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Nansha, les sables du sud

La difficulté endurée dans le cours d’un périple est parfois


plus psychologique que purement physique ou logistique.
C’est toujours le cas pour moi en traversant la frontière et
entrant la Chine propre quand l’ambivalence me gifle aussitôt
sur mes joues et d’où je pâtis toujours au dépaysement le
plus profond, une sensation née dans mon for intérieur que
ceci fut le sol de mes ancêtres mais n’est pas de moi. Il y
avait une fois que je pensais comment mon anxiété vis-à-vis à
l’expérience en Chine pourrait s’assouplir et s’améliorer avec
temps. Maintenant je suis convaincu que cette angoisse et
cette inquiétude s’en y pérennisent. Je n’étais auparavant pas
sûr quant à la source de cette aversion viscérale puisque j’aie
plus d’une familiarité au pays ancestral en parlant trois de ses
langues, dont mandarin est la lingua franca, au niveau
variable de compétence et je demeure demi lettré en chinois
classique à l’étendue d’aise relative, au moins avec la
compréhension d’une recette ou d’un journal populaire. La
frousse aurait été aussi accouchée d’une répugnance moins
aux gens qui sont mes frères et sœurs ethniques et plus au
capitalisme débridé qui creuse l’âme, pardonne le gouffre
d’entre ces classes dans une société censément affranchie
d’un tel juron et encourage, sinon attise, une économie de
consommation effrénée, pire voire que cela en prévalence aux
Etats-Unis ; un système cru, nu, laid, deshumanisant, voilà, un
malaise qui choie les barons de vol et piétine, humilie et
asservit la multitude. On peut se proclamer « un citoyen
mondial » mais on ne peut pas esquiver comment le jugement
abruti d’autrui est invariablement basé moins sur la
contenance de soi et plus sur la tenue, l’apparence la plus
superficielle. Moi, bien, je suis donc « Chinois » dans les yeux
même parmi ces Canadiens blancs sans le moindre regard à
mon passeport ni à mon allégeance, maintenant toute flétrie,
perdue. Ma patrie est ma peau, quoique je ne reconnaisse pas
la Chine comme ma terre, plutôt juste cela de mes aïeuls.
Cela, dit un sage, Lloyd, mon grand-père, est ta « souche » et
on ne peut pas l’écorcher comme on en peut sa teinte, son
teint aussi.
Je me suis réveillé au potron-minet mais je ne n’embarque
pas ce matin, le second dimanche en février, sur aucun grand
voyage, juste une virée d’une déterminée inexacte faute d’un
projet de flou et d’un patron abruti. Mais mon plan s’y
esquinte déjà parce que du marathon en causant le
détournement et le blocus de certaines routes pour la
commodité des coureurs aux dépens des passagers privés
d’un accès en voiture au quai liant Hongkong à Nansha,
auquel le résultat est une troupe de gens trimbalant les
bagages roulants en travers de longues avenues à 7.00
tapante, chacun d’eux pantelant dans la marche pour
parvenir l’embarcadère sans manquer le ferry qui n’attend

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personne. Mon sens de direction est vague car ici, la
péninsule de Kowloon, me reste toujours une place étrangère,
un labyrinthe d’où j’ai tendance de me paumer. Apres quittant
un taxi qui m’a largué au dernier point de trafic permissible,
j’ai déjà demandé au flic et à deux piétons la location exacte
du terminal abrité au building commercial dans la forme d’un
briquet d’or géant, criant et nuisible aux pupilles sous le
soleil. En m’égarant déjà, est-il prémonitoire de la virée au
nord ? L’adjectif « vulgaire » ne peut pas entamer à dépeindre
le gout moyen des parvenus à Hongkong dont l’avidité est
effrontée et éhontée comme manifestée dans la parure de
certaines femmes maintenues (surcroit de paillettes, jade,
émeraude, diamant et platine) et l’adoration du décor au
rococo digne de Louis XV en règne florissant de Versailles. Je
n’attige guère. Les Cantonais sont surtout mordus des rimes
qui leur suggèrent de la veine et de la fortune. La
numérologie est partout la marotte. Donc le mot « fat » (huit)
s’harmonise à celui de « prospérité » ; « ye » (deux) à celui de
« facilité » et « sam » (trois) de « naissance ». Ces nombres
sont mis en combinassions telles « ye fat » (28, un pactole
facile) et « sam fat » (38, né riche) pour étaler sur les portails,
plaques minéralogiques et adresses pour briguer et apporter
la chance et la richesse comme des talismans.
Au guichet de ramasser son billet gratuit de ferry (une
entreprise de la dynastie Lee) est l’architecte chevronné
Simon Todd. Les deux de nous étions sommés par James sans
instructions précises pour joindre le projet d’intéresser des
investisseurs potentats arabes dans le domaine Lee et lancer
une exposition sur l’histoire de la bourgade. Nansha est le fief
du clan auquel le patriarche George (défunt en octobre 2006
à Pékin) revendiqua le patrimoine. Cette profession de lignage
est fictive puisque les Lee sont issus des Hakkas, les
équivalents des gitans en Chine. Simon de soixantaine lui
même est confiant de James depuis les années 1970, une
amitié qui amorçait quand l’Anglais fut fonctionnaire du
service colonial et le vénérable et sage Lee père, un homme
de la litote et modestie, fut le magnat de l’époque à
Hongkong. Jim, un prénom d’abréviation pour James,
s’épanouit dans la présence de certains Britanniques dont
approbation il cherche et dont influence le froisse. On risque
de psychanalyse profane de lui attribuer ce complexe
d’incertitude, d’affection et d’afféterie à son séjour écolier en
Angleterre de l’âge de 13 durant lequel il eut subi le bizutage
aux mains de ces bravaches blancs, une série d’humiliation et
de brimade qui ne cesse pas de l’hanter.
Le ferry, un vrai rafiot, est pratiquement vide sauf pour
ces vieux birbes allant passer un gai dimanche à la station au
palier d’un escarpement et à l’embouchure du plus grand
fleuve dans le sud de la Chine, une vadrouille peu
coûteuse d’argent et de temps. Tout de ceci s’agit une fuite
de la pression urbaine et une détente soit au spa, soit au club
de golf, soit aux night-clubs de karaoké afin d’aboutir à la
cure de l’entrain fatigué. Ceci serait le même vaisseau qui m’y
avait porté il y a d’une dizaine d’années qui ne semble
maintenant que de naguère. La version aujourd’hui est plus

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rachitique et piteux, la peinture sur le mur est écaillée et
moussue, le bois des sièges ébréché, son émail terni, la
moquette maculée et l’ambiance également morne que les
visages des passagers encore assoupis. Les moteurs du
navire cahotent, crépitent un peu et crachent des fumes gris
et toxiques, indiquant le risque de cafouillis. Nous jacassons,
lui et moi, assis-nous sur sièges miteusement ouatés avec
leurs accotoirs de guingois, pour le papotage brut est
comment les bougres évitent l’embarras de mutisme. Je me
souviens de ma première visite à Nansha par ferry quand le
débarcadère était ailleurs, sur l’île de Hongkong, adjacent à
ceux qui amarraient une flotte d’hydroptères appartenante
aussi au clan Lee et son partenariat Stanley Ho, les deux
patrons d’une franchise, un monopole, à casino. C’est fait que
j’y étais allée plusieurs mois en avance mais seulement en
m’empruntant en voiture, non, en limousine qui ratait le
drame de l’arrivée sur l’eau coulante dont l’amont est de la
fonte chez plateaux tibétains, un méandre d’une mille de
kilomètres. Le trajet de ferry est censément un raccourci vis-
à-vis à la voirie, bien au moins cela était certes une fois la
logique transparente, mais ces jours, grâce à la ruée de
construction à l’infrastructure, le voyage riverain ne s’avère
plus d’avantage.
« Est-il toujours si pauvrement utilisé, ce service de ferry,
un service peu viable ? » Bernard pose la question dans le
cours du papotage, espérant de susciter d’intérêt en
relâchement durant un matin assez atone. « Bien l’usage
aujourd’hui apparait moyen, comme ci, comme ça, » réplique-
t-il, Simon, en hochant sa tête et surveillant la petite grappe
de gens. « C’est l’histoire, n’est-ce pas, de l’entreprise, de la
folie de construire cette station pour attirer des habitants de
Hongkong, ceux qui n’aiment que s’y vautrent comme varans
sous le soleil, jouent du golfe et s’y grisent aux estaminets car
les prix sont raisonnables juxtaposés à la cherté d’une grande
ville. Surement le péage n’a pas de chance de couvrir les
coûts du fonctionnement de ferry. La seule salvation pour
cette expérience, ce trou noir, à Nansha serait que la
bourgade de resquiller une licence de pari afin de siphonner
une portion de l’aubaine chez Macao. Mais cela est une mise
qui risque d’outrer et d’affronter la mémoire du parangon
George qui ne masqua son dédain d’une telle affaire sordide
alors qu’une large portion de sa fortune fut dérivée des
casinos dont revenus continuent de soutenir ses fonds
charitables, » prône-t-il, ce cueilleur de ragots chez Lee.
Gloussant en accord est l’architecte qui rétorque, « Ouais,
cela serait la solution, puisqu’il n’y rien d’attrait sauf une
ardoisière épuisée dans cette zone sans industrie, sans
promesse.» « L’utopie exista seulement dans l’imagination
fervente, le délire, du patriarche durant la dernière décade de
sa vie, obnubilé-lui de ses legs. Mourir sans l’exaucement d’un
rêve est le pire sort d’un visionnaire qui ne peut pas compter
sur la résolution ni la compétence ni l’acumen de ses
héritiers,» remarque-t-il auquel Simon soupire, « bien ce fut
aussi le défaut du père qui étouffa les avis et les initiatives de
ses fistons en mettant plus de sa confiance dans le conseil de

