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Discussion et Observation de divers aspects ayant trait au judo par Ronald Désormeaux

JUDO-RON 37- Utilisation des angles d’attaque au judo

Les conseils que nous a transmis le fondateur du Judo le Maître Jigoro Kano
sont nombreux. Dans une collection de ses écrits rassemblés par le
professeur Naoki Murata en 2005, i ce dernier nous fait part de la phrase
typique de Kano étant : « L’ATTAQUE EST LA MEILLEURE DÉFENSE « soit en
japonais : Zenshu Wa Zenko ni Shikazu. Le fondateur nous exhorte ainsi à
continuer à travailler et à développer des moyens de vaincre les embuches
que nous rencontrons tant sur le tatami que dans la vie courante.

Un problème des plus frustrant et rencontré fréquemment sur le tatami est


sans aucun doute, la SITUATION DE DÉPART D’UN COMBAT. Vous avez
souvent été frustré devant l’impossibilité de vous déplacer aisément autour
d’un judoka qui a pris possession d’un Kumi kata de force et qui vous fait
face d’une manière dominante et menaçante.

En ces instants de combat vous ressentez une certaine impuissance et votre


esprit passe presqu’immédiatement à la défensive devant cette emprise
dominante. L’adversaire est prêt pour l’offensive tandis que vous, êtes forcé
de demeurer dans l’hésitation et la confusion. Pour sortir d’un tel dilemme, il
nous faut travailler avec acharnement et intelligence.

Prenons un certain recul et examinons le comportement des vieux maîtres en


action devant une telle situation. Ils n’avaient pas comme seul objectif de
gagner contre un adversaire, mais ils recherchaient à s’améliorer et à vaincre
des situations de combats quitte à subir quelques défaites dans le but
d’apprendre à mieux maîtriser les situations futures. Le gain d’expériences
positives était valorisé.

Vous êtes sans doute, comme moi d’ailleurs, émerveillé d’observer leur
efficacité. Ceux-ci connaissaient leurs forces et potentiels et savaient se
servir habilement des angles d’attaque pour mieux maîtriser et conquérir les
adversaires les plus coriaces. Ils possédaient différentes gardes et différentes
approches et parmi leurs tactiques, le travail acharné et continu dans l’usage
les angles d’attaque.

C’est que pris dans une situation antagoniste, ils ont compris les principes du
judo et en firent bon usage avec l’expérience. Ils se servaient davantage de
leur intelligence plutôt que de leurs muscles. Ils étaient généralement
déterminés et prêts à faire face à tout danger. Une fois en présence d’un
adversaire très fort et très courageux, ils prirent rapidement en charge les
déplacements du couple par des manœuvres en angle et par le contrôle des
forces de travail. Ils furent très efficaces car ils n’utilisaient qu’une partie de
leur force pour accomplir le travail. Examinons le processus de plus près.

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Discussion et Observation de divers aspects ayant trait au judo par Ronald Désormeaux

Nous sommes en présence de deux concepts importants du judo :

1) Ils font une utilisation minimum de force pour un plus grand résultat.
Bien qu'ils utilisent moins de force, ils l'appliquent là où elle sera la plus
efficace, c'est-à-dire aux points les plus faibles chez l’adversaire. Ils
conservent une garde naturelle souple sans mettre leurs corps sous tension;
les bras et les jambes demeurant relâchés et flexibles pour pouvoir bouger
librement.

2) Au lieu de confronter directement la force de l’adversaire, ils


l’acceptent, la bifurquent habilement et la dirigent dans des angles qui leurs
sont favorables afin de conserver leur stabilité et d’accentuer les
déséquilibres chez l’adversaire. C'est-à-dire qu’ils maîtrisent le Kuzushi,
pièce principale servant à la préparation d’une projection.

Comme nous avons déjà discuté de l’application du Kuzushi dans Judo Ron
23ii , notre présente dissertation viendra amplifier nos observations.

Nous y reviendrons afin de cerner des applications spécifiques des angles


d’attaque. Pour l’instant, examinons le processus de déplacement de
l’adversaire et le travail (force) plus ou moins grand qui est exigé de nous
pour effectuer un déplacement efficace. D’abord, réexaminons ce que
constitue le travail d'une force au plan physique.

