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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

JUDO RON 25- Le Plan de Développement du Judoka

Dans plusieurs domaines sportifs, ont été publiés au cours des dernières années,
divers Plans de Développement des Athlètes ou PDALT. Ces plans visent
principalement à énoncer le cheminement critique pour la découverte,
l’entraînement et le développement de l’athlète de pointe dans une discipline
choisie. Le judo ne fait pas exclusion à cette règle. Tous conviendront à dire que
s’entraîner c’est se prendre en main en vue de s’améliorer. Ces plans servent
donc à décrire les diverses étapes de sensibilisation, de mise en forme, de
familiarisation technique et de personnalisation de diverses habiletés qui,
ensembles, conduiront vers un podium quelconque.

A la lecture de certains de ces plans dont celui émis par Judo Canada au cours
des derniers mois je ne peux m’empêcher de constater que l’approche suggérée
consacre beaucoup de temps aux développements physique et technique qui sont
mis en primeur et que le rôle du développement mental manque d’une
exposition équivalente.

En vue d’établir un certain équilibre dans la présentation des faits, je reprendrai


ici un thème que j’ai suivi dans mon ouvrage Shin Gi Tai1 ayant trait a une
discussion qui fait valoir toute l’essence d’une vieille expression japonaise
signifiant la voie de l’homme : Hito-no-Michi. Je suis de l’opinion que le judo
doit être considéré comme une de ces voies associées au développement de nos
caractéristiques humaines et qui met en valeur nos habiletés en tant qu’individu
désirant oeuvrer positivement au sein d’une société épanouie.

Parce que le Judo est issu des arts martiaux anciens, il faut le considérer a la fois
comme un art, un sport et une forme d’éducation contenant les trois aspects
dominants et ce, a valeur égale : Shin Gi Tai, soient le control mental,
l’apprentissage du gestuel et le développement physique.

J’ai, avec plusieurs, choisi de faire du judo et de s’entraîner régulièrement parce


que nous aimons cette activité et qu’elle représente pour nous, un des meilleurs
moyens de s’améliorer au plan physique, social, gestuel et mental. Quand nous
abordons la dimension du développement a long terme du judoka, il va de soit
que nous nous devons aborder tous les plans d’intervention et toutes les zones
d’amélioration possibles.

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Ronald Desormeaux, The Discovery of Judo’s Arsenal, August 2008

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Le plan LTAD de Judo Canada a été formulé par un groupe d’entraîneurs et


professionnels et fut transféré pour implantation aux divers cadres d’entraîneurs
et responsables techniques. Il sera mis en valeur par les nombreux techniciens,
instructeurs et responsables de dojo.

Ce plan se veut être attentif aux diverses phases de développement du jeune


judoka afin que celui-ci puisse prendre goût au judo, s’épanouir à l’abri de
blessures physiques et émotionnelles et ouvrir des possibilités vers la
compétition au niveau de l’élite. Il prend généralement en considération l’état
physiologique, le niveau de développement mental et émotionnel avec lesquels
composent progressivement l’enfant, l’adolescent et l’adulte. Cherchant d’abord
à établir des balises d’entraînement qui conduisent vers la haute performance, le
plan permet une inclusion pour certains de faire une décision afin de suivre un
cheminement plus récréatif et dans lequel ils pourront continuer à s’épanouir.
Regardons brièvement ici son contenu et ajoutons-y quelques éléments
additionnels ayant trait au développement mental.

Un premier volet touche les moins de 7 ans.

On cherche ici, par l’entremise du jeu et des leçons non structurées à introduire
l’enfant au judo, à solliciter sa participation aux activités qui lui procure du
plaisir et on y introduit quelques principes et éléments techniques d’un judo non
compétitif. Comme tous les élèves ne sont pas de la même souche culturelle et
familiale et que certains d’entre eux auront atteint des niveaux de croissance
plus élevés que d’autres, le responsable de cours doit prendre en
considération les points suivants:

L’auto suffisance ou dépendance vis-à-vis ou avec le retrait des parents.


L’image du moniteur et le remplacement des parents se dessine.
La mobilité, l’orientation et le déplacement spatial de l’enfant sont à différents
stages.
Le jeu est considéré comme activité individuelle et non compétitive.
L’enfant doit décider de s’engager et se sentir un peu responsable de ses actions.
L’incitation au jeu et au plaisir doit dominer.
Le rôle de l’imaginaire, les fantaisies et les rêveries va influencer le degré
d’attention.
L’enfant prend conscience de lui-même et de la présence des autres.
L’introduction du respect de soi et des autres, la loyauté, avoir de l’égard pour
les autres et la gratitude reste à formuler.
Les possibilités de frustration devant des exigences trop grandes ou complexes
sont fréquentes, il ne faut pas exiger des décisions trop hâtives.

