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Revue des Études Anciennes

Le colosse des Naxiens à Délos


Antoine Hermary

Abstract
A detailed study of the « Naxian colossus » from Delos shows some strange stylistic differences with the other early archaic
kouroi, and leads to the meaning that the preserved fragments are those of the statue which took the place of the first colossus,
knocked over by the bronze palm tree dedicated by Nikias in 417. If one accepts this view, some stylistic points, as well as the
location and the meaning of the archaic inscription will be better explained.

Résumé
Une étude attentive du « colosse des Naxiens » de Délos montre des divergences stylistiques étonnantes avec les autres kouroi
du haut-archaïsme. Elles conduisent à penser que nous avons conservé les fragments de la statue qui avait remplacé le
colosse primitif, renversé par le palmier en bronze dédié par Nicias en 417. Cette hypothèse rend mieux compte de certains
détails stylistiques, ainsi que de l'emplacement et du contenu de la dédicace archaïque.

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Hermary Antoine. Le colosse des Naxiens à Délos. In: Revue des Études Anciennes. Tome 95, 1993, n°1-2. Hommage à Jean
Marcadé. pp. 11-27;

doi : 10.3406/rea.1993.4518

http://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1993_num_95_1_4518

Document généré le 06/07/2017


LE COLOSSE DES NAXIENS A DELOS

Antoine HERMARY*

Résume. — Une étude attentive du « colosse des Naxiens » de Délos montre des divergences
stylistiques étonnantes avec les autres kouroi du haut-archaïsme. Elles conduisent à penser que
nous avons conservé les fragments de la statue qui avait remplacé le colosse primitif, renversé
par le palmier en bronze dédié par Nicias en 417. Cette hypothèse rend mieux compte de
certains détails stylistiques, ainsi que de l'emplacement et du contenu de la dédicace archaïque.
Abstract. — A detailed study of the « Naxian colossus » from Delos shows some strange
stylistic differences with the other early archaic kouroi, and leads to the meaning that the
preserved fragments are those of the statue which took the place of the first colossus, knocked
over by the bronze palm tree dedicated by Nikias in 417. If one accepts this view, some
stylistic points, as well as the location and the meaning of the archaic inscription will be better
explained.

Pour rendre hommage à Jean Marcadé qui, pendant plus de dix ans, a encouragé et guidé
mes recherches sur les sculptures classiques de Délos, puis sur la plastique chypriote, j'avais
pensé rédiger une étude générale sur la statuaire colossale dans le monde grec archaïque1, sujet
dont l'intérêt est renouvelé par la découverte de l'admirable kouros de l'Heraion de Samos2. Les
restes du « colosse des Naxiens » conservés dans le sanctuaire de Délos devaient, dans ce
cadre, faire l'objet d'un développement détaillé, d'autant plus que j'avais pu procéder, au cours
du mois d'avril 1992, à un nouvel examen des fragments conservés3. Mais, en rédigeant une
première version de cet article, je m'aperçus que le colosse délien était, sur plusieurs points,
tellement différent des kouroi archaïques traditionnels, colossaux ou non, et si exceptionnel
dans le contexte de l'art grec de la fin du VIIe siècle ou du début du VIe que même l'hypothèse
d'une réfection du monument, à laquelle j'avais pensé après d'autres, m'apparut en définitive
impossible à défendre. J'en arrivai à la conclusion, pressentie par deux savants du siècle
dernier, que cette œuvre devait être une statue archaïsante destinée à remplacer l'offrande
* Université de Provence
1 . La dissertation de P. Karakatsanis, Studien zu archaischen Kolossalwerken (1986), est loin d'épuiser la question.
2. Présentation provisoire par H. Kyrieleis, dans Archaische und kfossische griechische Plastik I (1986), p. 35-45,
pi. 14-19.
3. J'ai bénéficié au cours de ce séjour, et pendant les mois qui ont suivi, de l'aide de Philippe Jockey, à qui j'adresse tous
mes remerciements, de même qu'à Philippe Collet, photographe de l'École Française d'Athènes, qui a repris à Délos toute une
série de clichés.
REA, 95, 1993, n° 1-2, p. 1 1 à 27.
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primitive, dont l'existence est garantie par la première inscription gravée sur la base. C'est donc
cette nouvelle hypothèse, qui pose elle-même, on le verra, d'autres problèmes, que je soumets
fmalement au jugement du maître des études sur la plastique délienne.
Il n'est pas question de présenter en détail les différents commentaires qui, en l'absence
d'une publication détaillée toujours attendue, ont été consacrés au style, à la signification ou à
l'histoire du colosse : on trouvera l'essentiel des informations dans un petit nombre de
publications dont il sera question dans la suite de cet article4. Pour rendre compte le plus
clairement et le plus objectivement possible de la démarche qui m'a conduit à mettre en cause
les conclusions traditionnelles, je présenterai d'abord les éléments sculptés appartenant à la
statue, puis je tenterai de comprendre l'histoire de l'ensemble du monument, statue et base
inscrite, pour terminer par quelques remarques sur les rapports entre le colosse naxien et
l'Apollon de Tektaios et Angélion.
Les deux principaux fragments conservés sont actuellement placés à l'arrière du temple
d'Artémis. Le torse (Fig. 1-5), quoique terriblement mutilé et couvert de graffiti, se prête à une
analyse stylistique5. L'ensemble forme une sorte de parallélépipède évasé dans sa partie
supérieure, dont les quatre plans se coupent presque à angle droit. Les flancs et le ventre, où est
vaguement indiquée la ligne de l'arche thoracique, forment des surfaces plates et le traitement
du dos, malgré le recreusement vertébral et le dessin grossier des omoplates, est extrêmement
sommaire ; à la base de la masse de cheveux, et légèrement en retrait, se dessinent huit boucles
nettement séparées, terminées par un enroulement dont le centre est marqué d'un petit trou
(environ 1,2 cm de diamètre). On note deux indications musculaires timides et maladroites, le
trapèze (entre les omoplates et la colonne vertébrale) et le grand dentelé à la jonction du flanc
droit. Seuls le bas du cou et la poitrine témoignent d'un véritable modelé, caractérisé par
l'accentuation de la dépression creusée à la base du cou par la « fourchette sternale », qui met
en valeur les deux muscles latéraux « sterno-cléido-mastoïdiens »6, et par les pectoraux
légèrement affaissés vers l'extérieur dont le mamelon forme, tout près du flanc, une saillie
assez prononcée (seul le sein droit est bien conservé). Le haut de la poitrine est traité au
contraire comme une surface plate, sans recreusement du sternum ; trois mortaises sont
creusées du côté gauche, une seule subsiste à droite7 ; les clavicules sont discrètement
indiquées. Sur le côté gauche du torse se détache juste au-dessus de la cassure un bandeau en
relief sur lequel sept petits trous (0,6 à 0,7 cm de diamètre) sont percés au centre d'une cuvette
d'environ 2,5 cm de diamètre. Sur le flanc gauche, à 42 cm au-dessus de la ceinture, subsiste un
arrachement rectangulaire de 10 cm de large, conservé sur 19,5 cm de hauteur ; on note le
même type d'arrachement du côté droit, à environ 38 cm au-dessus de la ceinture, conservé sur
20 cm.

