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er la thése, pour tte Guillaumin, snéralement, des ce d'un entretien re le dossier thé ouligner Pimpor- centretien permet plus directe, rndues d’écriture ‘ar remplacer ces z Présentation Inégalités sociales, production des savoirs et de ignorance’ BAPTISTE GODRIE MARIE DOS SANTOS Universit de Monreal CREMIS Ceres 3 — CNRS lume! baptist godiegumonveaa Cour muradosartos@hotmal pe +r avtonité éeisrémiques, appropriation des savoirs, injustices épis- témiques, cognitives ou encore testimoniales, mise sous silence, ignorance pro duite,épistémicide, pratiques épistémiques de résistance, savoirs décoloniau... Voici Gquelques-uns des concepts mobilists par les épstémologies feminists et postcolonial ‘ontemporaines pour repenser les liens entre inégalités sociales et production des savoirs. Ces concepts peuvent étre regroupés sous le chapeau de la recherche sur les inegalits épistémiques, que 'on peut définir provisoirement comme un type Parti Tier @inégalité qui se manifeste dans Pacces, la reconnaissance et la production des savoirs et des différentes formes d’ignorance. Ces inégalit systémiques et de situations d’oppression qui structurent les rapports éme siles auteur.e's auxquel.le-s Epistémiques sont le pro- duit d'inégal sociaux autant qu’elles contribuent a les alimenter, nous nous référons conceptualisent différemment les liens entre la higrarchie des posi tions sociales des membres des différents groupes sociaux et les inégalités épistemiques 4queelles générent ou renforcent, Cetaricl a eit par B. Goi, pis vel et comment par M. Dos Santos Saciologic et soi, vol. xL1x,° 1, printemps 2017, p.7-31 8 SOcIOLOGiE E sociérés + vou. KLIK. Ces épistémologies sociales opérent ainsi un déplacement et une extension duu cadre conceptuel de P'épistémologie classique qui étudie les formes de justification et les standards de validité des connaissances scientifiques produites (Code, 2014). Dans ce cadre, le terme de savoir prend lui-méme une acception large de manigre a englober Ja connaissance que les agents ont d’eux-mémes, des autres et du monde social, Les situations de témoignage, congues comme des échanges discursifs (oraux ou écrits), prennent un sens politique dans la mesure oi ce qui est autorisé, entendu, &couté avec att tion, présumé crédible, etc. dépend d'une hiérarchie des positions sociales et des savoirs (Alcoff, 2008). En présentant ces appraches, ce numéro thématique de la revue Sociol 16s poursuit des objectifs scientifiques autant que politiques. Scientifiques, en premier lieu, puisqu’il vise a les rendre accessibles dans le monde francophone ot elles sont encore peu traduites et, ainsi, alimenter la réflexion sue les inégalités épistémiques en dehors des champs de recherche oi elles ont été conceptualisées et demeurent le plus ind ce numéro est que les concepts et théories développés initialement par ces épistémologies pour penser les, souvent cantonnées. En effet, une des hypotheses qui sou rapports coloniaux et de genre peuvent servir A comprendte d’autres types d'inégalités épistémiques Il peuts‘agir d'inégalités épistémiques qui se manifestent entre différents ‘groupes sociaux, par exemple entre universitaires et enquété.es dans la mise sur pied de programmes de recherche ou encore entre des gestionnaires, professionnel.les et publics cibles dans l'élaboration de politiques publiques et d’interventions sociales en mati e de lutte contre la pauvreté, En tant que producteurs légitimes de savoirs et détenteurs d'un autorité épistémique particuliére, les universitaires sont eux-mi nes | partie prenante des rapports de production des savoirs et, parfois, de la violence épis- ‘est pour quoi nous accordons une place importante a la réflexion sur leur role dans la témique subie par certaines populations n’ayant pas