L’encyclopédie Wikipedia nous informe que le travail d’une force c’est :


« l'énergie fournie par une force lorsque son point d'application se déplace
vers un objet quelconque et que l'objet subissant l’impacte de la force, se
déplace ou se déforme suite à l’action exercée contre lui. »

Si par exemple nous poussons ou tirons l’adversaire, le travail de la poussée


ou de la tirée est l'énergie produite par cette action. Ce travail peut
s’accomplir directement à différents endroits sur le corps de l’adversaire ou
indirectement par l’usage des angles de poussée ou tirée vers des points
ciblés. De même, nous pouvons tirer l’adversaire vers le haut, le bas et les
cotés en s’agrippant à divers endroits de son costume ou en faisant l’usage
de nos mains nues. (Avec la paume de la main, les extrémités des doigts ou
avec le poing fermé)

Dans les deux cas, le travail est exprimé en joules (J), et il est souvent
noté W dans des schémas explicatifs utilisés par certains professeurs. Le W
est un diminutif du mot anglais Work qui signifie travail. Dans une approche
plus pratique, certains professeurs de judo vont utiliser les termes : énergie
de départ, impulsion initiale ou force motrice pour se référer à ce travail de
base.

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Pour mieux saisir la généralité d’un travail dans notre contexte de haute
performance en judo, il faut se rappeler les trois lois de la physique énoncées
par Isaac Newton :

1. Tout objet est stable et demeure stable à moins d’être influencé par
une force.

2. Lorsqu’un objet se déplace, il développe une accélération proportionnel


et dans la direction de la force qui l’influence.

3. Pour chaque action, il y une réaction équivalente.

Nous allons donc suivre trois exemples avec lesquelles nous identifierons le
comportement d’une force quelconque ( ) qui serait constante et
s'appliquant sur un objet (l’adversaire) se déplaçant sur une trajectoire
rectiligne tout en excluant d’autres forces qui pourraient intervenir telles :
poids, résistance, masse, équilibre etc. Utilisons ces trois cas pour illustrer la
notion de travail d'une force :

Dans le premier cas, si la force est parallèle au déplacement de l’adversaire


et orientée dans le même sens, le travail fourni par la force est considéré
positif : La force a augmenté l'énergie cinétique de celui-ci et il se déplacera
donc plus rapidement. Une telle force est parfois dite force motrice et le
travail fourni est lui aussi positif. On peut dire que si la force est motrice, elle
favorise le déplacement (la vitesse augmente).

Dans le deuxième exemple, si la force est parallèle au déplacement mais


orientée dans le sens opposé, le travail fourni devient négatif : la force a
diminué l'énergie cinétique de l’adversaire et celui-ci se déplacera donc plus
lentement. On appelle parfois une telle force, une force résistante. Le
travail fourni par la force est donc négatif. On constate que si la force est
résistante, elle s'oppose au déplacement et la vitesse diminuera.

Dans le troisième cas, si la force est perpendiculaire au déplacement, le


travail de la force devient nul W = 0 : la force n'a pas modifié l'énergie
cinétique du déplacement. On constate que si la force est perpendiculaire au
déplacement, elle ne sert pas à modifier le déplacement de l’adversaire.

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Comme notre but est de faire déplacer l’adversaire pour mieux utiliser ses
faiblesses et son déséquilibre, d’éviter avec dextérité ses attaques et à
s’adapter à sa force et ce, en utilisant le moindre de notre force possible, il
est souhaitable de savoir bien utiliser les forces en jeu. Il faut pratiquer et
expérimenter avec diverses applications des forces motrices, de résistance et
les forces qui s’annulent afin de comprendre leurs effets et les appliquer à
bon escient.

Même si nous avons constaté dans notre dernier cas, la présence d’un travail
nul, on ne doit pas penser qu'une force dont le travail est nul n'a aucun effet
sur l’adversaire. Dans le cas d’un couple de forces face à face comme nous le
sommes à la prise initiale du Kumi kata, il nous est toujours possible
d’employer des actions circulaires et sphériques qui influenceront le
comportement de l’adversaire. Avec ce recours, nous devons initier un grand
mouvement qui entraînera l’adversaire à l’intérieur d’un cercle où une force
centripète le fera converger vers le centre de force que nous avons produit.

Dans le cas où l’adversaire choisi de demeurer aux extrémités de notre force,


il subira les effets de la force centrifuge qui se veut une force fictive dite
d'inertie qui intervient au moment ou l’on se place au centre d’un cercle en
rotation et ou les particules sont projetées vers les bords extérieurs.
L’adversaire sera alors pris dans l’éclatement du centre que nous produisons
et sera éloigné ou déplacé à l’extérieur de notre sphère d’influence. (Nous
avons un exemple de cette force dans l’exécution du troisième mouvement
du Itsutsu- no- kata)

Il y a aussi une autre expression employée par Jigoro Kano qui mérite notre
attention dans le présent contexte :
« Ju Yuku Go Wo Seisu » soit : »La souplesse contrôle la force. »
Cette expression exprime bien l’habileté de s’adapter aux forces en présence,
de ne pas résister force contre force, mais plutôt de s’y adapter, de l’esquiver
et la rediriger en régulant sa propre énergie par un travail d’angles, des
reculs rapides et adroits ainsi que par des bifurcations précises et continues.

Nous allons maintenant examiner l’usage courant des angles d’attaque qui
s’applique tant au départ d’un combat que durant le déroulement de celui-ci,
et ce, par la voie du Kuzushi.

