce roi ne fit aucun exploit guerrier; mais il se
construisit un tombeau, appelé le labyrinthe, moins étonnant par sa
grandeur que par l'art inimitable de sa construction ; car celui qui y est
entré ne peut en trouver la sortie, à moins qu'il ne soit conduit par un
guide expérimenté. Quelques-uns prétendent que Dédale, ayant admiré
ce monument lors de son voyage en Égypte, construisit sur le même
modèle le labyrinthe de Minos, roi de Crête, dans lequel séjourna, dit-
on, le Minotaure. Mais le labyrinthe de Crète a entièrement disparu, soit
par l'injure du temps, soit qu'un roi l'ait fait démolir, tandis que Je
labyrinthe d'Égypte s'est conservé intact jusqu'à nos jours.
LXII. Après la mort de Mendès il y eut un interrègne de cinq
générations. Enfin les Égyptiens choisirent un roi d'origine obscure,
qu'ils appelèrent Ketès et que les Grecs nomment Protée. Il vivait à
l'époque de la guerre de Troie. On lui attribuait une grande
connaissance des vents, et le pouvoir de se transformer tantôt en un
animal, tantôt en un arbre, tantôt en feu ou en tout autre objet ; les
prêtres sont d'accord avec cette tradition ; et ils ajoutent que le roi avait
acquis ces connaissances par le commerce intime qu'il entretenait avec
les astrologues. Mais, ce que la mythologie grecque raconte de ces
métamorphoses a sa source dans une ancienne coutume des rois
d'Égypte. En effet, ces rois se couvrent la tête de masques de lions, de
taureaux et de dragons, emblèmes de la souveraineté ; ils portent aussi
sur leurs têtes tantôt des branches d'arbres, tantôt du feu, et
quelquefois même des parfums. C'était là leurs ornements, qui
excitaient en même temps, chez le peuple, 71 la terreur et le respect.
Protée eut pour successeur son fils Rhemphis, qui ne fut toute sa vie
occupé que de ses revenus et de l'accumulation de ses richesses. Son
esprit étroit et son avarice l'empêchèrent de consacrer des monuments
aux dieux et de se montrer bienfaisant envers les hommes. Ce n'était
pas là un roi, mais un bon économe, qui, au lieu de gloire, a laissé après
lui plus de richesses qu'aucun de ses prédécesseurs. On dit que ces
richesses en argent et en or s'élevaient à quatre cent mille talents (33).
LXIII. Après la mort de Rhemphis il y eut, pendant sept générations,
des rois fainéants et uniquement occupés de leurs plaisirs. Aussi les
annales sacrées n'en rapportent rien qui soit digne de remarque. Il faut
cependant excepter Niléus, qui donna son nom au fleuve auparavant
appelé Aegyptus, afin de rappeler les nombreux canaux que ce roi fit
construire pour ajouter encore aux services que le Nil rend au pays. Le
huitième roi après Rhemphis était Chembès, de Memphis ; il régna
cinquante ans, et éleva la plus grande des trois pyramides, mises au
nombre des sept merveilles du monde (34). Les pyramides situées du
côté de la Libye sont à cent vingt stades de Memphis (35) et à
quarante-cinq stades du Nil. Le spectateur reste frappé d'étonnement
devant la grandeur et l'immensité de ces ouvrages, dont l'exécution a
exigé tant de bras. La plus grande pyramide, de forme quadrangulaire,
a pour chaque côté de la base sept plèthres (36) et plus de six pour la
hauteur; elle va en se rétrécissant depuis la base, de sorte qu'au
sommet chaque côté n'est plus que de six coudées (37). Elle est
entièrement construite en pierres dures, difficiles à tailler, mais dont la
durée est éternelle. En effet, depuis au moins mille ans 72 (quelques-uns
en admettent trois ou quatre mille), ces pierres ont conservé jusqu'à ce
jour leur arrangement primitif et tout leur aspect. On les a, dit-on, fait
venir d'Arabie, de bien loin, et on les a disposées au moyen de
terrasses; car alors on n'avait pas encore inventé de machines. Et ce
qu'il y a de plus étonnant, c'est que ce monument se trouve élevé au
milieu d'un pays sablonneux, où l'on n'aperçoit aucun vestige de
terrasses ou de taille de pierres ; de telle sorte qu'il ne paraît pas être
un ouvrage d'hommes, et qu'on croirait qu'il a été construit par quelque
divinité, au milieu d'une mer de sable. Quelques Égyptiens essaient
d'expliquer ce miracle, en disant que ces terrasses étaient formées de
sel et de nitre, et qu'ayant été atteintes par les eaux du Nil, elles ont été
dissoutes (38) et ont ainsi disparu sans le secours de la main-d'œuvre.
Mais il est plus probable que ces terrasses ont été détruites par les
mêmes mains qui les avaient élevées. Le nombre d'hommes employés à
ces constructions fut, dit-on, de trois cent soixante mille; et leur travaux
étaient à peine achevés au bout de vingt ans.
LXIV. Chembès eut pour successeur son frère Képhen, qui régna
pendant cinquante-six ans. Selon quelques-uns, ce fut, non pas son
frère, mais son fils, nommé Chabrys, qui succéda à l'empire. Quoi qu'il
en soit, on est d'accord que le successeur de Chembès, jaloux de suivre
les traces de son prédécesseur, éleva la seconde pyramide, qui est, par
sa construction, semblable à la première; mais elle lui est inférieure
pour ses dimensions, car chacun des côtés de la base n'est que d'un
stade. La plus grande pyramide porte une inscription indiquant les
dépenses en légumes et en raves consommés par les ouvriers, et que
ces dépenses se sont élevées à plus de mille six cents talents (39). La
pyramide moins grande est sans inscription ; mais elle a sur un de ses
côtés un escalier taillé dans la pierre. 73 Il est vrai qu'aucun des rois qui
avaient élevé ces pyramides ne les eurent pour leurs tombeaux ; car la
population, accablée de travail, haïssait ces rois à cause de leurs
injustices et de leurs violences, et menaçait d'arracher leurs corps des
tombeaux et de les déchirer ignominieusement. C'est pourquoi ces rois
ordonnèrent en mourant, à leurs serviteurs, de les ensevelir
clandestinement et dans un lieu inconnu. Après ces rois, régna
Mycerinus (que quelques-uns nomment Micherinus), fils de celui qui a
construit la première pyramide. Il entreprit d'élever une troisième
pyramide, mais il mourut avant de l'achever. Chaque côté de la base de
cette pyramide est de trois plèthres (40) ; jusqu'à la quinzième assise
elle est construite en pierre noire semblable à la pierre thébaïque; le
reste est comme la pierre des autres pyramides. Cette troisième
pyramide est moins grande que les deux autres; elle se distingue par
l'art qui a présidé à sa construction et par la beauté des pierres. Sur sa
face septentrionale est inscrit le nom de Mycerinus, qui l'a construite.
Ce roi ayant en horreur les cruautés de ses prédécesseurs, mettait, dit-
on, son ambition à se montrer doux et bienfaisant envers ses sujets ; il
ne cessait d'agir de manière à se concilier l'affection des peuples, et
dépensait beaucoup d'argent pour donner des présents aux hommes
honnêtes qui croyaient ne pas avoir été jugés devant les tribunaux
selon les lois de l'équité. Il y a encore trois autres pyramides dont
chaque côté est de deux plèthres (41) ; sauf leurs dimensions, elles sont
tout à fait semblables aux autres. On prétend que les trois rois
précédents les ont construites en honneur de leurs femmes.
Tous ces monuments se distinguent de tous les autres monuments
de l'Égypte, non seulement par la solidité de leur construction et les
dépenses qu'ils ont absorbées, mais encore par l'art que les ouvriers y
ont déployé. Il faut bien plus admirer les architectes qui ont élevé ces
monuments que les rois qui n'en 74 ont fourni que les frais; car les
premiers sont arrivés à leur but à l'aide de leur génie et de leur talent,
tandis que les derniers n'ont employé pour cela que leurs richesses,
acquises par héritage et par des vexations de toutes sortes. Ni les
habitants du pays ni les historiens ne sont d'accord sur l'origine de ces
pyramides ; selon les uns, elles sont construites par les rois que nous
avons cités; selon les autres, elles ont été bâties par d'autres rois ; ainsi
ils disent qu'Armseus a élevé la plus grande, Amasis la seconde, et
Inaron la troisième. Cette dernière pyramide passe pour le tombeau de
la courtisane Rhodopis ; elle a été, dit-on, élevée par quelques
nomarques, comme un témoignage de leur amour pour cette femme.
LXV. Aux rois précédents succéda Bocchoris, homme d'un dehors
tout à fait désagréable, mais qui se distingua de tous les autres par sa
pénétration et sa prudence. Longtemps après Bocchoris, Sabacon devint
souverain d'Égypte ; il était d'origine éthiopienne, et l'emportait sur ses
prédécesseurs par sa piété et sa bienfaisance. On peut citer, comme
une preuve de son humanité, l'abolition de la plus grande de toutes les
peines, la peine de mort. Il obligeait les condamnés à mort de travailler,
tout enchaînés, aux ouvrages publics. C'est par ce moyen qu'il fit
construire de nombreuses digues, et creuser beaucoup de canaux
utiles. Il réalisait ainsi l'idée de diminuer, à l'égard des coupables, la
sévérité de la justice, et de faire tourner une peine inutile au profit de la
société. Quant à sa piété, on en trouvera un exemple dans un songe
qu'il eut, et qui lui fit abdiquer l'empire. Il lui sembla avoir vu le dieu de
Thèbes lui dire qu'il ne pourrait régner sur l'Égypte heureusement ni
longtemps, s'il ne faisait couper en morceaux tous les prêtres, en
marchant au milieu d'eux avec ses gardes. Ce rêve s'étant répété
plusieurs fois, le roi assembla tous les prêtres, et leur dit que sa
présence en Égypte irritait le dieu ; mais qu'il ne ferait pas ce qu'il lui
avait été commandé en songe ; qu'il aimait mieux se retirer et rendre
son âme innocente au destin, que d'affliger le dieu et souiller sa vie 75
par un meurtre impie pour régner en Égypte. Enfin, remettant l'empire
entre les mains des indigènes, il retourna en Éthiopie.

LXVI. Il y eut ensuite en Égypte une anarchie qui dura deux ans,
pendant lesquels le peuple se livrait aux désordres et aux guerres
intestines. Enfin, douze des principaux chefs tramèrent une
conspiration. Ils se réunirent en conseil à Memphis, et s'étant engagés
par des conventions et des serments réciproques, ils se proclamèrent
eux-mêmes rois. Après avoir régné, pendant quinze ans, dans l'exacte
observation de leurs serments et dans la plus grande concorde, ils
résolurent de se construire un tombeau commun, afin que leurs corps
fussent réunis en un même endroit et participassent, après la mort
comme dans la vie, aux mêmes honneurs. Ils s'empressèrent d'exécuter
leur résolution et s'efforcèrent de surpasser tous leurs prédécesseurs
par la grandeur de ce travail. Ils choisirent donc un emplacement près
de l'entrée du canal qui communique avec le lac Mœris en Libye, et y
élevèrent un tombeau avec des pierres très belles. Ce tombeau est de
forme quadrangulaire, chaque côté étant d'un stade ; il était tellement
enrichi de sculptures et d'ouvrages d'art qu'il ne devait être surpassé
dans la postérité par aucun autre monument. Après avoir franchi le mur
d'enceinte, on trouvait un péristyle dont chaque côté était formé de
quarante colonnes ; le plafond était d'une seule pierre, et orné de
crèches sculptées et de diverses peintures. On voyait dans ce péristyle
des monuments de la ville natale de chacun des douze rois, et des
tableaux représentant les temples et les cérémonies religieuses qui
rappellent ces villes» Le plan de ce monument était, dit-on, si vaste et si
beau que si ces rois étaient parvenus à le réaliser, on n'aurait jamais vu
de plus bel édifice. Mais, au bout de quinze années de règne, le pouvoir
échut à un seul, à l'occasion suivante : Psammitichus (42) de Saïs, l'un
des douze rois, était sou- 76 verain du pays littoral, et entretenait un
commerce actif, principalement avec les Phéniciens et les Grecs. Ainsi,
en échangeant avec profit les productions de son propre pays, contre
celles delà Grèce, il gagna non seulement des richesses, mais encore il
se concilia l'amitié de ces nations et de leurs chefs. Les autres rois en
devinrent jaloux, et déclarèrent la guerre à Psammitichus. Au rapport de
quelques anciens historiens, un oracle avait dit aux douze rois, que le
premier qui ferait dans Memphis une libation sur une patère d'airain, en
honneur de la divinité, obtiendrait seul la souveraineté de toute l'Égypte
; un prêtre ayant porté hors du temple douze patères (43),
Psammitichus ôta son casque et s'en servit pour faire la libation. Get
acte inspira de la jalousie à ses collègues ; ils ne voulurent pas faire
mourir Psammitichus, mais ils l'exilèrent et l'obligèrent à vivre dans les
marais qui avoisinent la mer. Soit pour cette raison, soit par jalousie,
comme nous l'avons dit, toujours est-il qu'une guerre éclata.
Psammitichus fit venir des troupes auxiliaires de l'Arabie, de la Carie et
de l'Ionie, et vainquit ses rivaux en bataille rangée, aux environs de la
ville de Momemphis ; les uns furent tués dans le combat, les autres
s'enfuirent en Libye, et ne firent aucune tentative pour recouvrer
l'empire.
LXVII. Psammitichus, maître de tout l'empire, éleva au dieu, à
Memphis, le propylée oriental; et entoura le temple d'une enceinte
soutenue, au lieu de colonnes, par des colosses de douze coudées (44).
Outre la solde convenue, il donna aux troupes auxiliaires de beaux
présents, et pour habitation un emplacement qui porte le nom de camp
militaire ; il leur donna en propriété une grande étendue de terrain, un
peu au-dessus de l'embouchure Pélusiaque. Amasis, qui régna plusieurs
années après, transplanta cette colonie militaire à Memphis.
Psammitichus, 77 qui devait son trône au secours de ces troupes
auxiliaires, leur confia par la suite les fonctions les plus élevées ; et il
continua d'entretenir un grand nombre de soldats étrangers. Dans une
expédition qu'il fit en Syrie, il donna aux auxiliaires tous les postes
d'honneur et les plaça à la droite de l'armée, tandis que les nationaux,
traités avec plus de dédain, occupèrent la gauche. Irrités de ce
traitement, les Égyptiens, au nombre de plus de deux cent mille,
abandonnèrent leur roi et se dirigèrent vers l'Éthiopie, dans l'intention
d'y acquérir des possessions. Le roi leur envoya quelques-uns de ses
généraux pour s'excuser de sa conduite; mais ses excuses n'ayant pas
été acceptées, il s'embarqua avec ses amis pour poursuivre les fugitifs.
Ces derniers remontaient le Nil et franchissaient les frontières de
l'Égypte, lorsque Psammitichus les atteignit et les pria de changer de
dessein, de se souvenir de leur patrie, de leurs femmes et de leurs
enfants. Mais, frappant de leurs piques leurs boucliers, ils s'écrièrent
d'une voix commune que tant qu'ils auraient ces armes en leur pouvoir,
ils trouveraient facilement une patrie, et relevant leurs tuniques pour
montrer les parties génitales, avec cela, ajoutaient-ils, nous ne
manquerons ni de femmes ni d'enfants. Animés de cette grande
résolution et méprisant les biens qui sont tant estimés par d'autres, ils
s'emparèrent de la meilleure contrée de l'Éthiopie, et s'établirent dans
les possessions qu'ils s'étaient partagées par le sort. Psammitichus ne
fut pas médiocrement affligé de cet événement. Tout en s'occupant de
l'administration intérieure de l'Égypte et des revenus de l'État, il fit une
alliance avec les Athéniens et avec quelques autres Grecs. Il recevait
hospitalièrement les étrangers qui venaient volontairement visiter
l'Égypte; il aimait tellement la Grèce qu'il fit apprendre à ses enfants la
langue de ce pays. Enfin, le premier d'entre les rois d'Égypte,, il ouvrit
aux autres nations des entrepôts de marchandises et donna aux
navigateurs une grande sécurité ; car, les rois ses prédécesseurs
avaient rendu l'Égypte inaccessible aux étrangers qui venaient
l'aborder, en faisant périr les uns et en réduisant les 78 autres à
l'esclavage. L'impiété de Busiris avait fait décrier auprès des Grecs tous
les Égyptiens comme une nation inhospitalière; si tout n'est pas
conforme à la vérité, une conduite si sauvage a néanmoins donné
naissance à cette fable.
LXVIII Quatre générations après la mort de Psammitichus, Apriès
régna pendant plus de vingt-deux ans. Il marcha, à la tête d'une
nombreuse armée de terre et d'une flotte considérable, contre l'île de
Cypre et la Phénicie; il prît d'assaut Sidon, et porta la terreur dans les
autres villes de la Phénicie. Il vainquit, dans un grand combat naval, les
Phéniciens et les Cypriens, et retourna en Égypte chargé de butin. Après
cette expédition, il envoya une armée choisie, toute composée
d'indigènes, contre Cyrène et Barcé; mais la plus grande partie périt ;
ceux qui s'étaient sauvés devinrent ses ennemis et se révoltèrent, sous
le prétexte que cette armée avait été destinée à périr, afin que le roi
pût régner plus tranquillement. Il leur envoya Amasis, homme considéré
chez ses compatriotes, et le chargea d'employer des paroles
conciliantes; mais celui-ci fit tout le contraire, car il excita les révoltés,
se joignit à eux et se fit nommer roi; bientôt après, le reste des
Égyptiens suivit l'exemple des révoltés, et le roi, ne sachant que
devenir, fut obligé de se réfugier auprès de ses troupes mercenaires, au
nombre de trente mille. Un combat fut livré près du village de Maria; les
Égyptiens demeurèrent vainqueurs; Apriès, ayant été fait prisonnier,
mourut étranglé. Amasis, devenu roi, régla l'administration du pays
d'après de bonnes intentions ; il gouverna sagement et gagna toute
l'affection des Égyptiens. Il soumit les villes de l'île de Cypre, orna
beaucoup de temples de monuments remarquables. Après un règne de
cinquante-cinq ans, il quitta la vie, vers le temps où Cambyse, roi des
Perses, fit son expédition en Égypte, dans la troisième année de la LIIIe
olympiade (45) Parménide de Camarine étant vainqueur à la course du
stade.
LXIX. Nous avons passé en revue l'histoire des rois d'Égypte depuis
les temps les plus anciens jusqu'à la mort d'Amasis; 79 nous en
donnerons la suite aux époques convenables. Nous allons traiter
maintenant des coutumes et des usages les plus singuliers, et en même
temps les plus instructifs pour le lecteur. La plupart des anciennes
mœurs de l'Égypte n'ont pas été respectées seulement des indigènes ;
elles ont été aussi pour les Grecs un grand sujet d'admiration. Ainsi, les
plus instruits de ces derniers ont ambitionné de visiter l'Égypte, pour y
étudier les lois et les usages les plus remarquables. Bien que ce pays fût
autrefois inaccessible aux étrangers, on cite cependant, parmi les
anciens, comme ayant voyagé en Égypte, Orphée et le poète Homère ;
et, parmi d'autres plus récents, Pythagore de Samos et Solon, le
législateur.
Les Égyptiens s'attribuent l'invention des lettres et l'observation
primitive des astres ; ils s'attribuent aussi l'invention de la science
géométrique et de la plupart des arts ; ils se vantent également d'avoir
promulgué les meilleures lois. Ils en allèguent, comme la plus grande
preuve, que l'Égypte a été gouvernée pendant plus de quatre mille sept
cents ans par une suite de rois pour la plupart indigènes, et que leur
pays a été le plus heureux de toute la terre. Tout cela, disent-ils, ne
pourrait pas être, si les habitants n'avaient pas eu des mœurs, des lois
et des institutions aussi parfaites. Nous laisserons de côté tous les faits
invraisemblables et les fables inventées à plaisir par Hérodote et
d'autres historiens qui ont écrit sur l'Égypte; nous exposerons les faits
que nous avons soigneusement examinés et qui se trouvent consignés
dans les annales des prêtres d'Égypte.
LXX. D'abord les rois ne menaient pas une vie aussi libre ni aussi
indépendante que ceux des autres nations. Ils ne pouvaient point agir
selon leur gré. Tout était réglé par des lois ; non seulement leur vie
publique, mais encore leur vie privée et journalière. Ils étaient servis,
non par des hommes vendus ou par des esclaves, mais par les fils des
premiers prêtres, élevés avec le plus grand soin et ayant plus de vingt
ans. De cette manière, le roi ayant jour et nuit autour de lui, pour servir
sa personne, de véritables modèles de vertu, ne se serait jamais permis
aucune 80 action blâmable. Car un souverain ne serait pas plus méchant
qu'un autre homme, s'il n'avait pas autour de lui des gens qui flattent
ses désirs. Les heures du jour et de la nuit, auxquelles le roi avait
quelque devoir à remplir, étaient fixées par des lois, et n'étaient pas
abandonnées à son arbitraire. Éveillé dès le matin, il devait d'abord
recevoir les lettres qui lui étaient envoyées de toutes parts, afin de
prendre une connaissance exacte de tout ce qui se passait dans le
royaume, et régler ses actes en conséquence. Ensuite, après s'être
baigné et revêtu des insignes de la royauté et de vêtements
magnifiques, il offrait un sacrifice aux dieux. Les victimes étant
amenées à l'autel, le grand prêtre se tenait, selon la coutume, près du
roi, et, en présence du peuple égyptien, implorait les dieux à haute voix
de conserver au roi la santé et tous les autres biens, lorsque le roi
agissait selon les lois ; en même temps, le grand prêtre était obligé
d'énumérer les vertus du roi, de parler de sa piété envers les dieux et
de sa mansuétude envers les hommes. Il le représentait tempérant,
juste, magnanime, ennemi du mensonge, aimant à faire le bien,
entièrement maître de ses passions, infligeant aux coupables des
peines moindres que celles qu'ils méritaient, et récompensant les
bonnes actions au delà de ce qu'elles valaient. Après avoir ajouté
d'autres louanges semblables, il terminait par une imprécation contre
les fautes commises par ignorance; car le roi, étant irresponsable,
rejetait toutes les fautes sur ses ministres et ses conseillers, et appelait
sur eux le châtiment mérité. Le grand prêtre agissait ainsi, afin
d'inspirer au roi la crainte de la divinité et pour l'habituer à une vie
pieuse et exemplaire, non par une exhortation amère, mais par des
louanges agréables de la pratique de la vertu. Ensuite, le roi faisait
l'inspection des entrailles de la victime et déclarait les auspices
favorables. L'hiérogrammate lisait quelques sentences et des histoires
utiles d'hommes célèbres, extraites des livres sacrés, afin que le
souverain réglât son gouvernement d'après les modèles qu'il pouvait
ainsi se choisir lui-même. Il y avait un temps déterminé, non seulement
81 pour les audiences et les jugements, mais encore pour la promenade,
pour le bain, pour la cohabitation, en un mot, pour tous les actes de la
vie. Les rois étaient accoutumés à vivre d'aliments simples, de chair de
veau et d'oie; ils ne devaient boire qu'une certaine mesure de vin, fixée
de manière à ne produire ni une trop grande plénitude ni l'ivresse ; en
somme, le régime qui leur était prescrit était si régulier qu'on aurait pu
croire qu'il était ordonné, non par un législateur, mais par le meilleur
médecin, tout occupé de la conservation de la santé.

LXXI. Il paraît étrange qu'un roi n'ait pas la liberté de choisir sa


nourriture quotidienne ; et il est encore plus étrange qu'il ne puisse
prononcer un jugement, ni prendre une décision, ni punir quelqu'un, soit
par passion, soit par caprice, ou par toute autre raison injuste, mais qu'il
soit forcé d'agir conformément aux lois fixées pour chaque cas
particulier. Comme c'étaient là des coutumes établies, les rois ne s'en
fâchaient pas et n'étaient point mécontents de leur sort ; ils croyaient,
au contraire, mener une vie très heureuse, pendant que les autres
hommes, s'abandonnant sans frein à leurs passions naturelles,
s'exposaient à beaucoup de désagréments et de dangers. Ils
s'estimaient heureux en voyant les autres hommes, bien que persuadés
de commettre une faute, persister néanmoins dans leurs mauvais
desseins, entraînés par l'amour, par la haine ou par quelque autre
passion; tandis qu'eux-mêmes, jaloux de vivre d'après l'exemple des
hommes les plus sages, ne pouvaient tomber que dans des erreurs très
légères. Animés de tels sentiments de justice, les souverains se
conciliaient l'affection de leurs peuples comme celle d'une famille. Non
seulement le collège des prêtres, mais tous les Égyptiens pris en masse
étaient moins occupés de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs
biens, que de la sécurité de leur roi. Tous les rois mentionnés ont
conservé ce régime politique pendant fort longtemps, et ils ont mené
une vie heureuse sous l'empire de ces lois; de plus, ils ont soumis
beaucoup de nations, acquis de très grandes richesses et orné le pays
d'ouvrages et de construc- 82 tions extraordinaires, et les villes,
d'ornements riches et variés.
LXXII. Ce qui se passe à la mort des rois n'est pas une des moindres
preuves de l'attachement que les Égyptiens ont pour leur souverain ;
car les honneurs rendus à un mort sont un témoignage incontestable de
la sincérité de cet attachement. Lorsqu'un de leurs rois venait à mourir,
tous les habitants prenaient le deuil, déchiraient leurs vêtements,
fermaient les temples, s'abstenaient des sacrifices et ne célébraient
aucune fêle pendant soixante-douze jours. Des troupes d'hommes et de
femmes, au nombre de deux à trois cents, parcouraient les rues la tête
souillée de fange, leurs robes nouées, en guise de ceinture, au-dessous
du sein, et chantant deux fois par jour des hymnes lugubres à la
louange du mort Ils s'interdisaient l'usage du froment, et ne mangeaient
aucun aliment provenant d'un être animé ; ils s'abstenaient de vin et de
tout luxe. Personne n'aurait voulu faire usage de bains, de parfums et
de riches tapis ; on n'osait même pas se livrer aux plaisirs de l'amour.
Tout le monde passait le nombre de jours indiqué dans l'affliction et
dans le deuil, comme à la mort d'un enfant chéri. Pendant tout ce
temps, on faisait les apprêts de funérailles magnifiques, et le dernier
jour, on plaçait la caisse, contenant le corps du défunt, à l'entrée du
tombeau. On procédait alors, selon la loi, au jugement de tout ce que le
roi avait fait pendant sa vie. Tout le monde avait la faculté d'émettre
une accusation. Les prêtres prononçaient le panégyrique en racontant
les belles actions du roi; des milliers d'assistants donnaient leur
approbation à ce panégyrique, si le roi avait vécu sans reproche ; dans
le cas contraire, ils déclaraient par des murmures leur improbation.
Beaucoup de rois ont été, par l'opposition du peuple, privés d'une
sépulture digne et convenable. C'est pourquoi leurs successeurs
pratiquaient la justice, non seulement par les raisons que nous avons
déjà fait connaître, mais encore par la crainte que leurs corps ne
fussent, après la mort, traités ignominieusement, et leur souvenir
maudit à jamais. Tels sont les points les plus saillants des usages
concernant les anciens rois.
83 LXXIII. Toute l'Égypte est divisée en plusieurs parties dont
chacune (appelée nome en grec) est gouvernée par un nomarque,
chargé de tous les soins de l'administration. Tout le sol est partagé en
trois portions. La première, et la plus considérable, appartient au
collège des prêtres qui jouissent du plus grand crédit auprès des
indigènes, tant à cause de leurs fonctions religieuses que parce qu'ils
ont reçu l'éducation et l'instruction la plus complète. Leurs revenus sont
employés à la dépense des sacrifices, à l'entretien de leurs subordonnés
et à leurs propres besoins; car les Égyptiens pensent qu'il ne faut pas
changer les cérémonies religieuses, qu'elles doivent toujours et de la
même façon être accomplies par les mêmes ministres, et que les
conseillers souverains doivent être à l'abri du besoin. En effet, les
prêtres sont les premiers conseillers du roi; ils l'aident parleurs travaux,
par leurs avis et leurs connaissances; au moyen de l'astrologie et de
l'inspection des victimes, ils prédisent l'avenir et ils tirent des livres
sacrés le récit des actions les plus utiles. Il n'en est pas ici comme chez
les Grecs où un seul homme ou une seule femme est chargé du
sacerdoce. Chez les Égyptiens, ils sont nombreux ceux qui s'occupent
des sacrifices et du culte des dieux, et ils transmettent leur profession à
leurs descendants. Ils sont exemptés de l'impôt, et ils viennent
immédiatement après le roi, quant à leur considération et à leurs
privilèges. La seconde partie du sol appartient aux rois; ils en tirent les
impôts employée aux dépenses de la guerre et à l'entretien de leur
cour. Les rois récompensent de leurs propres revenus les hommes de
mérite, sans faire appel à la bourse des particuliers.
La dernière portion du sol est affectée aux guerriers et à tous ceux
qui sont sous les ordres des chefs de la milice. Très attachés à leur
patrie à cause des biens qu'ils y possèdent, ils affrontent, pour la
défendre, tous les dangers de la guerre. Il est en effet absurde de
confier le salut de tous à des hommes qui n'ont aucun lien qui les
attache au bien commun ; et ce qu'il y a surtout de remarquable, c'est
que les guerriers, vivant ainsi dans 84 l'aisance, augmentent la
population par leur progéniture au point que l'État peut se passer du
secours des troupes étrangères. C'est ainsi que les enfants, encouragés
par l'exemple de leurs pères, sont jaloux de s'exercer aux œuvres
militaires, et se rendent invincibles par leur audace et leur expérience.
LXXIV. Il existe encore dans l'État trois ordres de citoyens : les
pasteurs, les agriculteurs et les artisans. Les agriculteurs passent leur
vie à cultiver les terres qui leur sont, à un prix modéré, affermées par le
roi, par les prêtres et les guerriers. Élevés dès leur enfance au milieu
des travaux rustiques, ils ont en ce genre d'occupation plus
d'expérience que les agriculteurs d'aucun autre peuple. Ils connaissent
parfaitement la nature du sol, l'art de l'arroser, les époques de la
semaille, de la moisson et de la récolte de tous les autres fruits; ils
tiennent ces connaissances en partie de leurs ancêtres, en partie de
leur propre expérience. La même observation peut s'appliquer aux
pasteurs ; ayant en quelque sorte hérité de leurs pères la charge de
soigner les troupeaux, ils passent toute leur vie à l'élève des bestiaux.
Aux connaissances héritées de leurs pères ils ajoutent eux-mêmes de
nouveaux perfectionnements (46). Les nourrisseurs de poules et d'oies
méritent sous ce rapport toute notre admiration, car, au lieu de se servir
du moyen ordinaire pour la propagation de ces oiseaux, ils sont
parvenus à les multiplier prodigieusement par un artifice qui leur est
propre. Au lieu de faire couver les œufs, ils les font éclore, contre toute
attente, par une manœuvre artificielle et ingénieuse. Il faut aussi
considérer que les arts ont pris un grand développement chez les
Égyptiens et ont atteint un haut degré de perfection. C'est le seul pays
où il ne soit pas permis à un ouvrier de remplir une fonction publique ou
d'exercer un autre état que celui qui lui est assigné par les lois ou qu'il a
reçu de ses parents; par celte restriction, l'ouvrier n'est détourné de ses
travaux ni 85 par la jalousie du maître ni par les occupations politiques.
Chez les autres nations, au contraire, on voit les artisans presque
uniquement occupés de l'idée de faire fortune ; les uns se livrent à
l'agriculture, les autres au commerce, d'autres encore exercent deux ou
trois métiers à la fois ; et dans les États démocratiques, la plupart
courent aux assemblées populaires et répandent le désordre en
vendant leurs suffrages, tandis qu'un artisan, qui chez les Égyptiens
prendrait part aux affaires publiques ou qui exercerait plusieurs métiers
à la fois, encourrait une forte amende. Telles sont la division sociale et
la constitution politique que les anciens Égyptiens se transmettaient
intactes de père en fils.
LXXV. Les Égyptiens ont porté une grande attention à l'institution de
l'ordre judiciaire, persuadés que les actes des tribunaux exercent, sous
un double rapport, beaucoup d'influence sur la vie sociale. Il est en effet
évident que la punition des coupables et la protection des offensés sont
le meilleur moyen de réprimer les crimes. Ils savaient que si la crainte
qu'inspire la justice pouvait être effacée par l'argent et la corruption, la
société serait près de sa ruine. Ils choisissaient donc les juges parmi les
premiers habitants des villes les plus célèbres, Héliopolis, Thèbes et
Memphis : chacune de ces villes en fournissait dix. Ces juges
composaient le tribunal, qui pouvait être comparé à l'aréopage
d'Athènes ou au sénat de Lacédémone. Ces trente juges se réunissaient
pour nommer entre eux le président; la ville à laquelle ce dernier
appartenait envoyait un autre juge pour le remplacer. Ces juges étaient
entretenus aux frais du roi, et les appointements du président étaient
très considérables. Celui-ci portait autour du cou une chaîne d'or à
laquelle était suspendue une petite figure en pierres précieuses,
représentant la Vérité. Les plaidoyers commençaient au moment où le
président se revêtait de cet emblème. Toutes les lois étaient rédigées
en huit volumes lesquels étaient placés devant les juges ; le plaignant
devait écrire en détail le sujet de sa plainte, raconter comment le fait
s'était passé et indiquer le dédommagement qu'il réclamait pour
l'offense 86 qui lui avait été faite. Le défendeur, prenant connaissance
de la demande de la partie adverse, répliquait également par écrit à
chaque chef d'accusation; il niait le fait, ou en l'avouant il ne le
considérait pas comme un délit, ou si c'était un délit il s'efforçait d'en
diminuer la peine ; ensuite, selon l'usage, le plaignant répondait et le
défendeur répliquait à son tour. Après avoir ainsi reçu deux fois
l'accusation et la défense écrites, les trente juges devaient délibérer et
rendre un arrêt qui était signifié par le président, en imposant l'image
de la Vérité sur l'une des parties mises en présence.

LXXVI. C'est ainsi que les procès se faisaient chez les Égyptiens, qui
étaient d'opinion que les avocats ne font qu'obscurcir les causes par
leurs discours, et que l'art de l'orateur, la magie de l'action, les larmes
des accusés souvent entraînent le juge à fermer les yeux sur la loi et la
vérité. En effet, il n'est pas rare de voir les magistrats les plus exercés
se laisser séduire par la puissance d'une parole trompeuse, visant à
l'effet, et cherchant à exciter la compassion. Aussi croyaient-ils pouvoir
mieux juger une cause en la faisant mettre par écrit et en la dépouillant
des charmes de la parole. De cette manière les esprits prompts n'ont
aucun avantage sur ceux qui ont l'intelligence plus lente, les hommes
expérimentés ne l'emportent pas sur les ignorants, ni les menteurs et
les effrontés sur ceux qui aiment la vérité et qui sont modestes. Tous
jouissent de droits égaux. On accorde un temps suffisant aux plaignants
pour exposer leurs griefs, aux accusés pour se défendre, et aux juges
pour se former une opinion.
LXXVII. Puisque nous parlons de la législature, nous ne croyons pas
nous éloigner de notre sujet en faisant connaître les lois remarquables
d'Égypte par leur antiquité, ainsi que celles qui ont été modifiées, enfin
en présentant au lecteur attentif tout ce qui peut lui être utile. D'abord,
le parjure était puni de mort comme étant la réunion des deux plus
grands crimes qu'on puisse commettre, l'un contre les dieux, l'autre
contre les hommes. Celui qui voyait sur son chemin un homme aux
prises 87 avec un assassin, ou subissant quelque violence, et ne le
secourait pas lorsqu'il le pouvait, était condamné à mort. S'il était
réellement dans l'impossibilité de porter du secours, il devait dénoncer
les brigands et les traduire devant les tribunaux ; s'il ne le faisait pas, il
était condamné à recevoir un nombre déterminé de coups de verges, et
à la privation de toute nourriture pendant trois jours. Ceux qui faisaient
des accusations mensongères subissaient, lorsqu'ils étaient découverts,
la peine infligée au calomniateur Il était ordonné à tout Égyptien de
déposer chez les magistrats un écrit indiquant ses moyens de
subsistance; celui qui faisait une déclaration fausse ou qui gagnait sa
vie par des moyens illicites, était condamné à mort. On prétend que
cette loi fut apportée à Athènes par Solon, qui avait voyagé en Égypte.
Celui qui avait tué volontairement soit un homme libre, soit un esclave,
était puni de mort; car les lois voulaient frapper, non d'après les
différences de fortune, mais d'après l'intention du malfaiteur; en même
temps, par les ménagements dont on usait envers les esclaves, on les
engageait à ne jamais offenser un homme libre. Les parents qui avaient
tué leurs enfants ne subissaient point la peine capitale, mais ils
devaient, pendant trois jours et trois nuits, demeurer auprès du cadavre
et le tenir embrassé, sous la surveillance d'une garde publique. Car il ne
paraissait pas juste d'ôter la vie à ceux qui l'avaient donnée aux enfants
; et on croyait leur causer, par ce châtiment, assez de chagrin et de
repentir pour les détourner de semblables crimes. Quant aux enfants
qui avaient tué leurs parents, on leur infligeait un châtiment tout
particulier : on faisait, avec des joncs aigus, des incisions aux mains des
coupables (47), et on les brûlait vifs sur des épines. Car, le parricide
était regardé comme le plus grand crime qui puisse se commettre parmi
les hommes. Une femme enceinte, condamnée à mort, ne subissait sa
peine qu'après être accouchée. Cette loi a été adoptée dans plusieurs
États grecs ; parce qu'on avait pensé qu'il 88 serait souverainement
injuste de faire participer un être innocent à la peine de la coupable, et
de faire expier par la vie de deux personnes le crime commis par une
seule; que, de plus, le crime étant le fait d'une volonté dépravée, on ne
peut pas en accuser un être qui n'a pas encore d'intelligence. Mais la
considération qui l'emportait sur tout, c'est qu'en punissant une femme
grosse pour un crime qui lui était propre, il était absolument illégal de
faire périr un enfant, qui appartient également au père et à la mère; et
les juges qui feraient mourir un innocent seraient aussi coupables que
s'ils avaient acquitté un meurtrier. Telles étaient chez les Égyptiens les
lois criminelles, qui paraissent d'accord avec la raison.
LXXVΙII. Parmi les lois qui concernent les soldats, il y en avait une
qui infligeait, non pas la mort, mais l'infamie à celui qui avait déserté les
rangs ou qui n'avait point exécuté l'ordre de ses chefs. Si, plus tard, il
effaçait sa honte par des actions de bravoure, il était rétabli dans son
poste. Ainsi, le législateur faisait du déshonneur une punition plus
terrible que la mort, pour habituer les guerriers à considérer l'infamie
comme le plus grand de tous les malheurs ; en même temps, ceux qui
étaient punis de cette façon pouvaient rendre de grands services pour
recouvrer la confiance première, tandis que s'ils avaient été condamnés
à mort ils n'auraient plus été d'aucune utilité pour l'État. L'espion qui
avait dénoncé aux ennemis des plans secrets était condamné à avoir la
langue coupée. Les faux-monnayeurs, ceux qui altéraient les poids et
les mesures ou contrefaisaient les sceaux, pareillement ceux qui
rédigeaient des écritures fausses ou qui altéraient des actes publics,
étaient condamnés à avoir les deux mains coupées. De cette manière,
chacun, parla punition de la partie du corps avec laquelle le crime avait
été commis, portait, jusqu'à la mort, une marque indélébile qui, par
l'avertissement de ce châtiment, devait empêcher les autres d'agir
contre la loi. Les lois concernant les femmes étaient très sévères. Celui
qui était convaincu d'avoir violé une femme libre devait avoir les parties
génitales coupées; car on considérait que ce crime com- 89 prenait en
lui-même trois maux très grands, l'insulte, la corruption des mœurs, et
la confusion des enfants. Pour l'adultère commis sans violence, l'homme
était condamné à recevoir mille coups de verges, et la femme à avoir le
nez coupé : le législateur voulant qu'elle fût privée de ses attraits,
qu'elle n'avait employés que pour la séduction.
LXXIX. Les lois relatives aux transactions privées sont, dit-on,
l'ouvrage de Bocchoris. Elles ordonnent que ceux qui ont emprunté de
l'argent, sans un contrat écrit, soient acquittés s'ils affirment, par un
serment, qu'ils ne doivent rien ; car les Égyptiens respectent avant tout
et craignent les serments. D'abord, il est évident que celui qui emploie
souvent le serment finit par perdre tout crédit ; et, afin de ne pas se
priver de cet avantage; tout le monde est intéressé à ne pas abuser du
serment. Ensuite, le législateur a pensé qu'en plaçant toute confiance
dans la probité, tous les hommes tâcheraient, par leurs mœurs, de ne
pas être diffamés comme indignes de foi. Enfin il a jugé qu'il était
injuste de se refuser à croire sur serment, dans une transaction
commerciale, lorsqu'on avait accordé du crédit sans exiger le serment.
Il était défendu à ceux qui prêtent sur contrat de porter, par
l'accumulation des intérêts, le capital au delà du double ; les créanciers
qui demandaient le remboursement ne pouvaient s'adresser qu'aux
biens du débiteur, la contrainte par corps n'étant en aucun cas admise.
Car le législateur avait considéré que les biens appartiennent à ceux qui
les ont acquis, soit par leurs travaux, soit par transmission ou par dons;
mais que la personne du citoyen appartient à l'État, qui, à tout moment,
peut la réclamer pour son service, dans la guerre comme dans la paix. Il
serait en effet absurde qu'un guerrier pût, au moment de combattre
pour la patrie, être emmené par un créancier, et que le salut de tous fût
compromis par la cupidité d'un particulier. Il paraît que Solon avait
également apporté cette loi à Athènes, à laquelle il donna le nom de
sisachthia (48) et qu'il 90 remit à tous les citoyens les dettes qui avaient
été contractées sous la condition de la contrainte et de la perte de la
liberté individuelle. Quelques-uns blâment, non sans raison, la plupart
des législateurs grecs d'avoir défendu la saisie des armes, de la
charrue, et d'autres instruments nécessaires, comme gages des dettes
contractées, et d'avoir, au contraire, permis de priver de la liberté ceux
qui se servaient de ces instruments (49).
LXXX. Il existait aussi chez les Égyptiens une loi très singulière
concernant les voleurs. Elle ordonnait que ceux qui voudraient se livrer
à cette industrie se fissent inscrire chez le chef des voleurs et qu'ils lui
rapportassent immédiatement les objets qu'ils auraient dérobés. Les
personnes au préjudice desquelles le vol avait été commis devaient à
leur tour faire inscrire chez ce chef chacun des objets volés, avec
l'indication du lieu, du jour et de l'heure où ces objets avaient été
soustraits. De cette façon on retrouvait aussitôt toutes les choses
volées, à la condition de payer le quart de leur valeur pour les
reprendre. Dans l'impossibilité d'empêcher tout le monde de voler, le
législateur a trouvé un moyen de faire restituer, par une modique
rançon, tout ce qui a été dérobé.
Chez les Égyptiens, les prêtres n'épousent qu'une seule femme,
mais les autres citoyens peuvent en choisir autant qu'ils veulent. Les
parents sont obligés de nourrir tous leurs enfants, afin d'augmenter la
population, qui est regardée comme contribuant le plus à la prospérité
de l'État. Aucun enfant n'est réputé illégitime, lors même qu'il est né
d'une mère esclave ; car, selon la croyance commune, le père est
l'auteur unique de la naissance de l'enfant, auquel la mère n'a fourni
que la nourriture et la demeure (50). C'est ainsi qu'ils donnent, parmi
les arbres, le nom 91 de mâle à ceux qui portent des fruits et le nom de
femelles à ceux qui n'en portent pas, contrairement à l'opinion des
Grecs (51). Ils pourvoient à l'entretien de leurs enfants sans aucune
dépense et avec une frugalité incroyable. Ils leur donnent des aliments
cuits très simples, des tiges de papyrus, qui peuvent être grillées au
feu, des racines et des tiges de plantes palustres, tantôt crues, tantôt
bouillies ou rôties (52) ; et comme presque tous les enfants vont sans
chaussures et sans vêtements, à cause du climat tempéré, les parents
n'évaluent pas au delà de vingt drachmes (53) toute la dépense qu'ils
font pour leurs enfants jusqu'à l'âge de la puberté. C'est à ces causes
que l'Égypte doit sa nombreuse population ainsi que la quantité
considérable d'ouvrages et de monuments qu'on trouve dans ce pays.

LXXXI. Les prêtres enseignent à leurs fils deux sortes de lettres, les
unes sacrées, les autres vulgaires. Ils s'appliquent beaucoup à la
géométrie et à l'arithmétique. Le Nil, qui change annuellement l'aspect
du pays, soulève par cela même, entre les voisins, de nombreux procès
sur les limites des possessions. Ces procès seraient interminables sans
l'intervention de la science du géomètre (54). L'arithmétique leur est
utile dans l'administration des biens privés et dans les spéculations
géométriques. De plus, elle est d'un grand secours pour ceux qui se
livrent à l'astrologie. Il n'y a peut-être pas de pays où l'ordre et le
mouvement des astres soient observés avec plus d'exactitude qu'en
Egypte. Ils conservent, depuis un nombre incroyable d'années, des
registres où ces observations sont consignées. On y trouve des
renseigne- 92 ments sur les mouvements des planètes, sur leurs
révolutions et leurs stations; déplus, sur le rapport de chaque planète
avec la naissance des animaux, enfin sur les astres dont l'influence est
bonne ou mauvaise. Ën prédisant aux hommes l'avenir, ces astrologues
ont souvent rencontré juste; ils prédisent aussi fréquemment
l'abondance et la disette, les épidémies et les maladies des troupeaux
(55). Les tremblements de terre, les inondations, l'apparition des
comètes et beaucoup d'autres phénomènes qu'il est impossible au
vulgaire de connaître d'avance, ils les prévoient, d'après des
observations faites depuis un long espace de temps. On prétend même
que les Chaldéens de Babylone, si renommés dans l'astrologie, sont une
colonie égyptienne et qu'ils furent instruits dans cette science par les
prêtres d'Egypte. Les enfants du peuple reçoivent l'éducation de leurs
pères ou de leurs parents, qui leur apprennent le métier que chacun
doit exercer pendant sa vie, ainsi que nous l'avons dit. Ceux qui sont
initiés dans les arts sont seuls chargés d'enseigner à lire aux autres. Il
n'est pas permis d'apprendre la lutte et la musique; car, selon la
croyance égyptienne, les exercices de corps journaliers donnent aux
jeunes gens, non pas la santé, mais une force passagère et tout à fait
préjudiciable. Quant à la musique, elle passe non-seulement pour
inutile, mais pour nuisible, en rendant l'esprit de l'homme efféminé.
LXXXII. Pour prévenir les maladies, les Égyptiens traitent le corps
par des lavements, par la diète et des vomitifs ; les uns emploient ces
moyens journellement; les autres n'en font usage que tous les trois ou
quatre jours. Car ils disent que l'excédant de la nourriture ingérée dans
le corps ne sert qu'à engendrer des maladies, que c'est pourquoi le
traitement indiqué enlève 93 les principes du mal et maintient surtout la
santé (56). Dans les expéditions militaires et dans les voyages, tout le
monde est soigné gratuitement, car les médecins sont entretenus aux
frais de la société. Ils établissent le traitement des malades d'après des
préceptes écrits, rédigés et transmis par un grand nombre d'anciens
médecins célèbres. Si, en suivant les préceptes du livre sacré, ils ne
parviennent pas à sauver Je malade, ils sont déclarés innocents et
exempts de tout reproche ; si, au contraire, ils agissent contrairement
aux préceptes écrits, ils peuvent être accusés et condamnés à mort, le
législateur ayant pensé que peu de gens trouveraient une méthode
curative meilleure que celle observée depuis si longtemps et établie par
les meilleurs hommes de l'art.
LXXXIII. Tout ce qui est relatif aux animaux sacrés des Égyptiens
paraîtra sans doute étrange à beaucoup de monde et digne d'examen.
Les Égyptiens ont pour quelques animaux une vénération
extraordinaire, non-seulement pendant que ces animaux sont en vie,
mais encore lorsqu'ils sont morts. De ce nombre sont les chats, les
ichneumons, les chiens, les éperviers, et les oiseaux auxquels ils
donnent le nom d'ibis. A ceux-ci il faut ajouter les loups, les crocodiles,
et d'autres animaux semblables. Nous essaierons de faire connaître les
raisons de ce culte des animaux, après nous être arrêté sur cette
question en général. D'abord, on consacre aux animaux qui reçoivent
un culte divin une étendue de terre dont le produit est suffisant pour
leur nourriture et leur entretien. Pendant les maladies de leurs enfants,
les Égyptiens font des vœux à quelque divinité pour obtenir la guérison.
Ces vœux consistent à se raser la tête, à peser les cheveux contre un
poids égal d'argent ou d'or et à donner la 94 valeur en monnaie à ceux
qui ont soin des animaux sacrés. Les gardiens des éperviers appellent
ces oiseaux à haute voix v et leur jettent des morceaux de chair qu'ils
font saisir au vol. Pour les chats et les ichneumons, ils leur donnent du
pain trempé dans du lait, en les appelant par un claquement de langue ;
ils les nourrissent aussi avec des tranches de poissons du Nil. C'est ainsi
qu'ils présentent à chaque espèce d'animaux les aliments qui leur
conviennent. Loin de se refuser à ce culte ou d'en paraître honteux en
public, ils en tirent au contraire autant de vanité que s'ils
accomplissaient les cérémonies les plus solennelles ; ils se montrent
avec leurs insignes dans les villes et dans les campagnes, de sorte
qu'étant reconnus de loin pour les gardiens des animaux sacrés ils sont
salués avec grand respect par les passants. Lorsqu'un de ces animaux
vient à mourir, ils l'enveloppent dans un linceul et, se frappant la
poitrine et poussant des gémis* sements, ils le portent chez les
embaumeurs. Ayant été ensuite traité par l'huile de cèdre (57) et
d'autres substances odoriférantes propres à conserver longtemps le
corps, ils le déposent dans des caisses sacrées. Quiconque tue
volontairement un de ces animaux sacrés est puni de mort; si c'est un
chat ou un ibis, le meurtrier, qu'il ait agi volontairement ou
involontairement, est condamné à mourir ; le peuple se précipite sur lui
et lui fait subir les plus mauvais traitements, sans jugement préalable.
Tout cela inspire tant de crainte que celui qui rencontre un de ces
animaux morts se tient à distance en poussant de grandes lamentations
et en protestant de son innocence. Lè respect et le culte pour ces
animaux étaient tellement enracinés qu'à l'époque où le roi Ptolémée
(58) n'était pas encore l'allié des Romains, et que les habitants
recevaient avec le plus grand empressement les voyageurs d'Italie, de
crainte de s'attirer la guerre, un Romain qui 95 avait tué an chat fat
assailli dans sa maison par la populace bravant la vengeance de Rome,
et ne pat être soustrait à la punition, bien que son action eût été
involontaire, et que le roi eût envoyé des magistrats pour le sauver. Ce
fait, nous ne le connaissons pas seulement par ouï-dire, mais nous en
avons été nous-même témoin oculaire pendant notre voyage en Egypte.
LXXXIV. Si ce que nous venons de dire parait fabuleux, on trouvera
bien plus incroyable encore ce que nous allons rapporter. On raconte
que les habitants de l'Egypte, étant on jour en proie à la disette, se
dévorèrent entre eux sans toucher aucunement aux animaux sacrés.
Bien plus, lorsqu'un chien est trouvé mort dans une maison, tous ceux
qui l'habitent se rasent tout le corps et prennent le deuil, et lorsqu'on
trouve du vin, du blé, ou tonte autre chose nécessaire à la vie, dans les
demeures où un de ces animaux est mort, il est défendu à tout le
monde d'en faire usage. Lorsqu'ils voyagent en pays étranger, ils ont
pitié des chats et des éperviers et les ramènent avec eux en Egypte,
même en se privant des choses les plus nécessaires. Pour ce qui
concerne l'Apis dans la ville de Memphis, le Mnévis dans Héliopolis, le
Bouc de Mendès, le Crocodile du lac Mœris, le Lion nourri à Léontopolis,
tout cela est facile à raconter, mais difficile à faire croire à ceux qui ne
l'ont pas va. Ces animaux sont nourris dans des enceintes sacrées et
confiés aux soins des personnages les plus remarquables, qui leur
donnent des aliments choisis. Ils leur font cuire de la fleur de farine ou
du gruau dans du lait, et leur fournissent constamment des gâteaux de
miel et de la chair d'oie bouillie ou rôtie ; quant aux animaux
carnassiers, on leur jette beaucoup d'oiseaux pris à la chasse. En un
mot, ils font la plus grande dépense pour l'entretien de ces animaux
auxquels ils préparent, en outre, des bains tièdes, ils les oignent des
huiles les plus précieuses et brûlent sans cesse devant eux les parfums
les plus suaves. De plus, ils les couvrent de tapis et des ornements les
plus riches; à l'époque de l'accouplement ils redoublent de soins; ils
élèvent les mâles de chaque espèce avec les femelles les plus bel- 96
les, appelées concubines, et les entretiennent avec luxe et à grands
frais. A la mort d'un de ces animaux, ils le pleurent comme un de leurs
enfants chéris, et l'ensevelissent avec une magnificence qui dépasse
souvent leurs moyens. Au moment où Ptolémée, fils de Lagus, vint,
après la mort d'Alexandre, prendre possession de l'Egypte, il arriva que
le bœuf Apis mourut de vieillesse à Memphis ; celui qui en avait eu la
garde dépensa pour les funérailles, non-seulement toute sa fortune, qui
était très-considérable, mais encore il emprunta à Ptolémée cinquante
talents d'argent (59) pour faire face à tous les frais. Et même encore de
nos jours les gardiens ne dépensent pas moins de cent talents pour les
funérailles de ces animaux.
LXXXV. Il reste à ajouter à notre récit quelques détails sur le taureau
sacré. Après les funérailles magnifiques de cet animal, les prêtres vont
à la recherche d'un veau qui ait sur le corps les mêmes signes que son
prédécesseur. Dès que ce veau a été trouvé, le peuple quitte le deuil, et
les prêtres préposés à sa garde le conduisent d'abord à Nilopolis, où ils
le nourrissent pendant quarante jours ; ensuite ils le font monter dans le
vaisseau Thalamège qui renferme pour lui une chambre dorée; ils le
conduisent ainsi à Memphis, et le font entrer comme une divinité dans
le temple de Vulcain. Pendant les quarante jours indiqués, le taureau
sacré n'est visible qu'aux femmes : elles se placent en face de lui et
découvrent leurs parties génitales; dans tout autre moment, il leur est
défendu de se montrer devant lui. Quelques uns expliquent le culte
d'Apis par la tradition que l'âme d'Osiris passa dans un taureau, et que
depuis ce moment jusqu'à ce jour elle n'apparaît aux hommes que sous
cette forme qu'elle change successivement. D'autres disent qu'Osiris
ayant été tué par Typhon, Isis rassembla ses membres épars et les
renferma dans une vache de bois enveloppée de byssus, et que c'est de
là que la ville de Busiris a pris son nom. On débite sur Apis bien d'autres
fables encore qu'userait trop long de rapporter.

LXXXVIII. Les Égyptiens ont placé le bouc au nombre des dieux,


comme les Grecs ont établi le culte de Priape, en honneur du principe
de la génération. En effet, cet animal est le plus porté à l'accouplement,
et ils ont fait un objet de culte de cette partie du corps qui est
l'instrument de la génération et de la propagation des espèces. Au
reste, non seulement les Égyptiens, mais encore beaucoup d'autres
nations ont consacré dans leurs mystères l'organe de la génération.
Lorsque les prêtres succèdent en Égypte aux fonctions sacerdotales de
leurs pères, ils sont d'abord initiés dans le culte de ce dieu. C'est pour la
même raison que les pans et les satyres y sont en vénération, et que
leurs images, déposées dans les temples, sont figurées avec l'organe
génital droit, et assimilées à la nature du bouc, animai qui recherche les
femelles avec le plus d'ardeur. C'est de cette façon qu'ils rendent
hommage au principe fécondant. Les taureaux sacrés, l'Apis et le M né
vis, sont, d'après l'ordre d'Osiris, honorés à l'égal des dieux, tant à
cause de leur utilité pour l'agriculture que pour perpétuer la gloire de
ceux qui ont inventé les travaux des champs et fait connaître les fruits
de la terre. Il est permis d'immoler des bœufs roux, parce qu'on croit
que Typhon était de cette couleur. C'est lui qui tua Osiris dont la mort
fut vengée par sa femme Isis. On rapporte même qu'autrefois les rois
d'Égypte immolaient sur le tombeau d'Osiris les hommes de la couleur
de Typhon. Or, comme les hommes roux sont aussi rares en Égypte
qu'ils sont fréquents dans d'autres pays, on s'explique la fable
accréditée chez les Grecs relativement à Busiris massacrant les
étrangers ; car il n'y a jamais eu de roi appelé Busiris; ce nom est donné
dans le dialecte national au 100 tombeau d'Osiris. Les loups sont vénérés
à cause de leur ressemblance avec les chiens; en effet, ils en diffèrent
peu, et les espèces peuvent se croiser. Cependant les Égyptiens
donnent à ce culte une cause plus mystérieuse : on raconte que
lorsqu'Isis se préparait avec son fils Horus à combattre Typhon, Osiris
revint des enfers et assista son fils et sa femme sous la forme d'un loup,
et qu'après la défaite de Typhon, les vainqueurs désignèrent cet animal,
dont l'apparition leur avait procuré la victoire, au culte des hommes.
D'autres rapportent que, dans une expédition contre l'Égypte, les
Éthiopiens furent chassés du pays au delà de la ville appelée
Éléphantine, par d'immenses troupeaux de loups, et que c'est pourquoi
depuis lors cette province fut appelée Lycopolitanie et que ces animaux
ont reçu un culte divin.
LXXXIX. Il nous reste à parler des honneurs divins rendus aux
crocodiles. On se demande comment on a pu vénérer à l'égal des dieux
des animaux qui dévorent les hommes, et dont les instincts sont si
féroces. On répond à cela que c'est moins le Nil que les crocodiles qu'il
nourrit, qui présentent la meilleure défense du pays; que les brigands
de l'Arabie et de la Libye n'osent, à cause du grand nombre de ces
animaux, traverser ce fleuve à la nage, et qu'il n'en serait plus ainsi si
les chasseurs leur faisaient une guerre trop acharnée. On donne encore
une autre explication au sujet de ces animaux. On raconte qu'un ancien
roi d'Égypte, nommé Menas, étant poursuivi par ses chiens, se réfugia
dans le lac Mœris, qu'il fut porté sur le dos d'un crocodile jusqu'au
rivage opposé, qu'en mémoire de ce bienfait il construisit dans le
voisinage une ville du nom de Crocodile-polis, et qu'il ordonna aux
habitants de vénérer les crocodiles comme des dieux et consacra à leur
entretien le lac Mœris. Ce roi fit élever au même endroit un tombeau
composé d'une pyramide quadrilatère, et construisit le fameux
labyrinthe.
Les Égyptiens allèguent, à propos du culte des autres animaux, des
raisons analogues qu'il serait trop long de rapporter en détail. L'utilité
est, à ce qu'ils disent, le principe de 100 leurs usages, ainsi qu'ils croient
surtout le démontrer à l'égard d'un grand nombre de substances
alimentaires. Les uns s'abstiennent de manger des lentilles, les autres
des fèves, d'autres des fromages, des oignons ou d'autres aliments qui
abondent en Égypte. Ils font ainsi comprendre que les hommes doivent
savoir s'abstenir de certaines choses nécessaires à la vie, et que si l'on
voulait manger de tout, rien ne pourrait suffire. Selon d'autres
traditions, le peuple se révoltait souvent autrefois contre ses chefs. Or,
un des anciens rois, d'une prudence remarquable, divisa le pays en
plusieurs provinces et prescrivit à chacune l'animal que les habitants
devaient vénérer, et l'aliment dont ils devaient s'abstenir. De cette
manière, les uns méprisent ce que les autres ont en honneur, et jamais
les Égyptiens ne peuvent s'entendre entre eux. Ceci est confirmé par
des faits ; car tous les habitants voisins sont constamment en querelle
par suite des différences que nous avons signalées.
XC. Enfin on allègue une dernière raison du culte des animaux. Dans
l'origine, les hommes sortant de la vie sauvage pour se réunir, se
mangeaient d'abord entre eux, et dans les guerres, le plus faible était la
victime du plus fort. Mais bientôt les plus faibles, éclairés par leur
intérêt, faisaient des alliances réciproques, en prenant pour signe de
ralliement l'image d'un des animaux qui reçurent plus tard les honneurs
divins. A ce signe, les plus timides se rassemblaient et formaient un
corps redoutable à leurs adversaires. Les autres les imitaient, et le
peuple se trouvait ainsi séparé en plusieurs corps dont chacun rendait
un culte divin à l'animal qu'il avait pris pour enseigne et qui était
considéré comme l'auteur du salut commun. C'est pourquoi les
différents peuples d'Égypte ont jusqu'à ce jour en vénération les
animaux consacrés primitivement dans chacune des provinces. En
général, les Égyptiens passent pour les hommes les plus reconnaissants
envers leurs bienfaiteurs; car ils sont persuadés que la meilleure
garantie de la société consiste en un échange réciproque de services et
de reconnaissance. Ceci est vrai ; les hommes sont d'autant plus portés
à être utiles 102 à leurs semblables qu'ils voient pour eux-mêmes un
véritable trésor dans la reconnaissance de leurs obligés. C'est aussi par
ces motifs que les Égyptiens respectent et adorent leurs rois à l'égal des
dieux. L'autorité souveraine, dont, selon eux, la providence a revêtu les
rois, avec la volonté et le pouvoir de répandre des bienfaits, leur paraît
être un caractère de la divinité. Nous nous sommes arrêté trop
longtemps peut-être sur les animaux sacrés, afin qu'on puisse porter un
jugement plus exact sur ces coutumes si singulières des Égyptiens.

XCI. On ne sera pas moins surpris de ce qui se pratique à l'occasion


des morts. Lorsqu'un habitant vient à mourir, tous ses parents et ses
amis se couvrent la tête de fange et parcourent la ville en poussant des
cris lamentables, jusqu'à ce que le corps ait reçu la sépulture ; ils font
abstinence de bains, de vin, de tout aliment recherché, et ne portent
point de vêtements somptueux. Il y a trois ordres de funérailles, le
riche, le moyen et le pauvre. Le premier coûte un talent d'argent (62),
le second vingt mines (63), le dernier très-peu de chose. Ceux qui sont
chargés du soin des funérailles appartiennent à une profession qui se
transmet de père en fils (64). Ils présentent aux parents du mort une
note écrite de chacun des modes d'ensevelissement et leur demandent
de désigner celui qui leur convient. Les conventions arrêtées, ils
reçoivent le corps et le remettent à ceux qui président à ces sortes
d'opérations. Le premier est celui qui s'appelle le grammate (65) : il
circonscrit dans le flanc gauche du cadavre, couché par terre, l'incision
qu'il faut pratiquer. Ensuite vient le paraschiste (66) , qui, tenant à la
main une pierre éthiopienne, fait l'incision de la grandeur déterminée.
Cela fait, il se sauve en toute hâte, poursuivi par les assistants qui lui
lancent des pierres et pro- 103 fèrent des imprécations comme pour
attirer sur lui la vengeance de ce crime ; car les Égyptiens ont en
horreur celui qui viole le corps d'un des leurs et qui le blesse ou exerce
quelque autre violence. Les embaumeurs jouissent de beaucoup
d'honneurs et de considération parce qu'ils sont en relation avec les
prêtres et que, comme ceux-ci, ils ont leurs entrées dans le sanctuaire.
Réunis autour du corps pour l'embaumer, l'un d'eux introduit, par
l'ouverture de l'incision pratiquée, la main dans l'intérieur du corps. Il en
extrait tout ce qui s'y trouve, à l'exception des reins et du cœur ; un
autre nettoie les viscères en les lavant avec du vin de palmier et des
essences (67). Enfin, pendant plus de trente jours ils traitent ce corps,
d'abord par de l'huile de cèdre et d'autres matières de ce genre, puis
par la myrrhe, le cinnamomum et autres essences odoriférantes,
propres à la conservation. Ils rendent ainsi le cadavre dans un état
d'intégrité si parfait que les poils des sourcils et des cils restent intacts,
et que l'aspect du corps est si peu changé qu'il est facile de reconnaître
la figure de la personne. Ainsi, la plupart des Égyptiens, qui conservent
dans des chambres magnifiques les corps de leurs ancêtres, jouissent
de la vue de ceux qui sont morts depuis plusieurs générations, et, par
l'aspect de la taille, de la figure et des traits de ces corps ils éprouvent
une satisfaction singulière : ils les regardent en quelque sorte comme
leurs contemporains.
XCII. Lorsque le corps est prêt à être enseveli, les parents en
préviennent les juges, les proches et les amis du défunt ; ils leur
indiquent le jour des funérailles par cette formule : « Un tel doit passer
le lac de la province où il est mort. » Aussitôt les juges, au nombre de
plus de quarante, arrivent et s'asseyent dans un hémicycle placé au
delà du lac. Une barque appelée baris (68) est 104 alors amenée par
ceux qui sont chargés de les construire ; elle est montée par un pilote
que les Égyptiens appellent dans leur langue Charon. Aussi prétendent-
ils qu'Orphée, voyageant en Egypte, avait assistée cette cérémonie et
qu'il avait tiré sa fable sur l'enfer, en partie de son souvenir et en partie
de son imagination. Nous en parlerons plus bas (69). La barque étant
arrivée sur le lac, avant d'y placer la caisse qui contient le mort, chacun
a le droit de porter contre lui des accusations. Si l'un des accusateurs
parvient à prouver que le défunt a mené une mauvaise vie, les juges
rendent un arrêt qui prive le corps de la sépulture légale. Si l'accusation
est injuste, celui qui la porte est condamné à de fortes amendes. Si
aucun accusateur ne se présente ou- que l'accusation paraisse
calomnieuse, les parents quittent le deuil, font l'éloge du mort et ne
parlent pas de sa naissance comme le font les Grecs, car les Égyptiens
se croient tous également nobles ; mais ils célèbrent son éducation et
ses connaissances, sa piété et sa justice, sa continence et ses autres
vertus, depuis sa jeunesse jusqu'à l'âge viril ; enfin ils invoquent les
dieux infernaux et les supplient de l'admettre dans la demeure réservée
aux hommes pieux. La foule y joint ses acclamations accompagnées de
vœux pour que le défunt jouisse aux enfers de la vie éternelle, dans la
société des bons. Pour ceux qui ont des sépultures privées, le corps est
déposé dans un endroit réservé. Ceux qui n'en ont point construisent
dans leur maison une cellule neuve, et y placent le cercueil debout et
fixé contre le mur. Quant à ceux qui sont privés de la sépulture, soit
parce qu'ils se trouvent sous le coup d'une accusation, soit parce qu'ils
n'ont pas payé leurs dettes, on les dépose simplement dans leurs
maisons. Il arrive quelquefois que les petits-fils, devenus plus riches,
acquittent les dettes de leurs aïeux, obtiennent la levée de l'arrêt de
condamnation, et leur font de magnifiques funérailles.
XCIII. Les honneurs extraordinaires qu'on rend aux parents ou aux
ancêtres qui ont échangé leur vie contre le séjour éternel, constituent,
chez les Égyptiens, une des pratiqués 105 les plus solennelles. Il est
d'usage de donner, en garantie d'une dette, le corps des parents morts;
la plus grande infamie et la privation de la sépulture attendent celui qui
ne retire pas un tel gage. On ne peut assez admirer ceux qui ont
institué ces coutumes et qui ont basé la pureté des mœurs non-
seulement sur le commerce avec les vivants, mais encore, autant que
possible, sur le respect qu'on doit aux morts. Les Grecs ont bien voulu,
à l'aide de quelques fictions décriées, faire croire à la récompense des
bons et à la punition des méchants. Mais ces fictions, loin d'encourager
les hommes au bien, ont été tournées en dérision par les méchants et
.grandement discréditées. Chez les Égyptiens, au contraire, le
châtiment du vice et l'honneur rendu à la vertu ne sont pas une fable,
mais des faits visibles qui rappellent journellement à chacun ses
devoirs, et deviennent ainsi la plus puissante sauvegarde des mœurs ;
car on doit estimer comme les meilleures lois, non celles qui assurent
aux citoyens une vie opulente, mais celles qui en font des hommes
vertueux et honnêtes.
XCIV. Il faut maintenant parler des législateurs égyptiens qui ont
institué des lois si extraordinaires et si singulières. Après la constitution
ancienne qui fut faite, selon la tradition, sous le règne des dieux et des
héros, le premier qui engagea lés hommes à se servir de lois écrites fut
Mnévès, homme remarquable par sa grandeur d'âme, et digne d'être
comparé à ses prédécesseurs. Il fit répandre que ces lois, qui devaient
produire tant de bien, lui avaient été données par Mercure. C'est ainsi
que chez les Grecs , Minos en Crète et Licurgue à Lacédémone
prétendirent, que les lois qu'ils promulguaient leur avaient été dictées
par Jupiter ou par Apollon. Ce genre de persuasion a été employé
auprès de beaucoup d'autres peuples, et a présenté de grands
avantages. En effet, on raconte que, chez les Arimaspes, Zathrauste
avait fait croire qu'il tenait ses lois d'un bon génie ; que Zamolxis
vantait aux Gètes qui croient à l'immortalité de l'âme, ses
communications avec Vesla, et que, chez les Juifs, Moïse disait avoir
reçu les lois du Dieu appelé Iao; 106 soit que ces législateurs
regardassent leur intelligence, mise au service de l'humanité, comme
quelque chose de miraculeux et de divin, soit qu'ils supposassent que
les noms des dieux qu'ils empruntaient seraient d'une grande autorité
dans l'esprit des peuples. Le second législateur de l'Egypte a été
Sasychès, homme d'un esprit distingué. Aux lois déjà établies il en
ajouta d'autres, et s'appliqua particulièrement à régler le culte des
dieux. Il passa pour l'inventeur de la géométrie et pour avoir enseigné
aux Égyptiens la théorie de l'observation des astres. Le troisième a été
Sesoosis, qui, non-seulement s'est rendu célèbre par ses grands
exploits, mais qui a introduit dans la classe des guerriers une législation
militaire, et a réglé tout ce qui concerne la guerre et les armées. Le
quatrième a été Bocchoris, roi sage et habile : on lui doit toutes les lois
relatives à l'exercice de la souveraineté, ainsi que des règles précises
sur les contrats et les conventions. Il a fait preuve de tant de sagacité
dans les jugements portés par lui que la mémoire de plusieurs de ses
sentences s'est conservée jusqu'à nos jours. Mais on rapporte qu'il était
faible de corps et très-avide d'argent.
XCV. Après Bocchoris, Amasis s'occupa encore des lois. Il fit des
ordonnances sur le gouvernement des provinces et l'administration
intérieure du pays. Il passa pour un homme d'un esprit supérieur, doux
et juste; c'est à ces qualités qu'il dut le pouvoir suprême, car il n'était
pas de race royale. On raconte que les Éléens, occupés des règlements
sur les jeux olympiques, envoyèrent des députés lui demander quelle
était l'ordonnance la plus juste concernant ces jeux, et que le roi
répondit : « C'est lorsqu'aucun Éléen n'entrera en lice. »> Amasis s'était
lié d'amitié avec Polycrate, tyran de Samos ; mais comme celui-ci
maltraitait les citoyens et les étrangers qui abordaient à Samos, Amasis
lui envoya d'abord, dit-on, une députation chargée de lui conseiller la
modération. Mais Polycrate ne se rendant pas à ce conseil, Amasis lui
annonça dans une lettre la rupture de leur lien d'amitié et d'hospitalité,
en ajoutant qu'il ne voulait pas partager les malheurs qui devaîent
menacer un homme poussant si loin la tyrannie. Les Grecs admirèrent
l'humanité d'Amasis ainsi que sa prédiction, qui s'accomplit bientôt.
Darius, père de Xercès, est regardé comme le sixième législateur
des Égyptiens. Ayant en horreur la conduite de Cam-byse, son
prédécesseur, qui avait profané les temples d'Egypte, il eut soin de
montrer de la douceur et du respect pour la religion. Il eut de
fréquentes relations avec les prêtres d'Egypte, et se fit instruire dans la
théologie et dans l'histoire consignée dans les annales sacrées.
Apprenant ainsi la magnanimité des anciens rois d'Egypte, et leur
humanité envers leurs sujets, il régla sa vie d'après ces modèles, et
inspira par sa conduite une telle vénération aux Égyptieus qu'il est le
seul roi qui de son vivant ait reçu le nom de dieu ; à sa mort ils lui
rendirent les mêmes honneurs qu'ils avaient la coutume de rendre aux
anciens rois d'Egypte. Voilà les hommes auxquels on doit ces lois qui
font l'admiration des autres peuples. Plusieurs de ces institutions, qui
passaient pour très-belles, furent plus tard abolies, à l'époque où les
Macédoniens s'emparèrent de l'Egypte et mirent fin à l'ancienne
monarchie.
XCVI. Après nous être étendu sur ces divers sujets, nous dirons un
mot des Grecs qui, célébrés pour leur sagesse et leurs lumières, ont
autrefois voyagé en Égypte afin de s'instruire dans les lois et la science
de cette nation. Les prêtres égyptiens affirment, sur la foi des livres
sacrés, qu'on a vu chez eux Orphée, Musée, Mélampe, Dédale ; ensuite
le poète Homère, Lycurgue le Spartiate, Solon d'Athènes, Platon le
philosophe; en fin Pythagore de Samos, Eudoxe le mathématicien,
Démocrite d'Abdère et Oenopide de Chio. Pour prouver que ces
hommes ont voyagé en Égypte, ils montrent soit des portraits, soit des
lieux et des édifices portant leurs noms ; chacun est jaloux de montrer
que tous ces sages, qui font l'admiration des Grecs, ont emprunté leurs
connaissances aux Égyptiens. Ainsi, au rapport des Égyptiens, Orphée a
rapporté de son voyage les cérémonies et la plupart des rites mystiques
célébrés en mémoire des courses 108 de Cérès , ainsi que le mythe des
enfers. Il n'y a que la différence des noms entre les fêles de Bacchus et
celles d'Osiris, entre les mystères d'Isis et ceux de Cérès. La punition
des méchants dans les enfers, les champs fleuris du séjour des bons et
la fiction des ombres, sont une imitation des cérémonies funèbres des
Égyptiens. Il en est de même de Mercure, conducteur des âmes, qui,
d'après un ancien rite égyptien, mène le corps d'Apis jusqu'à un certain
endroit où il le remet à un être qui porte le masque de Cerbère. Orphée
fit connaître ce rite chez les Grecs, et Homère en parle ainsi dans son
poème : « Mercure le Cyllénien évoqua les âmes des prétendants ; il
tenait dans « ses mains la baguette magique (70) » Et un peu plus loin il
ajoute : « Ils longent les rives de l'Océan, dépassent le rocher de
Leucade, et se dirigent vers les portes du Soleil et le peuple des Songes.
Ils arrivent aussitôt dans les prés verdoyants d'asphodèles où habitent
les âmes, images de ceux qui ne sont plus (71). » Or, le poète appelle
Océan le Nil auquel les Égyptiens donnent, dans leur langue, le même
nom. Les portes du Soleil (Hélios) sont la ville d'Héliopolis; et les plaines
riantes qui passent pour la demeure des morts, sont le lac Achérusia,
situé près de Memphis, environné des plus belles prairies, et d'étangs
où croissent le lotus et le roseau. Ce n'est pas sans raison que l'on place
dans ces*lieux le séjour des morts; car, c'est là que s'achèvent les
funérailles les plus nombreuses et les plus magnifiques. Après avoir
transporté les corps sur le fleuve et le lac Achérusia, on les place dans
les cellules qui leur sont destinées. Les autres mythes des Grecs sur les
enfers s'accordent avec ce qui se pratique encore aujourd'hui en Égypte
; la barque qui transporte les corps, la pièce de monnaie, l'obole payée
au nautonier, nommé Charon dans la langue du pays, toutes ces
pratiques s'y trouvent. Enfin, ou raconte qu'il existe dans le voisinage
du lac Achérusia, le temple de la ténébreuse Hécate (72), 109 les portes
du Cocyte et du Léthé, fermées par des verrous d'airain ; et qu'on y voit
aussi les portes de la Vérité, près desquelles est placée une statue sans
tête représentant la Justice.
XCVII. Il y a, chez les Égyptiens, beaucoup d'autres mythes qui se
conservent encore avec leurs dénominations et avec les pratiques qui
s'y rattachent. On montre dans Acanthopolis, ville située au delà du Nil,
dans la Libye, à cent vingt stades de Memphis, un tonneau percé dans
lequel trois cent soixante prêtres versent journellement de l'eau puisée
dans le Nil. Aux environs de cette ville, on représente dans une fête
publique la fable de l'Ane [du paresseux]. Un homme placé en tête de la
procession tresse une corde de jonc que ceux qui viennent après lui
délient. On dit que Mélampe a rapporté de l'Égypte les mystères que les
Grecs célèbrent en l'honneur de Bacchus, le mythe sur Saturne, sur le
combat des Titans, enfin tout ce qu'on raconte des passions des dieux.
Dédale a construit son labyrinthe sur le modèle de celui d'Égypte. Ce
dernier, bâti selon les uns par Mendès, selon d'autres par le roi Marrhus,
bien longtemps avant le règne de Minos, subsiste encore aujourd'hui.
Les statues que Dédale fit élever chez les Grecs sont dans l'ancien style
égyptien. Le plus beau des propylées du temple de Vulcain, à Memphis,
passe pour un ouvrage de Dédale : il lui acquit tant de gloire, que l'on
plaça dans ce même temple sa statue faite de ses propres mains. Enfin
son habileté et ses inventions furent si renommées qu'on lui a rendu les
honneurs divins; et on montre encore aujourd'hui, dans une des îles
situées en face de Memphis, un temple de Dédale en grande vénération
dans le pays. On apporte divers témoignages du séjour d'Homère en
Égypte, et particulièrement le breuvage donné par Hélène à Télémaque
visitant Ménélas, et qui devait lui procurer l'oubli des maux passés. Ce
breuvage est le népenthès (74) dont Hélène avait, selon le poète, appris
le 110 secret à Thèbes par Polydamna, femme de Thonis. En effet, les
femmes de Thèbes connaissent encore aujourd'hui la puissance de ce
remède, et les Diospolitaines sont les seules qui s'en servent depuis un
temps immémorial pour dissiper la colère et la tristesse. Or, Diospolis
est la même ville que Thèbes. Gomme Homère, les Égyptiens donnent à
Vénus l'épithète de dorée, et il existe près de Momemphis un endroit
appelé le Champ de Vénus dorée. Homère a, dit-on, tiré de la même
source le mythe de l'union de Jupiter avec Junon, et celui du voyage des
dieux en Éthiopie. Chaque année les Égyptiens ont la coutume de
transporter la chapelle de Jupiter au delà du Nil en Libye, et de la
ramener quelques jours après, comme pour indiquer le retour de ce
dieu de l'Éthiopie. Les amours de Jupiter et de Junon ont été imaginées
d'après les fêtes publiques (panégyriques), pendant lesquelles les
prêtres portent les chapelles de ces deux divinités au sommet d'une
montagne et les déposent sur un lit de fleurs.
XCVIII. Lycurgue, Platon et Solon ont emprunté aux Égyptiens la
plupart de leurs institutions. Pythagore a, dit-on, appris chez ces mêmes
Égyptiens ses doctrines concernant la divinité, la géométrie, les
nombres et la transmigration de l'âme dans le corps de toutes sortes
d'animaux. Ils prétendent aussi que Démocrite a séjourné cinq ans chez
eux et qu'il leur est redevable de beaucoup de ses connaissances
astrologiques. Oenopide passe également pour avoir vécu avec les
prêtres et les astrologues égyptiens et pour avoir appris d'eux, entre
autres choses, l'orbite que le soleil parcourt, son inclinaison, et son
mouvement opposé à celui des autres astres. Ils disent la même chose
d'Eudoxe, qui s'acquit beaucoup de gloire en introduisant en Grèce
l'astrologie et beaucoup d'autres connaissances utiles. Ils vont plus loin,
et réclament comme leurs disciples les plus anciens sculpteurs grecs,
surtout Téléclès et Théodore, tous deux fils de Rhœcus, qui exécutèrent
pour les habitants de Samos la statue d'Apollon le Pythien. La moitié de
cette statue fut, disent-ils, faite à Samos par Téléclès, et l'autre moitié
fut achevée à Éphèse par Théo- 111 dore, et ces deux parties
s'adaptèrent si bien ensemble que la statue entière semblait être
l'œuvre d'un seul artiste. Or, cette manière de travailler n'est nullement
en usage chez les Grecs, tandis qu'elle est très commune chez les
Égyptiens. Ceux-ci ne conçoivent pas comme les Grecs le plan de leurs
statues d'après les vues de leur imagination; car, après avoir arrangé et
taillé leur pierre, ils exécutent leur ouvrage de manière que toutes les
parties s'adaptent les unes aux autres jusque dans les moindres détails.
C'est pourquoi ils divisent le corps humain en vingt et une parties un
quart, et règlent là-dessus toute la symétrie de l'œuvre. Ainsi, après que
les ouvriers sont convenus entre eux de la hauteur de la statue, ils vont
faire chacun chez soi les parties qu'ils ont choisies; et ils les mettent
tellement d'accord avec les autres, qu'on en est tout étonné. C'est ainsi
que la statue d'Apollon à Samos fut exécutée conformément à la
méthode égyptienne ; car elle est divisée en deux moitiés depuis le
sommet de la tête jusqu'aux parties génitales et ces deux moitiés sont
exactement égales. Us soutiennent aussi que cette statue, représentant
Apollon les mains étendues et les jambes écartées comme dans l'action
de marcher, rappelle tout à fait le goût égyptien (75)..
Voilà ce que nous avions à dire sur l'Égypte; nous en avons raconté
les choses les plus dignes de mémoire. Nous allons maintenant
poursuivre notre récit d'après le plan annoncé au commencement de ce
livre, en commençant par l'histoire des Assyriens en Asie.
NOTES

(01) Les herbes (πόα), les tiges (καυλοί), l'agrostis ( ἄγροστις)


dont il est ici question paraissent, pour la plupart, appartenir à la
famille des graminées. Les tiges de ces plantes renferment du
sucre de canne. Il est curieux de faire observer que les matières
sucrées constituent les premiers aliments de l'homme primitif et de
l'enfant nouveau-né. L'embryon lui-même du végétal puise sa
première nourriture dans le sucre de fécule, dont la formation
accompagne la germination, absolument comme la sécrétion du
lait est déterminée, chez les animaux, par la gestation.

(02) .C'est probablement le môme Hermès qui fut plus tard


appelé Trismégiste (τρὶς μέγιστος, trois fois très-grand). On lui
attribuait un grand nombre d'ouvrages sur les arts, sur la médecine
et l'astrologie, dont plusieurs existent encore sous le pseudonyme
d'Hermès Trismégiste. Mais aucun auteur antérieur à l'ère
chrétienne n'a fait mention de ces ouvrages.

(03) Ce passage a été crux interpretum. Il m'a semblé que la


difficulté était facilement tranchée en interprétant ἀπὸ μυριάδος
ἔτη λείποντα τῶν πενταχιλίων par « ce qui reste en enlevant cinq
mille de dix mille » (ἀπὸ μυριάδος λείποντα τῶν πεντακισχιλίων).

(04) An 57 avant Jésus-Christ.

(05) Iliade, chant XX, 381.

(06) Environ deux mille cinq cents mètres.

(07) Hécatée d'Abdère, qu'il ne faut pas confondre avec


Hécatée de Milète, contemporain de Darius, fils dOystaspis, et dont
il a été fait mention dans le chapitre 87.

(08) D'après l'opinion d'un des plus illustres savants de notre


époque, M. Letronne, on ne retrouve aucun vestige de ce
monument dans les ruines actuelles de Thèbes; et si ce monument
a jamais existé, il différait presque entièrement de celui dont
Diodore a fait la description seulement sur ouï-dire. (Journal des
Savants, année 1822, p. 387.)

(09) Autel qui n'est pas sous la voûte d'un édifice; ὑπαίθριοι,
qui a pour toit le ciel.

(10) Salle soutenue par des colonnes.

(11) Espèce de théâtre lyrique.

(12)Un peu plus de cent quatre-vingt-treize millions cent


quatre-vingt mille francs.

(13) Il y a dans le texte ἰατρεῖον, officine médicinale.

(14) Uchoréus et non Aegyptus, comme le font entendre


presque tous les traducteurs ; car ce dernier roi ne figure que dans
un récit incident, et auquel Diodore semble refuser toute
authenticité en disant : τινές μυθολογοῦσι.

(15) Environ six myriamètres.

(16) Près de quatre-vingt-dix mètres.

(17) Deux cent soixante-quinze mille francs.

(18) Environ cent quatre-vingt-quatre mètres.

(19) Cinq mille cinq cents francs.

(20) 1 Πεοσκαρτεροῦντας ταῖς ταριχείαις. Ces mots font


supposer qu'il y avait en Egypte des hommes qui faisaient
profession de conserver les poissons dans des saumures. La
découverte de la salaison n'est donc pas due au Hollandais auquel
Charles-Quint fit élever une statue.

(21) Notre historien appelle ainsi le personnage qu'Hérodote


appelle Sésostris.

(22) La croyance que les songes de ceux qui s'endorment dans


les églises s'accomplissent s'était conservée pendant fort
longtemps ; elle était encore universellement répandue au moyen
âge.

(23) Dans la traduction de Miot il n'est question que de trois


cents navires, bien que ce nombre ne soit indiqué par aucune
variante.

(24) Environ vingt-nuit myriamètres.

(25) Près de cent vingt-neuf mètres.

(26) Ce que Diodore appelle pierre dure, σκληρὸς λίθος n'est


autre chose que le granit ( formation plutonienne ), et peut-être
cette variété de granit particulière à la Haute-Egypte, et connue
sous le nom de syénite.

(27) Près de cinquante-six mètres.

(28) Environ quatorze mètres.


(29) Environ quatre mètres.

(30) A peu près quarante-six mètres.

(31) Ῥίν, nez, κόλουρος, coupé.

(32) C'était un véritable lieu de déportation. L'idée de la


fondation des colonies do condamnés remonte donc à une très-
haute antiquité.

(33) Deux milliards deux cent millions de francs.

(34) On a émis les opinions les plus diverses sur le but de ces
constructions monumentales. Suivant l'opinion de M. de Persigny,
elles auraient pour but de garantir l'Egypte des irruptions
sablonneuses du désert.

(35) Douze kilomètres environ.

(36) Deux cent dix mètres.

(37) Environ trois mètres.

(38) Il ressort de ce passage, que τήκω ne signifie pas


seulement fondre ( par le feu ), mais encore dissoudre ( par l'eau ).
En effet, les eaux du fleuve devaient dissoudre tous les sels
alcalins, de manière à les faire disparaître complètement.

(39) Huit millions huit cent mille francs.

(40) Environ quatre-vingt-dix mètres.

(41) Environ soixante mètres.

(42) C'est Psammitichus et non Psammétichus qu'il faut lire; car


l'ή se prononçait très-probablement comme i. Ce qui le prouverait
c'est que, dans beaucoup de noms propres, cette voyelle est
souvent écrite indifféremment avec un ou avec un i, comme c'est
ici le cas; ainsi on lit, chez Hérodote, Ψαμμίτικος.

(43) Miot et Terrasson ont traduit : « Un prêtre ayant apporté


dans le temple. » Cette traduction est contraire au texte :
ἐξενέγκαντος ἐκ τοῦ ἱεροῦ ἱερέων τινός... car ἐξενέγκαντος ἐκ τοῦ
ἱεροῦ signifie, non pas « ayant apporté dans le temple, mais «
ayant porté hors du temple. »

(44) Plus de cinq mètres.

(45) Année 526 avant Jésus-Christ.

(46) On voit par ce passage que l'incubation par la chaleur


artificielle, qui ne doit pas dépasser certaines limites, est une
invention bien plus ancienne qu'on ne le croit généralement

(47) Terrasson et Miot me paraissent avoir inexactement rendu


ce passage (δακτυλιαῖα μέρη τοῦ σώματος κατατμηθέντας...), l'un
par «doigts, » l'autre par « morceau de chair de la longueur d'un
doigt. »

(48) De σείω, je secoue, et de ἄχθος, fardeau. Voy. Plutarque,


Vie de Solon, chap. 14.

(49) 1 Les expressions σῶμα.... ἀγώγιμον, s'appliquent


évidemment à l'esclavage. Le moi ἀγώγινον rappelle la locution
latine deducere (in servitudinem). Miot me parait donc avoir
inexactement rendu σῶμα.... ἀγώγινον, par contrainte par corps,
d'autant plus que le mot ἀγωγίμους, qui se retrouve à la fin de ce
chapitre, s'applique évidemment à ceux qui sont réduits à l'état
d'esclaves.

(50) C'est la doctrine par trop exclusive, & laquelle les


physiologistes ont donné le nom d'épigénèse : le père fournit le
germe, et la mère le développe.

(51) On voit par ce passage que ce n'est point & des botanistes
modernes qu'appartient l'honneur d'avoir découvert le sexe des
plantes. Cette indication est sans doute vague, et elle ne peut
guère s'appliquer qu'aux plantes dioïques, telles que le palmier,
etc. ; mais elle suffisait pour mettre l'observateur sur la voie d'une
découverte importante, celle de la réunion des deux sexes non-
seulement sur une même tige (plantes monoïques), mais encore
dans la même fleur ( plantes hermaphrodites).
(52) Cette frugalité se retrouve encore aujourd'hui chez la
plupart des habitants de cette contrée.

(53) Un peu moins de vingt francs.

(54) Preuve de plus venant à l'appui de ce principe que les


sciences ne se développent qu'en raison des besoins de la société.

(55) La plupart de ces prédictions, se rapportant à quelque


phénomène météorologique, devaient être fort incertaines.
L'annonce de l'apparition d'une comète rentre seule dans le
domaine de l'astronomie. Les astronomes de nos jours sont
parvenus à prédire le retour de certaines comètes qui, d'après des
calculs tout récents, décrivent des ellipses, et sont
conséquemment assimilables à de véritables planètes. Les
Égyptiens auraient-ils eu connaissance de ce fait:.

(56) Cette méthode des médecins égyptiens n'est antre chose


que la méthode appelée antiphlogistique. Elle a été réhabilitée de
nos jours par les plus célèbres praticiens. Cette méthode peut, en
effet, être employée avec le plus grand succès dans les maladies
aiguës ; mais elle échoue dans le traitement des maladies
chroniques.

La loi qui obligeait les médecins à suivre servilement la voie


tracée par leurs prédécesseurs était irrationnelle, et devait
complètement entraver les progrès de la science.

(57) C'était probablement l'huile essentielle de térébenthine,


provenant des plantes conifères, telles que le cèdre, le pin, etc. Les
essences et substances aromatiques doivent sans doute la
propriété de conserver les matières animales à la facilité avec
laquelle elles absorbent l'oxygène qui joue un rôle si important
dans la fermentation et la putréfaction.

(58) Ptolémée Aulète, qui vivait soixante ans avant Jésus-


Christ.

(59) Deux cent soixante-quinze mille francs.


(60) Voy. chap. 21.

(61) Les anciens distinguaient deux espèces d'ibis, l'ibis blanc


et l'ibis noir. Les caractères par lesquels les ornithologistes
désignent l'ibis blanc (numenius ibis capite colloque nudis, corpore
candido, remigibus secundariis elongatis, ex nigro-viridi
micantibus) se retrouvent aussi dans les ibis embaumés. L'ibis
blanc est aujourd'hui très-rare en Egypte ; on le rencontre plus
fréquemment aux environs du cap de Bonne-Espérance. L'ibis noir
est aujourd'hui beaucoup moins rare en Egypte que le précédent. Il
est moins grand que l'ibis blanc ; il s'en distingue par la couleur de
son plumage et en ce qu'il a le cou et la tète couverts de plumes.
Tout le dessus du corps est d'un noir à reflets très-riches, verts et
violets ; tout le dessous est d'un noir cendré. Le bec et les pieds
ont la même forme que ceux de l'ibis blanc. Ces deux espèces
d'ibis se montrent en Egypte régulièrement à de certaines
époques. Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'ibis noir a
conservé son ancien nom; il s'appelle encore leheras ou ieras (el
hareiz en arabe), c'est-à-dire oiseau sacré. ( Voy. Savigny, Histoire
naturelle et mythologique de l'ibis, t. ΧΧΧΙII, p. 431 ; de la
Description de l'Egypte. )

(62) Cinq mille cinq cents francs.

(63) Mille huit cent trente-deux francs.

(64) On peut comparer ce que raconte ici Diodore avec ce


qu'Hérodote ( lib. II, 86 et 87 ) et Moïse (Genèse, L, 2 et 3)
rapportent de l'embaumement des Égyptiens. Moïse donne à ceux
qui étaient chargés de l'embaumement le nom de rephim, qui
signifie littéralement faiseurs de sutures ou de bandelettes. (Voy.
Hoefer, Histoire de la Chimie, t. I, p. 61.)

(65) Γραμματεύς, scribe.

(66) Παρασχίστης, inciseur.


(67) L'incision, faite par le παρασχίστ^, s'étendait-elle depuis
l'abdomen jusqu'au delà du diaphragme, cloison transversale qui
sépare la poitrine du ventre, ou intéressait-elle seulement
l'abdomen ? Le texte n'est pas très-explicite à cet égard. Les
parties que l'embaumeur arrache, en introduisant la main par
l'ouverture, sont les intestine, l'estomac, le foie, les reins, la rate et
les épiploons. Il est probable que l'incision n'intéressait pas la
poitrine, puisqu'il n'est pas question de l'arrachement du cœur et
des poumons. Au lieu de reins, il faudrait donc lire poumons.

(68) Βάρις, nom des barques du Nil. Voy. Hérodote, II, 96.

(69) Chap. 96.

(70) Odyssée, chant XXIV, ν. 1 et suiv.

(71) Ibid. v. 12 et 19.

(72) Un temple de la ténébreuse Hécate, etc.... Σκοτίας Ἑκάτης


ἱερόν.... Miot me semble avoir inexactement interprété ce passage
par « un temple d'Hécate, appelé Scoties.... » en prenant σκοτίας
pour l'accusatif pluriel d'un nom propre. Miot a été ici sans doute
séduit par la traduction latine de Rhodomann : In vicinia etiam
Scotiœ id est.... Hecates fanum....

(74) Le népenthès dont parle Homère ne parait avoir été autre


chose qu'une solution aqueuHe d'opium ou de quelque autre suc
d'une plante narcotique.

(75) Les plus anciennes statues égyptiennes sont, au contraire,


représentées ayant les pieds et les mains confondus avec le bloc
de pierre ou elles sont sculptées.
DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE. ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗΣ


ΙΣΤΟΡΙΚΗΣ ΒΙΒΛΟΣ ΔΕΥΤΕΡΑ.

TOME PREMIER : LIVRE ΙI


12 Livre II
Ninus, premier roi de l'Asie ; ses exploits. - Naissance de Sémiramis ;
son élévation. - Ninus épouse Sémiramis. - Sémiramis succède à Ninus
et accomplit une multitude de grandes choses. - Fondation de Babylone.
- Jardin suspendu et autres monuments merveilleux de Babylone. -
Expédition de Sémiramis en Egypte, en Ethiopie et dans l'Inde. - Des
trois descendants de Sémiramis ; leur vie luxurieuse. - Sardanapale, le
dernier de ces rois, est détrôné par Arbace le Mède. - Des Chaldéens ;
observation des astres. - Des rois de la Médie : divergence des
historiens à leur sujet. - Topographie de l'Inde ; produits du sol ; moeurs
des Indiens. - Des Scythes, des Amazones et des Hyperboréens. - De
l'Arabie ; produits naturels et récits fabuleux. - Des îles situées au midi
dans l'Océan.
I. Le livre précédent, qui est le premier de tout l'ouvrage, renferme
l'histoire de l'Egypte. Nous y avons raconté la mythologie des Egyptiens,
la nature du Nil et les singularités que présente ce fleuve. Nous avons
donné une description de l'Egypte, et fait connaître les anciens rois de
ce pays et leurs actions. Nous avons parlé de la construction des
pyramides, comptées au nombre des sept merveilles du monde ;
ensuite, nous avons passé en revue les lois, les tribunaux, le culte
singulier des animaux sacrés et le rite des funérailles. Enfin, nous avons
mentionné les Grecs les plus célèbres qui ont voyagé en Egypte et y ont
appris les connaissances qu'ils ont importées en Grèce. Dans le livre
présent nous traiterons de l'histoire la plus ancienne de l'Asie, en
commençant par les Assyriens.
Il ne nous reste des rois primitifs de l'Asie aucun fait remarquable,
aucun nom digne de mémoire. Le premier dont l'histoire fasse mention
est Ninus, roi des Assyriens ; il a accompli des exploits que nous
essaierons de décrire en détail. Né avec des dispositions guerrières et
jaloux de se distinguer, il arma 113 une troupe choisie de jeunes gens,
les prépara pendant longtemps par des exercices du corps et les
habitua à toutes les fatigues et aux dangers de la guerre. Ayant ainsi
composé une armée redoutable, il conclut un traité d'alliance avec
Ariéus, roi de l'Arabie, contrée qui, vers ces temps, passait pour peuplée
d'hommes robustes. La nation arabe est en général jalouse de sa liberté
et toujours opposée à reconnaître un chef étranger. Aussi, ni les rois des
Perses, ni les rois macédoniens, malgré leur puissance, ne sont-ils
jamais parvenus à la subjuguer. ll faut de plus ajouter, que l'Arabie est
d'un accès difficile pour une armée ennemie ; car c'est un pays en
grande partie désert, et privé d'eau ; les puits se trouvent cachés à de
grandes distances et ne sont connus que des indigènes.
Ninus, roi des Assyriens, menant avec lui le chef des Arabes, marcha
à la tête d'une puissante armée contre les Babyloniens qui habitaient un
pays limitrophe. A cette époque, Babylone n'était pas encore fondée ;
mais il y avait d'autres villes remarquables dans la Babylonie. Ninus
défit sans peine des hommes non aguerris, leur imposa un tribut
annuel, emmena prisonnier le roi (01) avec ses enfants, et le tua. De là,
il conduisit ses troupes en Arménie et épouvanta les indigènes par le
sac de quelques villes. Barzanès, leur roi, se voyant hors d'état de
résister, alla au-devant de son ennemi avec des présents, et lui offrit sa
soumission. Ninus se conduisit à son égard avec générosité ; il lui
accorda la souveraineté de l'Arménie et n'exigea qu'un envoi de troupes
auxiliaires. Son armée grossissant de plus en plus, il dirigea une
expédition contre la Médie. Pharnus, qui en était roi, s'avança avec une
armée considérable ; mais abandonné des siens et ayant perdu la
plupart de ses troupes, il fut fait prisonnier avec sa femme et ses sept
enfants ; il fut lui-même mis en croix.
II. Ces succès inspirèrent à Ninus le violent désir de subjuguer toute
l'Asie, comprise entre le Tanaïs et le Nil. Tant il 114 est vrai que la
prospérité ne fait qu'augmenter l'ambition de l'homme. Il établit un de
ses amis satrape de la Médie, et s'avança lui-même vers la conquête
des nations de l'Asie ; dans un espace de dix-sept ans, il se rendit
maître de toute la contrée, à l'exception des Indes et de la Bactriane.
Aucun historien n'a décrit en détail les batailles qu'il a livrées, ni le
nombre des peuples qu'il a vaincus ; nous ne signalerons de ces
derniers que les principaux sur l'autorité de Ctésias de Cnide. Parmi les
contrées littorales, il soumit à sa puissance l'Egypte, la Phénicie, la
Coelé-Syrie, la Silicie, la Pamphylie, la Lycie, la Carie, la Phrygie, la
Mysie et la Lydie ; il ajouta encore à ces conquêtes la Troade, la Phrygie
sur l'Hellespont, la Propontide, la Bithynie, la Cappadoce et les nations
barbares qui habitent le Pont jusqu'au Tanaïs. Il se rendit aussi maître
du pays des Cadusiens (02), des Tapyrs, des Hyrcaniens, des Drangiens
(03), des Derbices, des Carmaniens, des Choromnéens, des Borcaniens
(04) et des Parthes. Il pénétra jusque dans la Perse, dans la Susiane et
dans la région Caspienne où se trouvent les défilés connus sous le nom
de Portes Caspiennes (05). Il réduisit encore bien d'autres peuples de
moindre importance et dont nous ne parlerons point. Quant à la
Bactriane, contrée d'un accès difficile et peuplée de guerriers, après
plusieurs tentatives inutiles, il ajourna la guerre, ramena sa troupe dans
la Syrie (06) et choisit un emplacement convenable pour fonder une
grande ville.
III. Après avoir, par l'éclat de sa victoire, effacé ses prédécesseurs, il
conçut le dessein de construire une ville si considérable que non
seulement elle devait surpasser toutes les autres villes 115 du monde
alors connues, mais encore il devait être difficile à la postérité d'en voir
jamais une pareille. Il renvoya le roi des Arabes dans ses Etats avec ses
troupes, après l'avoir comblé de présents et de magnifiques dépouilles.
Quant à lui, il rassembla de tous côtés, sur le bord de l'Euphrate (07),
des ouvriers et des matériaux pour bâtir une ville bien fortifiée, à
laquelle il donna la forme d'un quadrilatère oblong. Les plus longs côtés
de la ville étaient de cent cinquante stadeset les plus courts de quatre-
vingt-dix, de telle façon que la totalité de l'enceinte était de quatre cent
quatre-vingts stades (08). Et le fondateur ne se trompa point dans son
attente, car aucune ville n'a jamais égalé celle-ci en grandeur et en
magnificence ; ses murs avaient cent pieds de haut et étaient assez
larges pour que trois chariots attelés pussent y marcher de front. Les
tours, qui les défendaient, étaient au nombre de quinze cents, et
avaient chacune deux cents pieds d'élévation. La plus grande partie de
la ville était habitée par les plus riches Assyriens, mais le roi y admit
tous les étrangers qui voulurent s'y établir. Il appela cette ville de son
nom Ninus (09), et partagea entre les habitants une grande partie des
pays environnants.
IV. Après la fondation de cette ville, Ninus se mit en marche contre
la Bactriane, où il épousa Sémiramis. Comme c'est la plus célèbre de
toutes les femmes que nous connaissions, il est nécessaire de nous y
arrêter un moment et de raconter comment d'une condition humble elle
arriva au faîte de la gloire. Il existe dans la Syrie une ville nominée
Ascalon ; dans son voisinage est un vaste lac profond et abondant en
poisson (10).
116 Sur les bords de ce lac se trouve le temple d'une déesse célèbre
que les Syriens appellent Dercéto ; elle a le visage d'une femme, et
surtout le reste du corps la forme d'un poisson (11). Voici les motifs de
cette représentation : les hommes les plus savants du pays racontent
que Vénus, pour se venger d'une offense que cette déesse lui avait
faite, lui inspira un violent amour pour un beau jeune homme qui allait
lui offrir un sacrifice ; que Dercéto, cédant à sa passion pour ce Syrien,
donna naissance à une fille, mais que honteuse de sa faiblesse, elle fit
disparaître le jeune homme et exposa l'enfant dans un lieu désert et
rocailleux ; enfin, qu'elle-même, accablée de honte et de tristesse, se
jeta dans le lac et fut transformée en un poisson. C'est pourquoi les
Syriens s'abstiennent encore aujourd'hui de manger des poissons qu'ils
vénèrent comme des divinités. Cependant l'enfant fut élevé
miraculeusement par des colombes qui avaient niché en grand nombre
dans l'endroit où elle avait été exposée ; les unes réchauffaient dans
leurs ailes le corps de l'enfant, les autres, épiant le moment où les
bouviers et les autres bergers quittaient leurs cabanes, venaient
prendre du lait dans leur bec et l'introduisaient goutte à goutte à
travers les lèvres de l'enfant qu'elles élevaient ainsi. Quand leur élève
eut atteint l'âge d'un an et qu'il eut besoin d'aliments plus solides, les
colombes lui apportèrent des parcelles de fromage qui constituaient une
nourriture suffisante. Les bergers furent fort étonnés à leur retour de
voir leurs fromages becquetés à l'entour. Après quelques recherches, ils
en trouvèrent la cause et découvrirent un enfant d'une beauté
remarquable ; l'emportant avec eux dans leur cabane, ils le donnèrent
aux chefs des bergeries royales, nommé Simma ; celui-ci n'ayant point
d'enfants l'éleva comme sa fille avec beaucoup de soins, et lui donna le
nom de Sémiramis, qui signifie colombe, dans la langue syrienne (12).
Depuis lors, tous les Syriens accordent à ces oiseaux les honneurs
divins (13).
117 Telle est à peu près l'origine fabuleuse de Sémiramis.
V. Cependant Sémiramis était arrivée à l'âge nubile et surpassait en
beauté toutes ses compagnes. Un jour le roi envoya visiter ses
bergeries. Menonès (14), président du conseil royal et administrateur de
toute la Syrie, fut chargé de cette mission ; il descendit chez Simma,
aperçut Sémiramis et fut épris de ses charmes. Il pria Simma de la lui
donner en mariage ; il l'épousa, la mena à Ninive et eut d'elle deux
enfants, Hyapate et Hydaspe. Sémiramis, qui joignait à la beauté de son
corps toutes les qualités de l'esprit, était maîtresse absolue de son
époux qui, ne faisant rien sans la consulter, réussissait dans tout. Vers
l'époque où la fondation de Ninive fut achevée, le roi songea à
conquérir la Bactriane. Informé du nombre et de la valeur des hommes
qu'il allait combattre, ainsi que de la difficulté des contrées dans
lesquelles il allait pénétrer, il fit lever des troupes dans toutes les
contrées de son empire ; car, ayant échoué dans sa première
expédition, il avait résolu d'attaquer les Bactriens avec des forces
considérables. Il rassembla donc de tous les points de son empire une
armée qui, au rapport de Ctésias, s'éleva à un million sept cent mille
fantassins, à plus de deux cent dix mille cavaliers, et à près de dix mille
six cents chariots armés de faux. Une armée aussi nombreuse semble
incroyable à celui qui en entend parler ; mais elle ne paraît pas
impossible à celui qui considère l'étendue de l'Asie et le nombre des
nations qui habitent cette région. Et, sans parler de l'armée de huit cent
mille hommes que Darius conduisit contre les Scythes, ni des troupes
innombrables avec lesquelles Xercès descendit dans la Grèce, si l'on
veut seulement jeter un regard sur ce qui s'est passé, pour ainsi dire,
hier en Europe, on ajoutera peut-être plus de foi à ce que nous avons
dit. Ainsi, dans la Sicile, Denys tira de la seule ville de Syracuse une
armée de cent vingt mille hommes de pied et 118 de douze mille
cavaliers (15); d'un seul port il fit sortir quatre cents vaisseaux longs
dont quelques-uns à quatre et même à cinq rangs de rames. Un peu
avant l'époque d'Annibal, les Romains, prévoyant l'importance de la
guerre qu'ils avaient à soutenir, firent en Italie le recensement de tous
les citoyens et auxiliaires en état de porter les armes, et le nombre total
n'en fut guère moins d'un million. Or, la population entière de l'Italie
n'est pas comparable à une seule nation de l'Asie. Cela doit suffire à
ceux qui veulent estimer la population ancienne comparativement aux
villes actuellement dépeuplées de l'Asie.
VI. Ninus, s'étant donc mis en marche contre la Bactriane avec une
aussi puissante armée, fut obligé de partager celle-ci en plusieurs corps
à cause des défilés qu'il avait à traverser. Parmi les grandes et
nombreuses villes dont la Bactriane est remplie, on remarquait surtout
celle qui servait de résidence royale ; elle se nommait Bactres et se
distinguait de toutes les autres par sa grandeur et ses fortifications.
Oxyarte (16), qui était alors roi, appela sous les armes tous les hommes
adultes, qui s'élevaient au nombre de quatre cent mille. Avec cette
armée, il s'avança à la rencontre de l'ennemi, vers les défilés qui
défendent l'entrée du pays ; il y laissa s'engager une partie des troupes
de Ninus ; et lorsqu'il pensa que l'ennemi était arrivé dans la plaine en
nombre suffisant, il se rangea en bataille. Après un combat acharné, les
Bactriens mirent en fuite les Assyriens, et les poursuivant jusqu'aux
montagnes qui les dominaient, ils tuèrent jusqu'à cent mille hommes.
Mais, peu à peu tout le reste de l'armée de Ninus pénétra dans le pays ;
accablés par le nombre, les Bactriens se retirèrent dans les villes, et
chacun ne songea qu'à défendre ses foyers. Ninus s'empara facilement
de toutes ces villes ; mais il ne put prendre d'assaut Bactres, à cause de
ses fortifications et des munitions de guerre dont cette ville était
pourvue. Comme le siège traînait en longueur, l'époux de 119 Sémiramis,
qui se trouvait dans l'armée du roi, envoya chercher sa femme qu'il
était impatient de revoir. Douée d'intelligence, de hardiesse et d'autres
qualités brillantes, Sémiramis saisit cette occasion pour faire briller de si
rares avantages. Comme son voyage devait être de plusieurs jours, elle
se fit faire un vêtement, par lequel il était impossible de juger si c'était
un homme ou une femme qui le portait. Ce vêtement la garantissait
contre la chaleur du soleil ; il était propre à conserver la blancheur de la
peau, ainsi que la liberté de tous les mouvements et il seyait à une
jeune personne ; il avait d'ailleurs tant de grâce, qu'il fut adopté d'abord
par les Mèdes lorsqu'ils se rendirent maîtres de l'Asie, et plus tard par
les Perses. A son arrivée dans la Bactriane, elle examina l'état du siège ;
elle vit que les attaques se faisaient du côté de la plaine et des points
d'un accès facile, tandis que l'on n'en dirigeait aucune vers la citadelle,
défendue par sa position ; elle reconnut que les assiégés, ayant en
conséquence abandonné ce dernier poste, se portaient tous au secours
des leurs qui étaient en danger à l'endroit des fortifications basses.
Cette reconnaissance faite, elle prit avec elle quelques soldats habitués
à gravir les rochers : par un sentier difficile, elle pénétra dans une partie
de la citadelle, et donna le signal convenu à ceux qui attaquaient les
assiégés du côté des murailles de la plaine. Epouvantés de la prise de la
citadelle, les assiégés désertent leurs fortifications et désespèrent de
leur salut. Toute la ville tomba ainsi au pouvoir des Assyriens. Le roi,
admirant le courage de Sémiramis, la combla d'abord de magnifiques
présents ; puis, épris de sa beauté, il pria son époux de la lui céder, en
promettant de lui donner en retour, sa propre fille, Sosane. Menonès ne
voulant pas se résoudre à ce sacrifice, le roi le menaça de lui faire
crever les yeux, s'il n'obéissait pas promptement à ses ordres.
Tourmenté de ces menaces, saisi tout à la fois de chagrin et de fureur,
ce malheureux époux se pendit. Sémiramis parvint aux honneurs de la
royauté.
VII. Ninus s'empara des trésors de Bactres, consistant en une
grande masse d'argent et d'or ; et, après avoir réglé le gouver- 120
nement de la Bactriane, il congédia ses troupes. Ninus eut de Sémiramis
un fils, Ninyas ; en mourant il laissa sa femme souveraine de l'empire.
Sémiramis fit ensevelir Ninus dans le palais des rois, et fit élever sur sa
tombe une terrasse immense qui avait, au rapport de Ctésias, neuf
stades de haut (17) et dix de large. Comme la ville est située dans une
plaine sur les rives de l'Euphrate, cette terrasse s'aperçoit de très loin,
semblable à une citadelle ; elle existe, dit-on, encore aujourd'hui, bien
que la ville de Ninus eût été détruite par les Mèdes, lorsqu'ils mirent fin
à l'empire des Assyriens. Sémiramis, dont l'esprit était porté vers les
grandes entreprises, jalouse de surpasser en gloire son prédécesseur,
résolut de fonder une ville dans la Babylonie (18) ; elle fit venir de tous
côtés des architectes et des ouvriers au nombre de deux millions, et fit
préparer tous les matériaux nécessaires. Elle entoura cette nouvelle
ville, traversée par l'Euphrate, d'un mur de trois cent soixante stades
(19), fortifié, selon Ctésias de Cnide, de distance en distance par de
grandes et fortes tours. La masse de ces ouvrages était telle que la
largeur des murs suffisait au passage de six chariots de front, et leur
hauteur paraissait incroyable. Au rapport de Clitarque et de quelques
autres, qui suivirent plus tard Alexandre en Asie, le mur était d'une
étendue de trois cent soixante-cinq stades qui devaient représenter le
nombre des jours de l'année. Il était construit avec des briques cuites et
enduites d'asphalte (20). Son 121 élévation était, d'après Ctésias, de
cinquante orgyes (21); mais selon des historiens plus récents, elle
n'était que de cinquante coudées (22), et sa largeur était de plus de
deux chariots attelés ; on y voyait deux cent cinquante tours d'une
hauteur et d'une épaisseur proportionnées à la nasse de la muraille. Il
ne faut pas s'étonner si le nombre des tours est si petit
comparativement à l'étendue de l'enceinte ; car, dans plusieurs
endroits, la ville était bordée de marais (23), en sorte que la nature
rendait inutile la fortification de main d'homme. On avait laissé un
espace de deux plèthres (24) entre les maisons et le mur d'enceinte.
VIII. Pour hâter l'exécution de ces travaux, la reine avait assigné
l'espace d'un stade à chacun de ses amis, et leur fournissait les
matériaux nécessaires avec l'ordre d'achever leur tâche dans l'année.
Pendant qu'ils s'acquittaient de leur devoir avec zèle, elle construisit
dans la partie la plus étroite du fleuve, un pont (25) de cinq stades de
longueur, reposant sur des piles enfoncées à une grande profondeur et
à un intervalle de douze pieds l'une de l'autre ; les pierres étaient
assujetties par des crampons de fer, et les jointures souciées avec du
plomb fondu. Les faces de chaque pile, exposées au courant de l'eau,
étaient construites sous forme de saillies anguleuses qui, coupant les
flots et amortissant leur impétuosité, contribuaient à la solidité de la
construction. Le pont était recouvert de planches de cèdre et de cyprès,
placées sur d'immenses madriers de palmiers ; il avait trente pieds de
large, et n'était pas le moins beau des ouvrages de Sémiramis. De
chaque côté du fleuve elle éleva des quais magnifiques, presque aussi
larges que les murailles, dans une étendue de cent soixante stades
(26). Elle fit construire à chaque extrémité du pont, un palais d'où elle
pouvait voir toute la ville. Ces deux palais étaient, pour ainsi dire, les
clefs des deux 122 quartiers les plus importants ; comme l'Euphrate,
traversant Babylone, coule vers le Midi, l'un de ces palais regardait
l'Orient, l'autre l'Occident, et tous deux étaient d'une grande
magnificence. Celui qui était situé au couchant, avait soixante stades
(27) de circuit ; il était fortifié par de beaux murs, très élevés et
construits en briques cuites. En dedans de ce mur était une autre
enceinte, faite avec des briques crues, sur lesquelles étaient imprimées
des figures de toutes sortes d'animaux ; ces figures étaient peintes avec
tant d'art qu'elles semblaient être vivantes. Cette enceinte avait
quarante stades de longueur. Son épaisseur était de trois cents briques,
et sa hauteur, suivant Ctésias, de cinquante orgyes (28); la hauteur des
tours était de soixante et dix orgyes. Enfin, en dedans de cette seconde
enceinte, il y eut une troisième qui entourait la citadelle, dont le
périmètre était de vingt stades et qui dépassait en hauteur le mur
intermédiaire. Sur les tours et les murailles, on avait représenté toutes
sortes d'animaux, parfaitement imités par les couleurs et le relief. On y
voyait une chasse, composée de différents animaux qui avaient plus de
quatre coudées de haut (29). Dans cette chasse, Sémiramis était
figurée à cheval, lançant un javelot sur une panthère ; auprès d'elle
était Ninus son époux, frappant un lion d'un coup de lance. On pénétrait
dans la citadelle par une triple porte, derrière laquelle étaient des
chambres d'airain, s'ouvrant par une machine ; enfin, ce palais
l'emportait de beaucoup en étendue et en beauté sur celui qui était
situé sur la rive opposée. Ce dernier n'avait qu'un mur d'enceinte en
briques cuites, de trente stades de circuit (30). Au lieu de figures
d'animaux, on y voyait les statues d'airain de Ninus, de Sémiramis, des
gouverneurs de province et la statue de Jupiter que les Babyloniens
appellent Bélus (31). 123 On y remarquait, cependant, des
représentations de combats et de chasses très agréables à la vue.
IX. Sémiramis choisit ensuite le lieu le plus bas des environs de
Babylone pour y construire un réservoir carré, dont chaque côté était de
trois cents stades (32). Ce réservoir était fait de briques cuites et
d'asphalte ; sa profondeur était de trente-cinq pieds. Elle fit détourner le
fleuve pour le conduire dans ce réservoir, et construire une paierie
souterraine, communiquant avec les palais situés sur chaque rive ; les
voûtes de cette galerie étaient bâties en briques cuites de quatre
coudées d'épaisseur (33) et enduites d'une couche d'asphalte bouilli.
Les parois de la galerie avaient vingt briques d'épaisseur, douze pieds
de haut, jusqu'à l'arc de la voûte, et la largeur de la galerie était de
quinze pieds. Cet ouvrage fut terminé en sept jours (34) ; elle fit rentrer
le fleuve dans son lit, de telle façon qu'au moyen de la galerie
souterraine, elle pouvait se rendre d'un palais à l'autre sans traverser
l'eau. Les deux extrémités de la galerie étaient fermées par des portes
qui ont subsisté jusqu'à la domination des Perses. Après cela, Sémiramis
éleva au milieu de la ville un temple consacré à Jupiter que les
Babyloniens nomment Bélus, ainsi que nous l'avons dit. Comme les
historiens ne sont pas d'accord sur ce monument, et qu'il est tombé en
ruines par la suite des temps, il est impossible d'en donner ici une
description exacte (35). On convient, cependant, qu'il était
extraordinairement 124 élevé, et qu'à cause de son élévation, les
Chaldéens (36) y faisaient leurs travaux astronomiques, en observant
soigneusement le lever et le coucher des astres. Tout l'édifice était
construit avec beaucoup d'art, en asphalte et en brique ; sur son
sommet se trouvaient les statues de Jupiter, de Junon et de Rhéa,
recouvertes de lames d'or (37). Celle de Jupiter représentait ce dieu
debout et dans la disposition de marcher ; elle avait quarante pieds de
haut et pesait mille talents babyloniens (38). Celle de Rhéa, figurée
assise sur un char d'or, avait le même poids que la précédente ; sur ses
genoux étaient placés deux lions, et à côté d'elle étaient figurés
d'énormes serpents en argent, dont chacun pesait trente talents (39).
La statue de Junon, représentée debout, pesait huit cents talents ; elle
tenait dans la main droite un serpent par la tête, et dans la main
gauche un sceptre garni de pierreries. Devant ces trois statues était
placée une table d'or plaqué, de quarante pieds de long, sur quinze de
large, et pesant cinq cents talents. Sur cette table étaient posées deux
urnes du poids de trente talents ; il y avait aussi deux vases à briller des
parfums, dont chacun pesait trois cents talents ; et trois cratères d'or,
dont l'un, consacré à Jupiter, pesait douze cents talents babyloniens, et
les autres, chacun six cents. Tous ces trésors furent plus tard pillés par
les rois des Perses (40). Quant aux résidences royales et autres édifices,
ils disparurent par l'injure du temps, ou ils tombèrent en ruines.
Aujourd'hui, une petite partie seulement de Babylone est habitée ; le
reste de l'espace compris dans ses murs est converti en champs
cultivés.
X. Il y avait dans la citadelle le jardin suspendu, ouvrage, non pas de
Sémiramis, mais d'un roi syrien postérieur à celle- 125 ci (41): il l'avait
fait construire pour plaire à une concubine. On raconte que cette
femme, originaire de la Perse, regrettant les prés de ses montagnes,
avait engagé le roi à lui rappeler par des plantations artificielles la
Perse, son pays natal. Ce jardin, de forme carrée, avait chaque côté de
quatre plèthres (42); on y montait, par des degrés, sur des terrasses
posées les unes sur les autres, en sorte que le tout présentait l'aspect
d'un amphithéâtre. Ces terrasses ou plates-formes, sur lesquelles on
montait, étaient soutenues par des colonnes qui, s'élevant
graduellement de distance à distance, supportaient tout le poids des
plantations ; la colonne la plus élevée, de cinquante coudées de haut
(43), supportait le sommet du jardin, et était de niveau avec les
balustrades de l'enceinte. Les murs, solidement construits à grands
frais, avaient vingt-deux pieds d'épaisseur, et chaque issue dix pieds de
largeur. Les plates-formes des terrasses étaient composées de blocs de
pierres dont la longueur, y compris la saillie, était de seize pieds sur
quatre de largeur. Ces blocs étaient recouverts d'une couche de
roseaux mêlés de beaucoup d'asphalte ; sur cette couche reposait une
double rangée de briques cuites, cimentées avec du plâtre ; celles-ci
étaient, à leur tour, recouvertes de lames de plomb, afin d'empêcher
l'eau de filtrer à travers les atterrissements artificiels, et de pénétrer
dans les fondations. Sur cette couverture se trouvait répandue une
masse de terre suffisante pour recevoir les racines des plus grands
arbres. Ce sol artificiel était rempli d'arbres de toute espèce, capables
de charmer la vue par leur dimension et leur beauté. Les colonnes
s'élevaient graduellement, laissaient par leurs interstices pénétrer la
lumière, et donnaient accès aux appartements royaux, nombreux et
diversement ornés. Une seule de ces colonnes était creuse depuis le
sommet jusqu'à sa base ; elle 126 contenait des machines hydrauliques
qui faisaient monter du fleuve une grande quantité d'eau, sans que
personne pût rien voir à l'extérieur. Tel était ce jardin qui, comme nous
l'avons dit, fut construit plus tard.
XI. Sémiramis fonda, sur les rives de l'Euphrate et du Tigre,
beaucoup d'autres villes, dans lesquelles elle établissait des entrepôts
pour les marchandises venant de la Médie, de la Parétacène et des pays
voisins. Après le Nil et le Gange, les fleuves les plus célèbres de l'Asie
sont l'Euphrate et le Tigre ; ils ont leurs sources dans les montagnes de
l'Arménie, et sont à la distance de deux mille cinq cents stades l'un de
l'autre (44). Après avoir arrosé la Médie et la Parétacène (45), ils
entrent dans la Mésopotamie, contrée qu'ils embrassent et qui doit son
none à cette circonstance. Traversant ensuite la Babylonie, ils se jettent
dans la mer Erythrée (46). Comme ces fleuves sont considérables, et
qu'ils parcourent une vaste étendue de pays, ils offrent de grandes
facilités pour les relations commerciales ; aussi voit-on sur leurs rives de
riches entrepôts qui ne contribuent pas peu à la splendeur de Babylone.
Sémiramis fit extraire des montagnes de l'Arménie et tailler un bloc de
pierre de cent trente pieds de longueur sur vingt-cinq d'épaisseur ;
l'ayant fait traîner par un grand nombre d'attelages de mulets et de
boeufs, sur les rives de l'Euphrate, elle l'embarqua sur un radeau, et le
conduisit, en descendant le fleuve, jusqu'à Babylone, où elle le dressa
dans la rue la plus fréquentée. Ce monument, admiré de tous les
voyageurs, et que quelques-uns nomment obélisque, en raison de sa
forme (47), est compté au nombre des sept merveilles du monde.
XII. Parmi les curiosités de la Babylonie, ou remarque surtout la
quantité d'asphalte qui s'y produit. Cette quantité est telle, qu'elle suffit
non seulement pour des constructions aussi 127 immenses que
nombreuses, mais encore le peuple recueille cette matière en
abondance et la brûle en guise de bois, après l'avoir desséchée (48). Un
nombre infini d'habitants la puise dans une grande source qui reste
intarissable. Dans le voisinage de cette source se trouve une fontaine
jaillissante qui, quoique petite, présente un phénomène extraordinaire :
elle jette une épaisse vapeur sulfureuse qui tue sur-le-champ tout
animal qui s'en approche, car la violence des vapeurs arrête la
respiration et produit l'asphyxie : aussitôt le corps enfle et devient
enflammé, surtout autour des poumons (49). On montre au delà du
fleuve un lac, environné d'un terrain parfaitement solide ; si un homme,
ignorant la localité y descend, il y nage d'abord quelque temps, et
s'avançant vers le milieu, se sent entraîné en bas comme par une force
inconnue ; et s'il cherche à se sauver en revenant sur ses pas, il lui
semble que quelqu'un l'entraîne ; d'abord les pieds, puis les jambes et
les cuisses sont paralysés jusqu'aux hanches ; enfin, tout le corps,
atteint de torpeur, plonge au fond, expire et revient un moment après à
la surface. Voilà ce que nous avions à dire des curiosités de la
Babylonie.
XIII. Sémiramis, après avoir achevé ces ouvrages, entreprit, à la tête
d'une armée considérable, une expédition contre les Mèdes. Arrivée en
face du mont Bagistan, elle y établit son camp et construisit un parc de
douze stades (50) de circonférence ; il était situé dans une plaine, et
renfermait une source considérable qui fournissait de l'eau pour les
plantations. Le mont Bagistan, qui est consacré à Jupiter, forme une des
faces de ce parc par des rochers escarpés taillés à pic, de dix-sept
stades (51) 128 de hauteur. Sémiramis fit tailler le pied de ces rochers et
y sculpta son image entourée de cent gardes. Elle grava sur ces rochers
une inscription en caractères syriens (52), signifiant que Sémiramis,
ayant réuni tous les bagages et tous les trains de son armée en un
monceau, s'en était servie comme d'une échelle pour monter depuis la
plaine jusqu'au sommet de la montagne. En partant de là elle arriva
devant Chavon, ville de la Médie, et aperçut dans une vaste plaine une
pierre d'une hauteur et d'une grosseur prodigieuses. Elle bâtit dans ce
lieu un immense parc au milieu duquel cette pierre fut placée. Elle y
construisit de riches palais de plaisance, d'où elle pouvait voir les
plantations de son jardin et son armée campée dans la plaine.
Sémiramis séjourna longtemps dans cet endroit, en se livrant à toutes
sortes de réjouissances. Elle ne voulut jamais se marier légitimement,
afin de ne pas être privée de la souveraineté ; mais elle choisissait les
plus beaux hommes de son armée, et après leur avoir accordé ses
faveurs, elle les faisait disparaître. Elle se mit ensuite en marche pour
Ecbatane et arriva au pied du mont Zarkée. Cette montagne, occupant
une étendue de plusieurs stades, est remplie de gouffres et de
précipices, et nécessite un long détour. Jalouse de laisser un monument
immortel de son passage, et pressée d'abréger sa route, Sémiramis fit
sauter les rochers, combler les précipices, et établit une route très belle,
qui porte encore aujourd'hui le nom de cette reine. Arrivée à Ecbatane,
ville située dans une plaine, elle y fonda une résidence royale (53) et
s'occupa avec un soin particulier de l'administration du pays. Comme la
ville manquait d'eau et qu'il n'y avait aucune fontaine dans le voisinage,
elle amena, avec beaucoup de travail et à grands frais, de l'eau pure et
abondante dans tous les quartiers. A douze stades (54) environ
d'Ecbatane est une montagne appelée Oronte, taillée à pic et d'une
hauteur remarquable ; 129 car elle a, mesurée en ligne droite de la base
au sommet, vingt-cinq stades ; sur le revers opposé se trouvait un
grand lac qui communiquait avec une rivière. Elle perça la racine de
cette montagne, y creusa un canal de quinze pieds de largeur sur
quarante de profondeur ; ce canal servait à conduire dans la ville les
eaux du lac et de la rivière. Tels sont les travaux que Sémiramis fit
exécuter dans la Médie.
XIV. De là elle se dirigea vers la Perse et parcourut toutes les
contrées qu'elle possédait en Asie. Perçant partout les montagnes et
brisant les rochers, elle pratiquait de belles routes. Dans les plaines, elle
érigeait des collines qui servaient, soit de tombeaux à ses généraux
morts pendant l'expédition, soit de fondements à de nouvelles villes.
Dans ses campements, elle avait l'habitude d'élever des tertres
considérables sur lesquels elle plaçait sa tente, et d'où elle pouvait
apercevoir toute son armée rangée à l'entour. On voit encore
aujourd'hui en Asie des tertres de ce genre ; on leur donne le nom
d'ouvrages de Sémiramis.
Elle passa ensuite en Egypte, soumit presque toute la Libye et se
rendit au temple d'Ammon pour interroger l'oracle sur le temps de sa
mort. Elle reçut, dit-on, pour réponse, qu'elle disparaîtrait du séjour des
hommes, et que plusieurs peuples de l'Asie lui rendraient des honneurs
divins, du moment où son fils Ninyas conspirerait contre elle. De là,
Sémiramis marcha vers l'Ethiopie, dont elle réduisit la plus grande
partie. Elle s'arrêta dans ce pays pour en examiner les curiosités. On y
voit, à ce que l'on raconte, un lac quadrangulaire, de près de cent
soixante pieds de tour ; son eau est de la couleur du cinabre, et d'une
odeur extrêmement agréable, analogue à celle du vin vieux ; elle a une
propriété singulière : celui qui en boit est atteint d'une manie étrange
(55): il s'accuse publiquement de tous les délits qu'il avait auparavant
intérêt à cacher. Il est cependant difficile d'ajouter foi à un pareil récit.
130 XV. Les funérailles se pratiquent d'une façon particulière chez les
Ethiopiens. Après avoir embaumé les corps, ils font couler à l'entour une
grande quantité de verre, et les placent sur un cippe ; de cette manière
les passants peuvent apercevoir le corps du défunt à travers le verre,
comme l'a dit Hérodote (56) ; mais Ctésias de Cnide démontre que cet
historien se trompe ; il soutient que le corps est en effet d'abord
embaumé, mais qu'on ne fait pas fondre du verre autour du corps nu ;
car celui-ci serait brûlé, entièrement défiguré, et ne conserverait plus
aucune trace de ressemblance. On fabrique donc, ajouta-t-il, une image
d'or creuse, dans laquelle on met le cadavre ; c'est cette statue qu'on
enveloppe d'une couche de verre fondu ; on place ensuite le tout dans
un tombeau, et on voit à travers le verre l'image en or du défunt.
Ctésias ajoute encore que ce mode de sépulture n'est employé que par
les riches ; ceux qui sont moins fortunés reçoivent une image d'argent,
et les pauvres l'ont en terre de poterie. Au reste, il y a du verre pour
tout le monde ; car il existe abondamment en Ethiopie, et les indigènes
le ramassent presque à la surface du sol. Nous traiterons des coutumes,
des institutions, et d'autres choses remarquables de l'Ethiopie, lorsque
nous parlerons de la mythologie et de l'histoire de ce pays.
XVI. Après avoir réglé le gouvernement de l'Ethiopie et de l'Egypte,
Sémiramis retourna, avec son armée, à Bactres en Asie. Possédant
d'immenses troupes, elle était impatiente, après une longue paix, de se
signaler par de nouveaux exploits. Informée que les Indiens sont une
des plus grandes nations de la terre, et qu'ils habitent les régions les
plus vastes et les plus belles, elle résolut d'y diriger une expédition.
Stabrobatès était alors roi de l'Inde ; il avait à sa disposition une armée
innombrable et un grand 131 nombre d'éléphants, magnifiquement
équipés et armés de tout l'attirail de la guerre. L'Inde est un pays
admirable de beauté ; il est arrosé par de nombreux fleuves et le sol
produit annuellement une double récolte. Aussi y trouve-t-on beaucoup
de vivres et les habitants jouissent de la plus grande abondance. On
assure qu'il n'y a jamais eu de famine ni de disette dans ce pays si
fertile. Il y existe une quantité incroyable d'éléphants, qui surpassent de
beaucoup ceux de la Libye en courage et en force. On y trouve
également de l'or, de l'argent, du fer, du cuivre, et, en outre, un grand
nombre de pierres précieuses de différentes sortes, ainsi que beaucoup
d'autres objets appartenant au luxe et à la richesse. Ces
renseignements décidèrent Sémiramis à déclarer, sans provocation, la
guerre aux Indiens (57). Sentant la nécessité de déployer de grandes
forces, elle dépêcha des messagers dans tous les camps, avec l'ordre,
adressé à tous les commandants, de faire enrôler l'élite de la jeunesse
en raison du nombre de la population. Au bout d'un terme de trois ans,
toutes ces troupes, munies d'armures nouvelles et magnifiquement
équipées, devaient se rassembler à Bactres. Elle fit aussi venir de la
Phénicie, de la Syrie, de Cypre, et de la contrée littorale, des
constructeurs de navires, auxquels elle fournissait d'immenses
matériaux, avec l'ordre de construire des bateaux propres à naviguer
sur des fleuves et qui pussent se démonter (58) .
Il fallait un grand nombre de ces bateaux, tant pour traverser
l'Indus, le fleuve le plus considérable de ces régions, et servant de
limite à l'empire de Sémiramis, que pour se défendre contre les Indiens
qui auraient voulu s'opposer à ce passage. Et comme il n'y avait pas de
matériaux aux environs du fleuve, il était nécessaire de faire venir ces
barques de la Bactriane, en les transportant par terre. Se voyant
dépourvue d'éléphants, 132 Sémiramis eut l'idée de faire imiter la figure
de ces animaux, dans l'espérance d'épouvanter les Indiens, qui
s'imaginaient qu'il n'y avait d'éléphants que dans leur pays. Elle choisit
donc trois cent mille boeufs noirs, dont la chair fut distribuée aux
ouvriers chargés d'exécuter le plan de la reine ; elle fit coudre ensemble
plusieurs peaux, et remplir l'intérieur de foin, de manière à représenter
parfaitement l'image d'un éléphant. Chaque mannequin contenait un
homme pour le diriger, et était porté par un chameau ; vu de loin, il
présentait l'aspect d'un véritable éléphant. Les ouvriers, auxquels était
commis le soin de ces travaux, étaient renfermés dans une enceinte
murée ; les portes étaient étroitement gardées, afin qu'aucun d'eux
n'en pût sortir, et que personne du dehors ne pût y entrer. La reine
avait pris cette précaution pour que son plan ne fût pas divulgué et que
la nouvelle n'en parvint pas jusqu'aux Indiens.
XVII. Après avoir employé deux ans à la construction des barques et
de ces figures d'éléphants, elle assembla, dans le cours de la troisième
année, toutes ses troupes dans la Bactriane. La force de son armée se
composait, suivant Ctésias de Cnide, de trois millions de fantassins, de
cinq cent mille cavaliers et de cent mille chars de guerre. Il y avait, de
plus, cent mimé hommes montés sur des chameaux et armés d'épées
de quatre coudées de long (59). Les barques qu'elle avait fait construire
et qui pouvaient se démonter, étaient au nombre de deux mille, et
transportées jusqu'au fleuve sur des chameaux. Les figures d'éléphants
étaient également portées sur des chameaux ; les cavaliers marchaient
à côté, afin d'accoutumer leurs chevaux à la vue des éléphants, qui
auraient pu les effrayer (60). Beaucoup d'années après, Persée, roi des
Macédoniens, usa d'un stratagème semblable, pendant la guerre contre
les Romains qui avaient dans leur armée des éléphants de Libye. Mais il
ne fut pas plus heureux que Sémiramis, comme nous le dirons plus loin
en détail.
133 Stabrobatès, roi des Indiens, instruit des immenses préparatifs
de Sémiramis, songea de son côté à les surpasser. Il commença d'abord
par construire quatre mille barques de roseaux. L'Inde produit, aux
environs des fleuves et des endroits marécageux, une grande quantité
de roseaux d'une telle épaisseur qu'un homme peut à peine en
embrasser une tige ; et les navires bâtis avec ces roseaux passent pour
être d'un excellent usage, ces matériaux ne pourrissant pas. Il fit
ensuite fabriquer des armes avec beaucoup de soin ; et, parcourant
toute l'Inde, il assembla une armée de beaucoup supérieure à celle de
Sémiramis. Il ordonna des chasses d'éléphants sauvages, afin
d'augmenter le nombre de ceux qu'il possédait déjà ; et il les équipa
tous magnifiquement d'un terrible attirail guerrier. C'était un spectacle
inouï de voir ces animaux se mettre en marche, ornés de tout leur
appareil de guerre.
XVIII. Après ces préparatifs, il envoya des messagers à Sémiramis
qui s'était déjà mise en marche, pour lui rappeler qu'elle commençait
une guerre injuste, et sans y avoir été provoquée. Il lui reprochait aussi,
dans une lettre, les débauches de sa vie privée, et il la menaça, en
prenant les dieux pour témoins, de la mettre en croix dans le cas où il
serait vainqueur. Sémiramis se mit à rire à la lecture de cette lettre, en
disant qu'elle ferait bientôt savoir à l'Indien si elle a de la vertu. Arrivée
avec ses troupes sur les rives de l'Indus, elle y trouva la flotte ennemie
prête à combattre. Faisant aussitôt mettre les barques en état, et les
monter par les meilleurs soldats de marine, elle engagea un combat
naval auquel prenaient part les fantassins, occupant les rives du fleuve.
Le combat dura longtemps et fut vaillamment soutenu de part et
d'autre. Enfin, Sémiramis remporta la victoire ; elle détruisit plus de
mille navires et fit mn grand nombre de prisonniers. Enhardie par ce
succès, elle réduisit en esclavage les îles de ce fleuve et les villes qui y
étaient situées, et réunit plus de cent mille captifs. Le roi des Indiens
éloigna ses troupes du fleuve, simulant une fuite, dans le dessein
d'engager l'ennemi à passer l'Indus. Voyant que tout allait à son 134 gré,
Sémiramis fit jeter sur le fleuve un pont immense et beau, sur lequel
elle fit passer toute son armée. Elle laissa soixante mille hommes à la
garde de ce pont, et se mit à la poursuite des Indiens avec le reste de
ses troupes, en les faisant précéder des images d'éléphants, afin que
les espions annonçassent au roi le grand nombre de ces animaux se
trouvant dans l'armée ennemie. En effet, elle ne se trompa point : les
espions firent ce rapport et personne ne pouvait comprendre d'où
l'ennemi avait tiré un si grand nombre d'éléphants. Mais la supercherie
se découvrit bientôt. Quelques soldats de Sémiramis, accusés de faire
mauvaise garde pendant la nuit et pris en flagrant délit, désertèrent à
l'ennemi pour se soustraire au châtiment mérité et dénoncèrent le
stratagème. Là-dessus, le roi des Indiens reprit courage, fit connaître
cette nouvelle à toute son armée, et marcha, en ordre de bataille,
contre les Assyriens.
XIX. Sémiramis était préparée à recevoir l'ennemi. Les deux armées
étant en présence, Stabrobatès détacha de son corps d'armée ses
cavaliers et ses chars. Sémiramis soutint courageusement le choc ; elle
avait placé les faux éléphants en tête de sa phalange et à des
intervalles égaux ; cette disposition frappa de terreur la cavalerie
indienne. Ces mannequins ressemblant de loin à de véritables
éléphants, les chevaux indiens, familiarisés avec ces animaux, s'en
approchèrent sans s'effrayer ; mais l'odeur inaccoutumée des
chameaux et d'autres différences qui les frappaient, les mirent dans un
désordre complet. Ainsi, les uns jetèrent par terre leurs cavaliers ; les
autres, n'obéissant plus à la bride, les emportèrent avec eux, au hasard,
dans les rangs ennemis. Sémiramis profita habilement de cet avantage ;
elle se précipita au combat avec l'élite de ses soldats et mit les Indiens
en déroute. Le roi Stabrobatès, sans s'épouvanter de cet échec, fit
avancer ses fantassins, précédés de ses éléphants ; lui-même, à la tête
de l'aile droite et monté sur l'éléphant le plus beau, inspira de la terreur
à la reine que le hasard avait amenée devant lui. Les autres éléphants
suivirent celui du roi : Sémiramis ne soutint pas longtemps le choc de
ces animaux qui, fiers de 135 leur force, renversaient tout ce qui leur
résistait. Ce fut un carnage universel : les éléphants foulaient sous leurs
pieds les ennemis, les éventraient avec leurs défenses, et les lançaient
en l'air avec leurs trompes. Les cadavres jonchaient le sol, tout le
monde était saisi d'épouvante, et personne n'osait garder les rangs.
Toute l'armée étant mise en fuite, le roi des Indiens s'attaqua à
Sémiramis ; il tira d'abord une flèche et l'atteignit au bras ; ensuite il
lança un javelot qui, ayant porté obliquement, la blessa au dos ; mais sa
blessure n'étant pas grave, elle se sauva promptement sur un cheval
qui laissa bientôt en arrière l'animal qui le poursuivait. Toute l'armée
fuyait vers le pont de l'Indus, et les soldats de la reine se pressaient
dans un si grand désordre au milieu d'un passage étroit, qu'ils
périssaient pêle-mêle, se foulant aux pieds les uns les autres, fantassins
et cavaliers. Connue les Indiens les serraient de près, la mêlée devint si
affreuse sur le pont, qu'un grand nombre d'hommes fut, des deux côtés,
précipité dans le fleuve. Voyant les débris de sou armée en sûreté au
delà du fleuve, Sémiramis fit couper les liens qui retenaient le pont.
Celui-ci s'écroula et entraîna dans sa chute un grand nombre d'Indiens,
trop ardents à la poursuite de l'ennemi, et qui furent tous noyés par la
rapidité du courant. La rupture de ce pont donna du répit aux Assyriens
et mit Sémiramis hors de danger. Le roi des Indiens, averti par des
signes parus au ciel, qui, selon l'interprétation des devins, lui
interdisaient le passage du fleuve, cessa la poursuite. Sémiramis
échangea ses prisonniers, et revint à Bactres, après avoir perdu les
deux tiers de son armée.
XX. Quelque temps après, son fils Ninyas conspira contre elle, par
l'entremise d'un eunuque. Sémiramis se rappela alors la réponse de
l'oracle d'Ammon, et, loin de punir le conspirateur, elle lui remit
l'empire, ordonnant à tous les gouverneurs d'obéir au nouveau
souverain, et disparut subitement, comme si elle avait été, suivant
l'oracle, reçue au nombre des dieux (60). Quelques mythologues
racontent, qu'elle fut changée en colombe et qu'elle s'envola avec
plusieurs de ces oiseaux qui étaient descen- 136 dus dans son palais
(61). C'est pourquoi les Assyriens, immortalisant Sémiramis, vénèrent la
colombe comme une divinité. Souveraine de toute l'Asie, à l'exception
de l'Inde, elle termina sa vie, de la façon indiquée, à l'âge de soixante-
deux ans et après un règne de quarante-deux. Voilà ce que Ctésias de
Cnide rapporte de Sémiramis. Athénée (62) et quelques autres
historiens prétendent, que Sémiramis était une belle courtisane dont les
charmes avaient captivé le roi des Assyriens ; qu'elle n'avait d'abord
qu'une influence médiocre dans le palais ; mais que, devenue ensuite
épouse légitime, elle avait prié le roi de lui céder l'empire pendant cinq
jours. S'étant alors revêtue du sceptre et du manteau royal, Sémiramis
employa le premier jour à donner des festins magnifiques, auxquels elle
invita les chefs de l'armée et les personnages les plus considérables de
l'Etat, afin de les mettre dans ses intérêts. Le second jour, au moment
on le peuple et les grands lui rendaient leurs hommages en qualité de
reine, elle fit jeter son mari en prison ; et comme elle était
naturellement faite pour les grandes entreprises et pleine d'audace, elle
s'empara de l'empire, et régnant jusqu'à sa vieillesse, elle accomplit
beaucoup de grandes choses. C'est ainsi que les récits des historiens
varient au sujet de Sémiramis.

XXI. Après la mort de Sémiramis, son fils Ninyas, qu'elle avait eu de


Ninus, hérita de l'autorité royale. Il régna en paix et ne fut nullement
jaloux d'imiter l'humeur entreprenante et guerrière de sa mère. Il
passait toute sa vie dans son palais, et ne se montrait qu'à ses femmes
et à ses eunuques. Il n'ambitionnait que les plaisirs, l'oisiveté et une vie
exempte de souffrances et de soucis ; il ne faisait consister le bonheur
de régner que dans la jouissance incessante des voluptés de la vie. Pour
la sécurité de son empire et dans le but de maintenir ses sujets dans
l'obéissance, il levait annuellement un certain nombre de soldats 137
dont les chefs étaient choisis dans chaque province : il rassemblait
toutes ses troupes en dehors de la ville, et donnait à chaque nation un
gouverneur très dévoué à sa personne ; à la fin de l'année, il congédiait
ses troupes et en faisait lever de nouvelles en nombre égal. Par ce
moyen, il maintenait tous ses sujets en respect, et, par la présence de
ses soldats campés en plein air, il montrait aux insubordonnés et aux
rebelles une vengeance toute prête ; le renouvellement annuel de ces
troupes avait pour résultat, que les chefs et les soldats étaient licenciés
avant d'avoir appris à se connaître mutuellement, car un long séjour
dans les camps donne aux chefs l'expérience de la guerre et les dispose
souvent à se révolter et à conspirer contre leur souverain. Le soin qu'il
avait de ne jamais se montrer en public avait pour but de cacher ses
débauches ; et personne n'osait maudire le roi, comme si c'eût été un
dieu invisible. Cependant il nommait dans chaque province les
commandants de l'armée, les satrapes, les administrateurs, les juges, et
pourvoyait à tous les besoins du gouvernement ; quant à lui, il passait
toute sa vie à Ninive. Tous ses successeurs, qui ont régné de père en fils
pendant trente générations jusqu'à Sardanapale, se sont conduits de la
même manière. Sous ce dernier roi, l'empire des Assyriens tomba au
pouvoir des Mèdes, après avoir subsisté plus de treize cent soixante ans
(63), comme l'indique Ctésias de Cnide, dans le second livre de son
ouvrage.
XXII. Il est inutile de dire les noms de tous ces rois, et la durée de
chaque règne, car ils n'ont rien fait qui soit digne de mémoire. Le seul
événement qui mérite d'être rapporté est le secours envoyé par les
Assyriens aux Troyens, sous le commandement de Memnon, fils de
Tithon. Teutam, vingtième successeur de Ninyas (64), fils de Sémiramis,
régnait en Asie à l'époque de l'expédition des Grecs sous Agamemnon
contre Troie ; l'empire des Assyriens en Asie existait alors depuis plus
de 138 mille ans. Priam, roi de Troie, et soumis au roi des Assyriens,
envoya à celui-ci des ambassadeurs pour lui demander des secours ;
Teutam lui donna dix mille Ethiopiens, autant de Susiens et deux cents
chars de guerre, qu'il fit partir sous la conduite de Memnon, fils de
Tithon. Tithon, commandant de Perse, jouissait alors de la plus grande
faveur auprès du roi ; et son fils Memnon, dans la fleur de l'âge, se
distinguait par sa valeur et ses qualités brillantes. Ce fut lui qui éleva,
dans la citadelle de Suse, un palais qui a subsisté, jusqu'à la domination
des Perses, sous le nom de Memnonium ; il construisit aussi une grande
route qui, encore aujourd'hui, porte le nom de chaussée de Memnon.
Cependant les Ethiopiens, voisins de l'Egypte, doutent de ce fait et
prétendent que Memnon est né dans leur pays : ils montrent d'anciens
palais qui, encore maintenant, s'appellent palais memnoniens. Quoi qu'il
en soit, Memnon vint, dit-on, au secours des Troyens avec vingt mille
fantassins et deux mille chars, se rendit célèbre par sa bravoure, tua
dans les combats un grand nombre de Grecs, et périt enfin dans une
embuscade que les Thessaliens lui avaient dressée ; les Ethiopiens
s'étant emparés de son corps, le brûlèrent et rapportèrent ses
ossements à Tithon. Telle est l'histoire de Memnon qui, comme
l'assurent les Barbares, se trouve consignée dans les annales royales.
XXIII. Sardanapale, le dernier roi des Assyriens et le trentième (65)
depuis Ninus, qui avait fondé la monarchie, surpassa tous ses
prédécesseurs en luxure et en fainéantise. Non seulement il se dérobait
aux yeux du public, mais il menait tout à fait la vie d'une femme ;
passant son temps au milieu de ses concubines, il travaillait la pourpre
et la laine la plus fine, portait une robe de femme, se fardait le visage
avec de la céruse (66) et s'enduisait tout le corps avec des préparations
dont se servent les courtisanes, enfin il se montrait plus mou que la
femme la plus voluptueuse. De plus, il s'efforçait de donner à sa voix un
timbre féminin et 139 s'abandonnait sans réserve, non seulement au
plaisir que peuvent procurer les boissons et les aliments, mais encore
aux jouissances de l'amour des deux sexes, abusant sans pudeur de
l'un et de l'autre. Enfin, il était arrivé à un tel degré de honteuses
débauches et d'impudence, qu'il composa lui-même son épitaphe, qu'il
fit mettre sur son tombeau par ses successeurs. Cette épitaphe, écrite
en langue barbare, fut plus tard ainsi traduite par un Grec (67) :
«Passant, sûr que tu es né mortel, ouvre ton âme au plaisir, il n'y a
plus de jouissances pour celui qui est mort. Je ne suis que de la cendre,
moi, jadis roi de la grande Ninive ; mais je possède tout ce que j'ai
mangé, tout ce qui m'a diverti ainsi que les plaisirs que l'amour m'a
procurés. Ma puissance et mes richesses seules ne sont plus».
Tel était Sardanapale. Non seulement il termina honteusement sa
vie, mais encore il perdit l'empire des Assyriens, qui est de tous les
empires celui qui a duré le plus longtemps.
XXIV. Arbace, Mède d'origine, homme remarquable par sa valeur et
son caractère, commandait le corps des Mèdes qui étaient tous les ans
envoyés à Ninive. Il s'était, dans le camp, lié d'amitié avec le
commandant des Babyloniens, lequel lui fit part du projet de renverser
la dynastie des Assyriens. Ce commandant se nommait Bélésys ; il était
le plus considéré parmi les prêtres que les Babyloniens appellent
Chaldéens. Versé dans l'astrologie et la divination, il avait bien des fois
prédit l'avenir. Ainsi devenu un objet d'admiration, il se mit à prédire au
commandant des Mèdes, que lui, son ami, régnerait un jour sur tous les
pays dont Sardanapale était roi. Arbace accueillit cette prédiction avec
joie, et promit au devin le gouvernement de la Babylonie, dans le cas où
l'entreprise réussirait ; aussitôt, comme encouragé par la voix d'un dieu,
il rechercha l'amitié des autres chefs, les invita à des réunions et à des
festins, en essayant de les attirer dans son parti. Il fut aussi curieux de
voir le roi dans l'intérieur de son palais et d'examiner tout son 140 genre
de vie. Il fut introduit dans le palais par un eunuque auquel il avait
donné une coupe d'or ; et témoin de la mollesse et des moeurs
efféminées de Sardanapale, il méprisa ce roi indigne et s'affermit plus
que jamais dans les espérances que lui avait données le Chaldéen.
Enfin, le plan de la conspiration fut arrêté : Arbace devait soulever les
Mèdes et les Perses, tandis que Bélésys ferait entrer les Babyloniens
dans cette conspiration, à laquelle il tâcherait aussi d'entraîner son ami,
le roi des Arabes. Cependant le terme du service annuel des troupes
était expiré ; d'autres troupes arrivaient pour relever celles qui
rentraient dans leurs foyers. De retour dans sa patrie, Arbace engagea
les Mèdes à secouer le joug du roi des Assyriens, et il appela les Perses
à la liberté. Bélésys, de son côté, en fit autant pour les Babyloniens ; et
il envoya des députés en Arabie, pour solliciter le roi de ce pays, son
ami et hôte, à seconder son entreprise. Au bout d'une année, tous les
chefs de la conspiration ayant rassemblé leurs soldats, arrivèrent en
masse devant Ninive, sous le prétexte de relever, selon la coutume, les
troupes anciennes, mais en réalité pour renverser le trône des
Assyriens. Les quatre nations désignées (68) se concentrèrent sur un
seul point, au nombre de quatre cent mille combattants ; ils
délibérèrent ainsi en commun sur leur entreprise.
XXV. Averti de cette trahison, Sardanapale marcha aussitôt contre
les révoltés, à la tête de l'armée qui lui restait (69). Un premier combat
fut livré dans la plaine ; les rebelles furent battus, perdirent beaucoup
de monde et se réfugièrent sur une montagne, éloignée de soixante-dix
stades de Ninive (70). Ils en descendirent bientôt, et se préparèrent à
un second combat. Sardanapale rangea son armée en bataille et envoya
des hérauts dans le camp ennemi, pour annoncer qu'il donnerait deux
cents talents d'or (71) à ceux qui tueraient Arbace, le Mède, et le double
141 avec le gouvernement de la Médie à ceux qui le lui amèneraient
vivant. Il promit des récompenses semblables à ceux qui tueraient
Bélésys, le Babylonien, ou qui le prendraient vivant. Personne ne se
rendant à cette invitation, Sardanapale engagea le combat et tua un
grand nombre de rebelles ; le reste se retira dans les montagnes.
Découragés par ces défaites, Arbace et les siens se consultèrent sur le
parti qu'ils devaient prendre. La plupart étaient d'avis de retourner chez
eux, de s'emparer des places fortes, et d'y faire tous les préparatifs
nécessaires pour soutenir la guerre. Mais Bélésys, le Babylonien assura
que les dieux lui avaient déclaré par des signes manifestes, qu'à la suite
de longs efforts et de beaucoup de fatigues, on arriverait à la lin de
l'entreprise, et il les exhorta tous à braver le péril. Il se fit donc un
troisième combat, dans lequel le roi fut de nouveau vainqueur ; il se
rendit maître du camp des rebelles et les poursuivit jusqu'aux frontières
(72) de la Babylonie. Arbace, après avoir fait des prodiges de valeur et
tué un grand nombre d'Assyriens, fut lui-même blessé. Découragés par
tant de revers, les chefs des conjurés désespérèrent de la victoire et
songèrent à se retirer chacun dans ses foyers. Mais Bélésys, qui avait
passé toute la nuit à observer les astres, leur déclara que, s'ils voulaient
tenir encore cinq jours, il leur arriverait du secours inopiné et que la
fortune changerait en leur faveur. Il assurait que ce changement de
fortune était annoncé par les astres, et qu'il ne leur demandait que ce
délai pour leur donner une preuve de sa science et de la faveur des
dieux.
XXVI. Au moment où ces promesses rappelèrent les soldats sous les
armes, et que tous consentirent à tenir la campagne pendant le terme
fixé par le devin, il arriva la nouvelle qu'un puissant renfort, envoyé de
la Bactriane pour seconder le roi, approchait en diligence. Arbace et les
autres conjurés jugèrent à propos d'aller à sa rencontre avec l'élite des
troupes légères, afin que, s'ils ne parvenaient pas à persuader les
Bactriens d'embrasser leur parti, on eût recours aux armes pour les y
contraindre. 142 Cet appel à la liberté fut joyeusement accueilli par les
chefs des Bactriens, et leur exemple fut suivi par les troupes qu'ils
commandaient. Cependant, le roi des Assyriens, ignorant la défection
des Bactriens, et enflé de ses succès, était retombé dans sa mollesse ; il
distribuait aux soldats, pour leurs festins, les animaux immolés, une
grande quantité de vin et beaucoup d'autres provisions. Averti par
quelques transfuges que le camp ennemi s'abandonnait à l'oisiveté et à
l'ivresse, Arbace vint l'attaquer à l'improviste pendant la nuit. Ses
colonnes s'avançant en bon ordre, tombèrent sur les troupes relâchées,
s'emparèrent du camp, tuèrent un grand nombre de soldats et
poursuivirent le reste jusqu'à la ville. Après cette défaite, le roi remit le
commandement de son armée à Salémène, frère de sa femme, et lui-
même s'enferma dans Ninive pour la défendre. Les rebelles livrèrent,
sous les murs de la ville, deux combats dont ils sortirent vainqueurs,
tuèrent Salémène et massacrèrent une partie des fuyards ; les autres,
coupés dans leur retraite sur la ville, furent forcés de se jeter dans
l'Euphrate où ils périrent presque tous. Le nombre des morts fut si
grand que le fleuve conserva dans un long trajet la couleur du sang
dont il était teint. Le roi, assiégé dans l'enceinte de la ville, fut
abandonné de presque toutes les provinces, impatientes de recouvrer
leur liberté. Réduit à la dernière extrémité, Sardanapale envoya ses
trois fils et deux filles, ainsi que beaucoup de ses trésors, dans la
Paphlagonie, auprès de Cotta, le plus dévoué de ses gouverneurs. En
même temps, il dépêcha dans toutes les provinces des courriers,
chargés d'un ordre écrit, pour y faire lever des troupes, et préparer tout
ce qui était nécessaire pour soutenir un siège. Un ancien oracle avait dit
que Ninive ne serait jamais prise d'assaut, à moins que le fleuve lui-
même ne se déclarât ennemi de la ville. Or, ne s'imaginant pas que
pareille chose pût jamais avoir lieu, et plein d'espérance, il se disposa à
soutenir le siége en attendant les secours qu'il avait ordonnés.
XXVII. Exaltés par leurs succès, les rebelles pressèrent l'attaque,
mais ils ne purent faire aucun mal aux assiégés, défendus 143 par leurs
fortifications ; car les catapultes, les tortues et les béliers, machines
destinées à battre les murs en brèche, n'étaient point encore inventés
(73), et le roi avait eu soin de fournir la ville de vivres et de provisions
en abondance. Le siège traînait ainsi en longueur : pendant deux ans on
se contentait d'attaquer les murs et de couper les convois. La troisième
année, il tomba des pluies si abondantes que les eaux de l'Euphrate
inondèrent une partie de la ville et renversèrent le mur dans une
étendue de vingt stades (74) ; ce fut alors que le roi, persuadé de
l'accomplissement de l'oracle, désespéra de son salut ; et pour ne pas
tomber vivant au pouvoir de l'ennemi, il fit dresser, dans son palais, un
immense bûcher sur lequel il plaça son or, son argent et tous ses
vêtements royaux ; s'enfermant avec ses femmes et ses eunuques dans
une chambre construite dans le milieu du bûcher, il se fit ainsi réduire
en cendres avec ses gens et son palais. Instruits de la mort de
Sardanapale, les rebelles entrèrent par la brèche dans la ville, et s'en
emparèrent ; ils revêtirent Arbace du manteau royal, le proclamèrent roi
et lui déférèrent l'autorité souveraine.
XXVIII. Le nouveau roi distribua à ses compagnons des récompenses
et nomma les gouverneurs des provinces. Bélésys, le Babylonien, celui
qui avait prédit l'avènement d'Arbace, se présenta alors à lui pour lui
rappeler ses services et réclamer le gouvernement de la Babylonie, qui
lui avait été promis. Il lui déclara aussi que dans le temps où le sort était
encore incertain, il avait fait voeu à Bélus que, si on réussissait à se
rendre maître de Sardanapale et à brûler ses palais, il en transporterait
les cendres à Babylone, et qu'il élèverait, auprès du temple de ce dieu,
un monument destiné à rappeler aux navigateurs de l'Euphrate le
souvenir immortel de la destruction de l'empire des Assyriens. Il faisait
cette demande, parce qu'il avait appris d'un eunuque, qui s'était réfugié
chez lui, que de l'or et de 144 l'argent avaient été mis dans le bûcher.
Arbace ne sachant rien de tout cela, parce que le roi s'était fait brûler
dans son palais avec tous les siens, remit les cendres à Bélésys et lui
accorda toute la Babylonie exempte de tribut. Bélésys fit aussitôt
appareiller des barques et les envoya à Babylone, chargées de la plus
grande partie de ces cendres avec l'or et l'argent y contenus.
Cependant, la chose s'étant ébruitée, le roi nomma pour juges de cette
affaire les chefs qui avaient été ses compagnons d'armes. L'accusé
avoua son crime devant le tribunal, qui le condamna à mort. Mais le roi,
plein de magnanimité, et voulant signaler le commencement de son
règne par un acte de générosité, fit grâce à Bélésys et lui laissa l'argent
et l'or dérobés. Il ne lui ôta pas non plus le gouvernement de la
Babylonie, jugeant les services rendus plus grands que les torts qu'il
avait reçus. Le bruit de cette modération se répandit partout ; il en
recueillit une estime universelle : tout le monde jugeait digne de la
royauté celui qui savait ainsi pardonner. Arbace se conduisit avec
douceur à l'égard des habitants de Ninive ; il leur remit tous leurs biens,
et, après leur avoir assigné pour demeure les villages d'alentour, il fit
raser la ville (74). Il fit ensuite transporter à Ecbatane en Médie, l'or et
l'argent sauvés du bûcher et dont la somme s'élevait à plusieurs talents.
L'empire des Assyriens, qui fut ainsi détruit par les Mèdes, avait, depuis
Ninus, subsisté pendant trente générations, comprenant un intervalle
de plus de treize cents ans.
XXIX. Il ne sera pas hors de propos de donner ici quelques détails
sur les Chaldéens de Babylone et sur leur antiquité, afin de ne rien
omettre de ce qui est digne de mémoire. Les Chaldéens sont les plus
anciens des Babyloniens ; ils forment, dans l'Etat, une classe semblable
à celle des prêtres en Egypte. Institués pour exercer le culte des dieux,
ils passent toute leur vie à méditer les questions philosophiques, et se
sont acquis une grande répu- 145 talion dans l'astrologie. Ils se livrent
surtout à la science divinatoire et font des prédictions sur l'avenir ; ils
essaient de détourner le mal et de procurer le bien, soit par des
purifications, soit par des sacrifices ou par des enchantements. Ils sont
versés dans l'art de prédire l'avenir par le vol des oiseaux ; ils
expliquent les songes et les prodiges. Expérimentés dans l'inspection
des entrailles des victimes, ils passent pour saisir exactement la vérité.
Mais toutes ces connaissances ne sont pas enseignées de la même
manière que chez les Grecs. La philosophie des Chaldéens est une
tradition de famille ; le fils qui en hérite de son père est exempté de
toute charge publique. Ayant pour précepteurs leurs parents, ils ont le
double avantage d'apprendre toutes ces connaissances sans réserve et
d'ajouter plus de foi aux paroles de leurs maîtres. Habitués à l'étude dès
leur enfance, ils font de grands progrès dans l'astrologie, soit à cause de
la facilité avec laquelle on apprend dans cet âge, soit parce que leur
instruction dure plus longtemps. Chez les Grecs, au contraire, on entre
dans cette carrière sans connaissances préliminaires, on aborde très
tard l'étude de la philosophie, et, après y avoir travaillé pendant
quelque temps, on l'abandonne pour chercher dans une autre
occupation les moyens de subsistance ; quant au petit nombre de ceux
qui s'absorbent dans l'étude de la philosophie et qui, pour gagner leur
vie, persévèrent dans l'enseignement, ils essaient toujours de faire de
nouveaux systèmes et ne suivent point les doctrines de leurs
prédécesseurs. Les Chaldéens demeurant toujours au même point de la
science, reçoivent leurs traditions sans altération ; tandis que les Grecs,
ne songeant qu'au gain, créent de nouvelles sectes et se contredisent
entre eux sur les doctrines les plus importantes, et jettent le trouble
dans l'âme de leurs disciples qui, ballottés dans une incertitude
continuelle, finissent par ne plus croire à rien (75). En effet, celui qui
veut examiner de près les sectes 146 les plus célèbres de nos
philosophes, pourra se convaincre qu'elles ne s'accordent nullement
entre elles, et qu'elles professent des opinions contradictoires sur les
points les plus essentiels de la science.
XXX. Les Chaldéens enseignent que le monde est éternel de sa
nature, qu'il n'a jamais eu de commencement et qu'il n'aura pas de fin.
Selon leur philosophie, l'ordre et l'arrangement de la matière sont dus à
une providence divine ; rien de ce qui s'observe au ciel n'est l'effet du
hasard ; tout s'accomplit par la volonté immuable et souveraine des
dieux. Ayant observé les astres depuis les temps les plus reculés, ils eu
connaissent exactement le cours et l'influence sur les hommes, et
prédisent à tout le monde l'avenir. La doctrine qui est, selon eux, la plus
importante, concerne le mouvement des cinq astres que nous appelons
planètes (76), et que les Chaldéens nomment interprètes. Parmi ces
astres, ils regardent comme le plus considérable et le plus influent, celui
auquel les Grecs ont donné le nom de Kronos (77), et qui est connu
chez les Chaldéens sous le nom de Hélus. Les autres planètes sont
appelées, comme chez nos astrologues, Mars, Vénus, Mercure et Jupiter.
Les Chaldéens les appellent interprètes, parce que les planètes, douées
d'un mouvement particulier déterminé que n'ont pas les autres astres
qui sont fixes et assujettis à une marche régulière, annoncent les
événements futurs et interprètent aux hommes les desseins
bienveillants des dieux. Car les observateurs habiles savent, disent-ils,
tirer des présages du lever, du coucher et de la couleur de ces astres ;
ils annoncent aussi les ouragans, les pluies et les chaleurs excessives.
L'apparition des comètes, les éclipses de soleil et de lune, les
tremblements de terre, enfin les changements qui surviennent dans
l'atmosphère, sont autant de signes de bonheur ou de malheur pour les
pays et les nations aussi bien que pour les rois et les particuliers.
147 Au-dessous du cours des cinq planètes sont, continuent les
Chaldéens, placés trente astres, appellés les dieux conseillers ; une
moitié regarde les lieux de la surface de la terre ; l'autre moitié, les
lieux qui sont au-dessous de la terre ; ces conseillers inspectent à la fois
tout ce qui se passe parmi les hommes et dans le ciel. Tous les dix
jours, un d'eux est envoyé, comme messager des astres, des régions
supérieures dans les régions inférieures, tandis qu'un autre quitte les
lieux situés au-dessous de la terre pour remonter dans ceux qui sont au-
dessus ; ce mouvement est exactement défini et a lieu de tout temps,
dans une période invariable. Parmi les dieux conseillers il y a douze
chefs dont chacun préside à un mois de l'année et à un des douze
signes du zodiaque. Le soleil, la lune et les cinq planètes passent par
ces signes. Le soleil accomplit sa révolution dans l'espace d'une année,
et la lune dans l'espace d'un mois.
XXXI. Chaque planète a son cours particulier ; les planètes diffèrent
entre elles par la vitesse et le temps de leurs révolutions. Les astres
influent beaucoup sur la naissance des hommes et décident du bon ou
du mauvais destin ; c'est pourquoi les observateurs y lisent l'avenir. Ils
ont ainsi fait, disent-ils, des prédictions à un grand nombre de rois,
entre autres, au vainqueur de Darius, Alexandre, et aux rois Antigone et
Séleucus Nicator, prédictions qui paraissent toutes avoir été accomplies
et dont nous parlerons en temps et lieu. Ils prédisent aussi aux
particuliers les choses qui doivent leur arriver, et cela avec une
précision telle que ceux qui en ont fait l'essai en sont frappés
d'admiration, et regardent la science de ces astrologues comme
quelque chose de divin. En dehors du cercle zodiacal, ils déterminent la
position de vingt quatre étoiles dont une moitié est au nord et l'autre au
sud ; ils les appellent juges de l'univers : les étoiles visibles sont
affectées aux êtres vivants, les étoiles invisibles aux morts. La lune se
meut, ajoutent les Chaldéens, au-dessous de tous les autres astres ; elle
est la plus voisine de la terre en raison de la pesanteur, elle exécute sa
révolution dans le plus court espace de temps, non pas par la vitesse de
son 148 mouvement, mais parce que le cercle qu'elle parcourt est très
petit ; sa lumière est empruntée, et ses éclipses proviennent de l'ombre
de la terre, comme l'enseignent aussi les Grecs. Quant aux éclipses de
soleil, ils n'en donnent que des explications très vagues : ils n'osent ni
les prédire, ni en déterminer les époques. Ils professent des opinions
tout à fait particulières à l'égard de la terre : ils soutiennent qu'elle est
creuse, sous forme de nacelle, et ils en donnent des preuves
nombreuses et plausibles, comme de tout ce qu'ils disent sur l'univers.
Nous nous éloignerions trop de notre sujet, si nous voulions entrer
dans tous ces détails ; il suffit d'être convaincu que les Chaldéens sont
plus que tous les autres hommes versés dans l'astrologie, et qu'ils ont
cultivé cette science avec le plus grand soin. Il est cependant difficile de
croire au nombre d'années pendant lesquelles le collège des Chaldéens
aurait enseigné la science de l'univers ; car depuis leurs premières
observations astronomiques jusqu'à l'invasion d'Alexandre, ils ne
comptent pas moins de quatre cent soixante-treize mille ans (78). Nous
avons assez parlé des Chaldéens ; revenons à l'empire des assyriens
qui, comme nous l'avons dit avant notre digression, fut détruit par les
Mèdes.
XXXII. Comme les plus célèbres historiens ne s'accordent pas sur la
grande monarchie des Mèdes, nous croyons utile, pour ceux qui veulent
scruter la vérité dans le passé, de signaler ici les différences de ces
historiens et de les mettre en regard les unes des autres. Au rapport
d'Hérodote, les Assyriens, après avoir régné sur l'Asie pendant cinq
cents ans, furent renversés par les Mèdes ; puis, pendant plusieurs
générations, aucun roi n'ayant essayé de se rendre maître du pouvoir,
les villes se gouvernèrent elles-mêmes démocratiquement, et enfin, au
149 bout d'un grand nombre d'années, les Mèdes élurent roi un homme
d'une justice remarquable, nominé Cyaxare. Cyaxare (79) soumit les
peuples voisins de la Médie et devint le chef de la nouvelle monarchie.
Ses descendants agrandirent l'empire par de nouvelles conquêtes,
jusqu'à Astyage, qui fut vaincu par Cyrus et par les Perses. Nous
parlerons de ces événements plus en détail en temps convenable ; car
ce n'est que dans la seconde année de la XVIIe olympiade (80) que,
suivant Hérodote, Cyaxare fut nommé roi par les Mèdes (81). Ctésias de
Cnide vivait vers le temps de l'expédition entreprise par Cyrus contre
son frère Artaxercès ; il fut fait prisonnier, et comme il était distingué
pour ses connaissances médicales, il fut reçu à la cour du roi, où il vécut
dix-sept ans comblé d'honneurs. Ctésias consulta scrupuleusement,
ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, les diphthères royaux dans lesquels
les Perses ont consigné leur histoire conformément (82) à une certaine
loi ; il composa avec ces matériaux l'ouvrage qu'il apporta avec lui en
Grèce. Or, voici ce que Ctésias nous apprend. Après la dissolution de
l'empire des Assyriens, les Mèdes furent maîtres de l'Asie sous le roi
Arbace, le même qui avait vaincu Sardanapale, comme nous l'avons dit.
Après un règne de vingt-huit ans, Arbace eut pour successeur son fils
Mandaucès, qui gouverna l'Asie pendant cinquante ans. Après ce roi
régnèrent successivement, Sosarme, trente ans, Artycas, cinquante,
Arbiane, vingt-deux et Artée, quarante.
XXXIII. Sous le règne d'Artée, une grande guerre s'éleva entre les
Mèdes et les Cadusiens. En voici l'origine : un Perse nommé Parsode
(83), homme éminent par son courage, par sa prudence et d'autres
qualités, avait gagné l'amitié du roi, et exe- 150 rçait la plus grande
influence dans son conseil. Offensé par un jugement que le roi avait
prononcé contre lui, Parsode se réfugia avec trois mille fantassins et
mille cavaliers auprès des Cadusiens où il avait marié sa soeur à un des
personnages les plus considérables du pays. Le rebelle exhorta cette
nation à se rendre indépendante, et il fut choisi pour chef. Apprenant
qu'on dirigeait contre lui des forces nombreuses, il appela aux armes
tous les Cadusiens et établit son camp au passage donnant accès dans
le pays, avec une armée qui ne s'élevait pas à moins de deux cent mille
hommes. Il battit le roi Artée qui avait marché contre lui avec huit cent
mille hommes, il en tua plus de cinquante mille et chassa le reste du
pays des Cadusiens. Devenu par cette victoire un objet d'admiration, il
fut choisi par les indigènes pour leur roi, et depuis lors il fit des
incursions continuelles dans la Médie qu'il dévasta. Il parvint à une
grande renommée ; vers la fin de sa vie il fit prononcer à son
successeur le serment solennel d'entretenir sans cesse la haine des
Cadusiens contre les Mèdes, vouant sa race et tous les Cadusiens à la
malédiction si jamais ils faisaient la paix avec les Mèdes. Voilà pourquoi
les Cadusiens ont toujours été les ennemis des Mèdes, et ne se sont
jamais soumis à leurs rois jusqu'à l'époque où Cyrus transporta l'empire
chez les Perses.
XXXIV. Après la mort d'Artée, Artynès occupa le trône des Mèdes
pendant vingt-deux ans, et Astibaras, pendant quarante. Sous ce
dernier roi, les Parthes secouèrent le joug des Mèdes et livrèrent leur
pays et leur ville aux Saces. Cet événement occasionna, entre les Saces
et les Mèdes, une guerre de plusieurs années, pendant laquelle de
nombreux combats furent livrés ; beaucoup de monde périt de part et
d'autre, jusqu'à ce qu'enfin la paix fût stipulée aux conditions
suivantes : les Parthes devaient rentrer sous l'obéissance des Mèdes ;
les uns et les antres devaient conserver leurs anciennes possessions et
conclure une alliance perpétuelle.
Il régnait alors chez les Saces une reine nommée Zarine, exercée
dans l'art de la guerre, et se distinguant de toutes les 151 autres femmes
de sa nation par son audace et son activité. En général, les femmes des
Saces sont vaillantes et partagent avec leurs maris les périls de la
guerre. Zarine les surpassait toutes par sa beauté, et se faisait admirer
par son génie entreprenant et fécond en ressources. Elle avait défait les
peuples voisins qui tenaient insolemment les Saces sous le joug ; elle
avait civilisé une grande partie du pays, avait fondé de nombreuses
villes, et adouci les moeurs de ses concitoyens. En reconnaissance et en
mémoire de ces bienfaits, les habitants lui érigèrent, après sa mort, le
tombeau le plus magnifique. Ce tombeau consistait en une pyramide
triangulaire, dont chaque côté avait trois stades de long et un stade de
haut (84) ; le sommet se terminait en pointe. Ils avaient placé sur ce
monument une statue d'or colossale, à laquelle ils rendaient les
honneurs qu'on rend aux héros, et avec plus de pompe qu'à aucun de
ses prédécesseurs. Astibaras, roi des Mèdes, étant mort de vieillesse à
Ecbatane, laissa pour successeur son fils Aspadas, que les Grecs
nomment Astyage. Ce dernier roi fut vaincu par Cyrus, qui fit passer
l'empire aux Perses. Nous en parlerons plus loin en détail. Nous croyons
nous être suffisamment étendu sur l'empire des Assyriens et des Mèdes,
ainsi que sur le dissentiment des historiens à cet égard. Nous allons
maintenant aborder l'Inde, et dire ce qu'on en raconte de fabuleux.
XXXV. La contrée de l'Inde a la figure d'un quadrilatère. Les côtés
qui regardent l'orient et le midi, sont baignés par la Grande mer. Le
troisième côté, tourné vers le nord, est séparé par le mont Hémodus de
la Scythie, habitée par les Scythes qui sont connus sous le nom de
Suces. Le quatrième côté, qui regarde le couchant, est borné par
l'Indus, peut-être le plus grand de tous les fleuves après le Nil. Toute
cette contrée comprend, dit-on, depuis le levant jusqu'au couchant, une
étendue de vingt-huit mille stades (85), et trente-deux mille, du nord au
midi. En raison de sa vaste étendue, l'Inde semble 152 comprendre la
plus grande partie des pays situés sous le tropique d'été ; en effet aux
dernières limites de l'Inde on ne voit point souvent les gnomons jeter de
l'ombre, et la constellation de l'Ourse est invisible pendant la nuit ;
Arcturus même cesse de paraître et les ombres sont tournées vers le
midi. L'Inde possède de grandes et de nombreuses montagnes,
couvertes d'arbres fruitiers de toute espèce, et autant de plaines
fertiles, d'une beauté remarquable et traversées par une multitude de
fleuves. La plus grande partie de cette contrée, étant parfaitement
arrosée, donne deux récoltes par an ; elle est riche en animaux de toute
espèce, distingués par leur taille et leur force : les uns vivent sur le
continent, les autres volent dans les airs. L'Inde nourrit en abondance
des éléphants grands et nombreux, qui sont plus robustes que ceux de
la Libye. Les Indiens les prennent à la chasse, et les dressent au
combat, dans lesquels ces animaux décident souvent de la victoire.
XXXVI. L'abondance des vivres donne aux habitants de
l'embonpoint. Comme ils respirent un air pur et qu'ils boivent des eaux
très légères, ils ont l'esprit disposé aux travaux des arts (86). Le sol, si
fertile en fruits excellents, renferme, dans son intérieur, des veines
métalliques de toute nature. On y trouve beaucoup d'argent et d'or,
autant d'airain et de fer ; il y a aussi de l'étain et beaucoup d'autres
matières employées pour l'ornement et les besoins ordinaires de la vie,
ainsi que pour les usages de la guerre. Outre les céréales ordinaires,
l'Inde, arrosée par ses nombreux fleuves, produit une grande quantité
de millet, des légumes variés, du riz, une plante qu'on appelle bospore
(87) et beaucoup d'autres végétaux comestibles. On y trouve 153 aussi
en abondance beaucoup d'autres fruits propres à la nourriture des
animaux et qu'il serait trop long de décrire ici. Aussi ce pays n'est-il
jamais, dit-on, désolé par la famine ou la disette. Des pluies régulières y
tombent deux fois par an ; les unes en hiver, dans la saison où, comme
ailleurs, on fait la semaille du blé ; les autres à l'époque du solstice
d'été où l'on sème le riz, le bospore, le sésame et le millet. Les deux
récoltes sont également bonnes d'ordinaire, et si l'une manque l'autre y
supplée abondamment. Les fruits sauvages et les racines, qui croissent
dans les lieux marécageux et se distinguent par leur saveur sucrée (88),
offrent aux hommes une nourriture abondante. Presque toute la
campagne est imprégnée des douces vapeurs qui s'élèvent des rivières
et qui se résolvent annuellement à l'époque de l'été en des pluies
régulières périodiques ; et la chaleur du soleil développe dans les
marais les racines des plantes et principalement celles des grands
roseaux . D'ailleurs, les lois que les Indiens observent chez eux
contribuent beaucoup à les préserver de la famine : les autres nations,
quand elles se font la guerre, détruisent les champs et les rendent
incultivables, tandis que chez les Indiens les agriculteurs, réputés sacrés
et inviolables, peuvent sans danger continuer de se livrer à leurs
travaux dans le voisinage des armées rangées en bataille ; les guerriers
se massacrent les uns les autres dans les combats, mais ils ne font
aucun mal aux laboureurs, qu'ils regardent connue leurs bienfaiteurs
communs ; ils n'incendient jamais les champs de leurs ennemis, et n'y
coupent point les arbres.
XXXVII. L'Inde a plusieurs rivières navigables, qui ont leur source
dans les montagnes situées au nord et se répandent dans les plaines ;
quelques-unes de ces rivières se réunissent et se jettent dans le fleuve
appelé Gange. Ce fleuve a trente stades (89) de largeur, il coule du nord
au midi pour se jeter dans l'Océan (90) ; il borde, à l'orient, le pays des
Gandarides, qui est rempli d'élé- 154 phants d'une taille extraordinaire.
Aucun roi étranger ne s'est jamais rendu maître de ce pays, tant les
autres nations redoutent le nombre et la force de ces animaux.
Alexandre le Macédonien, qui avait conquis toute l'Asie, épargna les
seuls Gandarides ; car, après s'être dirigé avec toutes ses troupes vers
le Gange, et dompté tous les autres peuples indiens, il renonça au
projet d'attaquer les Gandarides, lorsqu'il eut appris que ce peuple
mettait en campagne quatre mille éléphants. Un autre fleuve,
semblable au Gange, est l'Indus ; il vient également du nord, et, se
jetant dans l'Océan, forme la limite de l'Inde. Dans son cours à travers
de vastes plaines, il reçoit plusieurs rivières navigables, dont les plus
célèbres sont l'Hypannis, l'Hydaspe et l'Acésine ; le pays est en outre
traversé par beaucoup d'autres rivières qui arrosent une foule de jardins
et entretiennent la fertilité du sol. Les physiciens et philosophes indiens
expliquent de la manière suivante l'origine de ce grand nombre de
rivières et cette abondance des eaux : les pays voisins, disent-ils,
comme ceux des Scythes, des Bactriens et des Arianiens, étant plus
élevés que l'Inde, il est naturel de penser que les eaux découlent des
régions élevées dans les régions basses de l'Inde dont elles arrosent le
sol, et où, en se réunissant, elles forment un grand nombre de rivières.
Une de ces rivières, qui s'appelle Silla, et qui dérive d'une source de
même nom, présente une particularité singulière : les eaux ne laissent
surnager aucun des corps qu'on y jette ; tout y tombe au fond, contre
l'ordre naturel (91).
XXXVIII. L'Inde, pays d'une immense étendue, est, dit-on, habitée
par des peuples nombreux et divers, dont aucun n'est d'origine
étrangère, car ils passent tous pour autochthones. Les Indiens n'ont
jamais reçu de colonies et n'en ont jamais envoyé nulle part. On raconte
que les plus anciens habi- 155 tants se nourrissaient des fruits sauvages
de la terre, et se couvraient de peaux d'animaux du pays, comme on l'a
dit des premiers Grecs. Ils inventèrent bientôt les arts et d'autres
pratiques utiles à la vie, le besoin servant de guide à un animal tel que
l'homme, doué de mains aptes à tout travail, de raison et d'intelligence.
Nous devons rapporter ici brièvement les traditions des plus
célèbres mythologues indiens. A une époque très reculée, lorsque,
disent-ils, les hommes vivaient encore épars dans des villages, Bacchus,
parti des pays occidentaux, arriva chez eux avec une puissante armée,
et visita toute l'Inde, qui ne renfermait encore aucune ville considérable
pour lui résister. Des chaleurs excessives étant survenues, et une
maladie pestilentielle ayant ravagé ses troupes, Bacchus, en chef
prudent, leva son camp dans les plaines et s'établit sur les montagnes.
Les vents frais qui y soufflaient, et les eaux pures puisées aux sources
mêmes, éloignèrent la maladie du camp (92). Cet endroit, où Bacchus
sauva ainsi son armée, s'appelle Méros (93) ; d'où vient la tradition
grecque, selon laquelle Bacchus fut nourri dans une cuisse (94). Après
cela, s'étant livré à la culture des fruits, il enseigna aux Indiens l'art de
faire du vin, et d'autres choses utiles à la vie. De plus, il devint le
fondateur de villes importantes ; il transporta les villages dans des
endroits mieux situés, institua le culte divin, et établit des lois et des
tribunaux. Enfin, l'auteur de tant de bienfaits fut compté au nombre des
dieux, et reçut les honneurs qu'on décerne aux immortels. On raconte
aussi qu'il avait emmené avec son armée un grand nombre de femmes,
et que, dans les batailles, il se servait de tambours et de cymbales, la
trompette n'étant pas encore inventée. Il mourut de vieillesse, après
avoir régné sur toute l'Inde pendant cinquante-deux ans. Ses fils lui
succédèrent et continuèrent à transmettre le règne comme un
héritage ; enfin, après un grand nombre de généra- 156 tions, cette
dynastie fut détruite et les villes se gouvernèrent démocratiquement.
XXXIX. Voilà les traditions que les Indiens des montagnes ont
conservées sur Bacchus et ses descendants. Ils disent aussi qu'Hercule
est né chez eux ; comme les Grecs, ils lui donnent pour attributs la
massue et la peau de lion. Suivant ces mêmes récits, Hercule surpassa
tous les hommes en force et en courage, et purgea de monstres la terre
et la mer. Epoux de plusieurs femmes, il eut un grand nombre de fils et
une seule fille (95) ; quand ses enfants furent arrivés à l'âge viril,
Hercule partagea entre eux son royaume en portions égales ; il établit
de même sa fille unique reine du pays qui lui était échu en partage.
Parmi les nombreuses villes que fonda Hercule, la plus célèbre et la plus
grande est Palibothra (96). Il y avait construit un palais magnifique ; il
avait peuplé la ville d'habitants et l'avait entourée de fossés profonds
qui recevaient les eaux d'un fleuve. Après avoir quitté le séjour des
hommes, Hercule fut mis au nombre des dieux et reçut les honneurs
divins ; ses descendants régnèrent pendant plusieurs générations et
exécutèrent des travaux remarquables ; mais ils ne portèrent jamais la
guerre à l'étranger et n'expédièrent aucune colonie hors du pays. Plus
tard, après de longues années, la plupart des villes adoptèrent le
gouvernement démocratique ; quelques peuples cependant
conservaient encore la royauté à l'époque de l'expédition d'Alexandre.
Parmi les lois singulières qui existent chez les Indiens, il y en a une
bien étonnante, enseignée par les anciens philosophes du pays. Suivant
cette loi, il n'y a point d'esclaves ; tous les hommes sont libres et
doivent respecter l'égalité (97). Chez les 157 Indiens les hommes qui
apprennent à n'être ni les maîtres ni les esclaves de leurs semblables,
offrent la garantie de la meilleure société, et qu'il est absurde de faire
des lois égales pour tous et instituer en même temps l'inégalité des
droits.
XL. Toute la population de l'Inde se divise en sept classes. La
première comprend les philosophes ; c'est la plus petite en nombre,
mais la première par son rang. Exempts de toute charge publique, les
philosophes ne sont les maîtres ni les esclaves de personne. Ils sont
employés par les particuliers pour les sacrifices publics et pour les
funérailles, parce qu'ils sont regardés comme les favoris des dieux et
instruits dans les connaissances relatives aux enfers. Ils reçoivent en
récompense de leurs services des dons et des honneurs considérables.
Ils remplissent aussi des fonctions utiles à la société : dans une
assemblée générale qui se tient au commencement de chaque année,
ils prédisent les sécheresses, les pluies, les vents, les maladies et tout
ce qui peut intéresser les citoyens qui les entendent. Le peuple et le roi,
ainsi prévenus de l'avenir, pourvoient aux besoins futurs et disposent à
l'avance tout ce qui peut être utile. Le philosophe qui se trompe dans
ses prédictions est, pour tout châtiment, condamné à rester muet tout
le reste de sa vie.
La seconde classe est celle des laboureurs, qui paraît être de
beaucoup la plus nombreuse ; dispensés de la guerre et des autres
serices publics, ils appliquent tous leurs soins à l'agriculture. Jamais un
ennemi ne fait de mal à un laboureur qu'il rencontre dans les champs,
et il s'abstient de toute injure en le considérant comme un bienfaiteur
de la société. Aussi la campagne est-elle bien cultivée ; riche en fruits
de toute espèce, elle offre à l'homme des aliments abondants. Les
agriculteurs passent leur vie à la campagne avec leurs femmes et leurs
enfants, et il ne leur arrive jamais de s'établir dans les villes. Ils paient
une redevance au roi, qui est propriétaire de toutes les terres de l'Inde ;
il n'est permis à aucun particulier de posséder une terre (98).
158 Outre cette redevance, ils versent dans les magasins royaux le
quart de la récolte.
La troisième classe se compose des pasteurs du grand et du menu
bétail, en un mot de tous les bergers qui n'habitent ni les villes ni les
villages, et qui passent leur vie sous des tentes ; comme ils se livrent
aussi à la chasse, ils purgent les champs des oiseaux et des animaux
malfaisants. Par ce moyen, ils rendent cultivable le sol infesté de toute
sorte d'animaux et d'oiseaux qui mangent les semences des laboureurs.
XLI. La quatrième classe comprend les artisans, dont les uns
fabriquent des armes, et les autres les instruments nécessaires à
l'agriculture et à d'autres usages de la vie. Ils sont non seulement
exempts de tribut, mais ils reçoivent des magasins du roi une mesure
de blé. La cinquième classe est celle des militaires ; elle est la seconde
pour le nombre. Dans les temps de paix ils s'abandonnent à l'oisiveté et
au jeu. Tous les soldats, ainsi que les chevaux et les éléphants de
guerre, sont nourris aux frais du trésor royal. La sixième classe
comprend les éphores ; ce sont des hommes chargés d'inspecter et de
surveiller tout ce qui se passe dans l'Inde, et d'en faire un rapport aux
rois, ou aux magistrats, si l'Etat n'est pas monarchique. La septième
classe est celle des sénateurs qui délibèrent en conseil sur les affaires
publiques ; c'est la classe la moins nombreuse, mais la plus distinguée
par la noblesse de son origine et par sa sagesse. Les uns sont les
conseillers des rois, les autres, les administrateurs de l'Etat, et les chefs
des tribunaux ; enfin, c'est parmi eux que sont choisis les gouverneurs
et les magistrats suprêmes. Telle est à peu près la division de l'état
politique des Indiens. Il est défendu à chacun de se marier en dehors de
sa classe, de changer de profession ou d'exercer deux métiers à la fois,
de telle sorte qu'un soldat ne peut labourer la terre ni un artisan
enseigner la philosophie.
XLII. On trouve dans l'Inde un grand nombre d'éléphants d'une taille
et d'une force remarquables. Ces animaux n'ont pas, comme quelques-
uns le prétendent, un mode de propagation par- 159 ticulier ; car ils
s'accouplent comme les chevaux et les autres animaux quadrupèdes.
Les femelles portent au moins seize fois et le plus souvent dix-huit ;
comme les cavales, elles ne font le plus ordinairement qu'un seul petit,
et les mères le nourrissent jusqu'à six ans. La plupart des éléphants
parviennent à un âge aussi avancé auquel un homme puisse atteindre ;
les plus vieux arrivent jusqu'à deux cents ans.
Il y a chez les Indiens des magistrats qui ont pour fonction de
recevoir les étrangers et de veiller à ce qu'on ne leur fasse aucune
injustice. Ils mènent des médecins auprès des étrangers qui sont
malades ; ils en ont bien d'autres soins encore ; ils les ensevelissent
quand ils meurent, et rendent aux héritiers les biens que les étrangers
laissent en mourant. Ces détails sur l'histoire ancienne de l'Inde doivent
suffire (99)..
XLIII. Nous parlerons maintenant des Scythes qui habitent un pays
voisin de l'Inde. Les Scythes n'occupaient dans l'origine qu'un territoire
assez restreint, mais prenant peu à peu de l'accroissement, grâce à leur
force et à leur courage, ils entrèrent en possession d'une contrée
étendue, et la nation s'éleva au rang d'un Etat puissant et glorieux. Les
Scythes n'habitaient d'abord qu'en très petit nombre sur les rives du
fleuve Araxe, et ne jouissaient d'aucune considération. Mais sous le
règne d'un de leurs anciens rois, d'un esprit belliqueux et habile dans la
guerre, ils conquirent tout le pays qui s'étend dans les montagnes
jusqu'au Caucase, et dans les plaines jusqu'à l'Océan et aux Palus-
Méotides, ainsi que tout le territoire qui va jusqu'au fleuve Tanaïs.
D'après les traditions mythologiques des Scythes, il naquit parmi eux
une vierge, fille de la terre, ayant le corps d'une femme depuis la tête
jusqu'à la ceinture, et pour le reste la forme d'un serpent. Jupiter eut
d'elle un fils appelé Scythes qui, s'étant rendu plus célèbre qu'aucun de
ses devanciers, laissa son nom à la nation des Scythes (100). Parmi les
160 descendants de ce roi se trouvaient deux frères distingués par leurs
qualités ; l'un se nommait Palus et l'autre Napès. Ces deux frères, après
plusieurs actions d'éclat, se partagèrent le royaume et appelèrent leurs
peuples chacun de son nom en les divisant en Paliens et en Napiens.
Quelque temps après, leurs successeurs, renommés pour leur courage
et leur habileté stratégique, étendirent leurs conquêtes au delà du
Tanaïs jusqu'à la Thrace ; et, portant leurs armes sur un autre point, ils
pénétrèrent en Egypte jusqu'au Nil. Ayant subjugué toutes les grandes
et puissantes nations situées entre ces deux points extrêmes, l'empire
des Scythes s'étendit d'un côté jusqu'à l'Océan oriental, et de l'autre
jusqu'à la mer Caspienne et aux Palus-Méotides. La nation des Scythes
s'accrut considérablement sous des rois célèbres qui laissèrent leur nom
aux Saces, aux Massagètes, aux Arimaspes et à plusieurs autres
peuplades. Sous le règne de ces rois, plusieurs colonies furent tirées du
sein des peuples conquis ; les deux plus considérables de ces colonies
sont : 1° celle des Assyriens, envoyée dans les pays situés entre la
Paphlagonie et le Pont ; 2° celle des Mèdes, transplantée sur les rives
du Tanaïs. De cette dernière colonie descendent les Sauromates. Les
Sauromates, s'étant considérablement accrus par la suite des temps,
ravagèrent une grande partie de la Scythie ; ils massacrèrent les
habitants, et changèrent presque toute la contrée en un désert.
XLIV. Après ces événements, la Scythie fut livrée à l'anarchie ; la
royauté fut exercée par des femmes distinguées par leur courage. Car,
chez ces nations, les femmes s'habituent aux fatigues de la guerre,
comme les hommes, auxquels elles ne cèdent pas en valeur. Aussi
beaucoup de ces femmes se sont-elles illustrées par leurs exploits, non
seulement chez les Scythes, mais encore dans les contrées limitrophes.
Cyrus, roi des Perses, plus puissant qu'aucun autre roi de son temps,
ayant dirigé une armée formidable contre la Scythie, fut battu, fait
prisonnier et 161 mis en croix par la reine de ce pays (101). C'est là que
s'est formée la nation des Amazones, si remarquable par son courage ;
elle fit non seulement des incursions dans les pays voisins, mais encore
elle soumit une grande partie de l'Europe et de l'Asie. Puisque nous en
sommes aux Amazones, il ne sera pas hors de propos de faire connaître
ici les choses incroyables qu'on en raconte.
XLV. Sur les rives du fleuve Thermodon habitait jadis un peuple
gouverné par des femmes, exercées, comme les hommes, au métier de
la guerre. L'une d'elles, revêtue de l'autorité royale, et remarquable par
sa force et son courage, forma une armée composée de femmes,
l'accoutuma aux fatigues de la guerre et s'en servit pour soumettre
quelques peuplades du voisinage. Ce succès ayant augmenté sa
renommée, elle marcha contre d'autres peuples limitrophes. La fortune,
qui lui était encore favorable dans cette expédition, l'enfla d'orgueil : la
reine se prétendit fille de Mars, contraignit les hommes à filer la laine et
à se livrer à des travaux de femmes ; elle fit des lois d'après lesquelles
les fonctions militaires appartenaient aux femmes, tandis que les
hommes étaient tenus dans l'humiliation et l'esclavage. Les femmes
estropiaient les enfants mâles, dès leur naissance, des jambes et des
bras, de manière à les rendre impropres au service militaire ; elles
brûlaient la mamelle droite aux filles, afin que la proéminence du sein
ne les gênât pas dans les combats. C'est pour cette dernière raison
qu'on leur donna le nom d'Amazones (102). Enfin, leur reine, si célèbre
par sa sagesse et son esprit guerrier, fonda, à l'embouchure du fleuve
Thermodon, une ville considérable, nommée Themiscyre, et y
construisit un palais fameux. Elle eut soin d'établir une bonne discipline,
et avec le concours de son armée elle recula jusqu'au Tanaïs les limites
de 162 son empire. Enfin, après de nombreux exploits, elle eut une mort
héroïque dans un combat, en se défendant vaillamment.
XLVI. Sa fille qui lui succéda au trône, jalouse d'imiter sa mère, la
surpassa même en beaucoup de choses. Elle exerçait les jeunes filles à
la chasse dès leur plus tendre enfance, et les accoutumait à supporter
les fatigues de la guerre. Elle institua des sacrifices somptueux en
honneur de Mars et de Diane, surnommée Tauropole. (103). Portant ses
armes au delà du Tanaïs, elle soumit de nombreuses peuplades, en
étendant ses conquêtes jusqu'à la Thrace. De retour dans son pays, et
chargée de dépouilles, elle éleva à Mars et à Diane des temples
splendides, et se concilia l'amour de ses sujets par la justice de son
gouvernement. Entreprenant ensuite une expédition d'un côté opposé,
elle conquit une grande partie de l'Asie, et étendit sa domination
jusqu'à la Syrie. Les reines qui lui succédèrent comme héritières
directes régnèrent avec éclat, et ajoutèrent encore à la puissance et à
la renommée de la nation des Amazones. Après un grand nombre de
générations, le bruit de leur valeur s'étant répandu par toute la terre,
Hercule, fils d'Alcmène et de Jupiter, reçut, dit-on, d'Eurysthée la tâche
de lui apporter la ceinture de l'Amazone Hippolyte. En conséquence,
Hercule entreprit une expédition, et gagna une grande bataille dans
laquelle il détruisit l'armée des Amazones, prit Hippolyte vivante, lui
enleva sa ceinture et porta un coup mortel à la nation des Amazones.
Car les Barbares du voisinage, méprisant les Amazones ainsi domptées,
et se souvenant des injures passées, leur firent une guerre implacable
et parvinrent jusqu'à effacer le nom même des Amazones. Cependant
on raconte que, plusieurs années après l'expédition d'Hercule, on
remarqua dans la guerre de Troie Penthésilée, fille de Mars et reine des
Amazones, qui avait échappé à l'extermination ; qu'elle s'était enfuie de
sa patrie pour se soustraire à la vengeance d'un meurtre, et que,
combattant vaillamment dans les rangs des Troyens, après la mort
d'Hector, elle tua un grand 163 nombre de Grecs, et tomba enfin
glorieusement sous le fer d'Achille. Ce fut la dernière Amazone
renommée pour son courage ; ce qui restait de cette nation a fini par
disparaître entièrement. C'est pourquoi, lorsqu'on parle aujourd'hui de
l'histoire antique des Amazones, on croit entendre des contes forgés à
plaisir.
XLVII. Puisque nous sommes arrivés à parler des contrées
septentrionales de l'Asie, il ne sera pas hors de propos de dire un mot
des Hyperboréens. Parmi les historiens qui ont consigné dans leurs
annales les traditions de l'antiquité, Hécaté et quelques autres
prétendent qu'il y a au delà de la Celtique, dans l'Océan, une île qui
n'est pas moins grande que la Sicile. Cette île, située au nord, est,
disent-ils, habitée par les Hyperboréens, ainsi nommés parce qu'ils
vivent au delà du point d'où souffle Borée. Le sol de cette île est
excellent, et si remarquable par sa fertilité qu'il produit deux récoltes
par an. C'est là, selon le même récit, le lieu de naissance de Latone, ce
qui explique pourquoi les insulaires vénèrent particulièrement Apollon.
Ils sont tous, pour ainsi dire, les prêtres de ce dieu : chaque jour ils
chantent des hymnes en son honneur. On voit aussi dans cette île une
vaste enceinte consacrée à Apollon, ainsi qu'un temple magnifique de
forme ronde et orné de nombreuses offrandes ; la ville de ces insulaires
est également dédiée à Apollon ; ses habitants sont pour la plupart des
joueurs de cithare, qui célèbrent sans cesse, dans le temple, les
louanges du dieu en accompagnant le chant des hymnes avec leurs
instruments. Les Hyperboréens parlent une langue qui leur est propre ;
ils se montrent très bienveillants envers les Grecs, et particulièrement
envers les Athéniens et les Déliens ; et ces sentiments remontent à un
temps très reculé. Ou prétend même que plusieurs Grecs sont venus
visiter les Hyperboréens, qu'ils y ont laissé de riches offrandes chargées
d'inscriptions grecques, et que réciproquement, Abaris, l'hyperboréen,
avait jadis voyagé en Grèce pour renouveler avec les Déliens l'amitié
qui existait entre les deux peuples. On ajoute encore que la lune, vue de
cette île, paraît être à une très petite 164 distance de la terre, et qu'on y
observe distinctement des soulèvements de terrain. Apollon passe pour
descendre dans cette île tous les dix-neuf ans. C'est aussi à la fin de
cette période que les astres sont, après leur révolution, revenus à leur
point de départ. Cette période de dix-neuf ans est désignée par les
Grecs sous le nom de Grande année (104).. On voit ce dieu, pendant
son apparition, danser toutes les nuits en s'accompagnant de la cithare,
depuis l'équinoxe du printemps jusqu'au lever des Pléiades, comme
pour se réjouir des honneurs qu'on lui rend. Le gouvernement de cette
ville et la garde du temple sont confiés à des rois appelés Boréades, les
descendants et les successeurs de Borée (105)..
XLVIII. Nous allons parler maintenant des autres contrées de l'Asie
dont nous n'avons pas encore fait mention ; commençons par l'Arabie.
Ce pays est situé entre la Syrie et l'Egypte ; de nombreuses peuplades
se le distribuent. Les Arabes qui habitent la partie orientale, et qui sont
connus sous le nom de Nabatéens, occupent une région déserte, sans
eau et très peu fertile ; ils vivent de brigandage en pillant les territoires
voisins. Ils sont difficiles à dompter dans les combats : ils ont creusé
dans leurs plaines des puits qui ne sont connus que d'eux, et se mettent
à l'abri du danger en se réfugiant dans l'intérieur du pays privé d'eau ;
ils trouvent ainsi abondamment à boire, tandis que les étrangers qui les
poursuivent meurent de soif dans ces sables arides, ou sont fort
heureux de revenir chez eux après bien des fatigues. C'est ce qui
explique pourquoi les Arabes de cette contrée sont inexpugnables ; ils
n'obéissent à aucun maître, et n'ayant jamais voulu reconnaître
l'autorité de souverains étrangers, ils conservent une indépendance
absolue (106).. Les Assyriens, les rois des Mèdes, les rois des Perses et
des Macédoniens, malgré leurs forces et leur adresse, furent
impuissants à réduire les Arabes en esclavage. Il existe dans le pays des
Nabatéens un rocher 165 immense, forteresse naturelle ; on n'y monte
que par un sentier étroit ; quelques hommes y passent à peine en se
dépouillant de leurs armes. Il y a aussi un grand lac qui produit
beaucoup d'asphalte dont ils tirent de grands revenus. Ce lac a cinq
cents stades (107) de longueur sur soixante de large (108); son eau est
fétide et amère ; aucun poisson ni animal aquatique ne peut y vivre.
Bien que ce lac reçoive un grand nombre de fleuves dont l'eau est
excellente, sa mauvaise odeur persiste. Tous les ans il s'élève du milieu
du lac en bouillonnant une grande couche d'asphalte de deux et
quelquefois de plus de trois plèthres d'étendue ; la plus grande de ces
couches est appelée Taureau par les habitants des environs, et la plus
petite, l'eau. Cette masse prodigieuse d'asphalte, nageant sur l'eau,
apparaît au loin comme une île ; le moment de son éruption s'annonce
vingt jours d'avance : il se répand alors à l'entour du lac, à plusieurs
stades à la ronde, une vapeur fétide qui altère la couleur de l'argent, de
l'or et du cuivre qui en approchent ; mais la couleur de ces métaux
reparaît dès que l'éruption de l'asphalte a cessé. Les lieux environnants,
remplis d'exhalaisons inflammables et fétides, sont malsains et
nuisibles à la santé des habitants, qui n'y vivent pas longtemps (109).
La contrée, dans toute l'étendue où elle est arrosée par des sources et
des fleuves bienfaisants, est bonne et riche en palmiers ; il y a une
vallée où se trouve ce qui s'appelle le baume (110), dont les Arabes
tirent de grands profits ; car cette plante, si utile aux médecins comme
remède, ne croît dans aucune autre partie du monde.
XLIX. La partie de l'Arabie, limitrophe de cette contrée déserte et
privée d'eau, offre un aspect si différent qu'en raison de l'abondance
des fruits et des biens qui s'y trouvent, elle a reçu le nom d'Arabie
Heureuse. C'est là que naissent le calamus, le jonc (111), la matière de
beaucoup d'autres aromates, les 166 plantes à feuilles odoriférantes et
celles desquelles distillent des larmes parfumées. A l'extrémité de cette
région se trouve la myrrhe, si agréable aux dieux, et l'oliban qui
s'envoie dans tous les pays du continent. Les tiges du costus, de la
casie, du cinnamomum et d'autres plantes semblables, y parviennent à
une telle grosseur que ces matières, qui, ailleurs, sont mises avec
parcimonie sur l'autel des dieux et sont montrées comme des raretés,
sont employées, chez les Arabes, à chauffer les fours et à former les lits
des domestiques. Le cinnamomum, qui sert à tant d'usages, la résine
(112) et le térébinthe odorant, croissent en abondance dans ce pays.
Les montagnes sont chargées de pins, de sapins, de cèdres, de
genévriers et de boratus (113). On y trouve une multitude d'autres
végétaux odoriférants qui portent des fruits, laissent suinter des sucs et
répandent des émanations très agréables à sentir pour ceux qui s'en
approchent. Toute la nature est imprégnée d'émanations aussi suaves
que l'encens brûlé sur l'autel des dieux. Aussi, lorsqu'on creuse le sol
dans certaines localités de l'Arabie, on découvre des veines
odoriférantes qui conduisent les mineurs à de vastes carrières. Les
Arabes en tirent leurs pierres à bâtir, qui, étant mouillées par la rosée,
laissent couler, dans l'intervalle des jointures, un ciment qui se durcit et
lie étroitement entre elles toutes les parties du mur.
L. En Arabie on extrait aussi des mines l'or qu'on appelle apyre
(114). Ce métal ne s'y trouve point, comme ailleurs, sous forme de
sable qu'on réunit par la fusion, mais on le retire du sol sous forme de
morceaux de la grosseur d'une châtaigne. Cet or a une couleur si
brillante que les ouvriers qui s'en servent pour enchâsser les pierres
précieuses fabriquent les plus beaux joyaux.
167 On y rencontre des bestiaux de toute espèce et en telle
abondance que ces bestiaux suffisent amplement à l'entretien de
nombreuses tribus nomades qui se passent de l'usage du blé. La partie
de l'Arabie limitrophe de la Syrie est remplie de bêtes féroces ; les lions,
les léopards y sont plus nombreux, plus grands et plus forts qu'en Libye.
On y trouve aussi le tigre, appelé le tigre babylonien, et des animaux
d'une double nature et qui semblent provenir d'un mélange de formes
diverses. De ce nombre est l'autruche, qui tient à la fois de la nature
des oiseaux et des chameaux, comme l'indique son nom de
struthocamelus (115). Les autruches sont à peu près de la grosseur d'un
chameau nouveau-né ; la tête est couverte de poils légers ; les yeux
sont grands, noirs et ont l'expression de ceux du chameau ; le cou est
long, le bec court et effilé (116) ; les ailes se composent de plumes
molles et poilues ; le corps, supporté par deux pieds bifides, semble
appartenir tout à la fois à un animal terrestre destiné à marcher et à
vivre sur la terre, et à un oiseau. En raison de sa lourdeur, l'autruche ne
peut ni s'élever ni s'envoler ; mais elle court rapidement à la surface du
sol ; comme avec une fronde, elle lance avec ses pieds des pierres
contre ceux qui la poursuivent à cheval, et cela avec tant d'adresse
qu'elle fait souvent tomber ses agresseurs sous ses coups violents.
Quand elle est sur le point d'être prise, elle cache sa tête dans un
buisson ou sous quelque autre abri, non pas, comme quelques-uns le
prétendent, par stupidité, s'imaginant qu'elle n'est pas vue parce qu'elle
ne voit personne, mais par l'instinct qui la porte à garantir la tête,
comme étant la partie la moins protégée de son corps. En effet, la
nature est un excellent maître : elle apprend aux animaux leur propre
conservation ainsi que celle de leurs petits ; et par cet instinct inné elle
assure à jamais la propagation des espèces.

LI. On trouve aussi dans l'Arabie le camélo-pardalis (117), qui 168


partage en quelque sorte la nature des deux animaux dont il porte les
noms. Il est plus petit de taille que le chameau et son cou est plus
court ; sa tête et ses yeux rappellent ceux de la panthère ; comme le
chameau, il a une bosse au dos ; la couleur de sa peau et son pelage
ressemblent à ceux de la panthère, dont il se rapproche encore par la
longueur de sa queue. On trouve dans cette même contrée des
tragélaphes (118), des bubales et plusieurs autres animaux de même
sorte, qui semblent chacun réunir deux types différents. Mais il serait
trop long de nous y arrêter. C'est une opinion générale que les pays
méridionaux, étant vivifiés par l'action fécondante du soleil, produisent
les espèces d'animaux les plus nombreuses, les plus variées et les plus
belles. Ainsi on voit en Egypte des crocodiles et des hippopotames ; en
Ethiopie et dans le désert de la Libye, des éléphants, des serpents, des
dragons, et tant d'autres animaux d'une taille et d'une force
extraordinaires. C'est par la même raison que l'Inde possède cette
multitude d'éléphants qui l'emportent sur les autres animaux en
grandeur et en puissance.
LII. Indépendamment des animaux de formes si singulières, l'Inde
produit, grâce à l'influence bienfaisante du soleil, des pierres de
couleurs différentes et remarquables par leur éclat ou leur
transparence. Tels sont les cristaux ; ils se composent d'eau pure
congelée, non par le froid, mais par l'action d'un feu divin qui les rend
inaltérables ; ils sont diversement colorés par la pénétration d'une
matière volatile. L'émeraude et le béryl se forment dans les mines de
cuivre, et se colorent par l'action de substances sulfureuses tinctoriales.
Les chrysolithes, engendrés par la chaleur du soleil, doivent aussi, dit-
on, leur couleur à une matière volatile. C'est pourquoi on fabrique les
chrysolithes artificielles, en teignant les cristaux par le moyen du feu
produit par l'homme (119). Les escarboucles 169 empruntent à la
lumière qui s'y trouve fixée le plus ou moins d'éclat qu'elles présentent.
Il en est de même des couleurs que revêtent les oiseaux ; les uns
paraissent absolument de couleur pourpre ; les autres sont chatoyants
de diverses couleurs ; ceux-ci sont d'un jaune de flamme, ceux-là d'un
jaune de safran ; ils prennent la couleur de l'émeraude et de l'or,
suivant les diverses réflexions de la lumière. Enfin, il serait difficile de
trouver un nom à chacune des colorations qui se produisent de cette
manière. On observe la même chose dans la formation de l'arc-en-ciel
par la lumière du soleil. De tous ces phénomènes les physiciens ont
conclu que la chaleur innée et naturelle est le principe colorant des
corps (dont nous venons de parler), mis en action par le soleil qui vivifie
tous les êtres. Les couleurs variées des fleurs et des terrains ont la
même origine. C'est donc en imitation de la puissance naturelle du
soleil que les arts pratiqués par l'homme, disciple de la nature, arrivent
à colorer la matière et à la faire varier d'aspect ; car la lumière est la
cause des couleurs ; de plus, elle développe le parfum des fruits, les
propriétés des sucs, la taille et les instincts des animaux. La lumière et
la chaleur du soleil produisent les différentes qualités du sol ; elles
rendent, par leur douce influence, la terre fertile et l'eau fécondante ;
enfin, le soleil est l'architecte de la nature. Ni la pierre lygdienne de
Paros, ni ancun marbre célèbre, n'est comparable aux pierres des
Arabes : elles sont supérieures aux autres par leur blancheur éclatante,
par leur poids et leur poli. Tout cela tient, comme 170 nous l'avons dit, à
l'action du soleil qui cimente les corps, les rend compactes par la
sécheresse et leur donne de l'éclat (120).
LIII. Ce principe s'applique aussi aux oiseaux. Avant obtenu en
partage la plus grande portion de chaleur (121) ils sont, en raison de
leur légèreté, destinés au vol ; ils ont, par l'action du soleil, le plumage
diversement nuancé, surtout dans les contrées méridionales. C'est ainsi
que la Babylonie produit une multitude de paons, ornés des plus beaux
plumages ; et l'on voit sur les confins de la Syrie (122) des perroquets,
des porphyriens (123), des pintades et beaucoup d'autres animaux dont
les corps brillent de mille couleurs variées. La même chose se remarque
dans les autres 171 pays qui se trouvent dans les mêmes conditions ; je
veux parler de l'Inde, des bords de la mer Rouge, de l'Ethiopie et de
certaines contrées de la Libye. Les pays situés vers l'orient, ayant un sol
plus gras, produisent des animaux plus nobles et plus grands. Partout
ailleurs, les qualités des êtres sont en rapport avec la bonté de la terre
qui les nourrit. Ainsi, pour emprunter des exemples aux arbres, les
palmiers de la Libye donnent des fruits secs et petits, tandis que les
palmiers de la Coelé-Syrie appelés Caryotes, donnent des fruits
remarquables par leur saveur, leur volume et l'abondance du suc. Mais
on trouve de ces fruits bien plus grands encore en Arabie et dans la
Babylonie ; on en recueille qui ont jusqu'à six doigts de longueur, et leur
couleur est tantôt d'un jaune de miel, tantôt d'un rouge de pourpre, de
manière à charmer tout à la fois la vue et le palais. Les tiges des
palmiers s'élèvent à une hauteur considérable ; elles sont nues et sans
feuilles jusqu'à la cime ; le sommet de la tige se compose d'un faisceau
de feuilles, qui est comme une chevelure dont la disposition varie. Chez
les uns, ces feuilles ou rameaux sont disposés circulairement ; au milieu
se trouve le fruit, qui sort, sous forme de grappe, d'une enveloppe
déchirée ; chez les autres, cette chevelure du sommet est penchée de
côté, semblable à un brandon dont le vent fait incliner la flamme ; dans
d'autres palmiers enfin, elle est divisée en deux parties, et paraissant
ainsi double, elle présente un aspect pittoresque.
LIV. La partie méridionale de l'Arabie se nomme Arabie Heureuse.
L'intérieur est peuplé d'Arabes nomades, qui vivent sous des tentes,
élèvent de grands troupeaux de bétail et habitent des plaines
immenses. L'espace compris entre ces plaines et l'Arabie Heureuse, est
désert et privé d'eau, comme nous l'avons dit. La région occidentale de
l'Arabie est formée de plaines sablonneuses, immenses comme l'Océan,
et où, comme sur la mer, le voyageur ne peut diriger sa route que
d'après la constellation de l'Ourse. La partie de l'Arabie qui avoisine la
Syrie est peuplée d'agriculteurs et de Inarchands qui, par un échange
opportun de leurs marchandises, entretiennent partout une 172 égale
abondance (124). Enfin, la partie de l'Arabie qui, située au delà de
l'Arabie Heureuse, borde l'Océan, est traversée par de grands et de
nombreux fleuves donnant naissance à plusieurs lacs et à des marais
immenses. Arrosé par des canaux, tirés de ces fleuves, ou par les pluies
d'été, le sol donne une double récolte. Ce pays nourrit des troupeaux
d'éléphants et d'autres animaux terrestres monstrueux, et
remarquables par leurs formes. On y trouve beaucoup de bestiaux,
particulièrement des boeufs et des moutons à queue longue et épaisse.
Il y a des espèces nombreuses et variées de chameaux ; les uns sont
sans poil, les autres velus ; d'autres enfin ont sur le dos une double
bosse, ce qui leur a valu le nom de chameaux dityles (125). Leur lait et
leur chair fournissent aux habitants une nourriture abondante. Ceux qui
sont habitués à recevoir des fardeaux portent sur leur dos jusqu'à dix
médimnes de froment (126), y compris cinq hommes qui les montent.
Les dromadaires, étant plus légers et ayant les jambes plus grêles,
supportent de grandes marches à travers les contrées désertes et sans
eau. Ces animaux servent même dans la guerre ; ils sont alors montés
par deux archers, placés dos à dos, dont l'un combat dans l'attaque et
l'autre dans la retraite.
En voilà assez sur l'Arabie. Si nous nous sommes un peu étendu sur
les productions de ce pays, c'était afin de fournir au lecteur studieux un
sujet intéressant.
LV. Nous allons maintenant donner quelques détails sur les
merveilles d'une île découverte dans l'Océan méridional, en
commençant par l'origine de cette découverte. Iambulus était, dès son
enfance, curieux de s'instruire ; à la mort de son père, qui était
marchand, il se livra au commerce. Passant par l'Arabie pour se rendre
dans la contrée d'où viennent les aromates, il fut, avec ses compagnons
de voyage, saisi par des brigands.
173 Il fut d'abord employé à garder les troupeaux avec un de ses
compagnons. Ils tombèrent ensuite tous deux entre les mains de
quelques brigands éthiopiens, qui les emmenèrent dans la partie
maritime de l'Ethiopie. Ainsi enlevés, ils furent, comme étrangers,
destinés à la pratique d'une cérémonie expiatoire pour purifier le pays.
Cette cérémonie, dont l'usage est établi parmi ces Ethiopiens depuis un
temps immémorial et sanctionné par des oracles, s'accomplit toutes les
vingt générations ou tous les six cents ans, en comptant trente ans par
génération. A cet effet, on emploie deux hommes pour lesquels on
équipe un navire de dimensions proportionnées, capable de résister aux
tempêtes et d'être aisément conduit par deux rameurs, ils
l'approvisionnent de vivres pour six mois, y font entrer les deux
hommes désignés, et leur ordonnent, conformément à l'oracle, de se
diriger vers le midi. En même temps, ces deux hommes reçoivent
l'assurance qu'ils arriveront dans une île fortunée, habitée par une race
d'hommes doux, parmi lesquels ils passeront une vie heureuse. On
déclare aussi aux voyageurs que s'ils arrivent sains et saufs dans cette
île, l'Ethiopie jouira, pendant six cents ans, d'une paix et d'un bonheur
continuels ; mais que si, effrayés de l'immensité de l'Océan, ils
ramenaient leur navire en arrière, ils s'exposeraient, comme des impies
et comme des hommes funestes à l'Etat, aux plus terribles châtiments.
Les Ethiopiens célébrèrent donc cette fête solennelle sur les bords de la
mer, et après avoir brûlé des sacrifices pompeux, ils couronnèrent de
fleurs les deux hommes chargés du salut de la nation, et les
embarquèrent. Après avoir navigué pendant quatre mois, et lutté contre
les tempêtes, ils abordèrent dans l'île désignée, qui est de figure ronde
et qui a jusqu'à cinq mille stades de circonférence (127).
174 LVI. En s'approchant de cette île, ils virent quelques naturels
venir à leur rencontre pour tirer leur barque à terre. Tous les insulaires
accoururent et admirèrent l'entreprise des deux étrangers, qui furent
bien accueillis et pourvus de toutes les choses nécessaires. Ces
insulaires diffèrent beaucoup des habitants de nos contrées par les
particularités de leurs corps et par leurs moeurs. Ils ont tous à peu près
la même conformation, et leur taille est au delà de quatre coudées
(128). Leurs os peuvent se courber et se redresser, comme des cordes
élastiques. Leurs corps paraissent extrêmement faibles, mais ils sont
beaucoup plus vigoureux que les nôtres ; car lorsqu'ils saisissent
quelque chose dans leurs mains, personne ne peut le leur arracher. Ils
n'ont de poils que sur la tête, aux sourcils, aux paupières et à la barbe ;
tout le reste du corps est si lisse qu'on n'y aperçoit pas le moindre
duvet. Leur physionomie est belle, et toutes les parties du corps sont
bien proportionnées. Leurs narines sont beaucoup plus ouvertes que les
nôtres, et on y voit pendre une excroissance semblable à une languette.
Leur langue a aussi quelque chose de particulier, en partie naturel, en
partie artificiel : elle est fendue dans sa longueur de manière à paraître
double jusqu'à la racine. Cette disposition leur donne la faculté de
produire une grande variété de sons, d'imiter non seulement tous les
dialectes, mais encore les chants de divers oiseaux, en un mot, tous les
sons imaginables. Ce qu'il y a de plus merveilleux, c'est que le même
homme peut causer avec deux personnes à la fois, leur répondre et
soutenir la conversation, en se servant d'une moitié de la langue pour
parler au premier, et de l'autre moitié pour parler au second.
Le climat y est très tempéré, parce que l'île est située sous la ligne
équinoxiale ; les habitants ne souffrent ni de trop de chaleur ni de trop
de froid. Il y règne un automne perpétuel, et comme dit le poète : «La
poire mûrit près de la poire, la pomme près de la pomme, la grappe
succède à la grappe, la figue à la figue (129)». Les jours sont
constamment égaux aux 175 nuits, et à midi les objets ne jettent point
d'ombre, parce que le soleil se trouve alors perpendiculairement sur
leur tête.
LVII. Les habitants sont distribués en familles ou en tribus, dont
chacune ne se compose que de quatre cents personnes au plus. Ils
vivent dans des prairies, où ils trouvent tout ce qui est nécessaire à
l'entretien de la vie, car la bonté du sol et la température du climat
produisent plus de fruits qu'il ne leur en faut. Il croît surtout dans cette
île une multitude de roseaux portant un fruit semblable à l'orobe
blanche. Les habitants le recueillent et le laissent macérer dans l'eau
chaude jusqu'à ce qu'il acquière la grosseur d'un oeuf de pigeon ; après
l'avoir moulu et pétri avec leurs mains, ils en cuisent des pains d'une
saveur très douce. On y trouve aussi beaucoup de sources dont les
unes, chaudes, sont employées pour les bains de délassement ; les
autres, froides, agréables à boire, sont propres à entretenir la santé. Les
insulaires s'appliquent à toutes les sciences, et particulièrement à
l'astrologie ; leur alphabet se compose de sept caractères, mais dont la
valeur équivaut à vingt-huit lettres, chaque caractère primitif étant
modifié de quatre manières différentes. Les habitants vivent très
longtemps ; ils parviennent ordinairement jusqu'à l'âge de cent
cinquante ans, et sans avoir éprouvé de maladies. Une loi sévère
condamne à mourir tous ceux qui sont contrefaits ou estropiés. Leur
écriture consiste à tracer les signes, non pas comme nous
transversalement, mais perpendiculairement de haut en bas (130).
Lorsque les habitants sont arrivés à l'âge indiqué, ils se donnent
volontairement la mort par un procédé particulier. Il croît dans ce pays
une plante fort singulière : lorsqu'on s'y couche, on tombe dans un
sommeil profond, et l'on meurt (131).
LVIII. Le mariage n'est point en usage parmi eux ; les femmes 176 et
les enfants sont entretenus et élevés à frais communs et avec une
égale affection. Les enfants encore à la mamelle sont souvent changés
de nourrices, afin que les mères ne reconnaissent pas ceux qui leur
appartiennent. Comme il ne peut y avoir ni jalousie ni ambition, les
habitants vivent entre eux dans la plus parfaite harmonie. Leur île
renferme une espèce d'animaux de petite taille, dont le corps et le sang
présentent des propriétés fort singulières. Ces animaux sont de forme
arrondie, parfaitement semblable aux tortues ; leur dos est marqué de
deux raies jaunes, disposées en forme de X : aux extrémités de chaque
raie se trouve un oeil et une bouche, de manière que l'individu a quatre
yeux pour voir, et autant de bouches pour introduire les aliments dans
un seul gosier qui les porte tous dans un estomac unique. Les intestins,
ainsi que les autres viscères, sont également simples. Les pieds,
disposés circulairement, donnent à cet animal la faculté de marcher là
où l'instinct le conduit ; son sang a une propriété fort extraordinaire : il
agglutine sur-le-champ un membre coupé en deux, tel que la main ou
toute autre partie du corps, pourvu que la coupure soit récente, et
qu'elle n'intéresse pas des organes essentiels à la vie. Chaque tribu
d'insulaires nourrit une espèce particulière de très grands oiseaux qui
servent à découvrir les dispositions naturelles de leurs enfants. A cet
effet ils mettent les enfants sur le dos de ces oiseaux, qui les enlèvent
aussitôt dans les airs ; les enfants qui supportent cette manière de
voyager sont conservés, et on les élève, tandis que ceux auxquels ce
voyage aérien donne le mal de mer et qui se laissent choir de frayeur,
sont abandonnés comme n'étant pas destinés à vitre longtemps, et
comme dépourvus des bonnes qualités de l'âme. Le plus âgé est le chef
de chaque tribu ; il a l'autorité d'un roi auquel tous les autres obéissent ;
lorsqu'il atteint cent cinquante ans, il renonce, suivant la loi,
volontairement à la vie, et le plus ancien le remplace immédiatement
dans sa dignité.
La mer qui environne cette île est orageuse, et a des flux et des
reflux considérables ; mais ses eaux sont douces. Les 177 constellations
des deux Ourses, ainsi que beaucoup d'autres astres que l'on ne voit
que chez nous, y sont invisibles. On compte sept îles de ce genre,
toutes de même grandeur et séparées par des intervalles égaux, et qui
sont toutes régies par les mêmes moeurs et les mêmes lois.
LIX. Quoique le sol fournisse à tous les habitants des vivres en
abondance et sans exiger aucun travail, ils n'en usent point d'une
manière désordonnée ; ils ne prennent que ce qui est nécessaire, et
vivent dans une grande frugalité. Ils mangent de la viande et d'autres
aliments, rôtis ou cuits dans l'eau ; mais ils ne connaissent point les
sauces recherchées ni les épices de nos cuisiniers. Ils vénèrent comme
des divinités la voûte de l'univers, le soleil, et en général tous les corps
célestes. La pêche leur procure toutes sortes de poissons, et la chasse
un grand nombre d'oiseaux. Parmi les arbres fruitiers sauvages, on
remarque l'olivier et la vigne, qui fournissent de l'huile et du vin en
abondance. On y trouve aussi des serpents énormes qui ne font aucun
mal à l'homme ; leur chair est bonne à manger et d'un excellent goût.
Les vêtements de ces insulaires sont fabriqués avec certains joncs qui
renferment au milieu un duvet brillant et doux ; on recueille ce duvet, et
en le mêlant avec des coquillages marins pilés, on en retire des toiles
de pourpre admirables. Les animaux qu'on trouve dans ces îles ont tous
des formes extraordinaires et incroyables. La manière de vivre des
habitants est soumise à des règles fixes, et on ne se sert pas tous les
jours des mêmes aliments. Il y a des jours déterminés d'avance pour
manger du poisson, de la volaille ou de la chair d'animaux terrestres ;
enfin, il y a des jours auxquels on ne mange que des olives ou d'autres
aliments très simples. Les emplois sont partagés ; les uns vont à la
chasse, les autres se livrent à quelques métiers mécaniques ; d'autres
s'occupent d'autres travaux utiles ; enfin, à l'exception des vieillards, ils
exercent tous, alternativement et pendant un certain temps, les
fonctions publiques. Dans les fêtes et les grandes solennités, ils récitent
178 et chantent des hymnes et des louanges en l'honneur des dieux, et
particulièrement en honneur du soleil auquel ils ont consacré leurs îles
et leurs personnes. Ils enterrent les morts dans le sable au moment de
la marée basse, afin que la mer, pendant le reflux, leur élève en
quelque sorte leur tombeau. Ils prétendent que les roseaux, dont ils
tirent en partie leur nourriture et qui sont de l'épaisseur d'une
couronne, se remplissent à l'époque de la pleine lune, et diminuent
pendant son déclin. L'eau douce et salutaire des sources chaudes, qui
existent dans ces îles, conserve constamment le même degré de
chaleur ; elle ne se refroidit même pas lorsqu'on la mélange avec de
l'eau ou du vin froids.
LX. Après un séjour de sept ans dans ces îles, Iambulus et son
compagnon de voyage en furent expulsés comme des hommes
méchants et de mauvaises habitudes. Ils furent donc forcés d'équiper
de nouveau leur barque, et de l'approvisionner pour le retour. Au bout
de plus de quatre mois de navigation, ils échouèrent, du côté de l'Inde,
sur des sables et des bas-fonds. L'un périt dans ce naufrage ; l'autre,
Iambulus, se traîna jusqu'à un village ; les habitants le conduisirent
devant le roi, résidant dans la ville de Palibothra, éloignée de la mer de
plusieurs journées. Ce roi, aimant les Grecs et l'instruction, lui fit un très
bon accueil, et finit par lui donner une escorte chargée de le conduire
jusqu'en Perse. De là Iambulus gagna la Grèce sans accident. Tel est le
récit que Iambulus a consigné lui-même dans son histoire, où il donne
sur l'Inde des renseignements ailleurs inconnus. Ayant ainsi rempli la
promesse que nous avions donnée au commencement, nous terminons
ici le second livre.
NOTES

(01) Ce roi s'appelait Nabonnabas , selon la liste des rois babyloniens dans la
cbronographie de Syncelle.

(02) Les historiens grecs écrivent indifféremment Καδούσιοι , Cadusiens , et


Καδδούσιοι, Caddusiens (Polybe, V, 44 et 79).

(03) Peuple de la Perse (Strabon , liv. XVI ).

(04) Les Borcaniens habitaient sur les frontières de l'Hyrcanie. (Voy. Ctésias
dans les Extraits de Photius , p. 110. )

(05) Il y avait deux tribus caspiennes, l'une habitait â l'ouest, dans le voisinage
de la mer Caspienne; l'autre était limitrophe de la Parthie. C'est sur le territoire de
cette dernière tribu qu'étaient situées les Κασπίαι πύλαι, Portes Caspiennes. (Voy.
Dionys. Perieget. , 1039, et Strabon, liv. XI. )

(06) Il faut se rappeler ici que les anciens donnaient souvent le nom de Syrie à
tout le:pays qui s'étend depuis la Babylonie jusqu'au golfe d'Issus.

(07) C'est là une erreur. La ville de Ninus était située sur les bords du Tigre,
ainsi que l'attestent non-seulement les témoignages (l'Hérodote (1, 193), de Strabon ,
de Pline, de Ptolémée, mais surtout les vestiges qu'on retrouve encore aujourd'hui de
cette antique cité.
(08) D'après cela, la ville de Ninus aurait eu exactement la même grandeur que
Babylone. Cependant, suivant l'autorité de Strabon, la première ville était beau-coup
plus grande que Babylone (XVI, p. 1071; πολὺ μείζων τῆς Βαβυλῶνος).

(09) Cette ville porte, dans l'Écriture sainte, le nom de Ninive, de Nin-Navé,
qui, suivant Bochart, signifie résidence de Ninus.

(10) Probablement le lac Sirbonide dont il a été question dans le liv. I, chap. 30.

(11) Comparez ce récit avec celui de Lucien , de la Déesse Syrienne, chap. 14.

(12) Selon Bochart, Sémiramis serait une corruption de Serimamis, de Sera,


montagne , et Hema, colombe.

(13)On se rappelle que le baptême de Jésus-Christ, pendant lequel le Saint-


Esprit se manifesta sous la forme d'une colombe, a eu lieu dans un pays autrefois
compris dans le royaume de la Syrie.

(14) Quelques-uns lisent Onnès (Ὄννης). J'adopte ici la leçon de l'édition


Bipontine.

(15)Voy. plus bas, XIV, 47.

(16) Le nom d'Oxyarte paraît être un nom générique comme celui de Pharaon,
qu'on donnait aux rois d'Égypte. Le père de Roxane s'appelait aussi Oxyarte. Voy
XVIII , 3.

(17) Environ dix-sept cents mètres.

(18) Selon la plupart des historiens, ce n'est pas Sémiramis, mais Bélus qui fut
le fondateur de Babylone. Quinte-Curce, V, I : Semiramis Babylonem condiderat,
;et, ut plerique credidere, Belus, cujus regia ostenditur. Ammian Marcellin, XIII, 6 :
Babylon, cujus moenia bitumine Semiramis struxit; arcem enim antiquissimus rex
condidit Belus. Voy. Jac. Periz., Orig. Babylon. , chap. 7.

(19) Soixante-six mille mètres. Selon Hérodote (I, 478), cette enceinte était de
luatre cent quatre-vingts stades, et, selon Strabon , de trois cent quatre-vingt-;inq
stades.

(20) Ce vernis d'asphalte devait avoir pour effet la conservation indéfinie des
pierres argileuses ( briques) qu'il recouvrait. Aussi trouve-t-on encore aujourd'hui
beaucoup de ces matériaux qui avaient servi à la construction des murs de Ninive et
le Babylone.
(21) A peu près quatre-vingt-six mètres.

(22) Environ vingt-cinq mètres.

(23) Voy. Hérodote, I, 183; Arrien, VII, 20.

(24) Soixante mètres.

(25) Ce pont passait pour une des merveilles de l'Orient. Hérodote en attribue la
construction à Nitocris ( liv. 1, chap. 186).

(26) Près de trente kilomètres.

(27) Plus de onze kilomètres.

(28) Quatre-vingt-dix mètres.

(29) Environ deux mètres.

(30) Cinq mille cinq cent vingt mètres.

(31) Cette divinité porte dans les langues sémitiques le nom de Baal. Je pense

que l'on pourrait faire dériver ce mot du chaldéen ou de l'hébreu, (bara), créer,

et de (al ), Dieu ; Baal (Baral) signifierait donc Dieu créateur. C'est le Elohim de

la Genèse.

(32) Cinquante-cinq kilomètres.

(33) Environ deux mètres.

(34) Ce laps de temps parait bien court, à moins d'admettre qu'il y eût plusieurs
milliers de bras employés à ces travaux. Au reste, on remarquera que les nombres
sept, trente, trois cent soixante-cinq, exprimant les jours de la semaine, du mois et de
l'année, se rencontrent trop souvent, dans le récit de ces constructions antiques, pour
qu'il ne soit pas permis de.douter de leur authenticité, à moins de supposer (ce qui
paraît assez probable) que les combinaisons mystiques des nombres sacrés jouaient
un grand rôle , chez les peuples religieux, dans la construction de leurs. monuments.
C'est ainsi que nous voyons dans les cathédrales du moyen âge le nombre ternaire
(trinité) et le multiple de ce nombre par trois présider à la dis-position des piliers,
des ogives, etc.
(35) Ce monument existait encore du temps d'Hérodote (liv. II, chap. 181 ). Il
fut détruit par les Perses ; Alexandre essaya en vain de le rétablir ( Arrien , VII, 17 ).

(36) Voyez sur les Chaldéens, chap. 29.

(37) Tout ce qui est raconté ici s'accorde assez bien avec la description de la
tour de Babel dans le Pentateuque.

(38) Environ trente et un mille kilogrammes. Le talent babylonien valait, selon


Hérodote (III, 126), soixante-dix mines euboïques ou attiques.

(39) Environ trois cent trente kilogr.

(40) Particulièrement par Darius et Xercès. Voy. Hérodote , II , 183 ; Strabon ,


XVI , p. 1073.

(41) Comparez Quinte-Curce, liv. V, chap. 1 : Syriæ regem, Babylone


regnantem, hoc opus esse molitum, memoriœ proditum est, more conjugis victum. Ce
roi de Syrie (d'Assyrie) n'est autre que Nabuchodonosor, ainsi que nous l'apprend
Bérose, cité par Joseph, Antiquités Juives, liv. X, chap. 11; et dans le livre contre
Apion, I, 19.

(42) Environ cent vingt mètres.

(43) Près de vingt-cinq mètres.

(44) Quarante-six myriamètres.

(45) L'Euphrate et le Tigre n'arrosent, à proprement parler, ni la Médie ni la


Parétacène. Cellarius avait déjà signalé cette erreur de Diodore.

(46) Golfe Persique, qui porte souvent, chez les anciens, le nom de mer Rouge.

(47) Ὀβελίσκος est le diminutif de ὀβελός, broche, aiguille.

(48) L'asphalte ou bitume parait avoir la même origine que la houille. Ces
matières proviennent sans doute de la décomposition lente de débris organiques
enfouis dans le sol , peut-être d'immenses forêts antédiluviennes formées d'arbres
résineux.

(49) Le gaz délétère, dont il est ici question, est sans doute l'hydrogène sulfuré
qui se dégage fréquemment de sources naturelles, et qui agit comme un poison,
même étant respiré en petite quantité. Les mots πίπραται τὸ σῶμα μάλιστα τοὺς
περὶ τὸν πνεύμονα τόπους font voir que l'anatomie pathologique n'est pas
d'invention aussi récente qu'on le croit généralement.
(50) Plus de deux kilomètres.

(51) Environ deux mille huit cent cinquante mètres.

(52) C'est-à-dire en caractères assyriens, qui paraissent avoir été très-peu


différents des caractères hébreux.

(53) Ecbatane fut la résidence d'été des rois de Perse, en raison du climat, qui y
était moins chaud (Strabon, XI, p. 794).

(54) Plus de deux kilomètres.

(55) Les eaux, chargées d'oxyde et de sels de fer, peuvent présenter un aspect
rouge ; mais elles exhalent alors une odeur d'encre et n'ont aucunement les propriétés
merveilleuses dont il est ici question.

(56) C'était du verre fossile, ainsi qu'Hérodote l'indique lui-même, liv. III, chap.
24 : ἡ ὕελος δέ σφι πολλὴ καὶ εὐεργὸς ὁρύσσεται. Ce verre fossile était ou le sel
gemme, si abondant en Éthiopie, ou le sulfate de chaux (gypse) cristallisé, qu'on
trouve dans beaucoup de pays, et, entre autres, dans les carrières des environs de
Paris, où il est connu sous le nom de gie ou pierre à Jésus. Cependant , l'expression
de περιχεύειν ne peut guère s'appliquer qu'au verre véritable.

(57) Cette expédition de Sémiramis, ainsi que beaucoup d'autres exploits


attribués à cette reine, ont été révoqués en doute , déjà par des auteurs anciens, tels
que Mégasthène et Strabon.

(58) Ce sont les πλοῖα διαιρετά ou πλοῖα διάλυτα de Strabon (XVI, p. 1076).
Comparez Quinte-Curce : Plura flumina superanda erant ; sic junxere naves, ut
solutae plaustris vehi possent, rursusque conjungi.

(59) Environ deux mètres.

(60) Consultez Tite-Live, XXX, 18 : Ad quorum (elephantorum) stridorem


odoremque et adspectum territi equi, vanum equestre auxilium fecerunt.

(60) Comparez Justin, liv. I, chap. 2.

(61) Lucien, de la Déesse syrienne, c. 44 : Σεμιράμις ἐς περιστερὴν ἀπίκετο.


C'est ce qui expliquerait, selon quelques auteurs, le culte des pigeons chez les
Syriens ou les Assyriens. Voyez page 116, note 3.

(62) Suivant Fabricius (Bibliotheca groeca, t. IV, 20, p. 131), l'Athénée, dont il
est ici question, était originaire de Séleucie, et philosophe péripatéticien.
(63) Suivant Ctésias, l'empire des Assyriens avait duré treize cents ans. Voy.
Justin, 1,2.

(64) D'après la Chronographie de Syncelle, Teutam était le vingt-septième roi


depuis Ninyas, et, suivant Céphalion, le vingt-septième roi depuis Bélus.

(65) Scaliger , s'appuyant sur l'autorité d'Eusèbe , pense qu'il faut lire ici
τριακοστὸς καὶ πέμτος, le trente-cinquième.

(66) Voyez sur la préparation de la céruse chez les anciens, mon Histoire de la
Chimie, t. I, p. 131.

(67) Ce Grec s'appelait Choerilus, s'il faut en croire Athénée (XII, 7).

(68) Mèdes, Perses, Babyloniens et Arabes.

(69) On pourrait se demander comment un homme, que l'on nous dépeint


comme si efféminé, s'est montré tout à coup si résolu et si courageux.

(70) Plus de douze kilomètres.

(71) Environ seize millions neuf cent mille francs de notre monnaie.

(72) C'est sans doute par inadvertance que Miot et Terrasson ont lu ici ὄpoç
montagne, au lieu de ὅpoç frontière; car ὅpoç n'est justifié par aucun manuscrit.

(73) La plupart de ces machines ne furent inventées que sous le règne de Denis,
tyran de Syracuse. Voir plus bas XΙV , 41.

(74) Trois mille six cents mètres.

(74) Ninive parait avoir été, par la suite, relevée de ses ruines. Car Tacite
(Annales , XII, 13) , Ptolémée (Géographie, VI , i) et Ammien (XXIII , 6) parlent de
cette ville comme existant à leur époque.

(75) A combien de rapprochements ces paroles pourraient donner lieu !

(76) Πλανῆται, astres errants.

(77) Saturne.

(78) Suivant le rapport de Simplicius (Comment. in Arist. de Caelo, c. 11 ), les


Chaldéens citaient, au temps d'Alexandre, une suite d'observations de 1903 ans. --
M. l.etronne (Journal des savants, année 1839, t. XXlV, p. 577) a fait très-
judicieusement ressortir l'importance de ces renseignements précieux que Diodore
communique ici sur l'astronomie des Chaldéens. Voyez Ideler , Über die Sternkunde
der Chaldaeer ( sur l'astronomie des Chaldéens), dans les Mémoires de l'Académie
de Berlin , années 1814-1815, p. 199.

(79) Selon Hérodote (I, 95, 100), ce roi s'appelait Déjocès.

(80) Sept cent onze ans avant Jésus-Christ.

(81) Cette remarque est ou un lapsus memoriae, ou le texte d'Hérodote était, du


temps de Diodore, différent du texte actuel , ainsi que l'a déjà fait observer
Wesseling.

(82) Ce sont les annales des rois, les megella dont parlent Esdras (VI, 2) et
l'auteur d'Esther (III 22;VI, 1;X, 2).

(83) Nicolas de Damas, qui nous a laissé quelques détails sur les intrigues de ce
favori , l'appelle Parsondas.

(84) Cent quatre-vingt-quatre mètres.

(85) Cinq cent quinze myriamétres.

(86) L'influence de l'air, des eaux et des lieux sur le moral comme sur le
physique de l'homme est incontestable. Ainsi , le crétinisme n'existe réellement que
dans des localités soumises à certaines conditions physiques. Les végétaux eux-
mimes subissent l'empire des milieux environnants. Qui ne sait que la plupart des
plantes aromatiques , de la famille des Labiées, ne croissent guère que sur un sol
aride et sablonneux, tandis que d'autres végétaux exigent pour leur développement
un terrain, gras et marécageux.

(87) Strabon (XV, p. 1012) donne le nom de βόσμορος à une espèce de


graminée semblable au froment.

(88) La canne à sucre ou toute autre espèce de roseau riche en sucre de canne

(89) Cinq kilomètres et demi.

(90) L'océan Indien , ἡ μεγάλη θάλαττα. Voir chap. 35.

(91) Ce récit, répété par Pline ( Hist. nat., XXXI, 2) , est évidemment fabuleux.
On ne tonnait aucun liquide qui soit assez dense pour empêcher tous les corps d'y
tomber au fond. Le mercure lui-nième, sur lequel peuvent pourtant nager des corps
treize fois plus pesants que l'eau , ne résiste pas,à l'or et au platine, qui y tombent au
fond.
(92) Les eaux et les vents sont en effet deux circonstances qui peuvent s'opposer
le plus puissamment aux ravages d'une maladie épidémique.

(93) Μηρός, cuisse.

(94) Dans la cuisse de Jupiter.

(95) Elle s'appelait Pandoea. Voyez Arrien ( Indic. c. 9 ).

(96) Au rapport d'Arrien , cette ville était située au confluent de deux fleuves,
l'Eranuubua et le (ange. Aujourd'hui Allalabad. Voir Robertson , Recherches sur
l'Inde ancienne , p. 235.

(97) Philon nous apprend que cette loi se trouvait aussi chez les Esséniens en
Palestine. Les Esséniens , ayant aboli l'esclavage, accusaient tous les despotes de
violer la sainte loi de l'égalité, et ils les considéraient comme des sacriléges. Les lois
fondamentales de la morale chrétienne étaient depuis longtemps pratiquées par la
secte des Esséniens, à laquelle Jésus-Christ ne paraît pas avoir été étranger.

(98) C'était là la condition des serfs au moyen àge , et qui se conserve encore
aujourd'hui chez quelques nations à demi civilisées. Cette condition des agriculteurs
chez les Indiens ne s'accorde guère avec la loi de l'égalité, énoncée plus haut..

(99) Je n'ai pas cru devoir suivre ici l'exemple de Terrasson et Miot, qui ont,
contrairement au texte original, transporté tout cet alinéa à la fin du chapitre 41.

(100) Il est à remarquer que le mot slavon tschudi ( d'où dérive sans doute le
nom de Scythes) signifie étranger; de même que le mot Barbares dérive du nom
syriaque Barbar, étranger ou ennemi, hostis.

(101) Les historiens ne s'accordent point entre eux sur le genre de mort infligé à
Cyrus.

(102) Ἀμάζονος, sans mamelles. Suivant Otrokoski ( Origin. Hungar., t. Il, c.


14 ), le mot amazone vient d'am' azzon, qui signifie femme robuste dans quelques
dialectes slavons.

(103) Ταυρόπολος , habitant de la Tauride. C'est dans ce pays que l'image de


cette déesse avait été transportée.

(104) Cycle de Méton. Voyez Ideler, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin , année
1814.
(105) Ce récit paraît tout à fait fabuleux, car il ne peut s'appliquer à aucune des
îles situées au nord de la Celtique.

(106) Cette observation peut s'appliquer à presque toutes les époques de


l'histoire des Arabes.

(107) Quatre-vingt-douze kilomètres.

(108) Onze kilomètres.

(109) Toutes les localités qui répandent du gaz hydrogène sulfuré donnent lieu
aux observations du même genre. Ce gaz est en effet inflammable, fétide et nuisible
à la santé.

(110) La gomme ammoniaque (?).

(111) Tous ces végétaux contiennent du sucre de canne.

(112) L'auteur n'en indique pas l'espèce. Peut-être faut-il lire ῥητίνη
τερεβίνδου la résine du térébinthe, au lieu de ῥητίνη καὶ τερέβινδος. C'est, une
conjecture que j'oserais proposer.

(113) Selon quelques commentateurs, c'est le juniperus sabina; cette espèce de


genévrier fournit une huile essentielle ayant des propriétés emménagogues.

(114) C'est de l'or natif, ἄπυρος, c'est-à-dire qui n'a pas besoin de passer par le
feu , d'être calciné , tandis que tous les autres minerais doivent être travaillés au feu
pour en extraire les métaux ductiles et malléables. C'est là, selon moi , le vrai sens
du mot ἄπυρος, que tous les interprètes me paraissent avoir mal compris.

(115) De στρουθός, moineau , et κάμηλος, chameau.

(116) Terrasson a commis ici une double erreur en traduisant ῥύγχος εἰς ὀξὺ
συνηγμένον par « bec recourbé en pointe, »

(117) C'est sans doute de la girafe qu'il est ici question , bien que plusieurs
points de la description ne puissent guère s'appliquer à cet animal qui avait excité .
l'admiration des anciens.

(118) Τραγέλαφος signifie littéralement bouc-cerf.

(119) Le cristal (κρύσταλλος) que les physiciens grecs considéraient comme


étant composé d'eau pure congelée, non par le froid, mais par l'action d'un feu divin ,
était le cristal de roche ( acide silicique) qui est effectiveruènt de formation
plutonienne ou ignée. Le cristal de roche forme avec la potasse ou la soude la partie
essentielle des pierres précieuses artificielles, dont les anciens connaissaient
parfaitement la préparation. La pâte vitreuse, composée de silicate de potasse, étant
fondue avec certains oxydes métalliques, donne des verres ou cristaux artificiels
diversement colorés. Avec l'oxyde de cuivre, on imite l'émeraude, avec l'oxyde d'or,
le rubis; avec l'oxyde de cobalt, le saphir , etc. — Les physiciens de l'antiquité
avaient pour principe d'imiter la nature. Ils attribuaient, avec raison , une grande
puissance génératrice au feu divin (πῦρ θεῖον) , c'est-à-dire au soleil, si bien
dénommé δημιουργὸς τῆς φύσεως, l'architecte de la nature. C'est le feu divin de cet
architecte de la nature qu'if cherchaient à imiter par le feu , ouvrage des mortels
(πυρὸς διὰ τοῦ θνητοῦς.... γεγονότος).

(120) Il y a de ces vérités qui sont senties plutôt que comprises : elles sont
contemporaines de l'homme. Le culte que les peuples primitifs ont voué au soleil a
certainement sa raison, non pas seulement dans l'éclat lumineux de cet astre qui fait,
distinguer le jour des ténèbres, mais surtout dans l'influence vivifiante, mystérieuse,
et pour ainsi dire toute divine, que le soleil exerce sur tout l'ensemble de la nature.
Cette influence a été sans doute reconnue de tout temps , bien qu'on n'edt encore
peut-être aucun moyen de s'appuyer sur des démonstrations scientifiques. Depuis des
milliers d'années ( Diodore n'est ici que l'interprète de témoignages plus anciens) on
sait que la lumière du soleil est la cause des couleurs, niais c'est depuis un siècle et
demi à peine que l'on a trouvé la démonstration scientifique de ce fait par la
décomposition de la lumière en ses couleurs primitives : les corps qui nous
paraissent jaunes, absorbent toutes les autres couleurs du spectre solaire, moins le
jaune; les corps qui nous paraissent verts absorbent toutes les autres couleurs , moins
le vert, etc. Les anciens savaient comme nous que le chatoiement irisé des plumes
des oiseaux est un effet du soleil mais ils ne savaient pas comment cet effet résulte
de certains phénomènes de diffraction que la physique nous explique aujourd'hui.
Les anciens attribuaient à l'action du soleil le parfum des fruits du Midi. La chimie
cherche aujourd'hui à nous rendre compte de ce fait. Les philosophes de l'école
ionienne avaient été conduits à admettre théoriquement qu'il existe dans l'air un
esprit (πνεῦμα) qui entretient le feu et la respiration; pendant des siècles on l'a
cherché en tàtonnant; maintenant tout le monde peut le palper, cet esprit , que
Lavoisier a appelé oxygène. Il serait inutile de multiplier les exemples. Il me suffit
d'avoir fait ressortir que les grandes vérités scientifiques, exprimées dans leur
formule la plus générale , ont été connues presque de tout temps , et qu'elles sont en
quelque sorte inhérentes à l'intelligence mame de l'homme; tous les progrès de la
science ne semblent donc consister que dans la découverte des détails démonstratifs
à l'appui de ces vérités.

(121) Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'en effet, de tous les animaux connus ,
les oiseaux développent le plus de chaleur et ont le sang le plus chaud, ainsi que le
démontre l'expérience. Leur respiration est également plus active que celle des
autres animaux.

(122) C'est-à-dire de l'Assyrie.

(123) Flamants (T).

(124) Comparez Ammien , XIV, 8 : Huic (Syriae Palaestinae) Arabia est


conserta, ex alio latere Nabateeis contigua; optima varietate commerciorum,
castrisque oppleta validis et castellis.

(125) A deux tubercules ou bosses.

(126) Environ cinq hectolitres.

(127) Environ quatre-vingt-douze myi iamètres. Quelques-uns pensent qu'il est


ici question de l'île de Ceylan (Taprobane ). Il paraît plus rationnel de regarder tout
ce récit en grande partie comme le fruit de l'imagination de Iambulus. Il serait donc
oiseux d'y ajouter le moindre commentaire. Au reste, Iambulus avait déjà auprès de
ses compatriotes la réputation d'un nugator.

(128) Près de deux mètres.

(129) Odyssée, chant VII, v. 420.

(130) Cette écriture était analogue .à celle des Mandschous. Ce passage se


rattache plus immédiatement au récit donné quelques lignes plus haut. J'ai cru devoir
m'abstenir de cette transposition par respect pour l'original.

(131) Cette plante rappelle le mancenillier de la vallée de Mort à. Java.


DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE. ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗΣ


ΙΣΤΟΡΙΚΗΣ ΒΙΒΛΟΣ ΤΡΙΤΗ.

TOME PREMIER : LIVRE ΙII


179 Livre III
Des Éthiopiens habitant au delà de la Libye ; de leurs traditions
anciennes. - Des mines d'or, situées sur les confins de l'Egypte ;
exploitation de l'or. - Des peuplades qui habitent le littoral du golfe
Arabique et toute la côte de l'Océan jusqu'à l'Inde ; de leurs moeurs et
des particularités tout à fait étranges et incroyables qu'on en raconte. -
Histoire primitive de la Libye, des Gorgones, des Amazones, d'Amnon et
d'Atlas. - Des récits fabuleux sur Nysa ; des Titans, de Bacchus et de la
mère des dieux.
I. Le premier des deux livres précédents contient l'histoire des
anciens rois d'Égypte, les traditions religieuses de ce pays, les
particularités du Nil, la description des fruits et des divers animaux qui
s'y trouvent, la topographie de l'Égypte avec les coutumes et les lois de
ses habitants ; le second livre traite de l'Asie, de l'histoire des Assyriens,
de la naissance et du pouvoir de Sémiramis, de la fondation de
Babylone et de beaucoup d'autres villes ; de l'expédition de Sémiramis
dans l'Inde ; ensuite nous avons parlé des Chaldéens et de leurs
connaissances astrologiques, de l'Arabie et des productions singulières
que ce pays renferme, de l'empire des Scythes, des Amazones, enfin
des Hyperboréens. Conformément au plan que nous nous sommes
tracé, nous allons maintenant parler des Éthiopiens, des Libyens et des
Atlantides.
II. On soutient que les Éthiopiens sont les premiers de tous les
hommes, et que les preuves en sont évidentes. D'abord, tout le monde
étant à peu près d'accord qu'ils ne sont pas venus de l'étranger, et
qu'ils sont nés dans le pays même, on peut, à juste titre, les appeler
Autochtones ; ensuite il paraît manifeste pour tous que les hommes qui
habitent le Midi sont 180 probablement sortis les premiers du sein de la
terre. Car la chaleur du soleil séchant la terre humide et la rendant
propre à la génération des animaux, il est vraisemblable que la région la
plus voisine du soleil a été la première peuplée d'êtres vivants (01). On
prétend aussi que les Éthiopiens ont les premiers enseigné aux hommes
à vénérer les dieux, à leur offrir des sacrifices, à faire des pompes, des
solennités sacrées et d'autres cérémonies, par lesquelles les hommes
pratiquent le culte divin. Aussi sont-ils partout célèbres pour leur piété ;
et leurs sacrifices paraissent être les plus agréables à la divinité. A
l'appui de cela nous avons le témoignage du poète presque le plus
ancien et le plus admiré des Grecs, qui nous représente, dans son Iliade,
Jupiter et les autres immortels se rendant en Éthiopie pour recevoir les
offrandes et les festins que les Éthiopiens leur offrent tous les ans :
«Jupiter a traversé hier l'Océan pour se rendre chez les braves
Éthiopiens qui lui prépaient un festin. Tous les dieux le suivaient (02)».
On remarque que les Éthiopiens ont recueilli, de la part des dieux, la
récompense de leur piété, en n'ayant jamais essuyé le joug d'aucun
despote étranger. En effet, de tout temps ils ont conservé leur liberté ;
et, grâce à leur union, ils n'ont jamais été soumis par les souverains qui
ont marché contre eux, et dont aucun n'a réussi dans son entreprise.
III. Cambyse, qui avait tenté une expédition en Éthiopie, y perdit
toute son armée, et courut lui-même les plus grands dangers.
Sémiramis, si renommée par la grandeur de ses entreprises et de ses
exploits, à peine s'était-elle avancée dans l'Éthiopie qu'elle abandonna
aussitôt le projet de faire la guerre aux habitants de ce pays. Hercule et
Bacchus, en parcourant toute la terre, ont épargné les seuls Éthiopiens,
habitant au-dessus de l'Égypte, par égard à la piété de cette nation, en
même temps qu'à cause de la difficulté de l'entreprise. Les Éthiopiens
disent que les Égyptiens descendent d'une de leurs colonies, qui fut
conduite en 181 Égypte par Osiris ; et ils ajoutent que ce pays n'était, au
commencement du monde, qu'une mer ; mais qu'ensuite le Nil,
charriant dans ses crues le limon emporté de l'Éthiopie, a peu à peu
formé des atterrissements. S'appuyant sur ce qui se passe aux
embouchures du Nil, ils démontrent clairement que toute l'Égypte est
l'ouvrage de ce fleuve : tous les ans le terrain est exhaussé par l'apport
du limon, et le sol s'agrandit aux dépens de la mer (03). Ils disent, en
outre, que la plupart des coutumes égyptiennes sont d'origine
éthiopienne, en tant que les colonies conservent les traditions de la
métropole ; que le respect pour les rois, considérés comme des dieux, le
rite des funérailles et beaucoup d'autres usages, sont des institutions
éthiopiennes ; enfin, que les types de la sculpture et les caractères de
l'écriture sont également empruntés aux Éthiopiens. Les Égyptiens ont
en effet deux sortes d'écritures particulières, l'une, appelée vulgaire,
qui est apprise par tout le monde ; l'autre, appelée sacrée, connue des
prêtres seuls, et qui leur est enseignée de père en fils, parmi les choses
secrètes. Or, les Éthiopiens font indifféremment usage de l'une et de
l'autre écriture. L'ordre des prêtres est, chez les deux nations, établi sur
les mêmes bases. Ceux qui sont voués au culte des dieux font les
mêmes purifications ; ils se rasent et sont vêtus de la même façon, et ils
portent tous un sceptre en forme de charrue. Les rois des deux nations
portent aussi un sceptre semblable ; ils ont de plus sur la tête un bonnet
long, ombiliqué au sommet (04), et entouré de ces serpents que l'on
nomme aspics. Cet ornement semble indiquer que quiconque ose
commettre un attentat contre le roi est condamné à des morsures
mortelles. Les Éthiopiens allèguent encore beaucoup d'autres preuves
de leur antiquité et de leur colonie égyptienne ; mais nous pouvons
nous dispenser de les rapporter.
182 IV. Afin de ne rien omettre de ce qui peut intéresser l'histoire
ancienne, disons maintenant un mot des caractères éthiopiens, appelés
hiéroglyphiques par les Égyptiens. Ces caractères ressemblent les uns à
diverses espèces d'animaux, les autres aux membres du corps humain,
d'autres enfin, à des instruments mécaniques. Aussi, le sens de leur
écriture n'est-il pas le résultat d'une réunion de syllabes ; mais il ressort
de la signification métaphorique des objets tracés, signification que
l'exercice grave dans la mémoire. Ainsi, ils dessinent un épervier, un
crocodile, un serpent ou quelque partie du corps, telle qu'un oeil, une
main, un visage et d'autres objets semblables. Or, ils entendent par
épervier tout ce qui se fait promptement, parce que cet oiseau a le vol à
peu près le plus rapide ; ceci s'applique, dans un sens métaphorique, à
un mouvement rapide et à tout ce qui s'y rapporte ; ces choses se
comprennent aussi bien que si elles étaient exprimées de vive voix. Le
crocodile signifie tout ce qui a trait à la méchanceté ; l'oeil est le
gardien de la justice et la sentinelle du corps. Parmi les membres, la
main droite ouverte, avec les doigts étendus, représente le besoin
d'acquérir ; la main gauche fermée, la conservation et la garde des
biens. Il en est de même des autres parties du corps, des instruments
mécaniques ou de tout autre objet. En s'appliquant ainsi à découvrir la
signification cachée de ces formes, et en exerçant leur intelligence et
leur mémoire par une étude longtemps continuée, ils arrivent à lire
couramment tout ce qui est ainsi écrit.
V. Les Éthiopiens ont plusieurs coutumes fort différentes de celles
des autres nations, particulièrement en ce qui regarde l'élection des
rois. Les prêtres choisissent les membres les plus distingués de leur
classe, et celui qui est touché par l'image du dieu, portée en procession
solennelle, est aussitôt proclamé roi par le peuple, qui l'adore et le
vénère comme un dieu, comme s'il tenait la souveraineté d'une
providence divine. Le nouveau roi se soumet au régime prescrit par les
lois, et suit en général les usages héréditaires ; il ne peut distribuer de
183 bienfait ni infliger de châtiment que selon les règles établies
primitivement. Il lui est défendu de mettre à mort aucun de ses sujets, il
ne peut pas même punir l'accusé qui mérite la peine capitale. Dans ce
dernier cas, il se borne à envoyer un de ses serviteurs, avec un certain
emblème de mort, pour annoncer au criminel la sentence qui le frappe.
Dès que le criminel aperçoit cet emblème, il entre dans sa maison et
s'ôte lui-même la vie (05) ; il n'est point permis de s'enfuir à l'étranger,
et le bannissement, peine si commune chez les Grecs, est défendu. On
raconte à ce sujet, qu'un jour un condamné, voyant arriver chez lui le
porte-mort envoyé par le roi, voulut se sauver en Ethiopies ; mais que
sa mère, s'en étant aperçue, passa sa ceinture au cou de son fils, qui se
laissa étrangler sans oser y opposer la moindre résistance : il s'était, au
contraire, laissé patiemment serrer la gorge jusqu'à ce que la mort
s'ensuivît, afin de ne pas imprimer au nom de sa famille une tache
d'infamie trop grande.
VI. De toutes les coutumes, la plus singulière est celle qui se
pratique à la mort des rois. A Méroé, les prêtes chargés du culte divin
exercent l'autorité la plus absolue, puisqu'ils peuvent, si l'idée leur vient
dans l'esprit, dépêcher au roi un messager et lui ordonner de mourir. Ils
déclarent alors que telle est la volonté des dieux, et que de faibles
humains ne doivent point mépriser les ordres des immortels. Ils font
entendre encore d'autres raisons qu'un esprit simple accueille toujours
avec confiance, élevé qu'il est dans les vieilles traditions dont il ne peut
s'affranchir, et ne trouvant aucune objection contre des ordres si
arbitraires. C'est ainsi que dans les siècles précédents les rois ont été
soumis aux prêtres, non par la force des armes, mais par l'influence de
craintes superstitieuses. Mais, sous le règne du second des Ptolémées,
Ergamène, roi des Éthiopiens, élevé à l'école des Grecs et instruit dans
la philosophie, osa le premier braver ces préjugés. Prenant une
résolution digne d'un 184 roi, il pénétra avec ses soldats dans le
sanctuaire du temple d'or des Éthiopiens et massacra tous les prêtres.
Après avoir aboli une coutume absurde, il gouverna le pays selon sa
volonté.
VII. Les amis du roi suivent une coutume qui, malgré son étrangeté,
existe, dit-on, encore aujourd'hui. Lorsque le roi a perdu un membre du
corps par un accident quelconque, tous ses familiers se privent
volontairement du même membre ; car ils regardent comme une chose
honteuse que, le roi étant par exemple boiteux, ses courtisans puissent
marcher droit, et que tous, quand il sort, ne puissent pas le suivre en
boitant ; enfin, il leur paraît inconvenant de ne pas partager avec le roi
les incommodités corporelles, puisque la véritable amitié consiste à
mettre en commun tous les biens ainsi que tous les maux, et surtout les
maux physiques. Il est aussi d'usage qu'à la mort du roi tous ses amis
se laissent mourir volontairement : ils croient par là donner des
témoignages glorieux de leur affection sincère. Il n'est donc pas facile
d'attenter, chez les Éthiopiens, aux jours du roi ; car le roi et ses amis
ont tous un égal intérêt à veiller à sa sûreté. Telles sont les lois et les
coutumes des Éthiopiens qui habitent la métropole (06), l'île de Méroé
et la partie de l'Ethiopies voisine de l'Égypte.
VIII. Il existe encore beaucoup d'autres tribus éthiopiennes, dont les
unes habitent les deux rives du Nil et les îles formées par ce fleuve, les
autres occupent les confins de l'Arabie, et d'autres vivent dans
l'intérieur de la Libye. Presque tous ces Éthiopiens, et surtout ceux qui
sont établis sur les rives du Nil, ont la peau noire, le nez épaté et les
cheveux crépus (07); leurs moeurs sont très sauvages et féroces
comme celles des bêtes auxquelles ils ressemblent, non pas tant par
leur caractère, que par leurs habitudes. Leur corps est sale et leurs
ongles très longs comme ceux des animaux ; ils sont étrangers aux
sentiments d'humanité ; quand ils parlent, ils ne font entendre qu'un
son de voix aigu ; enfin 185 ils ne cherchent point à se civiliser comme
les autres nations ; leurs moeurs diffèrent entièrement des nôtres. Ils
ont pour armes des boucliers en cuir de boeuf, des piques courtes, des
lances recourbées ; quelquefois ils se servent d'arcs de bois de quatre
coudées de long, qu'ils bandent avec le pied ; après que toutes les
flèches sont lancées, ils combattent avec des massues de bois. Ils font
aussi porter les armes aux femmes, qui sont obligées de servir pendant
un certain temps ; la plupart d'entre elles portent ordinairement un
anneau de cuivre passé dans une des lèvres de la bouche. Quelques-
uns de ces Éthiopiens vont tout nus ; seulement, pour se garantir des
chaleurs, ils se servent des premiers objets qui tombent sous leur main ;
les uns coupent aux moutons les queues avec lesquelles ils se cachent
les hanches en les laissant pendre par-devant pour cacher les parties
sexuelles, d'autres emploient pour cela les peaux de leurs bestiaux ; il y
en a qui s'enveloppent le milieu du corps de ceintures faites de cheveux
tressés, la nature du pays ne permettant pas aux brebis d'avoir de la
laine. Quant à la nourriture, les uns vivent d'un fruit aquatique qui croît
naturellement autour des étangs et dans les endroits marécageux ; les
autres cueillent les sommités les plus tendres des végétaux qui leur
donnent pendant les fortes chaleurs un ombrage rafraîchissant ;
d'autres sèment du sésame et du lotus ; il y en a qui se nourrissent des
racines les plus tendres des roseaux. Comme beaucoup d'entre eux
sont exercés à manier l'arc, ils tirent un grand nombre d'oiseaux dont la
chasse leur procure d'abondants aliments ; mais la plupart vivent de la
chair, du lait et du fromage de leurs troupeaux.
IX. Les Éthiopiens qui habitent au-dessus de Méroé ont deux
opinions différentes à l'égard des dieux. Ils disent que les uns, comme le
Soleil, la Lune et le Monde, sont d'une nature éternelle et
indestructible ; que les autres, ayant reçu en partage une nature
mortelle, ont acquis les honneurs divins par leurs vertus et leurs
bienfaits. C'est ainsi qu'ils vénèrent Isis, Pan, Hercule et Jupiter, qu'ils
regardent comme ayant été les plus grands bienfaiteurs du genre
humain. Cependant un petit nombre d'Éthio- 186 piens n'admettent
aucunement l'existence des dieux, et maudissant le soleil comme leur
plus grand ennemi, ils se retirent, au lever de cet astre, dans des
marécages. Leurs coutumes concernant les morts sont fort étranges.
Les uns jettent les corps dans le fleuve, pensant que c'est là le mode de
sépulture le plus distingué ; les autres les entourent de verre, et les
gardent dans leurs demeures, dans la conviction que les morts ne
doivent pas être inconnus à leurs parents, et que ces derniers ne
doivent pas oublier la mémoire des membres de leur famille ; d'autres
renferment les morts dans des cercueils de terre cuite et les enterrent
alentour des temples ; le serment prononcé sur ces tombeaux est pour
eux le plus solennel. Ils défèrent la royauté, tantôt aux hommes les plus
beaux, dans la croyance que la royauté et la beauté sont toutes deux
des dons de la fortune, tantôt à ceux qui élèvent avec le plus de soin les
troupeaux, parce qu'ils les supposent les plus aptes à garder leurs
sujets. Ailleurs, ils choisissent pour roi le plus riche, dans la pensée qu'il
sera le plus en état de secourir ses peuples. D'autres, enfin, confient le
pouvoir suprême aux plus courageux, parce qu'ils n'estiment connue
dignes de commander que ceux qui ont acquis le plus de gloire à la
guerre (08).
X. Il existe aux environs du Nil, dans la Libye, un endroit très beau,
qui produit avec profusion et variété tout ce qui sert à l'entretien de
l'homme ; et on y trouve, dans les marais, un refuge contre les chaleurs
excessives. Aussi les Libyens et les Éthiopiens sont-ils continuellement
en guerre, pour se disputer ce terrain. On y voit une multitude
d'éléphants qui, selon quelques historiens, descendent des hautes
régions, attirés par la richesse des pâturages. En effet, des deux côtés
du fleuve s'étendent d'immenses prairies, riches en herbes de toute
espèce. Quand une fois l'éléphant a goûté des joncs et des roseaux qui
s'y trouvent, retenu par une si douce pâture, il y fixe son séjour et
détruit les récoltes des 187 habitants qui, pour cette raison, mènent une
vie de nomades, vivent sous des tentes, et établissent leur patrie là où
ils se trouvent bien. Chassés par la faim, les éléphants abandonnent par
troupeaux l'intérieur du pays ; car le soleil y brûle la végétation,
dessèche les sources et les rivières, de sorte que les vivres et l'eau sont
très rares. On raconte qu'il y a dans une contrée, appelée sauvage, des
serpents d'une grandeur prodigieuse, qui attaquent les éléphants
autour des confluents des eaux. Ces reptiles s'élancent vigoureusement
sur l'éléphant, enlacent de leurs replis ses jambes, et le serrent avec
force, en l'enveloppant dans leurs spires, jusqu'à ce que l'animal tombe
de tout son poids, épuisé et couvert d'écume. Après cela, les serpents
se rassemblent autour de la victime et l'avalent (09) : ils s'en emparent
aisément, parce que l'éléphant se meut difficilement. Mais, lorsqu'ils ont
par hasard manqué leur proie, ils ne poursuivent pas les traces de
l'éléphant sur les bords du fleuve, et recherchent leur nourriture
ordinaire. On en donne pour raison que ces immenses reptiles évitent
les pays plats et se tiennent au pied des montagnes dans des crevasses
ou des cavernes profondes, et qu'ils quittent rarement ces retraites
convenables et habituelles ; car la nature enseigne à tous les animaux
les moyens de leur conservation. Voilà ce que nous avions à dire des
Éthiopiens et du pays qu'ils habitent.
XI. Avant de reprendre notre sujet, il sera nécessaire de donner un
aperçu des nombreux historiens qui ont traité de l'Egypte et de
l'Ethiopie. Parmi ces historiens, les uns ont ajouté foi à de fausses
traditions ; les autres, ayant forgé des fables à plaisir, ne méritent, avec
raison, aucune foi. Cependant Agatharchide de Cnide, dans le second
livre de son histoire de l'Asie (10), le géographe Artémidore d'Ephèse,
dans le huitième livre de son ouvrage, et quelques autres écrivains qui
ont 188 habité l'Egypte, et qui ont rapporté la plupart des détails
précédents, ont presque toujours rencontré juste. Enfin, nous-même,
pendant notre voyage en Egypte, nous avons eu des relations avec
beaucoup de prêtres, et nous nous sommes entretenus avec un grand
nombre d'envoyés éthiopiens. Après avoir soigneusement recueilli ce
que nous avons appris de cette manière, et compulsé les récits des
historiens, nous n'avons admis dans notre narration que les faits
généralement avérés. Nous avons ainsi fait suffisamment connaître ce
qui concerne les Éthiopiens qui habitent à l'occident ; nous allons parler
maintenant de ceux qui demeurent au midi et sur les bords de la mer
Rouge, après que nous aurons donné quelques détails sur l'exploitation
de l'or qui existe dans ces contrées.
XII. A l'extrémité de l'Egypte, entre les confins de l'Arabie et de
l'Ethiopie, se trouve un endroit riche en mines d'or, d'où l'on tire ce
métal à force de bras, par un travail pénible et à grands frais. C'est un
minerai noir, marqué de veines blanches et de taches resplendissantes.
Ceux qui dirigent les travaux de ces mines emploient un très grand
nombre d'ouvriers, qui tous sont ou des criminels condamnés, ou des
prisonniers de guerre et même des hommes poursuivis pour de fausses
accusations et incarcérés par animosité ; les rois d'Egypte forcent tous
ces malheureux, et quelquefois même tous leurs parents, à travailler
dans les mines d'or ; ils réalisent ainsi la punition des condamnés, tout
en retirant de grands revenus du fruit de leurs travaux. Ces
malheureux, tous enchaînés, travaillent jour et nuit sans relâche, privés
de tout espoir de fuir, sous la surveillance de soldats étrangers parlant
des langues différentes de l'idiome du pays, afin qu'ils ne puissent être
gagnés ni par des promesses ni par des prières.
La roche qui renferme l'or étant très compacte, on la rend cassante
à l'aide d'un grand feu, et on la travaille ensuite des mains ; lorsque le
minerai, devenu ainsi friable, est susceptible de céder à un effort
modéré, des milliers de ces misérables le brisent avec des outils de fer,
qui servent à tailler les 189 pierres. Celui qui reconnaît la veine d'or se
place à la tête des ouvriers et leur désigne l'endroit à fouiller. Les plus
robustes des malheureux condamnés sont occupés à briser le silex avec
des coins de fer, en employant pour ce travail, non les moyens de l'art,
mais la force de leurs bras ; les galeries qu'ils pratiquent de cette façon
ne sont pas droites, mais vont dans la direction du filon métallique ; et
comme, dans ces sinuosités souterraines, les travailleurs se trouvent
dans l'obscurité, ils portent des flambeaux attachés au front. Changeant
souvent la position de leur corps, suivant les qualités de la roche, ils
font tomber sur le sol les fragments qu'ils détachent. Ils travaillent ainsi
sans relâche sous les yeux d'un surveillant cruel qui les accable de
coups.
XIII. Des enfants encore impubères pénètrent, par les galeries
souterraines, jusque dans les cavités des rochers, ramassent
péniblement les fragments de minerai détachés et les portent au
dehors, à l'entrée de la galerie. D'autres ouvriers, âgés de plus de trente
ans, prennent une certaine mesure de ces fragments et les broient dans
des mortiers de pierre avec des pilons de fer, de manière à les réduire à
la grosseur d'une orobe (11). Le minerai ainsi pilé est pris par des
femmes et des vieillards qui le mettent dans une rangée de meules, et,
se plaçant deux ou trois à chaque manivelle, ils réduisent par la
mouture chaque mesure de minerai pilé en une poudre aussi fine que la
farine. Tout le monde est saisi de commisération à l'aspect de ces
malheureux qui se livrent à ces travaux pénibles, sans avoir autour du
corps la moindre étoffe qui cache leur nudité. On ne fait grâce ni à
l'infirme, ni à l'estropié, ni au vieillard débile, ni à la femme malade. On
les force tous au travail à coups redoublés, jusqu'à ce qu'épuisés de
fatigues ils expirent à la peine. C'est pourquoi ces infortunés, ployant
sous les maux du présent, sans espérance de l'avenir, attendent avec
joie la mort, qui leur est préférable à la vie.
XIV. Enfin, les mineurs ramassent le minerai ainsi moulu et 190
mettent la dernière main au travail ; ils l'étendent d'abord sur des
planches larges et un peu inclinées ; puis ils y font arriver un courant
d'eau qui entraîne les matières terreuses, tandis que l'or, plus pesant,
reste. Ils répètent plusieurs fois cette opération, frottent la matière
légèrement entre les mains, et, en l'essuyant mollement avec des
éponges fines, ils achèvent d'enlever les impuretés jusqu'à ce que la
poudre d'or devienne nette et brillante. D'antres ouvriers reçoivent un
poids déterminé de cette poudre et la jettent dans des vases de terre ;
ils y ajoutent du plomb, en proportion du minerai, avec quelques grains
de sel, on peu d'étain et du son d'orge. Après quoi, ils recouvrent les
vases d'un couvercle qu'ils lutent exactement et les exposent à un feu
de fourneau pendant cinq jours et cinq nuits, sans discontinuer. Ils les
retirent ensuite du feu et les laissent refroidir en les découvrant ils n'y
trouvent autre chose que l'or devenu très pur et ayant un peu perdu de
son poids ; toutes les autres matières ont disparu (12).
Tel est le mode d'exploitation des mines d'or situées sur les confins
de l'Egypte. Ces immenses travaux nous font comprendre que l'or
s'obtient difficilement, que sa conservation exige de grands soins et que
son usage est mêlé de plaisirs et de peines. Au reste, la découverte de
ces mines est très ancienne et nous vient des premiers rois.
Nous allons maintenant parler des peuples qui habitent les bords du
golfe Arabique, la Troglodytique et l'Ethiopie méridionale.
XV. Nous dirons d'abord un mot des Ichthyophages qui peuplent
tout le littoral, depuis la Carmanie et la Gédrosie jusqu'à l'extrémité la
plus reculée du golfe Arabique. Ce golfe s'étend dans l'intérieur des
terres à une très grande distance ; il est resserré à son entrée par deux
continents, dont l'un est l'Arabie Heureuse, et l'autre la Troglodytique.
Quelques-uns de ces Barbares 191 vivent absolument nus ; ils ont en
commun leurs troupeaux ainsi que leurs femmes et leurs enfants,
n'éprouvant d'autres sensations que celles du plaisir et de la douleur ;
ils n'ont aucune idée de l'honnête et du beau : leurs habitations sont
établies dans le voisinage de la mer, dans des rochers remplis de
cavernes, de précipices et de défilés, communiquant entre eux par des
passages tortueux. Ils ont tiré parti de ces dispositions de la côte, en
fermant avec des quartiers de roche toutes les issues de leurs cavernes,
dans lesquelles les poissons sont pris compte dans un filet. Car à la
marée montante, qui arrixe deux fois par jour, ordinairement à la
troisième et à la neuvième heure, la mer recouvre tous les rochers de la
côte, et les flots portent avec eux une immense quantité de poissons de
toute espèce qui s'arrêtent sur le rivage, et s'engagent dans les cavités
des rochers où ils sont attirés par l'appât de la nourriture. Mais au
moment de la marée basse, lorsque l'eau se retire des interstices et des
crevasses des pierres, les poissons y restent emprisonnés. Alors tous les
habitants se rassemblent sur le rivage avec leurs femmes et leurs
enfants comme s'ils étaient appelés par un ordre émané d'un seul chef ;
se divisant ensuite en plusieurs bandes, chacun court vers l'espace qui
lui appartient, en poussant de grands cris, comme les chasseurs
lorsqu'ils aperçoivent leur proie. Les femmes et les enfants prennent les
poissons les plus petits et les plus proches du bord, et les jettent sur le
sable les individus plus robustes se saisissent des poissons plus grands.
La vague rejette non seulement des homards, des murènes et des
chiens de mer, mais encore des phoques et beaucoup d'autres animaux
étranges et inconnus. Ignorant la fabrication des armes, les habitants
les tuent avec des cornes de boucs aiguës, et les coupent en morceaux
avec des pierres tranchantes. C'est ainsi que le besoin est le premier
maître de l'homme ; il lui enseigne à tirer de toutes les circonstances le
meilleur parti.
XVI. Quand ils ont ramassé une assez grande quantité de poissons,
ils les emportent, et les font griller sur des pierres exposées au soleil. La
chaleur est si excessive qu'ils les retournent 192 après un court
intervalle, et les prenant ensuite par la queue, ils en secouent les chairs
qui, amollies par le soleil, se détachent facilement des arêtes. Ces
dernières, jetées en un grand tas, sont réservées à des usages dont
nous parlerons plus loin. Quant aux chairs ainsi détachées, ils les
mettent sur une pierre lisse, les foulent sous les pieds pendant un
temps suffisant, en y mêlant le fruit du paliurus (13). Ils forment une
pâte colorée avec ce fruit, qui paraît en même temps servir
d'assaisonnement ; enfin, ils font de cette pâte bien pétrie des gâteaux
sous forme de briques oblongues, qu'ils font convenablement sécher au
soleil. Ils prennent leurs repas en mangeant de ces gâteaux, non pas en
proportion déterminée par le poids ou la mesure, mais autant que
chacun en veut, n'ayant dans leurs jouissances d'autres mesures que
celles de l'appétit naturel. Leurs provisions se trouvent toujours toutes
prêtes, et Neptune leur tient lieu de Cérès. Cependant il arrive
quelquefois que la mer rouie ses flots sur les bords qu'elle couvre
pendant plusieurs jours, en sorte que personne ne peut en approcher.
Comme ils manquent alors de vivres, ils commencent par ramasser des
coquillages dont quelques-uns pèsent jusqu'à quatre mines (14) ; ils en
cassent la coquille avec de grosses pierres et mangent la chair crue,
d'un goût semblable à celle des huîtres. Ainsi, lorsque la continuité des
vents fait enfler la mer pendant longtemps et s'oppose à la pêche
ordinaire, les habitants ont, comme nous venons de le dire, recours aux
coquillages. Mais, lorsque cette nourriture vient à manquer, ils ont
recours aux arêtes amoncelées ; ils choisissent les plus succulentes, les
divisent dans leurs articulations et les écrasent sous leurs dents ; quant
à celles qui sont trop dures, ils les broient préalablement avec des
pierres et les mangent comme des bêtes féroces dans leurs tanières.
C'est ainsi qu'ils savent se ménager une provision d'aliments secs.
XVII. Les Ichthyophages tirent de la mer des avantages
extraordinaires et incroyables. Ils se livrent à la pêche quatre 193 jours
de suite, et passent leur temps dans de joyeux festins, en s'égayant par
des chants sans rythme. Puis, pour perpétuer leur race, ils vent se
joindre aux premières femmes que le hasard leur offre ; ils sont libres
de tout souci, pu isque leur nourriture est toujours toute prête. Le
cinquième jour, ils vont tous ensemble boire au pied des montagnes. Ils
trouvent là des sources d'eau douce, où les nomades abreuvent leurs
troupeaux. Leur marche ressemble à celle d'un troupeau de boeufs ; ils
font entendre des cris inarticulés, un bruit de voix confus. Les mères
portent sur leurs bras les enfants encore à la mamelle, et les pères,
ceux qui sont sevrés ; tandis que les enfants ayant plus de cinq ans
accompagnent leurs parents en courant et en jouant, et se fout de ce
voyage une fête de réjouissance. Car la nature qui n'est pas encore
pervertie, place le souverain bien dans la satisfaction des besoins
physiques, et ne songe pas aux plaisirs recherchés. Quand ils sont
arrivés aux abreuvoirs des nomades, ils se remplissent le ventre de
boisson tellement qu'ils ont de la peine à se traîner. Pendant toute cette
journée ils ne mangent rien ; chacun se couche par terre, tout repu,
suffocant de plénitude et tout semblable à un homme ivre. Le
lendemain ils retournent manger du poisson et continuent ce régime
périodique pendant toute leur vie. Les Ichthyophages qui habitent les
étroites vallées du littoral, et qui mènent ce genre de vie sont, grâce à
la simplicité de leur nourriture, rarement atteints de maladies ;
cependant ils vivent moins longtemps que nous.
XVIII. Quant aux Ichthyophages qui demeurent sur le littoral en
dehors du golfe Arabique, leurs habitudes sont beaucoup plus
singulières. Ils n'éprouvent pas le besoin de boire, et n'ont
naturellement aucune passion. Relégués par le sort dans un désert, loin
des pays habités, ils pourvoient à leur subsistance par la pêche et ne
cherchent pas d'aliment liquide. Ils mangent le poisson frais et presque
cru, sans que cette nourriture leur ait donné l'envie ou même l'idée de
se procurer une boisson. Contents du genre de vie que le sort leur a
départi, ils s'estiment heureux 194 d'être au-dessus des tourments du
besoin. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'ils sont d'une si
grande insensibilité qu'ils surpassent, sous ce rapport, tous les hommes,
et que la chose paraît presque incroyable. Cependant, plusieurs
marchands d'Egypte qui, naviguant à travers la mer Rouge, abordent
encore aujourd'hui le pays des Ichthyophages, s'accordent avec notre
récit concernant ces hommes apathiques. Ptolémée, troisième du nom,
aimant passionnément la chasse des éléphants, qui se trouvent dans ce
pays, dépêcha un de ses amis, nommé Simmias, pour explorer la
contrée. Muni de tout ce qui était nécessaire pour ce voyage, Simmias
explora tout le pays littoral, ainsi que nous l'apprend l'historien
Agatharchide de Cnide. Cet historien raconte, entre autres, que cette
peuplade d'Éthiopiens apathiques ne fait aucunement usage de
boissons, par les raisons que nous avons déjà indiquées. Il ajoute que
ces hommes ne se montrent point disposés à s'entretenir avec les
navigateurs étrangers, dont l'aspect ne produit sur eux aucun
mouvement de surprise ; ils s'en soucient aussi peu que si ces
navigateurs n'existaient pas. Ils ne s'enfuyaient point à la vue d'une
épée nue et supportaient sans s'irriter les insultes et les coups qu'ils
recevaient. La foule n'était point émue de compassion et voyait égorger
sous ses yeux les enfants et les femmes sans manifester aucun signe de
colère ou de pitié ; soumis aux plus cruels traitements, ils restaient
calmes, regardant ce qui se faisait avec des regards impassibles et
inclinant la tête à chaque insulte qu'ils recevaient. Ou dit aussi qu'ils ne
parlent aucune langue et qu'ils demandent par des signes de la main ce
dont ils ont besoin. Mais la chose la plus étrange, c'est que les phoques
vivent avec eux familièrement et font la pêche en commun, comme le
feraient les autres hommes, se confiant réciproquement le soin de leur
retraite et de leur progéniture. Ces deux races si distinctes d'êtres
vivants passent leur vie en paix et dans la plus grande harmonie. Tel est
le genre de vie singulier qui, soit habitude, soit nécessité, se conserve
de temps immémorial chez ces espèces de créatures.
XIX. Les habitations de ces peuplades diffèrent de celles des 195
Ichthyophages ; elles sont accommodées à la nature de la localité. Les
uns vivent dans des cavernes exposées surtout au nord, dans lesquelles
ils sont rafraîchis par une ombre épaisse et par le souffle des vents. Les
cavernes exposées au midi étant aussi chaudes que des fours, sont tout
à fait inhabitables en raison de cet excès de chaleur. Ceux qui sont
privés de grottes situées au nord, amassent les côtes des cétacés
rejetés par la mer ; quand ils ont recueilli une quantité suffisante de ces
côtes, ils les arc-boutent les unes contre les autres, de manière que la
face convexe regarde au dehors, et ils garnissent les interstices avec
des herbes marines. Ils se soustraient sous cet abri au plus fort de la
chaleur, le besoin les renflant industrieux. Les Ichthyophages ont une
troisième sorte d'asile : il croît dans ces parages beaucoup d'oliviers
dont les racines sont arrosées par la mer et qui portent un feuillage
épais ainsi qu'un fruit semblable à une châtaigne ; en entrelaçant les
branches de ces arbres, ils se procurent un ombrage sous lequel ils
établissent leurs demeures. Ces Ichthyophages profitent ainsi tout à la
fois des avantages de la terre et de la mer ; l'ombre du feuillage les
préserve du soleil et les flots de la mer tempèrent la chaleur du climat
en même temps que le souffle de vents rafraîchissants invite le corps au
repos. Il nous reste à dire que les Ichthyophages ont un quatrième
mode d'habitation : il s'est formé, par la suite des temps, des amas
d'algues marines, hauts comme des montagnes et qui, par l'action
combinée et continuelle de la mer et du soleil, deviennent compactes et
se consolident par le sable qui leur sert de ciment. Ils y creusent des
terriers de la hauteur d'un homme, dont la partie supérieure est
disposée en forme de toit et la partie inférieure percée de cavités
oblongues qui communiquent entre elles. Ils y jouissent de la fraîcheur
et se reposent tranquillement jusqu'au moment de la marée montante ;
ils s'élancent alors de leurs retraites pour se livrer à la pêche. Lorsque
les eaux se retirent, ils se réfugient de nouveau dans leurs terriers pour
se régaler des poissons qu'ils ont pris. Leurs funérailles consistent à
laisser les corps exposés sur le rivage pendant le reflux, et à 196 les jeter
dans la mer pendant la marée haute. Ils servent ainsi eux-mêmes de
pâture aux poissons dont ils se nourrissent ; et cet usage y existe de
tout temps.
XX. Il y a une race d'Ichthyophages dont l'existence dans les lieux
qu'ils habitent est un véritable problème. Ils sont établis dans des
précipices où jamais homme n'a pu pénétrer ; ces précipices sont
fermés par des rochers taillés à pic et bordés d'escarpements qui
rendent tout accès impraticable ; partout ailleurs ils ont pour limites la
mer, qu'il est impossible de passer à gué, et les habitants ne se servent
pas de bateaux, la navigation leur étant inconnue. Comme il est
impossible de se procurer des renseignements sur cette race
d'hommes, il me reste à dire qu'ils sont autochthones, qu'ils n'ont point
d'origine et existent de tout temps ; cette opinion est professée par
quelques physiciens sur toutes les choses qui sont de leur ressort. Mais,
quand il s'agit d'objets que notre intelligence ne peut pas atteindre, il
arrive infailliblement que ceux qui veulent démontrer beaucoup savent
fort peu ; car les paroles peuvent flatter l'oreille sans atteindre la vérité
(15).

XXI. Nous avons maintenant à parler des Éthiopiens nommés


Chélonophages (16), de leurs moeurs et de leur manière de vivre. Il y a
dans l'Océan une multitude d'îles voisines du continent, petites et
basses ; il n'y croît aucun fruit cultivé ou sauvage. La mer n'y est point
orageuse ; car ses flots se brisent contre les caps de ces îles, refuge
paisible des nombreuses tortues marines qui vivent dans ces parages.
Ces animaux passent les nuits dans la haute mer pour y chercher leur
nourriture, et les jours ils se rendent dans les eaux qui baignent ces îles,
pour dormir au soleil avec leur carapace s'élevant au-dessus de la
surface des eaux, de manière à présenter l'aspect de barques
renversées ; car ils sont d'une grosseur énorme et peu inférieure à celle
d'un très 197 petit bateau pêcheur. Les insulaires s'approchent alors des
tortues, doucement, à la nage ; ils attaquent l'animal, de droite et de
gauche à la fois, d'un côté pour le retenir fixe, et de l'autre pour le
soulever afin de le renverser sur le dos ; ils le maintiennent dans cet
état, car autrement il se sauverait, en nageant, dans les profondeurs de
la mer. L'un des pêcheurs, attachant une longue corde à la queue de
l'animal, gagne la terre à la nage, et tire la tortue après lui, en s'aidant
des bras de ses compagnons. Arrivés chez eux, ils font un repas de la
chair cachée sous les écailles, après l'avoir fait légèrement griller au
soleil. Ils se servent de ces écailles, qui ont la forme d'un bateau, soit
pour transporter de l'eau qu'ils vont chercher sur le continent, soit pour
construire des espèces de cabanes, en plaçant les carapaces debout et
inclinées au sommet. Ainsi, un seul bienfait de la nature en renferme
plusieurs autres ; car la tortue fournit à ces insulaires tout à la fois un
aliment, un vase, une habitation et un navire.
Non loin de ces îles et sur la côte, on trouve des Barbares qui ont un
genre de vivre tout particulier. Ils se nourrissent des cétacés que la mer
jette sur les rivages ; c'est un aliment abondant, vu la grosseur de ces
animaux. Mais, lorsque cet aliment leur manque, ils sont réduits, par la
famine, à se contenter des cartilages des os et des apophyses des
côtes. Voilà ce que nous avions à dire des Ichthyophages et de leurs
moeurs.
XXII. La partie littorale de la Babylonie touche à une contrée fertile
et bien cultivée. La pêche y est si abondante, que les habitants peuvent
à peine consommer tous les poissons qu'ils prennent. Ils placent, le long
des bords de la mer, un grand nombre de roseaux tellement rapprochés
et entrelacés, qu'on les prendrait pour un filet tendu. Dans cette espèce
de palissade sont pratiquées, à de courtes distances, des portes de
treillage qui, munies de gonds, tournent facilement dans les deux sens.
Les flots, envahissant à la marée montante le rivage, ouvrent ces
portes, et les referment pendant le reflux. Ainsi, tous les 198 jours, au
moment de la marée, les poissons, arrivant avec le courant, passent par
ces portes, et sont retenus dans ce filet de roseaux, lorsque les eaux
s'écoulent. Aussi y voit-on quelquefois des monceaux de poissons
palpitants qu'on ramasse sur les bords de l'Océan ; ceux qui se livrent à
cette industrie en retirent des vivres abondants et de grands profits.
Comme le pays est plat et très bas, quelques habitants creusent des
fossés de plusieurs stades de longueur, depuis la mer jusqu'à leurs
demeures. Aux extrémités ils placent des portes d'osier qu'ils ouvrent à
la marée haute et qu'ils ferment à la marée basse. Les eaux de la mer
se retirent et les poissons restent dans ces fossés, où on les conserve et
consomme selon les besoins et la volonté.
XXIII. Après avoir passé en revue toutes les peuplades qui habitent
les côtes de la Babylonie jusqu'au golfe Arabique, nous allons parler des
nations qui viennent après. Les Rhizophages (17) habitent l'Ethiopie au-
dessus de l'Egypte, près du fleuve Asa (18). Ces Barbares tirent des
terres voisines les racines des roseaux et les lavent soigneusement.
Après les avoir bien nettoyées, ils les broient entre des pierres jusqu'à
ce qu'ils les aient réduites en une masse ténue et mucilagineuse. Ils
font de cette masse des tourteaux grands comme la main, et qu'ils font
cuire au soleil. Telle est la nourriture avec laquelle ils passent toute leur
vie et qui ne leur manque jamais. Ils vivent constamment en paix les
uns avec les autres, mais ils ont à combattre de nombreux lions, car ces
animaux quittent les déserts brûlants et envahissent le pays des
Rhizophages, soit pour y chercher de l'ombre, soit pour y chasser aux
animaux de moindre taille. Il arrive souvent que les Éthiopiens, au
moment de sortir de leurs marais, sont saisis par ces lions et se
trouvent dans l'impossibilité de leur résister, ne connaissant point
l'usage des armes. Cette nation périrait même entièrement, si la nature
ne leur avait donné un 199 moyen de défense tout prêt. Au
commencement de la canicule on voit ce pays, qui à toute autre époque
est exempt de mouches (19), infesté par une quantité énorme de
cousins d'une grosseur insolite. Les hommes s'en garantissent en se
retirant dans les marécages ; mais les lions fuient ces lieux, étant tout à
la fois maltraités par la morsure de ces insectes, et épouvantés par leur
bourdonnement.
XXIV. On trouve ensuite les Hylophages (20) et les Spermatophages
(21). Ces derniers vivent sans peine en été des fruits qui tombent des
arbres et qu'ils ramassent en grande quantité ; mais le reste du temps
ils se nourrissent d'une certaine plante, très agréable au goût, dont les
nombreux rameaux procurent beaucoup d'ombrage. Cette plante à tige
solide et semblable au bunias (22) remplace au besoin les autres
aliments. Les Hylophages vont, avec leurs femmes et leurs enfants,
chercher leur nourriture dans les champs. Ils montent sur les arbres
pour y manger les tendrons des rameaux. Ce genre de vie les a rendus
si aptes à grimper, que la chose paraît incroyable ; ils sautent d'un arbre
à l'autre comme des oiseaux, et montent sans danger sur les branches
les plus faibles. Remarquables par leur maigreur et leur souplesse, ils
sont assez adroits pour se cramponner avec leurs mains, quand le pied
leur glisse ; même lorsqu'ils tomberaient à terre, ils ne se feraient aucun
mal en raison de leur légèreté. Ils mâchent avec leurs dents les
rameaux séveux, que leur estomac digère aisément ; ils vivent tout nus,
et comme ils se servent de leurs femmes en commun, ils élèvent aussi
leurs enfants en commun. Ils sont souvent en guerre entre eux pour
l'établissement de leur demeure. Ils s'arment de bâtons qui leur servent
en même temps à repousser les assaillants et à assommer les vaincus.
La plupart d'entre eux meurent de faim, lorsqu'ils 200 perdent la vue
(23), et qu'ils sont ainsi privés du sens qui leur est le plus nécessaire.
XXV. Après cela viennent les Éthiopiens, appelés Cynèges (24). Ils
sont en petit nombre, et leur genre de vie convient à leur nom. Tout leur
pays est rempli de bêtes sauvages ; il est fort aride et très peu arrosé.
Ils sont contraints de passer la nuit sur les arbres pour se garantir des
bêtes féroces. Le matin ils se rendent armés dans les endroits où ils
savent qu'il y a de l'eau, et là ils se cachent dans les bois et se mettent
en sentinelle sur les arbres. Au moment des chaleurs, un grand nombre
de boeufs sauvages, de panthères et d'autres animaux féroces viennent
s'y rendre pour se désaltérer. Exténués par une chaleur et une soif
excessives, ces animaux boivent avidement et s'emplissent le ventre.
Quand ces animaux sont ainsi alourdis et presque incapables de se
mouvoir, les Éthiopiens sautent à bas des arbres, et ils les tuent
aisément avec des bâtons durcis au feu, avec des pierres ou avec des
flèches. Ils chassent par bande et mangent leur gibier tout frais. Il arrive
rarement qu'ils soient dévorés par ces animaux, quelque robustes qu'ils
soient : ils suppléent le plus souvent à la force par la ruse. Quand la
chasse leur manque, ils mouillent les peaux des animaux qu'ils ont pris,
et ils les exposent à un feu léger, après avoir enlevé les poils avec la
cendre (25) ; ils partagent ces peaux entre eux et apaisent ainsi la faim.
Ils exercent leurs enfants à tirer juste, et ils ne donnent à manger qu'à
ceux qui ont frappé au but. Aussi deviennent-ils tous d'une habileté
admirable dans un métier que la faim les a forcés d'apprendre.
XXVI. Les Éthiopiens Eléphantomaques (26) demeurent fort 201 loin
de ces derniers du côté du couchant. Ils habitent des endroits remplis
de chênes et d'autres arbres ; ils montent sur les plus hauts pour
découvrir les entrées et les sorties des éléphants. Ils n'attaquent point
ces animaux en troupe, parce qu'alors ils n'espèrent pas s'en rendre
maîtres ; mais quand les éléphants marchent isolément, les Éthiopiens
se jettent sur eux avec une audace extraordinaire. Lorsque l'éléphant
passe à la droite de l'arbre où est caché celui qui le guette, l'Ethiopien
saisit la queue de cet animal, et appuie ses pieds sur la cuisse gauche.
Ensuite, enlevant de son épaule, avec la main droite, une hache fort
tranchante et assez légère pour s'en pouvoir servir utilement d'une
seule main, le chasseur frappe à coups redoublés le jarret droit de
l'éléphant, et en coupe les tendons, pendant qu'il tient son propre corps
en équilibre avec la main gauche. Ils apportent à cet exercice une
adresse extrême, puisque leur vie est en jeu. Car il faut ou que l'animal
succombe ou que le chasseur expire, ce combat n'ayant pas d'autre
issue. Quelquefois, quand l'éléphant a ainsi les tendons coupés et ne
peut plus se mouvoir, il tombe à l'endroit même où il a été blessé et tue
l'Ethiopien sous lui. D'autres fois, il l'applique contre une pierre ou
contre un arbre jusqu'à ce qu'il l'ait écrasé sous son poids. Quelques
éléphants, vaincus par la douleur, sont loin de songer à se venger de
celui qui les attaque, et s'enfuient à travers les plaines, jusqu'à ce que
celui qui s'est attaché à lui, le frappant continuellement au même
endroit avec sa hache, lui ait coupé les tendons et l'ait étendu par terre.
Quand l'animal est tombé, tous les Éthiopiens se jettent dessus par
bandes, ils le dissèquent vivant encore, et enlèvent la chair des cuisses
dont ils font un joyeux repas.
XXVII. Quelques Éthiopiens du voisinage vont à la chasse des
éléphants sans courir aucun danger pour leur vie, et ils l'emportent sur
la force par l'adresse. Après que l'éléphant a mangé, il a l'habitude de
dormir ; mais il ne dort pas dans la même position que les autres
quadrupèdes : ne pouvant plier le genou pour se coucher à terre, il se
repose en s'appuyant contre un 202 arbre. Or, comme l'éléphant
s'appuie souvent contre un même arbre, il en froisse les branches et les
salit. D'ailleurs les traces de leurs pas et beaucoup d'autres indices
conduisent les chasseurs aisément au gîte de l'éléphant. Quand ils ont
découvert cet arbre, ils le scient au niveau du sol jusqu'à ce qu'il ne
faille qu'un coup pour le faire tomber. Après avoir fait disparaître toutes
les traces de leurs pas et de leur ouvrage, ils se retirent promptement
avant que l'éléphant revienne. Le soir, quand l'éléphant s'est rempli
d'aliments, il va chercher son gîte accoutumé. Mais à peine s'y est-il
appuyé, que l'arbre l'entraîne dans sa chute. Tombant sur le dos, il
demeure dans cet état toute la nuit, car l'énorme masse de son corps
ne lui permet pas de se relever. Les Éthiopiens qui ont coupé l'arbre
reviennent au point du jour et tuent l'éléphant. Ils dressent leurs tentes
en cet endroit et ils y demeurent jusqu'à l'entière consommation de leur
proie.
XXVIII. A l'ouest de ces peuplades habitent les Éthiopiens qu'on
appelle Simes (27), et du côté du midi se trouve la race des
Struthophages (28). On voit chez ces derniers une espèce d'oiseau
participant de la nature de l'animal terrestre, dont le nom entre dans la
composition du sien (29). Cet oiseau ne le cède pas en grosseur à un
cerf de la plus grande taille ; il a le cou fort long ; ses flancs sont
arrondis et pourvus d'ailes, sa tête est mince et petite, ses cuisses et
ses jambes sont très fortes et son pied est bifide. Il ne peut pas voler
bien haut, à cause de son poids (30) ; mais sa course est extrêmement
rapide et à peine touche-t-il la terre du bout de ses pieds. Et, surtout
quand le vent enfle ses ailes, il marche aussi vite qu'un navire voguant
à pleines voiles. Il se défend contre les chasseurs, en se servant de ses
pieds comme d'une fronde pour leur lancer des pierres de la grosseur
d'un poing. Mais 203 lorsqu'il est poursuivi pendant un temps calme, ses
ailes sont bientôt lasses, et, privé de tout autre secours naturel, il est
aisément pris. Comme dans le pays il y a un nombre infini de ces
oiseaux, les Barbares inventent dans leur chasse les stratagèmes les
plus divers. Ils prennent facilement un grand nombre de ces oiseaux, ils
en mangent la chair et réservent les peaux pour en faire des habits et
des lits. Etant souvent en guerre avec les Éthiopiens Simes, les
Struthophages se servent de cornes d'oryx (31) en guise d'armes pour
repousser l'ennemi ; elles sont grandes, tranchantes et très propres aux
combats. On en trouve en très grand nombre, car les animaux qui les
fournissent sont très communs dans ce pays.
XXIX. Un peu plus loin, les Acridophages (32) habitent les limites du
désert. Ils sont plus petits que les autres hommes, ils sont maigres et
complétement noirs. Pendant le printemps, les vents d'ouest leur
amènent du désert une quantité innombrable de sauterelles,
remarquables par leur grosseur ainsi que par la couleur sale et
désagréable de leurs ailes. Ces insectes sont si abondants, que les
Barbares ne se servent pas d'autre nourriture pendant toute leur vie.
Voici comment ils en font la chasse. Parallèlement à leur contrée
s'étend, dans une longueur de plusieurs stades, une vallée très
profonde et très large. Ils la remplissent d'herbes sauvages qui croissent
abondamment dans le pays. Au moment où le souffle des vents
indiqués amène les nuées de sauterelles, les Acridophages se
répandent dans la vallée et mettent le feu aux combustibles amassés.
La fumée est si épaisse que les sauterelles qui traversent la vallée en
sont asphyxiées et vont tomber à peu de distance. La chasse de ces
insectes dure plusieurs jours, et ils en entassent d'énormes monceaux.
Et comme leur pays est riche en sel, ils en saupoudrent ces monceaux
de sauterelles, tant pour les rendre plus savoureuses que pour les
conserver plus longtemps et jusqu'au retour de la saison qui en ramène
d'autres. Ils ont ainsi leur nourriture toujours toute prête ; et ils n'ont
point d'autre ressource, car ils n'élèvent point de troupeaux et ils
habitent loin de la mer. Ils sont légers de 204 corps et très rapides à la
course ; leur vie n'est pas de longue durée : les plus âgés ne dépassent
pas quarante ans. La fin de leur vie est aussi singulière que misérable. A
l'approche de la vieillesse, il s'engendre dans leurs corps des poux ailés
de différentes formes et d'un aspect repoussant. Cette maladie,
commençant d'abord par le ventre et par la poitrine, gagne en peu de
temps tout le corps. D'abord le malade, irrité par une violente
démangeaison, éprouve à se gratter un certain plaisir mêlé de douleur.
Ensuite, comme cette vermine se multiplie sans cesse et gagne la
surface de la peau, il s'y répand une liqueur subtile d'une âcreté
insupportable. Le malade se déchire la peau avec ses ongles et pousse
de profondes lamentations. Des ulcères des mains il tombe une si
grande quantité de vers, qu'il serait inutile de les recueillir ; car ils se
succèdent les uns aux autres, comme s'ils sortaient d'un vase partout
percé de trous. Ainsi, les Acridophages finissent misérablement la vie
par la décomposition de leur corps ; et on ne saurait dire si c'est à la
nourriture dont ils usent, ou à l'intempérie de l'air qu'ils respirent qu'on
doit attribuer cette étrange maladie (33).
XXX. Cette nation est limitrophe d'un pays d'une vaste étendue et
fertile en pâturages. Mais ce pays est désert et inaccessible, non parce
qu'il a été, dès l'origine, peu habité, mais parce que plus tard, à la suite
d'une pluie intempestive, il s'y est engendré une grande quantité
d'araignées et de scorpions. On raconte que ces animaux s'y
multiplièrent à un tel point, que les habitants entreprirent d'abord de
tuer des ennemis naturellement si dangereux ; mais comme le mal était
irrémédiable et que les morsures de ces animaux causaient subitement
la mort, les indigènes, désespérant de leur patrie et de leur manière de
vivre, s'enfuirent de ces lieux. On ne doit point s'étonner à ce récit ni le
croire inadmissible ; car l'histoire véridique nous apprend qu'il se passe
dans le monde des choses 205 bien plus surprenantes. Ainsi, en Italie,
des rats de champs sortirent de terre en si grand nombre, qu'ils firent
déserter à plusieurs habitants leur localité. En Médie, des moineaux
innombrables s'abattirent dans les champs, mangèrent les sentences et
contraignirent les habitants à s'établir en d'autres lieux. Des grenouilles,
primitivement engendrées dans les nues et tombant comme des
gouttes de pluie, forcèrent les Autariates de quitter leur patrie et de
s'enfuir dans la localité qu'ils habitent actuellement. L'histoire ne met-
elle pas au nombre des travaux qui ont acquis l'immortalité à Hercule
celui d'avoir chassé les oiseaux qui infestèrent le lac Stymphale ?
Quelques villes de la Libye ont été bouleversées par des troupes de
lions sortant du désert. Ces exemples doivent suffire pour faire croire ce
que nous avons rapporté plus haut. Mais reprenons le fil de notre
histoire.
XXXI. Les limites extrêmes de ces régions méridionales sont
habitées par des hommes que les Grecs appellent Cynamolgues (34) et
qui sont nommés Sauvages dans la langue des Barbares, leurs voisins.
Ils portent des barbes fort longues et nourrissent des troupeaux de
chiens sauvages pour leur entretien. Depuis le commencement du
solstice d'été jusqu'au milieu de l'hiver, leur pays est envahi par une
quantité innombrable de boeufs indiens, sans qu'on puisse en deviner la
cause. Ou ne sait si ces boeufs fuient les attaques d'autres animaux
nombreux et féroces, ou s'ils abandonnent leur pays, manquant de
pâturages ; ainsi, la cause de cette invasion est encore un secret de la
nature qu'il est impossible à l'intelligence humaine de pénétrer. Ne
pouvant se rendre maîtres de ces animaux aussi nombreux, les
Cynamolgues lâchent sur eux des meutes de chiens, et en prennent une
quantité considérable à la chasse. Ils mangent une partie de ce gibier
sur-le-champ, et mettent l'autre dans des sels pour le conserver. Ils
prennent encore beaucoup d'autres animaux à la chasse avec le
secours de leurs chiens, et ils ne vivent que de chair. Voilà la vie
sauvage que mènent les dernières races du midi, sous la forme d'êtres
humains. Il nous reste encore à parler de deux 206 autres nations, les
Éthiopiens et les Troglodytes (35) ; nous avons déjà parlé plus haut des
Éthiopiens (36) nous allons maintenant nous occuper des Troglodytes.
XXXII. Les Troglodytes sont appelés Nomades par les Grecs, parce
qu'ils mènent avec leurs troupeaux une vie de pasteurs. Ils sont divisés
en tribus qui ont chacune leur chef. Leurs femmes et leurs enfants sont
en commun, à l'exception de la femme unique du chef. Celui qui a
approché d'elle est condamné par le maître à payer comme amende un
certain nombre de moutons. A l'époque des vents étésiens, qui leur
amènent de grandes pluies, ils se nourrissent de sang et de lait qu'ils
mêlent ensemble et qu'ils font bouillir quelques instants. Ensuite,
lorsque la trop grande chaleur a desséché leurs pâturages, ils se
réfugient dans les lieux marécageux et se disputent la possession du
terrain. Ils ne consomment de leurs bestiaux que les plus vieux et ceux
qui commencent à devenir malades. Ils refusent aux hommes le titre de
parents, mais ils le donnent au taureau, à la vache, au bélier et à la
brebis. Ils appellent les mâles pères, et les femelles mères ; parce que
ce sont ces animaux, et non leurs parents, qui leur fournissent de quoi
vivre chaque jour. La boisson ordinaire des particuliers est une liqueur
retirée du paliurus (37), mais on prépare pour les chefs une boisson
avec le suc d'une certaine fleur et qui ressemble à notre moût de très
mauvaise qualité. Livrés au soin de leurs troupeaux, ils vont d'un lieu à
un autre, évitant le séjour fixe dans un même endroit. Ils sont nus à
l'exception des hanches, qu'ils couvrent de peaux. Tous les Troglodytes
se font circoncire à la manière des Egyptiens, excepté ceux qui se
trouvent accidentellement mutilés, et qui se nomment pour cela
Kolobes (38). Ceux-là demeurent dans des vallées étroites de l'intérieur
du pays. Dès leur enfance, ou leur coupe la totalité de la partie qui chez
d'autres n'est que circoncise.
207 XXXIII. Les Troglodytes nominés Mugabares ont pour armes des
boucliers ronds de cuir de boeuf cru, et des massues garnies de pointes
de fer. Les autres portent des arcs et des lances. Ils ont une manière
particulière d'enterrer les morts. Ils garrottent le cadavre avec des
branches de paliurus, de manière à attacher le cou aux cuisses ; et
l'exposant sur une colline, ils lui lancent en riant de grosses pierres
jusqu'à ce que tout le corps en soit entièrement couvert. Enfin, ils le
font surmonter d'une corne de chèvre, et se retirent sans avoir donné
aucune marque d'affliction. Ils sont souvent en guerre entre eux, non
pas comme les Grecs, par ressentiment ou par toute autre cause, mais
pour avoir des pâturages toujours frais. Dans leurs combats ils se jettent
d'abord des pierres jusqu'à ce que quelques-uns d'entre eux soient
blessés, après quoi, ils s'attaquent avec des flèches. C'est alors qu'un
grand nombre sont tués en peu de temps ; car ils sont tous fort adroits
à cet exercice, et leur corps nu n'est protégé par aucune arme
défensive. Ces combats sont terminés par de vieilles femmes qui se
jettent au milieu de la mêlée, et qui sont fort respectées. Il n'est permis
à personne de les frapper de quelque manière que ce soit. Aussi, dès
qu'elles paraissent, on cesse de tirer. Ceux que la vieillesse rend
incapables de faire paître leurs troupeaux, s'étranglent avec une queue
de vache, et terminent ainsi courageusement leur vie. Si quelqu'un
diffère à se donner la mort, chacun peut lui passer une corde autour du
cou, comme pour lui rendre service, et l'étrangler après un
avertissement préalable. Leurs lois exigent aussi qu'on fasse mourir les
estropiés ou ceux qui sont atteints de maladies incurables ; car ils
pensent que le plus grand mal est d'aimer à vivre lorsqu'on ne peut rien
faire qui soit digne de la vie. C'est pourquoi on ne voit parmi tous les
Troglodytes que des hommes bien faits et robustes de corps, puisque
aucun d'entre eux ne dépasse soixante ans. Mais c'est assez parler des
Troglodytes. Si quelque lecteur n'ajoutait pas foi au récit de ces moeurs
étranges, qu'il compare le climat de la Scythie avec celui du pays des
Troglodytes ; cette comparaison lui fera ajouter foi à nos paroles.
208 XXXIV. Il y a une différence telle entre la température de notre
climat et celui des contrées dont il est question, qu'elle paraît
incroyable dans ses détails. Il est des pays où le froid est si excessif que
les plus grands fleuves sont entièrement couverts d'une glace assez
épaisse pour porter une armée entière avec ses chariots. Le vin et les
autres liqueurs se congèlent au point qu'on les coupe avec des
couteaux. Mais ce qui est encore plus surprenant, chez les hommes, les
extrémités des membres se décomposent par le frottement de leurs
habillements ; les yeux sont atteints d'amaurose ; le feu même perd sa
force, et les statues d'airain se fendent. Dans certaines époques, les
nuages deviennent si épais et si serrés qu'ils ne produisent ni éclair ni
tonnerre. Il y arrive beaucoup d'autres phénomènes, incroyables à ceux
qui ne connaissent pas ces climats et insupportables à ceux qui les ont
éprouvés. Aux confins de l'Egypte et du pays des Troglodytes, la chaleur
est si excessive, qu'à l'heure de midi les habitants ne peuvent point se
distinguer entre eux, à cause de l'épaisseur de l'air. Personne ne peut
marcher dans ce pays sans chaussure ; car ceux qui y vont pieds nus
sont aussitôt atteints de pustules. Quant à la boisson, si l'on n'en usait
pas à satiété, on mourrait subitement, la chaleur consumant
rapidement les humeurs du corps. Si l'on met quelque aliment dans un
vase d'airain avec de l'eau, et qu'on l'expose au soleil, il est bientôt cuit,
sans feu ni bois (39). Cependant, les habitants de ces contrées d'un
climat si opposé au nôtre, non seulement ne songent pas à s'expatrier,
mais ils souffriraient plutôt la mort que de se laisser imposer un autre
genre de vie. Ainsi le 209 pays natal a un charme particulier, et l'on
supporte aisément les rigueurs d'un climat auquel on est accoutumé
dès l'enfance. Malgré ces différences, ces contrées ne sont pas fort
éloignées les unes des autres. Car du Palus-Méotide, où quelques
Scythes habitent au milieu des glaces, il est souvent venu en dix jours à
Rhodes des navires de transport, par un vent favorable. Se rendant de
là à Alexandrie, dans l'espace de quatre jours, ils ont abordé en Ethiopie
souvent au bout de dix jours, en remontant le Nil. Ainsi, en moins de
vingt-cinq jours de navigation continue, on peut passer des régions les
plus froides de la terre aux régions les plus chaudes. Or comme, à si
peu de distance, il y a une si grande différence de climat, il n'est pas
étonnant que les moeurs, les manières de vivre, l'extérieur de ces
hommes diffèrent tant de ce que nous voyons chez nous.
XXXV. Après avoir rapporté sommairement ce qui nous a paru le
plus remarquable chez ces nations et parlé de leurs moeurs, nous allons
donner quelques détails sur les animaux qu'on trouve dans ces
contrées. Il existe un animal qu'on appelle rhinocéros (40), nom tiré de
sa forme. Il est presque aussi courageux et aussi robuste que l'éléphant,
mais il est d'une taille plus petite. Il a la peau fort dure et couleur de
buis. Il porte à l'extrémité des narines une corne un peu aplatie, et
presque aussi dure que du fer. Toujours en guerre avec l'éléphant,
auquel il dispute les pâturages, il aiguise cette corne sur de grandes
pierres. Dans le combat, il se jette sous le ventre de l'éléphant et lui
déchire les chairs avec sa corne comme avec une épée. Il fait perdre
ainsi à ces animaux tout leur sang et en tue un grand nombre. Mais
lorsque l'éléphant prévient cette attaque du rhinocéros, et qu'il l'a saisi
avec sa trompe, il s'en défait aisément en le frappant avec ses défenses
et l'accablant de sa force. Dans l'Ethiopie et dans le pays des
Troglodytes, on trouve des sphinx qui sont d'une figure semblable à
celle que leur donnent les peintres ; seulement ils sont 210 plus velus. Ils
sont doux et très dociles de leur nature, et ils apprennent aisément tout
ce qu'on leur montre. Les cynocéphales sont semblables par le corps à
des hommes difformes, et leur cri est un gémissement de voix humaine.
Ces animaux sont fort sauvages, et on ne peut nullement les apprivoiser
; leurs sourcils leur donnent un air très austère. Leurs femelles ont cela
de particulier qu'elles portent pendant toute leur vie leur matrice hors
du corps (41). Le cepus (42), qu'on a ainsi nommé à cause de la beauté
et des belles proportions de son corps, a la face du lion ; mais, par le
reste du corps, il ressemble à la panthère, excepté qu'il est de la taille
d'une gazelle. Le taureau carnassier est le plus sauvage des animaux
dont nous venons de parler ; et il est entièrement indomptable. Il est
bien plus fort que le taureau domestique ; il ne cède point en vitesse au
cheval, et il a la gueule fendue jusqu'aux yeux. Son poil est tout roux,
ses yeux sont plus glauques que ceux du lion, et ils brillent pendant la
nuit. Ses cornes sont d'une nature particulière : il les remue d'ordinaire
comme les oreilles ; mais quand il se bat il les tient droites et immobiles
(43). Son poil est couché au rebours de celui des autres animaux. Au
reste, ce taureau est si fort qu'il attaque les animaux les plus robustes,
et qu'il vit de la chair de ceux qu'il a vaincus. Il dévore aussi les
bestiaux des habitants, et il se bat avec acharnement contre des
troupes entières de bergers et de chiens. Sa peau passe pour
invulnérable ; bien des fois on a essayé de le dompter, niais on n'en est
211 jamais venu à bout. Si cet animal est pris dans une fosse, ou qu'il
tombe dans tout autre piège, il meurt suffoqué de rage, et ne change
point sa liberté contre la domesticité. C'est donc avec raison que les
Troglodytes l'estiment le plus fort de tous les animaux, puisque la
nature l'a doué du courage du lion, de la vitesse du cheval, et de la
force du taureau, et que de plus il ne peut être entamé par le fer, la plus
dure de toutes les matières. Il y a un animal que les Éthiopiens
appellent crocottas, qui tient de la nature du loup et de celle du chien ;
mais il est plus à craindre que tous les deux par sa férocité. Rien ne
résiste à la force de ses dents, car il broie aisément les os les plus gros,
et il les digère merveilleusement (44). Mais nous n'ajoutons point foi
aux récits fabuleux de quelques historiens, qui prétendent que cet
animal imite le langage de l'homme.
XXXVI. Ceux qui habitent près du désert disent qu'on y voit des
serpents de toute espèce et d'une dimension incroyable. Quelques-uns
assurent en avoir vu de cent coudées de long ; mais ces choses sont
taxées de mensongères, non seulement par moi, mais par tout le
monde. Cependant, ils vont encore plus loin, et ils soutiennent que dans
cette contrée, qui est plate, on trouve des amas de serpents qui, repliés
sur eux-mêmes, ressemblent de loin à des collines ; mais qui voudrait y
croire ? Nous dirons cependant un mot des plus grandes espèces de
serpents que nous ayons vues, et qu'on apporta à Alexandrie dans des
cages bien préparées. Nous décrirons même à cette occasion la
manière dont on en fait la chasse. Ptolémée second (45), qui aimait
beaucoup la chasse des éléphants, récompensait par de grands
présents ceux qui allaient à la chasse des animaux les plus forts. Ainsi,
ayant dépensé beaucoup d'argent à ce ca- 212 price, il rassembla un
grand nombre d'éléphants propres à la guerre, et il fit connaître aux
Grecs des animaux extraordinaires et qu'on n'avait pas encore vus.
Quelques chasseurs, excités par la libéralité du roi qui distribuait de si
belles récompenses, résolurent d'aller en troupe à la chasse des plus
grands serpents, et de risquer leur vie pour en amener un tout vivant
devant Ptolémée, à Alexandrie. L'entreprise était grande et
hasardeuse ; mais la fortune vint à leur secours, et leur procura un
heureux succès. Ils guettèrent un de ces serpents qui avait trente
coudées de long. Ce serpent se tenait ordinairement couché auprès des
mares d'eau ; il restait immobile, roulé en spirale, jusqu'à ce qu'il vît
quelque animal s'approcher pour boire. Alors, se dressant tout d'un
coup, il le saisissait avec sa gueule, ou il l'entrelaçait dans ses replis de
manière à l'empêcher de se dégager. Comme cet immense reptile est
paresseux de sa nature, les chasseurs espérèrent s'en rendre maîtres
avec des cordes et des chaînes. Ainsi, s'étant munis de ce qu'ils crurent
leur être nécessaire, ils s'en approchèrent courageusement. Mais à
mesure qu'ils s'approchaient de cet immense reptile, ils furent bientôt
saisis d'effroi en voyant ses yeux flamboyants, sa langue qu'il dardait de
tous côtés, ses dents énormes, sa gueule effroyable, ses replis
immenses ; et surtout lorsqu'ils entendirent le bruit qu'il faisait avec ses
écailles, en s'avançant à travers les broussailles. Quoique pâles de
frayeur, ils jetèrent leurs lacs sur la queue du reptile, mais il ne les eut
pas plutôt sentis qu'il se retourna avec des sifflements horribles ; et,
s'élevant par-dessus la tête de celui qui se trouvait le plus près, il le
dévora tout vivant. Il en prit ensuite un second dans ses replis, et
l'entrelaçant sous son ventre, il l'étouffa. Les autres, saisis d'épouvante,
ne cherchèrent leur salut que dans la fuite.
XXXVII. Cependant, pour mériter les bienfaits et les bonnes grâces
du roi, ils revinrent à leur entreprise, et en affrontèrent de nouveau le
péril. Pour s'emparer de ce serpent, qu'ils ne pouvaient avoir par la
force, ils employèrent la ruse. Voici l'expédient dont ils s'avisèrent : ils
firent, avec des joncs 213 entrelacés, une espèce de filet de la forme
d'une barque, et qui, par sa longueur et son étendue, pouvait aisément
contenir tout le corps du reptile. Ils épièrent ensuite la caverne où il se
retirait, l'heure à laquelle il en sortait pour se repaître, et l'heure où il y
rentrait. Dès que ce monstre fut, comme d'ordinaire, sorti à la chasse
des autres animaux, ils commencèrent d'abord par boucher l'entrée de
cette caverne avec de grosses pierres et de la terre. Ils creusèrent
ensuite tout auprès une allée souterraine, où ils tendirent leur filet, qui
présentait son ouverture du côté où le serpent devait entrer. Tout le
long du passage on avait placé des archers, des frondeurs, beaucoup de
cavaliers, même des trompettes, et tout un appareil de guerre. En
s'approchant, le serpent levait sa tête beaucoup au-dessus d'eux. Les
chasseurs se rassemblèrent, mais ils n'osaient s'approcher, se rappelant
les malheurs passés ; ils lancèrent de loin une grêle de flèches contre ce
monstre, qui leur servait de but. Cependant la vue des cavaliers, la
meute des chiens, et le son des trompettes épouvantèrent l'animal,
pendant qu'il allait regagner sa retraite. Les chasseurs ralentirent un
peu leur poursuite, de peur de l'irriter davantage. Il était déjà près de
l'entrée de sa caverne murée lorsque le bruit des armes, la vue de cette
foule, et le son des trompettes augmentèrent sa frayeur. Ne trouvant
pas l'entrée de sa caverne, et pour éviter l'attaque des chasseurs, le
reptile se jeta dans l'allée ouverte devant lui. Les replis du serpent
remplirent tout le filet. Aussitôt les chasseurs vinrent à bride abattue, et
fermèrent avec des chaînes 1'onverture de cette espèce de cage,
disposée pour cette entreprise périlleuse ; après quoi, ils la soulevèrent
avec des leviers. Cependant le serpent, se sentant à l'étroit, poussait
des sifflements affreux, et tâchait de briser le filet de joncs avec les
dents. Il s'agitait avec tant de force que ceux qui le portaient, de peur
qu'il ne leur échappât, s'arrêtèrent et se mirent à le piquer aux environs
de la queue, afin que la douleur, lui faisant tourner la tête, l'empêchât
de rompre ses liens. Enfin, l'ayant apporté à Alexandrie, ils en firent
présent au roi, qui le regarda comme 214 un des plus monstrueux
animaux dont on eût jamais entendu parler. Par la privation de la
nourriture on affaiblit la force de ce reptile, et on l'apprivoisa en peu de
temps, de telle façon que tout le monde s'en étonna. Ptolémée combla
les chasseurs de présents mérités. Il nourrissait ensuite dans son palais
ce serpent, qu'il montrait aux étrangers connue un objet de curiosité.
Beaucoup de gens l'ont vu ; il ne serait donc pas juste de prendre pour
une fable ce que les Éthiopiens disent de quelques-uns de leurs
serpents ; ces serpents sont, assurent-ils, si grands qu'ils avalent non
seulement des boeufs entiers, des taureaux et d'autres animaux de
même taille, mais qu'ils attaquent même les éléphants. S'entortillant
autour de leurs cuisses, ils les empêchent de se remuer ; puis, s'élevant
jusqu'au-dessus de la trompe, ils placent leur tête devant les yeux de
l'éléphant ; celui-ci, aveuglé par le feu du regard de son ennemi, tombe
à terre ; et, le serpent s'en étant ainsi rendu maître, le dévore.
XXXVIII. Nous avons suffisamment parlé de l'Ethiopie, de la
Troglodytique et de toutes les nations voisines jusqu'aux pays
inhabitables en raison de la chaleur qui y règne. Nous avons aussi parlé
des nations situées le long des côtes de la mer Rouge et de la mer
Atlantique méridionale. Nous allons traiter à présent des parties dont il
nous reste à nous occuper, savoir, le golfe Arabique, dont nous
emprunterons la description en partie aux Annales royales d'Alexandrie
et en partie aux renseignements donnés par des témoins oculaires. Car
on n'a qu'une faible connaissance de cette partie du monde, ainsi que
des îles Britanniques et du nord. Mais nous décrirons les pays
septentrionaux, voisins des régions inhabitables par le froid, lorsque
nous en serons au temps de César qui, après avoir soumis à la
puissance des Romains des contrées si éloignées, a procuré aux
historiens des documents qui leur manquaient.
Le golfe Arabique communique avec l'Océan méridional. Il a
beaucoup de stades de longueur, et est terminé par un coude compris
entre les limites du pays des Troglodytes et de l'Arabie. Sa largeur, à
son embouchure et à son coude, est de seize stades. 215 Mais, depuis le
port de Panorme jusqu'à l'autre rivage, il a une longue journée de
navigation. Sa plus grande largeur est entre le mont Tyrcée et la côte
inhospitalière de Macarie : ces deux points du continent sont assez
distants pour qu'on ne puisse pas de l'un apercevoir l'autre. Depuis là
jusqu'à son embouchure, le golfe va en se rétrécissant. Dans ce golfe se
trouvent plusieurs grandes îles, entre lesquelles le passage est fort
étroit, et le courant rapide. Telle est en résumé la position de ce golfe.
En commençant par l'extrémité du coude, nous allons rapporter ce qu'il
y a de plus remarquable sur les deux rives qui bordent le golfe. Nous
commencerons par la rive droite, qui est habitée par les Troglodytes, et
qui s'étend jusqu'au désert.
XXXIX. Lorsqu'en partant de la ville d'Arsinoé on longe le côté droit
du golfe, on voit, en plusieurs endroits, des sources d'eau salée se
précipitant des rochers dans la mer. Après avoir dépassé ces sources,
on voit, au milieu d'une grande plaine, une montagne ocreuse qui
offusque les yeux de ceux qui la regardent longtemps. Au pied de cette
montagne est l'entrée sinueuse d'un port qu'on appelle port de Vénus
(46). Il y a dans ce port trois îles, dont deux pleines d'oliviers et de
figuiers ; la troisième est dénuée de ces arbres, mais on y trouve
beaucoup de poules d'Inde. Ensuite on voit une vaste baie, nommée
Acathartus (47). Attenant à cette baie, est une longue presqu'île qui est
si étroite que l'on y transporte les bateaux d'une mer dans l'autre (48).
En longeant cette côte, ou rencontre une île, située dans la haute
muer, qui a quatre-vingts stades de long. On la nomme Ophiodès (49).
Elle était autrefois infestée de toutes sortes de reptiles formidables, et
c'est de là qu'elle a tiré son nom. Mais 216 dans ces derniers temps, les
rois d'Alexandrie l'ont fait si bien cultiver qu'on n'y voit plus aucun de
ces animaux. Si l'on a eu tant de soin de cultiver cette île, c'est qu'elle
produit la topaze. C'est une pierre transparente, très agréable à la vue,
semblable au verre, et d'un magnifique aspect d'or. C'est pourquoi
l'entrée de cette île est défendue aux voyageurs. Tous ceux qui y
abordent sont aussitôt mis à mort par les gardes qui s'y trouvent
établis. Ils sont en petit nombre, et ils mènent une vie malheureuse ;
car, de peur qu'on ne vole quelques-unes de ces pierres, on ne laissé
aucun vaisseau dans l'île, et les navigateurs se tiennent au loin par la
crainte du roi. Les vivres qu'on leur amène sont promptement
consommés, et l'on n'en trouve point dans le pays. Quand il ne leur
reste plus que peu de vivres, les habitants du lieu viennent s'asseoir
tous ensemble sur le rivage, en attendant l'arrivée de leurs provisions ;
et, si elles tardent à venir, ils se voient réduits à la dernière extrémité.
La topaze croît dans les rochers. On ne la voit pas le jour, en raison de
la clarté du soleil qui l'efface ; mais elle brille dans l'obscurité de la nuit,
et ou distingue de fort loin le lieu où elle se trouve. Les gardes de l'île se
distribuent au sort la recherche de ces lieux. Dès qu'une pierre se
révèle par son éclat, ils couvrent l'endroit d'un vase de même grandeur,
afin de le marquer. Au jour ils y retournent, et coupent la roche dans
l'espace marqué, et la livrent à des ouvriers instruits dans l'art de polir
les pierres.
XL. Au delà de ces parages, les voyageurs rencontrent diverses
peuplades d'Ichthyophages et de Troglodytes nomades. Après cela, on
voit plusieurs montagnes particulières, jusqu'à ce qu'on arrive au port
Sauveur (50), ainsi nommé par des Grecs qui, naviguant les premiers
dans ces parages, se réfugièrent dans ce port. A partir de là, le golfe
confluence à se rétrécir eu contournant les côtes de l'Arabie ; la terre et
la mer changent visiblement de nature et d'aspect. La terre est basse,
et on n'y aperçoit point de collines. La mer est remplie de bancs de
sable ; 217 elle n'a guère que trois orgyies (51) de profondeur, et ses
eaux sont d'une couleur verte. On dit que cette couleur ne vient pas
tant de l'eau elle-même que des algues et fucus qui s'y trouvent (52).
La rade est commode pour les navires à rames, parce que les vagues ne
déferlent pas de très loin ; elle est riche en poissons et offre des pêches
abondantes.
Les passagers sont exposés à de très grands dangers sur les
vaisseaux qui transportent les éléphants, parce que ces vaisseaux, en
raison de leur poids, sont à grand tirant d'eau ; quelquefois la nuit,
voguant à pleines voiles, ils sont poussés par le vent tantôt contre des
écueils, où ils font naufrage, tantôt dans des bas-fonds, où ils échouent.
Les matelots ne peuvent abandonner leur navire, parce que l'eau n'est
pas guéable ; et quand ils ne parviennent pas à le dégager avec leurs
rames, ils jettent tout dans la mer, excepté leurs vivres. Mais, ne
pouvant renouveler leurs provisions, ils tombent bientôt dans une
extrême détresse ; il leur est impossible de découvrir ni une île, ni un
cap, ni aucun autre navire ; car la côte est inhospitalière, et il arrive
rarement des vaisseaux dans ces parages. Pour comble de malheur, les
flots accumulent en peu de temps autour de la quille du vaisseau une
telle quantité de sable, qu'il semble, en quelque sorte, entouré d'une
digue faite à dessein. Ceux qui sont exposés à ce désastre font d'abord
entendre des gémissements modérés dans cette morne solitude, ne
perdant pas encore toute espérance de salut ; car souvent, au moment
de la marée, les flots soulèvent les vaisseaux, et les sauvent, comme un
dieu propice, d'un péril imminent. Mais, lorsque ce secours des dieux
leur fait défaut et que les vivres commencent à leur manquer, les plus
forts jettent dans la mer les plus faibles, afin que ce qui reste de
provisions dure encore quelques jours. Quand ils ont enfin épuisé toutes
leurs ressources, ils périssent encore plus misérablement que ceux qui
sont morts avant eux ; car ceux-ci ont rendu en un instant à la nature
l'âme qu'elle leur avait 218 donnée ; au lieu que les autres arrivent à la
fin de leur vie par des maux qui leur causent une longue agonie. Quant
aux navires, ainsi privés misérablement de leur équipage, ils demeurent
longtemps entourés de ces monceaux de sables, vrais cénotaphes ;
montrant au loin leurs mâts et leurs antennes, ils excitent la
compassion dans l'âme des passants. Un ordre du roi prescrit de laisser
là ces navires, pour signaler aux navigateurs les passages dangereux.
Les Ichthyophages, qui demeurent aux environs, rapportent un fait
qu'ils tiennent par tradition de leurs ancêtres. lls racontent qu'un jour le
reflux fut tel que tout le golfe se changea en une terre ferme, offrant
l'aspect d'une verte campagne ; toute la mer s'étant retirée sur les
côtes opposées, son lit fut mis à découvert ; mais les eaux, revenant
tout à coup, reprirent leur cours ordinaire (53).
XLI. Nous avons décrit la traversée depuis Ptolémaïs jusqu'au
promontoire des Taureaux, lorsque nous avons parlé de la chasse que
Ptolémée fit aux éléphants. C'est à ce promontoire que la côte
commence à décliner vers l'orient. Là, à l'époque du solstice d'été
jusqu'à la saison qui suit, les ombres sont tournées du côté du midi,
contrairement à ce qui a lieu dans nos climats. Ce pays est arrosé par
des fleuves qui ont leurs sources dans les monts Psébéens. Il est
traversé par de grandes plaines fertiles en mauve, en cardamome et en
palmiers d'une hauteur prodigieuse. Il produit des fruits de différentes
espèces, d'un goût fade, et qui nous sont inconnus. L'intérieur du pays
est rempli d'éléphants, de taureaux sauvages, de lions et de beaucoup
d'autres animaux robustes. La mer, qui touche à cette contrée, est
parsemée de plusieurs îles, où l'on ne trouve aucun fruit cultivé, et qui
nourrissent des espèces particulières d'oiseaux d'un aspect admirable.
Plus loin, la mer devient très profonde, et on y voit des cétacés de
dimensions énormes. Ces animaux ne font point de mal aux hommes, à
moins qu'on ne tombe par hasard sur 219 les nageoires de leur dos. Ils
ne peuvent point suivre les navigateurs, parce qu'en s'élevant à la
surface de l'eau, leurs yeux sont aveuglés par les rayons du soleil.
Voilà ce que l'on connaît des extrémités du pays des Troglodytes,
dont les limites sont formées par les promontoires Psébéens.
XLII. Nous allons maintenant décrire la côte opposée, appartenant à
l'Arabie, en commençant également par la pointe du golfe. Cette pointe
porte le nom de Posidium, à cause d'un autel consacré à Neptune par
Ariston, que Ptolémée envoya explorer les côtes de l'Arabie jusqu'à
l'Océan. Immédiatement après la pointe du golfe, on rencontre un
territoire auquel les indigènes rendent une sorte de culte, en raison des
avantages qu'il procure. Ce territoire est appelé Jardin des Palmiers,
parce qu'il produit des palmiers qui portent abondance de fruits aussi
agréables qu'utiles (54). Toute la contrée voisine manque d'eau, et par
sa position au midi elle est comme embrasée. Ce n'est donc pas sans
raison que les Barbares ont consacré aux dieux ce territoire fertile qui,
tout environné qu'il est de terres inhabitables, satisfait abondamment
aux besoins de l'homme. Il est arrosé par de nombreuses sources dont
l'eau est aussi fraîche que la neige, et qui entretiennent sur les rives
une verdure délicieuse. On y trouve un autel antique, bâti d'une pierre
dure, et portant une inscription en caractères anciens et inconnus.
L'enceinte sacrée de cet autel est gardée par un homme et une femme,
qui remplissent les fonctions sacerdotales pendant tout le cours de leur
vie. Les habitants de ce territoire vivent très longtemps. Ils couchent sur
des arbres, dans la crainte des bêtes féroces. Après avoir dépassé ce
verger de palmiers, le navigateur trouve en avant de la saillie du
promontoire une île qui a été appelée l'île des Phoques, à cause de la
multitude de ces animaux qui y séjournent, à la grande surprise du
voyageur. Le promontoire en face de cette île regarde l'Arabie dite
Pétrée et la Palestine. C'est là que les Gerrhéens et les Minnéens
apportent, dit- 220 on, de l'Arabie supérieure l'encens et les autres
parfums.
XLIII. La côte, qui vient après, était habitée d'abord par les Maranes
et ensuite par les Garyndanes, leurs voisins, qui s'en emparèrent de la
manière suivante : Il se fait tous les cinq ans une fête dans le territoire
aux palmiers, où se réunissent tous les habitants d'alentour. Ils s'y
rendent pour sacrifier aux dieux, dans l'enceinte sacrée, des
hécatombes de chameaux engraissés, aussi bien que pour remporter
chez eux des eaux du pays, qui passent pour rendre la santé aux
malades qui en boivent. Or, pendant que les Maranes assistaient à cette
fête, les Garyndanes égorgèrent tous ceux de cette nation qui étaient
demeurés dans le pays, et ils firent périr les autres traîtreusement à
leur retour. Après avoir ainsi dépeuplé la contrée, les Garyndanes se
partagèrent les champs fertiles et les pâturages qui nourrissaient de
nombreux troupeaux.
On rencontre peu de ports sur cette côte ; mais on y voit beaucoup
de montagnes élevées, et qui, par leurs couleurs variées, présentent au
navigateur un spectacle admirable. Après avoir dépassé cette côte, le
navigateur entre dans le golfe Léanite (55). Ce golfe est bordé d'un
grand nombre de villages habités par les Arabes Nabatéens (56). Ces
Arabes occupent non seulement une grande partie du littoral, mais
encore une grande étendue de l'intérieur du pays. Ils forment une
nation très considérable et abondamment pourvue de bestiaux. Ils
vivaient autrefois selon les règles de la justice, en se contentant de
leurs troupeaux. Mais, lorsque les rois d'Alexandrie eurent rendu ce
golfe navigable pour les navires de transport, ces Arabes maltraitèrent
les naufragés, et, équipant des bateaux de piraterie, ils pillèrent les
navigateurs, en imitant les moeurs féroces et sauvages des habitants
de la Tauride, dans le Pont. Mais, atteints sur mer par des trirèmes
lancées à leur poursuite, ils furent châtiés 221 comme ils le méritaient.
Après le golfe Léanite, on voit une contrée plate, bien arrosée, et qui
produit, à cause des nombreuses sources qui la traversent, l'agrostis, le
jonc de Médie et le lotus, de la grandeur d'un homme. Les pâturages y
sont si abondants et si gras qu'on y trouve non seulement des bestiaux
de toute espèce, mais encore des chameaux sauvages, des cerfs et des
gazelles. Outre ces animaux, qui y vivent en fort grand nombre, on voit
fréquemment sortir du désert des troupes de lions, de loups et de
panthères, contre lesquels les pâtres sont obligés de se battre nuit et
jour pour la défense de leurs troupeaux. Ainsi, la richesse de la contrée
est en même temps une source d'infortunes pour les habitants ; car la
nature mêle en général des maux aux biens qu'elle accorde aux
hommes.
XLIV. Après avoir dépassé cette plaine, le navigateur remonte une
baie d'un aspect singulier. Cette baie s'enfonce dans la terre dans une
étendue de cinq cents stades (57); elle est entourée de tous les côtés
par d'immenses rochers qui en rendent l'entrée tortueuse et presque
impraticable. Un de ces rochers, étant à fleur d'eau, rétrécit tellement le
passage, qu'il est impossible à un navire d'entrer dans cette baie ni d'en
sortir. Lorsque les vagues sont soulevées par les vents, elles se brisent
contre cet écueil et font retentir au loin leurs mugissements. Les bords
de cette baie sont habités par les Banizomènes ; ils vivent de la chasse
et se nourrissent de la chair d'animaux terrestres. On trouve dans cet
endroit un temple vénéré de tous les Arabes. Plus loin, en face de la
côte dont nous venons de parler, sont trois îles qui ont plusieurs ports.
La première est, dit-on, tout à fait déserte, et consacrée à Isis. On y voit
des fondements en pierre d'anciens édifices et des colonnes chargées
d'inscriptions en caractères barbares. Les autres îles sont également
désertes. Toutes ces îles sont couvertes d'oliviers, différents des nôtres.
Au delà de ces îles, la côte est escarpée et inaccessible aux navires
dans une étendue de plus de mille stades (58) ; car il n'y a ni port ni
rade où les 222 matelots puissent jeter l'ancre ; il n'y a même pas une
langue de terre où les voyageurs fatigués puissent trouver un asile.
C'est là que se trouve une montagne au sommet de laquelle s'élèvent
des rochers taillés à pic et d'une hauteur prodigieuse. La racine de cette
montagne est garnie d'écueils aigus qui s'avancent dans la mer, et qui
forment derrière elle des gouffres sinueux. Comme ces récifs sont très
rapprochés les uns des autres et que la mer y est très profonde, les
brisants, par leur arrivée et leur retrait alternatifs, font entendre un
bruit semblable à un fort mugissement. Une partie des vagues, lancées
contre ces immenses rochers, s'élèvent et se résolvent en écume ; une
autre partie, s'engloutissant dans des gouffres, forme des tournants
épouvantables ; de telle sorte que ceux qui passent auprès de cette
montagne meurent presque de frayeur. Cette côte est habitée par les
Arabes Thamudéniens. De là on arrive à une baie assez vaste, remplie
d'îles qui présentent l'aspect des Echinades. Les bords de cette baie se
composent de monceaux de sable noir d'une étendue et d'une
épaisseur prodigieuses. Plus loin, on découvre une presqu'île ; c'est là
qu'est le port appelé Charmuthas, le plus beau de tous ceux qui nous
sont connus par les relations des historiens. Car une langue de terre,
située à l'occident, sert à former une baie non seulement d'un très bel
aspect, mais encore qui surpasse toutes les autres en commodité. Elle
est dominée par une montagne couverte d'arbres et qui a cent stades
de tour (59). Son entrée est large de deux plethres (60). Ce port peut
contenir deux mille navires à l'abri de tous les vents. En outre, on y
trouve de l'eau douce en abondance, car un grand fleuve se décharge
dans ce port. Il y a au milieu une île bien arrosée, susceptible de
recevoir des plantations. En un mot, ce port est tout à fait semblable au
port de Carthage, appelé Cothon, dont nous parlerons en temps et lieu.
Le grand calme qui y règne et les eaux douces qui y affluent attirent de
la haute mer une quantité infinie de poissons.
223 XLV. En poursuivant sa route, le navigateur découvre cinq
montagnes, distantes les unes des autres, qui s'élèvent et se terminent
en forme de mamelon, et présentent un aspect semblable à celui des
pyramides d'Egypte (60). Il trouve ensuite un golfe environné
d'immenses promontoires ; au centre s'élève un monticule en forme de
table. Là, on a bâti trois temples d'une hauteur prodigieuse et consacrés
à des divinités inconnues aux Grecs, mais qui sont en grande vénération
auprès des indigènes. Plus loin, s'étend une côte pourvue de ruisseaux
d'eau douce. C'est là qu'est le mont Chabinus, couvert de bois touffus.
Le terrain dépendant de cette montagne est habité par les Arabes
Dèbes. Ils élèvent des chameaux qui leur servent à tous les besoins de
la vie ; ils en font usage pour la guerre aussi bien que pour le transport
de leurs marchandises. Ils en boivent le lait, en mangent la chair, et
parcourent rapidement tout le pays montés sur leurs chameaux
dromadaires. Cette contrée est traversée dans son milieu par un fleuve
qui charrie du sable d'or en si grande abondance, que ce sable brille
dans le limon qui se dépose à l'embouchure. Les habitants sont tout à
fait inexpérimentés dans l'art de travailler l'or. Ils refusent l'hospitalité à
tous les étrangers, excepté aux habitants de la Béotie et du Péloponèse,
parce que, selon la tradition du pays, Hercule avait contracté jadis un
commerce intime avec eux. La contrée qui suit est habitée par les
Arabes Aliléens et les Gasandes. Celle-là n'est point brûlée par la
chaleur du soleil comme les contrées voisines, et elle en est
ordinairement garantie par d'épais nuages. Il y tombe de la neige et des
pluies bienfaisantes qui tempèrent les chaleurs de l'été. Le terrain est
d'une excellente qualité ; il produirait des fruits de toutes espèces, si les
habitants avaient soin de le cultiver. Ils retirent beaucoup d'or des
entrailles de la terre ; cet or n'a pas besoin d'être extrait du minerai par
la fusion, car il y est à l'état natif, ce qui lui a fait donner le nom d'apyre
(61). 224 Les plus petits morceaux qu'on y trouve sont de la grosseur
d'une amande, et les plus gros du volume d'une noix. Ils font des
bracelets et des colliers de ces morceaux d'or enfilés et entremêlés de
pierres précieuses. Mais comme ils n'ont ni cuivre ni fer, ils achètent ces
métaux à des marchands étrangers contre un poids égal d'or.
XLVI. Après ce peuple viennent les Carbes et ensuite les Sabéens,
qui sont la plus nombreuse des tribus arabes. Ils occupeut l'Arabie
appelée Heureuse, où croissent la plupart de nos produits, et qui nourrit
un nombre prodigieux de toutes sortes de bestiaux. Un parfum
continuel s'exhale de la terre qui engendre, sans interruption, à peu
près tous les aromates. Sur le littoral croît le baume, la casie et une
graminée d'une espèce particulière. Celle-ci, fraîchement cueillie, réjouit
on ne peut plus la vue, mais elle se fane rapidement. Dans l'intérieur du
pays, on trouve des forêts épaisses où croissent les arbres qui portent
l'encens et la myrrhe, sans parler du palmier, du roseau et du
cinnamome et d'autres plantes odoriférantes. Il est impossible de
distinguer chacune des odeurs particulières à ces végétaux, à cause de
leur nombre inexprimable. Une chose, en quelque sorte divine, et
qu'aucun langage ne saurait rendre, ce sont ces émanations suaves qui
viennent frapper, même an loin, les sens du navigateur. Les vents de
terre, qui s'élèvent au priniemps, apportent les exhalaisons délicieuses
de ces végétaux aromatiques jusque dans les endroits voisins de la mer.
Ce ne sont pas là ces faibles parfums conservés dans des vases, mais
c'est l'émanation de l'essence même de la fleur dans toute sa vigueur,
et qui s'insinue dans les parties les plus subtiles des sens. Ces
émanations de parfums naturels sont aussi délicieuses que salubres
pour les navigateurs qui longent ces côtes. Ces parfums ne sont pas
faibles comme ceux d'un fruit tombé et qui a perdu sa force, ni comme
ceux qu'on conserve dans des vases, mais ils émanent de la fleur
arrivée à son point de maturité, et dont la tige n'a rien perdu de sa
nature divine. Aussi, ceux qui ont respiré ces parfums croient-ils avoir
savouré l'ambroisie de la 225 fable, et ils ne trouvent point d'autre terme
pour exprimer leur sensation.
XLVII. Cependant la fortune n'a point accordé aux hommes cette
félicité sans aucun mélange d'amertume ; elle y a mêlé quelque chose
de malfaisant comme un avertissement salutaire pour ceux qui, dans le
bonheur, pourraient oublier les dieux. Ces forêts odoriférantes sont
pleines de serpents de couleur pourpre, de la longueur d'un spithame
(62), et dont la morsure est incurable. Ils s'élancent sur l'homme et le
couvrent de sang par leurs morsures. De plus, les habitants de ce pays
sont sujets à une maladie singulière et fort grave. La nature incisive de
ces parfums pénétrant le corps, relâche toutes les fibres, et amène une
décomposition totale des tissus que rien ne peut prévenir. Ils
combattent cette maladie par les contraires (63), en faisant brûler du
bitume et des poils de bouc ; car les meilleures choses ne sont utiles et
agréables à l'homme que lorsqu'il en use avec une certaine modération
en harmonie avec sa nature.
La ville de Saba, bâtie sur une montagne, est la capitale de tout ce
pays. La royauté est héréditaire ; les rois reçoivent du peuple de grands
honneurs, mais leur condition est un mélange de bien et de mal. Ces
rois paraissent heureux en ce qu'ils commandent à tout le monde, sans
rendre à personne compte de leurs actes ; mais ils sont estimés
malheureux en ce qu'il leur est défendu de sortir de leur palais, sous
peine d'être lapidés par le peuple, selon l'ordre d'un ancien oracle.
Cette nation surpasse en richesses non seulement les Arabes du
voisinage, mais encore toutes les autres nations. Dans les échanges et
les achats, ils mettent les moindres marchandises à un très haut prix, et
ne trafiquent que pour l'argent. De plus, comme leur situation éloignée
les a toujours mis à l'abri du pillage, ils ont des monceaux d'or et
d'argent, particulièrement à Saba, qui est 226 la résidence des rois. Ils
ont des vases et des coupes en or et en argent ciselés ; des lits et des
trépieds en argent, et beaucoup d'autres meubles de même métal. On y
voit des péristyles de hautes colonnes, les unes dorées, les autres
ornées à leurs chapiteaux de figures d'argent ; des plafonds et des
portes revêtus de plaques d'or et de pierres précieuses ; des édifices
d'une magnificence prodigieuse dans tous leurs détails, et des
ameublements en argent, en or, en ivoire, en pierres précieuses et en
d'autres matières auxquelles l'homme attache le plus grand prix. Les
habitants ont conservé cette félicité pendant des siècles, parce qu'à la
différence de la plupart des hommes, ils ne cherchent point à s'enrichir
aux dépens d'autrui. La mer, auprès de leurs côtes, paraît blanche,
phénomène singulier dont il est difficile d'assigner la cause. Dans le
voisinage se trouvent les îles Fortunées ; les villes n'y sont pas ceintes
de murailles ; les bestiaux sont tous blancs, et les femelles n'ont point
de cornes. De tout côté les marchands abordent dans ces îles, ils s'y
rendent surtout de Potana, qu'Alexandre fit construire au bord du fleuve
Indus, pour avoir une station navale dans l'océan Indien. Voilà ce que
nous avions à dire de cette contrée et de ses habitants.
XLVIII. Il ne faut point passer sous silence les phénomènes qui
s'observent dans le ciel de ces contrées. Le plus merveilleux, et qui met
le plus souvent les navigateurs dans l'embarras, se rapporte à la
constellation de l'Ourse. On n'y voit, dit-on, aucune des sept étoiles qui
la composent, avant l'heure de la première garde, dans le mois que les
Athéniens appellent mémacterion (64), et avant l'heure de la seconde,
dans le mois de posidion (65) ; et, dans les mois suivants, le moment de
leur lever retarde successivement pour les navigateurs. On n'y
découvre jamais non plus aucun des astres qu'on appelle planètes ; les
uns sont plus grands que dans nos climats, et leur lever et leur coucher
sont différents ; enfin, le lever du soleil ne s'annonce pas, comme chez
nous, par le reflet de la lumière 227 qui le précède, mais cet astre se
montre tout à coup, sortant des ténèbres de la nuit, de manière que
dans ces climats il ne fait jour qu'à l'instant où on voit le soleil. On dit
encore que le soleil semble sortir de la mer comme un charbon ardent
qui jette de grandes étincelles ; qu'il ne se montre point, comme à nous,
sous la forme d'un disque, mais qu'il s'élève sur l'horizon comme une
colonne dont le chapiteau est un peu écrasé. D'ailleurs, il ne jette ni
éclat ni rayons pendant la première heure ; il ressemble seulement à un
feu allumé au milieu de l'obscurité. A la seconde heure, il prend la forme
d'un bouclier, et répand une lumière très vive et réchauffante. Tout le
contraire arrive à son coucher ; car, après avoir disparu, il semble
éclairer le monde de nouveaux rayons pendant au moins deux heures,
ou même pendant trois, s'il faut en croire Agatharchide de Cnide ; et
c'est pour ces peuples le temps le plus agréable de la journée, parce
que la chaleur du soleil est affaiblie (66). Les vents appelés zéphyre,
lips, argeste, eurus (67) soufflent là comme ailleurs ; mais dans toute
l'Ethiopie on ne connaît pas les vents du midi. Cependant, dans la
Troglodytique et dans l'Arabie, les vents sont si chauds qu'ils embrasent
les forêts, épuisent les habitants, lors même qu'ils se sont réfugiés dans
l'ombre de leurs cabanes ; c'est pourquoi ils regardent le vent du nord
comme le meilleur de tous les vents, parce qu'il traverse toute la terre
sans rien perdre de sa fraîcheur.
XLIX. Après ces récits, il ne sera pas hors de propos de dire un mot
des Libyens qui habitent près de l'Egypte, et de parcourir la contrée
limitrophe. La Cyrénaïque, les Syrtes, et l'intérieur des régions
adjacentes, sont habités par quatre races de Libyens. Les Nasamons
sont au midi ; les Auchises au cou-chant; les Marmarides occupent cette
lisière de terre située 228 entre l'Egypte et la Cyrénaïque, et qui touche
aux côtes de la mer ; enfin, les Maces, qui sont les plus nombreux,
habitent dans les environs des Syrtes. Parmi ces Libyens, ceux qui
possèdent des terres propres à produire des fruits, se livrent à
l'agriculture ; les Nomades sont pasteurs et vivent de leurs troupeaux.
Ces deux races ont des rois. Elles ne sont pas tout à fait sauvages ni
étrangères à la civilisation. Mais il y a une troisième race de Libyens qui
ne reconnaissent aucun roi, n'ont point la notion du juste, et ne vivent
que de brigandages. Ils sortent à l'improviste de leurs solitudes,
enlèvent ce qui leur tombe sous la main, et retournent aussitôt dans
leurs retraites. Tous ces Libyens mènent une vie sauvage, couchent en
plein air, et n'ont que des instincts de brutes. Ils sont sauvages dans
leur manière de vivre et dans leurs vêtements : ils ne s'habillent que de
peaux de chèvre. Leurs chefs ne possèdent pas de villes, mais ils ont
quelques tours assises au bord de l'eau, dans lesquelles ils conservent
le restant de leurs vivres. Ils font annuellement prêter à leurs sujets
serment de fidélité. Ils soignent comme leurs compagnons d'armes ceux
qui leur sont soumis ; mais ils condamnent à la mort ceux qui ne
reconnaissent pas leur domination et les poursuivent comme leurs
ennemis. Leurs armes sont appropriées à leur pays et à leurs
habitudes ; en effet, légers de corps et habitant une contrée en général
plate, ils vont aux combats avec trois lances et quelques pierres dans
des sacs de cuir. Ils ne portent ni épée, ni casque, ni aucune autre
arme. Ils ne songent qu'à surpasser l'ennemi en légèreté, dans la
poursuite ou dans la retraite. Aussi sont-ils fort habiles à la course, à
lancer des pierres, et fortifient par l'exercice et par l'habitude les
dispositions naturelles. Ils n'observent aucune justice, ni aucune foi à
l'égard des étrangers.
L. Le territoire limitrophe de la Cyrénaïque est excellent, et produit
quantité de fruits; car il est non seulement fertile en blés, mais il produit
aussi des vignes, des oliviers et toutes sortes d'arbres sauvages. Il est
arrosé par des fleuves qui sont d'une grande utilité pour les habitants.
La région qui s'étend vers le 229 midi et où s'engendre le nitre (68), est
stérile et manque d'eau. Dénuée de tout paysage accidenté, elle
ressemble à une mer ; elle est limitée par le désert, où il est difficile de
pénétrer. Aussi n'aperçoit-on jamais d'oiseaux dans l'air, et ou n'y voit
d'autre quadrupède que la gazelle et le boeuf ; aucun végétal, rien n'y
repose la vue ; et, dans l'intérieur du pays, on ne voit la terre couverte
que d'immenses amas de sable. Mais autant ce pays est dépourvu de
toutes les choses nécessaires à la vie, autant il est rempli de serpents
de toutes espèces et de toute grandeur, et surtout de cérastes, dont les
morsures sont mortelles. Comme leur couleur approche de celle du sol,
il est très difficile de distinguer ces reptiles ; et la plupart des
voyageurs, en marchant sur eux, s'attirent une mort imprévue. On
raconte que l'Egypte fut jadis infestée par une si grande quantité de ces
serpents, qu'elle en devint en partie inhabitable.
Il se passe un phénomène extraordinaire dans cette région et dans
la partie de la Libye au delà de la Syrte. A certaines époques, mais
surtout pendant les calmes, l'air y est rempli d'images de toutes sortes
d'animaux ; les unes sont immobiles, et les autres flottantes. Tantôt
elles paraissent fuir, tantôt elles semblent poursuivre ; elles sont toutes
d'une grandeur démesurée, et ce spectacle remplit de terreur et
d'épouvante ceux qui n'y sont pas habitués. Quand ces figures
atteignent les passants qu'elles poursuivent, elles leur entourent le
corps, froides et tremblotantes. Les étrangers, qui ne sont point
accoutumés à cet étrange phénomène, sont saisis de frayeur ; mais les
habitants du pays, qui y sont souvent exposés, ne s'en mettent point en
peine
LI. Quelques physiciens essaient d'expliquer les véritables causes de
ce phénomène, qui semble extraordinaire et fabuleux. Il ne souffle,
disent-ils, point de vent dans ce pays ; ou, s'il en souflle, ce ne peut être
qu'un vent faible et léger ; c'est pourquoi l'air est presque toujours
calme et tranquille. Comme il n'y a dans 230 les environs ni bois, ni
collines, ni vallons ombragés, que cette région manque de rivières, et
que tout le voisinage, en raison de sa stérilité, ne produit aucune
exhalaison, les vents sont absolument privés des principes d'où ils
proviennent. Les masses d'air condensées, environnant la terre,
produisent en Libye ce que produisent chez nous, quelquefois, les
nuages dans les jours de pluie, savoir, des images de toute forme qui
surgissent de tout côté dans l'air. Ces couches d'air, suspendues par
des brises légères, se confondent avec d'autres couches en exécutant
des mouvements oscillatoires très rapides ; tandis que le calme se fait,
elles s'abaissent sur le sol par leur poids et en conservant leurs figures
qu'elles tenaient du hasard ; si aucune cause ne les disperse, elles
s'appliquent spontanément sur les premiers animaux qui se présentent.
Les mouvements qu'elles paraissent avoir ne sont pas l'effet d'une
volonté ; car il est impossible qu'un être inanimé puisse marcher en
avant ou reculer. Mais ce sont les êtres animés qui, à leur insu,
produisent ces mouvements de vibration ; car en s'avançant ils font
violemment reculer les imagos qui semblent fuir devant eux. Par une
raison inverse, ceux qui reculent paraissent, en produisant un vide et un
relâchement dans les couches d'air, être poursuivis par des spectres
aériens. Les fuyards, lorsqu'ils se retournent ou qu'ils s'arrêtent, sont
probablement atteints par la matière de ces images, qui se brise sur
eux, et produit, au moment du choc, la sensation du froid (69).
LII. Après cet exposé, nous allons reprendre notre récit des
Amazones d'Afrique qui habitèrent jadis la Libye : car ceux-là se
trompent qui croient qu'il n'y a point eu d'autres Amazones que celles
qui ont demeuré dans le Pont, sur les bords du fleuve Thermodon. Il est
certain, au contraire, que les Amazones de Libye sont plus anciennes
que les autres, et ont accompli de 231 grands exploits. Nous n'ignorons
pas que leur histoire paraîtra nouvelle et tout à fait étrange à beaucoup
de lecteurs ; car cette race d'Amazones a entièrement disparu plusieurs
générations avant la guerre de Troie ; au lieu que les Amazones du
fleuve Thermodon florissaient encore un peu avant cette époque. Il
n'est donc pas étonnant que ces dernières, venues plus tard, soient plus
connues, et aient hérité de la gloire des premières, que le temps a fait
presque oublier. A l'exemple de beaucoup de poètes et d'historiens
anciens, et même d'autres écrivains plus récents qui ont fait mention
des Amazones, nous essaierons aussi d'en parler sommairement, en
prenant pour guide Dionysius (70) qui a écrit l'histoire des Argonautes,
de Bacchus et de toutes les choses les plus mémorables de l'antiquité.
Or, il y a eu en Libye plusieurs races de femmes guerrières d'une
bravoure prodigieuse. On sait par tradition que la race des Gorgones,
contre lesquelles Persée combattit, a été extrêmement courageuse ; ce
qui prouverait la valeur et la puissance de ces femmes, c'est que ce fils
de Jupiter, de son temps le plus vaillant des Grecs, regarda cette
expédition comme un grand exploit. Mais les Amazones dont nous
allons parler paraîtront bien supérieures aux Gorgones.
LIII. On rapporte qu'aux confins de la terre et à l'occident de la Libye
habite une nation gouvernée par des femmes, dont les moeurs sont
toutes différentes des nôtres. Il y est de coutume que les femmes font
le service de guerre pendant un temps déterminé, en conservant leur
virginité. Quand le terme du service militaire est passé, elles
approchent des hommes pour en avoir des enfants ; elles remplissent
les magistratures et toutes les fonctions publiques. Les hommes
passent toute leur vie à la maison, comme chez nous les ménagères, et
ils ne se livrent qu'à des occupations domestiques ; ils sont tenus
éloignés de l'armée, de la magistrature et de toute autre fonction
publique qui pourrait leur inspirer l'idée de se dérober au joug des
femmes. Après leur accouchement, les Amazones remettent le
nouveau-né 232 entre les mains des hommes, qui le nourrissent de lait et
d'autres aliments convenables à son âge. Si l'enfant est une fille, on lui
brûle les mamelles, afin d'empêcher ces organes de se développer par
suite de l'âge : car des mamelles saillantes seraient incommodes pour
l'exercice guerrier ; c'est ce qui explique le nom d'Amazones que les
Grecs leur ont donné (71). Selon la tradition, les Amazones habitaient
une île appelée Hespéra, et située à l'occident, dans le lac Tritonis. Ce
lac, qui est près de l'Océan, qui environne la terre, tire son nom du
fleuve Triton, qui s'y jette. Le lac Tritonis se trouve dans le voisinage de
l'Ethiopie (72) au pied de la plus haute montagne de ce pays-là, que les
Grecs appellent Atlas, et qui touche à l'Océan. L'île Hespéra est assez
spacieuse, et pleine d'arbres fruitiers de toutes espèces, qui fournissent
aux besoins des habitants. Ces derniers se nourrissent aussi du lait et
de la chair de leurs chèvres et de leurs brebis, dont ils entretiennent de
grands troupeaux ; mais ils n'ont pas encore appris l'usage du blé.
Entraînées par leurs instincts guerriers, les Amazones soumirent d'abord
par leurs armes toutes les villes de cette île, excepté une seule nommée
Méné, qu'on regardait comme sacrée. Cette ville était habitée par des
Éthiopiens ichthyophages ; on y voyait des exhalaisons enflammées, et
on y trouvait quantité de pierres précieuses, du genre de celles que les
Grecs appellent escarboucles, sardoines et émeraudes. Après cela, les
Amazones subjuguèrent dans les environs, beaucoup de tribus de
Libyens nomades et bâtirent, dans le lac Tritonis, une ville qu'elles
appelèrent Cherconèse (73) d'après son aspect.
LIV. Encouragées par ces succès, les Amazones parcoururent
plusieurs parties du monde. Les premiers hommes qu'elles attaquèrent
furent, dit-on, les Atlantes, le peuple le plus civilisé de ces contrées, et
habitant un pays riche et contenant de grandes 233 villes. C'est chez les
Atlantes, et dans le pays voisin de l'Océan, que, selon la mythologie, les
dieux ont pris naissance ; et cela s'accorde assez avec ce que les
mythologues grecs en racontent ; nous en parlerons plus bas en détail.
Myrina, reine des Amazones, assembla, dit-on, une armée de trentre
mille femmes d'infanterie, et de vingt mille de cavalerie ; elles
s'appliquaient plus particulièrement à l'exercice du cheval, à cause de
son utilité dans la guerre. Elles portaient pour armes défensives des
peaux de serpent, car la Libye produit des reptiles énormes. Leurs
armes offensives étaient des épées, des lances et des arcs. Elles se
servaient fort adroitement de ces dernières armes, non seulement pour
l'attaque, mais encore pour repousser ceux qui les poursuivaient dans
leur fuite. Après avoir envahi le territoire des Atlantes, elles défirent
d'abord en bataille rangée les habitants de Cerné, et poursuivirent les
fuyards, jusqu'en dedans des murs. Elles s'emparèrent de la ville et
maltraitèrent les captifs, afin de répandre la terreur chez les peuples
voisins. Elles passèrent au fil de l'épée tous les hommes pubères,
réduisirent en esclavage les femmes et les enfants, et démolirent la
ville. Le bruit du désastre des Cernéens s'étant répandu dans tout le
pays, le reste des Atlantes en fut si épouvanté que tous, d'un commun
accord, rendirent leurs villes, et promirent de faire ce qu'on leur
ordonnerait. La reine Myrina les traita avec douceur, leur accorda son
amitié et, à la place de la ville détruite, elle fonda une autre ville à
laquelle elle donna son nom. Elle la peupla des prisonniers qu'elle avait
faits de tous les indigènes qui voulaient y demeurer. Après cela, les
Atlantes lui donnèrent des présents magnifiques et lui décernèrent
publiquement de grands honneurs ; elle accueillit ces marques de leur
affection, et leur promit de les protéger. Comme les Atlantes étaient
souvent attaqués par les Gorgones, établies dans le voisinage, et qui de
tout temps étaient 234 leurs ennemies, la reine Myrina alla combattre les
Gorgones dans leur pays, à la prière des Atlantes. Les Gorgones se
rangèrent en bataille ; le combat fut acharné ; mais enfin les Amazones
l'emportèrent, tuèrent un grand nombre de leurs ennemies, et ne firent
pas moins de trois mille prisonnières. Le reste s'étant sauvé dans les
bois, Myrina, voulant entièrement détruire cette nation, y mit le feu ;
n'ayant pas réussi dans ce dessein, elle se retira sur les frontières du
pays.
LV. Comme une nuit les Amazones, enflées de ce succès, faisaient la
garde avec négligence, les Gorgones, leurs prisonnières, se saisirent de
leurs épées et en égorgèrent un grand nombre. Mais étant bientôt
entourées par les Amazones et accablées par le nombre, elles furent
toutes tuées après une résistance vigoureuse. Myrina fit brûler sur trois
bûchers les corps de ses compagnes tuées, et elle fit élever avec de la
terre trois grands tombeaux qui s'appellent encore aujourd'hui les
tombeaux des Amazones. Les Gorgones s'étant multipliées dans la
suite, furent aussi attaquées par Persée, fils de Jupiter ; Méduse était
alors leur reine. Enfin, les Gorgones ainsi que la race des Amazones
furent exterminées par Hercule, lorsque, dans son expédition de
l'Occident, il posa une colonne dans la Libye, ne pouvant souffrir,
qu'après tant de bienfaits dont il avait comblé le genre humain, il y eût
une nation gouvernée par des femmes. On rapporte que le lac Tritonis a
entièrement disparu par suite des tremblements de terre qui ont fait
rompre les digues du côté de l'Océan. Myrina, après avoir parcouru avec
son armée une grande partie de la Libye, entra dans l'Egypte où elle se
lia d'amitié avec Horus, fils d'Isis, qui était alors roi du pays. De là, elle
alla faire la guerre aux Arabes, et en extermina un très grand nombre.
Ensuite, elle subjugua toute la Syrie ; les Ciliciens allèrent à sa
rencontre en lui offrant, des présents, et lui promettant de se soumettre
volontairement à ses ordres. Myrina leur laissa la liberté, parce qu'ils
étaient venus se rendre spontanément. C'est pour cela qu'on les appelle
encore à présent Eleuthero-Ciliciens (74). Après avoir fait la guerre aux
peuples qui habitent le mont Taurus, et qui sont remarquables par leur
force, elle entra dans la grande Phrygie, située près de la mer, et ayant
235 parcouru avec son armée plusieurs contrées maritimes, elle termina
son expédition au bord du fleuve Caïcus. Dans le pays conquis, elle
choisit les lieux les plus propres à la fondation des villes ; elle en
construisit plusieurs, parmi lesquelles il y en a une qui porte son nom.
Elle donna aux autres villes les noms des Amazones qui avaient
commandé les principaux corps d'armées ; telles sont les villes de
Cyme, de Pitane et de Priène ; celles-ci sont situées au bord de la mer ;
elle en fonda plusieurs autres dans l'intérieur du pays. Elle soumit aussi
quelques îles, et particulièrement Lesbos, où elle fonda la ville appelée
Mitylene, du nom de sa soeur qui avait pris part à l'expédition. Pendant
qu'elle allait subjuguer d'autres îles, son vaisseau fut assailli par une
tempête ; et, implorant pour son salut la mère des dieux, elle fut jetée
dans une île déserte ; suivant un avertissement qu'elle avait eu en
songe, elle consacra cette île à la déesse invoquée, elle lui dressa des
autels et lui institua des sacrifices. Elle donna à cette île le nom de
Samothrace, qui, traduit en grec, signifie île sainte (75). Quelques
historiens soutiennent que cette île s'appelait d'abord Samos et que
depuis elle fut appelée Samothrace par les Thraces qui l'habitèrent.
Quoi qu'il en soit, lorsque, selon la tradition, les Amazones eurent gagné
le continent, la mère des dieux transporta dans cette île, qui lui plaisait,
des colons pour la peupler, et entr'autres ses fils, les Corybantes (76),
dont le père n'est révélé qu'aux initiés dans les mystères. Cette déesse
leur enseigna les mystères qui se célèbrent encore aujourd'hui dans
cette île, et y consacra un temple inviolable. A cette époque, Mopsus de
Thrace, banni de sa patrie par Lycurgue qui en était roi, envahit le pays
des Amazones avec une armée. Sipylus, Scythe de nation, banni de
même de sa patrie, la Scythie, limitrophe de la Thrace, se joignit à
l'expédition de Mopsus. Une bataille eut lieu ; les troupes de Mopsus et
de Sipylus remportèrent la victoire. Myrina, la reine des Amazones, 236
et la plupart de ses compagnes furent massacrées. Il y eut par la suite
plusieurs autres combats dans lesquels les Thraces demeurèrent
vainqueurs ; et ce qui resta de l'armée des Amazones se retira dans la
Libye. Telle fut, selon la mythologie, la fin de l'expédition des
Amazones.
LVI. Comme nous avons fait mention des Atlantes, nous pensons
qu'il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce qu'ils racontent de la
naissance des dieux ; leurs traditions ne sont pas, à cet égard, fort
éloignées de celles des Grecs. Les Atlantes habitent le littoral de
l'Océan, et un pays très fertile. Ils semblent se distinguer de leurs
voisins par leur piété et par leur hospitalité. Ils prétendent que leur pays
est le berceau des dieux ; et le plus célèbre de tous les poètes de la
Grèce paraît partager cette opinion, lorsqu'il fait dire à Junon (77) : «Je
pars pour visiter les limites de la Terre, l'Océan, père des dieux, et
Téthys, leur mère». Or, selon la tradition mythologique des Atlantes,
leur premier roi fut Uranus (78). Ce prince rassembla dans l'enceinte
d'une ville les hommes qui avant lui étaient répandus dans les
campagnes. Il retira ses sujets de la vie sauvage ; il leur enseigna
l'usage des fruits et la manière de les conserver, et leur communiqua
plusieurs autres inventions utiles. Son empire s'étendait presque sur
toute la terre, mais principalement du côté de l'occident et du nord.
Exact observateur des astres, il prédit plusieurs événements qui
devaient arriver dans le monde, et apprit aux nations à mesurer l'année
par le cours du soleil, et les mois par celui de la lune ; et il divisa l'année
en saisons. Le vulgaire, qui ignorait l'ordre éternel du mouvement des
astres, admirait ces prédictions, et regardait celui qui les avait faites
comme un être surnaturel. Après sa mort, les peuples lui décernèrent
les honneurs divins, en souvenir des bienfaits qu'ils avaient reçus de lui.
Ils donnèrent son nom à l'univers ; tant parce qu'ils lui attribuaient la
connaissance du lever et du coucher des astres et d'autres phénomènes
naturels, que pour témoigner leur re- 237 connaissance par les honneurs
éminents qu'ils lui rendaient : ils l'appelèrent enfin roi éternel de toutes
choses.
LVII. Selon ces mêmes traditions, Uranus eut quarante-cinq enfants
de plusieurs femmes ; il en eut dix-huit de Titéa. Ces derniers, ayant
chacun un nom particulier, furent en commun appelés Titans du nom de
leur mère. Titéa, connue pour sa sagesse et ses bienfaits, fut, après sa
mort, mise au rang des dieux par ceux qu'elle avait comblés de biens,
et son nom fut changé en celui de Terre. Uranus eut aussi plusieurs
filles dont les deux aînées furent les plus célèbres, Basiléa et Rhéa, que
quelques-uns nomment aussi Pandore. Basiléa, la plus âgée et en même
temps la plus sage et la plus intelligente, éleva tous ses frères, et leur
prodigua les soins d'une mère. Aussi fut-elle surnommée la Grande
mère. Lorsque son père fut élevé au rang des dieux, elle monta sur le
trône avec l'agrément des peuples et de ses frères. Elle était encore
vierge, et par un excès de sagesse elle ne voulait pas se marier. Plus
tard, pour avoir des enfants qui pussent lui succéder dans la royauté,
elle épousa Hypérion, celui de ses frères qu'elle aimait le plus. Elle en
eut deux enfants, Hélius et Séléné, tous deux admirables de beauté et
de sagesse. Ce bonheur attira à Basiléa la jalousie de ses frères, qui
craignant qu'Hypérion ne s'emparât de la royauté, conçurent un dessein
exécrable. D'après un complot arrêté entre eux, ils égorgèrent Hypérion
et noyèrent dans l'Eridan son fils Hélius, qui n'était encore qu'un enfant.
Ce malheur s'étant découvert, Séléné, qui aimait beaucoup son frère, se
précipita du haut du palais. Pendant que Basiléa cherchait le long du
fleuve le corps de son fils Hélius, elle s'endormit de lassitude ; elle vit en
songe Hélius qui la consola en lui recommandant de ne point s'affliger
de la mort de ses enfants ; il ajouta que les Titans recevraient le
châtiment mérité ; que sa soeur et lui allaient être transformés en êtres
immortels par l'ordre d'une providence divine ; que ce qui s'appelait
autrefois dans le ciel le feu sacré serait désigné par les hommes sous le
nom d'Hélius 238 (Soleil), et que l'ancien nom de Méné (79) serait
changé en celui de Séléné (Lune). A son réveil, elle raconta au peuple le
songe qu'elle avait eu, et ses infortunes. Elle ordonna ensuite
d'accorder à ses enfants des honneurs divins, et défendit que personne
ne touchât son corps. Après cela, elle tomba dans une espèce de manie.
Saisissant les jouets de sa fille, instruments bruyants, elle errait par tout
le pays, les cheveux épars, dansant comme au son des tympanons et
des cymbales, et devint ainsi pour ceux qui la voyaient un objet de
surprise. Tout le monde eut pitié d'elle ; quelques-uns voulurent
l'arrêter, lorsqu'il tomba une grande pluie, accompagnée de coups de
tonnerre continuels. Dans ce moment, Basiléa disparut. Le peuple,
admirant cet événement, plaça Hélius et Séléné parmi les astres. On
éleva des autels en l'honneur de leur mère, et on lui offrit des sacrifices
ainsi que d'autres honneurs, au bruit des tympanons et des cymbales, à
l'imitation de ce qu'on lui avait vu faire.
LVIII. Les Phrygiens racontent autrement la naissance de cette
déesse. D'après leur tradition, Méon régnait autrefois sur la Phrygie et la
Lydie ; il épousa Dindyme et en eut une fille. Ne voulant pas l'élever, il
l'exposa sur le mont Cybélus. Là, protégée des dieux, l'enfant fut
nourrie du lait de panthères et d'autres animaux féroces. Quelques
femmes, menant paître leurs troupeaux sur la montagne, furent
témoins de ce fait miraculeux ; elles emportèrent l'enfant, et
l'appelèrent Cybèle, du nom de l'endroit où elles l'avaient trouvée. Cette
fille, en grandissant, se fit remarquer par sa beauté, son intelligence et
son esprit. Elle inventa la première flûte à plusieurs tuyaux, et elle
introduisit dans les jeux et la danse les cymbales et les tympanons. Elle
composa des remèdes purifiants pour les bestiaux malades et les
nouveau-nés ; et, comme par des chants magiques elle guérissait
beaucoup d'enfants qu'elle tenait dans ses bras, elle reçut pour ces
bienfaits le nom de Mère de la montagne. Le plus 239 intime de ses amis
était, dit-on, Marsyas le Phrygien, homme admiré pour son esprit et sa
sagesse. Marsyas donna une preuve de son esprit lorsqu'il inventa la
flûte simple, imitant seule tous les sons de la flûte à plusieurs tuyaux ;
et on jugera de sa chasteté, lorsqu'on saura qu'il est mort sans avoir
connu les plaisirs vénériens. Cependant, arrivée à l'âge de puberté,
Cybèle aima un jeune homme du pays, appelé d'abord Attis et ensuite
Papas. Elle eut avec lui un commerce intime et devint enceinte au
moment où elle fut reconnue par ses parents.
LIX. Ramenée dans le palais du roi, elle fut d'abord reçue comme
une vierge par le père et la mère. Sa faute ayant été ensuite
découverte, le père fit tuer les bergères qui l'avaient nourrie ainsi
qu'Attis, et laissa leurs corps sans sépulture. Transportée d'amour pour
ce jeune homme et affligée du sort de ses nourrices, Cybèle devint
folle ; elle parcourut le pays, les cheveux épars, en gémissant et en
battant du tambour. Marsyas, saisi de commisération, se mit à la suivre
volontairement, en souvenir de l'amitié qu'il lui avait autrefois portée. Ils
arrivèrent ainsi ensemble chez Bacchus à Nyse, et ils y rencontrèrent
Apollon, alors célèbre par le jeu de la cithare. On prétend que Mercure a
été l'inventeur de cet instrument ; mais qu'Apollon est le premier qui
s'en soit servi avec méthode. Marsyas étant entré en lutte avec Apollon
pour l'art de la musique, ils choisirent les Nysiens pour juges. Apollon
joua le premier sur la cithare, sans accompagnement de chant (80) ;
mais Marsyas, prenant sa flûte, frappa davantage les auditeurs par la
nouveauté du son et par la mélodie de son jeu, et il parut l'emporter de
beaucoup sur son rival. I1s convinrent de recommencer la lutte et de
donner aux juges une nouvelle preuve de leur habileté ; Apollon
succéda à son antagoniste, et, mêlant le chant au jeu de la cithare, il
surpassa de beaucoup le jeu primitif de la flûte 240 seule. Marsyas,
indigné, représenta à ses auditeurs qu'il était frustré contre toute justice
; puisque c'était de l'exécution instrumentale et non de la voix qu'il
fallait juger, et qu'il ne s'agissait que de savoir laquelle de la cithare ou
de la flûte l'emportait pour l'harmonie et la mélodie du son ; en un mot,
qu'il était injuste d'employer deux arts contre un. Apollon répondit,
suivant ce que disent les mythologues, qu'il n'avait pris aucun avantage
sur lui ; qu'il avait fait comme Marsyas soufflant dans sa flûte, et que,
pour que la lutte fût égale, il fallait qu'aucun des antagonistes ne se
servit de la bouche dans l'exercice de son art, ou qu'ils ne se servissent
tous deux que de leurs doigts. Les auditeurs trouvèrent qu'Apollon avait
raisonné juste, et ils ordonnèrent une nouvelle épreuve. Marsyas fut
encore vaincu, et Apollon, que cette lutte avait aigri, l'écorcha tout vif.
Apollon s'en repentit cependant peu de temps après ; et, contristé de ce
qu'il avait fait, il brisa les cordes de sa cithare, et fit disparaître le mode
d'harmonie dont il était l'inventeur. Les Muses retrouvèrent depuis la
Mésé (81), Linus, la Lichanos, Orphée et Thamyris, l'Hypaté et la
Parypaté. Apollon déposa dans la grotte de Bacchus sa cithare et les
flûtes de Marsyas, devint amoureux de Cybèle et l'accompagna dans
ses courses jusque chez les Hyperboréens. A cette époque, les
Phrygiens étaient affligés par une maladie, et la terre était stérile. Dans
leur détresse, les habitants s'adressèrent à l'oracle, qui leur ordonna
d'enterrer le corps d'Attis et d'honorer Cybèle comme une déesse. Mais
comme le corps d'Attis avait été entièrement consumé par le temps, les
Phrygiens le représentèrent par la figure d'un jeune homme, devant
laquelle ils faisaient de grandes lamentations, pour apaiser la colère de
celui qui avait été injustement mis à mort ; cette cérémonie a été
conservée jusqu'à présent. Ils font aussi en l'honneur de Cybèle des
sacrifices annuels sur leurs anciens autels. Enfin ils lui construisirent un
temple magnifique à Pisinunte, en Phrygie, et ils établirent des fêtes à la
solennité desquelles le roi Midas 241 contribua beaucoup. La statue de
Cybèle est entourée de lions et de panthères, parce qu'on croit que
cette déesse fut allaitée par ces animaux. Voilà ce que les phrygiens et
les Atlantes, habitant les bords de l'Océan, racontent de la mère des
dieux.
LX. Après la mort d'Hypérion, les enfants d'Uranus se partagèrent le
royaume. Les plus célèbres furent Atlas et Saturne. Les contrées
littorales étant échues par le sort à Atlas, celui-ci donna son nom aux
Atlantes ses sujets, et à la plus haute montagne de son pays. Atlas
excellait dans l'astrologie ; et le premier il représenta le monde par une
sphère. De là vient la fable, d'après laquelle Atlas porte le monde sur
ses épaules. Atlas eut plusieurs enfants ; mais Hespérus se distingua
seul par sa piété, par sa justice et sa douceur. Monté sur le sommet de
l'Atlas pour observer les astres (82), Hespérus fut subitement emporté
par un vent impétueux. Le peuple, touché de son sort, et se rappelant
ses vertus, lui décerna les honneurs divins, et consacra son nom au plus
brillant des astres. Atlas fut aussi père de sept filles qui furent, d'après
le nom de leur père, appelées Atlantides ; les noms de chacune d'elles
sont Maïa, Electra, Taygète, Astérope, Mérope, Alcyone et Céléno. Unies
aux plus nobles des héros et des dieux, elles en eurent des enfants qui
furent les chefs de bien des peuples, et qui devinrent dans la suite aussi
fameux que leurs pères. Maïa, l'aînée de toutes, eut de Jupiter un fils
appelé Mercure (Hermès), qui fut l'inventeur de plusieurs arts utiles aux
hommes. Les autres Atlantides eurent aussi des enfants célèbres ; car
les uns donnèrent naissance à plusieurs nations, et les autres fondèrent
des villes. C'est pourquoi non seulement quelques Barbares, mais
encore les Grecs, font descendre des Atlantides la plupart de leurs plus
anciens héros. Ces femmes étaient d'une sagesse remarquable ; après
leur mort, elles furent vénérées comme des divinités et placées dans le
ciel, sous le nom de Pléiades. Les Atlantides furent aussi appelées 242
Nymphes, parce que dans leur pays on nommait ainsi toutes les
femmes.
LXI. Suivant le récit des mythologues, Saturne, fière d'Atlas, se fit,
au contraire, remarquer par son impiété et son avarice. Il épousa sa
soeur Rhéa, et en eut Jupiter, surnommé par la suite l'Olympien. Il y a
eu un autre Jupiter, frère d'Uranus et roi de Crète, mais il fut inférieur en
gloire à celui qui naquit plus tard, car le dernier fut maître du monde
entier. Jupiter, roi de Crète, eut dix enfants nommés Curètes ; il appela
l'île de Crète Idéa, du nom de sa femme ; il y fut enterré, et on montre
encore aujourd'hui le lieu de son tombeau. Cependant les Crétois
racontent ces choses différemment ; nous y reviendrons en parlant de
l'histoire de la Crète. Saturne régna sur la Sicile, la Libye, et même
l'Italie ; en un mot, il étendit son empire sur tous les pays de l'Occident.
Il construisit dans ces pays des forteresses confiées à des gardes, en
même temps qu'il fortifia tons les points élevés. C'est pourquoi on
appelle encore aujourd'hui Saturniens les lieux élevés qu'on voit en
Sicile et dans les pays occidentaux. Jupiter, fils de Saturne, mena une
vie tout opposée à celle de son père ; il se montra doux et bienveillant
envers les hommes. C'est pourquoi les peuples lui donnèrent le nom de
Père. Il succéda à l'empire, soit que Saturne le lui eût cédé
volontairement, soit qu'il y eût été contraint par ses sujets, auxquels il
était odieux. Jupiter vainquit son père, qui était venu l'attaquer avec les
Titans, et demeura maître du trône. Il parcourut ensuite toute la terre
pour répandre ses bienfaits sur la race des hommes. Doué d'une grande
force ainsi que de beaucoup d'autres qualités, il devint bientôt le maître
du monde entier. Il s'efforçait de rendre ses sujets heureux ; et il
punissait sévèrement les impies et les méchants. Aussi, après sa mort,
les hommes lui donnèrent le nom de Zeus, parce qu'il leur avait
enseigné à bien vivre (83). Ils le placèrent par reconnaissance dans le
ciel, et lui décernèrent le titre de dieu et de maître 243 éternel de tout
l'univers. Telles sont en abrégé les traditions des Atlantes, relatives à
l'origine des dieux.
LXII. Dans notre histoire des Egyptiens, nous avons rapporté les
traditions de cette nation sur la naissance et les exploits de Bacchus ;
nous croyons devoir placer ici ce que les Grecs racontent de ce dieu.
Comme les anciens mythologues et les poètes diffèrent entre eux au
sujet de Bacchus, et mêlent à leurs récits beaucoup de merveilleux, il
est fort difficile de démêler la vérité de l'origine et des actions de
Bacchus. Les uns ne reconnaissent qu'un seul Bacchus ; d'autres en
admettent trois. Quelques-uns même soutiennent que ce Dieu n'a
jamais apparu sous forme humaine, et que par le nom de Bacchus il faut
entendre le vin. Nous rapporterons succinctement les différentes
opinions émises à ce sujet. Ceux qui parlent de ce dieu en physiciens, et
qui nomment Bacchus le fruit de la vigne, soutiennent que la terre,
entre antres fruits, produisit d'elle-même primitivement la vigne, qui n'a
point été découverte. Ils en donnent comme preuve, qu'on trouve
encore aujourd'hui, dans beaucoup d'endroits, des vignes sauvages,
portant des fruits semblables à ceux de la vigne cultivée. Ils ajoutent
que Bacchus a été nommé Déméter par les anciens, comptant pour une
première naissance le moment de la germination de la plante, et
regardant comme une seconde naissance l'époque où la vigne perte des
grappes ; de cette manière Bacchus aurait eu deux naissances, l'une en
sortant du sein de la terre, l'autre en produisant le fruit de la vigne.
Quelques mythologues lui attribuent encore une troisième naissance :
ils racontent que Bacchus, né de Jupiter et de Cérès, fut déchiré par les
enfants de la terre, qui le mirent en pièces et le firent bouillir ; mais que
Cérès ramassa ses membres et lui rendit la vie. On donne une
interprétation physique de ce mythe, en disant que Bacchus, fils de
Jupiter et de Cérès, signifie que la vigne s'accroît, et que son fruit, qui
fournit le vin, mûrit par le moyen de la terre (Cérès), et par la pluie
(Jupiter). Bacchus, déchiré dans sa jeunesse par les enfants de la terre,
signifierait la vendange que font les cultivateurs ; car les hommes 244
considèrent Cérès comme la terre. Les membres qu'on a fait bouillir
indiqueraient l'usage assez général de faire cuire le vin pour le rendre
meilleur et lui donner un fumet plus suave. Les membres déchirés par
les enfants de la terre et remis dans leur premier état par les soins de
Cérès, expriment qu'après qu'on a dépouillé la vigne de son fruit, et
qu'on l'a taillée, la terre la met à même de germer de nouveau selon la
saison de l'année. En général, les anciens poètes et les mythologues
appellent la terre, en tant que mère, du nom de Cérès, (Déméter). Tout
cela est conforme à ce qu'en disent les chants d'Orphée, et aux
cérémonies introduites dans les mystères dont il n'est pas permis de
parler à ceux qui n'y sont pas initiés. C'est aussi par des raisons
physiques que d'autres expliquent comment Bacchus est fils de
Sémélé ; car ils disent que la terre fut nommée par les anciens Thyoné ;
qu'on lui avait donné le nom de Sémélé à cause de la vénération qu'on
avait pour cette déesse, et Thyoné, à cause des sacrifices qu'on faisait
en son honneur. Selon la tradition, Bacchus naquit deux fois de Jupiter,
parce que le déluge de Deucalion ayant fait périr la vigne, celle-ci
reparut bientôt après la pluie. Bacchus s'étant montré ainsi aux
hommes une seconde fois, avait été, selon le mythe, gardé dans la
cuisse de Jupiter. Telles sont les opinions de ceux qui n'entendent par
Bacchus que l'usage et la découverte du vin.
LXIII. Les mythologues qui reconnaissent un Bacchus de forme
humaine, lui attribuent d'un commun accord la découverte de la culture
des vignes et de tout ce qui concerne la fabrication du vin. Mais ils ne
s'accordent pas s'il y a eu plusieurs Bacchus ou s'il n'y en a eu qu'un
seul. Les uns disent qu'il n'y a eu qu'un seul Bacchus qui enseigna aux
hommes à faire du vin, et à recueillir les fruits des arbres ; qui fit une
expédition dans toute la terre, et qui institua les mystères sacrés et les
Bacchanales. Les autres, comme je l'ai déjà dit, prétendent qu'il y a eu
trois Bacchus ayant vécu à des époques différentes, et ils attribuent à
chacun d'eux des actions particulières. Ils assurent que le plus ancien
était Indien de nation, que son pays pro- 245 duisant spontanément la
vigne, il s'avisa le premier d'écraser des grappes de raisin et d'inventer
ainsi l'usage du vin. Il eut également soin de cultiver les figuiers et
d'autres arbres à fruit ; enfin il fut l'inventeur de tout ce qui concerne la
récolte. C'est pourquoi il fut appelé Lénéus (84). On lui donne aussi le
nom de Catapogon (85), parce que les Indiens ont la coutume de laisser
croître leur barbe jusqu'à la fin de leur vie. Ce même Bacchus parcourut
toute la terre à la tête d'une armée, et enseigna l'art de planter la vigne
et de presser le raisin, ce qui lui fit donner le nom de Lénéus. Enfin,
après avoir communiqué aux hommes plusieurs autres découvertes, il
fut mis, après sa mort, au rang des immortels par ceux qu'il avait
comblés de ses bienfaits. Les Indiens montrent encore aujourd'hui
l'endroit de sa naissance, et ils ont plusieurs villes qui portent dans leur
langue le nom de ce dieu. Il nous reste encore beaucoup d'autres
monuments remarquables qui attestent que Bacchus est né chez les
Indiens : nais il serait trop long de nous y arrêter.
LXIV. Selon ces mêmes mythologues, le second Bacchus naquit de
Jupiter et de Proserpine ; quelques-uns disent de Cérès. Ce fut lui qui le
premier attela des boeufs à la charrue ; car auparavant les hommes
travaillaient la terre avec leurs mains. Il inventa plusieurs autres choses
utiles à l'agriculture, et qui soulagèrent beaucoup les laboureurs de
leurs fatigues. C'est pourquoi les hommes, n'oubliant point ces bienfaits,
lui décernèrent les honneurs divins et lui offrirent des sacrifices. Les
peintres ou les sculpteurs représentent ce Bacchus avec des cornes,
tant pour le distinguer de l'autre que pour indiquer de quelle utilité a
été aux hommes l'invention de faire servir le boeuf au labourage (86).
Le troisième Bacchus naquit, selon la tradition, à Thèbes, en Béotie, de
Jupiter et de Sémélé, fille de Cadmus. Epris de Sémélé, qui était très
belle, Jupiter eut avec elle des rapports fréquents. Junon en devint
jalouse, et, 246 voulant se venger de sa rivale, elle prit la figure d'une
des confidentes de Sémélé et lui dressa un piège. Sous ce déguisement,
elle lui persuada qu'il serait plus convenable, que Jupiter vînt la trouver
avec la même pompe que lorsqu'il allait voir Junon. S'étant ainsi laissé
séduire, Sémélé exigea de Jupiter les mêmes honneurs qu'il rendait à
Junon. Jupiter se présenta donc armé de la foudre et du tonnerre ;
Sémélé, qui ne put soutenir l'éclat de cette apparition, accoucha avant
terme et mourut. Jupiter cacha aussitôt le foetus dans sa cuisse, et,
lorsque ce foetus eut pris tout le développement d'un enfant à terme, il
le porta à Nyse, en Arabie. Là, cet enfant fut élevé par les Nymphes, et
appelé Dionysus (87), nom composé de celui de son père et de celui du
lieu où il avait été nourri. Il était d'une beauté remarquable, et passa sa
jeunesse parmi des femmes, en festins, en danses et en toutes sortes
de réjouissances. Composant ensuite une armée avec ces femmes,
auxquelles il donna des thyrses pour armes, il parcourut toute la terre. Il
institua les mystères, et n'initia dans les cérémonies que des hommes
pieux et d'une vie irréprochable. Il établit partout des fêtes publiques et
des luttes musicales. Il apaisa les différends qui divisaient les nations et
les villes, et substitua aux troubles et à la guerre l'ordre et une paix
durable.
LXV. La renommée avant partout annoncé la présence du dieu,
divulgué les bienfaits de la civilisation qu'il apportait, tout le monde
courait au-devant de lui ; on le recevait partout avec de grandes
marques de joie. Un petit nombre d'hommes le méprisaient par orgueil
ou par impiété. Ils disaient que c'était par incontinence qu'il menait les
Bacchantes avec lui, et qu'il n'avait inventé les mystères et les
initiations que pour corrompre les femmes d'autrui. Mais Bacchus s'en
vengea immédiatement ; car quelquefois il se servait de son pouvoir
surnaturel pour rendre ces impies tantôt insensés, tantôt pour les faire
déchirer par les mains des femmes qui le suivaient. Quelquefois il usait
d'un stratagème pour se défaire de ses ennemis : au lieu de thyrses, il
donna à ses Bacchantes des lances dont la pointe acérée 247 était
cachée sous les feuilles de lierre. Les rois, ignorant ce stratagème,
méprisaient ces troupes de femmes, et, n'étant protégés par aucune
arme défensive, ils étaient blessés contre leur attente. Les plus célèbres
de ceux qui furent ainsi punis, sont : Penthée, chez les Grecs,
Myrrhanus, roi chez les Indiens, et Lycurgue, chez les Thraces. Au sujet
de celui-ci, la tradition rapporte que Bacchus, voulant conduire son
armée d'Asie en Europe, contracta une alliance avec Lycurgue, roi de la
Thrace sur l'Hellespont. Il avait déjà fait entrer l'avant-garde des
Bacchantes dans ce pays allié, lorsque Lycurgue commanda à ses
soldats de faire une attaque nocturne, et de tuer Bacchus et toutes les
Ménades. Averti de cette trahison par un Thrace appelé Tharops,
Bacchus fut terrifié, parce que son armée était encore sur l'autre rive, et
qu'il n'avait passé la mer qu'accompagné d'un très petit nombre d'amis.
C'est pourquoi il repassa secrètement la mer pour aller rejoindre ses
troupes. Lycurgue attaqua les Ménades dans un lieu appelé Nysium, et
les tua toutes. Mais Bacchus, franchissant l'Hellespont avec son armée,
défit les Thraces en bataille rangée, et fit prisonnier Lycurgue, auquel il
fit crever les yeux ; et, après lui avoir fait subir toutes sortes de
tourments, il le fit enfin mettre en croix. Ensuite, pour témoigner à
Tharops sa reconnaissance, il lui donna le royaume des Thraces, et lui
enseigna les mystères Orgiaques. Oeagre, fils de Tharops, succéda à
son père, et apprit de lui les mystères, auxquels il initia plus lard son fils
Orphée. Surpassant tous ses contemporains par son génie et son
instruction, Orphée changea plusieurs choses dans les Orgies. C'est
pourquoi on appelle Orphiques les mystères de Bacchus. Quelques
poètes, au nombre desquels est Antimaque (88), disent que Lycurgue
était roi, non de la Thrace, mais de l'Arabie ; et que ce fut à Nyse, en
Arabie, qu'il avait attaqué Bacchus et les Bacchantes. Châtiant ainsi les
impies et accueillant avec douceur les autres hommes, Bacchus revint
des Indes à Thèbes, où il fit son entrée sur un éléphant. Il employa en
tout trois ans à cette expédition ; c'est pourquoi les Grecs appellent 248
Triétérides les fêtes Dionysiaques. Les mythologues prétendent encore
que Bacchus, chargé des dépouilles qu'il avait recueillies dans une si
grande expédition, conduisit le premier triomphe en revenant dans sa
patrie.
LXVI. Telles sont les origines de Bacchus sur lesquelles on est le plus
d'accord chez les anciens. Mais beaucoup de villes grecques se
disputent l'honneur d'avoir donné le jour à Bacchus. Les Eliens, les
Naxiens, les habitants d'Eleuthère, les Teïens, et beaucoup d'autres
encore essaient de prouver que Bacchus est né chez eux. Les Teïens
donnent pour preuve une source qui, à des époques fixes, laisse couler
naturellement un vin d'un parfum exquis. Les uns allèguent que leur
pays est consacré à Bacchus ; d'autres appuient leur prétention sur les
temples, et les enceintes sacrées, qui sont de temps immémorial
dédiées à ce dieu. En général, comme Bacchus a laissé, en beaucoup
d'endroits de la terre, des marques de sa présence bienfaisante, il n'est
pas étonnant que tant de villes et de contrées le réclament. Le poète
confirme notre récit, lorsque, dans ses hymnes, il parle ainsi des villes
qui se disputent la naissance de Bacchus ; et en même temps, il le fait
naître à Nyse, en Arabie : «Les Dracaniens, les habitants d'Icare
exposés aux tempêtes, les Naxiens, la race divine des Iraphiotes, ceux
qui habitent les rives de l'Alphée aux tournants profonds, les Thébains,
réclament, ô Seigneur, ta naissance. Ils se trompent. Tu naquis du père
des dieux et des hommes, loin des mortels et à l'insu de Junon aux bras
blancs. [Tu reçus le jour] à Nyse, sur une montagne élevée, couverte de
bois fleuri, loin de la Phénicie, et près des ondes de l'Egyptus (89)». Je
n'ignore pas que les Libyens, qui habitent les bords de l'Océan,
revendiquent aussi la naissance de Bacchus. Ils prétendent que la
plupart des choses que les mythes racontent de ce dieu, se sont
passées dans leur pays ; ils ont même une ville appelée Nyse, et citent
beaucoup d'autres vestiges qui, à ce qu'on dit, s'y voient encore
aujourd'hui. De plus, ils s'appuient sur ce 249 que beaucoup d'anciens
mythologues et poètes de la Grèce, et même quelques écrivains plus
récents, ont adopté cette opinion. Aussi, pour ne rien omettre
relativement à l'histoire de Bacchus, rapporterons-nous succinctement
les traditions des Libyens, conformes à celles que racontent les
historiens grecs, et surtout Dionysius (90), qui a mis en ordre les
anciens mythes. Cet auteur a rassemblé tout ce qui concerne Bacchus,
les Amazones, les Argonautes, la guerre de Troie et plusieurs autres
choses ; il y a joint les chants des anciens mythologues ou poètes.
LXVII. Conformément au récit de Dionysius, Linus inventa le premier,
chez les Grecs, le rythme et la mélodie ; de plus, après que Cadmus eut
apporté de la Phénicie les lettres, Linus les appliqua le premier à la
langue grecque, donna à chacune son nom, et fixa leur forme. Ses
lettres furent appelées, d'une dénomination générale, phéniciennes,
parce qu'elles avaient été apportées de la Phénicie en Grèce ; elles
portaient plus particulièrement le nom de pélasgiennes, parce que les
Pélasgiens se sont les premiers servis de ces caractères transportés
(91). Linus, admiré pour sa poésie et son chant (92), eut un grand
nombre de disciples, dont trois très célèbres, Hercule, Thamyris et
Orphée. D'une intelligence lente, Hercule ne fit point de progrès dans
l'art de jouer de la lyre, qu'il apprenait ; son maître s'avisa alors de le
frapper. Hercule, transporté de colère, tua Linus d'un coup de sa lyre.
Thamyris avait des dispositions plus heureuses. Il se livra à la musique ;
mais la perfection où il parvint lui inspira la prétention de mieux chanter
que les Muses. Ces déesses, irritées, le privèrent de son talent pour la
musique, et lui ôtèrent la vue, ainsi qu'Homère le témoigne, lorsqu'il
dit : 250 «C'est ici que les Muses, irritées, firent taire le chant de
Thamyris le Thrace (93)». Il dit encore : «Les déesses, irritées,
l'aveuglèrent. Elles le privèrent de sa voix et lui firent perdre la
mémoire du jeu de la lyre». Quant à Orphée, troisième disciple de Linus,
nous en parlerons en détail, en racontant les aventures de sa vie. On
rapporte que Linus (94) écrivit en lettres pélasgiennes l'histoire du
premier Bacchus, et plusieurs autres mythes, qu'il a laissés dans ses
commentaires. Orphée et Pronapidès (95) maître d'Homère, doués l'un
et l'autre de grands talents pour la composition du chant, se sont
également servis des lettres pélasgiennes. Enfin Thymoetès, fils de
Thymoetès, descendant de Laomédon, qui vivait du temps d'Orphée,
parcourut une grande partie du monde, et arriva vers les côtes
occidentales de la Libye ; il y vit la ville de Nyse, où, selon la tradition
des habitants, fut élevé Bacchus. Les Nyséens lui apprirent en détail
l'histoire de ce dieu. Thymoetès composa ensuite un poème surnommé
Phrygien, écrit en langue et en caractères antiques.
LXVIII. Selon le récit de cet écrivain, Ammon, roi d'une partie de la
Libye, épousa Rhéa, fille d'Uranus, soeur de Saturne et des autres
Titans. En visitant son royaume, Ammon trouva, près des monts
Cérauniens, une fille singulièrement belle, qui s'appelait Amalthée. Il en
devint amoureux, et en eut un enfant d'une beauté et d'une force
admirables. Il donna à Amalthée la souveraineté de la contrée voisine,
dont la configuration rappelle la corne d'un boeuf, et qu'on appelait la
corne d'Hespérus (96). Cette contrée, en raison de la fertilité de son
sol, produit non seulement beaucoup de vignes, mais encore toutes
sortes d'arbres fruitiers. Amalthée prit donc le gouvernement de cette
251 contrée, à laquelle elle laissa le nom de corne d'Amalthée, et on a
depuis lors appelé Amalthées tous les pays fertiles. Craignant la jalousie
de Rhéa, Ammon cacha avec soin cet enfant, et le fit transporter
secrètement dans la ville de Nyse, qui était fort éloignée de là. Cette
ville est située dans une île environnée par le fleuve Triton ; elle est très
escarpée, et l'on ne peut y entrer que par un passage étroit qu'on
nomme les portes Nyséennes. L'île est formée d'une terre très fertile,
garnie de prairies charmantes, de jardins cultivés, et arrosée de sources
abondantes ; elle est couverte d'arbres fruitiers de toute espèce, et de
vignes sauvages, la plupart sous forme d'arbrisseaux. Toute cette
région est bien exposée aux vents et extrêmement saine ; aussi ceux
qui l'habitent vivent-ils beaucoup plus longtemps que leurs voisins.
L'entrée de cette île se présente d'abord sous la forme d'une vallée,
ombragée d'arbres élevés et touffus, qui laissent à peine y pénétrer un
faible rayon du soleil.
LXIX. Partout les bords des chemins sont arrosés par de sources
d'une eau excellente et qui invite les passants à s'y reposer. En
avançant, on rencontre une grotte arrondie d'une grandeur et d'une
beauté extraordinaires. Cette grotte est surmontée d'un rocher escarpé
d'une hauteur prodigieuse, et dont les pierres brillent des couleurs les
plus éclatantes, semblables à la pourpre marine, à l'azur et autres
nuances resplendissantes ; enfin ou ne pourrait imaginer aucune
couleur qui ne se trouvât pas là. A l'entrée de cette grotte, il y a des
arbres énormes dont les uns portent des fruits ; les autres, toujours
verts, semblent n'avoir été produits par la nature que pour réjouir la
vue. Là nichent des oiseaux de toute espèce, remarquables par la
beauté de leur plumage et par la douceur de leur chant ; aussi ce lieu
est-il fait non seulement pour les jouissances de la vue, mais encore
pour celles de l'oreille, ravie par les sons des chanteurs naturels qui
surpassent la mélodie même des artistes. Derrière l'entrée, la grotte est
entièrement découverte et reçoit les rayons du soleil. Il y croît des
plantes de toute espèce, mais surtout la casie et d'autres végétaux dont
l'odeur se conserve pendant 252 des années. On voit aussi dans cette
grotte plusieurs lits de Nymphes, formés de toutes sortes de fleurs,
oeuvre non pas de l'homme, mais de la nature. Tout à l'entour, on
n'aperçoit point de fleurs flétries ni de feuilles tombées. C'est pourquoi,
outre le plaisir que procure la vue, on a encore celui de l'odorat.
LXX. Ce fut dans cette grotte qu'Ammon déposa son fils, et qu'il le
donna à nourrir à Nysa, fille d'Aristée (97). Il désigna, pour surveiller
l'éducation de cet enfant, Aristée, homme remarquable par son esprit,
par sa sagesse, et par son instruction variée. Afin de le garantir contre
les embûches de Rhéa, sa marâtre, Ammon en confia la garde à
Minerve, qui venait de naître de la Terre, sur les rives du fleuve Triton,
d'où elle fut surnommée Tritonis. Selon le récit des mythologues, cette
déesse fit voeu de garder une virginité perpétuelle, et à tant de
sagesse, elle joignit un esprit si pénétrant, qu'elle inventa un grand
nombre d'arts. Robuste et très courageuse, elle s'adonna aussi au
métier des armes, et elle fit beaucoup d'exploits mémorables. Elle tua
l'Aegide, monstre terrible et tout à fait indomptable ; il était né de la
Terre et vomissait de sa gueule une masse de flammes. Ce monstre
parut d'abord dans la Phrygie, et brûla toute la contrée qui, encore
aujourd'hui, s'appelle la Phrygie brûlée. Il infesta ensuite le mont
Taurus, et incendia toutes les forêts jusqu'à l'Inde. Après cela,
retournant vers la mer, il entra dans la Phénicie, et mit en feu les forêts
du Liban. Ayant ensuite traversé l'Egypte et parcouru les régions
occidentales de la Libye, il tomba, comme la foudre, sur les forêts des
monts Cérauniens. Il mettait en feu toute la contrée, faisant périr les
habitants, ou les forçant à s'expatrier, lorsque parut Minerve qui,
surpassant les hommes en prudence et en courage, tua ce monstre.
Depuis lors elle porta toujours la peau de l'Aegide sur sa poitrine, soit
comme une arme défensive, soit comme un souvenir de sa valeur et de
sa juste renommée (98). La Terre, mère de ce 253 monstre, en fut
irritée : elle enfanta les géants qui furent plus tard vaincus par Jupiter
avec le secours de Minerve, de Bacchus et des autres dieux. Ainsi donc,
Bacchus ayant été nourri à Nyse et instruit dans les plus belles sciences,
était non seulement d'une force et d'une beauté remarquables, mais il
aimait les arts et inventa plusieurs choses utiles. Etant encore enfant, il
découvrit la nature et l'usage du vin, en écrasant des raisins de vignes
sauvages. Il trouva aussi qu'on pouvait faire sécher les fruits mûrs, et
les conserver utilement. Il inventa ensuite la culture la plus convenable
à chaque plante. Il résolut de faire part aux hommes de ces
découvertes, espérant qu'ils lui accorderaient, en mémoire de ces
grands bienfaits, les honneurs divins.