les mémes privileges. production, le maintien ou la réduction de ces in égalités épistémiques, Politiques, en second liu, dans la mesure ot ces ressources théoriques sont égale- ‘ment pensées comme des instruments d’émancipation des groupes subissant des injustices épistémiques. A ce ttre, les peuvent constituer de puissants leviers de lutte contte les ine lités épistémiques et sociales qui les sous-tendent. Nous souhaitons ainsi que ce numéro serve autant que possible, dans et en dehors de Puniversité, & ouvrir des bréches permettant de repenser la production des savoirs sur la base de rapports plus égalitaires entre les savoirs et les groupes qui les détiennent socitésillustrent différentes Les cing contributions de ce numéro de Sociologie: es des inégalités épistémiques. Elles seront présentées au fil des trois paeties de qu'elles coeur des épistémologies féministes et postcoloniales; 2) les pistes sociologiques de travail pour py celte introduction : 1) les inéyalités épistémiques telles ‘ont conceptualisées au ser de nouvelles écologies entre les savoirs et décoloniser la pensée et Parmils exceptions ce set, e rférer at maméroS dela revue Societe escent et coordonnd pr Rolla Berge (2015) sion du ation et ). Dans nnglober cial, Les éctits), utéavec eset des premier les sont iquesen tle plus t que les inset les aégalités ifférents sur pied elles et ciales en woirs et ace épis- st pour dans la nt égale- sant des delutte uhaitons ersité, base de férentes arties de iisées au gues de >ensée et Présentation 9 les sciences sociales; 3) es projets et les espaces permettant la réduction de ces inéga- lités 6pistémiques. Les INEGALITES EPISTEMIQUES AU C@EUR DES EPI POSTCOLONIALES. EMOLOGIES FEMINISTES ET Présenter les épistémologies féministes et postcoloniales n'est pas une tiche aisée dans Ja mesure od elles partagent des questionnements et concepts communs tout en ayant des contextes d'émergence et des ramifications distinets.Ils'agit ici avant tout de faire Gtat dela diversité et de la richesse des conceptualisations contemporaines des inégali- {és épistémiques. Nous utilisons le terme «d’épistémologie et non celui plus couram- ment employé d’« études» (féministes et postcoloniales). Nous nous référons, en effet, roupe de ces «études qui offre une réflexion sur la maniére dont les dynamiques sociales entre groupes fagonnent la production des savoirs et de Pigno: tance, ainsi que les standards d'appréciation et de reconnaissance de certains savoirs au détriment d'autres’. Ces épistémologies mettent Paccent sur les dynamiques liges au genre et & Pappartenance a un groupe racisé et considérent Intersection de ces rap- ports sociaiux en lien avec d'autres statuts et priv oges épistémiques liés & Vapparte- nance & une classe sociale ou a une catégorie d’age. Si elles sont difficilement dissociables des épistémologies postcoloniales, les épis- témologies féministes regroupent plus spécifiquement un ensemble de travaux portant sur les conceptions et pratiques de production des savoits et de ignorance, et sur la manire dont elles «désavantagent systématiquement les femmes et d'autres groupes subordonnés » (Anderson, 2015)*. Ces conceptualisations s‘inscrivent dans I’héritage intellectuel de la pensée féministe et proposent une critique du modele positiviste de la science telle que réalisée, par exemple, dans les travaux classiques de Harding (1986) et de Code (1991). Elles s'appuient sur l'idée selon laquelle les savoirs sont toujours produits depuis des points de vue situés (Smith, 1987, 1999; Haraway, 1991 ; Harding, 1993), Inégalités épistémiques et témoignage Nous attirons 'attention sur deux courants contemporains particuligrement dévelop- 1pés par des théoriciennes féministe, a savoir l'épistémologic du témoignage et l'ép témologie de ignorance. Le concept di galité épistémique