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ces sycophantes et flagorneurs. » «Ouais, et ironique et
déprimant, qu’un père qui donne aux fils son amour au
dépens de confiance lorsqu’un mène à l’autre, donc je pensais
et j’avais tort. L’argent, bien, il ne servit qu’aveulir l’âme
quand elle s’assure d’une survie corporelle plutôt trop facile.»
Je me lui souviens vivement maintenant, cet oligarque avisé,
dont la mort m’avait endeuillé si seulement parce que de la
connaissance qu’en fait il n’avait pas d’un héritier digne de
son exemple.
Un avantage de voyage en hiver est l’absence de
mouches qui planent en essaims en printemps, aggravant la
chaleur et l’humidité de sauna, parfois mitigée avec une brise
de la berge Perle. La gare d’acier et de vitre qui nous salue
une heure et 20 minutes exactes après le départ de
Hongkong est neuve si différente de celles plus typiques en
Chine notoire pour son chaos aux terminaux des foules qui s’y
égosillent et s’y bousculent, toutes accostées par une troupe
de colporteurs nombreux comme les pigeons de Trafalgar
Square. Le contrôle d’immigration et de douane va sans
accroc car cette formalité est ici relâchée pour accueillir plus
de touristes, peu peut-être ce sont pour le manque
d’amusements et de loisirs dehors de sable, golfe, taverne,
massage, jeux – et ce qui d’en coule. Ailleurs cependant rien
n’y survient et ceci n’est pas une exagération. On n’oublie
jamais, un touriste lambda, comment acquiescer sans plainte
au comportement parfois coriace des agents avec yeux qui
louchent et lèvres qui ricanent affligés de l’attitude presque
hostile et méfiante si typique du gouvernement chinois. En
accueil est le laquais de Jim, Qing, qui est aussi son cousin
germain, au voulant d’une jeep éculée, une véhicule
hargneuse de choix dans cette région. La calvitie de ce larbin
âgé de 62 ou 63 ans est maintenant totale quand ans avant
sa tête chauve se ressemblait à la tonsure, donc l’hasard
d’occupation dans laquelle l’on risque de perdre la dignité et
la chevelure en mesures égales. Qing est génial et patient,
traits critiques au maintien de la santé mentale puisque son
patron est talentueux en abêtissant ceux qui lui travaillent. Ce
pauvre homme charnu d’un visage bouffi subit des tics
comme les tremblements de sa lippe et d’une peau qui
affleure en complexion de rose quand harcelé, chaque chose
de routine. On a besoin d’être saint, masochiste ou
analgésique d’endurer les voies erratiques, excentriques et
énervantes de Jim plus rétif qu’un flipper au jeu d’arcade.
Qing nous emmène au grand hôtel encore neuf et luisant
(aussi pratiquement tout vide) de Nansha et il nous largue au
restaurant pour un peu de petit-déjeuner ; c’est un plat de
croissants à tartine pour Simon et celui de boulettes (dimsum)
pour moi. Jim rôde quelque part, laissant à son larbin
l’instruction vague (bien sûr) de vadrouiller dans le voisinage.
Je suis soulagé d’être momentanément épargné des
vitupérations avec lesquelles il, le boss, aime nous marteler,
lui qui s’en épanche mais seulement dans notre présence et
jamais à la face de ses sources de grief, typiquement figures
d’autorité. Ces jours Jim ne cesse pas d’éreinter le
gouvernement et vilipender certains fonctionnaires qui le

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croissent et qui le bafouent. Ces rondes d’harangue sont
thérapeutiques et pourtant on, un psychiatre, dirait comment
tenir une contradiction dans la poitrine, d’être soumission
publique et ressentiment privé, nuit à l’esprit et induit une
névrose sévère. Une telle existence torturée fait cagot de
quiconque, surtout quelqu’un hâbleur de nature et pourtant
timoré de comportement. On serait de la vue qu’en fait la
psychiatrie n’a pourtant inventé un terme précis assez pour
décrire une condition si saugrenue. Différent à Qing, je n’ai
pas de raison de m’accrocher à la basque Lee, me réjouissant
à la liberté de pensée et d’action.
Nous départons du palais Lee dont taille est soviétique
mais dont piscine et courts au tennis ne sont pas mauvais,
quoiqu’ils semblent touts désolés et abandonnés malgré leur
modernité. Lee père aima s’y balader au cœur de son fief
pour s’observer le tableau et écouter le diapason de la vie
quotidienne aux troquets, tripots et gargotes. Ces
événements lui évoquèrent de ce qu’il éprouva à sa ville
native de Hongkong puis plus pépère et moins dopée
d’avarice, une place si chérie de sa jeunesse avant l’essor
économique et, avec cela, sa fortune personnelle. Le doyen
fut un homme de gouts simples et sans complexe, pitié que
son dauphin prodigue ne s’acquitte jamais du même
caractère, dur, sensible, amical et direct, un homme de ses
paroles et donc d’honneur. Sa faillite de reléguer ses qualités
nobles à son fils le plus aîné, l’héritier stipulé à la
primogéniture, est une leçon morale la plus retentissante qui
m’attriste et m’assène pour moi-même dois être prudent dans
l’éducation de ma fille fondée sur la modestie et l’empathie,
comment il est bon d’épargner, vivoter et respecter la
planète, y tirant ce qui personne requiert et rien de plus.
Néanmoins son esprit nous accompagne sur notre flânerie au
village, vraiment un parc de thème construit aux designs
architecturaux classiques en Chine avec canaux, ponts et un
rang de saules dont vrilles effleurent l’eau glauque. Le milieu
n’appartit qu’un large étai digne d’Hollywood, quoique la salle
de thé avec une toiture en tuile, murailles grises et portes
vernies semble assez authentique. C’est toute une maquette
du manoir on voit dans une zone touristique à Shanghai et on
lit dans le roman, « Les rêves de la chambre rouge », qui
dépeint les magouilles chez le foyer d’une grande et riche
famille où nombreuses sont les servantes et concubines. Je
reconnais un tel manoir à la grandeur d’un hôtel de luxe, cela
de mon beau grand-père, un patricien de Hongkong qui
compta six femmes et deux dizaines de caméristes et
domestiques. C’est un véritable sérail fleurant de polygamie,
débauche et tristesse, un endroit j’ai l’effroi. J’étais aussi
témoin au même à Doha, Qatar, où les cheikhs s’en y
enorgueillissent de leur puissance, virilité et richesse averties
aux harems, chacun des seigneurs permis de retenir quatre
épouses sans monter aucun favoritisme. Esther blague parfois
que je convoitise avoir la même écurie de femmes, sûrement
la fantaisie masculine, mais non pour un tel arrangement
serait trop épuisant, débilitant, accablant lorsque déjà la vie
contemporaine est assez percluse de stress. On ne doit pas

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succomber aux intrigues de foyer pour oublier ses devoirs
mondiaux.
Jim ne veut qu’avoir un gotha d’où l’on préside du aux
connexions et au charme d’argent. L’atteindre lui requiert
d’acheter et aménager un salon au quartier bohême de Lam
Kwai Fong arrière des grands édifices au centre-ville. Mais au
moment cet endroit n’attire aucune pléiade car son cénacle
ne compte que ses vieux copains dans les métiers
d’architecture, de graphiques et de showbiz ensemble avec
un avocat dont l’art est celui d’argumentation. En dépit de
son envie de s’y acoquiner aux créatifs, Jim n’est pas
artistique quoiqu’il se fût adonné une fois, brièvement, à
l’étude du design quelque part à Los Angeles quand le milieu
universitaire l’avait tanné après juste deux semestres. Ce
Monsieur Lee-fils s’entoure d’un peloton de sycophantes qui
cependant ne font que lui éponger des ripailles gratuites et
parfois un octroi au mécénat, ces jours bien amenuisé ou
cédé avec trop de peine. Quant à moi, je résiste toujours à
son invitation de rejoindre la coterie, une rebuffade moins de
Jim mais plus de ses sangsues. Simon essaie de se convaincre
comment Jim possède du talent mais je ne suis aucun arbitre
des esthétiques. Mais sans la moindre preuve de son art et
avec l’évidence de son ineptie en politique, de laquelle il joue
du rôle de législateur nominal, il n’apparait qu’un dilettante,
un sybarite à ceux qui lui profitent et qui le nargue en
catimini, lui déjà une cible de rigolade médiatique provoquée
par son divorce à une belle et par ces rumeurs qui ne cessent
pas de bruire de sa famille étendue, y compris celles
afférentes à ses trois fistons. C’est cette hypocrisie qui je
déteste. Mon patron aime fournir à ses offices ces meubles et
son domaine de Nansha s’y situe en face à l’atelier mondial
de Dongguan qui se vante d’être la Mecque d’usines aux
mobiliers. (Encore je peux vanter qu’en réalité Jim ne me
rémunère rien car mon salaire est des contribuables, un statut
qui explique mon indépendance.) Ces excursions de fouille
aux magasins sont mêmes thérapeutiques en guérissant ou,
sinon, en palliant sa vacillation d’entre la sinistrose et
l’hyperactivité, voire de tiède « cyclothymie ». Je tremble au
souvenir d’une fois lorsqu’il m’y avait fourvoyé sans gage
pour me conduire aux magasins d’installation, sachant-lui
comment je n’avais que du mépris à une telle superficialité. Il
est éhonté en visant copier le design d’autrui sans la moindre
pensée à la redevance ni au brevet quand naguère le principe
du respect à la propriété intellectuelle était de rigueur. Jim
faillit distinguer parfois entre ce qui est original du sien et ce
qui est chipé des autres. Il aime simplement tout qui lui plait.
Nul doute, on doit admettre, qu’une telle marotte assainit
l’esprit, une telle convoitise de beauté. Mais alors encore il ne
fait que barboter en traitant un hobby à l’instar d’un bourdon
à une seule fleur.
Ce qui clientèle raffinée que Jim avait autant convoité
pour sa station s’est encore tarie depuis la dégringolade
boursière en septembre. Nous rencontrons ici ces groupes de
tour au week-end venus de Hongkong et ces foules de jeunes
travailleuses d’usines de la zone mitoyenne industrielle de