4. S. REINACH, « Le colosse d'Apollon à Délos », BCH 17, 1893, p. 129-144 pi. 5-6 ; W. DEONNA, Les « Apollons »
archaïques (1909), p. 191-199, n° 81, fig. 84-90 ; G. M. A. RICHTER, Kouroi (3e éd., 1970), n° 15, fig. 87-90 ; Ph. BRUNEAU et
J. DUCAT, Guide de Délos (3e éd., 1983), p. 125-128 (notice rédigée par J. Ducat).
5. J'ai repris avec Ph. Jockey les dimensions principales qui, on ne s'en étonnera guère pour une œuvre de ce genre,
diffèrent légèrement de celles données par Deonna : hauteur 2,30 m, largeur maximum 1,70 m, largeur à la taille 1,00 m,
épaisseur au niveau du mamelon droit 78,5 cm.
6. Détail bien visible sur la photo en couleurs publiée dans Ph. BRUNEAU, M. TORELLI, X. BarraL i ALTET, La
sculpture. Le prestige de l'Antiquité, du VIIIe siècle av. J.-C. au Ve siècle ap. J.-C. (1991), p. 35.
7. Ces mortaises, espacées de 16 cm, mesurent entre 4 et 5 cm de largeur et 3 cm de hauteur ; la première est creusée à
environ 31 cm du centre de la poitrine (32 cm pour celle de droite).
LE COLOSSE DES NAXIENS A DÉLOS 13

En prenant comme référence les proportions du kouros de New York on peut considérer
que ce torse appartenait à une statue d'environ 8,50 m de haut8.

L'aspect du bassin, réduit à un moignon de taille et au départ des cuisses, dont la gauche
est avancée, est encore plus décourageant (Fig. 6-8)9. Aucun bandeau en relief n'est visible sur
ce fragment, mais on note la présence, à environ 24 cm sous la cassure, d'une ligne de treize
petits trous, neuf à l'avant et quatre à l'arrière10, et trois autres placés un peu plus haut, au centre
du bassin ; à l'arrière, une petite dépression située à 5,5 cm sous les trous marque la ligne
inférieure de la ceinture. Il n'y a pas d'arrachement sur la surface extérieure des cuisses, mais
une mortaise de 8 cm de haut et 6 cm de large (profondeur environ 9 cm) est percée 40 cm au-
dessous de la ceinture (Fig. 7). Quatre mortaises du même type sont creusées à l'arrière, à
intervalle à peu près régulier (Fig. 8)11. Au fond de la première et, surtout, de la troisième en
partant du haut subsistent d'importants restes de crampon en fer.
Étant donné la nature du marbre et la similitude des proportions, l'appartenance à la statue
de la main gauche A 4094, exposée au musée de Délos, est très probable (Fig. 9- IO)12. Il en
reste les trois doigts extérieurs fermés autour d'un trou circulaire de 3 cm de diamètre :
travaillés sur toute leur longueur, de même que le haut de la paume, ils ne pouvaient adhérer à
une cuisse13.
Enfin, un fragment de pied gauche adhérant à la plinthe se trouve au British Museum, inv.
Β 322 (Fig. 1 1)14 : seule subsiste l'extrémité de quatre orteils dont les deux premiers sont
séparés par un trou de foret ; une mortaise est creusée sur chaque face latérale de la plinthe.