est défini, dans les réflexions sur I'épistémologie du témoignage, Vintersection de la justice sociale, de 5 __Lesinéaités sociales peuvent se traduire par un ensemble d'autres inggalités dont nous ne tra ‘ons pai, par exemple en matire aces information comme le soligne expression «fore name riques et a Péducation. La sociologie des mouvements sociaux montre également que les espaces de Participation ne sont pas neutres, mais travers par des inégalits dans acct la prise de parole et dans le ‘rit accord a parole des personnes en fonction de leur satt social gene, proesion,apparence phy- sque ou condition de santé physique t mentale. Cette mise Aart des points de vue et des savoir peut conduire 3 despises de déision defavorables certains groupes sci, 44 Toutes les waduetions sont des auteurs de aril 0 SOciOLOGIE Er SOCIETES + VOL. XLIK.1 Péthique de-ce concept est attribuable de Pépistémologie® Sila réflexion sur le sujet est ancienne, la formalisation la philosophe anglaise! Miranda Fricker qui, dans son livee Epistemic injustice: Power and the ethics of knowing (2007), examine le role des perceptions sociales et des préjugés dans les jugements de erédibilité et les situations d’échange de témoignages Fricker distingue deux types injustices épistémiques que nous allons définir & partir de exemple du harcélement sexuel dans les milieux de travail auquel elle se réfere. Aux Etats-Unis, jusque dans les années 1970, Vagression physique et verbale des femmes par les hommes sur les lieux de travail était pas considérée comme un enjeu de socsté, Les femmes qui subissaient ces situations en parlaent peu et, lorsqu’elles le faisaient, elles pouvaient se heurter plusieurs réactions de la part de leur entourage: 1a justification de ces comportements qualifiés de flirty et la culpabilisationlorsqu’on les blimait de manquer de sens de humour et de « avoir cherché . Ces situations les poussaient parfois 8 demeurer sur place et & endurer ces agresions ou a quitter leur cemploi. C’est le cas de Carmita Wood, employée de I Université Cornel, qui a démis- sionné & la suite @agressions physiques de la part d’un professeur et que rapporte Susan Brownmiller dans ses m noires (1990). Lorsqu’elle porte plainte, en 197: auprés de I'Université apres s'étre vu refuser assurance chémage, est Lin Farley qui prend en charge le dossier. En compagnie d’autres femmes du groupe Working Women United, elle lance une ca npagne publique sur ce théme pour recueillir le témoignage d'autres femmes: les récits affluent et corroborent lexpérience de Wood, révélant Vampleur du probleme dans la société ameéricaine. C'est alors, en réfléchissant a la meilleure fagon de désigner ces comportements et ces expériences, que le terme de -charcdlement sexuel» a été proposé. Selon Fricker, avant que ce concept soit forge, les femmes qui vivaient ces expé riences étaient isolées et ne disposaient pas des ressources interprétatives leur permet tant de nommer et d’interpréter ces situations de violence, Fricker nomme injustice herméneutique (hermeneutical injustice) cette situation dans laquelle Pexistence d’un collectives place quelqu’un dans une situation de désavantage injuste quand il s'agit de rendre compte de son expérience sociale» «écart dans les ressources interprétati (Fricker, 2007: 1). Ces ressources interprétatives n’existent ni pour les agresseurs ni pour les victimes, mais ce vide est surtout préjudiciable aux dernitres puisqu’elles 5. Fricker et autres auteures formées en philosophic emploint leconcept injustice. Pou part cst celui dingalté que nous etenons tout a long de atl. Danse cadre de ce numéro, noses tenons pour synonymes tout en econnaissantqu'ilyauraitliu de discuer des diférens cadres (aoematis desert) impliqés parce perspectives théoriques (voi, 8c set, Rena, 213) ‘Les nationalités sont ici