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Pourquoi Benerdji s'estil suicidé ? a ée€ représenté en création mondiale par le Théitre de Liberté, le 9. juillet 1980, au festival de Carcassonne et le 15 julllee 1980’ au festival Avignon. ‘Mise on scone « Mehmet Ulusoy Adaptation ot drameturgie : Jack Salom Scénographie et costumes » Michel Lounay Assistant @ la mise on scene = Isil Kasapogla Distribution; Jacques. Dimanche, Daniel Mattin, Marianike Révillon, Daniel Soulier, Mehmet Ulusoy: © 1980. by Les Horrors ne Mince 7, tue Bernas Pallsy —~ 73006 Pats Tous: drt. réseraés” pour fous. pays Tse 2707312864 Nazim Hikmet le dit lui-méme dans Pourquoi Benerdji s’est-il suicidé ? + « Ce livre, qui a été écrit. contre Vieaptrialisyee et gui. Yous ceux qui ont sacrifié leur ote afin Pabative Viapireliine, Texplique] dans quelles conditions tin rBoolutionnaire atra acquis le_droit_de_se Her, » “Tl sagit donc d'un theme franchement]ouver- tement poltiane, gul_cond a eee dele tune « edhigie de Vachion » dans sou afveloppe- aap Pa aaa ane inporiaice relative s'il Wétait btroitement lig, d'une part, a Vexpérience que Nazim Hikmet a vécue en tant que militant politique en UR, S.S, et em Turguie et, d'autre part, au climat révolutionnaire de la fin des années bing ‘4Le texte de Pourquoi Bencrdji s’estil suicidé ?, Gerit entre 1930 et 1932, fut publié a cette der- nidre date &*Tstanbat Test Pewvre d'un je pote de trente ans! gul a d&a publi plisiews vecueils de poémes depuis 1929, dont La Joconde 1, 1902 Salonigue ~ 1963. Mescov. 7 parle de | et Se¥aOu* Mais il est surtout ta conclusion, certes provisoire, d'un homme qui, tout eu long des années vingt, a pris une part active 2 la vie politique de son pays. En 1922, Noxin Hikmet arrive & Moscou, ‘apres un bre} séjour en Anatolie, o& il avait refoint tes forces de la résistance bémaliste’. Jusqu’en 1925, i suivra dex cours a VUnivercité des peuples de VOrient (KUTV), tout en cdtoyant les futu- rites et Tes constructivistes. Il partieine quelque- ois a dex soirées podtiques ok Maiakooski dit des podmes et Vencourage & poursuiore ses recherches, De, retour en Turquie, il sera vite contraint d’en- trer dans la clandestinité @ cause de ses activités militantes etd repartir pow 1U.R.S.S., ob it résidera jusgu'en 1928 A son deusitme retour en Turquie, i sera arrété ef emprisonné pendant sept mois. Reléché, HL jowera wn rble trds actif au sein du parti com: muniste de Turquie, dot it est exclu en 1930 Ia suite, semble-til, dune série. di Vaccusation aavoir is acitontes Weyales qn illegal ir, lest précisément cette annéeld que la redaction de Benerdt ext enireprise. Comment ne Porganisation de la lutte ZEER. 1976 3 Pour la chronologic de N.HL, voit Europe, nove ke! 1974 as voir 1d Vinfluence plus que probable de lex. périoice pervonnele de. Nadie Hiker, ofcue a nl T.? Mais Vannée 1930 est importante pour Vauteur & plus d'un titre. Avec celui de Vladimir jHeeioer Te 14 mars 1930, le cide acquiert fication plus que symbo- a vadve dun det individuet taisons de celui qui Beripit + plus aivier. Te a ‘tout ce qu ‘comment peut-on penser que Nazim Hilane PeHE Tdterent 4 cete ale? tant plus ‘quelle n€tait que Te mailfon une Fongie cha on ait dé Je suicide dEssén concernant Te Dombrovski roman Ta faculié de Vin << ‘brigades de suicide » constituées ict et Tk dans TULR-S.S: de Pépoque, Crest que face ala révolution, Péquivoque se pratique moins, dans les. années vingt. Le vent de Fespotr, levé en 1917 exige un engagement ci, total : C& Albin Michel.) rue ett ote elt | Pio ceatoment tex soindee hres Get exporr souleve afcessairement wie 4) gueton vie_on de mort, au sens propre dt “Pourquoi Benerdit sest Te résul- tal Wine double réflexion de Nazim Hikmet : St Pingportance de Perigagement dans un contexte ill 2 sar Te comportement de Vindioide face feet span la cen cate le a ‘pi elt 1930; (Jack Salom.> 10 AUTOBIOGRAPHIE Je suis né en 1902 je ne suis jamais retourné & ma ville natale Je ale pe es tert a T'ige de trois ans 2 Alep j’étais de mon état petiedils de pacha A dix-neuf ans étudiant & Puniversité communiste de Moscou A quavante-neuf ans invité dir Comité central tou- jours 3 Moscou et depuis Pige de quatorze ans jfexerce le métiet de potte ily a des gens qui connaissent toutes les varigtés @herbes autres les espices de poissons ‘moi celles des séparations autres qui citent par cceur les noms des étoiles moi ceux des nostalgles jfai couché dans des prisons dans de grands hétels jfai souffert de Ia faim y compris la greve de la faim iL ct il n'est presque pas de plats que je n’aie gotieés 2} trente ans on a voulu me pendre 4 quarante-huit ans m’atttibucr le Prix de la Paix ‘on me T'a donné dailleurs A trente-six ans j'ai parcour en six mois quatre mbires carrés de béto 3 dnquante-neuf ans de Prague & La Havane je n’ai pas vu Lénine fai monté la garde prés de son cercueil en 1924 son mausolée que je visite en 1961 ce sont ses livres on a tenté de m'artacher & mon parti a.n’a pas marché nas je n’ai pas été écrasé sous les idoles abattucs en 1951 sur tine mer avee un jeune camarade fai d6fié la mort en 1952 Ie cornr félé couché sur Je dos pendant six mois j'ai attenda Ja mort fai été jaloux comme un fou des femmes que Paimais je n’ai jamais envié personne méme pas un brin méme pas Charlot jfai trompé mes femmes ig mal jas dtd mal de mes ans desire Teur dos fai bu mais je ne suis pas devenut un ivrogne Pai toujours gagné mon pain. a Ja sueur de mon front fai eu cette chance Pai menti pate que jfavais honte pour un autre 2 ‘ai volé en dix-huit heures j'ai menti pour ne pas faire de Ia peine & quelqu’un mais j'ai menti aussi comme ca sans raison jai pris le train Pavion Pantomobile Ja plupart des hommes ne peuvent Jes prendre je suis allé & Popéra Ja plupart des hommes ne peuvent y aller ils sont méme pas entendu parler dopéra mais depuis 1921 je ne suis pas allé moi a cer- tains endroits ob vont la plupart des gens 4 la mosquée a Péglise au temple a la synagogue chez le jeter de sorts ‘mais il mest atrivé de me faire lite le mare de café ‘ce que jécris est imprimé en trente ou quarante Tangues ‘mes livres dans ma propre langue sont inter- dits dans mon pays je m’ai pas encore le cancer il n'est pas dit que je Paurai je ne sctai sfirement pas premier ministre ni tien de ce gente je n'ai @aillears aucun godt pour ce boulot et puts je ne suis pas allé A la guerre je ne suis pas descendu non plus dans Jes abris en pleine nuit je n'étais pas sur les routes sous les avions qui des- cendaient en piqué ais je suis tombé amoureux a Vapproche de Ja soixantaine bref camarades 3 i pense au grand Héraclte le sage. Coa peuteus: par ul sole scublable, Heéraclite pencha son front vers le leave qui coulait a travers les olivaies aux yeux verts et dit : « Tout change et s'écoule, Voila ce qui nie frappe et m’étonne. » © Heraclite, quel flux incessant ! Un flot tel que, dans sa vague, 1 le front de Vidole la plus sacrée se voit marqué du fer rouge du décti Tout déclin porte en Ini un nouvel essor. Impossible de freiner ce torrent blanc d’écume... Heraclite, Héraclite ! euton mettre sous clé Peau qui coule ? Ta ville ‘est au loin, Le jeune homme est debout Le fleave qui traverse Ia ville coule aux pieds det jeune homme, ‘Le jeune homine sort de sa poche ses allumettes, i allume sa pipe, 16 ite Un immeuble, un parallélépipéde droit et, au dernier étage, tune pice carrée. Des fenttres sans rideaux, Et, de Pautre cbté des vitres, des nuits étoilées Le jeune homme appuie son frone 2 la vite. Et moi, l'auteur de ce roman, je dis au jeune homme ; « Jeune homme, ‘egarde bien Tes étoiles, tu ne les reverras peut-étre jamais plus, Plus jamais peut-éere la lueur des étoiles, tu ne pourras 1étirer aussi loin que Phorizon, Jeune homie, Ton cerveau est beau, effrayant, fort et bon comme les téntbres étoilées. Les étoiles et ta téte, void ce qu’il y a de plos parfait au monde. Jeune honime, ‘Toi qui peutétre ereveras au coin d’une rue, v7 Je sang coulant de ta tempe, ‘ou qui rendras l’Ame sous fa. potence, regarde bien les étoiles, tung les reverras peutétre jamais plus. Jeune homme, peuteétre m’as-tu compris, peut-étte pas. Farréte JA mon discours. » Voila que s‘ouvre la porte, Ja femme attendue est 1. « Je At PAIN ATTENDRE ? — Beaticovr... ‘mais peu importe. » La femme saisit a main du jeune homme, Le jeune homme saisit Ia femme parla taille