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Propos désespérés des possédés

~ des cinq dit : « Oui, oui, je commence à y voir un peu plus clair ! C'est comme
si j'avais fait un mauvais rêve, et de ce rêve il me revient le souvenir d'avoir été jadis capturé,
avec quatre autres, par une bande de brigands. On nous emporta dans une sombre grotte où
nous fûmes livrés à ces démons. Ils cherchèrent d'abord par des moyens extérieurs à faire de
nous des brigands pareils à eux. Mais comme nous résistions par trop, les démons
s'emparèrent de nos corps et nous perdîmes presque toute conscience propre : des désirs et des
aspirations diaboliques s'emparèrent de nos cœurs et nous fûmes pour ainsi dire entièrement
perdus à nous-mêmes. Aussi tout ce que nous avons pu faire ensuite dans notre effroyable
condition nous est-il parfaitement inconnu : quant à moi, Je ne me souviens vaguement que
d'une seule chose, c'est que nous avons été pris il y a peu par des soldats romains. Mais ce qui
a pu nous arriver ensuite, je l'ignore la encore tout à fait, du moins en ce qui me concerne, et
je ne sais absolument pas comment nous sommes parvenus jusqu'ici ni pour quelle raison
précise. Nous avons dû être fort maltraités, puisque nous sommes encore couverts de plaies et
d'enflures, qui cependant, du moins à ce qu'il me semble, ne nous font plus du tout souffrir.
Hélas, étions-nous vraiment si mal en point ? »
2. 
 dit : « Sais-tu ce que tous étions à l'origine ? Nous appartenions au
Temple, et fûmes envoyés ,comme apôtres aux Samaritains, afin de les regagner à la cause de
Jérusalem. Mais chez, les Samaritains, nous revînmes de notre erreur et voulûmes rentrer en
Judée afin d'y faire des prosélytes pour Gorazim ; c'est alors que, sur la frontière, nous fûmes
capturés par les démons que l'on sait, qui nous ensorcelèrent de telle sorte que nous ne sûmes
plus qui nous étions ni ce que nous étions vraiment devenus. Quant à savoir comment nous
sommes arrivés ici sans crier gare, je n'en ai pas la moindre idée ! Oui, oui, tout ce qui nous
est survenu, c'est au Temple que nous en sommes redevables ! Il s'y entend à rendre les
hommes aussi malheureux que possible, mais nous ne connaissons pas d'exemple que le
Temple ait fait le bonheur de qui que ce soit ! Les seuls heureux, au Temple, sont les grands
prêtres, les premiers Pharisiens et les vieux docteurs de la loi, mais tous les autres sont les
misérables valets du Temple et ses hommes de peine affamés »
 
dit : « Oui, à présent, je me souviens moi aussi comme on nous
tourmentait, au Temple, par des jeûnes et mille autres pénitences ! Mon Dieu, c'est pourtant à
nos parents que nous devons ce malheur ! Il est dit dans la loi mosaïque : "Honore ton père et
ta mère, afin de vivre longtemps et d'être heureux sur cette terre ! » Nous avons toujours
honoré nos parents eu obéissant strictement à tout ce qu'ils nous demandaient : c'est par leur
volonté que nous sommes devenus templiers, bien que n'ayant jamais appartenu par la
naissance à la tribu de Lévi. Mais cela ne faisait rien, car pour de l'argent, on peut aujourd'hui
devenir tout ce qu'on veut il y faut toutefois beaucoup d¶argent ! Mais, lorsque nous fûmes au
Temple, les exercices et les épreuves de toute sorte ne firent qu'empirer de jour en jour notre
sort. Jusqu'à ce que nous fussions envoyés comme apôtres en Samarie et, ensorcelés là-bas par
les méchants magiciens ! A partir de ce moment-là, tout ce qui nous est arrivé et tout ce que
nous avons fait jusqu'ici, comment nous avons traversé la mer pour arriver dans cette contrée