Cette statue colossale peut être définie comme un kouros, mais l'attitude du personnage est
insolite, puisque les mains n'adhéraient pas aux cuisses et que les bras, suffisamment détachés
du corps pour permettre un travail soigné des flancs jusqu'au niveau de l'aisselle, étaient reliés
au tronc par un long tenon laissé en place à la hauteur du coude. Même si la pliure des bras
n'était pas très accentuée, les mains étaient donc tendues et devaient tenir chacune un objet,
comme le prouve le conduit percé dans la main A 4094. C'est une attitude dont il n'existe, je
crois, aucun autre exemple parmi les kouroi en marbre des VIIe-VIe siècles. Le dessin de
restitution ci-joint permet de le constater, malgré son caractère schématique (Fig. 12) ; j'ajoute,
à la manière de Stewart, une image qui rend compte à la fois de l'échelle et de l'attitude
particulière du colosse délien (Fig. 13)15.

8. Depuis les recherches d'E. Guralnick les grilles de proportions sont souvent utilisées dans les études surla sculpture
archaïque : on trouvera une présentation récente de la question chez J. FLOREN, Die geometrische und archaische Plastik
(Handbuch der Archäologie. Die griechische Plastik I (1987), p. 88-90, et E. BERGER, dans Polyklet. Der Bildhauer der
griechischen Klassik (1990), p. 159-160, fig. 32-34 (kouros de Ténéa). Pour le kouros de New York, A. STEWART, Greek
Sculpture. An Exploration (1990), vol. Π, fig. 55, et fig. 43, un dessin qui montre 16 kouroi restitués selon leur taille relative :
les proportions du colosse délien sont justes, mais la restitution des bras est certainement fautive (voir ci-dessous fig. 12-13).
9. Dimensions principales : hauteur 1 ,25 m, largeur maximum 1 ,42 environ , largeur à la base de la ceinture 98 cm.
10. Ils sont distants l'un de l'autre, à partir de leur centre, de 4,5 cm environ.
11. De 14 à 16 cm. Largeur de ces mortaises, environ 7 cm ; hauteur, de 7 à 9 cm ; celle du haut est profonde de 14 cm.
12. Deonna, o. c. , p. 215 n° 105, fig. 142. Longueur 60 cm, largeur 40 cm.
1 3. Il faut corriger sur ce point le jugement porté dans le Guide de Délos, p. 1 25.
14. F. N. Pryce, Catalogue of Sculpture in the Department of Greek and Roman Antiquities of the British Museum I, 1
(1928), p. 152-153, n° Β 322, fig. 192 ; RiaiTER, Kouroi n° 15 c, fig. 90. Dimensions données par Pryce : hauteur de la plinthe
64 cm, longueur du gros orteil 35 cm.
15. Sont esquissés, de gauche à droite, le kouros d'Orchomènc, le nouveau colosse samien, le kouros Samos-Istanbul, le
kouros de Milo, celui de Paros au Louvre et le kouros du Ptoion, Athènes, Mus. Nat. 20. Je remercie Maurice Borély, du
Centre Camille Jullian, qui a réalisé ces croquis.
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Un autre élément étonnant est la présence d'une ceinture autour de la taille : on en connaît
plusieurs exemples sur des kouroi, en particulier à Délos, mais celle que porte le colosse est,
autant qu'on puise en juger, d'un genre vraiment curieux, puisqu'elle n'est indiquée en relief que
dans sa partie supérieure et qu'elle se caractérise avant tout par l'adjonction d'éléments
métalliques dont subsistent, on l'a vu, de nombreuses traces de fixation. Là non plus, je ne
connais rien de vraiment semblable dans la série des kouroi archaïques.
La structure générale du corps et le modelé du torse sont-ils plus conformes aux traditions
archaïques ? La forme du bassin et des cuisses, l'étroitesse de la taille, la platitude et le
traitement graphique du dos rappellent les kouroi de la première génération, voire même les
expériences les plus anciennes si l'on considère les plans presque perpendiculaires du torse et
l'extrême négligence du dessin des omoplates. Cependant la dépression de la colonne
vertébrale, fortement accentuée, est entourée de deux recreusements verticaux plus discrets qui
ne paraissent pas attestés sur les kouroi antérieurs au milieu du VIe siècle16.
L'analyse de l'avant du torse pose des problèmes bien plus embarrassants. Passons sur le
fait que le centre de l'abdomen soit comme isolé par le recreusement peu accentué de l'arche
thoracique et que le haut de la poitrine soit entièrement plat, contrairement à ce que l'on
observe sur les kouroi du « groupe du Sounion » dont les pectoraux sont toujours plus ou
moins séparés17, pour souligner deux traits à mon avis incompatibles avec une œuvre
authentiquement archaïque : ce sont d'abord les pectoraux, affaissés vers l'extérieur et dont le
mamelon, modelé de façon vraiment réaliste, est placé à la jonction du flanc (Fig. 3), comme si
l'on avait poussé à l'extrême une tendance que l'on observe sur les jumeaux argiens de Delphes,
le kouros de Moschato, voire même le cavalier Rampin ; mais sur ces œuvres — faut-il le
préciser ? — la pointe du sein n'est pas rendue de façon réaliste et c'est sans doute, encore une
fois, sur un torse athlétique délien du début du Ve siècle, A 4275, que l'on trouvera un des
meilleurs parallèles18, avant les copies de grandes œuvres classiques comme le Diadumène de
Polyclète. Toutefois, le détail le plus étonnant est sans doute le recreusement très accentué de la
« fourchette sternale » à la base du cou (Fig. 1-2), qui provoque une saillie des muscles latéraux
dont il est impossible de trouver un exemple même vaguement approchant sur des œuvres en
marbre de la fin du VIIe ou du VIe siècle : cette recherche de réalisme anatomique ne
commence en fait qu'avec les sculptures de style sévère, en particulier les torses athlétiques19.