Toute la stratégie débute au point de rencontre là où les deux combattants


prennent le judogi. La prise du costume ou Kumi Kata est en principe non
définitive. Autre que la prise classique, il y a plusieurs manières de saisir
l’autre à l’intérieur des règles. Il faut savoir choisir celle qui sera la plus
adaptée à nos buts et qui nous permettra la plus grande zone de manœuvre.
Les mots clefs à retenir sont : souplesse, douceur, spontanéité et liberté.

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Discussion et Observation de divers aspects ayant trait au judo par Ronald Désormeaux

Revenons à notre dilemme du jour, quoi faire avec l’adversaire qui nous a
saisis avec force et cherche à nous dominer dès le départ ? Une rupture
de l’emprise est difficile mais devient nécessaire. Un tel changement
requiert un peu d’intelligence pour regagner notre liberté d’action.
Rappelons- nous les maximes de l’ancien Ju- Jutsu ayant trait à l’usage de
la force.
Lorsqu’on vous tire, poussez.
Lorsqu’on vous pousse, tirez.
Déplacer pour mieux maîtriser.

En de telles circonstances, il nous faut vite procéder à l’analyse de l’usage


des angles d’attaque possibles et changer notre position de départ par des
mouvements habiles et judicieux dans la voie de non résistance la plus
naturelle. Il nous faut d’abord initier un mouvement de notre propre chef
tout en dissimulant le but de notre attaque ou encore, chercher à soutirer
et à bénéficier de la force de l’adversaire. Notre déplacement devrait
entraîner l’adversaire à nous suivre (usage de la force motrice) ou le
forcer à réagir par des déplacements soudains (en résistance passagère).
Nous nous devons de tirer profit de la force qu’il dégage en synchronisant
nos mouvements avec les siens tout en y ajoutant notre propre force dans
la même direction de son déplacement.

Ici, entrent en jeu les angles d’attaque et le Kuzushi qui est fait
essentiellement avec l’action concertée des poignets, des abdominaux et
des déplacements habiles.

Le Maître Yamashita 10ième Dan utilisant les angles en1904

(Collection de la Famille Yamashita rendue publique)

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C’est quoi le Kuzushi ?

Comme notre adversaire est présumé être au départ, en position naturelle


debout et stable dite Shizen Tai ou lorsque qu’il a recours temporairement à
la position défensive dite Jigo Tai, il nous est très difficile de le faire bouger
sans utiliser une certaine force initiale ou motrice. Le Kuzushi, c’est de le
placer dans une position qui deviendra défavorable et inconfortable pour lui
et déformer ainsi sa position initiale afin de rompre temporairement son
équilibre et briser son schème de pensée.

C’est l’opportunité qu’il faut créer et ce, en utilisant les huit angles d’attaque
ci- après qui sont localisés à l’avant, à l’arrière, du coté latéral droit, latéral
gauche, en coin avant latéral droit et gauche et en coin arrière en diagonal
droit et gauche.

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Happo Kuzushi " huit directions de déséquilibrer".

Les moyens d’utiliser ces angles d’attaque sont nombreux et il faut en faire
l’exploration et les pratiquer régulièrement. À titre d’exemples : lorsque nous
sommes en position de départ, nous pouvons initier le déséquilibre en se
plaçant immédiatement en angle ou en forçant un déplacement de
l’adversaire avec l’aide d’une poussée ou tirée dans une direction choisie ou
encore en exécutant un déplacement de coté, de face ou vers l’arrière avec
tout notre corps pour entraîner l’autre à nous suivre.

Nous pouvons également déséquilibrer l’autre en marchant vers l’avant, sur


le coté ou en reculant tout en sachant que pour effectuer un déséquilibre au

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maximum, il faut agir au moment du déplacement du centre de gravité de


l’adversaire qui passe d’un pied vers l’autre. La dernière recommandation
ayant trait à l’usage des angles de l’attaque, c’est de s’assurer qu’une fois le
déséquilibre accompli, il faut suivre immédiatement avec le déplacement du
corps Tsukuri et le Gake ou la projection choisie.

Je vous encourage tous et toutes, à pratiquer vos attaques en angle et à


avoir la détermination de surmonter les instances difficiles qui s’annoncent
avec patience car des obstacles vous en connaîtrez sûrement et seule votre
persévérance vous vous conduira à la maîtrise et la beauté d’un judo
efficace.

Bonne pratique,

Ronald Désormeaux,

Directeur Technique, Chikara Dojo, Gatineau, Québec, Canada

Août 2010

i
Jigoro Kano, L’essence du Judo, par Naoki Murata, Budo Éditions, France, 2005-2007
ii
Ronald Désormeaux, Judo Ron 23, About Kuzushi , www.Scribd.com, Octobre 2009

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