LXXI. La renommée de Bacchus s'étant ainsi répandue, Rhéa, irritée


contre Ammon, résolut de s'emparer de Bacchus. Mais, ne réussissant
pas dans son entreprise, elle quitta Ammon, et, retournant auprès des
Titans, ses frères, elle épousa son frère Saturne. Celui-ci, à l'instigation
de Rhéa, marcha contre Ammon et le défit en bataille rangée. Pressé
par la famine, Ammon se réfugia en Crète. Là il épousa Créta, l'une des
filles des Curètes, alors régnant, et il fut reconnu roi de cette île, qui,
nommée auparavant Idéa, reçut le nom de Crète, du nom de la femme
du roi. Saturne s'empara des pays d'Ammon, y régna avec cruauté, et
marcha à la tête d'une nombreuse armée contre Nyse et Bacchus. Mais
Bacchus, instruit de la défaite de son père, et de la marche des Titans,
leva des troupes dans Nyse. Au nombre de ces guerriers étaient deux
cents jeunes gens, tous élevés avec lui, d'une bravoure et d'un
attachement à toute épreuve ; il fit venir des contrées voisines les
Libyens et les Amazones qui, comme nous l'avons dit, célèbres par leur
courage, avaient les premières entrepris une expédition lointaine, et
soumis par leurs armes une grande partie de la terre. Ce fut à l'in- 254
stigation de Minerve, animée des mêmes goûts guerriers, que les
Amazones devinrent les auxiliaires de Bacchus. Comme ces femmes,
elle s'était vouée au métier des armes et à la virginité. L'armée se
partagea en deux corps ; Bacchus commanda les hommes, et Minerve
les femmes ; ils attaquèrent ainsi la troupe des Titans. Le combat fut
sanglant, et il tomba beaucoup de monde de part et d'autre ; enfin
Saturne fut blessé, et Bacchus remporta la victoire. Les Titans
s'enfuirent dans les pays jadis occupés par Ammon ; Bacchus revint à
Nyse avec un grand nombre de prisonniers. Là, entourant les captifs
avec toute son armée sous les armes, il reprocha aux Titans leur
conduite, et leur fit croire qu'il allait les faire périr ; mais il leur fit grâce,
et les laissa libres de partir ou de l'accompagner à la guerre. Ils
devinrent tous ses compagnons d'armes ; et en reconnaissance de leur
salut inespéré, ils l'adorèrent comme un dieu. Bacchus, appelant les
prisonniers l'un après l'autre, et leur offrant une coupe de vin pour faire
une libation, leur fit jurer de servir fidèlement, et de combattre
courageusement pour lui jusqu'à la fin de leur vie. Ces soldats ainsi
engagés furent nommés Hypospondes ; de là on appela plus tard, en
mémoire de ce fait, Spondes, les trèves conclues avec l'ennemi.
LXXII. Au moment où Bacchus allait marcher contre Saturne, et faire
sortir ses troupes de Nyse, Aristée, son précepteur, lui offrit un sacrifice,
et fut ainsi le premier homme qui rendit à Bacchus des honneurs divins.
Les plus distingués des Nyséens prirent part à cette expédition. On les
appelait Silènes, du nom de Silénus, premier roi de Nyse, et dont
l'origine antique est inconnue. Ce Silénus avait une queue au bas du
dos, et ses descendants, participant de la même nature, portaient tous
ce signe distinctif. Bacchus se mit en route à la tête de son armée, et
après avoir traversé beaucoup de pays privés d'eau, et d'autres qui
étaient déserts et incultes, il s'établit devant la ville libyenne Zabirna.
Là, il tua un monstre, né de la Terre ; ce monstre s'appelait Campé, et
avait dévoré beaucoup d'habitants. Cet exploit lui acquit une grande
réputation auprès des 255 indigènes. Pour y perpétuer sa mémoire, il fit
élever, sur le corps de ce monstre, un tertre énorme, monument qui a
subsisté jusqu'à des temps assez récents. Bacchus se porta ensuite à la
rencontre des Titans. Dans sa marche, il maintint parmi les troupes une
discipline sévère, et se montra doux et humain envers les habitants.
Enfin il déclara qu'il n'avait entrepris cette expédition que pour châtier
les impies et répandre ses bienfaits sur le genre humain. Les Libyens,
admirant la discipline de ses troupes et sa magnanimité, fournirent
abondamment des vivres aux soldats et les suivirent avec joie. Lorsque
l'armée de Bacchus se fut approchée de la ville des Ammoniens,
Saturne lui livra bataille en dehors des murs ; ayant été vaincu, il fit,
pendant la nuit, incendier la ville, afin de détruire le palais paternel de
Bacchus. Emmenant avec lui Rhéa, sa femme, et quelques-uns de ses
amis, il abandonna la ville clandestinement. Cependant Bacchus eut
une conduite toute différente ; car, ayant fait prisonniers Saturne et
Rhéa, non seulement il leur pardonna, en considération des liens de
parenté, mais il les pria même de le regarder à l'avenir comme leur fils,
et de le laisser vivre avec eux, en les honorant. Rhéa l'aima toute sa vie
comme un fils ; mais Saturne ne lui fut jamais sincèrement attaché. A
cette même époque, Saturne eut un fils appelé Jupiter, que Bacchus
honorait beaucoup, et qui devint, par la suite, roi de l'univers.
LXXIII. Avant le combat, les Libyens avaient raconté à Bacchus qu'à
l'époque où Ammon fut chassé de son royaume, il avait été prédit aux
habitants du pays, que, dans un temps déterminé, viendrait son fils,
pour prendre possession du trône de son père, et que, maître de toute
la terre, il serait considéré connue un dieu. Bacchus ajouta foi à cette
prédiction, et institua un oracle en honneur de son père, fonda une ville,
lui décerna les hoimeurs divins et établit des prêtres pour l'oracle qu'il
avait institué. Ammon y est représenté avec une tête de bélier, insigne
que ce roi portait sur son casque, dans la guerre. Quelques mythologues
prétendent qu'il avait naturellement une véritable 256 corne sur chaque
côté des tempes, et que son fils Bacchus avait le même aspect. C'est ce
qui accrédita la tradition que Bacchus était né cornu. Après la fondation
de la ville et l'établissement de l'oracle d'Ammon, Bacchus fut, dit-on, le
premier qui consulta l'oracle de son père ; et il obtint pour réponse qu'il
acquerrait l'immortalité par ses bienfaits envers les hommes. C'est
pourquoi, rempli d'espérance, il envahit d'abord avec son armée
l'Egypte, et y établit pour roi Jupiter, fils de Saturne et de Rhéa. Comme
celui-ci était encore fort jeune, il lui donna Olympus pour gouverneur.
Nommé ainsi dans la vertu, par les préceptes de son maître, Jupiter fut
surnommé Olympien. Bacchus enseigna aux Egyptiens la culture et
l'usage de la vigne, la conservation du vin, du fruit des arbres, et
d'autres produits. Sa réputation s'étant répandue partout, personne
n'osa lui résister ; tous les hommes se soumirent volontairement, et
vénérèrent Bacchus comme un dieu par des louanges et des sacrifices.
Bacchus parcourut ainsi toute la terre, plantant la vigne, et comblant les
nations de ses bienfaits, dont le souvenir est éternel. Aussi ces
hommes, qui n'accordent pas également les mêmes honneurs aux
autres divinités, sont presque tous unanimes sur le culte de Bacchus.
Car ce dieu a répandu ses biens sur les Grecs aussi bien que sur les
Barbares. Et il a même appris à ceux qui habitent des contrées
sauvages et peu propres à la culture de la vigne, à composer, avec de
l'orge, une boisson qui, pour le goût, ne le cède guère au vin. On
raconte que Bacchus, revenant de l'Inde, descendit vers la côte de la
Méditerranée, et fut obligé de combattre les Titans, dont les troupes
réunies avaient pénétré dans l'île de Crète pour attaquer Ammon.
Jupiter envoya des soldats égyptiens au secours d'Ammon, et la guerre
s'allumant dans cette île, Bacchus, Minerve, et quelques autres dieux, y
accoururent. Il se livra une grande bataille ; Bacchus resta vainqueur, et
tous les Titans furent tués. Après cela, Amnon et Bacchus échangèrent
le séjour terrestre contre la demeure des immortels. Jupiter régna, selon
la tradition, sur tout l'univers ; car, après le châtiment 257 des Titans,
personne ne fut assez sacrilège pour lui disputer l'empire.
LXXIV. Telle est, d'après la tradition des Libyens, l'histoire du
premier Bacchus, fils d'Ammon et d'Amalthée. Quant au second, qui
était fils de Jupiter et d'Io, fille d'Inachus, il fut roi d'Egypte, et enseigna
les mystères sacrés. Enfin, le troisième, né de Jupiter et de Sémélé, fut,
chez les Grecs, l'émule des deux précédents, imitant les deux premiers,
il parcourut tonte la terre à la tête d'une armée ; il éleva plusieurs
colonnes pour marquer les termes de son expédition ; il répandit la
culture de la terre ; il menait avec lui des femmes armées, comme
l'ancien Bacchus avait à sa suite les Amazones. Il s'occupa beaucoup
des Orgies, perfectionna quelques cérémonies, et en inventa de
nouvelles. Ce dernier Bacchus recueillit ainsi la gloire des deux
premiers, que la longueur du temps avait presque effacés de la
mémoire des hommes. La même chose est arrivée non seulement à
Bacchus, mais encore à Hercule. En effet, il y a eu plusieurs héros de ce
nom. Hercule, le plus ancien, est, selon la tradition, d'origine égyptienne
; après avoir subjugué une grande partie de la terre, il éleva une
colonne sur la côte de la Libye. Le second, originaire de la Crète, l'un
des Dactyles idéens, se livra à la magie et à l'art de la guerre, et institua
les jeux olympiques. Enfin, le dernier Hercule, né de Jupiter et
d'Alcmène, peu de temps avant la guerre de Troie, parcourut, obéissant
aux ordres d'Eurysthée, une grande partie de la terre. Après avoir
heureusement achevé ses travaux, il érigea en Europe la colonne qui
porte son nom. A cause de la ressemblance de nom et de moeurs, on
attribua à ce dernier les actions des deux Hercule plus anciens ;
confondant les temps, de trois, on n'en fit qu'un. Parmi les diverses
preuves qu'on allègue pour démontrer qu'il y a eu plusieurs Bacchus, il
y en a une qu'on tire de la guerre des Titans. Tout le monde est
d'accord que Bacchus fut l'auxiliaire de Jupiter, dans la guerre contre les
Titans. Or, il est absurde de placer la race des Titans dans le temps où
vivait Sémélé, et de faire Cadmus, fils d'Agénor, plus ancien que 258 les
dieux de l'Olympe. Telles sont les traditions mythologiques des Libyens
au sujet de Bacchus. Nous terminons ici le troisième livre, d'après le
plan que nous nous étions tracé au commencement.
NOTES

(01) Comparez ce passage avec ce que Diodore a dit plus haut,


liv. I, chap. 7.

(02) Iliade, I, 424.

(03) Comparez cette opinion avec celle qui a été récemment


développée par un savant illustre, qui a parcouru l'Égypte, et
examiné ce pays avec les yeux d'un profond philosophe. (Pariset,
Mémoire sur les causes de la peste, Paris, 1837).

(04) Ce bonnet royal ressemblait à une mitre d'évêque, comme


ou peut s'en convaincre par l'inspection des ligures
hiéroglyphiques représentant les rois de ce pays,

(05) Ce fait seul suffirait pour faire voir l'empire extraordinaire


que la valeur symbolique de certains signes exerçait sur
l'imagination de ce singulier peuple. C'était là le grand secret de la
puissance des sciences hiéroglyphiques et occultes.

(06) La ville de Méroé, portant le même nom que file.


Héliodore, X, p. 460: « La métropole des Éthiopiens est Méroé. »

(07) A ces caractères , tout le monde reconnait la race nègre.

(08) Dans quelques éditions, tout ce chapitre est réuni au


chapitre précédent. C'est, pourquoi le livre III se compose, suivant
les uns , de soixante-treize chapitres, et suivant d'autres , de
soixante-quatorze.
(09) Le mot σαρκοφαγεῖν exprime ici parfaitement l'acte du
serpent avalant sa proie toute crue. En effet, les reptiles avalent et
ne màchent jamais leur proie, leurs dents n'étant pas faites pour la
mastication.

(10) Agatharchide, auquel notre historien a fait d'assez larges


emprunts, parait avoir été contemporain de Ptolémée VI.

(11) Fruit semblable à une lentille.

(12) Ce passage prouve que la connaissance de la coupellation


remonte à une époque assez reculée. Voy. mon Histoire de la
Chimie, t. I, p. 108.

(13) Espèce de nerprun (Rhamnus paliurus, L.).

(14) Plus d'un kilogramme et demi.

(15) Cette remarque est d'une haute portée philosophique; elle


ne serait pas désavouée par les philosophes mêmes qui ont
proclamé la nécessité de la méthode expérimentale.

(16) Χελοινοφάγοι , mangeurs de tortues.

(17) Ῥιζοφάγοι, mangeurs de racines.

(18) Ce fleuve, plus connu sous le nom d'Astabara ou Astapus (


Strabon), coulait aux environs de Méroé.

(19) D'après l'édition bipontine, il faudrait lire : μηδεμιᾶς


γενομένος νηνεμίας, le vent ne cessant pas de souffler, au lieu de
μηδεμιᾶς γενομένος μυίας, leçon que j'ai adoptée.

(20) Ὑλογάγοι . mangeurs de bois.

(21) Σπερματοφάγοι, mangeurs de graines.

(22) Bunias, espèce de chou ; plante de la famille des


crucifères.

(23) Ἀπαγλαυκωθέντων τῶν ὀμμάτων, littéralement , les yeux


ayant été atteints de glaucome. C'est probablement la cataracte
dont l'auteur veut parler.
(24) Κηρυγοί, chasseurs.

(25) 2 La cendre, composée principalement de carbonate de


potasse, est un caustique qui enlève facilement les poils des
peaux. Tous les traducteurs se sont donc trompés en disant que «
les poils ont été brillés sous la cendre. »

(26) Ἐλεγαντομάχοι κυνηγοί , chasseurs combattant les


éléphants ( éléphantomaques ).

(27) Σιμοί , au nez camus. I1 est ici évidemment question de la


race nègre.

(28) Στρουθοφάγοι , mangeurs d'autruches.

(29) C'est l'autruche , appelée par les Grecs littéralement


moineau-chameau , στρουθο-κάμηλος.

(30) Ce n'est pas précisément à cause de son poids, mais à


cause de ses ailes, qui sont trop courtes et trop dénuées de plumes
, que l'autruche ne peut pas voler.

(31) Ὄρυξ, oryx, espèc& d'antilope. Antilope oryx (?).

(32) Ἀκριδοφάγοι, mangeurs de sauterelles.

(33) Cette maladie ressemble beaucoup à la phthiriasis


(morbus pedicularis), qui le plus souvent a pour cause la
malpropreté.

(34) Κυναμολγοί, qui tètent les chiens.

(35) Τρογλοδύται, qui habitent des cavernes.

(36) Chap. 2 et suiv. de ce livre.

(37) Espèce de nerprun , rhamnus paliurus.

(38) Κολοβοί, mutilés.

(39) Bien que ce récit paraisse exagéré , c'est cependant un


fait aujourd'hui acquis à la science, que la température la plus
élevée s'observe , non pas précisément sous l'équateur, comme on
pourrait le croire a priori, mais sur les bords de la mer Rouge, tout
près de l'ancienne contrée des Troglodytes. La température d'été y
dépasse quelquefois 50 degrés du thermomètre centigrade , à
l'ombre. C'est une chaleur de plus de 12 degrés supérieure à celle
du sang de l'homme. Quelques voyageurs récents assurent avoir
observé , sur certains plateaux de l'Abyssinie , une température
encore plus élevée que celle qu'on observe aux bords de la mer
Rouge. Cette concentration insolite des rayons solaires tient
probablement à quelques circonstances de localité dont l'influence
n'a pas encore été bien appréciée.

(40) Ῥινόκερος, qui a une corne au nez.

(41) L'auteur veut sans doute parler ici des callosités qu'on
remarque chez les singes de l'ancien monde. Cette apparence de
chair nue autour de l'anus est même un des caractères essentiels
qui distinguent les singes de l'Amérique des singes de l'ancien
monde.

(42) Peut-être le dauw, espèce de cheval sauvage qu'on trouve


aujourd'hui aux environs du cap de Bonne-Espérance. Seulement, il
n'a pas la face d'un lion. Cepus, de κῆπος, jardin.

(43) Les cornes, en raison même de leur origine et leur nature,


ne peuvent pas être mobiles comme les oreilles. Leur mode
d'accroissement et de reproduction varie selon les espèces
d'animaux. Ce que Diodore raconte ici de la mobilité des cornes du
taureau sauvage paraît donc être une pure fable. Les instincts
carnassiers de ce ruminant sont également une de ces mille
exagérations dont les Grecs ont été en tout temps si prodigues.

(44) Ce que Diodore rapporte ici du crocottas des Éthiopiens


peut assez bien s'appliquer à l'hyène. Ce féroce carnassier se
trouve encore aujourd'hui assez fréquemment dans l'extrémité
méridionale de l'Afrique. Il est ià remarquer que plusieurs espèces
d'animaux, l'ibis blanc, le rhinocéros, etc., qui peuplaient
anciennement l'Égypte et l'Éthiopie, se retrouvent aujourd'hui,
relégués aux environs du cap de Bonne-Espérance.
(45) Ptolémée Philadelphe, second du nom. Il monta sur le
trône en l'an 283 avant Jésus-Christ.

(46) Ce port était plus anciennement connu sous le nom de


Port à rat, (Myorruus) Μυὸς ὅρμος.

(47) Ἀκάθαρτος, impur, sale.

(48) Ce transport des navires pour franchir un isthme n'était


pas alors uue chose insolite, ainsi que le témoignent les
expressions grecques de δειτμίζειν, ὑπεριστμίζειν τὰς ναῦς

(49) Ὀφιώδης, île des serpents.

(50) Σωτῆρ, salvator.

(51) Environ six mètres.

(52) Le golfe Arabique était appelé par les Hébreux (lam:

souph), mer d'algues.

(53) Il est curieux de comparer cette tradition avec le récit de


Moïse , d*après lequel les Israélites, poursuivis par l'armée de
Pharaon, passèrent la mer Rouge à sec. Exod. XIV, 21.

(54) Tous les voyageurs, tant anciens que modernes , parlent


avec enthousiasme des délicieux bosquets de palmiers qu'on
rencontre dans ces parages.

(55) Ce golfe a eu plusieurs, noms. Comparez Pline, Hist. nat.,


VI, 28 : Sinus intimus, in quo Læanitae, qui nomen ei dedere. Regia
eorum Agra, et in sinu Laeana , vel, ut alii , Aelana. Nam et ipsum
sinum nostri . Elaniticum scripsere, alii .Aelanaticum, Artemidorus
Aleniticum, Juba Laeaniticum

(56) J'adopte cette orthographe d'après le grec Ναβαταίοι.

(57) Quatre-vingt-douze kilomètres.

(58) Cent quatre-vingt-quatre kilomètres.

(59) Environ dix-huit kilomètres.


(60) Plus de soixante mètres.

(60) Cet aspect mamelonné est en général l'indice d'un terrain


volcanique.

(61) Χρυσὸς ἄπυρος , de l'or qui n'a pas besoin de passer par le
feu pour être pur. Voilà le véritable sens de ces termes , qui ont été
mal compris par presque tous les interprètes. Voyez pag. 166.

(62) Environ huit pouces.

(63) Ταῖς ἐναντίαις φύσεσι καταμαχόμενοι. L'axiome de


l'allopathie, contraria contrariis curantur , est , comme on voit ,
très-ancien et pratiqué par des peuples primitifs.

(64) Le mois d'octobre.

(65) Mois de Novembre.

(66) Plusieurs de ces effets, que l'auteur , dans un récit assez


confus, attribue au soleil, proviennent sans doute de certains
météores. Une colonne de feu s'élevant de l'horizon, une gerbe de
lumière jetant des étincelles comme un charbon ardent, etc.; en un
mot, plusieurs de ces phénomènes énumérés par l'auteur,
semblent assez bien s'appliquer aux aurores boréales.

(67) Ouest, sud-ouest, nord-ouest, est.

(68) Sans doute le carbonate de soude qu'on rencontre encore


aujourd'hui dans cette contrée, comme une efflorescence du sol.

(69) L'auteur décrit ici , quoique d'une manière obscure et


confuse , un phénomène météorologique qu'il ne paraît point avoir
vu lui-même. C'est le mirage si fréquent dans cette partie de
l'Afrique, et qui est l'effet de la réfraction des rayons du soleil
traversant des couches d'air de densité inégale. Cet effet de
réfraction fait paraître tous les objets renversés et comme mirés
dans une vaste nappe d'eau.

(70) Dionysius de Milète. On croit qu'il a vécu un peu avant


l'époque de César.
(71) Voyez pag. 161, note 2.

(72) Il s'agit ici de l'Éthiopie occidentale, baignée par l'Océan,


différente de l'Éthiopie orientale, située au-dessus de l'Égypte,
selon la division qu'en fait Homère. Odyss. , I , v. 3 et 24.

(73) Presqu'île.

(74) Ciliciens libres. Ils n'avaient jamais obéi à aucun roi. C'est
ce qui leur a valu leur nom , s'il faut en croire Cicéron , XV, Ep. 4 ;
et V. Attic. Ep. 20.

(75) Dans les dialectes slavons ( scythes) same ,. samia,


signifie terre. Samothrace signifierait Mont terre des Thraces.

(76) Les Corybantes, les Cabires étaient sans doute les


μεγάλοι θεοί. Voy. Orphée, hymne XXXVII , sur les Curètes et
Corybantes.

(77) Iliade, chant XIV, v. 200.

(78) Voyez sur les Atlantes ou Atlantides Platon dans Critias.

(79) L'ancien nom de Méné (Μήνη) se rapproche


singulièrement de celui de Moon ou Mond , par lequel on désigne
également la lune dans les langues indo-germaniques.

(80) C'est là, sans doute, la véritable signification du mot ψίλη


, nu, que presque tous les traducteurs ont , à tort, rendu par air
simple, etc. Du reste , ce qui suit prouve que notre interprétation
est exacte; car, dans urne nouvelle épreuve, le jeu d'Apollon n'était
plus ψὶλη, niais accompagné de chant , ἁρμόττουσαν τῷ μέλει τῆς
κιθάρας ὠδήν

(81) Voyez sur les intervalles musicaux, Aristoxène, Harmon.;


II, p. 49; Ptolémée. Harmon.,II, c. x.

(82) Vénus. On donnait à cette planète le nom d'Hespérus


quand elle paraissait après le coucher du soleil, et celui de
Phosphorus (Lucifer) quand elle précédait son lever.

(83) Ζῆνα, de ζῆν, vivre


(84) Ληνός; signifie pressoir.

(85) A longue barbe, πώγων.

(86) C'est ce qui avait valu à Bacchus le surnom de Dieu aux


cornes de taureau , ταυρόκερως θεός (Euripid. Bacch. , v. 100).

(87) Nom grec de Bacchus.

(88) Poète de Colophon , ville de l'Ionie; il était contemporain


de Platon.

(89) Fragment homérique d'un hymne à Bacchus qui ne nous a


pas été conservé.

(90) Dionysius de Milète. L'auteur l'a déjà cité au chap. 52.

(91) Ce passage paraît avoir subi quelques altérations. Car les


Pelasgiens sont bien plus anciens que Cadmus, et pourtant ils ont
connu l'emploi des lettres avant l'arrivée de ce dernier. Au reste,
Cadmus me parait être un personnage tout à fait mythique ,
symbole de la civilisation venant de l'Orient, car le nom de Cadmus

dérive, selon moi , de l'hébreu où du phénicien (cadm) , qui

signifie du côté de l'orient.

(92) Selon Apollodore (II, 4 , 9) , Linus, qu'Hercule tua d'un


coup de sa lyre. était frère d'Orphée. qui avait pris part à
l'expédition des Argonautes.

(93) Iliade, chant II, v. 595 et 600.

(94) Ce Linus ne parait pas être le même que le précédent.


Suivant Pausanias (IX, 99 ) , il était de plusieurs années antérieur à
Hercule le Thébain et contemporain de Cadmus.

(95) On n'a pas d'autre renseignement sur le poéte Pronapidès.


Selon Tatien (Orat. ad Graec. cap. 62 ), il était originaire d'Athènes,
On est encore moins renseigna au sujet de Thymoetès.

(96) Nom d'un promontoire occidental de l'Afrique.


(97) Apollonios de Rhodes (IV, v. 1132) donne à la fille
d'Aristée, nourrice de Bacchus , le nom de Macris.

(98) Comparez Servius In Aeneid., lib. VIII, v. 435: Aegis proprie


est munimentum pectoris aereum , habens in medio Gorgonis
caput ; quod munimentuin si in pectore numinis fuerit, Aegis
vocatur; si in pectore hominis, sicut in antiquis imperatorum
statuis videmus, Iorira dicitur.

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE. ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗΣ


ΙΣΤΟΡΙΚΗΣ ΒΙΒΛΟΣ ΔΕΥΤΕΡΑ.

TOME PREMIER : LIVRE ΙV

Des Ethiopiens habitant au delà de la Libye ; de leurs traditions


anciennes. - Des mines d'or, situées sur les confins de l'Egypte ;
exploitation de l'or. - Des peuplades qui habitent le littoral du golfe
Arabique et toute la côte de l'Océan jusqu'à l'Inde ; de leurs moeurs et
des particularités tout à fait étranges et incroyables qu'on en raconte. -
Histoire primitive de la Libye, des Gorgones, des Amazones, d'Amnon et
d'Atlas. - Des récits fabuleux sur Nysa ; des Titans, de Bacchus et de la
mère des dieux.

. Le premier des deux livres précédents contient l'histoire des


anciens rois d'Égypte, les traditions religieuses de ce pays, les
particularités du Nil, la description des fruits et des divers animaux qui
s'y trouvent, la topographie de l'Égypte avec les coutumes et les lois de
ses habitants ; le second livre traite de l'Asie, de l'histoire des Assyriens,
de la naissance et du pouvoir de Sémiramis, de la fondation de
Babylone et de beaucoup d'autres villes ; de l'expédition de Sémiramis
dans l'Inde ; ensuite nous avons parlé des Chaldéens et de leurs
connaissances astrologiques, de l'Arabie et des productions singulières
que ce pays renferme, de l'empire des Scythes, des Amazones, enfin
des Hyperboréens. Conformément au plan que nous nous sommes
tracé, nous allons maintenant parler des Éthiopiens, des Libyens et des
Atlantides.
II. On soutient que les Éthiopiens sont les premiers de tous les
hommes, et que les preuves en sont évidentes. D'abord, tout le monde
étant à peu près d'accord qu'ils ne sont pas venus de l'étranger, et
qu'ils sont nés dans le pays même, on peut, à juste titre, les appeler
Autochtones ; ensuite il paraît manifeste pour tous que les hommes qui
habitent le Midi sont probablement sortis les premiers du sein de la
terre. Car la chaleur du soleil séchant la terre humide et la rendant
propre à la génération des animaux, il est vraisemblable que la région la
plus voisine du soleil a été la première peuplée d'êtres vivants. On
prétend aussi que les Éthiopiens ont les premiers enseigné aux hommes
à vénérer les dieux, à leur offrir des sacrifices, à faire des pompes, des
solennités sacrées et d'autres cérémonies, par lesquelles les hommes
pratiquent le culte divin. Aussi sont-ils partout célèbres pour leur piété ;
et leurs sacrifices paraissent être les plus agréables à la divinité. A
l'appui de cela nous avons le témoignage du poète presque le plus
ancien et le plus admiré des Grecs, qui nous représente, dans son Iliade,
Jupiter et les autres immortels se rendant en Éthiopie pour recevoir les
offrandes et les festins que les Éthiopiens leur offrent tous les ans :
«Jupiter a traversé hier l'Océan pour se rendre chez les braves
Éthiopiens qui lui prépaient un festin. Tous les dieux le suivaient». On
remarque que les Éthiopiens ont recueilli, de la part des dieux, la
récompense de leur piété, en n'ayant jamais essuyé le joug d'aucun
despote étranger. En effet, de tout temps ils ont conservé leur liberté ;
et, grâce à leur union, ils n'ont jamais été soumis par les souverains qui
ont marché contre eux, et dont aucun n'a réussi dans son entreprise.
III. Cambyse, qui avait tenté une expédition en Éthiopie, y perdit
toute son armée, et courut lui-même les plus grands dangers.
Sémiramis, si renommée par la grandeur de ses entreprises et de ses
exploits, à peine s'était-elle avancée dans l'Éthiopie qu'elle abandonna
aussitôt le projet de faire la guerre aux habitants de ce pays. Hercule et
Bacchus, en parcourant toute la terre, ont épargné les seuls Éthiopiens,
habitant au-dessus de l'Égypte, par égard à la piété de cette nation, en
même temps qu'à cause de la difficulté de l'entreprise. Les Éthiopiens
disent que les Égyptiens descendent d'une de leurs colonies, qui fut
conduite eu Égypte par Osiris ; et ils ajoutent que ce pays n'était, au
commencement du monde, qu'une mer ; mais qu'ensuite le Nil,
charriant dans ses crues le limon emporté de l'Éthiopie, a peu à peu
formé des atterrissements. S'appuyant sur ce qui se passe aux
embouchures du Nil, ils démontrent clairement que toute l'Égypte est
l'ouvrage de ce fleuve : tous les ans le terrain est exhaussé par l'apport
du limon, et le sol s'agrandit aux dépens de la mer. Ils disent, en outre,
que la plupart des coutumes égyptiennes sont d'origine éthiopienne, en
tant que les colonies conservent les traditions de la métropole ; que le
respect pour les rois, considérés comme des dieux, le rite des
funérailles et beaucoup d'autres usages, sont des institutions
éthiopiennes ; enfin, que les types de la sculpture et les caractères de
l'écriture sont également empruntés aux Éthiopiens. Les Égyptiens ont
en effet deux sortes d'écritures particulières, l'une, appelée vulgaire,
qui est apprise par tout le monde ; l'autre, appelée sacrée, connue des
prêtres seuls, et qui leur est enseignée de père en fils, parmi les choses
secrètes. Or, les Éthiopiens font indifféremment usage de l'une et de
l'autre écriture. L'ordre des prêtres est, chez les deux nations, établi sur
les mêmes bases. Ceux qui sont voués au culte des dieux font les
mêmes purifications ; ils se rasent et sont vêtus de la même façon, et ils
portent tous un sceptre en forme de charrue. Les rois des deux nations
portent aussi un sceptre semblable ; ils ont de plus sur la tête un bonnet
long, ombiliqué au sommet, et entouré de ces serpents que l'on nomme
aspics. Cet ornement semble indiquer que quiconque ose commettre un
attentat contre le roi est condamné à des morsures mortelles. Les
Éthiopiens allèguent encore beaucoup d'autres preuves de leur
antiquité et de leur colonie égyptienne ; mais nous pouvons nous
dispenser de les rapporter.
IV. Afin de ne rien omettre de ce qui peut intéresser l'histoire
ancienne, disons maintenant un mot des caractères éthiopiens, appelés
hiéroglyphiques par les Égyptiens. Ces caractères ressemblent les uns à
diverses espèces d'animaux, les autres aux membres du corps humain,
d'autres enfin, à des instruments mécaniques. Aussi, le sens de leur
écriture n'est-il pas le résultat d'une réunion de syllabes ; mais il ressort
de la signification métaphorique des objets tracés, signification que
l'exercice grave dans la mémoire. Ainsi, ils dessinent un épervier, un
crocodile, un serpent ou quelque partie du corps, telle qu'un oeil, une
main, un visage et d'autres objets semblables. Or, ils entendent par
épervier tout ce qui se fait promptement, parce que cet oiseau a le vol à
peu près le plus rapide ; ceci s'applique, dans un sens métaphorique, à
un mouvement rapide et à tout ce qui s'y rapporte ; ces choses se
comprennent aussi bien que si elles étaient exprimées de vive voix. Le
crocodile signifie tout ce qui a trait à la méchanceté ; l'oeil est le
gardien de la justice et la sentinelle du corps. Parmi les membres, la
main droite ouverte, avec les doigts étendus, représente le besoin
d'acquérir ; la main gauche fermée, la conservation et la garde des
biens. Il en est de même des autres parties du corps, des instruments
mécaniques ou de tout autre objet. En s'appliquant ainsi à découvrir la
signification cachée de ces formes, et en exerçant leur intelligence et
leur mémoire par une étude longtemps continuée, ils arrivent à lire
couramment tout ce qui est ainsi écrit.
V. Les Éthiopiens ont plusieurs coutumes fort différentes de celles
des autres nations, particulièrement en ce qui regarde l'élection des
rois. Les prêtres choisissent les membres les plus distingués de leur
classe, et celui qui est touché par l'image du dieu, portée en procession
solennelle, est aussitôt proclamé roi par le peuple, qui l'adore et le
vénère comme un dieu, comme s'il tenait la souveraineté d'une
providence divine. Le nouveau roi se soumet au régime prescrit par les
lois, et suit en général les usages héréditaires ; il ne peut distribuer de
bienfait ni infliger de châtiment que selon les règles établies
primitivement. Il lui est défendu de mettre à mort aucun de ses sujets, il
ne peut pas même punir l'accusé qui mérite la peine capitale. Dans ce
dernier cas, il se borne à envoyer un de ses serviteurs, avec un certain
emblème de mort, pour annoncer au criminel la sentence qui le frappe.
Dès que le criminel aperçoit cet emblème, il entre dans sa maison et
s'ôte lui-même la vie ; il n'est point permis de s'enfuir à l'étranger, et le
bannissement, peine si commune chez les Grecs, est défendu. On
raconte à ce sujet, qu'un jour un condamné, voyant arriver chez lui le
porte-mort envoyé par le roi, voulut se sauver en Ethiopies ; mais que
sa mère, s'en étant aperçue, passa sa ceinture au cou de son fils, qui se
laissa étrangler sans oser y opposer la moindre résistance : il s'était, au
contraire, laissé patiemment serrer la gorge jusqu'à ce que la mort
s'ensuivît, afin de ne pas imprimer au nom de sa famille une tache
d'infamie trop grande.
VI. De toutes les coutumes, la plus singulière est celle qui se
pratique à la mort des rois. A Méroé, les prêtes chargés du culte divin
exercent l'autorité la plus absolue, puisqu'ils peuvent, si l'idée leur vient
dans l'esprit, dépêcher au roi un messager et lui ordonner de mourir. Ils
déclarent alors que telle est la volonté des dieux, et que de faibles
humains ne doivent point mépriser les ordres des immortels. Ils font
entendre encore d'autres raisons qu'un esprit simple accueille toujours
avec confiance, élevé qu'il est dans les vieilles traditions dont il ne peut
s'affranchir, et ne trouvant aucune objection contre des ordres si
arbitraires. C'est ainsi que dans les siècles précédents les rois ont été
soumis aux prêtres, non par la force des armes, mais par l'influence de
craintes superstitieuses. Mais, sous le règne du second des Ptolémées,
Ergamène, roi des Éthiopiens, élevé à l'école des Grecs et instruit dans
la philosophie, osa le premier braver ces préjugés. Prenant une
résolution digne d'un roi, il pénétra avec ses soldats dans le sanctuaire
du temple d'or des Éthiopiens et massacra tous les prêtres. Après avoir
aboli une coutume absurde, il gouverna le pays selon sa volonté.
VII. Les amis du roi suivent une coutume qui, malgré son étrangeté,
existe, dit-on, encore aujourd'hui. Lorsque le roi a perdu un membre du
corps par un accident quelconque, tous ses familiers se privent
volontairement du même membre ; car ils regardent comme une chose
honteuse que, le roi étant par exemple boiteux, ses courtisans puissent
marcher droit, et que tous, quand il sort, ne puissent pas le suivre en
boitant ; enfin, il leur paraît inconvenant de ne pas partager avec le roi
les incommodités corporelles, puisque la véritable amitié consiste à
mettre en commun tous les biens ainsi que tous les maux, et surtout les
maux physiques. Il est aussi d'usage qu'à la mort du roi tous ses amis
se laissent mourir volontairement : ils croient par là donner des
témoignages glorieux de leur affection sincère. Il n'est donc pas facile
d'attenter, chez les Éthiopiens, aux jours du roi ; car le roi et ses amis
ont tous un égal intérêt à veiller à sa sûreté. Telles sont les lois et les
coutumes des Éthiopiens qui habitent la métropole, l'île de Méroé et la
partie de l'Ethiopies voisine de l'Égypte.
VIII. Il existe encore beaucoup d'autres tribus éthiopiennes, dont les
unes habitent les deux rives du Nil et les îles formées par ce fleuve, les
autres occupent les confins de l'Arabie, et d'autres vivent dans
l'intérieur de la Libye. Presque tous ces Éthiopiens, et surtout ceux qui
sont établis sur les rives du Nil, ont la peau noire, le nez épaté et les
cheveux crépus ; leurs moeurs sont très sauvages et féroces comme
celles des bêtes auxquelles ils ressemblent, non pas tant par leur
caractère, que par leurs habitudes. Leur corps est sale et leurs ongles
très longs comme ceux des animaux ; ils sont étrangers aux sentiments
d'humanité ; quand ils parlent, ils ne font entendre qu'un son de voix
aigu ; enfin ils ne cherchent point à se civiliser comme les autres
nations ; leurs moeurs diffèrent entièrement des nôtres. Ils ont pour
armes des boucliers en cuir de boeuf, des piques courtes, des lances
recourbées ; quelquefois ils se servent d'arcs de bois de quatre coudées
de long, qu'ils bandent avec le pied ; après que toutes les flèches sont
lancées, ils combattent avec des massues de bois. Ils font aussi porter
les armes aux femmes, qui sont obligées de servir pendant un certain
temps ; la plupart d'entre elles portent ordinairement un anneau de
cuivre passé dans une des lèvres de la bouche. Quelques-uns de ces
Éthiopiens vont tout nus ; seulement, pour se garantir des chaleurs, ils
se servent des premiers objets qui tombent sous leur main ; les uns
coupent aux moutons les queues avec lesquelles ils se cachent les
hanches en les laissant pendre par-devant pour cacher les parties
sexuelles, d'autres emploient pour cela les peaux de leurs bestiaux ; il y
en a qui s'enveloppent le milieu du corps de ceintures faites de cheveux
tressés, la nature du pays ne permettant pas aux brebis d'avoir de la
laine. Quant à la nourriture, les uns vivent d'un fruit aquatique qui croît
naturellement autour des étangs et dans les endroits marécageux ; les
autres cueillent les sommités les plus tendres des végétaux qui leur
donnent pendant les fortes chaleurs un ombrage rafraîchissant ;
d'autres sèment du sésame et du lotus ; il y en a qui se nourrissent des
racines les plus tendres des roseaux. Comme beaucoup d'entre eux
sont exercés à manier l'arc, ils tirent un grand nombre d'oiseaux dont la
chasse leur procure d'abondants aliments ; mais la plupart vivent de la
chair, du lait et du fromage de leurs troupeaux.
IX. Les Éthiopiens qui habitent au-dessus de Méroé ont deux
opinions différentes à l'égard des dieux. Ils disent que les uns, comme le
Soleil, la Lune et le Monde, sont d'une nature éternelle et
indestructible ; que les autres, ayant reçu en partage une nature
mortelle, ont acquis les honneurs divins par leurs vertus et leurs
bienfaits. C'est ainsi qu'ils vénèrent Isis, Pan, Hercule et Jupiter, qu'ils
regardent comme ayant été les plus grands bienfaiteurs du genre
humain. Cependant un petit nombre d'Éthiopiens n'admettent
aucunement l'existence des dieux, et maudissant le soleil comme leur
plus grand ennemi, ils se retirent, au lever de cet astre, dans des
marécages. Leurs coutumes concernant les morts sont fort étranges.
Les uns jettent les corps dans le fleuve, pensant que c'est là le mode de
sépulture le plus distingué ; les autres les entourent de verre, et les
gardent dans leurs demeures, dans la conviction que les morts ne
doivent pas être inconnus à leurs parents, et que ces derniers ne
doivent pas oublier la mémoire des membres de leur famille ; d'autres
renferment les morts dans des cercueils de terre cuite et les enterrent
alentour des temples ; le serment prononcé sur ces tombeaux est pour
eux le plus solennel. Ils défèrent la royauté, tantôt aux hommes les plus
beaux, dans la croyance que la royauté et la beauté sont toutes deux
des dons de la fortune, tantôt à ceux qui élèvent avec le plus de soin les
troupeaux, parce qu'ils les supposent les plus aptes à garder leurs
sujets. Ailleurs, ils choisissent pour roi le plus riche, dans la pensée qu'il
sera le plus en état de secourir ses peuples. D'autres, enfin, confient le
pouvoir suprême aux plus courageux, parce qu'ils n'estiment connue
dignes de commander que ceux qui ont acquis le plus de gloire à la
guerre.
X. Il existe aux environs du Nil, dans la Libye, un endroit très beau,
qui produit avec profusion et variété tout ce qui sert à l'entretien de
l'homme ; et on y trouve, dans les marais, un refuge contre les chaleurs
excessives. Aussi les Libyens et les Éthiopiens sont-ils continuellement
en guerre, pour se disputer ce terrain. On y voit une multitude
d'éléphants qui, selon quelques historiens, descendent des hautes
régions, attirés par la richesse des pâturages. En effet, des deux côtés
du fleuve s'étendent d'immenses prairies, riches en herbes de toute
espèce. Quand une fois l'éléphant a goûté des joncs et des roseaux qui
s'y trouvent, retenu par une si douce pâture, il y fixe son séjour et
détruit les récoltes des habitants qui, pour cette raison, mènent une vie
de nomades, vivent sous des tentes, et établissent leur patrie là où ils
se trouvent bien. Chassés par la faim, les éléphants abandonnent par
troupeaux l'intérieur du pays ; car le soleil y brûle la végétation,
dessèche les sources et les rivières, de sorte que les vivres et l'eau sont
très rares. On raconte qu'il y a dans une contrée, appelée sauvage, des
serpents d'une grandeur prodigieuse, qui attaquent les éléphants
autour des confluents des eaux. Ces reptiles s'élancent vigoureusement
sur l'éléphant, enlacent de leurs replis ses jambes, et le serrent avec
force, en l'enveloppant dans leurs spires, jusqu'à ce que l'animal tombe
de tout son poids, épuisé et couvert d'écume. Après cela, les serpents
se rassemblent autour de la victime et l'avalent : ils s'en emparent
aisément, parce que l'éléphant se meut difficilement. Mais, lorsqu'ils ont
par hasard manqué leur proie, ils ne poursuivent pas les traces de
l'éléphant sur les bords du fleuve, et recherchent leur nourriture
ordinaire. On en donne pour raison que ces immenses reptiles évitent
les pays plats et se tiennent au pied des montagnes dans des crevasses
ou des cavernes profondes, et qu'ils quittent rarement ces retraites
convenables et habituelles ; car la nature enseigne à tous les animaux
les moyens de leur conservation. Voilà ce que nous avions à dire des
Éthiopiens et du pays qu'ils habitent.
XI. Avant de reprendre notre sujet, il sera nécessaire de donner un
aperçu des nombreux historiens qui ont traité de l'Egypte et de
l'Ethiopie. Parmi ces historiens, les uns ont ajouté foi à de fausses
traditions ; les autres, ayant forgé des fables à plaisir, ne méritent, avec
raison, aucune foi. Cependant Agatharchide de Cnide, dans le second
livre de son histoire de l'Asie, le géographe Artémidore d'Ephèse, dans
le huitième livre de son ouvrage, et quelques autres écrivains qui ont
habité l'Egypte, et qui ont rapporté la plupart des détails précédents,
ont presque toujours rencontré juste. Enfin, nous-même, pendant notre
voyage en Egypte, nous avons eu des relations avec beaucoup de
prêtres, et nous nous sommes entretenus avec un grand nombre
d'envoyés éthiopiens. Après avoir soigneusement recueilli ce que nous
avons appris de cette manière, et compulsé les récits des historiens,
nous n'avons admis dans notre narration que les faits généralement
avérés. Nous avons ainsi fait suffisamment connaître ce qui concerne
les Ethiopiens qui habitent à l'occident ; nous allons parler maintenant
de ceux qui demeurent au midi et sur les bords de la mer Rouge, après
que nous aurons donné quelques détails sur l'exploitation de l'or qui
existe dans ces contrées.
XII. A l'extrémité de l'Egypte, entre les confins de l'Arabie et de
l'Ethiopie, se trouve un endroit riche en mines d'or, d'où l'on tire ce
métal à force de bras, par un travail pénible et à grands frais. C'est un
minerai noir, marqué de veines blanches et de taches resplendissantes.
Ceux qui dirigent les travaux de ces mines emploient un très grand
nombre d'ouvriers, qui tous sont ou des criminels condamnés, ou des
prisonniers de guerre et même des hommes poursuivis pour de fausses
accusations et incarcérés par animosité ; les rois d'Egypte forcent tous
ces malheureux, et quelquefois même tous leurs parents, à travailler
dans les mines d'or ; ils réalisent ainsi la punition des condamnés, tout
en retirant de grands revenus du fruit de leurs travaux. Ces
malheureux, tous enchaînés, travaillent jour et nuit sans relâche, privés
de tout espoir de fuir, sous la surveillance de soldats étrangers parlant
des langues différentes de l'idiome du pays, afin qu'ils ne puissent être
gagnés ni par des promesses ni par des prières.
La roche qui renferme l'or étant très compacte, on la rend cassante
à l'aide d'un grand feu, et on la travaille ensuite des mains ; lorsque le
minerai, devenu ainsi friable, est susceptible de céder à un effort
modéré, des milliers de ces misérables le brisent avec des outils de fer,
qui servent à tailler les pierres. Celui qui reconnaît la veine d'or se place
à la tête des ouvriers et leur désigne l'endroit à fouiller. Les plus
robustes des malheureux condamnés sont occupés à briser le silex avec
des coins de fer, en employant pour ce travail, non les moyens de l'art,
mais la force de leurs bras ; les galeries qu'ils pratiquent de cette façon
ne sont pas droites, mais vont dans la direction du filon métallique ; et
comme, dans ces sinuosités souterraines, les travailleurs se trouvent
dans l'obscurité, ils portent des flambeaux attachés au front. Changeant
souvent la position de leur corps, suivant les qualités de la roche, ils
font tomber sur le sol les fragments qu'ils détachent. Ils travaillent ainsi
sans relâche sous les yeux d'un surveillant cruel qui les accable de
coups.
XIII. Des enfants encore impubères pénètrent, par les galeries
souterraines, jusque dans les cavités des rochers, ramassent
péniblement les fragments de minerai détachés et les portent au
dehors, à l'entrée de la galerie. D'autres ouvriers, âgés de plus de trente
ans, prennent une certaine mesure de ces fragments et les broient dans
des mortiers de pierre avec des pilons de fer, de manière à les réduire à
la grosseur d'une orobe. Le minerai ainsi pilé est pris par des femmes et
des vieillards qui le mettent dans une rangée de meules, et, se plaçant
deux ou trois à chaque manivelle, ils réduisent par la mouture chaque
mesure de minerai pilé en une poudre aussi fine que la farine. Tout le
monde est saisi de commisération à l'aspect de ces malheureux qui se
livrent à ces travaux pénibles, sans avoir autour du corps la moindre
étoffe qui cache leur nudité. On ne fait grâce ni à l'infirme, ni à
l'estropié, ni au vieillard débile, ni à la femme malade. On les force tous
au travail à coups redoublés, jusqu'à ce qu'épuisés de fatigues ils
expirent à la peine. C'est pourquoi ces infortunés, ployant sous les
maux du présent, sans espérance de l'avenir, attendent avec joie la
mort, qui leur est préférable à la vie.
XIV. Enfin, les mineurs ramassent le minerai ainsi moulu et mettent
la dernière main au travail ; ils l'étendent d'abord sur des planches
larges et un peu inclinées ; puis ils y font arriver un courant d'eau qui
entraîne les matières terreuses, tandis que l'or, plus pesant, reste. Ils
répètent plusieurs fois cette opération, frottent la matière légèrement
entre les mains, et, en l'essuyant mollement avec des éponges fines, ils
achèvent d'enlever les impuretés jusqu'à ce que la poudre d'or
devienne nette et brillante. D'antres ouvriers reçoivent un poids
déterminé de cette poudre et la jettent dans des vases de terre ; ils y
ajoutent du plomb, en proportion du minerai, avec quelques grains de
sel, on peu d'étain et du son d'orge. Après quoi, ils recouvrent les vases
d'un couvercle qu'ils lutent exactement et les exposent à un feu de
fourneau pendant cinq jours et cinq nuits, sans discontinuer. Ils les
retirent ensuite du feu et les laissent refroidir en les découvrant ils n'y
trouvent autre chose que l'or devenu très pur et ayant un peu perdu de
son poids ; toutes les autres matières ont disparu.
Tel est le mode d'exploitation des mines d'or situées sur les confins
de l'Egypte. Ces immenses travaux nous font comprendre que l'or
s'obtient difficilement, que sa conservation exige de grands soins et que
son usage est mêlé de plaisirs et de peines. Au reste, la découverte de
ces mines est très ancienne et nous vient des premiers rois.
Nous allons maintenant parler des peuples qui habitent les bords du
golfe Arabique, la Troglodytique et l'Ethiopie méridionale.
XV. Nous dirons d'abord un mot des Ichthyophages qui peuplent
tout le littoral, depuis la Carmanie et la Gédrosie jusqu'à l'extrémité la
plus reculée du golfe Arabique. Ce golfe s'étend dans l'intérieur des
terres à une très grande distance ; il est resserré à son entrée par deux
continents, dont l'un est l'Arabie Heureuse, et l'autre la Troglodytique.
Quelques-uns de ces Barbares vivent absolument nus ; ils ont en
commun leurs troupeaux ainsi que leurs femmes et leurs enfants,
n'éprouvant d'autres sensations que celles du plaisir et de la douleur ;
ils n'ont aucune idée de l'honnête et du beau : leurs habitations sont
établies dans le voisinage de la mer, dans des rochers remplis de
cavernes, de précipices et de défilés, communiquant entre eux par des
passages tortueux. Ils ont tiré parti de ces dispositions de la côte, en
fermant avec des quartiers de roche toutes les issues de leurs cavernes,
dans lesquelles les poissons sont pris compte dans un filet. Car à la
marée montante, qui arrixe deux fois par jour, ordinairement à la
troisième et à la neuvième heure, la mer recouvre tous les rochers de la
côte, et les flots portent avec eux une immense quantité de poissons de
toute espèce qui s'arrêtent sur le rivage, et s'engagent dans les cavités
des rochers où ils sont attirés par l'appât de la nourriture. Mais au
moment de la marée basse, lorsque l'eau se retire des interstices et des
crevasses des pierres, les poissons y restent emprisonnés. Alors tous les
habitants se rassemblent sur le rivage avec leurs femmes et leurs
enfants comme s'ils étaient appelés par un ordre émané d'un seul chef ;
se divisant ensuite en plusieurs bandes, chacun court vers l'espace qui
lui appartient, en poussant de grands cris, comme les chasseurs
lorsqu'ils aperçoivent leur proie. Les femmes et les enfants prennent les
poissons les plus petits et les plus proches du bord, et les jettent sur le
sable les individus plus robustes se saisissent des poissons plus grands.
La vague rejette non seulement des homards, des murènes et des
chiens de mer, mais encore des phoques et beaucoup d'autres animaux
étranges et inconnus. Ignorant la fabrication des armes, les habitants
les tuent avec des cornes de boucs aiguës, et les coupent en morceaux
avec des pierres tranchantes. C'est ainsi que le besoin est le premier
maître de l'homme ; il lui enseigne à tirer de toutes les circonstances le
meilleur parti.
XVI. Quand ils ont ramassé une assez grande quantité de poissons,
ils les emportent, et les font griller sur des pierres exposées au soleil. La
chaleur est si excessive qu'ils les retournent après un court intervalle, et
les prenant ensuite par la queue, ils en secouent les chairs qui, amollies
par le soleil, se détachent facilement des arêtes. Ces dernières, jetées
en un grand tas, sont réservées à des usages dont nous parlerons plus
loin. Quant aux chairs ainsi détachées, ils les mettent sur une pierre
lisse, les foulent sous les pieds pendant un temps suffisant, en y mêlant
le fruit du paliurus. Ils forment une pâte colorée avec ce fruit, qui paraît
en même temps servir d'assaisonnement ; enfin, ils font de cette pâte
bien pétrie des gâteaux sous forme de briques oblongues, qu'ils font
convenablement sécher au soleil. Ils prennent leurs repas en mangeant
de ces gâteaux, non pas en proportion déterminée par le poids ou la
mesure, mais autant que chacun en veut, n'ayant dans leurs
jouissances d'autres mesures que celles de l'appétit naturel. Leurs
provisions se trouvent toujours toutes prêtes, et Neptune leur tient lieu
de Cérès. Cependant il arrive quelquefois que la mer rouie ses flots sur
les bords qu'elle couvre pendant plusieurs jours, en sorte que personne
ne peut en approcher. Comme ils manquent alors de vivres, ils
commencent par ramasser des coquillages dont quelques-uns pèsent
jusqu'à quatre mines ; ils en cassent la coquille avec de grosses pierres
et mangent la chair crue, d'un goût semblable à celle des huîtres. Ainsi,
lorsque la continuité des vents fait enfler la mer pendant longtemps et
s'oppose à la pêche ordinaire, les habitants ont, comme nous venons de
le dire, recours aux coquillages. Mais, lorsque cette nourriture vient à
manquer, ils ont recours aux arêtes amoncelées ; ils choisissent les plus
succulentes, les divisent dans leurs articulations et les écrasent sous
leurs dents ; quant à celles qui sont trop dures, ils les broient
préalablement avec des pierres et les mangent comme des bêtes
féroces dans leurs tanières. C'est ainsi qu'ils savent se ménager une
provision d'aliments secs.
XVII. Les Ichthyophages tirent de la mer des avantages
extraordinaires et incroyables. Ils se livrent à la pêche quatre jours de
suite, et passent leur temps dans de joyeux festins, en s'égayant par
des chants sans rythme. Puis, pour perpétuer leur race, ils vent se
joindre aux premières femmes que le hasard leur offre ; ils sont libres
de tout souci, pu isque leur nourriture est toujours toute prête. Le
cinquième jour, ils vont tous ensemble boire au pied des montagnes. Ils
trouvent là des sources d'eau douce, où les nomades abreuvent leurs
troupeaux. Leur marche ressemble à celle d'un troupeau de boeufs ; ils
font entendre des cris inarticulés, un bruit de voix confus. Les mères
portent sur leurs bras les enfants encore à la mamelle, et les pères,
ceux qui sont sevrés ; tandis que les enfants ayant plus de cinq ans
accompagnent leurs parents en courant et en jouant, et se fout de ce
voyage une fête de réjouissance. Car la nature qui n'est pas encore
pervertie, place le souverain bien dans la satisfaction des besoins
physiques, et ne songe pas aux plaisirs recherchés. Quand ils sont
arrivés aux abreuvoirs des nomades, ils se remplissent le ventre de
boisson tellement qu'ils ont de la peine à se traîner. Pendant toute cette
journée ils ne mangent rien ; chacun se couche par terre, tout repu,
suffocant de plénitude et tout semblable à un homme ivre. Le
lendemain ils retournent manger du poisson et continuent ce régime
périodique pendant toute leur vie. Les Ichthyophages qui habitent les
étroites vallées du littoral, et qui mènent ce genre de vie sont, grâce à
la simplicité de leur nourriture, rarement atteints de maladies ;
cependant ils vivent moins longtemps que nous.
XVIII. Quant aux Ichthyophages qui demeurent sur le littoral en
dehors du golfe Arabique, leurs habitudes sont beaucoup plus
singulières. Ils n'éprouvent pas le besoin de boire, et n'ont
naturellement aucune passion. Relégués par le sort dans un désert, loin
des pays habités, ils pourvoient à leur subsistance par la pêche et ne
cherchent pas d'aliment liquide. Ils mangent le poisson frais et presque
cru, sans que cette nourriture leur ait donné l'envie ou même l'idée de
se procurer une boisson. Contents du genre de vie que le sort leur a
départi, ils s'estiment heureux d'être au-dessus des tourments du
besoin. Mais ce qu'il y a de plus étrange, c'est qu'ils sont d'une si
grande insensibilité qu'ils surpassent, sous ce rapport, tous les hommes,
et que la chose paraît presque incroyable. Cependant, plusieurs
marchands d'Egypte qui, naviguant à travers la mer Rouge, abordent
encore aujourd'hui le pays des Ichthyophages, s'accordent avec notre
récit concernant ces hommes apathiques. Ptolémée, troisième du nom,
aimant passionnément la chasse des éléphants, qui se trouvent dans ce
pays, dépêcha un de ses amis, nommé Simmias, pour explorer la
contrée. Muni de tout ce qui était nécessaire pour ce voyage, Simmias
explora tout le pays littoral, ainsi que nous l'apprend l'historien
Agatharchide de Cnide. Cet historien raconte, entre autres, que cette
peuplade d'Ethiopiens apathiques ne fait aucunement usage de
boissons, par les raisons que nous avons déjà indiquées. Il ajoute que
ces hommes ne se montrent point disposés à s'entretenir avec les
navigateurs étrangers, dont l'aspect ne produit sur eux aucun
mouvement de surprise ; ils s'en soucient aussi peu que si ces
navigateurs n'existaient pas. Ils ne s'enfuyaient point à la vue d'une
épée nue et supportaient sans s'irriter les insultes et les coups qu'ils
recevaient. La foule n'était point émue de compassion et voyait égorger
sous ses yeux les enfants et les femmes sans manifester aucun signe de
colère ou de pitié ; soumis aux plus cruels traitements, ils restaient
calmes, regardant ce qui se faisait avec des regards impassibles et
inclinant la tête à chaque insulte qu'ils recevaient. Ou dit aussi qu'ils ne
parlent aucune langue et qu'ils demandent par des signes de la main ce
dont ils ont besoin. Mais la chose la plus étrange, c'est que les phoques
vivent avec eux familièrement et font la pêche en commun, comme le
feraient les autres hommes, se confiant réciproquement le soin de leur
retraite et de leur progéniture. Ces deux races si distinctes d'êtres
vivants passent leur vie en paix et dans la plus grande harmonie. Tel est
le genre de vie singulier qui, soit habitude, soit nécessité, se conserve
de temps immémorial chez ces espèces de créatures.
XIX. Les habitations de ces peuplades diffèrent de celles des
Ichthyophages ; elles sont accommodées à la nature de la localité. Les
uns vivent dans des cavernes exposées surtout au nord, dans lesquelles
ils sont rafraîchis par une ombre épaisse et par le souffle des vents. Les
cavernes exposées au midi étant aussi chaudes que des fours, sont tout
à fait inhabitables en raison de cet excès de chaleur. Ceux qui sont
privés de grottes situées au nord, amassent les côtes des cétacés
rejetés par la mer ; quand ils ont recueilli une quantité suffisante de ces
côtes, ils les arc-boutent les unes contre les autres, de manière que la
face convexe regarde au dehors, et ils garnissent les interstices avec
des herbes marines. Ils se soustraient sous cet abri au plus fort de la
chaleur, le besoin les renflant industrieux. Les Ichthyophages ont une
troisième sorte d'asile : il croît dans ces parages beaucoup d'oliviers
dont les racines sont arrosées par la mer et qui portent un feuillage
épais ainsi qu'un fruit semblable à une châtaigne ; en entrelaçant les
branches de ces arbres, ils se procurent un ombrage sous lequel ils
établissent leurs demeures. Ces Ichthyophages profitent ainsi tout à la
fois des avantages de la terre et de la mer ; l'ombre du feuillage les
préserve du soleil et les flots de la mer tempèrent la chaleur du climat
en même temps que le souffle de vents rafraîchissants invite le corps au
repos. Il nous reste à dire que les Ichthyophages ont un quatrième
mode d'habitation : il s'est formé, par la suite des temps, des amas
d'algues marines, hauts comme des montagnes et qui, par l'action
combinée et continuelle de la mer et du soleil, deviennent compactes et
se consolident par le sable qui leur sert de ciment. Ils y creusent des
terriers de la hauteur d'un homme, dont la partie supérieure est
disposée en forme de toit et la partie inférieure percée de cavités
oblongues qui communiquent entre elles. Ils y jouissent de la fraîcheur
et se reposent tranquillement jusqu'au moment de la marée montante ;
ils s'élancent alors de leurs retraites pour se livrer à la pêche. Lorsque
les eaux se retirent, ils se réfugient de nouveau dans leurs terriers pour
se régaler des poissons qu'ils ont pris. Leurs funérailles consistent à
laisser les corps exposés sur le rivage pendant le reflux, et à les jeter
dans la mer pendant la marée haute. Ils servent ainsi eux-mêmes de
pâture aux poissons dont ils se nourrissent ; et cet usage y existe de
tout temps.
XX. Il y a une race d'Ichthyophages dont l'existence dans les lieux
qu'ils habitent est un véritable problème. Ils sont établis dans des
précipices où jamais homme n'a pu pénétrer ; ces précipices sont
fermés par des rochers taillés à pic et bordés d'escarpements qui
rendent tout accès impraticable ; partout ailleurs ils ont pour limites la
mer, qu'il est impossible de passer à gué, et les habitants ne se servent
pas de bateaux, la navigation leur étant inconnue. Comme il est
impossible de se procurer des renseignements sur cette race
d'hommes, il me reste à dire qu'ils sont autochthones, qu'ils n'ont point
d'origine et existent de tout temps ; cette opinion est professée par
quelques physiciens sur toutes les choses qui sont de leur ressort. Mais,
quand il s'agit d'objets que notre intelligence ne peut pas atteindre, il
arrive infailliblement que ceux qui veulent démontrer beaucoup savent
fort peu ; car les paroles peuvent flatter l'oreille sans atteindre la vérité.

XXI. Nous avons maintenant à parler des Ethiopiens nommés


Chélonophages, de leurs moeurs et de leur manière de vivre. Il y a dans
l'Océan une multitude d'îles voisines du continent, petites et basses ; il
n'y croît aucun fruit cultivé ou sauvage. La mer n'y est point orageuse ;
car ses flots se brisent contre les caps de ces îles, refuge paisible des
nombreuses tortues marines qui vivent dans ces parages. Ces animaux
passent les nuits dans la haute mer pour y chercher leur nourriture, et
les jours ils se rendent dans les eaux qui baignent ces îles, pour dormir
au soleil avec leur carapace s'élevant au-dessus de la surface des eaux,
de manière à présenter l'aspect de barques renversées ; car ils sont
d'une grosseur énorme et peu inférieure à celle d'un très petit bateau
pêcheur. Les insulaires s'approchent alors des tortues, doucement, à la
nage ; ils attaquent l'animal, de droite et de gauche à la fois, d'un côté
pour le retenir fixe, et de l'autre pour le soulever afin de le renverser sur
le dos ; ils le maintiennent dans cet état, car autrement il se sauverait,
en nageant, dans les profondeurs de la mer. L'un des pêcheurs,
attachant une longue corde à la queue de l'animal, gagne la terre à la
nage, et tire la tortue après lui, en s'aidant des bras de ses
compagnons. Arrivés chez eux, ils font un repas de la chair cachée sous
les écailles, après l'avoir fait légèrement griller au soleil. Ils se servent
de ces écailles, qui ont la forme d'un bateau, soit pour transporter de
l'eau qu'ils vont chercher sur le continent, soit pour construire des
espèces de cabanes, en plaçant les carapaces debout et inclinées au
sommet. Ainsi, un seul bienfait de la nature en renferme plusieurs
autres ; car la tortue fournit à ces insulaires tout à la fois un aliment, un
vase, une habitation et un navire.
Non loin de ces îles et sur la côte, on trouve des Barbares qui ont un
genre de vivre tout particulier. Ils se nourrissent des cétacés que la mer
jette sur les rivages ; c'est un aliment abondant, vu la grosseur de ces
animaux. Mais, lorsque cet aliment leur manque, ils sont réduits, par la
famine, à se contenter des cartilages des os et des apophyses des
côtes. Voilà ce que nous avions à dire des Ichthyophages et de leurs
moeurs.
XXII. La partie littorale de la Babylonie touche à une contrée fertile
et bien cultivée. La pêche y est si abondante, que les habitants peuvent
à peine consommer tous les poissons qu'ils prennent. Ils placent, le long
des bords de la mer, un grand nombre de roseaux tellement rapprochés
et entrelacés, qu'on les prendrait pour un filet tendu. Dans cette espèce
de palissade sont pratiquées, à de courtes distances, des portes de
treillage qui, munies de gonds, tournent facilement dans les deux sens.
Les flots, envahissant à la marée montante le rivage, ouvrent ces
portes, et les referment pendant le reflux. Ainsi, tous les jours, au
moment de la marée, les poissons, arrivant avec le courant, passent par
ces portes, et sont retenus dans ce filet de roseaux, lorsque les eaux
s'écoulent. Aussi y voit-on quelquefois des monceaux de poissons
palpitants qu'on ramasse sur les bords de l'Océan ; ceux qui se livrent à
cette industrie en retirent des vivres abondants et de grands profits.
Comme le pays est plat et très bas, quelques habitants creusent des
fossés de plusieurs stades de longueur, depuis la mer jusqu'à leurs
demeures. Aux extrémités ils placent des portes d'osier qu'ils ouvrent à
la marée haute et qu'ils ferment à la marée basse. Les eaux de la mer
se retirent et les poissons restent dans ces fossés, où on les conserve et
consomme selon les besoins et la volonté.
XXIII. Après avoir passé en revue toutes les peuplades qui habitent
les côtes de la Babylonie jusqu'au golfe Arabique, nous allons parler des
nations qui viennent après. Les Rhizophages habitent l'Ethiopie au-
dessus de l'Egypte, près du fleuve Asa. Ces Barbares tirent des terres
voisines les racines des roseaux et les lavent soigneusement. Après les
avoir bien nettoyées, ils les broient entre des pierres jusqu'à ce qu'ils
les aient réduites en une masse ténue et mucilagineuse. Ils font de
cette masse des tourteaux grands comme la main, et qu'ils font cuire au
soleil. Telle est la nourriture avec laquelle ils passent toute leur vie et
qui ne leur manque jamais. Ils vivent constamment en paix les uns avec
les autres, mais ils ont à combattre de nombreux lions, car ces animaux
quittent les déserts brûlants et envahissent le pays des Rhizophages,
soit pour y chercher de l'ombre, soit pour y chasser aux animaux de
moindre taille. Il arrive souvent que les Ethiopiens, au moment de sortir
de leurs marais, sont saisis par ces lions et se trouvent dans
l'impossibilité de leur résister, ne connaissant point l'usage des armes.
Cette nation périrait même entièrement, si la nature ne leur avait donné
un moyen de défense tout prêt. Au commencement de la canicule on
voit ce pays, qui à toute autre époque est exempt de mouches, infesté
par une quantité énorme de cousins d'une grosseur insolite. Les
hommes s'en garantissent en se retirant dans les marécages ; mais les
lions fuient ces lieux, étant tout à la fois maltraités par la morsure de
ces insectes, et épouvantés par leur bourdonnement.
XXIV. On trouve ensuite les Hylophages et les Spermatophages. Ces
derniers vivent sans peine en été des fruits qui tombent des arbres et
qu'ils ramassent en grande quantité ; mais le reste du temps ils se
nourrissent d'une certaine plante, très agréable au goût, dont les
nombreux rameaux procurent beaucoup d'ombrage. Cette plante à tige
solide et semblable au bunias remplace au besoin les autres aliments.
Les Hylophages vont, avec leurs femmes et leurs enfants, chercher leur
nourriture dans les champs. Ils montent sur les arbres pour y manger
les tendrons des rameaux. Ce genre de vie les a rendus si aptes à
grimper, que la chose paraît incroyable ; ils sautent d'un arbre à l'autre
comme des oiseaux, et montent sans danger sur les branches les plus
faibles. Remarquables par leur maigreur et leur souplesse, ils sont assez
adroits pour se cramponner avec leurs mains, quand le pied leur glisse ;
même lorsqu'ils tomberaient à terre, ils ne se feraient aucun mal en
raison de leur légèreté. Ils mâchent avec leurs dents les rameaux
séveux, que leur estomac digère aisément ; ils vivent tout nus, et
comme ils se servent de leurs femmes en commun, ils élèvent aussi
leurs enfants en commun. Ils sont souvent en guerre entre eux pour
l'établissement de leur demeure. Ils s'arment de bâtons qui leur servent
en même temps à repousser les assaillants et à assommer les vaincus.
La plupart d'entre eux meurent de faim, lorsqu'ils perdent la vue, et
qu'ils sont ainsi privés du sens qui leur est le plus nécessaire.
XXV. Après cela viennent les Ethiopiens, appelés Cynèges. Ils sont
en petit nombre, et leur genre de vie convient à leur nom. Tout leur
pays est rempli de bêtes sauvages ; il est fort aride et très peu arrosé.
Ils sont contraints de passer la nuit sur les arbres pour se garantir des
bêtes féroces. Le matin ils se rendent armés dans les endroits où ils
savent qu'il y a de l'eau, et là ils se cachent dans les bois et se mettent
en sentinelle sur les arbres. Au moment des chaleurs, un grand nombre
de boeufs sauvages, de panthères et d'autres animaux féroces viennent
s'y rendre pour se désaltérer. Exténués par une chaleur et une soif
excessives, ces animaux boivent avidement et s'emplissent le ventre.
Quand ces animaux sont ainsi alourdis et presque incapables de se
mouvoir, les Ethiopiens sautent à bas des arbres, et ils les tuent
aisément avec des bâtons durcis au feu, avec des pierres ou avec des
flèches. Ils chassent par bande et mangent leur gibier tout frais. Il arrive
rarement qu'ils soient dévorés par ces animaux, quelque robustes qu'ils
soient : ils suppléent le plus souvent à la force par la ruse. Quand la
chasse leur manque, ils mouillent les peaux des animaux qu'ils ont pris,
et ils les exposent à un feu léger, après avoir enlevé les poils avec la
cendre ; ils partagent ces peaux entre eux et apaisent ainsi la faim. Ils
exercent leurs enfants à tirer juste, et ils ne donnent à manger qu'à
ceux qui ont frappé au but. Aussi deviennent-ils tous d'une habileté
admirable dans un métier que la faim les a forcés d'apprendre.
XXVI. Les Ethiopiens Eléphantomaques demeurent fort loin de ces
derniers du côté du couchant. Ils habitent des endroits remplis de
chênes et d'autres arbres ; ils montent sur les plus hauts pour découvrir
les entrées et les sorties des éléphants. Ils n'attaquent point ces
animaux en troupe, parce qu'alors ils n'espèrent pas s'en rendre maîtres
; mais quand les éléphants marchent isolément, les Ethiopiens se
jettent sur eux avec une audace extraordinaire. Lorsque l'éléphant
passe à la droite de l'arbre où est caché celui qui le guette, l'Ethiopien
saisit la queue de cet animal, et appuie ses pieds sur la cuisse gauche.
Ensuite, enlevant de son épaule, avec la main droite, une hache fort
tranchante et assez légère pour s'en pouvoir servir utilement d'une
seule main, le chasseur frappe à coups redoublés le jarret droit de
l'éléphant, et en coupe les tendons, pendant qu'il tient son propre corps
en équilibre avec la main gauche. Ils apportent à cet exercice une
adresse extrême, puisque leur vie est en jeu. Car il faut ou que l'animal
succombe ou que le chasseur expire, ce combat n'ayant pas d'autre
issue. Quelquefois, quand l'éléphant a ainsi les tendons coupés et ne
peut plus se mouvoir, il tombe à l'endroit même où il a été blessé et tue
l'Ethiopien sous lui. D'autres fois, il l'applique contre une pierre ou
contre un arbre jusqu'à ce qu'il l'ait écrasé sous son poids. Quelques
éléphants, vaincus par la douleur, sont loin de songer à se venger de
celui qui les attaque, et s'enfuient à travers les plaines, jusqu'à ce que
celui qui s'est attaché à lui, le frappant continuellement au même
endroit avec sa hache, lui ait coupé les tendons et l'ait étendu par terre.
Quand l'animal est tombé, tous les Ethiopiens se jettent dessus par
bandes, ils le dissèquent vivant encore, et enlèvent la chair des cuisses
dont ils font un joyeux repas.
XXVII. Quelques Ethiopiens du voisinage vont à la chasse des
éléphants sans courir aucun danger pour leur vie, et ils l'emportent sur
la force par l'adresse. Après que l'éléphant a mangé, il a l'habitude de
dormir ; mais il ne dort pas dans la même position que les autres
quadrupèdes : ne pouvant plier le genou pour se coucher à terre, il se
repose en s'appuyant contre un arbre. Or, comme l'éléphant s'appuie
souvent contre un même arbre, il en froisse les branches et les salit.
D'ailleurs les traces de leurs pas et beaucoup d'autres indices
conduisent les chasseurs aisément au gîte de l'éléphant. Quand ils ont
découvert cet arbre, ils le scient au niveau du sol jusqu'à ce qu'il ne
faille qu'un coup pour le faire tomber. Après avoir fait disparaître toutes
les traces de leurs pas et de leur ouvrage, ils se retirent promptement
avant que l'éléphant revienne. Le soir, quand l'éléphant s'est rempli
d'aliments, il va chercher son gîte accoutumé. Mais à peine s'y est-il
appuyé, que l'arbre l'entraîne dans sa chute. Tombant sur le dos, il
demeure dans cet état toute la nuit, car l'énorme masse de son corps
ne lui permet pas de se relever. Les Ethiopiens qui ont coupé l'arbre
reviennent au point du jour et tuent l'éléphant. Ils dressent leurs tentes
en cet endroit et ils y demeurent jusqu'à l'entière consommation de leur
proie.
XXVIII. A l'ouest de ces peuplades habitent les Ethiopiens qu'on
appelle Simes, et du côté du midi se trouve la race des Struthophages.
On voit chez ces derniers une espèce d'oiseau participant de la nature
de l'animal terrestre, dont le nom entre dans la composition du sien. Cet
oiseau ne le cède pas en grosseur à un cerf de la plus grande taille ; il a
le cou fort long ; ses flancs sont arrondis et pourvus d'ailes, sa tête est
mince et petite, ses cuisses et ses jambes sont très fortes et son pied
est bifide. Il ne peut pas voler bien haut, à cause de son poids ; mais sa
course est extrêmement rapide et à peine touche-t-il la terre du bout de
ses pieds. Et, surtout quand le vent enfle ses ailes, il marche aussi vite
qu'un navire voguant à pleines voiles. Il se défend contre les chasseurs,
en se servant de ses pieds comme d'une fronde pour leur lancer des
pierres de la grosseur d'un poing. Mais lorsqu'il est poursuivi pendant un
temps calme, ses ailes sont bientôt lasses, et, privé de tout autre
secours naturel, il est aisément pris. Comme dans le pays il y a un
nombre infini de ces oiseaux, les Barbares inventent dans leur chasse
les stratagèmes les plus divers. Ils prennent facilement un grand
nombre de ces oiseaux, ils en mangent la chair et réservent les peaux
pour en faire des habits et des lits. Etant souvent en guerre avec les
Ethiopiens Simes, les Struthophages se servent de cornes d'oryx en
guise d'armes pour repousser l'ennemi ; elles sont grandes, tranchantes
et très propres aux combats. On en trouve en très grand nombre, car
les animaux qui les fournissent sont très communs dans ce pays.
XXIX. Un peu plus loin, les Acridophayes habitent les limites du
désert. Ils sont plus petits que les autres hommes, ils sont maigres et
complétement noirs. Pendant le printemps, les vents d'ouest leur
amènent du désert une quantité innombrable de sauterelles,
remarquables par leur grosseur ainsi que par la couleur sale et
désagréable de leurs ailes. Ces insectes sont si abondants, que les
Barbares ne se servent pas d'autre nourriture pendant toute leur vie.
Voici comment ils en font la chasse. Parallèlement à leur contrée
s'étend, dans une longueur de plusieurs stades, une vallée très
profonde et très large. Ils la remplissent d'herbes sauvages qui croissent
abondamment dans le pays. Au moment où le souffle des vents
indiqués amène les nuées de sauterelles, les Acridophages se
répandent dans la vallée et mettent le feu aux combustibles amassés.
La fumée est si épaisse que les sauterelles qui traversent la vallée en
sont asphyxiées et vont tomber à peu de distance. La chasse de ces
insectes dure plusieurs jours, et ils en entassent d'énormes monceaux.
Et comme leur pays est riche en sel, ils en saupoudrent ces monceaux
de sauterelles, tant pour les rendre plus savoureuses que pour les
conserver plus longtemps et jusqu'au retour de la saison qui en ramène
d'autres. Ils ont ainsi leur nourriture toujours toute prête ; et ils n'ont
point d'autre ressource, car ils n'élèvent point de troupeaux et ils
habitent loin de la mer. Ils sont légers de corps et très rapides à la
course ; leur vie n'est pas de longue durée : les plus âgés ne dépassent
pas quarante ans. La fin de leur vie est aussi singulière que misérable. A
l'approche de la vieillesse, il s'engendre dans leurs corps des poux ailés
de différentes formes et d'un aspect repoussant. Cette maladie,
commençant d'abord par le ventre et par la poitrine, gagne en peu de
temps tout le corps. D'abord le malade, irrité par une violente
démangeaison, éprouve à se gratter un certain plaisir mêlé de douleur.
Ensuite, comme cette vermine se multiplie sans cesse et gagne la
surface de la peau, il s'y répand une liqueur subtile d'une âcreté
insupportable. Le malade se déchire la peau avec ses ongles et pousse
de profondes lamentations. Des ulcères des mains il tombe une si
grande quantité de vers, qu'il serait inutile de les recueillir ; car ils se
succèdent les uns aux autres, comme s'ils sortaient d'un vase partout
percé de trous. Ainsi, les Acridophages finissent misérablement la vie
par la décomposition de leur corps ; et on ne saurait dire si c'est à la
nourriture dont ils usent, ou à l'intempérie de l'air qu'ils respirent qu'on
doit attribuer cette étrange maladie.
XXX. Cette nation est limitrophe d'un pays d'une vaste étendue et
fertile en pâturages. Mais ce pays est désert et inaccessible, non parce
qu'il a été, dès l'origine, peu habité, mais parce que plus tard, à la suite
d'une pluie intempestive, il s'y est engendré une grande quantité
d'araignées et de scorpions. On raconte que ces animaux s'y
multiplièrent à un tel point, que les habitants entreprirent d'abord de
tuer des ennemis naturellement si dangereux ; mais comme le mal était
irrémédiable et que les morsures de ces animaux causaient subitement
la mort, les indigènes, désespérant de leur patrie et de leur manière de
vivre, s'enfuirent de ces lieux. On ne doit point s'étonner à ce récit ni le
croire inadmissible ; car l'histoire véridique nous apprend qu'il se passe
dans le monde des choses bien plus surprenantes. Ainsi, en Italie, des
rats de champs sortirent de terre en si grand nombre, qu'ils firent
déserter à plusieurs habitants leur localité. En Médie, des moineaux
innombrables s'abattirent dans les champs, mangèrent les sentences et
contraignirent les habitants à s'établir en d'autres lieux. Des grenouilles,
primitivement engendrées dans les nues et tombant comme des
gouttes de pluie, forcèrent les Autariates de quitter leur patrie et de
s'enfuir dans la localité qu'ils habitent actuellement. L'histoire ne met-
elle pas au nombre des travaux qui ont acquis l'immortalité à Hercule
celui d'avoir chassé les oiseaux qui infestèrent le lac Stymphale ?
Quelques villes de la Libye ont été bouleversées par des troupes de
lions sortant du désert. Ces exemples doivent suffire pour faire croire ce
que nous avons rapporté plus haut. Mais reprenons le fil de notre
histoire.

XXXI. Les limites extrêmes de ces régions méridionales sont


habitées par des hommes que les Grecs appellent Cynamolgues et qui
sont nommés Sauvages dans la langue des Barbares, leurs voisins. Ils
portent des barbes fort longues et nourrissent des troupeaux de chiens
sauvages pour leur entretien. Depuis le commencement du solstice
d'été jusqu'au milieu de l'hiver, leur pays est envahi par une quantité
innombrable de boeufs indiens, sans qu'on puisse en deviner la cause.
Ou ne sait si ces boeufs fuient les attaques d'autres animaux nombreux
et féroces, ou s'ils abandonnent leur pays, manquant de pâturages ;
ainsi, la cause de cette invasion est encore un secret de la nature qu'il
est impossible à l'intelligence humaine de pénétrer. Ne pouvant se
rendre maîtres de ces animaux aussi nombreux, les Cynamolgues
lâchent sur eux des meutes de chiens, et en prennent une quantité
considérable à la chasse. Ils mangent une partie de ce gibier sur-le-
champ, et mettent l'autre dans des sels pour le conserver. Ils prennent
encore beaucoup d'autres animaux à la chasse avec le secours de leurs
chiens, et ils ne vivent que de chair. Voilà la vie sauvage que mènent
les dernières races du midi, sous la forme d'êtres humains. Il nous reste
encore à parler de deux autres nations, les Ethiopiens et les Troglodytes
; nous avons déjà parlé plus haut des Ethiopiens nous allons maintenant
nous occuper des Troglodytes.
XXXII. Les Troglodytes sont appelés Nomades par les Grecs, parce
qu'ils mènent avec leurs troupeaux une vie de pasteurs. Ils sont divisés
en tribus qui ont chacune leur chef. Leurs femmes et leurs enfants sont
en commun, à l'exception de la femme unique du chef. Celui qui a
approché d'elle est condamné par le maître à payer comme amende un
certain nombre de moutons. A l'époque des vents étésiens, qui leur
amènent de grandes pluies, ils se nourrissent de sang et de lait qu'ils
mêlent ensemble et qu'ils font bouillir quelques instants. Ensuite,
lorsque la trop grande chaleur a desséché leurs pâturages, ils se
réfugient dans les lieux marécageux et se disputent la possession du
terrain. Ils ne consomment de leurs bestiaux que les plus vieux et ceux
qui commencent à devenir malades. Ils refusent aux hommes le titre de
parents, mais ils le donnent au taureau, à la vache, au bélier et à la
brebis. Ils appellent les mâles pères, et les femelles mères ; parce que
ce sont ces animaux, et non leurs parents, qui leur fournissent de quoi
vivre chaque jour. La boisson ordinaire des particuliers est une liqueur
retirée du paliurus, mais on prépare pour les chefs une boisson avec le
suc d'une certaine fleur et qui ressemble à notre moût de très mauvaise
qualité. Livrés au soin de leurs troupeaux, ils vont d'un lieu à un autre,
évitant le séjour fixe dans un même endroit. Ils sont nus à l'exception
des hanches, qu'ils couvrent de peaux. Tous les Troglodytes se font
circoncire à la manière des Egyptiens, excepté ceux qui se trouvent
accidentellement mutilés, et qui se nomment pour cela Kolobes. Ceux-là
demeurent dans des vallées étroites de l'intérieur du pays. Dès leur
enfance, ou leur coupe la totalité de la partie qui chez d'autres n'est que
circoncise.
XXXIII. Les Troglodytes nominés Mugabares ont pour armes des
boucliers ronds de cuir de boeuf cru, et des massues garnies de pointes
de fer. Les autres portent des arcs et des lances. Ils ont une manière
particulière d'enterrer les morts. Ils garrottent le cadavre avec des
branches de paliurus, de manière à attacher le cou aux cuisses ; et
l'exposant sur une colline, ils lui lancent en riant de grosses pierres
jusqu'à ce que tout le corps en soit entièrement couvert. Enfin, ils le
font surmonter d'une corne de chèvre, et se retirent sans avoir donné
aucune marque d'affliction. Ils sont souvent en guerre entre eux, non
pas comme les Grecs, par ressentiment ou par toute autre cause, mais
pour avoir des pâturages toujours frais. Dans leurs combats ils se jettent
d'abord des pierres jusqu'à ce que quelques-uns d'entre eux soient
blessés, après quoi, ils s'attaquent avec des flèches. C'est alors qu'un
grand nombre sont tués en peu de temps ; car ils sont tous fort adroits
à cet exercice, et leur corps nu n'est protégé par aucune arme
défensive. Ces combats sont terminés par de vieilles femmes qui se
jettent au milieu de la mêlée, et qui sont fort respectées. Il n'est permis
à personne de les frapper de quelque manière que ce soit. Aussi, dès
qu'elles paraissent, on cesse de tirer. Ceux que la vieillesse rend
incapables de faire paître leurs troupeaux, s'étranglent avec une queue
de vache, et terminent ainsi courageusement leur vie. Si quelqu'un
diffère à se donner la mort, chacun peut lui passer une corde autour du
cou, comme pour lui rendre service, et l'étrangler après un
avertissement préalable. Leurs lois exigent aussi qu'on fasse mourir les
estropiés ou ceux qui sont atteints de maladies incurables ; car ils
pensent que le plus grand mal est d'aimer à vivre lorsqu'on ne peut rien
faire qui soit digne de la vie. C'est pourquoi on ne voit parmi tous les
Troglodytes que des hommes bien faits et robustes de corps, puisque
aucun d'entre eux ne dépasse soixante ans. Mais c'est assez parler des
Troglodytes. Si quelque lecteur n'ajoutait pas foi au récit de ces moeurs
étranges, qu'il compare le climat de la Scythie avec celui du pays des
Troglodytes ; cette comparaison lui fera ajouter foi à nos paroles.
XXXIV. Il y a une différence telle entre la température de notre
climat et celui des contrées dont il est question, qu'elle paraît
incroyable dans ses détails. Il est des pays où le froid est si excessif que
les plus grands fleuves sont entièrement couverts d'une glace assez
épaisse pour porter une armée entière avec ses chariots. Le vin et les
autres liqueurs se congèlent au point qu'on les coupe avec des
couteaux. Mais ce qui est encore plus surprenant, chez les hommes, les
extrémités des membres se décomposent par le frottement de leurs
habillements ; les yeux sont atteints d'amaurose ; le feu même perd sa
force, et les statues d'airain se fendent. Dans certaines époques, les
nuages deviennent si épais et si serrés qu'ils ne produisent ni éclair ni
tonnerre. Il y arrive beaucoup d'autres phénomènes, incroyables à ceux
qui ne connaissent pas ces climats et insupportables à ceux qui les ont
éprouvés. Aux confins de l'Egypte et du pays des Troglodytes, la chaleur
est si excessive, qu'à l'heure de midi les habitants ne peuvent point se
distinguer entre eux, à cause de l'épaisseur de l'air. Personne ne peut
marcher dans ce pays sans chaussure ; car ceux qui y vont pieds nus
sont aussitôt atteints de pustules. Quant à la boisson, si l'on n'en usait
pas à satiété, on mourrait subitement, la chaleur consumant
rapidement les humeurs du corps. Si l'on met quelque aliment dans un
vase d'airain avec de l'eau, et qu'on l'expose au soleil, il est bientôt cuit,
sans feu ni bois. Cependant, les habitants de ces contrées d'un climat si
opposé au nôtre, non seulement ne songent pas à s'expatrier, mais ils
souffriraient plutôt la mort que de se laisser imposer un autre genre de
vie. Ainsi le pays natal a un charme particulier, et l'on supporte
aisément les rigueurs d'un climat auquel on est accoutumé dès
l'enfance. Malgré ces différences, ces contrées ne sont pas fort
éloignées les unes des autres. Car du Palus-Méotide, où quelques
Scythes habitent au milieu des glaces, il est souvent venu en dix jours à
Rhodes des navires de transport, par un vent favorable. Se rendant de
là à Alexandrie, dans l'espace de quatre jours, ils ont abordé en Ethiopie
souvent au bout de dix jours, en remontant le Nil. Ainsi, en moins de
vingt-cinq jours de navigation continue, on peut passer des régions les
plus froides de la terre aux régions les plus chaudes. Or comme, à si
peu de distance, il y a une si grande différence de climat, il n'est pas
étonnant que les moeurs, les manières de vivre, l'extérieur de ces
hommes diffèrent tant de ce que nous voyons chez nous.
XXXV. Après avoir rapporté sommairement ce qui nous a paru le
plus remarquable chez ces nations et parlé de leurs moeurs, nous allons
donner quelques détails sur les animaux qu'on trouve dans ces
contrées. Il existe un animal qu'on appelle rhinocéros, nom tiré de sa
forme. Il est presque aussi courageux et aussi robuste que l'éléphant,
mais il est d'une taille plus petite. Il a la peau fort dure et couleur de
buis. Il porte à l'extrémité des narines une corne un peu aplatie, et
presque aussi dure que du fer. Toujours en guerre avec l'éléphant,
auquel il dispute les pâturages, il aiguise cette corne sur de grandes
pierres. Dans le combat, il se jette sous le ventre de l'éléphant et lui
déchire les chairs avec sa corne comme avec une épée. Il fait perdre
ainsi à ces animaux tout leur sang et en tue un grand nombre. Mais
lorsque l'éléphant prévient cette attaque du rhinocéros, et qu'il l'a saisi
avec sa trompe, il s'en défait aisément en le frappant avec ses défenses
et l'accablant de sa force. Dans l'Ethiopie et dans le pays des
Troglodytes, on trouve des sphinx qui sont d'une figure semblable à
celle que leur donnent les peintres ; seulement ils sont plus velus. Ils
sont doux et très dociles de leur nature, et ils apprennent aisément tout
ce qu'on leur montre. Les cynocéphales sont semblables par le corps à
des hommes difformes, et leur cri est un gémissement de voix humaine.
Ces animaux sont fort sauvages, et on ne peut nullement les apprivoiser
; leurs sourcils leur donnent un air très austère. Leurs femelles ont cela
de particulier qu'elles portent pendant toute leur vie leur matrice hors
du corps. Le cepus, qu'on a ainsi nommé à cause de la beauté et des
belles proportions de son corps, a la face du lion ; mais, par le reste du
corps, il ressemble à la panthère, excepté qu'il est de la taille d'une
gazelle. Le taureau carnassier est le plus sauvage des animaux dont
nous venons de parler ; et il est entièrement indomptable. Il est bien
plus fort que le taureau domestique ; il ne cède point en vitesse au
cheval, et il a la gueule fendue jusqu'aux yeux. Son poil est tout roux,
ses yeux sont plus glauques que ceux du lion, et ils brillent pendant la
nuit. Ses cornes sont d'une nature particulière : il les remue d'ordinaire
comme les oreilles ; mais quand il se bat il les tient droites et
immobiles. Son poil est couché au rebours de celui des autres animaux.
Au reste, ce taureau est si fort qu'il attaque les animaux les plus
robustes, et qu'il vit de la chair de ceux qu'il a vaincus. Il dévore aussi
les bestiaux des habitants, et il se bat avec acharnement contre des
troupes entières de bergers et de chiens. Sa peau passe pour
invulnérable ; bien des fois on a essayé de le dompter, niais on n'en est
jamais venu à bout. Si cet animal est pris dans une fosse, ou qu'il tombe
dans tout autre piège, il meurt suffoqué de rage, et ne change point sa
liberté contre la domesticité. C'est donc avec raison que les Troglodytes
l'estiment le plus fort de tous les animaux, puisque la nature l'a doué du
courage du lion, de la vitesse du cheval, et de la force du taureau, et
que de plus il ne peut être entamé par le fer, la plus dure de toutes les
matières. Il y a un animal que les Ethiopiens appellent crocottas, qui
tient de la nature du loup et de celle du chien ; mais il est plus à
craindre que tous les deux par sa férocité. Rien ne résiste à la force de
ses dents, car il broie aisément les os les plus gros, et il les digère
merveilleusement. Mais nous n'ajoutons point foi aux récits fabuleux de
quelques historiens, qui prétendent que cet animal imite le langage de
l'homme.
XXXVI. Ceux qui habitent près du désert disent qu'on y voit des
serpents de toute espèce et d'une dimension incroyable. Quelques-uns
assurent en avoir vu de cent coudées de long ; mais ces choses sont
taxées de mensongères, non seulement par moi, mais par tout le
monde. Cependant, ils vont encore plus loin, et ils soutiennent que dans
cette contrée, qui est plate, on trouve des amas de serpents qui, repliés
sur eux-mêmes, ressemblent de loin à des collines ; mais qui voudrait y
croire ? Nous dirons cependant un mot des plus grandes espèces de
serpents que nous ayons vues, et qu'on apporta à Alexandrie dans des
cages bien préparées. Nous décrirons même à cette occasion la
manière dont on en fait la chasse. Ptolémée second, qui aimait
beaucoup la chasse des éléphants, récompensait par de grands
présents ceux qui allaient à la chasse des animaux les plus forts. Ainsi,
ayant dépensé beaucoup d'argent à ce caprice, il rassembla un grand
nombre d'éléphants propres à la guerre, et il fit connaître aux Grecs des
animaux extraordinaires et qu'on n'avait pas encore vus. Quelques
chasseurs, excités par la libéralité du roi qui distribuait de si belles
récompenses, résolurent d'aller en troupe à la chasse des plus grands
serpents, et de risquer leur vie pour en amener un tout vivant devant
Ptolémée, à Alexandrie. L'entreprise était grande et hasardeuse ; mais
la fortune vint à leur secours, et leur procura un heureux succès. Ils
guettèrent un de ces serpents qui avait trente coudées de long. Ce
serpent se tenait ordinairement couché auprès des mares d'eau ; il
restait immobile, roulé en spirale, jusqu'à ce qu'il vît quelque animal
s'approcher pour boire. Alors, se dressant tout d'un coup, il le saisissait
avec sa gueule, ou il l'entrelaçait dans ses replis de manière à
l'empêcher de se dégager. Comme cet immense reptile est paresseux
de sa nature, les chasseurs espérèrent s'en rendre maîtres avec des
cordes et des chaînes. Ainsi, s'étant munis de ce qu'ils crurent leur être
nécessaire, ils s'en approchèrent courageusement. Mais à mesure qu'ils
s'approchaient de cet immense reptile, ils furent bientôt saisis d'effroi
en voyant ses yeux flamboyants, sa langue qu'il dardait de tous côtés,
ses dents énormes, sa gueule effroyable, ses replis immenses ; et
surtout lorsqu'ils entendirent le bruit qu'il faisait avec ses écailles, en
s'avançant à travers les broussailles. Quoique pâles de frayeur, ils
jetèrent leurs lacs sur la queue du reptile, mais il ne les eut pas plutôt
sentis qu'il se retourna avec des sifflements horribles ; et, s'élevant par-
dessus la tête de celui qui se trouvait le plus près, il le dévora tout
vivant. Il en prit ensuite un second dans ses replis, et l'entrelaçant sous
son ventre, il l'étouffa. Les autres, saisis d'épouvante, ne cherchèrent
leur salut que dans la fuite.
XXXVII. Cependant, pour mériter les bienfaits et les bonnes grâces
du roi, ils revinrent à leur entreprise, et en affrontèrent de nouveau le
péril. Pour s'emparer de ce serpent, qu'ils ne pouvaient avoir par la
force, ils employèrent la ruse. Voici l'expédient dont ils s'avisèrent : ils
firent, avec des joncs entrelacés, une espèce de filet de la forme d'une
barque, et qui, par sa longueur et son étendue, pouvait aisément
contenir tout le corps du reptile. Ils épièrent ensuite la caverne où il se
retirait, l'heure à laquelle il en sortait pour se repaître, et l'heure où il y
rentrait. Dès que ce monstre fut, comme d'ordinaire, sorti à la chasse
des autres animaux, ils commencèrent d'abord par boucher l'entrée de
cette caverne avec de grosses pierres et de la terre. Ils creusèrent
ensuite tout auprès une allée souterraine, où ils tendirent leur filet, qui
présentait son ouverture du côté où le serpent devait entrer. Tout le
long du passage on avait placé des archers, des frondeurs, beaucoup de
cavaliers, même des trompettes, et tout un appareil de guerre. En
s'approchant, le serpent levait sa tête beaucoup au-dessus d'eux. Les
chasseurs se rassemblèrent, mais ils n'osaient s'approcher, se rappelant
les malheurs passés ; ils lancèrent de loin une grêle de flèches contre ce
monstre, qui leur servait de but. Cependant la vue des cavaliers, la
meute des chiens, et le son des trompettes épouvantèrent l'animal,
pendant qu'il allait regagner sa retraite. Les chasseurs ralentirent un
peu leur poursuite, de peur de l'irriter davantage. Il était déjà près de
l'entrée de sa caverne murée lorsque le bruit des armes, la vue de cette
foule, et le son des trompettes augmentèrent sa frayeur. Ne trouvant
pas l'entrée de sa caverne, et pour éviter l'attaque des chasseurs, le
reptile se jeta dans l'allée ouverte devant lui. Les replis du serpent
remplirent tout le filet. Aussitôt les chasseurs vinrent à bride abattue, et
fermèrent avec des chaînes 1'onverture de cette espèce de cage,
disposée pour cette entreprise périlleuse ; après quoi, ils la soulevèrent
avec des leviers. Cependant le serpent, se sentant à l'étroit, poussait
des sifflements affreux, et tâchait de briser le filet de joncs avec les
dents. Il s'agitait avec tant de force que ceux qui le portaient, de peur
qu'il ne leur échappât, s'arrêtèrent et se mirent à le piquer aux environs
de la queue, afin que la douleur, lui faisant tourner la tête, l'empêchât
de rompre ses liens. Enfin, l'ayant apporté à Alexandrie, ils en firent
présent au roi, qui le regarda comme un des plus monstrueux animaux
dont on eût jamais entendu parler. Par la privation de la nourriture on
affaiblit la force de ce reptile, et on l'apprivoisa en peu de temps, de
telle façon que tout le monde s'en étonna. Ptolémée combla les
chasseurs de présents mérités. Il nourrissait ensuite dans son palais ce
serpent, qu'il montrait aux étrangers connue un objet de curiosité.
Beaucoup de gens l'ont vu ; il ne serait donc pas juste de prendre pour
une fable ce que les Ethiopiens disent de quelques-uns de leurs
serpents ; ces serpents sont, assurent-ils, si grands qu'ils avalent non
seulement des boeufs entiers, des taureaux et d'autres animaux de
même taille, mais qu'ils attaquent même les éléphants. S'entortillant
autour de leurs cuisses, ils les empêchent de se remuer ; puis, s'élevant
jusqu'au-dessus de la trompe, ils placent leur tête devant les yeux de
l'éléphant ; celui-ci, aveuglé par le feu du regard de son ennemi, tombe
à terre ; et, le serpent s'en étant ainsi rendu maître, le dévore.
XXXVIII. Nous avons suffisamment parlé de l'Ethiopie, de la
Troglodytique et de toutes les nations voisines jusqu'aux pays
inhabitables en raison de la chaleur qui y règne. Nous avons aussi parlé
des nations situées le long des côtes de la mer Rouge et de la mer
Atlantique méridionale. Nous allons traiter à présent des parties dont il
nous reste à nous occuper, savoir, le golfe Arabique, dont nous
emprunterons la description en partie aux Annales royales d'Alexandrie
et en partie aux renseignements donnés par des témoins oculaires. Car
on n'a qu'une faible connaissance de cette partie du monde, ainsi que
des îles Britanniques et du nord. Mais nous décrirons les pays
septentrionaux, voisins des régions inhabitables par le froid, lorsque
nous en serons au temps de César qui, après avoir soumis à la
puissance des Romains des contrées si éloignées, a procuré aux
historiens des documents qui leur manquaient.
Le golfe Arabique communique avec l'Océan méridional. Il a
beaucoup de stades de longueur, et est terminé par un coude compris
entre les limites du pays des Troglodytes et de l'Arabie. Sa largeur, à
son embouchure et à son coude, est de seize stades. Mais, depuis le
port de Panorme jusqu'à l'autre rivage, il a une longue journée de
navigation. Sa plus grande largeur est entre le mont Tyrcée et la côte
inhospitalière de Macarie : ces deux points du continent sont assez
distants pour qu'on ne puisse pas de l'un apercevoir l'autre. Depuis là
jusqu'à son embouchure, le golfe va en se rétrécissant. Dans ce golfe se
trouvent plusieurs grandes îles, entre lesquelles le passage est fort
étroit, et le courant rapide. Telle est en résumé la position de ce golfe.
En commençant par l'extrémité du coude, nous allons rapporter ce qu'il
y a de plus remarquable sur les deux rives qui bordent le golfe. Nous
commencerons par la rive droite, qui est habitée par les Troglodytes, et
qui s'étend jusqu'au désert.
XXXIX. Lorsqu'en partant de la ville d'Arsinoé on longe le côté droit
du golfe, on voit, en plusieurs endroits, des sources d'eau salée se
précipitant des rochers dans la mer. Après avoir dépassé ces sources,
on voit, au milieu d'une grande plaine, une montagne ocreuse qui
offusque les yeux de ceux qui la regardent longtemps. Au pied de cette
montagne est l'entrée sinueuse d'un port qu'on appelle port de Vénus. Il
y a dans ce port trois îles, dont deux pleines d'oliviers et de figuiers ; la
troisième est dénuée de ces arbres, mais on y trouve beaucoup de
poules d'Inde. Ensuite on voit une vaste baie, nommée Acathartus.
Attenant à cette baie, est une longue presqu'île qui est si étroite que
l'on y transporte les bateaux d'une mer dans l'autre.
En longeant cette côte, ou rencontre une île, située dans la haute
muer, qui a quatre-vingts stades de long. On la nomme Ophiodès. Elle
était autrefois infestée de toutes sortes de reptiles formidables, et c'est
de là qu'elle a tiré son nom. Mais dans ces derniers temps, les rois
d'Alexandrie l'ont fait si bien cultiver qu'on n'y voit plus aucun de ces
animaux. Si l'on a eu tant de soin de cultiver cette île, c'est qu'elle
produit la topaze. C'est une pierre transparente, très agréable à la vue,
semblable au verre, et d'un magnifique aspect d'or. C'est pourquoi
l'entrée de cette île est défendue aux voyageurs. Tous ceux qui y
abordent sont aussitôt mis à mort par les gardes qui s'y trouvent
établis. Ils sont en petit nombre, et ils mènent une vie malheureuse ;
car, de peur qu'on ne vole quelques-unes de ces pierres, on ne laissé
aucun vaisseau dans l'île, et les navigateurs se tiennent au loin par la
crainte du roi. Les vivres qu'on leur amène sont promptement
consommés, et l'on n'en trouve point dans le pays. Quand il ne leur
reste plus que peu de vivres, les habitants du lieu viennent s'asseoir
tous ensemble sur le rivage, en attendant l'arrivée de leurs provisions ;
et, si elles tardent à venir, ils se voient réduits à la dernière extrémité.
La topaze croît dans les rochers. On ne la voit pas le jour, en raison de
la clarté du soleil qui l'efface ; mais elle brille dans l'obscurité de la nuit,
et ou distingue de fort loin le lieu où elle se trouve. Les gardes de l'île se
distribuent au sort la recherche de ces lieux. Dès qu'une pierre se
révèle par son éclat, ils couvrent l'endroit d'un vase de même grandeur,
afin de le marquer. Au jour ils y retournent, et coupent la roche dans
l'espace marqué, et la livrent à des ouvriers instruits dans l'art de polir
les pierres.
XL. Au delà de ces parages, les voyageurs rencontrent diverses
peuplades d'Ichthyophages et de Troglodytes nomades. Après cela, on
voit plusieurs montagnes particulières, jusqu'à ce qu'on arrive au port
Sauveur, ainsi nommé par des Grecs qui, naviguant les premiers dans
ces parages, se réfugièrent dans ce port. A partir de là, le golfe
confluence à se rétrécir eu contournant les côtes de l'Arabie ; la terre et
la mer changent visiblement de nature et d'aspect. La terre est basse,
et on n'y aperçoit point de collines. La mer est remplie de bancs de
sable ; elle n'a guère que trois orgyies de profondeur, et ses eaux sont
d'une couleur verte. On dit que cette couleur ne vient pas tant de l'eau
elle-même que des algues et fucus qui s'y trouvent. La rade est
commode pour les navires à rames, parce que les vagues ne déferlent
pas de très loin ; elle est riche en poissons et offre des pêches
abondantes.
Les passagers sont exposés à de très grands dangers sur les
vaisseaux qui transportent les éléphants, parce que ces vaisseaux, en
raison de leur poids, sont à grand tirant d'eau ; quelquefois la nuit,
voguant à pleines voiles, ils sont poussés par le vent tantôt contre des
écueils, où ils font naufrage, tantôt dans des bas-fonds, où ils échouent.
Les matelots ne peuvent abandonner leur navire, parce que l'eau n'est
pas guéable ; et quand ils ne parviennent pas à le dégager avec leurs
rames, ils jettent tout dans la mer, excepté leurs vivres. Mais, ne
pouvant renouveler leurs provisions, ils tombent bientôt dans une
extrême détresse ; il leur est impossible de découvrir ni une île, ni un
cap, ni aucun autre navire ; car la côte est inhospitalière, et il arrive
rarement des vaisseaux dans ces parages. Pour comble de malheur, les
flots accumulent en peu de temps autour de la quille du vaisseau une
telle quantité de sable, qu'il semble, en quelque sorte, entouré d'une
digue faite à dessein. Ceux qui sont exposés à ce désastre font d'abord
entendre des gémissements modérés dans cette morne solitude, ne
perdant pas encore toute espérance de salut ; car souvent, au moment
de la marée, les flots soulèvent les vaisseaux, et les sauvent, comme un
dieu propice, d'un péril imminent. Mais, lorsque ce secours des dieux
leur fait défaut et que les vivres commencent à leur manquer, les plus
forts jettent dans la mer les plus faibles, afin que ce qui reste de
provisions dure encore quelques jours. Quand ils ont enfin épuisé toutes
leurs ressources, ils périssent encore plus misérablement que ceux qui
sont morts avant eux ; car ceux-ci ont rendu en un instant à la nature
l'âme qu'elle leur avait donnée ; au lieu que les autres arrivent à la fin
de leur vie par des maux qui leur causent une longue agonie. Quant aux
navires, ainsi privés misérablement de leur équipage, ils demeurent
longtemps entourés de ces monceaux de sables, vrais cénotaphes ;
montrant au loin leurs mâts et leurs antennes, ils excitent la
compassion dans l'âme des passants. Un ordre du roi prescrit de laisser
là ces navires, pour signaler aux navigateurs les passages dangereux.
Les Ichthyophages, qui demeurent aux environs, rapportent un fait
qu'ils tiennent par tradition de leurs ancêtres. lls racontent qu'un jour le
reflux fut tel que tout le golfe se changea en une terre ferme, offrant
l'aspect d'une verte campagne ; toute la mer s'étant retirée sur les
côtes opposées, son lit fut mis à découvert ; mais les eaux, revenant
tout à coup, reprirent leur cours ordinaire.
XLI. Nous avons décrit la traversée depuis Ptolémaïs jusqu'au
promontoire des Taureaux, lorsque nous avons parlé de la chasse que
Ptolémée fit aux éléphants. C'est à ce promontoire que la côte
commence à décliner vers l'orient. Là, à l'époque du solstice d'été
jusqu'à la saison qui suit, les ombres sont tournées du côté du midi,
contrairement à ce qui a lieu dans nos climats. Ce pays est arrosé par
des fleuves qui ont leurs sources dans les monts Psébéens. Il est
traversé par de grandes plaines fertiles en mauve, en cardamome et en
palmiers d'une hauteur prodigieuse. Il produit des fruits de différentes
espèces, d'un goût fade, et qui nous sont inconnus. L'intérieur du pays
est rempli d'éléphants, de taureaux sauvages, de lions et de beaucoup
d'autres animaux robustes. La mer, qui touche à cette contrée, est
parsemée de plusieurs îles, où l'on ne trouve aucun fruit cultivé, et qui
nourrissent des espèces particulières d'oiseaux d'un aspect admirable.
Plus loin, la mer devient très profonde, et on y voit des cétacés de
dimensions énormes. Ces animaux ne font point de mal aux hommes, à
moins qu'on ne tombe par hasard sur les nageoires de leur dos. Ils ne
peuvent point suivre les navigateurs, parce qu'en s'élevant à la surface
de l'eau, leurs yeux sont aveuglés par les rayons du soleil.
Voilà ce que l'on connaît des extrémités du pays des Troglodytes,
dont les limites sont formées par les promontoires Psébéens.
XLII. Nous allons maintenant décrire la côte opposée, appartenant à
l'Arabie, en commençant également par la pointe du golfe. Cette pointe
porte le nom de Posidium, à cause d'un autel consacré à Neptune par
Ariston, que Ptolémée envoya explorer les côtes de l'Arabie jusqu'à
l'Océan. Immédiatement après la pointe du golfe, on rencontre un
territoire auquel les indigènes rendent une sorte de culte, en raison des
avantages qu'il procure. Ce territoire est appelé Jardin des Palmiers,
parce qu'il produit des palmiers qui portent abondance de fruits aussi
agréables qu'utiles. Toute la contrée voisine manque d'eau, et par sa
position au midi elle est comme embrasée. Ce n'est donc pas sans
raison que les Barbares ont consacré aux dieux ce territoire fertile qui,
tout environné qu'il est de terres inhabitables, satisfait abondamment
aux besoins de l'homme. Il est arrosé par de nombreuses sources dont
l'eau est aussi fraîche que la neige, et qui entretiennent sur les rives
une verdure délicieuse. On y trouve un autel antique, bâti d'une pierre
dure, et portant une inscription en caractères anciens et inconnus.
L'enceinte sacrée de cet autel est gardée par un homme et une femme,
qui remplissent les fonctions sacerdotales pendant tout le cours de leur
vie. Les habitants de ce territoire vivent très longtemps. Ils couchent sur
des arbres, dans la crainte des bêtes féroces. Après avoir dépassé ce
verger de palmiers, le navigateur trouve en avant de la saillie du
promontoire une île qui a été appelée l'île des Phoques, à cause de la
multitude de ces animaux qui y séjournent, à la grande surprise du
voyageur. Le promontoire en face de cette île regarde l'Arabie dite
Pétrée et la Palestine. C'est là que les Gerrhéens et les Minnéens
apportent, dit-on, de l'Arabie supérieure l'encens et les autres parfums.
XLIII. La côte, qui vient après, était habitée d'abord par les Maranes
et ensuite par les Garyndanes, leurs voisins, qui s'en emparèrent de la
manière suivante : Il se fait tous les cinq ans une fête dans le territoire
aux palmiers, où se réunissent tous les habitants d'alentour. Ils s'y
rendent pour sacrifier aux dieux, dans l'enceinte sacrée, des
hécatombes de chameaux engraissés, aussi bien que pour remporter
chez eux des eaux du pays, qui passent pour rendre la santé aux
malades qui en boivent. Or, pendant que les Maranes assistaient à cette
fête, les Garyndanes égorgèrent tous ceux de cette nation qui étaient
demeurés dans le pays, et ils firent périr les autres traîtreusement à
leur retour. Après avoir ainsi dépeuplé la contrée, les Garyndanes se
partagèrent les champs fertiles et les pâturages qui nourrissaient de
nombreux troupeaux.
On rencontre peu de ports sur cette côte ; mais on y voit beaucoup
de montagnes élevées, et qui, par leurs couleurs variées, présentent au
navigateur un spectacle admirable. Après avoir dépassé cette côte, le
navigateur entre dans le golfe Léanite. Ce golfe est bordé d'un grand
nombre de villages habités par les Arabes Nabatéens. Ces Arabes
occupent non seulement une grande partie du littoral, mais encore une
grande étendue de l'intérieur du pays. Ils forment une nation très
considérable et abondamment pourvue de bestiaux. Ils vivaient
autrefois selon les règles de la justice, en se contentant de leurs
troupeaux. Mais, lorsque les rois d'Alexandrie eurent rendu ce golfe
navigable pour les navires de transport, ces Arabes maltraitèrent les
naufragés, et, équipant des bateaux de piraterie, ils pillèrent les
navigateurs, en imitant les moeurs féroces et sauvages des habitants
de la Tauride, dans le Pont. Mais, atteints sur mer par des trirèmes
lancées à leur poursuite, ils furent châtiés comme ils le méritaient.
Après le golfe Léanite, on voit une contrée plate, bien arrosée, et qui
produit, à cause des nombreuses sources qui la traversent, l'agrostis, le
jonc de Médie et le lotus, de la grandeur d'un homme. Les pâturages y
sont si abondants et si gras qu'on y trouve non seulement des bestiaux
de toute espèce, mais encore des chameaux sauvages, des cerfs et des
gazelles. Outre ces animaux, qui y vivent en fort grand nombre, on voit
fréquemment sortir du désert des troupes de lions, de loups et de
panthères, contre lesquels les pâtres sont obligés de se battre nuit et
jour pour la défense de leurs troupeaux. Ainsi, la richesse de la contrée
est en même temps une source d'infortunes pour les habitants ; car la
nature mêle en général des maux aux biens qu'elle accorde aux
hommes.
XLIV. Après avoir dépassé cette plaine, le navigateur remonte une
baie d'un aspect singulier. Cette baie s'enfonce dans la terre dans une
étendue de cinq cents stades ; elle est entourée de tous les côtés par
d'immenses rochers qui en rendent l'entrée tortueuse et presque
impraticable. Un de ces rochers, étant à fleur d'eau, rétrécit tellement le
passage, qu'il est impossible à un navire d'entrer dans cette baie ni d'en
sortir. Lorsque les vagues sont soulevées par les vents, elles se brisent
contre cet écueil et font retentir au loin leurs mugissements. Les bords
de cette baie sont habités par les Banizomènes ; ils vivent de la chasse
et se nourrissent de la chair d'animaux terrestres. On trouve dans cet
endroit un temple vénéré de tous les Arabes. Plus loin, en face de la
côte dont nous venons de parler, sont trois îles qui ont plusieurs ports.
La première est, dit-on, tout à fait déserte, et consacrée à Isis. On y voit
des fondements en pierre d'anciens édifices et des colonnes chargées
d'inscriptions en caractères barbares. Les autres îles sont également
désertes. Toutes ces îles sont couvertes d'oliviers, différents des nôtres.
Au delà de ces îles, la côte est escarpée et inaccessible aux navires
dans une étendue de plus de mille stades ; car il n'y a ni port ni rade où
les matelots puissent jeter l'ancre ; il n'y a même pas une langue de
terre où les voyageurs fatigués puissent trouver un asile. C'est là que se
trouve une montagne au sommet de laquelle s'élèvent des rochers
taillés à pic et d'une hauteur prodigieuse. La racine de cette montagne
est garnie d'écueils aigus qui s'avancent dans la mer, et qui forment
derrière elle des gouffres sinueux. Comme ces récifs sont très
rapprochés les uns des autres et que la mer y est très profonde, les
brisants, par leur arrivée et leur retrait alternatifs, font entendre un
bruit semblable à un fort mugissement. Une partie des vagues, lancées
contre ces immenses rochers, s'élèvent et se résolvent en écume ; une
autre partie, s'engloutissant dans des gouffres, forme des tournants
épouvantables ; de telle sorte que ceux qui passent auprès de cette
montagne meurent presque de frayeur. Cette côte est habitée par les
Arabes Thamudéniens. De là on arrive à une baie assez vaste, remplie
d'îles qui présentent l'aspect des Echinades. Les bords de cette baie se
composent de monceaux de sable noir d'une étendue et d'une
épaisseur prodigieuses. Plus loin, on découvre une presqu'île ; c'est là
qu'est le port appelé Charmuthas, le plus beau de tous ceux qui nous
sont connus par les relations des historiens. Car une langue de terre,
située à l'occident, sert à former une baie non seulement d'un très bel
aspect, mais encore qui surpasse toutes les autres en commodité. Elle
est dominée par une montagne couverte d'arbres et qui a cent stades
de tour. Son entrée est large de deux plethres. Ce port peut contenir
deux mille navires à l'abri de tous les vents. En outre, on y trouve de
l'eau douce en abondance, car un grand fleuve se décharge dans ce
port. Il y a au milieu une île bien arrosée, susceptible de recevoir des
plantations. En un mot, ce port est tout à fait semblable au port de
Carthage, appelé Cothon, dont nous parlerons en temps et lieu. Le
grand calme qui y règne et les eaux douces qui y affluent attirent de la
haute mer une quantité infinie de poissons.
XLV. En poursuivant sa route, le navigateur découvre cinq
montagnes, distantes les unes des autres, qui s'élèvent et se terminent
en forme de mamelon, et présentent un aspect semblable à celui des
pyramides d'Egypte. Il trouve ensuite un golfe environné d'immenses
promontoires ; au centre s'élève un monticule en forme de table. Là, on
a bâti trois temples d'une hauteur prodigieuse et consacrés à des
divinités inconnues aux Grecs, mais qui sont en grande vénération
auprès des indigènes. Plus loin, s'étend une côte pourvue de ruisseaux
d'eau douce. C'est là qu'est le mont Chabinus, couvert de bois touffus.
Le terrain dépendant de cette montagne est habité par les Arabes
Dèbes. Ils élèvent des chameaux qui leur servent à tous les besoins de
la vie ; ils en font usage pour la guerre aussi bien que pour le transport
de leurs marchandises. Ils en boivent le lait, en mangent la chair, et
parcourent rapidement tout le pays montés sur leurs chameaux
dromadaires. Cette contrée est traversée dans son milieu par un fleuve
qui charrie du sable d'or en si grande abondance, que ce sable brille
dans le limon qui se dépose à l'embouchure. Les habitants sont tout à
fait inexpérimentés dans l'art de travailler l'or. Ils refusent l'hospitalité à
tous les étrangers, excepté aux habitants de la Béotie et du Péloponèse,
parce que, selon la tradition du pays, Hercule avait contracté jadis un
commerce intime avec eux. La contrée qui suit est habitée par les
Arabes Aliléens et les Gasandes. Celle-là n'est point brûlée par la
chaleur du soleil comme les contrées voisines, et elle en est
ordinairement garantie par d'épais nuages. Il y tombe de la neige et des
pluies bienfaisantes qui tempèrent les chaleurs de l'été. Le terrain est
d'une excellente qualité ; il produirait des fruits de toutes espèces, si les
habitants avaient soin de le cultiver. Ils retirent beaucoup d'or des
entrailles de la terre ; cet or n'a pas besoin d'être extrait du minerai par
la fusion, car il y est à l'état natif, ce qui lui a fait donner le nom
d'apyre. Les plus petits morceaux qu'on y trouve sont de la grosseur
d'une amande, et les plus gros du volume d'une noix. Ils font des
bracelets et des colliers de ces morceaux d'or enfilés et entremêlés de
pierres précieuses. Mais comme ils n'ont ni cuivre ni fer, ils achètent ces
métaux à des marchands étrangers contre un poids égal d'or.
XLVI. Après ce peuple viennent les Carbes et ensuite les Sabéens,
qui sont la plus nombreuse des tribus arabes. Ils occupeut l'Arabie
appelée Heureuse, où croissent la plupart de nos produits, et qui nourrit
un nombre prodigieux de toutes sortes de bestiaux. Un parfum
continuel s'exhale de la terre qui engendre, sans interruption, à peu
près tous les aromates. Sur le littoral croît le baume, la casie et une
graminée d'une espèce particulière. Celle-ci, fraîchement cueillie, réjouit
on ne peut plus la vue, mais elle se fane rapidement. Dans l'intérieur du
pays, on trouve des forêts épaisses où croissent les arbres qui portent
l'encens et la myrrhe, sans parler du palmier, du roseau et du
cinnamome et d'autres plantes odoriférantes. Il est impossible de
distinguer chacune des odeurs particulières à ces végétaux, à cause de
leur nombre inexprimable. Une chose, en quelque sorte divine, et
qu'aucun langage ne saurait rendre, ce sont ces émanations suaves qui
viennent frapper, même an loin, les sens du navigateur. Les vents de
terre, qui s'élèvent au priniemps, apportent les exhalaisons délicieuses
de ces végétaux aromatiques jusque dans les endroits voisins de la mer.
Ce ne sont pas là ces faibles parfums conservés dans des vases, mais
c'est l'émanation de l'essence même de la fleur dans toute sa vigueur,
et qui s'insinue dans les parties les plus subtiles des sens. Ces
émanations de parfums naturels sont aussi délicieuses que salubres
pour les navigateurs qui longent ces côtes. Ces parfums ne sont pas
faibles comme ceux d'un fruit tombé et qui a perdu sa force, ni comme
ceux qu'on conserve dans des vases, mais ils émanent de la fleur
arrivée à son point de maturité, et dont la tige n'a rien perdu de sa
nature divine. Aussi, ceux qui ont respiré ces parfums croient-ils avoir
savouré l'ambroisie de la fable, et ils ne trouvent point d'autre terme
pour exprimer leur sensation.
XLVII. Cependant la fortune n'a point accordé aux hommes cette
félicité sans aucun mélange d'amertume ; elle y a mêlé quelque chose
de malfaisant comme un avertissement salutaire pour ceux qui, dans le
bonheur, pourraient oublier les dieux. Ces forêts odoriférantes sont
pleines de serpents de couleur pourpre, de la longueur d'un spithame,
et dont la morsure est incurable. Ils s'élancent sur l'homme et le
couvrent de sang par leurs morsures. De plus, les habitants de ce pays
sont sujets à une maladie singulière et fort grave. La nature incisive de
ces parfums pénétrant le corps, relâche toutes les fibres, et amène une
décomposition totale des tissus que rien ne peut prévenir. Ils
combattent cette maladie par les contraires, en faisant brûler du bitume
et des poils de bouc ; car les meilleures choses ne sont utiles et
agréables à l'homme que lorsqu'il en use avec une certaine modération
en harmonie avec sa nature.
La ville de Saba, bâtie sur une montagne, est la capitale de tout ce
pays. La royauté est héréditaire ; les rois reçoivent du peuple de grands
honneurs, mais leur condition est un mélange de bien et de mal. Ces
rois paraissent heureux en ce qu'ils commandent à tout le monde, sans
rendre à personne compte de leurs actes ; mais ils sont estimés
malheureux en ce qu'il leur est défendu de sortir de leur palais, sous
peine d'être lapidés par le peuple, selon l'ordre d'un ancien oracle.
Cette nation surpasse en richesses non seulement les Arabes du
voisinage, mais encore toutes les autres nations. Dans les échanges et
les achats, ils mettent les moindres marchandises à un très haut prix, et
ne trafiquent que pour l'argent. De plus, comme leur situation éloignée
les a toujours mis à l'abri du pillage, ils ont des monceaux d'or et
d'argent, particulièrement à Saba, qui est la résidence des rois. Ils ont
des vases et des coupes en or et en argent ciselés ; des lits et des
trépieds en argent, et beaucoup d'autres meubles de même métal. On y
voit des péristyles de hautes colonnes, les unes dorées, les autres
ornées à leurs chapiteaux de figures d'argent ; des plafonds et des
portes revêtus de plaques d'or et de pierres précieuses ; des édifices
d'une magnificence prodigieuse dans tous leurs détails, et des
ameublements en argent, en or, en ivoire, en pierres précieuses et en
d'autres matières auxquelles l'homme attache le plus grand prix. Les
habitants ont conservé cette félicité pendant des siècles, parce qu'à la
différence de la plupart des hommes, ils ne cherchent point à s'enrichir
aux dépens d'autrui. La mer, auprès de leurs côtes, paraît blanche,
phénomène singulier dont il est difficile d'assigner la cause. Dans le
voisinage se trouvent les îles Fortunées ; les villes n'y sont pas ceintes
de murailles ; les bestiaux sont tous blancs, et les femelles n'ont point
de cornes. De tout côté les marchands abordent dans ces îles, ils s'y
rendent surtout de Potana, qu'Alexandre fit construire au bord du fleuve
Indus, pour avoir une station navale dans l'océan Indien. Voilà ce que
nous avions à dire de cette contrée et de ses habitants.
XLVIII. Il ne faut point passer sous silence les phénomènes qui
s'observent dans le ciel de ces contrées. Le plus merveilleux, et qui met
le plus souvent les navigateurs dans l'embarras, se rapporte à la
constellation de l'Ourse. On n'y voit, dit-on, aucune des sept étoiles qui
la composent, avant l'heure de la première garde, dans le mois que les
Athéniens appellent mémacterion, et avant l'heure de la seconde, dans
le mois de posidion ; et, dans les mois suivants, le moment de leur lever
retarde successivement pour les navigateurs. On n'y découvre jamais
non plus aucun des astres qu'on appelle planètes ; les uns sont plus
grands que dans nos climats, et leur lever et leur coucher sont
différents ; enfin, le lever du soleil ne s'annonce pas, comme chez nous,
par le reflet de la lumière qui le précède, mais cet astre se montre tout
à coup, sortant des ténèbres de la nuit, de manière que dans ces
climats il ne fait jour qu'à l'instant où on voit le soleil. On dit encore que
le soleil semble sortir de la mer comme un charbon ardent qui jette de
grandes étincelles ; qu'il ne se montre point, comme à nous, sous la
forme d'un disque, mais qu'il s'élève sur l'horizon comme une colonne
dont le chapiteau est un peu écrasé. D'ailleurs, il ne jette ni éclat ni
rayons pendant la première heure ; il ressemble seulement à un feu
allumé au milieu de l'obscurité. A la seconde heure, il prend la forme
d'un bouclier, et répand une lumière très vive et réchauffante. Tout le
contraire arrive à son coucher ; car, après avoir disparu, il semble
éclairer le monde de nouveaux rayons pendant au moins deux heures,
ou même pendant trois, s'il faut en croire Agatharchide de Cnide ; et
c'est pour ces peuples le temps le plus agréable de la journée, parce
que la chaleur du soleil est affaiblie. Les vents appelés zéphyre, lips,
argeste, eurus soufflent là comme ailleurs ; mais dans toute l'Ethiopie
on ne connaît pas les vents du midi. Cependant, dans la Troglodytique
et dans l'Arabie, les vents sont si chauds qu'ils embrasent les forêts,
épuisent les habitants, lors même qu'ils se sont réfugiés dans l'ombre
de leurs cabanes ; c'est pourquoi ils regardent le vent du nord comme le
meilleur de tous les vents, parce qu'il traverse toute la terre sans rien
perdre de sa fraîcheur.
XLIX. Après ces récits, il ne sera pas hors de propos de dire un mot
des Libyens qui habitent près de l'Egypte, et de parcourir la contrée
limitrophe. La Cyrénaïque, les Syrtes, et l'intérieur des régions
adjacentes, sont habités par quatre races de Libyens. Les Nasamons
sont au midi ; les Auchises au cou-chant; les Marmarides occupent cette
lisière de terre située entre l'Egypte et la Cyrénaïque, et qui touche aux
côtes de la mer ; enfin, les Maces, qui sont les plus nombreux, habitent
dans les environs des Syrtes. Parmi ces Libyens, ceux qui possèdent des
terres propres à produire des fruits, se livrent à l'agriculture ; les
Nomades sont pasteurs et vivent de leurs troupeaux. Ces deux races
ont des rois. Elles ne sont pas tout à fait sauvages ni étrangères à la
civilisation. Mais il y a une troisième race de Libyens qui ne
reconnaissent aucun roi, n'ont point la notion du juste, et ne vivent que
de brigandages. Ils sortent à l'improviste de leurs solitudes, enlèvent ce
qui leur tombe sous la main, et retournent aussitôt dans leurs retraites.
Tous ces Libyens mènent une vie sauvage, couchent en plein air, et
n'ont que des instincts de brutes. Ils sont sauvages dans leur manière
de vivre et dans leurs vêtements : ils ne s'habillent que de peaux de
chèvre. Leurs chefs ne possèdent pas de villes, mais ils ont quelques
tours assises au bord de l'eau, dans lesquelles ils conservent le restant
de leurs vivres. Ils font annuellement prêter à leurs sujets serment de
fidélité. Ils soignent comme leurs compagnons d'armes ceux qui leur
sont soumis ; mais ils condamnent à la mort ceux qui ne reconnaissent
pas leur domination et les poursuivent comme leurs ennemis. Leurs
armes sont appropriées à leur pays et à leurs habitudes ; en effet,
légers de corps et habitant une contrée en général plate, ils vont aux
combats avec trois lances et quelques pierres dans des sacs de cuir. Ils
ne portent ni épée, ni casque, ni aucune autre arme. Ils ne songent qu'à
surpasser l'ennemi en légèreté, dans la poursuite ou dans la retraite.
Aussi sont-ils fort habiles à la course, à lancer des pierres, et fortifient
par l'exercice et par l'habitude les dispositions naturelles. Ils
n'observent aucune justice, ni aucune foi à l'égard des étrangers.
L. Le territoire limitrophe de la Cyrénaïque est excellent, et produit
quantité de fruits; car il est non seulement fertile en blés, mais il produit
aussi des vignes, des oliviers et toutes sortes d'arbres sauvages. Il est
arrosé par des fleuves qui sont d'une grande utilité pour les habitants.
La région qui s'étend vers le midi et où s'engendre le nitre, est stérile et
manque d'eau. Dénuée de tout paysage accidenté, elle ressemble à une
mer ; elle est limitée par le désert, où il est difficile de pénétrer. Aussi
n'aperçoit-on jamais d'oiseaux dans l'air, et ou n'y voit d'autre
quadrupède que la gazelle et le boeuf ; aucun végétal, rien n'y repose la
vue ; et, dans l'intérieur du pays, on ne voit la terre couverte que
d'immenses amas de sable. Mais autant ce pays est dépourvu de toutes
les choses nécessaires à la vie, autant il est rempli de serpents de
toutes espèces et de toute grandeur, et surtout de cérastes, dont les
morsures sont mortelles. Comme leur couleur approche de celle du sol,
il est très difficile de distinguer ces reptiles ; et la plupart des
voyageurs, en marchant sur eux, s'attirent une mort imprévue. On
raconte que l'Egypte fut jadis infestée par une si grande quantité de ces
serpents, qu'elle en devint en partie inhabitable.
Il se passe un phénomène extraordinaire dans cette région et dans
la partie de la Libye au delà de la Syrte. A certaines époques, mais
surtout pendant les calmes, l'air y est rempli d'images de toutes sortes
d'animaux ; les unes sont immobiles, et les autres flottantes. Tantôt
elles paraissent fuir, tantôt elles semblent poursuivre ; elles sont toutes
d'une grandeur démesurée, et ce spectacle remplit de terreur et
d'épouvante ceux qui n'y sont pas habitués. Quand ces figures
atteignent les passants qu'elles poursuivent, elles leur entourent le
corps, froides et tremblotantes. Les étrangers, qui ne sont point
accoutumés à cet étrange phénomène, sont saisis de frayeur ; mais les
habitants du pays, qui y sont souvent exposés, ne s'en mettent point en
peine.
LI. Quelques physiciens essaient d'expliquer les véritables causes de
ce phénomène, qui semble extraordinaire et fabuleux. Il ne souffle,
disent-ils, point de vent dans ce pays ; ou, s'il en souflle, ce ne peut être
qu'un vent faible et léger ; c'est pourquoi l'air est presque toujours
calme et tranquille. Comme il n'y a dans les environs ni bois, ni collines,
ni vallons ombragés, que cette région manque de rivières, et que tout le
voisinage, en raison de sa stérilité, ne produit aucune exhalaison, les
vents sont absolument privés des principes d'où ils proviennent. Les
masses d'air condensées, environnant la terre, produisent en Libye ce
que produisent chez nous, quelquefois, les nuages dans les jours de
pluie, savoir, des images de toute forme qui surgissent de tout côté
dans l'air. Ces couches d'air, suspendues par des brises légères, se
confondent avec d'autres couches en exécutant des mouvements
oscillatoires très rapides ; tandis que le calme se fait, elles s'abaissent
sur le sol par leur poids et en conservant leurs figures qu'elles tenaient
du hasard ; si aucune cause ne les disperse, elles s'appliquent
spontanément sur les premiers animaux qui se présentent. Les
mouvements qu'elles paraissent avoir ne sont pas l'effet d'une volonté ;
car il est impossible qu'un être inanimé puisse marcher en avant ou
reculer. Mais ce sont les êtres animés qui, à leur insu, produisent ces
mouvements de vibration ; car en s'avançant ils font violemment
reculer les imagos qui semblent fuir devant eux. Par une raison inverse,
ceux qui reculent paraissent, en produisant un vide et un relâchement
dans les couches d'air, être poursuivis par des spectres aériens. Les
fuyards, lorsqu'ils se retournent ou qu'ils s'arrêtent, sont probablement
atteints par la matière de ces images, qui se brise sur eux, et produit,
au moment du choc, la sensation du froid.
LII. Après cet exposé, nous allons reprendre notre récit des
Amazones d'Afrique qui habitèrent jadis la Libye : car ceux-là se
trompent qui croient qu'il n'y a point eu d'autres Amazones que celles
qui ont demeuré dans le Pont, sur les bords du fleuve Thermodon. Il est
certain, au contraire, que les Amazones de Libye sont plus anciennes
que les autres, et ont accompli de grands exploits. Nous n'ignorons pas
que leur histoire paraîtra nouvelle et tout à fait étrange à beaucoup de
lecteurs ; car cette race d'Amazones a entièrement disparu plusieurs
générations avant la guerre de Troie ; au lieu que les Amazones du
fleuve Thermodon florissaient encore un peu avant cette époque. Il
n'est donc pas étonnant que ces dernières, venues plus tard, soient plus
connues, et aient hérité de la gloire des premières, que le temps a fait
presque oublier. A l'exemple de beaucoup de poètes et d'historiens
anciens, et même d'autres écrivains plus récents qui ont fait mention
des Amazones, nous essaierons aussi d'en parler sommairement, en
prenant pour guide Dionysius qui a écrit l'histoire des Argonautes, de
Bacchus et de toutes les choses les plus mémorables de l'antiquité. Or,
il y a eu en Libye plusieurs races de femmes guerrières d'une bravoure
prodigieuse. On sait par tradition que la race des Gorgones, contre
lesquelles Persée combattit, a été extrêmement courageuse ; ce qui
prouverait la valeur et la puissance de ces femmes, c'est que ce fils de
Jupiter, de son temps le plus vaillant des Grecs, regarda cette
expédition comme un grand exploit. Mais les Amazones dont nous
allons parler paraîtront bien supérieures aux Gorgones.
LIII. On rapporte qu'aux confins de la terre et à l'occident de la Libye
habite une nation gouvernée par des femmes, dont les moeurs sont
toutes différentes des nôtres. Il y est de coutume que les femmes font
le service de guerre pendant un temps déterminé, en conservant leur
virginité. Quand le terme du service militaire est passé, elles
approchent des hommes pour en avoir des enfants ; elles remplissent
les magistratures et toutes les fonctions publiques. Les hommes
passent toute leur vie à la maison, comme chez nous les ménagères, et
ils ne se livrent qu'à des occupations domestiques ; ils sont tenus
éloignés de l'armée, de la magistrature et de toute autre fonction
publique qui pourrait leur inspirer l'idée de se dérober au joug des
femmes. Après leur accouchement, les Amazones remettent le
nouveau-né entre les mains des hommes, qui le nourrissent de lait et
d'autres aliments convenables à son âge. Si l'enfant est une fille, on lui
brûle les mamelles, afin d'empêcher ces organes de se développer par
suite de l'âge : car des mamelles saillantes seraient incommodes pour
l'exercice guerrier ; c'est ce qui explique le nom d'Amazones que les
Grecs leur ont donné. Selon la tradition, les Amazones habitaient une île
appelée Hespéra, et située à l'occident, dans le lac Tritonis. Ce lac, qui
est près de l'Océan, qui environne la terre, tire son nom du fleuve
Triton, qui s'y jette. Le lac Tritonis se trouve dans le voisinage de
l'Ethiopie au pied de la plus haute montagne de ce pays-là, que les
Grecs appellent Atlas, et qui touche à l'Océan. L'île Hespéra est assez
spacieuse, et pleine d'arbres fruitiers de toutes espèces, qui fournissent
aux besoins des habitants. Ces derniers se nourrissent aussi du lait et
de la chair de leurs chèvres et de leurs brebis, dont ils entretiennent de
grands troupeaux ; mais ils n'ont pas encore appris l'usage du blé.
Entraînées par leurs instincts guerriers, les Amazones soumirent d'abord
par leurs armes toutes les villes de cette île, excepté une seule nommée
Méné, qu'on regardait comme sacrée. Cette ville était habitée par des
Ethiopiens ichthyophages ; on y voyait des exhalaisons enflammées, et
on y trouvait quantité de pierres précieuses, du genre de celles que les
Grecs appellent escarboucles, sardoines et émeraudes. Après cela, les
Amazones subjuguèrent dans les environs, beaucoup de tribus de
Libyens nomades et bâtirent, dans le lac Tritonis, une ville qu'elles
appelèrent Cherconèse d'après son aspect.
LIV. Encouragées par ces succès, les Amazones parcoururent
plusieurs parties du monde. Les premiers hommes qu'elles attaquèrent
furent, dit-on, les Atlantes, le peuple le plus civilisé de ces contrées, et
habitant un pays riche et contenant de grandes villes. C'est chez les
Atlantes, et dans le pays voisin de l'Océan, que, selon la mythologie, les
dieux ont pris naissance ; et cela s'accorde assez avec ce que les
mythologues grecs en racontent ; nous en parlerons plus bas en détail.
Myrina, reine des Amazones, assembla, dit-on, une armée de trentre
mille femmes d'infanterie, et de vingt mille de cavalerie ; elles
s'appliquaient plus particulièrement à l'exercice du cheval, à cause de
son utilité dans la guerre. Elles portaient pour armes défensives des
peaux de serpent, car la Libye produit des reptiles énormes. Leurs
armes offensives étaient des épées, des lances et des arcs. Elles se
servaient fort adroitement de ces dernières armes, non seulement pour
l'attaque, mais encore pour repousser ceux qui les poursuivaient dans
leur fuite. Après avoir envahi le territoire des Atlantes, elles défirent
d'abord en bataille rangée les habitants de Cerné, et poursuivirent les
fuyards, jusqu'en dedans des murs. Elles s'emparèrent de la ville et
maltraitèrent les captifs, afin de répandre la terreur chez les peuples
voisins. Elles passèrent au fil de l'épée tous les hommes pubères,
réduisirent en esclavage les femmes et les enfants, et démolirent la
ville. Le bruit du désastre des Cernéens s'étant répandu dans tout le
pays, le reste des Atlantes en fut si épouvanté que tous, d'un commun
accord, rendirent leurs villes, et promirent de faire ce qu'on leur
ordonnerait. La reine Myrina les traita avec douceur, leur accorda son
amitié et, à la place de la ville détruite, elle fonda une autre ville à
laquelle elle donna son nom. Elle la peupla des prisonniers qu'elle avait
faits de tous les indigènes qui voulaient y demeurer. Après cela, les
Atlantes lui donnèrent des présents magnifiques et lui décernèrent
publiquement de grands honneurs ; elle accueillit ces marques de leur
affection, et leur promit de les protéger. Comme les Atlantes étaient
souvent attaqués par les Gorgones, établies dans le voisinage, et qui de
tout temps étaient leurs ennemies, la reine Myrina alla combattre les
Gorgones dans leur pays, à la prière des Atlantes. Les Gorgones se
rangèrent en bataille ; le combat fut acharné ; mais enfin les Amazones
l'emportèrent, tuèrent un grand nombre de leurs ennemies, et ne firent
pas moins de trois mille prisonnières. Le reste s'étant sauvé dans les
bois, Myrina, voulant entièrement détruire cette nation, y mit le feu ;
n'ayant pas réussi dans ce dessein, elle se retira sur les frontières du
pays.
LV. Comme une nuit les Amazones, enflées de ce succès, faisaient la
garde avec négligence, les Gorgones, leurs prisonnières, se saisirent de
leurs épées et en égorgèrent un grand nombre. Mais étant bientôt
entourées par les Amazones et accablées par le nombre, elles furent
toutes tuées après une résistance vigoureuse. Myrina fit brûler sur trois
bûchers les corps de ses compagnes tuées, et elle fit élever avec de la
terre trois grands tombeaux qui s'appellent encore aujourd'hui les
tombeaux des Amazones. Les Gorgones s'étant multipliées dans la
suite, furent aussi attaquées par Persée, fils de Jupiter ; Méduse était
alors leur reine. Enfin, les Gorgones ainsi que la race des Amazones
furent exterminées par Hercule, lorsque, dans son expédition de
l'Occident, il posa une colonne dans la Libye, ne pouvant souffrir,
qu'après tant de bienfaits dont il avait comblé le genre humain, il y eût
une nation gouvernée par des femmes. On rapporte que le lac Tritonis a
entièrement disparu par suite des tremblements de terre qui ont fait
rompre les digues du côté de l'Océan. Myrina, après avoir parcouru avec
son armée une grande partie de la Libye, entra dans l'Egypte où elle se
lia d'amitié avec Horus, fils d'Isis, qui était alors roi du pays. De là, elle
alla faire la guerre aux Arabes, et en extermina un très grand nombre.
Ensuite, elle subjugua toute la Syrie ; les Ciliciens allèrent à sa
rencontre en lui offrant, des présents, et lui promettant de se soumettre
volontairement à ses ordres. Myrina leur laissa la liberté, parce qu'ils
étaient venus se rendre spontanément. C'est pour cela qu'on les appelle
encore à présent Eleuthero-Ciliciens. Après avoir fait la guerre aux
peuples qui habitent le mont Taurus, et qui sont remarquables par leur
force, elle entra dans la grande Phrygie, située près de la mer, et ayant
parcouru avec son armée plusieurs contrées maritimes, elle termina son
expédition au bord du fleuve Caïcus. Dans le pays conquis, elle choisit
les lieux les plus propres à la fondation des villes ; elle en construisit
plusieurs, parmi lesquelles il y en a une qui porte son nom. Elle donna
aux autres villes les noms des Amazones qui avaient commandé les
principaux corps d'armées ; telles sont les villes de Cyme, de Pitane et
de Priène ; celles-ci sont situées au bord de la mer ; elle en fonda
plusieurs autres dans l'intérieur du pays. Elle soumit aussi quelques îles,
et particulièrement Lesbos, où elle fonda la ville appelée Mitylene, du
nom de sa soeur qui avait pris part à l'expédition. Pendant qu'elle allait
subjuguer d'autres îles, son vaisseau fut assailli par une tempête ; et,
implorant pour son salut la mère des dieux, elle fut jetée dans une île
déserte ; suivant un avertissement qu'elle avait eu en songe, elle
consacra cette île à la déesse invoquée, elle lui dressa des autels et lui
institua des sacrifices. Elle donna à cette île le nom de Samothrace, qui,
traduit en grec, signifie île sainte. Quelques historiens soutiennent que
cette île s'appelait d'abord Samos et que depuis elle fut appelée
Samothrace par les Thraces qui l'habitèrent. Quoi qu'il en soit, lorsque,
selon la tradition, les Amazones eurent gagné le continent, la mère des
dieux transporta dans cette île, qui lui plaisait, des colons pour la
peupler, et entr'autres ses fils, les Corybantes, dont le père n'est révélé
qu'aux initiés dans les mystères. Cette déesse leur enseigna les
mystères qui se célèbrent encore aujourd'hui dans cette île, et y
consacra un temple inviolable. A cette époque, Mopsus de Thrace, banni
de sa patrie par Lycurgue qui en était roi, envahit le pays des Amazones
avec une armée. Sipylus, Scythe de nation, banni de même de sa patrie,
la Scythie, limitrophe de la Thrace, se joignit à l'expédition de Mopsus.
Une bataille eut lieu ; les troupes de Mopsus et de Sipylus remportèrent
la victoire. Myrina, la reine des Amazones, et la plupart de ses
compagnes furent massacrées. Il y eut par la suite plusieurs autres
combats dans lesquels les Thraces demeurèrent vainqueurs ; et ce qui
resta de l'armée des Amazones se retira dans la Libye. Telle fut, selon la
mythologie, la fin de l'expédition des Amazones.
LVI. Comme nous avons fait mention des Atlantes, nous pensons
qu'il ne sera pas hors de propos de rapporter ici ce qu'ils racontent de la
naissance des dieux ; leurs traditions ne sont pas, à cet égard, fort
éloignées de celles des Grecs. Les Atlantes habitent le littoral de
l'Océan, et un pays très fertile. Ils semblent se distinguer de leurs
voisins par leur piété et par leur hospitalité. Ils prétendent que leur pays
est le berceau des dieux ; et le plus célèbre de tous les poètes de la
Grèce paraît partager cette opinion, lorsqu'il fait dire à Junon : «Je pars
pour visiter les limites de la Terre, l'Océan, père des dieux, et Téthys,
leur mère». Or, selon la tradition mythologique des Atlantes, leur
premier roi fut Uranus. Ce prince rassembla dans l'enceinte d'une ville
les hommes qui avant lui étaient répandus dans les campagnes. Il retira
ses sujets de la vie sauvage ; il leur enseigna l'usage des fruits et la
manière de les conserver, et leur communiqua plusieurs autres
inventions utiles. Son empire s'étendait presque sur toute la terre, mais
principalement du côté de l'occident et du nord. Exact observateur des
astres, il prédit plusieurs événements qui devaient arriver dans le
monde, et apprit aux nations à mesurer l'année par le cours du soleil, et
les mois par celui de la lune ; et il divisa l'année en saisons. Le vulgaire,
qui ignorait l'ordre éternel du mouvement des astres, admirait ces
prédictions, et regardait celui qui les avait faites comme un être
surnaturel. Après sa mort, les peuples lui décernèrent les honneurs
divins, en souvenir des bienfaits qu'ils avaient reçus de lui. Ils donnèrent
son nom à l'univers ; tant parce qu'ils lui attribuaient la connaissance du
lever et du coucher des astres et d'autres phénomènes naturels, que
pour témoigner leur reconnaissance par les honneurs éminents qu'ils lui
rendaient : ils l'appelèrent enfin roi éternel de toutes choses.
LVII. Selon ces mêmes traditions, Uranus eut quarante-cinq enfants
de plusieurs femmes ; il en eut dix-huit de Titéa. Ces derniers, ayant
chacun un nom particulier, furent en commun appelés Titans du nom de
leur mère. Titéa, connue pour sa sagesse et ses bienfaits, fut, après sa
mort, mise au rang des dieux par ceux qu'elle avait comblés de biens,
et son nom fut changé en celui de Terre. Uranus eut aussi plusieurs
filles dont les deux aînées furent les plus célèbres, Basiléa et Rhéa, que
quelques-uns nomment aussi Pandore. Basiléa, la plus âgée et en même
temps la plus sage et la plus intelligente, éleva tous ses frères, et leur
prodigua les soins d'une mère. Aussi fut-elle surnommée la Grande
mère. Lorsque son père fut élevé au rang des dieux, elle monta sur le
trône avec l'agrément des peuples et de ses frères. Elle était encore
vierge, et par un excès de sagesse elle ne voulait pas se marier. Plus
tard, pour avoir des enfants qui pussent lui succéder dans la royauté,
elle épousa Hypérion, celui de ses frères qu'elle aimait le plus. Elle en
eut deux enfants, Hélius et Séléné, tous deux admirables de beauté et
de sagesse. Ce bonheur attira à Basiléa la jalousie de ses frères, qui
craignant qu'Hypérion ne s'emparât de la royauté, conçurent un dessein
exécrable. D'après un complot arrêté entre eux, ils égorgèrent Hypérion
et noyèrent dans l'Eridan son fils Hélius, qui n'était encore qu'un enfant.
Ce malheur s'étant découvert, Séléné, qui aimait beaucoup son frère, se
précipita du haut du palais. Pendant que Basiléa cherchait le long du
fleuve le corps de son fils Hélius, elle s'endormit de lassitude ; elle vit en
songe Hélius qui la consola en lui recommandant de ne point s'affliger
de la mort de ses enfants ; il ajouta que les Titans recevraient le
châtiment mérité ; que sa soeur et lui allaient être transformés en êtres
immortels par l'ordre d'une providence divine ; que ce qui s'appelait
autrefois dans le ciel le feu sacré serait désigné par les hommes sous le
nom d'Hélius (Soleil), et que l'ancien nom de Méné serait changé en
celui de Séléné (Lune). A son réveil, elle raconta au peuple le songe
qu'elle avait eu, et ses infortunes. Elle ordonna ensuite d'accorder à ses
enfants des honneurs divins, et défendit que personne ne touchât son
corps. Après cela, elle tomba dans une espèce de manie. Saisissant les
jouets de sa fille, instruments bruyants, elle errait par tout le pays, les
cheveux épars, dansant comme au son des tympanons et des
cymbales, et devint ainsi pour ceux qui la voyaient un objet de surprise.
Tout le monde eut pitié d'elle ; quelques-uns voulurent l'arrêter, lorsqu'il
tomba une grande pluie, accompagnée de coups de tonnerre
continuels. Dans ce moment, Basiléa disparut. Le peuple, admirant cet
événement, plaça Hélius et Séléné parmi les astres. On éleva des autels
en l'honneur de leur mère, et on lui offrit des sacrifices ainsi que
d'autres honneurs, au bruit des tympanons et des cymbales, à
l'imitation de ce qu'on lui avait vu faire.
LVIII. Les Phrygiens racontent autrement la naissance de cette
déesse. D'après leur tradition, Méon régnait autrefois sur la Phrygie et la
Lydie ; il épousa Dindyme et en eut une fille. Ne voulant pas l'élever, il
l'exposa sur le mont Cybélus. Là, protégée des dieux, l'enfant fut
nourrie du lait de panthères et d'autres animaux féroces. Quelques
femmes, menant paître leurs troupeaux sur la montagne, furent
témoins de ce fait miraculeux ; elles emportèrent l'enfant, et
l'appelèrent Cybèle, du nom de l'endroit où elles l'avaient trouvée. Cette
fille, en grandissant, se fit remarquer par sa beauté, son intelligence et
son esprit. Elle inventa la première flûte à plusieurs tuyaux, et elle
introduisit dans les jeux et la danse les cymbales et les tympanons. Elle
composa des remèdes purifiants pour les bestiaux malades et les
nouveau-nés ; et, comme par des chants magiques elle guérissait
beaucoup d'enfants qu'elle tenait dans ses bras, elle reçut pour ces
bienfaits le nom de Mère de la montagne. Le plus intime de ses amis
était, dit-on, Marsyas le Phrygien, homme admiré pour son esprit et sa
sagesse. Marsyas donna une preuve de son esprit lorsqu'il inventa la
flûte simple, imitant seule tous les sons de la flûte à plusieurs tuyaux ;
et on jugera de sa chasteté, lorsqu'on saura qu'il est mort sans avoir
connu les plaisirs vénériens. Cependant, arrivée à l'âge de puberté,
Cybèle aima un jeune homme du pays, appelé d'abord Attis et ensuite
Papas. Elle eut avec lui un commerce intime et devint enceinte au
moment où elle fut reconnue par ses parents.
LIX. Ramenée dans le palais du roi, elle fut d'abord reçue comme
une vierge par le père et la mère. Sa faute ayant été ensuite
découverte, le père fit tuer les bergères qui l'avaient nourrie ainsi
qu'Attis, et laissa leurs corps sans sépulture. Transportée d'amour pour
ce jeune homme et affligée du sort de ses nourrices, Cybèle devint
folle ; elle parcourut le pays, les cheveux épars, en gémissant et en
battant du tambour. Marsyas, saisi de commisération, se mit à la suivre
volontairement, en souvenir de l'amitié qu'il lui avait autrefois portée. Ils
arrivèrent ainsi ensemble chez Bacchus à Nyse, et ils y rencontrèrent
Apollon, alors célèbre par le jeu de la cithare. On prétend que Mercure a
été l'inventeur de cet instrument ; mais qu'Apollon est le premier qui
s'en soit servi avec méthode. Marsyas étant entré en lutte avec Apollon
pour l'art de la musique, ils choisirent les Nysiens pour juges. Apollon
joua le premier sur la cithare, sans accompagnement de chant ; mais
Marsyas, prenant sa flûte, frappa davantage les auditeurs par la
nouveauté du son et par la mélodie de son jeu, et il parut l'emporter de
beaucoup sur son rival. I1s convinrent de recommencer la lutte et de
donner aux juges une nouvelle preuve de leur habileté ; Apollon
succéda à son antagoniste, et, mêlant le chant au jeu de la cithare, il
surpassa de beaucoup le jeu primitif de la flûte seule. Marsyas, indigné,
représenta à ses auditeurs qu'il était frustré contre toute justice ;
puisque c'était de l'exécution instrumentale et non de la voix qu'il fallait
juger, et qu'il ne s'agissait que de savoir laquelle de la cithare ou de la
flûte l'emportait pour l'harmonie et la mélodie du son ; en un mot, qu'il
était injuste d'employer deux arts contre un. Apollon répondit, suivant
ce que disent les mythologues, qu'il n'avait pris aucun avantage sur lui ;
qu'il avait fait comme Marsyas soufflant dans sa flûte, et que, pour que
la lutte fût égale, il fallait qu'aucun des antagonistes ne se servit de la
bouche dans l'exercice de son art, ou qu'ils ne se servissent tous deux
que de leurs doigts. Les auditeurs trouvèrent qu'Apollon avait raisonné
juste, et ils ordonnèrent une nouvelle épreuve. Marsyas fut encore
vaincu, et Apollon, que cette lutte avait aigri, l'écorcha tout vif. Apollon
s'en repentit cependant peu de temps après ; et, contristé de ce qu'il
avait fait, il brisa les cordes de sa cithare, et fit disparaître le mode
d'harmonie dont il était l'inventeur. Les Muses retrouvèrent depuis la
Mésé, Linus, la Lichanos, Orphée et Thamyris, l'Hypaté et la Parypaté.
Apollon déposa dans la grotte de Bacchus sa cithare et les flûtes de
Marsyas, devint amoureux de Cybèle et l'accompagna dans ses courses
jusque chez les Hyperboréens. A cette époque, les Phrygiens étaient
affligés par une maladie, et la terre était stérile. Dans leur détresse, les
habitants s'adressèrent à l'oracle, qui leur ordonna d'enterrer le corps
d'Attis et d'honorer Cybèle comme une déesse. Mais comme le corps
d'Attis avait été entièrement consumé par le temps, les Phrygiens le
représentèrent par la figure d'un jeune homme, devant laquelle ils
faisaient de grandes lamentations, pour apaiser la colère de celui qui
avait été injustement mis à mort ; cette cérémonie a été conservée
jusqu'à présent. Ils font aussi en l'honneur de Cybèle des sacrifices
annuels sur leurs anciens autels. Enfin ils lui construisirent un temple
magnifique à Pisinunte, en Phrygie, et ils établirent des fêtes à la
solennité desquelles le roi Midas contribua beaucoup. La statue de
Cybèle est entourée de lions et de panthères, parce qu'on croit que
cette déesse fut allaitée par ces animaux. Voilà ce que les phrygiens et
les Atlantes, habitant les bords de l'Océan, racontent de la mère des
dieux.
LX. Après la mort d'Hypérion, les enfants d'Uranus se partagèrent le
royaume. Les plus célèbres furent Atlas et Saturne. Les contrées
littorales étant échues par le sort à Atlas, celui-ci donna son nom aux
Atlantes ses sujets, et à la plus haute montagne de son pays. Atlas
excellait dans l'astrologie ; et le premier il représenta le monde par une
sphère. De là vient la fable, d'après laquelle Atlas porte le monde sur
ses épaules. Atlas eut plusieurs enfants ; mais Hespérus se distingua
seul par sa piété, par sa justice et sa douceur. Monté sur le sommet de
l'Atlas pour observer les astres, Hespérus fut subitement emporté par
un vent impétueux. Le peuple, touché de son sort, et se rappelant ses
vertus, lui décerna les honneurs divins, et consacra son nom au plus
brillant des astres. Atlas fut aussi père de sept filles qui furent, d'après
le nom de leur père, appelées Atlantides ; les noms de chacune d'elles
sont Maïa, Electra, Taygète, Astérope, Mérope, Alcyone et Céléno. Unies
aux plus nobles des héros et des dieux, elles en eurent des enfants qui
furent les chefs de bien des peuples, et qui devinrent dans la suite aussi
fameux que leurs pères. Maïa, l'aînée de toutes, eut de Jupiter un fils
appelé Mercure (Hermès), qui fut l'inventeur de plusieurs arts utiles aux
hommes. Les autres Atlantides eurent aussi des enfants célèbres ; car
les uns donnèrent naissance à plusieurs nations, et les autres fondèrent
des villes. C'est pourquoi non seulement quelques Barbares, mais
encore les Grecs, font descendre des Atlantides la plupart de leurs plus
anciens héros. Ces femmes étaient d'une sagesse remarquable ; après
leur mort, elles furent vénérées comme des divinités et placées dans le
ciel, sous le nom de Pléiades. Les Atlantides furent aussi appelées
Nymphes, parce que dans leur pays on nommait ainsi toutes les
femmes.
LXI. Suivant le récit des mythologues, Saturne, fière d'Atlas, se fit,
au contraire, remarquer par son impiété et son avarice. Il épousa sa
soeur Rhéa, et en eut Jupiter, surnommé par la suite l'Olympien. Il y a
eu un autre Jupiter, frère d'Uranus et roi de Crète, mais il fut inférieur en
gloire à celui qui naquit plus tard, car le dernier fut maître du monde
entier. Jupiter, roi de Crète, eut dix enfants nommés Curètes ; il appela
l'île de Crète Idéa, du nom de sa femme ; il y fut enterré, et on montre
encore aujourd'hui le lieu de son tombeau. Cependant les Crétois
racontent ces choses différemment ; nous y reviendrons en parlant de
l'histoire de la Crète. Saturne régna sur la Sicile, la Libye, et même
l'Italie ; en un mot, il étendit son empire sur tous les pays de l'Occident.
Il construisit dans ces pays des forteresses confiées à des gardes, en
même temps qu'il fortifia tons les points élevés. C'est pourquoi on
appelle encore aujourd'hui Saturniens les lieux élevés qu'on voit en
Sicile et dans les pays occidentaux. Jupiter, fils de Saturne, mena une
vie tout opposée à celle de son père ; il se montra doux et bienveillant
envers les hommes. C'est pourquoi les peuples lui donnèrent le nom de
Père. Il succéda à l'empire, soit que Saturne le lui eût cédé
volontairement, soit qu'il y eût été contraint par ses sujets, auxquels il
était odieux. Jupiter vainquit son père, qui était venu l'attaquer avec les
Titans, et demeura maître du trône. Il parcourut ensuite toute la terre
pour répandre ses bienfaits sur la race des hommes. Doué d'une grande
force ainsi que de beaucoup d'autres qualités, il devint bientôt le maître
du monde entier. Il s'efforçait de rendre ses sujets heureux ; et il
punissait sévèrement les impies et les méchants. Aussi, après sa mort,
les hommes lui donnèrent le nom de Zeus, parce qu'il leur avait
enseigné à bien vivre. Ils le placèrent par reconnaissance dans le ciel, et
lui décernèrent le titre de dieu et de maître éternel de tout l'univers.
Telles sont en abrégé les traditions des Atlantes, relatives à l'origine des
dieux.
LXII. Dans notre histoire des Egyptiens, nous avons rapporté les
traditions de cette nation sur la naissance et les exploits de Bacchus ;
nous croyons devoir placer ici ce que les Grecs racontent de ce dieu.
Comme les anciens mythologues et les poètes diffèrent entre eux au
sujet de Bacchus, et mêlent à leurs récits beaucoup de merveilleux, il
est fort difficile de démêler la vérité de l'origine et des actions de
Bacchus. Les uns ne reconnaissent qu'un seul Bacchus ; d'autres en
admettent trois. Quelques-uns même soutiennent que ce Dieu n'a
jamais apparu sous forme humaine, et que par le nom de Bacchus il faut
entendre le vin. Nous rapporterons succinctement les différentes
opinions émises à ce sujet. Ceux qui parlent de ce dieu en physiciens, et
qui nomment Bacchus le fruit de la vigne, soutiennent que la terre,
entre antres fruits, produisit d'elle-même primitivement la vigne, qui n'a
point été découverte. Ils en donnent comme preuve, qu'on trouve
encore aujourd'hui, dans beaucoup d'endroits, des vignes sauvages,
portant des fruits semblables à ceux de la vigne cultivée. Ils ajoutent
que Bacchus a été nommé Déméter par les anciens, comptant pour une
première naissance le moment de la germination de la plante, et
regardant comme une seconde naissance l'époque où la vigne perte des
grappes ; de cette manière Bacchus aurait eu deux naissances, l'une en
sortant du sein de la terre, l'autre en produisant le fruit de la vigne.
Quelques mythologues lui attribuent encore une troisième naissance :
ils racontent que Bacchus, né de Jupiter et de Cérès, fut déchiré par les
enfants de la terre, qui le mirent en pièces et le firent bouillir ; mais que
Cérès ramassa ses membres et lui rendit la vie. On donne une
interprétation physique de ce mythe, en disant que Bacchus, fils de
Jupiter et de Cérès, signifie que la vigne s'accroît, et que son fruit, qui
fournit le vin, mûrit par le moyen de la terre (Cérès), et par la pluie
(Jupiter). Bacchus, déchiré dans sa jeunesse par les enfants de la terre,
signifierait la vendange que font les cultivateurs ; car les hommes
considèrent Cérès comme la terre. Les membres qu'on a fait bouillir
indiqueraient l'usage assez général de faire cuire le vin pour le rendre
meilleur et lui donner un fumet plus suave. Les membres déchirés par
les enfants de la terre et remis dans leur premier état par les soins de
Cérès, expriment qu'après qu'on a dépouillé la vigne de son fruit, et
qu'on l'a taillée, la terre la met à même de germer de nouveau selon la
saison de l'année. En général, les anciens poètes et les mythologues
appellent la terre, en tant que mère, du nom de Cérès, (Déméter). Tout
cela est conforme à ce qu'en disent les chants d'Orphée, et aux
cérémonies introduites dans les mystères dont il n'est pas permis de
parler à ceux qui n'y sont pas initiés. C'est aussi par des raisons
physiques que d'autres expliquent comment Bacchus est fils de
Sémélé ; car ils disent que la terre fut nommée par les anciens Thyoné ;
qu'on lui avait donné le nom de Sémélé à cause de la vénération qu'on
avait pour cette déesse, et Thyoné, à cause des sacrifices qu'on faisait
en son honneur. Selon la tradition, Bacchus naquit deux fois de Jupiter,
parce que le déluge de Deucalion ayant fait périr la vigne, celle-ci
reparut bientôt après la pluie. Bacchus s'étant montré ainsi aux
hommes une seconde fois, avait été, selon le mythe, gardé dans la
cuisse de Jupiter. Telles sont les opinions de ceux qui n'entendent par
Bacchus que l'usage et la découverte du vin.
LXIII. Les mythologues qui reconnaissent un Bacchus de forme
humaine, lui attribuent d'un commun accord la découverte de la culture
des vignes et de tout ce qui concerne la fabrication du vin. Mais ils ne
s'accordent pas s'il y a eu plusieurs Bacchus ou s'il n'y en a eu qu'un
seul. Les uns disent qu'il n'y a eu qu'un seul Bacchus qui enseigna aux
hommes à faire du vin, et à recueillir les fruits des arbres ; qui fit une
expédition dans toute la terre, et qui institua les mystères sacrés et les
Bacchanales. Les autres, comme je l'ai déjà dit, prétendent qu'il y a eu
trois Bacchus ayant vécu à des époques différentes, et ils attribuent à
chacun d'eux des actions particulières. Ils assurent que le plus ancien
était Indien de nation, que son pays produisant spontanément la vigne,
il s'avisa le premier d'écraser des grappes de raisin et d'inventer ainsi
l'usage du vin. Il eut également soin de cultiver les figuiers et d'autres
arbres à fruit ; enfin il fut l'inventeur de tout ce qui concerne la récolte.
C'est pourquoi il fut appelé Lénéus. On lui donne aussi le nom de
Catapogon, parce que les Indiens ont la coutume de laisser croître leur
barbe jusqu'à la fin de leur vie. Ce même Bacchus parcourut toute la
terre à la tête d'une armée, et enseigna l'art de planter la vigne et de
presser le raisin, ce qui lui fit donner le nom de Lénéus. Enfin, après
avoir communiqué aux hommes plusieurs autres découvertes, il fut mis,
après sa mort, au rang des immortels par ceux qu'il avait comblés de
ses bienfaits. Les Indiens montrent encore aujourd'hui l'endroit de sa
naissance, et ils ont plusieurs villes qui portent dans leur langue le nom
de ce dieu. Il nous reste encore beaucoup d'autres monuments
remarquables qui attestent que Bacchus est né chez les Indiens : nais il
serait trop long de nous y arrêter.
LXIV. Selon ces mêmes mythologues, le second Bacchus naquit de
Jupiter et de Proserpine ; quelques-uns disent de Cérès. Ce fut lui qui le
premier attela des boeufs à la charrue ; car auparavant les hommes
travaillaient la terre avec leurs mains. Il inventa plusieurs autres choses
utiles à l'agriculture, et qui soulagèrent beaucoup les laboureurs de
leurs fatigues. C'est pourquoi les hommes, n'oubliant point ces bienfaits,
lui décernèrent les honneurs divins et lui offrirent des sacrifices. Les
peintres ou les sculpteurs représentent ce Bacchus avec des cornes,
tant pour le distinguer de l'autre que pour indiquer de quelle utilité a
été aux hommes l'invention de faire servir le boeuf au labourage. Le
troisième Bacchus naquit, selon la tradition, à Thèbes, en Béotie, de
Jupiter et de Sémélé, fille de Cadmus. Epris de Sémélé, qui était très
belle, Jupiter eut avec elle des rapports fréquents. Junon en devint
jalouse, et, voulant se venger de sa rivale, elle prit la figure d'une des
confidentes de Sémélé et lui dressa un piège. Sous ce déguisement, elle
lui persuada qu'il serait plus convenable, que Jupiter vînt la trouver avec
la même pompe que lorsqu'il allait voir Junon. S'étant ainsi laissé
séduire, Sémélé exigea de Jupiter les mêmes honneurs qu'il rendait à
Junon. Jupiter se présenta donc armé de la foudre et du tonnerre ;
Sémélé, qui ne put soutenir l'éclat de cette apparition, accoucha avant
terme et mourut. Jupiter cacha aussitôt le foetus dans sa cuisse, et,
lorsque ce foetus eut pris tout le développement d'un enfant à terme, il
le porta à Nyse, en Arabie. Là, cet enfant fut élevé par les Nymphes, et
appelé Dionysus, nom composé de celui de son père et de celui du lieu
où il avait été nourri. Il était d'une beauté remarquable, et passa sa
jeunesse parmi des femmes, en festins, en danses et en toutes sortes
de réjouissances. Composant ensuite une armée avec ces femmes,
auxquelles il donna des thyrses pour armes, il parcourut toute la terre. Il
institua les mystères, et n'initia dans les cérémonies que des hommes
pieux et d'une vie irréprochable. Il établit partout des fêtes publiques et
des luttes musicales. Il apaisa les différends qui divisaient les nations et
les villes, et substitua aux troubles et à la guerre l'ordre et une paix
durable.
LXV. La renommée avant partout annoncé la présence du dieu,
divulgué les bienfaits de la civilisation qu'il apportait, tout le monde
courait au-devant de lui ; on le recevait partout avec de grandes
marques de joie. Un petit nombre d'hommes le méprisaient par orgueil
ou par impiété. Ils disaient que c'était par incontinence qu'il menait les
Bacchantes avec lui, et qu'il n'avait inventé les mystères et les
initiations que pour corrompre les femmes d'autrui. Mais Bacchus s'en
vengea immédiatement ; car quelquefois il se servait de son pouvoir
surnaturel pour rendre ces impies tantôt insensés, tantôt pour les faire
déchirer par les mains des femmes qui le suivaient. Quelquefois il usait
d'un stratagème pour se défaire de ses ennemis : au lieu de thyrses, il
donna à ses Bacchantes des lances dont la pointe acérée était cachée
sous les feuilles de lierre. Les rois, ignorant ce stratagème, méprisaient
ces troupes de femmes, et, n'étant protégés par aucune arme
défensive, ils étaient blessés contre leur attente. Les plus célèbres de
ceux qui furent ainsi punis, sont : Penthée, chez les Grecs, Myrrhanus,
roi chez les Indiens, et Lycurgue, chez les Thraces. Au sujet de celui-ci,
la tradition rapporte que Bacchus, voulant conduire son armée d'Asie en
Europe, contracta une alliance avec Lycurgue, roi de la Thrace sur
l'Hellespont. Il avait déjà fait entrer l'avant-garde des Bacchantes dans
ce pays allié, lorsque Lycurgue commanda à ses soldats de faire une
attaque nocturne, et de tuer Bacchus et toutes les Ménades. Averti de
cette trahison par un Thrace appelé Tharops, Bacchus fut terrifié, parce
que son armée était encore sur l'autre rive, et qu'il n'avait passé la mer
qu'accompagné d'un très petit nombre d'amis. C'est pourquoi il repassa
secrètement la mer pour aller rejoindre ses troupes. Lycurgue attaqua
les Ménades dans un lieu appelé Nysium, et les tua toutes. Mais
Bacchus, franchissant l'Hellespont avec son armée, défit les Thraces en
bataille rangée, et fit prisonnier Lycurgue, auquel il fit crever les yeux ;
et, après lui avoir fait subir toutes sortes de tourments, il le fit enfin
mettre en croix. Ensuite, pour témoigner à Tharops sa reconnaissance, il
lui donna le royaume des Thraces, et lui enseigna les mystères
Orgiaques. Oeagre, fils de Tharops, succéda à son père, et apprit de lui
les mystères, auxquels il initia plus lard son fils Orphée. Surpassant tous
ses contemporains par son génie et son instruction, Orphée changea
plusieurs choses dans les Orgies. C'est pourquoi on appelle Orphiques
les mystères de Bacchus. Quelques poètes, au nombre desquels est
Antimaque, disent que Lycurgue était roi, non de la Thrace, mais de
l'Arabie ; et que ce fut à Nyse, en Arabie, qu'il avait attaqué Bacchus et
les Bacchantes. Châtiant ainsi les impies et accueillant avec douceur les
autres hommes, Bacchus revint des Indes à Thèbes, où il fit son entrée
sur un éléphant. Il employa en tout trois ans à cette expédition ; c'est
pourquoi les Grecs appellent Triétérides les fêtes Dionysiaques. Les
mythologues prétendent encore que Bacchus, chargé des dépouilles
qu'il avait recueillies dans une si grande expédition, conduisit le premier
triomphe en revenant dans sa patrie.
LXVI. Telles sont les origines de Bacchus sur lesquelles on est le plus
d'accord chez les anciens. Mais beaucoup de villes grecques se
disputent l'honneur d'avoir donné le jour à Bacchus. Les Eliens, les
Naxiens, les habitants d'Eleuthère, les Teïens, et beaucoup d'autres
encore essaient de prouver que Bacchus est né chez eux. Les Teïens
donnent pour preuve une source qui, à des époques fixes, laisse couler
naturellement un vin d'un parfum exquis. Les uns allèguent que leur
pays est consacré à Bacchus ; d'autres appuient leur prétention sur les
temples, et les enceintes sacrées, qui sont de temps immémorial
dédiées à ce dieu. En général, comme Bacchus a laissé, en beaucoup
d'endroits de la terre, des marques de sa présence bienfaisante, il n'est
pas étonnant que tant de villes et de contrées le réclament. Le poète
confirme notre récit, lorsque, dans ses hymnes, il parle ainsi des villes
qui se disputent la naissance de Bacchus ; et en même temps, il le fait
naître à Nyse, en Arabie : «Les Dracaniens, les habitants d'Icare
exposés aux tempêtes, les Naxiens, la race divine des Iraphiotes, ceux
qui habitent les rives de l'Alphée aux tournants profonds, les Thébains,
réclament, ô Seigneur, ta naissance. Ils se trompent. Tu naquis du père
des dieux et des hommes, loin des mortels et à l'insu de Junon aux bras
blancs. [Tu reçus le jour] à Nyse, sur une montagne élevée, couverte de
bois fleuri, loin de la Phénicie, et près des ondes de l'Egyptus». Je
n'ignore pas que les Libyens, qui habitent les bords de l'Océan,
revendiquent aussi la naissance de Bacchus. Ils prétendent que la
plupart des choses que les mythes racontent de ce dieu, se sont
passées dans leur pays ; ils ont même une ville appelée Nyse, et citent
beaucoup d'autres vestiges qui, à ce qu'on dit, s'y voient encore
aujourd'hui. De plus, ils s'appuient sur ce que beaucoup d'anciens
mythologues et poètes de la Grèce, et même quelques écrivains plus
récents, ont adopté cette opinion. Aussi, pour ne rien omettre
relativement à l'histoire de Bacchus, rapporterons-nous succinctement
les traditions des Libyens, conformes à celles que racontent les
historiens grecs, et surtout Dionysius, qui a mis en ordre les anciens
mythes. Cet auteur a rassemblé tout ce qui concerne Bacchus, les
Amazones, les Argonautes, la guerre de Troie et plusieurs autres choses
; il y a joint les chants des anciens mythologues ou poètes.
LXVII. Conformément au récit de Dionysius, Linus inventa le premier,
chez les Grecs, le rythme et la mélodie ; de plus, après que Cadmus eut
apporté de la Phénicie les lettres, Linus les appliqua le premier à la
langue grecque, donna à chacune son nom, et fixa leur forme. Ses
lettres furent appelées, d'une dénomination générale, phéniciennes,
parce qu'elles avaient été apportées de la Phénicie en Grèce ; elles
portaient plus particulièrement le nom de pélasgiennes, parce que les
Pélasgiens se sont les premiers servis de ces caractères transportés.
Linus, admiré pour sa poésie et son chant, eut un grand nombre de
disciples, dont trois très célèbres, Hercule, Thamyris et Orphée. D'une
intelligence lente, Hercule ne fit point de progrès dans l'art de jouer de
la lyre, qu'il apprenait ; son maître s'avisa alors de le frapper. Hercule,
transporté de colère, tua Linus d'un coup de sa lyre. Thamyris avait des
dispositions plus heureuses. Il se livra à la musique ; mais la perfection
où il parvint lui inspira la prétention de mieux chanter que les Muses.
Ces déesses, irritées, le privèrent de son talent pour la musique, et lui
ôtèrent la vue, ainsi qu'Homère le témoigne, lorsqu'il dit : «C'est ici que
les Muses, irritées, firent taire le chant de Thamyris le Thrace». Il dit
encore : «Les déesses, irritées, l'aveuglèrent. Elles le privèrent de sa
voix et lui firent perdre la mémoire du jeu de la lyre». Quant à Orphée,
troisième disciple de Linus, nous en parlerons en détail, en racontant les
aventures de sa vie. On rapporte que Linus écrivit en lettres
pélasgiennes l'histoire du premier Bacchus, et plusieurs autres mythes,
qu'il a laissés dans ses commentaires. Orphée et Pronapidès maître
d'Homère, doués l'un et l'autre de grands talents pour la composition du
chant, se sont également servis des lettres pélasgiennes. Enfin
Thymoetès, fils de Thymoetès, descendant de Laomédon, qui vivait du
temps d'Orphée, parcourut une grande partie du monde, et arriva vers
les côtes occidentales de la Libye ; il y vit la ville de Nyse, où, selon la
tradition des habitants, fut élevé Bacchus. Les Nyséens lui apprirent en
détail l'histoire de ce dieu. Thymoetès composa ensuite un poème
surnommé Phrygien, écrit en langue et en caractères antiques.
LXVIII. Selon le récit de cet écrivain, Ammon, roi d'une partie de la
Libye, épousa Rhéa, fille d'Uranus, soeur de Saturne et des autres
Titans. En visitant son royaume, Ammon trouva, près des monts
Cérauniens, une fille singulièrement belle, qui s'appelait Amalthée. Il en
devint amoureux, et en eut un enfant d'une beauté et d'une force
admirables. Il donna à Amalthée la souveraineté de la contrée voisine,
dont la configuration rappelle la corne d'un boeuf, et qu'on appelait la
corne d'Hespérus. Cette contrée, en raison de la fertilité de son sol,
produit non seulement beaucoup de vignes, mais encore toutes sortes
d'arbres fruitiers. Amalthée prit donc le gouvernement de cette contrée,
à laquelle elle laissa le nom de corne d'Amalthée, et on a depuis lors
appelé Amalthées tous les pays fertiles. Craignant la jalousie de Rhéa,
Ammon cacha avec soin cet enfant, et le fit transporter secrètement
dans la ville de Nyse, qui était fort éloignée de là. Cette ville est située
dans une île environnée par le fleuve Triton ; elle est très escarpée, et
l'on ne peut y entrer que par un passage étroit qu'on nomme les portes
Nyséennes. L'île est formée d'une terre très fertile, garnie de prairies
charmantes, de jardins cultivés, et arrosée de sources abondantes ; elle
est couverte d'arbres fruitiers de toute espèce, et de vignes sauvages,
la plupart sous forme d'arbrisseaux. Toute cette région est bien exposée
aux vents et extrêmement saine ; aussi ceux qui l'habitent vivent-ils
beaucoup plus longtemps que leurs voisins. L'entrée de cette île se
présente d'abord sous la forme d'une vallée, ombragée d'arbres élevés
et touffus, qui laissent à peine y pénétrer un faible rayon du soleil.
LXIX. Partout les bords des chemins sont arrosés par de sources
d'une eau excellente et qui invite les passants à s'y reposer. En
avançant, on rencontre une grotte arrondie d'une grandeur et d'une
beauté extraordinaires. Cette grotte est surmontée d'un rocher escarpé
d'une hauteur prodigieuse, et dont les pierres brillent des couleurs les
plus éclatantes, semblables à la pourpre marine, à l'azur et autres
nuances resplendissantes ; enfin ou ne pourrait imaginer aucune
couleur qui ne se trouvât pas là. A l'entrée de cette grotte, il y a des
arbres énormes dont les uns portent des fruits ; les autres, toujours
verts, semblent n'avoir été produits par la nature que pour réjouir la
vue. Là nichent des oiseaux de toute espèce, remarquables par la
beauté de leur plumage et par la douceur de leur chant ; aussi ce lieu
est-il fait non seulement pour les jouissances de la vue, mais encore
pour celles de l'oreille, ravie par les sons des chanteurs naturels qui
surpassent la mélodie même des artistes. Derrière l'entrée, la grotte est
entièrement découverte et reçoit les rayons du soleil. Il y croît des
plantes de toute espèce, mais surtout la casie et d'autres végétaux dont
l'odeur se conserve pendant des années. On voit aussi dans cette grotte
plusieurs lits de Nymphes, formés de toutes sortes de fleurs, oeuvre non
pas de l'homme, mais de la nature. Tout à l'entour, on n'aperçoit point
de fleurs flétries ni de feuilles tombées. C'est pourquoi, outre le plaisir
que procure la vue, on a encore celui de l'odorat.
LXX. Ce fut dans cette grotte qu'Ammon déposa son fils, et qu'il le
donna à nourrir à Nysa, fille d'Aristée. Il désigna, pour surveiller
l'éducation de cet enfant, Aristée, homme remarquable par son esprit,
par sa sagesse, et par son instruction variée. Afin de le garantir contre
les embûches de Rhéa, sa marâtre, Ammon en confia la garde à
Minerve, qui venait de naître de la Terre, sur les rives du fleuve Triton,
d'où elle fut surnommée Tritonis. Selon le récit des mythologues, cette
déesse fit voeu de garder une virginité perpétuelle, et à tant de
sagesse, elle joignit un esprit si pénétrant, qu'elle inventa un grand
nombre d'arts. Robuste et très courageuse, elle s'adonna aussi au
métier des armes, et elle fit beaucoup d'exploits mémorables. Elle tua
l'Aegide, monstre terrible et tout à fait indomptable ; il était né de la
Terre et vomissait de sa gueule une masse de flammes. Ce monstre
parut d'abord dans la Phrygie, et brûla toute la contrée qui, encore
aujourd'hui, s'appelle la Phrygie brûlée. Il infesta ensuite le mont
Taurus, et incendia toutes les forêts jusqu'à l'Inde. Après cela,
retournant vers la mer, il entra dans la Phénicie, et mit en feu les forêts
du Liban. Ayant ensuite traversé l'Egypte et parcouru les régions
occidentales de la Libye, il tomba, comme la foudre, sur les forêts des
monts Cérauniens. Il mettait en feu toute la contrée, faisant périr les
habitants, ou les forçant à s'expatrier, lorsque parut Minerve qui,
surpassant les hommes en prudence et en courage, tua ce monstre.
Depuis lors elle porta toujours la peau de l'Aegide sur sa poitrine, soit
comme une arme défensive, soit comme un souvenir de sa valeur et de
sa juste renommée. La Terre, mère de ce monstre, en fut irritée : elle
enfanta les géants qui furent plus tard vaincus par Jupiter avec le
secours de Minerve, de Bacchus et des autres dieux. Ainsi donc,
Bacchus ayant été nourri à Nyse et instruit dans les plus belles sciences,
était non seulement d'une force et d'une beauté remarquables, mais il
aimait les arts et inventa plusieurs choses utiles. Etant encore enfant, il
découvrit la nature et l'usage du vin, en écrasant des raisins de vignes
sauvages. Il trouva aussi qu'on pouvait faire sécher les fruits mûrs, et
les conserver utilement. Il inventa ensuite la culture la plus convenable
à chaque plante. Il résolut de faire part aux hommes de ces
découvertes, espérant qu'ils lui accorderaient, en mémoire de ces
grands bienfaits, les honneurs divins.

LXXI. La renommée de Bacchus s'étant ainsi répandue, Rhéa, irritée


contre Ammon, résolut de s'emparer de Bacchus. Mais, ne réussissant
pas dans son entreprise, elle quitta Ammon, et, retournant auprès des
Titans, ses frères, elle épousa son frère Saturne. Celui-ci, à l'instigation
de Rhéa, marcha contre Ammon et le défit en bataille rangée. Pressé
par la famine, Ammon se réfugia en Crète. Là il épousa Créta, l'une des
filles des Curètes, alors régnant, et il fut reconnu roi de cette île, qui,
nommée auparavant Idéa, reçut le nom de Crète, du nom de la femme
du roi. Saturne s'empara des pays d'Ammon, y régna avec cruauté, et
marcha à la tête d'une nombreuse armée contre Nyse et Bacchus. Mais
Bacchus, instruit de la défaite de son père, et de la marche des Titans,
leva des troupes dans Nyse. Au nombre de ces guerriers étaient deux
cents jeunes gens, tous élevés avec lui, d'une bravoure et d'un
attachement à toute épreuve ; il fit venir des contrées voisines les
Libyens et les Amazones qui, comme nous l'avons dit, célèbres par leur
courage, avaient les premières entrepris une expédition lointaine, et
soumis par leurs armes une grande partie de la terre. Ce fut à
l'instigation de Minerve, animée des mêmes goûts guerriers, que les
Amazones devinrent les auxiliaires de Bacchus. Comme ces femmes,
elle s'était vouée au métier des armes et à la virginité. L'armée se
partagea en deux corps ; Bacchus commanda les hommes, et Minerve
les femmes ; ils attaquèrent ainsi la troupe des Titans. Le combat fut
sanglant, et il tomba beaucoup de monde de part et d'autre ; enfin
Saturne fut blessé, et Bacchus remporta la victoire. Les Titans
s'enfuirent dans les pays jadis occupés par Ammon ; Bacchus revint à
Nyse avec un grand nombre de prisonniers. Là, entourant les captifs
avec toute son armée sous les armes, il reprocha aux Titans leur
conduite, et leur fit croire qu'il allait les faire périr ; mais il leur fit grâce,
et les laissa libres de partir ou de l'accompagner à la guerre. Ils
devinrent tous ses compagnons d'armes ; et en reconnaissance de leur
salut inespéré, ils l'adorèrent comme un dieu. Bacchus, appelant les
prisonniers l'un après l'autre, et leur offrant une coupe de vin pour faire
une libation, leur fit jurer de servir fidèlement, et de combattre
courageusement pour lui jusqu'à la fin de leur vie. Ces soldats ainsi
engagés furent nommés Hypospondes ; de là on appela plus tard, en
mémoire de ce fait, Spondes, les trèves conclues avec l'ennemi.
LXXII. Au moment où Bacchus allait marcher contre Saturne, et faire
sortir ses troupes de Nyse, Aristée, son précepteur, lui offrit un sacrifice,
et fut ainsi le premier homme qui rendit à Bacchus des honneurs divins.
Les plus distingués des Nyséens prirent part à cette expédition. On les
appelait Silènes, du nom de Silénus, premier roi de Nyse, et dont
l'origine antique est inconnue. Ce Silénus avait une queue au bas du
dos, et ses descendants, participant de la même nature, portaient tous
ce signe distinctif. Bacchus se mit en route à la tête de son armée, et
après avoir traversé beaucoup de pays privés d'eau, et d'autres qui
étaient déserts et incultes, il s'établit devant la ville libyenne Zabirna.
Là, il tua un monstre, né de la Terre ; ce monstre s'appelait Campé, et
avait dévoré beaucoup d'habitants. Cet exploit lui acquit une grande
réputation auprès des indigènes. Pour y perpétuer sa mémoire, il fit
élever, sur le corps de ce monstre, un tertre énorme, monument qui a
subsisté jusqu'à des temps assez récents. Bacchus se porta ensuite à la
rencontre des Titans. Dans sa marche, il maintint parmi les troupes une
discipline sévère, et se montra doux et humain envers les habitants.
Enfin il déclara qu'il n'avait entrepris cette expédition que pour châtier
les impies et répandre ses bienfaits sur le genre humain. Les Libyens,
admirant la discipline de ses troupes et sa magnanimité, fournirent
abondamment des vivres aux soldats et les suivirent avec joie. Lorsque
l'armée de Bacchus se fut approchée de la ville des Ammoniens,
Saturne lui livra bataille en dehors des murs ; ayant été vaincu, il fit,
pendant la nuit, incendier la ville, afin de détruire le palais paternel de
Bacchus. Emmenant avec lui Rhéa, sa femme, et quelques-uns de ses
amis, il abandonna la ville clandestinement. Cependant Bacchus eut
une conduite toute différente ; car, ayant fait prisonniers Saturne et
Rhéa, non seulement il leur pardonna, en considération des liens de
parenté, mais il les pria même de le regarder à l'avenir comme leur fils,
et de le laisser vivre avec eux, en les honorant. Rhéa l'aima toute sa vie
comme un fils ; mais Saturne ne lui fut jamais sincèrement attaché. A
cette même époque, Saturne eut un fils appelé Jupiter, que Bacchus
honorait beaucoup, et qui devint, par la suite, roi de l'univers.
LXXIII. Avant le combat, les Libyens avaient raconté à Bacchus qu'à
l'époque où Ammon fut chassé de son royaume, il avait été prédit aux
habitants du pays, que, dans un temps déterminé, viendrait son fils,
pour prendre possession du trône de son père, et que, maître de toute
la terre, il serait considéré connue un dieu. Bacchus ajouta foi à cette
prédiction, et institua un oracle en honneur de son père, fonda une ville,
lui décerna les hoimeurs divins et établit des prêtres pour l'oracle qu'il
avait institué. Ammon y est représenté avec une tête de bélier, insigne
que ce roi portait sur son casque, dans la guerre. Quelques mythologues
prétendent qu'il avait naturellement une véritable corne sur chaque
côté des tempes, et que son fils Bacchus avait le même aspect. C'est ce
qui accrédita la tradition que Bacchus était né cornu. Après la fondation
de la ville et l'établissement de l'oracle d'Ammon, Bacchus fut, dit-on, le
premier qui consulta l'oracle de son père ; et il obtint pour réponse qu'il
acquerrait l'immortalité par ses bienfaits envers les hommes. C'est
pourquoi, rempli d'espérance, il envahit d'abord avec son armée
l'Egypte, et y établit pour roi Jupiter, fils de Saturne et de Rhéa. Comme
celui-ci était encore fort jeune, il lui donna Olympus pour gouverneur.
Nommé ainsi dans la vertu, par les préceptes de son maître, Jupiter fut
surnommé Olympien. Bacchus enseigna aux Egyptiens la culture et
l'usage de la vigne, la conservation du vin, du fruit des arbres, et
d'autres produits. Sa réputation s'étant répandue partout, personne
n'osa lui résister ; tous les hommes se soumirent volontairement, et
vénérèrent Bacchus comme un dieu par des louanges et des sacrifices.
Bacchus parcourut ainsi toute la terre, plantant la vigne, et comblant les
nations de ses bienfaits, dont le souvenir est éternel. Aussi ces
hommes, qui n'accordent pas également les mêmes honneurs aux
autres divinités, sont presque tous unanimes sur le culte de Bacchus.
Car ce dieu a répandu ses biens sur les Grecs aussi bien que sur les
Barbares. Et il a même appris à ceux qui habitent des contrées
sauvages et peu propres à la culture de la vigne, à composer, avec de
l'orge, une boisson qui, pour le goût, ne le cède guère au vin. On
raconte que Bacchus, revenant de l'Inde, descendit vers la côte de la
Méditerranée, et fut obligé de combattre les Titans, dont les troupes
réunies avaient pénétré dans l'île de Crète pour attaquer Ammon.
Jupiter envoya des soldats égyptiens au secours d'Ammon, et la guerre
s'allumant dans cette île, Bacchus, Minerve, et quelques autres dieux, y
accoururent. Il se livra une grande bataille ; Bacchus resta vainqueur, et
tous les Titans furent tués. Après cela, Amnon et Bacchus échangèrent
le séjour terrestre contre la demeure des immortels. Jupiter régna, selon
la tradition, sur tout l'univers ; car, après le châtiment des Titans,
personne ne fut assez sacrilège pour lui disputer l'empire.
LXXIV. Telle est, d'après la tradition des Libyens, l'histoire du
premier Bacchus, fils d'Ammon et d'Amalthée. Quant au second, qui
était fils de Jupiter et d'Io, fille d'Inachus, il fut roi d'Egypte, et enseigna
les mystères sacrés. Enfin, le troisième, né de Jupiter et de Sémélé, fut,
chez les Grecs, l'émule des deux précédents, imitant les deux premiers,
il parcourut tonte la terre à la tête d'une armée ; il éleva plusieurs
colonnes pour marquer les termes de son expédition ; il répandit la
culture de la terre ; il menait avec lui des femmes armées, comme
l'ancien Bacchus avait à sa suite les Amazones. Il s'occupa beaucoup
des Orgies, perfectionna quelques cérémonies, et en inventa de
nouvelles. Ce dernier Bacchus recueillit ainsi la gloire des deux
premiers, que la longueur du temps avait presque effacés de la
mémoire des hommes. La même chose est arrivée non seulement à
Bacchus, mais encore à Hercule. En effet, il y a eu plusieurs héros de ce
nom. Hercule, le plus ancien, est, selon la tradition, d'origine égyptienne
; après avoir subjugué une grande partie de la terre, il éleva une
colonne sur la côte de la Libye. Le second, originaire de la Crète, l'un
des Dactyles idéens, se livra à la magie et à l'art de la guerre, et institua
les jeux olympiques. Enfin, le dernier Hercule, né de Jupiter et
d'Alcmène, peu de temps avant la guerre de Troie, parcourut, obéissant
aux ordres d'Eurysthée, une grande partie de la terre. Après avoir
heureusement achevé ses travaux, il érigea en Europe la colonne qui
porte son nom. A cause de la ressemblance de nom et de moeurs, on
attribua à ce dernier les actions des deux Hercule plus anciens ;
confondant les temps, de trois, on n'en fit qu'un. Parmi les diverses
preuves qu'on allègue pour démontrer qu'il y a eu plusieurs Bacchus, il
y en a une qu'on tire de la guerre des Titans. Tout le monde est
d'accord que Bacchus fut l'auxiliaire de Jupiter, dans la guerre contre les
Titans. Or, il est absurde de placer la race des Titans dans le temps où
vivait Sémélé, et de faire Cadmus, fils d'Agénor, plus ancien que les
dieux de l'Olympe. Telles sont les traditions mythologiques des Libyens
au sujet de Bacchus. Nous terminons ici le troisième livre, d'après le
plan que nous nous étions tracé au commencement.
NOTES

(01) Ce roi s'appelait Nabonnabas , selon la liste des rois babyloniens dans la
cbronographie de Syncelle.

(02) Les historiens grecs écrivent indifféremment Καδούσιοι , Cadusiens , et


Καδδούσιοι, Caddusiens (Polybe, V, 44 et 79).

(03) Peuple de la Perse (Strabon , liv. XVI ).

(04) Les Borcaniens habitaient sur les frontières de l'Hyrcanie. (Voy. Ctésias
dans les Extraits de Photius , p. 110. )

(05) Il y avait deux tribus caspiennes, l'une habitait â l'ouest, dans le voisinage
de la mer Caspienne; l'autre était limitrophe de la Parthie. C'est sur le territoire de
cette dernière tribu qu'étaient situées les Κασπίαι πύλαι, Portes Caspiennes. (Voy.
Dionys. Perieget. , 1039, et Strabon, liv. XI. )

(06) Il faut se rappeler ici que les anciens donnaient souvent le nom de Syrie à
tout le:pays qui s'étend depuis la Babylonie jusqu'au golfe d'Issus.

(07) C'est là une erreur. La ville de Ninus était située sur les bords du Tigre,
ainsi que l'attestent non-seulement les témoignages (l'Hérodote (1, 193), de Strabon ,
de Pline, de Ptolémée, mais surtout les vestiges qu'on retrouve encore aujourd'hui de
cette antique cité.

(08) D'après cela, la ville de Ninus aurait eu exactement la même grandeur que
Babylone. Cependant, suivant l'autorité de Strabon, la première ville était beau-coup
plus grande que Babylone (XVI, p. 1071; πολὺ μείζων τῆς Βαβυλῶνος).

(09) Cette ville porte, dans l'Écriture sainte, le nom de Ninive, de Nin-Navé,
qui, suivant Bochart, signifie résidence de Ninus.

(10) Probablement le lac Sirbonide dont il a été question dans le liv. I, chap. 30.

(11) Comparez ce récit avec celui de Lucien , de la Déesse Syrienne, chap. 14.

(12) Selon Bochart, Sémiramis serait une corruption de Serimamis, de Sera,


montagne , et Hema, colombe.

(13)On se rappelle que le baptême de Jésus-Christ, pendant lequel le Saint-


Esprit se manifesta sous la forme d'une colombe, a eu lieu dans un pays autrefois
compris dans le royaume de la Syrie.

(14) Quelques-uns lisent Onnès (Ὄννης). J'adopte ici la leçon de l'édition


Bipontine.

(15)Voy. plus bas, XIV, 47.

(16) Le nom d'Oxyarte paraît être un nom générique comme celui de Pharaon,
qu'on donnait aux rois d'Égypte. Le père de Roxane s'appelait aussi Oxyarte. Voy
XVIII , 3.

(17) Environ dix-sept cents mètres.

(18) Selon la plupart des historiens, ce n'est pas Sémiramis, mais Bélus qui fut
le fondateur de Babylone. Quinte-Curce, V, I : Semiramis Babylonem condiderat,
;et, ut plerique credidere, Belus, cujus regia ostenditur. Ammian Marcellin, XIII, 6 :
Babylon, cujus moenia bitumine Semiramis struxit; arcem enim antiquissimus rex
condidit Belus. Voy. Jac. Periz., Orig. Babylon. , chap. 7.

(19) Soixante-six mille mètres. Selon Hérodote (I, 478), cette enceinte était de
luatre cent quatre-vingts stades, et, selon Strabon , de trois cent quatre-vingt-;inq
stades.

(20) Ce vernis d'asphalte devait avoir pour effet la conservation indéfinie des
pierres argileuses ( briques) qu'il recouvrait. Aussi trouve-t-on encore aujourd'hui
beaucoup de ces matériaux qui avaient servi à la construction des murs de Ninive et
le Babylone.

(21) A peu près quatre-vingt-six mètres.

(22) Environ vingt-cinq mètres.

(23) Voy. Hérodote, I, 183; Arrien, VII, 20.

(24) Soixante mètres.

(25) Ce pont passait pour une des merveilles de l'Orient. Hérodote en attribue la
construction à Nitocris ( liv. 1, chap. 186).

(26) Près de trente kilomètres.

(27) Plus de onze kilomètres.

(28) Quatre-vingt-dix mètres.

(29) Environ deux mètres.

(30) Cinq mille cinq cent vingt mètres.

(31) Cette divinité porte dans les langues sémitiques le nom de Baal. Je pense

que l'on pourrait faire dériver ce mot du chaldéen ou de l'hébreu, (bara), créer,

et de (al ), Dieu ; Baal (Baral) signifierait donc Dieu créateur. C'est le Elohim de

la Genèse.

(32) Cinquante-cinq kilomètres.

(33) Environ deux mètres.

(34) Ce laps de temps parait bien court, à moins d'admettre qu'il y eût plusieurs
milliers de bras employés à ces travaux. Au reste, on remarquera que les nombres
sept, trente, trois cent soixante-cinq, exprimant les jours de la semaine, du mois et de
l'année, se rencontrent trop souvent, dans le récit de ces constructions antiques, pour
qu'il ne soit pas permis de.douter de leur authenticité, à moins de supposer (ce qui
paraît assez probable) que les combinaisons mystiques des nombres sacrés jouaient
un grand rôle , chez les peuples religieux, dans la construction de leurs. monuments.
C'est ainsi que nous voyons dans les cathédrales du moyen âge le nombre ternaire
(trinité) et le multiple de ce nombre par trois présider à la dis-position des piliers,
des ogives, etc.

(35) Ce monument existait encore du temps d'Hérodote (liv. II, chap. 181 ). Il
fut détruit par les Perses ; Alexandre essaya en vain de le rétablir ( Arrien , VII, 17 ).

(36) Voyez sur les Chaldéens, chap. 29.

(37) Tout ce qui est raconté ici s'accorde assez bien avec la description de la
tour de Babel dans le Pentateuque.

(38) Environ trente et un mille kilogrammes. Le talent babylonien valait, selon


Hérodote (III, 126), soixante-dix mines euboïques ou attiques.

(39) Environ trois cent trente kilogr.

(40) Particulièrement par Darius et Xercès. Voy. Hérodote , II , 183 ; Strabon ,


XVI , p. 1073.

(41) Comparez Quinte-Curce, liv. V, chap. 1 : Syriæ regem, Babylone


regnantem, hoc opus esse molitum, memoriœ proditum est, more conjugis victum. Ce
roi de Syrie (d'Assyrie) n'est autre que Nabuchodonosor, ainsi que nous l'apprend
Bérose, cité par Joseph, Antiquités Juives, liv. X, chap. 11; et dans le livre contre
Apion, I, 19.

(42) Environ cent vingt mètres.

(43) Près de vingt-cinq mètres.

(44) Quarante-six myriamètres.

(45) L'Euphrate et le Tigre n'arrosent, à proprement parler, ni la Médie ni la


Parétacène. Cellarius avait déjà signalé cette erreur de Diodore.

(46) Golfe Persique, qui porte souvent, chez les anciens, le nom de mer Rouge.

(47) Ὀβελίσκος est le diminutif de ὀβελός, broche, aiguille.

(48) L'asphalte ou bitume parait avoir la même origine que la houille. Ces
matières proviennent sans doute de la décomposition lente de débris organiques
enfouis dans le sol , peut-être d'immenses forêts antédiluviennes formées d'arbres
résineux.

(49) Le gaz délétère, dont il est ici question, est sans doute l'hydrogène sulfuré
qui se dégage fréquemment de sources naturelles, et qui agit comme un poison,
même étant respiré en petite quantité. Les mots πίπραται τὸ σῶμα μάλιστα τοὺς
περὶ τὸν πνεύμονα τόπους font voir que l'anatomie pathologique n'est pas
d'invention aussi récente qu'on le croit généralement.

(50) Plus de deux kilomètres.

(51) Environ deux mille huit cent cinquante mètres.

(52) C'est-à-dire en caractères assyriens, qui paraissent avoir été très-peu


différents des caractères hébreux.

(53) Ecbatane fut la résidence d'été des rois de Perse, en raison du climat, qui y
était moins chaud (Strabon, XI, p. 794).

(54) Plus de deux kilomètres.

(55) Les eaux, chargées d'oxyde et de sels de fer, peuvent présenter un aspect
rouge ; mais elles exhalent alors une odeur d'encre et n'ont aucunement les propriétés
merveilleuses dont il est ici question.

(56) C'était du verre fossile, ainsi qu'Hérodote l'indique lui-même, liv. III, chap.
24 : ἡ ὕελος δέ σφι πολλὴ καὶ εὐεργὸς ὁρύσσεται. Ce verre fossile était ou le sel
gemme, si abondant en Éthiopie, ou le sulfate de chaux (gypse) cristallisé, qu'on
trouve dans beaucoup de pays, et, entre autres, dans les carrières des environs de
Paris, où il est connu sous le nom de gie ou pierre à Jésus. Cependant , l'expression
de περιχεύειν ne peut guère s'appliquer qu'au verre véritable.

(57) Cette expédition de Sémiramis, ainsi que beaucoup d'autres exploits


attribués à cette reine, ont été révoqués en doute , déjà par des auteurs anciens, tels
que Mégasthène et Strabon.

(58) Ce sont les πλοῖα διαιρετά ou πλοῖα διάλυτα de Strabon (XVI, p. 1076).
Comparez Quinte-Curce : Plura flumina superanda erant ; sic junxere naves, ut
solutae plaustris vehi possent, rursusque conjungi.

(59) Environ deux mètres.

(60) Consultez Tite-Live, XXX, 18 : Ad quorum (elephantorum) stridorem


odoremque et adspectum territi equi, vanum equestre auxilium fecerunt.

(60) Comparez Justin, liv. I, chap. 2.


(61) Lucien, de la Déesse syrienne, c. 44 : Σεμιράμις ἐς περιστερὴν ἀπίκετο.
C'est ce qui expliquerait, selon quelques auteurs, le culte des pigeons chez les
Syriens ou les Assyriens. Voyez page 116, note 3.

(62) Suivant Fabricius (Bibliotheca groeca, t. IV, 20, p. 131), l'Athénée, dont il
est ici question, était originaire de Séleucie, et philosophe péripatéticien.

(63) Suivant Ctésias, l'empire des Assyriens avait duré treize cents ans. Voy.
Justin, 1,2.

(64) D'après la Chronographie de Syncelle, Teutam était le vingt-septième roi


depuis Ninyas, et, suivant Céphalion, le vingt-septième roi depuis Bélus.

(65) Scaliger , s'appuyant sur l'autorité d'Eusèbe , pense qu'il faut lire ici
τριακοστὸς καὶ πέμτος, le trente-cinquième.

(66) Voyez sur la préparation de la céruse chez les anciens, mon Histoire de la
Chimie, t. I, p. 131.

(67) Ce Grec s'appelait Choerilus, s'il faut en croire Athénée (XII, 7).

(68) Mèdes, Perses, Babyloniens et Arabes.

(69) On pourrait se demander comment un homme, que l'on nous dépeint


comme si efféminé, s'est montré tout à coup si résolu et si courageux.

(70) Plus de douze kilomètres.

(71) Environ seize millions neuf cent mille francs de notre monnaie.

(72) C'est sans doute par inadvertance que Miot et Terrasson ont lu ici ὄpoç
montagne, au lieu de ὅpoç frontière; car ὅpoç n'est justifié par aucun manuscrit.

(73) La plupart de ces machines ne furent inventées que sous le règne de Denis,
tyran de Syracuse. Voir plus bas XΙV , 41.

(74) Trois mille six cents mètres.

(74) Ninive parait avoir été, par la suite, relevée de ses ruines. Car Tacite
(Annales , XII, 13) , Ptolémée (Géographie, VI , i) et Ammien (XXIII , 6) parlent de
cette ville comme existant à leur époque.

(75) A combien de rapprochements ces paroles pourraient donner lieu !

(76) Πλανῆται, astres errants.

(77) Saturne.
(78) Suivant le rapport de Simplicius (Comment. in Arist. de Caelo, c. 11 ), les
Chaldéens citaient, au temps d'Alexandre, une suite d'observations de 1903 ans. --
M. l.etronne (Journal des savants, année 1839, t. XXlV, p. 577) a fait très-
judicieusement ressortir l'importance de ces renseignements précieux que Diodore
communique ici sur l'astronomie des Chaldéens. Voyez Ideler , Über die Sternkunde
der Chaldaeer ( sur l'astronomie des Chaldéens), dans les Mémoires de l'Académie
de Berlin , années 1814-1815, p. 199.

(79) Selon Hérodote (I, 95, 100), ce roi s'appelait Déjocès.

(80) Sept cent onze ans avant Jésus-Christ.

(81) Cette remarque est ou un lapsus memoriae, ou le texte d'Hérodote était, du


temps de Diodore, différent du texte actuel , ainsi que l'a déjà fait observer
Wesseling.

(82) Ce sont les annales des rois, les megella dont parlent Esdras (VI, 2) et
l'auteur d'Esther (III 22;VI, 1;X, 2).

(83) Nicolas de Damas, qui nous a laissé quelques détails sur les intrigues de ce
favori , l'appelle Parsondas.

(84) Cent quatre-vingt-quatre mètres.

(85) Cinq cent quinze myriamétres.

(86) L'influence de l'air, des eaux et des lieux sur le moral comme sur le
physique de l'homme est incontestable. Ainsi , le crétinisme n'existe réellement que
dans des localités soumises à certaines conditions physiques. Les végétaux eux-
mimes subissent l'empire des milieux environnants. Qui ne sait que la plupart des
plantes aromatiques , de la famille des Labiées, ne croissent guère que sur un sol
aride et sablonneux, tandis que d'autres végétaux exigent pour leur développement
un terrain, gras et marécageux.

(87) Strabon (XV, p. 1012) donne le nom de βόσμορος à une espèce de


graminée semblable au froment.

(88) La canne à sucre ou toute autre espèce de roseau riche en sucre de canne

(89) Cinq kilomètres et demi.

(90) L'océan Indien , ἡ μεγάλη θάλαττα. Voir chap. 35.


(91) Ce récit, répété par Pline ( Hist. nat., XXXI, 2) , est évidemment fabuleux.
On ne tonnait aucun liquide qui soit assez dense pour empêcher tous les corps d'y
tomber au fond. Le mercure lui-nième, sur lequel peuvent pourtant nager des corps
treize fois plus pesants que l'eau , ne résiste pas,à l'or et au platine, qui y tombent au
fond.

(92) Les eaux et les vents sont en effet deux circonstances qui peuvent s'opposer
le plus puissamment aux ravages d'une maladie épidémique.

(93) Μηρός, cuisse.

(94) Dans la cuisse de Jupiter.

(95) Elle s'appelait Pandoea. Voyez Arrien ( Indic. c. 9 ).

(96) Au rapport d'Arrien , cette ville était située au confluent de deux fleuves,
l'Eranuubua et le (ange. Aujourd'hui Allalabad. Voir Robertson , Recherches sur
l'Inde ancienne , p. 235.

(97) Philon nous apprend que cette loi se trouvait aussi chez les Esséniens en
Palestine. Les Esséniens , ayant aboli l'esclavage, accusaient tous les despotes de
violer la sainte loi de l'égalité, et ils les considéraient comme des sacriléges. Les lois
fondamentales de la morale chrétienne étaient depuis longtemps pratiquées par la
secte des Esséniens, à laquelle Jésus-Christ ne paraît pas avoir été étranger.

(98) C'était là la condition des serfs au moyen àge , et qui se conserve encore
aujourd'hui chez quelques nations à demi civilisées. Cette condition des agriculteurs
chez les Indiens ne s'accorde guère avec la loi de l'égalité, énoncée plus haut..

(99) Je n'ai pas cru devoir suivre ici l'exemple de Terrasson et Miot, qui ont,
contrairement au texte original, transporté tout cet alinéa à la fin du chapitre 41.

(100) Il est à remarquer que le mot slavon tschudi ( d'où dérive sans doute le
nom de Scythes) signifie étranger; de même que le mot Barbares dérive du nom
syriaque Barbar, étranger ou ennemi, hostis.

(101) Les historiens ne s'accordent point entre eux sur le genre de mort infligé à
Cyrus.

(102) Ἀμάζονος, sans mamelles. Suivant Otrokoski ( Origin. Hungar., t. Il, c.


14 ), le mot amazone vient d'am' azzon, qui signifie femme robuste dans quelques
dialectes slavons.
(103) Ταυρόπολος , habitant de la Tauride. C'est dans ce pays que l'image de
cette déesse avait été transportée.

(104) Cycle de Méton. Voyez Ideler, dans les Mém. de l'Acad. de Berlin , année
1814.

(105) Ce récit paraît tout à fait fabuleux, car il ne peut s'appliquer à aucune des
îles situées au nord de la Celtique.

(106) Cette observation peut s'appliquer à presque toutes les époques de


l'histoire des Arabes.

(107) Quatre-vingt-douze kilomètres.

(108) Onze kilomètres.

(109) Toutes les localités qui répandent du gaz hydrogène sulfuré donnent lieu
aux observations du même genre. Ce gaz est en effet inflammable, fétide et nuisible
à la santé.

(110) La gomme ammoniaque (?).

(111) Tous ces végétaux contiennent du sucre de canne.

(112) L'auteur n'en indique pas l'espèce. Peut-être faut-il lire ῥητίνη
τερεβίνδου la résine du térébinthe, au lieu de ῥητίνη καὶ τερέβινδος. C'est, une
conjecture que j'oserais proposer.

(113) Selon quelques commentateurs, c'est le juniperus sabina; cette espèce de


genévrier fournit une huile essentielle ayant des propriétés emménagogues.

(114) C'est de l'or natif, ἄπυρος, c'est-à-dire qui n'a pas besoin de passer par le
feu , d'être calciné , tandis que tous les autres minerais doivent être travaillés au feu
pour en extraire les métaux ductiles et malléables. C'est là, selon moi , le vrai sens
du mot ἄπυρος, que tous les interprètes me paraissent avoir mal compris.

(115) De στρουθός, moineau , et κάμηλος, chameau.

(116) Terrasson a commis ici une double erreur en traduisant ῥύγχος εἰς ὀξὺ
συνηγμένον par « bec recourbé en pointe, »
(117) C'est sans doute de la girafe qu'il est ici question , bien que plusieurs
points de la description ne puissent guère s'appliquer à cet animal qui avait excité .
l'admiration des anciens.

(118) Τραγέλαφος signifie littéralement bouc-cerf.

(119) Le cristal (κρύσταλλος) que les physiciens grecs considéraient comme


étant composé d'eau pure congelée, non par le froid, mais par l'action d'un feu divin ,
était le cristal de roche ( acide silicique) qui est effectiveruènt de formation
plutonienne ou ignée. Le cristal de roche forme avec la potasse ou la soude la partie
essentielle des pierres précieuses artificielles, dont les anciens connaissaient
parfaitement la préparation. La pâte vitreuse, composée de silicate de potasse, étant
fondue avec certains oxydes métalliques, donne des verres ou cristaux artificiels
diversement colorés. Avec l'oxyde de cuivre, on imite l'émeraude, avec l'oxyde d'or,
le rubis; avec l'oxyde de cobalt, le saphir , etc. — Les physiciens de l'antiquité
avaient pour principe d'imiter la nature. Ils attribuaient, avec raison , une grande
puissance génératrice au feu divin (πῦρ θεῖον) , c'est-à-dire au soleil, si bien
dénommé δημιουργὸς τῆς φύσεως, l'architecte de la nature. C'est le feu divin de cet
architecte de la nature qu'if cherchaient à imiter par le feu , ouvrage des mortels
(πυρὸς διὰ τοῦ θνητοῦς.... γεγονότος).

(120) Il y a de ces vérités qui sont senties plutôt que comprises : elles sont
contemporaines de l'homme. Le culte que les peuples primitifs ont voué au soleil a
certainement sa raison, non pas seulement dans l'éclat lumineux de cet astre qui fait,
distinguer le jour des ténèbres, mais surtout dans l'influence vivifiante, mystérieuse,
et pour ainsi dire toute divine, que le soleil exerce sur tout l'ensemble de la nature.
Cette influence a été sans doute reconnue de tout temps , bien qu'on n'edt encore
peut-être aucun moyen de s'appuyer sur des démonstrations scientifiques. Depuis des
milliers d'années ( Diodore n'est ici que l'interprète de témoignages plus anciens) on
sait que la lumière du soleil est la cause des couleurs, niais c'est depuis un siècle et
demi à peine que l'on a trouvé la démonstration scientifique de ce fait par la
décomposition de la lumière en ses couleurs primitives : les corps qui nous
paraissent jaunes, absorbent toutes les autres couleurs du spectre solaire, moins le
jaune; les corps qui nous paraissent verts absorbent toutes les autres couleurs , moins
le vert, etc. Les anciens savaient comme nous que le chatoiement irisé des plumes
des oiseaux est un effet du soleil mais ils ne savaient pas comment cet effet résulte
de certains phénomènes de diffraction que la physique nous explique aujourd'hui.
Les anciens attribuaient à l'action du soleil le parfum des fruits du Midi. La chimie
cherche aujourd'hui à nous rendre compte de ce fait. Les philosophes de l'école
ionienne avaient été conduits à admettre théoriquement qu'il existe dans l'air un
esprit (πνεῦμα) qui entretient le feu et la respiration; pendant des siècles on l'a
cherché en tàtonnant; maintenant tout le monde peut le palper, cet esprit , que
Lavoisier a appelé oxygène. Il serait inutile de multiplier les exemples. Il me suffit
d'avoir fait ressortir que les grandes vérités scientifiques, exprimées dans leur
formule la plus générale , ont été connues presque de tout temps , et qu'elles sont en
quelque sorte inhérentes à l'intelligence mame de l'homme; tous les progrès de la
science ne semblent donc consister que dans la découverte des détails démonstratifs
à l'appui de ces vérités.

(121) Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'en effet, de tous les animaux connus ,
les oiseaux développent le plus de chaleur et ont le sang le plus chaud, ainsi que le
démontre l'expérience. Leur respiration est également plus active que celle des
autres animaux.

(122) C'est-à-dire de l'Assyrie.

(123) Flamants (T).

(124) Comparez Ammien , XIV, 8 : Huic (Syriae Palaestinae) Arabia est


conserta, ex alio latere Nabateeis contigua; optima varietate commerciorum,
castrisque oppleta validis et castellis.

(125) A deux tubercules ou bosses.

(126) Environ cinq hectolitres.

(127) Environ quatre-vingt-douze myi iamètres. Quelques-uns pensent qu'il est


ici question de l'île de Ceylan (Taprobane ). Il paraît plus rationnel de regarder tout
ce récit en grande partie comme le fruit de l'imagination de Iambulus. Il serait donc
oiseux d'y ajouter le moindre commentaire. Au reste, Iambulus avait déjà auprès de
ses compatriotes la réputation d'un nugator.

(128) Près de deux mètres.

(129) Odyssée, chant VII, v. 420.

(130) Cette écriture était analogue .à celle des Mandschous. Ce passage se


rattache plus immédiatement au récit donné quelques lignes plus haut. J'ai cru devoir
m'abstenir de cette transposition par respect pour l'original.
(131) Cette plante rappelle le mancenillier de la vallée de Mort à. Java.

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE. ΒΙΒΛΙΟΘΗΚΗΣ


ΙΣΤΟΡΙΚΗΣ ΒΙΒΛΟΣ ΠΕΜΠΤΗ

TOME CINQUIÈME : LIVRE V


Traduction française : FERD. HOEFER
livre IV - livre VI (fragments)

DIODORE DE SICILE.

PARIS. — IMPRIMERIE DE GUSTAVE GRATIOT,


11, rue de la Monnaie.

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE

DE

DIODORE DE SICILE

TRADUCTION NOUVELLE
AVEC UNE PRÉFACE, DES NOTES ET UN INDEX

PAR M. FERD. HOEFER.


________

TOME DEUXIEME.

________

PARIS

ADOLPHE DELAHAYS, LIBRAIRE,

4 ET 6, RUE VOLTAIRE

___________

1851
DIODORE DE SICILE
LIVRE CINQUIÈME
SOMMAIRE.
Mythes relatifs à la Sicile ; configuration et étendue de celte île — Cérès,
Proserpine et la découverte du froment. — Lipare et les autres îles
Éoliennes. — Mélite, Gaulos cl Cercine.— Éthalie, Cyrnus (la Corse) et la
Sardaigne. - Pityuse, et les iles gynmésiennes, qu'on appelle aussi
Baléares, — Îles situées à l'ouest dans l'Océan. — Île Britannique; île
Basilée où se trouve le succin. — Gaule Celtibérie, Ibérie, Ligurie,
Tyrrhénie ; habitants de ces pays et leurs mœurs. -Îles situées au midi
dans l'Océan ; ile sacrée ( Hiéra); île Panchaïa ; des choses qu'on en
raconte. - Samothrace et ses mystères. — Naxos, Syme et Calydne.-
Rhodes; traditions mythologiques concernant cette île. - Chersonèse située
en face de Rhodes. - Crètre ; son histoire mythologique jusqu'à des temps
plus récentss — Lesbos; des colonies conduites par Macarée à Chio,
Samos, Cos et Rhodes - Ténédos et ses anciens habitants. — Îles Cyclades.

[1] Πάντων μὲν τῶν ἐν I. Tous ceux qui écrivent


ταῖς ἀναγραφαῖς χρησίμων l'hisloire doivent considérer
προνοητέον τοὺς ἱστορίαν comme un point très-utile la
συνταττομένους, μάλιστα δὲ disposition des parties ou
τῆς κατὰ μέρος οἰκονομίας. l'économie des détails. Ce
Αὕτη γὰρ οὐ μόνον ἐν τοῖς principe d'ordre est aussi
ἰδιωτικοῖς βίοις πολλὰ avantageux pour l'historien
συμβάλλεται πρὸς διαμονὴν que pour l'économe qui
καὶ αὔξησιν τῆς οὐσίας, cherche la prospérité de la
ἀλλὰ καὶ κατὰ τὰς ἱστορίας maison. Quelques écrivains
οὐκ ὀλίγα ποιεῖ recueillant des éloges
προτερήματα τοῖς mérités pour l'exposition et la
συγγραφεῦσιν. Ἔνιοι δὲ καὶ variété des faits qu'ils
κατὰ τὴν λέξιν καὶ κατὰ τὴν racontent, sont justement
πολυπειρίαν τῶν critiqués pour cette économie
ἀναγραφομένων πράξεων qui leur manque. Le lecteur
ἐπαινούμενοι δικαίως, ἐν τῷ qui ap- 2 précie leur
κατὰ τὴν οἰκονομίαν exactitude, censure avec
χειρισμῷ διήμαρτον, ὥστε raison le défaut de méthode.
τοὺς μὲν πόνους καὶ τὴν Ainsi, Tirmée met le plus
ἐπιμέλειαν αὐτῶν ἀποδοχῆς grand soin dans la rédaction
τυγχάνειν παρὰ τοῖς de la partie chronologique, et
ἀναγινώσκουσι, τὴν δὲ τάξιν fait preuve d'une grande
τῶν ἀναγεγραμμένων érudition ; mais ses critiques
δικαίας τυγχάνειν déplacées et trop longues lui
ἐπιτιμήσεως. Τίμαιος μὲν ont fait donner par quelques-
οὖν μεγίστην πρόνοιαν uns le surnom d'Épitimée.
πεποιημένος τῆς τῶν Éphore, au contraire, qui a
χρόνων ἀκριβείας καὶ τῆς écrit une histoire universelle,
πολυπειρίας πεφροντικώς, se distingue non-seulement
διὰ τὰς ἀκαίρους καὶ μακρὰς par la beauté du style, niais
ἐπιτιμήσεις εὐλόγως encore par la sage économie
διαβάλλεται, καὶ διὰ τὴν des détails : chaque livre est
ὑπερβολὴν τῆς ἐπιτιμήσεως consacré à un ordre de faits
Ἐπιτίμαιος ὑπό τινων distinct. Comme nous
ὠνομάσθη. Ἔφορος δὲ τὰς préférons ce genre de
κοινὰς πράξεις ἀναγράφων méthode à tout autre, nous
οὐ μόνον κατὰ τὴν λέξιν, tâcherons de le suivre autant
ἀλλὰ καὶ κατὰ τὴν que possible.
οἰκονομίαν ἐπιτέτευχε· τῶν II. Nous avons intitulé ce livre
γὰρ βίβλων ἑκάστην le Traité des îles : nous
πεποίηκε περιέχειν κατὰ commencerons par la Sicile,
γένος τὰς πράξεις. Διόπερ qui est la pins puissante et la
καὶ ἡμεῖς τοῦτο τὸ γένος première par l'ancienneté de
τοῦ χειρισμοῦ προκρίναντες, son histoire et de ses mythes.
κατὰ τὸ δυνατὸν
ἀντεχόμεθα ταύτης τῆς La Sicile s'appelait
προαιρέσεως. anciennement Trinacrie, à
cause de sa forme. Elle fut
[2] Καὶ ταύτην τὴν ensuite nommée Sicanie par
βίβλον ἐπιγράφοντες les Sicaniens qui
νησιωτικὴν ἀκολούθως τῇ l'habitèrent ; enfin les
γραφῇ περὶ πρώτης τῆς
Σικελίας ἐροῦμεν, ἐπεὶ καὶ Siciliens, arrivés de l'Italie
κρατίστη τῶν νήσων ἐστὶ dans cette île, lui donnèrent
καὶ τῇ παλαιότητι τῶν le nom de Sicile. Elle a
μυθολογουμένων environ quatre mille trois
πεπρώτευκεν. cent soixante stades de
Ἡ γὰρ νῆσος τὸ παλαιὸν circonférence (01) ; car de
ἀπὸ μὲν τοῦ σχήματος ses trois côtés, celui qui
Τρινακρία κληθεῖσα, ἀπὸ δὲ s'étend du cap Pelore au cap
τῶν κατοικησάντων αὐτὴν Lilybée, a mille sept cents
Σικανῶν Σικανία stades; celui qui s'étend du
προσαγορευθεῖσα, τὸ Lilybée à Pachinum, sur le
τελευταῖον ἀπὸ Σικελῶν τῶν territoire de Syracuse, en a
ἐκ τῆς Ἰταλίας πανδημεὶ mille cinq cents ; enfin le
περαιωθέντων ὠνόμοσται troisième côté en a onze cent
Σικελία. Ἔστι δ´ αὐτῆς soixante. Les Siciliens ont
περίμετρος σταδίων ὡς appris, par tradition, de leurs
τετρακισχιλίων τριακοσίων ancêtres, que leur île est
ἑξήκοντα· τῶν γὰρ τριῶν consacrée à Cérès et à
πλευρῶν μὲν ἀπὸ τῆς Proserpine. Quelques poètes
Πελωριάδος ἐπὶ τὸ prétendent qu'au mariage de
Λιλύβαιον ὑπάρχει σταδίων Pluton et de Proserpine,
χιλίων ἑπτακοσίων, δ´ ἀπὸ Jupiter donna à la jeune
Λιλυβαίου μέχρι Παχύνου épouse la Sicile pour présent
τῆς Συρακοσίας χώρας de noces. Les historiens les
σταδίων χιλίων καὶ plus célèbres soutiennent
πεντακοσίων, δ´ que les Sicaniens qui
ἀπολειπομένη σταδίων habitaient jadis cette île
χιλίων ἑκατὸν étaient autochlhones ; que
τεσσαράκοντα. Οἱ ταύτην c'est en Sicile que Cérès et
οὖν κατοικοῦντες Σικελιῶται Proserpine firent leur
παρειλήφασι παρὰ τῶν première apparition, et que le
προγόνων, ἀεὶ τῆς φήμης ἐξ sol, en raison de sa fertilité, y
αἰῶνος παραδεδομένης τοῖς produisit le premier blé. Le
ἐκγόνοις, ἱερὰν ὑπάρχειν τὴν plus célèbre des poètes
νῆσον Δήμητρος καὶ Κόρης· appuie cette tradition par son
ἔνιοι δὲ τῶν ποιητῶν témoignage, lorsqu'il dit (02)
μυθολογοῦσι κατὰ τὸν τοῦ : « La 3 terre y est féconde,
Πλούτωνος καὶ Φερσεφόνης sans être ensemencée ni
γάμον ὑπὸ Διὸς labourée ; elle produit le
ἀνακάλυπτρα τῇ νύμφῃ froment, l'orge, la vigne, dont
δεδόσθαι ταύτην τὴν νῆσον. les grappes abondantes
Τοὺς δὲ κατοικοῦντας αὐτὴν donnent le vin ; et la pluie de
τὸ παλαιὸν Σικανοὺς Jupiter fait croître ces fruits.
αὐτόχθονας εἶναί φασιν οἱ » En effet on voit encore
νομιμώτατοι τῶν aujourd'hui du froment
συγγραφέων, καὶ τάς τε sauvage (03) dans la plaine
προειρημένας θεὰς ἐν ταύτῃ de Léontium (04) et dans
τῇ νήσῳ πρώτως φανῆναι beaucoup d'autres lieux de la
καὶ τὸν τοῦ σίτου καρπὸν Sicile. Il était naturel
ταύτην πρώτην ἀνεῖναι διὰ d'attribuer à un sol si fertile
τὴν ἀρετὴν τῆς χώρας, περὶ l'origine du blé; et l'on voit
ὧν καὶ τὸν ἐπιφανέστατον d'ailleurs que les déesses qui
τῶν ποιητῶν μαρτυρεῖν nous en ont découvert
λέγοντα l'usage y sont
Ἀλλὰ τά γ´ ἄσπαρτα καὶ particulièrement vénérées.
ἀνήροτα πάντα φύονται III. C'est dans la Sicile qu'on
πυροὶ καὶ κριθαί, ἠδ´ a placé l'enlèvement de
ἄμπελοι, αἵτε φέρουσιν οἶνονProserpine; on en allègue
ἐριστάφυλον, καί σφιν Διὸς comme la preuve la plus
ὄμβρος ἀέξει. évidente que les déesses
Ἔν τε γὰρ τῷ Λεοντίνῳ avaient établi leur résidence
πεδίῳ καὶ κατὰ πολλοὺς dans ce séjour de
ἄλλους τόπους τῆς Σικελίας prédilection. Ce fut, selon le
μέχρι τοῦ νῦν φύεσθαι τοὺς récit mythologique, dans les
ἀγρίους ὀνομαζομένους prairies d'Enna que Pluton
πυρούς. Καθόλου δὲ πρὸ τῆς ravit Proserpine. Cet endroit,
εὑρέσεως τοῦ σίτου voisin de la ville de ce nom,
ζητουμένου κατὰ ποίαν τῆς est émaillé de violettes et de
οἰκουμένης γῆν πρῶτον fleurs de toutes espèces ;
ἐφάνησαν οἱ προειρημένοι c'est un séjour digne d'une
καρποί, εἰκός ἐστιν déesse. On dit que ces fleurs
ἀποδίδοσθαι τὸ πρωτεῖον τῇ répandent un tel parfum, qu'il
κρατίστῃ χώρᾳ· καὶ τὰς fait perdre aux chiens de
θεὰς δὲ τὰς εὑρούσας chasse la piste des animaux.
ἀκολούθως τοῖς εἰρημένοις Cette prairie offre une
ὁρᾶν ἐστι μάλιστα surface unie, de forme
τιμωμένας παρὰ τοῖς arrondie, bien arrosée et
Σικελιώταις. bordée de précipices. Elle
passe pour occuper le centre
[3] Kαὶ τῆς ἁρπαγῆς τῆς de l'île ; et c'est pourquoi
κατὰ τὴν Κόρην ἐν ταύτῃ quelques-uns la nomment
γενομένης ἀπόδειξιν εἶναι l'Ombilic de la Sicile. Non 4
λέγουσι φανερωτάτην ὅτι loin de là, on voit des
τὰς διατριβὰς αἱ θεαὶ κατὰ bocages, des prés entourés
ταύτην τὴν νῆσον ἐποιοῦντο de marais, enfin une grotte
διὰ τὸ στέργεσθαι μάλιστα spacieuse présentant une
παρ´ αὐταῖς ταύτην. ouverture souterraine
Γενέσθαι δὲ μυθολογοῦσι τὴν inclinée vers le nord. Ce fut
ἁρπαγὴν τῆς Κόρης ἐν τοῖς par cette ouverture que,
λειμῶσι τοῖς κατὰ τὴν selon la tradition
Ἔνναν. Ἔστι δ´ τόπος mythologique, Pluton, monté
οὗτος πλησίον μὲν τῆς sur son char, vint pour
πόλεως, ἴοις δὲ καὶ τοῖς enlever Proserpine (05). Les
ἄλλοις ἄνθεσι παντοδαποῖς violettes et les autres plantes
ἐκπρεπὴς καὶ τῆς θεᾶς odorantes y fleurissent toute
ἄξιος. Διὰ δὲ τὴν ἀπὸ τῶν l'année, et charment tout à la
φυομένων ἀνθῶν εὐωδίαν fois la vue et l'odorat.
λέγεται τοὺς κυνηγεῖν
εἰωθότας κύνας μὴ δύνασθαι C'était là le séjour délicieux
στιβεύειν, ἐμποδιζομένους de Proserpine et de ses
τὴν φυσικὴν αἴσθησιν. Ἔστι compagnes, Minerve et Diane
δ´ προειρημένος λειμὼν ; se vouant à la virginité,
ἄνωθεν μὲν ὁμαλὸς καὶ elles y cueillirent des fleurs et
παντελῶς εὔυδρος, κύκλῳ δ´ firent un vêtement à Jupiter,
ὑψηλὸς καὶ πανταχόθεν leur père. Vivant ensemble,
κρημνοῖς ἀπότομος. Δοκεῖ δ´ elles chérissaient toutes cette
ἐν μέσῳ κεῖσθαι τῆς ὅλης île comme leur séjour de
νήσου, διὸ καὶ Σικελίας prédilection, et elles
ὀμφαλὸς ὑπό τινων choisirent par le sort chacune
προσαγορεύεται. Ἔχει δὲ καὶ un district. Minerve eut en
πλησίον ἄλση {καὶ partage le district d'Himère,
λειμῶνας} καὶ περὶ ταῦτα où les nymphes, pour plaire à
ἕλη, καὶ σπήλαιον εὐμέγεθες, cette déesse, firent, à
ἔχον χάσμα κατάγειον πρὸς l'arrivée d'Hercule, jaillir des
τὴν ἄρκτον νενευκός, δι´ οὗ sources d'eaux chaudes. Les
μυθολογοῦσι τὸν Πλούτωνα indigènes lui ont consacré en
μεθ´ ἅρματος ἐπελθόντα cet endroit une ville, et ce
ποιήσασθαι τὴν ἁρπαγὴν τῆς territoire s'appelle encore
Κόρης. Τὰ δὲ ἴα καὶ τῶν aujourd'hui Atheneum. Diane
ἄλλων ἀνθῶν τὰ παρεχόμενα reçut des dieux l'île de
τὴν εὐωδίαν παραδόξως δι´ Syracuse, que les oracles et
ὅλου τοῦ ἐνιαυτοῦ les hommes ont appelée
παραμένειν θάλλοντα καὶ Ortggie, du nom de cette
τὴν ὅλην πρόσοψιν ἀνθηρὰν déesse ; les nymphes
καὶ ἐπιτερπῆ παρεχόμενα. ouvrirent également dans
Μυθολογοῦσι δὲ μετὰ cette île, pour plaire à Diane,
τῆς Κόρης τὰς τῆς ὁμοίας une source très-abondante,
παρθενίας ἠξιωμένας appelée Aréthuse. Depuis un
Ἀθηνᾶν τε καὶ Ἄρτεμιν temps immémorial cette
συντρεφομένας συνάγειν μετ source nourrit des poissons
´ αὐτῆς τὰ ἄνθη καὶ énormes et nombreux,
κατασκευάζειν κοινῇ τῷ auxquels aujourd'hui encore
πατρὶ Διὶ τὸν πέπλον. Διὰ δὲ personne n'oserait toucher,
τὰς μετ´ ἀλλήλων διατριβάς parce qu'ils sont sacrés et
τε καὶ ὁμιλίας ἁπάσας inviolables. Ceux qui,
στέρξαι τὴν νῆσον ταύτην pendant les troubles de la
μάλιστα, καὶ λαχεῖν ἑκάστην guerre, en ont osé manger,
αὐτῶν χώραν, τὴν μὲν ont été frappés, par la
Ἀθηνᾶν ἐν τοῖς περὶ τὸν divinité, de grands malheurs.
Ἱμέραν μέρεσιν, ἐν οἷς τὰς Mais nous en parlerons avec
μὲν Νύμφας χαριζομένας détail en temps convenable
Ἀθηνᾷ τὰς τῶν θερμῶν (06).
ὑδάτων ἀνεῖναι πηγὰς κατὰ IV. Proserpine reçut en
τὴν Ἡρακλέους παρουσίαν, partage les prairies d'Knna.
τοὺς δ´ ἐγχωρίους πόλιν On lui a consacré sur le
αὐτῇ καθιερῶσαι καὶ χώραν territoire de Syracuse une
τὴν ὀνομαζομένην μέχρι τοῦ grande source 5 que l'on
νῦν Ἀθήναιον· τὴν δ´ appelle Cyanè (07) ; d'après
Ἄρτεμιν τὴν ἐν ταῖς la tradition, Pluton, ayant
Συρακούσαις νῆσον λαβεῖν enlevé Proserpine, la
παρὰ τῶν θεῶν τὴν ἀπ´ conduisit sur son char dans le
ἐκείνης Ὀρτυγίαν ὑπό τε τῶν voisinage de Syracuse. Là il
χρησμῶν καὶ τῶν ἀνθρώπων entr'ouvrit la terre, et prit
ὀνομασθεῖσαν. Ὁμοίως δὲ avec elle le chemin des
καὶ κατὰ τὴν νῆσον ταύτην enfers ; de cette ouverture
ἀνεῖναι τὰς Νύμφας ταύτας jaillit la source appelée
χαριζομένας τῇ Ἀρτέμιδι Cyané. Près de cette source,
μεγίστην πηγὴν τὴν les Syracusains célèbrent une
ὀνομαζομένην Ἀρέθουσαν. fête annuelle ; les particuliers
Ταύτην δ´ οὐ μόνον κατὰ apportent de légères
τοὺς ἀρχαίους χρόνους ἔχειν offrandes, et l'État fait
μεγάλους καὶ πολλοὺς ἰχθῦς, submerger des taureaux dans
ἀλλὰ καὶ κατὰ τὴν ἡμετέραν le lac. Hercule leur avait
ἡλικίαν διαμένειν συμβαίνει enseigné ce mode de
τούτους, ἱεροὺς ὄντας καὶ sacrifice, lorsqu'il parcourut
ἀθίκτους ἀνθρώποις· ἐξ ὧν la Sicile avec les vaches de
πολλάκις τινῶν κατὰ τὰς Géryon. Après l'enlèvement
πολεμικὰς περιστάσεις de Proserpine, Cérés, ne
φαγόντων, παραδόξως sachant où trouver sa fille,
ἐπεσήμηνε τὸ θεῖον καὶ alluma des torches au cratère
μεγάλαις συμφοραῖς de l'Etna et parcourut
περιέβαλε τοὺς beaucoup de contrées de la
τολμήσαντας terre. Elle répandit ses
προσενέγκασθαι· περὶ ὧν bienfaits sur les hommes et
ἀκριβῶς ἀναγράψομεν ἐν particulièrement sur ceux qui
τοῖς οἰκείοις χρόνοις. la reçurent hospitalièrement.
[4] ὁμοίως δὲ ταῖς et leur communiqua l'usage
προειρημέναις δυσὶ θεαῖς καὶ du blé. Les Athéniens, qui
τὴν Κόρην λαχεῖν τοὺς περὶ l'avaient accueillie très-
τὴν Ἔνναν λειμῶνας· πηγὴν généreusement, furent, après
δὲ μεγάλην αὐτῇ les Siciliens, les premiers
καθιερωθῆναι ἐν τῇ auxquels elle découvrit
Συρακοσίᾳ τὴν l'usage du blé. Reconnaissant
ὀνομαζομένην Κυάνην. Τὸν de ce bienfait, le peuple
γὰρ Πλούτωνα μυθολογοῦσι institua en honneur de cette
τὴν ἁρπαγὴν ποιησάμενον déesse les sacrifices les plus
ἀποκομίσαι τὴν Κόρην ἐφ´ splen- dides, et les mystères
ἅρματος πλησίον τῶν d'Eleusis si renommés par
Συρακουσῶν, καὶ τὴν γῆν leur antiquité et leur sainteté.
ἀναρρήξαντα αὐτὸν μὲν Les Athéniens, dont les
μετὰ τῆς ἁρπαγείσης δῦναι mœurs s'adoucirent par
καθ´ ᾅδου, πηγὴν δ´ ἀνεῖναι l'usage du blé, en
τὴν ὀνομαζομένην Κυάνην, distribuèrent les semences à
πρὸς κατ´ ἐνιαυτὸν οἱ leurs voisins, et remplirent
Συρακόσιοι πανήγυριν ainsi de ce fruit toute la terre.
ἐπιφανῆ συντελοῦσι, καὶ Les habitants de la Sicile, qui,
θύουσιν οἱ μὲν ἰδιῶται τὰ en récompense du séjour de
ἐλάττω τῶν ἱερείων, Cérès et de Proserpine dans
δημοσίᾳ δὲ ταύρους leur île, avaient les premiers
βυθίζουσιν ἐν τῇ λίμνῃ, appris l'usage du blé,
ταύτην τὴν θυσίαν instituèrent des fêtes
καταδείξαντος Ἡρακλέους solennelles. Ils offrent des
καθ´ ὃν καιρὸν τὰς sacrifices agréables à ces
Γηρυόνου βοῦς ἐλαύνων déesses, et dans des saisons
περιῆλθε πᾶσαν {τὴν} qui indiquent le genre
Σικελίαν. Μετὰ δὲ τὴν τῆς d'offrandes. Ils célèbrent
Κόρης ἁρπαγὴν μυθολογοῦσι l'enlèvement de Proserpine
τὴν Δήμητραν μὴ δυναμένην vers le temps où le blé atteint
ἀνευρεῖν τὴν θυγατέρα sa maturité. Cette fête est
λαμπάδας ἐκ τῶν κατὰ τὴν célébrée avec sainteté et
Αἴτνην κρατήρων avec zèle, comme il convient
ἀναψαμένην ἐπελθεῖν ἐπὶ aux hommes qui se montrent
πολλὰ μέρη τῆς οἰκουμένης, reconnaissants pour un si
τῶν δ´ ἀνθρώπων τοὺς grand bienfait. La fête de
μάλιστ´ αὐτὴν Cérès tombe à l'époque des
προσδεξαμένους semailles. Cette fête
εὐεργετῆσαι τὸν τῶν πυρῶν solennelle dure dix jours ;
καρπὸν ἀντιδωρησαμένην. l'appareil en est splendide et
Φιλανθρωπότατα δὲ τῶν magnifique ; et les habitants
Ἀθηναίων ὑποδεξαμένων τὴν imitent, dans leur maintien,
θεόν, πρώτοις τούτοις μετὰ la vie antique. Il est d'usage,
τοὺς Σικελιώτας pendant toute la durée de
δωρήσασθαι τὸν τῶν πυρῶν cette fête, de faire des
καρπόν· ἀνθ´ ὧν δῆμος discours indécents dans les
οὗτος περιττότερον τῶν réunions : parce que ce fut 6
ἄλλων ἐτίμησαν τὴν θεὸν avec des propos trop libres
θυσίαις τ´ ἐπιφανεστάταις que l'on fit rire Cérès,
καὶ τοῖς ἐν Ἐλευσῖνι quoiqu'elle fût alors affligée
μυστηρίοις, διὰ τὴν de la perte de sa fille (08).
ὑπερβολὴν τῆς ἀρχαιότητος V. Beaucoup d'historiens
καὶ ἁγνείας ἐγένετο πᾶσιν anciens et de poètes
ἀνθρώποις περιβόητα. Παρὰ rapportent, comme nous,
δὲ τῶν Ἀθηναίων πολλοὶ l'histoire de l'enlèvement de
μεταλαβόντες τῆς ἐκ τοῦ Proserpine. Voici ce qu'en dit
σίτου φιλανθρωπίας, καὶ Carcinus (09) poète tragique
τοῖς πλησιοχώροις qui visita souvent Syracuse,
μεταδιδόντες τοῦ et qui a été témoin de la
σπέρματος, ἐπλήρωσαν dévotion avec laquelle les
πᾶσαν τὴν οἰκουμένην. habitants célèbrent les
Οἱ δὲ κατὰ τὴν Σικελίαν, sacrifices et les panégyriques
διὰ τὴν τῆς Δήμητρος καὶ de Cérès et de Proserpine. Il
Κόρης πρὸς αὐτοὺς s'exprime ainsi dans ses
οἰκειότητα πρῶτοι τῆς poèmes : «On dit que Pluton
εὑρέσεως τοῦ σίτου ravit jadis, par de secrètes
μεταλαβόντες, ἑκατέρᾳ τῶν trames, la vierge sacrée, et
θεῶν κατέδειξαν θυσίας καὶ qu'il descendit avec elle dans
πανηγύρεις, ἐπωνύμους les antres obscurs de la terre.
αὐταῖς ποιήσαντες καὶ τῷ Cérès, affligée de la
χρόνῳ διασημήναντες τὰς disparition de sa fille, la
δοθείσας δωρεάς. Τῆς μὲν chercha par toute la terre. La
γὰρ Κόρης τὴν καταγωγὴν Sicile entière, couverte de
ἐποιήσαντο περὶ τὸν καιρὸν torrents de feu, vomis par
ἐν τὸν τοῦ σίτου καρπὸν l'Etna, poussait des
τελεσιουργεῖσθαι συνέβαινε, gémissements. Et la race de
καὶ ταύτην τὴν θυσίαν καὶ Jupiter, pieurant Proserpine,
πανήγυριν μετὰ τοσαύτης tombait privée d'aliments.
ἁγνείας καὶ σπουδῆς C'est en mémoire de cet
ἐπιτελοῦσιν ὅσης εἰκός ἐστι événement que l'on célèbre
τοὺς τῇ κρατίστῃ δωρεᾷ encore aujourd'hui les fêtes
προκριθέντας τῶν ἄλλων de ces déesses». Mais il ne
ἀνθρώπων ἀποδιδόναι τὰς serait pas juste de passer
χάριτας· τῆς δὲ Δήμητρος sous silence les immenses
τὸν καιρὸν τῆς θυσίας bienfaits de Cérès ; car, outre
προέκριναν ἐν τὴν ἀρχὴν la découverte du blé, les
σπόρος τοῦ σίτου λαμβάνει, Siciliens lui doivent la culture
ἐπὶ δ´ ἡμέρας δέκα du sol et les lois qui les ont
πανήγυριν ἄγουσιν ἐπώνυμον habitués à la pratique de la
τῆς θεοῦ ταύτης, τῇ τε justice. C'est pourquoi elle a
λαμπρότητι τῆς παρασκευῆς reçu le nom de Thesmophore
μεγαλοπρεπεστάτην καὶ τῇ (10). Il serait impossible
διασκευῇ μιμούμενοι τὸν d'offrir aux boulines de plus
ἀρχαῖον βίον. Ἔθος δ´ ἐστὶν grands bienfaits que de leur
αὐτοῖς ἐν ταύταις ταῖς fournir de quoi vivre et de
ἡμέραις αἰσχρολογεῖν κατὰ leur enseigner à bien vivre.
τὰς πρὸς ἀλλήλους ὁμιλίας Voilà ce que nous avions à
διὰ τὸ τὴν θεὸν ἐπὶ τῇ τῆς dire des traditions
Κόρης ἁρπαγῇ λυπουμένην mythologiques des Siciliens.
γελάσαι διὰ τὴν VI. Il faut maintenant dire un
αἰσχρολογίαν. mot des Sicaniens, qui ont les
[5] Περὶ δὲ τῆς κατὰ τὴν premiers habité la Sicile,
Κόρην ἁρπαγῆς, ὅτι γέγονεν d'autant plus que plusieurs
ὡς προειρήκαμεν, πολλοὶ historiens diffèrent d'opinion
τῶν ἀρχαίων συγγραφέων à ce sujet.
καὶ ποιητῶν μεμαρτυρήκασι. Philistus (11) prétend que les
Καρκίνος μὲν γὰρ τῶν Sicaniens étaient une colonie
τραγῳδιῶν ποιητής, d'Ibériens habitant jadis les
πλεονάκις ἐν ταῖς bords d'un fleuve de l'Ibérie, 7
Συρακούσαις Sicanus, dont ils auraient pris
παρεπιδεδημηκὼς καὶ τὴν le nom. Mais Timée,
τῶν ἐγχωρίων τεθεαμένος critiquant l'ignorance de cet
σπουδὴν περὶ τὰς θυσίας καὶ historien, démontre
πανηγύρεις τῆς τε Δήμητρος rigoureusement que les
καὶ Κόρης, κατεχώρισεν ἐν Sicaniens étaient
τοῖς ποιήμασι τούσδε τοὺς
στίχους· autochthones. Il en allègue
Λέγουσι Δήμητρός ποτ´ de nombreuses preuves, que
ἄρρητον κόρην Πλούτωνα nous ne croyons pas
κρυφίοις ἁρπάσαι nécessaire de rapporter ici.
βουλεύμασι, δῦναί τε γαίας Les anciens Sicaniens, divisés
εἰς μελαμφαεῖς μυχούς, en tribus, occupaient des
πόθῳ δὲ μητέρ´ ἠφανισμένης bourgs et des villes construits
κόρης μαστῆρ´ ἐπελθεῖν sur des lieux élevés (12),
πᾶσαν ἐν κύκλῳ χθόνα. Καὶ pour se garantir contre les
τὴν μὲν Αἰτναίοισι Σικελίαν brigands. Ils n'obéissaient
πάγοις πυρὸς γέμουσαν point à un même roi ; car
ῥεύμασιν δυσεμβόλοις πᾶσαν chaque ville avait son chef.
στενάξαι, πένθεσιν δὲ Ils occupaient d'abord l'île
παρθένου σίτων ἄμοιρον entière et vivaient de
διοτρεφὲς φθίνειν γένος. l'agriculture. Mais, plus tard,
Ὅθεν θεὰς τιμῶσιν εἰς τὰ l'Etna, ayant ravagé par sa
νῦν ἔτι. lave brûlante une assez vaste
étendue de terrain, la culture
Οὐκ ἄξιον δὲ παραλιπεῖν fut en grande partie détruite.
τῆς θεοῦ ταύτης τὴν Et, comme le volcan
ὑπερβολὴν τῆς εἰς τοὺς continuait, pendant plusieurs
ἀνθρώπους εὐεργεσίας· années de suite, à couvrir le
χωρὶς γὰρ τῆς εὑρέσεως τοῦ pays de ses flammes, les
σίτου τήν τε κατεργασίαν Sicaniens épouvantés
αὐτοῦ τοὺς ἀνθρώπους abandonnèrent les parties
ἐδίδαξε καὶ νόμους orientales de l'île pour se
εἰσηγήσατο καθ´ οὓς retirer vers l'occident.
δικαιοπραγεῖν εἰθίσθησαν, δι Plusieurs générations après,
´ ἣν αἰτίαν φασὶν αὐτὴν une colonie de Siciliens,
θεσμοφόρον ἐπονομασθῆναι. quittant l'Italie, traversa la
Τούτων δὲ τῶν εὑρημάτων mer et vint occuper la
οὐκ ἄν τις ἑτέραν contrée qui avait été
εὐεργεσίαν εὕροι μείζονα· abandonnée par les
καὶ γὰρ τὸ ζῆν καὶ τὸ καλῶς Sicaniens. Poussés par
ζῆν περιέχουσι. Περὶ μὲν οὖν l'ambition de nouvelles
τῶν μυθολογουμένων παρὰ conquêtes, ils envahirent le
τοῖς Σικελιώταις territoire voisin, ce qui fut la
ἀρκεσθησόμεθα τοῖς source de guerres fréquentes
ῥηθεῖσιν. avec les Sicaniens, jusqu'à
[6] Περὶ δὲ τῶν l'époque où un traité de paix
κατοικησάντων ἐν αὐτῇ régla les limites du territoire.
πρώτων Σικανῶν, ἐπειδή Nous nous arrêterons
τινες τῶν συγγραφέων davantage sur ce sujet, dans
διαφωνοῦσιν, ἀναγκαῖόν ἐστι un temps plus convenable
συντόμως εἰπεῖν. (13). Les Grecs ont les
derniers envoyé des colonies
Φίλιστος μὲν γάρ φησιν
considérables en Sicile, et ils
ἐξ Ἰβηρίας αὐτοὺς
y ont fondé plusieurs villes
ἀποικισθέντας κατοικῆσαι
maritimes. Le grand nombre
τὴν νῆσον, ἀπό τινος
Σικανοῦ ποταμοῦ κατ´ de Grecs qui abordaient dans
Ἰβηρίαν ὄντος τετευχότας cette île, et le commerce
ταύτης τῆς προσηγορίας, qu'ils entretenaient avec les
Τίμαιος δὲ τὴν ἄγνοιαν habitants du pays,
τούτου τοῦ συγγραφέως engagèrent bientôt ces
ἐλέγξας ἀκριβῶς derniers à renoncer à leur
ἀποφαίνεται τούτους langue barbare, à adopter les
αὐτόχθονας εἶναι· πολλὰς δ´ moeurs des Grecs, et à
αὐτοῦ φέροντος ἀποδείξεις changer jusqu'à leur nom en
τῆς τούτων ἀρχαιότητος, celui de Siciliens.
οὐκ ἀναγκαῖον ἡγούμεθα VII. Après cet exposé,
περὶ τούτων διεξιέναι. Οἱ δ´ passons à la description des
οὖν Σικανοὶ τὸ παλαιὸν îles Eoliennes. Ces îles sont
κωμηδὸν ᾤκουν, ἐπὶ τῶν au nombre de sept :
ὀχυρωτάτων λόφων τὰς Strongyle, Evonyme, Didyme,
πόλεις κατασκευάζοντες διὰ Phoenicodès, Ericodès, Hiéra,
τοὺς λῃστάς· οὐ γὰρ ἦσαν consacrée à Vulcain, et
ὑπὸ μίαν ἡγεμονίαν Lipare, dans laquelle a été
βασιλέως τεταγμένοι, κατὰ fondée la ville de même 8
πόλιν δὲ ἑκάστην εἷς ἦν nom (14). Elles sont situées
δυναστεύων. Καὶ τὸ μὲν entre la Sicile et l'Italie,
πρῶτον ἅπασαν τὴν νῆσον presqu'en ligne droite du
κατῴκουν, καὶ τὴν χώραν levant au couchant. Elles sont
ἐργαζόμενοι τὰς τροφὰς à environ cent cinquante
εἶχον· ὕστερον δὲ τῆς Αἴτνης stades (15) de la Sicile. Elles
ἐν πλείοσι τόποις sont presque toutes de
ἀναφυσήματα πυρὸς même étendue ; la plus
ἀνείσης, καὶ πολλοῦ κατὰ grande a environ cent
τὴν χώραν ῥύακος cinquante stades de tour.
ἐκχυθέντος, συνέβη Toutes ces îles ont éprouvé
φθαρῆναι τῆς γῆς ἐπὶ πολὺν des éruptions volcaniques ; et
τόπον. Ἐπ´ ἔτη δὲ πλείω τοῦ l'on y voit encore aujourd'hui
πυρὸς ἐπινεμομένου πολλὴν des bouches de cratères.
χώραν, φοβηθέντες τὰ μὲν Dans Strongyle et Hiéra, il
πρὸς ἕω κεκλιμένα τῆς existe encore actuellement
Σικελίας ἐξέλιπον, εἰς δὲ τὰ des gouffres d'où sort un vent
πρὸς δυσμὰς νεύοντα violent et un bruit effroyable.
μετῴκησαν. Τὸ δὲ Il en sort aussi du sable et
τελευταῖον πολλαῖς γενεαῖς des produits ignés, comme
ὕστερον ἐκ τῆς Ἰταλίας τὸ on en voit autour de l'Etna.
τῶν Σικελῶν ἔθνος πανδημεὶ Aussi quelques-uns disent-ils
περαιωθὲν εἰς τὴν Σικελίαν, que ces îles communiquent
τὴν ὑπὸ τῶν Σικανῶν avec l'Etna par des voies
ἐκλειφθεῖσαν χώραν souterraines, et que la
κατῴκησαν. Ἀεὶ δὲ τῇ plupart du temps les cratères
πλεονεξίᾳ προβαινόντων de ces îles et l'Etna
τῶν Σικελῶν, καὶ τὴν ὅμορον vomissaient alternativement.
πορθούντων, ἐγένοντο Les îles Eoliennes étaient, dit-
πόλεμοι πλεονάκις αὐτοῖς on, autrefois désertes ; dans
πρὸς τοὺς Σικανούς, ἕως la suite, Liparus, fils du roi
συνθήκας ποιησάμενοι Auson, ayant été exilé par
συμφώνους ὅρους ἔθεντο ses frères, s'enfuit de l'Italie
τῆς χώρας· περὶ ὧν τὰ κατὰ avec des vaisseaux longs et
μέρος ἐν τοῖς οἰκείοις avec quelques soldats, et vint
χρόνοις ἀναγράψομεν. s'établir dans l'île à laquelle il
Ὕσταται δ´ ἀποικίαι τῶν donna le nom de Lipare. Il
Ἑλλήνων ἐγένοντο κατὰ τὴν fonda une ville du même
Σικελίαν ἀξιόλογοι καὶ nom, et défricha les autre
πόλεις παρὰ θάλατταν îles. Liparus était déjà vieux,
ἐκτίσθησαν. Ἀναμιγνύμενοι δ lorsqu'Eole, fils d'Hippotus,
´ ἀλλήλοις καὶ διὰ τὸ πλῆθος aborda avec quelques amis
τῶν καταπλεόντων Ἑλλήνων dans l'île de Lipare, et épousa
τήν τε διάλεκτον αὐτῶν Cyané, fille de Liparus.
ἔμαθον καὶ ταῖς ἀγωγαῖς Réunissant ses compagnons
συντραφέντες τὸ τελευταῖον et les habitants du pays sous
τὴν βάρβαρον διάλεκτον les mêmes lois, il devint roi
ἅμα καὶ τὴν προσηγορίαν de l'île. Liparus désirant
ἠλλάξαντο, Σικελιῶται revoir l'Italie, Eole l'aida à
προσαγορευθέντες. s'établir dans le pays de
[7] Ἡμεῖς δὲ περὶ τούτων Surrentum (16), où ce roi
ἀρκούντως εἰρηκότες mourut, après un règne
μεταβιβάσομεν τὸν λόγον glorieux. Liparus reçut des
ἐπὶ τὰς νήσους τὰς funérailles magnifiques, et
ὀνομαζομένας Αἰολίδας. les habitants lui rendirent les
Αὗται δ´ εἰσὶ τὸν μὲν honneurs héroïques. L'Eole
ἀριθμὸν ἑπτά, προσηγορίας dont nous parlons est, dit-on,
δ´ ἔχουσι ταύτας, le même qui reçut chez lui
Στρογγύλη καὶ Εὐώνυμος, Olysse errant (17). Il était
ἔτι δὲ Διδύμη καὶ pieux, juste, et hospitalier ; il
Φοινικώδης καὶ Ἐρικώδης, introduisit dans la navigation
9 l'usage des voiles ; il
πρὸς δὲ τούτοις Ἱερὰ
Ἡφαίστου καὶ Λιπάρα, καθ´ prédisait avec certitude les
ἣν ὁμώνυμος πόλις vents par l'indice des
καθίδρυται. Κεῖνται δ´ αὗται flammes qu'il observait. C'est
μεταξὺ Σικελίας καὶ Ἰταλίας pourquoi la mythologie lui
ἐπ´ εὐθείας ἀπὸ πορθμοῦ καὶ attribua l'empire des vents.
τῆς πρὸς ἕω πρὸς δύσιν. Son extrême piété lui fit
Ἀπέχουσι δὲ τῆς Σικελίας ὡς donner le surnom d'ami des
ἑκατὸν πεντήκοντα dieux.
σταδίους, καὶ τὸ μέγεθός VIII. Eole eut six fils,
εἰσιν ἀλλήλαις παραπλήσιαι· Astyochus, Xuthus,
δὲ μεγίστη αὐτῶν ἐστι τὴν Androclès, Phérémon,
περίμετρον σταδίων ὡς Jocastus et Agathyrnus ; tous
ἑκατὸν πεντήκοντα. Αὗται furent célèbres en raison de
δὲ πᾶσαι πυρὸς ἐσχήκασιν la gloire de leur père et par
ἀναφυσήματα μεγάλα, ὧν leurs propres vertus. Jocastus
κρατῆρες οἱ γεγενημένοι καὶ régna sur le littoral de l'Italie
τὰ στόμια μέχρι τοῦ νῦν εἰσι jusqu'au territoire de
φανερά. Ἐν δὲ τῇ Στρογγύλῃ Rhégium. Phérémon et
καὶ τῇ Ἱερᾷ μέχρι τοῦ νῦν ἐκ Androclès étaient maîtres de
τῶν χασμάτων ἐκπίπτει la Sicile, depuis le détroit
πνεύματος μέγεθος καὶ jusqu'à Lilybée. Les Siciliens
βρόμος ἐξαίσιος· ἐκφυσᾶται habitaient la contrée
δὲ καὶ ἅμμος καὶ λίθων orientale, et les Sicaniens la
διαπύρων πλῆθος, καθάπερ contrée occidentale. Ces
ἔστιν ὁρᾶν καὶ περὶ τὴν peuples étaient en guerre
Αἴτνην γινόμενον. Λέγουσι entre eux. Mais ils se
γάρ τινες ἐκ τούτων τῶν soumirent volontairement
νήσων ὑπονόμους εἶναι κατὰ aux enfants d'Eole, connus
γῆς μέχρι τῆς Αἴτνης καὶ par la piété de leur père et
τοῖς ἐπ´ ἀμφότερα στομίοις par leur propre douceur.
συνημμένους· διὸ καὶ κατὰ Xuthus fut roi du pays des
τὸ πλεῖστον ἐναλλὰξ Léontins, qui s'appelle encore
κάεσθαι τοὺς ἐν ταύταις aujourd'hui Xuthie (18).
ταῖς νήσοις κρατῆρας τῶν Agathyrnus donna le nom
κατὰ τὴν Αἴτνην. Φασὶ δὲ d'Agathyrnitis au pays dont il
τὰς Αἰόλου νήσους τὸ μὲν fut roi, et fonda la ville
παλαιὸν ἐρήμους γεγονέναι, d'Agathyrnum. Enfin,
μετὰ δὲ ταῦτα τὸν Astyochus eut la
ὀνομαζόμενον Λίπαρον, souveraineté de l'île de
Αὔσονος ὄντα τοῦ βασιλέως Lipare. Tous imitèrent la
υἱόν, ὑπὸ τῶν ἀδελφῶν piété et la justice de leur
καταστασιασθῆναι, père, et s'acquirent une
κυριεύσαντα δὲ νεῶν grande gloire. Leurs
μακρῶν καὶ στρατιωτῶν ἐκ descendants jouirent pendant
τῆς Ἰταλίας φυγεῖν εἰς τὴν de longues générations des
ἀπὸ τούτου Λιπάραν royaumes de leurs ancêtres,
ὀνομασθεῖσαν· ἐν ταύτῃ δὲ jusqu'à ce que la race d'Eole
τὴν ἐπώνυμον αὑτοῦ πόλιν s'éteignît en Sicile.
κτίσαι, καὶ τὰς ἄλλας IX. Les Siciliens appelèrent
νήσους τὰς προειρημένας alors au pouvoir les citoyens
γεωργῆσαι. Τούτου δὲ les plus distingués. Quant
γεγηρακότος Αἰόλον τὸν aux Sicaniens, ne s'accordant
Ἱππότου μετά τινων pas entre eux au sujet de la
παραβαλόντα εἰς τὴν souveraineté, ils se firent
Λιπάραν τὴν τοῦ Λιπάρου longtemps la guerre les uns
θυγατέρα γῆμαι Κυάνην· καὶ aux autres. Les îles Eoliennes
τοὺς λαοὺς κοινῇ μετὰ τῶν étant, beaucoup d'années
ἐγχωρίων πολιτεύεσθαι après, devenues de nouveau
ποιήσας ἐβασίλευσε τῆς désertes, quelques Cnidiens
νήσου. Τῷ δὲ Λιπάρῳ τῆς et Rhodiens, impatients du
Ἰταλίας ἐπιθυμοῦντι joug des rois de l'Asie,
συγκατεσκεύασεν αὐτῷ τοὺς résolurent de s'expatrier. Ils
περὶ τὸ Σύρρεντον τόπους, choisirent pour leur chef
ὅπου βασιλεύσας καὶ Pentathlus le Cnidien, qui
μεγάλης ἀποδοχῆς τυχὼν rapportait son origine à
ἐτελεύτησε· ταφεὶς δὲ Hippotès, fils d'Hercule. Ceci
μεγαλοπρεπῶς τιμῶν ἔτυχεν arriva dans la cinquantième
ἡρωικῶν παρὰ τοῖς olympiade (19), Epitélidas, le
ἐγχωρίοις. δ´ Αἰόλος οὗτός Lacédémonien, étant
ἐστι πρὸς ὃν μυθολογοῦσι vainqueur à la course du
τὸν Ὀδυσσέα κατὰ τὴν stade. Pentathlus et ses
πλάνην ἀφικέσθαι. Γενέσθαι compagnons firent voile pour
δ´ αὐτόν φασιν εὐσεβῆ καὶ la Sicile, et 10 abordèrent près
δίκαιον, ἔτι δὲ καὶ πρὸς τοὺς
de Lilybée. Les Egestiens et
ξένους φιλάνθρωπον· πρὸς les Sélinontins étaient alors
δὲ τούτοις τὴν τῶν ἱστίων en guerre ; Pentathlus fut
χρείαν τοῖς ναυτικοῖς engagé par les Sélinontins à
ἐπεισηγήσασθαι, καὶ ἀπὸ τῆς prendre leur parti. Il se livra
τοῦ πυρὸς προσημασίας une bataille dans laquelle
παρατετηρηκότα προλέγειν périt beaucoup de monde, et
τοὺς ἐγχωρίους ἀνέμους Pentathlus lui-même perdit la
εὐστόχως, ἐξ οὗ ταμίαν vie. Ceux qui restaient, après
αὐτὸν εἶναι τῶν ἀνέμων la défaite des Sélinontins,
μῦθος ἀνέδειξε· διὰ δὲ τὴν songèrent à retourner chez
ὑπερβολὴν τῆς εὐσεβείας eux. Ils se remirent en mer
φίλον τῶν θεῶν sous la conduite de Gorgus,
ὀνομασθῆναι. de Thestor et d'Epitherside,
[8] Τοῦ δ´ Αἰόλου υἱοὺς familiers de Pentathlus. En
γενέσθαι τὸν ἀριθμὸν ἕξ, naviguant sur la mer
Ἀστύοχον καὶ Ξοῦθον καὶ Tyrrhénienne, ils relâchèrent
Ἀνδροκλέα, πρὸς δὲ τούτοις à l'île de Lipare, dont les
Φεραίμονα καὶ Ἰόκαστον καὶ habitants les reçurent
Ἀγάθυρνον· πάντας δὲ hospitalièrement. Comme il
τούτους διά τε τὴν τοῦ ne restait plus qu'environ
πατρὸς δόξαν καὶ διὰ τὰς cinq cents hommes de ceux
ἀρετὰς ἀποδοχῆς μεγάλης qu'Eole avait emmenés dans
τυχεῖν· τούτων δ´ Ἰόκαστος cette île, les Lipariens
μὲν τῆς Ἰταλίας engagèrent ces étrangers à
ἀντεχόμενος ἐβασίλευσε τῆς demeurer avec eux à Lipare.
παραλίας μέχρι τῶν κατὰ τὸ Par la suite, ils équipèrent
Ῥήγιον τόπων, Φεραίμων δὲ une flotte pour combattre les
καὶ Ἀνδροκλῆς pirates Thyrrhéniens qui
ἐδυνάστευσαν τῆς Σικελίας infestaient la mer. Ils se
ἀπὸ {τοῦ} πορθμοῦ μέχρι partagèrent eux-mêmes leur
τῶν κατὰ τὸ Λιλύβαιον besogne : les uns cultivaient
τόπων. Ταύτης δὲ τῆς χώρας les îles, les autres tenaient
τὰ μὲν πρὸς ἕω κεκλιμένα tête aux pirates. Leurs biens
μέρη κατῴκουν Σικελοί, τὰ et leur vie étaient pendant
δὲ πρὸς δυσμὰς Σικανοί. quelque temps en commun.
Ταῦτα δὲ τὰ ἔθνη πρὸς Mais plus tard, ils se
ἄλληλα διεφέροντο, τοῖς δ´ partagèrent au sort l'île de
Αἰόλου παισὶ τοῖς Lipare, où était leur ville, en
προειρημένοις ἑκουσίως cultivant toutefois en
ὑπήκουον διά τε τὴν τοῦ commun les autres îles ;
πατρὸς Αἰόλου enfin ils se distribuèrent
διαβεβοημένην εὐσέβειαν toutes les îles pour vingt ans,
καὶ διὰ τὴν αὐτῶν ἐκείνων après lesquels le sort devait
ἐπιείκειαν. Ἐβασίλευσε δὲ décider de nouveau. Du
καὶ Ξοῦθος τῆς περὶ τοὺς reste, ils défirent les
Λεοντίνους χώρας, ἥτις ἀπ´ Thyrrhéniens dans un grand
ἐκείνου μέχρι τοῦ νῦν nombre de combats sur mer,
χρόνου Ξουθία et déposèrent souvent la
προσαγορεύεται. Ἀγάθυρνος dixième partie de leurs
δὲ βασιλεύσας τῆς νῦν dépouilles dans le temple de
ὀνομαζομένης Delphes.
Ἀγαθυρνίτιδος χώρας ἔκτισε X. Il nous reste à présent à
πόλιν τὴν ἀπ´ αὐτοῦ expliquer pourquoi la ville
κληθεῖσαν Ἀγάθυρνον. des Lipariens est devenue si
Ἀστύοχος δὲ τῆς Λιπάρας florissante et si célèbre dans
ἔσχε τὴν ἡγεμονίαν. Πάντες la suite des temps. D'abord la
δ´ οὗτοι μιμησάμενοι τὴν nature l'a ornée de beaux
τοῦ πατρὸς εὐσέβειάν τε καὶ ports et de sources d'eaux
δικαιοσύνην μεγάλης chaudes très renommées.
ἐτύγχανον ἀποδοχῆς. Ἐπὶ Ces eaux sont non seulement
πολλὰς δὲ γενεὰς τῶν très salutaires pour les
ἐκγόνων διαδεχομένων τὰς malades, mais encore elles
δυναστείας, τὸ τελευταῖον procurent des jouissances à
οἱ ἀπ´ Αἰόλου γεγονότες ceux qui s'y baignent. Aussi
βασιλεῖς κατὰ τὴν Σικελίαν un grand nombre de Siciliens
διελύθησαν. affectés de maladies d'une
[9] Μετὰ δὲ ταῦτα οἱ μὲν nature particulière (20)
Σικελοὶ τοῖς ἀρίστοις τῶν passent dans l'île de Lipare,
ἀνδρῶν τὰς ἡγεμονίας et font usage de ces 11 eaux
ἐνεχείριζον, οἱ δὲ Σικανοὶ qui leur rendent
περὶ τῆς δυναστείας miraculeusement la santé.
διαφερόμενοι πρὸς ἀλλήλους Les Lipariens et les Romains
ἐπολέμουν ἐπὶ πολλοὺς tirent de grands revenus des
χρόνους. Μετὰ δὲ ταῦτα célèbres mines d'alun qui
πολλοῖς ἔτεσιν ὕστερον, sont dans cette île. Car,
πάλιν τῶν νήσων comme l'alun (21) ne se
ἐξερημουμένων ἀεὶ καὶ trouve en aucun autre endroit
μᾶλλον, Κνίδιοί τινες καὶ de la terre, et qu'il est d'un
Ῥόδιοι δυσαρεστήσαντες τῇ fréquent usage (22), les
βαρύτητι τῶν κατὰ τὴν Lipariens qui en exercent le
Ἀσίαν βασιλέων ἔγνωσαν monopole, élèvent le prix
ἀποικίαν ἐκπέμπειν. Διόπερ arbitrairement, et gagnent
προστησάμενοι σφῶν αὐτῶν nécessairement d'immenses
ἡγεμόνα Πένταθλον τὸν richesses. L'île de Mélos seule
Κνίδιον, ὃς ἦν ἀναφέρων τὸ possède aussi une petite
γένος εἰς Ἱππότην τὸν ἀφ´ mine d'alun mais cette mine
Ἡρακλέους γεγονότα, κατὰ n'est pas assez abondante
τὴν ὀλυμπιάδα τὴν pour suffire à beaucoup de
πεντηκοστήν, ἣν ἐνίκα villes. L'île des Lipariens est
στάδιον Ἐπιτελίδας Λάκων, de peu d'étendue ; mais elle
οἱ δ´ οὖν περὶ τὸν Πένταθλον produit tout ce qui est
πλεύσαντες τῆς Σικελίας εἰς nécessaire à la nourriture des
τοὺς κατὰ τὸ Λιλύβαιον habitants. Ceux-ci pêchent
τόπους κατέλαβον une multitude de poissons de
Ἐγεσταίους καὶ toute espèce, et le sol produit
Σελινουντίους des arbres dont les fruits sont
διαπολεμοῦντας πρὸς délicieux. Voilà ce que nous
ἀλλήλους. Πεισθέντες δὲ avons à dire de Lipare et des
τοῖς Σελινουντίοις autres îles appelées les îles
συμμαχεῖν πολλοὺς d'Eole.
ἀπέβαλον κατὰ τὴν μάχην,
ἐν οἷς ἦν καὶ αὐτὸς
Πένταθλος. Διόπερ οἱ
περιλειφθέντες, ἐπειδὴ
κατεπολεμήθησαν οἱ
Σελινούντιοι, διέγνωσαν
ἀπιέναι πάλιν ἐπ´ οἴκου·
ἑλόμενοι δ´ ἡγεμόνας τοὺς
οἰκείους τοῦ Πεντάθλου
Γόργον καὶ Θέστορα καὶ
Ἐπιθερσίδην, ἀπέπλεον διὰ
τοῦ Τυρρηνικοῦ πελάγους.
Προσπλευσάντων δ´ αὐτῶν
τῇ Λιπάρᾳ καὶ φιλόφρονος
ἀποδοχῆς τυχόντων,
ἐπείσθησαν κοινῇ μετὰ τῶν
ἐγχωρίων κατοικῆσαι τὴν
Λιπάραν, ὄντων τῶν ἀπ´
Αἰόλου περιλελειμμένων ὡς
πεντακοσίων. Ὕστερον δὲ
τῶν Τυρρηνῶν λῃστευόντων
τὰ κατὰ θάλατταν
πολεμούμενοι
κατεσκευάσαντο ναυτικόν,
καὶ διελόμενοι σφᾶς αὐτοὺς
οἱ μὲν ἐγεώργουν τὰς
νήσους κοινὰς ποιήσαντες,
οἱ δὲ πρὸς τοὺς λῃστὰς
ἀντετάττοντο· καὶ τὰς
οὐσίας δὲ κοινὰς
ποιησάμενοι καὶ ζῶντες
κατὰ συσσίτια, διετέλεσαν
ἐπί τινας χρόνους
κοινωνικῶς βιοῦντες.
Ὕστερον δὲ τὴν μὲν
Λιπάραν, καθ´ ἣν καὶ πόλις
ἦν, διενείμαντο, τὰς δ´
ἄλλας ἐγεώργουν κοινῇ. Τὸ
δὲ τελευταῖον πάσας τὰς
νήσους εἰς εἴκοσι ἔτη
διελόμενοι πάλιν
κληρουχοῦσιν, ὅταν χρόνος
οὗτος διέλθῃ. Μετὰ δὲ
ταῦτα πολλαῖς ναυμαχίαις
ἐνίκησαν τοὺς Τυρρηνούς,
καὶ ἀπὸ τῶν λαφύρων
πλεονάκις ἀξιολόγους
δεκάτας ἀνέθεσαν εἰς
Δελφούς.
[10] Λείπεται δ´ ἡμῖν
περὶ τῆς τῶν Λιπαραίων
πόλεως τὰς αἰτίας
ἀποδοῦναι, δι´ ἃς ἐν τοῖς
ὕστερον χρόνοις ἔλαβεν
αὔξησιν οὐ μόνον πρὸς
εὐδαιμονίαν, ἀλλὰ καὶ πρὸς
δόξαν. Αὕτη γὰρ λιμέσι τε
καλοῖς ὑπὸ τῆς φύσεως
κεκόσμηται καὶ θερμοῖς
ὕδασι τοῖς διαβεβοημένοις·
οὐ μόνον γὰρ πρὸς ὑγίειαν
τῶν νοσούντων τὰ κατ´
αὐτὴν λουτρὰ πολλὰ
συμβάλλεται, ἀλλὰ καὶ κατὰ
τὴν τῶν θερμῶν ὑδάτων
ἰδιότητα παρέχεται τέρψιν
καὶ ἀπόλαυσιν οὐ τὴν
τυχοῦσαν. Διόπερ πολλοὶ
τῶν κατὰ τὴν Σικελίαν ὑπὸ
νόσων ἰδιοτρόπων
ἐνοχλούμενοι καταντῶσιν
εἰς αὐτήν, καὶ τοῖς λουτροῖς
χρώμενοι παραδόξως ὑγιεῖς
καθίστανται. Ἔχει δ´ νῆσος
αὕτη τὰ διαβεβοημένα
μέταλλα τῆς στυπτηρίας, ἐξ
ἧς λαμβάνουσιν οἱ Λιπαραῖοι
καὶ Ῥωμαῖοι μεγάλας
προσόδους. Οὐδαμοῦ γὰρ
τῆς οἰκουμένης {τῆς}
στυπτηρίας γινομένης καὶ
πολλὴν χρείαν παρεχομένης,
εἰκότως μονοπώλιον ἔχοντες
καὶ τὰς τιμὰς
ἀναβιβάζοντες πλῆθος
χρημάτων λαμβάνουσιν
ἄπιστον· ἐν μόνῃ γὰρ τῇ
νήσῳ Μήλῳ φύεται μικρά τις
στυπτηρία, μὴ δυναμένη
διαρκεῖν πολλαῖς πόλεσιν.
Ἔστι δὲ καὶ νῆσος τῶν
Λιπαραίων μικρὰ μὲν τὸ
μέγεθος, καρποφόρος δὲ
ἱκανῶς καὶ τὰ πρὸς
ἀνθρώπων τρυφὴν ἔχουσα
διαφερόντως· καὶ γὰρ
ἰχθύων παντοδαπῶν
παρέχεται πλῆθος τοῖς
κατοικοῦσι καὶ τῶν
ἀκροδρύων τὰ μάλιστα
δυνάμενα παρέχεσθαι τὴν ἐκ
τῆς ἀπολαύσεως ἡδονήν. Καὶ
περὶ μὲν Λιπάρας καὶ τῶν
ἄλλων τῶν Αἰόλου νήσων
καλουμένων ἀρκεσθησόμεθα
τοῖς ῥηθεῖσιν.

[11] Μετὰ δὲ τὴν XI. Au delà de Lipare,


Λιπάραν εἰς τὸ πρὸς δυσμὰς vers le couchant, on
μέρος νῆσός ἐστι πελαγία, rencontre dans la haute
μικρὰ μὲν τὸ μέγεθος, mer une petite île déserte
ἔρημος δὲ καὶ διά τινα à qui l'événement que
περιπέτειαν Ὀστεώδης nous allons raconter, a fait
ὀνομαζομένη. Καθ´ ὃν γὰρ donner le nom d'Ostéode
καιρὸν Καρχηδόνιοι πρὸς (23). Dans le temps de
Συρακοσίους leurs longues et sanglantes
διαπολεμοῦντες πολλοὺς καὶ guerres contre les
μεγάλους πολέμους δυνάμεις Syracusains, les
εἶχον ἀξιολόγους πεζάς τε Carthaginois entretenaient
καὶ ναυτικάς, περὶ δὲ des armées de terre et de
τούτους τοὺς καιροὺς mer considérables et
μισθοφόρων ὄντων παρ´ composées de gens de
αὐτοῖς πολλῶν καὶ toutes nations, hommes
παντοδαπῶν τοῖς ἔθνεσιν, turbulents et habitués à se
οὗτοι δὲ ταραχώδεις ὄντες révolter, surtout lorsqu'ils
καὶ πολλὰς καὶ μεγάλας n'étaient pas payés à
στάδεις εἰωθότες ποιεῖσθαι, temps. Six mille de ces
καὶ μάλιστα ὅταν τοὺς soldats indisciplinés,
μισθοὺς εὐκαίρως μὴ n'ayant pas reçu leur
λαμβάνωσιν, ἐχρήσαντο καὶ solde, s'attroupèrent et la
τότε τῇ συνήθει ῥᾳδιουργίᾳ réclamèrent hautement de
τε καὶ τόλμῃ. Ὄντες γὰρ τὸν leurs généraux ; mais
ἀριθμὸν ὡς ἑξακισχίλιοι, καὶ ceux-ci étant sans argent
τοὺς μισθοὺς οὐκ et remettant la paie de
ἀπολαμβάνοντες, τὸ μὲν jour en jour, les
πρῶτον συντρέχοντες mercenaires menacèrent
κατεβόων τῶν στρατηγῶν, de tourner leurs armes
ἐκείνων δ´ ἀπορουμένων contre les Carthaginois, et
χρημάτων καὶ πολλάκις portèrent la main sur 12
ἀναβαλλομένων τὰς leurs chefs. Le sénat
ἀποδόσεις, ἠπείλουν τοῖς s'assembla ; mais la
ὅπλοις ἀμυνεῖσθαι τοὺς rébellion continuant à
Καρχηδονίους, καὶ τὰς s'échauffer, il envoya aux
χεῖρας προσέφερον τοῖς généraux l'ordre secret de
ἡγεμόσι. Τῆς δὲ γερουσίας faire périr les mutins. Les
ἐγκαλούσης καὶ τῆς généraux s'embarquèrent
διαφορᾶς ἀεὶ μᾶλλον aussitôt avec leurs
ἐκκαομένης, μὲν γερουσία troupes, sous prétexte
τοῖς στρατηγοῖς ἐν d'une expédition. Quand ils
ἀπορρήτοις προσέταξεν furent arrivés devant l'île
ἀφανίσαι πάντας τοὺς dont nous parlons, ils y
ἐγκαλουμένους· οἱ δὲ débarquèrent les
λαβόντες τὰς ἐντολάς, καὶ coupables, et se remirent
τοὺς μισθοφόρους en mer, en les
ἐμβιβάσαντες εἰς τὰς ναῦς, abandonnant. Ces
ἐξέπλευσαν ὡς ἐπί τινα malheureux, accablés de
πολεμικὴν χρείαν. misère et impuissants à se
Προσπλεύσαντες δὲ τῇ venger des Carthaginois, y
προειρημένῃ νήσῳ, καὶ périrent de faim. Comme
πάντας τοὺς μισθοφόρους l'île où ces captifs
ἀποβιβάσαντες εἰς αὐτήν, moururent est petite, elle
ἀπέπλευσαν καταλιπόντες ἐν fut couverts d'ossements ;
αὐτῇ τοὺς ἐγκαλουμένους. et c'est de là qu'elle reçut
Οἱ δὲ μισθοφόροι περιαλγεῖς son nom. Tel fut le sort
ὄντες τῇ περιστάσει καὶ μὴ terrible de ces soldats
δυνάμενοι τοὺς indignement trompés, qui
Καρχηδονίους ἀμύνασθαι, périrent par le manque
λιμῷ διεφθάρησαν. Ἐν νήσῳ d'aliments (24).
δὲ μικρᾷ τοσούτων XII. Après avoir parlé
αἰχμαλώτων τελευτησάντων des îles Eoliennes, nous
συνέβη τὸν τόπον ὀλίγον allons décrire les îles
ὄντα πληρωθῆναι τῶν situées des deux côtés de
ὀστῶν· ἀφ´ ἧς αἰτίας νῆσος la Sicile. Au midi de la
ἔτυχε τῆς προσηγορίας. Οἱ Sicile, on découvre dans la
μὲν οὖν μισθοφόροι τοῦτον haute mer trois îles.
τὸν τρόπον παρανομηθέντες Chacune d'elles a une ville
τῆς μεγίστης συμφορᾶς et des ports servant de
ἔτυχον, ἐνδείᾳ τροφῆς refuge aux navires assaillis
διαφθαρέντες. des tempêtes. La première
[12] Ἡμεῖς δ´ ἐπεὶ τὰ est Mélite (25), à huit cents
περὶ τὰς Αἰολίδας νήσους stades environ de
διήλθομεν, ἐν μέρει τὰς ἐκ Syracuse (26), et qui a
θατέρου μέρους νήσους plusieurs excellents ports.
κειμένας ἀναγραφῆς Ses habitants sont riches.
ἀξιώσομεν. Τῆς γὰρ Σικελίας On y trouve des ouvriers
ἐκ τοῦ κατὰ μεσημβρίαν de tous les métiers ; mais
μέρους νῆσοι τρεῖς principalement ceux qui
πρόκεινται πελάγιαι, καὶ fabriquent des toiles d'une
τούτων ἑκάστη πόλιν ἔχει souplesse et d'une finesse
καὶ λιμένας δυναμένους τοῖς remarquables (27). Les
χειμαζομένοις σκάφεσι maisons de cette île sont
παρέχεσθαι τὴν ἀσφάλειαν. belles, garnies d'auvents
Καὶ πρώτη μέν ἐστιν et enduites de chaux.
προσαγορευομένη Μελίτη, Cette île est une colonie de
τῶν Συρακουσῶν ἀπέχουσα Phéniciens, dont le
σταδίους ὡς ὀκτακοσίους, commerce s'étendait
καὶ λιμένας μὲν ἔχει πολλοὺς jusque dans l'Océan
καὶ διαφόρους ταῖς occidental ; cette île, par
εὐχρηστίαις, τοὺς δὲ sa situation et la bonté de
κατοικοῦντας ταῖς οὐσίαις ses ports, était pour eux
εὐδαίμονας· τεχνίτας τε γὰρ une station sûre (28). Par
ἔχει παντοδαποὺς ταῖς leurs relations commer- 13
ἐργασίαις, κρατίστους δὲ ciales, les habitants de
τοὺς ὀθόνια ποιοῦντας τῇ τε cette île sont devenus
λεπτότητι καὶ τῇ bientôt riches et célèbres.
μαλακότητι διαπρεπῆ, τάς La seconde île s'appelle
τε οἰκήσεις ἀξιολόγους καὶ Gaulos (29) ; elle est
κατεσκευασμένας φιλοτίμως voisine de la première, et
γείσσοις καὶ κονιάμασι pourvue de bons ports.
περιττότερον. Ἔστι δ´ C'est aussi une colonie des
νῆσος αὕτη Φοινίκων Phéniciens. Plus loin, et du
ἄποικος, οἳ ταῖς ἐμπορίαις côté de la Libye, est l'île de
διατείνοντες μέχρι τοῦ κατὰ Cercina (30), qui renferme
τὴν δύσιν ὠκεανοῦ une ville régulièrement
καταφυγὴν εἶχον ταύτην, bâtie ; ses ports sont
εὐλίμενον οὖσαν καὶ excellents et peuvent
κειμένην πελαγίαν· δι´ ἣν recevoir, non seulement
αἰτίαν οἱ κατοικοῦντες des bâtiments marchands,
αὐτὴν εὐχρηστούμενοι κατὰ mais encore des navires de
πολλὰ διὰ τοὺς ἐμπόρους guerre.
ταχὺ τοῖς τε βίοις Après avoir parlé des
ἀνέδραμον καὶ ταῖς δόξαις îles situées au midi de la
ηὐξήθησαν. Μετὰ δὲ ταύτην Sicile, nous allons
τὴν νῆσόν ἐστιν ἑτέρα τὴν retourner à celles que l'on
μὲν προσηγορίαν ἔχουσα trouve dans la mer
Γαῦλος, πελαγία δὲ καὶ Tyrrhénienne en partant de
λιμέσιν εὐκαίροις Lipare.
κεκοσμημένη, Φοινίκων
ἄποικος. Ἑξῆς δ´ ἐστὶ XIII. En face de la ville
Κέρκινα, πρὸς τὴν Λιβύην de Poplonium (31) dans la
νενευκυῖα, πόλιν ἔχουσα mer Tyrrhénienne, est
σύμμετρον καὶ λιμένας située l'île d'Ethalie, ainsi
εὐχρηστοτάτους, οὐ μόνον nommée de la quantité de
ταῖς ἐμπόροις, ἀλλὰ καὶ ταῖς suie (32) qui s'y produit.
μακραῖς ναυσὶν Elle est à cent stades
εὐθετοῦντας. environ de l'île de Lipare
Ἐπεὶ δὲ περὶ τῶν κατὰ (33). On y rencontre
τὴν μεσημβρίαν νήσων beaucoup de minerais de
εἰρήκαμεν, ἐπάνιμεν πάλιν fer, que l'on exploite pour
ἐπὶ τὰς ἑξῆς τῇ Λιπάρᾳ en retirer le métal. Les
νήσους τὰς κειμένας κατὰ ouvriers attachés à ces
τὸ Τυρρηνικὸν καλούμενον travaux brisent la mine, et
πέλαγος. brûlent les morceaux ainsi
divisés dans des fourneaux
[13] Τῆς γὰρ Τυρρηνίας particuliers, construits
κατὰ τὴν ὀνομαζομένην avec art. Ils les y font
πόλιν Ποπλώνιον νῆσός fondre par un feu violent,
ἐστιν, ἣν ὀνομάζουσιν ils partagent la fonte en
Αἰθάλειαν. Αὕτη δὲ τῆς plusieurs pièces de même
παραλίας ἀπέχουσα dimension, de la forme de
σταδίους ὡς ἑκατὸν τὴν μὲν grosses éponges. Cette
προσηγορίαν εἴληφεν ἀπὸ fonte est achetée à prix
τοῦ πλήθους τοῦ κατ´ αὐτὴν d'argent ou en échange de
αἰθάλου. Πέτραν γὰρ ἔχει marchandises, par des
πολλὴν σιδηρῖτιν, ἣν négociants qui la
τέμνουσιν ἐπὶ τὴν χωνείαν transportent à Dicéarchies
καὶ κατασκευὴν τοῦ σιδήρου, (34), et en d'autres
πολλὴν ἔχοντες τοῦ entrepôts. Ceux qui ont
μετάλλου δαψίλειαν. Οἱ γὰρ acheté cette marchandise
ταῖς ἐργασίαις réunissent un grand
προσεδρεύοντες κόπτουσι nombre de forgerons, qui
τὴν πέτραν καὶ τοὺς donnent au fer toutes
τμηθέντας λίθους κάουσιν ἔν sortes de formes. Car les
τισι φιλοτέχνοις καμίνοις· ἐν uns en font des figures
δὲ ταύταις τῷ πλήθει τοῦ d'oiseaux, les autres en
πυρὸς τήκοντες τοὺς λίθους fabriquent des bêches, des
καταμερίζουσιν εἰς μεγέθη faux, et beaucoup d'autres
σύμμετρα, παραπλήσια ταῖς outils que les marchands
ἰδέαις μεγάλοις σπόγγοις. exportent dans tous les
Ταῦτα συναγοράζοντες pays, car ces instruments
ἔμποροι καὶ μεταβαλλόμενοι sont d'une utilité
κομίζουσιν εἴς τε universelle (35).
Δικαιάρχειαν καὶ εἰς τἄλλα
ἐμπόρια. Ταῦτα δὲ τὰ φορτία A trois cents stades
τινὲς ὠνούμενοι καὶ environ (36) de l'île
τεχνιτῶν χαλκέων πλῆθος Ethane, est une autre 14 île
ἀθροίζοντες κατεργάζονται, que les Grecs appellent
καὶ ποιοῦσι σιδήρου Kyrnos, et les Romains et
πλάσματα παντοδαπά. les indigènes Corsica.
Τούτων δὲ τὰ μὲν εἰς ὅπλων L'abord de cette île est très
τύπους χαλκεύουσι, τὰ δὲ facile ; on y trouve un très
πρὸς δικελλῶν καὶ δρεπάνων beau port, connu sous le
καὶ τῶν ἄλλων ἐργαλείων nom de port Syracusain
εὐθέτους τύπους (37). Il y a deux villes
considérables, Calaris et
φιλοτεχνοῦσιν· ὧν Nicée (38). Calaris fut
κομιζομένων ὑπὸ τῶν fondée par les Phocéens,
ἐμπόρων εἰς πάντα τόπον qui, quelque temps après,
πολλὰ μέρη τῆς οἰκουμένης furent chassés de l'île par
μεταλαμβάνει τῆς ἐκ τούτων les Tyrrhéniens ; Nicée fut
εὐχρηστίας. bâtie par les Tyrrhéniens
Μετὰ δὲ τὴν Αἰθάλειαν dans le temps où, maîtres
νῆσός ἐστιν ἀπέχουσα μὲν de la mer, ils
ταύτης ὡς τριακοσίους s'approprièrent les îles
σταδίους, ὀνομάζεται δὲ ὑπὸ situées dans la mer
μὲν τῶν Ἑλλήνων Κύρνος, Tyrrhénienne. Pendant leur
ὑπὸ δὲ τῶν Ῥωμαίων καὶ τῶν domination sur les villes de
ἐγχωρίων Κόρσικα. Αὕτη δ´ Kyrnos, ils recevaient des
νῆσος εὐπροσόρμιστος οὖσα habitants, sous forme de
κάλλιστον ἔχει λιμένα τὸν tribut, de la résine, de la
ὀνομαζόμενον Συρακόσιον. cire et du miel, qui sont
Ὑπάρχουσι δ´ ἐν αὐτῇ καὶ des produits très
πόλεις ἀξιόλογοι δύο, καὶ abondants dans cette île.
τούτων μὲν Κάλαρις, δὲ Les esclaves Kyrniens ne
Νίκαια προσαγορεύεται. sont pas aptes, à cause de
Τούτων δὲ τὴν μὲν Κάλαριν leur caractère naturel, aux
Φωκαεῖς ἔκτισαν, καὶ χρόνον mêmes travaux que les
τινὰ κατοικήσαντες ὑπὸ autres esclaves. L'île est
Τυρρηνῶν ἐξεβλήθησαν ἐκ très grande, montagneuse,
τῆς νήσου. Τὴν δὲ Νίκαιαν pleine de bois touffus, et
ἔκτισαν Τυρρηνοὶ arrosée par de petits
θαλαττοκρατοῦντες καὶ τὰς fleuves.
κατὰ τὴν Τυρρηνίαν XIV. Les habitants de
κειμένας νήσους cette île se nourrissent de
ἰδιοποιούμενοι. Ἐπὶ δέ τινας miel, de lait et de chair,
χρόνους τῶν ἐν τῇ Κύρνῳ que le pays leur fournit
πόλεων κυριεύοντες abondamment. Ils vivent
ἐλάμβανον παρὰ τῶν ensemble selon les règles
ἐγχωρίων φόρους ῥητίνην de la justice et de
καὶ κηρὸν καὶ μέλι, l'humanité, contrairement
φυομένων τούτων δαψιλῶν aux moeurs de presque
ἐν τῇ νήσῳ. Τὰ δ´ tous les autres Barbares.
ἀνδράποδα τὰ Κύρνια Celui qui trouve le premier
διαφέρειν δοκεῖ τῶν ἄλλων des ruches de miel sur les
δούλων εἰς τὰς κατὰ τὸν montagnes et dans le
βίον χρείας, φυσικῆς ταύτης creux des arbres, ne se
τῆς ἰδιότητος voit disputer sa propriété
παρακολουθούσης. δ´ ὅλη par personne. Les
νῆσος εὐμεγέθης οὖσα propriétaires ne perdent
πολλὴν τῆς χώρας ὀρεινὴν jamais leurs troupeaux
ἔχει, πεπυκασμένην δρυμοῖς marqués par des signes
συνεχέσι καὶ ποταμοῖς distinctifs, lors même que
διαρρεομένην μικροῖς. personne ne les garde. Du
reste, dans toutes les
[14] Οἱ δ´ ἐγχώριοι rencontres de la vie, ils
τροφαῖς μὲν χρῶνται cultivent la pratique de la
γάλακτι καὶ μέλιτι καὶ justice (39). A la naissance
κρέασι, δαψιλῶς πάντα de leurs enfants ils
ταῦτα παρεχομένης τῆς observent une coutume
χώρας, τὰ δὲ πρὸς ἀλλήλους fort étrange : ils n'ont
βιοῦσιν ἐπιεικῶς καὶ δικαίως aucun soin de leurs
παρὰ πάντας σχεδὸν τοὺς femmes en couches ; dès
ἄλλους βαρβάρους· τά τε qu'une femme a accouché,
γὰρ κατὰ τὴν ὀρεινὴν ἐν le mari se couche sur le lit,
τοῖς δένδρεσιν εὑρισκόμενα comme s'il était malade, et
κηρία τῶν πρώτων s'y tient pendant un
εὑρισκόντων ἐστί, μηδενὸς nombre fixe de jours
ἀμφισβητοῦντος, τά τε comme une accouchée. Il
πρόβατα σημείοις croît dans cette île une
διειλημμένα, κἂν μηδεὶς grande quantité de buis 15
φυλάττῃ, σώζεται τοῖς d'une espèce particulière,
κεκτημένοις, ἔν τε ταῖς qui rend amer le miel que
ἄλλαις ταῖς ἐν τῷ βίῳ κατὰ l'on y recueille (40). Les
μέρος οἰκονομίαις Barbares qui habitent cette
θαυμαστῶς προτιμῶσι τὸ île sont au nombre de plus
δικαιοπραγεῖν. de trente mille. Ils parlent
Παραδοξότατον δ´ ἐστὶ τὸ une langue particulière et
παρ´ αὐτοῖς γινόμενον κατὰ difficile à comprendre.
τὰς τῶν τέκνων γενέσεις· XV. Tout près de l'île
ὅταν γὰρ γυνὴ τέκῃ, de Corse est l'île de
ταύτης μὲν οὐδεμία γίνεται Sardaigne, presque aussi
περὶ τὴν λοχείαν ἐπιμέλεια, grande que la Sicile (41).
δ´ ἀνὴρ αὐτῆς ἀναπεσὼν ὡς Elle est habitée par des
νοσῶν λοχεύεται τακτὰς Barbares appelés Ioléens.
ἡμέρας, ὡς τοῦ σώματος On croit qu'ils descendent
αὐτῷ κακοπαθοῦντος· de la colonie qu'Iolaüs et
φύεται δὲ κατὰ τὴν νῆσον les Thespiades
ταύτην καὶ πύξος πλείστη conduisirent dans cette île,
καὶ διάφορος, δι´ ἣν καὶ τὸ et qui surpassait en
μέλι τὸ γινόμενον ἐν ταύτῃ nombre les indigènes. Car
παντελῶς γίνεται πικρόν. à l'époque où Hercule
Κατοικοῦσι δ´ αὐτὴν exécutait ses fameux
βάρβαροι, τὴν διάλεκτον travaux, il envoya en
ἔχοντες ἐξηλλαγμένην καὶ Sardaigne, selon l'ordre
δυσκατανόητον· τὸν δ´ d'un oracle, les nombreux
ἀριθμὸν ὑπάρχουσιν ὑπὲρ enfants qu'il avait eus des
τοὺς τρισμυρίους. filles de Thespius, et avec
[15] Ἐχομένη δὲ ταύτης eux une armée
ἐστὶ νῆσος considérable de Grecs et
προσαγορευομένη Σαρδώ, de Barbares. Iolaüs, neveu
τῷ μὲν μεγέθει παραπλήσιος d'Hercule, chef de
τῇ Σικελίᾳ, κατοικουμένη δ´ l'expédition, vint occuper
ὑπὸ βαρβάρων τῶν le pays, y bâtit des villes
ὀνομαζομένων Ἰολαείων, οὓς considérables, et, après
νομίζουσιν ἀπογόνους εἶναι avoir partagé le sol entre
τῶν μετὰ Ἰολάου καὶ τῶν ses compagnons, il leur
Θεσπιαδῶν κατοικησάντων. donna le nom d'Ioléens. Il
Κατὰ γὰρ τοὺς χρόνους ἐν construisit aussi des
οἷς Ἡρακλῆς τοὺς gymnases, des temples, et
διαβεβοημένους ἄθλους exécuta d'autres travaux
ἐτέλει, παίδων ὄντων αὐτῷ utiles, dont les vestiges
πολλῶν ἐκ τῶν Θεσπίου subsistent encore
θυγατέρων, τούτους aujourd'hui. Les plus belles
Ἡρακλῆς κατά τινα χρησμὸν campagnes s'appellent
ἐξαπέστειλεν εἰς Σαρδὼ καὶ champs Ioléens, et le
μετ´ αὐτῶν δύναμιν peuple conserve encore
ἀξιόλογον Ἑλλήνων τε καὶ maintenant le nom
βαρβάρων ἐπὶ τὴν ἀποικίαν. d'Ioléens. L'oracle qui avait
Ταύτης δὲ προεστηκὼς ordonné le départ de cette
Ἰόλαος ἀδελφιδοῦς colonie assura que ceux
Ἡρακλέους καταλαβόμενος qui y prendraient part
ᾤκισεν ἐν αὐτῇ πόλεις conserveraient à jamais
ἀξιολόγους, καὶ τὴν χώραν leur liberté. En effet, cet
κατακληρουχήσας τοὺς μὲν oracle a reçu son
λαοὺς προσηγόρευσεν ἀφ´ accomplissement jusqu'à
ἑαυτοῦ Ἰολαείους, nos jours. Quoique les
κατεσκεύασε δὲ καὶ Carthaginois, devenus très
γυμνάσια καὶ θεῶν ναοὺς καὶ puissants, se soient rendus
τἄλλα πάντα τὰ πρὸς βίον maîtres de la Sardaigne, ils
ἀνθρώπων εὐδαίμονα, ὧν n'ont cependant jamais pu
ὑπομνήματα μέχρι τῶνδε subjuguer les anciens
τῶν καιρῶν διαμένει· τὰ μὲν habitants de l'île. Les
γὰρ κάλλιστα πεδία τὴν Ioléens s'enfuirent dans les
προσηγορίαν ἀπ´ ἐκείνου montagnes, et y
λαβόντα Ἰολάεια καλεῖται, construisirent des
τὸ δὲ πλῆθος μέχρι τοῦ νῦν habitations souterraines ;
φυλάττει τὴν ἀπὸ Ἰολάου ils entretenaient 16 de
προσηγορίαν. Τοῦ δὲ περὶ nombreux troupeaux, qui
τῆς ἀποικίας χρησμοῦ leur fournissaient du lait,
περιέχοντος ὅτι τοῖς τῆς du fromage et de la viande
ἀποικίας ταύτης en abondance. En quittant
κοινωνήσασι διαμενεῖ τὰ τῆς le séjour des vallées, ils se
ἐλευθερίας ἅπαντα τὸν délivrèrent des travaux
αἰῶνα, συνέβη τὸν χρησμὸν pénibles des champs. Leur
παραδόξως μέχρι τοῦ νῦν vie dans les montagnes et
αὐτονομίαν τοῖς ἐγχωρίοις des cavernes inaccessibles
ἀσάλευτον φυλάξαι. les ont préservés du joug
Καρχηδόνιοί τε γὰρ ἐπὶ que voulaient leur imposer
πλέον ἰσχύσαντες καὶ τῆς les Carthaginois, et même
νήσου κρατήσαντες οὐκ les Romains, qui leur ont
ἠδυνήθησαν τοὺς fait aussi souvent la
προκατασχόντας τὴν νῆσον guerre, n'ont pu réussir à
καταδουλώσασθαι, ἀλλ´ οἱ les soumettre (42). Au
μὲν Ἰολάειοι καταφυγόντες reste, Iolaüs, après y avoir
εἰς τὴν ὀρεινὴν καὶ anciennement établi sa
καταγείους οἰκήσεις colonie, retourna en Grèce.
κατασκευάσαντες ἔτρεφον Quant aux Thespiades, ils
πολλὰς ἀγέλας βοσκημάτων, régnèrent dans cette île
ὧν παρεχομένων δαψιλεῖς pendant plusieurs
τροφὰς ἠρκοῦντο générations ; enfin ils en
προσφερόμενοι γάλα καὶ furent expulsés, et, s'étant
τυρὸν καὶ κρέα, καὶ τῆς μὲν retirés en Italie, ils
πεδιάδος γῆς ἐκχωρήσαντες s'établirent près de Cumes.
τὴν ἐκ τῆς ἐργασίας Le reste des habitants de
κακοπάθειαν ἐξέκλιναν, τὴν l'île, redevenus barbares,
δ´ ὀρεινὴν νεμόμενοι καὶ élurent pour chefs les plus
βίον ἔχοντες ἄμοιρον braves d'entre eux, et ils
κακοπαθείας ταῖς ont conservé jusqu'à nos
προειρημέναις τροφαῖς jours leur liberté.
διετέλεσαν χρώμενοι. Τῶν Après en avoir assez
δὲ Καρχηδονίων πολλάκις dit de la Sardaigne, nous
ἀξιολόγοις δυνάμεσι allons continuer la
στρατευσάντων ἐπ´ αὐτούς, description des autres îles.
διὰ τὰς δυσχωρίας καὶ τὴν
ἐν τοῖς καταγείοις XVI. On rencontre
δυστραπέλειαν διέμειναν ensuite l'île Pityuse (43),
ἀδούλωτοι. Τὸ δὲ τελευταῖον ainsi nommée à cause de
Ῥωμαίων ἐπικρατούντων καὶ la grande quantité de pins
πολλάκις ἐπ´ αὐτοὺς (44) qui y croissent. Elle
στρατευσάντων, διὰ ταύτας est située dans la haute
τὰς αἰτίας ἀχείρωτοι mer, à trois jours et trois
πολεμίᾳ δυνάμει διέμειναν. nuits de navigation des
Οὐ μὴν ἀλλὰ κατὰ τοὺς colonnes d'Hercule, à un
ἀρχαίους χρόνους Ἰόλαος jour et une nuit des côtes
μὲν συγκατασκευάσας τὰ de la Libye, et à une
κατὰ τὴν ἀποικίαν journée de l'Ibérie. Cette
ἐπανῆλθεν εἰς τὴν Ἑλλάδα, île est presque aussi
οἱ δὲ Θεσπιάδαι τῆς νήσου grande que Corcyre (45),
προεστῶτες ἐπὶ πολλὰς et médiocrement fertile ; le
γενεὰς τὸ τελευταῖον sol produit peu de vignes,
ἐξέπεσον εἰς τὴν Ἰταλίαν, il n'y croît que quelques
καὶ κατῴκησαν ἐν τοῖς κατὰ oliviers greffés sur des
Κύμην τόποις, τὸ δ´ ἄλλο oliviers sauvages ; mais on
πλῆθος ἐκβαρβαρωθὲν καὶ vante la beauté de ses
προστησάμενον ἐκ τῶν laines. Cette île est
ἐγχωρίων τοὺς ἀρίστους traversée de collines et de
ἡγεμόνας διεφύλαξε τὴν vallées considérables. Elle
ἐλευθερίαν μέχρι τῶν καθ´ renferme une ville appelée
ἡμᾶς χρόνων. Erésus( 46), qui est une
colonie des Carthaginois ;
[16] Ἡμεῖς δ´ ἀρκούντως ses ports sont spacieux,
εἰρηκότες περὶ τῆς
Σαρδόνος διέξιμεν περὶ τῶν ses murailles très 17 hautes
ἑξῆς κειμένων νήσων. Μετὰ et ses maisons
γὰρ τὰς προειρημένας νῆσός nombreuses et bien bâties.
ἐστιν ὀνομαζομένη μὲν Elle est habitée par des
Πιτυοῦσσα, τὴν δὲ Barbares de diverses
προσηγορίαν ἔχουσα ἀπὸ τοῦ races, mais principalement
πλήθους τῶν κατ´ αὐτὴν par des Phéniciens. Cette
φυομένων πιτύων. Πελαγία δ colonie fut établie cent
´ οὖσα διέστηκεν ἀπὸ μὲν soixante ans après la
Ἡρακλέους στηλῶν πλοῦν fondation de Carthage
ἡμερῶν τριῶν καὶ τῶν ἴσων (47).
νυκτῶν, ἀπὸ δὲ Λιβύης XVII. En face de l'Ibérie
ἡμέρας καὶ νυκτός, ἀπὸ δ´ sont d'autres îles appelées
Ἰβηρίας μιᾶς ἡμέρας· κατὰ par les Grecs Gymnésies,
δὲ τὸ μέγεθος παραπλήσιός parce que les habitants y
ἐστι Κορκύρᾳ. Κατὰ δὲ τὴν vivent nus pendant tout
ἀρετὴν οὖσα μετρία τὴν μὲν l'été. Mais les naturels du
ἀμπελόφυτον χώραν ὀλίγην pays et les Romains les
ἔχει, τὰς δ´ ἐλαίας nomment Baléares (48),
ἐμπεφυτευμένας ἐν τοῖς parce que ces insulaires
κοτίνοις. Τῶν δὲ φυομένων sont les plus habiles des
ἐν αὐτῇ καλλιστεύειν φασὶ hommes pour lancer de
τὴν μαλακότητα τῶν ἐρίων. très grosses pierres avec la
Διειλημμένη δὲ πεδίοις fronde. La plus grande de
ἀξιολόγοις καὶ γεωλόφοις ces îles vient, en raison de
πόλιν ἔχει τὴν ὀνομαζομένην son étendue, après les
Ἔρεσον, ἄποικον sept îles suivantes : la
Καρχηδονίων. Ἔχει δὲ καὶ Sicile, la Sardaigne, Cypre,
λιμένας ἀξιολόγους καὶ la Crète, l'Eubée, Cyrnus et
τειχῶν κατασκευὰς Lesbos ; elle n'est éloignée
εὐμεγέθεις καὶ οἰκιῶν de l'Ibérie que d'une
πλῆθος εὖ journée de navigation. La
κατασκευασμένων. plus petite, qui est située
Κατοικοῦσι δ´ αὐτὴν vers l'orient, nourrit
βάρβαροι παντοδαποί, d'excellents bestiaux de
πλεῖστοι δὲ Φοίνικες. δ´ toute sorte, mais surtout
ἀποικισμὸς αὐτῆς γέγονεν des mulets d'une taille
ὕστερον ἔτεσιν ἑκατὸν élevée et d'une force
ἑξήκοντα τῆς κατὰ τὴν remarquable. L'une et
Καρχηδόνα κτίσεως. l'autre de ces îles sont très
[17] Ἄλλαι δ´ ὑπάρχουσι fertiles, et ont au delà de
νῆσοι κατ´ ἀντικρὺ τῆς trente mille habitants.
Ἰβηρίας, ὑπὸ μὲν τῶν Quant aux productions du
Ἑλλήνων ὀνομαζόμεναι sol, le vin y manque
Γυμνήσιαι διὰ τὸ τοὺς totalement, et en raison
ἐνοικοῦντας γυμνοὺς τῆς même de sa rareté, les
ἐσθῆτος βιοῦν κατὰ τὴν τοῦ habitents l'aiment
θέρους ὥραν, ὑπὸ δὲ τῶν beaucoup. A défaut d'huile
ἐγχωρίων καὶ τῶν Ῥωμαίων d'olive, ils oignent leur
προσαγορεύονται corps avec le suc du
Βαλιαρίδες ἀπὸ τοῦ βάλλειν schinus mêlé avec la
ταῖς σφενδόναις λίθους graisse de porc (49). Ils
μεγάλους κάλλιστα τῶν aiment tellement les
ἁπάντων ἀνθρώπων. Τούτων femmes, que si les pirates
δ´ μείζων μεγίστη πασῶν leur en enlèvent une, ils
ἐστι μετὰ τὰς ἑπτὰ νήσους, donnent pour la racheter
Σικελίαν, Σαρδώ, Κύπρον, trois ou quatre hommes. Ils
Κρήτην, Εὔβοιαν, Κύρνον, habitent dans les creux
Λέσβον, ἀπέχει δὲ τῆς des rochers et se fortifient
Ἰβηρίας πλοῦν ἡμερήσιον· δ dans les lieux escarpés ;
´ ἐλάττων κέκλιται μὲν πρὸς en général, ils vivent dans
τὴν ἕω, τρέφει δὲ κτήνη des habitations
πολλὰ καὶ παντοδαπά, souterraines qui leur
μάλιστα δ´ ἡμιόνους, servent de retraite, et se
μεγάλους μὲν τοῖς livrent à la chasse.
ἀναστήμασιν, ὑπεράγοντας L'argent et l'or monnayés
δὲ ταῖς ῥώμαις. Ἀμφότεραι δ ne sont point en usage
´ αἱ νῆσοι χώραν ἔχουσιν chez eux, et ils s'opposent
ἀγαθὴν καρποφόρον καὶ à ce que l'on en fasse
πλῆθος τῶν κατοικούντων entrer dans leur île. Ils
ὑπὲρ τοὺς τρισμυρίους, τῶν donnent pour raison
δὲ πρὸς τὴν τροφὴν qu'Hercule ne déclara jadis
γεννημάτων οἶνον μὲν la guerre à Géryon, fils de
ὁλοσχερῶς οὐ φέρουσι· διὸ Chrysaor, que parce que
καὶ πάντες εἰσὶν ὑπερβολῇ celui-ci possédait de très
πρὸς τὸν οἶνον εὐκατάφοροι, grands trésors d'or et 18
διὰ τὸ σπανίζειν παρ´ d'argent. Or, pour mettre
αὐτοῖς· ἐλαίου δὲ παντελῶς leurs biens à l'abri de
σπανίζοντες l'envie, ils s'interdisent la
κατασκευάζουσιν ἐκ τῆς richesse métallique
σχίνου, καὶ μιγνύντες ὑείῳ d'argent et d'or. Ce fut
στέατι τὰ σώματα αὑτῶν même pour cette raison
ἀλείφουσι τούτῳ. Μάλιστα que, avant servi autrefois
δὲ τῶν ἁπάντων ὄντες dans les armées des
φιλογύναι προτιμῶσιν αὐτὰς Carthaginois, ils ne
ἐπὶ τοσοῦτον, ὥστε ὅταν voulurent point rapporter
τινὲς γυναῖκες ὑπὸ τῶν leur solde dans leur patrie ;
προσπλεόντων λῃστῶν ils l'employèrent tout
ἁλῶσιν, ἀντὶ μιᾶς γυναικὸς entière à acheter des
τρεῖς τέτταρας ἄνδρας femmes et du vin.
διδόντες λυτροῦνται. XVIII. Ils observent
Οἰκοῦσι δ´ ὑπὸ ταῖς κοιλάσι d'étranges coutumes dans
πέτραις, καὶ παρὰ τοὺς leurs mariages. Pendant
κρημνοὺς ὀρύγματα les festins de noces, les
κατασκευάζοντες καὶ parents et les amis vont
καθόλου πολλοὺς τόπους l'un après l'autre depuis le
ὑπονόμους ποιοῦντες ἐν premier jusqu'au dernier,
τούτοις βιοῦσιν, ἅμα τὴν ἐξ d'après le rang d'âge, jouir
αὐτῶν σκέπην καὶ ἀσφάλειαν des faveurs de la mariée.
θηρώμενοι. Ἀργυρῷ δὲ καὶ Le jeune époux est
χρυσῷ νομίσματι τὸ toujours le dernier qui
παράπαν οὐ χρῶνται, καὶ reçoive cet honneur. Leurs
καθόλου ταῦτα εἰσάγειν εἰς funérailles se font aussi
τὴν νῆσον κωλύουσιν· αἰτίαν d'une manière toute
δὲ ταύτην ἐπιφέρουσιν, ὅτι particulière : ils brisent à
τὸ παλαιὸν Ἡρακλῆς coups de bâton les
ἐστράτευσεν ἐπὶ Γηρυόνην, membres du cadavre, et le
ὄντα Χρυσάορος μὲν υἱόν, jettent dans un vase qu'ils
πλεῖστον δὲ κεκτημένον couvrent d'un tas de
ἄργυρόν τε καὶ χρυσόν. Ἵν´ pierres. Ils ont pour armes
οὖν ἀνεπιβούλευτον ἔχωσι trois frondes : ils en
τὴν κτῆσιν, ἀνεπίμικτον portent une autour de la
ἑαυτοῖς ἐποίησαν τὸν ἐξ tête, l'autre autour du
ἀργύρου τε καὶ χρυσοῦ ventre, et gardent la
πλοῦτον. Διόπερ ἀκολούθως troisième dans leurs
ταύτῃ τῇ χρίσει κατὰ τὰς mains. Pendant la guerre
γεγενημένας πάλαι ποτὲ ils lancent des pierres
στρατείας παρὰ énormes, et avec une telle
Καρχηδονίοις τοὺς μισθοὺς force, qu'on les croirait
οὐκ ἀπεκόμιζον εἰς τὰς lancées par une catapulte.
πατρίδας, ἀλλ´ ὠνούμενοι Dans les sièges des places
γυναῖκας καὶ οἶνον ἅπαντα fortes, ils atteignent ceux
τὸν μισθὸν εἰς ταῦτα qui défendent les créneaux
κατεχορήγουν. ; et dans les batailles
[18] Παράδοξον δέ τι καὶ rangées ils brisent les
κατὰ τοὺς γάμους νόμιμον boucliers, les casques et
παρ´ αὐτοῖς ἐστιν· ἐν γὰρ toute l'armure défensive
ταῖς κατὰ τοὺς γάμους de l'ennemi. Ils visent
εὐωχίαις οἰκείων τε καὶ tellement juste qu'il leur
φίλων κατὰ τὴν ἡλικίαν arrive rarement de
πρῶτος ἀεὶ καὶ δεύτερος manquer le but. Ce qui les
καὶ οἱ λοιποὶ κατὰ τὸ ἑξῆς rend si adroits, c'est qu'ils
μίσγονται ταῖς νύμφαις ἀνὰ se livrent à cet exercice
μέρος, ἐσχάτου τοῦ νυμφίου dès leur première
τυγχάνοντος ταύτης τῆς jeunesse, et que les mères
τιμῆς. Ἴδιον δέ τι ποιοῦσι elles-mêmes forcent leurs
καὶ παντελῶς ἐξηλλαγμένον enfants à manier
περὶ τὰς τῶν continuellement la fronde.
τετελευτηκότων ταφάς· Elles leur donnent pour but
συγκόψαντες γὰρ ξύλοις τὰ un pain fixé à un poteau ;
μέλη τοῦ σώματος εἰς et les enfants restent à
ἀγγεῖον ἐμβάλλουσι καὶ jeun jusqu'à ce qu'ils aient
λίθους δαψιλεῖς ἐπιτιθέασιν. atteint ce pain, et obtenu
Ὁπλισμὸς δ´ ἐστὶν αὐτοῖς de la mère la permission
τρεῖς σφενδόναι, καὶ τούτων de le manger.
μίαν μὲν περὶ τὴν κεψαλὴν XIX. Après avoir parlé
ἔχουσιν, ἄλλην δὲ περὶ τὴν des îles situées en deçà
γαστέρα, τρίτην δ´ ἐν ταῖς des colonnes d'Hercule,
χερσί. Κατὰ δὲ τὰς nous allons décrire celles
πολεμικὰς χρείας βάλλουσι qui sont dans l'Océan. Du
λίθους πολὺ μείζους τῶν côté de la Libye, on trouve
ἄλλων οὕτως εὐτόνως, ὥστε une île dans la haute mer,
δοκεῖν τὸ βληθὲν ἀπό τινος d'une étendue
καταπέλτου φέρεσθαι· διὸ considérable, et située
καὶ κατὰ τὰς τειχομαχίας ἐν dans l'Océan. Elle est
ταῖς προσβολαῖς τύπτοντες éloignée de la Libye de
τοὺς ἐπὶ τῶν ἐπάλξεων plusieurs journées de
ἐφεστῶτας navigation, et située à
κατατραυματίζουσιν, ἐν δὲ l'occident. Son sol est
ταῖς παρατάξεσι τούς τε fertile, montagneux, peu
θυρεοὺς καὶ τὰ κράνη καὶ plat, et d'une grande
πᾶν σκεπαστήριον ὅπλον beauté. Cette île est
συντρίβουσι. Κατὰ δὲ τὴν arrosée par des fleuves 19
εὐστοχίαν οὕτως ἀκριβεῖς navigables. On y voit de
εἰσιν, ὥστε κατὰ τὸ nombreux jardins plantés
πλεῖστον μὴ ἁμαρτάνειν τοῦ de toutes sortes d'arbres,
προκειμένου σκοποῦ. Αἴτιαι et des vergers traversés
δὲ τούτων αἱ συνεχεῖς ἐκ par des sources d'eau
παίδων μελέται, καθ´ ἃς ὑπὸ douce. On y trouve des
τῶν μητέρων ἀναγκάζονται maisons de campagne
παῖδες ὄντες {συνεχῶς} somptueusement
σφενδονᾶν· προκειμένου γὰρ construites et dont les
σκοποῦ κατά τι ξύλον parterres sont ornés de
ἠρτημένου ἄρτου, οὐ berceaux couverts de
πρότερον δίδοται τῷ fleurs. C'est là que les
μελετῶντι φαγεῖν, ἕως ἂν habitants passent la saison
τυχὼν τοῦ ἄρτου de l'été, jouissant
συγχωρούμενον λάβῃ παρὰ voluptueusement des
τῆς μητρὸς καταφαγεῖν biens que la campagne
τοῦτον. leur fournit en abondance.
[19] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῶν La région montagneuse est
ἐντὸς Ἡρακλείων στηλῶν couverte de bois épais et
κειμένων νήσων d'arbres fruitiers de toute
διεληλύθαμεν, περὶ τῶν espèce ; le séjour dans les
κατὰ τὸν ὠκεανὸν οὐσῶν montagnes est embelli par
διέξιμεν. Κατὰ γὰρ τὴν des vallons et de
Λιβύην κεῖται {μὲν} πελαγία nombreuses sources. En
νῆσος ἀξιόλογος μὲν τῷ un mot, toute l'île est bien
μεγέθει, κειμένη δὲ κατὰ τὸν arrosée d'eaux douces qui
ὠκεανὸν ἀπέχει πλοῦν ἀπὸ contribuent non seulement
τῆς Λιβύης ἡμερῶν au plaisir des habitants,
πλειόνων, κεκλιμένη πρὸς mais encore à leur santé et
τὴν δύσιν. Ἔχει δὲ χώραν à leur force. La chasse leur
καρποφόρον, πολλὴν μὲν fournit nombre d'animaux
ὀρεινήν, οὐκ ὀλίγην δὲ divers, et leur procure des
πεδιάδα κάλλει διαφέρουσαν. repas succulents et
Διαρρεομένη γὰρ ποταμοῖς somptueux. La mer qui
πλωτοῖς ἐκ τούτων baigne cette île renferme
ἀρδεύεται, καὶ πολλοὺς μὲν une multitude de poissons,
ἔχει παραδείσους car l'Océan est
καταφύτους παντοίοις naturellement très
δένδρεσι, παμπληθεῖς δὲ poissonneux. Enfin l'air y
κηπείας διειλημμένας ὕδασι est si tempéré, que les
γλυκέσιν· ἐπαύλεις τε fruits des arbres et
πολυτελεῖς ταῖς d'autres produits y
κατασκευαῖς ὑπάρχουσιν ἐν croissent en abondance
αὐτῇ καὶ κατὰ τὰς κηπείας pendant la plus grande
κατεσκευασμένα partie de l'année. En un
κωθωνιστήρια τὴν διάθεσιν mot, cette île est si belle
ἀνθηρὰν ἔχοντα, ἐν οἷς οἱ qu'elle paraît plutôt le
κατοικοῦντες κατὰ τὴν séjour heureux de
θερινὴν ὥραν ἐνδιατρίβουσι, quelques dieux que celui
δαψιλῶς τῆς χώρας des hommes (50).
χορηγούσης τὰ πρὸς τὴν XX. Jadis cette île était
ἀπόλαυσιν καὶ τρυφήν. τε inconnue à cause de son
ὀρεινὴ δρυμοὺς ἔχει πυκνοὺς grand éloignement du
καὶ μεγάλους καὶ δένδρα continent, et voici
παντοδαπὰ καρποφόρα καὶ comment elle fut
πρὸς τὰς ἐν τοῖς ὄρεσι découverte : les Phéniciens
διαίτας ἔχοντα συναγκείας exerçaient de toute
καὶ πηγὰς πολλάς. Καθόλου antiquité un commerce
δ´ νῆσος αὕτη κατάρρυτός maritime fort étendu ; ils
ἐστι ναματιαίοις καὶ établirent un grand
γλυκέσιν ὕδασι, δι´ ὧν οὐ nombre de colonies dans la
μόνον ἀπόλαυσις ἐπιτερπὴς Libye et dans les pays
γίνεται τοῖς ἐμβιοῦσιν ἐν occidentaux de l'Europe.
αὐτῇ, ἀλλὰ καὶ πρὸς ὑγίειαν Leurs entreprises leur
σωμάτων καὶ ῥώμην réussissaient à souhait, et,
συμβάλλεται. Κυνήγιά τε ayant acquis de grandes
δαψιλῆ παντοίων ζῴων καὶ richesses, ils tentèrent de
θηρίων ὑπάρχει, καὶ τούτων naviguer au delà des
ἐν ταῖς εὐωχίαις colonnes d'Hercule, sur la
εὐποροῦντες οὐδὲν ἐλλιπὲς mer qu'on appelle Océan.
ἔχουσι τῶν πρὸς τρυφὴν καὶ Ils fondèrent d'abord sur le
πολυτέλειαν ἀνηκόντων· καὶ continent, près des
γὰρ ἰχθύων ἔχει πλῆθος colonnes d'Hercule, dans
προσκλύζουσα τῇ νήσῳ une presqu'île de l'Europe,
θάλαττα διὰ τὸ φύσει τὸν une ville qu'ils nommèrent
ὠκεανὸν πανταχῇ πλήθειν Gadira. Ils firent toutes les
παντοδαπῶν ἰχθύων. constructions convenables
Καθόλου δ´ νῆσος αὕτη τὸν à cet emplacement. Ils y
περικείμενον ἀέρα παντελῶς élevèrent un temple
εὔκρατον ἔχουσα τὸ πλέον magnifique consacré à
μέρος τοῦ ἐνιαυτοῦ φέρει Hercule, et instituèrent de
πλῆθος ἀκροδρύων καὶ τῶν pompeux sacrifices d'après
ἄλλων τῶν ὡραίων, ὥστε les rites phéniciens. Ce
δοκεῖν αὐτὴν ὡσεὶ θεῶν temple est encore de nos
τινων, οὐκ ἀνθρώπων jours en grande
ὑπάρχειν ἐμβιωτήριον διὰ vénération. Beaucoup de
τὴν ὑπερβολὴν τῆς Romains célèbres par leurs
εὐδαιμονίας. exploits y ont accompli les
[20] Κατὰ μὲν οὖν τοὺς voeux qu'ils avaient faits à
παλαιοὺς χρόνους ἀνεύρετος Hercule pour le succès de
ἦν διὰ τὸν ἀπὸ τῆς ὅλης leurs entreprises. Les
οἰκουμένης ἐκτοπισμόν, Phéniciens avaient donc
ὕστερον δ´ εὑρέθη διὰ mis à la voile pour
τοιαύτας αἰτίας. Φοίνικες ἐκ explorer, comme nous
παλαιῶν χρόνων συνεχῶς l'avons dit, le littoral situé
πλέοντες κατ´ ἐμπορίαν en dehors des colonnes
πολλὰς μὲν κατὰ τὴν Λιβύην d'Hercule, et pendant qu'ils
ἀποικίας ἐποιήσαντο, οὐκ longeaient la côte de la
ὀλίγας δὲ καὶ τῆς Εὐρώπης Libye, ils furent jetés par
ἐν τοῖς πρὸς δύσιν des vents violents fort loin
κεκλιμένοις μέρεσι. Τῶν δ´ dans l'Océan. Battus par la
ἐπιβολῶν αὐτοῖς κατὰ νοῦν tempête pendant
προχωρουσῶν, πλούτους beaucoup de jours, ils
μεγάλους ἤθροισαν, καὶ τὴν abordèrent enfin dans l'île
ἐκτὸς Ἡρακλείων στηλῶν dont nous avons parlé.
ἐπεβάλοντο πλεῖν, ἣν Ayant pris connaissance de
ὠκεανὸν ὀνομάζουσι. Καὶ la richesse du sol, ils
πρῶτον μὲν ἐπ´ αὐτοῦ τοῦ communiquèrent leur
κατὰ τὰς στήλας πόρου découverte à tout le
πόλιν ἔκτισαν ἐπὶ τῆς monde. C'est pourquoi les
Εὐρώπης, ἣν οὖσαν Tyrrhéniens, puissants sur
χερρόνησον προσηγόρευσαν mer, voulaient aussi y
Γάδειρα, ἐν τά τε ἄλλα envoyer une colonie ; mais
κατεσκεύασαν οἰκείως τοῖς ils en furent empêchés par
τόποις καὶ ναὸν Ἡρακλέους les Carthaginois. Ces
πολυτελῆ, καὶ θυσίας derniers craignaient d'un
κατέδειξαν μεγαλοπρεπεῖς côté qu'un trop grand
τοῖς τῶν Φοινίκων ἔθεσι nombre de leurs
διοικουμένας. Τὸ δ´ ἱερὸν concitoyens, attirés par la
συνέβη τοῦτο καὶ τότε καὶ beauté de cette île, ne
κατὰ τοὺς νεωτέρους désertassent leur patrie.
χρόνους τιμᾶσθαι D'un autre côté, ils la
περιττότερον μέχρι τῆς καθ´ regardaient comme un
ἡμᾶς ἡλικίας. Πολλοὶ δὲ καὶ asile où ils pourraient se
τῶν Ῥωμαίων ἐπιφανεῖς retirer dans le cas où il
ἄνδρες καὶ μεγάλας πράξεις arriverait quelque malheur
κατειργασμένοι ἐποιήσαντο à Carthage. Car ils
μὲν τούτῳ τῷ θεῷ εὐχάς, espéraient qu'étant
συνετέλεσαν δ´ αὐτὰς μετὰ maîtres de la nier, ils
τὴν συντέλειαν τῶν pourraient se transporter,
κατορθωμάτων. Οἱ δ´ οὖν avec toutes leurs familles,
Φοίνικες διὰ τὰς dans cette île qui serait
προειρημένας αἰτίας ignorée de leurs
ἐρευνῶντες τὴν ἐκτὸς τῶν vainqueurs.
στηλῶν παραλίαν καὶ παρὰ
τὴν Λιβύην πλέοντες, ὑπ´
ἀνέμων μεγάλων
ἀπηνέχθησαν ἐπὶ πολὺν
πλοῦν δι´ ὠκεανοῦ.
Χειμασθέντες δ´ ἐπὶ πολλὰς
ἡμέρας προσηνέχθησαν τῇ
προειρημένῃ νήσῳ, καὶ τὴν
εὐδαιμονίαν αὐτῆς καὶ φύσιν
κατοπτεύσαντες ἅπασι
γνώριμον ἐποίησαν. Διὸ καὶ
Τυρρηνῶν
θαλαττοκρατούντων καὶ
πέμπειν εἰς αὐτὴν ἀποικίαν
ἐπιβαλλομένων, διεκώλυσαν
αὐτοὺς Καρχηδόνιοι, ἅμα
μὲν εὐλαβούμενοι μὴ διὰ τὴν
ἀρετὴν τῆς νήσου πολλοὶ
τῶν ἐκ τῆς Καρχηδόνος εἰς
ἐκείνην μεταστῶσιν, ἅμα δὲ
πρὸς τὰ παράλογα τῆς τύχης
κατασκευαζόμενοι
καταφυγήν, εἴ τι περὶ τὴν
Καρχηδόνα ὁλοσχερὲς
πταῖσμα συμβαίνοι·
δυνήσεσθαι γὰρ αὐτοὺς
θαλαττοκρατοῦντας ἀπᾶραι
πανοικίους εἰς ἀγνοουμένην
ὑπὸ τῶν ὑπερεχόντων νῆσον.

[21] Ἐπεὶ δὲ περὶ τοῦ XXI. Après avoir parlé


κατὰ τὴν Λιβύην ὠκεανοῦ de l'océan Libyen et des
καὶ τῶν ἐν αὐτῷ νήσων îles qui s'y trouvent, nous
διήλθομεν, μεταβιβάσομεν allons passer en Europe.
τὸν λόγον ἐπὶ τὴν Εὐρώπην. Près de la Gaule baignée
Κατὰ γὰρ τὴν Γαλατίαν τὴν par l'Océan, et en face des
παρωκεανῖτιν κατ´ ἀντικρὺ monts hercyniens (51), qui
τῶν Ἑρκυνίων passent pour la plus
ὀνομαζομένων δρυμῶν grande forêt de l'Europe,
(μεγίστους γὰρ ὑπάρχειν sont plusieurs îles, situées
παρειλήφαμεν τῶν κατὰ τὴν dans l'Océan, dont la plus
Εὐρώπην) νῆσοι πολλαὶ κατὰ grande est l'île
τὸν ὠκεανὸν ὑπάρχουσιν, ὧν Britannique. Aucune armée
ἐστι μεγίστη Πρεττανικὴ étrangère n'avait
καλουμένη. Αὕτη δὲ τὸ μὲν anciennement pénétré
παλαιὸν ἀνεπίμικτος ἐγένετο dans cette île. Bacchus,
ξενικαῖς δυνάμεσιν· οὔτε γὰρ Hercule, ni aucun autre
Διόνυσον οὔθ´ Ἡρακλέα héros ou souverain n'y 21
παρειλήφαμεν οὔτε τῶν avaient jamais porté la
ἄλλων ἡρώων {ἢ δυναστῶν} guerre. De nos jours, Jules
ἐστρατευμένον ἐπ´ αὐτήν· César, divinisé pour ses
καθ´ ἡμᾶς δὲ Γάιος Καῖσαρ exploits, est le premier qui
διὰ τὰς πράξεις ait subjugué cette île.
ἐπονομασθεὶς θεὸς πρῶτος Après avoir dompté les
τῶν μνημονευομένων Bretons, il les força à payer
ἐχειρώσατο τὴν νῆσον, καὶ tribut. Mais nous parlerons
τοὺς Πρεττανοὺς de cela avec détail en
καταπολεμήσας ἠνάγκασε temps convenable (52).
τελεῖν ὡρισμένους φόρους. Nous allons maintenant
Ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων τὰς dire un mot de la
κατὰ μέρος πράξεις ἐν τοῖς configuration de cette île,
οἰκείοις χρόνοις et de l'étain qu'elle
ἀναγράψομεν, περὶ δὲ τῆς produit. L'île Britannique a
νήσου καὶ τοῦ φυομένου κατ la forme d'un triangle
´ αὐτὴν καττιτέρου νῦν comme la Sicile ; mais ses
διέξιμεν. Αὕτη γὰρ τῷ côtés sont inégaux. Elle
σχήματι τρίγωνος οὖσα s'étend obliquement en
παραπλησίως τῇ Σικελίᾳ τὰς face de l'Europe. On
πλευρὰς οὐκ ἰσοκώλους ἔχει. appelle Cantium (53) le
Παρεκτεινούσης δ´ αὐτῆς promontoire le plus proche
παρὰ τὴν Εὐρώπην λοξῆς, τὸ du continent, et qui n'en
μὲν ἐλάχιστον ἀπὸ τῆς est éloigné que d'environ
ἠπείρου διεστηκὸς cent stades (54), à partir
ἀκρωτήριον, καλοῦσι du point où commence le
Κάντιον, φασὶν ἀπέχειν ἀπὸ lit de la mer. L'autre
τῆς γῆς σταδίους ὡς promontoire, appelé
ἑκατόν, καθ´ ὃν τόπον Bélérium (55), est éloigné
θάλαττα ποιεῖται τὸν du continent de quatre
ἔκρουν, τὸ δ´ ἕτερον journées de navigation. Le
ἀκρωτήριον τὸ καλούμενον dernier, qui s'appelle Orcas
Βελέριον ἀπέχειν λέγεται (56), s'avance, suivant les
τῆς ἠπείρου πλοῦν ἡμερῶν historiens, dans la pleine
τεττάρων, τὸ δ´ mer. Le plus petit côté de
ὑπολειπόμενον ἀνήκειν μὲν l'île est parallèle au
ἱστοροῦσιν εἰς τὸ πέλαγος, continent de l'Europe et a
ὀνομάζεσθαι δ´ Ὄρκαν. Τῶν sept mille cinq cents
δὲ πλευρῶν τὴν μὲν stades de longueur (57), le
ἐλαχίστην εἶναι σταδίων second depuis le détroit
ἑπτακισχιλίων πεντακοσίων, jusqu'au sommet du
παρήκουσαν παρὰ τὴν triangle, quinze mille (58),
Εὐρώπην, τὴν δὲ δευτέραν et le dernier, vingt mille
τὴν ἀπὸ τοῦ πορθμοῦ πρὸς (59); de telle sorte que
τὴν κορυφὴν ἀνήκουσαν toute l'île a quarante-deux
σταδίων μυρίων mille cinq cents stades de
πεντακισχιλίων, τὴν δὲ circonférence (60). Les
λοιπὴν σταδίων δισμυρίων, habitants de la Bretagne
ὥστε τὴν πᾶσαν εἶναι τῆς sont, dit-on, autochthones
νήσου περιφορὰν σταδίων et conservent leurs moeurs
τετρακισμυρίων δισχιλίων primitives (61). A la guerre
πεντακοσίων. Κατοικεῖν δέ ils se servent de chariots
φασι τὴν Πρεττανικὴν comme on le raconte des
αὐτόχθονα γένη καὶ τὸν anciens héros grecs dans
παλαιὸν βίον ταῖς ἀγωγαῖς la guerre de Troie (62) ;
διατηροῦντα. Ἅρμασι μὲν leurs maisons sont de
γὰρ κατὰ τοὺς πολέμους chétive apparence, elles
χρῶνται, καθάπερ οἱ παλαιοὶ sont pour la plupart bâties
τῶν Ἑλλήνων ἥρωες ἐν τῷ de roseaux et de bois. Ils
Τρωικῷ πολέμῳ κεχρῆσθαι font la moisson des
παραδέδονται, καὶ τὰς céréales en coupant les
οἰκήσεις εὐτελεῖς ἔχουσιν, épis et en les dé- 22 posant
ἐκ τῶν καλάμων ξύλων dans des lieux souterrains
κατὰ τὸ πλεῖστον (63). Ils font sortir les
συγκειμένας· τήν τε grains des plus anciens
συναγωγὴν τῶν σιτικῶν épis, et en font leur
καρπῶν ποιοῦνται τοὺς nourriture journalière.
στάχυς αὐτοὺς Leurs moeurs sont simples
ἀποτέμνοντες καὶ et fort éloignées du
θησαυρίζοντες εἰς τὰς raffinement et de la
καταστέγους οἰκήσεις· ἐκ δὲ perversité des hommes
τούτων τοὺς παλαιοὺς actuels. Ils mènent une vie
στάχυς καθ´ ἡμέραν τίλλειν, sobre, et ils ignorent le
καὶ κατεργαζομένους ἔχειν luxe que produit la
τὴν τροφήν. Τοῖς δ´ ἤθεσιν richesse. L'île Britannique
ἁπλοῦς εἶναι καὶ πολὺ est fort peuplée ;
κεχωρισμένους τῆς τῶν νῦν l'atmosphère y est
ἀνθρώπων ἀγχινοίας καὶ entièrement froide (64),
πονηρίας. Τάς τε διαίτας cette île étant située sous
εὐτελεῖς ἔχειν, καὶ τῆς ἐκ l'Ourse. Elle est gouvernée
τοῦ πλούτου γεννωμένης par plusieurs rois et chefs
τρυφῆς πολὺ διαλλάττοντας. qui la plupart du temps
Εἶναι δὲ καὶ πολυάνθρωπον vivent en paix entre eux.
τὴν νῆσον, καὶ τὴν τοῦ XXII. Mais nous
ἀέρος ἔχειν διάθεσιν parlerons en détail des
παντελῶς κατεψυγμένην, ὡς coutumes et des autres
ἂν ὑπ´ αὐτὴν τὴν ἄρκτον particularités du pays,
κειμένην. Βασιλεῖς δὲ καὶ lorsque nous écrirons
δυνάστας πολλοὺς ἔχειν, καὶ l'histoire de l'expédition de
πρὸς ἀλλήλους κατὰ τὸ César en Bretagne. Les
πλεῖστον εἰρηνικῶς Bretons des environs du
διακεῖσθαι. promontoire Bélérium
[22] Ἀλλὰ περὶ μὲν τῶν aiment les étrangers, et ils
κατ´ αὐτὴν νομίμων καὶ τῶν sont plus civilisés par les
ἄλλων ἰδιωμάτων τὰ κατὰ relations qu'ils ont avec les
μέρος ἀναγράψομεν ὅταν ἐπὶ marchands étrangers. Ce
τὴν Καίσαρος γενομένην sont eux qui préparent
στρατείαν εἰς Πρεττανίαν l'étain, en traitant avec art
παραγενηθῶμεν, νῦν δὲ περὶ la mine qui le contient.
τοῦ κατ´ αὐτὴν φυομένου Cette mine est pierreuse et
καττιτέρου διέξιμεν. Τῆς se trouve en filons dans le
γὰρ Πρεττανικῆς κατὰ τὸ sein de la terre, où les
ἀκρωτήριον τὸ καλούμενον ouvriers l'extraient et la
Βελέριον οἱ κατοικοῦντες purifient en la fondant.
φιλόξενοί τε διαφερόντως Après avoir donné à la
εἰσὶ καὶ διὰ τὴν τῶν ξένων masse métallique la forme
ἐμπόρων ἐπιμιξίαν d'un dé, ils la transportent
ἐξημερωμένοι τὰς ἀγωγάς. dans une île située en face
Οὗτοι τὸν καττίτερον de la Bretague et appelée
κατασκευάζουσι φιλοτέχνως Ictis (65) ; ils transportent
ἐργαζόμενοι τὴν φέρουσαν ces masses d'étain sur des
αὐτὸν γῆν. Αὕτη δὲ chariots, au moment de la
πετρώδης οὖσα διαφυὰς ἔχει marée basse, où l'espace
γεώδεις, ἐν αἷς τὸν πόρον intermédiaire est mis à
κατεργαζόμενοι καὶ sec. Car une particularité
τήξαντες καθαίρουσιν. que l'on remarque dans les
Ἀποτυποῦντες δ´ εἰς îles situées entre l'Europe
ἀστραγάλων ῥυθμοὺς et la Bretagne est que,
κομίζουσιν εἴς τινα νῆσον dans les hautes marées,
προκειμένην μὲν τῆς elles sont entièrement
Πρεττανικῆς, ὀνομαζομένην environnées d'eau. Mais
δὲ Ἴκτιν· κατὰ γὰρ τὰς lorsque dans les marées
ἀμπώτεις ἀναξηραινομένου basses la mer se retire,
τοῦ μεταξὺ τόπου ταῖς une grande partie de terre
ἁμάξαις εἰς ταύτην se découvre, et ces îles
κομίζουσι δαψιλῆ τὸν présentent alors l'aspect 23
καττίτερον. Ἴδιον δέ τι de presqu'îles. Là les
συμβαίνει περὶ τὰς πλησίον marchands achètent l'étain
νήσους τὰς μεταξὺ κειμένας des indigènes, et le font
τῆς τε Εὐρώπης καὶ τῆς transporter dans la Gaule.
Πρεττανικῆς· κατὰ μὲν γὰρ Enfin, ils le chargent sur
τὰς πλημυρίδας τοῦ μεταξὺ des chevaux, et traversent
πόρου πληρουμένου νῆσοι la Gaule à pied, dans
φαίνονται, κατὰ δὲ τὰς l'espace de trente jours,
ἀμπώτεις ἀπορρεούσης τῆς jusqu'à l'embouchure du
θαλάττης καὶ πολὺν τόπον Rhône. Voilà ce que nous
ἀναξηραινούσης θεωροῦνται avions à dire de l'étain.
χερρόνησοι. Ἐντεῦθεν δ´ οἱ XXIII. Nous allons
ἔμποροι παρὰ τῶν ἐγχωρίων maintenant donner
ὠνοῦνται καὶ διακομίζουσιν quelques détails sur ce
εἰς τὴν Γαλατίαν· τὸ δὲ qu'on appelle l'électrum.
τελευταῖον πεζῇ διὰ τῆς En face de la Scythie (66)
Γαλατίας πορευθέντες et au-dessus de la Gaule
ἡμέρας ὡς τριάκοντα est une île appelée Basilée
κατάγουσιν ἐπὶ τῶν ἵππων τὰ (67). C'est dans cette île
φορτία πρὸς τὴν ἐκβολὴν que les flots de la mer
τοῦ Ῥοδανοῦ ποταμοῦ. jettent en abondance ce
[23] Περὶ μὲν οὖν τοῦ qu'on appelle l'électrum,
καττιτέρου τοῖς ῥηθεῖσιν qui ne se trouve nulle part
ἀρκεσθησόμεθα, περὶ δὲ τοῦ ailleurs. Beaucoup
καλουμένου ἠλέκτρου νῦν d'anciens écrivains ont
διέξιμεν. Τῆς Σκυθίας τῆς débité sur cette matière
ὑπὲρ τὴν Γαλατίαν κατ´ des fables tout à fait
ἀντικρὺ νῆσός ἐστι πελαγία incroyables et absurdes.
κατὰ τὸν ὠκεανὸν Plusieurs poètes et
προσαγορευομένη Βασίλεια. historiens disent que
Εἰς ταύτην κλύδων Phaëthon, fils du Soleil,
ἐκβάλλει δαψιλὲς τὸ étant encore enfant, pria
καλούμενον ἤλεκτρον, son père de lui confier
οὐδαμοῦ δὲ τῆς οἰκουμένης pendant un jour la
φαινόμενον. Περὶ δὲ τούτου conduite de son quadrige.
πολλοὶ τῶν παλαιῶν En ayant obtenu la
ἀνέγραψαν μύθους παντελῶς permission, Phaëthon (68)
ἀπιστουμένους καὶ διὰ τῶν monta sur ce char mais les
ἀποτελεσμάτων chevaux sentirent qu'ils
ἐλεγχομένους. Πολλοὶ γὰρ étaient conduits par un
τῶν τε ποιητῶν καὶ τῶν enfant qui ne pouvait pas
συγγραφέων φασὶ Φαέθοντα encore manier les brides,
τὸν Ἡλίου μὲν υἱόν, παῖδα δὲ et ils sortirent de la voie
τὴν ἡλικίαν ὄντα, πεῖσαι τὸν ordinaire. Errants d'abord
πατέρα μίαν ἡμέραν dans le ciel, ils
παραχωρῆσαι τοῦ τεθρίππου· l'embrasèrent, et y
συγχωρηθέντος δ´ αὐτῷ laissèrent ce cercle qu'on
τούτου, τὸν μὲν Φαέθοντα appelle la voie lactée. Ils
ἐλαύνοντα τὸ τέθριππον μὴ mirent ensuite le feu à une
δύνασθαι κρατεῖν τῶν ἡνιῶν, grande partie de la terre et
τοὺς δ´ ἵππους brûlèrent une vaste
καταφρονήσαντας τοῦ contrée, lorsque Jupiter,
παιδὸς ἐξενεχθῆναι τοῦ irrité, foudroya Phaëthon,
συνήθους δρόμου, καὶ τὸ μὲν et remit le soleil dans sa
πρῶτον κατὰ τὸν οὐρανὸν voie accoutumée.
πλανωμένους ἐκπυρῶσαι Phaëthon tomba à
τοῦτον καὶ ποιῆσαι τὸν νῦν l'embouchure du Pô,
γαλαξίαν καλούμενον appelé autrefois Eridan.
κύκλον, μετὰ δὲ ταῦτα Ses soeurs pleurèrent
πολλὴν τῆς οἰκουμένης amèrement sa mort ; leur
ἐπιφλέξαντας οὐκ ὀλίγην douleur fut si grande
κατακάειν χώραν. Διὸ καὶ qu'elles changèrent de
τοῦ Διὸς ἀγανακτήσαντος nature et se
ἐπὶ τοῖς γεγενημένοις, métamorphosèrent en
κεραυνῶσαι μὲν τὸν peupliers. Ces arbres
Φαέθοντα, ἀποκαταστῆσαι laissent annuellement, à la
δὲ τὸν ἥλιον ἐπὶ τὴν συνήθη même époque, couler des
πορείαν. Τοῦ δὲ Φαέθοντος 24 larmes. Or, ces larmes
πεσόντος πρὸς τὰς ἐκβολὰς solidifiées constituent
τοῦ νῦν καλουμένου Πάδου l'électrum (69), qui
ποταμοῦ, τὸ δὲ παλαιὸν surpasse en éclat les
Ἠριδανοῦ autres produits du même
προσαγορευομένου, genre ; et il se trouve
θρηνῆσαι μὲν τὰς ἀδελφὰς surtout dans les pays où, à
αὐτοῦ τὴν τελευτὴν la mort des jeunes gens,
φιλοτιμότατα, διὰ δὲ τὴν on porte le deuil. Mais le
ὑπερβολὴν τῆς λύπης {ὑπὸ temps a démontré que
τῆς φύσεως} tous ceux qui ont forgé
μετασχηματισθῆναι τὴν cette fable étaient dans
φύσιν, γενομένας αἰγείρους. l'erreur, et il ne faut jamais
Ταύτας δὲ κατ´ ἐνιαυτὸν ajouter foi qu'aux histoires
κατὰ τὴν αὐτὴν ὥραν véritables. L'électrum se
δάκρυον ἀφιέναι, καὶ τοῦτο recueille donc dans l'île
πηγνύμενον ἀποτελεῖν τὸ Basilée, et les habitants le
καλούμενον ἤλεκτρον, transportent sur le
λαμπρότητι μὲν τῶν continent situé à l'opposite
ὁμοφυῶν διαφέρον, ; de là on l'envoie dans nos
ἐπιχωριάζον δ´ ἐν ταῖς τῶν contrées, comme nous
νέων τελευταῖς κατὰ τὸ l'avons dit.
τούτων πένθος. XXIV. Après avoir parlé
Διημαρτηκότων δὲ πάντων des îles situées à
τῶν τὸν μῦθον τοῦτον l'occident, nous croyons à
πεπλακότων καὶ διὰ τῶν propos de dire un mot des
ἀποτελεσμάτων ἐν τοῖς nations voisines de
ὕστερον χρόνοις l'Europe, que nous avons
ἐλεγχομένων, προσεκτέον omises dans les livres
ταῖς ἀληθιναῖς ἱστορίαις· τὸ précédents. Jadis régnait,
γὰρ ἤλεκτρον συνάγεται μὲν dit-on, un homme célèbre
ἐν τῇ προειρημένῃ νήσῳ, dans la Celtique, qui avait
κομίζεται δ´ ὑπὸ τῶν une fille d'une taille et
ἐγχωρίων πρὸς τὴν d'une beauté sans pareille.
ἀντιπέρας ἤπειρον, δι´ ἧς Fière de ces avantages,
φέρεται πρὸς τοὺς καθ´ elle refusa la main de tous
ἡμᾶς τόπους, καθότι les prétendants, n'en
προείρηται. croyant aucun digne d'elle.
[24] Διεληλυθότες δὲ Dans son expédition contre
περὶ τῶν νήσων τῶν Géryon, Hercule s'arrêta
κειμένων ἐν τοῖς πρὸς dans la Celtique, et y
δυσμὰς μέρεσιν, οὐκ construisit la ville d'Alésia
ἀνοίκειον εἶναι νομίζομεν (70). Elle y vit Hercule, et,
περὶ τῶν πλησίον τῆς admirant son courage et sa
Εὐρώπης ἐθνῶν βραχέα force extraordinaire, elle
διελθεῖν, παραλελοίπαμεν s'abandonna à lui très
ἐν ταῖς πρότερον βίβλοις. volontiers, et aussi avec le
Τῆς Κελτικῆς τοίνυν τὸ consentement de ses
παλαιόν, ὥς φασιν, parents. De cette union
ἐδυνάστευσεν ἐπιφανὴς naquit un fils nommé
ἀνήρ, θυγάτηρ ἐγένετο τῷ Galatès, qui surpassa de
μεγέθει τοῦ σώματος beaucoup ses compatriotes
ὑπερφυής, τῇ δ´ εὐπρεπείᾳ par sa force et son
πολὺ διέχουσα τῶν ἄλλων. courage. Arrivé à l'âge viril,
Αὕτη δὲ διά τε τὴν τοῦ il hérita du trône de ses
σώματος ῥώμην καὶ τὴν pères. Il conquit beaucoup
θαυμαζομένην εὐπρέπειαν de pays limitrophes, et
πεφρονηματισμένη παντὸς accomplit de grands
τοῦ μνηστεύοντος τὸν γάμον exploits guerriers. Enfin, 25
ἀπηρνεῖτο, νομίζουσα il donna à ses sujets le
μηδένα τούτων ἄξιον ἑαυτῆς nom de Galates (Gaulois),
εἶναι. Κατὰ δὲ τὴν desquels tout le pays reçut
Ἡρακλέους ἐπὶ Γηρυόνην le nom de Galatie (Gaule)
στρατείαν, καταντήσαντος (71).
εἰς τὴν Κελτικὴν αὐτοῦ καὶ XXV. Après avoir
πόλιν Ἀλησίαν ἐν ταύτῃ indiqué l'origine du nom
κτίσαντος, θεασαμένη τὸν des Gaulois, il nous faut
Ἡρακλέα καὶ θαυμάσασα τήν parler des habitants
τε ἀρετὴν αὐτοῦ καὶ τὴν τοῦ mêmes du pays. La Gaule
σώματος ὑπεροχήν, est habitée par beaucoup
προσεδέξατο τὴν ἐπιπλοκὴν de tribus plus ou moins
μετὰ πάσης προθυμίας, populeuses. Les plus fortes
συγκατανευσάντων καὶ τῶν sont d'environ deux cent
γονέων. Μιγεῖσα δὲ τῷ mille hommes, et les plus
Ἡρακλεῖ ἐγέννησεν υἱὸν faibles de cinquante mille.
ὀνόματι Γαλάτην, πολὺ Parmi ces tribus, il y en a
προέχοντα τῶν ὁμοεθνῶν une qui a conservé jusqu'à
ἀρετῇ τε ψυχῆς καὶ ῥώμῃ nos jours une ancienne
σώματος. Ἀνδρωθεὶς δὲ τὴν amitié pour les Romains
ἡλικίαν καὶ διαδεξάμενος (72). Comme la Gaule est
τὴν πατρῴαν βασιλείαν, en grande partie située
πολλὴν μὲν τῆς sous la constellation de
προσοριζούσης χώρας l'Ourse, l'hiver y est long et
κατεκτήσατο, μεγάλας δὲ extrêmement froid. Car
πράξεις πολεμικὰς dans la saison de l'hiver,
συνετέλεσε. Περιβόητος δὲ pendant les jours
γενόμενος ἐπ´ ἀνδρείᾳ τοὺς nébuleux, il tombe
ὑφ´ αὑτὸν τεταγμένους beaucoup de neige au lieu
ὠνόμασεν ἀφ´ ἑαυτοῦ de pluie ; et quand le ciel
Γαλάτας· ἀφ´ ὧν σύμπασα est serein, il se forme des
Γαλατία προσηγορεύθη. masses de glace
[25] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῆς compacte, par lesquelles
τῶν Γαλατῶν προσηγορίας les fleuves congelés
διήλθομεν, καὶ περὶ τῆς deviennent des ponts
χώρας αὐτῶν δέον ἐστὶν naturels. Non seulement
εἰπεῖν. τοίνυν Γαλατία des voyageurs allant par
κατοικεῖται μὲν ὑπὸ πολλῶν petites troupes, mais des
ἐθνῶν διαφόρων τοῖς armées nombreuses, avec
μεγέθεσι· τὰ μέγιστα γὰρ chars et bagages, y
αὐτῶν σχεδὸν εἴκοσι passent sur la glace eu
μυριάδας ἀνδρῶν ἔχει, τὰ δ´ toute sécurité. La Gaule
ἐλάχιστα πέντε μυριάδας, est traversée par des
ὧν ἕν ἐστι πρὸς Ῥωμαίους fleuves grands et
ἔχον συγγένειαν παλαιὰν καὶ nombreux, qui serpentent
φιλίαν τὴν μέχρι τῶν καθ´ dans les plaines. Les uns
ἡμᾶς χρόνων διαμένουσαν. ont leurs sources dans des
Κειμένη δὲ κατὰ τὸ πλεῖστον lacs profonds, les autres
ὑπὸ τὰς ἄρκτους κειμέριός jaillissent des montagnes.
ἐστι καὶ ψυχρὰ διαφερόντως. Ceux-ci se jettent dans
Κατὰ γὰρ τὴν χειμερινὴν l'Océan, ceux-là dans la
ὥραν ἐν ταῖς συννεφέσιν Méditerranée. Le plus
ἡμέραις ἀντὶ μὲν τῶν grand des fleuves qui se
ὄμβρων χιόνι πολλῇ νίφεται, jettent dans notre mer est
κατὰ δὲ τὰς αἰθρίας le Rhône. Il a ses sources
κρυστάλλῳ καὶ πάγοις dans les Alpes et il se jette
ἐξαισίοις πλήθει, δι´ ὧν οἱ dans la mer par cinq
ποταμοὶ πηγνύμενοι διὰ τῆς embouchures. Parmi les
ἰδίας φύσεως γεφυροῦνται· fleuves qui se jettent dans
οὐ μόνον γὰρ οἱ τυχόντες l'Océan, ceux qui passent
ὁδῖται κατ´ ὀλίγους κατὰ pour les plus grands sont
τοῦ κρυστάλλου πορευόμενοι le Danube et le Rhin (73).
διαβαίνουσιν, ἀλλὰ καὶ C'est sur ce dernier fleuve
στρατοπέδων μυριάδες μετὰ que, de nos jours, Jules
σκευοφόρων καὶ ἁμαξῶν César, divinisé pour ses
γεμουσῶν ἀσφαλῶς exploits, construisit un
περαιοῦνται. Πολλῶν δὲ καὶ pont merveilleux, y fit
μεγάλων ποταμῶν ῥεόντων passer son armée et
διὰ τῆς Γαλατίας καὶ τοῖς soumit les Gaulois 26 qui
ῥείθροις ποικίλως τὴν habitent sur la rive
πεδιάδα γῆν τεμνόντων, οἱ opposée. Beaucoup
μὲν ἐκ λιμνῶν ἀβύσσων d'autres rivières
ῥέουσιν, οἱ δ´ ἐκ τῶν ὀρῶν navigables traversent la
ἔχουσι τὰς πηγὰς καὶ τὰς Celtique, mais il serait trop
ἐπιρροίας· τὴν δ´ ἐκβολὴν οἱ long d'en faire ici la
μὲν εἰς τὸν ὠκεανὸν description. Presque toutes
ποιοῦνται, οἱ δ´ εἰς τὴν καθ´ ces rivières se gèlent et
ἡμᾶς θάλατταν. Μέγιστος δ´ forment ainsi des ponts
ἐστὶ τῶν εἰς τὸ καθ´ ἡμᾶς naturels. Afin d'empêcher
πέλαγος ῥεόντων Ῥοδανός, les passagers de glisser
τὰς μὲν πηγὰς ἔχων ἐν τοῖς sur la glace et de rendre la
Ἀλπείοις ὄρεσι, πέντε δὲ démarche plus assurée, on
στόμασιν ἐξερευγόμενος εἰς y répand de la paille (74).
τὴν θάλατταν. Τῶν δ´ εἰς XXVI. On remarque
τὸν ὠκεανὸν ῥεόντων dans la plus grande partie
μέγιστοι δοκοῦσιν ὑπάρχειν de la Gaule un phénomène
τε Δανούβιος καὶ Ῥῆνος, ὃν trop particulier pour
ἐν τοῖς καθ´ ἡμᾶς χρόνοις omettre d'en parler ici. Les
Καῖσαρ κληθεὶς θεὸς ἔξευξε vents du couchant d'été et
παραδόξως, καὶ περαιώσας ceux du nord y soufflent
πεζῇ τὴν δύναμιν habituellement avec tant
ἐχειρώσατο τοὺς πέραν de violence et de force,
κατοικοῦντας αὐτοῦ qu'ils soulèvent de terre et
Γαλάτας. Πολλοὶ δὲ καὶ emportent des pierres
ἄλλοι πλωτοὶ ποταμοὶ κατὰ grosses comme le poing et
τὴν Κελτικήν εἰσι, περὶ ὧν une épaisse poussière de
μακρὸν ἂν εἴη γράφειν. gravier. Enfin, de violents
Πάντες δὲ σχεδὸν ὑπὸ τοῦ tourbillons arrachent aux
πάγου πηγνύμενοι γεφυροῦσι hommes leurs armes et
τὰ ῥεῖθρα, καὶ τοῦ leurs vêtements, et
κρυστάλλου διὰ τὴν φυσικὴν enlèvent les cavaliers de
λειότητα ποιοῦντος τοὺς leurs chevaux. L'excès de
διαβαίνοντας ὀλισθάνειν, froid altère tellement le
ἀχύρων ἐπιβαλλομένων ἐπ´ climat, que la vigne et
αὐτοὺς ἀσφαλῆ τὴν διάβασιν l'olivier n'y croissent pas
ἔχουσιν. (75). C'est pourquoi les
[26] Ἴδιον δέ τι καὶ Gaulois, privés de ces
παράδοξον συμβαίνει κατὰ fruits, font avec de l'orge
τὴν πλείστην τῆς Γαλατίας, une boisson appelée
περὶ οὗ παραλιπεῖν οὐκ ἄξιον zythos (76). Ils font aussi
ἡγούμεθα. Ἀπὸ γὰρ θερινῆς tremper du miel dans de
δύσεως καὶ ἄρκτου πνεῖν l'eau, et s'en servent en
εἰώθασιν ἄνεμοι τηλικαύτην guise de boisson. Aimant
ἔχοντες σφοδρότητα καὶ jusqu'à l'excès le vin que
δύναμιν, ὥστε ἀναρπάζειν les marchands leur
ἀπὸ τῆς γῆς λίθους apportent sans mélange,
χειροπληθιαίους τοῖς ils en boivent si avidement
μεγέθεσι καὶ τῶν ψηφίδων que, devenus ivres, ils
ἁδρομερῆ κονιορτόν· tombent dans un profond
καθόλου δὲ καταιγίζοντες sommeil ou dans des
λάβρως ἁρπάζουσιν ἀπὸ μὲν transports furieux. Aussi
τῶν ἀνδρῶν τὰ ὅπλα καὶ τὰς beaucoup 27 de marchands
ἐσθῆτας, ἀπὸ δὲ τῶν ἵππων italiens, poussés par leur
τοὺς ἀναβάτας. Διὰ δὲ τὴν cupidité habituelle, ne
ὑπερβολὴν τοῦ ψύχους manquent-ils pas de tirer
διαφθειρομένης τῆς κατὰ profit de l'amour des
τὸν ἀέρα κράσεως οὔτ´ Gaulois pour le vin. Ils leur
οἶνον οὔτ´ ἔλαιον φέρει· en apportent soit dans des
διόπερ τῶν Γαλατῶν οἱ bateaux sur les rivières
τούτων τῶν καρπῶν navigables, soit sur des
στερισκόμενοι πόμα chars qu'ils conduisent à
κατασκευάζουσιν ἐκ τῆς travers le pays plat ; en
κριθῆς τὸ échange d'un tonneau de
προσαγορευόμενον ζῦθος, vin, ils reçoivent un jeune
καὶ τὰ κηρία πλύνοντες τῷ esclave, troquant ainsi leur
τούτων ἀποπλύματι boisson contre un
χρῶνται. Κάτοινοι δ´ ὄντες échanson (77).
καθ´ ὑπερβολὴν τὸν XXVII. Il n'y a
εἰσαγόμενον ὑπὸ τῶν absolument aucune mine
ἐμπόρων οἶνον ἄκρατον d'argent dans la Gaule,
ἐμφοροῦνται, καὶ διὰ τὴν mais il y a beaucoup d'or
ἐπιθυμίαν λάβρῳ χρώμενοι natif (78) que les indigènes
τῷ ποτῷ καὶ μεθυσθέντες recueillent sans peine.
εἰς ὕπνον μανιώδεις Comme les fleuves, dans
διαθέσεις τρέπονται. Διὸ καὶ leurs cours tortueux, se
πολλοὶ τῶν Ἰταλικῶν brisent contre la racine des
ἐμπόρων διὰ τὴν συνήθη montagnes, les eaux en
φιλαργυρίαν ἕρμαιον détachent et charrient
ἡγοῦνται τὴν τῶν Γαλατῶν avec elles des fragments
φιλοινίαν. Οὗτοι γὰρ διὰ μὲν de roche remplis de sables
τῶν πλωτῶν ποταμῶν d'or. Ceux qui se livrent à
πλοίοις, διὰ δὲ τῆς πεδιάδος ces travaux brisent les
χώρας ἁμάξαις κομίζοντες roches, enlèvent ensuite la
τὸν οἶνον, ἀντιλαμβάνουσι partie terreuse par des
τιμῆς πλῆθος ἄπιστον· lavages, et font fondre le
διδόντες γὰρ οἴνου κεράμιον résidu dans des fournaux.
ἀντιλαμβάνουσι παῖδα, τοῦ Ils recueillent de cette
πόματος διάκονον sorte une masse d'or qui
ἀμειβόμενοι. sert à la parure des
[27] Κατὰ γοῦν τὴν femmes aussi bien qu'à
Γαλατίαν ἄργυρος μὲν οὐ celle des hommes ; car ils
γίνεται τὸ σύνολον, χρυσὸς en font des anneaux qu'ils
δὲ πολύς, ὃν τοῖς ἐγχωρίοις portent aux poignets et
φύσις ἄνευ μεταλλείας καὶ aux bras ; ils en fabriquent
κακοπαθείας ὑπουργεῖ. γὰρ aussi des colliers massifs,
τῶν ποταμῶν ῥύσις σκολιοὺς des bagues et même des
τοὺς ἀγκῶνας ἔχουσα, {καὶ} cuirasses. Les habitants de
τοῖς τῶν παρακειμένων la Celtique supérieure
ὀρῶν ὄχθοις προσαράττουσα offrent une autre
καὶ μεγάλους ἀπορρηγνῦσα singularité au sujet des
κολωνούς, πληροῖ χρυσοῦ temples. Dans les temples
ψήγματος. Τοῦτο δ´ οἱ περὶ et les enceintes sacrées de
τὰς ἐργασίας ἀσχολούμενοι ce pays se trouve entassé
συνάγοντες ἀλήθουσιν {ἢ beaucoup d'or offert aux
συγκόπτουσι} τὰς ἐχούσας dieux ; et, quoique tous les
τὸ ψῆγμα βώλους, διὰ δὲ Celtes aiment l'argent, pas
τῶν ὑδάτων τῆς φύσεως τὸ un d'eux n'ose y toucher,
γεῶδες πλύναντες tant la crainte des dieux
παραδιδόασιν ἐν ταῖς les retient.
καμίνοις εἰς τὴν χωνείαν. XXVIII. Les Gaulois
Τούτῳ δὲ τῷ τρόπῳ sont grands de taille ; ils
σωρεύοντες χρυσοῦ πλῆθος ont la chair molle et la
καταχρῶνται πρὸς κόσμον peau blanche : leurs
οὐ μόνον αἱ γυναῖκες, ἀλλὰ cheveux sont
καὶ οἱ ἄνδρες. Περὶ μὲν γὰρ naturellement blonds, et ils
τοὺς καρποὺς καὶ τοὺς cherchent par des moyens
βραχίονας ψέλια φοροῦσι, artificiels à rehausser cette
περὶ δὲ τοὺς αὐχένας couleur : ils les lavent
κρίκους παχεῖς ὁλοχρύσους fréquemment avec une
καὶ δακτυλίους ἀξιολόγους, lessive de 28 chaux (79), ils
ἔτι δὲ χρυσοῦς θώρακας. les retirent du front vers le
Ἴδιον δέ τι καὶ παράδοξον sommet de la tête et la
παρὰ τοῖς ἄνω Κελτοῖς ἐστι nuque, de sorte qu'ils ont
περὶ τὰ τεμένη τῶν θεῶν l'aspect de Satyres et de
γινόμενον· ἐν γὰρ τοῖς ἱεροῖς Pans. Grâce à ces moyens,
καὶ τεμένεσιν ἐπὶ τῆς χώρας leurs cheveux
ἀνειμένοις ἔρριπται πολὺς s'épaississent tellement
χρυσὸς ἀνατεθειμένος τοῖς qu'ils ressemblent aux
θεοῖς, καὶ τῶν ἐγχωρίων crins des chevaux.
οὐδεὶς ἅπτεται τούτου διὰ Quelques-uns se rasent la
τὴν δεισιδαιμονίαν, καίπερ barbe et d'autres la
ὄντων τῶν Κελτῶν laissent croître
φιλαργύρων καθ´ modérément, mais les
ὑπερβολήν. nobles se rasent les joues,
[28] Οἱ δὲ Γαλάται τοῖς et laissent pousser les
μὲν σώμασίν εἰσιν εὐμήκεις, moustaches, de manière
ταῖς δὲ σαρξὶ κάθυγροι καὶ qu'elles leur couvrent la
λευκοί, ταῖς δὲ κόμαις οὐ bouche. Aussi leur arrive-t-
μόνον ἐκ φύσεως ξανθοί, il que, lorsqu'ils mangent,
ἀλλὰ καὶ διὰ τῆς les aliments s'y
κατασκευῆς ἐπιτηδεύουσιν embarrassent, et, lorsqu'ils
αὔξειν τὴν φυσικὴν τῆς boitent, la boisson y passe
χρόας ἰδιότητα. Τιτάνου γὰρ comme à travers un filtre.
ἀποπλύματι σμῶντες τὰς Ils prennent leurs repas
τρίχας συνεχῶς {καὶ} ἀπὸ non pas assis sur des
τῶν μετώπων ἐπὶ τὴν sièges, mais accroupis sur
κορυφὴν καὶ τοὺς τένοντας des peaux de loups ou de
ἀνασπῶσιν, ὥστε τὴν chiens, et ils sont servis
πρόσοψιν αὐτῶν φαίνεσθαι par de très jeunes enfants
Σατύροις καὶ Πᾶσιν ἐοικυῖαν· de l'un et de l'autre sexe. A
παχύνονται γὰρ αἱ τρίχες côté d'eux sont des foyers
ἀπὸ τῆς κατεργασίας, ὥστε flamboyants, avec des
μηδὲν τῆς τῶν ἵππων χαίτης chaudières et des broches
διαφέρειν. Τὰ δὲ γένεια τινὲς garnies de quartiers
μὲν ξυρῶνται, τινὲς δὲ entiers de viande. On
μετρίως ὑποτρέφουσιν· οἱ δ´ honore les braves en leur
εὐγενεῖς τὰς μὲν παρειὰς offrant les meilleurs
ἀπολειαίνουσι, τὰς δ´ morceaux de viande. C'est
ὑπήνας ἀνειμένας ἐῶσιν, ainsi que le poète nous
ὥστε τὰ στόματα αὐτῶν montre Ajax honoré par
ἐπικαλύπτεσθαι. Διόπερ ses compagnons, après
ἐσθιόντων μὲν αὐτῶν qu'il eut seul combattu et
ἐμπλέκονται ταῖς τροφαῖς, vaincu Hector : «Le roi fait
πινόντων δὲ καθαπερεὶ διά honneur à Ajax du dos
τινος ἡθμοῦ φέρεται τὸ entier de la victime (80)».
πόμα. Δειπνοῦσι δὲ Les Gaulois invitent aussi
καθήμενοι πάντες οὐκ ἐπὶ les étrangers à leurs
θρόνων, ἀλλ´ ἐπὶ τῆς γῆς, festins ; et, après le repas,
ὑποστρώμασι χρώμενοι ils leur demandent ce qu'ils
λύκων κυνῶν δέρμασι. sont et ce qu'ils viennent
Διακονοῦνται δ´ ὑπὸ τῶν faire. Souvent, pendant le
νεωτάτων παίδων ἐχόντων repas, leurs discours font
ἡλικίαν, ἀρρένων τε καὶ naître des querelles, et,
θηλειῶν. Πλησίον δ´ αὐτῶν méprisant la vie, ils se
ἐσχάραι κεῖνται γέμουσαι provoquent à des combats
πυρὸς καὶ λέβητας ἔχουσαι singuliers. Car ils ont fait
καὶ ὀβελοὺς πλήρεις κρεῶν prévaloir chez eux l'opinion
ὁλομερῶν. Τοὺς δ´ ἀγαθοὺς de Pythagore, d'après
ἄνδρας ταῖς καλλίσταις τῶν laquelle les âmes des
κρεῶν μοίραις γεραίρουσι, hommes sont immortelles,
καθάπερ καὶ ποιητὴς τὸν et chacune d'elles,
Αἴαντα παρεισάγει s'introduisant dans un
τιμώμενον ὑπὸ τῶν autre corps, revit pendant
ἀριστέων, ὅτε πρὸς Ἕκτορα un nombre déterminé
μονομαχήσας ἐνίκησε, d'années. C'est pourquoi,
νώτοισιν δ´ Αἴαντα pendant les funérailles, ils
διηνεκέεσσι γέραιρε. jettent dans le bûcher des
Καλοῦσι δὲ καὶ τοὺς ξένους lettres adressées à leurs
ἐπὶ τὰς εὐωχίας, καὶ μετὰ τὸ parents décédés, comme si
δεῖπνον ἐπερωτῶσι, τίνες les morts les liraient (81).
εἰσὶ καὶ τίνων χρείαν XXIX. Dans les
ἔχουσιν. Εἰώθασι δὲ καὶ παρὰ voyages et les combats, ils
τὸ δεῖπνον ἐκ τῶν τυχόντων se servent de chars à deux
πρὸς τὴν διὰ τῶν λόγων chevaux, portant un
ἅμιλλαν καταστάντες, ἐκ conducteur et un guerrier.
προκλήσεως μονομαχεῖν Ils dirigent, dans les
πρὸς ἀλλήλους, παρ´ οὐδὲν guerres, leurs attaques
τιθέμενοι τὴν τοῦ βίου contre les cavaliers,
τελευτήν· ἐνισχύει γὰρ παρ´ lancent le saunium et
αὐτοῖς Πυθαγόρου λόγος, descendent ensuite pour
ὅτι τὰς ψυχὰς τῶν combattre l'ennemi à
ἀνθρώπων ἀθανάτους εἶναι l'épée. Quelques-uns
συμβέβηκε καὶ δι´ ἐτῶν d'entre eux méprisent la
ὡρισμένων πάλιν βιοῦν, εἰς mort au point de s'exposer
ἕτερον σῶμα τῆς ψυχῆς nus et n'ayant qu'une
εἰσδυομένης. Διὸ καὶ κατὰ ceinture autour du corps.
τὰς ταφὰς τῶν Ils emmènent avec eux des
τετελευτηκότων ἐνίους serviteurs de condition
ἐπιστολὰς γεγραμμένας τοῖς libre, choisis dans la classe
οἰκείοις τετελευτηκόσιν des pauvres, ils les
ἐμβάλλειν εἰς τὴν πυράν, ὡς emploient, dans les
τῶν τετελευτηκότων combats, comme
ἀναγνωσομένων ταύτας. conducteurs et comme
[29] Ἐν δὲ ταῖς gardes (82). Avant de livrer
ὁδοιπορίαις καὶ ταῖς μάχαις bataille, ils ont coutume de
χρῶνται συνωρίσιν, ἔχοντος sortir des rangs et de
τοῦ ἅρματος ἡνίοχον καὶ provoquer les plus braves
παραβάτην. Ἁπαντῶντες δὲ des ennemis à un combat
τοῖς ἐφιππεύουσιν ἐν τοῖς singulier, en branlant leurs
πολέμοις σαυνιάζουσι τοὺς armes pour effrayer leurs
ἐναντίους, καὶ καταβάντες adversaires. Si quelqu'un
τὴν ἀπὸ τοῦ ξίφους accepte le défi, ils
συνίστανται μάχην. Ἔνιοι δ´ chantent les prouesses de
αὐτῶν ἐπὶ τοσοῦτο τοῦ leurs ancêtres et vantent
θανάτου καταφρονοῦσιν, leurs propres vertus, tandis
ὥστε γυμνοὺς καὶ qu'ils insultent leurs
περιεζωσμένους καταβαίνειν adversaires et les
εἰς τὸν κίνδυνον. Ἐπάγονται appellent des lâches. Aux
δὲ καὶ θεράποντας ennemis tombés, ils
ἐλευθέρους ἐκ τῶν πενήτων coupent la tête et
καταλέγοντες, οἷς ἡνιόχοις l'attachent au cou de leurs
καὶ παρασπισταῖς χρῶνται chevaux. Ils donnent à
κατὰ τὰς μάχας. Κατὰ δὲ porter à leurs serviteurs les
τὰς παρατάξεις εἰώθασι dépouilles tachées de
προάγειν τῆς παρατάξεως sang, et chantent le péan
καὶ προκαλεῖσθαι τῶν et l'hymne de la victoire.
ἀντιτεταγμένων τοὺς Ils clouent ces trophées
ἀρίστους εἰς μονομαχίαν, aux maisons, ainsi que
προανασείοντες τὰ ὅπλα καὶ d'autres le font à l'égard
καταπληττόμενοι τοὺς des animaux pris à la
ἐναντίους. Ὅταν δέ τις chasse. Quant aux têtes
ὑπακούσῃ πρὸς τὴν μάχην, des ennemis les plus
τάς τε τῶν προγόνων renommés, ils les
ἀνδραγαθίας ἐξυμνοῦσι καὶ embaument avec de l'huile
τὰς ἑαυτῶν ἀρετὰς de cèdre et les conservent
προφέρονται, καὶ τὸν soigneusement dans une
ἀντιταττόμενον caisse (83). Ils les
ἐξονειδίζουσι καὶ ταπεινοῦσι montrent aux étrangers en
καὶ τὸ σύνολον τὸ θάρσος se glorifiant que leurs
τῆς ψυχῆς τοῖς λόγοις pères eux-mêmes n'ont
προαφαιροῦνται. Τῶν δὲ pas voulu donner ces
πεσόντων πολεμίων τὰς trophées pour beaucoup
κεφαλὰς ἀφαιροῦντες d'argent. On dit que
περιάπτουσι τοῖς αὐχέσι τῶν quelques-uns d'entre eux,
ἵππων· τὰ δὲ σκῦλα τοῖς montrant une fierté
θεράπουσι παραδόντες sauvage, se sont vantés de
ᾑμαγμένα λαφυραγωγοῦσιν, n'avoir pas voulu vendre
ἐπιπαιανίζοντες καὶ ᾄδοντες une tête contre son poids
ὕμνον ἐπινίκιον, καὶ τὰ d'or. Mais si, d'un côté, il
ἀκροθίνια ταῦτα ταῖς οἰκίαις n'est pas noble de mettre à
προσηλοῦσιν ὥσπερ οἱ ἐν prix les insignes de sa
κυνηγίοις τισὶ κεχειρωμένοι bravoure, de l'autre, il est
τὰ θηρία. Τῶν δ´ sauvage de faire la guerre
ἐπιφανεστάτων πολεμίων aux morts de même race.
κεδρώσαντες τὰς κεφαλὰς XXX. Les Gaulois
ἐπιμελῶς τηροῦσιν ἐν portent des vêtements
λάρνακι, καὶ τοῖς ξένοις singuliers ; ils ont 30 des
ἐπιδεικνύουσι σεμνυνόμενοι tuniques bigarrées de
διότι τῆσδε τῆς κεφαλῆς différentes couleurs, et des
τῶν προγόνων τις πατὴρ chausses qu'ils appellent
καὶ αὐτὸς πολλὰ χρήματα bragues. Avec des agrafes,
διδόμενα οὐκ ἔλαβε. Φασὶ δέ ils attachent à leurs
τινας αὐτῶν καυχᾶσθαι διότι épaules des saies rayées,
χρυσὸν ἀντίσταθμον τῆς d'une étoffe à petits
κεφαλῆς οὐκ ἐδέξαντο, carreaux multicolores,
βάρβαρόν τινα épaisse en hiver, et légère
μεγαλοψυχίαν en été. Ils ont pour armes
ἐπιδεικνύμενοι· οὐ γὰρ τὸ μὴ défensives des boucliers
πωλεῖν τὰ σύσσημα τῆς aussi hauts qu'un homme,
ἀρετῆς εὐγενές, ἀλλὰ τὸ et que chacun orne à sa
πολεμεῖν τὸ ὁμόφυλον manière. Comme ces
τετελευτηκὸς θηριῶδες. boucliers servent non
[30] Ἐσθῆσι δὲ χρῶνται seulement de défense,
καταπληκτικαῖς, χιτῶσι μὲν mais encore d'ornement,
βαπτοῖς χρώμασι quelques-uns y font graver
παντοδαποῖς διηνθισμένοις des figures d'airain en
καὶ ἀναξυρίσιν, ἃς ἐκεῖνοι bosse, et travaillées avec
βράκας προσαγορεύουσιν· beaucoup d'art. Leurs
ἐπιπορποῦνται δὲ σάγους casques d'airain sont
ῥαβδωτοὺς ἐν μὲν τοῖς garnis de grandes saillies
χειμῶσι δασεῖς, κατὰ δὲ τὸ et donnent à ceux qui les
θέρος ψιλούς, πλινθίοις portent un aspect tout
πυκνοῖς καὶ πολυανθέσι fantastique. A quelques-
διειλημμένους. Ὅπλοις δὲ uns de ces casques sont
χρῶνται θυρεοῖς μὲν fixées des cornes, et à
ἀνδρομήκεσι, πεποικιλμένοις d'autres des figures en
ἰδιοτρόπως· τινὲς δὲ καὶ relief d'oiseaux ou de
ζῴων χαλκῶν ἐξοχὰς quadrupèdes. Ils ont des
ἔχουσιν, οὐ {μόνον} πρὸς trompettes barbares, d'une
κόσμον, ἀλλὰ {καὶ} πρὸς construction particulière,
ἀσφάλειαν εὖ qui rendent un son rauque
δεδημιουργημένας. Κράνη δὲ et approprié au tumulte
χαλκᾶ περιτίθενται μεγάλας guerrier (84). Les uns
ἐξοχὰς ἐξ ἑαυτῶν ἔχοντα portent des cuirasses de
καὶ παμμεγέθη φαντασίαν mailles de fer ; les autres,
ἐπιφέροντα τοῖς χρωμένοις, contents de leurs
ὧν τοῖς μὲν πρόσκειται avantages naturels,
συμφυῆ κέρατα, τοῖς δὲ combattent nus. Au lieu
ὀρνέων τετραπόδων ζῴων d'épées, ils ont des
ἐκτετυπωμέναι προτομαί. espadons suspendus au
Σάλπιγγας δ´ ἔχουσιν flanc droit par des chaînes
ἰδιοφυεῖς καὶ βαρβαρικάς· de fer ou d'airain.
ἐμφυσῶσι γὰρ ταύταις καὶ Quelques-uns entourent
προβάλλουσιν ἦχον τραχὺν leurs tuniques de ceintures
καὶ πολεμικῆς ταραχῆς d'or ou d'argent. Ils se
οἰκεῖον. Θώρακας δ´ ἔχουσιν servent aussi de piques
οἱ μὲν σιδηροῦς qu'ils appellent lances
ἁλυσιδωτούς, οἱ δὲ τοῖς ὑπὸ (85), dont le fer a une
τῆς φύσεως δεδομένοις coudée de longueur, et
ἀρκοῦνται, γυμνοὶ près de deux palmes de
μαχόμενοι. Ἀντὶ δὲ τοῦ largeur ; le fût a plus d'une
ξίφους σπάθας ἔχουσι coudée de longueur. Leurs
μακρὰς σιδηραῖς χαλκαῖς épées ne sont guère moins
ἁλύσεσιν ἐξηρτημένας, παρὰ grandes que le javelot des
τὴν δεξιὰν λαγόνα autres nations, et leurs
παρατεταμένας. Τινὲς δὲ saunies ont les pointes
τοὺς χιτῶνας ἐπιχρύσοις plus longues que leurs
καταργύροις ζωστῆρσι épées. De ces saunies, les
συνέζωνται. Προβάλλονται unes sont droites et les
δὲ λόγχας, ἃς ἐκεῖνοι autres recourbées ; de
λαγκίας καλοῦσι, πηχυαῖα τῷ sorte que, non seulement
μήκει τοῦ σιδήρου καὶ ἔτι elles coupent, mais encore
μείζω τὰ ἐπιθήματα déchirent les chairs, et en
ἐχούσας, πλάτει δὲ βραχὺ retirant le javelot, on
λείποντα διπαλαίστων· τὰ agrandit la plaie.
μὲν γὰρ ξίφη τῶν παρ´
ἑτέροις σαυνίων εἰσὶν οὐκ
ἐλάττω, τὰ δὲ σαυνία τὰς
ἀκμὰς ἔχει τῶν ξιφῶν
μείζους. Τούτων δὲ τὰ μὲν
ἐπ´ εὐθείας καχάλκευται, τὰ
δ´ ἑλικοειδῆ δι´ ὅλων
ἀνάκλασιν ἔχει πρὸς τὸ καὶ
κατὰ τὴν πληγὴν μὴ μόνον
τέμνειν, ἀλλὰ καὶ θραύειν
τὰς σάρκας καὶ κατὰ τὴν
ἀνακομιδὴν τοῦ δόρατος
σπαράττειν τὸ τραῦμα.