indiquées pour montrer Pétendue géographique des reflexions des auteurs t non dans une vege rcctionnste de leur pense, Dans ls fits, nombre des auteuts cits ont plusieurs nationlités et des parcours universities interationsx 7. Louvrage de Fricker a suscié des débats prolfiques comme entémoignent a partion de deux xy (Hohman tation originale de ‘numézos sci des ewes Este (Alco, Goldberg Hookway, 2010) et Soca pie ft MeColam, 201 consocrés aux inéalitsépstémiques. Nous partons dela pr Fricker. malisation i, dans son Te role des situations 1s définir & quel elle se verbale des reunenjeu squ'elles le entourage: rlorsqu’on tuations les quitter leur xe rapporte een 1975, a Farley qui «ing Women témoignage a4, révélant hissant a la le terme de nit ces expé- eur permet ime injustice istence d'un ane situation, rice sociale» gresseurs ni puisqu’elles tice. Pour notre uuméro, nous es res (normals s rflexions des aration de deux rogy (Bohman jon originale de Présentation ” peuvent, selon Fricker, se remettre en question personnellement (« peut-étre que jen suis responsable), se sentir isolées et, ainsi, demeurer vulnérables au harcélement. Elles sont également moins susceptibles d’exposer publiquement ces violences et de Iuter collectivement pour y mettre fin. Fricker donne également les exemples du viol dans le cadre du mariage, invisibilisé pendant longtemps par le terme de «devoir conjugal», qui existe désormais comme «viol conjugal» et de la «dépression postna: tale» qui était auparavant définie comme un probléme de santé mentale (Phystérie) (Bricker, 2007: 149), Le second type «injustice épistémique est injustice de témoignage (testimonial injustice). Fricker lecaractérise comme un «tort qui touche quelqu'un spécifiquement dans sa capacitéen tant que sachant (knower)» (2007: 5). I agit d'un traitement differenti ilégtime et préjudiciable du témoignage d'une personne en vertu de son statut social ou de son genre, t non sur la base de ses comportements réls Il peut slagir une femme subissant du harcélement sexuel et qui n'est pas erue par ses proches ou par les personnes qui enregistent sa plainte. Dans ce cas, méme si les ‘membres du groupe posstdent les resources interprétatives pour rendre compte de Texpérience systémique d oppression qu'ellesvivent, cette interpretation est maintenue ala marge, voie invisibilisé’. Cedéni de créibilté pout par les personnes, Il peut également ffecter négativement leur subjectivitélorsqu'il produit une perte de confiance en soi et Vauto-exclusion interactions sociales. Aun re vécu comme une violence qui s'ajoute a celle vécue niveau plus profond, ces situations dinjustice épistémiques peuvent conduire les {groupes 8 intérioriser des biais cognitifs, produits historiquement et socialement, sur leurs propres capacités intellectuelles. Ces injustices épistémiques sont systémiques en deux sens. D'une part, elles concernent des personnes en vertu de leur appartenance a un groupe affligé d'un «pré. jugé identitaire négatif» (Fricker, 2007: 27) et qui, historiquement, se voient refuser certains droits. Elles s'accompagnent, autre part, d’'un ensemble d’inégalités qui heres de la vie, qu'il s'agisse de I'accés a un emploi décent ou de la possibilité d’occuper Vespace public en toute sécurité, Frye décrit finement le touchent les autres 5 1 Medina, qui stinscit dans ce courant, dfn etémoignage comme «toutes sores de fico de dire dans et ravers esqueles expression et a eansmisson de savoir deviennent possibes. Les échanges de témoignage sont ceux dans lesquels es communicants partcipent en tant que schants (owes) egue esbendicesépstémiques peuvent posblement re obtens.» (Medina, 2013: 28) Cas changes peuvent ze pls ou moins explictes, plus ou moins formelsetartiuls, «allant de slences etd expressions chao- tiquesa des structures propositionlles et