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Plastre Christophe

La fin de la République de l’an III

Dès l’été de l’an III, la convention Thermidorienne se déclare en guerre contre « les partisans
de la terreur » et contre les partisans des émigrés et de la royauté. Cette déclaration est à l’image de
la Constitution de l’an III proclamée le 23 septembre 1795 et donnant naissance au Directoire. En
effet la nouvelle République se donne pour but de « terminer la Révolution » en établissant un ordre
social sans insurrection et voulant civiliser la France, c’est-à-dire la « républicaniser ». Cette
« République des meilleurs », des propriétaires et conservatrice se veut anti-royaliste et contre la
« République sociale et démocratique ». Dès lors deux oppositions se forment contre cette
République qui exclue toute participation au jeu politique en dehors d’un « centre » qui se présente
comme modéré et garant de l’ordre public. L’historien Pierre Serna parle de ce centre comme d’un
« extrême centre » qui ne cesse de stigmatiser et d’amalgamer les forces politiques de gauche et de
droite tout en s’appuyant sur elles pour maintenir la République. Mais le Directoire est dépassé par
ces forces d’oppositions et par son propre système électoral qui joue contre le maintien de la
République. Ainsi on peut se demander comment le pourvoir directorial « d’extrême centre » fait il
face aux oppositions qui tentent de mettre fin à la République de de l’an III ? Dans un premier temps,
nous verrons que l’élimination de la « gauche » du jeu politique sous le premier Directoire contribue
au renforcement du royalisme. Puis le coup de force de 1797 de l’exécutif pour sauver le régime.
Enfin la stigmatisation de la gauche revenue dans le jeu politique et l’essoufflement de la République
sous le deuxième Directoire de 1797 à 1799.

Avec l’abandon du gouvernement révolutionnaire, le nouveau régime lance une « chasse »


aux « terroristes » pour « sortir de la Terreur ». Les Jacobins dans leur ensemble sont amalgamés aux
terroristes, le but du régime est alors d’éliminer une gauche opposée à la « République des
meilleurs » et des propriétaires. On assiste à ce moment à une multiplication des mesures anti-
jacobines comme par exemple l’assignation à résidence des membres des administrations de district
ou de département des municipalités et des comités de surveillance destitués depuis le 10 Thermidor
(An II) le 23 février 1795 ; et le 10 avril avec une loi prévoyant le désarmement des « terroristes ».
L’épuration se fait à tous les niveaux et passe par une stigmatisation systématique de la gauche
amalgamée au « terrorisme ». Eliminée de l’espace public, la gauche a pour nouvel espace de
contestation la conspiration. En effet, la gauche entre dans le secret avec la conspiration des égaux
dirigé par Babeuf. Ce dernier est en rupture totale avec la « République des Meilleurs ». Pour le
mouvement babouviste la République doit détruire l’inégalité causée par la propriété et non pas
fonder ses principes sur cette propriété. Le babouvisme constituant dès lors une opposition radicale
à la République de l’an III est décapité au printemps 1796 par le Directoire qui s’appuie alors sur les
forces politiques de droite pour éliminer la gauche. Pour éliminer le mouvement babouviste le
pouvoir met en place une propagande contre la conjuration et amalgame tous les démocrates en
« terroristes ». Cette propagande et le rapprochement avec les royalistes constitutionnels pour
éliminer le babouvisme, contribuent au renforcement des mouvements royalistes qui deviennent dès
lors la force politique menaçante pour « l’extrême centre » de la République.
Les courants royalistes bénéficient sous le premier Directoire de mesures d’indulgences de la
part du nouveau régime, par exemple des lois favorisant le retour des émigrés de l’aristocratie sont
votées, les églises sont réouvertes et la liberté de culte est restaurée en février 1795. Ces mesures
participent au renforcement des rangs du royalisme qui bénéficie en plus de la libéralisation de la
parole. Les mouvements royalistes se lancent dès lors dans une reconquête culturelle et symbolique
où la religion devient le moteur de la radicalité des esprits. La révolution est décrite par Joseph de
Maistre (Un théoricien de la contre révolution) comme une punition divine, et si pour la révolution il
faut régénérer les mœurs par la loi, pour la contre-révolution il faut les régénérer par la foi. Ainsi
deux thèmes sont utilisés par les contre-révolutionnaires comme mots d’ordre pour révéler la
décadence morale : la condamnation des suicides et des divorces. Ainsi la question religieuse aide au
renforcement du royalisme. Ce courant capte aussi le mécontentement économique. En effet l’année
1796 est frappée par une crise économique entraînant une baisse des prix agricoles. L’opposition à la
République aussi dans la conspiration, avec par exemple le débarquement de la flotte anglaise à
Quiberon le 17 juin 1796 ou encore, avec le complot de l’Abbé Brotier qui échoue en janvier 1797.
Mais c’est par la voie légale que le mouvement constitue un véritable danger pour la République.