[31] Αὐτοὶ δ´ εἰσὶ τὴν XXXI. Les Gaulois sont


πρόσοψιν καταπληκτικοὶ καὶ d'un aspect effrayant ; ils
ταῖς φωναῖς βαρυηχεῖς καὶ ont la voix forte et tout à
παντελῶς τραχύφωνοι, κατὰ fait rude ; ils parlent peu
δὲ τὰς ὁμιλίας βραχυλόγοι dans leurs conversations,
καὶ αἰνιγματίαι {καὶ τὰ s'expriment par énigmes et
πολλὰ αἰνιττόμενοι affectent dans leur langage
συνεκδοχικῶς}· πολλὰ δὲ de laisser deviner la
λέγοντες ἐν ὑπερβολαῖς ἐπ´ plupart des choses. Ils
αὐξήσει μὲν ἑαυτῶν, μειώσει emploient beaucoup
δὲ τῶν ἄλλων, ἀπειληταί τε l'hyperbole, soit pour se
καὶ ἀνατατικοὶ καὶ vanter eux-mêmes, soit
τετραγῳδημένοι ὑπάρχουσι, pour ravaler 31 les autres.
ταῖς δὲ διανοίαις ὀξεῖς καὶ Dans leurs discours ils sont
πρὸς μάθησιν οὐκ ἀφυεῖς. menaçants, hautains et
Εἰσὶ δὲ παρ´ αὐτοῖς καὶ portés au tragique ; ils sont
ποιηταὶ μελῶν, οὓς βάρδους cependant intelligents et
ὀνομάζουσιν. Οὗτοι δὲ μετ´ capables de s'instruire. Ils
ὀργάνων ταῖς λύραις ὁμοίων ont aussi des poètes qu'ils
ᾄδοντες οὓς μὲν ὑμνοῦσιν, appellent bardes, et qui
οὓς δὲ βλασφημοῦσι. chantent la louange ou le
Φιλόσοφοί τέ τινές εἰσι καὶ blâme, en s'accompagnant
θεολόγοι περιττῶς sur des instruments
τιμώμενοι, οὓς δρουίδας semblables aux lyres. Ils
ὀνομάζουσι. Χρῶνται δὲ καὶ ont aussi des philosophes
μάντεσιν, ἀποδοχῆς μεγάλης et des théologiens très
ἀξιοῦντες αὐτούς· οὗτοι δὲ honorés, et qu'ils appellent
διά τε τῆς οἰωνοσκοπίας καὶ druides (86). Ils ont aussi
διὰ τῆς τῶν ἱερείων θυσίας des devins, qui sont en
τὰ μέλλοντα προλέγουσι, καὶ grande vénération. Ces
πᾶν τὸ πλῆθος ἔχουσιν devins prédisent l'avenir
ὑπήκοον. Μάλιστα δ´ ὅταν par le vol des oiseaux et
περί τινων μεγάλων par l'inspection des
ἐπισκέπτωνται, παράδοξον entrailles des victimes ;
καὶ ἄπιστον ἔχουσι νόμιμον· tout le peuple leur obéit.
ἄνθρωπον γὰρ Lorsqu'ils consultent les
κατασπείσαντες τύπτουσι sacrifices sur quelques
μαχαίρᾳ κατὰ τὸν ὑπὲρ τὸ grands événements, ils ont
διάφραγμα τόπον, καὶ une coutume étrange et
πεσόντος τοῦ πληγέντος ἐκ incroyable : ils immolent
τῆς πτώσεως καὶ τοῦ un homme en le frappant
σπαραγμοῦ τῶν μελῶν, ἔτι avec un couteau dans la
δὲ τῆς τοῦ αἵματος ῥύσεως région au-dessus du
τὸ μέλλον νοοῦσι, παλαιᾷ diaphragme ; ils prédisent
τινι καὶ πολυχρονίῳ ensuite l'avenir d'après la
παρατηρήσει περὶ τούτων chute de la victime,
πεπιστευκότες. Ἔθος δ´ d'après les convulsions des
αὐτοῖς ἐστι μηδένα θυσίαν membres et l'écoulement
ποιεῖν ἄνευ φιλοσόφου· διὰ du sang ; et, fidèles aux
γὰρ τῶν ἐμπείρων τῆς θείας traditions antiques, ils ont
φύσεως ὡσπερεί τινων foi dans ces sacrifices.
ὁμοφώνων τὰ χαριστήρια C'est une coutume établie
τοῖς θεοῖς φασι δεῖν parmi eux que personne ne
προσφέρειν, καὶ διὰ τούτων sacrifie sans l'assistance
οἴονται δεῖν τἀγαθὰ d'un philosophe ; car ils
αἰτεῖσθαι. Οὐ μόνον δ´ ἐν prétendent qu'on ne doit
ταῖς εἰρηνικαῖς χρείαις, offrir des sacrifices
ἀλλὰ καὶ κατὰ τοὺς agréables aux dieux que
πολέμους τούτοις μάλιστα par l'intermédiaire de ces
πείθονται καὶ τοῖς hommes, qui connaissent
μελῳδοῦσι ποιηταῖς, οὐ la nature divine et sont, en
μόνον οἱ φίλοι, ἀλλὰ καὶ οἱ quelque sorte, en
πολέμιοι· πολλάκις δ´ ἐν communication avec elle,
ταῖς παρατάξεσι et que c'est par ceux-là
πλησιαζόντων ἀλλήλοις τῶν qu'il faut demander aux
στρατοπέδων καὶ τοῖς dieux les biens qu'on
ξίφεσιν ἀνατεταμένοις καὶ désire. Ces philosophes ont
ταῖς λόγχαις une grande autorité dans
προβεβλημέναις, εἰς τὸ les affaires de la paix aussi
μέσον οὗτοι προελθόντες bien que dans celles de la
παύουσιν αὐτούς, ὥσπερ guerre ; amis et ennemis
τινὰ θηρία κατεπᾴσαντες. obéissent aux chants des
Οὕτω καὶ παρὰ τοῖς bardes. Souvent, lorsque
ἀγριωτάτοις βαρβάροις deux armées se trouvent
θυμὸς εἴκει τῇ σοφίᾳ καὶ en présence, et que les
Ἄρης αἰδεῖται τὰς Μούσας. épées sont déjà tirées et
[32] Χρήσιμον δ´ ἐστὶ les lances en arrêt, les
διορίσαι τὸ παρὰ πολλοῖς bardes se jettent au-
ἀγνοούμενον. Τοὺς γὰρ ὑπὲρ devant des combattants,
Μασσαλίας κατοικοῦντας ἐν et les apaisent comme on
τῷ μεσογείῳ καὶ τοὺς παρὰ dompte par enchantement
τὰς Ἄλπεις, ἔτι δὲ τοὺς ἐπὶ les bêtes féroces. C'est
τάδε τῶν Πυρηναίων ὀρῶν ainsi que, même parmi les
Κελτοὺς ὀνομάζουσι, τοὺς δ´ Barbares les plus
ὑπὲρ ταύτης τῆς Κελτικῆς sauvages, la colère cède à
εἰς τὰ πρὸς ἄρκτον νεύοντα la sagesse, et que Mars
μέρη παρά τε τὸν ὠκεανὸν respecte les muses.
καὶ τὸ Ἑρκύνιον ὄρος XXXII. Il est bon de
καθιδρυμένους καὶ πάντας définir ici un point ignoré
τοὺς ἑξῆς μέχρι τῆς Σκυθίας de beaucoup de
Γαλάτας προσαγορεύουσιν· personnes. On appelle
οἱ δὲ Ῥωμαῖοι πάλιν πάντα Celtes les peuples qui
ταῦτα τὰ ἔθνη συλλήβδην habitent au-dessus de
μιᾷ προσηγορίᾳ Marseille, dans l'intérieur
περιλαμβάνουσιν, du pays, près des 32 Alpes
ὀνομάζοντες Γαλάτας et eu deçà des monts
ἅπαντας. Αἱ δὲ γυναῖκες τῶν Pyrénées. Ceux qui sont
Γαλατῶν οὐ μόνον τοῖς établis au-dessus de la
μεγέθεσι παραπλήσιοι τοῖς Celtique jusqu'aux parties
ἀνδράσιν εἰσίν, ἀλλὰ καὶ méridionales de cette
ταῖς ἀλκαῖς ἐνάμιλλοι. Τὰ δὲ région, et qui habitent, le
παιδία παρ´ αὐτοῖς ἐκ long de l'Océan et la forêt
γενετῆς ὑπάρχει πολιὰ κατὰ Hercynienne, toutes les
τὸ πλεῖστον· προβαίνοντα δὲ contrées qui s'étendent de
ταῖς ἡλικίαις εἰς τὸ τῶν là jusqu'à la Scythie, sont
πατέρων χρῶμα ταῖς χρόαις appelés Gaulois (Galates).
μετασχηματίζεται. Cependant les Romains,
Ἀγριωτάτων δ´ ὄντων τῶν comprenant tous ces
ὑπὸ τὰς ἄρκτους peuples sous une
κατοικούντων καὶ τῶν τῇ dénomination commune,
Σκυθίᾳ πλησιοχώρων, φασί les appellent tous Gaulois.
τινας ἀνθρώπους ἐσθίειν, Chez les Gaulois (87), les
ὥσπερ καὶ τῶν Πρεττανῶν femmes sont presque de la
τοὺς κατοικοῦντας τὴν même taille que les
ὀνομαζομένην Ἴριν. hommes, avec lesquels
Διαβεβοημένης δὲ τῆς elles rivalisent en courage.
τούτων ἀλκῆς καὶ Les enfants, à leur
ἀγριότητος, φασί τινες ἐν naissance, ont en général
τοῖς παλαιοῖς χρόνοις τοὺς les cheveux blancs, qui
τὴν Ἀσίαν ἅπασαν prennent avec l'âge la
καταδραμόντας, couleur de ceux de leurs
ὀνομαζομένους δὲ pères. Les peuplades qui
Κιμμερίους, τούτους εἶναι, habitent au nord, dans le
βραχὺ τοῦ χρόνου τὴν λέξιν voisinage de la Scythie,
φθείραντος ἐν τῇ τῶν sont très sauvages. Il y en
καλουμένων Κίμβρων a, dit-on, qui mangent des
προσηγορίᾳ. Ζηλοῦσι γὰρ ἐκ hommes, comme font
παλαιοῦ λῃστεύειν ἐπὶ τὰς aussi les Bretons qui
ἀλλοτρίας χώρας habitent l'Iris (88). Ces
ἐπερχόμενοι καὶ peuples, devenus fameux
καταφρονεῖν ἁπάντων. Οὗτοι par leur courage et par
γάρ εἰσιν οἱ τὴν μὲν Ῥώμην leur férocité, ont, selon
ἑλόντες, τὸ δὲ ἱερὸν τὸ ἐν quelques auteurs, ravagé
Δελφοῖς συλήσαντες, καὶ jadis toute l'Asie. Ils
πολλὴν μὲν τῆς Εὐρώπης, portaient alors le nom de
οὐκ ὀλίγην δὲ καὶ τῆς Ἀσίας Cimmériens, et, peu de
φορολογήσαντες, καὶ τῶν temps après, on les a
καταπολεμηθέντων τὴν appelés par corruption
χώραν κατοικήσαντες, οἱ διὰ Cimbres. De toute
τὴν πρὸς τοὺς Ἕλληνας antiquité ils se plaisent au
ἐπιπλοκὴν Ἑλληνογαλάται brigandage, en
κληθέντες, τὸ δὲ τελευταῖον envahissant les autres
πολλὰ καὶ μεγάλα pays, et méprisant toutes
στρατόπεδα Ῥωμαίων les nations. Ce sont eux
συντρίψαντες. Ἀκολούθως δὲ qui ont pris Rome, pillé le
τῇ κατ´ αὐτοὺς ἀγριότητι temple de Delphes, rendu
καὶ περὶ τὰς θυσίας ἐκτόπως tributaire une grande
ἀσεβοῦσι· τοὺς γὰρ partie de l'Europe et de
κακούργους κατὰ l'Asie, et qui se sont établis
πενταετηρίδα φυλάξαντες dans le pays des peuples
ἀνασκολοπίζουσι τοῖς θεοῖς vaincus. De leur mélange
καὶ μετ´ ἄλλων πολλῶν avec les Grecs ils ont reçu
ἀπαρχῶν καθαγίζουσι, πυρὰς le nom de Gallo-Grecs (89).
παμμεγέθεις Enfin, ils ont détruit de
κατασκευάζοντες. Χρῶνται nombreuses et puissantes
δὲ καὶ τοῖς αἰχμαλώτοις ὡς armées romaines. De
ἱερείοις πρὸς τὰς τῶν θεῶν même qu'ils se montrent
τιμάς. Τινὲς δ´ αὐτῶν καὶ τὰ cruels, ils sont sacrilèges
κατὰ πόλεμον ληφθέντα ζῷα dans leurs sacrifices. Après
μετὰ τῶν ἀνθρώπων avoir gardé les malfaiteurs
ἀποκτείνουσιν κατακάουσιν pendant cinq ans, ils les
τισιν ἄλλαις τιμωρίαις empalent en l'honneur des
ἀφανίζουσι. Γυναῖκας δ´ dieux, et les brûlent
ἔχοντες εὐειδεῖς ἥκιστα ensuite sur d'énormes
ταύταις προσέχουσιν, ἀλλὰ bûchers avec beaucoup
πρὸς τὰς τῶν ἀρρένων d'autres offrandes. Ils
ἐπιπλοκὰς ἐκτόπως immolent aussi en honneur
λυττῶσιν. Εἰώθασι δ´ ἐπὶ des dieux les prisonniers
δοραῖς θηρίων χαμαὶ de guerre ; il en est qui,
καθεύδοντες ἐξ ἀμφοτέρων avec 33 les hommes,
τῶν μερῶν παρακοίτοις égorgent ou brûlent, ou
συγκυλίεσθαι. Τὸ δὲ πάντων font périr par quelque
παραδοξότατον, τῆς ἰδίας autre supplice les animaux
εὐσχημοσύνης qu'ils ont pris dans la
ἀφροντιστοῦντες τὴν τοῦ guerre (90). Quoique leurs
σώματος ὥραν ἑτέροις femmes soient belles, ils
εὐκόλως προΐενται, καὶ ont très peu de commerce
τοῦτο αἰσχρὸν οὐχ ἡγοῦνται, avec elles, mais ils se
ἀλλὰ μᾶλλον ὅταν τις αὐτῶν livrent à la passion
χαριζομένων μὴ absurde pour le sexe
προσδέξηται τὴν διδομένην masculin, et couchés à
χάριν, ἄτιμον ἡγοῦνται. terre sur des peaux de
[33] Ἡμεῖς δ´ ἀρκούντως bêtes sauvages, ils ont
περὶ Κελτῶν εἰρηκότες d'habitude à chaque côté
μεταβιβάσομεν τὴν ἱστορίαν un compagnon de lit. Mais
ἐπὶ τοὺς πλησιοχώρους ce qu'il y a de plus
τούτοις Κελτίβηρας. Οὗτοι étrange, c'est que, au
γὰρ τὸ παλαιὸν περὶ τῆς mépris de la pudeur
χώρας ἀλλήλοις naturelle, ils prostituent
διαπολεμήσαντες, οἵ τε avec abandon la fleur de la
Ἴβηρες καὶ οἱ Κελτοί, καὶ jeunesse. Loin de trouver
μετὰ ταῦτα διαλυθέντες καὶ rien de honteux dans ce
τὴν χώραν κοινῇ commerce, ils se croient
κατοικήσαντες, ἔτι δ´ déshonorés si l'on refuse
ἐπιγαμίας πρὸς ἀλλήλους les faveurs qu'ils offrent.
συνθέμενοι, διὰ τὴν XXXIII. Après nous
ἐπιμιξίαν ταύτης ἔτυχον τῆς être suffisamment étendus
προσηγορίας. Δυεῖν δ´ ἐθνῶν sur les Celtes, nous allons
ἀλκίμων μιχθέντων καὶ passer à l'histoire des
χώρας ὑποκειμένης ἀγαθῆς, Celtibériens, peuple
συνέβη τοὺς Κελτίβηρας ἐπὶ limitrophe. Les Ibériens et
πολὺ τῇ δόξῃ προελθεῖν, καὶ les Celtes se sont fait
Ῥωμαίοις πολλοὺς χρόνους anciennement longtemps
ἀντιταξαμένους μόγις la guerre au sujet de leurs
καταπολεμηθῆναι. Δοκοῦσι δ territoires ; mais s'étant
´ οὗτοι κατὰ τοὺς πολέμους enfin accordés entre eux,
οὐ μόνον ἱππεῖς ἀγαθούς, ils occupèrent le pays en
ἀλλὰ καὶ πεζοὺς παρέχεσθαι commun ; et, l'alliance par
διαφόρους ταῖς ἀλκαῖς καὶ voie de mariages ayant
ταῖς καρτερίαις. Φοροῦσι δ´ amené la fusion des deux
οὗτοι σάγους μέλανας peuples, ils prirent le nom
τραχεῖς καὶ παραπλήσιον de Celtibériens. Cette
ἔχοντας τὸ ἔριον ταῖς fusion de deux peuples si
αἰγείαις θριξίν. Ὁπλίζονται belliqueux, et la fertilité du
δέ τινες τῶν Κελτιβήρων territoire qu'ils cultivaient,
Γαλατικοῖς θυρεοῖς κούφοις, contribuèrent beaucoup à
τινὲς δὲ κυρτίαις rendre les Celtibériens
κυκλοτερέσιν ἀσπίδων célèbres : ils résistèrent
ἐχούσαις τὰ μεγέθη, καὶ περὶ longtemps aux Romains
τὰς κνήμας τριχίνας εἰλοῦσι qui ne parvinrent qu'avec
κνημῖδας, περὶ δὲ τὰς peine à les subjuguer. On
κεφαλὰς κράνη χαλκᾶ convient que non
περιτίθενται φοινικοῖς seulement leur cavalerie
ἠσκημένα λόφοις. Ξίφη δ´ est excellente, mais encore
ἀμφίστομα καὶ σιδήρῳ que leur infanterie se
διαφόρῳ κεχαλκευμένα distingue par son courage
φοροῦσιν, ἔχοντες et son intrépidité. Les
σπιθαμιαίας παραξιφίδας, Celtibériens portent des
αἷς χρῶνται κατὰ τὰς ἐν saies noires, velues, et
ταῖς μάχαις συμπλοκάς. semblables aux poils de
Ἴδιον δέ τι παρ´ αὐτοῖς ἐστι chèvre. Quelques-uns
περὶ τὴν τῶν {ὅπλων καὶ} s'arment de légers
ἀμυντηρίων κατασκευήν· boucliers gaulois, et
ἐλάσματα γὰρ σιδήρου quelques autres, de
κατακρύπτουσιν εἰς τὴν γῆν, rondaches de la grandeur
καὶ ταῦτα ἐῶσι μέχρι ἂν des boucliers. Ils
ὅτου διὰ τὸν χρόνον τοῦ ἰοῦ enveloppent leurs jambes
περιφαγόντος τὸ ἀσθενὲς de chausses de poils et
τοῦ σιδήρου καταλειφθῇ τὸ couvrent leurs têtes de
στερεώτατον, ἐξ οὗ casques d'airain, ornés de
κατασκευάζουσι διάφορα panaches couleur de
ξίφη καὶ τἄλλα τὰ πρὸς pourpre. Leurs épées sont
πόλεμον ἀνήκοντα. Τὸ δ´ à deux tranchants et
οὕτω κατασκευασθὲν ὅπλον forgées d'un fer excellent
πᾶν τὸ ὑποπεσὸν διαιρεῖ, ἀφ´ (91). Ils se servent encore
οὗπερ οὔτε θυρεὸς οὔτε dans la mêlée de poi- 34
κράνος οὔτε ὀστοῦν gnards de la longueur d'un
ὑπομένει τὴν πληγὴν διὰ τὴν spithame (92). La manière
ὑπερβολὴν τῆς ἀρετῆς τοῦ dont ils fabriquent leurs
σιδήρου. Διμάχαι δ´ ὄντες, armes offensives et
ἐπειδὰν ἀπὸ τῶν ἵππων défensives est particulière.
ἀγωνισάμενοι νικήσωσι, Ils enfouissent dans la
καταπηδῶντες καὶ τὴν τῶν terre des lames de fer et
πεζῶν τάξιν ils les laissent jusqu'à ce
μεταλαμβάνοντες que la rouille ayant rongé
θαυμαστὰς ποιοῦνται μάχας. tout le faible du métal, il
Ἴδιον δέ τι καὶ παράδοξον n'en reste que la partie la
νόμιμον παρ´ αὐτοῖς ἐστιν· plus solide (93). C'est avec
ἐπιμελεῖς γὰρ ὄντες καὶ ce fer qu'ils fabriquent des
καθάρειοι ταῖς διαίταις ἓν épées excellentes et
ἔργον ἐπιτηδεύουσι d'autres instruments de
βάναυσον καὶ πολλῆς guerre. Ces épées sont si
ἀκαθαρσίας κεκοινωνηκός· bien fabriquées qu'elles
παρ´ ἕκαστα γὰρ τὸ σῶμα tranchent tout ce qu'elles
λοῦσιν οὔρῳ, καὶ τοὺς frappent ; il n'est ni
ὀδόντας παρατρίβοντες bouclier, ni casque, ni os
ταύτην ἡγοῦνται θεραπείαν qui résiste à leur
εἶναι τοῦ σώματος. tranchant, tant le fer en
[34] Τοῖς δ´ ἤθεσι πρὸς est bon. Il savent
μὲν τοὺς κακούργους καὶ combattre à pied et à
πολεμίους ὑπάρχουσιν ὠμοί, cheval : après que les
πρὸς δὲ τοὺς ξένους cavaliers ont rompu les
ἐπιεικεῖς καὶ φιλάνθρωποι. rangs ennemis, ils mettent
Τοὺς γὰρ ἐπιδημήσαντας pied à terre, et devenus
ξένους ἅπαντες ἀξιοῦσι παρ´ fantassins, ils font des
αὑτοῖς ποιεῖσθαι τὰς prodiges de valeur. Ils ont
καταλύσεις καὶ πρὸς une coutume particulière
ἀλλήλους ἁμιλλῶνται περὶ et étrange ; quoiqu'ils
τῆς φιλοξενίας· οἷς δ´ ἂν οἱ soient soigneux de leurs
ξένοι συνακολουθήσωσι, personnes et propres dans
τούτους ἐπαινοῦσι καὶ leur manière de vivre, ils
θεοφιλεῖς ἡγοῦνται. Τροφαῖς pratiquent un usage
δὲ χρῶνται κρέασι dégoûtant et d'une
παντοδαποῖς καὶ δαψιλέσι malpropreté extrême : ils
καὶ οἰνομέλιτος πόματι, se lavent tout le corps
χορηγούσης τῆς χώρας τὸ d'urine, ils s'en frottent
μὲν μέλι παμπληθές, τὸν δ´ même les dents, l'estimant
οἶνον παρὰ τῶν ἐπιπλεόντων un bon moyen pour
ἐμπόρων ὠνούμενοι. entretenir la santé du
Χαριέστατον δὲ τῶν corps (94).
πλησιοχώρων ἐθνῶν XXXIV. Quant à leurs
{αὐτοῖς} ἐστι τὸ τῶν moeurs, les Celtibériens
Οὐακκαίων ὀνομαζομένων sont très cruels à l'égard
σύστημα· οὗτοι γὰρ καθ´ des malfaiteurs et des
ἕκαστον ἔτος διαιρούμενοι ennemis ; mais ils sont
τὴν χώραν γεωργοῦσι, καὶ généreux et humains
τοὺς καρποὺς envers leurs hôtes. Ils
κοινοποιούμενοι hébergent avec plaisir les
μεταδιδόασιν ἑκάστῳ τὸ étrangers qui voyagent
μέρος, καὶ τοῖς dans leur pays, mais ils
νοσφισαμένοις τι γεωργοῖς rivalisent à qui leur
θάνατον τὸ πρόστιμον donnera l'hospitalité,
τεθείκασι. Τῶν δ´ Ἰβήρων louent ceux que les
ἀλκιμώτατοι μέν εἰσιν οἱ étrangers accompagnent,
καλούμενοι Λυσιτανοί, et les regardent comme
φοροῦσι δ´ ἐν τοῖς πολέμοις chéris des dieux. Ils se
πέλτας μικρὰς παντελῶς, nourrissent de toutes
διαπεπλεγμένας νεύροις καὶ sortes de viandes en
δυναμένας σκέπειν τὸ σῶμα abondance ; l'hydromel est
περιττότερον διὰ τὴν leur boisson, car le pays
στερεότητα· ταύτην δ´ ἐν est très riche en miel ; ils
ταῖς μάχαις μεταφέροντες achètent le vin que les
εὐλύτως ἄλλοτε ἄλλως ἀπὸ marchands leur apportent
τοῦ σώματος διακρούονται par mer. Parmi les peuples
φιλοτέχνως πᾶν τὸ voisins, la tribu la plus
φερόμενον ἐπ´ αὐτοὺς civilisée est 35 celle des
βέλος. Χρῶνται δὲ καὶ Vaccéens (95). Ils se
σαυνίοις ὁλοσιδήροις partagent chaque année le
ἀγκιστρώδεσι, φοροῦσι δὲ territoire, et, faisant la
κράνη καὶ ξίφη παραπλήσια récolte en commun, ils
Κελτίβηρσιν. Ἀκοντίζουσι δ´ distribuent à chacun sa
εὐστόχως καὶ μακράν, καὶ part. Les cultivateurs qui
καθόλου καρτεροπληγεῖς détournent quelque chose
ὑπάρχουσιν. Εὐκίνητοι δ´ à leur profit sont punis de
ὄντες καὶ κοῦφοι ῥᾳδίως καὶ mort.
φεύγουσι καὶ διώκουσι, κατὰ Les plus braves des
δὲ τὰς ἐν ταῖς συστάσεσι Ibériens sont les
τῶν δεινῶν ὑπομονὰς πολὺ Lusitaniens. Ils portent
λείπονται τῶν Κελτιβήρων. dans la guerre de tout
Ἐπιτηδεύουσι δὲ κατὰ μὲν petits boucliers tissus de
τὴν εἰρήνην ὄρχησίν τινα fils tendineux, assez serrés
κούφην καὶ περιέχουσαν pour garantir parfaitement
πολλὴν εὐτονίαν σκελῶν, ἐν le corps. Ils s'en servent
δὲ τοῖς πολέμοις, πρὸς avec prestesse dans les
ῥυθμὸν ἐμβαίνουσι καὶ combats pour parer
παιᾶνας ᾄδουσιν, ὅταν habilement de tous côtés
ἐπίωσι τοῖς les traits qu'on leur lance.
ἀντιτεταγμένοις. Ἴδιον δέ τι Leur saunium est tout de
παρὰ τοῖς Ἴβηρσι καὶ fer et terminé en forme
μάλιστα παρὰ τοῖς d'hameçon ; ils portent des
Λυσιτανοῖς ἐπιτηδεύεται· casques et des épées
τῶν γὰρ ἀκμαζόντων ταῖς semblables à ceux des
ἡλικίαις οἱ μάλιστα Celtibériens. Ils lancent
ἀπορώτατοι ταῖς οὐσίαις, leurs javelots avec
ῥώμῃ δὲ σώματος καὶ θράσει précision, à de grandes
διαφέροντες, ἐφοδιάσαντες distances, et produisent
αὑτοὺς ἀλκῇ καὶ τοῖς ὅπλοις des blessures graves. Ils
εἰς τὰς ὀρεινὰς δυσχωρίας sont agiles et légers à la
ἀθροίζονται, συστήματα δὲ course, soit dans la fuite,
ποιήσαντες ἀξιόλογα soit dans la poursuite. Mais
κατατρέχουσι τὴν Ἰβηρίαν ils ont beaucoup moins de
καὶ λῃστεύοντες πλούτους persévérance dans les
ἀθροίζουσι· καὶ τοῦτο conjonctures graves de la
διατελοῦσι πράττοντες μετὰ vie que les Celtibériens. En
πάσης καταφρονήσεως· temps de paix, ils
κούφοις γὰρ χρώμενοι s'exercent à une danse
καθοπλισμοῖς καὶ παντελῶς légère, et qui exige une
ὄντες εὐκίνητοι καὶ ὀξεῖς grande souplesse des
δυσχειρότατοι τοῖς ἄλλοις membres. Dans la guerre,
εἰσί. Καθόλου δὲ τὰς ἐν τοῖς ils marchent au pas
ὄρεσι δυσχωρίας καὶ cadencé, et ils chantent le
τραχύτητας ἡγούμενοι péan au moment de
πατρίδας εἶναι, εἰς ταύτας l'attaque. Les Ibériens, et
καταφεύγουσι, δυσδιεξόδους surtout les Lusitaniens, ont
οὔσας μεγάλοις καὶ βαρέσι une coutume singulière.
στρατοπέδοις. Διὸ καὶ Les jeunes gens, et
Ῥωμαῖοι πολλάκις ἐπ´ particulièrement ceux qui,
αὐτοὺς στρατεύσαντες τῆς sans fortune, ont de la
μὲν πολλῆς καταφρονήσεως force et du courage, se
ἀπέστησαν αὐτούς, εἰς retirent par bandes dans
τέλος δὲ τὰ λῃστήρια des contrées inaccessibles,
καταλῦσαι πολλάκις ne comptant que sur la
φιλοτιμηθέντες οὐκ vigueur de leurs bras et
ἠδυνήθησαν. leurs armes. Ils se
[35] Ἐπεὶ δὲ τὰ περὶ τῶν réunissent en de nombreux
Ἰβήρων διήλθομεν, οὐκ corps, parcourent l'Ibérie,
ἀνοίκειον εἶναι et s'enrichissent par des
διαλαμβάνομεν περὶ τῶν ἐν brigandages. Ils font ce
αὐτῇ μετάλλων ἀργυρείων métier impunément ; car,
διελθεῖν· αὕτη γὰρ χώρα armés à la légère, agiles et
σχεδόν τι πλεῖστον καὶ rapides à la course, ils sont
κάλλιστον ἔχει difficiles à atteindre. Enfin
μεταλλευόμενον ἄργυρον καὶ ils se réfugient dans des
πολλὰς τοῖς ἐργαζομένοις lieux inaccessibles, qu'ils
παρέχεται προσόδους. regardent comme leur
patrie, et où ne pourraient
Εἴρηται μὲν οὖν ἡμῖν καὶ pénétrer des troupes
ἐν ταῖς πρὸ ταύτης βίβλοις nombreuses et pesamment
ἐν ταῖς περὶ Ἡρακλέους armées. C'est pourquoi les
πράξεσι τὰ κατὰ τὴν Ἰβηρίαν Romains, qui les ont
ὄρη τὰ καλούμενα Πυρηναῖα· souvent attaqués avec des
ταῦτα δὲ καὶ κατὰ τὸ ὕψος forces armées, ont bien
καὶ κατὰ τὸ μέγεθος ὑπάρχει réprimé leur audace, mais
διάφορα τῶν ἄλλων· παρήκει ils n'ont pu faire cesser
γὰρ ἀπὸ τῆς κατὰ τὴν leurs brigandages, bien
μεσημβρίαν θαλάττης qu'ils l'aient plusieurs fois
σχεδὸν ἄχρι πρὸς τὸν ὑπὸ essayé.
τὰς ἄρκτους ὠκεανόν,
διείργοντα δὲ τὴν Γαλατίαν XXXV. Puisque nous
καὶ τὴν Ἰβηρίαν, ἔτι δὲ τὴν parlons des Ibériens, il sera
Κελτιβηρίαν, παρεκτείνει convenable 36 de donner
σταδίους ὡς τρισχιλίους. quelques détails sur les
Πολλῶν δ´ ὄντων ἐν αὐτοῖς mines d'argent qui se
trouvent dans leur pays.
δρυμῶν καὶ πυκνῶν τοῖς Ces mines sont très belles,
δένδρεσι, φασὶν ἐν τοῖς très abondantes, et très
παλαιοῖς χρόνοις ὑπό τινων productives pour ceux qui
νομέων ἀφέντων πῦρ les exploitent.
κατακαῆναι παντελῶς Dans les livres
ἅπασαν τὴν ὀρεινὴν χώραν· précédents, à propos des
διὸ καὶ συχνὰς ἡμέρας actions d'Hercule, il a été
συνεχῶς πυρὸς fait mention des
ἐπιφλέγοντος καῆναι τὴν montagnes de l'Ibérie,
ἐπιφάνειαν τῆς γῆς, καὶ τὰ nommées les Pyrénées.
μὲν ὄρη διὰ τὸ συμβεβηκὸς Ces montagnes surpassent
κληθῆναι Πυρηναῖα, τὴν δ´ les autres par leur hauteur
ἐπιφάνειαν τῆς et leur étendue : séparant
κατακεκαυμένης χώρας les Gaules de l'Ibérie et de
ἀργύρῳ ῥυῆναι πολλῷ, καὶ la Celtibérie, elles
χωνευθείσης τῆς φύσεως, ἐξ s'étendent de la mer du
ἧς ἄργυρος Midi à l'Océan
κατασκευάζεται, ῥύακας septentrional (96), dans un
γενέσθαι πολλοὺς ἀργύρου espace de trois mille
καθαροῦ. Τῆς δὲ τούτου stades (97). Autrefois elles
χρείας ἀγνοουμένης παρὰ étaient en grande partie
τοῖς ἐγχωρίοις, τοὺς couvertes de bois épais et
Φοίνικας ἐμπορίαις touffus ; mais elles furent,
χρωμένους καὶ τὸ γεγονὸς dit-on, incendiées par
μαθόντας ἀγοράζειν τὸν quelques pâtres qui y
ἄργυρον μικρᾶς τινος avaient mis le feu.
ἀντιδόσεως ἄλλων φορτίων. L'incendie ayant duré
Διὸ δὴ τοὺς Φοίνικας continuellement pendant
μετακομίζοντας εἴς τε τὴν un grand nombre de jours,
Ἑλλάδα καὶ τὴν Ἀσίαν καὶ la superficie de la terre fut
τἄλλα πάντα ἔθνη μεγάλους brûlée, et c'est de là que
περιποιήσασθαι πλούτους. l'on a donné à ces
Ἐπὶ τοσοῦτο δὲ τοὺς montagnes le nom de
ἐμπόρους διατεῖναι τῆς Pyrénées (98). La
φιλοκερδίας, ὥστε ἐπειδὰν combustion du sol fit
καταγόμων ὄντων τῶν fondre des masses de
πλοίων περιττεύῃ πολὺς minerai d'argent et
ἄργυρος, ἐκκόπτειν τὸν ἐν produisit de nombreux
ταῖς ἀγκύραις μόλιβδον, καὶ ruisseaux d'argent pur
ἐκ τοῦ ἀργύρου τὴν ἐκ τοῦ (99). Ignorant l'usage de
μολίβδου χρείαν ce métal, les indigènes le
ἀλλάττεσθαι. Διόπερ ἐπὶ vendirent, en échange
πολλοὺς χρόνους οἱ Φοίνικες d'autres marchandises de
διὰ τῆς τοιαύτης ἐμπορίας peu de prix, aux
ἐπὶ πολὺ λαβόντες αὔξησιν marchands Phéniciens
ἀποικίας πολλὰς ἀπέστειλαν, instruits de cet événement.
τὰς μὲν εἰς Σικελίαν καὶ τὰς Important cet argent en
σύνεγγυς ταύτης νήσους, Asie, en Grèce, et chez
τὰς δ´ εἰς τὴν Λιβύην καὶ d'autres nations, ils
Σαρδόνα καὶ τὴν Ἰβηρίαν. gagnèrent d'immenses
[36] Ὕστερον δὲ πολλοῖς richesses. La cupidité de
χρόνοις οἱ μὲν Ἴβηρες ces marchands fut telle
μαθόντες τὰ περὶ τὸν que, leurs navires étant
ἄργυρον ἰδιώματα déjà chargés, ils coupèrent
κατεσκεύασαν ἀξιόλογα le plomb de leurs ancres et
μέταλλα· διόπερ ἄργυρον y substituèrent l'argent qui
κάλλιστον καὶ σχεδόν τι s'y trouvait encore en
πλεῖστον κατασκευάζοντες abon- 37 dance. Les
μεγάλας ἐλάμβανον Phéniciens continuèrent
προσόδους. δὲ τρόπος τῆς longtemps ce commerce,
μεταλλείας καὶ τῶν ἔργων et devinrent si puissants
τοιοῦτός τίς ἐστι παρὰ τοῖς qu'ils envoyèrent de
Ἴβηρσιν. Ὄντων χαλκοῦ καὶ nombreuses colonies dans
χρυσοῦ καὶ ἀργύρου la Sicile et les îles voisines,
μετάλλων θαυμαστῶν, οἱ μὲν ainsi que dans la Libye, la
ἐργαζόμενοι τὰ χαλκουργεῖα Sardaigne et l'Ibérie (100).
τὸ τέταρτον μέρος χαλκοῦ XXXVI. Longtemps
καθαροῦ ἐκ τῆς après, les Ibériens, ayant
ὀρυττομένης γῆς appris les propriétés de
λαμβάνουσι, τῶν δ´ l'argent, exploitèrent des
ἀργυρευόντων τινὲς ἰδιωτῶν mines considérables.
ἐν τρισὶν ἡμέραις Εὐβοϊκὸν Presque tout l'argent qu'ils
ἐξαίρουσι τάλαντον· πᾶσα en retirèrent était très pur,
γὰρ βῶλός ἐστι ψήγματος et leur procura de grands
συμπεπηγότος καὶ revenus. Nous allons faire
ἀπολάμποντος μεστή. Διὸ connaître la manière dont
καὶ θαυμάσαι τις ἂν τήν τε les Ibériens exploitent ces
τῆς χώρας φύσιν καὶ τὴν mines.
φιλοπονίαν τῶν Les mines de cuivre,
ἐργαζομένων αὐτὴν d'or, d'argent sont
ἀνθρώπων. Τὸ μὲν οὖν merveilleusement
πρῶτον οἱ τυχόντες τῶν productives. Ceux qui
ἰδιωτῶν προσεκαρτέρουν exploitent les mines de
τοῖς μετάλλοις, καὶ cuivre retirent du minerai
μεγάλους ἀπεφέροντο brut le quart de son poids
πλούτους διὰ τὴν de métal pur. Quelques
ἑτοιμότητα καὶ δαψίλειαν particuliers extraient des
τῆς ἀργυρίτιδος γῆς· mines d'argent, dans
ὕστερον δὲ τῶν Ῥωμαίων l'espace de trois jours, un
κρατησάντων τῆς Ἰβηρίας, talent euboïque (101). Le
πλῆθος Ἰταλῶν ἐπεπόλασε minerai est plein de
τοῖς μετάλλοις, καὶ paillettes compactes et
μεγάλους ἀπεφέροντο brillantes. Aussi faut-il
πλούτους διὰ τὴν admirer à la fois la richesse
φιλοκερδίαν. Ὠνούμενοι γὰρ de la nature et l'adresse
πλῆθος ἀνδραπόδων des hommes. Les
παραδιδόασι τοῖς particuliers se livraient
ἐφεστηκόσι ταῖς μεταλλικαῖς
ἐργασίαις· οὗτοι δὲ κατὰ d'abord avec ardeur à
πλείονας τόπους ἀνοίξαντες l'exploitation des mines
στόμια καὶ κατὰ βάθους d'argent dont l'abondance
ὀρύττοντες τὴν γῆν et la facilité d'exploitation
ἐρευνῶσι τὰς πολυαργύρους procuraient de grandes
καὶ πολυχρύσους πλάκας τῆς richesses. Mais lorsque les
γῆς· καταβαίνοντές τε οὐ Romains eurent conquis
μόνον εἰς μῆκος, ἀλλὰ καὶ l'Ibérie, ces mines furent
εἰς βάθος παρεκτείνοντες envahies par une tourbe
ἐπὶ πολλοὺς σταδίους τὰ d'Italiens cupides qui se
ὀρύγματα, καὶ πλαγίας καὶ sont beaucoup enrichis.
σκολιὰς διαδύσεις ποικίλως Ces industriels achètent
μεταλλουργοῦντες, des troupeaux d'esclaves
ἀνάγουσιν ἐκ βυθῶν τὴν τὸ et les livrent aux chefs des
κέρδος αὐτοῖς παρεχομένην travaux métallurgiques.
βῶλον. Ceux-ci, leur faisant
[37] Μεγάλην δ´ ἔχει creuser le sol en différents
παραλλαγὴν τὰ μέταλλα points, et à de grandes
ταῦτα συγκρινόμενα τοῖς profondeurs, mettent à
κατὰ τὴν Ἀττικήν. Ἐκεῖνα découvert des filons d'or et
μὲν γὰρ οἱ μεταλλεύοντες d'argent. Ces fouilles
καὶ πρὸς ταῖς ἐργασίαις s'étendent aussi bien en
μεγάλας προϊέμενοι δαπάνας longueur qu'en
μὲν ἤλπισαν ἐνίοτε λαβεῖν profondeur ; ces galeries
οὐκ ἔλαβον, δ´ εἶχον ont plusieurs stades
ἀπέβαλον, ὥστε δοκεῖν d'étendue. C'est de ces
αὐτοὺς ὥσπερ αἰνίγματος galeries longues,
τρόπον ἀτυχεῖν· οἱ δὲ κατὰ profondes et tortueuses
τὴν Σπανίαν μεταλλουργοὶ que les spéculateurs tirent
ταῖς ἐλπίσι μεγάλους leurs trésors.
σωρεύουσι πλούτους ἐκ XXXVII. Si l'on
τούτων τῶν ἐργασιῶν. Τῶν compare ces mines avec
γὰρ πρώτων ἔργων celles de l'Attique, 38 on
ἐπιτυγχανομένων διὰ τὴν trouvera une grande
τῆς γῆς εἰς τοῦτο τὸ γένος différence. Là, à d'énormes
ἀρετὴν ἀεὶ μᾶλλον travaux on ajoute
εὑρίσκουσι λαμπροτέρας beaucoup de dépenses :
φλέβας, γεμούσας ἀργύρου quelquefois, au lieu d'en
τε καὶ χρυσοῦ· πᾶσα γὰρ tirer le profit qu'on en
σύνεγγυς γῆ διαπέπλεκται espérait, on y perd ce que
πολυμερῶς τοῖς ἑλιγμοῖς l'on avait ; de sorte qu'on
τῶν ῥάβδων. Ἐνίοτε δὲ καὶ peut appliquer à la
κατὰ βάθους ἐμπίπτουσι mésaventure une énigme
ποταμοῖς ῥέουσιν ὑπὸ τὴν célèbre (102). Les
γῆν, ὧν τῆς βίας exploiteurs au contraire,
περιγίνονται διακόπτοντες des mines de l'Espagne
τὰς ῥύσεις αὐτῶν τὰς (103) ne voient jamais
ἐμπιπτούσας τοῖς ὀρύγμασι leurs espérances et leurs
πλαγίοις. Ταῖς γὰρ efforts trompés ; s'ils
ἀδιαψεύστοις τοῦ κέρδους rencontrent bien dès le
προσδοκίαις πιεζόμενοι πρὸς commencement de leurs
τὸ τέλος ἄγουσι τὰς ἰδίας travaux, ils découvrent à
ἐπιβολάς, καὶ τὸ πάντων chaque pas de nouveaux
παραδοξότατον, ἀπαρύτουσι filons d'or et d'argent.
τὰς ῥύσεις τῶν ὑδάτων τοῖς Toute la terre des environs
Αἰγυπτιακοῖς λεγομένοις n'est qu'un tissu de
κοχλίαις, οὓς Ἀρχιμήδης ramifications métalliques.
Συρακόσιος εὗρεν, ὅτε Les mineurs trouvent
παρέβαλεν εἰς Αἴγυπτον· διὰ quelquefois des fleuves
δὲ τούτων συνεχῶς ἐκ souterrains dont ils
διαδοχῆς παραδιδόντες diminuent le courant
μέχρι τοῦ στομίου, τὸν τῶν rapide en les détournant
μετάλλων τόπον dans des fossés inclinés, et
ἀναξηραίνουσι καὶ la soif inextinguible de l'or
κατασκευάζουσιν εὔθετον les fait venir à bout de
πρὸς τὴν τῆς ἐργασίας leurs entreprises. Ce qu'il y
πραγματείαν. Φιλοτέχνου δ´ a de plus étonnant, c'est
ὄντος τοῦ ὀργάνου καθ´ qu'ils épuisent entièrement
ὑπερβολήν, διὰ τῆς les eaux au moyen des vis
τυχούσης ἐργασίας ἄπλατον égyptiennes qu'Archimède,
ὕδωρ ἀναρριπτεῖται de Syracuse, inventa
παραδόξως, καὶ πᾶν τὸ pendant son voyage en
ποτάμιον ῥεῦμα ῥᾳδίως ἐκ Egypte (104). Ils les
βυθοῦ πρὸς τὴν ἐπιφάνειαν élèvent ainsi
ἐκχεῖται. Θαυμάσαι δ´ ἄν τις successivement jusqu'à
εἰκότως τοῦ τεχνίτου τὴν l'ouverture de la mine, et
ἐπίνοιαν οὐ μόνον ἐν ayant desséché les
τούτοις, ἀλλὰ καὶ ἐν ἄλλοις galeries, ils y travaillent à
πολλοῖς καὶ μείζοσι, leur aise. Cette machine
διαβεβοημένοις κατὰ πᾶσαν est si ingénieusement
τὴν οἰκουμένην, περὶ ὧν τὰ construite que, par son
κατὰ μέρος ὅταν ἐπὶ τὴν moyen, on ferait écouler
Ἀρχιμήδους ἡλικίαν ἔλθωμεν d'énormes masses d'eau et
ἀκριβῶς διέξιμεν. on tirerait aisément un
[38] Οἱ δ´ οὖν ταῖς fleuve entier des
ἐργασίαις τῶν μετάλλων profondeurs de la terre à la
ἐνδιατρίβοντες τοῖς μὲν surface. Mais ce n'est pas
κυρίοις ἀπίστους τοῖς seulement en ceci qu'il
πλήθεσι προσόδους faut admirer le talent
περιποιοῦσιν, αὐτοὶ δὲ κατὰ d'Archimède ; on lui doit
γῆς ἐν τοῖς ὀρύγμασι καὶ καθ encore beaucoup d'autres
´ ἡμέραν καὶ νύκτα ouvrages plus grands et
καταξαινόμενοι τὰ σώματα, qui sont célèbres par toute
πολλοὶ μὲν ἀποθνήσκουσι διὰ la terre. Nous les décrirons
τὴν ὑπερβολὴν τῆς exactement et en détail
κακοπαθείας· ἄνεσις γὰρ lorsque nous serons arrivés
παῦλα τῶν ἔργων οὐκ ἔστιν à l'époque d'Archimède
αὐτοῖς, ἀλλὰ {ταῖς} τῶν (105).
ἐπιστατῶν πληγαῖς XXXVIII. Les ouvriers
ἀναγκαζόντων ὑπομένειν qui travaillent dans les
τὴν δεινότητα τῶν κακῶν mines rapportent donc à
ἀτυχῶς προΐενται τὸ ζῆν, leurs maîtres d'énormes
τινὲς δὲ ταῖς δυνάμεσι τῶν revenus. Ces malheu- 39
σωμάτων καὶ ταῖς τῶν reux, occupés nuit et jour
ψυχῶν καρτερίαις dans les galeries
ὑπομένοντες πολυχρόνιον souterraines, épuisent
ἔχουσι τὴν ταλαιπωρίαν· leurs forces et meurent en
αἱρετώτερος γὰρ αὐτοῖς grand nombre d'un excès
θάνατός ἐστι τοῦ ζῆν διὰ τὸ de misère. On ne leur
μέγεθος τῆς ταλαιπωρίας. donne aucun répit ; les
Πολλῶν δ´ ὄντων περὶ τὰς chefs les contraignent, par
προειρημένας μεταλλείας des coups, à supporter leur
παραδόξων, οὐχ ἥκιστ´ ἄν infortune, jusqu'à ce qu'ils
τις θαυμάσειε διότι τῶν expirent misérablement.
μεταλλουργείων οὐδὲν Quelques-uns, dont le
πρόσφατον ἔχει τὴν ἀρχήν, corps est plus robuste et
πάντα δ´ ὑπὸ τῆς l'âme plus fortement
Καρχηδονίων φιλαργυρίας trempée, traînent
ἀνεῴχθη καθ´ ὃν καιρὸν καὶ longtemps leur
τῆς Ἰβηρίας ἐπεκράτουν. Ἐκ malheureuse existence.
τούτων γὰρ ἔσχον τὴν ἐπὶ Cependant l'excès des
πλέον αὔξησιν, μισθούμενοι maux qu'ils endurent leur
τοὺς κρατίστους doit faire préférer la mort
στρατιώτας καὶ διὰ τούτων (106). Parmi les
πολλοὺς καὶ μεγάλους nombreuses particularités
πολέμους διαπολεμήσαντες. de ces mines, on remarque
Καθόλου γὰρ ἀεὶ comme un fait curieux,
Καρχηδόνιοι διεπολέμουν qu'il n'y en a aucune dont
οὔτε πολιτικοῖς στρατιώταις l'exploitation soit récente :
οὔτε τοῖς ἀπὸ τῶν συμμάχων toutes ces mines ont été
ἀθροιζομένοις πεποιθότες, ouvertes par l'avarice des
ἀλλὰ καὶ Ῥωμαίους καὶ Carthaginois, à l'époque où
Σικελιώτας καὶ τοὺς κατὰ ils étaient maîtres de
τὴν Λιβύην οἰκοῦντας εἰς l'Ibérie. C'était la source de
{τοὺς} μεγίστους ἦγον leur puissance, c'était de là
κινδύνους qu'ils tiraient l'argent pour
καταπλουτομαχοῦντες solder les puissantes et
ἅπαντας διὰ τὴν ἐκ τῶν nombreuses armées dont
μετάλλων γινομένην ils se servaient dans toutes
εὐπορίαν. Δεινοὶ γάρ, ὡς leurs guerres. Les
ἔοικεν, ὑπῆρξαν οἱ Φοίνικες Carthaginois ne se fiaient
ἐκ παλαιῶν χρόνων εἰς τὸ ni à la milice nationale, ni
κέρδος εὑρεῖν, οἱ δ´ ἀπὸ τῆς aux troupes de leurs alliés
Ἰταλίας εἰς τὸ μηδὲν μηδενὶ (107). Entretenant la
τῶν ἄλλων καταλιπεῖν. guerre à force d'argent
Γίνεται δὲ καὶ καττίτερος ἐν (108), ils ont exposé aux
πολλοῖς τόποις τῆς Ἰβηρίας, plus grands dangers les
οὐκ ἐξ ἐπιπολῆς Romains, les Siciliens et les
εὑρισκόμενος, ὡς ἐν ταῖς Libyens. Au reste, de tout
ἱστορίαις τινὲς temps les Carthaginois ont
τεθρυλήκασιν, ἀλλ´ été avides d'acquérir des
ὀρυττόμενος καὶ richesses, et les Romains
χωνευόμενος ὁμοίως ne songeaient qu'à ne rien
ἀργύρῳ τε καὶ χρυσῷ. laisser à personne.
Ὑπεράνω γὰρ τῆς τῶν On trouve aussi de
Λυσιτανῶν χώρας ἔστι l'étain en plusieurs
μέταλλα πολλὰ τοῦ endroits de l'Ibérie, non
καττιτέρου, κατὰ τὰς pas à la surface du sol,
προκειμένας τῆς Ἰβηρίας ἐν comme quelques historiens
τῷ ὠκεανῷ νησῖδας τὰς ἀπὸ l'ont prétendu, mais dans
τοῦ συμβεβηκότος des mines d'où on le retire
Καττιτερίδας ὠνομασμένας. pour le faire fondre comme
Πολὺς δὲ καὶ ἐκ τῆς l'argent et l'or. Les plus
Πρεττανικῆς νήσου riches mines d'étain sont
διακομίζεται πρὸς τὴν κατ´ dans les îles de l'Océan, en
ἀντικρὺ κειμένην Γαλατίαν, face de l'Ibérie et au-
καὶ διὰ τῆς μεσογείου dessus de la Lusitanie, et
Κελτικῆς ἐφ´ ἵππων ὑπὸ τῶν nommées, pour cette
ἐμπόρων ἄγεται παρά τε raison, les îles Cassitérides
τοὺς Μασσαλιώτας καὶ εἰς (109). On fait aussi passer
τὴν ὀνομαζομένην πόλιν beaucoup d'étain de l'île
Ναρβῶνα· αὕτη δ´ ἐστὶν Britannique 40 dans la
ἄποικος μὲν Ῥωμαίων, διὰ δὲ Gaule, située en face ; les
τὴν εὐκαιρίαν {καὶ τὴν marchands le chargent sur
εὐπορίαν} μέγιστον des chevaux et le
ἐμπόριον ἔχουσα τῶν ἐν transportent à travers
ἐκείνοις τοῖς τόποις. l'intérieur de la Celtique
[39] Ἡμεῖς δ´ ἐπεὶ τὰ jusqu'à Marseille et à
κατὰ τοὺς Γαλάτας καὶ τοὺς Narbonne. Cette dernière
Κελτίβηρας, ἔτι δ´ Ἴβηρας ville est une colonie des
διήλθομεν, ἐπὶ τοὺς Λίγυας Romains : en raison de sa
μεταβησόμεθα. Οὗτοι γὰρ situation et de son
νέμονται μὲν χώραν opulence, elle est le plus
τραχεῖαν καὶ παντελῶς important entrepôt de
λυπράν, τοῖς δὲ πόνοις καὶ cette contrée.
ταῖς κατὰ τὴν λειτουργίαν XXXIX. Après avoir
συνεχέσι κακοπαθείαις parlé des Gaulois, des
ἐπίπονόν τινα βίον καὶ ἀτυχῆ Celtibériens et des
ζῶσι. Καταδένδρου γὰρ τῆς Ibériens, nous passerons
χώρας οὔσης, οἱ μὲν αὐτῶν aux Liguriens (110). Les
ὑλοτομοῦσι δι´ ὅλης τῆς Liguriens habitent un pays
ἡμέρας σιδηροφοροῦντες montueux et inculte ; ils
ἐνεργοὺς πελέκεις καὶ mènent une vie misérable,
βαρεῖς, οἱ δὲ τὴν γῆν continuellement occupés à
ἐργαζόμενοι τὸ πλέον de rudes travaux. Comme
πέτρας λατομοῦσι διὰ τὴν
ὑπερβολὴν τῆς τραχύτητος· leur territoire est couvert
οὐδεμίαν γὰρ βῶλον τοῖς d'arbres, les uns passent
ἐργαλείοις ἀνασπῶσιν ἄνευ tout le jour à couper du
λίθου. Καὶ τοιαύτην ἔχοντες bois avec de fortes
ἐν τοῖς ἔργοις κακοπάθειαν cognées de fer très lourdes
τῇ συνεχείᾳ περιγίνονται ; les autres défrichent la
τῆς φύσεως, καὶ πολλὰ terre en brisant la plupart
μοχθήσαντες ὀλίγους du temps les roches dont
καρποὺς καὶ μόγις le sol est hérissé ; car on
λαμβάνουσι. Διὰ δὲ τὴν n'y remue pas avec les
συνέχειαν τῶν γυμνασιῶν instruments aratoires une
καὶ τὸ τῆς τροφῆς ἐλλιπὲς seule motte de terre qui
τοῖς σώμασιν ὑπάρχουσιν soit sans pierre.
ἰσχνοὶ καὶ εὔτονοι. Πρὸς δὲ Cependant, à force de
τὴν κακοπάθειαν ταύτην fatigues et de
συνεργοὺς ἔχουσι τὰς persévérance, ils viennent
γυναῖκας, εἰθισμένας ἐπ´ à bout de surmonter les
ἴσης τοῖς ἀνδράσιν obstacles que leur oppose
ἐργάζεσθαι. Κυνηγίας δὲ la nature. Après de longs
ποιοῦνται συνεχεῖς, ἐν αἷς et pénibles efforts, ils
πολλὰ τῶν θηρίων recueillent à peine
χειρούμενοι τὴν ἐκ τῶν quelques fruits. La
καρπῶν σπάνιν διορθοῦνται. continuité d'exercices et le
Διόπερ ἐμβιοῦντες ὄρεσι défaut de nourriture les
χιονοβολουμένοις καὶ rendent maigres, quoique
τραχύτητας ἀπίστους vigoureux. Les femmes les
ὀρειβατεῖν εἰωθότες, aident dans ces rudes
εὔτονοι καὶ μυώδεις γίνονται travaux, car elles sont
τοῖς σώμασιν. Ἔνιοι δὲ διὰ habituées à faire autant de
τὴν παρ´ αὐτοῖς besogne que les hommes.
σπανοκαρπίαν πίνουσι μὲν Les Liguriens sont
ὕδωρ, σαρκοφαγοῦσι δὲ τὰς chasseurs, et ils suppléent,
τῶν ἡμέρων τε καὶ ἀγρίων par le nombre des bêtes
ζῴων σάρκας καὶ τῶν ἀπὸ qu'ils tuent, à la rareté des
τῆς χώρας λαχάνων fruits. Comme les
ἐμπίμπλανται, τὴν χώραν chasseurs passent leur vie
ἔχοντες ἄβατον τοῖς dans des montagnes
προσφιλεστάτοις τῶν θεῶν couvertes de neige, et sont
Δήμητρι καὶ Διονύσῳ. habitués à gravir des lieux
Νυκτερεύουσι δ´ ἐπὶ τῆς très escarpés, ils
χώρας σπανίως μὲν ἔν τισιν deviennent robustes et
εὐτελέσιν ἐπαύλεσιν musculeux de corps.
καλιαῖς, τὰ δὲ πολλὰ ἐν ταῖς Quelques-uns, par le
κοίλαις πέτραις καὶ manque des produits
σπηλαίοις αὐτοφυέσι καὶ naturels du sol, ne boivent
δυναμένοις σκέπην ἱκανὴν que de l'eau et ne
παρέχεσθαι. Ἀκολούθως δὲ mangent que la chair des
τούτοις καὶ τἄλλα ποιοῦσι, animaux domestiques ou
διαφυλάττοντες τὸν ἀρχαῖον sauvages, et même de
καὶ ἀκατάσκευον βίον. l'herbe des champs, car ce
Καθόλου δ´ ἐν τοῖς τόποις αἱ pays inaccessible n'a pas
μὲν γυναῖκες ἀνδρῶν, οἱ δ´ été visité par les plus
ἄνδρες θηρίων ἔχουσιν aimables des divinités,
εὐτονίαν καὶ ἀλκήν. Cérès et Bacchus. Ils
Πολλάκις γοῦν φασιν ἐν ταῖς passent la nuit au milieu
στρατείαις τὸν μέγιστον des champs, rarement
τῶν Γαλατῶν ὑπὸ Λίγυος dans de chétives cabanes
ἰσχνοῦ παντελῶς ἐκ ou dans des huttes, et plus
προκλήσεως μονομαχήσαντα souvent dans les creux des
ἀνῃρῆσθαι. Ὁπλισμὸν δ´ rochers ou dans des
ἔχουσιν οἱ Λίγυες cavernes naturelles
ἐλαφρότερον τῶν Ῥωμαίων capables de les abriter. Ils
τῇ κατασκευῇ· σκεπάζει γὰρ conservent en ceci, comme
αὐτοὺς παραμήκης θυρεὸς 41 en beaucoup d'autres
εἰς τὸν Γαλατικὸν ῥυθμὸν choses, leurs moeurs
δεδημιουργημένος καὶ χιτὼν primitives et sauvages. En
συνειλημμένος ζωστῆρι, καὶ général, dans cette
περιτίθενται θηρίων δορὰς contrée les femmes sont
καὶ ξίφος σύμμετρον· τινὲς δ robustes connue les
´ αὐτῶν διὰ τὴν ἐπιμιξίαν hommes, et les hommes
τῆς Ῥωμαίων πολιτείας vigoureux comme les
μετεσχημάτισαν τὸν bêtes féroces. Aussi
ὁπλισμόν, ἐξομοιοῦντες raconte-t-on que souvent,
ἑαυτοὺς τοῖς ἡγουμένοις. dans les armées, le pins
Θρασεῖς δ´ εἰσὶ καὶ γενναῖοι maigre Ligurien a terrassé
οὐ μόνον εἰς πόλεμον, ἀλλὰ le plus fort Gaulois,
καὶ πρὸς τὰς ἐν τῷ βίῳ provoqué à un combat
περιστάσεις τὰς ἐχούσας singulier. Les Liguriens ont
δεινότητας. Ἐμπορευόμενοι une armure plus légère
γὰρ πλέουσι τὸ Σαρδόνιον que celle des Romains. Ils
καὶ τὸ Λιβυκὸν πέλαγος, portent comme arme
ἑτοίμως ἑαυτοὺς ῥιπτοῦντες défensive un grand
εἰς ἀβοηθήτους κινδύνους· bouclier fait à la gauloise ;
σκάφεσι γὰρ χρώμενοι τῶν leur tunique est serrée par
σχεδιῶν εὐτελεστέροις καὶ une ceinture ; ils
τοῖς ἄλλοις τοῖς κατὰ ναῦν s'habillent de peaux
χρησίμοις ἥκιστα d'animaux, et portent une
κατεσκευασμένοις épée d'une médiocre
ὑπομένουσι τὰς ἐκ τῶν grandeur. Cependant
χειμώνων φοβερωτάτας quelques-uns d'entre eux,
περιστάσεις καταπληκτικῶς. ayant eu des relations
[40] Λείπεται δ´ ἡμῖν avec le gouvernement des
εἰπεῖν περὶ τῶν Τυρρηνῶν. Romains, ont changé leur
Οὗτοι γὰρ τὸ μὲν παλαιὸν armure pour imiter celle de
ἀνδρείᾳ διενεγκόντες χώραν leurs chefs. Ils sont hardis
πολλὴν κατεκτήσαντο καὶ et courageux non
πόλεις ἀξιολόγους καὶ seulement dans la guerre,
πολλὰς ἔκτισαν. Ὁμοίως δὲ mais encore dans toutes
καὶ ναυτικαῖς δυνάμεσιν les circonstances critiques
ἰσχύσαντες καὶ πολλοὺς de la vie. Se livrant au
χρόνους commerce, ils s'exposent
θαλαττοκρατήσαντες τὸ μὲν hardiment aux plus grands
παρὰ τὴν Ἰταλίαν πέλαγος périls en naviguant dans
ἀφ´ ἑαυτῶν ἐποίησαν les mers de la Sardaigne et
Τυρρηνικὸν de la Libye : embarqués
προσαγορευθῆναι, τὰ δὲ sur de frêles esquifs et
κατὰ τὰς πεζὰς δυνάμεις avec de bien faibles
ἐκπονήσαντες τήν τε provisions, ils bravent les
σάλπιγγα λεγομένην plus terribles tempêtes
ἐξεῦρον, εὐχρηστοτάτην μὲν (111).
εἰς τοὺς πολέμους, ἀπ´ XL. Il nous reste à
ἐκείνων δ´ ὀνομασθεῖσαν parler des Tyrrhéniens. Les
Τυρρηνήν, τό τε περὶ τοὺς Tyrrhéniens, autrefois
ἡγουμένους στρατηγοὺς distingués par leur
ἀξίωμα κατεσκεύασαν, bravoure, possédaient un
περιθέντες τοῖς ἡγουμένοις pays étendu et avaient
ῥαβδούχους καὶ δίφρον fondé plusieurs villes
ἐλεφάντινον καὶ considérables. Puissants
περιπόρφυρον τήβενναν, ἔν par leurs forces navales, ils
τε ταῖς οἰκίαις τὰ περίστῳα furent longtemps les
πρὸς τὰς τῶν θεραπευόντων maîtres de la mer, et ils
ὄχλων ταραχὰς ἐξεῦρον appelèrent Tyrrhénienne la
εὐχρηστίαν· ὧν τὰ πλεῖστα mer qui baigne les côtes
Ῥωμαῖοι μιμησάμενοι καὶ de l'Italie (112). Occupés
πρὸς τὸ κάλλιον αὐξήσαντες de l'organisation des
μετήνεγκαν ἐπὶ τὴν ἰδίαν troupes de terre, ils
πολιτείαν. Γράμματα δὲ καὶ inventèrent la trompette
φυσιολογίαν καὶ θεολογίαν qui fut depuis nommée
ἐξεπόνησαν ἐπὶ πλέον, καὶ τὰ tyrrhène. Pour rehausser la
περὶ τὴν κεραυνοσκοπίαν dignité des chefs de
μάλιστα πάντων ἀνθρώπων l'armée, ils leur donnaient
ἐξειργάσαντο· διὸ καὶ μέχρι des licteurs, un siège
τῶν νῦν χρόνων οἱ τῆς d'ivoire et une robe bordée
οἰκουμένης σχεδὸν ὅλης de 42 pourpre (113). Dans
ἡγούμενοι θαυμάζουσί τε la construction des
τοὺς ἄνδρας καὶ κατὰ τὰς ἐν maisons, ils ont imaginé
τοῖς κεραυνοῖς διοσημείας les vestibules, propres à
τούτοις ἐξηγηταῖς χρῶνται. éloigner le bruit
Χώραν δὲ νεμόμενοι incommode de la tourbe
πάμφορον, καὶ ταύτην des esclaves. Les Romains
ἐξεργαζόμενοι, καρπῶν ont imité la plupart de ces
ἀφθονίαν ἔχουσιν οὐ μόνον choses, pour
πρὸς τὴν ἀρκοῦσαν l'embellissement de leur
διατροφήν, ἀλλὰ καὶ πρὸς Etat. Les Tyrrhéniens se
ἀπόλαυσιν δαψιλῆ καὶ sont particulièrement
τρυφὴν ἀνήκουσαν. appliqués à l'étude des
Παρατίθενται γὰρ δὶς τῆς lettres, de la nature et à la
ἡμέρας τραπέζας πολυτελεῖς théologie ; mais ils se sont
καὶ τἄλλα τὰ πρὸς τὴν plus que tous les autres
ὑπερβάλλουσαν τρυφὴν hommes occupés des
οἰκεῖα, στρωμνὰς μὲν présages qu'on tire de la
ἀνθεινὰς κατασκευάζοντες, foudre (114). Aussi jusqu'à
ἐκπωμάτων δ´ ἀργυρῶν nos jours les souverains de
παντοδαπῶν πλῆθος καὶ τῶν presque toute la terre les
διακονούντων οἰκετῶν οὐκ admirent et les consultent
ὀλίγον ἀριθμὸν ἡτοιμακότες· sur l'interprétation du
καὶ τούτων οἱ μὲν εὐπρεπείᾳ tonnerre.
διαφέροντές εἰσιν, οἱ δ´ Les Tyrrhéniens
ἐσθῆσι πολυτελεστέραις habitent un pays très
κατὰ δουλικὴν ἀξίαν fertile, et ils retirent de sa
κεκόσμηνται. Οἰκήσεις τε culture des fruits en
παντοδαπὰς ἰδιαζούσας abondance et qui suffisent
ἔχουσι παρ´ αὐτοῖς οὐ μόνον non seulement pour leur
οἱ θεράποντες, ἀλλὰ καὶ τῶν propre nourriture
ἐλευθέρων οἱ πλείους. nécessaire, mais encore
Καθόλου δὲ τὴν μὲν ἐκ pour le luxe et la
παλαιῶν χρόνων παρ´ αὐτοῖς somptuosité de leurs
ζηλουμένην ἀλκὴν tables. On dresse les
ἀποβεβλήκασιν, ἐν πότοις δὲ tables deux lois par jour, et
καὶ ῥᾳθυμίαις ἀνάνδροις on les charge richement
βιοῦντες οὐκ ἀλόγως τὴν des mets les plus délicats.
τῶν πατέρων δόξαν ἐν τοῖς Tout ce qui peut flatter les
πολέμοις ἀποβεβλήκασι. sens s'y trouve réuni : des
Συνεβάλετο δ´ αὐτοῖς πρὸς lits de fleurs, des coupes
τὴν τρυφὴν οὐκ ἐλάχιστον d'argent d'une grande
καὶ τῆς χώρας ἀρετή· variété, et un nombre
πάμφορον γὰρ καὶ παντελῶς considérable d'esclaves
εὔγειον νεμόμενοι παντὸς dont les uns sont
καρποῦ πλῆθος remarquablement beaux et
ἀποθησαυρίζουσιν. Καθόλου les autres ornés de
γὰρ Τυρρηνία παντελῶς vêtements plus riches qu'il
εὔγειος οὖσα πεδίοις ne le convient à leur
ἀναπεπταμένοις ἐγκάθηται condition servile. Les
καὶ βουνοειδέσιν esclaves et la plupart des
ἀναστήμασι τόπων personnes de condition
διείληπται γεωργησίμοις· libre occupent des
ὑγρὰ δὲ μετρίως ἐστὶν οὐ appartements séparés et
μόνον κατὰ τὴν χειμερινὴν bien meublés. Enfin, ils ont
ὥραν, ἀλλὰ καὶ κατὰ τὸν τοῦ entièrement perdu leur
θέρους καιρόν. antique renommée de
courage dont leurs pères
étaient autrefois si fiers, et
ils passent leur vie dans les
festins et dans une lâche
fainéantise. L'excellente
qualité du sol ne contribue
pas peu à les entretenir
dans la mollesse. Habitant
un pays très fertile, ils
mettent en réserve une
grande quantité de fruits
de toute espèce. Toute la
Tyrrhénie est bien
cultivée ; elle est formée
de vastes plaines
entrecoupées de collines
de facile labour. Enfin,
cette contrée est
modérément humide, non
seulement dans la saison
de l'hiver, mais encore
pendant l'été.

[41] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῆς 43 XLI. Après avoir


πρὸς ἑσπέραν κεκλιμένης parlé des régions situées à
χώρας καὶ τῆς πρὸς τὰς l'Occident et au Nord, ainsi
ἄρκτους νενευκυίας, ἔτι δὲ que des îles de l'Océan,
τῶν κατὰ τὸν ὠκεανὸν nous allons traiter en détail
νήσων διεξήλθομεν, ἐν μέρει des îles méridionales,
διέξιμεν περὶ τῶν κατὰ τὴν situées dans l'Océan qui
μεσημβρίαν νήσων τῶν ἐν baigne les côtes de l'Arabie
ὠκεανῷ τῆς Ἀραβίας τῆς orientale et limitrophe de
πρὸς ἀνατολὴν κεκλιμένης la Gédrosie (115). Cette
καὶ προσοριζούσης τῇ contrée est remplie d'un
καλουμένῃ Κεδρωσίᾳ. μὲν nombre considérable de
γὰρ χώρα πολλαῖς κώμαις villages et de villes, placés
καὶ πόλεσιν ἀξιολόγοις soit sur des
κατοικεῖται, καὶ τούτων αἱ exhaussements
μὲν ἐπὶ χωμάτων ἀξιολόγων superficiels du sol, soit sur
κεῖνται, αἱ δ´ ἐπὶ γεωλόφων des collines ou dans des
πεδίων καθίδρυνται· ἔχουσι plaines. Les plus
δ´ αὐτῶν αἱ μέγισται considérables de ces villes
βασίλεια κατεσκευασμένα ont des châteaux royaux
πολυτελῶς, πλῆθος magnifiquement
οἰκητόρων ἔχοντα καὶ construits, un grand
κτήσεις ἱκανάς. Πᾶσα δ´ nombre d'habitants et
αὐτῶν χώρα γέμει assez de richesses. La
θρεμμάτων παντοδαπῶν, campagne est fertile et
καρποφοροῦσα καὶ νομὰς offre de riches pâturages
ἀφθόνους παρεχομένη τοῖς aux troupeaux de toute
βοσκήμασι· ποταμοί τε sorte dont elle est remplie.
πολλοὶ διαρρέοντες ἐν αὐτῇ Les nombreux fleuves qui
πολλὴν ἀρδεύουσι χώραν, arrosent le pays dans une
συνεργοῦντες πρὸς τελείαν grande étendue
αὔξησιν τῶν καρπῶν. Διὸ καὶ contribuent beaucoup à la
τῆς Ἀραβίας πρωτεύουσα perfection de la culture des
τῇ ἀρετῇ προσηγορίαν fruits ; c'est pourquoi la
ἔλαβεν οἰκείαν, εὐδαίμων plus belle partie de l'Arabie
ὀνομασθεῖσα. Ταύτης δὲ a reçu le nom d'Arabie
κατὰ τὰς ἐσχατιὰς τῆς Heureuse. Sur les confins
παρωκεανίτιδος χώρας κατ´ de cette contrée, et en
ἀντικρὺ νῆσοι κεῖνται face du littoral, sont
πλείους, ὧν τρεῖς εἰσιν ἄξιαι situées plusieurs îles, dont
τῆς ἱστορικῆς ἀναγραφῆς, trois méritent une mention
μία μὲν προσαγορευομένη particulière (116).. La
Ἱερά, καθ´ ἣν οὐκ ἔξεστι première s'appelle Hiera
τοὺς τετελευτηκότας (117) Il est défendu d'y
θάπτειν, ἑτέρα δὲ πλησίον enterrer les morts : on
ταύτης, ἀπέχουσα σταδίους transporte les corps des
ἑπτά, εἰς ἣν κομίζουσι τὰ défunts dans l'île voisine
σώματα τῶν ἀποθανόντων qui n'est éloignée de la
ταφῆς ἀξιοῦντες. δ´ οὖν première que d'environ
Ἱερὰ τῶν μὲν ἄλλων καρπῶν sept stades. Hiéra ne
ἄμοιρός ἐστι, φέρει δὲ produit pas de fruits ; mais
λιβανωτοῦ τοσοῦτο πλῆθος, elle rapporte de l'encens
ὥστε διαρκεῖν καθ´ ὅλην τὴν en si grande quantité que
οἰκουμένην πρὸς τὰς τῶν ce que l'on en recueille
θεῶν τιμάς· ἔχει δὲ καὶ suffit pour le culte des
σμύρνης πλῆθος διάφορον dieux sur toute la terre. On
καὶ τῶν ἄλλων θυμιαμάτων y trouve aussi la myrrhe en
παντοδαπὰς φύσεις, abondance et toutes sortes
παρεχομένας πολλὴν d'autres matières
εὐωδίαν. δὲ φύσις ἐστὶ τοῦ odoriférantes. Voici quelle
λιβανωτοῦ καὶ κατασκευὴ est la nature de l'encens et
τοιάδε· δένδρον ἐστὶ τῷ μὲν la manière de le recueillir :
μεγέθει μικρόν, τῇ δὲ L'arbre qui le produit est
προσόψει τῇ ἀκάνθῃ τῇ petit et a l'aspect de
Αἰγυπτίᾳ τῇ λευκῇ l'épine blanche de l'Egypte
παρεμφερές, τὰ δὲ φύλλα ; ses feuilles ressemblent à
τοῦ δένδρου ὅμοια τῇ celles du saule 44 et sa
ὀνομαζομένῃ ἰτέᾳ, καὶ τὸ fleur est couleur d'or (118).
ἄνθος ἐπ´ αὐτῷ φύεται L'encens en découle sous
χρυσοειδές, δὲ λιβανωτὸς forme de larme. L'arbre qui
γινόμενος ἐξ αὐτοῦ ὀπίζεται produit la myrrhe
ὡς ἂν δάκρυον. Τὸ δὲ τῆς ressemble au schinus ;
σμύρνης δένδρον ὅμοιόν mais son feuillage est plus
ἐστι τῇ σχίνῳ, τὸ δὲ φύλλον ténu et plus serré ; et la
ἔχει λεπτότερον καὶ myrrhe découle de ses
πυκνότερον. Ὀπίζεται δὲ racines mises à découvert
περισκαφείσης τῆς γῆς ἀπὸ en creusant la terre à
τῶν ῥιζῶν, καὶ ὅσα μὲν l'entour (119). Dans un
αὐτῶν ἐν ἀγαθῇ γῇ πέφυκεν, terrain favorable, cet arbre
ἐκ τούτων γίνεται δὶς τοῦ rapporte deux fois par an,
ἐνιαυτοῦ, ἔαρος καὶ θέρους· au printemps et en été ; la
καὶ μὲν πυρρὸς ἐαρινὸς myrrhe qu'on recueille au
ὑπάρχει διὰ τὰς δρόσους, printemps est de couleur
δὲ λευκὸς θερινός ἐστι. Τοῦ rousse, à cause des
δὲ παλιούρου συλλέγουσι τὸν rosées ; celle qu'on
καρπόν, καὶ χρῶνται recueille en été est
βρωτοῖς καὶ ποτοῖς καὶ πρὸς blanche. Les habitants
τὰς κοιλίας τὰς ῥεούσας récoltent le fruit du
φαρμάκῳ. paliurus ; ils l'emploient
[42] Διῄρηται δὲ τοῖς dans les aliments et les
ἐγχωρίοις χώρα, καὶ boissons, en même temps
ταύτης βασιλεὺς λαμβάνει qu'ils s'en servent comme
τὴν κρατίστην, καὶ τῶν d'un remède contre les
καρπῶν τῶν γινομένων ἐν τῇ diarrhées (120).
νήσῳ δεκάτην λαμβάνει. Τὸ XLII. Le territoire de
δὲ πλάτος τῆς νήσου φασὶν l'île est partagé entre les
εἶναι σταδίων ὡς διακοσίων. habitants ; mais le roi
Κατοικοῦσι δὲ τὴν νῆσον οἱ s'attribue la meilleure
καλούμενοι Παγχαῖοι, καὶ part ; et il prélève le
τόν τε λιβανωτὸν καὶ τὴν dixième des fruits que l'on
σμύρναν κομίζουσιν εἰς τὸ y recueille. On dit que
πέραν καὶ πωλοῦσι τοῖς τῶν cette île a deux cents
Ἀράβων ἐμπόροις, παρ´ ὧν stades de largeur (121).
ἄλλοι τὰ {τοιαῦτα} φορτία Elle est habitée par les
ὠνούμενοι διακομίζουσιν εἰς Panchéens qui
τὴν Φοινίκην καὶ Κοίλην transportent sur la côte
Συρίαν, ἔτι δ´ Αἴγυπτον, τὸ l'encens et la myrrhe, et
δὲ τελευταῖον ἐκ τούτων les vendent là à des
τῶν τόπων ἔμποροι marchands arabes ;
διακομίζουσιν εἰς πᾶσαν τὴν d'autres marchands leur
οἰκουμένην. Ἔστι δὲ καὶ achètent ces produits et
ἄλλη νῆσος μεγάλη, τῆς les transportent dans la
προειρημένης ἀπέχουσα Phénicie, dans la Coelé-
σταδίους τριάκοντα, εἰς τὸ Syrie et dans l'Egypte ;
πρὸς ἕω μέρος τοῦ ὠκεανοῦ enfin de ces pays on les
κειμένη, τῷ μήκει πολλῶν expédie dans tout le reste
τινων σταδίων· ἀπὸ γὰρ τοῦ de la terre.
πρὸς ἀνατολὰς ἀνήκοντος Une autre île, assez
ἀκρωτηρίου φασὶ grande, est à trente stades
θεωρεῖσθαι τὴν Ἰνδικὴν (122) de l'île précédente ;
ἀέριον διὰ τὸ μέγεθος τοῦ elle est située dans la
διαστήματος. Ἔχει δ´ partie orientale de l'Océan
Παγχαία κατ´ αὐτὴν πολλὰ et a plusieurs stades de
τῆς ἱστορικῆς ἀναγραφῆς longueur. Du promontoire
ἄξια. Κατοικοῦσι δ´ αὐτὴν oriental de cette île, on
αὐτόχθονες μὲν οἱ Παγχαῖοι aperçoit l'Inde comme un
λεγόμενοι, ἐπήλυδες δ´ nuage, à cause de la
Ὠκεανῖται καὶ Ἰνδοὶ καὶ distance (123). Cette île,
Σκύθαι καὶ Κρῆτες. Πόλις δ´ appelée Panchéa,
ἔστιν ἀξιόλογος ἐν αὐτῇ,
προσαγορευομένη μὲν renferme beaucoup de 45
Πανάρα, εὐδαιμονίᾳ δὲ choses dignes d'être
διαφέρουσα. Οἱ δὲ ταύτην consignées. Elle est
οἰκοῦντες καλοῦνται μὲν habitée tout à la fois par
ἱκέται τοῦ Διὸς τοῦ des autochthones nommés
Τριφυλίου, μόνοι δ´ εἰσὶ τῶν Pauchéens, par des
τὴν Παγχαίαν χώραν Océanites, par des Indiens,
οἰκούντων αὐτόνομοι καὶ par des Scythes et par des
ἀβασίλευτοι. Ἄρχοντας δὲ Crétois qui sont venus s'y
καθιστᾶσι κατ´ ἐνιαυτὸν établir. On y voit une ville
τρεῖς· οὗτοι δὲ θανάτου μὲν considérable et très
οὐκ εἰσὶ κύριοι, τὰ δὲ λοιπὰ florissaute, nommée
πάντα διακρίνουσι· καὶ αὐτοὶ Panara. Ses habitants
δὲ οὗτοι τὰ μέγιστα ἐπὶ τοὺς s'appellent les Suppliants
ἱερεῖς ἀναφέρουσιν. Ἀπὸ δὲ de Jupiter Triphylien. De
ταύτης τῆς πόλεως ἀπέχει tous les Panchéens, ce
σταδίους ὡς ἑξήκοντα ἱερὸν sont les seuls qui se
Διὸς Τριφυλίου, κείμενον μὲν gouvernent d'après leurs
ἐν χώρᾳ πεδιάδι, propres lois et n'obéissent
θαυμαζόμενον δὲ μάλιστα à aucun roi. Chaque année
διά τε τὴν ἀρχαιότητα καὶ ils élisent trois archontes
τὴν πολυτέλειαν τῆς qui n'ont pas le droit de
κατασκευῆς καὶ τὴν τῶν prononcer des peines de
τόπων εὐφυΐαν. mort, mais qui, du reste,
[43] Τὸ μὲν οὖν περὶ τὸ administrent toute la
ἱερὸν πεδίον συνηρεφές ἐστι justice ; quant aux crimes
παντοίοις δένδρεσιν, οὐ capitaux, ils en réfèrent au
μόνον καρποφόροις, ἀλλὰ collège des prêtres. Le
καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς temple de Jupiter
δυναμένοις τέρπειν τὴν Triphylien, situé dans une
ὅρασιν· κυπαρίττων τε γὰρ plaine, est à soixante
ἐξαισίων τοῖς μεγέθεσι καὶ stades environ de la ville ;
πλατάνων καὶ δάφνης καὶ il est admiré pour son
μυρσίνης καταγέμει, antiquité et la
πλήθοντος τοῦ τόπου magnificence de son
ναματιαίων ὑδάτων. Πλησίον architecture, et pour sa
γὰρ τοῦ τεμένους ἐκ τῆς γῆς belle situation.
ἐκπίπτει τηλικαύτη τὸ XLIII. Le champ qui
μέγεθος πηγὴ γλυκέος entoure ce temple est
ὕδατος, ὥστε ποταμὸν ἐξ couvert d'arbres de toute
αὐτῆς γίνεσθαι πλωτόν· ἐκ espèce, tant utiles par
τούτου δ´ εἰς πολλὰ μέρη leurs fruits qu'agréables à
τοῦ ὕδατος διαιρουμένου, la vue. Il y croît en
καὶ τούτων ἀρδευομένων, abondance des cyprès
κατὰ πάντα τὸν τοῦ πεδίου d'une hauteur prodigieuse,
τόπον συνάγκειαι δένδρων des platanes, des lauriers
ὑψηλῶν πεφύκασι συνεχεῖς, et des myrtes. Tout cet
ἐν αἷς πλῆθος ἀνδρῶν ἐν endroit est arrosé par des
τοῖς τοῦ θέρους καιροῖς eaux vives ; près de
ἐνδιατρίβει, ὀρνέων τε l'enceinte sacrée jaillit de
πλῆθος παντοδαπῶν terre une si grande source
ἐννεοττεύεται, ταῖς χρόαις d'eau douce qu'elle forme
διάφορα καὶ ταῖς μελῳδίαις un fleuve navigable. Celui-
μεγάλην παρεχόμενα τέρψιν, ci se divise en plusieurs
κηπεῖαί τε παντοδαπαὶ καὶ branches et arrose toute la
λειμῶνες πολλοὶ καὶ campagne, tapissée de
διάφοροι ταῖς χλόαις καὶ bosquets d'arbres élevés :
τοῖς ἄνθεσιν, ὥστε τῇ une foule d'habitants
θεοπρεπείᾳ τῆς προσόψεως passent la saison de l'été ;
ἄξιον τῶν ἐγχωρίων θεῶν une multitude d'oiseaux de
φαίνεσθαι. Ἦν δὲ καὶ τῶν toute espèce,
φοινίκων στελέχη μεγάλα remarquables par leur
καὶ καρποφόρα διαφερόντως plumage et leurs chants
καὶ καρύαι πολλαὶ ravissants, y viennent faire
ἀκροδρύων δαψιλεστάτην leurs nids. Enfin les jardins
τοῖς ἐγχωρίοις ἀπόλαυσιν variés et les prés
παρεχόμεναι. Χωρὶς δὲ verdoyants et diaprés de
τούτων ὑπῆρχον ἄμπελοί τε fleurs font de cette belle
πολλαὶ καὶ παντοδαπαί, αἳ campagne un séjour digne
πρὸς ὕψος ἀνηγμέναι καὶ des dieux indigènes. On y
διαπεπλεγμέναι ποικίλως τὴν voit des palmiers à tiges
πρόσοψιν ἡδεῖαν ἐποίουν καὶ élancées, et chargés de
τὴν ἀπόλαυσιν τῆς ὥρας fruits ; de nombreux
ἑτοιμοτάτην παρείχοντο. noyers qui fournissent aux
[44] δὲ ναὸς ὑπῆρχεν habitants une nourriture
ἀξιόλογος ἐκ λίθου λευκοῦ, abondante. On y trouve, en
τὸ μῆκος ἔχων δυεῖν outre, beaucoup de vignes
πλέθρων, τὸ δὲ πλάτος de différentes espèces,
ἀνάλογον τῷ μήκει· κίοσι δὲ qui, étant très hautes et
μεγάλοις καὶ παχέσιν diver- 46 sement
ὑπήρειστο καὶ γλυφαῖς entrelacées, réjouissent la
φιλοτέχνοις διειλημμένος· vue et forment un paysage
ἀγάλματά τε τῶν θεῶν ravissant.
ἀξιολογώτατα, τῇ τέχνῃ XLIV. Le temple est
διάφορα καὶ τοῖς βάρεσι beau et tout construit en
θαυμαζόμενα. Κύκλῳ δὲ τοῦ marbre. Sa longueur est de
ναοῦ τὰς οἰκίας εἶχον οἱ deux plèthres (124) sur
θεραπεύοντες τοὺς θεοὺς une largeur proportionnée.
ἱερεῖς, δι´ ὧν ἅπαντα τὰ Il est soutenu par de
περὶ τὸ τέμενος διῳκεῖτο. hautes et fortes colonnes,
Ἀπὸ δὲ τοῦ ναοῦ δρόμος ornées de sculptures
κατεσκεύαστο, τὸ μὲν μῆκος artistement travaillées. On
σταδίων τεττάρων, τὸ δὲ y admire les statues des
πλάτος πλέθρου. Παρὰ δὲ dieux, très remarquables
τὴν πλευρὰν ἑκατέραν τοῦ par leur masse et comme
δρόμου χαλκεῖα μεγάλα monuments d'art. Les
κεῖται, τὰς βάσεις ἔχοντα maisons des prêtres qui le
τετραγώνους· ἐπ´ ἐσχάτῳ δὲ desservent sont rangées
τοῦ δρόμου τὰς πηγὰς ἔχει en cercle autour du temple
λάβρως ἐκχεομένας ; en avant du temple est
προειρημένος ποταμός. Ἔστι une avenue longue de
δὲ τὸ φερόμενον ῥεῦμα τῇ quatre stades sur un
λευκότητι καὶ γλυκύτητι plèthre de large. Chaque
διαφέρον, πρός τε τὴν τοῦ côté de l'avenue est orné
σώματος ὑγίειαν πολλὰ de grandes statues d'airain
συμβαλλόμενον τοῖς assises sur des bases
χρωμένοις· ὀνομάζεται δ´ triangulaires. A l'extrémité
ποταμὸς οὗτος ἡλίου ὕδωρ. de l'avenue le fleuve cité a
Περιέχει δὲ τὴν πηγὴν ὅλην ses sources jaillissantes,
κρηπὶς λιθίνη πολυτελής, dont les eaux limpides et
διατείνουσα παρ´ ἑκατέραν douces ne contribuent pas
πλευρὰν σταδίους τέτταρας· peu à la conservation de la
ἄχρι δὲ τῆς ἐσχάτης santé de ceux qui en
κρηπῖδος τόπος οὐκ ἔστι boivent. Ce fleuve est
βάσιμος ἀνθρώπῳ πλὴν τῶν appelé Eau du Soleil. Il est
ἱερέων. Τὸ δ´ ὑποκείμενον bordé de quais de marbre
πεδίον ἐπὶ σταδίους dans une longueur de
διακοσίους καθιερωμένον quatre stades. Il n'est
ἐστὶ τοῖς θεοῖς, καὶ τὰς ἐξ permis à aucun homme,
αὐτοῦ προσόδους εἰς τὰς excepté aux prêtres, de
θυσίας ἀναλίσκουσι. Μετὰ δὲ pénétrer jusqu'à
τὸ προειρημένον πεδίον ὄρος l'extrémité de ces quais. La
ἐστὶν ὑψηλόν, καθιερωμένον plaine voisine, dans une
μὲν θεοῖς, ὀνομαζόμενον δὲ étendue de deux cents
Οὐρανοῦ δίφρος καὶ stades, est consacrée aux
Τριφύλιος Ὄλυμπος. dieux, et les revenus en
Μυθολογοῦσι γὰρ τὸ παλαιὸν sont employés aux frais
Οὐρανὸν βασιλεύοντα τῆς des sacrifices. Au delà de
οἰκουμένης προσηνῶς cette plaine est une
ἐνδιατρίβειν ἐν τῷδε τῷ montagne élevée et
τόπῳ, καὶ ἀπὸ τοῦ ὕψους égaleraient consacrée aux
ἐφορᾶν τόν τε οὐρανὸν καὶ dieux. Elle se nomme le
τὰ κατ´ αὐτὸν ἄστρα, Siège d'Uranus ou
ὕστερον δὲ Τριφύλιον l'Olympe Triphylien.
Ὄλυμπον κληθῆναι διὰ τὸ Suivant la tradition
τοὺς κατοικοῦντας ὑπάρχειν mythologique, Uranus,
ἐκ τριῶν ἐθνῶν· autrefois roi de l'univers,
ὀνομάζεσθαι δὲ τοὺς μὲν se plaisait à visiter cette
Παγχαίους, τοὺς δ´ montagne et y contempler
Ὠκεανίτας, τοὺς δὲ Δῴους· le ciel et les astres. Elle
οὓς ὕστερον ὑπὸ Ἄμμωνος reçut plus tard le nom
ἐκβληθῆναι. Τὸν γὰρ d'Olympe Triphylien, à
Ἄμμωνά φασι μὴ μόνον cause des habitants, qui
φυγαδεῦσαι τοῦτο τὸ ἔθνος, tirent leur origine de trois
ἀλλὰ καὶ τὰς πόλεις αὐτῶν nations différentes, les
ἄρδην ἀνελεῖν, καὶ Panchéens, les Océanites
κατασκάψαι τήν τε Δῴαν καὶ et les Doïens. Ces derniers
Ἀστερουσίαν. Θυσίαν τε κατ furent chassés par Ammon,
´ ἐνιαυτὸν ἐν τούτῳ τῷ ὄρει qui non seulement exila
ποιεῖν τοὺς ἱερεῖς μετὰ toute la tribu, mais
πολλῆς {τῆς} ἁγνείας. renversa de fond en
[45] Μετὰ δὲ τὸ ὄρος comble leurs villes, Doïa et
τοῦτο καὶ κατὰ τὴν ἄλλην Asterusia. Chaque année
Παγχαιῖτιν χώραν ὑπάρχειν les prêtres font, dit-on, sur
φασὶ ζῴων παντοδαπῶν cette montagne un
πλῆθος· ἔχειν γὰρ αὐτὴν sacrifice qui se célèbre
ἐλέφαντάς τε πολλοὺς καὶ avec beaucoup de
λέοντας καὶ παρδάλεις καὶ solennité.
δορκάδας καὶ ἄλλα θηρία XLV. Au delà de cette
πλείω διάφορα ταῖς τε montagne, et dans le reste
προσόψεσι καὶ ταῖς ἀλκαῖς de l'île de Panchéa, on
θαυμαστά. Ἔχει δὲ νῆσος trouve, dit-on, une
αὕτη καὶ πόλεις τρεῖς multitude d'animaux 47 de
ἀξιολόγους, Ὑρακίαν καὶ toute espèce ; on y voit
Δαλίδα καὶ Ὠκεανίδα. Τὴν δὲ beaucoup d'éléphants, des
χώραν ὅλην εἶναι lions, des panthères, des
καρποφόρον, καὶ μάλιστα gazelles et bien d'autres
οἴνων παντοδαπῶν ἔχειν animaux, admirables par
πλῆθος. Εἶναι δὲ τοὺς leur aspect et leur force.
ἄνδρας πολεμικοὺς καὶ Cette île a encore trois
ἅρμασι χρῆσθαι κατὰ τὰς villes considérables :
μάχας ἀρχαϊκῶς. Τὴν δ´ Hyracia, Dalis et Océanis.
ὅλην πολιτείαν ἔχουσι Le territoire en est fertile
τριμερῆ, καὶ πρῶτον ὑπάρχει et produit toutes sortes de
μέρος παρ´ αὐτοῖς τὸ τῶν vins.
ἱερέων, προσκειμένων Les hommes y sont
αὐτοῖς τῶν τεχνιτῶν, belliqueux et combattent
δευτέρα δὲ μερὶς ὑπάρχει sur des chariots à la façon
τῶν γεωργῶν, τρίτη δὲ τῶν antique. D'après leur
στρατιωτῶν, προστιθεμένων constitution politique, ils
τῶν νομέων. Οἱ μὲν οὖν sont partagés en trois
ἱερεῖς τῶν ἁπάντων ἦσαν classes ; la première est
ἡγεμόνες, τάς τε τῶν celle des prêtres, qui
ἀμφισβητήσεων κρίσεις comprend aussi les
ποιούμενοι καὶ τῶν ἄλλων artisans ; la seconde est
τῶν δημοσίᾳ πραττομένων celle des laboureurs, et la
κύριοι· οἱ δὲ γεωργοὶ τὴν troisième celle des soldats
γῆν ἐργαζόμενοι τοὺς et des pasteurs. Les
καρποὺς ἀναφέρουσιν εἰς τὸ prêtres sont les chefs de
κοινόν, καὶ ὅστις ἂν αὐτῶν l'Etat ; ils jugent les procès
δοκῇ μάλιστα et sont à la tête de toutes
γεγεωργηκέναι, λαμβάνει les affaires publiques. Les
γέρας ἐξαίρετον ἐν τῇ laboureurs cultivent le sol
διαιρέσει τῶν καρπῶν, et récoltent en commun
κριθεὶς ὑπὸ τῶν ἱερέων tous les fruits ; celui qui
πρῶτος καὶ δεύτερος καὶ οἱ
λοιποὶ μέχρι δέκα, paraît avoir le mieux
προτροπῆς ἕνεκα τῶν cultivé son champ reçoit,
ἄλλων. Παραπλησίως δὲ sur le jugement des
τούτοις καὶ οἱ νομεῖς τά τε prêtres, le premier prix
ἱερεῖα καὶ τἄλλα dans la distribution des
παραδιδόασιν εἰς τὸ fruits ; celui qui vient après
δημόσιον, τὰ μὲν ἀριθμῷ, τὰ reçoit le second prix, et
δὲ σταθμῷ, μετὰ πάσης ainsi de suite, jusqu'à dix,
ἀκριβείας. Καθόλου γὰρ pour donner de l'émulation
οὐδὲν ἔστιν ἰδίᾳ κτήσασθαι aux autres. De même aussi
πλὴν οἰκίας καὶ κήπου, les pasteurs apportent
πάντα δὲ τὰ γεννήματα καὶ comme un impôt public les
τὰς προσόδους οἱ ἱερεῖς animaux destinés aux
παραλαμβάνοντες τὸ sacrifices, et exactement
ἐπιβάλλον ἑκάστῳ δικαίως évalués, soit au nombre,
ἀπονέμουσι, τοῖς δ´ ἱερεῦσι soit au poids. En un mot, il
μόνοις δίδοται διπλάσιον. n'est permis à personne de
Χρῶνται δ´ ἐσθῆσι μὲν posséder rien en propre, à
μαλακαῖς διὰ τὸ παρ´ αὐτοῖς l'exception d'une maison
πρόβατα ὑπάρχειν et d'un jardin. Les prêtres
διαφέροντα τῶν ἄλλων διὰ reçoivent les produits du
τὴν μαλακότητα· φοροῦσι δὲ sol et les revenus de l'Etat,
καὶ κόσμον χρυσοῦν οὐ ils distribuent à chacun sa
μόνον αἱ γυναῖκες, ἀλλὰ καὶ part, tandis qu'ils
οἱ ἄνδρες, περὶ μὲν τοὺς retiennent pour eux le
τραχήλους ἔχοντες double. Les Panchéens
στρεπτοὺς κύκλους, περὶ δὲ sont habillés d'étoffes très
τὰς χεῖρας ψέλια, ἐκ δὲ τῶν légères, car leurs brebis
ὤτων παραπλησίως τοῖς ont une laine qui se
Πέρσαις ἐξηρτημένους distingue par son moelleux
κρίκους. Ὑποδέσεσι δὲ de celle des autres pays.
κοίλαις χρῶνται καὶ τοῖς Non seulement les
χρώμασι πεποικιλμέναις femmes, mais encore les
περιττότερον. hommes portent des
[46] οἱ δὲ στρατιῶται ornements d'or, tels que
λαμβάνοντες τὰς des colliers, des bracelets
μεμερισμένας συντάξεις et des boucles d'oreilles, à
φυλάττουσι τὴν χώραν, la manière des Perses.
διειληφότες ὀχυρώμασι καὶ Leur chaussure, la même
παρεμβολαῖς· ἔστι γάρ τι pour tous, est richement
μέρος τῆς χώρας ἔχον ornée de couleurs variées.
λῃστήρια θρασέων καὶ XLVI. Les soldats,
παρανόμων ἀνθρώπων, οἳ pendant le temps fixé pour
τοὺς γεωργοὺς leur service, sont les
ἐνεδρεύοντες πολεμοῦσι gardiens du pays ; ils
τούτους. Αὐτοὶ δ´ οἱ ἱερεῖς élèvent des forts et des
πολὺ τῶν ἄλλων ὑπερέχουσι retranchements ; car une
τρυφῇ καὶ ταῖς ἄλλαις ταῖς partie du pays est infestée
ἐν τῷ βίῳ καθαρειότησι καὶ de brigands méchants et
πολυτελείαις· στολὰς μὲν audacieux, qui attaquent
γὰρ ἔχουσι λινᾶς, τῇ les laboureurs et leur font
λεπτότητι καὶ μαλακότητι la guerre. Les prêtres
διαφόρους, ποτὲ δὲ καὶ τὰς mènent une vie plus molle
ἐκ τῶν μαλακωτάτων ἐρίων et plus somp- 48 tueuse
κατεσκευασμένας ἐσθῆτας que le reste des habitants.
φοροῦσι· πρὸς δὲ τούτοις Ils ont des vêtements d'un
μίτρας ἔχουσι χρυσοϋφεῖς· tissu de lin très blanc et
τὴν δ´ ὑπόδεσιν ἔχουσι très fin ; quelquefois ces
σανδάλια ποικίλα vêtements sont en laine
φιλοτέχνως εἰργασμένα· d'une souplesse extrême.
χρυσοφοροῦσι δ´ ὁμοίως Ils ont pour coiffure des
ταῖς γυναιξὶ πλὴν τῶν mitres tissues d'or, et pour
ἐνωτίων. Προσεδρεύουσι δὲ chaussure des sandales
μάλιστα ταῖς τῶν θεῶν soigneusement travaillées.
θεραπείαις καὶ τοῖς περὶ Ils portent des bijoux d'or,
τούτων ὕμνοις τε καὶ comme les femmes ; mais
ἐγκωμίοις, μετ´ ᾠδῆς τὰς ils n'ont pas de pendants
πράξεις αὐτῶν καὶ τὰς εἰς d'oreilles. Leur principale
ἀνθρώπους εὐεργεσίας fonction consiste à servir
διαπορευόμενοι. les dieux, à réciter des
Μυθολογοῦσι δ´ οἱ ἱερεῖς τὸ hymnes en leur honneur, à
γένος αὐτοῖς ἐκ Κρήτης chanter leurs actions et les
ὑπάρχειν, ὑπὸ Διὸς ἠγμένοις bienfaits dont les hommes
εἰς τὴν Παγχαίαν, ὅτε κατ´ leur sont redevables.
ἀνθρώπους ὢν ἐβασίλευε D'après leur tradition, ces
τῆς οἰκουμένης· καὶ τούτων prêtres tirent leur origine
σημεῖα φέρουσι τῆς de la Crète, et Jupiter les
διαλέκτου, δεικνύντες τὰ transféra dans l'île de
πολλὰ διαμένειν παρ´ αὑτοῖς Pauchéa, lorsqu'il régnait
Κρητικῶς ὀνομαζόμενα· τήν encore parmi les hommes.
τε πρὸς αὐτοὺς οἰκειότητα A l'appui de cette tradition,
καὶ φιλανθρωπίαν ἐκ ils font voir qu'ils ont
προγόνων παρειληφέναι, τῆς conservé dans leur langue
φήμης ταύτης τοῖς ἐκγόνοις plusieurs mots crétois, et
παραδιδομένης ἀεί. qu'ils entretiennent avec
Ἐδείκνυον δὲ καὶ ἀναγραφὰς les Crétois une alliance
τούτων, ἃς ἔφασαν τὸν Δία étroite qui leur a été
πεποιῆσθαι καθ´ ὃν καιρὸν léguée par leurs ancêtres.
ἔτι κατ´ ἀνθρώπους ὢν Ils montrent aussi des
ἱδρύσατο τὸ ἱερόν. Ἔχει δ´ inscriptions où ces faits
χώρα μέταλλα δαψιλῆ sont indiqués, et que
χρυσοῦ τε καὶ ἀργύρου καὶ Jupiter, disent-ils, a tracées
χαλκοῦ καὶ καττιτέρου καὶ de sa main, lorsqu'il jeta
σιδήρου· καὶ τούτων οὐδὲν les fondements du temple
ἔστιν ἐξενεγκεῖν ἐκ τῆς (125). L'île de Panchéa a
νήσου, τοῖς δ´ ἱερεῦσιν οὐδ´ de riches mines d'or,
ἐξελθεῖν τὸ παράπαν ἐκ τῆς d'argent, de cuivre et de
καθιερωμένης χώρας· τὸν δ´ fer : mais il est défendu
ἐξελθόντα ἐξουσίαν ἔχει d'exporter hors de l'île
περιτυχὼν ἀποκτεῖναι. aucun de ces métaux. Il est
Ἀναθήματα δὲ χρυσᾶ καὶ interdit aux prêtres de
ἀργυρᾶ πολλὰ καὶ μεγάλα franchir l'enceinte sacrée ;
τοῖς θεοῖς ἀνάκειται, celui qui la franchit peut
σεσωρευκότος τοῦ χρόνου être légalement tué par
τὸ πλῆθος τῶν ceux qui le rencontrent. On
καθιερωμένων ἀναθημάτων. y voit de nombreuses
Τά τε θυρώματα τοῦ ναοῦ offrandes d'or et d'argent,
θαυμαστὰς ἔχει τὰς qui se sont
κατασκευὰς ἐξ ἀργύρου καὶ prodigieusement
χρυσοῦ καὶ ἐλέφαντος, ἔτι δὲ accumulées par la suite
θύας δεδημιουργημένας. δὲ des temps. Les portes du
κλίνη τοῦ θεοῦ τὸ μὲν μῆκος temple sont ornées
ὑπάρχει πηχῶν ἕξ, τὸ δὲ d'ouvrages admirables
πλάτος τεττάρων, χρυσῆ δ´ d'argent, d'or, d'ivoire et
ὅλη καὶ τῇ κατὰ μέρος de bois odorant (126). Le
ἐργασίᾳ φιλοτέχνως lit du dieu a six coudées de
κατεσκευασμένη. long sur quatre de large. Il
Παραπλήσιος δὲ καὶ est d'or massif et
τράπεζα τοῦ θεοῦ καὶ τῷ artistement sculpté. Près
μεγέθει καὶ τῇ λοιπῇ de ce lit est la table du
πολυτελείᾳ παράκειται dieu, presque aussi
πλησίον τῆς κλίνης. Κατὰ magnifique et aussi
μέσην δὲ τὴν κλίνην ἕστηκε grande. Du milieu du lit
στήλη χρυσῆ μεγάλη, s'élève une haute colonne
γράμματα ἔχουσα τὰ παρ´ d'or sur 49 laquelle sont
Αἰγυπτίοις ἱερὰ καλούμενα, gravés des caractères que
δι´ ὧν ἦσαν αἱ πράξεις les Egyptiens nomment
Οὐρανοῦ τε καὶ Διὸς sacrés, et qui contiennent
ἀναγεγραμμέναι, καὶ μετὰ l'histoire d'Uranus, de
ταύτας αἱ Ἀρτέμιδος καὶ Jupiter, de Diane et
Ἀπόλλωνος ὑφ´ Ἑρμοῦ d'Apollon, écrite par
προσαναγεγραμμέναι. Περὶ Mercure. En voilà assez sur
μὲν οὖν τῶν κατ´ ἀντικρὺ les îles situées en face de
τῆς Ἀραβίας ἐν ὠκεανῷ l'Arabie (127).
νήσων ἀρκεσθησόμεθα τοῖς XLVII. Nous allons
ῥηθεῖσι. maintenant parler des îles
[47] Περὶ δὲ τῶν κατὰ de la Grèce et de la mer
τὴν Ἑλλάδα καὶ τὸ Αἰγαῖον Egée, en commençant par
πέλαγος κειμένων νῦν la Samothrace. Quelques-
διέξιμεν, τὴν ἀρχὴν ἀπὸ τῆς uns disent que cette île
Σαμοθρᾴκης ποιησάμενοι. s'appelait anciennement
Ταύτην γὰρ τὴν νῆσον ἔνιοι Samos ; mais que ce nom
μέν φασι τὸ παλαιὸν Σάμον resta à l'île plus
ὀνομασθῆναι, τῆς δὲ νῦν récemment peuplée, tandis
Σάμου κτισθείσης διὰ τὴν que l'ancienne Samos
ὁμωνυμίαν ἀπὸ τῆς reçut, à cause de son
παρακειμένης τῇ παλαιᾷ voisinage de la Thrace, le
Σάμῳ Θρᾴκης Σαμοθρᾴκην nom de Samothrace (128).
ὀνομασθῆναι. ᾬκησαν δ´ Les habitants de la
αὐτὴν αὐτόχθονες ἄνθρωποι· Samothrace sont
διὸ καὶ περὶ τῶν πρώτων autochthones ; aussi n'y a-
γενομένων παρ´ αὐτοῖς t-il chez eux aucune
ἀνθρώπων καὶ ἡγεμόνων tradition sur les premiers
οὐδεὶς παραδέδοται λόγος. hommes et leurs chefs.
Ἔνιοι δέ φασι τὸ παλαιὸν D'autres prétendent que
Σαόννησον καλουμένην διὰ cette île a tiré son nom des
τοὺς ἀποικισθέντας ἔκ τε colonies de Samos et de
Σάμου καὶ Θρᾴκης Thrace qui sont venues s'y
Σαμοθρᾴκην ὀνομασθῆναι. établir. Ses habitants
Ἐσχήκασι δὲ παλαιὰν ἰδίαν primitifs ont un ancien
διάλεκτον οἱ αὐτόχθονες, ἧς idiome particulier, dont
πολλὰ ἐν ταῖς θυσίαις μέχρι beaucoup de mots se
τοῦ νῦν τηρεῖται. Οἱ δὲ conservent encore
Σαμόθρᾳκες ἱστοροῦσι πρὸ aujourd'hui dans les
τῶν παρὰ τοῖς ἄλλοις cérémonies des sacrifices
γενομένων κατακλυσμῶν (129). Les Samothraces
ἕτερον ἐκεῖ μέγαν γενέσθαι, racontent qu'avant les
τὸ μὲν πρῶτον τοῦ περὶ τὰς déluges arrivés chez les
Κυανέας στόματος autres nations, il y en avait
ῥαγέντος, μετὰ δὲ ταῦτα eu chez eux un très grand
τοῦ Ἑλλησπόντου. Τὸ γὰρ ἐν par la rupture de la terre
τῷ Πόντῳ πέλαγος λίμνης qui environne les Cyanées
ἔχον τάξιν μέχρι τοσούτου (130), et par suite celle qui
πεπληρῶσθαι διὰ τῶν forme l'Hellespont. Le
εἰσρεόντων ποταμῶν, μέχρι Pont-Euxin ne formait alors
ὅτου διὰ τὸ πλῆθος qu'un lac tellement grossi
παρεκχυθὲν τὸ ῥεῦμα par les eaux des fleuves
λάβρως ἐξέπεσεν εἰς τὸν qui s'y jettent, qu'il
Ἑλλήσποντον καὶ πολλὴν μὲν déborda, versa ses eaux
τῆς Ἀσίας τῆς παρὰ dans l'Hellespont, et
θάλατταν ἐπέκλυσεν, οὐκ inonda une grande partie
ὀλίγην δὲ καὶ τῆς ἐπιπέδου du littoral de l'Asie. Une
γῆς ἐν τῇ Σαμοθρᾴκῃ vaste plaine de la
θάλατταν ἐποίησε· καὶ διὰ Samothrace fut convertie
τοῦτ´ ἐν τοῖς en mer ; c'est pourquoi,
μεταγενεστέροις καιροῖς longtemps après, quelques
ἐνίους τῶν ἁλιέων 50 pêcheurs amenèrent
ἀνεσπακέναι τοῖς δικτύοις dans leurs filets des
λίθινα κιονόκρανα, ὡς καὶ chapiteaux de colonnes de
πόλεων κατακεκλυσμένων. pierre, comme s'il y avait
Τοὺς δὲ περιληφθέντας eu là des villes
προσαναδραμεῖν εἰς τοὺς submergées. Le reste des
ὑψηλοτέρους τῆς νήσου habitants se réfugia sur les
τόπους· τῆς δὲ θαλάττης lieux les plus élevés de
ἀναβαινούσης ἀεὶ μᾶλλον, l'île. Puis la mer continuant
εὔξασθαι τοῖς θεοῖς τοὺς à s'accroître, les insulaires
ἐγχωρίους, καὶ διασωθέντας invoquèrent les dieux ; et,
κύκλῳ περὶ ὅλην τὴν νῆσον sauvés du péril, ils
ὅρους θέσθαι τῆς σωτηρίας, marquèrent tout autour de
καὶ βωμοὺς ἱδρύσασθαι, ἐφ´ l'île les limites de
ὧν μέχρι τοῦ νῦν θύειν· ὥστ´ l'inondation et y dressèrent
εἶναι φανερὸν ὅτι πρὸ τοῦ des autels, où ils offrent
κατακλυσμοῦ κατῴκουν τὴν encore aujourd'hui des
Σαμοθρᾴκην. sacrifices. Il est donc
[48] μετὰ δὲ ταῦτα τῶν évident que la Samothrace
κατὰ τὴν νῆσον Σάωνα, a été habitée avant le
γενόμενον, ὡς μέν τινές déluge (131).
φασιν, ἐκ Διὸς καὶ Νύμφης, XLVIII. Après ces
ὡς δέ τινες, ἐξ Ἑρμοῦ καὶ événements, Saon, qui
Ῥήνης, συναγαγεῖν τοὺς était, selon quelques-uns,
λαοὺς σποράδην οἰκοῦντας, fils de Jupiter et d'une
καὶ νόμους θέμενον αὐτὸν nymphe, ou, selon
μὲν ἀπὸ τῆς νήσου Σάωνα d'autres, fils de Mercure et
κληθῆναι, τὸ δὲ πλῆθος εἰς de Rhéné, rassembla les
πέντε φυλὰς διανείμαντα peuples, qui jusqu'alors
τῶν ἰδίων υἱῶν ἐπωνύμους avaient vécu dispersés,
αὐτὰς ποιῆσαι. Οὕτω δ´ leur donna des lois, et prit
αὐτῶν πολιτευομένων lui-même le nom de Saon
λέγουσι παρ´ αὐτοῖς τοὺς ἐκ d'après celui de l'île. Il
Διὸς καὶ μιᾶς τῶν distribua la population en
Ἀτλαντίδων Ἠλέκτρας cinq tribus, auxquelles il
γενέσθαι Δάρδανόν τε καὶ donna les noms de ses
Ἰασίωνα καὶ Ἁρμονίαν. Ὧν propres fils. L'Etat étant
τὸν μὲν Δάρδανον ainsi constitué, il naquit
μεγαλεπίβολον γενόμενον, chez eux, selon la
καὶ πρῶτον εἰς τὴν Ἀσίαν ἐπὶ tradition, Dardanus, fils de
σχεδίας διαπεραιωθέντα, τὸ Jupiter et d'Electre, l'une
μὲν πρῶτον κτίσαι Δάρδανον des Atlantides, Iasion et
πόλιν καὶ τὸ βασίλειον τὸ Harmonie. Dardanus,
περὶ τὴν ὕστερον κληθεῖσαν homme entreprenant,
Τροίαν συστήσασθαι καὶ passa le premier en Asie
τοὺς λαοὺς ἀφ´ ἑαυτοῦ sur un radeau. Il y bâtit
Δαρδάνους ὀνομάσαι. d'abord la ville de
Ἐπάρξαι δ´ αὐτόν φασι καὶ Dardanos, fonda une
πολλῶν ἐθνῶν κατὰ τὴν résidence royale dans la
Ἀσίαν, καὶ τοὺς ὑπὲρ Θρᾴκης contrée qui fut ensuite
Δαρδάνους κατοικίσαι. Τὸν appelée Troie, et nomma
δὲ Δία βουληθέντα καὶ τὸν ses sujets Dardaniens. Il
ἕτερον τῶν υἱῶν τιμῆς régna sur plusieurs nations
τυχεῖν, παραδεῖξαι αὐτῷ τὴν de l'Asie, et fonda la
τῶν μυστηρίων τελετήν, colonie des Dardaniens au-
πάλαι μὲν οὖσαν ἐν τῷ νήσῳ, dessus de la Thrace.
τότε δέ πως παραδοθεῖσαν, Jupiter, voulant également
ὧν οὐ θέμις ἀκοῦσαι πλὴν illustrer le second de ses
τῶν μεμυημένων. Δοκεῖ δ´ fils, lui enseigna les rites
οὗτος πρῶτος ξένους μυῆσαι des mystères. Ces
καὶ τὴν τελετὴν διὰ τοῦτο mystères existaient déjà
ἔνδοξον ποιῆσαι. Μετὰ δὲ anciennement dans l'île ;
ταῦτα Κάδμον τὸν Ἀγήνορος ils furent alors renouvelés
κατὰ ζήτησιν τῆς Εὐρώπης d'après la tradition, mais
ἀφικέσθαι πρὸς αὐτούς, καὶ personne, excepté les
τῆς τελετῆς μετασχόντα initiés, ne doit en entendre
γῆμαι τὴν ἀδελφὴν τοῦ parler. Iasion paraît le
Ἰασίωνος Ἁρμονίαν, οὐ premier y avoir admis des
καθάπερ Ἕλληνες étrangers, ce qui rendit ces
μυθολογοῦσι, τὴν Ἄρεος. mystères très célèbres. 51
[49] Τὸν δὲ γάμον Plus tard, Cadmus, fils
τοῦτον πρῶτον δαῖσαι d'Agénor, cherchant
θεούς, καὶ Δήμητραν μὲν Europe, arriva chez les
Ἰασίωνος ἐρασθεῖσαν τὸν Samothraces, fut initié, et
καρπὸν τοῦ σίτου épousa Harmonie, soeur
δωρήσασθαι, Ἑρμῆν δὲ d'Iasion, et non soeur de
λύραν, Ἀθηνᾶν δὲ τὸν Mars, comme le
διαβεβοημένον ὅρμον καὶ prétendent les
πέπλον καὶ αὐλούς, mythologues grecs.
Ἠλέκτραν δὲ τὰ τῆς μεγάλης XLIX. Ce fut le premier
καλουμένης μητρὸς τῶν festin de noces auquel les
θεῶν ἱερὰ μετὰ κυμβάλων dieux assistèrent. Cérès,
καὶ τυμπάνων καὶ τῶν éprise d'Iasion, apporta le
ὀργιαζόντων· καὶ Ἀπόλλωνα blé en présent de noces,
μὲν κιθαρίσαι, τὰς δὲ Mercure la lyre, Minerve
Μούσας αὐλῆσαι, τοὺς δ´ son fameux collier (132),
ἄλλους θεοὺς εὐφημοῦντας un voile et des flûtes ;
συναυξῆσαι τὸν γάμον. Μετὰ Electre (133) apporta les
δὲ ταῦτα τὸν μὲν Κάδμον instruments avec lesquels
κατὰ τὸν παραδεδομένον on célèbre les mystères de
χρησμὸν κτίσαι Θήβας τὰς la grande mère des dieux,
ἐν Βοιωτίᾳ φασί, τὸν δ´ les cymbales et les
Ἰασίωνα γήμαντα Κυβέλην tympanons des Orgies.
γεννῆσαι Κορύβαντα. Apollon joua de la lyre ; les
Ἰασίωνος δὲ εἰς θεοὺς Muses, de leurs flûtes, et
μεταστάντος, Δάρδανον καὶ les autres dieux ajoutèrent
Κυβέλην καὶ Κορύβαντα à la magnificence de ce
μετακομίσαι εἰς τὴν Ἀσίαν mariage par des
τὰ τῆς μητρὸς τῶν θεῶν acclamations de joie.
ἱερὰ καὶ συναπᾶραι εἰς Ensuite, Cadmus, selon
Φρυγίαν. Καὶ τὴν μὲν l'ordre d'un oracle, vint
Κυβέλην Ὀλύμπῳ τῷ πρώτῳ fonder Thèbes, en Béotie.
συνοικήσασαν γεννῆσαι Iasion épousa Cybèle et eu
Ἀλκήν, καὶ τὴν θεὰν Κυβέλην eut un fils nommé Corybas.
ἀφ´ ἑαυτῆς ὀνομάσαι· τὸν δὲ Après la réception d'Iasion
Κορύβαντα τοὺς ἐπὶ τοῖς τῆς au rang des dieux,
μητρὸς ἱεροῖς Dardanus, Cybèle et
ἐνθουσιάσαντας ἀφ´ ἑαυτοῦ Corybas apportant en Asie
Κορύβαντας προσαγορεῦσαι, le culte de la mère des
γῆμαι δὲ Θήβην τὴν Κίλικος dieux, vinrent aborder en
θυγατέρα. Ὁμοίως δὲ τοὺς Phrygie. Cybèle fut d'abord
αὐλοὺς εἰς Φρυγίαν ἐντεῦθεν mariée à Olympus, qui la
μετενεχθῆναι, καὶ τὴν λύραν rendit mère d'Alée, et elle
τὴν Ἑρμοῦ εἰς Λυρνησσόν, ἣν donna à cette déesse son
Ἀχιλλέα ὕστερον nom de Cybèle. Corybas,
ἐκπορθήσαντα λαβεῖν. Ἐξ de son côté, donna le sien
Ἰασίωνος δὲ καὶ Δήμητρος aux Corybantes, qui
Πλοῦτον γενέσθαι φασὶν οἱ célèbrent le culte de la
μῦθοι, τὸ δ´ ἀληθές, τὸν τοῦ Mère avec une sainte
σίτου πλοῦτον, δωρηθέντα fureur ; il épousa ensuite
ἐν τῷ τῆς Ἁρμονίας γάμῳ Thébé, fille de Cilix. C'est
διὰ τὴν συνουσίαν τοῦ avec ce culte que les flûtes
Ἰασίωνος. Καὶ τὰ μὲν κατὰ (134) furent introduites en
μέρος τῆς τελετῆς ἐν Phrygie. La lyre de Mercure
ἀπορρήτοις τηρούμενα fut transportée dans la ville
μόνοις παραδίδοται τοῖς de Lyrnessus. Achille s'en
μυηθεῖσι· διαβεβόηται δ´ empara plus tard, au sac
τούτων τῶν θεῶν ἐπιφάνεια de cette ville (135). Les
καὶ παράδοξος ἐν τοῖς mythes disent que Plutus
κινδύνοις βοήθεια τοῖς fut fils d'Iasion et de
ἐπικαλεσαμένοις τῶν Cérès ; mais le vrai sens
μυηθέντων. Γίνεσθαι δέ φασι est que Cérès, par suite de
καὶ εὐσεβεστέρους καὶ sa liaison avec Iasion, lui
δικαιοτέρους καὶ κατὰ πᾶν avait donné, aux noces
βελτίονας ἑαυτῶν τοὺς τῶν d'Harmonie, le blé, source
μυστηρίων κοινωνήσαντας. des richesses (136). Mais
Διὸ καὶ τῶν ἀρχαίων ἡρώων les détails des cérémonies
τε καὶ ἡμιθέων τοὺς saintes, ou ne les révèle
ἐπιφανεστάτους qu'aux initiés. On
πεφιλοτιμῆσθαι μεταλαβεῖν préconise l'apparition de
τῆς τελετῆς· καὶ γὰρ Ἰάσονα ces dieux comme un
καὶ Διοσκόρους, ἔτι δ´ secours inattendu pour les
Ἡρακλέα καὶ Ὀρφέα, initiés qui les invoquent
μυηθέντας ἐπιτυχεῖν ἐν dans les périls. On dit que
ἁπάσαις ταῖς στρατείαις διὰ 52 ceux qui participent à
τὴν τῶν θεῶν τούτων ces mystères sont plus
ἐπιφάνειαν. pieux, plus justes et en
[50] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῆς tout meilleurs. C'est
Σαμοθρᾴκης διήλθομεν, pourquoi les plus célèbres
ἀκολούθως καὶ περὶ τῆς des anciens héros et des
Νάξου διέξιμεν. Αὕτη γὰρ demi-dieux furent jaloux
νῆσος τὸ μὲν πρῶτον de s'y faire initier. Iasion,
προσηγορεύετο Στρογγύλη, les Dioscures, Hercule et
ᾤκησαν δ´ αὐτὴν πρῶτοι Orphée, qui y étaient
Θρᾷκες διά τινας τοιαύτας initiés, ont réussi dans
αἰτίας. Μυθολογοῦνται toutes leurs entreprises,
Βορέου γενέσθαι παῖδες grâce à l'assistance des
Βούτης καὶ Λυκοῦργος οὐχ dieux (137).
ὁμομήτριοι· τὸν δὲ Βούτην L. L'histoire de
ὄντα νεώτερον ἐπιβουλεῦσαι Samothrace nous conduit
τἀδελφῷ, καὶ καταφανῆ naturellement à celle de
γενόμενον ἕτερον μὲν μηδὲν Naxos. Cette île, qui
παθεῖν ὑπὸ τοῦ Λυκούργου, s'appela d'abord Strongyle,
πρόσταγμα δὲ λαβεῖν ὅπως eut pour premiers
μετὰ τῶν habitants les Thraces, et
συνεπιβουλευσάντων λαβὼν voici à quelle occasion.
πλοῖα ζητῇ χώραν ἑτέραν εἰς Selon les mythologues,
κατοίκησιν. Διόπερ τὸν Borée eut pour fils
Βούτην μετὰ τῶν Lycurgue et Butès, de deux
συνεγκαλουμένων Θρᾳκῶν mères différentes. Butès,
ἐκπλεύσαντα καὶ διὰ τῶν le plus jeune, dressa des
Κυκλάδων νήσων embûches à son frère ;
κομιζόμενον κατασχεῖν τὴν mais la chose se découvrit,
Στρογγύλην νῆσον, καὶ ἐν et il ne reçut de son père
ταύτῃ κατοικοῦντα λῄζεσθαι d'autre punition que l'ordre
πολλοὺς τῶν παραπλεόντων. de s'embarquer avec ses
Σπανίζοντας δὲ γυναικῶν complices, et de chercher
περιπλέοντας ἁρπάζειν ἀπὸ un autre pays pour
τῆς χώρας γυναῖκας. Τῶν demeure. Butès, avec les
μὲν οὖν Κυκλάδων νήσων αἱ Thraces, ses complices, se
μὲν ὁλοσχερῶς ἔρημοι mit en mer, fit voile à
ὑπῆρχον, αἱ δ´ ὀλίγοις travers les Cyclades, et
οἰκούμεναι· διόπερ vint occuper l'île de
πορρωτέρω πλευσάντων Strongyle, où ils vécurent,
αὐτῶν, καὶ ἀπὸ μὲν τῆς lui et ses compagnons, des
Εὐβοίας ἀποκρουσθέντων, brigandages qu'ils
τῇ δὲ Θετταλίᾳ exerçaient sur beaucoup
προσενεχθέντων, οἱ περὶ τὸν de navigateurs. Mais
Βούτην ἀποβάντες ἐπὶ τὴν comme ils n'avaient point
χώραν περιέτυχον ταῖς de femmes, ils allèrent en
Διονύσου τροφοῖς περὶ τὸ enlever dans le pays du
καλούμενον Δρίος τῷ θεῷ voisinage Les Cyclades
ὀργιαζούσαις ἐν τῇ Φθιώτιδι étaient alors les unes
Ἀχαΐᾳ. Ὁρμησάντων δὲ τῶν entièrement désertes, les
περὶ τὸν Βούτην, αἱ μὲν autres peu habitées. Ils
ἄλλαι ῥίψασαι τὰ ἱερὰ εἰς tentèrent donc de plus
θάλατταν ἔφυγον, αἱ δ´ εἰς longues courses ;
ὄρος τὸ καλούμενον Δρίος· repoussés de l'Eubée, ils
Κορωνίδα δ´ ἁρπαγεῖσαν abordèrent en Thessalie.
συναναγκασθῆναι τῷ Βούτῃ Butès et ses compagnons
συνοικῆσαι. Ἐπὶ δὲ τῇ descendirent à terre et
ἁρπαγῇ καὶ τῇ ὕβρει rencontrèrent les nourrices
χαλεπῶς φέρουσαν de Bacchus qui célébraient
ἐπικαλέσασθαι τὸν Διόνυσον les Orgies près du mont 53
βοηθῆσαι αὐτῇ. Τὸν δὲ Drios (138), dans l'Achaïe
μανίαν ἐμβαλεῖν τῷ Βούτῃ, Phthiotide. La troupe de
καὶ διὰ τοῦτο παρακόψαντα Butès étant tombée sur
ῥῖψαι ἑαυτὸν εἴς τι φρέαρ ces femmes, les unes
καὶ τελευτῆσαι. Οἱ δ´ ἄλλοι s'enfuirent en jetant à la
Θρᾷκες ἑτέρας τινὰς mer les apprêts des
γυναῖκας ἥρπασαν, sacrifices, et les autres se
ἐπιφανεστάτας δὲ τήν τε réfugièrent sur le mont
Ἀλωέως γυναῖκα Ἰφιμέδειαν Drios. Cependant une
καὶ τὴν θυγατέρα αὐτῆς d'elles, nommée Coronis,
Παγκράτιν· λαβόντες δ´ fut saisie et violée par
αὐτὰς ἀπέπλευσαν εἰς τὴν Butès. Pour être vengée de
Στρογγύλην. Οἱ δὲ Θρᾷκες cet affront, elle implora le
ἀντὶ τοῦ Βούτου κατέστησαν secours de Bacchus. Ce
βασιλέα τῆς νήσου dieu frappa Butès d'une
Ἀγασσαμενόν, καὶ τὴν frénésie qui fit qu'il se
Ἀλωέως θυγατέρα précipita dans un puits et
Παγκράτιν κάλλει mourut. Cependant, les
διαφέρουσαν συνῴκισαν Thraces enlevèrent
αὐτῷ· πρὸ γὰρ τῆς τούτου quelques autres femmes,
αἱρέσεως οἱ ἐπιφανέστατοι dont les plus distinguées
τῶν ἡγεμόνων Σικελὸς καὶ furent Iphimédée, femme
Ἑκήτορος ὑπὲρ τῆς d'Aloéus et sa fille
Παγκράτιδος ἐρίσαντες Pancratis, et ils
ἀλλήλους ἀνεῖλον. δὲ retournèrent avec leur
Ἀγασσαμενὸς ὕπαρχον ἕνα ploie à Strongyle. Là, ils
τῶν φίλων καταστήσας choisirent pour roi, à la
συνῴκισεν αὐτῷ τὴν place de Butès,
Ἰφιμέδειαν. Agassaménus, et lui
donnèrent pour femme la
belle Pancratis, fille
d'Aloéus. Avant cette
élection, les chefs les plus
illustres, Sicélus et
Hécétor, s'étaient tués l'un
l'autre, en se disputant
cette princesse. Quant à
Iphimédée, Agassaménus
la lit épouser à un de ses
amis qu'il avait nommé son
lieutenant.

[51] δ´ Ἀλωεὺς ἐπὶ LI. Cependant, Aloéus


ζήτησιν τῆς τε γυναικὸς καὶ envoya ses fils, Otus et
τῆς θυγατρὸς ἐξέπεμψε τοὺς Ephialte, à la recherche de
υἱοὺς Ὦτον καὶ Ἐφιάλτην· οἳ sa femme et de sa fille. Ils
πλεύσαντες εἰς τὴν abordèrent dans Strongyle,
Στρογγύλην μάχῃ τε vainquirent les Thraces et
ἐνίκησαν τοὺς Θρᾷκας καὶ prirent leur ville d'assaut.
τὴν πόλιν ἐξεπολιόρκησαν. Pancratis mourut quelque
Εἶτα μὲν Παγκράτις temps après ; Otus et
ἐτελεύτησεν, οἱ δὲ περὶ τὸν Ephialte entreprirent de
Ὦτον καὶ Ἐφιάλτην s'établir dans l'île, et de
ἐπεβάλοντο κατοικεῖν ἐν τῇ régner sur les Thraces. Ils
νήσῳ καὶ ἄρχειν τῶν changèrent alors le nom de
Θρᾳκῶν· μετωνόμασαν δὲ Strongyle en celui de Dia
καὶ τὴν νῆσον Δίαν. (139). A la suite des
Ὕστερον δὲ στασιάσαντες dissensions qui s'étaient
πρὸς ἀλλήλους καὶ μάχην élevées entre eux, Otus et
συνάψαντες τῶν τε ἄλλων Ephialte se livrèrent une
πολλοὺς ἀπέκτειναν καὶ bataille, et, après avoir
ἀλλήλους ἀνεῖλον, ὑπὸ δὲ perdu beaucoup de
τῶν ἐγχωρίων εἰς τὸν λοιπὸν monde, ils se tuèrent l'un
χρόνον ὡς ἥρωες l'autre ; ils furent par la
ἐτιμήθησαν. Οἱ μὲν οὖν suite honorés par les
Θρᾷκες ἐνταῦθα habitants comme des
κατοικήσαντες ἔτη πλείω héros. Les Thraces avaient
τῶν διακοσίων ἐξέπεσον occupé cette île plus de
αὐχμῶν γενομένων ἐκ τῆς deux cents ans, lorsqu'une
νήσου. Μετὰ δὲ ταῦτα Κᾶρες grande sécheresse la leur
ἐκ τῆς νῦν καλουμένης fit quitter. Les Cariens,
Λατμίας μεταναστάντες émigrés du pays qu'on
ᾤκησαν τὴν νῆσον· ὧν appelle aujourd'hui Lamie,
βασιλεύσας Νάξος vinrent habiter l'île de Dia ;
Πολέμωνος ἀντὶ Δίας Νάξον leur roi Naxius, fils de
ἀφ´ ἑαυτοῦ προσηγόρευσεν. Polémon, changea le none
Ἐγένετο δ´ ἀνὴρ ἀγαθὸς καὶ de Dia en celui de Naxos,
ἐπιφανὴς Νάξος, καὶ tiré du sien. Naxius,
ἀπέλιπεν υἱὸν Λεύκιππον· οὗ homme vertueux et
γενόμενος υἱὸς Σμέρδιος célèbre, laissa un fils,
ἐβασίλευσε τῆς νήσου. Ἐπὶ Leucippe : le fils de celui-
δὲ τούτου Θησεὺς ἐκ Κρήτης ci, nommé Smerdius,
ἀναπλέων μετὰ τῆς devint roi de l'île. C'est
Ἀριάδνης ἐπεξενώθη τοῖς ἐν sous le règne de ce roi que
τῇ νήσῳ· καὶ κατὰ τὸν ὕπνον 54 Thésée vint de Crète à
ἰδὼν τὸν Διόνυσον Naxos avec Ariane, et qu'il
ἀπειλοῦντα αὐτῷ, εἰ μὴ fut reçu avec hospitalité
ἀπολείψει τὴν Ἀριάδνην par les insulaires. Et c'est
αὑτῷ, φοβηθεὶς κατέλιπε καὶ là que Thésée vit dans un
ἐξέπλευσε. Διόνυσος δὲ songe Bacchus lui
νυκτὸς ἀπήγαγε τὴν ordonner avec des
Ἀριάδνην εἰς τὸ ὄρος τὸ menaces de renoncer à
καλούμενον Δρίος· καὶ ἐν Ariane. Thésée
ἀρχῇ μὲν ἠφανίσθη θεός, l'abandonna et se
μετὰ δὲ ταῦτα καὶ Ἀριάδνη rembarqua. Bacchus
ἄφαντος ἐγενήθη. transporta Ariane
[52] Μυθολογοῦσι δὲ nuitamment sur le mont
Νάξιοι περὶ τοῦ θεοῦ τούτου, Drios. Le dieu disparut
φάσκοντες παρ´ αὐτοῖς aussitôt, et Ariane n'a plus
τραφῆναι {τὸν θεόν}, καὶ été vue depuis.
διὰ τοῦτο τὴν νῆσον αὐτῷ LII. D'après leurs
γεγονέναι προσφιλεστάτην traditions, les Naxiens
καὶ ὑπό τινων Διονυσιάδα prétendent que Bacchus a
καλεῖσθαι. Τὸν γὰρ Δία κατὰ été élevé chez eux, que
τὸν παραδεδομένον μῦθον, leur île lui a toujours été
τότε κεραυνωθείσης très chère, et qu'elle est
Σεμέλης πρὸ τοῦ τεκεῖν, τὸ appelée par quelques-uns
βρέφος λαβόντα καὶ Dionysias. Ils racontent
ἐρράψαντα εἰς τὸν μηρόν, que Sémélé ayant été
ὡς τέλειος τῆς γενέσεως frappée par la foudre avant
χρόνος ἦλθε, βουλόμενον le terme de sa grossesse,
λαθεῖν τὴν Ἥραν, ἐξελεῖν τὸ Jupiter prit le foetus et le
βρέφος ἐν τῇ νῦν Νάξῳ, καὶ cousit (140) dans sa cuisse
δοῦναι τρέφειν ταῖς ; que le terme de la
ἐγχωρίοις Νύμφαις Φιλίᾳ καὶ naissance étant arrivé, il
Κορωνίδι καὶ Κλείδῃ· déposa cet enfant à Naxos
κεραυνῶσαι δὲ τὴν Σεμέλην pour le cacher à Junon, et
πρὸ τοῦ τεκεῖν, ὅπως μὴ ἐκ qu'il le donna à nourrir à
θνητῆς, ἀλλ´ ἐκ δυεῖν trois nymphes de cette île,
ἀθανάτων ὑπάρξας εὐθὺς ἐκ Philia, Coronis et Cléis. Ils
γενετῆς ἀθάνατος ᾖ. Διὰ δὲ ajoutent que Jupiter frappa
τὴν εἰς τὸν Διόνυσον Sémélé par la foudre avant
εὐεργεσίαν ἐν τῇ τροφῇ τὰς son accouchement, afin
χάριτας ἀπολαβεῖν τοὺς que l'enfant né de deux
ἐγχωρίους· ἐπιδοῦναι γὰρ immortels reçût
τὴν νῆσον εἰς εὐδαιμονίαν, l'immortalité dès sa
καὶ ναυτικάς τε δυνάμεις naissance. Les Naxiens
ἀξιολόγους συστήσασθαι καὶ furent, selon la même
ἀπὸ Ξέρξου πρώτους tradition, récompensés de
ἀποστάντας ἀπὸ τοῦ l'éducation qu'ils avaient
ναυτικοῦ donnée à Bacchus. En
συγκαταναυμαχῆσαι τὸν effet, leur île a joui de la
βάρβαρον, καὶ τῆς ἐν prospérité ; ils ont mis sur
Πλαταιαῖς παρατάξεως οὐκ pied de grandes forces
ἀσήμως μετασχεῖν. Εἶναι δὲ maritimes. Ce furent eux
καὶ περὶ τὴν τοῦ οἴνου qui les premiers se
ἰδιότητα διάφορόν τι παρ´ détachèrent de l'alliance
αὐτοῖς καὶ μηνῦον τὴν τοῦ de Xerxès ; ils
θεοῦ πρὸς τὴν νῆσον contribuèrent par un
οἰκειότητα. combat naval à la défaite
[53] Τὴν δὲ νῆσον τὴν du Barbare, et se
Σύμην ὀνομαζομένην, τὸ distinguèrent à la bataille
παλαιὸν ἔρημον οὖσαν, de Platée (141). Enfin le
πρῶτοι κατῴκησαν οἱ μετὰ vin de Naxos est
Τρίοπος ἀφικόμενοι, ὧν d'excellente qualité, ce qui
ἡγεῖτο Χθόνιος Ποσειδῶνος est encore un indice de
καὶ Σύμης, ἀφ´ ἧς νῆσος l'affection de Bacchus pour
ἔτυχε ταύτης τῆς cette île.
προσηγορίας. Ὕστερον δ´ LIII. L'île de Syme
αὐτῆς ἐβασίλευσε Νιρεὺς (142), autrefois déserte,
Χαρόπου καὶ Ἀγλαΐας, κάλλει eut pour premiers
διαφέρων, ὃς καὶ ἐπὶ Τροίαν habitants les compagnons
μετ´ Ἀγαμέμνονος de Triops ; ils y arrivèrent
ἐστράτευσε, τῆς τε νήσου sous la conduite de
δυναστεύων καὶ τῆς Κνιδίας Chthonius, fils de Neptune
μέρους κυριεύων. Μετὰ δὲ et de Syme, de laquelle 55
τοὺς Τρωικοὺς χρόνους l'île a tiré son nom. Plus
κατέσχον τὴν νῆσον Κᾶρες, tard, le beau Nirée, fils de
καθ´ ὃν καιρὸν Charopus et d'Aglaïa,
ἐθαλαττοκράτουν. Ὕστερον devint roi de cette île ; il
δ´ αὐχμῶν γενομένων fut aussi maître d'une
ἔφυγον ἐκ τῆς νήσου, καὶ partie de la Cnidie ; ce fut
κατῴκησαν τὸ καλούμενον lui qui accompagna
Οὐράνιον. δὲ Σύμη Agamemnon à la guerre de
διέμεινεν ἔρημος, ἕως Troie. Après cette guerre,
στόλος Λακεδαιμονίων καὶ les Cariens occupèrent l'île
Ἀργείων παρέβαλεν εἰς de Syme, à l'époque où ils
τούτους τοὺς τόπους· ἔπειτα étaient maîtres de la mer.
κατῳκίσθη πάλιν τόνδε τὸν La sécheresse la leur ayant
τρόπον. Τῶν μετὰ Ἱππότου fait depuis abandonner, ils
τις μετασχὼν τῆς ἀποικίας, se retirèrent dans un lieu
ὄνομα Ναῦσος, ἀναλαβὼν nominé Uranium, et Syme
τοὺς καθυστερήσαντας τῆς demeura déserte jusqu'à
κληροδοσίας, ἔρημον οὖσαν ce qu'une flotte de
τὴν Σύμην κατῴκησε καί Lacédémoniens et
τισιν ἑτέροις ὕστερον d'Agriens aborda dans ce
καταπλεύσασιν, ὧν ἦν pays. Voici comment elle
Ξοῦθος ἡγεμών, μεταδοὺς fut plus tard repeuplée :
τῆς πολιτείας καὶ χώρας Nausus, l'un de ceux qui
κοινῇ τὴν νῆσον κατῴκησε. faisaient partie de la
Φασὶ δὲ τῆς ἀποικίας ταύτης colonie d'Hippotès,
μετασχεῖν τούς τε Κνιδίους rassembla ceux qui étaient
καὶ Ῥοδίους. arrivés trop tard pour
[54] Κάλυδναν δὲ καὶ participer à la distribution
Νίσυρον τὸ μὲν ἀρχαῖον des terres, et alla avec eux
Κᾶρες κατῴκησαν, μετὰ δὲ s'établir dans l'île déserte
ταῦτα Θετταλὸς de Syme. Quelque temps
Ἡρακλέους ἀμφοτέρας τὰς après, d'autres colons y
νήσους κατεκτήσατο. Διόπερ arrivèrent sous la conduite
Ἄντιφός τε καὶ Φείδιππος οἱ de Xuthus ; Nausus les
Κῴων βασιλεῖς admit aux droits de cité et
στρατεύοντες εἰς Ἴλιον au partage du territoire, et
ἦρχον τῶν πλεόντων ἐκ τῶν l'île fut ainsi repeuplée. On
προειρημένων νήσων. Κατὰ dit que les Cnidiens et des
δὲ τὸν ἐκ Τροίας ἀπόπλουν Rhodiens tirent partie de
τέτταρες τῶν Ἀγαμέμνονος cette colonie.
νεῶν ἐξέπεσον περὶ LIV. Les îles de
Κάλυδναν, καὶ τοῖς Calydna et de Nisyros
ἐγχωρίοις καταμιγέντες (143) ont été
κατῴκησαν. Οἱ δὲ τὴν primitivement habitées par
Νίσυρον τὸ παλαιὸν des Cariens. Dans la suite,
οἰκήσαντες ὑπὸ σεισμῶν Thessalus, fils d'Hercule,
διεφθάρησαν· ὕστερον δὲ conquit l'une et l'autre.
Κῷοι, καθάπερ τὴν C'est pourquoi Antiphus et
Κάλυδναν, ταύτην Phidippe, rois de Cos, se
κατῴκησαν· μετὰ δὲ ταῦτα trouvèrent, pendant la
φθορᾶς ἀνθρώπων ἐν τῇ guerre de Troie, à la tête
νήσῳ γενομένης οἱ Ῥόδιοι des troupes fournies par
ἐποίκους εἰς αὐτὴν ces îles (144). Au retour de
ἀπέστειλαν. Τὴν δὲ Troie, quatre des
Κάρπαθον πρῶτοι μὲν vaisseaux d'Agamemnon
ᾤκησαν τῶν μετὰ Μίνω furent jetés à Calydna, et
τινὲς συστρατευσαμένων, l'équipage, mêlé aux
καθ´ ὃν χρόνον habitants, s'établit dans
ἐθαλαττοκράτησε πρῶτος l'île. Les anciens habitants
τῶν Ἑλλήνων· ὕστερον δὲ de Nisyros avaient péri par
πολλαῖς γενεαῖς Ἴοκλος des tremblements de
Δημολέοντος, Ἀργεῖος ὢν τὸ terre ; elle fut plus tard,
γένος, κατά τι λόγιον ainsi que Calydna,
ἀποικίαν ἀπέστειλεν εἰς τὴν repeuplée par des
Κάρπαθον. habitants de Cos. Cette
[55] Τὴν δὲ νῆσον τὴν population ayant été, par
ὀνομαζομένην Ῥόδον πρῶτοι la suite, à son tour détruite
κατῴκησαν οἱ (145), elle fut régénérée
προσαγορευόμενοι Τελχῖνες· par une colonie de
οὗτοι δ´ ἦσαν υἱοὶ μὲν Rhodiens. L'île de
Θαλάττης, ὡς μῦθος Carpathos eut pour
παραδέδωκε, μυθολογοῦνται premiers habitants
δὲ μετὰ Καφείρας τῆς quelques compagnons de
Ὠκεανοῦ θυγατρὸς ἐκθρέψαι Minos, à l'époque où ce roi
Ποσειδῶνα, Ῥέας αὐτοῖς eut, le premier parmi les
παρακαταθεμένης τὸ Grecs, l'empire de la mer ;
βρέφος. Γενέσθαι δ´ αὐτοὺς et, plusieurs générations 56
καὶ τεχνῶν τινων εὑρετὰς après lui, Iolcos, fils de
καὶ ἄλλων τῶν χρησίμων εἰς Démoléon, Argien
τὸν βίον τῶν ἀνθρώπων d'origine, envoya, d'après
εἰσηγητάς. Ἀγάλματά τε l'ordre d'un oracle, une
θεῶν πρῶτοι κατασκευάσαι colonie à Carpathos.
λέγονται, καί τινα τῶν LV. L'île de Rhodes eut
ἀρχαίων ἀφιδρυμάτων ἀπ´ pour premiers habitants les
ἐκείνων ἐπωνομάσθαι· παρὰ Telchines. Selon la
μὲν γὰρ Λινδίοις Ἀπόλλωνα tradition mythologique, ils
Τελχίνιον προσαγορευθῆναι, étaient fils de la Mer, et
παρὰ δὲ Ἰαλυσίοις Ἥραν καὶ furent, avec Caphira, fille
Νύμφας Τελχινίας, παρὰ δὲ de l'Océan, chargés
Καμειρεῦσιν Ἥραν Τελχινίαν. d'élever Neptune qu'au
Λέγονται δ´ οὗτοι καὶ moment de sa naissance
γόητες γεγονέναι καὶ Rhéa leur avait confié. Ils
παράγειν ὅτε βούλοιντο ont inventé plusieurs arts
νέφη τε καὶ ὄμβρους καὶ et fait connaître quelques
χαλάζας, ὁμοίως δὲ καὶ autres découvertes utiles
χιόνα ἐφέλκεσθαι· ταῦτα δὲ aux hommes. Ils passent
καθάπερ καὶ τοὺς μάγους pour avoir les premiers
ποιεῖν ἱστοροῦσιν. fabriqué des statues de
Ἀλλάττεσθαι δὲ καὶ τὰς dieux : et, en effet,
ἰδίας μορφάς, καὶ εἶναι quelques anciennes
φθονεροὺς ἐν τῇ διδασκαλίᾳ statues portent leur nom.
τῶν τεχνῶν. Ποσειδῶνα δὲ Ainsi, il y a chez les
ἀνδρωθέντα ἐρασθῆναι Lindiens un Apollon
Ἁλίας τῆς τῶν Τελχίνων telchinien, chez les
ἀδελφῆς, καὶ μιχθέντα Jalysiens une Junon et des
{ταύτῃ} γεννῆσαι παῖδας ἓξ nymphes telchiniennes, et
μὲν ἄρρενας, μίαν δὲ une autre Junon de même
θυγατέρα Ῥόδον, ἀφ´ ἧς τὴν nom chez les Camiriens
νῆσον ὀνομασθῆναι. (146). Les Telchiniens
Γενέσθαι δὲ κατὰ τὸν καιρὸν passaient aussi pour des
τοῦτον ἐν τοῖς πρὸς ἕω enchanteurs : on dit qu'ils
μέρεσι τῆς νήσου τοὺς avaient le pouvoir
κληθέντας γίγαντας· ὅτε δὴ d'amener les nuages,
καὶ Ζεὺς λέγεται d'attirer la pluie, la grêle et
καταπεπολεμηκὼς Τιτᾶνας la neige. Ils faisaient des
ἐρασθῆναι μιᾶς τῶν νυμφῶν prodiges comme les
Ἱμαλίας ὀνομαζομένης, καὶ magiciens. Ils changeaient
τρεῖς ἐξ αὐτῆς τεκνῶσαι de forme à leur gré, et
παῖδας, Σπαρταῖον, Κρόνιον, faisaient un secret de leurs
Κύτον. Κατὰ δὲ τὴν τούτων arts (147). Neptune,
ἡλικίαν φασὶν Ἀφροδίτην ἐκ parvenu à l'âge viril, aima
Κυθήρων κομιζομένην εἰς Halia, soeur des Telchines ;
Κύπρον καὶ προσορμιζομένην il en eut six fils et une fille
τῇ νήσῳ κωλυθῆναι ὑπὸ τῶν nommée Rhodes qui donna
Ποσειδῶνος υἱῶν, ὄντων son nom à l'île. A cette
ὑπερηφάνων καὶ ὑβριστῶν· époque naquirent les
τῆς δὲ θεοῦ διὰ τὴν ὀργὴν Géants, dans la partie
ἐμβαλούσης αὐτοῖς μανίαν, orientale. Après avoir
μιγῆναι αὐτοὺς βίᾳ τῇ μητρὶ vaincu les Titans, Jupiter
καὶ πολλὰ κακὰ δρᾶν τοὺς aima une nymphe,
ἐγχωρίους. Ποσειδῶνα δὲ τὸ nommée Himalia, et en eut
γεγονὸς αἰσθόμενον τοὺς trois fils, Spartée, Cronius
υἱοὺς κρύψαι κατὰ γῆς διὰ et Cytus. Dans le temps où
τὴν πεπραγμένην αἰσχύνην, ceux-ci étaient encore
οὓς κληθῆναι προσηῴους jeunes, Vénus, venant de
δαίμονας· Ἁλίαν δὲ ῥίψασαν Cythère dans l'île de
ἑαυτὴν εἰς τὴν θάλατταν Cypre, voulut aborder à
Λευκοθέαν ὀνομασθῆναι καὶ Rhodes ; mais les insolents
τιμῆς ἀθανάτου τυχεῖν παρὰ fils de Neptune l'en
τοῖς ἐγχωρίοις. empêchèrent ; la déesse,
[56] Xρόνῳ δ´ ὕστερον irritée, les jeta dans une
προαισθομένους τοὺς frénésie, pendant laquelle
Τελχῖνας τὸν μέλλοντα ils violèrent leur propre
γίνεσθαι κατακλυσμὸν mère et maltraitèrent les
ἐκλιπεῖν τὴν νῆσον καὶ habitants. Apprenant leurs
διασπαρῆναι. Λύκον δ´ ἐκ crimes, Neptune, pour
τούτων παραγενόμενον εἰς cacher sa honte, enferma
τὴν Λυκίαν Ἀπόλλωνος ses fils dans le sein de la
Λυκίου ἱερὸν ἱδρύσασθαι terre, où on leur donna
παρὰ τὸν Ξάνθον ποταμόν. depuis le nom de démons
Τοῦ δὲ κατακλυσμοῦ de l'Orient. Halia, leur
γενομένου τοὺς μὲν ἄλλους mère, 57 se précipita dans
διαφθαρῆναι, τῆς δὲ νήσου l'Océan, fut appelée
διὰ τὴν ἐπομβρίαν Leucothée et reçut des
ἐπιπολασάντων τῶν ὑγρῶν habitants les honneurs
λιμνάσαι τοὺς ἐπιπέδους divins.
τόπους, ὀλίγους δ´ εἰς τὰ LVI. Dans la suite des
μετέωρα τῆς νήσου temps, les Telchines,
συμφυγόντας διασωθῆναι· ἐν prévoyant un déluge,
οἷς ὑπάρχειν καὶ τοὺς Διὸς quittèrent l'île et se
παῖδας. Ἥλιον δὲ κατὰ μὲν dispersèrent. L'un d'eux,
τὸν μῦθον ἐρασθέντα τῆς Lycus, vint en Lycie : il
Ῥόδου τήν τε νῆσον ἀπ´ construisit, aux bords du
αὐτῆς ὀνομάσαι Ῥόδον καὶ fleuve Xanthus, le temple
τὸ ἐπιπολάζον ὕδωρ d'Apollon Lycien. Les
ἀφανίσαι· δ´ ἀληθὴς λόγος autres périrent au moment
ὅτι κατὰ τὴν ἐξ ἀρχῆς du déluge, dont les eaux
σύστασιν τῆς νήσου couvraient toutes les
πηλώδους οὔσης ἔτι καὶ campagnes de l'île.
μαλακῆς, τὸν ἥλιον Quelques-uns cependant
ἀναξηράναντα τὴν πολλὴν parvinrent à se sauver sur
ὑγρότητα ζωογονῆσαι τὴν les montagnes, et, entre
γῆν, καὶ γενέσθαι τοὺς autres, les fils de Jupiter.
κληθέντας ἀπ´ αὐτοῦ Enfin Hélius, épris de
Ἡλιάδας, ἑπτὰ τὸν ἀριθμόν, Rhodes, dessécha l'île et
καὶ {τοὺς} ἄλλους ὁμοίως lui donna le nom de celle
λαοὺς αὐτόχθονας. qu'il aimait. Le vrai sens de
Ἀκολούθως δὲ τούτοις ce mythe est que le terrain
νομισθῆναι τὴν νῆσον ἱερὰν de l'île avant été
Ἡλίου καὶ τοὺς μετὰ ταῦτα primitivement
γενομένους Ῥοδίους marécageux, le Soleil
διατελέσαι περιττότερον (Hélius) le dessécha en
τῶν ἄλλων θεῶν τιμῶντας grande partie, et rendit la
τὸν Ἥλιον ὡς ἀρχηγὸν τοῦ terre si féconde qu'il en
γένους αὐτῶν. Εἶναι δὲ τοὺς sortit les Héliades au
ἑπτὰ υἱοὺς Ὄχιμον, nombre de sept, et les
Κέρκαφον, Μάκαρα, Ἀκτῖνα, autres peuples
Τενάγην, Τριόπαν, Κάνδαλον, autochthones. C'est
θυγατέρα δὲ μίαν, pourquoi l'île de Rhodes a
Ἠλεκτρυώνην, ἣν ἔτι été consacrée au Soleil, et
παρθένον οὖσαν μεταλλάξαι ses habitants vénèrent
τὸν βίον καὶ τιμῶν τυχεῖν plus que les autres dieux
παρὰ Ῥοδίοις ἡρωικῶν. Hélius, qu'ils considèrent
Ἀνδρωθεῖσι δὲ τοῖς Ἡλιάδαις comme l'auteur de leur
εἰπεῖν τὸν Ἥλιον, ὅτι οἵτινες race. Les sept fils d'Hélius
ἂν Ἀθηνᾷ θύσωσι πρῶτοι, furent Ochimus,
παρ´ ἑαυτοῖς ἕξουσι τὴν Cercaphus, Macar, Actis,
θεόν· τὸ δ´ αὐτὸ λέγεται Ténagès, Triopas et
διασαφῆσαι τοῖς τὴν Ἀττικὴν Candalus. Hélius n'eut
κατοικοῦσι. Διὸ καί φασι qu'une seule fille, nommée
τοὺς μὲν Ἡλιάδας διὰ τὴν Electryone, qui mourut
σπουδὴν ἐπιλαθομένους vierge et reçut des
ἐνεγκεῖν πῦρ ἐπιθεῖναι τὰ Rhodiens les honneurs
θύματα, τὸν δὲ τότε héroïques. Lorsque les
βασιλεύοντα τῶν Ἀθηναίων Héliades eurent atteint
Κέκροπα ἐπὶ τοῦ πυρὸς θῦσαι l'âge viril, Hélius leur prédit
ὕστερον. Διόπερ φασὶ que Minerve habiterait
διαμένειν μέχρι τοῦ νῦν τὸ parmi ceux qui les
κατὰ τὴν θυσίαν ἴδιον ἐν τῇ premiers lui offriraient des
Ῥόδῳ, καὶ τὴν θεὸν ἐν αὐτῇ sacrifices, et il fit la même
καθιδρῦσθαι. Περὶ μὲν οὖν prédiction aux habitants de
τῶν ἀρχαιολογουμένων l'Attique ; les Héliades
παρὰ Ῥοδίοις οὕτω τινὲς oublièrent, dans leur
μυθολογοῦσιν· ἐν οἷς ἐστι précipitation, d'apporter
καὶ Ζήνων τὰ περὶ ταύτης d'abord le feu et d'y mettre
συνταξάμενος. ensuite la victime ; au lieu
[57] Οἱ δ´ Ἡλιάδαι que Cécrops, roi des
διάφοροι γενηθέντες τῶν Athéniens, plaça la victime
ἄλλων ἐν παιδείᾳ διήνεγκαν sur le feu qu'il avait
καὶ μάλιστ´ ἐν ἀστρολογίᾳ. d'abord apporté, et
Εἰσηγήσαντο δὲ καὶ περὶ τῆς accomplit le sacrifice.
ναυτιλίας πολλὰ καὶ τὰ περὶ Aussi conserve-t-on, à ce
τὰς ὥρας διέταξαν. que l'on dit, encore
Εὐφυέστατος δὲ γενόμενος aujourd'hui à Rhodes
Τενάγης ὑπὸ τῶν ἀδελφῶν quelques rites particuliers
διὰ φθόνον ἀνῃρέθη· dans les sacrifices ; et on y
γνωσθείσης δὲ τῆς trouve la statue de la
ἐπιβουλῆς οἱ μετασχόντες déesse. Voilà ce que
τοῦ φόνου πάντες ἔφυγον. quelques-uns, et
Τούτων δὲ Μάκαρ μὲν εἰς particulièrement Zénon
Λέσβον ἀφίκετο, Κάνδαλος (148), l'historien de
δὲ εἰς τὴν Κῶ· Ἀκτὶς δ´ εἰς Rhodes, rapportent des
Αἴγυπτον ἀπάρας ἔκτισε τὴν anciennes traditions des
Ἡλιούπολιν ὀνομαζομένην, Rhodiens.
ἀπὸ τοῦ πατρὸς θέμενος τὴν LVII. Les Héliades se
προσηγορίαν· οἱ δ´ Αἰγύπτιοι distinguèrent des autres
ἔμαθον παρ´ αὐτοῦ τὰ περὶ hommes 58 par leur
τὴν ἀστρολογίαν instruction et surtout par
θεωρήματα. Ὕστερον δὲ leurs connaissances en
παρὰ τοῖς Ἕλλησι γενομένου astrologie. Ils tirent
κατακλυσμοῦ, καὶ διὰ τὴν plusieurs découvertes
ἐπομβρίαν τῶν πλείστων utiles à la navigation et
ἀνθρώπων ἀπολομένων, réglèrent ce qui concerne
ὁμοίως τούτοις καὶ τὰ διὰ les saisons. Ténagès, qui
τῶν γραμμάτων ὑπομνήματα avait le plus de talent
συνέβη φθαρῆναι· δι´ ἣν naturel, périt par la
αἰτίαν οἱ Αἰγύπτιοι καιρὸν jalousie de ses frères. Le
εὔθετον λαβόντες crime ayant été découvert,
ἐξιδιοποιήσαντο τὰ περὶ τῆς tous les coupables prirent
ἀστρολογίας, καὶ τῶν la fuite. Macar se retira à
Ἑλλήνων διὰ τὴν ἄγνοιαν Lesbos, et Candalus à Cos.
μηκέτι τῶν γραμμάτων Astis aborda en Egypte, et
ἀντιποιουμένων ἐνίσχυσεν, fonda la ville à laquelle il
ὡς αὐτοὶ πρῶτοι τὴν τῶν donna le nom d'Héliopolis
ἄστρων εὕρεσιν ἐποιήσαντο. (149). Les Egyptiens
Ὁμοίως δὲ καὶ Ἀθηναῖοι apprirent de lui les
κτίσαντες ἐν Αἰγύπτῳ πόλιν théorèmes de l'astronomie.
τὴν ὀνομαζομένην Σάιν, τῆς Ensuite, arriva en Grèce un
ὁμοίας ἔτυχον ἀγνοίας διὰ déluge qui fit périr, par une
τὸν κατακλυσμόν. Δι´ ἃς inondation, la plupart des
αἰτίας πολλαῖς ὕστερον hommes, ainsi que leurs
γενεαῖς Κάδμος Ἀγήνορος monuments littéraires. Les
ἐκ τῆς Φοινίκης πρῶτος Egyptiens, profitant de
ὑπελήφθη κομίσαι γράμματα cette circonstance, se sont
εἰς τὴν Ἑλλάδα· καὶ ἀπ´ approprié les
ἐκείνου τὸ λοιπὸν οἱ connaissances
Ἕλληνες ἔδοξαν ἀεί τι astronomiques, et les
προσευρίσκειν περὶ τῶν Grecs, dans l'ignorance
γραμμάτων, κοινῆς τινος des lettres, ne trouvant
ἀγνοίας κατεχούσης τοὺς rien à leur opposer,
Ἕλληνας. Τριόπας δὲ l'opinion prévalut que les
πλεύσας εἰς τὴν Καρίαν Egyptiens avaient les
κατέσχεν ἀκρωτήριον τὸ ἀπ´ premiers observé le cours
ἐκείνου Τριόπιον κληθέν. Οἱ des astres. Les Athéniens,
δὲ λοιποὶ τοῦ Ἡλίου παῖδες quoiqu'ils eussent fondé en
διὰ τὸ μὴ μετασχεῖν τοῦ Egypte la ville de Saïs,
φόνου κατέμειναν ἐν τῇ restèrent dans la même
Ῥόδῳ, καὶ κατῴκησαν ἐν τῇ ignorance à cause du
Ἰαλυσίᾳ κτίσαντες πόλιν déluge. Par suite de ces
Ἀχαΐαν. Ὧν πρεσβύτερος souvenirs effacés, on
Ὄχιμος βασιλεύων ἔγημε regarda, plusieurs
μίαν τῶν ἐγχωρίων Νυμφῶν générations après,
Ἡγητορίαν, ἐξ ἧς ἐγέννησε Cadmus, fils d'Agéuor,
θυγατέρα Κυδίππην τὴν μετὰ comme ayant le premier
ταῦτα Κυρβίαν apporté les lettres de la
μετονομασθεῖσαν· ἣν γήμας Phénicie en Grèce ; et les
Κέρκαφος ἀδελφὸς Grecs, en raison de leur
διεδέξατο τὴν βασιλείαν. ignorance, ne passèrent
Μετὰ δὲ τὴν τούτου que pour avoir, par la
τελευτὴν διεδέξαντο τὴν suite, ajouté à ces lettres
ἀρχὴν υἱοὶ τρεῖς, Λίνδος, quelques
Ἰάλυσος, Κάμειρος· ἐπὶ δὲ perfectionnements. Triopas
τούτων γενομένης μεγάλης aborda dans la Carie et
πλημυρίδος, ἐπικλυσθεῖσα vint occuper le
Κύρβη ἔρημος ἐγένετο, promontoire appelé,
αὐτοὶ δὲ διείλοντο τὴν d'après lui, Triopium (150).
χώραν, καὶ ἕκαστος ἑαυτοῦ Quant aux autres fils
πόλιν ὁμώνυμον ἔκτισε. d'Hélius qui n'avaient point
[58] Κατὰ δὲ τούτους trempé dans le meurtre de
τοὺς χρόνους Δαναὸς ἔφυγεν leur frère, ils demeurèrent
ἐξ Αἰγύπτου μετὰ τῶν à Rhodes et construisirent
θυγατέρων· καταπλεύσας δὲ la ville d'Achaïa, dans la
τῆς Ῥοδίας εἰς Λίνδον καὶ Jalysie, où ils étaient
προσδεχθεὶς ὑπὸ τῶν établis. L'aîné, Ochimus,
ἐγχωρίων, ἱδρύσατο τῆς roi de l'île, épousa
Ἀθηνᾶς ἱερὸν καὶ τὸ ἄγαλμα Hégétorie, une des
τῆς θεοῦ καθιέρωσε. Τῶν δὲ nymphes du pays. Il en eut
τοῦ Δαναοῦ θυγατέρων pour fille Cydippe, qui
τρεῖς ἐτελεύτησαν κατὰ τὴν changea ensuite sou nom
ἐπιδημίαν τὴν ἐν τῇ Λίνδῳ, en celui de Cyrbé.
αἱ δ´ ἄλλαι μετὰ τοῦ πατρὸς Cercaphus l'épousa et
Δαναοῦ εἰς Ἄργος succéda à la couronne de
ἐξέπλευσαν. Μικρὸν δ´ son frère ; après sa mort,
ὕστερον τούτων τῶν χρόνων Cercaphus eut pour
Κάδμος Ἀγήνορος, successeurs ses trois fils
ἀπεσταλμένος ὑπὸ τοῦ Lyndus, Jalysus et Camirus.
βασιλέως κατὰ ζήτησιν τῆς Pendant leur règne, la mer
Εὐρώπης, κατέπλευσεν εἰς déborda et rendit déserte
τὴν Ῥοδίαν· κεχειμασμένος δ la ville de Cyrbé ; ils se
´ ἰσχυρῶς κατὰ τὸν πλοῦν partagèrent le territoire, et
καὶ πεποιημένος εὐχὰς chacun y fonda une ville de
ἱδρύσασθαι Ποσειδῶνος son nom.
ἱερόν, διασωθεὶς ἱδρύσατο LVIII. A cette même
κατὰ τὴν νῆσον τοῦ θεοῦ époque, Danaüs fuyait de
τούτου τέμενος καὶ τῶν l'Egypte avec ses filles. Il
Φοινίκων ἀπέλιπέ τινας τοὺς vint aborder à Lindus, dans
ἐπιμελησομένους. Οὗτοι δὲ l'île de Rhodes. Bien
καταμιγέντες Ἰαλυσίοις accueilli des habitants, il
διετέλεσαν éleva un temple à Minerve,
συμπολιτευόμενοι τούτοις· et consacra une statue à la
ἐξ ὧν φασι τοὺς ἱερεῖς κατὰ déesse. Des filles de
γένος διαδέχεσθαι τὰς Danaüs, trois moururent
ἱερωσύνας. δ´ οὖν Κάδμος pendant leur séjour à
καὶ τὴν Λινδίαν Ἀθηνᾶν Lindus ; les autres
ἐτίμησεν ἀναθήμασιν, ἐν οἷς débarquèrent avec leur
ἦν χαλκοῦς λέβης ἀξιόλογος père à Argos. Ce fut peu de
κατεσκευασμένος εἰς τὸν temps après que Cadmus,
ἀρχαῖον ῥυθμόν· οὗτος δ´ cherchant Europe, par
εἶχεν ἐπιγραφὴν Φοινικικοῖς ordre du roi Agénor, son
γράμμασιν, φασι πρῶτον ἐκ père, aborda à Rhodes.
Φοινίκης εἰς τὴν Ἑλλάδα Assailli, pendant la
κομισθῆναι. Μετὰ δὲ ταῦτα traversée, par une violente
τῆς Ῥοδίας γῆς ἀνείσης tempête, il avait fait voeu
ὄφεις ὑπερμεγέθεις συνέβη d'élever un temple à
πολλοὺς τῶν ἐγχωρίων ὑπὸ Neptune. Il construisit donc
τῶν ὄφεων διαφθαρῆναι· ce temple dans l'île de
διόπερ οἱ περιλειφθέντες Rhodes, et laissa quelques
ἔπεμψαν εἰς Δῆλον τοὺς Phéniciens pour le
ἐπερωτήσοντας τὸν θεὸν desservir. Ceux-ci se
περὶ τῆς τῶν κακῶν mêlèrent aux Jalysiens,
ἀπαλλαγῆς. Τοῦ δ´ partagèrent leurs droits de
Ἀπόλλωνος προστάξαντος cité ; c'est parmi eux que
αὐτοῖς παραλαβεῖν sont pris leurs successeurs
Φόρβαντα μετὰ τῶν au sacerdoce. Cadmus
συνακολουθούντων αὐτῷ, honora aussi par des
καὶ μετὰ τούτων κατοικεῖν offrandes la Minerve
τὴν Ῥόδον· οὗτος δ´ ἦν υἱὸς Lindienne ; parmi ces
μὲν Λαπίθου, διέτριβε δὲ offrandes se trouva un
περὶ Θετταλίαν μετὰ magnifique bassin d'airain
πλειόνων, ζητῶν χώραν εἰς fabriqué à la façon antique.
κατοίκησιν· τῶν δὲ Ῥοδίων Ce bassin portait une
μεταπεμψαμένων αὐτὸν inscription tracée en
κατὰ τὴν μαντείαν καὶ caractères phéniciens
μεταδόντων τῆς χώρας, qu'on dit avoir été
μὲν Φόρβας ἀνεῖλε τοὺς primitivement transportés
ὄφεις, καὶ τὴν νῆσον de la Phénicie en Grèce. La
ἐλευθερώσας τοῦ φόβου, terre de Rhodes produisit
κατῴκησεν ἐν τῇ Ῥοδίᾳ, dans la suite d'énormes
γενόμενος δὲ καὶ τἄλλα serpents qui dévorèrent un
ἀνὴρ ἀγαθὸς ἔσχε τιμὰς grand nombre d'habitants.
ἡρωικὰς μετὰ τὴν τελευτήν. Ceux qui avaient échappé
[59] Ὕστερον δὲ τούτων à ces animaux envoyèrent
Ἀλθαιμένης Κατρέως υἱὸς à Délos consulter le dieu
τοῦ Κρητῶν βασιλέως περί sur le moyen de détourner
τινων χρηστηριαζόμενος le fléau : Apollon leur
ἔλαβε χρησμόν, ὅτι ordonna d'accueillir
πεπρωμένον ἐστὶν αὐτῷ τοῦ Phorbas et ses
πατρὸς αὐτόχειρα γενέσθαι. compagnons, et d'habiter
Βουλόμενος οὖν τοῦτο τὸ avec eux l'île de Rhodes.
μύσος ἐκφυγεῖν ἑκουσίως Phorbas, fils de Lapithus,
ἔφυγεν ἐκ τῆς Κρήτης μετὰ demeurait alors en
τῶν βουλομένων συναπᾶραι, Thessalie avec sa troupe,
πλειόνων ὄντων. Οὗτος μὲν cherchant un pays pour s'y
οὖν κατέπλευσε τῆς Ῥοδίας établir. Les Rhodiens le
εἰς Κάμειρον καὶ ἐπὶ {μὲν} firent donc venir, selon
ὄρους Ἀταβύρου Διὸς ἱερὸν l'ordre de l'oracle, et lui
ἱδρύσατο τοῦ donnèrent une partie de
προσαγορευομένου leur territoire. Phorbas
Ἀταβυρίου· διόπερ ἔτι καὶ extermina les serpents, et,
νῦν τιμᾶται διαφερόντως, ayant délivré Rhodes de ce
κείμενον ἐπί τινος ὑψηλῆς fléau, il y fixa sa demeure.
ἄκρας, ἀφ´ ἧς ἐστιν ἀφορᾶν Il se conduisit, dans
τὴν Κρήτην. μὲν οὖν d'autres circonstances, en
Ἀλθαιμένης μετὰ τῶν homme de bien, et obtint,
συνακολουθησάντων après sa mort, les
κατῴκησεν ἐν τῇ Καμείρῳ, honneurs héroïques.
τιμώμενος ὑπὸ τῶν LIX. Quelque temps
ἐγχωρίων· δὲ πατὴρ αὐτοῦ après, Althémène, fils de
Κατρεύς, ἔρημος ὢν Catrée, roi de Crète, étant
ἀρρένων παίδων καὶ allé consulter l'oracle sur
διαφερόντως ἀγαπῶν τὸν divers sujets, il reçut en
Ἀλθαιμένην, ἔπλευσεν εἰς réponse qu'il était
Ῥόδον, φιλοτιμούμενος condamné par le destin à
εὑρεῖν τὸν υἱὸν καὶ tuer son père de sa propre
ἀπαγαγεῖν εἰς Κρήτην. Τῆς main. Pour prévenir ce
δὲ κατὰ τὸ πεπρωμένον forfait, il s'exila lui-même
ἀνάγκης ἐπισχυούσης, μὲν de Crète, et s'embarqua
Κατρεὺς ἀπέβη μετά τινων avec une troupe de
ἐπὶ τὴν Ῥοδίαν νυκτός, καὶ volontaires. Il 60 aborda à
γενομένης συμπλοκῆς καὶ Camire, dans l'île de
μάχης πρὸς τοὺς ἐγχωρίους Rhodes, et éleva sur le
Ἀλθαιμένης ἐκβοηθῶν mont Atabyre le temple de
ἠκόντισε λόγχῃ καὶ δι´ Jupiter Atabyrien. Ce
ἄγνοιαν παίσας ἀπέκτεινε temple, placé sur une
τὸν πατέρα. Γνωσθείσης δὲ hauteur d'où l'on aperçoit
τῆς πράξεως, {μὲν} Crète, est encore
Ἀλθαιμένης οὐ δυνάμενος aujourd'hui en grande
φέρειν τὸ μέγεθος τῆς véneration. Althémène
συμφορᾶς τὰς μὲν s'établit donc avec ses
ἀπαντήσεις καὶ ὁμιλίας τῶν compagnons à Camire, et
ἀνθρώπων περιέκαμπτε, fut honoré des habitants.
διδοὺς δ´ ἑαυτὸν εἰς τὰς Cependant, Catrée, son
ἐρημίας ἠλᾶτο μόνος καὶ διὰ père, qui n'avait point
τὴν λύπην ἐτελεύτησεν· d'autre enfant mâle, et qui
ὕστερον δὲ κατά τινα aimait beaucoup
χρησμὸν τιμὰς ἔσχε παρὰ Althémène, fit voile pour
Ῥοδίοις ἡρωικάς. Βραχὺ δὲ Rhodes, impatient de
πρὸ τῶν Τρωικῶν trouver son fils et de le
Τληπόλεμος Ἡρακλέους ramener en Crète. Mais,
φεύγων διὰ τὸν Λικυμνίου poussé par la fatalité du
θάνατον, ὃν ἀκουσίως ἦν destin, Catrée débarqua la
ἀνῃρηκώς, ἔφυγεν ἑκουσίως nuit dans Rhodes, et sa
ἐξ Ἄργους· χρησμὸν δὲ descente ayant excité du
λαβὼν ὑπὲρ ἀποικίας μετά tumulte, il en vint à un
τινων λαῶν κατέπλευσεν εἰς combat avec les habitants.
τὴν Ῥόδον, καὶ προσδεχθεὶς Althémène, arrivé à leur
ὑπὸ τῶν ἐγχωρίων αὐτοῦ secours, lança son javelot,
κατῴκησε. Γενόμενος δὲ atteignit son père et le tua
βασιλεὺς πάσης τῆς νήσου sans le savoir. Quand la
τήν τε χώραν ἐπ´ ἴσης chose fut connue,
κατεκληρούχησε καὶ τἄλλα Althémène ne put
διετέλεσεν ἄρχων ἐπιεικῶς. supporter la grandeur de
Τὸ δὲ τελευταῖον μετ´ son infortune, et, fuyant la
Ἀγαμέμνονος στρατεύων εἰς rencontre et la société des
Ἴλιον τῆς μὲν Ῥόδου τὴν hommes, il erra seul dans
ἡγεμονίαν παρέδωκε Βούτᾳ les lieux déserts où il
τῷ ἐξ Ἄργους αὐτῷ s'était retiré, et mourut de
μετασχόντι τῆς φυγῆς, chagrin. Dans la suite, il
αὐτὸς δ´ ἐπιφανὴς ἐν τῷ reçut des Rhodiens,
πολέμῳ γενόμενος conformément à un oracle,
ἐτελεύτησεν ἐν τῇ Τρῳάδι. les honneurs héroïques.
[60] Ἐπεὶ δὲ ταῖς Ῥοδίων Peu de temps avant la
πράξεσι τῆς κατ´ ἀντιπέρας guerre de Troie,
Χερρονήσου ἔνια Tlépolème, fils d'Hercule,
συμπεπλέχθαι συμβέβηκεν, s'exila d'Argos pour avoir
οὐκ ἀνοίκειον ἡγοῦμαι περὶ tué involontairement
αὐτῶν διελθεῖν. Licymnius. Après avoir
Χερρόνησος τοίνυν τὸ consulté l'oracle sur la
παλαιόν, ὡς μέν τινές φασιν, fondation d'une colonie, il
ἀπὸ τοῦ τόπου τῆς φύσεως aborda avec quelques
ὄντος ἰσθμώδους ταύτης compagnons dans Rhodes,
ἔτυχε τῆς προσηγορίας· ὡς où il fut bien accueilli des
δέ τινες ἀναγεγράφασιν, ἀπὸ habitants, et y établit sa
τοῦ δυναστεύσαντος τῶν demeure. Devenu roi de
τόπων ὄνομα Χερρονήσου toute file, il en partagea
προσηγόρευται. Οὐ πολλῷ δ´ également le territoire et
ὕστερον τῆς τούτου gouverna avec justice.
δυναστείας λέγεται πέντε Enfin, marchant avec
Κούρητας ἐκ Κρήτης εἰς Agamemnon contre Troie,
αὐτὴν περαιωθῆναι· τούτους il laissa le gouvernement
δ´ ἀπογόνους γεγονέναι τῶν de l'île à Butas qui l'avait
ὑποδεξαμένων Δία παρὰ τῆς suivi lorsqu'il s'exila
μητρὸς Ῥέας καὶ θρεψάντων d'Argos. Tlépolème
ἐν τοῖς κατὰ τὴν Κρήτην s'illustra dans cette guerre,
Ἰδαίοις ὄρεσι. Στόλῳ δ´ et mourut dans la Troade.
ἀξιολόγῳ πλεύσαντας εἰς LX. Comme l'histoire
τὴν Χερρόνησον τοὺς μὲν de Rhodes se rattache en
κατοικοῦντας αὐτὴν Κᾶρας partie à celle de la
ἐκβαλεῖν, αὐτοὺς δὲ Chersonèse (151), située
κατοικήσαντας τὴν μὲν en face de cette île, j'ai
χώραν εἰς πέντε μέρη jugé à propos de m'arrêter
διελεῖν, καὶ πόλιν ἕκαστον sur cette dernière. La
κτίσαι θέμενον ἀφ´ ἑαυτοῦ Chersonèse, selon
τὴν προσηγορίαν. Οὐ πολὺ quelques-uns, a pris
δὲ τούτων κατόπιν Ἴναχον anciennement ce nom de
τὸν Ἀργείων βασιλέα, sa forme qui est celle d'un
ἀφανισθείσης τῆς θυγατρὸς isthme. Mais, selon
Ἰοῦς, ἐξαποστεῖλαι Κύρνον, d'autres écrivains, c'est un
ἕνα τῶν ἡγεμονικῶν ἀνδρῶν, roi du pays qui lui a laissé
δόντα αὐτῷ στόλον ce nom. Peu de temps
ἀξιόλογον, καὶ προστάξαι après le règne 61 de ce roi,
ζητεῖν ἐν παντὶ τόπῳ τὴν Ἰώ, cinq Curètes passèrent de
καὶ μὴ ἐπανελθεῖν, ἐὰν μὴ la Crète dans la
ταύτης ἐγκρατὴς γένηται. Chersonèse : ils
δὲ Κύρνος ἐπὶ πολλὰ μέρη descendaient, dit-on, de
τῆς οἰκουμένης πλανηθεὶς ceux qui, ayant reçu
καὶ μὴ δυνάμενος εὑρεῖν Jupiter des mains de Rhéa
ταύτην, κατέπλευσε τῆς sa mère, l'avaient nourri
Καρίας εἰς τὴν προειρημένην sur les monts Idéens, en
Χερρόνησον· ἀπογνοὺς δὲ Crète. Arrivés avec une
τὴν εἰς οἶκον ἀνακομιδὴν flotte nombreuse, ils
κατῴκησεν ἐν τῇ chassèrent les Cariens,
Χερρονήσῳ, καὶ τὰ μὲν habitants de la
πείσας, τὰ δ´ ἀναγκάσας Chersonèse, divisèrent le
ἐβασίλευσε μέρους τῆς territoire en cinq parties, et
χώρας καὶ πόλιν ἔκτισεν chacun bâtit dans celle qui
ὁμώνυμον ἑαυτῷ Κύρνον· lui était échue en partage
πολιτευόμενος δὲ δημοτικῶς une ville à laquelle il donna
μεγάλης ἀποδοχῆς ἐτύγχανε son nom. Peu de temps
παρὰ τοῖς après, Io, fille d'Inachus, roi
συμπολιτευομένοις. d'Argos, ayant disparu, son
père fit partir un de ses
généraux, nommé Cyrnus,
avec une flotte
considérable et lui ordonna
de chercher Io en tout lieu,
et de ne point revenir sans
s'en être emparé. Cyrnus,
après avoir parcouru
beaucoup de contrées de
la terre sans la trouver,
aborda dans la Chersonèse
en Carie. Renonçant au
retour dans sa patrie, il
s'établit dans la
Chersonèse, parvint,
moitié par force et moitié
par persuasion, à se faire
proclamer roi d'une partie
de la contrée, où il fonda la
ville qu'il appela de son
nom, Cyrnus. Son règne
était populaire, et il fut très
estimé de ses concitoyens.

[61] Μετὰ δὲ ταῦτα LXI. Après ce temps-là,


Τριόπαν, ἕνα τῶν Ἡλίου καὶ Triopas, un des fils du
Ῥόδου παίδων, φεύγοντα διὰ Soleil et de Rhodus, exilé à
τὸν Τενάγεω τοῦ ἀδελφοῦ cause du meurtre de son
φόνον εἰς τὴν Χερρόνησον frère Ténagès, arriva dans
ἀφικέσθαι. Ἐνταῦθα δὲ la Chersonèse. Là, avant
καθαρθέντα τὸν φόνον ὑπὸ été purifié de son crime
Μελισσέως τοῦ βασιλέως εἰς par le roi Melisée, il
τὴν Θετταλίαν πλεῦσαι ἐπὶ s'embarqua pour la
συμμαχίαν τοῖς Δευκαλίωνος Thessalie, afin d'offrir son
παισί, καὶ συνεκβαλεῖν ἐκ alliance aux enfants de
τῆς Θετταλίας τοὺς Deucalion. Il les aida à
Πελασγούς, καὶ μερίσασθαι chasser de la Thessalie les
τὸ καλούμενον Δώτιον Pélasges, et obtint en
πεδίον. Ἐνταῦθα δὲ τὸ partage le champ appelé
τέμενος τῆς Δήμητρος Dotium. Là, il abattit le
ἐκκόψαντα τῇ {μὲν} ὕλῃ temple de Cérès et en
καταχρῆσθαι πρὸς employa les matériaux
βασιλείων κατασκευήν· δι´ pour se construire un
ἣν αἰτίαν ὑπὸ τῶν ἐγχωρίων palais. Exécré par les
μισηθέντα φυγεῖν ἐκ habitants à cause de ce
Θετταλίας, καὶ καταπλεῦσαι sacrilège, il quitta la
μετὰ τῶν συμπλευσάντων Thessalie et vint avec
λαῶν εἰς τὴν Κνιδίαν, ἐν plusieurs de ses anciens
κτίσαι τὸ καλούμενον ἀπ´ compagnons se réfugier
αὐτοῦ Τριόπιον. Ἐντεῦθεν δ´ dans la Cnidie. Il y
ὁρμώμενον τήν τε construisit un fort qui fut
Χερρόνησον κατακτήσασθαι nommé, d'après lui,
καὶ τῆς ὁμόρου Καρίας Triopium. Il passa ensuite
πολλήν. Περὶ δὲ τοῦ γένους dans la Chersonèse, et en
τοῦ Τριόπα πολλοὶ τῶν prit possession aussi bien
συγγραφέων καὶ ποιητῶν que d'une partie de la
διαπεφωνήκασιν· οἱ μὲν γὰρ Carie limitrophe. Beaucoup
ἀναγράφουσιν αὐτὸν υἱὸν d'historiens et de poètes
εἶναι Κανάχης τῆς Αἰόλου ne sont pas d'accord sur
καὶ Ποσειδῶνος, οἱ δὲ l'origine de Triopas. Car
Λαπίθου τοῦ Ἀπόλλωνος καὶ quelques-uns le disent fils
Στίλβης τῆς Πηνειοῦ. de Neptune et de Canacé,
[62] Ἔστι δ´ ἐν Καστάβῳ fille d'Eole, tandis que,
τῆς Χερρονήσου ἱερὸν ἅγιον selon d'autres, il était fils
Ἡμιθέας, ἧς τὴν περιπέτειαν de Lapithus, né d'Apollon,
οὐκ ἄξιον παραλιπεῖν. et de Stilbé, fille de
Πολλοὶ μὲν οὖν καὶ ποικίλοι Penéus.
λόγοι περὶ ταύτης LXII. Il y a dans
παραδέδονται· τὸν δ´ Castabus, ville de la
ἐπικρατοῦντα καὶ Chersonèse, un tem- 63 ple
συμφωνούμενον παρὰ τοῖς consacré à Hémithée, dont
ἐγχωρίοις διέξιμεν. il ne faut pas omettre
Σταφύλου γὰρ καὶ l'histoire. Les traditions
Χρυσοθέμιδός φασι γενέσθαι varient beaucoup à ce
τρεῖς θυγατέρας, Μολπαδίαν sujet ; nous ferons
καὶ Ῥοιὼ καὶ Παρθένον connaître celle qui est la
ὄνομα. Καὶ τῇ μὲν Ῥοιοῖ τὸν plus accréditée auprès des
Ἀπόλλωνα μιγέντα ἔγκυον habitants mêmes du pays.
ποιῆσαι· τὸν δὲ πατέρα Staphylus et Chrysothemis
αὐτῆς ὡς ὑπ´ ἀνθρώπου τῆς eurent trois filles :
φθορᾶς γεγενημένης Molpadia, Rhoïo et
ὀργισθῆναι, καὶ διὰ τοῦτο Parthenos. Rhoïo fut aimée
τὴν θυγατέρα εἰς λάρνακα d'Apollon et devint
συγκλείσαντα βαλεῖν εἰς τὴν enceinte. Son père, irrité,
θάλατταν. Προσενεχθείσης lui reprocha d'avoir été
δὲ τῆς λάρνακος τῇ Δήλῳ déshonorée par un homme
τεκεῖν ἄρρενα, καὶ ; il enferma donc sa fille
προσαγορεῦσαι τὸ παιδίον dans une caisse et la jeta à
Ἄνιον. Τὴν δὲ Ῥοιὼ la mer. La caisse ayant été
παραδόξως σωθεῖσαν apportée par les flots à
ἀναθεῖναι τὸ βρέφος ἐπὶ τὸν Délos, Rhoïo accoucha d'un
βωμὸν τοῦ Ἀπόλλωνος, καὶ enfant mâle qu'elle nomma
ἐπεύξασθαι τῷ θεῷ, εἰ ἔστιν Anius. Sauvée contre toute
ἐξ ἐκείνου, σώζειν αὐτό. Τὸν attente, elle déposa
δ´ Ἀπόλλωνα μυθολογοῦσι l'enfant sur l'autel
τότε μὲν κρύψαι τὸ παιδίον, d'Apollon, et implora le
ὕστερον δὲ φροντίσαντα τῆς dieu afin de le conserver
τροφῆς διδάξαι τὴν s'il le reconnaissait pour
μαντικήν, καί τινας αὐτῷ son fils. Apollon cacha
περιτιθέναι μεγάλας τιμάς. l'enfant ; ensuite, songeant
Τὰς δὲ τῆς φθαρείσης à son éducation, il lui
ἀδελφὰς Μολπαδίαν καὶ enseigna l'art divinatoire,
Παρθένον φυλαττούσας τὸν ce qui lui attira de grands
τοῦ πατρὸς οἶνον, honneurs. Molpadia et
προσφάτως κατ´ ἀνθρώπους Parthenos, soeurs de Rhoïo
εὑρημένον, εἰς ὕπνον séduite, chargées un jour
κατενεχθῆναι· καθ´ ὃν δὴ de garder le vin de leur
καιρὸν τὰς τρεφομένας παρ´ père, boisson qui venait
αὐτοῖς ὗς εἰσελθεῖν, καὶ τόν d'être découverte parmi
τε ἔχοντα τὸν οἶνον κέραμον les hommes, tombèrent
συντρῖψαι καὶ τὸν οἶνον dans un profond sommeil ;
διαφθεῖραι. Τὰς δὲ en ce moment, des
παρθένους μαθούσας τὸ pourceaux qu'on
γεγονός, καὶ φοβηθείσας τὸ nourrissait dans la maison
ἀπότομον τοῦ πατρός, brisèrent le vase de terre
φυγεῖν ἐπὶ τὸν αἰγιαλὸν καὶ contenant ce vin, qui fut
ἀπό τινων πετρῶν ὑψηλῶν ainsi perdu. Ces filles,
ἑαυτὰς ῥῖψαι. Ἀπόλλωνα δὲ voyant ce qui était arrivé
διὰ τὴν οἰκειότητα τὴν πρὸς et redoutant la brusquerie
τὴν ἀδελφὴν ὑπολαβόντα de leur père, s'enfuirent au
τὰς κόρας εἰς τὰς ἐν bord de la mer et s'y
Χερρονήσῳ πόλεις précipitèrent du haut des
καταστῆσαι. Καὶ τὴν μὲν rochers. Apollon, qui
ὀνομαζομένην Παρθένον s'intéressait à ces filles à
ἐποίησεν ἐν Βουβαστῷ τῆς cause de leur soeur, les
Χερρονήσου τιμὰς ἔχειν καὶ reçut dans leur chute et les
τέμενος, Μολπαδίαν δὲ εἰς transporta dans les villes
Κάσταβον ἐλθοῦσαν διὰ τὴν de la Chersonèse ;
ἀπὸ τοῦ θεοῦ γενομένην Parthenos est vénérée à
ἐπιφάνειαν Ἡμιθέαν Bubaste où elle a son
ὠνομάσθαι καὶ τιμᾶσθαι temple, et Molpadia à
παρὰ πᾶσι τοῖς ἐν Castabus, où, à cause de
Χερρονήσῳ. Ἐν δὲ ταῖς l'apparition du dieu qui
θυσίαις αὐτῆς διὰ τὸ συμβὰν l'avait secourue, elle prit le
περὶ τὸν οἶνον πάθος τὰς nom d'Hémithée (152), et
μὲν σπονδὰς μελικράτῳ est vénérée de tous les
ποιοῦσι, τὸν δ´ ἁψάμενον habitants de la
φαγόντα ὑὸς οὐ νόμιμον Chersonèse. En souvenir
προσελθεῖν πρὸς τὸ τέμενος. de l'aventure du vin,
[63] Ἐν δὲ τοῖς ὕστερον pendant les sacrifices
χρόνοις ἐπὶ τοσοῦτον ἔλαβε qu'on lui offre, on fait les
τὸ ἱερὸν αὔξησιν τῆς libations avec de
Ἡμιθέας, ὥστε μὴ μόνον l'hydromel, et il est
παρὰ τοῖς ἐγχωρίοις καὶ τοῖς défendu à tout homme qui
περιοίκοις τιμᾶσθαι a touché un porc ou mangé
διαφερόντως, ἀλλὰ καὶ τοὺς de sa chair d'entrer dans le
μακρὰν οἰκοῦντας εἰς αὐτὸ temple d'Hémithée.
φιλοτίμως φοιτᾶν, καὶ LXIII. La prospérité du
θυσίαις τε μεγαλοπρεπέσι temple d'Hémithée s'est
καὶ ἀναθήμασιν ἀξιολόγοις accrue, dans la suite, au
τιμᾶν, τὸ δὲ μέγιστον, point que non seulement
Πέρσας ἡγουμένους τῆς ce temple est
Ἀσίας καὶ πάντα τὰ τῶν particulièrement révéré
Ἑλλήνων ἱερὰ συλῶντας des habitants du pays,
μόνου τοῦ τῆς Ἡμιθέας mais encore on s'y rend de
τεμένους ἀποσχέσθαι, τούς 63 fort loin pour y faire de
τε λῃστὰς τοὺς πάντα pompeux sacrifices et de
διαρπάζοντας μόνον τοῦτο magnifiques offrandes.
ἀφεῖναι παντελῶς ἄσυλον, Bien plus, les Perses,
καίπερ ἀτείχιστον ὑπάρχον maîtres de l'Asie, et qui ont
καὶ ἀκίνδυνον ἔχον τὴν pillé tous les temples des
ἁρπαγήν. Αἰτίαν δὲ τῆς ἐπὶ Grecs, ont respecté le seul
πλέον αὐξήσεως φέρουσι τὴν temple d'Hémithée. Les
κοινὴν εἰς ἀνθρώπους brigands mêmes, qui
εὐεργεσίαν· τοῖς τε γὰρ pourtant n'épargnent rien,
κάμνουσι κατὰ τοὺς ὕπνους se sont abstenus de violer
ἐφισταμένην φανερῶς ce sanctuaire, bien qu'il ne
διδόναι τὴν θεραπείαν καὶ fût pas fortifié et qu'on pût
πολλοὺς τοῖς ἀπεγνωσμένοις le piller impunément. On
πάθεσι συνεχομένους rattache l'origine de ce
{περιτυχόντας} ὑγιασθῆναι· culte célèbre à l'intérêt
πρὸς δὲ τούτοις {τὸ περὶ} commun des hommes. En
τὰς δυστοκούσας τῶν effet, la déesse
γυναικῶν τῆς ἐν ταῖς ὠδῖσι apparaissait en songe aux
ταλαιπωρίας καὶ κινδύνων malades, leur indiquait
ἀπαλλάττειν τὴν θεόν. Διὸ clairement les moyens de
καὶ πολλῶν ἐκ παλαιῶν guérison : beaucoup
χρόνων σεσωσμένων d'infirmes, atteints de
πεπλήρωται τὸ τέμενος maladies désespérées, ont
ἀναθημάτων, καὶ ταῦτα οὔθ´ ainsi recouvré la santé ; en
ὑπὸ φυλάκων οὔθ´ ὑπὸ outre, la déesse est
τείχους ὀχυροῦ propice aux femmes dont
φυλαττόμενα, ἀλλ´ ὑπὸ τῆς les accouchements sont
συνήθους δεισιδαιμονίας. laborieux, et elle en écarte
[64] Περὶ μὲν οὖν Ῥόδου les dangers. Aussi son
καὶ Χερρονήσου temple est-il rempli
ἀρκεσθησόμεθα τοῖς d'offrandes qu'on y
ῥηθεῖσι, περὶ δὲ Κρήτης νῦν conserve depuis les temps
διέξιμεν. Οἱ μὲν γὰρ τὴν antiques ; et ces offrandes
Κρήτην κατοικοῦντές φασιν sont gardées, non par une
ἀρχαιοτάτους γενέσθαι παρ´ garnison, ni par une forte
αὑτοῖς τοὺς ὀνομαζομένους muraille, mais par une
Ἐτεόκρητας αὐτόχθονας, ὧν superstition religieuse
τὸν μὲν βασιλέα Κρῆτα invétérée. Nous en avons
καλούμενον πλεῖστα καὶ assez dit sur Rhodes et la
μέγιστα κατὰ τὴν νῆσον Chersonèse.
εὑρεῖν τὰ δυνάμενα τὸν LXIV. Nous allons
κοινὸν τῶν ἀνθρώπων βίον maintenant parler de l'île
ὠφελῆσαι. Καὶ τῶν θεῶν δὲ de Crète. Les habitants de
τοὺς πλείστους μυθολογοῦσι cette île disent que leurs
παρ´ ἑαυτοῖς γενέσθαι τοὺς premiers ancêtres, appelés
διὰ τὰς κοινὰς εὐεργεσίας Etéocrètes, étaient
τυχόντας ἀθανάτων τιμῶν· autochthones. Leur roi,
περὶ ὧν ἡμεῖς ἐν κεφαλαίοις nommé Crès, fit dans l'île
τὰ παραδεδομένα διέξιμεν un grand nombre
ἀκολούθως τοῖς d'inventions très utiles à la
ἐνδοξοτάτοις τῶν τὰς société des hommes. Selon
Κρητικὰς πράξεις leur mythologie, la plupart
συνταξαμένων. Πρῶτοι des dieux sont nés chez
τοίνυν τῶν εἰς μνήμην eux et ont obtenu par leurs
παραδεδομένων ᾤκησαν τῆς bienfaits les honneurs
Κρήτης περὶ τὴν Ἴδην οἱ immortels. Nous
προσαγορευθέντες Ἰδαῖοι rapporterons ici ces
Δάκτυλοι. Τούτους δ´ οἱ μὲν traditions en abrégé, sur
ἑκατὸν τὸν ἀριθμὸν l'autorité des plus célèbres
γεγονέναι παραδεδώκασιν, historiens de la Crète. Les
οἱ δὲ δέκα φασὶν ὑπάρχοντας premiers habitants de
τυχεῖν ταύτης τῆς Crète, dont la mémoire se
προσηγορίας, τοῖς ἐν ταῖς soit conservée,
χερσὶ δακτύλοις ὄντας demeuraient aux environs
ἰσαρίθμους. Ἔνιοι δ´ du mont Ida, et
ἱστοροῦσιν, ὧν ἐστι καὶ s'appelaient Dactyles
Ἔφορος, τοὺς Ἰδαίους idéens. Suivant les uns, ils
Δακτύλους γενέσθαι μὲν étaient au nombre de
κατὰ τὴν Ἴδην τὴν ἐν cent ; mais selon d'autres,
Φρυγίᾳ, διαβῆναι δὲ μετὰ ils n'étaient que dix, c'est-
Μυγδόνος εἰς τὴν Εὐρώπην· à-dire en nombre égal aux
ὑπάρξαντας δὲ γόητας doigts des deux mains
ἐπιτηδεῦσαι τάς τε ἐπῳδὰς (153). Quelques historiens,
καὶ τελετὰς καὶ μυστήρια, au nombre desquels est
καὶ περὶ Σαμοθρᾴκην Ephore, soutiennent que
διατρίψαντας οὐ μετρίως ἐν les Dactyles idéens sont
τούτοις ἐκπλήττειν τοὺς nés sur le mont Ida en
ἐγχωρίους· καθ´ ὃν δὴ Phrygie, et qu'ils passèrent
χρόνον καὶ τὸν Ὀρφέα, φύσει avec Minos en Europe.
διαφόρῳ κεχορηγημένον Magiciens, ils se livraient
πρὸς ποίησιν καὶ μελῳδίαν, aux enchantements, aux
μαθητὴν γενέσθαι τούτων, initiations et aux
καὶ πρῶτον εἰς τοὺς mystères ; et pendant leur
Ἕλληνας ἐξενεγκεῖν τελετὰς séjour à Samothrace, ils
καὶ μυστήρια. Οἱ δ´ οὖν κατὰ n'étonnèrent pas
τὴν Κρήτην Ἰδαῖοι Δάκτυλοι médiocrement les
παραδέδονται τήν τε τοῦ habitants 64 par leurs
πυρὸς χρῆσιν καὶ τὴν τοῦ prestiges. Orphée, né avec
χαλκοῦ καὶ σιδήρου φύσιν un talent remarquable
ἐξευρεῖν τῆς Ἀπτεραίων pour la poésie et le chant,
χώρας περὶ τὸν καλούμενον fut dans ce temps-là leur
Βερέκυνθον, καὶ τὴν disciple, et introduisit le
ἐργασίαν δι´ ἧς premier en Grèce les
κατασκευάζεται· δόξαντας initiations et les mystères.
δὲ μεγάλων ἀγαθῶν Les Dactyles idéens
ἀρχηγοὺς γεγενῆσθαι τῷ passent pour avoir fait
γένει τῶν ἀνθρώπων τιμῶν connaître l'usage du feu et
τυχεῖν ἀθανάτων. Ἱστοροῦσι découvert le cuivre et le
δ´ αὐτῶν ἕνα μὲν fer, ainsi que l'art de
προσαγορευθῆναι Ἡρακλέα, travailler ces métaux, dans
δόξῃ δὲ διενεγκόντα θεῖναι la contrée des Aptéréens,
τὸν ἀγῶνα τὸν τῶν près du mont Bérécynthe ;
Ὀλυμπίων· τοὺς δὲ auteurs de ces grands
μεταγενεστέρους bienfaits, ils obtinrent les
ἀνθρώπους διὰ τὴν honneurs divins. On
ὁμωνυμίαν δοκεῖν τὸν ἐξ rapporte que l'un d'eux,
Ἀλκμήνης συστήσασθαι τὴν plus renommé que les
τῶν Ὀλυμπίων θέσιν. Σημεῖα autres, fut nommé
δὲ τούτων φασὶ διαμένειν τὸ Hercule ; il institua les jeux
πολλὰς τῶν γυναικῶν ἔτι καὶ olympiques, et c'est par
νῦν λαμβάνειν ἐπῳδὰς ἀπὸ une similitude de noms
τούτου τοῦ θεοῦ καὶ que la postérité rapporta
περιάμματα ποιεῖν, ὡς l'institution des jeux
γεγονότος αὐτοῦ γόητος καὶ olympiques à Hercule, fils
τὰ περὶ τὰς τελετὰς d'Alcmène. Des preuves de
ἐπιτετηδευκότος· δὴ ce fait se trouvent dans les
πλεῖστον κεχωρίσθαι τῆς paroles magiques et les
Ἡρακλέους συνηθείας τοῦ amulettes que beaucoup
γεγονότος ἐξ Ἀλκμήνης. de femmes attribuent
[65] Μετὰ δὲ τοὺς encore aujourd'hui à ce
Ἰδαίους Δακτύλους dieu, comme s'il avait été
ἱστοροῦσι γενέσθαι versé dans les mystères
Κούρητας ἐννέα. Τούτους δ´ sacrés ; ce qui s'éloigne
οἱ μὲν μυθολογοῦσι complètement du
γεγονέναι γηγενεῖς, οἱ δ´ caractère d'Hercule, fils
ἀπογόνους τῶν Ἰδαίων d'Alcmène.
Δακτύλων. Κατοικεῖν δ´ LXV. Après les
αὐτοὺς τῶν ὀρῶν τοὺς Dactyles idéens, il y eut
συνδένδρους καὶ neuf Curètes. Quelques
φαραγγώδεις τόπους καὶ τὸ mythologues les disent
σύνολον τοὺς ἔχοντας enfants de la Terre,
σκέπην καὶ ὑπόδυσιν d'autres les regardent
φυσικήν, διὰ τὸ μήπω comme les descendants
κατασκευὰς οἰκιῶν des Dactyles. Ils habitaient
εὑρῆσθαι. Διενεγκόντας δ´ les lieux boisés et abrupts
αὐτοὺς συνέσει πολλὰ τῶν des montagnes ; en un
κοινῇ χρησίμων καταδεῖξαι· mot, on leur supposait des
τάς τε γὰρ ποίμνας τῶν refuges naturels, parce
προβάτων τούτους ἀθροῖσαι qu'on n'a jamais découvert
πρώτους καὶ τὰ γένη τῶν les constructions de leurs
ἄλλων βοσκημάτων demeures. Doués d'une
ἐξημερῶσαι καὶ τὰ περὶ τὰς grande intelligence, ils ont
μελιττουργίας καταδεῖξαι. fait connaître beaucoup
Ὁμοίως δὲ καὶ τὰ περὶ τὴν d'inventions utiles. Ils ont
τοξικὴν καὶ τὰς κυνηγίας les premiers rassemblé des
εἰσηγήσασθαι, καὶ τῆς πρὸς troupeaux de brebis, ils ont
ἀλλήλους κοινῆς ὁμιλίας καὶ apprivoisé d'autres genres
συμβιώσεως, ἔτι δ´ ὁμονοίας de bestiaux pour le service
καί τινος εὐταξίας ἀρχηγοὺς des hommes, et enseigné
γενέσθαι. Εὑρεῖν δὲ καὶ ξίφη l'éducation des abeilles ; ils
καὶ κράνη καὶ τὰς ἐνοπλίους ont introduit l'usage de
ὀρχήσεις, δι´ ὧν ποιοῦντας l'arc et l'art de la chasse ;
μεγάλους ψόφους ἀπατᾶν ils ont été les fondateurs
τὸν Κρόνον. Φασὶ δ´ αὐτοὺς de la vie commune et
τὸν Δία, λάθρᾳ τοῦ πατρὸς d'une société réglée. Ils
Κρόνου παραδούσης Ῥέας ont inventé l'épée, le
τῆς μητρός, ὑποδέξασθαι casque et les danses
καὶ θρέψαι· περὶ οὗ τὰ κατὰ militaires : c'est par le bruit
μέρος μέλλοντας ἡμᾶς de ces danses qu'ils
δηλοῦν ἀναγκαῖον ἀναλαβεῖν trompèrent Saturne,
μικρὸν ἀνωτέρω τὴν lorsque Rhéa leur donna à
διήγησιν. nourrir Jupiter, à l'insu de
[66] Μυθολογοῦσι γὰρ οἱ son père Cronos. Pour
Κρῆτες γενέσθαι κατὰ τὴν raconter cette histoire en
τῶν Κουρήτων ἡλικίαν τοὺς détail, nous devons la
καλουμένους Τιτᾶνας. reprendre d'un peu plus
Τούτους δὲ τῆς Κνωσίας haut.
χώρας ἔχειν τὴν οἴκησιν, LXVI. Suivant la
ὅπουπερ ἔτι καὶ νῦν mythologie des Crétois, les
δείκνυται θεμέλια Ῥέας Titans vivaient du temps
οἰκόπεδα καὶ κυπαρίττων des Curètes. Ils habitaient
ἄλσος ἐκ παλαιοῦ χρόνου d'abord le pays des
ἀνειμένον. Ὑπάρξαι δὲ τὸν Cnossiens, où l'on montre
ἀριθμὸν ἓξ μὲν ἄνδρας, encore aujourd'hui les
πέντε δὲ γυναῖκας, ὡς μέν fondements de 65 l'édifice
τινες μυθολογοῦσιν, de Rhéa et un bois de
Οὐρανοῦ καὶ Γῆς ὄντας, ὡς cyprès anciennement
δέ τινές φασιν, ἔκ τινος τῶν plantés. Leur famille était
Κουρήτων καὶ μητρὸς composée de six hommes
Τιταίας, ἀφ´ ἧς αὐτοὺς et de cinq femmes, tous
ταύτης τετευχέναι τῆς enfants d'Uranus et de la
προσηγορίας. Ἄρρενας μὲν Terre ; ou, selon d'autres,
οὖν γενέσθαι τόν τε Κρόνον d'un des Curètes et de
καὶ Ὑπερίονα καὶ Κοῖον, ἔτι Titéa, qui leur laissa son
δὲ Ἰαπετὸν καὶ Κριὸν καὶ τὸ nom. Les enfants mâles
τελευταῖον Ὠκεανόν, étaient Saturne, Hypérion,
ἀδελφὰς δὲ τούτων τήν τε Coïus, Iapet, Crius et
Ῥέαν καὶ Θέμιν καὶ Océanus. Les filles étaient
Μνημοσύνην, ἔτι δὲ Φοίβην Rhéa, Thémis,
καὶ Τηθύν. Ὧν ἕκαστόν τινων Mnémosyne, Phoebé et
εὑρετὴν γενέσθαι τοῖς Téthys. Chacun des Titans
ἀνθρώποις, καὶ διὰ τὴν εἰς fut l'auteur de quelque
ἅπαντας εὐεργεσίαν τυχεῖν découverte utile aux
τιμῶν καὶ μνήμης ἀενάου. hommes ; ce qui leur valut
Τὸν μὲν οὖν Κρόνον ὄντα un souvenir et des
πρεσβύτατον βασιλέα honneurs immortels.
γενέσθαι, καὶ τοὺς καθ´ Saturne, l'aîné de tous,
ἑαυτὸν ἀνθρώπους ἐξ ἀγρίου devint roi, et, après avoir
διαίτης εἰς βίον ἥμερον adouci les moeurs de ses
μεταστῆσαι, καὶ διὰ τοῦτο sujets, qui vivaient
ἀποδοχῆς μεγάλης τυχόντα auparavant à l'état
πολλοὺς ἐπελθεῖν τόπους sauvage, il acquit une
τῆς οἰκουμένης. grande réputation. Il visita
Εἰσηγήσασθαι δ´ αὐτὸν beaucoup de lieux de la
ἅπασι τήν τε δικαιοσύνην terre et introduisit partout
καὶ τὴν ἁπλότητα τῆς la justice et la simplicité
ψυχῆς· διὸ καὶ τοὺς ἐπὶ des moeurs ; les hommes
Κρόνου γενομένους qui ont vécu sous le règne
ἀνθρώπους παραδεδόσθαι de Saturne passent pour
τοῖς μεταγενεστέροις avoir été doux, exempts de
εὐήθεις καὶ ἀκάκους vices et parfaitement
παντελῶς, ἔτι δ´ εὐδαίμονας heureux. Il a régné surtout
γεγονότας. Δυναστεῦσαι δ´ dans les pays de l'occident,
αὐτὸν μάλιστα τῶν πρὸς où sa mémoire est en très
ἑσπέραν τόπων καὶ μεγίστης grande vénération. En
ἀξιωθῆναι τιμῆς· διὸ καὶ effet, jusque dans ces
μέχρι τῶν νεωτέρων χρόνων derniers temps, les
παρὰ Ῥωμαίοις καὶ Romains, les Carthaginois
Καρχηδονίοις, ὅτ´ ἦν πόλις lorsque leur ville subsistait
αὕτη, ἔτι δὲ {καὶ} τοῖς encore, et tous les peuples
ἄλλοις τοῖς πλησιοχώροις de ces contrées,
ἔθνεσιν ἐπιφανεῖς ἑορτὰς καὶ célébraient des fétes et
θυσίας γενέσθαι τούτῳ τῷ des sacrifices en son
θεῷ καὶ πολλοὺς τόπους honneur, et plusieurs lieux
ἐπωνύμους αὐτοῦ γενέσθαι. ont pris le nom de Saturne.
Διὰ δὲ τὴν ὑπερβολὴν τῆς La stricte observation des
εὐνομίας ἀδίκημα μὲν μηδὲν lois fit que personne ne
ὅλως ὑπὸ μηδενὸς commit d'injustice ; et les
συντελεῖσθαι, πάντας δὲ sujets de Saturne
τοὺς ὑπὸ τὴν ἡγεμονίαν goûtèrent sans obstacle
τούτου τεταγμένους tous les plaisirs d'une vie
μακάριον βίον ἐζηκέναι, heureuse. Le poète
πάσης ἡδονῆς ἀνεμποδίστως Hésiode le témoigne dans
ἀπολαύοντας. Περὶ δὲ ces vers (154) : «Dans le
τούτων καὶ τὸν ποιητὴν temps où Saturne régnait
Ἡσίοδον ἐπιμαρτυρεῖν ἐν dans le ciel, les hommes
τοῖσδε τοῖς ἔπεσιν· οἱ μὲν ἐπὶ vivaient heureux comme
Κρόνου ἦσαν, ὅτ´ οὐρανῷ les immortels, sans souci,
ἐμβασίλευεν, ὥστε θεοὶ δ´ sans labeur, sans misère,
ἔζωον, ἀκηδέα θυμὸν et ne vieillissaient point ;
ἔχοντες, νόσφιν ἄτερ τε leurs mains et leurs pieds
κακῶν καὶ ἄτερ χαλεποῖο étaient toujours
πόνοιο νούσων τ´ ἀργαλέων vigoureux ; ils se
καὶ ἀπήμονες, οὐδὲ μέλεσσι réjouissaient dans les
γῆρας ἐπῆν, αἰεὶ δὲ πόδας festins, loin de tous les
καὶ χεῖρας ὁμοῖοι τέρποντ´ maux ; ils mouraient
ἐν θαλίῃσι κακῶν ἔκτοσθεν comme surpris par le
ἐόντες· θνῆσκον δ´ ὡς ὕπνῳ sommeil. Ils avaient tous
δεδμημένοι. Ἄλλα τε πολλὰ les biens en abondance. La
τοῖσιν ἔην· καρπὸν δ´ ἔφερε terre donnait du blé sans
ζείδωρος ἄρουρα αὐτομάτη culture. Leurs travaux se
πολλόν τε καὶ ἄφθονον· οἱ δ´ partageaient entre eux
ἐπὶ γαίῃ εὔφρονες ἔργ´ volontairement et sans
ἐνέμοντο σὺν ἐσθλοῖσιν trouble. Ils étaient riches
πολέεσσιν, ἀφνειοὶ μήλοισι, en fruits et chers aux
φίλοι μακάρεσσι θεοῖσι. Περὶ dieux». Voilà ce que les
μὲν οὖν Κρόνου τοιαῦτα mythologues racontent de
μυθολογοῦσιν. Saturne.
[67] Ὑπερίονα δέ φασι LXVII. Hypérion passe
τοῦ τε ἡλίου τὴν κίνησιν καὶ pour avoir reconnu par une
σελήνης καὶ τῶν ἄλλων obser- 66 vation exacte les
ἄστρων, ἔτι δὲ τὰς ὥρας mouvements du soleil, de
τὰς συντελουμένας ὑπὸ la lune et des autres
τούτων, πρῶτον ἐξ astres, ainsi que les
ἐπιμελείας καὶ saisons subordonnées à
παρατηρήσεως ces mouvements ; et il
κατανοήσαντα τοῖς ἄλλοις transmit ces connaissances
εἰς γνῶσιν παραδοῦναι, καὶ aux autres hommes. On
διὰ τοῦτο αὐτὸν πατέρα l'appelle le Père des astres,
τούτων ὀνομασθῆναι, parce qu'il est l'auteur des
καθαπερεὶ γεγεννηκότα τὴν premières observations
τούτων θεωρίαν καὶ φύσιν. astronomiques. Latone fut
Καὶ Κοίου μὲν καὶ Φοίβης fille de Coïus et de Phoebé.
Λητὼ γενέσθαι, Ἰαπετοῦ δὲ Iapet fut père de
Προμηθέα τὸν Prométhée, qui, selon
παραδεδομένον μὲν ὑπό quelques mythographes,
τινων μυθογράφων ὅτι τὸ déroba aux dieux le feu
πῦρ κλέψας παρὰ τῶν θεῶν pour en faire présent aux
ἔδωκε τοῖς ἀνθρώποις, πρὸς hommes ; ce qui veut dire
δ´ ἀλήθειαν εὑρετὴν que Prométhée a
γενόμενον τῶν πυρείων, ἐξ découvert les matières
ὧν ἐκκάεται τὸ πῦρ. Τῶν δὲ combustibles avec
Τιτανίδων φασὶ Μνημοσύνην lesquelles on produit le
λογισμοὺς εὑρεῖν καὶ τὰς feu. Parmi les Titanides, on
τῶν ὀνομάτων θέσεις attribue à Mnémosyne l'art
ἑκάστῳ τῶν ὄντων τάξαι, δι du raisonnement : elle
´ ὧν καὶ δηλοῦμεν ἕκαστα imposa des noms à tous
καὶ πρὸς ἀλλήλους les êtres, ce qui nous
ὁμιλοῦμεν· τινες τὸν Ἑρμῆν permet de les distinguer et
φασιν εἰσηγήσασθαι. de converser entre nous ;
προσάπτουσι δὲ τῇ θεῷ mais ces inventions sont
ταύτῃ καὶ τὰ πρὸς aussi attribuées à Mercure.
ἀνανέωσιν καὶ μνήμην On doit aussi à
γινόμενα παρὰ τοῖς Mnémosyne les moyens de
ἀνθρώποις, ἀφ´ ὧν δὴ καὶ rappeler la mémoire des
τῆς προσηγορίας τυχεῖν choses passées dont nous
αὐτὴν ταύτης. Θέμιν δὲ voulons nous ressouvenir,
μυθολογοῦσι μαντείας καὶ ainsi que son nom l'indique
θυσίας καὶ θεσμοὺς τοὺς déjà. Thémis, la première,
περὶ τῶν θεῶν πρώτην fit connaître l'art
εἰσηγήσασθαι καὶ τὰ περὶ divinatoire, les sacrifices,
τὴν εὐνομίαν καὶ εἰρήνην les cérémonies du culte
καταδεῖξαι. Διὸ καὶ des dieux, la justice et la
θεσμοφύλακας καὶ paix : c'est pourquoi on
θεσμοθέτας ὀνομάζεσθαι appelle Thesmophylaques
τοὺς τὰ περὶ τοὺς θεοὺς ou Thesmothètes (155)
ὅσια καὶ τοὺς τῶν ἀνθρώπων ceux qui veillent au culte
νόμους διαφυλάττοντας· καὶ des dieux et au maintien
τὸν Ἀπόλλω, καθ´ ὃν δὴ des lois. Lorsqu'Apollon
χρόνον τοὺς χρησμοὺς doit rendre un oracle, nous
διδόναι μέλλει, θεμιστεύειν disons qu'il themistise
λέγομεν ἀπὸ τοῦ τὴν Θέμιν (156), de Thémis, qui
εὑρέτριαν γεγονέναι τῶν passe pour avoir inventé
χρησμῶν. Οὗτοι μὲν οὖν οἱ les oracles. Ainsi, les dieux,
θεοὶ πολλὰ τὸν ἀνθρώπινον par les bienfaits dont ils
βίον εὐεργετήσαντες οὐ ont comblé le genre
μόνον ἀθανάτων τιμῶν humain, non seulement ont
ἠξιώθησαν, ἀλλὰ καὶ πρῶτοι mérité les honneurs
τὸν Ὄλυμπον ἐνομίσθησαν immortels, mais encore ils
οἰκεῖν μετὰ τὴν ἐξ passent pour avoir les
ἀνθρώπων μετάστασιν. premiers habité l'Olympe,
[68] Κρόνου δὲ καὶ Ῥέας après avoir quitté le séjour
λέγεται γενέσθαι τήν τε des hommes.
Ἑστίαν καὶ Δήμητραν καὶ LXVIII. De Saturne et
Ἥραν, ἔτι δὲ Δία καὶ de Rhéa naquirent Vesta,
Ποσειδῶνα καὶ Ἅιδην. Cérès, Junon, Jupiter,
Τούτων δὲ λέγεται τὴν μὲν Neptune et Pluton. Vesta
Ἑστίαν τὴν τῶν οἰκιῶν (157) inventa la
κατασκευὴν εὑρεῖν, καὶ διὰ construction des maisons ;
τὴν εὐεργεσίαν ταύτην παρὰ en reconnaissance de ce
πᾶσι σχεδὸν ἀνθρώποις ἐν bienfait, on vénère dans
πάσαις οἰκίαις καθιδρυθῆναι, toutes les maisons l'image
τιμῶν καὶ θυσιῶν de cette déesse, et on
τυγχάνουσαν· Δήμητραν δέ, célèbre des sacrifices en
τοῦ σίτου φυομένου μὲν ὡς son honneur. Cérès a la
ἔτυχε μετὰ τῆς ἄλλης première 67 enseigné aux
βοτάνης, ἀγνοουμένου δὲ hommes à semer, à
παρ´ ἀνθρώποις, πρώτην cultiver et à moissonner le
συγκομίσαι καὶ τὴν blé, qui croissait autrefois
κατεργασίαν αὐτοῦ καὶ confondu avec les autres
φυλακὴν ἐπινοῆσαι καὶ herbes des champs. Elle
σπείρειν καταδεῖξαι. Εὑρεῖν avait découvert le blé
μὲν οὖν αὐτὴν τὸν σῖτον πρὸ avant de mettre au monde
τοῦ γεννῆσαι τὴν θυγατέρα Proserpine. Mais, après la
Φερσεφόνην, μετὰ δὲ τὴν naissance et le rapt de
ταύτης γένεσιν καὶ τὴν ὑπὸ Proserpine par Pluton, elle
Πλούτωνος ἁρπαγὴν brûla toutes les moissons,
ἐμπρῆσαι πάντα τὸν καρπὸν par haine contre Jupiter et
διά τε τὴν ἔχθραν τὴν πρὸς dans la douleur d'avoir
τὸν Δία καὶ τὴν ἐπὶ τῇ perdu sa fille. Cependant
θυγατρὶ λύπην. Μετὰ δὲ τὴν elle se réconcilia avec
εὕρεσιν τῆς Φερσεφόνης Jupiter dès qu'elle eut
διαλλαγῆναί τε τῷ Διὶ καὶ retrouvé Proserpine, et
τῷ Τριπτολέμῳ ἀποδοῦναι communiqua la culture du
τὸν τοῦ σίτου σπόρον, blé à Triptolème, fils de
συντάξαι πᾶσιν ἀνθρώποις Jupiter, avec l'ordre d'en
μεταδοῦναι τῆς τε δωρεᾶς faire part à tous les
καὶ τὰ περὶ τὴν ἐργασίαν τοῦ hommes. Quelques-uns
σπόρου διδάξαι. Λέγουσι δέ disent aussi qu'elle institua
τινες ὅτι καὶ νόμους des lois d'après lesquelles
εἰσηγήσατο, καθ´ οὓς les hommes s'habituaient à
ἀλλήλοις τὸ δίκαιον διδόναι se rendre justice les uns
συνειθίσθησαν ἄνθρωποι, καὶ aux autres ; et qui la
τὴν παραδοῦσαν αὐτοῖς θεὰν déesse reçut d'eux le
θεσμοφόρον ἀπὸ τούτων surnom de Thesmophore
προσηγόρευσαν. Μεγίστων (158). En reconnaissance
γὰρ ἀγαθῶν ἀνθρώποις de si grands bienfaits, on
αἰτίαν γενομένην lui accorda les plus grands
ἐπιφανεστάτων τυχεῖν τιμῶν honneurs, les sacrifices et
καὶ θυσιῶν, ἔτι δ´ ἑορτῶν les fêtes les plus
καὶ πανηγύρεων magnifiques, non
μεγαλοπρεπῶν, οὐ παρ´ seulement chez les Grecs,
Ἕλλησι μόνον, ἀλλὰ καὶ mais encore chez presque
παρὰ πᾶσι σχεδὸν τοῖς tous les Barbares qui
βαρβάροις, ὅσοι τῆς τροφῆς connaissent l'usage du blé.
ταύτης ἐκοινώνησαν. LXIX. Beaucoup de
[69] Ἀμφισβητοῦσι δὲ peuples se disputent
περὶ τῆς εὑρέσεως τοῦ l'honneur d'avoir les
καρποῦ τούτου πολλοί, τὴν premiers possédé Cérès et
θεὸν φάμενοι παρ´ αὑτοῖς les dons qu'elle a apportés.
πρώτοις ὀφθῆναι καὶ τὴν Ainsi les Egyptiens
τούτου φύσιν τε καὶ χρῆσιν soutiennent que Cérès et
καταδεῖξαι. Αἰγύπτιοι μὲν Isis sont une même divinité
γὰρ λέγουσι τήν τε ; et qu'elle a la première
Δήμητραν καὶ τὴν Ἶσιν τὴν apporté le blé en Egypte,
αὐτὴν εἶναι, καὶ εἰς Αἴγυπτον dont les champs sont
ἐνεγκεῖν τὸ σπέρμα πρώτην, fertilisés par les eaux du
ἀρδεύοντος μὲν εὐκαίρως τὰ Nil et la température d'un
πεδία τοῦ Νείλου ποταμοῦ, climat propice. Les
ταῖς δ´ ὥραις ἄριστα τῆς Athéniens prétendent
χώρας ταύτης κεκραμένης. également que le blé a été
Τοὺς δ´ Ἀθηναίους, καίπερ découvert chez eux, bien
ἀποφαινομένους τὴν εὕρεσιν qu'ils ne nient pas qu'on en
τοῦ καρποῦ τούτου ait apporté d'autre part
γεγενημένην παρ´ αὑτοῖς, dans l'Attique. En effet,
ὅμως μαρτυρεῖν αὐτὸν Eleusis, où l'on fit jadis
ἑτέρωθεν κεκομισμένον εἰς venir le premier blé de
τὴν Ἀττικήν· τὸν γὰρ τόπον l'étranger, a tiré son nom
τὸν ἐξ ἀρχῆς δεξάμενον τὴν de cette circonstance
δωρεὰν ταύτην Ἐλευσῖνα (159). Enfin, les Siciliens,
προσαγορεύειν ἀπὸ τοῦ παρ´ dont l'île est consacrée à
ἑτέρων ἐλθεῖν τὸ σπέρμα Cérès et à Proserpine,
τοῦ σίτου κομισθέν. Οἱ δὲ disent qu'il est naturel que
Σικελιῶται, νῆσον ἱερὰν la déesse ait gratifié de ce
Δήμητρος καὶ Κόρης don les habitants du pays
οἰκοῦντες, εἰκὸς εἶναί φασι dont le séjour lui était le
τὴν δωρεὰν ταύτην πρώτοις plus cher ; et qu'il est
τοῖς τὴν προσφιλεστάτην absurde de croire qu'après
χώραν νεμομένοις δοθῆναι· s'être établie dans un pays
ἄτοπον μὲν γὰρ ὑπάρχειν auquel il ne manque rien,
εὐκαρποτάτην αὐτὴν ὡς elle ne l'eût fait participer
ἰδίαν ποιῆσαι, τῆς δ´ que le dernier à un tel
εὐεργεσίας ὡς μηδὲν bienfait. En effet, c'est en
προσηκούσῃ μηδ´ ἐσχάτῃ Sicile que, selon le
μεταδοῦναι, καὶ ταῦτ´ ἐν témoignage universel, a eu
αὐτῇ τὴν οἴκησιν ἔχουσαν, lieu le rapt de Proserpine ;
εἴπερ καὶ τῆς Κόρης τὴν et le territoire de cette île
ἁρπαγὴν ἐν τῇ νήσῳ ταύτῃ est le plus 68 propre à la
γεγονέναι συμπεφώνηται. culture du blé ; ce qui a fait
Εἶναι δὲ καὶ τὴν χώραν dire au poète : Là
οἰκειοτάτην τούτοις τοῖς croissent, sans semaine et
καρποῖς, ἐν καὶ τὸν ποιητὴν sans culture, l'orge et le
λέγειν ἀλλὰ τά γ´ ἄσπαρτα froment (160). Voilà ce que
καὶ ἀνήροτα πάντα φύονται, les mythologues racontent
πυροὶ καὶ κριθαί. Περὶ μὲν de Cérès.
οὖν Δήμητρος τοιαῦτα Quant aux autres
μυθολογοῦσι. Τῶν δ´ ἄλλων enfants de Saturne et de
θεῶν τῶν ἐκ Κρόνου καὶ Rhéa, les Crétois
Ῥέας γενομένων φασὶν οἱ rapportent que Neptune
Κρῆτες Ποσειδῶνα μὲν est le premier qui s'occupa
πρῶτον χρήσασθαι ταῖς de travaux maritimes, et
κατὰ θάλατταν ἐργασίαις équipa des flottes dont
καὶ στόλους συστήσασθαι, Saturne lui donna le
παραδόντος αὐτῷ τὴν commandement. C'est
ἡγεμονίαν ταύτην τοῦ pourquoi il était considéré,
Κρόνου· διὸ καὶ par la suite, comme le
παραδίδοσθαι τοῖς maître de la mer, et les
ἐπιγινομένοις τοῦτον κύριον navigateurs le vénéraient
ὑπάρχειν τῶν κατὰ par des sacrifices. On
θάλατταν πραττομένων καὶ attribue aussi à Neptune
θυσίαις ὑπὸ τῶν l'art de dompter les
ναυτιλλομένων τιμᾶσθαι. chevaux et l'enseignement
Προσάπτουσι δ´ αὐτῷ καὶ τὸ de l'équitation ; ce qui lui a
τοὺς ἵππους δαμάσαι πρῶτον valu le surnom d'Hippius
καὶ τὴν ἐπιστήμην (161). Pluton établit le
καταδεῖξαι τὴν περὶ τὴν premier l'usage de la
ἱππικήν, ἀφ´ ἧς ἵππιον αὐτὸν sépulture et les funérailles
ὠνομάσθαι. Τὸν δ´ Ἅιδην avec lesquelles ou honore
λέγεται τὰ περὶ τὰς ταφὰς les morts, dont ou ne
καὶ τὰς ἐκφορὰς καὶ τιμὰς prenait jadis aucun soin.
τῶν τεθνεώτων καταδεῖξαι, C'est pourquoi on lui
τὸν πρὸ τοῦ χρόνον attribua de toute antiquité
μηδεμιᾶς οὔσης ἐπιμελείας l'empire des morts.
περὶ αὐτούς· διὸ καὶ τῶν LXX. On n'est pas
τετελευτηκότων θεὸς d'accord sur la naissance
οὗτος παρείληπται et la royauté de Jupiter.
κυριεύειν, ἀπονεμηθείσης τὸ Selon les uns, Jupiter, sans
παλαιὸν αὐτῷ τῆς τούτων avoir employé aucune
ἀρχῆς καὶ φροντίδος. violence contre Saturne,
[70] Περὶ δὲ τῆς τοῦ succéda à son père lorsque
Διὸς γενέσεώς τε καὶ celui-ci échangea la terre
βασιλείας διαφωνεῖται· καί contre le séjour des
τινες μέν φασιν αὐτὸν μετὰ immortels, et acquit ainsi
τὴν ἐξ ἀνθρώπων τοῦ légitimement le trône. Mais
Κρόνου μετάστασιν εἰς selon d'autres
θεοὺς διαδέξασθαι τὴν mythologues, un oracle
βασιλείαν, οὐ βίᾳ avait prédit à Saturne, au
κατισχύσαντα τὸν πατέρα, moment de la naissance
νομίμως δὲ καὶ δικαίως de Jupiter, que l'enfant
ἀξιωθέντα ταύτης τῆς arracherait le sceptre des
τιμῆς· τινὲς δὲ μυθολογοῦσι mains de son père. Aussi
τῷ Κρόνῳ γενέσθαι λόγιον Saturne fit-il plusieurs fois
περὶ τῆς τοῦ Διὸς γενέσεως, disparaître ses enfants dès
ὅτι παραιρήσεται τὴν leur naissance. Rhéa,
βασιλείαν αὐτοῦ βιαίως indignée et ne pouvant
γεννηθεὶς παῖς. Διόπερ τὸν faire changer son mari de
μὲν Κρόνον τὰ γεννώμενα résolution, cacha sur le
παιδία πλεονάκις ἀφανίζειν, mont Dictée Jupiter, dont
τὴν δὲ Ῥέαν ἀγανακτήσασαν, elle venait d'accoucher, et
καὶ μὴ δυναμένην μεταθεῖναι le donna à nourrir aux
τὴν προαίρεσιν τἀνδρός, τὸν Curètes qui habitaient
Δία τεκοῦσαν ἐν τῇ autour du mont Ida ; ceux-
προσαγορευομένῃ Ἴδῃ ci le transportèrent dans
κλέψαι καὶ δοῦναι λάθρᾳ un antre et le remirent à
τοῖς Κούρησιν ἐκθρέψαι τοῖς des nymphes, en leur
κατοικοῦσι πλησίον ὄρους recommandant de mettre
τῆς Ἴδης. Τούτους δ´ tous leurs soins à
ἀπενέγκαντας εἴς τι ἄντρον l'éducation de cet enfant.
παραδοῦναι ταῖς Νύμφαις, Ces nymphes le nourrirent
παρακελευσαμένους τὴν d'un mélange de miel et de
πᾶσαν ἐπιμέλειαν αὐτοῦ lait, et le firent allaiter par
ποιεῖσθαι. Αὗται δὲ μέλι καὶ une chèvre nommée
γάλα μίσγουσαι τὸ παιδίον Amalthée. Il reste encore
ἔθρεψαν καὶ τῆς αἰγὸς τῆς aujourd'hui dans l'île de
ὀνομαζομένης Ἀμαλθείας Crète plusieurs indices de
τὸν μαστὸν εἰς διατροφὴν la naissance et de
παρείχοντο. σημεῖα δὲ πολλὰ l'éducation de Jupiter.
μέχρι τοῦ νῦν διαμένειν τῆς Ainsi, on raconte que,
γενέσεως καὶ διατροφῆς τοῦ lorsque les Curètes
θεοῦ τούτου κατὰ τὴν emportaient l'enfant
νῆσον. Φερομένου μὲν γὰρ nouveau-né, le cordon 69
ὑπὸ τῶν Κουρήτων αὐτοῦ ombilical tomba auprès du
νηπίου φασὶν ἀποπεσεῖν τὸν fleuve Triton ; que cet
ὀμφαλὸν περὶ τὸν ποταμὸν endroit fut, à cause de cet
τὸν καλούμενον Τρίτωνα, événement, consacré sous
καὶ τὸ χωρίον τε τοῦτο le nom d'Omphalos (162),
καθιερωθὲν ἀπὸ τοῦ τότε et la campagne
συμβάντος Ὀμφαλὸν environnante appelée
προσαγορευθῆναι καὶ τὸ Omphalium. L'antre du
περικείμενον πεδίον ὁμοίως mont Ida, où le dieu a été
Ὀμφάλειον. Κατὰ δὲ τὴν nourri, est également un
Ἴδην, ἐν συνέβη τραφῆναι lieu sacré, ainsi que les
τὸν θεόν, τό τε ἄντρον ἐν prés qui l'entourent. Nous
τὴν δίαιταν εἶχε καθιέρωται ne devons pas omettre un
καὶ οἱ περὶ αὐτὸ λειμῶνες fait fort singulier que l'on
ὁμοίως ἀνεῖνται περὶ τὴν raconte des abeilles.
ἀκρώρειαν ὄντες. Τὸ δὲ Jupiter, pour perpétuer le
πάντων παραδοξότατον καὶ souvenir de son séjour sur
μυθολογούμενον περὶ τῶν le mont Ida, changea leur
μελιττῶν οὐκ ἄξιον couleur naturelle en une
παραλιπεῖν· τὸν γὰρ θεόν teinte jaune d'airain.
φασιν ἀθάνατον μνήμην τῆς Comme cette montagne
πρὸς αὐτὰς οἰκειότητος est très haute, exposée
διαφυλάξαι βουλόμενον aux vents et aux neiges, il
ἀλλάξαι μὲν τὴν χρόαν rendit les abeilles qui s'y
αὐτῶν καὶ ποιῆσαι χαλκῷ trouvaient insensibles à
χρυσοειδεῖ παραπλησίαν, τοῦ toutes les rigueurs du
τόπου δ´ ὄντος ὑψηλοῦ καθ´ climat. Pour consacrer la
ὑπερβολήν, καὶ πνευμάτων mémoire de la chèvre qui
τε μεγάλων ἐν αὐτῷ l'avait nourri, il prit le
γινομένων καὶ χιόνος πολλῆς surnom d'Aegiochos (163).
πιπτούσης, ἀνεπαισθήτους Parvenu à l'âge viril, il
αὐτὰς καὶ ἀπαθεῖς ποιῆσαι, établit le premier une ville
δυσχειμερωτάτους τόπους près de Dicta, qui passe
νεμομένας. Τῇ θρεψάσῃ δ´ pour le lieu de sa
αἰγὶ τιμάς τέ τινας ἄλλας naissance. Quoique cette
ἀπονεῖμαι καὶ τὴν ἐπωνυμίαν ville ait été abandonnée
ἀπ´ αὐτῆς λαβεῖν, αἰγίοχον depuis, on voit encore
ἐπονομασθέντα. Ἀνδρωθέντα aujourd'hui les débris de
δ´ αὐτόν φασι πρῶτον πόλιν ses fondations.
κτίσαι περὶ τὴν Δίκταν, ὅπου
καὶ τὴν γένεσιν αὐτοῦ
γενέσθαι μυθολογοῦσιν· ἧς
ἐκλειφθείσης ἐν τοῖς
ὕστερον χρόνοις διαμένειν
ἔτι καὶ νῦν ἕρματα τῶν
θεμελίων.

[71] Διενέγκαι δὲ τὸν LXXI. Jupiter a été sans


θεὸν τοῦτον ἁπάντων égal en courage, en
ἀνδρείᾳ καὶ συνέσει καὶ intelligence, en équité,
δικαιοσύνῃ καὶ ταῖς ἄλλαις enfin en tout genre de
ἁπάσαις ἀρεταῖς· διὸ καὶ vertus. Héritier du
παραλαβόντα τὴν βασιλείαν royaume de Saturne, il
παρὰ τοῦ Κρόνου πλεῖστα combla les hommes de ses
καὶ μέγιστα τὸν ἀνθρώπινον bienfaits. Il leur enseigna
βίον εὐεργετῆσαι. Πρῶτον le premier à observer entre
μὲν γὰρ ἁπάντων καταδεῖξαι eux les règles de la justice,
περὶ τῶν ἀδικημάτων τὸ à s'abstenir de toute
δίκαιον ἀλλήλοις διδόναι violence, et il établit des
τοὺς ἀνθρώπους καὶ τοῦ βίᾳ tribunaux pour terminer
τι πράττειν ἀποστῆσαι, leurs différends. Enfin, par
κρίσει δὲ καὶ δικαστηρίῳ de bonnes lois, il assura la
τὰς ἀμφισβητήσεις διαλύειν. tranquillité publique,
Καθόλου δὲ τὰ περί τε τῆς gagnant les bons et
εὐνομίας καὶ τῆς εἰρήνης intimidant les méchants. Il
προσαναπληρῶσαι, τοὺς μὲν visita presque toute la
ἀγαθοὺς πείθοντα, τοὺς δὲ terre, exterminant les
φαύλους τῇ τιμωρίᾳ καὶ τῷ brigands et les impies, et
φόβῳ καταπληττόμενον. introduisant partout
Ἐπελθεῖν δ´ αὐτὸν καὶ τὴν l'égalité et la démocratie.
οἰκουμένην σχεδὸν πᾶσαν Ou raconte qu'à la même
τοὺς μὲν λῃστὰς καὶ ἀσεβεῖς époque il tua les géants
ἀναιροῦντα, τὴν δ´ ἰσότητα Mylinus en Crète, et
καὶ τὴν δημοκρατίαν Typhon en Phrygie. Avant
εἰσηγούμενον· ὅτε δή φασιν de combattre les Géants
αὐτὸν καὶ τοὺς γίγαντας en Crète, Jupiter sacrifia au
ἀνελεῖν, ἐν μὲν Κρήτῃ τοὺς Soleil, au Ciel et à la Terre,
περὶ Μύλινον, κατὰ δὲ τὴν et il lut dans les entrailles
Φρυγίαν τοὺς περὶ Τυφῶνα. des victimes le sort qui lui
Πρὸ δὲ τῆς μάχης τῆς πρὸς était destiné. Il y vit
τοὺς ἐν Κρήτῃ γίγαντας d'abord la désertion d'une
λέγεται τὸν Δία θῦσαι βοῦν partie de ses ennemis qui
Ἡλίῳ καὶ Οὐρανῷ καὶ Γῇ· ἐπὶ devaient passer dans son
δὲ τῶν ἱερῶν ἁπάντων camp ; l'issue de la lutte
φανῆναι τὰ περὶ τούτων confirma ces présages. En
ἐπικριθέντα * ἐπισημαίνεται effet, Musée abandonna
κράτος καὶ ἀπόστασις ἀπὸ les rangs des ennemis, et il
τῶν πολεμίων πρὸς αὐτούς. obtint les honneurs qui lui
Ἀκόλουθον δὲ τούτοις étaient assignés. Mais les
γενέσθαι τοῦ πολέμου τὸ dieux 70 détruisirent tous
τέλος· αὐτομολῆσαι μὲν γὰρ leurs ennemis. Il s'alluma
ἐκ τῶν πολεμίων Μουσαῖον, encore d'autres guerres
καὶ τυχεῖν ὡρισμένων τιμῶν, contre les Géants, auprès
κατακοπῆναι δ´ ὑπὸ τῶν de Pallène en Macédoine et
θεῶν ἅπαντας τοὺς dans la plaine qui, depuis
ἀντιταξαμένους. Συστῆναι sa combustion, se
δὲ καὶ ἄλλους πολέμους nommait Champ
αὐτῷ πρὸς γίγαντας, τῆς Phlegréen, et qu'on appelle
μὲν Μακεδονίας περὶ τὴν aujourd'hui la campagne
Παλλήνην, τῆς δ´ Ἰταλίας de Cumes. Jupiter châtia
κατὰ τὸ πεδίον, τὸ μὲν les Géants pour les injures
παλαιὸν ἀπὸ τοῦ qu'ils faisaient souffrir aux
κατακεκαυμένου τόπου hommes ; car, confiants
Φλεγραῖον ὠνομάζετο, κατὰ dans la grandeur
δὲ τοὺς ὕστερον χρόνους démesurée de leur taille et
Κυμαῖον προσηγόρευον. dans leur force corporelle,
Κολασθῆναι δὲ τοὺς ils réduisaient en
γίγαντας ὑπὸ Διὸς διὰ τὴν esclavage leurs voisins,
εἰς τοὺς ἄλλους ἀνθρώπους désobéissaient aux lois de
παρανομίαν καὶ διὰ τὸ ταῖς la justice, et déclaraient la
τοῦ σώματος ὑπεροχαῖς καὶ guerre à ceux qui par leurs
ῥώμαις πεποιθότας bienfaits avaient été
καταδουλοῦσθαι μὲν τοὺς placés au rang des dieux.
πλησιοχώρους, ἀπειθεῖν δὲ Jupiter ne fit pas
τοῖς περὶ τοῦ δικαίου seulement disparaître les
τιθεμένοις νόμοις, πόλεμον δ impies et les méchants, il
´ ἐκφέρειν πρὸς τοὺς διὰ τὰς distribua encore des
κοινὰς εὐεργεσίας ὑπὸ honneurs mérités aux
πάντων θεοὺς νομιζομένους. meilleurs des dieux, des
Τὸν δ´ οὖν Δία λέγουσι μὴ héros, et des hommes.
μόνον ἄρδην ἐξ ἀνθρώπων Ainsi, c'est par la grandeur
ἀφανίσαι τοὺς ἀσεβεῖς καὶ de ses bienfaits et
πονηρούς, ἀλλὰ καὶ τοῖς l'immensité de sa
ἀρίστοις τῶν θεῶν καὶ puissance qu'il a reçu d'un
ἡρώων, ἔτι δ´ ἀνδρῶν τὰς commun accord le
ἀξίας ἀπονεῖμαι τιμάς. Διὰ royaume éternel et le
δὲ τὸ μέγεθος τῶν séjour de l'Olympe.
εὐεργεσιῶν καὶ τὴν LXXII. C'est en
ὑπεροχὴν τῆς δυνάμεως honneur de Jupiter que l'on
συμφώνως αὐτῷ παρὰ a institué les sacrifices qui
πάντων συγκεχωρῆσθαι τήν se célèbrent avec plus de
τε βασιλείαν εἰς τὸν ἀεὶ pompe que pour tous les
χρόνον καὶ τὴν οἴκησιν τὴν autres dieux ; depuis qu'il
ἐν Ὀλύμπῳ. habite le ciel, d'après la
[72] καταδειχθῆναι δὲ conviction qui a pénétré
καὶ θυσίας αὐτῷ συντελεῖν dans l'âme de tout le
ὑπὲρ τοὺς ἄλλους ἅπαντας, monde, Jupiter est l'arbitre
καὶ μετὰ τὴν ἐκ γῆς de tout ce qui se passe
μετάστασιν εἰς τὸν οὐρανὸν dans les régions célestes :
ἐγγενέσθαι δόξας δικαίους il est le maître de la pluie,
ἐν ταῖς τῶν εὖ πεπονθότων du tonnerre et de la
ψυχαῖς, ὡς ἁπάντων τῶν foudre. On l'appelle Zeus
γινομένων κατ´ οὐρανὸν (164) parce que les
οὗτος εἴη κύριος, λέγω δ´ hommes le considèrent
ὄμβρων τε καὶ βροντῶν καὶ comme le principe de la
κεραυνῶν καὶ τῶν ἄλλων vie, et comme amenant,
τῶν τοιούτων. Διόπερ αὐτὸν par les agents
προσαγορευθῆναι Ζῆνα μὲν environnants, les fruits à
ἀπὸ τοῦ δοκεῖν τοῖς leur perfection. On
ἀνθρώποις αἴτιον εἶναι τοῦ l'appelle aussi Père, parce
ζῆν, ταῖς ἐκ τοῦ περιέχοντος qu'il veille sur tous les
εὐκρασίαις τοὺς καρποὺς hommes, et qu'il passe
ἀνάγοντα πρὸς τέλος, pour l'auteur du genre
πατέρα δὲ διὰ τὴν φροντίδα humain. On l'appelle
καὶ τὴν εὔνοιαν τὴν εἰς souverain et roi, à cause
ἅπαντας, ἔτι δὲ καὶ τὸ de l'immensité de son
δοκεῖν ὥσπερ ἀρχηγὸν εἶναι empire, bon conseiller et
τοῦ γένους τῶν ἀνθρώπων, sage, pour exprimer la
ὕπατον δὲ καὶ βασιλέα διὰ prudence de ses conseils.
τὴν τῆς ἀρχῆς ὑπεροχήν, Les mythologues
εὐβουλέα δὲ καὶ μητιέτην rapportent que Minerve
διὰ τὴν ἐν τῷ βουλεύεσθαι naquit de Jupiter dans l'île
καλῶς σύνεσιν. Μυθολογοῦσι de Crète, aux sources du
δὲ καὶ τὴν Ἀθηνᾶν κατὰ τὴν fleuve Triton, d'où elle a
Κρήτην ἐκ Διὸς ἐν ταῖς tiré le surnom de
πηγαῖς τοῦ Τρίτωνος Tritogénie. On voit encore
ποταμοῦ γεννηθῆναι· διὸ καὶ aujourd'hui auprès de ces
Τριτογένειαν ὀνομασθῆναι. sources et dans le lieu
Ἔστι δὲ καὶ νῦν ἔτι περὶ τὰς même de sa naissance, un
πηγὰς ταύτας ἱερὸν ἅγιον tem- 71 ple consacré à
τῆς θεοῦ ταύτης, ἐν τόπῳ cette déesse. Les noces de
τὴν γένεσιν αὐτῆς ὑπάρξαι Jupiter et de Junon furent
μυθολογοῦσι. Λέγουσι δὲ καὶ célébrées dans le territoire
τοὺς γάμους τοῦ τε Διὸς καὶ des Cnossiens, près du
τῆς Ἥρας ἐν τῇ Κνωσίων fleuve Thérène, dans un
χώρᾳ γενέσθαι κατά τινα endroit où existe
τόπον πλησίον τοῦ Θήρηνος aujourd'hui un temple. Les
ποταμοῦ, καθ´ ὃν νῦν ἱερόν habitants y célèbrent des
ἐστιν, ἐν θυσίας κατ´ sacrifices annuels où l'on
ἐνιαυτὸν ἁγίους ὑπὸ τῶν représente les antiques
ἐγχωρίων συντελεῖσθαι, καὶ cérémonies du mariage.
τοὺς γάμους ἀπομιμεῖσθαι, Les déesses nées de
καθάπερ ἐξ ἀρχῆς γενέσθαι Jupiter sont Vénus, les
παρεδόθησαν. Τοῦ δὲ Διὸς Grâces, Lucine, Diane son
ἐκγόνους φασὶ γενέσθαι aide, et les Heures, savoir,
θεὰς μὲν Ἀφροδίτην καὶ Eunomia, Dicé et Iréné. Les
Χάριτας, πρὸς δὲ ταύταις dieux sont Vulcain, Mars,
Εἰλείθυιαν καὶ τὴν ταύτης Apollon et Mercure.
συνεργὸν Ἄρτεμιν, καὶ τὰς LXXIII. Pour
προσαγορευομένας Ὥρας, immortaliser leur mémoire
Εὐνομίαν τε καὶ Δίκην, ἔτι δ´ auprès des hommes,
Εἰρήνην καὶ Ἀθηνᾶν καὶ Jupiter communiqua à ces
Μούσα, θεοὺς δὲ Ἥφαιστον divinités la science de ses
καὶ Ἄρην καὶ Ἀπόλλωνα, inventions et l'honneur de
πρὸς δὲ τούτοις Ἑρμῆν καὶ ses découvertes. Il chargea
Διόνυσον καὶ Ἡρακλέα. Vénus de veiller sur la
[73] Τούτων δ´ ἑκάστῳ jeunesse des jeunes filles
μυθολογοῦσι τὸν Δία τῶν prêtes à se marier, ainsi
εὑρεθέντων ὑπ´ αὐτοῦ καὶ que sur les sacrifices et les
συντελουμένων ἔργων τὰς cérémonies que les
ἐπιστήμας καὶ τὰς τιμὰς τῆς hommes font pendant le
εὑρέσεως ἀπονεῖμαι, mariage. Tous néanmoins
βουλόμενον αἰώνιον αὐτοῖς sacrifient d'abord à Jupiter
περιποιῆσαι μνήμην παρὰ Télios et à Junon Télia
πᾶσιν ἀνθρώποις. (165), considérés comme
Παραδοθῆναι δὲ τῇ μὲν les principes de toutes
Ἀφροδίτῃ τήν τε τῶν choses. Les Grâces
παρθένων ἡλικίαν, ἐν οἷς reçurent le don d'embellir
χρόνοις δεῖ γαμεῖν αὐτάς, la figure et de charmer les
καὶ τὴν ἄλλην ἐπιμέλειαν regards par le maintien de
τὴν ἔτι καὶ νῦν ἐν τοῖς chaque partie du corps ; de
γάμοις γινομένην μετὰ plus, elles président à la
θυσιῶν καὶ σπονδῶν, ἃς distribution des bienfaits et
ποιοῦσιν ἄνθρωποι τῇ θεῷ à la reconnaissance due
ταύτῃ. Προθύουσι δὲ aux bienfaiteurs. Lucine a
πρότερον ἅπαντες τῷ Διὶ τῷ soin des femmes en
τελείῳ καὶ Ἥρᾳ τελείᾳ διὰ couches ; aussi est-elle
τὸ τούτους ἀρχηγοὺς invoquée dans les douleurs
γεγονέναι καὶ πάντων de l'enfantement. Diane
εὑρετάς, καθότι προείρηται. veille à la première
Ταῖς δὲ Χάρισι δοθῆναι τὴν éducation des enfants,
τῆς ὄψεως κόσμησιν καὶ τὸ auxquels elle procure les
σχηματίζειν ἕκαστον μέρος aliments convenables, et
τοῦ σώ165aματος πρὸς τὸ c'est pourquoi on l'a
βέλτιον καὶ προσηνὲς τοῖς surnommée Kourotrophos
θεωροῦσι, πρὸς δὲ τούτοις (166). Chacune des Heures
τὸ κατάρχειν εὐεργεσίας καὶ a, suivant son nom, pour
πάλιν ἀμείβεσθαι ταῖς attribution, l'ordre de la vie
προσηκούσαις χάρισι τοὺς εὖ sociale, pour la plus
ποιήσαντας. Εἰλείθυιαν δὲ grande utilité des hommes
λαβεῖν τὴν περὶ τὰς (167). On attribue à
τικτούσας ἐπιμέλειαν καὶ Minerve la culture des
θεραπείαν τῶν ἐν τῷ τίκτειν oliviers, qu'elle
κακοπαθουσῶν. Διὸ καὶ τὰς communiqua aux hommes
ἐν τοῖς τοιούτοις aussi bien que l'usage de
κινδυνευούσας γυναῖκας leur fruit. Car avant elle
ἐπικαλεῖσθαι μάλιστα τὴν l'olivier était laissé inculte
θεὸν ταύτην. Ἄρτεμιν δέ parmi les arbres sauvages,
φασιν εὑρεῖν τὴν τῶν νηπίων et on n'en avait aucun
παιδίων θεραπείαν καὶ soin. C'est aussi Minerve
τροφάς τινας ἁρμοζούσας qui a enseigné la
τῇ φύσει τῶν βρεφῶν· ἀφ´ préparation des vêtements
ἧς αἰτίας καὶ κουροτρόφον et l'architecture ; elle a
αὐτὴν ὀνομάζεσθαι. Τῶν δ´ beaucoup agrandi les
ὀνομαζομένων Ὡρῶν ἑκάστῃ autres connaissances
δοθῆναι τὴν ἐπώνυμον τάξιν humaines. Elle inventa les
τε καὶ {τοῦ} βίου flûtes et l'emploi de ces
διακόσμησιν ἐπὶ τῇ μεγίστῃ instruments dans la
τῶν ἀνθρώπων ὠφελείᾳ· musique, ainsi que
μηδὲν γὰρ εἶναι μᾶλλον beaucoup d'autres
δυνάμενον εὐδαίμονα βίον ouvrages d'art. C'est
παρασκευάσαι τῆς εὐνομίας pourquoi on l'a surnommée
καὶ δίκης καὶ εἰρήνης. Ἀθηνᾷ Ergane (168).
δὲ προσάπτουσι τήν τε τῶν LXXIV. Les Muses ont
ἐλαιῶν ἡμέρωσιν καὶ reçu de leur père le don de
φυτείαν παραδοῦναι τοῖς l'inven- 72 tion des lettres
ἀνθρώποις καὶ τὴν τοῦ et des compositions
καρποῦ τούτου κατεργασίαν· poétiques. Quant à ceux
πρὸ γὰρ τοῦ γενέσθαι τὴν qui soutiennent que les
θεὸν ταύτην ὑπάρξαι μὲν τὸ Syriens sont les inventeurs
γένος τοῦτο τῶν δένδρων des lettres qu'ils ont
μετὰ τῆς ἄλλης ἀγρίας ὕλης, transmises des Phéniciens
τὴν μέντοι γ´ ἐπιμέλειαν aux Grecs, par
ταύτης {οὐκ} εἶναι καὶ τὴν l'intermédiaire de Cadmus,
ἐμπειρίαν τὴν ἔτι καὶ νῦν qui arriva en Europe, et
γινομένην περὶ τούτων. que c'est pourquoi les
Πρὸς δὲ τούτοις τὴν τῆς Grecs nomment Phéniciens
ἐσθῆτος κατασκευὴν καὶ τὴν les caractères de
τεκτονικὴν τέχνην, ἔτι δὲ l'écriture : on leur répond
πολλὰ τῶν ἐν ταῖς ἄλλαις que les Phéniciens n'ont
ἐπιστήμαις εἰσηγήσασθαι point primitivement
τοῖς ἀνθρώποις· εὑρεῖν δὲ inventé les lettes, et que la
καὶ τὴν τῶν αὐλῶν dénomination que les
κατασκευὴν καὶ τὴν διὰ Grecs leur ont donnée
τούτων συντελουμένην vient de ce que les
μουσικὴν καὶ τὸ σύνολον Phéniciens ont seulement
πολλὰ τῶν φιλοτέχνων changé le type de ces
ἔργων, ἀφ´ ὧν ἐργάνην caractères dont la plupart
αὐτὴν προσαγορεύεσθαι. des hommes se sont
[74] Ταῖς δὲ Μούσαις servis.
δοθῆναι παρὰ τοῦ πατρὸς Vulcain fut l'inventeur
τὴν τῶν γραμμάτων εὕρεσιν de tous les ouvrages de
καὶ τὴν τῶν ἐπῶν σύνθεσιν fer, de cuivre, d'or,
τὴν προσαγορευομένην d'argent, enfin de toutes
ποιητικήν. Πρὸς δὲ τοὺς les matières susceptibles
λέγοντας, ὅτι Σύροι μὲν d'être travaillées au feu. Il
εὑρεταὶ τῶν γραμμάτων enseigna aussi aux
εἰσί, παρὰ δὲ τούτων artisans et à tous les
Φοίνικες μαθόντες τοῖς hommes les autres usages
Ἕλλησι παραδεδώκασιν, du feu. C'est pourquoi les
οὗτοι δ´ εἰσὶν οἱ μετὰ artisans invoquent
Κάδμου πλεύσαντες εἰς τὴν particulièrement ce dieu,
Εὐρώπην, καὶ διὰ τοῦτο τοὺς
Ἕλληνας τὰ γράμματα lui offrent des sacrifices et
Φοινίκεια προσαγορεύειν, lui donnent avec tous les
φασὶ τοὺς Φοίνικας οὐκ ἐξ hommes le nom de
ἀρχῆς εὑρεῖν, ἀλλὰ τοὺς Vulcain, pour conserver le
τύπους τῶν γραμμάτων souvenir immortel d'un si
μεταθεῖναι μόνον, καὶ τῇ τε grand bienfait. Mars a le
γραφῇ ταύτῃ τοὺς πλείστους premier fabriqué des
τῶν ἀνθρώπων χρήσασθαι armes, équipé des soldats
καὶ διὰ τοῦτο τυχεῖν τῆς et introduit dans les
προειρημένης προσηγορίας. combats cette ardeur
Ἥφαιστον δὲ λέγουσιν guerrière avec laquelle il
εὑρετὴν γενέσθαι τῆς περὶ exterminait les impies.
τὸν σίδηρον ἐργασίας Apollon passe pour
ἁπάσης καὶ τῆς περὶ τὸν 1'inventeur de la cithare et
χαλκὸν καὶ χρυσὸν καὶ de son usage en musique.
ἄργυρον καὶ τῶν ἄλλων ὅσα De plus, il a appris aux
τὴν ἐκ τοῦ πυρὸς ἐργασίαν hommes la science de la
ἐπιδέχεται, καὶ τὰς ἄλλας δὲ médecine, de celle qui se
χρείας τὰς τοῦ πυρὸς pratique au moyen de l'art
ἁπάσας προσεξευρεῖν καὶ divinatoire, et par laquelle
παραδοῦναι τοῖς τε τὰς on traitait anciennement
τέχνας ἐργαζομένοις καὶ les malades. Il fut aussi
τοῖς ἄλλοις ἅπασιν l'inventeur de l'arc et
ἀνθρώποις· διόπερ οἱ τῶν enseigna aux Crétois la
τεχνῶν τούτων δημιουργοὶ manière de s'en servir. Ils
τὰς εὐχὰς καὶ θυσίας τούτῳ donnent à l'arc le surnom
τῷ θεῷ μάλιστα ποιοῦσι, καὶ de scythique (169), et les
τὸ πῦρ οὗτοί τε καὶ πάντες Crétois se piquent le plus
ἄνθρωποι προσαγορεύουσιν d'adresse dans l'exercice
Ἥφαιστον, εἰς μνήμην καὶ de cette arme. Esculape,
τιμὴν ἀθάνατον τιθέμενοι fils d'Apollon et de Coronis,
τὴν ἐξ ἀρχῆς τῷ κοινῷ βίῳ instruit dans la médecine
δεδομένην εὐεργεσίαν. Τὸν en grande partie par son
Ἄρην δὲ μυθολογοῦσι père, y ajouta l'intention
πρῶτον κατασκευάσαι de la chirurgie, la
πανοπλίαν καὶ στρατιώτας préparation des remèdes,
καθοπλίσαι καὶ τὴν ἐν ταῖς et la découverte des
μάχαις ἐναγώνιον ἐνέργειαν propriétés des racines. Il fit
εἰσηγήσασθαι, φονεύοντα tellement avancer l'art
τοὺς ἀπειθοῦντας τοῖς qu'il en est regardé comme
θεοῖς. Ἀπόλλωνα δὲ τῆς l'auteur et le fondateur.
κιθάρας εὑρετὴν LXXV. On range dans
ἀναγορεύουσι καὶ τῆς κατ´ les attributions de Mercure
αὐτὴν μουσικῆς· ἔτι δὲ τὴν les fonctions des hérauts
ἰατρικὴν ἐπιστήμην en temps de guerre, les
ἐξενεγκεῖν διὰ τῆς μαντικῆς traités de paix et les 73
τέχνης γινομένην, δι´ ἧς τὸ trêves. On lui donne
παλαιὸν συνέβαινε comme emblème de son
θεραπείας τυγχάνειν τοὺς autorité le caducée que
ἀρρωστοῦντας· εὑρετὴν δὲ portent les parlementaires,
καὶ τοῦ τόξου γενόμενον et qui garantit leur sûreté
διδάξαι τοὺς ἐγχωρίους τὰ auprès des ennemis. C'est
περὶ τὴν τοξείαν, ἀφ´ ἧς pourquoi on donne à
αἰτίας μάλιστα παρὰ τοῖς Mercure l'épithète de
Κρησὶν ἐζηλῶσθαι τὴν Commun (170), puisque
τοξικὴν καὶ τὸ τόξον les parties belligérantes
Κρητικὸν ὀνομασθῆναι. ont un intérêt commun à
Ἀπόλλωνος δὲ καὶ faire la paix. On dit aussi
Κορωνίδος Ἀσκληπιὸν que ce dieu a le premier
γενηθέντα, καὶ πολλὰ παρὰ imaginé les mesures, les
τοῦ πατρὸς τῶν εἰς ἰατρικὴν balances et tous les
μαθόντα, προσεξευρεῖν τήν instruments utiles au
τε χειρουργίαν καὶ τὰς τῶν commerce ; il a même, le
φαρμάκων σκευασίας καὶ premier, appris à
ῥιζῶν δυνάμεις, καὶ καθόλου s'approprier furtivement le
προβιβάσαι τὴν τέχνην ἐπὶ bien d'autrui. Il passe
τοσοῦτον, ὥστε ὡς ἀρχηγὸν d'ailleurs pour le héraut
αὐτῆς καὶ κτίστην τιμᾶσθαι. des dieux et le meilleur
[75] Τῷ δ´ Ἑρμῇ messager ou interprète de
προσάπτουσι τὰς ἐν τοῖς leurs ordres. C'est
πολέμοις γινομένας pourquoi on l'appelle
ἐπικηρυκείας καὶ διαλλαγὰς Hermès (171), non qu'il ait
καὶ σπονδὰς καὶ τὸ τούτων inventé les mots et les
σύσσημον κηρύκειον, locutions, comme le
φορεῖν εἰώθασιν οἱ περὶ τῶν prétendent quelques-uns,
τοιούτων τοὺς λόγους mais parce qu'il rendait
ποιούμενοι καὶ διὰ τούτου avec clarté et éloquence
τυγχάνοντες παρὰ τοῖς les messages dont il était
πολεμίοις ἀσφαλείας· ὅθεν chargé. On attribue encore
δὴ καὶ κοινὸν Ἑρμῆν à Mercure l'invention de la
ὠνομάσθαι, διὰ τὸ τὴν palestre et de la lyre à
ὠφέλειαν ἀμφοτέροις εἶναι écaille de tortue. Il imagina
κοινὴν τοῖς ἐν τῷ πολέμῳ cet instrument après la
τὴν εἰρήνην lutte d'Apollon et de
μεταλαμβάνουσι. Φασὶ δ´ Marsyas, lorsqu'Apollon
αὐτὸν καὶ μέτρα καὶ σταθμὰ vainqueur, s'étant
καὶ τὰ διὰ τῆς ἐμπορίας cruellement vengé de son
κέρδη πρῶτον ἐπινοῆσαι καὶ antagoniste, se repentit,
τὸ λάθρᾳ τὰ τῶν ἄλλων brisa les cordes de sa lyre
σφετερίζεσθαι. et abandonna pour
Παραδεδόσθαι δ´ αὐτὸν καὶ quelque temps la musique.
κήρυκα τῶν θεῶν, ἔτι δ´ Selon les mythes des
ἄγγελον ἄριστον διὰ τὸ Crétois, Bacchus est
σαφῶς αὐτὸν ἕκαστα τῶν l'inventeur de la culture de
εἰς ἐντολὴν δοθέντων la vigne et de la fabrication
ἑρμηνεύειν· ἀφ´ οὗ καὶ du vin ; il a enseigné aussi
τετευχέναι τῆς προσηγορίας à emmagasiner une
αὐτὸν ταύτης, οὐχ εὑρετὴν multitude de fruits
τῶν ὀνομάτων καὶ λέξεων d'automne, destinés à
γενόμενον, ὥς τινές φασιν, servir longtemps à la
ἀλλὰ τὸ τῆς ἀπαγγελίας nourriture des hommes.
ἄρτιον καὶ σαφὲς Les Crétois prétendent que
ἐκπεπονηκότα περιττότερον ce dieu est né chez eux, de
τῶν ἄλλων. Εἰσηγητὴν δ´ Jupiter et de Proserpine ; et
αὐτὸν καὶ παλαίστρας qu'Orphée le représente
γενέσθαι, καὶ τὴν ἀπὸ τῆς dans les mystères, comme
χελώνης λύραν ἐπινοῆσαι ayant été déchiré par les
μετὰ τὴν Ἀπόλλωνος πρὸς Titans. Mais il y a eu
Μαρσύαν σύγκρισιν, καθ´ ἣν plusieurs Bacchus dont
λέγεται τὸν Ἀπόλλωνα nous avons ailleurs parlé
νικήσαντα καὶ τιμωρίαν ὑπὲρ avec plus de détails (172).
τὴν ἀξίαν λαβόντα παρὰ τοῦ Les Crétois citent comme
λειφθέντος μεταμεληθῆναι, preuves de la naissance de
καὶ τὰς ἐκ τῆς κιθάρας ce dieu en Crète, les deux
χορδὰς ἐκρήξαντα μέχρι îles qu'il a colonisées près
τινὸς χρόνου τῆς ἐν αὐτῇ des golfes Didymes ; il les
μουσικῆς ἀποστῆναι. a, d'après lui, nommées
Διόνυσον δὲ Dionysiades, ce qu'il n'a
μυθολογοῦσιν εὑρετὴν fait à aucun autre pays de
γενέσθαι τῆς τ´ ἀμπέλου καὶ la terre.
τῆς περὶ ταύτην ἐργασίας, LXXVI. Selon les
ἔτι δ´ οἰνοποιίας καὶ τοῦ mêmes mythes, Hercule,
πολλοὺς τῶν ἐκ τῆς ὀπώρας fils de Jupiter, est né en
καρπῶν ἀποθησαυρίζεσθαι Crète bien des années
καὶ τὰς χρείας καὶ τὰς avant que le fils d'Alcmène
τροφὰς παρέχεσθαι τοῖς vînt 74 au monde dans
ἀνθρώποις ἐπὶ πολὺν χρόνον. l'Argolide. On ne dit pas
Τοῦτον δὲ τὸν θεὸν quelle était la mère du
γεγονέναι φασὶν ἐκ Διὸς καὶ premier ; on sait
Φερσεφόνης κατὰ τὴν seulement que, surpassant
Κρήτην, ὃν Ὀρφεὺς κατὰ τὰς tous les hommes en force,
τελετὰς παρέδωκε il parcourut toute la terre,
διασπώμενον ὑπὸ τῶν punissant les malfaiteurs
Τιτάνων· πλείονας γὰρ et délivrant les pays des
Διονύσους συμβαίνει bêtes féroces qui les
γεγονέναι, περὶ ὧν ἡμεῖς rendaient inhabitables.
σαφέστερον τὰ κατὰ μέρος Après avoir délivré tous les
ἐν οἰκειοτέροις καιροῖς hommes, il devint lui-
ἀναγεγράφαμεν. Οἱ δ´ οὖν même invincible et
Κρῆτες τῆς παρ´ αὐτοῖς invulnérable ; et ceux-ci,
γενέσεως τοῦ θεοῦ reconnaissants de ses
πειρῶνται σημεῖα φέρειν, bienfaits, lui accordèrent
λέγοντες ὅτι περὶ τὴν les honneurs immortels.
Κρήτην δύο νήσους κτίσας Hercule, fils d'Alcmène,
ἐπὶ τῶν καλουμένων διδύμων beaucoup plus jeune, a pris
κόλπων Διονυσιάδας ἀφ´ celui-là pour modèle, et il a
ἑαυτοῦ προσηγόρευσεν, ὅπερ atteint l'immortalité par les
μηδαμοῦ τῆς οἰκουμένης mêmes voies ; dans la
αὐτὸν ἑτέρωθι πεποιηκέναι. suite des temps, la
[76] Ἡρακλέα δὲ similitude des noms et
μυθολογοῦσιν ἐκ Διὸς l'ignorance du vulgaire ont
γενέσθαι παμπόλλοις ἔτεσι fait attribuer les exploits
πρότερον τοῦ γεννηθέντος de l'ancien Hercule au fils
{περὶ τὴν Ἀργείαν} ἐξ d'Alcmène. Cependant les
Ἀλκμήνης. Τοῦτον δὲ μητρὸς Crétois reconnaissent que
μὲν μὴ παρειληφέναι τίνος ce premier Hercule a
ἦν, αὐτὸ δὲ μόνον ὅτι ῥώμῃ accompli ses principaux
σώματος πολὺ τῶν ἁπάντων exploits en Egypte, où il a
διενεγκὼν ἐπῆλθε τὴν reçu les plus grands
οἰκουμένην, κολάζων μὲν honneurs et où il a même
τοὺς ἀδίκους, ἀναιρῶν δὲ τὰ fondé une ville.
τὴν χώραν ἀοίκητον Suivant la même
ποιοῦντα θηρία· πᾶσι δ´ mythologie des Crétois,
ἀνθρώποις τὴν ἐλευθερίαν Britomartis, surnounée
περιποιήσας ἀήττητος μὲν Dictynna, naquit à Coeno,
ἐγένετο καὶ ἄτρωτος, διὰ δὲ en Crète, de Jupiter et de
τὰς εὐεργεσίας ἀθανάτου Carmé, fille d'Eubulus, fils
τιμῆς ἔτυχε παρ´ ἀνθρώποις. de Cérès. Elle inventa les
Τὸν δ´ ἐξ Ἀλκμήνης Ἡρακλέα filets de chasse, d'où lui
παντελῶς νεώτερον ὄντα, vient le surnom de
καὶ ζηλωτὴν γενόμενον τῆς Dictynna (173). Elle
τοῦ παλαιοῦ προαιρέσεως, entretenait un commerce
διὰ τὰς αὐτὰς αἰτίας τυχεῖν intime avec Diane ; c'est
τε τῆς ἀθανασίας καὶ pourquoi quelques-uns ont
χρόνων ἐγγενομένων διὰ τὴν considéré Dictynne et
ὁμωνυμίαν δόξαι τὸν αὐτὸν Diane comme une seule et
εἶναι, καὶ τὰς τοῦ προτέρου même déesse ; mais
πράξεις εἰς τοῦτον Dictynne est vénérée chez
μεταπεσεῖν, ἀγνοούντων τῶν les Crétois par des
πολλῶν τἀληθές. sacrifices particuliers et
Ὁμολογοῦσι δὲ τοῦ par des constructions
παλαιοτέρου θεοῦ κατὰ τὴν sacrées. Ainsi, les
Αἴγυπτον πράξεις τε καὶ historiens qui avancent
τιμὰς ἐπιφανεστάτας que Dictynne fut ainsi
διαμένειν καὶ πόλιν ὑπ´ appelée parce qu'elle se
ἐκείνου κτισθεῖσαν. cacha dans des filets de
Βριτόμαρτιν δὲ τὴν pêcheurs, pour se dérober
προσαγορευομένην à la passion de Minos, se
Δίκτυνναν μυθολογοῦσι sont trompés. Car, d'un
γενέσθαι μὲν ἐν Καινοῖ τῆς côté, il n'est point probable
Κρήτης ἐκ Διὸς καὶ Κάρμης qu'une déesse, fille du plus
τῆς Εὐβούλου τοῦ grand des dieux, eût été
γεννηθέντος ἐκ Δήμητρος· réduite à implorer le
ταύτην δ´ εὑρέτιν γενομένην secours des hommes ; et,
δικτύων τῶν εἰς κυνηγίαν d'un autre côté, il est
injuste de représenter
προσαγορευθῆναι Δίκτυνναν, comme un si grand impie
καὶ τὰς μὲν διατριβὰς Minos, dont la vie sage et
ποιήσασθαι μετὰ τῆς irréprochable a mérité tous
Ἀρτέμιδος, ἀφ´ ἧς αἰτίας les éloges.
ἐνίους δοκεῖν τὴν αὐτὴν LXXVII. Plutus naquit
εἶναι Δίκτυννάν τε καὶ de Cérès et d'Iasion, à
Ἄρτεμιν, θυσίαις δὲ καὶ ναῶν Tripolus, en Crète. On
κατασκευαῖς τετιμῆσθαι raconte sa naissance de
παρὰ τοῖς Κρησὶ τὴν θεὸν deux manières. Selon les
ταύτην. Τοὺς δ´ uns, Iasion ensemença la
ἱστοροῦντας αὐτὴν terre, laquelle ayant été
ὠνομάσθαι Δίκτυνναν ἀπὸ soigneusement cultivée,
τοῦ συμφυγεῖν εἰς ἁλιευτικὰ produisit une si grande
δίκτυα, διωκομένην ὑπὸ quantité de fruits que les 75
Μίνω συνουσίας ἕνεκα, hommes, voyant cette
διημαρτηκέναι τῆς fertilité, lui donnèrent le
ἀληθείας· οὔτε γὰρ τὴν θεὸν nom de Plutus (Richesse).
εἰς τοιαύτην ἀσθένειαν Aussi est-ce une locution
ἐλθεῖν πιθανὸν ὑπάρχειν devenue depuis
ὥστε προσδεηθῆναι τῆς παρ traditionnelle de dire de
´ ἀνθρώπων βοηθείας, τοῦ celui qui a plus de biens
μεγίστου τῶν θεῶν οὖσαν qu'il ne lui en faut, qu'il
θυγατέρα, οὔτε τῷ Μίνῳ possède Plutus (174).
δίκαιον προσάπτειν τοιαύτην Suivant d'autres
ἀσέβειαν, παραδεδομένῳ mythologues, Plutus, fils de
συμφώνως δικαίαν Cérès et d'Iasion, fut le
προαίρεσιν καὶ βίον premier qui eut soin
ἐπαινούμενον ἐζηλωκέναι. d'amasser des richesses,
[77] Πλοῦτον δὲ et de les conserver ; car
γενέσθαι φασὶν ἐν Τριπόλῳ les hommes de l'ancien
τῆς Κρήτης ἐκ Δήμητρος καὶ temps n'amassaient pas de
Ἰασίωνος, διττῶς richesses et ne songeaient
ἱστορουμένης αὐτοῦ τῆς pas à les garder.
γενέσεως. Οἱ μὲν γάρ φασι Tels sont les mythes
τὴν γῆν σπαρεῖσαν ὑπὸ que les Crétois racontent
Ἰασίωνος καὶ τυγχάνουσαν des divinités qui sont nées
ἐπιμελείας τῆς προσηκούσης dans leur île. Mais ce que
ἀνεῖναι τοσοῦτο πλῆθος nous allons rapporter est,
καρπῶν, ὥστε τοὺς ἰδόντας selon eux, la plus grande
ἴδιον ὄνομα θέσθαι τῷ preuve que les rites des
πλήθει τῶν γενομένων sacrifices et les
καρπῶν καὶ προσαγορεῦσαι cérémonies ont été
πλοῦτον· διὸ καὶ τοῖς apportés de la Crète dans
ἐπιγινομένοις παραδόσιμον d'autres pays. Chez les
γενέσθαι τὸ τοὺς πλείω τῶν Athéniens, l'initiation aux
ἱκανῶν κτησαμένους ἔχειν mystères d'Eleusis, la plus
πλοῦτον. Ἔνιοι δὲ célèbre de toutes, aussi
μυθολογοῦσιν ἐκ Δήμητρος bien que l'initiation aux
καὶ Ἰασίωνος γενέσθαι παῖδα
Πλοῦτον ὀνομαζόμενον, ὃν mystères de Samothrace
πρῶτον ἐπιμέλειαν βίου καὶ et à ceux des Ciconiens en
χρημάτων ἀθροισμὸν καὶ Thrace, institués par
φυλακὴν εἰσηγήσασθαι, τῶν Orphée, ont lieu
πρὸ τοῦ πάντων ὀλιγώρως secrètement ; tandis qu'à
ἐχόντων περὶ τὸ σωρεύειν Cnosse, en Crète,
καὶ τηρεῖν ἐπιμελῶς l'initiation se fait
χρημάτων πλῆθος. publiquement, et l'on ne
Περὶ μὲν οὖν τῶν θεῶν οἱ cache rien à ceux qui
Κρῆτες τῶν παρ´ αὐτοῖς veulent connaître ce qui
λεγομένων γεννηθῆναι est ailleurs tenu secret.
τοιαῦτα μυθολογοῦσι· τὰς δὲ Mais les dieux, partant
τιμὰς καὶ θυσίας καὶ τὰς de la Crète, ont visité
περὶ τὰ μυστήρια τελετὰς ἐκ beaucoup d'endroits de la
Κρήτης εἰς τοὺς ἄλλους terre, pour communiquer
ἀνθρώπους παραδεδόσθαι au genre humain leurs
λέγοντες τοῦτο φέρουσιν, découvertes et leurs
ὡς οἴονται, μέγιστον bienfaits. Ainsi, Cérès
τεκμήριον· τήν τε γὰρ παρ´ passa dans l'Attique, de là
Ἀθηναίοις ἐν Ἐλευσῖνι elle se rendit en Sicile, et
γινομένην τελετήν, enfin en Egypte ; dans tous
ἐπιφανεστάτην σχεδὸν ces pays elle enseigna
οὖσαν ἁπασῶν, καὶ τὴν ἐν l'usage et la culture du blé,
Σαμοθρᾴκῃ καὶ τὴν ἐν Θρᾴκῃ et elle s'attira les
ἐν τοῖς Κίκοσιν, ὅθεν hommages de ceux qui
καταδείξας Ὀρφεὺς ἦν, avaient goûté de ses
μυστικῶς παραδίδοσθαι, bienfaits. Vénus a séjourné
κατὰ δὲ τὴν Κρήτην ἐν au pied du mont Eryx, en
Κνωσῷ νόμιμον ἐξ ἀρχαίων Sicile, dans l'île de
εἶναι φανερῶς τὰς τελετὰς Cythère, à Paphos, en
ταύτας πᾶσι παραδίδοσθαι, Cypre, et dans la Syrie, en
καὶ τὰ παρὰ τοῖς ἄλλοις ἐν Asie ; et les habitants de
ἀπορρήτῳ παραδιδόμενα ces lieux de prédilection
παρ´ αὐτοῖς μηδένα s'appropriant cette déesse,
κρύπτειν τῶν βουλομένων lui ont donné les surnoms
τὰ τοιαῦτα γινώσκειν. d'Erycine, de Cythérée, de
Τῶν γὰρ θεῶν φασι τοὺς Paphia et de Syrienne.
πλείστους ἐκ τῆς Κρήτης Apollon se montra
ὁρμηθέντας ἐπιέναι πολλὰ longtemps à Délos, en
μέρη τῆς οἰκουμένης, Lycie, et à Delphes ; Diane
εὐεργετοῦντας τὰ γένη τῶν à Ephèse, dans le Pont, en
ἀνθρώπων καὶ μεταδιδόντας Perse et dans la Crète. De
ἑκάστοις τῆς ἐκ τῶν ἰδίων ces endroits ou des actions
εὑρημάτων ὠφελείας. mémorables que ces
Δήμητραν μὲν γὰρ divinités y ont commises,
περαιωθεῖσαν εἰς τὴν Apollon a été surnommé
Ἀττικὴν ἐκεῖθεν εἰς Σικελίαν Délien, Lycien et Pythien ;
ἀπᾶραι, καὶ μετὰ ταῦτ´ εἰς et Diane Ephésienne,
Tauropole, Persique ;
Αἴγυπτον· ἐν δὲ τούτοις τοῖς quoique 76 tous deux
τόποις μάλιστα τὸν τοῦ soient nés en Crète. Cette
σίτου καρπὸν παραδοῦσαν déesse est très vénérée en
καὶ τὰ περὶ τὸν σπόρον Perse ; et les Barbares
διδάξασαν μεγάλων τιμῶν célèbrent encore
τυχεῖν παρὰ τοῖς εὖ aujourd'hui, en l'honneur
παθοῦσιν. Ὁμοίως δ´ de Diane Persique, les
Ἀφροδίτην ἐνδιατρῖψαι τῆς mystères en usage chez
μὲν Σικελίας περὶ τὸν d'autres peuples. Les
Ἔρυκα, τῶν δὲ νήσων περὶ mythologues racontent des
Κύθηρα καὶ Πάφον τῆς choses semblables à
Κύπρου, τῆς δὲ Ἀσίας περὶ l'égard des autres dieux ;
τὴν Συρίαν· διὰ δὲ τὴν mais il serait trop long de
ἐπιφάνειαν καὶ τὴν ἐπὶ πλέον nous y arrêter, et les
ἐπιδημίαν αὐτῆς τοὺς lecteurs peuvent
ἐγχωρίους ἐξιδιάζεσθαι τὴν facilement suppléer à
θεόν, καλοῦντας Ἀφροδίτην notre silence.
Ἐρυκίνην καὶ Κυθέρειαν καὶ LXXVIII. Beaucoup de
Παφίαν, ἔτι δὲ καὶ Συρίαν. générations après la
Ὡσαύτως δὲ τὸν μὲν naissance des dieux, il y
Ἀπόλλωνα πλεῖστον χρόνον eut, d'après la tradition,
φανῆναι περὶ Δῆλον καὶ dans l'île de Crète, un
Λυκίαν καὶ Δελφούς, τὴν δ´ grand nombre de héros,
Ἄρτεμιν περὶ τὴν Ἔφεσον καὶ dont les plus célèbres sont
τὸν Πόντον, ἔτι δὲ τὴν Minos, Rhadamanthe et
Περσίδα καὶ τὴν Κρήτην· Sarpédon. Ils étaient,
διόπερ ἀπὸ τῶν τόπων suivant les mythograplies,
πράξεων τῶν παρ´ ἑκάστοις fils de Jupiter et de la fille
συντελεσθεισῶν τὸν μὲν d'Agénor, Europe, qui par
Δήλιον καὶ Λύκιον καὶ Πύθιον la providence des dieux fut
ὀνομάζεσθαι, τὴν δ´ Ἐφεσίαν transportée en Crète sur le
καὶ Κρησίαν, ἔτι δὲ dos d'un taureau. Minos,
Ταυροπόλον καὶ Περσίαν, déjà très avancé en âge,
ἀμφοτέρων ἐν Κρήτῃ fut roi de l'île et y fonda
γεγεννημένων. Τιμᾶται δὲ des villes nombreuses,
καὶ παρὰ τοῖς Πέρσαις θεὸς dont les trois plus
αὕτη διαφερόντως, καὶ considérables sont Cnosse,
μυστήρια ποιοῦσιν οἱ dans la partie qui regarde
βάρβαροι, συντελούμενα παρ l'Asie, Phaestus, sur la côte
´ ἑτέροις μέχρι τῶν νῦν méridionale, et Cydonie à
χρόνων Ἀρτέμιδι Περσίᾳ. l'occident, en face du
Παραπλήσια δὲ μυθολογοῦσι Péloponnèse. Il donna aux
καὶ περὶ τῶν ἄλλων θεῶν, Crétois beaucoup de lois
περὶ ὧν ἡμῖν ἀναγράφειν qu'il feignit d'avoir reçues
μακρὸν ἂν εἴη, τοῖς δ´ de Jupiter, son père, dans
ἀναγινώσκουσι παντελῶς les entretiens qu'il aurait
ἀσύνοπτον. eus avec lui dans une
[78] Μετὰ δὲ τὰς τῶν grotte (175). Maître d'une
θεῶν γενέσεις ὕστερον grande armée maritime, il
πολλαῖς γενεαῖς φασι soumit la plupart des îles,
γενέσθαι κατὰ τὴν Κρήτην et par là il obtint, le
ἥρωας οὐκ ὀλίγους, ὧν premier des Grecs,
ὑπάρχειν ἐπιφανεστάτους l'empire de la mer. Enfin,
τοὺς περὶ Μίνω καὶ après s'être acquis une
Ῥαδάμανθυν καὶ Σαρπηδόνα. grande renommée de
Τούτους γὰρ μυθολογοῦσιν bravoure et de justice, il
ἐκ Διὸς γεγεννῆσθαι καὶ τῆς mourut en Sicile pendant
Ἀγήνορος Εὐρώπης, ἥν φασιν son expédition contre
ἐπὶ ταύρου διακομισθῆναι Cocalus. Nous en avons
προνοίᾳ θεῶν εἰς τὴν parlé en détail à l'occasion
Κρήτην. Μίνω μὲν οὖν de Dédale, qui était la
πρεσβύτατον ὄντα cause de cette expédition
βασιλεῦσαι τῆς νήσου, καὶ (176).
κτίσαι πόλεις οὐκ ὀλίγας ἐν LXXIX. Rhadamanthe
αὐτῇ, τούτων δ´ passe pour avoir exercé la
ἐπιφανεστάτας τρεῖς, justice avec le plus
Κνωσὸν μὲν ἐν τοῖς πρὸς τὴν d'équité et pour avoir
Ἀσίαν νεύουσι μέρεσι τῆς infligé des châtiments
νήσου, Φαιστὸν δ´ ἐπὶ impitoyables aux brigands,
θαλάττης ἐστραμμένην ἐπὶ aux impies et autres
μεσημβρίαν, Κυδωνίαν δ´ ἐν malfaiteurs. Il possédait de
τοῖς πρὸς ἑσπέραν nombreuses îles et une
{κεκλιμένοις} τόποις κατ´ grande partie du littoral de
ἀντικρὺ τῆς Πελοποννήσου. l'Asie ; toutes ces contrées
Θεῖναι δὲ καὶ νόμους τοῖς s'étaient livrées
Κρησὶν οὐκ ὀλίγους, volontairement à lui sur la
προσποιούμενον παρὰ Διὸς réputation de sa justice.
τοῦ πατρὸς λαμβάνειν, Rhadamanthe remit à
συνερχόμενον εἰς λόγους Erythrus, un de ses fils, le
αὐτῷ κατά τι σπήλαιον. royaume des Erythriens,
Κτήσασθαι δὲ καὶ δύναμιν ainsi appelés du nom de 77
ναυτικὴν μεγάλην, καὶ τῶν ce dernier ; il donna l'île de
τε νήσων τὰς πλείστας Chio à Oenopion, fils
καταστρέψασθαι καὶ πρῶτον d'Ariane, fille de Minos.
τῶν Ἑλλήνων C'est celui que quelques
θαλαττοκρατῆσαι. Μεγάλην mythologues disent fils de
δὲ δόξαν περιποιησάμενον ἐπ Bacchus et instruit par son
´ ἀνδρείᾳ καὶ δικαιοσύνῃ, père dans la fabrication du
καταστρέψαι τὸν βίον ἐν vin. Rhadamanthe laissa
Σικελίᾳ κατὰ τὴν ἐπὶ enfin à chacun de ses
Κώκαλον στρατείαν, περὶ ἧς lieutenants une île ou une
τὰ κατὰ μέρος ἀνεγράψαμεν ville, Lemmos à Thoas,
ὅτε τὰ περὶ Δαίδαλον Cyros à Egyée, Péparéthos
ἀνεγράφομεν, δι´ ὃν καὶ τὴν (177) à Pamphilus,
στρατείαν συνέβη γενέσθαι. Maronée à Evambée, Paros
[79] Ῥαδάμανθυν δὲ à Alcée, Délos à Anion et
λέγουσι τάς τε κρίσεις Andros à Andrée qui, en
πάντων δικαιοτάτας raison de son extrême
πεποιῆσθαι καὶ τοῖς λῃσταῖς équité, laissa son nom à
καὶ ἀσεβέσι καὶ τοῖς ἄλλοις cette île. Rhadamanthe fut,
κακούργοις ἀπαραίτητον selon les mythologues,
ἐπενηνοχέναι τιμωρίαν. établi juge dans les enfers,
Κατακτήσασθαι δὲ καὶ pour séparer les bons et
νήσους οὐκ ὀλίγας καὶ τῆς les méchants ; il a donc
Ἀσίας πολλὴν τῆς obtenu le même honneur
παραθαλαττίου χώρας, que Minos, le plus juste
ἁπάντων ἑκουσίως des rois. Sarpédon, leur
παραδιδόντων ἑαυτοὺς διὰ troisième frère, passa,
τὴν δικαιοσύνην. Τὸν δὲ selon la tradition, en Asie
Ῥαδάμανθυν Ἐρύθρῳ μὲν ἑνὶ avec une armée, et conquit
τῶν αὑτοῦ παίδων la Lycie. Evandre, son fils,
παραδοῦναι τὴν βασιλείαν lui succéda dans le
τῶν δι´ ἐκεῖνον Ἐρυθρῶν royaume de Lycie ; il
ὀνομασθεισῶν, Οἰνοπίωνι δὲ épousa Deïdamia, fille de
τῷ Ἀριάδνης τῆς Μίνω Χίον Bellérophon, et en eut
ἐγχειρίσαι φασίν, ὃν ἔνιοι Sarpédon qui accompagna
μυθολογοῦσι Διονύσου Agamemnon (178) à la
γενόμενον μαθεῖν παρὰ τοῦ guerre de Troie, et que
πατρὸς τὰ περὶ τὴν d'autres appellent fils de
οἰνοποιίαν. Τῶν δ´ ἄλλων Jupiter. Minos eut, dit-on,
τῶν περὶ αὐτὸν ἡγεμόνων deux fils, Deucalion et
ἑκάστῳ νῆσον πόλιν Molus ; le premier fut père
δωρήσασθαι λέγουσι τὸν d'Idoménée, et le second
Ῥαδάμανθυν, Θόαντι μὲν de Mérion. Ceux-ci avec
Λῆμνον, Ἐνυεῖ δὲ Κύρνον, quatre-vingts (179) navires
Σταφύλῳ δὲ Πεπάρηθον, suivirent Agamemnon
Εὐάνθει δὲ Μαρώνειαν, contre Troie, et revinrent
Ἀλκαίῳ δὲ Πάρον, Ἀνίωνι δὲ heureusement dans leur
Δῆλον, Ἀνδρεῖ δὲ τὴν ἀπ´ patrie, où ils reçurent,
ἐκείνου κληθεῖσαν Ἄνδρον. après leur mort, une
Διὰ δὲ τὴν ὑπερβολὴν τῆς magnifique sépulture et les
περὶ αὐτὸν δικαιοσύνης honneurs immortels. On
μεμυθολογῆσθαι δικαστὴν montre à Cnosse leur
αὐτὸν ἀποδεδεῖχθαι καθ´ tombeau avec cette
ᾅδου καὶ διακρίνειν τοὺς inscription : «Passant, tu
εὐσεβεῖς καὶ τοὺς πονηρούς. vois ici le tombeau
Τετευχέναι δὲ τῆς αὐτῆς d'Idoménée de Cnosse, et
τιμῆς καὶ τὸν Μίνω, moi, Alérion, fils de Molus,
βεβασιλευκότα νομιμώτατα je repose auprès de lui».
καὶ μάλιστα δικαιοσύνης Les Crétois les honorent
πεφροντικότα. Τὸν δὲ τρίτον par des sacrifices comme
ἀδελφὸν Σαρπηδόνα φασὶ des héros célèbres ; et
μετὰ δυνάμεως εἰς τὴν dans les dangers de la
Ἀσίαν διαβάντα guerre ils invoquent leur
κατακτήσασθαι τοὺς περὶ secours.
Λυκίαν τόπους. Εὔανδρον δὲ LXXX. Après ces récits
γενόμενον υἱὸν αὐτοῦ détaillés, il nous reste
διαδέξασθαι τὴν ἐν Λυκίᾳ encore à parler des nations
βασιλείαν, καὶ γήμαντα qui se sont mêlées avec les
Δηιδάμειαν τὴν Crétois. Nous avons déjà
Βελλεροφόντου τεκνῶσαι dit que les premiers
Σαρπηδόνα τὸν ἐπὶ Τροίαν habitants de l'île, réputés
μὲν στρατεύσαντα {μετ´ autochthones, se
Ἀγαμέμνονος}, ὑπό τινων δὲ nommaient Etéocrétois.
Διὸς υἱὸν ὀνομαζόμενον. Beaucoup de générations
Μίνῳ δέ φασιν υἱοὺς après, les Pélas- 78 ges,
γενέσθαι Δευκαλίωνά τε καὶ réduits à une vie errante
Μόλον· καὶ Δευκαλίωνος μὲν par leurs expéditions et
Ἰδομενέα, Μόλου δὲ émigrations continuelles,
Μηριόνην ὑπάρξαι. Τούτους abordèrent en Crète et
δὲ ναυσὶν ἐνενήκοντα vinrent occuper une partie
στρατεῦσαι μετ´ de cette île. Une troisième
Ἀγαμέμνονος εἰς Ἴλιον, καὶ race, celle des Doriens, alla
διασωθέντας εἰς τὴν s'y établir sous la conduite
πατρίδα τελευτῆσαι καὶ de Tectamus, fils de Dorus.
ταφῆς ἐπιφανοῦς ἀξιωθῆναι Cette peuplade était
καὶ τιμῶν ἀθανάτων. Καὶ τὸν composée en partie des
τάφον αὐτῶν ἐν τῇ Κνωσῷ habitants des environs du
δεικνύουσιν, ἐπιγραφὴν mont Olympe, et en partie
ἔχοντα τοιάνδε, Κνωσίου des Achéens de la Laconie,
Ἰδομενῆος ὅρα τάφον. Αὐτὰρ lorsque Dorus commença
ἐγώ τοι πλησίον ἵδρυμαι son expédition en partant
Μηριόνης Μόλου. Τούτους des environs de Malée.
μὲν οὖν ὡς ἥρωας ἐπιφανεῖς Une quatrième race était
τιμῶσιν οἱ Κρῆτες formée d'un mélange de
διαφερόντως, θύοντες καὶ Barbares, qui
κατὰ τοὺς ἐν τοῖς πολέμοις s'habituèrent, avec le
κινδύνους ἐπικαλούμενοι temps, à parler la langue
βοηθούς. des Grecs, habitants de
[80] Τούτων δ´ ἡμῖν l'île. Minos et
διευκρινημένων λείπεται Rhadamanthe parvinrent
περὶ τῶν ἐπιμιχθέντων ensuite, après de longs
ἐθνῶν τοῖς Κρησὶ διελθεῖν. efforts, à ramener à l'unité
Ὅτι μὲν οὖν πρῶτοι ces différentes races de
κατῴκησαν τὴν νῆσον οἱ l'île. Enfin, après le retour
προσαγορευθέντες μὲν des Héraclides, les Argiens
Ἐτεόκρητες, δοκοῦντες δ´ et les Lacédémoniens
ὑπάρχειν αὐτόχθονες, envoyèrent des colonies
προειρήκαμεν· μετὰ δὲ dans plusieurs autres îles,
τούτους πολλαῖς γενεαῖς se mirent en possession de
ὕστερον Πελασγοὶ ces îles et y fondèrent
πλανώμενοι διὰ τὰς συνεχεῖς quelques villes dont nous
στρατείας καὶ parlerons en temps et lieu
μεταναστάσεις (180). Au reste, comme la
καταντήσαντες εἰς τὴν plupart des historiens qui
Κρήτην μέρος τῆς νήσου ont parlé de la Crète
κατῴκησαν. Τρίτον δὲ γένος diffèrent entre eux, il ne
φασὶ τῶν Δωριέων faut pas s'étonner si notre
παραβαλεῖν εἰς τὴν νῆσον récit ne s'accorde pas sur
ἡγουμένου Τεκτάμου τοῦ tous les points. Nous avons
Δώρου· τούτου δὲ τοῦ λαοῦ pris pour guides les
μέρος τὸ μὲν πλέον historiens les plus
ἀθροισθῆναι λέγουσιν ἐκ véridiques qui ont eu le
τῶν περὶ τὸν Ὄλυμπον plus d'autorité, et nous
τόπων, τὸ δέ τι μέρος ἐκ avons suivi tantôt
τῶν κατὰ τὴν Λακωνικὴν Epiménide (181) le
Ἀχαιῶν διὰ τὸ τὴν ἀφορμὴν théologien, tantôt Dosiade,
τὸν Δῶρον ἐκ τῶν περὶ Sosicrate et Laosthénide
Μαλέαν τόπων ποιῆσαι. (182).
Τέταρτον δὲ γένος Après avoir parlé
συμμιγῆναί φασιν εἰς τὴν suffisamment de l'île de
Κρήτην μιγάδων βαρβάρων Crète, nous allons
τῶν διὰ τὸν χρόνον entreprendre l'histoire de
ἐξομοιωθέντων τῇ διαλέκτῳ Lesbos.
τοῖς ἐγχωρίοις Ἕλλησι.
Μετὰ δὲ ταῦτα τοὺς περὶ
Μίνω καὶ Ῥαδάμανθυν
ἰσχύσαντας ὑπὸ μίαν ἀγαγεῖν
συντέλειαν τὰ ἔθνη τὰ κατὰ
τὴν νῆσον. Τὸ δὲ τελευταῖον
μετὰ τὴν κάθοδον τῶν
Ἡρακλειδῶν Ἀργεῖοι καὶ
Λακεδαιμόνιοι πέμποντες
ἀποικίας ἄλλας τέ τινας
νήσους ἔκτισαν καὶ ταύτης
τῆς νήσου κατακτησάμενοι
πόλεις τινὰς ᾤκησαν ἐν
αὐταῖς· περὶ ὧν τὰ κατὰ
μέρος ἐν τοῖς ἰδίοις χρόνοις
ἀναγράψομεν. Ἐπεὶ δὲ τῶν
τὰ Κρητικὰ γεγραφότων οἱ
πλεῖστοι διαφωνοῦσι πρὸς
ἀλλήλους, οὐ χρὴ θαυμάζειν
ἐὰν μὴ πᾶσιν ὁμολογούμενα
λέγωμεν· τοῖς γὰρ τὰ
πιθανώτερα λέγουσι καὶ
μάλιστα πιστευομένοις
ἐπηκολουθήσαμεν, μὲν
Ἐπιμενίδῃ τῷ θεολόγῳ
προσσχόντες, δὲ Δωσιάδῃ
καὶ Σωσικράτει καὶ
Λαοσθενίδᾳ.

[81] Ἐπεὶ δὲ περὶ Κρήτης LXXXI. L'île de Lesbos


ἱκανῶς διήλθομεν, περὶ τῆς a été autrefois habitée par
Λέσβου νῦν λέγειν plusieurs races que de
ἐπιχειρήσομεν. Ταύτην γὰρ nombreuses émigrations y
τὴν νῆσον τὸ παλαιὸν ᾤκησε avaient amenées. Elle était
πλείω γένη, πολλῶν encore déserte, lorsque les
μεταναστάσεων ἐν αὐτῇ Pélasges s'y établirent les
γενομένων. Ἑρήμου γὰρ premiers, voici comment.
οὔσης αὐτῆς πρώτους Xanthus, fils de Triopus, roi
Πελασγοὺς κατασχεῖν αὐτὴν des Pélasges, sortis
τοιῷδέ τινι τρόπῳ. Ξάνθος d'Argos, s'empara d'une
Τριόπου τῶν ἐξ Ἄργους partie de la Lycie, s'y fixa
Πελασγῶν βασιλεύων, καὶ d'abord, et y régna sur les
κατασχὼν μέρος τι τῆς Pélasges qu'il avait
Λυκίας χώρας, τὸ μὲν amenés avec lui. Plus tard,
πρῶτον ἐν αὐτῇ κατοικῶν il passa dans l'île de
ἐβασίλευε τῶν Lesbos, en partagea le
συνακολουθησάντων territoire entre ses sujets,
Πελασγῶν, ὕστερον δὲ et changea le nom d'Issa,
περαιωθεὶς εἰς τὴν Λέσβον qu'elle portait auparavant,
οὖσαν ἔρημον τὴν μὲν χώραν en celui 79 de Pelasgia.
τοῖς λαοῖς ἐμέρισε, τὴν δὲ Sept générations après, le
νῆσον ἀπὸ τῶν déluge de Deucalion, qui fit
κατοικούντων αὐτὴν périr un grand nombre
Πελασγίαν ὠνόμασε, τὸ πρὸ d'hommes, dépeupla aussi
τοῦ καλουμένην Ἴσσαν. Lesbos. Quelque temps
Ὕστερον δὲ γενεαῖς ἑπτὰ après, Macarée y aborda,
γενομένου τοῦ κατὰ et, charmé de la beauté du
Δευκαλίωνα κατακλυσμοῦ pays, il y fixa sa demeure.
καὶ πολλῶν ἀνθρώπων Macarée était fils de
ἀπολομένων, συνέβη καὶ τὴν Crinacus, et petit-fils de
Λέσβον διὰ τὴν ἐπομβρίαν Jupiter, au rapport
ἐρημωθῆναι. Μετὰ δὲ ταῦτα d'Hésiode et de quelques
Μακαρεὺς εἰς αὐτὴν autres poètes ; il habitait
ἀφικόμενος, καὶ τὸ κάλλος dans Olénum, ville de la
τῆς χώρας κατανοήσας, contrée qu'on appelait
κατῴκησεν αὐτήν. Ἦν δ´ alors Iade, et qui s'est
Μακαρεὺς υἱὸς μὲν Κρινάκου depuis nommée Achaïe. Sa
τοῦ Διός, ὥς φησιν Ἡσίοδος colonie était composée
καὶ ἄλλοι τινὲς τῶν ποιητῶν, d'ioniens et de beaucoup
κατοικῶν δ´ ἐν Ὠλένῳ τῆς d'autres peuples qu'il avait
τότε μὲν Ἰάδος, νῦν δ´ ramassés ; fixée dans
Ἀχαΐας καλουμένης. Εἶχε δὲ Lesbos, elle y prit du
λαοὺς ἠθροισμένους, τοὺς développement, grâce à la
μὲν Ἴωνας, τοὺς δ´ ἐξ ἄλλων fertilité du sol. Macarée,
ἐθνῶν παντοδαπῶν par sa douceur et sa
συνερρυηκότας. Καὶ τὸ μὲν justice, gagna les îles
πρῶτον τὴν Λέσβον voisines et en distribua le
κατῴκησε, μετὰ δὲ ταῦτα territoire qui était désert.
ἀεὶ μᾶλλον αὐξόμενος διά τε Vers ce même temps,
τὴν ἀρετὴν τῆς νήσου καὶ Lesbos, fils de Lapithes,
τὴν ἰδίαν ἐπιείκειάν τε καὶ petit-fils d'Eole, arrière-
δικαιοσύνην τὰς σύνεγγυς petit-fils d'Hippotès, selon
νήσους κατεκτᾶτο, καὶ l'ordre d'un oracle, aborda
διεμέριζε τὴν χώραν ἔρημον dans cette même île avec
οὖσαν. Κατὰ δὲ τούτους quelques colons, épousa
τοὺς χρόνους Λέσβος Méthymne, fille de
Λαπίθου τοῦ Αἰόλου τοῦ Macarée, et réunit les deux
Ἱππότου κατά τι colonies. Lesbos se rendit
πυθόχρηστον μετ´ célèbre et laissa son nom à
οἰκητόρων πλεύσας εἰς τὴν cette île, ainsi qu'à ses
προειρημένην νῆσον, καὶ habitants. Macarée avait,
γήμας τὴν θυγατέρα τοῦ entre autres, deux filles,
Μακαρέως Μήθυμναν, κοινῇ Methymne et Mitylène, qui
κατῴκησε, γενόμενος δ´ donnèrent leurs noms à
ἐπιφανὴς ἀνὴρ τήν τε νῆσον deux villes de l'île.
Λέσβον ὠνόμασεν ἀφ´ Macarée, désirant
ἑαυτοῦ καὶ τοὺς λαοὺς s'approprier les îles
Λεσβίους προσηγόρευσε. voisines, envoya d'abord
Μακαρεῖ δὲ θυγατέρες dans Chio une colonie sous
ἐγένοντο σὺν ἄλλαις la conduite d'un de ses fils.
Μυτιλήνη καὶ Μήθυμνα, ἀφ´ Il envoya dans Samos son
ὧν αἱ πόλεις ἔσχον τὴν second fils, Cydrolaüs, qui
προσηγορίαν. δὲ Μακαρεὺς partagea le territoire entre
ἐπιβαλλόμενος τὰς σύνεγγυς ses compagnons et régna
νήσους ἰδίας κατασκευάζειν sur l'île. La troisième île
ἐξέπεμψεν ἀποικίαν εἰς que Macarée colonisa fut
πρώτην τὴν Χίον, ἑνὶ τῶν Cos ; il lui donna Néandre
ἑαυτοῦ παίδων παραδοὺς pour roi. Enfin il envoya à
τὴν ἡγεμονίαν· μετὰ δὲ Rhodes Leucippe avec une
ταῦτα εἰς τὴν Σάμον ἕτερον forte colonie : les habitants
ἐξέπεμψε τὸν ὀνομαζόμενον de Rhodes, alors très peu
Κυδρόλαον, ὃς ἐν ταύτῃ nombreux, l'accueillirent
κατοικήσας καὶ τὴν νῆσον avec joie, et les deux
κατακληρουχήσας populations se réunirent.
ἐβασίλευεν αὐτῆς· τρίτην δὲ LXXXII. Le déluge qui
τὴν Κῶ κατοικίσας arriva vers cette époque
ἀπέδειξεν αὐτῆς βασιλέα jeta dans de grandes
Νέανδρον· ἑξῆς δ´ εἰς τὴν calamités le continent
Ῥόδον Λεύκιππον ἐξέπεμψε situé en face de ces îles.
μετὰ συχνῶν οἰκητόρων, οὓς L'inondation détruisit les
οἱ τὴν Ῥόδον κατοικοῦντες fruits pour bien des
διὰ τὴν σπάνιν τῶν ἀνδρῶν années. Il en résulta une
ἄσμενοι προσεδέξαντο καὶ famine qui, jointe à la
κοινῇ τὴν νῆσον ᾤκησαν. corruption de l'air,
[82] Τὴν δ´ ἀντιπέρας occasionna la peste dans
τῶν νήσων κατ´ ἐκείνους les villes. Cependant ces
τοὺς καιροὺς συνέβη διὰ τὸν îles, bien exposées aux
κατακλυσμὸν μεγάλας καὶ vents, offraient à leurs
δεινὰς κατασχεῖν ἀτυχίας· habitants un air salubre ;
διὰ μὲν γὰρ τὰς ἐπομβρίας elles étaient riches en
ἐπὶ πολλοὺς χρόνους fruits et prospères, ce qui
ἐφθαρμένων τῶν καρπῶν les fit appeler les îles
σπάνις τε τῶν ἐπιτηδείων Fortunées (183). 80
ὑπῆρχε καὶ λοιμικὴ Quelques-uns prétendent
κατάστασις ἐπεῖχε τὰς que ce nom leur fut donné
πόλεις διὰ τὴν τοῦ ἀέρος par les fils de Macarée et
φθοράν. Αἱ δὲ νῆσοι d'Ion, qui y ont régné. Quoi
διαπνεόμεναι καὶ τὸν ἀέρα qu'il en soit, ces îles ont
παρεχόμεναι τοῖς ἐνοικοῦσιν été bien plus opulentes
ὑγιεινόν, ἔτι δὲ τοῖς καρποῖς que les îles voisines, non
ἐπιτυγχάνουσαι, ἀεὶ μᾶλλον seulement dans les
εὐπορίας ἔγεμον, καὶ ταχὺ anciens temps, mais
τοὺς κατοικοῦντας αὐτὰς encore à notre époque. En
μακαρίους ἐποίησαν. Διὸ καὶ effet, en raison de la
μακάρων ὠνομάσθησαν fertilité du sol, de leur belle
νῆσοι, τῆς εὐπορίας τῶν situation, et de la douceur
ἀγαθῶν αἰτίας γενομένης du climat, on les appelle à
τῆς προσηγορίας. Ἔνιοι δέ juste titre et elles sont
φασιν αὐτὰς μακάρων réellement des îles
νήσους ὠνομάσθαι ἀπὸ Fortunées . Le même
Μακαρέως {καὶ Ἴωνος} ὑπὸ Macarée qui fit roi de
τῶν παίδων τούτων Lesbos, y porta la première
δυναστευσάντων {αὐτῶν}. loi contenant plusieurs
Καθόλου δ´ αἱ προειρημέναι dispositions utiles à l'Etat :
νῆσοι διήνεγκαν εὐδαιμονίᾳ il l'appela Lion, par allusion
μάλιστα τῶν σύνεγγυς à la force et au courage de
κειμένων οὐ μόνον κατὰ cet animal.
τοὺς ἀρχαίους χρόνους, LXXXIII. Assez
ἀλλὰ καὶ κατὰ τὴν ἡμετέραν longtemps après la
ἡλικίαν· ἀρετῇ γὰρ χώρας colonisation de Lesbos, l'île
καὶ τόπων εὐκαιρίαις, ἔτι δ´ de Ténédos fut peuplée de
ἀέρων κράσει, la manière que nous allons
καλλιστεύουσαι κατὰ λόγον exposer. Tennès, fils de
καλοῦνται καὶ πρὸς ἀλήθειαν Cycnus, roi de Colone,
εἰσὶν εὐδαίμονες. Αὐτὸς δ´ dans la Troade, était un
Μακαρεὺς ἐν τῇ Λέσβῳ homme distingué par son
βασιλεύων {πρῶτον μὲν} courage. Avant rassemblé
νόμον ἔγραψε πολλὰ τῶν un certain nombre de
κοινῇ συμφερόντων colons, il partit du
περιέχοντα, ὠνόμασε δ´ continent et vint occuper
αὐτὸν λέοντα, ἀπὸ τῆς τοῦ l'île appelée Leucophrys,
ζῴου δυνάμεως καὶ ἀλκῆς qui était située est face et
θέμενος τὴν προσηγορίαν. déserte. Il en distribua le
[83] Ὕστερον δὲ τῆς territoire à ses sujets ; il y
κατὰ τὴν Λέσβον ἀποικίας fonda une ville et l'appela
ἱκανοῖς τισι χρόνοις συνέβη de son nom, Ténédos. Il
τὴν νῆσον τὴν ὀνομαζομένην gouverna sagement, et,
Τένεδον κατοικισθῆναι comblant les habitants de
τοιῷδέ τινι τρόπῳ. Τέννης bienfaits, il s'acquit,
ἦν υἱὸς μὲν Κύκνου τοῦ pendant sa vie, une grande
βασιλεύσαντος Κολώνης τῆς réputation, et mérita,
ἐν τῇ Τρῳάδι, ἀνὴρ δ´ après sa mort, les
ἐπίσημος δι´ ἀρετήν. Οὗτος honneurs divins. On lui
οἰκήτορας ἀθροίσας καὶ τὴν éleva un temple, et on
ὁρμὴν ἐκ τῆς ἀντιπέρας institua en son honneur
ἠπείρου ποιησάμενος, des sacrifices dont l'usage
κατελάβετο νῆσον ἔρημον a subsisté jusqu'à ces
οὖσαν τὴν ὀνομαζομένην derniers temps. Nous ne
Λεύκοφρυν· devons pas omettre ici ce
κατακληρουχήσας δ´ αὐτὴν que les habitants de
τοῖς ὑπ´ αὐτὸν ταττομένοις, Cénédos racontent de
καὶ κτίσας ἐν αὐτῇ πόλιν, fabuleux sur Tennis,
ὠνόμασεν ἀφ´ ἑαυτοῦ fondateur de leur ville. Ils
Τένεδον. Πολιτευόμενος δὲ disent que Cycnus,
καλῶς καὶ πολλὰ τοὺς ajoutant foi aux calomnies
ἐγχωρίους εὐεργετήσας ζῶν de sa femme, enferma son
μὲν μεγάλης ἀποδοχῆς fils Tennes dans une caisse
ἐτύγχανε, τελευτήσας δ´ et le jeta dans la mer.
ἀθανάτων τιμῶν ἠξιώθη· καὶ Cette caisse fut portée par
γὰρ τέμενος αὐτοῦ les flots à Ténédos.
κατεσκεύασαν καὶ θυσίαις Tennés, sauvé
ὡς θεὸν ἐτίμων, ἃς miraculeusement par la
διετέλουν θύοντες μέχρι τῶν providence de quelque
νεωτέρων καιρῶν. Οὐ dieu, devint roi de cette île,
παραλειπτέον δ´ ἡμῖν περὶ où, se distinguant par sa
τῶν παρὰ τοῖς Τενεδίοις justice et ses autres
μυθολογουμένων περὶ τοῦ vertus, il obtint les
κτίσαντος τὴν πόλιν Τέννου· honneurs immortels. Or,
Κύκνον γάρ φασι τὸν πατέρα comme sa belle-mère
πιστεύσαντα γυναικὸς s'était servie du
διαβολαῖς ἀδίκοις τὸν υἱὸν témoignage d'un joueur de
Τέννην εἰς λάρνακα θέντα flûte pour faire ses
καταποντίσαι· ταύτην δ´ ὑπὸ rapports calomnieux, on
τοῦ κλύδωνος φερομένην porta une loi qui interdit à
προσενεχθῆναι τῇ Τενέδῳ, tout joueur de flûte
καὶ τὸν Τέννην παραδόξως l'entrée du temple. A
σωθέντα θεῶν τινος προνοίᾳ l'époque de la guerre de
τῆς νήσου βασιλεῦσαι, καὶ Troie, 81 Achille tua
γενόμενον ἐπιφανῆ διὰ τὴν Tennès, pendant que les
δικαιοσύνην καὶ τὰς ἄλλας Grecs ravageaient Ténédos
ἀρετὰς τυχεῖν ἀθανάτων ; les habitants portèrent
τιμῶν. Κατὰ δὲ τὰς τῆς alors une autre loi qui
μητρυιᾶς διαβολὰς αὐλητοῦ défend de prononcer le
τινος ψευδῶς nom d'Achille dans le
καταμαρτυρήσαντος, temple de leur fondateur.
νόμιμον ἔθεντο μηδένα Voilà ce que les
αὐλητὴν εἰς τὸ τέμενος mythologues rapportent au
εἰσιέναι. Κατὰ δὲ τοὺς sujet de Ténédos et de ses
Τρωικοὺς χρόνους Ἀχιλλέως anciens habitants.
τὸν Τέννην ἀνελόντος καθ´ LXXXIV. Après avoir
ὃν καιρὸν ἐπόρθησαν οἱ parlé des îles les plus
Ἕλληνες τὴν Τένεδον, νόμον considérables, nous allons
ἔθεσαν οἱ Τενέδιοι μηδένα aussi dire un mot des îles
ἐξεῖναι ἐν τῷ τεμένει τοῦ moins importantes.
κτίστου ὀνομάσαι Ἀχιλλέα.
Περὶ μὲν οὖν τῆς Τενέδου Les Cyclades étaient
καὶ τῶν ἐν αὐτῇ τὸ παλαιὸν encore désertes, lorsque
οἰκησάντων τοιαῦτα Minos, roi de Crète, fils de
μυθολογοῦσιν. Jupiter et d'Europe, conquit
avec ses nombreuses
[84] Ἐπεὶ δὲ περὶ τῶν armées de terre et ses
ἀξιολογωτάτων νήσων forces navales, l'empire de
διήλθομεν, περὶ τῶν la mer, et fit partir de
ἐλαττόνων ἀναγράψομεν. Crète beaucoup de
Τῶν γὰρ Κυκλάδων νήσων τὸ colonies. Il peupla ainsi la
παλαιὸν ἐρήμων οὐσῶν plupart des Cyclades, et en
Μίνως Διὸς καὶ Εὐρώπης, distribua les terres à ses
βασιλεύων τῆς Κρήτης καὶ sujets. Il se rendit maître
μεγάλας δυνάμεις ἔχων d'une grande partie du
πεζάς τε καὶ ναυτικάς, littoral de l'Asie ; aussi
ἐθαλαττοκράτει καὶ πολλὰς plusieurs ports, tant dans
ἀποικίας ἐξαπέστειλεν ἐκ les îles qu'en Asie, portent
τῆς Κρήτης, τῶν δὲ des noms de Crétois et
Κυκλάδων νήσων τὰς celui de Minos. Minos, dont
πλείους κατῴκισε καὶ τοῖς la puissance s'était
λαοῖς κατεκληρούχησεν, οὐκ considérablement accrue,
ὀλίγην δὲ καὶ τῆς Ἀσίας τῆς avait associé à l'empire
παραθαλαττίου κατέσχε. son frère Rhadamanthe ;
Διόπερ ἐν ταῖς νήσοις ἅμα mais, jaloux de la
καὶ κατὰ τὴν Ἀσίαν τὰς réputation de justice que
ἐπωνυμίας ἔχουσι Κρητῶν Rhadamanthe s'était
λιμένες καὶ Μινῷαι acquise, et voulant s'en
καλούμεναι. δὲ Μίνως ἐπὶ débarrasser, il l'envoya
πολὺ τῇ δυναστείᾳ aux extrémités de ses
προκόπτων, καὶ τὸν ἀδελφὸν Etats. Rhadamanthe vint
Ῥαδάμανθυν ἔχων πάρεδρον demeurer dans les îles
τῇ βασιλείᾳ, τούτῳ μὲν situées en face de l'Ionie et
ἐφθόνησεν ἐπὶ δικαιοσύνῃ de la Carie. Il envoya
θαυμαζομένῳ, βουλόμενος δ Erythrus fonder, en Asie, la
´ αὐτὸν ἐκποδὼν ποιήσασθαι ville d'Erythrie, et donna à
εἰς τὰς ἐσχατιὰς τῆς ὑπ´ Oenopion, fils d'Ariane, fille
αὐτὸν τεταγμένης χώρας de Minos, la souveraineté
ἐξέπεμψεν. δὲ Ῥαδάμανθυς de Chio. Ces choses se
διατρίβων εἰς τὰς νήσους passèrent avant la guerre
τὰς κατ´ ἀντικρὺ τῆς Ἰωνίας de Troie. Après la prise de
καὶ Καρίας κειμένας Troie, les Cariens, devenus
Ἔρυθρον μὲν κτίστην
ἐποίησε τῆς ἐπωνύμου plus puissants, se
πόλεως κατὰ τὴν Ἀσίαν, rendirent maîtres de la
Οἰνοπίωνα δὲ τὸν Ἀριάδνης mer et s'emparèrent à leur
τῆς Μίνω υἱὸν κύριον τῆς tour des Cyclades. Ils en
Χίου κατέστησε. Ταῦτα μὲν occupèrent pour eux-
οὖν ἐπράχθη πρὸ τῶν mêmes quelques-unes,
Τρωικῶν· μετὰ δὲ τὴν après avoir chassé les
Τροίας ἅλωσιν Κᾶρες Crétois qui les habitaient,
αὐξηθέντες ἐπὶ πλέον et se réunirent, dans
ἐθαλαττοκράτησαν, καὶ τῶν quelques autres, à la
Κυκλάδων νήσων population première des
κρατήσαντες τινὰς μὲν ἰδίᾳ Crétois. Plus tard, les
κατέσχον καὶ τοὺς ἐν αὐταῖς Grecs, voyant leurs affaires
κατοικοῦντας Κρῆτας prospérer, se mirent en
ἐξέβαλον, τινὰς δὲ κοινῇ possession de la plupart
μετὰ τῶν προενοικούντων des Cyclades, après en
Κρητῶν κατῴκησαν. avoir expulsé la race
Ὕστερον δὲ τῶν Ἑλλήνων barbare des Cariens. C'est
αὐξηθέντων συνέβη τὰς ce dont nous donnerons un
πλείους τῶν Κυκλάδων récit détaillé en temps
νήσων οἰκισθῆναι καὶ τοὺς convenable.
βαρβάρους Κᾶρας ἐξ αὐτῶν [ Les livres VI, VII, VIII,
ἐκπεσεῖν· περὶ ὧν τὰ κατὰ I\, X manquent. Les
μέρος ἐν τοῖς οἰκείοις fragments tlni en restent
χρόνοις ἀναγράψομεν. se trouvent dans le tome
quatrième. ]

NOTES

(01) Quelques éditions donnent quarante au lieu de


soixante; environ quatre-vingt-quatre myriamètres.
(02) Odyssée, IX, 309.
(03) Ἄγριος πυρός, prohablement le Triticum repens
(chiendent). Quelques savants ont prétendu que plusieurs
espèces de graminées sauvages, entre autres, le
chiendent, pouvaient, par les soins de l'homme et l'effet de
l'art, être transformées en espèces cultivées. C'est une
erreur. Il est aussi impossible à l'homme de changer le
chiendent en froment que de changer le chat en tigre. La
transformation des espèces animales et végétales est
aussi chimérique que la transmutation des métaux.
Chaque espèce de végétaux ou d'animaux a des
caractères essentiels auxquels la culture ou la domesticité
ne peut imprimer que de légères modifications. Ces
caractères fondamentaux resteront jusqu'à la fin du monde
tels qu'ils sont sortis des mains du créateur. En croisant les
espèces, on peut, il est vrai, produire des individus tout
particuliers, des espèces de monstres qui tiennent tout à la
fois du père et de la mère; mais ces individus (mulets ou
hybrides ) sont frappés de stérilité, comme si c'était une
tentative sacrilége de multiplier le nombre des espèces et
de faire mentir les paroles de Salonon : Omnia in mensura
et numero et pondere dsposuisti.
(04) Le territoire léontin était surtout célèbre pour sa
fertilité. Cicéron l'appelle Caput rei frumentariae (in
Verrem, 18). C'était le siège des Cyclopes et des
Lestrigons.

(05) Diodore semble avoir ici puisé littéralement à la


même source que Cicéron ( IV, in Verrem, 48. ) — Enna
autem est loco praecelso atque edita, quo in summo est
aequata agri planities et aquae perennes, tota vero ab
omni adtlu cirumcisa atque diremta est, quam circa lacus
lucique sunt plurimi et lœtissimi flores omni tempore anni,
locus ut ipse raptum illum virginis, quem jam a pueris
accepimus, declarare videatur, etc.

(06) Dans un des livres perdus entre le cinquième et le


onzième.

(07) Κυανή, (source) bleue.

(08) Cette fête parait avoir eu quelque analogie avec


la fête des fous au moyen âge.

(09) II y a eu deux poètes tragiques de ce nom ; ils ont


été à peu près contemporains : Carcinus d'Athènes, dont
Aristophane se raille, et celui d'Agrigente en Sicile. Il est
prohablement ici question du dernier.

(10) Θεσμοφόρος, législateur.

(11) Philistus, parent de Denys, tyran de Syracuse,


avait écrit l'histoire de la Sicile depuis huit siècles jusqu'à
son époque. Il se tua lui-même après la perte d'une hataille
où il défendait Denys le jeune. Cicéron le compare à
Thucydide.
(12) On a remarqué qui! les villes les plus anciennes
étaient situées sur des hauteurs. Voyez la note de
Wesseling, édit. Bipont., tome III, p. 557.

(13) Dans un des livres perdus entre le cinquième et


le onzième.

(14) Ce groupe d'iles est désigné aujourd'hui par le


nom d'îles de Lipari. Elles portent chacune un nom
significatif Στρογγύλη, la Ronde ; Εὐώνυμος, la Gauche: :
Διδύμη, la Jumelle ; Φοινικώδης, la Rouge ; Ἐρικώδης, iîe
aux Bruyères : Ἱερὰ Ἡφαίστου, île ronsacrée à Vulvaïn;
Λιπάρα, la Blanche. Ericodès et Phaenicodès étaient imssi
appelées Éricusa et Phœnicusa. Ces îles, d'origine
volcanique, sont aujourd'hui presque désertes, Stromboli .
l'ancienne Strongyle. renferme un volcan encore en
activité.

(15) Plus de vingt-sept kilomètres.

(16) Aujourd'hui Sorrento, sur le golfe de Naples.

(17) Voyez Odyssée, X, 2.

(18) Aujourd'hui le territoire de Lentinî.

(19) Cinq cent quatre-vingts ans avant J.-C.

(20) L'auteur ne dit pas quelles étaient ces maladies


d'une nature particulière, νόσοι ἰδιότροποι, dont les eaux
de Lipare étaient réputées procurer la guérison. C'étaient
prohablement des maladies de la peau, dont les
nombreuses espèces étaient incomparablement plus
fréquentes dans l'autiquité que de nos jours.

(21) Μέταλλα τῆς στυπτηρίας. J'ai rendu στυπηρία par


alun, signification que tous les lexiques donnent à ce mot.
Mais je ferai remarquer que στυπτηρία est un terme
général s'appliquant non-seulement à l'alun proprement dit
( sulfate double d'alumine et de potasse ), mais encore à
tout minéral d'une saveur astringente ou métallique, tels
que le vitriol vert (sulfate de fer), le vitriol bleu ( sulfate de
cuivre), etc. Voyez mon Histoire de la Chimie, tome I, page
145.

(22) Les anciens s'en servaient déjà en teinture pour


fixer les couleurs sur les étoffes. Quant à l'observation de
Diodore que l'alun ne se trouve dans aucun autre endroit
de la terre, c'est une de ces hyperboles qu'il ne faut pas
prendre au sérieux.

(23) Ὀστεώδης, île aux ossements. Probablement


l'Ustica des Romains. Méla la compte au nombre des lies
éoliennes. Sa position exacte est inconnue.

(24) Il n'y a qu'une nation exclusivement marchande


qui puisse se rendre coupable d'une pareille atrocité. On ns
serait pas emharrassé de trouver des crimes semblables
commis récemment dans une région lointaine, non pas sur
des soldats étrangers, mais sur des indigènes.

(25) Malte. Polybe et d'autres historiens ou géographes


l'appellent Μελτιταία au lieu de Μελίτη

(26) Près de quinze myriamêtres.

(27) L'étoffe de ces toiles paraît avoir été du coton que


les Grecs appelaient laine d'arbre, ἑριόξυλον Clavier, Sicilia
antiqua, II, p. 436.

(28) On voit que l'ile de Malte a été de tout temps


considérée par les nations marchandes comme un des
postes les plus importants. Les Anglais, qui ont succédé
aux Phéniciens et aux Carthaginois dans l'empire des
mers, la regardent avec raison comme la clef de la
Méditerranée.

(29) Aujourd'hui Gozzo.

(30) .Aujourd'hui Comino.

(31) Aujourd'hui Piombino.

(32) Αἴθαλος, suie.

(33) Dix-huit kilomètres et demi.


(34) Aujourd'hui Pouzzoles.

(35) Les mines de fer de l'île d'Elbe paraissent être


inépuisables. Car elles fournissent encore aujourd'hui du
fer de qualité supérieure.

(36) Environ cinquante-six kilomètres.

(37) Aujourd'hui Porto-Vecchio.

(38) Calaris est, par erreur, indiqué par Diodore


comme étant une ville de la Corse, ainsi que l'avait déjà
reconnu Palmerius qui propose de lire Ἀλαλίαν, Alalie,
d'après l'autorité d'Hérodote ( I. 465). Tout le monde sait
que Calaris, aujourd'hui Cagliari, était une ville de la
Sardaigne.

(39) Les montagnards de la Corse actuelle ont en


grande partie conservé les mœurs de l'ancienne Kyrnos.

(40) Les marchands falsificateurs connaissent


parfaitement la saveur amère du buis. Ils en ont tiré profit
pour sophistiquer la bière, en substituant, au préjudice de
la santé, le huis au houblon, beaucoup plus cher. — Si l'on
voulait suivre ici Virgile, il faudrait peut-être lire taxus, au
lieu de buxus, buis. Car ce poète dit (Eclog. IX, 30) : Sic tua
Cyrnœos fugiant examina taxos. Et son commentateur
Servius ajoute : Taxus venenata arbor est, quœ abundat in
Corsica. Mais l'if (taxus) n'a pas de propriétés vénéneuses
bien marquées ; et il n'est guère amer.

(41) Les géographes anciens évaluaient le périmètre


de cette ile à quatre ou cinq mille stades. Voyez Périple de
Marcien d'Héraclée, etc., par E. Miller; p. 324.

(42) Les Romains regardaient ces montagnards


indépendants commes des brigands, mastrucati latrunculi.
Tibère y fit déporter quatre mille Juifs pour restreindre les
brigandages des montagnards, latrociniis coercendis.
Tacite, Annales, II. 85.

(43) Aujourd'hui Ynica.


(44) Πίτυς, pin.

(45) Aujourd'hui Corfou.

(46) Cette ville s'appelait, selon tous les géographes


anciens, Ebusus ou Ebesus. Voyez la note de Wesseling,
édit. bipont., t. III, p. 568. Cependant le mot Eresus, de

(erets) terre, rappelle mieux l'origine phénicienne.

(47) La fondation de cette colonie remonterait au


règne de Numa, en admettant que Carthage a été prise par
les Romains, l'an 737 de sa fondation.

(48) Βαλλιαρεῖς;, Balliares, de βάλλειν, lancer.

(49) C'était là exactement ce que nous appelons


aujourd'hui une pommade, c'est- à-dire de l'axonge
(graisse de porc}, servant d'excipient à une huile
essentielle ou à un suc odorant. Les habitants des iles
Baléares paraissent donc s'être les premiers servis de
pommade. — Σχοῖνος, schinus, était probablement une
espèce de jonc aromatique.

(50) Quelle est l'Ile dont parle ici Diodore? Est-ce


l'Atlantide de Platon, ou même l'Amérique ? Quoi qu'il en
soit, je ne saurais partager l'opinion de Miot d'après
laquelle le récit de Diodore ne serait qu'une tradition
fabuleuse, embellie par l'imagination ries historiens et des
poètes. Il me semble que la description que Diodore fait du
climat et du sol de cette île inconnue peut, sous plusieurs
rapports, s'appliquer aux îles Canaries ou aux îles Açores.

(51) Les monts Hercyniens ne sont pas, selon moi, le


Ηarz, ainsi qu'on le croit généralement. Je pense, quoi
qu'en dise Miot, que les monts Hercyniens sont plutôt le
Schwarzicald (de Schwarz, noir, dont les Romains ont fait
Hercynia ), ou la forêt Noire qui avoisine une partie de l'est
de la France. Probablement cette forêt, dont les bois ont
été abattus dans la suite des temps, s'étendait jadis tout le
long des contrées rhénanes jusqu'aux frontières de la
Belgique.

(52) Dans un des livres perdus après le vingtième.

(53) Aujourd'hui North-Forland.

(54) Environ dix-huit mille cinq cents mètres.

(55) Aujourd'hui cap de Cornouailles.

(56) Vis-à-vis des îles Orcades au nord de l'Ecosse,

(57) Cent trente-huit myriamètres.

(58) Deux cent soixante-seize myriamètres.

(59) Trois cent soixante-huit myriamètres.

(60) Environ sept cent quatre-vingt-trois myriamètres.

(61) La religion, les mœurs et d'autres circonstances


font avec raison croire que les habitants de la Grande-
Bretagne ne sont pas autochthones, mais qu'ils
descendent probablement d'une colonie gauloise.

(62) Voyez César (Bellum Gallicum, V, 15) et Tacite


(Agricola, 12).

(63) Les habitants de laThrace et de la Cappadoce


avaient aussi des greniers souterrains. Varron (de Re
rustica, l, 57): Quidam granaria habenl sub terris,
speluncas, quas vocant σείρους;, ut in Cappadocia ac
Thracia.

(64) D'après l'autorité de César, le climat de la


Bretagne était, au contraire, plus tempéré que celui de la
Gaule. Loca sunt temperatiora quam in Gallia,
remissioribus frigoribus. ( Bellum Gallicum, V, 12. ) Tacite
est de la même opinion : Asperitas frigorum abest. (
Agrlcola, 12.) Ces renseignements contradictoire» et trop
peu détaillés ne peuvent guère servirà l'histoire de la
climatologie de ces pays, La variabilité du climat, suivant
les années et les saisons, ôte toute valeur aux
observations isolées de ce genre. Qui voudrait soutenir
aujourd'hui, avec César, que le climat de la Grande-
Bretagne est plus tempéré que celui de la France ?

(65) L'île de Wight. Les Romains l'appelaient Vectis ou


Vecta.

(66) La géographie ne paraissait pas avoir fait


beaucoup de progrès depuis Hérodote : Diodore semble
diviser le continent de l'Europe, abstraction faite de la
Grèce et de l'Italie, en trois régions, savoir, la Scythie,
habitée par les Scythes et les Germains confondus
ensemble; la Celtique, habitée par les Gaulois et les Celtes;
et l'Ibérie.

(67) Quelque île ou presqu'île de la Scandinavie, dans


la mer Baltique. Quelques anciens géographes ont placé
dans ces mêmes parages l'île de Baltéa. La pêche du
succin forme encore aujourd'hui une branche de commerce
pour quelques habitants de la mer Baltique.

(68) L'étymologie Φαέθων exige qu'on écrive


Phaëthon, et non Phaiéton, orthographe vulgairement
adoptée.

(69) Ce mythe renferme un grand fonds de vérité; il


semble être l'application allégorique d'un fait physique. On
a heaucoup discuté sur l'origine du succin. I.'opinion que la
science a fait prévaloir est que le succin ou l'ambre jaune,
avec lequel on a pour la première fois observé le
phénomène électrique de l'attraction, est un produit
d'altération d'une résine ou manne découlant, sous forme
de larmes, d'une espèce de plante (antédiluvienne)
aujourd'hui inconnue. Ce qu'il y a de certain, c'est que le
succin est une matière de nature organique ; il se compose
essentiellement d'une huile essentielle (huile de succin} et
d'un acide particulier (acide succinique). Quelques
chimistes ont trouvé récemment l'acide succinique
naturellement contenu dans quelques plantes de la famille
naturelle des Corymbifères, et particulièrement dans
l'ahsinthe (Artemisia ansinthium).

(70) Voyez IV, 19.

(71) Wesseling fait ici spirituellement observer que les


Grecs n'étaient jamais embarrassés pour expliquer l'origine
d'un nom propre de nation ou de ville. Leur imagination
féconde faisait naître, comme Deus ex machina, quelque
héros ou roi qui donnait aussitôt son nom à la nation sur
laquelle il régnait.

(72) Les Ëduens. Voyez César, B. G., l, 33; Tacite,


Annales, XI, 25.

(73) Le Danube se jette dans la mer Noire. Il faudra


probablement entendre par Δανούβιος, Danube, l'Elbe se
jetant en effet dans la mer du Nord, que les anciens
appelaient aussi Océan, division du grand océan
Atlantique. Cette conjecture est d'autant plus probable que
Diodore confond en un seul pays la Gaule et la Germanie.

(74) Dans son savant mémoire sur VHiftoire du climat


de la France, M. Fuster s'est appuyé sur ce passage de
Diodore, pour faire ressortir combien le climat de ce pays
était rigoureux à l'époque de César, c'est-à-dire environ 50
ans avant l'ère chrétienne. Mais je ne crois pas que
l'autorité de Diodore puisse être ici invoquée. Car, il paraît
certain que Diodore parle ici du climat de la Germanie. A la
vérité, dans tous ces chapitres il n'est question que des
Gaulois et de la Gaule ( Γαλάται, Γαλατία). Mais Diodore
confond évidemment en une seule nation les Gaulois et les
Germains qu'il ne nomme même pas. Ce qui le prouve,
c'est qu'il donne le nom de Gaulois aux Suèves (tribu
germanique), que César alla attaquer au delà du Rhin.
( César, B. G., IV, 19, et VI, 10. ) Ensuite Diodore dit lui-
même positivement, plus loin ( chap. 31 ), que les peuples
habitant les contrées qui s'étendent de la Celtique aux
monts Hercyniens, et de l'Océan jusque la Scythie, portent
tous le nom de Gaulois (ὀνομάζοντες Γαλάτας ἅπαντας;).

(75) Comparez Strabon (IV, p. 268), qui est moins


absolu à ce sujet.

(76) Cette boisson n'était autre chose que de la bière.


Elle était également eu usage chez les Égyptiens. (Voyez
plus haut I, 34.) Tacite (de Moribus Germanorum) l'appelle
potus ex hordeo factus et in quandam similitudinem, vini
corruptus.

(77) Tout le monde remarquera l'analogie parfaite de


caractère et de mœurs qui existe ici entre les anciens
Gaulois et les peuples sauvages, et particulièrement ceux
de l'Amérique septentrionale. Avec ces derniers surtout la
ressemblance est frappante, ainsi qu'on pourra s'en
convaincre en comparant ensemble la description que
Diodore donne ici des Gaulois et la peinture fidèle que F.
Cooper a faite des sauvages de l'Amérique du Nord.

(78) Χρυσὸς ἄνευ μεταλλείας, de l'or qui n'est pas


engagé dans des mines, c'est- à-dire de l'or natif. Ἄνευ
μεταλλείας est donc ici synonyme de ἄπυρος. Voyez t. I, p,
166.

(79) Τιτάνου ἀποπλύματι. La chaux, qui est un


caustique assez énergique. est en effet capable d'altérer à
la longue la matière colorante des cheveux. Pline nous
apprend que le savon est une invention des Gaulois :
Prodest et sapoa. Galliarum hoc inventum rutilandis
rapillis. Fit ex sebo et cinere. ( Hist. nat., XXVIII,12. C'était
la ce que nous appellerions aujourd'hui un savon de
potasse.

(80) Iliade, VII, 32l.

(81) La croyance à l'immortalité de l'âme, les Gaulois


la partageaient avec les Égyptiens, avec lesquels les
peuples celtiques présentent d'ailleurs plus d'un trait de
ressemblance. César s'exprime ainsi sur cette croyance
des Gaulois : Imprimis hoc volunt persuadere, non interire
animas, sed ab aliis post mortem transire ad alios ; atque
hoc maxime ad virtutem excitari putant, metu mortis
neglecto. (B. G., IV, 14. )

(82) Espèce d'écuyers qui, suivant César, portaient le


nom d'Ambactes. (B. G., VI, 15. )

(83) Ce mode d'embaumement rappelle celui des


Égyptiens. C'est un trait de ressemblance de plus que les
Gaulois offraient avec les anciens Egyptiens.

(84) Suivant Hésyehius, celte irompelte élait appelée


par les Gaulois carnon (cor?). Eustathe (in Homerum, p.
1139} prétend que le pavillon de cette trompette avait la
ligure de quelque animal sauvage, et que l'anche était de
plomb.

(85) Λανγκίας. Ainsi, le mot lance, qui a passé de là


dans toutes les langues, est d'origine celtique.

(86) D'après l'édition bipontinε, il faudrait lire ici


.Sarowt'rfes, Σαρονίδας, au lieu de Druides. (Les plus
précieux renseignements sur les druides, nous les devons
au célèbre conquérant de la Gaule. (César, B. G., VI, 16. )

(87) II existe ici une grande confusion dans le texte,


qui d'ailleurs contient des faits inexacts. Les Romains ont
toujours parfaitement distingué les Gaulois des Germains,
qui habitaient au delà du Rhin. Comparez la note 1, p. 26
de ce volume,

(88) L'Irlande. Son véritable nom était Hierne ou


Hibernia. Strabon (IV, p. 307) nous dépeint les anciens
habitants de cette île cumme des anthropophages.

(89) Voyez sur les expéditions des Gaulois en Italie, en


Grèce et dans l'Asie, Justin, XXIV, 5; Tite-Live, V, 33, et
Pausanias, X, 19.

(90) Consultez César, B. G., VI, 16 ; et Strabon, IV,


303.

(91) Comparez Tite-Live, XXII, 46 : Gallis Hispanisque


scuta ejusdem forma fere erant ; dispares ac dissimiles
gladii : Gallis praelongi, ac sine mucronibus ; Hispano
punctim magis quam caesim assueto petere hostem,
brevitate habiles et cum mucronibus.

(92) Près de neuf pouces.

(93) C'était une espèce de trempe qu'ils faisaient subir


au fer. Les Celtibériens avaient donc connaissance de la
fabrication de l'acier, ce qui suppose déjà un certlain degré
de civilisation. On sait que, pour la fabrication de l'acier, le
fer peut être trempé non-seulement dans l'eau, mais
encore dans l'huile, dans une pâte molle, etc. ( Voyez mes
Éléments de Chimie minérale, p. 390. )

(94) Catulle parle de.cette coutume des Celtibériens.


dans une de ses épigrammes (36):

Nunc Celtiber, in Celtibero terra Quod quisque minnxit,


hoc solet sibi mane Dentem atque russam defricare
gingivam.

(95) Les Basques.

(96) La mer Méditerranée est ici appelée la mer du


Midi, ἡ κατὰ μεσημβρίαν θάλαττα, par opposition à
l'Océan septentrional, ὑπὸ ἄρτους ὠκεανός ( l'océan situé
sous les Ourses), qui est la mer du Nord.

(97) Cinquante-cinq myriamêtres.

(98) De πῦρ, feu. Celte étymologie ressemble à tant


d'autres inventées par l'imagination féconde des Grecs. Le
mot Pyrénées vient évidemment du mot celtique pyrn, qui
signifie montagne.

(99) Strabon ( III, 217 ) met ce récit au nombre des


fables. Ce récit est pourtant plus croyable que bien
d'autres bistoires que les Grecs nous donnent pour
véridiques. Il n'est pas impossible qu'un violent
embrasement n'ait produit la fonte de grandes masses
d'argent natif; mais Lucrèce (V, 1250) commet une licence
poétique quand il parle, en dépeignant cet incendie des
Pyrénées, non seulement de ruisseaux d'argent, d'or et de
plomb, mais encore de torrents de cuivre ; car outre que ce
dernier métal est tres réfractaire et exige une température
extrêmement élevée pour fondre, il ne se rencontre guère
à l'état natif comme l'or et l'argent.

(100) Strabon rapporte ( III, 224 ), sur l'autorité


d'autres écrivains, qu'a l'époque où les Carthaginois
envahirent l'Espagne, sous la conduite d'Hamilcar Barcas,
ils y trouvèrent des crèches et des tonneaux d'argent
massif, tant ce métal était commun dans ce pays.

(101) Cinq mille six cent cinquante-sept francs. Le


talent était ordinairement composé de soixante mines; sa
valeur variait selon les localités. De là le talent euboïque,
attique, babylonien, etc.

(102) Stroth et Terrasson ont pensé que l'auteur fait ici


allusion au chien de la Fable. Je partage l'opinion de
Rhodoman, d'après laquelle Diodore a fait allusion à
l'énigme homérique dont il est parlé dans la Vie d'Homère,
attribuée à Hérodote. Les expressions sont presque les
mêmes : ὅσα ἕλομεν λιπόμσθ', ὄσσ' οὐχ ἕλομεν φερόμεθα.

(103) C'est la première fois que Diodore emploie ici le


nom plus moderne de Ἱσπανία.

(104) Voyez plus haut 1, 34. Vitruve ( X, 11 ) donne la


description de cette machine à épuisement.

(105) Dans quelqu'un des livres perdus après le


vingtième. C'est une perte irréparable pour l'histoire des
sciences.

(106) Le besoin et la cupidité, tels sont


malheureusement les plus puissants leviers de l'industrie
et de la civilisation. La soif inextinguible de l'or a créé des
merveilles en métallurgie; l'historien vient de nous en
tracer le triste et l'éloquent tableau.
(107) Comparez Polybe, I, 67.

(108) II y a ici dans le texte une expression heureuse,


καταπλουτομαχεῖν, qu'on ne saurait rendre que par une
périphrase. Cette expression, qui semblle avoir été
inventée tout exprès pour résumer uno verbo la politique
des Carthaginois, peut s'appliquer admirablement à une
grande nation marchande de nos jours.

(109) Cassitérides, de κασσίτερος, étain. Tout ce


passage parait être extrait d'un ouvrage de l'historien
Posidonius, cité par Strabon (III, p. 219).

(110) La Ligurie comprenait Gènes et le territoire


environnant

(111) Ce chapitre sur les Liguriens paraît être en


grande partie emprunté à Posidonius, que Strabon ( V, p.
334) cite en se servant presque des mêmes termes que
Diodore.

(112) Les historiens Romains s'accordent également à


reconnaître cette puissance antique des Étrusques,
auxquels les Romains empruntèrent la plupart de leurs
mœurs. Voyez Tite Live, V, 33 : Tuscorum ante Romanum
imperium late terra marique opes patuere. Mari supero
inferoque quibus Italia insulae modo cingitur, quantum
potuerint nomina sunt argumento, quod alterum Tuscum
communi uocabulo gentis, alterum Hadriaticum (mare) ab
Hatria, Tuscorum colonia, uocauere Italicae gentes,

(113) Tite Live partage l'opinion de Diodore : Me haud


pœnitet eorum sententiœ esse, quibus et apparitores et
hoc genus ab Etruscis finitimis, unde sella curulis, unde
toga pretexta sumpta est, numerum quaque ipsum ductum
placet (I, 8).

(114) Les Étrusques étaient surtout célèbres pour tirer


des présages de l'apparition des météores lumineux.
Etruria de cœlo tacta scientissime animadrertit eademque
interpretatur, quid quibusque ostendatur monstris atque
prodigiis. Cicéron ; de Divinatione,1,41).

(115) La Gédrosie de Strabon et de Ptolémée, entre


l'Indus et la Perse.

(116) On ignore quelles sont ces îles. La plupart


prétendent que la description de ces îles, de leurs
habitants, de leurs richesses, etc., est une pure invention
d'Évhémère, auteur d'une Histoire sacrée (sur les divinités
de la Grèce ) qui n'est pas parvenue jusqu'à nous. C'est à
cette source que Diodore a puisé son récit sur les
Panthéens, les Triphyliens et les îles Fortunées de l'Arabie.
Plutarque (Traité d'Isis et d'Osiris) nous apprend
qu'Évhémère soutenait que les prétendus dieux de
l'Olympe n'avaient été que des rois ou des chefs d'armée,
ayant vécu à une époque très-reculée, et qu'à l'appui de
cette opinion Évhémère disait avoir vu dans l'île de
Panchéa une inscription en lettres d'or.

(117) Ἱερά, île sacrée.

(118) Suivant plusieurs botanistes, l'encens est produit


par le Bosicalia serrata, arbre de la famille des
Térébinthacées.

(119) On n'est pas encore d'accord sur l'arbre qui


produit la myrrhe. Voyez sur le schinus, qu'on croit être
une espèce de lentisque, Théophraste (Historia plantarum,
VIII, 4) et Pline (Hist. Nat.,XII, 14).

(120) Voyez Dioscoride, I, 121 ; et Galien, de simplic.


Medic., VIIl. Si le paliurus est réellement une espèce de
nerprun, il faudra reconnaitre que les habitants de l'ile
sacrée employaient contre les diarrhées un véritable
moyen homéopathique, car les différentes espèces de
nerprun sont toutes plus ou moins purgatives.

(121) Environ trente-sept kilomètres.

(122) Cinq kilomètres et demi.

(123) Tous ceux qui ont voyagé sur mer apprécieront


l'exactitude de cette comparaison. En revenant de mon
voyage en Grèce, j'aperçus dans le lointain les montagnes
de la Calabre, semblables à d'épais nuages amoncelés à
l'horizon, l.'illsion était si complète que je croyais, pendant
plus d'une heure, à l'imminence d'une tempête.

(124) Soixante mètre.

(125) Diodore continue à suivre ici Evhémère.


Comparez Lactance Divin. institut., I, 11 ). ; (Evhemerus )
historia contenta ex titulis et inscriptionibus sacris, quae in
autiquissimis templis habebantur, mnaximeque in Fano
Jovis Triphylii, ubi auream columnam positam esse ab ipso
Jore, titulus indicabat, in qua columna gesta sua
perscripsit, ut rnonumentum esset posteris rerum suarum.

(126) Miot a rendu θύα ou θυία par bois de citronnier,


comme si le citronnier fournissait seul un bois odorant. Je
n'oserais décider si θύα ou θυία est le genre Thuya ( famille
des conifères) des botanistes modernes.

(127) Le tableau pittoresque que Diodore a fait, sur


l'autorité d'Évhémêre, de ces îles fortunées de l'Arabie,
peut en grande partie s'appliquer à l'Arabie-Heureuse.
Peut-être est-ce là la contrée qu'Evhémere a voulu décrire
sous le nom fictif de Panchéa.

(128) Voyez sur la vraie étymologie du mot


Samothrace, note I, page 235 du tome I.

(129) Cet ancien idiome paraît avoir eu la plus grande


analogie avec l'hébreu, auquel se rattachaient le chaldéen,
le phénicien, et peut-être même l'égyptien (langue
vulgaire). Le nom de Cabires qu'on donnait aux dieux de
Samothrace (Curètes, Corybantes) est évidemment le nom

hébreu , grand, puissant. Ainsi, l'hébreu serait la

langue sacrée par excellence, non-seulement parce que


l'Ancien Testament est rédigé dans cette langue, mais
encore parce que les anciens s'en servaient pendant la
célébration des mystères.

(130) Îles bleues (Κυννέαι), à l'embouchure du


Bosphore, dans la mer Noire.

(131) Ce déluge et ses effets ont été contestés par M.


Letronne et d'autres savants distingués. Cependant les
raisons qu'ils donnent pour comhattre la possibilité d'une
inondation diluvienne, attribuée à la rupture des digues qui
emprisonnaient de toutes parts le Pontr Euxin, ne me
paraissent pas convaincantes. Car cette rupture même des
digues ne peut avoir été déterminée que par quelque
grande catastrophe ayant eu pour effet un changement de
niveau, au moins momentané, dans les eaux du Pont-Euxin
et de la mer Egée. Ce changement pourrait avoir été
facilement déterminé par un violent tremblement de terre,
accompagné de la formation soudaine d'une montagne nu
d'une ile, pur voie de soulèvement.

(132) Voyez livre IV, 65 et 66.

(133) Mère d'Harmonie

(134) Le grec porte ἄλλους ; mais, selon toute


prohabilité, il faut lire αὐλούς

(135) Iliade, II, 59l.

(136) Plutus, Πλοῦτος signifie richesse.

(137) On ne s'accorde ni sur le nombre ni sur les noms


de ces dieux. Jupiter, Vulcain, Cérés, et les Dioscures,
paraissent avoir joué un grand rôle dans les mystères de
Samothrace. Suivant M. Sehweigger ( Einteitung in die
Mythologie auf dem Stzndlpunkte der ?Naturwinssesfhaft ;
Halle, 1836), les mystères et les dieux de Samothrace
étaient l'expression des phénomènes naturels del'éléctro-
magnétisme. On ne peut pas se dissimuler que certains
corps et symboles dont il est question dans ces mystères
ont une connexion étroite avec les phénomènes électro-
magnétiques : Lucrèce parle des anneaux de feu de
Samothrace. Les Dactyles idéens, qui passaient pour avoir
le plus approfondi la nature du fer, n'étaient lias étrangers
à ces mystères: or, on sait que le fer possède au plus haut
degré la vertu magnétique. D'un autre côté, les dieux de
Samothrace étaient particulièrement invoqués pendant les
orages, qui, comme personne ne l'ignore, dépendent
essentiellement de l'électricité atmosphérique et terrestre.
Voyez la note I, p. :304 du tome l.

(138) Δρίος; signifie bois de chênes. (Odyssée, XIV,


353.)

(139) Île Sacrée.

(140) Ἐρράπτω, je couds dedans. J'ai cru devoir rendre


littéralement ce terme emprunté à l'art chirurgical et qui
démontre que les anciens rapprochaient les bords d'une
plaie au moyen de sutures, ainsi qu'on le pratique encore
aujourd'hui.

(141) Les Naxiens s'étaient distingués dans la bataille


de Salamine (Hérodote, VIII, 46) ; mais ils ne se trouvent
pas indiqués dans le dénomhrement des peuples qui
comhattirent a Platée ( Hérodote, IX, 28 ).

(142) Aujourd'hui Symi ( île des Singes ), non loin de


Rhodes.

(143) Aujourd'hui Nisaro, à l'ouest de Rhodes. Voyez


Iliade, II, 676.

(144) Iliade, II, 678 et 679.

(145) Φθορᾶς ἀνθρώπων - γενομένης. Tous les


traducteurs ont compris que « la population a été détruite
par la peste. » J'ai cru devoir suivre fidèlement le texte en
rendant φθόρα par destruction, sans spécifier le genre de
mort.

(146) Lindus, Jalysus et Camire sont des villes de


Rhodes.
(147) Dans toutes les contrées de la terre, les
magiciens et sorciers ont été le cortège obligé des
populations primitives. Les peuples sauvages de l'Afnque
et de l'Amérique ont, comme les Rhodiens et les Cretois d'il
y a quarante siccles, leurs Techhines et leurs Dactyles.
Toutes les nations se ressemblent à leur origine. L'étude
des mœurs des sauvages supplée parfaitement au défaut
des premiers documents historiques.

(148) Ce Zénon, dont Diogène Laërce a fait mention,


paraît avoir vécu sous le règne du premier Ptolémée, fils
de Lagus.

(149) Ville d'Hélius (Soleil).

(150) Aujourd'hui le cap Crio

(151) Χερρόνησος signiiic littéralement île ( langue) de


terre. C'est ici la saillie la plus avancée (cap Crio ) du
littoral de la Carie.

(152) Ἠμιθέα, demi-déesse.

(153) Δάκτυλος signifie en même temps doigt et


Dactyle.

(154) Opera et Dies, vers 111 et suiv.

(155) Θεσμοφύλακες καὶ θεσμοθέται. Θεσμὸς; est à


peu près synonyme de θέμις ( Thémis ), justice.

(156) . Θεμιστεύειν. A la place de ce mot les Grecs


employaient plus souvent le mot χρηματίζειν.

(157) Ἑστία, foyer.

(158) Θεσμοφόρος, ἡ, législatrice

(159) .Ἐλεύθω, rac. de ἐλεύσομαι, j'arrive (de


l'étranger)

(160) Odyssée, IX, 109.

(161) Ἵππος, cheval.

(162) Ὄμφαλος,nombril.
(163) Αἰγίοχος,qui tient de la chèvre ; d'αἴξ, chèvre, et
de ἔχω, je tiens.

(164) Voyez tome I, page 242.

(165) Τέλειος; τελεία, qui met la dernière main à tout


ce qui s'accomplit.

(166) Κουροτρόφος, ἡ, nourrice d'enfants.

(167) Εὐνομία bonne légilslation, .Δίκη, justice,


Εἰρήνη, paix.

(168) Ἐργάνη, ouvrière.

(169) Wessteling propose de lire ici Crétois, Κρητικόν


un lieu de Scythique (Σκυθικόν). Cette correction a été
adoptée par Miot.

(170) Ἑρμῆς κοινός, Hermes communis

(171) Ἑρμῆς, Hermès, de Ἑρμηνεύω, j'interprête

(172) Livre III, 71 et livre IV, 4.

(173) Δικτύον, filret.

(174) Πλοῦτος, Richesse. jeu de mots impossible à


rendre en français.

(175) Ces entertiens avaient duré neuf ans. Homère,


Odyssée, XIX, 179.

(176) Livre IV, 79.'

(177) Petite île située à l'entrée du golfe de Salonique.

(178) Suivant le récit d'Homère, Sarpédon était du


parti des Troyens contre Agamemnon. C'est pourquoi
Wesseling avait déjà prnpoàé de lire κατ' Ἀγαμέμνονος,
(contre Agamemnon ) a» lieu de μετ' Ἀγαμέμνονος ( avec
Agamenmon, qu'il y a dans le texte.

(179) Iliade, II, v. 652.

(180) Dans un des cinq livres perdus entre le Ve et le


XIe.
(181) Epiniénide a écrit, selon Diogone de Laërte, sur
les Curètes et les Corybantes. et la constitution politique
de Crète (I, 112).

(182) Dosiade et Sosicrate, cités par Pline et par


Athénée, avaient écrit sur l'histoire de Crète. Laosthénide
nous est tout à fait inconnu.

(183) Îles Macarées (μακάριαι, fortunées). Il y a ici un


jeu de mots impossible à rendre.Macarée avait, comme
nous venons de le voir, colonisé la plupart de ces îles

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME TROISIEME : LIVRE XIV


Traduction française : FERD. HOEFER
Autre traduction de l'Abbé Terasson

DIODORE DE SICILE.
LIVRE QUATORZIÈME. Renversement de la démocratie à Athènes; institution des
trente. — Cruautés que les trente exercent sur les citoyens. — Denys le tyran construit
une citadelle et distribue la ville et le territoire à la multitude. — Denys recouvre contre
toute attente la tyrannie qui avait été abolie. — Les Lacédémoniens règlent les affaires
de la Grèce. — Mort d'Acibiade; tyrannie de Cléarque le Laconien à Byzance;
renversement de cette tyrannie. — Lysandre échoue dans sa tentative de renverser la
dynastie des Héraclides. — Denys réduit en esclavage Catane et Naxos, et transporte le
domicile des Léontins à Syracuse. — Fondation d'Alésa en Sicile. — Guerre des
Lacédémoniens contre les Ëliens. — Denys construit une enceinte près des Hexapyles. —
Cyrus marche contre son frère, et périt. — Les Lacédémoniens viennent au secours des
Grecs de l'Asie. — Fondation d'Adranum en Sicile; mort de Socrate le philosophe. —
Construction de l'enceinte de la Chersonèse. — Préparatifs de Denys pour faire la guerre
aux Carthaginois; fabrication d'armes; invention de la catapulte. — Guerre entre les
Carthaginois et Denys. — Denys prend d'assaut Motye, ville célèbre des Carthaginois. —
Pillage des temples de Cérès et de Proserpine par les Carthaginois. — Les dieux châtient
les sacrilèges; l'armée des Carthaginois est détruite par une maladie pestilentielle. —
Combat naval entre les Syracusainset les Carthaginois; victoire des Syracusains. —
Discours de Théodore sur la liberté. — Denys fait périr par un stratagème mille
mercenaires des plus turbulents. — Denys assiège les forts et le camp des Carthaginois.
— Denys bloque les Carthaginois et incendie un grand nombre de leurs navires. —
Défaite des Carthaginois par terre et par mer. — La flotte des Carthaginois s'échappe la
nuit, à l'insu des Syracusains et avec la coopération de Denys, gagné pour quatre cents
talents. — La détresse des Carthaginois est une punition de leur impiété. —
Rétablissement des villes détruites en Sicile. — Denys prend d'assaut une partie des
villes siciliennes et engage les autres dans son alliance. — Traité d'alliance conclu avec
les souverains Agyris d'Agyre et Nicodème de Centoripium. — Agésilas, roi des
Spartiates, passe en Asie avec une année et dévaste le pays soumis aux Perses. —
Agésilas est victorieux des Perses qui sont conduits par Pharnabaze. — Guerre béotique.
— Conon, nommé général par les Perses, relève les murs d'Athènes. — Les
Lacédémoniens battent les Béotiens à Corinthe; guerre corinthiaque. — Denys est rejeté
de la citadelle de Tauroménium qu'il était, avec beaucoup de peine, parvenu à occuper.
— Les Carthaginois sont défaits par Denys près de la ville de Bacéna. — Expédition des
Carthaginois en Sicile; fin de la guerre. — Thibros, général lacédémonien, est vaincu et
tué par les Perses. — Denys assiège Rhégium. — Les Grecs d'Italie, réunis en un seul
corps, opposent de la résistance à Denys. — Denys est victorieux dans un combat, fait
dix mille prisonniers, les renvoie sans rançon et accorde aux villes la faculté de se
gouverner parleurs propreslois. — Prise et destruction de Caulonia et d'Hipponia ;
transport des habitants de Syracuse. — Les Grecs concluent avec Artaxerxès la paix par
la négociation d'Antalcidas.— Prise de Rhégium; désastres de cette ville. — Prise de
Rome par les Gaulois, à l'exception du Capitale.

ΒΙΒΛΟΣ XIV. LIVRE XIV.

[1] Πάντας μὲν ἴσως I. Tous les hommes souffrent


naturellement avec impatience le
εἰκός ἐστι προσάντως
mal que l'on dit d'eux. Et, en effet,
ἀκούειν τὰς καθ´ ἑαυτῶν
ceux mêmes dont la méchanceté
βλασφημίας· καὶ γὰρ οἱ est tellement manifeste qu'il est
κατὰ πᾶν ἔκδηλον ἔχοντες impossible de la nier, s'indignent
τὴν ἑαυτῶν κακίαν, ὥστε cependant dès qu'on leur adresse

μηδ´ ἐξαρνεῖσθαι, ὅμως des reproches et cherchent à


justifier leur conduite. Tout le
ψόγου τυγχάνοντες
monde, mais surtout ceux qui
διαγανακτοῦσι καὶ λόγους
aspirent au pouvoir ou à une
εἰσφέρειν πειρῶνται πρὸς
fortune élevée, doivent donc éviter
τὴν κατηγορίαν. Διόπερ avec soin le reproche d'une
εὐλαβητέον ἐκ παντὸς mauvaise action; car, exposés par
τρόπου τὸ πράττειν τι l'éclat de leur position à tous les

φαῦλον πᾶσι, μάλιστα regards, il leur est impossible de


cacher leurs torts. Aucun homme
μέντοι τοῖς ἡγεμονίας
placé au-dessus des autres ne doit
ὀρεγομένοις τινος
ἐπισήμου τύχης espérer échapper au reproche

μεταλαβοῦσιν· γὰρ d'une faute qu'il pourrait


commettre. Et s'il parvient pendant
τούτων βίος περίοπτος ὢν
sa vie à échapper à la réprobation
διὰ τὴν ἐπιφάνειαν ἐν
qui frappe les méchants, qu'il sache
πᾶσιν ἀδυνατεῖ κρύπτειν que la vérité éclatera un jour et
τὴν ἰδίαν ἄγνοιαν· ὥστε qu'elle fera connaître ouvertement
μηδεὶς ἐλπιζέτω τῶν tout ce qui avait été jadis tenu

τυχόντων ὑπεροχῆς τινος, secret. C'est déjà une punition pour


les méchants de laisser après eux,
ἂν ἐξαμαρτάνῃ μεγάλα,
à la postérité, un souvenir
λήσεσθαι διὰ τέλους
ineffaçable de toute leur vie. Quand
ἀνεπιτίμητος. Καὶ γὰρ ἂν
même il n'y aurait après la mort
ἐν τῷ καθ´ ἑαυτὸν βίῳ pour nous que le néant (ainsi que
διαφύγῃ τὸν ἀπὸ τῆς quelques philosophes l'insinuent),
ἐπιτιμήσεως λόγον, la vie n'en serait cependant que

ὕστερον ἥξειν ἐπ´ αὐτὸν plus misérable, si elle ne devait


laisser qu'une mémoire odieuse. Le
προσδεχέσθω τὴν
lecteur trouvera, dans les détails
ἀλήθειαν μετὰ παρρησίας
du livre suivant, des preuves
κηρύττουσαν τὰ πάλαι évidentes de la vérité de ces
σιωπώμενα. Χαλεπὸν οὖν réflexions.
τοῖς φαύλοις τοῦ παντὸς II. Les trente tyrans établis
βίου καθάπερ ἀθάνατον dans Athènes plongèrent, par leur
εἰκόνα μετὰ τὴν ἰδίαν ambition, la patrie dans de grands

τελευτὴν ἀπολείπειν τοῖς malheurs; et après avoir eux-


mêmes perdu le pouvoir, ils ont
μεταγενεστέροις· καὶ γὰρ
laissé un opprobre éternel attaché
εἰ μηδέν ἐστι πρὸς ἡμᾶς
à leurs noms. De même, les
τὰ μετὰ τὸν θάνατον,
Lacédémoniens s'étant acquis sur
καθάπερ ἔνιοι τῶν la Grèce une suprématie
φιλοσόφων θρυλοῦσιν, incontestée, en ont été dépouillés
ὅμως γε προγεγενημένος du moment où ils voulurent

βίος γίνεται πολὺ χείρων commettre des actes injustes


envers les alliés. Les chefs
τὸν ἅπαντα βίον ἐπὶ κακῷ
conservent leur autorité par des
μνημονευόμενος. Ἐμφανῆ
sentiments de bienveillance et
δὲ τούτων παραδείγματα d'équité; ils la perdent par leur
λαμβάνειν ἔξεστι τοῖς injustice qui excite le ressentiment

ἀναγνοῦσι τὰ κατὰ μέρος des subordonnés. Denys, tyran des


Syracusains, offre un exemple
τῆσδε τῆς βίβλου.
analogue : pendant toute sa vie il
[2] Παρὰ μὲν γὰρ était en butte à des conspirations,
Ἀθηναίοις τριάκοντα et la crainte d'être assassiné lui

τύραννοι γενόμενοι διὰ faisait porter sous sa tunique une

τὴν ἰδίαν πλεονεξίαν τήν cuirasse de fer. Enfin, la mémoire


qu'il a laissée après lui est le plus
τε πατρίδα μεγάλοις
frappant objet d'exécration pour
ἀτυχήμασι περιέβαλον καὶ
toute la postérité. Mais nous
αὐτοὶ ταχὺ τὴν δύναμιν parlerons de ces choses plus
ἀποβαλόντες ἀθάνατον amplement en temps convenable.
ἑαυτῶν ὄνειδος Actuellement, nous allons

καταλελοίπασι, reprendre le fil de notre histoire en


suivant l'ordre chronologique. Dans
Λακεδαιμόνιοι δὲ
les livres précédents nous avons
περιποιησάμενοι τὴν τῆς
consigné tous les faits historiques
Ἑλλάδος ἀρχὴν
depuis la prise de Troie jusqu'à la
ἀναμφισβήτητον, τότε fin de la guerre du Péloponnèse et
ταύτης ἐστερήθησαν, ὅτε de la suprématie des Athéniens, en

πράξεις ἀδίκους κατὰ τῶν comprenant un espace de sept cent

συμμάχων ἐπιτελεῖν soixante-dix-neuf années. Dans le


livre présent, nous allons compléter
ἐπεχείρησαν· αἱ γὰρ τῶν
notre récit en commençant par
ἡγεμόνων ὑπεροχαὶ
l'établissement des trente tyrans à
τηροῦνται μὲν εὐνοίᾳ καὶ Athènes, et en terminant ce livre à
δικαιοσύνῃ, καταλύονται la prise de Rome par les Gaulois;
δὲ ἀδικήμασι καὶ μίσει ce qui comprend un espace de dix-

τῶν ὑποτεταγμένων. huit ans.

Παραπλησίως δὲ καὶ III. La destruction de l'autorité

Διονύσιος Συρακοσίων établie à Athènes tombe dans la


sept cent quatre-vingtième année
τύραννος, καίπερ
après la prise de Troie. Dans cette
εὐτυχέστατος τῶν
même année, les Romains
δυναστῶν γεγονώς, ζῶν conférèrent l'autorité consulaire à
μὲν οὐ διέλιπεν quatre tribuns militaires, Caïus
ἐπιβουλευόμενος, καὶ διὰ Furius, Caïus Servilius, Caïus
τὸν φόβον ἠναγκάζετο Valérius, Numérius Fabius, et on

φέρειν ὑπὸ τὸν χιτῶνα célébra la XCIVe olympiade, où


Corcinas de Larisse fut vainqueur à
σιδηροῦν θώρακα,
la course du stade (01). A cette
τελευτήσας δὲ μέγιστον
époque, les Athéniens, accablés de
εἰς βλασφημίας malheurs, conclurent avec les
παράδειγμα καταλέλοιπε Lacédémoniens un traité en vertu
τὸν ἑαυτοῦ βίον εἰς duquel ils devaient abattre leurs

ἅπαντα τὸν αἰῶνα. Ἀλλὰ murailles et conserver le droit de se


gouverner d'après leurs anciennes
περὶ μὲν τούτων ἐν τοῖς
lois. Les murailles de la ville furent
οἰκείοις χρόνοις ἕκαστον
démolies; mais les Athéniens
ἀναγράψομεν σαφέστερον,
n'étaient pas d'accord entre eux sur
νῦν δ´ ἐπὶ τὰ συνεχῆ τοῖς la forme du gouvernement à
προϊστορημένοις adopter. Les partisans de
τρεψόμεθα, τοὺς χρόνους l'oligarchie voulaient revenir à

μόνον διορίζοντες. Ἐν μὲν l'ancienne constitution, suivant


laquelle le pouvoir était entre les
γὰρ ταῖς πρὸ ταύτης
mains d'un petit nombre. La
βίβλοις ἀνεγράψαμεν τὰς
majorité désirait la démocratie,
ἀπὸ Τροίας ἁλώσεως alléguant que c'était là aussi une
πράξεις ἕως ἐπὶ τὴν constitution ancienne et qu'ils lui
κατάλυσιν τοῦ τε donneraient, d'un commun accord,

Πελοποννησιακοῦ πολέμου la préférence. Comme les


discussions à ce sujet se
καὶ τῆς Ἀθηναίων
prolongeaient pendant plusieurs
ἡγεμονίας, διελθόντες ἔτη
jours, les partisans de l'oligarchie
ἑπτακόσια ἑβδομήκοντα
envoyèrent des députés près de
ἐννέα· ἐν ταύτῃ δὲ τὰς Lysandre le Spartiate (celui-ci,
συνεχεῖς πράξεις après la fin de la guerre, avait été
προσαναπληροῦντες chargé de régler l'administration

ἀρξόμεθα ἐκ τῶν des villes, dans la plupart


desquelles il institua un
κατασταθέντων Ἀθήνησι
gouvernement oligarchique). Ces
τριάκοντα τυράννων,
députés espéraient ainsi le faire
καταλήξομεν δὲ ἐπὶ τὴν entrer, ce qui était vraisemblable,
Ῥώμης ἅλωσιν ὑπὸ dans leurs desseins. Ils mirent donc
Γαλατῶν, περιλαβόντες à la voile pour Samos où séjournait
ἔτη δέκα ὀκτώ. alors Lysandre qui venait de
s'emparer de la ville. Lysandre se
[3] Ἀναρχίας γὰρ
rendit à leur invitation : après avoir
οὔσης Ἀθήνησι διὰ τὴν
confié le gouvernement de Samos à
κατάλυσιν τῆς ἡγεμονίας, Thorax l'harmoste spartiate, il
ἔτος μὲν ἦν ὀγδοηκοστὸν entra dans le Pirée avec cent

πρὸς τοῖς ἑπτακοσίοις bâtiments. Il convoqua une

μετὰ τὴν Τροίας ἅλωσιν, assemblée et conseilla aux


Athéniens d'élire trente citoyens
ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ χιλίαρχοι
qui seraient placés à la tête du
διεδέξαντο τὴν ὕπατον
gouvernement et de
ἀρχὴν τέτταρες, Γάιος l'administration de la ville.
Φολούιος καὶ Γάιος Théramène s'opposa à ce projet, et
Σερουίλιος καὶ Γάιος donnant lecture du traité de paix,

Οὐαλέριος καὶ Νουμέριος qui accordait aux Athéniens le droit


de se gouverner d'après leurs
Φάβιος, ἤχθη δὲ ὀλυμπιὰς
propres lois, il ajouta que ce serait
κατὰ τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν
le comble de l'injustice d'enlever
τετάρτη πρὸς ταῖς
aux Athéniens, contrairement à la
ἐνενήκοντα, καθ´ ἣν ἐνίκα foi jurée, la liberté de choisir eux-
Κορκίνας Λαρισαῖος. Κατὰ mêmes le gouvernement qui leur

δὲ τούτους τοὺς χρόνους conviendrait. Lysandre répliqua que

Ἀθηναῖοι μὲν les Athéniens avaient déjà violé le


traité, parce qu'ils n'avaient démoli
καταπεπονημένοι
leurs murs qu'après l'expiration du
ἐποιήσαντο συνθήκας
terme fixé dans le traité. En même
πρὸς Λακεδαιμονίους, καθ temps il menaça Théramène de
´ ἃς ἔδει τὰ τείχη τῆς tout le poids de sa colère, lui
πόλεως καθελεῖν καὶ τῇ déclarant qu'il le ferait mettre à

πατρίῳ πολιτείᾳ χρῆσθαι. mort s'il résistait plus longtemps


aux volontés des Lacédémoniens.
Καὶ τὰ μὲν τείχη
C'est ainsi que Théramène et le
περιεῖλον, περὶ δὲ τῆς
peuple, effrayés de ces menaces,
πολιτείας πρὸς ἀλλήλους
furent contraints de voter l'abolition
διεφέροντο. Οἱ γὰρ τῆς du gouvernement démocratique. Ils
ὀλιγαρχίας ὀρεγόμενοι choisirent donc trente citoyens

τὴν παλαιὰν κατάστασιν chargés de l'administration de

ἔφασαν δεῖν ἀνανεοῦσθαι, l'État, magistrats de nom, tyrans


καθ´ ἣν παντελῶς ὀλίγοι de fait.

τῶν ὅλων προειστήκεισαν· IV. Le peuple, considérant la


οἱ δὲ πλεῖστοι modération de Théramène, et

δημοκρατίας ὄντες espérant que les qualités


éminentes de ce citoyen pourraient
ἐπιθυμηταὶ τὴν τῶν
servir de frein à l'ambition
πατέρων πολιτείαν
démesurée des chefs du
προεφέροντο, καὶ ταύτην gouvernement, le mit, par ses
ἀπέφηναν ὁμολογουμένως suffrages, au nombre des trente
οὖσαν δημοκρατίαν. magistrats. Ces magistrats élus

Ἀντιλογίας δὲ γενομένης devaient organiser le sénat ainsi


que les diverses fonctions
περὶ τούτων ἐπί τινας
publiques, et rédiger des lois
ἡμέρας, οἱ τὰς ὀλιγαρχίας
d'après lesquelles serait gouverné
αἱρούμενοι πρὸς
l'État. Mais ils ajournaient sans
Λύσανδρον cesse la rédaction de ces lois, sous
διεπρεσβεύσαντο τὸν des prétextes spécieux; en même
Σπαρτιάτην - οὗτος γὰρ temps ils composaient de leurs

καταλυθέντος τοῦ amis le sénat et les magistratures,


en sorte que ce n'était là que des
πολέμου τὰ κατὰ τὰς
magistrats de nom, car, en réalité,
πόλεις ἀπέσταλτο
c'étaient les serviteurs des trente.
διοικῆσαι, καὶ ὀλιγαρχίαι Ils commencèrent l'exercice de
ἐν ταῖς πλείσταις leurs fonctions, en livrant à la
καθίσταντο - ἐλπίζοντες justice et en faisant condamner à

{οὐχ}, ὅπερ ἦν εἰκός, mort les hommes les plus pervers


d'Athènes. Jusque-là les actes des
συνεπιλήψεσθαι τῆς
trente étaient approuvés par les
ἐπιβολῆς αὐτοῖς.
citoyens les plus modérés. Mais,
Διέπλευσαν οὖν εἰς Σάμον·
plus tard, les trente, voulant tenter
ἐκεῖ γὰρ ἐτύγχανε des entreprises violentes et
διατρίβων Λύσανδρος, contraires aux lois, demandèrent
προσφάτως κατειληφὼς aux Lacédémoniens une garnison,

τὴν πόλιν. en leur promettant d'établir un


gouvernement conforme à leurs
Παρακαλούντων δὲ αὐτὸν
intérêts. En effet, ils n'ignoraient
πρὸς τὸ συνεργῆσαι
pas qu'ils ne pourraient exécuter
συνεπένευσε, καὶ τῆς μὲν les massacres qu'ils méditaient
Σάμου Θώρακα τὸν sans l'appui de troupes étrangères,

Σπαρτιάτην ἁρμοστὴν et que toute la population se


soulèverait pour défendre la sûreté
κατέστησεν, αὐτὸς δὲ
commune. Les Lacédémoniens
μετὰ νεῶν ἑκατὸν
envoyèrent la garnison demandée.
κατέπλευσεν εἰς τὸν Les trente gagnèrent d'abord
Πειραιέα. Συναγαγὼν δ´ Callibius, commandant de cette
ἐκκλησίαν συνεβούλευσε garnison, par des présents et par

τοῖς Ἀθηναίοις ἑλέσθαι tout ce qui peut flatter un homme.


Puis, désignant les plus riches
τριάκοντα ἄνδρας τοὺς
citoyens, ils les accusèrent de
ἀφηγησομένους τῆς
projets séditieux, les firent
πολιτείας καὶ πάντα
condamner à mort et vendre leurs
διοικήσοντας τὰ κατὰ τὴν biens à l'enchère. Théramène se
πόλιν. Ἀντειπόντος δὲ τοῦ mit en opposition avec ses
Θηραμένους καὶ τὰς collègues, et comme il les menaçait

συνθήκας de se réunir à leurs adversaires


pour défendre le salut public, les
ἀναγινώσκοντος, ὅτι τῇ
trente assemblèrent le sénat.
πατρίῳ συνεφώνησε
Critias, leur chef, accusa
χρήσεσθαι πολιτείᾳ, καὶ Théramène de plusieurs choses; il
δεινὸν εἶναι λέγοντος, εἰ lui reprocha surtout de trahir ce
παρὰ τοὺς ὅρκους même gouvernement dont il faisait

ἀφαιρεθήσονται τὴν volontairement partie. Théramène


prit alors la parole, et sa défense
ἐλευθερίαν, Λύσανδρος
complète lui concilia la
ἔφη λελύσθαι τὰς
bienveillance de tout le sénat.
συνθήκας ὑπὸ Ἀθηναίων·
Critias et ses partisans, craignant
ὕστερον γὰρ τῶν qu'un tel homme ne parvînt, par
συγκειμένων ἡμερῶν son influence, à détruire
καθῃρηκέναι τὰ τείχη. l'oligarchie, le firent entourer de

Ἀνετείνατο δὲ καὶ τῷ soldats, l'épée nue à la main, et


ordonnèrent de le saisir.
Θηραμένει τὰς μεγίστας
Théramène prévint leurs desseins
ἀπειλάς, ἀποκτενεῖν
en s'élançant vers le foyer sacré du
φήσας, εἰ μὴ παύσεται sénat, non pas, disait-il, pour
Λακεδαιμονίοις implorer la protection des dieux,
ἐναντιούμενος. Διόπερ mais pour que ceux qui le tueraient
τε Θηραμένης καὶ δῆμος se rendissent coupables de

καταπλαγεὶς ἠναγκάζετο sacrilège.

χειροτονίᾳ καταλῦσαι τὴν V. Les satellites des trente

δημοκρατίαν. ᾑρέθησαν arrachèrent Théramène de son


asile. Il supporta noblement son
οὖν τριάκοντα ἄνδρες οἱ
infortune, car il avait appris la
διοικήσοντες τὰ κοινὰ τῆς
philosophie à l'école de Socrate. Le
πόλεως, ἁρμόζοντες μὲν reste de la population déplora le
τῷ λόγῳ, τύραννοι δὲ τοῖς sort de Théramène ; mais personne
πράγμασιν. n'osa le secourir, à cause des
hommes armés qui l'environnaient.
[4] δὲ δῆμος θεωρῶν
Cependant Socrate le philosophe et
τὴν Θηραμένους
deux de ses amis accoururent pour
ἐπιείκειαν καὶ νομίζων τῇ résister aux satellites. Mais
τούτου καλοκἀγαθίᾳ τὴν Théramène les pria de n'en rien
πλεονεξίαν τῶν faire; et, tout en louant cette

προεστηκότων ἐπὶ ποσὸν preuve d'amitié et leur courage, il


leur dit qu'il serait bien plus
ἀνασταλήσεσθαι, καὶ
malheureux s'il devenait la cause
τοῦτον ἐν τοῖς τριάκοντ´
de la mort de ceux qui donnaient
ἄρχουσιν des témoignages d'une si profonde
ἐχειροτόνησεν.Ἔδει δὲ affection. Socrate et ses amis
τοὺς ᾑρημένους βουλήν n'étant pas soutenus, et voyant

τε καὶ τὰς ἄλλας ἀρχὰς que les plus puissants


l'emportaient, se tinrent
καταστῆσαι, καὶ νόμους
tranquilles. Les satellites des trente
συγγράψαι καθ´ οὓς
arrachèrent alors Théramène des
ἔμελλον πολιτεύεσθαι. Τὰ
autels qu'il embrassait, et le
μὲν οὖν περὶ τῆς traînèrent au milieu de la place
νομοθεσίας ἀνεβάλοντο, publique, jusqu'au lieu du supplice.
προφάσεις εὐλόγους αἰεὶ Le peuple, effrayé de l'attitude

ποριζόμενοι, βουλὴν δὲ menaçante de la garnison, ne


manifesta que de la commisération
καὶ τὰς ἄλλας ἀρχὰς ἐκ
pour le malheureux Théramène; il
τῶν ἰδίων φίλων
pleura son infortune en même
κατέστησαν, ὥστε temps qu'il versa des larmes sur sa
τούτους καλεῖσθαι μὲν propre servitude; car les citoyens
ἄρχοντας, εἶναι δ´ des classes inférieures, voyant les
ὑπηρέτας τῶν τριάκοντα. vertus de Théramène ainsi foulées

Καὶ τὸ μὲν πρῶτον aux pieds, prévoyaient bien qu'on


mépriserait leur faiblesse pour les
παραδιδόντες κρίσει τοὺς
asservir. Après la mort de
πονηροτάτους τῶν ἐν τῇ
Théramène, les trente dressèrent la
πόλει κατεδίκαζον liste des plus riches citoyens, et
θανάτῳ· καὶ μέχρι τούτου portant contre eux de fausses
τοῖς ἐπιεικεστάτοις τῶν accusations, ils les mirent à mort et

πολιτῶν εὐαρέστει τὰ pillèrent leurs propriétés. Au


nombre de ces victimes se trouva
γινόμενα. Μετὰ δὲ ταῦτα
Nicératus, fils de Nicias, qui avait
βουλόμενοι βιαιότερα καὶ
commandé l'expédition contre
παράνομα πράττειν,
Syracuse : il passait pour le citoyen
ᾐτήσαντο παρὰ le plus riche et le plus considérable
Λακεδαιμονίων φρουράν, des Athéniens. Dans toutes les
λέγοντες ὅτι τὴν maisons on pleura la mort de ce

πολιτείαν καταστήσουσιν citoyen, qui laissa après lui tant de


témoignages de sa bienfaisance.
ἐκείνοις συμφέρουσαν.
Cependant les trente, loin de
ᾔδεισαν γὰρ ὅτι φόνους
s'arrêter dans leur scélératesse, ne
ἐπιτελεῖν οὐκ ἂν δύναιντο montrèrent que plus de fureur : ils
χωρὶς ξενικῶν ὅπλων· égorgèrent soixante des plus riches
πάντας γὰρ ἀνθέξεσθαι étrangers pour s'emparer de leurs

τῆς κοινῆς ἀσφαλείας. biens. Les massacres se


renouvelant journellement, presque
Λακεδαιμονίων δὲ
tous les citoyens jouissant de
πεμψάντων φρουρὰν καὶ
quelque opulence s'enfuirent
τὸν ταύτης ἡγησόμενον
d'Athènes. Autolycus (02), orateur
Καλλίβιον, τὸν μὲν populaire, perdit également la vie;
φρούραρχον en un mot, les citoyens les plus
ἐξεθεράπευσαν δώροις καὶ aimés devinrent le point de mire

τοῖς ἄλλοις φιλανθρώποις des trente. La ville d'Athènes fut


tellement ruinée, que plus de la
οἱ τριάκοντα, τῶν δὲ
moitié de ses habitants
πλουσίων ἐπιλέγοντες
l'abandonna.
τοὺς ἐπιτηδείους
VI. Les Lacédémoniens, voyant
συνελάμβανον ὡς
la ville d'Athènes déserte, se
νεωτερίζοντας, καὶ réjouirent, et décidés à empêcher
θανάτῳ περιβάλλοντες les Athéniens de reconquérir leur

τὰς οὐσίας ἐδήμευον. Τοῦ puissance primitive, ils firent


bientôt connaître leurs intentions.
δὲ Θηραμένους
Ils décrétèrent que les émigrés
ἐναντιουμένου τοῖς
d'Athènes seraient arrêtés dans
συνάρχουσι, καὶ μετὰ τῶν toute la Grèce et livrés aux trente;
ἀντεχομένων τῆς que quiconque s'opposerait à
σωτηρίας ἀπειλοῦντος l'exécution de ce décret, serait

ἀμύνεσθαι, συνήγαγον τὴν passible d'une amende de cinq


talents. Bien que cette mesure fût
βουλὴν οἱ τριάκοντα.
souverainement inique, les autres
Κριτίου δὲ προεστῶτος
villes, redoutant le pouvoir des
αὐτῶν, καὶ πολλὰ
Spartiates, se soumirent.
κατηγορήσαντος τοῦ Cependant les Argiens, révoltés de
Θηραμένους, ὅτι la cruauté des Lacédémoniens,
προδίδωσι τὴν πολιτείαν furent les premiers qui, saisis de

ταύτην ἧς αὐτὸς compassion, accueillirent avec


bienveillance les réfugiés. Les
ἑκουσίως κοινωνεῖ,
Thébains en firent autant; ils
παραλαβὼν τὸν λόγον
rendirent même un décret qui
Θηραμένης καὶ περὶ τῶν condamnait à une amende tout
κατὰ μέρος individu qui, voyant arrêter un
ἀπολογησάμενος, ἅπασαν réfugié, ne lui porterait pas tout le

ἔσχε τὴν βουλὴν εὔνουν. secours possible. Telle était la


situation des Athéniens.
Οἱ δὲ περὶ τὸν Κριτίαν
φοβούμενοι τὸν ἄνδρα VII. En Sicile, Denys, tyran des
Sicules, ayant fait la paix avec les
μήποτε καταλύσῃ τὴν
Carthaginois, songea à affermir sa
ὀλιγαρχίαν, περιέστησαν
dynastie; car il prévoyait que les
στρατιώτας ἔχοντας
Syracusains, débarrassés de la
ἐσπασμένα τὰ ξίφη, καὶ guerre, auraient le loisir de songer
τὸν Θηραμένη à recouvrer leur liberté. Voyant que
συνελάμβανον. δὲ le quartier appelé l'Ile était la

φθάσας ἀνεπήδησε μὲν partie la plus forte de la ville et


facile à défendre, il le sépara du
πρὸς τὴν βουλαίαν
reste de la ville par la construction
Ἑστίαν, ἔφησε δὲ πρὸς
d'un beau mur, sur lequel il
τοὺς θεοὺς καταφεύγειν, construisit des tours élevées très
οὐ σωθήσεσθαι νομίζων, rapprochées les unes des autres.

ἀλλὰ σπεύδων τοῖς En avant de cette enceinte il bâtit


des halles et des portiques assez
ἀνελοῦσιν αὐτὸν
vastes pour réunir une masse de
περιποιήσασθαι τὴν εἰς
peuple;en dedans, il construisit à
τοὺς θεοὺς ἀσέβειαν. grands frais une forte citadelle où il

[5] Παρελθόντων δὲ pourrait se réfugier promptement.

τῶν ὑπηρετῶν καὶ Il renferma dans cette enceinte les


chantiers situés dans le petit port
ἀποσπώντων αὐτόν, μὲν
appelé Laccium. Ce port, qui
Θηραμένης ἔφερε
contenait soixante trirèmes, était
γενναίως τὴν ἀτυχίαν, ἅτε fermé d'une porte par laquelle les
καὶ φιλοσοφίας ἐπὶ πλεῖον navires entraient un à un. Denys
μετεσχηκὼς παρὰ donna ensuite la meilleure portion

Σωκράτει, τὸ δὲ λοιπὸν du territoire à ses amis et aux


magistrats en fonction; le reste fut
πλῆθος ἠλέει
également réparti entre les
δυστυχοῦντα τὸν
étrangers et les citoyens, désignant
Θηραμένη, οὐ μὴν ἐτόλμα
par ce dernier nom les esclaves
βοηθεῖν, περιεστώτων affranchis, qui furent appelés
πολλῶν μετὰ ὅπλων. néopolites (03). Il distribua au

Σωκράτης δὲ φιλόσοφος peuple les maisons de la ville, à

καὶ δύο τῶν οἰκείων l'exception de celles du quartier de


l'Île, dont il fit don à ses amis et à
προσδραμόντες
ses troupes mercenaires. Lorsqu'il
ἐνεχείρουν κωλύειν τοὺς
pensa avoir assez affermi sa
ὑπηρέτας. δὲ Θηραμένης tyrannie, il conduisit son armée
ἠξίου μηδὲν τούτων contre les Sicules, ayant le projet
πράττειν· τὴν μὲν γὰρ de subjuguer toutes les villes

φιλίαν καὶ τὴν ἀνδρείαν libres, et surtout celles qui, dans la


guerre précédente, avaient
ἔφησεν αὐτῶν ἐπαινεῖν,
embrassé le parti des Carthaginois.
ἑαυτῷ δὲ μεγίστην
Il dirigea d'abord sa marche contre
συμφορὰν ἔσεσθαι, εἰ τοῖς
la ville des Herbessiniens (04), et
οὕτως οἰκείως s'occupa à en faire le siége.
διακειμένοις αἴτιος ἔσται Cependant les Syracusains qui

θανάτου. Οἱ δὲ περὶ τὸν faisaient partie de cette expédition,

Σωκράτην, τῶν μὲν ἄλλων une fois en possession des armes


οὐδένα βοηθὸν ἔχοντες, qu'on leur avait confiées, se

τὴν δὲ τῶν ὑπερεχόντων révoltèrent et se reprochèrent les


uns aux autres de n'avoir point
ἀνάτασιν ὁρῶντες
secondé la cavalerie lorsqu'elle
αὐξανομένην, ἡσυχίαν
avait tenté de renverser le tyran.
ἔσχον. Καὶ Θηραμένην μὲν Le commandant que Denys avait
ἀπὸ τῶν βωμῶν mis à la tête de ses troupes proféra
ἀποσπάσαντες οἷς ἦν d'abord des menaces contre un

προστεταγμένον, διὰ soldat qui parlait trop librement.


Comme cet homme répliqua avec
μέσης τῆς ἀγορᾶς
audace, le chef s'avança pour le
εἵλκυσαν ἐπὶ τὸν θάνατον·
frapper. A cette vue, les soldats,
οἱ δὲ πολλοὶ τὰ τῆς
indignés, égorgèrent ce
φρουρᾶς ὅπλα commandant, qui s'appelait
καταπεπληγμένοι Doricus, et appelant les citoyens à
συνήλγουν τῷ la liberté, ils firent. venir les

δυστυχοῦντι, καὶ τήν τε cavaliers d'Etna. Ces cavaliers


occupaient cette place depuis qu'ils
ἐκείνου συμφορὰν ἅμα καὶ
avaient été exilés au
τὴν περὶ σφᾶς δουλείαν
commencement du règne de
ἐδάκρυον· τῶν γὰρ Denys.
ταπεινῶν ἕκαστοι τὴν
VIII. Effrayé de l'insurrection
Θηραμένους ἀρετὴν des Syracusains, Denys leva le
θεωροῦντες οὕτω siége d'Herbessus, et retourna
προπηλακιζομένην, τὴν précipitamment à Syracuse pour

περὶ αὑτοὺς ἀσθένειαν s'emparer de la ville. Pendant qu'il


était en fuite, les auteurs de la
οὐδενὶ λόγῳ
révolte choisirent pour généraux
παραναλωθήσεσθαι
les soldats qui avaient massacré
διειλήφεισαν. Μετὰ δὲ τὸν
leur commandant, et, s'étant réunis
τούτου θάνατον οἱ aux cavaliers arrivés d'Etna, ils
τριάκοντα τοὺς πλουσίους vinrent camper aux Épipoles (05)
ἐπιλεγόμενοι, τούτοις et interceptèrent au tyran toute

ψευδεῖς αἰτίας communication avec la campagne.


Ils dépêchèrent aussitôt des
ἐπερρίπτουν, καὶ
envoyés à Messine et à Rhégium,
φονεύοντες τὰς οὐσίας
pour engager les habitants à les
διήρπαζον. Ἀνεῖλον δὲ καὶ aider par mer à reconquérir leur
Νικήρατον τὸν Νικίου τοῦ liberté. Ces villes étaient, à cette

στρατηγήσαντος ἐπὶ époque, assez fortes pour mettre


en mer au moins quatre-vingts
Συρακοσίους υἱόν, ἄνδρα
trirèmes; elles les envoyèrent au
πρὸς ἅπαντας ἐπιεικῆ καὶ
secours des Syracusains dans la
φιλάνθρωπον, πλούτῳ δὲ lutte entreprise pour secouer le
καὶ δόξῃ σχεδὸν πρῶτον joug du tyran. Des hérauts
πάντων Ἀθηναίων· διὸ καὶ annoncèrent que l'on donnerait une

συνέβη πᾶσαν οἰκίαν forte somme d'argent à ceux qui


tueraient le tyran, et que les
συναλγῆσαι τῇ τἀνδρὸς
étrangers qui abandonneraient le
τελευτῇ, τῆς διὰ τὴν
parti de Denys obtiendraient le
ἐπιείκειαν μνήμης
droit de cité. En même temps les
προαγούσης εἰς δάκρυα. Syracusains préparèrent des
Οὐ μὴν ἔληγόν γε τῆς machines de guerre pour battre les
παρανομίας οἱ τύραννοι, murs en brèche, et renouvelèrent

πολὺ δὲ μᾶλλον ἐπίτασιν journellement leurs attaques contre


le quartier de l'Ile, et ils
λαμβανούσης τῆς
accueillirent avec bienveillance les
ἀπονοίας τῶν μὲν ξένων
étrangers qui abandonnaient le
τοὺς πλουσιωτάτους parti du tyran. Privé de toute
ἑξήκοντα κατέσφαξαν, communication avec la campagne,
ὅπως τῶν χρημάτων abandonné de ses mercenaires,

κυριεύσωσι, τῶν δὲ Denys assembla ses amis pour


délibérer sur le parti à prendre.
πολιτῶν καθ´ ἡμέραν
Déjà il désespérait de conserver le
ἀναιρουμένων οἱ τοῖς
pouvoir au point de chercher, non
βίοις εὐπορούμενοι
plus à combattre les Syracusains,
σχεδὸν ἅπαντες ἔφυγον ἐκ mais à ne pas finir son règne par
τῆς πόλεως. Ἀνεῖλον δὲ une mort ignominieuse. Héloris, un
καὶ Αὐτόλυκον, ἄνδρα de ses amis, et, selon quelques-

παρρησιαστήν, καὶ uns, son père adoptif (06), lui


répondit que le plus bel ornement
καθόλου τοὺς
funèbre était le signe de l'autorité
χαριεστάτους ἐπέλεγον.
souveraine. Polyxène, son beau-
Ἐπὶ τοσοῦτο δὲ frère, lui conseilla de monter sur le
κατέφθειραν τὴν πόλιν, plus rapide de ses chevaux, et de
ὥστε φυγεῖν τοὺς se rendre chez les Campaniens,
Ἀθηναίους πλείους τῶν dans le domaine des Carthaginois.

ἡμίσεων. Imilcar avait laissé ces Campaniens


en garnison dans les places que les
[6] Λακεδαιμόνιοι δὲ
Carthaginois occupaient en Sicile.
τὴν στάσιν τῶν Ἀθηναίων Philistus, qui, dans la suite, a écrit
ὁρῶντες, οὐδέποτε l'histoire de la Sicile, fut d'un avis

ἰσχῦσαι βουλόμενοι τοὺς contraire à celui de Polyxène; "ce

Ἀθηναίους, ἔχαιρον καὶ n'est pas, disait-il à Denys, en


fuyant à toute bride qu'il sied de
φανερὰν ἑαυτῶν ἐποίουν
quitter la tyrannie; il n'en faut
τὴν διάθεσιν· ἐψηφίσαντο
sortir que tiré par les jambes."
γὰρ τοὺς Ἀθηναίων Denys se rendit à ce dernier avis,
φυγάδας ἐξ ἁπάσης τῆς et résolut de tout supporter plutôt
Ἑλλάδος ἀγωγίμους τοῖς que d'abdiquer le pouvoir. En

τριάκοντα εἶναι, τὸν δὲ conséquence, il envoya des


parlementaires aux Syracusains
κωλύσαντα πέντε
pour les prier de lui accorder la
ταλάντοις ἔνοχον εἶναι.
faculté de sortir de la ville avec les
Δεινοῦ δ´ ὄντος τοῦ
siens; en même temps il dépêcha
ψηφίσματος, αἱ μὲν ἄλλαι en secret des députés auprès des
πόλεις καταπεπληγμέναι Campaniens, auxquels il promit

τὸ βάρος τῶν Σπαρτιατῶν tout l'argent qu'ils lui

ὑπήκουον, Ἀργεῖοι δὲ demanderaient, pour les engager à


venir faire lever le siége de l'Île.
πρῶτοι, μισοῦντες μὲν τὴν
IX. Les Syracusains
Λακεδαιμονίων ὠμότητα,
accordèrent au tyran la faculté de
κατελεοῦντες δὲ τὰς
se retirer avec cinq navires, et,
τύχας τῶν ἀκληρούντων,
croyant la victoire assurée, ils se
ὑπεδέχοντο φιλανθρώπως tinrent moins sur leurs gardes.
τοὺς φυγάδας. Καὶ Ainsi, ils congédièrent la cavalerie
Θηβαῖοι δὲ ἐψηφίσαντο comme inutile dans un siége ; la

ὑπάρχειν πρόστιμον τῷ plupart des fantassins se


dispersèrent dans la campagne,
θεασαμένῳ μὲν ἀγόμενον
comme si la tyrannie était
φυγάδα, μὴ βοηθήσαντι δὲ
complètement renversée.
κατὰ τὸ δυνατόν. Τὰ μὲν Cependant, les Campaniens,
οὖν περὶ Ἀθηναίους ἐν séduits par les promesses de
τούτοις ἦν. Denys, s'avancèrent d'abord sur
[7] Κατὰ δὲ τὴν Agyre. Là, ils confièrent leur

Σικελίαν Διονύσιος τῶν bagage à Agyris, commandant de


la ville, et, armés à la légère, ils se
Σικελῶν τύραννος ἐπειδὴ
mirent en route vers Syracuse, au
πρὸς Καρχηδονίους
nombre de douze cents cavaliers.
εἰρήνην ἐποιήσατο, περὶ Ayant fait ce trajet avec la plus
τὴν ἀσφάλειαν τῆς grande célérité, ils tombèrent à
τυραννίδος διενοεῖτο l'improviste sur les Syracusains, en

μᾶλλον γίνεσθαι· tuèrent un grand nombre et se


firent jour, les armes à la main,
ὑπελάμβανε γὰρ τοὺς
jusqu'au quartier où Denys se
Συρακοσίους
trouvait renfermé. En ce même
ἀπολελυμένους τοῦ
moment, trois cents soldats
πολέμου σχολὴν ἕξειν εἰς mercenaires se joignirent au tyran,
τὸ τὴν ἐλευθερίαν qui reprit ainsi du courage. Pendant
ἀνακτήσασθαι. Θεωρῶν que la puissance de Denys se

δὲ τῆς πόλεως τὴν Νῆσον relevait, les Syracusains se


désunirent : les uns proposèrent de
ὀχυρωτάτην οὖσαν καὶ
continuer le siége, les autres de
δυναμένην ῥᾳδίως
licencier l'armée et de quitter la
φυλάττεσθαι, ταύτην μὲν ville. Instruit de cela, Denys fit une
διῳκοδόμησεν ἀπὸ τῆς sortie, et, tombant sur les
ἄλλης πόλεως τείχει Syracusains en désordre, il les

πολυτελεῖ, καὶ πύργους refoula jusque dans le quartier


appelé Ville neuve. Il n'y eut pas
ὑψηλοὺς καὶ πυκνοὺς
beaucoup de morts, car Denys était
ἐνῳκοδόμησε, καὶ πρὸ
accouru à cheval pour défendre de
αὐτῆς χρηματιστήρια καὶ
massacrer les fuyards. Les
στοὰς δυναμένας ὄχλων Syracusains se dispersèrent
ἐπιδέχεσθαι πλῆθος. immédiatement dans la
ᾠκοδόμησε δ´ ἐν αὐτῇ campagne ; et peu de temps après

πολυτελῶς ὠχυρωμένην ils se réunirent au nombre de sept


mille cavaliers. Denys donna la
ἀκρόπολιν πρὸς τὰς
sépulture aux Syracusains tombés
αἰφνιδίους καταφυγάς, καὶ
dans cette affaire et envoya des
συμπεριέλαβε τῷ ταύτης députés à Etna, pour inviter les
τείχει τὰ πρὸς τῷ μικρῷ réfugiés à se soumettre et à rentrer
λιμένι τῷ Λακκίῳ dans leur patrie, leur promettant
καλουμένῳ νεώρια· ταῦτα sur l'honneur de ne conserver

δ´ ἑξήκοντα τριήρεις aucun souvenir du passé.


Quelques-uns, qui avaient laissé à
χωροῦντα πύλην εἶχε
Syracuse leurs enfants et leurs
κλειομένην, δι´ ἧς κατὰ
femmes, se rendirent avec
μίαν τῶν νεῶν εἰσπλεῖν empressement à cette invitation.
συνέβαινεν. Τῆς δὲ χώρας Quant aux autres, pendant que les
τὴν μὲν ἀρίστην envoyés préconisaient la générosité

ἐξελόμενος ἐδωρήσατο que Denys avait montrée en faisant


inhumer les morts, ils répondirent
τοῖς τε φίλοις καὶ τοῖς ἐφ´
qu'il était, digne du même bienfait
ἡγεμονίας τεταγμένοις,
et qu'ils priaient les dieux de leur
τὴν δ´ ἄλλην ἐμέρισεν ἐπ´
fournir au plus tôt l'occasion de le
ἴσης ξένῳ τε καὶ πολίτῃ, lui faire sentir. Ceux-là, ne voulant
συμπεριλαβὼν τῷ τῶν en aucune façon se fier aux paroles
πολιτῶν ὀνόματι τοὺς du tyran, restèrent dans Etna, et

ἠλευθερωμένους δούλους, épièrent le moment favorable pour


marcher contre lui. Denys traita
οὓς ἐκάλει νεοπολίτας.
avec douceur les émigrés rentrés
Διέδωκε δὲ καὶ τὰς οἰκίας
dans leur patrie, espérant par cet
τοῖς ὄχλοις πλὴν τῶν ἐν exemple engager les autres à
τῇ Νήσῳ· ταύτας δὲ τοῖς revenir. Quant aux Campaniens,
φίλοις καὶ τοῖς après les avoir comblés de

μισθοφόροις ἐδωρήσατο. présents, il les renvoya de la ville,


se défiant de leur inconstance. Ils
Ἐπεὶ δὲ τὰ κατὰ τὴν
se rendirent à Entella et parvinrent
τυραννίδα καλῶς ἐδόκει
à persuader aux habitants de les
διῳκηκέναι, τὴν δύναμιν
laisser vivre au milieu d'eux; mais
ἐξήγαγεν ἐπὶ τοὺς profitant de la nuit pour exécuter
Σικελούς, πάντας μὲν leur dessein, ils égorgèrent tous les
σπεύδων τοὺς αὐτονόμους hommes adultes, épousèrent les

ὑφ´ ἑαυτὸν ποιήσασθαι, femmes de leurs victimes, et


prirent possession de la ville.
μάλιστα δὲ τούτους διὰ
τὸ συμμαχῆσαι πρότερον X. En Grèce, les
Lacédémoniens, ayant terminé la
Καρχηδονίοις. Οὗτος μὲν
guerre du Péloponnèse, obtinrent,
οὖν ἐπὶ τὴν τῶν
d'un commun accord, la suprématie
Ἑρβησίνων πόλιν sur terre et sur mer. Ils nommèrent
στρατεύσας τὰ πρὸς τὴν Lysandre au commandement de la

πολιορκίαν flotte et lui ordonnèrent de se


rendre dans les villes de la Grèce et
παρεσκευάζετο. Οἱ δὲ
d'y établir des harmostes.
συστρατευόμενοι
Abolissant le gouvernement
Συρακόσιοι κύριοι τῶν démocratique, les Lacédémoniens
ὅπλων ὄντες συστάσεις cherchaient partout à introduire
ἐποιοῦντο καὶ κατηγόρουν l'oligarchie. Ils imposaient des

ἀλλήλων, ὅτι τοῖς tributs aux peuples soumis, et eux,


qui autrefois n'avaient pas l'usage
ἱππεῦσιν οὐ
de la monnaie, recueillaient
συνεπελάβοντο τῆς
annuellement de leurs impôts une
καταλύσεως τῆς τοῦ
somme de plus de mille talents
τυράννου. δὲ (07).
καθεσταμένος ὑπὸ τοῦ
Après avoir réglé, selon leur
Διονυσίου τῶν gré, les affaires de la Grèce, ils
στρατιωτῶν ἡγεμὼν τὸ envoyèrent à Syracuse Ariste, un
μὲν πρῶτον ἠπείλησέ τινι des hommes les plus considérables

τῶν παρρησιαζομένων, de Sparte, sous le prétexte d'abolir


la tyrannie, mais en réalité pour
ἀντειπόντος δ´ ἐκείνου
contribuer à la consolider; car ils se
θρασέως ἐπῆλθεν ὡς
flattaient de se faire de Denys un
πατάξων. Ἐφ´ allié fidèle, en l'aidant à reconquérir
παροξυνθέντες οἱ son autorité. Arrivé à Syracuse,
στρατιῶται τὸν μὲν Ariste eut une entrevue secrète

ἔπαρχον ὄνομα Δωρικὸν avec le tyran, et excita les


Syracusains à la révolte, en
ἀπέκτειναν, τοὺς δὲ
invoquant la liberté. Ayant fait périr
πολίτας βοῶντες ἐπὶ τὴν
Nicotelès le Corinthien, chef des
ἐλευθερίαν μετεπέμποντο
Syracusains, et trahi les conjurés
τοὺς ἐκ τῆς Αἴτνης ἱππεῖς· qui s'étaient fiés à lui, il affermit le
οὗτοι γὰρ ἐν ἀρχῇ τῆς pouvoir du tyran, et, par cette
τυραννίδος ἐκπεπτωκότες action indigne, se couvrit de honte
lui et sa patrie. Quelque temps
[8] ᾤκουν τοῦτο τὸ
après, Denys envoya les habitants
φρούριον. Διονύσιος δὲ faire leurs moissons, pénétra dans
καταπλαγεὶς τὴν les maisons et enleva toutes les
ἀπόστασιν τῶν armes qui s'y trouvaient; il entoura
Συρακοσίων, τὴν μὲν ensuite la citadelle d'un second

πολιορκίαν ἔλυσεν, εἰς δὲ mur, fit construire des bâtiments et


réunit un grand nombre de
τὰς Συρακούσας ἠπείγετο,
mercenaires; enfin il ne négligea
σπεύδων καταλαβέσθαι
rien pour l'affermissement de son
τὴν πόλιν. Οὗ φυγόντος οἱ autorité, instruit qu'il était, par
τὴν ἀπόστασιν l'expérience, que les Syracusains
ποιησάμενοι στρατηγοὺς pouvaient tout supporter hormis

εἵλαντο τοὺς l'esclavage.

ἀποκτείναντας τὸν
ἔπαρχον, καὶ
παραλαβόντες τοὺς ἐξ
Αἴτνης ἱππεῖς ἐν ταῖς
καλουμέναις Ἐπιπολαῖς
ἀντεστρατοπέδευσαν τῷ
τυράννῳ, καὶ διέκλεισαν
αὐτὸν τῆς ἐπὶ τὴν χώραν
ἐξόδου. Εὐθὺς δὲ πρός τε
Μεσσηνίους καὶ Ῥηγίνους
πρέσβεις ἀπέστειλαν,
δεόμενοι κατὰ θάλατταν
συναντιλαβέσθαι τῆς
ἐλευθερίας· εἰώθεισαν
γὰρ αἱ πόλεις αὗται κατ´
ἐκεῖνον τὸν καιρὸν
τριήρεις πληροῦν οὐκ
ἐλάττους ὀγδοήκοντα. ἃς
τότε τοῖς Συρακοσίοις αἱ
πόλεις ἀπέστειλαν,
σπεύδουσαι
συνεπιλαβέσθαι τῆς
ἐλευθερίας. Ἐπεκήρυξαν
δὲ καὶ χρημάτων πλῆθος
τοῖς ἀνελοῦσι τὸν
τύραννον, καὶ τοῖς
μεταβαλομένοις τῶν
ξένων ἐπηγγείλαντο
μεταδώσειν τῆς
πολιτείας. Κατεσκεύασαν
δὲ καὶ μηχανήματα, δι´ ὧν
τὰ τείχη σαλεύοντες
ἐξελοῦσι, καὶ
προσέβαλλον καθ´ ἡμέραν
τῇ Νήσῳ, καὶ τοὺς
μεταβαλλομένους τῶν
ξένων φιλανθρώπως
ἀπεδέχοντο. Διονύσιος δὲ
τῆς εἰς τὴν χώραν ἐξόδου
διακεκλεισμένος καὶ ὑπὸ
τῶν μισθοφόρων
ἐγκαταλειπόμενος,
συνήγαγε τοὺς φίλους
βουλευσόμενος περὶ τῶν
ἐνεστώτων· οὕτω γὰρ
τελέως ἀπήλπιστο τὰ τῆς
δυναστείας, ὥστε οὐ
ζητεῖν αὐτόν, πῶς
καταπολεμήσῃ τοὺς
Συρακοσίους, ἀλλὰ ποῖον
ὑπομείνας θάνατον μὴ
παντελῶς ἄδοξον ποιήσῃ
τὴν κατάλυσιν τῆς ἀρχῆς.
Ἕλωρις μὲν οὖν, εἷς τῶν
φίλων, ὡς δ´ ἔνιοί φασιν,
ποιητὸς πατήρ, εἶπεν
αὐτῷ, διότι καλὸν
ἐντάφιόν ἐστιν τυραννίς·
Πολύξενος δὲ κηδεστὴς
ἀπεφήνατο δεῖν λαβόντα
τὸν ὀξύτατον ἵππον εἰς
τὴν τῶν Καρχηδονίων
ἐπικράτειαν ἀφιππεῦσαι
πρὸς τοὺς Καμπανούς·
τούτους γὰρ Ἰμίλκων
ἀπελελοίπει φυλακῆς
ἕνεκα τῶν κατὰ Σικελίαν
τόπων· Φίλιστος δ´ μετὰ
ταῦτα τὰς ἱστορίας
συνταξάμενος, ἀντειπὼν
τῷ Πολυξένῳ, προσήκειν
ἔφησεν {δεῖν} οὐκ ἐφ´
ἵππου θέοντος ἐκπηδᾶν ἐκ
τῆς τυραννίδος, ἀλλὰ τοῦ
σκέλους ἑλκόμενον
ἐκπίπτειν. προσσχὼν
Διονύσιος ἔκρινε πᾶν
ὑπομεῖναι πρότερον τὴν
δυναστείαν ἐκλιπεῖν
ἑκουσίως. Διόπερ
ἀποστείλας πρέσβεις πρὸς
τοὺς ἀφεστηκότας,
τούτους μὲν παρεκάλει
δοῦναι τὴν ἐξουσίαν αὐτῷ
μετὰ τῶν ἰδίων ἀπελθεῖν
ἐκ τῆς πόλεως, πρὸς δὲ
τοὺς Καμπανοὺς λάθρᾳ
διαπεμψάμενος
ὡμολόγησεν αὐτοῖς
δώσειν χρήματα ὅσα ἂν
αἰτήσωσιν εἰς τὴν
πολιορκίαν.