D'un coup de poing il a brisé la vitre. Ts se sont assis au bord de la fenétre. Lears jambes se balancent dans la nuit... Gomme un fond sous-marin lominews aucdessus de leurs tétes, & droite, & gau- che, Ja nuit brdle de mille fous. Leurs jambes se balancent dans le vide des tént Tbres, Leurs jambes se balancent 18 se balancent, LEURS LivRES L'amour, cest formidable, jeune homme. Sois done amourecs... Puisque tu as dans Ia t&te tune nuit étincelante, aime donc, de toates tes forces, je ten donne Ja permission, 19 LAVRE DEUXIEME Ob HL esr QUESTION DU JEUNE HOWME ET DE SA DIEN-AIMER, DES TEMPLES DU THIET ET DES PIEMS AMERICAINS... DE LA PLEIN LUNE... DES ACTIVITES MYSPERIEUSES DU JEUNE HOMME... ET, ENFIN, D'UNE TRAHISON DONT ON NE CONNAtT PAS L’AUTRUR. I Le nom ‘du jeune homme en question : Benerpyt, ‘Hindou, lieu de naissance : Deunt.,. Pour ses amis, un homme dans tout le sens du terme, aux yeux de ses ennemis, fou a tier ‘et, pour la police britannique, fiché comme suspect. Pout ce gui est de son apparence, ce n'est ni un nain obtse comme Patachon, ai un géant comme Maciste, 20 nin frehiquet comme Willy Fritsch ? Lut cest un homme comme les autres, avec deux yeu, un ner... La femme qui, dans notre livre premier, artive chez Benerdji, jouera un rble important dans notte réct: TL sagit une miss anglaise, lune tr8s jolie miss, au surphs.. Alors, si je vous demande, cette jolie miss, od et comment atelle connu Benerdji ? je suis str que vous allez me dire + « Des escaliers de marbre.. Une porte. Devant la porte, deux lions de pierre Ala ctinitxe frisge, Le Thibee. Au Thibet, un temple A Pintétiear du temple ‘Avec ses hut paires de bras t sa panse nc, assis en tailleur, Tidole + Bouppna. Le tambour sacré tendu de peau de beeuf 2. résonne « Beartez-vous ! Ecartez vous ! Ecartezsvous ! » Une femme blanche comme la neige aux cheveux blonds et aux yeux bles va étre offerte en sacrifice a Bouddha, Us semblent bien. se préparer A la ter. Le ventre de Bouddha s'enirouvre, tele tne guenle sanglante, les flames sarées, en surent, Les" prétres_mongols aux longs bonnets pointus Pi geulevent la ferme blanche, Bouddha va noutrix son ventre pl Ia jeune femme aux yeux bleus est perdue... Dran! Drran ! ‘Diteran! !! ‘Trois coups de pistolet. Les prétres mongols s'écroulent 'un apts autre. ‘Un jeune homme brun approche de Ia belle aux yeux bleus : « Fuyons ! Pas une minute & perdte ! UNE AUTONODIEE, A toute vitesse 110 a Vheure. 22 Eh bien, voila, est cette jeune femme qui au chapitre premier pénttre dans Ia pice, Bt le jeune homme qui l's sauvée, ‘est Benenyt Crest ainsi ue fa jeune miss a-conmu fe jeune Hindou... » Oui, vous allez me raconter ce gente de fadaises pout foutre en Pair mon roman avant méme qu'il débute. Ne me faites pas ga, s'il vous platt, les amis... Pour une fois, frites plus confiance & Nazi qutaux films amériait Lour premigre rencontre ceut Jiew dans. un tramway. La deuxitme dans un testaurant. Ala troisiéme, un lien se nous entre eux srfice 8 un sac de daim noir. La jeune Anglaise, dlibérément, Iaissa tomber son sac. Le jeune Hindou vit tomber le sac : 23 i Je ramasse, délibérément le tendit & Ia jeune fille. Et si vous me dites : Et apris ? Que s'estil passé ensuite ? Eh bien, vvoyex done notre livre premier, stg Cegt:la pleine lune. ‘Un homme qui errait dans Paris, le ventre creux, apergut la pleine lune : -« Cette nuit, ditil, la lune tessemble’ A une marmite au cu! bien rétamé. » Crest le pleine lune. Dane le quris de Fai, un voleur Papercut « Cette nuit, divil, le Tune, ressemble & une fenttre fp Jaissée ouverte dans le ciel je pouvais y pénéizer, pour y faucher, nom de Diew, Le tere notre sainte Mére Maric 24 Crest Ia pleine une. Un policier irlandais Papergut : « La lune resemble, dit-il, Pon vlc cl voleur grimpé au ci pour y piquer le dorure étoiles. Crest Ia pleine lune. Le potte Salih Zéki apergut la pleine lune, il la trouva semblable 4 son cuvre et Padmire fort... Glat I plein ane ‘Londres, un lord Papergut : « La lune ressemble, ditil, A Fordre de la Jarretitre de Sa Gracieuse Majesté. » La pleine lune rougissa Un paria la vit rougir « La lune ressemble, ell, au sang de mes frbres qui s’coule tte A goutte Ferre one lex emmx do Cage, » Crest Ia pleine lune. 25 Et, cette fois-ci, est la pleine lune elle-méme qui de ses yeux en amande apergut un champ de thé ‘aux alentours de la ville de Catcurra, Pres du champ, des murs. ‘A Pintétieur de ces mats, une maison. Test deux heures du matin ‘Au rez-dechaussée de cette maison, une pice. * Des fenttres fermées, une lempe au plafond, ‘au milieu de la pitce, une table, Trois ouvriers, deux paysans, un instituteur et [Benerdji, Cestdire au total sept jeunes gens de Calcutta, sept jeunes révolutionnaires. ‘Benerdji prend Ie parole : « Contre now, i: ‘avec les méthodes qui Iui sont propres, Vntelligence Service... Silence ! Ty a du bruit. » Les tétes se tournent vers Ia porte. «Tu as da te tromper. Je continue, camarades : ‘Avec les méthodes qui lui sont propres, 26 — Crest le vent, sans doute. — Mes amis, TIntelligence Service. — Seen ls teignez la lumigre. Je vais regarder. » Liobscurit La fenétre s'entrouvre. Te clair de lune retombe sur le plancher, tranchant les téndbres ‘comme une large ép6e étincelante. << Que se passe-til ? —"Taisez-vous ! » Pehors, ta pole. res aux phares éteints, Eun un tas de motocyclettes. «Nous avant i tahis. 77 LIVRE TROISIEME Ok m ST, quastion p’un TérécrAMMe DU « Tnais »,.. D'UN EXPOSE DE LA SITUATION BT D'UN ENTRETIEN AVEC BENERDJI DANS UNE INPRI- uente A ISTANBUL... DE LA GREVE GENERALE A CaLcurTA... DE SOMADEVA... DE LA LAPIDATION DE MON CHER FILS ET DE BIEN D'AUTRES EVENE- [MENTS TRISTES A VOUS BRISER LE COUR. 1 Un t4légramme de Caloutta regu par le Times : « Calcutta. — Les arrestations de “rouges” continuent: Le comité provincial clandestin qui s’était_rassemblé dans une maison > pris des plantations de thé aux environs de la ville, a é€ appréhendé alors qu'il tensit séance. Six membres de ce comité, qui en comprenait sept, seront trés bientét remis a la justice. A la suite des premiers interrogatoires, seul un jeune homme du nom de Benerdji, membre du comité, a été remis en liberté. 28 0 ‘Commencons par rsumer la situation, Un Benerdji est un jeune révolutionnaize, Crest sa vie tout entitre qu’il consacre a la révo- lution, et non ses heutes de digestion ou ses soi- rées libres. Noos f Ii fous Vavons appris au livre premier, Benerdji est l’amant d'une jeune Britennique. Comme une pierre, Yamout est donc tombé dans le coeur de notre héros : ‘une téte aux cheveux roux y soullve des. remous... Deux, a: Benerdji est arrété avec six de ses camatades alors qu'il présidait une réunion clandes- (tine. Deux, b ‘Mais, ‘pour une raison inconnue, bien que ses camarades soient toujours détenus, Benerdji a éé remis en liberté. 29 ‘Deux, ¢ : Pour moi, Cestadize pour Pauteur de ce roman, comme pour Benerdji, ie fait quill ait éxé Glargi est un mystére, qui vous ronge fes nerfs, le cozur, la chair et les 08, une pute énigme, ‘mon cher. Benerdji, jai quatre choses a te proposer Primed : Quitte Calcutta, mets-tol en route vers Istanbul. Viens & Vimprimerie rue de Babiali... Tues a? ‘Tres bien. Secundo : Calme-toi. Ne te plante pas 1a debout devant moi, assieds-toi. Tertio : : Frappe le plancher du pied, deux fois, pour que s’ouvre la porte ‘et que le cafetier 30 nous spporte deux verzes de thé en criant + « A vos ordres, messicurs ! » Quarto : ‘Raconte maintenant. Et tichons de résoudre, toi et moi, ce terrible probleme. « Je vais te raconter. Ecoute bien, » Et Benerdji se met A me raconter son aventure, sans pieds ni rimes, c’est-A-dire en prose « Nous étions cernés. I] y avait certains papiers quill fallit faire disparaitre. Pour gagner du temps, nous avons ouvert le feu sur les policies. Nous avons par deux fois vidé les chargeurs de nos brownings. L’un de nous a été touché au bras, un autre ale téte. Nos munitions finirent par épune, La pie bitnnique péntra dane la pitee. Ce fut corps a corps. Mais ils nous {nt fnaement Iié bras et jambes, Ts nous, ont chargés dans des camions. A In‘ direction de la sfreté, on nous a finalement alignés, tous les sept, devant un type. » Et Ia, Benerd est remis a utili saisi a nouveau par motion, les times : «Le ‘vat dea yeux blevs sana cls, 31 sage taché de son. © On devinai qui énit de Fntllgence Tl passe devant les camarades, sarréte devant moi, me dévisage, il me demande mon nom. Et on me reliche... Pourquoi mvontils remis en liberté ? Pourquoi ? —Benerdji, ne peut y avoir qu'une seule ri Ts0n... - quelle ? Te tone pls te cher. clocher ? ‘boucher ? faucher ? h, merde pour la rime ! Cesta-dire — tu peux en étre sr — qu'ils vont te filer aprés t'avoir remis en liberté. Et alors, hop! il y aura d'autres arrestations. Et toi, bien sft, tu te retrouveras en prison. Et, cette fois, ils ‘ne te lacheront plus en se contentant de te dévisager et de te ‘ton nom. elle est fa seule ct unique explication de ta remise en liberté... — Non, ily a sGrement une autre raison, On ne me file pas. Je n’ai personne & mes trousses. 