discusivessophisiquées (Medina, 2013: 28) et te obtenus a ‘moyen interactions varices (conversations ctéchanges ris communication symboliqu entre un aetiste ‘ton public) 9. _ Certans mots ou explications peuvent avoir pour eet de «passer sous silence» ou de «fee taires (lencing) (Dotson, 2011) les expériences oppression de certains groupes. L'emploi du terme «dane filial» aie de smeurtre conjugal en fourit une bonne ilseation comme le fit vaoir un coletf'interenantes dans une tribune récente de La Presse: wee apes ale soeiVopinions points de-yue/201704/1701-5089157-le-meurtre-dune-feme-nest-pas-un-drame familia php a SOCIOLOGIE ET SOCiETES + VoL. xLIK:1 sentiment d’étre wenfermé dans une ca en raison des inégalités systé iques vécues par les membres de ces groupes: Lexpérience des personnes opprimées est celle de vivre une vie confinge et mise en forme par des forces et des batt s qui ne sont pas accidentelles ou occasionnelles, et donc tables, mais qui sont systématiquement religes Tune a autre de fagon les attraper et restreindre ou pénaliser les mouvements dans une quelconque direction, CestPexpérience a etre enfermé dans une cage: toutes les avenues, dans touts les directions, sont bloquées 0 pigs. (Frye, 2008: 44 ignorance comme forme d'inégalité épistémique Vépistémologic de ignorance s'inscrit pleinement au croisement des réflexions sur les rapports raciaux et de genre. Elle se donne pour objectf d’étudier ignorance comprise comme une production et non simplement comme une absence de savoir ou un trou dans la connaissance (Sullivan et Tuana, 2007; Code, 2014). L'ignorance est bien ce «qui, dans certains cas, excéde notre capacité de penser en raison de V’état des connais. sances dans un domaine, des limitations liges aux instruments utilisés ou encore de notre point de vue nécessairement partie! en tant que sujet connaissant situé socia ment (Alcof 2007). Mais Vignorance peut aussi étre conceptualisée comme le résultat de pratiques reflétant ou ayant un lien étroit avec les inégalités sociales. mmele note Nancy Tuana, I'c ignorance, comme le savoir, est située» (2006: 3), e’est-a-dire construite dans le cadre de dynamiques entre groupes sociaux; elle revét donc une dimension politique et épistémologique Pintérét Ce courant s'est notamment développé dans le sillon dune conférence, en 2004", qui a donné liew a la parution d'un numéro spécial de la revue Hypatia (Tuana et Sullivan, 2006) et d’un livre coordonné Pannée suivante par Sullivan et Tuana (2007). Depuis, les contributions sur ce theme se multiplient. Plusieurs de ces travaux s’ap- puiient sur la réflexion fondatrice de Charles Mills quia forge le terme « épistémologie de ignorance» dans son livre The Racial Contract consacré aux racines de la supréma: tie blanche qui définit comme un «systéme politique non nommé en tant que tel (unnamed) » (199; des traits de ce contrat racial est de reposer sur une épistémologie de I 1) régi par un contrat racial qui lie implicitement les Blanes. Un. jorance, Cest- smes cognitifs qui déforment la réalité et empéchent les Blancs de «comprendre le monde quils ont eux-méi acdire sur des méc 1s créé» (unable to understand the world they themselves have made) (1997 : 18, cté par Sullivan et Tuana, 2007: 2), Cest-a-dire de voir que le monde social est structu ar des higrarchies raciales auxquelles ils contribuent et dont ils bénéficient Les auteurs de ce courant ont multiplié Panalyse des différents types dignorance, Lories ation des fonds de recherche dans telle direction plutot qu'une autre peut étre lun des moyens par le biais duquel produire ou maintenir ignorance. A propos de la Yo. _Tagit'un séminaie intl Ets and Epistema Sate Rock Eis Iiute Conference es of goance ten en 2004 durant a Penn «ques vécues aise en forme alles, et done les attraper et 1 experience sont bloqueéss| sxions