[9] Τούτων δὲ
πραχθέντων οἱ μὲν
Συρακόσιοι τὴν ἐξουσίαν
δόντες τῷ τυράννῳ μετὰ
πέντε νεῶν ἀποπλεῖν,
ῥᾳθυμότεροι
καθειστήκεσαν, καὶ τοὺς
μὲν ἱππεῖϲ ἀπέλυσαν οὐδὲν
χρησίμους ὄντας πρὸς τὴν
πολιορκίαν, τῶν δὲ πεζῶν
οἱ πλεῖστοι κατὰ τὴν
χώραν ἐξῄεσαν, ὡς ἤδη
καταλελυμένης τῆς
τυραννίδος. Οἱ δὲ
Καμπανοὶ ταῖς
ἐπαγγελίαις
μετεωρισθέντες τὸ μὲν
πρῶτον ἐπ´ Ἀγύριον
παρεγενήθησαν· ἐκεῖ δὲ
τὴν ἀποσκευὴν Ἄγυρι
παραθέμενοι τῷ
δυναστεύοντι τῆς πόλεως
ἐξώρμησαν ἐπὶ
Συρακούσας εὔζωνοι, τὸν
ἀριθμὸν ὄντες ἱππεῖς
χίλιοι διακόσιοι. Ταχὺ δὲ
διανύσαντες τὴν ὁδὸν
ἀπροσδοκήτως
ἐπεφάνησαν τοῖς
Συρακοσίοις, καὶ πολλοὺς
αὐτῶν ἀνελόντες
εἰσεβιάσαντο πρὸς τὸν
Διονύσιον. Κατέπλευσαν
δὲ καὶ τριακόσιοι
μισθοφόροι τῷ τυράννῳ
κατὰ τὸν αὐτὸν καιρόν,
ὥστε αὐτὸν ἀνακῦψαι ταῖς
ἐλπίσιν. Οἱ δὲ Συρακόσιοι
πάλιν τῆς δυναστείας
ἰσχυροποιουμένης
ἐστασίασαν πρὸς
ἀλλήλους, τῶν μὲν
ἀποφαινομένων μένειν καὶ
πολιορκεῖν, τῶν δὲ λύειν
τὸ στρατόπεδον καὶ τὴν
πόλιν ἐκλιπεῖν. δὴ
συνιδὼν Διονύσιος
ἐξήγαγεν ἐπ´ αὐτοὺς τὴν
δύναμιν, καὶ
τεταραγμένοις ἐπιπεσὼν
ῥᾳδίως ἐτρέψατο περὶ τὴν
Νέαν πόλιν καλουμένην.
Ἀνῃρέθησαν μὲν οὖν οὐ
πολλοί· παριππεύων γὰρ
Διονύσιος ἐκώλυσε
φονεύειν τοὺς φεύγοντας·
οἱ δὲ Συρακόσιοι
παραχρῆμα μὲν κατὰ τὴν
χώραν ἐσκεδάσθησαν, μετ
´ ὀλίγον δὲ πρὸς τοὺς
ἱππεῖς εἰς Αἴτνην
ἠθροίσθησαν ὑπὲρ τοὺς
ἑπτακισχιλίους. Διονύσιος
δὲ τοὺς πεσόντας τῶν
Συρακοσίων θάψας
ἀπέστειλε πρέσβεις εἰς
Αἴτνην, ἀξιῶν τοὺς
φυγάδας διαλύεσθαι καὶ
τὴν πατρίδα κατοικεῖν,
διδοὺς πίστιν μὴ
μνησικακήσειν αὐτοῖς.
Τινὲς μὲν οὖν τέκνα καὶ
γυναῖκας ἀπολελοιπότες
ἠναγκάσθησαν πεισθῆναι
τοῖς παρακαλουμένοις· οἱ
δὲ λοιποί, προφερομένων
τῶν πρεσβευτῶν τὴν τοῦ
Διονυσίου περὶ τὴν ταφὴν
τῶν πεσόντων εὐεργεσίαν,
ἔφασαν αὐτὸν ἄξιον εἶναι
τυχεῖν τῆς ὁμοίας
χάριτος, καὶ τοῖς θεοῖς
ηὔχοντο τὴν ταχίστην
αὐτὸν ἐπιδεῖν ταύτης
τυγχάνοντα. Οὗτοι μὲν
οὖν οὐδενὶ τρόπῳ
βουληθέντες πιστεῦσαι τῷ
τυράννῳ κατέμειναν ἐν
Αἴτνῃ, καιρὸν
ἐπιτηροῦντες κατ´ αὐτοῦ·
Διονύσιος δὲ τοῖς μὲν
κατελθοῦσι φυγάσι
φιλανθρώπως ἐχρήσατο,
βουλόμενος καὶ τοὺς
ἄλλους προτρέψασθαι
κατελθεῖν εἰς τὴν
πατρίδα, τοὺς δὲ
Καμπανοὺς ταῖς
καθηκούσαις δωρεαῖς
τιμήσας ἐξαπέστειλεν ἐκ
τῆς πόλεως, ὑφορώμενος
αὐτῶν τὴν ἀβεβαιότητα.
Οἳ πορευθέντες εἰς
Ἔντελλαν, καὶ πείσαντες
τοὺς ἐν τῇ πόλει λαβεῖν
ἑαυτοὺς συνοίκους,
νυκτὸς ἐπιθέμενοι τοὺς
μὲν ἡβῶντας ἀπέσφαξαν,
τὰς δὲ γυναῖκας τῶν
παρασπονδηθέντων
γήμαντες κατέσχον τὴν
πόλιν.

[10] Κατὰ δὲ τὴν


Ἑλλάδα Λακεδαιμόνιοι
καταλελυκότες τὸν
Πελοποννησιακὸν πόλεμον
ὁμολογουμένην ἔσχον τὴν
ἡγεμονίαν καὶ τὴν κατὰ
γῆν καὶ τὴν κατὰ
θάλατταν.
Καταστήσαντες δὲ
ναύαρχον Λύσανδρον,
τούτῳ προσέταξαν
ἐπιπορεύεσθαι τὰς πόλεις,
ἐν ἑκάστῃ τοὺς παρ´
αὐτοῖς καλουμένους
ἁρμοστὰς ἐγκαθιστάντα·
ταῖς γὰρ δημοκρατίαις
προσκόπτοντες οἱ
Λακεδαιμόνιοι δι´
ὀλιγαρχίας ἐβούλοντο τὰς
πόλεις διοικεῖσθαι.Ἔταξαν
δὲ καὶ φόρους τοῖς
καταπολεμηθεῖσι, καὶ τὸν
πρὸ τοῦ χρόνον οὐ
χρώμενοι νομίσματι, τότε
συνήθροιζον ἐκ τοῦ φόρου
κατ´ ἐνιαυτὸν πλείω τῶν
χιλίων ταλάντων.

Ἐπεὶ δὲ τὰ κατὰ τὴν


Ἑλλάδα πράγματα κατὰ
τὴν ἰδίαν ἀξίαν διῴκησαν,
ἀπέστειλαν Ἄριστον
ἄνδρα τῶν ἐπιφανῶν εἰς
Συρακούσας, τῷ μὲν λόγῳ
προσποιούμενοι καταλύειν
τὴν δυναστείαν, τῇ δ´
ἀληθείᾳ σπεύδοντες
αὐξῆσαι τὴν τυραννίδα·
ἤλπιζον γὰρ
συγκατασκευάζοντες τὴν
ἀρχὴν ὑπήκοον ἕξειν τὸν
Διονύσιον διὰ τὰς
εὐεργεσίας. δ´ Ἄριστος
καταπλεύσας εἰς
Συρακούσας καὶ τῷ
τυράννῳ λάθρᾳ περὶ
τούτων διαλεχθείς, τούς
τε Συρακοσίους ἀνασείων
καὶ τὴν ἐλευθερίαν
ἀποκαταστήσειν
ἐπαγγειλάμενος,
Νικοτέλην μὲν τὸν
Κορίνθιον ἀνεῖλεν
ἀφηγούμενον τῶν
Συρακοσίων, τοὺς δὲ
πιστεύσαντας προδοὺς
τὸν μὲν τύραννον ἰσχυρὸν
κατέστησε, διὰ δὲ τῆς
πράξεως ταύτης
ἀσχημονεῖν ἐποίησεν
αὑτὸν ἅμα καὶ τὴν
πατρίδα. Διονύσιος δὲ
τοὺς Συρακοσίους ἐπὶ τὸν
θερισμὸν ἀποστείλας
ἐπῆλθε τὰς οἰκίας, καὶ τὰ
μὲν ὅπλα πάντων
ἀφείλετο, μετὰ δὲ ταῦθ´
ἕτερον τεῖχος ᾠκοδόμει
περὶ τὴν ἀκρόπολιν, καὶ
ναῦς τε κατεσκευάζετο,
συνῆγε δὲ καὶ μισθοφόρων
πλῆθος, καὶ τὰ λοιπὰ
παρεσκευάζετο πρὸς τὴν
ἀσφάλειαν τῆς
τυραννίδος, ὡς ἂν ἔργοις
ἤδη πεῖραν εἰληφὼς ὅτι
πᾶν ὑπομένουσιν οἱ
Συρακόσιοι χάριν τοῦ μὴ
δουλεύειν.

[11] Τούτων δὲ XI. Pendant que ces choses se

πραττομένων Φαρνάβαζος passaient, Pharnabaze, satrape de


Darius, le roi, arrêta Alcibiade et le
Δαρείου τοῦ βασιλέως
mit à mort, pour complaire aux
σατράπης Ἀλκιβιάδην τὸν
Lacédémoniens. Comme Éphore
Ἀθηναῖον συλλαβὼν attribue cette fin tragique
ἀνεῖλε, χαρίσασθαι d'Alcibiade à d'autres causes, je

βουλόμενος crois qu'il n'est pas inutile de dire


ici quel motif cet historien donne de
Λακεδαιμονίοις. Τοῦ δ´
l'attentat commis sur Alcibiade.
Ἐφόρου δι´ ἄλλας αἰτίας
D'après ce qu'Éphore dit dans le
ἐπιβουλευθῆναι dix-septième livre de son histoire,
γεγραφότος, οὐκ Cyrus et les Lacédémoniens
ἄχρηστον εἶναι νομίζω s'étaient entendus en secret pour

παραθεῖναι τὴν se préparer à faire la guerre à


Artaxerxés, frère de Cyrus. Instruit
παραδοθεῖσαν ὑπὸ τοῦ
du projet de Cyrus, Alcibiade alla
συγγραφέως ἐπιβουλὴν
trouver Pharnabaze, et, après lui
κατ´ Ἀλκιβιάδου. Φησὶ
avoir appris tous les détails de la
γὰρ κατὰ τὴν conspiration, il le pria de lui donner
ἑπτακαιδεκάτην βίβλον la permission de se mettre en route
Κῦρον μὲν καὶ pour se rendre auprès

Λακεδαιμονίους λάθρᾳ d'Artaxerxés; car il voulait être le


premier à dénoncer au roi la trame
παρασκευάζεσθαι ἅμα
du complot. Pharnabaze, après
πολεμεῖν πρὸς
avoir écouté Alcibiade, voulut
Ἀρταξέρξην τὸν ἀδελφόν, s'approprier le mérite de cette
Ἀλκιβιάδην δὲ διά τινων dénonciation et envoya, en
αἰσθόμενον τὴν Κύρου conséquence, des messagers

προαίρεσιν ἐλθεῖν πρὸς affidés pour la porter au roi.


Cependant, Alcibiade ne recevant
Φαρνάβαζον καὶ περὶ
pas de Pharnabaze la permission de
τούτων ἐξηγήσασθαι κατὰ
se rendre auprès du roi, alla
μέρος, ἀξιῶσαι δὲ αὐτὸν
trouver le satrape de la
δοῦναι ἀναβάσεως ὁδὸν Paphlagonie pour obtenir la facilité
πρὸς Ἀρταξέρξην· de faire le voyage. Mais
βούλεσθαι γὰρ ἐμφανίσαι Pharnabaze, craignant que le roi

πρῶτον τὴν ἐπιβουλὴν τῷ n'apprit ainsi la vérité, dépêcha des


sbires qui devaient assassiner
βασιλεῖ. Τὸν δὲ
Alcibiade en route. Ils l'atteignirent
Φαρνάβαζον ἀκούσαντα
dans un village de la Phrygie (08),
τῶν λόγων, où il s'était arrêté; pendant la nuit
σφετερίσασθαι τὴν ils entourèrent la maison d'un amas
ἀπαγγελίαν καὶ πέμψαι de bois auquel ils mirent le feu.
πιστοὺς ἄνδρας ὑπὲρ Alcibiade chercha d'abord à se

τούτων τῷ βασιλεῖ défendre, mais, atteint par les


flammes, et accablé des flèches qui
δηλώσοντας. Οὐ διδόντος
étaient lancées sur lui, il rendit la
δὲ τοῦ Φαρναβάζου τοὺς
vie.
παραπέμψοντας εἰς τὰ
A cette même époque, mourut
βασίλεια, φησὶ τὸν μὲν
le philosophe Démocrite, après
Ἀλκιβιάδην ὁρμῆσαι πρὸς avoir vécu quatre-vingt-dix ans.
τὸν σατράπην τῆς Lasthène le Thébain, qui avait
Παφλαγονίας, ὅπως δι´ remporté le prix aux derniers jeux

ἐκείνου ποιήσαιτο τὴν olympiques, fut, dans la même


année (09), vainqueur à une
ἀνάβασιν· τὸν δὲ
course de cheval. L'espace à
Φαρνάβαζον φοβηθέντα
parcourir était de Coronée à Thèbes
μὴ περὶ τούτων ἀκούσῃ
(10).
τὴν ἀλήθειαν βασιλεύς,
En Italie, les Romains
ἐπαποστεῖλαι τοὺς
occupaient Erruca, ville des
ἀνελοῦντας κατὰ τὴν Volsques; les ennemis, revenus à la
ὁδὸν τὸν Ἀλκιβιάδην. Τοὺς charge, se rendirent maîtres de la

δὲ καταλαβόντας αὐτὸν ville, et tuèrent la plus grande


partie de la garnison.
τῆς Φρυγίας ἔν τινι κώμῃ
κατεσκηνωκότα νυκτὸς XII. L'année étant révolue,
Euclide fut nommé archonte
περιθεῖναι ξύλων πλῆθος·
d'Athènes; à Rome, quatre tribuns
ἀναφθέντος οὖν πολλοῦ
militaires furent revêtus de
πυρὸς τὸν Ἀλκιβιάδην
l'autorité consulaire, Publius
ἐπιχειρῆσαι μὲν Cornélius, Numérius Fabius, Lucius
ἀμύνεσθαι, κρατηθέντα δὲ Valérius et Tarentius Maximus. A
ὑπὸ τοῦ πυρὸς καὶ τῶν εἰς cette époque, les Byzantins se

αὐτὸν ἀκοντιζόντων trouvaient dans une position


critique, résultant des troubles
τελευτῆσαι.
intérieurs et de la guerre qu'ils
Περὶ δὲ τὸν αὐτὸν avaient entreprise contre leurs
χρόνον καὶ Δημόκριτος voisins, les Thraces. Dans

φιλόσοφος ἐτελεύτησε l'impossibilité d'apaiser ces


dissensions intestines, ils
βιώσας ἔτη ἐνενήκοντα.
demandèrent aux Lacédémoniens
Λασθένην δὲ τὸν Θηβαῖον
τὸν νενικηκότα ταύτην un commandant militaire. Les

τὴν ὀλυμπιάδα λέγεται Spartiates leur envoyèrent


Cléarque avec l'ordre de régler
πρὸς ἵππον ἀθλητὴν
l'administration de la ville. Investi
δραμόντα νικῆσαι· τὸν δὲ
d'un pouvoir absolu, et à la tête
δρόμον ἀπὸ τῆς d'une nombreuse troupe de
Κορωνείας μέχρι τῆς mercenaires, il avait bien plutôt
Θηβαίων πόλεως l'autorité d'un tyran que celle d'un

γενέσθαι. gouverneur. Il commença d'abord


par mettre à mort tous les
Κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν
magistrats qu'il avait invités à la
Ῥωμαίων φρουρούντων solennité d'un sacrifice ; ensuite, la
Ἔρρουκαν πόλιν ville étant plongée dans l'anarchie,
Οὐόλσκων ἐπελθόντες οἱ il fit arrêter les chefs qu'on

πολέμιοι τῆς τε πόλεως nommait les trente conseillers (11)


et les fit étrangler. Après s'être
ἐκράτησαν καὶ τῶν
approprié les biens des victimes, il
φρουρῶν τοὺς πλείστους
dressa une liste des plus riches
ἀνεῖλαν.
citoyens, et fit,
[12] Τῶν δὲ κατὰ sur de fausses accusations,

τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν condamner les uns à mort, les


autres à l'exil. Il amassa ainsi
πράξεων τέλος ἐχουσῶν
d'immenses richesses, réunit de
Ἀθήνησι μὲν ἦν ἄρχων
nombreux mercenaires, et
Εὐκλείδης, ἐν Ῥώμῃ δὲ s'affermit dans l'autorité
τὴν ὑπατικὴν ἀρχὴν souveraine. Cependant, le bruit des
διεδέξαντο χιλίαρχοι cruautés et des violences exercées

τέσσαρες, Πόπλιος par ce tyran s'étant répandu, les


Lacédémoniens lui envoyèrent
Κορνήλιος, Νουμέριος
d'abord des députés chargés de
Φάβιος, Λεύκιος
l'inviter à résigner volontairement
Οὐαλέριος. Τούτων δὲ τὴν
l'autorité souveraine. Comme il ne
ἀρχὴν παρειληφότων se rendit pas à cette invitation, les
Βυζάντιοι πρὸς μὲν Lacédémoniens firent marcher
ἀλλήλους στασιάζοντες, contre lui une armée sous les

πρὸς δὲ τοὺς ordres de Panthoedas. Instruit de


l'approche de cette armée,
παροικοῦντας Θρᾷκας
Cléarque transporta ses troupes à
πόλεμον ἔχοντες, κακῶς Selybria, ville dont il était

ἀπήλλαττον· οὐ δυνάμενοι également le maître : comme il


avait à se reprocher beaucoup de
δὲ λύσιν πορίσασθαι τῆς
torts commis envers les Byzantins,
πρὸς ἀλλήλους
il ne se dissimula pas qu'il aurait
φιλονεικίας, στρατηγὸν pour ennemis, non seulement les
ᾐτήσαντο παρὰ Lacédémoniens, mais encore les
Λακεδαιμονίων. habitants de Byzance. C'est

Ἐξέπεμψαν οὖν οἱ pourquoi, croyant se défendre avec


plus de sûreté dans Selybria, il y
Σπαρτιᾶται Κλέαρχον
avait transporté ses richesses et
καταστήσοντα τὰ κατὰ
ses troupes. Lorsqu'il apprit que les
τὴν πόλιν· οὗτος δὲ
Lacédémoniens n'étaient plus loin,
πιστευθεὶς περὶ τῶν ὅλων il se porta à leur rencontre et
καὶ μισθοφόρους πολλοὺς engagea un combat avec l'armée
ἀθροίσας, οὐκέτι de Panthoedas, dans un lieu

προστάτης ἦν, ἀλλὰ nommé Porus. L'action dura


longtemps; les Lacédémoniens se
τύραννος. Καὶ τὸ μὲν
battirent brillamment et mirent en
πρῶτον τοὺς ἄρχοντας
déroute l'armée du tyran. Cléarque
αὐτῶν ἐπί τινι θυσίᾳ s'enferma d'abord à Selybria, avec
καλέσας ἀνεῖλε, μετὰ δὲ un petit nombre de ses partisans,
ταῦτα ἀναρχίας οὔσης ἐν et se prépara à soutenir un siége;

τῇ πόλει, τριάκοντα μὲν mais ensuite, craignant pour sa


personne, il s'enfuit la nuit et fit
τοὺς ὀνομαζομένους
voile pour l'Ionie. Là, il se lia avec
Βυζαντίους συνήρπασε καὶ
Cyrus, frère du roi, et fut nommé à
περιθεὶς κάλων
un commandement de troupes.
ἀπεστραγγάλισε· πάντων Cyrus, institué chef de toutes les
δὲ τῶν διαφθαρέντων τὰς satrapies maritimes, et plein
οὐσίας σφετερισάμενος d'ambition, méditait alors le projet

ἐπελέγετο καὶ τῶν ἄλλων d'expédition contre son frère


Artaxerxès. Voyant en Cléarque un
τοὺς εὐπόρους, καὶ
homme d'un caractère résolu et
ψευδεῖς αἰτίας ἐπιρρίπτων
entreprenant, il le combla de
οὓς μὲν ἀπέκτεινεν, οὓς δ richesses et le chargea d'enrôler un
´ ἐφυγάδευσε. Πολλῶν δὲ grand nombre de soldats
χρημάτων κυριεύσας καὶ étrangers; car il était persuadé qu'il
μισθοφόρων ἀθροίσας trouverait en lui un auxiliaire utile

πλῆθος τὰ κατὰ τὴν dans l'exécution de ses projets


téméraires.
δυναστείαν ἠσφαλίσατο.
Διαβοηθείσης δὲ τῆς κατὰ XIII. Lysandre le Spartiate
avait réglé, suivant l'ordre des
τὸν τύραννον ὠμότητός
éphores, l'administration des villes
τε καὶ δυνάμεως,
soumises à la domination des
Λακεδαιμόνιοι τὸ μὲν Lacédémoniens, en établissant
πρῶτον ἀπέστειλαν πρὸς dans les unes le décemvirat, dans
αὐτὸν πρέσβεις τοὺς les autres l'oligarchie, et jouissait

πείσοντας ἀποθέσθαι τὴν de la plus grande considération à


Sparte. En effet, en terminant la
δυναστείαν· οὐ
guerre du Péloponnèse, il avait
προσέχοντος δὲ τοῖς
procuré à sa patrie une suprématie
ἀξιουμένοις ἔπεμψαν
incontestée sur terre et sur mer.
δύναμιν ἐπ´ αὐτὸν καὶ Son ambition s'étant accrue par ces
στρατηγὸν Πανθοίδαν. Οὗ succès, il forma le projet de
τὴν ἔφοδον αἰσθόμενος renverser la dynastie des

Κλέαρχος εἰς Σηλυμβρίαν Héraclides, et de rendre l'élection à


la royauté accessible à tous les
μετήγαγε τὴν δύναμιν,
Spartiates ; car il espérait que le
κύριος ὢν καὶ ταύτης τῆς
souvenir de ses hauts faits et des
πόλεως· πολλὰ γὰρ εἰς services rendus à la patrie, le ferait
τοὺς Βυζαντίους bientôt appeler au pouvoir
ἡμαρτηκὼς ὑπελάμβανεν suprême. Sachant que les

οὐ μόνον τοὺς Lacédémoniens attachaient une


grande importance aux oracles
Λακεδαιμονίους, ἀλλὰ καὶ
(12), il essaya de gagner à prix
τοὺς ἐν τῇ πόλει
d'argent la prêtresse de Delphes, il
πολεμίους ἕξειν. Διόπερ ἐκ
se flattait d'atteindre facilement
Σηλυμβρίας κρίνας son but, s'il parvenait à rendre
ἀσφαλέστερον l'oracle favorable à ses desseins.
διαπολεμήσειν, τά τε Comme il n'avait réussi, par aucune

χρήματα καὶ τὴν δύναμιν promesse d'argent, à séduire


l'oracle de Delphes, il s'adressa aux
μετέστησεν. Ὡς δ´
prêtresses de Dodone, par
ἐπύθετο τοὺς
l'intermédiaire d'un certain
Λακεδαιμονίους ἐγγὺς Phérécrate, natif d'Apollonie, qui
ὄντας, ἀπήντησεν αὐτοῖς, était lié avec les familiers du

καὶ περὶ τὸν καλούμενον temple. N'ayant pas davantage


réussi, il entreprit un voyage à
πόρον συνῆψε μάχην τοῖς
Cyrène, sous le prétexte
περὶ τὸν Πανθοίδαν.
d'accomplir des voeux faits à
Γενομένου δ´ ἐπὶ πολὺν Jupiter Ammon, mais en réalité
χρόνον τοῦ κινδύνου, καὶ pour essayer de corrompre l'oracle.
λαμπρῶς ἀγωνισαμένων Avec les sommes d'argent qu'il

τῶν Λακεδαιμονίων, οἱ avait apportées, il se flattait de


gagner les ministres du temple,
τοῦ τυράννου
d'autant plus facilement que Libys,
διεφθάρησαν. δὲ
roi de ces contrées, avait été lié
Κλέαρχος τὸ μὲν πρῶτον
avec son père par le lien de
μετ´ ὀλίγων συγκλεισθεὶς l'hospitalité, et que le frère de
εἰς Σηλυμβρίαν Lysandre avait reçu le nom de
ἐπολιορκεῖτο· μετὰ δὲ Libys, en mémoire de cette amitié.

ταῦτα φοβηθεὶς διέδρα Cependant, non seulement il ne


réussit par aucun de ces moyens à
νυκτὸς καὶ διέπλευσεν εἰς
séduire l'oracle, mais les préposés
τὴν Ἰωνίαν· ἐκεῖ δ´ εἰς
du temple firent partir des envoyés
συνήθειαν ἐλθὼν Κύρῳ τῷ chargés d'accuser Lysandre d'avoir
τοῦ βασιλέως ἀδελφῷ voulu corrompre l'oracle. Lysandre,
δυνάμεων ἀφηγήσατο. de retour à Lacédémone, se justifia

γὰρ Κῦρος, ἄρχων d'une manière plausible de


l'accusation portée contre lui. Alors
ἀποδεδειγμένος τῶν ἐπὶ
les Lacédémoniens ne savaient rien
θαλάττῃ σατραπειῶν καὶ
encore du dessein qu'il avait conçu
φρονήματος πλήρης ὤν,
d'abolir la royauté héréditaire des
διενοεῖτο στρατεύειν ἐπὶ Héraclides. Quelque temps après la
τὸν ἀδελφὸν Ἀρταξέρξην. mort de Lysandre, en cherchant
Ὁρῶν οὖν τὸν Κλέαρχον dans sa maison des comptes

τόλμαν ἔχοντα καὶ θράσος d'argent, on trouva un discours


soigneusement écrit, qu'il devait
πρόχειρον, ἔδωκεν αὐτῷ
prononcer devant le peuple, pour le
χρήματα καὶ προσέταξεν
persuader de décréter tous les
ὡς πλείστους ξενολογεῖν, citoyens éligibles à la royauté.
νομίζων εὔθετον ἕξειν
XIV. En Sicile, Denys, tyran
συναγωνιστὴν τοῖς ὑπ´ des Syracusains, après avoir conclu
αὐτοῦ τολμωμένοις. la paix avec les Carthaginois et
apaisé les troubles de la ville,
[13] Λύσανδρος δὲ
s'occupa à soumettre à son pouvoir
Σπαρτιάτης ἐπειδὴ πάσας
les villes chalcidiennes, Naxos,
τὰς ὑπὸ Λακεδαιμονίους Catane, Léontium. Il désirait se
πόλεις διῴκησε κατὰ τὴν rendre maître de ces villes, parce

τῶν ἐφόρων γνώμην, ἐν qu'elles étaient situées dans le

αἷς μὲν δεκαδαρχίας, ἐν voisinage de Syracuse, et qu'elles


lui facilitaient les moyens d'étendre
αἷς δ´ ὀλιγαρχίας
sa domination. Il marcha d'abord
καταστήσας, περίβλεπτος
contre la ville d'Etna, et s'empara
ἦν ἐν τῇ Σπάρτῃ. de cette place, les réfugiés qui s'y
Καταλύσας γὰρ τὸν trouvaient n'étant pas de force à lui
Πελοποννησιακὸν πόλεμον résister. De là, il se porta sur

τῇ πατρίδι περιτεθεικὼς Léontium, et établit son camp dans


les environs de la ville, aux abords
ἦν τὴν ἡγεμονίαν
du fleuve Téria. Après avoir rangé
ὁμολογουμένην καὶ τὴν
son armée en bataille, il envoya
κατὰ γῆν καὶ τὴν κατὰ
aux Léontiniens un héraut pour les
θάλατταν. Διόπερ ἐπὶ sommer de rendre la ville, espérant
τούτοις ainsi les intimider. Les Léontiniens,

πεφρονηματισμένος loin d'écouter cette sommation,

διενοεῖτο καταλῦσαι τὴν prirent toutes les dispositions pour


soutenir un siége. Denys, qui
τῶν Ἡρακλειδῶν
manquait de machines de guerre,
βασιλείαν καὶ κοινὴν ἐκ
renonça pour le moment à investir
πάντων Σπαρτιατῶν la ville, et se contenta de ravager
ποιῆσαι τὴν αἵρεσιν τῶν toute la campagne. Il marcha
βασιλέων· ἤλπιζε γὰρ εἰς ensuite contre les Sicules, en

ἑαυτὸν τάχιστα τὴν ἀρχὴν apparence pour leur faire la guerre,


mais en réalité pour que les
ἥξειν διὰ τὸ μεγίστας καὶ
Cataniens et les Naxiens fussent
καλλίστας πράξεις
moins sur leurs gardes. Ils s'arrêta
κατειργάσθαι. Θεωρῶν δὲ
quelque temps à Enna, et engagea
τοὺς Λακεδαιμονίους Aïmnestus, citoyen de cette ville, à
μάλιστα τοῖς μαντείοις aspirer à la tyrannie, lui promettant

προσέχοντας, ἐπεχείρησε son concours. Aïmnestus se laissa

τὴν ἐν Δελφοῖς προφῆτιν persuader; mais comme il ne


διαφθεῖραι χρήμασιν· voulut pas faire entrer Denys dans

ἐνόμιζε γάρ, εἰ χρησμὸν la ville, ce dernier, irrité, changea


de dessein, et excita les Ennéens à
λάβοι σύμμαχον ταῖς
renverser le tyran. Ils accoururent
ἰδίαις ἐπιβολαῖς, ῥᾳδίως
tous armés sur la place publique,
ἄξειν ἐπὶ τέλος τὴν pour reconquérir la liberté, ce qui
προαίρεσιν. Ἐπεὶ δὲ mit le désordre dans toute la ville.
παμπληθῆ {χρόνον} Informé du tumulte qui venait

χρήματα τοῖς περὶ τὸ d'éclater, Denys, prenant avec lui


quelques affidés, pénétra dans la
μαντεῖον διατρίβουσιν
ville par un quartier désert, se
ὑπισχνούμενος οὐκ ἔπειθε,
saisit d'Aïmnestus et le livra à la
ταῖς ἐν Δωδώνῃ περὶ τὸ
vengeance des Ennéens; il se retira
μαντεῖον οὔσαις ἱερείαις ensuite de la ville sans avoir fait
προσήνεγκε λόγους περὶ aucun mal. Il agissait ainsi, non par
τῶν αὐτῶν διά τινος amour pour la justice, mais pour

Φερεκράτους, gagner la confiance des autres


villes.
Ἀπολλωνιάτου μὲν τὸ
γένος, ἔχοντος δὲ XV. En partant de là, Denys se
dirigea vers la ville des Erbitéens,
συνήθειαν πρὸς τοὺς περὶ
et tenta de la prendre d'assaut.
τὸ ἱερὸν διατρίβοντας.
Ayant échoué dans cette tentative,
Οὐδὲν δὲ πρᾶξαι il conclut avec les habitants un
δυνάμενος ἐξεδήμησεν εἰς traité de paix, et se porta avec son
Κυρήνην, πρόφασιν μὲν ὡς armée sur Catane; car Arcésilaüs,

εὐχὰς ἀποδιδοὺς Ἄμμωνι, qui commandait les Cataniens,


avait promis de lui livrer la ville.
τῇ δ´ ἀληθείᾳ διαφθεῖραι
Introduit à Catane, au milieu de la
βουλόμενος τὸ μαντεῖον·
nuit, Denys se rendit maître de la
ἐκόμισε δὲ καὶ χρημάτων
ville, fit désarmer les habitants et y
πλῆθος, δι´ ὧν ἤλπιζε établit une forte garnison. Après
τοὺς περὶ τὸ ἱερὸν cela, Proclès, chef des Naxiens,
διατρίβοντας πεῖσαι. Καὶ séduit par de grandes promesses,

γὰρ βασιλεὺς τῶν περὶ livra également sa patrie à Denys.


Celui-ci, après avoir récompensé le
ἐκείνους τοὺς τόπους
traître et toute sa famille, vendit
Λίβυς ξένος ἦν αὐτῷ
les habitants à l'enchère,
πατρικός, καὶ τὸν ἀδελφὸν abandonna à ses soldats le pillage
τοῦ Λυσάνδρου des propriétés, et démolit les

συνέβαινεν ὀνομάζεσθαι maisons et les murs. Le même sort


fut réservé aux Cataniens; Denys
Λίβυν ἀπὸ τῆς πρὸς
vendit à Syracuse, comme
ἐκεῖνον φιλίας. Διὰ δὴ
esclaves, les prisonniers qu'il avait
τούτου καὶ τῶν faits. Il concéda le territoire des
κομιζομένων χρημάτων Naxiens aux Sicules, limitrophes, et
ἐλπίσας πείσειν, οὐ μόνον donna pour demeure aux

ἀπέτυχε τῆς ἐπιβολῆς, Campaniens la ville des Cataniens.


Après cela, Denys marcha avec
ἀλλὰ καὶ συνεξέπεμψαν οἱ
toute son armée contre les
τοῦ μαντείου προεστῶτες
Léontiniens, et investit leur ville de
πρέσβεις τοὺς
tous côtés. Il envoya aux habitants
κατηγορήσοντας τοῦ des parlementaires pour les
Λυσάνδρου περὶ τῆς τοῦ sommer de livrer la ville et
χρηστηρίου διαφθορᾶς. d'accepter le droit de cité à

δὲ Λύσανδρος Syracuse. Les Léontiniens


n'espérant aucun secours, et
παραγενηθεὶς εἰς
considérant les désastres que
Λακεδαίμονα, κρίσεως
venaient d'éprouver les Naxiens et
αὐτῷ προτεθείσης les Cataniens, craignaient de
ἀπελογήσατο πιθανῶς s'exposer aux mêmes malheurs. Ils
ὑπὲρ αὑτοῦ. Τότε μὲν οὖν cédèrent donc au destin en

οὐδὲν ᾔδεισαν οἱ abandonnant leur ville, et en


transportant leur domicile à
Λακεδαιμόνιοι περὶ τῆς
Syracuse.
τοῦ Λυσάνδρου
XVI. Après que les Erbitéens
προαιρέσεως εἰς τὸ
eurent fait la paix avec Denys,
καταλῦσαι τοὺς ἀφ´
Archonide, gouverneur d'Erbite,
Ἡρακλέους βασιλεῖς· μετὰ
conçut le projet de fonder une ville.
δέ τινα χρόνον Il avait à sa disposition une troupe
τελευτήσαντος αὐτοῦ, καί de mercenaires, ramassis
τινων χρηματισμῶν d'hommes, qui était accourue dans

ζητουμένων κατὰ τὴν la ville d'Erbite pendant la guerre


de Denys. Un grand nombre
οἰκίαν, εὗρον λόγον
d'Erbitéens s'engagèrent également
γεγραμμένον πολυτελῶς,
à faire partie de la colonie. A la tête
ὃν ἐπραγματεύσατο πρὸς de cette population mixte,
τὰ πλήθη, πείσων ἐξ Archonide alla occuper une hauteur

ἁπάντων τῶν πολιτῶν à huit stades de la mer, et y fonda


la ville d'Alesa. Comme il y avait en
αἱρετοὺς γίνεσθαι
Sicile d'autres villes de ce nom, il
βασιλεῖς.
l'appela, d'après lui, Archonidium.
[14] Διονύσιος δ´ Lorsque, plus tard, cette ville eut

τῶν Συρακοσίων τύραννος pris un grand développement, tant

ἐπειδὴ τὴν πρὸς par ses relations maritimes que par


les immunités que les Romains lui
Καρχηδονίους εἰρήνην
avaient accordées, ses habitants
ἐποιήσατο, τῶν δὲ κατὰ
désavouèrent leur origine
τὴν πόλιν στάσεων orbitéenne, regardant comme un
ἀπήλλακτο, τὰς ὁμόρους déshonneur de se reconnaître les
τῶν Χαλκιδέων πόλεις descendants d'une ville qui leur

ἔσπευδε προσαγαγέσθαι· était si inférieure. Quoi qu'il en soit,


les deux villes offrent encore
αὗται δ´ ἦσαν Νάξος,
aujourd'hui plusieurs témoignages
Κατάνη, Λεοντῖνοι.
d'une origine commune; elles
Τούτων δ´ ἐπεθύμει
observent les mêmes cérémonies
κυριεῦσαι διὰ τὸ dans les sacrifices offerts à Apollon.
συνορίζειν αὐτὰς τῇ Quelques-uns prétendent qu'Alesa

Συρακούσῃ καὶ πολλὰς fut fondée par les Carthaginois à

ἀφορμὰς ἔχειν πρὸς τὴν l'époque où Imilcar conclut avec


Denys un traité de paix.
αὔξησιν τῆς δυναστείας.
En Italie, les Romains firent la
Πρῶτον μὲν οὖν τῇ Αἴτνῃ
guerre aux Véiens, pour les motifs
προσστρατοπεδεύσας
suivants. (13)... Ce fut dans ce
παρέλαβε τὸ φρούριον,
temps que les Romains
τῶν φυγάδων οὐκ ὄντων décrétèrent, pour la première fois,
ἀξιομάχων πρὸς de donner à leurs guerriers une
τηλικαύτην δύναμιν· μετὰ solde annuelle. Ils prirent d'assaut

δὲ ταῦτα ἐπὶ Λεοντίνους la ville des Volsques, laquelle


s'appelait alors Auxur, et qui porte
ἀναζεύξας ἐγγὺς τῆς
maintenant le nom de Taracine.
πόλεως
XVII. L'année étant révolue,
κατεστρατοπέδευσε παρὰ
Micion fut nommé archonte
τὸν Τηρίαν ποταμόν. Καὶ
d'Athènes, et à Rome on investit de
τὸ μὲν πρῶτον ἐκτάξας
τὴν δύναμιν ἐξαπέστειλε l'autorité consulaire six tribuns

κήρυκα πρὸς τοὺς militaires, Titus Quintius, Caïus


Julius et Aulus Manlius (14). Dans
Λεοντίνους, κελεύων
ce temps (15), les habitants
παραδοῦναι τὴν πόλιν καὶ
d'Orope eurent des troubles civils
νομίζων τῷ φόβῳ par suite desquels plusieurs
καταπλῆξαι τοὺς ἔνδον· citoyens furent envoyés en exil.
οὐ προσεχόντων δὲ τῶν Pendant quelque temps les exilés

Λεοντίνων, ἀλλὰ πάντα essayèrent, par leurs propres


moyens, de rentrer dans leur
παρεσκευασμένων τὰ
patrie; mais n'ayant pu venir à
πρὸς τὴν πολιορκίαν,
bout de leur entreprise, ils
Διονύσιος οὐκ ἔχων
engagèrent les Thébains à leur
μηχανήματα τὴν μὲν envoyer une armée. Les Thébains
πολιορκίαν κατὰ τὸ παρὸν marchèrent donc contre les
ἀπέγνω, τὴν δὲ χώραν Oropiens, s'emparèrent de la ville

ἅπασαν ἐλεηλάτησεν. d'Orope et en transportèrent les


habitants à sept stades de la mer.
Ἐκεῖθεν δ´ ἀνέζευξεν ἐπὶ
Ils les laissèrent d'abord se
τοὺς Σικελούς,
gouverner d'après leurs propres
προσποιούμενος τὸν πρὸς lois ; mais ensuite ils leur
τούτους πόλεμον conférèrent le droit de cité et
ἐπαναιρεῖσθαι πρὸς τὸ incorporèrent leur territoire à la

τοὺς Καταναίους καὶ Béotie.

Ναξίους ῥᾳθυμοτέρους Tandis que ces choses se

γενέσθαι περὶ τὴν τῆς passaient, les Lacédémoniens


reprochaient aux Eliens, entre
πόλεως φυλακήν.
plusieurs autres torts, d'avoir
Διατρίβων δὲ περὶ τὴν
empêché leur roi Pausanias (16) de
Ἔνναν Ἀείμηνστον τὸν
sacrifier au dieu, et de s'être
Ἐνναῖον ἔπεισεν ἐπιθέσθαι opposés à ce que les
τυραννίδι, συνεπιλήψεσθαι Lacédémoniens prissent part aux
τῆς προθέσεως jeux olympiques. Décidés donc à

ἐπαγγελλόμενος. faire la guerre aux Éliens, ils leur


envoyèrent dix députés, avec ordre
Κρατήσαντος δ´ ἐκείνου
d'exiger d'abord que les villes
τῆς ἐπιβολῆς, καὶ τὸν
limitrophes eussent la faculté de se
Διονύσιον οὐκ gouverner elles-mêmes, suivant
εἰσαγαγόντος εἰς τὴν leurs propres lois, et de leur

πόλιν, διοργισθεὶς demander ensuite leur quote part


des frais de la guerre contre les
μετεβάλετο καὶ τοὺς
Athéniens. Ces demandes n'étaient
Ἐνναίους παρεκάλει
que des prétextes et des motifs en
καταλύειν τὸν τύραννον. apparence plausibles pour leur
Ὧν συνδραμόντων εἰς τὴν déclarer la guerre. Comme les
ἀγορὰν μετὰ τῶν ὅπλων Eliens, non seulement refusèrent

καὶ τῆς ἐλευθερίας de répondre à ces prétentions,


mais qu'ils reprochèrent aux
ἀντιποιουμένων, πλήρης
Lacédémoniens de vouloir asservir
ἦν πόλις ταραχῆς.
tous les Grecs, les Lacédémoniens
Διονύσιος δὲ πυθόμενος
firent marcher contre eux
τὴν στάσιν, ἀνέλαβε τοὺς Pausanias, un de leurs rois, avec
ψιλοὺς καὶ ταχέως διά quatre mille hommes. A cette
τινος ἐρήμου τόπου troupe se joignit un grand nombre

{ἐλθὼν} παρεισέπεσεν εἰς de soldats, fournis par presque


tous les alliés, excepté les Béotiens
τὴν πόλιν, καὶ τὸν μὲν
et les Corinthiens, qui,
Ἀείμνηστον συλλαβὼν
désapprouvant la conduite des
παρέδωκε τοῖς Ἐνναίοις Lacédémoniens, ne prirent aucune
πρὸς τὴν τιμωρίαν, part à l'expédition contre l'Élide.
αὐτοὺς δ´ οὐδὲν ἀδικήσας Pausanias, passant par l'Arcadie,

ἀπῆλθεν ἐκ τῆς πόλεως. envahit l'Élide et prit aussitôt


Lasion, place forte. Conduisant
Τοῦτο δ´ ἔπραξεν οὐχ
ensuite son armée à travers les
οὕτως τοῦ δικαίου
montagnes, il alla soumettre quatre
φροντίζων, ὡς
villes, Throestum, Alium, Eupagium
βουλόμενος προτρέψασθαι et Oponte. De là il vint camper près
τὰς ἄλλας πόλεις αὐτῷ de Pylos, et s'empara
πιστεύειν. immédiatement de cette place, à
soixante-dix stades d'Élis. Après
[15] Ἐκεῖθεν δ´
cela, il continua sa marche sur Élis
ἀναζεύξας τὴν τῶν
même, et vint établir son camp sur
Ἑρβιταίων πόλιν πορθεῖν les hauteurs situées en deçà du
ἐπεχείρησεν· οὐδὲν δὲ fleuve (17). Les Eliens venaient

πράσσων πρὸς μὲν alors de recevoir des Étoliens un

τούτους εἰρήνην secours de mille hommes d'élite


ἐποιήσατο, τὴν δὲ δύναμιν qu'ils avaient préposés à la garde

ἤγαγεν ἐπὶ Κατάνην· du gymnase. Pausanias essaya


d'abord d'assiéger ce poste par
Ἀρκεσίλαος γὰρ
bravade, persuadé que les Eliens
στρατηγὸς ὢν τῶν
n'oseraient faire aucune sortie,
Καταναίων ἐπηγγέλλετο lorsque tout à coup les Étoliens,
αὐτῷ προδώσειν τὴν secondés d'un grand nombre de
πόλιν. Διόπερ ὑπὸ τούτου citoyens, se précipitèrent hors de la

περὶ μέσας νύκτας ville, mirent le désordre parmi les


Lacédémoniens et leur tuèrent
παρεισαχθεὶς κύριος τῆς
environ trente hommes. Pausanias
Κατάνης ἐγένετο.
leva alors le siége, et, voyant
Ἀφελόμενος δὲ τῶν
combien la prise de la ville serait
πολιτῶν τὰ ὅπλα, φρουρὰν difficile, il alla ravager le territoire
ἐν αὐτῇ κατέστησεν sacré, où il fit un immense butin.
ἱκανήν. Μετὰ δὲ ταῦτα Comme l'hiver approchait déjà, il

Προκλῆς τῶν Ναξίων fortifia les places de l'Élide dont il


s'était rendu maître, y laissa de
ἀφηγούμενος ἐπαγγελιῶν
fortes garnisons, et alla, avec le
μεγέθει πεισθεὶς
reste de son armée, prendre ses
παρέδωκε τὴν πατρίδα τῷ quartiers d'hiver à Dyme.
Διονυσίῳ· ὃς τὰς δωρεὰς
XVIII. En Sicile, Denys, tyran
ἀποδοὺς τῷ προδιδόντι des Syracusains, après avoir réussi
καὶ τοὺς συγγενεῖς αὐτῷ à souhait à consolider son autorité,
χαρισάμενος τὴν πόλιν forma le projet de déclarer la

ἐξηνδραποδίσατο, καὶ τὰς guerre aux Carthaginois. N'étant


pas encore suffisamment préparé à
μὲν κτήσεις ἐφῆκε τοῖς
la guerre, il cacha son projet, tout
στρατιώταις διαρπάσαι,
en prenant les dispositions
τὰ δὲ τείχη καὶ τὰς οἰκίας
nécessaires pour en tenter
κατέσκαψεν. l'exécution. Sachant que, dans la
Παραπλησίως δὲ καὶ τοῖς guerre attique, Syracuse avait pu
Καταναίοις χρησάμενος être entouré d'un bras de mer à

ἐλαφυροπώλησε τοὺς l'autre par un mur de


circonvallation, il craignait que,
αἰχμαλώτους ἐν
dans un cas de revers, il ne fût
Συρακούσαις. Τὴν μὲν οὖν
privé de toute communication avec
τῶν Ναξίων χώραν la campagne. Comme il voyait que
Σικελοῖς τοῖς ὁμοροῦσιν les Epipoles étaient une position

ἐδωρήσατο, τοῖς δὲ très favorable pour attaquer la ville


de Syracuse, il fit venir des
Καμπανοῖς τὴν πόλιν τῶν
architectes, sur l'opinion desquels il
Καταναίων οἰκητήριον
jugea nécessaire de fortifier les
ἔδωκεν. Μετὰ δὲ ταῦτα Epipoles par un mur qui subsiste
ἐπὶ Λεοντίνους encore aujourd'hui près des
στρατεύσας ἁπάσῃ τῇ Hexapyles. Cette position située au

δυνάμει τὴν πόλιν nord de la ville, est toute garnie de


rochers et inaccessible par les côtés
περιεστρατοπέδευσε, καὶ
extérieurs. Désirant hâter la
πρὸς τοὺς ἔνδον
construction de ce mur, Denys fit
διαπρεσβευσάμενος
venir une multitude de gens de la
ἐκέλευσεν αὐτοὺς campagne, parmi lesquels il choisit
παραδιδόναι τὴν πόλιν καὶ soixante mille ouvriers robustes, de
μετέχειν τῆς ἐν condition libre, et leur distribua

Συρακούσαις πολιτείας. Οἱ l'emplacement de l'enceinte. Pour


chaque stade de terrain il établit un
δὲ Λεοντῖνοι, βοήθειαν
architecte, et pour chaque plèthre
μὲν οὐδεμίαν ἕξειν
(18) un maître constructeur, ayant
προσδοκῶντες, τὰς δὲ à son service deux cents ouvriers.
Ναξίων καὶ Καταναίων Indépendamment de ceux-là, une
συμφορὰς ἀναλογιζόμενοι, multitude de bras étaient employés

κατεπλήττοντο, à tailler les pierres. Six mille


couples de boeufs étaient employés
φοβούμενοι μὴ τοῖς
sur l'emplacement désigné.
αὐτοῖς περιπέσωσι
L'activité de ces milliers de
δυστυχήμασιν. Διόπερ
travailleurs, dont chacun
εἴξαντες τῷ καιρῷ s'empressait d'achever sa tâche,
συνεχώρησαν, καὶ τὴν présentait un spectacle étonnant.
πόλιν ἐκλιπόντες εἰς Denys, pour stimuler leur zèle,

Συρακούσας μετῴκησαν. promit de fortes récompenses à


ceux qui achèveraient les premiers
[16] Ἀρχωνίδης δ´
leur tâche; et ces promesses
τῆς Ἑρβίτης ἐπιστάτης, étaient faites aux architectes qui
ἐπειδὴ πρὸς Διονύσιον devaient recevoir le double, ainsi

εἰρήνην δῆμος τῶν qu'aux maîtres constructeurs et

Ἑρβιταίων συνέθετο, aux ouvriers. Il assistait lui-même,


διενοεῖτο κτίσαι πόλιν. avec ses amis, à ces travaux,

Εἶχε γὰρ μισθοφόρους τε pendant des journées entières, se


montrant partout et faisant relever
πλείους καὶ σύμμικτον
ceux qui étaient fatigués; bref,
ὄχλον, ὃς τῷ πρὸς
déposant la gravité du magistrat, il
Διονύσιον πολέμῳ se montrait comme un simple
συνέδραμεν εἰς τὴν πόλιν· particulier, et, présidant aux
πολλοὶ δὲ καὶ τῶν ἄλλων travaux les plus lourds, il

Ἑρβιταίων ἐπηγγέλλοντο supportait la même fatigue que les


autres. Il fit ainsi naître une telle
αὐτῷ κοινωνήσειν τῆς
émulation que quelques ouvriers
ἀποικίας. Ἀναλαβὼν οὖν
ajoutaient à leurs journées une
τὸ συνδραμὸν πλῆθος
partie de la nuit. Aussi l'enceinte
κατελάβετό τινα τῶν fut-elle, contre toute attente,
λόφων ὀκτὼ σταδίους achevée dans l'espace de vingt
ἀπέχοντα τῆς θαλάττης, jours. Elle avait trente stades (19)

ἐν πόλιν ἔκτισεν de longueur sur une hauteur


proportionnée; elle était si
Ἅλαισαν· οὐσῶν δὲ καὶ
solidement construite qu'elle
ἄλλων πόλεων κατὰ τὴν
passait pour imprenable. Elle était
Σικελίαν ὁμωνύμων, flanquée de tours élevées, très
Ἀρχωνίδιον αὐτὴν rapprochées les unes des autres, et
προσηγόρευσεν ἀφ´ bâties en pierres de taille, de

ἑαυτοῦ. Ἐν δὲ τοῖς quatre pieds, soigneusement


jointes entre elles.
ὕστερον χρόνοις τῆς
πόλεως πολλὴν ἐπίδοσιν XIX. L'année étant révolue,
Exainète fut nommé archonte
λαμβανούσης διά τε τὰς
d'Athènes; à Rome, on revêtit de
ἀπὸ τῆς θαλάττης
l'autorité consulaire six tribuns
ἐργασίας καὶ διὰ τὴν ὑπὸ
militaires, Publius Cornélius, Caeso
Ῥωμαίων δοθεῖσαν Fabius, Spurius Nautius, Caïus
ἀτέλειαν, οἱ Ἁλαισῖνοι τὴν Valérius, Manius Sergius et Junius
τῶν Ἑρβιταίων Lucullus (20). Cyrus, gouverneur

συγγένειαν ἀπηρνήσαντο, des satrapies maritimes, avait déjà


formé le projet d'entreprendre une
αἰσχρὸν ἡγούμενοι
expédition contre son frère
καταδεεστέρας πόλεως
Artaxerxès. Cyrus était un jeune
ἑαυτοὺς ἀποίκους homme plein d'ambition, et avait
νομίζεσθαι. Οὐ μὴν ἀλλὰ des dispositions réelles pour la

μέχρι νῦν παρ´ carrière militaire. Il avait pris à sa


solde un grand nombre de troupes
ἀμφοτέραις συγγένειαί τε
étrangères et fait de bons
πλείονες διαμένουσι καὶ
préparatifs pour l'expédition
τὰς κατὰ τὸ Ἀπολλώνιον projetée. Mais il cacha à son armée
θυσίας τοῖς αὐτοῖς ἔθεσι ses véritables desseins, en lui
διοικοῦσιν. Τινὲς δέ φασιν disant qu'il allait la conduire en

ὑπὸ Καρχηδονίων ἐκτίσθαι Cilicie pour châtier les tyrans qui


s'étaient insurgés contre l'autorité
τὴν Ἅλαισαν, καθ´ ὃν
du roi. Il avait aussi dépêché des
καιρὸν Ἰμίλκων τὴν πρὸς
envoyés pour demander aux
τὸν Διονύσιον εἰρήνην
Lacédémoniens des troupes
ἐποιήσατο. auxiliaires, en leur rappelant les

Κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν services qu'il leur avait rendus dans


la guerre contre les Athéniens. Les
Ῥωμαίοις πρὸς Βηίους
Lacédémoniens estimant cette
πόλεμος συνέστη διὰ
guerre utile à leurs intérêts,
τοιαύτας αἰτίας. Τότε
consentirent à fournir les secours
πρώτως ἐπεψηφίσαντο demandés, et firent sur-le-champ
Ῥωμαῖοι τοῖς στρατιώταις prévenir leur nauarque, nommé

καθ´ ἕκαστον ἐνιαυτὸν εἰς Samius, de se mettre aux ordres de

ἐφόδια διδόναι χρήματα. Cyrus. Samius commandait vingt-


cinq trirèmes avec lesquelles il se
Ἐξεπολιόρκησαν δὲ καὶ
rendit à Éphèse pour se joindre au
τὴν Οὐόλσκων πόλιν,
nauarque de Cyrus, et se tenir prêt
τότε μὲν Ἄνξωρ ἐκαλεῖτο, à toute coopération. Les
νῦν δ´ ὀνομάζεται Lacédémoniens firent aussi partir
Ταρρακίνη. huit cents hommes d'infanterie,
sous les ordres de Cheirisophus.
[17] Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου
Tamos était à la tête de toutes les
χρόνου διεληλυθότος
forces navales des Perses,
Ἀθήνησι μὲν ἦρχε Μικίων, composées de cinquante trirèmes
ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ τὴν parfaitement équipées. Après
ὑπατικὴν ἀρχὴν l'arrivée des Lacédémoniens, les

μετέλαβον χιλίαρχοι flottes réunies se dirigèrent vers les


côtes de la Cilicie. Cependant Cyrus
τρεῖς, Τίτος Κοΐντιος καὶ
avait enrôlé en Asie et pris à sa
Γάιος Ἰούλιος καὶ Αὖλος solde treize mille hommes, qu'il

Μαμίλος. Τούτων δὲ τὰς rassembla à Sardes. Il confia les


gouvernements de la Lydie et de la
ἀρχὰς λαβόντων οἱ τὸν
Phrygie à des Perses : il donna le
Ὠρωπὸν οἰκοῦντες πρὸς
gouvernement de l'Ionie, de l'Eolie
ἀλλήλους στασιάσαντες et des contrées limitrophes à
ἐφυγάδευσαν τῶν πολιτῶν Tamos, son fidèle ami, originaire de
τινας. Οἱ δὲ φυγάδες Memphis. Il se dirigea ensuite, à la

μέχρι μέν τινος δι´ tête de son armée, vers la Cilicie et


la Pisidie, sous le prétexte d'y
ἑαυτῶν ἐπεβάλοντο
châtier quelques rebelles. Il avait
κατελθεῖν, οὐ δυνάμενοι
en tout soixante-dix mille
δὲ τὴν προαίρεσιν ἐπὶ
Asiatiques, dont trois mille
τέλος ἀγαγεῖν, ἔπεισαν cavaliers, et treize mille soldats
τοὺς Θηβαίους ἑαυτοῖς mercenaires, tirés du Péloponnèse
συναποστεῖλαι δύναμιν. et d'autres pays de la Grèce. Les

Θηβαῖοι δὲ Péloponnésiens, à l'exception des


Achéens, étaient commandés par
στρατεύσαντες ἐπὶ τοὺς
Cléarque le Lacédémonien, les
Ὠρωπίους καὶ
Béotiens par Proxenus le Thébain,
κυριεύσαντες τῆς πόλεως, les Achéens par Socrate l'Achéen,
μετῴκισαν ἀπὸ τῆς les Thessaliens par Ménon de
θαλάττης αὐτοὺς ὡς ἑπτὰ Larisse ; les divers corps de

σταδίους, καὶ χρόνους μέν Barbares étaient sous les ordres de


généraux perses. Cyrus s'était
τινας εἴασαν καθ´ αὑτοὺς
réservé le commandement en chef.
πολιτεύεσθαι, μετὰ δὲ
Il communiqua aux généraux le
ταῦτα δόντες πολιτείαν
projet d'une expédition contre son
τὴν χώραν Βοιωτίαν frère, mais il le cacha aux troupes,
ἐποιήσαντο. craignant de les voir reculer devant
la gravité de cette entreprise. Pour
Τούτων δὲ
parer à tout événement, il comblait
πραττομένων
ses soldats de soins pendant la
Λακεδαιμόνιοι καὶ ἄλλα
route, se familiarisait avec eux, et
μὲν πλείονα τοῖς Ἠλείοις pourvoyait abondamment à tous
ἐνεκάλουν, μάλιστα δ´ ὅτι leurs besoins (21).

Ἆγιν αὐτῶν τὸν βασιλέα XX. Cyrus traversa la Lydie, la


διεκώλυσαν τῷ θεῷ θῦσαι Phrygie, les contrées limitrophes de
καὶ διότι τοῖς Ὀλυμπίοις la Cilicie, et atteignit le défilé des

Λακεδαιμονίους οὐκ portes ciliciennes. Ce défilé est très


étroit, formé par des précipices et a
εἴασαν ἀγωνίσασθαι.
une étendue de vingt stades des
Διόπερ κρίναντες πρὸς
deux côtés (22). Il est environné
αὐτοὺς ἐκφέρειν πόλεμον, de montagnes très élevées et
δέκα πρεσβευτὰς presque inaccessibles. De chaque
ἀπέστειλαν, πρῶτον μὲν côté de ces montagnes descend un

κελεύοντες τὰς mur jusqu'au milieu de la route où


sont construites les portes qui la
περιοίκους πόλεις ἐᾶν
ferment. Après avoir dépassé ce
αὐτονόμους εἶναι, ἔπειτα
défilé, Cyrus entra avec son armée
τὰς δαπάνας τοῦ πρὸς
dans une plaine aussi belle
Ἀθηναίους πολέμου κατὰ qu'aucune autre de l'Asie. De là il
τὸ ἐπιβάλλον αὐτοῖς se rendit à Tarse, la plus grande
μέρος ἀπῄτουν. Ταῦτα δ´ des villes de la Cilicie, et s'en

ἔπραττον προφάσεις empara promptement. Syennesis,


chef de la Cilicie, fut très
αὑτοῖς εὐλόγους καὶ
embarrassé à la nouvelle des forces
πιθανὰς ἀρχὰς ζητοῦντες
nombreuses de l'ennemi, car il ne
πολέμου. Οὐ προσεχόντων se trouvait pas assez fort pour
δὲ τῶν Ἠλείων, ἀλλὰ καὶ s'opposer à leur marche. Cyrus le
προσεγκαλούντων ὅτι fit venir, après lui avoir donné un

τοὺς Ἕλληνας sauf-conduit. Syennesis, ayant


appris la vérité sur cette
καταδουλοῦνται, τὸν
expédition, consentit à prendre les
ἕτερον τῶν βασιλέων
armes contre Artaxerxès, appela
Παυσανίαν ἐπ´ αὐτοὺς
auprès de lui un de ses fils et le fit
ἀπέστειλαν μετὰ partir avec Cyrus à la tête d'une
στρατιωτῶν forte troupe de Ciliciens. Mais, en
τετρακισχιλίων. homme prudent, et se mettant en

Συνηκολούθουν δ´ αὐτῷ garde contre l'inconstance de la


fortune, il dépêcha secrètement
πολλοὶ στρατιῶται καὶ
son autre fils près du roi, pour
παρὰ τῶν συμμάχων
l'informer des forces nombreuses
σχεδὸν ἁπάντων πλὴν qui marchaient contre lui. Ce
Βοιωτῶν καὶ Κορινθίων· messager devait, en même temps,
οὗτοι δὲ δυσχεραίνοντες annoncer au roi que si Syennesis
τοῖς ὑπὸ Λακεδαιμονίων avait fourni à Cyrus une troupe

πραττομένοις οὐ auxiliaire, c'est que, d'un côté, il y


avait été contraint, mais que, d'un
μετέσχον τῆς ἐπὶ τὴν Ἦλιν
autre côté, il avait ainsi agi par
στρατείας. δ´ οὖν
affection pour Artaxerxés, s'étant
Παυσανίας κατ´ ἔφοδον proposé d'abandonner à propos le
τῆς Ἀρκαδίας ἐμβαλὼν εἰς parti de Cyrus, pour se joindre à
τὴν Ἦλιν Λασίωνα μὲν l'armée du roi. Cyrus laissa son

φρούριον εὐθὺς εἷλεν ἐξ armée se reposer à Tarse pendant


vingt jours. Lorsqu'il se remit en
ἐφόδου, μετὰ δὲ ταῦτα διὰ
route, les troupes commencèrent à
τῆς Ἀκρωρείας ἀγαγὼν τὸ
soupçonner que l'expédition était
στρατόπεδον τέτταρας
dirigée contre Artaxerxés. Chacun
πόλεις προσηγάγετο, se mit à calculer la longueur du
Θραῖστον, Ἅλιον, chemin et le nombre des peuples
Ἐπιτάλιον, Ὀποῦντα. ennemis qu'il aurait à combattre

Ἐκεῖθεν δὲ τῇ Πύλῳ pour se frayer une route. Enfin,


l'armée était pleine d'anxiété. Le
προσστρατοπεδεύσας
bruit s'était répandu qu'il fallait
εὐθὺς καὶ τοῦτο τὸ
marcher quatre mois pour arriver
χωρίον παρέλαβεν, ἀπέχον jusqu'à Bactres, et que le roi avait
τῆς Ἤλιδος σταδίους ὡς rassemblé une armée de plus de
ἑβδομήκοντα. Μετὰ δὲ quatre cent mille hommes. Les

ταῦτ´ ἐπ´ αὐτὴν soldats étaient tout à la fois


inquiets et indignés : ils voulaient
πορευθεὶς τὴν Ἦλιν ἐπὶ
tuer leurs chefs comme des
τῶν πέραν τοῦ ποταμοῦ
perfides qui les avaient trahis.
λόφων
Cependant, Cyrus adressa à tous
κατεστρατοπέδευσεν. de vives instances et leur assura
Ἠλεῖοι δὲ μικρὸν que l'expédition était dirigée, non
ἔμπροσθεν ἦσαν παρ´ pas contre Artaxerxés, mais contre

Αἰτωλῶν εἰληφότες un satrape de la Syrie. Les soldats


se laissèrent persuader, et, ayant
συμμάχους ἐπιλέκτους
reçu une augmentation de solde, ils
ἄνδρας χιλίους, οἷς τὸν
revinrent à leurs bonnes
περὶ τὸ γυμνάσιον τόπον dispositions.
δεδώκεισαν φυλάττειν.
Τοῦ δὲ Παυσανίου τοῦτον
τὸν τόπον πρῶτον
ἐπιχειρήσαντος
πολιορκεῖν
καταπεφρονηκότως, ὡς
οὐδέποτ´ ἂν τολμησάντων
Ἠλείων ἐπεξελθεῖν,
ἐξαίφνης οἵ τε Αἰτωλοὶ καὶ
πολλοὶ τῶν πολιτῶν
ἐκχυθέντες ἐκ τῆς πόλεως
κατεπλήξαντο τοὺς
Λακεδαιμονίους, καὶ
σχεδὸν τριάκοντα αὐτῶν
κατέβαλον. δὲ
Παυσανίας τότε μὲν ἔλυσε
τὴν πολιορκίαν, μετὰ δὲ
ταῦθ´ ὁρῶν ἐργώδη τὴν
ἅλωσιν οὖσαν, ἐπῄει
πορθῶν καὶ φθείρων τὴν
χώραν ἱερὰν οὖσαν, καὶ
παμπληθεῖς ὠφελείας
ἤθροισεν. Ἤδη δὲ τοῦ
χειμῶνος συνεγγίζοντος
κατὰ μὲν τὴν Ἠλείαν
ἐτείχισε φρούρια, καὶ τὴν
ἱκανὴν ἐν αὐτοῖς κατέλιπε
δύναμιν, αὐτὸς δὲ μετὰ
τῆς ὑπολοίπου στρατιᾶς
ἐν Δύμῃ παρεχείμασεν.

[18] Κατὰ δὲ τὴν


Σικελίαν Διονύσιος τῶν
Σικελῶν τύραννος, ἐπειδὴ
τὰ κατὰ τὴν δυναστείαν
αὐτῷ προεχώρει κατὰ
γνώμην, διενοεῖτο μὲν
πρὸς Καρχηδονίους
ἐκφέρειν πόλεμον· οὔπω
δὲ ταῖς παρασκευαῖς
ἱκανὸς ὢν τὴν μὲν
προαίρεσιν ταύτην
ἔκρυπτε, πρὸς δὲ τοὺς
μέλλοντας κινδύνους τὰ
χρήσιμα διῴκει. Εἰδὼς οὖν
κατὰ τὸν Ἀττικὸν πόλεμον
τὴν πόλιν ἐκ θαλάττης εἰς
θάλατταν
ἀποτετειχισμένην,
εὐλαβεῖτο μήποτε
παραπλησίοις ἐλαττώμασι
περιπεσὼν ἀποκλεισθῇ
τῆς εἰς τὴν χώραν ἐξόδου·
εὐφυῶς γὰρ ἑώρα
κειμένας τὰς καλουμένας
Ἐπιπολὰς κατὰ τῆς
πόλεως τῶν Συρακοσίων.
Διόπερ τοὺς ἀρχιτέκτονας
παραλαβών, ἀπὸ τῆς
τούτων γνώμης ἔκρινε
δεῖν τειχίσαι τὰς
Ἐπιπολάς, νῦν τὸ πρὸς
τοῖς Ἑξαπύλοις ὑπάρχει
τεῖχος. γὰρ τόπος οὗτος
τετραμμένος ἐστὶ πρὸς
ἄρκτον, ὑπόκρημνος δὲ
πᾶς καὶ διὰ τὴν
τραχύτητα δυσπρόσοδος
ἐκ τῶν ἔξωθεν μερῶν.
βουλόμενος οὖν ταχεῖαν
τὴν κατασκευὴν τῶν
τειχῶν γίνεσθαι, τὸν ἀπὸ
τῆς χώρας ὄχλον
ἤθροισεν, ἐξ οὗ τοὺς
εὐθέτους ἄνδρας
{ἐλευθέρους} ἐπιλέξας
εἰς ἑξακισμυρίους
ἐπιδιεῖλε τούτοις τὸν
τειχιζόμενον τόπον. Καθ´
ἕκαστον μὲν οὖν στάδιον
ἀρχιτέκτονας ἐπέστησε,
κατὰ δὲ πλέθρον ἐπέταξεν
οἰκοδόμους, καὶ τοὺς
τούτοις ὑπηρετήσοντας
ἐκ τῶν ἰδιωτῶν εἰς
ἕκαστον πλέθρον
διακοσίους. Χωρὶς δὲ
τούτων ἕτεροι παμπληθεῖς
τὸν ἀριθμὸν ἔτεμνον τὸν
ἀνέργαστον λίθον·
ἑξακισχίλια δὲ ζεύγη βοῶν
ἐπὶ τὸν οἰκεῖον τόπον
παρεκόμιζεν.Ἡ δὲ τῶν
ἐργαζομένων πολυχειρία
πολλὴν παρείχετο τοῖς
θεωμένοις κατάπληξιν,
ἁπάντων σπευδόντων
τελέσαι τὸ τεταγμένον.
γὰρ Διονύσιος τὴν
προθυμίαν τοῦ πλήθους
ἐκκαλούμενος μεγάλας
προέθηκε δωρεὰς τοῖς
προτερήσασι, δίχα μὲν
τοῖς ἀρχιτέκτοσι, χωρὶς
δὲ τοῖς οἰκοδόμοις καὶ
πάλιν τοῖς ἐργαζομένοις·
καὶ αὐτὸς δὲ μετὰ τῶν
φίλων προσήδρευε τὰς
ἡμέρας ὅλας τοῖς ἔργοις,
ἐπὶ πάντα τόπον
ἐπιφαινόμενος καὶ τοῖς
κακοπαθοῦσιν αἰεὶ
προσλαμβάνων. Καθόλου δ
´ ἀποθέμενος τὸ τῆς
ἀρχῆς βάρος ἰδιώτην
αὑτὸν ἀπεδείκνυε, καὶ
τοῖς βαρυτάτοις τῶν
ἔργων προσιστάμενος
ὑπέμενε τὴν αὐτὴν τοῖς
ἄλλοις κακοπάθειαν, ὥστε
πολλὴ μὲν ἔρις ἐγίνετο καὶ
τοῖς τῆς ἡμέρας ἔργοις
ἔνιοι προσετίθεσαν καὶ
μέρη τῶν νυκτῶν·
τοσαύτη σπουδὴ τοῖς
πλήθεσιν ἐνεπεπτώκει.
Διόπερ ἀνελπίστως ἐν
ἡμέραις εἴκοσι τέλος ἔσχε
τὸ τεῖχος, τὸ μὲν μῆκος
κατασκευασθὲν ἐπὶ
σταδίους τριάκοντα, τὸ δὲ
ὕψος σύμμετρον, ὥστε τῷ
τοίχῳ τῆς ὀχυρότητος
προϲγενομένης ἀνάλωτον
ἐκ βίας ὑπάρξαι· τοῖς γὰρ
πύργοις διείληπτο πυκνοῖς
καὶ ὑψηλοῖς, ἔκ τε λίθων
ᾠκοδόμητο τετραπέδων
φιλοτίμως
συνειργασμένων.

[19] Τοῦ δ´ ἔτους


τούτου διεληλυθότος
Ἀθήνησι μὲν ἦν ἄρχων
Ἐξαίνετος, ἐν Ῥώμῃ δὲ
τὴν ὑπατικὴν ἀρχὴν
παρέλαβον χιλίαρχοι ἕξ,
Πόπλιος Κορνήλιος,
Καίσων Φάβιος, Σπόριος
Ναύτιος, Γάιος Οὐαλέριος,
Μάνιος Σέργιος. Περὶ δὲ
τούτους τοὺς χρόνους
Κῦρος τῶν ἐπὶ θαλάττης
σατραπειῶν ἡγούμενος
διενοεῖτο μὲν πάλαι
στρατεύειν ἐπὶ τὸν
ἀδελφὸν Ἀρταξέρξην· ἦν
γὰρ νεανίσκος
φρονήματος πλήρης καὶ
προθυμίαν ἔχων οὐκ
ἄπρακτον εἰς τοὺς κατὰ
πόλεμον ἀγῶνας. Ἐπεὶ δ´
αὐτῷ μισθοφόρων πλῆθος
ἱκανὸν συνῆκτο καὶ τὰ
πρὸς τὴν στρατείαν
εὐτρέπιστο, τοῖς μὲν
πλήθεσιν οὐκ ἐδήλου
τἀληθές, ἔφασκε δ´ εἰς
Κιλικίαν ἀνάγειν τὴν
δύναμιν ἐπὶ τοὺς
ἀφεστηκότας τοῦ
βασιλέως τυράννους.
Ἀπέστειλε δὲ καὶ πρὸς
Λακεδαιμονίους
πρεσβευτὰς τοὺς
ἀνανεωσομένους τὰς
κατὰ τὸν πρὸς Ἀθηναίους
πόλεμον εὐεργεσίας καὶ
παρακαλέσοντας ἑαυτῷ
συμμαχεῖν. Οἱ δὲ
Λακεδαιμόνιοι,
νομίσαντες αὑτοῖς
συνοίσειν τὸν πόλεμον,
ἔγνωσαν τῷ Κύρῳ
βοηθεῖν, καὶ παραχρῆμα
ἐξέπεμψαν πρεσβευτὰς
πρὸς τὸν ἑαυτῶν
ναύαρχον Σάμον
ὀνομαζόμενον, ὅπως ὅ,τι
ἂν κελεύῃ Κῦρος πράττῃ.
δὲ Σάμος εἶχε μὲν
τριήρεις εἴκοσι καὶ πέντε,
μεθ´ ὧν πλεύσας εἰς
Ἔφεσον πρὸς τὸν Κύρου
ναύαρχον ἕτοιμος ἦν
αὐτῷ πάντα συμπράττειν.
Ἐξέπεμψαν δὲ καὶ πεζοὺς
στρατιώτας ὀκτακοσίους,
ἡγεμόνα Χειρίσοφον
καταστήσαντες. Ἀφηγεῖτο
δὲ τοῦ βαρβαρικοῦ στόλου
Ταμώς, ἔχων τριήρεις
πεντήκοντα πολυτελῶς
ἐξηρτυμένας· καὶ
καταπλευσάντων τῶν
Λακεδαιμονίων ἀνήχθησαν
οἱ στόλοι τὸν πλοῦν ὡς
ἐπὶ Κιλικίας ποιούμενοι.
Κῦρος δὲ τούς τε ἀπὸ τῆς
Ἀσίας στρατολογηθέντας
καὶ μισθοφόρους μυρίους
τρισχιλίους ἀθροίσας εἰς
Σάρδεις, Λυδίας μὲν καὶ
Φρυγίας κατέστησεν
ἐπιμελητὰς Πέρσας
ἑαυτοῦ συγγενεῖς, Ἰωνίας
δὲ καὶ τῆς Αἰολίδος, ἔτι δὲ
τῶν σύνεγγυς τόπων
Ταμώ, φίλον μὲν ὄντα
πιστόν, τὸ δὲ γένος
ὑπάρχοντα Μεμφίτην·
αὐτὸς δὲ μετὰ τῆς
δυνάμεως προῆγεν ὡς ἐπὶ
τῆς Κιλικίας καὶ Πισιδίας,
διαδιδοὺς λόγον ὅτι τινὲς
τῶν ἐκεῖ κατοικούντων
ἀφεστήκασιν. Εἶχε δὲ τοὺς
ἅπαντας ἀπὸ μὲν τῆς
Ἀσίας ἑπτακισμυρίους, ὧν
ἦσαν ἱππεῖς τρισχίλιοι,
ἀπὸ δὲ Πελοποννήσου καὶ
τῆς ἄλλης Ἑλλάδος
μισθοφόρους μυρίους
τρισχιλίους.Ἡγεῖτο δὲ τῶν
μὲν ἀπὸ Πελοποννήσου
χωρὶς Ἀχαιῶν Κλέαρχος
Λακεδαιμόνιος, τῶν δ´
ἀπὸ Βοιωτίας Πρόξενος
Θηβαῖος, τῶν δ´ Ἀχαιῶν
Σωκράτης Ἀχαιός, τῶν δ´
ἀπὸ Θεσσαλίας Μένων
Λαρισσαῖος. Τῶν δὲ
βαρβάρων τὰς μὲν κατὰ
λεπτὸν ἡγεμονίας εἶχον
Πέρσαι, τῶν δὲ
συμπάντων αὐτὸς ἡγεῖτο
Κῦρος, ὃς τοῖς μὲν
ἡγεμόσιν ἐδεδηλώκει τὴν
ἐπὶ τὸν ἀδελφὸν ἀνάβασιν,
τὸ δὲ πλῆθος ἔκρυπτεν,
εὐλαβούμενος μήποτε διὰ
τὸ μέγεθος τῆς στρατείας
ἐγκαταλίπῃ τὴν ἑαυτοῦ
προαίρεσιν. Διὸ καὶ κατὰ
τὴν ὁδοιπορίαν
προορώμενος τὸ μέλλον
ἐξεθεράπευσε τοὺς
στρατιώτας, κοινὸν
ἑαυτὸν παρεχόμενος καὶ
δαψιλεῖς ἀγορὰς
ἑτοιμάζων.

[20] Ἐπεὶ δὲ διῆλθε


Λυδίαν καὶ Φρυγίαν, ἔτι δὲ
Καππαδοκίας τὰ
συνορίζοντα, παρεγενήθη
πρὸς τοὺς ὅρους τῆς
Κιλικίας καὶ τὴν πρὸς ταῖς
Κιλικίαις πύλαις εἰσβολήν·
αὕτη δ´ ἐστὶ στενὴ καὶ
παράκρημνος ἐπὶ
σταδίους μὲν εἴκοσι
παρατείνουσα, πλησίον δ´
αὐτῆς ἐστιν ἐξ
ἀμφοτέρων καθ´
ὑπερβολὴν ὄρη μεγάλα καὶ
δυσπρόσιτα· ἀπὸ δὲ τῶν
ὀρῶν ἐξ ἑκατέρου μέρους
τείχη κατατείνει μέχρι
τῆς ὁδοῦ, καθ´ ἣν
ἐνῳκοδόμηνται πύλαι.
Διεξαγαγὼν δὲ διὰ
τούτων τὴν δύναμιν
εἰσέβαλεν εἴς τι πεδίον
τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν
οὐδενὸς τῷ κάλλει
λειπόμενον· δι´ οὗ
πορευθεὶς εἰς Ταρσόν,
μεγίστην τῶν ἐν Κιλικίᾳ
πόλεων, ταχέως αὐτῆς
ἐγκρατὴς ἐγένετο.
Συέννεσις δ´ τῆς
Κιλικίας δυναστεύων ὡς
ἤκουσε τὸ μέγεθος τῆς
τῶν πολεμίων δυνάμεως,
εἰς ἀπορίαν πολλὴν
ἐνέπιπτεν, οὐκ ὢν
ἀξιόμαχος.
Μεταπεμπομένου δ´ αὐτὸν
Κύρου καὶ τὰ πιστὰ
δόντος ἐπορεύθη πρὸς
αὐτόν, καὶ τὴν ἀλήθειαν
τοῦ πολέμου πυθόμενος
ὡμολόγησε συμμαχήσειν
ἐπὶ τὸν Ἀρταξέρξην, καὶ
τὸν ἕνα τῶν υἱῶν τῷ
Κύρῳ συνεξαπέστειλεν,
αὐτῷ δοὺς τῶν Κιλίκων
τοὺς ἱκανοὺς
συστρατευσομένους·
πανοῦργος γὰρ ὢν τὴν
φύσιν καὶ πρὸς τὸ τῆς
τύχης ἄδηλον
ἀρτισάμενος, τὸν ἕτερον
τῶν υἱῶν ἐξέπεμψε λάθρᾳ
πρὸς τὸν βασιλέα,
δηλώσοντα καὶ τὰς
δυνάμεις ἐπ´ ἐκεῖνον
ἠθροισμένας καὶ διότι τῆς
μὲν συμμαχίας δι´
ἀνάγκην τῷ Κύρῳ μετέχει,
τῇ δ´ εὐνοίᾳ πρὸς ἐκεῖνον
---, ἂν καιρὸς γένηται,
καταλιπὼν ἐκεῖνον τῷ
βασιλεῖ συστρατεύσεσθαι.
Κῦρος δ´ εἴκοσι μὲν
ἡμέρας ἐν Ταρσῷ τὴν
δύναμιν ἀνέλαβε· μετὰ δὲ
ταῦτα ἀναζευγνύντος
αὐτοῦ τὸ πλῆθος
ὑπώπτευσε τὴν στρατείαν
ἐπὶ τὸν Ἀρταξέρξην
γίνεσθαι. Ἀναλογιζόμενος
δὲ ἕκαστος τὰ μήκη τῶν
ὁδῶν καὶ τὰ πλήθη τῶν
πολεμίων ἐθνῶν, δι´ ὧν
ἀναγκαῖον ἦν τὴν πορείαν
ποιεῖσθαι, τελέως ἠγωνία·
διαβεβόητο γὰρ μὲν ἕως
Βάκτρων ὁδὸς οὖσα
στρατοπέδῳ τετραμήνου,
δύναμις δ´ ἠθροισμένη τῷ
βασιλεῖ πλείω τῶν
τετταράκοντα μυριάδων.
Διὸ δὴ περιδεεῖς ὄντες
ἐκεῖνοι ἠγανάκτουν, καὶ
τοὺς ἡγεμόνας δι´ ὀργῆς
ἔχοντες ἐνεχείρησαν
ἀναιρεῖν ὡς προδότας
ἑαυτῶν ὄντας. Τοῦ δὲ
Κύρου δεομένου πάντων,
καὶ διαβεβαιουμένου τὴν
στρατιὰν ἀνάγειν οὐκ ἐπ´
Ἀρταξέρξην, ἀλλ´ ἐπί τινα
σατράπην τῆς Συρίας,
ἐπείσθησαν οἱ
στρατιῶται, καὶ λαβόντες
πλείω μισθὸν
ἀποκατέστησαν εἰς τὴν ἐξ
ἀρχῆς εὔνοιαν.

[21] δὲ Κῦρος ἐπειδὴ XXI. Après avoir traversé la

διῆλθε τὴν Κιλικίαν, {καὶ} Cilicie, Cyrus arriva à Issus, ville


située sur les bord de la mer et la
παρεγενήθη πρὸς πόλιν
dernière de la Cilicie. Au même
Ἰσσόν, ἐπὶ θαλάττης μὲν
moment y entra la flotte
κειμένην, ἐσχάτην δ´ lacédémonienne; elle débarqua ses
οὖσαν τῆς Κιλικίας. troupes et amena à Cyrus comme
Καταπλεύσας εἰς αὐτὴν un témoignage de la bienveillance

περὶ τὸν αὐτὸν καιρὸν καὶ des Spartiates, les huit cents
στόλος τῶν hommes d'infanterie qui étaient

Λακεδαιμονίων - - - commandés par Cheirisophus. Les


Lacédémoniens lui remirent ces
ἐξέβησαν καὶ συντυχόντες
troupes comme si elles lui avaient
τῷ Κύρῳ τὴν τῶν
été envoyées par de simples
Σπαρτιατῶν εἰς αὐτὸν particuliers, amis de Cyrus;
εὔνοιαν ἀπήγγειλαν, καὶ cependant, en réalité, tout avait
τοὺς μετὰ Χειρισόφου été fait avec l'approbation des

πεζοὺς ὀκτακοσίους éphores. Les Lacédémoniens ne


voulaient pas faire la guerre
ἐκβιβάσαντες παρέδωκαν.
ouvertement à Artaxerxès ; ils
Τούτους δὲ προσεποιοῦντο
cachaient leurs desseins en
μὲν οἱ φίλοι τοῦ Κύρου
attendant l'issue de la lutte.
πέμψαι μισθοφόρους, τῇ δ
Cyrus se mit en route avec
´ ἀληθείᾳ μετὰ τῆς τῶν
toute son armée; il passa par la
ἐφόρων γνώμης ἅπαντ´ Syrie et ordonna aux nauarques de
ἐπράττετο· οἱ δὲ longer les côtes. Parvenu aux
Λακεδαιμόνιοι φανερὸν portes de la Syrie, il se réjouit de

οὔπω τὸν πόλεμον trouver ce poste sans défenseurs,


car il était bien inquiet de le voir
ἐπανῃροῦντο,
occupé d'avance. C'est un défilé
κατέκρυπτον δὲ τὴν
étroit et escarpé, de manière à
προαίρεσιν, ἐπιτηροῦντες pouvoir être aisément défendu par
τὴν ῥοπὴν τοῦ πολέμου. une poignée de soldats. Il est
encaissé entre deux montagnes
Ὁ δὲ Κῦρος μετὰ τῆς
très rapprochées ; l'une est
δυνάμεως ἀνέζευξεν ἐπὶ
presque taillée à pic et remplie de
Συρίας τὴν πορείαν
précipices; l'autre sert de point de
ποιούμενος, καὶ τοὺς départ au seul chemin qui soit
ναυάρχους ἐκέλευσε praticable dans ces lieux; elle
συμπαραπλεῖν ἁπάσαις s'appelle le Liban (23) et s'étend

ταῖς ναυσίν. Ὡς δ´ ἦλθεν jusqu'à la Phénicie. L'espace


compris entre ces montagnes est
ἐπὶ τὰς Πύλας καλουμένας
de trois stades, complétement
καὶ τὸν τόπον εὗρεν
fortifié par un mur et fermé, dans
ἔρημον τῶν φυλαττόντων, sa partie la plus étroite, par des
περιχαρὴς ἦν· ἠγωνία γὰρ portes que Cyrus franchit sans
σφόδρα, μή τινες αὐτὰς encombre, pendant qu'il ordonna à
εἶεν la flotte de retourner à Ephèse. En

προκατειλημμένοι.Ἔστι δὲ effet, la flotte lui devenait inutile,


puisqu'il devait continuer sa route
φύσις τοῦ τόπου στενὴ καὶ
dans t'intérieur du pays. Après
παράκρημνος, ὥστε δι´
vingt jours de marche, il atteignit la
ὀλίγων ῥᾳδίως ville de Thapsacus, située sur les
παραφυλάττεσθαι. Ὄρη rives de l'Euphrate. Il s'y arrêta
γὰρ πλησίον ἀλλήλων cinq jours, et, s'étant attaché

κεῖται, τὸ μὲν τραχὺ καὶ l'armée par les abondantes


provisions qu'il lui avait fournies et
κρημνοὺς ἔχον
par le butin qu'il lui avait laissé
ἀξιολόγους, ἐπ´ αὐτῆς δ´
faire, il convoqua une assemblée
ἄρχεται τῆς ὁδοῦ ἕτερον
générale et découvrit aux troupes
ὄρος μέγιστον τῶν περὶ réunies le but réel de son
τοὺς τόπους ἐκείνους, καὶ expédition. Comme le discours fut
καλεῖται μὲν Ἄμανος, mal accueilli par les soldats, Cyrus

παρεκτείνει δὲ παρὰ τὴν les supplia tous de ne point


l'abandonner; en même temps il
Φοινίκην· δ´ ἀνὰ μέσον
promit de les combler de présents,
τόπος τῶν ὀρῶν, ὑπάρχων
ajoutant qu'arrivé à Babylone il
ὡς τριῶν σταδίων, donnerait à chaque homme cinq
παντελῶς τετειχισμένος mines d'argent (24). Exaltés par
καὶ πύλας ἔχων εἰς στενὸν l'espoir de ces récompenses, les

συγκλειομένας. Διελθὼν soldats se laissèrent persuader â le


suivre. Cyrus passa l'Euphrate avec
οὖν Κῦρος ταύτας
son armée, et parvint, par des
ἀκινδύνως, τὸν μὲν λοιπὸν
marches forcées, aux frontières de
στόλον ἀπέστειλεν
la Babylonie où il fit reposer ses
ἀνακάμψαι εἰς Ἔφεσον· troupes.
οὐκέτι γὰρ αὐτῷ χρήσιμος
XXII. Le roi Artaxerxès,
ἦν μέλλοντι διὰ μεσογείου d'avance instruit par Pharnabaze de
τὴν πορείαν ποιεῖσθαι· l'expédition que Cyrus préparait en
ὁδοιπορήσας δ´ ἡμέρας secret contre lui, avait, à la

εἴκοσι παρεγενήθη πρὸς nouvelle de l'approche de l'ennemi,


concentré toutes ses forces à
Θάψακον πόλιν, κεῖται
Ecbatane en Médie. Comme les
παρὰ τὸν ποταμὸν τὸν
Indiens et les autres nations
Εὐφράτην. Ἐνταῦθα δὲ étaient, vu la distance des lieux, en
πένθ´ ἡμέρας διατρίψας, retard pour l'envoi de leurs

καὶ τὴν δύναμιν contingents, le roi, avec l'armée


déjà réunie, se porta à la rencontre
ἐξιδιοποιησάμενος ταῖς τε
de Cyrus. Toute cette armée
τῶν ἐπιτηδείων ἀφθονίαις
s'élevait, au rapport d'Euphore, à
καὶ ταῖς ἐκ τῶν προνομῶν quatre cent mille hommes, y
ὠφελείαις, συνήγαγεν compris la cavalerie. Arrivé dans la
ἐκκλησίαν, καὶ τὴν plaine babylonienne, le roi établit

ἀλήθειαν τῆς στρατείας son camp sur les rives de


l'Euphrate, ayant l'intention d'y
ἐδήλωσεν. Προσάντως δὲ
laisser son bagage; car il savait
δεξαμένων τὸν λόγον τῶν
que l'ennemi n'était pas loin et il
στρατιωτῶν, ἐδεῖτο
jugeait de son audace par la
πάντων μὴ καταλιπεῖν témérité de son entreprise. Il
ἑαυτόν, ἐπαγγελλόμενος creusa donc un fossé de soixante
ἄλλας τε μεγάλας δωρεὰς pieds de largeur sur dix de

καὶ ὅτι παραγενομένοις profondeur, et l'entoura comme


d'un mur, par tous les chariots
αὐτοῖς εἰς Βαβυλῶνα κατ´
rangés en cercle, qui avaient suivi
ἄνδρα ἕκαστον δώσει
l'armée. Il laissa dans ce camp
πέντε μνᾶς ἀργυρίου. Οἱ ainsi retranché, tout son bagage
μὲν οὖν στρατιῶται ταῖς avec la foule inutile et y établit une
ἐλπίσι μετεωρισθέντες garnison suffisante. Quant à lui, il

ἐπείσθησαν ἀκολουθεῖν· se mit à la tête de ses troupes,


libres de toutes entraves, et alla
δὲ Κῦρος ὡς διέβη τῇ
au-devant des ennemis qui étaient
δυνάμει τὸν Εὐφράτην,
proches. Dès que Cyrus vit l'armée
ἠπείγετο κατὰ τὸ συνεχὲς
du roi se porter en avant, il rangea
ὁδοιπορῶν, καὶ aussitôt la sienne en bataille. L'aile
παραγενηθεὶς ἐπὶ τοὺς droite, s'appuyant à l'Euphrate,
ὅρους τῆς Βαβυλωνίας était formée par l'infanterie

ἀνελάμβανε τὴν δύναμιν. lacédémonienne et quelques corps


mercenaires, sous le
[22] δὲ βασιλεὺς
commandement de Cléarque le
Ἀρταξέρξης καὶ πάλαι μὲν Lacédémonien, qui était soutenu
ἦν παρὰ Φαρναβάζου par la cavalerie paphlagonienne, au

πεπυσμένος ὅτι nombre de mille chevaux. L'aile

στρατόπεδον ἐπ´ αὐτὸν gauche était occupée par les


ἀθροίζει λάθρᾳ Κῦρος, καὶ troupes tirées de la Phrygie et de la

τότε δὴ πυθόμενος αὐτοῦ Lydie, et par un détachement de


mille cavaliers sous les ordres
τὴν ἀνάβασιν
d'Aridée (25). Le centre de l'armée
μετεπέμπετο τὰς
était commandé par Cyrus lui-
πανταχόθεν δυνάμεις εἰς même. Cette phalange était formée
Ἐκβάτανα τῆς Μηδίας. des plus braves des Perses et
Ἐπεὶ δὲ αἵ τε παρ´ Ἰνδῶν d'autres Barbares, au nombre

καί τινων ἄλλων ἐθνῶν d'environ dix mille. Elle était


précédée d'un corps de mille
καθυστέρουν διὰ τὸ
cavaliers, magnifiquement équipés,
μακρὰν ἀφεστάναι τοὺς
portant des cuirasses et des épées
τόπους, μετὰ τῆς
grecques. Artaxerxès avait placé
συναχθείσης στρατιᾶς sur le front de son armée un grand
ὥρμησεν ἀπαντήσων τῷ nombre de chars armés de faux. Il
Κύρῳ. Εἶχε δὲ τοὺς avait confié le commandement des

ἅπαντας στρατιώτας σὺν ailes à des chefs perses, et s'était


lui-même réservé le centre,
ἱππεῦσιν οὐκ ἐλάττους
composé d'au moins cinquante
τετταράκοντα μυριάδων,
mille hommes d'élite.
καθά φησιν Ἔφορος. Ὡς δ´
XXIII. Lorsque les deux
εἰς τὸ Βαβυλώνιον ἧκε
armées n'étaient plus éloignées
πεδίον, παρὰ τὸν l'une de l'autre que de trois stades
Εὐφράτην στρατοπεδείαν (26), les Grecs entonnèrent le péan
ἐβάλετο, διανοούμενος ἐν et s'avancèrent d'abord lentement.

ταύτῃ καταλιπεῖν τὴν Mais, arrivés à portée de trait, ils


pressèrent le pas. C'était là l'ordre
ἀποσκευήν· ἐπυνθάνετο
donné par Cléarque le
γὰρ τοὺς πολεμίους οὐ
Lacédémonien. En effet, en
μακρὰν ὄντας, καὶ τὸ
s'abstenant de parcourir
παράβολον αὐτῶν τῆς rapidement un long intervalle, les
τόλμης ὑπώπτευεν. soldats se réservaient frais et
ὀρύξας οὖν τάφρον τὸ μὲν dispos au combat; et en accélérant,

πλάτος ποδῶν ἑξήκοντα, au contraire, le pas, en présence


des ennemis, ils se dérobaient aux
τὸ δὲ μῆκος ποδῶν δέκα,
coups des projectiles qui devaient
περιέθηκε κύκλῳ τὰς
voler au-dessus de leurs têtes. Dès
συνακολουθούσας que l'armée de Cyrus fut en
ἁρμαμάξας καθαπερεὶ présence de celle du roi, elle fut

τεῖχος. Καταλιπὼν δ´ ἐν reçue par une immense quantité de


flèches, comme devait en lancer
τῇ παρεμβολῇ τὴν
une armée de quatre cent mille
ἀποσκευὴν καὶ τὸν
hommes. Mais le combat à distance
ἀχρεῖον ὄχλον, ἐπὶ μὲν ne dura pas longtemps ; les soldats
ταύτης ἱκανὴν φυλακὴν en vinrent bientôt aux mains. Dès
παρέστησεν, αὐτὸς δὲ τὴν le commencement de la mêlée, les

δύναμιν εὔζωνον Lacédémoniens et les autres


mercenaires étonnèrent les
προαγαγὼν ἀπήντα τοῖς
Barbares par la splendeur de leurs
πολεμίοις ἐγγὺς
armes et la prestesse de leurs
ὑπάρχουσιν. δὲ Κῦρος ὡς
mouvements. Car les Barbares
εἶδε προϊοῦσαν τὴν τοῦ étaient couverts d'armures de
βασιλέως στρατιάν, εὐθὺς petite dimension; presque tous
εἰς τάξεις κατέστησε τὸ leurs rangs étaient armés à la

σφέτερον στρατόπεδον. légère et, de plus, ils étaient sans


aucune expérience de la guerre;
Τὸ μὲν οὖν δεξιὸν κέρας
tandis que les Grecs avaient passé
παρὰ τὸν Εὐφράτην
leur vie dans les combats, et
παρεκεῖνον πεζοὶ μὲν avaient acquis une grande
ἐπεῖχον Λακεδαιμόνιοι καί supériorité dans l'art militaire
τινες τῶν μισθοφόρων, ὧν pendant la longue guerre du

ἁπάντων Κλέαρχος Péloponnèse. Aussi firent-ils


promptement lâcher le terrain aux
Λακεδαιμόνιος ἀφηγεῖτο·
rangs qui leur étaient opposés et
συνηγωνίζοντο δ´ αὐτῷ
tuèrent un grand nombre de
τῶν ἱππέων οἱ
Barbares. Le hasard avait placé au
συναχθέντες ἀπὸ centre de leurs armées les deux
Παφλαγονίας, ὄντες ὑπὲρ adversaires qui se disputaient la
τοὺς χιλίους· τὸ δὲ couronne A cette vue, ils fondirent

θάτερον μέρος ἐπεῖχον οἵ l'un sur l'autre, jaloux de décider


par eux-mêmes le sort de la
τ´ ἀπὸ Φρυγίας καὶ
bataille. La fortune semblait avoir
Λυδίας, ἔτι δὲ τῶν ἱππέων
ainsi réduit la lutte entre deux
περὶ χιλίους, ὧν εἶχε τὴν frères à un combat singulier,
ἡγεμονίαν Ἀριδαῖος. comparable à celui d'Étéocle et de
Αὐτὸς δὲ Κῦρος Polynice, chanté par les poètes
ἐτέτακτο κατὰ μέσην τὴν tragiques. Cyrus fut le premier à

φάλαγγα τοὺς κρατίστους lancer son javelot à distance et


atteignit le roi qui tomba à terre.
ἔχων Περσῶν τε καὶ τῶν
Les soldats qui l'entouraient le
ἄλλων βαρβάρων ὡς
relevèrent aussitôt et l'entraînèrent
μυρίους· προηγοῦντο δ´ hors du combat. Tissapherne, Perse
αὐτῷ τῶν ἱππέων οἱ d'origine, succédant au roi dans le
κάλλιστα διεσκευασμένοι commandement, exhorta les

χίλιοι, θώρακας ἔχοντες troupes et combattit lui-même


brillamment. Il répara l'échec
καὶ μαχαίρας Ἑλληνικάς.
amené par la chute du roi et, se
Ἀρταξέρξης δὲ πρὸ μὲν
montrant partout à la tête d'un
τῆς φάλαγγος πάσης
corps d'élite, il porta la mort dans
ἔστησεν ἅρματα les rangs de l'ennemi : sa valeur le
δρεπανηφόρα τὸν ἀριθμὸν faisait reconnaître au loin. Cyrus,
οὐκ ὀλίγα· καὶ τῶν μὲν fier de l'avantage qu'il venait de

κεράτων Πέρσας remporter, se précipita au milieu de


la mêlée et, abusant de son
ἡγεμόνας κατέστησε,
audace, il tua de sa propre main un
κατὰ δὲ {τὸ} μέσον αὐτὸς
grand nombre d'ennemis. Il
ἐτάχθη τῶν ἐπιλέκτων continuait à s'exposer ainsi de plus
ἔχων οὐκ ἐλάττους en plus, lorsqu'il tomba frappé
πεντακισμυρίων. mortellement par un soldat perse
inconnu (27). Sa mort ranima le
[23] Ὡς δὲ τρεῖς
courage des troupes du roi qui, par
σχεδὸν σταδίους ἀπεῖχον
leur nombre et leur ardeur
ἀλλήλων αἱ δυνάμεις, οἱ guerrière, parvinrent à culbuter
μὲν Ἕλληνες l'ennemi.
παιανίσαντες τὸ μὲν XXIV. Aridée, satrape de
πρῶτον ἡσυχῇ προῆγον· Cyrus, commandant l'aile gauche
ὡς δ´ ἐντὸς βέλους ἦσαν, de l'armée, soutint d'abord

ἔθεον κατὰ πολλὴν intrépidement le choc des


Barbares. Cependant, menacé
σπουδήν. Παρηγγελκὼς δ´
d'être enveloppé par la phalange
αὐτοῖς Κλέαρχος
ennemie qui s'étendait
Λακεδαιμόνιος ἦν τοῦτο considérablement, et apprenant la
πράττειν· τὸ μὲν γὰρ ἐκ mort de Cyrus, il se réfugia avec
διαστήματος πολλοῦ μὴ ses soldats dans un des quartiers
τρέχειν ἤμελλεν où il pouvait trouver un asile.

ἀκεραίους τοῖς σώμασι Cléarque, à la vue de la déroute du


centre et des autres corps
τοὺς ἀγωνιζομένους
auxiliaires, s'abstint de poursuivre
τηρήσειν εἰς τὴν μάχην,
les ennemis et, appelant à lui les
τὸ δ´ ἐγγὺς ὄντας δρόμῳ soldats, il leur fit faire halte ; car il
προσιέναι τὰς τῶν τόξων craignait que les Grecs, attaqués
βολὰς καὶ τῶν ἄλλων par toute l'armée des Perses, ne

βελῶν ὑπερπετεῖς ἐδόκει fussent enveloppés de toutes parts


et complétement exterminés. Les
ποιήσειν. Ἐπεὶ δ´ ἤγγισαν
soldats victorieux du roi se mirent
οἱ μετὰ Κύρου τῷ τοῦ
d'abord à piller les bagages de
βασιλέως στρατοπέδῳ,
Cyrus; et ce ne fut qu'à l'approche
τοσοῦτ´ ἐπ´ αὐτοὺς de la nuit qu'ils se rallièrent pour
ἐρρίφη βελῶν πλῆθος, tomber sur les Grecs. Ceux-ci
ὅσον εἰκός ἐστιν ἐκ reçurent l'attaque vaillamment. Les

δυνάμεως ἐνεχθῆναι Barbares lâchèrent bientôt le


terrain, vaincus et mis en déroute
συνεστώσης ἐκ μυριάδων
par le courage et l'agilité des
τετταράκοντα. Οὐ μὴν
Grecs. Les soldats de Cléarque
ἀλλὰ βραχὺν χρόνον tuèrent un grand nombre de
παντελῶς τοῖς παλτοῖς Barbares; la nuit étant survenue,
διαγωνισάμενοι, τὸ λοιπὸν ils élevèrent un trophée et se

ἐκ χειρὸς ἤδη τὴν μάχην retirèrent dans leur camp vers


l'heure de la seconde garde.
συνίσταντο.
Λακεδαιμόνιοι δὲ μετὰ Telle fut l'issue de cette
bataille, dans laquelle le roi perdit
τῶν ἄλλων μισθοφόρων
plus de quinze mille hommes; la
εὐθὺς ἐκ τῆς πρώτης
majeure partie avait été tuée par
συστάσεως ἐξέπληξαν
les Lacédémoniens de Cléarque et
τοὺς ἀντιτεταγμένους les troupes mercenaires. L'aile
βαρβάρους τῇ τε τῶν gauche de l'armée de Cyrus compta
ὅπλων λαμπρότητι καὶ environ trois mille morts. Quant

ταῖς εὐχειρίαις. Ἐκεῖνοι aux Grecs, on rapporte qu'ils ne


perdirent pas un seul homme, et
μὲν γὰρ ἦσαν ὅπλοις τε
qu'un petit nombre seulement fut
μικροῖς ἐσκεπασμένοι καὶ
blessé. Dès que la nuit fut passée,
τὰ πολλὰ τῶν ταγμάτων Aridée qui s'était réfugié dans ses
ἔχοντες ψιλικά, πρὸς δὲ quartiers, envoya des messagers à

τούτοις ἄπειροι τῶν κατὰ Cléarque pour l'inviter à se joindre


à lui dans une retraite commune
πόλεμον κινδύνων· οἱ δ´
vers les bords de la mer. Car la
Ἕλληνες διὰ τὸ μῆκος τοῦ
mort de Cyrus et les troupes
Πελοποννησιακοῦ πολέμου nombreuses du roi inspirèrent les
κατὰ τὸ συνεχὲς ἐν plus vives alarmes à ceux qui
μάχαις γεγενημένοι πολὺ avaient osé prendre les armes pour

ταῖς ἐμπειρίαις διέφερον. renverser le trône d'Artaxerxès.

Διόπερ εὐθὺ τρεψάμενοι XXV. Cléarque convoqua les

τοὺς καθ´ αὑτοὺς généraux et les chefs de corps pour


délibérer sur les conjonctures
ἐδίωκον, καὶ πολλοὺς τῶν
actuelles. Ils étaient encore à se
βαρβάρων ἀνῄρουν. Κατὰ
consulter, lorsque arriva, de la part
δὲ μέσην τὴν τάξιν ἔτυχε
du roi, une députation dont le chef
μὲν ἀμφοτέρους τοὺς était un Grec, nommé Phalinus,
ὑπὲρ τῆς βασιλείας natif de Zacynthe. Introduits dans
ἀγωνιζομένους ταχθῆναι· l'assemblée, les envoyés

διὸ καὶ κατανοήσαντες τὸ s'exprimèrent ainsi : "Le roi


Artaxerxès vous fait dire : Puisque
γεγενημένον ὥρμησαν ἐπ´
j'ai vaincu et tué Cyrus, rendez les
ἀλλήλους, φιλοτιμούμενοι
armes. Venez vous asseoir aux
δι´ ἑαυτῶν κρῖναι τὴν portes de mon palais, et cherchez,
μάχην· συνήγαγε γάρ, ὡς par votre soumission, à recueillir
ἔοικεν, τύχη τὴν ὑπὲρ quelque bienfait." A ces paroles

τῆς ἡγεμονίας τοῖς chacun des généraux grecs


répondit comme Léonidas, lorsque,
ἀδελφοῖς ἔριν εἰς
gardant le passage des
μονομαχίαν καθάπερ εἰς
Thermopyles, il fut sommé par
ἀπομίμημα τῆς παλαιᾶς
Xerxès de mettre bas les armes :
ἐκείνης καὶ "Si nous sommes devenus les amis
τραγῳδουμένης τῆς περὶ du roi, disait Léonidas aux envoyés
τὸν Ἐτεοκλέα καὶ de Xerxès, nous serons, en

Πολυνείκην τόλμης. Κῦρος conservant nos armes, des


auxiliaires plus utiles; si, au
μὲν οὖν φθάσας ἐκ
contraire, nous sommes forcés
διαστήματος ἠκόντισε,
d'être ses ennemis, nous pourrons
καὶ τυχὼν τοῦ βασιλέως mieux le combattre avec les armes.
ἔσφηλεν αὐτὸν ἐπὶ τὴν (28)" Cléarque fit une réponse

γῆν· ὃν ταχέως οἱ περὶ semblable. Proxène le Thébain


s'exprima ainsi : "Maintenant nous
αὐτὸν ἁρπάσαντες
avons à peu près tout perdu; il ne
ἀπήνεγκαν ἐκ τῆς μάχης.
nous reste plus que notre courage
Καὶ τὴν μὲν τοῦ βασιλέως et nos armes. Nous croyons donc
ἡγεμονίαν διαδεξάμενος que si nous conservons nos armes,
Τισσαφέρνης ἀνὴρ Πέρσης le courage pourra nous servir; mais

παρεκάλει τε τὰ πλήθη καὶ que si nous les livrons, notre


courage nous sera inutile. Allez dire
αὐτὸς λαμπρῶς
au roi que s'il songe à nous faire du
ἠγωνίζετο· ἀναμαχόμενος
mal, nous combattrons pour notre
δὲ τὸ περὶ τὸν βασιλέα
salut commun, les armes à la main.
γεγονὸς ἐλάττωμα καὶ " On rapporte aussi que Sophilus,
μετὰ τῶν ἐπιλέκτων ἐπὶ l'un des chefs de corps, adressa
πάντα τόπον aux envoyés d'Artaxerxès ces mots

ἐπιφαινόμενος πολλοὺς : "Les paroles du roi me


surprennent. S'il s'estime supérieur
ἀνῄρει τῶν
aux Grecs, qu'il vienne avec son
ἀντιτεταγμένων, ὥστε
armée nous enlever nos armes; s'il
τὴν ἐπιφάνειαν αὐτοῦ veut employer les moyens de
πόρρωθεν ὑπάρχειν persuasion, qu'il nous dise quelle
ἐπίσημον. δὲ Κῦρος grâce il nous accordera pour prix

ἐπαρθεὶς τῷ προτερήματι de ce sacrifice." Enfin Socrate


l'Achéen tint le discours suivant :
τῶν περὶ αὐτὸν εἰς μέσους
"Le roi se conduit envers nous
ἐβιάσατο τοὺς πολεμίους,
d'une façon fort étrange. Ce qu'il
καὶ τὸ μὲν πρῶτον
veut nous prendre, il nous le
ἀφειδῶς τῇ τόλμῃ demande sur-le-champ; et ce qu'il
χρώμενος πολλοὺς ἀνῄρει, doit nous donner en échange, il
μετὰ δὲ ταῦτα ordonne de le lui demander en

προχειρότερον suppliants. Enfin, si c'est par


ignorance qu'il commande à des
κινδυνεύων ὑπό τινος τῶν
hommes victorieux comme à des
τυχόντων Περσῶν πληγεὶς
gens vaincus, qu'il s'avance avec
ἐπικαίρως ἔπεσεν. Τούτου ses nombreuses troupes; il
δ´ ἀναιρεθέντος οἱ τοῦ apprendra de quel côté est la
βασιλέως πρὸς τὴν μάχην victoire. Si, au contraire, il sait
ἐπερρώσθησαν, καὶ τέλος parfaitement que nous avons

τῷ τε πλήθει καὶ τῇ τόλμῃ vaincu, et qu'il nous trompe par un


mensonge, comment pourrions-
κατεπόνησαν
nous dans la suite ajouter foi à ses
[24] τοὺς paroles?" Les messagers partirent
ἀνθεστηκότας. Ἐκ δὲ avec ces diverses réponses.

θατέρου μέρους Ἀριδαῖος Cléarque se retira dans le quartier

Κύρου σατράπης où s'était déjà réfugiée l'armée. Là,


on délibéra sur le plan de retraite
τεταγμένος ἐπὶ τῆς
et sur la route pour gagner
ἡγεμονίας τὸ μὲν πρῶτον
ensemble les bords de la mer. Il fut
εὐρώστως ἐδέξατο τοὺς convenu que l'on ne suivrait pas le
ἐπιόντας βαρβάρους· même chemin par lequel on était
μετὰ δὲ ταῦτα τῆς venu. Car le pays qu'on avait

φάλαγγος ἐπὶ πολὺ traversé était en grande partie


désert, et los troupes, sans cesse
παρεκτεινούσης
harcelées par les ennemis. auraient
κυκλούμενος καὶ τὴν
manqué de vivres. Il fut donc
Κύρου τελευτὴν
décidé que l'on passerait par la
πυθόμενος, ἔφυγε μετὰ Paphlagonie. Aussitôt les troupes
τῶν ἰδίων στρατιωτῶν prirent le chemin de la

πρός τινα τῶν ἰδίων Paphlagonie, s'avançant à petites

σταθμῶν, ἔχοντα journées, pour avoir le temps de se


munir de provisions.
καταφυγὴν οὐκ
XXVI. Dès que le roi, qui était
ἀνεπιτήδειον. Κλέαρχος
à peu près remis de sa blessure,
δὲ θεωρῶν τήν τε μέσην
apprit le départ des ennemis, il se
τάξιν καὶ τἄλλα μέρη τῶν
mit à leurs trousses à la tête de
συμμάχων τετραμμένα, son armée, croyant avoir affaire à
τοῦ μὲν διώκειν ἀπέστη, des fuyards. Il les atteignit bientôt,
τοὺς δὲ στρατιώτας car ils marchaient lentement; et

ἀνακαλούμενος καθίστα· comme il faisait déjà nuit, il établit


son camp tout près de celui de ses
εὐλαβεῖτο γὰρ μήποτε
ennemis. A la pointe du jour, les
πάσης τῆς δυνάμεως ἐπὶ
Grecs se rangèrent en bataille. Le
τοὺς Ἕλληνας ἐλθούσης roi leur envoya des parlementaires
κυκλωθῶσι καὶ πάντες et conclut d'abord une trêve de
ἀπόλωνται. Οἱ δὲ μετὰ trois jours; il y fut stipulé que le roi
τοῦ βασιλέως ταχθέντες s'engageait à faire cesser les

ἐπειδὴ τὰ καθ´ αὑτοὺς hostilités dans le pays {que les


Grecs allaient traverser}, à leur
ἐτρέψαντο, πρῶτον μὲν
donner des guides qui devaient les
τὴν ἀποσκευὴν τοῦ Κύρου
conduire jusqu'à la mer, et à leur
διήρπασαν, μετὰ δὲ ταῦτα ouvrir, dans leur retraite, des
ἤδη νυκτὸς ἐπελθούσης marchés de vivres. De leur côté,
ἀθροισθέντες ἐπὶ τοὺς les mercenaires de Cléarque et

Ἕλληνας ὥρμησαν· ὧν toutes les troupes d'Aridée


s'engageaient à ne causer aucun
δεξαμένων τὴν ἔφοδον
dommage dans les contrées qu'ils
εὐγενῶς, ὀλίγον μὲν
devaient parcourir. Après la
χρόνον ὑπέμενον οἱ
conclusion de ce traité, les Grecs
βάρβαροι, μετ´ ὀλίγον δὲ continuèrent leur marche, et le roi
ταῖς τόλμαις καὶ ταῖς ramena son armée à Babylone. Là,
εὐχειρίαις νικώμενοι πρὸς il récompensa, chacun selon son

φυγὴν ὥρμησαν. Οἱ δὲ mérite, ceux qui s'étaient


distingués dans la bataille, et
περὶ Κλέαρχον πολλοὺς
proclama Tissapherne le plus brave
τῶν βαρβάρων ἀνελόντες,
de tous. Il le combla de présents,
ὡς ἤδη νὺξ ἦν, lui donna sa fille en mariage, et eut
ἀναχωρήσαντες τρόπαιον en lui, pendant le reste de sa vie, le
ἔστησαν, καὶ περὶ plus fidèle de ses amis. Il lui confia

δευτέραν σχεδὸν φυλακὴν aussi le gouvernement des


satrapies maritimes qui avaient été
ἔφθασαν εἰς τὴν
sous les ordres de Cyrus. Comme
παρεμβολήν.
Tissapherne voyait le roi fort irrité
Τῆς δὲ μάχης τοιοῦτον contre les Grecs, il lui promit de les
τέλος λαβούσης faire tous massacrer, s'il voulait

ἀνῃρέθησαν τῶν τοῦ mettre à sa disposition des corps


d'armée, et pardonner à Aridée, qui
βασιλέως πλείους τῶν
devait lui livrer les Grecs pendant
μυρίων πεντακισχιλίων,
leur retraite. Le roi accueillit avec
ὧν τοὺς πλείστους
joie cette proposition, et permit à
ἀνεῖλον οἱ μετὰ Κλεάρχου Tissapherne de choisir dans toute
ταχθέντες Λακεδαιμόνιοί l'armée les plus braves.

τε καὶ μισθοφόροι. Ἐκ δὲ {Tissapherne partit à la tête de ce

θατέρου μέρους τῶν corps, et, après plusieurs journées


Κύρου στρατιωτῶν ἔπεσον de marche, il vint établir son camp

περὶ τρισχιλίους· τῶν δὲ dans le voisinage de celui des


Grecs. De là, il envoya des députés
Ἑλλήνων φασὶν
chargés d'inviter Cléarque et (29)}
ἀναιρεθῆναι μὲν οὐδένα,
les autres chefs à venir parler avec
τρωθῆναι δ´ ὀλίγους. Τῆς lui.Cléarque, presque tous les
δὲ νυκτὸς παρελθούσης généraux et une vingtaine de
Ἀριδαῖος πεφευγὼς εἰς capitaines (30) se rendirent auprès

τὸν σταθμὸν ἀπέστειλέ de Tissapherne; ils étaient


accompagnés d'environ deux cents
τινας πρὸς τὸν Κλέαρχον,
hommes qui avaient l'intention
παρακαλῶν πρὸς ἑαυτὸν
d'acheter des vivres. Tissapherne
ἀπαγαγεῖν τοὺς
appela les généraux dans sa tente;
στρατιώτας καὶ κοινῇ les simples capitaines restèrent à
διασώζεσθαι πρὸς τοὺς l'entrée. Peu d'instants après, il
ἐπὶ θάλατταν τόπους· s'éleva un drapeau rouge sur la

ἀνῃρημένου γὰρ Κύρου tente de Tissapherne; c'était le


signal pour arrêter les généraux qui
καὶ τῶν τοῦ βασιλέως
étaient dans l'intérieur, en même
δυνάμεων ὑπερεχουσῶν,
temps que les capitaines furent
ἀγωνία πολλὴ κατέσχε égorgés par ceux qui en avaient
τοὺς τετολμηκότας ἐπὶ τῇ reçu l'ordre. D'autres tuèrent les
καταλύσει τῆς soldats qui venaient pour acheter

Ἀρταξέρξου βασιλείας des vivres. Un seul s'échappa et


vint annoncer dans le camp des
στρατεύεσθαι.
Grecs ce triste événement.
[25] δὲ Κλέαρχος
XXVII. A cette nouvelle, les
ἀνακαλεσάμενος τούς τε
soldats, frappés d'abord
στρατηγοὺς καὶ τοὺς ἐφ´ d'épouvante, coururent tous, dans
ἡγεμονίας τεταγμένους le plus grand désordre, aux armes,
ἐβουλεύετο περὶ τῶν et n'obéirent plus à aucun

παρόντων. Ὄντων δ´ commandement. Mais, voyant


ensuite qu'on ne venait point
αὐτῶν περὶ ταῦτα
fondre sur eux, ils élurent plusieurs
παρεγενήθησαν παρὰ τοῦ
nouveaux généraux et donnèrent le
βασιλέως πρέσβεις, ὧν ἦν commandement en chef à
ἀρχιπρεσβευτὴς ἀνὴρ Cheirisophus le Lacédémonien. Ce
Ἕλλην, ὄνομα μὲν fut sous les ordres de ces chefs que
Φάλυνος, γένος δὲ l'armée se mit en marche, et se

Ζακύνθιος. Εἰσαχθέντες δ dirigea, sur la route la plus frayée,


vers la Paphlagonie. Quant à
´ εἰς τὸ συνέδριον εἶπον,
Tissapherne, il chargea de chaînes
ὅτι λέγει βασιλεὺς
les généraux grecs et les envoya à
Ἀρταξέρξης· Ἐπειδὴ Artaxerxès. Celui-ci les fit tous
νενίκηκα Κῦρον mettre à mort, à l'exception de
ἀποκτείνας, παράδοτε τὰ Menon, qu'il relâcha, parce que ce

ὅπλα, καὶ πρὸς τὰς θύρας général, s'étant brouillé avec ses
camarades, paraissait avoir eu
αὐτοῦ βαδίσαντες
l'intention de trahir les Grecs.
ζητεῖτε, πῶς ἂν αὐτὸν
Tissapherne, à la tête de ses
ἐκθεραπεύσαντες ἀγαθοῦ
troupes, se mit à la poursuite des
τινος μεταλάβητε. Grecs; mais il n'osa pas les
ῥηθέντων δὲ τούτων attaquer de front, redoutant le
ἀπόκρισιν ἔδωκεν ἕκαστος courage d'hommes réduits au

τῶν στρατηγῶν τοιαύτην désespoir. Il se bornait à les


harceler en occupant les postes les
οἵαν Λεωνίδης, καθ´ ὃν
plus favorables, mais il ne pouvait
καιρὸν περὶ Θερμοπύλας
pas leur faire beaucoup de mal; il
αὐτοῦ φυλάττοντος τὰς les poursuivit ainsi jusque chez les
παρόδους Ξέρξης Carduques. Dans l'impossibilité de
ἀπέστειλεν ἀγγέλους, rien exécuter d'important, il se

κελεύων τῶν ὅπλων dirigea avec son arméevers l'Ionie.


Les Grecs mirent sept jours à
παραχωρῆσαι. Καὶ γὰρ
franchir les montagnes des
τότε Λεωνίδης εἶπεν
Carduques, ayant beaucoup à
ἀπαγγεῖλαι τῷ βασιλεῖ
souffrir de la part des indigènes,
διότι νομίζομεν, κἂν φίλοι hommes robustes et connaissant
γενώμεθα τῷ Ξέρξῃ, μετὰ parfaitement le pays. Ces
τῶν ὅπλων ὄντες montagnards étaient ennemis du

ἀμείνους ἔσεσθαι roi, indépendants, exercés à la


guerre, très habiles à lancer avec
σύμμαχοι, κἂν πολεμεῖν
leurs frondes d'énormes pierres, et
πρὸς αὐτὸν
à manier des arcs immenses.
ἀναγκασθῶμεν, βέλτιον Échelonnés sur les hauteurs, ils
μετὰ τούτων ἀγωνιεῖσθαι. lancèrent de là leurs projectiles sur
Παραπλησίως δὲ καὶ τοῦ les Grecs, en tuèrent beaucoup et
Κλεάρχου περὶ τούτων en maltraitèrent un grand nombre.

ἀποκριναμένου, Πρόξενος Leurs flèches avaient plus de deux


coudées de long; elles pénétraient
Θηβαῖος εἶπεν, ὅτι νῦν τὰ
à travers les boucliers et les
μὲν ἄλλα σχεδὸν
cuirasses, au point qu'il était
ἀποβεβλήκαμεν, λέλειπται impossible de s'en garantir. On
δ´ ἡμῖν τ´ ἀρετὴ καὶ τὰ raconte même que ces flèches
ὅπλα. νομίζομεν οὖν, ἂν étaient si longues, que les Grecs

μὲν ταῦτα φυλάττωμεν, s'en servaient en guise de saunies,


après les avoir fixées à des
χρησίμην ἡμῖν ἔσεσθαι καὶ
courroies. Enfin, après une marche
τὴν ἀρετήν, ἂν δὲ
pénible à travers cette contrée, les
παραδῶμεν, οὐδὲ ταύτην
Grecs arrivèrent sur les bords du
ἡμῖν ἔσεσθαι βοηθόν. fleuve Centrite (31) ; ils le
Διόπερ ἐκέλευσε τῷ passèrent et entrèrent dans
βασιλεῖ λέγειν, ὡς ἂν περὶ l'Arménie. Tiribaze était satrape de

ἡμῶν κακόν τι cette province. Les Grecs


conclurent avec lui un traité de paix
βουλεύηται, διὰ τούτων
et traversèrent le pays comme
πρὸς αὐτὸν
amis.
διαγωνιούμεθα - - - περὶ
XXVIII. En traversant les
τῶν ἀγαθῶν τῶν κοινῶν.
montagnes de l'Arménie, ils
Λέγεται δὲ καὶ Σώφιλον rencontrèrent beaucoup de neige et
τὸν ἐφ´ ἡγεμονίας faillirent tous périr. L'air étant
τεταγμένον εἰπεῖν, ὅτι agité, la neige tomba d'abord peu

θαυμάζει τοὺς παρὰ τοῦ abondante et ne mit point


d'obstacle à la continuation de la
βασιλέως λόγους· εἰ μὲν
marche; mais bientôt le vent
γὰρ αὐτὸν δοκεῖ
souffla plus violemment, et comme
κρείσσονα τῶν Ἑλλήνων
la neige tomba en grande quantité,
εἶναι, μετὰ τῆς δυνάμεως elle couvrit tout le sol et ne permit
ἐλθὼν λαβέτω τὰ παρ´ plus de distinguer les routes ni la
ἡμῶν ὅπλα· εἰ δὲ πείσας situation des lieux. Le

βούλεται, λεγέτω, τίνα découragament et la peur


s'emparèrent alors de tous les
χάριν ἡμῖν ἀντὶ τούτων
soldats, qui, de crainte de périr, ne
ἀξίαν δώσει. Μετὰ δὲ
voulaient point revenir sur leur pas,
τούτους Σωκράτης Ἀχαιὸς et ne pouvaient plus avancer en
εἶπεν, ὅτι λίαν αὐτοῖς raison de l'épaisseur de la neige.

ἐκπληκτικῶς βασιλεὺς Cependant, l'hiver se faisait de plus


en plus sentir : les vents impétueux
προσφέρεται· μὲν γὰρ
étaient accompagnés d'une grêle
παρ´ ἡμῶν βούλεται
abondante, qui frappa directement
λαβεῖν παραχρῆμ´ dans la figure et obligea l'armée
ἀπαιτεῖ, τὰ δ´ ἀντὶ entière de faire halte. Dans
τούτων δοθησόμενα μετὰ l'impossibilité de résister aux

ταῦτ´ ἀξιοῦν{τας αἰτεῖν} fatigues de la marche, chacun dut


s'arrêter où le hasard l'avait placé.
προστάττει. Καθόλου δ´ εἰ
Manquant des choses les plus
μὲν ἀγνοῶν τοὺς
nécessaires à la vie, les Grecs
νενικηκότας ὡς
passèrent toute cette journée et la
ἡττημένους κελεύει τὸ nuit en plein air, exposés à
προσταττόμενον ποιεῖν, beaucoup de maux. La neige, qui
μαθέτω ποτέρων ἐστὶν n'avait pas cessé de tomber,

νίκη παραγενηθεὶς μετὰ couvrait toutes les armes, et le


froid, devenu très intense par un
τῆς πολυαρίθμου
temps serein, avait engourdi les
δυνάμεως· εἰ δὲ σαφῶς
corps. En proie à cet excès de
ἡμᾶς εἰδὼς νενικηκότας maux, ils veillaient durant toute la
ψεύδεται, πῶς αὐτῷ περὶ nuit; les uns allumaient des feux
τῶν εἰς ὕστερον pour en tirer quelque soulagement;

ἐπαγγελιῶν πιστεύσομεν; les autres, saisis par le froid et


ayant presque tous les membres
—Οἱ μὲν οὖν ἄγγελοι
gelés, désespéraient de tout salut.
τοιαύτας ἀποκρίσεις
Aussi, à la pointe du jour, la
λαβόντες ἐχωρίσθησαν· οἱ
plupart des bêtes de somme
δὲ περὶ Κλέαρχον étaient crevées; beaucoup
ἀνέζευξαν πρὸς τὸν d'hommes étaient morts sur place,
σταθμόν, ὅπου τὸ et un grand nombre de ceux qui

διασεσωσμένον avaient encore conservé leurs


facultés mentales, ne pouvaient
στρατόπεδον ἦν
remuer leurs corps engourdis par le
ἀνακεχωρηκός. Εἰς ταὐτὸ
froid. Quelques-uns avaient perdu
δὲ πάσης τῆς δυνάμεως la vue par le froid et l'éclat de la
ἐλθούσης, περὶ τῆς ἐπὶ neige (32). Enfin, l'armée entière
θάλατταν καταβάσεως aurait péri, si elle n'eût pas bientôt
ἐβουλεύοντο κοινῇ καὶ rencontré des villages remplis de

περὶ τῆς πορείας.Ἔδοξεν vivres. Dans ces villages, le bétail


était gardé dans des souterrains où
οὖν αὐτοῖς μὴ τὴν αὐτὴν
on le faisait descendre ; les
ἀναχώρησιν ᾗπερ ἦλθον
hommes entraient dans les
ποιεῖσθαι· πολὺ γὰρ αὐτῆς maisons par des échelles. Les bêtes
ἦν ἔρημον, ἐν τροφὰς de somme étaient nourries avec du
οὐχ ὑπελάμβανον ἕξειν, foin, et les soldats y trouvaient en

δυνάμεως πολεμίας abondance toutes les provisions


nécessaires à la vie.
ἀκολουθούσης. Γνόντες δ´
ἐπὶ Παφλαγονίας XXIX. Après s'être arrêtés huit
jours dans ces villages, les Grecs
ἀναζευγνύειν, οὗτοι μὲν
continuèrent leur route en se
ὥρμησαν ἐπὶ Παφλαγονίαν
dirigeant vers le fleuve Phasis. Là,
μετὰ τῆς δυνάμεως, κατὰ
ils séjournèrent quatre jours, et
σχολὴν ὁδοιποροῦντες, ὡς traversèrent ensuite le pays des
ἂν ἅμα τὰς τροφὰς Chaoniens et des Phasianiens.
ποριζόμενοι· Attaqués par les indigènes, ils les
défirent dans un combat et en
[26] δὲ βασιλεὺς
tuèrent un grand nombre. Ils
βέλτιον ἔχων ἀπὸ τοῦ occupèrent les habitations de ces
τραύματος, ὡς ἐπύθετο indigènes, pleines de richesses, et
τὴν τῶν ἐναντίων s'y arrêtèrent quinze jours. De là,

ὑποχώρησιν, νομίσας ils se dirigèrent vers le pays des


Chalybes (33), qu'ils traversèrent
αὐτοὺς φεύγειν, ὥρμησε
en sept jours, et atteignirent les
μετὰ τῆς δυνάμεως κατὰ
bords du fleuve appelé Harpagus
σπουδήν. Καταλαβὼν δ´
(34), large de quatre plèthres (35).
αὐτοὺς διὰ τὸ βραδέως
ὁδοιπορεῖν, τότε μὲν ἤδη De là, passant par une plaine, ils
νυκτὸς οὔσης ἐγγὺς τὴν entrèrent sur le territoire des

στρατοπεδείαν ἐποιήσατο, Scutines, où ils se reposèrent


pendant trois jours, au sein de
ἅμα δ´ ἡμέρᾳ
l'abondance. En quittant ce pays ils
διατασσόντων τῶν
atteignirent, après quatre jours de
Ἑλλήνων τὸ στρατόπεδον marche, une grande ville appelée
εἰς μάχην, πέμψας τοὺς Gymnasia. Le chef de cette contrée
ἀγγέλους κατὰ μὲν τὸ fit un traité avec les Grecs et leur
παρὸν εἰς τρεῖς ἡμέρας donna des guides qui devaient les

ἀνοχὰς ἐποιήσατο· ἐν δὲ conduire jusqu'à la mer. En quinze


jours de route, ils atteignirent le
ταύταις συνεφώνησαν,
mont Chénium. Dès que les soldats
ὥστε αὐτὸν μὲν φιλίαν
de l'avant-garde eurent aperçu la
παρασχέσθαι τὴν χώραν mer, ils témoignèrent leur joie en
καὶ τοὺς ἡγησομένους ἐπὶ poussant de telles clameurs, que
θάλατταν δοῦναι καὶ τοῖς ceux qui étaient à l'arrière-garde

διεξιοῦσιν ἀγορὰν coururent aux armes, croyant être


attaqués par les ennemis. Mais
παρέχειν, τοὺς δὲ μετὰ
lorsqu'ils furent tous parvenus dans
Κλεάρχου μισθοφόρους
le lieu d'où ils pouvaient découvrir
καὶ τοὺς μετ´ Ἀριδαίου
la mer, ils rendirent grâce aux
πάντας πορεύεσθαι διὰ dieux en élevant leurs mains, et
τῆς χώρας μηδὲν ἀδίκημα s'estimèrent déjà sauvés; puis,
ποιοῦντας. Μετὰ δὲ ταῦθ´ entassant des pierres les unes sur

οὗτοι μὲν περὶ τὰς les autres, ils en construisirent des


colonnes élevées, auxquelles ils
ὁδοιπορίας ἐγίνοντο, τὴν
suspendirent les dépouilles
δὲ δύναμιν βασιλεὺς
enlevées aux Barbares, afin de
ἀπήγαγεν εἰς Βαβυλῶνα. laisser après eux un monument
Ἐκεῖ δὲ τῶν κατὰ τὴν immortel de leur expédition. Enfin,
μάχην ἀνδραγαθησάντων ils firent présent d'une coupe

κατ´ ἀξίαν ἕκαστον d'argent et d'un vêtement persique


au guide, qui se sépara d'eux,
τιμήσας ἔκρινε πάντων
après leur avoir montré le chemin
ἄριστον γεγενῆσθαι
qui conduit chez les Macrons.
Τισσαφέρνην. Διὸ καὶ
Arrivés dans le pays des Macrons,
μεγάλαις αὐτὸν τιμήσας les Grecs firent avec ce peuple un
δωρεαῖς ἔδωκε τὴν traité de paix; en signe de
ἑαυτοῦ θυγατέρα πρὸς garantie, ils reçurent une lance

συμβίωσιν, καὶ τὸ λοιπὸν fabriquée à la manière des


Barbares, tandis qu'ils donnèrent
διετέλει πιστότατον
en retour une lance grecque.
αὐτὸν ἔχων φίλον· ἔδωκε
C'était là, disaient les Barbares,
δ´ αὐτῷ καὶ τὴν l'usage de leurs ancêtres, lorsqu'ils
ἡγεμονίαν ὧν Κῦρος ἐπὶ voulaient donner à la foi jurée la
θαλάττης ἦρχε plus forte garantie. Ayant franchi
σατραπειῶν. δὲ les limites du pays des Macrons, ils

Τισσαφέρνης θεωρῶν τὸν entrèrent dans la région des


Colchidiens. Assaillis par les
βασιλέα δι´ ὀργῆς ἔχοντα
indigènes qui s'étaient attroupés,
τοὺς Ἕλληνας,
ils les défirent dans un combat et
ἐπηγγείλατ´ αὐτῷ leur tuèrent beaucoup de monde.
ἅπαντας ἀνελεῖν, ἐὰν Ils s'emparèrent ensuite d'une
αὐτῷ μὲν δυνάμεις δῷ, position retranchée d'où ils

πρὸς δὲ Ἀριδαῖον portèrent la dévastation dans les


campagnes voisines. Après avoir
διαλλαγῇ· προδοθήσεσθαι
ainsi amassé des dépouilles, ils se
γὰρ ὑπὸ τούτου τοὺς
reposèrent au sein de l'abondance.
Ἕλληνας κατὰ τὴν
XXX. Les Grecs trouvèrent
ὁδοιπορίαν. δὲ βασιλεὺς
dans cette région de nombreux
ἀσμένως τοὺς λόγους
essaims d'abeilles qui avaient
δεξάμενος τούτῳ μὲν formé de belles ruches. Tous ceux
ἔδωκεν ἐξ ἁπάσης τῆς qui avaient goûté du miel de ces
δυνάμεως ἐπιλέξαι τοὺς abeilles, furent atteints de

κρατίστους ὅσους symptômes étranges. Les uns


devinrent maniaques, tombaient à
προαιροῖτο. - - - ἄλλοις γε
terre et étaient semblables à des
ἡγεμόσιν ἐλθεῖν καὶ κατὰ
morts. Séduits par la douceur de
πρόσωπον ἀκοῦσαι τῶν cet aliment, beaucoup de soldats
λόγων. Διόπερ οἵ τε en mangèrent, et, en peu de
στρατηγοὶ σχεδὸν temps, le sol fut jonché d'hommes

ἅπαντες μετὰ Κλεάρχου comme après la perte d'une


bataille. Ce jour-là, toute l'armée
καὶ τῶν λοχαγῶν ὡς
était découragée par cet étrange
εἴκοσι πρὸς Τισσαφέρνην
accident, et consternée à la vue de
ἦλθον· καὶ στρατιωτῶν δὲ
tant de malheureux. Le lendemain,
πρὸς ἀγορὰν ἐλθεῖν à la même heure {où l'accident
βουλομένων ἠκολούθησαν était arrivé}, tous furent rétablis,
ὡς διακόσιοι. et ayant bientôt repris leurs sens,

Τισσαφέρνης δὲ τοὺς μὲν ils se levèrent et se sentirent


comme des hommes qui ont fait
στρατηγοὺς εἰς τὴν
usage d'une préparation
σκηνὴν ἐκάλεσεν, οἱ δὲ
pharmaceutique (36). Ainsi
λοχαγοὶ πρὸς ταῖς θύραις rétablis, ils se mirent en route et
διέτριβον. Καὶ μετ´ ὀλίγον parvinrent, dans trois jours, à

ἐκ τῆς Τισσαφέρνους Trapézonte, ville grecque, colonie


de Sinope, située dans la Colchide.
σκηνῆς ἀρθείσης
Les Grecs y séjournèrent trente
φοινικίδος μὲν τοὺς
jours, et reçurent chez les
στρατηγοὺς ἔνδον indigènes une brillante hospitalité.
συνέλαβε, τοὺς δὲ Ils y célébrèrent un sacrifice et des
λοχαγοὺς οἷς ἦν jeux gymniques en honneur

συντεταγμένον d'Hercule et de Jupiter Sauveur,


dans le même endroit où, selon la
ἐπελθόντες ἀνεῖλον, ἄλλοι
tradition, abordèrent le navire Argo
δὲ τοὺς ἐπὶ τὴν ἀγορὰν
et les compagnons de Jason.
ἥκοντας τῶν στρατιωτῶν
Cheirisophus, le commandant des
ἀνῄρουν· ἐξ ὧν εἷς φυγὼν troupes, fut ensuite dépêché à
εἰς τὴν ἰδίαν παρεμβολὴν Byzance pour ramener des
ἐδήλωσε τὴν συμφοράν. bâtiments et des trirèmes. Il
passait pour l'ami d'Anaxibius,
[27] Οἱ δὲ στρατιῶται
nauarque byzantin. Cheirisophus
πυθόμενοι τὰ γεγενημένα
partit donc sur une céloce (37).
παρ´ αὐτὸν μὲν τὸν {Pendant l'absence de leur chef},
καιρὸν ἐξεπλάγησαν καὶ les Grecs obtinrent des

πάντες ἐχώρουν εἰς ὅπλα Trapézontins deux navires légers,

μετὰ πολλῆς ἀταξίας, ὡς et firent des excursions sur mer et


sur terre pour piller les Barbares du
ἂν ἀναρχίας οὔσης· μετὰ
voisinage. Ils attendirent ainsi
δὲ ταῦτα, οὐδενὸς αὐτοῖς
pendant trente jours le retour de
παρενοχλοῦντος, εἵλοντο Cheirisophus; mais comme celui-ci
στρατηγοὺς μὲν πλείους, tardait à revenir et que les
ἑνὶ δὲ τῶν ὅλων τὴν provisions commençaient à

ἡγεμονίαν ἀπέδωκαν manquer, ils partirent de


Trapézonte, et arrivèrent, après
Χειρισόφῳ τῷ
trois jours de marche, à Césaronte,
Λακεδαιμονίῳ. Οὗτοι δὲ
ville grecque, colonie des
διατάξαντες τὸ
Sinopéens. Ils s'y arrêtèrent
στρατόπεδον εἰς τὴν quelques jours et se rendirent de là
ὁδοιπορίαν ὥς ποτ´ chez les Mosynoeques. Assaillis par

αὐτοῖς ἐδόκει κάλλιστα ces Barbares, ils les vainquirent

προῆγον ἐπὶ Παφλαγονίαν. dans un combat et en tuèrent un


Τισσαφέρνης δὲ τοὺς grand nombre. Les fuyards se

στρατηγοὺς δήσας retirèrent dans un village où ils


habitaient des tours de bois de sept
ἀπέστειλε πρὸς
étages. Les Grecs les y
Ἀρταξέρξην· ἐκεῖνος δὲ
poursuivirent, et s'en emparèrent
τοὺς μὲν ἄλλους ἀνεῖλε, après des assauts non interrompus.
Μένωνα δὲ μόνον ἀφῆκεν· Ce village était le chef-lieu de
ἐδόκει γὰρ μόνος οὗτος toutes les autres forteresses;

στασιάζων πρὸς τοὺς c'était la résidence du roi qui y


habite le point plus élevé (38).
συμμάχους προδώσειν
Suivant une coutume antique, le roi
τοὺς Ἕλληνας.
occupe ce séjour pendant toute sa
Τισσαφέρνης δὲ μετὰ τῆς
vie, et donne-de là des ordres à ses
δυνάμεως ἐπακολουθῶν peuples. Selon le rapport des.
τοῖς Ἕλλησιν ἐξήπτετο, soldats, cette nation était la plus
καὶ κατὰ στόμα μὲν οὐκ barbare de celles qu'ils avaient

ἐτόλμα παρατάττεσθαι, vues; les hommes approchent des


femmes à la vue de tout le monde.
φοβούμενος
Les enfants des plus riches
ἀπεγνωσμένων ἀνδρῶν
habitants sont nourris avec des
θράσος καὶ ἀπόνοιαν, ἐν châtaignes cuites. Ils ont tous, dès
δὲ τοῖς εὐθέτοις τόποις leur enfance, le dos et la poitrine
παρενοχλῶν μεγάλῳ μὲν tatoués. Les Grecs traversèrent

οὐδενὶ κακῷ περιβάλλειν toute cette contrée dans l'espace


de huit jours. Ils se rendirent en
αὐτοὺς ἠδύνατο, μικρὰ δὲ
trois jours de marche dans le pays
βλάπτων μέχρι τοῦ τῶν
limitrophe, nommé la Tibarène.
Καρδούχων καλουμένων
ἔθνους ἐπηκολούθησεν.
Καὶ Τισσαφέρνης μὲν
οὐδὲν ἔτι δυνάμενος
πρᾶξαι, μετὰ τῆς
δυνάμεως ἐπ´ Ἰωνίας
ἀνέζευξεν· οἱ δὲ Ἕλληνες
ἐφ´ ἑπτὰ μὲν ἡμέρας
διεπορεύοντο τὰ τῶν
Καρδούχων ὄρη, πολλὰ
κακὰ πάσχοντες ὑπὸ τῶν
ἐγχωρίων ἀλκίμων τε
ὄντων καὶ τῆς χώρας
ἐμπείρων. Ἦσαν δ´ οὗτοι
πολέμιοι μὲν τοῦ
βασιλέως, ἐλεύθεροι δὲ
καὶ τὰ κατὰ πόλεμον
ἀσκοῦντες, μάλιστα δ´
ἐκπονοῦντες σφενδόναις
ὡς μεγίστους λίθους
ἐμβάλλειν καὶ τοξεύμασιν
ὑπερμεγέθεσι χρῆσθαι, δι´
ὧν τοὺς Ἕλληνας
κατατιτρώσκοντες ἐξ
ὑπερδεξίων τόπων
πολλοὺς μὲν ἀνεῖλον, οὐκ
ὀλίγους δὲ κακῶς
διέθεσαν. Τὰ γὰρ βέλη
μείζω καθεστῶτα δυεῖν
πηχῶν ἔδυνε διά τε τῶν
ἀσπίδων καὶ θωράκων,
ὥστε μηδὲν τῶν ὅπλων
ἰσχύειν τὴν βίαν αὐτῶν
ὑπομένειν· οὕτω γάρ φασι
μεγάλοις κεχρῆσθαι
οἰστοῖς, ὥστε τοὺς
Ἕλληνας ἐναγκυλοῦντας
τὰ ῥιπτόμενα βέλη
τούτοις σαυνίοις
χρωμένους ἐξακοντίζειν.
Διελθόντες οὖν τὴν
προειρημένην χώραν
ἐπιπόνως παρεγενήθησαν
πρὸς τὸν Κεντρίτην
ποταμόν· ὃν διαβάντες
εἰσέβαλον εἰς τὴν
Ἀρμενίαν. Ταύτης δ´ ἦν
σατράπης Τιρίβαζος, πρὸς
ὃν σπεισάμενοι
διεπορεύοντο τὴν χώραν
ὡς φίλοι.

[28] Ὁδοιποροῦντες δὲ
διὰ τῶν Ἀρμενίων ὀρῶν
ἐλήφθησαν ὑπὸ χιόνος
πολλῆς, καὶ
παρεκινδύνευσαν
ἀπολέσθαι πάντες. Τοῦ
γὰρ ἀέρος τεταραγμένου
τὸ μὲν πρῶτον κατ´
ὀλίγον ἤρξατο χιὼν
πίπτειν ἐκ τοῦ
περιέχοντος, ὥστε τοὺς
ὁδοιποροῦντας μηδὲν
ἐμποδίζεσθαι τῆς εἰς
τοὔμπροσθεν πορείας·
μετὰ δὲ ταῦτα πνεύματος
ἐπιγινομένου μᾶλλον αἰεὶ
κατερρίπτετο καὶ τὴν
χώραν ἐπεκάλυπτεν, ὥστε
μηκέτι δύνασθαι μήτε τὰς
ὁδοὺς μήτε ὁλοσχερῶς
τὰς ἰδιότητας τῶν τόπων
θεωρεῖσθαι. Διόπερ
ἀθυμία τὸ στρατόπεδον
ὑπεδύετο καὶ δέος,
ἀνακάμπτειν μὲν εἰς
ἀπώλειαν οὐ βουλομένων,
προάγειν δὲ διὰ τὸ πλῆθος
τῶν χιόνων οὐ δυναμένων.
Τοῦ δὲ χειμῶνος ἐπίτασιν
λαμβάνοντος ἐπεγενήθη
πνευμάτων μέγεθος μετὰ
πολλῆς χαλάζης, ὥστε
τοῦ συρμοῦ κατὰ
πρόσωπον ὄντος
ἀναγκασθῆναι καθίσαι τὴν
δύναμιν ἅπασαν· ἕκαστος
γὰρ τὴν ἐκ τῆς ὁδοιπορίας
κακοπάθειαν ὑπομένειν
ἀδυνατῶν, οὗ ποτε τύχοι,
μένειν ἠναγκάζετο.
Ἀποροῦντες δὲ πάντων
τῶν ἀναγκαίων ἐκείνην
μὲν τὴν ἡμέραν καὶ τὴν
νύκτα διεκαρτέρουν
ὑπαίθριοι, πολλοῖς
συνεχόμενοι κακοῖς· διὰ
γὰρ τὸ πλῆθος τῆς κατὰ
τὸ συνεχὲς ἐκχεομένης
χιόνος τά τε ὅπλα πάντα
συνεκαλύφθη καὶ τὰ
σώματα διὰ τὸν ἀπὸ τῆς
αἰθρίας πάγον
περιεψύχετο. Διὰ δὲ τὴν
ὑπερβολὴν τῶν κακῶν
ὅλην τὴν νύκτα
διηγρύπνουν· καὶ τινὲς
μὲν πῦρ ἐκκαύσαντες τῆς
ἀπὸ τούτου βοηθείας
ἐτύγχανον, τινὲς δὲ
περικαταληφθέντες ὑπὸ
τοῦ πάγου τὰ σώματα
πᾶσαν ἀπεγίνωσκον
ἐπικουρίαν, τῶν
ἀκρωτηρίων αὐτοῖς
σχεδὸν ἁπάντων
ἀπονεκρουμένων. Διόπερ
ὡς νὺξ διῆλθε, τῶν θ´
ὑποζυγίων τὰ πλεῖστα
εὑρέθη διεφθαρμένα καὶ
τῶν ἀνδρῶν πολλοὶ μὲν
τετελευτηκότες, οὐκ
ὀλίγοι δὲ τὴν μὲν ψυχὴν
ἔχοντες ἔμφρονα, τὸ δὲ
σῶμα διὰ τὸν πάγον
ἀκίνητον· ἔνιοι δὲ καὶ
τοὺς ὀφθαλμοὺς
ἐτυφλώθησαν διά τε τὸ
ψῦχος καὶ τὴν ἀνταύγειαν
τῆς χιόνος. Καὶ τελείως
ἂν ἅπαντες διεφθάρησαν,
εἰ μὴ βραχὺ διελθόντες
εὗρον κώμας γεμούσας
τῶν ἐπιτηδείων. Αὗται δὲ
τὰς μὲν τοῖς ὑποζυγίοις
καταβάσεις εἶχον
ὀρυκτάς, τὰς δὲ τοῖς
ἀνδράσι κατὰ κλιμάκων - -
- ταῖς οἰκίαις τά τε
βοσκήματα τρεφόμενα
χόρτῳ, τοῖς δ´ ἀνδράσι
πολλὴν ἀφθονίαν πάντων
τῶν πρὸς τὸ ζῆν
ἀναγκαίων.

[29] Ἐμμείναντες δὲ
ταῖς κώμαις ἡμέρας ὀκτὼ
παρεγενήθησαν πρὸς τὸν
Φᾶσιν ποταμόν. Ἐκεῖ δὲ
τέτταρας ἡμέρας
διανύσαντες διεπορεύοντο
τὴν Χάων καὶ Φασιανῶν
χώραν. Ἐπιθεμένων δ´
αὐτοῖς τῶν ἐγχωρίων,
τούτους μὲν ἐν τῇ μάχῃ
νικήσαντες πολλοὺς
ἀνεῖλον, αὐτοὶ δὲ
καταλαμβάνοντες τὰς
τῶν ἐγχωρίων κτήσεις
γεμούσας ἀγαθῶν
ἐνδιέτριψαν ἐν αὐταῖς
ἡμέρας πεντεκαίδεκα.
Ἀναζεύξαντες δ´ ἐκεῖθεν
διῆλθον τὴν Χαλδαίων
καλουμένων χώραν ἐν
ἡμέραις ἑπτά, καὶ
παρεγενήθησαν πρὸς τὸν
Ἅρπαγον ὀνομαζόμενον
ποταμόν, ὄντα τὸ πλάτος
πλέθρων τεττάρων.
Ἐντεῦθεν δὲ διὰ τῆς
Σκυτίνων πορευόμενοι
διῆλθον ὁδὸν πεδινήν, ἐν
τρεῖς ἡμέρας αὑτοὺς
ἀνέλαβον, εὐποροῦντες
ἁπάντων τῶν ἀναγκαίων.
Μετὰ δὲ ταῦτ´
ἀναζεύξαντες τεταρταῖοι
παρεγενήθησαν πρὸς
πόλιν μεγάλην Γυμνασίαν
ὀνομαζομένην. Ἐκ δὲ
ταύτης τῶν τόπων
τούτων ἀφηγούμενος
ἐσπείσατο πρὸς αὐτοὺς
καὶ τοὺς ὁδηγήσοντας ἐπὶ
θάλατταν συνέστησεν. Ἐν
ἡμέραις δὲ πεντεκαίδεκα
παραγενόμενοι ἐπὶ τὸ
Χήνιον ὄρος, ὡς εἶδον
πορευόμενοι οἱ πρῶτοι
τὴν θάλατταν, περιχαρεῖς
ἦσαν καὶ τοιαύτην ἐποίουν
κραυγήν, ὥστε τοὺς ἐπὶ
τῆς οὐραγίας ὄντας
ὑπολαμβάνοντας
πολεμίων ἔφοδον εἶναι
χωρεῖν εἰς ὅπλα. Ὡς δ´
ἅπαντες ἀνέβησαν ἐπὶ τὸν
τόπον, ἐξ οὗ τὴν
θάλατταν ἦν ὁρᾶν, τοῖς
θεοῖς ἀνατείναντες τὰς
χεῖρας ηὐχαρίστουν ὡς
ἤδη διασεσωσμένοι·
συνενέγκαντες δ´ εἰς ἕνα
τόπον λίθους παμπληθεῖς,
καὶ ποιήσαντες ἐξ αὐτῶν
ἀναστήματα μεγάλα,
σκῦλα τῶν βαρβάρων
ἀνέθεσαν, βουλόμενοι τῆς
στρατείας ἀθάνατον
ὑπόμνημα καταλιπεῖν. Καὶ
τῷ μὲν ὁδηγήσαντι φιάλην
ἀργυρᾶν καὶ στολὴν
Περσικὴν ἐδωρήσαντο· ὃς
δείξας αὐτοῖς τὴν ἐπὶ
Μάκρωνας ὁδὸν
ἀπηλλάγη. Οἱ δ´ Ἕλληνες
εἰσβαλόντες εἰς τὴν τῶν
Μακρώνων χώραν
ἐσπείσαντο, καὶ πρὸς
πίστιν παρὰ μὲν ἐκείνων
λόγχην ἔλαβον
βαρβαρικήν, αὐτοὶ δ´
Ἑλληνικὴν ἔδωκαν· ταῦτα
γὰρ ἔφασαν αὑτοῖς οἱ
βάρβαροι διὰ προγόνων
παραδεδόσθαι πρὸς πίστιν
βεβαιότατα. Ὡς δὲ τοὺς
τούτων ὅρους διῆλθον,
παρεγενήθησαν εἰς τὴν
τῶν Κόλχων χώραν. Εἰς ἣν
ἀθροισθέντων τῶν
ἐγχωρίων ἐπ´ αὐτούς,
τούτους μὲν κρατήσαντες
μάχῃ πολλοὺς ἀνεῖλαν,
αὐτοὶ δὲ λόφον ὀχυρὸν
καταλαβόμενοι τὴν χώραν
ἐπόρθουν, καὶ τὰς
ὠφελείας εἰς τοῦτον
ἀθροίσαντες ἀφθόνως
ἑαυτοὺς ἀνελάμβανον.
Εὑρίσκετο δὲ καὶ σμήνη
παμπληθῆ περὶ τοὺς
τόπους, ἐξ ὧν πολυτελῆ
προσεφέρετο κηρία.

[30] Τούτων δ´ οἱ
γευσάμενοι παραλόγῳ
περιέπιπτον συμπτώματι·
οἱ γὰρ μεταλαβόντες
αὐτῶν ἄφρονες ἐγίνοντο
καὶ πίπτοντες ἐπὶ τὴν γῆν
ὅμοιοι τοῖς
τετελευτηκόσιν ὑπῆρχον.
Πολλῶν δὲ φαγόντων διὰ
τὴν γλυκύτητα τῆς
ἀπολαύσεως, ταχὺ τὸ
πλῆθος ἐγεγόνει τῶν
πεπτωκότων οἱονεὶ
τροπῆς ἐν πολέμῳ
γεγενημένης. Ἐκείνην μὲν
οὖν τὴν ἡμέραν ἠθύμησεν
δύναμις, καταπεπληγμένη
τό τε παράδοξον καὶ τὸ
πλῆθος τῶν ἠτυχηκότων·
τῇ δ´ ὑστεραίᾳ περὶ τὴν
αὐτὴν ὥραν ἅπαντες
ἑαυτοὺς ἀνελάμβανον καὶ
κατ´ ὀλίγον ἀνακτώμενοι
τὸ φρονεῖν ἀνέστησαν, καὶ
τὸ σῶμα διετέθησαν
ὁμοίως τοῖς ἐκ
φαρμακοποσίας
διασωθεῖσιν. Ὡς δ´
ἀνέλαβον ἑαυτοὺς ἐν
τρισὶν ἡμέραις,
ἐπορεύθησαν εἰς
Τραπεζοῦντα πόλιν
Ἑλληνίδα, Σινωπέων μὲν
ἄποικον, κειμένην δ´ ἐν τῇ
Κόλχων χώρᾳ. Ἐνταῦθα δὲ
διατρίψαντες ἡμέρας
τριάκοντα, παρὰ μὲν τοῖς
ἐγχωρίοις λαμπρῶς
ἐξενίσθησαν, αὐτοὶ δὲ τῷ
τε Ἡρακλεῖ καὶ Διὶ
σωτηρίῳ θυσίαν ἐποίησαν
καὶ γυμνικὸν ἀγῶνα, καθ´
ὃν τόπον φασὶ
προσπλεῦσαι τὴν Ἀργὼ καὶ
τοὺς περὶ Ἰάσονα. Ἐκεῖθεν
δὲ Χειρίσοφον μὲν τὸν
ἀφηγούμενον ἀπέστειλαν
εἰς Βυζάντιον ἐπὶ πλοῖα
καὶ τριήρεις· ἔλεγε γὰρ
εἶναι φίλος Ἀναξιβίῳ τῷ
Βυζαντίων ναυάρχῳ.
Τοῦτον μὲν οὖν ἐπὶ
κέλητος ἐξέπεμψαν·
λαβόντες δὲ τῶν
ἐπικώπων δύο πλοιάρια
παρὰ τῶν Τραπεζουντίων,
ἐλῄστευον τοὺς
περιοικοῦντας βαρβάρους
καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ
θάλατταν. Ἐφ´ ἡμέρας
μὲν οὖν τριάκοντα
περιέμειναν τὸν
Χειρίσοφον· ὡς δ´ ἐκεῖνος
ἐβράδυνεν, αἱ δὲ τροφαὶ
τοῖς ἀνθρώποις
ἐσπάνιζον, ἀνέζευξαν ἐκ
Τραπεζοῦντος, καὶ
τριταῖοι παρεγενήθησαν
εἰς Κερασοῦντα πόλιν
Ἑλληνίδα, Σινωπέων
ἄποικον. Ἐν ταύτῃ δὲ
ἡμέρας διατρίψαντές
τινας παρεγενήθησαν εἰς
τὸ τῶν Μοσυνοίκων
ἔθνος. Τῶν δὲ βαρβάρων
συστραφέντων ἐπ´ αὐτοὺς
ἐκράτησαν μάχῃ καὶ
πολλοὺς ἀνεῖλον.
Συμφυγόντων δ´ εἴς τι
χωρίον, ἐν κατῴκουν
ἑπτορόφους ἔχοντες
ξυλίνους πύργους,
συνεχεῖς προσβολὰς
ποιησάμενοι κατὰ κράτος
εἷλαν. Ἦν δὲ τὸ χωρίον
τοῦτο μητρόπολις τῶν
ἄλλων ἐρυμάτων, ἐν καὶ
βασιλεὺς αὐτῶν κατῴκει
τὸν ὑψηλότατον τόπον
ἔχων.Ἔθος δ´ ἔχει
πάτριον μένειν ἐν αὐτῷ
τὸν πάντα βίον, κἀκεῖθεν
διαδιδόναι τοῖς ὄχλοις τὰ
προστάγματα.
βαρβαρώτατον δ´ ἔφασαν
οἱ στρατιῶται τοῦτο
διεληλυθέναι τὸ ἔθνος,
καὶ ταῖς μὲν γυναιξὶν
αὐτοὺς πλησιάζειν
ἁπάντων ὁρώντων, τοὺς
δὲ παῖδας τῶν
πλουσιωτάτων τρέφεσθαι
καρύοις ἑφθοῖς, ἅπαντας
δ´ ἐκ παιδὸς στίγμασι τόν
τε νῶτον καὶ τὰ στήθη
καταπεποικίλθαι. Ταύτην
μὲν οὖν τὴν χώραν ἐν
ἡμέραις ὀκτὼ
διεπορεύθησαν, τὴν δ´
ἐχομένην ἐν τρισίν,

[31] ἣν ἐκάλουν XXXI. En quittant cette région,

Τιβαρηνήν. Κἀκεῖθεν εἰς ils parvinrent à Cotyore, ville


grecque, colonie des Sinopéens. Là,
Κοτύωρα πόλιν
ils demeurèrent cinquante jours
παρεγενήθησαν Ἑλληνίδα,
occupés à marauder dans les
Σινωπέων ἄποικον. Ἐν environs de la Paphlagonie, et chez
ταύτῃ δὲ πεντήκονθ´ les autres Barbares. Les
ἡμέρας διέτριψαν τοὺς Héracléotes et les Sinopéens leur

περιοίκους τῆς envoyèrent des bâtiments, sur


lesquels les Grecs s'embarquèrent
Παφλαγονίας τε καὶ τοὺς
avec leur bagage. Sinope, colonie
ἄλλους βαρβάρους
des Milésiens, située dans la
λῃστεύοντες. Ἡρακλεῶται
Paphlagonie, était alors la ville la
δὲ καὶ Σινωπεῖς plus importante de ces régions. Et
ἀπέστειλαν αὐτοῖς πλοῖα, même de nos jours, Mithridate, qui
δι´ ὧν αὐτοί τε καὶ τὰ a combattu les Romains, y avait

σκευοφόρα établi sa principale résidence. Là,


les Grecs furent rejoints par
διεκομίσθησαν.Ἡ δὲ
Cheirisophus qui avait échoué dans
Σινώπη Μιλησίων μὲν ἦν
la mission d'emprunter des
ἄποικος, κειμένη δ´ ἐν τῇ trirèmes aux Byzantins. Les
Παφλαγονίᾳ μέγιστον Sinopéens accueillirent les Grecs
εἶχεν ἀξίωμα τῶν περὶ très hospitalièrement, et les firent

τοὺς τόπους· ἐν δὴ καθ´ transporter par mer jusqu'à


Héraclée, colonie des Mégariens. La
ἡμᾶς ἔσχε Μιθριδάτης
flotte mouille en vue de la
πρὸς Ῥωμαίους
presqu'île d'Achéruse où, selon la
διαπολεμήσας τὰ μέγιστα tradition, Hercule amena Cerbère
βασίλεια. Παρεγενήθη δὲ tiré des enfers. De là, les Grecs
καὶ ἐνταῦθα Χειρίσοφος continuèrent leur marche à pied à

πρὸς τὰς τριήρεις travers la Bithynie, où ils furent fort


maltraités par les indigènes qui les
ἀπεσταλμένος ἄπρακτος.
harcelaient sur la route. Enfin, de
Οὐ μὴν ἀλλ´ οἱ Σινωπεῖς
dix mille hommes, il n'y en eut que
φιλοφρόνως αὐτοὺς
trois mille huit cents (39) qui
ξενίσαντες ἀπέπεμψαν parvinrent avec peine à Chrysopolis
αὐτοὺς κατὰ θάλατταν εἰς en Chalcédoine. De là, plusieurs se
Ἡράκλειαν, Μεγαρέων rendirent aisément dans leur

ἄποικον· καὶ καθωρμίσθη patrie; les autres se rassemblèrent


dans la Chersonèse et allèrent
πᾶς στόλος πρὸς τὴν
ravager une ville située dans le
Ἀχερουσίαν χερρόνησον,
voisinage des Thraces. Telle fut
ὅπου φασὶν Ἡρακλέα τὸν l'issue de l'expédition de Cyrus
ἐξ ᾅδου Κέρβερον contre Artaxerxès.
ἀναγαγεῖν. Ἐκεῖθεν δὲ XXXII. Les trente tyrans qui
πεζῇ διὰ Βιθυνίας exerçaient le pouvoir souverain
πορευόμενοι κινδύνοις dans Athènes, continuaient à

περιέπιπτον, τῶν condamner journellement les


citoyens, les uns à l'exil, les autres
ἐγχωρίων ἐξαπτομένων
à la mort. Les Thébains, indignés
κατὰ τὴν πορείαν. Μόγις
de ces cruautés, accueillirent les
οὖν διεσώθησαν εἰς
exilés avec empressement. Enfin,
Χρυσόπολιν τῆς Thrasybule, surnommé le Tyrien,
Χαλκηδονίας οἱ d'origine athénienne et banni par
περιλειφθέντες ἀπὸ les trente, parvint, avec l'appui

μυρίων ὀκτακισχίλιοι secret des Thébains, à s'emparer


d'un endroit de l'Attique que l'on
τριακόσιοι. Ἐκεῖθεν δὲ
nomme Phylé. C'était une place
ῥᾳδίως ἤδη τὸ λοιπὸν
très forte, éloignée de cent stades
τινὲς μὲν διεσώθησαν εἰς d'Athènes (40), et bien située pour
τὰς πατρίδας, οἱ δὲ λοιποὶ envahir de là l'Attique. Dès que les

περὶ τὴν Χερρόνησον trente tyrans en furent instruits, ils


envoyèrent d'abord des troupes
ἀθροισθέντες ἐπόρθουν
pour investir cette place. Pendant
τὴν παρακειμένην Θρᾳκῶν
que ces troupes étaient campées
χώραν.Ἡ μὲν οὖν ἐπ´ dans le voisinage de Phylé, il tomba
Ἀρταξέρξην Κύρου beaucoup de neige; comme
στρατεία τοιοῦτον ἔσχε quelques soldats étaient occupés à

τὸ τέλος. transporter leurs tentes ailleurs,


tous les autres s'imaginèrent que
[32] Οἱ δ´ ἐν ταῖς
leurs camarades fuyaient à
Ἀθήναις δυναστεύοντες l'approche des forces de l'ennemi,
τριάκοντα τύραννοι καθ´ ce qui produisit une terreur panique
ἡμέραν οὐκ ἐπαύοντο dans l'armée, et le camp fut

τοὺς μὲν φυγαδεύοντες, changé de place. Les trente voyant


que les citoyens d'Athènes, exclus
τοὺς δὲ ἀναιροῦντες. Τῶν
de la classe privilégiée des trois
δὲ Θηβαίων
mille (41), conspiraient le
ἀγανακτούντων ἐπὶ τοῖς
renversement de la tyrannie, les
γινομένοις καὶ obligèrent de transporter leurs
φιλοφρόνως τοὺς φυγάδας demeures dans le Pirée, et firent

ὑποδεχομένων, occuper la ville par des troupes

Θρασύβουλος Στιριεὺς étrangères. Ils mirent à mort tous


les habitants d'Eleusis et de
ὀνομαζόμενος, ὢν
Salamine, accusés de favoriser les
Ἀθηναῖος, ὑπὸ δὲ τῶν
projets des exilés. Sur ces
τριάκοντα entrefaites un grand nombre de
πεφυγαδευμένος, bannis affluaient au camp de
συνεργούντων αὐτῷ Thrasybule. {Dès que les trente en

λάθρᾳ τῶν Θηβαίων furent informés, ils envoyèrent


auprès de Thrasybule des députés
κατελάβετο τῆς Ἀττικῆς
(42)}, en apparence pour traiter de
χωρίον ὀνομαζόμενον
l'échange des prisonniers, mais en
Φυλήν. Ἦν δὲ τὸ φρούριον
réalité pour lui conseiller
ὀχυρόν τε σφόδρα καὶ τῶν secrètement de disperser le
Ἀθηνῶν ἀπέχον σταδίους rassemblement des exilés, et

ἑκατόν, ὥστε πολλὰς l'engager à partager avec eux le

ἀφορμὰς αὐτοῖς gouvernement, en remplacement


παρέχεσθαι πρὸς τὴν de Théramène; ajoutant qu'ils lui

ἔφοδον. Οἱ δὲ τριάκοντα accordaient la permission de


choisir, à son gré, dix réfugiés, et
τύραννοι πυθόμενοι τὸ
de les reconduire avec lui dans leur
γεγονός, τὸ μὲν πρῶτον
patrie. Thrasybule répondit qu'il
ἐξήγαγον ἐπ´ αὐτοὺς τὴν préférait son exil au pouvoir des
δύναμιν ὡς trente, et qu'il ne cesserait les
πολιορκήσοντες τὸ hostilités que lorsque tous les

χωρίον· πλησίον δὲ τῆς citoyens rentreraient dans leurs


foyers et que le peuple aurait
Φυλῆς αὐτῶν
recouvré son ancienne constitution.
στρατοπεδευόντων
Les trente voyant beaucoup de
ἐπεγενήθη πολὺς νιφετός.
monde se détacher d'eux par la
Καί τινων ἐπιχειρησάντων haine qu'ils inspiraient, pendant
μετασκηνοῦν, οἱ πολλοὶ que le rassemblement des bannis
φεύγειν αὐτοὺς ὑπέλαβον s'accroissait de plus en plus,

καὶ πλησίον τινὰ πολεμίαν envoyèrent des députés à Sparte


pour demander des secours. Les
δύναμιν εἶναι· ἐμπεσόντος
Lacédémoniens firent partir toutes
δὲ εἰς τὸ στρατόπεδον
les troupes qu'ils purent réunir.
θορύβου τοῦ καλουμένου Celles-ci vinrent
Πανικοῦ camper, en rase campagne, près
μετεστρατοπέδευσαν εἰς du bourg des Acharnes.

ἕτερον τόπον. Οἱ δὲ XXXIII. Thrasybule laissa dans


τριάκοντα θεωροῦντες la place une garnison suffisante,

τοὺς πολίτας ἐν Ἀθήναις, s'avança avec les exilés au nombre


de douze cents, et vint ainsi à
ὅσοι μὴ μετεῖχον τῆς τῶν
l'improviste attaquer nuitamment le
τρισχιλίων πολιτείας,
camp des ennemis; il en tua un
μετεώρους ὄντας πρὸς
grand nombre, et répandit la
τὴν κατάλυσιν τῆς terreur parmi le reste de l'armée
δυναστείας, μετῴκισαν qu'il refoula dans Athènes. Après ce
αὐτοὺς εἰς τὸν Πειραιᾶ, combat, Thrasybule se porta sur le

καὶ τοῖς ξενικοῖς ὅπλοις Pirée et s'empara de Munychie,


hauteur fortifiée et laissée sans
διακατεῖχον τὴν πόλιν·
défense. De leur côté, les tyrans
Ἐλευσινίους δὲ καὶ
firent descendre toute leur armée
Σαλαμινίους αἰτιασάμενοι dans le Pirée, et attaquèrent
τὰ τῶν φυγάδων φρονεῖν, Munychie, sous le commandement

ἅπαντας ἀνεῖλον. Τούτων de Critias. Le combat dura


longtemps : les tyrans étaient
δὲ πραττομένων πολλοὶ
supérieurs en forces, mais les
τῶν φυγάδων συνέρρεον
exilés avaient l'avantage d'occuper
πρὸς τοὺς περὶ une position très forte. Enfin,
Θρασύβουλον - - - Critias tomba (43); sa mort
φανερῶς μὲν περί τινων consterna les soldats des trente qui

αἰχμαλώτων se retirèrent alors dans la plaine où


les exilés n'osaient pas les suivre.
διαλεξόμενοι, λάθρᾳ δὲ
Mais comme le nombre de ceux qui
συμβουλεύειν αὐτῷ {τὸ}
vinrent se joindre aux exilés
διαλῦσαι τὸ συνεστηκὸς
grossissait, Thrasybule attaqua
φυγαδικὸν καὶ μεθ´ soudain les ennemis, les défit en
ἑαυτῶν τῆς πόλεως bataille rangée et se rendit maître
δυναστεύειν ἀντὶ du Pirée. Aussitôt une multitude de

Θηραμένους citoyens, impatients de secouer le


joug de la tyrannie, se précipitèrent
προσαιρεθέντα, λαβεῖν δ´
dans le Pirée. Dès que les autres
ἐξουσίαν δέκα τῶν
bannis, disséminés dans les
φυγάδων οὓς ἂν différentes villes de la Grèce,
προαιρῆται κατάγειν εἰς apprirent ce succès de Thrasybule,
τὴν πατρίδα. μὲν ils vinrent tous au Pirée. Les exilés,

Θρασύβουλος ἔφησε dont les forces étaient devenues


ainsi de beaucoup supérieures à
προκρίνειν τὴν ἑαυτοῦ
celles des trente, tentèrent le siége
φυγὴν τῆς τῶν τριάκοντα
de la ville. Cependant les citoyens
δυναστείας, καὶ τὸν
restés dans Athènes déposèrent les
πόλεμον οὐ καταλύσειν, εἰ trente, les expulsèrent de la ville,
μὴ πάντες οἱ πολῖται et revêtirent dix hommes de
κατέλθωσι καὶ τὴν l'autorité souveraine, espérant ainsi

πάτριον πολιτείαν δῆμος pouvoir terminer la guerre à


l'amiable. Mais à peine installés,
ἀπολάβῃ. Οἱ δὲ τριάκοντα
ces dix magistrats, peu soucieux
θεωροῦντες πολλοὺς μὲν
des intérêts de l'État, se
ἀφ´ ἑαυτῶν ἀφισταμένους proclamèrent eux-mêmes tyrans,
διὰ τὸ μῖσος, τοὺς δὲ et firent venir de Lacédémone
φυγάδας ἀεὶ πλείους quarante navires et une troupe de
γινομένους, ἀπέστειλαν mille soldats sous les ordres de

εἰς Σπάρτην πρέσβεις περὶ Lysandre. Mais Pausanias, roi des


Lacédémoniens, jaloux de
βοηθείας, αὐτοὶ δ´ ὅσους
Lysandre, et voyant aussi que
ἠδύναντο πλείστους
Sparte se déshonorait par sa
ἀθροίσαντες ἐν ὑπαίθρῳ conduite aux yeux des Grecs, se
περιεστρατοπέδευσαν mit en campagne avec une forte
περὶ τὰς ὀνομαζομένας armée, se rendit à Athènes et y

Ἀχαρνάς. réconcilia les exilés avec les


citoyens qui étaient restés dans la
[33] δὲ Θρασύβουλος
ville. C'est ainsi que les Athéniens
τὴν ἱκανὴν φυλακὴν τοῦ furent réintégrés dans leur patrie et
χωρίου καταλιπὼν purent se gouverner par leurs
ἐξήγαγε τοὺς φυγάδας, propres lois (44). Ceux qui avaient

ὄντας χιλίους καὶ à craindre quelque châtiment des


injustices qu'ils avaient commises,
διακοσίους· ἐπιθέμενος δὲ
obtinrent la permission d'établir
τῇ τῶν ἐναντίων
leur domicile à Éleusis.
παρεμβολῇ νυκτὸς
XXXIV. Les Éliens, intimidés
ἀπροσδοκήτως καὶ
par la supériorité des
συχνοὺς ἀποκτείνας, τοὺς Lacédémoniens, mirent un terme à
ἄλλους διὰ τὸ παράδοξον la guerre qui avait éclaté entre les
ἐξέπληξε καὶ φυγεῖν εἰς deux nations (45), et ils convinrent

Ἀθήνας ἠνάγκασεν. Μετὰ de livrer aux Lacédémoniens leurs


trirèmes et de laisser les villes
δὲ τὴν μάχην
limitrophes se gouverner par leurs
Θρασύβουλος εὐθὺς μὲν
propres lois. Débarrassés ainsi des
ὥρμησεν ἐπὶ τὸν Πειραιᾶ
entraves de la guerre, les
καὶ κατελάβετο τὴν Lacédémoniens profitèrent de leur
Μουνυχίαν, λόφον ἔρημον loisir pour faire une expédition
καὶ καρτερόν, οἱ δὲ contre les Messéniens, dont les uns

τύραννοι τῇ δυνάμει πάσῃ occupaient une place forte dans l'île


de Céphalonie, et les autres
καταβάντες εἰς τὸν
habitaient, avec l'agrément des
Πειραιᾶ προσέβαλον τῇ
Athéniens, Naupacte, située sur le
Μουνυχίᾳ, Κριτίου τὴν territoire des Locriens occidentaux
ἡγεμονίαν ἔχοντος. Ἐπὶ (46). Les Lacédémoniens les
πολὺν δὲ χρόνον τῆς expulsèrent de ces lieux; ils
μάχης καρτερᾶς rendirent le fort aux habitants de

γενομένης, οἱ μὲν Céphalonie et Naupacte aux


Locriens. Traqués de toutes parts
τύραννοι τοῖς πλήθεσιν
par la haine des Spartiates, les
ὑπερεῖχον, οἱ δὲ φυγάδες
Messéniens sortirent de la Grèce,
τῇ τῶν τόπων ὀχυρότητι. emportant leurs armes; une partie
Τέλος δὲ Κριτίου vint aborder en Sicile et s'engagea
πεσόντος οἱ μετὰ τῶν au service de Denys; les autres

τριάκοντα κατεπλάγησαν passèrent à Cyrène, au nombre


d'environ trois mille hommes, et se
καὶ πρὸς τοὺς
rangèrent du parti des exilés qui s'y
ὁμαλωτέρους τόπους
trouvaient. Dans ce temps, les
κατέφυγον, οὐ τολμώντων
Cyrénéens étaient en proie à des
τῶν φυγάδων εἰς ἐκείνους dissensions intestines, pendant
καταβαίνειν. Μετὰ δὲ lesquelles Ariston et quelques-uns
ταῦτα συχνῶν de ses partisans s'emparèrent de la

ἀφισταμένων πρὸς τοὺς ville. Cinq cents des plus puissants


Cyrénéens y perdirent la vie ;
φυγάδας, οἱ περὶ τὸν
d'autres citoyens, des plus estimés,
Θρασύβουλον ἐξαίφνης
s'exilèrent. Ces bannis, réunis aux
ἐπέθεντο τοῖς ἐναντίοις, Messéniens, marchèrent ensemble
καὶ μάχῃ κρατήσαντες contre ceux qui avaient pris
ἐκυρίευσαν τοῦ Πειραιῶς. possession de la ville. Les

Εὐθὺ δὲ πολλοὶ μὲν τῶν ἐκ Cyrénéens perdirent des deux côtés


beaucoup de monde; les
τῆς πόλεως ἐπιθυμοῦντες
Messéniens restèrent presque tous
ἀπαλλαγῆναι τῆς
sur le champ de bataille. Après
τυραννίδος συνέρρεον εἰς
cette sanglante mêlée, les
τὸν Πειραιᾶ, πάντες δ´ οἱ Cyrénéens s'envoyèrent
κατὰ τὰς πόλεις réciproquement des parlementaires
διερριμμένοι φυγάδες et conclurent la paix. Ils

ἀκούοντες τὰ s'engagèrent par des serments à


oublier le passé, et habitèrent en
προτερήματα τῶν περὶ
commun la ville.A cette époque les
Θρασύβουλον, ἧκον εἰς
Romains envoyèrent des colons à
Πειραιᾶ, καὶ τὸ λοιπὸν ἤδη Vélétri.
πολὺ ταῖς δυνάμεσιν οἱ
XXXV. L'année étant révolue,
φυγάδες ὑπερεῖχον· διὸ Lachès fut nommé archonte
καὶ πολιορκεῖν τὴν πόλιν d'Athènes, à Rome furent investis

ἐπεχείρησαν. Οἱ δ´ ἐν ταῖς de l'autorité consulaire les tribuns


militaires Manius Claudius, Marcus
Ἀθήναις τοὺς μὲν
Quintius, Lucius Julius, Marcus
τριάκοντα τῆς ἀρχῆς
Furius, Lucius Valérius ; et on
παύσαντες ἐκ τῆς πόλεως célébra la XCVe olympiade, où
ἐξέπεμψαν, δέκα δ´ Minos l'Athénien fut vainqueur à la
ἄνδρας κατέστησαν course du stade (47). Dans ce

αὐτοκράτορας, εἰ temps, Artaxerxès, roi de l'Asie,


après la défaite de son frère Cyrus,
δύναιντο, μάλιστα
envoya Pharnabaze (48) prendre le
φιλικῶς διαλύεσθαι τὸν
gouvernement de toutes les
πόλεμον. Οὗτοι δὲ
satrapies maritimes. Les satrapes
παραλαβόντες τὴν ἀρχὴν et les villes qui avaient fourni des
τούτων μὲν ἠμέλησαν, troupes à Cyrus, étaient dans une
ἑαυτοὺς δὲ τυράννους grande anxiété ; car ils craignaient

ἀποδείξαντες ἀπὸ d'être punis de leurs torts envers le


roi. Tous ces satrapes envoyèrent
Λακεδαίμονος
donc des députés à Tissapherne
τετταράκοντα ναῦς
pour lui offrir leurs hommages, et
μετεπέμψαντο καὶ mirent tout en usage pour se
στρατιώτας χιλίους, ὧν concilier sa faveur. Mais Tamos, le
ἦρχε Λύσανδρος. plus considérable d'entre eux, et

Παυσανίας δὲ τῶν gouverneur de l'Ionie, fit


transporter ses richesses sur des
Λακεδαιμονίων βασιλεύς,
trirèmes et s'y embarqua avec tous
φθονῶν μὲν τῷ Λυσάνδρῳ,
ses fils à l'exception d'un seul,
θεωρῶν δὲ τὴν Σπάρτην
nommé Gaüs, qui devint, quelque
ἀδοξοῦσαν παρὰ τοῖς temps après, commandant des
Ἕλλησιν, ἀνέζευξε μετὰ troupes royales. Pour se soustraire
δυνάμεως πολλῆς, καὶ à la vengeance de Tissapherne qu'il

παραγενηθεὶς εἰς Ἀθήνας redoutait, Tamos mit à la voile pour


l'Égypte et se
διήλλαξε τοὺς ἐν τῇ πόλει
réfugia avec sa flotte auprès de
πρὸς τοὺς φυγάδας.
Psammitichus, alors roi des
Διόπερ Ἀθηναῖοι μὲν Egyptiens, et descendant de
ἐκομίσαντο τὴν πατρίδα l'ancien Psammitichus (49).
καὶ τὸ λοιπὸν τοῖς ἰδίοις Comme il avait jadis rendu des
νόμοις ἐπολιτεύοντο, τοῖς services à ce roi, il espérait se

δ´ εὐλαβουμένοις, μή τι trouver auprès de lui comme dans


un port, à l'abri de tout danger.
πάθωσι διὰ τὰ γενόμενα
Mais Psammitichus, oubliant les
κατὰ τὸ συνεχὲς αὐτῶν
services rendus, et violant le droit
ἀδικήματα, τὴν Ἐλευσῖνα sacré de l'hospitalité, fit égorger
κατοικεῖν συνεχώρησαν. son hôte et son ami avec tous ses

[34] Ἠλεῖοι δὲ enfants, et s'empara de la flotte


avec les richesses qu'elle
φοβηθέντες τὴν τῶν
contenait.Les villes grecques de
Λακεδαιμονίων ὑπεροχήν,
l'Asie, apprenant l'arrivée de
κατέλυσαν τὸν πρὸς Tissapherne, tremblaient pour leur
αὐτοὺς πόλεμον, ἐφ´ τὰς existence; elles envoyèrent des
τριήρεις δοῦναι députés aux Lacédémoniens pour

Λακεδαιμονίοις καὶ τὰς les supplier de ne point rester


spectateurs indifférents à la ruine
περιοικούσας πόλεις
dont elles étaient menacées par les
αὐτονόμους ἀφεῖναι.
Barbares. Les Lacédémoniens leur
Λακεδαιμόνιοι δὲ
promirent des secours en même
καταλελυκότες τοὺς temps qu'ils dépêchèrent auprès de
πολέμους καὶ σχολὴν Tissapherne une députation pour

ἔχοντες ἐστράτευσαν ἐπὶ l'engager à ne point porter les

Μεσσηνίους, ὧν οἱ μὲν ἐν armes contre les villes grecques.


Mais déjà Tissapherne avait fait
Κεφαλληνίᾳ φρούριόν τι
avancer des troupes contre la ville
κατῴκουν, οἱ δὲ
de Cymes, en avait ravagé tout le
Ναύπακτον ἐν τοῖς territoire, et enlevé un grand
προσεσπερίοις λεγομένοις nombre de prisonniers. Après cela,
Λοκροῖς, δόντων il refoula les habitants dans la ville

Ἀθηναίων. Ἐκβαλόντες δ´ qu'il assiégea. Mais comme il ne


réussissait pas à s'en rendre
αὐτοὺς ἐκ τῶν τόπων
maître, et que l'hiver approchait, il
ἀπέδωκαν τὰ φρούρια, τὸ
leva le siége et rendit les
μὲν τοῖς τὴν Κεφαλληνίαν
prisonniers pour de fortes rançons.
οἰκοῦσι, τὸ δὲ τοῖς
XXXVI. Les Lacédémoniens
Λοκροῖς. Οἱ δὲ Μεσσήνιοι déclarèrent donc la guerre au roi,
διὰ τὸ παλαιὸν πρὸς τοὺς et firent marcher contre lui mille
Σπαρτιάτας μῖσος citoyens sous les ordres de
πανταχόθεν ἐλαυνόμενοι, Thimbron, qui était autorisé à lever

μετὰ τῶν ὅπλων autant de troupes auxiliaires qu'il


jugeait convenable. Thimbron se
ἀπηλλάγησαν ἐκ τῆς
rendit à Corinthe, et après y avoir
Ἑλλάδος, καὶ τινὲς μὲν
rassemblé tous les soldats envoyés
αὐτῶν πλεύσαντες εἰς par les alliés, il s'embarqua pour
Σικελίαν ἐγένοντο Ephèse, ayant avec lui au moins
Διονυσίου μισθοφόροι, cinq mille hommes. Là, il enrôla

τινὲς δ´ εἰς Κυρήνην environ deux mille hommes tirés,


tant des villes soumises à Sparte,
ἔπλευσαν, περὶ
que des autres villes
τρισχιλίους ὄντες, καὶ
indépendantes, et ouvrit la
μετὰ τῶν ἐκεῖ φυγάδων
campagne avec plus de sept mille
ἐτάχθησαν. Οἱ γὰρ hommes. Après environ cent vingt
Κυρηναῖοι κατ´ ἐκεῖνον stades de marche (50), il arriva à
τὸν καιρὸν ἐν ταραχῇ Magnésie, ville gouvernée par

καθειστήκεισαν, Tissapherne; et l'ayant prise


d'emblée, il se porta promptement
Ἀρίστωνος καί τινων
sur Tralles d'Ionie, et en tenta le
ἑτέρων κατειληφότων τὴν
siége. Mais, comme il ne parvint
πόλιν. Προσφάτως μὲν pas à se rendre maître de cette
πεντακόσιοι οἱ ville, qui était très fortifiée, il
δυνατώτατοι τῶν retourna à Magnésie. Cette

Κυρηναίων ἀνῄρηντο, τῶν dernière ville n'étant point fortifiée,


et craignant qu'après son départ
δ´ ἄλλων ἐπεφεύγεισαν οἱ
Tissapherne ne vînt à s'en
χαριέστατοι. Οὐ μὴν ἀλλ´
emparer, Thimbron la transporta
οἱ φυγάδες
sur une montagne voisine qu'on
προσλαμβανόμενοι τοὺς appelle Thorax. Lui-même,
Μεσσηνίους παρετάξαντο envahissant le territoire des
πρὸς τοὺς τὴν πόλιν ennemis, procura à ses soldats

κατειληφότας, καὶ τῶν toutes sortes de provisions en


abondance ; mais lorsque
μὲν Κυρηναίων πολλοὶ παρ
Tissapherne parut avec une
´ ἀμφοτέροις ἔπεσον, οἱ
nombreuse cavalerie, Thimhron,
δὲ Μεσσήνιοι σχεδὸν redoutant un engagement, se retira
ἅπαντες ἀνῃρέθησαν. à Ephèse.
Μετὰ δὲ τὴν παράταξιν οἱ XXXVII. A cette même époque,
Κυρηναῖοι πρὸς ἀλλήλους les Grecs qui avaient pris part à

διαπρεσβευσάμενοι l'expédition de Cyrus, parvinrent


heureusement dans leur pays et
διηλλάγησαν, καὶ
rentrèrent en partie dans leurs
παραχρῆμα
foyers. Mais la plupart, au nombre
ὁρκωμοτήσαντες μὴ de près de cinq mille hommes
μνησικακήσειν, κοινῇ τὴν accoutumés à la vie des camps,
πόλιν κατῴκησαν. Περὶ δὲ élurent pour chef Xénophon qui les

τοὺς αὐτοὺς χρόνους mena faire la guerre aux Thraces,


habitant les environs du golfe
Ῥωμαῖοι προσέθηκαν
Salmydesse. Ce golfe est situé à la
οἰκήτορας εἰς τὰς
gauche du Pont-Euxin; il s'avance
ὀνομαζομένας Οὐελίτρας.
profondément dans le continent;
[35] Τοῦ δ´ ἔτους beaucoup de navires y échouent.

τούτου διελθόντος Les Thraces, passant leur vie dans


ces parages, guettent les
Ἀθήνησι μὲν ἦρχε Λάχης,
marchands naufragés et les font
ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ τὴν ὕπατον
prisonniers. Xénophon pénétra
ἀρχὴν διῴκουν χιλίαρχοι,
avec son armée dans le pays de
Μάνιος Κλώδιος, Μάρκος ces Thraces, les défit dans un
Κοΐντιος, Λεύκιος Ἰούλιος, combat, et incendia la plupart de

Μάρκος Φούριος, Λεύκιος leurs villages. Thimhron invita ces

Οὐαλέριος, ἐγενήθη δὲ καὶ Grecs à accepter une solde dans


son armée. Ceux-ci s'y rendirent et
ὀλυμπιὰς πέμπτη πρὸς
firent avec les Lacédémoniens la
ταῖς ἐνενήκοντα, καθ´ ἣν
guerre contre les Perses.
ἐνίκα στάδιον Μίνως
Pendant que ces choses se
Ἀθηναῖος. Κατὰ δὲ
passaient, Denys fonda en Sicile,
τούτους τοὺς χρόνους au pied de l'Etna, une ville à
Ἀρταξέρξης μὲν τῆς laquelle il donna le nom
Ἀσίας βασιλεὺς d'Adranum, d'après celui d'un

καταπεπολεμηκὼς Κῦρον temple célèbre.

ἀπεστάλκει Τισσαφέρνην Dans cette même année

παραληψόμενον πάσας mourut en Macédoine le roi


Archélaüs, à la suite d'une blessure
τὰς ἐπὶ θαλάττῃ
que Crater, son favori, lui avait
σατραπείας. Διόπερ οἱ
involontairement portée dans une
Κύρῳ συμμαχήσαντες
σατράπαι καὶ πόλεις ἐν chasse. Il avait régné sept ans.

ἀγωνίᾳ πολλῇ Oreste, encore fort jeune, lui


succéda. Celui-ci fut assassiné par
καθειστήκεισαν, μήποτε
Aëropus, son tuteur, qui usurpa le
δῶσι τιμωρίαν ὑπὲρ ὧν
trône pendant six ans.
ἐξήμαρτον εἰς τὸν
Dans Athènes, Socrate le
βασιλέα. Οἱ μὲν οὖν ἄλλοι
philosophe, accusé par Anytus et
σατράπαι Mélitus d'impiété et de corrompre
διαπρεσβευσάμενοι πρὸς les jeunes gens, fut condamné à
Τισσαφέρνην mort et mourut en buvant la ciguë

ἐξεθεράπευον καὶ τὰ καθ´ (51). Cette sentence ayant été


reconnue injuste, le peuple se
αὑτοὺς ἐτίθεντο πρὸς
repentit d'avoir laissé tuer un tel
αὐτόν, ὅπως ποτ´ ἦσαν
homme. Vivement irrité contre les
δυνατοί· Ταμὼς δέ,
accusateurs, il les livra, sans
μέγιστος ὢν αὐτῶν καὶ jugement, au dernier supplice.
τῆς Ἰωνίας ἀφηγούμενος,
XXXVIII. L'année étant
εἰς τὰς τριήρεις ἐνέθετο révolue, Aristocrates fut nommé
τὰ χρήματα καὶ τοὺς archonte d'Athènes, et les Romains

υἱοὺς ἅπαντας πλὴν ἑνὸς élurent, au lieu de consuls, six


tribuns militaires, Caïus Servilius,
τοῦ καλουμένου μὲν Γλοῦ,
Lucius Verginius, Quintus Sulpicius,
μετὰ δέ τινας χρόνους
Aulus Manlius, Claudius Capitolinus
ἀφηγησαμένου τῶν
et Marcus Ancus (52). Les
βασιλικῶν δυνάμεων. Lacédémoniens informés que
Εὐλαβηθεὶς οὖν Ταμὼς Thimbron conduisait mal la guerre,
τὸν Τισσαφέρνην ἀπῆρεν le remplacèrent dans le

εἰς Αἴγυπτον μετὰ τοῦ commandement par Dercyllidas,


qui fut envoyé en Asie. Ce général
στόλου, καὶ κατέφυγε
se mit à la tête de l'armée, et
πρὸς Ψαμμήτιχον τὸν
marcha contre les villes de la
βασιλέα τῶν Αἰγυπτίων,
Troade. Il prit d'emblée
ἀπόγονον ὄντα τοῦ Hamexitum, Colones et Arisbe;
Ψαμμητίχου. Οὔσης δ´ après ce premier succès, il se porta

αὐτῷ προγεγενημένης sur Ilium, Cébrénie et toutes les


autres villes de la Troade; il prit les
εὐεργεσίας εἰς τὸν
unes par la ruse, les autres par la
βασιλέα, διελάμβανε
τοῦτον ἕξειν οἷόν τινα force. Après cela, il conclut avec

λιμένα τῶν ἀπὸ τοῦ Pharnabaze une trêve de huit mois


et entreprit une expédition contre
βασιλέως κινδύνων. δὲ
les Thraces qui habitaient alors la
Ψαμμήτιχος τήν τε
Bithynie. Après avoir dévasté leur
εὐεργεσίαν καὶ τὸ πρὸς territoire, il ramena son armée
τοὺς ἱκέτας ὅσιον παρ´ dans les quartiers d'hiver.
οὐδὲν ἡγησάμενος Cependant, des troubles ayant

ἀπέσφαξε τὸν ἱκέτην καὶ éclaté à Héraclée, en Trachinie, les


Lacédémoniens envoyèrent Eripidas
φίλον μετὰ τῶν τέκνων,
pour calmer les esprits. Arrivé à
ὅπως τῶν τε χρημάτων
Héraclée, Eripidas convoqua une
καὶ τοῦ στόλου γένηται
assemblée générale, et, ayant
κύριος. Αἱ δὲ κατὰ τὴν entouré le peuple d'hommes
Ἀσίαν Ἑλληνίδες πόλεις armés, il saisit les auteurs de
πυνθανόμεναι τὴν τοῦ l'insurrection et les fit tous mourir,

Τισσαφέρνους κατάβασιν, au nombre d'environ cinq cents.


Les habitants du mont OEta
περὶ σφῶν ἀγωνιῶσαι
s'étaient également révoltés.
πρὸς Λακεδαιμονίους
Eripidas marcha contre les rebelles,
ἔπεμψαν πρέσβεις, leur fit beaucoup de mal et les
δεόμεναι μὴ περιιδεῖν força à quitter le pays. La plupart
ἑαυτὰς ὑπὸ τῶν d'entre eux se réfugièrent en

βαρβάρων ἀναστάτους Thessalie avec leurs enfants et


leurs femmes; cinq ans après; ils
γινομένας. Οἱ δὲ
furent transportés en Béotie.
Λακεδαιμόνιοι βοηθήσειν
Pendant que ces événements
ἐπαγγειλάμενοι, πρὸς
avaient lieu, les Thraces
Τισσαφέρνην ἔπεμψαν pénétraient en masse dans la
πρέσβεις τοὺς ἐροῦντας Chersonèse, ravageaient toute la
μὴ ὅπλα πολέμια ἐπιφέρειν campagne et tenaient les habitants

ταῖς Ἑλληνίσι πόλεσιν. renfermés dans les murs des villes.


Les Chersonésites, ainsi assiégés,
Τισσαφέρνης δὲ μετὰ
firent venir de l'Asie Dercyllidas le
δυνάμεως ἐπὶ πρώτην
Lacédémonien. Celui-ci arriva avec
ἐλθὼν τὴν Κυμαίων πόλιν son armée et chassa les Thraces de
τήν τε χώραν ἐπόρθησεν la Chersonèse, qu'il fortifia par un
ἅπασαν καὶ πολλῶν mur s'étendant d'une mer à l'autre.
αἰχμαλώτων ἐγκρατὴς Par ce moyen, il mit un terme aux

ἐγένετο· μετὰ δὲ ταῦτα incursions des Thraces. Il fut


comblé de présents, et repassa
συγκλείσας αὐτοὺς εἰς
avec son armée en Asie.
πολιορκίαν, ὡς μὲν
XXXIX. Pendant que durait la
χειμὼν συνήγγισε, τὴν δὲ
trêve conclue avec les
πόλιν ἑλεῖν οὐκ ἠδύνατο,
Lacédémoniens, Pharnabaze se
τοὺς αἰχμαλώτους πολλῶν rendit auprès du roi et le persuada
χρημάτων ἀπελύτρωσε d'équiper une flotte et d'en donner
καὶ τὴν πολιορκίαν le commandement à Conon

ἔλυσεν. l'Athénien. Celui-ci était, en effet,


très expérimenté dans l'art militaire
[36] Λακεδαιμόνιοι δὲ
et avait une exacte connaissance
ἐπὶ τὸν πρὸς βασιλέα des ennemis. Ce militaire si
πόλεμον Θίβρωνα renommé demeurait alors en
καταστήσαντες ἡγεμόνα Cypre, chez le roi Evagoras.

χιλίους μὲν τῶν πολιτῶν Artaxerxès goûta ce conseil et


accorda à Pharnabaze cinq cents
ἔδωκαν, παρὰ δὲ τῶν
talents d'argent (53) pour
συμμάχων ἐκέλευσαν
l'équipement d'une flotte. Abordant
στρατολογεῖν ὅσους ἂν dans l'île de Cypre, Pharnabaze
αὐτῷ φαίνηται συμφέρειν. enjoignit aux divers souverains de
δὲ Θίβρων πορευθεὶς εἰς cette île de lui fournir cent

Κόρινθον, κἀκεῖ παρὰ τῶν trirèmes; et, s'étant entretenu avec


Conon au sujet du commandement,
συμμάχων
il le nomma chef des forces
μεταπεμψάμενος
maritimes et lui fit entrevoir, de la
στρατιώτας, ἐξέπλευσεν
part du roi, de grandes
εἰς Ἔφεσον ἔχων οὐ récompenses. Conon accepta l'offre
πλείους πεντακισχιλίων. de Pharnabaze; car il se flattait en
Ἐκεῖ δὲ ἔκ τε τῶν ἰδίων abaissant les Lacédémoniens, de

πόλεων καὶ τῶν ἄλλων ὡς relever la puissance de sa patrie, et


d'acquérir en même temps une
δισχιλίους καταγράψας,
immense gloire. Toute la flotte
ἀνέζευξε τοὺς πάντας
n'était pas encore prête, lorsque
ἔχων πλείους Conon mit en mer avec quarante
ἑπτακισχιλίων. Διελθὼν δ´ navires, et vint aborder en Cilicie
ὡς ἑκατὸν εἴκοσι où il acheva tous les préparatifs de
σταδίους πρὸς Μαγνησίαν guerre. De leur côté, Pharnabaze et

ἧκεν, ἧς ἦρχε Tissapherne, réunissant les troupes


de leurs satrapies, ouvrirent la
Τισσαφέρνης· ταύτην δ´
campagne en marchant sur Ephèse
ἐξ ἐφόδου παραλαβών, καὶ
où l'ennemi tenait son armée. Les
ταχέως ἐπὶ Τράλλεις τῆς deux généraux perses étaient
Ἰωνίας πορευθείς, suivis de vingt mille fantassins et
ἐπεχείρησε πολιορκεῖν τὴν de dix mille cavaliers. Instruit de

πόλιν· οὐδὲν δὲ δυνάμενος l'approche des Perses, Dercyllidas,


commandant des Lacédémoniens,
πρᾶξαι δι´ ὀχυρότητα,
fit avancer toutes ses troupes qui
πάλιν εἰς Μαγνησίαν
ne dépassaient pas sept mille
ἀπεχώρησεν. Ταύτης δ´
hommes. Lorsque les deux armées
οὔσης ἀτειχίστου, καὶ διὰ se trouvèrent en face l'une de
τοῦτο φοβούμενος μήποτε l'autre, les chefs, au lieu de
χωρισθέντος αὐτοῦ combattre, conclurent un armistice

κυριεύσῃ τῆς πόλεως et fixèrent un terme pendant lequel


Pharnabaze devait envoyer prendre
Τισσαφέρνης, μετῴκισεν
les ordres du roi relativement à un
αὐτὴν πρὸς τὸ πλησίον
traité de paix définitif, et
ὄρος, καλοῦσι Θώρακα· Dercyllidas, de son côté, en référa
αὐτὸς δ´ ἐμβαλὼν εἰς τὴν aux Spartiates. Ce fut ainsi que les
τῶν πολεμίων χώραν τοὺς deux armées furent congédiées.

στρατιώτας ἐνέπλησε XL. {Reprenons l'histoire de la


παντοίας ὠφελείας. Sicile.} Les habitants de Rhégium,

Τισσαφέρνους δὲ μετὰ colonie des Chalcidiens, voyaient


de mauvais oeil l'augmentation du
πολλῆς ἵππου
pouvoir de Denys. Ce dernier avait
παραγενομένου
réduit en esclavage les Naxiens et
διευλαβηθεὶς ἀνέστρεψεν
les Cataniens, de même origine que
εἰς Ἔφεσον. les Rhégiens. Ceux-ci, craignant de

[37] Περὶ δὲ τὸν αὐτὸν subir le même sort, éprouvèrent la


plus vive inquiétude à la vue da ces
χρόνον τῶν
événements. Ils résolurent donc de
ἐστρατευμένων μετὰ
marcher promptement contre le
Κύρου καὶ διασωθέντων tyran avant qu'il se fût
εἰς τὴν Ἑλλάδα τινὲς μὲν complétement affermi dans son
εἰς τὰς ἰδίας πατρίδας autorité. Les Syracusains, qui
ἀπηλλάγησαν, οἱ δὲ avaient été exilés par Denys,

πλεῖστοι στρατιωτικὸν secondèrent puissamment les


Rhégiens dans cette entreprise.
εἰθισμένοι ζῆν βίον, καὶ
Dans ce temps, la plupart de ces
σχεδὸν ὄντες
exilés demeuraient à Rhégium et
πεντακισχίλιοι, στρατηγὸν ne cessaient de dire dans leurs
αὑτῶν εἵλαντο conversations, que tous les
Ξενοφῶντα. Ὃς ἀναλαβὼν Syracusains n'attendaient qu'un

τὴν δύναμιν ὥρμησε moment propice pour se soulever


contre le tyran. Enfin, les Rhégiens
πολεμήσων Θρᾷκας τοὺς
nommèrent des généraux et les
περὶ τὸν Σαλμυδησσὸν
firent partir avec six mille hommes
οἰκοῦντας· οὗτος δ´ ἔστι
d'infanterie, six cents chevaux et
μὲν ἐπ´ ἀριστερᾷ τοῦ cinquante trirèmes. Les généraux
Πόντου, παρεκτείνων δ´ passèrent le détroit et vinrent
ἐπὶ πολὺ πλεῖστα ποιεῖ engager les chefs des Messiniens à

ναυάγια. Οἱ μὲν οὖν prendre part à la guerre, en leur


faisant comprendre combien il
Θρᾷκες εἰώθεισαν περὶ
serait affreux de laisser détruire
τούτους τοὺς τόπους
par le tyran les villes grecques
ἐφεδρεύοντες τοὺς d'alentour. Les généraux de
ἐκπίπτοντας τῶν ἐμπόρων Messine, ainsi entraînés par les
αἰχμαλωτίζειν· δὲ Rhégiens, mirent leurs forces en

Ξενοφῶν μετὰ τῶν mouvement, sans prendre l'avis du


peuple. Ces forces consistaient en
συνηθροισμένων
quatre mille hommes d'infanterie,
στρατιωτῶν ἐμβαλὼν
quatre cents chevaux et trente
αὐτῶν εἰς τὴν χώραν
trirèmes. A leur arrivée aux
μάχῃ τε ἐνίκησε καὶ τὰς frontières du territoire de Messine,
πλείστας τῶν κωμῶν les soldats s'insurgèrent à
ἐνέπρησεν· μετὰ δὲ ταῦτα l'instigation de Laomédon le

Θίβρωνος αὐτοὺς Messinien. Cet orateur populaire


leur conseillait de ne point
μεταπεμπομένου καὶ
commencer la guerre contre Denys
μισθοὺς ἐπαγγελλομένου
qui ne leur avait fait aucun mal.
δώσειν, πρὸς ἐκεῖνον Les soldats de Messine se laissèrent
ἀπεχώρησαν καὶ μετὰ aussitôt persuader ; et comme la
Λακεδαιμονίων ἐπολέμουν guerre n'avait point été décrétée
τοῖς Πέρσαις. par le peuple, ils abandonnèrent
leurs généraux et retournèrent
Τούτων δὲ
dans leur patrie. Les Rhégiens
πραττομένων Διονύσιος
n'étant pas de force à soutenir
μὲν ἐν τῇ Σικελίᾳ πόλιν seuls la guerre, imitèrent l'exemple
ἔκτισεν ὑπ´ αὐτὸν τὸν τῆς des Messiniens, levèrent le camp et

Αἴτνης λόφον, καὶ ἀπό revinrent promptement à Rhégium.

τινος ἐπιφανοῦς ἱεροῦ A la première nouvelle de cette


expédition, Denys avait conduit son
προσηγόρευσεν αὐτὴν
armée jusqu'aux frontières du
Ἄδρανον.
territoire de Syracuse, et se tenait
Κατὰ δὲ τὴν prêt à recevoir l'attaque des

Μακεδονίαν Ἀρχέλαος ennemis. Mais, lorsqu'il apprit leur


départ, il ramena son armée à
βασιλεὺς ἔν τινι κυνηγίῳ
Syracuse. Les Rhégiens et les
πληγεὶς ἀκουσίως ὑπὸ
Messiniens envoyèrent des
Κρατεροῦ τοῦ ἐρωμένου
parlementaires. Denys, jugeant
τὸν βίον μετήλλαξε, qu'il serait de son intérêt de faire
βασιλεύσας ἔτη ἑπτά· τὴν cesser les hostilités, conclut avec
δ´ ἀρχὴν διεδέξατο les deux villes un traité de paix.

Ὀρέστης παῖς ὤν, ὃν


ἀνελὼν Ἀέροπος
ἐπίτροπος ὢν κατέσχε τὴν
βασιλείαν ἔτη ἕξ.

Ἀθήνησι δὲ Σωκράτης
φιλόσοφος ὑπ´ Ἀνύτου καὶ
Μελήτου κατηγορηθεὶς ἐπ
´ ἀσεβείᾳ καὶ φθορᾷ τῶν
νέων, θανάτῳ
κατεδικάσθη καὶ πιὼν
κώνειον ἐτελεύτησεν.
Ἀδίκου δὲ τῆς κατηγορίας
γεγενημένης δῆμος
μετεμελήθη, τηλικοῦτον
ἄνδρα θεωρῶν
ἀνῃρημένον· διόπερ τοὺς
κατηγορήσαντας δι´
ὀργῆς εἶχε καὶ τέλος
ἀκρίτους ἀπέκτεινεν.

[38] Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου


χρόνου διεληλυθότος
Ἀθήνησι μὲν τὴν ἀρχὴν
Ἀριστοκράτης παρέλαβεν,
ἐν Ῥώμῃ δὲ τὴν ὑπατικὴν
ἀρχὴν ἓξ χιλίαρχοι
διεδέξαντο, Γάιος
Σερουίλιος καὶ Λούκιος
Οὐεργίνιος, Κόιντος
Σουλπίκιος, Αὖλος
Μουτίλιος, Μάνιος
Σέργιος. Τούτων δὲ τὴν
ἀρχὴν παρειληφότων
Λακεδαιμόνιοι πυθόμενοι
τὸν Θίβρωνα κακῶς
διοικοῦντα τὰ κατὰ τὸν
πόλεμον, Δερκυλίδαν
στρατηγὸν εἰς τὴν Ἀσίαν
ἐξέπεμψαν· ὃς παραλαβὼν
τὴν δύναμιν ἐστράτευσεν
ἐπὶ τὰς ἐν τῇ Τρῳάδι
πόλεις. Ἁμάξιτον μὲν οὖν
καὶ Κολώνας καὶ Ἀρίσβαν
εἷλεν ἐξ ἐφόδου· μετὰ δὲ
ταῦτα Ἴλιον καὶ
Κεβρηνίαν καὶ τὰς ἄλλας
ἁπάσας τὰς κατὰ τὴν
Τρῳάδα ἃς μὲν δόλῳ
παρέλαβεν, ἃς δ´ ἐκ βίας
ἐχειρώσατο. Μετὰ δὲ
ταῦτα πρὸς Φαρνάβαζον
ὀκταμηνιαίους ἀνοχὰς
ποιησάμενος,
ἐστράτευσεν ἐπὶ Θρᾷκας
τοὺς περὶ Βιθυνίαν τότε
κατοικοῦντας· πορθήσας
δ´ αὐτῶν τὴν χώραν
ἀπήγαγε τὴν δύναμιν εἰς
παραχειμασίαν. Ἐν
Ἡρακλείᾳ δὲ τῇ περὶ
Τραχῖνα στάσεως
γενομένης, Ἡριππίδαν
ἐξέπεμψαν Λακεδαιμόνιοι
καταστήσοντα τὰ
πράγματα. Ὃς
παραγενόμενος εἰς
Ἡράκλειαν συνήγαγεν εἰς
ἐκκλησίαν τὰ πλήθη, καὶ
περιστήσας ἐν τοῖς ὅπλοις
συνέλαβε τοὺς αἰτίους καὶ
πάντας ἀνεῖλεν, ὄντας
περὶ πεντακοσίους. Τῶν δὲ
περὶ τὴν Οἴτην
κατοικούντων
ἀποστάντων ἐπολέμησεν
αὐτοῖς, καὶ πολλοῖς
περιβαλὼν κακοῖς
ἠνάγκασεν ἐκλιπεῖν τὴν
χώραν· ὧν οἱ πλεῖστοι
μετὰ τῶν τέκνων καὶ
γυναικῶν ἔφυγον εἰς
Θεσσαλίαν, καὶ μετὰ
πέντε ἔτη κατήχθησαν
ὑπὸ Βοιωτῶν. Τούτων δὲ
πραττομένων Θρᾷκες
πολλοῖς πλήθεσιν
ἐνέβαλον εἰς τὴν
Χερρόνησον, καὶ τὴν
χώραν πᾶσαν
πορθήσαντες τειχήρεις
συνεῖχον τὰς ἐν αὐτῇ
πόλεις. Οἱ δὲ
Χερρονησῖται πιεζόμενοι
τῷ πολέμῳ μετεπέμψαντο
Δερκυλίδαν τὸν
Λακεδαιμόνιον ἐκ τῆς
Ἀσίας. Οὗτος δὲ διαβὰς
μετὰ τῆς δυνάμεως τοὺς
μὲν Θρᾷκας ἐξήλασεν ἐκ
τῆς χώρας, τὴν δὲ
Χερρόνησον ἀπὸ
θαλάττης ἀρξάμενος
μέχρι θαλάττης
διετείχισεν. Τοῦτο δὲ
πράξας τοὺς μὲν Θρᾷκας
ἐκώλυσε τῆς εἰς τὸν μετὰ
ταῦτα χρόνον
καταδρομῆς, αὐτὸς δὲ
μεγάλαις δωρεαῖς
τιμηθεὶς διεβίβασε τὸ
στρατόπεδον εἰς τὴν
Ἀσίαν.

[39] Φαρνάβαζος δὲ
τῶν πρὸς Λακεδαιμονίους
ἀνοχῶν γενομένων ἀνέβη
πρὸς τὸν βασιλέα, καὶ
συνέπεισεν αὐτὸν στόλον
ἑτοιμάσαι καὶ ναύαρχον
ἐπιστῆσαι Κόνωνα τὸν
Ἀθηναῖον· οὗτος γὰρ ἦν
ἔμπειρος τῶν κατὰ
πόλεμον ἀγώνων, καὶ
μάλιστα τῶν πολεμίων·
πολεμικώτατος δ´ ὢν ἐν
Κύπρῳ διέτριβε παρ´
Εὐαγόρᾳ τῷ βασιλεῖ.
Πεισθέντος δὲ τοῦ
βασιλέως, Φαρνάβαζος
λαβὼν ἀργυρίου τάλαντα
πεντακόσια
παρεσκευάζετο
κατασκευάζειν ναυτικόν.
Διαπλεύσας οὖν εἰς
Κύπρον τοῖς μὲν ἐκεῖ
βασιλεῦσι παρήγγειλεν
ἑκατὸν τριήρεις
ἑτοιμάζειν, τῷ δὲ Κόνωνι
περὶ τῆς ναυαρχίας
διαλεχθεὶς ἐπέστησεν
αὐτὸν ἐπὶ τὴν θάλατταν
ἡγεμόνα, μεγάλας
ὑποφαίνων παρὰ τοῦ
βασιλέως ἐλπίδας. δὲ
Κόνων ἅμα μὲν ἐλπίζων
ἀνακτήσεσθαι τῇ πατρίδι
τὴν ἡγεμονίαν, εἰ
Λακεδαιμόνιοι
καταπολεμηθεῖεν, ἅμα δ´
αὐτὸς μεγάλης τεύξεσθαι
δόξης, προσεδέξατο τὴν
ναυαρχίαν. Οὔπω δὲ τοῦ
στόλου παντὸς
παρεσκευασμένου, τὰς
ἑτοίμους ναῦς
τετταράκοντα λαβὼν
διέπλευσεν εἰς Κιλικίαν,
κἀκεῖ τὰ πρὸς τὸν
πόλεμον ἡτοιμάζετο.
Φαρνάβαζος δὲ καὶ
Τισσαφέρνης ἐκ τῶν ἰδίων
σατραπειῶν ἀθροίσαντες
στρατιώτας ἀνέζευξαν,
ἐπὶ τῆς Ἐφέσου τὴν
πορείαν ποιούμενοι διὰ τὸ
τοὺς πολεμίους ἔχειν
ἐνταῦθα τὴν δύναμιν. Καὶ
συνηκολούθουν αὐτοῖς
πεζοὶ μὲν δισμύριοι, ἱππεῖς
δὲ μύριοι. Ἀκούων δὲ τῶν
Περσῶν τὴν ἔφοδον
Δερκυλίδας τῶν
Λακεδαιμονίων
ἀφηγούμενος ἐξήγαγε τὴν
δύναμιν, ἔχων τοὺς
πάντας οὐ πλείους τῶν
ἑπτακισχιλίων. Ὡς δ´
ἐγγὺς ἀλλήλων ἐγενήθη
τὰ στρατόπεδα, σπονδὰς
ἐποιήσαντο καὶ χρόνον
ὥρισαν, ἐν Φαρνάβαζος
μὲν πρὸς τὸν βασιλέα
πέμψει περὶ συνθηκῶν, εἰ
βούλοιτο καταλῦσαι τὸν
πόλεμον, Δερκυλίδας δὲ
τοῖς Σπαρτιάταις δηλώσει
περὶ τούτων. Οὗτοι μὲν
οὖν οὕτω διέλυσαν τὰ
στρατόπεδα.

[40] Ῥηγῖνοι δὲ
Χαλκιδέων ὄντες ἄποικοι
τὴν αὔξησιν τοῦ Διονυσίου
χαλεπῶς ἑώρων. Ναξίους
μὲν γὰρ καὶ Καταναίους
συγγενεῖς ὄντας
ἐξηνδραποδίσατο, τοῖς δὲ
Ῥηγίνοις, γένουϲ τοῦ
αὐτοῦ μετέχουσι τοῖς
ἠτυχηκόσιν, οὐ τὴν
τυχοῦσαν ἀγωνίαν
παρεῖχε τὸ γεγονός,
πάντων εὐλαβουμένων μὴ
ταῖς αὐταῖς συμφοραῖς
περιπέσωσιν.Ἔδοξεν οὖν
αὐτοῖς, πρὶν τελείως
ἰσχυρὸν γενέσθαι τὸν
τύραννον, στρατεύειν ἐπ´
αὐτὸν κατὰ τάχος. Παρὰ
τοῦ Ῥηγίνου λαβόντας
πρὸς τὸν πόλεμον οὐκ
ἐλάχιστα καὶ οἱ
φυγαδευθέντες τῶν
Συρακοσίων ὑπὸ
Διονυσίου· τότε γὰρ οἱ
πλεῖστοι διατρίβοντες ἐν
Ῥηγίῳ διετέλουν περὶ
τούτων διαλεγόμενοι,
διδάσκοντες ὅτι
συνεπιθήσονται τῷ καιρῷ
πάντες οἱ Συρακόσιοι.
Τέλος δὲ καταστήσαντες
στρατηγούς, ἐξέπεμψαν
μετ´ αὐτῶν πεζοὺς μὲν
ἑξακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ
ἑξακοσίους, τριήρεις δὲ
πεντήκοντα. Οὗτοι δὲ
διαπλεύσαντες τὸν
πορθμὸν ἔπεισαν τοὺς τῶν
Μεσσηνίων στρατηγοὺς
κοινωνῆσαι τοῦ πολέμου,
φάσκοντες δεινὸν εἶναι
περιιδεῖν ἀστυγείτονας
Ἑλληνίδας πόλεις ἄρδην
ἀνῃρημένας ὑπὸ τοῦ
τυράννου. Οἱ μὲν οὖν
στρατηγοὶ πεισθέντες
τοῖς Ῥηγίνοις ἄνευ τῆς
τοῦ δήμου γνώμης
ἐξήγαγον τοὺς
στρατιώτας· ἦσαν δ´
οὗτοι πεζοὶ μὲν
τετρακισχίλιοι, ἱππεῖς δὲ
τετρακόσιοι, τριήρεις δὲ
τριάκοντα. Ἐπεὶ δὲ
προῆλθον αἱ προειρημέναι
δυνάμεις πρὸς τοὺς ὅρους
τῆς Μεσσήνης, ἐνέπεσεν
εἰς τοὺς στρατιώτας
στάσις, Λαομέδοντος τοῦ
Μεσσηνίου
δημηγορήσαντος· οὗτος
γὰρ συνεβούλευε μὴ
κατάρχεσθαι πολέμου
πρὸς τὸν Διονύσιον μηδὲν
αὐτοὺς ἠδικηκότα. Οἱ μὲν
οὖν τῶν Μεσσηνίων
στρατιῶται, τὸν πόλεμον
οὐκ ἐπικεκυρωκότος τοῦ
δήμου, παραχρῆμ´
ἐπείσθησαν, καὶ τοὺς
στρατηγοὺς καταλιπόντες
ἀνέκαμψαν εἰς τὴν
πατρίδα· Ῥηγῖνοι δ´ οὐκ
ὄντες ἀξιόμαχοι καθ´
ἑαυτούς, ἐπειδὴ τοὺς
Μεσσηνίους ἑώρων
διαλύοντας τὸ
στρατόπεδον, καὶ αὐτοὶ
ταχέως ἀνέκαμψαν εἰς
Ῥήγιον. Διονύσιος δὲ τὸ
μὲν πρῶτον ἐπὶ τοὺς
ὅρους τῆς Συρακοσίας
ἐξήγαγε τὴν δύναμιν,
προσδεχόμενος τὴν τῶν
πολεμίων ἔφοδον· ὡς δ´
ἤκουσε τὴν ἀνάζευξιν
αὐτῶν, ἀπήγαγε τὴν
στρατιὰν εἰς τὰς
Συρακούσας·
διαπρεσβευσαμένων δὲ
τῶν Ῥηγίνων καὶ τῶν
Μεσσηνίων περὶ εἰρήνης,
κρίνων συμφέρον εἶναι
διαλύεσθαι τὴν ἔχθραν
πρὸς τὰς πόλεις, συνέθετο
τὴν εἰρήνην.

[41] Ὁρῶν δὲ τῶν XLI. Voyant que plusieurs

Ἑλλήνων τινὰς εἰς τὴν Grecs accouraient s'établir dans les


villes soumises à la domination des
ἐπικράτειαν τῶν
Carthaginois et qu'ils y avaient
Καρχηδονίων
acquis le droit de cité et des
ἀποτρέχοντας τάς τε possessions, Denys pensa que, tant
πόλεις καὶ τὰς κτήσεις que la paix conclue entre lui et les
κομιζομένους, ἐνόμιζε τῆς Carthaginois durerait, beaucoup de

πρὸς Καρχηδονίους ses sujets prendraient part à cette


émigration; mais que, si la guerre
εἰρήνης μενούσης
recommençait, tous ces Grecs,
πολλοὺς τῶν ὑφ´ αὑτὸν
traités en esclaves par les
ταττομένων βουλήσεσθαι
Carthaginois, se révolteraient pour
κοινωνεῖν τῆς ἐκείνων revenir à lui. De plus, il avait appris
ἐπιστασίας, ἐὰν δὲ qu'un grand nombre de
πόλεμος γένηται, πάντας Carthaginois étaient morts de la

τοὺς καταδεδουλωμένους peste qui désolait alors la Libye.


Jugeant donc le moment favorable
ὑπὸ Καρχηδονίων
pour rompre la paix, il se prépara à
ἀποστήσεσθαι πρὸς
recommencer la guerre. Il ne se
αὐτόν· ἤκουσε δὲ καὶ τῶν dissimulaitpas que cette guerre
Καρχηδονίων πολλοὺς ἐν devait être sérieuse et longue, car
Λιβύῃ διεφθάρθαι λοιμικῇ il s'agissait de combattre une des

καταστάσει περιπεσόντας. nations les plus puissantes.


Aussitôt il rassembla des ouvriers
Διὸ καὶ νομίζων εὔθετον
qu'il fit venir en partie des villes
ἔχειν καιρὸν τοῦ πολέμου,
soumises à son autorité, en partie
κατασκευὴν ἔκρινε δεῖν
de l'Italie, de la Grèce et même des
πρῶτον γίνεσθαι· Etats carthaginois; il les attira par
ὑπελάμβανε γὰρ ἔσεσθαι la promesse d'un fort salaire. Il
μέγαν καὶ πολυχρόνιον avait l'intention de les employer à

τὸν πόλεμον, ὡς ἂν πρὸς la fabrication d'une grande quantité


τοὺς δυνατωτάτους τῶν d'armes de guerre de toutes sortes,

κατὰ τὴν Εὐρώπην μέλλων et à la construction de trirèmes et


de quinquerèmes. Après avoir ainsi
διαγωνίζεσθαι. Εὐθὺς οὖν
rassemblé un grand nombre
τοὺς τεχνίτας ἤθροιζεν ἐκ
d'ouvriers, il les distribua dans les
μὲν τῶν ὑπ´ αὐτὸν ateliers, leur donna pour
ταττομένων πόλεων κατὰ inspecteurs les citoyens les plus
πρόσταγμα, τοὺς δ´ ἐξ distingués, et proposa de grands

Ἰταλίας καὶ τῆς Ἑλλάδος, prix pour encourager la fabrication


des armes. Il donna aux ouvriers
ἔτι δὲ τῆς Καρχηδονίων
un modèle de chaque espèce
ἐπικρατείας, μεγάλοις
d'armes, désirant que les
μισθοῖς προτρεπόμενος.
mercenaires, tirés de tant de
Διενοεῖτο γὰρ ὅπλα μὲν nations diverses, trouvassent
παμπληθῆ καὶ βέλη toutes prêtes les armes en usage
παντοῖα κατασκευάσαι, dans leur patrie. Il se flattait aussi

πρὸς δὲ τούτοις ναῦς de donner par là un aspect plus


formidable à son armée, en même
τετρήρεις καὶ πεντήρεις,
temps qu'il pensait que les
οὐδέπω κατ´ ἐκείνους
combattants se serviraient avec
τοὺς χρόνους σκάφους plus d'avantages des armes qu'ils
πεντηρικοῦ étaient déjà habitués à manier. Les
νεναυπηγημένου. Syracusains secondèrent les projets

Συναχθέντων δὲ πολλῶν de Denys ; ces travaux étaient


pour eux un objet d'émulation. Non
τεχνιτῶν, διελὼν αὐτοὺς
seulement les porches et les
κατὰ τὰς οἰκείας
arrière-constructions des temples,
ἐργασίας κατέστησε τῶν
mais les gymnases et les portiques
πολιτῶν τοὺς des marchés étaient tous remplis
ἐπισημοτάτους, προθεὶς d'ouvriers. Indépendamment des
δωρεὰς μεγάλας τοῖς lieux publics, les maisons les plus

κατασκευάσασιν ὅπλα. considérables étaient transformées


en ateliers pour fabriquer des
Διέδωκε δὲ καὶ τῶν ὅπλων
armes.
τοῦ γένους ἑκάστου τύπον
XLII. La catapulte fut dans ce
διὰ τὸ τοὺς μισθοφόρους
même temps inventée à Syracuse
ἐκ πολλῶν ἐθνῶν
qui était alors le rendez-vous des
συνεστηκέναι· ἔσπευδε plus habiles artisans. L'élévation du
γὰρ ἕκαστον τῶν salaire et la multitude de prix

στρατευομένων κοσμῆσαι proposés à ceux qui se


distingueraient le plus, excitèrent
τοῖς οἰκείοις ὅπλοις, καὶ
une émulation générale. Outre
διελάμβανε τὸ
cela, Denys visitait lui-même
στρατόπεδον πολλὴν ἕξειν journellement les ouvriers, leur
κατάπληξιν διὰ ταύτην adressait des paroles affectueuses,
τὴν αἰτίαν καὶ κατὰ τὰς remettait des présents aux plus

μάχας κάλλιστα laborieux et les admettait à sa


table. Aussi ces ouvriers
χρήσεσθαι τῷ συνήθει
s'empressaient-ils à l'envi
καθοπλισμῷ πάντας τοὺς
d'imaginer des machines
συναγωνιζομένους.
extraordinaires et capables des
Συμπροθυμουμένων δὲ καὶ plus grands effets. Denys se mit à
τῶν Συρακοσίων τῇ τοῦ faire construire des trirèmes et des
Διονυσίου προαιρέσει, bâtiments à cinq rangs de rames,

πολλὴν συνέβαινε genre de construction qu'on n'avait


pas encore vu jusqu'alors. Denys,
γίνεσθαι τὴν φιλοτιμίαν
qui avait entendu que la première
περὶ τὴν τῶν ὅπλων
trirème avait été construite à
κατασκευήν. Οὐ μόνον Corinthe, voulut que la ville, colonie
γὰρ ἐν τοῖς προνάοις καὶ des Corinthiens, eût aussi
τοῖς ὀπισθοδόμοις τῶν augmenté la dimension des

ἱερῶν, ἔτι δὲ τοῖς navires. Après avoir fait venir


d'Italie un convoi de bois de
γυμνασίοις καὶ ταῖς κατὰ
charpente, il partagea en deux
τὴν ἀγορὰν στοαῖς, ἔγεμε
moitiés les ouvriers employés à la
πᾶς τόπος τῶν
coupe du bois; les uns furent
ἐργαζομένων, ἀλλὰ καὶ envoyés sur le mont Etna, alors
χωρὶς τῶν δημοσίων couvert de forêts de pins et de
τόπων ἐν ταῖς sapins; les autres furent détachés

ἐπιφανεστάταις en Italie. En même temps il fit faire


des attelages propres à transporter
οἰκίαιςὅπλα παμπληθῆ
les matériaux jusqu'à la mer, où
κατεσκευάζετο.
des matelots montés sur des
[42] Καὶ γὰρ τὸ barques devaient les conduire

καταπελτικὸν εὑρέθη immédiatement à Syracuse. Après

κατὰ τοῦτον τὸν καιρὸν avoir ainsi réuni une quantité


ἐν Συρακούσαις, ὡς ἂν suffisante de matériaux, il fit, en un

τῶν κρατίστων τεχνιτῶν seul moment, mettre sur les


chantiers plus de deux cents
πανταχόθεν εἰς ἕνα τόπον
navires, et en réparer cent dix des
συνηγμένων. Τὴν γὰρ
anciens. Enfin il fit bâtir de
προθυμίαν τό τε μέγεθος magnifiques hangars, rangés tout
τῶν μισθῶν ἐξεκαλεῖτο autour de ce qu'on appelle
καὶ τὸ πλῆθος τῶν aujourd'hui le port; ces hangars

προκειμένων ἄθλων τοῖς étaient au nombre de cent soixante


et la plupart pouvaient contenir
ἀρίστοις κριθεῖσι· χωρὶς
deux navires. En même temps il fit
δὲ τούτων
réparer les anciens qui étaient déjà
περιπορευόμενος τοὺς
au nombre de cent cinquante.
ἐργαζομένους Διονύσιος
XLIII. L'aspect de tous ces
καθ´ ἡμέραν λόγοις τε
ouvriers réunis, travaillant à la
φιλανθρώποις ἐχρῆτο καὶ fabrication des armes (54) et à la
τοὺς προθυμοτάτους construction des navires, offrait un
ἐτίμα δωρεαῖς καὶ πρὸς spectacle étonnant. Lorsqu'on

τὰ συνδείπνια regardait les travaux du port, on


aurait cru que tous les bras de la
παρελάμβανε. Διόπερ
Sicile y étaient employés. Et
ἀνυπέρβλητον φιλοτιμίαν
lorsqu'on parcourait les ateliers
εἰσφέροντες οἱ τεχνῖται d'armes et de machines de guerre,
πολλὰ προσεπενοοῦντο on se figurait que tout le monde y
βέλη καὶ μηχανήματα était occupé. Mais aussi ces

ξένα καὶ δυνάμενα travaux furent poussés avec tant


de vigueur, qu'on eut bientôt
παρέχεσθαι μεγάλας
fabriqué cent quarante mille
χρείας. Ἤρξατο δὲ
boucliers et un nombre égal de
ναυπηγεῖσθαι τετρήρεις
coutelas et de casques. Plus de
καὶ πεντηρικὰ σκάφη, quatorze mille boucliers, de formes
πρῶτος ταύτην τὴν variées et artistement fabriqués,
κατασκευὴν τῶν νεῶν sortirent de ces ateliers. Denys

ἐπινοήσας. Ἀκούων γὰρ destinait les cuirasses aux


cavaliers, aux officiers d'infanterie,
Διονύσιος ἐν Κορίνθῳ
et aux mercenaires qui devaient
ναυπηγηθῆναι τριήρη
composer sa garde. Il avait fait
πρώτως, ἔσπευδε κατὰ fabriquer des catapultes de
τὴν ἀποικισθεῖσαν ὑπ´ diverses espèces et une immense

ἐκείνων πόλιν αὐξῆσαι τὸ quantité de traits. Quant aux


vaisseaux longs qui avaient été
μέγεθος τῆς τῶν νεῶν
construits, une moitié fut montée
κατασκευῆς. Λαβὼν δ´ ἐκ
par des pilotes, par des maîtres
τῆς Ἰταλίας ἐξαγωγὴν d'équipage et des rameurs
ὕλης, τοὺς μὲν ἡμίσεις appartenant à la classe des
τῶν ὑλοτόμων εἰς τὸ κατὰ citoyens, et l'autre moitié par les

τὴν Αἴτνην ὄρος étrangers que Denys avait pris à sa


solde. Lorsque tous ces travaux de
ἀπέστειλε, γέμον κατ´
fabrique d'armes et de construction
ἐκείνους τοὺς χρόνους
de bâtiments furent achevés,
πολυτελοῦς ἐλάτης τε καὶ
Denys songea à l'organisation des
πεύκης, τοὺς δ´ ἡμίσεις troupes. Car, pour s'épargner des
εἰς τὴν Ἰταλίαν dépenses, il avait jugé utile de ne
ἀποστείλας point organiser et solder des

παρεσκευάσατο ζεύγη μὲν troupes à l'avance.

τὰ πρὸς τὴν θάλατταν Dans ce temps, Astydamas,

κατακομιοῦντα, πλοῖα δὲ poète tragique, commença à faire


représenter ses pièces. Il vécut
καὶ τοὺς ὑπηρέτας πρὸς
soixante ans.
τὸ τὰς σχεδίας ἀπάγεσθαι
Les Romains assiégèrent alors
κατὰ τάχος εἰς τὰς
la ville de Veïes. Dans une sortie
Συρακούσας. δὲ
des assiégés, les Romains furent en
Διονύσιος ἐπειδὴ τὴν partie détruits, et en partie forcés
ἱκανὴν ὕλην ἤθροισεν, ὑφ´ de fuir ignominieusement.
ἕνα καιρὸν ἤρξατο XLIV. L'année étant révolue,
ναυπηγεῖσθαι ναῦς Ithyclès fut nommé archonte
πλείους τῶν διακοσίων, d'Athènes, et les Romains élurent,

ἐπισκευάζειν δὲ τὰς au lieu de consuls, six tribuns


militaires, Lucius Julius, Marcus
προϋπαρχούσας δέκα πρὸς
Furius, Æmilius Marcus, Cueïus
ταῖς ἑκατόν· ᾠκοδόμει δὲ
Cornélius, Caeso Fabius et Paulus
καὶ νεωσοίκους Sextus (55). Denys, tyran des
πολυτελεῖς κύκλῳ τοῦ νῦν Syracusains, après avoir en grande
- - - καλουμένου λιμένος partie achevé la fabrication des

ἑκατὸν ἑξήκοντα, τοὺς armes et la construction des


πλείστους δύο ναῦς navires, s'occupa aussitôt de

δεχομένους, καὶ τοὺς l'organisation de son armée. Il


enrôla donc les Syracusains
προϋπάρχοντας
propres au service militaire, et tira,
ἐθεράπευεν, ὄντας ἑκατὸν
de toutes les villes soumises à sa
πεντήκοντα. domination, les hommes en état de

[43] Διόπερ τοσούτων porter les armes. Il fit venir des

ὅπλων καὶ νεῶν mercenaires de la Grèce et


particulièrement de Lacédémone.
κατασκευαζομένων ἐν ἑνὶ
Car les Lacédémoniens qui l'avaient
τόπῳ, τὸ γινόμενον
aidé dans l'accroissement de son
πολλὴν παρεῖχε τοῖς autorité, lui permettaient d'enrôler
θεωμένοις κατάπληξιν· autant de soldats qu'il voudrait.
ὅτε μὲν γάρ τις ἴδοι τὴν Enfin, par la promesse d'une solde

περὶ τὰς ναῦς σπουδήν, élevée, il parvint à réunir une


nombreuse armée composée
ἐνόμιζε περὶ ταύτας
d'étrangers de diverses nations.
ἅπαντας πραγματεύεσθαι
Sur le point d'allumer une guerre
τοὺς Σικελιώτας· ὅτε δὲ
très grave, il se conduisit avec
πάλιν τοῖς τῶν ὁπλοποιῶν bienveillance à l'égard des villes de
καὶ μηχανοποιῶν ἔργοις la Sicile, afin de se concilier leur

συμπαραγενηθείη, περὶ affection. Voyant que les peuples

τούτους μόνους ἐνόμιζεν qui habitaient les bords du détroit,


les Rhégiens et les Messiniens,
ἅπασαν εἶναι τὴν τῆς
avaient des forces considérables, il
ὑπηρεσίας παρασκευήν.
craignit qu'ils ne se joignissent aux
Οὐ μὴν ἀλλὰ καὶ τῆς περὶ Carthaginois, lorsque ceux-ci
ταῦτα σπουδῆς auraient passé en Sicile. Et, en
ἀνυπερβλήτου γινομένης, effet, ces deux villes pouvaient

κατεσκευάσθησαν faire pencher la balance en faveur


du parti pour lequel elles se
ἀσπίδων μὲν
seraient déclarées. Préoccupé de
τεσσαρεσκαίδεκα
cet état de choses, Denys donna
μυριάδες, ἐγχειριδίων δὲ
aux Messiniens une grande partie
καὶ περικεφαλαιῶν du pays limitrophe, et se les
παραπλήσιος ἀριθμός· attacha par des bienfaits. Quant

ἡτοιμάσθησαν δὲ καὶ aux Rhégiens, il leur fit demander

θώρακες, παντοῖοι μὲν en mariage une de leurs


ταῖς κατασκευαῖς, citoyennes. En même temps il leur

περιττῶς δὲ κατὰ τὴν promit la cession d'un territoire


étendu, voisin de Rhégium, et de
τέχνην εἰργασμένοι,
contribuer de toutes ses forces à
πλείους τῶν μυρίων
l'accroissement de leur cité. Ayant
τετρακισχιλίων. Τούτους perdu sa femme, fille
δὲ διενοεῖτο διαδιδόναι d'Hermocrate, dans l'émeute des
τοῖς ἱππεῦσι καὶ τῶν cavaliers (56), Denys désirait avoir

πεζῶν τοῖς ἐφ´ ἡγεμονίας des enfants pour perpétuer sa


dynastie. Cependant les Rhégiens,
τεταγμένοις, ἔτι δὲ τῶν
réunis en assemblée générale,
μισθοφόρων τοῖς
décidèrent, après une longue
σωματοφυλακεῖν
discussion, de ne point accepter
μέλλουσιν. l'alliance proposée. Denys, ayant
Κατεσκευάσθησαν δὲ καὶ échoué dans cette négociation,
καταπέλται παντοῖοι καὶ envoya chez les Locriens des

τῶν ἄλλων βελῶν πολύς députés chargés des mêmes offres.


Les Locriens accordèrent l'alliance
τις ἀριθμός. Τῶν δὲ
demandée, et Denys épousa Doris,
παρασκευασθεισῶν νεῶν
fille de Xénetus, un des citoyens
μακρῶν αἱ μὲν ἡμίσεις alors les plus distingués. Peu de
αὐτῶν εἶχον πολιτικοὺς jours avant la célébration des
κυβερνήτας καὶ πρῳρεῖς, noces, Denys fit partir pour Locres

ἔτι δὲ τοὺς ταῖς κώπαις une quinquerème, la première qui


eût été construite, décorée
χρησομένους, ταῖς δ´
d'ornements en argent et en or. La
ἄλλαις Διονύσιος ξένους
jeune fiancée s'y embarqua;
ἐμισθώσατο. Ἐπεὶ δὲ τὰ
arrivée à Syracuse, elle fut
περὶ τὰς ναῦς καὶ τὴν conduite dans la citadelle occupée
ὁπλοποιίαν αὐτῷ par Denys. Celui-ci épousa aussi
συντέλειαν ἐλάμβανε, περὶ Aristomaque, fille d'un des citoyens

τὴν τῶν στρατιωτῶν les plus illustres de Syracuse ; il la


fit amener dans sa maison sur un
παρασκευὴν ἐγίνετο·
char attelé de quatre chevaux
τούτους γὰρ ἔκρινε
blancs.
συμφέρειν μὴ πρὸ πολλοῦ
XLV. Denys célébra alors ces
μισθοῦσθαι πρὸς τὸ μὴ
doubles noces par des festins
πολλὰς γίνεσθαι δαπάνας. continuels qu'il donna à ses soldats
Ἀστυδάμας δ´ et à un très grand nombre de

τραγῳδιογράφος τότε citoyens (57). Il avait changé la


dureté de sa tyrannie en une
πρῶτον ἐδίδαξεν· ἔζησε
conduite douce et bienveillante
δὲ ἔτη ἑξήκοντα.
envers ses sujets, et il ne
Ῥωμαῖοι δὲ prononçait plus ni peine de mort ni

πολιορκοῦντες τοὺς bannissements comme il l'avait fait

Βηίους, ἐξελθόντων τῶν auparavant. Après la célébration de


ses noces, à laquelle il avait
ἐκ τῆς πόλεως οἱ μὲν
consacré quelques jours, il
κατεκόπησαν ὑπὸ τῶν
convoqua une assemblée dans
Βηίων, οἱ δ´ ἐξέφυγον laquelle il proposa de faire la
αἰσχρῶς. [ guerre aux Carthaginois, les
représentant comme les ennemis
44] Τοῦ δ´ ἔτους
les plus dangereux des Grecs en
τούτου διεληλυθότος
général, et des Siciliens en
Ἀθήνησι μὲν ἦρξεν
particulier. Il ajouta que les
Ἰθυκλῆς, ἐν Ῥώμῃ δ´ ἀντὶ Carthaginois étaient actuellement
τῶν ὑπάτων χιλίαρχοι réduits à l'inaction par la peste qui
πέντε κατεστάθησαν, décimait les populations de la

Λεύκιος Ἰούλιος, Μάρκος Libye; mais qu'aussitôt qu'ils


auraient repris des forces, ils ne
Φούριος, Μάρκος Αἰμίλιος,
tarderaient pas à exécuter les
Γάιος Κορνήλιος, Καίσων
desseins qu'ils avaient depuis
Φάβιος. Διονύσιος δ´ longtemps tramés contre les
τῶν Συρακοσίων Siciliens ; qu'il valait mieux les
τύραννος, ἐπειδὴ τῶν περὶ attaquer pendant qu'ils étaient

τὴν ὁπλοποιίαν καὶ encore faibles, que d'aller les


combattre lorsqu'ils auraient repris
ναυπηγίαν ἔργων τὰ
leurs forces. Il leur représentait
πλεῖστα συντέλειαν
qu'il serait honteux de rester
εἰλήφει, περὶ τὴν τῶν
spectateurs indifférents à
στρατιωτῶν παρασκευὴν l'asservissement des villes
εὐθὺς ἐγένετο. Τῶν οὖν grecques par les Barbares, et que
Συρακοσίων κατέλεγε ces villes étaient d'autant plus

τοὺς ἐπιτηδείους εἰς disposées à partager les périls de la


guerre, qu'elles avaient plus de
τάξεις, καὶ παρὰ τῶν ὑπ´
désir de recouvrer leur
αὐτὸν ταττομένων indépendance. Après avoir, dans

πόλεων μετεπέμπετο τοὺς plusieurs discours, insisté sur


l'exécution de ce projet, il entraîna
εὐθέτους. Συνήγαγε δὲ καὶ
bientôt les suffrages des
μισθοφόρους ἐκ τῆς
Syracusains. Ils étaient tout aussi
Ἑλλάδος καὶ μάλιστα impatients que Denys de faire la
παρὰ τῶν Λακεδαιμονίων· guerre, d'abord parce qu'ils
οὗτοι γὰρ αὐτῷ haïssaient les Carthaginois qui les

συναύξοντες τὴν ἀρχὴν avaient forcés d'obéir au tyran;


ensuite parce qu'ils espéraient être
ἔδωκαν ἐξουσίαν ὅσους
traités moins cruellement par
βούλοιτο παρ´ αὐτῶν
Denys qui aurait alors à craindre à
ξενολογεῖν. Καθόλου δ´ ἐκ
la fois les ennemis et le
πολλῶν ἐθνῶν σπεύδων τὸ mécontentement de ses sujets;
ξενικὸν στρατόπεδον enfin, parce qu'ils se flattaient
συνηθροικέναι, καὶ surtout de l'espérance qu'étant une

μισθοὺς πολλοὺς fois en possession de leurs armes,


ils pourraient profiter de la
ἐπαγγελλόμενος, εὕρισκε
première occasion pour secouer
τοὺς ὑπακούοντας.
leur joug.
Μέλλων δὲ μέγαν
XLVI. Au sortir de cette
ἐξεγείρειν πόλεμον, ταῖς
assemblée, Denys accorda aux
κατὰ τὴν νῆσον πόλεσι Syracusains la permission de piller
φιλανθρώπως les riches propriétés des
προσεφέρετο, τὴν εὔνοιαν Carthaginois, dont un grand

αὐτῶν ἐκκαλούμενος. nombre étaient établis à Syracuse


même. Beaucoup de négociants de
Τοὺς δὲ παρὰ τὸν πορθμὸν
cette nation avaient dans le port
κατοικοῦντας Ῥηγίνους τε
des navires chargés de
καὶ Μεσσηνίους ὁρῶν
marchandises.,qui toutes furent
ἱκανὴν δύναμιν ἔχοντας confisquées par les Syracusains.
συντεταγμένην, εὐλαβεῖτο Les autres Siciliens suivirent cet
μήποτε τῶν Καρχηδονίων exemple ; ils chassèrent de chez

διαβάντων εἰς Σικελίαν eux les Phéniciens (58) et


s'emparèrent de leurs richesses.
ἐκείνοις πρόσθωνται· οὐ
Malgré la haine qu'ils avaient pour
μικρὰν γὰρ αἱ πόλεις
la tyrannie de Denys, ils prirent
αὗται ῥοπὴν εἶχον, volontiers part à la guerre contre
ὁποτέροις εἰς τὸν πόλεμον les Carthaginois, détestés pour leur

συμμαχήσειαν. δὴ λίαν cruauté. Par ces mêmes motifs, les


villes grecques soumises à la
ἀγωνιῶν Διονύσιος, τοῖς
domination des Carthaginois firent
Μεσσηνίοις ἔδωκε πολλὴν
éclater leur haine contre la race
τῆς ὁμόρου χώραν, ἰδίους punique, dès que la déclaration de
αὐτοὺς κατασκευάζων guerre de Denys fut connue. Les
ταῖς εὐεργεσίαις· πρὸς δὲ habitants de ces villes ne se

Ῥηγίνους ἀπέστειλε bornèrent pas seulement à piller les


possessions des Phéniciens, ils se
πρεσβευτάς, παρακαλῶν
saisirent de leurs personnes et leur
ἐπιγαμίαν ποιήσασθαι καὶ
infligèrent toute sorte d'outrages,
δοῦναι τῶν πολιτικῶν
animés par le souvenir de ce qu'ils
παρθένων αὐτῷ μίαν avaient eux-mêmes souffert dans
συμβιώσασθαι· la captivité. Ces représailles furent
ἐπηγγέλλετο δ´ αὐτοῖς alors et par la suite portées à un tel

πολλὴν τῆς συνοριζούσης degré, que les Carthaginois ont dû


apprendre à écouter à l'avenir les
χώρας κατακτήσεσθαι,
supplications des vaincus. Ils furent
τὴν πόλιν δ´ αὐξήσειν ἐφ´
instruits, par leur propre
ὅσον ἂν αὐτὸς ἰσχύῃ. Τῆς expérience, que dans la guerre les
γὰρ γυναικὸς αὐτοῦ, chances sont égales des deux
θυγατρὸς δ´ côtés, qu'il faut s'attendre à subir

Ἑρμοκράτους, κατὰ τὴν les mêmes traitements qu'on a soi-


même infligés aux malheureux.
ἀπόστασιν τῶν ἱππέων
Lorsque tous les préparatifs de la
ἀνῃρημένης, ἔσπευδε
guerre furent achevés, Denys
τεκνοποιήσασθαι,
envoya des députés à Carthage
διαλαμβάνων τῇ τῶν chargés d'annoncer que les
γεννηθέντων εὐνοίᾳ Syracusains déclareraient la guerre
βεβαιότατα τηρήσειν τὴν aux Carthaginois, s'ils ne

δυναστείαν. Οὐ μὴν ἀλλ´ remettaient pas en liberté les villes


grecques soumises à leur
ἐν τῷ Ῥηγίῳ συναχθείσης
domination. Tels étaient alors les
περὶ τούτων ἐκκλησίας,
projets de Denys.
καὶ πολλῶν ῥηθέντων
C'est dans cette même année
λόγων, ἔδοξε τοῖς
que l'historien Ctésias, qui a écrit
Ῥηγίνοις μὴ δέξασθαι τὴν l'histoire des Perses, termina son
ἐπιγαμίαν. Διονύσιος δ´ ouvrage qui commence à Ninus et

ἀποτυχὼν ταύτης τῆς Sémiramis.

ἐπιβολῆς, περὶ τῶν αὐτῶν A cette époque florissaient

ἀπέστειλε τοὺς aussi les plus célèbres poètes


dithyrambiques, Philoxène de
πρεσβευτὰς πρὸς τὸν
Cythère, Timothée de Milet, Téleste
δῆμον τῶν Λοκρῶν. Ὧν
de Sélinonte, et Polyïde qui
ψηφισαμένων τὴν connaissait aussi la peinture et la
ἐπιγαμίαν, ἐμνήστευεν musique.
Διονύσιος Δωρίδα τὴν XLVII. L'année étant révolue,
Ξενέτου θυγατέρα, κατ´ Lysiade fut nommé archonte
ἐκεῖνον τὸν χρόνον ὄντος d'Athènes; les Romains déférèrent

ἐνδοξοτάτου τῶν l'autorité consulaire à six tribuns


militaires, Publius Manlius, Manius
πολιτῶν. ὀλίγαις δ´
Spurius, Furius Lucius {Publius
ἡμέραις πρὸ τῶν γάμων
Licinius, Publius Titinius et Lucius
ἀπέστειλεν εἰς Λοκροὺς
Publius Volscus} (59). Denys, tyran
πεντήρη πρῶτον des Syracusains, après
νεναυπηγημένην, l'achèvement des préparatifs de

ἀργυροῖς καὶ χρυσοῖς guerre, envoya à Carthage un


héraut pour remettre une lettre au
κατασκευάσμασι
sénat. Il était écrit dans cette lettre
κεκοσμημένην· ἐφ´ ἧς
que les Syracusains décréteraient
διακομίσας τὴν παρθένον
la guerre, si les Carthaginois ne se
εἰς τὰς Συρακούσας décidaient pas à évacuer le
εἰσήγαγεν εἰς τὴν territoire des villes grecques. Le
ἀκρόπολιν. Ἐμνηστεύσατο héraut s'embarqua pour la Libye et

δὲ καὶ τῶν πολιτικῶν τὴν remit, comme il lui était ordonné,


la lettre au sénat. Elle fut lue
ἐπισημοτάτην
d'abord dans le sénat, puis dans
Ἀριστομάχην, ἐφ´ ἣν
l'assemblée du peuple. Les
ἀποστείλας λευκὸν
Carthaginois furent vivement
τέθριππον ἤγαγεν εἰς τὴν alarmés au sujet de cette guerre;
ἰδίαν οἰκίαν. car la peste avait décimé la
population, et aucun préparatif
[45] Περὶ δὲ τὸν αὐτὸν
n'était fait. Ils attendirent donc la
χρόνον ἀμφοτέρας γήμας
résolution des Syracusains, et
συνεχεῖς ἑστιάσεις
ἐποιεῖτο τῶν στρατιωτῶν firent partir quelques membres du

καὶ τῶν πλείστων sénat avec de fortes sommes


d'argent pour aller engager des
πολιτῶν· ἀπετίθετο γὰρ
soldats en Europe. De son côté;
ἤδη τὸ πικρὸν τῆς
Denys, à la tête des Syracusains,
τυραννίδος, καὶ des mercenaires et des alliés, sortit
μεταβαλλόμενος εἰς de Syracuse et se dirigea sur
ἐπιείκειαν l'Éryx. Non loin de cette montagne

φιλανθρωπότερον ἦρχε se trouve la ville de Motye, colonie


phénicienne, dont les Carthaginois
τῶν ὑποτεταγμένων, οὔτε
avaient fait le centre de leurs
φονεύων οὔτε φυγάδας
opérations contre la Sicile. Une fois
ποιῶν, καθάπερ εἰώθει.
maître de cette ville, Denys se
Μετὰ δὲ τοὺς γάμους flattait d'obtenir l'avantage sur
ὀλίγας ἐπιμείνας ἡμέρας l'ennemi. Pendant sa marche, les
συνήγαγεν ἐκκλησίαν καὶ habitants des villes grecques

παρεκάλει τοὺς venaient se joindre à lui, de tous


côtés on accourait en armes, tout
Συρακοσίους πόλεμον
le monde prit volontiers part à
ἐξενεγκεῖν πρὸς τοὺς
l'expédition, tant la haine contre la
Καρχηδονίους, ἀποφαίνων domination phénicienne était
αὐτοὺς καθόλου μὲν τοῖς universelle, et le désir grand de
Ἕλλησιν ἐχθροτάτους reconquérir la liberté. Denys réunit

ὄντας, μάλιστα δὲ τοῖς ainsi à son armée les Camarinéens,


les Géléens et les Agrigentins. Puis
Σικελιώταις διὰ παντὸν
il appela à lui les Himériens qui
ἐπιβουλεύοντας. Καὶ νῦν
habitaient dans une autre contrée
μὲν ἐφ´ ἡσυχίας αὐτοὺς
de la Sicile; enfin, il prit avec lui les
μένειν ἀπεδείκνυε διὰ τὸν Sélinontins, et arriva avec toute
ἐμπεσόντα λοιμόν, ὃν son armée devant Motye. Il avait
τοὺς πλείστους τῶν κατὰ sous ses ordres quatre-vingt mille

Λιβύην διεφθαρκέναι· hommes d'infanterie, plus de trois


mille chevaux et environ deux
ἰσχύσαντας δ´ αὐτοὺς οὐκ
cents vaisseaux longs, qui étaient
ἀφέξεσθαι τῶν
suivis de près de cinq cents
Σικελιωτῶν, οἷς ἐξ vaisseaux de transport, chargés de
ἀρχαίων ἐπιβουλεύουσιν. machines de guerre et de toutes
Διὸ αἱρετώτερον νῦν εἶναι sortes de munitions.
πρὸς ἀσθενεῖς αὐτοὺς XLVIII. Tout cet appareil de

ὄντας διαπολεμεῖν μετὰ guerre, et l'aspect de ces forces


nombreuses, surprirent les
ταῦτα πρὸς ἰσχυροὺς
habitants de l'Eryx, qui, n'aimant
διαγωνίζεσθαι. Ἅμα δὲ
pas les Carthaginois, se joignirent à
συνίστα δεινὸν εἶναι Denys. Cependant les habitants de
περιορᾶν τὰς Ἑλληνίδας Motye, attendant les secours des
πόλεις ὑπὸ βαρβάρων Carthaginois, ne se laissèrent point

καταδεδουλωμένας, ἃς effrayer et se préparèrent à


soutenir le siége ; car ils savaient
ἐπὶ τοσοῦτον
bien que les Syracusains
συνεπιλήψεσθαι τῶν
songeaient d'abord à détruire
κινδύνων, ἐφ´ ὅσον τῆς
Motye qui s'était toujours montrée
ἐλευθερίας τυχεῖν très fidèle aux Carthaginois. Cette
ἐπιθυμοῦσιν. Οὐ μὴν ἀλλὰ ville était située dans une île, à six
πολλοὺς λόγους πρὸς stades de distance de la Sicile (60),

ταύτην τὴν προαίρεσιν elle se faisait remarquer par la


beauté et le grand nombre de ses
διαλεχθεὶς ταχὺ
maisons, très bien construites, et
συγκαταίνους ἔλαβε τοὺς
par l'opulence de ses habitants.
Συρακοσίους. Οὐ γὰρ Une étroite chaussée, ouvrage de
ἧττον ἐκείνου τὸν l'homme, la faisait communiquer
πόλεμον ἔσπευδον avec le rivage de la Sicile. Cette

γενέσθαι, πρῶτον μὲν chaussée fut alors détruite par les


Motyens, afin d'empêcher les
μισοῦντες τοὺς
ennemis de pénétrer chez eux.
Καρχηδονίους, {καὶ} δι´
Denys, ayant examiné avec ses
ἐκείνους ἠναγκασμένοι
architectes les localités, fit
ποιεῖν τὸ προσταττόμενον commencer des travaux de
ὑπὸ τοῦ τυράννου· ἔπειτα terrassement en face de Motye; à
δὲ καὶ τὸν Διονύσιον l'entrée du port, il fit mouiller ses

φιλανθρωπότερον ἑαυτοῖς vaisseaux longs, et sur la côte, les


bâtiments de transport. Après cela,
ἤλπιζον χρήσεσθαι,
il confia la direction de ces travaux
φοβούμενον τοὺς
à Leptine, commandant de la flotte,
πολεμίους καὶ τὴν ἀπὸ et dirigea ses troupes de terre
τῶν καταδεδουλωμένων contre les villes alliées des
ἐπίθεσιν· τὸ δὲ μέγιστον, Carthaginois. Tous les Sicaniens,
ἤλπιζον ἑαυτοὺς redoutant la supériorité de ces

κυριεύσαντας ὅπλων, ἐὰν forces, embrassèrent le parti des


Syracusains. Cinq villes seulement
τύχη δῷ καιρόν,
demeurèrent fidèles à l'alliance des
ἀντιλήψεσθαι τῆς
Carthaginois, savoir : Ancyres,
ἐλευθερίας. Soluss, Egeste, Panorme, Entelle.

[46] Μετὰ δὲ τὴν Denys ravagea donc le territoire

ἐκκλησίαν, τοῦ Διονυσίου des Solentins, des Panormitains et


des Ancyriens, et fit couper tous les
τὴν ἐξουσίαν δόντος, οἱ
arbres de la campagne. Il investit
Συρακόσιοι τὰ Φοινικικὰ
Egeste et Entelle, livra à ces villes
χρήματα διήρπασαν. Οὐκ des assauts continuels, et tâcha de
ὀλίγοι γὰρ τῶν s'en emparer de force. Telle était
Καρχηδονίων ᾤκουν ἐν alors la situation des affaires de

ταῖς Συρακούσαις ἁδρὰς Denys.

ἔχοντες κτήσεις, πολλοὶ XLIX. Cependant Imilcar,

δὲ καὶ τῶν ἐμπόρων εἶχον général des Carthaginois, s'occupa


lui-même de la concentration de
ἐν τῷ λιμένι τὰς ναῦς
ses troupes et des préparatifs de
γεμούσας φορτίων,
guerre. Il détacha le nauarque avec
πάντα διεφόρησαν οἱ dix trirèmes, et lui donna l'ordre de
Συρακόσιοι. Παραπλησίως se diriger rapidement sur Syracuse,
δὲ καὶ οἱ λοιποὶ de pénétrer nuitamment dans le

Σικελιῶται τοὺς παρ´ port, et de détruire tous les


bâtiments qui s'y trouveraient
αὐτοῖς οἰκοῦντας τῶν
abandonnés. Imilcar espérait faire
Φοινίκων ἐκβαλόντες τὰς
ainsi une diversion avantageuse, et
κτήσεις διήρπασαν·
obliger Denys d'envoyer une partie
καίπερ γὰρ τὴν Διονυσίου de ses bâtiments à Syracuse. Le
τυραννίδα μισοῦντες, nauarque chargé de cette mission
ὅμως ἡδέως ἐκοινώνουν exécuta ponctuellement les ordres

τοῦ πρὸς Καρχηδονίους qu'il avait reçus; il entra, à la


faveur de la nuit, dans le port des
πολέμου διὰ τὴν ὠμότητα
Syracusains, sans que personne ne
τῶν ἀνδρῶν. Ὧν δὴ χάριν
se doutât de son arrivée ; il
καὶ οἱ τὰς Ἑλληνίδας attaqua à l'improviste les bâtiments
πόλεις οἰκοῦντες ὑπὸ qui s'y trouvaient à l'ancre, les
Καρχηδονίους, ἐπειδὴ endommagea à coups d'éperon, et,
φανερῶς Διονύσιος après les avoir presque tous coulés,

ἐξέφερε τὸν πόλεμον, il retourna à Carthage. Pendant ce


temps, Denys ravagea toutes les
ἐναπεδείξαντο τὸ πρὸς
terres des Carthaginois, refoula les
τοὺς Φοίνικας μῖσος· οὐ
ennemis dans leurs murs, et fit
μόνον γὰρ αὐτῶν τὰς marcher toute son armée contre
οὐσίας διήρπασαν, ἀλλὰ Motye, pensant que les autres villes
καὶ αὐτοὺς se rendraient d'elles-mêmes s'il

συλλαμβάνοντες πᾶσαν parvenait à s'emparer de celle-là. Il


fit donc travailler un grand nombre
αἰκίαν καὶ ὕβριν εἰς τὰ
d'ouvriers aux terrassements, et
σώματ´ αὐτῶν
parvint à combler l'espace qui
ἀπετίθεντο,
sépare Motye de la côte de la
μνημονεύοντες ὧν αὐτοὶ Sicile; il fit avancer ses machines
κατὰ τὴν αἰχμαλωσίαν vers les murailles à mesure que les
ἔπαθον. Ἐπὶ τοσοῦτον δὲ travaux avançaient.

τῆς κατὰ τῶν Φοινίκων L. Dans ce même temps,


τιμωρίας προέβησαν καὶ Imilcar, commandant des forces

τότε καὶ κατὰ τὸν navales de Carthage, apprit que


Denys avait fixé ses navires sur
ὕστερον χρόνον, ὥστε
leurs ancres, et aussitôt il fit
τοὺς Καρχηδονίους
équiper cent trirèmes de choix. Il
διδαχθῆναι μηκέτι comptait, en se montrant à
παρανομεῖν εἰς τοὺς l'improviste, s'emparer aisément
ὑποπεσόντας· οὐ γὰρ des navires mouillés dans le port,

ἠγνόουν, δι´ αὐτῶν τῶν et devenir ainsi maître de la mer.


Du même coup il espérait faire
ἔργων μαθόντες, ὅτι τοῖς
lever le siége de Motye et
διαπολεμοῦσι κοινῆς τῆς
transporter le théâtre de la guerre
τύχης ὑπαρχούσης
à Syracuse. ll mit donc à la voile
ἀμφοτέρους κατὰ τὰς avec cent navires, aborda la nuit
ἥττας τοιαῦτα ἀνάγκη sur la côte de Sélinonte, et, ayant
πάσχειν, οἷα ἂν αὐτοὶ doublé le cap Lilybée, il se trouva

πράξωσιν εἰς τοὺς avec le jour devant Motye. Ayant


apparu ainsi à l'improviste, il brisa
ἀτυχήσαντας. δ´ οὖν
une partie des bâtiments à l'ancre,
Διονύσιος, ἐπειδὴ πάντ´
et brûla les autres, sans que Denys
αὐτῷ τὰ πρὸς τὸν pût venir au secours. Imilcar
πόλεμον ἡτοίμαστο, pénétra ensuite dans le port, et

διενοεῖτο πέμπειν rangea ses bâtiments en ligne


comme pour attaquer ceux que les
ἀγγέλους εἰς Καρχηδόνα
Syracusains avaient mis à l'ancre.
τοὺς ἐροῦντας, ὅτι
Cependant Denys rassembla ses
Συρακόσιοι troupes à l'entrée du port, et
καταγγέλλουσι πόλεμον voyant les ennemis en garder
Καρχηδονίοις, ἐὰν μὴ τὰς l'issue, il craignit de faire traîner

ὑπ´ αὐτῶν ses navires dans le port, car il


n'ignorait pas que, la passe étant
καταδεδουλωμένας
très étroite, il y aurait
Ἑλληνίδας πόλεις
nécessairement danger à se battre
ἐλευθερώσωσιν. Διονύσιος
avec un petit nombre de navires
μὲν οὖν περὶ ταῦτ´ contre des forces doubles. Il
ἐγίνετο. employa donc un grand nombre de
soldats à faire tirer ses navires à
Κτησίας δ´
terre, pour les remettre à flot en
συγγραφεὺς τὴν τῶν
dehors du port, et les soustraire
Περσικῶν ἱστορίαν εἰς
ainsi à l'ennemi. Imilcar attaqua les
τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν premières trirèmes qu'il rencontra;
κατέστροφεν, ἀρξάμενος mais il fut repoussé par une grêle

ἀπὸ Νίνου καὶ de traits; car Denys avait placé sur

Σεμιράμεως. le pont des navires une multitude


d'archers et de frondeurs; d'un
Ἤκμασαν δὲ κατὰ autre côté, les Syracusains se
τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν οἱ servant à terre des catapultes
ἐπισημότατοι construites pour lancer des traits

διθυραμβοποιοί, aigus, tuèrent un grand nombre


d'ennemis. Ces nouvelles armes
Φιλόξενος Κυθήριος,
produisirent par leur nouveauté
Τιμόθεος Μιλήσιος,
une stupéfaction générale. Imilcar,
Τελέστης Σελινούντιος,
n'ayant pas réussi dans son
Πολύειδος, ὃς καὶ entreprise, retourna en Libye; il
ζωγραφικῆς καὶ μουσικῆς jugea tout engagement naval
εἶχεν ἐμπειρίαν. contraire à ses intérêts,parce que
les forces de ses ennemis étaient le
[47] Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου
double des siennes.
χρόνου διεληλυθότος
Ἀθήνησι μὲν παρειλήφει
τὴν ἀρχὴν Λυσιάδης, ἐν δὲ
τῇ Ῥώμῃ τὴν ὕπατον
ἀρχὴν διῴκουν χιλίαρχοι
ἕξ, Πόπλιος Μάλλιος,
Πούπλιος Μαίλιος,
Σπόριος Φούριος, Λεύκιος
Πούπλιος. Διονύσιος δ´
τῶν Συρακοσίων
τύραννος, ἐπειδὴ πάντα
τὰ πρὸς {τὸν} πόλεμον
αὐτῷ κατεσκεύαστο κατὰ
τὴν ἰδίαν προαίρεσιν,
ἐξέπεμψεν εἰς Καρχηδόνα
κήρυκα, δοὺς ἐπιστολὴν
πρὸς τὴν γερουσίαν· ἐν
ταύτῃ δὲ γεγραμμένον ἦν
ὅτι Συρακοσίοις
δεδογμένον εἴη πολεμεῖν
πρὸς Καρχηδονίους, ἐὰν
μὴ τῶν Ἑλληνίδων πόλεων
ἐκχωρήσωσιν. Οὗτος μὲν
οὖν κατὰ τὸ παραγγελθὲν
πλεύσας εἰς Λιβύην τὴν
ἐπιστολὴν ἀπέδωκε τῇ
γερουσίᾳ. ἧς
ἀναγνωσθείσης ἔν τε τῇ
συγκλήτῳ καὶ μετὰ ταῦτ´
ἐν τῷ δήμῳ συνέβη τοὺς
Καρχηδονίους οὐ μετρίως
ἀγωνιᾶν περὶ τοῦ
πολέμου· τε γὰρ λοιμὸς
αὐτῶν παμπληθεῖς
ἀπεκτάγκει καὶ τοῖς ὅλοις
ἦσαν ἀπαρασκεύαστοι. Οὐ
μὴν ἀλλ´ οὗτοι μὲν
ἐκαραδόκουν τὴν τῶν
Συρακοσίων προαίρεσιν,
καὶ μετὰ πολλῶν
χρημάτων ἀπέστειλάν
τινας τῶν ἐκ τῆς
γερουσίας τοὺς
ξενολογήσοντας ἀπὸ τῆς
Εὐρώπης· Διονύσιος δ´
ἀναλαβὼν τοὺς
Συρακοσίους καὶ τοὺς
μισθοφόρους, ἔτι δὲ τοὺς
συμμάχους, ἀνέζευξεν ἐκ
Συρακουσῶν, ἐπ´ Ἔρυκος
τὴν πορείαν ποιούμενος.
Οὐ μακρὰν γὰρ τοῦ λόφου
τούτου Μοτύη πόλις ἦν
ἄποικος Καρχηδονίων,
μάλιστα ἐχρῶντο κατὰ
τῆς Σικελίας ὁρμητηρίῳ·
ταύτης γὰρ κρατήσας
ἤλπιζεν οὐκ ὀλίγα
προτερήσειν τῶν
πολεμίων. Κατὰ δὲ τὴν
ὁδοιπορίαν ἀεὶ
παρελάμβανε τοὺς ἐκ τῶν
Ἑλληνίδων πόλεων,
πανδημεὶ καθοπλίζων·
συνεστρατεύοντο γὰρ
αὐτῷ προθύμως ἅπαντες,
μισοῦντες μὲν τὸ βάρος
τῆς τῶν Φοινίκων
ἐπικρατείας, ἐπιθυμοῦντες
δὲ τυχεῖν ποτε τῆς
ἐλευθερίας. Καὶ πρώτους
μὲν Καμαριναίους
παρέλαβεν, εἶτα Γελῴους
καὶ Ἀκραγαντίνους· μεθ´
οὓς Ἱμεραίους
μετεπέμψατο,
κατοικοῦντας ἐπὶ θάτερα
μέρη τῆς Σικελίας·
Σελινουντίους δ´ ἐν
παρόδῳ προσαγαγόμενος
παρεγενήθη πρὸς τὴν
Μοτύην μετὰ πάσης τῆς
δυνάμεως. Εἶχε δὲ πεζοὺς
μὲν ὀκτακισμυρίους,
ἱππεῖς δὲ {πολὺ} πλείους
τῶν τρισχιλίων, ναῦς δὲ
μακρὰς οὐ πολὺ λειπούσας
τῶν διακοσίων·
συνηκολούθει δὲ καὶ
φορτηγὰ πλοῖα γέμοντα
πολλῶν μηχανημάτων, ἔτι
δὲ τῆς ἄλλης χορηγίας
ἁπάσης, ὄντα τὸν ἀριθμὸν
οὐκ ἐλάττω πεντακοσίων.

[48] Τηλικαύτης δὲ
τῆς παρασκευῆς οὔσης,
Ἐρυκῖνοι μὲν
καταπλαγέντες τὸ
μέγεθος τῆς δυνάμεως καὶ
μισοῦντες Καρχηδονίους
προσεχώρησαν τῷ
Διονυσίῳ, οἱ δὲ τὴν
Μοτύην κατοικοῦντες
προσδεχόμενοι τὴν ἐκ
Καρχηδονίων βοήθειαν οὐ
κατεπλήττοντο τὴν
Διονυσίου δύναμιν, ἀλλὰ
πρὸς τὴν πολιορκίαν
παρεσκευάζοντο· οὐ γὰρ
ἠγνόουν τοὺς
Συρακοσίους ὅτι πρώτην
τὴν Μοτύην πορθήσουσι
διὰ τὸ πιστοτάτην εἶναι
τοῖς Καρχηδονίοις. Αὕτη δ
´ πόλις ἦν ἐπί τινος
νήσου κειμένη, τῆς
Σικελίας ἀπέχουσα
σταδίους ἕξ, τῷ δὲ πλήθει
καὶ τῷ κάλλει τῶν οἰκιῶν
εἰς ὑπερβολὴν
πεφιλοτεχνημένη διὰ τὴν
εὐπορίαν τῶν
κατοικούντων. Εἶχε δὲ καὶ
ὁδὸν στενὴν χειροποίητον
φέρουσαν ἐπὶ τὸν τῆς
Σικελίας αἰγιαλόν, ἣν οἱ
Μοτυηνοὶ τότε διέσκαψαν,
ὡς μὴ προσόδους ἔχοιεν
κατ´ αὐτῶν οἱ πολέμιοι.
Διονύσιος δὲ μετὰ τῶν
ἀρχιτεκτόνων
κατασκεψάμενος τοὺς
τόπους, ἤρξατο χώματα
κατασκευάζειν ἐπὶ τὴν
Μοτύην, καὶ τὰς μὲν
μακρὰς ναῦς παρὰ τὸν
εἴσπλουν τοῦ λιμένος
ἐνεώλκησε, τὰ δὲ
φορτηγὰ τῶν πλοίων
ὥρμισε παρὰ τὸν
αἰγιαλόν. Μετὰ δὲ ταῦτα
ἐπὶ μὲν τῶν ἔργων
κατέλιπεν ἐπιστάτην
Λεπτίνην τὸν ναύαρχον,
αὐτὸς δὲ μετὰ τῆς πεζῆς
στρατιᾶς ὥρμησεν ἐπὶ τὰς
τοῖς Καρχηδονίοις
συμμαχούσας πόλεις.
Σικανοὶ μὲν οὖν πάντες
εὐλαβούμενοι τὸ μέγεθος
τῆς δυνάμεως
προσεχώρησαν τοῖς
Συρακοσίοις, τῶν δὲ
ἄλλων πόλεων πέντε
μόνον διέμειναν ἐν τῇ
πρὸς Καρχηδονίους φιλίᾳ·
αὗται δὲ ἦσαν Ἁλικύαι,
Σολοῦς, Αἴγεστα,
Πάνορμος, Ἔντελλα. Τὴν
μὲν οὖν τῶν Σολουντίνων
καὶ Πανορμιτῶν, πρὸς δὲ
τούτοις Ἁλικυαίων χώραν
Διονύσιος λεηλατήσας
ἐδενδροτόμησε, τὴν δὲ
Αἴγεσταν καὶ Ἔντελλαν
πολλῇ δυνάμει
περιστρατοπεδεύσας
συνεχεῖς ἐποιεῖτο
προσβολάς, σπεύδων
αὐτῶν μετὰ βίας
κυριεῦσαι. Καὶ τὰ μὲν περὶ
Διονύσιον ἐν τούτοις ἦν.

[49] Ἰμίλκων δὲ τῶν


Καρχηδονίων στρατηγὸς
αὐτὸς μὲν περὶ τὸν τῶν
δυνάμεων ἀθροισμὸν καὶ
τὴν ἄλλην ἐγίνετο
παρασκευήν, τὸν δὲ
ναύαρχον μετὰ δέκα
τριήρων ἀπέστειλε,
κελεύσας κατὰ τάχος
λάθρᾳ πλεῖν ὡς ἐπὶ
Συρακοσίους, καὶ νυκτὸς
εἰς τὸν λιμένα πλεύσαντα
διαφθεῖραι τὰ
καταλελειμμένα τῶν
πλοίων. Τοῦτο δ´ ἔπραξε
νομίζων ἀντιπερισπασμόν
τινα ποιήσειν καὶ τὸν
Διονύσιον ἀναγκάσειν
μέρος τῶν πλοίων
ἀποστέλλειν ἐπὶ
Συρακοσίους. δὲ
πεμφθεὶς ναύαρχος
συντόμως πράξας τὸ
παραγγελθέν, κατέπλευσε
νυκτὸς εἰς τὸν τῶν
Συρακοσίων λιμένα,
πάντων ἀγνοούντων τὸ
γεγενημένον.
Ἀπροσδοκήτως δ´
ἐπιθέμενος καὶ τοῖς
παρορμοῦσι πλοίοις
ἐμβολὰς δοὺς καὶ σχεδὸν
ἅπαντα καταδύσας,
ἀνέκαμψεν εἰς Καρχηδόνα.
Διονύσιος δὲ πᾶσαν τὴν
ὑπὸ Καρχηδονίους χώραν
δῃώσας καὶ τοὺς
πολεμίους τειχήρεις
ποιήσας, ἐπὶ τὴν Μοτύην
ἅπασαν ἤγαγε τὴν
δύναμιν· ἤλπιζε γὰρ
ταύτης ἐκπολιορκηθείσης
τὰς ἄλλας εὐθέως αὑτὰς
παραδώσειν. Εὐθὺς οὖν
πολλαπλασίους ἄνδρας
τοῖς ἔργοις τε προστιθεὶς
ἐχώννυε τὸν μεταξὺ
πόρον, καὶ τὰς μηχανὰς ἐκ
τοῦ κατ´ ὀλίγον ἅμα τῇ
τοῦ χώματος αὐξήσει
προσήγαγε τοῖς τείχεσιν.

[50] Περὶ δὲ τοῦτον


τὸν χρόνον Ἰμίλκων τῶν
Καρχηδονίων ναύαρχος
ἀκούσας ὅτι Διονύσιος
ἐνεώλκησε τὰς ναῦς,
εὐθὺς ἐπλήρου τὰς
ἀρίστας τῶν τριήρων
ἑκατόν· ὑπελάμβανε γὰρ
ἀπροσδοκήτως ἐπιφανεὶς
ῥᾳδίως κρατήσειν τῶν
νενεωλκημένων ἐν τῷ
λιμένι σκαφῶν, κυριεύων
τῆς θαλάττης· τοῦτο δὲ
πράξας ἐνόμιζε τήν τε
τῆς Μοτύης πολιορκίαν
λύσειν καὶ τὸν πόλεμον
μετάξειν ἐπὶ τὴν τῶν
Συρακοσίων πόλιν.
Ἐκπλεύσας οὖν μετὰ νεῶν
ἑκατὸν κατήχθη ἐπὶ τὴν
τῶν Σελινουντίων χώραν
νυκτός, καὶ περιπλεύσας
τὴν περὶ Λιλύβαιον ἄκραν
ἅμ´ ἡμέρᾳ παρῆν ἐπὶ τὴν
Μοτύην. Ἀνελπίστως δ´
ἐπιφανεὶς τοῖς πολεμίοις
τῶν παρορμούντων
πλοίων τὰ μὲν συνέτριψε,
τὰ δ´ ἔκαυσεν, οὐ
δυναμένων βοηθεῖν τῶν
περὶ Διονύσιον. Μετὰ δὲ
ταῦτ´ εἰσπλεύσας εἰς τὸν
λιμένα διέταξε τὰς ναῦς
ὡς ἐπιθησόμενος ταῖς
νενεωλκημέναις ὑπὸ τῶν
πολεμίων. Διονύσιος δὲ
συναγαγὼν τὴν δύναμιν
ἐπὶ τὸ στόμα τοῦ λιμένος,
καὶ θεωρῶν τοὺς
πολεμίους τὸν ἐκ τοῦ
λιμένος ἔκπλουν
παραφυλάττοντας,
εὐλαβεῖτο καθέλκειν εἰς
τὸν λιμένα τὰ σκάφη· οὐ
γὰρ ἠγνόει διότι στενοῦ
τοῦ στόματος ὄντος
ἀναγκαῖον ἦν ὀλίγαις
ναυσὶ πρὸς πολλαπλασίους
διακινδυνεύειν. Διόπερ τῷ
πλήθει τῶν στρατιωτῶν
ῥᾳδίως διελκύσας τὰ
σκάφη διὰ τῆς γῆς εἰς τὴν
ἐκτὸς τοῦ λιμένος
θάλατταν διέσωσε τὰς
ναῦς. Ἰμίλκων δὲ ταῖς
πρώταις τριήρεσιν
ἐπιθέμενος τῷ πλήθει τῶν
βελῶν ἀνείργετο· ἐπὶ μὲν
γὰρ τῶν νεῶν ἐπεβεβήκει
πλῆθος τοξοτῶν καὶ
σφενδονητῶν, ἀπὸ δὲ τῆς
γῆς τοῖς ὀξυβελέσι
καταπέλταις οἱ
Συρακόσιοι χρώμενοι
συχνοὺς τῶν πολεμίων
ἀνῄρουν· καὶ γὰρ
κατάπληξιν εἶχε μεγάλην
τοῦτο τὸ βέλος διὰ τὸ
πρώτως εὑρεθῆναι κατ´
ἐκεῖνον τὸν καιρόν· ὥστε
Ἰμίλκων οὐ δυνάμενος
κρατῆσαι τῆς ἐπιβολῆς
ἀπέπλευσεν εἰς τὴν
Λιβύην, ναυμαχεῖν οὐ
κρίνων συμφέρειν διὰ τὸ
διπλασίας εἶναι τὰς ναῦς
τῶν πολεμίων.

[51] Διονύσιος δὲ τῇ LI. Grâce au grand nombre

πολυχειρίᾳ τῶν d'ouvriers qu'il avait employés,


Denys était parvenu à terminer la
ἐργαζομένων συντελέσας
jetée; et il fit avancer ses diverses
τὸ χῶμα, προσήγαγε
machines contre les murs de la
παντοίας μηχανὰς τοῖς ville. Il battit les tours avec les
τείχεσι, καὶ τοῖς μὲν béliers, et fit jouer les catapultes
κριοῖς ἔτυπτε τοὺς contre les combattants échelonnés

πύργους, τοῖς δὲ sur les remparts. Il fit aussi


approcher les tours à roues, de six
καταπέλταις ἀνέστελλε
étages, égalant la hauteur des
τοὺς ἐπὶ τῶν ἐπάλξεων
maisons. Cependant les habitants
μαχομένους· προσήγαγε
de Motye, bien que menacés d'un
δὲ καὶ τοὺς ὑποτρόχους danger imminent, et privés alors de
πύργους τοῖς τείχεσιν, tout secours, ne s'effrayèrent pas
ἑξωρόφους ὄντας, οὓς de l'approche de l'armée de Denys.

κατεσκεύασε πρὸς τὸ τῶν Jaloux de surpasser l'ardeur des


assiégeants, ils suspendirent au
οἰκιῶν ὕψος. Οἱ δὲ τὴν
sommet des plus grands mâts des
Μοτύην κατοικοῦντες ἐν
paniers (61), remplis de soldats
χερσὶ τοῦ κινδύνου qui, de ces points élevés, lançaient
καθεστῶτος ὅμως οὐ sur les machines de l'ennemi des
κατεπλάγησαν τὴν τοῦ torches brûlantes et des étoupes

Διονυσίου δύναμιν, καίπερ enflammées, enduites de poix. Le


feu gagna les matériaux; mais les
ὄντες ἔρημοι συμμάχων
Siciliens étant promptement
κατ´ ἐκεῖνον τὸν καιρόν.
accourus, l'éteignirent, et, frappant
Ὑπερτιθέμενοι δὲ τῇ
la muraille à coups de bélier, ils
φιλοδοξίᾳ τοὺς parvinrent à ouvrir une large
πολιορκοῦντας, τὸ μὲν brèche. Assiégeants et assiégés
πρῶτον ἐκ τῶν μεγίστων s'accumulèrent, se pressèrent sur

ἱστῶν κεραίαις ἱσταμέναις ce point, qui devint le champ d'un


combat acharné. Les Siciliens, se
ἐβάσταζον ἄνδρας ἐν
croyant déjà maîtres de la ville,
θωρακίοις, οὗτοι δ´ ἀφ´
firent tous leurs efforts pour se
ὑψηλῶν τόπων δᾷδας
ἡμμένας ἠφίεσαν καὶ venger des outrages qu'ils avaient

στυππεῖα καιόμενα μετὰ jadis reçus des Carthaginois. De


leur côté, les habitants de la ville
πίττης εἰς τὰς τῶν
voyant en quelque sorte sous leurs
πολεμίων μηχανάς. Ταχὺ
yeux les maux de l'esclavage, et ne
δὲ τῆς φλογὸς connaissant aucun moyen de fuir ni
ἐπινεμομένης τὴν ὕλην, par terre ni par mer, se défendirent
ὀξέως οἱ Σικελιῶται en désespérés. Dès qu'ils

παραβοηθήσαντες ταύτην s'aperçurent qu'il ne fallait plus


compter sur la défense de leurs
μὲν ἀπέσβεσαν, τοῖς δὲ
murailles, ils barricadèrent les rues
κριοῖς πυκνὰς τὰς
et se servirent des maisons les plus
ἐμβολὰς διδόντες
éloignées du centre, comme d'un
κατέβαλον μέρος τοῦ rempart construit à grands frais;
τείχους. Συνδραμόντων δ´ c'est ce qui mit les troupes de
ἐπὶ τὸν τόπον ἀθρόων ἐξ Denys dans une situation

ἑκατέρου μέρους ἰσχυρὰν périlleuse. Car, après avoir pénétré


en dedans des murailles et se
συνέβαινε τὴν μάχην
croyant déjà en possession de la
γίνεσθαι. Οἱ μὲν γὰρ
ville, ils furent accablés par une
Σικελιῶται κεκρατηκέναι grêle de traits lancés du sommet
τῆς πόλεως ἤδη des maisons. Denys fit alors
νομίζοντες, πᾶν ὑπέμενον approcher les tours de bois

ἕνεκεν τοῦ τοὺς Φοίνικας jusqu'aux premières maisons


surlesquelles il jeta des ponts
ἀμύνεσθαι, περὶ ὧν
mobiles. Comme ces machines
πρότερον εἰς αὐτοὺς
égalaient la hauteur des toits, il
ἡμαρτήκεισαν· οἱ δ´ ἐκ
s'engagea un combat corps à
τῆς πόλεως πρὸ corps. Car les Siciliens, au moyen
ὀφθαλμῶν λαμβάνοντες de ces ponts mobiles, pénétrèrent
τὰ τῆς αἰχμαλωσίας de force dans les maisons.

δεινά, καὶ φυγὴν οὐδεμίαν LII. Cependant les Motyens,


ὁρῶντες ὑπάρχουσαν οὔτε malgré le danger dont ils

κατὰ γῆν οὔτε κατὰ calculaient la grandeur,


combattirent courageusement sous
θάλατταν, οὐκ ἀγενῶς
les yeux de leurs femmes et de
ὑπέμενον τὸν θάνατον.
leurs enfants. Les uns, entourés de
Θεωροῦντες δὲ τὴν ἀπὸ leurs pères et mères qui les
τῶν τειχῶν ἐπικουρίαν suppliaient de ne pas les livrer à

περιῃρημένην, l'insolence de l'ennemi, sentaient


leur courage se ranimer et ne
ἐνέφραττον τοὺς
ménageaient point leur vie. Les
στενωπούς, καὶ ταῖς
autres, entendant le gémissement
ἐσχάταις οἰκίαις ἐχρῶντο des femmes et des enfants,
καθάπερ τειχίῳ aimaient mieux mourir les armes à
πολυτελῶς ᾠκοδομημένῳ. la main que d'être témoins de la

Ὅθεν εἰς μείζονα captivité de leurs enfants. Il était


d'ailleurs impossible de s'enfuir de
δυσχέρειαν οἱ περὶ τὸν
la ville; car elle était de tous côtés
Διονύσιον παρεγενήθησαν.
baignée par les eaux, et les
Παρεισπεσόντες γὰρ
ennemis étaient maîtres de la mer.
ἐντὸς τοῦ τείχους, καὶ Les Motyens furent saisis de
δοκοῦντες ἤδη κυριεύειν frayeur à l'aspect des cruautés dont
τῆς πόλεως, ὑπὸ τῶν ἐν les prisonniers grecs avaient été

ταῖς οἰκίαις ὄντων ἐξ l'objet; les Carthaginois surtout


s'attendaient à subir le même
ὑπερδεξίων τόπων
traitement. Il ne leur resta donc
κατετιτρώσκοντο. Οὐ μὴν
plus qu'à vaincre ou à mourir en
ἀλλὰ τοὺς ξυλίνους combattant glorieusement. Cette
πύργους προσαγαγόντες résolution prise par les assiégés mit
ταῖς πρώταις οἰκίαις les Siciliens dans un grand

ἐπιβάθρας κατεσκεύασαν. embarras. Ceux qui combattaient


sur les planches servant de ponts
ἴσων δ´ ὄντων τῶν
mobiles furent repoussés avec
μηχανημάτων τοῖς
perte, à cause de l'espace étroit où
οἰκοδομήμασι, τὸ λοιπὸν
ils se trouvaient et parce qu'ils
ἐκ χειρὸς συνέβαινεν εἶναι luttaient contre des ennemis
τὴν μάχην. Οἱ μὲν γὰρ réduits au désespoir. Ainsi, les uns
Σικελιῶται τὰς ἐπιβάθρας combattaient corps à corps,

ἐπιρριπτοῦντες, διὰ donnant et recevant des blessures


mortelles; les autres, repoussés
τούτων ἐπὶ τὰς οἰκίας
par les Motyens, tombèrent du haut
ἐβιάζοντο·
des planches du pont et périrent.
[52 ]οἱ δὲ Μοτυηνοὶ τὸ Enfin ce siége dura plusieurs jours,

μέγεθος τοῦ κινδύνου et Denys fit sonner tous les soirs la

λογιζόμενοι, καὶ τῶν retraite pour suspendre l'assaut.


γυναικῶν καὶ τῶν τέκνων Après avoir habitué les Motyens à

ἐν ὀφθαλμοῖς ὄντων, τῷ ce genre de guerre, et au moment


où les deux partis s'étaient retirés,
περὶ τούτων φόβῳ
Denys fit partir Archylus de
προθυμότερον
Thurium avec un détachement de
ἠγωνίζοντο. Οἱ μὲν γὰρ soldats d'élite. Celui-ci, à la faveur
γονέων παρεστώτων καὶ de la nuit, fit appliquer des échelles
δεομένων μὴ περιιδεῖν contre les maisons écroulées, et,

αὐτοὺς τῇ τούτων ὕβρει après les avoir escaladées, il prit


possession d'un poste avantageux
παραδιδομένους
où il attendit l'arrivée des troupes
ἐπηγείροντο ταῖς ψυχαῖς,
de Denys. Informés de cette
οὐδεμίαν φειδὼ τοῦ ζῆν
surprise, les Motyens accoururent
ποιούμενοι, οἱ δὲ γυναικῶν en toute hâte, et comme ils se
καὶ νηπίων τέκνων θρῆνον trouvaient en retard, ils bravèrent
ἀκούοντες ἔσπευδον tous les dangers pour repousser

εὐγενῶς ἀποθανεῖν, πρὶν l'ennemi. Un combat violent


s'engagea et ce ne fut que grâce à
ἐπιδεῖν τὴν τῶν τέκνων
la supériorité numérique que les
αἰχμαλωσίαν· οὐδὲ γὰρ
Siciliens parvinrent avec peine à
φυγεῖν ἐκ τῆς πόλεως ἦν, battre leurs adversaires.
ὡς ἂν περιεχούσης μὲν
LIII. Aussitôt toute l'armée de
θαλάττης, τῶν δὲ Denys se précipita par la jetée dans
πολεμίων l'intérieur de Motye, et toute la
θαλαττοκρατούντων. place fut jonchée de cadavres; car

Ἐξέπληττέ τε {αὐτοὺς} les Siciliens, rivalisant en cruauté


avec les Carthaginois, tuèrent sans
καὶ μάλιστα ἀπογινώσκειν
pitié tous les habitants qu'ils
ἐποίει τοὺς Φοίνικας τὸ
rencontrèrent en n'épargnant ni
ὠμῶς κεχρῆσθαι τοῖς τῶν
femmes, ni enfants, ni vieillards.
Ἑλλήνων ἡλωκόσιν, οἷς
Denys, voulant réduire la ville
ταὐτὸ προσεδόκων
en esclavage, arrêta le massacre
πείσεσθαι. Ἀπελείπετ´ οὖν des captifs parce qu'il voulait par
αὐτοῖς εὐγενῶς leur vente se procurer de l'argent.

μαχομένοις νικᾶν Mais comme son ordre n'était point


respecté et qu'il vit l'impossibilité
τελευτᾶν. Τοιαύτης δὲ
d'arrêter la fureur des Siciliens, il
παραστάσεως ἐμπεσούσης
εἰς τὰς τῶν fit proclamer par des hérauts que

πολιορκουμένων ψυχάς, les Motyens eussent à chercher un


asile dans les temples vénérés chez
συνέβαινε τοὺς
les Grecs. Cela fait, les soldats
Σικελιώτας εἰς πολλὴν
cessèrent le carnage et se livrèrent
ἀπορίαν ἐμπίπτειν. Ἀπὸ avec ardeur au pillage des
γὰρ τῶν ἐπερεισθεισῶν maisons; ils enlevèrent ainsi une
σανίδων μαχόμενοι κακῶς grande masse d'argent, beaucoup

ἀπήλλαττον διά τε τὴν d'or, de riches vêtements et une


foule d'autres objets précieux.
στενοχωρίαν καὶ διὰ τὸ
Denys avait abandonné aux soldats
τοὺς ἐναντίους
le pillage de la ville, afin de les
ἀπονενοημένως
rendre plus disposés à braver les
κινδυνεύειν, ὡς ἂν dangers de la guerre. Après ce
ἀπογινώσκοντας τὸ ζῆν· succès, il décerna à Archylus, qui le
ὥσθ´ οἱ μὲν εἰς χεῖρας premier avait escaladé les murs,

συμπλεκόμενοι καὶ une couronne de cent mines (62);


il donna aux autres des
τραύματα διδόντες καὶ
récompenses proportionnées à leur
λαμβάνοντες ἀπέθνησκον,
bravoure et vendit à l'enchère les
οἱ δ´ ὑπὸ τῶν Μοτυαίων Motyens qui avaient survécu à leur
ἐξωθούμενοι καὶ ἀπὸ τῶν défaite. Quant à Daïmène et
σανίδων ἀποπίπτοντες εἰς quelques autres Grecs captifs

τὴν γῆν ἀπώλλυντο. Τέλος auxiliaires des Carthaginois, il les


fit mettre en croix. Après cette
δ´ ἐφ´ ἡμέρας τοιαύτης
victoire, Denys établit dans Motye
τινὸς τῆς πολιορκίας
une garnison confiée au
γινομένης, Διονύσιος αἰεὶ
commandement de Biton de
πρὸς τὴν ἑσπέραν τῇ Syracuse; la majeure partie de
σάλπιγγι τοὺς μαχομένους cette garnison se composa de
ἀνακαλούμενος ἔλυε τὴν Sicules. Il laissa aussi dans ces

πολιορκίαν. Εἰς τοιαύτην parages Leptine, le nauarque, avec


cent vingt navires pour observer les
δὲ συνήθειαν τοὺς
mouvements des Carthaginois. Il
Μοτυαίους ἀγαγών,
lui ordonna d'assiéger Egeste et
ἐπειδὴ παρ´ ἑκατέρων οἱ Entelle qu'il avait depuis longtemps
κινδυνεύοντες ἀπῆλθον, résolu de détruire. Comme l'été
ἀπέστειλεν Ἀρχύλον τὸν était déjà passé, il regagna avec
Θούριον μετὰ τῶν son armée Syracuse.

ἐπιλέκτων· οὗτος δ´ ἤδη En ce temps, Sophocle, fils de


νυκτὸς οὔσης προσήρεισε Sophocle, commença à enseigner la

ταῖς πεπτωκυίαις οἰκίαις tragédie à Athènes et remporta


douze fois le prix.
κλίμακας, δι´ ὧν ἀναβὰς
LIV. L'année étant révolue,
καὶ καταλαβόμενός τινα
Phormion fut nommé archonte
τόπον εὔκαιρον
d'Athènes; les Romains élurent, au
παρεδέχετο τοὺς περὶ τὸν
lieu de consuls, six tribuns
Διονύσιον. Οἱ δὲ Μοτυαῖοι militaires, Cnéius Génucius, Lucius
τὸ γεγενημένον Atilius, Marcus Pomponius, Caïus
αἰσθόμενοι παραυτίκα Duilius, Marcus Véturius et Valérius

μετὰ πάσης σπουδῆς Publius; et on célébra la XCVIe


olympiade dans laquelle Eupolis
παρεβοήθουν, καὶ τῶν
d'Elide fut vainqueur à la course du
καιρῶν ὑστεροῦντες
stade (63).
οὐδὲν ἧττον ὑπέστησαν
Dans ce temps, Denys, tyran
τὸν κίνδυνον. Γενομένης
des Syracusains, envahit avec
δὲ τῆς μάχης ἰσχυρᾶς καὶ toute son armée le territoire
πολλῶν προσαναβάντων, soumis à la domination des
μόγις οἱ Σικελιῶται τῷ Carthaginois. Pendant qu'il

πλήθει κατεπόνησαν τοὺς ravageait la campagne, les


Halyciens consternés lui envoyèrent
ἀνθεστηκότας.
des députés et demandèrent son
[53] Εὐθὺς δὲ καὶ διὰ alliance. Les Egestéens profitèrent
τοῦ χώματος δύναμις de la nuit pour attaquer à
ἅπασα τοῦ Διονυσίου l'improviste les assiégeants, mirent

παρεισέπεσεν εἰς τὴν le feu aux tentes et répandirent le


désordre dans le camp de l'ennemi.
πόλιν, καὶ πᾶς τόπος
L'incendie gagnant du terrain, il fut
ἔγεμε τῶν ἀναιρουμένων·
impossible de l'éteindre; il y périt
οἱ γὰρ Σικελιῶται
quelques soldats qui étaient
ὠμότητα ὠμότητι accourus pour éteindre le feu, et la
σπεύδοντες ἀμύνεσθαι, plupart des chevaux furent brûlés

πάντας ἑξῆς ἀνῄρουν, avec les tentes. Cependant Denys


continua à désoler la campagne
ἁπλῶς οὐ παιδός, οὐ
sans éprouver aucune résistance.
γυναικός, οὐ πρεσβύτου
φειδόμενοι. De son côté, Leptine le nauarque,
stationné à Motye, surveillait les
Διονύσιος δὲ
mouvements des ennemis. Les
βουλόμενος
Carthaginois, instruits de la force
ἐξανδραποδίσασθαι τὴν de l'armée de Denys, résolurent de
πόλιν, ὅπως ἀθροισθῇ la surpasser encore par de

χρήματα, τὸ μὲν πρῶτον nouveaux préparatifs de guerre. Ils

ἀνεῖργε τοὺς στρατιώτας confièrent donc, d'après leurs lois,


l'autorité royale à Imilcar et firent
τοῦ φονεύειν τοὺς
venir des troupes de toute la Libye
αἰχμαλώτους· ὡς δ´
et de l'Ibérie; ces troupes étaient
οὐδεὶς αὐτῷ προσεῖχεν, formées en partie d'alliés, en partie
ἀλλ´ ἑώρα τὴν τῶν de mercenaires. Ils parvinrent ainsi
Σικελιωτῶν ὁρμὴν à réunir une armée de plus de trois

ἀκατάσχετον οὖσαν, cent mille hommes d'infanterie, de


quatre mille chevaux,
παρεστήσατο κήρυκας
indépendamment des chars qui
τοὺς μετὰ βοῆς
étaient au nombre de quatre cents.
δηλώσοντας τοῖς
Leur flotte se composait de quatre
Μοτυαίοις φυγεῖν εἰς τὰ cents vaisseaux longs, et, suivant
παρὰ τοῖς Ἕλλησιν ἱερὰ Éphore, de plus de six cents

τιμώμενα. Οὗ γενηθέντος vaisseaux de transport chargés de

οἱ μὲν στρατιῶται τοῦ vivres, de machines et d'autres


munitions de guerre. Timée ne
φονεύειν ἔληγον, ἐπὶ δὲ
porte pas au delà de cent mille
τὴν τῶν κτήσεων
hommes les troupes qui passèrent
διαρπαγὴν ὥρμησαν· καὶ de Libye en Sicile, et à ces troupes
διεφορεῖτο πολὺς μὲν il ajoute trente mille hommes
ἄργυρος, οὐκ ὀλίγος δὲ enrôlés en Sicile.

χρυσός, καὶ ἐσθῆτες LV. Au départ, Imilcar donna à


πολυτελεῖς καὶ τῆς ἄλλης tous les pilotes un livret cacheté

εὐδαιμονίας πλῆθος. Τὴν avec l'ordre de ne l'ouvrir que


lorsqu'ils seraient en mer, et d'en
δὲ τῆς πόλεως διαρπαγὴν
exécuter le contenu. Il avait
ἔδωκεν Διονύσιος τοῖς
imaginé ce stratagème afin
στρατιώταις, βουλόμενος qu'aucun espion ne vînt annoncer à
προθύμους αὐτοὺς Denys le départ des Carthaginois;
ποιῆσαι πρὸς τοὺς l'écrit portait de se diriger sur
ἐπιφερομένους κινδύνους. Panorme. Profitant d'un vent

Ἀπὸ δὲ τούτων γενόμενος favorable, toute la flotte leva


l'ancre, les vaisseaux de transport
Ἀρχύλον τὸν ἀναβάντα
gagnèrent le large et les trirèmes
πρῶτον ἐπὶ τὸ τεῖχος
firent voile sur Motye, en longeant
ἑκατὸν μναῖς la côte. Le vent soufflait avec
ἐστεφάνωσεν, τῶν δ´ violence, et les premiers vaisseaux
ἄλλων κατὰ τὴν ἀξίαν de transport étaient déjà en vue de

ἕκαστον τῶν la Sicile, lorsque Denys détacha


Leptine avec trente trirèmes, et lui
ἠνδραγαθηκότων
ordonna d'attaquer à coups
ἐτίμησεν, καὶ τῶν
d'éperon les navires ennemis et de
Μοτυαίων τοὺς
détruire tous ceux qu'il aurait
περιλειφθέντας capturés. Cet ordre fut
ἐλαπυροπώλησεν· promptement exécuté; et, au
Δαϊμένην δὲ καί τινας τῶν premier engagement, Leptine coula

Ἑλλήνων συμμαχοῦντας bas quelques bâtiments avec tout


leur équipage; les autres, montés
Καρχηδονίοις λαβὼν
par de bons rameurs et ayant le
αἰχμαλώτους
vent en poupe, parvinrent aisément
ἀνεσταύρωσεν. Μετὰ δὲ à se sauver. Les bâtiments coulés
ταῦτα φύλακας τῆς étaient au nombre de cinquante; ils
πόλεως καταστήσας, portaient cinq mille hommes et

Βίτωνα τὸν Συρακόσιον deux cents chars de guerre.


Cependant Imilcar atteignit
φρούραρχον ἀπέδειξε· τὸ
Panorme; il débarqua ses troupes
δὲ πλεῖον μέρος ἐκ τῶν
et les fit marcher contre les
Σικελῶν ὑπῆρχεν. Καὶ
ennemis. Il donna aux trirèmes
Λεπτίνην μὲν τὸν l'ordre de côtoyer le rivage; chemin
ναύαρχον μετὰ νεῶν faisant, il s'empara d'Eryx par
εἴκοσι καὶ ἑκατὸν trahison et vint camper devant

παρατηρεῖν τὴν διάβασιν Motye. Denys était avec son armée


à Égeste, lorsque Imilcar assiégea
τῶν Καρχηδονίων - - -
Motye. Les Siciliens désiraient le
συνέταξε δ´ αὐτῷ τὴν
combat, mais Denys, très éloigné
Αἴγεσταν καὶ τὴν des villes alliées et commençant à
Ἔντελλαν πολιορκεῖν, manquer de vivres, jugea à propos
καθάπερ ἐξ ἀρχῆς πορθεῖν de transporter ailleurs le théâtre de
αὐτὴν ἐνεστήσατο· αὐτὸς la guerre. Il se détermina donc à la

δὲ τοῦ θέρους ἤδη retraite et engagea les Sicaniens à


quitter pour le moment leurs villes
λήγοντος ἀνέζευξε μετὰ
et à servir dans son armée. En
τῆς δυνάμεως εἰς
récompense, il leur promit un
Συρακούσας. territoire plus fertile et aussi

Ἐν δὲ ταῖς Ἀθήναις peuplé, ajoutant qu'à la fin de la

Σοφοκλῆς {ὁ Σοφοκλέους} guerre il laisserait chacun libre de


rentrer dans ses foyers. Un petit
τραγῳδίαν διδάσκειν
nombre de Sicaniens, craignant par
ἤρξατο, καὶ νίκας ἔσχε
un refus de s'exposer au pillage,
δεκαδύο. se rendirent aux prières de Denys.

[54] Τοῦ δ´ {La plupart s'y refusèrent.(64)}


Cet exemple fut suivi des Halicyens
ἐνιαυσιαίου χρόνου
qui envoyèrent des députés aux
διεληλυθότος Ἀθήνησι μὲν
Carthaginois, et conclurent une
ἔλαβε τὴν ἀρχὴν Φορμίων,
alliance. Denys se mit en marche
ἐν Ῥώμῃ δ´ ἀντὶ τῶν pour Syracuse, ravageant le pays
ὑπάτων ἐγένοντο par lequel il conduisit son armée.
χιλίαρχοι ἕξ, Γναῖος LVI. Imilcar réussissant ainsi
Γενούκιος {καὶ} Λεύκιος dans son entreprise, se prépara à

Ἀτίλιος, Μάρκος faire marcher son armée contre

Πομπώνιος, Γάιος Δυίλιος, Messine, désirant vivement s'en


rendre maître et occuper cette
Μάρκος Οὐετούριος,
position avantageuse (65). En
Οὐαλέριος Ποπλίλιος,
effet, le port de Messine était bien
ὀλυμπιὰς δ´ ἤχθη placé pour recevoir toute la flotte
ἐνενηκοστὴ καὶ ἕκτη, καθ´ carthaginoise composée de plus de
ἣν ἐνίκα Εὔπολις Ἠλεῖος. six cents bâtiments. Une fois en
possession du détroit, Imilcar se
Τούτων δὲ τὴν ἀρχὴν
flattait de pouvoir intercepter le
παραλαβόντων Διονύσιος
convoi des troupes auxiliaires
τῶν Συρακοσίων τύραννος d'Italie et tenir en respect les
μετὰ πάσης τῆς δυνάμεως flottes qui seraient envoyées du
ἀναζεύξας ἐκ Συρακουσῶν Péloponnèse. Après avoir arrêté ce

ἐνέβαλεν εἰς τὴν τῶν plan, il fit un traité d'alliance avec


les Himériens et les habitants de la
Καρχηδονίων ἐπικράτειαν.
place de Céphalcedium. Il s'empara
Πορθοῦντος δ´ αὐτοῦ τὴν ensuite de la ville de Lipare, et

χώραν, Ἁλικυαῖοι μὲν imposa aux habitants de l'île un


tribut de trente talents (66). Enfin,
καταπλαγέντες
il se porta avec toute son armée
διεπρεσβεύσαντο πρὸς
sur Messine, pendant que sa flotte
αὐτὸν καὶ συμμαχίαν côtoyait le rivage. Après avoir
ἐποιήσαντο, Αἰγεσταῖοι δὲ promptement parcouru ce trajet, il
τοῖς πολιορκοῦσι νυκτὸς vint camper à Péloris, à cent stades

ἀπροσδοκήτως de Messine (67). Lorsque les


habitants de cette ville apprirent la
ἐπιθέμενοι, καὶ πῦρ
présence de l'ennemi, ils eurent
ἐνέντες ταῖς κατὰ τὴν
des avis différents au sujet de cette
παρεμβολὴν σκηναῖς, εἰς
guerre. Quelques-uns, connaissant
πολλὴν ταραχὴν ἤγαγον la puissance de l'ennemi, et se
τοὺς ἐν τῇ στρατοπεδείᾳ· voyant eux-mêmes sans alliés et
ἐπινεμηθείσης δὲ τῆς privés de leur propre cavalerie, qui

φλογὸς ἐπὶ πολὺν τόπον, se trouvait alors à Syracuse,


renoncèrent à soutenir un siége;
καὶ τοῦ πυρὸς
leurs murs abattus leur ôtaient le
ἀκατασχέτου γενηθέντος,
courage de se défendre, et le
τῶν μὲν παραβοηθούντων temps actuel ne permettait pas de
στρατιωτῶν ὀλίγοι les reconstruire. Ils firent donc
διεφθάρησαν, τῶν δ´ sortir de Messine leurs enfants,

ἵππων οἱ πλεῖστοι ταῖς leurs femmes, et les


transportèrent, avec les objets les
σκηναῖς
plus précieux, dans les villes
συγκατεκαύθησαν. Καὶ
voisines. Quelques autres
Διονύσιος μὲν ἐδῄου τὴν
Messiniens ayant entendu parler
χώραν οὐδενὸς d'un ancien oracle qui disait que les
ὑφισταμένου, Λεπτίνης δ´ Carthaginois viendraient porter de
ναύαρχος περὶ Μοτύην l'eau dans Messine, expliquèrent

διατρίβων ἐπετήρει τὸν cet oracle dans un sens favorable,


persuadés que les Carthaginois
τῶν πολεμίων κατάπλουν.
seraient un jour esclaves dans
Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι
Messine. Ainsi encouragés, ils
πυθόμενοι τὸ μέγεθος τῆς entraînèrent avec eux d'autres
τοῦ Διονυσίου δυνάμεως, citoyens, les engageant à
ἔκριναν πολὺ ταῖς combattre pour la liberté.
παρασκευαῖς αὐτὸν Immédiatement ils choisirent parmi

ὑπερθέσθαι. Διόπερ les jeunes gens un corps d'élite


qu'ils envoyèrent dans la Péloride
Ἰμίλκωνα βασιλέα κατὰ
pour s'opposer à la marche de
νόμον καταστήσαντες, ἐκ
l'ennemi.
τῆς Λιβύης ὅλης, ἔτι δ´ ἐκ
LVII. Pendant que ces
τῆς Ἰβηρίας συνήγαγον
événements se passaient, Imilcar
δυνάμεις, τὰς μὲν παρὰ voyant que les Messiniens
τῶν συμμάχων cherchaient à mettre obstacle à son
μεταπεμπόμενοι, τὰς δὲ passage, fit partir deux cents

μισθούμενοι· καὶ πέρας navires pour bloquer la ville. Il


comptait, et avec raison, pendant
ἤθροισαν πεζῶν μὲν ὑπὲρ
que les troupes cherchaient à lui
τὰς τριάκοντα μυριάδας,
intercepter la route, se rendre
ἱππεῖς δὲ τετρακισχιλίους
facilement maître de Messine par
χωρὶς τῶν ἁρμάτων· mer, d'autant plus que cette ville
ταῦτα δ´ ἦσαν était alors laissée sans défense.
τετρακόσια· ναῦς δὲ Secondée par un vent du nord, la

μακρὰς μὲν τετρακοσίας, flotte entra promptement et à


pleines voiles dans le port. Le corps
τὰς δὲ τὸν σῖτον καὶ τὰ
d'armée envoyé dans la Péloride
μηχανήματα καὶ τὴν
n'arriva, bien qu'il eût hâté sa
ἄλλην ὑπηρεσίαν marche, qu'après l'entrée des
παρακομιζούσας πλείους bâtiments ennemis dans le port.
τῶν ἑξακοσίων, καθάπερ C'est ainsi que les Carthaginois

φησὶν Ἔφορος. Τίμαιος ayant investi Messine de tous


côtés, pénétrèrent dans l'intérieur
μὲν γὰρ τὰς ἐκ τῆς Λιβύης
par l'ouverture des brèches, et
περαιωθείσας {δυνάμεις}
prirent possession de la ville. Les
οὐ πλείω φησὶν εἶναι δέκα
plus vaillants des Messiniens furent
μυριάδων, καὶ πρὸς tués, d'autres se réfugièrent dans
ταύταις ἑτέρας τρεῖς les villes voisines, le plus grand
ἀποφαίνεται κατὰ nombre, gagnant les montagnes

Σικελίαν limitrophes, se dispersa dans les


forteresses de la contrée.
στρατολογηθείσας.
Quelques-uns furent faits
[55] Ἰμίλκων δὲ τοῖς prisonniers, et quelques autres,
κυβερνήταις ἅπασι δοὺς acculés au port, se jetèrent à la
βυβλίον ἐπεσφραγισμένον, mer, dans l'espoir de traverser le

ἐκέλευσεν ἀνοίγειν ὅταν détroit à la nage (68). Ces derniers


étaient au nombre de plus de deux
ἐκπλεύσωσι καὶ ποιεῖν τὰ
cents; la plupart, entraînés par le
γεγραμμένα. Τοῦτο δ´
courant, périrent; cinquante
ἐμηχανήσατο πρὸς τὸ seulement parvinrent à gagner la
μηδένα τῶν κατασκόπων côte de l'Italie. Après avoir réuni
ἀπαγγεῖλαι τὸν κατάπλουν toutes ses troupes à Messine,

τῷ Διονυσίῳ· ἦν δὲ Imilcar entreprit d'abord de


détruire les forteresses du pays;
γεγραμμένον, ὅπως ἐς
mais comme elles étaient bien
Πάνορμον καταπλεύσωσιν.
assises, et que ceux qui s'y étaient
Διόπερ ἐπιγενομένου
réfugiés se défendaient
πνεύματος οὐρίου, καὶ vaillamment, il retourna dans la
πάντων λυσάντων τὰ ville sans avoir réussi dans son
πρυμνήσια, τὰ μὲν entreprise.Il y laissa quelque temps

φορτηγὰ τῶν πλοίων ἔπλει reposer ses troupes et se disposa


ensuite à marcher sur Syracuse.
διὰ τοῦ πελάγους, αἱ δὲ
τριήρεις ἔπλευσαν εἰς τὴν LVIII. Les Sicules, nourrissant
une ancienne haine contre Denys,
Λιβύην, παρελέγοντό τε
profitèrent du moment pour
τὴν γῆν. Φοροῦ δὲ
abandonner son alliance, et
πνεύματος ὄντος, ὡς ἤδη embrassèrent tous, à l'exception
καταφανεῖς ἦσαν ἀπὸ τῆς des Assoriniens, le parti des
Σικελίας αἱ πρῶται Carthaginois. Denys mit en liberté

πλέουσαι τῶν φορτηγῶν les esclaves qui se trouvaient à


Syracuse, et en équipa soixante
νεῶν, Διονύσιος ἀπέστειλε
navires. Il envoya demander aux
Λεπτίνην μετὰ τριάκοντα
Lacédémoniens un renfort de plus
τριήρων,
de mille mercenaires. Il visita lui-
παρακελευσάμενος même toutes les forteresses de la
τύπτειν τοῖς ἐμβόλοις καὶ contrée, et les pourvut
διαφθείρειν ἁπάσας τὰς d'approvisionnements. Il fortifia

καταλαμβανομένας. Ὃς avec le plus grand soin les


citadelles des Liontiniens, et y fit
μετὰ σπουδῆς ἐκπλεύσας
transporter les vivres de la
καὶ ταῖς πρώταις
campagne; il engagea aussi les
προσμίξας εὐθέως τινὰς Campaniens qui habitaient Catane
αὐτάνδρους κατέδυσεν· αἱ à transporter leur domicile dans la

δὲ λοιπαὶ πλήρεις οὖσαι ville nommée aujourd'hui Etna, car


c'était une position très forte. Cela
καὶ τὸν ἄνεμον τοῖς
fait, il conduisit toute son armée à
ἱστίοις δεχόμεναι ῥᾳδίως
cent soixante stades de Syracuse,
ἐξέφυγον· ὅμως κατέδυσε et vint camper aux environs de
πεντήκοντα ναῦς Taurus (69). Il avait alors sous ses
στρατιώτας ἐχούσας ordres trente mille fantassins, plus

πεντακισχιλίους, ἅρματα de trois mille cavaliers et cent


quatre-vingts navires, parmi
δὲ διακόσια. Ἰμίλκων δὲ
lesquels il y avait très peu de
καταπλεύσας εἰς
trirèmes.
Πάνορμον καὶ τὴν δύναμιν
Après avoir rasé les murs de
ἐκβιβάσας ἦγεν ἐπὶ τοὺς
Messine, Imilcar ordonna à ses
πολεμίους, καὶ τὰς μὲν
soldats de renverser les maisons de
τριήρεις παραπλεῖν fond en comble, de n'y laisser
ἐκέλευσεν, αὐτὸς δ´ ἐν subsister ni briques ni bois; mais
παρόδῳ διὰ προδοσίας de brûler ou de briser tous les

ἑλὼν Ἔρυκα πρὸς τὴν objets de construction. Ce travail,


grâce au nombre de bras quiy
Μοτύην
étaient employés, fut promptement
κατεστρατοπέδευσεν.
exécuté, et il ne fut plus possible
Ὄντος δὲ κατὰ τοῦτον de reconnaître l'emplacement
τὸν χρόνον τοῦ Διονυσίου qu'avait occupé cette ville. Imilcar
περὶ τὴν Αἴγεσταν μετὰ considérant que Messine se trouvait

τῆς δυνάμεως, Ἰμίλκων très distante des villes alliées, en


même temps que sa position était
τὴν Μοτύην
très avantageuse, avait décidé de
ἐξεπολιόρκησεν. Τῶν δὲ
deux choses l'une, ou de la rendre
Σικελιωτῶν προθύμων
tout à fait inhabitable, on de
ὄντων διαμάχεσθαι, l'asseoir sur des fondements
Διονύσιος ἅμα μὲν μακρὰν solides et durables.
τῶν συμμαχίδων πόλεων LIX. Après avoir montré, par le
ἀπεωσμένος, ἅμα δὲ τῆς désastre des Messiniens, combien il

σιτοπομπίας ἐπιλειπούσης, haïssait les Grecs, Imilcar détacha


Magon, commandant de la flotte,
διέλαβε συμφέρειν ἐφ´
avec l'ordre de doubler la hauteur
ἑτέρων τόπων
συστήσασθαι τὸν appelée Taurus. Cet endroit était

πόλεμον. Κρίνας οὖν alors occupé par des Sicules, très


nombreux, mais sans chef. Denys
ἀναζευγνύειν, τοὺς μὲν
leur avait primitivement donné à
Σικανοὺς ἔπειθε
habiter le territoire des Naxiens;
καταλιπεῖν τὰς πόλεις mais séduits alors par les
κατὰ τὸ παρὸν καὶ μετ´ promesses d'Imilcar, ils avaient
αὐτοῦ στρατεύεσθαι· ἀντὶ occupé Taurus. Comme cette

δὲ τούτων ἐπηγγέλλετο position était très forte, ils s'y


étaient fixés, et l'ayant entourée de
δώσειν χώραν βελτίονα
murailles ils continuèrent à
καὶ τῷ πλήθει
l'occuper, même après la guerre.
παραπλησίαν, καὶ μετὰ
Enfin ils y fondèrent une ville qui,
τὴν τοῦ πολέμου de leur séjour à Taurus, fut
κατάλυσιν κατάξειν τοὺς nommée Tauroménium. Cependant
βουλομένους εἰς τὰς Imilcar s'était mis en route avec

πατρίδας. Τῶν δὲ Σικανῶν l'armée de terre, et il atteignit


promptement la partie de la Naxie
ὀλίγοι, καταπλαγέντες
dont nous venons de parler, en
μήποτε ἀντιλέγοντες
même temps que Magon longeait la
διαρπασθῶσιν ὑπὸ τῶν côte; mais une irruption récente de
στρατιωτῶν, l'Etna, et qui s'était étendue
συγκατέθεντο τοῖς jusqu'à la mer, empêcha les

ἀξιουμένοις ὑπὸ troupes de terre de marcher de


conserve avec la flotte, car les
Διονυσίου. Ἀπέστησαν δὲ
bords, de la mer avaient été
παραπλησίως καὶ
ravagés par la lave du volcan, de
Ἁλικυαῖοι, καὶ πέμψαντες
manière que l'armée de terre fut
πρέσβεις εἰς τὸ τῶν obligée de faire le tour du mont
Καρχηδονίων Etna. Magon reçut donc l'ordre de
στρατόπεδον συμμαχίαν se porter sur Catane, tandis

ἐποιήσαντο. Καὶ Διονύσιος qu'Imilcar, traversant l'intérieur du


pays, se hâtait de rejoindre la flotte
μὲν ἀφώρμησεν ἐπὶ
sur la côte du territoire catanien;
Συρακουσῶν,
car il craignait que les Siciliens ne
καταφθείρων τὴν χώραν profitassent de la dispersion des
δι´ ἧς ἦγε τὴν δύναμιν. troupes pour engager Magon dans

[56] Ἰμίλκων δὲ τῶν un combat naval. C'est en effet ce


πραγμάτων qui arriva. Denys, sachant que la

προχωρούντων κατὰ marche de Magon était lente, et


que la route dans l'intérieur du
γνώμην παρεσκευάζετο
pays était longue et difficile, se
τὴν στρατιὰν ἀνάγειν ἐπὶ
dirigea en toute hâte sur Catane,
Μεσσήνης, σπεύδων αὐτῆς dans l'intention d'attaquer Magon
κυριεῦσαι διὰ τὴν par mer avant que celui-ci pût
εὐκαιρίαν τῶν τόπων· τε rejoindre Imilcar. Il se flattait qu'en

γὰρ ἐν αὐτῇ λιμὴν échelonnant ses troupes de terre le


long du rivage, il donnerait aux
εὔθετος ἦν, δυνάμενος
siens plus de courage, en même
δέχεσθαι πάσας τὰς ναῦς,
temps qu'il intimiderait l'ennemi;
οὔσας πλείω τῶν
mais que, surtout, en cas de
ἑξακοσίων, τά τε περὶ τὸν revers, il lui serait facile de se
πορθμὸν οἰκεῖα sauver avec les débris de sa flotte
ποιησάμενος Ἰμίλκων auprès de l'armée de terre. Après

ἤλπιζε τὰς τῶν Ἰταλιωτῶν avoir arrêté ce plan, il détacha


Leptine avec tous ses navires, lui
βοηθείας ἐμφράξειν καὶ
donna l'ordre d'engager le combat
τοὺς ἐκ Πελοποννήσου
avec la flotte entière, et de ne point
στόλους ἐπισχεῖν. Ταῦτα rompre la ligne pour ne pas
δὲ διανοηθεὶς πράττειν, s'exposer au danger qui pourrait
πρὸς τοὺς μὲν Ἱμεραίους l'attendre de la part d'un ennemi

καὶ τοὺς τὸ Κεφαλοίδιον supérieur en nombre; car Magon


avait avec lui au moins cinq cents
φρούριον κατοικοῦντας
navires, en y comptant les
φιλίαν ἐποιήσατο,
bâtiments de transport et les
Λιπάρας δὲ τῆς πόλεως
autres embarcations armées
ἐγκρατὴς γενόμενος d'éperons d'airain.
τριάκοντα τάλαντα παρὰ
LX. Lorsque les Carthaginois
τῶν κατοικούντων τὴν virent la côte subitement couverte
νῆσον ἐπράξατο· αὐτὸς δὲ de combattants et la flotte grecque
μετὰ πάσης τῆς δυνάμεως à leurs trousses, ils furent saisis

ὥρμησεν ἐπὶ Μεσσήνης, d'une grande frayeur et


cherchèrent à gagner le rivage;
συμπαραπλεουσῶν αὐτῷ
mais songeant ensuite qu'ils
τῶν νεῶν. Καὶ ταχὺ
risquaient de tout perdre en
διανύσας τὴν ὁδὸν combattant tout à la fois sur terre
κατεστρατοπέδευσεν ἐπὶ et sur mer, ils changèrent aussitôt

τῆς Πελωρίδος, ἀπέχων de résolution. Ils se décidèrent


donc à un combat naval, rangèrent
τῆς Μεσσήνης σταδίους
leurs navires en ligne et se
ἑκατόν. Οἱ δὲ τὴν πόλιν
préparèrent à recevoir l'attaque de
ταύτην κατοικοῦντες ὡς l'ennemi. Leptine s'étant avancé
ἐπύθοντο τὴν παρουσίαν avec trente bâtiments d'élite bien
τῶν πολεμίων, οὐ τὰς au-devant du reste de la flotte, se

αὐτὰς ἀλλήλοις ἐννοίας battit vaillamment, mais avec


imprudence. Attaquant aussitôt la
εἶχον περὶ τοῦ πολέμου.
première ligne des Carthaginois, il
Τινὲς μὲν γὰρ αὐτῶν τὸ
coula d'abord un assez grand
μέγεθος τῆς τῶν
nombre de trirèmes ennemies ;
πολεμίων δυνάμεως mais Magon enveloppant avec
ἀκούοντες, καὶ τὴν toute sa flotte les trente bâtiments
ἐρημίαν τῶν συμμάχων syracusains, il s'engagea un

ὁρῶντες, ἔτι δὲ καὶ τῶν combat dans lequel les troupes de


Leptine étaient supérieures en
ἰδίων ἱππέων ἐν
courage, mais les Carthaginois
Συρακούσαις ὄντων,
l'emportaient en nombre (70). Le
ἀπεγνώκεισαν τὴν ἐκ τῆς combat fut donc très opiniâtre; les
πολιορκίας σωτηρίαν. pilotes, poussant les navires à
Μάλιστα δ´ αὐτοὺς εἰς l'abordage, rendirent le combat

ἀθυμίαν ἦγε τὰ τείχη naval semblable à une bataille sur


terre. Car les bâtiments ne se
καταπεπτωκότα καὶ
battaient plus à distance à coups
καιρὸς εἰς παρασκευὴν οὐ
d'éperon, mais, en venant à
διδοὺς ἄνεσιν. Διόπερ
l'abordage, on se battait corps à
ἐξεκόμιζον ἐκ τῆς πόλεως corps. Quelques-uns, voulant
τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ τὰ sauter à bord des navires ennemis,
πολυτελέστατα τῶν tombèrent dans la mer ; d'autres,

χρημάτων εἰς τὰς ayant réussi dans leur tentative, se


battaient sur le pont même de ces
ἀστυγείτονας πόλεις.
navires. Enfin Leptine fut repoussé
Τινὲς δὲ τῶν Μεσσηνίων
et obligé de gagner le large. Les
ἀκούοντές τι παλαιὸν autres navires, mis en désordre,
αὐτοῖς εἶναι λόγιον, ὅτι furent pris par les Carthaginois; car
δεῖ Καρχηδονίους la défaite de Leptine avait rendu
ὑδροφορῆσαι κατὰ τὴν ceux-ci plus audacieux, et répandu

πόλιν, ἐξεδέχοντο τὸ κατὰ le découragement parmi les


Siciliens. Le combat ainsi terminé,
τὴν φήμην πρὸς τὸ
les Carthaginois se mirent avec une
συμφέρον ἑαυτοῖς,
nouvelle ardeur à poursuivre les
νομίζοντες δουλεύσειν ἐν ennemis qui fuyaient en désordre;
Μεσσήνῃ τοὺς ils coulèrent bas plus de cent
Καρχηδονίους. Διὸ καὶ bâtiments, et ayant établi des

ταῖς ψυχαῖς εὐθαρσεῖς embarcations à rames le long du


rivage, ils égorgèrent tous ceux qui
ὄντες πολλοὺς καὶ τῶν
venaient à la nage se réfugier dans
ἄλλων προθύμους
le camp de l'armée de terre. Un
ἐποιοῦντο εἰς τοὺς ὑπὲρ
grand nombre périrent ainsi, tout
τῆς ἐλευθερίας κινδύνους. près de la côte, sans que Denys pût
Εὐθέως δὲ τῶν νεωτέρων leur apporter aucun secours. Tout
ἐπιλέξαντες τοὺς le champ de bataille fut couvert de

ἀρίστους ἀπέστειλαν ἐπὶ cadavres et de débris de navires.


Beaucoup de Carthaginois furent
τὴν Πελωρίδα,
tués dans ce combat naval; les
κωλύσοντας τοὺς
Siciliens perdirent plus de cent
πολεμίους ἐπιβαίνειν τῆς bâtiments et plus de vingt mille
χώρας. hommes. Au sortir de ce combat,

[57] Περὶ ταῦτα δ´ les Carthaginois firent voile vers


Catane; traînant à la remorque les
ὄντων αὐτῶν, Ἰμίλκων
trirèmes qu'ils avaient capturées,
θεωρῶν ἐκβοηθοῦντας
ils les firent tirer à terre et
τοὺς Μεσσηνίους περὶ τὴν radouber; de cette manière, l'éclat
ἀπόβασιν, ἀπέστειλε τῶν de cette victoire fut connu, non
νεῶν διακοσίας ἐπὶ τὴν seulement par la nouvelle qui s'en

πόλιν· ἤλπιζε γάρ, ὅπερ ἦν répandit, mais encore par l'aspect


des bâtiments pris sur l'ennemi.
εἰκός, τῶν στρατιωτῶν
τὴν ἀπόβασιν κωλυόντων
τοὺς ἐν ταῖς ναυσὶ
κυριεύσειν ῥᾳδίως τῆς
Μεσσήνης οὔσης ἐρήμου
τῶν ἀμυνομένων.
Πνεύσαντος δὲ βορέου
τὰς μὲν ναῦς συνέβη
ταχέως πλήρεσι τοῖς
ἱστίοις εἰς τὸν λιμένα
κατενεχθῆναι, τοὺς δ´ ἐπὶ
τῇ Πελωρίδι
παραφυλάττοντας
Μεσσηνίους ὑστερῆσαι
τῆς τῶν νεῶν παρουσίας,
καίπερ κατὰ σπουδὴν
ἐπειγομένους. Διόπερ οἱ
Καρχηδόνιοι
περιστρατοπεδεύσαντες
τὴν Μεσσήνην καὶ διὰ τῶν
πεπτωκότων τειχῶν
εἰσβιασάμενοι τῆς πόλεως
ἐκυρίευσαν. Τῶν δὲ
Μεσσηνίων οἱ μὲν
μαχόμενοι γενναίως
ἀνῃρέθησαν, οἱ δ´ εἰς τὰς
ἐγγυτάτω κειμένας πόλεις
ἔφυγον, δὲ πολὺς ὄχλος
διὰ τῶν παρακειμένων
ὀρῶν ὁρμήσας εἰς τὰ
κατὰ τὴν χώραν φρούρια
διεσπάρη· τῶν δὲ ἄλλων
τινὲς μὲν ὑπὸ τῶν
πολεμίων
συνελαμβάνοντο, τινὲς δὲ
ἀποληφθέντες εἰς τὸ πρὸς
τὸν λιμένα μέρος ἔρριψαν
ἑαυτοὺς εἰς τὴν
θάλατταν, ἐλπίζοντες
διανήξασθαι τὸν μεταξὺ
πόρον. Τούτων δὲ ὄντων
πλειόνων διακοσίων, οἱ
πλεῖστοι μὲν ὑπὸ τοῦ ῥοῦ
διεφθάρησαν, πεντήκοντα
δὲ πρὸς τὴν Ἰταλίαν
διεσώθησαν. Ἰμίλκων δὲ
τὴν δύναμιν ἅπασαν
μεταγαγὼν εἰς τὴν πόλιν,
τὸ μὲν πρῶτον ἐπεχείρησε
πορθεῖν τὰ κατὰ τὴν
χώραν φρούρια, τούτων δ
´ ὀχυρῶν ὄντων, καὶ τῶν
εἰς αὐτὰ συμπεφευγότων
γενναίως ἀγωνιζομένων,
ἀνέστρεψεν εἰς τὴν πόλιν,
ἀδυνατήσας αὐτῶν
κυριεῦσαι. Μετὰ δὲ ταῦτα
τήν τε δύναμιν
ἀνελάμβανε καὶ
παρεσκευάζετο τὴν
πορείαν ἐπὶ Συρακούσας
ποιεῖσθαι.

[58] Οἱ δὲ Σικελοί,
πάλαι μὲν μισοῦντες τὸν
Διονύσιον, τότε δὲ καιρὸν
τῆς ἀποστάσεως ἔχοντες,
μετεβάλοντο πρὸς
Καρχηδονίους πλὴν
Ἀσσωρίνων ἅπαντες.
Διονύσιος δ´ ἐν ταῖς
Συρακούσαις τοὺς
δούλους ἐλευθερώσας,
ἐπλήρωσεν ἐξ αὐτῶν ναῦς
ἑξήκοντα· μετεπέμψατο
δὲ καὶ παρὰ
Λακεδαιμονίων
μισθοφόρους πλείω τῶν
χιλίων, καὶ τὰ κατὰ τὴν
χώραν φρούρια
περιπορευόμενος ὠχύρου
καὶ σῖτον παρεκόμιζεν·
ἐπιμελέστατα δὲ τὰς ἐν
Λεοντίνοις ἀκροπόλεις
ἐτείχισε καὶ τὸν ἐκ τῶν
πεδίων σῖτον εἰς ταύτας
συνήθροισεν.Ἔπεισε δὲ
καὶ τοὺς τὴν Κατάνην
οἰκοῦντας Καμπανοὺς εἰς
τὴν νῦν καλουμένην
Αἴτνην μεταστῆναι διὰ τὸ
λίαν εἶναι τὸ φρούριον
ὀχυρόν. Μετὰ δὲ ταῦτα
ἀπὸ τῶν Συρακουσῶν
ἑκατὸν ἑξήκοντα
σταδίους προαγαγὼν
ἅπασαν τὴν δύναμιν
κατεστρατοπέδευσε περὶ
τὸν Ταῦρον καλούμενον.
Εἶχε δὲ {καὶ} κατ´ ἐκεῖνον
τὸν καιρὸν πεζοὺς μὲν
τρισμυρίους, ἱππεῖς δὲ
πλείους τῶν τρισχιλίων,
ναῦς δὲ ἑκατὸν
ὀγδοήκοντα· τούτων δ´
ὀλίγαι μὲν ἦσαν τριήρεις.

Ἰμίλκων δὲ τὰ τείχη
τῆς Μεσσήνης
κατασκάψας προσέταξε
τοῖς στρατιώταις
καταβαλεῖν τὰς οἰκίας εἰς
ἔδαφος, καὶ μήτε κέραμον
μήθ´ ὕλην μήτ´ ἄλλο
μηδὲν ὑπολιπεῖν, ἀλλὰ τὰ
μὲν κατακαῦσαι, τὰ δὲ
συντρῖψαι. Ταχὺ δὲ τῇ τῶν
στρατιωτῶν πολυχειρίᾳ
λαβόντων τῶν ἔργων
συντέλειαν, πόλις
ἄγνωστος ἦν ὅτι
πρότερον αὐτὴν οἰκεῖσθαι
συνέβαινεν. Ὁρῶν γὰρ τὸν
τόπον πόρρω μὲν ἀπὸ τῶν
συμμαχίδων πόλεων
κεχωρισμένον,
εὐκαιρότατον δὲ τῶν περὶ
Σικελίαν ὄντα, προῄρητο
δυεῖν θάτερον, τελέως
ἀοίκητον διατηρεῖν
δυσχερῆ καὶ πολυχρόνιον
τὴν κτίσιν αὐτῆς γίνεσθαι.

[59] Ἐναποδειξάμενος
οὖν τὸ πρὸς τοὺς
Ἕλληνας μῖσος ἐν τῇ τῶν
Μεσσηνίων ἀτυχίᾳ,
Μάγωνα μὲν τὸν ναύαρχον
ἀπέστειλε μετὰ τῆς
ναυτικῆς δυνάμεως,
προστάξας παραπλεῖν ἐπὶ
τὸν λόφον τὸν καλούμενον
Ταῦρον. Τοῦτον δὲ
κατειληφότες ἦσαν
Σικελοί, συχνοὶ μὲν τὸ
πλῆθος ὄντες, οὐδένα δ´
ἔχοντες ἡγεμόνα. Τούτοις
δὲ τὸ μὲν πρότερον
Διονύσιος δεδώκει τὴν
τῶν Ναξίων χώραν, τότε
δ´ ὑπ´ Ἰμίλκου πεισθέντες
ἐπαγγελίαις τὸν λόφον
κατελάβοντο. ὀχυροῦ δ´
ὄντος τούτου, καὶ τότε
καὶ μετὰ τὸν πόλεμον
ᾤκουν αὐτὸν τεῖχος
περιβαλόμενοι, καὶ τὴν
πόλιν διὰ τὸ μεῖναι τοὺς
ἐπὶ τὸν Ταῦρον
ἀθροισθέντας
Ταυρομένιον ὠνόμασαν.
Ἰμίλκων δὲ ἀναλαβὼν τὴν
πεζὴν στρατιὰν εὔτονον
τὴν πορείαν ἐποιεῖτο, καὶ
κατήντησε τῆς Ναξίας ἐπὶ
τὸν προειρημένον τόπον,
ἅμα καὶ Μάγωνος
καταπλεύσαντος.
Προσφάτως δὲ πυρὸς
ἐκραγέντος ἐκ τῆς Αἴτνης
μέχρι τῆς θαλάττης,
οὐκέτι δυνατὸν ἦν τὴν
πεζὴν στρατιὰν
συμπαράγειν
παραπλεούσαις ταῖς
ναυσίν· ἐφθαρμένων γὰρ
τῶν παρὰ τὴν θάλατταν
τόπων ὑπὸ τοῦ
καλουμένου ῥύακος,
ἀναγκαῖον ἦν τὸ πεζὸν
στρατόπεδον
περιπορεύεσθαι τὸν τῆς
Αἴτνης λόφον. Διόπερ
Μάγωνι προσέταξε
καταπλεῖν ἐπὶ τῆς
Κατάνης, αὐτὸς δὲ διὰ
τῆς μεσογείου ταχέως
ὁρμήσας ἔσπευδε συμμῖξαι
ταῖς ναυσὶ περὶ τὸν τῶν
Καταναίων αἰγιαλόν·
εὐλαβεῖτο γὰρ μήποτε
διεσπαρμένης τῆς
δυνάμεως οἱ Σικελιῶται
τοῖς περὶ τὸν Μάγωνα
διαναυμαχήσωσιν· ὅπερ
καὶ συνετελέσθη.
Διονύσιος γὰρ τὸν μὲν
πλοῦν εἰδὼς τῷ Μάγωνι
βραχὺν ὄντα, τὴν δὲ
πορείαν τοῖς πεζοῖς
ἐργώδη καὶ μακράν,
ἔσπευδεν ἐπὶ τῆς
Κατάνης, βουλόμενος
ναυμαχῆσαι πρὸς Μάγωνα,
πρὶν ἐλθεῖν τοὺς περὶ τὸν
Ἰμίλκωνα. Ἤλπιζε γὰρ τῶν
πεζῶν ἐκτεταγμένων
παρὰ τὸν αἰγιαλὸν τοῖς
μὲν ἰδίοις θάρσος
παρέξεσθαι, τοὺς δὲ
πολεμίους δειλοτέρους
ἔσεσθαι· τὸ δὲ μέγιστον,
εἴ τι συμβαίη γενέσθαι
πταῖσμα, ταῖς θλιβομέναις
ναυσὶν ἐξῆν καταφυγεῖν
πρὸς τὸ τῶν πεζῶν
στρατόπεδον. Ταῦτα δὲ
διανοηθεὶς Λεπτίνην μὲν
ἀπέστειλε μετὰ πασῶν
τῶν νεῶν, παραγγείλας
ἀθρόοις τοῖς σκάφεσι
ναυμαχεῖν καὶ μὴ λύειν
τὴν τάξιν, ὅπως μὴ
κινδυνεύσωσιν ὑπὸ τοῦ
πλήθους τῶν ἐναντίων·
εἶχον γὰρ οἱ περὶ τὸν
Μάγωνα σὺν ταῖς ὁλκάσι
καὶ ταῖς ἄλλαις ταῖς
ἐπικώποις, οὔσαις
χαλκεμβόλοις, ναῦς οὐκ
ἐλάττους πεντακοσίων.

[60] Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι
ὡς εἶδον τὸν αἰγιαλὸν τῶν
πεζῶν πλήρη καὶ τὰς
Ἑλληνικὰς ναῦς
ἐπιφερομένας, παραχρῆμα
μὲν οὐ μετρίως
ἠγωνίασαν, καὶ πρὸς τὴν
γῆν ἐπεχείρησαν
καταπλεῖν· μετὰ δὲ ταῦτα
λογισάμενοι, διότι
κινδυνεύσουσιν ἀπολέσθαι
πρὸς τὰς ναῦς ἅμα καὶ
τοὺς πεζοὺς μαχόμενοι,
ταχέως μετενόησαν.
Κρίναντες οὖν ναυμαχεῖν,
διέταττον τὰς ναῦς καὶ
τὸν τῶν πολεμίων
ἐπίπλουν ἐκαραδόκουν.
Λεπτίνης δὲ τριάκοντα
ναυσὶ ταῖς ἀρίσταις πολὺ
τῶν ἄλλων προάγων, οὐκ
ἀνάνδρως μέν, ἀβούλως
δὲ διηγωνίσατο. Εὐθὺς
γὰρ - - - ταῖς πρώταις τῶν
Καρχηδονίων, τὸ μὲν
πρῶτον οὐκ ὀλίγας
κατέδυσε τῶν
ἀντιτεταγμένων τριήρων·
τοῦ δὲ Μάγωνος ἀθρόαις
ταῖς ναυσὶ ταῖς τριάκοντα
περιχυθέντος, ταῖς μὲν
ἀρεταῖς ὑπερεῖχον οἱ περὶ
τὸν Λεπτίνην, τοῖς δὲ
πλήθεσιν οἱ Καρχηδόνιοι.
Διὸ καὶ τῆς μάχης
ἰσχυροτέρας γινομένης,
καὶ τῶν κυβερνητῶν ἐκ
παραβολῆς τὸν ἀγῶνα
συνισταμένων, ὅμοιος
κίνδυνος ταῖς ἐπὶ τῆς γῆς
παρατάξεσιν ἐγίνετο. Οὐ
γὰρ ἐκ διαστήματος τοῖς
ἐμβόλοις εἰς τὰς τῶν
πολεμίων ναῦς ἐνέσειον,
ἀλλὰ συμπλεκομένων τῶν
σκαφῶν ἐκ χειρὸς
διηγωνίζοντο. Τινὲς μὲν
ἐπὶ τὰς τῶν ἐναντίων
ναῦς ἐπιπηδῶντες ἔπιπτον
εἰς τὴν θάλατταν, τινὲς
δὲ κρατήσαντες τῆς
ἐπιβολῆς ἐν ταῖς τῶν
πολεμίων ναυσὶν
ἠγωνίζοντο. Τέλος δὲ
μὲν Λεπτίνης ἐκβιασθεὶς
ἠναγκάσθη φυγεῖν εἰς τὸ
πέλαγος, αἱ δὲ λοιπαὶ τῶν
νεῶν ἀτάκτως τὸν
ἐπίπλουν ποιούμεναι ὑπὸ
τῶν Καρχηδονίων
ἐχειροῦντο· καὶ γὰρ τὸ
περὶ τὸν ναύαρχον
ἐλάττωμα τοὺς Φοίνικας
εὐθαρσεστέρους ἐποίησεν,
τοὺς δὲ Σικελιώτας οὐκ
εἰς τὴν τυχοῦσαν ἀθυμίαν
ἤγαγεν. Τῆς δὲ μάχης
τοιοῦτον λαβούσης τὸ
τέλος, οἱ Καρχηδόνιοι
τοὺς ἀτάκτως φεύγοντας
σφᾶς φιλοτιμότερον
διώξαντες διέφθειραν μὲν
ναῦς πλείους τῶν ἑκατόν,
τὰ δ´ ὑπηρετικὰ παρὰ τὸν
αἰγιαλὸν καταστήσαντες
ἀνῄρουν τῶν ναυτῶν τοὺς
διανηχομένους πρὸς τὸ
πεζὸν στρατόπεδον.
Πολλῶν δ´ ἀπολλυμένων
οὐ μακρὰν τῆς γῆς, τῶν
περὶ τὸν Διονύσιον
οὐδαμῶς δυναμένων
βοηθῆσαι, πᾶς τόπος
ἔγεμε νεκρῶν καὶ
ναυαγίων. Ἀπώλοντο μὲν
οὖν ἐν τῇ ναυμαχίᾳ τῶν
μὲν Καρχηδονίων οὐκ
ὀλίγοι, τῶν δὲ Σικελιωτῶν
ναῦς μὲν πλείω τῶν
ἑκατόν, ἄνδρες δ´ ὑπὲρ
τοὺς δισμυρίους. Ἀπὸ δὲ
τῆς μάχης οἱ μὲν Φοίνικες
περὶ τὴν Κατάνην
ὁρμίσαντες τὰς τριήρεις,
ἀνήψαντο τὰς
αἰχμαλώτους ναῦς, καὶ
ἀνελκύσαντες αὐτὰς
ἐθεράπευον, ὥστε τοῖς
Καρχηδονίοις μὴ μόνον
ἀκουστόν, ἀλλὰ καὶ
θεωρητὸν ποιῆσαι τὸ
μέγεθος τοῦ
προτερήματος.

[61] Οἱ δὲ Σικελιῶται LXI. Pendant leur retraite sur

τὴν πορείαν μὲν ἐπὶ Syracuse, les Siciliens réfléchirent


qu'ils allaient être renfermés dans
Συρακουσῶν ἐποιήσαντο,
cette ville, et avoir à soutenir un
νομίζοντες δὲ πάντως εἰς
siége difficile; ils prièrent donc
ἐργώδη πολιορκίαν Denys de les conduire directement
συγκλεισθήσεσθαι, à la rencontre d'Imilcar, qui, depuis
παρεκάλουν τὸν Διονύσιον la dernière victoire {semblait se

εὐθέως ἀπαντᾶν τοῖς περὶ tenir moins sur ses gardes} (71).
Ils espéraient, par une apparition
τὸν Ἰμίλκωνα διὰ τὴν
soudaine, étourdir les Barbares et
γεγενημένην νίκην· τάχα
réparer la défaite qu'ils avaient
γὰρ τῷ παραδόξῳ τῆς essuyée. Denys se rendit d'abord à
ἐπιφανείας καταπλήξεσθαι ces instances et était prêt à
τοὺς βαρβάρους καὶ τὸ marcher contre Imilcar. Mais

πρότερον ἐλάττωμα lorsque quelques-uns de ses amis


lui eurent persuadé qu'il risquerait
διορθώσεσθαι. Διονύσιος
de perdre la ville, si Magon allait se
δὲ τὸ μὲν πρῶτον τοῖς
porter avec toute sa flotte contre
παρακαλοῦσι πειθόμενος
Syracuse, Denys changea aussitôt
ἕτοιμος ἦν ἄγειν τὴν de résolution. Il savait que ce fut
δύναμιν ἐπὶ {τὸν} par un mouvement semblable que
Ἰμίλκωνα· ὡς δέ τινες τῶν Messine était tombée au pouvoir de

φίλων ἔλεγον αὐτῷ, ὅτι l'ennemi; jugeant donc imprudent


de laisser Syracuse sans défense, il
κινδυνεύσει τὴν πόλιν
continua sa marche pour retourner
ἀποβαλεῖν, ἐὰν Μάγων
dans cette ville. Mais la plupart des
ἀναχθῇ μετὰ τοῦ στόλου Siciliens, mécontents de ce qu'ils
παντὸς ἐπὶ Συρακουσῶν, n'étaient pas conduits contre les
εὐθέως μετενόησε· καὶ ennemis, abandonnèrent Denys;

γὰρ τὴν Μεσσήνην ᾔδει les uns rentrèrent dans leurs


foyers, les autres se retirèrent dans
τῷ παραπλησίῳ τρόπῳ
les forteresses voisines. Cependant
τοῖς βαρβάροις
Imilcar, arrivé en deux jours sur la
ὑποχείριον γεγενημένην.
côte de Catane, fit tirer tous ses
ὥστε οὐκ ἀσφαλὲς εἶναι navires à terre, pour les garantir
νομίζων ἔρημον ποιῆσαι d'une tempête qui s'était élevée. Il
τὴν πόλιν τῶν fit une halte de plusieurs jours, et

ἀμυνομένων, ἀνέζευξεν envoya une députation aux


Campaniens qui occupaient la ville
ἐπὶ Συρακουσῶν. Τῶν δὲ
d'Etna, pour les engager à se
Σικελιωτῶν οἱ πλεῖστοι
détacher de l'alliance de Denys. En
χαλεπῶς φέροντες ἐπὶ τῷ même temps il promettait de leur
μὴ βούλεσθαι τοῖς donner un plus grand territoire, et
πολεμίοις ἀπαντᾶν, de partager avec eux les dépouilles
καταλιπόντες τὸν qu'on ferait sur l'ennemi. Il leur

Διονύσιον οἱ μὲν εἰς τὰς apprenait que les Campaniens qui


habitaient Entelle favorisaient les
ἰδίας πατρίδας, οἱ δ´ εἰς
Carthaginois, et s'armaient contre
τὰ σύνεγγυς τῶν
les Siciliens. Enfin, il leur
φρουρίων ἀπεχώρησαν. représentait, que la race des Grecs
Ἰμίλκων δὲ δυσὶν ἡμέραις était ennemie de toutes les nations.
κατανύσας εἰς τὸν τῶν Mais les Campaniens, qui avaient

Καταναίων αἰγιαλόν, τὰς donné des otages à Denys et


envoyé leurs meilleurs soldats à
μὲν ναῦς ἁπάσας
Syracuse, furent forcés de
ἐνεώλκησε, μεγάλου
conserver l'alliance de Denys,
πνεύματος ἐπιγενομένου,
malgré le désir qu'ils avaient
τὴν δὲ δύναμιν ἐφ´ d'embrasser le parti des
ἡμέρας τινὰς Carthaginois.
ἀναλαμβάνων πρέσβεις LXII. Après ces événements,
ἀπέστειλε πρὸς τοὺς τὴν Denys, redoutant les Carthaginois,
Αἴτνην κατέχοντας députa Polyxène, son beau-frère, à

Καμπανούς, παρακαλῶν tous les Grecs d'Italie, ainsi qu'aux


Lacédémoniens et aux Corinthiens,
ἀποστῆναι τοῦ Διονυσίου.
pour les solliciter de venir à son
Ἐπηγγέλλετο δ´ αὐτοῖς
secours et de ne pas laisser les
χώραν τε δωρήσεσθαι villes grecques exposées à une
πολλὴν καὶ τῶν ἐκ τοῦ ruine complète. Il envoya dans le
πολέμου λαφύρων Péloponnèse des commissaires

κοινωνοὺς ποιήσεσθαι· auxquels il remit de fortes sommes


d'argent, avec l'ordre de les
ἐδίδασκε δὲ καὶ τοὺς τὴν
employer à lever des troupes, et de
Ἔντελλαν κατοικοῦντας
ne pas être avares de
Καμπανοὺς εὐδοκοῦντας
solde.Cependant Imilcar, ayant
Καρχηδονίοις καὶ orné sa flotte des dépouilles faites
συμμαχοῦντας κατὰ τῶν sur l'ennemi, s'avança vers le
Σικελιωτῶν, {καὶ} grand port de Syracuse, et répandit

καθόλου δὲ τὸ τῶν la consternation dans la ville. Deux


cent huit vaisseaux longs entrèrent
Ἑλλήνων ἀπεδείκνυε
dans ce port; ils étaient rangés en
πολέμιον ὑπάρχον τῶν
bataille, les rames en dehors, et
ἄλλων ἐθνῶν. Οἱ δὲ magnifiquement décorés de
Καμπανοὶ δεδωκότες dépouilles. Ils étaient suivis des

ὁμήρους τῷ Διονυσίῳ, καὶ vaisseaux de transport, au nombre


de plus de mille, portant plus de
τοὺς ἀρίστους τῶν
cinq cents marins. On comptait
στρατιωτῶν
ainsi, en tout, près de deux mille
ἀπεσταλκότες εἰς bâtiments. Aussi, quelque spacieux
Συρακούσας, que fût ce port, les bâtiments,
ἠναγκάσθησαν διατηρῆσαι pressés les uns contre les autres, le

τὴν πρὸς Διονύσιον couvraient presque tout entier de


leurs voiles. A peine tous ces
συμμαχίαν, καίπερ
bâtiments avaient-ils mouillé qu'on
ἐπιθυμοῦντες
vit, du côté opposé, apparaître.
μεταβαλέσθαι πρὸς
l'armée de terre, qui, au rapport de
Καρχηδονίους. quelques historiens, était composée

[62] Μετὰ δὲ ταῦτα de trois cent mille hommes


d'infanterie, de trois mille chevaux
Διονύσιος μὲν
et de deux cents vaisseaux longs.
καταπεπληγμένος τοὺς
Le général en chef, Imilcar, dressa
Καρχηδονίους, ἀπέστειλε
sa tente dans le temple de Jupiter ;
πρεσβευτὴν πρός τε τοὺς son armée campa dans les
κατ´ Ἰταλίαν Ἕλληνας καὶ environs, à douze stades de la ville.

πρὸς Λακεδαιμονίους, ἔτι Après avoir pris ces dispositions, il

δὲ Κορινθίους, Πολύξενον fit sortir toute son armée et la


rangea en bataille sous les murs de
τὸν κηδεστήν, δεόμενος
Syracuse, en provoquant les
βοηθεῖν καὶ μὴ περιιδεῖν
habitants au combat. Il fit ensuite
τὰς ἐν Σικελίᾳ πόλεις τῶν entrer dans les autres ports cent
Ἑλλήνων ἄρδην vaisseaux d'élite, afin d'étourdir les
ἀναιρουμένας.Ἔπεμψε δὲ Syracusains et de leur arracher en

καὶ ξενολόγους εἰς quelque sorte l'aveu de leur


infériorité sur mer. Comme
Πελοπόννησον μετὰ
personne n'osa répondre à cette
πολλῶν χρημάτων,
provocation, il ramena l'armée au
ἐντειλάμενος ὡς
camp. Puis, pendant trente jours,
πλείστους ἀθροίζειν les soldats ravagèrent la
στρατιώτας, μὴ campagne, coupant les arbres, et

φειδομένους τῶν μισθῶν. détruisant les récoltes; ils se

Ἰμίλκων δὲ τοῖς ἀπὸ τῶν procuraient ainsi des vivres, en


πολεμίων σκύλοις abondance, en même temps qu'ils

κοσμήσας τὰς ναῦς répandaient le découragement


parmi les habitants de la ville.
κατέπλευσεν εἰς τὸν
μέγαν λιμένα τῶν LXIII. Imilcar prit aussi le
faubourg de l'Achradine, et pilla les
Συρακοσίων, καὶ πολλὴν
temples de Cérès et de Proserpine;
τοῖς ἐν τῇ πόλει
mais il éprouva bientôt le
κατάπληξιν ἐπέστησεν. châtiment que méritait son attentat
Διακόσιαι μὲν γὰρ καὶ sacrilége. Car dès ce moment ses
πεντήκοντα μακραὶ ναῦς affaires allaient en déclinant

εἰσέπλεον ἐν τάξει τὰς chaque jour, et Denys, reprenant


courage, engagea quelques
εἰρεσίας ποιούμεναι καὶ
escarmouches, dans lesquelles les
τοῖς ἐκ τοῦ πολέμου
Syracusains l'emportèrent. Pendant
λαφύροις πολυτελῶς
les nuits, des terreurs paniques
κεκοσμημέναι, μετὰ δὲ saisissaient les Carthaginois qui
ταῦτα αἱ φορτηγοὶ ναῦς couraient aux armes comme si
εἰσθεόμεναι μὲν ὑπὲρ l'ennemi attaquait les

τρισχιλίας, φέρουσαι δὲ retranchements. Il survint aussi


une maladie qui fut la cause de
πλείους τῶν πεντακοσίων,
tous leurs désastres; nous en
αἱ δὲ πᾶσαι σχεδὸν
parlerons un peu plus tard, afin de
δισχίλιαι. Διὸ καὶ ne pas interrompre notre récit.
συνέβαινε τὸν {μὲν} Imilcar environnant son camp d'un
λιμένα τῶν Συρακοσίων, mur, fit démolir presque tous les

καίπερ ὄντα μέγαν, tombeaux des environs; parmi ces


tombeaux se trouvaient ceux de
ἐμπεφράχθαι μὲν τοῖς
Gélon et de sa femme Démarète,
σκάφεσι, συγκαλύπτεσθαι
constructions magnifiques. Il fit
δὲ σχεδὸν ἅπαντα τοῖς
élever en outre au bord de la mer
ἱστίοις. Τούτων δὲ trois forteresses, l'une auprès de
καθορμισθεισῶν εὐθὺς καὶ Plemmyrium, l'autre au milieu du
τὸ πεζὸν στρατόπεδον ἐκ port, et la troisième à côté du

θατέρου μέρους temple de Jupiter. Il y fit


transporter du vin, des vivres, ainsi
ἀντιπαρῆγε, συνεστηκός,
que toutes ses autres provisions,
ὡς μέν τινες ἀνέγραψαν,
comptant que le siége traînerait eu
ἐκ τριάκοντα μυριάδων longueur. En même temps, il
πεζῶν, ἱππέων δὲ envoya en Sardaigne et en Libye

τρισχιλίων {νεῶν δὲ des navires de charge qui devaient


rapporter du blé et d'autres
μακρῶν διακοσίων}. μὲν
subsistances. Polyxène, beau-frère
οὖν στρατηγὸς τῶν
de Denys, arrivait alors du
δυνάμεων Ἰμίλκων Péloponnèse et de l'Ionie amenant
κατεσκήνωσεν ἐν τῷ τοῦ avec lui trente vaisseaux longs
Διὸς νεῴ, τὸ δὲ λοιπὸν fournis par les alliés, sous le

πλῆθος ἐν τῷ commandement de Pharacidas le


Lacédémonien.
παρακειμένῳ τόπῳ
κατεστρατοπέδευσεν, LXIV. Denys et Leptine firent
ensuite, sur des vaisseaux longs,
ἀπέχον τῆς πόλεως
des courses sur mer, pour se
σταδίους δώδεκα. Μετὰ
procurer des vivres. Les
δὲ ταῦτα Ἰμίλκων ἐξήγαγε
Syracusains, qui étaient en quelque
τὴν στρατιὰν ἅπασαν, καὶ sorte livrés à eux-mêmes,
πρὸ τῶν τειχῶν ἐξέταξε apercevant par hasard un bâtiment
τὴν δύναμιν, εἰς μάχην chargé de blé, l'attaquèrent avec

προκαλούμενος τοὺς cinq navires, et, après l'avoir


capturé, ils le conduisirent dans la
Συρακοσίους. Ἐπέπλευσε
ville. Les Carthaginois ayant
δὲ καὶ τοῖς λιμέσιν ἑκατὸν
détaché aussitôt quarante navires
ναυσὶ ταῖς ἀρίσταις, ὅπως contre ces cinq bâtiments, les
καταπλήξηται τοὺς κατὰ Syracusains montèrent sur tous les
τὴν πόλιν καὶ leurs; ils engagèrent un combat

συναναγκάσῃ συγχωρεῖν dans lequel ils prirent le vaisseau


commandant, et en coulèrent bas
ἥττους εἶναι καὶ κατὰ
vingt-quatre autres; et poursuivant
θάλατταν. Οὐδενὸς δ´
le reste qui fuyait, jusqu'à la
ἐπεξιέναι τολμῶντος τότε
station navale des ennemis, ils
μὲν ἀπῆγε τὴν δύναμιν εἰς provoquèrent les Carthaginois à un
τὴν στρατοπεδείαν, μετὰ combat naval. Mais les
δὲ ταῦτ´ ἐφ´ ἡμέρας Carthaginois, alarmés d'un

τριάκοντα τὴν χώραν événement si peu attendu, ne


bougèrent pas. Les Syracusains
ἐπῄει δενδροτομῶν καὶ
amenèrent dans la ville, en les
πᾶσαν φθείρων, ὅπως ἅμα
traînant à la remorque, les navires
μὲν τοὺς στρατιώτας qu'ils avaient pris. Exaltés par ce
πληρώσῃ παντοίας succès et considérant que Denys

ὠφελείας, ἅμα δὲ τοὺς avait été souvent battu par les


Carthaginois qu'ils venaient de
ἐντὸς τῶν τειχῶν εἰς
vaincre sans lui, ils étaient pleins
ἀθυμίαν καταστήσῃ.
d'enthousiasme. Ils se disaient les
[63] Κατελάβετο δὲ uns aux autres, en s'attroupant,

καὶ τὸ τῆς Ἀχραδινῆς qu'il ne fallait pas rester les

προάστειον, καὶ τοὺς esclaves de Denys, puisqu'ils


avaient une si belle occasion
νεὼς τῆς τε Δήμητρος καὶ
d'abattre le tyran. En effet, la
Κόρης ἐσύλησεν· ὑπὲρ ὧν
guerre venait de mettre dans leurs
ταχὺ τῆς εἰς τὸ θεῖον mains les armes dont on les avait
ἀσεβείας ἀξίαν ὑπέσχε dépouillés auparavant. Au milieu de
τιμωρίαν. Ταχὺ γὰρ αὐτῷ cette agitation, Denys arriva et,

τὰ πράγματα καθ´ ἡμέραν convoquant une assemblée


générale, il combla de louanges les
ἐγίνετο χείρω, καὶ τοῦ
Syracusains, les exhorta à prendre
Διονυσίου θαρροῦντος
courage, leur promettant de
ἀκροβολισμοὺς
terminer bientôt la guerre. Il allait
συνίστασθαι συνέβαινε dissoudre l'assemblée, lorsque
προτερεῖν τοὺς Théodore le Syracusain, cavalier

Συρακοσίους. Ἐγίνοντο δὲ distingué et reconnu pour un

καὶ τὰς νύκτας ἐν τῷ homme d'exécution, se leva et eut


la hardiesse de parler en ces
στρατοπέδῳ παράλογοι
termes au sujet de la liberté.
ταραχαί, καὶ μετὰ τῶν
LXV. « Quoique Denys n'ait pas
ὅπλων συνέτρεχον, ὡς
dit en tout la vérité, pourtant la fin
τῶν πολεμίων ἐπιθεμένων
de son discours est vraie, savoir
τῷ χάρακι. Ἐπεγενήθη δὲ que la guerre sera bientôt
καὶ νόσος, πάντων terminée. Mais ce ne sera point en
αὐτοῖς αἰτία κακῶν nous menant au combat qu'il

κατέστη· περὶ ἧς μικρὸν pourra y réussir, puisque il a été


souvent battu, c'est en rendant à
ὕστερον ἐροῦμεν, ἵνα μὴ
nos concitoyens leur antique
προλαμβάνωμεν τῇ γραφῇ
liberté. Car maintenant aucun de
τοὺς καιρούς. Ἰμίλκων μὲν nous n'affronte volontiers les périls
οὖν τεῖχος περιβαλὼν τῇ de la guerre, puisque la victoire
παρεμβολῇ, τοὺς τάφους n'est pas plus avantageuse que la
σχεδὸν πάντας τοὺς défaite. Vaincus, nous serons

σύνεγγυς καθεῖλεν, ἐν οἷς obligés de faire ce que nous


commanderont les Carthaginois,
τόν τε Γέλωνος καὶ τῆς
vainqueurs, nous serons soumis à
γυναικὸς αὐτοῦ
un despote plus insupportable
Δημαρέτης, πολυτελῶς encore. En effet, si la guerre nous
κατεσκευασμένους. donne pour maîtres les
ᾠκοδόμησε δὲ καὶ τρία Carthaginois, ils nous imposeront

φρούρια παρὰ θάλατταν, un tribut et nous laisseront libres


de gouverner l'Etat suivant nos
τὸ μὲν ἐπὶ τοῦ
anciennes lois. Au lieu que cet
Πλημμυρίου, τὸ δ´ ἐπὶ
homme qui a pillé les temples, qui
μέσου τοῦ λιμένος, τὸ δὲ
a ravi aux citoyens leurs richesses
κατὰ τὸν νεὼν τοῦ Διός· en même temps que la vie, a
εἰς δὲ ταῦτα τόν τε οἶνον soudoyé des esclaves pour réduire
καὶ τὸν σῖτον καὶ τὰ λοιπὰ les maîtres à la servitude, et après

τῶν ἐπιτηδείων avoir causé en pleine paix des


maux qu'on n'inflige qu'aux villes
κατεκόμιζε, νομίζων
prises d'assaut, il nous promet de
χρονιωτέραν ἔσεσθαι τὴν
terminer la guerre des
πολιορκίαν. Ἀπέστειλε δὲ Carthaginois. Eh bien, nous avons
καὶ τὰς ὁλκάδας ναῦς ἔς autant d'intérêt à finir la guerre
τε Σαρδῶνα καὶ Λιβύην, punique qu'à nous débarrasser du

ὅπως σῖτον καὶ τὰς ἄλλας tyran qui règne dans nos murs.
Cette citadelle, gardée par des
τροφὰς παρακομίζωσιν.
esclaves armés, est dirigée contre
Πολύξενος δὲ Διονυσίου
notre ville; cette multitude de
κηδεστὴς ἔκ τε
soldats mercenaires a été
Πελοποννήσου καὶ τῆς assemblée dans le but d'asservir
Ἰταλίας παρεγενήθη ναῦς les Syracusains. S'il est maître de
μακρὰς ἄγων τριάκοντα la ville, ce n'est pas pour

παρὰ τῶν συμμάχων καὶ administrer la justice avec équité,


mais pour agir en monarque absolu
ναύαρχον Φαρακίδαν
qui ne songe qu'à satisfaire son
Λακεδαιμόνιον.
ambition. Nos ennemis ne
[64] Μετὰ δὲ ταῦτα possèdent maintenant qu'une

Διονύσιος μὲν καὶ partie de notre territoire, tandis

Λεπτίνης μετὰ μακρῶν que Denys en a saisi la totalité


νεῶν ἀγορὰν βουλόμενοι pour en faire présent à ceux qui

παρακομίσαι, οἱ avaient contribué à l'accroissement


de la tyrannie. Jusqu'à quand
Συρακόσιοι καθ´ αὑτούς
supporterons-nous ces opprobres
τε γενόμενοι καὶ κατὰ
auxquels les plus braves citoyens
τύχην ἰδόντες σιτηγὸν ont préféré se soustraire par la
πλοῖον προσφερόμενον, mort? Irons-nous nous exposer aux
πέντε ναυσὶν ἐπέπλευσαν plus grands dangers en combattant

αὐτῷ, καὶ les Carthaginois et n'oserons-nous


pas, en face de cet âpre tyran,
κατακυριεύσαντες
élever la parole en faveur de la
κατῆγον εἰς τὴν πόλιν.
liberté et du salut de la patrie?
Τῶν δὲ Καρχηδονίων ἐπ´
Nous affrontons tant de milliers
αὐτοὺς ἀναχθέντων d'ennemis et nous tremblons
τετταράκοντα ναυσίν, οἱ devant ce monarque qui n'a pas
Συρακόσιοι πάσας même le courage d'un esclave !

ἐπλήρωσαν τὰς ναῦς, καὶ LXVI. « Qui voudrait comparer


ναυμαχήσαντες τῆς τε Denys à l'ancien Gélon? Celui-ci;

στρατηγίδος νεὼς grâce à sa propre valeur, avait


délivré la Sicile avec l'aide des
ἐκυρίευσαν καὶ τῶν ἄλλων
Syracusains et des autres Siciliens.
εἴκοσι καὶ τέτταρας
Tandis que Denys, trouvant la
διέφθειραν· liberté établie dans les villes, a
καταδιώξαντες δὲ τὰς laissé les ennemis s'emparer de
φευγούσας μέχρι τοῦ toutes les autres villes, et a réduit

ναυστάθμου τῶν notre patrie à la servitude. Le


premier, combattant pour le salut
πολεμίων, προεκαλοῦντο
de la Sicile, fit en sorte que ses
τοὺς Καρχηδονίους εἰς
alliés ne vissent jamais les
ναυμαχίαν. Ἐκεῖνοι μὲν
ennemis. Celui-ci, fuyant depuis
οὖν διὰ τὸ παράδοξον Motye à travers toute l'île, est venu
τεταραγμένοι τὴν ἡσυχίαν s'enfermer dans nos murailles où,
ἔσχον, οἱ δὲ Συρακόσιοι rude pour les citoyens, il ne

τὰς αἰχμαλώτους ναῦς supporte même pas la vue de


l'ennemi. Aussi Gélon, par son
ἀναψάμενοι κατήγαγον εἰς
courage et la grandeur de ses
τὴν πόλιν.
exploits, mérita-t-il de régner, non
Μετεωρισθέντες δὲ τῷ seulement sur les Syracusains,
προτερήματι, καὶ mais sur tous les Siciliens, qui lui

διαλογιζόμενοι τὸν μὲν déférèrent volontairement l'autorité


suprême. Mais Denys qui a fait la
Διονύσιον πλεονάκις
guerre pour ruiner ses alliés et
ἡττημένον, αὑτοὺς δὲ
asservir ses compatriotes,
χωρὶς ἐκείνου comment ne serait-il pas pour tous
νενικηκότας l'objet d'une juste indignation? Non
Καρχηδονίους, seulement il s'est montré indigne

φρονήματος ἐπληροῦντο. du commandement, mais il a mille


fois mérité la mort. C'est par sa
Ἀθροιζόμενοι δὲ
faute que Géla et Camarine ont été
διελάλουν, ὅτι περιορῶσιν
détruites; c'est à cause de son
αὑτοὺς δουλεύοντας
alliance que Messine vient d'être
Διονυσίῳ, καὶ ταῦτα renversée de fond en comble et
καιρὸν ἔχοντες τῆς que vingt mille alliés ont péri.
καταλύσεως αὐτοῦ· τὸν Enfin, nous sommes renfermés

μὲν γὰρ ἔμπροσθεν χρόνον dans une seule cité, toutes les
villes grecques de la Sicile ayant
ἦσαν ἀφωπλισμένοι, τότε
été rasées. Pour ajouter à tant
δὲ διὰ τὸν πόλεμον τῶν
d'infortunes, il a vendu comme
ὅπλων ἦσαν κύριοι. Οὐ esclaves les habitants de Naxos et
μὴν ἀλλὰ τοιούτων λόγων de Catane, et détruit des villes dont
γινομένων Διονύσιος l'alliance pouvait nous être d'un

κατέπλευσε, καὶ grand secours. Il a livré deux


batailles aux Carthaginois, et deux
συναγαγὼν ἐκκλησίαν
fois il a été vaincu. Une fois investi
ἐπῄνει τοὺς Συρακοσίους
par ses citoyens du
καὶ παρεκάλει θαρρεῖν,
commandement militaire, il nous
ἐπαγγελλόμενος ταχέως ravit aussitôt la liberté ; il a fait
καταλύσειν τὸν πόλεμον. mourir ceux qui lui rappelaient le
Ἤδη δ´ αὐτοῦ μέλλοντος respect des lois et banni ceux qui

διαλύειν τὴν ἐκκλησίαν se faisaient remarquer par leurs


richesses. Il a livré les femmes des
ἀναστὰς Θεόδωρος
bannis à des esclaves et à des
Συρακόσιος, ἐν τοῖς
prolétaires. Enfin, il a confié à des
ἱππεῦσιν εὐδοκιμῶν καὶ Barbares et à des étrangers les
δοκῶν εἶναι πρακτικός, armes des citoyens. Voilà, par
ἀπετόλμησε περὶ τῆς Jupiter et tous les dieux, ce qu'a
ἐλευθερίας τοιούτοις fait un simple clerc, un homme

χρήσασθαι λόγοις. sans nom.

LXVII. « Qu'est devenue cette


[65] Εἰ καί τινα
ardeur des Syracusains pour la
προσέψευσται Διονύσιος,
liberté? où sont les exploits de nos
τό γε ῥηθὲν ὑπ´ αὐτοῦ τὸ ancêtres? Je passe sous silence les
τελευταῖον ἀληθὲς ἦν, ὅτι trois cent mille Carthaginois qui
ταχέως καταλύσει τὸν trouvèrent la mort sous les murs

πόλεμον. Τοῦτο δὲ πρᾶξαι d'Himère. Je ne dirai pas comment


nos ancêtres se défirent des tyrans
δύναιτ´ ἂν οὐκ αὐτὸς
qui prétendaient succéder à Gélon.
ἀφηγούμενος, ἥττηται
Mais je vous raconterai un fait qui
γὰρ πολλάκις, ἀλλὰ τὴν
ne date que d'hier. Lorsque les
πάτριον ἐλευθερίαν Athéniens étaient venus attaquer
ἀποδοὺς τοῖς πολίταις. Syracuse avec des forces
νῦν μὲν γὰρ οὐδεὶς ἡμῶν formidables, nos pères se

προθύμως ὑπομένει τοὺς défendirent si bien qu'il ne resta


pas un seul homme pour porter à
κινδύνους, ὅταν νίκη
Athènes la nouvelle de la défaite.
μηδὲν ἧττον τῆς ἥττης·
Et nous, en présence de ces
λειφθέντας γὰρ exemples donnés par nos pères,
Καρχηδονίοις δεήσει nous nous soumettrions aux ordres
ποιεῖν τὸ de Denys, et cela dans un moment

προσταττόμενον, où nous sommes maîtres de nos


armes! La providence des dieux
νικήσαντας δὲ Διονύσιον
nous a réunis avec nos alliés et en
ἔχειν βαρύτερον ἐκείνων
armes pour reconquérir la liberté.
δεσπότην. Καρχηδόνιοι
Dès aujourd'hui il nous est permis
μὲν γάρ, κἂν πολέμῳ de nous montrer braves et sages
κρατήσωσι, φόρον en secouant le joug pesant de la
ὡρισμένον λαβόντες οὐκ servitude. Auparavant, nous étions

ἂν ἡμᾶς ἐκώλυσαν τοῖς désarmés, sans alliés et environnés


de troupes mercenaires; il fallait
πατρίοις νόμοις διοικεῖν
alors céder au temps; mais
τὴν πόλιν· οὗτος δὲ τὰ
aujourd'hui, maîtres de nos armes,
μὲν ἱερὰ συλήσας, τοὺς δὲ et ayant nos alliés pour auxiliaires
τῶν ἰδιωτῶν πλούτους et pour témoins de notre courage,
ἅμα ταῖς τῶν κεκτημένων ne reculons plus, et montrons aux
ψυχαῖς ἀφελόμενος, τοὺς yeux de tous que ce n'est point par

οἰκέτας μισθοδοτεῖ κατὰ lâcheté, mais par la nécessité des


circonstances que nous avons subi
τῆς τῶν δεσποτῶν
l'esclavage. Comment ne
δουλείας· καὶ τὰ
rougirions-nous pas de reconnaître
συμβαίνοντα κατὰ τὰς pour chef un ennemi qui a profané
τῶν πόλεων ἁλώσεις les sanctuaires de la cité, de mettre
δεινά, ταῦτ´ ἐν εἰρήνῃ à la tête de l'Etat un homme auquel

πράττων καταλύσειν un simple particulier pourvu de sa


raison ne voudrait pas confier la
ἐπαγγέλλεται τὸν πρὸς
gestion de ses biens. Lorsque tous
Καρχηδονίους
les peuples, pendant les guerres,
πόλεμον.Ἡμῖν δ´, ἄνδρες,
respectent les choses saintes en
οὐχ ἧττον τοῦ Φοινικικοῦ raison de la grandeur des dangers,
πολέμου καταλυτέον ἐστὶ comment pourrons-nous attendre
τὸν ἐντὸς τοῦ τείχους d'un homme fameux par son

τύραννον.Ἡ μὲν γὰρ impiété une fin prospère de la


guerre que nous soutenons?
ἀκρόπολις δούλων ὅπλοις
τηρουμένη κατὰ τῆς LXVIII. « Au reste, quiconque
voudra y réfléchir de près, trouvera
πόλεως ἐπιτετείχισται, τὸ
que Denys ne craint pas moins la
δὲ τῶν μισθοφόρων
paix que la guerre. En effet, il
πλῆθος ἐπὶ δουλείᾳ τῶν regarde la guerre actuelle comme
Συρακοσίων ἤθροισται. une circonstance favorable qui
Καὶ κρατεῖ τῆς πόλεως empêche les Syracusains, paralysés

οὐκ ἐπ´ ἴσης βραβεύων τὸ par l'ennemi, de rien entreprendre


contre lui; tandis que si les
δίκαιον, ἀλλὰ μόναρχος
Carthaginois étaient battus, les
πλεονεξίᾳ κρίνων
Syracusains, animés par le succès,
πράττειν πάντα. Καὶ νῦν
pourraient se servir de leurs armes
μὲν οἱ πολέμιοι βραχὺ pour conquérir leur liberté. Aussi
μέρος ἔχουσι τῆς χώρας, est-ce, je pense, par ce motif que,
Διονύσιος δὲ πᾶσαν dans la première guerre, il livra

ποιήσας ἀνάστατον τοῖς Géla et Camarine par trahison, qu'il


rendit ces villes désertes, et que,
τὴν τυραννίδα
dans le traité conclu avec les
συναύξουσιν ἐδωρήσατο.
Carthaginois, il leur a cédé la
Μέχρι τίνος οὖν plupart des villes grecques
καρτερήσομεν ταῦτα inhabitées. Plus tard, au milieu de

πάσχοντες, ὑπὲρ ὧν οἱ la paix, et violant la foi des traités,


il a vendu comme esclaves les
ἀγαθοὶ χάριν τοῦ μὴ
habitants de Naxos et de Catane; il
λαβεῖν πεῖραν
rasa la première ville et donna la
ἀποθνήσκειν ὑπομένουσιν; dernière pour demeure aux
καὶ πρὸς μὲν Campaniens sortis de l'Italie. Enfin,
Καρχηδονίους lorsque ceux qui avaient échappé à

ἀγωνιζόμενοι τοὺς la mort conspiraient le


renversement de la tyrannie, il
ἐσχάτους κινδύνους
déclara de nouveau la guerre aux
εὐψύχως ὑπομένομεν,
Carthaginois, car il craint bien
πρὸς δὲ πικρὸν τύραννον
moins de violer les traités jurés que
ὑπὲρ ἐλευθερίας καὶ περὶ d'être exposé aux tentatives des
πατρίδος οὐδὲ λόγῳ Siciliens, réunis en corps politiques.
παρρησίαν ἔτι ἄγειν Aussi semble-t-il continuellement

τολμῶμεν· καὶ ταῖς μὲν veiller à leur extermination ;


d'abord, il aurait pu s'opposer au
τοσαύταις μυριάσι τῶν
débarquement des Carthaginois à
πολεμίων ἀντιταττόμεθα,
Panorme, fatigués alors d'un long
μόναρχον δὲ οὐδ´ trajet; et il n'a pas voulu le faire.
ἀνδραπόδου γενναίου τὴν Ensuite, il a laissé détruire Messine,
ἀρετὴν ἔχοντα cette ville si grande et si bien

πεφρίκαμεν. située, non seulement parce que


cette perte entraînait celle d'un
[66] Οὐ γὰρ δήπουθεν
grand nombre de Siciliens, mais
ἀξιώσαι τις ἂν parce que les Carthaginois
παραβάλλειν Διονύσιον τῷ pourraient là barrer le passage aux
παλαιῷ Γέλωνι. Ἐκεῖνος flottes envoyées de l'Italie et du

μὲν γὰρ μετὰ τῆς ἰδίας Péloponnèse. Enfin, il a, il est vrai,


attaqué l'ennemi sur la côte de
ἀρετῆς, μετὰ τῶν
Catane : il avait engagé ce combat
Συρακοσίων καὶ τῶν
à la vue de cette ville, afin que les
ἄλλων Σικελιωτῶν
vaincus trouvassent un refuge dans
ἠλευθέρωσε τὴν Σικελίαν les ports. Mais lorsque, après le
ἅπασαν, δ´ ἐν ἐλευθερίᾳ combat naval, les vents violents

παραλαβὼν τὰς πόλεις forcèrent les Carthaginois à tirer

τῶν μὲν ἄλλων ἁπασῶν leurs navires à terre, il ne profita


κυρίους πεποίηκε τοὺς point de cette belle occasion pour

πολεμίους, αὐτὸς δὲ τὴν les terrasser. Leur armée de terre


n'était pas encore arrivée, et la
πατρίδα καταδεδούλωται.
violence de la tempête avait fait
Κἀκεῖνος μὲν πολὺ πρὸ
échouer leurs bâtiments contre la
τῆς Σικελίας côte; si alors nous étions tombés
ἀγωνισάμενος τοὺς ἐν sur eux avec toute notre infanterie,
ταῖς πόλεσιν ὄντας nous les eussions facilement faits

συμμάχους οὐδὲ ἰδεῖν prisonniers à leur débarquement,


ou, abandonnée la fureur des flots,
τοὺς πολεμίους ἐποίησεν,
leur flotte aurait couvert le rivage
δ´ ἀπὸ Μοτύης διὰ πάσης
de ses débris.
τῆς νήσου φυγὼν
LXIX. « Mais, je ne crois pas
συγκέκλεικεν ἑαυτὸν
qu'il soit nécessaire d'accuser
ἐντὸς τῶν τειχῶν, πρὸς
davantage Denys devant les
μὲν τοὺς πολίτας Syracusains ; car s'ils ne sont pas
θρασυνόμενος, τοὺς δὲ animés à la vengeance par la
πολεμίους οὐδὲ κατ´ ὄψιν souffrance des maux qui sont

ἰδεῖν ὑπομένων. Τοιγαροῦν l'oeuvre du tyran, je ne parviendrai


jamais à vous enflammer par des
ἐκεῖνος μὲν διά τε τὴν
paroles. Et ne voyez-vous pas en
ἀρετὴν καὶ τὸ μέγεθος
lui tout à la fois le citoyen le plus
τῶν πράξεων οὐ μόνον pervers, le tyran le plus
τῶν Συρακοσίων, ἀλλὰ καὶ impitoyable et le général le plus
τῶν Σικελιωτῶν ἑκουσίων lâche? Nous avons été vaincus

παρέλαβε τὴν ἡγεμονίαν, autant de fois que nous avons


combattu sous ses ordres. Et
δ´ ἐπ´ ὀλέθρῳ μὲν τῶν
pourtant, tout à l'heure, livrés à
συμμάχων, ἐπὶ δουλείᾳ δὲ
nous-mêmes, nous avons attaqué,
τῶν πολιτῶν
avec un petit nombre de navires,
στρατηγήσας, πῶς οὐκ ἂν toute la flotte de l'ennemi, et nous
δικαίως ὑπὸ πάντων l'avons mise en déroute. Il nous
μισοῖτο; οὐ γὰρ μόνον faut donc chercher un autre chef,

ἡγεμονίας ἀνάξιος, ἀλλὰ afin qu'en servant sous les ordres


de celui qui a profané les temples,
καὶ μυρίων θανάτων
nous ne fassions pas la guerre aux
τυχεῖν δίκαιος. Γέλα καὶ
dieux. La divinité nous a été
Καμάρινα διὰ τοῦτον évidemment contraire tant que
κατεστράφησαν, Μεσσήνη nous avons été soumis au pouvoir

ἄρδην ἀνῄρηται, κατὰ du plus grand des impies. Et,


puisque sous ses ordres toutes nos
ναυμαχίαν δισμύριοι τῶν
armées sont défaites, pendant que,
συμμάχων ἀπολώλασι, τὸ
sans lui, un petit corps de troupes
σύνολον εἰς μίαν a suffi pour mettre en déroute les
κατακεκλείσμεθα πόλιν, Carthaginois, comment
τῶν κατὰ Σικελίαν l'intervention des dieux n'est-elle

Ἑλληνίδων πασῶν pas ici visible pour tout le monde?


Enfin, ô citoyens, si Denys abdique
ἀνῃρημένων. Πρὸς γὰρ
volontairement l'autorité suprême,
τοῖς ἄλλοις ἀδικήμασι
laissons-le sortir de la ville, lui et
Μάξον καὶ Κατάνην
les siens. Si, au contraire, il s'y
ἐξηνδραποδίσατο, πόλεις refuse, l'occasion est belle pour
συμμαχίδας, ἐπικαίρους reconquérir notre liberté. Nous
πόλεις, ἄρδην ἀνῄρηκεν. voilà tous réunis, nous sommes

Καὶ πρὸς μὲν maîtres de nos armes, nous nous


trouvons au milieu de nos alliés,
Καρχηδονίους δύο μάχας
tant de ceux des Grecs d'Italie que
ἐνστησάμενος ἐν
de ceux du Péloponnèse.
ἑκατέραις ἥττηται, παρὰ Choisissons notre chef selon les
δὲ τοῖς πολίταις lois, soit parmi nos concitoyens,
πιστευθεὶς ἅπαξ soit parmi les Corinthiens qui

στρατηγίας εὐθέως habitent la métropole, soit parmi


les Spartiates qui tiennent le
ἀφείλετο τὴν ἐλευθερίαν,
sceptre de la Grèce."
φονεύων μὲν τοὺς
LXX. Les Syracusains furent
παρρησίαν ἄγοντας ὑπὲρ
enflammés par ce discours de
τῶν νόμων, φυγαδεύων δὲ
Théodore, et tournèrent leurs
τοὺς ταῖς οὐσίαις
regards vers leurs alliés. Pharacidas
προέχοντας, καὶ τὰς μὲν le Lacédémonien, commandant de
τῶν φυγάδων γυναῖκας la flotte des auxiliaires, monta à la
οἰκέταις καὶ μιγάσιν tribune ; tous s'attendaient à le

ἀνθρώποις συνοικίζων, voir se déclarer le chef du


mouvement en faveur de la liberté.
τῶν δὲ πολιτικῶν ὅπλων
Mais Pharacidas, ami du tyran, dit
βαρβάρους καὶ ξένους
qu'il avait été envoyé par les
ποιῶν κυρίους. Καὶ ταῦτ´ Lacédémoniens pour soutenir les
ἔπραξεν, Ζεῦ καὶ θεοὶ Syracusains et Denys contre les

πάντες, ὑπηρέτης Carthaginois, mais non pas pour


renverser l'autorité de Denys.
ἀρχείων, ἀπεγνωσμένος
Pendant ce discours, si opposé â
ἄνθρωπος.
l'attente générale, les troupes
[67] Καὶ ποῦ τὸ mercenaires accoururent auprès de

φιλελεύθερον τῶν Denys, et les Syracusains

Συρακοσίων; ποῦ δ´ αἱ consternés gardèrent le silence,


maudissant les Spartiates. En effet,
τῶν προγόνων πράξεις;
déjà autrefois Arétès le
τὰς ἐφ´ Ἱμέρᾳ τριάκοντα
Lacédémonien avait trahi les
μυριάδας ἄρδην Syracusains lorsqu'ils s'apprêtaient
ἀναιρεθείσας à reconquérir la liberté, et
Καρχηδονίων, παρίημι τὴν aujourd'hui Pharacidas entrava

τῶν μετὰ Γέλωνα cette même entreprise. Cependant


Denys, saisi de crainte, rompit
τυράννων κατάλυσιν· ἀλλ´
l'assemblée; ensuite il parla
{εἰ} ἐχθὲς καὶ πρῴην,
obligeamment à tout le monde, se
Ἀθηναίων τηλικαύταις
familiarisa avec la foule, donna des
δυνάμεσιν ἐπὶ Συρακούσας présents aux uns et invita les
στρατευσάντων, οἱ autres à sa table. Après la prise du

πατέρες ἡμῶν οὐδὲ τὸν faubourg de Syracuse et le pillage

ἀπαγγελοῦντα τὴν du temple de Cérès et de


Proserpine, l'armée des
συμφορὰν ἀπέλιπον.Ἡμεῖς
Carthaginois fut atteinte d'une
δὲ τηλικαῦτ´ ἔχοντες
maladie. A la vengeance de la
πατέρων παραδείγματ´ divinité, ainsi manifestée, il faut
ἀρετῆς, τοῦ Διονυσίου ajouter que des milliers d'hommes
προστάγμασιν étaient rassemblés dans un même

ὑπακούομεν, καὶ ταῦτα espace, et qu'on se trouvait dans


une saison très favorable au
τῶν ὅπλων ὄντες κύριοι;
développement des maladies. De
θεῶν γάρ τις πρόνοια
plus, dans cette année, les chaleurs
μετὰ τῶν συμμάχων ἐν
de l'été étaient excessives. Cet
τοῖς ὅπλοις ἡμᾶς endroit paraissait destiné à être le
συνήγαγε πρὸς τὸ τὴν théâtre d'immenses calamités; car

ἐλευθερίαν ἀνακτήσασθαι, déjà, auparavant, les Athéniens qui

καὶ πάρεστι τήμερον avaient établi leur camp sur ce


ἄνδρας ἀγαθοὺς terrain bas et marécageux, furent

γενομένους καὶ décimés par des maladies. D'abord,


avant le lever du soleil, un frisson,
συμφρονήσαντας
occasionné par un air froid et
ἀπαλλαγῆναι τῆς βαρείας
humide, saisissait les corps, et à
ἀνάγκης. Τὸν μὲν γὰρ midi la chaleur asphyxiait cette
ἔμπροσθεν χρόνον multitude d'hommes entassés dans
παρωπλισμένοι - - - un étroit espace.

συμμάχων ὄντες, τῷ δὲ
τῶν μισθοφόρων πλήθει
τηρούμενοι, σχεδὸν
εἴκομεν τῷ τῆς ἀνάγκης
καιρῷ· νῦν δὲ τῶν ὅπλων
κυριεύοντες καὶ τοὺς
συμμάχους ἅμα βοηθοὺς
καὶ θεατὰς ἔχοντες τῆς
ἀρετῆς, μὴ
παραχωρήσωμεν ἀλλὰ
ποιήσωμεν φανερόν, ὡς
διὰ καιρόν, οὐ δι´
ἀνανδρίαν ὑπεμείναμεν
δουλεύειν. Οὐκ
αἰσχυνόμεθα τῶν πολέμων
ἔχοντες ἡγεμόνα τὸν τὰ
κατὰ τὴν πόλιν ἱερὰ
σεσυληκότα, καὶ
τηλικούτων πραγμάτων
ποιοῦντες προστάτην,
βίον ἰδιωτικὸν οὐδεὶς ἂν
εὖ φρονῶν διοικεῖν
ἐπιτρέψειεν; καὶ τῶν
ἄλλων ἐν τοῖς πολέμοις
μάλιστα τηρούντων τὰ
πρὸς τοὺς θεοὺς ὅσια διὰ
τὸ μέγεθος τῶν κινδύνων,
ἡμεῖς τὸν ἐπ´ ἀσεβείᾳ
διωνομασμένον ἐλπίζομεν
καταλύσειν τὸν πόλεμον;

[68] καίτοι γε εἴ τις


βούλεται τἀκριβὲς ζητεῖν,
εὑρήσει Διονύσιον οὐχ
ἧττον τοῦ πολέμου τὴν
εἰρήνην εὐλαβούμενον.
νῦν μὲν γὰρ διὰ τὸν ἀπὸ
τῶν πολεμίων φόβον
νομίζει τοὺς Συρακοσίους
μηθὲν ἐπιχειρήσειν κατ´
αὐτοῦ πρᾶξαι,
καταπονηθέντων δὲ τῶν
Καρχηδονίων
ἀντιλήψεσθαι τῆς
ἐλευθερίας, τῶν μὲν
ὅπλων κυριεύοντας, διὰ δὲ
τὰς πράξεις
πεφρονηματισμένους. Διὰ
τοῦτο γάρ, οἶμαι, κατὰ
μὲν τὸν πρῶτον πόλεμον
προδοὺς Γέλαν καὶ
Καμάριναν ταύτας
ἀοικήτους ἐποίησεν, ἐν δὲ
ταῖς συνθήκαις ἐκδότους
τὰς πλείστας
{ἀοικήτους} Ἑλληνίδας
πόλεις συνέθετο. Μετὰ δὲ
ταῦτ´ ἐν εἰρήνῃ Νάξον καὶ
Κατάνην παρασπονδῶν
ἐξανδραποδισάμενος ἣν
μὲν κατέσκαψεν, ἣν δὲ
τοῖς ἐξ Ἰταλίας Καμπανοῖς
οἰκητήριον ἔδωκεν.
Ἐπειδὴ δὲ ἐκείνων
ἀπολομένων οἱ
περιλειφθέντες πολλάκις
ἐπεβάλοντο καταλῦσαι
τὴν τυραννίδα, πάλιν τοῖς
Καρχηδονίοις πόλεμον
κατήγγειλεν· οὐ γὰρ
οὕτως εὐλαβεῖτο λῦσαι
τὰς συνθήκας παρὰ τοὺς
ὅρκους, ὡς ἐφοβεῖτο τὰ
περιλελειμμένα
συστήματα τῶν
Σικελιωτῶν. Καὶ δὴ
φαίνεται διὰ παντὸς
ἐπηγρυπνηκὼς τῇ τούτων
ἀπωλείᾳ. Καὶ πρῶτον μὲν
περὶ Πάνορμον δυνάμενος
παρατάξασθαι τοῖς
πολεμίοις, ἀποβαινόντων
ἐκ τῶν νεῶν καὶ τὰ
σώματα κακῶς ἐχόντων
διὰ τὸν σάλον, οὐκ
ἠβουλήθη· μετὰ δὲ ταῦτα
τὴν Μεσσήνην ἐπίκαιρον
καὶ τηλικαύτην πόλιν
ἀβοήθητον περιιδὼν εἴασε
κατασκαφῆναι, ὅπως μὴ
μόνον ὡς πλεῖστοι
διαφθείρωνται τῶν
Σικελιωτῶν, ἀλλὰ καὶ
Καρχηδόνιοι τὰς ἐξ
Ἰταλίας βοηθείας καὶ τοὺς
ἐκ Πελοποννήσου στόλους
ἐμφράξωσιν. Τὸ δὲ
τελευταῖον ἐν τῷ
Καταναίων αἰγιαλῷ
διηγωνίσατο, παρεὶς πρὸς
τῇ πόλει τὴν μάχην
συστήσασθαι πρὸς τὸ
τοὺς ἐλαττουμένους
καταφεύγειν εἰς τοὺς
οἰκείους λιμένας. Μετὰ δὲ
τὴν ναυμαχίαν, μεγάλων
πνευμάτων ἐπιγενομένων
καὶ τῶν Καρχηδονίων
ἀναγκασθέντων
νεωλκῆσαι τὸν στόλον,
καιρὸν εἶχε τοῦ νικᾶν
κάλλιστον· τὸ μὲν γὰρ
πεζὸν στράτευμα τῶν
πολεμίων οὔπω
κατηντηκὸς ἦν, τὸ δὲ
μέγεθος τοῦ χειμῶνος ἐπὶ
τὸν αἰγιαλὸν αὐτοῖς τὰς
ναῦς ἐξέβραττεν. Τότε
συνεπιθεμένων ἡμῶν πεζῇ
πάντων ἠναγκάσθησαν ἂν
ἀποβαίνοντες ἁλίσκεσθαι
ῥᾳδίως πρὸς τὰ κύματα
βιαζόμενοι τὸν αἰγιαλὸν
πληρῶσαι ναυαγίων.

[69] Ἀλλὰ τὸ μὲν


Διονυσίου κατηγορεῖν ἐν
Συρακοσίοις ἐπὶ πλεῖον
οὐκ ἀναγκαῖον εἶναι
νομίζω. Εἰ γὰρ οἱ δι´
αὐτῶν τῶν ἔργων
ἀνήκεστα παθόντες οὐκ
ἐγείρονται τοῖς θυμοῖς,
ἦπου τοῖς λόγοις
προαχθήσονται πρὸς τὴν
κατὰ τούτου τιμωρίαν,
καὶ ταῦτ´ ἰδόντες αὐτὸν
πολίτην μὲν γεγονότα
πονηρότατον, τύραννον
δὲ πικρότατον, στρατηγὸν
δὲ πάντων ἀγενέστατον;
ὁσάκις μὲν γὰρ σὺν τούτῳ
παρεταξάμεθα,
τοσαυτάκις ἡττήθημεν·
νυνὶ δὲ καθ´ αὑτοὺς
ὀλίγαις ναυσὶ τὴν πᾶσαν
τῶν πολεμίων δύναμιν
κατεναυμαχήσαμεν.
Διόπερ ἕτερον ἡγεμόνα
ζητητέον, ὅπως μὴ τὸν
σεσυληκότα τοὺς τῶν
θεῶν ναοὺς στρατηγὸν
ἔχοντες ἐν τῷ πολέμῳ
θεομαχῶμεν. Φανερῶς
γὰρ τὸ δαιμόνιον
ἀντιπράττει τοῖς τὸν
ἀσεβέστατον
προχειρισαμένοις ἐπὶ τὴν
ἡγεμονίαν. Τὸ γὰρ μετὰ
μὲν τούτου πάσας τὰς
δυνάμεις ἡττῆσθαι, χωρὶς
δὲ τούτου καὶ βραχὺ
μέρος ἱκανὸν εἶναι
καταπολεμῆσαι
Καρχηδονίους, πῶς οὐ
πᾶσιν ὁρατὴν ἔχει τὴν
τῶν θεῶν ἐπιφάνειαν;
διόπερ, ἄνδρες, ἐὰν μὲν
ἑκὼν ἀποτίθηται τὴν
ἀρχήν, ἐάσωμεν αὐτὸν
ἀπαλλάττεσθαι μετὰ τῶν
ἰδίων ἐκ τῆς πόλεως· ἐὰν
δὲ μὴ βούληται, καιρὸν
ἔχομεν κάλλιστον τὸν
παρόντα πρὸς τὸ τῆς
ἐλευθερίας
ἀντιλαμβάνεσθαι. Πάντες
συνεληλύθαμεν, κύριοι
τῶν ὅπλων ἐσμέν,
συμμάχους ἔχομεν
παρόντας οὐ μόνον τοὺς
ἀπὸ τῆς Ἰταλίας Ἕλληνας,
ἀλλὰ καὶ τοὺς ἀπὸ
Πελοποννήσου. Τὴν δὲ
ἡγεμονίαν δοτέον κατὰ
τοὺς νόμους πολίταις
τοῖς κατὰ τὴν μητρόπολιν
οἰκοῦσι Κορινθίοις τοῖς
ἀφηγουμένοις τῆς
Ἑλλάδος Σπαρτιάταις.

[70] Τοιούτοις τοῦ


Θεοδώρου χρησαμένου
λόγοις, οἱ μὲν Συρακόσιοι
μετέωροι ταῖς ψυχαῖς
ἐγένοντο καὶ πρὸς τοὺς
συμμάχους ἀπέβλεπον,
Φαρακίδου δὲ τοῦ
Λακεδαιμονίου
ναυαρχοῦντος τῶν
συμμάχων {καὶ}
παρελθόντος ἐπὶ τὸ βῆμα,
πάντες προσεδόκων
ἀρχηγὸν ἔσεσθαι τῆς
ἐλευθερίας. δὲ τὰ πρὸς
τὸν τύραννον ἔχων
οἰκείως ἔφησεν αὐτὸν ὑπὸ
Λακεδαιμονίων
ἀπεστάλθαι Συρακοσίοις
καὶ Διονυσίῳ συμμαχεῖν
πρὸς Καρχηδονίους, ἀλλ´
οὐ Διονυσίου τὴν ἀρχὴν
καταλύειν. Παρὰ δὲ τὴν
προσδοκίαν γενομένης
τῆς ἀποφάσεως, οἱ μὲν
μισθοφόροι συνέδραμον
πρὸς τὸν Διονύσιον, οἱ δὲ
Συρακόσιοι
καταπλαγέντες τὴν
ἡσυχίαν εἶχον, πολλὰ τοῖς
Σπαρτιάταις
καταρώμενοι· καὶ γὰρ τὸ
πρότερον Ἀρέτης
Λακεδαιμόνιος
ἀντιλαμβανομένων αὐτῶν
τῆς ἐλευθερίας ἐγένετο
προδότης, καὶ τότε
Φαρακίδας ἐνέστη ταῖς
ὁρμαῖς τῶν Συρακοσίων.
δὲ Διονύσιος τότε μὲν
ἐγένετο περίφοβος καὶ
διέλυσε τὴν ἐκκλησίαν,
μετὰ δὲ ταῦτα
φιλανθρώποις λόγοις
χρησάμενος καθωμίλει τὰ
πλήθη, καὶ τινὰς μὲν
δωρεαῖς ἐτίμα, τινὰς δ´
ἐπὶ τὰ συσσίτια
παρελάμβανε.
Καρχηδονίοις δὲ μετὰ τὴν
κατάληψιν τοῦ
προαστείου καὶ τὴν
σύλησιν τοῦ τε τῆς
Δήμητρος καὶ Κόρης ἱεροῦ
ἐνέπεσεν εἰς τὸ
στράτευμα νόσος·
συνεπελάβετο δὲ καὶ τῇ
τοῦ δαιμονίου συμφορᾷ τὸ
μυριάδας εἰς ταὐτὸ
συναθροισθῆναι καὶ τὸ
τῆς ὥρας εἶναι πρὸς τὰς
νόσους ἐνεργότατον, ἔτι
δὲ τὸ ἔχειν ἐκεῖνο τὸ
θέρος καύματα
παρηλλαγμένα.Ἔοικε δὲ
καὶ τόπος αἴτιος
γεγονέναι πρὸς τὴν
ὑπερβολὴν τῆς συμφορᾶς·
καὶ γὰρ Ἀθηναῖοι
πρότερον τὴν αὐτὴν
ἔχοντες παρεμβολὴν
πολλοὶ διεφθάρησαν ὑπὸ
τῆς νόσου, ἑλώδους ὄντος
τοῦ τόπου καὶ κοίλου.
Πρῶτον μὲν πρὶν ἥλιον
ἀνατεῖλαι διὰ τὴν
ψυχρότητα τὴν ἐκ τῆς
αὔρας τῶν ὑδάτων φρίκη
κατεῖχε τὰ σώματα· κατὰ
δὲ τὴν μεσημβρίαν {ἡ}
θερμότης ἔπνιγεν, ὡς ἂν
τοσούτου πλήθους ἐν
στενῷ τόπῳ

[71] συνηθροισμένου. LXXI. La maladie atteignit

ἥψατο μὲν οὖν νόσος d'abord les Libyens dont un grand


nombre moururent. Dans le
πρῶτον τῶν Λιβύων, ἐξ
commencement, ils ensevelissaient
ὧν πολλῶν
leurs cadavres; mais bientôt, en
ἀποθνησκόντων τὸ μὲν raison de la quantité des morts, et
πρῶτον ἔθαπτον τοὺς les gardes-malades étant eux-
τετελευτηκότας, μετὰ δὲ mêmes attaqués de la maladie,

ταῦτα διά τε τὸ πλῆθος personne n'osa plus approcher des


souffrants. Le secours médical
τῶν νεκρῶν καὶ διὰ τὸ
ayant ainsi cessé, le fléau devint
τοὺς νοσοκομοῦντας ὑπὸ
sans remède. La puanteur des
τῆς νόσου διαρπάζεσθαι,
corps laissés sans sépulture, et
οὐδεὶς ἐτόλμα προσιέναι l'exhalaison putride des marais,
τοῖς κάμνουσιν. causèrent d'abord un flux catarrhal
Παραιρεθείσης οὖν καὶ qui fut suivi de tumeurs au cou;

τῆς θεραπείας ἀβοήθητος bientôt survinrent des fièvres, des


douleurs clans les nerfs du dos, et
ἦν συμφορά. Διὰ γὰρ τὴν
des pesanteurs dans les jambes. A
τῶν ἀθάπτων δυσωδίαν
ces symptômes succédaient la
καὶ τὴν ἀπὸ τῶν ἑλῶν dyssenterie et des pustules sur
σηπεδόνα πρῶτον μὲν toute la surface du corps. Telle
ἤρχετο τῆς νόσου était la maladie qui avait attaqué la
κατάρρους, μετὰ δὲ ταῦτ´ plupart des Carthaginois.