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Dongguan dans ce milieu, « la racaille » de laquelle Jim
dédaigne mais qui renfloue une secteur, cela de tourisme, en
déprime et détresse. Ce qui ceux comme M. Lee ne
comprennent pas est qu’il y a toujours une noblesse au travail
honnête en contraste à la honte de fourberie, de duperie,
d’avidité évidente dans ces hautaines classes d’agioteurs tels
coupables pour la crise globale de finance. Au moins Jim n’a
floué personne et, aux temps de Bernard Madoff, ceci est
éloge. La récession frappe dur Hongkong et cette région de
l’estuaire Perle où milles sont déjà renvoyés de ceci, l’atelier
mondial, la vue des grilles cadenassées est l’image du temps.
On entend sans censure grâce à l’Internet (le samizdat du jour
et exutoire des opinions supprimées) des manifestations des
ouvriers pour les salaries en arrière mais ceux qui essaient de
les rallier et pourfendre les patrons méchants et mesquins
pour achever une juste cause subissent de la persécution et
sont dénoncés comme des dissidents et trublions. En Chine
les autorités, qui frisent la paranoïa, lorgnent chaque cohue
rameutée ne pas fêter le régime et épater des dignitaires
étrangers comme une menace car cela est la fragilité d’un
gouvernement supposément en commande du tout pouvoir
étatique, oui, un dragon fait de glace. Jim les abhorre aussi,
ces gens ordinaires et pourtant, ironiquement, ce sont le futur
du projet de Nansha qui leur symbolise du luxe bien
accessible. Seulement un homme d’affaire du bon sens
pourrait discerner ce filon d’or mais un tel nabab s’appelle
James. Parlant du diable, ce nabot ventru cependant habillé
d’un chemise et pantalon sportif désinvolte nous salue après
d’avoir quitté sa Mercedes noire quatre-quatre de la plus
haute gamme, gênant-lui dans son ostentation.
Ici dans ce domaine de Nansha l’emprise et l’empreinte
des Lee sont totales. La dynastie s’apprête d’ériger un musée
et un monument au patriarche. On ne peut pas lui denier un
tel tribut puisque sa largesse compte pour le plus signifiant
investissement d’un marigot dépourvu de quelconque valeur
commerciale sauf ladite ardoisière et sa géographie à
l’embouchure du fleuve qui finit à la confluence des eaux
douces et saumâtres. Lui, le père, eut envisagé une banlieue
à Hongkong ou certains des vieillards fournis de pension
auraient jouies leurs dernières journées en sécurité et
réconfort grâce aux coûts plus baissés relatifs à l’affreuse
cherté des villes avoisinées de Hongkong et Macao. Mais ses
fils, certainement pas son premier, rabrouent ce calcul et s’en
éloignent, préférant allécher ceux plus jeunes et branchés
pour dynamiser la région reculée, rétrograde et passéiste, un
état qui les offusque, eux d’une génération habile,
cosmopolite et habituée aux manières de Paris, Londres, New
York et Hongkong. On peut bien imaginer leur dégoût à l’idée
d’un « ossuaire », une « nécropole », dont c’est une des
calomnies assignées à tels endroits de retrait. Mais le
parangon eut raison car ce coin du monde a besoin d’un tel
lieu comme Victoria est au Canada, Tampa ou Palm Springs
est aux États-unis et Nice est en France. Cette fratrie fidèle
aux souvenirs de leur parent mais est pourtant ratant d’une
approche unanime, un consensus, en poursuite au but encore

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flou et incertain. Tout est ainsi en chambard qui s’empire par
la brouille aux siens. Certes on faut reconnaître qu’il incombe
à Jim de servir le pilote, un devoir lui échu n’est pas de se son
statut dauphin mais plutôt il est seul d’avoir et de prôner une
vision, cependant gonflée et irréelle car nul d’autrui
discernerait une possibilité dehors de la banalité – une station
de loisir. Mais pourtant il reste aux mains de ses cadets les
fonds pour transcrire un rêve en réalité. Le fouillis qui devient
du projet colossal et funeste trahit cette carence de cohésion
et de coordination. Nous espérons une minable réplique d’un
navire britannique censément de l’ère des Guerres d’opium,
avec une configuration plus galion ou caravelle à la coque
noire, proue écornée et pavois de cuivre portant un blason
inconnu que voilier du type qui marauda les littoraux chinois
et ailleurs dans le 19ième siècle. Simon la moque comme un
blasphème aux esthétiques en construction navale de son
pays, pis encore il coûte un touriste fou assez de dix yens (un
euro) pour le « privilège » de monter à bord. Au passavant en
costume d’un corsaire, son épée gainée à la courroie, visage
enduit de maquillage noir, une mascotte si ridiculement
affublée guette des visiteurs, surtout ces jolies filles. Est-il un
fuyard du set des « Pirates des Caribéens », un film de
Disney ? Nous sommes d’accord avec le propos de tirer le tas
de bois au milieu du fleuve et de saborder cette épave
d’embarras qui froisse le goût exquis de Simon et celui de la
véracité historique chez moi.
Le parc surgit du smog (ou de la brume encore
translucide) en train de s’élever après notre véhicule a tourné
le coin et entre notre mire. C’est assez vaste, dizaines
d’hectares de pelouse en besoin d’être désherbée et jeunes
arbres – banians, tamariniers et figuiers – dont ramilles ne
sont pas pourtant d’une taille de fournir personne d’ombre.
Maints sont ces espaces vertes en Chine urbaine et chacune
manque d’un thème. La Mercedes M55 fait halte à l’entrée qui
n’est qu’une trotte du village. J’aurais marché cette courte
distance mais c’est l’ordre de Jim à serrer les trois de nous
comme sardines, Simon, Qing et moi, en voiture ensemble
avec son chauffeur qui aggrave ma claustrophobie toujours
prononcée. Nous amorçons notre balade au monticule sur
sente frangée ne pas seulement de ces bois nains avec
bourgeons prêts de fleurir, certains d’eux appuyés par treillis,
mais aussi ces haut-parleurs en mascarade de rochers gris
émettant un tapage qui est la musique pop perçante
provenue de Hongkong. Je préférerais le rap si vous plait en
écoute. Simon semble s’en amuser. Evanescent avec ardeur
d’une adepte juste converti, Jim nous prêche en soliloque de
son plus récent rêve de marier ce parc sans aucune identité
aux Jardins Kew (royaux botaniques) en Angleterre visités
pendant son séjour britannique le mois dernier. Qui sont nous
de lui désabuser de ses leurres tels ardemment retenus ou
réfuter sa notion que ces plantes de la zone tempérée
puissent endurer la chaleur et l’humidité estivale étouffante
dans ces tropiques ? Il exulte beaucoup avec une telle naïveté
d’un potache enthousiaste en saisissant des morceaux de
connaissance à l’instar Herr Albert Einstein ravi d’avoir