sur les xce comprise rowun trou est bien ce des connais ou encore de situé sociale mele résultat omme le note cest-a-dire done une ce, en 2004", via (Tuana et ‘uana (2007). travaux s'ap- spistémologie ela supréma- a tant que tel cs Blancs. Un vorance, c'est cent les Blancs tand the world cest-i-dire auxquelles ils uutre peut étre \ propos de la 104 durantla Fem Présentation 3 contraception, Tuana (2006) constate la disparition de la recherche sur la contracep- tion masculine aprés les années 1960 aux Etats-Unis. Ceci serait lié& la prévalence de Vidée que la responsabilité de la contraception est une «affaire de femmes» et au fait {que les effets secondaires de la pilule (maux de ventre, perte de libido, nausée, fatigue, migraine) étaient jugés plus compatibles avec les roles de genre féminins. Dans autres cas, des découvertes scientifiques peuvent avoir pour effet de déclasser des savoirs possédés traditionnellement par les femmes. Tuana (2004) donne exemple de la césa rienne pratiquée par les médecins obstétricien et jugée plus sécuritaie que les mani- n d'un bébé quise présente en sitge lors de Paccouchement. Enfin,Vignorance peut aus sonnes subissant les inégalités sociales, par exemple lorsqu'elles font semblant de ne ulations des sages-fermmes pour changer la posit re une ressource pour les per- pas comprendre les demandes de leurs employeurs pour garder une certaine liberté dans la gestion de leur temps (Sullivan et Tuana, 2007: 2) Ces travaux donnent une nouvelle orientation & Pépistémologie sociale: elle n’a pas simplement pour but de dessiner les contours des continents connus du savoir, mais de cartographier inconnu et les raisons pour lesquelles 'inconn 1 ignoré ou demeure inconnu. Ils ouvrent également la voie & l'étude des pratiques de la part de groupes qui revendiquent ces savoirs, les redécouvrent et se les réapproprient. La plon- igée dans la réflexion sur les inégaités épistémiques dans un contexte colonial et post colonial offre d'autres exemples de cette approche. Les inégalités épistémiques en contexte colonial et postcolonial Les études postcoloniales se sont développées en réponse & une expérience historique de colonisation et d’impérialisme. Elles partagent plusieurs éléments des épistémolo- gies féministes tout en prenant plus spécifiquement les dynamiques de racisation comme grille de lecture transversale du monde capitaliste colonial et des autres rap- ports sociaux de classe, de sexe et de gente Ainstar des épistémologies féministes qui crtiquent la conception moderne et positiviste de la science, ls épi iologies postcoloniales critiquent les récits de la modernité coloniale, les concepts, institutions et systémes de droits soi-disant uni- versels qui les accompagnent et qui sont vus comme des barriéres a 'amélioration des conditions de vie des femmes, des communautés autochtones ou encore des svantes-Rodriquez, 2002; Ali, 2007). La préten- de la rationalité occidentale est analysée par ces épistémologies minorités racisées (Grosfoguel et tion 4 Puniverss comme une matrice dexclusion d'autres formes de connaissance sous prétexte qu’elles n’ont pas la méme rigueur ni la méme valeur. Le sociologue portoricain Ramén Grosfoguel désigne par le terme de « racisme épistémique» la « hiérarchie de domination coloniale oi les connaissances produites par les sujets occidentaux (...) dans la zone de I’étre sont considérées a priori comme supérieures aux connaissances produites par les sujets coloniaux non occidentaux dans la zone de non-étre» (Grosfoguel et Cohen, 2012: 47). 