ἐγίνετο περὶ τὸν τράχηλον Quelques-uns avaient des accès de


manie et perdaient complétement
οἰδήματα· ἐκ δὲ τοῦ κατ´
la mémoire ; hors de leur sens, ils
ὀλίγον ἠκολούθουν
parcouraient le camp et frappaient
πυρετοὶ καὶ περὶ τὴν ῥάχιν ceux qu'ils rencontraient. Enfin, la
νεύρων πόνοι καὶ τῶν gravité du fléau et la rapidité de la
σκελῶν βαρύτητες· εἶτ´ mort rendaient inutile le secours

ἐπεγίνοντο δυσεντερία καὶ des médecins; les malades


mouraient le cinquième ou le plus
φλύκταιναι περὶ τὴν
souvent le sixième jour en
ἐπιφάνειαν ὅλην τοῦ
éprouvant des douleurs si atroces
σώματος. Τοῖς μὲν οὖν
qu'ils estimaient heureux ceux qui
πλείστοις τοιοῦτον ἦν τὸ avaient péri dans les combats.
πάθος, τινὲς δ´ εἰς μανίαν Comme le mal avait gagné ceux qui
καὶ λήθην τῶν ἁπάντων soignaient les malades, ceux-ci

ἔπιπτον, οἳ furent abandonnés à leur infortune,


personne ne voulant les garder.
περιπορευόμενοι τὴν
Ainsi, non seulement ceux qui
παρεμβολὴν ἐξεστῶτες
n'étaient pas parents
τοῦ φρονεῖν ἔτυπτον τοὺς s'abandonnaient réciproquement,
ἀπαντῶντας. Καθόλου δὲ mais les frères laissaient périr leurs
συνέβη καὶ τὴν ἀπὸ τῶν frères, les amis leurs amis, par la

ἰατρῶν βοήθειαν crainte d'être eux-mêmes atteints


de la contagion (72).
ἄπρακτον εἶναι {καὶ} διὰ
τὸ μέγεθος τοῦ πάθους LXXII. Lorsque Denys apprit la
calamité des Carthaginois, il équipa
καὶ τὴν ὀξύτητα τοῦ
quatre-vingts navires, et ordonna à
θανάτου· πεμπταῖοι γὰρ
Pharacidas et à Leptine,
τὸ πλεῖστον ἑκταῖοι
commandants de la flotte,
μετήλλαττον, δεινὰς d'attaquer à la pointe du jour les
ὑπομένοντες τιμωρίας, bâtiments ennemis. Lui-même,
ὥσθ´ ὑπὸ πάντων profitant de l'obscurité de la nuit,

μακαρίζεσθαι τοὺς ἐν τῷ se mit à la tête de son armée, et,


faisant le tour du temple de
πολέμῳ τετελευτηκότας.
Cyanée, il se trouva au matin en
Καὶ γὰρ οἱ τοῖς κάμνουσι
face du camp, sans avoir été
παρεδρεύοντες ἐνέπιπτον aperçu des ennemis. Il avait
εἰς τὴν νόσον ἅπαντες, détaché auparavant les cavaliers et

ὥστε δεινὴν εἶναι τὴν mille fantassins mercenaires, pour


attaquer la partie du camp des
συμφορὰν τῶν
Carthaginois qui s'étendait dans
ἀρρωστούντων, μηδενὸς
l'intérieur du pays. Ces soldats
θέλοντος ὑπηρετεῖν τοῖς haïssaient le plus Denys, et avaient
ἀτυχοῦσιν. Οὐ γὰρ μόνον souvent excité des troubles et des
οἱ μηδὲν προσήκοντες désordres. C'est pourquoi Denys

ἀλλήλους ἐγκατέλειπον, avait ordonné à ses cavaliers de


fuir et d'abandonner les
ἀλλ´ ἀδελφοὶ μὲν
mercenaires au moment de la
ἀδελφούς, φίλοι δὲ τοὺς
mêlée. Les cavaliers ayant exécuté
συνήθεις ἠναγκάζοντο
cet ordre, tous ces mercenaires
προΐεσθαι διὰ τὸν ὑπὲρ furent taillés en pièces. Cependant
αὑτῶν φόβον. Denys entreprit d'assiéger le camp
et les forts qui l'environnaient. Les
[72] Διονύσιος δ´
Barbares, effrayés de cette
ἐπειδὴ τὴν περὶ
entreprise inattendue, se
Καρχηδονίους συμφορὰν
défendirent en désordre; et Denys
ἤκουσεν, ὀγδοήκοντα μὲν s'empara du fort appelé Polichna;
ναῦς πληρώσας Φαρακίδᾳ d'un autre côté, les cavaliers et

καὶ Λεπτίνῃ τοῖς quelques trirèmes s'approchèrent

ναυάρχοις ἐπέταξεν ἅμ´ du bourg voisin de Dascon, et le


prirent d'assaut. Aussitôt toute la
ἡμέρᾳ τὸν ἐπίπλουν ταῖς
flotte sicilienne s'avança en ordre,
πολεμίαις ναυσὶ
et l'armée poussait des cris de
ποιήσασθαι, αὐτὸς δ´ victoire sur la prise des forts. Les
ἀσελήνου τῆς νυκτὸς Barbares furent consternés; car ils
οὔσης περιήγαγε τὴν avaient d'abord tous couru du côté

δύναμιν, καὶ περιελθὼν où l'armée de terre venait attaquer


le camp pour secourir les assiégés ;
ἐπὶ τὸ τῆς Κυάνης ἱερὸν
mais lorsqu'ils virent les bâtiments
ἔλαθε τοὺς πολεμίους ἅμ´
s'approcher, ils revinrent en toute
ἡμέρᾳ προσιὼν τῇ
hâte du côté de la station navale,
παρεμβολῇ. Τοὺς μὲν οὖν mais leur diligence fut inutile. Ils
ἱππεῖς καὶ μισθοφόρων étaient encore occupés à monter à

πεζοὺς χιλίους bord et à équiper les trirèmes,

προαπέστειλεν εἰς τὸ lorsque les vaisseaux ennemis les


πρὸς τὴν μεσόγειον prirent en flanc, endommagèrent

ἀνατεῖνον μέρος τῆς τῶν les bâtiments à coups d'éperon, et


les firent couler d'un seul coup bien
Καρχηδονίων
appliqué. D'autres, frappant à
στρατοπεδείας. Οὗτοι δ´
coups redoublés les planches du
ἦσαν οἱ μισθοφόροι τῷ bordage, répandaient la terreur
Διονυσίῳ παρὰ πάντας parmi ceux qui faisaient de la
ἀλλοτριώτατοι καὶ résistance. Les meilleurs navires

πλεονάκις στάσεις καὶ des Carthaginois, percés ou


déchirés à coups d'éperon, se
ταραχὰς ποιοῦντες.
brisaient avec un horrible fracas ;
Διόπερ μὲν Διονύσιος
le rivage était jonché de cadavres.
τοῖς ἱππεῦσιν ἦν
LXXIII. Animés par ce succès,
παρηγγελκώς, ὅταν
les Syracusains s'empressèrent à
ἐξάπτωνται τῶν
l'envi de sauter sur les bâtiments
πολεμίων, φεύγειν καὶ ennemis, et, enveloppant les
τοὺς μισθοφόρους Barbares, effrayés de la grandeur
ἐγκαταλιπεῖν· ὧν du péril, ils les massacrèrent.

ποιησάντων τὸ L'armée de terre ne voulant pas


rester en arrière d'ardeur
προσταχθὲν οὗτοι μὲν
belliqueuse, se précipita vers la
ἅπαντες κατεκόπησαν,
station navale. Denys lui-même se
δὲ Διονύσιος ἅμα τήν τε trouvait parmi eux, et s'était
παρεμβολὴν καὶ τὰ avancé à cheval jusqu'à Dascon.
φρούρια πολιορκεῖν Les Syracusains y trouvèrent

ἐπεχείρησε· καὶ τῶν mouillés quarante bâtiments à cinq


rangs de rames, et à leur suite
βαρβάρων διὰ τὸ
plusieurs vaisseaux de transport et
παράδοξον
quelques trirèmes; ils mirent le feu
καταπεπληγμένων καὶ
à tous ces bâtiments. La flamme
παραβοηθούντων s'éleva promptement et s'étendit si
τεταραγμένως, αὐτὸς μὲν loin, que les embarcations furent
φρούριον τὴν καλουμένην brûlées; ni les marchands ni les

Πολίχναν εἷλε κατὰ marins ne purent porter aucun


secours, tant cet incendie était
κράτος, ἐκ δὲ θατέρου
immense. Un vent violent s'éleva,
μέρους οἱ ἱππεῖς καί τινες
et la flamme fut portée des
τῶν τριήρων bâtiments de guerre aux vaisseaux
προσπλεύσασαι τὸ πρὸς de transport; les hommes qui les

τῷ Δάσκωνι χωρίον montaient plongèrent dans l'eau


pour se soustraire au feu; les
ἐξεπολιόρκησαν. Εὐθὺ δ´
câbles ayant été brûlés, les
αἵ τε ναῦς ἅπασαι τὸν
navires, abandonnés aux flots,
ἐπίπλουν ἐποιήσαντο, καὶ s'entre-choquèrent; quelques-uns
κατὰ τὰς τῶν φρουρίων échouèrent, quelques autres furent
ἁλώσεις ἐπαλαλάξαντος jetés sur la côte, la plupart

τοῦ στρατοπέδου devinrent la proie des flammes.


L'aspect de cet incendie, qui se
περιδεεῖς οἱ βάρβαροι
propageait dans les voiles et les
καθειστήκεισαν. Ἐξ ἀρχῆς
mâtures des bâtiments de
μὲν γὰρ ἐπὶ τὸ πεζὸν
transport, offrait aux habitants de
στράτευμα πάντες la ville un spectacle pour ainsi dire
συνέδραμον, ἀμυνόμενοι théâtral : les Carthaginois
{ἐπὶ} τοὺς τὴν semblaient périr comme les impies

παρεμβολὴν que les dieux frappent de la foudre.

πολιορκοῦντας· ὡς δὲ καὶ LXXIV. Cette victoire exalta les

τὸν τῶν νεῶν ἐπίπλουν esprits des Syracusains; tout ce


qu'il y avait d'enfants avancés en
εἶδον, πάλιν ἐξεβοήθουν
âge, et ceux qui n'étaient pas
ἐπὶ τὸν ναύσταθμον·
entièrement épuisés par la
καταταχούμενοι δ´ ὑπὸ vieillesse, vinrent remplir les ports,
τῆς ὀξύτητος τοῦ καιροῦ se jetèrent en foule sur les navires
τὴν ἑαυτῶν σπουδὴν εἶχον en partie détruits par le feu, les

ἄπρακτον.Ἔτι γὰρ αὐτῶν pillèrent et en tirèrent les objets


qui pouvaient encore servir; ils
ἀναβαινόντων ἐπὶ τὰ
traînèrent à la remorque, jusque
καταστρώματα καὶ
dans la ville, les bâtiments que la
πληρούντων τὰς τριήρεις,
flamme avait épargnés. Ceux-là
αἱ πολέμιαι ναῦς ταῖς même qui, par leur âge, étaient
εἰρεσίαις ἐλαυνόμεναι exempts du service militaire, ne
πλαγίαις ἐνέσειον μόγις. purent contenir leur ardeur, et

Ἐκ μὲν οὖν μιᾶς ἐπικαίρου l'excès de la joie donna des forces


à la faiblesse de l'âge. Enfin le bruit
πληγῆς κατέδυον τὰς
de la victoire s'étant répandu dans
τιτρωσκομένας ναῦς· αἱ
la ville, les femmes, les enfants et
δὲ πλείοσιν ἐμβολαῖς les domestiques quittèrent les
ἀναρρήττουσαι τὰς maisons et coururent sur les murs,

συγγεγομφωμένας qui furent tout couverts de


spectateurs. Les uns, levant les
σανίδας δεινὴν ἔκπληξιν
mains au ciel, rendirent grâces aux
τοῖς ἀντιταττομένοις
dieux, les autres s'écrièrent que la
παρείχοντο. Πάντῃ δὲ τῶν divinité s'était vengée de l'impiété
ἐξοχωτάτων νεῶν des Barbares. Et, en effet, ce
θραυομένων, αἱ μὲν ἐκ spectacle, vu de loin, ressemblait à

τῶν ἐμβολῶν un combat des dieux : tant de


navires étaient dévorés par le feu,
ἀναρρηττόμεναι λακίδες
et la flamme s'élevait au-dessus
ἐξαίσιον ἐποιοῦντο ψόφον,
des mâts ! Chaque nouveau succès
δὲ παρὰ τὴν μάχην
était accueilli par les Grecs avec
παρήκων αἰγιαλὸς ἔγεμε des cris épouvantables, tandis que
νεκρῶν. les Barbares, dans leur effroi,
faisaient entendre un grand
[73] Οἱ δὲ Συρακόσιοι
tumulte et des clameurs confuses.
τῷ προτερήματι
Mais la nuit étant survenue, on mit
συμφιλοτιμούμενοι κατὰ
fin au combat, et Denys vint
πολλὴν σπουδὴν ἀλλήλους camper en face des Barbares, près
ἔφθανον ἐπιπηδῶντες ταῖς du temple de Jupiter.

πολεμίαις ναυσί, καὶ τοὺς LXXV. Les Carthaginois,


βαρβάρους vaincus sur terre et sur mer,

καταπεπληγμένους τὸ envoyèrent, à l'insu des


Syracusains, une députation à
μέγεθος τῆς περιστάσεως
Denys. Ils le supplièrent de laisser
περιχυθέντες ἐφόνευον.
retourner en Libye les débris de
Οὐ μὴν οὐδ´ οἱ πεζῇ τῷ
leurs troupes, et lui offrirent trois
ναυστάθμῳ cents talents qu'ils avaient dans
προσβάλλοντες ἐλείποντο leur camp. Denys répondit qu'il lui
τῆς τούτων σπουδῆς· ἐν était impossible de les laisser tous

οἷς συνέβαινεν εἶναι καὶ échapper, mais qu'il leur permettait


de s'embarquer secrètement la nuit
αὐτὸν τὸν Διονύσιον,
en n'emmenant que les citoyens de
παριππευκότα πρὸς τὸ
Carthage; car il savait que ni les
κατὰ Δάσκωνα μέρος. Syracusains ni les alliés ne
Εὑρόντες γὰρ souffriraient que les ennemis
πεντηκοντόρους effectuassent leur retraite. Denys
τετταράκοντα agissait ainsi parce qu'il ne voulait

νενεωλκημένας, καὶ κατὰ pas la ruine totale des Carthaginois


qui pouvaient seuls tenir les
τὸ συνεχὲς ναῦς
Syracusains en respect, et les
παρορμούσας ὁλκάδας καί
empêcher de songer à leur liberté.
τινας τῶν τριήρων, πῦρ Ainsi, après être convenu que les
εἰς αὐτὰς ἐνῆκαν. Ταχὺ δὲ Carthaginois partiraient la nuit du
τῆς φλογὸς εἰς ὕψος quatrième jour, Denys reconduisit

ἀρθείσης καὶ χεομένης ἐπὶ l'armée dans la ville. Imilcar fit,


pendant la nuit, porter dans la
πολὺν τόπον ἐφλέγετο τὰ
citadelle les trois cents talents
σκάφη, καὶ τῶν ἐμπόρων
promis, et les remit aux soldats
τε καὶ ναυκλήρων οὐδεὶς
que le tyran avait établis dans l'Île.
ἐδύνατο παραβοηθῆσαι Au moment convenu, Imilcar, à la
διὰ τὸ πλῆθος τοῦ πυρός. faveur de la nuit, embarqua les
Ἐπιγενομένου δὲ μεγάλου citoyens carthaginois sur quarante

πνεύματος ἐκ τῶν trirèmes, et, abandonnant le reste


de l'armée, se livra à la fuite. Il
νενεωλκημένων σκαφῶν
était déjà sorti du port, lorsque
ἐφέρετο τὸ πῦρ ἐπὶ τὰς
quelques Corinthiens eurent
ὁρμούσας ὁλκάδας. Τῶν δ connaissance de cette fuite et en
´ ἀνδρῶν ἐκκολυμβώντων apportèrent promptement la
διὰ τὸν ἀπὸ τῆς πνιγῆς nouvelle à Denys. Celui-ci appela

φόβον, καὶ τῶν ἀγκυρίων les soldats aux armes et gagna du


temps en réunissant les chefs;
ἀποκαιομένων, διὰ τὸν
mais les Corinthiens, impatientés,
κλύδωνα συνέκρουον αἱ
coururent sus aux Carthaginois, et,
ναῦς, καὶ τινὲς μὲν ὑπ´
leurs rameurs luttant de vitesse, ils
ἀλλήλων συντριβόμεναι atteignirent l'arrière-garde de la
διεφθείροντο, τινὲς δὲ ὑπὸ flotte phénicienne. Ils attaquèrent
τοῦ πνεύματος ὠθούμεναι, les navires à coups d'éperon, et les

αἱ πλεῖσται δ´ ὑπὸ τοῦ coulèrent bas. Après cette action,


Denys mit ses troupes en
πυρὸς ἀπώλλυντο.Ἔνθα
mouvement; les Sicules, alliés, des
δὴ τῶν φορτηγῶν πλοίων
Carthaginois, ayant prévu l'attaque
ἀναφερομένης τῆς φλογὸς des Syracusains, s'étaient réfugiés
διὰ τῶν ἱστίων καὶ τὰς dans l'intérieur des terres, et
κεραίας καταφλεγούσης, parvinrent presque tous à se
τοῖς ἐκ τῆς πόλεως sauver dans leurs foyers.

θεατρικὴν συνέβαινε Cependant, Denys établissant des


postes sur les routes, conduisit
γίνεσθαι τὴν θέαν καὶ τοῖς
pendant la nuit son armée contre le
δι´ ἀσέβειαν
camp des ennemis. Les Barbares,
κεραυνωθεῖσι φαίνεσθαι abandonnés à la fois par leur
παραπλησίαν τὴν général et les Carthaginois,
ἀπώλειαν τῶν βαρβάρων. perdirent courage, et, saisis
d'épouvante, se livrèrent à la fuite.
[74] Διόπερ τοῖς
Les uns, tombant au milieu des
εὐτυχήμασι
avant-postes placés sur les routes,
μετεωριζόμενοι τὰ furent faits prisonniers; mais la
πορθμεῖα συνεπλήρουν οἵ plupart, jetant leurs armes, allèrent
τε πρεσβύτατοι τῶν au-devant des Syracusains, qu'ils

παίδων καὶ τῶν supplièrent de leur accorder la vie.


Les Ibériens seuls, se réunissant
παρηκμακότων ταῖς
sous les armes, envoyèrent un
ἡλικίαις οἱ μὴ τελείως ὑπὸ
héraut pour offrir leur alliance.
τοῦ γήρως
Denys traita avec eux, et incorpora
καταπονούμενοι· πρὸς δὲ les Ibériens parmi ses mercenaires.
τὰς κατὰ τὸν λιμένα ναῦς Il fit prisonnier le reste de l'armée

ὡς ἔτυχε προσπλέοντες et laissa piller le bagage par ses

ἀθρόοι, τὰς μὲν soldats.

προδιεφθαρμένας ὑπὸ τοῦ LXXVI. Tel fut le changement


de fortune qu'éprouvèrent les
πυρὸς διήρπαζον,
Carthaginois ; ce fut pour les
ἐκλέγοντες τῶν χρησίμων
hommes un exemple que ceux qui
τὰ δυνάμενα βοηθείας
s'élèvent trop haut peuvent
τυχεῖν, τὰς δ´ ἀκεραίους promptement tomber bien bas. En
ἐξαπτόμενοι κατῆγον εἰς effet, les Carthaginois, maîtres de
τὴν πόλιν. Οὕτως οὐδὲ οἱ presque toutes les villes de la

τῶν κατὰ πόλεμον Sicile, à l'exception de Syracuse,


après avoir aspiré à s'emparer de
ἀφιέμενοι διὰ τὰς ἡλικίας
cette dernière, eurent bientôt à
καρτερεῖν ἐδύναντο, διὰ
craindre pour leur propre patrie.
δὲ τὴν ὑπερβολὴν τῆς Eux qui avaient violé les tombeaux
χαρᾶς φιλοτιμία τῆς des Syracusains, laissèrent
ψυχῆς κατίσχυε τὴν entassés sous leurs yeux sans
ἡλικίαν. Τοῦ δὲ περὶ τὴν sépulture, cinquante mille

νίκην λόγου διαρρυέντος cadavres, victimes de la peste. Ils


avaient incendié le territoire des
κατὰ τὴν πόλιν, τὰς
Syracusains, et, par contre-coup,
οἰκίας ἐξέλειπον ὁμοῦ
ils virent leur propre flotte devenue
τοῖς οἰκέταις παῖδες καὶ la proie des flammes. En entrant
γυναῖκες, καὶ πάντων dans le port, ils avaient fait parade
σπευδόντων ἐπὶ τὰ τείχη de leurs forces et montré aux

πᾶς τόπος ἔγεμε τῶν Syracusains leurs richesses, et ils


ne se doutaient pas qu'en une nuit
θεωμένων. Τούτων δ´ οἱ
ils seraient mis en fuite et
μὲν εἰς τὸν οὐρανὸν τὰς
livreraient leurs propres alliés aux
χεῖρας ἐκτείναντες
ennemis. Le général lui-même, qui
εὐχαρίστουν τοῖς θεοῖς, οἱ avait placé sa tente dans le temple
δὲ τῆς τῶν ἱερῶν de Jupiter, et qui avait profané le
συλήσεως ἔφασαν sanctuaire pour se procurer des

εἰληφέναι τοὺς richesses, se sauva


ignominieusement à Carthage,
βαρβάρους τὴν παρὰ τοῦ
accompagné d'un petit nombre de
δαιμονίου τιμωρίαν.
soldats, afin que, épargné par le
Ἐφαίνετο γὰρ διὰ μακροῦ fer, il mourût comme un sacrilége,
θεομαχίᾳ παραπλήσιος et qu'il menât dans sa patrie une
θέα, τοσούτων μὲν νεῶν vie honteuse. Il arriva à un tel

πυρπολουμένων, τῆς δὲ degré d'infortune que, couvert de


haillons, il parcourait les temples
φλογὸς διὰ τῶν ἱστίων εἰς
de Carthage, se reprochant ses
ὕψος ἀναφερομένης, καὶ
impiétés envers les dieux, et
τῶν μὲν Ἑλλήνων καθ´
s'avouant puni de ses crimes par
ἕκαστον τῶν une divinité vengeresse. Enfin, se
προτερημάτων condamnant lui-même à mort, il se
ἐπισημαινομένων ἐξαισίῳ laissa périr d'inanition, léguant à

βοῇ, τῶν δὲ βαρβάρων διὰ ses concitoyens la crainte des


dieux. Bientôt après, la fortune leur
τὴν ἔκπληξιν τοῦ δεινοῦ
prépara bien d'autres revers.
πολὺν θόρυβον καὶ
LXXVII. Le bruit de ces
κραυγὴν σύμμικτον
désastres s'étant répandu dans la
ποιούντων. Οὐ μὴν ἀλλὰ
Libye, les alliés des Carthaginois,
τότε μὲν τῆς νυκτὸς détestant depuis longtemps le joug
ἐπιγενομένης μάχη pesant de leurs maîtres, sentirent

διελύθη, καὶ Διονύσιος leur haine se ranimer par la


trahison qui avait livré leurs
ἐπεστρατοπέδευσε τοῖς
troupes aux Syracusains. Ainsi,
βαρβάροις πρὸς τὸ τοῦ
excités par la colère et stimulés par
Διὸς ἱερὸν παρεμβολὴν le mépris que leur inspirait
ποιησάμενος. [ l'infortune des Carthaginois, ils

75] Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι s'insurgèrent pour ressaisir leur


indépendance; après s'être
κατὰ γῆν ἅμα καὶ κατὰ
réciproquement envoyé des
θάλατταν ἡττημένοι
députés, ils parvinrent à
διεπρεσβεύσαντο πρὸς rassembler une armée qui établit
Διονύσιον λάθρᾳ τῶν son camp en rase campagne. Non
Συρακοσίων· ἠξίουν δὲ seulement les hommes libres, mais

αὐτὸν ἀφιέναι τοὺς encore les esclaves, se hâtèrent


d'accourir, et se réunirent en peu
περιλειπομένους εἰς
de temps au nombre de deux cent
Λιβύην διακομισθῆναι, καὶ
mille hommes. S'emparant de
τὰ κατὰ τὴν παρεμβολὴν
Tynès, ville située à peu de
αὐτοῖς ὄντα τριακόσια distance de Carthage, ils en firent
τάλαντα δώσειν leur place d'armes, et, victorieux

ἐπηγγέλλοντο. δὲ dans les combats, ils refoulèrent les

Διονύσιος ἅπαντας μὲν Phéniciens dans leurs murs. Les


Carthaginois, qui avaient
ἀδύνατον εἶναι φυγεῖν
évidemment contre eux les dieux,
ἀπεφαίνετο, τοὺς δὲ
se réunirent tout effrayés, d'abord
{Καρχηδονίους} en petits groupes, et implorèrent la
πολιτικοὺς συνεχώρησε divinité pour apaiser son courroux.
μόνους νυκτὸς ἀπελθεῖν La superstition et la terreur

λάθρᾳ κατὰ θάλατταν· s'étaient emparées de toute la ville,


et chacun voyait déjà la patrie
ᾔδει γὰρ τοὺς
réduite en esclavage. On rendit un
Συρακοσίους καὶ τοὺς
décret qui ordonna d'employer tout
συμμάχους οὐκ
moyen pour fléchir les dieux
ἐπιτρέψοντας αὐτῷ περὶ offensés; ils admirent dans leurs
τούτων συγχωρεῖν τοῖς temples Proserpine et Cérès,

πολεμίοις. Ταῦτα δ´ jusqu'alors inconnues aux

ἔπραττεν Διονύσιος οὐ Carthaginois, et choisirent les


βουλόμενος τελείως citoyens les plus renommés pour

ἀπολέσθαι τὴν τῶν présider au culte de ces déesses,


auxquelles on éleva solennellement
Καρχηδονίων δύναμιν,
des statues; on leur offrit des
ὅπως οἱ Συρακόσιοι διὰ
sacrifices suivant les rites grecs, et
τὸν ἀπὸ τούτων φόβον parmi les Grecs les plus considérés
μηδέποτε σχολὴν λάβωσιν qui se trouvaient à Carthage, ils
ἀντέχεσθαι τῆς nommèrent ceux qui devaient

ἐλευθερίας. μὲν οὖν veiller au service de ces divinités.


Après ces dispositions, ils
Διονύσιος συνθέμενος εἰς
s'occupèrent à construire des
ἡμέραν τετάρτην ὑπὸ
bâtiments et à faire les préparatifs
νύκτα τὴν φυγὴν τοῖς
de guerre nécessaires. Cependant
Καρχηδονίοις, τὸ les rebelles, mélange de toutes les
στρατόπεδον ἀπήγαγεν nations, manquant de chef capable,
εἰς τὴν πόλιν· δ´ Ἰμίλκων se battaient entre eux pour le

νυκτὸς παρακομίσας εἰς commandement suprême, et, qui


plus est, ils manquaient de vivres,
τὴν ἀκρόπολιν τὰ
tandis que les Carthaginois en
τριακόσια τάλαντα
faisaient venir de la Sardaigne;
παρέδωκε τοῖς ἐν τῇ quelques-uns, corrompus par
Νήσῳ τεταγμένοις ὑπὸ l'argent des Carthaginois,
τοῦ τυράννου, αὐτὸς δ´, renoncèrent aux espérances de

ἐπεὶ παρῆν συγκείμενος liberté. Ainsi, d'un côté le manque


de provisions, et de l'autre la
χρόνος, νυκτὸς ἐπλήρωσε
trahison, portèrent l'armée des
τετταράκοντα τριήρεις
insurgés à se dissoudre, et à
τῶν πολιτικῶν, καὶ
rentrer dans leurs foyers, délivrant
καταλιπὼν τὸ λοιπὸν ἅπαν ainsi les Carthaginois de la plus
στρατόπεδον ὥρμησε grande terreur. Telle était la
φεύγειν. Ἤδη δ´ αὐτοῦ situation des affaires en Libye.

τὸν λιμένα LXXVIII. Denys s'apercevant


διεκπεπλευκότος ᾔσθοντό que les troupes mercenaires étaient

τινες τῶν Κορινθίων τὸν mécontentes de lui, et craignant


qu'elles ne conspirassent sa chute,
δρασμόν, καὶ ταχέως
se saisit d'abord d'Aristote, leur
ἀπήγγειλαν τῷ Διονυσίῳ.
chef. A cette nouvelle les soldats
Τοῦ δὲ τοὺς στρατιώτας coururent aux armes et
τε καλοῦντος εἰς τὰ ὅπλα demandèrent leur paye avec

καὶ κατὰ σχολὴν τοὺς hauteur. Denys déclara qu'il allait


envoyer Aristote à Lacédémone
ἡγεμόνας ἀθροίζοντος,
pour y être jugé par ses
οὐκ ἀνέμειναν αὐτὸν οἱ
concitoyens; quant à la solde de
Κορίνθιοι, ταχὺ δ´ ces mercenaires qui étaient au
ἀναχθέντες ἐπὶ τοὺς nombre d'environ dix mille, il leur
Καρχηδονίους καὶ πρὸς donna en payement la ville et le

ἀλλήλους ἐν ταῖς territoire des Léontins. La beauté


de ce pays leur fit facilement
εἰρεσίαις φιλοτιμούμενοι
accepter cette offre : ils se
τὰς ἐσχάτας Φοινίσσας
partagèrent donc les terres et
ναῦς κατέλαβον, ἃς τοῖς
allèrent s'y établir. Denys prit
ἐμβόλοις συντρίψαντες ensuite à sa solde d'autres
κατέδυσαν. Μετὰ δὲ étrangers auxquels il joignit des
ταῦτα Διονύσιος μὲν esclaves qu'il avait affranchis pour

ἐξήγαγε τὴν δύναμιν, οἱ consolider sa puissance.


Cependant, après la défaite des
δὲ συμμαχοῦντες τοῖς
Carthaginois, ceux qui avaient
Καρχηδονίοις Σικελοὶ
échappé à l'asservissement des
φθάσαντες τοὺς villes en Sicile, se rassemblèrent,
Συρακοσίους ἔφυγον διὰ et rentrant dans leurs foyers, ils se
τῆς μεσογείου, καὶ σχεδὸν reposèrent de leurs fatigues. Denys

πάντες διεσώθησαν εἰς transporta à Messine une


compagnie de mille Locriens, de
τὰς πατρίδας. Καὶ
quatre mille Médimnéens et de six
Διονύσιος μὲν τὰς ὁδοὺς
cents Messéniens du Péloponnèse,
διαλαβὼν φυλακαῖς
bannis de Zacynthe et de
ἀπήγαγε τὴν δύναμιν ἐπὶ Naupacte; mais voyant que les
τὴν τῶν πολεμίων Lacédémoniens étaient fâchés de
στρατοπεδείαν ἔτι νυκτὸς ce qu'il avait admis dans une ville

οὔσης· οἱ δὲ βάρβαροι aussi célèbre que Messine les


Messéniens qui avaient été chassés
καταλειφθέντες ὑπό τε
par eux, il les fit sortir de Messine,
τοῦ στρατηγοῦ καὶ τῶν
leur donna sur le bord de la mer un
Καρχηδονίων, ἔτι δὲ τῶν territoire qu'il détacha du pays
Σικελῶν, ἠθύμησαν καὶ Abacénien, et fixa les limites des
καταπλαγέντες ἔφευγον. terres qu'il leur distribua. Les
Οἱ μὲν ἐν ταῖς ὁδοῖς {καὶ} Messéniens y fondèrent une ville à

ταῖς προφυλακαῖς laquelle ils donnèrent le nom de


Tyndaris, établirent un
ἐμπίπτοντες
gouvernement régulier, et après
συνελαμβάνοντο, οἱ δὲ
avoir inscrit au nombre des
πλεῖστοι τὰ ὅπλα citoyens beaucoup d'étrangers, ils
ῥιπτοῦντες συνήντων, composèrent bientôt une
δεόμενοι φείσασθαι τοῦ population de plus de cinq mille

βίου· μόνοι δὲ Ἴβηρες habitants. Denys fit ensuite de


fréquentes invasions sur le
ἠθροισμένοι μετὰ τῶν
territoire des Sicules, prit
ὅπλων ἐπεκηρυκεύοντο
Sménéum et Morgantinum, conclut
περὶ συμμαχίας. Διονύσιος
un traité de paix avec Agyris, tyran
δὲ πρὸς μὲν τούτους des Agyrinéens, avec Damon,
σπεισάμενος κατέταξε souverain des Centoripiens, ainsi
τοὺς Ἴβηρας εἰς τοὺς qu'avec les Erbitéens et les

μισθοφόρους, τὸ δὲ λοιπὸν Assoriniens. Il se rendit maître par


trahison des villes de
πλῆθος ἐζώγρησε καὶ τὴν
Céphaloedium, de Solonte et
{λοιπὴν} ἀποσκευὴν
d'Enna, enfin il fit la paix avec les
ἐφῆκε τοῖς στρατιώταις Erbessiniens. Tel était l'état des
διαρπάσαι. choses en Sicile.

[76] Οὕτως μὲν οὖν LXXIX. En Grèce, les

τοῖς Καρχηδονίοις τύχη Lacédémoniens, pressentant


l'importance de la guerre qu'ils
ταχεῖαν τὴν μεταβολὴν
allaient entreprendre contre les
ἐποίησε, καὶ πᾶσιν
Perses, en confièrent la direction à
ἀνθρώποις ἔδειξεν, ὡς οἱ
Agésilas, l'un de leurs deux rois.
μεῖζον τοῦ καθήκοντος Après avoir levé six mille hommes
ἐπαιρόμενοι ταχέως et fait entrer dans le sénat trente
ἐξελέγχουσι τὴν ἰδίαν des citoyens les plus considérés,

ἀσθένειαν. Ἐκεῖνοι γὰρ Agésilas se mit à la tête de son


armée et se rendit d'Europe à
τῶν κατὰ Σικελίαν πόλεων
Éphèse. Là, il enrôla encore quatre
σχεδὸν ἁπασῶν πλὴν
mille hommes et mit en campagne
Συρακουσῶν κρατοῦντες, une armée de dix mille fantassins
καὶ ταύτην ἁλώσεσθαι et de quatre cents cavaliers. Ces
προσδοκῶντες, ἐξαίφνης troupes étaient suivies d'une foule
ὑπὲρ τῆς ἰδίας πατρίδος de marchands forains que l'espoir

ἀγωνιᾶν ἠναγκάσθησαν, du pillage avait attirés, et dont le


nombre n'était pas inférieur à celui
καὶ τοὺς τάφους τῶν
des soldats. Agésilas parcourut
Συρακοσίων
d'abord la plaine caïstrienne,
ἀνατρέψαντες ravageant. le pays soumis à la
πεντεκαίδεκα μυριάδας domination des Perses et poussa
ἐπεῖδον ἀτάφους διὰ τὸν jusqu'à Cymes. De là il fit, pendant

λοιμὸν σεσωρευμένους, la plus grande partie de l'été, des


excursions dans la Phrygie et dans
πυρπολήσαντες δὲ τὴν
les contrées limitrophes qu'il
χώραν τῶν Συρακοσίων ἐκ
dévasta; et après avoir pourvu
μεταβολῆς εὐθὺς εἶδον
l'armée de vivres en abondance, il
τὸν ἴδιον στόλον retourna, vers l'automne, à Éphèse.
ἐμπυρισθέντα, εἰς δὲ τὸν Tandis que ces événements avaient
λιμένα πάσῃ τῇ δυνάμει lieu, les Lacédémoniens envoyèrent

καταπλέοντες des députés à Néphérée, roi


d'Égypte, pour demander son
ὑπερηφάνως, καὶ τοῖς
alliance. Celui-ci, au lieu d'un
Συρακοσίοις
secours d'hommes, fournit aux
ἐπιδεικνύμενοι τὰς Spartiates tout ce qui est
ἑαυτῶν εὐτυχίας, ἠγνόουν nécessaire pour équiper cent
ἑαυτοὺς μέλλοντας trirèmes et leur donna cinq cent

νυκτὸς ἀποδράσεσθαι καὶ mille mesures de blé. D'un autre


côté, Pharax, commandant de la
τοὺς συμμάχους ἐκδότους
flotte lacédémonienne, partant de
καταλιπεῖν τοῖς πολεμίοις.
Rhodes avec cent vingt navires,
Αὐτὸς δὲ στρατηγὸς
vint aborder à Sasanda, en Carie,
ποιησάμενος σκηνὴν μὲν forteresse éloignée de cent
τὸ τοῦ Διὸς ἱερόν, cinquante stades de Caune. Il partit
πρόσοδον δὲ τὸν ἐκ τῶν de là pour assiéger Caune même et

ἱερῶν συληθέντα πλοῦτον, bloquer Conon qui commandait la


flotte royale et qui stationnait à
αἰσχρῶς μετ´ ὀλίγων εἰς
Caune avec quarante bâtiments.
Καρχηδόνα διέφυγεν,
Mais Artapherne et Pharnabaze
ὅπως μὴ τὸν ὀφειλόμενον étant venus avec une forte armée
τῇ φύσει θάνατον ἀποδοὺς au secours des Cauniens, Pharax
ἀθῷος γένηται τῶν leva le siége et revint avec toute sa
ἀσεβημάτων, ἀλλ´ ἐν τῇ flotte à Rhodes. Conon rassembla

πατρίδι περιβόητον ἔχῃ quatre-vingts trirèmes et fit voile


pour la Chersonèse. Les Rhodiens
τὸν βίον ὑπὸ πάντων
repoussèrent la flotte des
ὀνειδιζόμενος. Εἰς
Péloponnésiens, se détachèrent de
τοσοῦτο δ´ ἦλθεν l'alliance des Lacédémoniens et
ἀτυχίας, ὥστε μετὰ τῆς reçurent dans leur ville Conon avec
εὐτελεστάτης ἐσθῆτος toute sa flotte. Les navires qui

περιῄει τοὺς κατὰ τὴν venaient d'Égypte, chargés de blé


pour les Lacédémoniens, ignorant
πόλιν ναοὺς κατηγορῶν
la défection des Rhodiens,
τῆς ἰδίας ἀσεβείας καὶ
abordèrent en toute confiance dans
περὶ τῶν εἰς θεοὺς
l'île. Les Rhodiens et Conon,
ἁμαρτημάτων commandant de la flotte des
ὁμολογουμένην διδοὺς Perses, firent entrer ces navires
τιμωρίαν τῷ δαιμονίῳ. Τὸ dans les ports et mirent

δὲ τέλος ἑαυτοῦ l'abondance dans la ville. Conon


reçut encore un renfort de quatre-
καταγνοὺς θάνατον
vingt-dix trirèmes, dix de la Cilicie
ἀπεκαρτέρησε, πολλὴν
et quatre-vingts de la Phénicie, qui
τοῖς πολίταις ἀπολιπὼν étaient commandées par le
δεισιδαιμονίαν· εὐθὺ γὰρ souverain des Sidoniens.
καὶ τἄλλα τὰ πρὸς τὸν LXXX. Cependant Agésilas
πόλεμον αὐτοῖς τύχη ramena son armée dans la plaine
συνήθροισεν. de Caïstrum et dans les environs de
Sipyle, et ravagea les propriétés
[77] Τῆς γὰρ
des habitants. De son côté,
συμφορᾶς διακηρυχθείσης
Tissapherne avait réuni dix mille
κατὰ τὴν Λιβύην, οἱ cavaliers et cinquante mille
σύμμαχοι καὶ πάλαι {μὲν} hommes d'infanterie qui suivaient
μισοῦντες τὸ βάρος τῆς les Lacédémoniens et massacraient

τῶν Καρχηδονίων ceux que l'ardeur du pillage avait


écartés des rangs. Agésilas, ayant
ἡγεμονίας, τότε {δὲ} διὰ
formé ses soldats en carré,
τὴν τῶν στρατιωτῶν ἐν
continua sa route sur le penchant
Συρακούσαις προδοσίαν du mont Sipyle, épiant un moment
πολὺ μᾶλλον ἐξέκαυσαν favorable pour tomber sur les
τὸ κατ´ αὐτῶν μῖσος. ennemis. Il parcourut ainsi le pays
Διόπερ ἅμα μὲν ὑπὸ τῆς jusqu'à Sardes, dévastant les

ὀργῆς προαχθέντες, ἅμα vergers et le jardin de Tissapherne,


qui étaient plantés d'arbres de
δὲ καταφρονήσαντες
toute espèce et arrangés pour le
αὐτῶν διὰ τὴν ἀτυχίαν,
luxe et la jouissance des bienfaits
ἀντείχοντο τῆς de la paix. De là, arrivé à moitié
ἐλευθερίας. chemin entre Sardes et Thybarne, il
Διαπρεσβευσάμενοι δὲ détacha de nuit Xénoclès le

πρὸς ἀλλήλους ἤθροισαν Spartiate avec quatorze cents


hommes chargés de s'emparer d'un
δύναμιν, καὶ προελθόντες
lieu boisé d'où il pourrait
ἐν ὑπαίθρῳ
surprendre les Barbares. Quant à
κατεστρατοπέδευσαν.
Agésilas, dès le point du jour il
Ταχὺ δ´ οὐ μόνον continua sa marche, et à peine eut-
ἐλευθέρων, ἀλλὰ καὶ il dépassé l'embuscade que les
δούλων συντρεχόντων, ἐν Barbares tombèrent en désordre

ὀλίγῳ χρόνῳ μυριάδες sur son arrière-garde ; aussitôt il fit


volte-face et un combat acharné
εἴκοσι συνηθροίσθησαν.
s'engagea avec les Perses. Tandis
Καταλαβόμενοι δὲ Τύνητα,
que l'on se battait ainsi, ceux qui
πόλιν οὐ μακρὰν τῆς étaient mis en embuscade se
Καρχηδόνος κειμένην, ἐκ montrèrent au signal donné, et,
ταύτης παρετάττοντο, καὶ entonnant le péan, ils tombèrent

πλεονεκτοῦντες ἐν ταῖς sur les ennemis. Les Perses, se


voyant pris entre deux corps
μάχαις τειχήρεις τοὺς
d'armée, furent saisis d'épouvante
Φοίνικας συνεῖχον. Οἱ δὲ
et se livrèrent aussitôt à la fuite.
Καρχηδόνιοι φανερῶς ὑπὸ
Les troupes d'Agésilas les
τῶν θεῶν πολεμούμενοι, poursuivirent pendant quelque
τὸ μὲν πρῶτον κατ´ temps, tuèrent plus de six mille
ὀλίγους ξυνιόντες hommes et firent un plus grand

ἐξεταράττοντο καὶ τὸ nombre de prisonniers. Ils pillèrént


le camp qui était rempli de
δαιμόνιον ἱκέτευον λῆξαι
richesses. Après cette bataille,
τῆς ὀργῆς· μετὰ δὲ ταῦτα
Tissapherne se retira à Sardes,
πᾶσαν τὴν πόλιν frappé de l'audace des
δεισιδαιμονία κατέσχε καὶ Lacédémoniens. Agésilas s'avança
δέος, ἑκάστου τὸν τῆς vers les satrapies supérieures (73)
πόλεως ἀνδραποδισμὸν τῇ - - - ; mais ne pouvant, dans les

διανοίᾳ προλαμβάνοντος. sacrifices, obtenir des augures


favorables, il reconduisit son armée
Διόπερ ἐψηφίσαντο παντὶ
vers les bords de la mer.
τρόπῳ τοὺς ἀσεβηθέντας
Artaxerxès, roi de l'Asie, informé
θεοὺς ἐξιλάσασθαι. Οὐ de cette défaite, et faisant à
παρειληφότες δ´ ἐν τοῖς contre-coeur la guerre aux Grecs,
ἱεροῖς οὔτε Κόρην οὔτε fut fort irrité contre Tissapherne,

Δήμητρα, τούτων ἱερεῖς qui passait pour l'auteur de cette


guerre. Il était même sollicité par
τοὺς ἐπισημοτάτους τῶν
Parysatis, sa mère, de punir
πολιτῶν κατέστησαν, καὶ
Tissapherne, auquel elle ne pouvait
μετὰ πάσης σεμνότητος
pardonner d'avoir dénoncé son fils
τὰς θεὰς ἱδρυσάμενοι τὰς Cyrus, lorsque ce dernier entreprit
θυσίας τοῖς τῶν Ἑλλήνων l'expédition contre son frère.
ἤθεσιν ἐποίουν, καὶ τῶν Artaxerxès confia donc à Tithrauste

παρ´ αὐτοῖς ὄντων le commandement de l'armée et lui


donna l'ordre d'arrêter Tissapherne
Ἑλλήνων τοὺς
en même temps qu'il fit prévenir
χαριεστάτους ἐπιλέξαντες
par écrit les villes et les satrapes
ἐπὶ τὴν τῶν θεῶν d'obéir à ce nouveau gouverneur.
θεραπείαν ἔταξαν. Μετὰ Arrivé à Colosse en Phrygie,
δὲ ταῦτα ναῦς τε Tithrauste surprit, à l'aide d'un

κατεσκεύαζον καὶ τὰ πρὸς satrape natif de Larisse,


Tissapherne qui se trouvait au
τὸν πόλεμον ἐπιμελῶς
bain; il lui coupa la tête et l'envoya
ἡτοίμαζον. Οἱ δ´
au roi. Il entama une conférence
ἀποστάται μιγάδες ὄντες
avec Agésilas et conclut une trêve
οὔθ´ ἡγεμόνας ἀξιοχρέους de six mois.
εἶχον, τὸ δὲ μέγιστον,
αὐτοῖς μὲν διὰ τὸ πλῆθος
ἐξέλειπον αἱ τροφαί, τοῖς
δὲ Καρχηδονίοις κατὰ
θάλατταν ἐκ Σαρδοῦς
παρεκομίζοντο, καὶ πρὸς
ἀλλήλους ἐστασίαζον περὶ
τῆς ἡγεμονίας, καί τινες
αὐτῶν χρήμασιν ὑπὸ
Καρχηδονίων
διαφθαρέντες
ἐγκατέλειπον τὰς κοινὰς
ἐλπίδας. Ὅθεν διά τε τὴν
σπάνιν τῆς τροφῆς καί
τινων προδοσίαν, οὗτοι
μὲν διαλυθέντες εἰς τὰς
πατρίδας ἀπήλλαξαν τοῦ
μεγίστου φόβου
Καρχηδονίους. Καὶ τὰ μὲν
κατὰ Λιβύην ἐν τούτοις
ἦν.

[78] Διονύσιος δὲ
θεωρῶν τοὺς
μισθοφόρους
ἀλλοτριώτατα πρὸς αὐτὸν
ἔχοντας, καὶ φοβούμενος
μὴ διὰ τούτων καταλυθῇ,
τὸ μὲν πρῶτον
Ἀριστοτέλην τὸν
ἀφηγούμενον αὐτῶν
συνέλαβε, μετὰ δὲ ταῦτα
τοῦ πλήθους
συντρέχοντος μετὰ τῶν
ὅπλων καὶ τοὺς μισθοὺς
πικρότερον ἀπαιτούντων,
τὸν μὲν Ἀριστοτέλην
ἔφησεν ἀποστέλλειν εἰς
Λακεδαίμονα κρίσιν ἐν
τοῖς ἰδίοις πολίταις
ὑφέξοντα, τοῖς δὲ
μισθοφόροις ὡς μυρίοις
οὖσι τὸν ἀριθμὸν ἔδωκεν
ἐν τοῖς μισθοῖς τὴν τῶν
Λεοντίνων πόλιν τε καὶ
χώραν. Ἀϲμένως δ´ αὐτῶν
ὑπακουσάντων διὰ τὸ
κάλλος τῆς χώρας, οὗτοι
μὲν κατακληρουχήσαντες
ᾤκουν ἐν Λεοντίνοις, δὲ
Διονύσιος ἄλλους
μισθοφόρους
ξενολογήσας, τούτοις τε
καὶ τοῖς ἠλευθερωμένοις
οἰκέταις ἐνεπίστευσε τὴν
ἀρχήν. Μετὰ δὲ τὴν τῶν
Καρχηδονίων συμφορὰν οἱ
διασωζόμενοι τῶν
ἐξηνδραποδισμένων κατὰ
Σικελίαν πόλεων
ἠθροίζοντο, καὶ τὰς ἰδίας
κομιζόμενοι πατρίδας
ἑαυτοὺς ἀνελάμβανον.
Διονύσιος δ´ εἰς
Μεσσήνην κατῴκισε
χιλίους μὲν Λοκρούς,
τετρακισχιλίους δὲ
Μεδμαίους, ἑξακοσίους δὲ
τῶν ἐκ Πελοποννήσου
Μεσσηνίων, ἔκ τε
Ζακύνθου καὶ Ναυπάκτου
φευγόντων. Θεωρῶν δὲ
τοὺς Λακεδαιμονίους
προσκόπτοντας ἐπὶ τῷ
τοὺς ὑφ´ ἑαυτῶν
ἐκβεβλημένους
Μεσσηνίους ἐν ἐπισήμῳ
πόλει κατοικίζεσθαι,
μετήγαγεν ἐκ Μεσσήνης
αὐτούς, καὶ χωρίον τι
παρὰ θάλατταν δοὺς τῆς
Ἀβακαινίνης χώρας
ἀπετέμετο καὶ
προσώρισεν ὅσον αὐτὸς
μέρος ἀπετέμετο. Οἱ δὲ
Μεσσήνιοι τὴν μὲν πόλιν
ὠνόμασαν Τυνδαρίδα,
πολιτευόμενοι δὲ πρὸς
αὑτοὺς εὐνοϊκῶς καὶ
πολλοὺς
πολιτογραφοῦντες ταχὺ
πλείους πεντακισχιλίων
ἐγένοντο. Μετὰ δὲ ταῦτα
εἰς τὴν τῶν Σικελῶν
χώραν πλεονάκις
στρατεύσας Μέναινον μὲν
καὶ Μοργαντῖνον εἷλε,
πρὸς Ἄγυριν δὲ τὸν
Ἀγυριναίων τύραννον καὶ
Δάμωνα τὸν
δυναστεύοντα
Κεντοριπίνων, ἔτι δ´
Ἑρβιταίους τε καὶ
Ἀσσωρίνους συνθήκας
ἐποιήσατο· παρέλαβε δὲ
διὰ προδοσίας
Κεφαλοίδιον καὶ Σολοῦντα
καὶ τὴν Ἔνναν· πρὸς δὲ
τούτοις πρὸς
Ἑρβησσίνους εἰρήνην
ἐποιήσατο. Καὶ τὰ μὲν
κατὰ Σικελίαν ἐν τούτοις
ἦν.

[79] Κατὰ δὲ τὴν


Ἑλλάδα Λακεδαιμόνιοι
προορώμενοι τὸ μέγεθος
τοῦ πρὸς Πέρσας πολέμου,
τὸν ἕτερον τῶν βασιλέων
Ἀγησίλαον ἐπέστησαν τοῖς
πράγμασιν. Οὗτος δ´
ἑξακισχιλίους στρατιώτας
ἐπιλέξας, τριάκοντα δὲ
τῶν πολιτῶν εἰς τὸ
συνέδριον τοὺς ἀρίστους
κατατάξας, διεβίβασε τὴν
δύναμιν {ἐκ} τῆς Ἀσίας
εἰς Ἔφεσον. Ἐκεῖ δὲ
στρατολογήσας
τετρακισχιλίους,
προήγαγε τὴν δύναμιν εἰς
ὕπαιθρον, οὖσαν πεζῶν
μὲν μυρίων, ἱππέων δὲ
τετρακοσίων· ἠκολούθει δ
´ ἀγοραῖος αὐτοῖς ὄχλος
καὶ τῆς ἁρπαγῆς χάριν
οὐκ ἐλάττων τοῦ
προειρημένου. Διεξιὼν δὲ
τὸ Καΰστριον πεδίον,
διέφθειρε τὴν χώραν τὴν
ὑπὸ τοὺς Πέρσας οὖσαν,
μέχρι ὅτου κατήντησεν
εἰς Κύμην. Ἐκεῖθεν δ´
ὁρμηθεὶς τὸ πλεῖστον τοῦ
θέρους τήν τε Φρυγίαν
καὶ τὰ συνεχῆ διετέλεσε
πορθῶν, καὶ τὴν δύναμιν
ἐμπλήσας ὠφελείας ὑπὸ
τὸ φθινόπωρον ἀνέκαμψεν
εἰς Ἔφεσον. Τούτων δὲ
πραττομένων
Λακεδαιμόνιοι μὲν
πρέσβεις ἀπέστειλαν πρὸς
Νεφερέα τὸν Αἰγύπτου
βασιλέα περὶ συμμαχίας,
ὃς ἀντὶ τῆς βοηθείας
ἐδωρήσατο σκευὴν τοῖς
Σπαρτιάταις ἑκατὸν
τριήρεσι, σίτου δὲ
μυριάδας πεντήκοντα.
Φάραξ δὲ τῶν
Λακεδαιμονίων ναύαρχος
ἀναχθεὶς ἐκ Ῥόδου ναυσὶν
ἑκατὸν εἴκοσι κατέπλευσε
τῆς Καρίας πρὸς Σάσανδα,
φρούριον ἀπέχον τῆς
Καύνου σταδίους ἑκατὸν
πεντήκοντα. Ἐκεῖθεν δὲ
ὁρμώμενος ἐπολιόρκει τὴν
Καῦνον, καὶ Κόνωνα μὲν
τὸν τοῦ βασιλικοῦ στόλου
τὴν ἡγεμονίαν ἔχοντα,
διατρίβοντα δ´ ἐν Καύνῳ
μετὰ νεῶν τεσσαράκοντα.
Ἀρταφέρνους δὲ καὶ
Φαρναβάζου μετὰ πολλῆς
δυνάμεως
παραβοηθήσαντος τοῖς
Καυνίοις, Φάραξ ἔλυσε
τὴν πολιορκίαν καὶ μετὰ
τοῦ στόλου παντὸς
ἀπῆρεν εἰς Ῥόδον. Μετὰ
δὲ ταῦτα Κόνων μὲν
ἀθροίσας ὀγδοήκοντα
τριήρεις ἔπλευσεν εἰς
Χερρόνησον, Ῥόδιοι δ´
ἐκβαλόντες τὸν τῶν
Πελοποννησίων στόλον
ἀπέστησαν ἀπὸ
Λακεδαιμονίων, καὶ τὸν
Κόνωνα προσεδέξαντο
μετὰ τοῦ στόλου παντὸς
εἰς τὴν πόλιν. Οἱ δ´ ἐκ τῆς
Αἰγύπτου τὸν δωρηθέντα
σῖτον κατακομίζοντες
Λακεδαιμόνιοι τὴν
ἀπόστασιν τῶν Ῥοδίων
ἀγνοοῦντες τεθαρρηκότες
προσέπλεον τῇ νήσῳ·
Ῥόδιοι δὲ καὶ Κόνων τῶν
Περσῶν ναύαρχος
καταγαγόντες τὰς ναῦς
εἰς τοὺς λιμένας
ἐπλήρωσαν σίτου τὴν
πόλιν. Παρεγενήθησαν δὲ
τῷ Κόνωνι τριήρεις
ἐνενήκοντα, δέκα μὲν ἀπὸ
Κιλικίας, ὀγδοήκοντα δ´
ἀπὸ Φοινίκης, ὧν
Σιδωνίων δυνάστης εἶχε
τὴν ἡγεμονίαν.

[80] Μετὰ δὲ ταῦτα


Ἀγησίλαος μὲν ἐξαγαγὼν
τὴν δύναμιν εἰς τὸ
Καΰστρου πεδίον καὶ τὴν
περὶ Σίπυλον χώραν,
ἐδῄωσε τὰς τῶν
ἐγχωρίων κτήσεις·
Τισσαφέρνης δὲ μυρίους
μὲν ἱππεῖς,
πεντακισμυρίους δὲ
πεζοὺς ἀθροίσας,
ἐπηκολούθει τοῖς
Λακεδαιμονίοις καὶ τοὺς
ἀποσπωμένους τῆς
τάξεως ἐν ταῖς προνομαῖς
ἀνῄρει. Ἀγησίλαος δὲ εἰς
πλινθίον συντάξας τοὺς
στρατιώτας ἀντείχετο
τῆς παρὰ τὸν Σίπυλον
παρωρείας, ἐπιτηρῶν
καιρὸν εὔθετον εἰς τὴν
τῶν πολεμίων ἐπίθεσιν.
Ἐπελθὼν δὲ τὴν χώραν
μέχρι Σάρδεων ἔφθειρε
τούς τε κήπους καὶ τὸν
παράδεισον τὸν
Τισσαφέρνους, φυτοῖς καὶ
τοῖς ἄλλοις πολυτελῶς
πεφιλοτεχνημένον εἰς
τρυφὴν καὶ τὴν ἐν εἰρήνῃ
τῶν ἀγαθῶν ἀπόλαυσιν.
Μετὰ δὲ ταῦτ´
ἐπιστρέψας, ὡς ἀνὰ μέσον
ἐγενήθη τῶν τε Σάρδεων
καὶ Θυβάρνων, ἀπέστειλε
Ξενοκλέα τὸν Σπαρτιάτην
μετὰ χιλίων καὶ
τετρακοσίων στρατιωτῶν
νυκτὸς εἴς τινα δασὺν
τόπον, ὅπως ἐνεδρεύσῃ
τοὺς βαρβάρους. Αὐτὸς δ´
ἅμ´ ἡμέρᾳ πορευόμενος
μετὰ τῆς δυνάμεως,
ἐπειδὴ τὴν μὲν ἐνέδραν
παρήλλαξεν, οἱ δὲ
βάρβαροι προσπίπτοντες
ἀτάκτως τοῖς ἐπὶ τῆς
οὐραγίας ἐξήπτοντο,
παραδόξως ἐξαίφνης
ἐπέστρεψεν ἐπὶ τοὺς
Πέρσας. Γενομένης δὲ
καρτερᾶς μάχης, καὶ τοῦ
συσσήμου τοῖς κατὰ τὴν
ἐνέδραν οὖσιν ἀρθέντος,
ἐκεῖνοι μὲν παιανίσαντες
ἐπεφέροντο τοῖς
πολεμίοις, οἱ δὲ Πέρσαι
θεωροῦντες αὑτοὺς
ἀπολαμβανομένους εἰς
μέσον κατεπλάγησαν καὶ
παραχρῆμα ἔφευγον. Οἱ δὲ
περὶ τὸν Ἀγησίλαον μέχρι
μέν τινος ἐπιδιώξαντες
ἀνεῖλαν μὲν ὑπὲρ τοὺς
ἑξακισχιλίους,
αἰχμαλώτων δὲ πολὺ
πλῆθος ἤθροισαν, τὴν δὲ
παρεμβολὴν διήρπασαν,
γέμουσαν πολλῶν ἀγαθῶν.
Ἀπὸ δὲ τῆς μάχης
Τισσαφέρνης μὲν εἰς
Σάρδεις ἀπεχώρησε
καταπεπληγμένος τὴν
τόλμαν τῶν
Λακεδαιμονίων,
Ἀγησίλαος δ´ ἐπεχείρησε
μὲν εἰς τὰς ἄνω
σατραπείας, ἐν δὲ τοῖς
ἱεροῖς οὐ δυνάμενος
καλλιερῆσαι πάλιν
ἀπήγαγε τὴν δύναμιν ἐπὶ
θάλατταν. Ἀρταξέρξης δὲ
τῆς Ἀσίας βασιλεὺς τά τε
ἐλαττώματα πυθόμενος
καὶ κατορρωδῶν τὸν πρὸς
τοὺς Ἕλληνας πόλεμον, δι
´ ὀργῆς εἶχε τὸν
Τισσαφέρνην. Τοῦτον γὰρ
αἴτιον τοῦ πολέμου
γεγονέναι ὑπελάμβανε·
καὶ ὑπὸ τῆς μητρὸς δὲ
Παρυσάτιδος ἦν
ἠξιωμένος τιμωρήσασθαι
τὸν Τισσαφέρνην· εἶχε γὰρ
αὕτη διαφόρως πρὸς
αὐτὸν ἐκ τοῦ
διαβεβληκέναι τὸν υἱὸν
αὐτῆς Κῦρον, ὅτε τὴν ἐπὶ
τὸν ἀδελφὸν στρατείαν
ἐποιεῖτο. Καταστήσας οὖν
Τιθραύστην ἡγεμόνα,
τούτῳ μὲν παρήγγειλε
συλλαμβάνειν
Τισσαφέρνην, πρὸς δὲ τὰς
πόλεις καὶ τοὺς σατράπας
ἔπεμψεν ἐπιστολὰς ὅπως
{ἂν} πάντες τούτῳ
ποιῶσι τὸ
προσταττόμενον. δὲ
Τιθραύστης
παραγενόμενος εἰς
Κολοσσὰς τῆς Φρυγίας
συνέλαβε τὸν
Τισσαφέρνην διά τινος
Ἀριαίου σατράπου
λουόμενον, καὶ τὴν
κεφαλὴν ἀποκόψας
ἀπέστειλε πρὸς τὸν
βασιλέα· αὐτὸς δὲ τὸν
Ἀγησίλαον πείσας εἰς
λόγους ἐλθεῖν
ἑξαμηνιαίους ἀνοχὰς
ἐποιήσατο.

[81] Τῶν δὲ κατὰ τὴν LXXXI. Pendant que ces

Ἀσίαν τοῦτον τὸν τρόπον événements se passaient en Asie,


les Phocidiens, alléguant quelques
διῳκημένων, Φωκεῖς πρὸς
sujets de plainte, déclarèrent la
Βοιωτοὺς ἔκ τινων
guerre aux Béotiens, et parvinrent
ἐγκλημάτων εἰς πόλεμον à décider les Lacédémoniens à leur
καταστάντες ἔπεισαν fournir des secours contre les
τοὺς Λακεδαιμονίους Béotiens. Les Lacédémoniens leur

συμμαχεῖν κατὰ τῶν envoyèrent d'abord Lysandre avec


un petit nombre de soldats. Arrivé
Βοιωτῶν. Καὶ τὸ μὲν
dans la Phocide, Lysandre leva une
πρῶτον αὐτοῖς
armée. Plus tard, ils leur
ἀπέστειλαν Λύσανδρον envoyèrent leur roi Pausanias, à la
μετὰ στρατιωτῶν ὀλίγων, tête de six mille hommes. De leur
ὃς εἰσελθὼν εἰς τὴν côté, les Béotiens engagèrent les

Φωκίδα συνήγαγε Athéniens à prendre part à la


guerre. En attendant, ils se mirent
δύναμιν· μετὰ δὲ ταῦτα
seuls en mouvement et prirent
καὶ Παυσανίας βασιλεὺς
Haliarte, assiégée par Lysandre et
ἐξεπέμφθη μετὰ
les Phocidiens. Il s'engagea un
στρατιωτῶν ἑξακισχιλίων. combat; Lysandre y tomba ainsi
Βοιωτοὶ δὲ πείσαντες qu'un grand nombre de
Ἀθηναίους συνεπιλαβέσθαι Lacédémoniens et d'alliés. Toute la

τοῦ πολέμου, τότε μὲν καθ phalange béotienne revint


promptement de la poursuite de
´ αὑτοὺς ὥρμησαν, καὶ
l'ennemi; deux cents Thébains qui
κατέλαβον Ἁλίαρτον ὑπὸ
s'étaient avancés trop
Λυσάνδρου καὶ Φωκέων témérairement dans des défilés
πολιορκουμένην. étroits furent tués. Cette guerre fut
Γενομένης δὲ μάχης τε appelée guerre béotique.

Λύσανδρος ἔπεσε καὶ τῶν Pausanias, roi des Lacédémoniens,


instruit de cette défaite, conclut un
Λακεδαιμονίων καὶ τῶν
armistice avec les Béotiens et
συμμάχων πολλοί, τῶν δὲ
ramena son armée dans le
Βοιωτῶν μὲν ὅλη φάλαγξ
Péloponnèse.
ταχέως ἐπέστρεψεν ἀπὸ
Conon, commandant de la
τοῦ διωγμοῦ, τῶν δὲ
flotte des Perses, voulant aller lui-
Θηβαίων ὡς διακόσιοι même parler au roi, plaça à la tête
προχειρότερον εἰς τόπους de la flotte Hiéronymus et
τραχεῖς ἑαυτοὺς δόντες Nicodémus, tous deux Athéniens,

ἀνῃρέθησαν. μὲν οὖν et fit voile vers la Cilicie; de là, il se


rendit à Thapsaque en Syrie, et
πόλεμος οὗτος ἐκλήθη
descendit l'Euphrate jusqu'à
Βοιωτικός, Παυσανίας δὲ
Babylone. Là, admis auprès du roi,
τῶν Λακεδαιμονίων il s'engagea envers lui à combattre
βασιλεὺς πυθόμενος τὴν les Lacédémoniens sur mer, si le

ἧτταν ἀνοχὰς ἐποιήσατο roi était disposé à lui fournir tout


l'argent et les autres munitions
πρὸς Βοιωτοὺς καὶ τὴν
nécessaires pour cette entreprise.
δύναμιν ἀπήγαγε πρὸς
Artaxerxès, comblant Conon
Πελοπόννησον. d'éloges et de présents, désigna le

Κόνων δ´ τῶν trésorier chargé de lui délivrer

Περσῶν ναύαρχος ἐπὶ μὲν toutes les sommes d'argent qu'il


demanderait ; et il lui permit de
τοῦ στόλου κατέστησεν
prendre pour collègue dans le
Ἱερώνυμον καὶ Νικόδημον
commandement celui qu'il choisirait
Ἀθηναίους ὄντας, αὐτὸς parmi les Perses. Conon choisit le
δὲ σπεύδων ἐντυχεῖν τῷ satrape Pharnabaze, repartit pour
βασιλεῖ παρέπλευσεν εἰς gagner les côtes de la mer et régla

Κιλικίαν, κἀκεῖθεν εἰς toutes les choses d'après le pouvoir


qui lui était confié.
Θάψακον τῆς Συρίας
πορευθεὶς ἀνὰ τὸν LXXXII. L'année étant révolue,
Diophante fut nommé archonte
Εὐφράτην ποταμὸν
d'Athènes, les Romains élurent, au
ἔπλευσεν εἰς Βαβυλῶνα.
lieu de consuls, six tribuns
Ἐκεῖ δ´ ἐντυχὼν τῷ militaires, Lucius Valérius, Marcus
βασιλεῖ καταναυμαχήσειν Furius, Quintus Servilius, Quintus
ἐπηγγείλατο τοὺς Sulpicius, Claudius Ugon et Marius

Λακεδαιμονίους, ἂν αὐτῷ Appius (74). A cette époque, les


Béotiens et les Athéniens, ensuite
χρήματα καὶ τὴν ἄλλην
les Corinthiens et les Argiens,
παρασκευὴν ἑτοιμάσῃ
conclurent entre eux un traité
κατὰ τὴν ἑαυτοῦ
d'alliance. Car, comme les
προαίρεσιν. δ´ Lacédémoniens étaient devenus
Ἀρταξέρξης ἐπαινέσας odieux par le joug qu'ils faisaient
αὐτὸν καὶ δωρεαῖς peser sur leurs alliés, ces peuples

μεγάλαις τιμήσας, pensaient, en entrainant les plus


grandes villes à leur opinion, qu'ils
συνέστησε ταμίαν τὸν
parviendraient aisément à
χορηγήσοντα χρημάτων
renverser la domination de Sparte.
πλῆθος ὅσον ἂν Ils commencèrent donc par établir
προστάττῃ Κόνων, καὶ τὴν à Corinthe une assemblée
ἐξουσίαν ἔδωκεν αὐτῷ générale, y envoyèrent des députés
λαβεῖν εἰς τὸν πόλεμον volontaires, et réglèrent en

συνηγησόμενον ὃν ἂν commun les affaires de la guerre.


Ils firent ensuite partir des députés
προαιρῆται Περσῶν.
dans les villes, et en détachèrent
Κόνων μὲν οὖν
un grand nombre de l'alliance des
Φαρνάβαζον ἑλόμενος τὸν Lacédémoniens. En effet, toute
σατράπην κατέβαινεν εἰς l'Eubée, les Leucadiens, les
τὴν θάλατταν, ἅπαντα Acarnaniens, les Ambraciotes, et

διῳκηκὼς κατὰ τὴν les Chalcidiens de Thrace entrèrent


dans la ligue. Les députés firent
ἑαυτοῦ διάνοιαν.
également des tentatives auprès
[82] Τοῦ δ´ ἔτους des habitants du Péloponnèse pour
τούτου διεληλυθότος leur faire abandonner l'alliance des
Ἀθήνησι μὲν τὴν ἀρχὴν Lacédémoniens; mais aucun d'eux

ἔλαβε Διόφαντος, ἐν Ῥώμῃ n'écouta cette proposition. Car


Sparte, placée sur leur flanc, était
δ´ ἀντὶ τῶν ὑπάτων ἓξ
comme une citadelle qui tenait en
χιλίαρχοι τὴν ὑπατικὴν
respect tout le Péloponnèse.
ἀρχὴν διῴκουν, Λεύκιος
Médius, souverain de Larisse
Οὐαλέριος, Μάρκος
en Thessalie, étant alors en guerre
Φούριος, Κόιντος contre Lycophron, tyran de Phères,
Σερουίλιος, Κόιντος demanda du secours à l'assemblée
Σουλπίκιος. Τούτων δὲ τὴν générale, qui lui envoya deux mille

ἀρχὴν παρειληφότων hommes. Médius se servit de ce


corps auxiliaire pour prendre
Βοιωτοὶ καὶ Ἀθηναῖοι,
Pharsale, défendue par une
πρὸς δὲ τούτοις Κορίνθιοι
garnison lacédémonienne, et vendit
καὶ Ἀργεῖοι, συμμαχίαν
les habitants à l'enchère. Après ce
πρὸς ἀλλήλους succès, les Béotiens, de concert
ἐποιήσαντο. Μισουμένων avec les Argiens, s'emparèrent
γὰρ τῶν Λακεδαιμονίων d'Héraclée en Trachinie; ils y

ὑπὸ τῶν συμμάχων διὰ τὸ avaient été introduits pendant la


nuit par quelques habitants; ils
βάρος τῆς ἐπιστασίας,
égorgèrent les Lacédémoniens qui
ᾤοντο ῥᾳδίως καταλύσειν
y restaient et laissèrent sortir avec
αὐτῶν τὴν ἡγεμονίαν, τὰς leur bagage les Péloponnésiens.
μεγίστας πόλεις Après avoir rappelé dans leur ville
συμφρονούσας ἔχοντες. les Trachiniens qui avaient été
Καὶ πρῶτον μὲν συνέδριον exilés de leur patrie par les

κοινὸν ἐν τῇ Κορίνθῳ Lacédémoniens, ils leur donnèrent


pour demeure Héraclée comme aux
συστησάμενοι τοὺς
plus anciens habitants de la
βουλευσομένους ἔπεμπον
contrée. Dans la suite, Isménias,
καὶ κοινῶς διῴκουν τὰ chef des Béotiens, laissa les
κατὰ τὸν πόλεμον, μετὰ Argiens dans la ville pour la
δὲ ταῦτα πρέσβεις εἰς τὰς défendre. Quant à lui, il détermina

πόλεις ἀποστέλλοντες les Énians et les Athamans à se


détacher des Lacédémoniens et il
πολλοὺς συμμάχους ἀπὸ
réunit à leurs soldats les troupes
Λακεδαιμονίων
fournies par les alliés. Se trouvant
ἀπέστησαν· εὐθὺ γὰρ
ainsi à la tète de près de six mille
αὐτοῖς τε Εὔβοια ἅπασα hommes, il se mit en marche
προσέθετο καὶ Λευκάδιοι, contre les Phocidiens. Il était
πρὸς δὲ τούτοις campé auprès d'Aryca dans la

Ἀκαρνᾶνές τε καὶ Locride (où l'on dit qu'était né


Ajax) lorsqu'il fut attaqué par un
Ἀμβρακιῶται καὶ
corps considérable de Phocidiens
Χαλκιδεῖς οἱ πρὸς τῇ
commandé par Lacisthène le
Θρᾴκῃ. Ἐπεβάλοντο δὲ καὶ Laconien. Il s'engagea un combat
τοὺς ἐν Πελοποννήσῳ long et acharné d'où les Béotiens
κατοικοῦντας πείθειν sortirent victorieux; ils

ἀποστῆναι poursuivirent les fuyards jusqu'à


l'entrée de la nuit, et tuèrent près
Λακεδαιμονίων, οὐδεὶς δ´
de mille hommes, tandis qu'eux-
αὐτοῖς ὑπήκουσεν· γὰρ
mêmes ne comptaient que cinq
Σπάρτη κατὰ πλευρὰν
cents morts. Après cette bataille,
κειμένη καθαπερεί τις les deux partis licencièrent leurs
ἀκρόπολις ἦν καὶ φρουρὰ troupes et retournèrent les uns
πάσης Πελοποννήσου. dans leurs foyers, les autres à
Corinthe où fut convoquée
Μηδίου δὲ τοῦ τῆς
l'assemblée générale. Comme tout
Λαρίσσης τῆς ἐν Θετταλίᾳ
avait réussi à souhait, on appela à
δυναστεύοντος Corinthe des troupes tirées de
διαπολεμοῦντος πρὸς toutes les villes alliées et on parvint

Λυκόφρονα τὸν Φερῶν ainsi à réunir une armée de plus de

τύραννον, καὶ δεομένου quinze mille fantassins et d'environ


πέμψαι βοήθειαν, cinq cents cavaliers.

ἀπέστειλεν αὐτῷ τὸ LXXXIII. Les Lacédémoniens,


συνέδριον στρατιώτας voyant les villes les plus

δισχιλίους· δὲ Μήδιος considérables de la Grèce


soulevées contre eux, décrétèrent
τῆς συμμαχίας αὐτῷ
de rappeler de l'Asie Agésilas et les
παραγενομένης Φάρσαλον
troupes qu'il commandait. En
εἷλεν ὑπὸ Λακεδαιμονίων attendant, ils se mirent en
φρουρουμένην καὶ τοὺς ἐν campagne avec une armée de
αὐτῇ κατοικοῦντας vingt-trois mille hommes

ἐλαφυροπώλησεν. Μετὰ δὲ d'infanterie et de cinq cents


cavaliers pris tant chez eux que
ταῦθ´ οἱ Βοιωτοὶ μετ´
chez les alliés. Il se livra une
Ἀργείων Ἡράκλειαν τὴν ἐν
bataille sur les bords du fleuve
Τραχῖνι κατελάβοντο,
Némée ; elle dura jusqu'à la nuit :
χωρισθέντες ἀπὸ Μηδίου· la victoire se partagea également
καὶ νυκτὸς ἐντὸς τῶν entre les ailes des deux armées
τειχῶν ὑπό τινων ennemies. Cependant les

εἰσαχθέντες Lacédémoniens et leurs alliés ne


perdirent que onze cents hommes,
Λακεδαιμονίους μὲν τοὺς
tandis que les Béotiens et leurs
καταληφθέντας
alliés en perdirent deux mille huit
ἀπέσφαξαν, τοὺς δ´ ἀπὸ cents. Sur ces entrefaites, Agésilas
Πελοποννήσου τὰ σφῶν avait ramené son armée de l'Asie
ἔχοντας εἴασαν ἀπελθεῖν. en Europe, et à la première

Εἰς δὲ τὴν πόλιν τοὺς rencontre des Thraces il remporta


la victoire et tua un grand nombre
Τραχινίους φεύγοντας ἐκ
de Barbares. Il continua ensuite sa
τῶν πατρίδων ὑπὸ
route à travers la Macédoine,
Λακεδαιμονίων
parcourant le même pays par
μεταπεμπόμενοι, τούτοις lequel avait passé Xerxès lors de
ἔδωκαν τὴν πόλιν οἰκεῖν, son expédition contre les Grecs.
οἳ καὶ παλαιότατοι τῆς Après avoir ainsi traversé la

χώρας ταύτης ἦσαν Macédoine et la Thessalie, il


atteignit le défilé des Thermopyles.
οἰκήτορες. Μετὰ δὲ ταῦθ´
Conon l'Athénien et
τῶν Βοιωτῶν
Pharnabaze, qui commandaient la
ἀφηγούμενος Ἰσμηνίας
τοὺς μὲν Ἀργείους ἐν τῇ flotte royale, stationnaient à

πόλει κατέλιπε φυλακῆς Loryma dans la Chersonèse, ayant


sous leurs ordres plus de quatre-
ἕνεκα, αὐτὸς δὲ πείσας
vingt-dix trirèmes. Avertis que la
ἀποστῆναι ἀπὸ
flotte des ennemis se tenait dans
Λακεδαιμονίων Αἰνιᾶνας les environs de Cnide, ils se
καὶ Ἀθαμᾶνας ἤθροισε disposèrent à lui présenter le
παρά τε τούτων καὶ τῶν combat. Pisandre (75), navarque

συμμάχων στρατιώτας· des Lacédémoniens, quitta alors les


parages de Cnide avec quatre-
τοὺς πάντας δ´ ἔχων
vingt-cinq trirèmes, et vint aborder
μικρὸν ἀπολείποντας τῶν
à Physcus dans la Chersonèse. De
ἑξακισχιλίων ἐστράτευσεν
là il se remit en mer pour attaquer
εἰς Φωκεῖς. la flotte du roi, et il remporta
Καταστρατοπεδεύοντος δ l'avantage dans ce premier
´ αὐτοῦ εἰς Νάρυκα τῆς engagement. Mais comme les

Λοκρίδος, ἐξ ἧς φασι τὸν trirèmes des Perses reçurent des


renforts, tous les alliés s'enfuirent
Αἴαντα γεγενῆσθαι, τὸ
vers la côte. Pisandre, placé sur
πλῆθος τῶν Φωκέων
son navire, continua à faire face à
ἀπήντησε μετὰ τῶν l'ennemi, regardant comme une
ὅπλων, τὴν ἡγεμονίαν action indigne de Sparte de fuir
ἔχοντος Ἀλκισθένους τοῦ lâchement. Après avoir fait des

Λάκωνος. Γενομένης δὲ prodiges de valeur et tué un grand


nombre d'ennemis, il mourut, les
μάχης ἐπὶ πολὺν χρόνον
armes à la main, d'une mort digne
ἰσχυρᾶς ἐκράτησαν οἱ
de sa patrie. Conon poursuivit les
Βοιωτοί, καὶ μέχρι νυκτὸς
Lacédémoniens jusqu'à la côte et
διώξαντες τοὺς se rendit maître de cinquante
φεύγοντας ἀνεῖλον οὐ trirèmes; la plupart des hommes
πολὺ λείποντας τῶν qui les montaient plongèrent dans

χιλίων, τῶν δ´ ἰδίων la mer et gagnèrent la côte à la


nage; cinq cents d'entre eux furent
ἀπέβαλον ἐν τῇ μάχῃ περὶ
faits prisonniers; le reste de la
πεντακοσίους. Μετὰ δὲ
flotte se sauva dans le port de
τὴν παράταξιν ἀμφότεροι Cnide.
διαλύσαντες τὸ
LXXXIV. Agésilas, qui avait
στρατόπεδον, οἱ μὲν εἰς reçu des renforts du Péloponnèse,
τὰς ἰδίας πατρίδας - - - οἱ était entré dans la Béotie. Les

δ´ εἰς Κόρινθον τὸ Béotiens, secondés de leurs alliés,


le rencontrèrent à Coronée. Il se
συνέδριον ἀγαγόντες, ἐπεὶ
livra une bataille; les Thébains
κατὰ νοῦν αὐτοῖς
mirent en déroute l'aile qui leur
προεχώρει τὰ πράγματα, était opposée et poursuivirent
συνήγαγον ἐξ ἁπασῶν τῶν l'ennemi jusque dans son camp;
πόλεων στρατιώτας εἰς mais le reste de l'armée béotienne,

Κόρινθον, πεζοὺς μὲν après une courte résistance, fut


forcé par Agésilas et les autres à
πλείους μυρίων
prendre la fuite. Les
πεντακισχιλίων, ἱππεῖς δὲ
Lacédémoniens, se regardant
περὶ πεντακοσίους.
comme vainqueurs, élevèrent un
[83] Λακεδαιμόνιοι δ´ trophée et rendirent les morts aux

ὁρῶντες τὰς μεγίστας ennemis. Les Béotiens et leurs


alliés avaient perdu six cents
τῶν κατὰ τὴν Ἑλλάδα
hommes, tandis que les
πόλεων ἐφ´ ἑαυτοὺς
Lacédémoniens et leurs auxiliaires
συνισταμένας,
ne comptaient que trois cent
ἐψηφίσαντο τόν τε cinquante morts. Agésilas, criblé de
Ἀγησίλαον ἐκ τῆς Ἀσίας blessures, fut porté à Delphes pour

μεταπέμψασθαι καὶ τὴν s'y faire soigner.

μετ´ αὐτοῦ δύναμιν, αὐτοὶ Pharnabaze et Conon, après le

δὲ ἐν τοσούτῳ παρά τε combat naval de Cnide, se


dirigèrent avec tous leurs
σφῶν καὶ τῶν συμμάχων
bâtiments contre les alliés des
ἀθροίσαντες πεζοὺς μὲν
Lacédémoniens. Ils commencèrent
δισμυρίους τρισχιλίους,
d'abord par détacher les habitants
ἱππεῖς δὲ πεντακοσίους, de Cos de l'alliance de Sparte, puis
ἀπήντησαν τοῖς πολεμίοις. les Nisyréens et les Teïens. Les
Γενομένης δὲ παρατάξεως habitants de Chio chassèrent la

παρὰ τὸν Νεμέαν ποταμὸν garnison lacédémonienne et


passèrent également dans le parti
μέχρι νυκτός, ἑκατέρων
de Conon; les Mitylénéens, les
προετέρησε τὰ μέρη τοῦ
Éphésiens et les Érythréens en
στρατεύματος· καὶ τῶν firent autant. Toutes les villes
μὲν Λακεδαιμονίων καὶ s'empressaient de prendre part à
τῶν συμμάχων ἔπεσον ce soulèvement général : les unes,
ἑκατὸν πρὸς τοῖς χιλίοις, expulsant les garnisons des

Βοιωτῶν δὲ καὶ τῶν Lacédémoniens, établirent un


gouvernement libre; les autres se
ἄλλων συμμάχων περὶ
livrèrent à l'autorité de Conon. Dès
δισχιλίους ὀκτακοσίους.
ce moment les Lacédémoniens
Ἀγησίλαος δὲ τὴν δύναμιν perdirent l'empire de la mer.
ἐκ τῆς Ἀσίας διαβιβάσας
Conon résolut de s'avancer
εἰς τὴν Εὐρώπην, τὸ μὲν avec sa flotte vers les côtes de
πρῶτον Θρᾳκῶν τινων l'Attique; il fit voile pour les
ἀπαντησάντων αὐτῷ Cyclades et aborda à l'île de

πολλῇ στρατιᾷ, μάχῃ τε Cythère; il s'en rendit maître sur-


le-champ, et envoya les Cythériens
ἐνίκησε καὶ τοὺς
dans la Laconie sur la foi d'un
πλείστους τῶν βαρβάρων
traité. Après avoir laissé à Cythère
ἀνεῖλε· μετὰ δὲ ταῦτα διὰ
une garnison suffisante, il se porta
Μακεδονίας τὴν πορείαν sur Corinthe. Débarqué dans cette
ἐποιεῖτο, τὴν αὐτὴν ville, il eut une conférence avec les
διεξιὼν χώραν ἣν καὶ membres de l'assemblée générale.

Ξέρξης ἐπορεύθη, καθ´ ὃν Il conclut avec eux un traité


d'alliance et mit à leur disposition
καιρὸν ἐστράτευσεν ἐπὶ
des sommes d'argent, après quoi il
τοὺς Ἕλληνας. Ἀγησίλαος
repartit pour l'Asie.A cette époque,
μὲν οὖν διὰ Μακεδονίας Aéropus, roi des Macédoniens,
καὶ Θετταλίας πορευθείς, mourut de maladie après un règne
ὡς διῆλθε τὰ περὶ de six ans; il eut pour successeur

Θερμοπύλας στενά, - - - son fils Pausanias qui ne régna


qu'un an.
τὴν πορείαν ἐποιεῖτο.
Théopompe de Chio, qui a écrit
Κόνων δὲ Ἀθηναῖος
l'histoire de la Grèce, termina dans
καὶ Φαρνάβαζος
la même année son ouvrage, au
ἀφηγοῦντο μὲν τοῦ récit du combat naval de Cnide.
βασιλικοῦ στόλου, L'histoire de Théopompe, composée
διέτριβον δὲ περὶ Λώρυμα en douze livres, commence à la

τῆς Χερρονήσου, τριήρεις bataille navale de Cynossema (76),


là où Thucydide finit la sienne; elle
ἔχοντες πλείους τῶν
comprend un espace de dix-sept
ἐνενήκοντα. Πυθόμενοι δὲ
ans.
ἐν Κνίδῳ τὸ ναυτικὸν τῶν
πολεμίων εἶναι, τὰ πρὸς LXXXV. L'année étant révolue,

τὴν ναυμαχίαν Eubulide fut nommé archonte


d'Athènes, et à Rome six tribuns
παρεσκευάζοντο.
militaires, Lucius Sergius, Aulus
Πείσανδρος δ´ τῶν
Posthumius, Publius Cornélius,
Λακεδαιμονίων ναύαρχος Sextus Censius, Quintus Manlius,
ἐξέπλευσεν ἐκ τῆς Κνίδου Anitius Camillus exercèrent
τριήρεσιν ὀγδοήκοντα l'autorité consulaire (77). En ce

πέντε, καὶ κατηνέχθη temps, Conon, commandant de la


flotte royale, entra dans le Pirée
πρὸς Φύσκον τῆς
avec quatre-vingts trirèmes, et
Χερρονήσου. Ἐκεῖθεν δ´
promit à ses concitoyens de
ἐκπλεύσας περιέπεσε τῷ
reconstruire l'enceinte d'Athènes.
στόλῳ τοῦ βασιλέως, καὶ On se rappelle que cette enceinte,
ταῖς μὲν προπλεούσαις ainsi que la longue muraille qui
ναυσὶ συμβαλὼν s'étendait du Pirée à la ville, avait

προετέρει, τῶν δὲ Περσῶν été démolie, conformément au


traité conclu avec le
ἅμα ταῖς τριήρεσιν
Lacédémoniens à la suite de la
ἀθρόαις
défaite des Athéniens dans la
παραβοηθησάντων, ἐπειδὴ guerre du Péloponnèse. Conon
πάντες οἱ σύμμαχοι πρὸς rassembla une multitude d'ouvriers
τὴν γῆν ἔφυγον, τὴν ἰδίαν qu'il prit à ses gages; aidés par les

ναῦν ἐπέστρεψεν, αἰσχρὸν soldats de la marine que Conon


leur adjoignit, ils parvinrent
εἶναι νομίσας καὶ τῆς
promptement à relever la plus
Σπάρτης ἀνάξιον τὸ
grande partie des murailles. Les
φυγεῖν ἀγεννῶς.
Thébains avaient fourni cinq cents
Ἀγωνισάμενος δὲ artisans et tailleurs de pierre, et
λαμπρῶς καὶ πολλοὺς τῶν plusieurs autres villes avaient
πολεμίων ἀνελών, τὸ également envoyé des secours.

τελευταῖον ἀξίως τῆς Cependant Téribaze, qui


commandait en Asie les troupes de
πατρίδος ἀνῃρέθη
terre, devint jaloux de la fortune de
μαχόμενος. Οἱ δὲ περὶ τὸν
Conon; sous prétexte qu'il
Κόνωνα μέχρι τῆς γῆς employait les forces du roi à
καταδιώξαντες τοὺς soumettre aux Athéniens les villes
Λακεδαιμονίους de la Grèce, il le fit arréter, le
πεντήκοντα μὲν τριήρων conduisit à Sardes et le mit aux

ἐκυρίευσαν, τῶν δ´ fers dans une prison.

ἀνδρῶν οἱ πλεῖστοι μὲν LXXXVI. A Corinthe, quelques

ἐκκολυμβήσαντες κατὰ hommes, poussés par leur


ambition, profitèrent du moment
γῆν ἔφυγον, ἑάλωσαν δὲ
où les jeux se célébraient au
περὶ πεντακοσίους· αἱ δὲ
théâtre pour remplir la ville de
λοιπαὶ τριήρεις εἰς Κνίδον troubles et de meurtres : leur
διεσώθησαν. audace était stimulée par les
Argiens. Cent vingt citoyens y
[84] Ἀγησίλαος δὲ
trouvèrent la mort et cinq cents
προσλαβόμενος ἐκ
autres furent bannis. Les
Πελοποννήσου
Lacédémoniens rassemblèrent des
στρατιώτας, ἐπειδὴ μετὰ troupes et firent des dispositions
τῆς δυνάμεως ἐπέβαινεν pour faire rentrer les exilés, tandis
εἰς Βοιωτίαν, εὐθὺς οἱ que les Athéniens et les Béotiens

Βοιωτοὶ μετὰ τῶν prirent le parti des meurtriers, dans


l'intention de s'approprier la ville.
συμμάχων ἀπήντησαν εἰς
Les exilés, réunis aux
Κορώνειαν. Γενομένης δὲ
Lacédémoniens et à leurs alliés,
παρατάξεως Θηβαῖοι μὲν vinrent pendant la nuit attaquer le
τὸ καθ´ αὑτοὺς μέρος Léchée (78) a et prirent le port de
τρεψάμενοι μέχρι τῆς force. Le lendemain, les Corinthiens

παρεμβολῆς κατεδίωξαν, firent une sortie sous les ordres


d'Iphicrate; il s'engagea une
οἱ δ´ ἄλλοι μικρὸν
bataille dans laquelle les
ἀντισχόντες χρόνον ὑπ´
Lacédémoniens, victorieux, tuèrent
Ἀγησιλάου καὶ τῶν ἄλλων
beaucoup de monde. Mais ensuite
φυγεῖν ἠναγκάσθησαν. Διὸ les Béotiens et les Athéniens,
καὶ νενικηκέναι τῇ μάχῃ réunis aux Argiens et aux
Λακεδαιμόνιοι Corinthiens, formèrent une armée

διαλαβόντες ἔστησαν qui s'avança sur le Léchée et fit le


siége de la place. Ils avaient déjà
τρόπαιον καὶ τοὺς
forcé les murs, lorsque les
νεκροὺς τοῖς πολεμίοις
Lacédémoniens et les exilés de
ὑποσπόνδους ἀπέδωκαν. Corinthe parvinrent, après un
Ἀπέθανον δὲ τῶν Βοιωτῶν brillant combat, à refouler les
καὶ τῶν συμμάχων πλείους Béotiens et leurs alliés, qui se
τῶν ἑξακοσίων, retirèrent à Corinthe après avoir

Λακεδαιμονίων δὲ καὶ τῶν laissé près de mille hommes sur le


champ de bataille. Bientôt après,
συναγωνισαμένων
vers l'époque des jeux isthmiques,
τριακόσιοι πεντήκοντα·
il s'éleva un différend au sujet de la
καὶ αὐτὸς Ἀγησίλαος présidence de cette solennité. Les
πολλοῖς περιπεπτωκὼς Lacédémoniens l'emportèrent
τραύμασιν εἰς Δελφοὺς encore dans cette occasion, et

ἐκομίσθη, κἀκεῖ τὴν firent donner la présidence des


jeux aux réfugiés de Corinthe.
ἐπιμέλειαν τοῦ σώματος
Comme la guerre qui s'éleva à la
ἐποιεῖτο.
suite de ce différend avait pour
Φαρνάβαζος δὲ καὶ théâtre le territoire de Corinthe,
Κόνων μετὰ τὴν elle reçut le nom de guerre

ναυμαχίαν ἀνήχθησαν Corinthiaque; elle dura huit ans.

ἁπάσαις ταῖς ναυσὶν ἐπὶ LXXXVII. En Sicile, les

τοὺς τῶν Λακεδαιμονίων habitants de Rhégium se


plaignaient que Denys fortifiait
συμμάχους. Καὶ πρῶτον
Messine dans l'intention de leur
μὲν Κῴους ἀπέστησαν,
nuire. Ils commencèrent donc par
εἶτα Νισυρίους καὶ Τηίους. accueillir ceux que Denys avait
Μετὰ δὲ ταῦτα Χῖοι τὴν punis de l'exil, ainsi que ses
φρουρὰν ἐκβαλόντες adversaires. Ils donnèrent ensuite

προσέθεντο τοῖς περὶ la ville de Myles aux Naxiens et aux


Cataniens qui avaient survécu, et,
Κόνωνα· παραπλησίως δὲ
mettant sur pied une armée, ils en
μετέβαλον καὶ
donnèrent le commandement à
Μιτυληναῖοι καὶ Ἐφέσιοι
Héloris, avec l'ordre d'assiéger
καὶ Ἐρυθραῖοι. Τοιαύτη δὲ Messine. Ce général attaqua la
τῆς μεταστάσεως σπουδή citadelle; aussitôt les Messiniens
τις εἰς τὰς πόλεις qui occupaient la ville se joignirent

ἐνέπεσεν, ὧν αἱ μὲν aux troupes mercenaires de Denys,


et allèrent à la rencontre de
ἐκβάλλουσαι τὰς φρουρὰς
l'ennemi. Il s'engagea un combat
τῶν Λακεδαιμονίων τὴν
d'où les Messiniens sortirent
ἐλευθερίαν διεφύλαττον, victorieux, après avoir tué plus de
αἱ δὲ τοῖς περὶ Κόνωνα cinq cents hommes. Ils allèrent
προσετίθεντο. Καὶ immédiatement attaquer Myles,
Λακεδαιμόνιοι μὲν ἀπὸ prirent cette ville et relâchèrent,

τούτου τοῦ χρόνου τὴν aux termes d'une capitulation, les


Naxiens qui s'y trouvaient établis.
κατὰ θάλατταν ἀρχὴν
Ceux-ci se retirèrent alors auprès
ἀπέβαλον,
des Sicules et dans les autres villes
οἱ δὲ περὶ Κόνωνα grecques de la Sicile, où ils fixèrent

κρίναντες παντὶ τῷ στόλῳ leur domicile. Cependant Denys,

πλεῖν ἐπὶ τὴν Ἀττικὴν qui avait attiré dans son alliance
tous les habitants du détroit,
ἀνέζευξαν, καὶ τὰς
conçut le projet de marcher contre
Κυκλάδας νήσους
Rhégium. Mais comme il était
προσαγαγόμενοι contrarié dans ce projet par les
κατέπλευσαν ἐπὶ Κύθηρα Sicules qui habitaient
τὴν νῆσον. Εὐθὺ δὲ Tauroménium, il jugea convenable

ταύτης ἐξ ἐφόδου d'attaquer d'abord ces derniers. Il


mit donc son armée en mouvement
κυριεύσαντες τοὺς μὲν
et vint camper en face de la ville de
Κυθηρίους ὑποσπόνδους
Naxos. Il y passa l'hiver sans
ἐξέπεμψαν εἰς τὴν
cesser le siége, dans l'espérance
Λακωνικήν, αὐτοὶ δὲ que les Sicules abandonneraient
καταλιπόντες τῆς πόλεως cette montagne sur laquelle ils

τὴν ἱκανὴν φρουρὰν s'étaient depuis peu établis.

ἔπλεον ἐπὶ Κορίνθου. Ἐκεῖ LXXXVIII. Les Sicules de

δὲ καταπλεύσαντες τοῖς Tauroménium savaient par une


ancienne tradition que pendant que
συνέδροις διελέχθησαν
leurs ancêtres occupaient cette
ὑπὲρ ὧν ἤθελον, καὶ
partie de l'île, des Grecs, arrivés
συμμαχίαν ποιησάμενοι
par mer, avaient jadis fondé Naxos
τούτοις μὲν χρήματα et chassé les habitants primitifs. Ils
κατέλιπον, αὐτοὶ δ´ εἰς conclurent de là qu'ils étaient
τὴν Ἀσίαν ἐξέπλευσαν. rentrés dans leur ancienne

Περὶ δὲ τὸν αὐτὸν χρόνον possession, et qu'ils se défendaient


légitimement contre les Grecs qui
Ἀέροπος τῶν Μακεδόνων
avaient si indignement traité leurs
βασιλεὺς ἐτελεύτησε
ancêtres; ils rivalisèrent donc de
νόσῳ, βασιλεύσας ἔτη ἕξ· zèle pour garder la montagne qu'ils
τὴν δ´ ἡγεμονίαν occupaient. Pendant que les deux
διαδεξάμενος Παυσανίας partis se disputaient, arriva le
υἱὸς ἦρξεν ἐνιαυτόν. solstice d'hiver, et tous les environs
de la citadelle furent couverts de
Θεόπομπος δ´ Χῖος
neige. Denys, remarquant que les
τὴν τῶν Ἑλληνικῶν
Sicules, confiants dans la force et la
σύνταξιν κατέστροφεν εἰς hauteur de leurs murailles,
τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν καὶ négligeaient la garde de la

εἰς τὴν περὶ Κνίδον citadelle, profita d'une nuit très

ναυμαχίαν, γράψας obscure et orageuse pour attaquer


les postes les plus élevés. Après
βύβλους δώδεκα. δὲ
avoir beaucoup souffert de la
συγγραφεὺς οὗτος ἦρκται
difficulté d'une route semée de
μὲν ἀπὸ τῆς περὶ Κυνὸς précipices, et de la profondeur de
σῆμα ναυμαχίας, εἰς ἣν la neige, il se rendit maître de
Θουκυδίδης κατέληξε τὴν l'unique citadelle. Le froid lui avait

πραγματείαν, ἔγραψε δὲ gelé le visage et blessé les yeux.


Cependant il porta l'attaque sur un
χρόνον ἐτῶν δεκαεπτά.
autre point et fit entrer les troupes
[85] Ἐπεὶ δὲ dans la ville; mais les Sicules,
ἐνιαυσιαῖος χρόνος réunis en une foule compacte,
διεληλύθει, Ἀθήνησι μὲν repoussèrent ces troupes; Denys

Εὐβουλίδης ἦρξεν, ἐν lui-même fut entraîné dans la fuite,


et, renversé par un coup porté sur
Ῥώμῃ δὲ τὴν ὑπατικὴν
sa cuirasse, il faillit être pris vivant.
ἀρχὴν διῴκουν χιλίαρχοι
Les Sicules, occupant des hauteurs,
ἕξ, Λεύκιος Σέργιος, tuèrent à Denys plus de six cents
Αὖλος Ποστούμιος, hommes; presque tous ses soldats
Πόπλιος Κορνήλιος, avaient perdu leurs armes et Denys

Κόιντος Μάνλιος. Περὶ δὲ lui-même ne sauva que sa


cuirasse. A la nouvelle de cette
τούτους τοὺς χρόνους
déroute, les Agrigentins et les
Κόνων τοῦ βασιλικοῦ
Messiniens renvoyèrent les
στόλου τὴν ἡγεμονίαν
partisans de Denys, songèrent à
ἔχων, ὀγδοήκοντα reconquérir leur liberté et
τριήρεσι καταπλεύσας εἰς abandonnèrent l'alliance du tyran.
τὸν Πειραιέα τοῖς LXXXIX. Pausanias, roi des
πολίταις ὑπέσχετο τὸν Lacédémoniens, mis en accusation

περίβολον τῆς πόλεως par ses citoyens, fut condamné à


l'exil après un règne de quatorze
ἀνοικοδομήσειν· τοῦ γὰρ ans. Il eut pour successeur son fils

Πειραιέως τὰ τείχη καὶ τὰ Argésipolis qui régna aussi


longtemps que son père.
μακρὰ σκέλη καθῄρητο
Pausanias, roi des Macédoniens,
κατὰ τὰς Λακεδαιμονίων
mourut par la trahison d'Amyntas,
συνθήκας, ὅτε après un règne d'un an. Amyntas
κατεπονήθησαν ἐν τῷ s'empara de la royauté et régna
Πελοποννησιακῷ πολέμῳ. vingt-quatre ans.

δ´ οὖν Κόνων XC. L'année étant révolue,


μισθωσάμενος πλῆθος Démostrate fut nommé archonte

τεχνιτῶν, καὶ τὸν ἐκ τῶν d'Athènes, et à Rome six tribuns


militaires, Lucius Titinius, Publius
πληρωμάτων ὄχλον εἰς
Licinius, Publius Manilius, Quintius
ὑπηρεσίαν παραδούς,
Manlius, Cnéius Genucius et Lucius
ταχέως τὸ πλεῖστον μέρος
Atilius exercèrent l'autorité
τοῦ τείχους ἀνῳκοδόμησε· consulaire (79). En ce temps,
καὶ γὰρ Θηβαῖοι Magon, général des carthaginois,
πεντακοσίους τεχνίτας qui était resté en Sicile, rétablit les

καὶ λιθοτόμους affaires de Carthage abattue par la


dernière défaite. Il usait de
ἀπέστειλαν, καί τινες
beaucoup d'humanité à l'égard des
ἄλλαι τῶν πόλεων
villes soumises et prenait sous sa
παρεβοήθησαν. Τιρίβαζος protection les peuples auxquels
δ´ τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν Denys faisait la guerre. Il conclut
πεζῶν δυνάμεων des alliances avec la plupart des

ἀφηγούμενος ἐφθόνει ταῖς Sicules et marcha contre Messine à


la tête des troupes qu'il avait
τοῦ Κόνωνος εὐπραξίαις,
rassemblées;. il ravagea tout le
καὶ πρόφασιν μὲν λαβὼν
pays qu'il parcourut, fit beaucoup
ὅτι ταῖς βασιλικαῖς
de butin et vint camper auprès
δυνάμεσι τὰς πόλεις d'Abacénum, ville alliée. Cependant
Ἀθηναίοις κατακτᾶται, Denys vint lui-même l'attaquer
προαγαγόμενος δ´ αὐτὸν avec son armée; il se livra un

εἰς Σάρδεις συνέλαβε καὶ combat acharné d'où Denys sortit


victorieux. Les Carthaginois, ayant
δήσας εἰς φυλακὴν
perdu plus de huit cents hommes,
κατέθετο.
se réfugièrent dans Abacénum.
[86] Ἐν δὲ τῇ Κορίνθῳ Denys retourna alors à Syracuse;
τινὲς τῶν ἐπιθυμούντων quelques jours après, il équipa cent

δημοκρατίας trirèmes et se présenta devant


Rhégium. Il surprit cette ville
συστραφέντες ἀγώνων
pendant la nuit, brûla les portes et
ὄντων ἐν τῷ θεάτρῳ
appliqua des échelles contre les
φόνον ἐποίησαν καὶ murailles. Les habitants, qui
στάσεως ἐπλήρωσαν τὴν s'aperçurent les premiers de cette
πόλιν· συνεπιλαβομένων attaque imprévue, coururent aux

δὲ αὐτοῖς τῆς τόλμης armes et cherchèrent à éteindre le


feu. Le général Héloris, qui arriva
Ἀργείων, ἑκατὸν μὲν καὶ
un moment après, conseilla
εἴκοσι τῶν πολιτῶν
d'autres moyens de défense qui
ἀπέσφαξαν, πεντακοσίους
sauvèrent la ville. En effet, ceux
δ´ ἐφυγάδευσαν. qui étaient occupés à éteindre le
Λακεδαιμονίων δὲ feu n'étaient pas assez forts pour
παρασκευαζομένων empêcher Denys de pénétrer dans

κατάγειν καὶ δύναμιν la ville. Il fit donc apporter des


maisons voisines des sarments de
ἀθροιζόντων, Ἀθηναῖοι
vigne et du bois, afin d'augmenter
καὶ Βοιωτοὶ παρεβοήθουν
l'incendie et d'appeler ainsi aux
τοῖς σφαγεῦσιν, ὅπως τὴν armes un plus grand nombre de
πόλιν ἐξιδιοποιήσωνται. défenseurs.
Καὶ οἱ μὲν φυγάδες μετὰ Denys se désista de son
Λακεδαιμονίων καὶ τῶν entreprise et se contenta de
συμμάχων ἐπὶ τὸ Λέχαιον parcourir la campagne en la

καὶ τὸν ναύσταθμον désolant par le feu et le fer. Après


cela, il conclut une trêve d'un an et
ἐπελθόντες νυκτὸς κατὰ
remit à la voile pour Syracuse.
κράτος εἷλαν· τῇ δ´
ὑστεραίᾳ τῶν ἐκ τῆς
πόλεως ἐπεξελθόντων, ὧν
Ἰφικράτης ἡγεῖτο, συνέβη
γενέσθαι μάχην, ἐν
Λακεδαιμόνιοι νικήσαντες
οὐκ ὀλίγους ἀπέκτειναν.
Μετὰ δὲ ταῦτα οἵ τε
Βοιωτοὶ καὶ Ἀθηναῖοι,
πρὸς δὲ τούτοις Ἀργεῖοι
καὶ Κορίνθιοι πάσῃ τῇ
δυνάμει παρελθόντες εἰς
τὸ Λέχαιον, τὸ μὲν
πρῶτον πολιορκήσαντες
τὸ χωρίον {τὸ} ἐντὸς τοῦ
διατειχίσματος
εἰσεβιάζοντο· μετὰ δὲ
ταῦτα τῶν Λακεδαιμονίων
καὶ τῶν φυγάδων
λαμπρῶς ἀγωνισαμένων
ἐξεώσθησαν οἱ Βοιωτοὶ
καὶ οἱ μετ´ αὐτῶν
ἅπαντες. Οὗτοι μὲν οὖν
περὶ χιλίους τῶν
στρατιωτῶν ἀποβαλόντες
εἰς τὴν πόλιν
ἀπεχώρησαν. Εὐθὺ δὲ τῶν
Ἰσθμίων ἐπελθόντων
διεφέροντο περὶ τῆς
θέσεως τοῦ ἀγῶνος· καὶ
πολλὰ φιλονεικησάντων
ἐκράτησαν οἱ
Λακεδαιμόνιοι καὶ τοὺς
φυγάδας ἐποίησαν θεῖναι
τὸν ἀγῶνα, τῶν δὲ κατὰ
τὸν πόλεμον δεινῶν
σχεδόν τι περὶ τὴν
Κόρινθον γενομένων
πόλεμος οὗτος ἐκλήθη
Κορινθιακός, καὶ διέμεινεν
ἔτη ὀκτώ.

[87] Κατὰ δὲ τὴν


Σικελίαν Ῥηγῖνοι
κατηγοροῦντες Διονυσίου
ὅτι Μεσσήνην τειχίζων ἐπ
´ αὐτοὺς κατασκευάζεται,
πρῶτον μὲν τοὺς ὑπὸ
Διονυσίου
φυγαδευομένους καὶ
τἀναντία πράττοντας
ὑπεδέξαντο, μετὰ δὲ
ταῦτα τῶν Ναξίων καὶ
Καταναίων τοὺς
ὑπολειπομένους εἰς Μύλας
κατοικίσαντες, δύναμιν
παρεσκευάζοντο καὶ
στρατηγὸν Ἕλωριν
ἐξέπεμψαν πολιορκήσοντα
Μεσσήνην. Τούτου δὲ τὴν
ἐπίθεσιν κατὰ τὴν
ἀκρόπολιν ποιησαμένου
παραβόλως, οἱ
κατέχοντες τὴν πόλιν
Μεσσήνιοι καὶ Διονυσίου
μισθοφόροι συστραφέντες
ἀπήντησαν. Γενομένης δὲ
μάχης ἐνίκων οἱ
Μεσσήνιοι καὶ πλείους
τῶν πεντακοσίων
ἀπέκτειναν. Εὐθὺ δ´ ἐπὶ
τὰς Μύλας ἐπελθόντες
εἷλον τὴν πόλιν, καὶ τοὺς
οἰκισθέντας ἐν αὐτῇ
Ναξίους ὑποσπόνδους
ἀφῆκαν. Οὗτοι μὲν οὖν εἴς
τε Σικελοὺς καὶ {τὰς
ἄλλας} τὰς Ἑλληνίδας
πόλεις ἀπελθόντες ἄλλοι
κατ´ ἄλλους τόπους
κατῴκησαν· δὲ
Διονύσιος, τῶν περὶ τὸν
πορθμὸν αὐτῷ τόπων
κατεσκευασμένων φιλίων,
διενοεῖτο μὲν ἐπὶ Ῥήγιον
στρατιὰν ἄγειν,
παρηνωχλεῖτο δ´ ὑπὸ τῶν
τὸ Ταυρομένιον
κατειληφότων Σικελῶν.
Διόπερ κρίνας συμφέρειν
τούτοις ἐπιθέσθαι
πρώτοις, ἐξήγαγεν ἐπ´
αὐτοὺς τὴν δύναμιν, καὶ
στρατοπεδεύσας ἐκ τοῦ
πρὸς τὴν Νάξον μέρους
προσεκαρτέρει τῇ
πολιορκίᾳ τὸν χειμῶνα,
νομίζων τοὺς Σικελοὺς
ἐκλείψειν τὸν λόφον διὰ
τὸ μὴ πάλαι κατῳκηκέναι.

[88] Οἱ δὲ Σικελοὶ
παρὰ τῶν πατέρων ἐκ
παλαιοῦ παρειληφότες ὅτι
τὰ μέρη ταῦτα τῆς νήσου
Σικελῶν κατεχόντων
Ἕλληνες πρώτως
καταπλεύσαντες ἔκτισαν
μὲν Νάξον, ἐξέβαλον δ´ ἐκ
τούτου τοῦ λόφου τοὺς
τότε κατοικοῦντας
Σικελούς· διὸ δὴ
φάσκοντες πατρῴαν
ἀνακτήσασθαι χώραν καὶ
περὶ ὧν εἰς τοὺς ἑαυτῶν
προγόνους ἐξήμαρτον
Ἕλληνες ἀμύνασθαι
δικαίως, ἐφιλοτιμοῦντο
κατασχεῖν τὸν λόφον.
Ὑπερβαλλούσης δὲ
φιλονεικίας παρ´
ἀμφοτέροις οὔσης, ἔτυχον
μὲν οὖσαι τροπαὶ
χειμεριναί, καὶ διὰ τοὺς
ἐπιγινομένους χειμῶνας
περὶ τὴν ἀκρόπολιν τόπος
πλήρης ἦν χιόνος.
Ἐνταῦθα δὴ Διονύσιος
τοὺς Σικελοὺς διὰ τὴν
ὀχυρότητα καὶ τὴν
ὑπερβολὴν τοῦ τείχους
ῥᾳθυμοῦντας περὶ τὴν
κατὰ τὴν ἀκρόπολιν
φυλακὴν εὑρών, ὥρμησε
νυκτὸς ἀσελήνου καὶ
χειμερίου πρὸς τοὺς
ἀνωτάτω τόπους. Πολλὰ
δὲ κακοπαθήσας διά τε
τὴν τῶν κρημνῶν
δυσχέρειαν καὶ τὸ πλῆθος
τῆς χιόνος, μιᾶς μὲν
ἀκροπόλεως ἐκυρίευσε,
καὶ τὸ πρόσωπον
ἐξήλκωσε καὶ τὰς ὄψεις
ἔβλαψε διὰ τὸ ψῦχος· μετὰ
δὲ ταῦτα εἰς τὸ ἕτερον
μέρος παρεισπεσὼν
εἰσήγαγε τὴν δύναμιν εἰς
τὴν πόλιν. Τῶν δὲ Σικελῶν
ἀθρόων βοηθησάντων
ἐξεώσθησαν οἱ μετὰ τοῦ
Διονυσίου, καὶ αὐτὸς ἐν τῇ
φυγῇ τυπτόμενος εἰς τὸν
θώρακα περιεκυλίσθη, καὶ
παρ´ ὀλίγον συνελήφθη
ζῶν. Τῶν δὲ Σικελῶν
ἐπικειμένων ἐξ
ὑπερδεξίων τόπων,
ἀνῃρέθησαν μὲν τῶν μετὰ
Διονυσίου πλείους τῶν
ἑξακοσίων, ἀπέβαλον δὲ
τὰς πανοπλίας οἱ
πλεῖστοι· καὶ αὐτὸς δὲ
Διονύσιος μόνον τὸν
θώρακα διέσωσεν. Μετὰ
δὲ τὴν ἀτυχίαν ταύτην
Ἀκραγαντῖνοι καὶ
Μεσσήνιοι τοὺς τὰ
Διονυσίου φρονοῦντας
μεταστησάμενοι, τῆς
ἐλευθερίας ἀντείχοντο καὶ
τῆς τοῦ τυράννου
συμμαχίας ἀπέστησαν.

[89] Παυσανίας δὲ
τῶν Λακεδαιμονίων
βασιλεὺς ἐγκαλούμενος
ὑπὸ τῶν πολιτῶν ἔφυγεν,
ἄρξας ἔτη δεκατέτταρα·
τὴν δὲ βασιλείαν
διαδεξάμενος υἱὸς
Ἀγησίπολις ἦρξε τὸν ἴσον
τῷ πατρὶ χρόνον.
Ἐτελεύτησε δὲ καὶ
Παυσανίας τῶν
Μακεδόνων βασιλεύς,
ἀναιρεθεὶς ὑπὸ Ἀμύντου
δόλῳ, ἄρξας ἐνιαυτόν·
τὴν δὲ βασιλείαν
κατέσχεν Ἀμύντας, καὶ
ἦρξεν ἔτη εἴκοσι τέσσαρα.

[90] Τοῦ δὲ ἔτους


τούτου διεληλυθότος
Ἀθήνησι μὲν παρέλαβε τὴν
ἀρχὴν Δημόστρατος, ἐν
Ῥώμῃ δὲ τὴν ὑπατικὴν
ἀρχὴν διῴκουν χιλίαρχοι
ἕξ, Λεύκιος Τιτίνιος,
Πόπλιος Λικίνιος, Πόπλιος
Μελαῖος, Κόιντος
Μάλλιος, Γναῖος Γενύκιος,
Λεύκιος Ἀτίλιος. Τούτων
δὲ τὴν ἀρχὴν
παρειληφότων Μάγων
τῶν Καρχηδονίων
στρατηγὸς διέτριβε μὲν
ἐν Σικελίᾳ, τὰ δὲ
πράγματα τῶν
Καρχηδονίων ἀπὸ τῆς
γεγενημένης συμφορᾶς
ἀνελάμβανε· ταῖς τε γὰρ
ὑποτεταγμέναις πόλεσι
φιλανθρώπως
προσεφέρετο καὶ τοὺς ὑπὸ
Διονυσίου πολεμουμένους
ὑπεδέχετο. Ἐποιήσατο δὲ
καὶ πρὸς τοὺς πλείστους
τῶν Σικελῶν συμμαχίας,
καὶ δυνάμεις ἀθροίσας
ἐστράτευσεν εἰς τὴν
Μεσσηνίαν. Λεηλατήσας
δὲ τὴν χώραν καὶ πολλῆς
ὠφελείας ἐγκρατὴς
γενόμενος ἀνέξευξε καὶ
πρὸς Ἀβακαίνῃ πόλει
συμμαχίδι
κατεστρατοπέδευσεν.
Διονυσίου δὲ ἐπελθόντος
μετὰ τῆς δυνάμεως
παρετάχθησαν, καὶ
γενομένης καρτερᾶς
μάχης ἐνίκησαν οἱ περὶ
Διονύσιον. Καὶ οἱ μὲν
Καρχηδόνιοι πλείους
ὀκτακοσίων ἀποβαλόντες
ἔφυγον εἰς τὴν πόλιν,
Διονύσιος δὲ τότε μὲν εἰς
Συρακούσας ἀνέζευξε,
μετὰ δέ τινας ἡμέρας
ἑκατὸν τριήρεις
πληρώσας ἐστράτευσεν
ἐπὶ Ῥηγίνους.
Ἀπροσδοκήτως δὲ νυκτὸς
ἐπιφανεὶς τῇ πόλει τὰς
πύλας ἐνέπρησε καὶ τοῖς
τείχεσι προσήρεισε
κλίμακας. Οἱ δὲ Ῥηγῖνοι τὸ
μὲν πρῶτον ὀλίγοι
προσβοηθήσαντες
ἐπεχείρουν σβεννύναι τὴν
φλόγα, μετὰ δὲ ταῦτα
Ἑλώριδος τοῦ στρατηγοῦ
παραγενομένου καὶ
συμβουλεύσαντος
τἀναντία πράττειν
ἔσωσαν τὴν πόλιν.
Σβεννύντες μὲν γὰρ τὸ
πῦρ οὐκ ἂν ἴσχυσαν
Διονύσιον κωλῦσαι
εἰσελθεῖν, ὀλίγοι
παντελῶς ὄντες, ἐκ δὲ
τῶν ἐγγὺς οἰκιῶν
ἐνέγκαντες φρύγανα καὶ
ξύλα τὴν φλόγα
κατεσκεύαζον μείζονα,
μέχρι ὅτου τὸ πλῆθος ἐν
τοῖς ὅπλοις ἀθροισθὲν
παρεβοήθησεν.

Διονύσιος δὲ τῆς
ἐπιβολῆς ἀποτυχὼν
ἐπῆλθε τὴν χώραν
ἐμπυρίζων καὶ
δενδροτομῶν, καὶ μετὰ
ταῦτ´ ἐνιαυσίους ἀνοχὰς
ποιησάμενος ἐξέπλευσεν
ἐπὶ Συρακουσῶν.

XCI. Οἱ δὲ τὴν Ἰταλίαν XCI. Les Grecs domiciliés en

κατοικοῦντες Ἕλληνες Italie voyant que Denys faisait


sentir son ambition jusque dans
ἑώρων μὲν μέχρι τῆς
leurs États, conclurent entre eux
ἑαυτῶν χώρας
des traités et instituèrent un
προβαίνουσαν τὴν conseil général. Ils espéraient ainsi
Διονυσίου πλεονεξίαν, se défendre aisément contre Denys
συμμαχίαν δὲ πρὸς et contre leurs voisins les

ἀλλήλους ἐποιήσαντο καὶ Lucaniens avec lesquels ils étaient


alors en guerre.
συνέδριον
ἐγκατεσκεύαζον. Ἤλπιζον Les exilés de Corinthe qui
occupaient le Léchée, favorisés par
γὰρ τὸν Διονύσιον ῥᾳδίως
quelques citoyens qui les
ἀμυνεῖσθαι καὶ τοῖς
introduisirent la nuit dans l'intérieur
παροικοῦσι Λευκανῶν
de leurs murs, entreprirent de
ἀντιτάξεσθαι· καὶ γὰρ s'emparer de la ville. Mais
οὗτοι τότε διεπολέμουν Iphicrate, accourant au secours,
πρὸς αὐτούς. leur tua trois cents hommes et les
força à se réfugier dans le port.
Οἱ δὲ τὸ Λέχαιον τῆς
Quelques jours après, un
Κορινθίας κατέχοντες détachement de Lacédémoniens
φυγάδες νυκτὸς ὑπό τινων traversa le territoire de Corinthe :
εἰσαχθέντες ἐνεχείρησαν Iphicrate, à la tête de quelques

μὲν καταλαμβάνειν τὰ alliés, l'attaqua et l'extermina en


grande partie. Iphicrate prit avec
τείχη, τῶν δὲ μετ´
lui les peltastes (80) et marcha sur
Ἰφικράτους
Phlionte; il livra un combat aux
ἐκβοηθησάντων
habitants qui étaient sortis de leur
τριακοσίους ἐξ αὑτῶν ville, et en tua plus de trois cents
ἀποβαλόντες ἔφυγον ἐπὶ De là il s'avança vers Sicyone; les
τὸν ναύσταθμον. Μετὰ δέ Sicyoniens, rangés en bataille sous

τινας ἡμέρας τῶν les murs de leur ville, perdirent


environ cinq cents hommes et se
Λακεδαιμονίων μέρος τῆς
réfugièrent dans la ville.
στρατιᾶς διῄει διὰ τῆς
XCII. Pendant que ces choses
Κορινθίας χώρας, οἷς
se passaient, les Argiens, accourus
Ἰφικράτης καί τινες τῶν en armes, marchèrent sur Corinthe,

ἐν Κορίνθῳ συμμάχων s'emparèrent de la citadelle, et


s'approprièrent la ville des
ἐπιπεσόντες τοὺς
Corinthiens qu'ils réunirent au
πλείστους ἀνεῖλον.
territoire d'Argos. Iphicrate
Ἰφικράτης δὲ μετὰ τῶν l'Athénien cherchait aussi à
πελταστῶν ἐπὶ Φλιασίαν s'emparer de ce territoire qu'il
στρατεύσας, καὶ μάχην regardait comme avantageux pour

τοῖς ἐκ τῆς πόλεως reconquérir l'empire de la Grèce.


Mais le peuple d'Athènes
συνάψας, τούτων μὲν
s'opposant lui-même à cette
πλείους τριακοσίων
entreprise, Iphicrate résigna le
ἀπέκτεινε· μετὰ δὲ ταῦτα
commandement. Les Athéniens
ἐπὶ Σικυῶνα αὐτοῦ nommèrent à sa place Chabrias
πορευθέντος, οἱ Σικυώνιοι qu'ils firent partir pour Corinthe.
παραταξάμενοι πρὸ τῶν En Macédoine, Amyntas, père
τειχῶν ἀπέβαλον περὶ de Philippe, fut chassé de sa
πεντακοσίους καὶ capitale par les Illyriens qui avaient

συνέφυγον εἰς τὴν πόλιν. envahi la Macédoine; désespérant


de conserver le pouvoir souverain,
[92] Τούτων δὲ il donna aux Olynthiens le territoire
πραχθέντων Ἀργεῖοι μετὰ voisin de leur ville. Il abdiqua alors
τῶν ὅπλων πανδημεὶ la royauté; mais peu de temps

στρατεύσαντες εἰς après il fut ramené par les


Thessaliens, ressaisit la couronne,
Κόρινθον τήν τ´
et régna encore vingt-quatre ans.
ἀκρόπολιν κατελάβοντο
Quelques historiens disent qu'après
καὶ τὴν πόλιν
l'expulsion d'Amyntas, Argée fut
ἐξιδιοποιησάμενοι τὴν pendant deux ans roi des
Κορινθίων χώραν Ἀργείαν Macédoniens, et que ce ne fut
ἐποίησαν. Ἐπεβάλετο δὲ qu'après ce temps qu'Amyntas

καὶ Ἰφικράτης Ἀθηναῖος recouvra son empire.

καταλαβέσθαι τὴν πόλιν, XCIII. A cette même époque,

ἐπιτήδειον οὖσαν εἰς τὴν Satyrus, fils de Spartacus, roi du


Bosphore, mourut après un règne
τῆς Ἑλλάδος ἡγεμονίαν·
de quatorze ans. Son fils Leucon lui
τοῦ δὲ δήμου κωλύσαντος
succéda et régna quarante ans.
οὗτος μὲν ἀπέθετο τὴν
ἀρχήν, οἱ δ´ Ἀθηναῖοι En Italie, les Romains

Χαβρίαν ἀντ´ αὐτοῦ assiégeaient depuis onze ans la


ville de Véies; ils nommèrent
στρατηγὸν εἰς τὴν
dictateur Marcus Furius et maître
Κόρινθον ἐξέπεμψαν.
de la cavalerie Publius Cornélius.
Κατὰ δὲ τὴν Ces deux chefs, â la tête des

Μακεδονίαν Ἀμύντας troupes, firent creuser des fossés

Φιλίππου πατὴρ Ἰλλυριῶν et emportèrent Véies d'assaut; ils


réduisirent la ville en esclavage et
ἐμβαλόντων εἰς
vendirent à l'enchère publique
Μακεδονίαν ἐξέπιπτεν ἐκ
hommes et biens. Le dictateur eut
τῆς χώρας· ἀπογνοὺς δὲ les honneurs du triomphe; le
τὴν ἀρχὴν Ὀλυνθίοις μὲν peuple romain, prélevant un
τὴν σύνεγγυς χώραν dixième du butin, fit fabriquer un

ἐδωρήσατο, αὐτὸς δὲ cratère d'or qui fut déposé dans le


temple de Delphes. Les envoyés
τότε μὲν ἀπέβαλε τὴν
qui portaient cette offrande
βασιλείαν, μετ´ ὀλίγον δὲ
tombèrent entre les mains de
χρόνον ὑπὸ Θετταλῶν
pirates lipariens; ils furent tous
καταχθεὶς ἀνεκτήσατο faits prisonniers et conduits à
τὴν ἀρχήν, καὶ Lipare. Timasithée, chef des

ἐβασίλευσεν ἔτη εἴκοσι Lipariens, informé de cet

τέτταρα.Ἔνιοι δέ φασι événement, sauva la vie aux


envoyés, leur rendit l'or qu'on leur
μετὰ τὴν ἔκπτωσιν τὴν
avait enlevé et les fit conduire à
Ἀμύντου διετῆ χρόνον
Delphes. Ceux-ci, après avoir
Ἀργαῖον βασιλεῦσαι τῶν déposé le cratère dans le trésor des
Μακεδόνων, καὶ τότε τὸν Massiliens, retournèrent à Rome.
Ἀμύνταν ἀνακτήσασθαι Le peuple romain, informé de la

τὴν βασιλείαν. générosité de Timasithée, lui


décerna aussitôt des honneurs et
[93] Περὶ δὲ τὸν αὐτὸν
lui donna le droit d'hospitalité
χρόνον καὶ Σάτυρος publique. Cent trente-sept ans
Σπαρτάκου μὲν υἱός, après cet événement, lorsque les
βασιλεὺς δὲ Βοσπόρου, Romains enlevèrent Lipare aux

ἐτελεύτησεν, ἄρξας ἔτη Carthaginois, ils exemptèrent de


tout tribut les descendants de
τετταράκοντα
Timasithée et les déclarèrent libres.
{τέτταρα}· τὴν ἡγεμονίαν XCIV. L'année étant révolue,

δὲ διεδέξατο υἱὸς Philoclès fut nommé archonte


d'Athènes; les Romains élurent, au
Λεύκων ἐπ´ ἔτη
lieu de consuls, six tribuns
τετταράκοντα.
militaires, Publius Sextus, Céso
Κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν Fabius, Cornélius Crassus, Lucius

Ῥωμαῖοι πολιορκοῦντες Furius, Quintus Servilius et Marcus

ἑνδέκατον ἔτος Βηίους Valérius, et on célébra la XCVIIe


olympiade, dans laquelle Térirès fut
κατέστησαν αὐτοκράτορα
vainqueur à la course du stade
μὲν Μάρκον Φούριον,
(81).
ἵππαρχον δὲ Πόπλιον
Dans ce temps, les Athéniens
Κορνήλιον. Οὗτοι δὲ
nommèrent Thrasybule au
ἀναλαβόντες τὰς commandement de l'armée et le
δυνάμεις Βηίους firent partir avec quarante
ἐξεπολιόρκησαν διώρυγα trirèmes. Ce général se porta sur

κατασκευάσαντες, καὶ τὴν l'Ionie, tira des alliés des secours


en argent, et fit voile pour la
πόλιν ἐξανδραποδισάμενοι
Chersonèse; il y établit sa station,
τούς τε ἄνδρας καὶ τὴν
et engagea dans son alliance
ἄλλην λείαν Médocus et Seuthès, rois des
ἐλαφυροπώλησαν. μὲν Thraces. Quelque temps après, il se
οὖν αὐτοκράτωρ θρίαμβον rendit de l'Hellespont dans l'île de

ἤγαγεν, δὲ τῶν Ῥωμαίων Lesbos, et vint mouiller sur la côte


d'Eressus. Là il fut assailli par des
δῆμος ἐκ τῶν λαφύρων
ouragans qui lui firent perdre vingt-
δεκάτην ἐξελόμενος
trois trirèmes ; avec le reste de la
χρυσοῦν κατεσκεύασε
flotte qui échappa à la tempête, il
κρατῆρα καὶ εἰς Δελφοὺς se dirigea sur les villes de l'île de
ἀνέθηκεν. Οἱ δὲ Lesbos qui, à l'exception de
κομίζοντες αὐτὸν Mitylène, avaient toutes abandonné

πρεσβευταὶ λῃσταῖς l'alliance des Athéniens. Il attaqua


d'abord Méthymne et livra un
Λιπαραίοις περιέπεσον,
combat aux habitants, qui étaient
καὶ πάντες
commandés par Thérimaque le
αἰχμαλωτισθέντες Spartiate. Thrasybule combattit
κατήχθησαν εἰς Λιπάραν. brillamment, tua Thérimaque lui-
Τιμασίθεος δ´ τῶν même ainsi qu'un grand nombre de
Λιπαραίων στρατηγὸς Méthymnéens et refoula les autres

γνοὺς τὸ γεγενημένον, dans leurs murailles. Il ravagea


ensuite le territoire des
τούς τε πρεσβευτὰς
Méthymnéens, s'empara d'Eressus
ἀνέσωσε καὶ τὸ χρυσίον
et d'Antissa qui se rendirent par
ἀποδοὺς εἰς Δελφοὺς τοὺς capitulation. Après ces succès, il
πρέσβεις ἀποκατέστησεν. rassembla les navires alliés que lui
Οἱ δὲ τὸν κρατῆρα avaient fournis les habitants de

κομίζοντες, ἀναθέντες Chio et de Mitylène, et mit à la


voile pour Rhodes.
αὐτὸν εἰς τὸν τῶν
Μασσαλιητῶν θησαυρόν, XCV. Les Carthaginois s'étant
peu à peu relevés des pertes qu'ils
εἰς Ῥώμην ἀνέστρεψαν.
avaient essuyées à Syracuse,
Διόπερ δῆμος τῶν
renouvelèrent leurs prétentions sur
Ῥωμαίων πυθόμενος τὴν
la Sicile. Décidés à tenter le sort
τοῦ Τιμασιθέου des armes, ils mirent en mer un
καλοκἀγαθίαν, παραχρῆμα petit nombre de vaisseaux longs et
αὐτὸν ἐτίμησε δημόσιον levèrent des troupes dans la Libye,

δοὺς κατάλυμα, καὶ μετὰ en Sardaigne et chez les Barbares


de l'Italie. Toutes ces troupes
ταῦτ´ ἔτεσιν ἑκατὸν
furent soigneusement équipées aux
τριάκοντα ἑπτὰ τὴν
frais de l'État et envoyées en Sicile
Λιπάραν ἀφελόμενος τῶν au nombre d'au moins quatre-vingt
Καρχηδονίων τοὺς mille hommes, sous le
ἐγγόνους τοῦ Τιμασιθέου commandement de Magon. Arrivé

τῶν τε εἰσφορῶν ἀτελεῖς en Sicile, ce général parvint à


détacher un grand nombre de villes
ἀφῆκε καὶ ἐλευθέρους
de l'alliance de Denys et établit son
ἐποίησεν.
camp sur le territoire des
[94] Ἐπεὶ δ´ Agyrinéens, au bord du fleuve
ἐνιαύσιος διεληλύθει Chrysas, près de la route qui

χρόνος, Ἀθήνησι μὲν ἦρχε conduit à Morgantine. Car, n'ayant


pu attirer dans son parti les
Φιλοκλῆς, ἐν Ῥώμῃ δὲ τὴν
Agyrinéens, et instruit que l'armée
ὑπατικὴν ἀρχὴν
des Syracusains s'était mise en
μετέλαβον ἓξ χιλίαρχοι, mouvement, il n'avança pas
Πόπλιος καὶ Κορνήλιος, davantage. Denys, qui savait que
Καίσων Φάβιος, Λεύκιος les Carthaginois avaient pris le
Φούριος, Κόιντος chemin de l'intérieur, rassembla

Σερουίλιος, Μάρκος promptement tout ce qu'il put de


soldats syracusains et de
Οὐαλέριος· ἤχθη δὲ καὶ
mercenaires, et se mit en marche à
ὀλυμπιὰς κατὰ τοῦτον τὸν
la tête de plus de vingt mille
ἐνιαυτὸν ἑβδόμη πρὸς hommes. Arrivé en présence de
ταῖς ἐνενήκοντα, καθ´ ἣν l'ennemi, il envoya une députation
ἐνίκα Τερίρης. à Agyris, souverain des
Agyrinéens; c'était alors, après
Κατὰ δὲ τούτους τοὺς
Denys, le tyran le plus puissant de
χρόνους Ἀθηναῖοι
la Sicile car il était maître de
στρατηγὸν ἑλόμενοι presque tous les forts des environs
Θρασύβουλον ἐξέπεμψαν et exerçait l'autorité suprême dans
μετὰ τριήρων la ville des Agyrinéens, qui

τετταράκοντα. Οὗτος δὲ renfermait à cette époque une


population nombreuse, car elle ne
πλεύσας εἰς Ἰωνίαν καὶ
comptait pas moins de vingt mille
χρήματα λαβὼν παρὰ τῶν
habitants. Les plus grandes
συμμάχων ἀνέζευξε, καὶ
richesses accumulées dans cette
διατρίβων περὶ ville avaient été déposées dans la
Χερρόνησον Μήδοκον καὶ citadelle, après qu'Agyris eut fait

Σεύθην τοὺς τῶν Θρᾳκῶν massacrer les citoyens les plus

βασιλεῖς συμμάχους opulents. Cependant Denys,


accompagné de quelques-uns des
ἐποιήσατο. Μετὰ δέ τινα
siens, entra dans l'intérieur des
χρόνον ἐξ Ἑλλησπόντου
murs et engagea Agyris à
πλεύσας εἰς Λέσβον, ἐν τῷ embrasser sincèrement son
παρὰ τὴν Ἔρεσον αἰγιαλῷ alliance, en même temps qu'il lui
καθώρμει. Ἐπιγενομένων promit une grande étendue de

δὲ πνευμάτων μεγάλων territoire limitrophe après que la


guerre serait terminée. Agyris
εἴκοσι μὲν καὶ τρεῖς
fournit d'abord à l'armée de Denys
τριήρεις διεφθάρησαν·
des vivres et d'autres munitions
μετὰ δὲ τῶν λοιπῶν
nécessaires ; puis il mit sur pied
διασωθεὶς ἐπῄει τὰς κατὰ toutes ses troupes, se joignit à
τὴν Λέσβον πόλεις Denys et déclara la guerre aux

προσαγόμενος· Carthaginois.

ἀφειστήκεισαν γὰρ πᾶσαι XCVI. Magon, qui campait dans


πλὴν Μιτυλήνης. Καὶ un pays ennemi et manquait de

πρῶτον μὲν ἐπὶ Μέθυμναν plus en plus de vivres, fut vivement


alarmé : les troupes d'Agyris,
παραγενόμενος ἐπισυνῆψε
connaissant parfaitement le pays,
μάχην τοῖς ἐκ τῆς
vivaient dans l'abondance et
πόλεως, ὧν ἦρχε enlevaient aux ennemis les convois
Θηρίμαχος Σπαρτιάτης. de provisions. Bien que les
Ἀγωνισάμενος δὲ Syracusains fussent d'avis de

λαμπρῶς αὐτόν τε τὸν terminer cette guerre le plus tôt


possible par un combat décisif,
Θηρίμαχον ἀνεῖλε καὶ τῶν
Denys s'y opposa, leur disant qu'ils
Μεθυμναίων οὐκ ὀλίγους,
parviendraient, sans coup férir, à
τοὺς δὲ λοιποὺς
exterminer les Barbares par le
συνέκλεισεν ἐντὸς τῶν temps et la famine. Cependant les
τειχῶν, καὶ τὴν μὲν τῶν Syracusains, irrités, abandonnèrent
Μεθυμναίων χώραν Denys. Celui-ci, craignant pour sa

ἔφθειρε, τὴν δ´ Ἔρεσον personne, appela les esclaves à la


liberté. Quelque temps après, les
καὶ τὴν Ἄντισσαν καθ´
Carthaginois dépêchèrent auprès
ὁμολογίαν παρέλαβεν.
de lui des députés pour traiter des
Μετὰ δὲ ταῦτα παρά τε conditions de paix. Denys accueillit
Χίων καὶ Μιτυληναίων leurs propositions, renvoya les
συμμάχων ἀθροίσας ναῦς esclaves à leurs maîtres, et conclut

ἔπλευσεν ἐπὶ Ῥόδον. avec les Carthaginois un traité de


paix. Les conditions étaient
[95] Καρχηδόνιοι δὲ
semblables à celles du traité
βραδέως ἑαυτοὺς ἐκ τῆς précédent. Les Sicules ainsi que
περὶ Συρακούσας Tauroménium devaient rentrer
συμφορᾶς ἀναλαβόντες, dans l'obéissance de Denys. Après

ἔγνωσαν ἀντέχεσθαι τῶν la stipulation de ce traité, Magon


remit à la voile, Denys occupa
κατὰ Σικελίαν πραγμάτων.
Tauroménium, d'où il chassa la
Κρίναντες δὲ
plupart des Sicules et y établit les
διαγωνίζεσθαι, ναυσὶ μὲν
détachements les plus fidèles de
μακραῖς ὀλίγαις διέβησαν, ses troupes mercenaires. Telle était
δύναμιν δὲ συνήγαγον ἀπό la situation des affaires en Sicile.

τε Λιβύης καὶ Σαρδοῦς, En Italie, les Romains dévastèrent

ἔτι δὲ τῶν ἐξ Ἰταλίας Falisque, capitale du peuple des


βαρβάρων. Πάντας δ´ Falisques.

ἐπιμελῶς καθοπλίσαντες XCVII. L'année étant révolue,


μετὰ τῆς οἰκείας χορηγίας Nicotélès fut nommé archonte

ἐπεραιώθησαν εἰς τὴν d'Athènes, et à Rome, trois tribuns


militaires, Marcus Furius, Caïus
Σικελίαν, οὐκ ἐλάττους
Émilius et Catulus Vérus,
ὄντες τῶν ὀκτὼ
exercèrent l'autorité consulaire
μυριάδων, ὧν ἡγεῖτο (82). A cette époque, les Rhodiens,
Μάγων. Οὗτος μὲν οὖν διὰ partisans des Lacédémoniens,
Σικελῶν πορευθείς, καὶ firent soulever le peuple et

τὰς πλείστας πόλεις expulsèrent de la ville ceux qui


favorisaient le parti des Athéniens.
ἀποστήσας τοῦ Διονυσίου,
Ces derniers coururent aux armes
κατεστρατοπέδευσεν ἐν
et tentèrent de changer la face des
τῇ τῶν Ἀγυριναίων χώρᾳ
affaires ; mais les alliés des
παρὰ τὸν Χρύσαν ποταμὸν Lacédémoniens s'opposèrent à ces
ἐγγὺς τῆς ὁδοῦ τῆς tentatives, tuèrent le plus grand
φερούσης εἰς nombre d'entre eux et proscrivirent

Μοργαντίναν· τοὺς γὰρ ceux qui étaient parvenus à


s'échapper. Ils envoyèrent
Ἀγυριναίους οὐ δυνάμενος
immédiatement des députés à
εἰς συμμαχίαν
Lacédémone pour demander des
προσλαβέσθαι, τῆς εἰς secours dans la crainte que les
τοὔμπροσθεν ἀπέστη troubles ne se renouvelassent. Les
πορείας, ἀκούων τοὺς Lacédémoniens leur envoyèrent

πολεμίους ἐκ Συρακουσῶν sept trirèmes, sous le


commandement de trois chefs,
ὡρμηκέναι. Διονύσιος δὲ
Eudoximus, Philodicus et Diphilas.
πυθόμενος τοὺς
Ceux-ci s'arrêtèrent d'abord à
Καρχηδονίους διὰ τῆς
Samos et détachèrent la ville de
μεσογείου τὴν πορείαν l'alliance des Athéniens, puis ils se
ποιουμένους, ταχὺ rendirent à Rhodes, où ils
συλλέξας οὓς ἠδύνατο rétablirent l'autorité. Les

τῶν Συρακοσίων καὶ τῶν Lacédémoniens, réussissant dans


leurs entreprises, songèrent à
μισθοφόρων ὥρμησε, τοὺς
ressaisir l'empire de la mer ; ils
πάντας ἔχων οὐκ
réunirent une flotte et regagnèrent
ἐλάττους δισμυρίων. bientôt leurs anciens alliés. Ils
Παραγενόμενος δ´ ἐγγὺς croisèrent aussi dans les eaux de

τῶν πολεμίων Samos, de Cnide et de Rhodes,


levèrent partout les meilleurs
διεπρεσβεύσατο πρὸς
soldats de marine et équipèrent
Ἄγυριν τὸν δυναστεύοντα
richement une flotte de vingt-sept
τῶν Ἀγυριναίων. Οὗτος δὲ trirèmes. Cependant Agésilas, roi
τῶν τότε τυράννων τῶν des Lacédémoniens, apprenant que
ἐν Σικελίᾳ μεγίστην εἶχε les Argiens occupaient Corinthe,

δύναμιν μετὰ Διονύσιον· mit sur pied toutes les troupes de


Lacédémone, à l'exception d'un
τῶν τε γὰρ περικειμένων
seul corps ; il entra dans l'Argolide,
ἐρυμάτων σχεδὸν
pilla les propriétés, coupa les
ἁπάντων ἐκυρίευε καὶ τῆς
arbres de la campagne et revint à
πόλεως τῶν Ἀγυριναίων Sparte.
ἦρχε πολυοχλουμένης κατ
XCVIII. Dans l'île de Cypre,
´ ἐκείνους τοὺς καιρούς· Evagoras de Salamine, homme
εἶχε γὰρ πολίτας οὐκ d'une très illustre naissance (il
ἐλάττους δισμυρίων. Ἦν descendait des fondateurs de

δὲ καὶ εἰς τοῦτο τὸ Salamine), qui, par suite d'une


insurrection, avait été obligé
πλῆθος ἐν τῇ πόλει
autrefois de s'exiler, était revenu
συνηθροισμένον
dans l'île et était parvenu, à l'aide
χρημάτων πολλῶν κατὰ d'un petit nombre de partisans, à
τὴν ἀκρόπολιν παράθεσις, chasser de la ville le tyran
ἣν Ἄγυρις ἠθροίκει Abdémon, natif de Tyr et ami du roi

πεφονευκὼς τοὺς des Perses. Evagoras s'étant rendu


maître de la ville, exerça d'abord la
εὐπορωτάτους τῶν
royauté à Salamine, la plus grande
πολιτῶν. Ἀλλ´ Διονύσιος
et la plus puissante des cités de
μετ´ ὀλίγων εἰσελθὼν
Cypre. Bientôt après, en possession
ἐντὸς τοῦ τείχους ἔπεισε de grandes richesses, et maître
τὸν Ἄγυριν συμμαχῆσαι d'une armée, il chercha à
γνησίως, καὶ πολλὴν s'approprier l'île entière. Il prit

ἐπηγγείλατο χώραν τῆς quelques villes par la force, gagna


les autres par la séduction, et enfin
ὁμόρου δωρήσεσθαι
il devint maître de toutes. Mais les
κατορθωθέντος τοῦ
Amathusiens, les Soliens et les
πολέμου. δ´ Ἄγυρις Citiens, qui continuèrent la guerre,
πρῶτον μὲν πάσῃ τῇ avaient envoyé des députations à

Διονυσίου δυνάμει σῖτον Artaxerxès, roi des Perses, pour lui


demander des secours; ils
καὶ τἄλλα ὅσα ἦν χρεία
accusèrent en même temps
προθύμως ἐδωρήσατο, καὶ
Evagoras d'avoir mis à mort le roi
πανδημεὶ τὴν δύναμιν Agyris, allié des Perses, puis ils
ἐξαγαγὼν ἐστράτευσε promirent à Artaxerxès de l'aider à
μετὰ Διονυσίου καὶ κοινῇ se mettre en possession de l'île. Le

πρὸς Καρχηδονίους roi, qui ne voulait pas qu'Évagoras


devînt trop puissant, et qui
διεπολέμει.
comprenait la position avantageuse
[96] Μάγων δ´ ἐν de Cypre pouvant fournir une flotte
πολεμίᾳ χώρᾳ considérable et servir d'avant-poste
στρατοπεδεύων, καὶ τῶν dans la guerre de l'Asie, résolut de

ἀναγκαίων ἐνδεὴς ἀεὶ leur accorder des secours. Il


renvoya donc les députés avec une
μᾶλλον γινόμενος, οὐ
réponse favorable, et écrivit aux
μετρίως ἠλαττοῦτο· καὶ
villes maritimes et aux satrapes de
γὰρ οἱ περὶ τὸν Ἄγυριν
construire des trirèmes, et de hâter
τῆς χώρας ἔμπειροι tous les préparatifs nécessaires à
καθεστῶτες ἐν ταῖς l'équipement d'une flotte. Il

ἐνέδραις ἐπλεονέκτουν chargea Hécatomnus, souverain de

καὶ τὰς ἀγορὰς τῶν la Carie, de déclarer la guerre à


Evagoras. Ce souverain visita
πολεμίων ἀφῃροῦντο.
aussitôt les villes des satrapies
Λεγόντων δὲ τῶν
supérieures et passa, avec une
Συρακοσίων διὰ μάχης armée considérable, en Cypre.
κρίνειν ὡς τάχιστα τὰ Voilà les événements qui se
πράγματα, Διονύσιος passèrent en Asie.

ἠναντιοῦτο λέγων χωρὶς En Italie, les Romains


κινδύνων τῷ χρόνῳ καὶ τῇ conclurent un traité de paix avec

σπάνει καταφθαρήσεσθαι les Falisques ; ils entreprirent une


quatrième guerre contre les Èques
τοὺς βαρβάρους· ἐφ´ οἷς
(83); ils se portèrent sur Sutrium,
παροργισθέντες οἱ
et furent repoussés de la ville de
Συρακόσιοι κατέλιπον τὸν Vérugo.
Διονύσιον. δὲ τὸ μὲν
XCIX. L'année étant révolue,
πρῶτον εὐλαβούμενος ἐπ´
ἐλευθερίαν ἐκάλει τοὺς Démostrate fut nommé archonte

οἰκέτας, μετὰ δὲ ταῦτα d'Athènes, et les Romains élurent


pour consuls Lucius Lucrétius et
διαπρεσβευσαμένων τῶν
Servius Cossus (84). Vers ces
Καρχηδονίων ὑπὲρ
temps, Artaxerxès envoya le
εἰρήνης ὑπακούσας général Struthas, avec une armée,
ἀναπομπίμους τοῖς pour faire la guerre aux
κυρίοις ἐποίησε, πρὸς δὲ Lacédémoniens. Les Spartiates,

τοὺς Καρχηδονίους informés de l'arrivée de Struthas,


firent partir Thimbron à la tête
εἰρήνην ἐποιήσατο. Ἦσαν
d'une armée pour l'Asie. Celui-ci
δ´ αἱ συνθῆκαι τὰ μὲν
s'empara de la place d'Ionde et vint
ἄλλα παραπλήσιαι ταῖς
occuper Coressus, montagne située
πρότερον, Σικελοὺς δὲ à quarante stades d'Ephèse.
δεῖν ὑπὸ Διονύσιον Ensuite, à la tête de huit mille
τετάχθαι καὶ παραλαβεῖν hommes, joints aux troupes levées

αὐτὸν τὸ Ταυρομένιον. en Asie, il ravagea les provinces du


roi. Cependant Struthas, avec une
Μετὰ δὲ τὰς συνθήκας
nombreuse cavalerie de Barbares,
Μάγων μὲν ἀπέπλευσε,
cinq mille hoplites, et plus de vingt
Διονύσιος δὲ παραλαβὼν mille hommes de troupes légères,
τὸ Ταυρομένιον τοὺς μὲν établit son camp à peu de distance
πλείστους τῶν ἐκεῖ de celui des Lacédémoniens. Enfin,

Σικελῶν ἐξέβαλεν, τῶν δ´ il profita du moment où Thimbron


était sorti avec un détachement et
ἰδίων μισθοφόρων τοὺς
allait revenir chargé de butin; il
ἐπιτηδειοτάτους ἐπιλέξας
l'attaqua, lui tua un grand nombre
κατῴκισεν. Καὶ τὰ μὲν
de soldats et fit les autres
κατὰ Σικελίαν ἐν τούτοις prisonniers; un petit nombre de
ἦν, κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν soldats se réfugièrent dans la
Ῥωμαῖοι Φαλίσκον πόλιν forteresse de Cnidium. Cependant,

ἐκ τοῦ Φαλίσκων ἔθνους Thrasybule, général des Athéniens,


s'était porté avec sa flotte sur
ἐξεπόρθησαν.
Aspendus, et avait fait mouiller ses
[97] Τοῦ δ´ ἔτους trirèmes près du fleuve
τούτου διεληλυθότος Eurymédon. Il imposa aux

Ἀθήνησι μὲν ἦν ἄρχων Aspendiens des tributs, mais

Νικοτέλης, ἐν Ῥώμῃ δὲ quelques-uns de ses soldats n'en


τὴν ὑπατικὴν ἀρχὴν dévastèrent pas moins la

διῴκουν χιλίαρχοι τρεῖς, campagne. Les Aspendiens,


indignés de cette injustice,
Μάρκος Φούριος, Γάιος
tombèrent pendant la nuit sur les
Αἰμίλιος. Τούτων δὲ τὴν
Athéniens, et tuèrent Thrasybule et
ἀρχὴν παρειληφότων οἱ quelques autres avec lui. Les
λακωνίζοντες τῶν Ῥοδίων triérarques athéniens, intimidés par
ἐπαναστάντες τῷ δήμῳ cet événement, se rembarquèrent

τοὺς τὰ τῶν Ἀθηναίων à la hâte et gagnèrent les eaux de


Rhodes; mais, comme cette ville
φρονοῦντας ἐξέβαλον ἐκ
avait déjà abandonné l'alliance des
τῆς πόλεως.
Athéniens, les soldats de la flotte
Συνδραμόντων δ´ αὐτῶν
se réunirent aux exilés qui s'étaient
ἐν τοῖς ὅπλοις καὶ rendus maîtres d'un fort, et firent
πειρωμένων ἀντέχεσθαι ensemble la guerre aux habitants
τῶν πραγμάτων, de la ville. Lorsque les Athéniens

ἐπεκράτησαν οἱ apprirent la mort de leur général


Thrasybule, ils envoyèrent Agyris
Λακεδαιμονίοις
pour lui succéder dans le
συμμαχοῦντες, καὶ
commandement. Telle était la
πολλοὺς μὲν ἐφόνευσαν, situation des affaires en Asie.
τοὺς δὲ διαφυγόντας
C. En Sicile, Denys, tyran des
ἐξεκήρυξαν. Εὐθὺς δὲ καὶ Syracusains, cherchait à étendre sa
πρέσβεις ἀπέστειλαν εἰς domination sur les Grecs de l'Italie;
Λακεδαίμονα περὶ cependant il ajourna à un autre

βοηθείας, εὐλαβούμενοι temps l'expédition qu'il avait


projetée contre eux. Il croyait dans
μή τινες τῶν πολιτῶν
ses intérêts de faire d'abord une
νεωτερίσωσιν.
tentative contre la ville de Rhégium
Λακεδαιμόνιοι δ´ αὐτοῖς
qui, par sa position, était la clef de
ἀπέστειλαν ἑπτὰ τριήρεις l'Italie. Il partit donc de Syracuse à
καὶ τοὺς ἀφηγησομένους la tête d'une armée de vingt mille
τῶν πραγμάτων τρεῖς fantassins, de mille cavaliers et de

ἄνδρας, Εὐδόκιμον καὶ cent vingt bâtiments. Il débarqua


ses troupes sur la frontière de la
Φιλόδοκον καὶ Διφίλαν.
Locride ; de là, il continua sa route
Οὗτοι δὲ πρῶτον εἰς
dans l'intérieur des terres,
Σάμον κομισθέντες dévastant le territoire des Rhégiens
ἀπέστησαν τὴν πόλιν par le fer et le feu. La flotte le

Ἀθηναίων, ἔπειτα suivit de l'autre côté de la mer, et il


vint avec toutes ses forces établir
καταπλεύσαντες εἰς
son camp près du détroit.
Ῥόδον τῶν ἐνταῦθα
Cependant les Italiens, informés du
πραγμάτων εἶχον τὴν débarquement de Denys à
ἐπιμέλειαν. Οἱ δὲ Rhégium, firent partir de Crotone
Λακεδαιμόνιοι, soixante navires, s'empressant de

προχωρούντων αὐτοῖς venir au secours des Rhégiens.


Mais pendant que ces navires
τῶν πραγμάτων, ἔγνωσαν
tenaient encore la haute mer,
ἀντέχεσθαι τῆς θαλάττης,
Denys alla à leur rencontre avec
καὶ πάλιν ἐκ τοῦ κατ´
cinquante bâtiments. Les Italiens
ὀλίγον ἐκράτουν τῶν se réfugièrent à terre, Denys les y
συμμάχων ἀθροίσαντες poursuivit et fit arracher les
ναυτικόν. Οὗτοι μὲν οὖν bâtiments attachés au rivage. Les

εἴς τε Σάμον καὶ Κνίδον soixante trirèmes couraient risque


d'être prises par l'ennemi, lorsque
καὶ Ῥόδον κατέπλευσαν,
les Rhégiens, accourus de toutes
καὶ πανταχόθεν ναῦς τε
parts, repoussèrent Denys par une
καὶ τοὺς ἀρίστους grêle de flèches. Le vent soufflant
καταγράφοντες ἐπιβάτας avec violence, les Rhégiens tirèrent
ἐξήρτυον πολυτελῶς leurs vaisseaux à terre, tandis que

τριήρεις εἴκοσιν ἑπτά. Denys, battu par la tempête, perdit


sept bâtiments et au moins quinze
Ἀγησίλαος δ´ τῶν
cents hommes qui les montaient.
Λακεδαιμονίων βασιλεύς,
Les Rhégiens firent prisonniers un
ἀκούων τοὺς Ἀργείους
grand nombre de matelots qui,
περὶ τὴν Κόρινθον avec leurs bâtiments, avaient
διατρίβοντας, ἐξήγαγε échoué sur la côte. Denys lui-
τοὺς Λακεδαιμονίους même, monté sur un bâtiment à

πανδημεὶ πλὴν μιᾶς cinq rangs de rames, avait plus


d'une fois failli être submergé, et
μόρας. Ἐπελθὼν δὲ τὴν
ce ne fut qu'avec beaucoup de
Ἀργείαν πᾶσαν τὰς μὲν
peine qu'il parvint, vers le milieu de
κτήσεις διήρπασεν, τὴν δὲ la nuit, à se réfugier dans le port
χώραν δενδροτομήσας εἰς de Messine. Comme l'hiver
τὴν Σπάρτην ἀπεχώρησεν. approchait déjà, il conclut un traité
[98] Κατὰ δὲ τὴν avec les Lucaniens et reconduisit

Κύπρον Εὐαγόρας ses troupes à Syracuse.

Σαλαμίνιος, ὃς ἦν μὲν
εὐγενέστατος, τῶν γὰρ
κτισάντων τὴν πόλιν ἦν
ἀπόγονος, πεφευγὼς δ´ ἐν
τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις
διά τινας στάσεις, καὶ
μετὰ ταῦτα κατελθὼν μετ
´ ὀλίγων, τὸν μὲν
δυναστεύοντα τῆς πόλεως
Ἀβδήμονα τὸν Τύριον
ἐξέβαλε, φίλον ὄντα τοῦ
Περσῶν βασιλέως, αὐτὸς
δὲ τὴν πόλιν κατασχὼν τὸ
μὲν πρῶτον ἐβασίλευσε
τῆς Σαλαμῖνος, μεγίστης
οὔσης καὶ δυνατωτάτης
τῶν ἐν Κύπρῳ : πόλεων·
ταχὺ δὲ χρημάτων
{πλῆθος} πολλῶν
εὐπορήσας καὶ δύναμιν
προχειρισάμενος
ἐπεχείρησεν ἅπασαν τὴν
νῆσον σφετερίσασθαι. Τῶν
δὲ πόλεων ἃς μὲν βίᾳ
χειρωσάμενος, ἃς δὲ
πειθοῖ προσλαβόμενος,
τῶν μὲν ἄλλων πόλεων
ταχὺ τὴν ἡγεμονίαν
παρέλαβεν, Ἀμαθούσιοι δὲ
καὶ Σόλιοι καὶ Κιτιεῖς
ἀντέχοντες τῷ πολέμῳ
πρέσβεις ἀπέστειλαν πρὸς
Ἀρταξέρξην τὸν τῶν
Περσῶν βασιλέα περὶ
βοηθείας· καὶ τοῦ μὲν
Εὐαγόρου κατηγόρουν, ὅτι
τὸν Ἄγυριν βασιλέα
σύμμαχον ὄντα Περσῶν
ἀνεῖλε, τὴν δὲ νῆσον
ὡμολόγησαν αὐτῷ
συγκατακτήσασθαι. δὲ
βασιλεύς, οὐ βουλόμενος
ἅμα μὲν τὸν Εὐαγόραν ἐπὶ
πλεῖον προκόπτειν, ἅμα δὲ
διανοούμενος τὴν Κύπρον
εὐφυῶς εἶναι κειμένην καὶ
ναυτικὴν δύναμιν
{δύνασθαι} μεγάλην
ἔχειν, δυνήσεται
προπολεμεῖν τῆς Ἀσίας,
ἔκρινε συμμαχεῖν, καὶ
τούτους μὲν ἐξέπεμψεν,
αὐτὸς δὲ πρὸς μὲν τὰς
ἐπιθαλαττίους πόλεις καὶ
τοὺς ἀφηγουμένους τῶν
πόλεων σατράπας ἔπεμψεν
ἐπιστολὰς ναυπηγεῖσθαι
τριήρεις καὶ τὰ πρὸς τὸν
στόλον χρήσιμα ὄντα
κατὰ σπουδὴν
παρασκευάζεσθαι,
Ἑκατόμνῳ δὲ τῷ Καρίας
δυνάστῃ προσέταξε
πολεμεῖν τῷ Εὐαγόρᾳ.
Οὗτος δὲ τὰς ἐν ταῖς ἄνω
σατραπείαις πόλεις
ἐπιπορευόμενος μεγάλαις
δυνάμεσι διαβαίνει εἰς τὴν
Κύπρον. Τὰ μὲν οὖν κατὰ
τὴν Ἀσίαν ἐν τούτοις ἦν,

κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν


Ῥωμαῖοι πρὸς Φαλίσκους
εἰρήνην ποιησάμενοι, πρὸς
δὲ Αἰκίκλους πόλεμον τὸ
τέταρτον, καὶ Σούτριον
μὲν ᾤκισαν, ἐκ δὲ
Οὐερρηγῖνος πόλεως ὑπὸ
τῶν πολεμίων
ἐξεβλήθησαν.

[99] Τοῦ δ´ ἔτους


τούτου διεληλυθότος
Ἀθήνησι μὲν ἦρχε
Δημόστρατος, ἐν Ῥώμῃ δ´
ὕπατοι τὴν ἀρχὴν
παρειλήφεισαν Λεύκιος
Λουκρήτιος καὶ
Σερουίλιος. Κατὰ δὲ
τούτους τοὺς χρόνους
Ἀρταξέρξης μὲν Στρούθαν
στρατηγὸν κατέπεμψεν
ἐπὶ θάλατταν μετὰ
δυνάμεως Λακεδαιμονίοις
πολεμήσοντα, Σπαρτιᾶται
δὲ τὴν παρουσίαν αὐτοῦ
πυθόμενοι Θίβρωνα
στρατηγὸν εἰς τὴν Ἀσίαν
ἐξέπεμψαν. Ὃς
κατελάβετο χωρίον Ἴονδα
καὶ Κόρησσον ὄρος
ὑψηλόν, τῆς Ἐφέσου
ἀπέχον σταδίους
τετταράκοντα. Οὗτος μὲν
οὖν ὀκτακισχιλίους ἔχων
στρατιώτας σὺν τοῖς
κατὰ τὴν Ἀσίαν
ἀθροισθεῖσιν ἐπῄει τὴν
τοῦ βασιλέως χώραν
φθείρων, Στρούθας δὲ σὺν
ἵππῳ τε βαρβαρικῇ πολλῇ
καὶ στρατιώταις ὁπλίταις
μὲν πεντακισχιλίοις,
ψιλοῖς δὲ πλείοσι
δισμυρίων, οὐ μακρὰν τῶν
Λακεδαιμονίων
κατεστρατοπέδευσεν.
Τέλος δὲ τοῦ Θίβρωνος
μετὰ μέρους τῆς
δυνάμεως ἐξελθόντος καὶ
πολλὴν περιβαλομένου
λείαν, ἐπελθὼν Στρούθας
τόν τε Θίβρωνα
μαχόμενον ἀνεῖλε, καὶ τῶν
στρατιωτῶν τοὺς μὲν
πλείστους ἀπέκτεινε, τοὺς
δ´ ἐζώγρησεν, ὀλίγοι δ´
εἰς τὸ Κνιδίνιον φρούριον
διεσώθησαν.
Θρασύβουλος δ´ τῶν
Ἀθηναίων στρατηγὸς ἐκ
τῆς Λέσβου κομιζόμενος
μετὰ τοῦ στόλου πρὸς
Ἄσπενδον, ὥρμισε τὰς
τριήρεις εἰς τὸν
Εὐρυμέδοντα ποταμόν.
Χρήματα δ´ εἰληφότος
αὐτοῦ παρὰ τῶν
Ἀσπενδίων, ὅμως τινὲς
τῶν στρατιωτῶν ἐδῄωσαν
τὴν χώραν. Γενομένης δὲ
νυκτὸς οἱ μὲν Ἀσπένδιοι
χαλεπῶς ἐνεγκόντες ἐπὶ
τοῖς ἀδικήμασιν ἐπέθεντο
τοῖς Ἀθηναίοις καὶ τόν τε
Θρασύβουλον καί τινας
τῶν ἄλλων ἀνεῖλαν· οἱ δὲ
τῶν Ἀθηναίων τριήραρχοι
περιδεεῖς γενόμενοι καὶ
ταχὺ πληρώσαντες τὰς
ναῦς, εἰς Ῥόδον
ἐξέπλευσαν. Ἀφεστηκυίας
δὲ τῆς πόλεως, καὶ τῶν
φυγάδων φρούριόν τι
κατειληφότων, μετὰ
τούτων διεπολέμουν πρὸς
τοὺς κατὰ τὴν πόλιν. Οἱ δ
´ Ἀθηναῖοι πυθόμενοι τὴν
Θρασυβούλου τοῦ
στρατηγοῦ τελευτήν,
Ἀγύριον στρατηγὸν
ἐξέπεμψαν. Τὰ μὲν οὖν
κατὰ τὴν Ἀσίαν ἐν τούτοις
ἦν.
[100] Κατὰ δὲ τὴν
Σικελίαν τῶν
Συρακοσίων τύραννος
Διονύσιος σπεύδων τῇ
κατὰ τὴν νῆσον δυναστείᾳ
καὶ τοὺς κατ´ Ἰταλίαν
Ἕλληνας προσλαβέσθαι,
τὴν μὲν ἐπ´ ἐκείνους
κοινὴν στρατείαν εἰς
ἕτερον καιρὸν ἀνεβάλετο,
κρίνας δὲ συμφέρειν
ἐπιχειρεῖν πρώτῃ τῇ τῶν
Ῥηγίνων πόλει διὰ τὸ
προπολεμητήριον αὐτὴν
εἶναι τῆς Ἰταλίας,
ὥρμησεν ἐκ Συρακουσῶν
μετὰ τῆς δυνάμεως. Εἶχε
δὲ πεζοὺς μὲν δισμυρίους,
ἱππεῖς δὲ χιλίους, ναῦς δ´
ἑκατὸν εἴκοσι. Περαιώσας
δὲ τὴν δύναμιν ἐπὶ τοὺς
ὅρους τῆς Λοκρίδος,
ἐκεῖθεν διὰ τῆς μεσογείου
τὴν πορείαν ἐποιεῖτο,
τέμνων καὶ πυρπολῶν τὴν
τῶν Ῥηγίνων χώραν·
συμπαρέπλευσε δὲ καὶ
στόλος ἐπὶ θάτερα μέρη
τῆς θαλάττης, καὶ πάσῃ
τῇ δυνάμει περὶ τὸν
πορθμὸν
κατεστρατοπέδευσεν. Οἱ δ
´ Ἰταλοὶ πυθόμενοι τὴν
τοῦ Διονυσίου διάβασιν
ἐπὶ τὸ Ῥήγιον, ἀπέστειλαν
ἐκ Κρότωνος ναῦς
ἑξήκοντα, σπεύδοντες
παραδοῦναι τοῖς Ῥηγίνοις.
Μετεώρων δὲ πλεουσῶν
αὐτῶν Διονύσιος
πεντήκοντα ναῦς ἔχων
ἐπέπλευσε, καὶ φυγόντων
αὐτῶν ἐπὶ τὴν γῆν οὐδὲν
ἧττον ἐπέκειτο, καὶ
συνδήσας ἀπέσπα τὰς
παρορμούσας ἐν τῇ γῇ.
Κινδυνευουσῶν δὲ τῶν
ἑξήκοντα τριήρων ἁλῶναι
Ῥηγῖνοι πανδημεὶ
παρεβοήθησαν, καὶ ἀπὸ
τῆς γῆς τῷ πλήθει τῶν
βελῶν ἀνεῖρξαν τὸν
Διονύσιον. Ἐπιγενομένων
δὲ πνευμάτων μεγάλων οἱ
μὲν Ῥηγῖνοι τὰς ναῦς
ἀνείλκυσαν ἐπὶ τὴν γῆν,
Διονύσιος δ´ ἰσχυρῶς
χειμασθεὶς ἑπτὰ ναῦς
ἀπώλεσε καὶ σὺν αὐταῖς
ἄνδρας οὐκ ἐλάττους
χιλίων πεντακοσίων.
Τούτων δ´ ἅμα ταῖς
ναυσὶν ἐκβρασθέντων ἐπὶ
τὴν Ῥηγίνην, οἱ Ῥηγῖνοι
πολλοὺς τῶν ναυτῶν
ἐζώγρησαν. Διονύσιος δ´
ἐπὶ πεντήρους πλέων, καὶ
πολλάκις παρ´ ὀλίγον
ἐλθὼν ὑποβρύχιος, μόγις
περὶ μέσας νύκτας εἰς τὸν
ἐν Μεσσήνῃ λιμένα
κατέφυγεν. Ἤδη δὲ καὶ
τῆς χειμερινῆς ὥρας
ἐνισταμένης οὗτος μὲν
πρὸς Λευκανοὺς
συμμαχίαν ποιησάμενος
ἀπήγαγε τὰς δυνάμεις εἰς
Συρακούσας.

[101] μετὰ δὲ ταῦτα CI. Quelque temps après, les

Λευκανῶν τὴν Θουρίαν Lucaniens envahirent le territoire


de Thurium. Les Thuriens avertirent
καταδραμόντων οἱ
leurs alliés de venir promptement à
Θούριοι παρήγγειλαν τοῖς
leur défense; car les villes grecques
συμμάχοις κατὰ τάχος de l'Italie avaient stipulé entre elles
ἀπαντᾶν μετὰ τῶν ὅπλων· qu'elles se prêteraient toutes un
αἱ γὰρ κατὰ τὴν Ἰταλίαν mutuel secours dès que leur

Ἑλληνίδες πόλεις ἐν {τε} territoire serait violé par les


Lucaniens, et que si une ville
ταῖς συνθήκαις εἶχον
manquait à cet engagement, on
οὕτως, ἵν´ ἥτις ἂν ὑπὸ
punirait de mort les chefs
τῶν Λευκανῶν λεηλατηθῇ
militaires.
χώρα, πρὸς ταύτην
Ainsi, dès que les courriers des
ἅπαντες παραβοηθῶσιν·
Thuriens eurent répandu la
ἧς δ´ ἂν πόλεως μὴ nouvelle de l'arrivée des ennemis,
καταστῇ τὸ στρατόπεδον toutes les villes se préparèrent à se
ἐπὶ τὴν βοήθειαν, mettre en campagne. Les Thuriens,

τεθνάναι τοὺς ἐκείνης τῆς entraînés par leur ardeur, se


levèrent les premiers, et, sans
πόλεως στρατηγούς.
attendre l'arrivée de leurs
Διόπερ τῶν Θουρίων nombreux alliés, marchèrent contre
τοὺς βιβλιαφόρους les Lucaniens avec une armée de
plus de quatorze mille hommes
ἀποστειλάντων ἐπὶ τὰς d'infanterie et de près de mille

πόλεις πρὸς τὴν τῶν cavaliers. A leur approche, les


Lucaniens se retirèrent dans leur
πολεμίων παρουσίαν,
pays; mais les Thuriens envahirent
ἅπαντες παρεσκευάζοντο
à leur tour la Lucanie, s'emparèrent
πρὸς τὴν ἀνάζευξιν. Αὐτοὶ d'une forteresse et firent beaucoup
δὲ προεξαναστάντες ταῖς de butin dont l'appât leur devint
ὁρμαῖς καὶ τὸ τῶν funeste. Car, encouragés par ce

συμμάχων πλῆθος οὐκ succès, ils s'engagèrent


imprudemment dans des défilés et
ἀναμείναντες, ἀνέζευξαν
des chemins semés de précipices,
ἐπὶ τοὺς Λευκανούς,
dans l'intention de se rendre
ἔχοντες πεζοὺς μὲν
maîtres d'un peuple et d'une ville
πλείους τῶν μυρίων très riches. Parvenus dans une
τετρακισχιλίων, ἱππεῖς δὲ plaine entourée de montagnes
σχεδὸν χιλίους. Καὶ escarpées, ils furent assaillis par

Λευκανοὶ μὲν ἀκούσαντες toute l'armée lucanienne qui leur


ôta l'espoir de jamais revoir leur
τὴν τῶν πολεμίων ἔφοδον
patrie. L'apparition subite des
ἀπεχώρησαν εἰς τὴν ἰδίαν
ennemis sur ces hauteurs frappa
χώραν· οἱ δὲ Θούριοι κατὰ d'épouvante les Grecs, qui
σπουδὴν ἐμβαλόντες εἰς n'auraient jamais cru que ces lieux
τὴν Λευκανίαν, τὸ μὲν fussent accessibles à une armée

πρῶτον φρούριον ἐξεῖλον, aussi considérable, car les


Lucaniens avaient trente mille
καὶ πολλῆς ὠφελείας
hommes d'infanterie et au moins
κυριεύσαντες καθαπερεὶ
quatre mille cavaliers.
δέλεαρ ἔλαβον τῆς
CII. Pendant que les Grecs
ἑαυτῶν ἀπωλείας.
désespéraient de leur salut, les
Φρονηματισθέντες γὰρ
Barbares descendirent dans la
ἐπὶ τῷ προτερήματι plaine; il se livra un combat dans
καταπεφρονηκότως διά lequel les Italiotes, accablés par le
τινων στενῶν καὶ nombre des Lucaniens, perdirent

ἀποκρήμνων ὁδῶν plus de dix mille hommes, car les


Lucaniens avaient ordre de ne faire
ἐπορεύθησαν, βουλόμενοι
aucun quartier. Le reste de l'armée
Λᾶον πόλιν εὐδαίμονα
vaincue se sauva sur une hauteur
πολιορκῆσαι. Ἐπειδὴ δὲ voisine de la mer; d'autres,
παρεγενήθησαν εἴς τι apercevant quelques vaisseaux

πεδίον κύκλῳ λόφοις longs et croyant que ces vaisseaux


appartenaient aux Rhégiens, se
ὑψηλοῖς καὶ κρημνοῖς
jetèrent à la mer et atteignirent les
περιειλημμένον, ἐνταῦθα
trirèmes à la nage. Mais c'était la
οἱ Λευκανοὶ πάσῃ τῇ flotte de Denys que le tyran avait
δυνάμει διέκλεισαν envoyée sous les ordres de Leptine,
αὐτοὺς τῆς ἐπὶ τὰς son frère, au secours des

πατρίδας ἐπανόδου. Lucaniens. Cependant Leptine


accueillit humainement ceux qui
Παράδοξον δ´ ἐπὶ τῷ
s'étaient ainsi sauvés à la nage ; il
λόφῳ {καὶ φανερὰν}
les remit à terre et engagea les
ποιήσαντες τὴν ἑαυτῶν
Lucaniens à se contenter d'une
ἐπιφάνειαν ἐξέπληξαν mine d'argent pour chaque tête de
τοὺς Ἕλληνας διά τε τὸ prisonnier, et les prisonniers
μέγεθος τοῦ στρατοπέδου étaient au nombre de plus de mille.

καὶ τὴν τῶν τόπων Il se porta lui-même leur garant,


s'entremit pour réconcilier les
δυσχωρίαν· εἶχον γὰρ
Italiotes avec les Lucaniens, et les
Λευκανοὶ τότε πεζοὺς μὲν
amena à faire la paix.
τρισμυρίους, ἱππεῖς δ´ οὐκ
Cette conduite lui concilia une
ἐλάττους
grande estime auprès des Italiotes
τετρακισχιλίων. pour lesquels la fin de cette guerre

[102] Τῶν δ´ Ἑλλήνων était avantageuse, tandis qu'elle


était contraire aux intérêts de
ἀνελπίστως τηλικούτῳ
Denys, car celui-ci se flattait que
περιεχομένων κινδύνῳ,
les hostilités entretenues entre les
κατέβαινον εἰς τὸ πεδίον
Italiotes et les Lucaniens le
οἱ βάρβαροι. Γενομένης δὲ rendraient aisément maître de
παρατάξεως, καὶ τῶν l'Italie, ce qu'il ne pouvait guère
Ἰταλιωτῶν espérer lorsque les hostilités

καταπολεμηθέντων ὑπὸ auraient cessé. C'est pourquoi il ôta


à Leptine le commandement de la
τοῦ πλήθους τῶν
flotte et nomma à sa place
Λευκανῶν, ἔπεσον μὲν
Théaride, son autre frère.
πλείους τῶν μυρίων·
Pendant que ces événements
παρήγγελλον γὰρ οἱ
se passaient, les Romains se
Λευκανοὶ μηθένα ζωγρεῖν·
τῶν δὲ λοιπῶν οἱ μὲν ἐπί partagèrent le territoire de Véies,

τινα πρὸς τῇ θαλάσσῃ de manière que chaque citoyen en


eut quatre plèthres (85), ou, selon
λόφον ἔφυγον, οἱ δὲ
d'autres, vingt-huit. Dans la guerre
θεωροῦντες ναῦς μακρὰς
qu'ils firent aux Èques ils prirent
προσπλεούσας καὶ d'assaut la ville de Liphlum (86) ;
νομίζοντες τὰς τῶν ils attaquèrent les habitants de
Ῥηγίνων εἶναι, συνέφυγον Vélétri qui s'étaient révoltés.

εἰς τὴν θάλασσαν καὶ Satricum s'était aussi détaché de


l'alliance des Romains. Enfin les
διενήχοντο ἐπὶ τὰς
Romains envoyèrent une colonie à
τριήρεις. Ἦν δὲ στόλος
Cercies (87).
προσπλέων Διονυσίου τοῦ
CIII. L'année étant révolue,
τυράννου, καὶ ναύαρχος
Antipater fut nommé archonte
ὑπῆρχεν αὐτῷ Λεπτίνης
d'Athènes, et les Romains élurent
ἀδελφός, ἀπεσταλμένος pour consuls Lucius Valérius et
τοῖς Λευκανοῖς ἐπὶ Aulus Manlius (88). A cette époque,
βοήθειαν. μὲν οὖν Denys, souverain des Syracusains,

Λεπτίνης δεξάμενος annonça ouvertement l'expédition


qu'il allait entreprendre contre
φιλανθρώπως τοὺς
l'Italie, et quitta Syracuse avec la
νηχομένους ὡς ἐπὶ τὴν
plupart de ses troupes ; il avait
γῆν ἀπεβίβασε καὶ ἔπεισε sous ses ordres plus de vingt mille
τοὺς Λευκανοὺς ὑπὲρ hommes d'infanterie, et environ
ἑκάστου τῶν αἰχμαλώτων trois mille cavaliers. Il mit en mer

λαβεῖν ἀργυρίου μνᾶν· quarante vaisseaux longs et plus de


trois cents bâtiments chargés de
οὗτοι δ´ ἦσαν τὸν ἀριθμὸν
provisions. Cinq jours après son
ὑπὲρ τοὺς χιλίους.
départ il arriva à Messine ; il y fit
Γενόμενος δὲ τῶν
reposer ses troupes et détacha
χρημάτων ἐγγυητὴς καὶ Théaride, son frère, avec trente
διαλλάξας τοὺς navires pour bloquer les îles des
Ἰταλιώτας τοῖς Λευκανοῖς Lipariens ; car il avait appris que

ἔπεισεν εἰρήνην les Rhégiens y avaient une station


de dix bâtiments. Théaride mit à la
ποιήσασθαι, καὶ μεγάλης
voile, attaqua dans une position
ἀποδοχῆς ἔτυχε παρὰ τοῖς
avantageuse la petite flotte des
Ἰταλιώταις, συμφερόντως Rhégiens, prit les bâtiments avec
αὑτῷ, οὐ λυσιτελῶς δὲ tout leur équipage, et revint

Διονυσίῳ συντεθεικὼς τὸν promptement à Messine auprès de


Denys. Celui-ci fit mettre les
πόλεμον.
prisonniers aux fers et en confia la
Ἤλπιζε γὰρ garde aux Messiniens. Quant à lui,
Διονύσιος τῶν Ἰταλιωτῶν il passa le détroit, débarqua ses

πολεμούντων πρὸς troupes à Caulonia, qu'il investit de

Λευκανοὺς ἐπελθὼν toutes parts ; il dressa ses


machines de guerre contre la ville
ῥᾳδίως ἂν κρατῆσαι τῶν
et lui livra de fréquents assauts.
κατ´ Ἰταλίαν πραγμάτων,
Lorsque les Grecs d'Italie apprirent
ἀπολελυμένων δὲ que les troupes de Denys avaient
τηλικούτου πολέμου passé le détroit qui les séparait
δυσχερῶς ἂν d'eux, ils rassemblèrent aussi une

περιγενέσθαι. Διόπερ armée. Comme Crotone était une


ville très populeuse qui renfermait
τοῦτον μὲν ἀπήλλαξε τῆς
un très grand nombre de réfugiés
ναυαρχίας, Θεαρίδην δὲ
syracusains, on confia à ces
τὸν ἕτερον ἀδελφὸν
derniers la conduite de la guerre.
ἡγεμόνα τοῦ στόλου Après que les Crotoniates eurent
κατέστησεν. réuni de tous côtés des troupes, ils
désignèrent, pour les commander,
Τούτων δὲ
Héloris le Syracusain. Banni par
πραχθέντων Ῥωμαῖοι τὴν
Denys, et renommé pour son esprit
τῶν Οὐεξίων χώραν hardi et entreprenant, ce général
κατεκληρούχησαν, κατ´ devait faire une guerre implacable
ἄνδρα δόντες πλέθρα au tyran, qui lui était odieux.

τέτταρα, ὡς δέ τινες, Lorsque tous les alliés furent


arrivés à Crotone, Héloris organisa
εἴκοσι ὀκτώ· καὶ πρὸς μὲν
l'armée selon ses vues, et la dirigea
Αἰκούσους
sur Caulonia. Il se flattait que son
διαπολεμοῦντες Λίφλον
apparition ferait lever le siége en
πόλιν κατὰ κράτος εἷλον, même temps qu'il aurait à
Οὐελιτρίνων δ´ combattre un ennemi fatigué par
ἀποστάντων πόλεμον des assauts journaliers. Héloris

πρὸς αὐτοὺς avait en tout vingt-cinq mille


fantassins, et environ deux mille
ἐνεστήσαντο. Ἀπέστη δὲ
cavaliers.
καὶ Σάτρικον ἀπὸ CIV. Ces troupes avaient déjà

Ῥωμαίων, καὶ εἰς Κερκίους franchi la plus grande partie de la


distance de Crotone à Caulonia, et
ἀποικίαν ἀπέστειλαν.
étaient venues camper sur les
[103] Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου bords du fleuve Hélorus, lorsque
χρόνου διεληλυθότος Denys quitta la ville qu'il assiégeait

Ἀθήνησι μὲν ἦρχεν et marcha à la rencontre des

Ἀντίπατρος, ἐν δὲ τῇ Italiotes. Héloris s'était de son côté


porté en avant avec cinq cents
Ῥώμῃ τὴν ὑπατικὴν ἀρχὴν
hommes d'élite. Denys était alors
διῴκουν Λεύκιος
campé à quarante stades de
Οὐαλέριος καὶ Αὖλος l'ennemi; averti par quelques
Μάλλιος. Περὶ δὲ τούτους éclaireurs de l'approche des Grecs,
τοὺς χρόνους Διονύσιος il réveilla son armée avant le jour

τῶν Συρακοσίων et la fit marcher en avant. Dès la


pointe du jour, il se trouva en
δυνάστης φανερῶς
présence du petit détachement
ἑαυτὸν ἀναδείξας ἐπὶ τὴν
d'Héloris, qu'il attaqua soudain en
Ἰταλίαν στρατευσόμενον,
bon ordre, ne laissant pas à
μετὰ πλείστης δυνάμεως l'ennemi le temps de se
ὥρμησεν ἀπὸ reconnaître. Malgré cette position

Συρακουσῶν. Εἶχε δὲ critique, Héloris soutint le choc ; il

πεζοὺς μὲν πλείους τῶν dépêcha quelques-uns de ses amis


au camp avec l'ordre de hâter la
δισμυρίων, ἱππεῖς δὲ περὶ
marche de l'armée. Cet ordre fut
τρισχιλίους, ναῦς δὲ
promptement exécuté; les Italiotes,
μακρὰς μὲν apprenant que le général avec son
τεσσαράκοντα, τὰς δὲ τὸν détachement était en danger,
σῖτον κομιζούσας οὐκ accoururent à perte d'haleine à son

ἐλάττους τριακοσίων. secours; mais Denys, qui avec son


armée compacte avait déjà
Πεμπταῖος δὲ κατανύσας
enveloppé le corps ennemi, passa
εἰς τὴν Μεσσήνην, αὐτὸς
au fil de l'épée Héloris et presque
μὲν ἐν τῇ πόλει τὴν
tous ses soldats qui s'étaient
δύναμιν ἀνελάμβανε, bravement défendus. Les Italiotes,
Θεαρίδην δὲ τὸν ἀδελφὸν qui étaient accourus à la hâte et en

ἐπὶ τὰς Λιπαραίων νήσους désordre, furent facilement défaits

ἀπέστειλε μετὰ νεῶν par les Siciliens qui avaient gardé


τριάκοντα· πεπυσμένος leurs rangs. Cependant les Grecs

γὰρ ἦν δέκα ναῦς τῶν d'Italie soutinrent le combat


pendant quelque temps, bien qu'ils
Ῥηγίνων περὶ ἐκείνους
eussent perdu beaucoup de monde.
τοὺς τόπους οὔσας. δὲ
Mais, la nouvelle de la mort de leur
Θεαρίδης ἐκπλεύσας καὶ général achevant de mettre la
καταλαβὼν τὴν Ῥηγίνων confusion dans leurs rangs, ils
δεκαναΐαν ἔν τισιν perdirent courage et se livrèrent à

εὐθέτοις τόποις, la fuite.

αὐτάνδρων τῶν σκαφῶν CV. Après avoir laissé

ἐκυρίευσε καὶ ταχέως εἰς beaucoup de morts sur le champ de


bataille, le débris de l'armée se
Μεσσήνην πρὸς Διονύσιον
réfugia sur une hauteur bien située
ἐπέστρεψε. Διονύσιος δὲ
pour la défense, mais privée d'eau
τοὺς αἰχμαλώτους εἰς
et pouvant être aussi gardée à vue
δεσμὰ καταθέμενος τοῖς par les ennemis. En effet, Denys
Μεσσηνίοις ἔδωκε l'investit et tint ses troupes sous les
φυλάττειν, αὐτὸς δὲ armes tout le jour et la nuit

περαιώσας τὴν δύναμιν suivante, s'assurant lui-même


soigneusement de la vigilance des
εἰς Καυλωνίαν
postes. Le lendemain, les ennemis
περιεστρατοπέδευσε τὴν
réfugiés sur la hauteur eurent
πόλιν, καὶ τὰς μηχανὰς beaucoup à souffrir de la chaleur et
προσερείσας πυκνὰς du manque d'eau. Ils envoyèrent
προσβολὰς ἐποιεῖτο. Οἱ δὲ donc des parlementaires à Denys

κατὰ τὴν Ἰταλίαν Ἕλληνες pour lui offrir leur rançon ; mais
celui-ci, qui ne savait pas se
ὡς ἐπύθοντο τὰς τοῦ
modérer dans ses succès, ordonna
Διονυσίου δυνάμεις
qu'ils missent bas les armes et se
περαιουμένας τὸν
rendissent à discrétion. Comme ces
διείργοντα πορθμόν, καὶ conditions étaient dures, les Grecs
αὐτοὶ στρατόπεδα supportèrent encore quelque temps
συνήθροιζον. Τῆς δὲ τῶν leurs maux; mais enfin, contraints

Κροτωνιατῶν πόλεως par les besoins physiques, ils se


rendirent vers la huitième heure,
μάλιστα πολυοχλουμένης
ayant le corps tout épuisé de
καὶ πλείστους ἐχούσης
souffrance. Denys, prenant une
Συρακοσίους φυγάδας, baguette et frappant sur la colline
τούτοις τὴν ἡγεμονίαν (89), compta tous les prisonniers à

τοῦ πολέμου παρέδωκαν· mesure qu'ils en descendaient; ils


étaient au nombre de plus de dix
οἱ δὲ Κροτωνιᾶται τὰς
mille. Ils s'attendaient tous à être
πανταχόθεν δυνάμεις
traités avec cruauté. Mais Denys se
ἀθροίσαντες στρατηγὸν montra au contraire très humain ;
Ἕλωριν τὸν Συρακόσιον car il relâcha tous ces prisonniers
εἵλοντο. Οὗτος δὲ sans rançon, conclut avec la

πεφευγὼς Διονύσιον καὶ plupart des villes un traité de paix


et les laissa se gouverner par leurs
δοκῶν τόλμαν ἔχειν
propres lois. Pour cette conduite, il
ἔμπρακτον, πιστότατα
reçut des louanges de tous ceux à
πρὸς τὸν τύραννον
qui il avait fait du bien; on lui
πολεμήσειν διὰ τὸ μῖσος envoya des couronnes d'or, en un
ὑπείληπτο. Ὡς δὲ πάντες mot, on regarda cet acte de
οἱ σύμμαχοι générosité comme le plus beau

παρεγενήθησαν εἰς trait de sa vie.

Κρότωνα, {καὶ} κατὰ τὴν CVI. Denys se porta ensuite

ἑαυτοῦ προαίρεσιν sur Rhégium, dont il s'apprêtait à


faire le siége; car il n'avait point
Ἕλωρις διατάξας ὥρμησε
oublié l'affront que lui avaient fait
μετὰ πάσης τῆς δυνάμεως
les Rhégiens en lui refusant une de
ἐπὶ Καυλωνίας· ἅμα γὰρ leurs citoyennes en mariage. Les
ἐνόμιζεν ἐπιφανεὶς λύσειν Rhégiens conçurent de vives
τὴν πολιορκίαν, ἅμα δὲ inquiétudes, car ils étaient sans

καταπεπονημένους τοὺς alliés et n'avaient sur pied que des


forces peu considérables; de plus,
πολεμίους ὑπὸ τῶν καθ´
ils savaient que si leur ville était
ἡμέραν προσβολῶν
prise, le vainqueur n'aurait pour
διαγωνιεῖσθαι. Εἶχε δὲ
eux aucune pitié. Ils résolurent
τοὺς ἅπαντας πεζοὺς μὲν donc de dépêcher auprès de lui des
περὶ δισμυρίους députés pour le supplier d'en user
πεντακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ modérément envers eux, et de

περὶ δισχιλίους. vouloir bien prendre conseil des


sentiments de l'humanité. Denys
[104] Διανυσάντων δ´ exigea une contribution de trois
αὐτῶν τὸ πλεῖστον τῆς cents talents, se fit livrer tous leurs
ὁδοῦ καὶ bâtiments, au nombre de soixante-
στρατοπεδευσάντων πρὸς dix, et se fit donner cent otages.

τὸν Ἐλέπορον ποταμόν, Ces affaires réglées, il se remit en


marche pour Caulonia. Il transféra
ἀνέζευξεν Διονύσιος ἀπὸ
les habitants de cette ville à
τῆς πόλεως καὶ συνήντα
Syracuse, leur accorda le droit de
τοῖς Ἰταλιώταις. μὲν οὖν cité et les exempta pour cinq ans
Ἕλωρις μετὰ τῶν de tous les impôts. Il fit raser la
ἀρίστων πεντακοσίων ville et donna aux Locriens le

προηγεῖτο τῆς δυνάμεως, territoire des Cauloniates.Les


Romains, ayant pris la ville de
δὲ Διονύσιος ἔτυχε μὲν
Liphoecua (90), appartenant aux
ἀπὸ τεσσαράκοντα
Eques, célébrèrent, pour accomplir
σταδίων
les voeux qu'avaient faits les
ἐστρατοπεδευκὼς τῶν consuls, de grands jeux en
ἐναντίων, διὰ δὲ τῶν l'honneur de Jupiter.
κατασκόπων μαθὼν ἐγγὺς CVII. L'année étant révolue,
ὄντας τοὺς πολεμίους, Pyrrhion fut nommé archonte
ὄρθρου τὴν δύναμιν d'Athènes, les Romains déférèrent

ἐγείρας προήγαγεν εἰς l'autorité consulaire à quatre


tribuns militaires, Lucius Lucrétius,
τοὔμπροσθεν. Ἅμα δ´
Servius Sulpicius, Caïus Emilius et
ἡμέρᾳ τοῖς περὶ τὸν
Caïus Rufus, et on célébra la
Ἕλωριν ὀλίγοις οὖσιν XCVIIIe olympiade, dans laquelle
ἀπαντήσας ἄφνω Sosippus d'Athènes fut vainqueur à
προσεμάχετο, καὶ la course du stade (91). A cette

διεσκευασμένην ἔχων τὴν époque, Denys, souverain de


Syracuse, marcha avec son armée
δύναμιν ἀνοχὴν οὐδ´
sur Hipponium, en transféra les
ἡντινοῦν ἐδίδου τοῖς
habitants à Syracuse, détruisit la
πολεμίοις. δ´ Ἕλωρις εἰς
ville et en distribua le territoire aux
πολλὴν ἐμπεσὼν ἀπορίαν, Locriens ; car il s'empressait sans
αὐτὸς μὲν μεθ´ ὧν εἶχεν cesse de faire du bien aux Locriens,
ὑπέστη τοὺς parce qu'ils lui avaient accordé en

ἐπιφερομένους, τῶν δὲ mariage une de leurs filles, tandis


qu'il ne cherchait qu'à se venger
φίλων τινὰς ἀπέστειλεν
des Rhégiens, dont il avait essuyé
ἐπὶ τὸ στρατόπεδον,
un refus injurieux. En effet, dans le
ἐπισπεῦσαι τὰ πλήθη temps où il envoya des députés
παρακελευόμενος. Ὧν aux Rhégiens pour leur demander

ταχέως ποιησάντων τὸ en mariage la fille d'un de leurs


citoyens, on rapporte que, dans
προσταχθέν, οἱ μὲν
une assemblée publique, ils
Ἰταλιῶται πυθόμενοι τὸν
répondirent aux députés qu'ils ne
στρατηγὸν καὶ τοὺς μετ´ pouvaient lui donner en mariage
αὐτοῦ κινδυνεύοντας que la fille du bourreau. Irrité d'une
δρομαῖοι παρῆσαν ἐπὶ τὴν réponse qu'il regardait comme

βοήθειαν, δὲ Διονύσιος l'expression de la plus grave


insulte, il désirait ardemment en
ἀθρόᾳ τῇ δυνάμει
tirer vengeance. Ainsi quand,
περιχυθεὶς τόν θ´ Ἕλωριν
l'année précédente, il fit la paix
καὶ τοὺς μετ´ αὐτοῦ
avec les Rhégiens, ce n'était point
γενναίως ἀγωνισαμένους par amitié, mais bien dans
σχεδὸν ἅπαντας ἀνεῖλε. l'intention de leur enlever leur
Τῶν δ´ Ἰταλιωτῶν flotte, composée de soixante-dix

σποράδην διὰ τὴν trirèmes; car il espérait se rendre


facilement maître de la ville, du
σπουδὴν ἐκβοηθούντων, οἱ
moment où il lui aurait enlevé tout
Σικελιῶται τὰς τάξεις
secours naval. C'est pourquoi il
διαφυλάττοντες ῥᾳδίως prolongea son séjour en Italie,
τῶν πολεμίων attendant un prétexte plausible
περιεγίνοντο. Οὐ μὴν ἀλλ´ pour rompre le traité précédent,

ἐπὶ μέν τινα χρόνον οἱ afin de sauver les apparences de la


bonne foi.
κατὰ τὴν Ἰταλίαν Ἕλληνες
ὑπέμενον τὸν κίνδυνον, CVIII. Il conduisit donc ses
troupes vers le détroit, et se
καίπερ ἑαυτῶν πολλοὺς
prépara pour le passer. Il demanda
ὁρῶντες ἀναιρουμένους·
d'abord aux Rhégiens des vivres,
ὡς δὲ τὴν τοῦ στρατηγοῦ
avec promesse de les leur restituer
τελευτὴν ἐπύθοντο καὶ διὰ dès qu'il serait arrivé à Syracuse. Il
τὸν θόρυβον ἀλλήλοις agissait ainsi, afin de montrer un
ἐμπίπτοντες ἠλαττοῦντο motif légitime pour prendre leur

μεγάλως, τότε δὴ τελέως ville en cas de refus, ou bien, dans


le cas contraire, pour s'en emparer
ἀθυμήσαντες ἐτράπησαν.
en l'assiégeant; car il considérait
[105] Πολλῶν δ´ qu'une ville dépourvue de vivres ne
ἀναιρουμένων ἐν τῇ κατὰ pouvait pas résister longtemps. Les
τὸ πεδίον τροπῇ, Rhégiens, ne soupçonnant rien de

κατέφυγε τὸ πλῆθος ἐπί tout cela, fournirent d'abord


abondamment des vivres pendant
τινα λόφον, ἐρυμνὸν ὄντα
quelques jours ; mais, comme
πρὸς τὴν πολιορκίαν,
Denys prolongeait son séjour,
ἄνυδρον δὲ καὶ δυνάμενον alléguant soit des raisons de santé,
ῥᾳδίως ὑπὸ τῶν πολεμίων soit d'autres prétextes, les
φυλάττεσθαι. Ὃν Rhégiens, soupçonnant le

Διονύσιος stratagème, n'approvisionnèrent


plus l'armée. Alors Denys, feignant
περιστρατοπεδεύσας τήν
d'être irrité, rendit aux Rhégiens
τε ἡμέραν ἐκείνην καὶ τὴν
les otages, investit la ville et lui
νύκτα διηγρύπνησεν ἐν
livra des assauts journaliers. Il fit
τοῖς ὅπλοις, ἐπιμελῶς dresser une multitude de machines
ταῖς φυλακαῖς de guerre d'une dimension
χρησάμενος. Τῇ δ´ prodigieuse, avec lesquelles il

ὑστεραίᾳ διὰ τὸ καῦμα καὶ essaya d'ébranler les murailles,


jaloux de prendre la ville de force.
τὴν ἀνυδρίαν οἱ
Cependant les Rhégiens, ayant
συμπεφευγότες κακῶς
nommé Phyton au commandement
ἀπήλλαττον. militaire, appelèrent sous les armes
Ἐπικηρυκευσαμένων δ´ toute la population valide,
αὐτῶν πρὸς τὸν Διονύσιον établirent des postes vigilants, et

καὶ παρακαλούντων λύτρα brûlèrent les machines des ennemis


dans les sorties qu'ils faisaient à
πράξασθαι, οὐ μέτριος ἐν
propos. Combattant ainsi
τοῖς εὐημερήμασι
vaillamment pour le salut de la
γενόμενος προσέταττεν
patrie, ils allumèrent le courroux
ἀποθέσθαι τὰ ὅπλα καὶ des assiégeants et, en perdant
σφᾶς αὐτοὺς ἐγχειρίσαι beaucoup des leurs, ils causèrent
τῷ κρατοῦντι. Σκληροῦ δὲ de grandes pertes aux Siciliens.

τοῦ προστάγματος ὄντος, Denys lui-même reçut un coup de


lance dans l'aine et en faillit
μέχρι μέν τινος
mourir; il ne se rétablit qu'avec
διεκαρτέρουν, ὡς δ´ ὑπὸ
peine de la blessure qu'il avait
τῆς φυσικῆς ἀνάγκης reçue. Cependant, le siége traînait
κατεβαροῦντο, en longueur, car les Rhégiens
παρέδωκαν αὑτοὺς περὶ mettaient une ardeur inouïe à
ὀγδόην ὥραν, ἤδη τὰ défendre leur liberté, et, de son

σώματα παρειμένοι. côté, Denys employait ses troupes


à faire des assauts journaliers, ne
Διονύσιος δὲ λαβὼν
voulant pas abandonner le but qu'il
ῥάβδον καὶ πατάξας ἐπὶ
s'était proposé.
τοῦ ἐδάφους ἠρίθμει τοὺς
CIX. L'époque des jeux
καταβαίνοντας
olympiques approchant, Denys
αἰχμαλώτους, ὄντας envoya pour cette solennité
πλείους τῶν μυρίων. Καὶ plusieurs quadriges attelés de
πάντων αὐτοῦ coursiers rapides et des tentes

ὑποπτευόντων τὸ toutes d'or et ornées de draperies


de couleurs variées. Il fit partir
θηριῶδες, τοὐναντίον
aussi les meilleurs rapsodes, qui
ἐφάνη πάντων
devaient réciter dans ces fêtes
ἐπιεικέστατος· τούς τε
solennelles, pour la glorification de
γὰρ αἰχμαλώτους ἀφῆκεν Denys, les poèmes {qu'il avait lui-
αὐτεξουσίους χωρὶς même composés}; car cet homme
λύτρων καὶ πρὸς τὰς avait la manie de la poésie (92). A

πλείστας τῶν πόλεων la tête de cette députation il plaça


son frère Théaride, qui, lorsqu'il
εἰρήνην συνθέμενος
arriva avec ses riches tentes et ses
ἀφῆκεν αὐτονόμους. Ἐπὶ
quadriges, attira les regards de
δὲ τούτοις ἐπαίνου τυχὼν tout le monde; et lorsque les
ὑπὸ τῶν εὖ παθόντων rapsodes se mirent à déclamer les
χρυσοῖς στεφάνοις vers de Denys, ils furent aussitôt

ἐτιμήθη, καὶ σχεδὸν τοῦτ´ entourés d'une foule d'admirateurs


attirés par la beauté de leurs voix;
ἔδοξε πρᾶξαι ἐν τῷ ζῆν
mais s'apercevant ensuite combien
κάλλιστον.
ces vers étaient mauvais, on se
[106] Ἐπὶ δὲ Ῥήγιον moqua de Denys et on porta si loin
ἀναζεύξαντος αὐτοῦ, καὶ la désapprobation que quelques-

μετὰ τῆς δυνάμεως uns osèrent déchirer les tentes.


Lysias le rhéteur, qui se trouvait
παρεσκευασμένου
alors à Olympie, exhorta même la
πολιορκεῖν διὰ τὴν περὶ
foule à ne point admettre aux jeux
τῆς ἐπιγαμίας ὕβριν, sacrés les théores envoyés par un
ἀγωνία πολλὴ κατεῖχε tyran souillé d'impiété. Ce fut là le
τοὺς Ῥηγίνους· οὔτε γὰρ sujet du discours intitulé
συμμάχους οὔτε δύναμιν l'Olympique. Pour comble de

ἀξιόμαχον εἶχον, πρὸς δὲ malheur, pendant la course,


quelques-uns des chars de Denys
τούτοις ᾔδεισαν ὅτι τῆς
tombèrent hors de la lice et se
πόλεως ἁλούσης οὔτ´
brisèrent les uns contre les autres.
ἔλεος οὔτε δέησις αὐτοῖς Enfin le navire qui ramena les
ἀπελείπετο. Διόπερ théores des jeux olympiques eut
ἔκριναν ἀποστεῖλαι également un sort malheureux : au

πρέσβεις τοὺς lieu d'aborder en Sicile, il fut jeté


par une tempête sur la côte de
δεησομένους μετρίως
Tarente, en Italie. C'est ce qui fit
αὐτοῖς χρήσασθαι καὶ
dire aux matelots qui parvinrent à
παρακαλέσαι μηδὲν περὶ
se sauver à Syracuse, que les
αὐτῶν ὑπὲρ ἄνθρωπον mauvais vers de Denys avaient
βουλεύσασθαι. δὲ porté malheur non seulement aux
Διονύσιος τριακόσια rapsodes, mais encore aux chars et

τάλαντα πραξάμενος καὶ au vaisseau. Cependant Denys,


sachant que ses vers avaient été
τὰς ναῦς ἁπάσας
sifflés, trouva encore des flatteurs
παραλαβὼν οὔσας
qui lui persuadaient que les Grecs,
ἑβδομήκοντα, προσέταξεν jaloux de tous ceux qui font
ἑκατὸν ὁμήρους δοῦναι quelque chose de bon, finiraient
δοθέντων δὲ πάντων par l'admirer plus tard. C'est

ἀνέζευξεν ἐπὶ Καυλωνίαν. pourquoi il ne cessa point de


s'appliquer à la poésie.A cette
Ταύτης δὲ τοὺς μὲν
époque les Romains, en guerre
ἐνοικοῦντας εἰς
avec les Volsques, livrèrent un
Συρακούσας μετῴκισε καὶ
combat près de Gurasium, et
πολιτείαν δοὺς πέντε ἔτη tuèrent beaucoup de monde à
συνεχώρησεν ἀτελεῖς l'ennemi.
εἶναι, τὴν δὲ πόλιν CX. L'année étant révolue,
κατασκάψας τοῖς Λοκροῖς Théodote fut nommé archonte
τὴν χώραν τῶν d'Athènes, et à Rome l'autorité

Καυλωνιατῶν ἐδωρήσατο. consulaire fut exercée par six


tribuns militaires, Quintus Céso,
Ῥωμαῖοι δὲ Λιφοίκουαν
Sulpicius Ænus, Céso Fabius,
πόλιν ἐκ τοῦ τῶν Αἰκῶν
Quintus Servilius, Publius Cornélius
ἔθνους ἑλόντες, κατὰ τὰς et Marcus Claudius (93). Dans ce
τῶν ὑπάτων εὐχὰς μέγαν temps, les Lacédémoniens, qui

ἀγῶνα τῷ Διὶ avaient essuyé de grandes pertes


dans la guerre contre les Grecs et
συνετέλεσαν.
dans celle contre les Perses, firent
[107] Τοῦ δ´ ἔτους partir Antalcidas le nauarque,
τούτου διεληλυθότος chargé de traiter avec Artaxerxès

Ἀθήνησι μὲν ἦρχε des conditions de la paix. Après

Πυργίων, ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ que l'envoyé de Sparte eut exposé


l'objet de sa mission, le roi déclara
τὴν ὕπατον ἀρχὴν
qu'il signerait la paix aux conditions
μετέλαβον χιλίαρχοι
suivantes : les villes grecques de
τέσσαρες, Λεύκιος l'Asie seraient soumises à la
Λουκρήτιος, Σερούιος domination du roi des Perses; tous
Σουλπίκιος, Γάιος Αἰμίλιος les autres Grecs se gouverneraient

{καὶ Γάιος Ῥοῦφος}, d'après leurs propres lois; et, de


concert avec les contractants,
ὀλυμπιὰς δ´ ἤχθη ὀγδόη
feraient la guerre à ceux qui
πρὸς ταῖς ἐνενήκοντα,
refuseraient d'obéir et d'accepter
καθ´ ἣν ἐνίκα Σώσιππος
les conditions de cette paix. Les
Ἀθηναῖος. Τούτων δὲ τὴν Lacédémoniens, acquiesçant à ces
ἀρχὴν παρειληφότων conditions, rentrèrent dans le

Διονύσιος τῶν repos. Les Athéniens, les Thébains,

Συρακοσίων δυνάστης et quelques autres peuples grecs,


furent indignés de la clause qui
πορευθεὶς εἰς Ἱππώνιον
stipulait l'abandon des villes de
μετὰ τῆς δυνάμεως, τοὺς
l'Asie; mais comme ils n'étaient pas
μὲν κατοικοῦντας ἐν αὐτῇ assez forts pour soutenir à eux
μετῴκισεν εἰς τὰς seuls une guerre, ils cédèrent à la
Συρακούσας, τὴν δὲ πόλιν nécessité et acceptèrent la paix.

κατασκάψας τοῖ Λοκροῖ Débarrassé de tout différend avec


les Grecs, le roi employa toutes ses
προσεμέρισε τὴν χώραν.
forces à la guerre de Cypre.
Κατὰ τὸ συνεχὲς γὰρ
Evagoras avait appelé sous les
ἐφιλοτιμεῖτο τοὺς
armes la presque totalité de l'île, et
Λοκροὺς εὖ ποιεῖν διὰ τὴν rassemblé des troupes
συγχωρηθεῖσαν ἐπιγαμίαν· considérables pendant

τοὺς δὲ Ῥηγίνους ἐπεθύμει qu'Artaxerxès était occupé ailleurs

τιμωρήσασθαι διὰ τὴν à la guerre contre les Grecs.


περὶ τῆς οἰκειότητος
δίκην. Καθ´ ὃν γὰρ καιρὸν
ἀπέστειλε πρὸς αὐτοὺς
πρέσβεις ἀξιῶν αὑτῷ
συγχωρηθῆναι τῶν
πολιτικῶν παρθένων
γαμῆσαι, φασὶ τοὺς
Ῥηγίνους ἀποκριθῆναι
δημοσίᾳ τοῖς πρέσβεσιν,
ὡς μόνην αὐτῷ
συγχωρῆσαι γαμεῖν τὴν
τοῦ δημίου θυγατέρα. Διὰ
τοῦτο βαρέως φέρων καὶ
δοκῶν ὑπερβαλλόντως
ὑβρίσθαι, πολὺς ἦν ἐπὶ τῇ
κατ´ αὐτῶν τιμωρίᾳ. Καὶ
γὰρ ἐν τῷ πρότερον
ἐνιαυτῷ τὴν εἰρήνην
συνέθετο πρὸς αὐτοὺς οὐ
τῆς φιλίας ὀρεγόμενος,
ἀλλὰ τὴν ναυτικὴν
δύναμιν παρελέσθαι
βουλόμενος, οὖσαν
τριήρων ἑβδομήκοντα·
διελάμβανε γὰρ τῆς κατὰ
θάλατταν βοηθείας
ἀποκλεισθείσης ῥᾳδίως
ἐκπολιορκήσειν τὴν πόλιν.
Διόπερ κατὰ τὴν Ἰταλίαν
ἐνδιατρίβων ἐζήτει
πρόφασιν εὔλογον, δι´ ἧς
οὐ παρὰ τὴν ἀξίαν τὴν
ἰδίαν δόξει λελυκέναι τὰς
συνθήκας.

[108] Ἀγαγὼν οὖν


πρὸς τὸν πορθμὸν τὰς
δυνάμεις, τὰ πρὸς τὴν
διάβασιν παρεσκευάζετο.
Καὶ πρῶτον μὲν ᾔτει τοὺς
Ῥηγίνους ἀγοράς,
ἐπαγγελλόμενος ταχέως
τὰς δοθείσας ἀποστέλλειν
ἐκ Συρακουσῶν. Τοῦτο δ´
ἔπραττεν, ὅπως μὴ
διδόντων μὲν αὐτῶν
δικαίως δόξῃ τὴν πόλιν
ἑλεῖν, δόντων δ´ ἐνόμιζεν
ἐξαναλώσειν αὐτῶν τὸν
σῖτον καὶ προσκαθίσας
τὴν πόλιν διὰ τὴν σπάνιν
ταχὺ κυριεύσειν αὐτῆς. Οἱ
δὲ Ῥηγῖνοι τούτων μὲν
οὐδὲν ὑπονοοῦντες τὸ μὲν
πρῶτον ἐφ´ ἡμέρας τινὰς
ἐχορήγουν τὰς τροφὰς
λαμπρῶς· ὡς δὲ πλείονα
χρόνον ἐνδιέτριβε, ποτὲ
μὲν ἀρρωστίαν, ποτὲ δὲ
ἄλλας προφάσεις
ποριζόμενος,
ὑπονοήσαντες αὐτοῦ τὴν
ἐπιβολήν, οὐκέτι παρεῖχον
τὰς τροφὰς τῷ
στρατοπέδῳ. δὲ
Διονύσιος ἐπὶ τούτῳ
προσποιηθεὶς ἀγανακτεῖν,
τοὺς μὲν ὁμήρους τοῖς
Ῥηγίνοις ἀπέδωκε, τὴν δὲ
πόλιν
περιστρατοπεδεύσας καθ´
ἡμέραν προσβολὰς
ἐποιεῖτο. Κατεσκεύασε δὲ
καὶ μηχανημάτων πολὺ
πλῆθος ἀπίστων τοῖς
μεγέθεσι, δι´ ὧν τὰ τείχη
σαλεύων ἐφιλοτιμεῖτο
κατὰ κράτος ἑλεῖν τὴν
πόλιν. Οἱ δὲ Ῥηγῖνοι
στρατηγὸν ἑλόμενοι
Φύτωνα, καὶ πάντας τοὺς
ἐν ἡλικίᾳ καθοπλίσαντες,
ταῖς τε φυλακαῖς
ἐπιμελῶς ἐχρῶντο καὶ
κατὰ τὰς εὐκαιρίας
ἐξιόντες ἐνεπύριζον τὰς
τῶν πολεμίων μηχανάς.
Οὗτοι μὲν οὖν πολλάκις
ὑπὲρ τῆς πατρίδος
λαμπρῶς ἀγωνιζόμενοι
πρὸ τῶν τειχῶν, τήν τε
τῶν πολεμίων ὀργὴν
ἐξέκαυσαν καὶ πολλοὺς
μὲν ἑαυτῶν ἀπέβαλον, οὐκ
ὀλίγους δὲ καὶ τῶν
Σικελιωτῶν ἀνεῖλον. Καὶ
αὐτὸν δὲ τὸν Διονύσιον
συνέβη λόγχῃ πληγέντα
παρὰ τὸν βουβῶνα παρ´
ὀλίγον μὲν τελευτῆσαι,
μόγις δὲ αὑτὸν ἀναλαβεῖν
ἐκ τοῦ τραύματος.
Χρονιζούσης δὲ τῆς
πολιορκίας διὰ τὸ τοὺς
Ῥηγίνους ἀνυπέρβλητον
εἰσφέρεσθαι σπουδὴν ὑπὲρ
τῆς ἐλευθερίας, Διονύσιος
τὰς μὲν δυνάμεις συνεῖχεν
ἐν ταῖς καθ´ ἡμέραν
προσβολαῖς καὶ τὴν ἐξ
ἀρχῆς πρόθεσιν οὐκ
ἐγκατέλειπεν.

[109] Τῶν δ´
Ὀλυμπίων ἐγγὺς ὄντων
ἀπέστειλεν εἰς τὸν ἀγῶνα
τέθριππα πλείω,
διαφέροντα πολὺ τῶν
ἄλλων τοῖς τάχεσι, καὶ
σκηνὰς εἰς τὴν πανήγυριν
διαχρύσους καὶ
πολυτελέσι ποικίλοις
ἱματίοις
κεκοσμημένας.Ἔπεμψε δὲ
καὶ ῥαψῳδοὺς τοὺς
κρατίστους, ὅπως ἐν τῇ
πανηγύρει τὰ ποιήματα
αὐτοῦ προφερόμενοι
ποιήσωσιν ἔνδοξον τὸν
Διονύσιον· σφόδρα γὰρ εἰς
τὴν ποιητικὴν ὑπῆρχε
μεμηνώς. Τούτων δ´
ἐπιμελητὴν συνεξέπεμψε
Θεαρίδην τὸν ἀδελφόν· ὃς
ἐπεὶ παρεγένετο εἰς τὴν
πανήγυριν, ἐπὶ μὲν τῷ
κάλλει τῶν σκηνῶν καὶ τῷ
πλήθει τῶν τεθρίππων ἦν
περίβλεπτος· ὡς δ´
ἐπεβάλονθ´ οἱ ῥαψῳδοὶ
προφέρεσθαι τοῦ
Διονυσίου τὰ ποιήματα,
κατ´ ἀρχὰς μὲν διὰ τὴν
εὐφωνίαν τῶν ὑποκριτῶν
συνέδραμε τὰ πλήθη καὶ
πάντες ἐθαύμαζον· μετὰ
δὲ ταῦτα ἀναθεωροῦντες
τὴν κακίαν τῶν
ποιημάτων, διεγέλων τὸν
Διονύσιον καὶ
κατεγίνωσκον ἐπὶ
τοσοῦτον, ὥστε τινὰς
τολμῆσαι διαρπάζειν τὰς
σκηνάς. Καὶ γὰρ Λυσίας
ῥήτωρ τότε διατρίβων ἐν
Ὀλυμπίᾳ προετρέπετο τὰ
πλήθη μὴ προσδέχεσθαι
τοῖς ἱεροῖς ἀγῶσι τοὺς ἐξ
ἀσεβεστάτης τυραννίδος
ἀπεσταλμένους θεωρούς·
ὅτε καὶ τὸν Ὀλυμπιακὸν
λόγον ἐπιγραφόμενον
ἀνέγνω. Τοῦ δ´ ἀγῶνος
συντελουμένου συνέβη
κατὰ τύχην τῶν Διονυσίου
τεθρίππων τὰ μὲν
ἐκπεσεῖν ἐκ τοῦ δρόμου,
τὰ δ´ ἀλλήλοις ἐμπεσόντα
συντριβῆναι,
παραπλησίως δὲ καὶ τὴν
παρακομίζουσαν ναῦν
τοὺς θεωροὺς ἀπὸ τῶν
ἀγώνων ἀναχθεῖσαν εἰς
τὴν Σικελίαν ἐκπεσεῖν τῆς
Ἰταλίας εἰς Τάραντα διά
τινας χειμῶνας. Διὸ καί
φασι σωθέντας τοὺς
ναύτας εἰς Συρακούσας
διαγγέλλειν κατὰ τὴν
πόλιν, ὅτι διὰ τὴν κακίαν
τῶν ποιημάτων οὐ μόνον
οἱ ῥαψῳδοῦντες, ἀλλὰ σὺν
τούτοις τά τε τέθριππα
καὶ ναῦς ἐξέπεσον. δὲ
Διονύσιος πυθόμενος τὸν
τῶν ποιημάτων
διασυρμόν, καὶ τῶν
κολάκων λεγόντων ὅτι
πᾶσι τοῖς καλῶς
πραττομένοις φθονοῦντες
ἐξ ὑστέρου θαυμάζουσιν,
οὐκ ἀφίστατο τῆς περὶ
τὴν ποίησιν σπουδῆς.
Ῥωμαῖοι δὲ πρὸς
Οὐολσινίτας περὶ
Γουράσιον παραταξάμενοι
πολλοὺς τῶν πολεμίων
ἀνεῖλον.

[110] Τούτων δὲ
πραχθέντων μὲν
ἐνιαύσιος χρόνος
παρεληλύθει, παρὰ δὲ τοῖς
Ἀθηναίοις ἦρχε Θεόδοτος,
ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ τὴν
ὑπατικὴν ἀρχὴν εἶχον
χιλίαρχοι ἕξ, Κόιντος
{Καίσων} Σουλπίκιος,
Αἶνος Καίσων Φάβιος,
Κόιντος Σερουίλιος,
Πόπλιος Κορνήλιος.
Τούτων δὲ τὴν ἀρχὴν
παρειληφότων
Λακεδαιμόνιοι
κακοπαθοῦντες τῷ
πολέμῳ τῷ τε πρὸς τοὺς
Ἕλληνας καὶ τῷ πρὸς
τοὺς Πέρσας, Ἀνταλκίδαν
τὸν ναύαρχον
ἐξαπέστειλαν πρὸς
Ἀρταξέρξην ὑπὲρ εἰρήνης.
Διαλεχθέντος δ´ αὐτοῦ
περὶ ὧν ἦν ἀπεσταλμένος
ἐνδεχομένως, βασιλεὺς
ἔφησεν ἐπὶ τοῖσδε
ποιήσασθαι τὴν εἰρήνην·
τὰς μὲν κατὰ τὴν Ἀσίαν
Ἑλληνίδας πόλεις ὑπὸ
βασιλέα τετάχθαι, τοὺς δ´
ἄλλους Ἕλληνας ἅπαντας
αὐτονόμους εἶναι· τοῖς δὲ
ἀπειθοῦσι καὶ μὴ
προσδεχομένοις τὰς
συνθήκας διὰ τῶν
εὐδοκούντων πολεμήσειν.
Οἱ μὲν οὖν Λακεδαιμόνιοι
τούτοις εὐδοκήσαντες
ἡσυχίαν ἦγον, Ἀθηναῖοι δὲ
καὶ Θηβαῖοι καί τινες
ἕτεροι τῶν Ἑλλήνων
βαρέως ἔφερον ἐπὶ τῷ τὰς
κατὰ τὴν Ἀσίαν πόλεις
ἐγκαταλελεῖφθαι· καθ´
αὑτοὺς δὲ οὐκ ὄντες
ἀξιόμαχοι, κατ´ ἀνάγκην
συνεχώρησαν καὶ
προσεδέξαντο τὴν
εἰρήνην. Καὶ μὲν
βασιλεὺς διαλυθείσης τῆς
πρὸς τοὺς Ἕλληνας
διαφορᾶς παρεσκευάζετο
τὰς δυνάμεις εἰς τὸν
Κυπριακὸν πόλεμον· γὰρ
Εὐαγόρας σχεδὸν ὅλην
τὴν Κύπρον ἦν κεκτημένος
καὶ δυνάμεις ἁδρὰς
συνηθροίκει διὰ τὸ τὸν
Ἀρταξέρξην {ἐν} τῷ πρὸς
τοὺς Ἕλληνας πολέμῳ
διεσπάσθαι.

[111] Διονυσίου δὲ σχεδὸν CXI. Cependant Denys


ἑνδέκατον μῆνα Ῥήγιον assiégeait Rhégium depuis onze
πολιορκοῦντος καὶ τὰς
mois, et, ayant intercepté tous les
πανταχόθεν βοηθείας
ἀποκεκλεικότος, εἰς δεινὴν convois de vivres, il réduisit la ville
σπάνιν τῶν ἀναγκαίων οἱ à une affreuse disette. Car on
κατὰ τὴν πόλιν rapporte que le médimne (94)de
παρεγενήθησαν· φασὶ γὰρ
παρὰ τοῖς Ῥηγίνοις κατ´ blé se payait alors cinq mines (95).
ἐκεῖνον τὸν καιρὸν πέντε Poussés par la faim, les habitants
μνῶν γενέσθαι τὸν μέδιμνον mangèrent d'abord les chevaux et
τοῦ σίτου. Καταπονούμενοι les autres bêtes de somme, ensuite
δὲ τῇ σιτοδείᾳ τὸ μὲν
ils se nourrirent des peaux cuites
πρῶτον τούς τε ἵππους καὶ
τἄλλα ὑποζύγια κατέφαγον, de ces animaux; enfin, sortant de
μετὰ δὲ ταῦτα δέρματα la ville, ils broutèrent comme des
καθέψοντες ἐσιτοῦντο, τὸ δὲ bestiaux les herbes qui croissaient
τελευταῖον ἐκ τῆς πόλεως
ἐξιόντες τὴν πρὸς τοῖς au pied des murs. C'est ainsi que la
τείχεσι βοτάνην ἤσθιον nécessité força les hommes à
καθαπερεί τινα θρέμματα· changer de régime et à recourir à
οὕτως τῆς φύσεως ἀνάγκη
la nourriture destinée aux brutes.
τὴν ἀνθρωπίνην δίαιταν εἰς
ἀλόγων ζῴων τροφὰς Denys, informé de cet état des
καταφυγεῖν ἐβιάζετο. δὲ choses, non seulement ne fut point
Διονύσιος πυθόμενος τὸ
touché de tant de misère, mais il
γινόμενον, οὐχ ὅπως ἠλέησε
τοὺς ὑπὲρ ἄνθρωπον πάσχειν fit, tout au contraire, conduire les
ἀναγκαζομένους, ἀλλὰ πᾶν bêtes de somme dans l'endroit où
τοὐναντίον ἐπαγαγὼν ζεύγη croissaient ces herbes afin
εἷλε τὴν πόαν τοῦ τόπου,
ὥστε τὴν ὕλην ἅπασαν d'enlever aux habitants leur
ἀφανισθῆναι. Διόπερ ταῖς dernière subsistance. Enfin, les
ὑπερβολαῖς τῶν κακῶν Rhégiens, vaincus par l'excès de
νικώμενοι παρέδωκαν τὴν
leurs maux, livrèrent la ville au
πόλιν οἱ Ῥηγῖνοι τῷ
τυράννῳ, τὴν πᾶσαν κατ´ tyran et se rendirent à discrétion.
αὐτῶν ἐπιτρέψαντες Denys trouva dans la ville des
ἐξουσίαν. δὲ Διονύσιος
monceaux de cadavres, victimes de
κατὰ μὲν τὴν πόλιν εὗρε
σωροὺς νεκρῶν, οἳ διὰ τὴν la famine, et les vivants offraient
ἔνδειαν τῆς τροφῆς l'aspect de morts. Il s'empara de
ἐτετελευτήκεισαν· καὶ τοὺς ces corps exténués et fit plus de six
ζῶντας δὲ νεκρῶν ἔχοντας
διάθεσιν καὶ παρειμένους τὰ mille prisonniers. Il les envoya à
σώματα καταλαβών, Syracuse avec ordre de relâcher
ἤθροισεν αἰχμαλώτους ceux qui payeraient une mine
πλείους τῶν ἑξακισχιλίων.
d'argent pour rançon (96) et de
Τὸ μὲν οὖν πλῆθος
ἀποστείλας εἰς Συρακούσας vendre à l'enchère ceux qui
ἐκέλευσε τοὺς δόντας seraient hors d'état de payer.
ἀργυρίου μνᾶν
ἀπολυτροῦσθαι, τοὺς δ´ CXII. Quant à Phyton, général
εὐπορῆσαι μὴ δυνηθέντας des Rhégiens, Denys se saisit de sa
ἐλαφυροπώλησε.
personne et fit noyer son fils dans
[112] Φύτωνα δὲ τὸν τῶν la mer. Il attacha le père à une des
Ῥηγίνων στρατηγὸν
συλλαβών, τὸν μὲν υἱὸν plus hautes machines de guerre,
αὐτοῦ κατεπόντισεν, αὐτὸν voulant donner le spectacle d'un
δὲ τὸ μὲν πρῶτον ἔδησε supplice tragique. Puis Denys le fit
πρὸς τὰς ὑψηλοτάτας prévenir par un de ses satellites
μηχανάς, οἱονεὶ τραγικήν
qu'il avait fait la veille jeter le fils
τινα τιμωρίαν λαμβάνων,
προσέπεμψε δέ τινα τῶν de Phyton à la mer. Phyton se
ὑπηρετῶν ἐροῦντα πρὸς contenta de répondre : «Le fils est
αὐτόν, ὡς ἐχθὲς αὐτοῦ τὸν d'un jour plus heureux que le père.
υἱὸν Διονύσιος κατεπόντισε·
πρὸς ὃν εἶπε Φύτων, διότι » Après cela, Denys le fit promener
γέγονεν εὐτυχέστερος τοῦ dans la ville, et tandis qu'on le
πατρὸς ἡμέρᾳ μιᾷ. Μετὰ δὲ battait à coups de verges et qu'on
ταῦτα περιῆγεν αὐτὸν
l'outrageait de toutes façons, un
Διονύσιος τὴν πόλιν
μαστίζων καὶ κατὰ πάντα héraut qui l'accompagnait
τρόπον αἰκιζόμενος, ἅμα proclamait à haute voix : «Denys
κήρυκος συνακολουθοῦντος
inflige ce châtiment à l'homme qui
ὅτι τὸν ἄνδρα Διονύσιος
τιμωρεῖται παρηλλαγμένως, a conseillé à sa cité de préférer la
ὅτι τὴν πόλιν ἔπεισεν guerre à la paix." Phyton, qui,
ἑλέσθαι τὸν πόλεμον. δὲ pendant le siége, s était conduit en
Φύτων κατὰ τὴν πολιορκίαν
στρατηγὸς ἀγαθὸς brave général, et dont la vie avait
γεγενημένος καὶ κατὰ τὸν été d'ailleurs sans reproches,
ἄλλον βίον ἐπαινούμενος, supporta noblement sa fin
οὐκ ἀγεννῶς ὑπέμενε τὴν ἐπὶ
malheureuse et, conservant
τῆς τελευτῆς τιμωρίαν, ἀλλ´
ἀκατάπληκτον τὴν ψυχὴν toutson sang-froid,il s'écria qu'il
φυλάξας καὶ βοῶν ὅτι τὴν n'était puni que pour n'avoir pas
πόλιν οὐ βουληθεὶς
voulu livrer sa patrie à Denys, et
προδοῦναι Διονυσίῳ
τυγχάνει τῆς τιμωρίας, ἣν qu'il serait bientôt vengé par la
αὐτῷ τὸ δαιμόνιον ἐκείνῳ divinité. Enfin le courage de cet
συντόμως ἐπιστήσει· ὥστε homme excita la compassion même
τὴν ἀρετὴν τἀνδρὸς καὶ
παρὰ τοῖς στρατιώταις τοῦ des soldats de Denys, dont
Διονυσίου κατελεεῖσθαι καί quelques-uns murmuraient déjà.
τινας ἤδη θορυβεῖν. δὲ Denys, craignant alors que les
Διονύσιος εὐλαβηθείς, μή
soldats n'osassent arracher Phyton
τινες τῶν στρατιωτῶν
ἀποτολμήσωσιν ἐξαρπάζειν des mains du bourreau, fit cesser le
τὸν Φύτωνα, παυσάμενος supplice et fit jeter à la mer ce
τῆς τιμωρίας κατεπόντισε
malheureux avec toute sa famille.
τὸν ἀτυχῆ μετὰ τῆς
συγγενείας. Οὗτος μὲν οὖν Voilà les indignes traitements sous
ἀναξίως τῆς ἀρετῆς lesquels tomba, non sans gloire, ce
ἐκνόμοις περιέπεσε général dont le sort fut alors
τιμωρίαις, καὶ πολλοὺς ἔσχε
καὶ τότε τῶν Ἑλλήνων τοὺς déploré par beaucoup de Grecs; les
ἀλγήσαντας τὴν συμφορὰν poètes mêmes firent par leurs vers
καὶ μετὰ ταῦτα ποιητὰς répandre des pleurs sur une fin
τοὺς θρηνήσαντας τὸ τῆς aussi lamentable (97).
περιπετείας ἐλεεινόν.
CXIII. Dans le même temps où
[113] Καθ´ ὃν δὲ καιρὸν
μάλιστα Ῥήγιον ἐπολιόρκει Denys poussait le plus
Διονύσιος, οἱ κατοικοῦντες vigoureusement le siége de
τὰ πέραν τῶν Ἄλπεων Rhégium, les Celtes habitant au
Κελτοὶ τὰ στενὰ διελθόντες
μεγάλαις δυνάμεσι delà des Alpes, passèrent les
κατελάβοντο τὴν μεταξὺ défilés avec des trompes
χώραν τοῦ τε Ἀπεννίνου καὶ nombreuses, vinrent occuper le
τῶν Ἄλπεων ὀρῶν,
pays situé entre l'Apennin et les
ἐκβάλλοντες τοὺς
κατοικοῦντας {Τυρρηνούς}. Alpes, et en expulsèrent les
Τούτους δ´ ἔνιοί φασιν ἀπὸ Tyrrhéniens qui l'habitaient.
τῶν ἐν Τυρρηνίᾳ δώδεκα
Quelques écrivains prétendent que
πόλεων ἀποικαισθῆναι· τινὲς
δέ φασι Πελασγοὺς πρὸ τῶν ces derniers sont une colonie des
Τρωικῶν ἐκ Θετταλίας douze villes de la Tyrrhénie ;
φυγόντας τὸν ἐπὶ d'autres soutiennent que ce sont
Δευκαλίωνος γενόμενον
κατακλυσμὸν ἐν τούτῳ τῷ des Pélasges qui, avant la guerre
τόπῳ κατοικῆσαι. Τῶν οὖν de Troie, chassés de la Thessalie
Κελτῶν κατ´ ἔθνη par le déluge de Deucalion, vinrent
διελομένων τὴν χώραν, οἱ
s'établir dans cette contrée. Les
καλούμενοι Σέννωνες ἔτυχον
λαβόντες τὸν πορρωτάτω Celtes se partagèrent donc le
κείμενον τόπον τῶν ὀρῶν territoire par tribus; ceux connus
παρὰ θάλατταν. Ὄντος δ´
sous le nom de Sénonois obtinrent
αὐτοῦ καυματώδους,
δυσθετοῦντες ἔσπευδον la montagne la plus éloignée des
μετοικῆσαι, καὶ τοὺς Alpes et voisine de la mer. Mais
νεωτέρους καθοπλίσαντες comme cette région est très
ἀπέστειλαν ζητεῖν χώραν, ἐν
κατοικήσουσιν. Εἰσβαλόντες chaude, ils s'empressèrent bientôt
οὖν εἰς Τυρρηνίαν, καὶ τὸν d'en sortir, et, après avoir armé les
ἀριθμὸν ὄντες περὶ jeunes hommes, ils les envoyèrent
τρισμυρίους, τὴν τῶν
chercher un autre pays pour s'y
Κλουσίνων χώραν ἐπόρθουν.
Καθ´ ὃν δὴ χρόνον δῆμος établir. Ils pénétrèrent donc dans la
τῶν Ῥωμαίων πρέσβεις Tyrrhénie au nombre d'environ
ἀπέστειλεν εἰς Τυρρηνίαν
trente mille hommes, et ravagèrent
τοὺς κατασκεψομένους τὴν
στρατιὰν τῶν Κελτῶν. le territoire des Cauloniens (98). A
Παραγενόμενοι δὲ οἱ cette même époque, le peuple
πρέσβεις εἰς Κλούσιον καὶ romain envoya en Tyrrhénie des
θεωρήσαντες παράταξιν
γενομένην, ἀνδρειότεροι députés chargés de surveiller la
μᾶλλον φρονιμώτεροι marche des Celtes. Ces députés,
γενηθέντες παρετάξαντο arrivés à Clusium, furent témoins
τοῖς Κλουσίνοις πρὸς τοὺς d'un combat et purent se
πολιορκοῦντας.
convaincre que ces nouveaux
Εὐημερήσαντος δὲ θατέρου
τῶν πρεσβευτῶν καί τινα ennemis étaient plus courageux
τῶν ἐνδοξοτέρων ἐπάρχων que prudents, et ils se joignirent
ἀποκτείναντος, γνόντες οἱ aux Clusiens pour les défendre
Κελτοὶ τὸ γεγονὸς εἰς Ῥώμην
πρέσβεις ἀπέστειλαν τοὺς contre les assiégeants. L'un de ces
ἐξαιτήσοντας τὸν députés remporta même un grand
πρεσβευτὴν τὸν ἀδίκου succès, et tua de sa propre main
πολέμου
un des chefs les plus renommés.
προκαταρξάμενον.Ἡ δὲ
γερουσία τὸ μὲν πρῶτον Les Celtes, instruits de ce fait,
ἔπειθε τοὺς πρεσβευτὰς τῶν envoyèrent une députation à Rome
Κελτῶν χρήματα λαβεῖν περὶ
pour demander l'extradition du
τῶν ἠδικημένων· ὡς δ´ οὐ
προσεῖχον, ἐψηφίσαντο député qui avait injustement
παραδοῦναι τὸν commencé la guerre. Le sénat
κατηγορούμενον. δὲ πατὴρ engagea d'abord les envoyés des
τοῦ μέλλοντος
παραδίδοσθαι, τῶν Celtes d'accepter de l'argent pour
χιλιάρχων εἷς ὢν τῶν τὴν l'offense reçue; comme ces
ὑπατικὴν ἐξουσίαν ἐχόντων, derniers ne voulaient pas écouter
προεκαλέσατο τὴν δίκην ἐπὶ
cette proposition, on décréta qu'on
τὸν δῆμον, καὶ δυνατὸς ὢν
ἐπὶ τοῖς πλήθεσιν ἔπεισεν leur livrerait le coupable. Mais le
ἄκυρον ποιῆσαι τὴν κρίσιν père de celui qui devait être ainsi
τῆς συγκλήτου. μὲν οὖν
livré était un des tribuns militaires
δῆμος ἐν τοῖς ἔμπροσθεν
χρόνοις πάντα πειθόμενος investis du pouvoir consulaire ; il
τῇ γερουσίᾳ, τότε πρῶτον en appela au peuple, et, comme il
ἤρξατο διαλύειν τὸ κριθὲν avait une grande autorité sur la
ὑπὸ τῆς συγκλήτου.
multitude, il la persuada d'annuler
[114] Οἱ δὲ τῶν Κελτῶν
πρέσβεις παραγενηθέντες la sentence du sénat. Le peuple,
εἰς τὸ σφέτερον qui jusqu'alors avait en toutes
στρατόπεδον ἀπήγγειλαν choses obéi au sénat, cassa ainsi
τὴν τῶν Ῥωμαίων ἀπόκρισιν.
pour la première fois un sénatus-
Ἐφ´ μεγάλως
ἀγανακτήσαντες, καὶ consulte.
προσλαβόμενοι παρὰ τῶν
CXIV. Les députés des Celtes,
ὁμοεθνῶν δύναμιν, ἐπ´
αὐτὴν ἠπείγοντο τὴν Ῥώμην, de retour dans leurs camps,
ὄντες πλείους τῶν rapportèrent la réponse des
ἑπτακισμυρίων. Οἱ δὲ Romains. Fortement irrités et
χιλίαρχοι τῶν Ῥωμαίων ἐπὶ
τῆς ἰδίας ἐξουσίας ὄντες, appelant aux armes toutes les
καὶ τὴν τῶν Κελτῶν ἔφοδον troupes de leurs tribus, les Celtes
ἀκούοντες, ἅπαντας τοὺς ἐν marchèrent sur Rome, au nombre
ἡλικίᾳ καθώπλισαν. de plus de soixante-dix mille
Ἐξελθόντες δὲ πανδημεὶ καὶ
hommes. A cette nouvelle, les
διαβάντες τὸν Τίβεριν παρὰ
τὸν ποταμὸν ἤγαγον τὴν tribuns militaires de Rome, qui
δύναμιν σταδίους étaient revêtus de l'autorité
ὀγδοήκοντα, καὶ τῶν consulaire, mirent sur pied toute la
Γαλατῶν ἀπαγγελλομένων
προσιέναι διέταττον τὸ population valide. Leurs troupes
στρατόπεδον. Τοὺς μὲν οὖν concentrées passèrent le Tibre et
ἀνδρειοτάτους δισμυρίους longèrent le rivage du fleuve dans
καὶ τετρακισχιλίους ἀπὸ τοῦ
une étendue de quatre-vingts
ποταμοῦ μέχρι τῶν λόφων
διέταξαν, ἐπὶ δὲ τῶν stades. Apprenant l'approche des
ὑψηλοτάτων λόφων τοὺς Gaulois, les chefs rangèrent
ἀσθενεστάτους ἔστησαν. Οἱ
l'armée en bataille; ils placèrent
δὲ Κελτοί, μακρὰν τὴν
φάλαγγα παρεκτείνοντες, entre le fleuve et les hauteurs du
εἴτε κατὰ τύχην εἴτε κατὰ voisinage vingt-quatre mille des
πρόνοιαν τοὺς ἀρίστους plus braves, tandis que les plus
ἔστησαν ἐπὶ τῶν λόφων. Ἅμα
δ´ αἱ σάλπιγγες παρ´ faibles furent postés sur les collines
ἀμφοτέροις ἐσήμαινον καὶ les plus élevées. Les Celtes
τὰ στρατόπεδα συνῄεσαν εἰς étendirent considérablement leurs
μάχην μετὰ πολλῆς κραυγῆς.
phalanges et, soit hasard, soit
Οἱ δ´ ἐπίλεκτοι τῶν Κελτῶν
ἀντιτεταγμένοι τοῖς précaution, ils établirent sur les
ἀσθενεστάτοις τῶν Ῥωμαίων collines les guerriers les plus
ῥᾳδίως αὐτοὺς ἀπὸ τῶν
vaillants. Tout d'un coup les
λόφων ἐτρέψαντο. Διόπερ
τούτων ἀθρόων φευγόντων trompettes donnent des deux côtés
πρὸς τοὺς ἐν τῷ πεδίῳ le signal de l'attaque, les armées
Ῥωμαίους, αἵ τε τάξεις s'avancent au combat en poussant
ἐπεταράττοντο καὶ τῶν
Κελτῶν ἐπικειμένων d'immenses cris. L'élite des Celtes
καταπλαγέντες ἔφευγον. qui était opposée à la troupe la plus
Τῶν δὲ πλείστων παρὰ τὸν faible des Romains eut bientôt
ποταμὸν ὁρμησάντων καὶ
culbuté celle-ci du haut des
διὰ τὴν ταραχὴν ἀλλήλοις
ἐμπιπτόντων, οὐχ ὑπηρέτουν collines. Des fuyards joignirent le
οἱ Κελτοὶ τοὺς ἐσχάτους ἀεὶ corps d'armée occupant la plaine,
φονεύοντες· διὸ καὶ τὸ
mirent la confusion dans les rangs
πεδίον ἅπαν νεκρῶν
κατεστρώθη. Τῶν δὲ des Romains et, comme les Celtes
φευγόντων ἐπὶ τὸν ποταμὸν ne cessèrent point de les
οἱ μὲν ἀνδρειότατοι μετὰ poursuivre, la panique devint
τῶν ὅπλων διενήχοντο, τὴν
πανοπλίαν ἐν ἴσῳ καὶ τὴν générale. La plupart gagnèrent les
ψυχὴν προτιμῶντες· bords du fleuve et tombèrent en
σφοδροῦ δὲ τοῦ ῥεύματος désordre les uns sur les autres. Les
ὄντος, τινὲς μὲν ὑπὸ τοῦ Celtes eurent donc peu de peine à
βάρους τῶν ὅπλων
massacrer ceux qui occupaient les
καταδυόμενοι διεφθείροντο,
τινὲς δὲ μετὰ πολλῆς derniers rangs; aussi toute la
κακοπαθείας ἐφ´ ἱκανὸν plaine fut-elle jonchée de cadavres.
διάστημα παρενεχθέντες Arrivés sur les bords du fleuve, les
μόγις ἐσώθησαν.
Ἐπικειμένων δὲ τῶν fuyards les plus vigoureux se
πολεμίων καὶ παρὰ τὸν mirent tout armés à le traverser à
ποταμὸν πολλοὺς la nage, tenant autant à leur
ἀναιρούντων, οἱ πλεῖστοι
armure qu'à leur vie; mais comme
τῶν ὑπολειπομένων
ῥιπτοῦντες τὰ ὅπλα le courant du fleuve était très
διενήχοντο τὸν Τίβεριν. rapide, la plupart, surchargés par le
[115] οἱ δὲ Κελτοί, πολλοὺς poids des armes, périrent dans les
καὶ παρ´ αὐτὸν τὸν ποταμὸν
flots; quelques-uns seulement, se
ἀνῃρηκότες, οὐδ´ οὕτως
ἀφίσταντο τῆς φιλοτιμίας, laissant emporter par le courant à
ἀλλ´ ἐπὶ τοὺς διανηχομένους une distance convenable,
ἠκόντιζον. Καὶ πολλῶν parvinrent à. grand'-peine à se
βελῶν ἀφιεμένων εἰς
ἀθρόους τοὺς ἐν τῷ ποταμῷ, sauver. Toujours serrés de près par
συνέβαινε μὴ διαμαρτάνειν les ennemis, un grand nombre de
τοὺς βάλλοντας. Ὅθεν οἱ Romains furent tués sur les bords
μὲν καιρίαις περιπεσόντες
du fleuve. Ceux qui avaient survécu
πληγαῖς εὐθέως ἐτελεύτων,
οἱ δὲ κατατραυματιζόμενοι à cette déroute, jetèrent leurs
καὶ διὰ τὴν περὶ τὸ αἷμα armes et traversèrent le Tibre à la
ῥύσιν καὶ σφοδρότητα τοῦ
nage.
ῥεύματος ἐκλυόμενοι
παρεφέροντο. Τοιαύτης δὲ CXV. Cependant les Celtes ne
συμφορᾶς γενομένης περὶ cessèrent point le carnage : ils
τοὺς Ῥωμαίους, οἱ μὲν
πλεῖστοι τῶν διασωθέντων tuèrent un grand nombre de
πόλιν Βηίους κατελάβοντο, Romains sur les bords du Tibre et
προσφάτως ὑφ´ ἑαυτῶν lancèrent leurs javelots sur ceux
κατεσκαμμένην, καὶ τόν τε
qui s'étaient sauvés à la nage ; les
τόπον ὠχύρουν κατὰ τὸ
δυνατὸν καὶ τοὺς ἐκ τῆς projectiles, tombant sur une masse
φυγῆς σωζομένους compacte, ne manquèrent point
ἀνελάμβανον· ὀλίγοι δὲ τῶν
leur but. Ainsi, les uns, blessés
διανηξαμένων ἄνοπλοι
φυγόντες εἰς Ῥώμην mortellement, périrent sur-le-
ἀπήγγειλαν πάντας champ, les autres, blessés
ἀπολωλέναι. Τηλικούτων δ´ seulement, mais affaiblis par le
ἀτυχημάτων ἠγγελμένων
τοῖς ἐν τῇ πόλει sang qu'ils perdaient et entraînés
καταλελειμμένοις, εἰς par la rapidité du courant, furent
ἀπορίαν ἅπαντες ἐνέπιπτον· emportés au loin. Telle fut la fin de
ἀνθίστασθαι μὲν γὰρ cette journée si funeste pour les
ἀδύνατον εἶναι διελάμβανον,
Romains. La plus grande partie de
ἁπάντων τῶν νέων
ἀπολωλότων, φεύγειν δὲ ceux qui avaient échappé à la
μετὰ τέκνων καὶ γυναικῶν déroute se sauva dans la ville de
ἐπικίνδυνον ἦν λίαν, τῶν Véies, dont ils venaient de
πολεμίων ἐγγὺς
ὑπαρχόντων. Πολλοὶ μὲν οὖν s'emparer et qui avait été
τῶν ἰδιωτῶν πανοίκιοι πρὸς récemment reconstruite dans une
τὰς ἀστυγείτονας πόλεις position très forte; c'est là qu'ils se
ἔφευγον, οἱ δ´ ἄρχοντες τῆς
remirent de leurs fatigues. Un petit
πόλεως παραθαρσύνοντες
τὰ πλήθη προσέταττον nombre de ceux qui étaient
ταχέως ἐπὶ τὸ Καπετώλιον parvenus à se sauver à la nage,
τόν τε σῖτον καὶ τὰ λοιπὰ
vinrent, dépouillés de leurs armes,
τῶν ἀναγκαίων ἀποκομίζειν.
Οὗ γενηθέντος ἔγεμεν {τ´} jusqu'à Rome et y apportèrent la
ἀκρόπολις {καὶ τὸ nouvelle de la destruction de
Καπετώλιον} χωρὶς τῶν εἰς l'armée. Les habitants qui restaient
τροφὴν ἀνηκόντων ἀργυρίου
τε καὶ χρυσίου καὶ τῆς dans la ville, instruits d'un si grand
πολυτελεστάτης ἐσθῆτος, désastre, furent tousfort alarmés.
ὡς ἂν ἐξ ὅλης τῆς πόλεως Car, après la perte de toute la
εἰς ἕνα τόπον τῶν ἀγαθῶν
jeunesse, ils se sentaient dans
συνηθροισμένων. Οὗτοι μὲν
οὖν τὰ δυνατὰ τῶν l'impossibilité de résister à
χρημάτων μετεκόμιζον καὶ l'ennemi; d'un autre côté, il était
τὸν προειρημένον τόπον
très dangereux de fuir avec les
ὠχύρουν, ἀναστροφὴν
ἔχοντες τρεῖς ἡμέρας. Οἱ femmes et les enfants, l'ennemi
γὰρ Κελτοὶ τὴν μὲν πρώτην étant si proche. Cependant un
ἡμέραν διετέλεσαν grand nombre de citoyens se
ἀποκόπτοντες τὰς κεφαλὰς
τῶν τετελευτηκότων κατὰ réfugièrent dans les villes du
τὸ πάτριον ἔθος· τὰς δὲ δύο voisinage, emportant avec eux tous
παρὰ τὴν πόλιν les biens de leurs maisons. Mais les
στρατοπεδεύοντες, καὶ τὰ
chefs de la cité, exhortant la
μὲν τείχη θεωροῦντες
ἔρημα, κραυγὴν δὲ multitude à prendre courage,
αἰσθόμενοι γινομένην, ἣν ordonnèrent de porter
ἐποίουν οἱ τὰ χρησιμώτατα
promptement dans le Capitole les
μεταφέροντες εἰς τὴν
ἀκρόπολιν, ὑπελάμβανον denrées et toute sorte de
ἐνεδρεύειν ἑαυτοῖς τοὺς provisions. Cet ordre exécuté, la
Ῥωμαίους. Τῇ τετάρτῃ δ´ citadelle et le Capitole se
ἡμέρᾳ γνόντες τὴν
ἀλήθειαν, τάς τε πύλας remplirent, outre les provisions,
ἐξέκοψαν καὶ τὴν πόλιν d'argent, d'or, de vêtements
ἐλυμαίνοντο, χωρὶς ὀλίγων précieux, en sorte que toutes les
οἰκιῶν ἐν τῷ Παλατίῳ. Μετὰ richesses de la ville étaient
δὲ ταῦτα προσβολὰς
entassées en un seul endroit. Ils
ποιούμενοι καθ´ ἡμέραν
πρὸς ὀχυροὺς τόπους, οὐθὲν employèrent ainsi trois jours aux
μὲν ἀξιόλογον ἔβλαπτον transports de leurs biens et à la
τοὺς ὑπεναντίους, ἑαυτῶν fortification du Capitole. Les Celtes
δὲ πολλοὺς ἀπέβαλλον· ὅμως
δ´ {οὖν} οὐκ ἀφίσταντο τῆς passèrent le premier jour à couper
φιλοτιμίας, ἐλπίζοντες, ἐὰν les têtes aux morts, selon la
μὴ βίᾳ κρατήσωσι, τῷ γε coutume de leur nation, et deux
χρόνῳ πάντως τῶν
autres jours ils furent occupés à
ἀναγκαίων ἐκλιπόντων
καταπονήσειν. rapprocher leur camp de la ville.

[116] Τῶν δὲ Ῥωμαίων ἐν Comme ils voyaient les murs


τοιαύταις ταραχαῖς ὄντων, déserts et qu'ils entendaient les
οἱ παροικοῦντες Τυρρηνοὶ
grands cris poussés par ceux qui
μετὰ δυνάμεως ἁδρᾶς
ἐπεπορεύοντο τὴν τῶν transportaient les richesses au
Ῥωμαίων χώραν Capitole, les ennemis s'imaginèrent
λεηλατοῦντες, καὶ πολλῶν que les Romains leur avaient
μὲν σωμάτων, οὐκ ὀλίγης δ´
ὠφελείας ἐγκρατεῖς dressé une embuscade. Enfin,
ἐγένοντο. Οἱ δ´ εἰς τοὺς lorsque le quatrième jour ils
Βηίους τῶν Ῥωμαίων apprirent la vérité, ils enfoncèrent
πεφευγότες ἀπροσδοκήτως
les portes, entrèrent dans la ville et
τοῖς Τυρρηνοῖς ἐπιπεσόντες
ἐτρέψαντο, καὶ τήν τε λείαν la détruisirent à l'exception de
ἀφείλαντο καὶ τῆς quelques maisons situées sur le
παρεμβολῆς ἐκυρίευσαν.
mont Palatin. Ils livrèrent ensuite
Ἐγκρατεῖς δὲ γενόμενοι
πολλῶν ὅπλων τοῖς τε des assauts journaliers aux points
ἀνόπλοις οὖσι διέδωκαν καὶ fortifiés; mais ces attaques ne
τοὺς ἀπὸ τῆς χώρας firent aucun mal considérable,
ἀθροίζοντες καθώπλιζον·
ἐβούλοντο γὰρ τοὺς εἰς τὸ tandis qu'ils perdirent beaucoup de
Καπετώλιον συμπεφευγότας monde; néanmoins ils ne se
ἐκ τῆς πολιορκίας désistèrent pas de leur entreprise,
ἐξελέσθαι. Ἀπορούντων δ´
persuadés que, s'ils ne pouvaient
αὐτῶν, τρόπῳ δηλώσειαν
τοῖς συγκεκλειμένοις διὰ τὸ pas emporter la citadelle de force,
τοὺς Κελτοὺς μεγάλαις les Romains seraient vaincus par le
δυνάμεσι
temps et le manque de vivres.
περιστρατοπεδεύειν,
Κομίνιός τις Πόντιος CXVI. Pendant que les
ὑπέσχετο παραθαρρύνειν Romains étaient réduits à ces
τοὺς ἐν τῷ Καπετωλίῳ.
Ὁρμήσας οὖν μόνος καὶ extrémités, les Tyrrhéniens, leurs
διανηξάμενος νυκτὸς τὸν voisins, envahirent avec une armée
ποταμόν, ἔλαθε προσελθών compacte le territoire des Romains
τινα πέτραν τοῦ Καπετωλίου qu'ils ravagèrent; ils firent un
δύσβατον, καὶ ταύτῃ μόγις
grand nombre de prisonniers et
ἑαυτὸν ἑλκύσας ἐδήλωσε
τοῖς ἐν τῷ Καπετωλίῳ περὶ amassèrent beaucoup de butin.
τῶν συνηθροισμένων εἰς Mais les Romains qui s'étaient
Βηίους καὶ διότι καιρὸν réfugiés à Véies tombèrent à
τηρήσαντες ἐπιθήσονται
τοῖς Κελτοῖς. Οὗτος μὲν οὖν l'improviste sur les Tyrrhéniens, les
καταβὰς ᾗπερ ἀνέβη καὶ mirent en fuite, leur enlevèrent leur
διακολυμβήσας τὸν Τίβεριν, butin et s'emparèrent de leur
εἰς Βηίους ἀνέστρεψεν· οἱ δὲ
camp. S'étant ainsi mis en
Κελτοὶ κατανοήσαντες τὰ
ἴχνη τοῦ προσφάτως possession d'un grand nombre
ἀναβεβηκότος, συνετάξαντο d'armes, ils les distribuèrent à ceux
κατὰ τῆς αὐτῆς πέτρας
qui en manquaient et armèrent les
ἀναβῆναι νυκτός.
troupes tirées de la campagne; car
Διὸ καὶ περὶ μέσας νύκτας οἱ
μὲν φύλακες ils voulaient délivrer ceux qui
παρερρᾳθυμηκότες ἦσαν τῆς s'étaient réfugiés dans le Capitole
φυλακῆς διὰ τὴν ὀχυρότητα assiégé. Mais ils ne savaient point
τοῦ τόπου, τῶν δὲ Κελτῶν
τινες κατὰ τῆς πέτρας comment leur faire connaître le
προσανέβησαν. Τοὺς μὲν οὖν secours qu'ils leur apportaient, car
φύλακας ἔλαθον, χῆνες δ´ les Celtes avaient complétement
ἱεροὶ τῆς Ἥρας τρεφόμενοι,
enveloppé, par leur nombreuse
καὶ θεωρήσαντες
ἀναβαίνοντας κραυγὴν armée, les assiégés, lorsqu'un
ἐποίουν. Συνδραμόντων δὲ certain Cominius Pontius s'offrit
τῶν φυλάκων ἐπὶ τὸν τόπον,
pour ranimer le courage de ceux
οὗτοι μὲν καταπλαγέντες
οὐκ ἐτόλμων προσελθεῖν, qui étaient renfermés dans le
Μάρκος δέ τις Μάλλιος, Capitole. Il se mit seul en route,
ἔνδοξος ἀνήρ, ἐκβοηθήσας profita de la nuit pour traverser le
ἐπὶ τὸν τόπον τῷ μὲν ξίφει
τὴν χεῖρα τοῦ fleuve à la nage et parvint sans
προσαναβαίνοντος ἀπέκοψε, être aperçu au pied d'un rocher
τῷ δὲ θυρεῷ πατάξας εἰς τὸ très escarpé du Capitole. Il réussit
στῆθος ἀπεκύλισεν αὐτὸν
à grand'peine à le gravir et
ἀπὸ τῆς πέτρας.
Παραπλησίως δὲ καὶ τοῦ annonça aux assiégés le
δευτέρου προσαναβαίνοντος rassemblement qui s'était fait à
ἀπολομένου, οἱ λοιποὶ
Véies pour leur porter secours,
ταχέως πάντες ἔφυγον·
ἀπορρῶγος δὲ τῆς πέτρας ainsi que le projet d'attendre le
οὔσης ἅπαντες moment favorable pour attaquer
κατακρημνισθέντες les Celtes. Il descendit ensuite du
ἐτελεύτησαν.
rocher, plongea dans le Tibre qu'il
Διόπερ πρεσβευομένων τῶν traversa à la nage et revint à Véies.
Ῥωμαίων περὶ διαλύσεως, Mais les Celtes, ayant remarqué la
ἐπείσθησαν χιλίας λαβόντες
trace récente de celui qui avait
λίτρας χρυσίου τὴν πόλιν
ἐκλιπεῖν καὶ ἐκ τῆς Ῥωμαίων gravi le rocher, résolurent de
χώρας ἀπαλλαγῆναι. profiter de la nuit pour monter à
Ῥωμαῖοι δέ, τῶν μὲν οἰκιῶν leur tour sur le même rocher.
κατεσκαμμένων, τῶν δὲ
πλείστων πολιτῶν Vers minuit, au moment où les
ἀπολωλότων, ἔδωκαν gardes, rassurés par la difficulté de
ἐξουσίαν τῷ βουλομένῳ καθ
´ ὃν προῄρηται τόπον οἰκίαν l'accès du Capitole, se relâchèrent
οἰκοδομεῖν, καὶ δημοσίας de leur vigilance, quelques Celtes
κεραμῖδας ἐχορήγουν, αἳ parvinrent jusqu'au sommet du
μέχρι τοῦ νῦν πολιτικαὶ
rocher. Les gardes ne les avaient
καλοῦνται. Ἁπάντων οὖν
πρὸς τὴν ἰδίαν προαίρεσιν point aperçus; mais les oies
οἰκοδομούντων, συνέβη τὰς sacrées de Junon, nourries dans le
κατὰ πόλιν ὁδοὺς στενὰς
Capitole, élevèrent de grands cris à
γενέσθαι καὶ καμπὰς
ἐχούσας· διόπερ ὕστερον la vue des Celtes qui gravissaient le
αὐξηθέντες οὐκ ἠδυνήθησαν rocher. Éveillés par ce bruit, tous
εὐθείας ποιῆσαι τὰς ὁδούς. les postes accoururent sur le point
Λέγουσι δέ τινες καὶ διότι
τὸν χρυσοῦν κόσμον αἱ menacé ; mais, saisis de frayeur,
γυναῖκες εἰς τὴν κοινὴν ils n'osèrent s'avancer. Cependant
σωτηρίαν εἰσενέγκασαι Marcus Manlius, citoyen illustre,
ταύτης ἔτυχον παρὰ τοῦ
accourut à la défense du poste : il
δήμου τιμῆς, ὥστ´ ἐξουσίαν
ἔχειν ἐφ´ ἁρμάτων ὀχεῖσθαι coupa lui-même avec son épée la
κατὰ τὴν πόλιν. main du Celte qui allait le premier
[117] Ταπεινῶν δ´ ὄντων atteindre le sommet du rocher, et,
τῶν Ῥωμαίων διὰ τὴν lui donnant un coup de bouclier sur
προειρημένην συμφοράν, οἱ
Οὐόλσκοι πρὸς αὐτοὺς la poitrine, le fit rouler du haut du
πόλεμον ἐξήνεγκαν. Οἱ μὲν Capitole. Il en fit autant à un
οὖν χιλίαρχοι τῶν Ῥωμαίων second qui voulait également
καταγράψαντες
monter, et tous les autres prirent la
στρατιώτας, καὶ
προαγαγόντες τὴν δύναμιν fuite. Mais comme le rocher était
εἰς ὕπαιθρον, ἐν τῷ très escarpé, ils se tuèrent tous
καλουμένῳ Μαρκίῳ
dans leur chute.
κατεστρατοπέδευσαν,
ἀπέχοντες ἀπὸ Ῥώμης Les Romains envoyèrent
σταδίους διακοσίους. Τῶν δὲ
ensuite aux Celtes des
Οὐόλσκων μετὰ μείζονος
στρατιᾶς ἀντικαθημένων καὶ parlementaires pour traiter de la
τῇ παρεμβολῇ paix. Les Celtes consentirent à
προσβαλλόντων, οἱ κατὰ τὴν
Ῥώμην φοβηθέντες ὑπὲρ τῶν sortir de la ville et à quitter le
ἐν τῷ στρατοπέδῳ, territoire romain en recevant mille
κατέστησαν αὐτοκράτορα
livres pesant d'or (99). Comme les
μὲν Μάρκον Φούριον - - -
οὗτοι δὲ πάντας τοὺς ἐν maisons étaient détruites et qu'un
ἡλικίᾳ καθοπλίσαντες grand nombre de citoyens avaient
νυκτὸς ἐξῆλθον, καὶ péri, les Romains promirent à tous
καταλαβόντες ἅμ´ ἡμέρᾳ
τοὺς Οὐόλσκους τῇ ceux qui voulaient s'établir dans la
παρεμβολῇ προσμαχομένους, ville de construire une habitation
ἐπιφανέντες κατὰ νώτου dans le lieu qu'il leur plairait, et de
ῥᾳδίως ἐτρέψαντο.
leur fournir des briques aux dépens
Ἐξελθόντων δὲ καὶ τῶν ἐκ
τῆς παρεμβολῆς, εἰς μέσον du trésor public; ces briques sont
ἀποληφθέντες οἱ Οὐόλσκοι encore aujourd'hui connues sous le
σχεδὸν ἅπαντες
nom de briques de l'État. Mais
κατεκόπησαν. Διόπερ τὸν
ἔμπροσθεν χρόνον ἰσχυροὶ chacun bâtissant selon son caprice,
δοκοῦντες εἶναι, διὰ τὴν il arriva que les rues de la ville
συμφορὰν ταύτην furent étroites et tortueuses; voilà
ἀσθενέστατοι τῶν
περιοικούντων ἐθνῶν pourquoi Rome, agrandie par la
ἐγενήθησαν. Μετὰ δὲ τὴν suite, ne put avoir de rues droites.
μάχην ἀκούσας Quelques écrivains rapportent aussi
αὐτοκράτωρ πορθεῖσθαι
que les femmes qui, pour racheter
Βώλας {πόλιν} ὑπὸ
Αἰκουλανῶν, τῶν νῦν la patrie, avaient apporté leurs
Αἰκίκλων καλουμένων, ornements d'or, reçurent comme
ἀγαγὼν τὴν δύναμιν τοὺς
un honneur public la permission de
πλείστους τῶν
πολιορκούντων ἀνεῖλεν. se faire conduire dans la ville sur
Ἐκεῖθεν δ´ ἀνέζευξεν εἰς des chariots.
Σουτριανήν, οὖσαν ἀποικίαν,
ἣν οἱ Τυρρηνοὶ βίᾳ CXVII. Les Romains furent fort
κατειλήφεισαν. Προσπεσὼν abattus par ce revers ; les Volsques
οὖν ἄφνω τοῖς Τυρρηνοῖς profitèrent de ce moment pour leur
πολλοὺς μὲν αὐτῶν ἀνεῖλε,
τὴν δὲ πόλιν ἀνέσωσε τοῖς déclarer la guerre. Les tribuns
Σουτριαίοις. Τῶν δ´ militaires de Rome ordonnèrent
ἀπεληλυθότων Γαλατῶν ἀπὸ donc une conscription ; ils firent la
Ῥώμης Οὐεάσκιον τὴν πόλιν
revue de leurs troupes dans un
σύμμαχον οὖσαν Ῥωμαίων
πορθούντων, ἐπιθέμενος endroit appelé le champ de Mars, à
αὐτοῖς αὐτοκράτωρ καὶ deux cents stades de Rome (100).
τοὺς πλείστους ἀποκτείνας
Comme les Volsques avaient une
τῆς ἀποσκευῆς πάσης
ἐκυρίευσεν, ἐν καὶ τὸ armée supérieure en nombre et
χρυσίον ἦν {ὃ εἰλήφεισαν εἰς qu'ils assiégeaient déjà le camp
Ῥώμην} καὶ σχεδὸν ἅπαντα romain, les citoyens de Rome,
τὰ διηρπασμένα κατὰ τὴν craignant pour la sûreté de l'armée,
τῆς πόλεως ἅλωσιν. nommèrent dictateur Marcus Furius
Τοσαῦτα δὲ διαπραξάμενος
{Camille}(101). Celui-ci, armant
διὰ τὸν φθόνον τῶν
δημάρχων ἐκωλύθη toute la population valide, sortit
θρίαμβον καταγαγεῖν.Ἔνιοι pendant la nuit, vint à la pointe du
δέ φασιν αὐτὸν ἀπὸ Τούσκων jour attaquer par derrière les
θρίαμβον ἀγαγεῖν ἐπὶ λευκοῦ
τεθρίππου, καὶ διὰ τοῦτο Volsques qui tombaient déjà sur le
δυσὶν ὕστερον ἔτεσιν ὑπὸ camp, et les mit facilement en
τοῦ δήμου πολλοῖς χρήμασι déroute. Les Romains étant sortis
καταδικασθῆναι· περὶ οὗ
de leur camp, les Volsques se
κατὰ τοὺς οἰκείους χρόνους
ἐπιμνησθησόμεθα. Οἱ δ´ εἰς trouvèrent ainsi pris entre deux
τὴν Ἰαπυγίαν τῶν Κελτῶν armées et furent presque tous
ἐληλυθότες ἀνέστρεψαν διὰ
passés au fil de l'épée. Depuis cette
τῆς τῶν Ῥωμαίων χώρας·
καὶ μετ´ ὀλίγον ὑπὸ Κερίων défaite, les Volsques, qui passaient
ἐπιβουλευθέντες νυκτὸς jadis pour une nation puissante,
ἅπαντες κατεκόπησαν ἐν τῷ demeurèrent le peuple le plus faible
Τραυσίῳ πεδίῳ.
des environs. Après cette bataille,
Καλλισθένης δ´
ἱστοριογράφος {τὴν τῶν le dictateur, informé que les Éques,
Ἑλλήνων σύνταξιν} ἀπὸ τῆς qu'on appelle aujourd'hui Equicles,
κατὰ τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν dévastaient la ville de Vola, marcha
γενομένης εἰρήνης τοῖς
contre eux et tua la plupart des
Ἕλλησι πρὸς Ἀρταξέρξην
τὸν τῶν Περσῶν βασιλέα assiégeants. De là il passa à
τὴν ἱστορίαν ἦρκται Sutrium, colonie romaine que les
γράφειν· διελθὼν δὲ
Tyrrhéniens avaient occupée de
τριακονταετῆ χρόνον
ἔγραψε μὲν βύβλους δέκα, force. Attaquant les Tyrrhéniens à
τὴν δὲ τελευταίαν l'improviste, il en tua un grand
κατέπαυσε τῆς συντάξεως nombre et conserva aux Sutriens
εἰς τὴν ὑπὸ τοῦ φιλομήλου
τοῦ Φωκέως κατάληψιν τοῦ leur ville. Cependant les Gaulois
ἐν Δελφοῖς ἱεροῦ. partis de Rome dévastèrent
Ἡμεῖς δ´ ἐπεὶ πάρεσμεν ἐπὶ Véascium (102), ville alliée des
τὴν γενομένην τοῖς Ἕλλησιν Romains ; le dictateur vint tomber
εἰρήνην πρὸς Ἀρταξέρξην
sur eux, en tua la plupart et se
καὶ τὸν τῆς Ῥώμης ὑπὸ
Γαλατῶν κίνδυνον, κατὰ τὴν rendit maître de tout leur bagage,
ἐν ἀρχῇ πρόθεσιν τοῦτο dans lequel se trouvait l'or qu'ils
τέλος ποιησόμεθα τῆσδε τῆς avaient reçu à Rome et presque
βύβλου.
tout le butin qu'ils avaient fait
pendant la prise de la ville. Malgré
tous ces exploits, la jalousie des
tribuns du peuple empêcha le
dictateur d'obtenir les honneurs du
triomphe. Cependant quelques
historiens rapportent que Camille
triompha des Tusques monté sur
un quadrige blanc, et que pour cela
il fut, deux ans après, condamné
par le peuple à une forte amende ;
mais nous en parlerons en temps
convenable. Les Celtes, qui avaient
pénétré jusque dans l'Iapygie
(103), revinrent sur leurs pas en
passant par le territoire de Rome ;
surpris peu de temps après par les
Cériens, ils furent, à la faveur de la
nuit, tous taillés en pièces dans la
plaine Trausienne.

Dans cette même année,


l'historien Callisthène, qui a écrit
une histoire des Grecs, a
commencé son ouvrage à dater de
la paix conclue entre les Grecs et
Artaxerxès, roi des Perses. Cet
ouvrage, composé de dix livres,
comprend un espace de trente ans,
et finit à la prise du temple de
Delphes par Philomélus le
Phocidien.

Arrivé à cette paix conclue


entre les Grecs et Artaxerxès, et à
la prise de Rome par les Gaulois,
nous terminons ici le présent livre,
d'après le plan tracé au
commencement.

ἀποκατέστησαν εἰς
τὴν ἐξ ἀρχῆς εὔνοιαν.
NOTES

(01) Première année de la xciv olympiade; année 404


avant J.-C.

(02) C'était un athlète dont il est question dans le


Banquet de Xénophon.

(03) Νεοπολίται : nouveaux citoyens.

(04) Cette ville était située à environ vingt kilomètres


au nord-ouest de Syracuse.

(05) Monticules fortifies, situés autour de Syracuse.

(06) D'après la conjecture de Wesseling, il faut lire ici


ποιητὸς πατήρ au lieu de ποιητὴς πατήρ, qui n'a guère de
sens.

(07) Cinq mollions conq cent mille francs.

(08) Ce village s'appelait Melissa, suivant Athénée.

(09). Deuxième année de la xcive olympiade; année


403 avant J.-C.

(10). Plus de quinze lieues.

(11). Le texte parait être ici corrompu. On ne sait s'il


faut lire Βυζαντίους, Βοιωτούς; ou βουλεύτας. J'ai préféré
cette dernière variante.

(12) Cicéron, de Divinatione, I, 43. [Lacedæmonii] de


rebus majoribus semper aut Delphis oraculum, aut ab
Hammone, aut a Dodona petebant.

(13) Il y a ici tme lacune dans le texte. Les motifs de


cette guerre l'ont indiqués dans Tite-Live, lib. IV, c. 59.

(14) Les noms des trois derniers tribuns militaires


manquent dans le texte. D'après Tite-Live, IV, 61, c'était
Quintus Cincinnatus, Lucius Furius Médullinus et Manlius
Aemilius Mamercus.

(15) Troisième année de la xcive' olympiade; année


402 avant J.-C.

(16) Il s'agit du roi Agis,. suivant !'autorité de


Xénophon et de Pausanias.

(17) Le Pénée en Élide.

(18) Trente mètres.

(19) Plus de cinq mille cinq cent vingt mètres.

(20). Quatrième année de la xcive olympiade ; année


401. avant J.-C..

(21) Le récit abrégé que Diodore fait de l'expédition


de Cyrus s'accorde assez bien avec l'Anabasis de
Xénophon.

(22) Plus de trois mire six cents mètres.

(23) Cette montagne est sans doute une ramification


éloignée du Liban proprement dit.

(24) ·Quatre cent cinquante-huit francs.

(25) Xénophon appelle ce chef Ariée, Ἀριαῖος.

(26). Environ cinq cent cinquante mètres

(27) Diodore a probablement suivi ici l'opinion de


Ctésias. D'après d'autres historiens, Cyrus a été tué de la
main même d'Artaxerxès.

(28). Voyez plus haut, XI, 5.

(29) Les mots renfermés entre deux crochets


manquent dans le texte grec qui est ici tronqué. Je propose
de le rétablir par l'intercalation suivante : δὲ Τισσαφέρνης
ὤρμησε μετὰ τῆς δυνάμεως, καὶ ὁδοιποτήσας ἡμέρας
πλείους, τὴν στρατοπέδειαν ποιήσατο ἐγγὺς τοῦ
στρατοπέδου τῶν Ἑλλήνων· ἐκεῖθεν πέμψας ἀγγέλους
Κλέάρχῳ καὶ ἄλλοις...

(30) Le texte porte ὡς εἰκός au lieu de ὡς εἴκοσι qui se


trouve dans Xénophon (Anabasis, Il) : πέντε μὲν
στρατηγοὺς, εἴκοσι δὲ λοχαγούς.
(31) Le Centrite séparait, suivant Xénophon, l'Arménie
du pays des Carduques.

(32) Les cas de cécité, produits par l'éclat de la neige,


sont très-fréquents. Ce genre de cécité (amaurose)
consiste dans la paralysie de la rétine par suite d'une
réflexion trop vive des rayons lumineux.

(33). Le texte porte inexactement Chalcidiens.


Xénophon parle ici du pays des Chalybes.

(34). Ce fleuve était sans doute l'Apsarus d'Arrien ou


l'Apsorus de Ptolémée.

(35). Plus de cent vingt mètres.

(36) Ce miel est appelé par Dioscoride μέλι


μαινόμενον, c'est-à-dire du. miel qui produit la folie
(Dioscoride, II, 103); Pline (H. N., XXI, 17ï) ;. Strabon (XII, p.
826; édit. Casaub.) ; Élien (Hist. Anim., V, 42) et Procope
(Bell. Goth., IV, 2) en parlent également. Ce miel devait ses
qualités toxiques aux fleurs de certaines plantes
vénéneuses (plusieurs espèces d'Asalea, de
Rhododendron, de Solanum) sur lesquelles les abeilles
s'étaient posées. Voyez mon Histoire de la Chimie, tome I,
p. 189.

(37). Κέλης, bâtiment léger.

(38) Mela (I, 19) s'exprime ainsi sur les Mosynoeques :


Reges suffragio deligunt, vinculisque et arctissima custodia
tenent; atque ubi culpam prave quid imperando meruere,
media totius diei afficiunt.

(39) Les débris de l'armée grecqùe étaient.plus


considérables que l'indique Diodore : il y avait encore huit
mille six cents hommes à Cérasonte, suivant Xénophon qui
commandait lui-même l'arrière-garde.

(40). Près de. dix-huit kilomètres et demi.

(41) C'est parmi ces trois mille citoyens qu'étaient


choisis ceux qui remplissaient des fonctions publiques.
Voyez Xénophon, Hellenica, liv. II.

(42) Il y a ici dans le texte une lacune que j'ai remplie


par les mots renfermés entre deux crochets.

(43) Hippomaque, collègue de Critias, trouva


également la mort en cette occasion.

(44). Suivant d'autres historiens, le rétablissement de


la constitution ancienne d'Athènes tombe, non dans la
quatrième année, mais dans la première année de la xcive
olympiade. Votez la note de Weeseling tom. VI, y. 529, de
l'édit. Bip.

(45). Voyez chap. 17.

(46) Voyez liv. XI, chap. 83 et 84. .

(47) Première année de la xcve olympiade; année 400


avant J.-C.

(48) JLe texte porte Pharnabaze. Il faudrait lire


Tissapherne.

(49). Psammitichus Ier, qui régnait 670 ans avant J: C.


Voyez liv. 1, chap. 67.

(50). Environ vingt-deux kilomètres.

(51) Ce poison, appelé κώνειον, était-ce réellement de


la ciguë, ou plutôt une préparation toxique portant le nom
de v4vauov? C'est ce qui parait assez difficile à décider.

(52) Deuxième année de la xcv olympiade; année 399


avant J.-C.

(53) Deux millions sept cent cinquante mille francs.

(54) Je propose de lire ici ὅπλων (armes) au lieu de


οἴκων (maisons) que porte le texte.

(55) Troisième année.de la xcve olympiade; année


398 avant J-C..

(56) Liv. XIII, chap. 112.

(57). Au lieu de πόλεων que donne le texte, il faudrait


peut-être lire πολιτῶν, pour avoir un sens convenable,.

(58) Les Carthaginois sont souvent désignés sous le


nom de Phéniciens.

(59) Les noms des trois derniers tribuns militaires


manquent dans le texte. Voyez Tite-Live, V, 12. Quatrième
année de la xcvε olympiade; année 397 avant J.-C.

(60) Un peu plus d'un kilomètre.

(61) Ces paniers portaient le nom de θεωράκια,


petites cuirasses, à cause de leur forme. Voyez la note de
Wesseling, tome VI, p 547.

(62). Neuf mille cent soixante-six francs.

(63) Première année de la xcviε olympiade; année 396


avant J.C.

(64) Les mots mis entre deux crochets . ne se trouvent


pas dans le texte, qui est ici tronqué.

(65). L'assiette avantageuse de Messine frappe tous


ceux qui la voient. Située vers l'extrémité nord-est de la
Sicile, et presque en face de Rhégium (Reggio), cette ville
est la clef du détroit qui fait communiquer la mer Ionienne
avec la mer Tyrrhénienne.

(66). Cent soixante-quinze mille francs.

(67). Plus de dix-huit kilomètres.

(68) Le détroit est très-peu large entre Messine et


l'extrémité inférieure de l'Italie. C'est peut-étre le point le
plus resserré du détroit, si toutefois la ville de Messine
occupe aujourd'hui l'emplacement de l'ancienne ville des
Messiniens. Des nageurs un peu exercés auraient donc pu
facilement traverser la mer pour se sauver en Italie.

(69) Il ne faut pas confondre cette place avec une


autre, également appelée Taurus, où fut fondée la ville de
Tauroménium, à près de 300 stades au nord de Syracuse,
sur les bords de la mer.
(70). Suivant le texte, les Carthaginois étaient, au
contraire, supérieurs en courage, tandis que les troupes de
Leptine l'emportaient en nombre. C'est là une erreur, ainsi
qu'il est facile de s'en assurer par ce qui précède.

(71) Il existe ici une lacune dans le texte.

(72) D'après l'énumération de ces symptômes et de


ces causes morbifiques il est permis de croire que la
maladie qui décimait les Carthaginois était, sinon la peste,
au moins une fièvre pernicieuse putride, une espèce de
typhus.

(73) Le texte parait ici défectueux. — Les satrapies


supérieures étaient celles de l'intérieur du royaume et les
plus éloignées des satrapies maritimes, qu'on nommait,
par opposition, les satrapies inférieures. A cette distinction
se rattachent les termes si fréquents de ἄνω Ἀσία (l'Asie
supérieure), κάτω Ἀσία (l'Asie inférieure, les côtes),
ἀνάβασις, κατάβασις. etc.

(74)Deuxième année de la xcvie olympiade; année 395


avant J-C.

(75) Le texte porte à tort Périarque.

(76) Près du tombeau d'Hécube. Voyez XIII, 40.

(77) Troisième année de la xcvie olympiade; année


394 avant J.-C.

(78) Le Léchée était le port de Corinthe.

(79) Quatrième année de la xcvie olympiade; année


393 avant J.-C.

(80) Infanterie légère.

(81) Première année de la xcviie olympiade; année 392


avant J.C.

(82).Deuxième année de la xcviie olympiade; année


391 avant J.C.

(83) Le texte donne ici inexactement Étoliens,


Αἴτωλούς.

(84)Troisième année de l'a xcviie olympiade; année


390 avant J.-C.

(85) Environ cent vingt-trois mètres carrés.

(86) La plupart de ces noms propres sont estropiés


dans le texte grec. Liphium est probablement pour
Lavicum.

(87) Aucun auteur latinne parle de Cercies.

(88) Quatrième année de l'a xcviie olympiade; année


389 avant J.-C.

(89) Πατάξας ἐπὶ τοῦ λόφου. La leçon proposée par M.


Eichstœdt et adoptée par M. Miot (πήξας ἐπὶ τοῦ λόφου "
fixant la baguette sur le terrain de la colline "), outre
qu'elle n'est pas justifiée par les manuscrits, ne me parait
pas offrir un sens bien convenable. Fixée dans le terrain de
la colline, la baguette que Denys tenait dans la main ne
pouvait servir de moyen de contrôle qu'en y faisant une
entaille ou qu'en l'enfonçant d'un cran à chaque prisonnier
qui passait. Or, ce moyen de contrôle était aussi puéril
qu'impraticable, car les prisonniere étaient au nombre de
plus de dix mille, ce qui aurait exigé une baguette
(ῥάβδος) d'une longueur, démesurée. Le sens que
présente la leçon ordinaire est bien plus simple : au
passage de chacun des prisonniers qui défilaient devant lui
en descendant de la colline, Denys frappait la terre d'un
coup de baguette (πατάξας). C'était là un mouvement en
quelque sorte instinctif, soit pour compter les prisonniers,
soit pour marquer leur sujétion par un geste expressif.

(90) Ce nom paraît étre tronqué. Aucun auteur latin ne


mentionne cette ville.

(91) Première année de la xcviiie olympiade; .année


388 axant J.-C.

(92) Il n'a été conservé aucun fragment des poésies de


Denys.

(93) Deuxième année de la xcviiie olympiade; année


387 avant J.-C.

(94) Le médimne valait un peut moins de 44 litres.

(96) Environ 460 fr. La mine valait un peu moins de


100 ff. (environ 92 fr.).

(97) Suivant Aristote (Économiques, page 467 de ma


traduction ; Paris, 1843), la rançon. était de trois mines par
tête de prisonnier.

(98) Les noms de ces poètes n'ont pas èté transmis à


la postérité..

(99) Voyez Tite-Live, V, 30.

(99) Au lieu de Cauloniens, il faudra probablemént lire


Clusiens: .

(100) Voyez Tite-Live, V, 48.

(101) Cette distance parait trop considérable; carie


champ de Mars faisait plus tard partie de la ville de Rome.

(102) Le nom du maître de cavalerie manque dans le


texte, et la phrase subséquente commence par οὗτοι,
savoir, le dictateur et le maître de cavalerie.

(103) Nom propre d'une ville, défiguré en grec. Véies


ou Gabies(?).

(104) Le littoral de la Pouille.

DIODORE DE SICILE.
LIVRE DIX-SEPTIÈME.
PREMIERE PARTIE (01).

SOMMAIRE.
Alexandre succède au roi Philippe, et règle
les affaires du royaume. — Il soumet les
peuples insurgés. — Il rase Thèbes, frappe de
terreur les Grecs, et est nommé chef absolu de
la Grèce. — Il passe en Asie et bat les satrapes
aux bords du fleuve Granique, en Phrygie. — Il
prend d'assaut Milet et Halicarnasse. —
Combat entre Darius et Alexandre, à Issus, en
Cilicie; victoire d'Alexandre. — Siège de Tyr;
occupation de l'Egypte; voyage du roi au
temple d'Amman.— Bataille d'Arbèles entre
Alexandre et Darius; victoire d'Alexandre. —
Combat entre Antipater et les Lacédémoniens;
victoire d'Antipater. — Prise d'Arbèles par
Alexandre, qui recueille beaucoup de
richesses. — L'armée se repose à Babylone;
les braves sont récompensés. — Arrivée des
mercenaires et des alliés. — Revue de l'armée.
— Alexandre prend Suse et les trésors qui s'y
trouvent. — Il s'empare des défilés et se rend
maître de ce qu'on appelle les Portes. — II
devient le bienfaiteur des Grecs mutilés, prend
Persépolis et saccage la ville. — Il incendie,
pendant une orgie, le palais du roi. — Darius
est tué par Bessus. —. Alexandre s'avance
vers l'Hyrcanie; récit des choses singulières
qui s'y produisent. — Alexandre marche contre
les Mardes, et dompte cette nation. —
Thalestris, reine des Amazones, approche
d'Alexandre. — Le roi, se croyant invincible,
imite les mœurs luxurieuses des Perses. —
Expédition d'Alexandre contre les Ariens
rebelles; prise de Pétra. — Conspiration contre
le roi ; châtiment des conspirateurs, dont les
plus célèbres sont Parménion et Philotas. —
Expédition d'Alexandre contre les
Paropamisades ; détails de cette expédition. —
Combat singulier chez les Ariens; soumission
de ce peuple. — Mort de Bessus, meurtrier de
Darius (02). — Alexandre prend d'assaut un
rocher jusqu'alors inexpugnable, appelé Pétra.
— Il se réunit à Taxile, roi des Indiens; il est
vainqueur de Porus dans une grande bataille,
s'empare de sa personne et lui rend le
royaume par générosité. — Description des
serpents énormes et des productions
naturelles de cette contrée. — Il soumet les
nations voisines, les unes par la persuasion,
les autres par la force. — Il subjugue le pays
appartenant à Sopithès. — Sur les bonnes
institutions des villes de ce pays. — Excellente
race des chiens donnés à Alexandre. —
Histoire du roi des Indiens. — Désobéissance
des Macédoniens au moment où Alexandre se
propose de passer le Gange et de combattre
les Gandarides. — Le roi met un terme à son
expédition et visite les autres contrées de
l'Inde; il faillit mourir d'un coup de flèche. — Il
traverse l'indus et navigue vers l'océan
méridional. — Combat singulier par un défi. —
Soumission des Indiens occupant les deux
rives du fleuve jusqu'à l'Océan. — Traditions et
coutumes des indigènes; leur vie sauvage. —
L'expédition navale, envoyée dans l'Océan,
rejoint Alexandre campé au bord de la mer;
détail de cette navigation. — Reprise de
l'expédition navale ; on longe les côtes dans
une grande étendue. — Les Perses choisissent
trente mille jeunes gens, les instruisent dans
l'art militaire et les opposent à la phalange
macédonienne. — Harpalus, incriminé à cause
de son luxe et de ses dépenses excessives,
s'enfuit de Babylone, et devient le suppliant du
peuple d'Athènes. — En s'échappant de
l'Attique, il est tué ; il avait déposé chez les
Athéniens sept cents talents d'argent; il en
laisse quatre mille, ainsi que huit mille
mercenaires, près de Ténarum, en Laconie. —
Alexandre acquitte les dettes des vétérans
macédoniens, dépense dix mille talents, et les
renvoie dans leur patrie. — Les Macédoniens
se révoltent; châtiment des auteurs du
complot. .— Peuceste amène à Alexandre dix
mille archers et frondeurs perses choisis. — Le
roi organise ses troupes et mêle les Perses aux
Macédoniens..— Les enfants de troupes, au
nombre de dix mille, sont tous élevés et
instruits aux frais du roi. — Léosthène
commence à entreprendre une guerre contre
les Macédoniens. — Alexandre marche contre
les Cosséens. — Les Chaldéens prédisent à
Alexandre, qui se dirige sur Babylone, qu'il
mourrait s'il entrait dans la ville. — Le roi
s'effraye d'abord de cette prédiction, et évite
d'entrer dans Babylone; mais, plus tard,
persuadé par les philosophes grecs, il entre
dans cette ville. — Du grand nombre des
députations qui s'y rendent. — Funérailles
d'Hephaestion ; les grandes sommes qui y sont
dépensées. — Présages concernant Alexandre;
sa mort.

[1] μὲν πρὸ ταύτης I. Le livre précédent, le


βύβλος, οὖσα τῆς ὅλης seizième de tout l'ouvrage,
συντάξεως ἑξκαιδεκάτη, commence au règne de
τὴν ἀρχὴν ἔσχεν ἀπὸ τῆς Philippe, fils d'Amyntas; il
Φιλίππου τοῦ ᾿Αμύντου comprend toute l'histoire de
βασιλείας· περιελήφθησαν Philippe jusqu'à sa mort, ainsi
δ' ἐν αὐτῇ πράξεις αἱ μὲν que le récit des événements
τοῦ Φιλίππου πᾶσαι μέχρι arrivés en même temps sous
τῆς τελευτῆς, αἱ δὲ τῶν d'autres rois, chez d'autres
ἄλλων βασιλέων τε καὶ peuples, dans d'autres États,
ἐθνῶν καὶ πόλεων ὅσαι pendant toute la durée de ce
γεγόνασι κατὰ τοὺς τῆς règne qui a été de vingt
βασιλείας ταύτης quatre ans. Dans le présent
χρόνους, ὄντας ἐτῶν livre, nous exposerons les
εἴκοσι καὶ τεσσάρων. (2) événements qui viennent à la
Ἐν ταύτῃ δὲ τὰς συνεχεῖς suite de ceux-ci, en
πράξεις ἀναγράφοντες commençant à l'avènement
ἀρξόμεθα μὲν ἀπὸ τῆς d'Alexandre au trône de
᾿Αλεξάνδρου βασιλείας, Macédoine, et nous ferons
περιλαβόντες δὲ τὰ τούτῳ connaître les actes qui se
τῷ βασιλεῖ πραχθέντα sont passés sous ce règne,
μέχρι τῆς τελευτῆς jusqu'à là mort d'Alexandre;
συναναγράψομεν καὶ τὰ en même temps nous
ἅμα τούτοις embrasserons dans notre
συντελεσθέντα ἐν τοῖς récit tout ce qui est arrivé de
γνωριζομένοις μέρεσι τῆς remarquable dans les parties
οἰκουμένης· οὕτω γὰρ connues de la terre. Par cette
μάλιστα ὑπολαμβάνομεν méthode, divisant la
τὰς πράξεις narration par chapitres et
εὐμνημονεύτους ἔσεσθαι, rattachant, par un fil non
κεφαλαιωδῶς τεθείσας interrompu, la fin au
καὶ συνεχὲς ἐχούσας ταῖς commencement, nous
ἀρχαῖς τὸ τέλος. croyons parvenir à graver

(3) Ἐν ὀλίγῳ δὲ χρόνῳ facilement les faits dans la

μεγάλας πράξεις οὗτος mémoire du lecteur.

βασιλεὺς κατειργάσατο Dans un court espace de


καὶ διὰ τὴν ἰδίαν σύνεσίν temps, Alexandre a accompli
τε καὶ ἀνδρείαν de grandes choses, et, par la
ὑπερεβάλετο τῷ μεγέθει grandeur de ses œuvres,
τῶν ἔργων πάντας τοὺς fruits de son intelligence et
ἐξ αἰῶνος τῇ μνήμῃ de sa bravoure, il a surpassé
παραδεδομένους βασιλεῖς· tous les rois dont l'histoire
(4) Ἐν ἔτεσι γὰρ δώδεκα nous a légué le souvenir. En
καταστρεψάμενος τῆς μὲν douze ans il a conquis une
Εὐρώπης οὐκ ὀλίγα, τὴν partie de l'Europe, presque
δὲ ᾿Ασίαν σχεδὸν ἅπασαν toute l'Asie et s'est acquis
εἰκότως περιβόητον ἔσχε avec raison une gloire égale à
τὴν δόξαν καὶ τοῖς celle des anciens héros et
παλαιοῖς ἥρωσι καὶ demi-dieux. Mais il ne faut
ἡμιθέοις ἰσάζουσαν. Ἀλλὰ pas anticiper dans ce
γὰρ οὐκ ἀναγκαῖον ἡμῖν ἐν préambule sur l'exposé
τῷ προοιμίῳ complet que nous allons
προλαμβάνειν τι τῶν donner de tous les exploits
κατωρθωμένων τούτῳ τῷ de ce roi et qui doivent en
βασιλεῖ· αὐταὶ γὰρ αἱ proclamer la gloire.
κατὰ μέρος πράξεις Alexandre descendait
ἱκανῶς μηνύσουσι τὸ d'Hercule du côté paternel et
μέγεθος τῆς δόξης αὐτοῦ. des Éacides par sa mère. Il
(5) ᾿Αλέξανδρος οὖν eut des qualités physiques et
γεγονὼς κατὰ πατέρα μὲν morales dignes de ces
ἀφ' ῾Ηρακλέους, κατὰ δὲ ancêtres. Après avoir rappelé
μητέρα τῶν Αἰακιδῶν l'ordre chronologique des
οἰκείαν ἔσχε τὴν φύσιν καὶ événements, nous allons
τὴν ἀρετὴν τῆς τῶν reprendre le fil de notre
προγόνων εὐδοξίας. Ἡμεῖς histoire.
δὲ τοὺς ἁρμόττοντας τῇ II. Évaenète étant
γραφῇ χρόνους archonte d'Athènes, les
παραθέντες ἐπὶ τὰς Romains nommèrent consuls
οἰκείας τῆς ὑποκειμένης Lucius Furius et Caïus
ἱστορίας πράξεις Maenius (03). Dans cette
τρεψόμεθα. année, Alexandre hérita de la
[2] Ἐπ' ἄρχοντος γὰρ royauté. Son premier soin fut
᾿Αθήνησιν Εὐαινέτου d'infliger aux meurtriers de
῾Ρωμαῖοι κατέστησαν son père le châtiment mérité.
ὑπάτους Λεύκιον Φούριον Il s'occupa ensuite des
καὶ Γάιον Μάνιον. Ἐπὶ δὲ funérailles de son père et
τούτων ᾿Αλέξανδρος remplit noblement ce pieux
διαδεξάμενος τὴν devoir. Dès le
βασιλείαν πρῶτον μὲν commencement, il administra
τοὺς φονεῖς τοῦ πατρὸς son empire avec beaucoup
τῆς ἁρμοζούσης τιμωρίας plus d'ordre qu'on ne s'y
ἠξίωσε, μετὰ δὲ ταῦτα serait attendu. Quoique
τῆς ταφῆς τοῦ γονέως extrêmement jeune et
τὴν ἐνδεχομένην presque méprisé à cause de
ἐπιμέλειαν ποιησάμενος sa jeunesse, il savait par des
κατέστησε τὰ κατὰ τὴν discours insinuants gagner
ἀρχὴν πολὺ κάλλιον l'affection des masses. « Il n'y
πάντες προσεδόκησαν. (2) a, disait-il, de changé que le
Νέος γὰρ ὢν παντελῶς nom du roi ; les affaires
καὶ διὰ τὴν ἡλικίαν ὑπό seront administrées comme
τινων καταφρονούμενος du temps de mon père. » Il
πρῶτον μὲν τὰ πλήθη accueillit amicalement les
οἰκείοις λόγοις députations qui lui furent
παρεστήσατο πρὸς envoyées et engagea les
εὔνοιαν· ἔφη γὰρ ὄνομα Grecs à lui continuer la
μόνον διηλλάχθαι bienveillance qu'ils avaient
βασιλέως, τὰς δὲ πράξεις eue pour son père. Il passait
χειρισθήσεσθαι μηδὲν fréquemment ses troupes en
καταδεέστερον τῆς ἐπὶ revue, leur faisait faire des
τοῦ πατρὸς γενομένης exercices militaires, et se
οἰκονομίας· ἔπειτα ταῖς créa ainsi une armée bien
πρεσβείαις χρηματίσας disciplinée. Attalus, frère de
φιλανθρώπως παρεκάλεσε Cléopâtre, seconde femme de
τοὺς ῞Ελληνας τηρεῖν τὴν Philippe, conspirait contre la
πρὸς αὐτὸν royauté ; aussi Alexandre
πατροπαράδοτον εὔνοιαν. jugea-t-il à propos de s'en
(3) Τῶν δὲ στρατιωτῶν défaire, d'autant plus que
πυκνὰς ποιησάμενος Cléopâtre avait mis au
ἐξοπλισίας μελέτας τε καὶ monde un fils peu de jours
γυμνασίας πολεμικὰς avant la mort de Philippe.
εὐπειθῆ κατεσκεύασε τὴν Attalus, ainsi que Parménion,
δύναμιν. Ἔχων δὲ τῆς avaient été quelques temps
βασιλείας ἔφεδρον auparavant détachés en Asie
῎Ατταλον τὸν ἀδελφὸν avec un corps d'armée.
Κλεοπάτρας τῆς Attallus, par sa générosité et
ἐπιγαμηθείσης ὑπὸ ses manières affables, s'était
Φιλίππου τοῦτον ἔκρινεν attiré l'affection des soldats.
ἐκ τοῦ ζῆν μεταστῆσαι· C'est donc avec raison
καὶ γὰρ ἐτύγχανε παιδίον qu'Alexandre craignait
ἐκ τῆς Κλεοπάτρας qu'Attalus ne cherchât, avec
γεγονὸς τῷ Φιλίππῳ τῆς le secours des Grecs
τελευτῆς τοῦ βασιλέως mécontents, à s'emparer de
ὀλίγαις πρότερον ἡμέραις. la royauté. Alexandre choisit
(4) δ' ῎Ατταλος Hecatée, un de ses amis, le
προαπεσταλμένος ἦν εἰς fit partir en Asie avec des
τὴν ᾿Ασίαν στρατηγὸς troupes suffisantes et lui
τῶν δυνάμεων μετὰ donna l'ordre d'amener
Παρμενίωνος, εὐεργετικὸς Attalus vivant, sinon de le
δ' ὢν καὶ ταῖς ὁμιλίαις foire assassiner au plus tôt.
ἐκθεραπεύων τοὺς Hécatée passa donc en Asie
στρατιώτας μεγάλης et ayant joint ses troupes à
ἐτύγχανεν ἀποδοχῆς ἐν celles de Parménion et
τῷ στρατοπέδῳ. Εὐλόγως d'Attalus, il épia le moment
οὖν τοῦτον εὐλαβεῖτο favorable pour remplir sa
μήποτε τῆς ἀρχῆς mission.
ἀντιποιήσηται, συνεργοὺς III. Informé que la plupart
λαβὼν τῶν ῾Ελλήνων des Grecs songeaient à
τοὺς ἐναντιουμένους s'insurger, Alexandre conçut
ἑαυτῷ. (5) Διόπερ τῶν de vives alarmes. En effet, les
φίλων προχειρισάμενος Athéniens, excités par les
῾Εκαταῖον ἐξαπέστειλεν harangues de Démosthène,
εἰς τὴν ᾿Ασίαν μετὰ τῶν avaient appris avec joie la
ἱκανῶν στρατιωτῶν, δοὺς mort de Philippe et n'étaient
ἐντολὰς μάλιστα μὲν point disposés à céder aux
ἀγαγεῖν ζῶντα τὸν Macédoniens l'empire des
῎Ατταλον, ἐὰν δὲ τοῦτο Grecs, Ils avaient envoyé des
μὴ δύνηται députés à Attalus et
κατεργάσασθαι, complotaient avec lui ; en
δολοφονῆσαι τὸν ἄνδρα même temps, ils poussaient
τὴν ταχίστην. (6) Οὗτος la plupart des villes à se
μὲν οὖν διαβὰς εἰς τὴν déclarer indépendantes. Les
᾿Ασίαν καὶ συμμίξας τοῖς Étoliens avaient décrété le
περὶ τὸν Παρμενίωνα καὶ rappel des exilés de
῎Ατταλον ἐπετήρει τὸν l'Acarnanie, que Philippe
καιρὸν τῆς avait fait bannir de leur pays.
προκεχειρισμένης Les Ambraciotes, à
πράξεως. l'instigation d'Aristarque,
[3] ᾿Αλέξανδρος δὲ avaient chassé la garnison de
πυθόμενος πολλοὺς τῶν Philippe et donné à la ville un
῾Ελλήνων μετεώρους gouvernement démocratique.
εἶναι πρὸς καινοτομίαν εἰς Pareillement, les Thébains
πολλὴν ἀγωνίαν avaient décidé d'expulser la
ἐνέπιπτεν. (2) ᾿Αθηναῖοι garnison de la Cadmée et de
μὲν γὰρ Δημοσθένους refuser à Alexandre
δημαγωγοῦντος κατὰ τῶν l'hégémonie de la Grèce. Les
Μακεδόνων τήν τε Arcadiens seuls n'avaient pas
Φιλίππου τελευτὴν accordé à Philippe l'empire
ἀσμένως ἤκουσαν καὶ τῆς des Grecs; ils le refusèrent
ἡγεμονίας τῶν ῾Ελλήνων aussi à Alexandre. Quant aux
οὐκ ἐξεχώρουν τοῖς autres Péloponnésiens, tels
Μακεδόσι, que les Argiens, les Éliens, les
διαπρεσβευσάμενοι δὲ Lacédémoniens, et plusieurs
πρὸς ῎Ατταλον ἐν autres, ils prétendaient se
ἀπορρήτοις συνετίθεντο gouverner par leurs propres
κοινοπραγίαν καὶ πολλὰς lois. Enfin, plusieurs nations
τῶν πόλεων limitrophes de la Macédoine
προετρέποντο τῆς levèrent également
ἐλευθερίας ἀντέχεσθαι· l'étendard de la révolte et
(3) Αἰτωλοὶ δὲ κατάγειν fomentèrent des troubles
τοὺς ἐξ ᾿Ακαρνανίας parmi les Barbares du
φυγάδας ἐψηφίσαντο διὰ voisinage. Au milieu de ces
Φιλίππου πεῖραν conjonctures difficiles qui
εἰληφότας τῆς φυγῆς. menaçaient la ruine de la
᾿Αμβρακιῶται δὲ monarchie, Alexandre,
πεισθέντες ᾿Αριστάρχῳ quoique bien jeune, rétablit
τὴν μὲν ὑπὸ Φιλίππου promptement, et contre toute
κατασταθεῖσαν φρουρὰν attente, l'ordre dans ses États
ἐξέβαλον, τὴν δὲ πόλιν : il gagna les uns par la
ἐποίησαν δημοκρατεῖσθαι· persuasion, rappela les
(4) Ὁμοίως δὲ τούτοις autres par la terreur et en
Θηβαῖοι τὴν μὲν ἐν τῇ soumit quelques autres par la
Καδμείᾳ φρουρὰν force.
ἐκβαλεῖν ἐψηφίσαντο, τῷ IV. Il rappela d'abord aux
δ' ᾿Αλεξάνδρῳ μὴ Thessaliens leur origine
συγχωρεῖν τὴν τῶν commune d'Hercule, et, dans
῾Ελλήνων ἡγεμονίαν. des discours bienveillants, il
᾿Αρκάδες δὲ οὔτε Φιλίππῳ enfla leurs espérances, au
συνεχώρησαν τὴν point que d'une voix unanime
ἡγεμονίαν μόνοι τῶν ils lui décernèrent le
῾Ελλήνων οὔτ' commandement de la Grèce
᾿Αλεξάνδρῳ προσέσχον· qu'avait eu son père. De la
(5) Τῶν δ' ἄλλων Thessalie, il s'avança vers les
Πελοποννησίων ᾿Αργεῖοι populations limitrophes et
καὶ ᾿Ηλεῖοι καὶ réussit à les ramener à lui. Il
Λακεδαιμόνιοι καί τινες arriva ensuite aux
ἕτεροι πρὸς τὴν Thermopyles, convoqua le
αὐτονομίαν ὥρμησαν. Τῶν conseil des amphictyons et
δὲ ὑπεροικούντων τὴν parvint à se faire confirmer
Μακεδονίαν ἐθνῶν οὐκ par un décret le
ὀλίγα πρὸς ἀπόστασιν commandement suprême. Il
ὥρμα καὶ πολλὴ ταραχὴ envoya une députation aux
κατεῖχε τοὺς τῇδε Ambraciotes, les traita
κατοικοῦντας βαρβάρους. amicalement, et s'engagea
(6) Ἀλλ' ὅμως τηλικούτων avec plaisir à leur accorder
πραγμάτων καὶ τοσούτων bientôt le droit de se
φόβων κατεχόντων τὴν gouverner par leurs propres
βασιλείαν ᾿Αλέξανδρος lois. Mais pour frapper de
νέος ὢν παντελῶς ἅπαντα terreur ceux qui lui
τὰ κατὰ τὴν ἀρχὴν désobéissaient, il s'avança
δυσχερῆ παραδόξως καὶ avec un attirail formidable à
συντόμως κατεστήσατο· la tête d'une armée de
οὓς μὲν γὰρ πειθοῖ διὰ τῆς Macédoniens. Après des
ὁμιλίας προσηγάγετο, οὓς marches forcées, il arriva en
δὲ φόβῳ διωρθώσατο, Béotie, établit son camp près
τινὰς δὲ βίᾳ de la Cadmée et répandit la
χειρωσάμενος ὑπηκόους consternation dans la ville
ἐποιήσατο. des Thébains. Lorsque les
[4] Πρώτους δὲ Athéniens apprirent l'entrée
Θετταλοὺς ὑπομνήσας du roi en Béotie. ils cessèrent
τῆς ἀρχαίας ἀφ' de le mépriser. En effet, la
῾Ηρακλέους συγγενείας promptitude d'exécution de
καὶ λόγοις φιλανθρώποις, ce jeune homme, jointe à une
ἔτι δὲ μεγάλαις grande énergie, frappa ceux
ἐπαγγελίαις μετεωρίσας qui étaient d'abord le plus
ἔπεισε τὴν mal disposés pour lui. Les
πατροπαράδοτον Athéniens résolurent de faire
ἡγεμονίαν (τῆς ῾Ελλάδος) transporter dans la ville les
αὐτῷ συγχωρῆσαι κοινῷ richesses de la campagne et
τῆς Θετταλίας δόγματι. de réparer leurs murs. En
(2) Μετὰ δὲ τούτους τὰ même temps, ils envoyèrent
συνορίζοντα τῶν ἐθνῶν une députation à Alexandre
εἰς τὴν ὁμοίαν εὔνοιαν pour demander pardon de ce
προσαγαγόμενος qu'ils ne l'avaient pas plus tôt
παρῆλθεν εἰς Πύλας καὶ reconnu pour chef de la
τὸ τῶν ᾿Αμφικτυόνων Grèce. Parmi ces députés se
συνέδριον συναγαγὼν trouvait aussi Démosthène ;
ἔπεισεν ἑαυτῷ κοινῷ mais il n'alla pas avec eux
δόγματι δοθῆναι τὴν τῶν jusqu'auprès d'Alexandre.
῾Ελλήνων ἡγεμονίαν. (3) Arrivé à Cithéron, il retourna
Τοῖς δ' ᾿Αμβρακιώταις sur ses pas et revint à
διαπρεσβευομένοις (καὶ) Athènes, soit qu'il craignit
φιλανθρώπως ὁμιλήσας pour sa personne à cause de
ἔπεισεν αὐτοὺς βραχεῖ sa politique contre les
προειληφέναι τὴν Macédoniens, soit qu'il voulût
μέλλουσαν ὑπ' αὐτοῦ se conserver irréprochable à
δίδοσθαι μετὰ προθυμίας l'égard du roi des Perses,
αὐτονομίαν. (4) Πρὸς δὲ dont il avait, dit-on, reçu
τὴν κατάπληξιν τῶν beaucoup d'argent pour agir
ἀπειθούντων ἦγε τὴν contre les Macédoniens. C'est
δύναμιν τῶν Μακεδόνων à ce sujet que l'on cite ce
κεκοσμημένην passage d'Eschine qui
καταπληκτικῶς. Ὀξείαις reproche à Démosthène de
δὲ ταῖς ὁδοιπορίαις s'être laissé corrompre : «
χρησάμενος ἧκεν εἰς τὴν Bien que maintenant l'or du
Βοιωτίαν καὶ πλησίον τῆς roi t'inonde pour ton
Καδμείας entretien, cet or ne te suffira
καταστρατοπεδεύσας pas; car la richesse mal
ἐπέστησε πολὺν φόβον τῇ acquise ne suffit jamais. »
πόλει τῶν Θηβαίων. (5) Cependant Alexandre
Καθ' ὃν δὴ χρόνον accueillit avec bienveillance
᾿Αθηναῖοι πυθόμενοι τὴν les députés des Athéniens, et
εἰς Βοιωτίαν πάροδον τοῦ la réponse qu'il leur fit dissipa
βασιλέως τῆς la crainte du peuple
προϋπαρχούσης d'Athènes. Enfin, Alexandre
καταφρονήσεως donna l'ordre du départ pour
ἀπέστησαν· γὰρ ὀξύτης Corinthe, où devaient se
τοῦ νεανίσκου καὶ διὰ rendre les députés et les
τῶν πράξεων ἐνέργεια sénateurs. Lorsque les
τοὺς ἀλλοτριοφρονοῦντας membres du conseil furent
μεγάλως ἐξέπληττεν. (6) réunis comme d'habitude, le
Διόπερ ᾿Αθηναῖοι τὰ μὲν roi prononça un discours
ἀπὸ τῆς χώρας affectueux et réussit à se
ἐψηφίσαντο κατακομίζειν, faire nommer chef absolu de
τῶν δὲ τειχῶν τὴν la Grèce et à faire décréter
ἐνδεχομένην ἐπιμέλειαν une expédition contre les
ποιεῖσθαι. Πρὸς δὲ τὸν Perses pour venger les
᾿Αλέξανδρον πρέσβεις injures que les Grecs avaient
ἐξαπέστειλαν, ἀξιοῦντες jadis reçues de ces Barbares.
συγγνώμην ἔχειν, εἰ τὴν Investi de cette dignité, le roi
ἡγεμονίαν μὴ ταχέως revint avec son armée en
συγχωροῦσιν. (7) Ἐν δὲ Macédoine.
τοῖς πρέσβεσι καὶ V. Nous venons de parler
Δημοσθένης ἐκπεμφθεὶς des affaires de la Grèce ;
οὐ συνῆλθε μετὰ τῶν nous allons maintenant
ἄλλων πρὸς τὸν passer à l'histoire de l'Asie.
᾿Αλέξανδρον, ἀλλ' ἐκ τοῦ Après la mort de Philippe,
Κιθαιρῶνος ἀνέκαμψεν εἰς Attalus entreprit de se
τὰς ᾿Αθήνας, εἴτε διὰ τὰ soulever contre Alexandre, et
πεπολιτευμένα κατὰ conspira avec les Athéniens.
Μακεδόνων φοβηθείς, εἴτε Mais plus tard il changea de
βουλόμενος τῷ βασιλεῖ dessein et fit communiquer à
τῶν Περσῶν ἄμεμπτον Alexandre une lettre qui lui
αὑτὸν διαφυλάττειν. (8) avait été adressée par
Πολλὰ γὰρ χρήματά φασιν Démosthène et qu'il avait
αὐτὸν εἰληφέναι παρὰ conservée; il essaya, par des
Περσῶν, ἵνα πολιτεύηται paroles insinuantes, de
κατὰ Μακεδόνων· περὶ ὧν détourner l'effet des
καὶ τὸν Αἰσχίνην φασὶν accusations portées contre
ὀνειδίζοντα τῷ lui. Cependant Hécatée,
Δημοσθένει κατά τινα obéissant aux ordres du roi,
λόγον τὴν δωροδοκίαν fit assassiner Attalus et
εἰπεῖν,νῦν μέντοι τὴν étouffa ainsi dans l'armée
δαπάνην ἐπικέκλυκεν des Macédoniens en Asie tout
αὐτοῦ τὸ βασιλικὸν germe de révolte. Parménion
χρυσίον. Ἔσται δὲ οὐδὲ fut depuis lors admis dans
τοῦθ' ἱκανόν· οὐδεὶς γὰρ l'intimité d'Alexandre.
πώποτε πλοῦτος τρόπου Avant de parler [de la
πονηροῦ περιεγένετο. (9) destruction ] de la monarchie
δὲ ᾿Αλέξανδρος τοῖς des Perses, il est
πρέσβεσι τῶν ᾿Αθηναίων indispensable de reprendre
φιλανθρώπους ἀποκρίσεις l'histoire un peu plus haut.
δοὺς ἀπέλυσε τοῦ πολλοῦ Sous le règne de Philippe,
φόβου τὸν δῆμον. Τοῦ δ' Ochus était roi des Perses et
᾿Αλεξάνδρου se conduisait envers ses
παραγγείλαντος εἰς sujets avec la dernière
Κόρινθον ἀπαντᾶν τάς τε cruauté. Par sa conduite
πρεσβείας καὶ τοὺς violente il devint un objet de
συνέδρους, ἐπειδὴ haine, et il fut enfin
συνῆλθον οἱ συνεδρεύειν empoisonné par Bagoas, un
εἰωθότες, διαλεχθεὶς des généraux de fia garde,
βασιλεὺς καὶ λόγοις homme pervers et belliqueux,
ἐπιεικέσι χρησάμενος quoique eunuque (04). Un
ἔπεισε τοὺς ῞Ελληνας médecin fut l'instrument de
ψηφίσασθαι στρατηγὸν ce crime. Bagoas fit ensuite
αὐτοκράτορα τῆς monter sur le trône Arsès
῾Ελλάδος εἶναι τὸν (05), le plus jeune des fils du
᾿Αλέξανδρον καὶ roi, en même temps qu'il fit
συστρατεύειν ἐπὶ τοὺς assassiner les frères du roi
Πέρσας ὑπὲρ ὧν εἰς τοὺς qui étaient encore en bas
῞Ελληνας ἐξήμαρτον. âge, afin de tenir sous sa
Τυχὼν δὲ ταύτης τῆς dépendance et dans
τιμῆς βασιλεὺς ἐπανῆλθε l'isolement un monarque à
μετὰ τῆς δυνάμεως εἰς peine adolescent. Ce jeune
Μακεδονίαν. monarque, indigné de ces

[5] Ἡμεῖς δ' ἐπεὶ τὰ crimes, avait manifesté

κατὰ τὴν ῾Ελλάδα l'intention d'en punir

διήλθομεν, μεταβιβάσομεν l'auteur ; mais Bagoas le

τὸν λόγον ἐπὶ τὰς κατὰ prévint : il fit périr Arsès avec

τὴν ᾿Ασίαν πράξεις. Μετὰ tous ses enfants, dans la

γὰρ τὴν Φιλίππου troisième année de son

τελευτὴν ῎Ατταλος τὸ μὲν règne. La famille royale étant

πρῶτον ἐπεχείρει ainsi éteinte et personne ne

νεωτερίζειν καὶ πρὸς se présentant dans l'ordre

᾿Αθηναίους συνετίθετο naturel de succession,

κοινοπραγίαν κατ' Bagoas fit monter sur le trône

᾿Αλεξάνδρου, ὕστερον δὲ un de ses amis, nommé

μετανοήσας τὴν μὲν Darius. Ce Darius était fils

ἀποδοθεῖσαν αὐτῷ παρὰ d'Arsanès et petit-fils

Δημοσθένους ἐπιστολὴν d'Ostanès qui était frère


τηρήσας ἀπέστειλε πρὸς d'Artaxerxés (06), roi des
᾿Αλέξανδρον καὶ λόγοις Perses. La fin de Bagoas
φιλανθρώποις ἐπειρᾶτο présente quelque chose de
τὰς καθ' αὑτοῦ διαβολὰς singulier et digne de
ἀποτρίβεσθαι· (2) Τοῦ δ' mémoire. Accoutumé à se
῾Εκαταίου κατὰ τὰς τοῦ souiller de meurtre, il avait
βασιλέως ἐντολὰς conçu le projet
δολοφονήσαντος τὸν d'empoisonner également
῎Ατταλον μὲν κατὰ τὴν Darius. Ce projet ayant été
᾿Ασίαν τῶν Μακεδόνων découvert, le roi fit venir
δύναμις ἐπαύσατο τοῦ Bagoas auprès de lui, comme
μετεωρίζεσθαι πρὸς pour lui accorder une faveur ;
ἀπόστασιν, τοῦ μὲν il lui présenta une coupe et le
᾿Αττάλου πεφονευμένου, força à boire le poison (07).
τοῦ δὲ Παρμενίωνος VI. Darius était digne de
οἰκειότατα διακειμένου porter le sceptre. Il passait
πρὸς ᾿Αλέξανδρον. pour le plus brave des Perses.
(3) Περὶ δὲ τῆς τῶν Artaxerxés était un jour en
Περσῶν βασιλείας guerre contre les Cadusiens;
μέλλοντας ἡμᾶς un de ces derniers, guerrier
ἀναγράφειν ἀναγκαῖόν distingué par sa force et sa
ἐστι βραχὺ τοῖς χρόνοις bravoure, provoqua à un
προαναλαβεῖν τὴν combat singulier celui des
ἱστορίαν. Φιλίππου γὰρ ἔτι Perses qui voudrait se
βασιλεύοντος ἦρχε τῶν mesurer avec lui. Personne
Περσῶν ῏Ωχος καὶ n'osa se présenter, lorsque
προσεφέρετο τοῖς Darius seul accepta le défi et
ὑποτεταγμένοις ὠμῶς καὶ tua son adversaire. Le roi
βιαίως. Μισουμένου δὲ honora Darius de présents
αὐτοῦ διὰ τὴν χαλεπότητα magnifiques et le fit
τῶν τρόπων Βαγώας proclamer le plus vaillant des
χιλίαρχος, εὐνοῦχος μὲν Perses. En raison de sa
ὢν τὴν ἕξιν, πονηρὸς δὲ bravoure, Darius fut jugé
καὶ πολεμικὸς τὴν φύσιν, digne de l'empire; il monta
ἀνεῖλε φαρμάκῳ τὸν sur le trône au moment de .
῏Ωχον διά τινος ἰατροῦ, l'avènement d'Alexandre,
τὸν δὲ νεώτατον τῶν υἱῶν après la mort de Philippe. Le
τοῦ βασιλέως ᾿Αρσὴν sort opposa à Alexandre un
εἰσήγαγεν εἰς τὴν rival capable de lui disputer
βασιλείαν. (4) Ἀνεῖλε δὲ la palme dans un grand
καὶ τοὺς ἀδελφοὺς τοῦ nombre de combats glorieux.
βασιλέως, ὄντας νέους Mais nous parlerons de ses
παντελῶς, ὅπως μονωθεὶς actions en détail. Maintenant
νεανίσκος μᾶλλον nous allons reprendre le fil de
ὑπήκοος αὐτῷ γένηται. notre histoire.
Τοῦ δὲ μειρακίου ταῖς VII. Monté sur le trône
γενομέναις παρανομίαις avant la mort de Philippe,
προσκόπτοντος καὶ Darius avait désiré
φανεροῦ καθεστῶτος ὅτι transporter en Macédoine le
τιμωρήσεται τὸν théâtre de la guerre qui était
αὐθέντην τῶν près d'éclater. Lorsque
ἀνομημάτων φθάσας Philippe eut cessé de vivre,
αὐτοῦ τὰς ἐπιβουλὰς Darius ne s'inquiéta plus de
Βαγώας ἀνεῖλε τὸν cette guerre, méprisant
᾿Αρσὴν μετὰ τῶν τέκνων l'extrême jeunesse
τρίτον ἔτος ἤδη d'Alexandre. Mais, après qu'il
βασιλεύοντα. (5) Ἑρήμου eut appris avec quelle
δ' ὄντος τοῦ βασιλέως promptitude et quelle énergie
οἴκου καὶ μηδενὸς ὄντος d'exécution Alexandre était
τοῦ κατὰ γένος parvenu à se faire
διαδεξομένου τὴν ἀρχήν, reconnaître commandant en
προχειρισάμενος ἕνα τῶν chef des Grecs, que la
φίλων Δαρεῖον ὄνομα renommée de es jeune roi
τούτῳ συγκατεσκεύασε commençait déjà à se
τὴν βασιλείαν. Οὗτος δ' répandre, Darius comprit la
ἦν υἱὸς μὲν ᾿Αρσάνου τοῦ nécessité d'organiser ses
᾿Οστάνου, ὃς ἦν ἀδελφὸς forces. Il construisit un grand
᾿Αρταξέρξου τοῦ Περσῶν nombre de trirèmes, mit sur
βασιλεύσαντος. (6) Ἴδιον pied des troupes
δέ τι συνέβη περὶ τὸν considérables, choisit les
Βαγώαν γενέσθαι καὶ meilleurs chefs, au nombre
μνήμης ἄξιον· χρώμενος desquels on remarque
γὰρ τῇ συνήθει μιαιφονίᾳ Memnon le Rhodien, homme
τὸν Δαρεῖον ἐπεβάλετο distingué par sa bravoure et
διὰ φαρμακείας ἀνελεῖν· son habileté stratégique. Le
μηνυθείσης δὲ τῆς roi lui donna le
ἐπιβουλῆς βασιλεὺς ὡς commandement de cinq mille
ἐπί τινι φιλανθρωπίᾳ mercenaires, avec l'ordre de
προσκαλεσάμενος τὸν s'avancer vers la ville de
Βαγώαν καὶ δοὺς τὸ Cyzique et d'essayer de s'en
ποτήριον ἠνάγκασε πιεῖν emparer. Memnon traversa
τὸ φάρμακον. avec cette troupe rida,

[6] Ἠξιώθη δὲ τῆς montagne qui, selon la

βασιλείας Δαρεῖος tradition mythologique, tira

δοκῶν πολὺ προέχειν son nom d'Ida, fille de

ἀνδρείᾳ Περσῶν· Mélissée. C'est la plus haute

᾿Αρταξέρξου γάρ ποτε montagne de l'Hellespont

τοῦ βασιλέως (08) ; on y trouve un antre

πολεμοῦντος πρὸς merveilleux où les déesses

Καδουσίους καί τινος τῶν furent, dit-on, jugées par

Καδουσίων ἐπ' ἀλκῇ καὶ Paris. C'est dans ce même

ἀνδρείᾳ διαβεβοημένου antre que la tradition place

προκαλεσαμένου τὸν les ateliers des dactyles

βουλόμενον Περσῶν idéens qui, les premiers,

μονομαχῆσαι ἄλλος μὲν forgèrent le fer, après avoir

οὐδεὶς ἐτόλμησεν appris cet art de la mère des

ὑπακοῦσαι, μόνος δὲ dieux. Enfin, cette même

Δαρεῖος ὑποστὰς τὸν montagne offre un

κίνδυνον τὸν phénomène étrange. Au


προκαλεσάμενον moment où le Chien (Sirius)
ἀπέκτεινεν καὶ ὑπὸ μὲν se lève au sommet de l'Ida,
τοῦ βασιλέως μεγάλαις l'air qui environne ce sommet
ἐτιμήθη δωρεαῖς, παρὰ δὲ est si calme qu'il semble se
τοῖς Πέρσαις τὸ πρωτεῖον trouver au-dessus de la
τῆς ἀνδρείας ἀπηνέγκατο. région des vents; et, la nuit
(2) Διὰ ταύτην δὴ τὴν durant encore, on y aperçoit
ἀνδραγαθίαν ἄξιος τῆς le soleil levant qui projette
βασιλείας νομισθεὶς ses rayons, non pas sous
παρέλαβε τὴν ἀρχὴν περὶ forme de disque, mais sous
τούτους τοὺς χρόνους, ἐν forme d'une flamme dont les
οἷς Φιλίππου rayons se dispersent en tous
τελευτήσαντος διεδέξατο sens et qui représentent des
τὴν βασιλείαν gerbes de feu. se dessinant à
᾿Αλέξανδρος. (3) Τοιοῦτον l'horizon. Peu de temps
δ' ἄνδρα τῆς τύχης après, ces rayons épars se
παραδούσης ἀντίπαλον τῇ réunissent en un seul
κατ' ᾿Αλέξανδρον ἀρετῇ faisceau de la dimension de
συνέβη πολλοὺς καὶ trois plèthres (09) et lorsque
μεγάλους ἀγῶνας le jour paraît, le soleil se
συστῆναι περὶ τοῦ montre avec son disque
πρωτείου. Ἀλλὰ περὶ μὲν lumineux ordinaire (10).
τούτων αἱ κατὰ μέρος Après avoir traversé cette
πράξεις ἕκαστα montagne, Memnon attaqua
δηλώσουσιν· ἡμεῖς δ' ἐπὶ à l'improviste la ville de
τὸ συνεχὲς τῆς ἱστορίας Cyzique et ne tarda pas à
τρεψόμεθα. s'en rendre maître. Il ne

[7] Δαρεῖος γὰρ poussa pas plus loin son

παραλαβὼν τὴν βασιλείαν expédition; il se borna à

πρὸ μὲν τῆς Φιλίππου dévaster la campagne et

τελευτῆς ἐφιλοτιμεῖτο τὸν recueillit un immense butin.

μέλλοντα πόλεμον εἰς τὴν Pendant que ces choses


Μακεδονίαν ἀποστρέψαι· se passaient, Parménion prit
ἐκείνου δὲ τελευτήσαντος d'assaut la ville de Grynium
ἀπελύθη τῆς ἀγωνίας, et réduisit les habitants à
καταφρονήσας τῆς l'esclavage, il investit ensuite
᾿Αλεξάνδρου νεότητος. Pitane ; mais Memnon
(2) Ἐπεὶ δ' διὰ τῶν apparut, frappa de terreur les
πράξεων ἐνέργεια καὶ Macédoniens et leur fit lever
ὀξύτης ἐποίησε μὲν τὴν le siège. Callas, à la tête d'un
τῶν ῾Ελλήνων ἡγεμονίαν détachement de
πᾶσαν ἀναλαβεῖν καὶ τὴν Macédoniens et de
ἀρετὴν τοῦ νεανίσκου mercenaires, livra dans la
γενέσθαι περιβόητον, Troade une bataille aux
τότε δὴ νουθετηθεὶς τοῖς Perses; ces derniers étant de
ἔργοις Δαρεῖος beaucoup supérieurs en
ἐπιμέλειαν μεγάλην force, il succomba et se retira
ἐποιεῖτο τῶν δυνάμεων, à Rhœtium. Telle était la
τριήρεις τε πολλὰς situation des affaires en Asie.
κατασκευαζόμενος καὶ VIII. Après avoir rétabli
(πολλὰς) δυνάμεις l'ordre dans la Grèce,
ἀξιολόγους συνιστάμενος, Alexandre marcha contre la
ἡγεμόνας τε τοὺς Thrace, répandit la terreur
ἀρίστους προκρίνων, ἐν parmi les peuples de ce pays
οἷς ὑπῆρχε καὶ Μέμνων et les força à la soumission. Il
῾Ρόδιος, διαφέρων pénétra ensuite dans la
ἀνδρείᾳ καὶ συνέσει Péonie, dans l'Illyrie et les
στρατηγικῇ. (3) Τούτῳ δὲ contrées limitrophes, et
δοὺς βασιλεὺς subjugua un grand nombre
μισθοφόρους de Barbares rebelles ainsi
πεντακισχιλίους que tous les Barbares du
προσέταξε παρελθεῖν ἐπὶ voisinage. C'est pendant
πόλιν Κύζικον καὶ cette expédition que le roi
πειρᾶσθαι ταύτην reçut le message que les
χειρώσασθαι. Οὗτος μὲν Grecs fomentaient des
οὖν μετὰ τοσούτων troubles, et que plusieurs
στρατιωτῶν προῆγε διὰ villes de la Grètit,
τῆς ῎Ιδης. (4) Τὸ δ' ὄρος particulièrement Thèbes,
τοῦτο μυθολογοῦσί τινες avaient levé l'étendard de la
τυχεῖν ταύτης τῆς révolte. Le roi, irrité, revint en
προσηγορίας ἀπὸ τῆς Macédoine, ayant hâte
Μελισσέως ῎Ιδης. d'apaiser les troubles de la
Μέγιστον δ' ὑπάρχον τῶν Grèce. Les Thébains étaient
κατὰ τὸν ῾Ελλήσποντον alors occupés à chasser la
ἔχει κατὰ τὸ μέσον garnison de la Cadmée et à
ἄντρον θεοπρεπές, ἐν faire le siège de la citadelle,
φασι κριθῆναι τὰς θεὰς lorsque le roi apparut
ὑπ' ᾿Αλεξάνδρου. (5) subitement devant la ville
Γενέσθαι δ' ἐν τούτῳ avec toute son armée, et
λέγεται καὶ τοὺς ᾿Ιδαίους établit son camp sons les
Δακτύλους, οὓς σίδηρον murs de Thèbes. Avant
ἐργάσασθαι πρώτους, l'arrivée du roi, les Thébains
μαθόντας τὴν ἐργασίαν avaient eu la précaution
παρὰ τῆς τῶν θεῶν d'entourer la Cadmée de
μητρός. Ἴδιον δέ τι καὶ fossés profonds et de
παράδοξον συμβαίνει palissades serrées, afin
γίνεσθαι περὶ τοῦτο τὸ d'empêcher d'y faire entrer
ὄρος. (6) Κατὰ γὰρ τὴν des convois de vivres. Ils
τοῦ κυνὸς ἐπιτολὴν ἐπ' avaient en même temps
ἄκρας τῆς κορυφῆς διὰ envoyé demander des
τὴν νηνεμίαν τοῦ secours aux Arcadiens, aux
περιέχοντος ἀέρος Argiens et aux Éliens ; ils
ὑπερπετῆ γίνεσθαι τὴν réclamèrent aussi l'alliance
ἄκραν τῆς τῶν ἀνέμων des Athéniens qui, entraînés
πνοῆς, ὁρᾶσθαι δὲ τὸν par l'éloquence de
ἥλιον ἔτι νυκτὸς οὔσης Démosthène, leur firent don
ἀνατέλλοντα, τὰς ἀκτῖνας d'une grande quantité
οὐκ ἐν κυκλοτερεῖ d'armes. Les Péloponnésiens,
σχήματι γεγραμμένον, dont les Thébains avaient
ἀλλὰ τὴν φλόγα κατὰ imploré les secours, firent
πολλοὺς τόπους ἔχοντα partir des troupes pour
διεσπαρμένην, ὥστε l'isthme de Corinthe où elles
δοκεῖν πυρὰ πλείω s'arrêtèrent en attendant que
θιγγάνειν τοῦ τῆς γῆς les desseins du roi fussent
ὁρίζοντος. (7) Μετ' ὀλίγον connus. Les Athéniens,
δὲ συνάγεται ταῦτα πρὸς persuadés par Démosthène,
ἓν μέγεθος, ἕως ἂν avaient décrété de secourir
γένηται τρίπλεθρον les Thébains, mais ils ne leur
διάστημα· καὶ τότ' ἤδη avaient point envoyé de
τῆς ἡμέρας ἐπιλαβούσης troupes; car ils attendaient
τὸ φαινόμενον τοῦ ἡλίου pour savoir de quel côté
μέγεθος πληρωθὲν τὴν seraient les chances de la
τῆς ἡμέρας διάθεσιν guerre. Cependant, Philotas
κατασκευάζει. (8) δ' οὖν qui commandait la garnison
Μέμνων διελθὼν τὴν de la Cadmée, voyant que les
ὀρεινὴν ἄφνω τῇ πόλει Thébains faisaient des
τῶν Κυζικηνῶν préparatifs de siège sérieux,
προσέπεσεν καὶ παρ' s'empressa de faire
ὀλίγον αὐτῆς ἐκυρίευσεν· construire des
ἀποπεσὼν δὲ τῆς retranchements et
ἐπιβολῆς τὴν χώραν approvisionna les magasins
αὐτῶν ἐπόρθησε καὶ d'armes de toutes sortes.
πολλῶν λαφύρων IX. Le roi arriva
ἐκυρίευσεν. inopinément de la Thrace
(9) Ἅμα δὲ τούτοις avec toute son armée, et les
πραττομένοις Παρμενίων Thébains, dont les alliés se
Γρύνιον μὲν πόλιν ἑλὼν tenaient à l'écart, ne se
κατὰ κράτος dissimulaient pas que leur
ἐξηνδραποδίσατο, ennemi était supérieur en
Πιτάνην δὲ πολιορκοῦντος forces. Néanmoins, les chefs
αὐτοῦ Μέμνων ἐπιφανεὶς se réunirent pour délibérer
καὶ καταπληξάμενος τοὺς sur la guerre, et tous
Μακεδόνας ἔλυσε τὴν résolurent de combattre pour
πολιορκίαν. (10) Μετὰ δὲ l'indépendance. Cette
ταῦτα Κάλλας μὲν ἔχων résolution ayant été
Μακεδόνας καὶ sanctionnée par le peuple,
μισθοφόρους στρατιώτας tout le monde accourut pour
ἐν τῇ Τρῳάδι συνῆψε affronter avec joie les périls
μάχην πρὸς τοὺς Πέρσας, du combat. Cependant le roi
ὄντας πολλαπλασίους, καὶ se tint tranquille, car il voulait
λειφθεὶς ἀπεχώρησεν εἰς donner aux Thébains le
τὸ ῾Ροίτειον. Καὶ τὰ μὲν temps de changer d'opinion,
κατὰ τὴν ᾿Ασίαν ἐν persuadé d'ailleurs qu'une
τούτοις ἦν. seule ville n'oserait pas

[8]᾿Αλέξανδρος δὲ τὰς résister à une si grande

κατὰ τὴν ῾Ελλάδα armée. Alexandre avait alors

ταραχὰς καταπαύσας avec lui plus de trente mille

ἐστράτευσεν ἐπὶ τὴν fantassins, et pas moins de

Θρᾴκην καὶ πολλὰ μὲν trois mille cavaliers, tous

ἔθνη Θρᾴκια ταραττόμενα hommes exercés au métier

καταπληξάμενος de la guerre, et qui avaient

ὑποταγῆναι servi déjà sous Philippe et

κατηνάγκασεν, ἐπῆλθεν δὲ s'étaient montrés invincibles

καὶ τὴν Παιονίαν καὶ τὴν dans presque toutes les

᾿Ιλλυρίδα καὶ τὰς ὁμόρους batailles. C'est confiant en la

ταύταις χώρας καὶ valeur et les bonnes

πολλοὺς τῶν dispositions de ses troupes

κατοικούντων βαρβάρων qu'Alexandre allait

ἀφεστηκότας entreprendre de renverser

χειρωσάμενος ὑπηκόους l'empire des Perses. Si les

πάντας τοὺς Thébains eussent cédé à la

πλησιοχώρους βαρβάρους nécessité du moment en

ἐποιήσατο. (2) Περὶ ταῦτα négociant la paix avec les

δ' ὄντος αὐτοῦ παρῆσάν Macédoniens, le roi eût

τινες ἀπαγγέλλοντες favorablement accueilli leurs


πολλοὺς τῶν ῾Ελλήνων propositions . et leur aurait
νεωτερίζειν καὶ πολλὰς tout accordé, parce qu'il était
τῆς ῾Ελλάδος πόλεις πρὸς impatient de pacifier la Grèce
ἀπόστασιν ὡρμηκέναι, pour diriger toutes ses forces
μάλιστα δὲ Θηβαίους. Ἐπὶ contre les Perses. Mais,
δὲ τούτοις βασιλεὺς s'apercevant que les
παροξυνθεὶς ἐπανῆλθεν Thébains se raillaient de lui, il
εἰς τὴν Μακεδονίαν, se détermina à raser leur
σπεύδων τὰς κατὰ τὴν ville, et. à intimider, par ce
῾Ελλάδα παῦσαι ταραχάς. châtiment, ceux qui seraient
(3) Θηβαίων δὲ τὴν ἐν τῇ tentés d'imiter l'exemple des
Καδμείᾳ φρουρὰν Thébains. Il rangea donc son
ἐκβάλλειν φιλοτιμουμένων armée en bataille et fit
καὶ πολιορκούντων τὴν proclamer, par un héraut,
ἄκραν ἧκεν βασιλεὺς que tout Thébain qui
ἄφνω πρὸς τὴν πόλιν καὶ viendrait dans son camp
κατεστρατοπέδευσε jouirait de la paix générale
πλησίον τῶν Θηβῶν μετὰ accordée aux Grecs. Mais, les
πάσης τῆς δυνάμεως. (4) Thébains, emportés par leur
Οἱ δὲ Θηβαῖοι πρὸ μὲν τῆς ardeur, firent de leur côté
τοῦ βασιλέως παρουσίας crier, du haut d'une tour
τὴν Καδμείαν τάφροις élevée, qu'ils recevraient
βαθείαις καὶ σταυρώμασι chez eux tout homme qui
πυκνοῖς περιέλαβον ὥστε voudrait se joindre à eux et
μήτε βοήθειαν αὐτοῖς au grand roi pour délivrer les
δύνασθαι μήτ' ἀγορὰν Grecs et renverser le tyran de
εἰσπέμψαι, (5) πρὸς δὲ la Grèce. Blessé de cette
᾿Αρκάδας καὶ ᾿Αργείους, proclamation, Alexandre fut
ἔτι δὲ ᾿λείους emporté par la colère et
πρεσβεύσαντες ἠξίουν arrêta une vengeance
βοηθεῖν. Ὁμοίως δὲ καὶ terrible. C'est dans cette
πρὸς ᾿Αθηναίους περὶ disposition d'esprit, exaltée
συμμαχίας ἐπρέσβευον καὶ jusqu'à la férocité,
παρὰ Δημοσθένους ὅπλων qu'Alexandre fit approcher
πλῆθος ἐν δωρεαῖς les machines de guerre et se
λαβόντες τοὺς ἀνόπλους prépara au combat.
καθώπλιζον. (6) Τῶν δ' ἐπὶ X. Informés du danger qui
τὴν βοήθειαν menaçait les Thébains, les
παρακεκλημένων οἱ μὲν ἐν Grecs voyaient avec douleur
Πελοποννήσῳ στρατιώτας à quelles calamités ces
ἐξέπεμψαν ἐπὶ τὸν ᾿Ισθμὸν derniers s'étaient exposés ;
καὶ διατρίβοντες mais ils n'osaient point
ἐκαραδόκουν, secourir une ville qui s'était
προσδοκίμου τοῦ elle-même inconsidérément
βασιλέως ὄντος. plongée dans une ruine
᾿Αθηναῖοι δ' ἐψηφίσαντο évidente. Néanmoins, les
μὲν βοηθεῖν τοῖς Thébains résolurent de
Θηβαίοις, πεισθέντες ὑπὸ braver audacieusement tous
Δημοσθένους, οὐ μέντοι les dangers de la guerre, bien
γε τὴν δύναμιν ἐξέπεμψαν, que les prédictions des
καραδοκοῦντες τὴν ῥοπὴν devins et les présages des
τοῦ πολέμου. (7) δὲ τῆς dieux leur fussent
ἐν τῇ Καδμείᾳ φρουρᾶς défavorables. Ils avaient vu
ἡγούμενος Φιλώτας ὁρῶν d'abord dans le temple de
τοὺς Θηβαίους μεγάλας Cérès une légère toile
παρασκευὰς ποιουμένους d'araignée large comme un
πρὸς τὴν πολιορκίαν καὶ manteau et entourée d'un
τὰ τείχη φιλοτιμότερον cercle réfléchissant les
κατεσκεύασεν καὶ βελῶν couleurs de l'arc-en-ciel. Ils
παντοδαπῶν πλῆθος consultèrent là-dessus
ἡτοιμάζετο. l'oracle de Delphes, qui leur
[9] Ἐπεὶ δ' βασιλεὺς fit la réponse suivante : « Ce
ἀνελπίστως ἐκ τῆς signe, les dieux le font
Θρᾴκης ἧκε μετὰ πάσης apparaître à tous les
τῆς δυνάμεως, αἱ μὲν mortels ; mais principalement
συμμαχίαι τοῖς Θηβαίοις aux Béotiens et à leurs
δισταζομένην εἶχον τὴν voisins. » L'oracle national
παρουσίαν, δὲ τῶν des Thébains (11), interrogé
πολεμίων δύναμις sur ce même objet, s'exprima
ὁμολογουμένην καὶ en ces termes : « La toile
φανερὰν ἐποιεῖτο τὴν tissue présage aux uns du
ὑπεροχήν. Τότε δὲ malheur, aux autres du
συνεδρεύσαντες οἱ bonheur. » Il est à remarquer
ἡγεμόνες que ce présage s'était montré
προεβουλεύσαντο περὶ trois mois avant l'arrivée
τοῦ πολέμου καὶ πᾶσιν d'Alexandre sous les murs de
ἔδοξεν ὑπὲρ τῆς Thèbes. Mais, au moment où
αὐτονομίας le roi apparut avec son
διαγωνίζεσθαι. Τοῦ δὲ armée, les statues élevées
πλήθους ἐπικυρώσαντος sur la place publique se
τὴν γνώμην ἅπαντες μετὰ couvrirent de grosses gouttes
πολλῆς προθυμίας εἶχον de sueur. Outre ces
ἑτοίμως διακινδυνεύειν. prodiges, on vint annoncer
(2) δὲ βασιλεὺς τὸ μὲν aux magistrats, qu'une voix,
πρῶτον ἡσυχίαν ἦγε, semblable à un
διδοὺς μετανοίας χρόνον mugissement, sortait du fond
εἰς τὸ βουλεύσασθαι καὶ du lac situé près
νομίζων μὴ τολμήσειν d'Onchestum (12); et on
μίαν πόλιν πρὸς voyait flotter une écume
τηλικαύτην δύναμιν sanguinolente à la surface
παρατάξασθαι. (3) Εἶχε des eaux de la fontaine
γὰρ ᾿Αλέξανδρος κατὰ Dircée. Enfin, quelques-uns
τοῦτον τὸν καιρὸν πεζοὺς qui arrivaient de Delphes
μὲν πλείους τῶν rapportèrent que la toiture du
τρισμυρίων, ἱππεῖς δ' οὐκ temple que les Thébains
ἐλάττους τρισχιλίων, avaient construite avec les
πάντας δ' ἐνηθληκότας dépouilles des Phocidiens,
τοῖς πολεμικοῖς κινδύνοις paraissait teinte de sang. Les
καὶ συνεστρατευμένους hommes versés dans
Φιλίππῳ καὶ σχεδὸν ἐν l'interprétation des augures
πάσαις ταῖς μάχαις expliquaient ces prodiges de
ἀηττήτους γεγονότας· ὧν la manière suivante : la toile
δὴ ταῖς ἀρεταῖς καὶ d'araignée indiquait, selon
προθυμίαις πεποιθὼς eux, que les dieux se
᾿Αλέξανδρος ἐπεβάλετο retireraient de la ville; les
καταλῦσαι τὴν τῶν couleurs de l'iris devaient
Περσῶν ἡγεμονίαν. (4) Εἰ annoncer une tempête
μὲν οὖν οἱ Θηβαῖοι τοῖς politique ; la sueur des
καιροῖς εἴξαντες statues une affreuse
διεπρεσβεύοντο πρὸς τοὺς calamité; les apparitions
Μακεδόνας ὑπὲρ εἰρήνης sanglantes, des massacras
καὶ συνθέσεως, ἡδέως ἂν dans l'intérieur de la ville.
βασιλεὺς προσεδέξατο D'après ces divers augures
τὰς ἐντεύξεις καὶ πάντα (13), par lesquels les dieux
ἂν ἀξιούμενος présageaient la ruine de la
συνεχώρησεν· ἐπεθύμει cité, les devins conseillèrent
γὰρ τὰς κατὰ τὴν aux Thébains de ne point
῾Ελλάδα ταραχὰς tenter le sort de la guerre et
ἀποτριψάμενος de conclure la paix par la voie
ἀπερίσπαστον ἔχειν τὸν plus sûre des négociations.
πρὸς τοὺς Πέρσας Mais les Thébains ne
πόλεμον· νῦν δὲ δόξας ὑπὸ laissèrent pas attiédir par ces
τῶν Θηβαίων présages leur ardeur
καταφρονεῖσθαι διέγνω guerrière; ils ranimèrent au
τὴν πόλιν ἄρδην ἀνελεῖν contraire leur courage par le
καὶ τῷ φόβῳ τούτῳ τὰς souvenir de Leuctres et de
ὁρμὰς τῶν ἀφίστασθαι tant d'autres batailles
τολμώντων ἀποτρέψαι. célèbres dans lesquelles leur
(5) Διόπερ τὴν δύναμιν bravoure avait remporté une
ἑτοίμην κατασκευάσας victoire inespérée. C'est ainsi
πρὸς τὸν κίνδυνον que les Thébains, entraînés
ἐκήρυξε τὸν βουλόμενον par la témérité plutôt que
Θηβαίων ἀπιέναι πρὸς guidés par la prudence,
αὐτὸν καὶ μετέχειν τῆς précipitèrent leur patrie dans
κοινῆς τοῖς ῞Ελλησιν l'abîme
εἰρήνης. Οἱ δὲ Θηβαῖοι
διαφιλοτιμηθέντες
ἀντεκήρυξαν ἀπό τινος
ὑψηλοῦ πύργου τὸν
βουλόμενον μετὰ τοῦ
μεγάλου βασιλέως καὶ
Θηβαίων ἐλευθεροῦν τοὺς
῞Ελληνας καὶ καταλύειν
τὸν τῆς ῾Ελλάδος
τύραννον παριέναι πρὸς
αὐτούς. (6) Ὅθεν
᾿Αλέξανδρος περιαλγὴς
γενόμενος εἰς
ὑπερβάλλουσαν ὀργὴν
προῆλθεν καὶ πάσῃ
τιμωρίᾳ τοὺς Θηβαίους
μετελθεῖν ἔκρινεν. Οὗτος
μὲν οὖν ἀποθηριωθεὶς τὴν
ψυχὴν μηχανάς τε
πολιορκητικὰς
συνεστήσατο καὶ τἄλλα
πρὸς τὸν κίνδυνον
παρεσκευάζετο. [10] Οἱ δ'
῞Ελληνες πυνθανόμενοι τὸ
μέγεθος τῶν περὶ τοὺς
Θηβαίους κινδύνων
ἐδυσφόρουν ἐπὶ ταῖς
προσδοκωμέναις περὶ
αὐτῶν συμφοραῖς, οὐ μὴν
βοηθεῖν γ' ἐτόλμων τῇ
πόλει διὰ τὸ προπετῶς καὶ
ἀβούλως εἰς
ὁμολογουμένην ἀπώλειαν
ἑαυτὴν δεδωκέναι. (2) Οἱ
δὲ Θηβαῖοι ταῖς μὲν
εὐτολμίαις προθύμως
ἀνεδέχοντο τοὺς
κινδύνους, φήμαις δέ τισι
μάντεων καὶ θεῶν
σημείοις ἠποροῦντο.
Πρῶτον μὲν γὰρ ἐν τῷ
τῆς Δήμητρος ἱερῷ
λεπτὸν ἀράχνης ὕφασμά
τι διαπεπετασμένον ὤφθη,
τὸ μὲν μέγεθος ἔχον
ἱματίου, κύκλῳ δὲ
περιφαῖνον ἶριν τῇ κατ'
οὐρανὸν ἐοικυῖαν. (3) Περὶ
οὗ τὸ μὲν ἐν Δελφοῖς
χρηστήριον ἔδωκεν
αὐτοῖς τόνδε τὸν
χρησμόν· Σημεῖον τόδε
πᾶσι θεοὶ φαίνουσι
βροτοῖσι, Βοιωτοῖς δὲ
μάλιστα καὶ οἳ
περιναιετάουσι. Τὸ δὲ
πάτριον τῶν Θηβαίων
μαντεῖον τοῦτον ἐξήνεγκε
τὸν χρησμόν· Ἱστὸς
ὑφαινόμενος ἄλλῳ κακόν,
ἄλλῳ ἄμεινον. (4) Τοῦτο
μὲν οὖν τὸ σημεῖον
ἐγένετο τρισὶ μησὶν
ἀνωτέρω τῆς
᾿Αλεξάνδρου παρουσίας
ἐπὶ τὰς Θήβας, ὑπ' αὐτὴν
δὲ τὴν ἔφοδον τοῦ
βασιλέως οἱ κατὰ τὴν
ἀγορὰν ἀνδριάντες
ἐφάνησαν ἱδρῶτας
ἀφιέντες καὶ μεστοὶ
σταλαγμῶν μεγάλων.
Χωρὶς δὲ τούτων ἧκόν
τινες τοῖς ἄρχουσιν
ἀπαγγέλλοντες τὴν ἐν
᾿Ογχηστῷ λίμνην
μυκήματι παραπλήσιον
φωνὴν ἀφιέναι, τῇ δὲ
Δίρκῃ κατὰ τὴν
ἐπιφάνειαν τοῦ ὕδατος
αἱματοειδῆ φρίκην
ἐπιτρέχειν. (5) Ἕτεροι δὲ
ἧκον ἐκ Δελφῶν
μηνύοντες ὅτι ἀπὸ
Φωκέων ναός, ὃν
ἱδρύσαντο Θηβαῖοι,
ᾑματωμένην ἔχων τὴν
ὀροφὴν ὁρᾶται. Οἱ δὲ ἐπὶ
τὴν τῶν σημείων
διάκρισιν ἀσχολούμενοι
σημαίνειν ἔφασαν τὸ μὲν
ὕφασμα θεῶν ἀπὸ τῆς
πόλεως χωρισμόν, τὸ δὲ
τῆς ἴριδος χρῶμα
πραγμάτων ποικίλων
χειμῶνα, τὸν δὲ τῶν
ἀνδριάντων ἱδρῶτα
ὑπερβάλλουσαν
κακοπάθειαν, τὸ δ' ἐν
πλείοσι τόποις φαινόμενον
αἷμα φόνον πολὺν κατὰ
τὴν πόλιν ἐσόμενον. (6)
Συνεβούλευον οὖν τῶν
θεῶν φανερῶς
σημαινόντων τὴν
ἐσομένην τῇ πόλει
συμφορὰν μὴ
συγκαταβαίνειν εἰς τὸ διὰ
μάχης κρίνειν τὸν
πόλεμον, ἑτέραν δὲ
διάλυσιν ζητεῖν διὰ λόγων
ἀσφαλεστέραν. οὐ μὴν οἱ
Θηβαῖοί γε ταῖς ψυχαῖς
ἐμαλακύνοντο, τοὐναντίον
δὲ τοῖς θυμοῖς
προαχθέντες
ἀνεμίμνησκον ἀλλήλους
τὴν ἐν Λεύκτροις
εὐημερίαν καὶ τῶν ἄλλων
παρατάξεων ἐν αἷς
θαυμαστῶς ταῖς ἰδίαις
ἀνδραγαθίαις
ἀνελπίστους νίκας
περιεποιήσαντο. Οἱ μὲν
οὖν Θηβαῖοι τοῖς
παραστήμασιν
ἀνδρειότερον μᾶλλον
φρονιμώτερον χρησάμενοι
προέπεσον εἰς πάνδημον
τῆς πατρίδος ὄλεθρον·

[11] δὲ βασιλεὺς ἐν . XI. Le roi ayant fait en


τρισὶ ταῖς πάσαις ἡμέραις trois jours toutes les
ἑτοιμασάμενος τὰ πρὸς dispositions nécessaires pour
τὴν πολιορκίαν τὰς donner l'assaut, divisa son
δυνάμεις διείλετο εἰς τρία armée en trois corps : l'un
μέρη καὶ τὸ μὲν τοῖς eut l'ordre d'attaquer les
χαρακώμασι τοῖς πρὸ τῆς retranchements élevés aux
πόλεως κατεσκευασμένοις portes de la ville, le second
προσβάλλειν ἔταξε, τὸ δὲ de tenir tête aux Thébains, et
τοῖς Θηβαίοις le troisième de servir de
ἀντιτάττεσθαι, τὸ δὲ réserve, et de relever les
τρίτον ἐφεδρεύειν τῷ bataillons fatigués. Les
πονοῦντι μέρει τῆς Thébains établirent leur
δυνάμεως καὶ διαδέχεσθαι cavalerie en dedans des
τὴν μάχην. (2) Οἱ δὲ retranchements, et
Θηβαῖοι τοὺς μὲν ἱππεῖς échelonnèrent sur les murs
ἐντὸς τοῦ χαρακώματος les esclaves affranchis, les
ἔταξαν, τοὺς δ' bannis rentrés et les
ἐλευθερωθέντας οἰκέτας étrangers domiciles à
καὶ τοὺς φυγάδας καὶ Thèbes; cette troupe était
τοὺς μετοίκους τοῖς πρὸς chargée de repousser les
τὰ τείχη βιαζομένοις assaillants. Quant aux
ἀντέταξαν, αὐτοὶ δὲ τοῖς citoyens de Thèbes, ils se
μετὰ τοῦ βασιλέως rangèrent en bataille aux
Μακεδόσι πολλαπλασίοις portes de la ville pour se
οὖσι συνάπτειν μάχην πρὸ mesurer avec le roi,
τῆς πόλεως ἡτοιμάζοντο. commandant les nombreux
(3) Τέκνα δὲ καὶ γυναῖκες Macédoniens. Les enfants et
συνέτρεχον εἰς τὰ ἱερὰ les femmes s'étaient réfugiés
καὶ τοὺς θεοὺς ἱκέτευον dans les temples, et
σῶσαι τὴν πόλιν ἐκ τῶν suppliaient les dieux de
κινδύνων. sauver la ville du danger.

Ὡς δ' ἤγγισαν οἱ Cependant les


Μακεδόνες καὶ τοῖς Macédoniens s'avancèrent en
τεταγμένοις μέρεσιν ordre de bataille, les
ἕκαστοι προσέπεσον, αἱ trompettes sonnèrent la
μὲν σάλπιγγες ἐσήμαινον charge, les deux armées
τὸ πολεμικόν, αἱ δὲ παρ' poussèrent tout d'un coup le
ἀμφοτέροις δυνάμεις ὑφ' cri de guerre, et
ἕνα καιρὸν συνηλάλαξαν commencèrent l'attaque par
καὶ τὰ κοῦφα τῶν βελῶν les armes de trait. Mais ces
ἐπὶ τοὺς πολεμίους armes étant bientôt épuisées,
ἔβαλον. (4) Ταχὺ δὲ on eut recours à l'épée. Alors
τούτων ἐξαναλωθέντων s'engagea un combat terrible.
καὶ πάντων εἰς τὴν ἀπὸ Le choc des Macédoniens,
τοῦ ξίφους μάχην grâce à leur supériorité
συμπεσόντων μέγας ἀγὼν numérique et à la pesanteur
συνίστατο. Οἱ μὲν γὰρ de leur phalange, fut
Μακεδόνες διὰ τὸ πλῆθος irrésistible. Cependant les
τῶν ἀνδρῶν καὶ τὸ βάρος Thébains, confiants dans
τῆς φάλαγγος leurs forces physiques,
δυσυπόστατον εἶχον τὴν formés par de continuels
βίαν, οἱ δὲ Θηβαῖοι ταῖς exercices et exaltés par leur
τῶν σωμάτων ῥώμαις courage, ne fléchirent point.
ὑπερέχοντες καὶ τοῖς ἐν Aussi, des deux côtés,
τοῖς γυμνασίοις συνεχέσιν comptait-on un grand nombre
ἀθλήμασιν, ἔτι δὲ τῷ de blessés et beaucoup de
παραστήματι τῆς ψυχῆς tués, tous frappés par-
πλεονεκτοῦντες devant. Au milieu de cette
ἐνεκαρτέρουν τοῖς horrible mêlée, on entendait
δεινοῖς. (5) Διὸ καὶ παρ' les gémissements des
ἀμφοτέροις πολλοὶ μὲν mourants, la voix des officiers
κατετιτρώσκοντο, οὐκ macédoniens qui criaient à
ὀλίγοι δ' ἔπιπτον ἐναντίας leurs soldats de ne pas flétrir
λαμβάνοντες πληγάς. leur ancienne réputation de
ὁμοῦ δ' ἦν κατὰ τὰς ἐν valeur, et les cris des
τοῖς ἀγῶσι συμπλοκὰς Thébains qui s'exhortaient à
μυγμὸς καὶ βοὴ καὶ ne pas oublier leurs enfants
παρακελευσμός, παρὰ μὲν et leurs pères menacés
τοῖς Μακεδόσι μὴ d'esclavage, ni la patrie
καταισχῦναι τὰς entière près de tomber sous
προγεγενημένας les coups impitoyables des
ἀνδραγαθίας, παρὰ δὲ Macédoniens; ils rappelaient
τοῖς Θηβαίοις μὴ περιιδεῖν les victoires de Leuctres et de
τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ Mantinée, et la renommée
γονεῖς ὑπὲρ universelle de leur bravoure.
ἀνδραποδισμοῦ La bataille resta longtemps
κινδυνεύοντας καὶ τὴν indécise en raison du courage
πατρίδα πανοίκιον ὑπὸ que déployaient les
τοὺς Μακεδόνων θυμοὺς combattants.
ὑποπεσοῦσαν, μνησθῆναι XII. Voyant la résolution
δὲ τῆς ἐν Λεύκτροις καὶ ἐν avec laquelle les Thébains se
Μαντινείᾳ μάχης καὶ τῶν battaient pour leur
παρὰ πᾶσι περιβοήτων indépendance, Alexandre fit
ἀνδραγαθημάτων. Ἐπὶ avancer sa réserve pour
πολὺν μὲν οὖν χρόνον soutenir les troupes épuisées.
ἰσόρροπος ἦν μάχη διὰ Les Macédoniens se
τὴν ὑπερβολὴν τῆς τῶν précipitèrent
ἀγωνιζομένων ἀνδρείας. impétueusement sur les
[12] Μετὰ δὲ ταῦτα Thébains exténués de
᾿Αλέξανδρος ὁρῶν τοὺς fatigue, écrasèrent les
μὲν Θηβαίους ἑτοίμως ennemis et en passèrent un
ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας grand nombre au fil de
ἀγωνιζομένους, τοὺς δὲ l'épée. Néanmoins, les
Μακεδόνας κάμνοντας τῇ Thébains ne renoncèrent
μάχῃ προσέταξε τοὺς ἐπὶ point encore à l'espoir de
τῆς ἐφεδρίας vaincre ; animés, au
τεταγμένους διαδέξασθαι contraire, d'une ardeur
τὸν ἀγῶνα. Οἱ μὲν οὖν guerrière, ils bravèrent tous
Μακεδόνες ἄφνω les périls. Ils poussèrent si
προσπεσόντες τοῖς loin leur confiance en eux-
Θηβαίοις κατακόποις mêmes qu'ils criaient aux
βαρεῖς ἐπέκειντο τοῖς Macédoniens de s'avouer
πολεμίοις καὶ πολλοὺς inférieurs aux Thébains;
ἀνῄρουν. (2) Οὐ μὴν οἱ tandis que d'ordinaire
Θηβαῖοι τῆς νίκης l'arrivée des troupes fraîches
ἐξεχώρουν, τοὐναντίον δὲ répand l'alarme parmi les
τῇ φιλοτιμίᾳ προαχθέντες ennemis, les Thébains seuls
πάντων τῶν δεινῶν ne parurent en cette
κατεφρόνουν. Ἐπὶ τοσοῦτο circonstance que plus
δὲ ταῖς ἀνδραγαθίαις disposés à affronter le
προέβησαν ὥστε βοᾶν ὅτι danger. La lutte devint de
Μακεδόνες ὁμολογοῦσιν plus en plus acharnée. Enfin
ἥττους εἶναι Θηβαίων, καὶ le roi s'aperçut qu'une petite
τῶν ἄλλων πάντων porte de a ville avait été
εἰωθότων ἐν ταῖς laissée sans garde ; il envoya
διαδοχαῖς τῶν πολεμίων Perdiccas avec un
δεδιέναι τοὺς ἀκεραίους détachement suffisant pour
τῶν ἐφεδρευόντων οὗτοι s'emparer de cette porte et
μόνοι τότε θρασύτεροι pénétrer dans la ville. Cet
πρὸς τοὺς κινδύνους ordre étant promptement
ὑπῆρξαν, ὅθ' οἱ πολέμιοι exécuté, les Macédoniens se
διαδοχὴν ἐξέπεμψαν τοῖς précipitèrent dans la ville par
καταπονουμένοις ὑπὸ τῆς cette petite porte, au
κακοπαθείας. (3) moment où les Thébains
Ἀνυπερβλήτου δὲ τῆς avaient mis hors de combat
φιλοτιμίας γινομένης la première phalange des
βασιλεὺς κατανοήσας Macédoniens, et, repoussant
τινὰ πυλίδα vigoureusement la seconde,
καταλελειμμένην ὑπὸ τῶν se croyaient déjà sûrs de la
φυλάκων ἐξαπέστειλε victoire. Mais, en apprenant
Περδίκκαν μετὰ qu'une partie de la ville était
στρατιωτῶν ἱκανῶν prise, les Thébains se
καταλαβέσθαι ταύτην καὶ retirèrent sur-le-champ dans
παρεισπεσεῖν εἰς τὴν l'intérieur des murs. Pendant
πόλιν. (4) Τούτου δὲ ταχὺ qu'ils effectuaient ce
τὸ προσταχθὲν mouvement rétrograde, les
ποιήσαντος οἱ μὲν cavaliers thébains
Μακεδόνες διὰ τῆς pénétrèrent dans la ville en
πυλίδος παρεισέπεσον εἰς même temps que les
τὴν πόλιν, οἱ δὲ Θηβαῖοι fantassins et en foulèrent un
καταπεπονηκότες μὲν τὴν grand nombre sous les pieds
πρώτην φάλαγγα τῶν de leurs chevaux. Dans la
Μακεδόνων, confusion de la retraite, les
ἀντιταχθέντες δ' Thébains s'égaraient dans les
εὐρώστως τῇ δευτέρᾳ passages, se jetaient tout
εὐέλπιδες ἦσαν περὶ τῆς armés au milieu des fossés,
νίκης· ὡς δὲ κατενόησαν et y trouvaient la mort. La
μέρος τῆς πόλεως garnison de la Cadmée,
κατειλημμένον, εὐθὺς profitant de ce désordre, fit
ἀνεχώρησαν ἐντὸς τῶν une sortie de la citadelle,
τειχῶν. (5) Ἅμα δὲ tomba sur les Thébains et en
τούτοις πραττομένοις οἱ fit un affreux carnage.
μὲν τῶν Θηβαίων ἱππεῖς XIII. La ville fut ainsi prise.
ὁμοίως τοῖς πεζοῖς Il se passa alors des scènes
συνέτρεχον εἰς τὴν πόλιν horribles dans l'intérieur des
καὶ πολλοὺς μὲν τῶν ἰδίων murs. Les Macédoniens,
συμπατοῦντες διέφθειρον, irrités de l'insolente
αὐτοὶ δὲ τεταραγμένως proclamation, traitaient les
εἰσίππευον εἰς τὴν πόλιν, habitants sans pitié; la
ἐν δὲ ταῖς διεξόδοις καὶ menace à la bouche ils se
τάφροις τοῖς οἰκείοις ruaient sur les infortunés, et
ὅπλοις περιπίπτοντες massacraient sans quartier
ἐτελεύτων. Οἱ δὲ τὴν tous ceux qui leur tombaient
Καδμείαν φρουροῦντες sous la main. Cependant, les
ἐκχυθέντες ἐκ τῆς Thébains, gardant dans leur
ἀκροπόλεως ἀπήντων τοῖς âme l'amour de la liberté, loin
Θηβαίοις καὶ de chercher à sauver leur vie,
τεταραγμένοις luttaient corps à corps avec
ἐπιπεσόντες πολὺν les Macédoniens; ils allaient
ἐποίουν φόνον. en quelque sorte au-devant

[13] Τῆς δὲ πόλεως des coups de l'ennemi ; car,

τοῦτον τὸν τρόπον depuis la prise de la ville, on

καταλαμβανομένης ne vit aucun Thébain supplier

πολλαὶ καὶ ποικίλαι un Macédonien de l'épargner

περιστάσεις ἐντὸς τῶν ni tomber lâchement aux

τειχῶν ἐγίνοντο. Οἱ μὲν genoux du vainqueur.

γὰρ Μακεδόνες διὰ τὴν Cependant tant de courage

ὑπερηφανίαν τοῦ n'inspira aux ennemis aucun

κηρύγματος πικρότερον sentiment de commisération,

πολεμικώτερον et le jour n'était pas assez

προσεφέροντο τοῖς long pour assouvir leur

Θηβαίοις καὶ μετὰ πολλῆς cruelle vengeance. La ville

ἀπειλῆς ἐπιφερόμενοι τοῖς entière fut bouleversée; les

ἠτυχηκόσιν ἀφειδῶς enfants, les jeunes filles,

ἀνῄρουν πάντας τοὺς invoquant le nom de leur

περιτυγχάνοντας. (2) Οἱ infortunée mère, furent

δὲ Θηβαῖοι τὸ arrachés de leur retraite; en

φιλελεύθερον τῆς ψυχῆς un mot, les maisons avec

διαφυλάττοντες τοσοῦτον toutes les familles qu'elles

ἀπεῖχον τοῦ φιλοζωεῖν renfermaient, devinrent la

ὥστ' ἐν ταῖς ἀπαντήσεσι proie des Macédoniens, et

συμπλέκεσθαι καὶ τὰς toute la population de la ville

παρὰ τῶν πολεμίων fut réduite à l'esclavage.

ἐπισπᾶσθαι πληγάς· Quelques Thébains, couverts


ἑαλωκυίας γὰρ τῆς de blessures, et près
πόλεως οὐδεὶς Θηβαίων d'expirer, s'attachaient aux
ἑωράθη δεηθεὶς τῶν corps de leurs ennemis et, les
Μακεδόνων φείσασθαι τοῦ étreignant dans leurs bras, ils
ζῆν οὐδὲ προσέπιπτον se donnaient la mort à eux-
τοῖς τῶν κρατούντων mêmes ainsi qu'à leurs
γόνασιν ἀγεννῶς. (3) Ἀλλ' meurtriers. D'autres se
οὔτε τὸ τῆς ἀρετῆς πάθος défendaient avec des
ἠλεεῖτο παρὰ τοῖς fragments de lance et
πολεμίοις οὔτε τὸ τῆς combattaient avec désespoir,
ἡμέρας μῆκος ἤρκει πρὸς estimant la liberté plus que la
τὴν ὠμότητα τῆς vie. Le massacre fut grand;
τιμωρίας, πᾶσα δὲ πόλις toute la ville était jonchée de
ἐξεφορεῖτο παιδίων ὁμοῦ cadavres, et pourtant
καὶ παρθένων ἑλκομένων personne ne plaignait le sort
καὶ τὸ τῆς τεκούσης des infortunés. Parmi les
οἰκτρὸν ἐπιβοωμένων Grecs, les Thespiens, les
ὄνομα· Καθόλου δὲ τῶν Platéens, les Orchoméniens
οἴκων σὺν ὅλαις ταῖς et quelques autres peuples
συγγενείαις ἁρπαζομένων hostiles aux Thébains, qui
πάνδημος ὑπῆρχε τῆς servaient dans l'armée du roi,
πόλεως ἀνδραποδισμός. se précipitèrent dans la ville
(4) Τῶν δὲ et assouvirent leur haine sur
ὑπολελειμμένων Θηβαίων les malheureux habitants.
οἱ μὲν κατατετρωμένοι τὰ Aussi la ville faisait-elle pitié
σώματα καὶ à voir : des Grecs étaient
λιποψυχοῦντες sans miséricorde égorgés par
συνεπλέκοντο τοῖς des Grecs, des parents
πολεμίοις, massacrés par leurs propres
συναποθνήσκοντες τῇ τῶν alliés, sans distinction de
ἐχθρῶν ἀπωλείᾳ, οἱ δὲ famille. Enfin, à l'approche de
κλάσματι δόρατος la nuit, les maisons furent
ἐρειδόμενοι συνήντων pillées; les enfants, les
τοῖς ἐπιφερομένοις καὶ femmes et les vieillards, qui
διαγωνιζόμενοι τὸν avaient cherché un asile dans
ὕστατον ἀγῶνα les temples, en furent
προετίμων τὴν ἐλευθερίαν chassés avec les derniers
τῆς σωτηρίας. (5) Πολλοῦ outrages.
δὲ φόνου γενομένου καὶ XIV. Les Thébains
τῆς πόλεως κατὰ πάντα perdirent plus de six mille
τόπον νεκρῶν hommes et plus de trente
πληρουμένης οὐκ ἦν ὅστις mille furent faits prisonniers,
ἰδὼν οὐκ ἂν ἠλέησε τὰς sans compter les richesses
τύχας τῶν ἀκληρούντων. immenses qui tombèrent au
καὶ γὰρ τῶν ῾Ελλήνων pouvoir du vainqueur. Le roi
Θεσπιεῖς καὶ Πλαταιεῖς, fit enterrer les Macédoniens
ἔτι δ' ᾿Ορχομένιοι καί qui, au nombre de plus de
τινες ἄλλοι τῶν cinq cents, avaient trouvé la
ἀλλοτρίως διακειμένων mort dans le sac de Thèbes. Il
πρὸς τοὺς Θηβαίους réunit ensuite les Grecs ayant
συστρατευόμενοι τῷ droit de suffrage en un
βασιλεῖ συνεισέπεσον εἰς conseil général pour délibérer
τὴν πόλιν καὶ τὴν ἰδίαν sur le parti qui restait à
ἔχθραν ἐν τοῖς τῶν prendre à l'égard de la ville
ἠτυχηκότων ἀκληρήμασιν des Thébains. La délibération
ἐναπεδείκνυντο. (6) Διὸ étant ouverte, quelques
καὶ πάθη πολλὰ καὶ δεινὰ membres hostiles aux
κατὰ τὴν πόλιν ὁρᾶν ἦν Thébains proposèrent de leur
γινόμενα· ῞Ελληνες γὰρ infliger des châtiments
ὑφ' ῾Ελλήνων ἀνηλεῶς impitoyables; ils les
ἀνῃροῦντο καὶ συγγενεῖς représentaient comme ayant
ὑπὸ τῶν κατὰ γένος comploté avec les Barbares
προσηκόντων ἐφονεύοντο, contre les Grecs. « Les
μηδεμίαν ἐντροπὴν τῆς Thébains, ajoutaient-ils, ont
ὁμοφώνου διαλέκτου servi sous Xerxès contre la
παρεχομένης. Τέλος δὲ Grèce; ils sont les seuls parmi
τῆς νυκτὸς les Grecs qui aient reçu des
ἐπικαταλαβούσης αἱ μὲν rois de Perse le titre de
οἰκίαι διηρπάγησαν, τέκνα bienfaiteurs; et leurs envoyés
δὲ καὶ γυναῖκες καὶ οἱ ont à la cour des Perses la
γεγηρακότες εἰς τὰ ἱερὰ préséance sur les rois eux-
καταπεφευγότες μετὰ τῆς mêmes. » C'est par de
ἐσχάτης ὕβρεως semblables récriminations
ἀπήγοντο. que les membres du conseil

[14] Τῶν δὲ Θηβαίων s'excitaient mutuellement

ἀνῃρέθησαν μὲν ὑπὲρ contre les Thébains et finirent

τοὺς ἑξακισχιλίους, par rendre le décret suivant :

αἰχμάλωτα δὲ σώματα « La ville de Thèbes sera

συνήχθη πλείω τῶν rasée; les prisonniers seront

τρισμυρίων, χρημάτων δὲ vendus à l'enchère ; les

ἄπιστον πλῆθος fugitifs seront arrêtés dans

διεφορήθη. δὲ βασιλεὺς toute la Grèce et aucun Grec

τοὺς μὲν τελευτήσαντας ne pourra accueillir un

τῶν Μακεδόνων ἔθαψε, Thébain. » Conformément à

πλείους ὄντας τῶν ce décret, le roi fit raser la

πεντακοσίων, τοὺς δὲ ville de Thèbes et jeta

συνέδρους τῶν ῾Ελλήνων l'épouvante parmi les Grecs

συναγαγὼν ἐπέτρεψε τῷ qui auraient été tentés de

κοινῷ συνεδρίῳ πῶς s'insurger. Quant aux

χρηστέον τῇ πόλει τῶν prisonniers, il retira de leur

Θηβαίων. (2) Προτεθείσης vente quatre cent quarante

οὖν βουλῆς τῶν talents d'argent (14).

ἀλλοτρίως διακειμένων XV. Alexandre envoya


τοῖς Θηβαίοις τινὲς ensuite une députation à
ἐπεχείρουν συμβουλεύειν Athènes pour demander
ἀπαραιτήτοις τιμωρίαις qu'on lui livrât les dix
δεῖν περιβαλεῖν αὐτούς, orateurs qui s'étaient
ἀπεδείκνυον δ' αὐτοὺς τὰ déclarés contre lui, et parmi
τῶν βαρβάρων lesquels les plus illustres
πεφρονηκότας κατὰ τῶν étaient Démosthène et
῾Ελλήνων· καὶ γὰρ ἐπὶ Lycurgue. Une assemblée fut
Ξέρξου συμμαχοῦντας convoquée; les envoyés
τοῖς Πέρσαις furent introduits et
ἐστρατευκέναι κατὰ τῆς exposèrent l'objet de leur
῾Ελλάδος καὶ μόνους τῶν mission. Dès que le peuple en
῾Ελλήνων ὡς εὐεργέτας eut pris connaissance il fut
τιμᾶσθαι παρὰ τοῖς aussi alarmé qu'embarrassé :
βασιλεῦσι τῶν Περσῶν καὶ d'un côté, il désirait sauver
πρὸ τῶν βασιλέων τοῖς l'honneur de la cité, d'un
πρεσβεύουσι τῶν Θηβαίων autre, à l'aspect des ruines
τίθεσθαι θρόνους. (3) de Thèbes, il était saisi
Πολλὰ δὲ καὶ ἄλλα d'épouvante, et redoutait de
τοιαῦτα διελθόντες s'exposer aux mêmes
παρώξυναν τὰς τῶν infortunes que leurs voisins.
συνέδρων ψυχὰς κατὰ τῶν Plusieurs discours furent
Θηβαίων καὶ πέρας prononcés dans l'assemblée;
ἐψηφίσαντο τὴν μὲν πόλιν enfin Phocion, surnommé le
κατασκάψαι, τοὺς δ' probe, qui avait toujours été
αἰχμαλώτους ἀποδόσθαι, opposé à la conduite
τοὺς δὲ φυγάδας τῶν politique de Démosthène, se
Θηβαίων ἀγωγίμους leva et dit que ceux dont on
ὑπάρχειν ἐξ ἁπάσης τῆς demandait l'extradition
῾Ελλάδος καὶ μηδένα τῶν devaient imiter l'exemple des
῾Ελλήνων ὑποδέχεσθαι filles de Léos et des
Θηβαῖον. (4) δὲ βασιλεὺς Hyacinthides, en subissant
ἀκολούθως τῇ τοῦ volontairement la mort pour
συνεδρίου γνώμῃ τὴν μὲν prévenir le danger
πόλιν κατασκάψας πολὺν irrémédiable qui menaçait la
ἐπέστησε φόβον τοῖς patrie : il reprocha aux
ἀφισταμένοις τῶν orateurs comme une lâcheté
῾Ελλήνων, τοὺς δ' et une couardise de ne pas
αἰχμαλώτους vouloir mourir pour le salut
λαφυροπωλήσας ἤθροισεν de l'État. Mais le peuple,
ἀργυρίου τάλαντα indigné de cette harangue,
τετρακόσια καὶ chassa tumultueusement
τεσσαράκοντα. l'orateur de l'assemblée.

[15] Μετὰ δὲ ταῦτα Démosthène prit alors la

εἰς τὰς ᾿Αθήνας parole, et, dans un discours

ἐξαπέστειλε τοὺς habile, il sut émouvoir

ἐξαιτήσοντας τῶν l'assemblée en faveur des dix

ῥητόρων δέκα τοὺς κατ' orateurs qu'il voulait

αὐτοῦ πεπολιτευμένους, évidemment sauver. Enfin

ὧν ὑπῆρχον Démade, séduit, dit-on, par

ἐπιφανέστατοι les partisans de Démosthène.

Δημοσθένης καὶ pour une somme de cinq

Λυκοῦργος. Συναχθείσης talents (15), appuya les

οὖν ἐκκλησίας καὶ τῶν discours prononcés en faveur

πρεσβευτῶν εἰσαχθέντων des dix orateurs, et proposa

εἰς τὸ πλῆθος μὲν δῆμος l'adoption d'un décret

ἀκούσας τῶν λόγων εἰς adroitement rédigé. Ce

πολλὴν ἀγωνίαν καὶ décret portait que ces

ἀπορίαν ἐνέπεσεν. Ἅμα orateurs ne seraient pas

μὲν γὰρ ἔσπευδε τὸ τῆς livrés, mais qu'ils seraient

πόλεως ἀξίωμα τηρεῖν, jugés conformément aux lois

ἅμα δὲ διὰ τὴν Θηβαίων et condamnés s'ils étaient

ἀπώλειαν ἐκπεπληγμένος reconnus coupables. Le

τὸ δεινὸν περίφοβος peuple adopta la proposition

καθειστήκει, de Démade, et envoya

νουθετούμενος τοῖς τῶν Démade avec quelques

πλησιοχώρων ἀτυχήμασι. autres députés auprès du roi,

(2) Πολλῶν δὲ λόγων pour faire agréer le décret.

γινομένων κατὰ τὴν Démade fut en outre chargé

ἐκκλησίαν Φωκίων μὲν de solliciter Alexandre

χρηστός, d'accorder au peuple

ἀντιπολιτευόμενος τοῖς athénien le droit de recevoir


περὶ τὸν Δημοσθένην, ἔφη chez eux les Thébains
δεῖν τοὺς ἐξαιτουμένους fugitifs. Démade s'acquitta de
μιμήσασθαι τὰς Λεὼ sa mission; il réussit par son
κόρας καὶ τὰς éloquence à décider
῾Υακινθίδας καὶ τὸν Alexandre de se désister des
θάνατον ἑκουσίως poursuites dirigées contre les
ὑπομεῖναι ἕνεκα τοῦ μηδὲν dix orateurs, et d'accorder
ἀνήκεστον παθεῖν τὴν tout ce que les Athéniens lui
πατρίδα καὶ τὴν demandaient.
ἀνανδρίαν καὶ δειλίαν XVI. Alexandre retourna
ὠνείδιζε τῶν μὴ ensuite avec son armée en
βουλομένων ὑπὲρ τῆς Macédoine. Il réunit en
πόλεως τελευτᾶν· δὲ conseil ses lieutenants ainsi
δῆμος τοῦτον μὲν τοῖς que ses amis les plus
θορύβοις ἐξέβαλε, considérés, et leur soumit un
προσάντως ἀκούων τοὺς projet d'expédition en Asie.
λόγους, (3) Δημοσθένους Quand entreprendrait-on
δὲ λόγον πεφροντισμένον cette expédition, et de quelle
διελθόντος δῆμος εἰς manière conduirait-on la
συμπάθειαν τῶν ἀνδρῶν guerre? Tel fut le sujet de la
προαχθεὶς φανερὸς ἦν délibération. Antipater et
σώζειν βουλόμενος τοὺς Parménion furent d'avis que
ἄνδρας. Ἐπὶ τελευτῆς δὲ le roi devait d'abord
Δημάδης, πεπεισμένος ὑπὸ engendrer des héritiers avant
τῶν περὶ Δημοσθένην, ὥς de s'engager dans une
φασι, πέντε ταλάντοις entreprise aussi difficile. Mais
ἀργυρίου, συνεβούλευε Alexandre, dont l'activité ne
μὲν σώζειν τοὺς supportait aucun délai,
κινδυνεύοντας, s'opposa à ce conseil, « Il
παρανέγνω δὲ ψήφισμα serait honteux, disait-il, que
γεγραμμένον φιλοτέχνως· le généralissime de la Grèce,
περιεῖχε γὰρ παραίτησιν héritier d'armées invincibles,
τῶν ἀνδρῶν καὶ s'arrêtât pour célébrer des
ἐπαγγελίαν τοῦ κολάζειν noces et attendre des
κατὰ τοὺς νόμους, ἂν naissances d'enfants. » Il
ὦσιν ἄξιοι τιμωρίας. (4) instruisit ensuite de ses
μὲν οὖν δῆμος projets les membres du
ἀποδεξάμενος τὴν conseil, les exhorta à la
ἐπίνοιαν τοῦ Δημάδου τό guerre et ordonna de
τε ψήφισμα ἐκύρωσε καὶ pompeux sacrifices à Dium
τὸν Δημάδην μεθ' ἑτέρων en Macédoine; il célébra des
ἀπέστειλε πρεσβευτὴν joutes scéniques en l'honneur
πρὸς τὸν βασιλέα, δοὺς de Jupiter et des Muses,
ἐντολὴν καὶ περὶ τῶν joutes instituées par
Θηβαίων φυγάδων Archélaüs, un des rois ses
ἀξιῶσαι τὸν ᾿Αλέξανδρον prédécesseurs. Ces
συγχωρῆσαι τῷ δήμῳ solennités eurent lieu
τοὺς πεφευγότας pendant neuf jours, et
Θηβαίους ὑποδέχεσθαι. chaque jour était consacré à
(5) δὲ Δημάδης une des Muses. Le roi fit
πρεσβεύσας καὶ τῇ τοῦ construire une tente
λόγου δεινότητι πάντα contenant cent lits; il y
κατεργασάμενος ἔπεισε traitait ses amis, ses officiers
τὸν ᾿Αλέξανδρον et les délégués des villes
ἀπολῦσαι τοὺς ἄνδρας grecques. Il donna des repas
τῶν ἐγκλημάτων καὶ splendides, distribua aux
τἄλλα πάντα συγχωρῆσαι soldats la chair des victimes
τοῖς ᾿Αθηναίοις. et tout ce qui compose un

[16] Μετὰ δὲ ταῦτα repas; il fit ainsi reposer

μὲν βασιλεὺς ἐπανελθὼν l'armée de ses fatigues.

μετὰ τῆς δυνάμεως εἰς XVII. Ctésiclès étant


τὴν Μακεδονίαν συνήγαγε archonte d'Athènes, Caïus
τοὺς ἡγεμόνας τῶν Sulpicius, Lucius Papirius
στρατιωτῶν καὶ τοὺς consuls à Rome (16),
ἀξιολογωτάτους τῶν Alexandre dirigea son armée
φίλων καὶ προέθηκε vers l'Hellespont, et la fit
βουλὴν περὶ τῆς εἰς τὴν passer d'Europe en Asie. Il
᾿Ασίαν διαβάσεως, πότε aborda en Troade avec
χρὴ στρατεύειν καὶ τίνι soixante vaisseaux longs; le
τρόπῳ χειριστέον τὸν premier de tous les
πόλεμον. (2) Τῶν δὲ περὶ Macédoniens, il lança, du
τὸν ᾿Αντίπατρον καὶ bâtiment où il se trouvait son
Παρμενίωνα javelot qui vint se fixer en
συμβουλευόντων terre. Il sauta ensuite du
πρότερον navire, s'écriant que les dieux
παιδοποιήσασθαι καὶ τότε lui livraient l'Asie, comme
τοῖς τηλικούτοις conquise à la pointe de la
ἐγχειρεῖν ἔργοις, lance (17).. Il rendit ensuite
δραστικὸς ὢν καὶ πρὸς les honneurs funèbres aux
πᾶσαν πράξεως ἀναβολὴν tombeaux d'Achille, d'Ajax et
ἀλλοτρίως διακείμενος d'autres héros. Enfin, il passa
ἀντεῖπε τούτοις· αἰσχρὸν soigneusement en revue les
γὰρ ὑπάρχειν ἀπεφαίνετο troupes qui
τὸν ὑπὸ τῆς ῾Ελλάδος l'accompagnaient. Cette
ἡγεμόνα καθεσταμένον armée se composait, en
τοῦ πολέμου καὶ πατρικὰς infanterie, de douze mille
ἀνικήτους δυνάμεις Macédoniens, de sept mille
παρειληφότα καθῆσθαι alliés et de cinq mille
γάμους ἐπιτελοῦντα καὶ mercenaires, tous sous les
τέκνων γενέσεις ordres de Parménion; à cette
ἀναμένοντα. (3) Διδάξας infanterie il faut joindre cinq
οὖν αὐτοὺς περὶ τοῦ mille Odryses, Triballes et
συμφέροντος καὶ lllyriens, ainsi que mille
παρορμήσας διὰ τῶν archers agrianiens, en sorte
λόγων πρὸς τοὺς ἀγῶνας que le total de l'infanterie
θυσίας μεγαλοπρεπεῖς s'élevait à trente mille
τοῖς θεοῖς συνετέλεσεν ἐν hommes. En cavalerie, on
Δίῳ τῆς Μακεδονίας καὶ comptait mille cinq cents
σκηνικοὺς ἀγῶνας Διὶ καὶ Macédoniens, commandés
Μούσαις, οὓς ᾿Αρχέλαος par Philotas, fils de
προβασιλεύσας πρῶτος Parménion, mille cinq cents
κατέδειξε. (4) Τὴν δὲ Thessaliens, sous les ordres
πανήγυριν ἐφ' ἡμέρας de Callas, fils d'Harpalus, six
ἐννέα συνετέλεσεν, cents autres cavaliers tous
ἑκάστῃ τῶν Μουσῶν fournis par les Grecs, et qui
ἐπώνυμον ἡμέραν avaient Érygius pour chef,
ἀναδείξας. Σκηνὴν δὲ enfin, neuf cents éclaireurs
κατασκευασάμενος thraces et péoniens, sous les
ἑκατοντάκλινον τούς τε ordres de Cassandre; ce qui
φίλους καὶ τοὺς ἡγεμόνας, faisait un total de quatre
ἔτι δὲ τοὺς ἀπὸ τῶν mille cinq cents cavaliers.
πόλεων πρέσβεις Telles étaient les forces
παρέλαβεν ἐπὶ τὴν qu'Alexandre fit passer en
εὐωχίαν. Λαμπραῖς δὲ Asie. Quant aux troupes
παρασκευαῖς χρησάμενος laissées en Europe sous le
καὶ πολλοὺς μὲν ἑστιάσας, commandement d'Antipater,
πάσῃ δὲ τῇ δυνάμει elles étaient formées de
διαδοὺς ἱερεῖα καὶ τἄλλα douze mille hommes
τὰ πρὸς τὴν εὐωχίαν d'infanterie et de mille cinq
ἀνήκοντα προσανέλαβε τὸ cents cavaliers (18). Le roi
στρατόπεδον. partit de la Troade et

[17] Ἐπ' ἄρχοντος δ' rencontra dans sa route le

᾿Αθήνησι Κτησικλέους temple de Minerve ; là, le

῾Ρωμαῖοι μὲν ὑπάτους sacrificateur Alexandre ayant

κατέστησαν Γάιον vu à l'entrée du sanctuaire

Σουλπίκιον καὶ Λεύκιον une image d'Ariobarzane,

Παπίριον. ᾿Αλέξανδρος δὲ jadis satrape de la Phrygie,

μετὰ τῆς δυνάμεως couchée à terre, et ayant

πορευθεὶς ἐπὶ τὸν remarqué d'autres présages

῾Ελλήσποντον διεβίβασε favorables, alla à la rencontre

τὴν δύναμιν ἐκ τῆς du roi et lui annonça qu'il

Εὐρώπης εἰς τὴν ᾿Ασίαν. serait vainqueur dans un


(2) Αὐτὸς δὲ μακραῖς grand combat de cavalerie,
ναυσὶν ἑξήκοντα surtout si ce combat se livrait
καταπλεύσας πρὸς τὴν en Phrygie; il ajouta
Τρῳάδα χώραν πρῶτος qu'Alexandre tuerait de sa
τῶν Μακεδόνων ἀπὸ τῆς propre main un des généraux
νεὼς ἠκόντισε μὲν τὸ les plus célèbres de l'ennemi.
δόρυ, πήξας δ' εἰς τὴν γῆν Selon ce prêtre, ces augures
καὶ αὐτὸς ἀπὸ τῆς νεὼς étaient envoyés par les dieux
ἀφαλλόμενος παρὰ τῶν et surtout par Minerve, qui
θεῶν ἀπεφαίνετο τὴν devait elle-même prendre
᾿Ασίαν δέχεσθαι part à tant de succès,
δορίκτητον. (3) Καὶ τοὺς XVIII. Alexandre accepta
μὲν τάφους τῶν ἡρώων avec joie la prédiction du
᾿Αχιλλέως τε καὶ Αἴαντος devin, et célébra en l'honneur
καὶ τῶν ἄλλων ἐναγίσμασι de Minerve un splendide
καὶ τοῖς ἄλλοις τοῖς πρὸς sacrifice. Il consacra son
εὐδοξίαν ἀνήκουσιν bouclier à la déesse, et en
ἐτίμησεν, αὐτὸς δὲ τὸν échange se revêtit d'un des
ἐξετασμὸν τῆς meilleurs boucliers du temple
ἀκολουθούσης δυνάμεως ; il s'en servit dans la
ἀκριβῶς ἐποιήσατο. première bataille qu'il décida
εὑρέθησαν δὲ πεζοὶ par sa bravoure en
Μακεδόνες μὲν μύριοι καὶ remportant une victoire
δισχίλιοι, σύμμαχοι δὲ signalée. Mais cela n'arriva
ἑπτακισχίλιοι, μισθοφόροι que quelques jours après.
δὲ πεντακισχίλιοι, καὶ
Cependant les satrapes et
τούτων ἁπάντων
les généraux des Perses
Παρμενίων εἶχε τὴν
vinrent trop tard pour
ἡγεμονίαν. (4) ᾿Οδρύσαι
s'opposer au passage des
δὲ καὶ Τριβαλλοὶ καὶ
Macédoniens en Asie ; ils se
᾿Ιλλυριοὶ συνηκολούθουν
réunirent alors pour se
ἑπτακισχίλιοι, τοξοτῶν δὲ
concerter sur la conduite de
καὶ τῶν ᾿Αγριάνων
καλουμένων χίλιοι, ὥστε la guerre contre Alexandre.
τοὺς ἅπαντας εἶναι Memnon le Rhodien,
πεζοὺς τρισμυρίους καὶ renommé pour son habileté
δισχιλίους. Ἱππεῖς δ' stratégique, conseillait de ne
ὑπῆρχον Μακεδόνες μὲν pas combattre l'ennemi de
χίλιοι καὶ ὀκτακόσιοι, front, mais de dévaster la
Φιλώτου τοῦ Παρμενίωνος campagne et d'empêcher,
ἡγουμένου, Θετταλοὶ δὲ faute de vivres, les
χίλιοι καὶ ὀκτακόσιοι, ὧν Macédoniens de s'avancer
ἡγεῖτο Κάλλας ῾Αρπάλου, plus loin. Il conseillait en
τῶν δ' ἄλλων ῾Ελλήνων οἱ outre de faire passer en
πάντες ἑξακόσιοι, ὧν Macédoine les forces de terre
ἡγεῖτο ᾿Ερίγυιος, Θρᾷκες et de mer des Perses et de
δὲ πρόδρομοι καὶ Παίονες transporter en Europe le
ἐννακόσιοι, Κάσανδρον théâtre de la guerre. Ce
ἔχοντες ἡγεμόνα, ὥστε conseil si sage, ainsi que le
σύμπαντας ὑπάρχειν prouva la suite, fut rejeté par
ἱππεῖς τετρακισχιλίους καὶ les autres généraux, comme
πεντακοσίους. οἱ μὲν οὖν indigne de la magnanimité
μετ' ᾿Αλεξάνδρου des Perses. Il fut donc arrêté
διαβάντες εἰς τὴν ᾿Ασίαν de combattre. Toutes les
τοσοῦτοι τὸ πλῆθος ἦσαν. troupes, bien supérieures à
(5) Οἱ δ' ἐπὶ τῆς Εὐρώπης celles des Macédoniens,
ἀπολελειμμένοι furent réunies et dirigées sur
στρατιῶται, ὧν la Phrygie de l'Hellespont
᾿Αντίπατρος εἶχε τὴν (19). Elles vinrent camper sur
ἡγεμονίαν, πεζοὶ μὲν les bords du Granique, le
ὑπῆρχον μύριοι καὶ cours de ce fleuve servant
δισχίλιοι, ἱππεῖς δὲ χίλιοι de retranchement.
καὶ πεντακόσιοι. (6) Τοῦ XIX. Informé du
δὲ βασιλέως mouvement des troupes
ἀναζεύξαντος ἐκ τῆς barbares, Alexandre se porta
Τρῳάδος καὶ rapidement en avant et vint
καταντήσαντος πρὸς τὸ établir son camp en face de
τέμενος τῆς ᾿Αθηνᾶς μὲν l'ennemi, de manière à n'en
θύτης ᾿Αλέξανδρος être séparé que par le cours
κατανοήσας πρὸ τοῦ νεὼ du Granique. Les Barbares,
κειμένην εἰκόνα χαμαὶ τοῦ occupant le pied d'une
Φρυγίας ποτὲ montagne, ne bougèrent
σατραπεύσαντος point, jugeant plus favorable
᾿Αριοβαρζάνου καί τινων d'attaquer l'ennemi au
οἰωνῶν αἰσίων ἄλλων moment où il traverserait le
ἐπιγενομένων προσῆλθε fleuve; ils croyaient en même
τῷ βασιλεῖ καὶ νικήσειν temps qu'il serait facile de
αὐτὸν ἱππομαχίᾳ μεγάλῃ combattre avec avantage la
διεβεβαιοῦτο καὶ μάλιστ', phalange dispersée des
ἂν τύχῃ περὶ τὴν Φρυγίαν Macédoniens. Mais
ἀγωνισάμενος. (7) Alexandre, plein de courage,
Προσετίθει δὲ καὶ διότι prévint l'ennemi en
ταῖς ἰδίαις χερσὶν traversant le fleuve à la
ἀποκτενεῖ μαχόμενος ἐν pointe du jour (20) et en
παρατάξει στρατηγὸν rangeant immédiatement son
ἐπιφανῆ τῶν πολεμίων· armée en bataille. Les
ταῦτα γὰρ αὐτῷ Barbares déployèrent leur
προσημαίνειν τοὺς θεοὺς nombreuse cavalerie en face
καὶ μάλιστα τὴν ᾿Αθηνᾶν, de la ligne des Macédoniens,
ἣν καὶ συνεργήσειν ἐν résolus d'engager le combat.
τοῖς εὐημερήμασιν. L'aile gauche de l'armée

[18] δ' ᾿Αλέξανδρος perse était commandée par

ἀποδεξάμενος τὴν τοῦ Memnon le Rhodien et par le

μάντεως πρόρρησιν τῇ satrape Arsamène (21) ,

μὲν ᾿Αθηνᾷ λαμπρὰν chacun placé à la tête de ses

ἐπετέλεσε θυσίαν καὶ τὸ cavaliers. Derrière eux était

μὲν ἴδιον ὅπλον ἀνέθηκε placé Arsite, commandant la

τῇ θεῷ, τῶν δ' ἐν τῷ νεῷ cavalerie paphlagonienne.

κειμένων ὅπλων τὸ Après celui-ci vint


κράτιστον ἀναλαβὼν καὶ Spithrobate(22), satrape
τούτῳ καθοπλισθεὶς d'Ionie, qui avait sous ses
ἐχρήσατο κατὰ τὴν ordres la cavalerie
πρώτην μάχην, ἣν διὰ τῆς hyrcanienne. L'aile droite
ἰδίας ἀνδραγαθίας κρίνας était occupée par mille
περιβόητον ἔσχε τὴν cavaliers mèdes, par deux
νίκην. {IV} Ἀλλὰ ταῦτα mille autres cavaliers sous les
μὲν ὕστερον ἡμέραις ordres de Rhéomithrès (23)
ὀλίγαις ἐπράχθη. et par un nombre égal de

(2) Οἱ δὲ τῶν Περσῶν Bactriens. Le centre se

σατράπαι καὶ στρατηγοὶ composait de la cavalerie des

τοῦ μὲν κωλῦσαι τῶν autres nations, cavalerie

Μακεδόνων τὴν διάβασιν nombreuse et distinguée par

ὑστέρησαν, ἀθροισθέντες sa bravoure ; enfin le total de

δ' ἐβουλεύοντο πῶς χρὴ cette cavalerie s'élevait à

διαπολεμεῖν τοῖς περὶ plus de dix mille chevaux.

᾿Αλέξανδρον. Μέμνων μὲν L'infanterie des Perses ne

οὖν ῾Ρόδιος, comptait pas moins de cent

διαβεβοημένος ἐπὶ mille hommes (24); elle se

συνέσει στρατηγικῇ, tint immobile comme si la

συνεβούλευε κατὰ στόμα cavalerie suffisait pour

μὲν μὴ διακινδυνεύειν, τὴν accabler les Macédoniens.

δὲ χώραν φθείρειν καὶ τῇ Les armées, ainsi disposées

σπάνει τῶν ἀναγκαίων de part et d'autre, brûlaient

εἴργειν τοὺς Μακεδόνας d'en venir aux mains. La

τῆς εἰς τοὔμπροσθεν cavalerie thessalienne, qui

πορείας, διαβιβάζειν δὲ formait l'aile gauche sous les

καὶ δυνάμεις εἰς τὴν ordres de Parménion, soutint

Μακεδονίαν ναυτικάς τε courageusement le choc de

καὶ πεζικὰς καὶ τὸν ὅλον l'ennemi. Alexandre qui, avec

πόλεμον εἰς τὴν Εὐρώπην l'élite de la cavalerie

μεταγαγεῖν. (3) δ' ἀνὴρ macédonienne, formait l'aile

οὗτος ἄριστα μὲν droite, lança le premier son


συνεβούλευεν, ὡς ἐκ τῶν cheval contre les Perses,
ἀποτελεσμάτων ἐγενήθη enfonça la ligne ennemie et
φανερόν, οὐ μὴν ἔπεισε en fit un grand carnage.
τοὺς ἄλλους ἡγεμόνας, ὡς XX. Cependant les
ἀνάξια συμβουλεύων τῆς Barbares se défendirent avec
Περσῶν μεγαλοψυχίας. (4) intrépidité; ils opposèrent un
Διόπερ ἐπικρατούσης τῆς courage inébranlable à
τοῦ διαγωνίζεσθαι l'impétuosité des
γνώμης οὗτοι μὲν τὰς Macédoniens, et le hasard
πανταχόθεν δυνάμεις semblait avoir donné rendez-
μεταπεμψάμενοι καὶ vous aux plus braves
πολλαπλάσιοι γενόμενοι guerriers, pour décider la
τῶν Μακεδόνων προῆγον victoire. Le satrape d'Ionie,
ἐπὶ Φρυγίας τῆς ἐφ' Spithrobate, Perse d'origine,
῾Ελλησπόντου. gendre du roi Darius, et
κατεστρατοπέδευσαν δὲ homme distingué par sa
παρὰ τὸν Γρανικὸν bravoure, tomba, avec une
ποταμόν, προβαλλόμενοι puissante armée, sur les
τὸ ῥεῖθρον τοῦ Macédoniens ; à ses côtés
προειρημένου ποταμοῦ. combattaient quarante de ses
[19] δὲ ᾿Αλέξανδρος parents, tous guerriers
πυθόμενος τὴν συνδρομὴν remarquables, et, dans une
τῶν βαρβαρικῶν charge vigoureuse, il tua ou
δυνάμεων προῆγε καὶ blessa un grand nombre
σύντομον τὴν πορείαν d'ennemis. Personne ne
ποιησάμενος pouvant résister à ce choc,
ἀντεστρατοπέδευσε τοῖς Alexandre dirigea son cheval
πολεμίοις, ὥστε ἀνὰ contre le satrape et alla droit
μέσον ῥεῖν τῶν au Barbare. Le satrape,
παρεμβολῶν τὸν persuadé quelles dieux lui
Γρανικόν. (2) Οἱ μὲν οὖν avaient réservé l'occasion de
βάρβαροι τὴν ὑπώρειαν déployer sa valeur et
κατειλημμένοι τὴν d'assurer la paix de l'Asie par
ἡσυχίαν ἦγον, κεκρικότες un combat singulier, se flatta
τοῖς πολεμίοις ἐπιθέσθαι d'abaisser, sous les efforts de
κατὰ τὴν διάβασιν τοῦ son bras, la bravoure si
ποταμοῦ· καὶ renommée d'Alexandre et
διεσπασμένης τῆς τῶν d'accomplir un fait d'armes
Μακεδόνων φάλαγγος digne de la gloire des Perses.
ῥᾳδίως προτερήσειν Spithrobate lança le premier
ὑπελάμβανον ἐν τῇ μάχῃ· son javelot sur Alexandre; le
(3) δὲ ᾿Αλέξανδρος coup fut si violent, que le fer,
τεθαρρηκὼς ἅμ' ἡμέρᾳ pénétrant à travers le
περαιώσας τὴν δύναμιν bouclier et la cuirasse, perça
ἔφθασε τοὺς πολεμίους le sommet de l'épaule droite.
ἐκτάξας τὴν δύναμιν Alexandre arracha le javelot
ἡρμοσμένως πρὸς τὸν de son bras, et piquant de
ἀγῶνα. Οἱ δὲ βάρβαροι ses éperons les flancs de son
πρὸς ὅλην τὴν τάξιν τῶν cheval, frappa
Μακεδόνων ἔστησαν τὸ vigoureusement le satrape au
πλῆθος τῶν ἱππέων καὶ milieu de la poitrine où le fer
διὰ τούτων προκινεῖν τὴν resta fixé. A cet exploit, les
μάχην διεγνώκεισαν. (4) rangs voisins des troupes
Τὸ μὲν οὖν εὐώνυμον firent, des deux côtés,
μέρος εἶχε Μέμνων entendre des cris
῾Ρόδιος καὶ ᾿Αρσαμένης d'admiration. Mais comme la
σατράπης ἔχοντες τοὺς lance s'était brisée contre la
ἰδίους ἱππεῖς, μετὰ δὲ cuirasse, le satrape tira son
τούτους ᾿Αρσίτης épée et s'avança sur
ἐτέτακτο τοὺς ἐκ Alexandre ; mais celui-ci le
Παφλαγονίας ἔχων ἱππεῖς, prévint en le frappant au
ἔπειτα Σπιθροβάτης front d'un coup mortel. A la
᾿Ιωνίας σατράπης chute de Spithrobate, son
῾Υρκανῶν ἱππέων frère Rosacés accourut et
ἡγούμενος· τὸ δὲ δεξιὸν porta avec son épée un coup
κέρας ἐπεῖχον χίλιοι μὲν si violent sur la tête
Μῆδοι, δισχίλιοι δὲ οἱ d'Alexandre, que le casque
μετὰ ῾Ρεομίθρους ἱππεῖς fat emporté et la peau du
καὶ Βακτριανοὶ τούτοις bras légèrement entamée;
ἴσοι· τὸν δὲ μέσον τόπον Rosacés (25) allait porter un
ἐπεῖχον οἱ τῶν ἄλλων second coup, lorsque, dans
ἐθνῶν ἱππεῖς, πολλοὶ μὲν ce moment critique, Clitus,
τὸν ἀριθμὸν ὄντες, surnommé le Noir, arriva à
ἐπίλεκτοι δὲ ταῖς ἀρεταῖς. bride abattue et coupa la
οἱ δὲ πάντες ἱππεῖς main du Barbare.
ὑπῆρχον πλείους τῶν
μυρίων. (5) Οἱ δὲ πεζοὶ
τῶν Περσῶν ἦσαν μὲν οὐκ
ἐλάττους τῶν δέκα
μυριάδων, ὄπισθεν δ'
ἐπιτεταγμένοι τὴν
ἡσυχίαν ἦγον, ὡς τῶν
ἱππέων ἱκανῶν ὄντων
καταπονῆσαι τοὺς
Μακεδόνας. (6) Τῶν δ'
ἱππέων παρ' ἀμφοτέροις
προθύμως εἰς τὸν
κίνδυνον συμπεσόντων τὸ
μὲν εὐώνυμον μέρος
ἐπέχοντες οἱ τῶν
Θετταλῶν ἱππεῖς
Παρμενίωνος ἡγουμένου
τεθαρρηκότως ἐδέχοντο
τὴν ἐπιφορὰν τῶν καθ'
αὑτοὺς τεταγμένων,
᾿Αλέξανδρος δὲ τοὺς
ἀρίστους τῶν ἱππέων
κατὰ τὸ δεξιὸν κέρας
ἔχων μεθ' αὑτοῦ πρῶτος
ἐφίππευσε τοῖς Πέρσαις
καὶ συμπλακεὶς τοῖς
πολεμίοις πολὺν ἐποιεῖτο
φόνον.