Rien n'est vraiment conforme, non plus, dans la coiffure : les mortaises creusées sur la
poitrine servaient visiblement à encastrer des mèches rapportées qui évoqueraient une mode
bien attestée sur des korés de la deuxième moitié du VIe siècle, spécialement à Délos, si elles
adhéraient en partie au moins à la poitrine, et les boucles dorsales terminées par des
enroulements rappelleraient celles du deuxième colosse du Sounion si elles n'étaient pas si

16. Ce point a été noté par B. S. RlDGWAY, The Archaic Style in Greek Sculpture (1977), p. 66. Un exemple ancien
(vers 550 ?) est fourni par un des kouroi d'Actium : M. HamiaUX, Musée du Louvre, Département des antiquités grecques,
étrusques et romaines. Les sculptures grecques I. Des origines à la fin du IVe siècle avant J.-C. (1992), p. 78-79 (avec
bibliographie). La vue du dos du colosse la plus complète et la mieux éclairée est sans doute celle que publie DEONNA, o. c,
p. 195, fig. 88.
17. Cette absence de séparation, notable déjà sur Aristodikos, est clairement attestée, à Délos même, par un torse
athlétique du début du Ve siècle : A. IlERMARY, EAD XXXIV (1984), p. 9-11, n° 6, pi. 5 (A 4277) ; bonne photo dans
E. Walter-Karydi, Alt-ÄginaU, 2 (1987), p. 83, fig. 114.
18. Hermary, o. c, p. 8-9, n° 5, pi. 4-5 ; Walter-Karydi, o. c, p. 84, fig. 115.
19. Torse de Milet et torse MA 862 au Louvre, discobole A 4276 de Délos, etc. : HERMARY, o. c, pi. 7-9 et 10. Peut-être
aussi sur l'éphèbe de Kritios, si j'en juge par la photo publiée par J. M. IIURwrr, AJA 93, 1989, p. 58, fig. 20.
LE COLOSSE DES NAXIENS A DÉLOS 15

nettement séparées ni, surtout, creusées d'une petite mortaise centrale20 ; on serait, semble-t-il,
plus proche des mèches dorsales de la statue de Nikandré, dont la structure géométrique n'est
du reste pas sans rapport avec celle du torse délien21.

On notera, enfin, que la présence entre les doigts de pied de trous de foret ne paraît pas
attestée sur les kouroi archaïques.
Toutes ces bizarreries expliquent sans doute, plus que le mauvais état de conservation,
l'étrange absence de commentaires stylistiques sur un torse qui, après tout, appartient à un des
très rares kouroi incontestablement naxiens. Elles doivent être aussi à l'origine des hésitations
sur la datation du monument, puisque, si l'on s'en tient à des publications récentes, les dates
proposées vont de la fin du VIIe siècle22 à 580-57023 et cet écart d'une quarantaine d'années,
déjà un peu inquiétant en lui-même, aurait sans doute été plus large encore si l'on ne disposait
pas de la date avancée par L. H. Jeffery pour la dédicace archaïque, « about first quarter of the
sixth century »u. Souvenons-nous que l'Apollon en bronze trouvé au Pirée avait suscité une
perplexité comparable avant que Georges Dontas prouve, de manière à mon avis décisive, qu'il
s'agissait d'une œuvre archaïsante des années 47025.
Dans un premier temps, j'ai pensé, comme d'autres, qu'un certain nombre de ces détails
étonnants devaient être mis au compte de réfections de la statue primitive et que, pour le reste,
il ne fallait sans doute pas appliquer les critères stylistiques traditionnels à une statue de cette
dimension. Cette dernière idée, de toute façon contestable, est encore plus difficile à défendre
après la découverte du colosse de l'Heraion de Samos dont l'homogénéité stylistique et la
qualité d'exécution sont évidentes (Fig. 14- 15)26. Le premier point mérite, lui, d'être discuté
plus en détail.