4 soctoLocie et sociérés + vou. xLIX.1 Un élément distinctif de ces analyses est la lecture du systéme capitaliste colonial lement, de la modernité occidentale comme véhicule d'une division fondamense de human sara bse de iféencs races Cation apele «colonia pono» presage perven Anal Quijan (200) ou enor ligne sable pare soilogue orgs Brera de Sus Santon (207: 203) cob esi ete product de enoyer es habitants ds payed Sud ignorance a esac Vinfriur, a loclprcber Ja supériorité, Puniversali et a Vimproductif. « Savoirs spontanés., voire «superstitions; les expressions ne Janquent pas pour ancrer le statut inférieur de ces savoirs traditionnels et masquer la richesse et la diversité d 's connaissances, valeurs, crayances ou encore modes de vie quills véhiculent (Visvanathan, 2009) Le projet colonial est fondamentalement, dans cette perspective, un projet dimpé rialisme épistémique. L’historien indien Vinay Lal (2005) rappelle que, dts leur arrivée en Inde, les Britanniques ont disséqué les cultures locales es ont e ’inées sous toutes les coutures et muséifi es avec la complicité des sciences sociales naissantes comme en témoignent les dénombrements de la population, la cartographie extensive des terti- toires, le catalogage des especes et des ressources, larchivage des coutumes et traditions locales. Dans certains cas, les colonisateurs ont procédé a Vinterdiction de certaines, traditions qu'ils jugeaient contraires & leurs valeurs ou nuisibles au pouvoir colonial traitant les populations locales comme des «subalternes incapables de parler en leur nom comme I'a montré Spivak a propos des fernmes indiennes touchées par la crimi nalisation du sacrifice rituel des veuves par la Kégisation britannique (2009 [1988])" Paradoxa ement, ce pillage épistémique dans les territoires occupés s’est accom pagné, en paralléle, d'un mouvement d’éducation des populations locales ayant pour effet e'accroitre les situations de domination économiques et politiques. Chandra Raju (2011), philosophe des sciences indien, rappelle l'intervention de Lord Macaulay, membre du Conseil supréme de l'Inde, lors d’une séance du Comité sur Instruction publique, en 1835, Macaulay fait valoit la occidentales sur la littérature indienne et arabe: «In upériorité» des productions intellectuelles st, je crois, pas exagéré de dire que toute information historique qui a été collectée dans ensemble des livres écrits ‘en sanscrit a moins de valeur que ce qui peut se trouver dans le plus pauvre abrégé utilisé dans les €coles préparatoires en Angleterre» (Macaulay, 1835: 110). Et Macaulay de proposer, par conséquent, que ces personnes soient « éduquées» en anglais plutdt que dans leur langue maternelle: « Nous avons la charge d’insteuire un peuple qui ne peut pas, pour l'heure, étre éduque a partir de ses langues maternelles, Nous devons donc leur enseigner une langue extérieure» (Macaulay, 1835), Tugeant impossible, pour des raisons financigres, d'instruire tous les colonists, il suggere de former une «classe d'interprétes» composée de lasexualtéen contexte col Diaues travaux portent spécifiquement sure genre jak. Lugones Noirs étaient exclusives dans le systéme de genre moderne-colonial,contibuant &Finvisibilisation des femmes noir 2010) lise suppose, par exemple, que les categories de femmes et sptalist colonial le d'une division division, appelée (2000) ou encore tos (2007; 2008), staux de sarroger 1 de renvoyer les “ocal/paticulier s expressions ne vels et masquerla ore modes de vie an projet dimpé- ds leur arrivée ainges sous toutes santes comme en tensive des terri- ameset traditions tion de certaines pouvoir colonial, de parler en leur hées par la crimi- (2009 [1988])" apés s'est accom- ocales ayant pour ves. Chandra Raju Lord Macaulay, $sur instruction ons ntellectuelles, as exagéré de dire Te des livres écrits us pauvre abrégé 110). Et Macaulay en anglais plutot un peuple qui ne lies. Nous devons eant impossible, re de former une tecolonial. Lagones ent exclusives dans le Présentotion 5 [Plersonne morale, et d’ \diennes de couleur et de sang, mais anglaises de goat, opinions, de