32 — Crest bizarre. Qu’en pensent les camarades que tu as pu-contacter ? — Je crois qu’ils partegent ton opinion. A deux ou trois reprises, j'ai voulu re contact avec divers camarades, mais ils ne sont pas venus aux rendez-vous que je leur avais fixés. Les cama- rades ne veulent plus me voir. — Alors, lami, rentre tout de suite a Calcutta. Débrouilletoi pour arranger les choses. » Parle Reef ‘monsieur Nédime Vedat, conomiste, éctivain et mouchard. J'ai pensé a Benerdji et soudain une maudite éventualité nese le caur, Et, pour ceux qui savent de quoi il retourne ‘ck prend fin ce livre. mr Stop 1 Stop | Les freins ! Zillink ! La machine s'arréte. Lrouvrier touche le fil du doigt. 33 ‘Accumulateurs, dynamos, moteurs, vapeur, essen- cx, lectriité ; ‘TRIITIIIMITENIIK 1 ‘Tour s’annérs | Dans les hautes cheminées de briques, les fumées se figent. Les courroies se rompent, «Patron, un sabotage ! — Cours téléphoner ! — Le téléphone ne fonctionne pas. — Envoie un télégramme ! Les fils ont éré coupés, .*_ Fapparel est muet, — Cours! aN tas Ih planté devant mos ie£ ater sur €& que wous trowverez dans I hangar, courez & Ia ville.. Sergeants, policemen, soldats, calibres 42, tanks, avions, ‘amenez-moi tout ce que vous trouverez. » Soudain, bicyclettes, motocyclettes, automobiles, omni- Cus, _ souldvent des nuages de poussitre.. Mai soudain encore, ils en sont comme deux ronds de flanc... Impossible d’evancer 34 ‘ou de reculer. Paaah | Fiiiisch... Les pneus ont crevé... ‘Trop tard ! Drran deren derrran.... Tiki taka freve. Elle est proclamée, Ia gréve générale Galoutta est en gréve. Benerdji est chez lui, éendu sur son lit. Avec de cris Caleutta das devant sa porte Calcutta, une seule téte, un seul coeur, des millions de pieds. Ls sont en gréve, eux, tous ensemble. Benerdji est seul chez lui. Tout seul, Le plafond, 1a porte et les murs. Ils ne Pont pas appelé au combat. Depuis des jours, ses amis, quand ils Papergoivent, détournent la téte, Benerdji est dans son lit, Calcutta est debout. De son lit Benerdji voit 35 La route n'est pas libre. En avant marche !... Laissez passer les camions, les enfants des ouvriers 36 cont dépassé leurs pares. » Benerdji pousse un cti il bondit de son lit. A présent, de la rue, séleve Ia voix d'un seul homme. Benerdji court a la fenétre : en bas, la rue la foule... La-hout, Vair est tout bleu. En bas, son ami Je plus proche SOMADEVA svadresse a la foule du haut d'un camion « Camarades ! Depuis des mois, nos mses et nos femmes jorent leurs propres seins de leurs dents que la famine siguise, Camarades, cexposer nos ventres nus et vides aux balles, crever en nous roulant sur le sd... Ca..zades... Quand les autres devant nous plieront leurs échines épaisses — leurs comes plantées dans Ia terre... ww des mattres... 37 Nous autres. déchirant notre propre chair comme une chemise de grosse toile 1 de nos ossements ensanglantés.. 00S Tan d ‘Alors nous respirerons le parfum des roses, ‘Alors, Ta nature sourira devant nous ‘comme une bouche pleine de beauté. » Benerdji ne put y tenis davantage, Par trois fois, il cria de Ja fenétre : « Somadeva !... Soma- deva |... Somadeva |... » Il czia si fort que Soma- deva se tut. Le tumulte de la foule s'arréta net, tel Vaverse d’été, quand un vent soudain chasse Jes nuages. Les gens, téte cassée au niveau de la nuque, levérent les’ yeux vers la fenétte sans rideaux au_septidme étage du parllélépiptde droit. Et la-haut, derritre la vitre, ils apergutent le visage pale de Benerd Somadeva reconnut Benerdji. Ses bras sem- blarent se tendre vers lui. Ce geste, seal Benerdji Papercut de li-haut, Somadeva aussi, du fond Perna 8 State Te geste nostalgique de ces bras qui désiraient se tendre, étrein Dren haut, Benerdji cria encore par trois fale : 38 « Somadeva |... Somadeva !... Somadeva !... » En bas, Somadeva s'adressa aux hommes qui entouraient Ie camion + Donnez-moi une pierre », dit Ts lui donnérent une pierre. Et alors, ami le plus proche de Benerdji, Yami des jours les plus anciens, dit : « Pour sauver 2 peau, cet homme a livré ses camarades. Benerdji est devenu Pespion des occu- pants. S'il mavait pas vendu la téte de ses cama- rades ‘lex plus proches, oui, il ne Teg avait pat his, saumit plus ot ‘mandte tte sor Tes épaules. » Et, de toute la force de son bras droit, il langa Ia pierre vers le visage bléme de Phomme qui le regard, de a fenéie sans ridenux a sepitme age. Ta pierre de Somaveda atteignit Benerdji au front. Benerdji ne broncha pas. Le sang gicla centre les sourcils, lui coula sur le menton, puis sur Ia poitrine Et, jusqu’au moment od Ja téte de Benerdji sur mes genoux A moi, sur les genoux de Nivim Hikmet, Calcutta, la plus grande, la mieux aimée, celle qui erée et qui détruit, lui lanca des pierres. Cet enfant évanoui, je I'ai mis dans son lit. Je suis allé a la fenétre aux vitres brisées, a Yem- brasure tachée de sang. Vers la foule qui s’éloi- 39 gnait, se détourant de temps en temps pour nous jeter un dernier regard, jal hurlé cect : « Benerdji est mon enfant... Pour apercevoir son visage, moi, combien de fois, roulant mes nuits et mes jours autour du tabac a onze sous, sie suisje dressé sans arrét comme une statue de fumée... Benerdji est mon enfant, Trai eccouché de tui dane les mains des ite disomic, Benerdji'ne vous a Bane ne onge as depuis des jours et des jours, il ne dort plus depuis tant de nuits. Et sill ne dort pas, Ini, comment pourraisje dormir, moi ? ze vous a pas de mon squelete... Ecrasez le soupgon dans votre cozur comme on fait crever un abeds... 40 Benerdji est votre enfant et c'est le mien... » Mais la foule s’4loigna sans méme entendre ma voir, elle disparut. Alors, je me tournai vers 'en- fant toujours inconscient et je lui dis : « Nos ne m’ont pas écoutés, Benerdji, Benerdji, mon fils, mon petit, mon grand, Jusqu’au jour od’ sera enfin’ tranché ce maudit neeud, ‘nous n‘avons pas le droit de gémir. Eux ont le droit de nous jeter la pierre... Vv A CALCUTTA, AU PIED DES MURS D'UN POSTE DE POLICE, Le ciel tonne. Le soir tombe. Trois policiers se retrouvent devant le mur. Premier policier. — On étais-tu allé ? Deuxitme policier. — Egorger des cochons... ‘Troisiéme policier. — Et toi, ob étais-tu ? Premier policier. — Sur le pont, j'ai vu une Hindoue tout a I’heure. Elle portait dans les bras un enfant & la gueule de a [ézard. m’a af Ly ae eee 4 il chialait il chialat.. Jai dit a la femme + “« Pais taire ce batard. I doit saluer la police britannique, Sil ne le fait pas, quill créve, comme un rat sans queue. » Lrenfant gueule de grenouille ne s'est pas tu, fl ne m’a pas salué. Le flewve eoulait... Yai lancé dans ses eaux ce bitard du disble. Lp'mare ma regardé, elle a poussé un soupir, aussi profond qu'un sombre abtme. Cette fagon de soupirer m’a fait pitié. Un vieil homane ee Ss a dit, parait-il, + Soignez la ‘souffrance par 1a soulffrance. » Jai amené la vieille au poste, La peine de son coeur, je Varracherai en faisant couler du sang rouge sur son échine... Deuxiéme policies. — Pour te faciliter la tiche, Paplatirai 1a vieille a tes pieds comme un vieux tapis... 