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La contestation de la mondialisation
Après la chute du mur de Berlin, les grandes Peut-on vraiment parler aujourd’hui de
économies du Nord ont célébré la victoire du « déglobalisation » ? Début 2009, on a bien assisté
capitalisme. Le mythe d’une « mondialisation à un effondrement des échanges mondiaux. Mais
heureuse », sans alternative au capitalisme comme les fluctuations de la croissance éco-
libéral, s’est développé. Des mouvements nomique sont structurellement amplifiées au
contestataires, rassemblant une grande pluralité niveau du commerce international, on peut
d’acteurs, ont toutefois émergé dans les pays du avancer que la « déglobalisation commerciale » a
Nord comme dans ceux du Sud. Mieux saisir les été la résultante de la crise. Zaki Laïdi souligne
enjeux de cette contestation implique de d’ailleurs que la crise a renforcé la légitimité
s’interroger sur sa nature, ses acteurs ainsi que politique de l’OMC.
sur les rapports qu’ils entretiennent avec la
1 La question d’une dimension plus volontariste de
sphère politique et syndicale .
la « déglobalisation » reste néanmoins posée.
Même si les gouvernements ont eu relativement
LA CONTESTATION VUE DU NORD peu recours au protectionnisme classique (droits
de douane), ils ont été nombreux à développer
Selon Zaki Laïdi, la crise a ravivé le débat sur la des logiques de « préférence nationale » au
mondialisation sans que le courant néolibéral travers de plans de relance formels ou informels.
s’oppose frontalement à celui des étatistes ou La conséquence politique en est que l’appétence
des régulationnistes. De surcroît, la concomi- pour la clôture du cycle de Doha est très faible,
tance de la crise financière et de la crise sauf dans les pays émergents. D’ailleurs, la
environnementale ne devrait pas se solder par un préférence pour le libre-échange est très peu
retour aux équilibres passés. La crise actuelle a marquée dans les pays développés, à commen-
donc des effets inattendus, mais elle suscite cer par les États-Unis où d’autres problèmes sont
d’autres interrogations. prioritaires. Seuls les pays scandinaves et la
Grande-Bretagne font exception.
La notion de « déglobalisation », c’est-à-dire la
réorientation de la production vers les marchés Quel peut être le débouché politique de ces
locaux plutôt que vers l’exportation, a été différents processus ? Le paradoxe de la crise a
popularisée par Walden Bello. Elle fait écho à la été de « désidéologiser » le débat, y compris par
réflexion actuelle sur le renouveau du protection- rapport au libéralisme, et de ne pas déboucher
nisme dans le contexte de la crise. sur une mobilisation sociale.
Le processus de « déglobalisation » doit néan-
(1) Ce dossier a été rédigé à partir des analyses moins être pris au sérieux car un élément
présentées par Zaki Laïdi (professeur, Sciences Po),
Alfredo Valladão (président de la chaire du Mercosur),
nouveau intervient, celui de la concomitance
Eddy Fougier (chercheur à l’IRIS) et Dominique Plihon entre la crise financière et la crise environne-
(professeur à l’université Paris Centre-Nord et mentale. Les réflexions sur les mesures à prendre
président du Conseil scientifique d’ATTAC) lors du contre les mauvais élèves du réchauffement
Rendez-vous de la mondialisation du 24 septembre climatique vont bon train, sans trouver pour
2009, animé par Éric Le Boucher (rédacteur en chef, l’instant de modalités d’application satisfaisantes.
Enjeu-Les Échos).