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Le rôle du jeu doit être présenté comme moyen de comprendre et de faire


l’expérience d’une activité.
Attention au vocabulaire employé dans la communication car chaque mot pèse,
marque l’enfant au point de l’effrayer ou trop exiger.
Les jugements personnels vont s’amorcés chez les plus avancés
Les jeux doivent répondre à des besoins précis d’où la nécessité de faire des
objectifs et de les partager.
La justice et le fair-play doivent dominer, tous doivent être traités en égaux.
La punition et la négation doivent être remplacées par la louange et l’incitation.
Laisser l’enfant découvrir, a initier ses choix et même dramatiser ses actions.
L’imitation et le comportement de l’enfant seront modelés sur ceux des autres
dans l’entourage immédiat; attention aux sauts d’humeur d’impatience et geste
de coléreux.
Lorsque les enjeux sont trop grands, il y émergence de stress donc recherchez a
simplifier les explications et les exigences et concentrer sur les points principaux.

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Un deuxième groupe s’adresse au moins de 9 ans.

Dans ce volet, on y introduit des habiletés spécifiques au judo et renforci les


habiletés motrices. On encourage le jeune à des activités structurées en groupe et
développe l’esprit de corps et d’appartenance au dojo. On incère la fierté de soi
et le respect des règles, l’étique et la discipline. Le judoka apprend à observer et
à prendre des décisions pour ses actes. Les leçons sont mieux structurées et des
routines ou cheminements critiques sont introduits. On y fait l’initiation à la
compétition, aux tactiques élémentaires de combat et le randori est souvent
complété par des shiai régionaux.

Les instructeurs qui travaillent avec ce groupe d’âge doivent porter une attention
spéciale aux aspects suivants :

L’enfant apprend la signification de la victoire due à sa performance.


L’enfant aime se mesurer à d’autres afin de renforcer sa confiance.
Les résultats escomptés seront plus positifs si la performance est encouragée.
L’enfant se sent vite inférieur aux autres devant une défaite possible ou une
grande difficulté. Il faut lui apprendre à corriger ou améliorer ce dont il est
responsable et non s’en faire avec les facteurs externes.
Le judoka développe son point de vue personnel et développe ses opinions.
L’apprentissage des moyens de survie et de conservation retient son attention.
L’enfant fait siennes les valeurs morales de ses parents et tuteurs.
Le concept du divin et la recherche du mystérieux prennent naissance.
La résolution de problèmes ou difficultés ne doit pas traîner, on doit agir sur le
champ et montrer à l’enfant comment y mettre de son énergie et soulever
l’importance de persévérer si nous croyons être dans le droit chemin vers
l’atteinte de nos buts.

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Le troisième groupe rejoint le moins de 13 ans

Voici un volet clef ou l’intégration des éléments physique, émotionnel et


cognitif tiennent une place dominante. L’emphase est mise sur l’amélioration du
gestuel, des techniques et du conditionnement. Des exercices aerobiques,
D’endurance et de force sont mises a l’essaie. Le judoka apprend à concentrer
sur ses efforts et sur ses cibles de combat. L’encadrement est plus structuré,
variant en intensité et en fréquence. A noter que c’est durant ce stage que
l’enfant peut choisir entre le volet compétitif ou récréatif. Plusieurs instructeurs
auront tendance à guider le judoka vers le volet compétitif sans fournir
suffisamment de renseignements ayant trait aux buts et conditions de
l’entraînement. Il est de notre devoir de bien expliquer les options et les enjeux;
le choix de l’enfant doit être respecté comme sa décision personnelle et celle-ci
est nécessaire dans l’affirmation de soi.

Pour les chargés de cours, les points suivants sont à retenir :

Il faut faire ressortir le courage de prendre une décision et de vivre avec ses
conséquences.
Quelque soit la décision prise, s’assurer que chaque geste et action qui suit la
décision soit bien enligné à supporter celle-ci.
Les copains fournissent une influence et un mode de pression que nous devons
prendre en considération et qui influenceront le comportement. Il faut tenter de
respecter les choix de chacun sans porter de jugement.
Le judoka est à la recherche d’une plus grande autonomie et tente de se
démarquer parmi les autres, les valeurs de chacun sont exposées.
Le stress s’accumule plus vite en vertu des relations avec les autres et demande
un mode de gestion particulier.
Le besoin de percer au dessus des autres et se démarquer prévaut. Il faut ici,
s’assurer que l’orgueil et la vantardise ne prédominent.
La découverte de l’autre sexe amène des changements de comportement avec
lesquels il faut composer.