inconnue, et qui nous a mis dans ce triste état je n'en ai quant à moi pas la moindre idée. Je
peux seulement me rappeler très confusément que lorsque nous refusâmes de devenir des
brigands, les méchants magiciens nous livrèrent a une fort méchante et sinistre compagnie,
qui nous traita de telle sorte que nous perdîmes en peu de temps toute connaissance de nous-
mêmes, sans jamais la retrouver jusqu'à cette heure ! Mais à présent. Dieu soit loué elle nous
est revenue ! Nous savons de nouveau ce que nous sommes et qui nous sommes ! Mais
qu'allons-nous devenir ? Devrons-nous retourner au Temple, ou faire autre chose ? A présent,
mon plus cher désir est la mort, car ce monde mauvais a perdu pour moi tout ce qui eût encore
pu donner quelque valeur à l'existence terrestre ! Qui peut nous assurer que nous ne
retomberons pas aussi aisément que la première fois entre les mains de pareils démons ?! Qui
nous sauvera alors de leurs griffes ? »
A  et  disent : « Nous sommes tout à fait de ton avis ! Une
bonne mort rapide, et ne plus jamais revivre, c'est tout ce que nous désirons ! O douceur du
néant, comparé à l'existence que nous avons goûtée. Cesser d'exister, et rien d'autre ! Mais
cesser définitivement ! Car notre expérience nous a rendu l'existence à jamais intolérable !
D'ailleurs, pourquoi faut-il exister ? Dans le néant d'avant notre naissance, nous n'en avons
pourtant jamais exprimé le vœu ! A moins que quelque sage Créateur n'éprouve le désir de
voir des êtres aussi affreusement misérables se démener au gré de sa toute-puissance
assurément toute bienheureuse ? Et qu'y pouvons-nous, pauvres vers de terre que nous
sommes ?
5. N'importe quel animal vaut mieux que l'homme, ce maître de la Création qui a tant
d'estime pour lui-même ! Vous, les Romains, vous pouvez sans doute avec vos glaives
tranchants, affronter la fureur du lion et les tigres, les léopards et les hyènes fuient au seul
tintement de vos boucliers et de vos lances : mais si d'aventure vous étiez assaillis par de
méchants diables, quelles armes pourriez-vous opposer à ces invisibles ennemis ? Vous ne
pouvez sans doute guère en parler, bien qu'un oracle de Delphes fut souvent plus puissant que
toute une armée ! Mais nous, nous avons eu affaire à l'une de ces forces cachées, et nous
n'avons pu lui opposer aucune arme ! Il nous fallait devenir des diables, et comme nous nous
y refusions, les mauvais démons nous ont privés de toute connaissance, conservant bien sûr à
nos corps une vie mécanique et Dieu sait à quelles fins ils se sont alors servis de ces machines
! Assurément pour rien de bon, comme en témoigne le triste aspect de notre peau ! Aussi,
vivement la mort : mais la mort complète ! Qu'il ne soit plus question d'une quelconque vie
au-delà du tombeau ! »
 reprend la parole : « Oui, si cela était possible, celui qui nous donnerait
en toute certitude une telle mort nous ferait assurément le plus grand bien ! Car à quoi bon
nous laisser martyriser davantage en ce monde misérable ! Nous ne voulons en aucun cas être
des diables pour tourmenter encore les hommes ! Mais celui qui ne veut pas être un diable de
quelque manière a toujours l'existence la plus exécrable dans cette saleté de monde ! Aussi n'y
a-t-il rien à faire en ce monde ! On se cache des hommes, parce qu'ils sont devenus pour la
plupart de purs valets de Satan mais qu'arrive-t-il alors ?! Ce sont les diables qui retrouvent le
fugitif, et il ne peut leur résister. S'il se plie à leur désir, il devient de toute façon un diable :
s'il ne leur obéit pas de son propre gré, ils lui infligent les plus terribles violences, et il
appartient encore davantage au diable !