L'idée d'une réfection du colosse primitif dérive assez naturellement de la brève mention
chez Plutarquc de la chute du palmier de Nicias, qui aurait provoqué celle de « la grande statue
des Naxiens »27. Mais, à vrai dire, quels sont les arguments qui plaident en faveur de l'existence
de réparations ou de modifications sur le colosse primitif ? Dans un article accompagné de
bonnes photos de détail28, Doris Pinkwart a noté la présence, au-dessus de deux des mortaises
creusées sur le pectoral gauche, de traces d'enroulements comparables à ceux qui apparaissent
clairement dans le dos ; ces traces sont en effet bien visibles (Fig. 16), mais je ne suis pas
persuadé qu'il s'agisse de vestiges d'une première coiffure du colosse, car la « mèche » qui
surmonte la mortaise centrale disparaît en remontant vers l'épaule, à un endroit où la surface du
marbre est pourtant bien conservée, et la trace qui lui est contigue est un cercle ébauché plus
qu'un véritable enroulement : si vraiment ces éléments sont antiques, il pourrait s'agir d'une
ébauche de mèches frontales sculptées dans la masse, abandonnée au profit de mèches

20. J'ajoute qu'ici les boucles sont toutes enroulées dans le même sens, vers le flanc droit du personnage, alors qu'elles
divergent de part et d'autre de la colonne vertébrale sur le kouros du Sounion (RICHTER, Kouroi fig. 41)
21. Voir le dessin publié par SAUER, AM 17, 1892, p. 55, fig. 34, et les photos du Guide de Délos, p. 157, fig. 35 et de
J. MarcadÉ dans Stemmata. Mélanges Labarbe (1987), p. 371, fig. 1 (je remercie B. Holtzmann pour cette référence).
22. Floren, o. c, p. 153.
23. J. BOARDMAN, Greek Sculpture, The Archaic Period (1978), légende de la figure 60.
24. The local Scripts of Archaic Greece (2e éd., 1990), p. 292 ; date reprise p. 304, n° 10 (« 600-575 »).
25. Dans Archaische und klassische griechische Plastik l,p. 181-1 92.
26. J'adresse tous mes remerciements à Helmut Kyrieleis qui m'a communiqué les photos reproduites ici.
27. Vie de Nicias 3 J.
28. Bonner Jahrb. 172, 1972, p. 12-17.
16 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES

rapportées à l'extrémité encastrée dont F. G. Welcker aurait retrouvé un exemplaire en 184629.


D'autre part, on ne voit pas pourquoi seuls le modelé de la poitrine et la base du cou auraient
été « rafraîchis », et l'hypothèse devient évidemment impossible pour expliquer les tenons
laissés en place contre les bras. A vrai dire, l'idée d'une réfection de la statue primitive après sa
chute est-elle vraiment défendable, alors qu'aucune mortaise dans le cou, dans les épaules ou au
niveau de la taille n'indique de réparation comme on en connaît sur d'autres statues
archaïques ? Et comment imaginer que la tête d'un colosse de cette taille n'ait pas été brisée ou
gravement endommagée au moment de la chute ? Quant aux mortaises creusées au niveau des
fesses (Fig. 8), qui sont souvent expliquées comme les marques d'un débitage interrompu du
bloc, elles témoignent plutôt de la volonté d'ancrer plus solidement à l'arrière le nouveau
colosse, à l'aide de crampons en fer, tandis que celle de la cuisse droite a pu servir à fixer un
élément rapporté du genre de ceux qui flanquaient la statue de Tektaios et Angélion.
A ces arguments stylistiques, déjà suffisants pour mettre sérieusement en doute l'archaïsme
des fragments du colosse, s'ajoute celui de la présentation de la statue sur la grande base
conservée contre l'Oikos des Naxiens.
On admet en effet que, vu la forme de l'encastrement30 et l'emplacement de la deuxième
dédicace, le colosse faisait face à l'Ouest, dans la direction du port. Je ne pense pas que ce point
puisse être remis en question, mais comment expliquer alors, dans le cas où la statue aurait été
la même depuis l'origine, la présence sur le côté Est de la base de la première inscription, «je
suis de la même pierre, statue et base », το άρυτο λίθο έμι άνδριας και το σφέλας ? Il est difficile
d'admettre qu'un dédicant grec du VIIe ou du VIe siècle ait choisi de placer une inscription de
cette nature à l'arrière d'une statue qui était évidemment faite pour être vue de face : la tentative
d'explication donnée par Jean Ducat n'est guère convaincante31, et le dessin de restitution
proposé par Paul Courbin il y a quelques années met bien en valeur l'incongruité de cette
disposition32. La seule façon de la justifier serait d'imaginer que le texte prenait la suite d'une
inscription primitivement gravée sur la face antérieure, dont nous n'avons cependant aucune
trace. Dans l'hypothèse présentée ici, ce changement de sens de la statue n'aurait au contraire
rien d'étonnant puisque, de toute façon, l'ancienne plinthe devait être extraite de la base33. Le
sens, si âprement discuté34, de l'inscription archaïque devient lui aussi plus clair, puisque
désormais rien n'empêche de lire la phrase de la façon la plus simple, à savoir que les deux
parties du monument, base et statue primitive, avaient été tirées d'un même bloc de marbre
naxien, ce que l'aspect légèrement différent du marbre de la base et de celui de la statue
conservée rendait peu vraisemblable35.