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Le quatrième volet s’occupe des moins de 15 ans.

Ici, le plan national tente de recruter et faire ressortir le potentiel compétitif chez
le judoka et vise à fournir des agendas et programmes compétitifs afin
augmenter sensiblement tant le nombre de shiai que les exercices d’endurance
et de force. Les tactiques de combats et les stratégies sont plus poussées. Une
première tentative de coaching est mise de l’avant. Le judoka est souvent pris en
charge par des spécialistes qui l’exposeront à des camps de formation, des
séances de spécialisation et qui lui fourniront de nouvelles expériences de
combat s’échelonnant sur une période approximative de deux ans.

Les directeurs techniques qui ont la charge de ce groupe doivent prendre en


considération les points suivants :

L’adolescent passe à travers des changements marqués sur le plan physique et


émotionnel. Il faut faire le point que les exercices physiques et le gestuel sont
importants pour sa mise en forme mais qu’il doit aussi développer ses
aspirations, sa concentration, sa détermination et son courage.
L’identité au groupe et au club d’élite devient importante
Il y a beaucoup de préoccupation pour l’apparence physique
La maturation sexuelle prend sa place et peut perturber l’entraînement
Le judoka pense beaucoup par abstraction et recherche des opportunités de
s’exprimer
Les principes logiques lui sont plus familiers et il comprend mieux les concepts
L’un des buts de son entraînement est de se démarquer des autres
Il y a un début de relations privilégiées entres les membres et les tuteurs
Devant des défaites, un certain comportement négatifs est à prévoir
Dans la victoire, le judoka peut se sentir indestructible.

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Le cinquième volet s’adresse aux jeunes adultes de 17 à 20 ans.


Se joindre à ce groupe c’est déjà montré son potentiel pour le podium. C’est un
stage de préparation physique intense, suivi de mise en œuvre de tactiques et
raffinement du gestuel de compétition. On a recours à l’endurance, l’agilité, la
vitesse et la précision. On est introduit aux méthodes de visualisation et
renforcement mental. On s’attend à ce que chacun possède son plan annuel, ses
objectifs et ses moyens d’évaluation de performance, son équipe de soutien et
qu’il soit attaché a un groupe d’entraîneurs spécialisés. Pour la majorité, la
période de compétition au niveau de l’élite durera normalement de 5 à 7 ans. Il
faudra ensuite pouvoir s’adapter a un nouveau style de vie afin de mieux
exploiter ses énergies et servir la communauté.

De ce volet sortiront les judokas élites qui s’adonnent aux compétitions


nationales et internationales. Les sessions d’entraînement sont intenses,
structurées, fréquentes et variées. Les buts visés sont devenus la spécialisation et
la victoire. Pour le débutant adulte, la pente sera trop raide, il devra bifurquer
vers le volet récréatif pour demeurer actif et continuer à s’améliorer comme
personne et non comme compétiteur.

Comme on a pu le constater, l’emphase sur le conditionnement et sur la maîtrise


du gestuel est très prononcée dans ce genre de plan. Il est sous entendu que la
performance du Ippon parfait conduisant naturellement vers la victoire contient
les trois éléments de base; la force physique ayant été remplacée par la
technique souple et rapide répondant le mieux aux situations de combat,
lesquelles sont observées et analysées instantanément par le cerveau qui
commande l’action et contrôle toute la performance.

Pour développer et améliorer notre performance en judo, nous avons besoin de


créer une harmonie avec notre entourage. (Wa). Les plans physiques, mentaux et
techniques doivent s’interposer et se compléter. Nous devons prendre
conscience de tous les éléments de notre corps et découvrir avec les sens, le
pourquoi, et comment il fonctionne, se déplace et la façon dont il réagi en
situations complexes. Il faut éviter de nuire à sa démarche normale en étant
conscient de nos capacités et limites. Il faut s’imposer régulièrement des
conditions de combat qui font appel à ces trois dimensions.

Les aspects physiques et le gestuel sont souvent pris en charge par la durée de
l’entraînement, l’intensité et les difficultés techniques progressives que nous
rencontrons dans le randori et shiai. Dans ce genre de confrontations, les
mouvements inutiles doivent être éliminés et le focus enligné vers les éléments
décisifs.

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Cependant, au plan de conditionnement mental, beaucoup d’éléments restent


encore à approfondir. Quelque soit le groupe d’age qui nous préoccupe, tout
connaître de soi-même à ce moment donné implique l’usage et la maîtrise des
processus de réflexion, méditation, décision, visualisation et de sensibilisation.
La force mentale doit elle aussi s’exercer le plus souvent possible.