7. Délivrez-nous de ce monde maudit et de cette maudite existence de misère ! Elle est
encore trop mauvaise pour les pires des diables, à plus forte raison pour une âme humaine
innocente et pacifique ! Dieu peut bien en rire par-delà les étoiles : mais le malheureux et
faible être humain qu'Il a créé doit, lui, souffrir, pleurer, maudire et désespérer ! Où est donc
le guérisseur qui nous a rendu la misérable conscience d'être des hommes libres ? En vérité, il
ne devra jamais compter sur notre gratitude : car il n'a fait que nous rendre à une autre misère
! Et pour un tel bienfait, nous ne lui serons jamais reconnaissants de toute l'éternité, à
supposer que nous dussions jouir éternellement de cette maudite existence ! Mais s'il peut
nous donner avec certitude la mort éternelle parfaite, alors nous lui exprimons d'avance notre
suprême gratitude !
â. Qui êtes-vous donc, Romains magnifiques ? Votre sort en ce monde doit sans doute
être meilleur que le nôtre ! Vous avez fort belle allure ! Oui, oui, celui qui s'y entend à servir
Satan avec cette magnificence et toutes les autres splendeurs doit se trouver bien en ce monde
! Celui qui ne veut pas être tourmenté par les diables n'a qu'à devenir un diable lui-même, et
les diables le laisseront tranquille ! Être un serviteur de Dieu. Ô absurdité risible entre toutes !
Il faudrait demander l'aide de Dieu et L'aimer de toutes ses forces ! Quelles belles paroles, et
pourtant, il n'y a pas là une étincelle de vérité ! N'étions-nous pas corps et âme des serviteurs
de Dieu, et, dès notre plus jeune âge, ne piaillions-nous pas comme des oiseaux : "Seigneur
Dieu Sabaoth, viens-nous en aide, ainsi qu'à tous les hommes de bonne volonté !" Regardez
comme le bon Dieu, comme le Seigneur Sabaoth nous a aidés ! Il est vrai que vous avez la
puissance entre vos mains, la puissance des diables, et que vous pouvez faire de nous ce que
vous voulez : pourtant, nous vous demandons ceci : traitez-nous un peu plus humainement
que les diables précédents, qui nous tourmentaient continuellement ! Et si vous voulez à
nouveau faire de nous des diables, faites-nous diables tout à fait, et non à moitié ! Nous
verrons alors si nous réussissons mieux comme diables complets que comme demi-diables
contraints et forcés ! »

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De l'étrange état de l'âme des possédés guéris

~ dit : « Seigneur, voilà un langage que je n'avais encore jamais ouï ! Il est à
la fois méchant et, hélas, vrai sur bien des points. Qu'allons-nous bien pouvoir faire de ces
hommes ? En vérité, tous ouvrent de grands yeux : Jarah elle-même me paraît ne plus très
bien savoir qu'en penser, et j'ai vu l'ange pleurer à plusieurs reprises ! Oui cela me paraît
vraiment fort singulier ! Que dois-je faire d'eux a présent ?
2. Je dis " Je t'ai bien dit tout à l¶heure qu'ils nous donneraient du fil à retordre. Mais
cela n'est rien : il subsiste encore dans leurs cœurs quelque chose, une sorte de crépuscule, des
mauvais démons expulsés, et il leur faut d'abord exprimer tout cela : c'est alors seulement, et
pas un instant plus tôt, qu'ils pourront être pleinement guéris. De plus, nous devons encore les
laisser se reposer ici un moment, et, peu a peu la sérénité de ce jour mettra un peu d'harmonie
dans leurs âmes. Tu en entendras encore beaucoup, mais cela ne te fera foncièrement aucun
mal ni à toi, ni aux autres. Car leurs âmes ne sont pas des âmes ordinaires : elles appartiennent
à des mondes meilleurs, et c'est pourquoi nous devons être très patients avec eux ! Lorsqu'ils
seront un peu revenus à eux, tout rentrera dans l'ordre et tu pourras te réjouir ! Pour l'instant,
qu'on leur donne encore du pain et du vin : car c'est maintenant qu'ils commencent à avoir
faim et soit ! »
 leur offre très amicalement du pain et du vin et dit : « Buvez, frères, et manger
de ce bon pain tant qu'il vous plaira. Car dorénavant, plus rien de mauvais ne vous arrivera sur
cette terre, bien qu'elle ne soit pas un paradis en vérité ! »
A  disent : « Tu nous fais l'effet d'être un bon diable : sans quoi tu ne nous
donnerais pas en telle abondance, toi qui n'es pourtant pas de notre nature, un vin si excellent
et un pain si extraordinairement savoureux Nous ne pouvons te le payer, mais pour autant,
notre reconnaissance ne te fera pas défaut ! Bon diable, il nous semble qu'avec toi il est
possible de parler un peu ! Si de vrais hommes habitaient cette terre, y vivre ne serait pas un si
grand mal ; mais pour cinq hommes, il y a toujours mille diables, et à la longue, il faudra bien
que tout finisse par appartenir au diable ! Les hommes sont trop peu et bien trop dominés par
les diables, qui ne les laissent jamais respirer librement !