[20] Τῶν δὲ βαρβάρων


εὐρώστως ἀγωνιζομένων
καὶ τοὺς ἑαυτῶν θυμοὺς
ταῖς τῶν Μακεδόνων
ἀρεταῖς ἀντιταττόντων
τύχη συνήγαγεν εἰς ἕνα
τόπον τοὺς ἀρίστους εἰς
τὴν ὑπὲρ τῆς νίκης κρίσιν.
(2) γὰρ τῆς ᾿Ιωνίας
σατράπης Σπιθροβάτης,
γένει μὲν ὢν Πέρσης,
Δαρείου δὲ τοῦ βασιλέως
γαμβρός, ἀνδρείᾳ δὲ
διαφέρων, μετὰ μεγάλης
δυνάμεως ἱππέων
ἐπέρραξε τοῖς Μακεδόσιν,
ἔχων δὲ συναγωνιστὰς
τεταγμένους
τεσσαράκοντα συγγενεῖς
ἀρεταῖς διαφόρους
ἐνέκειτο τοῖς
ἀνθεστηκόσι καὶ θρασέως
ἀγωνιζόμενος οὓς μὲν
ἀνῄρει τῶν
ἀνθισταμένων, οὓς δὲ
κατετραυμάτιζε. (3)
Δυσυποστάτου δὲ τῆς περὶ
αὐτὸν οὔσης βίας
᾿Αλέξανδρος ἐπιστρέψας
τὸν ἵππον ἐπὶ τὸν
σατράπην ἐφίππευσε τῷ
βαρβάρῳ. δὲ Πέρσης
νομίσας παρὰ τῶν θεῶν
αὐτῷ δεδόσθαι τὸν τῆς
μονομαχίας καιρόν, εἰ
συμβήσεται διὰ τῆς ἰδίας
ἀνδραγαθίας
ἐλευθερωθῆναι τῶν
μεγίστων φόβων τὴν
᾿Ασίαν καὶ τὴν περιβόητον
᾿Αλεξάνδρου τόλμαν ταῖς
ἰδίαις χερσὶ καταλυθῆναι
καὶ τὴν τῶν Περσῶν
δόξαν μὴ καταισχυνθῆναι
φθάνει βαλὼν τὸ σαυνίον
ἐπὶ τὸν ᾿Αλέξανδρον καὶ
οὕτω μετὰ σφοδρᾶς
εἰσπεσὼν ῥύμης καὶ
βιαίως τὸ δόρυ ὠσάμενος
διαρρήξας τε τήν τε
ἀσπίδα ᾿Αλεξάνδρου καὶ
τὴν δεξιὰν ἐπωμίδα
διήλασε διὰ τοῦ θώρακος.
(4) δὲ βασιλεὺς τὸ μὲν
βέλος τῷ βραχίονι
παρελκόμενον ἀπέρριψε,
τῷ δ' ἵππῳ προσβαλὼν τὰ
κέντρα καὶ τῇ ῥύμῃ τῆς
φορᾶς συνεργῷ
χρησάμενος εἰς μέσον τοῦ
σατράπου τὸ στῆθος
ἐνήρεισε τὸ ξυστόν. (5)
Οὗ συντελεσθέντος αἱ μὲν
πλησίον τάξεις παρ'
ἀμφοτέροις διὰ τὴν
ὑπερβολὴν τῆς ἀνδρείας
ἀνεβόησαν, τῆς δ'
ἐπιδορατίδος περὶ τὸν
θώρακα συντριβείσης καὶ
τοῦ θραύσματος
ἀποπηδήσαντος μὲν
Πέρσης σπασάμενος τὸ
ξίφος ἐπὶ τὸν ᾿Αλέξανδρον
ἐπεφέρετο, δὲ βασιλεὺς
διαλαβὼν τὸ ξυστὸν
ἔφθασεν ἐνερεῖσαι τῷ
προσώπῳ καὶ διήλασε τὴν
πληγήν. (6) Καθ' ὃν δὴ
χρόνον ἀδελφὸς τοῦ
πεσόντος ῾Ρωσάκης
προσιππεύσας κατήνεγκε
τῷ ξίφει κατὰ τῆς
κεφαλῆς ᾿Αλεξάνδρου
οὕτως ἐπικίνδυνον πληγὴν
ὥστε τὸ μὲν κράνος
διαπτύξαι, τοῦ δὲ χρωτὸς
βραχέως ἐπιψαῦσαι. (7)
Κατὰ δὲ τὴν αὐτὴν
διαίρεσιν ἐπιφέροντος
ἄλλην πληγὴν τοῦ
῾Ρωσάκου Κλεῖτος ὁ
μέλας ἐπικαλούμενος
προσελάσας τὸν ἵππον
ἀπέκοψε τὴν χεῖρα τοῦ
βαρβάρου.
[21] Περὶ δ' XXI. Les parents réunis
autour des corps des deux
ἀμφοτέρων τῶν πεσόντων
frères, lancèrent d'abord sur
οἱ συγγενεῖς ἀθρόοι Alexandre une grêle de traits;
ils en vinrent ensuite à un
συστραφέντες τὸ μὲν
combat à pied ferme et
πρῶτον ἠκόντιζον ἐπὶ τὸν bravèrent tous les périls pour
tuer le roi. Celui-ci, bien
᾿Αλέξανδρον, ἔπειτα δὲ
qu'entouré de dangers
καὶ συστάδην μαχόμενοι grands et nombreux, ne se
laissa point abattre par la
πάντα κίνδυνον ὑπέμενον
foule des assaillants, et
ὑπὲρ τοῦ φονεῦσαι τὸν malgré les coups qu'il avait
reçus, deux sur la cuirasse,
βασιλέα. (2) δὲ καίπερ
un sur le casque et trois sur
πολλοῖς καὶ μεγάλοις le bouclier qu'il avait enlevé
du, temple de Minerve, il ne
κινδύνοις συνεχόμενος
céda pas le terrain : il
ὅμως οὐκ ἐνικᾶτο τοῖς surmonta tous les obstacles
par l'énergie de son âme.
πλήθεσι τῶν πολεμίων,
Dans cette lutte, les Perses
ἀλλὰ δύο μὲν ἔχων εἰς τὸν perdirent leurs chefs les plus
célèbres, au nombre desquels
θώρακα πληγάς, μίαν δὲ
se trouvèrent Atizyès,
εἰς τὸ κράνος, τρεῖς δ' εἰς Pharnacès, frère de la femme
de Darius et Mithrobarzane
τὸ καθαιρεθὲν ὅπλον ἐκ
(26), général des
τοῦ νεὼ τῆς ᾿Αθηνᾶς Cappadociens. Beaucoup de
chefs ayant été tués et tous
ὅμως οὐκ ἐνεδίδου, ἀλλὰ
les rangs des Perses entamés
τῷ παραστήματι τῆς par les Macédoniens, ceux
qui étaient opposés à
ψυχῆς ἐπαιρόμενος
Alexandre furent les premiers
παντὸς δεινοῦ à prendre la fuite ; les autres
suivirent cet exemple. Ainsi
κατεξανίστατο. (3) Μετὰ
le roi fut unanimement
δὲ ταῦτα καὶ τῶν ἄλλων reconnu pour le plus vaillant
des combattants et pour le
ἐπιφανῶν ἡγεμόνων παρ'
principal auteur de la victoire.
αὐτὸν ἐν τοῖς Πέρσαις Les escadrons de la cavalerie
thessalienne furent cités
ἔπεσον πλείους, ὧν ἦσαν
ensuite comme ayant
ἐπιφανέστατοι ᾿Ατιζύης habilement manœuvré; ils
s'étaient couverts de gloire
καὶ Φαρνάκης τῆς
par leur vaillance. Après la
Δαρείου γυναικὸς déroute de la cavalerie,
l'infanterie engagea à son
ἀδελφός, ἔτι δὲ
Μιθροβουζάνης tour le combat ; mais ce
combat ne fut pas long, car
Καππαδοκῶν ἡγούμενος.
les Barbares, consternés de
(4) Διὸ καὶ πολλῶν la défaite de leur cavalerie,
furent découragés et prirent
ἡγεμόνων ἀναιρεθέντων
la fuite. Les Perses laissèrent
καὶ τῶν Περσικῶν τάξεων sur le champ de bataille plus
de dix mille hommes
ἁπασῶν ὑπὸ τῶν
d'infanterie et au moins deux
Μακεδόνων ἡττωμένων mille cavaliers (27); plus de
vingt mille furent faits
πρῶτον μὲν οἱ κατὰ τὸν
prisonniers. Le roi fit enterrer
᾿Αλέξανδρον τεταγμένοι les morts avec pompe,
voulant, par les honneurs
φυγεῖν ἠναγκάσθησαν,
funèbres, encourager les
μετὰ δὲ ταῦτα καὶ τῶν soldats à braver les dangers
des batailles.
ἄλλων τραπέντων μὲν
Alexandre se remit à la
βασιλεὺς ὁμολογούμενον tête de son armée et traversa
τῆς ἀνδραγαθίας τὸ la Lydie, où il s'empara de la
ville et des forteresses de
πρωτεῖον ἀπηνέγκατο καὶ Sardes. Le satrape Mithrinès
τῆς ὅλης νίκης ἔδοξε (28) lui livra librement les
trésors que cette forteresse
μάλιστ' αἴτιος γεγονέναι, renfermait.
μετὰ δὲ τοῦτον οἱ τῶν XXII. Les débris de
Θετταλῶν ἱππεῖς ἄριστα l'armée des Perses rallièrent
le général Memnon, et se
ταῖς εἴλαις χρώμενοι καὶ sauvèrent à Milet. Le roi
διαφόρως ἀγωνισάμενοι établit son camp dans le
voisinage de la ville ; il livra
μεγάλην ἐπ' ἀνδρείᾳ aux murs de continuels
δόξαν ἔσχον. (5) Μετὰ δὲ assauts. Les assiégés se
défendirent d'abord
τὴν τῶν ἱππέων τροπὴν οἱ facilement du haut des murs,
πεζοὶ συμβαλόντες d'autant plus que la ville
renfermait une garnison
ἀλλήλοις ὀλίγον χρόνον nombreuse et des magasins
ἠγωνίσαντο· οἱ γὰρ remplis d'armes et d'autres
munitions de guerre. Mais le
βάρβαροι διὰ τὴν τῶν roi fit aussi battre les murs à
ἱππέων τροπὴν coups de bélier, et il poussa
vigoureusement le siège par
καταπλαγέντες καὶ ταῖς terre et par mer. Les
ψυχαῖς ἐνδόντες πρὸς Macédoniens pénétrèrent
enfin dans l'intérieur des
φυγὴν ὥρμησαν. (6) murs par l'ouverture des
Ἀνῃρέθησαν δὲ τῶν brèches, et mirent en fuite
Περσῶν οἱ πάντες πεζοὶ ceux qui voulaient leur
résister. Les Milésiens
μὲν πλείους τῶν μυρίων,
sortirent alors en habit de
ἱππεῖς δὲ οὐκ ἐλάττους suppliants, se jetèrent aux
pieds du roi, et livrèrent la
δισχιλίων, ἐζωγρήθησαν
ville et ses habitants: Les
δ' ὑπὲρ τοὺς δισμυρίους. Barbares qui composaient la
garnison furent en partie
Μετὰ δὲ τὴν μάχην
massacrés par les
βασιλεὺς τοὺς Macédoniens, en partie
chassés de la ville, et tout le
τετελευτηκότας ἔθαψε
reste fut fait prisonnier.
μεγαλοπρεπῶς, σπεύδων Quant aux citoyens de Milet,
Alexandre les traita avec
διὰ ταύτης τῆς τιμῆς
humanité; mais il vendit
τοὺς στρατιώτας comme esclaves tous ceux
qui n'étaient pas des
προθυμοτέρους
Milésiens proprement dits. Le
κατασκευάσαι πρὸς τοὺς roi licencia sa flotte, qui
devenait inutile et
ἐν ταῖς μάχαις κινδύνους.
occasionnait de grands frais ;
(7) αὐτὸς δ' ἀναλαβὼν il ne conserva qu'un petit
nombre de bâtiments pour le
τὴν δύναμιν προῆγε διὰ
transport des machines de
τῆς Λυδίας, καὶ τὴν μὲν siège ; au nombre de ces
bâtiments il y en avait vingt
τῶν Σαρδιανῶν πόλιν καὶ
fournis par les Athéniens.
τὰς ἀκροπόλεις, ἔτι δὲ XXIII. Quelques-uns
τοὺς ἐν αὐταῖς soutiennent qu'Alexandre
avait licencié sa flotte par
θησαυρούς, παρέλαβε suite d'une habile
Μιθρίνους τοῦ σατράπου combinaison stratégique.
Darius était disent-ils,
παραδόντος ἑκουσίως. attendu, et une grande
bataille était sur le point de
[22] Εἰς δὲ τὴν
se livrer. Alexandre pensait
Μίλητον συμπεφευγότων que les Macédoniens se
battraient avec plus de
τῶν διασωθέντων ἐκ τῆς
courage si on leur enlevait
μάχης Περσῶν μετὰ tout espoir de fuir. Le roi
avait mis en pratique ce
Μέμνονος τοῦ στρατηγοῦ
même principe dans la
μὲν βασιλεὺς πλησίον τῆς bataille du Granique : il avait
mis le fleuve à dos de ses
πόλεως στρατοπεδεύσας
soldats, afin qu'aucun ne fût
καθ' ἡμέραν συνεχεῖς tenté de fuir; car une perte
inévitable attendait les
προσβολὰς τοῖς τείχεσιν
fuyards dans le courant du
ἐκ διαδοχῆς ἐποιεῖτο, (2) fleuve. A une époque plus
οἱ δὲ πολιορκούμενοι τὸ récente, Agathocle, roi des
Syracusains, imita l'exemple
μὲν πρῶτον ῥᾳδίως ἀπὸ
d'Alexandre et remporta une
τῶν τειχῶν ἠμύνοντο, victoire aussi grande
qu'inespérée. En effet,
πολλῶν μὲν στρατιωτῶν
Agathocle, débarqué en Libye
ἠθροισμένων εἰς τὴν avec une faible armée, brûla
ses navires, et, enlevant ainsi
πόλιν, βελῶν δὲ καὶ τῶν
à ses soldats tout espoir de
ἄλλων τῶν εἰς τὴν se sauver par la fuite, il les
força à combattre
πολιορκίαν χρησίμων
vaillamment; aussi remporta-
δαψιλῆ χορηγίαν ἔχοντες· t-il la victoire sur les
Carthaginois, qui avaient des
(3) ἐπεὶ δὲ βασιλεὺς
forces infiniment plus
φιλοτιμότερον ταῖς τε nombreuses.
μηχαναῖς ἐσάλευε τὰ Après la prise de Milet,
une multitude de Perses et de
τείχη καὶ τὴν πολιορκίαν mercenaires, ainsi que les
ἐνεργεστάτην ἐποιεῖτο chefs les plus expérimentés,
se réunirent à Halicarnasse.
κατὰ γῆν ἅμα καὶ κατὰ C'est la plus grande ville de la
θάλατταν οἵ τε Carie, résidence des rois du
pays, et garnie de belles
Μακεδόνες διὰ τῶν forteresses. Au moment de
πιπτόντων τειχῶν cette retraite, Memnon
envoya sa femme et ses
εἰσεβιάζοντο, τηνικαῦτα enfants à Darius, afin de
κατισχυόμενοι πρὸς φυγὴν pourvoir ainsi à leur sûreté et
de décider en même temps le
ἐτράποντο. (4) Εὐθὺ δ' οἱ roi, en possession d'aussi
Μιλήσιοι μεθ' ἱκετηριῶν beaux otages, à lui remettre
avec plus de confiance toute
τῷ βασιλεῖ προσπίπτοντες la conduite de la guerre.
παρέδωκαν σφᾶς αὐτοὺς C'est ce qui arriva en effet,
car Darius adressa
καὶ τὴν πόλιν. Τῶν δὲ immédiatement des lettres
βαρβάρων οἱ μὲν ὑπὸ τῶν aux gouverneurs des
provinces du littoral,
Μακεδόνων ἀνῃρέθησαν, ordonnant à tous d'obéir à
οἱ δὲ τῆς πόλεως Memnon. Investi du
commandement suprême,
ἐκπίπτοντες ἔφευγον, οἱ δ' Memnon fit tous les
ἄλλοι πάντες ἥλωσαν. (5) préparatifs nécessaires pour
mettre la ville d'Halicarnasse
δ' ᾿Αλέξανδρος τοῖς μὲν en état de siège.
Μιλησίοις φιλανθρώπως XXIV. Cependant
προσηνέχθη, τοὺς δ' Alexandre fit venir par mer
ἄλλους ἅπαντας des machines de guerre et
des vivres; et les fit diriger
ἐξηνδραποδίσατο. Τῆς δὲ
sur Halicarnasse. Quant à lui,
ναυτικῆς δυνάμεως οὔσης il se porta sur la Carie à la
tête de toute son armée.
ἀχρήστου καὶ δαπάνας
Pendant sa route il gagna
μεγάλας ἐχούσης plusieurs villes par sa
bienveillance; il s'attacha
κατέλυσε τὸ ναυτικὸν
surtout les villes grecques
πλὴν ὀλίγων νεῶν, αἷς par ses bienfaits; il les
exempta de l'impôt et leur
ἐχρῆτο πρὸς τὴν
assura le droit de se
παρακομιδὴν τῶν gouverner elles-mêmes,
déclarant que c'était pour la
πολιορκητικῶν ὀργάνων,
liberté des Grecs qu'il faisait
ἐν αἷς ἦσαν αἱ παρ' la guerre aux Perses. Pendant
qu'il était en marche, une
᾿Αθηναίων νῆες
femme, nommée Ada,
συμμαχίδες εἴκοσιν. [23] descendant de la famille
royale des Cariens, se
Ἔνιοι δὲ λέγουσι τὸν
présenta devant lui, exposa
᾿Αλέξανδρον ses droits au trône de ses
ancêtres et supplia le roi de
στρατηγικῶς ἐπινοῆσαι
la seconder dans son
τὴν τοῦ στόλου entreprise. Le roi parvint par
son influence à rétablir Ada
κατάλυσιν· προσδοκίμου
sur le trône de la Carie, et,
γὰρ ὄντος τοῦ Δαρείου par cet acte généreux, il
s'attacha les Cariens. Aussitôt
καὶ μελλούσης μεγάλης
toutes les villes envoyèrent
παρατάξεως συντελεῖσθαι des députés chargés d'offrir
au roi des couronnes d'or, et
νομίσαι τοὺς Μακεδόνας
de l'assurer de leur alliance.
ἐκθυμότερον ἀγωνιεῖσθαι Alexandre établit son
παραιρεθείσης τῆς κατὰ camp dans le voisinage de la
ville, et en commença le
τὴν φυγὴν ἐλπίδος. (2) Τὸ siège d'une manière
δ' αὐτὸ πρᾶξαι κατὰ τὴν vigoureuse et formidable; il
livra d'abord de continuels
ἐπὶ Γρανικῷ μάχην· κατὰ assauts en relevant ses
νώτου γὰρ λαβεῖν τὸν troupes, et lui-même passait
ses journées au milieu des
ποταμόν, ὅπως μηδεὶς combats. Il fit ensuite
ἐπιβάληται φεύγειν approcher ses machines de
guerre, et, ayant fait
προδήλου τῆς ἀπωλείας combler, sous l'abri de trois
οὔσης τῶν διωκομένων ἐν tortues, les fosses extérieurs
de la ville, il ébranla à coups
τῷ τοῦ ποταμοῦ ῥείθρῳ. de bélier les tours et
Καὶ γὰρ κατὰ τοὺς l'enceinte qui remplissaient
l'intervalle des tours. Une
ὕστερον χρόνους
partie de l'enceinte fut
᾿Αγαθοκλέα τὸν abattue, et, comme les
soldats s'empressaient de
Συρακοσίων βασιλέα
pénétrer par l'ouverture de la
μιμησάμενον τὴν brèche dans l'intérieur de la
ville, la lutte s'engagea corps
᾿Αλεξάνδρου στρατηγίαν
à corps. Memnon repoussa
ἀνέλπιστον καὶ μεγάλην d'abord facilement les
Macédoniens qui venaient
νίκην περιποιήσασθαι· (3)
attaquer les murs; car il y
διαβάντα γὰρ αὐτὸν εἰς avait dans l'intérieur de la
ville une garnison
Λιβύην μετ' ὀλίγης
nombreuse. Il fit ensuite,
δυνάμεως καὶ τὰς ναῦς pendant la nuit, une sortie à
la tête d'un détachement
ἐμπρήσαντα παρελέσθαι
nombreux et mit le feu aux
μὲν τῶν στρατιωτῶν τὰς machines qui servaient à
battre les murailles. De
ἐκ τοῦ φεύγειν ἐλπίδας,
sanglants combats furent
συναναγκάσαι δὲ livrés aux portes de la ville ;
les Macédoniens
γενναίως ἀγωνίσασθαι καὶ
l'emportèrent par leur
διὰ τοῦτο Καρχηδονίων bravoure, tandis que les
Perses leur étaient supérieurs
ἀντιταχθέντων πολλαῖς
en nombre et en préparatifs
μυριάσι νικῆσαι. de défense. En effet, les
soldats échelonnés sur les
(4) Μετὰ δὲ τὴν murs secondaient les
ἅλωσιν τῆς Μιλήτου τὸ attaques de ceux qui se
battaient aux portes de la
πλῆθος τῶν Περσῶν καὶ ville, et, par les projectiles
τῶν μισθοφόρων, ἔτι δ' οἱ lancés au moyen de
catapultes, ils tuèrent ou
πρακτικώτατοι τῶν blessèrent beaucoup
ἡγεμόνων συνέδραμον εἰς d'ennemis.
XXV. En même temps les
τὴν ῾Αλικαρνασσόν. Αὕτη
trompettes sonnèrent des
δὲ πόλις μεγίστη τῶν deux côtés la charge ; le cri
de guerre se fit entendre de
κατὰ τὴν Καρίαν ἦν,
toutes parts et les soldats
βασίλεια μὲν ἐσχηκυῖα τὰ applaudirent aux faits
d'armes dont ils étaient
Καρῶν, ἀκροπόλεσι δὲ
témoins. Les uns étaient
καλῶς κεκοσμημένη. (5) occupés à éteindre la flamme
qui s'élevait des machines
Κατὰ δὲ τὸν αὐτὸν καιρὸν
incendiées, les autres se
Μέμνων μὲν τήν τε précipitaient dans la mêlée et
γυναῖκα καὶ τὰ τέκνα πρὸς y répandaient la mort. Une
autre partie travaillait à
Δαρεῖον ἔπεμψε καὶ τούτῳ
réparer les murs et à
παραθέμενος ἅμα μὲν construire une nouvelle
enceinte plus forte que la
ὑπέλαβε τῆς ἀσφαλείας
première. Les officiers de
αὐτῶν καλῶς Memnon partageaient avec
les soldats tous les dangers,
πεπρονοῆσθαι, ἅμα δὲ τὸν
distribuaient de grandes
βασιλέα καλοὺς ὁμήρους récompenses à ceux qui se
faisaient remarquer par leur
ἔχοντα προθυμότερον
courage et allumaient ainsi
ἐμπιστεύσειν αὐτῷ τὴν un désir indicible de vaincre.
Les soldats couverts de
τῶν ὅλων ἡγεμονίαν· ὅπερ
blessures reçues par-devant
καὶ συνέβη γενέσθαι. (6) et près d'expirer, étaient
emportés hors de la mêlée
Εὐθὺς γὰρ Δαρεῖος
par leurs compagnons qui se
ἔπεμψεν ἐπιστολὰς πρὸς battaient vaillamment pour
ne pas laisser tomber ces
τοὺς κατὰ θάλατταν
corps au pouvoir de l'ennemi.
οἰκοῦντας, προστάττων On en voyait d'autres qui,
accablés de fatigues, se
ἅπαντας ὑπακούειν τῷ
ranimaient cependant à la
Μέμνονι. Διόπερ οὗτος voix de leurs chefs et
reprenaient la vigueur de la
παραλαβὼν τὴν τῶν ὅλων
jeunesse. Enfin, plusieurs
ἡγεμονίαν παρεσκευάζετο Macédoniens, parmi lesquels
se trouvait aussi Néoptolème
πάντα τὰ χρήσιμα πρὸς
(29), un de leurs meilleurs
πολιορκίαν ἐν τῇ πόλει généraux, tombèrent aux
portes dé la ville. Deux tours
τῶν ῾Αλικαρνασσέων.
furent renversées ainsi que
[24] δὲ βασιλεὺς l'enceinte intermédiaire.
Perdiccas profita de la nuit
᾿Αλέξανδρος τὰ μὲν pour attaquer
πολιορκητικὰ τῶν impétueusement, avec
quelques soldats enivrés, les
ὀργάνων καὶ σῖτον κατὰ murs de la citadelle. Mais
θάλατταν ἐκόμισεν ἐπὶ Memnon s'apercevant de
l'impéritie des assaillants, fit
τὴν ῾Αλικαρνασσόν, αὐτὸς une sortie à la tête d'une
δὲ μετὰ πάσης τῆς troupe très nombreuse, mit
les Macédoniens en déroute
δυνάμεως προῆγεν ἐπὶ et leur tua beaucoup de
Καρίας καὶ τὰς ἐν τῇ monde. Le bruit de cet
événement s'étant répandu,
παρόδῳ πόλεις προσήγετο les Macédoniens accoururent
ταῖς φιλανθρωπίαις· en masse au secours des
μάλιστα δ' εὐεργέτει τὰς leurs. Un combat acharné
s'engagea; la garde
῾Ελληνίδας πόλεις, ποιῶν
d'Alexandre refoula les
αὐτὰς αὐτονόμους καὶ Perses dans l'intérieur de la
ville. Le roi fit demander par
ἀφορολογήτους,
un héraut que les corps des
προσεπιλέγων ὅτι τῆς τῶν Macédoniens tombés en
dedans des murs lui fussent
῾Ελλήνων ἐλευθερώσεως
livrés. Éphialte et Thrasybule,
ἕνεκα τὸν πρὸς Πέρσας deux Athéniens qui servaient
dans l'armée des Perses,
πόλεμον ἐπανῄρηται. (2)
conseillèrent de ne pas
Ὄντι δ' αὐτῷ κατὰ τὴν rendre les morts pour les
priver de la sépulture. Mais
ὁδοιπορίαν ἀπήντησέν τι
Memnon accéda à la
γύναιον, ὄνομα μὲν ῎Αδα, demande d'Alexandre.
γένει δὲ προσήκουσα τῇ XXVI. Les chefs s'étant
réunis en conseil, Éphialte
Καρῶν ἀρχῇ. Ἐντυχούσης ouvrit l'avis qu'il ne fallait pas
δ' αὐτῆς περὶ τῆς attendre que, la ville prise,
les combattants fussent faits
προγονικῆς δυναστείας prisonniers: mais que les
καὶ δεηθείσης βοηθῆσαι généraux, se mettant à la
tête des mercenaires,
ταύτην μὲν ἐκέλευσε attaquassent l'ennemi
παραλαβεῖν τὴν τῆς hardiment. Memnon voyant
Éphialte dans cette résolution
Καρίας ἀρχήν, τοὺς δὲ courageuse, lui permit
Κᾶρας ἰδίους ἐποιήσατο d'exécuter son plan, d'autant
plus qu'il avait conçu de
ταῖς εὐνοίαις διὰ τὴν τῆς grandes espérances de la
γυναικὸς ταύτης bravoure de cet homme et de
sa force physique. Éphialte
εὐεργεσίαν· (3) εὐθὺς γὰρ prit donc avec lui deux mille
αἱ πόλεις ἅπασαι mercenaires d'élite, et, après
avoir distribué à la moitié
πρεσβείας ἀποστέλλουσαι d'entre eux des torches
χρυσοῖς στεφάνοις enflammées, il rangea l'autre
moitié en bataille, et ouvrit
ἐτίμησαν τὸν βασιλέα καὶ soudain toutes les portes.
πάντα συμπράττειν Dès la pointe du jour, il fit
une sortie avec tout son
ἐπηγγείλαντο. monde, mit le feu aux
machines de guerre, et
Ὁ δὲ ᾿Αλέξανδρος
alluma aussitôt un immense
πλησίον τῆς πόλεως incendie. Dans ce moment,
Éphialte se mit à la tête de
στρατοπεδεύσας
ses bataillons serrés et
συνεστήσατο πολιορκίαν tomba sur les Macédoniens
ἐνεργὸν καὶ accourus pour éteindre la
flamme. Averti du danger, le
καταπληκτικήν. (4) Τὸ μὲν
roi disposa ses troupes sur
γὰρ πρῶτον τοῖς τείχεσι trois lignes; la première fut
occupée par l'avant-garde
προσβολὰς συνεχεῖς ἐκ
des Macédoniens, la seconde,
διαδοχῆς ἐποιεῖτο καὶ par les soldats d'élite, et la
troisième, par les nommes les
διημέρευεν ἐν τοῖς
plus vaillants de l'armée.
κινδύνοις· μετὰ δὲ ταῦτα Alexandre se mit lui-même à
la tête de toutes ces forces et
παντοδαπὰς μηχανὰς
arrêta le choc des ennemis
ἐπιστήσας καὶ τὰς πρὸ qui se croyaient
inexpugnables; en même
τῆς πόλεως τάφρους
temps, il détacha des
χωστρίσι χελώναις hommes pour éteindre
l'incendie et sauver les
ἀναπληρώσας διὰ τῶν
machines de la destruction.
κριῶν ἐσάλευε τοὺς De grands cris furent poussés
de part et d'autre, les
πύργους καὶ τὰ μεταξὺ
trompettes sonnèrent la
μεσοπύργια. Καταβαλὼν charge et la lutte fut terrible,
tant à cause de la valeur des
δὲ μέρος τι τοῦ τείχους
guerriers, qu'en raison de
τὸ λοιπὸν ἤδη διὰ τῆς ἐκ l'ardeur que chacun mettait à
remporter la victoire. Les
χειρὸς μάχης ἐβιάζετο διὰ
Macédoniens arrêtèrent les
τοῦ πτώματος εἰς τὴν progrès de l'incendie ; mais,
dans la lutte qui s'était
πόλιν εἰσπεσεῖν. (5)
engagée, Éphialte l'emporta;
Μέμνων δὲ τὸ μὲν πρῶτον supérieur à tous les autres
par sa force corporelle, il tua
τοὺς προσβάλλοντας τοῖς
un grand nombre de ceux qui
τείχεσι Μακεδόνας lui tombaient sous la main, et
les soldats placés au sommet
ῥᾳδίως ἠμύνετο, πολλῶν
du mur récemment élevé
ὄντων ἐν τῇ πόλει firent beaucoup de mal par
leurs projectiles ; car les
στρατιωτῶν· κατὰ δὲ τὰς
assiégés avaient construit
τῶν ὀργάνων προσβολὰς une tour de cent coudées de
haut garnie de catapultes.
μετὰ πολλῶν στρατιωτῶν
Beaucoup de Macédoniens
ἐκχεόμενος ἐκ τῆς πόλεως tombèrent frappés par les
projectiles, les autres
νυκτὸς πῦρ ἐνέβαλλε ταῖς
lâchèrent pied, et lorsque
μηχαναῖς. (6) Μεγάλων δ' enfin Memnon arriva avec un
renfort considérable au
ἀγώνων πρὸ τῆς πόλεως
secours des siens, alors le roi
συνισταμένων οἱ μὲν se trouva lui-même dans une
Μακεδόνες ταῖς ἀρεταῖς situation fort alarmante.
πολὺ προεῖχον, οἱ δὲ XXVII. Déjà les assiégés
allaient l'emporter,
Πέρσαι τῷ πλήθει καὶ ταῖς lorsqu'une circonstance
παρασκευαῖς imprévue changea la face
des affaires. Les vétérans de
ἐπλεονέκτουν· συνήργουν l'armée macédonienne qui, à
γὰρ αὐτοῖς οἱ ἀπὸ τῶν cause de leur âge, étaient
exemptés du service actif, les
τειχῶν συναγωνιζόμενοι mêmes qui avaient servi sous
καὶ τοῖς ὀξυβελέσι Philippe et gagné tant de
batailles, sentirent renaître
καταπέλταις οὓς μὲν leurs forces. Bien supérieurs
ἀπέκτεινον τῶν πολεμίων, aux autres par leur sang-froid
et leur expérience de la
οὓς δὲ κατετίτρωσκον. guerre, ils reprochaient
vivement aux jeunes
[25] Ὁμοῦ δὲ αἵ τε
conscrits leur lâcheté; ils se
σάλπιγγες ἐσήμαινον παρ' formèrent en colonne serrée,
joignirent bouclier contre
ἀμφοτέροις τὸ πολεμικὸν
bouclier, et arrêtèrent le choc
καὶ βοὴ πανταχόθεν de l'ennemi qui se croyait
déjà sûr de la victoire. Enfin
ἐγίνετο,
ils tuèrent Éphialte ainsi
συνεπισημαινομένων τῶν qu'un grand nombre de ses
compagnons et forcèrent le
στρατιωτῶν ταῖς παρ'
reste à se réfugier dans la
ἑκατέρων ἀνδραγαθίαις. ville; et comme la nuit
approchait, beaucoup de
(2) Οἱ μὲν γὰρ τὴν ἐν ταῖς
Macédoniens pénétrèrent
μηχαναῖς αἰρομένην εἰς dans l'intérieur des murs en
même temps que les fuyards.
ὕψος φλόγα κατέπαυον, οἱ
Mais le roi fit sonner la
δ' εἰς χεῖρας retraite et ramena les troupes
dans le camp. Après cet
συμπλεκόμενοι πολὺν
échec, Memnon et ses
ἐποίουν φόνον, ἄλλοιδ' généraux, ainsi que les
satrapes, se réunirent pour
ἐντὸς τῶν πιπτόντων
délibérer sur le parti qu'il
τειχῶν ἀντῳκοδόμουν devaient prendre; ils
décidèrent d'abandonner la
ἕτερα τείχη πολὺ τῶν
ville. En conséquence, ils
προϋπαρχόντων βαρύτερα laissèrent une forte garnison
dans la citadelle avec les
ταῖς κατασκευαῖς. (3) Τῶν
munitions nécessaires, et
δ' ἡγεμόνων τῶν περὶ τὸν firent transporter le reste de
la population et les richesses
Μέμνονα
dans l'île de Cos (30). Le
προκινδυνευόντων καὶ lendemain, Alexandre,
μεγάλας δωρεὰς διδόντων instruit de ce qui s'était
passé, détruisit la ville de
τοῖς ἀνδραγαθοῦσιν
fond en comble et entoura la
ἀνυπέρβλητος φιλοτιμία citadelle d'une enceinte et
d'un fossé profond. Il détacha
παρ' ἀμφοτέροις ἐγίνετο
ensuite quelques généraux
περὶ τῆς νίκης. (4) Διὸ καὶ dans l'intérieur du pays avec
l'ordre de soumettre les
παρῆν ὁρᾶν τοὺς μὲν
peuples qui l'habitaient. Ces
τραύμασιν ἐναντίοις généraux faisant activement
la guerre, subjuguèrent toute
περιπίπτοντας καὶ κατὰ
la contrée, jusqu'à la grande
τὰς λιποψυχίας Phrygie (31), et nourrirent les
soldats aux dépens du pays
ἀποφερομένους ἐκ τῆς
ennemi. Alexandre lui-même
μάχης, τοὺς δὲ soumit tout le littoral de
.l'Asie jusqu'à la Cilicie,
περιβαίνοντας τὰ
conquit plusieurs villes et prit
πίπτοντα σώματα καὶ περὶ d'assaut les forteresses du
pays. Parmi ces forteresses, il
τῆς τούτων ἀναιρέσεως
en est une dont la reddition
μεγάλους ἀγῶνας fut accompagnée de
circonstances singulières qu'il
συνισταμένους, ἄλλους δὲ
ne sera pas sans intérêt de
διὰ τὴν ὑπερβολὴν τῶν faire connaître.
δεινῶν ἐνδιδόντας ἤδη XXVIII. Sur les confins de
la Lycie se trouvait un rocher
καὶ διὰ τῆς ὑπὸ τῶν fortifié; il était occupé par les
ἡγεμόνων παρακλήσεως Marmaréens (32), qui, à
l'approche d'Alexandre,
πάλιν θαρροῦντας καὶ attaquèrent l'arrière-garde
νεαροὺς ταῖς ψυχαῖς des Macédoniens, en tuèrent
un grand nombre, firent
γινομένους. (5) Τέλος δὲ beaucoup de prisonniers et
πρὸς αὐταῖς ταῖς πύλαις ravirent plusieurs bêtes de
somme. Le roi, irrité de cette
ἔπεσόν τινες τῶν audace, se prépara à faire le
Μακεδόνων καὶ σὺν siège de la forteresse et mit
tout en œuvre pour la
αὐτοῖς Νεοπτόλεμος prendre d'assaut. Les
ἡγεμών, ἀνὴρ ἐπιφανής. Marmaréens, confiants dans
leur valeur et dans leur
Μετὰ δὲ ταῦτα δύο μὲν position forte, soutinrent
πύργων εἰς ἔδαφος intrépidement le siège. Les
assauts se succédèrent ainsi
καθῃρημένων καὶ δυεῖν pendant deux jours de suite,
μεσοπυργίων ἐρριμμένων et il était évident que le roi
ne se retirerait qu'après
τῶν μὲν Περδίκκου s'être emparé du rocher. Les
στρατιωτῶν τινες plus anciens des Marmaréens
conseillèrent aux plus jeunes
μεθυσθέντες προπετῶς
de cesser leur résistance et
νυκτὸς προσέβαλλον τοῖς de traiter avec le roi aux
meilleures conditions
τῆς ἀκροπόλεως τείχεσιν·
possibles. Mais ceux-ci
οἱ δὲ περὶ τὸν Μέμνονα rejetèrent ce sage conseil; ils
résolurent tous de mourir en
συννοήσαντες τὴν
combattant pour la liberté de
ἀπειρίαν τῶν la patrie; alors les anciens
proposèrent de tuer les
προσβαλλόντων καὶ
enfants, les femmes et les
ἐπεξελθόντες καὶ τῷ vieillards, de ne compter que
sur la vigueur du corps pour
πλήθει πολὺ προέχοντες
se sauver à travers l'ennemi
ἐτρέψαντο τοὺς et se réfugier dans les
montagnes voisines. Cette
Μακεδόνας καὶ πολλοὺς
proposition fut acceptée; les
ἀνῄρουν. (6) Γνωσθέντος jeunes gens se réunirent
dans leurs maisons avec
δὲ τοῦ συμβεβηκότος
toutes leurs familles, et après
ἐξεβοήθουν πολλοὶ τῶν avoir pris les meilleurs mets
et vins, ils attendirent leur
Μακεδόνων καὶ μεγάλης
sort. Six cents environ de ces
μάχης γενομένης καὶ τῶν jeunes gens se refusèrent à
souiller leurs mains du
περὶ τὸν ᾿Αλέξανδρον
meurtre de leurs parents ; ils
ἐπιφανέντων οἱ μὲν mirent le feu aux maisons et
firent une sortie pour gagner
Πέρσαι βιασθέντες
les montagnes voisines. C'est
συνεκλείσθησαν εἰς τὴν ainsi que, fut accomplie la
proposition adoptée : les
πόλιν, δὲ βασιλεὺς τοὺς
habitants eurent pour
πεσόντας πρὸ τοῦ τείχους tombeaux leurs propres
foyers, et les moins avancés
Μακεδόνας
en âge traversèrent pendant
διακηρυκευσάμενος la nuit le camp de l'ennemi et
cherchèrent un asile dans les
ᾔτησεν ὑποσπόνδους.
montagnes voisines. Tels
᾿Εφιάλτης μὲν οὖν καὶ sont les événements arrivés
dans le cours de cette année.
Θρασύβουλος οἱ ᾿Αθηναῖοι
XXIX. Nicocrate (33) étant
συμμαχοῦντες τοῖς archonte d'Athènes, les
Πέρσαις συνεβούλευον μὴ Romains nommèrent consuls
Céso Valérius et Lucius
διδόναι τοὺς νεκροὺς Papirius (34). Dans cette
πρὸς ταφήν, δὲ Μέμνων année, Darius envoya à
Memnon une forte somme
συνεχώρησε. d'argent, et lui confia le
[26] Μετὰ δὲ ταῦτα commandement suprême de
l'armée. Memnon enrôla une
᾿Εφιάλτης βουλευομένων
multitude de mercenaires,
τῶν ἡγεμόνων équipa trois cents navires et
poussa activement les
συνεβούλευε μὴ
préparatifs de guerre. Il
περιμένειν ἕως ἂν soumit d*abord Chio, se porta
ensuite sur Lesbos et
ἁλούσης τῆς πόλεως
s'empara facilement
αἰχμάλωτοι καταστῶσιν, d'Antisse, de Méthymne,. de
Pyrrha et d'Érésus ; mais ce
ἀλλ' αὐτοὺς τοὺς
ne fut qu'après plusieurs
ἡγεμόνας jours de siège et après avoir
perdu beaucoup de soldats,
προκινδυνεύοντας τῶν
qu'il réussit à grande peine à
μισθοφόρων ἐπιθέσθαι se rendre maître de Mitylène
et de Lesbos, qui étaient
τοῖς πολεμίοις. (2) δὲ
défendues par de fortes
Μέμνων ὁρῶν τὸν garnisons et abondamment
approvisionnées de vivres. La
᾿Εφιάλτην πρὸς ἀρετὴν
renommée de ce général se
ὁρμώμενον καὶ μεγάλας répandit promptement, et la
plupart des îles Cyclades lui
ἔχων ἐλπίδας ἐν αὐτῷ διὰ
envoyèrent des députations.
τὴν ἀνδρείαν καὶ τὴν τοῦ Le bruit qui se répandait en
Grèce que Memnon allait se
σώματος ῥώμην
porter avec sa flotte sur
συνεχώρησεν αὐτῷ l'Eubée, frappa de terreur les
villes de cette île. Les Grecs,
πράττειν βούλοιτο. (3)
et surtout les Spartiates, qui
δὲ δισχιλίους τῶν inclinaient pour les Perses,
furent exaltés par l'espoir
μισθοφόρων ἐπιλέκτους
d'un changement politique.
ἀναλαβὼν καὶ τοῖς Memnon corrompit un grand
nombre de Grecs et cherchait
ἡμίσεσι διαδοὺς δᾷδας
à les attirer dans le parti des
ἡμμένας, τοὺς δ' ἄλλους Perses. Mais le destin ne
permit pas à cet homme
ἀντιτάξας τοῖς πολεμίοις
vaillant d'aller plus loin,
ἄφνω τὰς πύλας πάσας Memnon fut atteint d'une
maladie grave qui lui coûta la
ἀνεπέτασεν. Ἅμα δ' ἡμέρᾳ
vie; sa mort entraîna la ruine
μετὰ τούτων ἐκχυθεὶς de Darius qui espérait
transporter le théâtre de la
τοῖς μὲν μηχανήμασιν
guerre d'Asie en Europe.
ἐνῆκε πῦρ καὶ παραχρῆμα XXX. En apprenant la
πολλὴν συνέβη γενέσθαι mort de Memnon, Darius
réunit en conseil ses amis et
φλόγα, (4) τῶν δ' ἄλλων délibéra s'il fallait envoyer
ἐν βαθείᾳ φάλαγγι sur les côtes des généraux et
une armée, ou si le roi de
πεπυκνωμένων αὐτὸς
Perse devait lui-même se
προηγεῖτο καὶ τοῖς mettre à la tête de toutes ses
troupes pour combattre les
ἐκβοηθοῦσι Μακεδόσιν
Macédoniens. Quelques-uns
ἐπέρραξεν. δὲ βασιλεὺς furent d'avis qu'il convenait
que le roi marchât lui-même
κατανοήσας τὸ γινόμενον
à la tête de ses troupes, pour
τοὺς μὲν προμάχους τῶν que les Perses se battissent
avec plus de courage.
Μακεδόνων πρώτους
Charidème l'Athénien,
ἔταξε, ἐφέδρους δ' ἔστησε homme admiré pour sa
bravoure et ses talents
τοὺς ἐπιλέκτους· ἐπὶ δὲ
militaires (il avait servi sous
τούτοις τρίτους ἐπέταξεν Philippe, roi de Macédoine, et
avait été dans toutes ses
ἑτέρους τοὺς ταῖς
affaires son bras droit et son
ἀνδραγαθίαις conseiller (35)), pensait que
Darius ne devait pas mettre
ὑπεράγοντας. Αὐτὸς δὲ
légèrement en jeu tout son
πρὸ πάντων τούτων empire, et qu'étant chargé du
poids du gouvernement de
ἡγούμενος ὑπέστη τοὺς
l'Asie, il devait confier la
πολεμίους, δόξαντας διὰ conduite de la guerre à un
général éprouvé. Il ajoutait
τὸ βάρος ἀκαταγωνίστους
qu'une armée de cent mille
εἶναι. Ἐξέπεμψε δὲ καὶ hommes, dont un tiers de
mercenaires grecs, serait
τοὺς κατασβέσοντας τὴν
suffisante [pour tenir tête à
φλόγα καὶ βοηθήσοντας l'ennemi] ; enfin il s'offrit lui-
même avec jactance à faire
ταῖς μηχαναῖς. (5) Ἅμα δὲ
réussir ce projet. Le roi se
παρ' ἀμφοτέροις τῆς τε rendit d'abord à cette
proposition, mais ses amis s'y
βοῆς ἐξαισίου γινομένης
opposèrent vivement et
καὶ τῶν σαλπίγγων insinuèrent le soupçon que
Charidème ne visait au
σημαινουσῶν τὸ
commandement que dans le
πολεμικὸν μέγας ἀγὼν dessein de livrer aux
Macédoniens l'empire des
συνέστη διὰ τὰς ἀρετὰς
Perses. Là-dessus Charidème
τῶν ἀγωνιζομένων καὶ s'emporta, accusa avec force
les Perses de lâcheté, et
τὴν ὑπερβολὴν τῆς
blessa le roi par ses paroles
φιλοτιμίας. Τὸ μὲν οὖν πῦρ injurieuses. Darius, emporté
par la colère, saisit
ἐκώλυσαν οἱ Μακεδόνες
Charidème par la ceinture,
ἐπινεμηθῆναι, (6) κατὰ δὲ selon la coutume des Perses,
τὴν μάχην ἐπλεονέκτουν et le livra à ses satellites
avec l'ordre de le faire
οἱ περὶ τὸν ᾿Εφιάλτην·
mourir. Au moment où il allait
οὗτος γὰρ πολὺ προέχων être exécuté, Charidème
s'écria que le roi se
τῶν ἄλλων τῇ τοῦ
repentirait bientôt, et que,
σώματος ῥώμῃ πολλοὺς pour cette injuste punition, il
serait châtié par la perte de
ἀνῄρει τῶν εἰς χεῖρας
son empire. Telle fut la fin de
ἐρχομένων. Οἵ τ' Charidème, qui s'était perdu
lui-même par ses illusions et
ἐφεστῶτες ἐπὶ τῷ
par sa franchise
προσφάτως intempestive. Cependant le
roi, revenu de sa colère, se
ἀντικατασκευασθέντι
repentit aussitôt et se
τείχει πολλοὺς ἀνῄρουν reprocha vivement cet acte
comme une de ses plus
πυκνοῖς τοῖς βέλεσι
grandes fautes. Mais, avec
χρώμενοι· ἑκατὸν γὰρ tout son pouvoir royal il était
impuissant à effacer ce qui
πηχῶν τὸ ὕψος πύργος
était fait. Depuis lors,
ξύλινος κατεσκεύαστο, tourmenté dans des rêves
par la valeur des
πλήρης καταπελτῶν
Macédoniens et ayant sans
ὀξυβελῶν. (7) Πολλῶν δὲ cesse devant les yeux
l'activité d'Alexandre, il
Μακεδόνων πιπτόντων καὶ
cherchait de tous côtés un
τῶν ἄλλων général digne de succéder à
Memnon dans le
ἀναχωρούντων διὰ τὸ
commandement; mais n'en
πλῆθος τῶν βελῶν, τοῦ τε trouvant point, il fut lui-même
obligé de se mettre à la tête
Μέμνονος πολλαπλασίοις
de son armée et de risquer
στρατιώταις son empire.
ἐπιβοηθοῦντος καὶ αὐτὸς
βασιλεὺς εἰς πολλὴν
ἀμηχανίαν ἐνέπιπτεν.

[27] Ἔνθα δὴ τῶν ἐκ


τῆς πόλεως κατισχυόντων
παραδόξως κίνδυνος
παλίντροπον τὴν μάχην
ἔσχεν. Οἱ γὰρ
πρεσβύτατοι τῶν
Μακεδόνων, διὰ μὲν τὴν
ἡλικίαν ἀπολελυμένοι τῶν
κινδύνων,
συνεστρατευμένοι δὲ
Φιλίππῳ καὶ πολλὰς μάχας
κατωρθωκότες, (2) ὑπὸ
τῶν καιρῶν εἰς ἀλκὴν
προεκλήθησαν, φρονήματι
δὲ καὶ ταῖς κατὰ πόλεμον
ἐμπειρίαις πολὺ
προέχοντες τοῖς μὲν
φυγομαχοῦσι νεωτέροις
πικρῶς ὠνείδισαν τὴν
ἀνανδρίαν, αὐτοὶ δὲ
συναθροισθέντες καὶ
συνασπίσαντες ὑπέστησαν
τοὺς δοκοῦντας ἤδη
νενικηκέναι. (3) Τέλος δὲ
τόν τε ᾿Εφιάλτην καὶ
πολλοὺς ἄλλους
ἀνελόντες τοὺς λοιποὺς
ἠνάγκασαν εἰς τὴν πόλιν
συμφυγεῖν. (4) Οἱ δὲ
Μακεδόνες τῆς νυκτὸς
ἐπιλαβούσης τοῖς
φεύγουσι συνεισέπεσον
ἐντὸς τῶν τειχῶν· τοῦ δὲ
βασιλέως κελεύσαντος
σημῆναι τὸ ἀνακλητικὸν
ἀνεχώρησαν εἰς τὸ
στρατόπεδον. (5) Οἱ δὲ
περὶ τὸν Μέμνονα
στρατηγοὶ καὶ σατράπαι
συνελθόντες ἔγνωσαν τὴν
μὲν πόλιν ἐκλιπεῖν, εἰς δὲ
τὴν ἀκρόπολιν τοὺς
ἀρίστους τῶν
στρατιωτῶν
καταστήσαντες μετὰ τῆς
ἁρμοζούσης χορηγίας τὸν
λοιπὸν ὄχλον καὶ τὰ
χρήματα ἀπεκόμισαν εἰς
τὴν Κῶν. (6) δ'
᾿Αλέξανδρος ἅμ' ἡμέρᾳ
γνοὺς τὸ γεγενημένον τὴν
μὲν πόλιν κατέσκαψε, τῇ
δ' ἀκροπόλει περιέθηκε
τεῖχος καὶ τάφρον
ἀξιόλογον· αὐτὸς δὲ
μέρος τῆς δυνάμεως μετὰ
στρατηγῶν ἐξέπεμψεν εἰς
τὴν μεσόγειον, προστάξας
τὰ συνεχῆ τῶν ἐθνῶν
χειροῦσθαι. Οὗτοι μὲν οὖν
ἐνεργῶς πολεμήσαντες,
πᾶσαν τὴν χώραν μέχρι
τῆς μεγάλης Φρυγίας
καταστρεψάμενοι,
διέθρεψαν τοὺς
στρατιώτας ἐκ τῆς
πολεμίας· (7) δ'
᾿Αλέξανδρος τὴν
παραθαλαττίαν πᾶσαν
μέχρι Κιλικίας
χειρωσάμενος πολλὰς
πόλεις κατεκτήσατο καὶ
φρούρια καρτερὰ
φιλοτιμότερον
πολιορκήσας τῇ βίᾳ
κατεπόνησεν, ἐν οἷς ἑνὸς
παραδόξως ἐκράτησε,
περὶ οὗ διὰ τὴν ἰδιότητα
τῆς περιπετείας οὐκ ἄξιον
παραλιπεῖν.

[28] Τῆς γὰρ Λυκίας


περὶ τὰς ἐσχατιὰς πέτραν
μεγάλην ὀχυρότητι
διαφέρουσαν ᾤκουν οἱ
Μαρμαρεῖς ὀνομαζόμενοι,
οἵτινες παριόντος
᾿Αλεξάνδρου τὸ χωρίον
ἐπέθεντο τοῖς κατὰ τὴν
οὐραγίαν Μακεδόσι καὶ
συχνοὺς ἀνελόντες πολλὰ
τῶν σωμάτων καὶ τῶν
ὑποζυγίων ἀφήρπασαν. (2)
Ἐπὶ δὲ τούτοις βασιλεὺς
παροξυνθεὶς συνεστήσατο
πολιορκίαν καὶ πᾶσαν
εἰσεφέρετο σπουδὴν βίᾳ
κρατῆσαι τοῦ χωρίου. Οἱ
δὲ Μαρμαρεῖς ἀνδρείᾳ
διαφέροντες καὶ τῇ τῶν
τόπων ἐρυμνότητι
πιστεύοντες ὑπέμενον
εὐρώστως τὴν
πολιορκίαν. Ἐπὶ μὲν οὖν
ἡμέρας δύο συνεχεῖς
ἐγίνοντο προσβολαὶ καὶ
φανερὸς ἦν βασιλεὺς οὐκ
ἀποστησόμενος ἕως ἂν
ἕλῃ τὴν πέτραν. (3) Οἱ δὲ
πρεσβύτεροι τῶν
Μαρμαρέων τὸ μὲν
πρῶτον συνεβούλευον
τοῖς νέοις παυσαμένοις
τῆς βίας ἐφ' οἷς ἦν
δυνατὸν συλλυθῆναι πρὸς
τὸν βασιλέα· οὐ
πειθομένων δ' αὐτῶν,
ἀλλὰ πάντων
φιλοτιμουμένων
συναποθανεῖν τῇ τῆς
πατρίδος ἐλευθερίᾳ
παρεκάλεσαν αὐτοὺς
τέκνα μὲν καὶ γυναῖκας
καὶ τοὺς γεγηρακότας
ἀνελεῖν, αὐτοὺς δὲ τοὺς
δυναμένους διὰ τῆς ἀλκῆς
σώζεσθαι νυκτὸς διὰ
μέσων τῶν πολεμίων
διεκπεσεῖν καὶ καταφυγεῖν
εἰς τὴν πλησίον ὀρεινήν.
(4) Συγκαταθεμένων δὲ
τῶν νέων καὶ
προσταξάντων κατ' οἰκίαν
ἑκάστους μετὰ τῆς
συγγενείας ἀπολαύσαντας
τῶν προσηνεστάτων
βρωτῶν τε καὶ ποτῶν
ὑπομεῖναι τὸ δεινὸν ἔδοξε
τοῖς νέοις, οὖσιν ὡς
ἑξακοσίοις, τοῦ μὲν
φονεύειν τοὺς
προσήκοντας ἀποσχέσθαι,
τὰς δ' οἰκίας ἐμπρῆσαι καὶ
διὰ τῶν πυλῶν
ἐκχυθέντας εἰς τὴν
ὀρεινὴν ἀποχωρῆσαι. (5)
Οὗτοι μὲν οὖν τὰ
δεδογμένα συντελέσαντες
ταῖς ἰδίαις ἑστίαις
ἑκάστους ἐποίησαν
ἐνταφῆναι, αὐτοὶδὲ διὰ
μέσων τῶν
περιεστρατοπεδευκότων
ἔτι νυκτὸς οὔσης
διεκπεσόντες ἔφυγον εἰς
τὴν πλησίον ὀρεινήν.
Ταῦτα μὲν οὖν ἐπράχθη
κατὰ τοῦτον τὸν
ἐνιαυτόν. [29] Ἐπ'
ἄρχοντος δ' ᾿Αθήνησι
Νικοκράτους ἐν ῾Ρώμῃ
τὴν ὕπατον ἀρχὴν
διεδέξατο Καίσων
Οὐαλλέριος καὶ Λεύκιος
Παπίριος. Ἐπὶ δὲ τούτων
Δαρεῖος χρημάτων πλῆθος
ἐξέπεμψε τῷ Μέμνονι καὶ
τοῦ πολέμου παντὸς
ἀπέδειξε στρατηγόν. (2)
δὲ μισθοφόρων πλῆθος
ἀθροίσας καὶ τριακοσίας
ναῦς πληρώσας ἐνεργῶς
διῴκει τὰ κατὰ τὸν
πόλεμον. Χῖον μὲν οὖν
προσηγάγετο· πλεύσας δ'
ἐπὶ Λέσβον ῎Αντισσαν μὲν
καὶ Μήθυμναν καὶ Πύρραν
καὶ ᾿Ερεσσὸν ῥᾳδίως
ἐχειρώσατο, τὴν δὲ
Μιτυλήνην μεγάλην οὖσαν
καὶ παρασκευαῖς μεγάλαις
καὶ πλήθει τῶν
ἀμυνομένων ἀνδρῶν
κεχορηγημένην πολλὰς
ἡμέρας πολιορκήσας καὶ
πολλοὺς τῶν στρατιωτῶν
ἀποβαλὼν μόγις εἷλε κατὰ
κράτος. (3) Εὐθὺ δὲ τῆς
περὶ τὸν στρατηγὸν
ἐνεργείας διαβοηθείσης αἱ
πλείους τῶν Κυκλάδων
νήσων διεπρεσβεύοντο.
Προσπεσούσης δὲ φήμης
εἰς τὴν ῾Ελλάδα διότι
Μέμνων μετὰ τοῦ στόλου
μέλλει πλεῖν ἐπ' Εὐβοίας
αἱ μὲν κατὰ τὴν νῆσον
ταύτην πόλεις περίφοβοι
καθειστήκεισαν, οἱ δὲ τὰ
τῶν Περσῶν αἱρούμενοι
τῶν ῾Ελλήνων, ἐν οἷς
ὑπῆρχον καὶ Σπαρτιᾶται,
μετέωροι ταῖς ἐλπίσιν
ἐγίνοντο πρὸς
καινοτομίαν. (4) δὲ
Μέμνων χρήμασι
διαφθείρων πολλοὺς τῶν
῾Ελλήνων ἔπεισε
κοινωνεῖν τῶν Περσικῶν
ἐλπίδων. Οὐ μὴν τύχη γ'
εἴασεν ἐπὶ πλέον
προελθεῖν τὴν τἀνδρὸς
ἀρετήν· γὰρ Μέμνων
περιπεσὼν ἀρρωστίᾳ καὶ
πάθει παραβόλῳ
συσχεθεὶς μετήλλαξε καὶ
τῇ τούτου τελευτῇ
συνετρίβη καὶ τὰ τοῦ
Δαρείου πράγματα.

[30] Προσεδόκησε μὲν


γὰρ βασιλεὺς
μεταθήσεσθαι αὐτὸν τὸν
πάντα πόλεμον ἐκ τῆς
᾿Ασίας εἰς τὴν Εὐρώπην·
ὡς δ' ἤκουσε τὴν
Μέμνονος τελευτήν,
συνήγαγε τῶν φίλων
συνέδριον καὶ προέθηκε
βουλὴν πότερον δεῖ
στρατηγοὺς καὶ στρατιὰν
καταπέμπειν ἐπὶ θάλατταν
τὸν βασιλέα μετὰ πάσης
τῆς δυνάμεως καταβάντα
διαγωνίζεσθαι τοῖς
Μακεδόσιν. (2) Ἔνιοι μὲν
οὖν ἔφασαν δεῖν αὐτὸν
τὸν βασιλέα
παρατάττεσθαι καὶ τὸ
πλῆθος τῶν Περσῶν
ἀπεφαίνοντο
προθυμότερον
ἀγωνιεῖσθαι· Χαρίδημος δ'
᾿Αθηναῖος, ἀνὴρ
θαυμαζόμενος ἐπ' ἀνδρείᾳ
καὶ δεινότητι στρατηγίας,
συνεστράτευτο μὲν
Φιλίππῳ τῷ βασιλεῖ καὶ
πάντων τῶν
ἐπιτευγμάτων ἀρχηγὸς
καὶ σύμβουλος γεγονὼς
ἦν, συνεβούλευεν δὲ τῷ
Δαρείῳ μὴ προπετῶς
ἀποκυβεῦσαι περὶ τῆς
βασιλείας, ἀλλ' αὐτὸν μὲν
τὸ βάρος καὶ τὴν τῆς
᾿Ασίας ἀρχὴν συνέχειν,
ἐπὶ δὲ τὸν πόλεμον
ἀποστέλλειν στρατηγὸν
πεῖραν δεδωκότα τῆς
ἰδίας ἀρετῆς. (3) Δύναμιν
δ' ἱκανὴν εἶναι δέκα
μυριάδων, ἧς τὸ τρίτον
῞Ελληνας ποιῆσαι
μισθοφόρους, καὶ δι'
ἐμφάσεως αὐτὸς
ἀνεδέχετο κατορθώσειν
τὴν ἐπιβολὴν ταύτην. (4)
Τὸ μὲν οὖν πρῶτον
βασιλεὺς συγκατετίθετο
τοῖς λεγομένοις, μετὰ δὲ
ταῦτα τῶν φίλων
γενναιότερον
ἀντειπόντων καὶ τὸν
Χαρίδημον εἰς ὑποψίαν
ἀγόντων ὅτι τῆς
στρατηγίας ὀρέγεται
τυχεῖν, ὅπως τοῖς
Μακεδόσι προδῷ τὴν
Περσῶν ἡγεμονίαν, μὲν
Χαρίδημος παροργισθεὶς
καὶ προχειρότερον
ὀνειδίσας τὴν Περσῶν
ἀνανδρίαν ἐποίησεν ἐπὶ
πλεῖον προσκόψαι τὸν
βασιλέα τοῖς λόγοις, τοῦ
θυμοῦ δὲ τὸ συμφέρον
ἀφαιρουμένου μὲν
Δαρεῖος ἐπιλαβόμενος τῆς
τοῦ Χαριδήμου ζώνης
κατὰ τὸν τῶν Περσῶν
νόμον παρέδωκε τοῖς
ὑπηρέταις καὶ προσέταξεν
ἀποκτεῖναι. (5) δὲ
Χαρίδημος ἀπαγόμενος
ἐπὶ τὸν θάνατον
ἀνεβόησεν μεταμελήσειν
ταῦτα ταχὺ τῷ βασιλεῖ
καὶ τῆς ἀδίκου τιμωρίας
αὐτοῦ σύντομον ἕξειν τὴν
κόλασιν, ἐπιδόντα τὴν
κατάλυσιν τῆς βασιλείας.
Χαρίδημος μὲν οὖν
μεγάλων ἐλπίδων ἐκπεσὼν
διὰ παρρησίαν ἄκαιρον
τοιαύτην ἔσχε τὴν τοῦ
βίου καταστροφήν· (6) δὲ
βασιλεὺς ἀνέντος τοῦ
θυμοῦ τὴν ψυχὴν εὐθὺς
μετενόησε καὶ
κατεμέμψατο ἑαυτὸν ὡς
τὰ μέγιστα ἡμαρτηκότα.
Ἀλλ' οὐ γὰρ ἦν δυνατὸν τὸ
γεγονὸς διὰ τῆς βασιλικῆς
ἐξουσίας ἀγένητον
κατασκευάσαι. (7) Διόπερ
ὀνειροπολούμενος ταῖς
Μακεδόνων ἀρεταῖς καὶ
τὴν ἐνέργειαν τὴν
᾿Αλεξάνδρου πρὸ
ὀφθαλμῶν λαμβάνων
ἐζήτει στρατηγὸν
ἀξιόχρεων τὸν
διαδεξόμενον τὴν τοῦ
Μέμνονος ἡγεμονίαν· οὐ
δυνάμενος δ' εὑρεῖν αὐτὸς
ἠναγκάζετο καταβαίνειν
εἰς τὸν ὑπὲρ τῆς
βασιλείας κίνδυνον.

[31] Εὐθὺς οὖν XXXI. Darius fit faire


partout des levées de
μετεπέμπετο τὰς
troupes, et assigna pour
πανταχόθεν δυνάμεις καὶ rendez-vous Babylone. Puis,
parmi ses amis et ses
προσέταξεν ἀπαντᾶν εἰς
parents, il fit un choix
Βαβυλῶνα καὶ τῶν φίλων d'hommes d'élite; il distribua
aux uns les grades de
καὶ τῶν συγγενῶν
l'armée, et garda les autres
ἐπελέγετο τοὺς εὐθέτους, pour combattre auprès de lui.
A l'époque fixée, toutes les
ὧν τοῖς μὲν τὰς
troupes se rassemblèrent à
ἁρμοζούσας ἡγεμονίας Babylone ; elles étaient au
nombre de plus de quatre
κατεμέριζε, τοὺς δὲ μεθ'
αὑτοῦ κινδυνεύειν cent mille hommes
d'infanterie et d'au moins
προσέταττεν. (2) Ὡς δ'
cent mille cavaliers (36).
τῆς στρατείας C'est avec cette armée que
Darius partit de Babylone et
ἀφωρισμένος χρόνος
se dirigea vers la Cilicie,
προσεγένετο, κατήντησαν emmenant avec lui sa
femme, ses enfants, un fils,
ἅπαντες εἰς τὴν
deux filles et sa mère.
Βαβυλῶνα. δ' ἀριθμὸς ἦν Antérieurement à la mort de
Memnon, Alexandre avai
τῶν στρατιωτῶν πεζοὶ
appris que Chio et la ville de
μὲν πλείους τῶν Lesbos avaient été prises,
que Mitylène avait été
τετταράκοντα μυριάδων,
emportée d'assaut, que
ἱππεῖς δὲ οὐκ ἐλάττους Memnon se disposait déjà à
descendre en Macédoine
τῶν δέκα μυριάδων.
avec trois cents trirèmes et
Δαρεῖος μὲν οὖν μετὰ une armée de terre, enfin,
que la plupart des Grecs
τοσαύτης δυνάμεως
étaient près de se révolter; il
ἀναζεύξας ἐκ Βαβυλῶνος n'était donc pas
médiocrement alarmé. Il ne
προῆγεν ἐπὶ Κιλικίας,
fut délivré de son inquiétude
ἔχων μεθ' ἑαυτοῦ τήν τε que lorsque des messagers
lui apportèrent la nouvelle de
γυναῖκα καὶ τὰ τέκνα, υἱὸν
la mort de Memnon. Peu de
καὶ δύο θυγατέρας, καὶ temps après, Alexandre fut
atteint d'une grave maladie
τὴν μητέρα· (3)
et il convoqua ses médecins.
᾿Αλέξανδρος δὲ πρὸ μὲν Chacun jugea le mal difficile
à guérir; un seul, Philippe,
τῆς Μέμνονος τελευτῆς
Acarnanien de nation, faisant
πυνθανόμενος Χῖον καὶ usage de traitements aussi
prompts que hardis, promit
τὰς ἐν Λέσβῳ πόλεις
de guérir la maladie par un
κεχειρῶσθαι, τὴν δὲ remède qu'il prescrirait. Le
roi y consentit volontiers,
Μιτυλήνην κατὰ κράτος
d'autant plus qu'il venait
ἡλωκυῖαν, πρὸς δὲ d'apprendre que Darius était
parti de Babylone à la tête de
τούτοις τὸν Μέμνονα
son armée. Il prit donc la
τριακοσίαις τριήρεσι καὶ potion que le médecin lui
présenta, et, grâce aux
πεζῇ δυνάμει μέλλοντα
efforts de la nature combinés
στρατεύειν ἐπὶ avec ceux de l'art, Alexandre
fut bientôt rétabli (37).
Μακεδονίαν, τῶν δ'
Échappé ainsi
῾Ελλήνων τοὺς πλείους miraculeusement au danger,
ἑτοίμους εἶναι πρὸς le roi honora ce médecin de
grandes récompenses et
ἀπόστασιν οὐ μετρίως
l'admit au nombre de ses
ἠγωνία, (4) Ὡς δ' ἧκόν plus intimes amis.
τινες ἀπαγγέλλοντες τὴν XXXII. Alexandre reçut
des lettres de sa mère qui,
Μέμνονος τελευτήν, entre autres communications
ἀπελύθη τῆς πολλῆς utiles, lui écrivit de se défier
d'Alexandre de Lynciste.
ἀγωνίας. Μετ' ὀλίγον δὲ C'était un homme brave et
εἰς ἀρρωστίαν βαρυτέραν ambitieux, qui suivait, avec
d'autres amis, le roi dont il
ἐμπεσὼν καὶ χαλεπῷ πάθει avait gagné la confiance. Ce
συνεχόμενος συνεκάλεσε soupçon ayant été confirmé
par beaucoup d'autres
τοὺς ἰατρούς. (5) Τῶν μὲν circonstances, le roi fit
οὖν ἄλλων ἕκαστος arrêter cet homme et le mit
aux fers, en attendant que
δυσχερῶς εἶχε πρὸς τὴν son procète pût s'instruire.
θεραπείαν, Φίλιππος δ' Informé que Darius n'était
᾿Ακαρνὰν τὸ γένος plus qu'à trois journées de
distance, Alexandre détacha
παραβόλοις καὶ συντόμοις Parménion, avec l'ordre
θεραπείαις χρώμενος d'occuper le premier les
passages et les défilés
ἐπηγγείλατο διὰ connus sous le nom de Portes
φαρμακείας λύσειν τὴν [de Cilicie]. Parménion
investit ces lieux, délogea les
νόσον. (6) Ἀσμένως δὲ τοῦ Barbares des postes qu'ils
βασιλέως ὑπακούσαντος avaient d'avance occupés, et
se rendit maître des défilés.
διὰ τὸ λέγεσθαι Δαρεῖον Pour alléger la marche de son
μετὰ τῆς δυνάμεως ἐκ armée, Darius fit transporter
à Damas en Syrie les
Βαβυλῶνος ὡρμηκέναι bagages et la foule inutile qui
μὲν ἰατρὸς δοὺς encombrait l'armée. En
apprenant qu'Alexandre
φάρμακον πιεῖν καὶ s'était d'avance emparé des
συνεργὸν λαβὼν τὴν φύσιν défilés, Darius s'imaginait
que l'ennemi n'oserait pas se
τοῦ κάμνοντος καὶ τὴν mesurer avec lui en rase
τύχην εὐθὺς ἀπήλλαξε τῆς campagne ; il se porta donc
en avant en hâtant sa
νόσου τὸν ᾿Αλέξανδρον. marche. Les indigènes, qui
Οὗτος μὲν οὖν παραδόξως méprisaient les Macédoniens
à cause de leur petit nombre
ἐκφυγὼν τὸν κίνδυνον καὶ et qui étaient frappés de
τὸν ἰατρὸν τιμήσας terreur à l'aspect des forces
μεγαλοπρεπῶς κατέταξεν imposantes des Perses,
abandonnèrent Alexandre
αὐτὸν εἰς τοὺς
pour s'attacher à Darius; ils
εὐνουστάτους τῶν φίλων. fournirent avec beaucoup
d'empressement aux Perses
[32] δὲ μήτηρ τοῦ des vivres et toutes sortes de
βασιλέως ἔγραψε πρὸς provisions et prédirent aux
Barbares une victoire
τὸν ᾿Αλέξανδρον τά τε certaine. Cependant
ἄλλα τῶν χρησίμων καὶ Alexandre s'était emparé par
surprise d'Issus, ville
διότι φυλάξασθαι considérable de la Cilicie.
προσήκει τὸν Λυγκηστὴν XXXIII. Des espions
rapportèrent que Darius
᾿Αλέξανδρον. Οὗτος δ' ὢν
s'avançait, enseignes
ἀνδρείᾳ διάφορος καὶ déployées, à la tête d'une
armée formidable, et n'était
φρονήματος πλήρης καὶ
plus qu'à trente stades de
συμπαρακολουθῶν τῷ distance (38). Alexandre
regarda comme une faveur
βασιλεῖ μετὰ τῶν ἄλλων
des dieux l'occasion qui lui
φίλων ἐπιστεύετο. (2) était offerte de décider, par
une seule bataille, le sort de
Πολλῶν δὲ καὶ ἄλλων
l'empire des Perses, et, par
εὐλόγων συνδραμόντων des discours appropriés, il
exhorta seir soldats à une
πρὸς ταύτην τὴν διαβολὴν
lutte décisive. Il disposa
συλληφθεὶς καὶ δεθεὶς εἰς ensuite selon la nature du
terrain, ses lignes d'infanterie
φυλακὴν παρεδόθη, ὡς
et ses escadrons de
τευξόμενος δικαστηρίου. cavalerie. L'infanterie fut
placée au front et les
Ὁ δὲ ᾿Αλέξανδρος phalanges de cavalerie furent
πυθόμενος τὸν Δαρεῖον placées en arrière, comme
corps de réserve. Il se mit lui-
ὀλίγων ἡμερῶν ὁδὸν même à la tête de l'aile
ἀπέχειν Παρμενίωνα μὲν droite et se porta à la
rencontre de l'ennemi avec
μετὰ τῆς δυνάμεως ses meilleurs cavaliers. L'aile
ἀπέστειλεν gauche se composait de la
cavalerie thessalienne,
προκαταληψόμενον τὰς distinguée par sa bravoure et
παρόδους καὶ τὰς son expérience militaire (39).
Lorsque les deux armées
ὀνομαζομένας Πύλας· furent arrivées à portée de
οὗτος δ' ἐπιβαλὼν τοῖς trait, les Barbares lancèrent
sur les troupes d'Alexandre
τόποις καὶ τοὺς une si grande quantité de
flèches, que ces projectiles se
προκατειληφότας τὰς heurtaient dans l'air et
amortissaient leur effet. Les
δυσχωρίας βαρβάρους
trompettes sonnèrent des
βιασάμενος κύριος deux côtés la charge. Les
Macédoniens poussèrent
ἐγένετο τῶν παρόδων. (3)
d'abord un immense cri de
Δαρεῖος δὲ βουλόμενος guerre ; les Barbares y
répondirent de manière à
εὔζωνον ποιῆσαι τὴν
faire retentir de leur voix
δύναμιν τὰ μὲν σκευοφόρα toutes les montagnes
voisines. C'était comme
καὶ τὸν περιττὸν ὄχλον
l'écho d'une seule voix
εἰς Δαμασκὸν τῆς Συρίας poussée par cinq cent mille
hommes à la fois. Alexandre
ἀπέθετο, τὸν δ'
promena ses regards de tous
᾿Αλέξανδρον πυθόμενος côtés, cherchant à découvrir
Darius; dès qu'il l'aperçut, il
τὰς δυσχωρίας
se porta droit sur lui avec ses
προκατειληφέναι καὶ cavaliers d'élite, moins jaloux
de battre les Perses que de
νομίσας αὐτὸν μὴ τολμᾶν
remporter la victoire par ses
ἐν τῷ πεδίῳ propres efforts. Les deux
cavaleries s'attaquèrent
διαγωνίζεσθαι προῆγεν ἐπ'
réciproquement et il en
αὐτὸν σύντομον τὴν résulta un terrible carnage.
Mais, comme on déploya des
ὁδοιπορίαν ποιούμενος.
deux côtés une égale vakur,
(4) Οἱ δ' ἐγχώριοι τῆς μὲν l'issue de la bataille resta
longtemps indécise; les
τῶν Μακεδόνων
pertes et les avantages se
ὀλιγότητος balançaient de part et
d'autre. Aucun coup ne
καταφρονήσαντες, τὸ δὲ
portait à faux ; la foule
πλῆθος τῆς τῶν Περσῶν compacte offrait à tous un
but certain ; aussi, un grand
στρατιᾶς
nombre de guerriers
καταπεπληγμένοι tombèrent couverts de
blessures, toutes reçues par
καταλιπόντες τὸν
devant; quelques-uns,
᾿Αλέξανδρον προσέθεντο vaillants jusqu'au dernier
souffle, perdaient la vie plutôt
τῷ Δαρείῳ καὶ τάς τε
que le courage.
τροφὰς καὶ τὴν ἄλλην XXXIV. Les chefs de
παρασκευὴν μετὰ πολλῆς colonnes donnaient à leurs
subalternes l'exemple de la
προθυμίας ἐχορήγουν τοῖς bravoure; aussi, pouvait-on
Πέρσαις καὶ διὰ τῆς ἰδίας voir une grande diversité de
combats où la victoire était
κρίσεως προεσήμαινον chaudement disputée.
τοῖς βαρβάροις τὴν Oxathrès, Perse d'origine,
frère de Darius, se couvrit de
νίκην. δ' ᾿Αλέξανδρος
gloire. Dès qu'il vit Alexandre
τὴν μὲν ᾿Ισσὸν πόλιν s'attacher opiniâtrement à
Darius, il ne songea plus qu'à
ἀξιόλογον
partager le sort de son frère.
καταπληξάμενος A la tête de la cavalerie
d'élite, il fondit sur Alexandre,
ἐχειρώσατο·
animé par l'espoir que ce
[33] Τῶν δὲ dévouement fraternel
augmenterait sa réputation
κατασκόπων chez les Perses; il combattit
ἀπαγγειλάντων αὐτῷ en avant du quadrige de
Darius, et, joignant l'audace à
τριάκοντα σταδίους l'expérience militaire, il tua
ἀπέχειν τὸν Δαρεῖον καὶ un grand nombre d'ennemis.
Alexandre ne lui cédant pas
συντεταγμένῃ τῇ δυνάμει en courage, les cadavres
προσιέναι καταπληκτικῶς, s'amoncelèrent autour du
quadrige de Darius; chacun
ὑπολαβὼν παρὰ τῶν θεῶν brûlait de frapper le roi,
αὐτῷ δεδόσθαι τὸν καιρὸν personne ne ménageait sa
vie. Beaucoup de célèbres
ὥστε μιᾷ παρατάξει généraux perses tombèrent
νικήσαντα καταλῦσαι τὴν dans cette mêlée, entre
autres Atizyès, Réomithrès et
Περσῶν ἡγεμονίαν τοὺς Tasiacès(40), satrape
μὲν στρατιώτας τοῖς d'Egypte. Les Macédoniens
perdirent également
οἰκείοις λόγοις beaucoup de monde, et
παρεκάλεσεν ἐπὶ τὸν περὶ Alexandre, enveloppé par les
ennemis, fut lui-même blessé
τῶν ὅλων ἀγῶνα, τὰ δὲ à la cuisse. Mais les chevaux
τάγματα τῶν στρατιωτῶν attelés au quadrige de
Darius, pressés par la douleur
καὶ τὰς τῶν ἱππέων εἴλας des blessures qu'ils avaient
οἰκείως τοῖς ὑποκειμένοις reçues, et effrayés des
monceaux de morts qui les
τόποις διατάξας τοὺς μὲν entouraient, n'obéirent plus à
ἱππεῖς ἐπέστησε πρὸ la bride et faillirent emporter
Darius au milieu des
πάσης τῆς στρατιᾶς, τὴν ennemis. Dans ce moment
δὲ τῶν πεζῶν φάλαγγα critique le roi, déposant la
majesté de son rang, et forcé
κατόπιν ἐφεδρεύειν de s'écarter de l'étiquette
προσέταξεν. (2) Αὐτὸς δὲ que la loi prescrit aux rois des
Perses, saisit de ses propres
προηγούμενος τοῦ δεξιοῦ mains les rênes des chevaux.
μέρους ἀπήντα τοῖς Ses serviteurs lui amenèrent
πολεμίοις, ἔχων μεθ' alors un autre quadrige, mais
pendant qu'on y faisait
ἑαυτοῦ τοὺς κρατίστους
passer le roi, le désorclre
τῶν ἱππέων· τὸ δ' s'accrut, et Darius, serré de
près par les ennemis, fut saisi
εὐώνυμον μέρος ἐπεῖχον
d'épouvante. Les Perses, qui
οἱ τῶν Θετταλῶν ἱππεῖς, avaient aperçu le trouble du
roi, se livrèrent à la fuite ; les
πολὺ τῶν ἄλλων
cavaliers suivirent leur
διαφέροντες ταῖς τε exemple, et bientôt toute
l'armée tourna le dos. Mais
ἀνδραγαθίαις καὶ ταῖς
comme la fuite se faisait dans
ἐμπειρίαις. (3) Ὡς δ' αἱ des passages étroits et
escarpés, les fuyards,
δυνάμεις ἐντὸς βέλους
tombant les uns sur les
ἐγίνοντο, τοῖς μὲν περὶ autres, furent foules sous les
pieds des chevaux, et
τὸν ᾿Αλέξανδρον
beaucoup d'entre eux
ἐπέρριψαν οἱ βάρβαροι périrent sans avoir été
frappés par l'ennemi. On les
τοσοῦτον πλῆθος βελῶν
trouvait gisant par tas, les
ὥστε διὰ τὴν πυκνότητα uns sans armes et les autres
tout armés ; quelques-uns
τῶν βαλλομένων ἀλλήλοις
tenaient encore dans leurs
συγκρουόντων mains leurs épées nues, qui
ne servaient qu'à tuer ceux
ἀσθενεστέρας γίνεσθαι
qui tombaient sur eux.
τὰς πληγάς. (4) Τῶν δὲ Cependant, la plupart de ces
fuyards étaient parvenus à
σαλπικτῶν παρ'
gagner les plaines qu'ils
ἀμφοτέροις τὸ πολεμικὸν traversèrent au galop pour
chercher un asile dans les
σημαινόντων οἱ
villes alliées des Perses. La
Μακεδόνες πρῶτοι phalange macédonienne et
l'infanterie des Perses
συναλαλάξαντες βοὴν
gardèrent encore pendant
ἐξαίσιον ἐποίησαν, μετὰ quelque temps le champ de
bataille; la défaite de la
δὲ ταῦτα τῶν βαρβάρων
tsavalerie perse fut, pour les
ἀντιφθεγξαμένων Macédoniens, comme le
prélude d'une victoire
συνήχησε μὲν σύνεγγυς
complète. Tous les Barbares
ὀρεινὴ πᾶσα, τὸ δὲ furent promptement mis en
déroute, la fuite devint
μέγεθος τῆς βοῆς
générale; des milliers de
ὑπερῆρε τὴν Barbares s'engagèrent dans
les défilés, et tous les
προγεγενημένην κραυγήν,
environs furent bientôt
ὡς ἂν πεντήκοντα jonchés de morts.
μυριάδων μιᾷ φωνῇ XXXV. La nuit étant
survenue, les Perses se
συνηχουσῶν. (5) δ'
dispersèrent facilement dans
᾿Αλέξανδρος πάντῃ τὴν plusieurs directions. Les
Macédoniens, cessant de les
ὄψιν βάλλων καὶ σπεύδων
poursuivre, ne songèrent qu'à
κατιδεῖν τὸν Δαρεῖον ἅμα piller le camp et surtout les
tentes royales où étaient
τῷ κατανοῆσαι
renfermés beaucoup d'objets
παραχρῆμα μετὰ τῶν περὶ précieux. Les soldats en
enlevèrent des masses
αὐτὸν ἱππέων ἐπ' αὐτὸν
d'argent et d'or, ainsi qu'une
ἐφέρετο τὸν βασιλέα, grande quantité de riches
vêtements tirés du trésor
σπεύδων οὐχ οὕτω
royal. Les tentes des amis et
καταπροτερῆσαι τῶν des parents du roi ainsi que
celles des généraux
Περσῶν ὡς τὸ δι' αὑτοῦ
procurèrent également un
περιποιήσασθαι τὴν νίκην. riche butin. Non-seulement
les femmes de la maison
(6) Ἅμα δὲ τούτῳ καὶ τῶν
royale, mais encore celles
ἄλλων ἁπάντων ἱππέων des parents et des amis du
roi suivaient l'armée, selon la
συμπεσόντων ἀλλήλοις
coutume des Perses, montées
καὶ πολλοῦ φόνου sur des chars dorés; chacune
de ces femmes habituées à
γινομένου μὲν μάχη διὰ
toutes les jouissances du
τὰς τῶν ἀγωνιζομένων luxe, portait avec elle une
quantité prodigieuse de
ἀρετὰς ἀμφίδοξον εἶχε
parures et d'ornements. Les
τὴν τῶν ὅλων κρίσιν· lamentations de toutes ces
femmes captives étaient
ἐταλαντεύετο γὰρ δεῦρο
difficiles à dépeindre; elles
κἀκεῖσε, τῆς τροπῆς qui naguère ne se trouvaient
pas assez mollement
ἐναλλὰξ γινομένης. (7)
balancées dans de
Οὔτε γὰρ ἀκοντίσας οὔτε magnifiques palanquins et
qui ne laissaient entrevoir
πατάξας οὐδεὶς ἄπρακτον
aucune partie nue de leur
ἔσχε τὴν πληγήν, ὡς ἂν corps, étaient maintenant
couvertes d'une simple
διὰ τὸ πλῆθος ἑτοίμου τοῦ
tunique, ayant tous les autres
σκοποῦ κειμένου. Διὸ καὶ vêtements déchirés ; elles se
précipitaient hors des tentes
πολλοὶ τραύμασιν
en poussant de longs
ἐναντίοις gémissements, implorant le
secours des dieux et se jetant
περιτυγχάνοντες ἔπιπτον
aux genoux des vainqueurs.
καὶ μέχρι τῆς ἐσχάτης Se dépouillant d'une main
ἀναπνοῆς θυμομαχοῦντες tremblante de tous leurs
ornements, et les cheveux en
τὸ ζῆν πρότερον τὴν
désordre, elles couraient à
ἀρετὴν ἐξέλειπον. travers des lieux escarpés et
s'attroupaient en demandant
[34] Οἱ δὲ ἑκάστης à leurs compagnes
τάξεως ἡγεμόνες τῶν d'infortune des secours dont
celles-ci avaient également
ὑποτεταγμένων besoin. Quelques soldats
προαγωνιζόμενοι διὰ τῆς traînaient ces malheureuses
par les cheveux; ici, d'autres
ἰδίας ἀρετῆς τοὺς déchirant leurs vêtements,
πολλοὺς ἀνδραγαθεῖν portaient leurs mains sur
leurs corps nus et les
προετρέψαντο. Διὸ καὶ frappaient du bois de leurs
παρῆν ὁρᾶν πολλὰς μὲν lances, la fortune leur
permettant d'insulter ainsi à
διαθέσεις τραυμάτων tout ce qu'il y avait de plus
γινομένας, ποικίλους δὲ respecté et de plus illustre
chez les Barbares.
καὶ μεγάλους ἀγῶνας
XXXVI. Quelques
συνισταμένους ὑπὲρ τῆς Macédoniens, plus humains
que les autres, furent saisis
νίκης. (2) ᾿Οξάθρης δ'
de compassion à l'aspect de
Πέρσης, ἀδελφὸς μὲν ὢν ces infortunées que le destin
avait fait tomber de si haut,
Δαρείου, κατὰ δὲ τὴν
et qui ne voyaient devant
ἀνδρείαν ἐπαινούμενος, elles, pour terme de leurs
misères, qu'une honteuse
ὡς εἶδεν τὸν ᾿Αλέξανδρον
captivité qui devait les
ἀκατασχέτως ἱέμενον ἐπὶ éloigner de tout ce qui leur
était cher. Mais ce qui excitait
τὸν Δαρεῖον, ἐφιλοτιμήθη
la pitié jusqu'aux larmes,
τῆς αὐτῆς τύχης c'était l'aspect de la mère de
Darius, de sa femme et de
κοινωνῆσαι τἀδελφῷ. (3)
ses deux filles, déjà nubiles,
Ἀναλαβὼν οὖν τοὺς et d'un fils à peine
adolescent. Un changement
ἀρίστους τῶν ἱππέων τῶν
de fortune si soudain et la
μεθ' ἑαυτοῦ τεταγμένων grandeur d'une infortune si
inattendue, étaient propres à
μετὰ τούτων ἐπέρραξε
toucher de commisération
τοῖς περὶ τὸν ᾿Αλέξανδρον tous les assistants. Ces
malheureuses ignoraient si
καὶ νομίσας τὸ
Darius était encore en vie ou
φιλάδελφον τῆς ψυχῆς si, comme tant d'autres, il
avait péri. En voyant leurs
οἴσειν αὐτῷ περιβόητον
tentes pillées par des soldats
παρὰ Πέρσαις δόξαν armés qui maltraitaient les
προεμάχετο τοῦ Δαρείου captives dont ils ignoraient le
rang, ces femmes infortunées
τεθρίππου καὶ μετ'
croyaient déjà toute l'Asie
ἐμπειρίας εὐτόλμως τοῖς esclave comme elles.
Qu'avaientrelles à répondre
πολεμίοις συμπλεκόμενος
aux femmes des satrapes qui
πολλοὺς ἀπέκτεινε. (4) venaient implorer leur
secours à genoux,
Τῶν δὲ περὶ τὸν
puisqu'elles étaient tout aussi
᾿Αλέξανδρον malheureuses que ces
femmes ?
ὑπερβαλλομένων ταῖς
Les serviteurs du roi
ἀνδραγαθίαις περὶ μὲν τὸ prirent possession de la tente
τοῦ Δαρείου τέθριππον de Darius, y préparèrent les
bains, dressèrent les tables,
ταχὺ νεκρῶν ἐσωρεύθη allumèrent des flambeaux, et
πλῆθος· πάντες γὰρ attendaient l'arrivée
d'Alexandre, qui, de retour de
ἐφιέμενοι τοῦ βασιλέως la poursuite des ennemis,
ψαῦσαι πρὸς ἀλλήλους devait trouver tout disposé
comme pour Darius, et tirer
ἐκθυμότατα διηγωνίζοντο de ces préparatifs un augure
καὶ τοῦ ζῆν οὐδεμίαν favorable pour la conquête
de l'Asie.
ἐποιοῦντο φειδώ. (5)
. Dans la bataille qui
Ἔπεσον δ' ἐν τῷ κινδύνῳ venait d'être livrée, les
τούτῳ πολλοὶ τῶν παρὰ Barbares avaient perdu plus
de cent mille hommes
Πέρσαις ἐπιφανῶν d'infanterie (41) et au moins
ἡγεμόνων, ἐν οἷς ὑπῆρχεν dix mille cavaliers; tandis que
les Macédoniens n'avaient
᾿Αντιξύης καὶ ῾Ρεομίθρης perdu que trois cents
καὶ τῆς Αἰγύπτου hommes d'infanterie et
environ cent cinquante
σατράπης Τασιάκης. cavaliers. Telle fut l'issue de
Ὁμοίως δὲ πολλῶν καὶ la bataille d'Issus en Cilicie.
XXXVII. Darius ainsi battu
παρὰ τοῖς Μακεδόσι
et mis en déroute s'enfuyait à
πεσόντων συνέβη καὶ bride abattue, montant les
meilleurs coursiers qu'il
αὐτὸν τὸν ᾿Αλέξανδρον
changeait de distance en
τρωθῆναι τὸν μηρόν, distance; il avait hâte
échapper aux mains
περιχυθέντων αὐτῷ τῶν
d'Alexandre et de chercher
πολεμίων. (6) Οἱ δὲ τὸν un asile dans une des
satrapies de l'Asie
τοῦ Δαρείου τεθρίππου
supérieure. Alexandre, à la
ζυγὸν ἐπέχοντες ἵπποι, tête de l'élite de sa cavalerie
τραυματιζόμενοι πυκνῶς et de ses meilleurs
compagnons d'armes, s'était
καὶ διὰ τὸ πλῆθος τῶν
mis à suivre les traces de
περὶ αὐτοὺς σωρευομένων Darius qu'il ambitionnait de
faire prisonnier. Mais après
νεκρῶν πτυρόμενοι, τὰ
avoir parcouru un espace de
μὲν χαλινὰ διεσείοντο, deux cents stades, il rentra
au camp vers minuit. Il se mit
παρ' ὀλίγον δὲ καὶ αὐτὸν
au bain pour se reposer de
τὸν Δαρεῖον εἰς τοὺς ces fatigues et se livra aux
jouissances de la table et du
πολεμίους ἐξήνεγκαν. Διὸ
repos. Un messager vint
καὶ κινδυνεύων ἐσχάτως annoncer à la mère et à la
femme de Darius
βασιλεὺς αὐτὸς ἥρπασε
qu'Alexandre était de retour
τοὺς ῥυτῆρας, de la poursuite du roi, et qu'il
avait dépouillé Darius. A
συναναγκαζόμενος λῦσαι
cette nouvelle, toutes les
τὴν σεμνότητα τῆς femmes captives éclatèrent
en sanglots et en longs
προστασίας καὶ τὸν παρὰ
gémissements. En apprenant
Πέρσαις τοῖς βασιλεῦσι ces scènes douloureuses,
Alexandre envoya un de ses
κείμενον νόμον ὑπερβῆναι.
amis, Léonnatus, pour calmer
(7) Προσήχθη δὲ καὶ ces infortunées et porter des
paroles de consolation à
τέθριππον ἕτερον ὑπὸ τῶν
Sisyngambris (42), en lui
ὑπηρετῶν τῷ Δαρείῳ καὶ annonçant que Darius vivait
encore; enfin qu'Alexandre
κατὰ τὴν εἰς τοῦτο
prendrait lui-même soin de la
μετάβασιν ταραχῆς famille de Darius et viendrait
le lendemain matin la visiter
γενομένης μὲν Δαρεῖος
et lui témoigner sa
ἐπικειμένων τῶν πολεμίων philanthropie par des actes.
Les captives accueillirent ces
εἰς ἔκπληξιν καὶ δέος
paroles de consolation
ἐνέπιπτεν, οἱ δὲ Πέρσαι comme un bonheur inespéré ;
elles regardèrent Alexandre
τὸν βασιλέα
comme un dieu et cessèrent
κατανοήσαντες leurs lamentations. Le
lendemain, le roi,
ταραττόμενον εἰς φυγὴν
accompagné d'Hephaestion,
ὥρμησαν. Τὸ δ' αὐτὸ καὶ un de ses amis qu'il
affectionnait le plus, se rendit
τῶν ἐχομένων ἱππέων
chez les femmes. Comme ils
ποιησάντων ταχὺ πάντες étaient tous deux abillés de
même et qu'Hephaestion
ἐτράπησαν. (8) Τῆς δὲ
l'emportait par sa taille et sa
φυγῆς οὔσης ἐν τόποις beauté, Sisyngambris prit
στενοῖς καὶ τραχέσι celui-ci pour le roi, et se
prosterna pour le saluer;
συμπίπτοντες ἀλλήλους
quelques assistants
συνεπάτουν καὶ πολλοὶ l'avertirent de sa méprise et
lui indiquèrent de la main
χωρὶς πολεμίας πληγῆς
Alexandre. Sisyngambris,
ἀπέθνησκον. Ἔκειντο γὰρ honteuse de son erreur, allait
renouveler sa salutation et se
ὁμοῦ σωρευθέντες οἱ μὲν
prosterner devant Alexandre;
ἄνευ τῶν ὅπλων, οἱ δὲ mais celui-ci lui dit en la
relevant : « Ô mère, ne te
τηροῦντες τὰς πανοπλίας·
tourmente pas, car lui aussi
τινὲς δὲ γεγυμνωμένα τὰ est Alexandre. » En donnant
ainsi à cette matrone le titre
ξίφη διαφυλάξαντες τοὺς
de mère, le roi fit entrevoir
περὶ ταῦτα avec quelle prévenance il
allait traiter toutes ces
ἀναπειρομένους ἀνῄρουν·
infortunées. Il lui donna
οἱ δὲ πλεῖστοι εἰς τὰ πεδία l'assurance qu'elle serait
désormais pour lui comme
διεκπεσόντες διὰ τούτων
une seconde mère, et
ἀπὸ κράτους ἐλαύνοντες aussitôt il sanctionna sa
promesse par des actions.
τοὺς ἵππους εἰς τὰς
XXXVIII. Alexandre la
συμμαχίδας πόλεις revêtit d'un ornement royal
κατέφευγον. (9) δὲ τῶν et la rétablit dans ses anciens
honneurs. Il lui rendit tous les
Μακεδόνων φάλαγξ καὶ τὸ domestiques que lui avait
τῶν Περσῶν πεζὸν donnés Darius, et en ajouta
encore d'autres de sa propre
στράτευμα βραχὺν χρόνον maison. Il promit ensuite de
ἐν τῇ μάχῃ διέμεινεν· pourvoir à l'établissement
des deux jeunes filles mieux
προηττημένων γὰρ τῶν que ne l'aurait fait Darius,
ἱππέων οἱονεί τις προαγὼν d'élever le fils comme si
c'était le sien, et de lui rendre
ἐγεγόνει τῆς ὅλης νίκης. les honneurs dus à son rang.
Πάντων δὲ τῶν βαρβάρων Il l'appela même auprès de
lui et l'embrassa; et, comme
ταχὺ τραπέντων καὶ il vit que cet enfant le
τοσούτων μυριάδων ἐν regardait sans crainte et sans
se laisser le moins du monde
στενοῖς τόποις τὴν φυγὴν intimider, il se tourna vers
ποιουμένων ταχὺ πᾶς Hephaestion et lui dit : « Cet
enfant de six ans montre un
συνεχὴς τόπος νεκρῶν sang-froid au-dessus de son
ἐπληρώθη. âge; il est plus brave que son
père. » Quant à la femme de
[35] Νυκτὸς δ' Darius et à la suite dont elle
ἐπιλαβούσης οἱ μὲν était entourée, il ajouta qu'il
veillerait à ce qu'elle fût
Πέρσαι ῥᾳδίως
traitée avec autant de
διεσπάρησαν εἰς πολλοὺς respect qu'autrefois dans sa
prospérité. Enfin, ses discours
τόπους, οἱ δὲ Μακεδόνες
étaient empreints de tant de
παυσάμενοι τοῦ διωγμοῦ miséricorde et de générosité
que les femmes, pour
πρὸς ἁρπαγὴν ὥρμησαν
exprimer leur joie inespérée,
καὶ μάλιστα περὶ τὰς versèrent des larmes
abondantes. En partant, il
βασιλικὰς σκηνὰς διὰ τὸ
leur donna à toutes la main
πλῆθος τῆς πολυτελείας droite et fut comblé de
bénédictions par ceux dont il
ἠσχολοῦντο. (2) Διόπερ
était le bienfaiteur, en même
πολὺς μὲν ἄργυρος, οὐκ temps qu'il reçut les éloges
de ses compagnons d'armes
ὀλίγος δὲ χρυσός,
qui admiraient tant
παμπληθεῖς δὲ καὶ d'humanité. Parmi les
nombreuses et belles actions
πολυτελεῖς ἐσθῆτες ἐκ
d'Alexandre, il n'y en a, je
τῆς βασιλικῆς γάζης pense, aucune qui mérite
autant que celle-là d'être
διεφοροῦντο. Ὁμοίως δὲ
perpétuée par l'histoire. En
καὶ τῶν τοῦ βασιλέως effet, les prises de villes, les
victoires dans les batailles,
φίλων καὶ συγγενῶν καὶ
enfin tous ces avantages
τῶν ἄλλων ἡγεμόνων οὐκ remportés dans la guerre
sont en général dus au
ὀλίγος διηρπάγη πλοῦτος.
hasard plutôt qu'à la force de
(3) Οὐ μόνον γὰρ αἱ τῆς l'âme (43); tandis que, au
faîte de la puissance, avoir
βασιλικῆς οἰκίας, ἀλλὰ καὶ
pitié des malheureux, c'est
αἱ τῶν συγγενῶν καὶ l'apanage exclusif de la
sagesse; car la plupart de
φίλων γυναῖκες ἐφ'
ceux que la prospérité enivre
ἁρμάτων ὀχούμεναι deviennent insolents et
oublient qu'ils ne sont,
καταχρύσων
comme les autres, que de
συνηκολούθουν κατά τι faibles mortels. Aussi sont-ils
incapables de supporter le
πάτριον ἔθος τῶν
bonheur qui est pour eux un
Περσῶν· (4) ἑκάστη δὲ lourd fardeau. Alexandre,
séparé de nous par de
τούτων διὰ τὴν
nombreuses générations, est
ὑπερβολὴν τοῦ πλούτου donc digne de nos éloges et
de ceux de la postérité.
καὶ τῆς τρυφῆς περιήγετο
XXXIX. Darius avait
πλῆθος πολυδαπάνου atteint Babylone. Il réunit les
κατασκευῆς καὶ débris de son armée,
échappés au désastre d'Issus,
γυναικείου κόσμου. Πάθος
et ne perdit pas courage,
δ' ἦν δεινότατον περὶ τὰς malgré le terrible revers qui
venait de le frapper. Il écrivit
αἰχμαλωτιζομένας
à Alexandre en l'engageant à
γυναῖκας. (5) Αἱ γὰρ supporter sa fortune
humainement et à lui rendre
πρότερον διὰ τρυφὴν ἐπ'
les prisonniers pour une forte
ἀπήναις πολυτελέσι μόγις rançon. Il lui offrit, en outre,
toute l'Asie en deçà du fleuve
κατακομιζόμεναι καὶ
Halys, ainsi que les villes
γυμνὸν μέρος τοῦ situées dans cette contrée s'il
voulait être son ami. A la
σώματος οὐδὲν φαίνουσαι,
réception de cette lettre,
τότε μονοχίτωνες καὶ τὰς Alexandre réunit ses amis en
conseil ; mais, au lieu de leur
ἐσθῆτας περιρρήττουσαι
montrer l'original, il écrivit
μετ' ὀδυρμῶν ἐκ τῶν lui-même une lettre supposée
dans laquelle il n'avait mis
σκηνῶν ἐξεπήδων,
que ce qui convenait à ses
ἐπιβοώμεναι θεοὺς καὶ plans, et ce fut celle-ci qu'il
communiqua à ses conseillers
προσπίπτουσαι τοῖς τῶν
(44) ; les députés de Darius
κρατούντων γόνασι. (6) furent donc renvoyés sans
avoir rien obtenu. Darius
Περιαιρούμεναι δὲ ταῖς
renonçant dès lors à tout
χερσὶ τρεμούσαις τὸν τοῦ espoir de trêve, fît de grands
préparatifs de guerre. Il arma
σώματος κόσμον καὶ τὰς
de pied en cap les soldats qui
κόμας ἀνειμέναι διὰ avaient perdu leurs armes
pendant la fuite et fit faire de
τόπων τραχέων ἔθεον καὶ
nouvelles levées de troupes;
πρὸς ἀλλήλας il ordonna aussi que les
contingents des satrapies de
συντρέχουσαι βοηθοὺς
l'Asie supérieure, qui, en
ἐπεκαλοῦντο τὰς παρ' raison de la vitesse avec
laquelle cette campagne
ἑτέρων ἐπικουρίας
s'était faite, étaient restés en
δεομένας. (7) Ἦγον δ' retard, vinssent le rejoindre
sans délai. Enfin, il fit tant
αὐτὰς οἱ μὲν ἀπὸ τῆς
qu'il parvint à mettre sur pied
κόμης ἐπισπώμενοι τὰς une armée deux fois plus
nombreuse que celle qui
ἠτυχηκυίας, οἱ δὲ τὰς
avait été battue à Issus. En
ἐσθῆτας περιρηγνύντες effet, elle se composait de
huit cent mille hommes
καὶ γυμνοῖς τοῖς σώμασιν
d'infanterie et de deux cent
ἐπιβάλλοντες τὰς χεῖρας mille cavaliers, sans compter
καὶ ταῖς στάθμαις τῶν une multitude de chars armés
de faux. Tels sont les
δοράτων τύπτοντες καὶ
événements arrivés dans le
τὰ τιμιώτατα καὶ cours de cette année.
περιβόητα τῶν βαρβάρων XL. Nicérate étant
archonte d'Athènes, Marcus
ταῖς τῆς τύχης δωρεαῖς Atilius et Marcus Valérius
ὑβρίζοντες. [36] Οἱ δ' consuls à Rome, on célébra la
cxiie olympiade où Grylus de
ἐπιεικέστατοι τῶν Chalcis fut vainqueur à la
Μακεδόνων τὴν course du stade (45). Après la
victoire d'Issus, Alexandre fit
μεταβολὴν τῆς τύχης enterrer ses morts et accorda
ὁρῶντες συμπαθεῖς les mêmes honneurs à ceux
d'entre les ennemis qui
ἐγίνοντο καὶ τὰς τῶν s'étaient fait admirer par leur
ἀκληρούντων συμφορὰς bravoure. Il offrit ensuite aux
dieux de magnifiques
ἠλέουν, αἷς τὰ μὲν sacrifices en actions de
προσήκοντα καὶ μεγάλα grâces, et distribua des
récompenses méritées à ceux
μακρὰν ἀπήρτητο, τὰ δ' qui s'étaient distingués dans
ἀλλόφυλα καὶ πολέμια le combat; enfin, il fit prendre
à ses troupes quelques jours
παρῆν σύνεγγυς . . . καὶ de repos.
πρὸς ἀτυχῆ καὶ En quittant la Cilicie,
ἐπονείδιστον αἰχμαλωσίαν Alexandre se dirigea vers
l'Egypte. Il entra dans la
παρώρμητο. (2) Μάλιστα Phénicie. Il soumit plusieurs
δὲ τοὺς παρόντας εἰς villes et fat bien accueilli par
les indigènes. Les Tyriens
δάκρυα καὶ συμπάθειαν seuls lui résistèrent. Le roi
ἤγαγεν Δαρείου μήτηρ voulait offrir un sacrifice à
Hercule le Tyrien; mais les
καὶ γυνὴ καὶ δύο habitants lui refusaient
θυγατέρες ἐπίγαμοι καὶ obstinément l'entrée de leur
ville. Alexandre, irrité, les
υἱὸς παῖς τὴν ἡλικίαν. (3) menaça de prendre leur ville
Ἐπὶ γὰρ τούτων de force ; mais les Tyriens
soutinrent intrépidement le
μεταβολὴ τῆς τύχης καὶ siège ; car ils se flattaient de
τὸ μέγεθος τῶν plaire à Darius et de s'assurer
sa bienveillance. Ils croyaient
ἀνελπίστων ἀκληρημάτων aussi que le roi les
ἐν ὄψει κείμενον εὐλόγως récompenserait
magnifiquement, si, en
τοὺς ὁρῶντας ἐποίει occupant Alexandre à un
συμπάσχειν τοῖς siège long et périlleux, ils
ἠτυχηκόσι. (4) Περὶ μὲν parvenaient à donner à
Darius le temps de faire ses
γὰρ Δαρείου πότερον ζῇ
préparatifs. Ils comptaient
καὶ περίεστιν καὶ μετὰ aussi sur la position forte de
leur île, sur leurs moyens de
τῆς τῶν ἄλλων φθορᾶς
défense et sur le secours de
ἀπόλωλεν οὐκ ἐγίνωσκον, Garthage, qui était une de
leurs colonies. Le roi reconnut
ἑώρων δὲ τὴν σκηνὴν
que la ville était
διαρπάζοντας ἐνόπλους inexpugnable par mer, tant à
cause des murs qui
πολεμίους ἄνδρας,
l'environnaient qu'à cause de
ἀγνοοῦντας μὲν τὰς la flotte qui la protégeait de
ce côté. Il remarqua aussi
ἡλωκυίας, πολλὰ δὲ διὰ
que l'attaque était presque
τὴν ἄγνοιαν ἀπρεπῆ impraticable par terre, la ville
étant séparée du continent
πράττοντας, καὶ τὸ
par une passe de quatre
σύνολον ὅλην τὴν ᾿Ασίαν stades de largeur (46). Il
résolut cependant de tout
αἰχμάλωτον μεθ' αὑτῶν
tenter plutôt que de souffrir
γεγενημένην καὶ ταῖς μὲν que cette seule ville bravât la
puissance des Macédoniens.
τῶν σατραπῶν γυναιξὶ
Il déblaya donc le terrain de
προσπιπτούσαις καὶ l'ancienne Tyr, et, avec les
milliers de pierres tirées de
δεομέναις βοηθεῖν οὐχ
ces décombres, il fit élever
οἷον συνεπιλαβέσθαι τινὸς une digue de deux plèthres
de large (47). Il appela à ce
ἴσχυον, ἀλλὰ καὶ αὐταὶ
travail tous les habitants des
ταύτας ἠξίουν villes voisines; et, grâce au
nombre des bras qui y étaie/it
συνεπικουρῆσαι τοῖς
employés, l'ouvrage fut
ἑαυτῶν ἀκληρήμασιν. bientôt terminé.

(5) Οἱ δὲ τοῦ βασιλέως


παῖδες καταλαβόμενοι τὴν
τοῦ Δαρείου σκηνὴν
τἀκείνου λουτρὰ καὶ
δεῖπνα παρεσκευάζοντο
καὶ λαμπάδων πολλὴν
πυρὰν ἅψαντες
προσεδέχοντο τὸν
᾿Αλέξανδρον, ὅπως ἀπὸ
τοῦ διωγμοῦ γενόμενος
καὶ καταλαβὼν ἑτοίμην
πᾶσαν τὴν παρασκευὴν
τοῦ Δαρείου οἰωνίσηται
τὴν ὅλην τῆς ᾿Ασίας
ἡγεμονίαν.

(6) Κατὰ δὲ τὴν μάχην


ἐτελεύτησαν τῶν
βαρβάρων πεζοὶ μὲν
πλείους τῶν δέκα
μυριάδων, ἱππεῖς δ' οὐκ
ἐλάττους τῶν μυρίων,
τῶν δὲ Μακεδόνων πεζοὶ
μὲν εἰς τριακοσίους,
ἱππεῖς δὲ περὶ ἑκατὸν καὶ
πεντήκοντα. μὲν οὖν ἐν
᾿Ισσῷ τῆς Κιλικίας μάχη
τοιοῦτον ἔσχε τὸ τέλος.

[37] Τῶν δὲ βασιλέων


Δαρεῖος μὲν κατὰ κράτος
ἡττημένος εἰς φυγὴν
ὥρμησεν καὶ
μεταλαμβάνων ἄλλον ἐξ
ἄλλου τῶν ἀρίστων ἵππων
κατὰ κράτος ἤλαυνε,
διαφυγεῖν σπεύδων τὰς
᾿Αλεξάνδρου χεῖρας καὶ
τῶν ἄνω σατραπειῶν
ἅψασθαι προαιρούμενος·
(2) ᾿Αλέξανδρος δὲ μετὰ
τῆς ἑταιρικῆς ἵππου καὶ
τῶν ἄλλων ἀρίστων
ἱππέων ἐποιεῖτο τὸν
διωγμόν, σπεύδων
ἐγκρατὴς γενέσθαι τοῦ
Δαρείου. Διανύσας δὲ
σταδίους διακοσίους
ἀνέκαμψεν εἰς τὴν
παρεμβολὴν περὶ μέσας
νύκτας, τοῖς δὲ λουτροῖς
θεραπεύσας τὸν ἐκ τῆς
κακοπαθείας κόπον
ἐτρέπετο πρὸς ἄνεσιν καὶ
δειπνοποιίαν. (3) Πρὸς δὲ
τὴν γυναῖκα καὶ τὴν
μητέρα τοῦ Δαρείου
προσελθών τις ἀπήγγειλεν
ὅτι πάρεστιν ᾿Αλέξανδρος
ἀπὸ τοῦ διωγμοῦ, τὸν
Δαρεῖον ἐσκυλευκώς.
Ἔνθα δὴ κραυγῆς μεγάλης
καὶ κλαυθμοῦ περὶ τὰς
γυναῖκας γενομένου καὶ
τοῦ πλήθους τῶν
αἰχμαλώτων διὰ τὴν
ἀπαγγελίαν
συμπενθοῦντος καὶ πολὺν
ὀδυρμὸν προϊεμένου,
πυθόμενος βασιλεὺς τὸ
περὶ τὰς γυναῖκας πάθος
ἐξέπεμψεν ἕνα τῶν φίλων
Λεοννάτον καταπαύσοντα
τὴν ταραχὴν καὶ
παραμυθησόμενον τὰς
περὶ τὴν Σισύγγαμβριν καὶ
δηλώσοντα διότι Δαρεῖος
μὲν ζῇ, δ' ᾿Αλέξανδρος
ἐπιμέλειαν αὐτῶν
ποιήσεται τὴν
προσήκουσαν καὶ διότι
πρῲ βούλεται
προσαγορεῦσαί τε αὐτὰς
καὶ διὰ τῶν ἔργων
ἀποδείξασθαι τὴν ἰδίαν
φιλανθρωπίαν. (4) Αἱ μὲν
οὖν αἰχμαλωτίδες
προσπεσούσης αὐταῖς
παραδόξου καὶ παντελῶς
ἀπηλπισμένης εὐτυχίας
τόν τε ᾿Αλέξανδρον ὡς
θεὸν προσεδέξαντο καὶ
τῶν ὀδυρμῶν
ἀπηλλάγησαν. (5) δὲ
βασιλεὺς ἅμ' ἡμέρᾳ λαβὼν
ἕνα τῶν φίλων τὸν
μάλιστα τιμώμενον
῾Ηφαιστίωνα παρῆλθε
πρὸς τὰς γυναῖκας.
Ἐχόντων δ' ἀμφοτέρων
ἐσθῆτας μὲν ὁμοίας, τῷ
μεγέθει δὲ καὶ κάλλει
προέχοντος τοῦ
῾Ηφαιστίωνος
Σισύγγαμβρις τοῦτον
ὑπολαβοῦσα εἶναι τὸν
βασιλέα προσεκύνησεν·
διανευόντων δ' αὐτῇ τῶν
παρεστώτων καὶ τῇ χειρὶ
δεικνύντων τὸν
᾿Αλέξανδρον μὲν
Σισύγγαμβρις αἰδεσθεῖσα
τὴν ἄγνοιαν πάλιν ἐξ
ἀρχῆς προσεκύνει τὸν
᾿Αλέξανδρον, (6) δὲ
βασιλεὺς ὑπολαβὼν εἶπεν
μηδὲν φροντίσῃς, μῆτερ·
καὶ γὰρ καὶ οὗτος
᾿Αλέξανδρός ἐστιν. Οὐ
μὴν ἀλλὰ τὴν πρεσβῦτιν
μητέρα προσαγορεύσας
διὰ τῆς φιλανθρωποτάτης
προσηγορίας προεσήμαινε
τοῖς προητυχηκόσι τὴν
μέλλουσαν ἔσεσθαι
φιλανθρωπίαν.
Διαβεβαιωσάμενος δ'
αὐτὴν ὑπάρξειν δευτέραν
μητέρα τοῖς ἔργοις εὐθὺς
ἐκύρωσε τὴν διὰ τῶν
λόγων ἐπαγγελίαν.

[38] Περιέθηκε γὰρ


αὐτῇ κόσμον τε βασιλικὸν
καὶ τὸ προγεγονὸς ἀξίωμα
ταῖς προσηκούσαις τιμαῖς
ἀποκατέστησε· τὴν μὲν
γὰρ θεραπείαν αὐτῇ
πᾶσαν τὴν δοθεῖσαν ὑπὸ
Δαρείου παρέδωκεν, ἰδίαν
δ' ἄλλην οὐκ ἐλάττονα
τῆς προϋπαρχούσης
προσεδωρήσατο καὶ τῆς
μὲν τῶν παρθένων
ἐκδόσεως βέλτιον τῆς
Δαρείου κρίσεως
ἐπηγγείλατο
προνοήσεσθαι, τὸν παῖδα
δὲ θρέψειν ὡς υἱὸν ἴδιον
καὶ βασιλικῆς τιμῆς
ἀξιώσειν. (2)
Προσκαλεσάμενος δ'
αὐτὸν καὶ φιλήσας, ὡς
εἶδεν ἀδεῶς βλέψαντα καὶ
μηδὲν ὅλως
καταπλαγέντα, πρὸς τοὺς
περὶ τὸν ῾Ηφαιστίωνα
εἶπεν ὅτι παῖς ὢν ἓξ
ἐτῶν καὶ τὴν ἀρετὴν ὑπὲρ
τὴν ἡλικίαν προφαίνων
πολλῷ βελτίων ἐστὶ τοῦ
πατρός. Περὶ δὲ τῆς
Δαρείου γυναικὸς καὶ τῆς
περὶ αὐτὴν σεμνότητος
πρόνοιαν ἕξειν ἔφησεν
ὅπως μηδὲν ἀνάξιον πάθῃ
τῆς προγεγενημένης
εὐδαιμονίας. (3) Πολλὰ δὲ
καὶ ἄλλα πρὸς ἔλεον καὶ
φιλανθρωπίαν διαλεχθεὶς
ἐποίησε τὰς γυναῖκας διὰ
τὸ μέγεθος τῆς
ἀνελπίστου χαρᾶς εἰς
ἀκατάσχετα προπεσεῖν
δάκρυα. Ἐπὶ δὲ πᾶσι τοῖς
προειρημένοις δοὺς τὴν
δεξιὰν οὐ μόνον ὑπὸ τῶν
εὖ παθόντων ἐπαίνων
ἐτύγχανεν, ἀλλὰ καὶ παρὰ
πᾶσι τοῖς
συστρατευομένοις
περιβόητον ἔσχε τὴν
ὑπερβολὴν τῆς ἐπιεικείας.
(4) Καθόλου δ' ἔγωγε
νομίζω πολλῶν καὶ καλῶν
ἔργων ὑπ' ᾿Αλεξάνδρου
συντετελεσμένων μηδὲν
τούτων μεῖζον ὑπάρχειν
μηδὲ μᾶλλον ἄξιον
ἀναγραφῆς καὶ μνήμης
ἱστορικῆς εἶναι. (5) Αἱ μὲν
γὰρ τῶν πόλεων
πολιορκίαι καὶ παρατάξεις
καὶ τὰ ἄλλα τὰ κατὰ τὸν
πόλεμον προτερήματα τὰ
πλείονα διὰ τύχην δι'
ἀρετὴν ἐπιτυγχάνεται, δ'
ἐν ταῖς ἐξουσίαις εἰς τοὺς
ἐπταικότας ἔλεος
μεριζόμενος διὰ μόνης
τῆς φρονήσεως γίνεται.
(6) Οἱ πλεῖστοι γὰρ διὰ
τὴν εὐτυχίαν ἐπαίρονται
μὲν ταῖς εὐπραξίαις,
ὑπερήφανοι δ' ἐν ταῖς
εὐτυχίαις γινόμενοι τῆς
ἀνθρωπίνης καὶ κοινῆς
ἀσθενείας
ἐπιλανθάνονται· διὸ καὶ
τοὺς πλείστους ὁρᾶν ἔστι
τὴν εὐτυχίαν ὥσπερ τι
βαρὺ φορτίον φέρειν
ἀδυνατοῦντας. (7)
᾿Αλέξανδρος μὲν οὖν,
καίπερ πολλαῖς γενεαῖς
προγεγονὼς τοῦ καθ'
ἡμᾶς βίου, τυγχανέτω καὶ
παρὰ τῶν
μεταγενεστέρων δικαίου
καὶ πρέποντος ταῖς ἰδίαις
ἀρεταῖς ἐπαίνου.

[39] Δαρεῖος δὲ
διανύσας εἰς Βαβυλῶνα
καὶ τοὺς ἀπὸ τῆς ἐν ᾿Ισσῷ
μάχης διασωζομένους
ἀναλαβὼν οὐκ ἔπεσε τῷ
φρονήματι, καίπερ μεγάλῃ
περιπεπτωκὼς συμφορᾷ,
ἀλλὰ πρὸς τὸν
᾿Αλέξανδρον ἔγραψεν
ἀνθρωπίνως φέρειν τὴν
εὐτυχίαν καὶ τοὺς
αἰχμαλώτους ἀλλάξασθαι
χρημάτων πλῆθος
λαβόντα· προσετίθει δὲ
καὶ τῆς ᾿Ασίας τὴν ἐντὸς
῞Αλυος χώραν καὶ πόλεις
συγχωρήσειν, ἐὰν
βουληθῇ γενέσθαι φίλος.
(2) δ' ᾿Αλέξανδρος
συναγαγὼν τοὺς φίλους
καὶ τὴν μὲν ἀληθινὴν
ἐπιστολὴν
ἀποκρυψάμενος, ἑτέραν
δὲ γράψας ῥέπουσαν πρὸς
τὸ ἑαυτῷ συμφέρον
προσήνεγκε τοῖς
συνέδροις καὶ τοὺς
πρέσβεις ἀπράκτους
ἐξαπέστειλεν. (3) Διόπερ
Δαρεῖος ἀπογνοὺς τὴν διὰ
τῶν ἐπιστολῶν σύνθεσιν
παρασκευὰς μεγάλας
ἐποιεῖτο πρὸς τὸν πόλεμον
καὶ τοὺς μὲν κατὰ τὴν
τροπὴν ἀποβεβληκότας
τὰς πανοπλίας
καθώπλιζεν, ἄλλους δ'
ἐπιλεγόμενος εἰς
στρατιωτικὰς τάξεις
κατέγραφε· τὰς δ' ἐκ τῶν
ἄνω σατραπειῶν
δυνάμεις, ἃς ἀπολελοιπὼς
ἦν διὰ τὴν ὀξύτητα τῆς
στρατείας, μετεπέμπετο.
(4) Καὶ τέλος τοσαύτην
εἰσηνέγκατο σπουδὴν εἰς
τὴν κατασκευὴν τῆς
δυνάμεως ὥστε διπλασίαν
γενέσθαι τῆς ἐν ᾿Ισσῷ
παραταξαμένης·
ὀγδοήκοντα μὲν γὰρ
μυριάδες πεζῶν, εἴκοσι δ'
ἱππέων ἠθροίσθησαν καὶ
χωρὶς ἁρμάτων
δρεπανηφόρων πλῆθος.
Ταῦτα μὲν οὖν ἐπράχθη
κατὰ τοῦτον τὸν
ἐνιαυτόν.

[40] Ἐπ' ἄρχοντος δ'


᾿Αθήνησι Νικηράτου
῾Ρωμαῖοι κατέστησαν
ὑπάτους Μάρκον ᾿Ατίλιον
καὶ Μάρκον Οὐαλέριον,
᾿Ολυμπιὰς δ' ἤχθη
δευτέρα πρὸς ταῖς ἑκατὸν
καὶ δέκα, καθ' ἣν ἐνίκα
Γρύλος Χαλκιδεύς. Ἐπὶ δὲ
τούτων ᾿Αλέξανδρος μετὰ
τὴν ἐν ᾿Ισσῷ νίκην τοὺς
μὲν τελευτήσαντας
ἔθαψεν, ἐν οἷς καὶ τῶν
πολεμίων τοὺς ἐν ταῖς
ἀνδραγαθίαις
θαυμασθέντας· μετὰ δὲ
ταῦτα τοῖς θεοῖς
μεγαλοπρεπεῖς θυσίας
συντελέσας καὶ τοὺς ἐν τῇ
μάχῃ κατ' ἀρετὴν
διαφόρους γενομένους
τιμήσας ταῖς ἀξίαις
ἑκάστους δωρεαῖς ἐφ'
ἡμέρας τινὰς ἀνέλαβε τὴν
δύναμιν.

(2) Ἔπειτα προάγων


ἐπ' Αἰγύπτου καὶ
καταντήσας εἰς τὴν
Φοινίκην τὰς μὲν ἄλλας
πόλεις παρέλαβεν,
ἑτοίμως τῶν ἐγχωρίων
προσδεξαμένων αὐτόν· οἱ
δὲ Τύριοι βουλομένου τοῦ
βασιλέως τῷ ῾Ηρακλεῖ τῷ
Τυρίῳ θῦσαι
προπετέστερον
διεκώλυσαν αὐτὸν τῆς εἰς
τὴν πόλιν εἰσόδου. (3) Τοῦ
δ' ᾿Αλεξάνδρου χαλεπῶς
ἐνέγκαντος καὶ
διαπειλησαμένου
πολεμήσειν τὴν πόλιν οἱ
Τύριοι τεθαρρηκότως
ὑπέμενον τὴν πολιορκίαν,
ἅμα μὲν Δαρείῳ
χαριζόμενοι καὶ τὴν πρὸς
αὐτὸν εὔνοιαν βεβαίαν
τηροῦντες καὶ νομίζοντες
μεγάλας δωρεὰς ἀντὶ
ταύτης τῆς χάριτος
ἀντιλήψεσθαι παρὰ τοῦ
βασιλέως, ἐπισπώμενοι
μὲν τὸν ᾿Αλέξανδρον εἰς
πολυχρόνιον καὶ
ἐπικίνδυνον πολιορκίαν,
διδόντες δ' ἄνεσιν τῷ
Δαρείῳ πρὸς τὰς
παρασκευάς, ἅμα δὲ καὶ
πιστεύοντες τῇ τε
ὀχυρότητι τῆς νήσου καὶ
ταῖς ἐν αὐτῇ παρασκευαῖς,
ἔτι δὲ τοῖς ἀπογόνοις
αὐτῶν Καρχηδονίοις. (4)
δὲ βασιλεὺς ὁρῶν κατὰ
θάλατταν μὲν
δυσπολιόρκητον οὖσαν
τὴν πόλιν διά τε τὴν
παρασκευὴν τῶν κατὰ τὸ
τεῖχος ἔργων καὶ τὴν
ὑπάρχουσαν ἐν αὐτῇ
δύναμιν ναυτικήν, κατὰ δὲ
γῆν σχεδὸν
ἀπραγμάτευτον οὖσαν διὰ
τὸ τέτταρσι σταδίοις
διείργεσθαι τῆς ἠπείρου
ὅμως ἔκρινε συμφέρειν
πάντα κίνδυνον καὶ πόνον
ὑπομένειν ὑπὲρ τοῦ μὴ
καταφρονηθῆναι τὴν τῶν
Μακεδόνων δύναμιν ὑπὸ
μιᾶς καὶ τῆς τυχούσης
πόλεως. (5) Εὐθὺς οὖν
καθαιρῶν τὴν παλαιὰν
λεγομένην Τύρον καὶ
πολλῶν μυριάδων
κομιζουσῶν τοὺς λίθους
χῶμα κατεσκεύαζε
δίπλεθρον τῷ πλάτει.
Πανδημεὶ δὲ
προσλαβόμενος τοὺς
κατοικοῦντας τὰς πλησίον
πόλεις ταχὺ διὰ τὰς
πολυχειρίας ἠνύετο τὰ
τῶν ἔργων.

[41] Οἱ δὲ Τύριοι τὸ XLI. Les Tyriens


μὲν πρῶτον προσπλέοντες s'approchant, sur leurs
barques, de la digue en
τῷ χώματι κατεγέλων τοῦ
construction, se moquaient
βασιλέως, εἰ τοῦ d'abord du roi et lui
demandaient en riant s'il
Ποσειδῶνος ἑαυτὸν δοκεῖ
voulait être plus fort que
περιέσεσθαι· μετὰ δὲ Neptune. Mais en voyant,
contre leur attente, la jetée
ταῦτα παραδόξως τοῦ
s'exhausser de jour en jour,
χώματος αὐξομένου τέκνα ils résolurent de transporter à
Carthage les enfants, les
μὲν καὶ γυναῖκας καὶ τοὺς
femmes et les vieillards et de
γεγηρακότας εἰς ne conserver que la
population valide pour la
Καρχηδόνα διακομίζειν
défense dès murs et
ἐψηφίσαντο, τοὺς δ' l'armement de quatre-vingts
trirèmes. Ils eurent encore le
ἀκμάζοντας ταῖς ἡλικίαις
temps d'expédier à Carthage
ἐπέλεξαν πρὸς τὴν une partie de leurs enfants et
de leurs femmes, mais,
τειχομαχίαν καὶ
serrés de près par les travaux
ναυμαχίαν ἑτοίμως de siège, et hors d'état de se
défendre par leur flotte, ils
παρεσκεύαζον, ἔχοντες
furent forcés à soutenir le
τριήρεις ὀγδοήκοντα. (2) siège de toutes parts.
Quoiqu'ils fussent déjà
Τέλος δὲ τῶν τέκνων καὶ
abondamment pourvus de
γυναικῶν μέρος μὲν catapultes et d'autres
machines de guerre, ils en
ἔφθασαν ὑπεκθέμενοι
firent construire beaucoup
πρὸς τοὺς Καρχηδονίους, d'autres encore, ce qui leur
était facile en raison dn grand
καταταχούμενοι δ' ὑπὸ
nombre de mécaniciens et
τῆς πολυχειρίας καὶ ταῖς d'autres ouvriers que
renfermait Tyr. Après avoir
ναυσὶν οὐκ ὄντες
ainsi rassemblé des
ἀξιόμαχοι instruments de guerre de
toutes sortes, dont plusieurs
συνηναγκάσθησαν
avaient été nouvellement
ὑπομεῖναι πανδημεὶ τὴν imaginés, ils en garnirent
toute l'enceinte de la ville,
πολιορκίαν. (3) Ἔχοντες
mais surtout l'endroit où la
δὲ πολλὴν δαψίλειαν digue touchait au mur.
Lorsque l'ouvrage des
καταπελτῶν καὶ τῶν
Macédoniens n'était plus qu'à
ἄλλων μηχανῶν τῶν πρὸς une portée de trait, les dieux
envoyèrent aux assiégeants
πολιορκίαν χρησίμων
quelques augures. Un cétacé
ἑτέρας πολλαπλασίους d'une grosseur énorme,
κατεσκεύασαν ῥᾳδίως διὰ poussé par l'impétuosité des
vagues, vint tomber contre la
τῶν ἐν τῇ Τύρῳ
chaussée sans faire aucun
μηχανοποιῶν καὶ τῶν dommage ; une partie de son
corps y resta longtemps
ἄλλων τεχνιτῶν
appliquée, et frappa
παντοδαπῶν ὄντων. (4) d'épouvante les spectateurs;
mais le monstre rentra dans
διὰ δὲ τούτων ὀργάνων
la mer et laissa les deux
παντοδαπῶν καὶ ξένων partis flotter dans des
craintes superstitieuses.
ταῖς ἐπινοίαις
Chacun interprétait ce
κατασκευαζομένων ἅπας prodige dans un sens
favorable, comme l'annonce
μὲν περίβολος τῆς
d'un secours de Neptune.
πόλεως ἐπληρώθη τῶν D'autres prodiges vinrent
encore ajouter à la terreur de
μηχανῶν, μάλιστα δὲ κατὰ
la foule. Chez les
τὸν τόπον τοῦτον ἐν τὸ Macédoniens, les pains que
l'on brisait pour les manger
χῶμα συνήγγιζε τῷ τείχει.
étaient comme teints de
(5) Ὡς δ' εἰς τὴν ἄφεσιν sang. Un Tyrien prétendait
avoir eu une vision dans
τοῦ βέλους διέτεινε τὸ
laquelle Apollon lui disait qu'il
κατασκευαζόμενον ὑπὸ allait quitter la ville. Mais le
peuple soupçonna que c'était
τῶν Μακεδόνων ἔργον,
là une fable forgée pour
καὶ παρὰ τῶν θεῶν τινα complaire à Alexandre, et
déjà les jeunes gens
προεσημαίνετο τοῖς
couraient après cet homme
κινδυνεύουσιν. Ἐκ μὲν γὰρ pour le lapider, lorsque les
magistrats le cachèrent en le
τοῦ πελάγους κλύδων
faisant entrer comme
προσεπέλασε τοῖς ἔργοις suppliant dans le temple
d'Hercule. Cependant les
κῆτος ἄπιστον τὸ
Tyriens superstitieux lièrent
μέγεθος, προσπεσὸν τῷ avec des chaînes d'or le
piédestal de la statue
χώματι κακὸν μὲν οὐδὲν
d'Apollon, se flattant ainsi
εἰργάσατο, τῷ δ' ἑτέρῳ d'empêcher le dieu de quitter
leur ville.
μέρει τοῦ σώματος
XLII. Les Tyriens, alarmés
προσανακεκλιμένον ἐπὶ des progrès des travaux de la
πολὺν χρόνον ἔμενε καὶ digue, armèrent les
bâtiments légers d'un grand
πολλὴν κατάπληξιν nombre de projectiles, de
παρείχετο τοῖς θεωμένοις catapultes, d'archers et de
frondeurs. S'approchant ainsi
τὸ παράδοξον, (6) πάλιν δ' de la chaussée en
εἰς τὸ πέλαγος νηξάμενον construction, ils blessèrent ou
tuèrent beaucoup d'ouvriers ;
εἰς δεισιδαιμονίαν
car, les traits lancés sur des
ἀμφοτέρους προηγάγετο· hommes sans armes et
serrés les uns contrôles
ἑκάτεροι γὰρ ὡς τοῦ
autres, frappaient un but
Ποσειδῶνος αὐτοῖς certain et exposé à tous les
coups. Aussi les flèches
βοηθήσειν μέλλοντος
atteignaient-elles non-
διέκρινον τὸ σημεῖον, seulement la face, mais
encore le dos des travailleurs
ῥέποντες ταῖς γνώμαις
occupés sur une chaussée
πρὸς τὸ ἴδιον συμφέρον. étroite et dans l'impossibilité
de résister à l'ennemi des
(7) Ἐγίνετο δὲ καὶ ἄλλα
deux côtés à la fois.
σημεῖα παράδοξα, Alexandre, pour remédier à
ce grave inconvénient, arma
δυνάμενα διατροπὴν καὶ
tous ses navires, et, se
φόβον τοῖς ὄχλοις mettant lui-même à la tête de
la flotte, se dirigea en toute
παρασχέσθαι. κατὰ γὰρ
hâte vers le port de Tyr pour
τὰς τροφὰς παρὰ τοῖς intercepter la retraite aux
Phéniciens. Dans la crainte
Μακεδόσιν οἱ διακλώμενοι
que les ports ne tombassent
τῶν ἄρτων αἱματοειδῆ au pouvoir de l'ennemi qui
pourrait s'emparer de la ville
τὴν πρόσοψιν εἶχον.
laissée sans défense, les
Ἑωρακέναι δέ τις ἔφησεν Barbares s'empressèrent de
rentrer à Tyr. Des deux côtés,
ὄψιν καθ' ἣν ᾿Απόλλων
on fit force de rames; déjà les
ἔλεγε μέλλειν ἑαυτὸν Macédoniens allaient toucher
au port et les Phéniciens se
ἐκλιπεῖν τὴν πόλιν. (8) Τοῦ
voyaient tout près de leur
δὲ πλήθους ὑπονοήσαντος ruine, lorsque, redoublant
d'efforts, ceux-ci
ὅτι πεπλακὼς εἴη τὸν
abandonnèrent les navires
λόγον χαριζόμενος laissés en arrière et
parvinrent à se réfugier dans
᾿Αλεξάνδρῳ καὶ διὰ τοῦτο
la ville. Renonçant à son
τῶν νεωτέρων entreprise, le roi fit reprendre
avec plus d'ardeur encore les
ὁρμησάντων ἐπὶ τὸ
travaux de la digue et
λιθοβολῆσαι τὸν défendit les ouvriers par un
grand nombre de bâtiments.
ἄνθρωπον οὗτος μὲν διὰ
L'ouvrage allait déjà atteindre
τῶν ἀρχόντων ἐκκλαπεὶς la ville, dont la prise semblait
imminente, lorsqu'un violent
καὶ καταφυγὼν εἰς τὸ τοῦ
vent de nord-ouest (48)
῾Ηρακλέους ἱερὸν διέφυγε endommagea une grande
τὴν τιμωρίαν διὰ τὴν partie de la digue. En voyant
ses travaux ruinés par la
ἱκεσίαν, οἱ δὲ Τύριοι
nature, Alexandre fut
δεισιδαιμονήσαντες fortement embarrassé et se
repentit déjà d'avoir tenté ce
χρυσαῖς σειραῖς
siège ; mais en même temps,
προσέδησαν τὸ τοῦ poussé par un désir
irrésistible de vaincre, il fit
᾿Απόλλωνος ξόανον τῇ
couper dans les montagnes
βάσει, ἐμποδίζοντες, ὡς des arbres énormes qui,
étant jetés avec toutes leurs
ᾤοντο, τοῦ θεοῦ τὸν ἐκ
branches dont les intervalles
τῆς πόλεως χωρισμόν. étaient remplis de terre,
servirent à amortir la
[42] Μετὰ δὲ ταῦτα οἱ violence des flots. Il répara
μὲν Τύριοι τὴν αὔξησιν ainsi promptement le
dommage causé par la
τοῦ χώματος tempête, et lorsque la
εὐλαβηθέντες ἐπλήρωσαν construction, grâce au
nombre des bras qui y étaient
πολλὰ τῶν ἐλαττόνων employés, n'était plus qu'à
σκαφῶν ὀξυβελῶν τε (καὶ) une portée de trait des murs
de la ville, il fit placer ses
καταπελτῶν καὶ τοξοτῶν machines de guerre sur
καὶ σφενδονητῶν ἀνδρῶν l'extrémité de la digue. Il
battait ainsi les murs en
καὶ προσπλεύσαντες τοῖς brèche avec les balistes et les
ἐργαζομένοις τὸ χῶμα catapultes, en même temps
qu'il balayait les remparts à
πολλοὺς μὲν κατέτρωσαν, coups de traits. Les archers
οὐκ ὀλίγους δὲ et les frondeurs aidèrent à
ces attaques et blessèrent un
ἀπέκτειναν· (2) εἰς grand nombre d'assiégés.
ἀνόπλους γὰρ καὶ πυκνοὺς XLIII. Cependant les
Tyriens, marins
πολλῶν καὶ παντοίων
expérimentés, firent
βελῶν φερομένων οὐδεὶς construire par leurs artisans
et leurs mercenaires des
ἡμάρτανεν, ἑτοίμων καὶ
machines de guerre
ἀφυλάκτων τῶν σκοπῶν ingénieuses. Ainsi, pour se
garantir des traits lancés par
κειμένων. Συνέβαινε γὰρ
les catapultes, ils inventèrent
οὐ μόνον κατὰ πρόσωπον des roues divisées par des
rayons nombreux; ces roues
τὰ φερόμενα βέλη
étant tournées à l'aide d'une
προσπίπτειν, ἀλλὰ καὶ machine, détruisaient l'effet
des flèches, soit en les
πρὸς τὰ νῶτα τῶν
brisant, soit en les tordant.
ἀντιπροσώπων ὄντων ἐν Quant aux pierres lancées
στενῷ χώματι διικνεῖσθαι par les balistes, ils en
amortissaient l'effet par des
καὶ μηδένα δύνασθαι
constructions formées de
διαφυλάξασθαι τοὺς ἐξ matières molles. Cependant,
le roi attaqua les murs du
ἀμφοτέρων τῶν μερῶν
côté de la digue en même
κατατιτρώσκοντας. (3) temps qu'il fit, avec toute sa
flotte, le tour de la ville et en
δ' ᾿Αλέξανδρος τὸ
examina l'enceinte ; il était
παράλογον τῆς συμφορᾶς évident qu'il se disposait à
bloquer la ville tout à la fois
βουλόμενος ὀξέως
par terre et par mer.
διορθώσασθαι, πληρώσας Les.Tyriens n'osèrent point se
mesurer avec cette flotte ; et
πάσας τὰς ναῦς καὶ
Alexandre, rencontrant trois
καθηγούμενος αὐτὸς ἔπλει trirèmes à l'entrée du port, se
dirigea sur elles, les coula
κατὰ σπουδὴν ἐπὶ τὸν
toutes et rentra dans son
λιμένα τῶν Τυρίων καὶ camp. Pour doubler en
quelque sorte la sécurité que
τὴν ἐπάνοδον τῶν
le mur leur offrait, les Tyriens
Φοινίκων ὑπετέμνετο. (4) construisirent, à cinq coudées
(49) de celui-ci, un σecond
Οἱ δὲ βάρβαροι
mur de dix coudées de large,
φοβηθέντες μήποτε et comblèrent l'intervalle
creux de ces deux enceintes
κυριεύσας τῶν λιμένων
avec des pierres et des
καταλάβηται τὴν πόλιν matières de terrassement. De
son côté, Alexandre, joignant
ἔρημον οὖσαν
ensemble plusieurs trirèmes,
στρατιωτῶν, κατὰ πολλὴν établit sur ce pont flottant
des machines de guerre avec
σπουδὴν ἀνέπλεον εἰς τὴν
lesquelles il battit le mur en
Τύρον. Ἀμφοτέρων δὲ διὰ brèche dans retendue d'un
plèthre (50). Déjà les
τὴν ὑπερβολὴν τῆς
Macédoniens se disposaient à
φιλοτιμίας ταῖς εἰρεσίαις pénétrer par cette brèche
dans l'intérieur de la ville,
πυκναῖς χρωμένων καὶ
lorsque les Tyriens firent
τῶν Μακεδόνων ἤδη pleuvoir sur eux une grêle de
traits et parvinrent, non sans
πλησιαζόντων τοῖς
peine, à les repousser; ils
λιμέσιν οἱ Φοίνικες παρ' profitèrent de la nuit pour
réparer leur mur. Enfin, la
ὀλίγον μὲν ἦλθον τοῦ
digue atteignit les murs de la
πάντες ἀπολέσθαι, ville, et transforma
remplacement de Tyr en une
παρεισπεσόντες δ' ὅμως
presqu'île ; il se livra alors
τῇ βίᾳ καὶ τὰς τελευταίας sous les remparts plusieurs
ναῦς ἀποβαλόντες combats sanglants. Les
assiégés, ayant sous les yeux
διεσώθησαν εἰς τὴν πόλιν.
les dangers qui les
(5) δὲ βασιλεὺς μεγάλης menaçaient et calculant les
désastres qui résulteraient de
ἐπιβολῆς ἀποτυχὼν πάλιν
la prise de leur ville, étaient
προσεκαρτέρει τῷ χώματι résolus à se défendre en
désespérés. Le» Macédoniens
καὶ τῷ πλήθει τῶν νεῶν
firent approcher des tours
παρείχετο τοῖς égales en hauteur aux murs
de la ville ; du sommet de ces
ἐργαζομένοις τὴν
tours élevées ils jetèrent des
ἀσφάλειαν. Τῶν δ' ἔργων ponts volants, et sautèrent
hardiment sur les créneaux.
πλησιαζόντων τῇ πόλει
Mais les Tyriens trouvaient de
καὶ τῆς ἁλώσεως grands moyens de défense
dans l'emploi de leurs
προσδοκωμένης ἀργέστης
machines si ingénieusement
ἄνεμος μέγας ἐπεγένετο construites. A l'aide
d'énormes tridents d'airain,
καὶ τοῦ χώματος πολὺ
terminés en forme de
μέρος ἐλυμήνατο. (6) δ' hameçonsj ils accrochaient
aux boucliers les soldats
᾿Αλέξανδρος εἰς
postés sur les tours, et les
ἀμηχανίαν ἐμπίπτων διὰ ayant ainsi bien fixés, ils
attiraient les assiégeants à
τὴν αὐτόματον τῶν ἔργων
eux au moyen de câbles
φθορὰν μετεμέλετο μὲν attachés à ces tridents. Il
fallait donc ou lâcher les
ἐπὶ τῇ τῆς πολιορκίας
boucliers et exposer le corps
ἐπιβολῇ, ὅμως δὲ τῇ nu à une grêle de traits, ou,
pour éviter la honte de
φιλοτιμίᾳ προαγόμενος ἐκ
perdre les armes, se tuer, en
τῆς ὀρεινῆς ἐκκόπτων se précipitant du haut des
tours. D'autres se servaient
ὑπερμεγέθη δένδρα
de filets de pêcheur pour
παρεκόμιζε καὶ σὺν αὐτοῖς envelopper les hommes qui
combattaient sur les ponts
τοῖς κλάδοις ἐγχώσας
volants; et, les privant de
ἐνέφραξε τὴν βίαν τοῦ l'usage de leurs mains, ils les
faisaient tomber au pied des
κλύδωνος. (7) Ταχὺ δ'
murs.
ἀποκαταστήσας τὰ XLIV. Les Tyriens eurent
πεπονηκότα τοῦ χώματος encore recours à une autre
invention ingénieuse pour
καὶ τῇ πολυχειρίᾳ abattre le courage de leurs
προκόψας εἰς βέλους ennemis et leur infliger
d'atroces tortures. Ils
ἄφεσιν ἐπέστησε τὰς construisirent des boucliers
μηχανὰς ἐπ' ἄκρον τὸ d'airain et de fer qu'ils
remplirent de sable, et les
χῶμα καὶ τοῖς μὲν
exposèrent à un grand feu
πετροβόλοις κατέβαλλε afin de rendre ce sable
brûlant. Au moyen d'une
τὰ τείχη, τοῖς δ'
machine particulière, ils
ὀξυβελέσιν ἀνεῖργε τοὺς lançaient ce sable sur les plus
hardis assaillants et leur
ἐπὶ τῶν ἐπάλξεων
faisaient essuyer des
ἐφεστῶτας· tourments cruels; car ce
sable, pénétrant à travers la
συνηγωνίζοντο δὲ τούτοις
cuirasse et les vêtements,
οἵ τε τοξόται καὶ brûlait la chair sans, qu'on
pût porter des secours aux
σφενδονῆται καὶ πολλοὺς
malheureux qui en étaient
τῶν ἐν τῇ πόλει atteints. Pareils à des
hommes mis à la torture, ils
παραβοηθοῦντας
poussaient des cris
κατετίτρωσκον. déchirants ; ils étaient saisis
de délire, et expiraient dans
[43] Οἱ δὲ Τύριοι d'affreuses douleurs. En
χαλκεῖς ἔχοντες τεχνίτας même temps que les
Phéniciens lançaient ces
καὶ μηχανοποιοὺς projectiles brûlants, ils
κατεσκεύασαν φιλότεχνα accablaient les assaillants
d'une grêle de javelots, de
βοηθήματα. Πρὸς μὲν γὰρ pierres et de flèches. De plus,
τὰ καταπελτικὰ βέλη avec des vergues armées de
faux, ils coupaient les câbles
τροχοὺς κατεσκεύασαν des béliers et en détruisaient
διειλημμένους πυκνοῖς ainsi l'action. Ils lançaient
aussi sur les ennemis des
διαφράγμασι, τούτους δὲ masses de fer rougies au feu,
διά τινος μηχανῆς qui ne manquaient jamais
leur but à cause de
δινεύοντες τὰ μὲν l'épaisseur des rangs
συνέτριβον, τὰ δὲ ennemis. Enfin, à l'aide de
corbeaux et de mains de fer,
παρέσυρον τῶν βελῶν, ils arrachaient les soldats des
πάντων δὲ τὴν ἐκ τῆς ponts volants. Grâce à toutes
ces machines, mises en jeu
βίας φορὰν ἐξέλυον· τοὺς par tant de bras, ils tuaient
δ' ἐκ τῶν πετροβόλων un grand nombre
d'assaillants.
φερομένους λίθους
XLV. Malgré la terreur que
δεχόμενοι μαλακαῖς τισι les assiégés répandaient par
leurs moyens de défense, les
καὶ συνενδιδούσαις
Macédoniens ne se
κατασκευαῖς ἐπράυνον désistaient point de leur
τὴν ἐκ τῆς ὀργανικῆς βίας audace; et, marchant sur les
corps de ceux qui étaient
δύναμιν. (2) δὲ βασιλεὺς
tombés, ils ne songeaient
ἅμα τῇ κατὰ τὸ χῶμα point au sort malheureux de
leurs compagnons d'armes.
προσβολῇ παντὶ τῷ στόλῳ
Alexandre opposa aux
περιέπλει τὴν πόλιν καὶ τὰ balistes de l'ennemi des
catapultes oui, lançant
τείχη περιεσκέπτετο καὶ
d'énormes pierres,
φανερὸς ἦν πολιορκήσων ébranlèrent les murs, et du
haut des tours de bois il fit
τὴν πόλιν κατὰ γῆν ἅμα
pleuvoir une grêle de traits
καὶ κατὰ θάλατταν. (3) qui blessèrent
dangereusement ceux qui se
Τῶν δὲ Τυρίων
montraient sur les remparts.
ἀνταναχθῆναι μὲν τῷ Pour se garantir de l'effet de
ces projectiles, les Tyriens
στόλῳ μηκέτι τολμώντων,
avaient placé en avant des
τρισὶ δὲ ναυσὶν murs des roues de marbre
qui, [par un mouvement de
ὁρμούντων πρὸ τοῦ
rotation imprimé par quelque
λιμένος βασιλεὺς machine , brisaient les
flèches ou les détournaient
ἐπιπλεύσας αὐταῖς καὶ
de leur direction, et en
πάσας συντρίψας faisaient ainsi manquer
l'effet. En outre, ils avaient
ἐπανῆλθεν ἐπὶ τὴν ἰδίαν
fait coudre ensemble des
στρατοπεδείαν. Οἱ δὲ peaux et dés cuirs plies en
double et rembourrés de
Τύριοι βουλόμενοι
plantes marines : ils se
διπλασιάσαι τὴν ἀπὸ τῶν servaient de ces substances
molles pour amortir le choc
τειχῶν ἀσφάλειαν,
des projectiles (51). Enfin les
ἀποστήσαντες πέντε Tyriens n'avaient rien négligé
pour leur défense. Munis de
πήχεις ἕτερον τεῖχος
tant de secours, ils tinrent
ᾠκοδόμουν δέκα πηχῶν τὸ intrépidement tète à l'ennemi
: quittant l'enceinte et les
πλάτος καὶ τὴν ἀνὰ μέσον
poste de l'intérieur des tours,
τῶν τειχῶν σύριγγα λίθων ils s'avancèrent jusqu'aux
ponts jetés surles murs pour
καὶ χώματος ἐπλήρουν.
se mesurer avec les
(4) δ' ᾿Αλέξανδρος τὰς assaillants; là, ils luttaient
corps à corps pour le salut de
τριήρεις ζευγνύων καὶ
la patrie ; quelques-uns
μηχανὰς παντοδαπὰς d'entre eux, armés de
haches, coupèrent à l'ennemi
αὐταῖς ἐπιστήσας
la partie du corps qui se
κατέβαλεν ἐπὶ πλέθρον montrait à découvert. C'est
τοῦ τείχους· καὶ διὰ τοῦ ainsi qu'un des chefs
macédoniens nommé
πτώματος εἰσέπιπτον εἰς
Admète, homme brave et
τὴν πόλιν. (5) Οἱ δὲ Τύριοι vigoureux, résistant
vaillamment aux Tyriens, fut
τοὺς εἰσβιαζομένους
frappé au milieu de la tête
πυκνοῖς βέλεσι βάλλοντες d'un coup de hache, et expira
en héros (52). Voyant les
μόγις ἀπεστρέψαντο καὶ
Macédoniens serrés de si
τὸ πεπτωκὸς μέρος τοῦ près par les Tyriens,
Alexandre fit, à l'approche de
τείχους ἀνῳκοδόμησαν
la nuit, sonner la retraite. Il
νυκτὸς ἐπιλαβούσης. songea d'abord à lever le
siège et à continuer sa
Μετὰ δὲ ταῦτα τοῦ
marche vers l'Egypte ; mais il
χώματος συνάψαντος τῷ se ravisa, pensant qu'il serait
honteux de laisser aux
τείχει καὶ τῆς πόλεως
Tyriens toute la gloire de ce
χερρονήσου γενομένης siège, et, bien qu'il n'y eût de
son avis qu'un seul de ses
πολλοὺς καὶ μεγάλους
amis, Amyntas, fils
ἀγῶνας συνέβαινε d'Andromède, il recommença
l'assaut.
γίνεσθαι κατὰ τὴν
XLVI. Alexandre exhorta
τειχομαχίαν. (6) Οἱ μὲν les Macédoniens à ne pas lui
γὰρ τὸ δεινὸν ἔχοντες ἐν céder en courage ; puis, il
arma tous les navires et
ὀφθαλμοῖς καὶ τὴν ἐκ τῆς bloqua vigoureusement la
ἁλώσεως συμφορὰν ville par terre et par mer.
S'étant aperça que le mur
ἀναλογιζόμενοι ταῖς était plus faible dans la partie
ψυχαῖς οὕτω παρέστησαν qui regarde les ports, il y
dirigea les ponts des trirèmes
πρὸς τὸν κίνδυνον ὥστε sur lesquelles il avait dressé
τοῦ θανάτου les plus fortes machines de
guerre. Ce fut dans cet
καταφρονῆσαι. (7) Τῶν assaut que le roi accomplit
γὰρ Μακεδόνων un fait d'armes d'une audace
incroyable. Il abaissa sur le
προσαγόντων πύργους mur de la ville le pont volant
ὑψηλοὺς ἴσους τοῖς de l'une des tours de bois, il
le traversa seul, défiant la
τείχεσι καὶ διὰ τούτων fortune et bravant le
τὰς ἐπιβάθρας désespoir des Tyriens; jaloui
d'avoir pour témoin de sa
ἐπιβαλλόντων καὶ bravoure cette armée qui
θρασέως ταῖς ἐπάλξεσιν avait battu les Perses, il
ordonna aux autres
ἐπιβαινόντων οἱ μὲν Macédoniens de le suivre, il
Τύριοι διὰ τὴν ἐπίνοιαν se mit à leur tête, il en vint
aux mains avec les assiégés
τῶν ὀργανοποιῶν πολλὰ
et tua les uns à coups de
πρὸς τὴν τειχομαχίαν lance, les autres avec son
épée. Il repoussa même
εἶχον βοηθήματα. (8)
quelques-uns avec son
Χαλκευσάμενοι γὰρ bouclier, et comprima
l'audace de ses adversaires.
εὐμεγέθεις τριόδοντας
Dans cet intervalle, le bélier
παρηγκιστρωμένους renversa sur un autre point
un pan de mur considérable.
τούτοις ἔτυπτον ἐκ χειρὸς
Les Macédoniens pénétrèrent
τοὺς ἐπὶ τῶν πύργων par cette ouverture dans
l'intérieur de la ville, en
καθεστῶτας.
même temps la troupe
Ἐμπηγνυμένων δὲ εἰς τὰς d'Alexandre franchit les murs
au moyen des ponts volants
ἀσπίδας τούτων καὶ
et se rendit maître de la ville.
κάλους ἐχόντων Mais les Tyriens, rassemblant
toutes leurs forces, se
προσδεδεμένους εἷλκον
barricadèrent dans les rues et
πρὸς ἑαυτοὺς se firent presque tous
écharper au nombre de plus
ἐπιλαμβανόμενοι τῶν
de sept mille (53). Le roi
κάλων. (9) Ἀναγκαῖον οὖν vendit les femmes et les
enfants à l'enchère et fit
ἦν προΐεσθαι τὰ ὅπλα καὶ
pendre tous les jeunes gens,
γυμνουμένους τὰ σώματα au nombre d'au moins deux
mille. Quant aux prisonniers,
κατατιτρώσκεσθαι
ils étaient si nombreux que,
πολλῶν φερομένων βελῶν quoique la plupart des
habitants eussent été
τηροῦντας τὰ ὅπλα διὰ
transportés à Carthage, il n'y
τὴν αἰσχύνην πίπτειν ἀφ' en eut pas moins de treize
mille(54).
ὑψηλῶν πύργων καὶ
Tel fut le sort des Tyriens
τελευτᾶν. (10) Ἄλλοι δ' qui, avec plus de courage que
ἁλιευτικὰ δίκτυα τοῖς ἐπὶ de prudence, avaient soutenu
un siège de sept mois. Le roi
τῶν ἐπιβαθρῶν ôta à la statue d'Apollon les
διαμαχομένοις chaînes d'or dont les Tyriens
l'avaient entourée, et
ἐπιρριπτοῦντες καὶ τὰς prescrivit de donner à ce dieu
χεῖρας ἀχρήστους le nom à'Apollon
Philaleœandre. Il offrit à
ποιοῦντες κατέσπων καὶ Hercule de magnifiques
περιεκύλιον ἀπὸ τῆς sacrifices, distribua des
récompenses aux plus braves
ἐπιβάθρας ἐπὶ τὴν γῆν. soldats, ensevelit les morts
[44] Ἕτερον δ' avec pompe, institua roi de
Tyr Ballonymus (55) dont la
ἐπενόησαν εὕρεμα
fortune singulière mérite
φιλότεχνον κατὰ τῆς τῶν d'être mentionnée.
Μακεδόνων ἀνδρείας, δι' XLVII. L'ancien roi Straton
perdit le trône par son amitié
οὗ τοὺς ἀρίστους τῶν pour Darius. Alexandre laissa
πολεμίων ἀμηχάνοις καὶ Hephœstion maître de choisir
parmi ses hôtes celui qu'il
δειναῖς περιέβαλον voudrait pour roi de Tyr.
τιμωρίαις. Voulant du bien à l'hôte chez
lequel il était logé,
κατασκευάσαντες γὰρ Hephœstion avait d'abord
ἀσπίδας χαλκᾶς καὶ songé à le proclamer
souverain de la ville. Mais
σιδηρᾶς καὶ ταύτας celui-ci, quoiqu'un des
πληρώσαντες ἄμμου φλογὶ citoyens les plus riches et les
plus considérés, refusa cette
πολλῇ συνεχῶς ὑπέκαιον offre, comme n'ayant aucune
καὶ διάπυρον parenté avec la famille
royale. Hephœstion lui
κατεσκεύαζον τὴν ἄμμον. demanda alors de désigner à
(2) Ταύτην δὲ διά τινος son choix un descendant de
race royale; son hôte lui
μηχανῆς τοῖς θρασύτατα répondit qu'il en existait un,
μαχομένοις ἐπερρίπτουν homme sage et vertueux,
mais extrêmement pauvre.
καὶ ταῖς ἐσχάταις Hephœstion lui ayant
συμφοραῖς περιέβαλλον répliqué qu'il le ferait
nommer roi, l'hôte se
τοὺς ὑποπεσόντας· διὰ chargea de la négociation. Il
γὰρ τῶν θωράκων καὶ τῶν se rendit donc auprès de
celui qui venait d'être nommé
ὑποδυτῶν παρεισπίπτουσα roi de Tyr et lui apporta le
ἄμμος καὶ διὰ τὴν manteau royal. Il trouva ce
pauvre homme couvert de
ὑπερβολὴν τῆς θερμασίας haillons et occupe dans un
λυμαινομένη τὰς σάρκας jardin à puiser de l'eau pour
un faible salaire. Après lui
ἀβοήθητον ἐποίει τὸ avoir appris l'événement, il le
ἀτύχημα. (3) Διὸ καὶ revêtit des ornements
royaux, le conduisit sur la
παραπλησίως τοῖς place publique et le proclama
βασανιζομένοις πᾶσαν roi des Tyriens. La multitude
accueillit ce nouveau roi avec
δεητικὴν φωνὴν des démonstrations de joie,
προϊέμενοι τοὺς μὲν et admira elle-même ce
caprice de la fortune.
ἐπικουρήσοντας οὐκ Ballonymus resta attaché à
εἶχον, αὐτοὶ δὲ διὰ τὴν Alexandre, et sa royauté peut
servir d'exemple à ceux qui
δεινότητα τοῦ πάθους εἰς
ignorent les vicissitudes du
μανιώδεις διαθέσεις sort.
ἐμπίπτοντες ἐτελεύτων, Après nous être occupés
d'Alexandre, nous allons
ἐλεεινῷ καὶ ἀμηχάνῳ aborder le récit d'autres
πάθει περιπίπτοντες. (4) événements.
Ἅμα δὲ καὶ πῦρ XLVIII. En Europe, Agis,
roi des Lacédémoniens, qui
ἐπερρίπτουν καὶ σαυνία avait recueilli huit mille
καὶ λίθους ἐπέβαλλον οἱ mercenaires, débris de la
bataille d'Issus, médita
Φοίνικες καὶ τῷ πλήθει quelque entreprise pour
τῶν βελῶν κατεπόνουν gagner les bonnes grâces de
Darius. Acceptant les navires
τὰς ἀρετὰς τῶν et l'argent que Darius lui
ἀνθισταμένων καὶ ταῖς avait offerts, il fit voile pour la
Crète, et soumit la plupart
μὲν δρεπανηφόροις des villes de cette île à la
κεραίαις τὰς τῶν κριῶν domination des Perses.
Amyntas, exilé de la
ὁρμιστηρίας
Macédoine, s'était réfugié
ὑποτέμνοντες ἄχρηστον auprès de Darius, et avait
combattu avec les Perses en
τὴν τῶν ὀργάνων βίαν
Cilicie. Après la bataille
ἐποίουν, ταῖς δὲ d'Issus il se sauva avec
quatre mille mercenaires à
πυρφόροις μύδρους
Tripolis, en Phénicie, où il
μεγάλους διαπύρους était arrivé avant Alexandre.
Là, il choisit dans toute la
ἐπέβαλλον εἰς τὸ πλῆθος
flotte un nombre de
τῶν πολεμίων καὶ διὰ τὴν vaisseaux suffisant pour
embarquer ses soldats, et
πυκνότητα τῶν ἀνδρῶν
brûla le reste. Il se rendit
οὐχ ἡμάρτανον τῶν ensuite à Cypre, où il réunit
encore des soldats et des
σκοπῶν, τοῖς δὲ κόραξι
navires. De là, il fit ensuite
καὶ ταῖς σιδηραῖς χερσὶν voile pour Peluse, et se rendit
maître de cette ville, se
ἀνήρπαζον τοὺς τοῖς
disant envoyé par Darius
θωρακείοις ἐφεστῶτας. pour remplacer dans le
commandement le satrape
(5) Τῇ δὲ πολυχειρίᾳ
gouverneur d'Egypte, tombé
πάσας τὰς μηχανὰς dans la bataille d'Issus. Puis,
il se rendit à Memphis, et
ἐνεργεῖς ποιοῦντες
défit les habitants dans un
πολλοὺς τῶν βιαζομένων combat engagé sous les
ἀπέκτεννον. portes de leur ville. Mais les
soldats s'étant ensuite livrés
[45] Ἀνυπερβλήτου δὲ au pillage, les habitants firent
τῆς ἐκπλήξεως οὔσης καὶ une sortie, tombèrent sur les
pillards dispersés dans la
τῆς ἐν τοῖς ἀγῶσι campagne et en tuèrent un
δεινότητος ἀνυποστάτου grand nombre ; Amyntas lui-
même se trouva parmi les
γινομένης οὐδ' ὣς ἔληγον morts. Telle fut la fin
τῆς τόλμης οἱ Μακεδόνες, d'Amyntas qui avait conçu de
si grands projets, mais qui fut
ἀλλὰ τοὺς ἀεὶ πίπτοντας déçu dans son espérance.
ὑπερβαίνοντες οὐκ Quelques autres
généraux qui s'étaient
ἐνουθετοῦντο ταῖς τῶν
également sauvés de la
ἄλλων συμφοραῖς. (2) δ' bataille d'Issus avec quelques
débris de troupes, suivirent la
᾿Αλέξανδρος ἐπιστήσας
fortune des Perses. Les uns
ἐπὶ τοὺς ἁρμόζοντας prirent des villes importantes
et les gardèrent pour Darius;
τόπους τοὺς πετροβόλους
les autres, cherchant à
καταπέλτας καὶ λίθους maintenir les provinces dans
l'obéissance, rassemblaient
μεγάλους ἀφιεὶς ἐσάλευε
des troupes et faisaient tout
τὰ τείχη, τοῖς δ' ce que les cûv constances
leur permettaient en faveur
ὀξυβελέσιν ἀπὸ τῶν
de la cause qu'ils
πύργων τῶν ξυλίνων demandaient.
ἐκβάλλων βελῶν L'assemblée des Grecs
avait décrété d'envoyer
παντοδαπῶν πλῆθος quinze députés chargés, au
δεινῶς κατετίτρωσκε nom de la Grèce, d'apporter à
Alexandre une couronne d'or
τοὺς ἐφεστῶτας τοῖς et de le congratuler de la
τείχεσιν. (3) victoire qu'il avait remportée
en Cilicie.
Ἀντιμηχανώμενοι δὲ πρὸς
Alexandre se dirigea sur
ταῦτα οἱ Τύριοι πρὸ μὲν Gaza, défendue par une
τῶν τειχῶν μαρμαρίνους garnison perse; il s'empara
de cette ville après un siège
τροχοὺς ἵστανον καὶ διά de deux mois.
τινων ὀργάνων τούτους XLIX. Aristophane étant
archonte d'Athènes, les
δινεύοντες τὰ φερόμενα
Romains nommèrent consuls
βέλη καταπελτικὰ Spurius Posthumius et Titus
Véturius (56). Dans cette
συνέτριβον καὶ εἰς τὰ
année, Alexandre régla les
πλάγια μέρη παράγοντες affaires de Gaza, détacha
ἀπράκτους ἐποίουν τὰς Amyntas avec dix navires en
Macédoine et lui ordonna
τῶν ἀφιεμένων πληγάς.
d'enrôler pour le service
(4) Πρὸσδὲ τούτοις militaire les jeunes gens en
état de porter les armes.
βύρσας καὶ διπλᾶς
Puis, à la tête de son armée,
διφθέρας πεφυκωμένας il entra en Egypte et
s'empara, sans coup férir, de
καταράπτοντες εἰς
toutes les villes de ce pays ;
ταύτας ἀπεδέχοντο τὰς car les Égyptiens,
mécontents des Perses qui
ἀπὸ τῶν πετροβόλων
avaient profané leurs temples
πληγάς· καὶ μαλακῆς τῆς (57) et qui gouvernaient avec
dureté, accueillirent avec joie
ἐνδόσεως γινομένης
les Macédoniens. Après avoir
ἐξελύετο τῶν φερομένων réglé l'administration de
l'Egypte, Alexandre alla
πετρῶν βία. (5) Καθόλου
consulter l'oracle d'Ammon. Il
δὲ οἱ Τύριοι πάντα τρόπον était à moitié chemin lorsqu'il
rencontra des députés
εὐρώστως ἀμυνόμενοι καὶ
cyrénéens qui lui apportaient
κατευποροῦντες τοῖς une couronne et de riches
présents, parmi lesquels
βοηθήμασι κατεθάρρησαν
étaient trois cents chevaux
τῶν πολεμίων καὶ τὸ de guerre et cinq quadriges
très-beaux. Le roi accepta ces
τεῖχος καὶ τὰς ἐντὸς τῶν
dons et conclut avec les
πύργων στάσεις Cyrénéens un traité
d'alliance. Puis, il se dirigea
ἀπολιπόντες ἐπ' αὐτὰς
avec sa suite vers le temple
ὠθοῦντο τὰς ἐπιβάθρας d'Ammon. Ayant à traverser
un pays désert et aride, il fit
καὶ ταῖς τῶν πολεμίων
provision d'eau et parcourut
ἀνδραγαθίαις ἀντέταττον une contrée pleine d'amas de
sable. Dans quatre jours de
τὰς ἑαυτῶν ἀρετάς. (6)
marche, la provision d'eau fut
Διὸ καὶ συμπλεκόμενοι épuisée et la pénurie mit
bientôt tout le monde dans le
τοῖς πολεμίοις καὶ τὴν
découragement, lorsqu'une
μάχην ἐκ χειρὸς pluie abondante tomba du
ciel et fit miraculeusement
συνιστάμενοι μέγαν
disparaître le manque d'eau.
ἀγῶνα τὸν ὑπὲρ τῆς Cet événement parut une
preuve évidente de
πατρίδος συνίσταντο καί
l'intervention inespérée des
τινες πελέκεσι τῶν dieux. On puisa l'eau d'une
mare, et, au bout de quatre
ἀπαντώντων τὸ
jours de traversée, on sortit
προσπεσὸν μέρος τοῦ du désert. La quantité de
σώματος ἀπέκοπτον· ἔνθα sable accumulée ayant fait
perdre les traces du chemin,
δὴ τῶν παρὰ τοῖς
les guides annoncèrent au roi
Μακεδόσιν ἡγεμόνων τις, que des corbeaux, dont on
entendait le croassement à la
ὄνομα μὲν ῎Αδμητος,
droite, indiquaient le sentier
διαφέρων δὲ ἀνδρείᾳ καὶ conduisant directement au
temple d'Ammon. Alexandre
σώματος ῥώμῃ,
considéra cet augure comme
τεθαρρηκὼς τὴν βίαν τῶν favorable, et, pensant que sa
présence était agréable au
Τυρίων ὑπέστη καὶ
dieu, il accéléra sa marche. Il
πληγεὶς πελέκει μέσην τὴν rencontra ensuite un lac
d'eau salée (58), et, après
κεφαλὴν παραχρῆμα
cent stades de course, il
κατέστρεψε τὸν βίον traversa l'endroit appelé les
villes d'Ammon; à une
ἡρωικῶς. (7) δ'
journée de là il atteignit
᾿Αλέξανδρος ὁρῶν τῇ l'enceinte du temple.
μάχῃ (τῶν Τυρίων) L. La contrée où est situé
le temple est entourée d'un
κατισχυομένους τοὺς désert aride, sablonneux et
Μακεδόνας ἀνεκαλέσατο tout à fait inhospitalier. Cette
contrée, qui a environ
τῇ σάλπιγγι τοὺς cinquante stades de longueur
στρατιώτας νυκτὸς ἤδη et de largeur, est arrosée par
beaucoup de belles sources
γενομένης. Καὶ τὸ μὲν d'eau et couverte de bois,
πρῶτον ἔκρινε λῦσαι τὴν surtout d'arbres fruitiers. On
respire un air de printemps
πολιορκίαν καὶ τὴν dans ce lieu privilégié ; le
στρατείαν ἐπὶ τὴν séjour y est sain, bien qu'il
n'y ait autour que les sables
Αἴγυπτον ποιεῖσθαι· brûlants du désert. Ce temple
μετανοήσας δὲ πάλιν καὶ a été, dit-on, fondé par
Danaûs l'Égyptien (59). La
νομίσας αἰσχρὸν εἶναι région consacrée au dieu est
παραχωρῆσαι Τυρίοις τῆς limitée au midi et au
couchant par les Éthiopiens,
κατὰ τὴν πολιορκίαν au nord par les Libyens
δόξης καὶ τῶν φίλων ἕνα nomades et par la tribu des
Nasamons, qui s'étend dans
μόνον ὁμογνωμονοῦντα l'intérieur du pays. Les
λαβὼν ᾿Αμύνταν τὸν Ammoniens habitent des
villages, et, au milieu de leur
᾿Ανδρομένους πάλιν πρὸς pays, s'élève une citadelle
τὴν πολιορκίαν ἐτρέπετο. environnée d'une triple
enceinte. La première
[46] Παρακαλέσας δὲ enceinte entoure le palais
τοὺς Μακεδόνας ἑαυτοῦ des anciens rois; la seconde
contient les habitations des
μὴ λειφθῆναι κατ'
femmes, des enfants, des
ἀνδρείαν ἁπάσας τὰς parents de la maison royale,
les corps de garde, le
ναῦς πολεμικῶς
sanctuaire du dieu et la
κατασκευάσας fontaine sacrée où l'on purifie
les offrandes qu'on présente
προσέβαλλε τοῖς τείχεσιν
au dieu; la troisième enceinte
ἐκθύμως κατὰ γῆν ἅμα καὶ renferme le logement des
satellites et des gardes du
κατὰ θάλατταν.
roi. En dehors de la citadelle,
Κατανοήσας δὲ περὶ τὰ et à quelque distance de là,
se trouve un autre temple
νεώρια τὸ τεῖχος
d'Ammon, ombragé d'arbres
ἀσθενέστερον ὑπάρχειν nombreux et élevés. Près de
ce temple existe une fontaine
τούτῳ προσήγαγε τὰς
à laquelle un phénomène qui
τριήρεις ἐζευγμένας καὶ s'y passe a fait donner le nom
de fontaine du Soleil. Son eau
φερούσας τὰς
varie singulièrement de
ἀξιολογωτάτας μηχανάς. température aux différentes
heures de la journée : au
(2) Ἐνταῦθα δὲ ἐτόλμησεν
point du jour elle est tiède, et
ἐπιτελέσασθαι πρᾶξιν οὐδ' devient froide à mesure que
le jour s'avance, jusqu'à midi
αὐτοῖς τοῖς ὁρῶσι
où elle atteint son maximum
πιστευομένην· ἐπιβάθραν de froid ; la température
s'élève à partir de midi,
γὰρ ἀπὸ τοῦ ξυλίνου
jusqu'à ce qu'elle ait atteint
πύργου τοῖς τῆς πόλεως son maximum à minuit; à
partir de ce moment, la
τείχεσιν ἐπιβαλὼν διὰ
chaleur va en diminuant
ταύτης μόνος ἐπέβη τῷ jusqu'à ce qu'elle arrive au
degré qu'elle avait au lever
τείχει, οὔτε τὸν ἀπὸ τῆς
du soleil (60). La statue du
τύχης φθόνον εὐλαβηθεὶς dieu est couverte
d'émeraudes et d'autres
οὔτε τὴν τῶν Τυρίων
ornements, et elle rend ses
δεινότητα καταπλαγείς, oracles d'une manière toute
particulière. Elle est portée,
ἀλλὰ τὴν
dans une nacelle dorée, sur
καταγωνισαμένην τοὺς les épaules de quatre-vingts
prêtres; ceux-ci la portent
Πέρσας δύναμιν ἔχων
machinalement là où le dieu
θεωρὸν τῆς ἰδίας leur fait signe d'aller; cette
procession est suivie d'une
ἀνδραγαθίας τοῖς μὲν
foule de femmes et de jeunes
ἄλλοις Μακεδόσιν filles chantant pendant toute
ἀκολουθεῖν προσέταξεν, la route des hymnes et des
cantiques, selon les rites
αὐτὸς δὲ καθηγούμενος
anciens.
τῶν εἰς χεῖρας
βιαζομένων τοὺς μὲν τῷ
δόρατι, τοὺς δὲ τῇ
μαχαίρᾳ τύπτων
ἀπέκτεινεν, ἐνίους δ' αὐτῇ
τῇ περιφερείᾳ τῆς
ἀσπίδος ἀνατρέπων
ἐπισχεῖν τοῦ πολλοῦ
θράσους ἐποίησε τοὺς
πολεμίους. (3) Ἅμα δὲ
τούτοις πραττομένοις
καθ' ἕτερον μέρος κριὸς
τύπτων κατέβαλε πολὺ
μέρος τοῦ τείχους· διὰ δὲ
τοῦ πτώματος
εἰσπεσόντων τῶν
Μακεδόνων καὶ τῶν περὶ
τὸν ᾿Αλέξανδρον διὰ τῆς
ἐπιβάθρας διαβάντων ἐπὶ
τὸ τεῖχος μὲν πόλις
κατείληπτο, οἱ δὲ Τύριοι
πρὸς ἀλκὴν τραπέντες καὶ
παρακαλέσαντες
ἀλλήλους ἐνέφραξαν τοὺς
στενωποὺς καὶ μαχόμενοι
πλὴν ὀλίγων ἅπαντες
κατεκόπησαν, ὄντες
πλείους τῶν
ἑπτακισχιλίων. (4) δὲ
βασιλεὺς τέκνα μὲν καὶ
γυναῖκας
ἐξηνδραποδίσατο, τοὺς δὲ
νέους πάντας, ὄντας οὐκ
ἐλάττους τῶν δισχιλίων,
ἐκρέμασε. Σώματα δ'
αἰχμάλωτα τοσαῦτα τὸ
πλῆθος εὑρέθη ὥστε τῶν
πλείστων εἰς Καρχηδόνα
κεκομισμένων τὰ
ὑπολειφθέντα γενέσθαι
πλείω τῶν μυρίων καὶ
τρισχιλίων.

(5) Τύριοι μὲν οὖν


γενναιότερον μᾶλλον
φρονιμώτερον
ὑποστάντες τὴν
πολιορκίαν τοσαύταις
περιέπεσον συμφοραῖς,
πολιορκηθέντες μῆνας
ἑπτά. (6) δὲ βασιλεὺς
τοῦ μὲν ᾿Απόλλωνος τὰς
χρυσᾶς σειρὰς καὶ τὰ
δεσμὰ περιελόμενος
παρήγγειλεν ὀνομάζειν
τὸν θεὸν τοῦτον ᾿Απολλὼ
φιλαλέξανδρον, τῷ δὲ
῾Ηρακλεῖ μεγαλοπρεπεῖς
θυσίας συντελέσας καὶ
τοὺς ἀνδραγαθήσαντας
τιμήσας, ἔτι δὲ τοὺς
τετελευτηκότας
μεγαλοπρεπῶς θάψας τῆς
μὲν Τυρίων πόλεως
κατέστησε βασιλέα τὸν
ὀνομαζόμενον Βαλώνυμον,
περὶ οὗ τὰ κατὰ μέρος οὐκ
ἄξιον παραλιπεῖν διὰ τὸ
τῆς περιπετείας
παράδοξον.

[47] Τοῦ γὰρ


προϋπάρχοντος βασιλέως
Στράτωνος διὰ τὴν πρὸς
Δαρεῖον φιλίαν
ἐκπεσόντος ἐκ τῆς ἀρχῆς
᾿Αλέξανδρος ἔδωκεν
ἐξουσίαν ῾Ηφαιστίωνι
καταστῆσαι βασιλέα τῆς
Τύρου τῶν ἰδιοξένων ὃν
ἂν προαιρῆται. (2) Τὸ μὲν
οὖν πρῶτον οὗτος
εὐδοκήσας τῷ ξένῳ, παρ'
τὴν ἐπισταθμίαν
ἐπεποίητο κεχαρισμένως,
τοῦτον ἐπεβάλετο κύριον
ἀναγορεῦσαι τῆς πόλεως·
δὲ πλούτῳ μὲν καὶ δόξῃ
διαφέρων τῶν πολιτῶν,
οὐδεμίαν δὲ συγγένειαν
ἔχων πρὸς τοὺς
<προ>γεγονότας
βασιλεῖς οὐκ ἐδέξατο τὴν
δωρεάν. (3) Τοῦ δ'
῾Ηφαιστίωνος
ἐπιτρέψαντος αὐτῷ τὴν
ἐκλογὴν ποιήσασθαι ἐκ
τοῦ γένους τῶν βασιλέων
ἔφησεν εἶναί τινα τῆς
βασιλικῆς οἰκίας
ἀπόγονον τὰ μὲν ἄλλα
σώφρονα καὶ ἀγαθὸν
ἄνδρα, πένητα δὲ καθ'
ὑπερβολήν. (4)
Συγχωρήσαντος δὲ τοῦ
῾Ηφαιστίωνος τούτῳ τὴν
δυναστείαν λαβὼν τὴν
ἐπιτροπὴν κατήντησεν ἐπὶ
τὸν ὠνομασμένον μετὰ
βασιλικῆς ἐσθῆτος καὶ
κατέλαβεν αὐτὸν ἔν τινι
κήπῳ μισθοῦ μὲν
ἀντλοῦντα, ῥάκεσι δὲ τοῖς
τυχοῦσιν ἐσθῆτι
χρώμενον. (5) Δηλώσας δὲ
τὴν περιπέτειαν καὶ
περιθεὶς τὴν βασιλικὴν
στολὴν καὶ τὸν ἄλλον τὸν
ἁρμόζοντα κόσμον
ἀνήγαγεν αὐτὸν εἰς τὴν
ἀγορὰν καὶ ἀπέδειξε
βασιλέα τῶν Τυρίων. (6)
Ἀσμένως δὲ τοῦ πλήθους
προσδεξαμένου καὶ τὸ
παράδοξον τῆς τύχης
θαυμάσαντος οὗτος μὲν
φίλος γενόμενος
᾿Αλεξάνδρῳ τὴν
βασιλείαν ἔσχε
παράδειγμα τοῖς ἀγνοοῦσι
τὴν τῆς τύχης παράδοξον
μεταβολήν·
ἡμεῖς δ' ἐπεὶ τὰ περὶ
τὸν ᾿Αλέξανδρον
διήλθομεν, μεταληψόμεθα
τὴν διήγησιν. [48] Κατὰ
γὰρ τὴν Εὐρώπην ῎Αγις
μὲν τῶν Λακεδαιμονίων
βασιλεὺς τῶν ἐκ τῆς ἐν
᾿Ισσῷ μάχης διασωθέντων
μισθοφόρων ἀναλαβὼν
ὀκτακισχιλίους νεωτέρων
πραγμάτων ἀντείχετο,
χαριζόμενος Δαρείῳ. (2)
Προσλαβὼν δὲ παρὰ
τούτου καὶ ναῦς καὶ
χρημάτων πλῆθος
ἔπλευσεν εἰς Κρήτην καὶ
τῶν πόλεων τὰς πλείους
χειρωσάμενος ἠνάγκασε
τὰ Περσῶν αἱρεῖσθαι.

᾿Αμύντας δ' φυγὼν ἐκ


Μακεδονίας καὶ πρὸς
Δαρεῖον ἀναβὰς
συνηγωνίσατο μὲν τοῖς
Πέρσαις ἐν τῇ Κιλικίᾳ,
διασωθεὶς δ' ἐκ τῆς ἐν
᾿Ισσῷ παρατάξεως μετὰ
τετρακισχιλίων
μισθοφόρων καὶ πρὸ τῆς
᾿Αλεξάνδρου παρουσίας
διανύσας εἰς Τρίπολιν τῆς
Φοινίκης ἐπέλεξεν ἐκ τοῦ
παντὸς στόλου τὰς
ἀρκούσας ναῦς εἰς τὸν
πλοῦν τοῖς ἰδίοις
στρατιώταις, τὰς δ'
ἄλλας ἐνέπρησε. (3)
Διαπλεύσας δ' εἰς τὴν
Κύπρον καὶ
προσλαβόμενος
στρατιώτας καὶ ναῦς
διέπλευσεν εἰς τὸ
Πηλούσιον. Τῆς δὲ πόλεως
ἐγκρατὴς γενόμενος
ἀπέφαινεν ἑαυτὸν ὑπὸ
Δαρείου τοῦ βασιλέως
ἀπεστάλθαι στρατηγὸν
διὰ τὸ τὸν ἡγούμενον τῆς
Αἰγύπτου σατράπην
συναγωνιζόμενον ἐν ᾿Ισσῷ
τῆς Κιλικίας πεπτωκέναι.
(4) Ἀναπλεύσας δ' εἰς
Μέμφιν τὸ μὲν πρῶτον
πρὸ τῆς πόλεως
παραταξάμενος τοῖς
ἐγχωρίοις ἐνίκησε· μετὰ
δὲ ταῦτα πρὸς ἁρπαγὴν
τῶν στρατιωτῶν
τραπέντων ἐπεξελθόντες
ἐκ τῆς πόλεως ἐπέθεντο
τοῖς ἀτάκτως
διαρπάζουσι τὰς ἐπὶ τῆς
χώρας κτήσεις καὶ τόν τε
᾿Αμύνταν ἀπέκτειναν καὶ
τοὺς μετ' αὐτοῦ πάντας
ἄρδην ἀνεῖλον. (5)
᾿Αμύντας μὲν οὖν
μεγάλαις ἐπιβολαῖς
ἐγχειρήσας καὶ παρ'
ἐλπίδα σφαλεὶς τοιοῦτον
ἔσχε τοῦ βίου τὸ τέλος.

Ὁμοίως δὲ τούτῳ καὶ


τῶν ἄλλων ἡγεμόνων καὶ
στρατηγῶν τινες ἐκ τῆς
ἐν ᾿Ισσῷ μάχης μετὰ
στρατιωτῶν διασωθέντες
ἀντείχοντο τῶν Περσικῶν
ἐλπίδων. (6) Οἱ μὲν γὰρ
πόλεις ἐπικαίρους
καταλαμβανόμενοι
διεφύλαττον ταύτας τῷ
Δαρείῳ, οἱ δ' ἔθνη
προσαγόμενοι καὶ
δυνάμεις περὶ αὑτοὺς
παρασκευαζόμενοι τὰς
ἁρμοζούσας χρείας τοῖς
ὑποκειμένοις καιροῖς
παρείχοντο.

οἱ δὲ σύνεδροι τῶν
῾Ελλήνων ἐψηφίσαντο
πέμψαι πρέσβεις
πεντεκαίδεκα στέφανον
φέροντας χρυσοῦν παρὰ
τῆς ῾Ελλάδος ἀριστεῖον
᾿Αλεξάνδρῳ καὶ
συνησθησομένους τῇ κατὰ
Κιλικίαν νίκῃ.

(7) ᾿Αλέξανδρος δὲ
στρατεύσας ἐπὶ Γάζαν
φρουρουμένην ὑπὸ
Περσῶν καὶ δίμηνον
προσεδρεύσας εἷλε κατὰ
κράτος τὴν πόλιν.

[49] Ἐπ' ἄρχοντος δ'


᾿Αθήνησιν ᾿Αριστοφάνους
ἐν ῾Ρώμῃ κατεστάθησαν
ὕπατοι Σπούριος
Ποστόμιος καὶ Τῖτος
Οὐετούριος. Ἐπὶ δὲ
τούτων ᾿Αλέξανδρος
βασιλεὺς τὰ περὶ τὴν
Γάζαν διοικήσας ᾿Αμύνταν
μὲν μετὰ δέκα νεῶν εἰς
Μακεδονίαν ἐξέπεμψε,
προστάξας τῶν νέων τοὺς
εὐθέτους ἐπιλέξαι πρὸς
στρατείαν, αὐτὸς δὲ μετὰ
πάσης τῆς δυνάμεως
παρῆλθεν εἰς Αἴγυπτον καὶ
παρέλαβε πάσας τὰς ἐν
αὐτῇ πόλεις χωρὶς
κινδύνων· (2) οἱ γὰρ
Αἰγύπτιοι τῶν Περσῶν
ἠσεβηκότων εἰς τὰ ἱερὰ
καὶ βιαίως ἀρχόντων
ἄσμενοι προσεδέξαντο
τοὺς Μακεδόνας.
Καταστήσας δὲ τὰ κατὰ
τὴν Αἴγυπτον προῆλθεν
εἰς ῎Αμμωνος, βουλόμενος
χρήσασθαι τῷ θεῷ. Κατὰ
μέσην δὲ τὴν ὁδὸν
ἀπήντησαν αὐτῷ πρέσβεις
παρὰ Κυρηναίων στέφανον
κομίζοντες καὶ
μεγαλοπρεπῆ δῶρα, ἐν οἷς
ἦγον ἵππους τε
πολεμιστὰς τριακοσίους
καὶ πέντε τέθριππα τὰ
κράτιστα. (3) δὲ τούτους
μὲν ἀποδεξάμενος φιλίαν
καὶ συμμαχίαν συνέθετο
πρὸς αὐτούς, αὐτὸς δὲ
μετὰ τῶν
συναποδημούντων
προῆγεν ἐπὶ τὸ ἱερόν· καὶ
διανύσας ἐπὶ τὴν ἔρημον
καὶ ἄνυδρον,
ὑδρευσάμενος διῄει τὴν
χώραν ἔχουσαν ἄμμου
μέγεθος ἀέριον. Ἐν
ἡμέραις δὲ τέσσαρσιν
ἐξαναλωθέντων τῶν
κομιζομένων ὑδάτων εἰς
δεινὴν σπάνιν
παρεγένοντο. (4) Εἰς
ἀθυμίαν οὖν πάντων
ἐμπεσόντων ἄφνω πολὺς
ὄμβρος ἐξ οὐρανοῦ
κατερράγη, τὴν
ὑπάρχουσαν τῶν ὑγρῶν
ἔνδειαν παραδόξως
διωρθούμενος· διὸ καὶ τὸ
συμβὰν ἔδοξεν
ἀνελπίστως σωθεῖσι θεῶν
προνοίᾳ γεγονέναι. (5)
Ὑδρευσάμενοι δ' ἔκ τινος
κοιλάδος, ἐπὶ τέσσαρας
ἡμέρας ἔχοντες ἀρκοῦσαν
τὴν βοήθειαν καὶ
διελθόντες ἡμέρας
τέσσαρας διεξεπέρασαν
τὴν ἄνυδρον. Ἀδήλου δὲ
τῆς ὁδοῦ καθεστώσης διὰ
τὸ πλῆθος τῆς ἄμμου οἱ
καθηγούμενοι τῆς ὁδοῦ
προσήγγειλαν τῷ βασιλεῖ
διότι κόρακες δεξιοὶ
κλάζοντες τὴν τρίβον τῆς
ἐπὶ τὸ ἱερὸν φερούσης
ἀτραποῦ προσημαίνουσιν.
(6) Οἰωνισάμενος δὲ τὸ
συμβαῖνον ᾿Αλέξανδρος
καὶ διαλαβὼν δέχεσθαι
τὸν θεὸν ἀσμένως τὴν
παρουσίαν αὐτοῦ προῆγε
κατὰ σπουδήν. Καὶ τὸ μὲν
πρῶτον κατήνυσεν ἐπὶ τὴν
πικρὰν καλουμένην
λίμνην, μετὰ δὲ ταῦτα
πορευθεὶς σταδίους
ἑκατὸν παρήλλαξε τὰς
ἐπικαλουμένας ῎Αμμωνος
πόλεις· ἐντεῦθεν δ'
ὁδοιπορήσας μίαν ἡμέραν
συνήγγισε τῷ τεμένει.
[50] δὲ περὶ τὸ ἱερὸν
τοῦτο χώρα περιέχεται
ὑπὸ ἐρήμου καὶ ἀνύδρου
τῆς ἀμμώδους, πάσης
φιλανθρωπίας
ἐστερημένης. Αὐτὴ δ' ἐπὶ
μῆκος καὶ πλάτος ἐπὶ
σταδίους πεντήκοντα
παρήκουσα πολλοῖς μὲν
καὶ καλοῖς ὕδασι
ναματιαίοις διαρρεῖται,
δένδρων δὲ παντοδαπῶν
καὶ μάλιστα καρπίμων
πληθύει· καὶ τὸν μὲν ἀέρα
τῇ κράσει παραπλήσιον
ἔχει ταῖς ἐαριναῖς ὥραις,
τόποισδὲ καυματώδεσι
περιεχομένη μόνη
παρηλλαγμένην παρέχεται
τοῖς ἐνδιατρίβουσι τὴν
εὐκρασίαν. (2) Τὸ μὲν οὖν
τέμενός φασιν ἱδρύσασθαι
Δαναὸν τὸν Αἰγύπτιον, τὴν
δὲ ἱερὰν τοῦ θεοῦ χώραν
περιοικοῦσι κατὰ μὲν τὴν
μεσημβρίαν καὶ δύσιν
Αἰθίοπες, κατὰ δὲ τὴν
ἄρκτον Λιβύων νομαδικὸν
ἔθνος καὶ πρὸς τὴν
μεσόγειον ἀνῆκον τὸ τῶν
Νασαμώνων
ὀνομαζομένων ἔθνος. (3)
Τῶν δ' ᾿Αμμωνίων
κωμηδὸν οἰκούντων κατὰ
μέσην αὐτῶν τὴν χώραν
ἀκρόπολις ὑπάρχει
τριπλοῖς ὠχυρωμένη τοῖς
τείχεσι· καὶ ταύτης μὲν
πρῶτος περίβολος ἔχει
τῶν ἀρχαίων δυναστῶν
βασίλεια, δ' ἕτερος τὴν
γυναικωνῖτιν αὐλὴν καὶ
τὰς τῶν τέκνων καὶ
γυναικῶν καὶ συγγενῶν
οἰκήσεις καὶ φυλακτήρια
τῶν σκοπῶν, ἔτι δὲ τὸν
τοῦ θεοῦ σηκὸν καὶ τὴν
ἱερὰν κρήνην, ἀφ' ἧς τὰ
τῷ θεῷ προσφερόμενα
τυγχάνει τῆς ἁγνείας, δὲ
τρίτος τὰς τῶν
δορυφόρων καταλύσεις
καὶ τὰ φυλακτήρια τῶν
τὸν τύραννον
δορυφορούντων. (4)
Καθίδρυται δὲ τῆς
ἀκροπόλεως ἐκτὸς οὐ
μακρὰν ἕτερος ναὸς
῎Αμμωνος πολλοῖς καὶ
μεγάλοις δένδροις
σύσκιος. Τούτου δὲ
πλησίον ὑπάρχει κρήνη
διὰ τὸ συμβεβηκὸς
ὀνομαζομένη ῾Ηλίου
κρήνη· αὕτη δὲ τὸ ὕδωρ
ἔχει συμμεταβαλλόμενον
αἰεὶ ταῖς ἡμεριναῖς ὥραις
παραδόξως. (5) Ἅμ' ἡμέρᾳ
γὰρ ἐξίησι τὴν πηγὴν
χλιαράν, προϊούσης δὲ τῆς
ἡμέρας τῇ προσθέσει τῶν
ὡρῶν ἀνάλογον
καταψύχεται, τοῦ
μεσημβρινοῦ δὲ καύματος
ἀκμάζει τῇ ψυχρότητι·
πάλιν δὲ ἀνάλογον
ἀπολήγει πρὸς τὴν
ἑσπέραν καὶ τῆς νυκτὸς
ἐπιλαβούσης
ἀναθερμαίνεται μέχρι
μέσων νυκτῶν καὶ τὸ
λοιπὸν ἀπολήγει, μέχρι ἂν
ἅμα τῷ φωτὶ πρὸς τὴν ἐξ
ἀρχῆς ἀποκατασταθῇ
τάξιν. (6) Τὸ δὲ τοῦ θεοῦ
ξόανον ἐκ σμαράγδων καί
τινων ἄλλων πολυτελῶν
λίθων περιέχεται καὶ τὴν
μαντείαν ἰδιάζουσαν
παντελῶς ποιεῖται. Ἐπὶ
νεὼς γὰρ περιφέρεται
χρυσῆς ὑπὸ ἱερέων
ὀγδοήκοντα· οὗτοι δ' ἐπὶ
τῶν ὤμων φέροντες τὸν
θεὸν προάγουσιν
αὐτομάτως ὅπου ποτ' ἂν
ἄγῃ τὸ τοῦ θεοῦ νεῦμα
τὴν πορείαν. (7)
Συνακολουθεῖ δὲ πλῆθος
παρθένων καὶ γυναικῶν
παιᾶνας ᾀδουσῶν κατὰ
πᾶσαν τὴν ὁδὸν καὶ
πατρίῳ καθυμνούντων
ᾠδῇ τὸν θεόν.

[51] Τοῦ δ' LI. Lorsqu'Alexandre fut


introduit dans le temple et
᾿Αλεξάνδρου διὰ τῶν
qu'il aperçut la statue du
ἱερέων εἰσαχθέντος εἰς dieu, le prophète, homme
très-âgé, s'avança vers lui et
τὸν νεὼν καὶ τὸν θεὸν
lui dit : « Salut, ô mon fils,
κατανοήσαντος μὲν recevez ce nom de la part du
dieu. — Je l'accepte, ô mon
προφητεύων ἀνὴρ
père, répondit Alexandre, et
πρεσβύτερος τὴν ἡλικίαν désormais je me ferai appeler
ton fils si tu me donnes
προσελθὼν αὐτῷ, χαῖρε,
l'empire de toute la terre. »
εἶπεν, παῖ· καὶ ταύτην Le prêtre entra alors dans le
sanctuaire, et, pendant que
παρὰ τοῦ θεοῦ ἔχε τὴν
les hommes porteurs de la
πρόσρησιν. (2) δ' statue du dieu se mettaient
en mouvement suivant
ὑπολαβών, δέχομαι, φησίν,
certains signes de la voix [du
πάτερ, καὶ τὸ λοιπὸν dieu], il assura Alexandre que
le dieu lui accordait sa
κεκλήσομαι σός. Ἀλλ' εἰπέ
demande. Alexandre continua
μοι εἴ μοι δίδως τὴν et dit : « II me reste encore,
ô dieu protecteur, à te
ἁπάσης <τῆς> γῆς ἀρχήν.
demander si j'ai puni tous les
Τοῦ δὲ ἱερέως assassins de mon père, ou si
quelques-uns ont échappé à
προσελθόντος τῷ σηκῷ
mes recherches. — Ne
καὶ τῶν ἀνδρῶν τῶν blasphème pas, s'écria le
prêtre : aucun mortel ne
αἰρόντων τὸν θεὸν
pourra attenter à la vie de
κινηθέντων τεταγμένοις celui qui t'a donné le jour;
quant aux assassins de
τισὶ τῆς φωνῆς συμβόλοις
Philippe, ils ont tous reçu leur
μὲν ἀνεῖπεν βεβαίως αὐτῷ châtiment; le suooès de tes
grandes entreprises sera une
διδόναι τὸν θεὸν τὴν
preuve que tu dois la
αἴτησιν, δ' ᾿Αλέξανδρος naissance à un dieu;
personne n'a pu te vaincre
ὑπολαβών, τὸ λοιπόν,
jusqu'ici et tu seras à l'avenir
εἶπεν, δαῖμον, ἀπόφηναί tout à fait invincible. »
Alexandre se réjouit de la
μοι τῶν ζητουμένων, εἰ
réponse de l'oracle, consacra
πάντας ἤδη μετελήλυθα au dieu de magnifiques
offrandes, et retourna en
τοὺς γενομένους φονεῖς
τοῦ πατρὸς τινες Egypte.
διαλελήθασιν. (3) δὲ LII. Alexandre conçut le
projet de fonder dans cette
προφήτης ἀνεβόησεν région une grande ville. ïl
εὐφήμει· οὐδένα γὰρ ordonna à ceux qui étaient
chargés de l'exécution de ce
ἀνθρώπων ὑπάρχειν τὸν projet, de poser les
δυνησόμενον ἐπιβουλεῦσαι fondements de cette ville
entre la mer et le lac
τῷ γεννήσαντι αὐτόν, [Maréotis]. Après en avoir lui-
τοὺς δὲ τοῦ Φιλίππου même tracé le plan et divisé
artistement la ville en rues
φονεῖς ἅπαντας coupées à angle droit, il lui
τετευχέναι τιμωρίας. donna, d'après lui-même, le
nom d'Alexandrie. Cette ville,
Τεκμήρια δ' ἔσεσθαι τῆς située très-avantageusement
ἐκ τοῦ θεοῦ γενέσεως τὸ près du port du Phare, avait
ses rues disposées de
μέγεθος τῶν ἐν ταῖς manière à donner accès aux
πράξεσι κατορθωμάτων· vents étésiens. Ces vents
soufflent de la haute mer,
καὶ γὰρ πρότερον rafraîchissent l'air de la ville
ἀήττητον αὐτὸν et entretiennent, par une
douce température, la santé
γεγονέναι καὶ μετὰ ταῦτ' des habitants. Il entoura la
ἔσεσθαι διὰ παντὸς ville d'une enceinte
remarquable par son étendue
ἀνίκητον. (4) δ' et par son assiette forte ; car,
᾿Αλέξανδρος ἡσθεὶς ἐπὶ placée entre le grand lac et la
mer, elle n'est abordable du
τοῖς κεχρησμῳδημένοις côté de la terre que par deux
καὶ τὸν θεὸν passages étroits et très-
faciles à défendre. La forme
μεγαλοπρεπέσιν de la ville représente assez
ἀναθήμασι τιμήσας bien une chlamyde (61) ; elle
est traversée presque au
ἐπανῆλθεν εἰς τὴν milieu par une rue admirable
Αἴγυπτον. par sa longueur et sa largeur;
car d'une porte à l'autre elle
[52] Κρίνας δ' ἐν a quarante stades de
longueur sur un plèthre de
ταύτῃ πόλιν μεγάλην
large (62); cette rue était
κτίσαι προσέταξε τοῖς ἐπὶ bordée de maisons et de
temples magnifiques.
τὴν ἐπιμέλειαν ταύτην
Alexandre y fit élever un
καταλειπομένοις ἀνὰ palais royal d'une
construction large et
μέσον τῆς τε λίμνης καὶ
imposante. Non-seulement
τῆς θαλάσσης οἰκίσαι τὴν Alexandre, mais presque tous
πόλιν. (2) Διαμετρήσας δὲ les roia d'Egypte ont, jusqu'à
notre époque, ajouté à
τὸν τόπον καὶ
l'embellissement de ce
ῥυμοτομήσας φιλοτέχνως palais. Enfin, la ville
d'Alexandrie a pris par la
τὴν πόλιν ἀφ' αὑτοῦ
suite un tel accroissement
προσηγόρευσεν qu'elle passe généralement
pour une des premières villes
᾿Αλεξάνδρειαν,
du monde. En effet, elle
εὐκαιρότατα μὲν κειμένην l'emporte de beaucoup sur
les autres villes par la beauté
πλησίον τοῦ Φάρου
et la grandeur de ses
λιμένος, εὐστοχίᾳ δὲ τῆς édifices, ainsi que par ses
richesses et l'abondance de
ῥυμοτομίας ποιήσας
tout ce qui tient aux besoins
διαπνεῖσθαι τὴν πόλιν τοῖς de la vie. Elle est également
supérieure aux autres villes
ἐτησίοις ἀνέμοις καὶ
par sa population; car à
τούτων πνεόντων μὲν διὰ l'époque où nous avons visité
l'Egypte, ceux qui tiennent
τοῦ μεγίστου πελάγους,
les registres du recensement
καταψυχόντων δὲ τὸν nous assuraient que la
population de la ville se
κατὰ τὴν πόλιν ἀέρα
composait de plus de trois
πολλὴν τοῖς κατοικοῦσιν cent mille hommes de
condition libre, et que les
εὐκρασίαν καὶ ὑγίειαν
revenus du roi d'Egypte
κατεσκεύασεν. (3) Καὶ τὸν étaient de plus de six mille
talents (63).
μὲν περίβολον αὐτῆς
Le roi Alexandre nomma
ὑπεστήσατο τῷ τε μεγέθει quelques-uns de ses amis au
διαφέροντα καὶ κατὰ τὴν gouvernement d'Alexandrie,
régla toutes les affaires de
ὀχυρότητα θαυμάσιον· l'Egypte, et revint avec toute
ἀνὰμέσον γὰρ ὢν μεγάλης son armée en Syrie.
λίμνης καὶ τῆς θαλάσσης LIII. Dès que Darius fut
instruit de l'approche
δύο μόνον ἀπὸ τῆς γῆς d'Alexandre, il rassembla de
ἔχει προσόδους στενὰς tous côtés des troupes et
prépara tout ce qui est
καὶ παντελῶς nécessaire pour une bataille.
εὐφυλάκτους. Τὸν δὲ Il donna aux épées et aux
piques plus de longueur,
τύπον ἀποτελῶν χλαμύδι persuadé qu'Alexandre
παραπλήσιον ἔχει devait, en grande partie, à la
supériorité de ses armes les
πλατεῖαν μέσην σχεδὸν avantages obtenus dans la
τὴν πόλιν τέμνουσαν καὶ bataille de la Cilicie. Il fit
τῷ τε μεγέθει καὶ κάλλει aussi construire deux cents
chars armés de faux,
θαυμαστήν· ἀπὸ γὰρ
invention propre à répandre
πύλης ἐπὶ πύλην διήκουσα la terreur et l'épouvante
parmi les ennemis : à côté de
τεσσαράκοντα μὲν
chacun des chevaux attelés
σταδίων ἔχει τὸ μῆκος, aux chars par des cordes, le
timon portait des piques
πλέθρου δὲ τὸ πλάτος,
solidement attachées, de
οἰκιῶν δὲ καὶ ἱερῶν trois spithames de longueur
(64 ), ayant la pointe dirigée
πολυτελέσι κατασκευαῖς
à la face de l'ennemi. A
πᾶσα κεκόσμηται. (4) l'essieu des roues, il y en
avait deux autres tout aussi
Προσέταξεν δ'
pointues, ayant la même
᾿Αλέξανδρος καὶ βασίλεια direction, mais plus longues
et plus larges que les
κατασκευάσαι θαυμαστὰ
premières ; à leurs
κατὰ τὸ μέγεθος καὶ extrémités étaient fixées des
faux (65).
βάρος τῶν ἔργων. Οὐ
Darius partit de Babylone
μόνον δ' ᾿Αλέξανδρος, à la tête de toutes ses
ἀλλὰ καὶ οἱ μετ' αὐτὸν troupes bien armées et
commandées par des chefs
βασιλεύσαντες Αἰγύπτου valeureux. Cette armée était
μέχρι τοῦ καθ' ἡμᾶς βίου formée d'environ huit cent
mille hommes d'infanterie, et
σχεδὸν ἅπαντες au moins de deux cent mille
πολυτελέσι κατασκευαῖς cavaliers. Dans sa marche, il
avait le Tigre à sa droite et
ηὔξησαν τὰ βασίλεια. (5) l'Euphrate à sa gauche ; il
Καθόλου δ' πόλις traversait un pays fertile,
pouvant fournir
τοσαύτην ἐπίδοσιν ἔλαβεν abondamment des fourrages
ἐν τοῖς ὕστερον χρόνοις aux bestiaux et des vivres
aux nombreux,soldats. Il
ὥστε παρὰ πολλοῖς αὐτὴν avait hâte de livrer bataille
πρώτην ἀριθμεῖσθαι τῶν dans les belles plaines de
Ninive, où il pouvait
κατὰ τὴν οἰκουμένην· καὶ facilement déployer sa
γὰρ κάλλει καὶ μεγέθει καὶ puissante armée (66). Il vint
camper près du village
προσόδων πλήθει καὶ τῶν d'Arbèles. Là il passait tous
πρὸς τρυφὴν ἀνηκόντων les jours ses troupes en revue
et s'efforçait de les discipliner
πολὺ διαφέρει τῶν ἄλλων. par une bonne tenue et des
(6) Τὸ δὲ τῶν exercices continuels ; car il
n'était pas sans de grandes
κατοικούντων inquiétudes sur le sort de la
(οἰκητόρων) αὐτὴν πλῆθος bataille en voyant réunies
tant de nations parlant des
ὑπερβάλλει τοὺς ἐν ταῖς
idiomes si différents.
ἄλλαις πόλεσιν LIV. Avant de commencer
οἰκήτορας· καθ' ὃν γὰρ l'attaque, Darius envoya à
Alexandre des
ἡμεῖς παρεβάλομεν parlementaires, pour lui
χρόνον εἰς Αἴγυπτον, céder tout le pays situé en
deçà du fleuve Halys ; il lui
ἔφασαν οἱ τὰς ἀναγραφὰς offrit en outre, deux mille
ἔχοντες τῶν talents d'argent (67). Mais
ces offres n'ayant pas été
κατοικούντων εἶναι τοὺς acceptées, Darius fit partir
ἐν αὐτῇ διατρίβοντας une seconde députation
chargée de remercier d'abord
ἐλευθέρους πλείους τῶν Alexandre des égards qu'il
τριάκοντα μυριάδων, ἐκ avait eus pour la mère de
Darius, ainsi que pour les
δὲ τῶν προσόδων τῶν autres captifs, et de lui faire
κατ' Αἴγυπτον λαμβάνειν les propositions suivantes :
les deux rois se
τὸν βασιλέα πλείω τῶν considéreraient comme
ἑξακισχιλίων ταλάντων. amis ; Alexandre aurait tout
le pays en deçà de l'Euphrate
(7) δ' οὖν βασιλεὺς ; il recevrait trois mille talents
᾿Αλέξανδρος ἐπιστήσας d'argent et Darius lui
donnerait sa seconde fille en
τινὰς τῶν φίλων ἐπὶ τὴν mariage; enfin Alexandre,
κατασκευὴν τῆς devenu gendre du roi des
Perses, prendrait le rang d'un
᾿Αλεξανδρείας καὶ fils et serait associé à Darius
διοικήσας ἅπαντα τὰ κατὰ dans le gouvernement de
tout l'empire.
τὴν Αἴγυπτον ἐπανῆλθε
Alexandre réunit tous ses
μετὰ τῆς δυνάμεως εἰς amis en conseil, leur
τὴν Συρίαν. communiqua les propositions
qui lui étaient faites et invita
[53] Δαρεῖος δὲ chacun d'eux à émettre
franchement son avis.
πυθόμενος αὐτοῦ τὴν Personne n'osa dire son
παρουσίαν συνηθροίκει opinion à cause de
l'importance de la question,
μὲν τὰς πανταχόθεν lorsque Parménion, se levant
δυνάμεις καὶ πάντα τὰ le premier, dit : « Si j'étais
Alexandre, j'accepterais ces
πρὸς τὴν παράταξιν propositions et je signerais le
χρήσιμα κατεσκεύαστο. traité. — Et moi aussi, reprit
Alexandre, j'en ferais autant
Τὰ μὲν γὰρ ξίφη καὶ τὰ
ξυστὰ πολὺ μείζω τῶν si j'étais Parménion. » Puis,
développant ses projets dans
προγεγενημένων ἐποίησε
un langage plein de fierté et
διὰ τὸ δοκεῖν διὰ τούτων plaçant la gloire bien au-
dessus des présents qui lui
πολλὰ τὸν ᾿Αλέξανδρον ἐν
étaient offerts, il rejeta les
τῇ περὶ Κιλικίαν μάχῃ propositions du roi des
Perses, et fit aux envoyés la
πεπλεονεκτηκέναι·
réponse suivante : « De
κατεσκεύασε δὲ καὶ même que deux soleils
troubleraient l'ordre et
ἅρματα δρεπανηφόρα
l'harmonie de l'univers, de
διακόσια πρὸς κατάπληξιν même aussi deux rois ne
pourraient pas à la fois tenir
καὶ φόβον τῶν πολεμίων
le sceptre de la terre, sans
εὐθέτως ἐπινενοημένα. (2) occasionner des troubles et
des désordres. Allez dire à
Τούτων γὰρ ἑκάστου παρ'
Darius que s'il tient à être le
ἑκάτερον τῶν σειροφόρων premier souverain, il aura à
me disputer la monarchie
ἵππων ἐξέκειτο
universelle; mais si, au
προσηλωμένα τῷ ζυγῷ contraire, méprisant la gloire,
il préfère vivre au sein du
ξύστρα παραμήκη
luxe et des plaisirs, qu'il
τρισπίθαμα, τὴν reconnaisse Alexandre pour
maître, qui permettra alors à
ἐπιστροφὴν τῆς ἀκμῆς
Darius de régner ailleurs
ἔχοντα πρὸς τὴν κατὰ comme son vassal. »
Alexandre congédia le
πρόσωπον ἐπιφάνειαν,
conseil, se mit à la tête de
πρὸς δὲ ταῖς κατακλείσεσι son armée et s'avança vers le
camp de l'ennemi.
τῶν ἀξόνων ἐπ' εὐθείας
Dans cet intervalle, la
ἄλλα δύο, τὴν μὲν τομὴν femme de Darius mourut;
ὁμοίαν ἔχοντα πρὸς τὴν Alexandre lui fit de
magnifiques funérailles.
κατὰ πρόσωπον
LV. A la réception de
ἐπιφάνειαν τοῖς cette réponse, Darius perdit
προτέροις, τὸ δὲ μῆκος tout espoir
d'accommodement. Il
μείζω καὶ πλατύτερα· exerçait journellement son
συνήρμοστο δὲ ταῖς armée aux manœuvres
militaires et l'habituait à la
τούτων ἀρχαῖς δρέπανα. discipline. Il détacha Mazée,
(3) Πᾶσαν δὲ τὴν δύναμιν un de ses amis,, avec un
corps d'élite pour garder le
ἔν τε ὅπλοις ἐπισήμοις καὶ passage du fleuve et occuper
ἡγεμόνων ἀρεταῖς les gués. Il fit partir d'autres
κοσμήσας ἀνέζευξεν ἐκ détachements pour incendier
le pays par où les ennemis
τῆς Βαβυλῶνος ἔχων
devaient passer; car il se
πεζοὺς μὲν περὶ croyait suffisamment à l'abri
derrière le fleuve qui, selon
ὀγδοήκοντα μυριάδας,
lui, devait arrêter la marche
ἱππεῖς δὲ οὐκ ἐλάττους des Macédoniens. Mazée,
voyant que le passage était
τῶν εἴκοσι μυριάδων.
impossible à cause de la
Κατὰ δὲ τὴν ὁδοιπορίαν profondeur et de la rapidité
des eaux du fleuve, négligea
δεξιὸν μὲν ἔχων τὸν
de ce côté toute défense, et
Τίγριν, ἀριστερὸν δὲ τὸν se joignit aux autres
détachements pour ravager
Εὐφράτην προῄει διὰ
une grande partie du pays,
χώρας εὐδαίμονος καὶ dans l'intention de le rendre
inaccessible aux ennemis par
δυναμένης τοῖς κτήνεσι
défaut de vivres. Cependant
δαψιλῆ χορτάσματα Alexandre, arrivé sur les
bords du Tigre, apprit de
παρασχέσθαι, τῷ δὲ
quelques indigènes un
πλήθει τῶν στρατιωτῶν endroit guéable, et y fit
passer son armée, quoique
ἱκανὰς τροφὰς χορηγῆσαι.
difficilement et avec
(4) Ἔσπευδε γὰρ περὶ τὴν beaucoup de danger. L'eau
allait jusque au-dessus du
Νίνον ποιήσασθαι τὴν
sein et la rapidité du courant,
παράταξιν, εὐθετωτάτων qui ne permettait pas aux
jambes de se poser
ὄντων τῶν περὶ αὐτὴν
solidement, entraînait
πεδίων καὶ πολλὴν beaucoup de monde. Les
eaux du courant, frappant
εὐρυχωρίαν παρεχομένων
contre les armes, faisaient
τῷ μεγέθει τῶν courir les plus grands
dangers. Pour combattre la
ἠθροισμένων ὑπ' αὐτοῦ
rapidité dès eaux, Alexandre
δυνάμεων. avait ordonné à tous ses
soldats de s'enlacer par les
Καταστρατοπεδεύσας δὲ
mains et d'opposer au
περὶ κώμην τὴν courant comme une digue
l'épaisseur de leurs rangs.
ὀνομαζομένην ῎Αρβηλα
Après le passage du fleuve,
τὰς δυνάμεις ἐνταῦθα les Macédoniens se
trouvèrent à peu près hors de
καθ' ἡμέραν ἐξέταττε καὶ
danger, et l'armée se reposa
τῇ συνεχεῖ διατάξει καὶ pendant toute cette journée.
Le lendemain, Alexandre
μελέτῃ κατεσκεύασεν
rangea les troupes en
εὐπειθεῖς· σφόδρα γὰρ bataille, marcha contre
ἠγωνία μήποτε πολλῶν l'ennemi et établie son camp
à peu de distance de celui
καὶ ἀσυμφώνων ἐθνῶν
des Perses.
ἠθροισμένων ταῖς LVI. Alexandre resta
διαλέκτοις ταραχή τις éveillé pendant toute la nuit :
il repassait dans son esprit
γένηται κατὰ τὴν les forces des Perses, les
παράταξιν. dangers qu'il courait et
l'importance de la bataille qui
[54] Περὶ δὲ allait se livrer. Ce ne fut qu'à
l'heure de la garde du matin
διαλύσεως καὶ πρότερον
qu'il tomba dans un sommeil
μὲν ἐξέπεμψε πρεσβευτὰς si profond que la lumière du
jour ne put l'éveiller. Ses
πρὸς ᾿Αλέξανδρον,
amis virent d'abord ceci avec
ἐκχωρῶν αὐτῷ τῆς ἐντὸς joie, pensant que le roi n'en
serait que plus dispos aux
῞Αλυος ποταμοῦ χώρας,
fatigues de la journée; mais,
καὶ προσεπηγγέλλετο lorsque ce sommeil continuait
à se prolonger, Parménion, le
δώσειν ἀργυρίου τάλαντα
plus ancien des amis du roi,
δισμύρια. (2) Ὡς δ' οὐ donna lui-même les ordres
nécessaires pour ranger les
προσεῖχεν αὐτῷ, πάλιν
troupes en bataille. Enfin
ἐξέπεμψεν ἄλλους Alexandre continuait toujours
à dormir, ses amis
πρέσβεις, ἐπαινῶν μὲν
s'approchèrent de lui et ne
αὐτὸν ἐπὶ τῷ καλῶς parvinrent qu'avec peine à
l'éveiller; tons témoignant
κεχρῆσθαι τῇ τε μητρὶ καὶ
leur surprise d'un tel
τοῖς ἄλλοις αἰχμαλώτοις, phénomène et voulant en
connaître la cause, Alexandre
ἀξιῶν δὲ φίλον γενέσθαι
leur répondit : « En
καὶ λαβεῖν τὴν ἐντὸς réunissant ses troupes dans
un seul point, Darius m'a
Εὐφράτου χώραν καὶ
délivré de toutes mes
τάλαντ' ἀργυρίου inquiétudes. Une seule
journée va donc décider de
τρισμύρια καὶ τὴν ἑτέραν
tant de fatigues et de périls
τῶν ἑαυτοῦ θυγατέρων (68). » Il harangua ensuite les
chefs et les exhorta, par des
γυναῖκα, καθόλου δὲ
discours appropriés, à
γενόμενον γαμβρὸν καὶ déployer toute leur bravoure.
Enfin, à la tête de son armée
τάξιν υἱοῦ λαβόντα
rangée en bataille, il se porta
καθάπερ κοινωνὸν sur les Barbares : les
escadrons de cavalerie
γενέσθαι τῆς ὅλης
étaient en avant des
βασιλείας.
(3) δ' ᾿Αλέξανδρος phalanges de l'infanterie.
εἰς τὸ συνέδριον LVII. [L'armée d'Alexandre
était disposée dans l'ordre
παραλαβὼν πάντας τοὺς suivant.] L'aile droite était
φίλους καὶ περὶ τῶν occupée par un corps de
cavalerie sous les ordres de
προτιθεμένων αἱρέσεων Clitus surnommé le Noir; près
ἀνακοινωσάμενος ἠξίου de celui-ci était placé
Philotas, fils de Parménion,
τὴν ἰδίαν γνώμην ἕκαστον commandant les meilleurs
μετὰ παρρησίας cavaliers du roi (69); venaient
ensuite sept autres escadrons
ἀποφήνασθαι. (4) Τῶν μὲν de cavalerie, sous les ordres
οὖν ἄλλων οὐδεὶς ἐτόλμα du même général. Derrière
cette cavalerie était rangée la
συμβουλεῦσαι διὰ τὸ ligne d'infanterie des
μέγεθος τῆς ὑποκειμένης agyraspides (70) qui se
distinguaient par l'éclat de
ζητήσεως, Παρμενίων δὲ leurs armes et par leur
πρῶτος εἶπεν, ἐγὼ μὲν ὢν bravoure ; ce corps était
commandé par Nicanor, fils
᾿Αλέξανδρος ἔλαβον ἂν de Parménion.
τὰ διδόμενα καὶ τὴν Immédiatement après venait
la phalange des Élimiotes
σύνθεσιν ἐποιησάμην. (5) (71), sous les ordres de
δ' ᾿Αλέξανδρος ὑπολαβὼν Cœnus, puis le corps des
Orestiens et des Lyncestiens,
εἶπεν, κἀγὼ εἰ Παρμενίων sous le commandement de
ἦν ἔλαβον ἄν. Καθόλου δὲ Perdiccas. Le corps qui venait
après était commandé par
καὶ ἄλλοις μεγαλοψύχοις Méiéagre; à côté de celui-ci
λόγοις χρησάμενος καὶ étaient placés les
Stymphéens, sous les ordres
τοὺς μὲν λόγους τῶν de Polys-perchon. Philippe,
Περσῶν ἀποδοκιμάσας, fils de Balacrus, commandait
immé chaînent après un
προτιμήσας δὲ τὴν corps qui touchait à un autre,
εὐδοξίαν τῶν sous les ordres de Cratère,
Ces divers corps de cavalerie
προτεινομένων δωρεῶν étaient complétés par la
τοῖς μὲν πρέσβεσιν cavalerie des Péloponésiens,
des Achéens, des Phthiotes,
ἀπόκρισιν ἔδωκεν ὡς οὔθ' des Maliens, des Locriens et
κόσμος δυεῖν ἡλίων ὄντων des Phocidiens, sous les
ordres d'Êrigyius de Mitylène.
τηρῆσαι δύναιτ' ἂν τὴν Au second rang était placée,
ἰδίαν διακόσμησίν τε καὶ sous les ordres de Philippe, la
cavalerie thessalienne qui
τάξιν οὔθ' οἰκουμένη δύο l'emportait sur toute autre
βασιλέων ἐχόντων τὴν par l'habileté de ses
manœuvres. A la suite
ἡγεμονίαν ἀταράχως καὶ
étaient placés les archers
ἀστασιάστως διαμένειν ἂν Cretois et les mercenaires de
l'Achaïe. La ligne de bataille
δύναιτο. (6) Διόπερ
était en forme de croissant,
ἀπαγγέλλειν αὐτοὺς afin d'empêcher l'ennemi
d'envelopper les
ἐκέλευσε τῷ Δαρείῳ, εἰ
Macédoniens, si inférieurs en
μὲν τῶν πρωτείων nombre. Pour se garantir de
l'action des chars armés de
ὀρέγεται, διαμάχεσθαι
faux, Alexandre ordonna aux
πρὸς αὐτὸν περὶ τῆς τῶν phalanges d'infanterie de
serrer bouclier contre
ὅλων μοναρχίας· εἰ δὲ
bouclier, lorsqu'elles
δόξης καταφρονῶν verraient les chars
s'approcher, et de frapper sur
προκρίνει τὴν λυσιτέλειαν
ces boucliers avec leurs
καὶ τὴν ἐκ τῆς ῥᾳστώνης sarisses, afin d'effrayer les
chevaux et les faire retourner
τρυφήν, αὐτὸς μὲν
en arrière. Il prèscrivit à ses
᾿Αλεξάνδρῳ ποιείτω τὰ soldats d'ouvrir leurs rangs
dans le cas où ces chars
προσταττόμενα, ἄλλων δὲ
viendraient à forcer la ligne.
ἄρχων βασιλευέτω, Enfin il se mit lui-même à la
tête de l'aile droite, donna au
συγχωρουμένης αὐτῷ τῆς
front une disposition oblique,
ἐξουσίας ὑπὸ τῆς et résolut de braver tous les
dangers d'une bataille
᾿Αλεξάνδρου
décisive.
χρηστότητος. (7) Τὸ δὲ LVIII. Darius disposa ses
συνέδριον διαλύσας καὶ troupes par rang de nations,
fit face à Alexandre et se
τὴν δύναμιν ἀναλαβὼν porta sur les ennemis.
προῆγεν ἐπὶ τὴν τῶν Lorsque les deux armées
étaient en présence l'une de
πολεμίων στρατοπεδείαν. l'autre, les trompettes
sonnèrent la charge, et les
Ἅμα δὲ τούτοις
soldats poussèrent un
πραττομένοις τῆς τοῦ immense cri de guerre.
D'abord les chars armés de
Δαρείου γυναικὸς
faux, lancés avec force,
ἀποθανούσης répandaient la terreur dans
les rangs des Macédoniens.
᾿Αλέξανδρος ἔθαψεν
Mazée, à la tête de la
αὐτὴν μεγαλοπρεπῶς. cavalerie de Darius, disposée
par escadrons épais,
[55] Δαρεῖος δὲ τῶν secondait, par une attaque
simultanée, l'action de ces
ἀποκρίσεων ἀκούσας καὶ chars. Mais les Macédoniens,
conformément aux ordres du
τὴν διὰ τῶν λόγων
roi, serraient bouclier contre
σύνθεσιν ἀπογνοὺς τὴν bouclier, sur lesquels ils
frappaient avec leurs salisses
μὲν δύναμιν καθ' ἡμέραν
de manière à produire un
συνέταττε καὶ πρὸς τὴν ἐν bruit épouvantable. Effrayés
par ce bruit, les chevaux
τοῖς κινδύνοις εὐηκοΐαν
attelés aux chars
ἑτοίμην κατεσκεύαζε, τῶν s'emportèrent, et,
rebroussant chemin,
δὲ φίλων Μαζαῖον μὲν
portèrent le désordre dans
μετὰ στρατιωτῶν les rangs même des Perses..
Cependant quelques autres
ἐπιλέκτων ἐξαπέστειλε
chars allaient tomber sur les
παραφυλάξοντα τὴν phalanges macédoniennes,
mais les soldats, ouvrant
διάβασιν τοῦ ποταμοῦ καὶ
largement leurs rangs, les
τὸν πόρον laissèrent passer; parmi ces
chars, les uns furent abîmés
προκαταληψόμενον,
de coups, les autres
ἑτέρους δ' ἐξέπεμψε τὴν échappèrent, quelques-uns,
lancés avec force,
χώραν πυρπολήσοντας δι'
atteignirent les rangs
ἧς ἀναγκαῖον ἦν διελθεῖν ennemis, et les lames de fer
causèrent divers genres de
τοὺς πολεμίους· ἐνόμιζε
mort ; car ces instruments
γὰρ τῷ μὲν ῥεύματι τοῦ meurtriers coupaient aux uns
les bras entiers encore armés
ποταμοῦ προβλήματι
de leur bouclier, aux autres
χρῆσθαι πρὸς τὴν ἔφοδον ils tranchaient le cou et
faisaient rouler à terre les
τῶν Μακεδόνων. (2)
têtes ayant encore les yeux
Τούτων δ' μὲν Μαζαῖος ouverts et conservant
l'aspect de la physionomie;
ὁρῶν ἀδιάβατον ὄντα τὸν
d'autres enfin étaient coupés
ποταμὸν διά τε τὸ βάθος par le milieu des reins et
expiraient sur-le-champ.
καὶ τὴν σφοδρότητα τοῦ
LIX. Cependant les deux
ῥεύματος τῆς μὲν τούτου armées s'étaient approchées
φυλακῆς ἠμέλησε, τοῖς δὲ de plus en plus, et lorsque les
archers et les frondeurs
τὴν χώραν πυρπολοῦσι eurent épuisé leurs armes, on
συνεργήσας καὶ πολλὴν en vint à un combat corps à
corps. L'action s'engagea
γῆν διαφθείρας ὑπέλαβεν d'abord entre la cavalerie de
ἄβατον ἔσεσθαι τοῖς l'aile droite des Macédoniens
et la cavalerie de l'aile
πολεμίοις διὰ τὴν σπάνιν gauche des Perses
τῆς τροφῆς. (3) δ' commandée par Darius, qui
avait pour compagnons
᾿Αλέξανδρος
d'armes ses parents, formant
παραγενόμενος πρὸς τὴν un escadron d'élite de mille
cavaliers, tous distingués par
διάβασιν τοῦ Τίγρεως
leur valeur et leur affection
ποταμοῦ καὶ τὸν πόρον pour la personne du roi,
témoin de leur courage. Cet
ὑπό τινων ἐγχωρίων
escadron d'élite, recevant
μαθὼν διεβίβασε τὴν avec fermetéja grêle de traits
dirigés contre Darius, était
δύναμιν οὐ μόνον
soutenu par les mèlophores
ἐπιπόνως, ἀλλὰ καὶ (72) nombreux et courageux.
Près d'eux se trouvaient les
παντελῶς ἐπικινδύνως. (4)
Mardes et les Cosséens,
Τοῦ γὰρ πόρου τὸ μὲν admirés pour leur taille et
leur intrépidité. Ce corps était
βάθος ἦν ὑπὲρ τῶν
lui-même soutenu par les
μαστῶν, τοῦ δὲ ῥεύματος gardes du roi et par les
meilleurs soldats indiens.
ὀξύτης πολλοὺς τῶν
Toutes ces troupes, poussant
διαβαινόντων παρέσυρεν de grands cris, tombèrent sur
l'ennemi, se battirent
καὶ τὴν βάσιν τῶν σκελῶν
vaillamment et accablèrent
παρῃρεῖτο, τό τε ῥεῦμα de leur nombre les
Macédoniens. De son côté
τοῖς ὅπλοις ἐμπῖπτον
Mazée, qui avait sous ses
πολλούς τε παρέφερε καὶ ordres l'aile droite, composée
des meilleurs cavaliers
τοῖς ἐσχάτοις κινδύνοις
perdes, fit, dès la première
περιέβαλλεν. (5) δ' décharge, perdre beaucoup
de monde aux Macédoniens.
᾿Αλέξανδρος πρὸς τὴν
Il détacha ensuite un corps
σφοδρότητα τοῦ de cavalerie d'élite de deux
mille Cadusiens et de mille
ῥεύματος
Scythes, qui avaient reçu
ἀντιμηχανώμενος l'ordre de tourner l'aile
gauche de l'ennemi, de se
παρήγγειλε πᾶσι τὰς
diriger sur le camp et de se
χεῖρας ἀλλήλοις rendre maîtres des bagages.
Cet ordre fut promptement
συμπλέκειν καὶ τὴν ὅλην
exécuté. Le détachement
τῶν σωμάτων πυκνότητα perse pénétra dans le camp
des Macédoniens, et
ποιεῖν ζεύγματι
quelques prisonniers,
παραπλησίαν. (6) saisissant des armes,
aidèrent les Scythes à piller
Παραβόλου δὲ γενομένης
les bagages. Cette attaque
τῆς διαβάσεως καὶ τῶν imprévue jeta la perturbation
Μακεδόνων μόγις dans tout le camp. Les
captives qui s'y trouvaient se
διασωθέντων τὴν μὲν
joignirent aux Barbares; mais
ἡμέραν ταύτην la mère de Darius,
Sisyngambris, ne se laissa
προσανέλαβε τὴν δύναμιν,
point entraîner par les autres
τῇ δ' ὑστεραίᾳ captives : elle se tint
sagement en repos, soit
συντεταγμένην ἔχων τὴν
qu'elle se méfiât des caprices
στρατιὰν προῆγεν ἐπὶ de la fortune, soit qu'elle eût
une reconnaissance réelle
τοὺς πολεμίους καὶ
pour les bontés d'Alexandre.
σύνεγγυς γενόμενος τῶν Enfin, les Scythes, ayant pillé
une grande partie des
Περσῶν
bagages, rejoignirent au
κατεστρατοπέδευσεν. galop Mazée et lui
rapportèrent la nouvelle de
[56] Ἀναλογιζόμενος leur succès. Pareillement, la
δὲ τὸ πλῆθος τῆς τῶν cavalerie rangée autour de
Darius avait accablé par son
Περσῶν δυνάμεως καὶ τὸ nombre les Macédoniens qui
μέγεθος τῶν ἐπικειμένων lui étaient opposés et les
avait forcés à prendre la
κινδύνων, ἔτι δὲ τὴν περὶ fuite.
τῶν ὅλων κρίσιν ἐν χερσὶν LX. C'était là un second
succès que les Perses
οὖσαν διηγρύπνησε τὴν
venaient de remporter. Jaloux
νύκτα συνεχόμενος τῇ de réparer par lui-même ce
double échec, Alexandre se
περὶ τοῦ μέλλοντος
mit à la tête de l'escadron
φροντίδι· ὑπὸ δὲ τὴν royal, et, avec l'élite de ses
cavaliers, se porta droit sur
ἑωθινὴν φυλακὴν τραπεὶς
Darius. Le roi des Perses
εἰς ὕπνον οὕτως ἐκοιμήθη reçut le choc de l'ennemi : il
combattit du haut de son
βαθέως ὥστε τῆς ἡμέρας
char, et lança ses javelots
ἐπιγενομένης μὴ δύνασθαι contre les assaillants;
beaucoup de guerriers se
διεγερθῆναι. (2) Τὸ μὲν
battaient à ses côtés. Enfin
οὖν πρῶτον οἱ φίλοι τὸ les deux rois se portèrent l'un
sur l'autre. Alexandre lança
συμβὰν ἡδέως ἑώρων,
son javelot contre Darius,
νομίζοντες τὸν βασιλέα mais il le manqua, atteignit le
cocher du roi et le renversa
πρὸς τὸν ὑποκείμενον
(73). A cette chute, les
κίνδυνον εὐτονώτερον gardes de Darius jetèrent des
clameurs; les soldats placés
ἔσεσθαι τετευχότα
un peu plus loin crurent que
πολλῆς ἀνέσεως· ὡς δ' c'était le roi lui-même qui
μὲν χρόνος προέβαινεν, venait de tomber ; ils
commencèrent les premiers
δ' ὕπνος συνεῖχε τὸν
la fuite, et leur exemple
βασιλέα, Παρμενίων gagna de proche en proche
tous les rangs de l'armée de
πρεσβύτατος ὢν τῶν
Darius, qui fut rompue. Enfin,
φίλων ἀφ' ἑαυτοῦ un des côtés du char étant
dégarni de défenseurs, le roi
πρόσταγμα διέδωκε τοῖς
lui-même, saisi de frayeur, se
πλήθεσιν ἑτοιμάζεσθαι τὰ livra à la fuite. Un nuage de
poussière s'éleva sous les pas
πρὸς τὴν μάχην. (3) Οὐκ
des chevaux qui emportaient
ἀνιεμένου δ' αὐτοῦ les fuyards, et sous les pas
de la cavalerie d'Alexandre
προσελθόντες οἱ φίλοι
qui les poursuivait; ce nuage
μόγις διήγειραν τὸν était si épais qu'il fut
impossible de voir dans
᾿Αλέξανδρον.
quelle direction Darius s'était
Θαυμαζόντων δ' ἐπὶ τῷ enfui. L'air retentissait du
gémissement des mourants,
συμβεβηκότι πάντων καὶ
du bruit des chevaux et du
τὴν αἰτίαν ἀκοῦσαι claquement continuel des
fouets. Pendant que ces
βουλομένων ἔφησεν
choses se passaient, Mazée,
᾿Αλέξανδρος Δαρεῖον εἰς qui commandait l'aile droite
de l'armée des Perses, tomba
ἕνα τόπον ἠθροικότα τὰς
aveeune nombreuse
δυνάμεις ἀπολελυκέναι cavalerie d'élite sur les rangs
opposés de l'ennemi.
πάσης ἀγωνίας αὐτόν· (4)
Parménion, à la tête de la
μιᾷ γὰρ ἡμέρᾳ κριθέντα cavalerie thessalienne et de
ses compagnons d'armes,
περὶ τῶν ὅλων παύσεσθαι
soutint le choc de l'ennemi;
τῶν πόνων καὶ lui et ses cavaliers
thessaliens firent des
πολυχρονίων κινδύνων. Οὐ
prodiges de valeur, mais
μὴν ἀλλὰ παρακαλέσας Mazée accabla par le nombre
et l'épaisseur de ses
τοὺς ἡγεμόνας τοῖς
escadrons la cavalerie
οἰκείοις λόγοις καὶ πρὸς macédonienne. Le carnage
fut terrible; près de céder à
τοὺς ἐπιφερομένους
l'impétuosité dés Barbares,
κινδύνους εὐθαρσεῖς Parménion envoya quelques-
uns de ses cavaliers auprès
καταστήσας προῆγε τὴν
d'Alexandre pour le prier de
δύναμιν συντεταγμένην venir promptement à son
secours. Ces cavaliers
ἐπὶ τοὺς βαρβάρους, τῆς
partirent bien vite ; mais
τῶν πεζῶν φάλαγγος τὰς lorsqu'ils apprirent
τῶν ἱππέων εἴλας qu'Alexandre s'était éloigné
du champ de bataille pour se
προτάξας.
mettre à la poursuite de
[57] Ἐπὶ μὲν οὖν τὸ l'ennemi, ils revinrent sans
avoir rempli leur mission (74).
δεξιὸν κέρας ἔταξε τὴν Parménion, se servant alors
βασιλικὴν εἴλην, ἧς εἶχε de ses escadrons thessaliens
avec toute l'expérience d'un
τὴν ἡγεμονίαν Κλεῖτος habile général, parvint, non
μέλας ὀνομαζόμενος, sans peine, à culbuter les
Barbares, terrifiés par la mite
ἐχομένους δὲ ταύτης τοὺς de Darius.
ἄλλους φίλους, ὧν ἡγεῖτο
Φιλώτας Παρμενίωνος,
ἑξῆς δὲ τὰς ἄλλας
ἱππαρχίας ἑπτὰ
τεταγμένας ὑπὸ τὸν αὐτὸν
ἡγεμόνα. (2) Ὅπισθεν δὲ
τούτων ὑπετάγη τὸ τῶν
ἀργυρασπίδων πεζῶν
τάγμα, διαφέρον τῇ τε
τῶν ὅπλων λαμπρότητι
καὶ τῇ τῶν ἀνδρῶν ἀρετῇ·
καὶ τούτων ἡγεῖτο
Νικάνωρ Παρμενίωνος.
Ἐχομένην δὲ τούτων
ἔστησε τὴν ᾿Ελιμιῶτιν
καλουμένην στρατηγίαν,
ἧς Κοῖνος ἡγεῖτο, ἑξῆς δὲ
τὴν τῶν ᾿Ορεστῶν καὶ
Λυγκηστῶν τάξιν ἔστησε,
Περδίκκου τὴν
στρατηγίαν ἔχοντος. καὶ
τὴν μὲν ἐχομένην
στρατηγίαν Μελέαγρος
εἶχε, τὴν δὲ συνεχῆ
ταύτης Πολυπέρχων,
τεταγμένων ὑπ' αὐτὸν
τῶν ὀνομαζομένων
Στυμφαίων. (3) Φίλιππος
δ' Βαλάκρου τὴν συνεχῆ
ταύτης στρατηγίαν
ἐπλήρου καὶ τῆς μετὰ
ταύτην Κρατερὸς ἡγεῖτο.
τῶν δὲ προειρημένων
ἱππέων τὴν συνεχῆ τάξιν
ἀπεπλήρουν οἱ ἀπὸ
Πελοποννήσου καὶ
᾿Αχαΐας συστρατεύσαντες
ἱππεῖς καὶ Φθιῶται καὶ
Μαλιεῖς, ἔτι δὲ Λοκροὶ καὶ
Φωκεῖς, ὧν ἡγεῖτο
᾿Ερίγυιος Μιτυληναῖος.
(4) Ἑξῆς δ' εἱστήκεισαν
Θετταλοί, Φίλιππον μὲν
ἔχοντες ἡγεμόνα, ἀνδρείᾳ
δὲ καὶ τῇ τῶν εἰλῶν
ἱππασίᾳ πολὺ προέχοντες
τῶν ἄλλων. Ἐχομένους δὲ
τούτων τοὺς ἐκ Κρήτης
τοξότας ἔταξε καὶ τοὺς ἐκ
τῆς ᾿Αχαΐας μισθοφόρους.
(5) Ἐφ' ἑκατέρου δὲ τοῦ
κέρατος ἐπικάμπιον
ἐποίησε τὴν τάξιν, ὅπως
μὴ δύνωνται κυκλοῦν οἱ
πολέμιοι τῷ πλήθει τῶν
στρατιωτῶν τὴν
ὀλιγότητα τῶν
Μακεδόνων. (6) Πρὸς δὲ
τὰς τῶν δρεπανηφόρων
ἁρμάτων ἐπιφορὰς
μηχανώμενος βασιλεὺς
παρήγγειλε τοῖς ἐν τῇ
φάλαγγι πεζοῖς, ὅταν
πλησιάζῃ τὰ τέθριππα,
συνασπίσαι καὶ ταῖς
σαρίσαις τὰς ἀσπίδας
τύπτειν, ὅπως διὰ τὸν
ψόφον πτυρόμενα τὴν εἰς
τοὐπίσω ποιήσηται φοράν,
τοῖς δὲ βιαζομένοις
διδόναι διαστήματα, δι'
ὧν ποιήσονται τὴν
διέξοδον ἀκίνδυνον τοῖς
Μακεδόσιν. Αὐτὸς δὲ τοῦ
δεξιοῦ μέρους ἡγούμενος
καὶ λοξὴν τὴν τάξιν
ποιούμενος δι' ἑαυτοῦ τὴν
ὅλην κρίσιν τοῦ κινδύνου
ποιεῖσθαι διεγνώκει. [58]
δὲ Δαρεῖος κατὰ τὰς τῶν
ἐθνῶν περιοχὰς τὴν
ἔκταξιν πεποιημένος κατά
τε τὸν ᾿Αλέξανδρον
τεταγμένος προῆγεν ἐπὶ
τοὺς πολεμίους. Ὡς δ'
ἐπλησίαζον ἀλλήλαις αἱ
δυνάμεις, οἱ μὲν σαλπικταὶ
παρ' ἀμφοτέροις
ἐσήμαινον τὸ πολεμικόν,
οἱ δ' ἄνδρες μετὰ πολλῆς
βοῆς ἀλλήλοις
ἐπεφέροντο. (2) Καὶ
πρῶτον τὰ δρεπανηφόρα
τῶν ἁρμάτων ἀπὸ
κράτους ἐλαυνόμενα
πολλὴν ἔκπληξιν καὶ
φόβον τοῖς Μακεδόσιν
ἐπέστησεν· καὶ γὰρ
Μαζαῖος τῶν ἱππέων
ἡγούμενος πυκναῖς ταῖς
εἴλαις σὺν τοῖς
δρεπανηφόροις ἐπήλαυνε,
καταπληκτικωτέραν
ποιῶν τὴν ἐπιφορὰν τῶν
δρεπανηφόρων. (3) Τῆς δὲ
φάλαγγος συνασπιζούσης
καὶ κατὰ τὰς τοῦ
βασιλέως παραγγελίας
ταῖς σαρίσαις πάντων
τυπτόντων τὰς ἀσπίδας
συνέβαινε ψόφον πολὺν
γίνεσθαι. (4) Διόπερ τὰ
πολλὰ τῶν ἁρμάτων
πτυρομένων τῶν ἵππων
ἐστρέφετο καὶ τὴν ῥύμην
ἀκατάσχετον ποιοῦντα
πρὸς τοὺς ἰδίους βιαίως
ἀνέστρεφε. Τῶν δ' ἄλλων
προσπεσόντων τῇ φάλαγγι
καὶ τῶν Μακεδόνων
ποιούντων ἀξιόλογα
διαστήματα διὰ τούτων
φερόμενα τὰ μὲν
συνηκοντίσθη, τὰ δὲ
διεξέπεσεν, ἔνια δὲ τῇ βίᾳ
τῆς ῥύμης φερόμενα καὶ
ταῖς τῶν σιδήρων ἀκμαῖς
ἐνεργῶς χρησάμενα
πολλὰς καὶ ποικίλας
διαθέσεις θανάτων
ἀπειργάζετο. (5) Τοιαύτη
γὰρ ἦν ὀξύτης καὶ βία
τῶν κεχαλκευμένων πρὸς
ἀπώλειαν ὅπλων ὥστε
πολλῶν μὲν βραχίονας
σὺν αὐταῖς ταῖς ἀσπίσιν
ἀποκόπτεσθαι, οὐκ ὀλίγων
δὲ τραχήλους
παρασύρεσθαι καὶ τὰς
κεφαλὰς πίπτειν ἐπὶ τὴν
γῆν βλεπόντων ἔτι τῶν
ὀμμάτων καὶ τῆς τοῦ
προσώπου διαθέσεως
διαφυλαττομένης, ἐνίων
δὲ τὰς πλευρὰς
ἐπικαιρίοις τομαῖς
ἀναρήττεσθαι καὶ
θανάτους ὀξεῖς
ἐπιφέρεσθαι.

[59] Ὡς δ' ἤγγισαν


ἀλλήλαις αἱ δυνάμεις καὶ
διὰ τῶν τόξων καὶ
σφενδονῶν, ἔτι δὲ τῶν
ἀκοντιζομένων σαυνίων
τὰ ῥιπτούμενα βέλη
παρανήλωτο, πρὸς τὴν ἐκ
χειρὸς μάχην κατήντησαν.
(2) Καὶ πρῶτον τῶν
ἱππέων συστησαμένων
ἀγῶνα καὶ τῶν
Μακεδόνων τῷ δεξιῷ
κέρατι διαγωνιζομένων
μὲν Δαρεῖος τοῦ λαιοῦ
κέρατος ἡγούμενος
συναγωνιστὰς εἶχε τοὺς
συγγενεῖς ἱππεῖς,
ἐπιλέκτους ταῖς ἀρεταῖς
καὶ ταῖς εὐνοίαις, χιλίους
ἐν μιᾷ περιειλημμένους
εἴλῃ. (3) Οὗτοι δὲ θεατὴν
ἔχοντες τῆς ἰδίας
ἀνδραγαθίας τὸν βασιλέα
τὸ πλῆθος τῶν ἐπ' αὐτὸν
φερομένων βελῶν
προθύμως ἐξεδέχοντο.
συνῆσαν δὲ τούτοις οἵ τε
μηλοφόροι, διάφοροι ταῖς
ἀνδραγαθίαις καὶ πολλοὶ
κατὰ τὸ πλῆθος, πρὸς δὲ
τούτοις Μάρδοι καὶ
Κοσσαῖοι, ταῖς τε τῶν
σωμάτων ὑπεροχαῖς καὶ
ταῖς λαμπρότησι τῶν
ψυχῶν θαυμαζόμενοι. (4)
Συνηγωνίζοντο δὲ τούτοις
οἵ τε περὶ τὰ βασίλεια
διατρίβοντες καὶ τῶν
᾿Ινδῶν οἱ κράτιστοι κατ'
ἀνδρείαν. Οὗτοι μὲν οὖν
μετὰ πολλῆς βοῆς
ἐπιρράξαντες τοῖς
πολεμίοις ἐκθύμως
ἠγωνίζοντο καὶ τῷ πλήθει
κατεπόνουν τοὺς
Μακεδόνας· (5) Μαζαῖος
δὲ τὸ δεξιὸν ἔχων κέρας
καὶ μετὰ τῶν ἀρίστων
ἱππέων διαγωνιζόμενος
εὐθὺς κατὰ τὴν πρώτην
ἔφοδον τῶν ἀνθεστώτων
ἀνεῖλεν οὐκ ὀλίγους,
δισχιλίους δὲ Καδουσίους
καὶ χιλίους τῶν Σκυθῶν
ἱππεῖς ἐπιλέκτους
ἐξέπεμψε, προστάξας
περιιππεῦσαι τὸ κέρας τὸ
τῶν πολεμίων καὶ
προσελάσαντας τῇ
παρεμβολῇ τῆς ἀποσκευῆς
κυριεῦσαι. (6) Ὧν ὀξέως
ποιησάντων τὸ
προσταχθὲν καὶ
παρεισπεσόντων εἰς τὴν
στρατοπεδείαν τῶν
Μακεδόνων τῶν
αἰχμαλώτων τινὲς
ἁρπάσαντες ὅπλα
συνήργουν τοῖς Σκύθαις
καὶ διήρπαζον τὰς
ἀποσκευάς· βοὴ δ' ἦν καὶ
ταραχὴ διὰ τὸ παράδοξον
καθ' ὅλην τὴν
παρεμβολήν. (7) Αἱ μὲν
οὖν ἄλλαι τῶν
αἰχμαλωτίδων πρὸς τοὺς
βαρβάρους ἀπεχώρουν,
δὲ μήτηρ τοῦ Δαρείου
Σισύγγαμβρις
παρακαλουσῶν αὐτὴν τῶν
αἰχμαλωτίδων οὐ
προσέσχεν, ἀλλ' ἐφ'
ἡσυχίας ἔμεινε
φιλοφρόνως, οὔτε τῷ
παραδόξῳ τῆς τύχης
πιστεύσασα οὔτε τὴν πρὸς
᾿Αλέξανδρον εὐχαριστίαν
λυμαινομένη. (8) Τέλος δὲ
οἱ Σκύθαι πολλὴν τῆς
ἀποσκευῆς διαρπάσαντες
ἀφίππευσαν πρὸς τοὺς
περὶ Μαζαῖον καὶ τὴν
εὐημερίαν ἀπήγγειλαν.
Ὁμοίως δὲ καὶ τῶν περὶ
Δαρεῖον τεταγμένων
ἱππέων τινὲς
καταπονήσαντες τῷ
πλήθει τοὺς ἀνθεστῶτας
Μακεδόνας φεύγειν
ἠνάγκασαν.

[60] Δευτέρου δὲ
προτερήματος τοῖς
Πέρσαις γενομένου μὲν
᾿Αλέξανδρος σπεύδων δι'
ἑαυτοῦ τὴν ἧτταν
διορθώσασθαι τῶν ἰδίων
μετὰ τῆς βασιλικῆς εἴλης
καὶ τῶν ἄλλων τῶν
ἐπιφανεστάτων ἱππέων ἐπ'
αὐτὸν ἤλαυνε τὸν
Δαρεῖον. (2) δὲ τῶν
Περσῶν βασιλεὺς
δεξάμενος τὴν ἐπιφορὰν
τῶν πολεμίων αὐτὸς μὲν
ἐφ' ἅρματος
ἀγωνιζόμενος ἠκόντιζεν
εἰς τοὺς ἐπιφερομένους,
πολλῶν δ' αὐτῷ
συναγωνιζομένων καὶ τῶν
βασιλέων ἐπ' ἀλλήλους
ἱεμένων μὲν
᾿Αλέξανδρος ἀκοντίσας
ἐπὶ τὸν Δαρεῖον τούτου
μὲν ἥμαρτεν, τοῦ δὲ
παρεστῶτος ἡνιόχου τοῦ
βασιλέως κατατυχὼν
κατέβαλεν. (3) Τῶν δὲ
περὶ τὸν Δαρεῖον
ἀναβοησάντων οἱ
πορρώτερον ἀφεστηκότες
ὑπέλαβον αὐτὸν τὸν
βασιλέα πεπτωκέναι· καὶ
τούτων τῆς φυγῆς
ἀρξαμένων οἱ συνεχεῖς
συνείποντο καὶ τὸ
συνεστὸς τῷ Δαρείῳ
σύνταγμα κατ' ὀλίγον
παρερρήγνυτο. διὸ καὶ
τῆς ἑτέρας πλευρᾶς
παραγυμνωθείσης τῶν
συναγωνιζομένων καὶ
αὐτὸς καταπλαγεὶς πρὸς
φυγὴν ὥρμησεν. (4)
Τούτων δὲ οὕτως
φευγόντων καὶ τοῦ
κονιορτοῦ τῶν ἱππέων
πρὸς ὕψος αἰρομένου καὶ
τῶν περὶ τὸν ᾿Αλέξανδρον
ἐκ ποδὸς ἑπομένων διὰ τὸ
πλῆθος καὶ τὴν πυκνότητα
τοῦ κονιορτοῦ συνιδεῖν
μὲν οὐκ ἦν τὸν Δαρεῖον
ὅποι ποιεῖται τὴν φυγήν,
στεναγμὸς δὲ τῶν
πιπτόντων ἀνδρῶν καὶ
κτύπος τῶν ἱππέων, ἔτι δὲ
τῶν μαστίγων συνεχὴς
ψόφος ἐγίνετο. (5) Ἅμα δὲ
τούτοις πραττομένοις
Μαζαῖος τοῦ δεξιοῦ
κέρατος ἡγούμενος,
πλείστους ἔχων καὶ
κρατίστους ἱππεῖς, βαρὺς
ἐπέκειτο τοῖς κατ' αὐτὸν
τεταγμένοις· Παρμενίων
δὲ μετὰ τῶν Θετταλῶν
ἱππέων καὶ τῶν ἄλλων
τῶν μετ' αὐτοῦ
κινδυνευόντων ὑπέστη
τοὺς πολεμίους. (6) Τὸ μὲν
οὖν πρῶτον λαμπρῶς
ἀγωνιζόμενος διὰ τὰς
ἀρετὰς τῶν Θετταλῶν
προετέρει· τῶν δὲ περὶ
τὸν Μαζαῖον τῷ τε πλήθει
καὶ βάρει τοῦ συστήματος
ἐγκειμένων κατεπονεῖτο
τὸ τῶν Μακεδόνων
ἱππικόν. (7) Πολλοῦ δὲ
φόνου γινομένου καὶ τῆς
τῶν βαρβάρων βίας
δυσυποστάτου γινομένης
Παρμενίων ἐξέπεμψέ
τινας τῶν περὶ αὐτὸν
ἱππέων πρὸς τὸν
᾿Αλέξανδρον, λέγων κατὰ
τάχος βοηθῆσαι. ὀξέως δὲ
τούτων τὸ παραγγελθὲν
πραττόντων καὶ τὸν
᾿Αλέξανδρον πυθομένων
πολὺ τῆς τάξεως
ἀπεσπάσθαι κατὰ τὸν
διωγμὸν οὗτοι μὲν
ἐπανῆλθον ἄπρακτοι, (8)
δὲ Παρμενίων ταῖς τῶν
Θετταλῶν εἴλαις
χρώμενος ἐμπειρότατα
καὶ πολλοὺς καταβαλὼν
μόλις ἐτρέψατο τοὺς
βαρβάρους, μάλιστα
καταπλαγέντας τῇ κατὰ
τὸν Δαρεῖον φυγῇ.

[61] δὲ Δαρεῖος τῇ LXI. Darius, en homme


στρατηγίᾳ διαφέρων καὶ versé dans la stratégie,
συνεργὸν ἔχων τὸ πλῆθος profita du nuage de poussière
τοῦ κονιορτοῦ τὴν qui s'élevait du champ de
ἀποχώρησιν οὐχ ὁμοίαν bataille, et n'exécuta pas sa
τοῖς ἄλλοις βαρβάροις retraite comme les autres
ἐποιεῖτο, εἰς τοὐναντίον Barbares : il partit dans une
δὲ μέρος ὁρμήσας καὶ direction opposée et parvint,
κρυπτομένην ἔχων διὰ τὸν caché par le nuage, à s'enfuir
ἐξαιρόμενον κονιορτὸν sans danger et à se sauver
τὴν ἰδίαν ἀποχώρησιν avec tous ses satellites dans
ἀκινδύνως αὐτός τε les villages situés sur les
διέφυγεν τούς τε μεθ' derrières de l'armée
ἑαυτοῦ πάντας εἰς τὰς macédonienne. Enfin, tous les
κατόπιν κειμένας τῶν Barbares avaient pris la fuite,
Μακεδόνων κώμας et les Macédoniens
διέσωσε. (2) Τέλος δὲ atteignant les traînards les
πάντων τῶν βαρβάρων passèrent au fil de l'épée ;
πρὸς φυγὴν ὁρμησάντων tous les environs du champ
καὶ τῶν Μακεδόνων τοὺς de bataille étaient jonchés de
ἐσχάτους ἀεὶ κτεινόντων morts. Les Barbares perdirent
ταχὺ πᾶς πλησίον τοῦ dans cette bataille plus de
πεδίου τόπος νεκρῶν cruatre-vingt-dix mille
ἐπληρώθη. (3) Διὸ καὶ τῶν hommes (75), tant de
βαρβάρων ἐν ταύτῃ τῇ cavalerie que d'infanterie ;
μάχῃ κατεκόπησαν οἱ les Macédoniens ne
πάντες ἱππεῖς τε καὶ πεζοὶ comptaient que cinq cents
πλείους τῶν ἐννέα morts, mais ils avaient un
μυριάδων· τῶν δὲ très-grand nombre de
Μακεδόνων ἀνῃρέθησαν blessés, parmi lesquels se
μὲν εἰς πεντακοσίους, trouvait un des généraux les
τραυματίαι δ' ἐγένοντο plus célèbres, Hephœstion,
παμπληθεῖς, ἐν οἷς καὶ qui commandait les gardes
τῶν ἐπιφανεστάτων du corps du roi ; il avait été
ἡγεμόνων ῾Ηφαιστίων μὲν atteint au bras d'un coup de
εἰς τὸν βραχίονα ξυστῷ lance. Les généraux
βληθεὶς ἐτρώθη, τῶν Perdiccas, Cœnus, Ménidas,
σωματοφυλάκων et quelques autres non moins
ἡγούμενος, τῶν δὲ distingués, étaient également
στρατηγῶν Περδίκκας καὶ au nombre des blessés. Telle
Κοῖνος, ἔτι δὲ Μενίδας καί fut l'issue de la bataille
τινες ἕτεροι τῶν d'Arbèles.
ἐπιφανῶν ἡγεμόνων. μὲν LXII. Aristophane étant
οὖν περὶ ῎Αρβηλα archonte d'Athènes, Caïus
γενομένη παράταξις Domitius et Aulus Cornélius
τοιοῦτον ἔσχε τὸ πέρας. furent revêtus à Rome de
[62] Ἐπ' ἄρχοντος δ' l'autorité consulaire (76).
᾿Αθήνησιν ᾿Αριστοφῶντος Dans cette année, la nouvelle
ἐν ῾Ρώμῃ διεδέξαντο τὴν de la bataille d'Arbèles fut
ὑπατικὴν ἀρχὴν Γάιος apportée en Grèce. Beaucoup
Δομέττιος καὶ Αὖλος de villes voyant avec
Κορνήλιος. ἐπὶ δὲ τούτων défiance l'accroissement des
εἰς τὴν ῾Ελλάδα τῆς περὶ Macédoniens, ne renonçaient
῎Αρβηλα μάχης pas encore à l'espoir de
διαδοθείσης πολλαὶ τῶν recouvrer leur indépendance,
πόλεων ὑφορώμεναι τὴν tant que les affaires des
αὔξησιν τῶν Μακεδόνων Perses ne seraient pas tout à
ἔγνωσαν, ἕως ἔτι τὰ fait désespérées. Elles
Περσῶν πράγματα comptaient encore vsur le
διαμένει, τῆς ἐλευθερίας secours de Darius,
ἀντέχεσθαι· (2) βοηθήσειν persuadées qu'il leur
γὰρ αὐτοῖς Δαρεῖον καὶ fournirait de l'argent afin de
χρημάτων τε πλῆθος pouvoir enrôler un grand
χορηγήσειν πρὸς τὸ nombre de mercenaires. Elles
δύνασθαι ξενικὰς μεγάλας pensaient aussi qu'Alexandre
δυνάμεις συνίστασθαι καὶ ne serait pas en état de
τὸν ᾿Αλέξανδρον μὴ diviser ses forces ; mais ces
δυνήσεσθαι διαιρεῖν τὰς villes étaient surtout
δυνάμεις. (3) Εἰ δὲ convaincues qu'en laissant
περιόψονται τοὺς Πέρσας les Perses succomber, les
καταπολεμηθέντας, Grecs isolés ne seraient plus
μονωθήσεσθαι τοὺς assez forts pour défendre leur
῞Ελληνας καὶ μηκέτι indépendance. Ce qui
δυνήσεσθαι φροντίσαι τῆς contribuait encore à
ἑαυτῶν ἐλευθερίας. (4) entretenir cet esprit de
Προεκαλέσατο δὲ πρὸς révolte, c'était l'état incertain
τὴν ἀπόστασιν τοὺς delà Thrace qui était alors
῞Ελληνας καὶ περὶ τὴν près de s'insurger. Memnon,
Θρᾴκην νεωτερισμὸς gouverneur militaire de la
κατὰ τοὺς ὑποκειμένους Thrace, homme ambitieux et
καιροὺς γενόμενος· (5) possédant une armée, poussa
Μέμνων γὰρ les Barbares à l'insurrection.
καθεσταμένος στρατηγὸς S'étant ainsi révolté contre
τῆς Θρᾴκης, ἔχων δύναμιν Alexandre, il mit bientôt sur
καὶ φρονήματος ὢν pied de nombreuses troupes
πλήρης, ἀνέσεισε μὲν et lui déclara ouvertement la
τοὺς βαρβάρους, guerre. Antipater se mit
ἀποστάτης δὲ γενόμενος aussitôt à la tête de son
᾿Αλεξάνδρου καὶ ταχὺ armée, traversa la
μεγάλης δυνάμεως Macédoine, pénétra en
κυριεύσας φανερῶς Thrace et combattit Memnon.
ἀπεκαλύψατο πρὸς τὸν Les choses en étaient là,
πόλεμον. (6) Διόπερ lorsque les Lacédémoniens,
᾿Αντίπατρος πᾶσαν croyant le moment propice
ἀναλαβὼν τὴν δύναμιν pour se préparer à la guerre,
προῆλθε διὰ Μακεδονίας appelèrent les Grecs à la
εἰς Θρᾴκην καὶ διεπολέμει liberté. Les Athéniens qui, de
πρὸς τὸν Μέμνονα. Τούτου tous les Grecs, étaient ceux
δὲ περὶ ταῦτ' ὄντος οἱ qui avaient reçu d'Alexandre
Λακεδαιμόνιοι καιρὸν le plus de témoignages
ἔχειν ὑπολαβόντες τοῦ d'estime, ne bougèrent pas.
παρασκευάσασθαι τὰ πρὸς Mais la plupart des
τὸν πόλεμον παρεκάλουν Péloponnésiens, et quelques
τοὺς ῞Ελληνας autres peuples, se rangèrent
συμφρονῆσαι περὶ τῆς du côté des Lacédémoniens;
ἐλευθερίας. (7) ᾿Αθηναῖοι ils décrétèrent des
μὲν οὖν, παρὰ πάντας contingents de troupes en
τοὺς ἄλλους ῞Ελληνας ὑπ' raison de la population de
᾿Αλεξάνδρου chaque ville ; ces contingents
προτιμώμενοι, τὴν étaient composés de jeunes
ἡσυχίαν ἦγον· gens d'élite, formant une
Πελοποννησίων δ' οἱ armée d'au moins vingt mille
πλείους καὶ τῶν ἄλλων fantassins et d'environ deux
τινὲς συμφρονήσαντες mille cavaliers. Les
ἀπεγράψαντο πρὸς τὸν Lacédémoniens étaient à la
πόλεμον καὶ κατὰ δύναμιν tête de cette ligue, décidée à
τῶν πόλεων tout, et le roi Agis avait le
καταγράφοντες τῶν νέων commandement en chef des
τοὺς ἀρίστους κατέλεξαν troupes.
στρατιώτας πεζοὺς μὲν LXIII. En apprenant cette
οὐκ ἐλάττους τῶν ligue des Grecs, Antipater mit
δισμυρίων, ἱππεῖς δὲ περὶ aussitôt fin à la guerre de
δισχιλίους. (8) Τὴν δ' Thrace et s'avança avec
ἡγεμονίαν ἔχοντες toute son armée vers le
Λακεδαιμόνιοι πανδημεὶ Péloponnèse. A cette armée
πρὸς τὸν ὑπὲρ τῶν ὅλων vinrent se joindre les alliés
κίνδυνον ὥρμησαν, grecs, et Antipater réunit
῎Αγιδος τοῦ βασιλέως τὴν ainsi un total d'environ
πάντων ἔχοντος quarante mille hommes. Il
ἡγεμονίαν. s'engagea un grand combat
[63] ᾿Αντίπατρος δὲ dans lequel Agis perdit la vie.
πυθόμενος τὴν τῶν Les Lacédémoniens se
῾Ελλήνων συνδρομὴν τὸν défendirent longtemps avec
μὲν ἐν τῇ Θρᾴκῃ πόλεμον opiniâtreté, mais leurs alliés,
ὥς ποτ' ἦν δυνατὸν ayant été battus, ils se
κατέλυσεν, εἰς δὲ τὴν retirèrent eux-mêmes à
Πελοπόννησον ἧκε μετὰ Sparte. Les Lacédémoniens,
πάσης τῆς δυνάμεως. avec leurs alliés, perdirent
Προσλαβόμενος δὲ καὶ dans cette bataille plus de
παρὰ τῶν συμμαχούντων cinq mille trois cents hommes
῾Ελλήνων στρατιώτας ; Antipater comptait trois
ἤθροισε τοὺς ἅπαντας οὐκ mille cinq cents morts. Une
ἐλάττους τῶν circonstance particulière
τετρακισμυρίων. (2) signala la mort d'Agis. Après
Γενομένης δὲ παρατάξεως une brillante défense, il
μεγάλης μὲν ῎Αγις tomba couvert de blessures,
μαχόμενος ἔπεσεν, οἱ δὲ toutes reçues par devant. Ses
Λακεδαιμόνιοι πολὺν μὲν soldats se disposaient à le
ἐκθύμως χρόνον transporter à Sparte; mais
ἀγωνιζόμενοι Agis, sur le point d'être pris
διεκαρτέρουν, τῶν δὲ par l'ennemi, et désespérant
συμμάχων βιασθέντων καὶ de son salut, ordonna aux
αὐτοὶ τὴν ἀναχώρησιν εἰς soldats de se retirer au plus
τὴν Σπάρτην ἐποιήσαντο. vite et de conserver leurs
(3) Ἀνῃρέθησαν δ' ἐν τῇ jours pour le servicede la
μάχῃ τῶν μὲν patrie. Puis, il revêtit ses
Λακεδαιμονίων καὶ τῶν armes, mit un genou en terre,
συμμάχων πλείους τῶν se défendit contre les
πεντακισχιλίων καὶ ennemis, en tua quelques-
τριακοσίων, τῶν δὲ μετ' uns à coups de lance, et
᾿Αντιπάτρου τρισχίλιοι rendit la vie. Il avait régné
καὶ πεντακόσιοι. (4) Ἴδιον neuf ans. Après avoir jeté un
δέ τι συνέβη καὶ περὶ τὴν coup d'œil sur les
τοῦ ῎Αγιδος τελευτὴν événements qui se sont
γενέσθαι· ἀγωνισάμενος passés en Europe, nous
γὰρ λαμπρῶς καὶ πολλοῖς allons reprendre en détail
τραύμασιν ἐναντίοις l'histoire de l'Asie.
περιπεσὼν ὑπὸ τῶν
στρατιωτῶν εἰς τὴν
Σπάρτην ἀπεκομίζετο·
περικατάληπτος δὲ
γενόμενος καὶ τὰ καθ'
ἑαυτὸν ἀπογνοὺς τοῖς μὲν
ἄλλοις στρατιώταις
προσέταξεν ἀπιέναι τὴν
ταχίστην καὶ διασώζειν
αὑτοὺς εἰς τὴν τῆς
πατρίδος χρείαν, αὐτὸς δὲ
καθοπλισθεὶς καὶ εἰς γόνυ
διαναστὰς ἠμύνατο τοὺς
πολεμίους καί τινας
καταβαλὼν καὶ
συνακοντισθεὶς
κατέστρεψε τὸν βίον,
ἄρξας ἔτη ἐννέα. (5)
Ἡμεῖς δὲ διεληλυθότες τὰ
πραχθέντα κατὰ τὴν
Εὐρώπην ἐν μέρει τὰ κατὰ
τὴν ᾿Ασίαν συντελεσθέντα
διέξιμεν.

NOTES

(01) Le livre XVIIe, à l'exemple du livre Ier, a été


divisé en deux parties.

(02) Ici une partie du sommaire a été transportée


au chapitre LXXXIV (en note), pour combler une
lacune considérable qui se trouve dans le texte
(03) Deuxième année delà cxie olympiade; année
335 avant J. C.

(04) Suivant Élien (H. V., liv. VI, chap. viii), le


corps du roi fut jeté aux chats, et avec les os Bagoas
fit fabriquer des manches de poignards.

(05) Strabon l'appelle Narsès, et Plutarque Oaxès.

(06) Il s'agit ici sans doute d'Artaxerxès II


Memnon, mort vers 362 avant J. C. Voyez la note de
Wesseling, dans le tome VII, p. 589, de l'édit.
Bipontine.

(07) C'était probablement un poison végétal.


Comparez Quinte-Curce, VI, 4, 10; et Arrien, II, 14

(08) Elle est située sur les limites de la Troade et


la Phrygie, au fond du golfe d'Adramyttium.

(09) Environ quatre-vingt-dix mètres.

(10) Pomponius Méla (II, 18) a imité ce passage.

(11) Probablement l'antre de Trophonius, près de


Lebadie.

(12). Le lac Copaïs.

(13) Comparez Élien (H. V., liv. XII, chap. LVII.).

(14) Deux millions quatre cent vingt mille franc.

(15) Vingt-sept mille cinq cents francs.

(16) Troisième année de la cxre olympiade; année


334 avant J. C.

(17) Il y a ici un jeu de mots difficile à rendre en


français, χώρα δορύκτητος est une locution familière
qui équivaut à l'expression française de pays conquis
à la pointe de Vépée.

(18) Le texte porte : ἱππεῖς μύριοι καὶ χίλιοι και


πεντακόσιοι, ce qui ferait onze mille cinq cents
cavaliers. Les mots μύριοι καὶ sont évidemment de
trop.

(19) Comparez plus bas, XVIII, 3 et 39. .

(20) Suivant Plutarque et Arrien, le passage du


Granique fut effectué, non pas le matin, mais vers le
soir.

(21) Arrien l'appelle Asamès.

(22) Arrien (I, 15) lui donne le nom de Spithridate.

(23) Arrien l'appelle Arrhéomithrès.

(24) D'après Justin XI, 6), l'infanterie des Perses


était de six cent mille hommes.

(25) Plutarque et Arrien l'appellent Rhœsacès


(Ῥοισάκης).

(26) Arrien l'appelle (I, 17) Mithrobuzanès.

(27) Arrien (I, 17) et Quinte-Curce (III, 11) ne


s'accordent pas avec Diodore sur le nombre des
morts.

(28) Arrien et Quinte-Curce le nomment Mithrenes.

(29) Suivant Arrien (1,21), Néoptolème


combattait, au contraire, dans les rangs de Darius.

(30) Ces détails diffèrent un peu du récit d'Arrien


(I, 18).

(31) La petite Phrygie était située entre la Mysie et


la Troade.

(32) Aucun autre auteur ne mentionne les


Μαρμαμεῖς.

(33) Arrien (II, 11) l'appelle Nicostrate.


(34) Quatrième année de la cxie olympiade; année
333 avant J.-C.

(35) Tout ce qui concerne ici Charidème est en


contradiction avec ce qu'en disent Arrien et Plutarque.
Charidème avait été, au contraire, le plus grand
ennemi de Philippe, qui l'avait envoyé en exil. (Arrien,
I,10.)

(36) Arrien (II, 10) et Plutarque (Vie d'Alexandre)


ne s'accordent pas ici avec Diodore.

(37) Plutarque, Vie d'Alexandre.

(38) Environ six kilomètres.

(39) L'ordre de bataille était autrement disposé,


suivant Arrien, II, 9; et Quinte-Curce, III, 9.

(40) Arrien le nomme Sabacès.

(41) Justin (IX, 9) donne un nombre de beaucoup


inférieur.

(42). Σισύγραμβρις. Quinte-Curce l'appelle


Sisygambis,

(43) Cette maxime a été souvent répétée dans les


temps anciens aussi bien que dans les temps
modernes. [In bellis], maximam partem suo jure
fortuna sibi vindicat, a dit Cicéron (pro Marcello, 2). La
guerre est un jeu de hasard, a dit un célèbre homme
d'État.

(44) Ces détails ne s'accordent pas avec ceux que


donnent Arrîen, (II, 14) et Quinte-Curce (IV, 1).

(45) Première attnée de la ciiie olympiade; année


332 avant J.-C.

(46) Environ huit cents mètres.


(47) Environ soixante mètres.

(48) Ce vent qui souffle fréquemment sur la côte


de la Syrie, était connu des navigateurs sous le nom
de borée noir, μελαμβόρειοςc.

(49) Deux mètres et demi.

(50) Trente mètres.

(51) C'est la répétition de ce que l'auteur vient de


dire dans le cbap. XLIII.

(52) Arrien (II, 23) raconte autrement la mort


d'Àdmète. Comparez aussi Quinte-Curce, IV, 4.

(53) Arrien (III, 24), parle de huit mille morts, et


Quinte-Curce (IV, 4) de six mille.

(54) Suivant Arrien, le nombre des prisonniers


était de trente mille.

(55) Quinte-Curce et Justin l'appellent


Abdalonymus, Plutarque Alynomus et Arrien
Azelmicus.

(56) Deuxième année de la cxiie olympiade;


année 331 avant J.-C,

(57) Voyez plus baut, I, 46; XV1, 62.

(58) C'était sans doute un de ces lacs dont les


eaux étaient saturées de carbonate de soude
(natron), et qu'on rencontre encore aujourd'hui dans
cette région.

(59) Comparez plus haut, III, 73; et Hérodote, II,


55.

(60) Cette observation peut s'appliquer à toutes


les sources dont les eaux jaillissent d'une grande
profondeur. Les différences de froid et de chaud
viennent de ce que la source ne se trouve pas au
même degré de température que l'air ambiant.

(61) Pline. VI 10, explique cette forme : ad


effigiem macedonicœ chlamydis, orbe gyrato
laciniosam, dextra Iaevaque anguloso procursu.

(62) Cinq mille quatre cents mètres sur trente de


large.

(63) Trente-trois millions- de francs, s'il s'agit ici


du talent attique.

(64) Environ soixante-dix centimètres.

(65) Comparez Quinte-Curce, IV. 9.

(66) Ce passage de Diodore prouve


surabondamment que Ninive était située, non pas,
comme le prétendent des archéologues de nos jours,
sur la rive droite du Tigre, mais entre ce fleuve et
l'Euphrate. Voyez notre Assyrie, etc., p. 243, dans la
collection de l'Univers pittoresque.

(67) Onze millions de francs.

(68) On se rappelle que Napoléon dormit d'un


profond sommeil la veille de la bataille d'^usterlitz. Ce
sommeil, pour l'un comme pour l'autre de ces grands
capitaines, n'était pas seulement le résultat des
fatigues de l'esprit et du corps; c'était surtout l'effet
de cette tranquillité d'âme qui accompagne la
conviction de la réussite d'une entreprise habilement
combinée.

(69) Il y a dans le texte τοὺς ἄλλους φίλους, les


autres amis.

(70) Corps d'élite, qui devait son nom à la


blancheur de ses boucliers. Voyez Justin, XII, 7;
Quinte-Curce, IV, 13.

(71) Élimie était le nom d'une ville de Macédoine.

(72) Μηλοφόροι, porte-pommes. Ils étaient ainsi


appelés à cause d'une pomme d'or qui ornait Tune
des extrémités de leurs lances. C'était le principal
corps d'élite du roi des Perses.

(73) Comparez Quinte-Curce, IV, 16.

(74) Cest ce que nient Arrien, III, 15, et Quinte-


Curce.

(75) Ce nombre diffère considérablement de celui


que donnent Arrien et Quinte-Curce.

(76) Troisième année de la cxiie olympiade; année


330 avant J.-C.

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME TROISIEME : LIVRE XΧ ΔΙΟΔΩΡΟΥ ΣΙΚΕΛΙΩΤΟΥ


ΙΣΤΟΡΙΩΝ ΒΙΒΛΟΣ ΕΙΚΟΣΤΗ.
Traduction française : FERD. HOEFER
livre 19 - livre 21 (fragments)
Autre traduction

LIVRE VINGTIÈME

Τάδε ἔνεστιν ἐν τῇ SOMMAIRE.


εἰκοστῇ τῶν Διοδώρου Agathocle passe en
βύβλων.
αʹ. Ὡς Ἀγαθοκλῆς Libye, remporte une victoire
διαβὰς εἰς Λιβύην ἐνίκησεν sur les Carthaginois et
παρατάξει Καρχηδονίους s'empare d'un grand nombre
καὶ πολλῶν πόλεων de villes. - Cassandre arrive
ἐκυρίευσεν. Βʹ. Ὡς au secours d'Autoléon et fait
Κάσανδρος Αὐδολέοντι μὲν une alliance avec Ptolémée,
ἐβοήθησε, πρὸς δὲ lieutenant rebelle
Πτολεμαῖον τὸν Ἀντιγόνου d'Antigone. - Ptolémée prend
στρατηγὸν ἀποστάτην quelques villes de la Cilicie.
γενόμενον συμμαχίαν Démétrius, fils d'Antigone,
ἐποιήσατο. Γʹ. Ὡς les recouvre. - Polysperchon
Πτολεμαῖος μὲν τῶν περὶ entreprend de rétablir sur le
Κιλικίαν πόλεών τινας trône paternel Hercule, fils
εἷλε, Δημήτριος δ´ d'Alexandre et de Barsine;
Ἀντιγόνου ταύτας Ptolémée met à mort
ἀνεκτήσατο. Δʹ. Ὡς Nicocréon, roi des Paphiens.
Πολυπέρχων μὲν Ἡρακλέα - Actes des rois dans le
τὸν ἐκ Βαρσίνης Bosphore ; actes des
ἐπεχείρησε κατάγειν ἐπὶ Romains et des Samnites en
τὴν πατρῴαν βασιλείαν, Italie. - Expédition de
Πτολεμαῖος δὲ Ptolémée contre la Cilicie et
Νικοκρέοντα τὸν βασιλέα le littoral qui avoisine ce
τῶν Παφίων ἐπανείλατο. pays. - Hercule est tué par
Εʹ. Περὶ τῶν πραχθέντων Polysperchon. - Hamilcar,
ἐν μὲν τῷ Βοσπόρῳ τοῖς général des Carthaginois,
βασιλεῦσιν, κατὰ δὲ τὴν prend Syracuse. - Les
Ἰταλίαν Ῥωμαίοις καὶ Agrigentins essayent de
Σαμνίταις. ςʹ. Πτολεμαίου délivrer les Siciliens. - Prise
στρατεία ἐπὶ Κιλικίαν καὶ de vingt navires syracusains.
τὴν ἑξῆς παραθαλάττιον. - Révolte en Libye; danger
Ζʹ. Ἡρακλέους ἀναίρεσις que court Agathocle. -
ὑπὸ Πολυπέρχοντος. ηʹ. Appius Claudius est censeur.
Ἀμίλκου τοῦ στρατηγοῦ - Corinthe et Sicyone se
τῶν Καρχηδονίων ἅλωσις livrent à Ptolémée. -
ὑπὸ Συρακοσίων. θʹ. Ὡς Cléopâtre est tuée à Sardes.
Ἀκραγαντῖνοι τοὺς - Agathocle remporte une
Σικελιώτας ἐλευθεροῦν victoire sur les Carthaginois;
ἐπεχείρησαν. Ιʹ. Ὡς τῶν il fait venir auprès de lui
Συρακοσίων εἴκοσι ναῦς Ophellas, soupçonné de
ἥλωσαν. Ιαʹ. Περὶ τῆς ἐν conspiration, le tue et réunit
Λιβύῃ γενομένης στάσεως aux siennes les troupes
καὶ τοῦ κινδύνου τοῦ περὶ d'Ophellas. - Bomilcar,
τὸν Ἀγαθοκλέα. Ιβʹ. Περὶ accusé d'aspirer à la
τῶν πραχθέντων Ἀππίῳ tyrannie, succombe. -
Κλαυδίῳ κατὰ τὴν Agathocle envoie des
τιμητικὴν ἀρχήν. Ιγʹ. dépouilles en Sicile;
Παράδοσις Κορίνθου καὶ quelques-uns de ses navires
Σικυῶνος Πτολεμαίῳ. Ιδʹ. font naufrage. - Les Romains
Κλεοπάτρας ἐν Σάρδεσιν viennent au secours des
ἀναίρεσις. Ιεʹ. Ὡς Marses, assiégés par les
Ἀγαθοκλῆς Καρχηδονίους Samnites; ils prennent
μὲν ἐνίκησεν μάχῃ, τὸν δὲ d'assaut Caprium dans la
δυνάστην τῆς Κυρήνης Tyrrhénie. - Démétriss
Ὀφέλλαν μεταπεμψάμενος Poliorcètes entre dans le
ἐπὶ κοινοπραγίαν Pirée; prise de Munychie. -
κατέσφαξεν, καὶ τὴν μετὰ Délivrance des Athéniens et
τούτου δύναμιν des Mégariens. - Expédition
παρέλαβεν. Ιςʹ. Ὡς de Démétrius en Cypre;
Καρχηδόνιοι Βορμίλκαν combat contre le général
ἐπιθέμενον τυραννίδι Ménélas; siège de Salamine.
κατέλυσαν. Ιζʹ. Ὡς - Combat naval de Démétrius
Ἀγαθοκλέους contre Ptolémée; victoire de
ἀποπέμψαντος εἰς Σικελίαν Démétrius. - Soumission de
τὰ λάφυρα τινὰ τῶν toute l'île de Cypre et de
πλοίων ἐναυάγησεν. Ιηʹ. Ὡς l'armée de Ptolémée. - Après
Ῥωμαῖοι Μαρσοῖς μὲν cette victoire, Antigone et
πολεμουμένοις ὑπὸ Démétrius se ceignent du
Σαμνιτῶν ἐβοήθησαν, ἐν diadème, et, à leur exemple,
δὲ τῇ Τυρρηνίᾳ Κάπριον les autres souverains se
ἐξεπολιόρκησαν. Ιθʹ. donnent le nom de rois. -
Δημητρίου τοῦ Agathocle prend d'assaut
πολιορκητοῦ κατάπλους Utique et fait passer une
εἰς τὸν Πειραιᾶ καὶ τῆς partie de son armée en
Μουνυχίας ἅλωσις. Κʹ. Sicile. - Les Agrigentins,
Ἐλευθέρωσις Ἀθηναίων καὶ combattant les lieutenants
Μεγαρέων. Καʹ. Πλοῦς ἐπὶ d'Agathocle, sont vaincus. -
Κύπρον Δημητρίου καὶ Agathocle soumet Héraclée,
μάχη πρὸς Μενέλαον τὸν Thermes et Céphalidium; il
στρατηγὸν καὶ Σαλαμῖνος réduit en esclavage le pays
πολιορκία. Κβʹ. Ναυμαχία et la ville des Apolloniates. -
Δημητρίου πρὸς Agathocle bat les
Πτολεμαῖον καὶ νίκη Carthaginois en Sicile ainsi
Δημητρίου. Κγʹ. Παράληψις que les Agrigentins. -
Κύπρου τε πάσης καὶ τῆς Agathocle passe pour la
Πτολεμαίου δυνάμεως. Κδʹ. seconde fois en Libye; sa
Ὡς μετὰ τὴν νίκην ταύτην défaite. - Troubles dans les
Ἀντιγόνου καὶ Δημητρίου deux camps. - Fuite
περιθεμένων διάδημα d'Agathocle, qui retourne en
ζηλοτυπήσαντες οἱ λοιποὶ Sicile. - Massacre des
δυνάσται βασιλεῖς ἑαυτοὺς Siciliens par Agathocle. - Le
ἀνηγόρευσαν. Κεʹ. Ὡς roi Antigone marche avec de
Ἀγαθοκλῆς Ἰτύκην nombreuses troupes sur
ἐκπολιορκήσας διεβίβασε l'Égypte. Rébellion de
μέρος τῆς δυνάμεως εἰς Pasiphile, lieutenant
τὴν Σικελίαν. Κωʹ. Ὡς d'Agathocle. - Les
Ἀκραγαντῖνοι Carthaginois font la paix
παραταξάμενοι πρὸς τοὺς avec Agathocle. - Démétrius
Ἀγαθοκλέους στρατηγοὺς lève le siège de Rhodes. Les
ἡττήθησαν. Κζʹ. Ὡς Romains sont vainqueurs des
Ἀγαθοκλῆς Ἡράκλειαν μὲν Samnites dans deux
καὶ Θέρμα καὶ Κεφαλοίδιον batailles. - En partant de
προσηγάγετο, τὴν δὲ τῶν Rhodes, Démétrius se dirige
Ἀπολλωνιατῶν χώραν καὶ sur la Grèce; il délivre la
πόλιν ἐξηνδραποδίσατο. plupart des villes. -
Κηʹ. Ὡς Ἀγαθοκλῆς ἐν Agathocle, après avoir
Σικελίᾳ ναυμαχίᾳ μὲν injustement levé des impôts
ἐνίκησε Καρχηδονίους, sur les Liparéens, 112 perd
μάχῃ δ´ Ἀκραγαντίνους. ses navires qui transportent
Κθʹ. Διάβασις εἰς Λιβύην le butin. Les Romains font la
Ἀγαθοκλέους τὸ δεύτερον guerre aux Eques; ils
καὶ ἧττα. Λʹ. Αἱ γενόμεναι concluent la paix avec les
ταραχαὶ κατὰ τὰ ἑκατέρων Samnites. - Actes de
στρατόπεδα. Λαʹ. Cléonyme en Italie. - Motifs
Ἀγαθοκλέους δρασμὸς εἰς pour lesquels Cassandre,
Σικελίαν. Λβʹ. Αἱ γενόμεναι Lysimaque, Seleucus et
σφαγαὶ τῶν Σικελιωτῶν Ptolémée ont, de concert,
ὑπὸ Ἀγαθοκλέους. Λγʹ. déclaré la guerre à Antigone.
Στρατεία Ἀντιγόνου - Expédition de Cassandre
βασιλέως μεγάλαις contre Démétrius en
δυνάμεσιν ἐπ´ Αἴγυπτον. Thessalie, et de Lysimaque
Λδʹ. Ἀπόστασις Πασιφίλου en Asie. - Docimus et Phénix
στρατηγοῦ ἀπὸ se révoltent contre Antigone.
Ἀγαθοκλέους. Λεʹ. Ὡς - Antigone marche contre
Καρχηδόνιοι συνέθεντο Lysimaque avec des forces
τὴν εἰρήνην πρὸς supérieures. - Antigone fait
Ἀγαθοκλέα. Λωʹ. Ὡς Ῥόδον venir de la Grèce son fils
πολιορκήσας Δημήτριος Démétrius. - Ptolémée
διελύσατο τὴν πολιορκίαν. soumet les villes de la Coelé-
Λζʹ. Ὡς Ῥωμαῖοι Σαμνίτας Syrie; Seleucus descend des
δυσὶ μάχαις ἐνίκησαν. Ληʹ. satrapies supérieures et se
Ὡς Δημήτριος ἀπὸ τῆς dirige vers la Cappadoce. -
Ῥόδου πλεύσας εἰς τὴν Toutes les troupes se
Ἑλλάδα τὰς πλείστας dispersent dans les
πόλεις ἠλευθέρωσεν. Λθʹ. cantonnements d'hiver.
Ὡς Ἀγαθοκλῆς Λιπαραίους I. On a quelque raison de
χρήματα ἀδίκως blâmer les historiens qui
εἰσπραξάμενος ἀπέβαλε intercalent dans leurs récits
τὰς ναῦς ἐν αἷς ἦν τὰ de longues harangues et de
χρήματα. Μʹ. Ὡς Ῥωμαῖοι fréquentes déclamations de
τὸ μὲν ἔθνος τῶν Αἴκλων rhéteur. Ces discours ainsi
κατεπολέμησαν, πρὸς δὲ intercalés mal à propos, non
τοὺς Σαμνίτας συνέθεντο seulement coupent le fil de
τὴν εἰρήνην. Μαʹ. Τὰ la narration, mais fatiguent
πραχθέντα Κλεωνύμῳ περὶ l'attention du lecteur. Sans
τὴν Ἰταλίαν. Μβʹ. Δι´ ἃς doute l'écrivain qui vous
αἰτίας οἱ περὶ Κάσανδρον montre son éloquence est
καὶ Λυσίμαχον, ἔτι δὲ libre de composer, comme il
Σέλευκον καὶ Πτολεμαῖον l'entend, des harangues
συνδραμόντες d'orateurs, des discours de
ἐνεστήσαντο τὸν πόλεμον députés, des éloges, des
πρὸς Ἀντίγονον. Μγʹ. critiques ou tout autre
Στρατεία Κασάνδρου μὲν exercice de ce genre.
ἐπὶ Δημήτριον εἰς L'écrivain qui comprendrait
Θεσσαλίαν, Λυσιμάχου δ´ en même temps bien
εἰς τὴν Ἀσίαν. Μδʹ. l'économie du sujet qu'il
Ἀπόστασις Δοκίμου καὶ traite, et qui serait
Φοίνικος τῶν στρατηγῶν également habile dans les
ἀπ´ Ἀντιγόνου. Μεʹ. Ὡς deux genres comme orateur
Ἀντίγονος et comme historien,
ἀντιστρατοπεδεύσας mériterait les plus grands
Λυσιμάχῳ πολὺ προεῖχε éloges. Mais il y a
ταῖς δυνάμεσιν. Μςʹ. Ὡς aujourd'hui plusieurs
Δημήτριον τὸν υἱὸν ἐκ τῆς écrivains qui, ne songeant
Ἑλλάδος μετεπέμψατο. qu'à briller comme rhéteurs,
Μζʹ. Ὡς Πτολεμαῖος μὲν transforment toute l'histoire
ἐχειρώσατο τὰς πόλεις en un discours de tribune.
τὰς ἐν τῇ Κοίλῃ Συρίᾳ, Dans leurs ouvrages, non
Σέλευκος δ´ ἐκ τῶν ἄνω seulement le style est
σατραπειῶν τὴν mauvais et désagréable,
κατάβασιν ἐποιήσατο mais encore, à part quelques
μέχρι Καππαδοκίας. Μηʹ. bonnes qualités, les
Διάλυσις ἁπασῶν τῶν convenances des temps et
δυνάμεων εἰς χειμασίαν. des lieux ne sont nullement

I. Τοῖς εἰς τὰς ἱστορίας respectées. C'est pourquoi,

ὑπερμήκεις δημηγορίας parmi les lecteurs de pareils

παρεμβάλλουσιν πυκναῖς ouvrages, les uns passent

χρωμένοις ῥητορείαις ces déclamations de

δικαίως ἄν τις rhéteurs, bien qu'elles soient

ἐπιτιμήσειεν· οὐ μόνον γὰρ bien faites; les autres,

τὸ συνεχὲς τῆς διηγήσεως ennuyés de la longueur du

διὰ τὴν ἀκαιρίαν τῶν sujet, mettent tout à fait le

ἐπεισαγομένων λόγων livre de côté, et ils ont

διασπῶσιν, ἀλλὰ καὶ τῶν parfaitement raison. En effet,

φιλοτίμως ἐχόντων πρὸς le genre historique est

τὴν τῶν πράξεων simple, bien homogène et

ἐπίγνωσιν μεσολαβοῦσι semblable à un corps vivant,

τὴν ἐπιθυμίαν. Καίτοι γε qui perd toute la grâce que

τοὺς ἐπιδείκνυσθαι donne la vie dès qu'on lui

βουλομένους λόγου enlève un membre. Une

δύναμιν ἔξεστι κατ´ ἰδίαν composition historique doit

δημηγορίας καὶ donc offrir un ensemble

πρεσβευτικοὺς λόγους, ἔτι harmonieux pour que le

δὲ ἐγκώμια καὶ ψόγους καὶ lecteur saisisse clairement

τἄλλα τὰ τοιαῦτα tous les détails (01).

συντάττεσθαι· τῇ γὰρ II. Il ne faut pas


οἰκονομίᾳ τῶν λόγων cependant bannir de
χρησάμενοι καὶ τὰς l'histoire toutes les 113

ὑποθέσεις χωρὶς ἑκατέρας ressources oratoires ; car


ἐξεργασάμενοι κατὰ λόγον l'histoire a besoin de cet
ἂν ἐν ἀμφοτέραις ταῖς ornement dans bien des
πραγματείαις εὐδοκιμοῖεν. circonstances, et moi-même
Νῦν δ´ ἔνιοι πλεονάσαντες je ne voudrais pas m'en
ἐν τοῖς ῥητορικοῖς λόγοις priver. Lorsqu'un envoyé ou
προσθήκην ἐποιήσαντο τὴν un conseiller prononce un
ὅλην ἱστορίαν τῆς discours nécessité par les
δημηγορίας. Λυπεῖ δ´ οὐ événements, un auteur qui
μόνον τὸ κακῶς γραφέν, n'oserait pas hardiment
ἀλλὰ καὶ τὸ δοκοῦν ἐν τοῖς entrer dans cette arène
ἄλλοις ἐπιτετεῦχθαι τόπων ouverte à l'éloquence, serait
καὶ καιρῶν τῆς οἰκείας certainement coupable, et
τάξεως διημαρτηκός. Διὸ ces occasions se présentent
καὶ τῶν ἀναγινωσκόντων assez fréquemment.
τὰς τοιαύτας πραγματείας D'ailleurs, ce serait une
οἱ μὲν ὑπερβαίνουσι τὰς négligence blâmable de
ῥητορείας, κἂν ὅλως passer sous silence tant de
ἐπιτετεῦχθαι δόξωσιν, οἱ beaux discours éloquents
δὲ διὰ τὸ μῆκος καὶ τὴν dont le souvenir mérite
ἀκαιρίαν τοῦ συγγραφέως d'être conservé, et qui
ἐκλυθέντες τὰς ψυχὰς τὸ servent à éclaircir les détails
παράπαν ἀφίστανται τῆς qu'expose l'histoire. Enfin,
ἀναγνώσεως, οὐκ ἀλόγως nous devons faire usage de
τοῦτο πάσχοντες· γὰρ développements oratoires
τῆς ἱστορίας γένος ἁπλοῦν convenables pour expliquer
ἐστι καὶ συμφυὲς αὑτῷ καὶ un dénouement inattendu.
τὸ σύνολον ἐμψύχῳ Mais en voilà assez sur
σώματι παραπλήσιον, οὗ ce sujet : nous allons
τὸ μὲν ἐσπαραγμένον maintenant reprendre le fil
ἐστέρηται τῆς ψυχικῆς de notre narration. Dans les
χάριτος, τὸ δὲ τὴν livres précédents, nous
ἀναγκαίαν σύνθεσιν ἔχον avons écrit l'histoire des
εὐκαίρως τετήρηται καὶ Grecs et des Barbares depuis
τῷ συμφυεῖ τῆς ὅλης les temps les plus reculés
περιγραφῆς ἐπιτερπῆ καὶ jusqu'à l'année qui précède
σαφῆ παρίστησι τὴν l'expédition d'Agathocle en
ἀνάγνωσιν. Libye, comprenant ainsi, à

II. Οὐ μὴν παντελῶς γε compter de la prise de Troie,

τοὺς ῥητορικοὺς λόγους un espace de plus de huit

ἀποδοκιμάζοντες cent quatre-vingt-trois ans

ἐκβάλλομεν ἐκ τῆς (02). Le livre présent

ἱστορικῆς πραγματείας τὸ commence à l'expédition

παράπαν· ὀφειλούσης γὰρ d'Agathocle en Libye et finit

τῆς ἱστορίας τῇ ποικιλίᾳ à l'année où les rois, se

κεκοσμῆσθαι κατ´ ἐνίους liguant entre eux,

τόπους ἀνάγκη commencèrent à faire en

προσλαμβάνεσθαι καὶ τοὺς commun la guerre à

τοιούτους λόγους - καὶ Antigone, fils de Philippe, ce

ταύτης τῆς εὐκαιρίας οὐδ´ qui forme un intervalle de

ἂν ἐμαυτὸν ἀποστερῆσαι neuf ans.

βουληθείην - ὥσθ´ ὅταν τὰ III. Hiéromnémon étant


τῆς περιστάσεως ἀπαιτῇ archonte d'Athènes, les
πρεσβευτοῦ συμβούλου Romains élurent pour
δημηγορίαν τῶν ἄλλων τι consuls Caïus Julius et
τοιοῦτον, μὴ Quintus Émilius (03). Dans
τεθαρρηκότως cette année, Agathocle,
συγκαταβαίνων πρὸς τοὺς vaincu par les Carthaginois à
ἐν τοῖς λόγοις ἀγῶνας καὶ la bataille d'Himéra, où il
αὐτὸς ὑπαίτιος ἂν εἴη. Οὐκ avait perdu la plus grande
ὀλίγας γὰρ ἄν τις αἰτίας partie de son armée, s'était
εὕροι, καθ´ ἃς κατὰ πολλὰ réfugié à Syracuse. Voyant
ἀναγκαίως que tous ses alliés
παραληφθήσεται τὰ τῆς l'abandonnaient, que les
ῥητορείας· γὰρ πολλῶν Barbares étaient maîtres de
εἰρημένων εὐστόχως καὶ toute la Sicile, à l'exception
καλῶς οὐ παραλειπτέον δι´ de Syracuse, et qu'ils
ὀλιγωρίαν τὰ μνήμης ἄξια disposaient d'immenses
καὶ τῇ ἱστορίᾳ κεκραμένην forces 114 de terre et de mer,
ἔχοντα τὴν ὠφέλειαν, il accomplit une entreprise
μεγάλων καὶ λαμπρῶν τῶν aussi hardie qu'inattendue.
ὑποθέσεων οὐσῶν οὐ Au moment où tout le monde
περιορατέον ἐλάττονα τῶν s'imaginait le voir reculer
ἔργων φανῆναι τὸν λόγον· devant la puissance des
ἔστι δ´ ὅτε παρὰ Carthaginois, Agathocle
προσδοκίαν τοῦ τέλους conçut le dessein de laisser
ἐκβάντος Syracuse sous bonne garde,
ἀναγκασθησόμεθα τοῖς de faire des levées de
οἰκείοις τῆς ὑποθέσεως troupes et de passer avec
λόγοις χρήσασθαι χάριν une armée en Libye ; car il
τοῦ λῦσαι τὴν ἀλογίαν. se flattait qu'il trouverait

ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων Carthage plongée dans

ἅλις ἡμῖν ἐχέτω, περὶ δὲ toutes les jouissances de la

τῶν ὑποκειμένων πράξεων vie, fruits d'une longue paix,

ῥητέον, παραθέντας et qu'avec des soldats

πρότερον τοὺς οἰκείους τῇ habitués aux fatigues de la

γραφῇ χρόνους. Ἐν μὲν οὖν guerre il viendrait facilement

ταῖς προηγουμέναις à bout d'une population

βύβλοις ἀναγεγράφαμεν incapable d'affronter les

ἀπὸ τῶν ἀρχαιοτάτων périls des combats; il

χρόνων τὰς πράξεις τάς τε espérait en même temps

τῶν Ἑλλήνων καὶ que les alliés libyens,

βαρβάρων ἕως ἐπὶ τὸν accablés depuis longtemps

προηγούμενον ἐνιαυτὸν par un joug pesant,

τῆς Ἀγαθοκλέους saisiraient l'occasion de se

στρατείας εἰς τὴν Λιβύην, soulever; en outre, ce qu'il y

εἰς ἣν ἀπὸ Τροίας avait de plus important, il

ἁλώσεως ἔτη συνάγεται pensait qu'en apparaissant

τρισὶ πλείω τῶν soudain, il lui serait facile de

ὀκτακοσίων ὀγδοήκοντα· livrer au pillage un pays qui


ἐν ταύτῃ δὲ τὸ συνεχὲς n'avait pas encore été
προστιθέντες τῆς ἱστορίας ravagé par l'ennemi, et où
ἀρξόμεθα μὲν ἀπὸ τῆς εἰς les Carthaginois avaient
Λιβύην διαβάσεως accumulé toute sorte de
Ἀγαθοκλέους, richesses. Enfin, d'après ce
καταλήξομεν δ´ εἰς τὸν plan, il délivrait sa patrie et
ἐνιαυτὸν καθ´ ὃν οἱ toute la Sicile du joug des
βασιλεῖς συμφρονήσαντες Barbares, et transportait en
κοινῇ διαπολεμεῖν ἤρξαντο Libye tout le théâtre de la
πρὸς Ἀντίγονον τὸν guerre. C'est ce qui arriva en
Φιλίππου, περιλαβόντες effet.
ἔτη ἐννέα. IV. Agathocle, sans
III. Ἐπ´ ἄρχοντος γὰρ communiquer ce plan à
Ἀθήνησιν Ἱερομνήμονος aucun de ses amis, confia à
Ῥωμαῖοι μὲν ὑπάτους son frère Antandre le
κατέστησαν Γάιον Ἰούλιον gouvernement de Syracuse,
καὶ Κόιντον Αἰμίλιον, κατὰ avec une forte garnison. En
δὲ τὴν Σικελίαν Ἀγαθοκλῆς même temps, il fit de
ἡττημένος ὑπὸ grandes levées de troupes,
Καρχηδονίων τῇ περὶ τὸν et ordonna aux fantassins de
Ἱμέραν μάχῃ καὶ τὸ se tenir sous les armes, et
πλεῖστον καὶ κράτιστον aux cavaliers de se munir,
τῆς δυνάμεως indépendamment d'une
ἀποβεβληκὼς συνέφυγεν armure complète, de selles
εἰς τὰς Συρακούσσας. et de brides, afin qu'ils
Ὁρῶν δὲ τούς τε fussent prêts à monter les
συμμάχους ἅπαντας chevaux dont ils pourraient
μεταβεβλημένους καὶ τοὺς s'emparer. Car, dans sa
βαρβάρους πλὴν dernière défaite, la plus
Συρακουσσῶν ἁπάσης grande partie de l'infanterie
σχεδὸν Σικελίας avait péri, et presque tous
κυριεύοντας καὶ πολὺ les cavaliers étaient
προέχοντας ταῖς τε parvenus à se sauver; mais
πεζικαῖς καὶ ναυτικαῖς ils ne pouvaient pas
δυνάμεσιν ἐπετελέσατο emmener avec eux leurs
πρᾶξιν ἀνέλπιστον καὶ chevaux en Libye. Agathocle
παραβολωτάτην. Πάντων songea alors au moyen
γὰρ διειληφότων μηδ´ d'empêcher les Syracusains
ἐγχειρήσειν αὐτὸν τοῖς de faire, après son départ,
Καρχηδονίοις quelque tentative
ἀντιταχθῆναι, διενοήσατο d'insurrection. Dans ce but, il
τῆς μὲν πόλεως ἀπολιπεῖν rompit tous les liens de
τὴν ἱκανὴν φυλακήν, τῶν famille ; il sépara les frères
δὲ στρατιωτῶν τοὺς de leurs frères, enleva aux
εὐθέτους ἐπιλέξαι καὶ μετὰ pères leurs enfants, en
τούτων εἰς τὴν Λιβύην laissant les uns dans la ville
διακομισθῆναι· τοῦτο γὰρ et emmenant les autres avec
πράξας ἤλπιζε τοὺς μὲν ἐν lui. Il était donc évident que
τῇ Καρχηδόνι si ceux qui restaient à
τετρυφηκότας ἐν εἰρήνῃ Syracuse étaient mécontents
πολυχρονίῳ καὶ διὰ τοῦτ´ du tyran, ils n'oseraient rien
ἀπείρους ὄντας τῶν ἐν tenter, retenus par l'affection
ταῖς μάχαις κινδύνων ὑπὸ pour 115 des fils ou des
τῶν ἐνηθληκότων τοῖς parents emmenés en Libye.
δεινοῖς ῥᾳδίως Comme Agathocle avait
ἡττηθήσεσθαι, τοὺς δὲ besoin d'argent, il enleva
κατὰ Λιβύην συμμάχους, aux tuteurs les biens des
βαρυνομένους τοῖς mineurs, alléguant qu'il les
προστάγμασιν ἐκ πολλῶν administrerait mieux, et qu'à
χρόνων, λήψεσθαι καιρὸν la majorité des enfants il en
τῆς ἀποστάσεως, τὸ δὲ rendrait plus fidèlement
μέγιστον, διαρπάσειν compte. Il fit en outre des
ἀπροσδοκήτως ἐπιφανεὶς emprunts aux marchands,
χώραν ἀπόρθητον καὶ διὰ enleva des temples plusieurs
τὴν τῶν Καρχηδονίων riches offrandes, et se fit
εὐδαιμονίαν πεπληρωμένην même livrer les bijoux de
παντοίων ἀγαθῶν, τὸ δ´ femmes. S'apercevant
ὅλον ἀπὸ τῆς πατρίδος καὶ ensuite que les citoyens les
πάσης Σικελίας plus opulents étaient
περισπάσειν τοὺς mécontents de ces actes et
βαρβάρους καὶ πάντα τὸν mal disposés pour lui, il
πόλεμον μετάξειν εἰς τὴν convoqua une assemblée où
Λιβύην· ὅπερ καὶ il déplora sur un ton
συνετελέσθη. lamentable les revers qu'il

IV. Τὴν γὰρ ἐπίνοιαν venait d'essuyer et les

ταύτην οὐδενὶ τῶν φίλων malheurs qui l'attendaient. «

δηλώσας τῆς μὲν πόλεως Pour moi, disait-il, habitué à

ἐπιμελητὴν Ἄντανδρον τὸν tous les maux, je supporterai

ἀδελφὸν κατέστησε μετὰ bien facilement les fatigues

τῆς ἱκανῆς φυλακῆς, αὐτὸς d'un siège, mais ce qui

δὲ τῶν στρατιωτῶν m'attendrit, c'est le sort des

ἐπιλέγων τοὺς εὐθέτους citoyens qui, renfermés dans

κατ έγραφε, τοῖς μὲν leur île, seront exposés à

πεζοῖς παραγγέλλων tant de misères. » En

ἑτοίμους εἶναι μετὰ τῶν prononçant ces paroles, il

ὅπλων, τοῖς δ´ ἱππεῦσι engagea les habitants à se

διακελευόμενος ἔχειν μεθ´ sauver avec tous leurs biens,

ἑαυτῶν χωρὶς τῆς pour ne pas endurer les

πανοπλίας ὑπηρέσιον καὶ calamités qui les

χαλινόν, ὅπως, ὅταν ἵππων menaçaient. Les citoyens les

κυριεύσῃ, τοὺς plus riches et les plus

ἀναβησομένους ἑτοίμους hostiles au tyran se

ἔχειν, τὰ πρὸς τὴν χρείαν retirèrent ainsi de la ville;

ἐξηρτυμένους· κατὰ γὰρ mais à peine en furent-ils

τὴν προγεγενημένην ἧτταν sortis, qu'Agathocle envoya

τῶν μὲν πεζῶν à leur poursuite un

ἀπωλώλεισαν οἱ πλείους, détachement de

οἱ δ´ ἱππεῖς ὑπῆρχον mercenaires, les fit tous

διασεσωσμένοι σχεδὸν égorger et confisqua leurs


ἅπαντες, ὧν τοὺς ἵππους biens (04). Ainsi, par ce seul
οὐκ ἠδύνατο διακομίζειν crime, Agathocle se procura
εἰς τὴν Λιβύην. ἵνα δὲ des richesses, et il purgea la
χωρισθέντος αὐτοῦ μὴ ville de ses ennemis. Il
νεωτερίζωσιν οἱ donna ensuite la liberté à
Συρακόσιοι, διεζεύγνυε tous les esclaves en état de
τὰς συγγενείας ἀπ´ porter les armes.
ἀλλήλων καὶ μάλιστα V. Tous les préparatifs
ἀδελφοὺς ἀπ´ ἀδελφῶν καὶ terminés, Agathocle fit
πατέρας ἀπὸ παίδων, τοὺς embarquer ses troupes sur
μὲν ἐπὶ τῆς πόλεως soixante bâtiments, et
ἀπολείπων, τοὺς δὲ μεθ´ attendit un moment
ἑαυτοῦ διακομίζων· favorable pour mettre à la
πρόδηλον γὰρ ἦν ὡς οἱ voile. Comme il n'avait
μένοντες ἐν ταῖς communiqué son projet à
Συρακούσσαις, κἂν personne, quelques-uns
ἀλλοτριώτατα τυγχάνωσι conjecturaient qu'il méditait
πρὸς τὸν δυνάστην une expédition en Italie;
διακείμενοι, διὰ τὴν πρὸς d'autres, qu'il allait ravager
τοὺς ἀπογόνους εὔνοιαν le territoire de la Sicile,
οὐδὲν ἂν πράξειαν ἄτοπον soumis à la domination des
κατὰ Ἀγαθοκλέους. Carthaginois ; mais tous
Ἀπορούμενος δὲ χρημάτων étaient d'accord pour
τά τε τῶν ὀρφανῶν παρὰ désespérer du salut des
τῶν ἐπιτροπευόντων hommes qui faisaient partie
εἰσεπράξατο, φάσκων πολὺ de cette expédition, et pour
βέλτιον ἐκείνων accuser de folie le tyran.
ἐπιτροπεύσειν καὶ τοῖς Cependant la station navale
παισὶν εἰς ἡλικίαν ἐλθοῦσι des ennemis, qui se
πιστότερον ἀποδώσειν, composait d'un très grand
ἐδανείσατο δὲ καὶ παρὰ nombre de trirèmes, força
τῶν ἐμπόρων καί τινα τῶν pendant quelques jours les
ἐν τοῖς ἱεροῖς ἀναθημά troupes d'Agathocle à rester
των ἔλαβεν καὶ τῶν consignées sur leurs navires
γυναικῶν τὸν κόσμον et à 116 demeurer dans le
περιείλετο. Ἔπειθ´ ὁρῶν port. Bientôt après, des
{καὶ} τῶν εὐπορωτάτων bâtiments de transport,
τοὺς πλείστους chargés de vivres,
δυσχεραίνοντας τοῖς s'approchèrent de la ville; les
πραττομένοις καὶ πρὸς Carthaginois en ayant été
αὐτὸν ἀλλοτριώτατα avertis vinrent avec toute
διακειμένους συνήγαγεν leur flotte attaquer ces
ἐκκλησίαν, ἐν περί τε τῆς bâtiments. Agathocle, qui
προγεγενημένης συμφορᾶς avait déjà désespéré de son
καὶ τῶν προσδοκωμένων entreprise, profita de ce
δεινῶν κατοδυρόμενος moment pour sortir du port,
αὐτὸς μὲν ῥᾳδίως ainsi débloqué, et s'éloigna à
ὑπομένειν ἔφησε τὴν force de rames. Les
πολιορκίαν, συνήθης ὢν Carthaginois étaient près
πάσῃ κακοπαθείᾳ, ἐλεεῖν d'atteindre les bâtiments de
δὲ τοὺς πολίτας, εἰ transport, lorsqu'ils virent la
συγκλεισθέντες flotte ennemie marcher à
ἀναγκασθήσονται voiles déployées. Ils
πολιορκίαν ὑπομένειν. s'imaginèrent d'abord
Διεκελεύετο οὖν σώζειν qu'Agathocle venait au
ἑαυτοὺς μετὰ τῶν ἰδίων secours des bâtiments de
κτήσεων τοὺς μὴ transport, et ils se rangèrent
βουλομένους ὑπομένειν en ligne de bataille. Mais
ὅ,τι ποτ´ ἂν δοκῇ τῇ τύχῃ lorsqu'ils virent que la flotte
πάσχειν. Ἐξορμησάντων δ´ ennemie continuait sa route
ἐκ τῆς πόλεως τῶν μάλιστ en ligne droite, et qu'elle
´ εὐπόρων καὶ μισούντων avait beaucoup d'avance sur
τὸν δυνάστην τούτους μὲν eux, ils se portèrent à lui
ἐπαποστείλας τινὰς τῶν donner la chasse. Pendant
μισθοφόρων ἀνεῖλε καὶ τὰς que les deux flottes luttaient
οὐσίας εἰς αὑτὸν ἀνέλαβε, ainsi de vitesse, les navires
διὰ δὲ μιᾶς ἀνοσίου de transport échappèrent
πράξεως χρημάτων inopinément au danger qui
εὐπορήσας καὶ τῶν les menaçait, et ramenèrent
ἀλλοτρίως δια κειμένων beaucoup de vivres à
πρὸς αὐτὸν καθαρὰν Syracuse, qui commençait
ποιήσας τὴν πόλιν déjà à souffrir de la disette.
ἠλευθέρωσε τῶν οἰκετῶν Agathocle faillit tomber au
τοὺς εὐθέτους εἰς pouvoir des Carthaginois,
στρατείαν. mais l'approche de la nuit lui

V. Ὡς δ´ εὐτρεπῆ πάντ apporta un moyen de salut

´ ἦν, πληρώσας ἑξήκοντα inespéré. Le jour suivant

ναῦς ἐπετήρει καιρὸν arriva une éclipse de soleil

οἰκεῖον πρὸς τὸν ἔκπλουν. telle que le jour semblait

Ἀγνοουμένης δὲ τῆς être changé en nuit, et que

ἐπινοίας αὐτοῦ τινὲς μὲν les astres se voyaient

εἰς τὴν Ἰταλίαν partout au ciel (05). Les

ὑπελάμβανον αὐτὸν troupes d'Agathocle, prenant

στρατεύειν, τινὲς δὲ ce phénomène pour un

πορθήσειν τῆς Σικελίας présage funeste de la

τὴν ὑπὸ Καρχηδονίους, divinité, virent leurs

πάντες δὲ ἀπ εγίνωσκον inquiétudes pour l'avenir

τῶν ἐκπλεῖν μελλόντων s'accroître de plus en plus.

τὴν σωτηρίαν καὶ τοῦ VI. La flotte d'Agathocle


δυνάστου τὴν μανίαν était en mer depuis six jours
κατεγίνωσκον. Ἐφορμούν et autant de nuits, lorsque le
των δὲ τῶν πολεμίων septième jour au matin parut
πολλαπλασίαις τριήρεσι τὸ soudain en vue la flotte
μὲν πρῶτον ἐφ´ ἡμέρας carthaginoise à peu de
τινὰς ἠνάγκαζε συνέχειν distance. Les deux flottes
ἑαυτοὺς ἐν ταῖς ναυσὶ rivalisèrent d'efforts de
τοὺς στρατιώτας, οὐ rames ; les Carthaginois
δυναμένους ἐκπλεῦσαι· espéraient qu'une fois les
ἔπειτα δὲ σιτηγῶν πλοίων vaisseaux d'Agathocle pris,
τῇ πόλει προσθεόντων οἱ ils soumettraient facilement
μὲν Καρχηδόνιοι παντὶ τῷ Syracuse et sauveraient leur
στόλῳ πρὸς τὰς ναῦς patrie des dangers dont elle
ἀνήχθησαν, δ´ Ἀγαθοκλῆς était menacée; les Grecs, de
ἀπελπίζων ἤδη τὴν ἐπι leur côté, redoutaient la
βολήν, ὡς ἴδεν τὸ στόμα vengeance à laquelle ils se
τοῦ λιμένος ἔρημον τῶν voyaient exposés, ainsi que
ἐφορμούντων, ἐξέπλευσεν l'affreux esclavage de leurs
ὀξείαις ταῖς εἰρεσίαις parents laissés en Sicile.
χρώμενος. Εἶθ´ οἱ μὲν Cependant la côte de la
Καρχηδόνιοι πλησίον ἤδη Libye se montrait au loin; à
τῶν φορτηγῶν ὄντες, ὡς cette vue, une nouvelle
ἴδον τοὺς πολεμίους ardeur 117 anima les
ἀθρόαις ταῖς ναυσὶ équipages, et l'émulation fut
πλέοντας, τὸ μὲν πρῶτον portée à son comble; mais
ὑπολαβόντες αὐτὸν les Barbares, faits depuis
ὡρμηκέναι πρὸς τὴν τῶν longtemps au métier de
σιτηγῶν βοήθειαν, rameurs, marchèrent plus
ἀνέστρεφον καὶ τὸν vite, et ne laissèrent que très
στόλον ἐξήρτυον εἰς peu d'intervalle entre eux et
ναυμαχίαν· ὡς δ´ ἐπ´ les Grecs. Dans cette marche
εὐθείας ἑώρων rapide, les deux flottes
παραθέοντας καὶ πολὺ τοῦ atteignirent presque en
πλοῦ προλαμβάνοντας, même temps le rivage.
ἐποιοῦντο τὸν διωγμόν. L'arrière-garde d'Agathocle
Ἔνθα δὴ τούτων πρὸς ne se trouva qu'à une portée
ἀλλήλους φιλοτιμουμένων de trait de l'avant-garde des
τὰ μὲν τὴν ἀγορὰν Carthaginois. Un combat
κομίζοντα πλοῖα s'engagea entre les archers
παραδόξως ἐκφυγόντα τὸν et les frondeurs, mais il ne
κίνδυνον πολλὴν εὐπορίαν dura pas longtemps, car,
ἐποίησεν ἐν ταῖς comme les Barbares avaient
Συρακούσσαις τῶν moins de bâtiments,
ἐπιτηδείων, σιτοδείας ἤδη Agathocle l'emporta par le
τὴν πόλιν ἐχούσης, δ´ nombre de ses soldats. Les
Ἀγαθοκλῆς Carthaginois se
περικατάληπτος ἤδη rembarquèrent donc sur
γινόμενος ἐπιλαβούσης leurs navires, et, la poupe en
τῆς νυκτὸς ἀνελπίστου avant, ils se retirèrent hors
σωτηρίας ἔτυχεν. Τῇ δ´ de la portée des flèches.
ὑστεραίᾳ τηλικαύτην Agathocle acheva de
ἔκλειψιν ἡλίου συνέβη débarquer son armée à
γενέσθαι ὥστε ὁλοσχερῶς l'endroit de la côte qu'on
φανῆναι νύκτα, appelle les Latomies; il éleva
θεωρουμένων τῶν un retranchement dont les
ἀστέρων πανταχοῦ· διόπερ deux bouts touchaient à la
οἱ περὶ τὸν Ἀγαθοκλέα, mer, et vint s'y embosser
νομίσαντες καὶ τὸ θεῖον avec ses bâtiments.
αὐτοῖς προσημαίνειν τὸ VII. Après cette hardie
δυσχερές, ἔτι μᾶλλον ὑπὲρ tentative, Agathocle en fit
τοῦ μέλλοντος ἐν ἀγωνίᾳ une autre bien plus hardie
καθειστήκεισαν. encore. Il appela auprès de
VI. ἓξ δ´ ἡμέρας καὶ lui tous les chefs qu'il savait
τὰς ἴσας νύκτας αὐτῶν lui être dévoués, et, après
πλευσάντων ὑποφαινούσης avoir offert un sacrifice à
τῆς ἕω παραδόξως Cérès et à Proserpine, il
στόλος τῶν Καρχηδονίων convoqua une assemblée
οὐκ ἄπωθεν ὢν ἑωράθη. générale de l'armée. Il
Διόπερ ἀμφοτέροις s'avança vers la tribune, la
ἐμπεσούσης σπουδῆς tête ornée d'une couronne,
ἡμιλλῶντο πρὸς ἀλλήλους vêtu d'un habillement
ταῖς εἰρεσίαις, οἱ μὲν splendide, et prononça un
Φοίνικες νομίζοντες ἅμα discours approprié à la
τῇ τῶν νεῶν ἁλώσει circonstance. « Au moment,
Συρακούσσας μὲν dit-il, où nous étions
ὑποχειρίους ἕξειν, τὴν δὲ poursuivis par les
πατρίδα μεγάλων Carthaginois, j'ai fait vœu à
ἐλευθερώσειν κινδύνων· οἱ Cérès et à Proserpine,
δ´ Ἕλληνες, εἰ μὴ déesses protectrices de la
φθάσειαν τῆς χώρας Sicile, de faire de tous nos
ἁψάμενοι, προκειμένην bâtiments des torches
ἑώρων αὑτοῖς μὲν allumées en leur honneur.
τιμωρίαν, τοῖς δὲ Maintenant que nous
καταλειφθεῖσιν ἐν οἴκῳ τὰ sommes sauvés, je dois
τῆς δουλείας δεινά. remplir ce vœu. En échange
Καθορωμένης δὲ τῆς de ces bâtiments, je promets
Λιβύης παρακελευσμὸς de vous en donner un bien
ἐγίνετο τοῖς πληρώμασι plus grand nombre si vous
καὶ φιλοτιμίας ὑπερβολή· combattez vaillamment, car
καὶ τάχιον μὲν ἄπλεον αἱ le déesses nous annoncent
τῶν βαρβάρων, ἐν par les victimes une victoire
πολυχρονίῳ μελέτῃ τῶν complète. » Pendant qu'il
ἐρετῶν διαπεπονημένων, prononçait ces paroles, un
ἱκανὸν δὲ διά στημα de ses serviteurs lui apporta
προεῖχον αἱ τῶν Ἑλλήνων. une torche allumée, il s'en
Ὀξύτατα δὲ τοῦ πλοῦ saisit, et après en avoir fait
διανυσθέντος, ἐπειδὴ remettre une à chaque
πλησίον ἐγενήθησαν τῆς triérarque, il adressa une
γῆς, συνεξέπιπτον invocation aux déesses, et
ἀλλήλοις εἰς τὸν αἰγιαλὸν s'avança le premier vers le
ὡσπερεί τινες ἀγωνισταί· vaisseau commandant; il se
ταῖς γὰρ ἐσχάταις τῶν plaça debout sur la poupe, et
Ἀγαθοκλέους αἱ πρῶται ordonna aux triérarques d'en
τῶν Καρχηδονίων faire autant de leur côté.
ἐνέβαλλον ἐντὸς βέλους Tous mirent alors le 118 feu
οὖσαι. Διόπερ ἐπ´ ὀλίγον aux bâtiments, et pendant
χρόνον τοῖς τε τόξοις καὶ que la flamme s'élevait dans
σφενδόναις les airs, les trompettes
διαγωνισαμένων αὐτῶν καὶ sonnèrent la charge, l'armée
ναυσὶν ὀλίγαις τῶν poussa le cri de guerre, et
βαρβάρων συμπλακέντων tout le monde adressa aux
οἱ περὶ τὸν Ἀγαθοκλέα déesses des prières,
προετέρουν, τὸ τῶν implorant un heureux retour.
στρατιωτῶν ἔχοντες Agathocle avait pris cette
πλῆθος. Εἶθ´ οἱ μὲν mesure d'abord pour enlever
Καρχηδόνιοι πρύμναν aux soldats tout moyen de
ἀνακρουσάμενοι μικρὸν fuite et pour les forcer à
ἔξω βέλους ἐφώρμουν, δ´ chercher leur salut dans la
Ἀγαθοκλῆς ἀποβιβάσας victoire, ensuite pour avoir
τὴν δύναμιν πρὸς τὰς sous sa main toutes ses
καλουμένας Λατομίας καὶ forces et n'être point obligé
χάρακα βαλόμενος ἐκ de les diviser, en en laissant
θαλάττης εἰς θάλατταν une partie pour la défense
ἐνεώλκησε τὰς ναῦς. des navires qui autrement

VII. Οὕτω δὲ seraient tombés au pouvoir

παράβολον des Carthaginois.

ἐπιτελεσάμενος πρᾶξιν, VIII. Cependant, le


ἄλλην ἐτόλμησε ταύτης spectacle de toute la flotte
μᾶλλον κεκινδυνευμένην. embrasée remplit d'effroi
Παραστησά μενος γὰρ l'âme des Siciliens. Dans le
τοὺς ἐν ἡγεμονίαις ὄντας premier moment, entraînés,
εὐπειθεῖς πρὸς τὴν ἰδίαν fascinés par les paroles
ἐπιβολὴν καὶ θυσίαν d'Agathocle et la rapidité de
ποιησάμενος Δήμητρι καὶ l'exécution, les soldats
Κόρῃ συνήγαγεν ἐκκλησίαν avaient tous consenti. Mais
κἄπειτα προελθὼν ἐπὶ τὴν plus tard la réflexion fit
δημηγορίαν naître en eux le repentir;
ἐστεφανωμένος ἐν ἱματίῳ lorsqu'ils calculaient
λαμπρῷ καὶ προδιαλεχθεὶς l'étendue des mers qui les
οἰκείως τοῖς séparaient de leur patrie, ils
ἐγχειρουμένοις ἔφησε ταῖς désespéraient de leur salut.
κατεχούσαις Σικελίαν Agathocle s'empressa de
θεαῖς Δήμητρι καὶ Κόρῃ relever le courage abattu de
πεποιῆσθαι, καθ´ ὃν καιρὸν ses soldats, et conduisit
ἐδιώχθησαν ὑπὸ l'armée à Mégalopolis, ville
Καρχηδονίων, εὐχὰς carthaginoise. Tout le pays
λαμπαδεύσειν ἁπάσας τὰς intermédiaire, qu'il fallait
ναῦς. Καλῶς οὖν ἔχειν traverser, était entrecoupé
τετευχότας τῆς σωτηρίας de jardins et de vergers
ἀποδιδόναι τὰς εὐχάς. arrosés par de nombreuses
Ἀντὶ δὲ τούτων sources et par des canaux.
ἐπηγγέλλετο Des maisons de campagne
πολλαπλασίους ἀποδώσειν bien construites et bâties à
προθύμως αὐτῶν la chaux bordaient la route
ἀγωνισαμένων· καὶ γὰρ et annonçaient partout la
τὰς θεὰς διὰ τῶν ἱερῶν richesse; les habitations
προσημαίνειν νίκην τοῦ étaient remplies de tout ce
σύμπαντος πολέμου. Ἅμα qui contribue aux
δὲ ταῦτα λέγοντος αὐτοῦ jouissances de la vie, et
τῶν ὑπηρετῶν τις qu'une longue paix avait
προσήνεγκεν ἡμμένην permis aux habitants de
δᾷδα· ἣν δεξάμενος καὶ mettre en réserve. Le terrain
τοῖς τριηράρχοις ὁμοίως était cultivé en vignes, en
ἅπασι προστάξας oliviers et en une foule
ἀναδοῦναι τάς τε θεὰς d'arbres fruitiers. Des deux
ἐπεκαλέσατο καὶ πρῶτος côtés, la plaine nourrissait
ὥρμησεν ἐπὶ τὴν des troupeaux de bœufs et
ναυαρχίδα τριήρη· στὰς δ´ de moutons, et aux environs
ἐπὶ τὴν πρύμναν καὶ τοῖς des gras pâturages des
ἄλλοις τὸ παραπλήσιον marais on voyait des haras
ποιεῖν παρεκελεύετο. Ἔνθα de chevaux. En un mot, dans
δὴ τῶν τριηράρχων ces lieux se trouvait
ἁπάντων ἐνέντων τὸ πῦρ accumulée cette opulence
καὶ ταχὺ τῆς φλογὸς εἰς variée des propriétaires les
ὕψος ἀρθείσης οἱ μὲν plus distingués de Carthage,
σαλπιγκταὶ τὸ πολεμικὸν et qui aimaient à employer
ἐσήμαινον, τὸ δὲ leurs richesses aux plaisirs
στρατόπεδον ἐπηλάλαξε, de la vie. Saisis d'admiration,
συνευχομένων ἁπάντων à la vue de ce beau et riche
ὑπὲρ τῆς εἰς οἶκον pays, les Siciliens sentirent
σωτηρίας. Τοῦτο δ´ leurs espérances renaître :
ἔπραξεν Ἀγαθοκλῆς ils considéraient que tout
μάλιστα μὲν ἕνεκα τοῦ cela serait un prix digne de
συναναγκάσαι τοὺς la victoire. Dès qu'Agathocle
στρατιώτας ἐν τοῖς remarqua que ses soldats,
κινδύνοις ἐπιλαθέσθαι τὸ revenus de leur
παράπαν τῆς φυγῆς· δῆλον découragement, étaient
γὰρ ὅτι τῆς ἐπὶ τὰς ναῦς prêts au combat, il en- 119

καταφυγῆς ἀποκοπείσης ἐν treprit immédiatement


μόνῳ τῷ νικᾶν ἕξουσι τὰς d'attaquer les murs de la
ἐλπίδας τῆς σωτηρίας· ville. Par cette attaque
ἔπειτα καὶ δύναμιν ὀλίγην imprévue, et grâce à
ἔχων ἐθεώρει διότι l'inexpérience des habitants
φυλάσσων μὲν τὰς ναῦς dans l'art de la guerre,
ἀναγκασθήσεται μερίζειν Agathocle réussit facilement
τὸ στρατόπεδον καὶ μη à s'emparer de la ville. Il la
δαμῶς ἀξιόμαχος εἶναι, livra en pillage à ses soldats,
καταλιπὼν δ´ ἐρήμους et remplit l'armée de butin
ὑποχειρίους ποιήσει en même temps que de
γενέσθαι Καρχηδονίοις. courage. De là il conduisit

VIII. Οὐ μὴν ἀλλὰ τῶν son armée directement

νεῶν ἁπασῶν φλεγομένων contre Tynès la blanche, qui

καὶ τοῦ πυρὸς πολὺν n'est qu'à deux mille stades

ἐπέχοντος τόπον ἔκπληξις (06) de Carthage, et s'en

κατεῖχε τοὺς Σικελιώτας. empara également. Ces

Ἐν ἀρχῇ μὲν γὰρ ὑπὸ τῆς deux villes prises, les soldats

Ἀγαθοκλέους γοητείας voulaient les conserver, et ils

παραλογισθέντες καὶ τῆς y déposèrent leur butin. Mais


τῶν ἐγχειρουμένων Agathocle, conformément à
ὀξύτητος ἀνα θεώρησιν οὐ son plan arrêté, fit
διδούσης πάντες comprendre à l'armée qu'elle
συγκατετίθεντο τοῖς n'aurait aucun lieu de refuge
πραττομένοις· τοῦ δὲ tant qu'elle n'aurait pas
χρόνου τὸν περὶ ἑκάστων remporté une victoire
ἀναλογισμὸν παριστάντος complète. Il rasa les villes, et
εἰς μεταμέλειαν ἐνέπιπτον fit bivouaquer ses troupes.
καὶ τὸ μέγεθος τοῦ IX. Cependant, les
διείργοντος πελάγους Carthaginois, mouillés près
ἀναλογιζόμενοι τὴν de la station sicilienne, se
σωτηρίαν ἀπεγίνωσκον. δ réjouissaient à la vue de
´ Ἀγαθοκλῆς σπεύδων l'incendie, s'imaginant que
ἀπαλλάξαι τῆς ἀθυμίας c'était la crainte qui avait
τοὺς στρατιώτας ἦγε τὴν déterminé Agathocle à
δύναμιν ἐπὶ τὴν mettre le feu à ses
ὀνομαζομένην Μεγάλην bâtiments; mais lorsqu'ils
πόλιν, οὖσαν Καρχηδονίων. apprirent que l'armée
δ´ ἀνὰ μέσον χώρα, δι´ ἧς ennemie s'avançait dans
ἦν ἀναγκαῖον πορευθῆναι, l'intérieur du pays, ils
διείληπτο κηπείαις καὶ augurèrent de cet incendie
παντοίαις φυτουργίαις, de grands malheurs pour
πολλῶν ὑδάτων eux. Ils couvrirent donc les
διωχετευμένων καὶ πάντα proues de leurs navires de
τόπον ἀρδευόντων. draperies noires, comme
Ἀγροικίαι τε συνεχεῖς c'est la coutume lorsqu'une
ὑπῆρχον, οἰκοδομαῖς calamité publique menace la
πολυτελέσι καὶ κονιάμασι ville de Carthage. Ils prirent
διαπεπονημέναι καὶ τὸν ensuite les armatures
τῶν κεκτημένων αὐτὰς d'airain des navires
διασημαίνουσαι πλοῦτον. d'Agathocle pour les
Ἔγεμον δ´ αἱ μὲν ἐπαύλεις employer à leurs propres
πάντων τῶν πρὸς trirèmes, et envoyèrent à
ἀπόλαυσιν, ὡς ἂν τῶν Carthage des messagers
ἐγχωρίων ἐν εἰρήνῃ annoncer les événements
πολυχρονίῳ qui venaient de se passer.
τεθησαυρικότων Mais déjà, avant l'arrivée de
γεννημάτων ἀφθονίαν· δὲ ces messagers, les
χώρα μὲν ἦν Carthaginois avaient été
ἀμπελόφυτος, δὲ avertis du débarquement
ἐλαιοφόρος καὶ τῶν ἄλλων d'Agathocle. Dans leur
τῶν καρπίμων δένδρων consternation, ils
ἀνάπλεως. Ἐπὶ θάτερα δὲ s'imaginèrent que toutes
μέρη τὸ πεδίον ἐνέμοντο leurs forces de terre et de
βοῶν ἀγέλαι καὶ ποῖμναι mer avaient péri en Sicile;
καὶ τὰ πλησίον ἕλη car, selon eux, Agathocle
φορβάδων ἵππων ἔγεμε. n'aurait point osé tenter
Καθόλου δὲ παντοία τις ἦν cette expédition s'il n'avait
ἐν τοῖς τόποις εὐδαιμονία, pas été victorieux en Sicile.
τῶν ἐπιφανε στάτων Aussi toute la ville fut-elle en
Καρχηδονίων διειληφότων proie à la frayeur et à la
τὰς κτήσεις καὶ τοῖς confusion; le peuple
πλούτοις accourait sur la place
πεφιλοκαληκότων πρὸς publique, et le sénat se
ἀπόλαυσιν. Διόπερ οἱ réunissait pour délibérer. On
Σικελιῶται τό τε τῆς n'avait aucune armée à
χώρας κάλλος καὶ τὴν opposer à l'ennemi, et les
εὐδαινονίαν τὴν ἐν αὐτῇ citoyens, inexpérimentés
θαυμάζοντες μετέωροι dans la guerre, étaient
ταῖς ἐλπίσιν ἐγένοντο, tombés dans le plus profond
θεωροῦντες ἄξια τῶν 120 découragement, et on
κινδύνων ἔπαθλα τοῖς s'attendait déjà à voir les
νικῶσι προκείμενα. δ´ ennemis aux portes de la
Ἀγαθοκλῆς ὁρῶν τοὺς ville. Quelques-uns
στρατιώτας conseillaient d'envoyer des
ἀναλαμβάνοντας αὑτοὺς parlementaires pour traiter
ἐκ τῆς ἀθυμίας καὶ de la paix, en même temps
προθύμους ὄντας εἰς τοὺς que pour reconnaître la
κινδύνους ἐξ ἐφόδου situation des ennemis;
προσέβαλλε τοῖς τείχεσιν. d'autres étaient d'avis
Ἀπροσδοκήτου δὲ τῆς d'attendre jusqu'à ce qu'on
ἐπιθέσεως γενομένης καὶ eût reçu un rapport plus
τῶν ἔνδον διὰ τὴν ἄγνοιαν détaillé de tout ce qui s'était
καὶ τὴν τῶν πολεμικῶν passé. Pendant que cette
ἀπειρίαν ὀλίγον confusion régnait dans la
ὑποστάντων χρόνον εἷλε ville, les messagers envoyés
τὴν πόλιν κατὰ κράτος· par le commandant de la
δοὺς δὲ τοῖς στρατιώταις flotte descendirent à terre et
εἰς ἁρπαγὴν ἐνέπλησε τὴν firent connaître l'état réel
δύναμιν ὠφελείας ἅμα καὶ des choses.
θάρσους. Εὐθὺ δὲ καὶ πρὸς X. Sur le rapport de ces
τὸν Λευκὸν Τύνητα messagers, tous les citoyens
καλούμενον ἀναζεύξας reprirent de la confiance. Le
ἐχειρώσατο τὴν πόλιν, sénat adressa de vifs
ἀπέχουσαν Καρχηδόνος reproches aux nauarques
δισχιλίους σταδίους. pour avoir laissé l'ennemi
Ἀμφοτέρας δὲ τὰς débarquer en Libye, et en
ἁλούσας πόλεις οἱ μὲν même temps il nomma au
στρατιῶται διαφυλάττειν commandement des armées
ἠβούλοντο καὶ τὰς Hannon et Bomilcar. Ces
ὠφελείας εἰς αὐτὰς deux généraux étaient
ἀπετίθεντο· δ´ divisés par des haines de
Ἀγαθοκλῆς ἀκόλουθα τοῖς famille; mais le sénat pensait
προπεπραγμένοις que cette inimitié elle-même
διανοηθεὶς καὶ διδάξας τὸ tournerait au profit de l'État :
πλῆθος ὡς οὐδεμίαν ce fut là une grave erreur.
συμφέρει καταφυγὴν Bomilcar depuis longtemps
ἀπολιπεῖν, ἕως ἂν aspirait à la tyrannie, mais il
παρατάξει νικήσωσι, lui avait manqué jusqu'alors
κατέστρεψέτε τὰς πόλεις le pouvoir et le temps
καὶ κατεστρατοπέδευσεν favorable pour exécuter son
ἐν ὑπαίθρῳ. projet : le commandement

IX. Οἱ δ´ ἐφορμοῦντες dont il était investi lui en

Καρχηδόνιοι τῷ offrait maintenant l'occasion.

ναυστάθμῳ τῶν La cause de tout cela doit

Σικελιωτῶν τὸ μὲν πρῶτον être cherchée dans l'extrême

ὁρῶντες καομένας τὰς rigueur avec laquelle les

ναῦς περιχαρεῖς ἦσαν, ὡς Carthaginois punissent leurs

διὰ τὸν ἀπ´ αὐτῶν φόβον agents (07). En temps de

ἠναγκασμένων τῶν guerre, ils donnaient le

πολεμίων διαφθεῖραι τὰ commandement suprême

σκάφη· ὡς δ´ ἴδον εἰς τὴν aux citoyens les plus

χώραν προάγουσαν τὴν distingués, les croyant

τῶν ἐναντίων δύναμιν, dévoués pour la défense de

συλλογιζόμενοι περὶ τῶν la patrie; mais la paix

ἀποβησομένων συμφορὰν rétablie, ces mêmes

ἰδίαν ἡγοῦντο τὴν τῶν généraux étaient calomniés,

νεῶν ἀπώλειαν. Διὸ καὶ on leur intentait par jalousie

ταῖς πρῴραις δέρρεις d'injustes procès et on les

κατεπέτασαν, ὅπερ ἀεὶ condamnait. C'est pourquoi,

ποιεῖν εἰώθασιν, ὅταν τι parmi les hommes appelés

κακὸν δημοσίᾳ au commandement, les uns

συμβεβηκέναι δόξῃ τῇ abdiquaient le pouvoir, de

Καρχηδονίων πόλει, crainte de se voir livrer aux

ἔλαβόν τε καὶ τὰ tribunaux, et les autres

χαλκώματα τῶν aspiraient à la tyrannie ;

Ἀγαθοκλέους νεῶν εἰς τὰς c'est ce que fit alors

ἰδίας τριήρεις καὶ τοὺς Bomilcar, l'un des deux

ἀπαγγελοῦντας ὑπὲρ τῶν généraux dont nous aurons

συμβεβηκότων τἀ κριβὲς l'occasion de parler plus

ἐξαπέστειλαν εἰς τὴν tard. Pour le moment, les

Καρχηδόνα. Πρὶν δὲ τού généraux des Carthaginois,


τους δηλῶσαι τὸ γεγονός, voyant que le temps
ἀπὸ τῆς χώρας τινὲς pressait, sans attendre
αἰσθόμενοι τὸν κατάπλουν l'arrivée des forces de leurs
τὸν Ἀγαθοκλέους alliés, firent des levées de
ἀπήγγειλαν κατὰ σπουδὴν troupes à Carthage même,
τοῖς Καρχηδονίοις. Οἱ δ´ 121 et mirent en campagne
ἐκπλαγέντες διὰ τὸ une armée d'au moins
παράδοξον ὑπέλαβον quarante mille hommes
ἀπολωλέναι τὰς ἰδίας d'infanterie, de mille
δυνάμεις ἐν Σικελίᾳ καὶ cavaliers et de deux mille
τὰς πεζικὰς καὶ τὰς chars. Ils vinrent ensuite
ναυτικάς· οὐ γὰρ ἄν ποτε occuper une colline à peu de
τὸν Ἀγαθοκλέα μὴ distance de l'ennemi, et
νενικηκότα τολμῆσαι rangèrent leur armée en
καταλιπεῖν ἐρήμους bataille. L'aile droite était
βοηθείας τὰς commandée par Hannon, qui
Συρακούσσας οὐδ´ ἂν avait également sous ses
ἐπιβαλέσθαι περαιοῦν ordres le bataillon sacré.
δύναμιν Bomilcar se mit à la tête de
θαλασσοκρατούντων τῶν l'aile gauche, et disposa ses
πολεμίων. Διόπερ θόρυβος troupes en une phalange
καὶ πολλὴ ταραχὴ κατεῖχε profonde, car le terrain ne
τὴν πόλιν καὶ συνδρομὴ permettait pas de les
τῶν ὄχλων εἰς τὴν ἀγορὰν déployer davantage. Les
ἐγίνετο καὶ βουλὴ τῆς chars et la cavalerie étaient
γερουσίας ὅ,τι δέοι placés en avant du front de
πράττειν. Στρατόπεδον la phalange, et devaient
μὲν γὰρ οὐκ ἦν ἕτοιμον τὸ commencer l'attaque.
δυνάμενον ἀντιτάξασθαι,
τὸ δὲ πολιτικὸν πλῆθος
ἄπειρον ὂν πολέμου
προκαταπεπτώκει ταῖς
ψυχαῖς, οἱ πολέμιοι δὲ
πλησίον εἶναι τῶν τειχῶν
προσεδοκῶντο. Ἔνιοι μὲν
οὖν ἔφασαν πρεσβευτὰς
ὑπὲρ εἰρήνης ἀποστέλλειν
πρὸς Ἀγαθοκλέα, τοὺς
αὐτοὺς ἅμα καὶ κατα
σκόπους ἐσομένους τῶν
παρὰ τοῖς πολεμίοις, τινὲς
δὲ ἀναμεῖναι μέχρι ἂν
γνῶσιν ἀκριβῶς ἕκαστον
τῶν πεπραγμένων.
Τοιαύτης δὲ συγχύσεως
τὴν πόλιν ἐχούσης
κατέπλευσαν οἱ
πεμφθέντες ὑπὸ τοῦ
ναυάρχου καὶ τὰς αἰτίας
τῶν πεπραγμένων
ἐδήλωσαν.

X. Ἀναθαρσησάντων
οὖν πάντων πάλιν ταῖς
ψυχαῖς γερουσία τοὺς μὲν
ναυάρχους ἅπαντας
κατεμέμψατο ὅτι
θαλαττοκρατοῦντες
εἴασαν πολεμίαν δύναμιν
ἐπιβῆναι τῆς Λιβύης,
στρατηγοὺς δὲ ἀπέδειξαν
τῶν δυνάμεων Ἄννωνα καὶ
Βορμίλκαν, πατρῴαν
ἔχθραν ἔχοντας· ἡγοῦντο
γὰρ διὰ τὴν ἰδίαν τούτοις
ἀπιστίαν καὶ διαφορὰν
κοινὴν ἔσεσθαι τῆς πόλεως
ἀσφάλειαν. Πολὺ δὲ
διεσφάλησαν τῆς
ἀληθείας. γὰρ Βορμίλκας
πάλαι μὲν ἦν ἐπι θυμητὴς
τυραννίδος, οὐκ ἔχων δ´
ἐξουσίαν οὐδὲ καιρὸν
οἰκεῖον ταῖς ἐπιβολαῖς
τότε ἔλαβεν ἀφορμὰς
ἀξιολόγους, τυχῶν τῆς
στρατηγίας. Αἰτία δὲ
μάλιστα τού των πρὸς
τὰς τιμωρίας πικρία τῶν
Καρχηδονίων· τοὺς γὰρ
ἐπιφανεστάτους τῶν
ἀνδρῶν ἐν μὲν τοῖς
πολέμοις προάγουσιν ἐπὶ
τὰς ἡγεμονίας, νομίζοντες
δεῖν αὐτοὺς τῶν ὅλων
προκινδυνεύειν· ὅταν δὲ
τύχωσι τῆς εἰρήνης, τοὺς
αὐτοὺς τούτους
συκοφαντοῦσι καὶ κρίσεις
ἀδίκους ἐπιφέροντες διὰ
τὸν φθόνον τιμωρίαις
περιβάλλουσι. Διὸ καὶ τῶν
ἐπὶ τὰς ἡγεμονίας
ταττομένων τινὲς μὲν
φοβούμενοι τὰς ἐν τῷ
δικαστηρίῳ κρίσεις
ἀποστάται γίνονται {τῆς
ἡγεμονίας}, τινὲς δ´
ἐπιτίθενται τυραννίσιν·
ὅπερ καὶ τότε Βορμίλκας
ἕτερος τῶν στρατηγῶν
ἐποίησε, περὶ οὗ μικρὸν
ὕστερον ἐροῦμεν. Οἱ γ´ οὖν
στρατηγοὶ τῶν
Καρχηδονίων ὁρῶντες τὸν
καιρὸν οὐδαμῶς ἀναβολῆς
οἰκεῖον τοὺς μὲν ἀπὸ τῆς
χώρας καὶ τῶν
συμμαχίδων πόλεων
στρατιώτας οὐκ
ἀνέμειναν, αὐτοὺς δὲ τοὺς
πολιτικοὺς ἐξήγαγον εἰς
ὕπαιθρον, ὄντας πεζοὺς
μὲν οὐκ ἐλάττους
τετρακισμυρίων, ἱππεῖς δὲ
χιλίους, ἅρματα δὲ
δισχίλια. Καταλαβόμενοι
δέ τινα γεώλοφον οὐ
μακρὰν τῶν πολεμίων
ἐξέταττον τὴν δύναμιν εἰς
μάχην· καὶ τοῦ μὲν δεξιοῦ
κέρατος Ἄννων εἶχε τὴν
ἡγεμονίαν,
συναγωνιζομένων αὐτῷ
τῶν εἰς τὸν ἱερὸν λόχον
συντεταγμένων, τοῦ δ´
εὐωνύμου Βορμίλκας
ἡγούμενος βαθεῖαν ἐποίει
τὴν φάλαγγα, κωλύοντος
τοῦ τόπου παρεκτείνειν ἐπὶ
πλεῖον· τὰ δ´ ἅρματα καὶ
τοὺς ἱππεῖς πρὸ τῆς
φάλαγγος ἔστησαν,
διεγνωκότες τούτοις
πρῶτον ἐμβαλεῖν καὶ τῶν
Ἑλλήνων ἀποπειραθῆναι.

XI. δ´ Ἀγαθοκλῆς XI. Après avoir reconnu


κατασκεψάμενος τὰς τῶν les dispositions de l'armée
βαρβάρων τάξεις τὸ μὲν des Barbares, Agathocle
δεξιὸν κέρας ἔδωκεν confia à son fils Archagathus
Ἀρχαγάθῳ τῷ υἱῷ, le commandement de l'aile
παραδοὺς αὐτῷ πεζοὺς droite, formée de deux mille
δισχιλίους καὶ cinq cents hommes
πεντακοσίους, ἑξῆς δ´ d'infanterie. A la suite
ἔταξε τοὺς Συρακοσίους, venaient trois mille cinq
ὄντας τρισχιλίους cents Syracusains, puis trois
πεντακοσίους, εἶτα mille mercenaires grecs, et
μισθοφόρους Ἕλληνας enfin trois mille Samnites,
τρισχιλίους, τελευταίους Tyrrhéniens et Celtes. Quant
δὲ Σαμνίτας καὶ Τυρρηνοὺς à Agathocle, il se mit à la
καὶ Κελτοὺς τρισχιλίους. tête de l'aile gauche où il
Μετὰ δὲ τῆς θεραπείας s'entoura de sa garde et de
αὐτὸς τοῦ ἡμίσους mille hoplites pour faire face
κέρατος προηγωνίζετο, au bataillon sacré des
χιλίοις ὁπλίταις πρὸς τὸν Carthaginois. Enfin il
ἱερὸν λόχον τῶν distribua sur les deux ailes
Καρχηδονίων cinq cents archers et
ἀντιτεταγμένος· τοὺς δὲ frondeurs. Mais ces soldats
τοξότας καὶ σφενδονήτας n'étaient pas suffisamment
πεντακοσίους ὄντας ἐπὶ τὰ armés : quelques-uns
κέρατα διεῖλεν. Ὅπλα μὲν n'avaient pas même de
οὖν οἱ στρατιῶται μόγις boucliers. Pour y suppléer,
εἶχον ἱκανά· τοὺς δ´ ἐκ Agathocle ordonna de
τῶν ἀφράκτων ὁρῶν distendre sur des baguettes
ἀνόπλους ὄντας τὰ τῶν les étuis des boucliers; ces
ἀσπίδων ἔλυτρα ῥάβδοις étuis offraient ainsi au loin
διέτεινε καὶ τῇ φαντασίᾳ l'aspect de véritables
τὸν τῆς ἀσπίδος κύκλον boucliers. Cependant, voyant
μιμησάμενος ἀνέδωκεν que ses soldats continuaient
αὐτοῖς πρὸς μὲν τὴν à s'effrayer des forces des
χρείαν οὐδαμῶς ἐπιτήδεια, Barbares, si supérieurs en
πρὸς δὲ τὴν πόρρωθεν cavalerie, il fit lâcher sur
ὁρωμένην ὄψιν δυνάμενα plusieurs points de la ligne
δόξαν ὅπλων ἐμποιῆσαι des chouettes qu'il avait
τοῖς ἀγνοοῦσι τἀληθές. tenues prêtes d'avance, pour
Ὁρῶν δὲ τοὺς στρατιώτας ranimer le courage de ses
καταπεπληγμένους τὸ troupes. En effet, ces
πλῆθος τῆς βαρβαρικῆς oiseaux, après avoir voltigé
ἵππου καὶ δυνάμεως au-dessus de la phalange,
ἀφῆκεν εἰς τὸ vinrent s'abattre sur les
στρατόπεδον κατὰ boucliers et les casques des
πλείονας τόπους γλαῦκας, soldats qui tirèrent un
ἃς ἐκ χρόνου heureux augure de la
παρεσκεύαστο πρὸς τὰς présence de cet animal
ἀθυμίας τῶν πολλῶν· consacré à Minerve. Bien
αὗται δὲ διὰ τῆς φάλαγγος que ces croyances ne soient,
πετόμεναι καὶ aux yeux de bien des gens,
προσκαθίζουσαι ταῖς que de vaines superstitions,
ἀσπίσι καὶ τοῖς κράνεσιν elles rendirent néanmoins
εὐθαρσεῖς ἐποίουν τοὺς souvent de grands services,
στρατιώτας, ἑκάστων comme cela arriva ici; car à
οἰωνιζομένων διὰ τὸ la vue de ces oiseaux, les
δοκεῖν ἱερὸν εἶναι τὸ ζῷον soldats s'inspiraient une
τῆς Ἀθηνᾶς. Ταῦτα δέ, mutuelle confiance et
καίπερ ἄν τισι δόξαντα affrontaient le danger en se
κενὴν ἔχειν ἐπίνοιαν, répétant 122 entre eux que la
πολλάκις αἴτια γίνεται divinité leur promettait
μεγάλων προτερημάτων. évidemment la victoire.
καὶ τότε συνέβη γενέσθαι· XII .Les Carthaginois
ἐμπεσόντος γὰρ εἰς τὰ commencèrent l'attaque par
πλήθη θάρσους καὶ les chars de guerre, mais
διαδοθέντων λόγων ὡς τὸ une partie fut broyée par les
θεῖον αὐτοῖς φανερῶς balistes ; une autre partie fut
προσημαίνει νίκην, évitée par les Grecs qui
παραστατικώτερον τὸν entrouvraient leurs rangs,
κίνδυνον ὑπέμειναν. enfin le plus grand nombre
XII. Προεμβαλόντων fut rejeté en arrière sur
γὰρ εἰς αὐτοὺς τῶν l'infanterie. L'armée
ἁρμάτων μὲν d'Agathocle soutint
κατηκόντισαν, δ´ εἴασαν également le choc de la
διεκπεσεῖν, τὰ δὲ πλεῖστα cavalerie carthaginoise.
συνηνάγκασαν στρέψαι Beaucoup de ces derniers
πρὸς τὴν τῶν πεζῶν τάξιν. furent blessés et prirent la
Παραπλησίως δὲ καὶ τὴν fuite. Pendant ce brillant
τῶν ἱππέων ἐπιφορὰν combat des avant-postes,
ὑποστάντες καὶ πολλοὺς toute l'infanterie des
αὐτῶν κατατιτρώσκοντες Barbares en vint aux mains
ἐποίησαν φυγεῖν εἰς avec l'ennemi. La lutte
τοὐπίσω. s'étant bravement engagée,
Προαγωνιζομένων δ´ Hannon, à la tête du
αὐτῶν ἐν τούτοις λαμπρῶς bataillon sacré, jaloux de
πεζὴ δύναμις τῶν remporter par lui-même la
βαρβάρων ἅπασα συνῆψεν victoire, tomba de tout son
εἰς χεῖρας. Γενναίας δὲ poids sur les Grecs, et en fit
μάχης γιγνομένης Ἄννων un grand carnage. Bien
μὲν ἔχων συναγωνιζόμενον qu'accablé d'une grêle de
τὸν ἱερὸν λόχον ἐπιλέκτων flèches et couvert de
ἀνδρῶν καὶ σπεύδων blessures, il ne céda point le
ποιῆσαι δι´ αὑτοῦ τὴν terrain, et pressa l'attaque
νίκην ἐνέκειτο βαρὺς τοῖς jusqu'à ce qu'épuisé de force
Ἕλλησι καὶ συχνοὺς il expira. La mort d'Hannon
ἀνῄρει. Φερομένων δ´ ἐπ´ jeta le découragement parmi
αὐτὸν παντοδαπῶν βελῶν les Carthaginois, tandis que
οὐκ εἶκεν, ἀλλὰ καίπερ les troupes d'Agathocle
πολλοῖς τραύμασι reprirent confiance. Informé
περιπίπτων ἐβιάζετο, de cet événement, Bomilcar,
μέχρις ὅτου καταπονηθεὶς le second général, pensa que
ἐτελεύτησε. Τούτου δὲ c'était là l'occasion offerte
πεσόντος οἱ μὲν ταύτῃ par les dieux pour réaliser le
τεταγμένοι τῶν projet de saisir la tyrannie, et
Καρχηδονίων ἀνετράπησαν il raisonnait ainsi en lui-
ταῖς ψυχαῖς, οἱ δὲ περὶ τὸν même : "Si l'armée
Ἀγαθοκλέα d'Agathocle périt, je ne
μετεωρισθέντες πολὺ pourrai jamais prétendre à
μᾶλλον ἐπερρώσθησαν. l'autorité souveraine, car
δὴ πυθόμενός τινων mes concitoyens ne le
Βορμίλκας, ἕτερος permettraient pas; si au
στρατηγός, καὶ νομίσας contraire Agathocle est
παρὰ θεῶν αὐτῷ δεδόσθαι victorieux, et qu'il abatte
τὸν καιρὸν τοῦ λαβεῖν l'orgueil des Carthaginois,
ἀφορμὰς πρὸς τὴν ἐπίθεσιν ceux-ci, une fois vaincus,
τῆς τυραννίδος, deviendront plus faciles à
διελογίζετο πρὸς αὑτόν, εἰ manier. Quant à Agathocle,
μὲν μετὰ Ἀγαθοκλέους je pourrai le combattre
διαφθαρείη δύναμις, μὴ quand bon me semblera."
δυνήσεσθαι τὴν ἐπίθεσιν Ces réflexions faites,
ποιήσασθαι τῇ δυναστείᾳ, Bomilcar se retira avec son
τῶν πολιτῶν ἰσχυόντων, εἰ avant-garde, cédant ainsi
δὲ ἐκεῖνος νικήσας τὰ tranquillement le terrain aux
φρονήματα παρέλοιτο τῶν ennemis ; et après avoir
Καρχηδονίων, εὐχειρώτους annoncé aux siens la mort
μὲν ἑαυτῷ τοὺς d'Hannon, il leur ordonna de
προηττημένους ἔσεσθαι, se réfugier en bon ordre sur
τὸν δ´ Ἀγαθοκλέα ῥᾳδίως une hauteur voisine. "Cette
καταπολεμήσειν, ὅταν manœuvre, leur disait-il, est
αὐτῷ δόξῃ. Ταῦτα δὲ d'une grande utilité." Mais
διανοηθεὶς ἀνεχώρησε comme les ennemis
μετὰ τῶν πρωτοστατῶν, pressaient vivement les
δοὺς τοῖς μὲν πολεμίοις Carthaginois, cette retraite
ἄσημον ἔκκλιμα, τοῖς δ´ ressemblait à une déroute;
ἰδίοις δηλώσας τὸν car les Libyens, qui se
Ἄννωνος θάνατον καὶ succédaient par colonnes,
παρακελευόμενος s'imaginant que l'avant-
ἀναχωρεῖν ἐν τάξει πρὸς garde était battue,
τὸν γεώλοφον· τοῦτο γὰρ tournèrent le dos. Cependant
συμφέρειν. Ἐπικειμένων δὲ le bataillon sacré se défendit
τῶν πολεμίων καὶ τῆς ὅλης encore 123 vigoureusement
ὑποχωρήσεως φυγῇ après la mort d'Hannon; et
παραπλησίας γινομένης οἱ debout sur le corps de ceux
μὲν συνεχεῖς Λίβυες ἀπὸ qui étaient tombés, ils
κράτους ἡττῆσθαι τοὺς affrontèrent tous les périls.
πρωτοστάτας νομίσαντες Mais lorsque les soldats de
πρὸς φυγὴν ὥρμησαν, οἱ δὲ ce bataillon apprirent qu'une
τὸν ἱερὸν λόχον ἔχοντες grande partie de l'armée
μετὰ τὸν Ἄννωνος τοῦ avait pris la fuite et qu'ils
στρατηγοῦ θάνατον τὸ μὲν allaient être enveloppés par
πρῶτον ἀντεῖχον l'ennemi, ils furent aussi
εὐρώστως καὶ τοὺς ἐξ forcés de lâcher pied. Tout le
αὐτῶν πίπτοντας camp des Carthaginois étant
ὑπερβαίνοντες ὑπέμενον mis en déroute, les Barbares
πάντα κίνδυνον, ἐπεὶ δὲ s'enfuirent vers Carthage.
κατενόησαν τὸ πλεῖον Agathocle, après les avoir
μέρος τῆς δυνάμεως πρὸς poursuivis pendant quelque
φυγὴν ὡρμημένον καὶ τοὺς temps, revint sur ses pas et
πολεμίους περιισταμένους pilla le camp des
κατὰ νώτου, Carthaginois.
συνηναγκάσθησαν XIII. Les Grecs perdirent
ἐκκλῖναι. Διὸ καὶ τροπῆς dans cette bataille environ
γενομένης κατὰ πᾶν τὸ deux cents hommes, et les
τῶν Καρχηδονίων Carthaginois pas moins de
στρατόπεδον οἱ μὲν mille, d'autres disent six
βάρβαροι τὴν φυγὴν mille. On trouva, entre
ἐποιοῦντο πρὸς τὴν autres objets, dans le camp
Καρχηδόνα, Ἀγαθοκλῆς δὲ des Carthaginois, plusieurs
μέχρι τινὸς ἐπιδιώξας chars contenant plus de
ἐπανῆλθε καὶ τὴν vingt mille menottes. Car les
στρατοπεδείαν τῶν Barbares, espérant venir
Καρχηδονίων διήρπασεν. facilement à bout des Grecs,

XIII. Ἔπεσον δ´ ἐν τῇ se promettaient d'avance un

μάχῃ τῶν μὲν Ἑλλήνων εἰς grand nombre de

διακοσίους, τῶν δὲ prisonniers, qui devaient être

Καρχηδονίων οὐ πλείους enchaînés et employés aux

χιλίων, ὡς δ´ ἔνιοι travaux publics. C'est ainsi

γεγράφασιν, ὑπὲρ τοὺς que la divinité s'est plu à

ἑξακισχιλίους. Ἐν δὲ τῇ humilier l'orgueil des

τῶν Καρχηδονίων Carthaginois, qui essuyèrent

παρεμβολῇ σὺν ταῖς tout le contraire de ce qu'ils

ἄλλαις ὠφελείαις espéraient. Agathocle,

εὑρέθησαν ἅμαξαι πλείους, victorieux contre toute

ἐν αἷς ἐκομίζετο ζεύγη attente, força les

χειροπεδῶν πλείω τῶν Carthaginois à se renfermer

δισμυρίων· ἐξ ἑτοίμου γὰρ dans leurs murs : la fortune,

οἱ βάρβαροι κρατήσειν inconstante, fit ainsi

ὑπειληφότες τῶν Ἑλλήνων succéder le revers à la

παρηγγέλκεισαν ἀλλήλοις victoire. En effet, en Sicile,

ζωγρεῖν ὡς πλείστους καὶ les Carthaginois avaient

δήσαντες εἰς συνεργασίαν battu Agathocle et assiégé

ἐμβαλεῖν. Ἀλλ´, οἶμαι, τὸ Syracuse ; en Libye,

δαιμόνιον ὥσπερ ἐπίτηδες Agathocle en fit autant à


τοῖς ὑπερηφάνως l'égard des Carthaginois; et,
διαλογιζομένοις τὸ τέλος ce qu'il y a de plus
τῶν κατελπισθέντων εἰς merveilleux, c'est que le
τοὐναντίον μετατίθησιν. tyran qui avait été battu en
Ἀγαθοκλῆς μὲν οὖν Sicile à la tête de ses troupes
Καρχηδονίους παραλόγως intactes, venait, avec les
νικήσας τειχήρεις débris de son armée, battre,
συνεῖχεν, τύχη δὲ sur le continent, ses propres
ἐναλλὰξ τὰ προτερήματα vainqueurs.
τοῖς ἐλαττώμασιν XIV. Attribuant au
ἐπεισαγαγοῦσα τοὺς pouvoir des dieux la défaite
ὑπερέχοντας ἴσον qu'ils venaient d'essuyer, les
ἐταπείνωσε τοῖς ἡτ Carthaginois eurent recours
τωμένοις· ἐν Σικελίᾳ μὲν aux prières publiques, et
γὰρ Καρχηδόνιοι μεγάλῃ croyant qu'Hercule, dont ils
νενικηκότες παρατάξει se disaient être une colonie,
Ἀγαθοκλέα τὰς était particulièrement irrité,
Συρακούσσας ἐπολιόρκουν, ils envoyèrent à Tyr une
ἐν Λιβύῃ δὲ Ἀγαθοκλῆς immense quantité de riches
τηλικαύτῃ μάχῃ offrandes. Descendants de
προτερήσας εἰς πολιορκίαν cette ville, les Carthaginois
ἐνέκλεισε Καρχηδονίους, étaient jadis dans l'usage
καὶ τὸ θαυμασιώτατον, d'envoyer à ce dieu le
δυνάστης κατὰ μὲν τὴν dixième de tous leurs
νῆσον ἀκεραίους ἔχων τὰς revenus; mais par la suite,
δυνάμεις ἐλείπετο τῶν devenus riches et opulents,
βαρβάρων, ἐπὶ δὲ τῆς ils n'envoyèrent presque plus
ἠπείρου τῷ μέρει τῆς rien, croyant pouvoir se
προηττημένης στρατιᾶς dispenser de la protection du
περιεγένετο τῶν dieu. Leur désastre ré- 124

νενικηκότων. cent les ramena au repentir,


XIV. Διόπερ οἱ et tous se souvinrent du dieu
Καρχηδόνιοι, νομίσαντες de Tyr. Parmi les offrandes
ἐκ θεῶν αὐτοῖς γεγονέναι qu'ils envoyèrent se
τὴν συμφοράν, ἐτράπησαν trouvaient des chapelles d'or
πρὸς παντοίαν ἱκεσίαν τοῦ tirées de leurs propres
δαιμονίου καὶ νομίσαντες temples, pensant que par ce
μάλιστα μηνίειν αὐτοῖς τὸν genre de consécration ils
Ἡρακλέα τὸν παρὰ τοῖς parviendraient plus
ἀποίκοις, χρημάτων facilement à apaiser le
πλῆθος καὶ τῶν courroux de la divinité. Ils se
πολυτελεστάτων reprochèrent aussi de s'être
ἀναθημάτων ἔπεμψαν εἰς aliéné Saturne, parce qu'ils
τὴν Τύρον οὐκ ὀλίγα. lui avaient autrefois offert en
Ἀποικισθέντες γὰρ ἐκ sacrifice les enfants des plus
ταύτης εἰώ θεισαν ἐν τοῖς puissants citoyens, qu'ils
ἔμπροσθεν χρόνοις avaient plus tard renoncé à
δεκάτην ἀποστέλλειν τῷ cet usage en achetant des
θεῷ πάντων τῶν εἰς enfants secrètement et en
πρόσοδον πιπτόντων· les élevant pour être
ὕστερον δὲ μεγάλους immolés à ce dieu. Des
κτησάμενοι πλούτους καὶ recherches établirent que
προσόδους ἀξιολογωτέρας plusieurs de ces enfants
λαμβάνοντες μικρὰ sacrifiés étaient des enfants
παντελῶς ἀπέστελλον, supposés. En considérant
ὀλιγωροῦντες τοῦ toutes ces choses et en
δαιμονίου. Διὰ δὲ τὴν voyant, de plus, les ennemis
συμφορὰν ταύτην εἰς campés sous les murs de
μεταμέλειαν ἐλθόντες leur ville, ils furent saisis
πάντων τῶν ἐν τῇ Τύρῳ d'une crainte superstitieuse,
θεῶν ἐμνημόνευον. et ils se reprochèrent d'avoir
Ἔπεμψαν δὲ καὶ τοὺς ἐκ négligé les coutumes de
τῶν ἱερῶν χρυσοῦς ναοὺς leurs pères à l'égard du culte
αὐτοῖς τοῖς ἀφιδρύμασι des dieux. Ils décrétèrent
πρὸς τὴν ἱκεσίαν, donc une grande solennité
ἡγούμενοι μᾶλλον dans laquelle devaient être
ἐξιλάσεσθαι τὴν τοῦ θεοῦ sacrifiés deux cents enfants,
μῆνιν τῶν ἀναθημάτων choisis dans les familles les
πεμφθέντων ἐπὶ τὴν illustres; quelques citoyens,
παραίτησιν. ᾐτιῶντο δὲ en butte à des accusations,
καὶ τὸν Κρόνον αὑτοῖς offrirent volontairement
ἐναντιοῦσθαι, καθ´ ὅσον leurs propres enfants, qui
ἐν τοῖς ἔμπροσθεν χρόνοις n'étaient pas moins de trois
θύοντες τούτῳ τῷ θεῷ cents. Voici quelques détails
τῶν υἱῶν τοὺς κρατίστους concernant ce sacrifice. Il y
ὕστερον ὠνούμενοι λάθρᾳ avait une statue d'airain
παῖδας καὶ θρέψαντες représentant Saturne, les
ἔπεμπον ἐπὶ τὴν θυσίαν· mains étendues et inclinées
καὶ ζητήσεως γενομένης vers la terre, de manière que
εὑρέθησάν τινες τῶν l'enfant, qui y était placé,
καθιερουργημένων roulait et allait tomber dans
ὑποβολιμαῖοι γεγονότες. un gouffre rempli de feu.
Τούτων δὲ λαβόντες C'est probablement à cette
ἔννοιαν καὶ τοὺς coutume qu'Euripide fait
πολεμίους πρὸς τοῖς allusion lorsqu'il parle des
τείχεσιν ὁρῶντες cérémonies du sacrifice
στρατοπεδεύοντας accompli en Tauride; le
ἐδεισιδαιμόνουν ὡς poète met dans la bouche
καταλελυκότες τὰς d'Oreste, la question
πατρίους τῶν θεῶν τιμάς. suivante : "Quel sera le
Διορθώσασθαι δὲ τὰς tombeau qui me recevra
ἀγνοίας σπεύδοντες lorsque je mourrai? - Un feu
διακοσίους μὲν τῶν sacré allumé dans un vaste
ἐπιφανεστάτων παίδων gouffre de la terre.(08)" Il
προκρίναντες ἔθυσαν paraît aussi que l'ancien
δημοσίᾳ· ἄλλοι δ´ ἐν mythe des Grecs, d'après
διαβολαῖς ὄντες ἑκουσίως lequel Saturne dévora ses
ἑαυτοὺς ἔδοσαν, οὐκ propres enfants, trouve son
ἐλάττους ὄντες explication dans cette
τριακοσίων. ἦν δὲ παρ coutume des Carthaginois.
´αὐτοῖς ἀνδριὰς Κρόνου XV. Après ces grands
χαλκοῦς, ἐκτετακὼς τὰς revers arrivés en Libye, les
χεῖρας ὑπτίας Car- thaginois
ἐγκεκλιμένας ἐπὶ τὴν γῆν, s'empressèrent d'envoyer
ὥστε τὸν ἐπιτεθέντα τῶν une députation en Sicile pour
παίδων ἀποκυλίεσθαι καὶ prier Hamilcar de leur
πίπτειν εἴς τι χάσμα envoyer, de prompts
πλῆρες πυρός. Εἰκὸς δὲ καὶ secours; ils lui firent
τὸν Εὐριπίδην ἐντεῦθεν remettre en même temps les
εἰληφέναι τὰ armatures des vaisseaux
μυθολογούμενα παρ´ αὐτῷ d'Agatho- 125 cle. Hamilcar
περὶ τὴν ἐν Ταύροις ordonna à ces envoyés de
θυσίαν, ἐν οἷς εἰσάγει τὴν garder le plus profond
Ἰφιγένειαν ὑπὸ Ὀρέστου silence sur la défaite des
διερωτωμένην : «τάφος δὲ Carthagi- nois, et fit
ποῖος δέξεταί μ´, ὅταν répandre dans l'armée le
θάνω; πῦρ ἱερὸν ἔνδον bruit qu'Agathocle avait
χάσμα τ´ εὐρωπὸν perdu ses navires et toute
χθονός.» καὶ παρὰ τοῖς son armée. 11 fit en même
Ἕλλησι δὲ μῦθος ἐκ temps partir quelques-uns
παλαιᾶς φήμης de ces messagers pour
παραδεδομένος ὅτι Κρόνος Syracuse, où ils devaient
ἠφάνιζε τοὺς ἰδίους montrer les armatures des
παῖδας, παρὰ Καρχηδονίοις navires d'Agathocle et
φαίνεται διὰ τούτου τοῦ sommer les habitants de
νομίμου τετηρημένος. rendre leur ville, ajoutant
XV. Οὐ μὴν ἀλλὰ que l'armée des Syracusains
τοιαύτης ἐν τῇ Λιβύῃ avait été détruite par les
γεγενημένης μεταβολῆς οἱ Cartha- ginois et leurs
μὲν Καρχηδόνιοι vaisseaux brûlés ; enfin, ils
διεπέμποντο πρὸς Ἀμίλκαν devaient montrer aux
εἰς τὴν Σικελίαν, ἀξιοῦντες incrédules les éperons ;des
κατὰ τάχος πέμψαι vaisseaux. Lorsque cette
βοήθειαν, καὶ τὰ ληφθέντα prétendue défaite
χαλκώματα τῶν d'Agathocle fut annoncée à
Ἀγαθοκλέους νεῶν Syracuse, la plupart des
ἀπέστειλαν αὐτῷ. δὲ τοῖς habitants y ajoutèrent foi ;
καταπλεύσασι mais les magistrats eurent
παρεκελεύσατο σιωπᾶν μὲν l'air de conserver quelques
τὴν γεγενημένην ἧτταν, doutes afin de prévenir tout
διαδιδόναι δὲ λόγον εἰς désordre, et renvoyèrent
τοὺς στρατιώτας ὡς immédiatement les députés;
Ἀγαθοκλῆς ἄρδην ἀπώλεσε puis ils chassèrent de la ville
καὶ τὰς ναῦς καὶ τὴν les parents et les amis des
δύναμιν ἅπασαν. Αὐτὸς δὲ bannis, ainsi que tous les
πέμψας τινὰς τῶν mécontents, dont le nombre
παρόντων ἐκ Καρχηδόνος s'et levait à au moins huit
εἰς τὰς Συρακούσσας mille. A la suite de cette
πρεσβευτὰς καὶ τὰ mesure, qui condamna à
χαλκώματα συναποστείλας l'exil un si grand nombre
ἠξίου παραδιδόναι τὴν d'habitants, la ville devint le
πόλιν· τὴν μὲν γὰρ δύναμιν théâtre de troubles affreux,
τῶν Συρακοσίων ὑπὸ et on n'y entendait que les
Καρχηδονίων gémissements des femmes,
κατακεκόφθαι, τὰς δὲ ναῦς car il n'y avait pas de maison
ἐμπεπυρίσθαι· τοῖς δ´ qui ne fût alors en deuil. Les
ἀπιστοῦσιν ἀπόδειξιν partisans de la tyran- nie
παρέχεσθαι τὴν τῶν d'Agathocle plaignaient son
ἐμβόλων κομιδήν. Τῶν δ´ infortune et celle de leurs
ἐν τῇ πόλει πυθομένων τὴν enfants. Parmi les citoyens,
περὶ τὸν Ἀγαθοκλέα les uns pleuraient leurs amis
προσηγγελμένην συμφορὰν ou parents qu'ils croyaient
οἱ πολλοὶ μὲν ἐπίστευσαν, morts en Libye; les autres,
οἱ προεστηκότες δὲ ceux qui devaient quitter
διστάζοντες διετήρησαν leurs foyers et leurs pénates,
μὲν χάριν τοῦ μὴ γενέσθαι et auxquels il n'était permis
ταραχήν, τοὺς πρεσβευτὰς ni de rester ni de sortir hors
δὲ ταχέως ἐξέπεμψαν, des murs de la ville, investie
τοὺς δὲ τῶν φυγάδων par les Barbares. Enfin, pour
συγγενεῖς καὶ φίλους καὶ achever de peindre ce
τῶν ἄλλων τοὺς tableau, les exilés étaient
δυσχεραίνοντας τοῖς ὑπ´ obligés d'emmener avec eux
αὐτῶν πραττομένοις les femmes et les enfants
ἐξέβαλον ἐκ τῆς πόλεως, encore à la mamelle.
ὄντας οὐκ ἐλάττους Cependant Hamilcar donna
ὀκτακισχιλίων. Κἄπειτα un sauf-conduit aux bannis
τοσούτου πλήθους ἄφνω qui vinrent se réfugier
συναναγκαζομένου τὴν auprès de lui, et il se dispo-
πατρίδα φεύγειν ἔγεμεν sait à attaquer Syracuse,
πόλις διαδρομῆς καὶ dont il espérait facilement se
θορύβου καὶ γυναικείων rendre maître, car elle était
κλαυθμῶν· οὐδεμία γὰρ ἦν privée de toute défense, et
οἰκία πένθους le petit nombre d'habitants
ἀκοινώνητος κατὰ τοῦτον qui restaient étaient abattus
τὸν καιρόν. Οἱ μὲν γὰρ par tant de calamités.
περὶ τὴν τυραννίδα τοῦ XVI. Avant de
Ἀγαθοκλέους καὶ τῶν commencer l'attaque,
τέκνων αὐτοῦ τὴν Hamilcar avait envoyé des
συμφορὰν ὠδύροντο, τῶν députés chargés de sommer
δ´ ἰδιωτῶν οἱ μὲν τοὺς Antandre de livrer la ville et
ἀπολωλέναι δοκοῦντας de lui promettre toute
κατὰ Λιβύην ἔκλαιον, οἱ δὲ sécurité dans le cas où il la
τοὺς ἐκπίπτοντας ἀφ´ lui rendrait. A cette
ἑστίας καὶ πατρῴων θεῶν, proposition, les principaux
οἷς οὔτε μένειν ἐξῆν οὔτ´ magistrats de Syracuse se
ἐκτὸς τῶν τειχῶν 126 réunirent en conseil, et,
προάγειν, πολιορκούντων après plusieurs discours
τῶν βαρβάρων, πρὸς δὲ prononcés pour et contre,
τοῖς εἰρημένοις κακοῖς Antandre émit l'avis de livrer
τηλικούτοις οὖσιν la ville. C'était un homme
ἠναγκάζοντο νηπίους naturellement timide, et
παῖδας καὶ γυναῖκας dont le caractère était tout
συνεφέλκεσθαι τῇ φυγῇ. δ l'opposé de celui de son
´ Ἀμίλκας, καταφυγόντων frère (09). Mais Erymnon
πρὸς αὐτὸν τῶν φυγάδων, l'Étolien, qui avait été placé
τούτοις μὲν τὴν ἀσφάλειαν par Agathocle comme
παρέσχετο, τὴν δὲ δύναμιν conseiller auprès de son
παρασκευάσας προῆγεν ἐπὶ frère, fut d'une opinion
τὰς Συρακούσσας, ὡς contraire, et il décida tous
αἱρήσων τὴν πόλιν διά τε les membres de l'assemblée
τὴν ἐρημίαν καὶ διὰ τὴν à patienter jusqu'à ce qu'on
προσηγγελμένην τοῖς eût appris toute la vérité sur
ὑπολελειμμένοις les affaires de la Libye. En
συμφοράν. apprenant cette résolution,

XVI. Hamilcar fit approcher les

Προαποστείλαντος δ´ machines de guerre et se

αὐτοῦ πρεσβείαν καὶ décida à entreprendre le

διδόντος Ἀντάνδρῳ καὶ siège de la ville.

τοῖς μετ´ αὐτοῦ, εἰ Après la défaite des


παραδιδόασι τὴν πόλιν, Carthaginois, Agathocle fit
ἀσφάλειαν συνήδρευσαν construire deux barques à
τῶν ἡγεμόνων οἱ μάλιστα trente rames et en fit partir
ἀξίωμα δοκοῦντες ἔχειν. une pour Syracuse. Il avait
ῥηθέντων οὖν πολλῶν fait monter cette barque par
λόγων Ἄντανδρος μὲν les meilleurs rameurs, et
ᾤετο δεῖν παραδιδόναι τὴν avait choisi, parmi ses plus
πόλιν, ὢν ἄνανδρος φύσει fidèles amis, Néarque pour
καὶ τῆς τἀδελφοῦ τόλμης annoncer aux Syracusains la
καὶ πράξεως ἐναντίαν nouvelle de sa victoire.
ἔχων διάθεσιν· Ἐρύμνων δ´ Après une navigation
Αἰτωλός, heureuse, les envoyés
παρακαθεσταμένος ὑπ´ arrivèrent le cinquième jour,
Ἀγαθοκλέους τἀδελφῷ pendant la nuit dans les
σύνεδρος, τὴν ἐναντίαν eaux de Syracuse :
δοὺς γνώμην ἔπεισεν couronnés de fleurs et
ἅπαντας διακαρτερεῖν entonnant les chants de
μέχρι ἂν πύθωνται victoire, ils essayèrent au
τἀληθές. Ἀμίλκας δὲ point du jour d'entrer dans la
μαθὼν τὰ δόξαντα τοῖς ἐν ville; mais les navires
τῇ πόλει συνεπήγνυε carthaginois, mis en
μηχανὰς παντοίας, sentinelle, donnèrent la
διεγνωκὼς προσβάλλειν. chasse à la barque, et,

Ἀγαθοκλῆς δὲ δύο comme ils étaient près de

τριακοντόρους μετὰ τὴν l'atteindre, il s'engagea une

μάχην νεναυπηγημένος τὴν espèce de lutte à la rame.

ἑτέραν ἀπέστειλεν εἰς Pendant cette lutte,

Συρακούσσας, ἐρέτας assiégeants et assiégés

ἐμβιβάσας τοὺς accoururent vers le port, et

κρατίστους καὶ τῶν περὶ chacun encourageait les

αὐτὸν πιστευομένων φίλων siens, par des cris, à

ἕνα Νέαρχον, redoubler d'efforts. Déjà la

ἀπαγγελοῦντα τοῖς ἰδίοις barque allait être prise : les

τὴν νίκην. Ἔπειτ´ εὐπλοίας Barbares poussèrent des

γενομένης πεμπταῖοι ταῖς clameurs de joie, tandis que

Συρακούσσαις νύκτωρ les Syracusains, dans

προσεπέλασαν καὶ l'impossibilité de venir au

στεφανωσάμενοι καὶ secours, adressèrent aux

παιανίσαντες κατὰ τὸν dieux des prières ; mais, au

πλοῦν ἅμ´ ἡμέρᾳ moment où la proue du

κατέπλεον ἐπὶ τὴν πόλιν. bâtiment ennemi allait venir

Αἱ δὲ φυλακίδες τῶν à l'abordage, la barque

Καρχηδονίων αἰσθόμεναι arriva à portée de trait, et

κατὰ σπουδὴν ἐπεδίωκον les Syracusains, accourus à

καὶ οὐ πολὺ προειληφότων son secours, la sauvèrent


τῶν ὑποφευγόντων ἀγὼν d'un péril imminent. Tous les
τῆς εἰρεσίας ἐγίνετο. Ἅμα habitants de la ville s'étant
δὲ τῇ τούτων φιλοτιμίᾳ ainsi précipités vers le port,
συνέβη τούς τε ἐκ τῆς 127 Hamilcar pensa qu'une
πόλεως καὶ τοὺς partie du mur devait avoir
πολιορκοῦντας été laissée sans défense et
αἰσθομένους συνδραμεῖν chargea un détachement
ἐπὶ τὸν λιμένα καὶ τοῖς d'élite de le franchir avec
ἰδίοις ἑκατέρους des échelles. Les hommes de
συναγωνιῶντας ἀναβοᾶν ce détachement trouvant les
θαρρεῖν. ἤδη δὲ τῆς portes abandonnées,
τριακοντόρου montèrent sans être
καταλαμβανομένης οἱ aperçus; ils allaient se
βάρβαροι μὲν ἐπηλάλαξαν, mettre en possession des
οἱ δ´ ἐκ τῆς πόλεως courtines, lorsque la ronde
ἀδυνατοῦντες βοηθεῖν ordinaire découvrit les
τοῖς θεοῖς ηὔχοντο περὶ ennemis. Aussitôt un combat
τῆς σωτηρίας τῶν κατα s'engagea; les habitants
πλεόντων. Τῆς πρῴρας δὲ s'empressèrent d'arriver sur
τῶν διωκόντων εἰς les lieux, et, prévenant les
ἐμβολὴν ἤδη φερομένης ennemis, ils en tuèrent une
οὐκ ἄπωθεν τῆς γῆς partie et précipitèrent le
ἔφθασε τὸ διωκόμενον reste du haut des créneaux.
σκάφος ἐντὸς βέλους Attristé par cet insuccès,
γενόμενον καὶ τῶν Hamilcar leva le siège de
Συρακοσίων Syracuse, et fit partir pour
προσβοηθησάντων ἐξέφυγε Carthage un renfort de cinq
τὸν κίνδυνον. Ἀμίλκας δ´ mille hommes.
ὁρῶν τοὺς ἐκ τῆς πόλεως XVII. Pendant que ces
διὰ τὴν ἀγωνίαν καὶ τὸ choses se passaient,
παράδοξον τῆς Agathocle, maître de la
προσδοκωμένης ἀγγελίας campagne, prit d'assaut les
ἐπὶ τὸν λιμένα forteresses de l'alentour de
συνδεδραμηκότας, Carthage, et entraîna dans
ὑπολαβὼν εἶναι μέρος τι son parti les villes, moitié par
τοῦ τείχους ἀφύλακτον, voie d'intimidation, moitié
ἔπεμψε τῶν στρατιωτῶν par la haine qu'elles avaient
τοὺς κρατίστους μετὰ vouée aux Carthaginois. Il
κλιμάκων. Οὗτοι δ´ établit ensuite près de Tynès
εὑρόντες ἐκλελειμμένας un camp retranché, et, après
τὰς φυλακὰς ἔλαθον y avoir laissé une forte
προσαναβάντες· καὶ garnison, il se porta sur les
σχεδὸν αὐτῶν μεσοπύργιον villes maritimes. Il prit
ἤδη κατειληφότων κατὰ d'abord Néapolis, et traita
τὸ σύνηθες ἐφοδία les habitants avec humanité;
παραγενομένη κατενόησε. puis il se dirigea sur
Γενομένης δὲ μάχης οἱ μὲν Adrymetum, dont il fit le
ἐκ τῆς πόλεως συνέδραμον siège, après avoir conclu une
καὶ φθάσαντες τοὺς alliance avec Élymar, roi des
μέλλοντας τοῖς libyens. Informés de ces
ἀναβεβηκόσι προσβοηθεῖν mouvements, les
οὓς μὲν ἀπέκτειναν, οὓς δ´ Carthaginois firent marcher
ἀπὸ τῶν ἐπάλξεων toutes leurs troupes contre
κατεκρήμνισαν. Ἐφ´ οἷς Tynès, se rendirent maîtres
Ἀμίλκας περιαλγὴς du camp d'Agathocle, et
γενόμενος ἀπήγαγε τὴν livrèrent à la ville de
δύναμιν ἀπὸ τῆς πόλεως fréquents assauts. En
καὶ τοῖς εἰς Καρχηδόνα apprenant la défaite des
βοήθειαν ἐξέπεμψε μετὰ siens, Agathocle laissa un
στρατιωτῶν corps d'armée pour
πεντακισχιλίων. continuer le siège

XVII. Ἅμα δὲ τούτοις d'Adrymetum, et, se mettant

πραττομένοις μὲν à la tête de sa garde et d'un

Ἀγαθοκλῆς κρατῶν τῶν petit détachement de

ὑπαίθρων τὰ περὶ τὴν troupes, il vint, à l'insu des

Καρχηδόνα χωρία κατὰ ennemis, occuper une


κράτος ᾕρει καὶ τῶν hauteur d'où il pouvait être
πόλεων ἃς μὲν διὰ φόβον, aperçu tout à la fois des
ἃς δὲ διὰ τὸ πρὸς Adrymetiens et des
Καρχηδονίους μίσος Carthaginois, occupés au
προσηγάγετο. Παρεμβολὴν siège de Tynès. Il ordonna à
δὲ πλησίον τοῦ Τύνητος ses soldats d'allumer des
ὀχυρωσάμενος καὶ τὴν feux dans une grande
ἱκανὴν ἀπολιπὼν φυλακὴν étendue, afin de faire croire
ἀνέζευξε πρὸς τὰς ἐπὶ aux Carthaginois qu'il
θαλάττῃ κειμένας πόλεις. marchait contre eux avec
Καὶ πρώτην μὲν ἑλὼν Νέαν une puissante armée, et aux
πόλιν κατὰ κράτος assiégés qu'il allait leur
φιλανθρώπως ἐχρήσατο amener des renforts
τοῖς χειρωθεῖσιν· εἶτα considérables. Par ce
παρελθὼν ἐπ´ Ἀδρύμητα stratagème il réussit à
πρὸς μὲν ταύτην tromper également les deux
πολιορκίαν συνεστήσατο, partis. L'ennemi, qui
Αἰλύμαν δὲ τὸν βασιλέα assiégeait Tynès, se sauva à
τῶν Λιβύων εἰς συμμαχίαν Carthage en abandonnant
προσελάβετο. δὴ ses machines de guerre, et
πυθόμενοι οἱ Καρχηδόνιοι les Adrymetiens, dominés
πᾶσαν τὴν δύναμιν par la frayeur, 128 livrèrent
προήγαγον ἐπὶ τὸν Τύνητα leur ville. Agathocle leur
καὶ τῆς μὲν Ἀγαθοκλέους accorda une capitulation, se
στρατοπεδείας porta ensuite sur Thapsus,
ἐκυρίευσαν, τῇ πόλει δὲ qu'il prit d'assaut; il
μηχανὰς προσαγαγόντες s'empara ainsi de toutes les
συνεχεῖς προσβολὰς autres villes du littoral au
ἐποιοῦντο. δ´ Ἀγαθοκλῆς, nombre de plus de deux
ἀπαγγειλάντων τινῶν cents, et se décida à porter
αὐτῷ τὰ περὶ τοὺς ἰδίους ses armes dans la Libye
ἐλαττώματα, τὸ μὲν πολὺ supérieure.
τῆς δυνάμεως κατέλιπεν XVIII. Agathocle était
ἐπὶ τῆς πολιορκίας, τὴν δὲ déjà depuis plusieurs jours
θεραπείαν καὶ τῶν en route pour la Libye
στρατιωτῶν ὀλίγους supérieure, lorsque les
ἀναλαβὼν λάθρᾳ Carthaginois reçurent les
προσῆλθεν ἐπί τινα τόπον renforts qui leur avaient été
ὀρεινόν, ὅθεν ὁρᾶσθαι envoyés de Sicile; après les
δυνατὸν ἦν αὐτὸν ὑπό τε avoir réunis à leurs autres
τῶν Ἀδρυμητινῶν καὶ τῶν troupes, ils tentèrent de
Καρχηδονίων τῶν τὸν nouveau le siège de Tynès,
Τύνητα πολιορκούντων. et s'emparèrent de plusieurs
Νυκτὸς δὲ συντάξας τοῖς places qui avaient été
στρατιώταις ἐπὶ πολὺν occupées par l'ennemi. En ce
τόπον πυρὰ κάειν, δόξαν moment, Agathocle fut
ἐνεποίησε τοῖς μὲν instruit du mouvement des
Καρχηδονίοις ὡς μετὰ Carthaginois par des
μεγάλης δυνάμεως ἐπ´ courriers envoyés de Tynès,
αὐτοὺς πορευόμενος, τοῖς et aussitôt il revint sur ses
δὲ πολιορκουμένοις ὡς pas. Arrivé à la distance
ἄλλης δυνάμεως ἁδρᾶς d'environ deux cents stades
τοῖς πολεμίοις εἰς de l'ennemi, il établit son
συμμαχίαν camp et défendit à ses
παραγεγενημένης. soldats d'allumer des feux. Il
Ἀμφότεροι δὲ τῷ ψεύδει profita de la nuit pour se
τοῦ στρατηγήματος porter en avant, et vint à la
παραλογισθέντες pointe du jour tomber
παραλόγως ἠλαττώθησαν, soudain sur les Carthaginois,
οἱ μὲν τὸν Τύνητα sortis de leur camp et
πολιορκοῦντες φυγόντες dispersés dans la campagne
εἰς Καρχηδόνα καὶ τὰς en fourrageurs. Agathocle en
μηχανὰς ἀπολιπόντες, οἱ δ massacra plus de deux mille,
´ Ἀδρυμητινοὶ διὰ τὸν fit un grand nombre de
φόβον παραδόντες τὴν prisonniers et s'assura des
πατρίδα. Ἀγαθοκλῆς δὲ succès pour l'avenir. Les
ταύτην δι´ ὁμολογίας Carthaginois, après avoir
παραλαβὼν Θάψον εἷλε reçu des renforts de Sicile et
κατὰ κράτος καὶ τῶν augmenté leur armés des
ἄλλων τῶν ταύτῃ πόλεων troupes auxiliaires de la
ἃς μὲν ἐξεπολιόρκησεν, ἃς Libye, semblaient avoir des
δὲ προσηγάγετο· τὰς forces supérieures à celles
ἁπάσας δὲ πόλεις πλείους d'Agathocle; mais ce dernier
τῶν διακοσίων succès abattit de nouveau
κεχειρωμένος εἰς τοὺς l'orgueil des Barbares,
ἄνω τόπους τῆς Λιβύης d'autant plus qu'Élymar, roi
διενοεῖτο στρατεύειν. des Libyens, qui s'était

XVIII. Ἀναζεύξαντος détaché du parti

οὖν αὐτοῦ καὶ πλείους d'Agathocle, venait d'être

ἡμέρας ὁδοιποροῦντος vaincu, et perdit lui-même la

Καρχηδόνιοι τὴν ἐκ vie avec un grand nombre de

Σικελίας διακομισθεῖσαν Barbares. Tel était l'état des

δύναμιν καὶ τὴν ἄλλην affaires en Sicile et en Libye.

στρατιὰν προαγαγόντες XIX. En Macédoine,


πάλιν τὸν Τύνητα Cassandre avait porté des
πολιορκεῖν ἐπεχείρησαν secours à Autoléon, roi de
καὶ τῶν χωρίων οὐκ ὀλίγα Péonie, qui était en guerre
τῶν ὑπὸ τοὺς πολεμίους avec les Autariates. Il le
ὄντων ἀνεκτήσαντο. sauva d'un danger imminent
Ἀγαθοκλῆς δέ, en transférant sur le mont
βιβλιαφόρων αὐτῷ Orbélus vingt mille
παραγεγενημένων ἀπὸ τοῦ Autariates, avec leurs
Τύνητος καὶ τὰ enfants et leurs femmes. Sur
πεπραγμένα τοῖς Φοίνιξι ces entrefaites, Ptolémée,
διασαφούντων, εὐθὺς chargé par Antigone du
ἀνέστρεψεν. Ὡς δ´ ἀπέσχε commandement des troupes
τῶν πολεμίων σταδίους du Péloponnèse, abandonna
διακοσίους, son maître dont il ne se
κατεστρατοπέδευσε καὶ croyait pas assez
τοῖς στρατιώταις πυρὰ récompensé, et fit alliance
κάειν ἀπηγόρευσεν. avec Cassandre. Ptolémée
Χρησάμενος δὲ νυκτοπορίᾳ avait laissé l'administration
προσέπεσεν ἅμ´ ἡμέρᾳ de la satrapie de l'Hellespont
τοῖς τε προνομεύουσι τὴν entre les mains de Phénix,
χώραν καὶ τοῖς ἐκτὸς τῆς un de ses 129 plus fidèles
παρεμβολῆς ἄνευ τάξεως amis; il lui envoya des
πλανωμένοις καὶ φονεύσας troupes avec l'ordre de
μὲν ὑπὲρ δισχιλίους, garder les forteresses et les
ζωγρήσας δ´ οὐκ ὀλίγους villes de la contrée, et de ne
πολλὰ πρὸς τὸ μέλλον plus obéir à Antigone. D'un
ἐπλεονέκτησεν. Οἱ γὰρ autre côté, comme dans le
Καρχηδόνιοι τῆς ἐκ traité conclu entre les
Σικελίας προσγενομένης généraux successeurs
βοηθείας καὶ τῶν κατὰ d'Alexandre, il avait été
Λιβύην συμμάχων stipulé que les villes
συναγωνιζομένων ἐδόκουν grecques seraient déclarées
ὑπερέχειν τῶν περὶ τὸν indépendantes, Ptolémée, le
Ἀγαθοκλέα· τούτου δὲ ἐπὶ souverain de l'Égypte,
τοῦ προτερήματος reprocha à Antigone d'avoir
γενομένου πάλιν conservé les garnisons dans
συνεστάλη τὰ φρονήματα plusieurs de ces villes, et
τῶν βαρβάρων. Καὶ γὰρ s'apprêta à lui déclarer la
Αἰλύμαν τὸν βασιλέα τῶν guerre. Ptolémée fit en effet
Λιβύων ἀποστάτην partir Léonidas à la tête
γενόμενον ἐνίκησεν μάχῃ d'une armée, qui s'empara
καὶ τόν τε δυνάστην καὶ des villes de la haute Cilicie,
πολλοὺς τῶν βαρβάρων soumises à l'autorité
ἀνεῖλεν. Καὶ τὰ μὲν περὶ d'Antigone. Il envoya aussi
Σικελίαν καὶ Λιβύην ἐν des députés dans les villes
τούτοις ἦν. soumises à Cassandre et à

XIX. Κατὰ δὲ τὴν Lysimaque, pour les solliciter

Μακεδονίαν Κάσανδρος d'agir de concert avec lui, en


μὲν βοηθήσας Αὐδολέοντι empêchant Antigone de
τῷ Παιόνων βασιλεῖ devenir trop puissant.
διαπολεμοῦντι πρὸς Antigone dépêcha pour
Αὐταριάτας, τοῦτον μὲν ἐκ l'Hellespont Philippe, son
τῶν κινδύνων ἐρρύσατο, plus jeune fils, afin de
τοὺς δὲ Αὐταριάτας σὺν s'opposer aux progrès de
τοῖς ἀκολουθοῦσι παισὶ καὶ Phénix et des rebelles; il
γυναιξὶν ὄντας εἰς envoya Démétrius en Cilicie.
δισμυρίους κατῴκισεν Ce dernier poussa
παρὰ τὸ καλούμενον l'expédition avec vigueur,
Ὀρβηλὸν ὄρος. Τούτου δὲ vainquit les lieutenants de
περὶ ταῦτ´ ὄντος κατὰ μὲν Ptolémée, et recouvra les
τὴν Πελοπόννησον villes de la Cilicie.
Πτολεμαῖος στρατηγὸς XX. Pendant que ces
Ἀντιγόνου δυνάμεις événements avaient lieu,
πεπιστευμένος καὶ τῷ Polysperchon était toujours
δυνάστῃ προσκόψας ὡς οὐ resté dans le Péloponnèse.
κατὰ τὴν ἀξίαν τιμώμενος Ennemi de Cassandre contre
Ἀντιγόνου μὲν ἀπέστη, lequel il ne cessait de lancer
πρὸς δὲ Κάσανδρον des accusations, il n'avait
συμμαχίαν ἐποιήσατο. point encore renoncé à
Καταλελοιπὼς δὲ τῆς ἐφ´ l'empire de la Macédoine.
Ἑλλησπόντῳ σατραπείας Dans ce dessein, il fit venir
ἐπι στάτην Φοίνικα, ἕνα auprès de lui Hercule, fils
τῶν πιστοτάτων φίλων, d'Alexandre et de Barsine.
ἀπέστειλεν αὐτῷ Ce jeune homme, élevé à
στρατιώτας, ἀξιῶν Pergame, avait environ dix-
διαφυλάττειν τὰ φρούρια sept ans. Polysperchon s'en
καὶ τὰς πόλεις καὶ μὴ était souvent entretenu dans
προσέχειν Ἀντιγόνῳ. Τῶν ses correspondances avec
δὲ κοινῶν συνθηκῶν τοῖς ses amis et tous ceux qu'il
ἡγεμόσι περιεχουσῶν savait mécontents de
ἐλευθέρας ἀφεῖσθαι τὰς Cassandre ; il le priait
Ἑλληνίδας πόλεις, οἱ περὶ maintenant de l'aider dans
Πτολεμαῖον τὸν Αἰγύπτου son projet de faire monter ce
δυνάστην, ἐγκαλέσαντες jeune homme sur le trône
Ἀντιγόνῳ διότι φρουραῖς paternel. Il écrivit en même
τινας διείληφε τῶν temps au conseil général des
πόλεων, πολεμεῖν Étoliens pour avoir une
παρεσκευάζοντο. Καὶ τὴν armée afin de réaliser ce
μὲν δύναμιν ἐξαποστείλας projet, promettant, en cas de
Πτολεμαῖος καὶ στρατηγὸν réussite, une multitude de
Λεωνίδην τὰς ἐν τῇ faveurs. Polysperchon obtint
τραχείᾳ Κιλικίᾳ πόλεις dans cette négociation un
οὔσας ὑπ´ Ἀντίγονον plein succès. Les Étoliens
ἐχειρώσατο, διεπέμπετο δὲ accédèrent à la demande qui
καὶ εἰς τὰς ὑπὸ Κάσανδρον leur était adressée; se
καὶ Λυσίμαχον πόλεις, réunissant à plusieurs autres
ἀξιῶν συμφρονεῖν ἑαυτῷ cités également favorables à
καὶ κωλύειν Ἀντίγονον l'établissement du jeune roi,
ἰσχυρὸν γίνεσθαι. δ´ ils parvinrent à mettre sur
Ἀντίγονος τῶν υἱῶν pied une armée de plus de
Φίλιππον μὲν τὸν νεώτερον vingt mille hommes
ἐξέπεμψεν ἐφ´ d'infanterie et d'au moins
Ἑλλήσποντον, mille cavaliers.
διαπολεμήσοντα Φοίνικι Polysperchon,130 tout
καὶ τοῖς ἀφεστηκόσι, occupé aux préparatifs de
Δημήτριον δ´ ἐπὶ Κιλικίαν, cette guerre, recueillit des
ὃς ἐνεργὸν ποιησάμενος sommes considérables, et
τὴν στρατείαν ἐνίκησε engagea ses amis de
τοὺς τοῦ Πτολεμαίου Macédoine à le seconder
στρατηγοὺς καὶ τὰς πόλεις dans ses efforts.
ἀνεκτήσατο.

XX. Ἅμα δὲ τούτοις


πραττομένοις Πολυπέρχων
περὶ Πελοπόννησον
διατρίβων καὶ Κασάνδρῳ
μὲν ἐγκαλῶν, τῆς δὲ
Μακεδόνων ἡγεμονίας
πάλαι ὀρεγόμενος ἐκ
Περγάμου μετεπέμψατο
τὸν ἐκ Βαρσίνης Ἡρακλέα,
ὃς ἦν Ἀλεξάνδρου μὲν
υἱός, τρεφόμενος δὲ ἐν
Περγάμῳ, τὴν δ´ ἡλικίαν
περὶ ἑπτακαίδεκα ἔτη
γεγονώς. δ´ οὖν
Πολυπέρχων διαπέμπων
πολλαχοῦ πρὸς τοὺς
ἰδιοξένους καὶ τοὺς
ἀλλοτρίως διακειμένους
πρὸς Κάσανδρον ἠξίου
κατάγειν τὸ μειράκιον ἐπὶ
τὴν πατρῴαν βασιλείαν.
Ἔγραψε δὲ καὶ πρὸς τὸ
κοινὸν τῶν Αἰτωλῶν,
ἀξιῶν δίοδόν τε δοῦναι καὶ
συστρατεύειν,
ἐπαγγελλόμενος
πολλαπλασίους χάριτας
ἀποδώσειν, ἐὰν
συγκατάγωσι τὸ μειράκιον
ἐπὶ τὴν πατρῴαν
βασιλείαν. Τῶν δὲ
πραγμάτων αὐτῷ κατὰ
νοῦν γενομένων, προθύμως
θ´ ὑπακουόντων τῶν
Αἰτωλῶν καὶ πολλῶν
ἄλλων συντρεχόντων ἐπὶ
τὴν κάθοδον τοῦ βασιλέως
οἱ σύμπαντες ἠθροίσθησαν
πεζοὶ μὲν ὑπὲρ τοὺς
δισμυρίους, ἱππεῖς δ´ οὐκ
ἐλάττους χιλίων. Καὶ
Πολυπέρχων μὲν περὶ τὰς
εἰς τὸν πόλεμον
παρασκευὰς γινόμενος
χρήματά τε συνῆγε καὶ
πρὸς τοὺς οἰκείως ἔχοντας
τῶν Μακεδόνων
διαπεμπόμενος ἠξίου
συνεργεῖν.