A titre de personne intelligente, désirant coopérer avec ses semblables, nous


devons reconnaître la présence des autres dans notre entourage et leur laisser
l’espace nécessaire qui leur est due pour accomplir leur épanouissement. Nous
devons accepter les différences de morphologie, langage, culture et tendre à
accepter leurs valeurs humaines et travailler à s’entraider le plus souvent
possible. Notre but n`est pas de gagner ni de s’imposer mais de s’améliorer
continuellement pour atteindre la perfection.

Un judo exécuté sans esprit n’a aucune valeur même si les techniques et la forme épatent.
Jigoro Kano

C’est Victor Segno psychologue et médecin qui écrivait en 1902 : L’homme fut
créé libre et indépendant. Ses limites et ses restrictions proviennent de son
ignorance quant à la source de son intelligence.2 Dans son exposé, il fait état de
la créativité et de la force contenue dans les idées originales et de l’énergie
qu’elles peuvent engendrer tant à l’intérieur de soi que dans notre
environnement et ce, par le biais de la volonté et la détermination. Suivant cette
ligne de pensée, il est important d’exposer nos athlêtes à des séances et moments
de créativité et de prise de decision.

Il est dit que le cheminement d’une pensée positive ou négative produit des
modifications micro-atomiques qui créer des vagues rayonnantes qui se
déplaçent à des vitesses vertigineuses et qui, à leur tour, sont perçues par des
sources réceptives plus ou moins aloignées, produisant des actions et des
influences sur ces derniers éléments.

Une telle transmission des idées a été fréquemment démontrée dans des études
psychologiques de télépathie, perception, marketing et intuition. Nous n’avons
qu’à noter comment nous pouvons être influencés par la pensée des dirigeants,
par l’opinion publique, par l’image que nous donnent nos pairs et par celles
transmises par nous envers eux. Ces images ou réflexions peuvent les exciter, les
mettre à dos, les déséquilibrer momentanément ou soulever toutes sortes
d’émotions.

2
Victor Segno, Power of Thought, Law of Mentalism, Academy of Medecine, Toronto, 1930

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Discussion et réflexion sur divers aspects du judo par Ronald Désormeaux

Nos idées créatrices sont donc des forces internes que nous devons apprendre à
bien diriger et à exprimer positivement si nous ne voulons pas qu’elles s’égarent
sans pouvoir porter les résultats escomptés. L’entraîneur sportif doit être
conscient de ce potentiel chez le jeune athlète et l’inciter constamment à en faire
bon usage.

Pour porter ses fruits, les idées doivent être soutenues avec une force de
volonté qui soutiendra leur mise en valeur. C’est la volonté qui va gouverner
l’agir et la réceptivité. C’est cette fonction cérébrale qui va décider comment
nous allons employer et travailler l’idée, déterminer la cible et la direction que
nous allons prendre et quel sera l’effet souhaité sur la cible envisagée.

A l’inverse, c’est notre volonté qui nous permet de se renfermer sur nous-
mêmes et de restreindre l’influence que cherche à avoir les autres ou d’accepter
les messages que l’on tente de nous transmettre. On attribue souvent à la
fonction de volonté, l’expression de notre force de caractère. Notre volonté est
une capacité malléable, on peut ainsi la modifier et renforcer son influence sur
notre comportement en travaillant nos méthodes de concentration, de réception,
de retenue, d’embrouiller, ou voire même de rejeter des pensées en provenance
de divers milieux.

Le judoka ne fait pas exception, il subit les influences de son partenaire, du


milieu ambiant, des idées des entraîneurs, des meneurs publiques et des
circonstances qui l’entourent. A cette fin, l’on se doit de lui enseigner à
demeurer libre de faire les choix qui lui seront les plus avantageux aux
moments opportuns. Il doit prendre conscience de ses propres forces mentales et
de celles de son adversaire car les pensées qui sont retenues dans le cerveau se
réfléchiront dans le langage, dans le comportement physique et social. La
capacité d’influencer l’autre devient vitale. Par l’emploie intelligente de cette
forme d’énergie, le maître de la situation s’exposera.

Intelligence is the property of no man, it is ours to use but we can not monopolize it or keep
it.3 Victor Segno

Il faut se le rappeler, c’est avec notre volonté et persévérance que nous


maintiendrons le cap dans la réalisation de nos objectifs de perfectionnement.
C’est avec la conquête de chaque étape que nous réaliserons nos buts.

Ronald
Gatineau Québec, décembre 2009

3
Victor Segno, Power of Thought, page 59

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