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découvert le central secret à l’univers. Je n’ai pas d’envie
d’écraser son cœur avec mes paroles de précaution.
Nous voyons une mare au centre du parc, une fois ceci
était un bassin de l’ardoisière, sur laquelle flottent des esquifs
et jouets gonflables. Ce qu’intéresse Simon est ces rangs de
mangrove et banques de laîches, joncs et guimauves
indigènes aux marais de la région mais sans un seul
nénuphar, le symbole de l’aire, sans encore la cacophonie des
cigales et des rousserolles, sans la vue des libellules à cause
de la saison hivernale actuelle. Jim ne cesse pas d’exalter
Kew, le jardin anglais et une madame manageuse qui il avait
convaincue de venir, inspecter ces acréages et contempler la
chance d’y apporter de verdure native à l’île de sceptre.
Pauvre, pauvre M. Lee. Il ne veut que s’en accoler, l’aide et
l’approbation des Britanniques puisqu’en s’accrochant au
partenaire d’Albion (un nom argotique et archaïque pour
l’Angleterre) lui confère le « prestige » attribuable encore à
l’Empire en gloire longtemps fanée. Une telle génuflexion aux
maîtres coloniaux de jadis me gêne et me fâche. Il cependant
demeure otage à la mouvance britannique malgré sa rancœur
à ses souffrances et humiliations endurées dans l’internat
Millfield, une ordalie qui l’hante encore en réflexion et lui
empêche de s’en acquitter avec plus de dignité, moins
d’anxiété, dans la face de ses bourreaux. Englober certains
des comportements et coutumes acquises et pourtant se
contraindre d’apparaître Chinois est de soumettre quiconque
à la lutte de l’âme. Si rien de lui ne m’émouvait au moins
dans le passé, sa naïveté bordant sur niaiserie me toucherait
quand je suis dans l’humeur pour lui épargner une once de
sympathie. (Et des camouflets, il s’en éprouvés, y incluant
l’avanie courtoisie de Princesse Anne qui avait fait un point de
l’ignorer au tournoi d’équestre durant les Jeux Olympiques
l’an dernier. Ceci rebuffade royale était s’épineuse qu’il ne
cesse de lui dénoncer comme « une garce laide » mais
seulement dans ma présence. Était Anne de lui étendre sa
main, il serait assez certain qu’il s’agenouille et baiser son
anneau. ) Un tel amour débridé pour tout du Royaume Uni est
rarement réciproque et lui, Jim, calleux de mien mais mol au
cœur va devenir bilieux lorsque cette sirène le lèsera et
repoussera de ses offres de collaboration. Cette adoration du
Kew n’est qu’une excuse pour s’inféoder à la Reine et ses
sous-fifres, acolytes et chambriers et en dépit de l’allégeance
orale rendue à la Chine. Dans ce sens lui, qui n’aime que
pavoise ses bureaux (il a plusieurs) avec ces souvenirs et
bagatelles chinoises patriotiques comme badges symboliques,
honnit la mémoire de son père et trahit ses paroles
constantes de se comporter comme « le fils du dragon
célestiel », fier et noble ; lui qui s’en affole quand il ne gagne
pas de confiance et d’amitié des types coloniaux britanniques,
ceux certains de fureter l’insécurité de soi et découvrir
comment, avec son héritage encore fiduciaire, il rate des biais
de parrainer chaque projet à la fruition. Tout qu’il ait est un
bluff, une promesse lourde de vision mais légère de
substance, ceci étant une des contradictions d’entre
l’extérieure, la façade, et l’intérieur, l’étoffe, qui s’agrègent au

9
point où cette loque névralgique piteuse est devenue un
paradoxe ambulatoire.
Il y a un bâtiment gris neuf couronné avec une rotonde
dont volets vitrés apportent au hall ces rayons qui créent un
halo. La tuile faîtière est orientale en design mais le reste de
la structure est occidentale et chic, germanique. L’intérieur
est vaste et pratiquement vide, minimaliste, sinon pour ces
rangs de tableaux de l’aquarelle chinoise classique et de
gouache. J’essaie de capter des images mais ne suis pas
certain du résultat car la glace fait refléter les éclats au flash.
Jim prône la beauté de ces œuvres, proclamant comment ce
sont les joyaux de la collection nationale. Mais je ne suis dans
aucune position de passer un verdict docte puisque je n’étais
jamais avant un connaisseur de chacun art chinois, mes yeux
plus ajustés au réalisme et à l’impressionnisme dans lesquels
je suis trempé. On vient de reconnaître comment la sensibilité
artistique s’en racine à cause du contexte culturel. Bernard
est plus de l’ouest qu’il ose admettre parfois. Nous sommes
désolés, Simon et moi, de rater l’appréciation de ces
peintures, même des formes de musique, soit d’opéra, soit de
pop cantonais, qui n’achève plus que faire monter mes
camails. Comment aussi contempler l’art sublimement nuancé
lorsqu’au coin de la pièce une famille de trois s’attable pour
ronger ces pépins secs de citrouilles et châtaignes rôties,
cachant les bogues, boire canettes de Coca-Cola et causer,
totalement oublieux au milieu et à nous. Voici la Chine
actuelle, une pousse au raffinement abîmée ou compromise
par les manières de revêche du peuple moyen.
Au perron du temple, mise sur une plinthe de marbre,
surgit la statue de la déesse marine Tian Hao chapeautant
une chevelure plutôt moderne en apparence et parant une
robe coulante comme vagues. Elle mire la mer et veille au
retour sauf des pêcheurs. Je lui crédite la bonace qui prévaut
aujourd’hui. Tranchants les seuils du hall pour prier aux autels
sont ouailles de pèlerins. Certains des adeptes brandissent
des bâtons d’encens et cierges et se courbent en révérence,
une pratique avant interdite lorsque le Parti communiste rasa
des institutions de foi et supprima chaque religion ou secte
sauf celle du tyran fédérateur Mao Zedong dont depouille est
maintenue en réfrigération au mausolée à Pékin, une culte de
personnalité obscène d’un leader méchant, non monstrueux.
Simon remarque comment les Chinois ne peuvent jamais
vraiment briser leurs liens à leurs coutumes et chacun signe
d’une défaillance à l’ordre va ressusciter leur dévotion à la
divinité et lui diriger leur requête pour la bénédiction afin de
les aider en travers leurs poursuites temporelles – comme
succès commerciaux et lauriers académiques. Je connais
quelqu’une, Laura, un docteur en Michigan et issue du Hubei
en Chine qui est elle-même le paradigme des voies chics et
qui m’a avoué sans aucune manifestation penaude comment
elle avait brigué l’intervention de ses aïeuls pour peur à
recaler ses examens – et ceci malgré étant nominalement
chrétienne, protestante en fait. Étonné sûrement étais-je à
une telle hypocrisie à laquelle elle m’a expliqué comment
personne ne prend pas de chance avec Jésus plus occupé aux

10
questions sublimes et supplique aux dieux au panthéon
chinois plus pratiques en exauçant des plaids mondiaux.
« Mais tu ne souscris pas à la superstition, » j’ai insisté.
« Ouais et non ! Encore personne ne peut risquer d’ajoute
plus d’avantages. C’est la politique d’assurance, » elle s’est
écriée pour au sein elle refusait d’apostasier et donc
abandonner le fil à son patrimoine. D’ici, en gravitant le
escalier, on gagne une vue dégagée d’un vaste andain mais
on ne repère pas de champs, de rizières qui étaient une fois
partout. Le sujet foncier était et demeure sensible puisqu’en
ancienne Chine les paysans attachèrent à leurs lopins avec
une telle fierté et furie puisque ce furent leurs connexions au
passé, à la terre sacrée, leurs sources de survie et leur
patrimoine. En labeur, semence, assolement et récolte ces
gens les plus modestes s’en agrippèrent au sol qui les définit.
Mais alors d’ici tout des controverses semblent de jadis. En
1978, au plenum historique du politburo et subséquemment
du congrès, le débat sur la propriété du terrain et sur le
besoin de le saisir des pattes du régime communiste s’était
conduit au tempo fébrile. Ce fut au crédit du meneur Deng
Xiaoping qui desserra l’étau, assouplit le contrôle central en
égard de la culture et bailla aux agrariens le droit d’en
exploiter leurs parcelles sans trop d’ingérence. Ceci déclencha
l’énergie des gens et aboutit au net gain en produits, un
surplus qui contribua autant aux reformes dans les autres
secteurs. Une Chine moderne aujourd’hui se trace à
l’émancipation agricole et c’est ironiquement doux qu’ensuite
de la chute économique le gouvernement se focalise à
nouveau sur le développement rural pour la recrudescence.
Ces jours beaucoup de la terre telle fertile est en jachère,
une friche induite par la spéculation d’immeubles due à
l’afflux de fonds. On voit en abondance ces guérets qui
avaient été des rizières et plantations de litchi, pomelo et
papaye connues et célébrées en travers la Chine entière. Les
terriens qui s’y étaient durement démenées de produire
d’antan une moisson en pleine foison dans la face des temps
hostiles et de la réticence gouvernementale de leur céder le
droit au sol sont maintenant plus férus de vendre ces acres
vertes. On peut bien comprendre sinon adosser leurs efforts
de profiter de la valeur de ces champs sans y commettre
autant de suées, larmes et corvées puisqu’il ne soit que
l’instinct humain d’en tirer au maximum. Je m’en y souviens
durant ma première visite en 1996 quand un guide m’avait
mené aux fermes brûlantes sous un soleil en juin sans merci
d’où des hommes surmenaient, s’échinaient vraiment afin de
gagner leur pain quotidien ou leur riz quotidien. Nous nous
étions essoufflés simplement en allant de notre voiture aux
halls des villages où puis nous avons repéré ou plutôt senti
ces engins polluants qui remorquaient des charrettes toujours
sales, vaseuses et dans l’usure. Maintenant ces gens peuvent
être oisifs, paressant dans leurs antres favoris, soit troquets,
soit restaurants, bien climatisés, jacassant sur leurs phones
cellulaires à la haute gamme, sirotant leurs bières et craquant
des arachides une fois cultivées dans cette région mais sont
aujourd’hui importées des provinces adjacentes. Ils