5. Vois-tu, jusqu'à ce jour, toute souveraineté procède de l'archidiable, et sa demeure
est le sang versé par les hommes, mêlé au sang de pauvres et bons diables comme toi et on
parle de souveraineté de Dieu '" Oui, il y a sans doute aussi une souveraineté de Dieu mais
celle de sa colère, et non de son amour ! Et pourquoi ce Dieu est en colère, nulle créature ne le
sait ! Certains animaux sont sur cette terre les seules créatures heureuses, mais l'homme
véritable, qui est rare, est la bête de somme de tout le mal qui demeure en ce sale monde ! Il
ne court pas assez vite pour pouvoir s'enfuir devant tous les maux comme une gazelle ! Ses
mains sont fragiles comme cire, il est nu, et la nature ne lui a pas même donné autant d'armes
qu'à l'abeille ou à la fourmi pour se défendre contre un ennemi. Quand tu vois une troupe de
tigres, tous y sont parfaitement tigres et dans une troupe de lions, tous sont parfaitement lions,
donc tous de même nature, et ces animaux vivent en bonne intelligence : mais quand tu vois
un groupe d'hommes, tout ce qui y ressemble à un homme n'est pas homme, mais la plupart
sont des diables ! C'est pour cette raison qu'entre eux règnent toujours la discorde, la querelle
et la guerre ! Dans les diables ne réside que le mal, mais ce qui réside dans les hommes n'est
que l'inclination vers le bien, qui peut considérablement se corrompre parmi tous ces diables
et l'homme devient alors pour le moins un demi-diable, sous peine de devoir endurer ce que
nous avons enduré ! Il y a certes parmi les diables de ce monde infâme différentes sortes de
diables, grands et petits ; mais tous se reconnaissent aisément à ce qu'ils veulent toujours vivre
aussi agréablement et confortablement que possible sans travailler ni user leurs forces. Et ils
veulent être partout les premiers, ceux qu'on honore et qu'on considère : partout, ils savent se
rendre maîtres de la terre, se vêtir fastueusement et persécuter à mort celui qui ne les saluerait
pas toujours humblement
6. Bref, tu auras beau dire, bon diable, seuls tes pareils dominent le monde et les rares
hommes croupissent dans le dernier des esclavages et ne peuvent rien pour eux-mêmes : est-
ce là ce que devraient être, selon l'Écriture, les vrais "enfants de Dieu" ?! En vérité si Dieu
s'occupe aussi bien de ses enfants qu'il a par exemple fait de nous cinq, et si le sort des
pauvres enfants de Dieu ne doit jamais consister qu'à servir les diables dans la bassesse la plus
vile, nous préférons nous passer d'une telle filiation divine !