29. Philologus 1846/1, p. 345 (cité par Reinach, o. c, p. 142, n° 21). Cette mèche, certainement en marbre puisque le
matériau n'est pas précisé, n'a jamais été signalée depuis.
30. Il aurait été intéressant d'essayer de mettre en place dans cet encastrement un moulage du morceau de plinthe
conservé au British Museum. Malheureusement il n'existe, semble-t-il, aucun moulage ancien, et le coût actuel d'une telle
opération (qui demanderait d'ailleurs un délai de deux ou trois ans) est trop élevé pour pouvoir être envisagé. Je remercie
Veronica Tatton-Brown, conservateur au British Museum, pour les informations qu'elle m'a données à ce sujet.
3 1 . « On découvrait la statue de face en tournant l'angle du temple des Naxiens ; on s'approchait de la base et on pouvait
lire l'inscription (archaïque) en se dirigeant vers sa porte Nord. » {Guide de Délos, p. 127).
32. DC1Ì 111, 1987, p. 243-246, fig. 14.
33. J'aurais souhaité, pour tenter de mieux illustrer cette question, que l'on procède à un relevé détaillé de l'encastrement
de la base, qui n'existe pas. Malgré ma demande, ce projet n'a malheureusement pas pu être réalisé par l'École française
d'Athènes au moment où j'écris ces lignes.
34. Voir essentiellement Guide de Délos, p. 127-127 (avec références antérieures) ; Ph. Bruneau, BCÌI 112, 1988,
p. 577-582 ; F. CllAMOUX, BCÌI 114, 1990, p. 185-186.
35. Remarque due à Paul COURBIN, dans les Mélanges Georges Daux (1974), p. 57-66, dont les réticences à admettre
que les deux parties du monument ne sauraient, de toute façon, provenir d'un même énorme bloc de marbre ne me
LE COLOSSE DES NAXIENS A DÉLOS 17

Que peut-on alors savoir de la statue primitive ? Plus rien n'est sûr en dehors de ce que
nous apprend la « copie », c'est-à-dire qu'il s'agissait d'un kouros à ceinture de type ancien.
Rappelons cependant que quelques fragments d'autres statues colossales archaïques ont été mis
au jour à Délos : la main A 4095, de proportions légèrement plus petites que A 4094, qui est
percée d'un trou de 2,2 à 2,8 cm de diamètre, mais qui présente à l'extérieur du poignet un
arrachement qui témoigne que le bras tombait le long du corps (Fig. 17-19), et un fragment de
tête avec l'œil gauche, répertorié par Deonna36 mais actuellement disparu, qui ne doit pas
appartenir à la deuxième statue dont le visage est figure, les traits complètement effacés, sur
une gravure du XVIIe siècle37. Il faut aussi signaler le fragment A 2464, qui porte une
inscription d'un type tout à fait exceptionnel rédigée en alphabet naxien où figurait, semble-t-il,
le nom'dù sculpteur38 ; des petits trous de fixation pour un élément rapporté sont visibles entre
les deux zones inscrites, une saignée de 18 cm de long est creusée sous la ligne inférieure et
une trace de broche en fer subsiste à l'extrémité de la première ligne inscrite (Fig. 20). S'agirait-
il d'un fragment de la statue primitive ?

Je ne suis pas tout à fait le premier à penser que les principaux fragments du colosse
appartiennent à une statue archaïsante : Adolf Michaelis avait autrefois parlé d'« un arcaismo
affettato ovvero prescritto di riguardi religiosi »39 et Théophile Homolle avait clairement écrit,
quelques années plus tard, qu'après la chute du palmier de Nicias le colosse primitif avait été
remplacé par une imitation40. Mais Deonna avait rejeté sans la discuter cette hypothèse qui, par
la suite, n'a même plus été évoquée41.
Le point de vue défendu ici n'apporte malheurement aucun élément décisif sur la question,
elle aussi très débattue, de l'emplacement de la base au moment de la chute du palmier, de
Nicias42. Je dirais même que le problème est encore compliqué par le fait que seule l'inscription
archaïque permet maintenant d'évaluer la date de l'ex -voto ancien et que, d'autre part, certains
spécialistes d'architecture ont contesté l'existence d'un état de l'Oikos des Naxiens antérieur au
VIe siècle43. Si c'était le cas, il serait à peu près certain que le colosse primitif précédait le
bâtiment et se situait plus près de la base du palmier de Nicias, peut-être sur le soubassement
envisagé par Picard et Replat dont les dimensions conviennent tout à fait44.

Comment dater les restes actuellement connus de la statue s'il s'agit d'une œuvre
archaïsante ? Les éléments stylistiques qui, à mon avis, s'opposent à une date haute (tenons
pour renforcer les bras, mèches rapportées, traitement réaliste du cou et du mamelon) sont
plutôt caractéristiques, à Délos comme ailleurs, de la fin de l'archaïsme ou de l'époque du