11
conduisent, eux, des motos et voitures flambantes neuves ;
aiment festoyer avec agapes (les Wallons préfèrent dire
« gueuletons » et les Suisses romands, « wiguêtze ») qui
durent six heures ou plus et regardent des films chinois et
américains sur écrans géants de haute définition et de rayon
bleu. L’allure et l’envergure de la transformation sont
effarantes. Un journaliste décrit tout comme un changement
de plusieurs générations tassé dans une décade. Encore
malgré le progrès gagné, certains risquent d’encourir le
courroux des plus jeunes en exprimant la nostalgie pour le
passé quand le rapport humain ne fut pas forgé
exclusivement de matérialisme, quand villageois soignèrent
leurs voisins et partagèrent leurs piètres vives voire durant la
famine en 1963 et même durant la Révolution culturelle de
1966 à 1974 – la solidarité.
Simon qui s’habille en ensemble pour assister une séance
prédite mais illusoire n’est pas prêt de grimper ces sentes
tordues et pénétrer ces arbustes de l’escarpement en
surplomb de Nansha. Mais tristement il n’a pas de choix
puisque Jim, son vieux copain prétendu, est-il mercuriale et a
tendance d’ignorer chaque protocole, s’en raviser et faire ce
qui lui plait sans la moindre pensée à l’autrui. Jim a déjà résilié
chaque réunion formelle planifiée. On n’a pas tort d’attribuer
sinon blâmer une telle excentricité à son caractère solipsiste
aggravé par une mauvaise formation. Sur ceci M. Lee compte
la compagnie de George W. Bush dont insouciance en face
des souffrances mondiales aboutait aux gourances, aux
désastres de son intendance. C’est une bénédiction que,
depuis Bush, le monde est épargné plus de ce type avec sa
prise sur ces outils de pouvoir et ces jours on doit être content
avec cette merci tendre. La marche est ardue qui s’intensifie
parce qu’on ralentisse le pas pour accommoder le boss Jim qui
boite faute d’une foulure provoquée par un jeu du tennis trop
rigoureux pur un corps flasque et toujours à la cuspide d’une
effritement. Il halète mais, à son mérite, persiste avec la
randonnée et la cherche pour les cannons égarés ou volés de
leurs niches. Ces obusiers sont maintenant son obsession du
jour pour ce furent les armes qui déjoua l’attaque maritime
des Britanniques en 1841 dans la première Guerre d’opium
(1839-1842). La flotte de la Reine Victoria eut déjà caboté au
sud, sondé ces sites d’atterrage, tâté l’accueil du peuple et
failli trouver aucune brèche et franchir la défense côtière
chinoise en ayant été repoussée du Hainan, puis ici, puis des
rades de Fujian et Taiwan, avant la marine « invincible »
réussit enfin à l’embouchure du fleuve Yangtsé et imposait à
la Dynastie Qing ce traité à Nankin pour céder aux
Britanniques la colonie de Hongkong – une place ils
convoitèrent depuis les années 1810 – et pour indemniser les
pertes de revenus dues à l’interdiction du trafic narcotique en
addition aux coûts du conflit. Ces termes de paix furent les
plus humiliants et punitifs demandés, non, affligés contre un
pays qui subit ne pas juste une défaite, une injustice, mais
pire chaque preuve de souveraineté. Il n’est pas une
hyperbole de l’appeler la débâcle qui mena inévitablement à
la série de révolutions et frondes (la Rébellion Taiping 1850-

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1864 avec un bilan de morts à 20 de millions, l’insurrection
des Boxeurs en 1899-1900, le collapsus de l’Empire Qing en
1911 et une guerre civile de 1925 à 1949). Les répercussions
de la guerre continuent de réverbérer voire maintenant en
moulant l’attitude chinoise rangeant de la rancœur au
complexe d’infériorité pourtant de supériorité vers les
pouvoirs occidentaux.
Nous explorons des tunnels, niches et magasins crénelés
mais encore aucun signe des canons si prisés. En ses
déboires, Jim m’instruit « Écris-toi aussitôt au forgeur Krupp
en Allemagne ! » auquel je lui réponds avec perplexité, « pas
de problème mais pourquoi, pour des documents de vente
faite dans le 19ième siècle, des schémas ou peut-être une
réplique ou deux des obusiers. » « Merde ! Dois-tu me
déranger avec ces détails, estomper ma concentration et me
décourager ? Juste contacte-toi cette famille, disant que je
veuille apprendre plus de l’ouvrage chez Krupp. » Je soupire
mais il n’y aucune raison d’encourir son courroux, cependant
autant que ce mouflet prodigue m’hébète. Après un grand
tour des trois sites de canons disparus, il me laisse le plaisir
de capter des images de Nansha de la pagode à la crête de la
colline. C’est sa voie de fait une apologie sans la perte de face
car il rate assez de grâce de murmurer « désolé ». Mais
l’accalmie ne perdure pour il nous conduit à la petite redoute
délabrée maintenant aménagée en musée proche d’un des
placements de canon qui étale des dessins, ébauches et
photos primitives dépeignant certains aspects de la Guerre
d’opium. Tristement ces items sont endommagés, leurs
encres coulantes, leurs légendes entachées, un résultat du
contraste d’extrême entre l’humidité estivale et la sécheresse
hivernale dans ces salons exigus et exposés aux éléments. On
ne peut que glaner ces informations des artefacts qui
cherchent narrer un épisode de l’épopée tourmentante de la
perception des Chinois. Jim nous assure qu’il y aura l’autre
musée plus grand et compréhensif dans la bourgade propre à
raconter et illuminer l’ère d’antan et pourtant encore si
récente dans un pays dont civilisation compte de quatre
milleniums. Simon est aussi hâtif d’aller ailleurs pour cette
aire est déprimante, une chasse en vain et une place en ruine.
Ceci cependant est une métaphore de déchéance apte pour
sa vie hectique et futile de Jim qui subit des bougeoirs plus
intenses, erre sans pause et trompe la motion pour le progrès.
Je déteste et rebute chaque forme de propagande, soit de
l’ouest soit de l’est, qui ne fait que fausser la vérité. Les faits
ont leur valeur intrinsèque qui risque de s’en avilir, ces efforts
de justifier une position politique et de glorifier le régime
actuel, l’un qui se présente comme la force pour la
restauration de la dignité chinoise globale. Ceci est
exactement ce qui j’insiste pour ma fidélité n’est pas aux
pouvoirs mais à l’histoire, moi le scribe plutôt que le nègre.
Qu’on le veuille ou pas, son rôle comme chroniqueur ou
raconteurs lui demande d’éviter l’ode, le panégyrique. La
vertu requise est un respect pour le passé, une déférence aux
aïeux et un devoir aux futures générations. J’espère l’avoir
persuadé, Jim, de cette importance quintessencielle qui doit

13
rester le principe que je m’arroge au projet de cueillir ces
souvenirs à la bataille en 1841 chez Nansha, précisément aux
banques de Bocca Tigris, et écrire plus de l’épisode dans la
Guerre d’opium avec l’espérance que l’œuvre englobe chaque
perception et interprétations sans biais. De ce droit j’exige et
dois obtenir, un point de principe auquel je ne transige jamais,
une intégrité à l’érudition requise, libre totalement de
l’influence de quiconque et quelconque. Être juste, impartial
et crédible, l’auteur ne doit pas se borner à la cause d’un
parti, voire l’un qui est payant, le mécène, pour on ne peut
pas agir de mercenaire et oublier l’obligation à la muse.
La cherche ici est en vain. Nous nous divisons dans deux
paires avec Simon et Jim en Mercedes et Qing et moi en
Mitsubishi qui s’escrime de suivre le sillage de la puissante
véhicule d’Allemagne. Jim nous emmène au promontoire en
surplomb de son hôtel où bien eurêka nous saluant n’est pas
un obusier mais une paire de canons ensemble avec dépôts
pour les obus et les douilles, maintenant leur dépourvus.
Simon s’en sidère et me demande de lire les inscriptions de
texte chinois gravées en acier. Mais ces armes furent y
installées dans les années 1880, de quatre décades après la
bataille de Bocca Tigris et n’auraient décoché aucun salve sur
les Britanniques. La découverte nous inspire de tracer
d’autres monuments au conflit. Je ne cesse pas d’imaginer
dans ma tête les scènes d’engagement militaire qui ne dura
qu’une journée mais, comme l’atterrage en Normandie des
alliés, les séquelles furent cruciales dans le cours d’histoire.
La mémoire de la victoire des défenseurs dans le sud
demeure toujours une source d’orgueil pour ces Cantonais si
souvent grugés à cause de leur « sottise » (naïveté) et
bafoués à cause de leur « veulerie » et « couardise » censée
par ceux du nord qui fut les perdants du combat – et, pire, ils
n’eurent guère résistés l’agression. Cette défaite qui advint
conjuguée à la minable gestion à Pékin fut le final affront, la
dernière déconvenue et la plus directe preuve de la pourriture
dynastique mandarine. En lui parlant, notre Jim, on réalise
comment l’absence d’éloge supplantée par l’abondance de
dédain contre les Cantonais reste une épingle dans sa patte,
comment rectifier l’injustice est une de ses poursuites,
quoique pas assez définie. Seulement, ouais, seulement s’il
materait son manque de discipline, son talon d’Achille.
Parvenir le site de la bataille de Bocca Tigris, qui n’est
qu’un marais et banc de sable, requiert un parcours du fleuve
parfois ocre, écumeux, turbulent durant la mousson estivale,
une fois dont seul accès fut par ferry, mais, grâce à la vision
et à l’investissement du patriarche Lee dans les années 1980,
ces jours on peut le traverser via le premier pont de péage en
Chine. Ceci est une anecdote que Jim ne se fatigue jamais
d’hâbler car dans le sillage du projet d’autours trois milles
d’autres sont érigés, contribuant à la modernisation nationale
rapide, une prouesse digne de fierté. Un tel seul succès eut
suscité l’intérêt du gouvernement chinois, déblayé plus de
l’opposition aux reformes capitalistes, engendré l’espoir
public pour le progrès et aiguisé l’appétit pour plus des
changements, même sociaux comme politiques et