Ë  qui ne trouve guère à son goût ce titre de « bon diable », dit : « Il est sans
doute vrai que les enfants de Dieu doivent endurer bien des choses en ce monde, mais que
trouveront-ils un jour au-delà du tombeau ? Une profusion incalculable de félicités sans cesse
croissant et se multipliant ! S'il songe bien à cela. un enfant de Dieu supportera assurément
mieux la petite épreuve d'humiliation qu'est cette courte vie. »
 
 des cinq lui rétorque « Qui te le garantit ? L'Écriture, crois-tu ? Ne me
parle plus d'une telle garantie ! Qui sont ceux, dis-le-moi, qui ont prêché aux hommes cette
belle Écriture et, comme serviteurs de Dieu, ont eu droit aux plus grands honneurs ! Oui, ce
sont bien eux les pires de tous les diables !
9. Il faudrait que Dieu en personne vienne sous une forme humaine leur reprocher
leurs infamies sans nom et les exhorter à faire pénitence. En vérité, s'il ne vient pas s'opposer
à eux de toute la force de sa toute-puissance, ce sera encore bien pire pour lui qu'à Sodome
pour les deux anges venus exhorter Lot à partir au loin avec sa famille parce que ces lieux
étaient maudits !
10. Mais s'il n'est que trop facile de s'apercevoir que ceux qui dispensent les
promesses de Dieu sont indubitablement les pires des diables, dis-moi donc, bon vieux diable
pourtant quelque peu aveugle, ce qu'un homme, c'est-à-dire censément un enfant de Dieu,
peut finalement attendre de telles promesses ! Fort des expériences nombreuses et diverses
que nous avons malheureusement dû traverser, je te le dis rien, absolument rien !
11. Ou il n'y a pas de Dieu, et tout ce qui existe est l'œuvre de la force aveugle et
grossière de la nature, qui a faitnaître tout ce qui existe au fil des éternités. ou il y a bien
quelque part un Dieu très haut qui commande à la terre au soleil, à la lune et aux étoiles, mais
est lui-même trop grand et trop sublime pour s'occuper de nous, misérables poux de cette
terre. Ainsi, toute l'Écriture ne viendrait que des hommes, et, en vérité, il y a en elle plus de
mauvais que de bon. Et ce qu'il y a de bon en elle ni diables ni hommes ne l'observent : les
diables n'en tirent que le mauvais, pour le faire porter par les larges dos des hommes !
12. Dieu aurait dit à Moïse : "Tu ne tueras point" : mais le même Dieu ordonna à
David de partir en guerre contre les Philistins et les Ammonites et de les anéantir corps et
biens, avec femmes et enfants ! Quelle belle existence, et quelle curieuse suite dans les idées !
Ce Dieu tout-puissant n'avait-il donc pas les moyens de faire disparaître de la surface de la
terre ces peuples qu'il détestait ? Pourquoi fallait-il que, contre le commandement donné par
Moïse à tous les hommes, un homme fût envoyé avec plusieurs milliers de ses soldats pour
tuer non pas un homme, mais des centaines de milliers, pour la seule raison que, au dire d'un
prophète de Dieu, ils ne se tenaient pas comme il faut ? Pourquoi Dieu a appelé ces prophètes
et ces rois à faire disparaître de la terre des peuples entiers, lui seul le sait, et peut-être aussi,
en secret, ces prophètes et ces rois !