2 — Tues trop aimable Troisidéme policier. — Et je te donnerai, moi, tune cravache faite du sexe d’un Aéphant La souffrance et la peine, ga me con- nat, je le connais par cceur, Te livre des douleuts. Pat exemple : je peux hanter les réves, tel un cauchemat, atracher les ongles, verser dans les orcilles du plomb fondu. corcher a peau des mains retournée comme un gant, placer sous les aisselles des ceufs de dinde a peine sortis de l'eau bouillante, crever les yeux en y faisant couler goutte A goutte utiliser la méthode que Von nomme « cochonnet », bref, & mon avis, il est possible dPatteindre de mille fagons le but désigné... du vinagte, Voyex donc ce que j’ai lat 4g Deuxime et troisiéme policiers. — Montre, | oD ote se remiet policier. — Le pouce fralchement co un Hindou arrété au cours de la gréve... Sut le doigt coupé, Vongle a poussé d’un demi-centimétre... Deuxitme et troisitme policiers. — Allons, ren. trons, regardons Vongle pousser... Les policiers entrent dans le poste. La _sctne " demeute vide un long moment. Benerdji attive. Tl commence A pleavoir. Benerdji s’accroupit, le dos au mur. De Vautre odté du mur s'ltvent des hurle- ments, Et 2 travers la pluie on entend le long ‘tumulte dune ville. ‘Les hhutlements qui s’évent de Lautre oBté des murs du poste de police sont les cris des gré- vistes de Calcutta. La ville dont on entend le tumulte & travers Ja pluie, c’est Calcutta. Le pluie... La péniombre... Le soir tombe. La grove de Calcutta a été vaincue. Somadeva a été artété. A V'intérieur du poste de police, devant lequel Benerdji est accroupi au pial ao mur, les épaules de Somadeva saignent, par les coups. 44 La pluie... Les téntbres... La nuit est tout fait tombée, Les cheveux, les épaules, les genoux de Benerdji sont dete ei par la Pluie Le bandeau qui recouvre la plaie ouverte par les ue Ini cor jtes es amis est mou, cae an Boot ‘Les camarades sont li-dedans, Benerdji est toujours dehors.. La sonfirance qu’endare mon enfant, je ne Ja souhaite méme pas a un fascist italien & chemise noire. 45 LIVRE DERNIER DE LA PREMIERE PARTIE I vLA YETTRE QUE J'AI REGUE DE BENERDIT. Jai requ Ja lettre que voici de Benesdji. publie tale quelle: ie «< Quand on te remettra cette lettre, depuis longtemps peut-étre, Pauras dit : point, est fini. Et, cette foisci, & ne sera pas une pierre Tanoée par mes amis, ais une saloperie de balle que jfaurai repue a la tte, Je sais bien, 46 Nuim, ine feu pes devant la mort poser pour Ia galerie, idiot comme ique comme Werther. Mais que puisje faire d’autre, Nim, ‘comment m’en sortit ? Prendre une belle pose ct se tuer, crest bien beau, en vérit Tiens, mon voisin du palier s'est éveillé, Yeau coule dans Pévier, ise lave le visage. Tl descend en sifflotant les escaliers, il est sort. Et moi... Ni Hamlet ni Werther... ! Bon, passons... Je vais texpliquer. Assez de discours rasoir. La rue était sombre. La miss z ‘que tu qualifies de splendide a soudain surgi devant moi Elle ma dit «Voll des mois que je te recher che. » 47 Elle m’a dit : « Je suis folle dinguiéwde, ‘ot donc étais-tu? » Elle m’a dit bien des choses encore, sur la peur et sur Pamour. Des souvenirs sont vens se jindse ans souveits, « Ob ten vas-tu? me dit-lle, nous sommes arrivés chez moi, entre done. » Nous sommes entrés. La maison était sombre et vide. La chambre & eoucher. Elle allume Ie laspe, ai parlé : « -moi un verre de thé, I dij, (ea chaod, ben rouge, fumant. » Elle st sorte Jiai vu le sec Ia devant moi. ‘Tu sais bien, le sac de daim noir qu'elle avait Isissé tomber dans Ia rue et que cet idiot de Benerdji avait remarqué. Je Pai Coot Ppapiets. Jai tout Io Tes rapports & 'Iat Service fet une nouvelle liste Il sembla sur Ie point de parler. Tl ne dit rien. Je réléchis. Je me souviens de Somadeva, grimpé sur un camion, d’od il adresse & une foule innombrable. Je me souviens d'un soir de pluie, Je suis accroupi devant le mur d'un poste de police. A Vintétieur du poste, les épaules de Somadeva saignent, 2¢brées de blessures, Je me souviens du procts de Somadeva, Il erie 35 en martelant de ses poings le rebord de la stale des prévenus, ‘Somadeva s*évade de la prison, Nous sommes & nouveau ensemble, Des gréves contre les Britan- « Crever ainsi couché au pied d'un mut, cest trop béte. Si du moins je pouvais mourit Ia-bes Disle aux eamarades, tol. » Les larmes me montent aux yeux. + Disle sux camarades. Noublie pas, Benerdji. Tabss... Tu comprends ? » sueur, je ; 0 ime le tend, distrait. Sur le mouchoir, du sang. a veille il a ctaché le sang. Nous allons chez Il fait chaud, le médecin a est tu Le flcuve coule, scintillant 4 Phorizon. ii est comme un livre fermé. Roy Dranar regarde la terre ¢t ill parle, comme mon ancien copain, cetut gui tenonge, 4 michemin : On le sou, Diailleurs, impossible de le aeztiy 2 Vhopita: Somadeva est ui evade Je me souviens du jour oi jai forcé Somadeva a s'Gendre sur un matelas au pied du mut, chez Ja grand-méze. fe seéchis. « Benerdji, toi Je pense a des tas de choses désagréables. tw es un brin dherbe, Pais, je pense a certains lecteurs qui, a force une de lte’des Fomans de jeunes filles ses qui pousse sur les péturages des hautes monta- ui crachent le sang dans leur mouchoir, trouve- Tenes, ront vulgaire ce que je raconte li, su parfum pénétrant, Je me mets a tire. aux couleurs attitantes. ‘ Pourquoi ris-tu? me demande Somadeva, Mais une herbe — Pour tien... D’ailleurs, je m’en vais, plus inutile — Tu viendras bien Ia ‘semaine prochaine ? gue le chardon, me demande Somadeva, Benerdji, tu es un Don Quichotte, | — Bien sr. » uun Don Quichotte En sortant de Ia pidce, jfentends Ia voix de héroIque Somadeva, . et comique. 36 37 IL et impossible, a pervenir a sions. La vie est si confuse. Laisse tomber tout ga, mon cher, va te promener le soir la fralche et mets monsieur Yahya Kemal au godt du jour, éctis : ‘« Nous nous sommes retirés dans un coin tran- Cquille “Et nous sourions avec ravissement devant le Coumulte de Univers.” "Le reste, il faut s'en fiche ‘Telle est ma philosophie de existence. » Benerdfi se mit a rie, Mei, je n’ai tien dit, Fredonnant un viewx chant de lutte, je contemple le fleuve ‘qui coule a Vhotizon, Ui fait chaud, Jiai passé ma nuit éctire Benerdji, je feruis bien de dormir a présent *. mI « La sage-femme native du Cachemire me METRE des Bancs de ma mere t elle m’a langé avec un ticket de cinéma. ‘Mon ticket était de troisitme classe. Ma mere ‘a mis sa jupe, mon pre sa chemise bleue, on s'est mis en route... Le cinéma od on est allés| a trois pottes : devant le premitre, piétinent les automobiles, es banques anglaises en descendent, vétues de fracs. ‘Devant la seconde, de petites boutiques étroites, des champs étroits. La troisitme est la nétre, Cest celle que nous prenons, ine les_m¢ le luction. A Vintérieur, alae ‘The policemen indiquent leurs places 3” aux clients : ee, T.S.F. « Entrez, s'il it, sa bien-aimée a Tokyo. ee prenez place ! » Dan les abate ete” Us s'installent. ils jettrent des saucisses « Asseyez-vous ! > dans la gueule des machines, Ils s'astoient. 4 Pautte bout, des vaches a grandes cornes surgirent. Un prof de géographie déclara peedat son cours: « Le seal problme do nbgre da Seng, crest Pavoir le visage noir. » « Assiedstoi done, vaurien ! » ‘Nous nous asseyons. Les lumitres s'éteignent. ‘La musique commence, Lappareil tourne. Cette nouvelle ft grand bruit a Paris, Sur V’écran le ministéxe des colonies donna des otdres, -pliratt le nom du film : les fabriques de poudte de riz se mobilistrent. « Les AVENTURES DU VINGTIRME SIBCLE », Quand on apprit A Londres ‘ce qui se passait & Paris, Ia Chambre des communes se réunit et prit une Du haut d'an avion A quatre ailes, Te vingtidme sitele [décision : ‘nous salue de son mouchoir. « Tout Hindou qui ne s'acctochera pas A sa boutonniére, le capitalisme une queue au cul Sfouvre comme une fleur de courge. Les cheminées sont devenues si nombreuses, elles ont tellement ‘poussé, les cheminées, quelles saccrochent en rang doignon ‘aux gelaxies, Ty eut tant de fumée, il plu tant de suie au ciel Dieu Te Péze lo-méme wievett ses anges dimperméables anérisins Un millionnaire de Chicago aura la téte coupée. » Alors que les radios communiqualent ete sow, 5 [velle aux Indes, un pigantesque trust de queues se créa dans la ville de Manchester. Au pole Nord, les Esquimaux, ‘voyant ce qui se passait, afin de ne pas porter de queue et de ne pas changer de peau, se mirent & boire 60 61 dans de fines tasses japonsises Titres de lait de Hollande. : es rie sor esquls glssen de Tong coos, es 50 000 tonneaux des océans transportaient des matitres premidres des colonies Les maisons de commerce relnient les lllometres Tes uns aux autres. milieu du Sahara ‘A bent fteBrem des exlomes Mortis 'Trusté ot cartels s’effrontent. Balles, ballots, sacs, bottes courent de Pest a Pouest, de Pouest a l'est... Liécran s’obscurcit, Vappareil s'arréta. Leeranredevnt blan, Jes lampes s’allumérer Et, dis que Jes lampes un vacarme inoul s’éleva. « Que se passe-til ? > dis-je A mon