Le royalisme constitutionnel s’allie l’opinion publique via la création d’instituts


philanthropiques pour gérer la propagande. Captant en plus les mécontentements le royalisme
devient populaire. Cette popularité permet à ce mouvement de gagner les élections de mars 1797.
Sur 216 conventionnels sortant 13 sont réélus dont 5 clychiens, ainsi environ 200 clychiens sont élus
aux assemblées menant à une majorité royaliste dans les conseils. L’opposition à la République se
fait dès lors légalement et passe par des mesures en faveur des émigrés et de la religion catholique,
comme par exemple le 15 juillet 1796 l’abrogation des lois contre les prêtres réfractaires. Par ces
positions allant à l’encontre de la République, l’opposition royaliste pousse le régime d’extrême
centre au coup de force pour sauver la République de l’an III.
Le sauvetage de la République passe par le coup de force anti-royaliste du 4 septembre 1797.
Appuyé par l’armée, le Directoire casse les élections législatives et locales dans 49 départements sur
98. La presse est censurée et le 5 septembre des lois d’exception sont votées pour éliminer le
mouvement royaliste. Les émigrés rentrés doivent repartir sous 15 jours, l’église connaît de nouveau
la répression et les prêtres émigrés sont traqués. L’opposition conservatrice est amalgamée au
royalisme présenté comme un danger pour la République. La République élimine ainsi toute sa droite
en constituant un front « d’union des républicains » dans lequel on retrouve des néo-jacobins. En
septembre 1797 les directeurs sauvent la République mais c’est aussi toute la faillibilité de celle-ci
qui est exposée car elle reste soumise aux élections et donc à une opposition dans le jeu légal.

La gauche se réorganise autour des néo-jacobins avec « L’union des Républicains » pour faire
face aux royalistes. « Les anciens terroristes » retournent ainsi aux charges pour remplacer les
royalistes épurés. De plus on a une libération de la parole à gauche. L’idéologie néo-jacobine en
pleine expansion mène à la victoire de la gauche aux élections de 1798 mais les élections sont
invalidées le 11 mai pour faire face à la poussée de la gauche constituant une menace pour la « La
République des meilleurs ». En effet, les députés néo-jacobins ont des revendications sociales : ils
réclament une plus juste répartition des impôts, une distribution des terres, une éducation primaire
pour tous et surtout, projettent d’introduire dans les assemblées primaires des citoyens pauvres
normalement exclus moyennant une contribution de trois journées de travail. Le mouvement néo-
jacobin s’oppose par ces mesures radicales aux fondements de la « République des meilleurs », c’est-
à-dire au régime censitaire entre autres. L’invalidation des élections correspond à une épuration de
la gauche par l’exclusion d’une centaine de députés.
Pour les élections de 1798, 437 députés sont à élire avec 140 places laissées vacantes par les
députés épurés le 4 septembre 1797. Pour faire face à la poussée néo-jacobine, les directeurs
préparent les élections de 1798 en faisant campagne contre les « anarchistes », contre « le royalisme
a bonnet rouge » remplaçant « le royalisme à cocarde de blanche ». De plus il est prévu que les
élections doivent être validées par la Convention et les directeurs élus par cette même Convention.
Les hommes de « l’extrême centre » essayent de parer au problème des élections – qui mettent « à
mal la République » - en mettant en place des sécurités légales pour empêcher la victoire de tous
ceux étant en dehors du centre politique. La politique du Directoire correspond en fait à une
politique de stigmatisation et d’amalgame permanente de ses adversaires. Ainsi il n’existe qu’un
champ politique valable, celui de l’extrême centre se présentant comme seul garant de l’ordre
public. Mais cette politique n’est pas durable à cause du renouvellement annuel par tiers des
assemblées et produit un essoufflement de la République qui ne peut soutenir ce système.
Pour prévoir les élections de 1799, le Directoire tente de rejouer sur les peurs en parlant du danger
de « l’hydre à deux têtes : l’infâme royalisme et le vil terroriste ». Mais la propagande ne tient pas et
les nouveaux élus regroupant des néo-jacobins mais aussi des royalistes et autres mécontents sont
majoritairement opposés au Directoire. Sieyes est élu directeur avec l’ambition de changer la
Constitution, mais il faut attendre 9 ans pour une réforme de la Constitution. Ce qui oblige au coup
d’Etat pour réformer. De plus, les conseils font pression pour le départ des directeurs attachés à la
Constitution de l’an III ; ceux-ci démissionnent le 18 juin 1799 face au coup d’état des conseils. Face à
l’essoufflement de la République un réel coup d’état s’impose pour réformer la Constitution.

La politique de « l’extrême centre » sous le Directoire a consisté à s’appuyer soit sur la droite
soit sur la gauche pour maintenir la République. Mais le système électoral du régime laisse les
oppositions s’exprimer dans le jeu légal et menacer « l’extrême centre ». Ainsi ce centre mène des
coups d’états systématiques pour éliminer les vainqueurs des élections, s’éloignant de sa position de
« modération ». Cette politique d’exception permanente est insoutenable pour la République et
débouche sur la suppression des élections et avec la confiscation totale du pouvoir pour l’exécutif
avec le coup d’Etat du 18 Brumaire exécuté par Napoléon Bonaparte.

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