13. A vrai dire, je crois qu'un Dieu d'amour ne devrait jamais lâcher contre d'autres
hommes, comme des chiens enragés, des hommes à qui il prétend enseigner l'amour : il ne
manque pourtant pas de moyens, dans sa puissance, pour venir à bout des diables à forme
humaine qui l'importunent et le renient ! Quel étrange Dieu, vraiment ! Ordonner d'un côté
l'amour, la patience et l'humilité, et de l'autre la haine, la persécution, la guerre et la
destruction ! Vraiment, celui qui s'y retrouve dans une telle logique doit avoir une intelligence
hors du commun »

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Des différences entre les âmes pour les clairvoyants

1. Notre  , àqui la patience commençait à manquer, reprend : « Vraiment, je ne


sais que penser de vous. Il est vrai que je n'ai pas grand-chose à vous objecter, mais je ne peux
davantage vous donner pleinement raison. Vos plaintes sont sans doute justifiées, et pourtant,
il me semble que c'est surtout l'émotion de votre malheur qui vous fait voir les choses plus
noires qu'elles ne sont en réalité. Mais puisque tu me tiens moi aussi pour un diable, dis-moi
donc si, pour toi, c'est toute notre compagnie qui n'est finalement composée que de diables ! »
 
 des cinq dit : « Oh, il n'en est rien ! Regarde cet homme (il Me désigne)
près de toi : celui-là est un homme très parfait, un vrai fils de Dieu ! Mais il ne faudra pas
longtemps aux diables pour l'anéantir ! Un peu plus loin, il y a encore deux jeunes gens et une
jeune fille qui viennent aussi d'en haut, mais eux aussi seront persécutés s'ils ne veulent pas
devenir des diables. Et je vois encore quelques pauvres hommes qui ressemblent à des
pêcheurs : mais tous les autres, y compris toi et ta maisonnée, sont en quelque sorte de bons
diables, en passe de devenir des hommes, mais cela leur demandera encore bien des efforts !
Sais-tu à présent où tu en es ?»
 dit : « Mais dis-moi, puisque tu as pris la parole une fois pour toutes,
comment peux-tu savoir si bien cela ? Car pour moi, je ne vois ici que des hommes plus ou
moins avancés et parfois tout à fait accomplis : mais je ne vois aucun diable parmi eux. Sur
quoi fondes-tu ton affirmation, puisqu'elle ne semble pourtant pas sans aucun fondement ? »
A 
   « Sur ce que je vois : les corps sont certes semblables, mais il y a
d'énormes différences entre les âmes ! Ce qui les différencie, c'est la couleur et la forme : les
âmes de ceux que je t'ai désignés sont blanches comme la neige fraîchement tombée sur les
sommets, et d'une forme merveilleuse, d'apparence bien plus purement humaine que la forme
extérieure de leurs corps : mais vos âmes ont une couleur encore plus sombre que celle de vos
corps, et elles sont loin d'avoir une forme aussi humaine que ceux-ci : au contraire, on perçoit
encore en elles des traces très nettes de différentes créatures animales !
5. Pourtant, j'aperçois également dans vos âmes animales un minuscule être de
lumière, qui a lui aussi une forme humaine parfaite : si elle grandit en vous, peut-être cette
forme purement humaine finira-t-elle par recouvrir vos âmes animales comme d'une peau !
Mais je ne saurais t'en dire davantage, et tu peux là-dessus prendre l'avis des hommes
accomplis.
  reprend : « Mais dis-moi pourtant d'où il vient que tu puisses voir tout cela, et
pas moi ! »
Ë  
répond : « Dans mes grandes souffrances, où il n'était pas rare que mon
corps fût privé de sens, la vision de mon âme s'est ouverte, et c'est grâce à elle que je peux
maintenait voir l'âme des autres hommes et percevoir très clairement la grande différence
entre un homme et un autre, entre les enfants de Dieu et ceux du monde, ou, ce qui revient au
même, entre les anges et les diables !
â. Mais les diables du monde peuvent eux aussi devenir des anges bien qu'il leur en
coûte beaucoup de peine et d'abnégation : qui plus est, les anges peuvent devenir des diables.
Mais cela leur coûte une plus grande peine encore et leur est presque impossible, parce qu'il y
a dans les âmes angéliques une trop puissante force d'indépendance. L'enfer s'est essayé sur
nous cinq et a voulu nous gagner à lui. Jusqu'ici, toutes ses méchantes tentatives ont échoué :
mais ce qui peut encore nous arriver, nous ne le savons pas. Seul peut le savoir le Dieu qui
nous a ordonné d'exister, mais qui ne se soucie désormais plus guère, voire plus du tout de
nous, si bien que nous en sommes venus les uns et les autres à penser soit que Dieu n'existe
plus, soit que ce Dieu trop sublime ne peut ni ne veut plus se soucier de nous ! »

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