pire. Ma mére se mit arire, Et soudain ma toute petite tte se retrouva couverte fun livre des pages 62 du plafond. Je rejetai le livre et levai les yeux. ‘Du haut des loges réservées aux banques bitan- niques, des philosophes lancaient sur nous, ‘par tonnes, leurs euvres aux tranches dorées, a Jumitres £ Gteignirent, ‘musique rit, Pappareil se remit en marche, Sar Péeran a surgit le nom du second épisode : Le pris Tas ct Je Prolétariat..» The policemen porttrent a main a leurs fesses, Les dlients de premitre classe ronchonntzent, les « seconde classe » hésitdrent. « Les voila ils atrivent, voila les n6tres !.. » critrent de toute leur voix les « troisitme classe ». Pareles & Vooéan au clair de lune, Jes vagues de bleus de travail envahirent Pécran. Le déflé commensa, long comme le Mississipi, large comme I'Amazone. Les travailleurs des mines, 2 califourchon sur leurs pioches, couraient dans les galeries au grand galop. Chantant dane seule voix, 63 4 | les ouvriers des filatures du Cachesnire défirent ‘en tiseant un immense drapéau, Les routiers plactrent les villes sur roues ‘et les firent tirer par des tramways. Les Glectriciens avaient enroulé les volts la chevelure d’or autour de leurs gants de caoutchouc. Les Alectticiens défiltrent, * nets comme Fleticisé ‘agiles comme Glectricieé Aectricité... Ce sont les nétres qui ty es un cortege aussi long que le Mississipi, aussi large que I’Amazone. Alors que sur leurs épaules ‘ma téte tournait comme une toupie, men. pte etapa sr fe vente A présent passait sur Pécran tune douleur de dix millions de CV Jes poings fourrés dans les poches ‘ou les doigts au nez, lle se teatnat avec peine, Parmée des chémeurs. Le bruit de leurs pas barda de fer les oreilles 64 de ceux que nous aimons comme Ia prunelle de nos yeux. Les « premifre classe » sourirent. Les « seconde classe » réfléchitent. Sur Pécran apparut un nouveau mot : « Bourgeoisie, » ‘The policemen revéient leur uniforme des dimany t Des loges ppleuvaient les applaudissements. Les « seconde classe » en eurent Ieau la bouche Nous étions cousus les uns aux autres par Paléne de nos salaires. Des flammes surgirent de nos paumes, les yeux nous sortaient des narines. La parade a commencé : tous les uniformes de Empire éfilaient ouvrant Je chemin au son des tambours, Les diplomates britanniques tapissaient le sol : des pans de leur redingote, On hisse des drapeaux & tous les commissariats. Les trusts arrivérent en foule cnifiés de la casquette 6 des gardiens de banques. Is s'étaient fourré dans les oreilles les cheminées des usines. Les kilométtes de terrain : Gizient les grains de leurs roseires. La gueule tendue, happant les cartels, ‘au cou des cravates tessées dobligations, ‘Moi, sur mes doigts je comptais ces hauts sommets. Tis passérent. Pais vinrent les régiments de la libre entreptise. Chacun de ses représentants . avait saisi ‘une ou deux usines Ils marchaient avec peine, ‘comme fratchement circoncis. Et entre leurs jambes & tous tinea Te pal dor a capital financier, par Voreille. Ceuxla aussi, ma mére et moi, ‘on les a comptés, un Aun. La parade prit fin. Alors kes? vimes _ cy pains ‘louées sut les chemins par Ie nombril. » 66 Somadeva referma le cahier. Il le fourra sous son oreiller et regarda Benerdji « Comment as-tu trouvé ga? — Estee tout ? demanda Benerdji, Pour le moment, oui. Crest le début de “L'Histoire de nde au vingtitme sitcle” que je compte éerire, — Et comment sera la suite ? — La suite, ou plut6t la fin, sera mervelleuse, Benerdji, La fin de cette histoire sera incroyable. ment belle. Je voudrais tant pouvoir Péctire. Je veux dire que j'aurais bien aimé pouvoit contri- buer a Ja rédaction de cette fin, moi aussi. » Benerdji se: leva. U1 voulut ‘allumer la lampe a péttole posée sur Ta table « Nrallume pas, dit Somadeva. C'est mieux ainsi. Je distingue mieux tout ce que j’ai dans Ja thte, le passé et Pavenis. Le soir, ma fdvie monte. Et mes douleurs sont terribles. Elles sont devenues insupportables... Bon, parlons d’autre chose. Parle, toi... Lis-tu, ces joursci ? A quelle heure se termine le travail A Pusine ? Quels livres as-tu lus ? — Ces demniers jours, jai lu un ou deux bou- ‘guins intéressants. Tiens, j’en ai un Ja. Je peux allomer la lampe, si tu veux, et ten lire'un pas. sage. — Lis-moi ga, Benerdji. » Benerdji alluma la lampe « Lian de ces livres est celui d’Albert Londres, a7 Te célebre journliste francais. Un livre sur le ‘francais. Je vais te lire une dizaine de lignes div chapitre le plus terrifant. Quelques lignes sur Ja construction de In voie ferrée, la ligne Congo- Océan qui va relier la capitale do Congo francais, Brazzaville, Ie Pointe Noire. C'est le Compagnie ‘Les Batignolles qui fait construire la voie, A pré- sent, écoute.. > Benerdji haussa un peu Ia méche de Ja lampe. Ilse mit a lire & haute voix. « Des Bakotas, des Bayas, des Linfondos, des Satas, des Bandas, des Lisangos, des Mabakes, des Zindas, des Loangos furent arrachés 3 leur ‘contemplation et envoyés « aux Batignolles »! ces) ‘« Ciétait un voyage fort excentrique. Les recru- ts embarquaient sur des chalands, contemporains de notre conquéte(...). Trois cents par trois cents, ‘quatre cents par quatre cents, on entassait Ja car- falson humaine dessous et dessus. Les voyageurs de Pintérieur éroulfaient, ceux du plein ait ne pouvaient se tenir ni debout ni assis. De plus, ayant pas les pieds prenants, chaque jour — et Ia descente jusqu’a Brazzaville durait de quinze 2 vingt jours — il en plissait un ou deux dans le Chari, dans la Sanga ou dans le Congo. Le cha- land continuait, S'l edt fallu repécher tous les noyés!... Le chaland abordaitil ? Les branches des palétaviers fauchaient au passage les plus hhaut perchés. Pas un abri, Quinze jours sur un 68 toit rond. Le soleil, la pluie. Et comme le vat chauffait au bois, les oe traitement pee. venti, leur faisant sur la peau de salutaires pointes de feu ! « Et c'était Brazzaville. Sur trois cents, il en arrivait deux cent soixante, parfois deux cent quatre-vingts ! (..) Les survivants reformaient le troupeau, La course & pied allait commencer. On avait choisi les plus beaux hommes, au début. (...) Ex le troupeau prensit la brousse, traversait ies marigots, gagnait le Mayombe, foret cruelle. (...) Aussi était-ce un surprenant ‘spectacle. Sur dix Kilometres, le convoi n’était plus qu'un long ser- ent blessé, perdant ses anneaux, Bayas écroulés, finds se trainant sur un pied, et Capitas les rameutant a Ia chicotte. » Benerdji se tut puis : « Albert Londres, Pauteur de ce livre, tu sais spi Cent, Somadeva? demande _— , mais je devine. Ce type-la a la menta- lité d'un grand homme @alfaires. 11 spi Jes malheurs des Noirs comme il s’ ierait sur Ja mort d'une forét massacrée au petit bonheur. Ce que je comprends, cest quill réclame des machines pout PAfrigue. Pas pour sauver les Noirs de la mort, non, mais pour faire travailler de facon plus rentable, pendant une période plus longue et de fagon ce qu’ils puissent tenir le coup plus longtemps avant de crever, C'est un 0 journaliste de Vimy isme francais, un journa- liste excellent datearee qui ne mache pas ses mots... Nrest-ce pas ga? ee — Oui. Je peux te Iaisser ses livres, si to veur. Liautte, cest “LEpopée du caoutchouc", de Georges Lefevre. Les chapitres ob il est question des usines automobiles en Amérique sont sur- prenants. Je n'ai jamais vu un type aussi malin, aussi adroit dans malhonnétet aque ce cag Un ui découvre de la poésie dans le fait mméme que ls @ies humains sient devenus de simples rivets dans une gigantesque machine. Lis " Je livre, tu verras, Veu-tu que jéteigne la lam- pe Pau Je repasserai la semaine prochaine. On Ferra guels seront lee résultats du meeting qu Ya se tenir dans quatre jours. Ah, sito n'avais pas été malade! Nous avons tellement besoin Gun camarade qui sache patler avec éloquence, mais sans détours ! Bon, on verra bien... Je m’en ‘vais, Soigne-toi bien. : = "Je prends soin de ma santé, Ne t'inguitte pas pour moi, Allons, vacen. Eteins la lampe. » Benerdji éteignit la lampe. Et il sortit de piace sur Ia pointe des pieds, comme si Somadeva était endotmal sitht la larpe éteinte. ‘Sur le paliet, la vieille seisit Benerdji per le bras : ‘< I va mouris, ditelle, Il se tuera peutétre ‘sans attendre Varrivée de la mort. Mon fils Ini fans est ort sur oe it, au pied de ce mur, quand 10 Tes Anglais lui ont fracassé a téte avec leurs ‘matraques. Oui, il va peut-étre se tuer. Il soulfre beaucoup. Il ne te le montre pas, mais si, vous autres, vous soufftiez autant que lui, vous seriez motts’ depuis longtemps. — Diob sais-ta qu’il va se suicider ? Il ten * pac? — Il ne ma tien dit. I ne me parle que de bonnes choses. J'ai Mmpression qu'll ne se Vest dit qu’d Juiméme. Peutétre méme qu'il ne se Vest pas dit ouvertement. Peut-étre qu'il se Pest dit. Hier, pendant mon absence, il est sGrement sorti. Je ai vu fourrer un paquet sous son lit. Qu’y avaitdl dans ce paquet, je n'en sais tien, Ul a ramen quelque chose. » Benerdji songea a retourner auprés de Soma deva pour Iui poser Ia question, Puis il changes ‘avis. « Ne le laisse pas seul, grand-mare. Je repas- sera dans deux ou ts jou, > T° PS Tl sen alla en courant. Ul marcha. I marcha longuement. Au coin d'une rue, il rencontra Roy Dranat Us sarrétérent au pied d'an séverbére. Dranat était saoul, IY saisit les deux mains de Benerdi « Crest peut-étre vous autres qui avez raison, itil. Oui, vous avez peuttre saison, Mais moi {enguls atv a me dire: est-ce& mot qu'incombe tiche de transformer le monde ? Il est possible n cba dag dele anne Mndnient te toe hom Ao soe, Beli: Jesus mon Senin oie Brae li les mains de Benerdji. Il éta son chapeau. Et, se courbant jusqu’a terre, il salua one Ge pearkre orm autes gu evex also >, ve dlgna en ttabant. 72 LIVRE. DEUXIEME Uw crroven pp CALCUTTA, MARCHAND AMBULANT DE SON METIER, RELATE LE MEETING Qui s'EsT TENU A CALCUTTA CONTRE L’IMPERIALISME AN- GLAIS ET FAIT LE RECIT DE LA MORT DE SOMA- Deva, I Ty avait une de ces foules sur la place, frére, oh Ia, Seigneur, quelle foule Elle mugissait comme une forét sous Je vent, frre, cette sacrée foule, Tourneurs de Calcutta, tisserands du Cachemire, marins de Bombay, ils sont aussi innombrables que les grains de sable rejetés par les soixante-dix-sept mets de Univers. Les enfants tout nus en grappes B saccrochant aux branches des arbres. ts vles sot inwls euro sul ‘Tu pourtais jeter non pas une mais un poil de ta barbe ‘qu'il ne retomberait pas sur Je sol ! Ty avait une de ces foules sur Ia place, frére, oh Ta BB, Seigneur, quelle foule ! Cette sacrée foule m’a englouti, fréze, comme si j’étais tombé a l'eau, une eau sombre, agitée... J’ai apergu tout la-bas, en face, perché sur un camion, un type ‘qui gueule de toute sa voix. ‘Mais il cause rudement bien, hein, il dit des choses de poids ! Je regarde le type, ype pate i mais ce typela parle bien, il parle mudement bien, il dit des choses de poids : « Pour telle et telle raison et pour tel et tel [motif 1 Autour de lui on crie « Vivat ! Vivat! » Je crie, moi aussi. Ts chantent une dréle de chanson. Je saisis la mélodie, je chante, moi aussi... 74 A cbté de moi « Ces gens-la sont fous, me dit un vieux : a barbichette, Us s'imaginent, me ditil, ‘que nous pouvons renvetser par Ia force Ia puissante Grande-Bretagne ‘qui, tele un lion de bronze, se dresse au-dessus des oofans, frappant les vagues de sa queue a la touffe d’or. » A présent, toujours sur le camion, un autre type. Lai aussi parle, bon sang, fui aussi cause bien, Tl dit des choses de poids. Je regarde le type. Je ne pige tien, mais on voit bien u'll parle que autre, Les gens tout autour crient encore plus fort. Je ctie, moi aussi. Et alors ils chantent une autre chanson, je suis Ia mélodie, je chante, moi aussi. 4 Tiens, celuisa dit vrai, sme dit le views & la barbichette, nous réussirons pas par la force, non, ‘mais avec souplesse, it a tout doucement ! me dit. Si on les quittait brusquement, ‘on serait comme les branches d’un arbre sans racines. » Et alors, sur le camion, encore un autre type. Bien sr, il va discourir lui aussi. II prend la parole. Le viewx ala barbichette est & nouveau tout [content. Crest clair, la foule se rallie "ek oper gael tts views a a arbichete Dei spent sur Je camion ee etal decade Pavance vers le camion dans la foule comme dans une foret vierge. Des cris. ‘Des chants, des marches. Moi, je n’y pige tien, mai Jentends des choses’ autour de moi : « La gauche est foutue ! — Regarde Benerdji a cbté du camion ! T fait une de ces gueules, comme s'il avait perdu sa mére, comme si s¢ sceur avait été enlevée | Gandhi a raison ! — Les dieux libérateurs de "Inde, Crest les métiers & tisser! » 76 Le tte me tourne, ‘comme si j’avais le mal de mer. ‘Soudain, quel vacarme, frére | Lair en fut tout secoué, comme du linge sur une corde ! « Somadeva ! Somadeva arrive ! — Donnez-ui la parole ! — Ne le laissez pas parler, inutile 1 — Nous ne Pécouterons pas ! — Foutezle a bas du camion | — Ne le laissez pas parler, on ne veut pas! » Se hsant sr les epales de 5 vos, un homme sur le camion, 1 fle tour enatre fixe dans les yeux cet homme au visage bléme, Tout le monde se tait. Somadeva prend le parole. Ah, nom de Dieu de nom de Dieu ! Ge'typel avait une voix, fere, une voix !. Tiens, les tigres gueulent a quand ils meurent dans la forés. adit : « Mes ami jai laissé la corde sur le plancher, 7 e crochet au plafond. Jai fall, ‘cfever comme un déserteur... Camarades |... », i ‘il, Mais il ne put en dire davantage, il vacila, il alla dun cbté puis de aut Jai vu alors Ia foule onduler, comme un champ de blé sous le vent, moi aussi, je me balancais... “Et, hai, une fois encore adit : « Camarades... » Une fois encore il ne put continuer, il est tombé du camion, il sest écroulé sur nous... Alors, fréte, il nous est arrivé une drole de chose : la place tout entitre « tendu les bras pour tetenir homme qui tombait. Pour oublier tout 2, je assure, il me faudrait entrer 1a Chambre des lords ! Le cadavre tout blanc de Somadeva otiait au-dessus des t2tes et des bras tendus ‘comme le clair de lune dans une mer agitée. La foule sur la place ctia, ‘et mol aussi, je criai ? « Somadeva ! 7B Somadeva ! Jusqu’au bout ‘nous ménerons Te combat ! » Une voix gémit A mes cbtés : « Des fous qui coupent la branche Ta plus forte, la plus verte @'un immense platane | » i me retourne et je vois, bon sang, homme a la barbichette + il se Parrachait, de désespoir ! 19 LIVRE DERNIER DE LA DBUXIEME PARTIE, Las CHAMBRES DES DEUX MORTS... LES DERNIERS gots B « L’aisrome DB LINDE AU viNcTtiaaE / SIRCLE ».., LB REGARD MORT DE Ror Dranat PDGE SUR L’ARNOTRE A GLACE... I Les funéralles de Somadeva se célébrdrent sans prdtre, ni hodja, ni rabbin, mais elles furent sui- vies par des dizaines de milliers d’hommes qui chantaient des chants de combat, “Apres avoir enterré Somadeva, Benerdji se ten- dit chez la vieille,Ily trouva la corde sur Je plan- cher et le crochet au plafond. Sous Voreiller, il prit Te cahier de papier blane a Ia couverture rouge. ‘Sur la couverture étaient écrits ces mots : « Histoire de [inde au’ vingtitme sitcle. » Benerdji ouvrit le cabier. I vit introduction inachevée “que Somadeva Tui avait ue un soir. 80 Puis venaient des pages blanches. Et, a 1a toute dernitre, cing ou six lignes ; Benerdji les tut : « Moi, Somadeva, j'ai entrepris décrire Phis- toire de Inde au vingtitme sidcle. Mais je vais ‘mourir sans la terminer. Que mes camarades Ja feprennent 18 od jai dd Yabandonnet. La fin de cette histoire sera incroyablement belle, J’en suis certain, > 0 ‘Quand il eut quitté la chambre de Somadeva, Benerdji apprit que Roy Dranat était mort dune poeumonie pour avoir prs froid « ay cours dune promenade le soir a la frafche », Et il se rendit & VhOtel ob logeait Roy Dranat. I! raconte comme suit ce qu’ll y vit : « Je suis entré : Jes bras le long de son corps, il était étendu sur Te lit orné de quatre boules de Ccuivre de sa chambre d'hétel ; kes yeux grand ouverts. Sous le drap, ses pieds pareils aux oreilles dressées ‘dune béte Grange. Ses yeux regardent 81 entre ses pieds, Dans le miroir de Parmoire, Fapercois, ‘non ‘pas sa téte, ni son visage, ni. ses sourcils, sais ses yeux morts aux paupitres ouvertes, aux prunelles voilées, Ses yeux sont fixés sur armoire. Fai ouvert Varmoire + comme si j’ouvtais une —— Sur I'étagtte d’en bas, il y a une botte : dans la botte, des souliers noirs gue le mort n’a jamais portés, Au milieu de armoire, des vétements Des tas de Roy Dranat ‘sans téte et sans mains suspendus céte A cote dans Parmoire, ‘Une bouteille de permanganate, des faux-cols, ‘bien repassés ; des mouchoirs, des chaussettes, Un livre, un livre de combat {que nous avions Ia ensemble ily a bien longtemps, 82 dont nous avions souligné bien des lignes ensemble, J'ai refermé Parmoire. Pai fermé ses yeux fixés sur Parmoire. Plus de coeur a vendre, Plus de téte & louer ! Roy Dranat, dors en Baie, tous tes problémes sont réglés. Plus besoin de tirer a toi la couverture + fini pour toi. FIN DE LA DEUXIEME PARTIE 83 ‘TROISIEME PARTIE LIVRE PREMIER EY DERNTER I Ele coule dans mes yeux comme des gouttes d'or, Ja clarté de P’étoile, Lorsqu’elle perga les téndbres dans Je vide tout au début, il n'y avait pas un seul ail sur terre ‘qui contemplat le ciel, Les Gtviles étaient vieilles, la terre était un enfant. Les étoiles sont Iointaines, si loin, si loin de nous... Patmi les étoiles, notre univers est petit, si petit, minuscule... 