convainquent pas. Étant donné les dimensions de la base, il me paraît impossible d'imaginer que l'ensemble ait été
primitivement monolithe, c'est-à-dire que la statue ait directement adhéré à la base.
36. O. c, p. 214, n° 101 : trouvé en 1906 au Nord du témenos ; marbre de Naxos ; épaisseur 37 cm, longueur 31 cm ;
largeur de l'œil 10 cm, hauteur 5 cm.
37. REINACH, o. c, pi. 5. Étant donné son état de conservation on ne voit pas pourquoi il aurait été scié par un Tiniote au
XVIIe siècle, comme l'écrivent certains voyageurs.
38. ID 3 ; JEFFERY, o. c, p. 292, n° 4 et 304 n° 9 : VIIe siècle ?
39. Annali dell'Istituto 1 864, p. 253.
40. BCII3, 1879, p. 104-105.
41. Elle avait déjà été brièvement écartée par A. FURTWÄNGLER, Arch. Zeitung 1882, col. 329.
42. Ch. PICARD et J. Replat, ßC// 48, 1924, p. 243-246 ; COURBIN, Mèi. Daux, p. 57-66 ; Guide de Délos, p. 126 ; un
résumé méthodique est donné par Ph. BruneaU, BCH 1 14, 1990, p. 565-568.
43. A. KaLPAXIS, AA 1990, p. 149-153 ; G. GRUBEN, dans Bautechnik der Antike. International Kolloquium (1991),
p. 64, η. 7 (je dois ces références à Marie-Christine Hellmann). Paul Courbin a défendu en dernier lieu sa conception d'un
« pré-Oikos » dans le BCH 111, 1987, p. 63-68.
44. Le nouveau kouros colossal de l'Heraion de Samos se dressait lui aussi sur un soubassement construit
(« Pflastersockel ») de 5,25 χ 5,25 m, soit 10x10 coudées samiennes : AA 1985, p. 378-383 et 432 fig. 11-14.
18 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES

« style sévère ». Mais, si l'on adoptait cette datation pour la nouvelle statue, il faudrait refuser
tout rapprochement avec le texte de Plutarque, déjà mentionné, sur la chute du palmier qu'avait
offert Nicias en 417. Il serait bien sûr hasardeux d'écarter ce témoignage, et l'on pensera plutôt
que la fabrication de la nouvelle statue, destinée à remplacer celle que le palmier avait brisée,
est contemporaine de la dédicace gravée du côté Ouest, Νάξιοι Άπόλλωνι « Les Naxiens à
Apollon », située généralement au IVe siècle av. J.-C. Il serait tentant de dater la chute du
palmier et la deuxième statue avant 302 si l'on pouvait montrer que le « Temple où se trouve le
colosse », mentionné dans un compte de cette année-là45, est le bâtiment que nous appelons
l'Oikos des Naxiens, et que le « vrai » Oikos des Naxiens, connu par des inscriptions dès le
milieu du IVe siècle, se trouve ailleurs. Je ne sais si ce problème est susceptible d'être résolu.

On a vu que le colosse que nous connaissons actuellement n'était pas un kouros ordinaire,
et l'on peut ajouter que les objets tenus dans les mains avancées le définissaient certainement
comme un Apollon : la main gauche tenait sans doute un arc, la droite une phiale plutôt que des
flèches, selon un schéma attesté, entre autres, par un cratère apulien d'Amsterdam du deuxième
quart du IVe siècle, sur lequel le grand Apollon qui apparaît à l'entrée du temple tient ces deux
objets de ses bras plies (Fig. 21)46. Mais il est maintenant plus difficile d'affirmer que la statue
avait été conçue dès l'origine comme une image divine clairement définie, ce que ne paraît être
aucun des kouroi colossaux en marbre du VIe siècle.

Pourtant un autre Apollon de très grande taille, œuvre de Tektaios et Angélion, est offert à
Délos vers le troisième quart du VIe siècle, statue dont l'allure générale est maintenant bien
connue grâce aux empreintes de sceaux étudiées par Marie-Françoise Boussac47 : le dieu, coiffé
d'un polos, était nu et avait les bras plies, tenant un arc de la main gauche et de la droite le
groupe des trois Charités ; il était accosté de sphinx et, au niveau des épaules, d'autres statuettes
humaines et animales48 ; des mèches de cheveux tombaient sur sa poitrine, mais il n'avait pas
de ceinture (Fig. 22-23). Ce dernier point mérite d'être souligné, car dans le fragment des Aitia
de Callimaquc où s'établit un dialogue entre la statue et un interlocuteur anonyme, le dieu
répond à une question qui n'est pas conservée : « Oui, une ceinture enserre le milieu de mon
corps ». On peut se demander si le poète n'a pas confondu Yagalma de Tektaios et Angélion
avec le colosse des Naxiens, confusion qu'expliqueraient la ressemblance des deux œuvres et,
peut-être, la notoriété de la nouvelle statue en marbre.
J'imagine que les lecteurs de cette étude auront des objections à formuler à rencontre de
mon hypothèse. Certains collègues et amis49 à qui je l'ai présentée avant publication ont bien
voulu me faire part de leurs remarques, dont je résume l'essentiel :