XXI. Πτολεμαῖος δὲ XXI. Ptolémée était


τῶν ἐν Κύπρῳ πόλεων toujours maître des villes de
κυριεύων, ἐπειδή τινων Cypre. Averti que Nicoclès,
ἐπύθετο Νικοκλέα τὸν roi des Paphiens, avait
βασιλέα τῶν Παφίων ἐν secrètement traité avec
ἀπορρήτοις ἰδίᾳ πρὸς Antigone, il donna à Argée et
Ἀντίγονον συντεθεῖσθαι à Callicrate, deux de ses
φιλίαν, ἔπεμψε τῶν φίλων amis, la mission d'assassiner
Ἀργαῖον καὶ Καλλικράτην, Nicoclès, car il craignait que
προστάξας αὐτοῖς ἀνελεῖν plusieurs autres chefs ne
τὸν Νικοκλέα· πάνυ γὰρ fussent encouragés à la
εὐλαβεῖτο μὴ καὶ τῶν révolte par l'impunité (10)
ἄλλων τινὲς ὁρμήσωσι des premiers rebelles. Les
πρὸς μεταβολήν, ὁρῶντες deux émissaires de Ptolémée
ἀθῴους γεγονότας τοὺς abordèrent dans l'île, et,
πρότερον ἀφεστηκότας. après s'être fait donner du
Οὗτοι μὲν οὖν πλεύσαντες général Ménélas un
εἰς τὴν νῆσον καὶ παρὰ détachement de soldats, ils
Μενελάου τοῦ στρατηγοῦ investirent la maison de
στρατιώτας λαβόντες Nicoclès, lui
περιέστησαν τὴν οἰκίαν communiquèrent les ordres
τοῦ Νικοκλέους καὶ τὰ dont ils étaient chargés, et
δόξαντα τῷ βασιλεῖ lui commandèrent de se
δηλώσαντες προσέταξαν préparer à mourir. Nicoclès
ἑαυτὸν ἀπαλλάξαι τοῦ ζῆν. chercha d'abord à se
δὲ τὸ μὲν πρῶτον πρὸς τὴν justifier, mais sa défense
ἀπολογίαν ἐτρέπετο τῶν n'ayant pas été écoutée, il
ἐγκαλουμένων· ὡς δ´ s'ôta lui-même la vie.
οὐδεὶς προσεῖχεν, ἑαυτὸν Axiothéa, femme de
ἀπέκτεινεν. Ἀξιοθέα δὲ Nicoclès, en apprenant la
γυνὴ τοῦ Νικοκλέους mort de son mari, tua elle-
ἀκούσασα τὴν ἀνδρὸς même ses filles encore
τελευτὴν τὰς μὲν vierges, afin qu'elles ne
θυγατέρας τὰς ἑαυτῆς tombassent point au pouvoir
παρθένους οὔσας de l'ennemi; en même temps
ἀπέσφαξεν, ὅπως μηδεὶς elle engagea les femmes des
αὐτῶν πολέμιος κυριεύσῃ, frères de Nicoclès à se
τὰς δὲ τῶν ἀδελφῶν τῶν donner la mort avec elle,
Νικοκλέους γυναῖκας bien que Ptolémée n'eût rien
προετρέψατο μεθ´ αὑτῆς ordonné au sujet de ces
ἑλέσθαι τὸν θάνατον, femmes, et qu'il leur eût, au
οὐδὲν συντεταχότος contraire, garanti leur sûreté
Πτολεμαίου περὶ τῶν personnelle. Le palais ayant
γυναικῶν, ἀλλὰ été rempli de ces meurtres
συγκεχωρηκότος αὐταῖς et de ces catastrophes
τὴν ἀσφάλειαν. Τῶν δὲ imprévues, les frères de
βασιλείων πεπληρωμένων Nicoclès fermèrent toutes les
φόνων καὶ συμπτωμάτων portes, mirent le feu à la
ἀπροσδοκήτων οἱ τοῦ maison, et se tuèrent eux-
Νικοκλέους ἀδελφοὶ mêmes. Telle fut la fin
συγκλείσαντες τὰς θύρας tragique de la famille des
τὴν μὲν οἰκίαν ἐνέπρησαν, rois de Paphos. Après avoir
ἑαυτοὺς δ´ ἀπέσφαξαν. raconté ces événements,
μὲν οὖν τῶν ἐν Πάφῳ nous allons reprendre le fil
βασιλέων οἰκία τραγικοῖς de notre histoire.
συγκυρήσασα πάθεσι τὸν XXII. A cette même
εἰρημένον τρόπον époque mourut Parysadas,
κατελύθη. Ἡμεῖς δὲ τὴν roi du Bosphore Cimmérien.
ἀπαγγελίαν τῶν κατὰ τὴν Les enfants qu'il laissait se
Κύπρον γεγονότων disputèrent entre eux la
διελθόντες ἐπὶ τὰς succession au trône. Ils se
συνεχεῖς πράξεις nommaient Eumelus, Satyrus
μεταβιβάσομεν τὸν λόγον. et Prytanis. Satyrus, l'aîné
XXII. Περὶ γὰρ τοὺς des trois frères, avait
αὐτοὺς καιροὺς ἐν τῷ légitimement succédé à son
Πόντῳ μετὰ τὴν père qui avait régné trente-
Παρυσάδου τελευτήν, ὃς huit ans; mais Eumelus,
ἦν βασιλεὺς τοῦ ayant conclu une alliance
Κιμμερικοῦ Βοσπόρου, avec quelques peuplades
διετέλουν οἱ παῖδες αὐτοῦ barbares du voisinage, était
διαπολεμοῦντες πρὸς parvenu à rassembler de
ἀλλήλους ὑπὲρ τῆς nombreuses troupes, et 131

ἡγεμονίας, Εὔμηλός τε καὶ disputait la royauté à son


Σάτυρος καὶ Πρύτανις. frère. Satyrus marcha contre
Τούτων δὲ μὲν Σάτυρος lui à la tête d'une puissante
ὢν πρεσβύτερος παρὰ τοῦ armée, traversa le fleuve
πατρὸς παρειλήφει τὴν Thapsis, et vint camper à
ἀρχήν, βεβασιλευκότος peu de distance de l'ennemi.
ἔτη τριάκοντα ὀκτώ· δ´ Il environna son camp de
Εὔμηλος φιλίαν nombreux chars qui avaient
συντεθειμένος πρός τινας servi au transport des vivres,
τῶν πλησιοχώρων et, après avoir disposé ses
βαρβάρων καὶ δύναμιν troupes sur une longue file, il
ἁδρὰν ἠθροικὼς se plaça lui-même au centre
ἠμφισβήτει τῆς βασιλείας. de la phalange, comme c'est
δὴ πυθόμενος Σάτυρος la coutume des Scythes. Il
ἀνέζευξεν ἐπ´ αὐτὸν μετὰ avait dans son armée plus
δυνάμεως ἁδρᾶς καὶ de deux mille mercenaires
διαβὰς τὸν Θάτην grecs et autant de Thraces;
ποταμόν, ἐπειδὴ πλησίον le reste était formé d'alliés
ἐγένετο τῶν πολεμίων, τὴν scythes au nombre de plus
μὲν παρεμβολὴν ταῖς de vingt mille hommes
ἁμάξαις περιλαβὼν αἷς ἦν d'infanterie et de près de dix
κεκομικὼς τὰς ἀγορὰς mille cavaliers. De son côté,
οὔσας παμπληθεῖς, τὴν δὲ Eumelus avait pour allies
δύναμιν ἐκτάξας αὐτὸς Ariopharne, roi des Thraces,
κατὰ μέσην ὑπῆρχε τὴν qui lui avait amené un
φάλαγγα, καθάπερ ἐστὶ secours de vingt mille
Σκύθαις νόμιμον. cavaliers et vingt-deux mille
Συνεστρατεύοντο δ´ αὐτῷ hommes d'infanterie. La
μισθοφόροι μὲν Ἕλληνες lutte fut opiniâtre ; Satyrus,
οὐ πλείους δισχιλίων καὶ entouré de ses soldats
Θρᾷκες ἴσοι τούτοις, οἱ δὲ d'élite, commença un
λοιποὶ πάντες ὑπῆρχον combat de cavalerie en se
σύμμαχοι Σκύθαι, πλείους portant au centre de l'armée
τῶν δισμυρίων, ἱππεῖς δὲ opposée, occupée par
οὐκ ἐλάττους μυρίων. Τῷ δ Ariopharne; après des pertes
´ Εὐμήλῳ συνεμάχει {μὲν} réciproques, il parvint à
Ἀριφάρνης τῶν Σιρακῶν enfoncer les rangs ennemis
βασιλεύς, ἱππεῖς μὲν ἔχων et à mettre en déroute le roi
δισμυρίους, πεζοὺς δὲ des Barbares. Il serra de près
δισχιλίους πρὸς τοῖς les fuyards et massacra tous
δισμυρίοις. Γενομένης δὲ ceux qu'il atteignit. Mais,
μάχης ἰσχυρᾶς Σάτυρος averti un moment après que
μὲν ἔχων περὶ ἑαυτὸν son frère Eumelus avait eu
ἐπιλέκτους ἄνδρας l'avantage à l'aile droite et
ἱππομαχίαν συνεστήσατο forcé les troupes
πρὸς τοὺς περὶ Ἀριφάρνην mercenaires à prendre la
ἀνθεστηκότας κατὰ μέσην fuite, Satyrus se désista de
τὴν τάξιν καὶ πολλῶν παρ´ sa poursuite. Il vola au
ἀμφοτέροις πεσόντων secours des siens, rétablit le
τέλος ἐκβιασάμενος combat, et remporta pour la
ἐτρέψατο τὸν βασιλέα τῶν seconde fois la victoire.
βαρβάρων. Καὶ τὸ μὲν Toute l'armée ennemie fut
πρῶτον ἐπέκειτο φονεύων mise en déroute, de manière
τοὺς ἀεὶ à faire voir à tout le monde
καταλαμβανομένους· μετ´ qu'il était, tout à la fois par
ὀλίγον δὲ πυθόμενος τὸν sa naissance et son courage,
ἀδελφὸν Εὔμηλον digne de succéder au trône
προτερεῖν περὶ τὸ δεξιὸν de ces ancêtres.
κέρας καὶ τοὺς παρ´ αὐτῷ XXIII. Ariopharne et
μισθοφόρους τετράφθαι Eumelus, vaincus dans cette
τοῦ μὲν διώκειν ἀπέστη, bataille, se réfugièrent dans
παραβοηθήσας δὲ τοῖς le palais du roi. Ce palais
ἡττημένοις καὶ τὸ était situé sur les bords du
δεύτερον αἴτιος γενόμενος Thapsis qui l'environnait de
τῆς νίκης ἅπαν ἐτρέψατο tous côtés, et dont les eaux
τῶν πολεμίων τὸ assez profondes en
στρατόπεδον, ὥστε πᾶσι rendaient l'accès difficile.
γενέσθαι φανερὸν ὅτι καὶ Les environs étaient semés
κατὰ γένος καὶ κατ´ de grands précipices et
ἀρετὴν προσῆκον ἦν αὐτῷ couverts d'une forêt qui
διαδέχεσθαι τὴν πατρῴαν n'offrait que deux entrées,
βασιλείαν. ouvrage de l'homme ; l'une,
XXIII. Οἱ δὲ περὶ τὸν conduisant au palais, était
Ἀριφάρνην καὶ τὸν garnie de tours élevées et de
Εὔμηλον λειφθέντες ἐν τῇ retranchements; l'autre, du
μάχῃ συνέφυγον εἰς τὰ côté opposé, aboutissait à
βασίλεια. Ταῦτα δ´ ἔκειτο des marais et se trouvait
μὲν παρὰ τὸν Θάτην défendue par des palissades;
ποταμόν, ὃς περιρρέων enfin, le palais lui-même
αὐτὰ καὶ βάθος ἔχων reposait sur une assise qui
ἱκανὸν ἐποίει δυσπρόσιτα, élevait les habitations au-
περιείχετο δὲ κρημνοῖς dessus des eaux. 132 Telle
μεγάλοις, ἔτι δ´ ὕλης était la position forte de ce
πλήθει, τὰς πάσας lieu. Satyrus ravagea d'abord
εἰσβολὰς δύο ἔχοντα le territoire ennemi et
χειροποιήτους, ὧν μὲν ἦν incendia les villages, où il fit
ἐν αὐτοῖς τοῖς βασιλείοις, beaucoup de prisonniers et
ὠχυρωμένη πύργοις recueillit un immense butin.
ὑψηλοῖς καὶ Voulant ensuite forcer les
προτειχίσμασιν, δ´ ἐκ passages, il perdit beaucoup
θατέρου μέρους ἐν ἕλεσιν de monde à l'attaque du
ὑπῆρχε, φρουρουμένη retranchement et des tours,
ξυλίνοις ἐρύμασι, et fut obligé de se retirer. Il
διεστύλωτο δὲ δοκοῖς, dirigea ensuite ses forces du
ὑπεράνω δὲ τῶν ὑδάτων côté des marais, et se rendit
εἶχε τὰς οἰκήσεις. maître des fortifications en
Τοιαύτης δ´ οὔσης τῆς bois, et, après les avoir
περὶ τὸν τόπον démolies, il passa la rivière
ὀχυρότητος τὸ μὲν πρῶτον et se mit à abattre la forêt
Σάτυρος τήν τε χώραν τῶν qu'il fallait traverser pour
πολεμίων ἐδῄωσε καὶ τὰς arriver au palais. Toutes ces
κώμας ἐνεπύρισεν, ἐξ ὧν choses furent faites avec la
αἰχμάλωτα σώματα καὶ plus grande activité. Le roi
λείας πλῆθος ἤθροισε. Ariopharne, craignant que la
Μετὰ δὲ ταῦτα ἐγχειρήσας citadelle ne fùt emportée de
διὰ τῶν παρόδων force, résolut de combattre
βιάζεσθαι, κατὰ μὲν τὸ avec intrépidité, ne voyant
προτείχισμα καὶ τοὺς d'autre moyen de salut que
πύργους πολλοὺς la victoire. Il échelonna sur
ἀποβαλὼν τῶν les deux côtés de la route
στρατιωτῶν ἀπεχώρησε, des archers qui blessaient
κατὰ δὲ τὰ ἕλη βιασάμενος facilement les ouvriers
ἐκράτησε τῶν ξυλίνων occupés à abattre la forêt, et
φρουρίων. Ταῦτα δὲ ne pouvant parer les traits ni
διαρπάσας καὶ διαβὰς τὸν se défendre à cause de
ποταμὸν ἤρξατο κόπτειν l'épaisseur du bois. Les gens
τὴν ὕλην, δι´ ἧς ἀναγκαῖον de Satyrus passèrent ainsi
ἦν ἐλθεῖν ἐπὶ τὰ βασίλεια. trois jours, d'un travail
Τούτων δὲ ἐνεργῶς pénible, à abattre assez de
συντελουμένων Ἀριφάρνης bois pour se frayer un
βασιλεὺς ἀγωνιάσας μὴ chemin. Enfin, le quatrième
κατὰ κράτος ἁλῶναι jour, ils s'approchèrent de
συμβῇ τὴν ἀκρόπολιν, l'enceinte du palais; mais,
διηγωνίζετο accueillis par une grêle de
τολμηρότερον, ὡς ἐν μόνῳ traits et acculés dans une
τῷ νικᾶν κειμένης τῆς impasse, ils essuyèrent de
σωτηρίας. Διείλετο δὲ καὶ grandes pertes. Meniscus,
τοὺς τοξότας ἐπ´ chef des mercenaires,
ἀμφότερα τὰ μέρη τῆς homme d'intelligence et de
παρόδου, δι´ ὧν ῥᾳδίως courage, déboucha par le
κατετίτρωσκε τοὺς τὴν chemin, et, parvenu jusqu'à
ὕλην κόπτοντας, μὴ la muraille, il fut repoussé
δυναμένους μήτε après un brillant combat, car
προορᾶσθαι τὰ βέλη μήτ´ les assiégés avaient fait une
ἀμύνεσθαι τοὺς βάλλοντας sortie avec des troupes
διὰ τὴν πυκνότητα τῶν supérieures en nombre.
δένδρων. Οἱ δὲ περὶ τὸν Satyrus, en apercevant
Σάτυρον ἐπὶ τρεῖς μὲν Meniscus ainsi en danger,
ἡμέρας ἔτεμνον τὴν ὕλην, vint promptement à son
ὁδοποιούμενοι καὶ secours et arrêta
διακαρτεροῦντες l'impétuosité du choc, mais il
ἐπιπόνως· τῇ δὲ τετάρτῃ fut atteint au bras par un
συνήγγισαν μὲν τῷ τείχει, coup de lance; grièvement
νικώμενοι δὲ τῷ πλήθει blessé, il retourna au camp
τῶν βελῶν καὶ τῇ τῶν où il expira la nuit suivante.
τόπων στενοχωρίᾳ Satyrus n'avait régné que
μεγάλοις ἐλαττώμασι neuf mois depuis la mort de
περιέπιπτον. Μενίσκος μὲν son père Parysadas.
γὰρ τῶν μισθοφόρων Meniscus, général des
ἡγεμών, ἀνὴρ καὶ συνέσει mercenaires, leva le siége et
καὶ τόλμῃ διαφέρων, ramena son armée dans la
προσπεσὼν διὰ τῆς διόδου ville de Gargaza (11); de là, il
πρὸς τὸ τεῖχος καὶ μετὰ fit transporter par la rivière
τῶν περὶ ἑαυτὸν λαμπρῶς jusqu'à Panticapée le corps
ἀγωνισάμενος ἐξεβιάσθη, du roi qui fut remis à son
πολλα πλασίων ἐπ´ αὐτὸν frère Prytanis.
ἐπεξελθόντων. Ὃν ἰδὼν XXIV. Prytanis fit à son
Σάτυρος κινδυνεύοντα frère de magnifiques
ταχέως παρεβοήθει καὶ funérailles; il déposa le corps
τὴν ἐπιφορὰν τῶν dans les caveaux royaux, et
πολεμίων ὑποστὰς ἐτρώθη se rendit rapidement 133 à
λόγχῃ διὰ τοῦ βραχίονος Gargaza, où il prit le
καὶ κακῶς ἀπαλλάττων commandement de l'armée,
ὑπὸ τοῦ τραύματος et se mit en possession du
ἐπανῆλθεν εἰς τὴν trône. Eumelus envoya une
παρεμβολὴν καὶ νυκτὸς députation pour demander à
ἐπιγενομένης ἐξέλιπε τὸν Prytanis sa part du royaume,
βίον, ἐννέα μόνον μῆνας mais ce dernier se refusa à
βασιλεύσας μετὰ τὴν τοῦ tout partage : il laissa à
πατρὸς τελευτὴν Gargaza une garnison, et
Παρυσάδου. Μενίσκος δ´ revint à Panticapée pour y
τῶν μισθοφόρων ἡγεμὼν consolider la royauté. En ce
λύσας τὴν πολιορκίαν même temps, Eumelus,
ἀπήγαγε τὴν δύναμιν εἰς soutenu par les Barbares,
Γάργαζαν πόλιν κἀκεῖθεν prit Gargaza ainsi que
τὸ τοῦ βασιλέως σῶμα διὰ plusieurs autres villes et
τοῦ ποταμοῦ διεκόμισεν places des environs. Prytanis
εἰς Παντικάπαιον πρὸς τὸν marcha à la rencontre de son
ἀδελφὸν Πρύτανιν. frère; mais il fut vaincu dans
XXIV. Ὃς ταφὴν une bataille, puis bloqué
συντελέσας μεγαλοπρεπῆ dans un isthme près du
καὶ καταθέμενος εἰς τὰς Palus-Méotide et forcé de
βασιλικὰς θήκας τὸ σῶμα capituler. Aux termes de
ταχέως ἧκεν εἰς Γάργαζαν cette capitulation, Prytanis
καὶ τὴν δύναμιν ἅμα καὶ livra son armée et abdiqua la
τὴν δυναστείαν couronne. Cependant, de
παρέλαβεν. Εὐμήλου δὲ retour à Panticapée,
διαπρεσβευομένου περὶ résidence ordinaire des rois
μέρους τῆς βασιλείας du Bosphore, il fit une
τούτῳ μὲν οὐ προσεῖχεν, nouvelle tentative pour
ἐν δὲ Γαργάζῃ φρουρὰν recouvrer le pouvoir; mais,
ἀπολιπὼν ἐπανῆλθεν εἰς vaincu, il se réfugia à Cépes
Παντικάπαιον, où il fut tué. Eumelus,
ἀσφαλισόμενος τὰ κατὰ voulant après la mort de ses
τὴν βασιλείαν. Καθ´ ὃν δὴ deux frères régner en sûreté,
χρόνον Εὔμηλος, se débarrassa des amis de
συναγωνισαμένων αὐτῷ Satyrus et de Prytanis, ainsi
τῶν βαρβάρων, τήν τε que des femmes et des
Γάργαζαν κατελάβετο καὶ enfants de ses deux frères.
τῶν ἄλλων πολισμάτων Parysadès, fils de Satyrus,
καὶ χωρίων οὐκ ὀλίγα. échappa seul à ce massacre.
Ἐπιστρατεύσαντος δὲ τοῦ C'était un tout jeune homme;
Πρυτάνιδος μάχῃ τε il sortit à cheval de la ville et
ἐνίκησε τὸν ἀδελφὸν καὶ parvint à se réfugier auprès
συγκλείσας εἰς τὸν ἰσθμὸν d'Agarus, roi des Scythes.
τὸν πλησίον τῆς Voyant que les habitants de
Μαιώτιδος λίμνης Panticapée étaient indignés
συνηνάγκασεν ὁμολογίας de ces meurtres, Eumelus
θέσθαι, καθ´ ἃς τούς τε convoqua une assemblée
στρατιώτας παρέδωκε καὶ générale où il essaya de
τῆς βασιλείας ἐκχωρεῖν justifier sa conduite, et
ὡμολόγησεν. Ὡς δὲ annonça le rétablissement
παρεγένετο εἰς de l'ancienne forme de
Παντικάπαιον, ἐν τὸ gouvernement. Il rendit aux
βασίλειον ἦν ἀεὶ τῶν ἐν Panticapéens les immunités
Βοσπόρῳ βασιλευσάν των, dont jouissaient leurs
ἐπεχείρησε μὲν πάλιν ancêtres; il promit de leur
ἀνακτᾶσθαι τὴν βασιλείαν, remettre tous les impôts;
κατισχυθεὶς δὲ καὶ φυγὼν enfin, dans un long discours,
εἰς τοὺς καλουμένους il chercha à capter les
Κήπους ἀνῃρέθη. Εὔμηλος suffrages du peuple. Ayant
δὲ μετὰ τὸν τῶν ἀδελφῶν ainsi, à force de bienfaits,
θάνατον βουλόμενος recouvré l'affection dont il
ἀσφαλῶς θέσθαι τὰ κατὰ jouissait auparavant, il
τὴν ἀρχὴν ἀνεῖλε τούς τε continua à gouverner ses
φίλους τῶν περὶ τὸν sujets selon les lois établies,
Σάτυρον καὶ Πρύτανιν, ἔτι et s'attira par ses qualités
δὲ τὰς γυναῖκας καὶ τὰ personnelles une admiration
τέκνα. Μόνος δὲ διέφυγεν peu commune.
αὐτὸν παῖς Σατύρου XXV. Eumelus combla de
Παρυσάδης, νέος ὢν bienfaits les Byzantins, les
παντελῶς τὴν ἡλικίαν· Sinopéens et la plupart des
ἐξιππεύσας γὰρ ἐκ τῆς autres Grecs du Pont. Il
πόλεως κατέφυγε πρὸς accueillit aussi environ mille
Ἄγαρον τὸν βασιλέα τῶν Callantiens que la famine
Σκυδῶν. Ἀγανακτούντων avait forcés d'abandonner
δὲ τῶν πολιτῶν ἐπὶ τῷ leur ville, assiégée par
φόνῳ τῶν οἰκείων Lysimaque; et non
συναγαγὼν εἰς ἐκκλησίαν seulement il leur accorda un
τὰ πλήθη περί τε τούτων asile, mais il leur donna à
ἀπελογήσατο καὶ τὴν habiter la ville de Psoa, et
πάτριον πολιτείαν leur en distribua le territoire.
ἀποκατέστησεν. Eumelus purgea aussi la mer
Συνεχώρησε δὲ καὶ τὴν 134 des pirates, et protégea
ἀτέλειαν ἔχειν τὴν ἐπὶ τῶν la navigation du Pont en
προγόνων οὖσαν τοῖς faisant la guerre aux
Παντικάπαιον οἰκοῦσι. Hénioques, aux Taures et
Προσεπηγγείλατο δὲ καὶ aux Achéens qui infestaient
τῶν εἰσφορῶν ἅπαν τας ces parages de leurs
ἀφήσειν καὶ πολλὰ corsaires. Aussi les
διελέχθη δημαγωγῶν τὰ marchands qui recueillaient
πλήθη. Ταχὺ δὲ πάντων εἰς le bénéfice de cette guerre,
τὴν προϋπάρχουσαν firent-ils dans presque toutes
εὔνοιαν ἀπο καταστάντων les contrées du monde les
διὰ τὰς εὐεργεσίας τὸ plus grands éloges du roi
λοιπὸν ἐβασίλευεν ἄρχων Eumelus. Il ajouta ensuite à
νομίμως τῶν son territoire une grande
ὑποτεταγμένων καὶ διὰ partie du pays limitrophe, et
τὴν ἀρετὴν οὐ μετρίως rendit son royaume un des
θαυμαζόμενος. plus célèbres. Enfin, il

XXV. Βυζαντίους μὲν entreprit de ranger sous son

γὰρ καὶ Σινωπεῖς καὶ τῶν autorité tous les peuples du

ἄλλων Ἑλλήνων τῶν τὸν Pont, et il aurait réussi dans

Πόντον οἰκούντων τοὺς son entreprise, si la mort ne

πλείστους διετέλεσεν l'avait pas surpris au milieu

εὐεργετῶν· Καλλαντιανῶν de ses projets. Eumelus avait

δὲ πολιορκουμένων ὑπὸ régné cinq ans et cinq mois,

Λυσιμάχου καὶ et la manière dont il perdit la

πιεζουμένων τῇ σπάνει vie mérite d'être rapportée.

τῶν ἀναγκαίων χιλίους Il revenait chez lui de la

ὑπεδέξατο τοὺς διὰ τὴν Scythie, pressé d'offrir aux

σιτοδείαν ἐκχωρήσαντας. dieux un sacrifice. Le

Οἷς οὐ μόνον τῆς quadrige qui le reconduisait

καταφυγῆς παρέσχετο τὴν au palais avait quatre roues

ἀσφάλειαν, ἀλλὰ καὶ πόλιν et était recouvert d'une

ἔδωκε κατοικεῖν, ἐπὶ δὲ tente; les chevaux

τούτοις τὴν ὀνομαζομένην s'emportèrent, et, comme le

Ψόαν καὶ τὴν χώραν cocher n'était plus maître


κατεκληρούχησεν. Ὑπὲρ δὲ des rênes, Eumelus
τῶν πλεόντων τὸν Πόντον craignant d'être jeté dans les
πόλεμον ἐξενέγκας πρὸς fossés qui bordaient la route,
τοὺς λῃστεύειν εἰωθότας essaya de sauter en bas du
βαρβάρους Ἡνιόχους καὶ char, mais son épée s'étant
Ταύρους, ἔτι δ´ Ἀχαιοὺς embarrassée dans une des
καθαρὰν λῃστῶν ἀπέδειξε roues, il fut emporté par le
τὴν θάλασσαν, ὥστε μὴ mouvement de rotation, et
μόνον κατὰ τὴν βασιλείαν, expira sur-le-champ (12).
ἀλλὰ καὶ κατὰ πᾶσαν XXVI. Au sujet de la mort
σχεδὸν τὴν οἰκουμένην, des frères Eumelus et
διαγγελλόντων τῶν Satyrus, on parlait beaucoup
ἐμπόρων τὴν de deux oracles qui, bien
μεγαλοψυχίαν, qu'absurdes, étaient crus
ἀπολαμβάνειν τῆς des habitants. En effet, on
εὐεργεσίας καρπὸν rapporte que le dieu
κάλλιστον τὸν ἔπαινον. interrogé par Satyrus lui
Προσεκτήσατο δὲ καὶ τῆς avait répondu de prendre
συνοριζούσης βαρβάρου garde que mys (13) ne lui
πολλὴν καὶ τὴν βασιλείαν donnât la mort. Depuis lors,
ἐπιφανεστέραν ἐπὶ πολὺ Satyrus ne souffrit auprès de
κατεσκεύασε. Καθόλου δ´ lui aucun homme libre ou en
ἐπεχείρησε πάντα τὰ περὶ esclavage qui portât le nom
τὸν Πόντον ἔθνη 135 de mys; et il avait une
καταστρέφεσθαι καὶ τάχα telle peur des rats, qu'il avait
ἂν ἐκράτησε τῆς ἐπι ordonné à ses domestiques
βολῆς, εἰ μὴ σύντομον de tuer ces animaux partout
ἔσχε τὴν τοῦ βίου où ils les rencontreraient, et
τελευτήν. Πέντε γὰρ ἔτη d'en boucher les retraites. Il
καὶ τοὺς ἴσους μῆνας prit ainsi toutes les
βασιλεύσας κατέστρεψε précautions imaginables
τὸν βίον, παραδόξῳ pour éluder le destin,
συμπτώματι χρησάμενος. lorsqu'il fut frappé dans le
Ἐκ γὰρ τῆς Σινδικῆς muscle (mys) du bras, et
ἐπανιὼν εἰς τὴν οἰκείαν perdit la vie. Quant à
καὶ σπεύδων πρός τινα Eumelus, l'oracle lui avait dit
θυσίαν ἤλαυνε μὲν ἐπί de se garder d'une maison
τινος τε θρίππου πρὸς τὰ ambulante; aussi n'entrait-il
βασίλεια, τοῦ δ´ ἅρματος jamais dans une maison sans
ὄντος τε τρακύκλου καὶ la faire auparavant examiner
σκηνὴν ἔχοντος συνέβη par ses domestiques pour
τοὺς ἵππους s'assurer si le toit et le
διαταραχθέντας fondement étaient bien
ἐξενεγκεῖν αὐτόν. Τοῦ γὰρ solides. Tout le monde
ἡνιόχου μὴ δυναμένου trouva donc
κρατῆσαι τῶν ἡνιῶν, l'accomplissement de cet
φοβηθεὶς μὴ κατ ενεχθῇ oracle dans la mort
πρὸς τὰς φάραγγας, d'Eumelus, occasionnée par
ἐπεχείρησεν ἀφάλλεσθαι· le char recouvert d'une
ἐμπλακέντος δὲ τοῦ ξίφους tente. Mais en voilà assez
εἰς τὸν τροχὸν sur ce qui s'est passé dans le
συνεφειλκύσθη τῇ φορᾷ καὶ Bosphore.
παραχρῆμα ἐτελεύτησεν. En Italie, les consuls
XXVI. Περὶ δὲ τῆς τῶν romains entrèrent avec une
ἀδελφῶν τελευτῆς armée en Apulie, et défirent
Εὐμήλου τε καὶ Σατύρου les Samnites près d'Italium
παραδέδονται χρησμοί, (14). Les vaincus se
μικρὸν μὲν ἠλιθιώτεροι, retirèrent sur une colline,
πιστευόμενοι δὲ παρὰ τοῖς connue sous le nom de Mont-
ἐγχωρίοις. Τῷ μὲν γὰρ Sacré, et la nuit étant déjà
Σατύρῳ λέγουσι χρῆσαι venue, les Romains
τὸν θεὸν φυλάξασθαι τὸν rentrèrent dans leur camp.
μῦν μήποτ´ αὐτὸν ἀνέλῃ. Le lendemain le combat
Διόπερ οὔτε δοῦλον οὔτ´ recommença; un grand
ἐλεύθερον τῶν nombre de Samnites périrent
τεταγμένων ὑφ´ ἑαυτὸν dans cette journée, et plus
εἴα τοῦτ´ ἔχειν τοὔνομα· de deux mille deux cents
ἔπειτα δὲ τοὺς ἐν ταῖς furent faits prisonniers. Par
οἰκίαις καὶ ταῖς ἀρούραις suite de ce succès des
ἐφοβεῖτο μῦς καὶ τοῖς Romains, les consuls
παισὶν ἀεὶ συνέταττε ravagèrent impunément la
τούτους ἀποκτείνειν καὶ campagne, et soumirent les
τὰς κοίτας ἐμπλάττειν. villes qui avaient jusqu'à
Πάντα δ´ ἐνδεχομένως présent refusé de leur obéir.
αὐτοῦ ποιοῦντος οἷς ᾤετο Ils prirent d'assaut Cataracta
κατισχύσειν τὸ et Ceraunilia, où ils
πεπρωμένον, κατέστρεψε établirent des garnisons.
τὸν βίον πληγεὶς τοῦ Enfin ils réussirent, par voie
βραχίονος εἰς τὸν μῦν. Τῷ de persuasion, à soumettre
δ´ Εὐμήλῳ χρησμὸς ἦν τὴν quelques autres villes de la
φερομένην οἰκίαν contrée.
φυλάξασθαι. Ὅθεν πάλιν XXVII. Démétrius de
οὗτος εἰς οἰκίαν οὐκ εἰσῄει Phalère étant archonte
προχείρως μὴ d'Athènes, les Romains
προδιερευνησάντων τῶν nommèrent consuls Quintus
παίδων τὴν ὀροφὴν καὶ τὰ Fabius, pour la seconde fois,
θεμέλια. Τελευτήσαντος δὲ et Caïus Marcius (15). Dans
αὐτοῦ διὰ τὴν ὀχουμένην cette année, Ptolémée,
ἐπὶ τοῦ τε θρίππου σκηνὴν souverain d'Égypte, informé
ἕκαστος ὑπελάμβανε que ses lieutenants avaient
τετελέσθαι τὸν χρησμόν. perdu les villes de la Cilicie,
Καὶ περὶ μὲν τῶν ἐν τῷ se mit en mer avec une
Βοσπόρῳ πραχθέντων ἅλις armée considérable, et vint
ἡμῖν ἐχέτω. Κατὰ δὲ τὴν aborder à Phaselis. Après
Ἰταλίαν οἱ τῶν Ῥωμαίων s'être emparé de cette ville,
ὕπατοι μετὰ δυνάμεως il se rendit dans la Lycie, et
ἐμβαλόντες εἰς τὴν prit d'assaut Xanthum,
Ἰταλίαν ἐνίκησαν μάχῃ défendue par une garnison
Σαμνίτας περὶ τὸ d'Antigone ; de là il se porta
καλούμενον Τάλιον. Τῶν δ´ sur Caunum, soumit cette
ἡττηθέντων ville à son autorité, et
καταλαμβανομένων τὸν emporta d'assaut les
Ἱερὸν λόφον ὀνομαζόμενον forteresses. 136 Puis il se
τότε μὲν τῆς νυκτὸς rendit maître d'Heraclium.
ἐπιλαβούσης οἱ Ῥωμαῖοι Persicum lui fut livré par
πρὸς τὴν ἰδίαν trahison. Il remit ensuite à la
στρατοπεδείαν voile pour l'île de Cos, où il
ἀπεχώρησαν, τῇ δ´ fit venir près de lui Ptolémée,
ὑστεραίᾳ πάλιν μάχης neveu d'Antigone, qui avait
γενομένης πολλοὶ μὲν abandonné son oncle et fait
ἀνῃρέθησαν τῶν cause commune avec
Σαμνιτῶν, αἰχμάλωτοι δ´ Ptolémée, le souverain
ἐλήφθησαν ὑπὲρ τοὺς d'Égypte. Le neveu
δισχιλίους καὶ διακοσίους. d'Antigone quitta donc
Τοιούτων δὲ Chalcis pour se rendre à Cos,
προτερημάτων γενομένων où il fut d'abord très bien
τοῖς Ῥωμαίοις ἀδεῶς ἤδη accueilli par Ptolémée ; mais
τῶν ὑπαίθρων συνέβαινε celui-ci ne tarda pas à
κυριεύειν τοὺς ὑπάτους s'apercevoir que son nouvel
καὶ τὰς ἀπειθούσας τῶν allié avait trop de
πόλεων χειροῦσθαι. prétentions, et cherchait à
Καταράκταν μὲν οὖν καὶ s'attacher les chefs de
Κεραυνιλίαν l'armée par des discours et
ἐκπολιορκήσαν τες des présents. Il le prévint
φρουροὺς ἐπέθηκαν, τῶν δ donc dans ses desseins, le fit
´ ἄλλων τινὰς πείσαντες arrêter, et le força à boire la
προσηγάγοντο. ciguë. Quant aux soldats qui

XXVII. Ἐπ´ ἄρχοντος δ l'avaient accompagné,

´ Ἀθήνησι Δημητρίου τοῦ Ptolémée les gagna par de

Φαληρέως τὴν ὕπατον magnifiques promesses, et

ἀρχὴν ἐν Ῥώμῃ παρέλαβον les incorpora dans les rangs

Κόιντος Φάβιος τὸ de son armée.


δεύτερον καὶ Γάιος XXVIII. Sur ces
Μάρκιος. Ἐπὶ δὲ τού των entrefaites, Polysperchon
Πτολεμαῖος τῆς Αἰγύπτου avait rassemblé des forces
βασιλεύων πυθόμενος τοὺς considérables, et ramenait
ἰδίους στρατηγοὺς en Macédoine Hercule, fils
ἀποβεβληκέναι τὰς ἐν d'Alexandre et de Barsine,
Κιλικίᾳ πόλεις, πλεύσας pour le mettre en possession
μετὰ δυνάμεως ἐπὶ du trône de son père.
Φασήλιδα ταύτην μὲν Cassandre marcha contre
ἐξεπολιόρκησεν, εἰς δὲ τὴν Polysperchon qui campait
Λυκίαν παρακομισθεὶς aux environs de Stympalia
Ξάνθον φρουρουμένην ὑπ´ (16). Les deux armées ayant
Ἀντιγόνου κατὰ κράτος ainsi établi leur camp à peu
εἷλεν. Εἶτα τῇ Καύνῳ de distance l'une de l'autre,
προσπλεύσας τὴν μὲν Cassandre s'aperçut que les
πόλιν παρέλαβε, τὰς δὲ Macédoniens n'étaient pas
ἀκροπόλεις φρουρουμένας trop opposés au retour du
τῇ βίᾳ κατισχύσας τὸ μὲν jeune prince, et craignit
Ἡράκλειον ἐξεῖλε, τὸ δὲ qu'ils ne passassent dans le
Περσικὸν παραδόντων τῶν camp d'Hercule. En proie à
στρατιωτῶν ὑποχείριον ces inquiétudes, il fit partir
ἐποιήσατο. Μετὰ δὲ ταῦτα des députés chargés
εἰς τὴν Κῶν πλεύσας d'éclairer Polysperchon et de
μετεπέμψατο Πτολεμαῖον, lui faire comprendre que le
ὃς ὢν ἀδελφιδοῦς rétablissement de ce jeune
Ἀντιγόνου καὶ δύναμιν roi l'exposait à se donner un
πεπιστευμένος τοῦτον μὲν maître qui exigerait de lui
κατέλιπε, πρὸς δὲ une obéissance absolue;
Πτολεμαῖον κοινοπραγίαν tandis qu'en se joignant à
ἐτίθετο. Πλεύσαντος δ´ ἐκ son parti, et en faisant périr
τῆς Χαλκίδος αὐτοῦ καὶ ce jeune homme, il rentrerait
κομισθέντος εἰς Κῶν τὸ sur-le-champ dans toutes les
μὲν πρῶ τον Πτολεμαῖος dignités dont il avait
φιλανθρώπως αὐτὸν précédemment joui en
προσεδέξατο· εἶτα ὁρῶν Macédoine; que, de plus, il
πεφρονηματισμένον καὶ aurait une armée, et serait
τοὺς ἡγεμόνας ὁμιλίαις chargé du commandement
καὶ δωρεαῖς du Péloponnèse; en un mot,
ἐξιδιοποιούμενον, qu'il partagerait avec
φοβηθεὶς μή τινα Cassandre l'autorité
ἐπιβουλὴν μηχανήσηται, souveraine, et recevrait les
φθάσας αὐτὸν συνέλαβε plus grands honneurs. Ces
καὶ πιεῖν κώνιον propositions, et beaucoup
συνηνάγκασε. Τοὺς δὲ d'autres magnifiques
συνηκολουθηκότας promesses, séduisirent
στρατιώτας ἐπαγγελίαις Polysperchon, qui traita en
δημαγωγήσας κατέμιξε secret avec Cassandre, et
τοῖς μεθ´ ἑαυτοῦ s'engagea à faire assassiner
στρατευομένοις. le jeune prince. Polysperchon

XXVIII. Ἅμα δὲ τούτοις le fit en effet mettre à mort,

πραττομένοις Πολυπέρχων et se déclara 137

μὲν ἠθροικὼς ἁδρὰν ouvertement pour

δύναμιν κατήγαγεν ἐπὶ τὴν Cassandre. Il se fit faire des

πατρῴαν βασιλείαν donations en Macédoine; et,

Ἡρακλέα τὸν Ἀλεξάνδρου en vertu du traité conclu

καὶ Βαρσίνης, Κάσανδρος avec Cassandre, il prit le

δὲ commandement d'une

καταστρατοπεδεύσαντος armée, composée de quatre

αὐτοῦ περὶ τὴν mille hommes d'infanterie

καλουμένην Στυμφαίαν macédonienne et de cinq

ἧκεν μετὰ τῆς δυνάμεως. cents cavaliers thessaliens.

Οὐ μακρὰν δὲ τῶν Avec cette armée, à laquelle

παρεμβολῶν ἀπεχουσῶν se joignirent beaucoup de

ἀλλήλων καὶ τῶν volontaires, Polysperchon

Μακεδόνων οὐκ ἀηδῶς entreprit de traverser la

ὁρώντων τὴν κάθοδον τοῦ Béotie pour entrer dans le


βασιλέως, δείσας Péloponnèse, mais il fut
Κάσανδρος μήποτε φύσει arrêté dans sa marche par
πρὸς μεταβολὴν ὄντες les Béotiens et les
ὀξεῖς οἱ Μακεδόνες Péloponnésiens; il retourna à
αὐτομολήσωσι πρὸς τὸν Locres où il établit ses
Ἡρακλέα, διεπρεσβεύσατο quartiers d'hiver.
πρὸς Πολυπέρχοντα. Καὶ XXIX. Pendant que ces
περὶ μὲν τοῦ βασιλέως choses se passaient,
ἐπειρᾶτο διδάσκειν αὐτὸν Lysimaque fonda dans la
ὅτι γινομένης τῆς καθόδου Chersonèse une ville qui,
ποιήσει τὸ d'après lui, reçut le nom de
προσταττόμενον ὑφ´ Lysimachia.
ἑτέρων, συναγωνισάμενος
Cléomène, roi des
δὲ αὐτῷ καὶ τὸν νεανίσκον
Lacédémoniens, mourut
ἀνελὼν παραχρῆμα μὲν
après un règne de soixante
ἀπολήψεται τὰς
ans et dix mois; son fils Arée,
προγεγενημένας κατὰ
qui lui succéda, régna
Μακεδονίαν δωρεάς, εἶτα
pendant quarante-quatre
καὶ δύναμιν ἀναλαβὼν
ans.
στρατηγὸς
A la même époque,
ἀποδειχθήσεται περὶ
Amilcar, commandant des
Πελοπόννησον καὶ πάντων
troupes carthaginoises en
τῶν ἐν τῇ δυναστείᾳ τῇ
Sicile, après s'être emparé
Κασάνδρου κοινωνὸς
d'un grand nombre de places
ἔσται, τιμώμενος
fortes, marcha sur Syracuse
διαφόρως. Πέρας δὲ
dans le dessein de
πολλαῖς καὶ μεγάλαις
l'emporter d'assaut.
ἐπαγγελίαις πείσας τὸν
Longtemps maître de la mer,
Πολυπέρχοντα καὶ
il avait intercepté tous les
συνθήκας ἐν ἀπορρήτοις
convois de vivres; avait
συνθέμενος προετρέψατο
détruit les récoltes et
δολοψονῆσαι τὸν βασιλέα.
cherchait à s'emparer
δὲ Πολυπέρχων ἀνελὼν
τὸν νεανίσκον καὶ d'Olympium, situé aux
φανερῶς κοινοπραγῶν portes de Syracuse. Mais
τοῖς περὶ τὸν Κάσανδρον aussitôt après, il se décida à
τάς τ´ ἐν τῇ Μακεδονίᾳ attaquer les murailles de
δωρεὰς ἐκομίσατο καὶ Syracuse sur la prédiction
κατὰ τὰς ὁμολογίας d'un devin qui, d'après
παρέλαβε στρατιώτας l'inspection des victimes,
πεζοὺς μὲν Μακεδόνας avait annoncé qu'Amilcar
τετρακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ dînerait le même jour à
Θετταλοὺς πεντακοσίους. Syracuse. Mais les habitants,
Προσλαβόμενος δὲ καὶ τῶν avertis du dessein de
ἄλλων τοὺς βουλομένους l'ennemi, firent sortir
ἐπεχείρησε μὲν διὰ τῆς pendant la nuit un corps de
Βοιωτίας προάγειν εἰς trois mille hommes
Πελοπόννησον, ὑπὸ δὲ d'infanterie et de quatre
Βοιωτῶν καὶ cents cavaliers, avec ordre
Πελοποννησίων κωλυθεὶς d'occuper le fort Euryelus.
ἀνέστρεψε καὶ προελθὼν Cet ordre fut exécuté.
εἰς Λοκροὺς ἐνταῦθα τὴν Cependant les Carthaginois
παραχειμασίαν ἐποιεῖτο. s'avancèrent de nuit vers la

XXIX. Ἅμα δὲ τούτοις ville, s'imaginant avoir

πραττομένοις Λυσίμαχος dérobé leurs mouvements

μὲν ἐν Χερρονήσῳ πόλιν aux ennemis. Amilcar se

ἔκτισεν ἀφ´ ἑαυτοῦ trouvait à la tête de la

Λυσιμαχίαν καλέσας. colonne; Dinocrate le suivait


avec sa cavalerie; l'infanterie
Κλεομένης δ´ τῶν
avait été partagée en deux
Λακεδαιμονίων βασιλεὺς
phalanges, l'une formée des
ἐτελεύτησεν ἄρξας ἔτη
Barbares, l'autre des
ἑξήκοντα καὶ μῆνας δέκα,
auxiliaires grecs. L'armée
τὴν δὲ βασιλείαν
était en outre accompagnée
διαδεξάμενος Ἀρέτα υἱὸς
d'une foule de gens non
ἦρξεν ἔτη τέσσαρα πρὸς
enrôlés, tous inutiles, attirés
τοῖς τεσσαράκοντα. par l'appât du pillage, et qui

Περὶ δὲ τοὺς αὐτοὺς étaient souvent la cause 138

καιροὺς Ἀμίλκας τῶν ἐν des troubles et des

Σικελίᾳ δυνάμεων désordres qui éclataient

στρατηγὸς τὰ λοιπὰ τῶν dans l'armée. Comme la

χωρίων χειρωσάμενος route était étroite et peu

προῆγεν μετὰ τῆς praticable, quelques goujats

δυνάμεως ἐπὶ τὰς et maraudeurs se prirent de

Συρακούσσας, ὡς καὶ querelle au sujet du passage.

ταύτας αἱρήσων κατὰ Bientôt la foule s'accrut, il

κράτος. Τὴν μὲν οὖν s'engagea même une lutte

σιτοπομπείαν διεκώλυε et le tumulte se répandit

πολὺν ἤδη χρόνον dans toute l'armée. En ce

θαλασσοκρατῶν, τοὺς δ´ moment les Syracusains, qui

ἐπὶ τῆς χώρας καρποὺς avaient occupé Euryelus, et

καταφθείρας ἐπεβάλετο qui voyaient ce tumulte de

καταλαβέσθαι τοὺς περὶ loin, se précipitèrent sur les

τὸ Ὀλύμπιον τόπους, ennemis; quelques-uns,

κειμένους μὲν πρὸ τῆς postés sur des hauteurs,

πόλεως· εὐθὺς δὲ καὶ attaquèrent les Carthaginois

προσβάλλειν ἐξ ἐφόδου à coups de traits, d'autres

τοῖς τείχεσι διεγνώκει, τοῦ leur fermèrent le passage,

μάντεως εἰρηκότος αὐτῷ d'autres enfin, poursuivant

κατὰ τὴν ἐπίσκεψιν τῶν les Barbares jusque sur les

ἱερῶν ὅτι τῇ μετὰ ταύτην rochers, les forcèrent à se

ἡμέρᾳ πάντως ἐν jeter dans les précipices, car

Συρακούσσαις δειπνήσει. l'obscurité et l'ignorance des

Οἱ δ´ ἐκ τῆς πόλεως lieux avaient fait croire aux

αἰσθόμενοι τὴν ἐπίνοιαν Barbares qu'ils étaient

τῶν πολεμίων ἐξέπεμψαν attaqués par des forces

τῶν μὲν πεζῶν νυκτὸς περὶ supérieures. Ainsi, les

τρισχιλίους καὶ τῶν Carthaginois, affligés du

ἱππέων περὶ τετρακοσίους, désordre de leur propre


προστάξαντες armée, étourdis par
καταλαβέσθαι τὸν l'apparition inattendue de
Εὐρύηλον. Ταχὺ δὲ τούτων l'ennemi, et engagés dans
τὸ παραγγελθὲν des défilés qu'ils ne
πραξάντων οἱ Καρχηδόνιοι connaissaient pas, furent mis
νυκτὸς οὔσης προσῆγον, en déroute. Comme le
νομίζοντες λήσεσθαι τοὺς terrain n'offrait point d'issue
πολεμίους. Ἡγεῖτο μὲν οὖν assez large, les uns furent
Ἀμίλκας πάντων, ἔχων foulés sous les pieds de leurs
τοὺς ἀεὶ περὶ ἑαυτὸν propres chevaux, les autres,
τεταγμένους, ἐπηκολούθει trompés par l'obscurité de la
δὲ Δεινοκράτης, τῶν nuit, se battaient entre eux
ἱππέων εἰληφὼς τὴν et se tuaient
ἡγεμονίαν. Τὸ δὲ τῶν réciproquement. Dans le
πεζῶν στρατόπεδον εἰς commencement, Amilcar
δύο φάλαγγας διῄρητο, soutint vigoureusement le
τήν τε τῶν βαρβάρων καὶ choc des ennemis, et
τὴν τῶν συμμαχούντων exhorta ceux qui
Ἑλλήνων. Παρηκολούθει δὲ l'entouraient à tenir ferme.
καὶ πλῆθος ὄχλου Mais ensuite, abandonné par
παντοδαπὸν ἐκτὸς τῆς ses soldats épouvantés,
τάξεως ὠφελείας ἕνεκα, Amilcar, ne parvenant point
χρείαν μὲν στρατιωτικὴν à se sauver, tomba presque
οὐδεμίαν παρεχόμενον, mort entre les mains des
θορύβου δὲ καὶ ταραχῆς Syracusains.
ἀλόγου γινόμενον αἴτιον, XXX. Remarquez ici la
ἐξ ὧν πολλάκις singularité du destin en
ὁλοσχερέστεροι contradiction avec toutes les
συμβαίνουσι κίνδυνοι. Καὶ prévisions humaines,
τότε δὲ τῶν ὁδῶν στενῶν Agathocle, cet homme si
οὐσῶν καὶ τραχειῶν οἱ μὲν vaillant, est vaincu à Himère
τὰ σκευοφόρα κομίζοντες lui et sa puissante armée. Ici
καὶ τῶν ἐκτὸς τῆς τάξεως une poignée de Syracusains
συνακολουθούντων τινὲς terrasse les forces des
ἐβάδιζον πρὸς ἀλλήλους Carthaginois et fait
φιλοτιμούμενοι περὶ τῆς prisonnier Amilcar, leur plus
ὁδοιπορίας· illustre général. Enfin un
στενοχωρουμένου δὲ τοῦ petit corps de cavalerie
πλήθους καὶ διὰ τοῦτό n'ayant pour auxiliaires que
τισιν ἐγγενομένης ἁψι la ruse et la connaissance
μαχίας καὶ πολλῶν des lieux, l'emporte sur cent
ἑκατέροις vingt mille hommes
παραβοηθούντων κραυγὴ d'infanterie et cinq mille
καὶ πολὺς θόρυβος κατεῖχε cavaliers, et confirme ainsi le
τὸ στρατόπεδον. Καθ´ ὃν dicton que la guerre est un
δὴ χρόνον οἱ κατειληφότες jeu de hasard (17). Les
τὸν Εὐρύηλον Συρακόσιοι Carthaginois, dispersés de
μετὰ θορύβου προσιόντας tous côtés, purent à peine se
τοὺς πολεμίους αἰσθόμενοι rallier le lendemain 139 de
καὶ τόπους ἔχοντες leur défaite. Les Syracusains,
ὑπερδεξίους ὥρμησαν ἐπὶ chargés de butin, rentrèrent
τοὺς πολεμίους. Καὶ τινὲς dans leur ville et livrèrent
μὲν ἐπὶ τοῖς ὑψηλοῖς Amilcar à la vengeance de
ἑστῶτες ἔβαλλον τοὺς ses ennemis. Ils se
ἐπιόντας, τινὲς δὲ τοὺς rappelaient le devin qui avait
εὐκαίρους τῶν τόπων prédit à Amilcar qu'il dînerait
καταλαβόντες ἀπέκλειον le lendemain à Syracuse;
τῆς ὁδοῦ τοὺς βαρβάρους, cette prédiction fut ainsi
ἄλλοι δὲ κατὰ τῶν accomplie. Les parents de
κρημνῶν τοὺς φεύγοντας ceux qui avaient péri dans la
ῥίπτειν ἑαυτοὺς guerre contre les
ἠνάγκαζον· διὰ γὰρ τὸ Carthaginois traînèrent
σκότος καὶ τὴν ἄγνοιαν Amilcar enchaîné dans les
ὑπελήφθησαν μεγάλῃ rues de la ville, et, après lui
δυνάμει παραγεγονέναι avoir infligé les derniers
πρὸς τὴν ἐπίθεσιν. Οἱ δὲ outrages, ils le mirent à
Καρχηδόνιοι τὰ μὲν διὰ mort. Les magistrats de la
τὴν τῶν ἰδίων ταραχήν, τὰ ville lui coupèrent ensuite la
δὲ διὰ τὴν τῶν πολεμίων tête et l'envoyèrent en Libye
ἐπιφάνειαν ἐλαττούμενοι, à Agathocle, qu'ils prévinrent
μάλιστα δὲ διὰ τὴν en même temps de leur
ἀπειρίαν τῶν τόπων καὶ heureux succès.
στενοχωρίαν ἀπορούμενοι
πρὸς φυγὴν ἐτράπησαν.
Οὐκ ἐχόντων δὲ τῶν
τόπων εὐρυχωρῆ διέξοδον
οἱ μὲν ὑπὸ τῶν ἰδίων
ἱππέων συνεπατοῦντο
πολλῶν ὄντων, οἱ δὲ πρὸς
ἀλλήλους ὡς πολέμιοι
διεμάχοντο, τῆς ἀγνοίας
ἐπισχούσης διὰ τὴν νύκτα.
Ἀμίλκας δὲ τὸ μὲν πρῶτον
ὑπέστη τοὺς πολεμίους
εὐρώστως καὶ τοὺς περὶ
αὑτὸν τεταγμένους ἠξίου
συγκινδυνεύειν· μετὰ δὲ
ταῦτα διὰ τὴν ταραχὴν καὶ
τὸν φόβον ἐγκαταλιπόντων
αὐτὸν τῶν στρατιωτῶν
μονωθεὶς ὑπὸ τῶν
Συρακοσίων συνηρπάγη.

XXX. Εἰκότως δ´ ἄν τις


παρασημήναιτο τὴν
ἀνωμαλίαν τῆς τύχης καὶ
τὸ παράλογον τῶν παρὰ
τὰς ὑπολήψεις
συντελουμένων παρ´
ἀνθρώποις. Ἀγαθοκλῆς μὲν
γὰρ ἀνδρείᾳ διαφέρων καὶ
πολλὴν δύναμιν ἐσχηκὼς
τὴν συναγωνι σαμένην
περὶ τὸν Ἱμέραν οὐ μόνον
ὑπὸ τῶν βαρβά ρων
ἡττήθη κατὰ κράτος, ἀλλὰ
καὶ τῆς στρατιᾶς τὴν
κρατίστην καὶ πλείστην
ἀπέβαλεν· οἱ δὲ τειχήρεις
ἀποληφθέντες ἐν ταῖς
Συρακούσσαις μικρῷ μέρει
τῶν προηττηθέντων οὐ
μόνον τὴν πολιορκήσασαν
δύναμιν ἐχειρώσαντο τῶν
Καρχηδονίων, ἀλλὰ καὶ τὸν
στρατηγὸν Ἀμίλκαν,
ἐπιφανέστατον ὄντα τῶν
πολιτῶν, ἐζώγρησαν· καὶ
τὸ θαυμασιώτατον,
δώδεκα μυριάδας πεζῶν
καὶ πεντακισχιλίους ἱππεῖς
ὀλίγος ἀριθμὸς πολεμίων,
προσλαβόμενος ἀπάτην
καὶ τόπον, κατὰ κράτος
ἥττησεν, ὥστ´ ἀληθὲς
εἶναι τὸ λεγόμενον ὅτι
πολλὰ τὰ κενὰ τοῦ
πολέμου. Μετὰ δὲ τὴν
τροπὴν οἱ μὲν Καρχηδόνιοι
ἄλλοι κατ´ ἄλλους τόπους
διασπαρέντες μόγις εἰς
τὴν ὑστεραίαν
ἠθροίσθησαν, οἱ δὲ
Συρακόσιοι μετὰ πολλῶν
λαφύρων ἐπανελθόντες εἰς
τὴν πόλιν τὸν Ἀμίλκαν
παρέδοσαν τοῖς
βουλομένοις λαμβάνειν
παρ´ αὐτοῦ τιμωρίαν·
ἀνεμιμνήσκοντο δὲ καὶ τῆς
τοῦ μάντεως φωνῆς, ὃς
ἔφησεν αὐτὸν εἰς τὴν
ὑστεραίαν εἰς
Συρακούσσας δειπνήσειν,
τοῦ δαιμονίου
παραγαγόντος τἀ ληθές.
Τὸν δ´ οὖν Ἀμίλκαν οἱ τῶν
ἀπολωλότων συγ γενεῖς
δεδεμένον ἀγαγόντες διὰ
τῆς πόλεως καὶ δειναῖς
αἰκίαις κατ´ αὐτοῦ
χρησάμενοι μετὰ τῆς
ἐσχάτης ὕβρεως ἀνεῖλον.
Εἶθ´ οἱ μὲν τῆς πόλεως
προεστηκότες
ἀποκόψαντες αὐτοῦ τὴν
κεφαλὴν ἀπέστειλαν τοὺς
κομιοῦν τας εἰς τὴν Λιβύην
πρὸς Ἀγαθοκλέα καὶ περὶ
τῶν γεγονότων
εὐτυχημάτων
ἀπαγγελοῦντας·

XXXI. δὲ τῶν XXXI. L'armée des


Καρχηδονίων στρατιὰ Carthaginois eut beaucoup
μετὰ τὴν γενομένην de peine à se remettre de la
συμφορὰν μαθοῦσα τὴν terreur que venait de lui
αἰτίαν τῶν ἀτυχημάτων inspirer sa défaite dont elle
μόγις ἀπηλλάγη τῶν n'ignorait pas la cause. Étant
φόβων. Ἀναρχίας δ´ οὔσης sans chef, les Barbares et les
διέστησαν οἱ βάρβαροι Grecs se divisèrent sur le
πρὸς τοὺς Ἕλληνας. Οἱ μὲν choix d'un général. Les
οὖν φυγάδες μετὰ τῶν exilés, réunis aux autres
λοιπῶν Ἑλλήνων Grecs, nommèrent
Δεινοκράτην στρατηγὸν Dinocrate; tandis que les
ἀπέδειξαν, οἱ δὲ Carthaginois désignèrent au
Καρχηδόνιοι τοῖς commandement ceux qui,
δευτερεύουσι {τῇ} μετὰ après Hamilcar, occupaient
τὸν στρατηγὸν τιμῇ τὴν le second rang. A cette
ἡγεμονίαν ἐνεχείρισαν. époque les Agrigentins,
Καθ´ ὃν δὴ χρόνον attentifs aux événements
Ἀκραγαντῖνοι θεωροῦντες arrivés en Sicile, jugèrent
τὴν ἐν Σικελίᾳ κατάστασιν l'occasion favorable pour
εὐφυεστάτην οὖσαν πρὸς prétendre à la suprématie de
ἐπίθεσιν ἠμφισβήτησαν l'île. En effet, ils se flattaient
τῆς κατὰ τὴν νῆσον que les Carthaginois ne
ἡγεμονίας· ὑπελάμβανον pourraient guère continuer à
γὰρ Καρχηδονίους μὲν tenir tête à Agathocle; que
μόγις ἀνθέξειν τῷ πρὸς d'un autre côté Dinocrate,
Ἀγαθοκλέα πολέμῳ, n'ayant qu'une faible armée,
Δεινοκράτην δ´ εὐκατα composée de bannis, ne
γώνιστον εἶναι serait pas difficile à battre,
συνηθροικότα φυγαδικὴν et que les Syracusains,
στρατιάν, τοὺς δ´ ἐν ταῖς pressés par la famine, ne
Συρακούσσαις θλιβομένους pourraient faire aucune
τῇ σιτοδείᾳ μηδ´ tentative pour leur disputer
ἐγχειρήσειν ἀμφισβητεῖν le premier rang; enfin, ce qui
τῶν πρωτείων, τὸ δὲ était le principal motif, les
μέγιστον, τὴν στρατείαν Agrigentins espéraient qu'en
ἑαυτῶν ποιουμένων ἐπ´ mettant sur pied une armée
ἐλευθερώσει τῶν πόλεων destinée à proclamer
ἀσμένως ἅπαντας l'indépendance des villes,
ὑπακούσεσθαι διά τε τὸ celles-ci s'empresseraient de
πρὸς τοὺς βαρβάρους se rallier à eux tant en raison
μίσος καὶ διὰ τὴν ἔμφυτον de la haine qu'on portait aux
πᾶσιν ἐπιθυμίαν τῆς Barbares que par le désir
αὐτονομίας. Οὗτοι μὲν οὖν naturel de conquérir la
ἑλόμενοι στρατηγὸν liberté. Les Agrigentins
Ξενόδικον καὶ τὴν choisirent donc pour général
ἁρμόζουσαν δόντες Xenodicus et l'envoyèrent
δύναμιν ἐξέπεμψαν ἐπὶ τὸν faire la guerre à la tête d'une
πόλεμον· δὲ παραχρῆμα armée considérable.
ἐπὶ τὴν Γέλαν ὁρμήσας καὶ Xenodicus marcha
διά τινων ἰδιοξένων immédiatement sur Gela, où
νυκτὸς εἰσαχθεὶς il fut introduit de nuit par
ἐκυρίευσε τῆς πόλεως ἅμα quelques-uns de ses amis ; il
καὶ δυνάμεως ἁδρᾶς καὶ se rendit maître de la ville
χρημάτων. ainsi que de la garnison et
Ἐλευθερωθέντες οὖν οἱ des richesses qui s'y
Γελῷοι προθυμότατα trouvaient. Les Geléens,
πανδημεὶ συστρατεύοντες déclarés libres, se réunirent
ἠλευθέρουν τὰς πόλεις. aux Agrigen- 140 tins pour les
Διαβοηθείσης δὲ τῆς τῶν aider à rendre aux autres
Ἀκραγαντίνων ἐπιβολῆς villes leur indépendance. A
κατὰ πᾶσαν τὴν νῆσον peine le bruit de l'entreprise
ἐνέπεσεν ὁρμὴ ταῖς πόλεσι des Agrigentins se fut-il
πρὸς τὴν ἐλευθερίαν. Καὶ répandu que toutes les villes
πρῶτοι μὲν Ἐνναῖοι de la Sicile
πέμψαντες τὴν πόλιν τοῖς s'enthousiasmèrent pour la
Ἀκραγαντίνοις παρέδωκαν· liberté. Les habitants d'Enna
οἱ δὲ ταύτην furent les premiers à
ἐλευθερώσαντες παρῆλθον envoyer des députés et à
ἐπὶ τὸν Ἐρβησσόν, livrer leur ville aux
φρουρᾶς ἐν αὐτῷ Agrigentins. Ceux-ci y
παραφυλαττούσης τὴν établirent un gouvernement
πόλιν. Γενομένης δὲ μάχης libre, et se dirigèrent ensuite
ἰσχυρᾶς καὶ τῶν πολιτικῶν sur Erbessus, détendu par
συνεργησάντων συνέβη une forte garnison. Il se livra
τὴν φρουρὰν ἁλῶναι καὶ un combat sanglant; mais les
πολλοὺς μὲν πεσεῖν τῶν Agrigentins, secondés par les
βαρβάρων, εἰς habitants, soumirent la
πεντακοσίους δὲ θεμένους garnison; un grand nombre
τὰ ὅπλα παραδοῦναι σφᾶς de Barbares restèrent sur le
αὐτούς. champ de bataille; environ

XXXII. Περὶ ταῦτα δ´ cinq cents déposèrent les

ὄντων τῶν Ἀκραγαντίνων armes et se rendirent

τῶν ἐν ταῖς Συρακούσσαις prisonniers.

καταλελειμμένων XXXII. Pendant que les


στρατιωτῶν ὑπ´ Agrigentins étaient ainsi
Ἀγαθοκλέους occupés, un détachement de
καταλαβόμενοί τινες τὴν ces soldats qu'Agathocle
Ἐχέτλαν ἐπόρθουν τήν τε avait laissés à Syracuse,
Λεοντίνην καὶ s'empara d'Echetla, et
Καμαριναίαν. Κακῶς οὖν ravagea le territoire de
πασχουσῶν τῶν πόλεων Léontium et de Camarine.
διὰ τὸ τὴν χώραν Indignées de ces
δῃοῦσθαι καὶ τοὺς dévastations qui détruisaient
καρποὺς ἅπαντας toutes les récoltes, ces deux
διαφθείρεσθαι ἐμβα λὼν villes appelèrent à leur
εἰς τοὺς τόπους secours Xenodicus. Celui-ci
Ξενόδικος Λεοντίνους μὲν se rendit sur les lieux, et
καὶ Καμαριναίους délivra les Léontins et les
ἀπήλλαξε τοῦ πολέμου, Camarinéens de l'ennemi qui
τὴν δ´ Ἐχέτλαν χωρίον désolait leur campagne.
ὀχυρὸν ἐκπολιορκήσας Xenodicus prit ensuite
τοῖς μὲν πολίταις τὴν d'assaut la place forte
δημοκρατίαν d'Echetla, y rétablit le
ἀποκατέστησε, τοὺς δὲ gouvernement
Συρακοσίους κατεπλήξατο· démocratique, et répandit la
καθόλου δ´ terreur parmi les
ἐπιπορευόμενος τά τε Syracusains. Enfin,
φρούρια καὶ τὰς πόλεις continuant ses excursions, il
ἠλευθέρου τῆς τῶν délivra les places et les villes
Καρχηδονίων ἐπιστασίας. du joug des Carthaginois.

Ἅμα δὲ τούτοις Pendant que ces choses


πραττομένοις Συρακόσιοι se passaient, les
πιεζούμενοι τῇ σιτοδείᾳ Syracusains, toujours
καὶ πυνθανόμενοι σιτηγὰ pressés par la famine,
πλοῖα μέλλοντα ποιεῖσθαι apprirent que plusieurs
πλοῦν ἐπὶ Συρακούσσας bâtiments, chargés de
ἐπλήρουν τριήρεις εἴκοσι, vivres, faisaient voile pour
τηρήσαντες δὲ τοὺς Syracuse. Ils équipèrent
ἐφορμεῖν εἰωθότας donc vingt trirèmes; puis,
βαρβάρους ἀφυλάκτους saisissant le moment où les
ὄντας ἔλαθον Barbares, qui se tenaient
ἐκπλεύσαντες καὶ habituellement en croisière,
παρακομισθέντες εἰς τοὺς étaient absents, ils sortirent
Μεγαρεῖς ἐπετήρουν τὸν du port et se portèrent vers
τῶν ἐμπόρων κατάπλουν. Mégare, où ils attendirent
Μετὰ δὲ ταῦτα τῶν l'arrivée des bâtiments
Καρχηδονίων τριάκοντα marchands. Mais les
ναυσὶν ἐκπλευσάντων ἐπ´ Carthaginois envoyèrent
αὐτοὺς τὸ μὲν πρῶτον trente navires pour donner la
ἐπεβάλοντο ναυμαχεῖν, chasse aux Syracusains, et
ταχὺ δὲ πρὸς τὴν γῆν un combat s'engagea. Les
ἐκδιωχθέντες Syracusains furent
ἐξεκολύμβησαν πρός τινα promptement jetés sur la
ναὸν Ἥρας. Γενομένης οὖν côte, se sauvèrent à la nage
μάχης περὶ τῶν σκαφῶν et se réfugièrent dans un
καὶ τῶν Καρχηδονίων temple de Junon. Le combat
ἐπιβαλλόντων σιδηρᾶς se renouvela autour des
χεῖρας καὶ βιαιότερον embarcations que les
ἀποσπώντων ἀπὸ τῆς γῆς Carthaginois arrachèrent du
δέκα μὲν τριήρεις rivage avec des mains de
ἑάλωσαν, τὰς δ´ ἄλλας ἐκ fer. Les Syracusains
τῆς πόλεως perdirent ainsi dix trirèmes,
ἐπιβοηθήσαντές τινες les 141 autres furent sauvées
διέσωσαν. Καὶ τὰ μὲν περὶ par les renforts qui leur
Σικελίαν ἐν τούτοις ἦν. arrivaient de la ville. Tel était

XXXIII. Περὶ δὲ τὴν l'état des affaires en Sicile.

Λιβύην Ἀγαθοκλῆς, ἐπειδὴ XXXIIII. Cependant les


κατέπλευσαν οἱ τὴν Ἀμίλκα envoyés, qui apportaient la
κεφαλὴν κομίζοντες, tête d'Hamilcar,
ἀναλαβὼν ταύτην καὶ débarquèrent en Libye.
παριππεύσας πλησίον τῆς Agathocle prit cette tête, et,
παρεμβολῆς τῶν πολεμίων s'approchant jusqu'à portée
εἰς φωνῆς ἀκοὴν ἔδειξε de voix du camp
τοῖς πολεμίοις καὶ τὴν τῶν carthaginois, il la montra aux
στρατοπέδων ἧτταν ennemis, et leur fit connaître
διεσάφησεν. Οἱ δὲ la défaite de leurs troupes en
Καρχηδόνιοι περιαλγεῖς Sicile. Les Carthaginois,
γενόμενοι καὶ βαρβαρικῶς saisis de douleur, se
προσκυνήσαντες συμφορὰν prosternèrent suivant l'usage
ἑαυτῶν ἐποιοῦντο τὸν τοῦ des Barbares, prirent le
βασιλέως θάνατον καὶ deuil, et, regardant la mort
πρὸς τὸν ὅλον πόλεμον de leur roi comme une
ἄθυμοι καθειστήκεισαν. Οἱ calamité publique, ils
δὲ περὶ τὸν Ἀγαθοκλέα perdirent courage pour tout
τοῖς περὶ Λιβύην le reste de la guerre.
προτερήμασιν ἐπαρθέντες Agathocle, enivré de ses
τηλικούτων εὐτυχημάτων succès, se crut à l'abri de
προσγενομένων μετέωροι tous les dangers ; mais la
ταῖς ἐλπίσιν ἐγενήθησαν, fortune, dont les faveurs
ὡς ἀπηλλαγμένοι τῶν sont si inconstantes, suscita
δεινῶν. Οὐ μὴν τύχη γε au tyran les plus grands
εἴασε τὴν εὔροιαν μένειν dangers dans son armée.
ἐπὶ τῆς αὐτῆς τάξεως, ἀλλ Lycisque, un des chefs de
´ ἐκ τῶν ἰδίων troupes, pris de vin, insulta
στρατιωτῶν τῷ δυνάστῃ Agathocle au milieu d'un
τοὺς μεγίστους ἐπήνεγκε banquet auquel il avait été
κινδύνους. Λυκίσκος γάρ invité. Cependant Agathocle
τις τῶν ἐφ´ ἡγεμονίᾳ ménagea Lycisque en
τεταγμένων, παραληφθεὶς considération des services
ὑπ´ Ἀγαθοκλέους ἐπὶ τὸ qu'il en avait reçus dans la
δεῖπνον, οἰνωθεὶς guerre, et ne répliqua que
ἐβλασφήμει τὸν δυνάστην. par des plaisanteries ; mais
μὲν οὖν Ἀγαθοκλῆς διὰ τὰς son fils Archagathus, moins
ἐν τῷ πολέμῳ χρείας patient, s'emporta en
ἀποδεχόμενος τὸν ἄνδρα reproches et en menaces.
τῇ παιδιᾷ τὰ πρὸς πικρίαν Après le banquet et pendant
λεγόμενα διέσυρεν· δ´ que les conviés se retiraient
υἱὸς Ἀρχάγαθος χαλεπῶς dans leurs tentes, Lycisque
φέρων ἐπετίματε καὶ s'exhala en invectives contre
διηπειλεῖτο. Διαλυθέντος Archagathus, et lui reprocha
δὲ τοῦ πότου καὶ πρὸς τὴν son amour adultère avec sa
σκηνὴν ἀπιόντων belle-mère. En effet, le bruit
ἐλοιδόρησεν Λυκίσκος courait qu'Archagathus
τὸν Ἀρχάγαθον εἰς τὴν τῆς entretenait un commerce
μητρυιᾶς μοιχείαν· ἐδόκει secret avec Alcia, femme de
γὰρ ἔχειν λάθρᾳ τοῦ son père. Archagathus,
πατρὸς τὴν Ἀλκίαν· τοῦτο transporté de colère, arracha
γὰρ ἦν ὄνομα τῇ γυναικί. à un des gardes une pique et
δ´ Ἀρχάγαθος εἰς ὀργὴν la plongea dans le flanc de
ὑπερβάλλουσαν προαχθεὶς Lycisque, qui mourut sur-le-
καὶ παρά τινος τῶν champ. Son corps fut
ὑπασπιστῶν ἁρπάσας transporté dans sa tente et
σιβύνην διήλασε διὰ τῶν remis à la garde de ses
πλευρῶν. Τοῦτον μὲν οὖν domestiques. Le lendemain
παραχρῆμα τελευτήσαντα matin, les amis du mort se
πρὸς τὴν ἰδίαν ἀπήνεγκαν réunirent, et leur indignation
σκηνὴν οἷς ἦν ἐπιμελές· fut partagée par un grand
ἅμα δ´ ἡμέρᾳ συνελθόντες nombre de soldats; un
οἱ τοῦ φονευθέντος φίλοι immense tumulte éclata
καὶ πολλοὶ τῶν ἄλλων dans le camp; plusieurs
στρατιωτῶν chefs, qui avaient à craindre
συνδραμόντες ἠγανάκτουν quelques punitions pour des
ἐπὶ τοῖς πραχθεῖσι καὶ délits qu'ils avaient commis,
θορύβου τὴν παρεμβολὴν choisirent ce moment pour
ἐπλήρωσαν. Πολλοὶ δὲ καὶ organiser un soulèvement
τῶν ἐφ´ ἡγεμονίαις général. Toute l'armée se
τεταγμένων, ἐν mit sous les armes et cria
ἐγκλήμασιν ὄντες καὶ vengeance; elle demanda
φοβούμενοι περὶ σφῶν qu'Archagathus fût mis à
αὐτῶν, συνεπιθέμενοι τῷ mort, et que, si Agathocle s'y
καιρῷ στάσιν οὐ τὴν refusait, on fit tomber la
τυχοῦσαν ἐξέκαυσαν. vengeance sur le père. Pour
Παντὸς δὲ τοῦ comble de désordre, 142 les
στρατεύματος troupes demandèrent leur
μισοπονηροῦντος ἕκαστοι solde arriérée, et nommèrent
τὰς πανοπλίας eux-mêmes leurs officiers;
ἀνελάμβανον ἐπὶ τὴν τοῦ enfin quelques soldats
φονεύσαντος τιμωρίαν· καὶ s'emparèrent des
πέρας τὸ πλῆθος ᾤετο δεῖν fortifications de Tynès, et
Ἀρχάγαθον ἀναιρεῖσθαι, μὴ mirent le tyran sous bonne
ἐκδιδόντος δὲ τὸν υἱὸν garde.
Ἀγαθοκλέους αὐτὸν ἀντ´ XXXIV. Informés de
ἐκείνου τὴν τιμωρίαν cette rébellion, les
ὑπέχειν. Ἀπῄτουν δὲ καὶ Carthaginois envoyèrent
τοὺς μισθοὺς τοὺς quelques émissaires chargés
ὀφειλομένους καὶ de promettre aux soldats
στρατηγοὺς ᾑροῦντο τοὺς d'Agathocle une paye plus
ἀφηγησομένους τοῦ forte et de beaux présents.
στρατοπέδου καὶ τὸ Plusieurs chefs s'engagèrent
τελευταῖον τὰ τείχη à changer de parti et à
κατελαμβάνοντό τινες τοῦ prendre service dans l'armée
Τύνητος καὶ πανταχόθεν carthaginoise. Agathocle,
φυλακαῖς περιέλαβον τοὺς voyant que son salut ne
δυνάστας. tenait pour ainsi qu'à un fil,

XXXIV. Οἱ δὲ et craignant d'être livré à

Καρχηδόνιοι γνόντες τὴν des ennemis qui le feraient

παρὰ τοῖς πολεμίοις mourir ignominieusement,

στάσιν ἔπεμψάν τινας aima mieux périr par les

ἀξιοῦντες μεταβάλλεσθαι mains de ses soldats que par

καὶ τούς τε μισθοὺς celles de l'ennemi. Il déposa

μείζους καὶ δωρεὰς donc son manteau de

ἀξιολόγους δώσειν pourpre, et, prenant

ἐπηγγέλλοντο. Πολλοὶ μὲν l'humble vêtement d'un

οὖν τῶν ἡγεμόνων ἀπάξειν simple soldat, il s'avança au

πρὸς αὐτοὺς τὴν στρατιὰν milieu de l'armée. Il se fit un

ἐπηγγείλαντο· δ´ silence profond. Beaucoup

Ἀγαθοκλῆς ὁρῶν τὴν de curieux étaient accourus

σωτηρίαν ἐπὶ ῥοπῆς pour entendre ce qu'il allait

κειμένην καὶ φοβούμενος dire. Agathocle harangua les

μὴ τοῖς πολεμίοις soldats dans un discours

παραδοθεὶς μεθ´ ὕβρεως approprié à la circonstance;

καταστρέψῃ τὸν βίον, il rappela ses exploits

ὑπέλαβε κρεῖττον εἶναι, antérieurs et déclara qu'il

κἂν δέῃ τι πάσχειν, ὑπὸ était prêt à mourir si sa mort

τῶν στρατιωτῶν pouvait être utile à ses

ἀποθανεῖν. Διόπερ compagnons d'armes. Mais

ἀποθέμενος τὴν πορφύραν qu'il n'aurait jamais la


καὶ μεταλαβὼν ἰδιωτικὴν lâcheté de racheter sa vie
καὶ ταπεινὴν ἐσθῆτα par une action indigne de lui.
παρῆλθεν εἰς τὸ μέσον. Et, en prenant à témoin de
Σιωπῆς οὖν γενομένης διὰ ses paroles tous ceux qui
τὸ παράδοξον καὶ πολλῶν l'entouraient, il tira son épée
γενομένων τῶν comme pour se tuer. Au
συνδραμόντων διεξῆλθε moment où il allait se
λόγους οἰκείους τῆς frapper, l'armée lui défendit
περιστάσεως καὶ τῶν à haute voix de commettre
προκατεργασθεισῶν αὐτῷ ce suicide. De tous côtés on
πράξεων ἀναμνήσας s'écria qu'il était absous des
ἔφησεν ἕτοιμος εἶναι accusations portées contre
τελευτᾶν, εἰ τοῦτο δόξει lui, enfin l'armée le supplia
συμφέρειν τοῖς de reprendre le manteau
συστρατευομένοις· royal; ce qu'Agathocle fit en
οὐδέποτε γὰρ αὐτὸν δειλίᾳ versant des larmes, et
συνεσχημένον ὑπομεῖναί τι uniquement, disait-il, pour
παθεῖν ἄτοπον ἕνεκα τοῦ complaire aux soldats. Cette
φιλοψυχεῖν. Καὶ τούτου scène fut vivement
μάρτυρας ἐκείνους applaudie par la multitude.
ὑπάρχειν ἀποφαινόμενος Rétabli dans son pouvoir,
ἐγύμνωσε τὸ ξίφος, ὡς Agathocle, qui n'ignorait pas
σφάξων ἑαυτόν. que les Carthaginois
Μέλλοντος δ´ ἐπιφέρειν s'attendaient à tout moment
πληγὴν ἀνεβόησε τὸ à voir passer l'armée
στρατόπεδον διακωλῦον grecque dans leurs rangs,
καὶ πανταχόθεν ἐγίνοντο saisit cette occasion pour
φωναὶ τῶν ἐγκλημάτων conduire ses troupes contre
ἀπολύουσαι. l'ennemi. Les Barbares,
Προστάττοντος δὲ τοῦ persuadés que ces troupes
πλήθους ἀναλαβεῖν τὴν venaient pour passer dans
βασιλικὴν ἐσθῆτα δακρύων leurs rangs, ne se doutèrent
καὶ τοῖς ὄχλοις pas de la réalité. Arrivé en
εὐχαριστῶν ἐνεδύετο τὸν présence des ennemis,
προσήκοντα κόσμον, τοῦ Agathocle fit sonner la
πλήθους τὴν charge, tomba soudain sur
ἀποκατάστασιν κρότῳ eux et en fit un 143 grand
παρα μυθησαμένου. Τῶν δὲ carnage. Les Carthaginois
Καρχηδονίων battus se sauvèrent dans
καραδοκούντων ὡς αὐτίκα leur camp et perdirent
μάλα τῶν Ἑλλήνων πρὸς beaucoup de soldats. Ainsi
αὐτοὺς μεταθησομένων, Agathocle, après avoir couru
Ἀγαθοκλῆς οὐ παρεὶς τὸν les plus grands dangers par
καιρὸν ἐξήγαγεν ἐπ´ la faute de son fils, non
αὐτοὺς τὴν δύναμιν. Οἱ μὲν seulement parvint, grâce à
οὖν βάρβαροι νομίζοντες son courage à sortir de ses
τοὺς ἐναντίους ἀποχωρεῖν embarras, mais encore il
πρὸς αὑτούς, οὐδεμίαν trouva le moyen de défaire
τῶν πρὸς ἀλήθειαν les ennemis. Les auteurs de
πεπραγμένων ἔννοιαν cette rébellion, ainsi que
ἐλάμβανον· tous les mécontents, au

ὁ δ´ Ἀγαθοκλῆς ὡς nombre de plus de deux

ἐπλησίασε τοῖς πολεμίοις, cents, passèrent dans le

ἄφνω τὸ πολεμικὸν camp des Carthaginois.

προσέταξε σημαίνειν καὶ Après avoir raconté ce


προσπεσὼν πολὺν ἐποίει qui s'est passé en Libye et
φόνον. Οἱ δὲ Καρχηδόνιοι en Sicile, nous allons parler
παραδόξῳ συμπτώματι des événements arrivés en
περιπεσόντες καὶ πολλοὺς Italie.
τῶν στρατιωτῶν XXXV. Les Tyrrhéniens
ἀποβαλόντες συνέφυγον marchèrent contre la ville de
εἰς τὴν παρεμβολήν. Sutrium, colonie des
Ἀγαθοκλῆς μὲν οὖν διὰ τὸν Romains. Les consuls
υἱὸν εἰς τοὺς ἐσχάτους arrivèrent avec de grands
ἐλθὼν κινδύνους διὰ τῆς renforts au secours de cette
ἰδίας ἀρετῆς οὐ μόνον
λύσιν εὗρε τῶν κακῶν, ville, défirent les Tyrrhéniens
ἀλλὰ καὶ τοὺς πολεμίους en bataille rangée et les
ἠλάττωσεν· οἱ δὲ τῆς poursuivirent jusque dans
στάσεως μάλιστ´ αἴτιοι leur camp. Dans ce même
γενόμενοι καὶ τῶν ἄλλων temps, les Samnites
ὅσοι πρὸς τὸν δυνάστην profitèrent de l'absence de
ἀλλοτρίως διέκειντο, ὑπὲρ l'armée romaine pour
τοὺς διακοσίους ὄντες, ravager impunément le
ἐτόλμησαν πρὸς τοὺς territoire de l'Iapygie où
Καρχηδονίους Rome avait des garnisons.
αὐτομολῆσαι. Les consuls furent donc

Ἡμεῖς δὲ τὰ περὶ obligés de diviser leurs

Λιβύην καὶ Σικελίαν forces. Fabius resta dans la

διεληλυθότες Tyrrhénie; Marcius dirigea un

μνησθησόμεθα καὶ τῶν ἐν autre corps contre les

Ἰταλίᾳ πραχθέντων. Samnites, prit d'assaut la


ville d'Allifas, et vint au
XXXV. Τῶν γὰρ
secours des alliés assiégés
Τυρρηνῶν στρατευσάντων
par l'ennemi. Pendant que
ἐπὶ πόλιν Σούτριον ἄποικον
les Tyrrhéniens revenaient
Ῥωμαίων οἱ μὲν ὕπατοι
en masse à l'attaque de
δυνάμεσιν ἁδραῖς
Sutrium, Fabius repassa à
ἐκβοηθήσαντες ἐνίκησαν
leur insu les frontières, et
μάχῃ τοὺς Τυρρηνοὺς καὶ
pénétra dans la Tyrrhénie
συνεδίωξαν εἰς τὴν
supérieure qui depuis
παρεμβολήν, οἱ δὲ
longtemps n'avait été
Σαυνῖται κατὰ τοῦτον τὸν
dévastée par aucun ennemi.
χρόνον μακρὰν
Ainsi arrivé à l'improviste, il
ἀπηρτημένης τῆς Ῥωμαίων
ravagea une grande étendue
δυνάμεως ἀδεῶς ἐπόρθουν
de pays, défit les habitants
τῶν Ἰαπύγων τοὺς τὰ
venus à sa rencontre, en tua
Ῥωμαίων φρονοῦντας.
un grand nombre et fit
Διόπερ ἠναγκάσθησαν οἱ
beaucoup de prisonniers.
ὕπατοι διαιρεῖν τὰς Après ce succès, Fabius
δυνάμεις καὶ Φάβιος μὲν ἐν remporta une seconde
τῇ Τυρρηνίᾳ κατέμεινεν, victoire sur les Tyrrhéniens
Μάρκιος δὲ ἐπὶ τοὺς près de Péruse; il en tua un
Σαυνίτας ἀναζεύξας grand nombre et frappa de
Ἀλλίφας μὲν πόλιν εἷλεν terreur la population : ce fut
κατὰ κράτος, τοὺς δὲ le premier Romain qui
πολιορκουμένους τῶν envahit cette contrée avec
συμμάχων ἐκ τῶν κινδύνων une armée. Fabius conclut
ἐρρύσατο. δὲ Φάβιος une trêve avec les
Τυρρηνῶν πολλοῖς Arretiniens, les Crotoniates
πλήθεσιν ἐπὶ τὸ Σούτριον et les Pérusiens. Enfin il prit
συνδραμόντων ἔλαθε τοὺς d'assaut la ville de Castola et
πολεμίους διὰ τῆς τῶν força les Tyrrhéniens à lever
ὁμόρων χώρας le siège de Sutrium (18).
{συν}ἐμβαλὼν εἰς τὴν 144 XXVI. Dans cette
ἀνωτέρω Τυρρηνίαν, même année, les Romains
ἀπόρθητον γενομένην élurent deux censeurs; l'un
πολλῶν χρόνων· ἐπιπεσὼν d'eux, Appius Claudius, qui
δὲ ἀνελπίστως τῆς τε avait un grand ascendant sur
χώρας πολλὴν ἐδῄωσε καὶ son collègue Lucius Claudius,
τοὺς ἐπελθόντας τῶν entreprit de grandes
ἐγχωρίων νικήσας πολλοὺς réformes dans les anciennes
μὲν ἀνεῖλεν, οὐκ ὀλίγους institutions. Pour plaire au
δὲ καὶ ζῶντας ὑπο χειρίους peuple, il anéantit l'influence
ἔλαβεν. Μετὰ δὲ ταῦτα du sénat. C'est lui qui le
περὶ τὴν καλουμένην premier fit venir à Rome
Περυσίαν δευτέρᾳ μάχῃ l'eau, appelée d'après lui eau
τῶν Τυρρηνῶν κρατήσας, Appienne, tirée d'une
πολλοὺς ἀνελὼν distance de quatre- vingts
κατεπλήξατο τὸ ἔθνος, stades (19). Les dépenses de
πρῶτος Ῥωμαίων μετὰ cet aqueduc absorbèrent des
δυνάμεως ἐμβεβληκὼς εἰς sommes considérables, qui
τοὺς τόπους τούτους. Καὶ furent prises sur le trésor
πρὸς μὲν Ἀρρητινοὺς καὶ public, sans l'autorisation du
Κροτωνιάτας, ἔτι δὲ sénat. C'est encore lui qui
Περυσίνους ἀνοχὰς construisit la voie Appienne,
ἐποιήσατο· πόλιν δὲ τὴν pavée dans une grande
ὀνομαζομένην Καστόλαν étendue en pierres solides,
ἐκπολιορκήσας et qui conduit de Rome à
συνηνάγκασε τοὺς Capoue dans un espace de
Τυρρηνοὺς λῦσαι τὴν τοῦ plus de mille stades. Pour
Σουτρίου πολιορκίαν. exécuter cette voie, des

XXXVI. Ἐν δὲ τῇ Ῥώμῃ montagnes furent percées,

κατὰ τοῦτον τὸν ἐνιαυτὸν des précipices et des vallons

τιμητὰς εἵλοντο καὶ comblés; ces travaux

τούτων ἕτερος Ἄππιος épuisèrent les revenus de

Κλαύδιος ὑπήκοον ἔχων l'État, mais ils laissèrent un

τὸν συνάρχοντα Λεύκιον monument immortel et utile

Πλαύτιον πολλὰ τῶν à la société. Appius réforma

πατρῴων νομίμων ἐκίνησε· aussi le sénat en y

τῷ δήμῳ γὰρ τὸ introduisant non seulement

κεχαρισμένον ποιῶν les nobles et les grands

οὐδένα λόγον ἐποιεῖτο τῆς dignitaires, mais encore un

συγκλήτου. Καὶ πρῶτον grand nombre de plébéiens

μὲν τὸ καλούμενον Ἄππιον et même quelques

ὕδωρ ἀπὸ σταδίων affranchis, ce qui blessa

ὀγδοήκοντα κατήγαγεν εἰς l'orgueil des patriciens. De

τὴν Ῥώμην καὶ πολλὰ τῶν plus, il accorda aux citoyens

δημοσίων χρημάτων εἰς la faculté de fixer eux-

ταύτην τὴν κατασκευὴν mêmes leur cens et de

ἀνήλωσεν ἄνευ δόγματος choisir la tribu à laquelle ils

τῆς συγκλήτου· μετὰ δὲ voudraient appartenir. Enfin,

ταῦτα τῆς ἀφ´ ἑαυτοῦ sachant qu'il avait accumulé

κληθείσης Ἀππίας ὁδοῦ τὸ sur sa tête la haine de la

πλεῖον μέρος λίθοις noblesse, il évita


στερεοῖς κατέστρωσεν soigneusement d'offenser les
ἀπὸ Ῥώμης μέχρι Καπύης, autres citoyens, et se fit de
ὄντος τοῦ διαστήματος leur affection un rempart
σταδίων πλειόνων χιλίων, contre ses ennemis. Ainsi,
καὶ τῶν τόπων τοὺς μὲν dans le recensement de
ὑπερέχοντας διασκάψας, l'ordre des chevaliers, il
τοὺς δὲ φαραγγώδεις n'enleva à aucun d'eux son
κοίλους ἀναλήμμασιν cheval, et dans la
ἀξιολόγοις ἐξισώσας conscription du sénat il
κατηνάλωσεν ἁπάσας τὰς n'éloigna personne pour
δημοσίας προσόδους, cause d'indignité, ainsi que
αὑτοῦ δὲ μνημεῖον les censeurs avaient
ἀθάνατον κατέλιπεν, εἰς coutume de le faire.
κοινὴν εὐχρηστίαν Cependant les consuls, mus
φιλοτιμηθείς. Κατέμιξε δὲ par la jalousie, et pour plaire
καὶ τὴν σύγκλητον, οὐ aux patriciens, ne
τοὺς εὐγενεῖς καὶ convoquèrent jamais le
προέχοντας τοῖς ἀξιώμασι sénat d'après la liste arrêtée
προσγράφων μόνον, ὡς ἦν par Claudius, mais d'après
ἔθος, ἀλλὰ πολλοὺς καὶ celle des censeurs ses
τῶν ἀπελευθέρων υἱοὺς prédécesseurs. Par
ἀνέμιξεν· ἐφ´ οἷς βαρέως opposition, le peuple, pour
ἔφερον οἱ καυχώμενοι ταῖς témoigner sa sympathie à
εὐγενείαις. Ἔδωκε δὲ τοῖς Claudius en même temps
πολίταις καὶ τὴν ἐξουσίαν que pour assurer aux
ἐν ὁποίᾳ τις βούλεται φυλῇ plébéiens l'admission aux
τάττεσθαι καὶ ὅποι charges publiques, nomma à
προαιροῖτο τιμήσασθαι. Τὸ la dignité la plus élevée, à
δ´ ὅλον, ὁρῶν celle 145 d'édile, Cnéius
τεθησαυρισμένον κατ´ Flavius, fils d'un affranchi.
αὐτοῦ παρὰ τοῖς Flavius, quoique né d'un
ἐπιφανεστάτοις τὸν père qui avait été esclave,
φθόνον, ἐξέκλινε τὸ fut le premier Romain à qui
προσκόπτειν τισὶ τῶν cette dignité eût été
ἄλλων πολιτῶν, ἀντίταγμα décernée. Appius se démit
κατασκευάζων τῇ τῶν bientôt de sa charge de
εὐγενῶν ἀλλοτριότητι τὴν censeur; redoutant la haine
παρὰ τῶν πολλῶν εὔνοιαν. du sénat, il feignit d'avoir
Καὶ κατὰ μὲν τὴν τῶν perdu la vue et vécut en
ἱππέων δοκιμασίαν homme privé.
οὐδενὸς ἀφείλετο τὸν XXXVII. Charinus étant
ἵππον, κατὰ δὲ τὴν τῶν archonte d'Athènes, Publius
συνέδρων καταγραφὴν Décius et Quintus Fabius
οὐδένα τῶν ἀδοξούντων consuls à Rome, les Éliens
συγκλητικῶν ἐξέβαλεν, célébrèrent la CXVIIIe
ὅπερ ἦν ἔθος ποιεῖν τοῖς olympiade, dans laquelle
τιμηταῖς. Εἶθ´ οἱ μὲν Apollonide le Tégéate fut
ὕπατοι διὰ τὸν φθόνον καὶ vainqueur à la course du
διὰ τὸ βούλεσθαι τοῖς stade (20). A cette époque,
ἐπιφανεστάτοις χαρίζεσθαι Ptolémée, parti de Myndus
συνῆγον τὴν σύγκλητον οὐ avec une flotte puissante,
τὴν ὑπὸ τούτου traversa l'Archipel, et, dans
καταλεγεῖσαν, ἀλλὰ τὴν le cours de cette navigation,
ὑπὸ τῶν προγεγενημένων chassa la garnison d'Andros
τιμητῶν καταγραφεῖσαν· et rendit à l'île son
δὲ δῆμος τούτοις μὲν indépendance. Il se porta
ἀντιπράττων, τῷ δὲ Ἀππίῳ ensuite vers l'isthme; il prit
συμφιλοτιμούμενος καὶ τὴν possession de Sicyone et de
τῶν συγγενῶν προαγωγὴν Corinthe, qui lui avaient été
βεβαιῶσαι βουλόμενος livrées par Cratesipolis.
ἀγορανόμον εἵλετο τῆς ἐπι Comme nous avons raconté
φανεστέρας ἀγορανομίας dans le livre précédent (21)
υἱὸν ἀπελευθέρου Γναῖον pour quels motifs ces villes
Φλάυιον, ὃς πρῶτος s'étaient soumises a
Ῥωμαίων ἔτυχε ταύτης τῆς Cratesipolis, il est inutile
ἀρχῆς πατρὸς ὢν d'en parler ici. Ptolémée
δεδουλευκότος. δ´ entreprit de délivrer les
Ἄππιος τῆς ἀρχῆς autres villes grecques,
ἀπολυθεὶς καὶ τὸν ἀπὸ τῆς jugeant utile à ses intérêts
συγκλήτου φθόνον de se concilier l'affection des
εὐλαβηθεὶς προσεποιήθη Grecs. Mais lorsque les
τυφλὸς εἶναι καὶ κατ´ Péloponnésiens, invités à
οἰκίαν ἔμενεν. fournir des vivres et de

XXXVII. Ἐπ´ ἄρχοντος l'argent, se refusèrent à

δ´ Ἀθήνησι Χαρίνου exécuter les clauses du

Ῥωμαῖοι μὲν τὴν ὕπατον traité, le souverain, irrité, fit

ἀρχὴν παρέδοσαν Ποπλίῳ la paix avec Cassandre, sous

Δεκίῳ καὶ Κοΐντῳ Φαβίῳ, la condition que chacun

παρὰ δὲ τοῖς Ἠλείοις d'eux resterait maître des

ὀλυμπιὰς ἤχθη ὀγδόη πρὸς villes dont il se trouvait en

ταῖς ἑκατὸν δέκα, καθ´ ἣν possession. Ptolémée mit

ἐνίκα στάδιον ensuite une garnison à

Ἀπολλωνίδης Τεγεάτης. Sicyone et à Corinthe, et

Κατὰ δὲ τούτους τοὺς repartit pour l'Égypte.

χρόνους Πτολεμαῖος μὲν Pendant que ces choses


ἐκ τῆς Μύνδου πλεύσας se passaient, Cléopâtre
ἁδρῷ στόλῳ διὰ νήσων ἐν ennemie d'Antigone, et
παράπλῳ τὴν Ἄνδρον penchant par ses propres
ἠλευθέρωσε καὶ τὴν inclinations pour Ptolémée,
φρουρὰν ἐξήγαγε. avait quitté Sardes pour aller
Κομισθεὶς δ´ ἐπὶ τὸν rejoindre l'allié de son choix.
Ἰσθμὸν Σικυῶνα καὶ Cléopâtre était sœur
Κόρινθον παρέλαβεν παρὰ d'Alexandre, le conquérant
Κρατησιπόλεως. Τὰς δὲ de la Perse, fille de Philippe,
αἰτίας δι´ ἃς ἐκυρίευσε fils d'Amyntas, et veuve de
πόλεων ἐπιφανῶν cet Alexandre qui avait
προδεδηλωκότες ἐν ταῖς entrepris une expédition en
πρὸ ταύτης βίβλοις τὸ Italie. Son illustre naissance
διλογεῖν ὑπὲρ τῶν αὐτῶν lui avait attiré beaucoup de
παρήσομεν. Ἐπεβάλετο μὲν prétendants : Cassandre,
οὖν καὶ τὰς ἄλλας Lysimaque, Antigone,
Ἑλληνίδας πόλεις Ptolémée, enfin les généraux
Πτολεμαῖος ἐλευθεροῦν, les plus célèbres
μεγάλην προσθήκην d'Alexandre; car chacun
ἡγούμενος ἔσεσθαι τοῖς d'entre eux espérait, par
ἰδίοις πράγμασι τὴν τῶν cette 146 alliance avec la
Ἑλλήνων εὔνοιαν· ἐπεὶ δὲ maison royale, obtenir les
οἱ Πελοποννήσιοι suffrages des Macédoniens
συνταξάμενοι χορηγήσειν et légitimer en quelque sorte
σῖτον καὶ χρήματα τῶν sa prétention au trône. Le
ὡμολογημένων οὐδὲν gouverneur de Sardes, qui
συνετέλουν, ἀγανακτήσας avait reçu d'Antigone l'ordre
δυνάστης πρὸς μὲν de garder à vue Cléopâtre,
Κάσανδρον εἰρήνην s'opposa à son départ, et,
ἐποιήσατο, καθ´ ἣν d'après un nouvel ordre de
ἑκατέρους ἔδει κυριεύειν son maître, il la fit assassiner
τῶν πόλεων ὧν εἶχον, τὴν par quelques femmes.
δὲ Σικυῶνα καὶ Κόρινθον Cependant Antigone, pour
ἀσφαλισάμενος φρουρᾷ n'être point accusé d'avoir
διῆρεν εἰς τὴν Αἴγυπτον. trempé dans ce meurtre, fit
Ἅμα δὲ τούτοις punir plusieurs de ces
πραττομένοις Κλεοπάτρα femmes coupables, et fit
τῷ μὲν Ἀντιγόνῳ enterrer le corps de
προσκόπτουσα, τῇ δ´ Cléopâtre avec une pompe
αἱρέσει πρὸς τὸν royale. C'est ainsi que la
Πτολεμαῖον ἀποκλίνουσα sœur d'Alexandre, dont les
προῆγεν ἐκ Σάρδεων, ὡς plus illustres chefs s'étaient
δια κομισθησομένη πρὸς disputé la main, périt avant
ἐκεῖνον. ἦν δὲ ἀδελφὴ μὲν l'accomplissement de son
Ἀλε ξάνδρου τοῦ Πέρσας mariage. Après avoir parlé
καταπολεμήσαντος, en détail des événements
θυγάτηρ δὲ Φιλίππου τοῦ arrivés en Asie et en Grèce,
Ἀμύντου, γυνὴ δὲ nous allons raconter
γεγενημένη τοῦ εἰς l'histoire des autres pays de
Ἰταλίαν στρατεύσαντος la terre.
Ἀλεξάνδρου. Διὰ τὴν XXXVIII. En Libye, les
ἐπιφάνειαν οὖν τοῦ γένους Carthaginois envoyèrent une
οἱ περὶ Κάσανδρον καὶ armée pour faire rentrer
Λυσίμαχον, ἔτι δὲ dans l'obéissance les
Ἀντίγονον καὶ Πτολεμαῖον Numides rebelles. Agathocle,
καὶ καθόλου πάντες οἱ informé de ce dessein, laisse
μετὰ τὴν Ἀλεξάνδρου son fils Archagathus à Tynès
τελευτὴν ἀξιολογώτατοι avec une partie de ses
τῶν ἡγεμόνων ταύτην troupes, tandis que lui-même
ἐμνήστευον· ἕκαστος γὰρ marche en toute hâte contre
τούτῳ τῷ γάμῳ l'ennemi avec huit mille
συνακολουθήσειν hommes d'infanterie, huit
Μακεδόνας ἐλπίζων cents cavaliers et cinquante
ἀντείχετο τῆς βασιλικῆς chars libyens. Cependant les
οἰκίας, ὡς τὴν τῶν ὅλων Carthaginois avaient déjà
ἀρχὴν περιστήσων εἰς atteint les Numides appelés
ἑαυτόν. δὲ ἐπιμελητὴς Zuphones, et étaient
τῶν Σάρδεων ἔχων parvenus à soumettre une
παράγγελμα παρ´ grande partie des indigènes
Ἀντιγόνου τηρεῖν τὴν et à faire rentrer dans leur
Κλεοπάτραν, διεκώλυεν alliance quelques-uns de ces
αὐτῆς τὴν ἔξοδον· ὕστερον rebelles. A la nouvelle de
δὲ προστάξαντος τοῦ l'approche des ennemis, les
δυνάστου διά τινων Carthaginois allèrent établir
γυναικῶν ἐδολοφόνησεν. leur camp sur une hauteur
δ´ Ἀντίγονος οὐ environnée d'une rivière
βουλόμενος λέγεσθαι κατ´ profonde et difficile à
αὐτοῦ περὶ τῆς traverser. Dans ce camp, ils
ἀναιρέσεως, τῶν γυναικῶν étaient à l'abri d'une surprise
τινας ἐκόλασεν ὡς de la part de l'ennemi; ils
ἐπιβεβουλευκυίας καὶ τὰ détachèrent ensuite l'élite
περὶ τὴν ἐκ φορὰν des Numides avec l'ordre de
βασιλικῶς ἐφιλοκάλησεν. harceler les Grecs et de les
Κλεοπάτρα μὲν οὖν empêcher de se porter en
περιμάχητος γενομένη avant. Cet ordre fut exécuté.
παρὰ τοῖς ἐπιφανεστάτοις Agathocle envoya contre ces
ἡγεμόσι πρὸ τοῦ Numides des frondeurs et
συντελεσθῆναι τὸν γάμον des archers, tandis qu'il
τοιαύτης ἔτυχε marchait lui-même avec le
καταστροφῆς. Ἡμεῖς δὲ reste de son armée sur le
διεληλυθότες τὰ κατὰ τὴν camp ennemi. Devinant le
Ἀσίαν καὶ τὴν Ἑλλάδα dessein d'Agathocle, les
μεταβιβάσομεν τὸν λόγον Carthaginois firent sortir
ἐπὶ τὰ ἄλλα μέρη τῆς leurs troupes du camp et les
οἰκουμένης. rangèrent en bataille. Voyant

XXXVIII. Κατὰ γὰρ τὴν Agathocle traverser déjà la

Λιβύην Καρχηδονίων rivière, ils tombèrent sur lui

ἐκπεμψάντων δύναμιν τὴν en colonnes serrées, et,

προσαξομένην τοὺς comme le passage de la

ἀφεστηκότας Νομάδας rivière était difficile, ils

Ἀγαθοκλῆς ἐπὶ μὲν τοῦ tuèrent un grand nom- 147

Τύνητος ἀπέλιπεν bre d'ennemis. Mais les

Ἀρχάγαθον τὸν υἱὸν μετὰ Grecs, qui cherchaient à

μέρους τῆς στρατιᾶς, forcer ce passage,

αὐτὸς δ´ ἀναλαβὼν τοὺς déployèrent une valeur

κρατίστους, πεζοὺς μὲν supérieure à celle des

ὀκτακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ Barbares qui l'emportaient

ὀκτακοσίους, ζεύγη δὲ en nombre. Les deux armées

Λιβύων πεντήκοντα, κατὰ se battaient déjà depuis

σπουδὴν ἐπηκολούθει τοῖς longtemps, lorsque les

πολεμίοις. Οἱ δὲ Numides se retirèrent des

Καρχηδόνιοι deux côtés du champ de

παραγενηθέντες εἰς τοὺς bataille, et attendirent la fin


Νομάδας τοὺς du combat dans l'intention
καλουμένους Ζούφωνας, de piller les bagages du parti
πολλοὺς τῶν ἐγχωρίων vaincu. Agathocle, entouré
προσηγάγοντο καὶ τῶν de l'élite de ses soldats,
ἀφεστηκότων ἐνίους εἰς enfonça les bataillons
τὴν προ ϋπάρχουσαν ennemis, et détermina par
ἀποκατέστησαν cette déroute la fuite du
συμμαχίαν· ἐπεὶ δ´ reste des Barbares. Un corps
ἤκουσαν πλησίον εἶναι de cavalerie grecque, qui
τοὺς πολεμίους, servait dans les rangs des
κατεστρατοπέδευσαν ἐπί Carthaginois, et qui était
τινος γεωλόφου commandé par Clinon,
περιεχομένου ῥείθροις soutint seul le choc des
βαθέσι καὶ δυσπεράτοις. troupes d'Agatocle. Mais
Καὶ πρὸς μὲν τὰς presque tous les hommes de
ἀπροσδοκήτους ἐπι θέσεις ce corps, ayant fait des
τῶν ἐναντίων ταῦτα prodiges de valeur,
προεβάλοντο, τῶν δὲ moururent glorieusement sur
Νομάδων τοὺς μάλιστ´ le champ de bataille. Le
εὐθέτους προσέταξαν reste fut assez heureux pour
ἐπακολουθεῖν τοῖς échapper au carnage.
Ἕλλησιν καὶ XXXIX. Agathocle cessa
παρενοχλοῦντας κωλύειν la poursuite, et marcha
αὐτῶν τὴν εἰς contre les Barbares qui
τοὔμπροσθεν πορείαν. Ὧν s'étaient réfugiés dans leur
ποιησάντων τὸ camp. Dans cette nouvelle
προσταχθὲν Ἀγαθοκλῆς ἐπὶ attaque, Agathocle eut
μὲν τούτους ἀπέστειλε autant à lutter contre la
τούς τε σφενδονήτας καὶ difficulté du chemin que
τοξότας, αὐτὸς δὲ μετὰ contre les Carthaginois eux-
τῆς ἄλλης δυνάμεως mêmes. Néanmoins il ne
ὥρμησεν ἐπὶ τὴν {ἄλλην} démentit pas son audace, et,
στρατοπεδείαν τῶν exalté par la victoire, il
πολεμίων. Οἱ δὲ brûlait d'emporter d'assaut
Καρχηδόνιοι τὴν ἐπίνοιαν le camp des Carthaginois.
αὐτοῦ κατανοήσαντες Pendant ce temps, les
ἐξήγαγον τὴν στρατιὰν ἐκ Numides, qui attendaient
τῆς παρεμβολῆς καὶ l'issue de la bataille, ne
παρατάξαντες ἕτοιμοι pouvaient pas se jeter sur les
πρὸς μάχην bagages des Carthaginois,
καθειστήκεισαν. Ἐπεὶ δ´ parce que la lutte entre les
ἑώρων τοὺς περὶ τὸν deux armées avait lieu trop
Ἀγαθοκλέα διαβαίνοντας près du camp; ils se
ἤδη τὸν ποταμόν, portèrent donc sur celui des
συντεταγμένοι ἐνέβαλον Grecs, voyant qu'Agathocle
καὶ περὶ τὸ ῥεῖθρον sen était très éloigné. Les
δυσπέρατον ὑπάρχον Numides pénétrèrent ainsi
πολλοὺς τῶν ἐναντίων facilement dans le camp
ἀνῄρουν. Προσβιαζομένων laissé sans défense ; ils
δὲ τῶν μετ´ Ἀγαθοκλέους tuèrent le petit nombre de
οἱ μὲν Ἕλληνες ταῖς ceux qui leur opposaient
ἀρεταῖς ὑπερεῖχον, οἱ δὲ quelque résistance, et firent
βάρβαροι τοῖς πλήθεσι une foule de prisonniers ainsi
περιεγίνοντο. Ἔνθα δὴ τῶν qu'un immense butin.
στρατοπέδων ἐπὶ πολὺν Prévenu de cette attaque,
χρόνον φιλοτίμως Agathocle se tourna
ἀγωνιζομένων οἱ παρ´ rapidement contre les
ἀμφοτέροις Νομάδες τῆς Numides, leur reprit une
μὲν μάχης ἀφειστήκεισαν, partie des bagages ; mais la
ἐπετήρουν δὲ τὸ τέλος τοῦ plus grande partie resta
κινδύνου, δι εγνωκότες entre les mains des Numides
τῶν ἡττημένων τὰς qui, à la faveur de la nuit,
ἀποσκευὰς διαρπάσαι. s'éloignèrent à une grande
Ἀγαθοκλῆς δὲ τοὺς distance. Agathocle éleva un
ἀρίστους ἔχων περὶ αὑτὸν trophée, et partagea les
πρῶτος ἐβιάσατο τοὺς dépouilles entre ses soldats,
ἀνθεστηκότας καὶ τῇ afin de les dédommager de
τούτων τροπῇ τοὺς celles qu'ils venaient de
λοιποὺς βαρβάρους φυγεῖν perdre. Quant aux
ἐποίησεν· μόνοι δὲ τῶν prisonniers grecs qui avaient
ἱππέων οἱ συναγωνιζόμενοι servi dans l'armée des
τοῖς Καρχηδονίοις Carthaginois, il les fit 148

Ἕλληνες, ὧν Κλίνων déposer dans une place


ἡγεῖτο, τοὺς περὶ τὸν forte. Ces prisonniers,
Ἀγαθοκλέα βαρεῖς redoutant la vengeance du
ἐπικειμένους ὑπέστησαν. tyran, attaquèrent pendant
Ἀγωνισαμένων δ´ αὐ τῶν la nuit la garnison de la
λαμπρῶς οἱ πλεῖστοι μὲν forteresse; vaincus dans un
ἀνῃρέθησαν μαχόμενοι combat, ils allèrent occuper
γενναίως, οἱ δὲ une position forte, au
περιλειφθέντες τύχῃ τινὶ nombre de mille environ,
διεσώθησαν. dont plus de cinq cents

XXXIX. δ´ Ἀγαθοκλῆς Syracusains. Informé de cet

ἀφεὶς τὸ διώκειν τούτους événement Agathocle arriva

ὥρμησεν ἐπὶ τοὺς avec son armée, entra en

καταφυγόντας βαρβάρους négociation avec les Grecs

εἰς τὴν παρεμβολὴν καὶ qui, sur la foi d'un traité,

προσβιαζόμενος τόποις quittèrent la hauteur où ils

προσάντεσι καὶ s'étaient retirés. A peine en

δυσπροσίτοις οὐχ ἧττον furent-ils descendus

ἔπασχεν διετίθει τοὺς qu'Agathocle les passa tous

Καρχηδονίους. Οὐ μὴν au fil de l'épée.

ἔληγε τῆς τόλμης, ἀλλὰ τῇ XL. Après ce combat,


νίκῃ μετεωριζόμενος Agathocle prit toutes ses
ἐνέκειτο, διαλαμβάνων mesures pour arriver à une
κατὰ κράτος αἱρήσειν τὴν soumission complète des
στρατοπεδείαν. Ἐν Carthaginois. Il envoya
τοσούτῳ δὲ τὸ τέλος τῆς d'abord à Cyrène, auprès
μάχης καραδοκοῦντες οἱ d'Ophellas (22), le
Νομάδες ταῖς μὲν τῶν Syracusain Orthon. Ophellas
Καρχηδονίων ἀποσκευαῖς avait fait toutes les
οὐχ οἷοί τε ἦσαν ἐπιθέσθαι campagnes d'Alexandre dont
διὰ τὸ τὰς δυνάμεις il avait été l'ami; maître des
ἀμφοτέρας πλησίον τῆς villes de la Cyrénaïque et de
παρεμβολῆς ἀγωνίζεσθαι, forces nombreuses, il
ἐπὶ δὲ τὴν τῶν Ἑλλήνων prétendait à une
στρατοπεδείαν ὥρμησαν, souveraineté plus grande.
εἰδότες τὸν Ἀγαθοκλέα Ophellas était dans ces
μακρὰν ἀπεσπασμένον. espérances, lorsque arriva
Ἐρήμου δ´ αὐτῆς οὔσης l'envoyé d'Agathocle, qui le
τῶν δυναμένων ἀμύνασθαι pria de prendre part à la
ῥᾳδίως ἐπιπεσόντες τοὺς guerre contre les
μὲν ἀντιστάντας ὀλίγους Carthaginois, et lui annonça
ὄντας ἀπέκτειναν, qu'en retour de ce service,
αἰχμαλώτων δὲ πλήθους Agathocle le laisserait maître
καὶ τῆς ἄλλης ὠφελείας de la Libye. La possession de
ἐκυρίευσαν. δὴ πυθόμενος la Sicile, ajouta Orthon, suffit
Ἀγαθοκλῆς ἦγε κατὰ τάχος à Agathocle qui, une fois
τὴν δύναμιν καὶ τινὰ μὲν débarrassé des Carthaginois,
τῶν ἀφηρπασμένων se rendra impunément
ἀνέσωσε, τῶν δὲ πλείστων maître de toute l'île;
οἱ Νομάδες ἐκυρίευον καὶ d'ailleurs il a devant lui
νυκτὸς ἐπιγενομένης l'Italie dans le cas où il
μακρὰν ἑαυτοὺς voudrait augmenter ses
ἐξετόπισαν. δὲ δυνάστης domaines; enfin, la Libye
στήσας τρόπαιον τὰ μὲν séparée de la Sicile par une
λάφυρα διείλετο τοῖς vaste mer, dangereuse à
στρατιώταις, ὅπως μηδεὶς traverser, ne convient
ἀγανακτήσῃ περὶ τῶν nullement à Agathocle : il y
ἀπολωλότων, τοὺς δ´ est venu non par ambition,
αἰχμαλώτους Ἕλληνας mais par nécessité. Ophellas
τοὺς συστρατευσαμένους voyant ainsi flatter les
τοῖς Καρχηδονίοις εἴς τι espérances qu'il nourrissait
φρούριον ἀπέθετο. Οὗτοι depuis longtemps, accepta
μὲν οὖν εὐλαβούμενοι τὴν avec joie la proposition
ἀπὸ τοῦ δυνάστου d'Agathocle. Il envoya aussi
τιμωρίαν νυκτὸς ἐπέθεντο une députation aux
τοῖς ἐν τῷ φρουρίῳ καὶ τῇ Athéniens pour conclure
μάχῃ κρατούμενοι avec eux une alliance, car
κατελάβοντο τόπον Ophellas avait épousé
ἐρυμνόν, ὄντες οὐκ Euthydice, fille d'un Miltiade
ἐλάττους τῶν χιλίων, ὧν qui faisait remonter son
ἦσαν Συρακόσιοι πλείους origine au vainqueur de
τῶν πεντακοσίων· Marathon. Ce mariage et
Ἀγαθοκλῆς δὲ πυθόμενος d'autres services lui avaient
τὸ πεπραγμένον ἧκε μετὰ acquis la faveur des
τῆς δυνάμεως καὶ Athéniens, dont un grand
καταβιβάσας ὑποσπόνδους nombre s'em- 149 pressèrent
τοὺς ἐπιθεμένους ἅπαν τας de prendre service dans
ἀπέσφαξεν. l'armée d'Ophellas.

XL. Ἀπὸ δὲ τῆς μάχης Beaucoup d'autres Grecs

ταύτης γενόμενος καὶ s'associèrent volontiers à

πάντα τῇ διανοίᾳ cette expédition, espérant se

σκοπούμενος πρὸς τὸ mettre en possession d'une

λαβεῖν τοὺς Καρχηδονίους grande partie du territoire

ὑποχειρίους ἐξέπεμψε libyen et d'avoir leur part de

πρεσβευτὴν Ὄρθωνα τὸν richesses au sac de

Συρακόσιον πρὸς Ὀφέλλαν Carthage. A cette époque, la

εἰς Κυρήνην. Οὗτος δ´ ἦν Grèce avait été affaiblie par

μὲν τῶν φίλων τῶν les guerres continuelles que

συνεστρατευμένων des souverains ambitieux

Ἀλεξάνδρῳ, κυριεύων δὲ s'étaient faites entre eux. Il

τῶν περὶ Κυρήνην πόλεων n'était donc pas étonnant de

καὶ δυνάμεως ἁδρᾶς voir les Grecs animés du

περιεβάλετο ταῖς ἐλπίσι désir non seulement de


μείζονα δυναστείαν. s'enrichir, mais de se
Τοιαύτην οὖν αὐτοῦ soustraire aux maux de leur
διάνοιαν ἔχοντος ἧκεν patrie.
παρ´ Ἀγαθοκλέους
πρεσβευτής, ἀξιῶν
συγκαταπολεμῆσαι
Καρχηδονίους· ἀντὶ δὲ
ταύτης τῆς χρείας
ἐπηγγέλλετο τὸν
Ἀγαθοκλέα συγχωρήσειν
αὐτῷ τῶν ἐν Λιβύῃ
πραγμάτων κυριεύειν.
Εἶναι γὰρ ἱκανὴν αὐτῷ τὴν
Σικελίαν, ἵν´ ἐξῇ τῶν ἀπὸ
τῆς Καρχηδόνος κινδύνων
ἀπαλλαχθέντα μετ´ ἀδείας
κρατεῖν ἁπάσης τῆς νήσου·
παρακεῖσθαι δὲ καὶ τὴν
Ἰταλίαν αὐτῷ πρὸς
ἐπαύξησιν τῆς ἀρχῆς, ἐὰν
κρίνῃ μειζόνων ὀρέγεσθαι.
Τὴν μὲν γὰρ Λιβύην
διεζευγμένην μεγάλῳ καὶ
χαλεπῷ πελάγει μηδαμῶς
ἁρμόζειν αὐτῷ, εἰς ἣν καὶ
νῦν οὐ κατ´ ἐπιθυμίαν,
ἀλλὰ κατ´ ἀνάγκην
ἀφῖχθαι. δὲ Ὀφέλλας τῇ
πάλαι βεβουλευμένῃ κρίσει
προστεθείσης τῆς
γενομένης ἐλπίδος
ἀσμένως ὑπήκουσε καὶ
πρὸς μὲν Ἀθηναίους περὶ
συμμαχίας διεπέμπετο,
γεγαμηκὼς Εὐθυ δίκην τὴν
Μιλτιάδου θυγατέρα τοῦ
τὴν προσηγορίαν φέροντος
εἰς τὸν στρατηγήσαντα
τῶν ἐν Μαραθῶνι
νικησάντων. Διὰ δὴ ταύτην
τὴν ἐπιγαμίαν καὶ τὴν
ἄλλην σπουδήν, ἣν
ὑπῆρχεν ἀποδεδειγμένος
εἰς τὴν πόλιν, καὶ πολλοὶ
τῶν Ἀθηναίων προθύμως
ὑπήκουσαν εἰς τὴν
στρατείαν. Οὐκ ὀλίγοι δὲ
καὶ τῶν ἄλλων Ἑλλήνων
ἔσπευδον κοινωνῆσαι τῆς
ἐπιβολῆς, ἐλπίζοντες τήν
τε κρατίστην τῆς Λιβύης
κατακληρουχήσειν καὶ τὸν
ἐν Καρχηδόνι διαρπάσειν
πλοῦτον. Τὰ μὲν γὰρ κατὰ
τὴν Ἑλλάδα διὰ τοὺς
συνεχεῖς πολέμους καὶ τὰς
τῶν δυναστῶν πρὸς
ἀλλήλους φιλοτιμίας
ἀσθενῆ καὶ ταπεινὰ
καθειστήκει· ὥσθ´
ὑπελάμβανον μὴ μόνον
ἐγκρατεῖς ἔσεσθαι πολλῶν
ἀγαθῶν, ἀλλὰ καὶ τῶν
παρόντων κακῶν
ἀπαλλαγήσεσθαι.

XLI. δ´ οὖν Ὀφέλλας, XLI. Après avoir fait tous


ἐπειδὴ πάντ´ αὐτῷ πρὸς ses préparatifs de guerre,
τὴν στρατείαν Ophellas ouvrit la campagne
κατεσκεύαστο λαμπρῶς, avec une armée de plus de
ἐξώρμησε μετὰ τῆς dix mille hommes
δυνάμεως, ἔχων πεζοὺς d'infanterie, de six cents
μὲν πλείους τῶν μυρίων, cavaliers, de cent chars de
ἱππεῖς δὲ ἑξακοσίους, guerre, montés par plus de
ἅρματα δὲ ἑκατόν, trois cents hommes, tant
ἡνιόχους δὲ καὶ conducteurs que
παραβάτας πλείους τῶν combattants; enfin plus de
τριακοσίων. ἠκολούθουν dix mille hommes non
δὲ καὶ τῶν ἔξω τάξεως enrégimentés
λεγομένων οὐκ ἐλάττους accompagnaient cette
μυρίων· πολλοὶ δὲ τούτων armée. Beaucoup d'entre
τέκνα καὶ γυναῖκας καὶ τὴν eux amenaient leurs femmes
ἄλλην παρασκευὴν ἦγον, et leurs enfants, de manière
ὥστε ἐμφερῆ τὴν στρατιὰν que l'armée ressemblait à
ὑπάρχειν ἀποικίᾳ. une colonie. Après dix-huit
Ὀκτωκαίδεκα μὲν οὖν jours de marche,
ἡμέρας ὁδοιπορήσαντες comprenant un espace de
καὶ διελθόντες σταδίους trois mille stades, Ophellas
τρισχιλίους κατ vint camper près
εσκήνωσαν περὶ Αὐτόμαλα· d'Automola. De là il continua
ἐντεῦθεν δὲ πορευομένοις sa route, et arriva au pied
ὑπῆρχεν ὄρος ἐξ d'une montagne escarpée au
ἀμφοτέρων τῶν μερῶν milieu de laquelle se trouvait
ἀπόκρημνον, ἐν μέσῳ δ´ un ravin profond d'où
ἔχον φάραγγα βαθεῖαν, ἐξ s'élevait un rocher lisse taillé
ἧς ἀνέτεινε λισσὴ πέτρα à pic. Au pied de ce rocher
πρὸς ὀρθὸν ἀνατείνουσα existait une caverne
σκόπελον· περὶ δὲ τὴν spacieuse, ombragée de
ῥίζαν αὐτῆς ἄντρον ἦν lierre et de smilax. C'est là
εὐμέγεθες, κιττῷ καὶ que la tradition place le
σμίλακι συνηρεφές, ἐν séjour de la reine Lamia,
μυθεύουσι γεγονέναι célèbre par sa beauté, mais
βασίλισσαν Λάμιαν τῷ qui, en raison de sa cruauté,
κάλλει διαφέρουσαν· διὰ eut plus tard la figure
δὲ τὴν τῆς ψυχῆς changée en celle d'un animal
ἀγριότητα διατετυπῶσθαί féroce. On raconte en effet
φασι τὴν ὄψιν αὐτῆς τὸν qu'après avoir perdu tous
μετὰ ταῦτα χρόνον ses enfants, poussée par le
θηριώδη. Τῶν γὰρ chagrin et par la jalousie
γινομένων αὐτῇ παίδων envers les autres femmes
ἁπάντων τελευτώντων plus heureuses qu'elle, elle
βαρυθυμοῦσαν ἐπὶ τῷ ordonna que l'on arrachât,
πάθει καὶ φθονοῦσαν ταῖς les enfants des bras de leurs
τῶν ἄλλων γυναικῶν mères et qu'on les fit mourir
εὐτεκνίαις κελεύειν ἐκ τῶν sur-le-champ. Cette tradition
ἀγκαλῶν ἐξαρπάζεσθαι τὰ s'est conservée jusqu'à nos
βρέφη καὶ παραχρῆμα jours où l'on fait peur aux
ἀποκτέννειν. Διὸ καὶ καθ´ enfants en prononçant le
ἡμᾶς μέχρι τοῦ νῦν βίου nom de la reine Lamia. On
παρὰ τοῖς νηπίοις raconte encore que, lorsque
διαμένειν τὴν περὶ τῆς cette reine était ivre, elle
γυναικὸς ταύτης φήμην permettait à ses sujets de
καὶ φοβερωτάτην αὐτοῖς faire impunément tout ce
εἶναι τὴν ταύτης qu'ils voulaient; et comme
προσηγορίαν. Ὅτε δὲ elle ne s'inquiétait alors de
μεθύσκοιτο, τὴν ἄδειαν rien de ce qui se passait
διδόναι πᾶσιν βούλοιντο dans le pays, on s'imagina
ποιεῖν ἀπαρατηρήτως. Μὴ qu'elle était aveugle. C'est
πολυπραγμονούσης οὖν pourquoi l'on dit,
αὐτῆς κατ´ ἐκεῖνον τὸν métaphoriquement, de ceux
χρόνον τὰ γινόμενα τοὺς auxquels le vin a fait
κατὰ τὴν χώραν commettre un acte de
ὑπολαμβάνειν μὴ βλέπειν coupable négligence, qu'ils
αὐτήν· καὶ διὰ τοῦτ´ ont jeté leurs yeux 150 dans
ἐμυθολόγησάν τινες ὡς εἰς un sac, comme pour indiquer
ἄρσιχον ἐμβάλοι τοὺς que le vin ôte la vue.
ὀφθαλμούς, τὴν ἐν οἴνῳ Euripide lui-mème semble
συντελου μένην ὀλιγωρίαν attester que Lamia était née
εἰς τὸ προειρημένον en Libye, lorsqu'il dit : « Quel
μέτρον μετα φέροντες, ὡς est le mortel qui ne connaît
τούτου παρῃρημένου τὴν pas le nom odieux de cette
ὅρασιν. Ὅτι δὲ κατὰ τὴν Lamia, Libyenne de
Λιβύην γέγονεν αὕτη καὶ naissance ? »
τὸν Εὐριπίδην δείξαι τις ἂν XLII. Ophellas, à la tête
μαρτυροῦντα· λέγει γὰρ de ses troupes, traversa le
« Τίς τοὔνομα τὸ désert, infesté d'animaux
ἐπονείδιστον βροτοῖς οὐκ sauvages; il y eut beaucoup
οἶδε Λαμίας τῆς à souffrir du manque d'eau
Λιβυστικῆς γένος;» et de vivres, et faillit perdre

XLII. γ´ οὖν Ὀφέλλας toute son armée (23). On

ἀναλαβὼν τὴν δύναμιν trouve aux environs des

προῆγεν διὰ τῆς ἀνύδρου syrtes beaucoup de serpents

καὶ θηριώδους ἐπιπόνως· d'espèces variées, dont la

οὐ μόνον γὰρ ὕδατος plupart sont venimeux (24).

ἐσπάνιζεν, ἀλλὰ καὶ τῆς Les soldats qui en étaient

ξηρᾶς τροφῆς mordus éprouvaient les plus

ἀπολιπούσης ἐκινδύνευσεν graves accidents, d'autant

ἅπαν ἀπολέσαι τὸ plus qu'ils n'avaient ni

στρατόπεδον. Δακέτων δὲ médecins ni amis à leur

θηρίων παντοίων secours. Quelques-uns de

ἐπεχόντων τὰ περὶ τὰς ces serpents, ayant la

Σύρτεις ἔρημα καὶ τῶν couleur de leur peau peu

πλείστων ὀλέθριον différente de celle du sol, ne

ἐχόντων τὸ δῆγμα πολλῇ pouvaient être distingués

τῇ συμφορᾷ περιέπιπτον, par les soldats, qui les


foulaient sous les pieds et en
ἀβοήθητον ἔχοντες τὴν ἐκ recevaient des morsures
τῶν ἰατρῶν καὶ φίλων ἐπι mortelles. Enfin, après plus
κουρίαν. Καὶ γὰρ ἔνιοι τῶν de deux mois de marche et
ὄφεων ὁμοίαν ἔχοντες τὴν de fatigues, Ophellas parvint
χρόαν τῇ κατ´ αὐτοὺς à joindre Agathocle; leurs
οὔσῃ χώρᾳ τὴν ἰδίαν φύσιν camps se dressèrent à peu
ἀπροόρατον ἐποίουν· οἷς de distance l'un de l'autre.
πολλοὶ διὰ τὴν ἄγνοιαν Les Carthaginois furent
ἐπιβαίνοντες δήγμασι consternés en apprenant la
θανατηφόροις περιέπιπτον. jonction de ces deux armées.
Τέλος δὲ κατὰ τὴν Agathocle alla au-devant
ὁδοιπορίαν πλεῖον δύο d'Ophellas, lui fournit
μῆνας κακο παθήσαντες amicalement toutes les
μόγις διήνυσαν πρὸς τοὺς subsistances nécessaires, et
περὶ Ἀγαθοκλέα καὶ βραχὺ l'engagea à faire reposer ses
διαχωρίσαντες ἀπ´ troupes de leurs fatigues, il
ἀλλήλων τὴν δύναμιν passa quelques jours à
κατεστρατοπέδευσαν. Εἶθ´ examiner les dispositions du
οἱ μὲν Καρχηδόνιοι camp de ses nouveaux
πυθόμενοι τὴν τούτων alliés; lorsqu'il eut remarqué
παρουσίαν κατεπλάγησαν, que la plupart des soldats
ὁρῶντες τηλικαύτην s'étaient répandus dans la
δύναμιν κατ´ αὐτῶν campagne pour se procurer
ἥκουσαν· δ´ Ἀγαθοκλῆς du fourrage et des vivres, et
ἀπαντήσας τοῖς περὶ τὸν qu'Ophellas était dans la
Ὀφέλλαν καὶ φιλο φρόνως plus grande insouciance,
ἅπαντα χορηγήσας Agathocle convoqua une
τούτους μὲν ἠξίου τὴν assemblée de ses troupes. Il
στρατιὰν ἀναλαμβάνειν ἐκ y insinua qu'Ophellas, venu
τῆς κακοπαθείας, αὐτὸς δὲ sous prétexte d'alliance,
ἐπιμείνας ἡμέρας ὀλίγας n'était qu'un traître; puis,
καὶ κατασκεψάμενος après avoir enflammé les
ἕκαστα τῶν πραττομένων esprits, il marcha sur-le-
ἐν τῇ παρεμβολῇ τῶν champ contre les Cyrénéens.
παρόντων, ἐπεὶ τὸ πλεῖον Surpris d'une attaque aussi
μέρος τῶν στρατιωτῶν ἐπὶ imprévue, Ophellas essaya
χορτάσματα καὶ néanmoins de se défendre;
σιτολογίαν ἐξεληλύθει, τὸν mais il lui fut impossible de
δὲ Ὀφέλλαν ἑώρα μηδὲν résister, avec des forces
τῶν ὑφ´ ἑαυτοῦ inférieures en nombre, à un
βεβουλευμένων choc aussi impétueux, et il
ὑπονοοῦντα, συνήγαγεν mourut en combattant.
ἐκκλησίαν τῶν ἰδίων Agathocle 151 obligea le reste
στρατιωτῶν, κατηγορήσας de l'armée à mettre bas les
δὲ τοῦ παρόντος ἐπὶ τὴν armes; il s'attacha les
συμμαχίαν ὡς soldats par des promesses,
ἐπιβουλεύοντος καὶ et devint ainsi maître de
παροξύνας τὸ πλῆθος toute l'armée. C'est ainsi que
εὐθὺς διεσκευασμένην τὴν périt Ophellas qui avait
δύναμιν ἦγεν ἐπὶ τοὺς nourri de grandes
Κυρηναίους. Εἶθ´ μὲν espérances et s'était trop fié
Ὀφέλλας διὰ τὸ παράδοξον à la foi du tyran.
καταπλαγεὶς ἐπεχείρησε XLIII. A Carthage,
μὲν ἀμύνασθαι, Bomilcar, aspirant depuis
καταταχούμενος δὲ καὶ longtemps à la tyrannie,
τὴν ὑπολελειμμένην cherchait une occasion
δύναμιν οὐκ ἔχων favorable pour l'exécution de
ἀξιόχρεων μαχόμενος ses projets. Plusieurs fois
ἐτελεύτησεν· δ´ cette occasion semblait
Ἀγαθοκλῆς συναναγκάσας s'offrir, mais toujours
τὸ λοιπὸν πλῆθος quelque événement de peu
ἀποθέσθαι τὰ ὅπλα καὶ d'importance l'empêchait de
φιλανθρώποις ἐπαγγελίαις la saisir; car les hommes qui
παραστησάμενος ἅπαντας veulent tenter des crimes ou
κύριος ἐγένετο τῆς de grandes entreprises sont
δυνάμεως πάσης. Ὀφέλλας superstitieux, et ils préfèrent
μὲν οὖν ἐλπίσας μεγάλα les délais à l'action; c'est ce
καὶ προχειρότερον αὑτὸν qui arriva ici. Bomilcar,
πιστεύσας τοιαύτης ἔτυχε profitant des circonstances
τῆς τοῦ βίου qui s'étaient offertes, avait
καταστροφῆς. envoyé les citoyens les plus

XLIII. Ἐν δὲ τῇ distingués combattre les

Καρχηδόνι Βορμίλκας Numides, afin qu'il n'y eût

πάλαι διανενοημένος dans la ville aucun habitant

ἐπιθέσθαι τυραννίδι καιρὸν considérable qui pût

ἐπεζήτει ταῖς ἰδίαις s'opposer à lui. Cependant,

ἐπιβολαῖς οἰκεῖον. toujours retenu par la

Πολλάκις δὲ διδόντος τοῦ crainte, il n'osait point

καιροῦ τὰς ἀφορμὰς τοῦ encore se déclarer

πράττειν τὸ ouvertement le tyran de sa

βεβουλευμένον ἀεί τις patrie. Ce fut au moment où

αἰτία μικρὰ παρεμπίπτουσα Agathocle attaquait

διεκώλυεν· δεισιδαίμονες Ophellas, que Bomilcar

γὰρ οἱ μέλλοντες ἐγχειρεῖν cherchait à s'emparer de

ταῖς παρανόμοις καὶ l'autorité suprême. Des deux

μεγάλαις πράξεσι καὶ τὸ côtés on ignorait l'état réel

μέλλειν ἀεὶ τοῦ πράττειν des choses; car si Agathocle

καὶ τὴν ὑπέρθεσιν τῆς avait eu connaissance de la

συντελείας προκρίνουσιν. tentative de Bomilcar et des

καὶ τότε συνέβαινεν καὶ troubles de Carthage, il'se

περὶ ἐκεῖνον· ἐξέπεμψε μὲν serait facilement emparé de

γὰρ τοὺς ἐπιφανεστάτους cette ville, car Bomilcar

τῶν πολιτῶν εἰς τὴν ἐπὶ aurait préféré joindre

τοὺς Νομάδας στρατείαν, Agathocle plutôt que de

ἵνα μηδένα τῶν ἀξιολόγων livrer sa personne à la

ἔχῃ τὸν ἀντιστησόμενον, vengeance de ses

οὐκ ἐτόλμα δὲ concitoyens. De même, si les

ἀποκαλύψασθαι πρὸς τὴν Carthaginois avaient eu

τυραννίδα, connaissance du dessein


μετακαλούμενος ὑπὸ τῆς d'Agathocle, ils se seraient
εὐλαβείας. Καθ´ ὃν δὲ ralliés à Ophellas, et seraient
καιρὸν Ἀγαθοκλῆς ἐπέθετο facilement venus à bout de
τοῖς περὶ τὸν Ὀφέλλαν, leur ennemi. On s'explique
ὁρμῆσαι καὶ τοῦτον cependant raisonnablement
συνέβη πρὸς τὴν cet oubli de part et d'autre
δυναστείαν, ἀγνοούντων de mettre à profit les
ἀμφοτέρων τὰ παρὰ τοῖς événements importants qui
πολεμίοις πραττόμενα. s'étaient passés à de courts
Οὔτε γὰρ Ἀγαθοκλῆς ἔγνω intervalles. En effet,
τὴν ἐπίθεσιν τῆς Agathocle, tout occupé à se
τυραννίδος καὶ τὴν ἐν τῇ débarrasser d'un ami, n'avait
πόλει ταραχήν, ἐπεὶ pas le loisir de songer à ce
ῥᾳδίως ἂν ἐκράτησε τῆς qui se passait du côté des
Καρχηδόνος· εἵλετο γὰρ ἂν ennemis. De son côté,
Βορμίλκας ἐπ´ αὐτοφώρῳ Bomilcar, absorbé par la
γενόμενος συνεργεῖν pensée d'ôter à sa patrie la
Ἀγαθοκλεῖ μᾶλλον τοῖς liberté, ne s'inquiétait guère
πολίταις δοῦναι τὴν ἐκ τοῦ des mouvements de l'armée
σώματος τιμωρίαν· οὔτε d'Agathocle ; car ce n'était
πάλιν οἱ Καρχηδόνιοι τὴν pas pour le moment
ἐπίθεσιν τὴν Ἀγαθοκλέους l'ennemi, mais ses
ἐπύθοντο· ῥᾳδίως γὰρ ἂν concitoyens qu'il voulait
αὐτὸν ἐχειρώσαντο combattre. Au reste, est-ce
προσλαβόμενοι τὴν μετ´ la faute de l'historien s'il est
Ὀφέλλα δύναμιν. Ἀλλ´, obligé d'enregistrer tant
οἶμαι, παρ´ ἀμφοτέροις d'événements divers, 152

οὐκ ἀλογίστως συνέβη arrivés dans un seul espace


γενέσθαι ταύτην τὴν de temps, et de les raconter
ἄγνοιαν, καίπερ μεγάλων dans un ordre chronologique,
μὲν οὐσῶν τῶν πράξεων, nécessité par la nature
ἐγγὺς δ´ ἀλλήλων même du sujet? La réalité
ἐπικεχειρηκότων τοῖς des choses offre un tableau
τηλικούτοις τολμήμασιν· animé ; l'histoire qui la décrit
τε γὰρ Ἀγαθοκλῆς ἄνδρα ne peut jamais donner qu'un
φίλον μέλλων ἀναιρεῖν faible reflet de la réalité.
πρὸς οὐδὲν ἐπέβαλλε τὴν XLIV. Bomilcar fit la
διάνοιαν τῶν παρὰ τοῖς revue de ses troupes à
πολεμίοις συν τελουμένων, Néapolis, située à peu de
τε Βορμίλκας τὴν τῆς distance de l'ancienne
πατρίδος ἐλευθερίαν Carthage (25). Il congédia
ἀφαιρούμενος οὐδὲν ὅλως [les soldats sur lesquels il ne
ἐπολυπραγμόνει τῶν παρὰ pouvait pas compter], garda
τοῖς près de lui ceux qui étaient
ἀντιστρατοπεδεύουσιν, ὡς initiés à ses projets, et, à la
ἂν ἔχων προκείμενον ἐν τῇ tête de cinq cents citoyens
ψυχῇ τὸ μὴ τοὺς πολεμίους et de quatre mille
ἐπὶ τοῦ παρόντος, ἀλλὰ mercenaires, il se proclama
τοὺς πολίτας tyran de sa patrie. Divisant
καταπολεμῆσαι. Ταύτῃ δ´ ensuite ses soldats en cinq
ἄν τις καὶ τὴν ἱστορίαν corps, il égorgea dans les
καταμέμψαιτο, θεωρῶν ἐπὶ rues tous les habitants qui
μὲν τοῦ βίου πολλὰς καὶ s'opposaient à son passage.
διαφόρους πράξεις Un tumulte et une confusion
συντελουμένας κατὰ τὸν effroyables s'élevèrent dans
αὐτὸν καιρόν, τοῖς δ´ la ville : les Carthaginois
ἀναγράφουσιν ἀναγκαῖον crurent d'abord que la ville
ὑπάρχον τὸ μεσολαβεῖν était livrée, et que l'ennemi y
τὴν διήγησιν καὶ τοῖς ἅμα avait pénétré; mais lorsqu'on
συντελουμένοις μερίζειν apprit la vérité, toute la
τοὺς χρόνους παρὰ φύσιν, jeunesse courut aux armes
ὥστε τὴν μὲν ἀλήθειαν et marcha contre le tyran.
τῶν πεπραγμένων τὸ Cependant Bomilcar,
πάθος ἔχειν, τὴν δ´ balayant tout le monde
ἀναγραφὴν ἐστερημένην devant lui, se porta sur la
τῆς ὁμοίας ἐξουσίας place publique, atteignit
μιμεῖσθαι μὲν τὰ beaucoup de citoyens non
γεγενημένα, πολὺ δὲ armés et les massacra. Les
λείπεσθαι τῆς ἀληθοῦς Carthagingis, occupant les
διαθέσεως. maisons élevées qui

XLIV. δ´ οὖν entourent la place, lancent

Βορμίλκας ἐξετασμὸν τῶν de là une grêle de traits sur

στρατιωτῶν ποιησάμενος les insurgés. Ainsi blessés de

ἐν τῇ καλουμένῃ Νέᾳ toutes parts, les insurgés se

πόλει, μικρὸν ἔξω τῆς formèrent en colonnes

ἀρχαίας Καρχηδόνος οὔσῃ, serrées, et essayèrent, au

τοὺς μὲν ἄλλους διαφῆκε, milieu d'une grêle de

τοὺς δὲ συνειδότας περὶ projectiles, de se frayer un

τῆς ἐπιθέσεως, ὄντας passage jusqu'à Néapolis.

πολίτας μὲν πεντακοσίους, Les Carthaginois occupèrent

μισθοφόρους δὲ περὶ cependant une hauteur, et,

χιλίους , ἀνέδειξεν ἑαυτὸν appelant toute la population

τύραννον. Εἰς πέντε δὲ aux armes, ils firent face aux

μέρη τοὺς στρατιώτας rebelles. Enfin le sénat

διελόμενος ἐπῄει πάντας envoya en députation ses

τοὺς ἐν ταῖς ὁδοῖς membres les plus

ἀπαντῶντας ἀποσφάττων. considérés, conclut un

Γενομένης δὲ κατὰ τὴν accommodement en

πόλιν ταραχῆς ἐξαισίου τὸ accordant une amnistie à

μὲν πρῶτον οἱ Καρχηδόνιοι tous les rebelles, afin de ne

τοὺς πολεμίους ὑπέλαβον pas exposer la ville à de plus

παρεισπεπτωκέναι grands dangers. Cependant,

προδιδομένης τῆς πόλεως· malgré la foi jurée, Bomilcar

ὡς δ´ ἐπεγνώσθη τἀληθές, fut ignominieusement mis à

συνέτρεχον οἱ νέοι καὶ εἰς mort (26). Ainsi les

τάξεις καταστάντες Carthaginois, à la veille

ὥρμησαν ἐπὶ τὸν d'une ruine complète,

τύραννον. δὲ Βορμίλκας recouvrèrent leur ancienne

τοὺς ἐν ταῖς ὁδοῖς forme de gouvernement.


ἀναιρῶν ὥρμησεν εἰς τὴν Agathocle embarqua les
ἀγορὰν καὶ πολλοὺς τῶν dépouilles dont il venait de
πολιτῶν ἀνόπλους s'emparer, et les envoya à
καταλβὼν ἀπέκτεινε. Τῶν Syracuse ainsi que tous les
δὲ Καρχηδονίων Cyrénéens 153 inaptes au
καταλαβομένων τὰς περὶ service militaire. Les navires
τὴν ἀγορὰν οἰκίας ὑψηλὰς de transport furent assaillis
οὔσας καὶ τοῖς βέλεσι par une tempête : une partie
πυκνοῖς χρωμένων οἱ périt dans les flots, une autre
μετέχοντες τῆς ἐπιθέσεως fut jetée aux îles
κατετραυματίζοντο, τοῦ Pithécusses, situées en face
τόπου παντὸς ἐμβελοῦς de l'Italie; un petit nombre
ὄντος. Διόπερ parvint à se sauver à
κακοπαθοῦντες Syracuse.
συνέφραξαν ἑαυτοὺς καὶ En Italie, les consuls
διὰ τῶν στενωπῶν romains arrivèrent au
συνεξέπεσαν εἰς τὴν Νέαν secours des Marses en
πόλιν, βαλλόμενοι συνεχῶς guerre avec les Samnites. Ils
ἀπὸ τῶν οἰκιῶν καθ´ ἃς furent victorieux et tuèrent
τυγχάνοιεν αἰεὶ γινόμενοι. beaucoup d'ennemis. Ils
Καταλαβομένων δ´ αὐτῶν traversèrent ensuite le
ὑπερδέξιόν τινα τόπον οἱ territoire des Ombriens,
Καρχηδόνιοι τῶν πολιτῶν pénétrèrent dans la
πάντων συνδραμόντων ἐν Tyrrhénie alors en guerre
τοῖς ὅπλοις avec Rhodes, et prirent
ἀντεστρατοπέδευσαν τοῖς d'assaut la forteresse de
ἀφεστηκόσι. Τέλος δὲ Caprium. Les habitants
πρέσβεις πέμψαντες τῶν envoyèrent des députés, et
πρεσβυτάτων τοὺς une trêve de quarante ans
εὐθέτους καὶ τῶν fut conclue avec les
ἐγκλημάτων δόντες ἄφεσιν Tarquiniens, et d'une année
διελύθησαν· καὶ τοῖς μὲν seulement avec tous les
ἄλλοις οὐδὲν
ἐμνησικάκησαν διὰ τοὺς autres Tyrrhéniens.
περιεστῶτας τὴν πόλιν XLV. L'année étant
κινδύνους, αὐτὸν δὲ τὸν révolue, Anaxicrate fut
Βορμίλκαν αἰκισάμενοι nommé archonte d'Athènes
δεινῶς τοῦ ζῆν ἐστέρησαν, et les Romains élurent
οὐδὲν φροντίσαντες τῶν consuls Appius Claudius et
δεδομένων ὅρκων. Lucius Volumnius (27). A
Καρχηδόνιοι μὲν οὖν cette époque, Démétrius, fils
κινδυνεύσαντες τοῖς ὅλοις d'Antigone, quitta Ephèse
σφαλῆναι τοῦτον τὸν avec des forces de terre et
τρόπον ἐκομίσαντο τὴν de mer considérables, ainsi
πατρῴαν πολιτείαν. qu'avec un
Ἀγαθοκλῆς δὲ πλοῖα approvisionnement suffisant
φορτηγὰ γεμίσας τῶν d'armes et de machines de
λαφύρων καὶ τοὺς guerre. Son père lui avait
ἀχρήστους εἰς πόλεμον donné ordre de déclarer
τῶν ἐκ Κυρήνης libres toutes les villes de la
παραγενομένων ἐμβιβάσας Grèce, en commençant par
ἀπέστειλεν εἰς Athènes où Cassandre tenait
Συρακούσσας. Χειμώνων δ une garnison. Démétrius
´ ἐπιγενομένων μὲν entra donc dans le Pirée,
διεφθάρη τῶν πλοίων, δ´ investit la place de toutes
ἐξέπεσε πρὸς τὰς κατ´ parts, et publia une
Ἰταλίαν Πιθηκούσσας proclamation dans laquelle il
νήσους, ὀλίγα δ´ εἰς τὰς annonçait aux Athéniens le
Συρακούσσας διεσώθη. but de son expédition.

Κατὰ δὲ τὴν Ἰταλίαν οἱ Denys, commandant de la

τῶν Ῥωμαίων ὕπατοι, garnison de Munychie, et

Μαρσοῖς πολεμουμένοις Démétrius de Phalère,

ὑπὸ Σαμνιτῶν gouverneur de la ville au

βοηθήσαντες, τῇ τε μάχῃ nom de Cassandre, mirent

προετέρησαν καὶ συχνοὺς sur pied de nombreuses


troupes et défendirent les
τῶν πολεμίων ἀνεῖλον. murailles. Mais quelques
Εἶτα διὰ τῆς Ὀμβρίκων soldats d'Antigone forcèrent
χώρας διελθόντες l'enceinte, pénétrèrent dans
ἐνέβαλον εἰς τὴν l'intérieur de la place du côté
Τυρρηνίαν πολεμίαν οὖσαν du rivage, et y introduisirent
καὶ τὸ καλούμενον Κάιριον plusieurs de leurs
φρούριον ἐξεπολιόρκησαν. camarades; c'est ainsi que le
Δια πρεσβευομένων δὲ τῶν Pirée fut enlevé. Denys se
ἐγχωρίων ὑπὲρ ἀνοχῶν réfugia dans Munychie, et
πρὸς μὲν Ταρκυνιήτας εἰς Démétrius de Phalère se
ἔτη τεσσαράκοντα, πρὸς retira dans l'intérieur de la
δὲ τοὺς ἄλλους Τυρρηνοὺς ville. Le lendemain, le
ἅπαντας εἰς ἐνιαυτὸν gouverneur de la ville fut
ἀνοχὰς ἐποιήσαντο. envoyé avec plusieurs autres

XLV. Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου citoyens en députation

χρόνου διεληλυθότος auprès de Démétrius; il

Ἀθήνησι μὲν ἦρχεν conclut un accommodement

Ἀναξικράτης, ἐν Ῥώμῃ δὲ qui garantissait à Athènes

ὕπατοι κατέστησαν Ἄππιος son indépendance et à lui sa

Κλαύδιος καὶ Λεύκιος sûreté personnelle.

Οὐολόμνιος. Ἐπὶ δὲ τούτων Abdiquant le pouvoir,

Δημήτριος μὲν Ἀντιγόνου Démétrius 154 se réfugia à

παραλαβὼν παρὰ τοῦ Thèbes et plus tard en

πατρὸς δύναμιν ἁδρὰν Égypte auprès de Ptolémée.

πεζικήν τε καὶ ναυτικήν, C'est ainsi que Démétrius de

ἔτι δὲ βελῶν καὶ τῶν Phalère, après avoir

ἄλλων τῶν εἰς πολιορκίαν gouverné Athènes pendant

χρησίμων τὴν ἁρμόζουσαν dix ans, fut chassé de sa

παρασκευὴν ἐξέπλευσεν ἐκ patrie. Le peuple décerna les

τῆς Ἐφέσου· παράγγελμα δ plus grands honneurs aux

´ εἶχεν ἐλευθεροῦν πάσας auteurs de son

μὲν τὰς κατὰ τὴν Ἑλλάδα indépendance. Cependant le

πόλεις, πρώτην δὲ τὴν fils d'Antigone fit approcher


Ἀθηναίων, φρουρουμένην de Munychie les balistes et
ὑπὸ Κασάνδρου. autres machines de guerre,
Καταπλεύσαντος δ´ αὐτοῦ et se disposa à investir la
μετὰ τῆς δυνάμεως εἰς τὸν place par terre et par mer.
Πειραιᾶ καὶ πανταχόθεν Les troupes de Denys, qui se
προσβαλόντος ἐξ ἐφόδου trouvaient enfermées dans
καὶ κήρυγμα ποιησαμένου l'enceinte, se défendirent
Διονύσιος καθεσταμένος vaillamment; elles avaient
ἐπὶ τῆς Μουνυχίας d'ailleurs l'avantage des
φρούραρχος καὶ Δημήτριος lieux; car Munychie n'est pas
Φαληρεὺς ἐπιμελητὴς τῆς seulement une place
πόλεως γεγενημένος ὑπὸ naturellement forte, mais
Κασάνδρου, πολλοὺς elle est encore défendue par
ἔχοντες στρατιώτας, ἀπὸ des retranchements.
τῶν τειχῶν ἠμύνοντο. Τῶν Cependant Démétrius
δ´ Ἀντιγόνου στρατιωτῶν l'emportait par le nombre de
τινες βιασάμενοι καὶ κατὰ ses soldats et ses munitions
τὴν ἀκτὴν ὑπερβάντες de guerre. Enfin, après deux
ἐντὸς τοῦ τείχους jours de siége, la garnison,
παρεδέξαντο πλείους τῶν maltraitée par le jeu des
συναγωνιζομένων. Τὸν μὲν calapultes et des balistes, et
οὖν Πειραιᾶ τοῦτον τὸν n'étant pas soutenue par des
τρόπον ἁλῶναι συνέβη, troupes fraîches, lâcha le
τῶν δ´ ἔνδον Διονύσιος terrain; les troupes de
μὲν φρούραρχος εἰς τὴν Démétrius, au contraire,
Μουνυχίαν συνέφυγε, sans cesse relevées par des
Δημήτριος δ´ Φαληρεὺς colonnes fraîches, et
ἀπεχώρησεν εἰς ἄστυ. Τῇ δ balayant le mur par des
´ ὑστεραίᾳ πεμφθεὶς μεθ´ balistes, parvinrent à faire
ἑτέρων πρεσβευτὴς ὑπὸ évacuer Munychie, et
τοῦ δήμου πρὸς Δημήτριον pénétrèrent dans l'intérieur
καὶ περὶ τῆς αὐτονομίας de la place. La garnison fut
διαλεχθεὶς καὶ τῆς ἰδίας obligée de mettre bas les
ἀσφαλείας ἔτυχε armet, et son commandant
παραπομπῆς καὶ τὰ κατὰ Denys fut fait prisonnier.
τὰς Ἀθήνας ἀπογινώσκων XLVI. Cette expédition
ἔφυγεν εἰς τὰς Θήβας, avait été terminée en peu de
ὕστερον δὲ πρὸς jours. Démétrius détruisit
Πτολεμαῖον εἰς Αἴγυπτον. Munychie, rendit au peuple
Οὗτος μὲν οὖν ἔτη δέκα son indépendance absolue et
τῆς πόλεως ἐπιστατήσας çonclut avec les Athéniens
ἐξέπεσεν ἐκ τῆς πατρίδος un traité d'alliance. Les
τὸν εἰρημένον τρόπον. δὲ Athéniens, sur la proposition
δῆμος τῶν Ἀθηναίων de Stratoclès, décrétèrent
κομισάμενος τὴν qu'on élèverait des statues
ἐλευθερίαν ἐψηφίσατο curules en or à Antigone et à
τιμὰς τοῖς αἰτίοις τῆς Démétrius, placées à côté de
αὐτονομίας. Δημήτριος δ´ celles d'Harmodius et
ἐπιστήσας τοὺς d'Aristogiton; qu'on
πετροβόλους καὶ τὰς décernerait à Antigone et à
ἄλλας μηχανὰς καὶ τὰ Démétrius des couronnes de
βέλη προσέβαλλε τῇ la valeur de deux cents
Μουνυχίᾳ καὶ κατὰ γῆν καὶ talents ; qu'on leur
κατὰ θάλατταν. dresserait un autel avec
Ἀμυνομένων δὲ τῶν ἔνδον cette inscription : Aux
ἀπὸ τῶν τειχῶν εὐρώστως sauveurs; qu'on ajouterait
συνέβαινε τοὺς μὲν περὶ aux dix tribus anciennes
Διονύσιον προέχειν ταῖς deux tribus nouvelles sous le
δυσχωρίαις καὶ ταῖς τῶν nom de Démétriade et
τόπων ὑπεροχαῖς, οὔσης d'Antigonide; que chaque
τῆς Μουνυχίας ὀχυρᾶς οὐ année on célébrerait en leur
μόνον ἐκ φύσεως, ἀλλὰ καὶ honneur des jeux, des
ταῖς τῶν τειχῶν processions et des sacrifices;
κατασκευαῖς, τοὺς δὲ περὶ enfin que leurs images
τὸν Δημήτριον τῷ τε seraient tissues
πλήθει τῶν στρατιωτῶν annuellement dans le voile
πολλαπλασίους εἶναι καὶ de Minerve (28). Le peuple
ταῖς παρασκευαῖς πολλὰ athénien recouvra donc, 155

πλεονεκτεῖν. Τέλος δ´ ἐπὶ contre toute attente, son


δύο ἡμέρας συνεχῶς τῆς ancien gouvernement
πολιορκίας γινομένης οἱ démocratique, qui avait été
μὲν φρουροὶ τοῖς depuis quinze ans aboli par
καταπέλταις καὶ Antipater pendant la guerre
πετροβόλοις Lamiaque.
συντιτρωσκόμενοι καὶ Démétrius prit d'assaut
διαδόχους οὐκ ἔχοντες Mégare, chassa la garnison,
ἠλαττοῦντο, οἱ δὲ περὶ τὸν et rendit au peuple son
Δημήτριον ἐκ διαδοχῆς indépendance. Les
κινδυνεύοντες καὶ νεαλεῖς Mégariens, pour lui
ἀεὶ γινόμενοι, διὰ τῶν témoigner leur
πετροβόλων ἐρημωθέντος reconnaissance, lui
τοῦ τείχους, ἐνέπεσον εἰς décernèrent de grands
τὴν Μουνυχίαν καὶ τοὺς honneurs. Antigone reçut
μὲν φρουροὺς alors une députation
ἠνάγκασανθέσθαι τὰ ὅπλα, d'Athènes qui lui apporta le
τὸν δὲ φρούραρχον décret dont il vient d'être
Διονύσιον ἐζώγρησαν. parlé, et négocia en même
XLVI. Τούτων δὲ temps des vivres et des
ὀλίγαις ἡμέραις matériaux de marine.
κατευτυχηθέντων μὲν Antigone donna aux envoyés
Δημήτριος κατασκάψας cent cinquante mille
τὴν Μουνυχίαν ὁλόκληρον médimnes de blé (29) et du
τῷ δήμῳ τὴν ἐλευθερίαν bois pour la construction de
ἀποκατέστησεν καὶ φιλίαν cent navires. Il fit ensuite
καὶ συμμαχίαν πρὸς sortir d'Imbros la garnison
αὐτοὺς συνέθετο, οἱ δὲ qui l'occupait, et délivra la
Ἀθηναῖοι γράψαντος ville. Enfin, il écrivit à son fils
ψήφισμα Στρατοκλέους Démétrius de convoquer un
ἐψηφίσαντο χρυσᾶς μὲν conseil des villes alliées, et
εἰκόνας ἐφ´ ἅρματος de délibérer en commun sur
στῆσαι τοῦ τε Ἀντιγόνου les intérêts de la Grèce. Il lui
καὶ Δημητρίου πλησίον ordonna aussi de se porter
Ἁρμοδίου καὶ avec une armée dans l'île de
Ἀριστογείτονος, Cypre, et de combattre au
στεφανῶσαι δὲ plus vite les généraux de
ἀμφοτέρους ἀπὸ ταλάντων Ptolémée. Démétrius
διακοσίων καὶ βωμὸν exécuta immédiatement
ἱδρυσαμένους tous les ordres de son père.
προσαγορεῦσαι Σωτήρων, Il se rendit dans la Carie et
πρὸς δὲ τὰς δέκα φυλὰς exhorta les Rhodiens à
προσθεῖναι δύο, prendre part à la guerre
Δημητριάδα καὶ contre Ptolémée ; mais ceux-
Ἀντιγονίδα, καὶ συντελεῖν ci, préférant rester en paix
αὐτοῖς κατ´ ἐνιαυτὸν avec tout le monde, ne
ἀγῶνας καὶ πομπὴν καὶ l'écoutèrent pas. De là
θυσίαν, ἐνυφαινόντων l'origine de l'inimitié qui
αὐτοὺς εἰς τὸν τῆς Ἀθηνᾶς éclata plus tard entre les
πέπλον {κατ´ ἐνιαυτόν}. Rhodiens et Antigone.
μὲν οὖν δῆμος ἐν τῷ XLVII. Démétrius aborda
Λαμιακῷ πολέμῳ en Cilicie. Delà il s'embarqua
καταλυθεὶς ὑπ´ pour l'île de Cypre avec
Ἀντιπάτρου μετ´ ἔτη quinze mille hommes
πεντεκαίδεκα παραδόξως d'infanterie et quatre cents
ἐκομίσατο τὴν πάτριον cavaliers; il avait plus de
πολιτείαν· cent dix trirèmes légères,
ὁ δὲ Δημήτριος, cinquante-trois trirèmes de
φρουρουμένης τῆς guerre, un nombre suffisant
Μεγαρέων πόλεως, de bâtiments de transport
ἐκπολιορκήσας αὐτὴν pour le train de l'infanterie et
ἀπέδωκεν τὴν αὐτονομίαν de la cavalerie. Démétrius
τῷ δήμῳ καὶ τιμῶν vint d'abord camper sur la
ἀξιολόγων ἔτυχεν ὑπὸ τῶν côte de Carpasie; il tira ses
εὖ παθόντων. Ἀντίγονος vaisseaux à terre et entoura
δέ, παραγενομένων πρὸς son camp d'un fossé profond
αὐτὸν Ἀθήνηθεν ainsi que d'un
πρεσβευτῶν καὶ τό τε περὶ retranchement palissadé. Il
τῶν τιμῶν ἀναδόντων vint ensuite attaquer les
ψήφισμα καὶ περὶ σίτου καὶ places voisines, et prit
ξύλων εἰς ναυπηγίαν d'assaut Uranie et Carpasie.
διαλεχθέντων, ἔδωκεν Après avoir laissé un poste
αὐτοῖς πυροῦ μὲν μεδίμνων nombreux pour la défense
πεντεκαίδεκα μυριάδας, des navires, il se porta avec
ὕλην δὲ τὴν ἱκανὴν ναυσὶν son armée sur Salamine.
ἑκατόν· ἐξ Ἴμβρου δὲ τὴν Ménélas, 156 chargé par
φρουρὰν ἐξαγαγὼν Ptolémée du
ἀπέδωκεν αὐτοῖς τὴν commandement militaire de
πόλιν. Πρὸς δὲ τὸν υἱὸν l'île, avait rassemblé les
Δημήτριον ἔγραψε soldats des garnisons à
κελεύων τῶν μὲν Salamine, où il séjournait.
συμμαχίδων πόλεων Lorsque les ennemis
συνέδρους συστήσασθαι n'étaient plus qu'à quarante
τοὺς βουλευσομένους stades de distance, Ménélas
κοινῇ περὶ τῶν τῇ Ἑλλάδι sortit de la ville à la tête de
συμφερόντων, αὐτὸν δὲ douze mille hommes
μετὰ τῆς δυνάμεως εἰς d'infanterie et de huit cents
Κύπρον πλεῦσαι καὶ cavaliers. Il s'engagea peu
διαπολεμῆσαι τὴν de temps après un combat
ταχίστην πρὸς τοὺς dans lequel les troupes de
Πτολεμαίου στρατηγούς. Ménélas furent mises en
Οὗτος μὲν οὖν συντόμως déroute. Démétrius les
πάντα πράξας κατὰ τὰς poursuivit jusque dans la
ἐντολὰς τοῦ πατρὸς καὶ ville, fit au moins trois mille
κομισθεὶς ἐπὶ Καρίας prisonniers, et mille hommes
παρεκάλει τοὺς Ῥοδίους restèrent sur le champ de
πρὸς τὸν κατὰ Πτολεμαίου bataille. Démétrius amnistia
πόλεμον. Οὐ προσεχόντων ses prisonniers, et les
δ´ αὐτῶν, ἀλλὰ κοινὴν incorpora dans son armée ;
εἰρήνην αἱρουμένων ἄγειν mais ces prisonniers
πρὸς ἅπαντας ταύτην désertèrent et revinrent
ἀρχὴν συνέβη γενέσθαι τῷ auprès de Ménélas, parce
δήμῳ τῆς πρὸς Ἀντίγονον qu'ils avaient laissé leurs
ἀλλοτριότητος. bagages en Égypte, entre les

XLVII. δὲ Δημήτριος mains de Ptolémée.

παραπλεύσας εἰς Κιλικίαν Démétrius fit arrêter ces

κἀκεῖθεν ναῦς καὶ soldats indisciplinables, les

στρατιώτας embarqua et les envoya à

προσλαβόμενος διέπλευσεν Antigone, en Syrie. Antigone

εἰς τὴν Κύπρον ἔχων était alors occupé dans la

πεζοὺς μὲν μυρίους haute Syrie à fonder sur les

πεντακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ bords du fleuve Oronte une

τετρακοσίους, ναῦς δὲ ville q'ui reçut d'après lui le

ταχυναυτούσας μὲν nom d'Antigonia. Cette ville,

τριήρεις πλείους τῶν bâtie avec magnificence,

ἑκατὸν δέκα, τῶν δὲ avait soixante-dix stades de

βαρυτέρων στρατιωτίδων tour. Elle était très bien

πεντήκοντα καὶ τρεῖς καὶ située pour servir de place

πόρια τῶν παντοδαπῶν d'armes tout à la fois contre

ἱκανὰ τῷ πλήθει τῶν la Babylonie et les satrapies

ἱππέων τε καὶ πεζῶν. Καὶ supérieures, ainsi que contre

τὸ μὲν πρῶτον les satrapies intérieures et

κατεστρατοπέδευσεν ἐν τῇ celles d'Égypte. Cette ville,

παραλίᾳ τῆς Καρπασίας néanmoins, ne subsista pas

καὶ νεωλκήσας τὰ σκάφη longtemps; elle fut détruite

χάρακι καὶ τάφρῳ βαθείᾳ par Seleucus qui en transféra

τὴν παρεμβολὴν les habitants dans une autre

ὠχύρωσεν· ἔπειτα τοῖς ville fondée par lui, et

πλησιοχώροις προσβολὰς appelée Seleucia. Mais nous

ποιησάμενος εἷλε κατὰ parlerons de tout cela avec


κράτος Οὐρανίαν καὶ plus de détail en temps
Καρπασίαν, τῶν δὲ νεῶν convenable.
τὴν ἱκανὴν φυλακὴν Après la défaite qu'il
ἀπολιπὼν ἀνέζευξε μετὰ venait d'essuyer, Ménélas fit
τῆς δυνάμεως ἐπὶ τὴν mettre les murailles de la
Σαλαμῖνα. δὲ τεταγμένος ville en état de défense,
ὑπὸ Πτολεμαίου τῆς νήσου échelonna ses soldats sur les
στρατηγὸς Μενέλαος créneaux,et se prépara à
συναγαγὼν τοὺς soutenir le siége dont
στρατιώτας ἐκ τῶν Démétrius menaçait
φρουρίων διέτριβεν ἐν Salamine. Il envoya en
Σαλαμῖνι, ἀπεχόντων δὲ même temps des messagers
τεσσαράκοντα σταδίους en Égypte pour prévenir
τῶν πολεμίων ἐξῆλθεν Ptolémée de l'échec qu'il
ἔχων πεζοὺς μὲν μυρίους venait d'éprouver, et pour le
καὶ δισχιλίους, ἱππεῖς δὲ supplier de lui envoyer des
περὶ ὀκτακοσίους. secours afin de rétablir les
Γενομένης δὲ μάχης ἐπ´ affaires de l'île.
ὀλίγον χρόνον οἱ μὲν περὶ
XLVIII. Démétrius voyant
τὸν Μενέλαον
qne Salamine n'était pas une
ἐκβιασθέντες ἐτράπησαν,
prise facile, et qu'elle
δὲ Δημήτριος συνδιώξας
renfermait de nombreux
τοὺς πολεμίους εἰς τὴν
défenseurs, résolut de faire
πόλιν αἰχμαλώτους μὲν
construire d'énormes
ἔλαβεν οὐ πολὺ ἐλάττους
machines, des catapultes,
τρισχιλίων, ἀνεῖλε δὲ περὶ
des balistes et d'autres
χιλίους. Τοὺς δ´ ἁλόντας
ouvrages formidables. Dans
τὸ μὲν πρῶτον ἀπολύσας
ce but, il fit 157 venir des
τῶν ἐγκλημάτων
ouvriers de l'Asie, ainsi que
καταδιεῖλεν εἰς τὰς τῶν
du fer, du bois et d'autres
ἰδίων στρατιωτῶν τάξεις·
matériaux nécessaires à la
ἀποδιδρασκόντων δ´
construction de ces
αὐτῶν πρὸς τοὺς περὶ τὸν
Μενέλαον διὰ τὸ τὰς machines. Après s'être
ἀποσκευὰς ἐν Αἰγύπτῳ entouré de toutes ces
καταλελοιπέναι παρὰ ressources, il fit fabriquer
Πτολεμαίῳ, γνοὺς une machine, connue sous le
ἀμεταθέτους ὄντας nom d'hélépole (30), dont
ἐνεβίβασεν εἰς τὰς ναῦς chaque côté avait quarante-
καὶ πρὸς Ἀντίγονον εἰς cinq (31) coudées de largeur,
Συρίαν ἀπέστειλεν. Οὗτος et dont la hauteur était de
δὲ τοῦτον τὸν χρόνον quatre-vingt-dix coudées,
διέτριβε περὶ τὴν ἄνω divisée en neuf étages. Cette
Συρίαν, πόλιν κτίζων περὶ machine reposait sur quatre
τὸν Ὀρόντην ποταμὸν τὴν roues solides, de huit
ὠνομασμένην Ἀντιγονίαν coudées de haut. Il fit aussi
ἀφ´ ἑαυτοῦ. Κατεσκεύαζε construire d'énormes béliers
δὲ πολυτελῶς, τὴν et deux tortues porte-béliers.
περίμετρον Aux étages inférieurs de
ὑποστησάμενος σταδίων l'hélépole étaient fixées des
ἑβδομήκοντα· εὐφυὴς γὰρ balistes de diverses
ἦν τόπος ἐφεδρεῦσαι τῇ dimensions, dont les plus
τε Βαβυλῶνι καὶ ταῖς ἄνω grandes lançaient des
σατραπείαις καὶ πάλιν τῇ pierres de trois talents (32);
κάτω Συρίᾳ καὶ ταῖς ἀπ´ aux étages du milieu se
Αἰγύπτου σατραπείαις. Οὐ trouvaient les plus fortes
μὴν πολύν γε χρόνον catapultes, et les étages les
συνέβη μεῖναι τὴν πόλιν, plus élevés étaient occupés
Σελεύκου καθελόντος par les balistes et les
αὐτὴν καὶ μεταγαγόντος catapultes de moindre
ἐπὶ τὴν κτισθεῖσαν μὲν ὑπ´ dimension. Toutes ces
αὐτοῦ, ἀπ´ ἐκείνου δὲ machines, destinées à lancer
κληθεῖσαν Σελεύκειαν. des projectiles, étaient
Ἀλλὰ περὶ μὲν τούτων servies par deux cents
ἀκριβῶς ἕκαστα hommes; en s'approchant de
δηλώσομεν ἐπὶ τοὺς la ville, elles balayaient les
οἰκείους χρόνους créneaux en même temps
παραγενηθέντες· τῶν δὲ que les béliers ébranlaient
κατὰ τὴν Κύπρον οἱ περὶ les murs. Cependant les
τὸν Μενέλαον ἡττημένοι assiégés se défendirent
τῇ μάχῃ τὰ μὲν βέλη καὶ vaillamment, et ripostèrent
τὰς μηχανὰς παρεκόμισαν aux décharges des balistes
ἐπὶ τὰ τείχη καὶ τοῖς et des catapultes. Le siége
στρατιώταις διαλαβόντες durait ainsi depuis plusieurs
τὰς ἐπάλξεις jours, et on se faisait
παρεσκευάζοντο πρὸς τὸν beaucoup de mal de part et
κίνδυνον, ὁρῶντες καὶ τὸν d'autre. Enfin une brèche
Δημήτριον πρὸς s'ouvrit, et la ville allait être
πολιορκίαν ἑτοιμαζόμενον, prise d'assaut, lorsque
πρὸς δὲ Πτολεμαῖον l'approche de la nuit fit
ἀπέστειλαν εἰς Αἴγυπτον cesser le combat. Ménélas
τοὺς δηλώσοντας περὶ τῶν comprit que la ville serait
ἐλαττωμάτων καὶ perdue, s'il ne trouvait
ἀξιώσοντας βοηθεῖν, ὡς quelque nouveau moyen de
κινδυνευόντων αὐτῷ τῶν défense. Il rassembla donc
ἐν τῇ νήσῳ πραγμάτων. une grande quantité de bois

XLVIII. Δημήτριος δὲ sec qu'il fit jeter pendant la

τήν τε τῶν Σαλαμινίων nuit sur les machines de

ὁρῶν πόλιν οὐκ l'ennemi, en même temps

εὐκαταφρόνητον οὖσαν καὶ que du haut des murs on

στρατιωτῶν πλῆθος lançait des flèches tout

ὑπάρχον ἐν αὐτῇ τῶν allumées qui mirent en

ἀμυνομένων ἔκρινε flamme les ouvrages les plus

μηχανάς τε τοῖς μεγέθεσιν importants. Les soldats de

ὑπεραιρούσας Démétrius se hâtèrent

κατασκευάζειν καὶ d'accourir pour éteindre

καταπέλτας ὀξυβελεῖς καὶ l'incendie ; mais le feu avait

λιθοβόλους παντοίους καὶ déjà consumé les machines,

τὴν ἄλλην κατασκευὴν et beaucoup de soldats y


καταπληκτικήν. trouvèrent la mort.
Μετεπέμψατο δὲ καὶ Démétrius, quoique trompé
τεχνίτας ἐκ τῆς Ἀσίας καὶ dans son espérance, n'en
σίδηρον, ἔτι δ´ ὕλης continuait par moins à
πλῆθος καὶ τῆς ἄλλης bloquer la ville par terre et
χορηγίας τὴν ἐπιτήδειον par mer, persuadé qu'avec le
κατασκευήν. Ταχὺ δὲ temps il viendrait a bout de
πάντων εὐτρεπῶν αὐτῷ l'ennemi.
γενομένων συνέπηξε 158 XLIX. Lorsque
μηχανὴν τὴν Ptolémée apprit ce revers
ὀνομαζομένην ἑλέπολιν, τὸ des siens, il quitta l'Égypte
πλάτος ἔχουσαν ἑκάστην avec des forces
πλευρὰν τεσσαράκοντα καὶ considérables de terre et de
πέντε πήχεις, τὸ δ´ ὕψος mer. Ayant abordé à Paphos,
πηχῶν ἐννενήκοντα, en Cypre, il se fit fournir par
διειλημμένην στέγαις les villes des embarcations,
ἐννέα, ὑπότροχον δὲ πᾶσαν et se rendit à Citium, à deux
τροχοῖς στερεοῖς cents stades de Salamine. Il
τέσσαρσιν ὀκταπήχεσι τὸ avait sous ses ordres cent
ὕψος. Κατεσκεύασε δὲ καὶ quarante vaisseaux longs,
κριοὺς ὑπερ μεγέθεις καὶ dont les plus grands étaient
χελώνας δύο κριοφόρους. à cinq rangs de rames, et les
Τῆς δ´ ἑλεπόλεως εἰς μὲν plus petits à quatre. Ces
τὰς κάτω στέγας vaisseaux étaient suivis de
εἰσήνεγκε πετροβόλους plus de deux cents
παντοίους, ὧν ἦσαν οἱ bâtiments de guerre, qui ne
μέγιστοι τριτάλαντοι, εἰς portaient pas moins de dix
δὲ τὰς μέσας καταπέλτας mille hommes d'infanterie.
ὀξυβελεῖς μεγίστους, εἰς Ptolémée avait fait avertir
δὲ τὰς ἀνωτάτας Ménélas par quelques
ὀξυβελεῖς τε τοὺς messagers envoyés par
ἐλαχίστους καὶ terre, de lui faire parvenir
πετροβόλων πλῆθος, promptement, s'il lui était
ἄνδρας τε τοὺς possible, soixante navires,
χρησομένους τούτοις κατὰ stationnés dans le port de
τρόπον πλείους τῶν Salamine. Il espérait qu'avec
διακοσίων. Προσαγαγὼν δὲ une flotte de deux cents
τὰς μηχανὰς τῇ πόλει καὶ bâtiments qu'il réunirait il lui
πυκνοῖς χρώμενος τοῖς serait facile de défaire
βέλεσι τῇ μὲν τὰς ἐπάλξεις l'ennemi dans une bataille
ἀπέσυρε τοῖς πετροβόλοις, navale. Démétrius devina ce
τῇ δὲ τὰ τείχη διέσεισε dessein, laissa une partie de
τοῖς κριοῖς. Ἀμυνομένων son armée pour continuer le
δὲ καὶ τῶν ἔνδον siége de Salamine, et fit
εὐρώστως καὶ τοῖς embarquer l'élite de ses
μηχανήμασιν ἑτέρας troupes sur des bâtiments
μηχανὰς ἀντιταττόντων dont les proues étaient
ἐφ´ ἡμέρας μέν τινας munies de balistes et de
ἀμφίδοξος ἦν κίνδυνος, catapultes capables de
ἀμφοτέρων lancer des flèches de trois
κακοπαθούντων καὶ κατα spithames (33) de longueur.
τραυματιζομένων· τὸ δὲ Démétrius fit donc toutes ses
τελευταῖον τοῦ τείχους dispositions pour ce combat
πίπτοντος καὶ τῆς πόλεως naval, tourna la ville, et vint
κινδυνευούσης ἁλῶναι mouiller à peu de distance
κατὰ κράτος νυκτὸς de l'entrée du port, mais
ἐπιγενομένης ἔληξε τὰ τῆς hors de la portée des traits. Il
τειχομαχίας. Οἱ δὲ περὶ passa la nuit dans cette
τὸν Μενέλαον ἀκριβῶς station, s'opposant à la
εἰδότες ἁλωσομένην τὴν jonction des navires de
πόλιν, εἰ μή τι καινοτομεῖν Ménélas avec ceux de
ἐπιχειρήσειαν, ἤθροισαν Ptolémée, et se tint prêt
ὕλης ξηρᾶς πλῆθος, pour un combat naval.
ταύτην δὲ περὶ τὸ Cependant Ptolémée
μεσονύκτιον ἐμβαλόντες s'avança vers Salamine, et
ταῖς τῶν πολεμίων comme sa flotte était suivie
μηχαναῖς καὶ ἅμα πάντας des bâtiments de transport,
τοὺς πυρσοφόρους ἀπὸ elle présenta de loin l'aspect
τῶν τειχῶν ἀφέντες d'une ligne formidable.
ἀνῆψαν τὰ μέγιστα τῶν L. A l'approche de la
ἔργων. Ἄφνω δὲ τῆς flotte ennemie, Démétrius
φλογὸς εἰς ὕψος ἀρθείσης détacha le nauarque
οἱ περὶ τὸν Δημήτριον Antisthène avec dix
ἐπεχείρησαν μὲν βοηθεῖν, bâtiments à cinq rangs de
τοῦ δὲ πυρὸς rames pour se mettre à
καταταχήσαντος συνέβη l'entrée étroite du port et
τὰς μηχανὰς empêcher les bâtiments qui
κατακαυθῆναι καὶ πολλοὺς s'y trouvaient d'en sortir au
τῶν ἐν αὐταῖς ὄντων moment où le combat serait
διαφθαρῆναι. δὲ engagé; en même temps il
Δημήτριος ἀποσφαλεὶς τῆς ordonna à sa cavalerie de se
ἐλπίδος οὐδ´ ὣς ἔληγεν, tenir sur le rivage, et de
ἀλλὰ προσεκαρτέρει τῇ protéger en cas de revers
πολιορκίᾳ καὶ κατὰ γῆν καὶ ceux qui en nageant
κατὰ θάλατταν, νομίζων viendraient gagner la côte.
τῷ χρόνῳ κατα πολεμήσειν Enfin, il mit sa flotte en
τοὺς πολεμίους. ordre 159 de bataille et
XLIX. Πτολεμαῖος δὲ marcha droit à la rencontre
πυθόμενος τὴν τῶν ἰδίων des ennemis. Il avait sous
ἧτταν ἐξέπλευσεν ἐκ τῆς ses ordres plus de cent huit
Αἰγύπτου δύναμιν ἔχων bâtiments, y compris ceux
ἀξιόλογον πεζικήν τε καὶ qui avaient été enlevés des
ναυτικήν. Κατενεχθεὶς δὲ places {de la côte}; les plus
τῆς Κύπρου πρὸς τὴν grands étaient à sept rangs
Πάφον ἔκ τε τῶν πόλεων de rames, et la plupart à
παρεδέξατο τὰ σκάφη καὶ cinq. L'aile gauche était
παρέπλευσεν εἰς Κίτιον, occupée par sept navires
τῆς Σαλαμῖνος ἀπέχον phéniciens à sept rangs de
σταδίους διακοσίους. Εἶχε rames, et par trente navires
δὲ τὰς πάσας ναῦς μακρὰς athéniens à quatre rangs de
ἑκατὸν καὶ τεσσαράκοντα· rames, sous les ordres du
τούτων δ´ ἦν μεγίστη nauarque Medius. En avant
πεντήρης, δ´ ἐλαχίστη de cette ligne étaient placés
τετρήρης· στρατιωτικὰ δὲ dix bâtiments à six rangs de
πόρια ταύταις ἐπηκολούθει rames, et autant à cinq
πλείω τῶν διακοσίων, rangs; c'était l'aile la plus
ἄγοντα πεζοὺς οὐκ forte, où Démétrius se
ἐλάττους τῶν μυρίων. proposait lui-même de
Οὗτος μὲν οὖν πρὸς τὸν combattre. Le centre était
Μενέλαον κατὰ γῆν ἔπεμψέ occupé par des
τινας, διακελευόμενος τὰς embarcations légères,
ναῦς, ἂν δυνατόν, κατὰ commandées par Themison
τάχος ἐκ τῆς Σαλαμῖνος le Samien et Marsyas qui a
πρὸς αὐτὸν ἀποστεῖλαι, écrit une histoire de
οὔσας ἑξήκοντα· ἤλπιζε Macédoine (34). L'aile droite
γάρ, εἰ προσλάβοι ταύτας, était sous les ordres
ῥᾳδίως κρατήσειν τῇ d'Hégésippe d'Halicarnasse
ναυμαχίᾳ, διακοσίοις et de Plistias de Cos, le
σκάφεσιν ἀγωνιζόμενος. maître pilote de toute la
δὲ Δημήτριος νοήσας flotte. Cependant Ptolémée
αὐτοῦ τὴν ἐπιβολὴν ἐπὶ μὲν se porta en toute hâte la nuit
τῆς πολιορκίας ἀπέλιπε même sur Salamine, pensant
μέρος τῆς δυνάμεως, τὰς devancer l'ennemi, et le
δὲ ναῦς ἁπάσας πληρώσας premier entrer dans le port.
καὶ τῶν στρατιωτῶν τοὺς Mais lorsqu'à la pointe du
κρατίστους ἐμβιβάσας jour la flotte de Démétrius
βέλη καὶ πετροβόλους apparut à peu de distance,
ἐνέθετο καὶ τῶν Ptolémée se disposa de son
τρισπιθάμων ὀξυβελῶν côté au combat; il ordonna
τοὺς ἱκανοὺς ταῖς πρῴραις donc aux bâtiments de
ἐπέστησε. Κοσμήσας δὲ transport de le suivre de loin,
πολυτελῶς πρὸς et rangea les autres
ναυμαχίαν τὸν στόλον bâtiments dans un ordre
περιέπλευσε τὴν πόλιν καὶ convenable. Il occupa lui-
κατὰ τὸ στόμα τοῦ λιμένος même l'aile gauche avec les
μικρὸν ἔξω βέλους ἀφεὶς plus grands navires. Ces
τὰς ἀγκύρας dispositions faites de part et
διενυκτέρευσεν, ἅμα μὲν d'autre, les contre-maîtres
τὰς ἐκ τῆς πόλεως ναῦς (35) donnèrent le signal des
κωλύων συμμῖξαι ταῖς prières qu'on adressait,
ἄλλαις, ἅμα δὲ καραδοκῶν selon l'usage, aux dieux, et
τὸν ἐπίπλουν τῶν les équipages y répondaient
πολεμίων καὶ πρὸς à haute voix.
ναυμαχίαν ὢν ἕτοιμος. Τοῦ
δὲ Πτολεμαίου πλέοντος
ἐπὶ τὴν Σαλαμῖνα καὶ τῶν
ὑπηρετικῶν πλοίων
συνεπομένων πόρρωθεν
καταπληκτικὸν ὁρᾶσθαι
συνέβαινε τὸν στόλον διὰ
τὸ πλῆθος.

L. δὲ Δημήτριος
κατανοήσας τὸν ἐπίπλουν
Ἀντισθένην μὲν τὸν
ναύαρχον ἔχοντα ναῦς
δέκα τῶν πεντηρικῶν
ἀπέλιπε κωλύσοντα τὰς ἐκ
τῆς πόλεως ναῦς ἐπεξιέναι
πρὸς τὴν ναυμαχίαν,
ἔχοντος τοῦ λιμένος
στενὸν τὸν ἔκπλουν, τοῖς δ
´ ἱππεῦσι προσέταξε
παράγειν παρὰ τὸν
αἰγιαλόν, ἵν´ ἐάν τι
γένηται πταῖσμα,
διασώσαιεν τοὺς πρὸς τὴν
γῆν διανηξομένους. Αὐτὸς
δ´ ἐκτάξας τὰς ναῦς
ἀπήντα τοῖς πολεμίοις,
ἔχων τὰς ἁπάσας ὀκτὼ
πλείους τῶν ἑκατὸν σὺν
ταῖς πληρωθείσαις ἐκ τῶν
χωρίων τῶν ληφθέντων·
τούτων δ´ ἦσαν αἱ
μέγισται μὲν ἑπτήρεις, αἱ
πλεῖσται δὲ πεντήρεις. Καὶ
τὸ μὲν εὐώνυμον κέρας
ἐπεῖχον ἑπτήρεις ἑπτὰ
Φοινίκων, τετρήρεις δὲ
τριάκοντα τῶν Ἀθηναίων,
Μηδίου τοῦ ναυάρχου τὴν
ἡγεμονίαν ἔχοντος·
ἐπίπλους δὲ τούτοις
ἔταξεν ἑξήρεις δέκα καὶ
πεντήρεις ἄλλας
τοσαύτας, διεγνωκὼς
{ἴσως} ἰσχυρὸν
κατασκευάσαι τοῦτο τὸ
κέρας ἐφ´ οὗ καὶ αὐτὸς
ἤμελλε διαγωνίζεσθαι.
Κατὰ μέσην δὲ τὴν τάξιν
τὰ ἐλάχιστα τῶν σκαφῶν
ἔστησεν, ὧν ἡγοῦντο
Θεμίσων τε Σάμιος καὶ
Μαρσύας τὰς
Μακεδονικὰς πράξεις
συνταξάμενος. Τὸ δὲ
δεξιὸν εἶχε κέρας
Ἡγήσιππός τε
Ἁλικαρνασσεὺς καὶ
Πλειστίας Κῷος,
ἀρχικυβερνήτης ὢν τοῦ
σύμπαντος στόλου.
Πτολεμαῖος δὲ τὸ μὲν
πρῶτον ἔτι νυκτὸς ἐπέπλει
κατὰ σπουδὴν ἐπὶ τὴν
Σαλαμῖνα, νομίζων φθάσαι
τοὺς πολεμίους τὸν
εἴσπλουν ποιησάμενος· ὡς
δ´ ἡμέρας ἐπιγενομένης οὐ
μακρὰν τῶν ἐναντίων
στόλος ἐκτεταγμένος
ἑωρᾶτο, καὶ αὐτὸς τὰ πρὸς
τὴν ναυμαχίαν
παρεσκευάζετο. Τὰ μὲν οὖν
πόρια πόρρωθεν
ἐπακολουθεῖν παρήγγειλεν,
τῶν δὲ ἄλλων νεῶν τὴν
ἁρμόζουσαν τάξιν
ποιησάμενος αὐτὸς τὸ
λαιὸν κέρας διακατεῖχε,
συναγωνιζομένων αὐτῷ
τῶν μεγίστων σκαφῶν.
Τοιαύτης δὲ τῆς
διατάξεως γενομένης
εὐχὰς ἑκάτεροι τοῖς θεοῖς
ἐποιοῦντο, καθάπερ ἦν
ἔθος, διὰ τῶν κελευστῶν,
συνεπιλαβομένου καὶ τοῦ
πλήθους τῇ φωνῇ.

LI. Οἱ δὲ δυνάσται, ὡς LI. Les deux chefs


ἂν περὶ τοῦ βίου καὶ τῶν opposés, comprenant qu'il
ὅλων μέλλοντες s'agissait d'un combat où il
διακινδυνεύειν, ἐν ἀγωνίᾳ fallait vaincre ou mourir,
πολλῇ καθειστήκεισαν. sentirent leur cœur battre
Δημήτριος μὲν οὖν τῶν violemment. Démétrius, à
ἐναντίων ἀποσχὼν ὡς ἂν trois stades environ de
τρεῖς σταδίους ἦρεν τὸ distance de l'ennemi, hissa
συγκείμενον πρὸς μάχην le signal du combat; c'était
σύσσημον, ἀσπίδα un bouclier doré qui fut
κεχρυσωμένην, φανερὰν aperçu sur toute la ligne.
πᾶσιν ἐκ διαδοχῆς· τὸ Ptolémée en fit autant, et
παραπλήσιον δὲ καὶ τῶν aussitôt l'intervalle qui
περὶ Πτολεμαῖον séparait les deux flottes
ποιησάντων ταχὺ τὸ disparut. Les trompettes
διεῖργον διάστημα ayant sonné la charge et les
συνῃρέθη. Ὡς δ´ αἵ τε armées poussé le cri de
σάλπιγγες τὸ πολεμικὸν guerre, 160 tous les
ἐσήμαινον καὶ bâtiments s'attaquèrent
συνηλάλαξαν αἱ δυνάμεις avec une horrible
ἀμφότεραι, φερομένων impétuosité. Le combat eut
ἁπασῶν τῶν νεῶν εἰς d'abord lieu à coups de
ἐμβολὴν καταπληκτικῶς flèches, de javelots et de
τὸ μὲν πρῶτον τοῖς τόξοις pierres lancées par les
καὶ τοῖς πετροβόλοις, ἔτι balistes; des deux côtés il y
δὲ τοῖς ἀκοντίσμασι eut beaucoup de blessés.
πυκνοῖς χρώμενοι Puis les navires
κατετραυμάτιζον τοὺς s'approchaient; le moment
ὑποπίπτοντας· εἶτα de l'abordage était arrivé, les
συνεγγισάντων τῶν ponts étaient couverts de
σκαφῶν καὶ μελλούσης combattants, et les rameurs,
γίνεσθαι τῆς ἐμβολῆς excités par la voix des
βιαίου οἱ μὲν ἐπὶ τῶν contremaîtres, redoublaient
καταστρωμάτων d'efforts. Le premier choc fut
συγκαθῆκαν, οἱ δ´ ἐρέται terrible; quelques navires,
παρακληθέντες ὑπὸ τῶν ayant les rames brisées, ne
κελευστῶν ἐκθυμότερον pouvaient ni avancer ni
ἐνέκειντο. Ἀπὸ κράτους δὲ reculer, et les équipages
καὶ βίας ἐλαθεισῶν τῶν étaient ainsi mis hors de
νεῶν αἱ μὲν παρέσυρον combat. D'autres navires se
ἀλλήλων τοὺς ταρσούς, frappaient le front à coups
ὥστε πρὸς φυγὴν καὶ d'éperon; les soldats placés
διωγμὸν ἀχρήστους sur le pont se blessaient à
γίνεσθαι καὶ τοὺς bout portant. Quelques
ἐπιβεβηκότας ἄνδρας triérarques ordonnaient
ὡρμηκότας πρὸς ἀλκὴν l'abordage par les flancs, et
κωλύεσθαι τῆς πρὸς τὸν les navires, ainsi accrochés,
κίνδυνον ὁρμῆς· αἱ δὲ κατὰ se transformaient en un
πρῷραν τοῖς ἐμβόλοις champ de bataille sanglant;
συρράττουσαι πρύμναν les uns, en sautant à
ἀνεκρούοντο πρὸς ἄλλην l'abordage, glissèrent,
ἐμβολὴν καὶ tombèrent dans la mer, et
κατετραυμάτιζον furent sur-le-champ
ἀλλήλους οἱ ταύταις massacrés à coups de
ἐφεστῶτες, ἅτε τοῦ piques; les autres, plus
σκοποῦ σύνεγγυς ἑκάστοις heureux, se maintinrent sur
κειμένου. Τινὲς δὲ τῶν le bâtiment ennemi, tuèrent
τριηραρχῶν ἐκ πλαγίας une partie de l'équipage et
ἔτυπτον καὶ τῶν ἐμβόλων précipitèrent l'autre dans la
δυσαποσπάστως ἐχόντων mer. En un mot, des
ἐπεπήδων ἐπὶ τὰς τῶν combats variés et étranges
πολεμίων ναῦς, πολλὰ καὶ animaient la scène. Ici un
πάσχοντες δεινὰ καὶ faible équipage l'emportait
διατιθέντες· οἱ μὲν γὰρ par ses bâtiments à haut
τῶν ἐγγιζόντων τοίχων bord : là un équipage plus
ἐφαψάμενοι καὶ σφαλέντες fort fut écrasé, parce que les
τῆς βάσεως περιέπιπτον ponts étaient trop bas, et
εἰς θάλασσαν καὶ que l'inégalité des
παραχρῆμα τοῖς δόρασιν circonstances est aussi pour
ὑπὸ τῶν ἐφεστώτων beaucoup dans ces sortes de
ἐφονεύοντο, οἱ δὲ combats. Dans les combats
κρατήσαντες τῆς ἐπιβολῆς qui se livrent sur terre, le
τοὺς μὲν ἀνῄρουν, τοὺς δὲ courage est manifeste, et
κατὰ τὴν στενοχωρίαν aucun événement étranger
ἐκβιαζόμενοι περιέτρεπον ne peut lui enlever la palme,
εἰς τὸ πέλαγος. Ὅλως δὲ tandis que dans les batailles
ποικίλαι καὶ παράλογοι navales beaucoup de causes
συνίσταντο μάχαι, diverses peuvent abattre le
πολλάκις τῶν μὲν ἡττόνων courage et contribuer
ἐπικρατούντων διὰ τὴν inopinément à la victoire.
τῶν σκαφῶν ὑπεροχήν, LII. Démétrius, debout
τῶν δὲ κρειττόνων sur la poupe d'un bâtiment à
θλιβομένων διὰ τὸ περὶ sept rangs de rames,
τὴν στάσιν ἐλάττωμα καὶ déploya la plus brillante
τὴν ἀνωμαλίαν τῶν valeur. Partout enveloppé
συμβαινόντων ἐν τοῖς d'ennemis, il frappait les uns
τοιούτοις κινδύνοις. Ἐπὶ à coups de lance et tuait les
μὲν γὰρ τῶν ἐπὶ τῆς γῆς autres de sa propre main,
ἀγώνων διάδηλος ἀρετὴ tandis qu'il parait les traits
γίνεται, δυναμένη lancés contre lui, soit par un
τυγχάνειν τῶν πρωτείων mouvement de côté, soit par
μηδενὸς ἔξωθεν ses armes défensives. Il
αὐτομάτου avait près de lui trois porte-
παρενοχλοῦντος· κατὰ δὲ boucliers; l'un tomba frappé
τὰς ναυμαχίας πολλὰς καὶ d'un coup de lance, les deux
ποικίλας αἰτίας συμβαίνει autres furent blessés; enfin
παραλόγως ἐλαττοῦν τοὺς Démétrius rompit la ligne
δι´ἀνδρείαν δικαίως ἂν ennemie, mit en déroute
τυχόντας τῆς νίκης. l'aile 161 droite, et fit virer de
LII. Λαμπρότατα δὲ bord les navires qui se
πάντων Δημήτριος trouvaient successivement
ἠγωνίσατο τῆς ἑπτήρους sur son passage. Cependant
ἐπιβεβηκὼς ἐπὶ τῇ πρύμνῃ. Ptolémée, entouré de ses
Ἀθρόων γὰρ αὐτῷ plus grands bâtiments et de
περιχυθέντων οὓς μὲν ταῖς ses meilleures troupes,
λόγχαις ἀκοντίζων, οὓς δὲ parvint de son côté à mettre
ἐκ χειρὸς τῷ δόρατι facilement en déroute la
τύπτων ἀνῄρει· πολλῶν δὲ ligne qui lui était opposée; il
καὶ παντοίων βελῶν ἐπ´ coula bas une partie des
αὐτὸν φερομένων μὲν navires et s'empara des
προορώμενος ἐξέκλινεν, autres avec les hommes qui
δὲ τοῖς σκεπαστηρίοις les montaient. Victorieux sur
ὅπλοις ἐδέχετο. Τριῶν δ´ cette aile, il se tourna d'un
ὑπερασπιζόντων αὐτὸν εἷς autre côté, dans l'espoir de
μὲν λόγχῃ πληγεὶς ἔπεσεν, se rendre facilement maître
οἱ δὲ δύο du reste de la flotte
κατετραυματίσθησαν. ennemie. Mais, lorsqu'il vit
Τέλος δὲ τοὺς que son aile gauche était
ἀντιστάντας Δημήτριος écrasée, tous les navires mis
ἐκβιασάμενος καὶ τροπὴν en fuite et vivement
τοῦ δεξιοῦ κέρατος poursuivis par Démétrius,
ποιήσας εὐθὺ καὶ τὰς Ptolémée se retira à Citium.
συνεχεῖς φυγεῖν Vainqueur dans cette
ἠνάγκασεν. Πτολεμαῖος δὲ bataille, Démétrius confia les
τὰ μέγιστα τῶν σκαφῶν bâtiments de guerre à Néon
καὶ τοὺς κρατίστους et à Burichus avec l'ordre de
ἄνδρας ἔχων μεθ´ αὑτοῦ continuer la poursuite et de
ῥᾳδίως ἐτρέψατο τοὺς καθ recueillir les hommes qui
´ αὑτὸν τεταγμένους καὶ cherchaient à se sauver à la
τῶν νεῶν ἃς μὲν nage. Il orna ensuite ses
κατέδυσεν, ἃς δὲ navires des dépouilles
αὐτάνδρους εἷλεν. opimes, et, traînant à la
Ὑποστρέφων δ´ ἀπὸ τοῦ remorque les bâtiments
νικήματος ἤλπιζε καὶ τὰς prisonniers, il fit son entrée
ἄλλας ῥᾳδίως dans le port et gagna le
χειρώσασθαι· θεωρήσας δὲ camp. Au moment où la
τό τε εὐώνυμον κέρας τῶν bataille était engagée,
ἰδίων συντετριμμένον καὶ Ménélas, commandant de
τὰς συνεχεῖς ἁπάσας πρὸς Salamine, fit équiper
φυγὴν ὡρμημένας, ἔτι δὲ soixante navires et les
τοὺς περὶ τὸν Δημήτριον envoya, sous les ordres du
μετὰ βάρους nauarque Menoetius, au
ἐπιφερομένους ἀπέπλευσεν secours de Ptolémée. Un
εἰς Κίτιον. Δημήτριος δὲ combat fut livré, à l'entrée
νικήσας τῇ ναυμαχίᾳ τῷ du port, entre les navires de
μὲν Νέωνι καὶ Βουρίχῳ Démétrius et ceux de la ville
παρέδωκε τὰ στρατιωτικὰ qui voulaient forcer le
τῶν πλοίων, προστάξας passage. Les dix navires de
διώκειν καὶ τοὺς ἐν τῇ Démétrius furent obligés de
θαλάττῃ διανηχομένους se réfugier auprès de
ἀναλαμβάνειν· αὐτὸς δὲ l'armée de terre; mais les
τὰς ἰδίας ναῦς κοσμήσας navires de Menoetius, arrivés
τοῖς ἀκροστολίοις καὶ τὰς trop tard sur le champ de
ἁλούσας ἐφελκόμενος τὸν bataille, rentrèrent à
πλοῦν ἐποιεῖτο πρὸς τὸ Salamine. Telle fut l'issue de
στρατόπεδον καὶ τὸν cette bataille. Plus de cent
οἰκεῖον λιμένα. Κατὰ δὲ bâtiments, montés par près
τὸν τῆς ναυμαχίας καιρὸν de huit mille hommes,
Μενέλαος ἐν τῇ Σαλαμῖνι tombèrent au pouvoir de
στρατηγὸς πληρώσας τὰς Démétrius; quarante
ἑξήκοντα ναῦς vaisseaux longs furent
ἐξαπέστειλε πρὸς également pris avec tout
βοήθειαν τῷ Πτολεμαίῳ, leur équipage, et quatre-
ναύαρχον ἐπιστήσας vingts navires, fortement
Μενοίτιον. Γενομένου δ´ avariés, furent traînés par
ἀγῶνος περὶ τὸ στόμα τοῦ les vainqueurs dans le camp
λιμένος πρὸς τὰς qu'ils occupaient près de la
ἐφορμούσας ναῦς καὶ τῶν ville. Démétrius n'eut que
ἐκ τῆς πόλεως βιασαμένων vingt embarcations
αἱ μὲν τοῦ Δημητρίου δέκα endommagées, qui toutes
ναῦς ἔφυγον πρὸς τὸ πεζὸν furent remises en état de
στρατόπεδον, οἱ δὲ περὶ tenir la mer.
τὸν Μενοίτιον LIII. Après sa défaite,
ἀναπλεύσαντες καὶ τῶν Ptolémée renonça à la
καιρῶν μικρὸν possession de l'île de Cypre,
ὑστερήσαντες ἀνέστρεψαν et retourna en Égypte.
πάλιν εἰς τὴν Σαλαμῖνα. Démétrius rangea sous son
Τῆς δὲ ναυμαχίας τοιοῦτον autorité toutes les villes de
τέλος λαβούσης τῶν μὲν l'île, et incorpora dans les
πορίων ἥλω πλείω τῶν rangs de son armée les
ἑκατόν, ἐν οἷς ἦσαν σχεδὸν garnisons, composées de
στρατιῶται ὀκτακισχίλιοι· seize mille hommes 162

τῶν δὲ μακρῶν αὔτανδροι d'infanterie et d'environ six


μὲν ἐλήφθησαν cents cavaliers. Il s'empressa
τεσσαράκοντα, ensuite d'embarquer, sur un
διεφθάρησαν δὲ περὶ de ses plus grands
ὀγδοήκοντα, ἃς πλήρεις bâtiments, des messagers
οὔσας θα λάττης chargés d'annoncer à son
κατήγαγον οἱ κρατήσαντες père cette victoire. En
εἰς τὴν πρὸς τῇ πόλει apprenant cette victoire
στρατοπεδείαν. Διεφθάρη signalée, Antigone s'enfla
δὲ καὶ τῶν Δημητρίου d'orgueil, se ceignit du
σκαφῶν εἴκοσι· πάντα δὲ diadème, se donna le nom
τῆς προσηκούσης de roi, et accorda le mène
ἐπιμελείας τυχόντα titre à son fils Démétrius. De
παρείχετο τὰς ἁρμοζούσας son côté, Ptolémée, rien
χρείας. moins qu'abaissé par sa
LIII. Μετὰ δὲ ταῦτα défaite, se ceignit également
Πτολεμαῖος ἀπογνοὺς τὰ du diadème, et se donna
κατὰ τὴν Κύπρον ἀπῆρεν dans tous ses édits le titre
εἰς Αἴγυπτον. Δημήτριος de roi. Les autres souverains
δὲ πάσας τὰς ἐν τῇ νήσῳ imitèrent cet exemple, et se
πόλεις παραλαβὼν καὶ nommèrent rois à leur tour.
τοὺς φρουροῦντας De ce nombre était
στρατιώτας, τούτους μὲν Seleucus, qui venait de se
εἰς τάξεις κατεχώρισεν, remettre en possession des
ὄντας πεζοὺς μὲν μυρίους satrapies supérieures,
ἑξακισχιλίους Lysimaque et Cassandre qui
συντεταγμένους, ἱππεῖς δὲ possédaient leurs anciens
περὶ ἑξακοσίους, πρὸς δὲ domaines. Mais en voilà
τὸν πατέρα ταχέως assez sur ce sujet; racontons
ἐμβιβάσας εἰς τὴν maintenant ce qui s'est
μεγίστην ναῦν τοὺς passé en Libye et en Sicile.
δηλώσοντας περὶ τῶν LIV. Lorsque Agathocle
κατορθωθέντων apprit que les souverains
ἐξαπέστειλεν. δ´ que nous venons de
Ἀντίγονος πυθόμενος τὴν nommer, avaient pris le
γεγενημένην νίκην καὶ diadème, il prit également le
μετεωρισθεὶς ἐπὶ τῷ titre de roi, car il ne se
μεγέθει τοῦ προτερήματος croyait point inférieur aux
διάδημα περιέθετο καὶ τὸ autres, ni par l'étendue de
λοιπὸν ἐχρημάτιζε ses États ni par l'éclat de ses
βασιλεύς, συγχωρήσας καὶ actions. Cependant il ne se
τῷ Δημητρίῳ τῆς αὐτῆς ceignit point du diadème, car
τυγχάνειν προσηγορίας καὶ il portait toujours, depuis son
τιμῆς. δὲ Πτολεμαῖος avènement à la tyrannie,
οὐδὲν τῇ ψυχῇ ταπεινωθεὶς une couronne sur la tête,
διὰ τὴν ἧτταν καὶ αὐτὸς emblème d'une dignité
ὁμοίως ἀνέλαβε τὸ sacerdotale, et il ne l'avait
διάδημα καὶ πρὸς ἅπαντας jamais quittée depuis qu'il
ἀνέγραφεν ἑαυτὸν avait combattu pour le
βασιλέα. Παραπλησίως δὲ maintien de son autorité.
τούτοις καὶ οἱ λοιποὶ Quelques-uns prétendent
δυνάσται ζηλοτυπήσαντες que c'était à dessein qu'il
ἀνηγόρευον ἑαυτοὺς portait cette couronne afin
βασιλεῖς, Σέλευκος μὲν de cacher sa calvitie. Quoi
προσφάτως τὰς ἄνω qu'il en soit, pour justifier
σατραπείας l'éclat du titre qu'il venait de
προσκεκτημένος, prendre, il entreprit une
Λυσίμαχος δὲ καὶ expédition contre les
Κάσανδρος τὰς ἐξ ἀρχῆς habitants d'Utique qui
δοθείσας μερίδας s'étaient révoltés ; il attaqua
διατηροῦντες. Ἡμεῖς δὲ soudain leur ville, fit environ
περὶ τούτων ἱκανῶς trois cents prisonniers parmi
εἰρηκότες ἐν μέρει les citoyens qui étaient
διέξιμεν περὶ τῶν κατὰ restés à la campagne, puis il
Λιβύην καὶ Σικελίαν promit une amnistie dans le
πραχθέντων. cas où on lui livrerait la ville.

LIV. Ἀγαθοκλῆς γὰρ Cette offre ayant été

πυθόμενος τοὺς refusée, Agathocle

προειρημένους δυνάστας construisit une machine à

ἀνῃρημένους διάδημα καὶ laquelle il suspendit tous les

νομίζων μήτε δυνάμεσι prisonniers, et la fit

μήτε χώρᾳ μήτε τοῖς approcher des murs de la

πραχθεῖσι λείπεσθαι ville. Les habitants d'Utique

τούτων ἑαυτὸν furent touchés de

ἀνηγόρευσε βασιλέα. Καὶ commisération à la vue de

διάδημα μὲν οὐκ ἔκρινεν leurs malheureux

ἔχειν· ἐφόρει γὰρ αἰεὶ concitoyens ; mais, préférant

στέφανον, ὃν κατὰ τὴν la liberté de tous à la

ἐπίθεσιν τῆς τυραννίδος ἔκ conservation de quelques-

τινος ἱερωσύνης uns, ils mirent les murs en

περικείμενος οὐκ ἀπέθετο état de défense, et

περὶ τῆς δυναστείας soutinrent vaillamment le

ἀγωνιζόμε νος· ἔνιοι δέ siège. Agathocle établit alors


φασιν αὐτὸν sur cette machine des
ἐπιτετηδεῦσθαι τοῦτον ἐξ frondeurs et des archers, 163

ἀρχῆς φορεῖν ἐπὶ τῷ μὴ d'où ils lancèrent des


λίαν αὐτὸν εὐχαίτην εἶναι. projectiles contre les
Οὐ μὴν ἀλλὰ τῆς assiégés qu'ils remplirent
προσηγορίας ταύτης ἄξιόν des plus cruelles angoisses.
τι σπεύδων πρᾶξαι ἐπὶ μὲν Les défenseurs postés sur
Ἰτυκαίους ἐστράτευσεν les murs hésitèrent d'abord à
ἀφεστηκό τας· ἄφνω δ´ se servir de leurs armes qui
αὐτῶν τῇ πόλει προσπεσὼν auraient frappé leurs
καὶ τῶν ἐπὶ τῆς χώρας concitoyens, parmi lesquels
ἀπειλημμένων πολιτικῶν s'en trouvaient quelques-uns
ζωγρήσας εἰς τριακοσίους de la plus grande
τὸ μὲν πρῶτον διδοὺς distinction ; mais, de plus en
ἄφεσιν τῶν ἐγκλημάτων plus vivement pressés par
ἠξίου παραδιδόναι τὴν l'ennemi, ils se virent forcés
πόλιν· οὐ προσεχόντων δὲ de se défendre contre les
τῶν ἔνδον συνεπήγνυε assaillants. Cette nécessité
μηχανὴν καὶ κρεμάσας ἐπ´ causa aux habitants d'Utique
αὐτῇ τοὺς αἰχμαλώτους la plus profonde affliction,
προσήγαγε τοῖς τείχεσιν. d'autant plus qu'elle était
Οἱ δ´ Ἰτυκαῖοι τοὺς μὲν irrémédiable. En effet, les
ἠτυχηκότας ἠλέουν, Grecs s'étant placés derrière
πλείονα δὲ λόγον τῆς τῶν les prisonniers d'Utique, il
ἁπάντων ἐλευθερίας τῆς fallait ou, en épargnant des
ἐκείνων σωτηρίας concitoyens, laisser tomber
ποιούμενοι διέλαβον τὰ la patrie au pouvoir de
τείχη τοῖς στρατιώταις l'ennemi, ou, en secourant la
καὶ τὴν πολιορκίαν ville, tuer impitoyablement
εὐγενῶς ὑπέμενον. Εἶθ´ un grand nombre
μὲν Ἀγαθοκλῆς ἐπιστήσας d'infortunés. C'est ce dernier
τῇ μηχανῇ τούς τε événement qui eut lieu. Les
ὀξυβελεῖς καὶ assiégés se servirent donc
σφενδονήτας καὶ τοξότας de leurs armes contre les
ἀπὸ ταύτης ἀγωνιζόμενος ennemis, et, en frappant
ἤρχετο τῆς πολιορκίας καὶ ceux-ci, ils frappèrent en
ταῖς ψυχαῖς τῶν ἔνδον même temps leurs
ὥσπερ καυτήριά τινα concitoyens suspendus à la
προσῆγεν· οἱ δ´ ἐπὶ τῶν machine; quelques-uns de
τειχῶν ἑστῶτες τὸ μὲν ces derniers y furent cloués
πρῶτον ὤκνουν τοῖς par des flèches, et subirent
βέλεσι χρήσασθαι, en quelque sorte le supplice
προκειμένων αὐτοῖς de la croix; et ce supplice
σκοπῶν πολιτικῶν ἀνδρῶν, cruel leur était infligé par les
ὧν ἦσάν τινες καὶ τῶν mains de leurs parents ou de
ἐπιφανεστάτων· leurs amis! La nécessité ne
ἐπικειμένων δὲ τῶν leur permettait pas même de
πολεμίων βαρύτερον respecter ce qu'il y a de plus
ἠναγκάζοντο τοὺς ἐπὶ τῆς sacré parmi les hommes.
μηχανῆς ὄντας ἀμύνεσθαι. LV. Pendant que les
Ἔνθα δὴ συνέβαινε habitants d'Utique bravaient
γίνεσθαι παράλογα πάθη le danger sans s'émouvoir,
τοῖς Ἰτυκαίοις καὶ τύχης Agathocle enveloppa toute la
ἐπηρεασμὸν ἐν ἀνάγκαις place, força un point
κειμένοις ἀνεκφεύκτοις· faiblement fortifié, et
προβεβλημένων γὰρ τῶν pénétra dans l'intérieur de la
Ἑλλήνων τοὺς ἡλωκότας ville. Emporté par la colère,
τῶν ἐξ Ἰτύκης ἀναγκαῖον Agathocle égorgea les
ἦν τούτων φειδομένους habitants qui cherchaient à
περιορᾶν ὑποχείριον τοῖς se réfugier soit dans les
πολεμίοις γινομένην τὴν maisons soit dans les
πατρίδα τῇ πόλει temples. Les uns furent
βοηθοῦντας ἀνηλεῶς massacrés sur place, les
φονεῦσαι πλῆθος πολιτῶν autres furent saisis et
ἠτυχηκότων. Ὅπερ καὶ pendus, et même ceux qui
συνέβη γενέσθαι· s'étaient réfugiés dans les
ἀμυνόμενοι γὰρ τοὺς temples n'échappèrent pas à
πολεμίους καὶ παντοίοις la vengeance du vainqueur.
βέλεσι χρώμενοι καὶ τὰ Agathocle s'empara des
τῶν ἐφεστηκότων τῇ richesses d'Utique, et laissa
μηχανῇ σώματα une garnison dans la ville. Il
κατῃκίσαντο καὶ τινὰς μὲν marcha ensuite sur
τῶν κρεμαμένων πολιτῶν Hippoacra (36), ville
κατηκόντισαν, τινὰς δὲ environnée d'un lac et
τοῖς ὀξυβελέσι πρὸς τῇ naturellement très forte. Il
μηχανῇ προσκαθήλωσαν poussa vigoureusement le
καθ´ οὕς ποτε τύχοι τοῦ siège de cette place, défit les
σώματος τόπους, ὥστε indigènes dans un combat
σταυρῷ παραπλησίαν εἶναι naval et s'empara de la 164

τὴν ὕβριν ἅμα καὶ τὴν ville. Il prit de la même façon


τιμωρίαν. Καὶ ταῦτ´ la plupart des villes
ἐγίνετό τισιν ὑπὸ maritimes, et se rendit
συγγενῶν φίλων, εἰ τύχοι, maître des populations de
τῆς ἀνάγκης οὐ l'intérieur, à l'exception des
πολυπραγμονούσης τι τῶν Numides. Quelques tribus de
παρ´ ἀνθρώποις ὁσίων. ces derniers conclurent avec

LV. δ´ Ἀγαθοκλῆς, lui un traité d'alliance, tandis

ὁρῶν αὐτοὺς ἀπαθῶς que les autres attendaient

ὡρμηκότας πρὸς τὸν les événements.

κίνδυνον, περιστήσας Quatre races différentes


πανταχόθεν τὴν δύναμιν se sont partagé le territoire
καὶ κατά τινα τόπον de la Libye : les Phéniciens
φαύλως ᾠκοδομημένον qui habitaient alors
βιασάμενος εἰσέπεσεν εἰς Carthage; les Libophéniciens,
τὴν πόλιν. Τῶν δ´ Ἰτυκαίων en possession de la plupart
τῶν μὲν εἰς τὰς οἰκίας, des villes maritimes et
τῶν δ´ εἰς ἱερὰ attachés aux Carthaginois
καταφευγόντων δι´ ὀργῆς par les liens du sang, ce qui
αὐτοὺς ἔχων φόνου τὴν leur a valu le nom qu'ils
πόλιν ἐπλήρωσε. Τοὺς μὲν portent; les Libyens, ou
γὰρ ἐν χειρῶν νόμῳ l'ancienne race indigène, la
διέφθειρε, τοὺς δ´ plus populeuse, animés
ἁλόντας ἐκρέμασε, τοὺς δ´ d'une haine implacable
ἐπὶ θεῶν ἱερὰ καὶ βωμοὺς contre les Carthaginois qui
καταφυγόντας leur ont imposé un joug
διαψευσθῆναι τῆς ἐλπίδος pesant; enfin, les Numides,
ἐποίησεν. Διαφορήσας δὲ qui habitent une grande
τὰς κτήσεις καὶ φυλακὴν partie de la Libye jusqu'au
ἀπολιπὼν ἐπὶ τῆς πόλεως désert.
ἐστρατοπέδευσεν ἐπὶ τὴν Agathocle avait alors des
Ἵππου καλουμένην ἄκραν, forces supérieures aux
ὠχυρωμένην φυσικῶς τῇ Carthaginois par les alliances
παρακειμένῃ λίμνῃ. qu'il s'était ménagées avec
Πολιορκήσας δὲ αὐτὴν les Libyens ; mais, inquiet
ἐνεργῶς καὶ τῶν ἐγχωρίων des affaires de la Sicile, il fit
ναυμαχίᾳ περιγενόμενος construire des navires
κατὰ κράτος εἷλε. Τούτῳ ouverts et à cinquante
δὲ τῷ τρόπῳ τὰς πόλεις rames, et y embarqua deux
χειρωσάμενος τῶν τε ἐπὶ mille hommes d'infanterie. Il
θαλάττῃ τόπων τῶν laissa à son fils Archagathus
πλείστων ἐκυρίευσεν καὶ le commandement des
τῶν τὴν μεσόγειον troupes de la Libye, et
οἰκούντων πλὴν τῶν retourna lui-même en Sicile.
Νομάδων· ὧν τινὲς μὲν
LVI. Dans cet intervalle,
φιλίαν πρὸς αὐτὸν
Xenodocus, général des
ἐποιήσαντο, τινὲς δ´
Agrigentins, avait déclaré
ἐκαραδόκουν τὴν τῶν
libres un grand nombre de
ὅλων κρίσιν.
villes et fait naître le même
τέτταρα γὰρ τὴν désir d'indépendance dans
Λιβύην διείληφε γένη, les autres cités de la Sicile. Il
Φοίνικες μὲν οἱ τὴν conduisit alors contre les
Καρχηδόνα τότε
κατοικοῦντες, lieutenants d'Agathocle une
Λιβυφοίνικες δὲ πολλὰς armée de plus de dix mille
ἔχοντες πόλεις hommes d'infanterie et de
ἐπιθαλαττίους καὶ près de mille cavaliers. De
κοινωνοῦντες τοῖς leur côté, Leptine et
Καρχηδονίοις ἐπιγαμίας, Démophile, ayant tiré de
οἷς ἀπὸ τῆς Syracuse et des places fortes
συμπεπλεγμένης un corps de huit mille deux
συγγενείας συνέβη τυχεῖν cents hommes d'infanterie et
ταύτης τῆς προσηγορίας· de douze cents cavaliers, se
δὲ πολὺς λαὸς τῶν portèrent à la rencontre de
ἐγχωρίων, ἀρχαιότατος Xenodocus. Une bataille
ὤν, Λίβυς ὠνομάζετο, sanglante fut livrée.
μισῶν διαφερόντως τοὺς Xenodocus, vaincu, se
Καρχηδονίους διὰ τὸ réfugia à Agrigente après
βάρος τῆς ἐπιστασίας· οἱ avoir perdu environ quinze
δὲ τελευταῖοι Νομάδες cents hommes. Accablés de
ὑπῆρχον, πολλὴν τῆς ce revers, les Agrigentins
Λιβύης νεμόμενοι μέχρι abandonnèrent leur belle
τῆς ἐρήμου. Ἀγαθοκλῆς δὲ entreprise, et firent évanouir
τοῖς μὲν κατὰ Λιβύην chez leurs alliés l'espoir de la
συμμάχοις καὶ ταῖς liberté. A peine cette bataille
δυνάμεσιν ὑπερέχων τῶν venait-elle d'être livrée,
Καρχηδονίων, περὶ δὲ τῶν qu'Agathocle aborda en
ἐν Σικελίᾳ πραγμάτων Sicile. Il débarqua à
ἀγωνιῶν ἄφρακτα καὶ Sélinonte et commença par
πεντηκοντόρους forcer les Héracléotes, qui
ναυπηγησάμενος s'étaient dé- 165 clarés
ἐνεβίβασε στρατιώτας indépendants, à rentrer sous
δισχιλίους. Καταλιπὼν δὲ sa domination; puis, se
τῶν ἐν τῇ Λιβύῃ rendant sur le côté opposé
πραγμάτων στρατηγὸν de l'île, il soumit par
Ἀγάθαρχον τὸν υἱὸν capitulation les Thermites
ἀνήχθη ταῖς ναυσίν, ἐπὶ qui avaient admis dans leur
Σικελίαν τὸν πλοῦν ville une garnison
ποιούμενος. carthaginoise. Il prit d'assaut

LVI. Ἅμα δὲ τούτοις la ville de Cephalidium, et en

πραττομένοις Ξενόδοκος donna le gouvernement à

τῶν Ἀκραγαντίνων Leptine. Il continua sa

στρατηγὸς πολλὰς μὲν marche dans l'intérieur de

τῶν πόλεων ἠλευθερωκώς, l'île, et entreprit de pénétrer

ἐλπίδας δὲ μεγάλας nuitamment dans la ville de

παρεσχηκὼς τοῖς Centoripa, où il s'était

Σικελιώταις τῆς καθ´ ὅλην ménagé quelques

τὴν νῆσον αὐτονομίας intelligences; mais ce projet

ἐξήγαγε τὴν δύναμιν ἐπὶ ayant été découvert, la

τοὺς Ἀγαθοκλέους garnison accourut à la

στρατηγούς, οὖσαν πεζῶν défense de la ville et

μὲν πλειόνων μυρίων, repoussa Agathocle qui

ἱππέων δὲ σχεδὸν χιλίων. perdit plus de cinq cents

Οἱ δὲ περὶ Λεπτίνην καὶ hommes. Mandé ensuite par

Δημόφιλον ἐκ τῶν quelques habitants

Συρακουσσῶν καὶ τῶν d'Apollonia, qui

φρουρίων ἐπιλέξαντες s'engageaient à lui livrer la

ὅσους ἠδύναντο πλείστους ville, Agathocle se remit en

ἀντεστρατοπέδευσαν route. Mais les traîtres

πεζοῖς μὲν ὀκτακισχιλίοις avaient été découverts et

καὶ διακοσίοις, ἱππεῦσι δὲ châtiés. Agathocle fut donc

χιλίοις καὶ διακοσίοις. obligé d'entreprendre le

Γενομένης οὖν siège de la ville. Le premier

παρατάξεως ἰσχυρᾶς jour il n'obtint aucun

ἡττηθεὶς Ξενόδοκος résultat; le jour suivant il ne

ἔφυγεν εἰς τὸν Ἀκράγαντα parvint à s'emparer de la

καὶ τῶν στρατιωτῶν ville qu'après avoir éprouvé

ἀπέβαλεν οὐκ ἐλάττους des pertes considérables. La

τῶν χιλίων καὶ plupart des Apolloniates


πεντακοσίων. Οἱ μὲν οὖν furent massacrés, et leurs
Ἀκραγαντῖνοι ταύτῃ τῇ biens livrés au pillage.
συμφορᾷ περιπεσόντες LVII. Sur ces entrefaites,
διέλυσαν ἑαυτῶν μὲν τὴν Dinocrate, chef des bannis,
καλλίστην ἐπιβολήν, τῶν avait repris le projet des
δὲ συμμάχων τὰς τῆς Agrigentins, et s'était
ἐλευθερίας ἐλπίδας· déclaré le protecteur de la
Ἀγαθοκλῆς δὲ τῆς μάχης liberté commune. Une foule
ἄρτι γεγενημένης de partisans accoururent de
καταπλεύσας τῆς Σικελίας toutes parts auprès de lui;
εἰς Σελινοῦντα les uns mus par l'instinct
Ἡρακλεώτας μὲν naturel de la liberté, les
ἠλευθερωκότας τὴν πόλιν autres par la haine que leur
ἠνάγκασε πάλιν inspirait la tyrannie
ὑποτάττεσθαι, παρελθὼν d'Agathocle. Ils parvinrent
δὲ ἐπὶ θάτερον μέρος τῆς ainsi à mettre sur pied une
νήσου Θερμίτας μὲν armée composée d'au moins
προσαγαγόμενος vingt mille hommes
ὑποσπόνδους ἀφῆκε τῶν d'infanterie et de quinze
Καρχηδονίων cents cavaliers. Ces
φρουρούντων ταύτην τὴν hommes, tous habitués aux
πόλιν, Κεφαλοίδιον δὲ maux de l'exil et aux
ἐκπολιορκήσας Λεπτίνην fatigues de la guerre,
μὲν ταύτης ἐπι μελητὴν bivaquèrent en rase
ἀπέλιπεν, αὐτὸς δὲ διὰ τῆς campagne et provoquèrent
μεσογείου ποιού μενος τὴν le tyran au combat; mais
πορείαν ἐπεβάλετο μὲν Agathocle, de beaucoup
νυκτὸς εἰς τὰ Κεντόριπα inférieur en forces, céda le
παρεισπεσεῖν terrain. Dinocrate, le
εἰσδεχομένων αὐτόν τινων poursuivant sans relâche le
πολιτικῶν ἀνδρῶν, vainquit pour ainsi dire sans
καταφανοῦς δὲ τῆς coup férir. A partir de cette
ἐπιβουλῆς γενομένης καὶ époque, la fortune
τῶν φρουρῶν d'Agathocle alla en déclinant
παραβοηθησάντων tant en Sicile qu'en Libye.
ἐξέπεσεν ἐκ τῆς πόλεως, Archagathus qui, après le
ἀποβαλὼν τῶν départ de son père, avait
στρατιωτῶν πλείους pris le commandement de
πεντακοσίων. Μετὰ δὲ l'armée en Libye, remporta
ταῦτά τινων ἐκ τῆς d'abord quelques avantages
Ἀπολλωνίας par l'expédition confiée à
μεταπεμπομένων αὐτὸν καὶ Eumachus dans la haute
τὴν πατρίδα προδώσειν ἐπ Libye. En effet, Enmachus
αγγελλομένων ἧκε πρὸς s'était emparé de Toca, ville
τὴν πόλιν· τῶν δὲ considérable, et avait rangé
προδοτῶν καταφανῶν sous son au- 166 torité
γενομένων καὶ plusieurs tribus nomades des
κολασθέντων κατὰ μὲν environs. Il prit ensuite
πρώτην ἡμέραν d'assaut Phelline, seconde
πολιορκήσας ἄπρακτος ville du pays, et força à
ἐγένετο, τῇ δ´ ὑστεραίᾳ l'obéissance les populations
πολλὰ κακοπαθήσας καὶ limitrophes, connues sous le
συχνοὺς ἀποβαλὼν μόλις nom d'Asphodélodes (37),
εἷλε τὴν πόλιν καὶ τῶν qui, par le teint de leur peau,
Ἀπολλωνιατῶν τοὺς ressemblent aux Éthiopiens.
πλείστους ἀποσφάξας Eumachus se rendit ensuite
διήρπασε τὰς κτήσεις. maître d'une troisième ville

LVII. Τούτου δὲ περὶ très grande, nommée

ταῦτ´ ὄντος Δεινοκράτης Meschela, fondée

τῶν φυγάδων ἡγούμενος anciennement par des Grecs

ἀναλαβὼν τὴν revenus de la guerre de

Ἀκραγαντίνων προαίρεσιν Troie, et dont nous avons

καὶ προστάτην αὑτὸν parlé dans le troisième livre

ἀναδείξας τῆς κοινῆς (38). Il prit ensuite la ville

ἐλευθερίας ἐποίησε Hippoacra, du même nom

πολλοὺς ἁπανταχόθεν que celle qu'Agathocle avait


συνδραμεῖν πρὸς αὐτόν· οἱ soumise à sa domination.
μὲν γὰρ διὰ τὴν ἔμφυτον Enfin, il se rendit maître
πᾶσιν ἐπιθυμίαν τῆς d'Acris, ville indépendante,
αὐτονομίας, οἱ δὲ διὰ τὸν réduisit les habitants en
Ἀγαθοκλέους φόβον esclavage, et livra la ville au
προθύμως ὑπήκουον τοῖς pillage de ses soldats.
παραγγελλομένοις. LVIII. Eumachus, chargé
ἠθροισμένων δ´ αὐτῶν d'un immense butin, revint
πεζῶν μὲν οὐ πολὺ joindre Archagathus. S'étant
ἐλάττων δισμυρίων, acquis la réputation d'un
ἱππέων δὲ χιλίων καὶ habile général, il entreprit
πεντακοσίων καὶ πάντων une nouvelle expédition dans
τούτων ἐν φυγαῖς καὶ la haute Libye. Dépassant les
μελέταις τοῦ πονεῖν villes qu'il avait
συνεχῶς γεγονότων précédemment soumises, il
κατεστρατοπέδευσεν ἐν s'avança jusqu'à Miltine, qu'il
ὑπαίθρῳ, προκαλούμενος attaqua à l'improviste. Mais
τῇ μάχῃ τὸν δυνάστην. Τοῦ les Barbares, revenus de leur
δ´ Ἀγαθοκλέους surprise et maîtres de la
λειπομένου πολὺ ταῖς ville, chassèrent Eumachus
δυνάμεσι καὶ et lui tuèrent beaucoup de
φυγομαχοῦντος ἐκ ποδὸς monde. De là, il se dirigea en
ἠκολούθει συνεχῶς, avant et franchit une haute
ἀκονητὶ περιπεποιημένος montagne qui s'étend dans
τὴν νίκην. Ἀπὸ δὲ τούτων un espace de deux cents
τῶν καιρῶν τοῖς περὶ τὸν stades; elle est remplie de
Ἀγαθοκλέα συνέβαινε πρὸς chats sauvages; aucun
τὸ χεῖρον μεταβάλλειν οὐ oiseau n'y fait son nid ni sur
μόνον τὰ κατὰ Σικελίαν, les arbres ni dans les fentes
ἀλλὰ καὶ τὰ κατὰ Λιβύην des rochers, à cause de
πράγματα. Ἀρχάγαθος γὰρ l'inimitié naturelle qui existe
καταλειφθεὶς ὑπ´ αὐτοῦ entre ces deux familles
στρατηγὸς μετὰ τὴν d'animaux. Après avoir
ἀναγωγὴν τοῦ πατρὸς τὸ traversé cette contrée
μὲν πρῶτον ἐπλεονέκτει, montagneuse, il entra dans
πέμψας εἰς τοὺς ἄνω un pays peuplé de singes, et
τόπους μέρος τι τῆς où se trouvent trois villes qui
δυνάμεως, ἧς ἦν ἡγεμὼν portent, d'après ces
Εὔμαχος. Οὗτος γὰρ animaux, le nom de
Τώκας πόλιν εὐμεγέθη Pithécusses, en traduisant en
χειρωσάμενος πολλοὺς grec la dénomination par
προσηγάγετο τῶν πλησίον laquelle les naturels du pays
κατοικούντων Νομάδων. désignent le singe (39). Les
Εἶθ´ ἑτέραν habitants ont des mœurs en
ἐκπολιορκήσας, τὴν grande partie bien
ὀνομαζομένην Φελλίνην, différentes des nôtres. Les
ἠνάγκασε πιθαρχεῖν τοὺς singes habitent les mêmes
τὴν ἑξῆς χώραν maisons que les hommes.
νεμομένους, τοὺς Ces animaux y sont regardés
καλουμένους comme des dieux, ainsi que
Ἀσφοδελώδεις, ὄντας τῷ les chiens le sont chez les
χρώματι παραπλησίους Egyptiens. Les singes ont
τοῖς Αἰθίοψι. Τρίτην δ´ εἷλε donc libre accès dans les
Μεσχέλαν, μεγίστην οὖσαν, magasins de vivres, dont ils
ᾠκισμένην δὲ τὸ παλαιὸν disposent à leur gré. Les
ὑπὸ τῶν ἐκ Τροίας parents donnent le 167 plus
ἀνακομιζομένων Ἑλλήνων, souvent à leurs enfants des
περὶ ὧν ἐν τῇ τρίτῃ βίβλῳ noms de singes, comme on
προειρήκαμεν, ἑξῆς δὲ τὴν leur donne chez nous des
ὀνομαζομένην ἄκραν noms de divinités. Ceux qui
Ἵππου τὴν ὁμώνυμον τῇ tuent un de ces animaux
χειρωθείσῃ κατὰ κράτος sont condamnés au dernier
ὑπ´ Ἀγαθοκλέους καὶ supplice, comme coupables
τελευταίαν τὴν du plus grand sacrilège.
προσαγορευομένην Ἀκρίδα C'est de là que viennent ces
πόλιν αὐτόνομον, ἣν mots qui, chez quelques-uns,
ἐξανδραποδισάμενος ont passé en proverbe,
ἐξέδωκε τοῖς στρατιώταις lorsqu'on parle de gens qui
διαρπάσαι. sont morts pour un motif

LVIII. Ἐμπλήσας δ´ futile : Ils ont versé du sang

ὠφελείας τὸ στρατόπεδον de singe. Eumachus prit une

κατέβη πρὸς τοὺς περὶ τὸν de ces villes d'assaut et la

Ἀρχάγαθον καὶ δόξας livra au pillage; les deux

ἀγαθὸς ἀνὴρ γεγονέναι autres firent leur soumission.

πάλιν ἐστράτευσεν εἰς Averti que les Barbares des

τοὺς ἄνω τῆς Λιβύης environs rassemblaient de

τόπους. Ὑπερβαλὼν δὲ τὰς nombreuses troupes,

πόλεις ὧν πρότερον Eumachus hâta sa marche et

ἐγεγόνει κύριος, se décida à revenir sur le

παρεισέπεσεν εἰς τὴν littoral.

καλουμένην Μιλτινὴν LIX. Jusqu'alors tout


πόλιν, ἀπροσδοκήτως avait réussi en Libye à
ἐπιφανείς· συστραφέντων Archagathus. Le sénat de
δ´ ἐπ´ αὐτὸν τῶν Carthage, après avoir
βαρβάρων καὶ mûrement délibéré sur la
κρατησάντων ἐν ταῖς conduite de cette guerre,
ὁδοῖς ἐξ εβλήθη décréta que Carthage
παραλόγως καὶ πολλοὺς mettrait sur pied trois
τῶν στρατιωτῶν ἀπ armées : la première
έβαλεν. Ἐντεῦθεν δ´ destinée à la défense des
ἀναζεύξας προῆγεν δι´ villes maritimes ; la seconde,
ὄρους ὑψηλοῦ παρήκοντος pour l'intérieur du pays, et la
ἐπὶ σταδίους διακοσίους, troisième, pour la haute
πλήρους δ´ ὄντος Libye. Par ces mesures, le
αἰλούρων, ἐν συνέβαινε sénat se flattait d'abord de
μηδὲν ὅλως πτηνὸν garantir la ville d'un siège en
νεοττεύειν μήτε ἐπὶ τοῖς même temps que de la
δένδρεσι μήτε ἐν ταῖς famine. (Une foule de gens
φάραγξι διὰ τὴν s'étant réfugiés à Carthage,
ἀλλοτριότητα τῶν la disette s'était déjà fait
προειρημένων ζῴων. sentir; quant à un siège, il
Διελθὼν δὲ τὴν ὀρεινὴν n'était guère à craindre, tant
ταύτην ἐνέβαλεν εἰς à cause de la solidité des
χώραν ἔχουσαν πλῆθος murailles que des
πιθήκων καὶ πόλεις τρεῖς fortifications naturelles du
τὰς ἀπὸ τούτων τῶν ζῴων côté de la mer.) Ensuite, le
ὀνομαζομένας εἰς τὸν sénat pensait que les alliés
Ἑλληνικὸν τρόπον τῆς demeureraient plus fidèles,
διαλέκτου se voyant soutenus par
μεθερμηνευομένας plusieurs armées. Mais ce
Πιθηκούσσας. Ἐν δὲ qui l'avait surtout déterminé
ταύταις οὐκ ὀλίγα τῶν à rendre ce décret, c'est que
νομίμων πολὺ παρήλλαττε l'ennemi serait obligé de
τῶν παρ´ ἡμῖν. Τάς τε γὰρ diviser ses forces et de
αὐτὰς οἰκίας οἱ πίθηκοι s'éloigner de Carthage.
κατῴκουν τοῖς ἀνθρώποις, Toutes ces prévisions se
θεοὶ παρ´ αὐτοῖς réalisèrent. Trente mille
νομιζόμενοι καθάπερ παρ´ hommes furent ainsi mis en
Αἰγυπτίοις οἱ κύνες, ἔκ τε campagne et sortirent de la
τῶν παρεσκευασμένων ἐν ville; les commerçants qui y
τοῖς ταμιείοις τὰ ζῷα τὰς restaient trouvèrent des
τροφὰς ἐλάμβανον subsistances suffisantes, et y
ἀκωλύτως ὁπότε vécurent même dans
βούλοιντο. Καὶ τὰς l'abondance. Les alliés, que
προσηγορίας δ´ ἐτίθεσαν la crainte avait rapprochés
οἱ γονεῖς τοῖς παισὶ κατὰ de l'ennemi, resserrèrent les
τὸ πλεῖστον ἀπὸ τῶν liens qui les rattachaient aux
πιθήκων, ὥσπερ παρ´ ἡμῖν Carthaginois.
ἀπὸ τῶν θεῶν. Τοῖς δ´ LX. En voyant toute la
ἀποκτείνασι τοῦτο τὸ Libye occupée par des
ζῷον ὡς ἠσεβηκόσι τὰ troupes ennemies,
μέγιστα θάνατος ὥριστο Archagathus partagea
πρόστιμον· διὸ δὴ καὶ παρά également son armée en
τισιν ἐνίσχυσεν ἐν plusieurs corps : l'un fut
παροιμίας μέρει λεγόμενον envoyé sur les côtes, un
ἐπὶ τῶν ἀνατεὶ autre fut mis sous 168 les
κτεινομένων ὅτι πιθήκου ordres d'AEschrion ; enfin,
αἷμ´ ἀπο τίσειαν. δ´ οὖν Archagathus se mit lui-même
Εὔμαχος μίαν μὲν τούτων à la tête du troisième corps
τῶν πόλεων ἑλὼν κατὰ et laissa une forte garnison à
κράτος διήρπασε, τὰς δὲ Tynès. Le pays était donc
δύο προσηγάγετο. traversé en tout sens par
Πυνθανόμενος δὲ τοὺς plusieurs corps d'armée. Un
περιοικοῦντας βαρβάρους changement dans les
ἀθροίζειν ἐπ´ αὐτὸν affaires devint inévitable, et
μεγάλας δυνάμεις προῆγε tout le monde en attendait le
συντονώτερον, διεγνωκὼς moment avec anxiété.
ἐπανιέναι πρὸς τοὺς ἐπὶ Hannon, mis à la tête de
θαλάττῃ τόπους. l'armée de l'intérieur, dressa

LIX. Μέχρι μὲν δὴ une embuscade à AEschrion,

τούτων τῶν καιρῶν ἐν τῇ l'attaqua à l'improviste, et lui

Λιβύῃ κατὰ νοῦν ἅπαντα tua plus de quatre mille

τὰ πράγματα τοῖς περὶ τὸν hommes d'infanterie et

Ἀρχάγαθον ἦν. Μετὰ δὲ environ deux cents cavaliers.

ταῦτα τῆς γερουσίας ἐν AEschrion lui-même se

Καρχηδόνι βουλευσαμένης trouva au nombre des morts;

περὶ τοῦ πολέμου καλῶς les autres furent faits

ἔδοξε τοῖς συνέδροις τρία prisonniers ou parvinrent à

στρατόπεδα ποιήσαντας ἐκ se sauver dans le camp

τῆς πόλεως ἐκπέμψαι, τὸ d'Archagathus, qui était à

μὲν ἐπὶ τὰς cinq cents stades de

παραθαλαττίους πόλεις, distance. Cependant Imilcon,

τὸ δ´ εἰς τὴν μεσόγειον, τὸ chargé du commandement

δ´ εἰς τοὺς ἄνω τόπους. de l'armée de la haute Libye,

Ἐνόμιζον γὰρ τοῦτο se mit sur les traces


πράξαντες πρῶτον μὲν τὴν d'Eumachus, dont l'armée
πόλιν ἀπαλλάξειν τῆς traînait après elle un lourd
πολιορκίας, ἅμα δὲ καὶ τῆς bagage, fruit des dépouilles
σιτοδείας· πολλῶν γὰρ καὶ des villes prises d'assaut.
παντοδαπῶν ὄχλων Néanmoins les Grecs se
συμπεφευγότων εἰς τὴν rangèrent en bataille et
Καρχηδόνα συνέβαινε provoquèrent les ennemis au
πάντων γεγονέναι σπάνιν, combat. Imilcon laissa une
ἐξανηλωμένων ἤδη τῶν partie de son armée
ἐπιτηδείων· ἀπὸ δὲ τῆς cantonnée dans la ville qu'il
πολιορκίας οὐκ ἦν avait occupée, avec l'ordre,
κίνδυνος, ἀπροσίτου τῆς lorsqu'il se replierait sur la
πόλεως οὔσης διὰ τὴν ἀπὸ ville, de faire une sortie et de
τῶν τειχῶν καὶ τῆς tomber soudain sur l'ennemi
θαλάττης ὀχυρότητα· qui se serait mis à sa
ἔπειθ´ ὑπελάμβανον καὶ poursuite. Imilcon s'avança
τοὺς συμμάχους διαμένειν lui-même avec la moitié de
μᾶλλον πλειόνων ses troupes; arrivé à peu de
στρατοπέδων ὄντων ἐν distance du camp, il engagea
ὑπαίθρῳ τῶν le combat et s'enfuit comme
παραβοηθούντων· τὸ δὲ frappé de terreur. Les
μέγιστον, ἤλπιζον καὶ τοὺς soldats d'Eumachus, exaltés
πολεμίους par le succès et ne gardant
ἀναγκασθήσεσθαι μερίζειν plus leurs rangs, se mirent à
τὰς δυνάμεις καὶ μακρὰν la poursuite de ceux qui leur
ἀποσπᾶσθαι τῆς cédaient le terrain; tout à
Καρχηδόνος. Ἅπερ ἅπαντα coup l'autre corps d'armée
κατὰ τὴν ἐπίνοιαν αὐτῶν d'Imilcon sortit de la ville en
συνετελέσθη· τρισμυρίων bon ordre, poussa le cri de
μὲν γὰρ στρατιωτῶν ἐκ guerre et répandit
τῆς πόλεως ἐκπεμφθέντων l'épouvante parmi les Grecs,
οἱ καταλειπόμενοι ἔμποροι qui furent aisément mis en
οὐχ οἷον ἱκανὰ πρὸς déroute. Les Carthaginois
αὐτάρκειαν εἶχον, ἀλλ´ ἐκ leur ayant coupé la retraite,
περιουσίας ἐχρῶντο les troupes d'Eumachus se
δαψιλέσι πᾶσιν, οἵ τε réfugièrent sur une hauteur
σύμμαχοι τὸ πρὸ τοῦ διὰ voisine qui manquait d'eau.
τὸν ἀπὸ τῶν πολεμίων Investis de toute part par les
φόβον ἀναγκαζόμενοι Phéniciens, épuisés de soif et
προστίθεσθαι τοῖς accablés par les ennemis,
πολεμίοις τότε πάλιν presque tous les Grecs
θαρρήσαντες ἀνέτρεχον perdirent la vie. Sur huit
εἰς τὴν προϋπάρχουσαν mille fantassins, trente
φιλίαν. seulement parvinrent à

LX. δ´ Ἀρχάγαθος s'échapper, et sur huit cents

ὁρῶν διειλημμένην ἅπασαν cavaliers, quarante.

τὴν Λιβύην πολεμίοις


στρατοπέδοις καὶ αὐτὸς
διεῖλε τὴν δύναμιν καὶ
μέρος μὲν ἐξέπεμψεν εἰς
τὴν παραθαλάττιον, τῆς δ´
ἄλλης στρατιᾶς ἣν μὲν
Αἰσχρίωνι παραδοὺς
ἐξέπεμψεν, ἧς δ´ αὐτὸς
ἡγεῖτο, καταλιπὼν τὴν
ἱκανὴν φυλακὴν ἐπὶ τοῦ
Τύνητος. Τοσούτων δὲ
στρατοπέδων ἐπὶ τῆς
χώρας πανταχῇ
πλαζομένων καὶ
προσδοκωμένης ἔσεσθαι
πραγμάτων ὁλοσχεροῦς
μεταβολῆς ἅπαντες
ἠγωνίων, καραδοκοῦντες
τὸ τέλος τῶν
ἀποβησομένων. Ἄννων μὲν
οὖν ἡγούμενος τοῦ κατὰ
τὴν μεσόγειον
στρατοπέδου θεὶς ἐνέδραν
τοῖς περὶ τὸν Αἰσχρίωνα
καὶ παραδόξως ἐπιθέμενος
ἀνεῖλε πεζοὺς μὲν πλείους
τῶν τετρακισχιλίων, ἱππεῖς
δὲ περὶ διακοσίους, ἐν οἷς
ἦν καὶ αὐτὸς στρατηγός·
τῶν δ´ ἄλλων οἱ μὲν
ἥλωσαν, οἱ δὲ διεσώθησαν
πρὸς Ἀρχάγαθον, ἀπέχοντα
σταδίους πεντακοσίους.
Ἰμίλκων δ´ ἐπὶ τοὺς ἄνω
τόπους στρατεύειν
ἀποδειχθεὶς τὸ μὲν πρῶτον
ἐφήδρευε τῇ πόλει πρὸς
τὸν Εὔμαχον, ἐφελκόμενον
βαρὺ τὸ στρατόπεδον διὰ
τὰς ἐκ τῶν ἁλουσῶν
πόλεων ὠφελείας. Μετὰ δὲ
ταῦτα τῶν Ἑλλήνων
ἐκταξάντων τὴν δύναμιν
καὶ προκαλουμένων εἰς
μάχην Ἰμίλκων μέρος μὲν
τῆς στρατιᾶς κατέλιπε
διεσκευασμένον ἐν τῇ
πόλει, διακελευσάμενος,
ὅταν αὐτὸς ἀναχωρῇ
προσποιούμενος φεύγειν,
ἐπεξελθεῖν τοῖς
ἐπιδιώκουσιν· αὐτὸς δὲ
προαγαγὼν τοὺς ἡμίσεις
τῶν στρατιωτῶν καὶ
μικρὸν πρὸ τῆς
παρεμβολῆς συνάψας
μάχην εὐθὺς ἔφευγεν ὡς
καταπεπληγμένος. Οἱ δὲ
περὶ τὸν Εὔμαχον
ἐπαρθέντες τῇ νίκῃ καὶ
τῆς τάξεως οὐδὲν
φροντίσαντες ἐδίωκον καὶ
τεθορυβημένως τῶν
ὑποχωρούντων ἐξήπτοντο·
ἄφνω δὲ καθ´ ἕτερον
μέρος τῆς πόλεως
ἐκχυθείσης τῆς δυνάμεως
κατεσκευασμένης καὶ
πλήθους ἱκανοῦ πρὸς ἓν
παρακέλευσμα
συναλαλάξαντος
κατεπλάγησαν.
Ἐμβαλόντων οὖν τῶν
βαρβάρων εἰς
ἀσυντάκτους καὶ
πεφοβημένους διὰ τὸ
παράδοξον, ταχὺ τροπὴν
συνέβη γενέσθαι τῶν
Ἑλλήνων. Ὑποτεμομένων
δὲ τῶν Καρχηδονίων τὴν
εἰς τὴν στρατοπεδείαν
ἀποχώρησιν τῶν πολεμίων
ἠναγκάσθησαν οἱ περὶ τὸν
Εὔμαχον καταφυγεῖν ἐπὶ
τὸν πλησίον λόφον ὕδατος
σπανίζοντα. Περιστρατο
πεδευσάντων δὲ τὸν τόπον
τῶν Φοινίκων ἅμα μὲν ὑπὸ
τοῦ δίψους
καταπονηθέντες, ἅμα δ´
ὑπὸ τῶν πολεμίων
κρατούμενοι σχεδὸν
ἅπαντες ἀνῃρέθησαν· ἀπὸ
μὲν γὰρ πεζῶν
ὀκτακισχιλίων τριάκοντα
μόνον διεσώθησαν, ἀπὸ δ´
ἱππέων ὀκτακοσίων
τετταράκοντα διέφυγον
τὸν κίνδυνον.

LXI. δ´ Ἀρχάγαθος LXI. Abattu par ce


τηλικαύτῃ συμφορᾷ revers, Archagathus retourna
περιπεσὼν ἐπανῆλθεν εἰς à Tynès; il rappela près de
Τύνητα. Καὶ τῶν μὲν lui les débris de ses troupes,
ἐκπεμφθέντων et envoya des 169 messagers
στρατιωτῶν τοὺς en Sicile pour prévenir
περιλειπομένους immédiatement son père de
μετεπέμπετο πανταχόθεν, ce qui venait de se passer, et
εἰς δὲ τὴν Σικελίαν le prier de lui envoyer de
ἐξέπεμψε τοὺς prompts secours. A tant de
δηλώσοντας τῷ πατρὶ τὰ revers se joignit bientôt un
συμβεβηκότα καὶ autre malheur : presque tous
παρακαλέσοντας βοηθεῖν les alliés se détachèrent
τὴν ταχίστην. Τοῖς δὲ d'Archagathus. Les troupes
προγεγονόσιν ἀτυχήμασιν de l'ennemi se concentrèrent
ἑτέρα τοῖς Ἕλλησιν et menacèrent déjà le camp
ἐλάττωσις ἐπεγένετο· des Grecs. Imilcon avait
ἀπέστησαν μὲν γὰρ ἀπ´ occupé tous les défilés et
αὐτῶν πλὴν ὀλίγων intercepté les
ἅπαντες οἱ σύμμαχοι, communications avec
συνεστράφησαν δὲ αἱ τῶν l'intérieur du pays; il ne se
πολεμίων δυνάμεις καὶ trouvait lui-même qu'à cent
πλησίον ποιησάμενοι stades du camp ennemi.
παρεμβολὰς ἐφήδρευον. D'un autre côté, Atarbas,
Ἰμίλκων μὲν γὰρ autre général carthaginois,
κατελάβετο τὰ στενὰ καὶ était venu camper à
τῶν ἀπὸ τῆς χώρας quarante stades de Tynès.
εἰσβολῶν ἀπέκλεισε τοὺς Ainsi les ennemis, à la fois
ἐναντίους, ἀπέχοντας maîtres de la mer et de
σταδίους ἑκατόν· ἐκ δὲ l'intérieur du pays,
θατέρου μέρους coupèrent aux Grecs les
ἐστρατοπέδευσεν Ἀτάρβας vivres, et les pressèrent de
ἀπὸ τεσσαράκοντα toutes parts. Les Grecs
σταδίων τοῦ Τύνητος. étaient donc profondément
Διόπερ τῶν πολεμίων οὐ découragés. Dans cet
μόνον τῆς θαλάττης, ἀλλὰ intervalle, Agathocle apprit
καὶ τῆς χώρας les revers que son armée
κυριευόντων σιτοδείᾳ τε avait éprouvés en Libye, et il
συνέβαινε συνέχεσθαι τοὺς fit préparer dix-sept
Ἕλληνας καὶ τῷ φόβῳ vaisseaux longs pour les
πάντοθεν κατείχοντο. Ἐν envoyer au secours
ἀθυμίᾳ δὲ δεινῇ πάντων d'Archagathus. Les affaires
ὄντων Ἀγαθοκλῆς ὡς de la Sicile elle-même
ἐπύθετο τὰ κατὰ τὴν prenaient une mauvaise
Λιβύην ἐλαττώματα, tournure, car le parti de
παρεσκευάσατο ναῦς {τε} Dinocrate, chef des bannis,
μακρὰς ἑπτακαίδεκα, augmentait de jour en jour.
διανοούμενος βοηθεῖν τοῖς Agathocle confia à Leptine la
περὶ τὸν Ἀρχάγαθον. Καὶ conduite de la guerre dans
τῶν κατὰ Σικελίαν δὲ l'île, et, après avoir équipé
πραγμάτων ἐπὶ τὸ χεῖρον ses navires, il attendit une
αὐτῷ μεταβεβληκότων διὰ occasion favorable pour
τὸ τοὺς περὶ Δεινοκράτην s'embarquer, en échappant
φυγάδας ηὐξῆσθαι ἐπὶ à trente navires carthaginois
πλεῖον τὸν μὲν ἐν τῇ νήσῳ qui étaient en croisière dans
πόλεμον τοῖς περὶ les eaux de Sicile. En ce
Λεπτίνην στρατηγοῖς même temps il lui arriva de
ἐνεχείρισεν, αὐτὸς δὲ la Tyrrhénie un secours de
πληρώσας τὰς ναῦς dix-huit navires qui entrèrent
ἐπετήρει τὸν τοῦ πλοῦ de nuit dans le port, à l'insu
καιρόν, ἐφορμούντων τῶν des Carthaginois. Agathocle
Καρχηδονίων τριάκοντα saisit cette occasion pour
ναυσί. Καθ´ ὃν δὴ χρόνον tromper les ennemis par un
ἐκ Τυρρηνίας αὐτῷ stratagème : il ordonna à ses
κατέπλευσαν ὀκτωκαίδεκα alliés de la Tyrrhénie de
ναῦς ἐπὶ βοήθειαν, αἳ διὰ rester dans le port jusqu'à ce
νυκτὸς εἰς τὸν λιμένα qu'ayant mis à la voile il
εἰσπεσοῦσαι τοὺς aurait entraîné à sa
Καρχηδονίους ἔλαθον. δ´ poursuite les Phéniciens. En
Ἀγαθοκλῆς ταύτης τυχὼν effet, ainsi qu'il l'avait dit, il
τῆς ἀφορμῆς sortit rapidement du port
κατεστρατήγησε τοὺς avec dix-sept bâtiments.
πολεμίους, τοῖς μὲν Aussitôt les Carthaginois se
συμμάχοις μένειν mirent à sa poursuite. Au
παραγγείλας μέχρι ἂν même moment les
αὐτὸς ἐκπλεύσας Tyrrhéniens sortirent du
ἐπισπάσηται τοὺς Φοίνικας port; Agathocle fit volte face,
πρὸς τὸν διωγμόν, αὐτὸς attaqua les Barbares, et leur
δέ, καθάπερ ἦν συν livra un combat naval.
τεθειμένος, ἐκ τοῦ λιμένος Déconcertés par cette
ἀνήχθη κατὰ σπουδὴν τοῖς attaque imprévue et
ἑπτακαίδεκα σκάφεσιν. Εἶθ enveloppés par l'ennemi, les
´ οἱ μὲν ἐφορμοῦντες Carthaginois furent mis en
ἐδίωκον, οἱ δὲ περὶ τὸν déroute. Les Grecs se
Ἀγαθοκλέα κατανοήσαντες rendirent maîtres de cinq
τοὺς Τυρρηνοὺς bâtiments avec tout leur
παραφαινομένους ἐκ τοῦ équipage; le général
λιμένος ἄφνω τὰς ναῦς carthaginois, montant le
ἐπέστρεψαν καὶ vaisseau commandant, fut
καταστάντες εἰς ἐμβολὴν lui- 170 même pris; mais,
διεναυμάχουν τοῖς préférant la mort à la
βαρβάροις. Οἱ δὲ captivité, il se poignarda ;
Καρχηδόνιοι διά τε τὸ cependant il était inspiré par
παράδοξον καὶ διὰ τὸ τῶν un mauvais génie, car le
πολεμίων εἰς μέσον vaisseau que ce général
ἀπολαμβάνεσθαι τὰς ἰδίας avait monté profita d'un vent
τριήρεις καταπλαγέντες favorable, et parvint à se
ἔφυγον. Εἶθ´ οἱ μὲν dégager.
Ἕλληνες πέντε νεῶν LXII. Agathocle, qui avait
αὐτάνδρων ἐκυρίευσαν, déjà renoncé à tout espoir de
δὲ τῶν Καρχηδονίων l'emporter par mer sur les
στρατηγὸς ἁλισκομένης Carthaginois, fut contre
ἤδη τῆς ναυαρχίδος toute attente vainqueur dans
ἀπέσφαξεν ἑαυτόν, ce combat naval; et, devenu
προκρίνας τὸν θάνατον maître de la mer, il rendit
τῆς προσδοκηθείσης aux marchands toute
αἰχμαλωσίας. Οὐ μὴν sécurité. Ainsi les
ἐφάνη γε εὖ Syracusains virent prospérer
βεβουλευμένος· γὰρ ναῦς le commerce, et passèrent
φοροῦ πνεύματος de la disette à l'abondance.
ἐπιλαβομένη τοῦ δόλωνος Le tyran, enflé par les succès
ἀρθέντος ἐξέφυγε τὸν qu'il venait de remporter,
κίνδυνον. ordonna à Leptine de
LXII. Ἀγαθοκλῆς μὲν ravager le territoire ennemi
οὖν οὐδ´ ἐλπίδας ἔχων τοῦ et celui des Agrigentins; car
κατὰ θάλατταν Xenodocus, méprisé depuis
περιέσεσθαί ποτε sa dernière défaite par la
Καρχηδονίων ἐνίκησε faction ennemie, était en
ναυμαχίᾳ παραδόξως καὶ opposition avec une partie
τὸ λοιπὸν θαλασσοκρατῶν des citoyens, et fomentait la
παρείχετο τοῖς ἐμπόροις révolte. Agathocle ordonna
τὴν ἀσφάλειαν. Διόπερ οἱ donc à Leptine de provoquer
Συρακόσιοι, πάντοθεν πρὸς Xenodocus au combat,
αὐτοὺς κομιζομένης persuadé qu'on aurait
ἀγορᾶς, ἀντὶ τῆς τῶν facilement raison de troupes
ἐπιτηδείων σπάνεως qui n'étaient pas d'accord
ταχέως πάντων ἔσχον entre elles et en quelque
δαψίλειαν. δὲ δυνάστης sorte vaincues d'avance;
μετεωρισθεὶς τῷ γεγονότι c'est ce qui arriva en effet.
προτερήματι Λεπτίνην Leptine envahit le territoire
ἐξαπέστειλε λεηλατήσοντα des Agrigentins et le
τὴν πολεμίαν καὶ μάλιστα ravagea. Xenodocus resta
τὴν Ἀκραγαντίνην. γὰρ d'abord inactif, ne se croyant
Ξενόδοκος διὰ τὴν pas assez fort pour résister
γεγενημένην ἧτταν aux lieutenants d'Agathocle;
βλασφημούμενος ὑπὸ τῶν mais, accusé de lâcheté par
ἀντιπολιτευομένων ses concitoyens, il entra en
ἐστασίαζε πρὸς αὐτούς. campagne, quoique son
Παρήγγειλε μὲν οὖν τῷ armée fût inférieure à celle
Λεπτίνῃ πειρᾶσθαι de Leptine, tant en nombre
προκαλέσασθαι τὸν ἄνδρα qu'en courage, car elle
πρὸς τὴν μάχην· ῥᾳδίως n'était composée que de
γὰρ προτερήσειν ὡς citoyens élevés dans
στασιαζούσης δυνάμεως l'oisiveté et à l'ombre du
καὶ προηττημένης. Ὅπερ foyer, tandis que celle de
καὶ συνετελέσθη· μὲν γὰρ Leptine n'était formée que
Λεπτίνης ἐμβαλὼν εἰς τὴν de soldats habitués au
Ἀκραγαντίνην τὴν χώραν bivouac et rompus au métier
ἐδῄου, δὲ Ξενόδοκος τὸ de la guerre. Aussi, dans le
μὲν πρῶτον ἡσυχίαν εἶχεν, combat qui s'engagea, les
οὐ νομίζων αὑτὸν soldats de Leptine mirent
ἀξιόμαχον εἶναι, bien vite en déroute les
ὀνειδιζόμενος δὲ ὑπὸ τῶν Agrigentins, et les
πολιτῶν εἰς δειλίαν poursuivirent jusque dans
προήγαγε τὴν στρατιάν, leur ville. Dans cette bataille,
τῷ μὲν ἀριθμῷ βραχὺ les vaincus perdirent environ
λειπομένην τῶν ἐναντίων, cinq cents hommes
τῇ δ´ ἀρετῇ πολὺ d'infanterie et plus de
καταδεεστέραν οὖσαν, ὡς cinquante cavaliers. Les
ἂν τῆς μὲν πολιτικῆς ἐν Agrigentins furent exaspérés
ἀνέσει καὶ σκιατραφίᾳ contre Xenodocus, auquel ils
γεγενημένης, τῆς δ´ ἐν reprochèrent de s'être laissé
ἀγραυλίᾳ καὶ συνεχέσι battre deux fois. Xenodocus,
στρατείαις pour se soustraire au
γεγυμνασμένης. Διὸ καὶ jugement dont il était
μάχης γενομένης οἱ περὶ menacé, se retira à Géla.
τὸν Λεπτίνην ταχὺ τοὺς LXIII. Victorieux, à peu
Ἀκραγαντίνους τρεψάμενοι de jours d'intervalle, sur
συνεδίωξαν εἰς τὴν πόλιν· terre et sur mer, Agathocle
ἔπεσον δ´ ἐπὶ τῆς offrit des sacrifices aux
παρατάξεως τῶν dieux, et traita ses 171 amis
ἡττηθέντων πεζοὶ μὲν περὶ par des festins splendides.
πεντακοσίους, ἱππεῖς δὲ Dans ces banquets il
πλείω τῶν πεντήκοντα. Εἶθ déposait la majesté
´ οἱ μὲν Ἀκραγαντῖνοι souveraine, et se mettait
δυσφοροῦντες ἐπὶ τοῖς même au-dessous d'un
ἐλαττώμασιν ἐν αἰτίαις simple particulier. Par une
εἶχον τὸν Ξενόδοκον, ὡς δι telle conduite, il captait la
´ ἐκεῖνον δὶς ἡττημένοι· bienveillance de la
δὲ φοβηθεὶς τὰς multitude, et en même
ἐπιφερομένας εὐθύνας καὶ temps, par la liberté qui
κρίσεις ἀπεχώρησεν εἰς régnait dans ces banquets, il
τὴν Γέλαν. était mis à même de
LXIII. Ἀγαθοκλῆς δὲ ἐν pénétrer les sentiments de
ἡμέραις ὀλίγαις καὶ πεζῇ chacun des convives; car
καὶ κατὰ θάλατταν c'est dans le vin que la vérité
νενικηκὼς τοὺς πολεμίους déguisée se montre au jour.
ἔθυε τοῖς θεοῖς καὶ Agathocle était d'une
λαμπρὰς ὑποδοχὰς τῶν humeur joviale, satirique,
φίλων ἐποιεῖτο. Ἀπετίθετο bon mime, et dans les
δ´ ἐν τοῖς πότοις τὸ τῆς assemblées publiques il
τυραννίδος ἀξίωμα καὶ s'amusait quelquefois à
τῶν τυχόντων ἰδιωτῶν contrefaire, par des gestes
ταπεινότερον ἑαυτὸν et des mimes, plusieurs des
ἀπεδείκνυεν, ἅμα μὲν διὰ assistants, au point que la
τῆς τοιαύτης πολιτείας foule éclatait souvent de rire,
θηρώμενος τὴν παρὰ τῶν comme en présence d'un
πολλῶν εὔνοιαν, ἅμα δὲ histrion ou d'un
διδοὺς ἐν τῇ μέθῃ καθ´ prestidigitateur. Il n'avait
αὑτοῦ παρρησίαν ἀκριβῶς d'autre garde que le peuple
κατενόει τὴν ἑκάστου qui l'environnait; et bien
διάνοιαν, τῆς ἀληθείας différent de Denys le tyran, il
ἐκφερομένης se rendait seul dans les
ἀπαρακαλύπτως διὰ τὸν assemblées. Denys, en effet,
οἶνον. Ὑπάρχων δὲ καὶ poussait la défiance envers
φύσει γελωτοποιὸς καὶ tout le monde si loin, qu'il
μῖμος οὐδ´ ἐν ταῖς laissait croître ses cheveux
ἐκκλησίαις ἀπείχετο τοῦ et sa barbe, afin de n'être
σκώπτειν τοὺς καθημένους pas obligé de soumettre au
καί τινας αὐτῶν εἰκάζειν, fer du barbier les parties
ὥστε τὸ πλῆθος πολλάκις principales du corps. Si
εἰς γέλωτα ἐκτρέπεσθαι, quelquefois il avait besoin de
καθάπερ τινὰ τῶν se faire tondre, il se faisait
ἠθολόγων θαυματοποιῶν brûler les cheveux, disant
θεωροῦντας. que la défiance était l'unique
Δορυφορούμενος δὲ ὑπὸ sauvegarde de la tyrannie Il
πλήθους εἰς τὰς ἐκκλησίας en était tout autrement
εἰσῄει μόνος, οὐχ ὁμοίως d'Agathocle. Un jour dans un
Διονυσίῳ τῷ τυράννῳ· festin, saisissant une grande
οὗτος γὰρ ἐπὶ τοσοῦτον coupe d'or, il s'écria qu'il ne
ἀπίστως διέκειτο πρὸς cesserait de cultiver l'art du
ἅπαντας ὥστε κατὰ μὲν τὸ potier que lorsqu'il serait
πλεῖστον κομᾶν καὶ parvenu à fabriquer des
πωγωνοτροφεῖν, ὅπως μὴ coupes aussi bien travaillées;
συναναγκασθῇ τῷ τοῦ car, loin de renier la
κουρέως σιδήρῳ profession qu'il avait
παραβαλεῖν τὰ κυριώτατα exercée, il en tirait au
μέρη τοῦ σώματος· εἰ δὲ contraire vanité, montrant
καί ποτε χρεία γένοιτο τὴν ainsi que, par ses propres
κεφαλὴν ἀποκείρασθαι, moyens, il avait su s'élever
περιέκαε τὰς τρίχας, μίαν de la plus humble condition
ἀσφάλειαν τυραννίδος au rang suprême. Un jour il
ἀποφαινόμενος τὴν assiégea une ville assez
ἀπιστίαν. δ´ οὖν importante; un des habitants
Ἀγαθοκλῆς παρὰ τὸν πότον lui cria du haut des murs : «
λαβὼν ῥυτὸν μέγαν Potier, chauffeur de fours,
χρυσοῦν εἶπεν ὡς οὐ quand payeras-tu les gages
πρότερον ἀπέστη τῆς de tes soldats? - Quand
κεραμευτικῆς τέχνης ἕως j'aurai pris la ville, » reprit-il.
τοιαῦτα ἐκπωμάτων Enfin, par la familiarité de
πλάσματα φιλοτεχνῶν ses manières qu'il montrait
ἐκεραμεύσατο. Οὐ γὰρ dans les festins, il était
ἀπηρνεῖτο τὴν ἐπιστήμην, parvenu à découvrir au
ἀλλὰ καὶ τοὐναντίον milieu de l'ivresse des
ἐκαυχᾶτο, διὰ τῆς ἰδίας convives ceux qui
ἀρετῆς ἀποφαινόμενος nourrissaient les sentiments
ἀντὶ τοῦ ταπεινοτάτου les plus hostiles à la
βίου τὸν ἐπιφανέστατον tyrannie. Un jour il invita de
μετ ειληφέναι. Καί ποτε nouveau à un banquet ceux
πολιορκοῦντος αὐτοῦ τινα qu'il savait être ses ennemis,
τῶν οὐκ ἀδόξων πόλεων ainsi que les Syracusains les
καὶ τῶν ἀπὸ τοῦ τείχους plus distingués; ils étaient au
βοώντων «Κεραμεῦ καὶ nombre de cinq cents : il les
καμινεῦ, πότε τοὺς fit entourer d'une 172 troupe
μισθοὺς ἀποδώσεις τοῖς de mercenaires dévoués, et
στρατιώταις;» ὑπολαβὼν les fit tous égorger. Cet acte
εἶπεν «Ὅταν ταύτην avait été dicté par la crainte
ἐξέλω.» οὐ μὴν ἀλλὰ διὰ que, pendant qu'il serait en
τὴν ἐν τοῖς πότοις Libye, ses ennemis ne
εὐτραπελίαν κατανοήσας renversassent la tyrannie,
τῶν μεθυόντων τοὺς secondés dans cette
ἀλλοτρίως τὰ πρὸς τὴν entreprise par les exilés
δυναστείαν ἔχοντας réunis autour de Dinocrate.
παρέλαβεν αὐτούς ποτε Après avoir ainsi pourvu à sa
κατ´ ἰδίαν πάλιν ἐπὶ τὴν sécurité, Agathocle quitta le
ἑστίασιν καὶ τῶν ἄλλων port de Syracuse.
Συρακοσίων τοὺς μάλιστα LXIV. Arrivé en Libye,
πεφρονηματισμένους, τὸν Agathocle trouva l'armée
ἀριθμὸν πεντακοσίους découragée et manquant de
ὄντας· οἷς περιστήσας τῶν vivres. Il jugea donc utile de
μισθοφόρων τοὺς εὐθέτους tenter le sort d'une bataille.
ἅπαντας ἀπέσφαξεν. Il exhorta ses soldats à une
Σφόδρα γὰρ εὐλαβεῖτο μὴ nouvelle lutte, et les fit
χωρισθέντος αὐτοῦ εἰς marcher contre les Barbares.
Λιβύην καταλύσωσι τὴν Il avait encore sous ses
δυναστείαν, ordres six mille Grecs et
ἐπικαλεσάμενοι τοὺς μετὰ presque un nombre égal de
Δεινοκράτους φυγάδας. Celtes, de Samnites et de
Τοῦτον δὲ τὸν τρόπον Tyrrhéniens, sans compter à
ἀσφαλισάμενος τὰ κατὰ peu près dix mille Libyens,
τὴν ἀρχὴν ἐξέπλευσεν ἐκ troupe infidèle, qui passait
τῶν Συρακουσσῶν. selon les circonstances d'un
LXIV. Καὶ κομισθεὶς εἰς parti dans l'autre.
Λιβύην κατέλαβε τὸ Indépendamment de
στρατόπεδον ἐν ἀθυμίᾳ καὶ l'infanterie, il avait encore
σπάνει πολλῇ· διόπερ quinze cents cavaliers et
κρίνων συμφέρειν plus de six mille chars
διαγωνίζεσθαι παρεκάλεσε libyens. Les Carthaginois
τοὺς στρατιώτας εἰς τὸν avaient établi leur camp sur
κίνδυνον καὶ προαγαγὼν une hauteur presque
τὴν δύναμιν ἐκτεταγμένην inaccessible, et ne jugèrent
προεκαλεῖτο τοὺς pas prudent d'en venir aux
βαρβάρους εἰς μάχην. Εἶχε mains avec des hommes
δὲ πεζοὺς μὲν τοὺς réduits au désespoir. Ils
ἅπαντας ὑπολειπομένους restèrent donc dans leur
Ἕλληνας ἑξακισχιλίους, camp, amplement munis de
Κελτοὺς δὲ καὶ Σαυνίτας provisions, et espérant
καὶ Τυρρηνοὺς τούτων οὐκ dompter l'ennemi par la
ἐλάττους, Λίβυας δὲ famine et le temps. Mais
μικρὸν ἀπολείποντας τῶν Agathocle ne réussissant pas
μυρίων, οὓς ἐφέδρους à les attirer dans la plaine, et
εἶναι συνέβαινε, pressé par les circonstances
συμμεταβαλλομένους ἀεὶ de tout risquer, conduisit son
τοῖς καιροῖς· χωρὶς δὲ armée à l'attaque du camp
τούτων ἠκολούθουν ἱππεῖς des Barbares. Ceux-ci
χίλιοι πεντακόσιοι, ζεύγη sortirent donc de leur camp,
δὲ Λιβύων πλείω τῶν favorisés par le nombre et
ἑξακισχιλίων. Οἱ δὲ par la difficulté des lieux. Les
Καρχηδόνιοι troupes d'Agathocle
κατεστρατοπεδευκότες ἐπὶ soutinrent d'abord pendant
τῶν ὑπερδεξίων καὶ quelque temps le choc des
δυσπροσίτων Carthaginois; mais enfin,
διακινδυνεύειν μὲν πρὸς pressés de toutes parts, les
ἀνθρώπους ἀπο mercenaires et les autres
γινώσκοντας τὴν Grecs lâchèrent pied et se
σωτηρίαν οὐκ ἔκρινον, retirèrent dans le camp. Les
μένοντες δ´ ἐν τῇ Carthaginois, se mettant à
παρεμβολῇ καὶ πάντων leur poursuite, les serrèrent
εὐποροῦντες τῇ σπάνει καὶ de près, ayant soin
τῷ χρόνῳ καταπολεμήσειν d'épargner les Libyens, afin
τοὺς ἐναντίους ἤλπιζον. δ de captiver leur
´ Ἀγαθοκλῆς οὐ δυνάμενος bienveillance; mais ils firent
μὲν αὐτοὺς εἰς τὰ πεδία un grand carnage des Grecs
προάγεσθαι, τῶν δὲ et des mercenaires qu'ils
καιρῶν ἀναγκαζόντων reconnaissaient à leurs
τολμᾶν τι καὶ armes, et les poursuivirent
παραβάλλεσθαι τὴν jusque dans leur camp.
δύναμιν ἤγαγεν ἐπὶ τὴν Agathocle laissa environ trois
τῶν βαρβάρων mille hommes sur le champ
στρατοπεδείαν. de bataille. Dans la nuit
Ἐπεξελθόντων οὖν τῶν suivante, il arriva un
Καρχηδονίων καὶ πολὺ τῷ événement étrange et
πλήθει καὶ ταῖς inespéré, également fatal
δυσχωρίαις ὑπερεχόντων aux deux armées.
ἐπὶ μέν τινα χρόνον οἱ περὶ LXV. Après la victoire,
τὸν Ἀγαθοκλέα les Carthaginois choisirent
διεκαρτέρουν πάντοθεν parmi 173 leurs prisonniers
ἐκθλιβόμενοι, μετὰ δὲ les hommes les plus beaux,
ταῦτ´ ἐνδόντων τῶν et passèrent la nuit à les
μισθοφόρων καὶ τῶν offrir aux dieux en sacrifice
ἄλλων ἠναγκάσθησαν d'actions de grâces. Une
ἀναχωρῆσαι πρὸς τὴν grande flamme enveloppait
στρατοπεδείαν. Οἱ δὲ les victimes, lorsque
βάρβαροι βαρέως soudain, par un vent violent,
ἐπικείμενοι τοὺς μὲν le feu atteignit le tabernacle
Λίβυας παρήλλαττον οὐδὲν placé au pied de l'autel; du
ἐνοχλοῦντες, ἵνα τὴν tabernacle la flamme gagna
εὔνοιαν αὐτῶν la tente du général, puis
ἐκκαλέσωνται, τοὺς δ´ successivement les tentes
Ἕλληνας καὶ μισθοφόρους des autres chefs. Cet
γνωρίζοντες διὰ τῶν incendie remplit toute
ὅπλων ἐφόνευον, μέχρις l'armée d'effroi : les uns
ὅτου συν εδίωξαν εἰς τὴν cherchaient à éteindre le
παρεμβολήν. Τότε μὲν οὖν feu, les autres à emporter
ἀνῃρέθησαν Ἀγαθοκλέους leurs armes et leurs biens les
εἰς τρισχιλίους· κατὰ δὲ plus précieux; mais ils
τὴν ἐπιοῦσαν νύκτα τὰς devinrent tous la proie des
δυνάμεις ἀμφοτέρας flammes. Comme les tentes
συνέβη περιπεσεῖν étaient en roseaux et en
παραλόγῳ τινὶ συμφορᾷ paille (40), et que le vent
καὶ πᾶσιν ἀνελπίστῳ. devenait de plus en plus

LXV. Τῶν γὰρ violent, tous les secours

Καρχηδονίων μετὰ τὴν furent inutiles; aussi en peu

νίκην τοὺς καλλίστους τῶν de temps tout le camp fut-il

αἰχμαλώτων θυόντων en feu. Beaucoup de

χαριστήρια νυκτὸς τοῖς Carthaginois, abandonnés

θεοῖς καὶ πολλοῦ πυρὸς dans les passages étroits du

τοὺς ἱεροκαυτουμένους camp, furent. brûlés vifs, et

ἄνδρας κατέχοντος subirent ainsi sur la place le

ἐξαίφνης πνεύματος même supplice que leur

ἐπιπεσόντος συνέβη τὴν cruauté impie avait réservé

ἱερὰν σκηνὴν ἀναφθῆναι, aux prisonniers. Quant à

πλησίον οὖσαν τοῦ βωμοῦ, ceux qui parvinrent, au

ἀπὸ δὲ ταύτης τὴν milieu de ce tumulte, à

στρατηγικὴν καὶ κατὰ τὸ s'échapper du camp, ils

συνεχὲς οὔσας τὰς τῶν coururent un danger bien

ἡγεμόνων, ὥστε πολλὴν plus grand encore.

ἔκπληξιν γενέσθαι καὶ LXVI. Les Libyens, qui au


φόβον κατὰ πᾶν τὸ nombre de cinq mille
στρατόπεδον. Τινὲς μὲν servaient dans l'armée
γὰρ τὸ πῦρ ἐπιχειροῦντες d'Agathocle, désertèrent
σβέσαι, τινὲς δὲ τὰς dans la même nuit pour
πανοπλίας καὶ τὰ passer dans le camp des
πολυτελέστατα τῶν Barbares. Ces Libyens ayant
παρεσκευασμένων été aperçus par les
ἐκκομίζοντες ὑπὸ τῆς sentinelles du camp
φλογὸς ἀπελαμβάνοντο· carthaginois, l'alarme se
τῶν γὰρ σκηνῶν ἐκ répandit parmi les
καλάμου καὶ χόρτου Carthaginois qui croyaient
συγκειμένων καὶ τοῦ πυρὸς que toute l'armée des Grecs
ὑπὸ τοῦ πνεύματος s'avançait contre eux.
βιαιότερον ἐκριπισθέντος Chacun cherchait son salut
παρὰ τῶν στρατιωτῶν dans la fuite : les soldats
βοήθεια κατεταχεῖτο. Διὸ n'obéissaient plus à leur
καὶ τῆς παρεμβολῆς ταχὺ chef, et, quittant leurs rangs,
πάσης φλεγομένης πολλοὶ tombaient, dans leur frayeur,
μὲν ἐν στεναῖς ταῖς les uns sur les autres;
διόδοις ἀποληφθέντες trompés par l'obscurité et
ζῶντες κατεκαύθησαν καὶ aveuglés par la terreur, ils se
τῆς εἰς τοὺς αἰχμαλώτους battaient contre leurs
ὠμότητος παραχρῆμα τὴν propres camarades, les
κόλασιν ὑπέσχον, αὐτῆς prenant pour des ennemis. Il
τῆς ἀσεβείας ἴσην τὴν en résulta un grand carnage;
τιμωρίαν πορισαμένης· les uns, victimes de l'erreur,
τοῖς δ´ ἐκ τῆς παρεμβολῆς restèrent sur place; les
ἐκπίπτουσι μετὰ θορύβου autres, s'enfuyant sans
καὶ κραυγῆς ἕτερος μείζων armes et égarés par la peur,
ἐπηκολούθησε κίνδυνος. se jetèrent dans des

LXVI. Τῶν μὲν γὰρ précipices, où ils périrent.

Ἀγαθοκλεῖ συντεταγμένων Enfin, plus de cinq mille

Λιβύων εἰς hommes perdirent ainsi la

πεντακισχιλίους vie, le reste parvint à se

ἀποστάντες τῶν Ἑλλήνων sauver à Carthage. Les

νυκτὸς ηὐτομόλουν πρὸς habitants de cette ville,

τοὺς βαρβάρους. Τούτους trompés par la rumeur

δὲ οἱ πρὸς τὴν κατασκοπὴν publique, crurent que leur


ἐκπεμφθέντες ὡς ἴδον ἐπὶ armée venait d'être battue,
τὴν παρεμβολὴν τῶν et qu'elle était en grande
Καρχηδονίων partie détruite. Dans cette
προσάγοντας, νομίσαντες 174 anxiété, ils ouvrirent les
τὴν τῶν Ἑλλήνων δύναμιν portes de la ville, et reçurent
ἅπασαν διεσκευασμένην les fuyards au milieu du
ἐπιέναι, ταχὺ τοῖς tumulte et d'une
στρατιώταις ἐδήλωσαν consternation générale, car
τὴν προσιοῦσαν δύναμιν. on s'imaginait que l'ennemi
Διαδοθέντος οὖν πρὸς était à leurs trousses; mais
ἅπαντας τοῦ λόγου lorsque le jour parut, ils
θόρυβος ἐνέπιπτε καὶ apprirent la vérité, et leur
προσδοκία τῆς τῶν frayeur se calma.
πολεμίων ἐφόδου. Ἑκάστου LXVII. Dans ce même
δὲ τὴν σωτηρίαν ἐν τῇ moment les troupes
φυγῇ τιθεμένου καὶ μήτε d'Agathocle furent victimes
παραγγέλματος δοθέντος d'une erreur semblable : les
ὑπὸ τῶν στρατηγῶν μήτε déserteurs libyens voyant le
τάξεως οὔσης μηδε μιᾶς οἱ camp carthaginois tout en
φεύγοντες ἐνέπιπτον flammes, et entendant le
ἀλλήλοις· ὧν οἱ μὲν διὰ τὸ tumulte qui s'en élevait,
σκότος, οἱ δὲ διὰ τὴν n'osèrent s'avancer et
ἔκπληξιν ἀγνοοῦντες τοὺς revinrent sur leurs pas.
οἰκείους ὡς πολεμίους Quelques Grecs qui les
ἠμύνοντο. Πολλοῦ δὲ aperçurent, et qui
φόνου γινομένου καὶ τῆς s'imaginaient que l'armée
ἀγνοίας ἐπικρατούσης οἱ des Carthaginois approchait,
μὲν ἐν χειρῶν νόμῳ vinrent donner l'alarme au
διεφθάρησαν, οἱ δ´ camp d'Agathocle. Le tyran
ἐκπεπηδηκότες ἄνοπλοι ordonna de prendre les
καὶ τὴν φυγὴν ποιούμενοι armes, et les soldats se
διὰ τῶν δυσχωριῶν κατ précipitèrent dans le plus
εκρημνίζοντο, τῆς ψυχῆς grand désordre hors du
ἐπτοημένης διὰ τὸν camp. La flamme qui
ἀπροσδόκητον φόβον. Τὸ s'élevait du camp ennemi,
δὲ τέλος πλειόνων ainsi que le tumulte et les
πεντακισχιλίων cris qui en partaient ne firent
ἀπολομένων τὸ λοιπὸν plus douter que les Barbares
πλῆθος διεσώθη πρὸς τὴν ne s'avançassent avec
Καρχηδόνα. Οἱ δ´ ἐν τῇ toutes leurs forces. Une
πόλει τότε μὲν frayeur universelle gagna le
συνεξαπατηθέντες τῇ camp d'Agathocle, et les
φήμῃ τῶν ἰδίων ὑπέλαβον soldats prirent la fuite.
ἡττῆσθαι μάχῃ καὶ τῆς Cependant les Libyens
δυνάμεως τὸ πλεῖστον vinrent se mêler aux autres
διεφθάρθαι. Διόπερ troupes, et, la nuit
ἀγωνιῶντες ἀνέῳξαν τὰς prolongeant l'erreur, les
πύλας καὶ μετὰ θορύβου soldats se battaient entre
καὶ πτοήσεως ἐδέχοντο eux. Dans cette nuit
τοὺς στρατιώτας, désastreuse, et au milieu de
φοβούμενοι μὴ τοῖς cette terreur panique, plus
ἐσχάτοις οἱ πολέμιοι de quatre mille hommes
συνεισπέσωσιν· ἡμέρας δὲ perdirent la vie. Enfin, la
γενομένης μαθόντες vérité étant connue, ceux qui
τἀληθὲς μόλις ἀπελύθησαν avaient échappé au carnage
τῆς τῶν δεινῶν rentrèrent dans le camp.
προσδοκίας. Voilà comment les deux

LXVII. Οἱ δὲ περὶ τὸν armées furent également

Ἀγαθοκλέα κατὰ τὸν αὐτὸν maltraitées par un

χρόνον δι´ ἀπάτην καὶ événement funeste, et

προσδοκίαν ψευδῆ ταῖς justifièrent ainsi le proverbe,

ὁμοίαις περιέπεσον que la guerre est un jeu de

συμφοραῖς. Τῶν γὰρ hasard.

ἀποστατῶν Λιβύων μετὰ LXVIII. Après ce revers


τὸν ἐμπυρισμὸν τῆς et voyant que les Libyens
παρεμβολῆς καὶ τὸν l'abandonnaient, et que le
γενόμενον θόρυβον οὐ reste de l'armée était dans
τολμησάντων προάγειν, l'impossibilité de continuer la
ἀλλ´ εἰς τοὐπίσω πάλιν guerre contre les
ἐπανιόντων τῶν Ἑλλήνων Carthaginois, Agathocle se
τινὲς αἰσθόμενοι décida à quitter la Libye.
προσιόντας αὐτοὺς καὶ Mais, faute de moyens de
δόξαντες τὴν τῶν transport, il ne pouvait
Καρχηδονίων δύναμιν emmener avec lui toute son
ἥκειν ἀπήγγειλαν τοῖς περὶ armée, et il n'était pas assez
τὸν Ἀγαθοκλέα πλησίον fort pour se mesurer avec les
ὑπάρχειν τὸ τῶν πολεμίων Carthaginois, alors maîtres
στρατόπεδον. Τοῦ de la mer; il ne croyait pas
δυνάστου δὲ non plus réussir à faire la
παραγγείλαντος εἰς ὅπλα paix avec les Barbares, qui
χωρεῖν, ἐξέπιπτον ἐκ τῆς disposaient de troupes
στρατοπεδείας οἱ numériquement supérieures,
στρατιῶται μετὰ πολλοῦ et qui étaient résolus à
θορύβου. Ἅμα δὲ τῆς τε compléter la ruine de ceux
κατὰ τὴν παρεμβολὴν qui, les premiers, avaient
φλογὸς εἰς ὕψος ἀρθείσης osé débarquer dans leur
καὶ τῆς τῶν Καρχηδονίων pays, afin de détourner 175

κραυγῆς ἐξακούστου les autres d'une semblable


γινομένης ὑπέλαβον πρὸς expédition. Agathocle se
ἀλήθειαν τοὺς βαρβάρους décida donc à partir
ἁπάσῃ τῇ δυνάμει secrètement avec une suite
προσάγειν ἐπ´ αὐτούς. Τῆς peu nombreuse, et il
δ´ ἐκπλήξεως τὸ s'embarqua avec son plus
βουλεύεσθαι jeune fils Héraclide. Quant à
παραιρουμένης ἐνέπεσε Archagathus, dont il
φόβος εἰς τὸ στρατόπεδον craignait le caractère
καὶ πάντες πρὸς φυγὴν audacieux et ses
ὥρμησαν. Εἶτα intelligences avec sa belle-
προσμιξάντων αὐτοῖς τῶν mère, il le laissa en Libye.
Λιβύων καὶ τῆς νυκτὸς Mais Archagathus,
μείζονα τὴν ἄγνοιαν soupçonnant le dessein de
φυλαττούσης οἱ son père, guetta le moment
περιτυγχάνοντες ἀλλήλους du départ pour le dénoncer
ὡς πολεμίους ἠμύνοντο. aux officiers et faire échouer
Ὅλην δὲ τὴν νύκτα ce dessein. Car il regardait
πανταχῇ διασπειρομένων comme une iniquité que lui,
αὐτῶν καὶ πανικῷ θορύβῳ qui avait pris part à tous les
συνεχομένων συνέβη périls, et s'était exposé pour
πλείους τῶν les jours de son père et de
τετρακισχιλίων son frère, fût seul privé
ἀναιρεθῆναι. d'une chance de salut et
Ἐπιγνωσθείσης δὲ μόγις livré à la vengeance des
τῆς ἀληθείας οἱ ennemis. Voilà pourquoi il
διασωθέντες ἐπανῆλθον dénonça à quelques chefs
εἰς τὴν παρεμβολήν. Αἱ μὲν Agathocle, qui se disposait
οὖν δυνάμεις ἀμφότεραι déjà à s'enfuir secrètement
τὸν εἰρημένον τρόπον pendant la nuit. Les chefs
ἠτύχησαν, ἐξαπατηθεῖσαι non-seulement s'opposèrent
κατὰ τὴν παρ οιμίαν τοῖς à l'embarquement, mais ils
κενοῖς τοῦ πολέμου. firent connaître dans toute

LXVIII. Ἀγαθοκλῆς δέ, l'armée ce lâche dessein

μετὰ τὴν γενομένην d'Agathocle. Les soldats

ἀτυχίαν τῶν μὲν Λιβύων irrités se saisirent du tyran,

ἁπάντων ἀποστάντων ἀπ´ et le jetèrent enchaîné dans

αὐτοῦ, τῆς δὲ une prison.

ὑπολειπομένης δυνάμεως LXIX. L'anarchie et la


ἀδυνατούσης διαπολεμεῖν confusion régnaient dans
πρὸς τοὺς Καρχηδονίους l'armée. Le bruit se répandit
διέγνω τὴν Λιβύην pendant la nuit que les
ἐκλιπεῖν. Δια κομίσαι δὲ ennemis approchaient. Une
τοὺς στρατιώτας οὐχ terreur panique envahit tout
ὑπελάμβανεν δυνήσεσθαι le camp: les soldats
διὰ τὸ μήτε πόρια abandonnèrent leurs postes
παρεσκευάσθαι μήτε τοὺς sans l'ordre de leurs chefs.
Καρχηδονίους ἐπιτρέψαι Dans ce moment, ceux qui
ποτ´ ἂν gardaient le tyran, non
θαλασσοκρατοῦντας. moins effrayés que les
Διαλύσεις δ´ οὐκ ἐνόμιζε autres, crurent qu'ils avaient
ποιήσεσθαι τοὺς été appelés par quelques-
βαρβάρους, πολὺ uns de leurs camarades. Ils
προέχοντας ταῖς δυνάμεσι arrivèrent aussitôt, amenant
καὶ διαβεβαιουμένους ταῖς Agathocle chargé de
τῶν πρῶτον διαβάντων chaînes; à cette vue l'armée
ἀπωλείαις ἀποτρέψαι τοὺς passa de l'exaspération à la
ἄλλους ἐπιτίθεσθαι τῇ pitié et tous demandèrent à
Λιβύῃ. Ἔκρινεν οὖν μετ´ grands cris qu'on le relâchât.
ὀλίγων λάθρᾳ ποιήσασθαι Agathocle, remis en liberté,
τὴν ἀναγωγὴν καὶ s'embarqua avec quelques
συνενεβίβασε τὸν amis sur un vaisseau de
νεώτερον τῶν υἱῶν transport et partit
Ἡρακλείδην· τὸν γὰρ secrètement. C'était à
Ἀρχάγαθον εὐλαβεῖτο l'époque du coucher des
μήποτε συνὼν τῇ μητρυιᾷ Pléiades, à l'approche de
καὶ φύσει τολμηρὸς ὢν l'hiver. C'est ainsi
ἐπιβουλὴν κατ´ αὐτοῦ qu'Agathocle, ne songeant
συστήσῃ. δ´ Ἀρχάγαθος qu'à sa propre sûreté,
ὑποπτεύσας αὐτοῦ τὴν abandonna ses fils. Ces
ἐπίνοιαν παρετήρει τὸν derniers, après la fuite de
ἔκπλουν, διανοούμενος leur père, furent égorgés par
μηνῦσαι τῶν ἡγεμόνων les soldats qui élurent
τοῖς διακωλύσουσι τὴν d'autres chefs, et traitèrent
ἐπιβολήν· ἡγεῖτο γὰρ avec les Carthaginois. La
δεινὸν εἶναι τὸ τῶν μὲν paix fut conclue aux
κινδύνων ἑαυτὸν conditions suivantes : les
προθύμως μετεσχηκέναι, Grecs rendraient toutes les
προαγωνιζόμενον τοῦ villes qu'ils possédaient, et
πατρὸς καὶ τἀδελφοῦ, τῆς recevraient une somme de
δὲ σωτηρίας μόνον trois cents talents (41); les
ἀποστερεῖσθαι, soldats qui voudraient pren-
καταλειπόμενον ἔκδοτον 176 dre du service chez les
τοῖς πολεμίοις. Διὸ δὴ Carthaginois toucheraient
τοὺς περὶ τὸν Ἀγαθοκλέα une solde régulière; les
μέλλοντας λάθρᾳ τὸν autres, qui ne prendraient
ἀπόπλουν ποιεῖσθαι νυκτὸς point de service, seraient
ἐμήνυσέ τισι τῶν transportés en Sicile et
ἡγεμόνων. Οἱ δὲ auraient pour demeure la
συνδραμόντες οὐ μόνον ville de Solonte. La majorité
διεκώλυσαν, ἀλλὰ καὶ τῷ de l'armée donna son
πλήθει τὴν ῥᾳδιουργίαν assentiment à ces conditions
ἐξέθηκαν· ἐφ´ οἷς οἱ du traité qui fut ratifié.
στρατιῶται περιαλγεῖς Toutes les villes, qui
γενόμενοι συνελάβοντο voulaient rester fidèles à
τὸν δυνάστην καὶ Agathocle, furent prises
δήσαντες παρέδωκαν εἰς d'assaut. Les Carthaginois
φυλακήν. mirent en croix les chefs des

LXIX. Ἀναρχίας οὖν garnisons, et chargèrent de

γενομένης ἐν τῷ chaînes les simples soldats,

στρατοπέδῳ θόρυβος ἦν qui furent employés aux

καὶ ταραχὴ καὶ τῆς νυκτὸς travaux des champs et

ἐπιλαβούσης διεδόθη forcés ainsi à réparer leurs

λόγος ὡς πλησίον εἰσὶν οἱ propres dégâts. C'est de

πολέμιοι. Ἐμπεσούσης δὲ cette manière que les

πτόης καὶ φόβου πανικοῦ Carthaginois furent délivrés

διεσκευασμένος ἕκαστος d'une guerre qui avait duré

προῆγεν ἐκ τῆς quatre ans.

παρεμβολῆς οὐδενὸς LXX. Il importe de


παραγγέλλοντος. Καθ´ ὃν signaler ici la fin de tout ce
δὴ χρόνον οἱ τὸν δυνάστην que l'expédition d'Agathocle
παρα φυλάττοντες οὐχ en Libye a d'étrange, et
ἧττον τῶν ἄλλων surtout la manière dont la
ἐκπεπληγμένοι καὶ providence divine s'est
δόξαντες ὑπό τινων vengée sur les enfants des
καλεῖσθαι ταχέως ἐξῆγον crimes des pères. Vaincu en
τὸν Ἀγαθοκλέα Sicile, Agathocle passa en
διειλημμένον δεσμοῖς. Τὸ Libye avec les débris de son
δὲ πλῆθος ὡς ἴδεν, εἰς armée, et y fit la guerre à
ἔλεον ἐτράπη καὶ πάντες ceux qui venaient de le
ἐπεβόων ἀφεῖναι. δὲ vaincre. Ayant perdu toutes
λυθεὶς καὶ μετ´ ὀλίγων les villes de la Sicile, il fut
ἐμβὰς εἰς τὸ πορθμεῖον réduit à soutenir le siège de
ἔλαθεν ἐκπλεύσας κατὰ Syracuse; puis, passant en
τὴν δύσιν τῆς Πλειάδος Libye, il se rend maître de
χειμῶνος ὄντος. Οὗτος μὲν toutes les villes de ce pays,
οὖν τῆς ἰδίας σωτηρίας et renferme les Carthaginois
φροντίσας ἐγκατέλιπε dans l'intérieur de leur ville,
τοὺς υἱούς, οὓς οἱ comme si la fortune eût
στρατιῶται τὸν δρασμὸν voulu montrer sa puissance
ἀκούσαντες εὐθὺς en déjouant les
ἀπέσφαξαν, καὶ combinaisons humaines.
στρατηγοὺς ἐξ ἑαυτῶν Mais lorsqu'il voulut trop
ἑλόμενοι διελύθησαν πρὸς s'élever et qu'il eut assassiné
Καρχηδονίους, ὥστε τὰς Ophellas, son allié et son
πόλεις ἃς εἶχον hôte, la divinité lui fit sentir
παραδοῦναι καὶ λαβεῖν son influence vengeresse par
τάλαντα τριακόσια καὶ les événements qui
τοὺς μὲν αἱρουμένους arrivèrent dans la suite. En
μετὰ Καρχηδονίων effet, le même mois et le
στρατεύειν κομίζεσθαι même jour où il avait
τοὺς ἀεὶ διδομένους assassiné Ophellas et pris
μισθούς, τοὺς δ´ ἄλλους son armée, Agathocle perdit
εἰς Σικελίαν lui-même ses enfants et sa
διακομισθέντας λαβεῖν propre armée. Et ce qu'il y a
οἰκητήριον Σολοῦντα. Τῶν de plus particulier, c'est que
μὲν οὖν στρατιωτῶν οἱ la divinité, comme un juge
πλείους ἐμμείναντες ταῖς impartial, lui fit éprouver un
συνθήκαις ἔτυχον τῶν double châtiment pour un
ὁμολογηθέντων· ὅσοι δὲ ami qu'il avait injustement
τὰς πόλεις διακατέχοντες fait mettre à mort : il perdit
ἀντεῖχον ταῖς παρ´ ses deux fils et cela par les
Ἀγαθοκλέους ἐλπίσιν, mains de ces mêmes soldats
ἐξεπολιορκήθησαν κατὰ qui avaient suivi Ophellas.
κράτος. Ὧν οἱ Καρχηδόνιοι Que cet exemple serve à
τοὺς μὲν ἡγεμόνας ceux qui seraient tentés de
ἀνεσταύρωσαν, τοὺς δ´ mépriser de pareils
ἄλλους δήσαντες πέδαις, avertissements!
ἣν διὰ τὸν πόλεμον
ἐξηγρίωσαν χώραν,
ἐξηνάγκαζον τοῖς ἰδίοις
πόνοις πάλιν ἐξημεροῦν.
Καρχηδόνιοι μὲν οὖν ἔτος
τέταρτον πολεμούμενοι
τοῦτον τὸν τρόπον
ἐκομίσαντο τὴν
ἐλευθερίαν.

LXX. Τῆς δ´
Ἀγαθοκλέους στρατείας
εἰς Λιβύην ἐπισημήναιτ´ ἄν
τις τό τε παράδοξον καὶ
τὴν εἰς τὰ τέκνα
γενομένην τιμωρίαν οἷον
τῇ θείᾳ προνοίᾳ. Ἐπὶ μὲν
γὰρ τῆς Σικελίας ἡττηθεὶς
καὶ τὴν πλείστην τῆς
δυνάμεως ἀπολέσας ἐπὶ
τῆς Λιβύης μικρῷ μέρει
τοὺς προνενικηκότας
κατεπολέμησεν. Καὶ τὰς
μὲν ἐν τῇ Σικελίᾳ πόλεις
ἁπάσας ἀποβαλὼν πρὸς
Συρακούσσαις
ἐπολιορκεῖτο, κατὰ δὲ τὴν
Λιβύην πασῶν τῶν ἄλλων
πόλεων ἐγκρατὴς
γενόμενος εἰς πολιορκίαν
κατέκλεισε τοὺς
Καρχηδονίους, τῆς τύχης
ὥσπερ ἐπίτηδες ἐπι
δεικνυμένης τὴν ἰδίαν
δύναμιν ἐπὶ τῶν
ἀπηλπισμένων. Εἰς
τηλικαύτην δ´ ὑπεροχὴν
ἐλθόντος αὐτοῦ καὶ τὸν
Ὀφέλλαν φονεύσαντος,
ὄντα φίλον καὶ ξένον,
φανερῶς ἐπεσημήνατο τὸ
δαιμόνιον ὡς διὰ τὴν εἰς
τοῦτον παρανομίαν τῶν
ὕστερον αὐτῷ
γεγενημένων τὸ θεῖον
ἐπιστήσαι· τοῦ γὰρ αὐτοῦ
μηνὸς καὶ τῆς αὐτῆς
ἡμέρας Ὀφέλλαν ἀνελὼν
παρέλαβε τὴν δύναμιν καὶ
πάλιν τοὺς υἱοὺς ἀπολέσας
ἀπέβαλε τὸ στρατόπεδον.
Καὶ τὸ πάντων ἰδιώτατον,
θεὸς ὥσπερ ἀγαθὸς
νομοθέτης διπλῆν ἔλαβε
παρ´ αὐτοῦ τὴν κόλασιν·
ἕνα γὰρ φίλον ἀδίκως
φονεύσας δυεῖν υἱῶν
ἐστερήθη, τῶν μετ´
Ὀφέλλα παραγενομένων
προσενεγκάντων τὰς
χεῖρας τοῖς νεανίσκοις.
Ταῦτα μὲν οὖν ἡμῖν
εἰρήσθω πρὸς τοὺς
καταφρονοῦντας τῶν
τοιούτων.

LXXI. δ´ Ἀγαθοκλῆς LXXI. Aussitôt


ἐπειδὴ διεκομίσθη ταχέως qu'Agathocle fut débarqué
ἐκ τῆς Λιβύης εἰς τὴν en Sicile, il fit venir auprès
Σικελίαν, μεταπεμψάμενος de lui une partie de son
μέρος τῆς δυνάμεως armée, et marcha sur la ville
παρῆλθεν εἰς τὴν τῶν 177 d'Egeste son alliée.
Αἰγεσταίων πόλιν οὖσαν Manquant d'argent, il força
σύμμαχον. Ἀπορούμενος δὲ les plus riches citoyens à lui
χρημάτων εἰσφέρειν abandonner une grande
ἠνάγκαζε τοὺς εὐπόρους partie de leur fortune. Egeste
τὸ πλεῖον μέρος τῆς comptait alors environ dix
ὑπάρξεως, οὔσης τῆς mille habitants. Comme
πόλεως τότε μυριάνδρου. cette exaction produisit une
Πολλῶν δ´ ἐπὶ τούτοις indignation générale,
ἀγανακτούντων καὶ Agathocle saisit ce prétexte
συντρεχόντων pour accuser les Égestiens
αἰτιασάμενος τοὺς de conspirer contre lui, et
Αἰγεσταίους ἐπιβουλεύειν exerça sur eux les dernières
αὐτῷ δειναῖς περιέβαλε rigueurs. Il fit traîner les
συμφοραῖς τὴν πόλιν· τοὺς pauvres hors de la ville et les
μὲν γὰρ ἀπορωτάτους égorgea aux bords du
προαγαγὼν ἐκτὸς τῆς Scamandre. Quant à ceux
πόλεως παρὰ τὸν auxquels il supposait
Σκάμανδρον ποταμὸν quelque fortune, il leur fit
ἀπέσφαξεν, τοὺς δὲ avouer, au milieu des plus
δοκοῦντας οὐσίαν grandes tortures, la somme
κεκτῆσθαι μείζονα de leurs richesses. Les uns
βασανίζων ἠνάγκαζε eurent les membres
λέγειν ὁπόσα ἔχων τις disloqués par une roue;
τυγχάνει χρήματα καὶ τοὺς d'autres, attachés à des
μὲν αὐτῶν ἐτρόχιζε, τοὺς catapultes, furent lancés au
δὲ εἰς τοὺς καταπέλτας loin; quelques-uns eurent les
ἐνδεσμεύων κατετόξευεν, os du pied réséqués, et les
ἐνίοις δ´ ἀστραγάλους forçant à se tenir debout,
προστιθεὶς βιαιότερον leur fit éprouver les plus
δειναῖς ἀλγηδόσι atroces douleurs (42).
περιέβαλλεν. Ἐξεῦρε δὲ καὶ Agathocle imagina un autre
ἑτέραν τιμωρίαν ἐμφερῆ genre de supplice semblable
τῷ Φαλάριδος ταύρῳ· au taureau de Phalaris. Il fit
κατεσκεύασε γὰρ κλίνην fabriquer un lit d'airain,
χαλκῆν ἀνθρωπίνου ayant la forme d'un corps
σώματος τύπον ἔχουσαν humain et garni d'une claie
καὶ καθ´ ἕκαστον μέρος sur laquelle les patients
κλεισὶ διειλημμένην, εἰς étaient attachés : en y
ταύτην δ´ ἐναρμόζων τοὺς mettant le feu, on les brûlait
βασανιζομένους ὑπέκαιε vifs. Cet instrument de
ζῶντας, τούτῳ supplice ne différait du
διαφερούσης τῆς taureau de Phalaris qu'en ce
κατασκευῆς ταύτης παρὰ que les malheureux
τὸν ταῦρον, τῷ καὶ périssaient sous les yeux
θεωρεῖσθαι τοὺς ἐν ταῖς même des spectateurs. Les
ἀνάγκαις ἀπολλυμένους. femmes elles-mêmes des
Τῶν δὲ γυναικῶν τῶν citoyens riches
εὐπόρων τινῶν μὲν n'échappèrent pas à ces
καρκίνοις σιδηροῖς τὰ tortures : les unes eurent les
σφυρὰ πιέζων συνέτεινε, talons serrés avec des
τινῶν δὲ τοὺς τιτθοὺς tenailles, les autres les seins
ἀπέτεμνεν, ταῖς δ´ ἐγκύοις coupés; celles qui étaient
πλίνθους ἐπὶ τὴν ὀσφῦν enceintes eurent le bas-
ἐπιτιθεὶς τὸ ἔμβρυον ἀπὸ ventre comprimé par des
τοῦ βάρους ἐξέθλιβεν. briques amoncelées, jusqu'à
Τούτῳ δὲ τῷ τρόπῳ τὰ ce que le poids des pierres
χρήματα πάντα τοῦ les fît avorter. Tels sont les
τυράννου ζητοῦντος καὶ moyens dont se servit le
μεγάλου φόβου τὴν πόλιν tyran pour découvrir les
ἐπέχοντος τινὲς μὲν richesses et remplir la ville
αὑτοὺς συγκατέκαυσαν de terreur. Quelques
ταῖς οἰκίαις, τινὲς δὲ habitants, poussés par le
ἀγχόνῃ τὸ ζῆν ἐξέλιπον. désespoir, mirent le feu à
μὲν οὖν Αἴγεστα τυχοῦσα leurs maisons et se jetèrent
μιᾶς ἡμέρας ἀτυχοῦς dans les flammes; quelques
ἡβηδὸν ἐθανατώθη. δ´ autres s'étranglèrent. C'est
Ἀγαθοκλῆς παρθένους μὲν ainsi qu'en un seul jour la
καὶ παῖδας εἰς τὴν Ἰταλίαν malheureuse ville d'Egeste
διακομίσας ἀπέδοτο τοῖς perdit la fleur de sa
Βρεττίοις, τῆς δὲ πόλεως population, Agathocle fit
οὐδὲ τὴν προσηγορίαν transporter 178 en Italie les
ἀπολιπών, ἀλλὰ jeunes filles et les enfants
Δικαιόπολιν μετονομάσας mâles, et les vendit aux
ἔδωκεν οἰκητήριον τοῖς Bruttiens. Il ôta même à la
αὐτομόλοις. ville son ancien nom : il

LXXII. Ἀκούσας γὰρ l'appela Dicéopolis, et la

τὴν τῶν υἱῶν ἀναίρεσιν donna pour demeure à des

καὶ δι´ ὀργῆς ἔχων transfuges.

ἅπαντας τοὺς LXII. En apprenant la


ἀπολελειμμένους κατὰ mort de ses fils, Agathocle,
Λιβύην ἔπεμψε τῶν φίλων furieux contre tous ceux qu'il
τινὰς εἰς Συρακούσσας avait laissés en Libye,
πρὸς Ἄντανδρον τὸν envoya quelques-uns de ses
ἀδελφόν, διακελευσάμενος amis à Syracuse, auprès de
τοὺς τῶν son frère Antandre, pour lui
συστρατευσάντων ἐπὶ donner l'ordre de mettre à
Καρχηδόνα συγγενεῖς mort tous les parents de
ἅπαντας ἀποσφάξαι. Ταχὺ ceux qui avaient pris part à
δὲ τούτου τὸ προσταχθὲν l'expédition contre Carthage.
ποιήσαντος ποικιλώτατον Cet ordre fut promptement
γενέσθαι συνέβη φόνον exécuté. Que de meurtres!
τῶν προγεγονότων· οὐ γὰρ on conduisit à l'échafaud non
μόνον τοὺς ἀκμάζοντας seulement les frères, les
ταῖς ἡλικίαις ἀδελφοὺς pères ou les enfants de ces
πατέρας παῖδας ἐξῆγεν soldats, mais encore les
ἐπὶ τὸν θάνατον, ἀλλὰ καὶ grands-pères et même les
πάππους καὶ τούτων, εἰ pères de ces derniers, si
τύχοι, καὶ πατέρας toutefois il existait encore de
περιόντας ἐσχατογήρους ces vieillards arrivés à
καὶ ταῖς ὅλαις αἰσθήσεσι l'extrême limite de la vie; les
διὰ τὸν χρόνον ἤδη enfants mêmes, dans les
παραλελυμένους, ἔτι δὲ bras de leurs nourrices et
νηπίους παῖδας ἐν que leur innocence aurait dû
ἀγκάλαις φερομένους καὶ protéger, ne furent point
τῆς ἐπιφερομένης αὐτοῖς épargnés; les femmes, pour
συμφορᾶς οὐδεμίαν peu qu'elles eussent quelque
αἴσθησιν λαμ βάνοντας. parenté avec les soldats
ἤγοντο δὲ καὶ γυναῖκες libyens, furent de même
ὅσαι μετεῖχον οἰκειότητος mises à mort. Enfin, aucun
συγγενείας καὶ καθόλου de ceux dont la perte
πᾶς μέλλων τῇ καθ´ pouvait causer quelque
αὑτὸν τιμωρίᾳ λύπην chagrin aux soldats restés en
ἐμποιῆσαι τοῖς ἐπὶ τῆς Libye, n'échappèrent à la
Λιβύης ἀπολειφθεῖσι. colère du tyran. Une foule
Πολλοῦ δὲ πλήθους καὶ immense accompagnait les
παντοίου πρὸς τὴν malheureux qui étaient
θάλατταν ἀχθέντος ἐπὶ conduits au supplice sur les
τὴν τιμωρίαν καὶ τῶν bords de la mer. Arrivés en
σφαγέων ἐφεστώτων présence des bourreaux, les
δάκρυα καὶ δεήσεις καὶ larmes coulèrent, des prières
θρῆνος ἐγίνετο et des lamentations furent
συμφορητός, ὧν μὲν proférées tant par les
ἀνηλεῶς φονευομένων, ὧν malheureuses victimes que
δὲ ἐπὶ ταῖς τῶν πλησίον par les spectateurs
συμφοραῖς ἐκ épouvantés; et, ce qu'il y
πληττομένων καὶ διὰ τὸ avait de plus terrible, tous
προσδοκώμενον οὐδὲν δια ces cadavres furent jetés sur
φερόντων ταῖς ψυχαῖς τῶν le rivage. Aucun parent ni
προαποθνησκόντων. Τὸ δὲ ami n'osait leur rendre le
πάντων χαλεπώτατον, dernier devoir, de crainte de
πολλῶν ἀναιρεθέντων καὶ passer pour un parent. Les
παρὰ τὸν αἰγιαλὸν flots de la mer, teints du
ἐρριμμένων τῶν σωμάτων sang de ces victimes,
οὔτε συγγενὴς οὐδεὶς οὔτε annoncèrent au loin ces
φίλος ἐτόλμα τινὰ atroces exécutions.
κηδεύειν, φοβούμενος μὴ LXXIII. L'année étant
δόξῃ προσαγγέλλειν révolue, Coroebus fut
ἑαυτὸν μετέχοντα τῆς nommé archonte d'Athènes,
ἐκείνων οἰκειότητος. Διὰ et les Romains élurent
δὲ τὸ πλῆθος τῶν consuls Quintus Martius et
φονευθέντων ἐπὶ τοῦ Publius Cornélius (43). A
κύματος συνέβη τὴν cette époque, le roi Antigone
θάλατταν ἐφ´ ἱκανὸν perdit son plus jeune fils
τόπον αἵματι κραθεῖσαν Phénix, et lui fit faire des
πόρρωθεν διαφαίνειν τὴν funérailles d'une
ὑπερβολὴν τῆς τοῦ πάθους magnificence royale. Il
ὠμότητος. rappela ensuite de Cypre
LXXIII. Τοῦ δ´ Démétrios, et concentra ses
ἐνιαυσίου χρόνου troupes à Antigonia, dans le
διεληλυθότος Ἀθήνησι μὲν dessein de porter la guerre
ἦρχε Κόροιβος, ἐν Ῥώμῃ δὲ en Egypte. 179 Il se mit lui-
τὴν ὕπατον ἀρχὴν même à la tête de ses
παρέλαβον Κόιντος troupes de terre, et traversa
Μάρκιος καὶ Πόπλιος la Coelé-Syrie avec plus de
Κορνήλιος. Ἐπὶ δὲ τούτων quatre-vingt mille hommes
Ἀντίγονος βασιλεύς, d'infanterie, huit mille
τελευτήσαντος αὐτῷ τοῦ cavaliers et plus de quatre-
νεωτέρου τῶν υἱῶν vingt-trois éléphants. Il
Φοίνικος, τοῦτον μὲν donna à Démétrios l'ordre de
βασιλικῶς ἔθαψε, τὸν δὲ le suivre de conserve avec
Δημήτριον ἐκ τῆς Κύπρου une flotte de cent cinquante
μεταπεμψάμενος ἤθροιζε vaisseaux longs et de cent
τὰς δυνάμεις εἰς τὴν bâtiments de transport,
Ἀντιγονίαν. Ἔκρινε δὲ chargés d'une immense
στρατεύειν ἐπὶ τὴν quantité de traits. Avant de
Αἴγυπτον. Αὐτὸς μὲν οὖν mettre à la voile, les pilotes
τοῦ πεζοῦ στρατεύματος furent d'avis qu'il fallait
ἀφηγούμενος προῆγε διὰ attendre le coucher des
τῆς Κοίλης Συρίας, ἔχων Pléiades qui, selon eux,
πεζοὺς μὲν πλείους τῶν devait avoir lieu dans huit
ὀκτακισμυρίων, ἱππεῖς δὲ jours. Mais Démétrius leur
περὶ ὀκτακισχιλίους, reprocha leur timidité et les
ἐλέφαντας δὲ τρισὶ obligea de partir. Antigone,
πλείους τῶν ὀγδοήκοντα· empressé de devancer
τῷ δὲ Δημητρίῳ παραδοὺς Ptolémée, vint camper à
τὸν στόλον συνέταξε Gaza. Là, il ordonna à ses
συμπαραπλεῖν ἅμα soldats de s'approvisionner
πορευομένῃ τῇ δυνάμει, de vivres pour dix jours, et
παρεσκευασμέ νων νεῶν chargea sur les chameaux,
τῶν ἁπασῶν μακρῶν μὲν fournis par les Arabes, cent
ἑκατὸν πεντήκοντα, trente mille médimnes (44)
πορίων δὲ στρατιωτικῶν de blé, et une quantité de
ἑκατόν, ἐν οἷς ἐκομίζετο foin suffisante pour les
βελῶν πλῆθος. Τῶν δὲ chevaux et les bêtes de
κυβερνητῶν οἰομένων δεῖν somme. Il fit transporter les
ἀπομένειν τὴν τῆς armes de trait sur des chars
Πλειάδος δύσιν δοκοῦσαν à deux chevaux. En
ἔσεσθαι μεθ´ ἡμέρας traversant le désert, l'armée
ὀκτώ, τούτοις μὲν eut beaucoup à souffrir des
ἐπετίμησεν ὡς fatigues de la route, dans un
κατορρωδοῦσι τοὺς terrain marécageux, et
κινδύνους, αὐτὸς δὲ particulièrement aux
στρατοπεδεύων περὶ Γάζαν environs des Barathres (45).
καὶ σπεύδων φθάσαι τὴν LXXIV. La flotte,
τοῦ Πτολεμαίου commandée par Démétrius,
παρασκευὴν τοῖς μὲν quitta les eaux de Gaza vers
στρατιώταις παρήγγειλε le milieu de la nuit. Il y eut
δέχ´ ἡμερῶν ἔχειν ἐπι pendant quelques jours un
σίτισιν, ἐπὶ δὲ ταῖς calme plat, et les bâtiments
καμήλοις ταῖς de course traînèrent à la
ἀθροισθείσαις ὑπὸ τῶν remorque les bâtiments de
Ἀράβων ἐπέθηκε σίτου charge. Mais ensuite, à
μυριάδας μεδίμνων l'époque du coucher des
τρισκαίδεκα καὶ χόρτου Pléiades, il s'éleva une
πλῆθος τοῖς τετράποσι· τά tempête qui jeta plusieurs
τε βέλη κομίζων τοῖς tétrarèmes vers la ville de
ζεύγεσι προῆγε διὰ τῆς Raphia, dont la rade est d'un
ἐρήμου μετὰ κακοπαθείας accès difficile et entourée de
διὰ τὸ πολλοὺς εἶναι τῶν marais. Une partie des
τόπων τελματώδεις καὶ navires, chargés du
μάλιστα περὶ τὰ transport des armes, périrent
καλούμενα Βάραθρα. dans cette tempête; l'autre
LXXIV. Οἱ δὲ περὶ τὸν rentra dans le port de Gaza,
Δημήτριον ἐκ τῆς Γάζης et les plus forts bâtiments
ἐκπλεύσαντες περὶ μέσας résistèrent seuls a la
νύκτας τὸ μὲν πρῶτον violence des flots et
εὐδίας οὔσης ἐφ´ ἡμέρας atteignirent la hauteur de
τινὰς ταῖς ταχυναυτούσαις Casius. Cet endroit n'est pas
ναυσὶν ἐρυμούλκουν τὰ très éloigné du Nil; mais,
στρατιωτικὰ πόρια· ἔπειτα comme il est sans port et
τῆς Πλειάδος περικατα inabordable dans le gros
λαμβανούσης αὐτοὺς καὶ temps, les bâtiments furent
πνεύματος ἐπιγενομένου obligés de mouiller à environ
βορίου συνέβη πολλὰ τῶν deux stades de la côte; les
τετρηρικῶν σκαφῶν ὑπὸ brisants menaçaient de faire
τοῦ χειμῶνος échouer les bâtiments; la
κατενεχθῆναι παραβόλως côte inhospitalière et
ἐπὶ πόλιν Ῥαφίαν, οὖσαν occupée par l'ennemi
δυσπροσόρμιστον καὶ n'offrait 180 aucun asile, ni
τεναγώδη. Τῶν δὲ πλοίων aux navires ni aux hommes
τῶν κομιζόντων τὰ βέλη qui auraient voulu s'y sauver
τὰ μὲν ὑπὸ τοῦ χειμῶνος à la nage; et, pour comble de
συγκλυσθέντα διεφθάρη, malheur, l'équipage
τὰ δ´ ἐπαλινδρόμησεν εἰς manquait d'eau, à tel point
τὴν Γάζαν· τοῖς δὲ que, si la tempête eût duré
κρατίστοις τῶν σκαφῶν encore un seul jour, tous les
βιασάμενοι διέτειναν μέχρι hommes auraient péri de
τοῦ Κασίου. Τοῦτο δὲ τοῦ soif. Déjà tout le monde
μὲν Νείλου διέστηκεν οὐ s'attendait à mourir, lorsque
μακράν, ἀλίμενον δέ ἐστι la tempête se calma; et
καὶ κατὰ τὰς χειμερίους l'armée d'Antigone,
περιστάσεις apparaissant sur le rivage,
ἀπροσόρμιστον. Διόπερ vint camper en face de la
ἠναγκάζοντο τὰς ἀγκύρας flotte. Les équipages
ἀφέντες ὡς ἂν ἐν δυσὶ descendirent alors à terre, se
σταδίοις ἀπὸ τῆς γῆς procurèrent de l'eau et
ἀποσαλεύειν, ἅμα πολλοῖς attendirent le retour des
περιεχόμενοι δεινοῖς· τοῦ autres bâtiments que la
μὲν γὰρ κλύδωνος tempête avait séparés de la
ῥηγνυμένου τραχύτερον flotte. Dans cette tempête
ἐκινδύνευον αὔτανδρα τὰ périrent trois bâtiments à
σκάφη συγκλυσθῆναι, τῆς cinq rangs de rames; une
δὲ γῆς οὔσης partie de leurs équipages
ἀπροσορμίστου καὶ avait gagné la côte en
πολεμίας οὔτε ναῦς nageant. Antigone continua
ἀκινδύνως ἦν προσπλεῖν ensuite sa marche, et vint
οὔτε τοὺς ἄνδρας camper à deux stades du Nil.
προσνήξασθαι, τὸ δὲ LXXV. Cependant
μέγιστον, ἐλελοίπει τὸ εἰς Ptolémée avait mis en état
πότον αὐτοῖς ὕδωρ, εἰς de défense les principales
τοιαύτην τε σπάνιν places de guerre. Puis il avait
κατεκλείσθησαν ὥστε εἰ fait embarquer quelques
μίαν ἡμέραν χειμὼν émissaires chargés de
ἐπέμεινεν, πάντες ἂν τῷ s'approcher du lieu du
δίψει διεφθάρησαν. Ἐν débarquement de l'ennemi
ἀθυμίᾳ δ´ ὄντων ἁπάντων et de faire crier par des
καὶ προσδοκωμένης ἤδη hérauts que le roi d'Égypte
τῆς ἀπωλείας τὸ μὲν donnerait à chaque soldat,
πνεῦμα κατέπαυσεν, δὲ qui déserterait le drapeau
μετ´ Ἀντιγόνου δύναμις d'Antigone, deux mines (46),
καταντήσασα πλησίον τοῦ et à chaque officier un talent
στόλου (47). Cette proclamation
κατεστρατοπέδευσεν. produisit l'effet désiré. Un
Ἐκβάντες οὖν ἐκ τῶν grand nombre de
σκαφῶν καὶ mercenaires, et même
προσαναλαβόντες ἑαυτοὺς plusieurs chefs avides de
ἐν τῇ στρατοπεδείᾳ changement, désertèrent.
προσέμενον τῶν νεῶν τὰς Antigone prit alors des
ἀποσπασθείσας. Διεφθάρη mesures sévères; il plaça sur
δ´ ἐν τούτῳ τῷ σάλῳ τρία le bord du fleuve des archers
σκάφη τῶν πεντηρικῶν, ἐξ et des frondeurs et plusieurs
ὧν ἔνιοι τῶν ἀνδρῶν catapultes qui devaient
διενήξαντο πρὸς τὴν γῆν. d'abord repousser toutes les
Ἔπειτα Ἀντίγονος μὲν barques qui feraient mine
προαγαγὼν τὴν δύναμιν d'approcher. Les déserteurs
πλησίον τοῦ Νείλου arrêtés furent soumis à des
κατεστρατοπέδευσεν, supplices cruels, afin
ἀπέχων δύο σταδίους τοῦ d'intimider ceux qui seraient
ποταμοῦ. tentés d'imiter un pareil

LXXV. Πτολεμαῖος δὲ exemple.

προκατειληφὼς τοὺς Après avoir rallié les


εὐκαιροτάτους τόπους navires qui étaient restés en
ἀσφαλέσι φυλακαῖς arrière, Antigone entra à
ἀπέστειλέν τινας ἐν τοῖς Pseudostomon (48), croyant
κοντωτοῖς, pouvoir y débarquer une
παρακελευσάμενος partie de ses troupes. Mais
προσπλεῖν πλησίον τῆς trouvant ce point très fortifié
ἐκβάσεως καὶ κηρύττειν et défendu par des balistes
ὅτι δώσει τοῖς et d'autres machines de
μεταβαλομένοις ἀπ´ guerre, il se retira à
Ἀντιγόνου τῶν μὲν l'approche de la nuit; puis il
ἰδιωτῶν ἑκάστοις δύο ordonna aux pilotes de
μνᾶς, τοῖς δ´ ἐφ´ suivre le fanal allumé du
ἡγεμονίας τεταγμένοις vaisseau commandant. Il
τάλαντον. Γενομένων οὖν entra ainsi dans
τῶν κηρυγμάτων τοιούτων l'embouchure du Nil appelée
ἐνέπεσέ τις ὁρμὴ πρὸς la bouche Phagnitique. A la
μετάθεσιν τοῖς μετ´ pointe du jour il fut obligé
Ἀντιγόνου μισθοφόροις, ἐν d'attendre qu'on eût ramené
οἷς καὶ τῶν ἡγεμόνων les bâtiments qui étaient
πλείους προθύμους εἶναι restés en arrière.
συνέβαινε δι´ αἰτίας τινὰς
εἰς τὸ μεταβολῆς LXXVI. Dans cet
ἐπιθυμεῖν. Πολλῶν δὲ πρὸς intervalle, Ptolémée avait eu
αὐτὸν αὐτομολούντων le temps d'arriver avec des
μὲν Ἀντίγονος ἐπιστήσας troupes et de les ranger en
τῷ χείλει τοῦ ποταμοῦ bataille sur le rivage.
τοξότας καὶ σφενδονήτας Démétrius renonça donc au
καὶ πολλὰ τῶν ὀξυβελικῶν débarquement, et, instruit
τοὺς προσπλέοντας ἐν τοῖς que la côte voisine était
κοντωτοῖς ἀνέστελλε· τῶν naturellement inabordable à
δ´ αὐτομολούντων cause des marais et des
συλλαβών τινας δεινῶς étangs, il rebroussa chemin
ᾐκίσατο, βουλόμενος avec toute sa flotte. Bientôt
καταπλήξασθαι τοὺς τῆς un gros vent du nord
ὁμοίας ὁρμῆς s'éleva ; les vagues
ἀντεχομένους. s'amoncelèrent ; trois

Καὶ προσλαβὼν τὰ tétrarèmes ainsi que

καθυστεροῦντα τῶν plusieurs bâtiments de

σκαφῶν προσέπλευσεν ἐπὶ transport furent jetés par les

τὸ καλούμενον brisants contre la côte et

Ψευδόστομον, νομίζων tombèrent au pouvoir de

ἐνταῦθα δυνήσεσθαί τινας Ptolémée; les autres

τῶν στρατιωτῶν parvinrent à force de rames

ἀποβιβάσαι. Εὑρὼν δὲ à se sauver dans le camp

πρὸς αὐτῷ φυλακὴν ἰσχυ d'Antigone.

ρὰν καὶ τοῖς τε ὀξυβελέσι Ptolémée avait mis en


καὶ τοῖς ἄλλοις παντοίοις état de défense tous les
βέλεσιν ἀνειργόμενος points accessibles à l'ennemi
ἀπέπλευσε aux embouchures du fleuve.
περικαταλαμβανούσης Ce fleuve lui-même était
νυκτός. Ἔπειτα couvert d'un grand nombre
παραγγείλας τοῖς de barques portant des
κυβερνήταις ἀκολουθεῖν machines de guerre et des
τῇ στρατηγίδι νηὶ hommes pour les servir. Ces
προσέχοντας τῷ λαμπτῆρι dispositions n'inquiétèrent
προσέπλευσεν ἐπὶ τὸ pas médiocrement
στόμα τοῦ Νείλου τὸ Antigone ; car ses forces
καλούμενον Φατνιτικόν· navales lui devenaient
ἡμέρας δὲ γενομένης, inutiles, puisque l'entrée du
ἐπειδὴ πολλαὶ τῶν νεῶν fleuve par la bouche
ἀπεπλανήθησαν, Pelusiaque lui était interdite ;
ἠναγκάσθη ταύτας ses forces de terre restaient
περιμένειν καὶ τὰς μάλιστα dans l'inaction, la profondeur
ταχυναυτούσας τῶν du fleuve ne lui permettant
ἠκολουθηκυιῶν pas d'en tenter le passage.
ἐξαποστέλλειν ἐπὶ τὴν Enfin ce qu'il y avait de plus
τούτων ζήτησιν. fâcheux, déjà depuis

LXXVI. Διόπερ χρόνου plusieurs jours le manque de

γενομένου πλείονος οἱ μὲν vivres et de fourrages s'était

περὶ τὸν Πτολεμαῖον fait sentir et avait découragé

πυθόμενοι τὸν κατάπλουν l'armée. Antigone réunit

τῶν πολεμίων ἧκον ὀξέως donc les chefs en une

βοηθήσοντες καὶ τὴν assemblée pour délibérer s'il

δύναμιν διασκευάσαντες valait mieux continuer la

ἔστησαν παρὰ τὸν guerre, ou s'il fallait

αἰγιαλόν· δὲ Δημήτριος retourner en Syrie et

ἀποτυχὼν καὶ ταύτης τῆς attendre l'époque où le

ἐκβάσεως καὶ τὴν décroissement du Nil

συνάπτουσαν παραλίαν permettrait de risquer une

ἀκούων ἕλεσι καὶ λίμναις expédition dans des

ὠχυρῶσθαι φυσικῶς circonstances plus

ἐπαλινδρόμει παντὶ τῷ favorables. Tous les chefs

στόλῳ. Εἶτ´ ἐμπεσόντος opinèrent qu'il fallait se

βορέου λαμπροῦ καὶ τοῦ retirer le plus promptement

κλύδωνος εἰς ὕψος possible. Antigone se rangea

αἰρομένου τρία μὲν σκάφη lui-même de cet avis, et

τῶν τετρηρικῶν καὶ τῶν ordonna à l'armée de lever le


στρατιωτικῶν πορίων ἅμα camp. Il revint ainsi en Syrie,
κατὰ τὸ αὐτὸ βιαιότερον accompagné de toute la
ὑπὸ τοῦ κύματος ἐπὶ τὴν flotte qui marchait de
γῆν ἐξεβράσθη καὶ τοῖς conserve avec les troupes de
περὶ τὸν Πτολεμαῖον terre. Après le départ des
ὑποχείρια κατέστη, αἱ δ´ ennemis, Ptolémée offrit aux
ἄλλαι ἐκβιασαμένων τῶν dieux des sacrifices en
πληρωμάτων διεσώθησαν actions de grâces, et traita
πρὸς τὴν Ἀντιγόνου ses amis splendidement. Il
στρατοπεδείαν. Τῶν δὲ écrivit ensuite à Seleucus,
περὶ τὸν Πτολεμαῖον Lysimaque et à Cassandre
διειληφότων πᾶσαν τὴν 182 pour leur annoncer ses
περὶ τὸν ποταμὸν ἔκβασιν heureux succès et le grand
φυλακαῖς ἰσχυραῖς καὶ nombre de transfuges dont il
πολλῶν μὲν σκαφῶν avait accru son armée. Ainsi,
ποταμίων αὐτῷ après avoir une seconde fois
παρεσκευασμένων, πάντων combattu pour la possession
δὲ τούτων ἐχόντων βέλη de l'Égypte, il la regarda
παντοῖα καὶ τοὺς désormais comme sa
χρησομένους αὐτοῖς conquête et revint à
ἄνδρας οἱ περὶ τὸν Alexandrie.
Ἀντίγονον οὐ μετρίως LXXVII. Pendant que ces
ἠποροῦντο· γὰρ ναυτικὴ choses se passaient, Denys,
δύναμις ἄχρηστος ἦν tyran d'Héraclée dans le
αὐτοῖς προκατειλημμένου Pont, mourut après un règne
τοῦ Πηλουσιακοῦ de trente-deux ans. Ses fils
στόματος ὑπὸ τῶν Zathras et Cléarque lui
πολεμίων, τό τε πεζὸν succédèrent et régnèrent
στράτευμα τὴν ὁρμὴν dix-sept ans.
ἄπρακτον εἶχε τῷ μεγέθει
En Sicile, Agathocle
τοῦ ποταμοῦ διειργόμενον,
visitait les villes soumises à
τὸ δὲ μέγιστον, ἡμερῶν
sa domination, se les
ἤδη συχνῶν διεληλυ θυιῶν
ὑπολείπειν ἤδη συνέβαινε assurait par des garnisons et
τόν τε σῖτον καὶ τὰ en extorquait de l'argent : il
χορτάσματα τοῖς κτήνεσι. craignait que les Siciliens,
Διὰ δὴ ταῦτα τῆς irrités par les malheurs qu'ils
δυνάμεως ἀθυμούσης venaient d'éprouver, ne se
παραλαβὼν τὸ soulevassent pour conquérir
στρατόπεδον καὶ τοὺς leur indépendance. En ce
ἡγεμόνας Ἀντίγονος même temps le général
προέθηκε βουλὴν πότερον Pasiphilus, informé des
συμφέρει μένειν καὶ revers essuyés en Libye et
διαπολεμεῖν, νῦν μὲν de la mort des fils
ἐπανελθεῖν εἰς Συρίαν, d'Agathocle, méprisa
ὕστερον δὲ κάλλιον l'autorité du tyran, et passa
παρασκευασαμένους dans le parti de Dinocrate
στρατεῦσαι καθ´ ὃν ἂν avec lequel il conclut une
χρόνον ἐλάχιστος Νεῖλος alliance. Il entraîna ensuite
εἶναι δόξῃ. Πάντων δὲ les villes confiées à sa garde
κατενεχθέντων ἐπὶ τὸ τὴν et séduisit, par de brillantes
ταχίστην ἀπιέναι promesses l'armée, qui se
παρήγγειλε τοῖς déclara contre le tyran,
στρατιώταις ἀναζευγνύειν Agathocle fut tellement
καὶ ταχὺ πάλιν ἐπανῆλθεν abattu et humilié qu'il entra
εἰς τὴν Συρίαν, en négociation avec
συμπαραπλέον τος αὐτῷ Dinocrate, prêt à traiter avec
καὶ τοῦ στόλου παντός. lui aux conditions suivantes:
Πτολεμαῖος δὲ μετὰ τὴν Agathocle abdiquerait le
ἀπαλλαγὴν τῶν πολεμίων pouvoir souverain et rendrait
περιχαρὴς γενόμενος καὶ aux Syracusains leur
θύσας τοῖς θεοῖς indépendance; Dinocrate
χαριστήρια τοὺς φίλους rentrerait dans ses foyers;
εἱστία λαμπρῶς. Καὶ πρὸς enfin on accorderait à
μὲν τοὺς περὶ Σέλευκον καὶ Agathocle la possession de
Λυσίμα χον καὶ Κάσανδρον deux forteresses, Therme et
ἔγραψε περὶ τῶν Céphalidium, ainsi que le
εὐτυχημάτων καὶ περὶ τοῦ territoire dépendant de ces
πλήθους τῶν πρὸς αὐτὸν villes.
αὐτομολησάντων, αὐτὸς LXXVIII. C'est avec
δὲ τὸ δεύτερον raison qu'on pourrait
ἠγωνισμένος ὑπὲρ τῆς s'étonner comment un
Αἰγύπτου καὶ νομίσας homme tel qu'Agathocle, qui
δορίκτητον ἔχειν τὴν dans maintes circonstances
χώραν ἐπανῆλθεν εἰς τὴν s'était montré si intrépide, et
Ἀλεξάνδρειαν. qui dans les plus graves
LXXII. Ἅμα δὲ τούτοις périls n'avait jamais
πραττομένοις Διονύσιος désespéré, devint tout à
τῆς Ἡρακλείας τῆς ἐν τῷ coup assez lâche pour
Πόντῳ τύραννος reculer, sans coup férir,
ἐτελεύτησεν ἄρξας ἔτη devant ses ennemis et aider
τριάκοντα δύο, τὴν δὲ le pouvoir qu'il avait acquis
δυναστείαν διαδεξάμενοι au prix de si grands
οἱ υἱοὶ Ὀξάθρας καὶ dangers ; et comment, chose
Κλέαρχος ἦρξαν ἔτη incroyable, maître de
ἑπτακαίδεκα. Syracuse ainsi que de

Κατὰ δὲ τὴν Σικελίαν beaucoup d'autres villes,

Ἀγαθοκλῆς ἐπῄει τὰς ὑπ´ possédant une flotte, de

αὐτὸν πόλεις l'argent et une armée

ἀσφαλιζόμενος φρουραῖς proportionnée, il perdit toute

καὶ χρήματα πραττόμενος· sa présence d'esprit et ne se

σφόδρα γὰρ εὐλαβεῖτο rap- 183 pela plus l'exemple

μήποτε διὰ τὰς γε de Denys le tyran. Ce dernier

γενημένας περὶ αὐτὸν se trouvant un jour dans une

ἀτυχίας ὁρμήσωσιν οἱ position reconnue

Σικελιῶται πρὸς τὴν désespérée, et réduit, par de

αὐτονομίαν. Καθ´ ὃν δὴ graves circonstances, à

χρόνον Πασίφιλος renoncer à l'autorité


souveraine, se disposait à
στρατηγός, ἀκούσας τὴν monter à cheval pour sortir
τῶν Ἀγαθοκλέους υἱῶν de Syracuse, lorsque Héloris,
ἀναίρεσιν καὶ τὰ περὶ τὴν le plus ancien de ses amis,
Λιβύην ἐλαττώματα, τοῦ accourut et le détourna de
μὲν δυνάστου son dessein par ses mots « O
κατεφρόνησε, πρὸς δὲ Denys, la tyrannie est une
Δεινοκράτην ἀποστὰς καὶ belle épitaphe! » Mégacles,
φιλίαν αὐτῷ συνθέμενος gendre de Denys, lui parla
τάς τε πόλεις ἃς ἦν dans le même sens : « Celui
πεπιστευμένος qui perd, lui disait-il, le
διακατέσχεν καὶ τὴν μετ´ pouvoir souverain, ne doit
αὐτοῦ δύναμιν ἐλπίσι descendre volontairement. »
ψυχαγωγήσας ἀλλοτρίαν Encouragé par ces paroles,
κατεσκεύασε τοῦ Denys reprit courage et fit
τυράννου. δ´ Ἀγαθοκλῆς face aux dangers. Sa
πανταχόθεν τῶν ἐλπίδων puissance s'accrut, il vieillit
περικοπτομένων οὕτως sur le trône et laissa à ses
ἐταπεινώθη τὴν ψυχὴν descendants une des plus
ὥστε διαπρεσβεύσασθαι grandes souverainetés de
πρὸς Δεινοκράτην καὶ l'Europe.
παρακαλεῖν ἐπὶ τοῖσδε LXXIX. Agathocle, à
συνθήκας ποιήσασθαι, jamais abattu et déçu dans
ἐκχωρῆσαι μὲν τῆς ses espérances d'homme, ne
δυναστείας Ἀγαθοκλέα, se sentit pas le courage de
παραδοῦναι δὲ τὰς tenter la fortune, et
Συρακούσσας τοῖς abandonna son empire aux
πολίταις καὶ μηκέτι εἶναι conditions proposées. Mais
φυγάδα Δεινοκράτην, ces conditions, souscrites
ἐξαίρετα δὲ δοθῆναι τῶν par Agathocle, furent
ἐρυμάτων Ἀγαθοκλεῖ δύο, rejetées par l'ambition de
Θέρμα καὶ Κεφαλοίδιον καὶ Dinocrate. En effet, celui-ci,
τὴν χώραν τὴν τούτων. ennemi de la démocratie de
LXXVIII. Θαυμάσαι δ´ Syracuse, aspirait à la
ἄν τις εἰκότως ἐν τούτοις monarchie et tenait à se
πῶς Ἀγαθοκλῆς, maintenir dans l'autorité
ὑποστατικὸς ἐν τοῖς dont il jouissait alors. Il avait
ἄλλοις πᾶσι γενόμενος καὶ sous ses ordres plus de vingt
μηδέποθ´ ἑαυτὸν ἐν ταῖς mille hommes d'infanterie,
ἐσχάταις προσδοκίαις trois mille cavaliers et s'était
ἀπελπίσας, τότε δειλωθεὶς soumis plusieurs villes
ἀκονιτὶ παρεχώρησε τοῖς considérables. Aussi, bien
πολεμίοις τῆς τυραννίδος, qu'il ne portât le titre que de
ὑπὲρ ἧς πολλοὺς καὶ général des bannis, il
μεγάλους κινδύνους exerçait en réalité une
προηγωνίσατο, καὶ τὸ autorité royale et absolue.
πάντων παραλογώτατον, Rentré à Syracuse, il devait y
Συρακουσσῶν τε vivre absolument comme
κυριεύσας καὶ τῶν ἄλλων simple particulier et inscrit
πόλεων καὶ ναῦς καὶ au nombre des citoyens ; car
χρήματα κεκτημένος καὶ l'indépendance d'une ville
δύναμιν σύμμετρον implique en même temps
ἐξησθένησε τοῖς l'égalité des habitants ; dans
λογισμοῖς, οὐδὲν τῶν les élections populaires, un
γενομένων περὶ Διονύσιον simple orateur peut
τὸν τύραννον μνησθείς. l'emporter, tandis que la
Τούτου γάρ ποτε multitude se montre toujours
συνδιωχθέντος εἰς hostile aux citoyens trop
περίστασιν puissants. Aussi est-il vrai de
ὁμολογουμένως dire que si Agathocle a
ἀπεγνωσμένην καὶ διὰ τὸ abdiqué la tyrannie, c'est
μέγεθος τῶν ἐπηρτημένων l'ambition de Dinocrate, qui
κινδύνων ἀπελπίσαντος la lui a rendue. Pendant
μὲν τὰ κατὰ τὴν qu'Agathocle continuait ses
δυναστείαν, μέλλοντος δ´ négociations et demandait
ἐκ τῶν Συρακουσσῶν qu'on lui accordât au moins
ἐξιππεύειν πρὸς ἑκούσιον deux places pour sa
φυγὴν Ἕλωρις subsistance, Dinocrate
πρεσβύτατος τῶν φίλων cherchait divers prétextes
ἐπιλαβόμενος τῆς ὁρμῆς spécieux pour faire reculer
«Διονύσιε», φησίν, «καλὸν l'espoir d'un
ἐντάφιον τυραννίς.» accommodement. Tantôt il
παραπλησίως δὲ τούτῳ καὶ exigeait qu'A- 184 gathocle
κηδεστὴς Μεγακλῆς s'éloignât de la Sicile, tantôt
ἀπεφήνατο πρὸς αὐτόν, que ses enfants lui fussent
εἰπὼν ὅτι δεῖ τὸν ἐκ livrés en otage. Cependant
τυραννίδος ἐκπίπτοντα Agathocle, devinant la
τοῦ σκέλους ἑλκόμενον pensée de Dinocrate, envoya
ἀπιέναι καὶ μὴ κατὰ aux émigrés syracusains une
προαίρεσιν députation accusant
ἀπαλλάττεσθαι. Ὑπὸ δὲ Dinocrate de s'opposer à ce
τούτων τῶν παρακλήσεων qu'ils reprissent leur
Διονύσιος μετεωρισθεὶς indépendance, et en même
ἐνεκαρτέρησε πᾶσι τοῖς temps il envoya une autre
δοκοῦσιν εἶναι δεινοῖς καὶ députation aux Carthaginois
τὴν μὲν ἀρχὴν μείζονα avec lesquels il conclut un
κατεσκεύασεν, αὐτὸς δὲ ἐν traité de paix. Ce traité
τοῖς ταύτης καλοῖς portait que les Phéniciens
ἐγγηράσας ἀπέλιπε τοῖς garderaient toutes les villes
ἐκγόνοις μεγίστην τῶν de la Sicile qu'ils possédaient
κατὰ τὴν Εὐρώπην antérieurement, et
δυναστείαν. qu'Agathocle recevrait une

LXXIX. Ἀγαθοκλῆς δ´ somme d'or équivalente à

ἐπ´ οὐδενὶ τούτων trois cents talents d'argent,

μετεωρισθεὶς οὐδὲ τὰς ou, selon Timée, à cent

ἀνθρωπίνας ἐλπίδας cinquante seulement, et en

ἐξελέγξας τῇ πείρᾳ outre deux cent mille

τηλικαύτην ἀρχὴν ἔκδοτον médimnes (49) de blé. Tel

πεποίηται ταῖς ὁμολογίαις. était l'état des affaires en

Ταύτας δ´ ἀσυντελέστους Sicile.


συνέβη γενέσθαι τῇ μὲν LXXX. En Italie, les
Ἀγαθοκλέους προαιρέσει Samnites prirent d'assaut les
κυρωθείσας, διὰ δὲ τὴν villes de Sora et d'Atia,
Δεινοκράτους πλεονεξίαν alliées des Romains, et
μὴ προσδεχθείσας. Οὗτος réduisirent les habitants à
γὰρ μοναρχίας ὢν l'esclavage. Les consuls
ἐπιθυμητὴς τῆς μὲν ἐν envahirent ensuite la Iapigie
ταῖς Συρακούσσαις avec des forces nombreuses,
δημοκρατίας ἀλλότριος et vinrent établir leur camp
ἦν, τῇ δὲ ἡγεμονίᾳ τῇ τότε près de Stilbium. Cette ville
οὔσῃ περὶ αὐτὸν était défendue par une
εὐαρεστεῖτο· ἀφηγεῖτο γὰρ garnison de Samnites, et
πεζῶν μὲν πλειόνων soutint un siège de plusieurs
δισμυρίων, ἱππέων δὲ jours. Enfin elle fut emportée
τρισχιλίων, πόλεων δὲ d'assaut ; plus de cinq mille
πολλῶν καὶ μεγάλων, ὥστε hommes furent faits
αὐτὸν μὲν καλεῖσθαι τῶν prisonniers, et les consuls y
φυγάδων στρατηγόν, τῇ δ´ recueillirent beaucoup de
ἀληθείᾳ βασιλικὴν ἔχειν butin. De là ils entrèrent
ὑπεροχήν, τῆς ἐξουσίας dans le pays des Samnites,
οὔσης περὶ αὐτὸν ravagèrent les champs et
αὐτοκράτορος. Εἰ détruisirent les récoltes.
κατέλθοι δ´ εἰς τὰς Depuis nombre d'années,
Συρακούσσας, πάντως Rome était en guerre avec
ἀναγκαῖον ἂν ἦν ἰδιώτην cette nation qui lui disputait
ὑπάρχειν καὶ ἕνα τῶν la suprématie ; les consuls
πολλῶν ἀριθμεῖσθαι, τῆς se flattaient qu'en détruisant
αὐτονομίας ἀγαπώσης τὴν les propriétés de leurs
ἰσότητα, ἔν τε ταῖς ennemis ils parviendraient à
χειροτονίαις ὑπὸ τοῦ les dompter plus facilement.
τυχόντος δημαγωγοῦ Ils dévastèrent donc pendant
παρευημερεῖσθαι, τοῦ cinq mois le territoire
πλήθους ἀντικειμένου ταῖς ennemi, incendièrent les
ὑπεροχαῖς τῶν ἀνδρῶν habitations rurales et
τῶν ἀγόντων παρρησίαν. rendirent la terre inculte.
Διόπερ Ἀγαθοκλῆς μὲν Après quoi ils déclarèrent la
δικαίως ἂν λέγοιτο guerre aux Anagnites (50)
λελοιπέναι τὴν τῆς dont ils avaient à se plaindre
τυραννίδος τάξιν, ; ils emportèrent d'assaut
Δεινοκράτης δ´ αἴτιος Phrusinon et vendirent le
εἶναι νομίζοιτο τῶν territoire.
ὕστερον τῷ δυνάστῃ
κατορθωθέντων. Οὗτος
γάρ, συνεχῶς Ἀγαθοκλέους
διαπρεσβευομένου περὶ
τῶν ὁμολογιῶν καὶ
δεομένου συγχωρῆσαι τὰ
δύο φρούρια πρὸς
καταβίωσιν, ἀεὶ προφάσεις
εὐλόγους κατεσκεύαζε, δι´
ὧν διέκοπτε τὰς ἐλπίδας
τῶν ὁμολογιῶν, ποτὲ μὲν
ἀποφαινόμενος ἐκ Σικελίας
αὐτὸν ἀπαλλάττεσθαι,
ποτὲ δὲ τὰ τέκνα πρὸς
ὁμηρίαν αἰτῶν. δ´
Ἀγαθοκλῆς γνοὺς αὐτοῦ
τὴν ἐπίνοιαν πρὸς μὲν τοὺς
φυγάδας διεπέμπετο
κατηγορῶν τοῦ
Δεινοκράτους ὡς
διακωλύοντος αὐτοῦ
τυχεῖν αὐτοὺς τῆς
αὐτονομίας, πρὸς δὲ
Καρχηδονίους πρεσβευτὰς
ἀποστείλας συνέθετο τὴν
εἰρήνην ἐφ´ οἷς τὰς πόλεις
κομίσασθαι τοὺς Φοίνικας
πάσας τὰς πρότερον ὑπ´
αὐτοὺς γεγενημένας· ἀντὶ
δὲ τούτων ἔλαβε παρὰ
Καρχηδονίων χρυσίον μὲν
εἰς ἀργυρίου λόγον
ἀναγόμενον τριακοσίων
ταλάντων, ὡς δὲ Τίμαιός
φησιν, ἑκατὸν πεντήκοντα,
σίτου δὲ μεδίμνων εἴκοσι
μυριάδας. Καὶ τὰ μὲν περὶ
Σικελίαν ἐν τούτοις ἦν.

LXXX. Κατὰ δὲ τὴν


Ἰταλίαν Σαμνῖται μὲν
Σώραν καὶ Καλατίαν
πόλεις Ῥωμαίοις
συμμαχούσας
ἐκπολιορκήσαντες
ἐξηνδραποδίσαντο· οἱ δ´
ὕπατοι δυνάμεσιν ἁδραῖς
εἰς τὴν Ἰαπυγίαν
ἐμβαλόντες πλησίον
Σιλβίου πόλεως
κατεστρατοπέδευσαν.
Φρουρουμένης δὲ αὐτῆς
ὑπὸ Σαμνιτῶν
συνεστήσαντο πολιορκίαν
ἐφ´ ἱκανὰς ἡμέρας καὶ
κατὰ κράτος ἑλόντες
αἰχμάλωτα σώματα πλείω
τῶν πεντακισχιλίων
ἔλαβον καὶ τῶν ἄλλων
λαφύρων ἱκανόν τι πλῆθος.
Ἀπὸ δὲ τούτων γενόμενοι
τὴν τῶν Σαμνιτῶν χώραν
ἐπῆλθον δενδροτομοῦντες
καὶ πάντα τόπον
καταφθείροντες· πολλὰ
γὰρ ἔτη τῆς Ῥώμης πρὸς
τοῦτο τὸ ἔθνος
διαπολεμούσης ὑπὲρ τῆς
ἡγεμονίας ἤλπιζον τῶν ἐπὶ
τῆς χώρας κτήσεων
στερήσαντες τοὺς
πολεμίους ἀναγκάσειν
εἶξαι τοῖς ὑπερ έχουσιν.
Διὸ καὶ πέντε μῆνας
καταναλώσαντες εἰς τὴν
τῆς πολεμίας γῆς
καταφθορὰν τάς τε
ἐπαύλεις σχεδὸν ἁπάσας
ἐπυρπόλησαν καὶ τὴν
χώραν ἐξηγρίωσαν,
ἀφανίσαντες πᾶν τὸ
δυνάμενον ἐνεγκεῖν ἥμερον
καρπόν. Μετὰ δὲ ταῦτα
τοῖς μὲν Ἀναγνίταις
ἀδικήματα ποιοῦσι
πόλεμον κατήγγειλαν,
Φρουσίνωνα δὲ
ἐκπολιορκήσαντες
ἀπέδοντο τὴν χώραν.

LXXXI. Τοῦ δ´ LXXXI. L'année étant


ἐνιαυσίου χρόνου révolue, Euxenippe fut
διεληλυθότος Ἀθήνησι μὲν nommé archonte d'Athènes,
ἦρχεν Εὐξένιππος, ἐν Ῥώμῃ et les Romains élurent pour
δ´ ὑπῆρχον ὕπατοι Λεύκιος consuls Lucius Posthumius et
Ποστούμιος καὶ Τιβέριος Tibérius Minucius (51). Dans
Μινούκιος. Ἐπὶ δὲ τούτων cette année la guerre 185

Ῥοδίοις ἐνέστη πόλεμος éclata entre les Rhodiens et


πρὸς Ἀντίγονον διὰ Antigone; en voici les
τοιαύτας τινὰς αἰτίας. causes. La ville de Rhodes,
πόλις τῶν Ῥοδίων forte par sa puissance navale
ἰσχύουσα ναυτικαῖς et très bien administrée par
δυνάμεσι καὶ πολιτευομένη les Grecs, était une pomme
κάλλιστα τῶν Ἑλλήνων de discorde pour les
περιμάχητος τοῖς souverains et les rois
δυνάσταις καὶ βασιλεῦσιν successeurs d'Alexandre :
ἦν, ἑκάστου σπεύδοντος tous se disputaient l'alliance
εἰς τὴν αὐτοῦ φιλίαν de cette ville. Mais calculant
προσλαμβάνεσθαι. de loin ses intérêts, cette
Προορωμένη δὲ πόρρωθεν ville avait toujours gardé la
τὸ συμφέρον καὶ πρὸς plus stricte neutralité. Aussi
ἅπαντας κατ´ ἰδίαν chaque roi s'était-il
συντιθεμένη τὴν φιλίαν empressé de l'honorer de
τῶν πρὸς ἀλλήλους τοῖς ses faveurs; enfin une
δυνάσταις πολέμων οὐ longue paix avait contribué à
μετεῖχεν. Διόπερ l'accroissement de sa
συνέβαινεν αὐτὴν τιμᾶσθαι prospérité. Elle était arrivée
μὲν ὑφ´ ἑκάστου à un tel degré de puissance,
βασιλικαῖς δωρεαῖς, que par ses seuls moyens
ἄγουσαν δὲ πολὺν χρόνον elle pouvait faire la guerre
εἰρήνην μεγάλην ἐπίδοσιν aux pirates et purger la mer
λαβεῖν πρὸς αὔξησιν· ἐπὶ de ces malfaiteurs.
τοσοῦτον γὰρ προεληλύθει Alexandre, le plus puissant
δυνάμεως ὥσθ´ ὑπὲρ μὲν des monarques dont
τῶν Ἑλλήνων ἰδίᾳ τὸν l'histoire fasse mention,
πρὸς τοὺς πειρατὰς l'avait honorée entre toutes
πόλεμον ἐπαναιρεῖσθαι καὶ les villes en la choisissant
καθαρὰν παρέχεσθαι τῶν pour y déposer son
κακούργων τὴν θάλατταν, testament. Les Rhodiens
τὸν δὲ πλεῖστον ἰσχύσαντα avaient donc montré une
τῶν μνημονευομένων égale amitié pour tous les
Ἀλέξανδρον προτιμήσαντ´ successeurs d'Alexandre, et
αὐτὴν μάλιστα τῶν s'étaient mis à l'abri de tout
πόλεων καὶ τὴν ὑπὲρ ὅλης reproche ; cependant ils
τῆς βασιλείας διαθήκην inclinaient plus
ἐκεῖ θέσθαι καὶ τἄλλα particulièrement pour
θαυμάζειν καὶ προάγειν εἰς Ptolémée. Car c'est avec
ὑπεροχήν. Οἱ δ´ οὖν Ῥόδιοι l'Égypte qu'ils entretenaient
πρὸς πάντας τοὺς un commerce maritime très
δυνάστας συντεθειμένοι lucratif, et c'est à ce
τὴν φιλίαν διετήρουν μὲν royaume que leur ville devait
ἑαυτοὺς ἐκτὸς ἐγκλήματος en quelque sorte son
δικαίου, ταῖς δ´ εὐνοίαις existence.
ἔρεπον μάλιστα πρὸς LXXXII. Antigone, auquel
Πτολεμαῖον· συνέβαινε γὰρ rien de tout cela n'avait
αὐτοῖς τῶν τε προσόδων échappé, s'empressa
τὰς πλείστας εἶναι διὰ d'entraîner les Rhodiens
τοὺς εἰς Αἴγυπτον dans son parti. Déjà à
πλέοντας ἐμπόρους καὶ τὸ l'époque où ils faisaient la
σύνολον τρέφεσθαι τὴν guerre avec Ptolémée au
πόλιν ἀπὸ ταύτης τῆς sujet de la guerre de Cypre,
βασιλείας. il avait envoyé des députés
LXXXII. δὴ συνορῶν pour les engager à conclure
Ἀντίγονος καὶ σπεύδων avec lui un traité d'alliance
αὐτοὺς ἀποσπάσαι τῆς et à fournir des vaisseaux à
πρὸς ἐκεῖνον ἐπιπλοκῆς τὸ Démétrius ; les Rhodiens s'y
μὲν πρῶτον πρεσβευτὰς étant refusés, Antigone avait
ἀπέστειλε καθ´ ὃν καιρὸν détaché un de ses
ὑπὲρ τῆς Κύπρου nauarques avec l'ordre de
διεπολέμει πρὸς capturer tous les bâtiments
Πτολεμαῖον, ἀξιῶν αὐτῷ qui se rendraient de Rhodes
συμμαχεῖν καὶ ναῦς en Égypte, et de confisquer
συναποστεῖλαι τῷ leurs cargaisons. Mais ce
Δημητρίῳ· οὐ commandant ayant été
προσεχόντων δ´ αὐτῶν repoussé par les Rhodiens,
ἀπέστειλέ τινα τῶν Antigone prit ce prétexte
στρατηγῶν μετὰ νεῶν, pour les accuser d'être cause
συντάξας τοὺς πλέοντας d'une guerre injuste, et les
εἰς Αἴγυπτον ἐκ τῆς Ῥόδου menaça de venir assiéger
κατάγειν καὶ περιαιρεῖσθαι leur ville avec des forces
τὰ φορτία. Τούτου δ´ considérables. Dans le
ἐκβληθέντος ὑπὸ τῶν premier moment, les
Ῥοδίων φήσας αὐτοὺς Rhodiens décrétèrent à
ἀδίκου κατῆρχθαι πολέμου Antigone de grands
διηπειλήσατο honneurs et lui envoyèrent
πολιορκήσειν δυνάμεσιν une députation pour le
ἁδραῖς τὴν πόλιν. Οἱ δὲ supplier de ne pas forcer leur
Ῥόδιοι τὸ μὲν πρῶτον ville à violer les traités eu
ἐψηφίσαντο μεγάλας αὐτῷ prenant part à une guerre
τιμὰς καὶ πέμψαντες contre Ptolémée. Cette
πρέσβεις ἠξίουν μὴ députation fut très mal
βιάσασθαι τὴν πόλιν accueillie 186 par le roi, qui fit
προπεσεῖν παρὰ τὰς partir son fils Démétrius avec
συνθήκας εἰς τὸν πόλεμον une armée et des machines
πρὸς Πτολεμαῖον. de guerre. Les Rhodiens,
Τραχύτερον δὲ τοῦ effrayés de la supériorité des
βασιλέως ἀπαντῶντος καὶ forces du roi, envoyèrent
τὸν υἱὸν Δημήτριον une députation à Démétrius,
ἐκπέμψαντος μετὰ et promirent de seconder
δυνάμεως καὶ Antigone dans sa guerre
πολιορκητικῶν ὀργάνων contre Ptolémée. Mais
φοβηθέντες τὴν ὑπεροχὴν Démétrius exigea qu'on lui
τοῦ βασιλέως τὸ μὲν livrât en otage cent citoyens
πρῶτον ἀπέστειλαν πρὸς des plus notables, et que sa
τὸν Δημήτριον, φήσαντες flotte fût reçue dans les
συμπολεμήσειν Ἀντιγόνῳ ports de l'île. Les Rhodiens
πρὸς Πτολεμαῖον· ὡς δ´ s'imaginèrent que Démétrius
ἐκεῖνος ὁμήρους ἑκατὸν avait médité quelque projet
ᾔτει τοὺς ἐπιφανεστάτους contre leur ville; ils se
καὶ τοῖς λιμέσι δέχεσθαι préparèrent donc activement
τὸν στόλον προσέταττεν, à la guerre. De son côté,
ὑπολαβόντες ἐπιβουλεύειν Démétrius rassembla toutes
αὐτὸν τῇ πόλει, τὰ πρὸς ses troupes dans le port de
πόλεμον παρεσκευάζοντο. Loryme et appareilla sa flotte
Δημήτριος δὲ πᾶσαν τὴν pour attaquer l'île de
δύναμιν ἀθροίσας εἰς τὸν Rhodes. Cette flotte était
ἐν Λωρύμοις λιμένα formée de deux cents
στόλον ἐξήρτυε πρὸς τὸν vaisseaux longs et de plus
ἐπίπλουν τὸν ἐπὶ τὴν de cent soixante-dix
Ῥόδον. Εἶχε δὲ ναῦς bâtiments de transport, sur
μακρὰς μὲν παντοίας lesquels étaient embarqués
μεγέθει διακοσίας, environ quarante mille
ὑπηρετικὰ δὲ πλείω τῶν hommes, y compris quelques
ἑκατὸν ἑβδομήκοντα· ἐν δὲ cavaliers et des pirates
τούτοις ἐκομίζοντο alliés. Indépendamment
στρατιῶται βραχὺ d'une immense quantité
λειπόμενοι τῶν d'armes de trait et de
τετρακισμυρίων σὺν machines de siège, cette
ἱππεῦσι καὶ τοῖς flotte était suivie de près de
συμμαχοῦσι πειραταῖς. mille bâtiments privés; car,
Ὑπῆρχε δὲ καὶ βελῶν comme depuis bien des
παντοίων πλῆθος καὶ années le territoire des
πάντων τῶν πρὸς Rhodiens n'avait point été
πολιορκίαν χρησίμων ravagé par l'ennemi, on
μεγάλη παρασκευή. Χωρὶς voyait accourir de tous côtés
δὲ τούτων ἰδιωτικὰ πόρια une foule de gens qui font
συνηκολούθει τῶν ταῖς métier de tirer profit du
ἀγοραῖς χρωμένων βραχὺ malheur d'autrui.
λειπόμενα τῶν χιλίων· LXXXIII. Démétrius
πολλὰ γὰρ ἔτη τῆς χώρας étendit sa flotte sur une
τῆς Ῥοδίων ἀπορθήτου ligne formidable, comme s'il
γεγενημένης συνέρρει allait engager un combat
πανταχόθεν πλῆθος τῶν naval. Les vaisseaux longs,
εἰωθότων ὠφελείας ἰδίας portant sur leur proue des
ἡγεῖσθαι τὰ τῶν balistes, destinées à lancer
πολεμουμένων ἀτυχήματα. des flèches de trois
LXXXIII. μὲν οὖν spithames de long (52)
Δημήτριος ὥσπερ εἴς τινα ouvraient la marche ; à leur
ναυμαχίαν ἐκτάξας τὸν suite venaient les navires de
στόλον καταπληκτικῶς transport, chargés de
προηγεῖσθαι μὲν ἐποίησε troupes et de chevaux,
τὰς μακρὰς ναῦς, ἐχούσας navires remorqués par des
ἐπὶ ταῖς πρῴραις τοὺς barques à rameurs; en
τρισπιθάμους τῶν dernière ligne venaient les
ὀξυβελῶν, ἐπακολουθεῖν bâtiments corsaires et les
δὲ τὰς στρατιωτικὰς καὶ navires marchands dont le
τὰς ἱππηγοὺς nombre était immense, de
ῥυμουλκουμένας ὑπὸ τῶν telle façon que l'espace de
ταῖς εἰρεσίαις χρωμένων, mer compris entre l'île et la
ἐπὶ πᾶσι δὲ καὶ τὰ τῶν côte opposée paraissait
πειρατῶν πόρια καὶ τὰ τῶν entièrement couvert de
ἐμπόρων καὶ ἀγοραίων, bâtiments, et offrait aux
ὑπεράγοντα τῷ πλήθει, habitants de la ville un
καθάπερ προείρηται, ὥστε spectacle imposant. Les
πάντα τὸν ἀνὰ μέσον soldats des Rhodiens,
τόπον τῆς τε νήσου καὶ échelonnés sur les murailles,
τῆς ἀντικειμένης παραλίας attendaient l'arrivée des
συμπεπληρωμένον ennemis; les vieillards et les
φαίνεσθαι τοῖς πλοίοις καὶ femmes étaient montés sur
πολὺν φόβον καὶ les maisons, d'où 187 ils
κατάπληξιν παρέχεσθαι observaient les mouvements
τοῖς ἀπὸ τῆς πόλεως de la flotte ennemie. La ville
θεωροῦσιν. Οἱ μὲν γὰρ étant bâtie en amphithéâtre,
στρατιῶται τῶν Ῥοδίων tous les habitants pouvaient
διειληφότες τὰ τείχη τὸν jouir du spectacle que leur
ἐπίπλουν ἐκαραδόκουν τῶν offraient cette immense
πολεμίων, πρεσβῦται δὲ flotte et les armes dont
καὶ γυναῖκες ἀπὸ τῶν l'éclat était réfléchi par les
οἰκιῶν ἀφεώρων, οὔσης eaux de la mer. Cependant
τῆς πόλεως θεατροειδοῦς, Démétrius aborda dans l'île;
πάντες δὲ τό τε μέγεθος il débarqua ses troupes et
τοῦ στόλου καὶ τὴν αὐγὴν établit son camp près de la
τῶν ἀποστιλβόν των ville, hors de la portée du
ὅπλων καταπληττόμενοι trait. Aussitôt il détacha des
περὶ τῶν ὅλων οὐ μετρίως pirates et quelques autres
ἠγωνίων. Εἶθ´ μὲν soldats capables de désoler
Δημήτριος κατέπλευσεν l'île par terre et par mer. Il fit
εἰς τὴν νῆσον, ἀποβιβάσας ensuite couper les arbres de
δὲ τὴν δύναμιν la campagne et démolir les
κατεστρατοπέδευσεν habitations rurales; il
πλησίον τῆς πόλεως, ἐκτὸς employa les matériaux
βέλους ποιησάμενος τὴν retirés de ces dévastations à
παρεμβολήν. Εὐθὺς δὲ τῶν fortifier son camp d'une
πειρατῶν καὶ τῶν ἄλλων triple enceinte de
τοὺς εὐθέτους ἐξέπεμψε retranchements palissadés,
πορθήσοντας τὴν νῆσον de manière à faire servir à sa
καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ propre sécurité les
θάλατταν. Ἐδενδροτόμησε dommages causés aux
δὲ καὶ τὴν πλησίον χώραν ennemis. Il fit ensuite
καὶ καθεῖλε τὰς ἐπαύλεις, travailler les troupes de terre
ἐξ ὧν ὠχύρωσε τὴν et de mer à une digue entre
στρατοπεδείαν, περιλαβὼν la ville et le lieu de
τριπλῷ χάρακι καὶ débarquement; cette digue,
σταυρώμασι πυκνοῖς καὶ élevée en peu de jours,
μεγάλοις, ὥστε τὴν τῶν formait un port assez
πολεμίων βλάβην γίνεσθαι spacieux pour contenir la
τῶν ἰδίων ἀσφάλειαν. flotte.
Μετὰ δὲ ταῦτα πάσῃ τῇ LXXXIV. Les Rhodiens
δυνάμει καὶ τοῖς négocièrent encore quelque
πληρώμασιν ἔχωσεν ἐν temps avec Démétrius pour
ὀλίγαις ἡμέραις τὸ μεταξὺ le déterminer à épargner
τῆς πόλεως διαλεῖπον leur ville. Mais lorsqu'ils
πρὸς τὴν ἔκβασιν καὶ virent que leurs tentatives
κατεσκεύασε λιμένα ταῖς étaient sans succès, ils se
ναυσὶν ἀρκοῦντα. décidèrent à envoyer une
LXXXIV. Οἱ δὲ Ῥόδιοι députation à Ptolémée, à
μέχρι μέν τινος πρέσβεις Lysimaque et à Cassandre,
ἐκπέμποντες ἠξίουν μηδὲν pour solliciter leurs secours
πρᾶξαι κατὰ τῆς πόλεως et leur protection. Ils prirent
ἀνήκεστον· ὡς δ´ οὐδεὶς ensuite à leur service, en
αὐτοῖς προσεῖχεν, qualité de volontaires, tous
ἀπογνόντες τὰς διαλύσεις les étrangers domiciliés à
ἐξέπεμψαν πρεσβευτὰς Rhodes, et renvoyèrent tous
πρὸς Πτολεμαῖον καὶ les gens inutiles à la défense
Λυσίμαχον καὶ Κάσανδρον, de la ville. Ils prirent ce parti
ἀξιοῦντες βοηθεῖν, ὡς τῆς pour prévenir une disette, et,
πόλεως προπολεμούσης partant, toute trahison. En
ὑπὲρ αὐτῶν. Τῶν δ´ ἐν τῇ faisant le recensement de
πόλει κατοικούντων leurs forces, ils trouvèrent
παροίκων καὶ ξένων environ six mille citoyens et
δόντες ἐξουσίαν τοῖς mille étrangers en état de
βουλομένοις porter les armes, sans
συναγωνίζεσθαι τοὺς compter mille étrangers
λοιποὺς ἀχρήστους ἐκ τῆς domiciliés. Par un décret du
πόλεως ἐξέπεμψαν, ἅμα peuple, les esclaves les plus
μὲν τῆς τῶν ἀναγκαίων vigoureux furent rachetés,
ἐνδείας προνοηθέντες, mis en liberté et incorporés
ἅμα δὲ καὶ τοῦ μηδένα τῇ dans les rangs de la milice
καταστάσει δυσχεραίνοντα citoyenne. Les corps de ceux
γίνεσθαι τῆς πόλεως qui périraient dans cette
προδότην. Ἀριθμὸν δὲ guerre devaient être
ποιησάμενοι τῶν enterrés aux frais de l'État,
δυναμένων ἀγωνίζεσθαι leurs parents et leurs enfants
πολιτῶν μὲν εὗρον περὶ entretenus aux frais du
ἑξακισχιλίους, τῶν δὲ trésor public, leurs filles
παροίκων καὶ ξένων εἰς nubiles dotées par l'Etat, et
χιλίους. Ἐψηφίσαντο δὲ καὶ leurs enfants mâles adultes
τῶν δούλων τοὺς ἄνδρας revêtus d'une armure
ἀγαθοὺς γενομένους ἐν complète et couronnés en
τοῖς κινδύνοις plein théâtre pendant les
ἀγοράσαντας παρὰ τῶν fêtes de Bacchus. Par ces
δεσποτῶν ἐλευθεροῦν καὶ disposi- 188 tions ils faisaient
πολίτας εἶναι· ἔγραψαν δὲ un appel au courage de tous
καὶ τῶν τελευτησάντων ἐν les combattants; mais ils
τῷ πολέμῳ τὰ μὲν σώματα prirent encore d'autres
δημοσίᾳ θάπτεσθαι, τοὺς mesures. La population étant
δὲ γονεῖς καὶ παῖδας animée d'une égale ardeur,
τρέφεσθαι λαμβάνοντας les riches apportaient leur
τὴν χορηγίαν ἀπὸ τοῦ argent, les artisans leur
κοινοῦ ταμιείου, καὶ τὰς talent pour la fabrication des
μὲν παρθένους δημοσίᾳ armes; enfin chacun
προικίζεσθαι, τοὺς δ´ contribuait, selon ses
υἱοὺς ἐν ἡλικίᾳ γενομένους moyens, à la défense
ἐν τῷ θεάτρῳ στεφανῶσαι commune. Les uns
τοῖς Διονυσίοις πανοπλίᾳ. travaillaient aux balistes et
Διὰ δὲ τούτων aux pétroboles, les autres à
ἐκκαλεσάμενοι τὰς d'autres moyens de défense.
ἁπάντων προθυμίας εἰς τὸ Ici, on s'occupait à réparer
τοὺς κινδύνους ὑπομένειν les murailles; là, on entassait
εὐψύχως, ἐποιήσαντο καὶ des pierres. Trois des
τῶν ἄλλων τὴν meilleurs navires furent
ἐνδεχομένην παρασκευήν. envoyés pour intercepter
Ὁμονοοῦντος γὰρ τοῦ aux ennemis les convois de
πλήθους οἱ μὲν εὔποροι vivres. Ces navires
χρήματ´ εἰσέφερον, οἱ δὲ attaquèrent à l'improviste
τεχνῖται τὰς αὑτῶν plusieurs bâtiments
ἐπιστήμας παρείχοντο fourrageurs et les coulèrent
πρὸς τὴν τῶν ὅπλων bas. Quelques autres
κατασκευήν, ἅπας δ´ ἦν bâtiments ennemis furent
ἐνεργός, τῇ φιλοτιμίᾳ τοὺς tirés sur le rivage et brûlés;
ἄλλους ὑπερθέσθαι les prisonniers pouvant être
σπεύδων. Διόπερ οἱ μὲν rachetés furent transportés
ἐγίνοντο περὶ τοὺς dans la ville; car, d'après une
ὀξυβελεῖς καὶ convention conclue entre les
πετροβόλους, οἱ δὲ περὶ Rhodiens et Démétrius, les
τὴν τῶν ἄλλων prisonniers de guerre
κατασκευήν, τινὲς δὲ τὰ devaient être rendus en
πεπονηκότα τῶν τειχῶν payant une rançon de mille
ἐπεσκεύαζον, πλεῖστοι δὲ drachmes (53) pour un
λίθους πρὸς τὰ τείχη homme libre, et de cinq
φέροντες ἐσώρευον. cents pour un esclave.
Ἐξέπεμψαν δὲ καὶ τῶν LXXXV. De son côté,
ἄριστα πλεουσῶν νεῶν Démétrius s'était pourvu de
τρεῖς ἐπὶ τοὺς πολεμίους tous les matériaux
καὶ τοὺς παρακομίζον τας nécessaires à la construction
αὐτοῖς ἀγορὰς ἐμπόρους. de diverses machines de
Αὗται δὲ παραδόξως guerre. Il fit d'abord
ἐπιφανεῖσαι πολλὰ μὲν construire deux tortues,
πλοῖα τῶν ἐπὶ τὴν l'une pour mettre les
προνομὴν τῆς χώρας assiégeants à l'abri des
ὠφελείας χάριν πλεόντων pétroboles, et l'autre pour
ἐμπόρων κατ επόντισαν, les garantir des balistes. Ces
οὐκ ὀλίγα δὲ καὶ πρὸς τὸν deux tortues étaient placées
αἰγιαλὸν κατα σπῶσαι chacune sur deux bâtiments
συνέκαυσαν καὶ τῶν de transport, attachés
αἰχμαλώτων τὰ δυνάμενα ensemble. Démétrius fit
δοῦναι λύτρον ensuite construire deux tours
παρεκόμιζον εἰς τὴν πόλιν· à quatre étages, plus
συνέθεντο γὰρ οἱ Ῥόδιοι élevées que les tours du
πρὸς τὸν Δημήτριον ὥστε port. Chacune de ces tours
ἀλλήλοις διδόναι λύτρον était placée sur deux
ἐλευθέρου μὲν χιλίας bâtiments d'égale
δραχμάς, δούλου δὲ dimension, liés ensemble,
πεντακοσίας. afin que le poids de la tour

LXXXV. Πρὸς τὰς portât également sur l'un et

θέσεις τῶν ὀργάνων δὲ l'autre bâtiment, qui lui

Δημήτριος ἄφθονον ἔχων servaient de base. Enfin,

ἁπάντων χορηγίαν ἤρξατο Démétrius éleva une

κατασκευάζειν δύο palissade flottante sur des

χελώνας, τὴν μὲν πρὸς solives équarries, clouées

τοὺς πετροβόλους, τὴν δὲ ensemble, afin d'empêcher

πρὸς τοὺς ὀξυβελεῖς, les bâtiments ennemis

ἀμφοτέρας δὲ ταύτας ἐπὶ d'attaquer à coups d'éperon

δύο πλοίων φορτηγῶν les barques sur lesquelles

διαβεβηκυίας καὶ étaient placées les machines

κατεζευγμένας, δύο δὲ de guerre. Ces dispositions

πύργους τετραστέγους achevées, Démétrius fit

ὑπερέχοντας τοῖς ὕψεσι rassembler un grand nombre

τῶν ἐπὶ τοῦ λιμένος de petites embarcations.

πύργων, ἑκάτερον δὲ Après les avoir jointes

τούτων ἐπὶ δύο πλοίων ensemble et re- 189

ἴσον βεβηκότα καὶ couvertes de planches

κατειλημμένον, ὅπως ἐν solides, il y établit des


τῷ προσάγειν στάσις catapultes lançant très loin
ἑκατέρα τῶν πλευρῶν des flèches de trois
ἰσόρροπον ἔχῃ τὸ βάρος. spithames de long; il y avait,
Κατεσκεύασε δὲ καὶ en outre, placé des hommes
χάρακα πλωτὸν ἐπὶ habiles à s'en servir et des
τετραπέδων ξύλων archers crétois. Démétrius fit
καθηλωμένον, ὅπως approcher les bâtiments
προπλέων οὗτος κωλύῃ jusqu'à la portée des traits;
τοὺς πολεμίους puis il fit jouer les machines
ἐπιπλέοντας ἐμβολὰς qui blessèrent plusieurs
διδόναι τοῖς φέρουσι τὰς habitants, occupés à la
μηχανὰς πλοίοις. Ἐν ὅσῳ réparation de l'enceinte la
δὲ ταῦτα τὴν συντέλειαν plus élevée du port. Lorsque
ἐλάμβανεν, ἀθροίσας τοὺς les Rhodiens virent que
ἁδροτάτους τῶν λέμβων Démétrius dirigeait sa
καὶ τούτους καταφράξας principale attaque contre le
σανίσι καὶ θυρίδας port, ils y concentrèrent
κλειστὰς κατασκευάσας leurs moyens de défense. A
ἐνέθετο μὲν τῶν cet effet, ils dressèrent deux
τρισπιθάμων ὀξυβελῶν machines sur la digue et
τοὺς πορρωτάτω trois autres sur des
βάλλοντας καὶ τοὺς bâtiments de charge, près de
τούτοις κατὰ τρόπον l'entrée du petit port. Ces
χρησομένους, ἔτι δὲ machines portaient un grand
τοξότας Κρῆτας, τὰς δὲ nombre de balistes et de
ναῦς προσαγαγὼν ἐντὸς catapultes de différentes
βέλους κατ ετίτρωσκε dimensions; elles devaient
τοὺς κατὰ τὴν πόλιν être employées contre les
ὑψηλότερα τὰ παρὰ τὸν ennemis qui tenteraient de
λιμένα τείχη débarquer. Enfin, sur les
κατασκευάζοντας. Οἱ δὲ navires de transport qui
Ῥόδιοι θεωροῦντες τοῦ stationnaient dans le port, ils
Δημητρίου τὴν πᾶσαν établirent des ponts destinés
ἐπιβολὴν οὖσαν ἐπὶ τὸν à recevoir des catapultes.
λιμένα καὶ αὐτοὶ τὰ πρὸς LXXXVI. Tous ces
τὴν ἀσφάλειαν τούτου préparatifs étant terminés de
παρεσκευάζοντο. Δύο μὲν part et d'autre, Démétrius
οὖν ἔστησαν μηχανὰς ἐπὶ essaya d'abord de diriger ses
τοῦ χώματος, τρεῖς δ´ ἐπὶ machines contre les deux
φορτηγῶν πλοίων πλησίον ports; mais une mer
τῶν κλείθρων τοῦ μικροῦ houleuse s'opposa à ses
λιμένος· ἐν δὲ ταύταις tentatives. Il profita ensuite
ἔθηκαν πλῆθος ὀξυβελῶν d'une nuit calme pour
καὶ πετροβόλων παντοίων s'approcher secrètement du
τοῖς μεγέθεσιν, ὅπως, ἐάν rivage, vint occuper le môle
τε ἀποβιβάζωσιν οἱ qui domine le grand port, et
πολέμιοι πρὸς τὸ χῶμα s'y retrancha
στρατιώτας ἄν τε τὰς immédiatement. Cette
μηχανὰς προσάγωσι, διὰ position n'étant qu'à cinq
τούτων αὐτοὺς εἴργεσθαι plèthres (54) des murs de la
τῆς ἐπιβολῆς. Ἐπέστησαν ville et il y fit débarquer
δὲ καὶ τοῖς ὁρμοῦσι τῶν quatre cents soldats et une
φορτηγῶν πλοίων ἐν τῷ immense quantité d'armes
λιμένι βελοστάσεις οἰκείας de trait. A la pointe du jour,
τοῖς ἐπιτίθεσθαι μέλλουσι les troupes de Démétrius
καταπέλταις. introduisirent les machines
LXXXVI. Ἀμφοτέρων dans le port, au son des
δὲ τοῦτον τὸν τρόπον trompettes et au milieu
παρεσκευασμένων d'immenses clameurs.
Δημήτριος τὸ μὲν πρῶτον Aussitôt on fit jouer les
ἐπιβαλόμενος προσάγειν balistes, dont les projectiles,
τὰς μηχανὰς τοῖς λιμέσιν lancés au loin, repoussaient
ἐκωλύθη κλύδωνος les ouvriers occupés à
ἐπιγενομένου τραχυτέρου· l'enceinte du port; puis, au
μετὰ δὲ ταῦτα νυκτὸς moyen des pétroboles
εὐδίας λαβόμενος ἔλαθε dirigées contre les machines
παραπλεύσας καὶ des ennemis et l'enceinte du
καταλαβόμενος ἄκρον τὸ môle. Démétrius parvint à
χῶμα τοῦ μεγάλου λιμένος ébranler cette enceinte
εὐθὺς περιεχαράκωσε τὸν faible encore, et à ouvrir une
τόπον καὶ διέφραξε brèche. Cependant la
θυρώμασι καὶ πέτροις, garnison de la ville se
ἐξεβίβασε δ´ εἰς αὐτὸν défendit vaillamment, et,
στρατιώτας τετρακοσίους dans cette journée, les deux
καὶ βελῶν πλῆθος partis furent également
παντοδαπῶν, ἀπέχοντος maltraités. A 190 l'approche
ἀπὸ τῶν τειχῶν τοῦ τόπου de la nuit, Démétrius fit
τούτου πέντε πλέθρα. remorquer ses machines
Ἔπειθ´ ἡμέρας γενομένης hors de la portée des traits.
παρεκόμισε τὰς μηχανὰς Les Rhodiens lancèrent alors
εἰς τὸν λιμένα μετὰ contre les machines de
σάλπιγγος καὶ κραυγῆς ταὶ l'ennemi des barques
τοῖς μὲν ἐλάττοσιν remplies de combustibles et
ὀξυβελέσι μακρὰν de torches de résine, et ils y
φερομένοις ἀνεῖργε τοὺς mirent le feu; mais arrêtés
ἐργαζομένους τὸ παρὰ τὸν par la palissade flottante et
λιμένα τεῖχος, τοῖς δὲ par une grêle de traits, ils
πετροβόλοις τάς τε furent forcés de revenir sur
μηχανὰς τῶν πολεμίων καὶ leurs pas. La flamme prit du
τὸ διὰ τοῦ χώματος τεῖχος développement; quelques
τῇ μὲν διέσεισε, τῇ δὲ mariniers parvinrent
κατέβαλεν, ἀσθενὲς cependant à se sauver sur
ὑπάρχον καὶ ταπεινὸν leurs barques, après avoir
ἐκείνοις τοῖς καιροῖς. éteint la flamme; mais le
Ἀμυνομένων δὲ καὶ τῶν ἐκ plus grand nombre
τῆς πόλεως εὐρώστως abandonna les embarcations
τότε μὲν ὅλην τὴν ἡμέραν tout enflammées, et, se
διετέλεσαν ἀμφότεροι jetant dans la mer, gagna la
πολλὰ κακὰ καὶ δρῶντες côte à la nage. Le
καὶ πάσχοντες· τῆς δὲ lendemain, Démétrius
νυκτὸς ἤδη essaya une nouvelle attaque
καταλαμβανούσης μὲν par mer : il ordonna de
Δημήτριος ταῖς débarquer sur tous les
ῥυμουλκούσαις ναυσὶν points, au bruit des
ἀπήγαγε τὰς μηχανὰς trompettes et des cris de
πάλιν ἔξω βέλους· οἱ δὲ guerre, afin de répandre
Ῥόδιοι ξηρᾶς ὕλης καὶ parmi les Rhodiens les plus
δᾳδὸς ἀκάτια vives alarmes.
πληρώσαντες καὶ πῦρ LXXXVII. Après un siège
ἐνθέμενοι τὸ μὲν πρῶτον de huit jours, Démétrius
ἐπιδιώξαντες προσέπλεον parvint à briser avec les
ταῖς μηχαναῖς ταῖς τῶν pétroboles talantéens (55)
πολεμίων καὶ τὴν ὕλην les machines que les
ὑφῆψαν, μετὰ δὲ ταῦτα τῷ assiégés avaient placées sur
πλωτῷ χάρακι καὶ τοῖς les môles du port, et à
βέλεσιν ἀνειρχθέντες ébranler les courtines des
συνηναγκάσθησαν χωρεῖν fortifications. Un
εἰς τοὐπίσω. Τῆς δὲ détachement de soldats
φλογὸς ἐπισχυούσης ὀλίγοι allait s'emparer d'une partie
μὲν κατασβέσαντες de l'enceinte, lorsque les
ἐπανῆλθον σὺν τοῖς Rhodiens, accourus en
σκάφεσιν, οἱ πλεῖστοι δὲ nombre supérieur, le
καιομένων τῶν ἀκατίων forcèrent à rétrograder. Les
ἐξεκολύμβησαν. Τῇ δ´ assiégés étaient, dans cette
ὑστεραίᾳ κατὰ μὲν action, secondés par la
θάλατταν Δημήτριος nature des lieux ainsi que
παραπλησίαν ἐποιήσατο par les monceaux de pierres
τὴν ἐπίθεσιν, κατὰ δὲ τὴν et les matériaux de
γῆν προσέταξεν ἅμα construction entassés.
πανταχόθεν προσβάλλειν Plusieurs barques, qui
μετ´ ἀλαλαγμοῦ καὶ portaient un assez grand
σάλπιγγος, ὅπως εἰς nombre de soldats, se firent,
ἀγωνίαν καὶ φόβον ἀγάγῃ de frayeur, échouer sur la
τοὺς Ῥοδίους, πολλῶν τῶν côte, où les Rhodiens les
ἀντισπασμάτων ὄντων. incendièrent et les

LXXXVII. Τοιαύτην δὲ réduisirent en cendres.

τὴν πολιορκίαν Pendant que ces choses se

ποιησάμενος ἐφ´ ἡμέρας passaient, Démétrius

ὀκτὼ τὰς μὲν μηχανὰς τὰς attaqua un autre point de la

ἐπὶ τοῦ χώματος τοῖς ville, et cherchait à pénétrer

ταλαντιαίοις πετροβόλοις dans l'intérieur au moyen

συνέτριψε, τοῦ δὲ des échelles appliquées

διατειχίσματος τὸ contre les murs. Tous les

μεσοπύργιον σὺν αὐτοῖς habitants accoururent, et un

τοῖς πύργοις διέσεισεν. combat acharné fut livré aux

Κατελάβοντο δὲ καὶ τῶν assiégeants qui voulaient

στρατιωτῶν τινες μέρος forcer l'enceinte. Beaucoup

τοῦ παρὰ τὸν λιμένα de combattants s'exposèrent

διατειχίσματος· ἐφ´ οὓς au premier rang; un grand

συστραφέντες οἱ Ῥόδιοι nombre escaladent les murs;

μάχην συνῆψαν καὶ la lutte devint opiniâtre entre

πολλαπλάσιοι γενόμενοι les assiégeants qui voulaient

τοὺς μὲν ἀνεῖλον, τοὺς δ´ pénétrer dans l'intérieur, et

ἐπανελθεῖν εἰς τοὐπίσω entre les assiégés arrivés au

συνηνάγκασαν· συνήργει secours des points menacés.

δὲ τοῖς ἐκ τῆς πόλεως Enfin, les Rhodiens ayant dé-

τοῦ παρὰ τὸ τεῖχος τόπου 191 ployé toute leur valeur,

τραχύτης, πολλῶν καὶ une partie des assiégeants

μεγάλων πετρῶν κατὰ τὸ fut précipitée du haut des

συνεχὲς κειμένων παρὰ murs, les autres, blessés,

τὴν οἰκοδομὴν ἔξω τοῦ furent faits prisonniers, et

τείχους. Τῶν δὲ τοὺς parmi ces derniers se

στρατιώτας τούτους trouvaient plusieurs chefs

κομισάντων σκαφῶν οὐκ distingués. Après cet échec,

ὀλίγων διὰ τὴν ἀγωνίαν Démétrius fit rentrer dans


ἐποκειλάντων οἱ Ῥόδιοι son port les barques et les
ταχέως τὰ μὲν ἀκροστόλια machines de guerre; il
περιέσπασαν, ὕλην δὲ répara celles qui avaient
ξηρὰν καὶ δᾷδας ταῖς reçu des avaries. Les
ναυσὶν ἐνέντες ἐνέπρησαν. Rhodiens enterrèrent les
Τούτων δὲ περὶ ταῦτ´ citoyens morts dans cette
ὄντων οἱ μὲν τοῦ journée, et consacrèrent aux
Δημητρίου στρατιῶται dieux les armes enlevées
πανταχοῦ περιπλέοντες aux ennemis ainsi que les
κλίμακας προσέφερον τοῖς ornements des proues des
τείχεσι καὶ βιαιότερον navires. Cela fait, ils
ἐνέκειντο, réparèrent les murailles
συναγωνιζομένων καὶ τῶν endommagées par les
ἀπὸ τῆς γῆς παν ταχόθεν pétroboles.
καὶ συναλαλαζόντων. LXXXVIII. Démétrius mit
Ἔνθα δὴ πολλῶν παρα sept jours à réparer ses
βόλως κινδυνευσάντων καὶ machines et ses barques.
συχνῶν ἀναβάντων ἐπὶ τὰ Après cela il recommença le
τείχη συνίστατο καρτερὰ siège et s'approcha de
μάχη, τῶν μὲν ἔξωθεν nouveau du grand port, car
βιαζομένων, τῶν δ´ ἐκ τῆς tous ses efforts tendaient à
πόλεως ἀθρόων s'emparer de ce point, et à
παραβοηθούντων. Τέλος intercepter les convois
δὲ τῶν Ῥοδίων ἐκθύμως destinés à alimenter la ville.
ἀγωνιζομένων οἱ μὲν Arrivé à portée des traits, il
ἔπεσον τῶν fit lancer des brûlots contre
προσαναβάντων, οἱ δὲ les navires des Rhodiens,
κατατραυματισθέντες rangés dans le port, en
ἑάλωσαν, ἐν οἷς ἦσάν τινες même temps que les
καὶ τῶν ἐπιφανεστάτων projectiles, lancés par les
ἡγεμόνων. Τοιούτων δὲ pétroboles et les balistes,
γενομένων τοῖς ἔξωθεν battaient les murs et
ἐλαττωμάτων μὲν blessaient les assiégés qui se
Δημήτριος ἀπεκόμισε τὰς montraient. Ces attaques
μηχανὰς εἰς τὸν ἴδιον continuelles jetèrent la
λιμένα καὶ τὰ πεπονηκότα terreur parmi les Rhodiens.
τῶν πλοίων καὶ μηχανῶν Les marins, tremblant pour
ἐπεσκεύασεν, οἱ δὲ Ῥόδιοι leurs navires, éteignirent les
τοὺς μὲν τελευτήσαντας flammes. Les prytanes (56),
τῶν πολιτῶν ἔθαψαν, τὰ δὲ craignant que le port ne
ὅπλα τῶν πολεμίων καὶ τὰ tombât au pouvoir de
ἀκροστόλια τοῖς θεοῖς l'ennemi, appelèrent l'élite
ἀνέθηκαν, τὰ δὲ διὰ τῶν des citoyens à la défense de
πετροβόλων πεπτωκότα la patrie. Tous se rendirent à
τῶν τειχῶν ἀνῳκοδόμουν. cet appel. Trois des plus

LXXXVIII. Δημήτριος forts navires, montés par les

δὲ περὶ τὴν ἐπισκευὴν τῶν meilleurs marins, reçurent

μηχανῶν καὶ τῶν πλοίων l'ordre de tenter et de percer

ἡμέρας ἑπτὰ γενόμενος les barques de Démétrius, et

καὶ πάντα τὰ πρὸς τὴν de les couler bas avec les

πολιορκίαν machines qu'elles portaient.