14
économiques, une fois considérés trop radicaux et risqués
pour le Parti communiste d’oser. Donc un glas retentit pour
l’émancipation de l’idéologie rigide propagée par le « grand
timonier » Mao, sa femme actrice Jiang Qing et leurs sbires,
magouilleurs machiavéliens bruts, véritables truands eux
dans la guise de leaders, trempés dans leur ignorance du
monde dehors leurs cabales et palais de plaisir quand le reste
de la nation souffrit. Dans ce sens le patriote Lee fut
l’authentique libérateur qui choya ses compatriotes car il fut
lui qui comprit le caractère de son gens et fit ressortir leur
esprit vivace d’entreprise puis enseveli dans leur poitrine
collective bien longtemps étouffé. Braver les partisans
orthodoxes n’est pas facile dans chaque société. Patron Lee
qui fut souple de cerveau et preste de manoeuvre réussit due
à sa force de conviction, méninges et amitié avec les
dirigeants qui lui donnèrent leur confiance qu’il ne trahisse
personne, jamais depuis il eut aidé sa patrie en contournant
des sanctions globales imposées à la requête des États Unis
pour le soutien chinois militaire accordé aux Coréens du nord
durant la guerre civile (1950-1953) des derniers et en
encourant des risques personnels. Il seyait que cet homme,
issu d’une famille hongkongaise de pêcheurs, soit l’un
pionnier d’initier les autorités dans le programme de rafler
l’opposition maoïste déjà en recul et d’abonnir ces réseaux de
transport en tapotant ces moyens privés en deçà de prudence
pour l’ère d’émoi post-révolution culturelle avec implications
pesantes pour le développement chinois.
C’est d’ici, au fortin maintenant rempli des artefacts et
des pans de remparts en ruines, on retrace les pas des
soldats de la dynastie Qing. La place, Human, aujourd’hui est
mitoyenne à la garnison actuelle de la marine chinoise qui
préserve cependant la squelette d’une caserne en
écroulement originale en due reconnaissance à la valeur
historique. Moins louable quoiqu’un salon qui n’étale rien sauf
ces photographes des meneurs et dignitaires en visite à
l’endroit pour glaner de points propagandistes pour triompher
la victoire de jadis contre les hordes étrangères et pour
emprunter de gloire reflétée. Après un arpentage de
l’exposition de ces photos indignes, nous flânons et
inspectons ces cabines se ressemblent aux cachots primitifs
desquelles les guerriers braquèrent leurs canons, fusils,
flèches et piques aux Britanniques. Simon repère-lui avec une
telle alacrité bordant sur l’alarme et la doléance un tas de
blocailles – telles brigues fêlées, carres de linteaux, tuiles de
toiture, voire un coin d’un pignon dépecé et croulé, carreaux
d’argile, une moulure moisie, barres rouillées de fer – en train
d’être charroyées pour l’usage dans un projet actuel. Ces
fragments qui s’y empilent ne sont pas des déchets et rebuts
mais l’inverse. Une portion du passé est bientôt de se
volatiliser avant nos yeux. Tout le monde peut y venir et
chiper des bribes et grumeaux de l’histoire. Nous tournons à
Jim pour l’implorer d’arrêter le pillage et de fournir à la voirie
un octroi pour des travaux routiers en troc avec la virée de
sauvegarder un tel héritage. Il nous écoute et hoche sa tête
qui ne signifie pas oui ou non pour il est parfois énigmatique.

15
Si seulement juste pour une fois que ce seigneur ne laisse pas
son cerveau dériver mais puis cela, un miracle, ne convient
lui. Au créneau maintenant gazonné fin de la promenade,
avec les houles riveraines, les embruns nous éclaboussent et
arrosent la pelouse. Soudainement un jeune couple saisit
Simon, le seul blanc dans le voisinage, et lui demande le
privilège de s’y poser ensemble, lui la preuve de la
réconciliation britannique et chinoise, lui la touche
d’authenticité au milieu plus d’amusement que d’éducation
pour la multitude franchissant son seuil.
Notre convoi fonce pour achever la cible prochaine, un
musée encore relativement obscur dédié a la Guerre d’opium
où s’enfouissent ces souvenirs, trophées et tableaux
pertinents au conte. L’endroit se dresse d’une vaste plazza et
s’entoure d’une douve dans laquelle nagent des carpes et
poissons-chats natifs au fleuve adjacent. L’architecture tisse
des influences occidentales sur fondation orientale avec un
grand hall et pourtant avec observation au réglage de
géomancie. C’est un achèvement que nous avons fouillé la
place puisque Qing ne connaisse cette contée. Quel
soulagement est-il avoir un chauffeur professionnel puisque le
larbin de Jim m’a avoué qu’il ne puisse que tâtonner et s’y
égarer dans un voisinage étrange et pourtant proche de sa
ville adoptée de Nansha. « J’évite l’aire et j’évite le croisement
du fleuve, » il marmonne et avec nul signe de honte. Plus
qu’ailleurs, c’est d’ici qui les Cantonais réjouissent et revivent
cette victoire d’éconduire ces pelotons « barbares » lorsque
leurs maitres septentrionaux eurent échoué si
spectaculairement, demollissant finalement ce mythe irritant
de leur supériorité s’assumée. Ceci dit Jim l’énième temps. Je
ne le contredis pour nous sommes les deux sont maux à
l’arrogance du nord avec cependant une différence distincte :
il cache ses sentiments et je les porte sur mes manches, une
divergence de laquelle il impute à ma candeur canadienne.
« Les Britanniques ne pourrirent subjuguer ni soudoyer ces
durs gens, les Cantonais, » susurre Jim. « Ouais, » réplique
Bernard, « nos ancêtres furent comme Geronimo et sa bande
d’Apache. » Voici l’autre refrain pour Jim, l’écart ethnique en
Chine. Moi, bien, je me souviens encore du verdict brusque,
hargneux, hautain sonnant des lèvres de mon professeur en
mandarin : « Les citadins de Pékin sont capables de florilège,
des grands tomes, splendides opéras, épopées et ceux de
Guangzhou, eux, rien plus que bluettes, feuilletons et navets
de limiers, truands, parieurs et flics. » Je ne soumis jamais à
telle baliverne. La littérature, les arts, la haute culture et
l’érudition réclameraient peut-être une supériorité mais tout
de cela pâlit en juxtaposition à la cuisine délectable
cantonaise. J’arbore la fierté dans cet égard pour je gravite
toujours au Chinatown (peuplé dans la majorité par les gens
de Guangdong) en travers le monde dans mes voyages pour
goûter la délicatesse qui évoque mon patrimoine et même la
mémoire de ma grand-mère dont l’esprit plane toujours
lorsque l’arôme piquant des victuailles atteindre mes narines
toutes renâclantes d’anticipation et un regain instant d’une
affinité au seul aspect culturel qui m’anime – et bien sûr me