85 eee clnguitme de la T: ul est ime de la Terre, Et, of Asie, Finde est un pays. Calcutta, une ville dans Inde et Benerdji un homme dans Calcutta, Et moi je vous annonce que dans Caleutta, ville de Inde, ils ont barré la route a un homme, ils ont mis aux fers -* un homme qui marchait. Et moi, jene daigne pas lever Ia téte vers les infinis baignés de lumidre, Les étoiles peuvent bien étre Jointaines ct univers minuscule, cela m'indiffre, je m’en fous. Sacherle bien, ‘pour moi, fl est plus stupéGant, ‘plus puissant, plas immense et mystérleux, celui a qui Yon barre le chemin, celui que Yon met aux fers, t . 86 1 Comme vous Vapprend ce que je viens d’éerite avee pas mal de pédanterie et que j'ai intitulé premitre partie du livre premier et demiet de Ja troisitme partic, Benetdji est en prison. Parce qu'il a cuvré poor la véritable indépen- dance, pour la véritable liberté de I'Inde, Benet i 4 &¢6 arrété par la police britannique, jugé par justice britannique et jeté en prison’ par le gou- vernement britannique. Sa peine est de quinze ans. Ces quinze années, Benerdji les passera seul dans un cachot aux muts de pierre. Et une bonne partie de ces quinze années s'est déja écoulée. Et, a présent, je vous raconterai comment se sont passées toutes ces années. Et ensuite, ce sera Te moment de vous raconter pourquoi Benerdji svest tué, Ce livre, qui a été écrit contre Pimpé rialisme * et qui vous parle de tous ceux qui ont sacrifé leur vie afin d'abattre Pimpérialisme, pren- dea fin aprés avoir expliqué dans quelles conditions ‘un révolutionnaire aura acquis le droit de se tuer. mI Le soleil sur la fenétre... Benerdil ne comprend pas Timpétielisme et Je combat contre Timpésilime comme le fait moosieut — sigsor Von" Chevket Suteypa, néohitérien socal asic, 87 Batre de fer brdlante. Dehots, est peuttre cing heures, peut-ttre six, ‘ou six heures et demie, sept Le gardien a cadenassé Ye chilit au mur, ‘Lhomme est assis, assis sur une chaise de fer. Le soleil baisse dans Ia fenétre, «il frappe Phomme 2 la téte. Dehors, il est peut-étre dix heures, peutétre midi. ‘homme li-dedans marche, i va d'un mur a Pautre, dun mur a Pautre.., Le garden: soupe au tiz et pain, Done ‘midi a sonné pour ceux qui vivent de Vautre obté. Et "homme matche, iva d’un sur a autre, un mur a autre... Le barreau de fer étincelle et s*éteint. 88 Dehors, il est peut-étre cing heures, Peubétre six 5 Ja demie, peut-étr... Dehors, c'est le soit. Lihomme est assis sur la chaise de fer. Test assis, Le gardien pope mss ln le gardien ‘basse le chil, est la nuit ladedans. L’homme se couche. ‘Les yeux songeurs, «ill mordille'sa moustache. Dehors, le clair de lune... Vv C’était la quinzitme nuit du mois de septembre de Vannée 19.. A minuit passé, ua homme qui venait des faubourgs de la ville de Calcutta s'ar Teta en face des havtes murals de la prison centrale. Le pleine Tune disparsissait derritre les nuages sombres qui voilaient le ciel et prenaient des formes effrayantes sous Peffet du vent souf- flant avec force, puis réapparaissat. Lendroit ot 's’arréta V'inconnu dont nous avons dit qu’ll venait des faubourgs de la ville était situé 89 en face de Ia facade arritre de Ia prison centrale et, a Ia partie supérieure de cette fagade, il y avait toute une rangée de fenétres aux barreaux de fer légérement éclairées. ue fois que la lune échappait aux nuages, son éclat faisait étinceler Pacier d'une baionnette au pied du mur et indiquait ainsi a 'nconna la position des sentinelles montant Ia garde autour de la prison. 'Nos lecteuts ont sans aucun doute deviné que Tinconnu était peu désireux de se montrer aux sentinelles. Tls ne se sont pas trompés, Car cet *homae gait vena acomplir une tiche qui pe sautait étre appréciée par les forces de Pordre de empire britannique. En effet, dés que les sentinelles eurent disparu a Vangle da bitiment, Vinconnu sortit une pierre de sa poche et, aprés avoir soigneusement visé, il la Tanga vers lune des fenétres garnics de barreaux de fer, a troisitme a partir de la gauche. La pierre franchit fa fenétre, ‘Si_nos lecteurs et nous-mémes avions pu, avant que inconnu ait lancé sa pierre, regat ce qui se passait de Pautre oté de la fenétre, voici le spectacle dont nous aurions été témoin: ne ele aoe i de pee, mans porte de fer, un judas quiutilsent les gardiens. Un chilit que Yon reléve le jour pour le cadenes- ser au mur et que l’on rabaisse la nuit. Et, sur ce chilit, um homme est assis, vera de Vuniforme 90 réservé aux détenus. Redress it sans cesse la téte, Vhomme regarde sil est épié parle judas de Ia porte et, une fois convaincu qu’i n'est pas observé, crit sur les pages d'un gros livre V couverture noite, Si nout examinons de prts ce gros Livre, ous’ constaterons quill ible en Anglis, Une semaine apris gue Thomme dont fl est question « été enfetmé dans cette cellule aux ‘murs de pierre, un missionnaire anglais lui a offert hae Bible afin qu’il puisse s’entrainer & rendre A sat ce qui appartient A César et & Dieu ce qui appartient & Dieu, et aussi tendre le joue gauche ds qu'on le frapperat sur la joue droite, De route fagon, dans toutes les celles de la prison, 2 ce livre, on ne trouvait rien a lite ou a utilis Pee a preaen Phos t, A présent, voyons un peu ce que Phomme dont nous observons le comportement, eesta-dine le prisonnier du cachot aux muts de pierre, écrit sutles pgs Jel Bb Sur lex pages ob les phrases Gtaient précédées d'un chile e certains mots surmontés dene toute petite croix, il y avait des mots en ourdou, tracés tvec di sang rouge et encore fais gol einelacat comme des fammes au-dessus des caractsres dim: primerie trés serrés et noirs. Le prisonnier du cachot aux murs de piere avait s’en servir comme d'une un tout de carton qu'il avait arraché & Tiseéreur de In couverture de Ia Bible et, le trempant dans le on sang qui suintait de son poignet gauche, avait tracé ces mots flamboyants. Au moment od l’inconnu venu des faubourgs de la ville langa 1a pierre, le prisonnier du cachot aux murs de pierre était done absorbé par cette tiche, La pierre avait pénétré par Ja fenétre et était tombée au pied du chilit, Le prisonnier se leva aussitét. Ul arracha les pages de la Bible sur lesquelles il avait écrit avec son sang et en entoura la pierte, u'll renvoya par la fenétre, L'inconnu qui était vena des faubourgs de la ville, ramassa les papiers qui entouraient la pierre. Use les fourra dans sa chemise. Et, tel un homme qui porterait sur sa poitrine le trésor Plus pré- jeux du monde, il s’éloigna d’un pas plein de crainte, de témérité et d’assurance. Ii avait ‘peur: peur qu'on [uj arrache ce trésor qu'il pottait sur Ja poitrine. 11 était plein de courage : décidé a ne pas liver au péril méme de sa vie le trésot portait sur sa poitrine. Il était plein des. surance : depuis tant dannées, en effet il revenait tu méie endrot ous les dex mos, langle une pierre et cette pierre lui était renvoyée entourée de feuillets de Ja Bible ob des mots étaient tracks en lettres de sang ; il s’était donc accoutumé a ce Duos ie combat la vétitable indépen- combat mené pour la véritable is - dance et la libération des Hindous, ces écrits redi- afs en lettres de sang assuraient aux masses popu- 92 aires Venthousiasme et la conscience, leur assi- gnaient les buts & atteindze, Le prisonnier du cachot aux murs de pierre Gtait Benerdji, Les écrits qui assuraient eux mas. ses la conscience et Venthousiasme et leur dé agoaient es buts 2 attindre, céait « Lhisoire MInde au vingtitme sidcle », commencée jadis ar Somadeva et que Benerdji poursuivait. Mais cette histoire, Benerdji ne I'éerit pas avec le sang de son poignet. Il était prét, sil Pavait fallu, 4 faire couler tout le sang de ses veines pour écrire tune seule phrase de cette ceuvre. Et ce nest pas 1 une ineptie, Cex qui stimaginent que les hom mes capables de ce geste ne vivent que dans les tomans du dixneuvitme sitele ne connaissent donc pas les hétos anonymes de la grande lutte du vingtidme sitcle. i nYutlise pas pour ses éerits le sang de - Ine les donne pas a un inconna venu des faubourgs de la ville. Benerdji écrit sur da Papier blanc, avec un crayon. Et il fait patvenie & Vextétieur tout ce qu'il écrit, en dépit de Patten. tion tr8s anglaise des gardiens de prison.. Et comment fait ? Je ne vais pas raconter comment s'y prend, depuis des années, le prisonnier du cachot aux murs de pierre. Je me refuse a rendre service 3 la police britannique, setait-ce dans un roman... 