παρασκευασάμενος πάλιν Quoique accueillis par une

ἐπέπλευσε τῷ λιμένι· πᾶσα nuée de flèches, ces marins

γὰρ ἦν σπουδὴ περὶ τὸ réussirent à rompre les

κρατῆσαι τούτου καὶ τῆς retranchements, et

σιτοπομπείας ἀποκλεῖσαι attaquèrent à coups

τοὺς κατὰ τὴν πόλιν. d'éperon les barques des

Γενόμενος δ´ ἐντὸς βέλους ennemis, qui se remplirent

τοῖς μὲν πυρφόροις d'eau. Deux des machines

πολλοῖς οὖσιν εἰς τὰ de Démétrius périrent ; la

διωρμισμένα πλοῖα τῶν troisième, traînée à la

Ῥοδίων ἐνέβαλε, τοῖς δὲ remorque fut sauvée. Mais

πετροβόλοις τὰ τείχη les Rhodiens, enhardis par

διέσεισε, τοῖς δ´ ὀξυβελέσι ce succès, se laissèrent

τὰ φαινόμενα τῶν emporter trop loin :

σωμάτων κατετίτρωσκε. enveloppés par les


Συνεχοῦς οὖν καὶ bâtiments ennemis, grands
καταπληκτικῆς γενομένης et nombreux, ils eurent les
τῆς προσβολῆς οἱ μὲν coques de leurs navires bri-
παρὰ τοῖς Ῥοδίοις 192 seés à coups d'éperon; le
ναύκληροι διαγωνιάσαντες nauarque Execeste, ainsi
περὶ τῶν πλοίων que plusieurs triérarques,
κατέσβεσαν τοὺς furent blessés et faits
πυρφόρους, οἱ δὲ prisonniers; le reste de
πρυτάνεις κινδυνεύοντος l'équipage plongea dans la
ἁλῶναι τοῦ λιμένος mer et parvint à se sauver
παρεκάλεσαν τοὺς auprès des siens. Un seul
ἀρίστους τῶν πολιτῶν τὸν des navires rhodiens tomba
ὑπὲρ τῆς κοινῆς σωτηρίας au pouvoir de Démétrius; les
ὑπομεῖναι κίνδυνον. autres s'échappèrent. Après
Πολλῶν οὖν προθύμως ce combat naval, Démétrius
ὑπακουόντων τρεῖς ναῦς fit construire une machine
τὰς κρατίστας ἐπλήρωσαν trois fois plus haute que les
ἐπιλέκτων ἀνδρῶν, οἷς autres, et large en
παρήγγειλαν πειρᾶσθαι proportion. Elle fut
τοῖς ἐμβόλοις βυθίσαι τὰ également dirigée contre le
πλοῖα τὰ τὰς μηχανὰς port; mais en ce moment un
κομίζοντα τῶν πολεμίων. torrent de pluie,
Οὗτοι μὲν οὖν, καίπερ accompagné d'un violent
πολλῶν ἐπ´ αὐτοὺς vent du midi, remplit d'eau
φερομένων βελῶν, les barques employées à la
ὠσάμενοι τὸ μὲν πρῶτον remorque de la machine, qui
τὸν σεσιδηρωμένον fut mise hors de service. Les
χάρακα διέσπασαν, τοῖς δὲ Rhodiens, profitant de cette
πλοίοις πολλὰς ἐμβολὰς occasion, ouvrirent les
δόντες καὶ θαλάττης αὐτὰ portes de la ville et
πληρώσαντες δύο μὲν τῶν tombèrent sur les postes qui
μηχανῶν κατέβαλον, τῆς occupaient le môle. Il
δὲ τρίτης ὑπὸ τῶν περὶ τὸν s'engagea un combat
Δημήτριον εἰς τοὐπίσω acharné qui dura longtemps;
τοῖς ῥύμασιν ἑλκομένης οἱ mais comme Démétrius ne
μὲν Ῥόδιοι θαρρήσαντες pouvait, à cause de la
τοῖς κατωρθωμένοις tempête, recevoir des
θρασύτερον τοῦ renforts, et que les Rhodiens
καθήκοντος προέπιπτον étaient continuellement
εἰς τὸν κίνδυνον. Διὸ relevés par des troupes
πολλῶν αὐτοῖς καὶ fraîches, les soldats du roi,
μεγάλων νεῶν au nombre d'environ quatre
περιχυθεισῶν καὶ τοῖς cents, furent obligés de
ἐμβόλοις πολλὰ μέρη τῶν mettre bas les armes. A la
τοίχων ἀναρρηττουσῶν suite de ce succès, les
μὲν ναύαρχος Ἐξήκεστος Rhodiens reçurent les
καὶ τριήραρχος καί τινες secours envoyés par leurs
ἄλλοι alliés. Les Cnossiens leur
κατατραυματισθέντες fournirent cent cinquante
ἥλωσαν, τοῦ δ´ ἄλλου hommes ; Ptolémée plus de
πλήθους ἐκκολυμβήσαντος cinq cents, dont plusieurs
καὶ διανηξαμένου πρὸς mercenaires rhodiens, qui
τοὺς ἰδίους μία μὲν τῶν servaient dans l'armée du
νεῶν ὑποχείριος ἐγένετο roi. Voilà où en était le siège
τοῖς περὶ τὸν Δημήτριον, de Rhodes.
αἱ δ´ ἄλλαι διέφυγον τὸν LXXXIX. En Sicile,
κίνδυνον. Τοι αύτης οὖν Agathocle ayant échoué
γενομένης τῆς ναυμαχίας dans ses négociations avec
μὲν Δημήτριος ἄλλην Dinocrate et les émigrés
μηχανὴν κατεσκεύασε syracusains, se décida à
τριπλασίαν τῷ ὕψει καὶ marcher contre eux avec les
πλάτει τῆς πρότερον, troupes dont il disposait ; car
προσάγοντος δ´ αὐτὴν il sentait la nécessité de
πρὸς τὸν λιμένα νότος tenter un dernier effort. Il
ἐκνεφίας ἐπιγενόμενος τὰ n'avait sous ses ordres que
μὲν ὁρμοῦντα τῶν πλοίων cinq mille hommes
συνέκλυσε, τὴν δὲ μηχανὴν d'infanterie et environ huit
κατέβαλε. Καθ´ ὃν δὴ cents cavaliers. Les réfugies
χρόνον οἱ Ῥόδιοι τῷ καιρῷ réunis autour de Dinocrate
δεξιῶς χρησάμενοι πύλην se portèrent avec
ἀνοίξαντες ἐπέθεντο τοῖς empressement à la
τὸ χῶμα κατ ειληφόσι. rencontre de l'ennemi auquel
Γενομένης δὲ μάχης ἐπὶ ils étaient de beaucoup
πολὺν χρόνον ἰσχυρᾶς καὶ supérieurs en nombre, car ils
τοῦ μὲν Δημητρίου διὰ τὸν comptaient plus de vingt-
χειμῶνα μὴ δυναμένου cinq mille hommes
βοηθῆσαι, τῶν δὲ Ῥοδίων d'infanterie et au moins trois
ἐκ διαδοχῆς ἀγωνιζομένων mille cavaliers. Les deux
ἠναγκάσθησαν οἱ τοῦ armées établirent leur camp
βασιλέως ἀποθέμενοι τὰ près de Gorgium (57), et se
ὅπλα παραδοῦναι σφᾶς rangèrent bientôt après en
αὐτούς, ὄντες σχε δὸν ordre de bataille. Le combat
τετρακόσιοι. Τούτων δὲ fut 193 acharné, car on
τῶν προτερημάτων déployait de part et d'autre
γενομένων τοῖς Ῥοδίοις une égale ardeur. Un instant
κατέπλευσαν τῇ πόλει après, un corps de troupes,
σύμμαχοι παρὰ μὲν mécontent de Dinocrate,
Κνωσσίων ἑκατὸν passa, au nombre de plus de
πεντήκοντα, παρὰ δὲ deux mille hommes, dans les
Πτολεμαίου πλείους τῶν rangs du tyran et causa ainsi
πεντακοσίων, ὧν ἦσάν la défaite des réfugiés. Si
τινες Ῥόδιοι cette défection ranima le
μισθοφοροῦντες παρὰ τῷ courage des soldats
βασιλεῖ. Καὶ τὰ μὲν περὶ d'Agathocle, elle découragea
τὴν ἐν Ῥόδῳ πολιορκίαν ἐν complètement ceux de
τούτοις ἦν. Dinocrate qui, s'imaginant

LXXXXIX. Κατὰ δὲ τὴν que les déserteurs étaient

Σικελίαν Ἀγαθοκλῆς οὐ beaucoup plus nombreux,

δυνάμενος διαλύσασθαι prirent la fuite. Agathocle les


πρὸς τοὺς περὶ poursuivit pendant quelque
Δεινοκράτην φυγάδας temps ; enfin il fit cesser le
ἀνέζευξεν ἐπ´ αὐτοὺς μεθ´ carnage et envoya une
ἧς εἶχε δυνάμεως, νομίζων députation aux vaincus : il
ἀναγκαῖον ὑπάρχειν αὐτῷ les engageait à mettre un
διακινδυνεύειν καὶ terme aux hostilités en les
παραβάλλεσθαι περὶ τῶν faisant rentrer dans leurs
ὅλων. Συνηκολούθουν δ´ foyers. Cette défaite devait
αὐτῷ πεζοὶ μὲν οὐ πλείους apprendre aux réfugiés qu'ils
τῶν πεντακισχιλίων, ἱππεῖς ne pourraient jamais
δὲ εἰς ὀκτακοσίους. Οἱ δὲ l'emporter sur Agathocle,
περὶ Δεινοκράτην φυγάδες puisque, dans ce moment
ὁρῶντες τὴν τῶν même, avec des forces
πολεμίων ὁρμὴν ἄσμενοι supérieures, ils n'étaient pas
κατήντησαν εἰς τὴν μάχην, parvenus à le vaincre. Toute
ὄντες πολλαπλάσιοι· πεζοὶ la cavalerie des réfugiés
μὲν γὰρ ὑπῆρχον πλείους s'était sauvée dans la
τῶν δισμυρίων καὶ forteresse d'Ambica. Quant à
πεντακισχιλίων, ἱππεῖς δ´ l'infanterie, quelques
οὐκ ἐλάττους τρισχιλίων. détachements étaient
Ἀντιστρατοπεδευσάντων δ parvenus à s'échapper à la
´ αὐτῶν περὶ τὸ faveur de la nuit, mais la
καλούμενον Τόργιον καὶ majeure partie vint occuper
μετὰ ταῦτα une hauteur : séduits par
παραταξαμένων ἐπ´ ὀλίγον l'espérance de revoir leur
μὲν χρόνον συνέστη patrie et d'y retrouver leurs
καρτερὰ μάχη διὰ τὰς parents, leurs amis et leurs
ἀμφοτέρων προθυμίας· biens, ils traitèrent avec
μετὰ δὲ ταῦτα τῶν πρὸς Agathocle. La paix ayant été
τὸν Δεινοκράτην garantie, les réfugiés
διαφερομένων τινές, ὄντες descendirent de la hauteur
πλείους τῶν δισχιλίων, fortifiée qu'ils avaient
μετεβάλοντο πρὸς τὸν occupée et déposèrent les
τύραννον καὶ τοῖς φυγάσιν armes. En ce moment,
αἴτιοι κατέστησαν τῆς Agathocle les enveloppa de
ἥττης. Οἱ μὲν γὰρ μετ´ son armée et les fit tous
Ἀγαθοκλέους ὄντες πολὺ passer au fil de l'épée; ils
μᾶλλον ἐθάρρησαν, οἱ δὲ étaient au nombre de sept
Δεινοκράτει mille, suivant Timée, et de
συναγωνιζόμενοι quatre mille, suivant d'autres
κατεπλάγησαν καὶ historiens. Ce tyran s'était,
νομίσαντες πλείους εἶναι en effet, toujours joué de la
τοὺς ἀφισταμένους πρὸς foi jurée; il tirait sa force,
φυγὴν ὥρμησαν. Εἶθ´ μὲν non de ses propres moyens,
Ἀγαθοκλῆς διώξας αὐτοὺς mais de la faiblesse de ses
μέχρι τινὸς καὶ τοῦ sujets, et redoutait les alliés
φονεύειν ἀποσχόμενος bien plus que les ennemis.
διεπέμψατο πρὸς τοὺς
ἡττημένους, ἀξιῶν
παύσασθαι μὲν τῆς
διαφορᾶς, καταπορευθῆναι
δ´ εἰς τὰς πατρίδας·
εἰληφέναι γὰρ αὐτοὺς
πεῖραν τοῦ μηδέποτ´ ἂν
δύνασθαι περιγενέσθαι
τοὺς φυγάδας
ἀγωνιζομένους πρὸς
αὐτόν, ὅτε καὶ νῦν
πολλαπλασίους ὄντας
αὐτοὺς ἡττῆσθαι. Τῶν δὲ
φυγάδων οἱ μὲν ἱππεῖς
ἅπαντες ἀπὸ τῆς φυγῆς
διεσώθησαν εἰς Ἄμβικας
χωρίον, τῶν δὲ πεζῶν ἔνιοι
μὲν νυκτὸς ἐπιγενομένης
διέδρασαν, οἱ δὲ πλείους
καταλαβόμενοι λόφον καὶ
τὴν μὲν ἐκ τοῦ
διαγωνίζεσθαι νίκην
ἀπελπίσαντες,
ἐπιθυμοῦντες δὲ συγγενῶν
καὶ φίλων καὶ πατρίδος καὶ
τῶν ἐν ταύτῃ καλῶν
διελύσαντο πρὸς
Ἀγαθοκλέα. Λαβόντων οὖν
αὐτῶν πίστεις καὶ
καταβάντων ἀπό τινος
ἐρυμνοῦ λόφου τὰ μὲν
ὅπλα παρείλετο, τὴν δὲ
δύναμιν περιστήσας
ἅπαντας κατηκόντισεν,
ὄντας περὶ ἑπτακισχιλίους,
ὡς Τίμαιός φησιν, ὡς δ´
ἔνιοι γράφουσιν, εἰς
τετρακισχιλίους· ἀεὶ γὰρ
τύραννος οὗτος πίστεως
μὲν καὶ τῶν ὅρκων
κατεφρόνει, τὴν δ´ ἰδίαν
ἰσχὺν οὐκ ἐκ τῆς περὶ
αὐτὸν δυνάμεως, ἀλλ´ ἐκ
τῆς τῶν ὑποτεταγμένων
ἀσθενείας περιεποιεῖτο,
πλεῖον δεδοικὼς τοὺς
συμμάχους τοὺς
πολεμίους.

XC. Τὴν δὲ XC. Ayant ainsi détruit


ἀντιτεταγμένην δύναμιν l'armée des bannis,
οὕτω διαφθείρας Agathocle en recueillit les
προσεδέξατο τοὺς débris. Puis, il fit la paix avec
ὑπολελειμμένους τῶν Dinocrate lui donna même
φυγάδων καὶ πρὸς un commandement dans son
Δεινοκράτην διαλυθεὶς armée, et lui témoigna une
στρατηγὸν αὐτὸν μέρους confiance qui ne se démentit
τῆς δυνάμεως ἀπέδειξε καὶ jamais. On s'étonnera sans
διετέλεσε πιστεύων τὰ doute qu'Agathocle, ce tyran
μέγιστα. θαυμάσειε δ´ ἄν si défiant et si ombrageux,
τις ἐν τούτοις τὸν ait conservé jusqu'à sa mort
Ἀγαθοκλέα, πῶς πρὸς une amitié inaltérable pour
ἅπαντας ὑπόπτως ἔχων καὶ Dinocrate. Ce dernier trahit
μηδέποτε μηδενὶ βεβαίως ses anciens alliés arrêta
πιστεύσας πρὸς μόνον Pasiphilus à Géla et le mit à
Δεινοκράτην διετήρησε mort. Enfin, dans l'espace de
τὴν φιλίαν μέχρι τελευτῆς. deux ans, il rangea sous
δὲ Δεινοκράτης προδοὺς l'auto- 194 rité d'Agathocle les
τοὺς συμμάχους τὸν μὲν forteresses et les villes qui
Πασίφιλον ἐν τῇ Γέλᾳ s'étaient déclarées contre
συναρπάσας ἀπέκτεινεν, lui.
τὰ δὲ φρούρια καὶ τὰς En Italie, les Romains
πόλεις ἐνεχείρισεν battirent les Paliniens, leur
Ἀγαθοκλεῖ, διετῆ χρόνον enlevèrent leur territoire,
ἀναλώσας εἰς τὴν τῶν tandis qu'ils accordèrent le
πολεμίων παράθεσιν. Κατὰ droit de cité à ceux qui
δὲ τὴν Ἰταλίαν Ῥωμαῖοι s'étaient montrés favorables
μὲν Παλιγνοὺς aux Romains. Les consuls
καταπολεμήσαντες τὴν marchèrent ensuite contre
χώραν ἀφείλοντο καί τισι les Samnites, qui
τῶν δοξάντων τὰ Ῥωμαίων ravageaient le territoire de
πεφρονηκέναι μετέδωκαν Falerne. Il s'engagea un
τῆς πολιτείας. Μετὰ δὲ combat d'où les Romains
ταῦτα Σαμνιτῶν τὴν sortirent victorieux; ils
Φαλερνῖτιν πορθούντων prirent vingt enseignes et
ἀνέζευξαν ἐπ´ αὐτοὺς οἱ firent plus de vingt-deux
ὕπατοι καὶ γενομένης mille prisonniers. Les consuls
παρατάξεως προετέρησαν venaient de s'emparer de la
οἱ Ῥωμαῖοι. Σημείας μὲν ville de Vola, lorsque Caïus
οὖν εἷλον εἴκοσι, Gellius, chef des Samnites,
στρατιώτας δ´ ἐζώγρησαν apparut à la tête de six mille
ὑπὲρ τοὺς δισχιλίους. Τῶν hommes. Après un combat
δ´ ὑπάτων εὐθὺς ἑλόντων acharné Gellius fut pris, et la
πόλιν Βῶλαν Γέλλιος Γάιος plus grande partie des
τῶν Σαμνιτῶν ἡγεμὼν Samnites resta sur le champ
ἐφάνη μετὰ στρατιωτῶν de bataille. Quelques-uns
ἑξακισχιλίων. Γενομένης seulement furent faits
δὲ μάχης ἰσχυρᾶς αὐτός τε prisonniers. A la suite de
Γέλλιος ἑάλω καὶ τῶν cette victoire, les consuls
ἄλλων Σαμνιτῶν οἱ recouvrèrent les villes alliées
πλεῖστοι μὲν κατεκόπησαν, de Sora, d'Harpinum et de
τινὲς δὲ καὶ ζῶντες Serennia, dont les Samnites
συνελήφθησαν. Οἱ δ´ s'étaient rendus maîtres.
ὕπατοι τοιούτοις προ XCI. L'année étant
τερήμασι χρησάμενοι τῶν révolue, Phéréclès fut
συμμαχίδων πόλεων τὰς nommé archonte d'Athènes.
ἁλούσας ἀνεκτήσαντο, Les Romains élurent pour
Σώραν, Ἁρπίναν καὶ consuls Publius Sempronius
Σερεννίαν. et Publius Sulpicius, et les
XCI. Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου Eliens célébrèrent la CXIXe
χρόνου διεληλυθότος olympiade, dans laquelle
Ἀθήνησι μὲν ἦρχε Andromène de Corinthe fut
Φερεκλῆς, ἐν Ῥώμῃ δὲ τὴν vainqueur à la course du
ὑπατικὴν ἀρχὴν stade (58). Démétrios
διεδέξαντο Πόπλιος continua le siège de Rhodes.
Σεμπρώνιος καὶ Πόπλιος Malheureux dans ses
Σολπίκιος, ὀλυμπιὰς δ´ attaques par mer, il résolut
ἤχθη παρὰ τοῖς Ἠλείοις d'attaquer la ville par terre.
ἐνάτη πρὸς ταῖς ἑκατὸν Après s'être procuré une
δέκα, καθ´ ἣν ἐνίκα immense quantité de
στάδιον Ἀνδρομένης matériaux, il fit construire
Κορίνθιος. Ἐπὶ δὲ τούτων une machine appelée
Δημήτριος μὲν Ῥόδον hélépole (59) plus grande
πολιορκῶν, ἐπὶ ταῖς κατὰ que toutes celles inventées
θάλατταν προσβολαῖς jusqu'alors. La base était
ἀποτυγχάνων, ἀπὸ τῆς γῆς carrée; chaque côté formé
διέγνω τὰς ἐπιθέσεις de poutres équarries, jointes
ποιεῖσθαι. ensemble par des crampons
Παρασκευασάμενος οὖν de fer, avait à peu près
ὕλης παντοίας πλῆθος cinquante coudées de long
κατεσκεύασε μηχανὴν τὴν (60). L'espace intérieur était
καλουμένην ἑλέπολιν, étagé par des planches, et
ὑπεραίρουσαν πολὺ τῷ destinées à porter ceux qui
μεγέθει τῶν πρὸ αὐτῆς devaient faire jouer la
γενομένων. Ἐσχαρίου γὰρ machine. Toute la masse
ὄντος τετραγώνου τὴν μὲν était supportée par des
πλευρὰν ἑκάστην roues au nombre de huit,
ὑπεστήσατο πηχῶν σχεδὸν laissant entre elles environ
πεντήκοντα, συμπεπηγυῖαν une coudée d'intervalle (61),
ἐκ τετραγώνων ξύλων 195 grandes et solides. Les
σιδήρῳ δεδεμένων· τὴν δὲ jantes des roues, garnies de
ἀνὰ μέσον χώραν διέλαβε cercles de fer, avaient deux
δοκοῖς ἀλλήλων coudées d'épaisseur, et,
ἀπεχούσαις ὡσανεὶ πῆχυν, pour pouvoir imprimer à la
ὅπως παράστασις τοῖς machine toute sorte de
προωθεῖν τὴν μηχανὴν directions, on y avait adapté
μέλλουσιν. Τὸ δὲ πᾶν des pivots mobiles. Les
βάρος ἦν ὑπότροχον, quatre angles étaient formés
στερεοῖς καὶ μεγάλοις par quatre piliers de cent
ὀκτὼ τροχοῖς coudées de hauteur, et
ὑπειλημμένον· τὰ γὰρ πάχη légèrement inclinés en haut
τῶν ἀψίδων ὑπῆρχε πηχῶν et de manière que toute la
δυεῖν, σεσιδηρωμένα bâtisse était partagée en
λεπίσιν ἰσχυραῖς. Πρὸς δὲ neuf étages. Le plus bas se
τὴν ἐκ πλαγίας μετάθεσιν composait de quarante-trois
ἦσαν ἀντίστρεπτα planches et le plus élevé de
πεπραγματευμένα, δι´ ὧν neuf. Trois côtés de cette
πᾶσα μηχανὴ ῥᾳδίως bâtisse étaient recouverts
παντοίαν ὑπελάμβανε extérieurement par des
κίνησιν. Ἐκ δὲ τῶν γωνιῶν lames de fer pour les
ὑπῆρχον κίονες ἴσοι τῷ garantir contre les torches
μήκει, βραχὺ λείποντες allumées. Sur le quatrième
τῶν ἑκατὸν πηχῶν, οὕτως côté, faisant face à l'ennemi,
συννενευκότες εἰς étaient pratiquées, à la
ἀλλήλους ὡς τοῦ παντὸς hauteur de l'étage, des
κατασκευάσματος ὄντος fenêtres proportionnées aux
ἐννεαστέγου τὴν μὲν projectiles qui étaient lancés
πρώτην στέγην ὑπάρχειν sur l'ennemi. Ces fenêtres
ἀκαινῶν τεσσαράκοντα étaient garnies d'auvents,
τριῶν, τὴν δ´ ἀνωτάτω fixés par des ressorts, et
ἐννέα. Τὰς δὲ τρεῖς derrière lesquels se
ἐπιφανεῖς πλευρὰς τῆς trouvaient à l'abri les
μηχανῆς ἔξωθεν hommes qui lançaient des
συνεκάλυψε λεπίσι projectiles. Ces auvents
σιδηραῖς καθηλωμέναις, étaient formés de peaux
ἵνα μηδὲν ὑπὸ τῶν cousues ensemble et
πυρφόρων βλάπτηται. bourrées de laine pour
θυρίδας δ´ εἶχον αἱ στέγαι amortir le choc des pierres
κατὰ πρόσωπον, τοῖς lancées par les lithoboles.
μεγέθεσι καὶ τοῖς σχήμασι Enfin, à chaque étage
πρὸς τὰς ἰδιότητας τῶν étaient deux échelles larges;
μελλόντων ἀφίεσθαι βελῶν l'une servait pour monter et
ἁρμοζούσας. Αὗται δὲ apporter les munitions
εἶχον καλύμματα διὰ nécessaires, et l'autre pour
μηχανῆς ἀνασπώμενα, δι´ descendre, afin de ne pas
ὧν ἀσφάλειαν ἐλάμβανον troubler la régularité du
οἱ κατὰ τὰς στέγας περὶ service. Les hommes les plus
τὴν ἄφεσιν τῶν βελῶν vigoureux de l'armée, au
ἀναστρεφόμενοι· ἦσαν μὲν nombre de trois mille quatre
γὰρ ἐκ βυρσῶν cents, furent choisis pour
περιερραμμένα, πλήρη δὲ mettre en mouvement cet
ἐρίων, εἰς τὸ τῇ πληγῇ immense appareil de guerre,
ἐνδιδόναι τῶν λιθοβόλων. les uns, placés en dedans,
Ἑκάστη δὲ τῶν στεγῶν les autres en dehors et en
εἶχε δύο κλίμακας arrière, firent leurs efforts
πλατείας, ὧν τῇ μὲν πρὸς pour le faire mouvoir,
τὴν ἀνακομιδὴν τῶν secondés par les moyens de
χρησίμων, τῇ δὲ πρὸς τὴν l'art.
κατάβασιν ἐχρῶντο πρὸς Démétrius fit en outre
τὸ χωρὶς θορύβου πᾶν construire deux tortues,
ὑπηρετεῖσθαι. Οἱ δὲ l'une servant à protéger les
μέλλοντες κινήσειν τὴν terrassiers, l'autre l'action
μηχανὴν ἐξελέχθησαν ἐξ des béliers; il y ajouta des
ἁπάσης τῆς δυνάμεως οἱ galeries où les ouvriers
ταῖς ῥώμαις διαφέροντες pouvaient travailler en
ἄνδρες τρισχίλιοι καὶ sécurité. Il employa les
τετρακόσιοι· τούτων δ´ οἱ équipages des navires à
μὲν ἐντὸς ἀποληφθέντες, niveler dans une étendue de
οἱ δ´ ἐκ τῶν ὄπισθεν quatre stades, le sol sur
μερῶν παριστάμενοι lequel les machines devaient
προεώθουν, πολλὰ τῆς passer. Enfin ces travaux de
τέχνης συνεργούσης εἰς Démétrius faisaient face à
τὴν κίνησιν. Κατεσκεύασε six mésopyrges (62), et à
δὲ καὶ χελώνας τὰς μὲν sept tours des murailles de
χωστρίδας, τὰς δὲ Rhodes. Près de trente mille
κριοφόρους καὶ στοὰς δι´ ouvriers y avaient été
ὧν ἔμελλον οἱ τοῖς ἔργοις employés.
προσιόντες ἐλεύσεσθαι καὶ XCII. Ces ouvrages, si
πάλιν ἐπιστρέψειν promptement terminés,
ἀσφαλῶς. Τοῖς δ´ ἐκ τῶν épouvanté- 196 rent les
νεῶν πληρώμασιν Rhodiens par leur grandeur.
ἀνεκάθαρε τὸν τόπον ἐπὶ A cela il faut ajouter les
σταδίους τέτταρας, δι´ ὧν troupes nombreuses et
ἔμελλεν προσάξειν τὰς l'habileté du roi dans les
κατασκευασθείσας travaux de siège. En effet,
μηχανάς, ὥστε γίνεσθαι τὸ Démétrius avait le génie si
ἔργον ἐπὶ μῆκος inventif dans l'art de
μεσοπυργίων ἓξ καὶ construire des machines de
πύργων ἑπτά. Τὸ δ´ guerre, qu'il avait reçu le
ἠθροισμένον πλῆθος τῶν surnom de Poliorcète (63), et
τεχνιτῶν καὶ τῶν τοῖς on disait de lui qu'il n'y avait
ἔργοις προσιόντων οὐ πολὺ pas de place assez forte pour
ἐλείπετο τῶν τρισμυρίων. lui résister. A ce talent, il
XCII. Διόπερ τῇ joignait un extérieur
πολυχειρίᾳ τάχιον τῆς imposant. Il avait la taille et
προσδοκίας ἁπάντων la beauté d'un héros, et
ἐπιτελουμένων φοβερὸς ἦν cette beauté était rehaussée
Δημήτριος τοῖς Ῥοδίοις. par la pompe royale dont il
Οὐ μόνον γὰρ τὰ μεγέθη s'entourait. Aussi, tout le
τῶν μηχανῶν καὶ τὸ monde se pressait sur son
πλῆθος τῆς ἠθροισμένης passage pour le contempler.
δυνάμεως ἐξέπληττεν Avec cela, il avait le goût de
αὐτούς, ἀλλὰ καὶ τὸ τοῦ la magnificence, et, dans son
βασιλέως βίαιον καὶ orgueil, il méprisait non
φιλότεχνον ἐν ταῖς seulement le commun des
πολιορκίαις. Εὐμήχανος hommes, mais même les
γὰρ ὢν καθ´ ὑπερβολὴν ἐν autres souverains ; et ce qui
ταῖς ἐπινοίαις καὶ πολλὰ le faisait le plus remarquer,
παρὰ τὴν τῶν c'est qu'il passa les loisirs de
ἀρχιτεκτόνων τέχνην la paix dans l'ivresse des
παρευρίσκων ὠνομάσθη banquets et au milieu des
μὲν πολιορκητής, τὴν δ´ ἐν danses et des jeux; en un
ταῖς προσβολαῖς ὑπεροχὴν mot, il imitait la manière de
καὶ βίαν τοιαύτην εἶχεν vivre de Bacchus, lorsque,
ὥστε δόξαι μηδὲν οὕτως selon la tradition
ὀχυρὸν εἶναι τεῖχος mythologique, ce dieu vivait
δύναιτ´ ἂν τὴν ἀπ´ ἐκείνου parmi les hommes; mais en
τοῖς πολιορκουμένοις temps de guerre, il était
ἀσφάλειαν παρέχεσθαι. ἦν sobre et d'une grande
δὲ καὶ κατὰ τὸ μέγεθος activité, et conservait dans
τοῦ σώματος καὶ κατὰ τὸ ses actions la même force de
κάλλος ἡρωικὸν corps et d'esprit. Ce fut à
ἀποφαίνων ἀξίωμα, ὥστε l'époque de Démétrius que
καὶ τοὺς ἀφικνουμένους furent inventées différentes
τῶν ξένων θεωροῦντας machines de guerre
εὐπρέπειαν κεκοσμημένην supérieures à celles qui sont
ὑπεροχῇ βασιλικῇ en usage chez les autres
θαυμάζειν καὶ nations. Ce fut encore lui qui,
παρακολουθεῖν ἐν ταῖς après la mort de son père, et
ἐξόδοις ἕνεκεν τῆς θέας. postérieurement au siège de
Ἐπὶ δὲ τούτοις ὑπῆρχε καὶ Rhodes, fit mettre en mer les
τῇ ψυχῇ μετέωρος καὶ plus grands navires.
μεγαλοπρεπὴς καὶ XCIII. En voyant les
καταφρονῶν οὐ τῶν πολ progrès de ces travaux de
λῶν μόνον, ἀλλὰ καὶ τῶν siège, les Rhodiens
ἐν ταῖς δυναστείαις ὄντων, construisirent dans l'intérieur
καὶ τὸ πάντων ἰδιώτατον, un mur parallèle à celui qui
κατὰ μὲν τὴν εἰρήνην ἐν devait essuyer les assauts de
μέθαις διέτριβε καὶ l'ennemi. Pour construire ce
συμποσίοις ἔχουσιν mur, ils employèrent des
ὀρχήσεις καὶ κώμους καὶ matériaux enlevés au
τὸ σύνολον ἐζήλου τὴν théâtre, aux édifices voisins
νυθολογουμένην ποτὲ et même à quelques
γενέσθαι κατ´ ἀνθρώπους temples, en promettant aux
τοῦ Διονύσου διάθεσιν, dieux de leur élever des
κατὰ δὲ τοὺς πολέμους temples plus beaux après la
ἐνεργὸς ἦν καὶ νήφων, délivrance de la vile. Ils
ὥστε παρὰ πάντας τοὺς firent ensuite partir neuf
ἐργατευομένους navires, en ordonnant au
ἐναγώνιον παρέχεσθαι τὸ comandant de se mettre en
σῶμα καὶ τὴν ψυχήν. Ἐπὶ croisière et, d'attaquer tous
γὰρ τούτου βέλη τὰ les bâtiments qu'il
μέγιστα συνετελέσθη καὶ rencontrerait, de les couler
μηχαναὶ παντοῖαι πολὺ τὰς bas ou de les amener dans la
παρὰ τοῖς ἄλλοις ville. Cette escadre se
γενομένας ὑπεραίρουσαι· partagea en trois divisions.
καὶ σκάφη δὲ μέγιστα L'une, commandée par
καθείλκυσεν οὗτος μετὰ Damophilus, qui avait sous
τὴν πολιορκίαν ταύτην καὶ ses 197 ordres les bâtiments
τὴν τοῦ πατρὸς τελευτήν. que les Rhodiens appellent

XCIIII. Οἱ δὲ Ῥόδιοι gardes-côtes, se porta vers

θεωροῦντες τὴν προκοπὴν l'île de Carpathos.

τῶν παρὰ τοῖς πολεμίοις Damophilus atteignit

ἔργων κατεσκεύασαν plusieurs navires de

ἐντὸς ἕτερον τεῖχος Démétrius, les fit en partie

παράλληλον τῷ μέλλοντι couler, et jeta les autres sur

πονεῖν κατὰ τὰς la côte, où ils furent brûlés,

προσβολάς. Ἐχρῶντο δὲ et fit prisonniers tous les

λίθοις καθαιροῦντες τοῦ marins qui les montaient. Il

θεάτρου τὸν περί βολον s'empara aussi d'une grande

καὶ τὰς πλησίον οἰκίας, ἔτι quantité de fruits qu'il

δὲ τῶν ἱερῶν ἔνια, τοῖς envoya à Rhodes. Une autre

θεοῖς εὐξάμενοι καλλίονα division navale, formée de

κατασκευάσειν σωθείσης trois triémioles (64), sous les

τῆς πόλεως. Ἐξέπεμψαν δὲ ordres de Ménédème, fit


καὶ τῶν νεῶν ἐννέα, δια voile pour Patare, dans la
κελευσάμενοι τοὺς Lycie; elle s'empara d'un
ἀφηγουμένους πανταχῇ bâtiment mouillé dans le
πλεῖν καὶ παραδόξως port, et y mit le feu pendant
ἐπιφαινομένους μὲν que l'équipage était à terre.
βυθίζειν τῶν ἁλισκομένων Ménédème captura plusieurs
πλοίων, δὲ κατάγειν εἰς navires de transport, chargés
τὴν πόλιν. Ἐκπλευσάντων de vivres, et les envoya à
δὲ τούτων καὶ τριχῇ Rhodes ; enfin, il enleva une
διαιρεθέντων Δαμόφιλος tétrarème ayant à bord les
μὲν ἔχων ναῦς τὰς vêtements et les ornements
καλουμένας παρὰ Ῥοδίοις royaux que Phila, femme de
φυλακίδας ἔπλευσεν εἰς Démétrius, avait travaillés
Κάρπαθον καὶ πολλὰ μὲν elle-même avec le plus
πλοῖα τῶν Δημητρίου grand soin, et qu'elle
καταλαβών, μὲν τοῖς envoyait à son mari.
ἐμβόλοις θραύων Ménédème fit passer en
κατεπόντιζεν, δ´ ἐπὶ τὸν Egypte ces vêtements
αἰγιαλὸν κομίζων royaux, qui, tissus de
ἐνεπύριζεν, ἐκλεγόμενος pourpre, devaient orner la
τῶν σωμάτων τὰ personne du roi; il traîna le
χρησιμώτατα, οὐκ ὀλίγα δὲ bâtiment à la remorque, et
τῶν κομιζόντων τοὺς ἐκ vendit à l'enchère les marins
τῆς νήσου καρποὺς qui avaient monté cette
κατήγαγεν εἰς τὴν tétrarème, ainsi que les
πατρίδα. Μενέδημος δὲ autres bâtiments capturés.
τριῶν ἀφ ηγούμενος Enfin, la troisième division,
τριημιολιῶν πλεύσας τῆς formée de trois bâtiments,
Λυκίας ἐπὶ τὰ Πάταρα καὶ sous les ordres d'Amyntas,
καταλαβὼν ὁρμοῦσαν ναῦν se dirigea vers les îles, et
τοῦ πληρώματος ἐπὶ γῆς rencontra les navires
ὄντος ἐνεπύρισε τὸ chargés des matériaux de
σκάφος, πολλὰ δὲ πλοῖα construction pour l'ennemi.
τῶν κομιζόντων τὴν Les uns furent coulés bas, et
ἀγορὰν ἐπὶ τὸ les autres capturés. Sur ces
στρατόπεδον ὑποχείρια derniers, se trouvèrent onze
λαβὼν ἐξαπέστειλεν εἰς ouvriers des plus habiles
τὴν Ῥόδον. Εἷλε δὲ καὶ dans l'art de construire des
τετρήρη πλέουσαν μὲν ἐκ balistes et des catapultes.
Κιλικίας, ἔχουσαν δ´ Dans une assemblée
ἐσθῆτα βασιλικὴν καὶ τὴν générale de Rhodiens,
ἄλλην ἀποσκευήν, ἣν quelques citoyens ouvrirent
γυνὴ Δημητρίου Φίλα l'avis de renverser les
παρασκευασαμένη statues d'Antigone et de
φιλοτιμότερον ἀπεστάλκει Démétrius. Il est honteux,
τἀνδρί. Τὸν μὲν οὖν disaient-ils, de combler
ἱματισμὸν ἀπέστειλεν εἰς comme des bienfaiteurs
Αἴγυπτον, οὐσῶν τῶν ceux qui assiègent la ville.
στολῶν ἁλουργῶν καὶ Mais le peuple indigné
βασιλεῖ φορεῖν πρεπουσῶν, s'opposa à cette
τὴν δὲ ναῦν ἐνεώλκησεν proposition : il conserva
καὶ τοὺς ναύτας ἀπέδοτο intacts tous les honneurs
τούς τ´ ἐκ τῆς τετρήρους qu'il avait décernés à
καὶ τοὺς ἐκ τῶν ἄλλων Antigone et, en cela, il fut
πλοίων τῶν ἁλόντων. Τῶν très bien conseillé, tant pour
δ´ ὑπολοίπων νεῶν τριῶν sa gloire que pour ses
Ἀμύντας ἡγούμενος intérêts. Car cette preuve de
ἔπλευσεν ἐπὶ νήσων καὶ magnanimité et cette
πολλοῖς πλοίοις περιτυχὼν décision d'un gouvernement
κομίζουσι τὰ πρὸς τὰς démocratique reçurent les
μηχανὰς ἁρμόζοντα τοῖς plus grands éloges chez les
πολεμίοις μὲν αὐτῶν autres 198 nations, en même
κατέδυσεν, δὲ κατήγαγεν temps qu'elles firent changer
εἰς τὴν πόλιν, ἐν οἷς les ressentiments des
ἑάλωσαν καὶ τεχνῖται τῶν assiégeants. En effet,
ἀξιολόγων καὶ πρὸς βέλη Démétrius et Antigone, qui
καὶ κατα πέλτας ἐμπειρίᾳ n'avaient recueilli aucune
διαφέροντες ἕνδεκα. reconnaissance des bienfaits

Μετὰ δὲ ταῦτα dont ils avaient comblé les

ἐκκλησίας συναχθείσης autres villes de la Grèce, en

συνεβούλευόν τινες τὰς leur rendant leur

εἰκόνας τὰς Ἀντιγόνου καὶ indépendance, devaient

Δημητρίου κατασπάσαι, s'affliger de chercher à

δεινὸν εἶναι λέγοντες ἐν réduire à l'esclavage

ἴσῳ τιμᾶσθαι τοὺς précisément ceux qui

πολιορκοῦντας τοῖς avaient manifesté des

εὐεργέταις· ἐφ´ οἷς sentiments de gratitude

δῆμος ἀγανακτήσας aussi inébranlables.

τούτοις μὲν ὡς D'ailleurs, dans le cas où,

ἁμαρτάνουσιν ἐπετίμησεν, contre toute attente, la ville

τῶν δὲ περὶ Ἀντίγονον serait prise, ce souvenir

τιμῶν οὐδεμίαν d'affection devait leur

μετεκίνησεν, καλῶς πρός assurer quelque

τε δόξαν καὶ τὸ συμφέρον ménagement de la part du

βουλευσάμενος. τε γὰρ vainqueur. La résolution des

μεγαλοψυχία καὶ τὸ Rhodiens était donc sage et

βέβαιον τῆς ἐν prudente.

δημοκρατίᾳ κρίσεως παρὰ XCIV. Cependant


μὲν τοῖς ἄλλοις ἐπαίνων Démétrius fit entreprendre
ἐτύγχανε, παρὰ δὲ τοῖς des travaux de mines. Un
πολιορκοῦσι μεταμελείας· déserteur vint avertir les
τὰς γὰρ κατὰ τὴν Ἑλλάδα assiégés que les mines
πόλεις οὐδεμίαν étaient déjà parvenues
ἐνδεδειγμένας εὔνοιαν εἰς presque dans l'intérieur des
τοὺς εὐεργέτας murs. Aussitôt les Rhodiens
ἐλευθεροῦντες τὴν διὰ τῆς creusèrent un fossé profond,
πείρας φανεῖσαν parallèle au mur qui était
βεβαιοτάτην εἰς ἀμοιβὴν supposé devoir tomber, en
χάριτος ἐφαίνοντο même temps qu'ils se mirent
καταδουλούμενοι, πρός τε à pratiquer des contre-mines
τὸ παράδοξον τῆς τύχης, pour s'opposer à la marche
εἰ συμβαίη τὴν πόλιν envahissante de l'ennemi.
ἁλῶναι, κατελείπετ´ Pendant que ces travaux
αὐτοῖς πρὸς παραίτησιν souterrains s'exécutaient
τῆς τηρηθείσης ὑπ´ αὐτῶν secrètement de part et
φιλίας ἀνάμνησις. Ταῦτα d'autre, quelques hommes
μὲν οὖν τοῖς Ῥοδίοις de Démétrius tentèrent de
ἐπράχθη συνετῶς. séduire, par des offres

XCIV. Δημητρίου δὲ d'argent, Athénagore, chef

διὰ τῶν μεταλλέων de la garde des Rhodiens.

ὑπορύξαντος τὸ τεῖχος Cet Athénagore, Milésien

τῶν αὐτομόλων τις d'origine, avait été envoyé

ἐμήνυσε τοῖς par Ptolémée en qualité de

πολιορκουμένοις ὡς οἱ commandant des troupes

ταῖς ὑπονομαῖς χρώμενοι mercenaires. Il promit de

σχεδὸν ἐντός εἰσι τοῦ livrer la ville, et indiqua un

τείχους. Διόπερ οἱ Ῥόδιοι jour où Démétrius enverrait

τάφρον ὀρύξαντες un de ses lieutenants les

βαθεῖαν, παράλληλον τῷ plus distingués, lequel, après

δοκοῦντι πεσεῖσθαι τείχει, s'être introduit dans la ville

ταχὺ καὶ αὐτοὶ ταῖς par la voie souterraine,

μεταλλείαις χρώμενοι reconnaîtrait lui même le

συνῆψαν ὑπὸ γῆν τοῖς point le plus faible. Après

ἐναντίοις καὶ διεκώλυσαν avoir ainsi donné de grandes

τῆς εἰς τοὔμπροσθεν espérances à Démétrius,

πορείας. Τῶν δὲ Athénagore vint tout dévoiler

διορυγμάτων παρ´ au sénat de Rhodes.

ἀμφοτέροις τηρουμένων Démétrius chargea de

ἐπεχείρησάν τινες τῶν l'exécution de ce projet un

παρὰ τοῦ Δημητρίου de ses amis, Alexandre,

διαφθείρειν χρήμασι τὸν Macédonien d'origine.

τεταγμένον ἐπὶ τῆς Aussitôt que celui-ci fut sorti


φυλακῆς ὑπὸ τῶν Ῥοδίων de la voie souterraine, les
Ἀθηναγόραν· οὗτος δ´ ἦν Rhodiens s'en saisirent.
Μιλήσιος μὲν τὸ γένος, Athénagore, en récompense
ὑπὸ Πτολεμαίου δ´ de ce service, reçut une
ἐξαπεσταλμένος ἡγεμὼν couronne d'or et cinq talents
τῶν μισθοφόρων. d'argent; le peuple chercha
Ἐπαγγειλάμενος δὲ de même à gagner
προδώσειν συνετάξαθ´ l'affection des autres
ἡμέραν καθ´ ἣν ἔδει παρὰ mercenaires et des
Δημητρίου πεμφθῆναί τινα étrangers.
τῶν ἀξιολόγων ἡγεμόνων XCV. Après que les
τὸν νυκτὸς ἀναβησόμενον machines furent terminées,
διὰ τοῦ ὀρύγματος εἰς τὴν et tout l'espace en avant des
πόλιν, ὅπως κατασκέψηται murailles déblayé, Démétrius
τὸν τόπον τὸν μέλλοντα plaça l'hélépole 199 au milieu
δέξασθαι τοὺς de cet espace, et disposa
στρατιώτας. Εἰς ἐλπίδας huit tortues de manière à
δὲ μεγάλας ἀγαγὼν τοὺς protéger les travaux du
περὶ Δημήτριον ἐμήνυσε τῇ sapement ; quatre de
βουλῇ· καὶ πέμψαντος τοῦ chaque côté de l'hélépole.
βασιλέως τῶν περὶ αὑτὸν Chaque tortue était munie
φίλων Ἀλέξανδρον τὸν d'une galerie où les
Μακεδόνα τοῦτον μὲν travailleurs pouvaient
ἀναβάντα διὰ τῆς manœuvrer à l'abri. Il monta
διώρυχος συνέλαβον οἱ ensuite deux béliers d'une
Ῥόδιοι, τὸν δ´ Ἀθηναγόραν énorme dimension; l'un,
ἐστεφάνωσαν χρυσῷ plaqué de fer, avait cent
στεφάνῳ καὶ δωρεὰν vingt coudées de longueur
ἔδωκαν ἀργυρίου τάλαντα (65), et la tête ressemblait à
πέντε, σπεύδοντες καὶ τῶν un éperon de navire. Ces
ἄλλων μισθοφόρων καὶ béliers, bien suspendus,
ξένων ἐκκαλεῖσθαι τὴν étaient mis en branle chacun
πρὸς τὸν δῆμον εὔνοιαν. par un millier d'hommes. Au
XCV. Δημήτριος δὲ moment de l'attaque, les
τῶν τε μηχανῶν αὐτῷ pétroboles et les balistes
τέλος ἐχουσῶν καὶ τοῦ furent placées, chacune
πρὸς τὸ τεῖχος τόπου proportionnellement à sa
παντὸς ἀνακαθαρθέντος grandeur, sur les étages de
τὴν μὲν ἑλέπολιν μέσην l'hélépole. Démétrius avait
ἔστησε, τὰς δὲ χωστρίδας établi sa flotte dans le port
χελώνας ἐπιδιεῖλεν, οὔσας et aux environs, et
{εἰς} ὀκτώ· κατέστησεν δ´ échelonné ses troupes de
εἰς ἑκάτερον μέρος τῆς terre en face de la muraille
μηχανῆς τέτταρας καὶ qui devait éprouver l'effet
τούτων ἑκάστῃ συνῆψεν des machines. A un signal
στοὰν μίαν εἰς τὸ donné, les troupes élevèrent
δύνασθαι μετ´ ἀσφαλείας le cri de guerre, et l'attaque
ἐπιτελεῖν τὸ commença sur tous les
προσταττόμενον τοὺς points à la fois. Pendant que
εἰσιόντας τε καὶ πάλιν les béliers et les pétroboles
ἐξιόντας, κριοφόρους δὲ ébranlaient les murailles,
δύο πολλαπλασίας τοῖς Démétrius reçut une
μεγέθεσιν· εἶχε γὰρ députation de Cnidiens, qui
ἑκατέραν πηχῶν ἑκατὸν le priaient de cesser le siège
εἴκοσι, σεσιδηρωμένην καὶ lui promettant d'obtenir des
τὴν ἐμβολὴν ἔχουσαν Rhodiens tout ce que l'on
παραπλησίαν νεὼς pourrait exiger d'eux. Le roi
ἐμβόλῳ, καὶ προωθουμένην y consentit, et les députés
μὲν εὐκινήτως, ὑπότροχον entrèrent en négociation
δὲ καὶ τὴν ἐναγώνιον avec les Rhodiens; mais
ἐνέργειαν λαμβάνουσαν δι après de longs pourparlers,
´ ἀνδρῶν οὐκ ἐλαττόνων qui demeurèrent sans
χιλίων. Μέλλων δὲ résultat, le siège
προσάγειν τὰς μηχανὰς recommença avec plus de
τοῖς τείχεσι τοὺς μὲν vigueur. Démétrius fit
πετροβόλους καὶ τοὺς crouler une des tours les
ὀξυβελεῖς παρήνεγκε τῆς plus solides de la muraille;
ἑλεπόλεως εἰς ἑκάστην ces tours étaient carrées et
στέγην τοὺς ἁρμόζοντας, bâties en pierres; l'intervalle
ἐπὶ δὲ τοὺς λιμένας καὶ qui les joignait à la tour
τοὺς πλησίον τόπους voisine fut tellement
ἀπέστειλε τὴν ναυτικὴν endommagé, qu'il était
δύναμιν, πρὸς δὲ τὸ λοιπὸν impossible d'aborder dans ce
τεῖχος τὸ δυνάμενον point les créneaux de la
προσβολὰς δέξασθαι τὸ muraille.
πεζὸν στρατόπεδον XCVI. Pendant la durée
ἐπιδιεῖλεν. Ἔπειτα δὲ πρὸς de ce siège, le roi Ptolémée
ἓν παρακέλευσμα καὶ fit parvenir aux Rhodiens un
σημεῖον πάντων grand nombre de bâtiments
συναλαλαξάντων de transport, chargés de
πανταχόθεν τῇ πόλει trois cent mille artabes (66)
προσβολὰς ἐποιεῖτο. de blé et de légumes. Au
Διασείοντος δ´ αὐτοῦ τοῖς moment où ces bâtiments
κριοῖς καὶ τοῖς allaient entrer dans la ville,
πετροβόλοις τὰ τείχη Démétrius détacha des
παρεγενήθησαν Κνιδίων embarcations pour les
πρέσβεις, ἀξιοῦντες capturer et les amener dans
ἐπισχεῖν καὶ πείσειν son camp. Mais les
ἐπαγγελλόμενοι τοὺς bâtiments de Ptolémée
Ῥοδίους δέχεσθαι τὰ profitèrent d'un vent
δυνατώτατα τῶν favorable, et entrèrent à
προσταγμάτων. Ἀνέντος pleine voile dans le port de
δὲ τοῦ βασιλέως καὶ τῶν Rhodes, en sorte que le
πρέσβεων δεῦρο κἀκεῖσε détachement de Démétrius
πολλὰ διαλεχθέντων πέρας revint sans avoir 200 rien fait.
οὐ δυναμένων συμφωνῆσαι De son côté, Cassandre
πάλιν ἐνηργεῖτο τὰ τῆς envoya aux Rhodiens dix
πολιορκίας. Καὶ Δημήτριος mille rnédimnes d'orge (67)
μὲν κατέβαλε τὸν et Lysimaque quarante mille
στερεώτατον τῶν πύργων, médimnes de froment et
ᾠκοδομημένον ἐκ λίθων autant d'orge. Ces provisions
τετραπέδων, καὶ ranimèrent les forces déjà
μεσοπύργιον ὅλον abattues des assiégés.
διέσεισεν, ὥστε μὴ Jugeant quel avantage il y
δύνασθαι τοὺς ἐν τῇ πόλει aurait à détruire les
πάροδον ἔχειν ἐπὶ τὰς machines de l'ennemi, les
ἐπάλξεις κατὰ τοῦτον τὸν Rhodiens préparèrent une
τόπον. immense quantité de

XCVI. Ἐν δὲ ταῖς projectiles enflammés, et

αὐταῖς ἡμέραις garnirent leurs remparts de

Πτολεμαῖος βασιλεὺς balistes et de catapultes.

ἀπέστειλε τοῖς Ῥοδίοις Pendant la nuit, à l'heure de

πλοίων πλῆθος τῶν τὴν la seconde veille, ils

ἀγορὰν κομιζόντων, ἐν οἷς attaquèrent soudain à coups

ἦσαν σίτου τριάκοντα de baliste la garde du camp

μυριάδες ἀρταβῶν σὺν ennemi, en même temps

τοῖς ὀσπρίοις. qu'ils lançaient toute sorte

Προσφερομένων δ´ αὐτῶν de projectiles enflammés sur

πρὸς τὴν πόλιν ἐπεχείρησε les machines et sur les

Δημήτριος ἀποστέλλειν hommes qui accouraient

σκάφη τὰ κατάξοντα πρὸς pour éteindre la flamme.

τὴν αὐτοῦ στρατοπεδείαν. Démétrius, surpris par cette

Φοροῦ δὲ πνεύματος attaque inattendue, et

αὐτοῖς ἐπιγενομένου ταῦτα craignant pour ses ouvrages

μὲν πλήρεσι τοῖς ἱστίοις construits à tant de frais,

φερόμενα κατηνέχθη πρὸς accourut lui-même au

τοὺς οἰκείους λιμένας, οἱ δ secours. Comme la nuit était

´ ὑπὸ Δημητρίου sans lune, les projectiles

πεμφθέντες ἐπανῆλθον enflammés répandirent une

ἄπρακτοι. Ἔπεμψε δὲ τοῖς vive clarté permettant aux

Ῥοδίοις καὶ Κάσανδρος assiégés d'ajuster leurs

κριθῶν μεδίμνους μυρίους balistes et leurs catapultes,


καὶ Λυσίμαχος πυρῶν qui tuèrent un grand nombre
μεδίμνους d'ennemis égarés par
τετρακισμυρίους καὶ l'obscurité. Le côté de
κριθῶν τοὺς ἴσους. l'hélepole exposé aux
Τηλικαύτης οὖν χορηγίας projectiles enflammés des
τοῖς κατὰ τὴν πόλιν Rhodiens, fut dégarni de ses
γενομένης ἤδη κάμνοντες lames de fer, et le bois
ταῖς ψυχαῖς οἱ dénudé menaça de prendre
πολιορκούμενοι πάλιν feu. Démétrius, craignant
ἀνεθάρρησαν καὶ que sa machine ne fut mise,
κρίναντες συμφέρειν par l'effet du feu, hors d'état
ἐπιθέσθαι ταῖς μηχαναῖς de servir, essaya d'éteindre
τῶν πολεμίων πυρφόρων la flamme au moyen des
τε πλῆθος réservoirs d'eau ménagés
παρεσκευάσαντο καὶ τοὺς aux divers étages de
πετροβόλους καὶ τοὺς l'hélépole. Enfin, il parvint,
ὀξυβελεῖς ἔστησαν au son de la trompette, à
ἅπαντας ἐπὶ τοῦ τείχους. réunir les hommes préposés
Νυκτὸς δ´ ἐπιγενομένης au service de ces machines,
περὶ δευτέραν φυλακὴν qu'il fit reculer hors de la
ἄφνω τοῖς μὲν πυρφόροις portée des traits.
συνεχῶς τὴν ἑλέπολιν XCVII. Au lever du jour,
ἔβαλλον, τοῖς δ´ ἄλλοις Démétrius fit ramasser par
βέλεσι παντοίοις χρώμενοι ses satellites les traits qui
τοὺς ἐκεῖ συντρέχοντας avaient été lancés par les
κατετίτρωσκον. Οἱ δὲ περὶ Rhodiens, pour juger, d'après
τὸν Δημήτριον ἀνελπίστου cela, des ressources dont
τῆς ἐπιθέσεως γενομένης pouvaient disposer les
ἀγωνιάσαντες περὶ τῶν assiégés. Il compta ainsi plus
κατασκευασθέντων ἔργων de huit cents projectiles
συνέτρεχον ἐπὶ τὴν enflammés et au moins
βοήθειαν. Ἀσελήνου δὲ τῆς quinze cents flèches lancées
νυκτὸς οὔσης οἱ μὲν par des balistes. Un si grand
πυρφόροι διέλαμπον nombre de traits, dépensés
φερόμενοι βιαίως, οἱ δ´ dans le court espace d'une
ὀξυβελεῖς καὶ πετροβόλοι nuit, fit juger avec
τὴν φορὰν ἀπροόρατον étonnement des moyens de
ἔχοντες πολλοὺς défense que la ville devait
διέφθειρον τῶν μὴ avoir à sa disposition.
δυναμένων συνιδεῖν τὴν Démétrius répara ensuite
ἐπιφερομένην πληγήν. ses ouvrages; il fit enterrer
Ἔτυχον δὲ καὶ τῶν ἀπὸ les 201 morts et panser les
τῆς μηχανῆς λεπίδων τινὲς blessés. Les Rhodiens
ἀποπεσοῦσαι, profitèrent de ce temps de
καταψιλωθέντος δὲ τοῦ relâche pour construire un
τόπου προσέπιπτον οἱ troisième mur d'enceinte,
πυρφόροι τῷ ξυλοφανεῖ dans toute l'étendue de
τοῦ κατασκευάσματος. l'espace le plus exposé aux
Διόπερ ἀγωνιάσας attaques de l'ennemi. Enfin
Δημήτριος μήποτε τοῦ ils entourèrent d'un fossé
πυρὸς ἐπινεμηθέντος profond la partie de la
ἅπασαν συμβῇ τὴν muraille tombée, afin
μηχανὴν λυμανθῆναι, κατὰ d'empêcher le roi de
τάχος ἐβοήθει καὶ τῷ pénétrer par un coup de
παρασκευασθέντι ὕδατι ἐν main dans l'intérieur de la
ταῖς στέγαις ἐπειρᾶτο ville. Les Rhodiens
σβεννύναι τὴν détachèrent leurs meilleurs
ἐπιφερομένην φλόγα. Τὸ δὲ navires sous les ordres
τελευταῖον ἀθροίσας τῇ d'Amyntas. Ce nauarque se
σάλπιγγι τοὺς montra sur la côte opposée
τεταγμένους ἐπὶ τῆς de l'Asie où il atteignit à
κινήσεως τῶν ἔργων διὰ l'improviste quelques
τούτων ἀπήγαγε τὰς corsaires au service de
μηχανὰς ἐκτὸς βέλους. Démétrius. Ces pirates,
XCVII. Ἔπειτα montés sur trois navires
γενομένης ἡμέρας ouverts, se croyaient forts de
προσέταξε τοῖς ὑπηρέταις la protection du roi; mais,
ἀθροῖσαι τὰ βέλη τὰ après un combat naval, les
πεσόντα παρὰ τῶν Ῥοδίων, Rhodiens se rendirent
ἐκ τούτων βουλόμενος maîtres des bâtiments
συλλογίσασθαι τῶν ἐν τῇ corsaires avec tous les
πόλει τὴν παρασκευήν. Ὧν équipages, parmi lesquels se
ταχὺ τὸ προσταχθὲν trouvait Timoclès, chef des
ποιησάντων ἠριθμήθησαν corsaires. Amyntas captura
πυρφόροι μὲν τοῖς ensuite quelques navires
μεγέθεσι παντοῖοι πλείους marchands, ainsi qu'un
τῶν ὀκτακοσίων, grand nombre de barques
ὀξυβελεῖς δὲ οὐκ ἐλάττους chargées de blé, et il rentra
τῶν χιλίων πεντακοσίων. avec sa prise, pendant la
Τοσούτων δὲ βελῶν nuit, dans le port de Rhodes.
ἐνεχθέντων ἐν βραχεῖ Démétrius, après avoir
χρόνῳ νυκτὸς ἐθαύμαζε fait réparer ses machines,
τὴν χορηγίαν τῆς πόλεως les dirigea de nouveau
καὶ τὴν ἐν τούτοις contre les murailles et
δαψίλειαν. balaya des créneaux les
Τότε μὲν οὖν soldats établis pour la
Δημήτριος κατεσκεύασε défense des remparts; puis,
τὰ πεπονηκότα τῶν ἔργων à coups redoublés de béliers,
καὶ περί τε τὴν ταφὴν τῶν il parvint à faire crouler deux
τελευτησάντων καὶ τὴν "mésopyrges"; la tour du
θεραπείαν τῶν milieu fut vivement
τραυματιῶν ἐγίνετο. Καθ´ défendue par les assiégés,
ὃν δὴ χρόνον οἱ κατὰ τὴν relevés par des renforts
πόλιν ἄνεσιν λαβόντες τῆς continuels. Dans cette
ἀπὸ τῶν μηχανῶν βίας action, beaucoup de
ᾠκοδόμησαν τρίτον τεῖχος Rhodiens perdirent la vie, et
μηνοειδές, leur général Ananias, qui
περιλαμβάνοντες τῇ μὲν s'était vaillamment défendu,
περιφερείᾳ πάντα τὸν se trouva lui-même au
κινδυνεύοντα τόπον τοῦ nombre des morts.
τείχους· οὐδὲν δ´ ἧττον XCVIII. Sur ces
καὶ τάφρῳ βαθείᾳ entrefaites, le roi Ptolémée
περιέλαβον τὸ πεπτωκὸς fit parvenir aux Rhodiens
τοῦ τείχους, ὅπως μὴ une cargaison de vivres
δύνηται ῥᾳδίως βασιλεὺς aussi considérable que la
ἐξ ἐφόδου μετὰ βάρους première, ainsi qu'un renfort
εἰσπεσεῖν εἰς τὴν πόλιν. de quinze cents hommes
Ἐξέπεμψαν δὲ καὶ ναῦς commandés par Antigone le
τῶν ἄριστα πλεουσῶν, Macédonien. En ce même
Ἀμύνταν ἐπιστήσαντες temps arrivèrent auprès de
ἡγεμόνα, ὃς ἐκπλεύσας Démétrius plus de cinquante
πρὸς τὴν Περαίαν τῆς députés, envoyés tant par
Ἀσίας ἐπεφάνη παραδόξως les Athéniens que par les
πειραταῖς τισιν autres villes de la Grèce.
ἀπεσταλμένοις ὑπὸ Tous ces députés vinrent
Δημητρίου. Οὗτοι δ´ εἶχον solliciter le roi de faire la
ἄφρακτα τρία, κράτιστοι paix avec les Rhodiens. Un
δοκοῦντες εἶναι τῶν τῷ armistice fut accordé; mais,
βασιλεῖ συστρατευόντων. après de longs pourparlers
Γενομένης δ´ ἐπ´ ὀλίγον entre le peuple de Rhodes et
χρόνον ναυμαχίας οἱ Démétrius, il ne fut rien
Ῥόδιοι βιασάμενοι τῶν conclu, et les députés
νεῶν αὐτάνδρων partirent sans avoir obtenu
ἐκυρίευσαν, ἐν οἷς ἦν καὶ aucun résultat. Démétrius
Τιμοκλῆς ἀρχιπειρατής. résolut de diriger une
Ἐπέπλευσαν δὲ καὶ τῶν attaque nocturne contre la
ἐμπόρων τισὶ καὶ brèche ouverte. 202 Il choisit
παρελόμενοι κέλητας οὐκ donc quinze cents soldats
ὀλίγους γέμοντας σίτου parmi les plus forts de
τούτους τε καὶ τὰ τῶν l'armée, et leur ordonna
πειρατῶν ἄφρακτα d'approcher en silence de
κατήγαγον εἰς τὴν Ῥόδον l'enceinte vers l'heure de la
νυκτός, λαθόντες τοὺς seconde veille. Cette
πολεμίους. disposition arrêtée,

Ὁ δὲ Δημήτριος Démétrius ordonna aux

ἐπισκευάσας τὰ autres troupes de garder leur

πεπονηκότα τῶν ἔργων ordre de bataille, et, à un

προσέβαλλε τῷ τείχει τὰς signal donné, de pousser le

μηχανὰς καὶ πᾶσι τοῖς cri de guerre en attaquant

βέλεσιν ἀφειδῶς χρώμενος tout à la fois la ville par terre

τοὺς μὲν ἐπὶ ταῖς et par mer. Ces ordres furent

ἐπάλξεσιν ἐφεστῶτας exécutés. Le premier

ἀνεῖρξε, τοῖς δὲ κριοῖς détachement pénétra par la

τύπτων τὸ συνεχὲς τοῦ brèche ouverte dans

τόπου δύο μὲν μεσοπύργια l'intérieur de la ville, et,

κατέβαλε, περὶ δὲ τὸν après avoir égorgé les

πύργον τὸν ἀνὰ μέσον sentinelles établies sur les

τούτων φιλοτιμουμένοις remparts, ils vinrent occuper

τοῖς ἐκ τῆς πόλεως les environs du théâtre. Les

ἰσχυροὶ καὶ συνεχεῖς ἐκ habitants, surpris à

διαδοχῆς ἀγῶνες ἐγίνοντο, l'improviste, accoururent

ὥστε καὶ τὸν στρατηγὸν dans le plus grand désordre

αὐτῶν Ἀνανίαν ἐκθύμως sur les points menacés; mais

ἀγωνισάμενον ἀναιρεθῆναι les chefs ordonnèrent aux

καὶ συχνοὺς τῶν ἄλλων soldats de garder les postes

στρατιωτῶν ἀποθανεῖν. qu'ils occupaient soit près du


port soit sur les remparts, et
XCVIII. Ἅμα δὲ τούτοις
de repousser les assaillants.
πραττομένοις Πτολεμαῖος
Puis, réunissant un corps
μὲν βασιλεὺς ἀπέστειλε
d'élite et les troupes qui
τοῖς Ῥοδίοις σῖτον καὶ τὴν
venaient d'Alexandrie, ils
ἄλλην ἀγορὰν οὐκ
marchèrent contre l'ennemi
ἐλάττονα τῆς πρότερον
qui se trouvait dans
ἐκπεμφθείσης καὶ
l'intérieur des murs.
στρατιώτας χιλίους καὶ
Cependant le jour parut, et
πεντακοσίους, ὧν ἦν Démétrius donna le signal
ἡγεμὼν Ἀντίγονος d'un assaut général. Aussitôt
Μακεδών. Καθ´ ὃν δὴ les troupes poussèrent le cri
χρόνον ἧκον πρὸς τὸν de guerre et attaquèrent
Δημήτριον πρέσβεις παρά tout à la fois le port et les
τε Ἀθηναίων καὶ τῶν remparts, et inspirèrent une
ἄλλων Ἑλληνίδων πόλεων, nouvelle ardeur à leurs
τὸν ἀριθμὸν μὲν ὄντες camarades qui se battaient
ὑπὲρ τοὺς πεντήκοντα, autour du théâtre. Toute la
πάντες δὲ ἀξιοῦντες ville retentissait des
διαλύσασθαι τὸν βασιλέα gémissements des femmes
πρὸς τοὺς Ῥοδίους. et des enfants imaginant que
Γενομένων οὖν ἀνοχῶν καὶ la ville était déjà prise.
πολλῶν καὶ παντοδαπῶν Cependant, la colonne qui
ῥηθέντων λόγων πρός τε avait pénétré dans l'intérieur
τὸν δῆμον καὶ πρὸς τοὺς des murs avait un combat
περὶ τὸν Δημήτριον très opiniâtre à soutenir
οὐδαμῶς ἐδυνήθησαν contre les Rhodiens, et,
συμφωνῆσαι· διόπερ οἱ malgré des pertes
πρέσβεις ἀπῆλθον réciproques, aucun parti ne
ἄπρακτοι. Δημήτριος δὲ voulait céder le terrain. Mais
διανοηθεὶς νυκτὸς bientôt les Rhodiens, se
ἐπιθέσθαι τῇ πόλει κατὰ τὸ battant pour leur patrie et
πεπτωκὸς τοῦ τείχους leurs plus chers biens,
ἐπέλεξε τῶν τε μαχίμων écrasèrent les troupes du roi;
τοὺς κρατίστους καὶ τῶν Alcimus et Mantias, qui les
ἄλλων τοὺς εὐθέτους εἰς commandaient, tombèrent
χιλίους καὶ πεντακοσίους. criblés de blessures. La
Τούτους μὲν οὖν plupart des soldats restèrent
προσέταξεν ἡσυχῇ sur le champ de bataille ; un
προσελθεῖν τῷ τείχει περὶ grand nombre furent faits
δευτέραν φυλακήν, αὐτὸς prisonniers, et très peu
δὲ διασκευάσας parvinrent à rejoindre le roi.
παρήγγειλε τοῖς ἐφ´ Les Rhodiens perdirent
ἑκάστῳ μέρει τεταγμένοις, également beaucoup de
ὅταν σημήνῃ, συναλαλάξαι monde; Damotelès, un de
καὶ προσβολὰς ποιεῖσθαι leurs prytanes, homme d'un
καὶ κατὰ γῆν καὶ κατὰ courage distingué, était au
θάλατταν. Πάντων δὲ τὸ nombre des morts.
παραγγελθὲν ποιούντων οἱ XCIX. Malgré cet échec,
μὲν ἐπὶ τὰ πεπτωκότα τῶν Démétrius ne cessa pas de
τειχῶν ὁρμήσαντες τοὺς continuer le siège. Mais dans
προφυλάττοντας ἐπὶ τῆς cet intervalle son père lui
τάφρου κατασφάξαντες avait écrit de 203 traiter avec
παρεισέπεσον εἰς τὴν πόλιν les Rhodiens à la première
καὶ τοὺς περὶ τὸ θέατρον occasion favorable. De son
τόπους κατελαμβάνοντο· côté, Ptolémée avait d'abord
οἱ δὲ τῶν Ῥοδίων prévenu les Rhodiens qu'il
πρυτάνεις πυθόμενοι τὸ leur enverrait des provisions
συμβεβηκὸς καὶ τὴν πόλιν de blé et un renfort de trois
ὁρῶντες ἅπασαν mille hommes ; mais plus
τεθορυβημένην τοῖς μὲν tard, il leur avait conseillé de
ἐπὶ τοῦ λιμένος καὶ τῶν traiter avec Antigone, à des
τειχῶν παρήγγειλαν μένειν conditions autant que
ἐπὶ τῆς ἰδίας τάξεως καὶ possible modérées. Il en
τοὺς ἔξωθεν, ἂν résulta que les deux partis
προσβάλωσιν, ἀμύνασθαι, inclinaient également pour la
αὐτοὶ δ´ ἔχοντες τὸ τῶν paix. En même temps
ἐπιλέκτων σύστημα καὶ arrivèrent des députés de la
τοὺς ἀπὸ τῆς ligue étolienne pour
Ἀλεξανδρείας προσφάτως conseiller à leur tour un
καταπεπλευκότας accommodement. Les
στρατιώτας ὥρμησαν ἐπὶ Rhodiens conclurent donc
τοὺς ἐντὸς τοῦ τείχους avec Antigone la paix aux
παρεισπεπτωκότας. conditions suivantes : la ville
Περικαταλαβούσης δ´ de Rhodes garderait son
ἡμέρας καὶ τοῦ Δημητρίου indépendance et ses
τὸ σύσσημον ἄραντος οἱ revenus; les Rhodiens
μὲν τῷ λιμένι fourniraient à Antigone des
προσβαλόντες καὶ τὸ troupes auxiliaires, excepté
τεῖχος πάντοθεν le seul cas où il marcherait
περιεστρατοπεδευκότες contre Ptolémée; enfin, ils
συνηλάλαξαν, εὐθαρσεῖς donnaient en otage cent
ποιοῦντες τοὺς κατ citoyens, que Démétrius
ειληφότας μέρος τοῦ περὶ choisirait, excepté dans
τὸ θέατρον τόπου, δὲ l'ordre des magistrats.
κατὰ τὴν πόλιν ὄχλος
παίδων καὶ γυναικῶν ἐν
φόβοις ἦν καὶ δάκρυσιν,
ὡς τῆς πατρίδος κατὰ
κράτος ἁλισκομένης. Οὐ
μὴν ἀλλὰ τοῖς
παρεισπεσοῦσιν ἐντὸς τοῦ
τείχους γενομένης μάχης
πρὸς τοὺς Ῥοδίους καὶ
πολλῶν παρ´ ἀμφοτέροις
πεσόντων τὸ μὲν πρῶτον
οὐδέτεροι τῆς ἰδίας
τάξεως ἐξεχώρουν, μετὰ
δὲ ταῦτα τῶν μὲν Ῥοδίων
ἀεὶ πλειόνων γινομένων
καὶ τὸν κίνδυνον ἑτοίμως
ὑπομενόντων, ὡς ἂν ὑπὲρ
πατρίδος καὶ τῶν
μεγίστων ἀγωνιζομένων,
τῶν δὲ τοῦ βασιλέως
θλιβομένων Ἄλκιμος μὲν
καὶ Μαντίας οἱ τὴν
ἡγεμονίαν ἔχοντες πολλοῖς
περιπεσόντες τραύμασιν
ἐτελεύτησαν, τῶν δ´
ἄλλων οἱ πλεῖστοι οἱ μὲν ἐν
χειρῶν νόμῳ διεφθάρησαν,
οἱ δ´ ἥλωσαν, ὀλίγοι δὲ
πρὸς τὸν βασιλέα
φυγόντες διεσώθησαν.
Πολλοὶ δὲ καὶ τῶν Ῥοδίων
ἀνῃρέθησαν, ἐν οἷς ἦν καὶ
πρύτανις Δαμοτέλης ἐπ´
ἀρετῇ γενόμενος
περίβλεπτος.

XCIX. Δημήτριος δὲ
τὴν τῆς πόλεως ἅλωσιν
ὑπολαβὼν ἐκ τῶν χειρῶν
αὐτοῦ τὴν τύχην
ἀφῃρῆσθαι πάλιν
παρεσκευάζετο πρὸς τὴν
πολιορκίαν. Εἶτα τοῦ
πατρὸς αὐτῷ γράψαντος
διαλύσασθαι πρὸς Ῥοδίους
ὡς ἄν ποτε δύνηται, τὸν
κάλλιστον ἐπετήρει
καιρόν, δώσοντα
προφάσεις εὐλόγους τῆς
συνθέσεως. Πτολεμαίου δὲ
γράψαντος τοῖς Ῥοδίοις τὸ
μὲν πρῶτον ὅτι πέμψει
σίτου πλῆθος αὐτοῖς καὶ
στρατιώτας τρισχιλίους,
μετὰ δὲ ταῦτα
συμβουλεύοντος, ἐὰν
δυνατόν, μετρίως
διαλύσασθαι πρὸς
Ἀντίγονον, ἅπαντες ἔρεπον
πρὸς τὴν εἰρήνην. Καθ´ ὃν
δὴ χρόνον τοῦ κοινοῦ τῶν
Αἰτωλῶν ἀποστείλαντος
πρεσβευτὰς περὶ
διαλύσεων οἱ Ῥόδιοι
συνέθεντο πρὸς Δημήτριον
ἐπὶ τοῖσδε, αὐτόνομον καὶ
ἀφρούρητον εἶναι τὴν
πόλιν καὶ ἔχειν τὰς ἰδίας
προσόδους, συμμαχεῖν δὲ
Ῥοδίους Ἀντιγόνῳ πλὴν
ἐὰν ἐπὶ Πτολεμαῖον
στρατεύηται, καὶ δοῦναι
τῶν πολιτῶν ὁμήρους
ἑκατὸν οὓς ἂν
ἀπογράψηται Δημήτριος
πλὴν τῶν ἀρχὰς ἐχόντων.

C. Οἱ μὲν οὖν Ῥόδιοι C. C'est ainsi que les


πολιορκηθέντες ἐνιαύσιον Rhodiens, après avoir été
χρόνον τούτῳ τῷ τρόπῳ assiégés pendant un an,
κατελύσαντο τὸν πόλεμον. furent délivrés de la guerre.
Τοὺς δ´ ἐν τοῖς κινδύνοις Les soldats qui s'y étaient le
ἄνδρας ἀγαθοὺς plus distingués furent
γενομένους ἐτίμησαν ταῖς honorés de belles
ἀξίαις δωρεαῖς καὶ τῶν récompenses, et les esclaves
δούλων τοὺς qui s'étaient conduits en
ἀνδραγαθήσαντας braves furent affranchis, et
ἐλευθερίας καὶ πολιτείας obtinrent le droit de cité. Les
ἠξίωσαν. Ἔστησαν δὲ καὶ Rhodiens élevèrent aussi des
τῶν βασιλέων εἰκόνας statues aux rois Cassandre
Κασάνδρου καὶ Λυσιμάχου et Lysimaque, et à d'autres
{καὶ} τῶν δευτερευόντων alliés moins célèbres qui
μὲν ταῖς δόξαις, avaient beaucoup contribué
συμβεβλημένων δὲ μεγάλα à la délivrance de la ville.
πρὸς τὴν τῆς πόλεως Mais c'est surtout à l'égard
σωτηρίαν. Τὸν δὲ de Ptolémée qu'ils voulurent
Πτολεμαῖον ἐν surpasser tous les autres
ἀνταποδόσει μείζονος témoignages de
χάριτος ὑπερβάλλεσθαι reconnaissance. Ils
βουλόμενοι θεωροὺς envoyèrent donc en Libye
ἀπέστειλαν εἰς Λιβύην des théores chargés de
τοὺς ἐπερωτήσοντας τὸ demander à l'oracle
παρ´ Ἄμμωνι μαντεῖον εἰ d'Ammon s'il leur conseillait
συμβουλεύει Ῥοδίοις d'honorer Ptolémée comme
Πτολεμαῖον ὡς θεὸν un dieu. Sur la réponse
τιμῆσαι. Συγκατατιθεμένου affirmative de l'oracle, les
δὲ τοῦ χρηστηρίου Rhodiens élevèrent dans leur
τέμενος ἀνῆκαν ἐν τῇ ville un temple auquel ils
πόλει τετράγωνον, donnèrent le nom de
οἰκοδομήσαντες παρ´ "Ptoléméum". Ce temple
ἑκάστηνπλευρὰν στοὰν était de forme carrée, et
σταδιαίαν, chaque côté, d'un stade de
προσηγόρευσαν large, avait un portique. Ils
Πτολεμαῖον. rebâtirent aussi le théâtre et
Ἀνῳκοδόμησαν δὲ καὶ τὸ réparèrent les murailles ainsi
θέατρον καὶ τὰ πεπτωκότα que les points qui avaient
τῶν τειχῶν καὶ τῶν ἄλλων souffert pendant le siège.
τόπων τοὺς καθῃρημένους Démétrius, après avoir
πολλῷ κάλλιον conclu la paix avec les
προϋπῆρχον. Rhodiens, conformément
Δημήτριος δὲ κατὰ τὰς aux ordres de son père,
ἐντολὰς τοῦ πατρὸς remit à la voile avec toute
διαλυσάμενος πρὸς son armée. Il traversa
Ῥοδίους ἐξέπλευσε μετὰ l'Archipel et aborda à Aulis
πάσης τῆς δυνάμεως καὶ en Boétie, s'empressant de
κομισθεὶς διὰ νήσων proclamer la liberté des
κατέπλευσε τῆς Βοιωτίας Grecs. (Cassandre et
εἰς Αὖλιν. Σπεύδων δ´ Polysperchon, 204 depuis
ἐλευθερῶσαι τοὺς quelque temps délivrés de la
Ἕλληνας (οἱ γὰρ περὶ crainte de l'ennemi, avaient
Κάσανδρον καὶ ravagé la plupart des
Πολυπέρχοντα τὸν contrées de la Grèce.)
ἔμπροσθεν χρόνον ἄδειαν Démétrius délivra d'abord la
ἐσχηκότες ἐπόρθουν τὰ ville de Chalcis, occupée par
πλεῖστα μέρη τῆς une garnison béotienne, et
Ἑλλάδος) πρῶτον μὲν τὴν força les Béotiens
Χαλκιδέων πόλιν d'abandonner le parti de
ἠλευθέρωσε, Cassandre. Il conclut ensuite
φρουρουμένην ὑπὸ une alliance avec les
Βοιωτῶν, καὶ τοὺς κατὰ Étoliens, et se prépara à
τὴν Βοιωτίαν marcher contre Polysperchon
καταπληξάμενος et Cassandre.
ἠνάγκασεν ἀποστῆναι τῆς Pendant le cours de ces
Κασάνδρου φιλίας, μετὰ δὲ événements, Eumélus, roi du
ταῦτα πρὸς μὲν Αἰτωλοὺς Bosphore, mourut après un
συμμαχίαν ἐποιήσατο, règne de six ans. Son fils
πρὸς δὲ τοὺς περὶ Spartacus lui succéda et
Πολυπέρχοντα καὶ régna vingt ans.
Κάσανδρον διαπολεμεῖν
CI. Après avoir parlé des
παρεσκευάζετο.
détails de la Grèce et de
ἅμα δὲ τούτοις l'Asie, nous allons passer à
πραττομένοις Εὔμηλος μὲν l'histoire des autres pays de
Βοσπόρου βασιλεὺς la terre. En Sicile, Agathocle
βασιλεύων ἕκτον ἔτος vint attaquer en pleine paix
ἐτελεύτησε, τὴν δὲ les Lipariens, et leur imposa,
βασιλείαν διαδεξάμενος contre toute justice, une
Σπάρτακος υἱὸς ἦρξεν
ἔτη εἴκοσιν. contribution de cinquante

CI. Ἡμεῖς δὲ τὰ περὶ talents d'argent. Ici se

τὴν Ἑλλάδα καὶ τὴν Ἀσίαν présente un exemple venant

διευκρινηκότες à l'appui d'une croyance

μεταβιβάσομεν τὸν λόγον générale à l'intervention de

ἐπὶ θάτερα μέρη τῆς la divinité qui châtie les

οἰκουμένης. Κατὰ μὲν γὰρ actions criminelles. Les

τὴν Σικελίαν Ἀγαθοκλῆς, Lipariens avaient demandé

εἰρήνην ἀγόντων τῶν un délai pour le payement

Λιπαραίων, ἐπιπλεύσας du reste de la contribution,

αὐτοῖς ἀπροσδοκήτως car ils ne voulaient pas,

εἰσεπράξατο τοὺς μηδ´ disaient-ils, toucher aux

ὁτιοῦν προαδικήσαντας offrandes sacrées. Mais

ἀργυρίου τάλαντα Agathocle se fit donner de

πεντήκοντα. Ὅτε δὴ force le trésor déposé dans

πολλοῖς ἔδοξε θεῖον εἶναι le Prytanée, consacré partie

τὸ ῥηθησόμενον, τῆς à Eole et partie à Vulcain; et,

παρανομίας τυχούσης après cette spoliation, il se

ἐπισημασίας παρὰ τοῦ rembarqua. Mais, assailli par

δαιμονίου. Ἀξιούντων γὰρ une violente tempête, il

τῶν Λιπαραίων εἰς τὰ perdit onze navires avec tout

προσελλείποντα τῶν l'argent qu'ils portaient; cet

χρημάτων δοῦναι χρόνον événement fut, par

καὶ λεγόντων μηδέποτε beaucoup de monde,

τοῖς ἱεροῖς ἀναθήμασι attribué à la vengeance

κατακεχρῆσθαι, immédiate du dieu des

Ἀγαθοκλῆς βιασάμενος vents. Vulcain se vengea

αὐτοὺς δοῦναι τὰ κατὰ τὸ plus tard par la mort du

πρυτανεῖον, ὧν εἶχον tyran, qui fut brûlé vif sur

ἐπιγραφὴν τὰ μὲν Αἰόλου, des charbons ardents. C'était

τὰ δ´ Ἡφαίστου, λαβὼν aussi un effet de la justice

παραχρῆμα ἐξέπλευσεν. distributive de Vulcain,

Πνεύματος δ´ lorsque, dans une éruption


ἐπιγενομένου τῶν νεῶν de l'Etna, il sauva des
ἕνδεκα συνετρίβησαν αἱ τὰ hommes pieux et punit les
χρήματα κομίζουσαι. impies en leur faisant sentir
Διόπερ ἔδοξε πολλοῖς μὲν sa puissance. Au reste, ce
λεγόμενος περὶ τοὺς que nous venons de dire ici
τόπους ἐκείνους εἶναι sera confirmé à la mort
κύριος τῶν ἀνέμων εὐθὺς d'Agathocle, dont nous
κατὰ τὸν πρῶτον πλοῦν parlerons plus bas. Nous
λαβεῖν παρ´ αὐτοῦ allons exposer maintenant
τιμωρίαν, δὲ Ἥφαιστος ce qui s'est passé en Italie.
ἐπὶ τῆς τελευτῆς, οἰκείως Les Romains et les
τῆς ἀσεβείας κολάσας τὸν Samnites conclurent entre
τύραννον ἐν τῇ πατρίδι, eux la paix, après une guerre
συνωνύμως ἐπὶ θερμοῖς de vingt-deux ans et six
τοῖς ἄνθραξι κατακαύσας mois. Publius Sempronius,
ζῶντα· τῆς γὰρ αὐτῆς nommé consul, envahit le
προαιρέσεως ἦν καὶ pays des Eques, à la tête
δικαιοσύνης τὸ τῶν περὶ d'une armée, et prit
τὴν Αἴτνην σωζόντων τοὺς quarante villes dans l'espace
ἑαυτῶν γονεῖς ἀποσχέσθαι de cinquante 205 jours ; et,
καὶ τὸ τοὺς ἀσεβοῦντας après avoir rangé toute la
εἰς τὸ θεῖον διὰ τῆς ἰδίας nation sous l'autorité des
δυνάμεως μετελθεῖν. Οὐ Romains, il retourna à Rome
μὴν ἀλλ´ ὑπὲρ μὲν τῆς où il obtint les honneurs d'un
καταστροφῆς grand triomphe. Enfin le
Ἀγαθοκλέους, ὅταν πρὸς peuple romain conclut une
τοὺς οἰκείους χρόνους alliance avec les Marses, les
ἔλθωμεν αὐτοῦ, τὸ Pélignes et les Marruciniens.
γενόμενον βεβαιώσει τὸ
CII. L'année étant
νῦν εἰρημένον· ἐφεξῆς δὲ
révolue, Léostrate fut
ῥητέον ἡμῖν τὰ πραχθέντα
nommé archonte d'Athènes,
κατὰ τοὺς συνεχεῖς τῆς
et les Romains élurent pour
Ἰταλίας τόπους. Ῥωμαῖοι
μὲν καὶ Σαμνῖται consuls Servius Cornélius et
διαπρεσβευσάμενοι πρὸς Lucius Genucius (68). Dans
ἀλλήλους εἰρήνην cette année, Démétrius se
συνέθεντο, πολεμήσαντες disposa à faire la guerre à
ἔτη εἴκοσι δύο καὶ μῆνας Cassandre, à délivrer les
ἕξ· τῶν δ´ ὑπάτων Πόπλιος Grecs et à administrer
Σεμπρώνιος μετὰ régulièrement les affaires de
δυνάμεως ἐμβαλὼν εἰς τὴν la Grèce. Il se flattait
τῶν Αἰκλῶν χώραν d'acquérir ainsi une grande
ἐχειρώσατο τετταράκοντα gloire, en même temps que
πόλεις ἐν ἡμέραις ταῖς de paralyser Prepalaüs, un
πάσαις πεντήκοντα, des lieutenants de
ἀναγκάσας δὲ πᾶν τὸ Cassandre, avant de
ἔθνος ὑποτάττεσθαι menacer la puissance de
Ῥωμαίοις ἐπανῆλθε καὶ Cassandre lui-même. Il se
θρίαμβον κατήγαγεν dirigea d'abord sur la ville de
ἐπαινούμενον. δὲ δῆμος Sicyone, occupée par une
Ῥωμαίων πρός τε Μαρσοὺς garnison du roi Ptolémée
καὶ Παλιγνούς, ἔτι δὲ (elle était commandée par
Μαρρουκίνους, συμμαχίαν Philippe, général très
ἐποιήσατο. distingué), l'attaqua à

CII. Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου l'improviste, pendant la nuit,

χρόνου διεληλυθότος et pénétra dans l'intérieur

Ἀθήνησι μὲν ἦρχε des murs. La garnison se

Λεώστρατος, ἐν Ῥώμῃ δ´ réfugia dans la citadelle;

ὑπῆρχον ὕπατοι Σερούιος Démétrius se rendit maître

Κορνήλιος καὶ Λεύκιος de la ville, et vint occuper

Γενούκιος. Ἐπὶ δὲ τούτων l'espace compris entre les

Δημήτριος εἶχε πρόθεσιν maisons de la ville et la

πρὸς μὲν τοὺς περὶ citadelle. Démétrius allait

Κάσανδρον διαπολεμεῖν, faire avancer ses machines,

τοὺς δ´ Ἕλληνας lorsque la garnison, effrayée

ἐλευθεροῦν καὶ πρῶτον τὰ de cet appareil de guerre,


κατὰ τὴν Ἑλλάδα διοικεῖν, rendit la citadelle par
ἅμα μὲν νομίζων δόξαν capitulation et s'embarqua
οἴσειν αὐτῷ μεγάλην τὴν pour l'Égypte. Démétrius
τῶν Ἑλλήνων αὐτονομίαν, engagea les Sicyoniens à se
ἅμα δὲ καὶ τοὺς περὶ transporter dans la
Πρεπέλαον ἡγεμόνας τοῦ forteresse, et fit raser la
Κασάνδρου πρότερον partie de la ville attenante
συντρῖψαι καὶ τότε au port qui était d'une
προσάγειν ἐπ´ αὐτὴν τὴν assiette très forte. Il fournit
ἡγεμονίαν, ἐπ´ αὐτὸν aux citoyens les moyens de
πορεύοιτο τὸν Κάσανδρον. construire une nouvelle
Τῆς δὲ τῶν Σικυωνίων demeure, leur donna un
πόλεως φρουρουμένης ὑπὸ gouvernement libre et reçut
τῶν Πτολεμαίου τοῦ pour ses bienfaits les
βασιλέως στρατιωτῶν, ὧν honneurs divins. Ils
ἦν ἐπιφανέστατος donnèrent à leur ville le nom
στρατηγὸς Φίλιππος, de "Démétriade",
νυκτὸς ἐπιθέμενος instituèrent des sacrifices,
ἀπροσδοκήτως des panégyriques et de jeux
παρεισέπεσεν ἐντὸς τοῦ annuels, enfin ils lui
τείχους. Εἶτα οἱ μὲν attribuèrent les mêmes
φρουροὶ συνέφυγον εἰς τὴν honneurs qu'au fondateur
ἀκρόπολιν, δὲ Δημήτριος d'une ville. Mais le temps,
τῆς πόλεως κυριεύσας τὸν qui amène tant de
μεταξὺ τόπον τῶν οἰκιῶν changements, fit disparaître
καὶ τῆς ἄκρας κατεῖχε. ces institutions. Cependant
Μέλλοντος δ´ αὐτοῦ les Sicyoniens, ayant trouvé
μηχανὰς προσάγειν un meilleur emplacement,
καταπλαγέντες τὴν μὲν ont continué à l'occuper
ἀκρόπολιν δι´ ὁμολογίας jusqu'à ce jour. L'enceinte de
παρέδοσαν, αὐτοὶ δ´ la citadelle, étendue et
ἀπέπλευσαν εἰς Αἴγυπτον. environnée partout de
δὲ Δημήτριος τοὺς précipices inaccessibles, est
Σικυωνίους εἰς τὴν tout à fait inabordable aux
ἀκρόπολιν μετοικίσας τὸ machines de guerre. La
μὲν τῷ λιμένι συνάπτον citadelle renferme d'ailleurs
μέρος τῆς πόλεως beau- 206 coup d'eau qui
κατέσκαψεν, ἀνοχύρου arrose de nombreux jardins,
παντελῶς ὄντος τοῦ de manière qu'il faut admirer
τόπου, τῷ δὲ πολιτικῷ la sagacité du roi qui a su
πλήθει συνεπιλαβόμενος choisir un emplacement qui
τῆς οἰκοδομίας καὶ τὴν procure tout à la fois les
ἐλευθερίαν jouissances de la paix et
ἀποκαταστήσας τιμῶν assure aux habitants leur
ἰσοθέων ἔτυχε παρὰ τοῖς défense pendant la guerre.
εὖ παθοῦσι· Δημητριάδα CIII. Après avoir réglé
μὲν γὰρ τὴν πόλιν l'administration de Sicyone,
ὠνόμασαν, θυσίας δὲ καὶ Démétrius se porta avec
πανηγύρεις, ἔτι δ´ ἀγῶνας toute son armée sur
ἐψηφίσαντο συντελεῖν Corinthe, occupée par
αὐτῷ κατ´ ἐνιαυτὸν καὶ Prepelaüs, lieutenant de
τὰς ἄλλας ἀπονέμειν τιμὰς Cassandre. Introduit par
ὡς κτίστῃ. Ἀλλὰ ταῦτα μὲν quelques habitants, pendant
χρόνος διαληφθεὶς la nuit, dans l'intérieur des
πραγμάτων μεταβολαῖς murs, Démétrius se rendit
ἠκύρωσεν, οἱ δὲ Σικυώνιοι maître de la ville et des
πολλῷ κρείττονα ports. Une partie de la
μεταλαβόντες τόπον garnison se réfugia dans le
διετέλεσαν ἐν αὐτῷ μέχρι Sisyphium, et les autres dans
τῶν καθ´ ἡμᾶς χρόνων Acrocorinthe. Démétrius fit
ἐνοικοῦντες. γὰρ τῆς avancer ses machines, et,
ἀκροπόλεως περίβολος après avoir maltraité les
ἐπίπεδος ὢν καὶ μέγας assiégés, il emporta d'assaut
κρημνοῖς δυσπροσίτοις le Sisyphium. Il se tourna
περιέχεται πανταχόθεν, ensuite contre ceux qui
ὥστε μηδαμῇ δύνασθαι s'étaient réfugiés dans
μηχανὰς προσάγειν· ἔχει Acrocorinthe, et réussit, par
δὲ καὶ πλῆθος ὑδάτων, ἐξ des menaces, à se faire
οὗ κηπείας δαψιλεῖς livrer la citadelle; car ce roi
κατεσκεύασαν, ὥστε τὴν déployait une grande activité
ἐπίνοιαν τοῦ βασιλέως καὶ dans les travaux de siège, et
πρὸς ἀπόλαυσιν εἰρηνικὴν il possédait un talent
καὶ πρὸς ἀσφάλειαν remarquable pour la
πολέμου δόξαι καλῶς construction des machines
προεωρᾶσθαι. de guerre. Après avoir ainsi

CIII. δὲ Δημήτριος délivré les Corinthiens, il mit

διοικήσας τὰ περὶ τοὺς une garnison dans

Σικυωνίους ἀνέζευξε μετὰ Acrocorinthe, car les

πάσης τῆς δυνάμεως ἐπὶ citoyens voulaient que leur

τὴν Κόρινθον, ἣν ἐφρούρει ville fût gardée par le roi

Πρεπέλαος Κασάνδρου jusqu'à ce que la guerre

στρατηγός. Τὸ μὲν οὖν contre Cassandre aurait été

πρῶτον νυκτὸς ὑπό τινων terminée. Prepelaüs,

πολιτῶν εἰσαχθεὶς διά honteusement expulsé de

τινος πυλίδος ἐκράτησε Corinthe, se retira auprès de

τῆς πόλεως καὶ τῶν Cassandre. Démétrius entra

λιμένων. Τῶν δὲ φρουρῶν ensuite dans l'Achaïe, prit

καταφυγόντων τῶν μὲν εἰς d'assaut Buta et rendit aux

τὸ καλούμενον Σισύφιον, habitants leur indépendance.

τῶν δ´ εἰς τὸν Dans l'espace de quelques

Ἀκροκόρινθον προσαγαγὼν jours il s'empara de Syrum,

μηχανὰς τοῖς ὀχυρώμασι dont il chassa la garnison. Il

καὶ πολλὰ κακοπαθήσας parcourut ensuite les autres

εἷλε τὸ Σισύφιον κατὰ villes de l'Achaïe et les

κράτος. Εἶτα τῶν ἐνταῦθα déclara également libres. De

συμφυγόντων πρὸς τοὺς là il marcha sur AEgium,

κατειληφότας τὸν l'entoura d'une enceinte, et

Ἀκροκόρινθον καὶ τούτους entra en pourparler avec

καταπληξάμενος ἠνάγκασε Strombichus, commandant


παραδοῦναι τὴν ἄκραν· de la garnison, pour l'amener
σφόδρα γὰρ ἦν ἀν à lui livrer la ville. Mais
υπόστατος οὗτος Strombichus se refusant à
βασιλεὺς ἐν ταῖς cette proposition, et disant
προσβολαῖς, εὐμήχανος en outre des paroles
ὑπάρχων περὶ τὴν injurieuses à Démétrius, le
κατασκευὴν τῶν roi fit avancer ses machines
πολιορκητικῶν ἔργων. Οὐ de siège, renversa les
μὴν ἀλλὰ τοὺς Κορινθίους murailles et prit la ville
ἐλευ θερώσας d'assaut. Après la prise de
παρεισήγαγε φυλακὴν εἰς cette ville, Démétrius fit
τὸν Ἀκροκόρινθον, saisir Strombichus,
βουλομένων τῶν πολιτῶν lieutenant de Polysperchon,
διὰ τοῦ βασιλέως ainsi que quelques autres
τηρεῖσθαι τὴν πόλιν μέχρι habitants mal disposés pour
ἂν πρὸς Κάσανδρον lui, et les fit tous, au nombre
καταλυθῇ πόλεμος. Καὶ de quatre-vingts, mettre en
Πρεπέλαος μὲν αἰσχρῶς croix devant les portes de la
ἐκπεσὼν ἐκ τῆς Κορίνθου ville. Les garni- 207 sons des
πρὸς Κάσανδρον forteresses voisines, ne
ἀπεχώρησεν, Δημήτριος δὲ croyant pas pouvoir résister
παρελθὼν εἰς τὴν Ἀχαΐαν aux forces du roi, livrèrent
Βοῦραν μὲν κατὰ κράτος leurs places. Pareillement,
εἷλε καὶ τοῖς πολίταις les garnisons des autres
ἀπέδωκε τὴν αὐτονομίαν, villes, n'étant secourues ni
Σκύρον δ´ ἐν ὀλίγαις par Cassandre, ni par
ἡμέραις παραλαβὼν Prepelaüs, ni par
ἐξέβαλε τὴν φρουράν. Polysperchon, et voyant
Μετὰ δὲ ταῦτ´ ἐπ´ Démétrius s'approcher avec
Ὀρχομενὸν τῆς Ἀρκαδίας une armée puissante et
στρατεύσας ἐκέλευσε τῷ d'immenses machines de
τῆς φρουρᾶς ἀφηγουμένῳ guerre, se rendirent
Στρομβίχῳ παραδοῦναι volontairement. Telle était la
τὴν πόλιν. Οὐ προσέχοντος situation des affaires de
δ´ αὐτοῦ τοῖς λόγοις, ἀλλὰ Démétrius.
καὶ πολλὰ λοιδοροῦντος CIV. En Italie, les
ἀπὸ τοῦ τείχους Tarentins, en guerre avec les
βλασφήμως προσαγαγὼν Lucaniens et les Romains,
μηχανὰς βασιλεὺς καὶ envoyèrent des députés à
καταβαλὼν τὰ τείχη κατὰ Sparte pour demander des
κράτος εἷλε τὴν πόλιν. Τὸν secours et le général
μὲν οὖν Στρόμβιχον τὸν Cléonyme. Les
ὑπὸ Πολυπέρχοντος Lacédémoniens accordèrent
καθεσταμένον φρούραρχον volontiers la demande des
καὶ τῶν ἄλλων τῶν Tarentins. Cléonyme
ἀλλοτρίως διατεθέντων employa l'argent et les
πρὸς αὐτὸν εἰς bâtiments envoyés par les
ὀγδοήκοντα πρὸ τῆς Tarentins pour lever aux
πόλεως ἀνεσταύρωσε, τῶν environs du cap Ténare en
δ´ ἄλλων μισθοφόρων Laconie, cinq mille soldats,
ἑλὼν εἰς δισχιλίους et les embarqua
κατέμιξε τοῖς ἰδίοις immédiatement pour
στρατιώταις. Μετὰ δὲ τὴν Tarente. Là il rassembla un
ἅλωσιν ταύτης τῆς πόλεως nombre a peu près égal de
οἱ σύνεγγυς τὰ φρούρια mercenaires, et enrôla plus
κατέχοντες, de vingt mille hommes
ὑπολαμβάνοντες ἀδύνατον d'infanterie et deux mille
ὑπάρχειν τὸ διαφυγεῖν τὴν cavaliers de milice
βίαν τοῦ βασιλέως, citoyenne. Enfin il joignit à
παρέδωκαν αὐτῷ τὰ ces troupes un grand
χωρία. Ὁμοίως δὲ τούτοις nombre de Grecs d'Italie et
καὶ οἱ τὰς πόλεις les Messapiens. Les
φρουροῦντες, τῶν μὲν περὶ Lucaniens, effrayés de ces
Κάσανδρον καὶ Πρεπέλαον préparatifs formidables,
καὶ Πολυπέρχοντα μὴ firent la paix avec les
βοηθούντων, τοῦ δὲ Tarentins. Les Métapontins
Δημητρίου μετὰ μεγάλης n'ayant pas voulu se
δυνάμεως καὶ μηχανῶν soumettre, Cléonyme
ὑπεραγουσῶν προσιόντος, engagea les Lucaniens à
ἑκουσίως ἐξεχώρουν. Καὶ envahir avec lui leur
τὰ μὲν περὶ Δημήτριον ἐν territoire, et, saisissant ainsi
τούτοις ἦν. une occasion favorable, il

CIV. Κατὰ δὲ τὴν vint répandre la terreur

Ἰταλίαν Ταραντῖνοι parmi les Métapontins;

πόλεμον ἔχοντες πρὸς quoiqu'il entrât dans leur

Δευκανοὺς καὶ Ῥωμαίους ville comme ami, il leur

ἐξέπεμψαν πρεσβευτὰς εἰς imposa une contribution de

τὴν Σπάρτην, αἰτούμενοι plus de six cents talents

βοήθειαν καὶ στρατηγὸν d'argent, en même temps

Κλεώνυμον. Τῶν δὲ qu'il exigea qu'on lui livrât

Λακεδαιμονίων προθύμως en otage deux cents jeunes

ἡγεμόνα δόντων τὸν filles, moins comme garantie

αἰτούμενον καὶ τῶν de la foi jurée que pour

Ταραντίνων χρήματα καὶ satisfaire ses goûts

ναῦς ἀποστειλάντων μὲν voluptueux. En effet,

Κλεώνυμος ἐπὶ Ταινάρῳ Cléonyme, déposant le

τῆς Λακωνικῆς vêtement spartiate, se livrait

ξενολογήσας στρατιώτας à des jouissances

πεντακισχιλίους συντόμως luxurieuses et retenait

κατέπλευσεν εἰς Τάραντα. comme esclaves ceux qui

Ἐνταῦθα δὲ μισθοφόρους s'étaient fiés à sa parole.

ἀθροίσας ἄλλους οὐκ Malgré les forces et les

ἐλάττους τῶν προτέρων ressources considérables

κατέγραφε καὶ τοὺς dont il disposait, Cléonyme

πολιτικοὺς πεζοὺς μὲν ne fit rien de digne de

πλείους τῶν δισμυρίων, Sparte, il avait, il est vrai, le

ἱππεῖς δὲ δισχιλίους. projet de faire une descente

Προσελάβετο δὲ τῶν τε en Sicile, de renverser la

κατ´ Ἰταλίαν Ἑλλήνων tyrannie d'Agathocle et de


τοὺς πλείστους καὶ τὸ τῶν rendre aux Siciliens leur
Μεσσαπίων ἔθνος. Ἁδρᾶς indépendance; mais il laissa
οὖν δυνάμεως περὶ αὐτὸν passer l'occasion favorable à
οὔσης οἱ μὲν Λευκανοὶ l'exécution de ce projet. Il
καταπλαγέντες φιλίαν aborda à Cor- 208 cyre,
ἐποιήσαντο πρὸς τοὺς s'empara de la ville, lui
Ταραντίνους, τῶν δὲ imposa une contribution
Μεταποντίνων οὐ considérable et y établit une
προσεχόντων αὐτῷ τοὺς garnison, pensant faire de
Λευκανοὺς ἔπεισεν cette position une place
ἐμβαλεῖν εἰς τὴν χώραν d'armes d'où il pourrait
καὶ τῷ καιρῷ diriger ses opérations
συνεπιθέμενος stratégiques contre la Grèce.
κατεπλήξατο τοὺς CV. Cléonyme reçut alors
Μεταποντίνους. Παρελθὼν une députation de Démétrius
δ´ εἰς τὴν πόλιν ὡς φίλος Poliorcète et de Cassandre,
ἐπράξατο μὲν ἀργυρίου qui lui proposèrent une
τάλαντα πλείω τῶν alliance; mais il refusa leurs
ἑξακοσίων, διακοσίας δὲ propositions. Instruit que les
παρθένους τὰς Tarentins et quelques autres
ἐπιφανεστάτας ἔλαβεν εἰς alliés s'étaient soulevés, il
ὁμηρίαν, οὐχ οὕτω τῆς laissa à Corcyre une
περὶ τὴν πίστιν ἀσφαλείας garnison suffisante, et
χάριν, ὡς τῆς ἰδίας ἕνεκεν s'empressa de se rendre
λαγνείας. Ἀποθέμενος γὰρ avec le reste de son armée
τὴν Λακωνικὴν ἐσθῆτα en Italie pour châtier les
διετέλει τρυφῶν καὶ τοὺς rebelles. Il aborda dans la
πιστεύσαντας αὐτῷ place que défendaient les
καταδουλούμενος· Barbares, prit leur ville
τηλικαύτας γὰρ ἔχων d'assaut, vendit les habitants
δυνάμεις καὶ χορηγίας a l'enchère et ravagea leur
οὐδὲν τῆς Σπάρτης ἄξιον territoire. Il traita de même
ἔπραξεν. Ἐπεβάλετο μὲν Tropium, qu'il prit d'assaut,
γὰρ ἐπὶ τὴν Σικελίαν et fit trois mille prisonniers.
στρατεύειν, ὡς τὴν En ce même temps les
τυραννίδα μὲν καταλύσων Barbares, accourus de toutes
τὴν Ἀγαθοκλέους, τὴν δ´ parts, attaquèrent pendant
αὐτονομίαν τοῖς la nuit le camp de Cléonyme.
Σικελιώταις Un combat s'engagea Plus
ἀποκαταστήσων, de deux cents hommes de la
ὑπερθέμενος δὲ ἐπὶ τοῦ troupe de Cléonyme
παρόντος ταύτην τὴν restèrent sur le champ de
στρατείαν ἔπλευσεν εἰς bataille, environ mille furent
Κόρκυραν καὶ κρατήσας faits prisonniers. En ce
τῆς πόλεως χρημάτων τε même moment, une tempête
πλῆθος εἰσεπράξατο καὶ détruisit vingt navires
φρουρὰν ἐγκατέστησε, mouillés près du camp.
διανοούμενος ὁρμητηρίῳ Abattu par ce double revers,
τούτῳ τῷ τόπῳ χρήσασθαι Cléonyme revint à Corcyre
καὶ τοῖς περὶ τὴν Ἑλλάδα avec les débris de son
πράγμασιν ἐφεδρεύειν. armée.

CV. εὐθὺ δὲ καὶ CVI. L'année étant


πρεσβειῶν πρὸς αὐτὸν révolue, Nicoclès fut nommé
παραγενομένων παρά τε archonte d'Athènes, et les
Δημητρίου τοῦ Romains élurent pour
πολιορκητοῦ καὶ consuls Marcus Livius et
Κασάνδρου περὶ συμμαχίας Marcus Emilius (69). Dans
τούτων μὲν οὐδετέρῳ cette année, Cassandre, roi
προσέθετο, τοὺς δὲ des Macédoniens, voyant la
Ταραντίνους καὶ τῶν puissance des Grecs
ἄλλων τινὰς πυθόμενος s'accroître et un orage
ἀφεστηκέναι τῆς μὲν accumulé sur sa tête près
Κορκύρας τὴν ἱκανὴν d'éclater, conçut de vives
φυλακὴν ἀπέλιπεν, μετὰ δὲ inquiétudes pour l'avenir. Il
τῆς ἄλλης δυνάμεως ἔπλει envoya donc des députés en
κατὰ σπουδὴν ἐπὶ τὴν Asie pour traiter avec
Ἰταλίαν, ὡς κολάσων τοὺς Antigone. Celui-ci répondit
ἀπειθοῦντας. Προσσχὼν δὲ qu'il ne connaissait qu'un
τῇ χώρᾳ καθ´ ὃν τόπον seul moyen
ἐφύλασσον οἱ βάρβαροι, d'accommodement, c'était
τὴν μὲν πόλιν ἑλὼν que Cassandre se mît tout à
ἐξηνδραποδίσατο, τὴν δὲ fait à sa discrétion.
χώραν ἐλεηλάτησεν. Consterné de cette réponse,
Ὁμοίως δὲ τὸ καλούμενον Cassandre fit venir
Τριόπιον ἐκπολιορκήσας Lysimaque de la Thrace pour
εἰς τρισχιλίους ἔλαβεν conclure avec lui une
αἰχμαλώτους. Καθ´ ὃν δὴ alliance offensive et
χρόνον οἱ μὲν ἀπὸ τῆς défensive. Dans toutes les
χώρας βάρβαροι situations critiques,
συνδραμόντες ἐπέθεντο Cassandre avait l'habitude
νυκτὸς τῇ στρατοπεδείᾳ de recourir à Lysimaque,
καὶ μάχης γενομένης tant à cause de sa bravoure
ἀνεῖλον τῶν μετὰ que parce 209 que son
Κλεωνύμου πλείους τῶν royaume était limitrophe de
διακοσίων, ἐζώγρησαν δὲ celui de la Macédoine. Après
περὶ χιλίους. Ἅμα δὲ τῷ que ces deux rois eurent
κινδύνῳ τούτῳ χειμὼν délibéré sur leurs intérêts
ἐπιγενόμενος εἴκοσι τῶν communs, ils envoyèrent des
νεῶν διέφθειρε πλησίον députés auprès de Ptolémée,
ὁρμουσῶν τῆς roi d'Égypte, et auprès de
παρεμβολῆς. δὲ Seleucus, maître des
Κλεώνυμος δυσὶν satrapies de l'Asie
ἐλαττώμασι τηλικούτοις supérieure. Ils firent
περιπεσὼν ἀπέπλευσε μετὰ connaître à tous deux la
τῆς δυνάμεως εἰς τὴν réponse hautaine
Κόρκυραν. d'Antigone, et leur firent

CVI. Τοῦ δ´ ἐνιαυσίου comprendre que la guerre

χρόνου διεληλυθότος qui les menaçait devait être

Ἀθήνησι μὲν ἦν ἄρχων commune pour tous. En


Νικοκλῆς, ἐν Ῥώμῃ δὲ τὴν effet, Antigone, une fois
ὕπατον ἀρχὴν διεδέξαντο maître de la Macédoine, ne
Μάρκος Λίβιος καὶ Μάρκος pourrait-il pas dépouiller les
Αἰμίλιος. Ἐπὶ δὲ τούτων autres rois de leurs États?
Κάσανδρος Μακεδόνων N'avait-il pas déjà donné
βασιλεὺς ὁρῶν τὴν plusieurs preuves de son
δύναμιν τῶν Ἑλλήνων ambition et de son désir de
αὐξομένην καὶ πάντα τὸν ne partager l'empire avec
πόλεμον ἐπὶ τὴν personne? N'était-il donc pas
Μακεδονίαν συνιστάμενον de l'intérêt de tous de
περίφοβος ἦν ὑπὲρ τοῦ combattre Antigone à
μέλλοντος. Διόπερ outrance? Toutes ces
ἐξέπεμψε πρεσβευτὰς πρὸς raisons, exposées par les
Ἀντίγονον εἰς τὴν Ἀσίαν, envoyés, déterminèrent
ἀξιῶν διαλύσασθαι πρὸς Ptolémée et Seleucus à
αὐτόν. Ἀποκριναμένου δ´ mettre sur pied de
ἐκείνου διότι μίαν nombreuses troupes et à
γινώσκει διάλυσιν, ἐὰν venir au secours de
Κάσανδρος ἐπιτρέπῃ τὰ Cassandre.
καθ´αὑτόν, καταπλαγεὶς CVII. Cassandre jugea à
Λυσίμαχον ἐκ τῆς Θρᾴκης propos de prévenir l'attaque
μετ επέμψατο πρὸς τὴν de l'ennemi et d'ouvrir le
τῶν ὅλων κοινοπραγίαν· premier la campagne. Il
ἀεὶ γὰρ εἰώθει τοῦτον confia donc une partie de
κατὰ τοὺς μεγίστους l'armée à Lysimaque et le fit
φόβους εἰς τὴν βοήθειαν partir avec ce
προσλαμβάνεσθαι διά τε commandement, tandis que
τὴν τἀνδρὸς ἀρετὴν καὶ lui-même entra en Thessalie
διὰ τὸ τὴν βασιλείαν à la tête d'une armée pour
αὐτοῦ ὅμορον εἶναι τῇ combattre Démétrius et les
Μακεδονίᾳ. Grecs. Lysimaque passa
Συνεδρεύσαντες οὖν οἱ avec ses troupes d'Europe
βασιλεῖς οὗτοι περὶ τοῦ en Asie, et proclama
κοινοῦ συμφέροντος l'indépendance des habitants
ἐξέπεμψαν πρεσβευτὰς de Lampsaque et de Parium
πρός τε Πτολεμαῖον τὸν qui étaient volontairement
Αἰγύπτου βασιλέα καὶ πρὸς entrés dans son parti; puis il
Σέλευκον τὸν τῶν ἄνω prit d'assaut Sigée et y laissa
σατραπειῶν κυριεύοντα, une garnison. Il détacha
περί τε τῆς ὑπερηφανίας Prepelaüs avec six mille
τῆς ἐν ταῖς ἀποκρίσεσιν hommes d'infanterie et mille
ἐμφανίζοντες καὶ τὸν ἐκ cavaliers pour soumettre les
τοῦ πολέμου κίνδυνον villes de l'Etolie et de l'Ionie.
κοινὸν εἶναι πάντων Quant à lui-même, il tenta le
διδάσκοντες. Τῆς γὰρ siège d'Abydos, et fit pour
Μακεδονίας κρατήσαντα cela de grands préparatifs.
τὸν Ἀντίγονον εὐθὺς Mais lorsque les assiégés
ἀφελεῖσθαι καὶ τῶν ἄλλων reçurent par mer un renfort
τὰς βασιλείας· δεδωκέναι considérable de troupes
γὰρ αὐτὸν πεῖραν envoyées par Démétrius, il
πλεονάκις ὅτι πλεονέκτης renonça à son entreprise et
ἐστὶ καὶ πᾶσαν ἀρχὴν retourna vers la Phrygie
ἀκοινώνητον ποιεῖ. hellespontique; il la rangea
Συμφέρειν οὖν ἅπαντας sous son autorité et vint
συμφρονῆσαι καὶ κοινῇ assiéger Synas, ville qui
πρὸς Ἀντίγονον renfermait les bagages du
ἐπανελέσθαι πόλεμον. Οἱ roi. Il réussit à séduire
μὲν οὖν περὶ Πτολεμαῖον Docimus, lieutenant
καὶ Σέλευκον δόξαντες d'Antigone, qui lui livra
ἀληθῆ λέγειν προθύμως Synas et quelques autres
ὑπήκουσαν καὶ places où se trouvaient les
συνετάξαντο πρὸς trésors royaux. Prepelaüs,
ἀλλήλους βοηθεῖν ἁδραῖς envoyé par Lysimaque dans
δυνάμεσι· l'Eolie et dans l'Ionie, se

CVII. Τοῖς δὲ περὶ rendit maître d'Adramyttium,

Κάσανδρον ἔδοξε μὴ assiégea Ephèse et s'empara


περιμένειν τὴν τῶν de la ville par voie
πολεμίων ἔφοδον, ἀλλὰ καὶ d'intimidation. Maître de la
αὐτοὺς φθάσαντας ville, il 210 renvoya dans leur
ἐπιστρατεύειν καὶ patrie les cent otages
προλαμβάνειν τὸ rhodiens fournis à
χρήσιμον. Διόπερ Démétrius, et remit les
Κάσανδρος Λυσιμάχῳ μὲν Ephésiens en liberté. Mais il
παρέδωκε μέρος τοῦ brûla tous les navires
στρατοπέδου καὶ mouillés dans le port pour
στρατηγὸν συνεξέπεμψεν, enlever à l'ennemi l'empire
αὐτὸς δὲ ἀνέζευξε μετὰ de la mer et rendre ainsi
τῆς λοιπῆς δυνάμεως εἰς incertain le sort de la guerre.
Θετταλίαν, διαπολεμήσων Après cela, il entraîna dans
Δημητρίῳ καὶ τοῖς Ἕλλησι. son parti les Téïens et les
Λυσίμαχος δὲ μετὰ Colophoniens, mais il ne
στρατοπέδου διαβὰς ἐκ réussit point à s'emparer des
τῆς Εὐρώπης εἰς τὴν Ἀσίαν villes d'Erythrée et de
Λαμψακηνοὺς μὲν καὶ Clazomène, dont les
Παριανοὺς ἑκουσίως habitants avaient reçu des
προσθεμένους ἀφῆκεν secours par mer. Il se borna
ἐλευθέρους, Σίγειον δὲ donc à ravager leur
ἐκπολιορκήσας φρουρὰν territoire, et marcha sur
παρεισήγαγε. Μετὰ δὲ Sardes. Là, il parvint à
ταῦτα Πρεπελάῳ μὲν τῷ séduire Phénix et Docimus,
στρατηγῷ δοὺς πεζοὺς lieutenants d'Antigone, et
ἑξακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ prit possession de la ville, à
χιλίους ἐξέπεμψε l'exception de la citadelle qui
προσαξόμενον τὰς πόλεις était gardée par Philippe, un
τάς τε κατὰ τὴν Αἰολίδα des amis les plus fidèles
καὶ τὴν Ἰωνίαν, αὐτὸς δὲ d'Antigone. Tel était l'état
τὸ μὲν πρῶτον ἐπεχείρησε des affaires de Lysimaque.
πολιορκεῖν τὴν Ἄβυδον καὶ CVIII. Pendant que ces
βέλη καὶ μηχανὰς καὶ choses se passaient,
τἄλλα παρεσκευάζετο· ἐπεὶ Antigone célébra des jeux et
δὲ κατὰ θάλατταν ἦλθε des panégyriques à
τοῖς πολιορκουμένοις Antigonia où il avait réuni à
στρατιωτῶν πλῆθος παρὰ grands frais les artistes et les
Δημητρίου τὸ δυνάμενον athlètes les plus célèbres.
τὴν ἀσφάλειαν παρέχεσθαι Lorsqu'il apprit l'invasion de
τῇ πόλει, ταύτης μὲν τῆς Lysimaque et la défection de
ἐπιβολῆς ἀπέστη, τὴν δ´ ses lieutenants, il fit cesser
ἐφ´ Ἑλλησπόντῳ Φρυγίαν les fêtes, et renvoya les
προσαγαγόμενος καὶ athlètes et les artistes en
Σύνναδα πόλιν ἔχουσαν leur donnant au moins deux
ἀποσκευὰς μεγάλας cents talents. Il se mit
βασιλικὰς ἐπολιόρκησεν. ensuite à la tête de son
Ὅτε δὴ καὶ Δόκιμον τὸν armée, sortit de la Syrie, et
Ἀντιγόνου στρατηγὸν hâta sa marche pour
πείσας κοινοπραγεῖν τά τε atteindre l'ennemi. Arrivé à
Σύνναδα παρέλαβε διὰ Tarse, en Cilicie, il tira de
τούτου καὶ τῶν Cuyndes (70) une somme
ὀχυρωμάτων ἔνια τῶν assez considérable pour
ἐχόντων τὰ βασιλικὰ payer aux troupes trois mois
χρήματα. δ´ ἐπὶ τῆς de solde; en outre il emporta
Αἰολίδος καὶ τῆς Ἰωνίας lui-même trois mille talents,
πεμφθεὶς ὑπὸ Λυσιμάχου afin de ne pas manquer de
στρατηγὸς Πρεπέλαος ressources. Il franchit le
Ἀδραμυττίου μὲν Taurus, envahit la
ἐκυρίευσεν ἐν παρόδῳ, τὴν Cappadoce, et fit rentrer
δ´ Ἔφεσον πολιορκήσας dans son ancienne alliance
καὶ καταπληξάμενος τοὺς les rebelles de la haute
ἔνδον παρέλαβε τὴν πόλιν. Phrygie et de la Lycaonie. En
Καὶ τοὺς μὲν ce moment, Lysimaque
ἐγκαταληφθέντας τῶν apprit l'arrivée de l'ennemi,
Ῥοδίων ἑκατὸν ὁμήρους et délibéra avec ses amis sur
ἀπέστειλεν εἰς τὴν le meilleur parti à prendre
πατρίδα, τοὺς δ´ Ἐφεσίους dans ces graves
ὑποσπόνδους ἀφῆκε, τὰς circonstances. Il fut arrêté
δὲ ναῦς τὰς ἐν τῷ λιμένι qu'on ne risquerait un
πάσας ἐνέπρησε διὰ τὸ combat que lorsqu'on aurait
θαλασσοκρατεῖν τοὺς reçu les secours de
πολεμίους καὶ τὴν ὅλην Seleucus; que l'on se
κρίσιν τοῦ πολέμου ἄδηλον bornerait à occuper les
ὑπάρχειν. Μετὰ δὲ ταῦτα places fortes, à se renfermer
Τηίους μὲν καὶ dans un camp retranché, et
Κολοφωνίους à attendre de pied ferme
προσηγάγετο, Ἐρυθραίοις l'attaque de l'ennemi : c'est
δὲ καὶ Κλαζομενίοις ce qui fut fait. Antigone,
ἐλθούσης κατὰ θάλατταν arrivé en présence de
βοηθείας τὰς μὲν πόλεις l'ennemi, rangea ses troupes
ἑλεῖν οὐκ ἠδυνήθη, τὴν δὲ en bataille, et provoqua
χώραν αὐτῶν πορθήσας l'ennemi 211 au combat.
ἀνέζευξεν ἐπὶ Σάρδεις. Mais personne n'ayant
Ἐνταῦθα δὴ τὸν Ἀντιγόνου accepté ce défi, il alla
στρατηγὸν Φοίνικα {καὶ occuper quelques positions
Δόκιμον} πείσας par où devaient passer les
ἀποστῆναι τοῦ βασιλέως convois de vivres destinés
παρέλαβε τὴν πόλιν πλὴν aux ennemis. Lysimaque,
τῆς ἄκρας· ταύτην γὰρ craignant d'être pris par la
φυλάττων Φίλιππος εἷς famine, partit pendant la
τῶν Ἀντιγόνου φίλων nuit, et, après quatre cents
βεβαίαν ἐτήρει τὴν stades de marche, vint
εὔνοιαν τὴν πρὸς τὸν camper près de Doryléum.
πεπιστευκότα. Τὰ μὲν οὖν Cette place abondant en blé
περὶ Λυσίμαχον ἐν τούτοις et en provisions de toutes
ἦν. sortes, est entourée d'une

CVIII. Ἀντίγονος δὲ rivière qui contribuait à la

προκεχειρισμένος ἀγῶνα sécurité du camp, qu'il fit en

μέγαν καὶ πανήγυριν ἐν outre entourer d'un fossé


Ἀντιγονίᾳ συντελεῖν profond et d'un triple
πάντοθεν ἀθλητάς τε καὶ retranchement palissadé.
τεχνίτας τοὺς
ἐπιφανεστάτους ἐπὶ
μεγάλοις ἄθλοις καὶ
μισθοῖς ἠθροίκει. Ὡς δ´
ἤκουσε τὴν Λυσιμάχου
διάβασιν καὶ τῶν
στρατηγῶν τὴν ἀπόστασιν,
τὸν μὲν ἀγῶνα διέλυσε,
τοῖς δ´ ἀθληταῖς καὶ τοῖς
τεχνίταις ἀπέδωκε μισθοὺς
οὐκ ἐλάττους διακοσίων
ταλάντων. Αὐτὸς δὲ τὴν
δύναμιν ἀναλαβὼν
ὥρμησεν ἐκ τῆς Συρίας
σύντομον τὴν πορείαν
ποιούμενος ἐπὶ τοὺς
πολεμίους. Εἰς δὲ Ταρσὸν
τῆς Κιλικίας ἀφικόμενος ἐξ
ὧν κατεκόμισε χρημάτων
ἐκ τῶν Κουΐνδων τὸ
στρατόπεδον εἰς τρεῖς
μῆνας ἐμισθοδότησεν.
Χωρὶς δὲ τούτων τρισχίλια
τάλαντα μετὰ τῆς
δυνάμεως ἐκόμιζεν, ὅπως
τοιαύτην ἔχῃ τὴν
χορηγίαν, ὅταν αὐτῷ χρεία
γένηται χρημάτων. Ἔπειτα
τὸν Ταῦρον ὑπερβαλὼν
προῆγεν ἐπὶ Καππαδοκίας
καὶ τοὺς ἀφεστηκότας περὶ
τὴν ἄνω Φρυγίαν καὶ
Λυκαονίαν ἐπιπορευόμενος
πάλιν εἰς τὴν
προϋπάρχουσαν συμμαχίαν
ἀποκατέστησεν. Καθ´ ὃν
δὴ χρόνον οἱ περὶ τὸν
Λυσίμαχον πυθόμενοι τὴν
τῶν πολεμίων παρουσίαν
συνήδρευον, βουλευόμενοι
πῶς χρηστέον εἴη τοῖς
ἐπιφερομένοις κινδύνοις.
Ἔδοξεν οὖν αὐτοῖς εἰς μὲν
μάχην μὴ συγκαταβαίνειν,
ἕως ἂν οἱ περὶ Σέλευκον ἐκ
τῶν ἄνω σατραπειῶν
καταβῶσι, τόπους δὲ
ὀχυροὺς καταλαβέσθαι καὶ
χάρακι καὶ τάφρῳ τὴν
στρατοπεδείαν
ἀσφαλισαμένους ὑπομένειν
τῶν πολεμίων τὴν ἔφοδον.
Οὗτοι μὲν οὖν τὸ δοχθὲν
αὐτοῖς ἐπετέλουν κατὰ
σπουδήν. δ´ Ἀντίγονος
ἐπεὶ πλησίον ἐγένετο τῶν
πολεμίων, ἐκτάξας τὴν
δύναμιν προεκαλεῖτο εἰς
μάχην. Οὐδενὸς δ´
ἐπεξιέναι τολμῶντος
αὐτὸς μὲν κατελάβετο
τόπους τινάς, δι´ ὧν
ἀναγκαῖον ἦν τὰς τροφὰς
τοῖς ἐναντίοις
παρακομίζεσθαι· οἱ δὲ περὶ
τὸν Λυσίμαχον φοβηθέντες
μήποτε τῆς ἀγορᾶς
ἀποκοπείσης ὑποχείριοι
γένωνται τοῖς πολεμίοις,
νυκτὸς ἀνέζευξαν καὶ
διατείναντες σταδίους
τετρακοσίους
κατεστρατοπέδευσαν περὶ
Δορύλαιον· εἶχε γὰρ τὸ
χωρίον σίτου τε καὶ τῆς
ἄλλης χορηγίας πλῆθος
καὶ ποταμὸν παραρρέοντα
δυνάμενον ἀσφάλειαν
παρέχεσθαι τοῖς παρ´
αὐτὸν στρατοπεδεύουσι.
Βαλόμενοι δὲ
στρατοπεδείαν ὠχύρωσαν
τὴν παρεμβολὴν βαθείᾳ
τάφρῳ καὶ τριπλῷ χάρακι.

CIX. Ἀντίγονος δὲ CIX. Informé de la


πυθόμενος τὴν τῶν retraite des ennemis,
πολεμίων ἀποχώρησιν Antigone se mit aussitôt à
εὐθὺς ἐπεδίωκεν αὐτοὺς leur poursuite, et s'approcha
καὶ πλησίον γενόμενος τῆς de leur camp. Mais comme
παρεμβολῆς, ἐπεὶ πρὸς ils refusèrent le combat, il
παράταξιν οὐ entreprit de les assiéger
συγκατέβαινον, ἤρξατο dans leur propre camp; il fit
περιταφρεύειν τὴν en conséquence venir des
στρατοπεδείαν καὶ catapultes et des armes de
καταπέλτας καὶ βέλη trait en quantité. Quelques
μετεπέμψατο, βουλόμενος escarmouches eurent lieu
αὐτὴν πολιορκῆσαι. près du fossé; les troupes de
Συντελουμένων δ´ Lysimaque essayèrent de
ἀκροβολισμῶν περὶ τὴν repousser les ouvriers à
ταφρείαν καὶ τῶν περὶ τὸν coups de flèches, mais, dans
Λυσίμαχον πειρωμένων tout cet engagement, les
ἀνείργειν τοῖς βέλεσι τοὺς troupes d'Antigone eurent
ἐργαζομένους ἐν πᾶσιν l'avantage. Enfin, peu de
προετέρουν οἱ περὶ τὸν temps après, ces ouvrages
Ἀντίγονον. Ἔπειτα χρόνου de siége furent terminés;
γενομένου καὶ τῶν ἔργων mais Lysimaque, voyant que
ἤδη συντέλειαν les vivres commençaient à
λαμβανόντων, τῆς δὲ manquer, leva le camp, et
τροφῆς ὑπολιπούσης τοὺς partit pendant une nuit
πολιορκουμένους οἱ περὶ orageuse pour se retirer
Λυσίμαχον, τηρήσαντες dans la haute contrée et y
νύκτα χειμέριον, établir ses quartiers d'hiver.
ἀναζεύξαντες ἐκ τῆς Lorsqu'à la pointe du jour
παρεμβολῆς διὰ τῶν Antigone se fut aperçu de la
ὑπερδεξίων τόπων retraite de l'ennemi, il se mit
ἀπεχώρησαν εἰς sur ses traces à travers la
παραχειμασίαν. δ´ plaine. Mais des pluies
Ἀντίγονος ἡμέρας abondantes avaient rendu le
γενομένης ὡς εἶδε τὴν τῶν terrain, naturellement
πολεμίων ἀπαλλαγήν, boueux, si impraticable,
ἀντιπαρῆγεν αὐτὸς διὰ qu'un grand nombre de
τῶν πεδίων. Ἐπιγενομένων bêtes de somme, et même
δὲ ὄμβρων μεγάλων καὶ quelques hommes, périrent;
τῆς χώρας οὔσης en un mot, toute l'armée eut
βαθυγείου καὶ πηλώδους beaucoup à souffrir des
τῶν τε ὑποζυγίων οὐκ fatigues de cette marche.
ὀλίγα συνέβη καὶ τῶν C'est pourquoi le roi renonça
σωμάτων τινὰ à la poursuite de Lysimaque,
διαφθαρῆναι καὶ τὸ d'autant plus volontiers que
σύνολον ἐπιπόνως ἅπασαν la saison de l'hiver était
τὴν δύναμιν διατεθῆναι. proche. Il choisit donc ses
Διόπερ ὁ βασιλεὺς ἅμα μὲν quartiers d'hiver dans les
ἀναλαβεῖν βουλόμενος ἐκ lieux les plus convenables, et
τῆς κακοπαθίας τοὺς distribua son armée dans les
στρατιώτας, ἅμα δὲ τὴν cantonnements. Enfin, averti
χειμερινὴν ὥραν ὁρῶν que Seleucus descendait des
περιλαμβάνουσαν τοῦ μὲν satrapies supérieures avec
κατα διώκειν ἀπέστη, πρὸς une armée considérable,
δὲ τὴν χειμασίαν Antigone envoya quelques-
ἐπιλεξάμενος τοὺς uns de ses amis en Grèce
εὐθετωτάτους τόπους auprès de Démétrius pour
διεῖλε κατὰ μέρη τὴν l'engager à venir le joindre
δύναμιν. Πυνθανόμενος δὲ immédiatement avec ses
Σέλευκον καταβαίνειν ἐκ troupes; car il craignait que
τῶν ἄνω σατραπειῶν μετὰ tous les rois ligués contre lui
μεγάλης δυνάμεως, ἔπεμψέ ne le forçassent à 212 une
τινας τῶν φίλων εἰς τὴν bataille décisive avant qu'il
Ἑλλάδα πρὸς Δημήτριον, eût pu rallier les troupes qu'il
παρακελευόμενος ἥκειν avait en Europe. Lysimaque
πρὸς αὐτὸν μετὰ τῆς avait établi son quartier
δυνάμεως τὴν ταχίστην· d'hiver dans la plaine de
σφόδρα γὰρ εὐλαβεῖτο μὴ Salmonia; il fit venir des
πάντων τῶν βασιλέων ἐπ´ vivres d'Héraclée, dont les
αὐτὸν συνδραμόντων habitants lui étaient attachés
ἀναγκασθῇ παρατάξει depuis le mariage qu'il avait
κρῖναι τὸν ὅλον πόλεμον contracté parmi eux: il avait
πρὶν συνελθεῖν εἰς ταὐτὸν épousé Amestris, fille
τὴν ἐκ τῆς Εὐρώπης d'Oxyarte et nièce du roi
δύναμιν. Παραπλησίως δὲ Darius; elle avait été donnée
καὶ Λυσίμαχος διεῖλε τὴν par Alexandre en premières
δύναμιν εἰς χειμασίαν ἐν noces à Cratère, et régnait
τῷ καλουμένῳ Σαλωνίας souverainement sur
πεδίῳ. Ἀγορὰν δὲ πολλὴν Héraclée. Tel était l'état des
ἐξ Ἡρακλείας affaires en Asie.
μετεπέμπετο, ποιησάμενος CX. En Grèce, Démétrius
ἐπιγαμίαν πρὸς τοὺς séjournant à Athènes, voulait
Ἡρακλεώτας· ἔγημε γὰρ se faire initier aux mystères
Ἄμηστριν τὴν Ὀξυάρτου d'Éleusis. Mais comme
μὲν θυγατέρα, Δαρείου δὲ l'époque où ces initiations
τοῦ βασιλέως ἀδελφιδῆν, ont lieu, conformément au
Κρατεροῦ δὲ γυναῖκα rite établi, était encore
γενομένην ὑπ´ Ἀλεξάνδρου éloignée, le peuple athénien,
δοθεῖσαν, τότε en reconnaissance des
δυναστεύουσαν τῆς bienfaits qu'il avait reçus de
πόλεως. Καὶ τὰ μὲν περὶ Démétrius, dérogea aux
τὴν Ἀσίαν ἐν τούτοις ἦν. coutumes antiques.
CX. Κατὰ δὲ τὴν Démétrius se livra donc sans
Ἑλλάδα Δημήτριος armes aux prêtres de Cérès,
διατρίβων ἐν ταῖς Ἀθήναις et fut initié avant le jour
ἔσπευδε μυηθῆναι καὶ ordinairement fixé pour ces
καταλαβεῖν τὴν ἐν cérémonies. Démétrius
Ἐλευσῖνι τελετήν. quitta ensuite Athènes, et se
Ἀπεχούσης δὲ χρόνον rendit à Chalcis, en Eubée,
ἱκανὸν τῆς κατὰ νόμους où il rassembla sa flotte et
ἡμέρας, καθ´ ἣν εἰώθεισαν ses troupes de terre. Instruit
Ἀθηναῖοι συντελεῖν τὴν que Cassandre avait occupé
τελετήν, ἔπεισε τὸν δῆμον tous les passages, il renonça
διὰ τὰς εὐεργεσίας κινῆσαι à la route de terre pour
τὸ πάτριον ἔθος. traverser la Thessalie. Il fit
Παραδοὺς οὖν αὑτὸν donc embarquer ses
ἄνοπλον τοῖς ἱερεῦσι καὶ soldats ; et vint aborder dans
πρὸ τῆς ὡρισμένης ἡμέρας le port de Larisse. Il mit son
μυηθεὶς ἀνέζευξεν ἐκ τῶν armée à terre, s'empara de
Ἀθηνῶν. Καὶ τὸ μὲν la ville, et prit d'assaut la
πρῶτον εἰς Χαλκίδα τῆς citadelle; il chargea de fers
Εὐβοίας ἤθροισε τὸν les hommes de la garnison,
στόλον καὶ τὴν πεζὴν les jeta en prison, et rendit
δύναμιν· μετὰ δὲ ταῦτα aux Larisséens leur
πυθόμενος τοὺς περὶ indépendance. Il soumit
Κάσανδρον ensuite les villes de Prona et
προκατειλῆφθαι τὰς de Pteleum; il empêcha aussi
παρόδους, πεζῇ μὲν les habitants d'Orchomène
ἀπέγνω τὴν εἰς Θετταλίαν et de Dium de quitter leur
ποιεῖσθαι πορείαν, ville et de se transporter à
παραπλεύσας δὲ μετὰ τῆς Thèbes, ainsi que l'avait
δυνάμεως εἰς τὸν ἐν ordonné Cassandre. En
Λαρίσῃ λιμένα καὶ τὴν voyant ces succès de
δύναμιν ἐκβιβάσας τὴν μὲν Démétrius, Cassandre mit de
πόλιν ἐξ ἐφόδου παρέλαβε, fortes garnisons à Phères et
τὴν δ´ ἄκραν à Thèbes, et, après avoir
ἐκπολιορκήσας τοὺς μὲν concentré ses troupes dans
φρουροὺς δήσας un seul point, il vint camper
παρέδωκεν εἰς φυλακήν, en face de Démétrius.
τοῖς δὲ Λαρισαίοις τὴν Cassandre avait alors sous
αὐτονομίαν ses ordres vingt-neuf mille
ἀποκατέστησεν. Μετὰ δὲ hommes d'infanterie et deux
ταῦτα Ἀντρῶνας μὲν καὶ mille cavaliers. L'armée de
Πτελεὸν προσηγάγετο, Démétrius était composée
Δίον δὲ καὶ Ὀρχομενὸν de quinze cents cavaliers,
μετοικίζοντος εἰς Θήβας d'environ huit mille hommes
Κασάνδρου διεκώλυσε d'infanterie macédonienne et
μετοικισθῆναι τὰς πόλεις. de près de quinze mille
Κάσανδρος δὲ θεωρῶν τὰ mercenaires. A ces troupes
πράγματα τῷ Δημητρίῳ se joignaient vingt-cinq mille
κατὰ νοῦν χωροῦντα hommes fournis par diverses
Φερὰς μὲν καὶ Θήβας villes de la Grèce, et
ἁδροτέραις φρουραῖς plusieurs ba- 213 taillons de
παρεφύλαττε, τὴν δὲ pirates armés à la légère,
δύναμιν πᾶσαν εἰς ἕνα que l'espoir du pillage avait
τόπον ἀθροίσας fait accourir de toutes parts,
ἀντεστρατοπέδευσε τοῖς et dont le nombre ne
περὶ τὸν Δημήτριον. Εἶχε s'élevait pas à moins de huit
δὲ τοὺς σύμπαντας πεζοὺς mille hommes; en sorte que
μὲν εἰς δισμυρίους le total de l'armée de
ἐννακισχιλίους, ἱππεῖς δὲ Démétrius pouvait se monter
δισχιλίους. Τῷ δὲ à cinquante-six mille
Δημητρίῳ συνηκολούθουν hommes. Les deux armées
ἱππεῖς μὲν χίλιοι καὶ restèrent ainsi pendant
πεντακόσιοι, πεζοὶ δὲ plusieurs jours campées en
Μακεδόνες οὐκ ἐλάττους face l'une de l'autre. Des
τῶν ὀκτα κισχιλίων, deux côtés, on se borna à se
μισθοφόροι δ´ εἰς μυρίους ranger en bataille, mais sans
καὶ πεντακισχιλίους, ἐκ δὲ en venir aux mains ; on
τῶν κατὰ τὴν Ἑλλάδα attendait l'issue des
πόλεων δισμύριοι καὶ événements qui devaient se
πεντακισχίλιοι, ψιλικὰ δὲ passer en Asie. Démétrius,
τάγματα καὶ πειρατῶν sur l'invitation des Phéréens,
παντοδαπῶν τῶν se rendit à Phères avec ses
συντρεχόντων ἐπὶ τοὺς corps d'armée, prit d'assaut
πολέμους καὶ τὰς ἁρπαγὰς la citadelle, renvoya la
οὐκ ἐλάττους τῶν garnison, et rendit aux
ὀκτακισχιλίων, ὥστ´ εἶναι habitants la liberté.
τοὺς ἅπαντας πεζοὺς περὶ CXI. Sur ces entrefaites,
τοὺς πεντακισμυρίους les envoyés d'Antigone
ἑξακισχιλίους. arrivèrent auprès de
Ἀντικαθημένων δὲ τῶν Démétrius, qui prit ainsi
στρατοπέδων ἀλλήλοις ἐπὶ connaissance des ordres de
πολλὰς ἡμέρας ἐκτάξεις son père. En conséquence de
μὲν ἐγίνοντο παρ´ ces ordres, Démétrius
ἀμφοτέροις, εἰς μάχην δὲ conclut une trêve avec
οὐδέτερος συγκατέβαινε, Cassandre, à la condition
καραδοκῶν τὴν ἐπὶ τῆς que les clauses ne seraient
Ἀσίας ἐσομένην τῶν ὅλων définitives que lorsqu'elles
κρίσιν. Δημήτριος δέ, τῶν auraient été ratifiées par
Φεραίων ἐπικαλεσαμένων Antigone. Démétrius savait
αὐτόν, παρεισπεσὼν εἰς bien que son père avait
τὴν πόλιν μετὰ μέρους τῆς résolu de terminer cette
δυνάμεως τὴν μὲν ἄκραν guerre par les armes.; mais il
ἐκπολιορκήσας voulait, avant tout, que son
ὑποσπόνδους ἀφῆκε τοὺς départ de la Grèce ne
παρὰ Κασάνδρου ressemblât point à une fuite.
στρατιώτας, τοῖς δὲ Il y avait dans ce traité une
Φεραίοις τὴν ἐλευθερίαν clause d'après laquelle, non-
ἀποκατέστησεν. seulement les villes de la

CXI. Ἐν τούτοις δ´ Grèce, mais encore celles de

ὄντων τῶν περὶ Θεσσαλίαν l'Asie seraient déclarées

ἧκον πρὸς τὸν Δημήτριον indépendantes. Cette trêve

οἱ πεμφθέντες ὑπ´ conclue, Démétrius fit tous

Ἀντιγόνου, διασαφοῦντες ses préparatifs de départ,

τὰς παρὰ τοῦ πατρὸς mit à la voile avec toute sa

ἐντολὰς καὶ παρα flotte, traversa l'Archipel, et

κελευόμενοι τὴν ταχίστην vint aborder à Ephèse ; là, il

διαβιβάζειν τὰς δυνάμεις débarqua ses troupes, établit

εἰς τὴν Ἀσίαν. Διόπερ son camp sous les murailles

ἀναγκαῖον ἡγησάμενος d'Ephèse, força la ville à

ὑπάρχειν βασιλεὺς τὸ rentrer sous son ancienne

πείθεσθαι τῷ πατρί, πρὸς autorité, et renvoya la

μὲν Κάσανδρον διαλύσεις garnison qu'y avait mise

ἐποιήσατο, συνθέμενος Prepelaüs, lieutenant de

εἶναι κυρίας τὰς συνθήκας, Lysimaque. Après avoir

ἐὰν ὦσιν εὐάρεστοι τῷ établi lui-même une garnison

πατρί, ἀκριβῶς μὲν εἰδὼς dans la citadelle, il partit

οὐ προσδεξόμενον αὐτὸν pour l'Hellespont; il se remit

διὰ τὸ κεκρικέναι πάντως en possession de


διὰ τῶν ὅπλων ἐπιθεῖναι Lampsaque, dé Parium et de
τέλος τῷ συμβάντι quelques autres villes qui
πολέμῳ, βουλόμενος δὲ avaient changé de parti.
τὴν ἐκ τῆς Ἑλλάδος Arrivé à l'embouchure du
ἀποχώρησιν εὐσχήμονα Pont-Euxin, il établit son
ποιήσασθαι καὶ μὴ φυγῇ camp près du temple des
παραπλησίαν· ἐγέγραπτο Chalcédoniens, et laissa
γὰρ ἐν ταῖς συνθήκαις dans cette place un
πρὸς τοῖς ἄλλοις καὶ τὸ détachement de trois mille
τὰς Ἑλληνίδας πόλεις hommes d'infanterie et de
ἐλευθέρας ὑπάρχειν, οὐ trente vaisseaux longs. Il
τὰς κατὰ τὴν Ἑλλάδα distribua ensuite le reste de
μόνον, ἀλλὰ καὶ τὰς κατὰ son armée dans les villes où
τὴν Ἀσίαν. Μετὰ δὲ ταῦθ´ il établit ses quartiers
Δημήτριος d'hiver.
παρασκευασάμενος πόρια A cette époque,
πρὸς τὴν παρακομιδὴν τῶν Mithridate, soumis à
τε στρατιωτῶν καὶ τῆς Antigone, mais soupçonné
ἀποσκευῆς ἀνήχθη παντὶ de favoriser le parti de
τῷ στόλῳ καὶ κομισθεὶς Cassandre, perdit la vie près
διὰ νήσων κατέπλευσεν εἰς de Cium, en Mysie. Il avait
Ἔφεσον. Ἐκβιβάσας δὲ τὴν été pendant trente-cinq ans
δύναμιν καὶ souverain de Cium et
στρατοπεδεύσας πλησίον d'Arrhine. Son fils Mithridate
τῶν τειχῶν ἠνάγκασε τὴν lui succéda, et augmenta
πόλιν εἰς τὴν considérablement ses
προϋπάρχουσαν domaines: il régna trente-six
ἀποκαταστῆναι τάξιν καὶ ans sur la Cappadoce et la
τὴν μὲν ὑπὸ Πρεπελάου Paphlagonie.
τοῦ Λυσιμάχου στρατηγοῦ
CXII. En ce même temps,
παρεισαχθεῖσαν φρουρὰν
Cassandre, après le départ
ἀφῆκεν ὑπόσπονδον, ἰδίαν
de Démétrius, recouvra les
δὲ φυλακὴν εἰς τὴν ἄκραν
καταστήσας παρῆλθεν εἰς villes de la Thessalie, et
Ἑλλήσποντον. Καὶ envoya Plistarque en Asie
Λαμψακηνοὺς μὲν καὶ pour aller avec un corps
Παριανούς, ἔτι δὲ τῶν d'armée au secours de
ἄλλων τῶν Lysimaque. Ce corps
μεταβεβλημένων πόλεών d'armée se composait de
τινας ἀνεκτήσατο, ἐπὶ δὲ douze mille hommes
τὸ στόμα τοῦ Πόντου d'infanterie et de cinq cents
παραγενόμενος πρὸς τῷ cavaliers. Arrivé à
Καλχηδονίων ἱερῷ l'embouchure du Pont-Euxin,
στρατοπεδείαν Plistarque trouva les
περιεβάλετο καὶ τοὺς environs occupés d'avance
φυλάξοντας τὸν τόπον par l'ennemi, et renonçant à
ἀπέλιπε στρατιώτας tenter le passage, il se rendit
πεζοὺς μὲν τρισχιλίους, à Odessus, ville située entre
ναῦς δὲ μακρὰς τριάκοντα· Apollonia et Galatia, et en
τὴν δ´ ἄλλην δύναμιν face d'Héraclée, où
διελόμενος κατὰ πόλεις Lysimaque avait laissé une
διέδωκεν εἰς χειμασίαν. partie de son armée. Mais,

περὶ δὲ τούτους τοὺς privé de bâtiments de

χρόνους καὶ Μιθριδάτης, transport, il partagea ses

ὑπήκοος ὢν Ἀντιγόνῳ καὶ troupes en trois divisions; la

δόξας ἀφίστασθαι πρὸς première parvint

τοὺς περὶ Κάσανδρον, heureusement à Héraclée, la

ἀνῃρέθη περὶ Κίον τῆς seconde tomba, à

Μυσίας, ἄρξας αὐτῆς καὶ l'embouchure du Pont-Euxin,

Ἀρρίνης ἔτη τριάκοντα καὶ au pouvoir des vaisseaux

πέντε· τὴν δὲ δυναστείαν gardes-côtes de Démétrius;

διαδεξάμενος Μιθριδάτης la troisième, dont Plistarque

πολλοὺς προσεκτήσατο, faisait lui-même partie, fut

τῆς δὲ Καππαδοκίας καὶ assaillie par une tempête qui

Παφλαγονίας ἦρξεν ἔτη fit échouer la plupart des

τριάκοντα ἕξ. bâtiments avec leurs


CXII. Ἐν δὲ ταῖς αὐταῖς équipages. Le bâtiment à six
ἡμέραις Κάσανδρος μετὰ rangs de rames qui portait le
τὴν ἀπαλλαγὴν τὴν général, sombra : trente-
Δημητρίου τὰς μὲν κατὰ trois hommes seulement,
τὴν Θετταλίαν πόλεις des cinq cents qui
ἀνεκτήσατο, Πλείσταρχον composaient l'équipage,
δὲ μετὰ δυνάμεως parvinrent à se sauver. Dans
ἐξέπεμψεν εἰς τὴν Ἀσίαν ce nombre se trouvait
βοηθήσοντα τοῖς περὶ Plistarque, qui gagna la terre
Λυσίμαχον. Οἱ δὲ à demi mort sur un débris du
συναποσταλέντες ἦσαν bâtiment naufragé. Il fut de
πεζοὶ μὲν μύριοι δισχίλιοι, là transporté à Héraclée, et,
ἱππεῖς δὲ πεντακόσιοι. δὲ après s'être remis de ses
Πλείσταρχος ἐπειδὴ fatigues, il rejoignit les
παραγενόμενος ἐπὶ τὸ quartiers d'hiver de
στόμα τοῦ Πόντου Lysimaque; il avait perdu la
κατέλαβε τοὺς τόπους plus grande partie de ses
προκατεχομένους ὑπὸ τῶν troupes.
πολεμίων, ἀπογνοὺς τὴν CXIII. Dans ces mêmes
διάβασιν παρῆλθεν εἰς jours, le roi Ptolémée quitta
Ὀδησσόν, κεῖται μεταξὺ l'Egypte à la tête d'une
μὲν τῆς τε Ἀπολλωνίας καὶ armée considérable, et
Καλλαντίας, κατ´ ἀντικρὺ rangea sous son autorité
δὲ τῆς ἐν τῷ πέραν toutes les villes de la Coelé-
Ἡρακλείας, ἐχούσης τι Syrie. Pendant qu'il était
μέρος τῆς Λυσιμάχου occupé au siége de Sidon, il
δυνάμεως. Οὐκ ἔχων δ´ reçut la fausse nouvelle que
ἱκανὰ πόρια πρὸς τὴν τῶν les rois Lysimaque et
στρατιωτῶν διάβασιν Seleucus avaient été battus
τριχῇ διεμέρισε τὴν et s'étaient retirés à
δύναμιν. Τὴν μὲν οὖν Héraclée; enfin qu'Antigone,
πρώτην ἀποστολὴν συνέβη victorieux, s'avançait vers la
διασωθῆναι πρὸς τὴν Syrie. Trompé 215 par cette
Ἡράκλειαν, τὴν δὲ fausse nouvelle, Ptolémée
δευτέραν ὑπὸ τῶν περὶ τὸ conclut avec les Sidoniens
στόμα τοῦ Πόντου une trêve de quatre mois; et
φυλακίδων νεῶν ἁλῶναι. après avoir laissé de fortes
Κατὰ τὴν τρίτην δὲ αὐτοῦ garnisons dans les villes qu'il
συνδιαβαίνοντος τοῦ avait soumises, il retourna
Πλειστάρχου χειμὼν en Egypte avec son armée.
ἐπεγενήθη τηλικοῦτος Sur ces entrefaites, un
ὥστε τὰ πλεῖστα τῶν grand nombre de soldats de
σκαφῶν καὶ τῶν σωμάτων Lysimaque désertèrent les
διαφθαρῆναι· καὶ γὰρ quartiers d'hiver, et
κομίζουσα ναῦς ἑξήρης passèrent dans le camp
τὸν στρατηγὸν d'Antigone ; ces déserteurs
συνεκλύσθη καὶ τῶν ἐν se composaient de deux
αὐτῇ πλεόντων οὐκ mille Autariates et d'environ
ἐλαττόνων πεντακοσίων huit cents Lyciens et
τρεῖς πρὸς τοῖς τριάκοντα Pamphyliens. Antigone les
μόνον διεσώθησαν. Ἐν δὲ reçut avec bienveillance, les
τούτοις ἦν καὶ combla de présents et leur
Πλείσταρχος, ναυαγίου μὲν donna la solde qu'ils
ἐπειλημμένος, εἰς δὲ τὴν réclamaient à Lysimaque. En
γῆν ἡμιθανὴς ce même temps arriva
ἐκβεβρασμένος. Οὗτος μὲν Seleucus des satrapies de la
οὖν ἀποκομισθεὶς εἰς haute Asie. Il était entré
Ἡράκλειαν καὶ dans la Cappadoce avec une
προσαναλαβὼν ἐκ τῆς nombreuse armée, et avait
ἀτυχίας τὸ σῶμα πρὸς fait construire des baraques
Λυσίμαχον εἰς τὴν pour abriter ses soldats dans
χειμασίαν ἀνέζευξε, les cantonnements d'hiver. Il
ἀποβεβληκὼς τὸ πλεῖον avait sous ses ordres environ
τῆς δυνάμεως. vingt mille hommes
CXIIII. Ἐν δὲ ταῖς d'infanterie, près de douze
αὐταῖς ἡμέραις καὶ mille archers à cheval,
Πτολεμαῖος βασιλεὺς quatre cent quatre-vingts
ἀναζεύξας ἐξ Αἰγύπτου éléphants et plus de cent
μετὰ δυνάμεως ἀξιολόγου chars armés de faux. Telles
τὰς μὲν ἐν τῇ Κοίλῃ Συρίᾳ étaient les forces réunies des
πόλεις ἁπάσας ὑποχειρίους rois, tous décidés à terminer
ἐποιήσατο· Σιδῶνα δὲ la guerre par les armes en
πολιορκοῦντος αὐτοῦ τινες attendant l'été prochain.
παρῆσαν ἀπαγγέλλοντες Ainsi que nous l'avons
ψευδῶς ὅτι παρατάξεως annoncé dans le
γενομένης τοῖς βασιλεῦσιν commencement, nous
οἱ μὲν περὶ Λυσίμαχον καὶ raconterons, dans le livre
Σέλευκον ἡττηθέντες suivant, les détails de la
ἀποκεχωρήκασιν εἰς τὴν guerre dans laquelle tous ces
Ἡράκλειαν, Ἀντίγονος δὲ rois se disputaient le pouvoir
νενικηκὼς προσάγει μετὰ souverain.
δυνάμεως ἐπὶ Συρίας.
Παραλογισθεὶς οὖν ὑπὸ
τούτων καὶ πεισθεὶς ἀληθῆ
τὴν προσαγγελίαν εἶναι,
πρὸς μὲν τοὺς Σιδωνίους
εἰς τέτταρας μῆνας
ἀνοχὰς ἐποιήσατο, τὰς δὲ
χειρωθείσας πόλεις
φρουραῖς ἀσφαλισάμενος
ἐπανῆλθε μετὰ τῆς
δυνάμεως εἰς Αἴγυπτον.

ἅμα δὲ τούτοις
πραττομένοις οἱ τῶν παρὰ
Λυσιμάχῳ στρατιωτῶν
αὐτομολήσαντες ἐκ τῆς
χειμασίας παρ´ Ἀντίγονον
Αὐταριάται μὲν δισχίλιοι,
Λύκιοι δὲ καὶ Παμφύλιοι
περὶ ὀκτακοσίους. Τούτοις
μὲν οὖν Ἀντίγονος
φιλανθρώπως
προσενεχθεὶς τούς τε
μισθοὺς ἔδωκεν, οὓς
ἔφασαν ὀφείλεσθαι παρὰ
Λυσιμάχου, καὶ δωρεαῖς
ἐτίμησε. Καθ´ ὃν δὴ
χρόνον ἦλθε καὶ Σέλευκος
ἐκ τῶν ἄνω σατραπειῶν
διαβεβηκὼς εἰς
Καππαδοκίαν μετὰ πολλῆς
δυνάμεως καὶ
κατασκευάσας στεγνὰ τοῖς
στρατιώταις
παρεχείμαζεν. Εἶχε δὲ
πεζοὺς μὲν εἰς δισμυρίους,
ἱππεῖς δὲ σὺν τοῖς
ἱπποτοξόταις περὶ μυρίους
δισχιλίους, ἐλέφαντας δὲ
ὀγδοήκοντα πρὸς τοῖς
τετρακοσίοις, ἅρματα δὲ
δρεπανηφόρα πλείω τῶν
ἑκατόν. Αἱ μὲν οὖν τῶν
βασιλέων δυνάμεις τοῦτον
τὸν τρόπον ἠθροίζοντο,
κεκρικότων ἁπάντων κατὰ
τὴν ἐπιοῦσαν θερίαν διὰ
τῶν ὅπλων κρῖναι τὸν
πόλεμον.

ἡμεῖς δέ, καθάπερ ἐν


ἀρχῇ προεθέμεθα, τὸν
γενόμενον τούτοις τοῖς
βασιλεῦσι πρὸς ἀλλήλους
πόλεμον περὶ τῶν ὅλων
πράξεων ἀρχὴν
ποιησόμεθα τῆς ἑπομένης
βίβλου.

NOTES

(01) Polybe (I, 5) professe à peu près les mêmes


idées.

(02) Wesseling pense qu'il faut lire ici ἑβδομήκοντα au


lieu d'ὀγδομήκοντα, ce qui ne ferait que huit cent soixante-
treize ans. Cette conjecture a été adoptée par M. Dindorf.
En effet, depuis la prise de Troie jusqu'à la troisième année
de la cxve olympiade, l'auteur compte lui-même ( livre
XIX , 1) huit cent soixante-six ans, qui, ajoutés aux sept
ans écoulés jusqu'à la deuxième année de la cxviie
olympiade ( année qui précède l'expédition d'Agathocle en
Libye, donnent la somme de huit cent soixante-treize ans.

(03) Troisième année de la cxviie olympiade ; année


310 avant J. C.

(04) Ces victimes étaient, suivant Justin (XXII, 4 ), au


nombre de mille six cents.

(05) Cette éclipse totale arriva, suivant Calvisius et


Petau, le 15 du mois d'août.

(06) Trente-six myriamètres.

(07)' Consultez Polybe , 24 ; Tite-Live , epitomé 50 ;


Justin XIX, 2, XXI, 4 , 6; Valerius Maximus, II, 7 ; Polyen , V,
11.

(08) Euripide, Iphigénie en Tauride, v. 625 et 626.

(09) On ne saurait s'empêcher de faire ici un


rapprochement frappant entre Antandre et Joseph
Bonaparte. Tous deux frères de deux grands hommes , ils
trahirent la confiance qu'on avait mise en eux : l'un et
l'autre, en face de l'ennemi, au lieu de se défendre jusqu'à
la dernière goutte de sang, émirent l'avis de capituler et de
livrer les capitales de leurs frères absents. Le
rapprochement peut même être poursuivi pour toute la
première moitié de ce chapitre.

(10) J'adopte ici la correction proposée par M. Stroth,


en lisant ἀθρώους, impunis. au lieu de ἀθρόους, nombreux,
que donne le texte.

(11) Le nom de cette ville ne se rencontre nulle part


ailleurs.

(12).On n'a pas besoin de faire intervenir ici l'embarras


d'une épée pour comprendre ce genre de mort , dont
l'histoire offre un exemple tout récent et arrivé à peu pro
dans les mêmes circonstances. ll y a là un concours de
plusieurs forces dont l'activa n'a pas été encore
suffisamment examinée : 1° la force communiquée par le
trait: 2° la force de projection an moment où l'homme
s'élance vers le sol ; 3° la force de la pesanteur,
perpendiculaire à la force communiquée par le train ; 4° la
résistance qu'oppose le milieu atmosphérique. Toutes ces
forces réunies, agissant simultanément et sous des angles
déterminés, doivent produire un effet terrible sur la
charpente osseuse de l'homme sauté à terre. On s'explique
ainsi facilement ces fractures multiples du crâne et ces
lésions profondes du cerveau et de la moelle épinière , qui
déterminent une mort presque instantanée.

(13) Mys, μῦς qui n'est pas ici un nom propre, signifie
également rat et muscle.

(14) Nom sans doute altéré.

(15) Quatrième année de la cxviie olympiade; année


309 avant J.-C.

(16) C'est sans doute Stymphéa qu'il faut lire ici , ainsi
que Palmérius l'a fait observer.
(17) Comparez XVII, 86.

(18) Voyez Tite-Live, IX, 37.

(19) Environ quinze kilomètres.

(20) Première année de la cxviiie olympiade ; année


308 avant J.-C.

(21) Livre XIX, chap. 67.

(22) Voyez sur Ophellas , XVIII, 21 ; et Justin , XXII , 7.

(23) Suivant Théophraste (Hist. plant., IV, 4 ), les


soldats d'Ophellas s'étaient nourris du fruit du lotus en
arbre. Ce lotus de la Libye était une espèce de nerprun , et
par conséquent tout différent de celui d'Égypte.

(24) Comparez Elien , Hist. animal., XVI , 40.

(25) Suivant Wesseling, Néapolis était un faubourg de


Carthage.

(26) Il fut crucifié. Voyez Justin , XXII , 7.

(27) Deuxième année de la cxviiie olympiade; année


307 avant J.-C.

(28) Le voile ou péplum de Minerve n'était montré en


public que tous les cinq ans , à l'époque des Panathénées.
Voyez la note de Wesseling , tom. IX , p. 456 de l'édit.
Bipont.

(29) Plus de soixante-cinq mille hectolitres.

(30) Ἑλέπολις , preneur de villes.

(31) Environ vingt-deux mètres.

(32) Environ soixante-dix-huit kilogrammes.

(33) Un peu moins d'un mètre.

(34) Il y avait deux historiens de ce nom , tous deux


Macédoniens d'origine. Voyez Vossius, Hist. graec., I, 10.

(35) Κελευσταί. Les Céleustes remplissaient à peu près


les fonctions de nos contre-maitres.
(36) Aujourd'hui Biserte.

(37) Hérodote (IV, 190) parle de Libyens nomades qui


avaient construit des cabanes avec des tiges
d'asphodèles , plantes de la famille des oignons.

(38' Il n'en est nulle part question dans le IIIe livre.

(39) Πίθηκος, singe.

(40) Voyez Tite-Livre, XXX, 3.

(41) Un million six cent cinquante mille francs.

(42) Le texte porte : ἐνίων δ' ἀστραγάλουσ ἐμέτεμε,


καὶ προςτιθέμενος βιαιότερον, δεινοτέραις ἀλγηδόσι
περιέβαλεν. Miot me semble avoir complétement méconnu
le sens de cette phrase, en la rendant ainsi : « Quelques-
uns, déchirés à coups de fouet garnis d'osselets , furent
livrés aux plus affreuses douleurs. » On voit que le texte ne
parle en aucune façon de fouets garnis d'osselets.
D'ailleurs, aucun supplice ne devait causer des douleurs
plus affreuses que l'arrachement des os du pied.

(43) Troisième année de la cviii olympiade ; année 306


avant J: C.

(44) Soixante-six mille quatre cent vingt hectolitres.

(45) Voyez liv. I , chap. 30.

(46) Cent quatre-vingt-trois francs.

(47) Cinq mille cinq cents francs.

(48) Une des fausses embouchures du Nil.

(49) Quatre-vingt-six mille huit cents hectolitres.

(50) Le texte porte par erreur Éginètes.

(51) Quatrième année de la cxviie olympiade ; année


305 ayant J.-C.

(52) Environ sept décimètres.

(53) Neuf cents francs.


(54) Un peu plus de deux cent cinquante mètres.

(55) Machines qui lançient des pierres du poids d'un


talent, c'est-à-dire de plus de vingt-six kilogrammes.

(56) Les premiers magistrats de Rhodes.

(57) Aucun autre auteur n'a fait. mention de ce lieu.


Hesychius parle du mont Targium.

(58) ' Première année de la cxixe olympiade; année


304 avant J.-C.

(59) Ἑλέπολις , preneur de ville.

(60) Environ vingt-cinq mètres.

(61) Près d'un demi-mètre.

(62) Μεσοπύργια, espace compris entre deux tours.

(63) Πολιορκητής, assiégeur de villes.

(64)' Embarcations moins complètes qu'une trirème.


Voyez Gronov. Thesaurus Antiq. grœc., tom. XI, p. 581. "

(65) Environ soixante mètres.

(66) Cent trente-huit mille hectolitres.

(67) Quatre mille trois cents hectolitres.

(68) Deuxième année de la cxixe olympiade, année


303 avant. J.-C.

(69) Troisième année de la cxixe olympiade, année


302 avant. J.-C.

(70) Voyez plus haut, liv. XVIII, chap. 62.

Les fragments
DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME QUATRIÈME : LIVRE VI (fragments)


Traduction française : FERD. HOEFER
livre V - livre VII (fragments)

DIODORE DE SICILE.
FRAGMENTS
AVERTISSEMENT.
Aucune critique n'a discuté le choix et la disposition des fragments
dans les diverses éditions de Diodore. La répartition de ces fragments
entre les livres qui manquent (V-Xl, XX-XL) est souvent purement
arbitraire : ils οffrent d'ailleurs, pour la plupart, assez peu d'intérêt. Nous
aurions pu même retrancher un grand nombre de ces fragments, d'abord
comme n'appartenant probablement pas à Diodore, ensuite comme
n'étant que la reproduction de quelques passages des livres qui nous
sont intégralement parvenus. Nous nous en sommes abstenus de crainte
de voir notre traduction taxée d'incomplète.
On comprendra, d'après cela, pourquoi nous n'avons pas intercalé
dans le texte même de l'ouvrage les fragments de la lacune comprise
entre le Ve et le XIe livre, et pourquoi nous avons placé à la fin tous les
fragments tant anciens que nouveaux. Quelques-uns de ces derniers se
trouvent ici pour la première fois traduits en français (01).
LIVRE SIXIÈME

Τῶν βίβλων ἡμῖν ἓξ LIVRE SIXIÈME (?).


μὲν αἱ πρῶται περιέχουσι * Diodore, I, 4. — Les six
τὰς πρὸ τῶν Τρωικῶν premiers livres de notre
πράξεις καὶ μυθολογίας, ouvrage contiennent l'histoire
καὶ τούτων αἱ μὲν ancienne et mythologique,
προηγούμεναι τρεῖς τὰς antérieure à la guerre de
βαρβαρικάς, αἱ δ' ἑξῆς Troie ; de ces six livres, les
σχεδὸν τὰς τῶν Ἑλλήνων trois premiers traitent des
ἀρχαιολογίας. antiquités barbares, et les
Ὅτι κατὰ μὲν τὰς trois suivants, des antiquités
προηγουμένας ἓξ βίβλους grecques.
ἀνεγράψαμεν τὰς ἀπὸ τῶν * Diodor. Excerpt.
Τρωικῶν πράξεις ἕως εἰς Vatican., p. 131, éd. Mai. —
τὸν ὑπὸ τῶν ᾿Αθηναίων Nous avons renfermé dans
ψηφισθέντα πόλεμον ἐπὶ quarante livres l'histoire
Συρακοσίους· universelle; dans les six
Ἐν μὲν γὰρ ταῖς πρὸ premiers, nous avons décrit
ταύτης βίβλοις l'histoire fabuleuse,
ἀνεγράψαμεν τὰς ἀπὸ antérieure à la guerre de
Τροίας ἁλώσεως πράξεις Troie.
ἕως ἐπὶ τὴν κατάλυσιν * Diodore, XIII, 1. — Dans
τοῦ τε Πελοποννησιακοῦ les six livres précédents, nous
πολέμου καὶ τῆς avons exposé l'histoire
Ἀθηναίων ἡγεμονίας, antérieure à la guerre de
διελθόντες ἔτη ἑπτακόσια Troie jusqu'à la guerre que les
ἑβδομήκοντα ἐννέα· Athéniens ont déclarée aux
Ταῦτα Διόδωρος ἐν Syracusains.
τῇ τρίτῃ τῶν ἱστοριῶν . * Diodore, XIV, 2. — Dans
Ὁ δ' αὐτὸς καὶ ἐν τῇ les sept livres précédents,
ἕκτῃ ἀπὸ τῆς Εὐημέρου nous avons poursuivi notre
τοῦ Μεσσηνίου γραφῆς histoire depuis la prise de
ἐπικυροῖ τὴν αὐτὴν Troie jusqu'à la fin de la
θεολογίαν, ὧδε κατὰ guerre du Péloponnèse et de
λέξιν φάσκων· la suprématie des Athéniens ,
comprenant ainsi un espace
Περὶ θεῶν τοίνυν de sept cent soixante-dix-
διττὰς οἱ παλαιοὶ τῶν neuf ans.
ἀνθρώπων τοῖς
μεταγενεστέροις * Euseb. Prœparat.
παραδεδώκασιν ἐννοίας· Evangel, II, p. 59-61. Diodore
τοὺς μὲν γὰρ ἀιδίους καὶ aussi, dans le sixième livre de
ἀφθάρτους εἶναί φασιν, son ouvrage, approuve la
οἷον ἥλιόν τε καὶ σελήνην doctrine théogonique
καὶ τὰ ἄλλα ἄστρα τὰ d'Évhémère le Messénien, en
κατ' οὐρανόν, πρὸς δὲ s'exprimant ainsi :
τούτοις ἀνέμους καὶ τοὺς « Les anciens ont
ἄλλους τοὺς τῆς ὁμοίας transmis à leurs descendants
φύσεως τούτοις deux opinions différentes sur
τετευχότας· τούτων γὰρ les dieux. Ils prétendent que
ἕκαστον ἀίδιον ἔχειν τὴν les uns sont éternels et
γένεσιν καὶ τὴν διαμονήν· immuables, tels que le Soleil,
ἑτέρους δὲ λέγουσιν la Lune et les autres astres du
ἐπιγείους γενέσθαι θεούς, ciel; ils placent au même rang
διὰ δὲ τὰς εἰς ἀνθρώπους les Vents et les autres objets
εὐεργεσίας ἀθανάτου de semblable nature. Ils leur
τετευχότας τιμῆς τε καὶ assignent à chacun une
δόξης, οἷον Ἡρακλέα, existence éternelle. Ils disent
Διόνυσον, Ἀρισταῖον, καὶ que les autres dieux sont nés
τοὺς ἄλλους τοὺς τούτοις sur la terre et que, pour leurs
ὁμοίους. Περὶ δὲ τῶν bienfaits envers les hommes,
ἐπιγείων θεῶν πολλοὶ καὶ ils ont obtenu une gloire
ποικίλοι παραδέδονται immortelle : tels sont
λόγοι παρὰ τοῖς Hercule , Bacchus, Aristée et
ἱστορικοῖς τε καὶ tous les autres qui leur ont
μυθογράφοις· καὶ τῶν μὲν ressemblé. Les historiens et
ἱστορικῶν Εὐήμερος τὴν les mythographes ont forgé
ἱερὰν ἀναγραφὴν sur ces divinités terrestres
ποιησάμενος ἰδίως des récits nombreux et
ἀναγέγραφεν, τῶν δὲ divers. Parmi les historiens,
μυθολόγων Ὅμηρος καὶ Évhémère, auteur de l'histoire
Ἡσίοδος καὶ Ὀρφεὺς καὶ sacrée, a émis une opinion
ἕτεροι τοιοῦτοι qui lui est propre; et parmi les
τερατωδεστέρους μύθους mythographes, Homère,
περὶ θεῶν πεπλάκασιν· Hésiode, Orphée et d'autres
ἡμεῖς δὲ τὰ παρ' encore ont imaginé sur les
ἀμφοτέροις divinités des mythes où
ἀναγεγραμμένα domine le merveilleux. Nous
πειρασόμεθα συντόμως allons essayer de faire
ἐπιδραμεῖν, στοχαζόμενοι connaître , en abrégé et sans
τῆς συμμετρίας. dépasser de justes limites, les
Εὐήμερος μὲν οὖν, φίλος écrits des uns et des autres.
γεγονὼς Κασσάνδρου τοῦ Ainsi, Évhémère , ami du roi
βασιλέως καὶ διὰ τοῦτον Cassandre, obligé pour le
ἠναγκασμένος τελεῖν service de ce roi
βασιλικάς τινας χρείας d'entreprendre de longs
καὶ μεγάλας ἀποδημίας, voyages, raconte qu'il
φησὶν ἐκτοπισθῆναι κατὰ s'avança très-loin au midi
τὴν μεσημβρίαν εἰς τὸν dans l'Océan ; que, parti de
ὠκεανόν. Ἐκπλεύσαντα δὲ l'Arabie, il avait navigué
αὐτὸν ἐκ τῆς εὐδαίμονος plusieurs jours sur l'Océan el
Ἀραβίας ποιήσασθαι τὸν qu'il avait rencontré des îles
πλοῦν δι' ὠκεανοῦ πλείους situées dans la haute mer.
ἡμέρας, καὶ L'une d'elles, appelée
προσενεχθῆναι νήσοις Panchéa, était habitée par les
πελαγίαις, ὧν μίαν Panchéens, distingués pour
ὑπάρχειν τὴν leur piété, vénérant les dieux
ὀνομαζομένην Παγχαίαν, par les plus beaux sacrifices
ἐν τεθεᾶσθαι τοὺς et leur consacrant de
ἐνοικοῦντας Παγχαίους magnifiques monuments en
εὐσεβείᾳ διαφέροντας καὶ argent et en or. Cette île,
τοὺς θεοὺς τιμῶντας selon Evhémère, est
μεγαλοπρεπεστάταις consacrée aux dieux et offre
θυσίαις καὶ ἀναθήμασιν plusieurs autres monuments
ἀξιολόγοις ἀργυροῖς τε admirés pour leur antiquité et
καὶ χρυσοῖς. Εἶναι δὲ καὶ leur belle architecture ; nous
τὴν νῆσον ἱερὰν θεῶν, καὶ en avons parlé en détail dans
ἕτερα πλείω θαυμαζόμενα les livres précédents. Il y a
κατά τε τὴν ἀρχαιότητα aussi dans cette île, sur une
καὶ τὴν τῆς κατασκευῆς colline très-élevée, un temple
πολυτεχνίαν, περὶ ὧν τὰ de Jupiter Triphylien, fondé
κατὰ μέρος ἐν ταῖς πρὸ par ce dieu lui-même à
ταύτης βίβλοις l'époque où il régnait sur
ἀναγεγράφαμεν. Εἶναι δ' toute la terre et qu'il
ἐν αὐτῇ κατά τινα λόφον séjournait encore parmi les
ὑψηλὸν καθ' ὑπερβολὴν hommes. Dans ce temple se
ἱερὸν Διὸς Τριφυλίου, voit une colonne d'or sur
καθιδρυμένον ὑπ' αὐτοῦ laquelle est tracée en
καθ' ὃν καιρὸν ἐβασίλευσε caractères panchéens
τῆς οἰκουμένης ἁπάσης l'histoire d'Uranus, de Saturne
ἔτι κατὰ ἀνθρώπους ὤν. et de Jupiter. Selon le même
Ἐν τούτῳ τῷ ἱερῷ στήλην auteur, Uranus fut le premier
εἶναι χρυσῆν, ἐν τοῖς roi, homme d'un caractère
Παγχαίοις γράμμασιν doux, bienfaisant et instruit
ὑπάρχειν γεγραμμένας dans le mouvement des
τάς τε Οὐρανοῦ καὶ astres; le premier il fit des
Κρόνου καὶ Διὸς πράξεις sacrifices en l'honneur des
κεφαλαιωδῶς. Μετὰ dieux célestes. C'est pourquoi
ταῦτά φησι πρῶτον il reçut le nom d'Uranus. Il eut
Οὐρανὸν βασιλέα de sa femme Vesta deux fils,
γεγονέναι, ἐπιεικῆ τινα Pan et Saturne, et deux filles,
ἄνδρα καὶ εὐεργετικὸν Rhéa et Cérès. Après Uranus,
καὶ τῆς τῶν ἄστρων régna Saturne, qui épousa
κινήσεως ἐπιστήμονα, ὃν Rhéa, dont il eut Jupiter,
καὶ πρῶτον θυσίαις Junon et Neptune. Jupiter
τιμῆσαι τοὺς οὐρανίους succéda à Saturne et épousa
θεούς· διὸ καὶ Οὐρανὸν Junon, Cérès et Thémis. De la
προσαγορευθῆναι. Υἱοὺς première il eut pour enfants
δὲ αὐτῷ γενέσθαι ἀπὸ les Curetés; de la seconde,
γυναικὸς Ἑστίας Τιτᾶνα Proser-pine, et de la
καὶ Κρόνον, θυγατέρας δὲ troisième, Minerve. Il se
Ῥέαν καὶ Δήμητρα. rendit à Babylone où il fut
Κρόνον δὲ βασιλεῦσαι l'hôte de Bélus; il alla ensuite
μετὰ Οὐρανόν, καὶ dans l'île Panchéa, située
γήμαντα Ῥέαν γεννῆσαι dans l'Océan, et y éleva un
Δία καὶ Ἥραν καὶ autel en l'honneur de son
Ποσειδῶνα. Τὸν δὲ Δία aïeul Uranus; de là il traversa
διαδεξάμενον τὴν la Syrie pour visiter Casius,
βασιλείαν τοῦ Κρόνου alors souverain de cette
γῆμαι Ἥραν καὶ Δήμητρα contrée, et qui a laissé son
καὶ Θέμιν, ἐξ ὧν παῖδας nom au mont Casius. Il vint
ποιήσασθαι Κούρητας μὲν de là dans la Cilicie où il
ἀπὸ τῆς πρώτης, vainquit dans un combat Cilix,
Φερσεφόνην δὲ ἐκ τῆς roi de ce pays. Il visita une
δευτέρας, Ἀθηνᾶν δὲ ἀπὸ foule d'autres nations qui
τῆς τρίτης. Ἐλθόντα δὲ toutes lui décernèrent des
εἰς Βαβυλῶνα honneurs divins.(02) »
ἐπιξενωθῆναι Βήλῳ, καὶ Voilà ce que cet auteur
μετὰ ταῦτα εἰς τὴν nous raconte, entre autres
Παγχαίαν νῆσον πρὸς τῷ choses semblables , des
ὠκεανῷ κειμένην dieux, comme s'il parlait
παραγενόμενον Οὐρανοῦ d'hommes mortels.
τοῦ ἰδίου προπάτορος En voilà assez sur le récit
βωμὸν ἱδρύσασθαι. d'Évhémère qui a écrit une
Κἀκεῖθεν διὰ Συρίας histoire sacrée. Nous allons
ἐλθεῖν πρὸς τὸν τότε maintenant essayer d'exposer
δυνάστην Κάσιον, ἐξ οὗ sommairement les traditions
τὸ Κάσιον ὄρος. Ἐλθόντα des mythologues grecs,
δὲ εἰς Κιλικίαν πολέμῳ suivant Hésiode et Orphée.
νικῆσαι Κίλικα τοπάρχην,
καὶ ἄλλα δὲ πλεῖστα ἔθνη
ἐπελθόντα παρ' ἅπασι
τιμηθῆναι καὶ θεὸν
ἀναγορευθῆναι.
Ταῦτα καὶ τὰ τούτοις
παραπλήσια ὡς περὶ
θνητῶν ἀνδρῶν περὶ τῶν
θεῶν διελθὼν ἐπιφέρει
λέγων.
Καὶ περὶ μὲν
Εὐημέρου τοῦ
συνταξαμένου τὴν ἱερὰν
ἀναγραφὴν
ἀρκεσθησόμεθα τοῖς
ῥηθεῖσι, τὰ δὲ παρὰ τοῖς
Ἕλλησι μυθολογούμενα
περὶ θεῶν ἀκολούθως
Ἡσιόδῳ καὶ Ὁμήρῳ καὶ
Ὀρφεῖ πειρασόμεθα
συντόμως ἐπιδραμεῖν. Εἶθ'
ἑξῆς ἐπισυνάπτει τὰς τῶν
ποιητῶν μυθολογίας.

Περὶ ὧν θεῶν ἐν ταῖς Jo. Malal. Chronogr., p. 66.


συγγραφαῖς αὐτοῦ λέγει — Dans ses écrits sur les
καὶ Διόδωρος dieux, le très-savant Diodore
σοφώτατος ταῦτα, ὅτι s'exprime ainsi : « A leur
ἄνθρωποι γεγόνασιν οἱ naissance les dieux ont été
θεοί, οὕστινας οἱ des hommes qui, par leurs
ἄνθρωποι ὡς νομίζοντες bienfaits envers la société,
δι' εὐεργεσίαν ἀθανάτους furent regardés comme
προσηγόρευον. Τινὰς δὲ immortels et reçurent le nom
καὶ ὀνομάτων de dieux. Quelques-uns
προσηγορίας ἐσχηκέναι même n'ont été désignés que
καὶ κρατήσαντας χώρας. d'après les noms des pays
Διόδωρος δὲ λέγει dont ils s'étaient emparés.
κατὰ μυθικὴν ἱστορίαν L'ignorance seule conduisit
Ξάνθον καὶ Βαλίον les hommes à agir ainsi. »
Τιτᾶνας εἶναι πρότερον, Eustathius ad Iliad., I,
βοηθῆσαι δὲ τῷ Διί, 1190, 55. — Diodore dit, dans
Ξάνθον μὲν Ποσειδῶνος son histoire mythologique,
ἑταῖρον ὄντα, Βαλίον δὲ que Xanthus et Balius avaient
Διός, καὶ ἐν τῇ μάχῃ été d'abord Titans, et qu'ils
ἀξιῶσαι μεταθέσθαι τὴν étaient venus en aide à
μορφήν, οἷα αἰδουμένους Jupiter ; Xanthus était le
ὁρᾶσθαι ὑπὸ τῶν compagnon d'armes de
ὁμογενῶν Τιτάνων, καὶ Neptune, et Balius celui de
γενέσθαι τὴν αὐτῶν Jupiter; dans le combat, ils
ἀξίωσιν, καὶ εἶναι avaient demandé à changer
τούτους τοὺς τῷ Πηλεῖ de forme, parce qu'ils
δοθέντας. Διό, φησί, καὶ craignaient d'être reconnus
Ξάνθος μαντεύεται τῷ par leurs frères les Titans ;
Ἀχιλλεῖ τὸν θάνατον. ensuite ils avaient été livrés a
Ὁ δὲ ἀδελφὸς Νίνου Pelée. C'est pourquoi le poète
Πῖκος καὶ Ζεὺς dit que Xanthus avait prédit à
ἐβασίλευσε τῆς Ἰταλίας, Achille sa mort.
ἔτη ρκκ κρατῶν τῆς * Picus, [surnommé]
δύσεως. Ἔσχε δὲ υἱοὺς Jupiter, frère de Ninus, fut roi
καὶ θυγατέρας πολλὰς de l'Italie, et régna pendant
ἀπὸ τῶν εὐπρεπεστάτων cent vingt ans sur l'Occident.
γυναικῶν· καὶ γὰρ καὶ Il engendra avec les plus
μυστικὰς φαντασίας belles femmes du pays des
ποιῶν τινας καὶ fils et de nombreuses filles. Il
ὑπονοθεύων αὐτάς. abusa de ces femmes par des
Αἵτινες γυναῖκες καὶ ὡς enchantements, et leur fit
θεὸν αὐτὸν εἶχον, croire qu'elles étaient
φθειρόμεναι ὑπ' αὐτοῦ. séduites par un dieu. Ce
Ἔσχε δὲ αὐτὸς Πῖκος même Picus, qu'on appelle
καὶ Ζεὺς υἱὸν ὀνόματι aussi Jupiter, eut un fils du
Φαῦνον, ὃν καὶ Ἑρμῆν nom de Faunus; on le nomme
ἐκάλεσεν εἰς ὄνομα τοῦ aussi Mercure, d'après la
πλανήτου ἀστέρος. planète de ce nom. Au
Μέλλων δὲ τελευτᾶν moment de mourir, Jupiter
Ζεὺς ἐκέλευσε τὸ ordonna de déposer ses
λείψανον αὐτοῦ τεθῆναι restes mortels dans l'île de
ἐν τῇ Κρήτῃ νήσῳ· καὶ Crète. Ses enfants lui
κτίσαντες αὐτῷ ναὸν οἱ élevèrent un temple et l'y
αὐτοῦ παῖδες ἔθηκαν déposèrent. Ce tombeau
αὐτὸν ἐκεῖ· ὅπερ μνῆμά existe encore aujourd'hui et
ἐστι μέχρι τῆς σήμερον, porte celte épitaphe : « Ici
καὶ ἐπιγέγραπται, Ἐνθάδε repose Picus, qu'on appelle
κατάκειται Πῖκος καὶ aussi Jupiter. » Diodore, le
Ζεύς, ὃν καὶ Δία καλοῦσι· plus savant des
περὶ οὗ συνεγράψατο chronographes, en a fait
Διόδωρος σοφώτατος mention.
χρονογράφος. ΕΕχξερπτα
εχ ιοαννις ξηρονιξις απυδ
ξραμερ.

Ὅτι παραδέδονται Excerpt de Virt. et Vit., p.


Κάστωρ καὶ Πολυδεύκης, 565. — Castor et Pollux,
οἱ καὶ Διόσκοροι, πολὺ appelés aussi Dioscures,
τῶν ἄλλων ἀρετῇ surpassèrent de beaucoup
διενεγκεῖν καὶ leurs contemporains en vertu,
συστρατεῦσαι τοῖς et ils furent d'un grand
Ἀργοναύταις secours aux Argonautes dans
ἐπιφανέστατα· πολλοῖς δὲ leur expédition ; bien souvent
δεομένοις ἐπικουρίας ils vinrent en aide aux
βεβοηθηκέναι. Καθόλου infortunés : en un mot, leur
δὲ ἐπ' ἀνδρείᾳ καὶ courage, leur amour pour la
στρατηγίᾳ, πρὸς δὲ justice, leur habileté dans la
τούτοις δικαιοσύνῃ καὶ guerre, leur piété, leur ont
εὐσεβείᾳ, παρὰ πᾶσι acquis l'estime de presque
σχεδὸν ἀνθρώποις ἔσχον tous les hommes : leur
δόξαν, ἐπιφανεῖς βοηθοὶ apparition soulageait ceux qui
τοῖς παρὰ λόγον étaient exposés à de très-
κινδυνεύουσι γινόμενοι. grands périls. C'est par une
Διὰ δὲ τὴν ὑπερβολὴν τῆς conduite si noble et si
ἀρετῆς Διὸς υἱοὺς généreuse qu'ils ont mérité
νενομίσθαι, καὶ ἐξ de passer pour fils de Jupiter,
ἀνθρώπων μεταστάντας et qu'ils ont obtenu les
τιμῶν τυχεῖν ἀθανάτων. honneurs après avoir quitté le
Ὅτι Ἐπωπεὺς séjour des hommes.
βασιλεὺς Σικυῶνος τοὺς Épopéus, roi de Sicyone,
θεοὺς εἰς μάχην défia les dieux au combat,
προκαλούμενος τὰ τεμένη profana leurs temples et leurs
καὶ τοὺς βωμοὺς αὐτῶν autels.
ἐλυμαίνετο. On dit que Sisyphe
Ὅτι φασὶ τὸν Σίσυφον surpassa les autres hommes
πανουργίᾳ καὶ φιλοτεχνίᾳ en méchanceté et en finesse,
διενεγκεῖν τῶν ἄλλων, καὶ et que, sur l'inspection des
διὰ τῆς ἱεροσκοπίας entrailles des victimes, il
ἅπαντα εὑρίσκειν καὶ prédisait aux hommes tout ce
προλέγειν τοῖς qui devait leur arriver.
ἀνθρώποις. Salmonée était aussi
Ὅτι Σαλμωνεὺς impie qu'arrogant : il se
ἀσεβὴς καὶ ὑπερήφανος moquait de la divinité et
ἦν καὶ τὸ θεῖον διέσυρε, élevait ses actions au-dessus
τὰς δὲ αὑτοῦ πράξεις de celles de Jupiter même. Au
ὑπερέχειν τῶν τοῦ Διὸς moyen d'une machine il
ἀπεφαίνετο· διὸ καὶ produisait un son effrayant,
κατασκευάζων διά τινος semblable au bruit du
μηχανῆς ψόφον ἐξαίσιον tonnerre ; il n'offrait point de
καὶ μιμούμενον τὰς sacrifice aux dieux, et ne
βροντὰς ἐβρόντα, καὶ célébra jamais leurs fêtes.
οὔτε θυσίας οὔτε Ce même Salmonée eut
πανηγύρεις ἐτέλει. une fille nommée Tyro, nom
Ὅτι αὐτὸς qui lui fut donné à cause de la
Σαλμωνεὺς ἔσχε blancheur et de la finesse de
θυγατέρα Τυρώ, ἥτις διὰ son teint.
τὴν λευκότητα καὶ τὴν Admète, homme pieux et
τοῦ σώματος μαλακότητα juste, devint l'ami des dieux,
ταύτης τῆς προσηγορίας qui honorèrent sa vertu au
ἔτυχεν. point de mettre Apollon à son
Οὗτος γὰρ ἀσεβὴς ὢν service, lorsque celui-ci
καὶ ὑπερήφανος tomba dans la disgrâce de
Σαλμωνεὺς τὸ μὲν θεῖον Jupiter. On dit aussi qu'on lui
διέσυρεν, τὰς δὲ αὐτοῦ donna pour femme Alceste, la
πράξεις ὑπερέχειν τῶν seule de toutes les filles de
τοῦ Διὸς ἀπεφαίνετο· διὸ Pélias qui n'eût pas participé
καὶ κατασκευάζων διά au crime impie exercé sur son
τινος μηχανῆς ψόφον père.
ἐξαίσιον καὶ μιμούμενον Mêlampus, remarquable
τὰς βροντὰς ἑαυτὸν par sa piété, devint ami
ἀπεφαίνετο μεῖζον d'Apollon.
βροντῆσαι τοῦ Διός.
Καθόλου δὲ καταγελῶν *De Malal. Chronogr., p.
τῶν θεῶν οὔτε θυσίας 83. — Le royaume des
οὔτε πανηγύρεις τούτοις Argiens dura donc cent
συνετέλει καθάπερ οἱ quaranle-neuf ans, ainsi que
λοιποὶ δυνάσται ποιεῖν l'a écrit le plus savant des
εἰώθασι. Ἐγένετο δὲ historiens.
αὐτοῦ μονογενὴς θυγάτηρ
Τυρώ, ἣν διὰ τὴν τοῦ
σώματος μαλακότητα καὶ
τὴν τοῦ χρώματος
λευκότητα ταύτης τῆς
προσηγορίας ἠξίωσεν.
Ταύτης δὲ διὰ τὸ κάλλος
ἐρασθεὶς Ποσειδῶν .......
Εἴη ταύτης τὴν
παρθενίαν λύσας,
κακουχῶν διετέλει τὴν
Τυρώ, τέλος δὲ διὰ τὴν
ἀσέβειαν δίκας τίνων τῷ
δαίμονι κεραυνωθεὶς ὑπὸ
τοῦ Διὸς κατέστρεψε τὸν
βίον. Τῶν δὲ ἐκ
Ποσειδῶνος καὶ Τυροῦς
γεννωμένων παίδων
Πελίας μὲν νέος ὢν
παντελῶς ὑπὸ Μίμαντος
ἐξέπεσεν ἐκ τῆς πατρίδος
καὶ φυγὼν μετὰ τῶν
φίλων μετὰ τούτων ββ
νήσους κατεκτήσατο,
Σκίαθον καὶ Πεπάρηθον·
ὕστερον δὲ Χείρωνος
αὐτὸν εὐεργετήσαντος
καὶ τῆς ἰδίας χώρας
μεταδόντος ἀπῆρεν ἐκ
τῶν προειρημένων νήσων
καὶ τῆς Ἰολκῶν πόλεως
ἐβασίλευσε. Τούτῳ δὲ
ἐγένοντο πλείους, αἳ καὶ
τὴν ἐπωνυμίαν ἔσχον ἀπὸ
τοῦ πατρὸς Πελιάδες
ὀνομασθεῖσαι. Καὶ περὶ
τούτων ἀρκεσθησόμεθα.
ΜΜυς. ΡΡηεν. ΧΧχχιι ιπ. .
Ὅτι Ἄδμητος ἐπὶ
δικαιοσύνῃ καὶ εὐσεβείᾳ
διενέγκας προσφιλὴς
θεοῖς ἐγένετο. Ἐπὶ
τοσοῦτο δὲ δι' ἀρετὴν
τιμηθῆναι, ὥστε τὸν
Ἀπόλλωνα προσκόψαντα
Διὶ δοθῆναι θητεύειν παρὰ
τὸν Ἄδμητον. Φασὶ δὲ
Ἄλκηστιν τὴν Πελίου
θυγατέρα, μόνην τῆς
κατὰ τὸν πατέρα
ἀσεβείας οὐ
μετασχοῦσαν, δοθῆναι
γυναῖκα δι' εὐσέβειαν
Ἀδμήτῳ.
Ὅτι Μελάμπους
εὐσεβείᾳ διενεγκὼν φίλος
ἐγένετο Ἀπόλλωνος.

NOTES

(01) Les nouveaux fragments, recueillis en grande


partie par Angelo Mai (Excerpta Vaticana), ont été traduits
sur la nouvelle édition de A. Didot, Diodori Siculi quœ
supersunt, ex nova recensione L. Dindorfii, etc. Parisiis,
(844 (2 vol. in-8). Ils ont été marqués par un astérisque,
pour les distinguer des anciens, qui sont en grande partie
tirés du recueil : Excerpta De Virtutibus et Vitiis; De
legationibus, composé par l'ordre de Constantin IX
Porphyrogénete (Voyez la Préfacé ).
(02) Comparez , liv. V, 42-47.
(03)

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME QUATRIÈME : LIVRE VΙI (fragments)


Traduction française : FERD. HOEFER
livre VΙ - livre VIII (fragments)

DIODORE DE SICILE.
FRAGMENTS
LIVRE SEPTIÈME .

Καὶ Ὀρφεὺς LIVRE SEPTIÈME (?).


ἰσόχρονος τῷ Ἡρακλεῖ *Tzetzes, Hist., t. XII, p.
ὑπῆρχε, πρὸ χρόνων ὄντες 179. — Orphée fut
ἑκατὸν τοῦ Τρωικοῦ contemporain d'Hercule; l'un
πολέμου, ὡς δὲ Ὀρφεὺς ἐν et l'auτre ont vécu cent ans
Λιθικοῖς περὶ αὑτοῦ μοι avant la guerre de Troie.
λέγει, Ἑλένου τι Orphée, parlant de lui-même
βραχύτερον ὕστερον εἶναι dans le livre sur les Pierres
λέγει, τούτου μιᾷ δὲ (01), dit qu'il est de peu de
γενεᾷ Ὅμηρος ὑστερίζει, temps postérieur à Hélénus.
κατὰ Διονύσιον ἄνδρα τὸν Or, Homère est d'une
κυκλογράφον ἐπὶ τῶν δύο génération postérieure à
στρατειῶν λεγόμενος Hélénus; Homère, qui, suivant
ὑπάρχειν, Θηβαϊκῆς Denys le cyclographe, a vécu
Ἑλλήνων τε τῆς διὰ τὴν à l'époque de l'expédition
Ἑλένην. Διόδωρός τε contre Thèbes, et de celle que
σύντροχα λέγει Διονυσίῳ, les Grecs ont entreprise à
καὶ ἕτεροι μυρίοι δέ. cause d'Hélèνe. Diodore et
Ὅτι τῆς Τροίας mille autres s'accordent avec
ἁλούσης Αἰνείας μετά Denys.
τινων καταλαβόμενος Excerpt de Virt. et Vit., p.
μέρος τῆς πόλεως τοὺς 568. — A la prise de Troie,
ἐπιόντας ἠμύνετο. Τῶν δὲ Énée s'étant retranché avec
Ἑλλήνων ὑποσπόνδους quelques compagnons
τούτους ἀφέντων, καὶ d'armes dans un quartier de
συγχωρησάντων ἑκάστῳ la ville, s'y défendit contre les
λαβεῖν ὅσα δύ ναιτο τῶν assaillants. Ensuite les Grecs
ἰδίων, οἱ μὲν ἄλλοι πάντες consentirent, sous la foi d'un
ἄργυρον χρυσὸν τινα traité, à renvoyer les Troyens,
τῆς ἄλλης πολυτελείας et ils accordèrent à chacun
ἔλαβον, Αἰνείας δὲ τὸν d'eux la liberté d'emporter
πατέρα γεγηρακότα tout ce qu'ils possédaient de
τελέως ἀράμενος ἐπὶ biens. Tous les autres se
τοὺς ὤμους ἐξήνεγκεν. chargèrent d'or, d'argent et
Ἐφ' θαυμασθεὶς ὑπὸ τῶν d'effets précieux; mais Énée
Ἑλλήνων ἔλαβεν ἐξουσίαν prit son père, déjà très vieux ,
πάλιν βούλοιτο τῶν et l'emporta sur ses épaules.
οἴκοθεν ἐκλέξασθαι. Ravis d'admiration, les Grecs
Ἀνελομένου δὲ αὐτοῦ τὰ lui permirent encore de
ἱερὰ τὰ πατρῷα, πολὺ choisir tout ce qu'il voudrait
μᾶλλον ἐπαινεθῆναι dans les richesses de son
συνέβη τὴν ἀρετήν, καὶ palais. Il prit alors les dieux
παρὰ πολεμίων de ses pères, et ce second
ἐπισημασίας choix augmenta encore le
τυγχάνουσαν. Ἐφαίνετο respect de ses ennemis
γὰρ ἀνὴρ ἐν τοῖς envers un homme si
μεγίστοις κινδύνοις vertueux; car il se montra, au
πλείστην φροντίδα milieu de la plus grande
πεποιημένος τῆς τε πρὸς désolation, tout occupé de
γονεῖς ὁσιότητος καὶ τῆς son amour pour son père et
πρὸς θεοὺς εὐσεβείας. de sa vénération pour les
Διόπερ φασὶν αὐτῷ dieux. Aussi les Grecs lui
συγχωρηθῆναι μετὰ τῶν fournirent-ils les moyens
ὑπολειφθέντων Τρώων nécessaires pour qu'il pût
ἐκχωρῆσαι τῆς Τρωάδας sortir en toute sûreté de Troie
μετὰ πάσης ἀσφαλείας et se retirer où il voudrait
καὶ ὅποι βούλεται. avec le reste des Troyens.
Τούτων ἡμῖν Georg. Syncell. Chron., p.
διευκρινημένων λείπεται 179 et Euseb., p. 163 éd. Mai.
περὶ τῆς Κορινθίας καὶ — A la suite de cet exposé,
Σικυωνίας εἰπεῖν ὃν nous allons dire comment
τρόπον ὑπὸ Δωριέων furent peuplées par des
κατῳκίσθησαν. Τὰ γὰρ colonies doriennes les villes
κατὰ τὴν Πελοπόννησον de Corinthe et de Sicyone
ἔθνη σχεδὸν πάντα πλὴν (02). Les Héraclides à leur
Ἀρκάδων ἀνάστατα retour chassèrent presque
συνέβη γενέσθαι κατὰ τὴν toutes les nations du
κάθοδον τῶν
Ἡρακλειδῶν. Οἱ τοίνυν Péloponnèse, à l'exception
Ἡρακλεῖδαι κατὰ τὴν des Arcadiens. Dans le
διαίρεσιν ἐξαίρετον partage qu'ils firent de ce
ποιησάμενοι τὴν pays, ils choisirent Corinihe et
Κορινθίαν καὶ τὴν ταύτης son territoire voisin ; puis ils
πλησιόχωρον, firent venir près d'eux Alétès
διεπέμψαντο πρὸς τὸν et l'établirent possesseur de
Ἀλήτην, παραδιδόντες cette contrée. Pendant les
αὐτῷ τὴν προειρημένην trente-huit ans qu'il régna sur
χώραν. Ἐπιφανὴς δὲ ἀνὴρ Corinihe, il rendit son nom
γενόμενος καὶ τὴν illustre et accrut la puissance
Κόρινθον αὐξήσας de cette ville. A sa mort, ses
ἐβασίλευσεν ἔτη ληη. descendants lui succédèrent
Μετὰ δὲ τὴν τούτου sans interruption, selon
τελευτὴν πρεσβύτατος l'ordre de primogéniture,
ἀεὶ τῶν ἐκγόνων jusqu'à la tyrannie de
ἐβασίλευσε μέχρι τῆς Cypselus, qui eut lieu quatre
Κυψέλου τυραννίδος, ἥτις cent quarante-sept ans après
τῆς καθόδου τῶν le retour des Héraclides.
Ἡρακλειδῶν ὑστερεῖ ἔτεσι Ixion, le premier successeur
υμζζ. Καὶ πρῶτος μὲν παρ' d'Alétès, régna trente-huit
αὐτοῖς διεδέξατο τὴν ans ; Agélas lui succéda et
βασιλείαν Ἰξίων ἔτη ληη· régna pendant trente-sept
μεθ' ὃν ἦρξεν Ἀγέλας ἔτη ans. A ceux-ci succéda
λζζ, μετὰ δὲ τούτους Prumnis, qui régna trente-
Πρύμνις ἔτη λεε, καὶ cinq ans et eut pour
Βάκχις ὁμοίως τὸν ἴσον successeur Bacchis ; celui-ci
χρόνον, γενόμενος régna le même espace de
ἐπιφανέστατος τῶν πρὸ temps, et fut le plus célèbre
αὐτοῦ· διὸ καὶ συνέβη de tous ses prédécesseurs.
τοὺς μετὰ ταῦτα C'est pourquoi ses
βασιλεύσαντας οὐκέτι successeurs s'appelèrent
Ἡρακλείδας, ἀλλὰ Bacchidesau lieu
Βακχίδας d'Héraclides. Bacchis eut pour
προσαγορεύεσθαι. Μετὰ successeur Agélas, qui régna
τοῦτον Ἀγέλας μὲν ἔτη trente ans, ensuite Eudémus,
λλ, Εὔδημος δὲ ἔτη κεε, qui régna vingt-cinq ans et
Ἀριστομήδης εε καὶ λλ. eut pour successeur
Οὗτος δὲ τελευτήσας Aristomède, qui régna trente
ἀπέλιπεν υἱὸν Τελέστην ans. A sa mort, il laissa un fils
παῖδα τὴν ἡλικίαν, οὗ τὴν en bas âge, nommé Téleste, à
κατὰ γένος βασιλείαν qui Agémon, son oncle et son
ἀφείλατο θεῖος ὢν καὶ tuteur, ravit le sceptre
ἐπίτροπος Ἀγήμων, ὃς héréditaire, et régna seize
ἦρξεν ἔτη ιιι. Μετὰ ans. Son successeur
τοῦτον κατέσχεν Alexandre régna vingt-cinq
Ἀλέξανδρος ἔτη κεε. ans. Il fut tué par Téleste, qui
Τοῦτον ἀνελὼν Τελέστης avait été dépouillé de la
στερηθεὶς τῆς πατρῴας royauté de son père, et qui
ἀρχῆς ἦρξεν ἔτη ιββ. régna douze ans. Ses parents
Τούτου δ' ὑπὸ τῶν l'ayant fait mourir, Automène
συγγενῶν ἀναιρεθέντος lui succéda et régna un an.
Αὐτομένης μὲν ἦρξεν Ensuite les Bacchides,
ἐνιαυτόν, οἱ δ' ἀπὸ descendants d'Hercule, au
Ἡρακλέους Βακχίδαι nombre de plus de deux
πλείους ὄντες διακοσίων cents, s'emparèrent du
κατέσχον τὴν ἀρχήν, καὶ pouvoir souverain et
κοινῇ μὲν προειστήκεσαν gouvernèrent tous en
τῆς πόλεως ἅπαντες, ἐξ commun la cité. Chaque
αὑτῶν δὲ ἕνα κατ' année on choisissait l'un
ἐνιαυτὸν ἡἡροῦντο d'entre eux, qui, sous le nom
πρύτανιν, ὃς τὴν τοῦ de prytane, exerçait la
βασιλέως εἶχε τάξιν, ἐπὶ royauté. La tyrannie de
ἔτη ηη μέχρι τῆς Κυψέλου Cypselus détruisit ce
τυραννίδος, ὑφ' ἧς gouvernement, qui avait duré
κατελύθησαν. quatre-vingt-dix ans.

Ex Ulpiano ad
Demosthenem pro Coron., p.
155. — Diodore, d'après
Hellanicus, explique le nom
de Munychium en disant que
lesThraces ayant autrefois fait
la guerre aux habitants
Ὅτι Ῥωμύλος Σιλούιος
d'Orchomène-Mynien , ville
παρ' ὅλον τὸν βίον
de la Béotie, les chassèrent
ὑπερήφανος γενόμενος
de cet endroit ; que ces exilés
ἡμιλλᾶτο πρὸς τὸν θεόν·
vinrent à Athènes implorer le
βροντῶντος γὰρ αὐτοῦ
roi Munychus, qui leur donna
κελεύειν τοὺς
pour s'y fixer le territoire de
στρατιώτας ταῖς σπάθαις
Munychie, auquel ils
τύπτειν τὰς ἀσπίδας ἀφ'
imposèrent ce nom, d'après
ἑνὸς συνθήματος, καὶ
celui du roi!
λέγειν ὡς παρ' ἑαυτῶν
γινόμενος ψόφος εἴη Excerpt. de Virt. et Vit., p.
μείζων. Διὸ 546. — Romulus Silvius, qui
κεραυνωθῆναι. toute sa vie fut plein
d'orgueil, osait même défier
Ὅτι ἐγένετο τύραννος
la divinité. Lorsqu'il entendait
κατὰ τὴν Κύμην τὴν πόλιν
tonner, il ordonnait à ses
ὄνομα Μάλακος, ὃς
soldats de frapper tous
εὐδοκιμῶν παρὰ τοῖς
ensemble, à un signal donné,
πλήθεσι καὶ τοὺς
leurs boucliers avec leurs
δυνατωτάτους ἀεὶ
épées, et il prétendait que le
διαβάλλων περιεποιήσατο
bruit qu'ils faisaient,
τὴν δυναστείαν, καὶ τοὺς
surpassait celui du tonnerre.
μὲν εὐπορωτάτους τῶν
πολιτῶν ἀπέσφαξε, τὰς δὲ C'est pour cela qu'il fut frappé
οὐσίας ἀναλαβὼν de la foudre.
μισθοφόρους ἔτρεφε καὶ Excerpt. de Virt. et Vit., p.
φοβερὸς ἦν τοῖς Κυμαίοις. 567. — Il y eut dans la ville de
Ὅτι τηλικοῦτον περὶ Cumes un tyran nommé
τὸν Λυκοῦργον ἦν τῆς Μalacus, qui, aimé du peuple,
ἀρετῆς τὸ μέγεθος, ὥστε parvint, en calomniant les
παραγενηθέντος εἰς plus puissants citoyens, à
Δελφοὺς αὐτοῦ τὴν s'emparer du pouvoir
Πυθίαν ἀποφθέγξασθαι souverain. Il fit périr les plus
ἔπη τάδε· riches, confisqua leurs biens,
ἥκεις, Λυκόοργε, en solda une garde et devint
ἐμὸν ποτὶ πίονα νηόν, la terreur des habitants de
Ζηνὶ φίλος καὶ πᾶσιν Cumes.
Ὀλύμπια δώματ' ἔχουσι. * Excerpt. Vatican., p. 1-3.
Δίζω σε θεὸν — Lycurgue avait porté la
μαντεύσομαι ἄνθρωπον· vertu à un si haut degré
ἀλλ' ἔτι καὶ μᾶλλον θεὸν qu'étant venu dans le temple
ἔλπομαι, Λυκόοργε. de Delphes, la pythie lui
Ἥκεις δ' εὐνομίαν adressa ces vers : « Tu entres
αἰτεύμενος· αὐτὰρ ἔγωγε dans mon riche temple, ô
δώσω τὴν οὐκ ἄλλη Lycurgue, ami de l'univers et
ἐπιχθονίη πόλις ἕξει. de tous les immortels qui
Ὅτι αὐτὸς ἠρώτησε habitent l'Olympe; j'hésite si
τὴν Πυθίαν, ποῖα νόμιμα je te dois parler comme à un
καταστήσας μάλιστ' ἂν dieu ou comme à un homme.
ὠφελήσαι τοὺς Je te salue plutôt comme un
Σπαρτιάτας. Τῆς δὲ immortel, ô Lycurgue. Tu
εἰπούσης ἐὰν τοὺς μὲν viens me demander une
καλῶς ἡγεῖσθαι, τοὺς δὲ bonne législation ; je t'en
πειθαρχεῖν νομοθετήσῃ, indiquerai une comme jamais
πάλιν ἠρώτησε τί aucune cité n'en a eu sur la
ποιοῦντες καλῶς terre. »
ἡγήσονται καὶ τί Lycurgue ayant interrogé
πειθαρχήσουσιν. δὲ la pythie sur les lois les plus
ἀνεῖλε τοῦτον τὸν utiles à donner aux Spartiates
χρησμόν· : « Ce sont, répondit-elle,
εἰσὶν ὁδοὶ δύο celles qui forceront les uns à
πλεῖστον ἀπ' ἀλλήλων bien commander, et les
ἀπέχουσαι, autres à bien obéir. — Et que
ἡ μὲν ἐλευθερίας ἐς faut-il faire, lui demanda-t-il,
τίμιον οἶκον ἄγουσα, pour bien commander et pour
ἡ δ' ἐπὶ δουλείας φευκτὸν bien obéir? » A quoi la pythie
δόμον ἡμερίοισι. donna la réponse suivante : «
Καὶ τὴν μὲν διά τ' Il existe deux chemins très-
ἀνδροσύνης ἐρατῆς θ' distants l'un de l'autre: l'un
ὁμονοίας conduit au vénéré domicile de
ἔστι περᾶν, ἣν δὴ λαοῖς la liberté, l'autre mène à la
ἡγεῖσθε κέλευθον· demeure de l'esclavage, que
τὴν δὲ διὰ στυγερῆς les mortels doivent fuir. On
ἔριδος καὶ ἀνάλκιδος parcourt l'un en s'appuyant
ἄτης sur le courage et sur la bonne
εἰσαφικάνουσιν, τὴν δὴ harmonie; c'est la route que
πεφύλαξο μάλιστα. tu dois montrer aux peuples.
Τὸ δὲ κεφάλαιον ἦν L'autre n'offre que de
ὅτι μεγίστην πρόνοιαν lamentables discordes et
ποιη τέον ἐστὶν ὁμονοίας d'affreuses misères. C'est
καὶ ἀνδρείας, ὡς διὰ celle-là qu'il faut se garder de
μόνων τούτων τῆς prendre. »
ἐλευθερίας φυλάττεσθαι Le principal point est que
δυναμένης, ἧς χωρὶς cet oracle prescrit le courage
οὐδὲν ὄφελος οὐδ' ἄλλο τι et la plus grande concorde,
τῶν παρὰ τοῖς πολλοῖς comme les seuls moyens
ὑπειλημμένων ἀγαθῶν capables d'as surer la liberté,
ἔχειν ἑτέροις ὑπήκοον sans laquelle il n'y a rien de
ὄντα· πάντα γὰρ τὰ profitable ; et on n'a pas ce
τοιαῦτα τῶν ἡγουμένων, que le vuîgaire appelle un
οὐ τῶν ὑποτεταγμένων bien, dès qu'on est le sujet
ἐστίν· ὥστ' εἴπερ τις des autres. Tous ces
ἑαυτῷ βούλεται καὶ μὴ préceptes s'adressent aux
τοῖς ἄλλοις κτήσασθαι τὰ chefs et non aux sujets. Ainsi,
ἀγαθά, πρῶτόν ἐστι celui qui acquiert des biens
κατασκευαστέον τὴν pour soi, et non pour les
ἐλευθερίαν. Ἀμφοτέρων autres, doit avant tout
δὲ ἐκέλευσε ποιεῖσθαι s'assurer la liberté. L'oracle
πρόνοιαν, ὅτι θάτερον ordonne encore aux uns et
αὐτῶν κατ' ἰδίαν οὐ aux autres la prévoyance, car
δύναται τὸν ni Je courage ni la concorde
περιποιησάμενον ne suffisent isolément au
ὠφελῆσαι· οὐδὲν γὰρ bonheur des hommes. Car à
ὄφελος ἀνδρείους ὄντας quoi sert le courage s'il n'est
στασιάζειν ὁμονοεῖν pas uni à la concorde; et à
βεβαίως δειλοὺς ὄντας. quoi sert aux lâches la
Ὅτι αὐτὸς concorde s'ils ne savent pas
Λυκοῦργος ἤνεγκε la défendre?
χρησμὸν ἐκ Δελφῶν περὶ Le même Lycurgue
τῆς φιλαργυρίας τὸν ἐν rapporta de Delphes l'oracle
παροιμίας μέρει suivant, relatif à l'avarice, et
μνημονευόμενον, qui est passé en proverbe : «
φιλοχρηματία Σπάρταν L'amour de l'argent, et rien
ὀλεῖ, ἄλλο δὲ οὐδέν. autre chose, perdra Sparte.
Πυθία ἔχρησε τῷ C'est là l'oracle que le
Λυκούργῳ περὶ τῶν souverain Apollon, à la
πολιτικῶν οὕτως chevelure dorée et à l'arc
Δὴ γὰρ ἀργυρότοξος d'argent qui atteint de loin,
ἄναξ ἑκάεργος Ἀπόλλων prononce du fond de son
χρυσοκόμης ἔχρη πίονος sanctuaire. Que les rois,
ἐξ ἀδύτου, aimés des dieux, auxquels est
ἄρχειν μὲν βουλῆς confiée la belle ville de
θεοτιμήτους βασιλῆας, Sparte, et les sénateurs
οἷσι μέλει Σπάρτης vénérables soient les
ἱμερόεσσα πόλις, premiers dans le conseil ; que
πρεσβυγενεῖς δὲ les citoyens exécutent les
γέροντας, ἔπειτα δὲ lois, en ne disant et ne faisant
δημότας ἄνδρας, rien d'injuste; enfin en ne
εὐθείαις ῥήτραις conspirant point contre l'État.
ἀνταπαμειβομένους La victoire et la force
μυθεῖσθαί τε τὰ καλὰ καὶ accompagneront le peuple
ἔρδειν πάντα δίκαια, des Spartiates. Voilà ce que
μηδέ τι βουλεύειν τῇδε Phœbus ordonne à Sparte. »
πόλει σκολιόν, Ceux qui ne sont pas
δήμου τε πλήθει νίκην καὶ pieux envers la divinité sont
κάρτος ἕπεσθαι· encore moins justes envers
Φοῖβος γὰρ περὶ τῶν ὧδ' les hommes.
ἀνέφηνε πόλει.
Ὅτι τοὺς μὴ
διαφυλάττοντας τὴν πρὸς
τὸ θεῖον εὐσέβειαν πολὺ
μᾶλλον μὴ τηρεῖν τὰ πρὸς
τοὺς ἀνθρώπους δίκαια.

Ὅτι οἱ Λακεδαιμόνιοι Excerpt. de Virt. et Vit., p.


χρησάμενοι τοῖς τοῦ 547. — Les Lacédémoniens,
Λυκούργου νόμοις ἐκ gouvernés par les lois de
ταπεινῶν δυνατώτατοι Lycurgue, de faibles qu'ils
ἐγένοντο τῶν Ἑλλήνων, étaient, devinrent les plus
τὴν δὲ ἡγεμονίαν puissants des Grecs. Ils
διεφύλαξαν ἐπὶ ἔτη πλείω conservèrent cette
τῶν υυ. Μετὰ δὲ ταῦτα ἐκ suprématie pendant plus de
τοῦ κατ' ὀλίγον quatre cents ans. Mais, dans
καταλύοντες ἕκαστον la suite, ayant négligé peu à
τῶν νομίμων, καὶ πρὸς peu chacune de ces lois, et
τρυφὴν καὶ ῥᾳθυμίαν dégénéré jusqu'à faire usage
ἀποκλίνοντες, ἔτι δὲ de la monnaie et à acquérir
διαφθαρέντες νομίσματι des richesses, ils perdirent
χρῆσθαι καὶ πλούτους cette suprématie.
ἀθροίζειν, ἀπέβαλον τὴν Les Éliens étaient
ἡγεμονίαν. devenus une population
Ὅτι τῶν Ἠλείων nombreuse et se
πολυανδρουμένων καὶ gouvernaient par des lois
νομίμως πολιτευομένων sages. Les Lacédémoniens
ὑφορᾶσθαι τοὺς virent d'un oeil jaloux
Λακεδαιμονίους τὴν l'accroissement de celte
τούτων αὔξησιν, puissance et cherchèrent à
συγκατασκευάσαι τὸν amener les Éliens à une vie
κοινὸν βίον, ἵν' εἰρήνης commune, au sein d'une
ἀπολαύοντες μηδεμίαν douce paix, pour leur ôter le
ἔχωσιν ἐμπειρίαν τῶν goût et l'expérience de l'art
κατὰ πόλεμον ἔργων. Καὶ de la guerre. Aussi, ayant
καθιέρωσαν αὐτοὺς τῷ obtenu le consentement de
θεῷ, συγχωρησάντων presque tous les Grecs, ils les
σχεδὸν ἁπάντων τῶν consacrèrent au culte de la
Ἑλλήνων. Καὶ οὔτε ἐπὶ divinité. Les Éliens furent
τῆς Ξέρξου στρατείας exemptés de prendre part à
συνεστράτευσαν, ἀλλὰ l'expédition contre Xerxès,
ἀφείθησαν διὰ τὸ comme étant uniquement
ἐπιμελεῖσθαι τῆς τοῦ θεοῦ dévoués au service divin.
τιμῆς, ἔτι δὲ καὶ κατ' Dans toutes les guerres
ἰδίαν ἐν τοῖς τῶν civiles que les Grecs se
Ἑλλήνων ἐμφυλίοις faisaient entre eux, les Éliens
πολέμοις οὐδεὶς αὐτοὺς n'ont jamais éprouvé aucun
παρηνόχλει διὰ τὸ πάντας dommage. Au contraire, tous
τὴν χώραν καὶ τὴν πόλιν les Grecs défendaient la ville
σπεύδειν ἱερὰν καὶ ἄσυλον et le territoire de l'Élide
φυλάττειν. Ὕστερον δὲ comme un pays sacré et
πολλαῖς γενεαῖς καὶ inviolable. Cependant, dans la
συστρατεῦσαι τούτους suite, après plusieurs
καὶ ἰδίᾳ πολέμους générations, ils prirent part
ἐπανελέσθαι. aux guerres des Grecs, et
firent la guerre pour leurs
propres intérêts (03).

Γενεαλογοῦσι δ' αὐτὸν Georg. Syncell.. Chron., p.


οὕτως, ὥς φησιν 262. — Voici la généalogie de
Διόδωρος, οἱ πολλοὶ τῶν Caranus, d'après Diodore et
συγγραφέων, ὧν εἷς καὶ beaucoup d'autres historiens
Θεόπομπος. Κάρανος du nombre desquels est
Φείδωνος τοῦ Théopompe. Caranus fils de
Ἀριστοδαμίδα τοῦ Phidon, fils d'Aristodamidas,
Μέροπος τοῦ Θεστίου τοῦ fils de Mérops, fils
Κίσσου τοῦ Τημένου τοῦ deThéostius, fils de Cissius,
Ἀριστομάχου τοῦ fils de Titnénus, fils
Κλεοδαίου τοῦ Ὕλλου τοῦ d'Aristomaque, fils de
Ἡρακλέους. Ἔνιοι δὲ Cléotades, fils d'Hyllus, fils
ἄλλως, φησί, d'Hercule. Quelques écrivains
γενεαλογοῦσι, φάσκοντες donnent cette généalogie
εἶναι Κάρανον Ποίαντος autrement et disent que
τοῦ Κροίσου τοῦ Caranus était fils de Pœan,
Κλεοδαίου τοῦ Εὐρυβιάδα fils de Crésus, fils de
τοῦ Δεβάλλου τοῦ Cléodéus, fils d'Eurybiade, fils
Λαχάρους τοῦ Τημένου, de Déballus, fils de Lacharès,
ὃς καὶ κατῆλθεν εἰς fils de Téménus, qui rentra
Πελοπόννησον. dans le Péloponnèse.
Ὅτι Περδίκκας τὴν * Excerpt. Vatic, p. 4. —
ἰδίαν βασιλείαν αὐξῆσαι Perdiccas, voulant accroître
βουλόμενος ἠρώτησεν εἰς sa puissance, interrogea le
Δελφούς. δὲ ἔφη, dieu de Delphes qui lui
ἔστι κράτος βασίλειον répondit: «Le pouvoir royal
ἀγαυοῖς Τημενίδαισι sur une contrée fertile est
γαίης πλουτοφόροιο· départi aux nobles
δίδωσι γὰρ αἰγίοχος Ζεύς. descendants de Téménus;
Jupiter, qui porte l'égide, le
Ἀλλ' ἴθ' ἐπειγόμενος leur accorde. Marche vers la
Βοττηίδα πρὸς Bottéide, riche en troupeaux.
πολύμηλον· Là où tu rencontreras des
ἔνθα δ' ἂν ἀργικέρωτας chèvres blanches aux cornes
ἴδῃς χιονώδεας αἶγας brillantes, endormies sur le
εὐνηθέντας ὕπνῳ, κείνης sol, offre-les, à la même
χθονὸς ἐν δαπέδοισι place, en sacrifice aux dieux,
θῦε θεοῖς μακάρεσσι καὶ et y pose les fondements
ἄστυ κτίζε πόληος. d'une cité (05). »

NOTES

(01) Voyez sur l'authenticité do ce livre mon Histoire


de ta Chimie, tom. I, p. 207.
(02) La disposition des fragments dans l'édition de
Dindorf diffère ici comme ailleurs de celle adoptée dans
l'édition de Deux-Ponts , que j'ai sous les yeux.
(03) Ce fragment est placé au commencement du livre
VIII, dans l'édition de M. A. Didot.
(04) Aegnes en Macédoine ; cette ville fut par la suite
appelée Pella.

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME QUATRIÈME : LIVRE VIII (fragments)


Traduction française : FERD. HOEFER
livre 7 - livre 9 (fragments)

DIODORE DE SICILE.
FRAGMENTS
LIVRE HUITIÈME.

Ὅτι οἱ Ἠλεῖοι τῶν LIVRE HUITIÈME.


κοινῶν πολέμων οὐ * Excerpt. Vatican., p. 4.
μετεῖχον· καὶ γὰρ ὅτε — Les Éliens n'eurent aucune
Ξέρξης ταῖς τοσαύταις part aux guerres communes
μυριάσιν ἐστράτευσεν ἐπὶ [de la Grèce]. En effet,
τοὺς Ἕλληνας, ἀφείθησαν lorsque Xerxès envahit la
ὑπὸ τῶν συμμάχων τῆς Grèce à la tête de tant de
στρατείας, milliers de combattants, les
προσταξάντων τῶν alliés dispensèrent les Éliens
ἡγεμόνων. Πλέον αὐτοὺς du service militaire, parce
ποιήσειν, ἐὰν ἐπιμέλωνται que les chefs jugeaient que
τῆς τῶν θεῶν τιμῆς. ces derniers seraient plus
Καὶ μὴ συγχωρηθείσης utiles en s'occupant du culte
μηδὲ λαθραίας συμπλοκῆς des dieux.
πρὸς ἄνδρα· μηδένα γὰρ * Ibid., p. 4. — Tout
οὕτω παραφρονήσειν commerce secret avec un
ὥστε ἐφημέρου χάριν homme est illicite. Qui serait
ἡδονῆς τὰ μακαριζόμενα assez insensé pour échanger
τοῦ βίου παντὸς le plaisir d'un instant contre le
ἀντικαταλλάξασθαι. bonheur de toute la vie?
Ὅτι Νεμέτωρ ὑπὸ τοῦ Excerpt. de Virt. et Vit., p.
ἰδίου ἀδελφοῦ στερηθεὶς 547. — Romulus et Rémus,
τῆς βασιλείας, ὃς Ἀμόλιος qui avaient été exposés, étant
ἐκαλεῖτο, ἐβασίλευσε δὲ parvenus à l'âge viril,
Ἀλβανῶν, τοὺς ἰδίους surpassèrent de beaucoup en
υἱωνοὺς παρ' ἐλπίδας beauté et en force les
ἀναγνωρίσας Ῥέμον καὶ hommes de leur temps. Ils
Ῥωμύλον, ἐπεβούλευσε défendaient tous les
κατὰ τοῦ ἰδίου ἀδελφοῦ troupeaux d'animaux
περὶ ἀναιρέσεως. καὶ domestiques ; car ils
γέγονε· μεταπεμψάμενοι repoussaient les brigands qui
γὰρ τοὺς νομεῖς ὥρμησαν avaient coutume de les
ἐπὶ τὰ βασίλεια, καὶ ἐντὸς inquiéter; ils en tuaient un
τῶν θυρῶν εἰσεβιάσαντο graud nombre dans l'attaque
καὶ τοὺς ὑφισταμένους même, et en prenaient
ἀνῄρουν, ὕστερον δὲ καὶ quelques-uns vivants.
αὐτὸν τὸν Ἀμόλιον. Indépendamment de la gloire
Ὅτι τούτων qu'ils acquirent ainsi, ils
ἐκτεθέντων, ἐπειδὴ τοῦ devinrent très-chers aux
χρόνου προϊόντος bergers du voisinage ; ils se
ἠνδρώθησαν, πολὺ trouvaient à toutes les
διέφερον τῶν ἄλλων assemblées, se montraient
κάλλει καὶ ῥώμῃ. Διὸ καὶ bienveillants et faisaient
πᾶσι τοῖς ποιμνίοις également bon accueil à tous
ἀσφάλειαν παρείχοντο, ceux qui s'adressaient à eux.
ῥᾳδίως τοὺς λῃστεύειν Ainsi, la tranquillité reposant
εἰωθότας ἀποκρουόμενοι, sur Romulus et Rémus, tous
καὶ πολλοὺς μὲν se soumirent à leur
ἀναιροῦντες τῶν commandement; ils
ἐπιτιθεμένων, ἐνίους δὲ exécutaient leurs ordres et
καὶ ζῶντας s'empressaient d'accourir aux
συλλαμβάνοντες. Χωρὶς lieux qu'ils leur désignaient.
δὲ τῆς ἐν τούτῳ * Excerpt. Vatican., p. 5.
φιλοτιμίας ὑπῆρχον ἅπασι — Lorsque Romulus et Rémus
τοῖς πλησίον νομεῦσι consultaient le vol des
προσφιλεῖς, ταῖς τε oiseaux sur l'emplacement
ὁμιλίαις συνόντες καὶ τὸν d'une ville, l'augure se
ἑαυτῶν τρόπον μέτριον manifesta à la droite; et l'on
καὶ κοινὸν τοῖς δεομένοις rapporte que Rémus, surpris ,
ἀναδεικνύντες. Διὸ καὶ cria à son frère : « Il arrivera
τῆς πάντων ἀσφαλείας ἐν souvent dans cette ville que
τούτοις κειμένης, οἱ des conseils sinistres seront
πλεῖστοι τούτοις couronnés de succès. « Il
ὑπετάττοντο καὶ τὸ envoya immédiatement un
παραγγελλόμενον ἐποίουν messager, et bien qu'il se fût
συντρέχοντες εἰς οὓς lui-même complètement
προστάξαιεν τόπους. trompé, le hasard répara sa
Ὅτι ὀρνιθευομένων faute.
Ῥέμου καὶ Ῥωμύλου περὶ Romulus , en fondant
οἰκισμοῦ πόλεως, καὶ ἐκ Rome, s'empressa d'entourer
τῶν δεξιῶν μερῶν d'un fossé le mont Palatin,
διοσημείαν γενέσθαι, φασὶ afin d'empêcher quelques
καταπλαγέντα τὸν Ῥέμον peuples du voisinage devenir
ἐπιφθεγξάμενον εἰπεῖν τῷ troubler son entreprise.
ἀδελφῷ, ὅτι ἐν ταύτῃ τῇ Rémus, irrité de se voir exclu
πόλει πολλάκις du premier rang, et jaloux de
ἐπαριστέροις la fortune de son frère, visitait
βουλεύμασιν ἐπιδέξιος les ouvriers et critiquait leurs
ἀκολουθήσει τύχη· travaux ; il leur démontrait
προπετῶς γὰρ αὐτοῦ τὸν que le fossé était trop étroit
ἄγγελον ἀποστείλαντος pour garantir la ville, et que
καὶ τὸ καθ' αὑτὸν μέρος les ennemis le franchiraient
ὅλως ἡμαρτηκότος ὑπὸ facilement. Emporté par la
ταὐτομάτου διωρθῶσθαι colère, Romulus s'écria : «
τὴν ἄγνοιαν. J'ordonne à tous les citoyens
Ὅτι Ῥωμύλος κτίζων de châtier le premier qui
τὴν Ῥώμην τάφρον essaierait de traverser ce
περιέβαλε τῷ Παλατίῳ fossé. » Rémus se moqua de
κατὰ σπουδήν, μή τινες nouveau des ouvriers, en leur
τῶν περιοίκων disant que leur fossé était
ἐπιβάλωνται κωλύειν trop étroit, et que les ennemis
αὐτοῦ τὴν προαίρεσιν. le passeraient aisément, ainsi
δὲ Ῥέμος βαρέως φέρων que lui-même pourrait le
ἐπὶ τῷ διεσφάλθαι τῶν faire, et, à ces mots, il le
πρωτείων, φθονῶν δὲ τῆς franchit. Mais, parmi les
εὐτυχίας τῷ ἀδελφῷ, ouvriers, il y en eut un du
προσιὼν τοῖς nom de Celer qui prit la
ἐργαζομένοις parole, et dit : Eh bien, moi, je
ἐβλασφήμει· ἀπεφήνατο châtierai celui qui a
γὰρ στενὴν εἶναι τὴν transgressé l'ordre du roi, » et
τάφρον, καὶ ἐπισφαλῆ aussitôt il frappa Rémus d'un
ἔσεσθαι τὴν πόλιν, τῶν coup de pioche sur la tête, et
πολεμίων ῥᾳδίως αὐτὴν l'étendit roide mort (01).
ὑπερβαινόντων. δὲ
Ῥωμύλος ὠργισμένος ἔφη,
Παραγγελῶ πᾶσι τοῖς
πολίταις ἀμύνασθαι τὸν
ὑπερβαίνειν ἐπιχειροῦντα.
Καὶ πάλιν Ῥέμος τοῖς
ἐργαζομένοις ὀνειδίζων
ἔφη στενὴν
κατασκευάζειν τὴν
τάφρον· εὐχερῶς γὰρ
ὑπερβήσεσθαι τοὺς
πολεμίους· καὶ γὰρ αὐτὸς
ῥᾳδίως τοῦτο πράττειν·
καὶ ἅμα ταῦτα λέγων
ὑπερήλατο. Ἦν δέ τις
Κέλερος, εἷς τῶν
ἐργαζομένων, ὃς
ὑπολαβών, Ἐγὼ δέ, φησίν,
ἀμυνοῦμαι τὸν
ὑπερπηδῶντα κατὰ τὸ
πρόσταγμα τοῦ βασιλέως,
καὶ ἅμα ταῦτα λέγων
ἀνέτεινε τὸ σκαφεῖον καὶ
πατάξας τὴν κεφαλὴν
ἀπέκτεινε τὸν Ῥέμον.

Ἔνιοι μὲν οὖν τῶν * Tzetz. Schol. ad Exeges.


συγγραφέων πλανηθέντες Iliad., p. 141. — Denys
ὑπέλαβον τοὺς περὶ τὸν d'Halicarnasse, Dion et
Ῥωμύλον ἐκ τῆς Αἰνείου Diodore parlent de Romulus
θυγατρὸς γεννηθέντας et Rémus.
ἐκτικέναι τὴν Ῥώμην· τὸ Georg. Syncell, p. 194, et
δ' ἀληθὲς οὐχ οὕτως ἔχει, Euseb. Chron., p. 210. —
πολλῶν μὲν ἐν τῷ μεταξὺ Quelques historiens se sont
χρόνῳ τοῦ τ' Αἰνείου καὶ trompés en supposant que
Ῥωμύλου γεγονότων Romulus, fondateur de Rome,
βασιλέων, ἐκτισμένης δὲ était fils d'une des filles
τῆς Ῥώμης κατὰ τὸ d'Énée. Voici la vérité : Dans
δεύτερον ἔτος τῆς l'intervalle de temps qui s'est
ἑβδόμης ὀλυμπιάδος· écoulé entre Énée et
αὕτη γὰρ κτίσις ὑστερεῖ Romulus, de nombreux rois
τῶν Τρωικῶν ἔτεσι τρισὶ ont régné, car la ville futbâtie
πλείοσι τῶν τετρακοσίων environ vers la seconde
καὶ τριάκοντα. Αἰνείας année de la viie olympiade
γὰρ μετὰ τὴν ἅλωσιν τῆς (02). Ainsi, Rome fut fondée
Τροίας ἐτῶν τριῶν plus de quatre cent trente ans
παρελθόντων παρέλαβε après la guerre de Troie.
τὴν τῶν Λατίνων Énée, trois ans après la prise
βασιλείαν, καὶ κατασχὼν de Troie, s'empara de la
τριετῆ χρόνον ἐξ royauté des Latins, et, après
ἀνθρώπων ἠφανίσθη καὶ un règne de trois ans, il
τιμῶν ἔτυχεν ἀθανάτων. disparut et obtint les
Τὴν δ' ἀρχὴν honneurs divins. Ascagne, son
διαδεξάμενος Ἀσκάνιος fils, lui ayant succédé à
υἱὸς ἔκτισεν Ἄλβαν τὴν l'empire, fonda la ville d'Albe,
νῦν καλουμένην Λόγγαν, maintenant appelée la
ἣν ὠνόμασεν ἀπὸ τοῦ Langue; il la nomma ainsi du
ποταμοῦ τοῦ τότε μὲν nom primitif du fleuve Alba,
Ἄλβα καλουμένου, νῦν δὲ appelé aujourd'hui le Tibre.
Τιβέρεως ὀνομαζομένου. Fabius, qui a écrit une histoire
Περὶ δὲ τῆς προσηγορίας des Romains, lui donne une
ταύτης Φάβιος τὰς origine mythologique. «
Ῥωμαίων πράξεις L'oracle , dit-il, l'avait
ἀναγράψας ἄλλως annoncé à Énée qu'un
μεμυθολόγηκε. Φησὶ γὰρ quadrupède le conduirait au
Αἰνείᾳ γενέσθαι λόγιον, lieu où il devait construire
τετράπουν αὐτῷ une ville ; un jour qu'Énée
καθηγήσεσθαι πρὸς κτίσιν allait offrir un sacrifice , il
πόλεως· μέλλοντος δ' rencontra une truie pleine et
αὐτοῦ θύειν ὗν ἔγκυον τῷ de couleur blanche ; il arriva
χρώματι λευκήν, ἐκφυγεῖν qu'elle lui échappa des mains
ἐκ τῶν χειρῶν, καὶ et atteignit une colline où elle
διωχθῆναι πρός τινα mit bas trente petits. Alors
λόφον, πρὸς κομισθεῖσαν Énée, admirant ce prodige et,
τεκεῖν τριάκοντα χοί se rappelant l'oracle, se mit à
ρους. Τὸν δὲ Αἰνείαν τό τε élever une ville dans ce lieu ;
παράδοξον θαυμάσαντα mais une vision qu'il eut la
καὶ τὸ λόγιον nuit lui défendit de continuer,
ἀνανεούμενον ἐπιχειρῆσαι et lui conseilla de n'élever la
μὲν οἰκίσαι τὸν τόπον, ville qu'au bout de trente ans,
ἰδόντα δὲ κατὰ τὸν ὕπνον nombre égal à celui des petits
ὄψιν ἐναργῶς de la truie; il se désista donc
διακωλύουσαν καὶ de son entreprise. »
συμβουλεύουσαν μετὰ Excerpt. de Virt. et Vit., p.
τριάκοντα ἔτη κτίζειν, 548. — Polycharès de
ὅσοσπερ τῶν τεχθέντων Messine, homme distingué
ἀριθμὸς ἦν, ἀποστῆναι par sa naissance et ses
τῆς προθέσεως richesses, se mit en société
Ὅτι Πολυχάρη de biens avec Évaephne de
Μεσσήνιον πλούτῳ καὶ Sparte. Celui-ci s'étant charge
γένει διαφέροντα de la direction et de la
συνθέσθαι ἀγελῶν surveillance des troupeaux et
κοινωνίαν πρὸς Εὔαιφνον des bergers, fut tenté de
Σπαρτιάτην. Ὃν εἰς s'enrichir frauduleusement;
ἐπιμέλειαν καὶ φυλακὴν mais son dessein fut bientôt
παραλαβόντα τάς τε découvert. Ayant vendu des
ἀγέλας καὶ τοὺς νομεῖς bœufs avec leurs bergers à
ἐπιχειρῆσαι μὲν des marchands qui devaient
πλεονεκτεῖν, καταφανῆ δὲ les exporter, il supposa que
γενέσθαι. Πωλήσαντα γὰρ des voleurs les avaient
ἐμπόροις τῶν τε βοῶν καὶ enlevés de force. Cependant
τῶν νομέων τινὰς ἐπ' les marchands, faisant voile
ἐξαγωγῇ προσποιηθῆναι pour la Sicile, longeaient le
τὴν ἀπώλειαν αὐτῶν ὑπὸ littoral du Péloponnèse,
λῃστῶν γεγονέναι βιαίως. lorsqu'une tempête s'éleva et
Τοὺς δὲ ἐμπόρους εἰς jeta les navires sur la côte.
Σικελίαν πλέοντας Les bergers en descendirent
κομίζεσθαι παρὰ τὴν pendant la nuit, et prirent la
Πελοπόννησον· γενομένου fuite, rassurés par la
δὲ χειμῶνος connaissance qu'ils avaient
προσορμισθῆναι τῇ γῇ, de ces lieux. Lorsqu'ils furent
καὶ τοὺς νομεῖς νυκτὸς arrivés à Messine, et qu'ils
ἀποβάντας διαδρᾶναι τῇ eurent découvert à leur
τῶν τόπων ἐμπειρίᾳ maître la vérité, Polycharès
πιστεύσαντας. les cacha, et fit venir de
Παραγενηθέντων δὲ Sparte son associé. Celui-ci,
αὐτῶν εἰς Μεσσήνην, καὶ persistant dans sa première
τῷ κυρίῳ πᾶσαν τὴν déclaration, répétait que des
ἀλήθειαν εἰπόντων, τὸν voleurs avaient tué une partie
Πολυχάρη τούτους μὲν de ses bergers et enlevé les
κρύψαι, τὸν δὲ κοινωνὸν autres, quand tout à coup
ἐκ τῆς Σπάρτης Polycharès les fit paraître. En
μεταπέμψασθαι. les voyant, Évaepbne, saisi de
Διαβεβαιουμένου δὲ frayeur et convaincu de
αὐτοῦ καὶ λέγοντος τῶν fraude, eut recours aux
νομέων τοὺς μὲν ὑπὸ prières ; il promit de restituer
λῃστῶν ἀφηρπάσθαι, τοὺς les bœufs dérobés, et
δὲ τετελευτηκέναι, τὸν employa toutes les
Πολυχάρη προάγειν τοὺς supplications pour obtenir sa
ἄνδρας. Οὓς ἰδόντα τὸν grâce. Polycharès, respectant
Εὔαιφνον καταπλαγῆναι, l'hospitalité, se laissa fléchir ;
καὶ φανερῶς ἐλεγχόμενον il tint le fait caché et se
τραπῆναι πρὸς δέησιν, καὶ contenta d'envoyer son fils
τάς τε βοῦς avec le Spartiate pour obtenir
ἀποκαταστήσειν justice. MaisÉvaephne, violant
ἐπαγγελέσθαι καὶ πᾶσαν sa promesse, assassina le
προέσθαι φωνὴν εἰς τὸ jeune homme qui devait
σωθῆναι. Τὸν δὲ l'accompagner à Sparte.
Πολυχάρη ἐντραπέντα Indigné de ce forfait,
τὴν ξενίαν κρύψαι τὴν Polycharès en demanda
πρᾶξιν, καὶ τὸν υἱὸν justice aux Lacédémoniens.
συναποστεῖλαι τῷ Ceux-ci ne l'écoutèrent pas;
Σπαρτιάτῃ πρὸς τὸ τυχεῖν mais ils envoyèrent à Messine
τῶν δικαίων. Εὔαιφνον δὲ le fils d'Évœphne, avec une
καὶ τῶν ἐπαγγελιῶν lettre pour inviter Polycharès
ἐπιλαθέσθαι τόν τε εἰς à venir lui-même porter son
Σπάρτην συνεκπεμφθέντα accusation devant les
νεανίσκον ἀνελεῖν. Οὗ éphores et les rois. Usant du
συντελεσθέντος τὸν droit de talion, Polycharès tua
Πολυχάρη ὡς ἐπὶ ce jeune homme et ravagea
τηλικούτοις ἀνομήμασιν les campagnes de Sparte.
ἀγανακτεῖν καὶ τὸν αἴτιον * Excerpt. Vatican., p. 6.
ἐξαιτεῖν. Τοὺς δὲ — Les Messéniens ayant pris
Λακεδαιμονίους τούτῳ μὴ les hurlements des chiens
προσέχειν, τὸν δὲ υἱὸν pour un fâcheux augure, un
Εὐαίφνου μετ' ἐπιστολῆς des anciens engagea la foule
εἰς Μεσσήνην ἀποστεῖλαι à ne pas ajouter foi aux sottes
δηλοῦντα, διότι prédictions des devins. « Car,
Πολυχάρης εἰς Σπάρτην disait-il, ceux qui dans leur
κατηγορείτω περὶ ὧν vie privée commettent tant
ἔπαθεν ἐπί τε τῶν ἐφόρων de fautes sont incapables de
καὶ τῶν βασιλέων. Τὸν δὲ prévoir l'avenir, que les dieux
Πολυχάρη τυχόντα τῶν seuls doivent connaître. » Il
ἴσων τόν τε νεανίσκον conseilla donc d'envoyer une
ἀνελεῖν καὶ τὴν πόλιν députalion à Delphes. La
ῥυσιάζειν. pythie répondit ainsi : «
Ὅτι τῶν κυνῶν Sacrifiez une des filles de la
ὠρυομένων καὶ τῶν race des Aepytides; si celle
Μεσσηνίων ἀπελπιζόντων qui est désignée par le sort
προσελθών τις τῶν ne pouvait être offerte aux
πρεσβυτέρων παρεκάλει dieux , il faudrait sacrifier une
τὰ πλήθη μὴ προσέχειν vierge que les parents
τοῖς μάντεσι σχεδιάζουσι· auraient donnée
καὶ γὰρ καὶ ἐπὶ τῶν ἰδίων volontairement. En agissant
βίων αὐτοὺς πλείστοις ainsi, vous aurez la victoire et
ἁμαρτήμασι περιπίπτειν, vous l'emporterez sur vos
ὡς μὴ δυναμένους ennemis. Aucun honneur,
προϊδέσθαι τὸ μέλλον, καὶ quelque grand qu'il soit, ne
νῦν ὑπὲρ ὧν εἰκὸς μόνους peut compenser la douleur
τοὺς θεοὺς γινώσκειν qu'éprouvent les parents de
ἀδυνατεῖν ἀνθρώπους la perte de leurs enfants.... »
ὄντας ἐπίστασθαι.
Παρεκελεύετο οὖν
πέμπειν εἰς Δελφούς. δὲ
Πυθία ἀνεῖλεν οὕτως. Ἐκ
τοῦ Αἰπυτιδῶν γένους
θῦσαι κόρην τὴν
τυχοῦσαν· ἐὰν δὲ
λαχοῦσα ἀδυνατῇ
καθοσιωθῆναι, θῦσαι τότε
παρθένον τὴν τοῦ
διδόντος ἑκουσίως ἐκ τοῦ
αὐτοῦ γένους. Καὶ ταῦτα
πράξαντες ἕξετε νίκην
τοῦ πο λέμου καὶ
κράτος. ...... Οὐδεμιᾶς
γὰρ τιμῆς μέγεθος
ἰσόρροπον ἐφαίνετο τοῖς
γονεῦσι πρὸς τὴν τῶν
τέκνων σωτηρίαν, ἀλλ'
ἅμα μὲν τῆς συγγενείας
ἔλεος ἑκάστῳ ὑπεδύετο
πρὸ ὀφθαλμῶν
λαμβάνοντι τὴν σφαγήν,
ἅμα δὲ ἐνετρέπετο
προδότης γενέσθαι
τέκνου πρὸς
ὁμολογούμενον ὄλεθρον.

Προέπιπτεν εἰς ἀνάξια * Ibid., p. 6. — Il tomba


τῆς περὶ αὐτὸν δόξης dans des fautes indignes de
ἁμαρτήματα· δεινὸς γὰρ sa gloire ; car un amour
ἔρως σφῆλαι τοὺς νέους, violent rend criminels les
καὶ μάλιστα τοὺς jeunes gens et surtout ceux
μεγαλοφρονοῦντας ἐπὶ τῇ qui sont fiers de leur force
τοῦ σώματος ῥώμῃ. Διὸ physique. C'est pourquoi les
καὶ παρεισήγαγον οἱ anciens mythographes nous
παλαιοὶ τῶν μυθογράφων ont représenté l'invincible
τὸν ὑπὸ τῶν ἄλλων Hercule vaincu par la
ἀνίκητον Ἡρακλέα ὑπὸ puissance de l'amour.
τῆς τούτου δυνάμεως Excerpt. de Virt. et Vit. , p.
νικώμενον. 548. — Archias de Corinthe,
Ὅτι Ἀρχίας épris du jeune Actéon, lui
Κορίνθιος ἐραστὴς ὢν envoya d'abord un confident
Ἀκταίωνος τὸ μὲν πρῶτον chargé de lui faire les plus
προσέπεμπέ τινα τῷ belles promesses. Mais la
παιδί, θαυμαστὰς vigilance du père et la
ἐπαγγελίας ποιούμενος· sagesse de l'enfant même
οὐ δυνάμενος δὲ αὐτὸν ayant déjoué toutes les
ἀναλαβεῖν παρὰ τὴν τοῦ tentatives, Archias réunit la
πατρὸς καλοκἀγαθίαν καὶ plupart de ses compagnons
τὴν αὐτοῦ τοῦ παιδὸς pour enlever de force celui
σωφροσύνην, ἤθροισε τῶν qui résistait à ses insinuations
συνήθων τοὺς πλείστους, et à ses prières. S'é-tant
ὡς βιασόμενος τὸν ἐν enivré de vin, il se laissa
χάριτι καὶ δεήσει μὴ tellement aveugler par la
ὑπακούοντα. Τέλος δὲ passion, qu'il se précipita
μεθυσθεὶς μετὰ τῶν avec ses convives dans la
συμπαρακληθέντων ἐπὶ maison de Mélissus pour en
τοσοῦτον ἀνοίας arracher l'enfant. Le père,
προέπεσεν ὑπὸ τοῦ secondé par tous ses gens,
πάθους, ὥστε εἰς τὴν opposa une vive résistance.
οἰκίαν ἐμπεσὼν τοῦ Pendant la lutte qui avait lieu
Μελίσσου τὸν παῖδα entre les deux partis, l'enfant
βιαίως ἀπήγαγεν. mourut, sans qu'on y prît
Ἀντεχομένου δὲ τοῦ garde, dans les mains de ses
πατρὸς καὶ τῶν ἄλλων défenseurs. En considérant
τῶν κατὰ τὴν οἰκίαν, παρ' un événement si
ἀμφοτέροις φιλοτιμίας extraordinaire , on ne peut
βιαιοτέρας γενομένης s'empêcher d'être touché du
ἔλαθεν παῖς ἐν ταῖς sort de cet infortuné, et
χερσὶ τῶν ἀντεχομένων d'admirer la singularité du
ἀφεὶς τὴν ψυχήν, ὥστε τὸ destin : celui qui portait le
παράδοξον τῆς πράξεως même nom périt dans une
ἀναλογιζομένους ἐλεεῖν catastrophe semblable; l'un
ἅμα τὴν τοῦ παθόντος et l'autre furent privés de la
συμφορὰν καὶ θαυμάζειν vie et presque de la même
τὴν τῆς τύχης manière , par ceux-là même
περιπέτειαν· γὰρ παῖς qui auraient dû les défendre.
τῆς αὐτῆς ἐκείνης ἔτυχε Agathocle, chargé de
προσηγορίας, τούτῳ τὴν diriger la construction du
ὁμοίαν τοῦ βίου temple de Minerve, en fit la
καταστροφὴν ἔσχεν, dépense sur ses propres
ἑκατέρων ὑπὸ τῶν fonds; il choisit les plus belles
μάλιστα ἂν βοηθησάντων pierres de taille, et en fit bâtir
τοῦ ζῆν παραπλησίῳ pour lui-même une maison
τρόπῳ στερηθέντων. magnifique. La divinité s'en
Ὅτι Ἀγαθοκλῆς vengea : Agathocle fut frappé
ἐπιστάτης αἱρεθεὶς τῆς de la foudre, et périt dans les
περὶ τὸν νεὼν τῆς Ἀθηνᾶς flammes de sa maison. Les
οἰκοδομίας, τοὺς Géomores déclarèrent que
καλλίστους τῶν ses biens appartenaient à
τεμνομένων λίθων l'État, malgré la protestation
ἐπιλεγόμενος τὴν μὲν des héritiers qui prouvaient
δαπάνην ἐκ τῆς ἰδίας qu'Agathocle n'avait rien pris
οὐσίας ἐποιεῖτο, τοῖς δὲ sur les fonds consacrés au
λίθοις καταχρησάμενος culte. Ils consacrèrent cette
οἰκίαν ὠὠκοδόμησε maisou et en défendirent
πολυτελῆ. Ἐφ' οἷς φασιν rapproche. On l'appelle
ἐπισημῆναι τὸ δαιμόνιον· encore aujourd'hui la maison
κεραυνωθέντα γὰρ τὸν du tonnerre.
Ἀγαθοκλέα μετὰ τῆς
οἰκίας καταφλεχθῆναι. Οἱ
δὲ γεωμόροι ἔκριναν τὴν
οὐσίαν αὐτοῦ δημοσίαν
εἶναι, καίπερ τῶν
κληρονόμων δεικνυόντων
μηδὲν εἰληφότα τῶν
ἱερῶν δημοσίων
χρημάτων. Τὴν δὲ οἰκίαν
καθιερώσαντες ἄβατον
τοῖς εἰσιοῦσιν ἐποίησαν,
ὡς ἔτι καὶ νῦν ὀνομάζεται
Ἐμβρονταῖον.

Περὶ δύο ἀνδρῶν Après ces événements, le


ἀριστευσάντων ἐν roi, remis de ses blessures,
πολέμῳ καὶ ἀγωνιζομένων songea à décerner le prix de
περὶ πρωτείων. Μετὰ la bravoure. Cléonnis et
ταῦθ' μὲν βασιλεὺς Aristomène, qui s'étaient l'un
ἀναλαβὼν ἑαυτὸν ἐκ τῶν et l'autre distingués par
τραυμάτων προέθηκε quelque action d'éclat,
κρίσιν ἀριστείου. entrèrent dans la lice,
Κατέβησαν μὲν οὖν ἐπὶ Cléonnis avait couvert de son
τὸν ἀγῶνα δύο, Κλέοννίς bouclier le roi tombé, et tué
τε καὶ Ἀριστομένης, ὧν huit Spartiates qui
ἑκάτερος εἶχεν ἴδιόν τι l'assaillaient, au nombre
πρὸς δόξαν. γὰρ desquels étaient deux chefs
Κλέοννις ὑπερασπίσας τὸν célèbres. Après les avoir tués,
βασιλέα πεπτωκότα τῶν il les avait dépouillés de leurs
ἐπι φερομένων armures qu'il avait remises à
Σπαρτιατῶν ὀκτὼ ses écuycrspour attester sa
νεκροὺς ἐπεποιήκει· καὶ valeur à l'époque du
τούτων ἦσαν δύο jugement. Il avait succombé
ἡγεμόνες ἐπιφανεῖς· enfin sous le nombre des
πάντων δὲ τῶν blessures qu'il avait toutes
ἀναιρεθέντων ὑπ' αὐτοῦ reçues par devant, preuve
τὰς πανοπλίας bien évidente qu'il n'avait
ἐσκυλευκὼς ἐδεδώκει reculé devant aucun des
τοῖς ὑπασπισταῖς, ἵνα ἔχῃ guerriers. Quant à
σημεῖα τῆς ἰδίας ἀρετῆς Aristomène, dans le combat
πρὸς τὴν κρίσιν. Πολλοῖς autour du roi, il avait tué cinq
δὲ περιπεσὼν τραύμασιν Lacédémoniens, et leur avait
ἅπαντ' ἔσχεν ἐναντία, enlevé leurs armures au
μέγιστον παρεχόμενος milieu des attaques de
τεκμήριον τοῦ μηδενὶ τῶν l'ennemi; il avait su se
πολεμίων εἶξαι. δ' garantir de toute blessure, et
Ἀριστομένης ἐν τῷ περὶ sortant du combat pour se
τοῦ βασιλέως ἀγῶνι retirer dans la ville, il avait
πέντε μὲν ἀνῃρήκει τῶν fait un exploit digne de
Λακεδαιμονίων, καὶ τὰς louange : Cléonnis, épuisé par
πανοπλίας ἐσκυλεύκει τῶν de nombreuses blessures, ne
πολεμίων ἐπικειμένων. pouvait faire un pas ni seul ni
Καὶ τὸ μὲν ἑαυτοῦ σῶμα soutenu. Aristomène le
διεφύλαξεν ἄτρωτον, ἐκ chargea sur ses épaules, et le
δὲ τῆς μάχης rapporta dans la ville, avec
ἀπερχόμενος εἰς τὴν toute son armure, quoique
πόλιν ἔργον ἐπαινούμενον Cléonnis n'eût point son égal
ἔπραξεν. μὲν γὰρ pour la taille ni la grosseur du
Κλέοννις ἀσθενῶς ἐκ τῶν corps. Voilà les titres qu'ils
τραυμάτων διακείμενος avaient à faire valoir pour
οὔτε βαδίζειν καθ' αὑτὸν remporter le prix. Le roi
οὔτε χειραγωγεῖσθαι s'assit sur son tribunal,
δυνατὸς ἦν· δ' entouré de ses généraux,
Ἀριστομένης ἀράμενος conformément à la loi. Alors
αὐτὸν ἐπὶ τοὺς ὤμους Cléonnis, prenant la parole,
ἀπήνεγκεν εἰς τὴν πόλιν, s'exprima en ces termes :
οὐδὲν δὲ ἧττον κομίζων « Je serai court en parlant
τὴν ἰδίαν πανοπλίαν, καὶ du prix de la valeur, car nos
ταῦτα τοῦ Κλεόννιδος juges ont été les témoins
προέχοντος τῶν ἄλλων oculaires de la bravoure de
μεγέθει τε καὶ ῥώμῃ chacun de nous. Je dois
σώματος. Τοιαύτας δ' seulement vous rappeler que
ἐχόντων ἀφορμὰς εἰς τὴν chacun de nous a combattu
ὑπὲρ τῶν ἀριστείων les mêmes ennemis, dans le
κρίσιν, βασιλεὺς ἐκάθισε même temps et dans le
μετὰ τῶν ταξιάρχων κατὰ même lieu, mais que c'est
τὸν νόμον. Προλαβὼν οὖν moi qui en ai tué le plus
τὸν λόγον Κλέοννις grand nombre. Il est donc
τοιούτοις ἐχρήσατο évident que celui qui, dans
λόγοις. les mêmes circonstances, a
Βραχὺς μέν ἐστιν tué le plus d'ennemis,
περὶ τῶν ἀριστείων l'emportera aussi par vos
λόγος· κριταὶ γάρ εἰσιν οἱ suffrages. Nos corps vous
τεθεαμένοι τὰς ἑκάστων fourniront d'ailleurs les
ἀρετάς· ὑπομνῆσαι δὲ δεῖ preuves les plus
με, διότι πρὸς τοὺς convaincantes de la
αὐτοὺς ἄνδρας ἑκατέρων supériorité du courage. L'un
διαγωνισαμένων ὑφ' ἕνα s'est retiré tout couvert de
καιρὸν καὶ τόπον ἐγὼ blessures reçues par devant,
πλείους ἀπέκτεινα. Δῆλον l'autre, n'ayant pas même été
οὖν ὡς κατὰ τὴν αὐτὴν effleuré par le fer de
περίστασιν πρότερος ἐν l'ennemi, s'est retiré d'un si
ἀριθμῷ τῶν grand combat comme d'une
ἀναιρεθέντων προτερεῖ fête pompeuse. Aristomène
καὶ τοῖς εἰς τὸ πρωτεῖον pourra être jugé plus
δικαίοις. Ἀλλὰ μὴν καὶ τὰ heureux, mais non pas plus
σώματα ἑκατέρων brave que nous. Il est de
ἐμφανεστάτας ἀποδείξεις toute évidence que celui dont
ἔχει τῆς ὑπεροχῆς· μὲν le corps a été ainsi Jacéré n'a
γὰρ πλήρης ὢν pas épargné sa personne
τραυμάτων ἐναντίων pour le salut de la patrie ;
ἀπελύετο τῆς μάχης, δ' tandis que celui qui, au milieu
ὥσπερ ἐκ πανηγύρεως, de la mêlée et entouré de
ἀλλ' οὐ τηλικαύτης tant de dangers, a pu
παρατάξεως ἐξιὼν οὐκ conserver son corps intact, a
ἐπειράθη, τί δύναται bien pris garde de s'exposer.
πολεμίων σίδηρος. Aussi serait-il bien absurde
Εὐτυχέστερος μὲν οὖν qu'en présence des
ἴσως Ἀρι στομένης, spectateurs du combat celui
ἀγαθώτερος δ' ἡμῶν οὐκ qui a tué le moins d'ennemis
ἂν δικαίως κριθείη. et le moins payé de sa
Πρόδηλος γὰρ ὑπομείνας personne, l'emportât sur
τοσαύτας διαιρέσεις τοῦ l'autre qui lui est supérieur
σώματος ὡς ἀφειδῶς dans les deux cas. Porter hors
ἑαυτὸν ἐπέδωκεν ὑπὲρ du combat un corps épuisé
τῆς πατρίδος· δ' ἐν par ses blessures, c'est faire
πολεμίων συμπλοκῇ καὶ preuve d'une grande force de
τοιούτων κινδύνων corps, mais ce n'est point un
τηρήσας ἑαυτὸν ἄτρωτον signe de courage. Mais ce
εὐλαβείᾳ τοῦ παθεῖν τι discours doit suffire ; car il
τοῦτ' ἐνήργησεν. Ἄτοπον s'agit de remporter le prix
οὖν εἰ παρὰ τοῖς non pour des paroles, mais
ἑωρακόσι τὴν μάχην τῶν pour des faits. »
πολεμίων μὲν ἐλάττους Aristomène, à son tour,
ἀνελών, τῷ δ' ἰδίῳ s'exprima ainsi :
σώματι κινδυνεύσας
ἧττον, προκριθήσεται τοῦ « Je m'étonne moi-même
πρωτεύοντος ἐν que celui qui a été sauvé
ἀμφοτέροις. Ἀλλὰ μὴν καὶ vienne disputer la palme à
τὸ μηδενὸς ἔτι κινδύνου son sauveur. Il faut qu'il croie
ὑπάρχοντος βαστάσαι τὸ que ses juges sont privés de
σῶμα καταπεπονημένον raison, ou bien qu'il fasse
ὑπὸ τῶν τραυμάτων dépendre leur jugement des
ἀνδρείαν μὲν οὐδεμίαν paroles actuellement
ἔχει, σώματος δ' ἴσως prononcées et non des
ἰσχὺν ἐπιδείκνυται. Ἱκανά exploits récemment
μοι ταῦτα εἴρηται πρὸς accomplis. Il est facile de
ὑμᾶς· πρόκειται γὰρ ἀγὼν montrer, non-seulement
οὐ λόγων, ἀλλ' ἔργων. l'infériorité de Cléonnis, mais
Παραλαβὼν δ' ἐν μέρει encore son ingratitude.
τὸν λόγον Ἀριστομένης, Laissant de côté ses exploits,
il s'attache à dénaturer les
Θαυμάζω, φησίν, εἰ miens, et montre une juste
μέλλει περὶ ἀριστείων ambition. Il me ravit par une
ἀμφισβητεῖν σωθεὶς τῷ
σώσαντι· ἀναγκαῖον γὰρ basse jalousie la gloire de
τῶν δικαζόντων αὐτὸν mes hauts faits, au lieu de me
ἄνοιαν καταγινώσκειν témoigner la plus grande
τὴν κρίσιν δοκεῖν ἐκ τῶν reconnaissance pour lui avoir
νῦν λεγομένων, ἀλλ' οὐκ sauvé la vie. J'avoue que j'ai
ἐκ τῶν τότε πεπραγμένων été heureux dans cette lutte;
ἔσεσθαι. Οὐ μόνον δὲ mais j'avais déjà donné des
Κλέοννις δειχθήσεται κατ' preuves de ma bravoure. Si
ἀρετὴν λειπόμενος, ἀλλὰ j'avais évité le choc des
καὶ τελέως ἀχάριστος. ennemis pour m'épargner des
Ἀφεὶς γὰρ τὸ τὰ blessures, je ne m'appellerais
συντελεσθέντα ὑπ' αὐτοῦ pas heureux, mais lâche ; et
καλῶς διαπορεύεσθαι, aujourd'hui, loin de disputer
διέσυρε τὰς ἐμὰς πράξεις, le prix de la valeur,
φιλοτιμότερος ὢν j'invoquerais le châtiment
δίκαιον· γὰρ καὶ ἰδίας prescrit par les lois. Mais si,
σωτηρίας τὰς μεγίστας combattant au premier rang,
ὀφείλει χάριτας, τούτου et répandant autour de moi le
τὸν ἐπὶ τοῖς καλῶς carnage, je n'ai reçu aucune
πραχθεῖσιν ἔπαινον διὰ blessure, on doit non-
φθόνον ἀφῄρηται. Ἐγὼ δὲ seulement me dire heureux
ὁμολογῶ μὲν ἐν τοῖς τότε mais encore vaillant. En effet,
γεγενημένοις κινδύνοις ou ma bravoure a fait que les
εὐτυχὴς ὑπάρξαι, φημὶ δὲ ennemis épouvantés n'ont
πρότερον ἀγαθὸς pas osé m'attaquer, et leur
γενέσθαι. Εἰ μὲν γὰρ terreur est mou plus grand
ἐκκλίνας τὴν τῶν éloge ; ou bien les ennemis
πολεμίων ἐπιφορὰν qui résistaient tombaient sous
ἄτρωτος ἐγενόμην, οὐκ mes coups, tandis que je
εὐτυχῆ με προσῆκεν parais les leurs, unissant ainsi
ὀνομάζειν, ἀλλὰ δειλόν, le courage à la prudence :
οὐδ' ὑπὲρ ἀριστείων celui qui, dans l'ardeur du
λέγειν κρίσιν, ἀλλὰ ταῖς combat, sait habilement
ἐκ τῶν νόμων τιμωρίαις éviter le péril possède
περιπεπτωκέναι· ἐπεὶ δ' ἐν également les qualités du
πρώτοις μαχόμενος καὶ corps et celles de l'esprit. .
τοὺς ὑφισταμένους Mais c'est à des hommes
ἀναιρῶν οὐκ ἔπαθον ἅπερ meilleurs que mon adversaire
ἔπραξα, ῥητέον οὐκ que je devrais adresser ces
εὐτυχῆ με μόνον, ἀλλὰ καὶ raisons. Cependant, quand je
ἀγαθόν. Εἴτε γὰρ οἱ portai Cléomnis évanoui hors
πολέμιοι καταπλαγέντες du combat dans la ville, tout
τὴν ἀρετὴν οὐκ en conservant mon armure, je
ἐτόλμησαν ἀμύνασθαι, crois qu'il me rendait justice ;
μεγάλων ἐπαίνων ἄξιος si alors je j'avais abandonné,
ὃν ἐφοβήθησαν, εἴτ' probablement aujourd'hui il
ἐκείνων ἀγωνιζομένων ne me disputerait pas le prix
εὐθύμως ἐγὼ φονεύων de la valeur, et ne dirait pas,
τοὺς ἀνθεστηκότας καὶ pour diminuer la grandeur de
τοῦ σώματος ἐποιούμην ce service, qu'un tel acte était
πρόνοιαν, ἀνδρεῖος ἅμα fort peu de chose, puisqu'en
καὶ συνετός. γὰρ ἐν ce moment l'ennemi avait
αὐτῷ τῷ θυμομαχεῖν quitté le champ de bataille.
ἐμφρόνως ὑπομένων τὸ Qui ne sait pas que bien
δεινὸν ἑκατέρας ἔχει τὰς souvent les ennemis, après
ἀρετάς, σώματός τε καὶ s'être retirés du combat,
ψυχῆς. Καίτοι γε ταῦτα τὰ reviennent subitement et ont
δίκαια πρὸς ἑτέρους ἦν parce moyen obtenu plus
μοι ῥητέον ἀμείνους d'une fois la victoire? Ces
τούτου. Ὅτε γὰρ Κλέοννιν paroles me paraissent
παραλελυμένον ἐκ τῆς suffisantes, et je crois qu'il
μάχης εἰς τὴν πόλιν n'est pas nécessaire que j'en
ἀπήνεγκα τἀμαυτοῦ dise davantage. »
σώζων ὅπλα, καὶ ὑπ' Après ce discours, les
αὐτοῦ κεκρίσθαι νομίζω juges décidèrent à l'unanimité
τὸ δίκαιον. Καίτοι γε πα qu' Aristomène avait mérité le
ροραθεὶς τόθ' ὑφ' ἡμῶν prix.
ἴσως οὐκ ἂν ἤριζε νῦν
ὑπὲρ ἀριστείων, οὐδὲ
διασύρων τηλικοῦτον
μέγεθος εὐεργεσίας ἔλεγε
μηθὲν εἶναι μέγα τὸ
πραχθὲν διὰ τὸ κατ'
ἐκεῖνον τὸν καιρὸν
ἀποχωρεῖν ἐκ τῆς μάχης
τοὺς πολεμίους. Τίς γὰρ
οὐκ οἶδεν, ὅτι πολλάκις οἱ
διαλυθέντες ἐκ τῆς μάχης
ἐξ ὑποστροφῆς εἰώθασιν
ἐπιτίθεσθαι καὶ
στρατηγίᾳ ταύτῃ
χρησάμενοι τυγχάνειν τῆς
νίκης; Ἱκανά μοι τὰ
ῥηθέντα· λόγων γὰρ
πλειόνων οὐκ οἶμαι ὑμᾶς
προσδεῖσθαι.
Τούτων ῥηθέντων οἱ
δικάζοντες ὁμογνώμονες
γενόμενοι προέκριναν τὸν
Ἀριστομένην.

Καὶ ταῖς προθυμίαις * Excerpt. Vatican. , p. 7.


ἐπερρώσθησαν· τοὺς γὰρ — Ils reprirent courage; car
ἐκ παίδων ἀνδρείαν καὶ les hommes,-exercés dès leur
καρτερίαν ἀσκοῦντας, enfance au courage et à la
κἂν τύχη που ταπεινώσῃ, patience, n'ont besoin que
βραχὺς λόγος ἐφ' δεῖ d'une simple parole pour se
παρίστησιν. Οὐ μὴν οὐδὲ relever dans l'adversité. Quoi
οἱ Μεσσήνιοι τούτων qu'il en soit, les Messéniens
ἀπελείποντο ταῖς se ranimèrent, et confiants
προθυμίαις, ἀλλὰ ταῖς dans leurs forces
σφῶν ἀρεταῖς Les Lacédémoniens,
πιστεύσαντες. battus par les Messéniens,
Ὅτι οἱ Λακεδαιμόνιοι envoyèrent consulter l'oracle
καταπονούμενοι ὑπὸ de Delphes. La pythie leur
Μεσσηνίων ἔπεμψαν εἰς répondit : « Phœbus
Δελφούς. δὲ ἔχρησεν, οὔ t'ordonne de ne pas se fier
σε μάχης μόνον ἔργ' seulement à ton bras dans les
ἐφέπειν χερὶ Φοῖβος combats : le peuple a obtenu
ἀνώγει, ἀλλ' ἀπάτῃ μὲν la Messénie par la ruse, il la
ἔχει γαῖαν Μεσσηνίδα perdra par les mêmes
λαός, ταῖς δ' αὐταῖς artifices. »
τέχναισιν ἁλώσεται Cet oracle signifiait qu'il
αἷσπερ ὑπῆρξεν. Ἔστι δὲ ne fallait pas seulement avoir
τὸ νοούμενον μὴ μόνον recours à la force, mais
τοῖς ἐκ τῆς βίας ἔργοις, encore à l'astuce.
ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐκ δόλου
Excerpt. de Virt. et Vit., p.
Ὅτι Πομπίλιος 549. — Pompilius, roi des
Ῥωμαίων βασιλεὺς πάντα Romains, passa tout le temps
τὸν τοῦ ζῆν χρόνον ἐν de sa vie en paix, On dit qu'il
εἰρήνῃ διετέλεσε. Λέγουσι avait été disciple de
δέ τινες ἀκουστὴν Pylhagore, de qui il tenait les
γενόμενον Πυθαγόρου lois qu'il établit sur le culte
παρ' ἐκείνου λαβεῖν τά τε des dieux, ainsi que beaucoup
περὶ θεῶν νομοθετήματα, d'autres connaissances. C'est
καὶ πολλὰ διδαχθῆναι, δι' par là qu'il s'était rendu
ὧν ἐπιφανὴς ἀνὴρ illustre et qu'il avait été élu
ἐγένετο καὶ βασιλεὺς roi, quoique étranger.
ἡἡρέθη μετάπεμπτος.
* Excerpt. Vatic, p. 7 et 8.
Ὅτι κατὰ τὴν ἀξίαν — Nous ne pouvons, quand
οὐδὲ θελήσαντες même nous le voudrions,
δυνάμεθα τιμῆσαι τὸ honorer la divinité comme
δαιμόνιον· ὥστε εἰ μὴ elle le mérite. Et comment ne
κατὰ δύναμιν serions-nous pas
βουληθείημεν reconnaissants selon nos
εὐχαριστεῖν, τίνας ἂν forces ? quelles espérances
ἐλπίδας τοῦ μέλλοντος pourrions-nous avoir d'une vie
βίου λαμβάνοιμεν, εἰς future, si nous oiïensons par
τούτους ἐξαμαρτάνοντες nos crimes les dieux auxquels
οὓς ἀδικοῦντας οὐκ ἂν εἴη rien n'échappe? Comme tout
δυνατὸν οὔτε λαθεῖν οὔτε en eux est immortel, les
διαφυγεῖν; Τὸ μὲν γὰρ bienfaits comme les
ὅλον, παρ' οἷς ἀθάνατον châtiments, il est évident que
εἶναι συμβαίνει καὶ τὴν leur colère est éternelle
εὐεργεσίαν καὶ τὴν comme leur bienveillance.
κόλασιν, φανερὸν ὡς ἐν
τούτοις παρασκευάζειν La différence entre la vie
προσήκει τὴν μὲν ὀργὴν des impies et celle des
ἀγένητον, τὴν δὲ εὔνοιαν hommes pieux-est si grande
αἰώνιον. que les uns espèrent avec
Τηλικαύτην γὰρ ἔχει confiance dans la prière
παραλλαγὴν τῶν ἀσεβῶν adressée à la divinité, tandis
βίος πρὸς τὸν τῶν que les autres n'attendent
εὐσεβῶν, ὥστε que les malédictions de leurs
προσδοκᾶν ἑκατέρους ennemis.
αὐτοῖς βεβαιώσειν τὸ Enfin, si nous venons au
θεῖον τοῖς μὲν τὰς ἰδίας secours de l'ennemi qui se
εὐχάς, τοῖς δὲ τὰς παρὰ réfugie auprès de l'autel, et
τῶν ἐχθρῶν εὐχάς que nous gardions intactes
Τὸ δὲ ὅλον, εἰ τοῖς μὲν les garanties accordées à
ἐχθροῖς ὅταν πρὸς τοὺς ceux avec lesquels nous
βωμοὺς καταφύγωσι sommes en guerre, combien
βοηθοῦμεν, τοῖς δὲ plus ne devons-nous pas nous
πολεμίοις διὰ τῶν ὅρκων empresser de servir les dieux
πίστεις δίδομεν μηδὲν qui non-seulement distribuent
ἀδικήσειν, ποίαν χρὴ πρὸς le bonheur pendant la vie,
αὐτοὺς ποιεῖσθαι τοὺς mais qui encore après la mort
θεοὺς σπουδήν, οἳ οὐ accordent aux hommes
μόνον τοὺς εὐσεβεῖς ἐν religieux un bonheur éternel?
τῷ ζῆν εὖ ποιοῦσιν, ἀλλὰ Aussi n'y a-t-il pas dans la vie
καὶ μετὰ τὸν θάνατον ν εἰ d'occupation plus importante
δὲ καὶ ταῖς τελεταῖς δεῖ que le culte des dieux.
ἀγωγὴν μετ' εὐφημίας On peut trouver chez les
ἡδείας εἰς ἅπαντα τὸν animaux le courage, la justice
αἰῶνα παρασκευάζουσιν; et les autres qualités qui
Διὸ καὶ προς ήκειν μηδὲν caractérisent l'homme, mais
οὕτω τῶν ἐν τῷ βίῳ on n'y trouve jamais la piété
σπουδάζειν ὡς περὶ τὴν qui sépare l'homme des
τῶν θεῶν τιμήν. animaux de toute la distance
Ὅτι ἀνδρείαν καὶ qui sépare ce dernier de la
δικαιοσύνην καὶ τὰς divinité.
ἄλλας ἀρετὰς ἀνθρώπων Si la pratique de la
καὶ τὰ λοιπὰ τῶν ζῴων religion convient aux
εὑρῆσθαι συμβέβηκε, τὴν individus, elle convient bien
δὲ εὐσέβειαν τοσούτῳ plus encore aux cités; car
τῶν ἄλλων ἀρετῶν celles-ci approchent par leur
προέχειν ὅσον καὶ τοὺς durée de l'immortalité des
θεοὺς τῶν θνητῶν ἐν πᾶσι dieux, et obtiennent, en
πρωτεύειν. raison de leur piété, le
Ὅτι ζηλωτῆς οὔσης commandement, de même
τοῖς ἰδιώταις, πολὺ qu'elles sont punies en raison
μᾶλλον οἰκείαν εἶναι ταῖς de leur négligence du culte
πόλεσι· τῆς τε γὰρ (03).
ἀθανασίας ἐγγύτερον
οὖσαι προσῳκειωμένην
τοῖς θεοῖς τὴν φύσιν
ἔχουσι καὶ πολὺν χρόνον
διαμένουσαι προσδοκῶσι
τὴν ὀφειλομένην ἀμοιβήν,
τῆς μὲν εὐσεβείας τὴν
ἡγεμονίαν, τῆς δὲ εἰς τὸ
θεῖον ὀλιγωρίας τὴν
τιμωρίαν.

Ὅτι Δηιόκης Μήδων Excerpt. de Virt. et Vit, p.


βασιλεὺς πολλῶν 549. — Déjocès, roi des
ἀνομημάτων γενομένων Mèdes, au milieu des erimes
ἤσκει δικαιοσύνην καὶ dont il était entouré,
ἄλλας ἀρετάς. pratiquait la justice et les
Ὅτι Μύσκελλός τις autres vertus.
Ἀχαιὸς ὢν τὸ γένος ἐκ * Excerpt. Vatican., p. 8 et
Ῥύπης κατήντησεν εἰς 9. — Myscellus, Achéen
Δελφοὺς καὶ τὸν θεὸν d'origine , partit de Crète
ἐπηρώτησε περὶ τέκνων pour consulter l'oracle de
γενέσεως· δὲ Πυθία Delphes au sujet de sa
ἀνεῖλεν οὕτως· postérité. La pythie lui
Μύσκελλε βραχύνωτε, répondit en ces termes : «
φιλεῖ σ' ἑκάεργος Myscellus au dos court,
Ἀπόλλων, Apollon qui atteint de loin,
καὶ γενεὰν δώσει· τόδε δὲ t'aime et te donnera de la
πρότερόν σε κελεύει, progéniture; mais il t'ordonne
οἰκῆσαί σε Κρότωνα auparavant de fonder la
μέγαν καλαῖς ἐν grande ville de Crotone dans
ἀρούραις. une belle campagne. »
Comme Myscellus ignorait
Τοῦ δὲ Κρότωνα l'emplacement de Crotone, la
ἀγνοοῦντος εἰπεῖν πάλιν pythie lui répondit de
τὴν Πυθίαν, nouveau : « Le dieu dont les
αὐτός σοι φράζει traits portent au loin te parle,
ἑκατηβόλος· ἀλλὰ συνίει. et écoute bien. Là, tu verras
Οὗτος μὲν Τάφιός τοι d'abord le mont Taphius non
ἀνήροτος, ἥδε δὲ Χαλκίς, cultivé, ici Chalcis, plus loin la
ἥδε δὲ Κουρήτων * ἱερὰ terre sacrée des Curetés,
χθών, enfin les Échinades, et à ta
αἵδε δ' Ἐχινάδες εἰσί· gauche la vaste mer. Garde-
πολὺς δ' ἐπ' ἀριστερὰ toi de manquer le cap
πόντος. Lacinium, la sainte Crimise et
Οὕτω σ' οὐκ ἄν φημι le fleuve Αεsarus. »
Λακινίου ἄκρου ἁμαρτεῖν Myscellus, chargé par l'oracle
οὐδ' ἱερᾶς Κριμίσης οὐδ' de fonder la ville de Crotone,
Αἰσάρου ποταμοῖο. voulait la construire dans le
pays de Sybaris dont il
Ὅτι τοῦ χρησμοῦ
admirait la beauté; mais
προστάττοντος Κρότωνα l'oracle lui dit : « Myscellus au
κτίζειν Μύσκελλος τὴν dos court, tu cherches en
περὶ τὴν Σύβαριν χώραν gémissant ce que le dieu ne
θαυμάσας ἐβούλετο t'ordonne pas; contente-toi du
κτίσαι, καὶ ἐξέπεσε présent que le dieu te donne.
χρησμὸς αὐτῷ οὗτος, »
Μύσκελλε βραχύνωτε, Excerpt. de Virt. et Vit., p.
παρὲκ θεοῦ ἄλλα ματεύων 550. — Les Sybarites sont
esclaves de leur ventre et
κλαύματα μαστεύεις· luxurieux. En cela ils vont si
δῶρον δ' διδῷ θεὸς loin que, parmi les nations
αἴνει. étrangères, ils font le plus
Ὅτι οἱ Συβαρῖται grand cas des Ioniens et
γαστρίδουλοί εἰσι καὶ desTyrrhéniens, parce que
τρυφηταί. Τοσοῦτος δὲ ἦν ceux-là surpassent tous les
ζῆλος παρ' αὐτοῖς τρυφῆς Grecs et ceux-ci tous les
ὥστε καὶ τῶν ἔξωθεν Barbares dans le goût des
ἐθνῶν μάλιστα ἠγάπων plaisirs.
Ἴωνας καὶ Τυρρηνούς, ὅτι * Excerpt. Vatican. , 9 et
συνέβαινεν αὐτοὺς τοὺς 10. — On raconte qu'un riche
μὲν τῶν Ἑλλήνων, τοὺς δὲ Sybarite, ayant entendu d'un
τῶν βαρβάρων προέχειν autre que l'aspect des
τῇ κατὰ τὸ ζῆν travailleurs avait fait sur lui
πολυτελείᾳ. un effet déchirant, s'écria : «
Ὅτι φασί τινα τῶν Je ne m'en étonne pas, car en
εὐπόρων Συβαριτῶν, écoutant seulement ton récit,
ἀκούσαντα παρά τινων je me sens un point de côté. »
ὅτι θεασάμενος τοὺς — Un autre Sybarite qui avait
ἐργάτας εἰληφὼς εἴη visité Sparte, disait
ῥήγματα, παρακαλέσαι qu'auparavant il avait bien
τὸν εἰπόντα μὴ θαυμάσαι· admiré le courage des
καὶ γὰρ ἀκούσαντα τὸ Spartiates, mais que depuis
γεγονὸς πεπονηκέναι τὴν qu'il les avait vus vivre si
πλευράν. Ἕτερον δὲ mesquinement et au milieu
λέγεται παραβαλόντα εἰς de si grandes fatigues, il était
Σπάρτην εἰπεῖν ὅτι d'opinion que les Spartiates
πρότερον μὲν θαυμάζοι sont les derniers des hommes
τὴν τῶν Σπαρτιατῶν ; « car, ajouta-l-il, le plus
ἀνδρείαν, τότε δὲ lâche des Sybarites aimerait
θεασάμενον εὐτελῶς καὶ mieux mourir trois fois que
μετὰ πολλῆς κακοπαθείας démener une vie pareille. »
βιοῦντας εἰπεῖν ὅτι τῶν Celui qui paraît s'être fait le
ἐσχάτων οὐδὲν plus remarquer par son luxe
διαφέρουσι· καὶ γὰρ ἐν s'appelait Mindyride.
Συβαρίταις τὸν Excerpt. de Virt. et Vit., p.
ἀνανδρότατον μᾶλλον 550. — Mindyride passe pour
ἑλέσθαι ἂν τρὶς avoir été le plus somptueux
ἀποθανεῖν τοιοῦτον βίον des Sybarites. Clisthène,
ζῶντα καρτερεῖν. tyran de Sicyone, qui venait
Μάλιστα δὲ παρ' αὐτοῖς d'être vainqueur à la course
περιουσιάσαι λέγεται des chars, avait fait publier
τρυφῇ τὸν ὀνομαζόμενον par un héraut que tous ceux
Μινδυρίδην. qui rechercheraient sa fdle,
Ὅτι Μινδυρίδης qui était d'une grande
λέγεται περιουσιάσαι beauté, eussent à se rendre à
τρυφῇ παρὰ Συβαρίταις. Sicyone. Mindyride partit
Τοῦτον γάρ, Κλεισθένους donc de Sybaris sur un
τοῦ Σικυωνίων τυράννου vaisseau à cinquante rames,
νικήσαντος ἅρματι καὶ dont l'équipage n'était
κηρύξαντος παραγενέσθαι composé que de ses
τοὺς προαιρουμένους domestiques qui étaient les
γαμεῖν τὴν αὐτοῦ uns pêcheurs et les autres
θυγατέρα, δοκοῦσαν oiseleurs. Arrivé à Sicyone, il
κάλλει διαφέρειν, surpassa par sa magnificence
ἀναχθῆναί φασιν ἐκ non-seulement tous ses
Συβάρεως ἐν rivaux, mais le tyran lui-
πεντηκοντόρῳ τοὺς même, quoique toute la cité
ἐρέτας ἔχοντα ἰδίους eût contribué à l'éclat de
οἰκέτας, ὧν εἶναι τοὺς cette fête. Dans le repas qui
μὲν ἁλιεῖς, τοὺς δὲ se donna aux prétendants
ὀρνιθοθήρας. assemblés, un des convives
Παραγενόμενον δὲ εἰς voulut coucher à côté de
Σικυῶνα ταῖς κατὰ τὴν Mindyride ; ce dernier le
οὐσίαν παρασκευαῖς οὐ repoussa en disant que, s'en
μόνον τοὺς tenant aux termes de la
ἀντιμνηστεύσαντας, ἀλλὰ proclamation du héraut, il
καὶ τὸν τύραννον αὐτὸν voulait coucher avec une
ὑπερᾶραι, καίπερ τῆς femme ou coucher seul.
πόλεως αὐτῷ πάσης
συμφιλοτιμουμένης. Ἐν δὲ
τῷ μετὰ τὴν ἄφιξιν
δείπνῳ προσιόντος τινός,
ὅπως κατακλιθῇ πρὸς
αὐτόν, εἰπεῖν ὅτι κατὰ τὸ
κήρυγμα πάρεστιν μετὰ
τῆς γυναικὸς μόνος
κατακλιθησόμενος.

Ὅτι Μιλησίων * Excerpt. Vatican., p. 10


τρυφώντων φασὶ πρὸς et 11. — Un Sybarite, de
αὐτοὺς ἀπο δημήσαντά retour d'un voyage à Milet,
τινα τῶν Συβαριτῶν, dont les habitants passent
ἐπειδὴ πάλιν πρὸς τὴν pour très-luxurieux, raconta
πατρίδα παρεγενήθη, τά entre autres à ses
τε ἄλλα τοῖς πολίταις compatriotes qu'il avait, dans
ἐξηγεῖσθαι καὶ δὴ καὶ son voyage, trouvé une ville
φάσκειν κατὰ τὴν libre, celle des Milésiens.
ἀποδημίαν μίαν πόλιν Les Épeunactes ayant
ἐλευθέραν ἑωρακέναι τὴν conspiré avec Phalanthe, il fut
τῶν Μιλησίων. convenu que l'insurrection
Ὅτι συνταξαμένων éclaterait sur la place
τῶν ἐπευνακτῶν τῷ publique au moment où
Φαλάνθῳ τότε ἥκειν πρὸς Phalanthe, armé, mettrait son
τὴν στάσιν κατὰ τὴν casque sur la tête. Mais ce
ἀγοράν, ὅταν αὐτὸς ἐπὶ projet fut dénoncé aux
τὸ μέτωπον ἐφελκύσῃ τὴν éphores. La majorité ayant
κυνῆν, μετὰ τῶν ὅπλων· volé la mort de Phalanthe,
ἐμήνυσε δέ τις τὸ μέλλον Agathiadas, ami de ce
γίνεσθαι τοῖς ἐφόροις. dernier, représenta que cette
Τῶν δὲ πλείστων condamnation plongerait
οἰομένων δεῖν ἀποκτεῖναι Sparte dans les plus grands
τὸν Φάλανθον, Ἀγαθιάδας troubles; que si on
ἐραστὴς αὐτοῦ γεγονὼς l'emportait, celte victoire
εἶπεν, ὡς τοῦτο serait sans doute
πράξαντες εἰς μεγίστην avantageuse , mais qu'une
στάσιν ἐμβαλοῦσι τὴν défaite serait la ruine de la
Σπάρτην, ἐν patrie. Il conseilla donc qu'un
κρατήσαντες ἀλυσιτελῆ héraut ordonnerait à
ποιήσονται νίκην, καὶ Phalanthe de garder son
σφαλέντες ἄρδην casque dans ses mains. Là-
ἀπολέσουσι τὴν πατρίδα. dessus, les Parthéniens (04)
Συνεβούλευσεν οὖν τὸν renoncèrent à leur entreprise
κήρυκα ἀναγορεῦσαι τὴν et se dispersèrent. — Les
κυνῆν ἐᾶν ὡς ἔχει Épeunactes envoyérent des
Φάλανθον. Οὗ γενομένου théores à Delphes pour
τοὺς μὲν παρθενίας demander si l'oracle leur
ἀποστήσασθαι τῆς accorderait la Sicyonie. La
ἐπιβολῆς καὶ πρὸς pythie répondit : « Le pays
διάλυσιν ὁρμῆσαι. Οἱ δὲ situé entre Corinihe et
ἐπευνακταὶ θεωροὺς Sicyone est sans doute beau,
πέμψαντες εἰς Δελφοὺς mais tu ne l'habiteras pas lors
ἐπηρώτων, εἰ δίδωσιν même que tu serais tout
αὐτοῖς τὴν Σικυωνίαν. δ' d'airain. Tourne tes regards
ἔφη vers Satyrium, vers l'eau
limpide de Tarente et le port
καλόν τοι τὸ μεταξὺ Scéen, où le varech embrasse
Κορίνθου καὶ Σικυῶνος· avec le sommet de sa barbe
ἀλλ' οὐκ οἰκήσεις οὐδ' εἰ velue les Ilots salés; là,
παγχάλκεος εἴης. construis Tarente assise sur le
Σατύριον φράζου σὺ territoire de Satyrium. »
Τάραντός τ' ἀγλαὸν ὕδωρ Comme les théores ne
καὶ λιμένα σκαιὸν καὶ comprirent pas le sens de cet
ὅπου τράγος ἁλμυρὸν oracle, la pythie s'expliqua
οἶδμα ainsi plus clairement : « Je t'ai
ἀμφαγαπᾷ τέγγων ἄκρον donné Satyrium pour domicile
πολιοῖο γενείου· ainsi que Tarente avec sa
ἔνθα Τάραντα ποιοῦ ἐπὶ riche population ; je l'ai
Σατυρίου βεβαῶτα. permis d'exterminer la race
Ἀκούσαντες δὲ des Iapyges. »
ἠγνόουν· δὲ Excerpt. de Virt. et Vit., p.
φανερώτερον ἔφη, 550. — Hippomène, archonte
Σατύριόν τοι ἔδωκα des Athéniens, tira de sa fille,
Τάραντά τε πίονα δῆμον qui s'était laissé séduire, une
οἰκῆσαι καὶ πήματ' vengeance atroce et inouïe. Il
Ἰαπύγεσσι γενέσθαι. l'enferma dans une écurie
avec un cheval, et, privant
Ὅτι Ἱππομένης τῶν l'animal de nourriture
Ἀθηναίων ἄρχων, τῆς pendant plusieurs jours, il le
θυγατρὸς αὐτοῦ contraignit à assouvir sa faim
φθαρείσης ὑπό τινος, sur le corps de celte
τιμωρίαν ἔλαβε παρ' malheureuse.
αὐτῆς ἀνήκεστον καὶ
παρηλλαγμένην· μεθ' Excerpt. de légat. , p. 618,
ἵππου γὰρ αὐτὴν εἰς 619. — Tullus Hostilius étant
οἰκίσκον τινὰ συγκλείσας, roi des Romains, les
καὶ τὴν τροφὴν Albaniens virent d'un œil
παρελόμενος ἐπί τινας jaloux l'agrandissement de la
ἡμέρας, ἠνάγκασε τὸ puissance des Romains. Pour
ζῷον διὰ τὴν ἔνδειαν les humilier, ils prétendirent
ἀναλῶσαι τὸ σῶμα τῆς que des brigands romains
παραβληθείσης. avaient envahi leurs terres. Ils
envoyèrent donc des députés
Ὅτι ἐπὶ Ὁστιλίου à Rome pour obtenir
Τύλλου τοῦ Ῥωμαίων réparation, ou pour déclarer
βασιλέως Ἀλβανοὶ τὴν la guerre en cas de refus.
αὔξησιν τῶν Ῥωμαίων Hostilius, ayant appris que les
ὑφορώμενοι καὶ Albaniens cherchaient un
ταπεινῶσαι τούτους prétexte pour faire la guerre,
βουλόμενοι, ordonna à ses amis de
προσεποιήσαντο ἐπὶ τῆς recevoir les députés et de les
ἑαυτῶν χώρας γεγονέναι traiter avec beaucoup
λῃστὰς Ῥωμαίους, καὶ d'égards. Pour lui, il évita
ἔπεμψαν εἰς Ῥώμην d'avoir une entrevue avec
πρεσβευτὰς τοὺς τὸ eux, et envoya des députés à
δίκαιον αἰτήσοντας, εἰ δὲ Albe pour y porter les mêmes
μὴ προσέχωσι, πόλεμον plaintes de la part des
καταγγελοῦντας. Romains. En cela le roi suivait
Ὁστίλιος δὲ τῶν une ancienne coutume
Ῥωμαίων βασιλεὺς d'après laquelle on ne devait
πυθόμενος ὡς ζητοῦσι entreprendre que des guerres
πρόφασιν πολέμου, τοῖς injustes; et dans la crainte de
μὲν φίλοις παρήγγειλε ne pouvoir découvrir les
τοὺς πρέσβεις ἐκδέξασθαι auteurs des brigandages ni de
καὶ παρακαλεῖν ἐπὶ ξένια· les livrer aux Albaniens, il ne
αὐτὸς δὲ ἐκκλίνας τὴν voulait pas paraître faire une
πρὸς τούτους ἔντευξιν
ἔπεμψεν εἰς Ἀλβανοὺς guerre injuste. Les députés
τοὺς τὸ παραπλήσιον τοῖς des Romains demandèrent les
ἐκείνων ποιήσοντας. premiers satisfaction, et, ne
Τοῦτο δὲ συνετέλεσεν l'ayant pas obtenue, ils
ἀρχαϊκῷ τινι προαχθεὶς déclarèrent que la guerre
ἔθει, διὰ τὸ τοὺς commencerait dans trente
παλαιοὺς μηδὲν οὕτω jours. Tullus répondit donc
σπουδάζειν ὡς τὸ aux députés d'Albcque les
δικαίους ἐνίστασθαι Albaniens n'ayant pas donné
πολέμους· εὐλαβεῖτο γάρ, la satisfaction qui leur avait
μὴ τοὺς αἰτίους τῆς été demandée, les Romains
λῃστείας οὔθ' εὑρεῖν leur avaient déclaré la guerre.
δυνάμενος οὔτε C'est de cette manière qu'en
παραδιδοὺς τοῖς vinrent aux mains deux
ἐξαιτοῦσι δόξῃ πόλεμον peuples jusque là unis par des
ἄδικον ἐπαναιρεῖσθαι. liens d'amitié et de famille.
Εὐτυχούντων δὲ πρότερον
τῶν εἰς Ἄλβαν
πεμφθέντων τὸ μὴ
λαμβάνειν τὸ δίκαιον, εἰς
ἡμέραν τριακοστὴν
πόλεμον κατήγγειλαν. Οἱ
μὲν οὖν τῶν Ἀλβανῶν
πρεσβευταὶ κατὰ τὴν
ἐξαίτησιν ἀπόκρισιν
ἔλαβον, ὅτι πρότερον
ἐκείνων οὐ διδόντων τὸ
δίκαιον οἱ Ῥωμαῖοι
πόλεμον αὐτοῖς
κατηγγελκότες εἴησαν. Οἱ
δὲ δῆμοι πρὸς ἀλλήλους
ἐπιγαμίας ἔχοντες καὶ
φιλίαν, ἀπὸ ταύτης τῆς
αἰτίας εἰς διαφορὰν
κατέστησαν.

Τὸ πρότερον τὸ γένος Ttzetz. Hist., V., p. 15.


τῶν Ῥωμαίων τῶν — Jadis les Romains, issus
Λατίνων οὐχὶ συνῆπτε des Latins, ne faisaient
πόλεμον ἀκηρυκτεὶ πρὸς jamais la guerre sans
ἔθνος, ἀλλὰ τῇ χώρᾳ l'avoir déclarée : ils
πρότερον ἔθνους τοῦ lançaient sur le territoire
πολεμίου δόρυ σημεῖον du peuple ennemi un
ἔρριπτεν, ἔχθρας ἀρχὴν javelot qui était le signal
σημαῖνον. Ἔπειτα δὲ des hostilités. Ensuite ils
κατήρχετο πολέμου πρὸς
faisaient la guerre à ce
τὸ ἔθνος. Τοῦτό φησι
Διόδωρος, πᾶς τε Λατῖνα peuple. Voilà ce que
γράφων. rapporte Diodore.
Ὅτι Ἀντίφημος καὶ * Excerpt. Vatican., p.
Ἔντιμος οἱ Γέλαν 11 et 13.— Antiphème et
κτίσαντες ἠρώτησαν τὴν Entiimus, fondateurs de
Πυθίαν, καὶ ἔχρησε ταῦτα, Géla, consultèrent la
Ἔντιμ' ἠδὲ Κράτωνος pythie, qui leur donna la
ἀγακλέος υἱὲ δαίίφρον, réponse suivante : «
ἐλθόντες Σικελὴν καλὴν Emimus et toi, fils
χθόνα ναίετον ἄμφω, belliqueux du glorieux
δειμάμενοι πτολίεθρον Craton, vous qui tous deux
ὁμοῦ Κρητῶν Ῥοδίων τε êtes venus habiter la terre
πὰρ προχοὰς ποταμοῖο de Sicile, construisez une
Γέλα συνομώνυμον ἁγνοῦ. ville à la fois crétoise et
Ὅτι οἱ ἐκ τῆς δεκάτης rhodienne à l'embouchure
ἀνατιθέντες Χαλκιδεῖς du Géla, et donnez à cette
ἦλθον χρησόμενοι περὶ ville le nom sacré de ce
ἀποικίας, καὶ ἀνεῖλε fleuve. » Les Chalcidiens,
Ἀψία ποταμῶν qui avaient été consacrés
ἱερώτατος εἰς ἅλα πίπτει, par voie de décimation,
vinrent consulter l'oracle
ἔνθ' εἴσω βάλλοντι τὸν au sujet d'une colonie, et
ἄρσενα θῆλυς ὀπυίει, obtinrent la réponse
ἔνθα πόλιν οἴκιζε, διδοῖ δέ suivante: « Au point où
σοι Αὔσονα χώραν. l'Apsias, le plus saint des
Οἱ δὲ κατὰ τὸν Ἀψίαν fleuves, verse ses eaux
ποταμὸν εὑρόντες dans la mer, vous
ἄμπελον περιπεπλεγμένην trouverez une femelle qui
ἐρινεῷ τὸ λεγόμενον éprouve les étreintes du
ἀρσενόθηλυν ἔκτισαν mâle; là, construisez une
πόλιν. ville, car le dieu vous
Παραπορευόμενον accorde la contrée de
μεγάλῃ τῇ φωνῇ λέγειν, l'Ausonie. » Ils trouvèrent,
ἀντὶ θνητοῦ βίου δόξαν en effet, au bord du fleuve
ἀθάνατον περιποιήσασθαι Apsias, une vigne
βούλεται τίς; Τίς ἐρεῖ embrassant un figuier
πρῶτος, ἐπιδίδωμι τὸν sauvage surnommé
ἐμαυτοῦ βίον εἰς τὴν hermaphrodite, et ils y
κοινὴν ἀσφάλειαν. fondèrent une ville.
Ὅτι τῶν εἰς ἀγρὸν Un passant s'écria à
πορευομένων τις haute voix : « Quel est
ἐρωτήσας ἀπανττττ celui qui, au prix d'une vie
ἠρώτησε μή τι νεώτερον
périssable, veut acquérir
εἴη κατὰ τὴν πόλιν. Καὶ
une gloire immortelle? je
ἐζημίωσαν αὐτὸν οἱ τὴν
suis le premier à donner
ἀρχὴν παρὰ Λοκροῖς
ma vie pour la sûreté
ἔχοντες· τοσοῦτον ἦσαν
περὶ τὸ δίκαιον publique. »
ἠσχοληκότες.
Quelqu'un demanda à
Ὅτι Σικυωνίοις ceux qui se rendaient à la
ἔχρησεν Πυθία ἑκατὸν campagne ce qu'il y avait
ἔτη μαστιγονομηθήσεσθαι de nouveau dans la ville.
αὐτούς. Ἐπερωτησάντων Le magistrat de Locres
δὲ αὐτῶν τίς ταῦτα condamna ce curieux à
ποιήσων, πάλιν ἀπεκρίθη, une amende, tant était
ἂν καταπλεύσαντες
sévère la pratique de la
πρώτῳ γεγενημένον υἱὸν
justice.
ἀκούσωσιν. Ἐτύγχανε δὲ
τοῖς θεωροῖς La pythie répondit aux
ἠκολουθηκὼς τῆς θυσίας Sicyoniens qu'ils seraient
ἕνεκα μάγειρος, ὃς pendant cent ans
ἐκαλεῖτο Ἀνδρέας. Μισθοῦ gouvernés par des licteurs.
τοῖς ἄρχουσι Ceux qui voulaient savoir
μαστιγοφορῶν ὑπηρέτει. quel serait ce premier
Ὅτι οἱ Σπαρτιᾶται ὑπὸ licteur reçurent pour
Μεσσηνίων ἡττηθέντες réponse : « Ce sera celui
εἰς Δελφοὺς πέμψαντες qui, après un voyage sur
ἠρώτων περὶ πολέμου. mer, apprendra le premier
Ἔχρησε δὲ αὐτοῖς παρὰ qu'il lui est né un fils
Ἀθηναίων λαβεῖν pendant son absence. » Or,
ἡγεμόνα. les théores avaient été par
Ὅτι οἱ Λακεδαιμόνιοι hasard accompagnés d'un
προτραπέντες ὑπὸ boucher qui devait immoler
Τυρταίου οὕτω προθύμως les victimes; il s'appelait
εἶχον πρὸς παράταξιν, André, et il était en qualité
ὥστε μέλλοντες de licteur aux gages des
παρατάττεσθαι τὰ magistrats....
ὀνόματα σφῶν αὐτῶν
ἐγράψαντο εἰς σκυταλίδα Les Spartiates, vaincus
καὶ ἐξῆψαν ἐκ τῆς χειρός, par les Messéniens,
ἵνα τελευτῶντες μὴ envoyèrent à Delphes
ἀγνοῶνται ὑπὸ τῶν consulter le dieu au sujet
οἰκείων. Οὕτω de la guerre. L'oracle
παρέστησαν ταῖς ψυχαῖς répondit qu'ils devaient
ἕτοιμοι πρὸς τὸ τῆς νίκης prendre un chef athénien.
ἀποτυγχάνοντες ἑτοίμως
Les Lacédémoniens
ἐπιδέχεσθαι τὸν ἔντιμον
étaient tellement excités
θάνατον.
au combat par Tyrtée, que
les guerriers écrivaient
leurs noms sur des scytales
et les attachaient à leurs
bras, afin que les morts
fussent reconnus, ils
étaient ainsi prêts à se
vouer à une mort
glorieuse, si la victoire
venait à leur manquer.

Κιθαρῳδὸς Ttetz. Hist., t. I, p. 16. —


Τέρπανδρος τῷ γένει Terpandre, le joueur de lyre,
Μηθυμναῖος. éiait natif de Méthymne. Les
Στασιασάντων δέ ποτε Lacédémoniens étaient en
τῶν Λακεδαιμονίων, proie à une guerre civile,
χρησμὸς αὐτοῖς ἐξέπεσε quand l'oracle leur annonça
πάλιν φιλιωθῆναι, ἂν ἐκ que la concorde se rétablirait
Μηθύμνης Τέρπανδρος entre eux si Terpandre de
ἐκείνοις κιθαρίσῃ. ...καὶ Méthymne venait jouer de la
δή τι μέλος Τέρπανδρος lyre à Sparte. Et en effet,
ἐντέχνως κιθαρίσας Terpandre fit entendre des
αὐτοὺς πάλιν συνήρμοσε, accords si mélodieux qu'il
Διόδωρος ὡς γράφει, τῆς rétablit l'harmonie chez les
ἁρμονίας τῇ ὠὠδῇ. Καὶ Lacédérnonietts, comme le
γὰρ μετατραπέντες rapporte Diodore. Ramenés à
ἀλλήλους περιέβαλλον, l'union, ils s'embrassèrent les
ἠσπάζοντο δακρύοις. uns les autres en versant des
Ὅτι Ἀριστοτέλης καὶ larmes.
Βάττος κτίσαι *Excerpt. Vatican., p. 12.
βουλόμενος Κυρήνην — Aristotelès, qu'on appelle
ἔλαβε χρησμὸν οὕτως, aussi Battus, voulant fonder
Βάττ', ἐπὶ φωνὴν Cyrène, obtint de la pythie Ja
ἦλθες· ἄναξ δέ σε Φοῖβος réponse suivante : « Battus,
Ἀπόλλων tu viens pour chercher un
εἰς Λιβύην πέμπει remède à ta voix (05). Le roi
καλλιστέφανον Κυρήνης Phœbus Apollon t'envoie dans
εὐρείης ἄρχειν καὶ ἔχειν la belle Libye régner sur la
βασιληίδα τιμήν. vaste Cyrène et jouir des
Ἔνθα σε βάρβαροι honneurs de la royauté. Au
ἄνδρες, ἐπὰν Λιβύης moment où tu aborderas en
ἐπιβήῃς, Libye, des Barbares habillés
βαιτοφόροι ἐπίασι· σὺ δ' de peaux t'attaqueront; mais
εὐχόμενος Κρονίωνι toi, en invoquant Jupiter,
Παλλάδι τ' ἐγρεμάχῃ Minerve aux yeux bleus et
γλαυκώπιδι καὶ Διὸς υἱῷ Phœbus à la longue
Φοίβῳ ἀκερσεκόμῃ νίκην chevelure, fils de Jupiter, tu
ὑποχείριον ἕξεις, remporteras facilement la
καὶ μάκαρος Λιβύης victoire, et lu régneras en
καλλιστεφάνου paix, toi et ta race, sur la
βασιλεύσεις belle Libye; Phœbus Apollon
αὐτὸς καὶ γένος ὑμόν· est ton guide. »
ἄγει δέ σε Φοῖβος L'envie avilit ceux qui par
Ἀπόλλων. leur gloire occupent le
Ταῖς γὰρ εὐημερίαις premier rang.
φυσικῶς ἀντικαθήμενος Excerpt de Virt. et Vit., p.
φθόνος καθαιρεῖ τοὺς 550, 551. — Arcésilaus, roi
ταῖς δόξαις πρωτεύοντας. des Cyrénéens, accablé de
Ὅτι Ἀρκεσίλαος τῶν maux, consulta l'oracle de
Κυρηναίων βασιλεὺς Delphes. Apollon lui répondit
δεινοπαθήσας ἐπὶ ταῖς que les dieux étaient irrités
συμφοραῖς ἐπηρώτα εἰς de ce que les rois successeurs
Δελφούς. Ἔχρησε δὲ de Battus s'étaient écartés de
θεὸς ὅτι θεῶν ἐστι μῆνις· l'exemple de ce premier
τοὺς γὰρ ὕστερον prince. En effet, content du
βασιλεῖς οὐχ ὁμοίως titre de roi, Battus avait
ἄρχειν τῷ πρώτῳ Βάττῳ. gouverné avec justice et
Ἐκεῖνον μὲν γὰρ αὐτῇ τῇ selon les vœux du peuple , et
προσηγορίᾳ τοῦ βασιλέως surtout il avait conservé le
ἀρκούμενον ἐπιεικῶς culte des dieux, tandis que
ἄρξαι καὶ δημοτικῶς, καὶ ses successeurs, faisant de
τὸ μέγιστον, τηροῦντα plus en plus sentir leur
τὰς πρὸς τοὺς θεοὺς tyrannie, s'étaient approprié
τιμάς· τοὺς δὲ ὕστερον les revenus publics, et ne
ἀεὶ τυραννικώτερον s'occupaient nullement des
δυναστεύοντας devoirs pieux à rendre à la
ἐξιδιοποιήσασθαι μὲν τὰς divinité.
δημοσίας προσόδους, Démonax de Mantinée,
ὀλιγωρῆσαι δὲ τῆς πρὸς homme très-célèbre par sa
τὸ θεῖον εὐσεβείας. prudence et son équité, fut
Ὅτι τῆς τῶν choisi pour juger [les
Κυρηναίων στάσεως différends qui s'étaient élevés
διαιτητὴς ἐγένετο dans la Cyrénaïque]. Il
Δημῶναξ Μαντινεύς, débarqua à Cyrène, et ayant
συνέσει καὶ δικαιοσύνῃ été unanimement accepté
δοκῶν διαφέρειν. Οὗτος pour arbitre, il réconcilia les
οὖν πλεύσας εἰς Κυρήνην villes entre elles.
καὶ παρὰ πάντων λαβὼν Lucius Tarquin, roi des
τὴν ἐπιτροπήν, διέλυσε Romains, avait reçu une
τὰς πόλεις ἐπὶ τούτοις. excellente éducation et se
Ὅτι Λεύκιος livrait avec ardeur à l'étude
Ταρκύνιος τῶν Ῥωμαίων des sciences; il s'était acquis
βασιλεὺς σπουδαίας par ses vertus une grande
ἔτυχεν ἀγωγῆς, καὶ réputation. Parvenu à l'âge
γενόμενος ζηλωτὴς viril, il s'attacha au roi des
παιδείας οὐ μετρίως δι' Romains Ancus Marcius, dont
ἀρετὴν ἐθαυμάζετο. il devint l'ami le plus intime et
Ἀνδρωθεὶς γὰρ partagea souvent avec lui les
συνεστάθη τῷ βασιλεῖ soins de la royauté. Il
τῶν Ῥωμαίων Ἄγκῳ employa ses richesses, qui
Μαρκίῳ, καὶ φίλος αὐτοῦ étaient très-considérables, à
μέγιστος ἐγένετο, καὶ secourir de nombreux
πολλὰ τῶν κατὰ τὴν indigents. Il se conduisit avec
βασιλείαν συνδιῴκει τῷ bienveillance envers tout le
βασιλεῖ. Καὶ monde. II fut exempt de tout
μεγαλόπλουτος ὢν reproche, et devint très-
πολλοῖς τῶν ἀπόρων célèbre par sa sagesse.
ἐβοήθει χρήματα διδούς, *Excerpt. Vatican., p. 13
καὶ πᾶσι προσφιλῶς et 14. — Les Locriens
ὁμιλῶν ἄμεμπτος ἦν καὶ envoyèrent à Sparte pour
ἔνδοξος ἐπὶ σοφίᾳ. demander des secours. Les
Ὅτι οἱ Λοκροὶ ἔπεμψαν Lacédémoniens, en entendant
εἰς Σπάρτην περὶ parler de la puissance des
συμμαχίας δεόμενοι. Οἱ δὲ Crotoniates et voulant se
Λακεδαιμόνιοι τὸ μέγεθος dévouer , répondirent que le
τῆς Κροτωνιατῶν seul moyen de sauver les
δυνάμεως ἀκούοντες, Locriens était de leur donner
ὥσπερ ἀφοσιούμενοι καὶ pour auxiliaires les
μόνως ἂν οὕτω σωθέντων Tyndarides. Les envoyés, soit
Λοκρῶν, ἀπεκρίθησαν inspiration divine, soit
αὐτοῖς συμμάχους διδόναι interprétation de l'augure,
τοὺς Τυνδαρίδας. Οἱ δὲ acceptèrent ce secours ; ils
πρέσβεις εἴτε προνοίᾳ dressèrent sur leur navire un
θεοῦ εἴτε τὸ ῥηθὲν lit où furent couchées les
οἰωνισάμενοι images des Dioscures, et
προσεδέξαντο τὴν retournèrent dans leur pays.
βοήθειαν παρ' αὐτῶν καὶ De quel accablement
καλλιερήσαντες devaient être atteints les
ἔστρωσαν τοῖς pères qui voyaient leurs fils
Διοσκόροις κλίνην ἐπὶ τῆς maltraités par les Barbares
νηὸς καὶ ἀπέπλευσαν ἐπὶ sans pouvoir les secourir, et
τὴν πατρίδα. qui, s'arrachant leurs cheveux
Ποταπὰς δὲ ψυχὰς blancs, trouvèrent la fortune
ἕξειν τοὺς sourde à leurs
συνηκολουθηκότας gémissements?
πατέρας, ὅταν ὁρῶντες
τοὺς ἑαυτῶν υἱοὺς ὑπὸ
τῶν βαρβάρων ἀρρήτῳ
συμφορᾷ περιπίπτοντας
μὴ δύνωνται βοηθεῖν,
ἀλλὰ τὰς ἑαυτῶν πολιὰς
σπαράσσοντες πρὸς
κωφὴν ὀδύρωνται τύχην;

NOTES

(01) II n'est pas probable que ce fragment soit de


Diodore, car cet historien n'entre jamais dans de si grands
détails en traitant de l'histoire des Romains , ainsi qu'il est
facile de s'en assurer par la Ipemre des livres qui nous
restent.
(02) Année 751 avant J. C.
(03) Ce fragment n'est ni dans les idées ni dans le style
de Diodore. il y a des locutions dont aucun auteur antérieur
à l'ère chrétienne ne se serait servi.
(04) Parthéniens ou efféminés. On donnait ce surnom
aux Épeunactes qui étaient les enfants nés du commerce
des Ilotes avec les femmes lacédémoniennes pendant
l'absence de leurs maris occupés à la guerre de Messénie.
(05) Battus vient de Βατταρίζω, je bégaie.

DIODORE DE SICILE

BIBLIOTHÈQUE HISTORIQUE.

TOME QUATRIÈME : LIVRE VIII (fragments)


Traduction française : FERD. HOEFER
livre VIII - livre X (fragments)

DIODORE DE SICILE.
FRAGMENTS
LIVRE NEUVIÈME.

Ἦν δὲ καὶ Σόλων LIVRE NEUVIÈME (?).


πατρὸς μὲν Ἐξηκεστίδου, Excerpt. de Virt. et Vit., p.
τὸ γένος ἐκ Σαλαμῖνος 531. — Solon était fils
τῆς Ἀττικῆς, σοφίᾳ δὲ καὶ d'Exécestide, originaire de
παιδείᾳ πάντας τοὺς καθ' Salamine, dans l'Attique. Il
ἑαυτὸν ὑπερβεβληκώς. surpassa tous ses
Φύσει δὲ πρὸς ἀρετὴν τῶν contemporains en sagesse et
ἄλλων πολὺ διαφέρων en science. Porté à la vertu
ἐζήλωσεν ἀρετὴν par un heureux naturel, il eut
ἐπαινουμένην· πᾶσι γὰρ la noble ambition d'acquérir
τοῖς μαθήμασι πολὺν tous les talents. Il s'appliqua
χρόνον ἐνδιατρίψας longtemps aux études et
ἀθλητὴς ἐγένετο πάσης
ἀρετῆς. Κατὰ μὲν γὰρ τὴν devint exercé dans toutes les
τοῦ παιδὸς ἡλικίαν vertus. Il avait eu dès son
παιδευταῖς ἐχρήσατο τοῖς enfance les meilleurs maîtres,
ἀρίστοις, ἀνδρωθεὶς δὲ et, arrivé à l'âge viril, il se lia
συνδιέτριψε τοῖς μεγίστην avec les plus grands
ἔχουσι δόξαν ἐπὶ philosophes. Ce fut en les
φιλοσοφίᾳ. Διὸ καὶ fréquentant et en participant
τούτοις ὁμιλῶν καὶ à leurs entretiens qu'il mérita
συνδιατρίβων ὠνομάσθη d'être mis au nombre des
μὲν εἷς τῶν ἑπτὰ σοφῶν sept sages. Il obtint même sur
καὶ τὸ πρωτεῖον τῆς eux la palme de la sagesse,
συνέσεως οὐ μόνον παρὰ ainsi que sur tous ceux que la
τούτοις τοῖς ἀνδράσιν, vertu a rendus illustres.
ἀλλὰ καὶ παρὰ πᾶσι τοῖς Le même Solon s'est fait
θαυμαζομένοις une réputation immortelle par
ἀπηνέγκατο. l'institution de ses lois ; il se
Ὅτι αὐτὸς Σόλων, ἐν faisait également admirer
τῇ νομοθεσίᾳ μεγάλην dans ses entretiens
δόξαν περιποιησάμενος, particuliers par ses réponses,
ἐν ταῖς ἰδιωτικαῖς et dans les conseils par la
ὁμιλίαις καὶ ἀποκρίσεσιν, profondeur de ses vues,
ἔτι δὲ συμβουλίαις, résultat de son instruction.
θαυμαστὸς ἐτύγχανε διὰ La ville d'Athènes avait
τὴν ἐν παιδείᾳ προκοπήν. adopté les mœurs de l'Ionie,
Ὅτι αὐτὸς Σόλων, et ses citoyens
τὴν ὅλην ἀγωγὴν τῆς s'abandonnaient à l'oisiveté
πόλεως ἐχούσης Ἰωνικήν, et aux plaisirs. Solon vint à
καὶ διὰ τὴν τρυφὴν καὶ bout de les amener à la
τὴν ῥᾳστώνην pratique de la vertu, et de
ἐκτεθηλυμμένων τῶν leur inspirer l'amour des
ἀνθρώπων, μετέθηκε τῇ entreprises courageuses.
συνηθείᾳ πρὸς ἀρετὴν καὶ Harmodius et Aristogiton,
ζῆλον τῶν ἀνδρείων vivement pénétrés de l'esprit
πράξεων. Διὸ τῇ τούτου des lois de Solon, conçurent
νομοθεσίᾳ le dessein de renverser la
καθοπλισθέντες τὰς tyrannie des Pisistratides.
ψυχὰς Ἁρμόδιος καὶ * Excerpt. Vatican., p. 14
Ἀριστογείτων καταλύειν à 16. — Crésus, roi des
ἐπεχείρησαν τὴν τῶν Lydiens, possédant de
Πεισιστρατιδῶν ἀρχήν. grandes armées et ayant
Ὅτι Κροῖσος Λυδῶν accumulé beaucoup d'argent
βασιλεὺς μεγάλας et d'or, fit venir auprès de lui
κεκτημένος δυνάμεις καὶ les plus sages des Grecs; il
πολὺν ἐκ παρασκευῆς s'entretenait avec eux
σεσωρευκὼς ἄργυρόν τε familièrement et les renvoyait
καὶ χρυσόν, μετεπέμπετο comblés de présents. Le
τῶν Ἑλλήνων τοὺς commerce avec ces hommes
σοφωτάτους, καὶ lui avait beaucoup profilé. Un
συνδιατρίβων αὐτοῖς jour il montra à un de ces
μετὰ πολλῶν δώρων sages ses troupes et ses
ἐξέπεμψε καὶ αὐτὸς πρὸς richesses, et lui demanda s'il
ἀρετὴν ὠφελεῖτο πολλά. connaissait quelqu'un plus
Ποτὲ δὲ τοῦτον νι. Ε. heureux. Solon, avec la
Σόλωνα μεταπεμψάμενος franchise ordinaire des
καὶ τὰς δυνάμεις καὶ τὸν philosophes, répondit :
πλοῦτον ἐπιδειξάμενος, ««Aucun être vivant n'est
ἠρώτησεν εἴ τις ἕτερος heureux; car celui qui
αὐτῷ δοκεῖ μακαριώτερος s'estime heureux et qui croit
εἶναι. δὲ Σόλων τῇ pouvoir compter sur la
συνήθει τοῖς φιλοσόφοις fortune ignore si elle lui
χρησάμενος παρρησίᾳ ἔφη restera fidèle jusqu'à la fin ; il
μηδένα τῶν ζώντων εἶναι faut donc examiner la fin de
μακάριον· τὸν γὰρ ἐπ' la vie, et celui qui jusque-là
εὐδαιμονίᾳ est favorisé par la fortune doit
πεφρονηματισμένον καὶ seul être appelé heureux. »
δοκοῦντα τὴν τύχην ἔχειν Crésus, devenu plus lard
συνεργὸν μὴ γινώσκειν εἰ prisonnier de Cyrus, se
διαμενεῖ μετ' αὐτοῦ μέχρι rappela la sentence de Solon
τῆς ἐσχάτης. Σκοπεῖν οὖν au moment où le bûcher allait
ἔφησε δεῖν τὴν τοῦ βίου s'allumer; au milieu de la
τελευτὴν καὶ τὸν flamme il prononça sans
διευτυχήσαντα τότε cesse le nom de Solon. Cyrus
προσηκόντως λέγειν envoya s'informer pourquoi
μακάριον. δὲ Κροῖσος son prisonnier prononçait
ὕστερον γενόμενος sans cesse le nom de Solon.
αἰχμάλωτος ὑπὸ Κύρου Instruit de la vérité, il
καὶ μέλλων ἐπὶ μεγάλῃ changea de dessein;
πυρᾷ κατακαίεσθαι, τῆς reconnaissant la justesse de
Σόλωνος ἀποφάσεως la sentence de Solon, il revint
ἐμνημόνευσεν. Διὸ καὶ τοῦ à des sentiments plus
πυρὸς ἤδη περιφλέγοντος humains, fit éteindre la
ἀνεβόα συνεχῶς τὸ τοῦ flamme et admit Crésus au
Σόλωνος ὄνομα. δὲ nombre de ses amis.
Κῦρος προς πέμψας τοὺς Solon pensait que les
πευσομένους, τίς lutteurs, les coureurs du
συνεχής ἐστι τοῦ stade et les autres athlètes
Σόλωνος ὀνομασία, ne pouvaient guère être d'un
μαθὼν τἀληθὲς μετέπεσε grand secours pour les États;
τοῖς λογισμοῖς καὶ enfin que les hommes sages
νομίσας τὴν ἀπόκρισιν et courageux pouvaient seuls
τοῦ Σόλωνος ἀληθινὴν défendre la patrie en danger.
εἶναι τῆς μὲν
ὑπερηφανείας La pythie s'exprima ainsi
ἀπανίστατο, τὴν δὲ πυρὰν au sujet du trépied d'or en
κατασβέσας ἔσωσε τὸν litige : « Enfant de Milet, tu
Κροῖσον καὶ τὸ λοιπὸν ἕνα interroges Phébus
τῶν φίλων κατηρίθμησεν. relativement au trépied. Quel
Ὅτι Σόλων ἡγεῖτο est le premier de tous par sa
τοὺς μὲν πύκτας καὶ sagesse ? C'est à celui-là que
σταδιεῖς καὶ τοὺς ἄλλους j'adjuge le trépied. »
ἀθλητὰς μηδὲν ἀξιόλογον Quelques-uns racontent la
συμβάλλεσθαι ταῖς πόλεσι chose autrement : au
πρὸς σωτηρίαν, τοὺς δὲ moment où la guerre eut
φρονήσει καὶ ἀρετῇ éclaté entre les Ioniens, un
διαφέροντας μόνους trépied fut retiré de la mer
δύνασθαι τὰς πατρίδας ἐν par des pêcheurs, et on
τοῖς κινδύνοις interrogea le dieu sur la fin de
διαφυλάττειν. cette guerre; la pythie
Ὅτι περὶ τοῦ χρυσοῦ répondit : « La guerre entre
τρίποδος ἀμφισβητήσεως les Méropes (01) et les
οὔσης Πυθία ἔχρησεν Ioniens ne cessera pas avant
οὕτως· que vous n'ayez renvoyé le
trépied d'or, ouvrage de
ἔκγονε Μιλήτου, Vulcain, et que vous ne l'ayez
τρίποδος πέρι Φοῖβον placé dans le domicile de
ἐρωτᾷς; l'homme qui, par sa sagesse,
Τίς σοφίᾳ πρῶτος pénètre le présent et l'avenir.
πάντων, τούτου τρίποδ' »
αὐδῶ.
Les Milésiens, obéissant à
Οἱ δέ φασιν ἄλλως ὅτι l'oracle, destinèrent ce
πολέμου γενομένου τοῖς trépied à Thalès de Milet,
Ἴωσι πρὸς ἀλλήλους, καὶ comme étant le premier des
τοῦ τρίποδος παρὰ sept sages. Mais celui-ci
σαγηνέων ἀνενεχθέντος, déclara qu'il n'était pas le
ἐπερωτῆσαι τὸν θεὸν περὶ plus sage de tous, et conseilla
τῆς καταλύσεως τοῦ d'envoyer le présent à un
πολέμου. δὲ ἔφη, autre plus sage que lui. Les
οὔποτε μὴ λήξῃ autres sages ayant de même
πόλεμος Μερόπων καὶ refusé le trépied, il fut enfin
Ἰώνων, offert à Solon qui semblait,
πρὶν τρίποδα χρύσειον, ὃν par sa sagesse et sa
Ἥφαιστος κάμε τεύχων, prudence, surpasser tous les
ἐκ μέσσου πέμψητε, καὶ ἐς hommes. Celui-ci conseilla de
δόμον ἀνδρὸς ἵκηται le consacrer à Apollon comme
ὃς σοφίᾳ τά τ' ἐόντα τά τ' au plus sage de tous.
ἐσσόμενα προδέδορκεν. Lorsqu'à la fin de sa vie,
Ὅτι οἱ Μιλήσιοι Solon vit Pisistrate briguer la
ἀκολουθῆσαι βουλόμενοι faveur populaire et incliner
τῷ χρησμῷ Θάλητι τῷ vers la tyrannie, il essaya
Μιλησίῳ τῶν ἑπτὰ σοφῶν d'abord par ses paroles de le
τὸ ἀριστεῖον ἐβούλοντο détourner de ce dessein, mais
δοῦναι· τὸν δ' εἰπεῖν ὡς ses représentations étant
οὐκ ἔστι πάντων inutiles, il s'avança sur la
σοφώτατος, συμβουλεύειν place publique armé de pied
δὲ πρὸς ἕτερον πέμπειν en cap, quoiqu'il fût déjà bien
σοφώτερον. Τούτῳ δὲ τῷ vieux. La foule accourut à ce
τρόπῳ καὶ τῶν ἄλλων spectacle inattendu, et Solon
τῶν ἑπτὰ σοφῶν exhorta les citoyens à
ἀποποιησαμένων τὸν prendre les armes et à
τρίποδα Σόλωνι δίδοσθαι renverser sur-le-champ le
δοκοῦντι πάντας tyran. Mais personne ne
ἀνθρώπους l'écouta, tous le jugèrent fou,
ὑπερβεβλῆσθαι σοφίᾳ τε et quelques autres
καὶ συνέσει. Τὸν δὲ l'excusèrent à cause de sa
συμβουλεῦσαι τοῦτον vieillesse. En ce moment
ἀναθεῖναι Ἀπόλλωνι· arriva Pisistrate, accompagné
τοῦτον γὰρ εἶναι de plusieurs de ses gardes, et
σοφώτερον πάντων. il demanda à Solon sur quoi il
Ὅτι αὐτὸς πρὸς τῇ comptait pour renverser la
τοῦ βίου καταστροφῇ tyrannie. « Sur ma vieillesse,
ὁρῶν Πεισίστρατον πρὸς » reprit Solon. Frappé de
χάριν λόγοις τὰ πλήθη cette sage réponse, Pisistrate
δημαγωγοῦντα καὶ πρὸς ne lui fit aucun mal.
τυραννίδα παρορμῶντα, Celui qui a transgressé les
τὸ μὲν πρῶτον λόγοις lois et commis des actes
ἐπεχείρησεν ἀποτρέπειν injustes ne doit pas recevoir
ταύτης τῆς ἐπιβολῆς· οὐ le nom de sage.
προσέχοντος δὲ αὐτοῦ Le Scythe Anacharsis, fier
προῆλθεν εἰς τὴν ἀγορὰν de sa réputation de sagesse,
μετὰ τῆς πανοπλίας vint demander à la pythie
παντελῶς ἤδη lequel parmi les Grecs était
γεγηρακώς. plus sage que lui. L'oracle
Συνδραμόντος δὲ τοῦ répondit : « Il existe, dit-on,
πλήθους πρὸς αὐτὸν διὰ au pied du mont Oeta un
τὸ παράδοξον, παρεκάλει certain Myson ; il est plus
τοὺς πολίτας ἀναλαβεῖν intelligent que toi. » Ce Myson
τὰ ὅπλα καὶ παραχρῆμα était Malien ; il habitait près
καταλύειν τὸν τύραννον· du mont OEta, dans un village
οὐδενὸς δὲ αὐτῷ appelé Chênes.
προσέχοντος, καὶ πάντων
αὐτοῦ μανίαν
καταγινωσκόντων, τινῶν
δὲ παραγηρᾶν αὐτὸν
ἀποφαινομένων, μὲν
Πεισίστρατος ἤδη τινὰς
δορυφόρους περιαγόμενος
προσῆλθε τῷ Σόλωνι καὶ
ἐπύθετο τίνι θαρρῶν τὴν
τυραννίδα καταλύειν
αὐτοῦ βούλεται, τοῦ δὲ
εἰπόντος ὅτι τῷ γήρᾳ,
θαυμάσας τὴν φρόνησιν
αὐτοῦ οὐδὲν αὐτὸν
ἠδίκησεν.
Ὅτι τὸν παρανόμοις
καὶ ἀδίκοις πράξεσιν
ἐπιβαλόμενον οὐκ ἂν
προσηκόντως σοφὸν
νομίζεσθαι.
Ὅτι φασὶν Ἀνάχαρσιν
τὸν Σκύθην φρονοῦντα ἐπὶ
σοφίᾳ μέγα παραγενέσθαι
Πυθώδε καὶ ἐπερωτῆσαι
τίς ἐστιν αὐτοῦ τῶν
Ἑλλήνων σοφώτερος. Καὶ
εἰπεῖν, Οἰταῖόν τινά φασι
Μύσωνα σοῦ μᾶλλον
πραπίδεσσιν ἀρηρότα
πευκαλίμῃσιν, ὅστις ἦν
Μαλιεὺς καὶ ᾤκει τὴν
Οἴτην εἰς κώμην Χηνὰς
καλουμένην.

Ex Ulpiano ad
Timocratern, p. 480. Il faut
savoir que Solon a vécu dans
le temps où Athènes était
Ὅτι Μύσων τις ἦν sous la domination des
Μαλιεύς, ὃς ᾤκει ἐν κώμῃ tyrans, avant la guerre des
Χηνὰς καλουμένῃ, τὸν Perses. Dracon lui était
ἅπαντα χρόνον ἐν ἀγρῷ antérieur de quarante-sept
διατρίβων καὶ ὑπὸ τῶν ans. Ainsi le rapporte Diodore.
πολλῶν ἀγνοούμενος· ὃν
Excerpt de Virt. et Vit., p.
ἀντεισῆξαν εἰς τοὺς ἑπτὰ
552. Myson, Malien de
σοφούς, ἐκκρίναντες τὸν
naissance, habitait dans un
Περίανδρον τὸν Κορίνθιον
village nommé Chênes, où il
διὰ τὸ τύραννον
passait sa vie aux travaux de
γεγονέναι πικρόν.
la campagne et inconnu des
Ὅτι Σόλων autres hommes. Il fut mis au
πολυπραγμονήσας τὸν nombre des sept sages, à la
τόπον ἐν διέτριβε place de Périandre de
Μύσων, κατέλαβεν αὐτὸν Corinthe, qui était devenu un
ἐπὶ τῆς ἅλω πρὸς tyran trop dur.
ἄροτρον προσβαλόντα
* Excerpt. Vatican., p. 17.
ἐχέτλην, καὶ πειραθεὶς
— Solon, examinant l'endroit
τοῦ ἀνδρὸς ἔφη, Οὐχ ὥρα
où Myson séjournait,
νῦν ἀρότρου, Μύσων, καὶ
rencontra ce dernier dans la
οὗτος, Οὐ χρῆσθαι, εἶπεν,
grange, occupé à mettre un
ἀλλ' ἐπισκευάζειν.
manche à sa charrue. Solon,
Ὅτι Χίλων τῷ λόγῳ pour l'éprouver, lui demanda :
σύμφωνον ἔσχε τὸν βίον, / Je ne vois pas, ô Myson, à
ὅπερ σπανίως εὕροι τις ἂν quoi puisse maintenant te
γινόμενον. Τῶν γὰρ καθ' servir ta charrue. — Je ne
ἡμᾶς φιλοσόφων τοὺς veux pas, répliqua Myson,
πλείστους ἰδεῖν ἔστι non plus m'en servir
λέγοντας μὲν τὰ maintenant, mais seulement
κάλλιστα, πράττοντας δὲ la mettre en étal de me
τὰ χείριστα, καὶ τὴν ἐν servir. »
ταῖς ἀπαγγελίαις αὐτῶν Excerpt. de Virt. et Vit., p.
σεμνότητα καὶ σύνεσιν 552. — Chilon menait une vie
διὰ τῆς πείρας conforme à ses paroles ; ce
ἐλεγχομένην. δὲ Χίλων qu'on ne voit pas souvent.
χωρὶς τῆς κατὰ τὸν βίον Car la plupart des philosophes
ἐν ἅπασι τοῖς de notre temps disent les plus
πραττομένοις ἀρετῆς belles choses et commettent
πολλὰ διενοήθη καὶ les plus vilaines actions. Ils
ἀπεφθέγξατο μνήμης condamnent donc par la
ἄξια. pratique ce qu'ils professent
Ὅτι Χίλων ἀφικόμενος en théorie. Pour Chilon, il
εἰς Δελφοὺς καὶ καθάπερ consacra sa vie entière à la
ἀπαρχὰς ποιούμενος τῷ pratique de la vertu, et les
θεῷ τῆς ἰδίας συνέ σεως nombreuses sentences qu'on
ἐπέγραψεν ἐπί τινα κίονα a de lui sont dignes de
τρία ταῦτα, Γνῶθι mémoire.
σεαυτόν, καὶ Μηδὲν ἄγαν, * Excerpt. Vatican., p. 17
καὶ τρίτον Ἐγγύα, πάρα δ' et 18. — Chilon arriva à
ἄτα. Τούτων ἕκαστον Delphes, et, pour offrir aux
ὑπάρχον βραχὺ καὶ dieux en quelque sorte les
Λακωνικὸν μεγάλην ἔχει prémices de son esprit, il
τὴν ἀναθεώρησιν. Τὸ γὰρ grava sur une colonne ces
Γνῶθι σαυτὸν trois sentences : Connais-toi
παραγγέλλει παιδευθῆναι toi-même. Rien de trop.
καὶ φρόνιμον γενέσθαι· Réponds pour un autre, et tu
οὕτω γὰρ ἄν τις ἑαυτὸν t'en repentiras. Chacune de
γνοίη· ὅτι οἱ ἄμοιροι ces sentences brèves et
παιδείας καὶ ἀλόγιστοι laconiques renferme un grand
κατὰ τὸ πλεῖστον ἑαυτοὺς sens. En effet, Connais-toi toi-
συνετωτάτους même, veut dire qu'il faut
ὑπειλήφασιν, ἥπερ ἐστὶ s'instruire et devenir prudent;
τῶν ἀμαθιῶν ἀμαθεστάτη car alors seulement on
κατὰ τὸν Πλάτωνα, ὅτι apprendra à se connaître ;
τοὺς πονηροὺς ἐπιεικεῖς ceux qui sont privés
ἡγοῦνται, τοὺς δὲ d'instruction et sans esprit se
χρηστοὺς ἀνάπαλιν croient en général les plus
φαύλους· μόνως γὰρ ἄν éclairés, ce qui est, selon
τις οὕτως ἑαυτὸν γνοίη Platon, la plus grande des
καὶ ἕτερον, τυχὼν sottises : ils prennent les
παιδείας καὶ συνέσεως méchants pour des hommes
περιττοτέρας. Τὸ δὲ de bien et les vauriens pour
Μηδὲν ἄγαν μετριάζειν ἐν
πᾶσι καὶ μηδὲ περὶ ἑνὸς des gens probes. Celui-la seul
τῶν ἀνθρωπίνων τελείως qui est instruit et intelligent
διορίζεσθαι, ὡς peut se connaître lui-même et
Ἐπιδάμνιοι. Οὗτοι γὰρ les autres. Rien de trop
παρὰ τὸν Ἀδρίαν signifie qu'il faut de la mesure
οἰκοῦντες καὶ πρὸς dans tout, et que dans les
ἀλλήλους διαφερόμενοι, choses humaines il ne faut
μύδρους διαπύρους rien pousser jusqu'aux
καταποντίσαντες ἐν μέσῳ dernières limites, à l'exemple
τῷ πελάγει διωμόσαντο des Épidamniens. Ceux-ci
μὴ σπείσεσθαι τὴν πρὸς habitaient le littoral de
ἀλλήλους ἔχθραν l'Adriatique et étaient en
πρότερον ἕως ἂν οὗτοι guerre entre eux : ils jetèrent
θερμοὶ ἀνενεχθῶσιν. dans la mer des masses de
Οὕτω δὲ σκληρῶς fer incandescentes en jurant
ὀμόσαντες καὶ τὸ Μηδὲν qu'ils ne mettraient un terme
ἄγαν οὐκ ἐπινοήσαντες à leur inimitié que lorsqu'ils
ὕστερον ὑπὸ τῶν retireraient de la mer ces
πραγμάτων masses de fer encore
ἀναγκαζόμενοι brûlantes. Serment absurde
διελύσαντο τὴν ἔχθραν, et contraire au précepte :
ἐάσαντες τοὺς μύδρους Rien de trop ; car les
ψυχροὺς ἐν τῷ βυθῷ. Τὸ Épidamniens furent plus tard
δὲ Ἐγγύα, πάρα δ' ἄτα, forcés par les circonstances
τινὲς ὑπέλαβον γάμον d'en venir à un
ἀπαγορεύειν· τὴν γὰρ τοῦ accommodement et de laisser
γάμου σύνθεσιν παρὰ τοῖς leur masse de fer se refroidir
πλείστοις τῶν Ἑλλήνων au fond de l'abîme. Réponds
ἐγγύην ὀνομάζεσθαι, καὶ pour un autre, et tu t'en
βεβαιωτὴς κοινὸς βίος, repentiras : cette sentence
ἐν πλεῖσται καὶ μέγισται est appliquée par quelques-
γίνονται συμφοραὶ διὰ uns au mariage; car chez la
τὰς γυναῖκας. Ἔνιοι δέ plupart des Grecs on appelle
φασιν ἀνάξιον εἶναι le contrat de mariage un
Χίλωνος διὰ τὸ μὴ engagement, et la vie en
δύνασθαι ἀναιρουμένου commun confirme cette
τοῦ γάμου διαμένειν τὸν interprétation : les plus
βίον, τὴν δὲ ἄτην grands malheurs et la plupart
ἀποφαίνονται ἐγγύαις des peines viennent des
ταῖς ἐπὶ τῶν συμβολαίων femmes. Quelques autres, au
καὶ ταῖς ὑπὲρ τῶν ἄλλων contraire, prétendent que
διομολογήσεσι περὶ cette interprétation est
χρημάτων. Καὶ Εὐριπίδης indigne de Chilon, puisque la
οὐκ ἐγγυῶμαι· ζημία société ne peut pas exister
φιλέγγυον sans le mariage; ils
σκοπεῖν· τὰ Πυθοῖ δ' οὐκ appliquent donc le dommage
με γράμματα. qu'éprouvent ceux qui
répondent pour un autre à
Ἔνιοι δέ φασι μὴ ceux qui s'engagent comme
Χίλωνος εἶναι μηδὲ caution dans les contrats
πολιτικὸν τὸ μηδενὶ τῶν civils ou dans les transactions
φίλων ἐν ταῖς τοιαύταις d'argent. Aussi Euripide
χρείαις ἐπαρκεῖν, ἀλλὰ s'exprime-t-il ainsi : « Je ne
μᾶλλον τὰς m'engage pour personne;
καταβεβαιώσεις celui qui aime à se rendre
ἀπαγορεύειν καὶ τὸ caution pour les autres en est
κατατεταμένως bientôt puni. Les paroles de
ἐγγυᾶσθαί τε καὶ l'oracle de la pythie,
διορίζεσθαι τῶν d'ailleurs, le défendent (02) »
ἀνθρωπίνων, ὡς ποιῆσαι — Quelques-uns soutiennent
τοὺς Ἕλληνας ὅτε que cette sentence n'est pas
κατηγωνίσαντο τὸν de Chilon, et que ce n'est pas
Ξέρξην. Ὤμοσαν γὰρ ἐν un principe social de refuser
Πλαταιαῖς παραδώσειν de secourir les amis dans le
παίδων παισὶ τὴν πρὸς besoin ; mais ce qui importe,
τοὺς Πέρσας ἔχθραν, ἕως c'est de se refuser à prendre
ἂν οἱ ποταμοὶ ῥέωσιν εἰς des engagements trop stricts
τὴν θάλατταν καὶ γένος dans les affaires humaines. Il
ἀνθρώπων καὶ γῆ ne faut pas faire comme les
καρποὺς φέρῃ· τὸ δὲ τῆς Grecs lorsqu'ils luttèrent
τύχης εὐμετάπτωτον contre Xerxès : ils jurèrent à
βεβαίως ἐγγυώμενοι μετά Platée qu'ils légueraient aux
τινα χρόνον enfants de leurs enfants leur
ἐπρεσβεύοντο πρὸς haine contre les Perses, et
Ἀρταξέρξην τὸν υἱὸν que cette haine durerait tant
Ξέρξου περὶ φιλίας καὶ que les fleuves couleraient
συμμαχίας. vers la mer, tant que le genre
Ὅτι Χίλωνος λόγος humain vivrait, et tant que la
βραχὺς ὢν ὅλην terre porterait des fruits.
περιείληφε τὴν πρὸς τὸν Cependant, malgré cet
ἄριστον βίον ὑποθήκην, engagement qui devait
ὡς καὶ τῶν ἐν Δελφοῖς braver la fortune, les Grecs
ἀναθημάτων βελτίω envoyèrent quelque temps
ταῦτα τὰ ἀποφθέγματα. après des députés auprès
Αἱ μὲν γὰρ χρυσαῖ d'Artaxerxés, fils de Xerxès,
Κροίσου πλίνθοι καὶ τὰ pour lui demander son amitié
ἄλλα κατασκευάσματα et son alliance.
ἠφανίσθη καὶ μεγάλας — Ces courtes sentences
ἀφορμὰς παρέσχε τοῖς de Chilon renferment le
ἀσεβεῖν εἰς τὸ ἱερὸν meilleur sens pratique, et ces
ἑλομένοις, αἱ δὲ γνῶμαι apophtegmes sont les plus
τὸν ἅπαντα χρόνον belles offrandes consacrées à
σώζονται ἐν ταῖς τῶν Delphes. Les briques d'or de
πεπαιδευμένων ψυχαῖς Crésus et les autres objets
τεθησαυρισμέναι καὶ précieux ont disparu et attiré
κάλλιστον ἔχουσαι dans le temple de cupides
θησαυρόν, πρὸς ὃν ἂν profanateurs ; mais ces
οὔτε Φωκεῖς οὔτε Γαλάται sentences durent
προσενεγκεῖν τὰς χεῖρας éternellement, et sont dé
σπουδάσειαν. posées comme le plus beau
trésor dans l'esprit des
hommes instruits ; ni les
Phocidiens, ni les Gaulois
n'ont porté leurs mains sur ce
trésor.

Ὅτι Πιττακὸς Excerpt. de Virt. et Vit., p.


Μιτυληναῖος οὐ μόνον ἐν 552. — Pittacus de Mitylène
σοφίᾳ θαυμαστὸς ἦν, était non seulement admiré
ἀλλὰ καὶ πολίτης ἐγένετο pour sa sagesse, mais il était
τοιοῦτος οἷον ἕτερον οὐκ encore un citoyen tel que l'île
ἤνεγκεν νῆσος, δοκῶ δ' de Lesbos n'en avait jamais
οὐδ' ἂν ὕστερον ἐνέγκαι, eu et, selon moi, n'en aura
μέχρι ἂν τὸν οἶνον φέρῃ jamais, .quand même elle
πλείω τε καὶ ἡδίω. produirait un vin plus
Νομοθέτης τε γὰρ ἀγαθὸς abondant et plus doux.
ὑπῆρχε κἀν τοῖς κατὰ Pittacus fut un excellent
μέρος πρὸς τοὺς πολίτας législateur, il fut l'ami et le
κοινὸς καὶ φιλάνθρωπος, bienfaiteur de ses
καὶ τὴν πατρίδα τριῶν concitoyens; il délivra sa
τῶν μεγίστων συμφορῶν patrie des trois plus grands
ἀπέλυσε, τυραννίδος, maux, la tyrannie, le désordre
στάσεως, πολέμου. et la guerre.
Ὅτι Πιττακὸς βαθὺς Pittacus, d'un esprit très
ἦν καὶ ἥμερος καὶ τὴν profond et d'un cœur noble et
παραίτησιν ἔχων αὐτὸς ἐν généreux, cherchait en lui-
αὐτῷ. Διὸ δὴ πᾶσιν ἐδόκει même l'excuse des fautes des
τέλειος ἀνὴρ εἶναι πρὸς autres. Aussi était-il
πᾶσαν ἀρετὴν généralement regardé
ὁμολογουμένως· κατὰ μὲν comme l'homme le plus
γὰρ τὴν νομοθεσίαν parfait. Ses lois attestent sa
ἐφαίνετο πολιτικὸς καὶ politique et sa prudence ; il
φρόνιμος, κατὰ δὲ τὴν était fidèle à sa parole,
πίστιν δίκαιος, κατὰ δὲ courageux à la guerre, et les
τὴν ἐν τοῖς ὅπλοις attraits du gain ne lui
ὑπεροχὴν ἀνδρεῖος, κατὰ inspiraient jamais qu'un
δὲ τὴν πρὸς τὸ κέρδος profond dédain.
μεγαλοψυχίαν * Excerpt. Vatican., p, 19.
ἀφιλάργυρος. — Lorsque les Mitylénéens
Ὅτι τῶν Μιτυληναίων donnèrent à Pittacus la moitié
διδόντων τῷ Πιττακῷ τῆς du champ pour lequel il avait
χώρας ὑπὲρ ἧς soutenu un combat singulier,
ἐμονομάχησε τὴν il la refusa et fit distribuer à
ἡμίσειαν οὐκ ἐδέξατο, chacun une part égale, disant
συνέταξε δὲ ἑκάστῳ que l'égal valait mieux que le
κληρῶσαι τὸ ἴσον, plus : il reconnaissait
ἐπιφθεγξάμενος ὡς τὸ sagement que l'avantage est
ἴσον ἐστὶ τοῦ πλείονος toujours du côté de la
πλεῖον. Μετρῶν γὰρ modération et non du côté du
ἐπιεικείᾳ τὸ πλεῖον, οὐ lucre. « Car, ajoutait-il, la
κέρδει, σοφῶς ἐγίνωσκεν· gloire et la sécurité sont les
τῇ μὲν γὰρ ἰσότητι δόξαν compagnes de l'égalité ; une
καὶ ἀσφάλειαν trop grande fortune entraîne
ἀκολουθήσειν, τῇ δὲ la médisance et la crainte, ce
πλεονεξίᾳ βλασφημίαν καὶ qui lui ôterait bientôt le don
φόβον, δι' ὧν ταχέως ἂν qu'on lui offrait. » — Il était
αὐτοῦ τὴν δωρεὰν conséquent avec lui-même
ἀφείλαντο. Ὅτι σύμφωνα lorsqu'il refusa les offres que
τούτοις ἔπραξε καὶ πρὸς Crésus lui fit de ses trésors, «
Κροῖσον διδόντα τῶν ἐκ Je ne puis, disait-il, accepter
τοῦ γαζοφυλακείου ce don, car je possède déjà le
χρημάτων λαβεῖν ὁπόσα double de ce que je souhaite.
βούλοιτο. Καὶ γὰρ τότε » Crésus, étonné de cette
τὴν δωρεὰν οὐ indifférence de Pittacus pour
προσδεξάμενόν φασιν l'argent, en demanda la
εἰπεῖν, καὶ νῦν ἔχειν ὧν raison. Pittacus répondit que
ἤθελε διπλάσια. son frère, mort sans enfants,
Θαυμάσαντος δὲ τοῦ lui avait laissé une fortune
Κροίσου τὴν égale à celle qu'il avait déjà,
ἀφιλαργυρίαν καὶ περὶ et qu'il en était tout attristé.
τῆς ἀποκρίσεως — Lorsque le poète Alcée,
ἐπερωτήσαντος, εἰπεῖν ὡς son plus grand ennemi, et qui
τελευτήσαντος ἄπαιδος l'avait amèrement outragé
τἀδελφοῦ dans ses vers, fut tombé en
κεκληρονομηκὼς οὐσίαν son pouvoir, il fit entendre
εἴη τὴν ἴσην ᾗπερ εἶχεν, ces paroles : « Le pardon vaut
ἣν οὐχ ἡδέως mieux que le châtiment. »
προσειληφέναι.
Excerpt. de Virt. et Vit., p.
Ὅτι καὶ τὸν ποιητὴν 552. Les habitants de Priène
Ἀλκαῖον, ἐχθρότατον racontent que Bias ayant
αὐτοῦ γεγενημένον καὶ racheté à des brigands qui les
διὰ τῶν ποιημάτων avaient enlevées, des jeunes
πικρότατα filles de Messène d'un rang
λελοιδορηκότα, λαβὼν distingué les traita avec
ὑποχείριον ἀφῆκεν, honneur comme ses propres
ἐπιφθεγξάμενος ὡς enfants. Quelque temps
συγγνώμη τιμωρίας après, leurs parents étant
αἱρετωτέρα. venus à Priène pour les
Ὅτι φασὶν οἱ Πριηνεῖς ramener, Bias les rendit, et ne
ὡς Μεσσηνίας τὸ γένος réclama ni la rançon qu'il
ἐπισήμους παρθένους avait donnée pour elles, ni les
λυτρωσάμενος Βίας frais de leur entretien; au
παρὰ λῃστῶν ἦγεν ὡς contraire, il leur fit de grands
ἰδίας θυγατέρας ἐντίμως. présents. Aussi ces jeunes
Μετὰ δέ τινας χρόνους filles le regardèrent toujours
παραγενομένων τῶν comme leur père, tant à
συγγενῶν κατὰ ζήτησιν, cause du grand bienfait
ἀπέδωκεν αὐτὰς οὔτε qu'elles eu avaient reçu, que
τροφεῖα πραξάμενος οὔτε pour le soin qu'il avait pris
λύτρα, τοὐναντίον δὲ τῶν d'elles dans sa maison. De
ἰδίων πολλὰ retour au sein de leur famille,
δωρησάμενος. Εἶχον οὖν elles n'oublièrent jamais la
πρὸς αὐτὸν αἱ κόραι reconnaissance qu'elles lui
πατρικὴν εὔνοιαν διά τε devaient.
τὴν συντροφίαν καὶ τὸ Des pêcheurs
μέγεθος τῆς εὐεργεσίας, messéniens, ayant jeté leur
ὥστε καὶ χωρισθεῖσαι filet, ne retirèrent autre chose
μετὰ τῶν ἰδίων εἰς τὴν qu'un trépied d'airain portant
πατρίδα τῆς ὑπερορίου cette inscription : Au plus
χάριτος οὐκ ἐπελάθοντο. sage. Ils l'emportèrent, et le
Ὅτι σαγηνεῖς donnèrent à Bias.
Μεσσήνιοι κατὰ τὸν Bias était le plus grand
βόλον ἕτερον μὲν οὐδὲν orateur de son temps ; mais il
ἀνείλκυσαν, χαλκοῦν δὲ fit de son éloquence un usage
τρίποδα μόνον ἐπιγραφὴν tout différent de celui des
ἔχοντα Τῷ σοφωτάτῳ. autres orateurs. Il ne
Ἀναχθέντος δὲ τοῦ l'employa jamais pour gagner
κατασκευάσματος de l'argent ni pour en retirer
δοθῆναι τῷ Βίαντι. quelque profit; mais il la
Ὅτι Βίας ἦν consacra à la défense des
δεινότατος καὶ τῷ λόγῳ opprimés. C'est ce qu'on voit
πρωτεύων τῶν καθ' bien rarement.
ἑαυτόν. Κατεχρήσατο δὲ
τῇ τοῦ λέγειν δυνάμει
πολλοῖς ἀνάπαλιν· οὐ γὰρ
εἰς μισθαρνίαν οὐδὲ εἰς
προσόδους, ἀλλ' εἰς τὴν
τῶν ἀδικουμένων
κατετίθετο βοήθειαν.
Ὅπερ σπανιώτατ' ἄν τις
εὕροι.

Ὅτι μέγα ἐστὶν οὐ τὸ * Excerpt. Vatican., p. 20.


δύναμιν ὅτου δήποτε — Ce n'est pas un grand
σχεῖν, ἀλλὰ τὸ ταύτῃ avantage d'exceller par sa
δεόντως χρῆσθαι. Ἐπεὶ τί force, mais de s'en servir
ὄφελος Μίλωνι τῷ opportunément. A quoi a
Κροτωνιάτῃ τὸ μέγεθος servi à Milon de Crotone sa
τῆς περὶ τὸ σῶμα ῥώμης; prodigieuse force ?
Ὅτι Πολυδάμας Polydamas le Thessalien,
Θετταλὸς ὑπὸ τῆς πέτρας écrasé par un rocher, est un
διαρραγεὶς πᾶσιν ἐποίησε exemple évident combien il
φανερὸν ὡς ἐπισφαλές est trompeur d'avoir une
ἐστιν ἰσχὺν μὲν μεγάλην grande force de corps et un
ἔχειν, νοῦν δὲ μικρόν. petit jugement.
Ὁ Πολυδάμας οὗτος *Tzetz. Hist., t. II, 38. —
ἦν ἐκ πόλεως Σκοτούσης, Ce Polydamas était natif de la
γυμναῖς χερσὶ μὲν ville de Scotusse ; avec ses
λέοντας ὡς ἄρνας mains nues il tuait des lions
διαφθείρων, πτεροῖς ποσὶ comme des agneaux ; par la
δ' ὑπερνικῶν ἅρματα vitesse de ses pieds, il
ταχυδρόμα, τῇ δὲ χειρί τι dépassait les chars les plus
σπήλαιον ἀντήρεισε rapides et soutenait de son
συμπῖπτον. Σικελὸς bras la voûte d'une caverne
Διόδωρος γράφει τὴν qui allait s'écrouler.
ἱστορίαν. * Excerpt. Vatican., p. 20.
Ὅτι τῶν Κιρραίων — Les Cirrhéens ayant eu un
πολιορκουμένων πολὺν long siège à soutenir, parce
ἤδη χρόνον διὰ τὸ τὸ qu'ils avaient (enté de
χρηστήριον ἐπιχειρεῖν profaner l'oracle, quelques-
συλᾶν, τινὲς μὲν τῶν uns des Grecs retournèrent
Ἑλλήνων εἰς τὰς dans leur patrie ; les autres
πατρίδας ἐπανῆλθον, οἱ interrogèrent la pythie, qui
δὲ ἐπερωτήσαντες τὴν leur répondit : « Vous ne
Πυθίαν ἔλαβον χρησμὸν parviendrez point à renverser
οὕτως, les tours de cette ville, avant
οὐ πρὶν τῆσδε πόληος que les flots de la bleue
ἐρείψετε πύργον ἑλόντες, Amphitrite viennent se briser
πρίν κεν ἐμῷ τεμένει contre mon temple et baigner
κυανώπιδος Ἀμφιτρίτης les rivages sacrés. »
κῦμα ποτικλύζῃ κελαδοῦν Périlaus, le statuaire,
ἱερῇσιν ἐπ' ἀκταῖς. avait construit pour le tyran
Ἰστέον ὅτι μὲν Σόλων Phalaris un taureau d'airain
ἐγένετο ἐπὶ τῶν χρόνων destiné au supplice de ses
τῶν τυράννων ἐν ταῖς compatriotes; c'est sur lui
Ἀθήναις πρὸ τῶν qu'on fil le premier essai de
Περσικῶν χρόνων, δὲ cet horrible genre de
Δράκων πρὸ αὐτοῦ ἑπτὰ supplice. Ceux qui donnent
καὶ τεσσαράκοντα ἔτεσιν, aux autres de mauvais
ὥς φησιν Διόδωρος. conseils sont d'ordinaire les
premiers punis (03).
Ὅτι Περίλαος
ἀνδριαντοποιὸς Φαλάριδι Solon parut dans
τῷ τυράννῳ l'assemblée (04)............ et
κατασκευάσας βοῦς prédit ainsi aux Athéniens la
χαλκοῦς πρὸς τιμωρίαν tyrannie de Pisistrate : « Des
τῶν ὁμοφύλων αὐτὸς nuages tombent la neige et la
πρῶτος ἐπειράθη τοῦ grêle, le tonnerre succède à
μεγέθους τῆς τιμωρίας· la foudre brillante. L'État périt
οἱ γὰρ κατὰ τῶν ἄλλων sous les coups des grands
hommes ; le peuple est
βουλευόμενοί τι φαῦλον tombé par son imprudence
ὡς ἐπίπαν ταῖς ἰδίαις sous le joug d'un monarque. Il
ἐπιθυμίαις εἰώθασιν est bien difficile de contenir
ἁλίσκεσθαι. celui qui est trop élevé ; mais
Ὅτι Σόλων maintenant il faut s'attendre
νομοθέτης παρελθὼν εἰς à tout. » — Lorsque plus tard
τὴν ἐκκλησίαν παρεκάλει Pisistrate fut devenu tyran,
τοὺς Ἀθηναίους Solon s'exprima ainsi : « Si,
καταλύειν τὸν τύραννον par votre lâcheté, vous êtes
πρὶν τελέως ἰσχυρὸν malheureux, n'en accusez pas
γενέσθαι. Οὐδενὸς δὲ les dieux. En lui donnant des
αὐτῷ προσέχοντος gardes, vous avez augmenté
ἀναλαβὼν τὴν πανοπλίαν vos malheurs, et vous vous
προῆλθεν εἰς τὴν ἀγορὰν êtes imposé une triste
γεγηρακώς, καὶ τοὺς servitude. Chacun de vous
θεοὺς ἐπιμαρτυρόμενος suit la piste du renard, et
ἔφησε καὶ λόγῳ καὶ ἔργῳ cependant vous tous réunis
τῇ πατρίδι κινδυνευούσῃ n'avez pas le nez assez fin.
βεβοηθηκέναι τὸ κατ' Vous regardez la langue, vous
αὐτὸν μέρος· τῶν δὲ écoutez les discours subtils
ὄχλων ἀγνοούντων τὴν de l'homme, mais vous ne le
ἐπιβολὴν Πεισιστράτου regardez pas à l'œuvre. »
συνέβη τὸν Σόλωνα — Pisistrate engagea
τἀληθῆ λέγοντα Solon à se taire et à jouir des
παραπέμπεσθαι. Λέγεται biens de la tyrannie; mais, ne
δὲ Σόλων καὶ προειπεῖν pouvant en aucune façon le
τοῖς Ἀθηναίοις τὴν faire changer de conduite, et
ἐσομένην τυραννίδα δι' le voyant de plus en plus
ἐλεγείων, ἐκ νεφέλης exaspéré contre le tyran dont
πέλεται χιόνος μένος ἠδὲ il menaçait de se venger,
χαλάζης, βροντὴ δ' ἐκ Pisistrate lui demanda sur qui
λαμπρᾶς γίνεται il comptait pour l'aider dans
ἀστεροπῆς. Ἀνδρῶν δ' ἐκ ses projets : « Sur ma
μεγάλων πόλις ὄλλυται, vieillesse, répondit Solon. »
εἰς δὲ μονάρχου δῆμος
ἀιδρείῃ δουλοσύνην
ἔπεσεν. Λίην δ' ἐξαρθέντ'
οὐ ῥᾴδιόν ἐστι κατασχεῖν
ὕστερον, ἀλλ' ἤδη χρὴ
περὶ πάντα νοεῖν. Καὶ
μετὰ ταῦτα τυραννοῦντος
ἔφη, εἰ δὲ πεπόνθατε
λυγρὰ δι' ὑμετέραν
κακότητα, μὴ θεοῖσιν
ταύτην μοῖραν
ἐπαμφέρετε· αὐτοὶ γὰρ
τούτους ηὐξήσατε
ῥύματα δόντες, καὶ διὰ
τοῦτο κακὴν ἔσχετε
δουλοσύνην. Ὑμῶν δ' εἷς
μὲν ἕκαστος ἀλώπεκος
ἴχνεσι βαίνει, σύμπασιν δ'
ὑμῖν κοῦφος ἔνεστι νόος.
Εἰς γὰρ γλῶσσαν ὁρᾶτε
καὶ εἰς ἔπος αἰόλον
ἀνδρός, εἰς ἔργον δ'
οὐδὲν γινόμενον βλέπετε.
Ὅτι Πεισίστρατος
παρεκάλει τὸν Σόλωνα
τὰς ἡσυχίας ἔχειν καὶ τῶν
τῆς τυραννίδος ἀγαθῶν
συναπολαύειν· οὐδενὶ δὲ
τρόπῳ δυνάμενος αὐτοῦ
μεταθεῖναι τὴν
προαίρεσιν, ἀλλ' ὁρῶν
μᾶλλον ἀεὶ ἐξεγειρόμενον
καὶ μετὰ ἀνατάσεως
ἀπειλοῦντα τιμωρίαν
ἐπιθήσειν, ἠρώτησεν
αὐτὸν τίνι πεποιθὼς
ἀντιπράττει ταῖς
ἐπιβολαῖς αὐτοῦ. Τὸν δέ
φασιν εἰπεῖν τῷ γήρᾳ.

. Africanus in Euseb. Praep.


Κῦρος Περσῶν Εν., X, p. 688. — Diodore,
ἐβασίλευσεν ἔτει dans un de ses dix premiers
ὀλυμπιὰς ἤχθη νε', ὡς ἐκ livres, où il parle des Siciliens
τῶν Βιβλιοθηκῶν et des Sicaniens, a connu la
Διοδώρου καὶ τῶν Θαλλοῦ distinction qu'on fait entre un
καὶ Κάστορος ἱστοριῶν, Sicule et un Sicanien, comme
ἔτι δὲ Πολυβίου καὶ nous l'avons dit plus haut
Φλέγοντος ἔστιν εὑρεῖν Cyrus devint roi des
Ὅτι Κῦρος, Perses dans l'année où l'on
Καμβύσου μὲν υἱὸς καὶ célébra la LVe olympiade,
Μανδάνης τῆς θυγατρὸς selon Diodore.
Ἀστυάγους τοῦ Μήδων Cyrus, fils de Cambyse et
βασιλέως, ἀνδρείᾳ καὶ de Mandane, fille d'Astyage,
συνέσει καὶ ταῖς ἄλλαις roi des Mèdes, surpassa tous
ἀρεταῖς ἐπρώτευε τῶν ses contemporains en valeur,
καθ' αὑτόν· βασιλικῶς en prudence, et par les autres
γὰρ αὐτὸν πατὴρ ἦγε grandes qualités. Son père lui
παιδεύων, ζῆλον ἐμποιῶν avait donné une éducation
τῶν κρατίστων. Καὶ royale en dirigeant ses
ἔκδηλος ἦν ἁδρῶν pensées vers les objets les
ἁψόμενος πραγμάτων διὰ plus élevés. Aussi on ne douta
τὸ τὴν ἀρετὴν προφαίνειν pas qu'il ne fît un jour de très
ὑπὲρ τὴν ἡλικίαν. grandes choses au-dessus de
Ὅτι Ἀστυάγης τῶν son âge.
Μήδων βασιλεὺς ἡττηθεὶς Astyage, roi des Mèdes,
καὶ φυγὼν αἰσχρῶς δι' vaincu et réduit à une fuite
ὀργῆς εἶχε τοὺς honteuse, exhala sa colère
στρατιώτας· καὶ τοὺς μὲν sur ses soldats. Il envoya tous
ἐφ' ἡγεμονιῶν les officiers et leur en
τεταγμένους ἅπαντας substitua de nouveaux.
ἀπαλλάξας, ἑτέρους ἀντ' Ensuite tous ceux qui avaient
ἐκείνων κατέστησε, τοὺς causé la déroute furent mis à
δὲ τῆς φυγῆς αἰτίους part et livrés au dernier
ἅπαντας ἐπιλέξας supplice. Il était persuadé que
ἀπέσφαξε, νομίζων τῇ cet exemple retiendrait les
τούτων τιμωρίᾳ τοὺς autres dans le devoir au
ἄλλους ἀναγκάσειν moment du danger. Il était
ἄνδρας ἀγαθοὺς ἐν τοῖς d'ailleurs d'un caractère dur
κινδύνοις γενέσθαι· ὠμὸς et implacable. Mais ce
γὰρ ἦν καὶ φύσει ἀπηνής. châtiment, loin de frapper de
Οὐ μὴν τὰ πλήθη terreur le reste de l'armée, ne
κατεπλάγη αὐτοῦ τὴν rendit que plus odieuse la
βαρύτητα, ἀλλ' ἕκαστος cruauté du roi et excita les
μισήσας τὸ βίαιον καὶ soldats à la révolte. Aussi les
παράνομον τῆς πράξεως soldats s'attroupaient-ils,
μεταβολῆς ὠρέγετο. Διὸ tenaient des discours
καὶ κατὰ λόχους ἐγίνοντο séditieux et s'exhortaient
συνδρομαὶ καὶ λόγοι réciproquement les uns les
ταραχώδεις, autres à venger la mort de
παρακαλούντων ἀλλήλους leurs compagnons d'armes.
τῶν πλείστων πρὸς τὴν Cyrus était non seulement
κατὰ τούτου τιμωρίαν. d'un courage à toute épreuve,
Ὅτι Κῦρος, ὥς φασιν, en présence de l'ennemi,
οὐ μόνον ἦν κατὰ τὸν mais il était encore clément
πόλεμον ἀνδρεῖος, ἀλλὰ et généreux à l'égard de ses
καὶ πρὸς τοὺς sujets. Aussi les Perses lui
ὑποτεταγμένους donnèrent-ils le surnom de
εὐγνώμων καὶ Père.
φιλάνθρωπος. Διόπερ *Excerpt. Vatican., p. 22-
αὐτὸν οἱ Πέρσαι 24. — Crésus faisait
προσηγόρευσαν πατέρα. construire des vaisseaux de
Ὅτι Κροῖσος guerre, et le bruit courait qu'il
ναυπηγῶν πλοῖα μακρά, voulait marcher contre les
φασίν, ἔμελλε στρατεύειν îles. Bias, qui venait de visiter
ἐπὶ τὰς νήσους. les îles, contempla ces
Παρεπιδημοῦντα δὲ armements. Interrogé par le
Βίαντα παρὰ τὰς νήσους roi s'il n'avait rien entendu de
καὶ θεωροῦντα τὴν nouveau chez les Grecs, Bias
ναυπηγίαν, ὑπὸ τοῦ répondit : « Tous les
βασιλέως ἐρωτηθῆναι μή insulaires se procurent des
τι νεώτερον ἀκηκοὼς εἴη chevaux dans le dessein de
παρὰ τοῖς Ἕλλησι marcher contre les Lydiens.
γινόμενον. Τοῦ δὲ — Plût à Dieu! s'écria Cyrus,
εἰπόντος ὅτι πάντες οἱ qu'on eût conseillé aux
νησιῶται συνάγουσιν insulaires de se battre avec
ἵππους, διανοούμενοι des chevaux contre les
στρατεύειν ἐπὶ Λυδούς, Lydiens. — Crois-tu donc,
λέγεται τὸν Κροῖσον répliqua Bias, que les Lydiens,
εἰπεῖν, Εἴθε γάρ τις qui habitent le continent,
πείσειε νησιώτας σὺν puissent prendre sur terre les
ἵπποις παρατάξασθαι habitants des îles? ne crois-tu
Λυδοῖς. δὲ Πιττακὸς pas que les. insulaires doivent
Βίας ὑπολαβών φησιν, adresser des prières aux
Εἶτα Λυδοὺς μὲν ἤπειρον dieux pour atteindre les
οἰκοῦντας σπεύδειν Lydiens sur mer, afin de se
ἀποφαίνῃ λαβεῖν ἐπὶ γῆς venger des revers que les
νησιώτας ἄνδρας, τοὺς δὲ Grecs ont essuyés sur mer et
νῆσον οἰκοῦντας οὐκ οἴει de la servitude que tu as
θεοῖς εὔξασθαι λαβεῖν ἐν imposée aux hommes de leur
θαλάττῃ Λυδούς, ἵν' ὑπὲρ race? » Crésus, frappé de ces
τῶν κατὰ τὴν ἤπειρον paroles, changea aussitôt de
τοῖς Ἕλλησι συμβάντων dessein et fit cesser les
κακῶν κατὰ πέλαγος travaux maritimes; car il
ἀμύνωνται τὸν τοὺς jugeait que ceux qui se
συγγενεῖς savaient supérieurs en
καταδεδουλωμένον; δὲ cavalerie aux Lydiens
Κροῖσος θαυμάσας τὸν devaient l'être aussi en
λόγον παραχρῆμα infanterie.
μετενόησε καὶ τῆς — Crésus fit venir de la
ναυπηγίας ἀπέστη· τῶν Grèce les hommes les plus
γὰρ Λυδῶν ἱππεύειν sages, afin de leur montrer
εἰδότων ἐνόμιζε ses richesses ; il comblait de
προτερεῖν αὐτοὺς πεζῇ. présents ceux qui
Ὅτι Κροῖσος préconisaient sa félicité. Il
μετεπέμπετο ἐκ τῆς appela également auprès de
Ἑλλάδος τοὺς ἐπὶ σοφίᾳ lui Solon et quelques autres
πρωτεύοντας, qui avaient la plus grande
ἐπιδεικνύμενος τὸ réputation en philosophie ;
μέγεθος τῆς εὐδαιμονίας, car il voulait prendre ces
καὶ τοὺς ἐξυμνοῦντας τὴν hommes pour témoins de son
εὐτυχίαν αὐτοῦ ἐτίμα bonheur. C'est ainsi que se
μεγάλαις δωρεαῖς. rendirent chez lui Anacharsis
Μετεπέμψατο δὲ καὶ le Scythe, Bias, Solon,
Σόλωνα, ὁμοίως δὲ καὶ Pittacus. Dans les festins et
τῶν ἄλλων τῶν ἐπὶ dans les conseils, Crésus les
φιλοσοφίᾳ μεγίστην δόξαν plaçait au premier rang ; il
ἐχόντων, τὴν ἰδίαν leur montrait ses richesses et
εὐδαιμονίαν διὰ τῆς l'étendue de sa souveraineté.
τούτων τῶν ἀνδρῶν Les hommes instruits
μαρτυρίας affectaient alors un langage
ἐπισφραγίζεσθαι sentencieux. Crésus, faisant
βουλόμενος. Παρεγενήθη voir à ses hôtes la prospérité
δὲ πρὸς αὐτὸν Ἀνάχαρσις de son règne et le nombre
Σκύθης καὶ Βίας καὶ des nations soumises,
Σόλων καὶ Πιττακός, οὓς demanda à Anacharsis, le
ἐπὶ τὰς ἑστιάσεις καὶ τὸ plus âgé des sages, lequel
συνέδριον εἶχεν ἐν était le plus courageux des
μεγίστῃ τιμῇ, τόν τε êtres vivants? « Les animaux
πλοῦτον αὐτοῖς les plus sauvages, répondit
ἐπιδεικνύμενος καὶ τὸ Anacharsis, parce que seuls
μέγεθος τῆς τούτου ils meurent intrépidement
δυναστείας. Παρὰ δὲ τοῖς pour leur liberté. » Crésus,
πεπαιδευμένοις τῆς persuadé que le sage s'était
βραχυλογίας τότε trompé, et que dans une
ζηλουμένης, δὲ Κροῖσος seconde réponse il lui serait
ἐπιδειξάμενος τὴν τῆς plus favorable, demande de
βασιλείας εὐδαιμονίαν nouveau qui il estimait le plus
τοῖς ἀνδράσι καὶ τὸ juste parmi les êtres vivants?
πλῆθος τῶν < Les plus sauvages des
κεχειρωμένων ἐθνῶν, animaux, répliqua Anacharsis,
ἠρώτησεν Ἀνάχαρσιν, car seuls ils vivent selon la
ὄντα πρεσβύτερον τῶν nature et non selon les lois ;
σοφιστῶν, τίνα νομίζει or, la nature est l'œuvre de
τῶν ὄντων ἀνδρειότατον. Dieu et les lois l'œuvre de
δὲ τὰ ἀγριώτατα τῶν l'homme : il vaut donc mieux
ζῴων ἔφησε· μόνα γὰρ se conformer aux conventions
προθύμως ἀποθνήσκειν de Dieu qu'à celles des
ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας. δὲ hommes. » Enfin Crésus,
Κροῖσος νομίσας voulant pousser à bout
ἡμαρτηκέναι αὐτόν, ἐν τῷ Anacharsis, lui demanda si les
δευτέρῳ πρὸς χάριν αὐτῷ animaux les plus sauvages
ποιήσεσθαι τὴν ἀπόκρισιν étaient aussi les plus sages
ὑπολαβὼν ἠρώτησε, τίνα (05) « Certainement, répondit
δικαιότατον κρίνει τῶν le philosophe, car c'est le
ὄντων. δὲ πάλιν propre de la sagesse de
ἀπεφαίνετο τὰ ἀγριώτατα préférer la vérité de la nature
τῶν θηρίων· μόνα γὰρ aux lois de l'homme. » Crésus
κατὰ φύσιν ζῆν, οὐ κατὰ se mil à rire et se moqua
νόμους· εἶναι γὰρ τὴν μὲν d'Anacharsis de ce qu'il avait
φύσιν θεοῦ ποίησιν, τὸν δὲ puisé ses réponses dans les
νόμον ἀνθρώπου θέσιν, mœurs sauvages des
καὶ δικαιότερον εἶναι Scythes1.... Crésus demanda
χρῆσθαι τοῖς τοῦ θεοῦ à Pittacus quel était le
τοῖς τῶν ἀνθρώπων meilleur empire qu'il eût vu?
εὑρήμασιν. δὲ διασῦραι « Celui du bois peint,
βουλόμενος Ἀνάχαρσιν répondit-il, en faisant allusion
ἠρώτησεν εἰ καὶ aux lois affichées sur les
σοφώτατα τὰ θηρία. δὲ poteaux. »
συγκαταθέμενος — Ésope était le
ἐδίδασκεν, ὅτι τὴν τῆς contemporain des sept
φύσεως ἀλήθειαν τῆς τοῦ sages ; il disait d'eux qu'ils ne
νόμου θέσεως προτιμᾶν savaient pas parler à des
ἰδιώτατον ὑπάρχειν souverains, et qu'avec de tels
σοφίας. δὲ τούτου hommes il fallait parler très
κατεγέλασεν ὡς ἐκ τῆς peu et très doux.
Σκυθίας καὶ θηριώδους
διαγωγῆς πεποιημένου Le même Ésope disait
τὰς ἀποκρίσεις. dans un langage figuré que la
victoire s'obtient par le
Ἠρώτησε δὲ τὸν courage et non par le nombre
Σόλωνα τίνα τῶν ὄντων de bras.
εὐδαιμονέστατον
ἑώρακεν, ὡς τοῦτό γε
πάντως ἀποδοθησόμενον
ἑαυτῷ. Τοῦ δὲ εἰπόντος
ὡς οὐδένα δικαίως ἂν
εἰπεῖν ἔχοι διὰ τὸ μηδενὸς
τῶν ὄντων ἑωρακέναι τὸ
τέλος τοῦ βίου, οὗ χωρὶς
οὐδεὶς ἂν προσηκόντως
μακάριος νομίζοιτο·
πολλάκις γὰρ οἱ τὸν
ἔμπροσθεν πάντα βίον
εὐδαίμονες δόξαντες
εἶναι πρὸς αὐτῇ τῇ τοῦ
βίου καταστροφῇ
μεγίσταις περιέπεσον
συμφοραῖς. δὲ βασιλεύς,
Οὐδὲ πλουσιώτατον ἄρα
με κρίνεις; Ἔφη. Καὶ
Σόλων τὴν αὐτὴν
ἀπόκρισιν ποιησάμενος
ἐδίδασκεν ὡς οὐ τοὺς
πλεῖστα κεκτημένους,
ἀλλὰ τοὺς πλείστου ἀξίαν
τὴν φρόνησιν ἡγουμένους
νομιστέον
πλουσιωτάτους· δὲ
φρόνησις οὐδενὶ τῶν
ἄλλων ἀντίρροπος οὖσα
μόνους ποιεῖ τοὺς αὐτὴν
περὶ πολλοῦ ποιουμένους
μέγιστον καὶ βεβαιότατον
ἔχειν πλοῦτον. Ἠρώτησε
καὶ τὸν Βίαντα, πότερον
ὀρθῶς ἐποιήσατο τὴν
ἀπόκρισιν Σόλων
διήμαρτεν. δὲ ὑπειπών,
Ὀρθῶς, ἔφη· τὰ γὰρ ἔν σοι
βούλεται θεωρήσας
ἀγαθὰ διαγνῶναι, νυνὶ δὲ
τὰ παρά σοι μόνον
ἑώρακεν· εἶναι δὲ δι'
ἐκεῖνα μᾶλλον ταῦτα
τοὺς ἀνθρώπους
εὐδαίμονας. δὲ
βασιλεύς, Ἀλλ' εἰ τὸν τῶν
χρημάτων, ἔφησε,
πλοῦτον μὴ προτιμᾷς, τό
γε πλῆθος τῶν φίλων
ὁρᾷς τοσοῦτον ὑπάρχον
ὅσον οὐδενὶ τῶν ἄλλων.
δὲ καὶ τοῦτον ἀπεφήνατο
τὸν ἀριθμὸν ἄδηλον εἶναι
διὰ τὴν εὐτυχίαν. Πρὸς δὲ
Πιττακὸν εἰπεῖν φασι,
Ποίαν ἑώρακας ἀρχὴν
κρατίστην; Τὸν δὲ
ἀποκριθῆναι, Τὴν τοῦ
ποικίλου ξύλου,
διασημαίνοντα τοὺς
νόμους.
Ὅτι Αἴσωπος κατὰ
τοὺς αὐτοὺς χρόνους
συνήκμαζε τοῖς ἑπτὰ
σοφοῖς καὶ εἶπεν ὡς οὐκ
οἴδασιν οὗτοι ὁμιλεῖν
δυνάστῃ· καὶ γὰρ ὡς
ἥκιστα δεῖν ὡς ἥδιστα
συμβιοῦν τοῖς τοιούτοις.

Ὅτι Ἄδραστός τις Excerpt. de Virt. et Vit., p.


Φρὺξ τὸν τοῦ βασιλέως 553. — Le Phrygien Adraste,
Κροίσου τοῦ Λυδοῦ υἱὸν dans une partie de chasse,
Ἄτυν καλούμενον πρὸς lança son javelot sur un
κυνηγίαν ἀκουσίως, sanglier, et atteignit
ἐξακοντίσας κατὰ συός, mortellement le fils de
πλήξας ἀπέκτεινε. Καὶ Crésus, nommé Atys.
μὲν καὶ ἀκουσίως Quoiqu'il l'eût tué bien
ἀνῃρηκὼς οὐκ ἔφησεν involontairement, il se crut
ἑαυτὸν ἔτι ζῆν ἄξιον indigne de vivre. Aussi
εἶναι· διὸ καὶ παρεκάλει engagea-t-il Crésus de ne
τὸν βασιλέα μὴ point lui pardonner, mais de
φείσασθαι, τὴν ταχίστην l'immoler sur-le-champ sur le
δὲ ἐπικατασφάξαι τῷ τοῦ tombeau de son fils. Crésus
τετελευτηκότος τάφῳ. était d'abord exaspéré contre
δὲ Κροῖσος τὴν μὲν ἀρχὴν Adraste et menaçait de le
ὡς ἂν ἐπὶ φόνῳ τέκνου δι' faire brûler vif. Mais voyant
ὀργῆς εἶχε τὸν Ἄδραστον, que ce jeune homme, loin de
ἀπειλῶν ζῶντα vouloir éviter le supplice,
κατακαύσειν· ἐπεὶ δὲ venait offrir sa vie pour expier
αὐτὸν ἑώρα le résultat déplorable d'un
προθυμούμενον καὶ εἰς événement imprévu, il
τὴν τοῦ τετελευτηκότος passade la colère à la
τιμὴν τὸ ζῆν ἐπιδιδόντα, clémence et fît grâce à cet
τὸ τηνικαῦτα λήξας τῆς infortuné, ne pouvant s'en
ὀργῆς ἀπέλυσε τῆς prendre qu'au destin.
τιμωρίας τὸν ἀνελόντα, Néanmoins Adraste se rendit
τὴν ἰδίαν τύχην, ἀλλ' οὐ seul sur le tombeau d'Atys et
τὴν ἐκείνου προαίρεσιν s'y donna la mort.
αἰτιώμενος. δὲ * Excerpt. Vatican., p. 25
Ἄδραστος οὐδὲν ἧττον et 26. — Phalaris voyant une
κατ' ἰδίαν ἐπὶ τὸν Ἄτυος troupe de pigeons poursuivie
τάφον πορευθεὶς ἑαυτὸν par un seul épervier, s'écria:
κατέσφαξεν. « Voyez, citoyens, n'est-ce
Ὅτι Φάλαρις ἰδὼν pas lâcheté qu'une si grande
περιστερῶν πλῆθος ὑφ' troupe se laisse poursuivre
ἑνὸς ἱέρακος διωκόμενον par un seul? S'ils osaient faire
ἔφη, Ὁρᾶτε, ἄνδρες, volte-face, ils viendraient
τοσοῦτο πλῆθος ὑφ' ἑνὸς facilement à bout de celui qui
διωκόμενον διὰ δειλίαν; les poursuit. » En prononçant
Ἐπείτοι γε εἰ τολμήσειαν ces mots, il abdiqua la
ἐπιστρέψαι, ῥᾳδίως τοῦ tyrannie, ainsi que nous
διώκοντος ἂν l'avons rapporté en parlant de
περιγένοιντο. Αὐτὸς δὲ la succession des rois.
πεπλασμένως ἔλεγεν· τὴν Crésus, au moment de
μὲν γὰρ νίκην ἀρετῇ καὶ marcher contre Cyrus le
οὐ πολυπληθίᾳ χειρῶν Perse, consulta l'oracle. Celui-
περιγίνεσθαι. Καὶ ἐκ ci répondit : « Crésus,
τούτου τοῦ λόγου traversant le fleuve Halys,
ἀπέβαλε τὴν δυναστείαν, mettra fin à un grand empire.
ὡς γέγραπται ἐν τῷ περὶ » En interprétant cet oracle
διαδοχῆς βασιλέων. ambigu dans le sens le plus
Ὅτι Κροῖσος ἐπὶ Κῦρον favorable à ses projets, il
τὸν Πέρσην ἐκστρατεύων tomba dans le malheur.
ἐπύθετο τοῦ μαντείου. — Il interrogea de
δὲ χρησμός, nouveau l'oracle pour savoir
Κροῖσος Ἅλυν διαβὰς s'il régnerait longtemps. Le
μεγάλην ἀρχὴν dieu lui répondit en ces
καταλύσει. termes : « Lorsqu'un mulet
Ὁ δὲ τὸ ἀμφίβολον sera devenu roi des Mèdes,
τοῦ χρησμοῦ κατὰ τὴν alors, ô Lydien aux pieds
ἑαυτοῦ προαίρεσιν tendres, fuis sans retard sur
ἐκδεξάμενος les rives de l'Hermus
ἐδυστύχησεν. sablonneux, et ne rougis pas
Ὅτι πάλιν d'être lâche. » Le mulet de
ἐπηρώτησεν, εἰ πολὺν l'oracle, c'était Cyrus, né
χρόνον ἕξει τὴν d'une mère mède et d'un
δυναστείαν. Εἶπε δὲ τὰ père perse.
ἔπη ταῦτα, — Cyrus, roi des Perses,
ἀλλ' ὅταν ἡμίονος arrivé avec toute son armée
βασιλεὺς Μήδοισι dans les défilés de la
γένηται, Cappadoce, envoya des
καὶ τότε, Λυδὲ ποδαβρέ, hérauts à Crésus pour
πολυψήφιδα παρ' Ἕρμον explorer ses États et lui
φεύγειν μηδὲ μένειν μηδ' annoncer que Cyrus lui
αἰδεῖσθαι κακὸς εἶναι. pardonnerait ses premiers
torts et le nommerait satrape
Ὅτι ἡμίονον τὸν de la Lydie, s'il voulait se
Κῦρον ἔφη διὰ τὸ τὴν présenter à sa porte, et se
μητέρα αὐτοῦ Μηδικὴν déclarer comme les autres
εἶναι, τὸν δὲ πατέρα son esclave. Crésus répondit
αὐτοῦ Πέρσην. aux hérauts : « Cyrus et les
Ὅτι Κῦρος τῶν Perses devraient être bien
Περσῶν βασιλεὺς plutôt mes esclaves, car ils
παραγενηθεὶς μετὰ πάσης ont été jadis sujets des
δυνάμεως εἰς τὰ τῆς Mèdes, tandis que moi je n'ai
Καππαδοκίας στενά, encore été aux ordres de
ἀπέστειλε κήρυκας πρὸς personne. »
τὸν Κροῖσον τήν τε Excerpt. de Virt. et Vit., p.
δυναστείαν αὐτοῦ 553. — Crésus, roi des
κατασκεψομένους καὶ Lydiens, feignant de consulter
δηλώσοντας ...ὅτι Κῦρος l'oracle de Delphes, envoya
αὐτὸν ἀφίησι τῶν Eurybate l'Éphésien dans le
πρότερον ἁμαρτημάτων Péloponnèse avec une grande
καὶ Λυδίας καθίστησι somme d'argent pour
σατράπην, ἂν ἐπὶ θύρας engager au service du roi
γενόμενος ὁμοίως τοῖς beaucoup de soldats grecs.
ἄλλοις ὁμολογῇ δοῦλος Mais Eurybate se rendit
εἶναι. Πρὸς οὓς Κροῖσος auprès de Cyrus, roi des
ἀπεκρίθη, διότι Perses, à qui ce traître
προσηκόντως ἂν Κῦρος découvrit les projets de
καὶ Πέρσαι Κροίσῳ Crésus. Cette trahison se
δουλεύειν ὑπομένοιεν· répandit dans toute la Grèce,
ἐκείνους μὲν γὰρ τὸν où encore aujourd'hui on
ἔμπροσθεν χρόνον donne le nom d'Eurybate à
διατετελεκέναι Μήδοις tout homme noté d'infamie.
δουλεύοντας, αὐτὸν δὲ
οὐδέποτε πεποιηκέναι τὸ * Excerpt. Vatican., p. 26.
προσταττόμενον ὑφ' — Les méchants, lors même
ἑτέρου. qu'ils ont échappé à la
vengeance de ceux auxquels
Ὅτι Κροῖσος τῶν ils ont fait du mal, restent
Λυδῶν βασιλεὺς toujours voués à l'infamie qui
προσποιησάμενος εἰς s'attache à eux autant que
Δελφοὺς πέμπειν, ἔπεμπεν possible, même après la
εἰς Πελοπόννησον mort.
Εὐρύβατον τὸν Ἐφέσιον, On raconte que Crésus,
δοὺς αὐτῷ χρυσίον, ὅπως avant de faire la guerre à
ὡς πλείστους ξενολογήσῃ Cyrus, avait envoyé des
τῶν Ἑλλήνων. δὲ théores à Delphes pour
πεμφθεὶς πρὸς Κῦρον τὸν demander comment son fils
Πέρσην ἀποχωρήσας τὰ [qui était muet] pourrait
κατὰ μέρος ἐδήλωσε. Διὸ recouvrer la parole. La pythie
καὶ παρὰ τοῖς Ἕλλησιν répondit : « Ο Lydien, roi de
ἐπισήμου γενομένης τῆς tant de peuples, insensé
περὶ τὸν Εὐρύβατον Crésus, ne veuille pas
πονηρίας, μέχρι τοῦ νῦν, entendre dans ton palais la
ὅταν τις ὀνειδίσαι τινὶ voix tant désirée de ton fils;
βούληται μοχθηρίαν, tu en seras beau -coup plus
Εὐρύβατον ἀποκαλεῖ. heureux, car le jour où il
Ὅτι οἱ πονηροὶ κἂν parlera sera néfaste. »
αὐτίκα παρὰ τῶν Il faut supporter
ἀδικηθέντων τὴν sagement la fortune et ne pas
τιμωρίαν ἐκκλίνωσιν, γε se fier à la prospérité
βλασφημία δι' αἰῶνος humaine, qui en un clin d'œil
τηρουμένη καὶ peut éprouver de grands
τελευτήσαντας αὐτοὺς changements.
κατὰ τὸ δυνατὸν
μετέρχεται. Après que Crésus,
prisonnier de Cyrus, fut
Ὅτι φασὶ τὸν Κροῖσον descendu du bûcher éteint, il
πρὸ τοῦ πρὸς Κῦρον vit la ville livrée au pillage, et
πολέμου πέμψαι θεωροὺς emporter beaucoup d'argent
εἰς Δελφοὺς et d'or. Il demande à Cyrus ce
ἐπερωτήσοντας, πῶς ἂν que font ces soldats : « Ils
υἱὸς αὐτοῦ δύναιτο φωνὴν emportent tes richesses,
προέσθαι. Τὴν δὲ Πυθίαν répliqua le roi en souriant. —
εἰπεῖν, Mais, par Jupiter, répondit
Λυδὲ γένος, πολλῶν Crésus, ce ne sont pas les
βασιλεῦ, μέγα νήπιε miennes, mais les tiennes;
Κροῖσε, car je ne possède plus rien en
μὴ βούλου πολύευκτον ἰὰν propre. » Frappé de ces
κατὰ δώματ' ἀκούειν paroles, Cyrus se repentit
παιδὸς φθεγγομένου· τὸ aussitôt, rappela les soldats
δέ σοι πολὺ λώιον ἀμφὶς du pillage et fit déposer dans
ἔμμεναι· αὐδήσει γὰρ ἐν le trésor royal les richesses
ἤματι πρῶτον ἀνόλβῳ. trouvées à Sardes.
Ὅτι δεῖ τὴν εὐτυχίαν
μετρίως φέρειν καὶ μὴ
πεποιθέναι ταῖς
ἀνθρωπίναις εὐπραξίαις
ἐν μικρᾷ ῥοπῇ μεγάλας
μεταβολὰς λαμβανούσαις.
Ὅτι μετὰ τὸ γενέσθαι
αἰχμάλωτον Κροῖσον καὶ
τὴν πυρὰν σβεσθῆναι,
ἰδὼν τὴν πόλιν
διαρπαζομένην καὶ πρὸς
τοῖς ἄλλοις πολὺν
ἄργυρόν τε καὶ χρυσὸν
διαφορούμενον,
ἐπηρώτησε τὸν Κῦρον, τί
ποιοῦσιν οἱ στρατιῶται.
Τοῦ δὲ μετὰ γέλωτος
ἀποκριθέντος ὡς Τὰ σὰ
χρήματα διαρπάζουσι, Μὰ
Δία μὲν οὖν, εἶπεν, ἀλλὰ
τὰ σά· Κροίσου γὰρ ἴδιον
οὐκέτι οὐθὲν ὑπάρχει. δὲ
Κῦρος θαυμάσας τὸν
λόγον εὐθὺς μετενόησε
καὶ τοὺς στρατιώτας
ἀνείρξας τῆς διαρπαγῆς
εἰς τὸ βασιλικὸν ἀνέλαβε
τὰς τῶν Σαρδιανῶν
κτήσεις.

Ὅτι Κῦρος εὐσεβῆ Excerpt. de Virt. et Vit. 3


νομίσας εἶναι τὸν Κροῖσον p. 553. — Cyrus, persuadé
διὰ τὸ καταρραγῆναι que Crésus était un homme
ὄμβρον καὶ σβέσαι τὴν d'une grande piété parce
φλόγα, καὶ διὰ μνήμης qu'un torrent de pluie avait
ἔχων τὴν Σόλωνος éteint le bûcher qui devait le
ἀπόκρισιν, μεθ' ἑαυτοῦ consumer, et se rappelant en
περιήγετο τὸν Κροῖσον outre la réponse de Solon, le
ἐντίμως. Μετέδωκε δὲ garda auprès de lui et le
αὐτῷ καὶ τοῦ συνεδρίου, combla d'honneurs. Il l'admit
διαλαμβάνων ὑπάρχειν même à son conseil, pensant
συνετόν, ὡς ἂν πολλοῖς que la prudence et le savoir
καὶ πεπαιδευμένοις καὶ devaient être le partage d'un
σοφοῖς ἀνδράσι homme qui avait vécu dans
συμβεβιωκότα. l'intimité avec tant de sages.
Ὅτι Ἅρπαγος * Excerpt. Vatican., p. 27 -
κατασταθεὶς ὑπὸ Κύρου 29. — Lorsque Harpagus fut
τοῦ Πέρσου ἐπὶ τῆς nommé commandant du
θαλάττης στρατηγός, καὶ littoral par Cyrus le Perse, les
τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν Grecs de l'Asie envoyèrent
Ἑλλήνων πρὸς Κῦρον auprès de lui une députation
διαπρεσβευομένων pour conclure une alliance
συνθέσθαι φιλίαν, εἶπε avec Cyrus. Harpagus leur
πρὸς αὐτοὺς ὅτι répondit qu'il se conduirait à
παραπλήσιόν τι ποιοῦσι leur égard comme on s'était,
τῶν πρότερον ἑαυτῷ il y avait quelque temps,
συμβάντων. Καὶ γάρ ποτε conduit envers lui. « Je
γῆμαι βουλόμενον voulus, dit-il, un jour me
αἰτεῖσθαι παρὰ τοῦ marier, et je demandai au
πατρὸς τὴν κόρην· τὸν δὲ père la main de sa fille. Celui-
τὸ μὲν πρῶτον οὐκ ἄξιον ci, ne me jugeant pas d'abord
κρίναντα τοῦ γάμου digne de son alliance, destina
δυνατωτέρῳ sa fille à un autre plus
κατεγγυῆσαι, μετὰ δὲ puissant que moi. Mais
ταῦθ' ὁρῶντα αὐτὸν ὑπὸ lorsqu'il me vit plus tard dans
τοῦ βασιλέως τιμώμενον les faveurs du roi, il m'offrit
διδόναι τὴν θυγατέρα· lui-même sa fille. Mais je lui
αὐτὸν δὲ ἀποκριθῆναι, répondis que je ne
διότι γυναῖκα μὲν οὐκέτι consentirais plus à prendre sa
ἂν ἔχοι αὐτήν, παλλακίδα fille comme femme légitime,
δὲ συγχωρήσαι λαβεῖν. mais comme concubine. Vous
Διὰ δὲ τῶν τοιούτων autres Grecs, vous tenez la
λόγων ἐδήλου τοῖς même conduite ; car lorsque
Ἕλλησιν, ὅτι Κύρου Cyrus vous offrit l'amitié des
πρότερον ἀξιοῦντος Perses, vous n'en vouliez
γενέσθαι Περσῶν φίλους point. Maintenant que la
οὐκ ἐβουλήθησαν, νῦν δὲ fortune est changée, vous
ἐκ μεταβολῆς ἐκείνων recherchez l'amitié de Cyrus;
σπευδόντων συνάψαι mais ne vous attendez pas à
φιλίαν ὡς μὲν πρὸς être traités comme des
συμμάχους οὐ ποιήσεται alliés : il faudra vous
τὰς ὁμολογίας, ὡς δὲ soumettre comme des
δούλους εἰς τὴν τῶν esclaves, si vous voulez
Περσῶν πίστιν ἑαυτοὺς obtenir la protection des
παραδιδόντας Perses. »
προσδέξεται. — Informés que les Grecs
Ὅτι Λακεδαιμόνιοι de l'Asie couraient des
πυνθανόμενοι τοὺς κατὰ dangers, les Lacédémoniens
τὴν Ἀσίαν Ἕλληνας envoyèrent à Cyrus des
κινδυνεύειν, ἔπεμψαν députés pour lui déclarer que
πρὸς Κῦρον, ὅτι les Grecs de l'Asie étant de
Λακεδαιμόνιοι συγγενεῖς leur race, ils lui défendaient
ὄντες τῶν κατὰ τὴν Ἀσίαν de les réduire en esclavage.
Ἑλλήνων ἀπαγορεύουσιν Surpris de ce langage, le roi
αὐτῷ καταδουλοῦσθαι répondit qu'il saurait
τὰς Ἑλληνίδας πόλεις. apprécier leur valeur quand il
δὲ θαυμάσας τὸν λόγον aurait envoyé un de ses
ἔφη γνώσεσθαι τὴν esclaves subjuguer la Grèce.
ἀρετὴν αὐτῶν, ὅταν ἕνα Sur le point de soumettre
τῶν ἑαυτοῦ δούλων l'Arcadie, les Lacédémoniens
πέμψῃ καταστρεψόμενον
τὴν Ἑλλάδα. reçurent de l'oracle la
Ὅτι Λακεδαιμόνιοι réponse suivante : « Tu me
τὴν Ἀρκαδίαν μέλλοντες demandes l'Arcadie? tu me
καταστρέφειν ἔλαβον demandes beaucoup; je ne te
χρησμόν, la donnerai pas. Beaucoup
d'Arcadiens ne vivent que de
Ἀρκαδίαν μ' αἰτεῖς; glands ; ils te repousseront ;
Μέγα μ' αἰτεῖς· οὔ τοι cependant je te veux du
δώσω. bien ; je te donnerai donc
Πολλοὶ ἐν Ἀρκαδίᾳ Tégée à fouler sous tes pieds
βαλανηφάγοι ἄνδρες en dansant, et une belle
ἔασιν, plaine à mesurer au cordeau.
οἵ σ' ἀποκωλύσουσιν· ἐγὼ »
δέ τοι οὔτι μεγαίρω.
Δώσω σοι Τεγέαν Les Lacédémoniens
ποσσίκροτον ὀρχήσασθαι envoyèrent à Delphes
καὶ καλὸν πεδίον σχοίνῳ demander dans quels lieux
διαμετρήσασθαι. reposaient les os d'Oreste, fils
d'Agamemnon. L'oracle
Ὅτι οἱ Λακεδαιμόνιοι répondit : « Dans une plaine
ἔπεμψαν εἰς Δελφοὺς περὶ de l'Arcadie se trouve Tégée.
τῶν ὀστέων Ὀρέστου τοῦ Là, deux vents soufflent sous
Ἀγαμέμνονος, ἐν ποίῳ τινὶ l'empire de la nécessité ; le
τόπῳ κεῖνται. Καὶ ἔχρησεν coup s'ajoute au coup et le
οὕτως, mal au mal. C'est là que la
ἔστι τις Ἀρκαδίας terre est vivifiante, et recèle
Τεγέη λευρῷ ἐνὶ χώρῳ, dans son sein le fils
ἔνθ' ἄνεμοι πνείουσι δύω d'Agamemnon ; quand tu
κρατερῆς ὑπ' ἀνάγκης l'auras enlevé, lu seras
καὶ τύπος ἀντίτυπος καὶ vainqueur de Tégée. » C'était
πῆμ' ἐπὶ πήματι κεῖται. une forge : les vents étaient
Ἔνθ' Ἀγαμεμνονίδην les soufflets, les coups
κατέχει φυσίζοος αἶα· l'enclume et le marteau, et le
τὸν σὺ κομισσάμενος mal le fer, parce qu'il a été
Τεγέης ἐπιτάρροθος ἔσσῃ. inventé pour le malheur des
hommes.
Ἦν δὲ χαλκεῖον, καὶ
δηλοῖ τὰς φύσας, τύπον Il vaut mieux mourir que
δὲ τὸν ἄκμονά φησι καὶ de vivre avec les siens et
τὰς σφύρας, πῆμα δὲ ἐπὶ d'être témoin des crimes qui
πήματι τὸν σίδηρον ἐπὶ méritent la mort.
σιδήρῳ· πῆμα γὰρ εἴρηται — Pendant que la fille de
διὰ τὸ ἐπὶ κακῷ τῶν Pisistrate, remarquable par sa
ἀνθρώπων εὑρῆσθαι. beauté, portait la corbeille
Κρεῖττον γὰρ εἶναι des sacrifices, un jeune
τελευτᾶν ζῶντας homme s'approcha d'elle
ἑαυτοὺς μετὰ τῶν effrontément et lui donna un
συγγενῶν ἐφορᾶν ἄξια baiser. Les frères, irrités de
θανάτου πράττοντας. cet outrage, conduisirent ce
jeune homme auprès de leur
Ὅτι κανηφορούσης
ποτὲ τῆς θυγατρὸς père, en demandant justice.
Πεισιστράτου, καὶ Pisistrate leur dit en souriant :
δοκούσης τῷ κάλλει « Que ferons-nous à ceux qui
διαφέρειν, προσελθών τις nous haïssent, si nous
τῶν νεανίσκων punissons ceux qui nous
καταπεφρονηκὼς ἐφίλησε aiment (06)? »
τὴν παρθένον. — Ce même Pisistrate, se
Ἀκούσαντες δὲ οἱ τῆς promenant un jour à la
κόρης ἀδελφοὶ βαρέως campagne, remarqua un
ἤνεγκαν τὴν ὕβριν, καὶ homme qui, près du mont
τὸν νεανίσκον ἀγαγόντες Hymette, labourait un champ
πρὸς τὸν πατέρα δίκην très maigre et rocailleux.
ἠξίουν διδόναι· δὲ Étonné de l'activité de cet
Πεισίστρατος γελάσας, homme, il envoya lui
Καὶ τί τοὺς μισοῦντας demander quel profit il croyait
ἡμᾶς, ἔφη, ποιήσωμεν, retirer de son travail. Le
ἐὰν τοὺς φιλοῦντας laboureur répondit aux
τιμωρίαις περιβάλωμεν; envoyés qu'il ne retirait de
Ὅτι αὐτὸς son champ que des fatigues;
διαπορευόμενός ποτε διὰ mais que cela lui était égal,
τῆς χώρας κατενόησεν parce qu'une partie devait en
ἄνθρωπον κατὰ τὸν revenir à Pisistrate. Le tyran
Ὕμηττον ἐργαζόμενον ἐν sourit à cette réponse, et
χωρίοις λεπτοῖς καθ' exempta le champ de tout
ὑπερβολὴν καὶ τραχέσι. impôt ; c'est de là que vient le
Θαυμάσας δὲ τὴν proverbe : les produits
φιλεργίαν ἔπεμψε τοὺς desséchés exemptent de
ἐρωτήσοντας, τί l'impôt.
λαμβάνοι τοιαύτην χώραν
ἐργαζόμενος. Ὧν
ποιησάντων τὸ
προσταχθέν, ἐργάτης
ἔφησε λαμβάνειν ἐκ τοῦ
χωρίου κακὰς ὀδύνας,
ἀλλ' οὐθὲν αὐτῷ μέλειν·
τούτων γὰρ τὸ μέρος
Πεισιστράτῳ διδόναι. δὲ
δυνάστης ἀκούσας τὸν
λόγον καὶ γελάσας
ἐποίησε τὸ χωρίον
ἀτελές, καὶ ἐντεῦθεν
παροιμία, Καὶ σφάκελοι
ποιοῦσιν ἀτέλειαν.
NOTES

(01) Habitants du l'île de Cos.


(02) Ces deux vers ne se trouvent dans aucune des
oeuvres d'Euripide parvenues jus qu'à nous.
(03) Tzetz., Hist., 1, 646, raconte ce fait avec plus de
détails.
(04) La phrase omise n'est que la répétition de ce qui a
été dit plus haut, p. 243.
(05) Les phrases omises ne sont que la répétition un
peu plus prolixe de ce qui a été dit plus haut à propos de
Solon, p. 241.
(06) II y a ici un jeu de mots impossible à rendre en
français : φιλεῖν signifie à la fois aimer et donner un baiser.
Ὃς Φάλαρις Περίλαον τὸν χαλκουργὸν ἐκεῖνον τὸν
Ἀττικὸν κατέκαυσεν ἐν ταύρῳ τῷ χαλκέῳ. Οὗτος γὰρ τὸ
μηχάνημα τοῦ ταύρου χαλκουργήσας τοῖς μυξωτῆρσι τοῦ
βοὸς ἐτέκτηνεν αὐλίσκους, Ἀνέπτυξε καὶ θύραν δὲ πρὸς τῷ
πλευρῷ τοῦ ταύρου· καὶ δῶρον τῷ Φαλάριδι τοῦτον τὸν
ταῦρον ἄγει. Φάλαρις δὲ τὸν ἄνθρωπον ἐν δώροις
δεξιοῦται, τὸ δὲ μηχάνημα θεοῖς καθιεροῦν κελεύει. Ὡς δ'
ἀναπτύξας τὸ πλευρὸν χαλκουργὸς ἐκεῖνος δόλον τὸν
κακομήχανον ἐξεῖπεν ἀπανθρώπως, Εἴ τινα βούλει, Φάλαρι,
κολάζειν τῶν ἀνθρώπων, ἔνδον τοῦ ταύρου κατειργνὺς
πῦρ ὑποστρώννυ κάτω· δόξει δ' ταῦρος στεναγμοῖς
μυκᾶσθαι τοῖς ἐκείνου, σὺ δ' ἡδονὴν τοῖς στεναγμοῖς ἕξεις
αὐλοῖς μυκτήρων. Τοῦτο μαθὼν Φάλαρις καὶ μυσαχθεὶς
ἐκεῖνον, Ἄγε, φησί, Περίλαε, σὺ πρῶτος δεῖξον τοῦτο, καὶ
τοὺς αὐλοῦντας μίμησαι, τράνωσόν σου τὴν 'τέχνην. Ὡς δὲ
παρέδυ μιμητὴς δῆθεν τῶν αὐλημάτων, κλείει τὸν ταῦρον
Φάλαρις καὶ πῦρ ἐπισωρεύει. Ὅπως δὲ τὸ χαλκούργημα
θανὼν μὴ ἐμμιάνῃ, κατὰ πετρῶν ἐκρήμνισεν ἐξάξας
ἡμιθνῆτα. Γράφει περὶ τοῦ ταύρου δὲ Λουκιανὸς Σύρος,
Διόδωρος καὶ Πίνδαρος, σὺν τούτοις τε μυρίοι.
Ἡρόδοτος κατὰ Ξέρξην γεγονὼς τοῖς χρόνοις φησὶν
Ἀσσυρίους ἔτη πεντακόσια πρότερον τῆς Ἀσίας ἄρξαντας
ὑπὸ Μήδων καταλυθῆναι. Ἔπειτα βασιλέα μὲν μηδένα
γενέσθαι τὸν ἀμφισβητήσοντα τῶν ὅλων ἐπὶ πολλὰς
γενεάς, τὰς δὲ πόλεις καθ' ἑαυτὰς ταττομένας διοικεῖσθαι
δημοκρατικῶς· τὸ δὲ τελευταῖον πολλῶν ἐτῶν διελθόντων
αἱρεθῆναι βασιλέα παρὰ τοῖς Μήδοις ἄνδρα δικαιοσύνῃ
διάφορον, ὄνομα Κυαξάρην. Τοῦτον δὲ πρῶτον ἐπιχειρῆσαι
προσάγεσθαι τοὺς πλησιοχώρους, καὶ τοῖς Μήδοις
ἀρχηγὸν γενέσθαι τῆς τῶν ὅλων ἡγεμονίας· ἔπειτα τοὺς

You might also like