45. IG XI, 2, 145,24 ; Ph. Bruneau {Recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique et à l'époque
impériale[\910], p. 53-54) a montré qu'il ne pouvait s'agir du « Pôrinos naos » où se trouvait primitivement la statue, colossale
elle aussi, de Tektaios et Angélion.
46. A. D. Trendall, A. Cambitoglou, The Red-figured Vases of Apulia (1978), p. 36, n° 2/10, pi. 9,2 ;
Charbonneaux, Martin, V ILLARD, Grèce classique (1969), fig. 361. Le grand Apollon en bronze du Pirée, que G. DONTAS
supposait venir de Délos, tenait les mêmes objets.
47. BCIÌ 106, 1982, p. 427-443 ; voir précédemment MarcadÉ, o. c, p. 161-166, et BRUNEAU, Cultes, p. 54-59. Cet
article était déjà remis à l'éditeur quand est sorti le volume de Marie-Françoise Boussac, Les sceaux de Délos 1. Sceaux
publics, Apollon, Hélios, Artémis, Hécate (1992) : les images de l'Apollon délien y sont étudiées p. 21-28 et pi. 3-6.
48. A propos d'éléments rapportés sur l'épaule, on notera que SPON et WHELER, de passage dans l'île en 1675, ont
supposé que le colosse portait un petit manteau sur l'épaule gauche (J. Spon-G. WHELER, Voyage d'Italie, de Dalmatie, de
Grèce et du Levant (1678), p. 182 ; G. WHELER, Voyage de Dalmatie. I (1689), p. 86). Us ont peut-être interprété les mortaises
creusées sur la partie gauche de la poitrine comme les attaches d'un vêtement.
49. Francis Croissant, Bernard Holtzmann, Helmut Kyrieleis, les membres d'un séminaire animé par Claude Vatin à
l'Université de Provence et, en dernier lieu, José DÖRIG qui m'a signalé son article récent « La redécouverte du marbre
LE COLOSSE DES NAXIENS A DÉLOS 19

— Comme l'utilisation du marbre naxien n'est plus attestée dans la scupture postérieure à
l'époque archaïque, il serait peu vraisemblable, même pour refaire un monument aussi marqué
par son origine naxicnne, que l'on ait trouvé au VIe siècle des artisans capables de travailler
cette pierre.
— Il serait impossible de retrouver sur une œuvre archaïsante l'esprit du haut-archaïsme
dont témoigne la conception anatomique d'ensemble du colosse.
— Dans le cas où il s'agirait d'une nouvelle statue sculptée au IVe siècle, qui l'aurait payée,
puisque les ressources des Naxiens paraissent être très limitées à cette époque ?
Sans entrer en détail dans ces débats, je dirai que ces questions ne suffisent pas, à mon
avis, à remettre en cause l'hypothèse queje propose : je pense en effet que pour une commande
aussi exceptionnelle certains sculpteurs pouvaient fort bien accepter de travailler du marbre
naxien, et que l'art archaïsant de la fin de l'époque classique ne doit pas être assimilé à celui du
1er siècle50.

En définitive, le meilleur moyen de se faire une opinion sur cette œuvre tout à fait
exceptionnelle n'est-il pas, d'abord, de retourner à Délos et de prendre le temps de la regarder ?

cycladique au VIIe siècle avant J.-C. », dans D. Decrouez, J. ChamaY & F. ZEZZA (éd.), La conservation des monuments
dans le bassin méditerranéen (1993), p. 15-32.
50. A propos d'imitations d'oeuvres anciennes, je noterai seulement que le modeste peintre de Miydrie du British Museum
E 336 (Beazley, MV2 1010,4 : Dwarf P., vers 440 ; RICHTER, Kouroi, fig. 1) a rendu de manière assez satisfaisante l'esprit
des kouroi du haut-archaïsme et que, vers la fin du Ve siècle, le graveur Phrygillos a su reproduire avec une étonnante fidélité
le visage d'un Héraclès du troisième quart du VIe siècle environ (E. ZwiERLEIN-DlEHL, Antk 35, 1992, p. 106-1 17, pi. 22).
20 REVUE DES ETUDES ANCIENNES
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LE COLOSSE DES NAXIENS A DÉLOS 21

Fig. 3. Fig. 4

Fig. 5
Fig. 3 à 5. — Torse du « colosse des Naxiens » à Délos (photos École française d'Athènes).
22 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES

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Fig. 6. Fig. 7. Fig. 8.

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Fig. 6 à 8. — Bassin du « colosse des Naxiens » à Délos (id.)·


LE COLOSSE DES NAXIEN A DELOS 23

Fig. 9-10. Main colossale du musée de Délos, A 4094 (id.).

Illustration non autorisée à la diffusion

Fig. 11. Fragment du pied gauche du colosse. British Museum ? 322 (photo du British Museum).
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Fig. 12. — Croquis de restitution du colosse Fig. 13. — Le colosse délien comparé à d'autres
(M. Borély, Centre Camille JuUian, CNRS). archaïques (M. Borély).
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26 REVUE DES ÉTUDES ANCIENNES

Fig. 16. — Détail du buste du colosse (photo EFA).

Fig. 17 à 19. — Main colossale fragmentaire, musée de Délos A 4095 (id.).


LE COLOSSE DES NAXŒNS A DÉLOS 27

Fig. 22-23. — L' Apollon de Tektaios et


Angélion sur des empreintes de sceaux de
Délos (photos EFA).
Fig. 20. — Fragment de sculpture colossale
inscrite, musée de Délos A 2464 (id.).

Fig. 21. — Statue d'Apollon dans son temple, Amsterdam, Allard Pierson
Museum 2579 (photo du musée).

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