93 v Alors que son nom dehors est un étendard flottant au vent, u plus t les verres de ses lunettes eee ede de ce quill voit. Les globules rouges diminuent. Bio, 5 ete des vettiges, des ‘nausées, Jes nerfs. & grosse monture d’écaille. Le _pafsenr cHAPITRE NOUS DIT PoURQUOT Bunzapyi s’esr Tus « Au-dessus de la ville de Calcutta sux chevaux de lumitre, aux casques de feu, boutant devant les téndbres en déroute, Crest raté, ‘un peu trop romantique. Disons plutée : “« Le firmament sous Ia forme d’une fleur Bigantesque 1 parm enivrant se Iaise aller dans les bras de’ aurore. 5 Encore raté, Je ne m’en sortirai pas. ‘Tous ceux qui m’ont précédé ‘se sont assuré le brevet de description du lever et du coucher de soleil. Et, quill se couche ou quill se lave, ils ont esquinté le sole En ce domaine, il ne me reste & moi plus rien a faire, ae plus un mot a dire. “Et pourtant, moi, , Je répete + Au-dessus des toits de Calcutta, Te soleil s’levait comme s'élive le soleil, Et de la rue montait Ie bruit de sabots et de bidons d'un canasson de laitier. « Quelle heure estil ? demanda Benerdji. — Six heures. » Benerdji a été remis en liberté hier soir, tard. Une foule immense lattendait devant le portal de In prison. Si favais la téte faite & Pancienne, j'ffir- metais : Benerdji était si proche de ces masses, son sang, sa vie étaient si bien leur sang et leur vie qu'il aurait pu éternellement les entratner & sa suite... 96 Les amis de Benerdji avaient loué pour lui une pidce au demiet étage dun immeuble dans les faubourgs lointains de Calcutta. Benerdji péné tra dans cette pice avec ses huit camarades, « Vae'en faire un tour, me direntils. Tu reviendras plus tard. » Depuis Ia porte de Pimmeuble jusqu’aux ave- ues du centre, au jeu d'une marée humaine g remuait, criait, j’ai marché en entendant 4 que pas prononcer le nom de Benerdji, Peu peu, la foule se disperse. A. mon retour, je wouval Benerdji seul dans sa chambre. Il se tenait debout devant la fenétte, Il était onze heures du soit, ‘¢ Assieds-toi done », me dit Benerdji, Je me suis assis. Les heures passtrent, Nous n’échangions pas un mot, La lumiére de la lampe fnit par pals. Je regardai par la fenétre. Au-dessus des toits de Calcutta ‘montait Te soleil. « Quelle heute esti? demanda Benerdji — Six heures. — Tits bien. — Je ne comprends pas. — Aucune importance. Ecoute-moi, Dans la premitre partie de ce livre, mes camarades mont dit : « Tu nous as trahis. » Je porte encore au front Ia.trace de Ta pierre quills me jetérent. Et jen'avais rien a me reprocher. Pourtant, ils avaicat 7 raison, J'ai failli me tuer. Mais je n’ai pas fait cette saloperie. — Cost visi. — Dans la deuxitme partie du livre, Somadev: crachait ses poumons. II souffrait tellement qu’ voulut se tuer. Mais Tui non plus ne I’a pas fa Ua estimé quill valait micox crever sur ua camion, Nrest-ce pas vrai ? — Crest vrai. = Quelle heure estil ? — Six heures et demic. = Tris bien. Ecoute-moi, Nous savons quel “est le‘rdle de Findividu dans I'histoire. Il ne peut en changer le cours. Il peut simplement en accé Iérer le rythme ou Je ralentir. C’est tout. Ce que Ton appelle Vindividu agit sur la pallet non sur Ja quantité, Ce sont Ia des choses que tu connais bien, que je connais, que nous savons, nous autres. — Cost vrai. — Alors, appliquonsles surlechamp a ma personne. » 1 se tut soudain. Ota ses lunettes. En essuya les verres avec son mouchoir. Remit ses lunettes. Ses yeux grossis pat les verres sont fixés sur mes yeux. « Parle, Benerdji, je t’écoute. — Les événements ont fait que je suis devenu un individu qui a joué un certain réle & une cer- ‘nine étape du mouvement. 98 — Cost visi. — Depuis hier, je suis 2 Ja téte du convoi, Alors que, physiologiquement, je suis dans un état déplomble.... Mon cerveau a perdu toute sa sou- plesse. Je ne saural pas prendre A temps les tour- ‘ants. Mes mains tremblent trop fort. Elles sont incapables a présent de tenir Ia barre. Bien loin @accélérer le rythme du courant, il est probable que je le ralentirai. Je ferai des faux pas sans le vouloir, en dehors dé ma volonté. Je le sais : dict six mois, une année peut-étre, Je mouvement me tejettera, comme on jette du lest. Mais, le temps quill me rejette, jfaurai &é un frein pour lui, . Alors que je ne peux pas le trahir délibérément, ‘ne serait-ce qu’en limitant mes efforts, ne serait-ce que par relachement, ne serait-ce qu'une année, ne serait-ce qu'un jour. Tu comprends ce que je veux dire ? Tu me diras, toi, que seuls les pares- seux et les imbéciles ne font jamais derreurs, L’homme qui se trompe, c'est celui qui agit, qui bouge. Le probléme, c'est d’avoir conscience de erreur. Mais si Verreur devient une rgle Thomme qui se trouve A la tte du convoi ? Et si cet homme bien que se sachant incapable de guider le convoi, s'entéte — ne seraitce qu'un instant — demeurer A son poste ? Nrest-ce pas Th une trahison ? Moi, je ne peux pas trahir, ne serait-ce qu'un instant, J’en suis organiquement incapable... » 99 Benerdji se tut & nouveau, Puis soudain il se amit a rire + « De plus, j'ai discuté du problame avec les cures. Nou Pavone née. Tu Ves pl qu Waelne, dit. Regard ta'monte, quelle heure esti? — Sept heures. — En outre, ce probléme n'est pas seulement Je mien. Je crois bien que Lafargue et sa femme se sont Feros dan lo mEme situation que i, et ils ont agi de méme. Bon, peu importe... Donne-moi donc ton revolver, » v Jai'sorti mon revolver de Ia poche de mon pantalon, Un Nagant énorme. Je T'ai tendu a Benerdji. 11 fa pris, P'a posé sur Ta table, ‘A nouveau, il 6ta ses lunettes, En essuya les vertes avec son mouchoit. Remit ses lunettes. Ses re oe pat les verres fixent les miens, «On une cigarette devant cette fené- tre », dit Nous avons allumé urie cigarette. La clarté d’un matin P&é tidde, coloré, dra comme sil jallis- sait-du sol, étincelait dans les vitres des maisons de Tautre ‘coté de Ja rue, dans les verres des Iunettes de Benerdji. Les toits, les maisons, les arbres, les rues étaient mouiliés, tout propres, comme fratchement lavés. Nous’ nous taisions. Je sentis Tamertume de Ia cigarette qui. se consumait. Benerdji se leva. Il éerasa sa ciga- rete dans Je cendrier sur Ia table. 100 celui d'une porte « Ferme la fenétre, dit-il. Et puis, va-t’en. On bent slombraser, sim veur, pour fare les choses en régle.. » ‘Nous nous sommes embrassés. A que je sortais sans me retourner, il m’a it « Dis bonjour aux camarades, » Je me mets a descendre Pescalier, lentement. Qatridme étage. Troisitme. Maintenant, je des. cends trés vite. Deuxitme étage. Je dévale Pes- calier en courant. ‘Au moment méme od je me retrouve dans la rue, un bruit me pervient de loin, sourd, comme Se tot sPILoGuE «« Pour mo, il est maucit, Te cadavre de celui qui se suicide “Nos mains ze sauraient toucher son corps, Pas de chant fandbs oot k Désormais cee ‘tu ne portes plus le des points, ‘des virgules ‘ou des phrases, Désormeis dans ce livre ‘tu ne cours plus tu ne cries plus ‘tu ne te grattes plus Je front, 102 ‘aa cours du combat, Désormais dans ce livre tu ne vis plus toi. ‘Mais Benerdji bien que tu te sois mé 8 ce livre ‘mes mains caresseront ton front déchiqueré Br ates ebajocs it & tes obsdques devant tous amis ou ennemis Ja marche fondbre sera chantée. 103 o pal connene Les coches ne sonnent pas MARCHE FUNEBRE dee profnds poor Ini Celui Les cloches ne sonnent pas reais a lest pas ‘une chanson a qui s’achéve qui sonnent Personne qui récite la pritre des morts Celui qui s’en va rest pas une chanson qui s’achive Lui est atta comme une immense lumidre a disparu ‘comme un soleil coiffé d'une casquette 104 105 Imprimé en France

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