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nourrit. Personne ne caresse que les saveurs de sa jeunesse
et elle sait en penser pour lui tirer les meilleurs temps.
On voit ici en vitrines des armes maintenant crues en
apparence mais létales de l’époque 1840. Tant pis que la
photographie est interdite, me contraignant de tenir mon
Sony dans mon cartable digne d’un potache et me forçant de
commettre tout à ma mémoire. Il n’aura échappé à personne
que l’exposition est franchement politique qui n’est pas à dire
« biaisée ». Les légendes écrites pour ces affiches, pancartes,
tableaux, gravures et esquisses sur la guerre ne sont que des
diatribes, un style rhétorique, un diapason aigu et dissonant,
qui produit le résultat opposé au but : l’éducation plutôt que
l’incitation de la multitude. Un historien cependant déborde
d’ardeur en prônant une cause doit laisser les faits parler
clairement et avec preuves pour gagner l’argument et
convaincre voire ceux initialement sceptiques. Le plus émotif
l’issu, le plus calmant est la prose – et la vérité damne
toujours ceux qui ont lésé et errés. Le gouvernement
n’endosse publiquement un tel antagonisme et un appel de
revanche mais tacitement, sans aucun doute, surtout lors
d’un conflit avec un pouvoir occidental vis-à-vis à la crise en
2001 ensuite d’un incident d’avion militaire contre la flotte
américaine proche de Hainan et encore à la dispute sur la
suppression des émeutes en Tibet l’an dernier durant
lesquelles les foules patriotiques étaient rameutées et
attisées afin d’effectuer des manifestations, défilés devant les
ambassades ciblées et boycotts commerciaux. L’exercice de
la xénophobie est une vielle méthode sin qua non à la
pression diplomatique applique contre le monde dehors pour
saisir un avantage, une tactique aléatoire qui en 1899 culmina
dans l’Insurrection des boxeurs et dans l’intervention par
force de huit nations étrangères.
Ces jours il m’induit d’en étudier et même d’en écrire
avec chaque trace de rancœur expurgée et avec la
commande des évidences disponibles si seulement en
honneur aux victimes de guerre pour seulement la vérité peut
guérir et rédimer l’âme. Je devrai avoir la sagacité et la
résolution de cribler et examiner des faits pour les interpréter
méthodiquement à l’instar de Sherlock Holmes. On parle en
avance de la propagande et ceci est l’ennemi de justice car
elle déshumanise et fait caricatures de ceux de sang, os et
chair – d’esprit aussi. Mais n’est exclusivement pas en Chine
ce phénomène prévaut, une tendance qui requiert un
suppliant d’apaiser un mécène, même un gouvernement, et
d’adapter l’ouvrage aux gouts et à l’idéologie, voire au
détriment de l’érudition, choyée par le patron doté du pouvoir
de moyenner ou de débarrasser un programme. Rare est
chercheur, écrivain, professeur ou curateur qui forfait un
octroi sur principe et donc transige, acquiesce et s’assagit
sans sourciller. « Quiconque contrôle la bourse, contrôle-lui le
discours, » on peut constater avec absolue certitude. Ces
jours aussi les dons sans fils sont comme des mannes du ciel.
Je suis chanceux d’avoir encore le luxe de rechigner aux offres
trop couteuses pour mon orgueil et mon ego d’assumer. Mais
soudainement nous ne pouvons pas nous focaliser en notre

17
tour du musée à cause du creux des estomacs, une faim
criante d’être étanchée puisque l’horloge touche 14.00. Je
raffole des légumes hachés et des escalopes de bœuf
sautées, de la soupe de poisson poché et d’amande broyée.
Pourtant Jim est oublieux à notre état car il peut facilement
louper un repas puisque, selon Qing, il a repris le jeûne, un
carême pour aborder son obésité. Nous, cependant, nous
sommes déjà faibles aux genoux. Le boss entre le salon
sombre qui joue de présentation médiatique sur la bataille à
Bocca Tigris, un truc de Hollywood.
Enfin Jim concède à la requête de s’alimenter, nous aussi,
avant quelqu’un s’évanouit, une syncope particulière
susceptible à Qing, le résident gourmand qui me scie pour il a
déjà eu un infarctus, une chirurgie et un conseil médical de
maigrir. Pendant nos missions sportives de Seoul à Doha, il
n’aimait que s’en y gaver pour profiter des festins gratuits. En
Mitsubishi encore, nous suivrons la Mercedes qui zigzague
dans le trafic et fonce à une vitesse effrayante. Nous
palabrons pour supprimer la faim, remarquant comment Jim a
casé ses deux fistons adultes dans le soin de la compagnie
familiale qui ne serait pas une bonne stratégie car ceci réduit
l’horizon de leurs carrières et distend leurs dépendance quand
ils doivent frayer un chemin au monde et prouver leur
habilité. Pis encore est comment le père veut accaparer ses
gamins, dépouiller de leur jeune passion pour le travail,
refouler leur volonté de mettre leur marque sur la ferme et
désemparer leurs initiatives lesquelles menacent son autorité
et éclipsent son rôle dubitatif chez l’entreprise plutôt que les
inculquer la confiance et les encourager de succéder. « Mais
le vieux homme a besoin de maintenir lui un vestige de
respect duquel il rate de soi, » constate cet employé-proche
avec plus qu’un brin d’amertume, lui, Qing, parent lui-même à
deux gars, le premier de scribouillard et le second
d’ingénieur, les deux ne sont pas proche d’un papa souvent
en absence, vivant à Hongkong et en Chine et eux en Alberta,
Canada. J’ai vraiment éraflée une plaie et ainsi je m’en tais,
de ceci jalousie générationnelle et ceci rivalité fils-père, voici
le complexe d’Œdipes qui sévit. Si Bernard comme magnat
était avoir un héritier, serait-il lui permettre à s’y envoler,
s’enfuir de l’ombre parental et atteindre sa destinée ? Pris
otage est quelqu’un à la frayeur de manque de rapport
lorsqu’il vieillit, quelqu’un qui redoute la perte subséquente
de statut, une frousse qui ronge le cœur d’un homme en lutte
à rester au top dans la façon d’un lion en déclin et doit
affronter le défi de sa bande prête de s’insurger contre et
disposer le roi des bêtes.
Le patron est presque dément quand il est en voiture, lui
agissant encore comme un flipper. Jim se ravise sur où diner,
une décision si ridiculement basique et pourtant si difficile
quand il ordonne son chauffeur de virer d’un hôtel à l’autre
sans aucun arrêt, un méandre dangereux en Chine notoire
pour ses accidents sanglants et fréquents sur voies engorgées
des routiers maniques et encombrées des taxis effrénés
fonçant à la pleine allure pour procurer plus d’affaires. Juste la
semaine dernière un autobus et un camion se sont percutés

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qui aboutissait aux morts d’une dizaine et à un long bilan de
blessés. Ces jours les autorités ne dissimulent plus ces
rapports macabres pour les utiliser dans le style de précaution
au rang constamment enflant des motoristes chez un pays
ayant depuis décembre dépassé les États Unis comme le
primaire marché automobile mondial. La civilité n’existe
jamais dans la jungle des rouages où c’est la survie de la
chanceux ou la plus colossal, véhicules presque blindées,
leurs chauffards loufoques. Je souffle un soupire lorsqu’enfin,
après 35 minutes exactes d’équivocation, Jim à freiné sa M55
pour au palais de Dongguan (avec usines qui y attirent une
multitude de millions de chaque recoin du pays) dans dont
foyer nous saluent sont deux large aquariums ronds tenants
bancs de poisson et une paire de tortues vertes géants.
Tournant à Simon, je gronde avec désespoir que voici sont le
plat du jour à la bombance. Simone avec une moue et une
grimace déplore comment les Chinois « mangent tout sans la
moindre conscience à l’effet écologique » et, quant à moi, j’ai
déjà gagé avec la main sur cœur à ma gosse que je récuse
toujours de prendre l’autre morsure de l’aileron de requin et
même chaque espèce sur liste de menace, un geste de
conservation et d’amour. Personne n’est qu’un cagot de
prôner la révérence de la nature et pourtant d’aggraver
l’affreuse perte de la diversité de flore et de faune. C’est
pèche aussi de trahir une promesse faite en bonne fois à une
jeune sensible à ces questions cruciales au sort planétaire.
Nous venons de nous attabler au grand restaurant huppé
cantonais mais peu animé et décrocher un menu. Mais
soudainement sans annonce Jim change encore son avis et
veut aller ailleurs. Je suis abasourdi et vexé, or peu surpris.
Heureusement il n’y aucun restaurant ouvert à l’heure de
sieste, selon le capitaine de service en vareuse de valet, ainsi
nous épargnant de l’autre ruée affolante à nulle place. Nous
n’avons pas d’argent chinois, le renminbi, et n’avons pas de
choix qu’accommoder le seul homme avec la devise. Qing
commande sa nourriture de faveur qui est toujours plus
graisseuse (oh le porc en abondance !) qu’aiment d’autres
conscients de leur régime stricte. La corbeille de fruits n’est
pas mauvaise, surtout ces tranches de pastèques et petites
mandarines. Mais dans le terme d’alimentation Qing ne cède
jamais aux compromis. Bien encore Jim trouve l’autre raison
de s’élancer – cette fois à une visite chez masseuse pour
lénifier ses jambes – et, dans une instance, il prend sa fuite. Je
deviens vertigineux en le voyant bouger, bondir et caramboler
comme de bille de billard. Il est le plus occupé homme avec
rien de faire. C’est exasperant et épuisant dans et même sans
sa compagnie. On pouffe en paix finalement lorsqu’il y détale,
sachant qu’il a donné à Qing une liasse pour nous secourir de
la famine et payer la facture. Pourrait-il être sur drogues
d’exsuder un tel niveau d’énergie frénétique et toujours
renouvelable différente à celle de fioul, lui qui à 63 ans ?
Avant nous quittant ou plus précisément nous lâchant, Jim
nous a instruit, sa chevelure dépeignée, une touffe sur son
front plutôt distrayante, « téléphonez-moi quand vous êtes
prêts pour la visite au Musée de Commissionnaire Lin

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(Zexu), » un avertissement que notre épreuve soit encore
étendue.
Ici nous nous emboîtons en route encore en chasse des
musées, le prochain sûrement doit être le dernier, nous
prions. Il me point subitement que Jim est un fuyard apeuré
en cavale de rien sauf son ombre, une fuite au défaut d’une
paix spirituelle. Mais personne ne peut s’en éloigner, jamais.
Voire à cette heure je ne me brouille de son but en nous
conduisant tous azimuts mais lentement je comprends ce qui
la cible serait. Le ponte bègue me téléphone de sa Mercedes,
moi en Mitsubishi. C’est une torture de l’entendre luttant de
s’en épancher, ces idées qui déboulent de sa cervelle à un
pas si rapide que ses lèvres ne peuvent pas assortir. Jim ne
persiste à rien, n’en acharne, pour crainte d’échec et de rejet.
D’un projet il atermoie et ne parle précisément encore et
pourtant sans aucune instruction distincte et sans aucune
promesse de fonds, oui, très chiant, crispant, oui, oui, car mon
modus operandi est de marcher avec carte et boussole entre
les mains. Donne-toi l’argent et l’avis ; sinon un cas clos. Jim
est chiche mais, pire encore, chaque budget de lui aurait
encore besoin de l’approbation de son frère cadet, le
comptable de facto de la famille, qui n’en avalise sans
argutie. Mais si Jim avait la visée de traquer et recueillir ces
matériels disparates sur la bataille navale à Humain pour
lancer une exposition et publier un livre, ce serait le moment
propice car le musée en tribut à son père sera inauguré en
automne pour coïncider avec l’autre anniversaire de sa mort.
Dans cette région, à l’exutoire du fleuve, la révérence pour le
patriarche accroît avec le passage des temps et il nous
demande d’édifier l’autre génération de son ouvrage et sa
quête pour dresser la conscience collective vers le passé
récent dans le terme de la civilisation chinoise afin que le
patrimoine ne rétrécisse pas à l’oubli même pendant ce cours
pour la modernité. Vrai, Jim, le prodigue, ne s’évertue assez
d’honorer le legs de son papa et il n’a pas tort de croire qu’il
s’en esquive si seulement d’empêcher chaque comparaison
faite entre lui-meme et son parent plus noble, capable et
preux, un homme dont paroles étaient ses gages. Ceci est
cependant son sort duquel il ne échapperait plus, lui, le
romantique fou totalement ne sied pas en face des
manigances de business et des complots de politique.
Pourtant maintenant dans son cœur, ce qui la presse
vernaculaire nargue comme « un vaurien »; voudrait au
sérieux de commémorer et vénérer moins le parangon mais la
cause d’une Chine progressive, puissante, juste, stable,
éclairée, fière, confiante, universellement éduquée, équitable,
ouverte et or protectrice de ses traits et coutumes qui la
définissent, qui les Lee, père et fils, chérissent. Moi, ouais, j’en
épouse car cela fut le rêve de mon grand-père, Lloyd, le
républicain patriote et humaniste dans dont image et intellect
j’aimerais être fait. L’enjeu n’est pas moins que le futur du
monde pour le rôle d’une telle Chine sera pivot.
Ne pas obérée des dettes du a bonne gestion et au boum
économique dans les années écoulées avant la déprime
subséquente, la mairie a versé plus d’une largesse au Musée

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de Commissaire Lin, l’héros de la Guerre d’opium, lui qui eut
ordonné le saisi et la destruction des narcotiques provenus de
l’Inde britannique malgré leur prohibition par le décret
impérial. Ma première visite à cette châsse il y a une décade
m’avait révélé la négligence trop douloureusement apparent
à cet aspect du patrimoine local. Mais quoi change lorsqu’on
voie un bâtiment encore dans la phase de construction,
encore hérissé de grues et d’échafaudage, adjacente au
Musée actuel. On y accède avec une marche en travers le
boulevard flanqué de palmiers et doit contourner une statue
en grès sur socle de granit, lui requérant de faire halte et
reconnaissance de cette figure. Nul artefact n’y a pourtant
emménagé, ce hall neuf de carreaux roses, encore vide sauf
pour ces outils au chantier. Le Musée en fonction dépeigne
comment le quotidien fut à l’ère du conflit, les gens étant
pêcheurs et paysans sans aucune conscience de la violence
d’être déclenchée par les guerriers. On lit de la biographie de
Lin, son intégrité, son érudition, sa volonté d’éradiquer ce
trafic néfaste pour attiser un sens d’outrage contre les
scélérats et brutes d’Albion et pour s’indigner aussi à l’incurie
administrative, la décrépitude morale et la défaillance
militaire de la dynastie Qing trônée à Pékin. Qu’il tout aboutit
à la bravoure des gens ordinaires qui se furent ralliés aux
soldats en défense du fortin pour repousser la meilleure
marine du monde dit beaucoup en éloge du courage commun
public et en honte du manque de soutien de ceux dotés
censément d’un mandat célestiel. Ce que m’attire cependant
est la vitrine étalant ceux les descendants de Lin qui
réussirent en carrières diverses – de la médicine, des
sciences, des arts et a la jurisprudence depuis en joignant la
basoche est une preuve de soie de sagacité et d’érudition,
vertus très vénérées. Cela Lin partagea un lignage avec le
trisaïeul de mon beau-père défunt qui s’était mariée à une
fille d’un comprador pour la firme coloniale britannique lui
faisait un traître dans un sens et cela est l’ironie.
Dehors le Musée cependant rien ne semble sacré. Il y a
une échoppe d’où quelqu’un paie deux yens à chaque prise
pour décocher des boulets plastiques de canon aux cibles
dans la forme des navires britanniques. Voici anciens canons
sur lesquels les piétons peuvent grimper et poser pour la
photographie. Je trouve obscène la vue de ces gonzesses qui
les enfourchent, ignorantes sont elles du symbolisme
phallique. La plupart des visiteurs folâtrent plutôt que
réfléchir sur l’histoire mais puis dimanche n’est pas un jour
pour troubler l’esprit. Jim entre une galerie avec un artiste
présent qui cependant ignore la résidente vedette, le seigneur
de Nansha; plutôt il lorgne Simon, enfin, un diable étrange, un
« lofan », avec chevelure blonde, large tarin, yeux bleus,
parfait-lui pour valider sa valeur de son œuvre. L’artiste lui
offre un tableau (rebuté) et une pose ensemble de photo
(acceptée). Telle est l’ambivalence d’entre l’amour et l’haine
des blancs en Chine qui apparaît de courir encore dans les
veines des gens encore incapables de se réconcilier à
l’humanité commune sous la peau. « Simon va trouver son
nom dans la manchette et son visage sur le front des

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journaux. Il a juste parafé l’autographe, lui, un architecte mais
ici notre ami serait une star comme Bono, David Beckham, ou
Robbie Williams et ici les blancs semblent tous semblables, »
badine Bernard, étourdi à la situation marrante. Un pays où le
peuple peut déborder l’accueil et l’affection spontanée est
même capable de le lancer en hostilité xénophobe pour buts
politiques et géopolitique, une passion crue toujours en braise
sous la surface du calme illusoire. La mémoire chinoise reste
grevée de grief et ainsi la fascination temporelle avec l’ouest
a besoin d’être tempérée avec précaution pérenne.
Qing nous quitte pour atteindre Nansha et le ferry,
m’abandonnant à la Mercedes avec Jim et Simon pour le
dernier parcours. Encore Jim me dépite avec maintenant sa
cherche pour d’autre hôtel d’intérêt afin de siroter une tasse
de latte et pour un toubib quand la masseur ne lui a donné
assez de soulagement. Il est esseulé et désespéré pour
chaque compagnie puisqu’il ne puisse pas s’ajuster à la
solitude, une phobie qui s’est empirée avec son divorce en
2007. Je biche néanmoins que, malgré l’autre deux heures de
vagabondage, je sois en route au sud, traversant Shenzhen, la
ville limitrophe de Hongkong. Les ténèbres nous tombent. Les
réverbères s’illuminent, jetant ces ombres jaunes sur ces
lampadaires. Il fait soudainement frisquet sans le soleil et
avec le vent boréal. La M55 fonce sur la grande route. Les
contours semblent courber, ses lignes angulaires rendues
galbes et floues, quand on les observe d’un véhicule en haute
vitesse. La motion distord tout, expliquant pourquoi Jim est
souvent confus, peut-être pour raison d’alléger la douleur
psychique. Je suis content d’être au habitacle en côtoyant le
chauffeur plutôt qu’au derrière du quatre-quatre avec le
seigneur Lee qui déteste, pour lui, le silence effroyable. Simon
et moi, nous discutons ceci et cela sur la vie et l’œuvre de
Charles Darwin dont 200ième anniversaire est imminent. Jim
nous pose des questions les plus élémentaires sur la théorie
de l’origine des espèces à travers le procès de Sélection
naturelle et la survie du meilleur adapté – qui, dans son cas,
s’averre une bourde. L’idée d’un site d’Internet sur la bataille
à Humen se cristallisée ensuite pour moi durant cette palabre
et ce trajet dont fin sera mon domicile et le sourire de ma
gamine.

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