ellect. Nous pourrons cor dialectes vernaculaires du pays, de les entichir avec des termes scientifiques empruntés la nomenclature occidentale, t d'en faire progressivement des véhicules adaptés la transmission de la connaissance en direction de la grande masse de la population (...). (Macaulay, 1835: 116) ier & cette classe le soin de raffiner les Ce point de vue et ces pratiques ne sont pas isolés, comme en témoignent les propos de Jules Ferry, présentant devant les députés francais, en 1885, le «devoir» des «races supérieures» de « civliser les races inférieures et de leur apportr les Lumizres euro péennes!.En Algérie, les Francais procéderont a a disqualification du systéme d'ensei- gnement indigene et &la mise sous surveillance des systémes d’enseignement parallles des écoles coraniques et rabbiniques (Kateb, 2004), puis imposition du programme scolaire républicain qui exclut la langue arabe du curriculum (Abecassis eta, 2008). Avec la colonisation, les systémes éducatifs des pays du Sud ont pris l’éducation occi dentale pour modele et cette éducation a servi de véhicule de dénigrement ou d’elia- cement des savois traditionnels, des langues, religions et cultures locales. ILest¬er cependant que le projet d’éducation coloniale a été largement freiné,si'on prend le cas de 'Algétie, car pris dans une «contradiction insurmontable : «scolarser, c'est acculturer, mais est aussi éveiller les consciences t courir le risque de mettre en cause le rapport colonial » (Kadri, 2008: 20) Ainsi, en Algérie, l’éeolerépublicaine instaurée par les décrets Ferry était, aps I'école primaire, «refusée aux indigenes algériens par les colons et les partisans de la colonisation 8 outrance, car ellevisat& produire dans tout individu le citoyen capable d’avoir une opinion ¢t de défendre ses droits dans le cadee de intérét général» (Kateb, 2005: 44). Ces systémes d’appropriation et effacement des traditions et savoirs ancestraux affectent la subjectivité des colonisés et le rapport quils entretiennent & leurs propres identités et savoirs (Ali, 2007), comme le soubaitait Macaulay. Les éites culturelles parties étudier dans les pays colonisateurs reviennent parfois, dans le cas analysé par Fanon (1952), plus blanches et occidentales que les Occidentaux eux-mémes au point cde mépriser leurs propres culture et traditions La ligne de fracture entre colonisateurs et colonisés se prolonge ainsi dans Videntité méme des colonisés et ce «schisme pro- fond» entre moderité coloniale et traditions les affecte «2 tel point que la nouvelle sgénération de I’dite devient incapable de communiquer avec ancienne génération de savantstraditionnels» (Bhargava, 2013). Dans ce contexte, le politisteindien Rajeev Bhargava explique que les «concepts et les catégories gre auxquels un peuple se comprend Iui-méme et comprend son univers sont remplacés ou affectés par les concepts t les catéyories des colonisateurs» (2013: 44) I qualfie d'inégalités épistémiques «action — delibérée ou non — d'un 12. Pour lie le discoure de Jules Ferry «Les fondements de la politique coloniale» prononcé le 28 ull 1885, consulterlesite web des archives de Assemble nationale francais dans a section «grands ‘momented'laquence» wor. astemblee national rl decouvre-| asvemblechistoirelgrands moments loguencejules-ferry-28julet-1885, 6 SOCIOLOGIE ET SOCIETES + VoL. KLIK.) autre groupe, plus dominant ou plus puissant» produisant « 'endommagement ou la Perte dela capacité des individus d'un groupe a maintenir, 3 retrouver ou a développer leurs propres cadres épistémiques», avec pour effet un «échee continu & penser pour soi-méme et avec ses propres concepts» (Bhargava, 2013: 44). Ces cadres peuvent exister, mais avoir une moindre valeur et en bas dela higrarchie dans le cadre posé par la domination coloniale, ou avoir purement ct simplement disparu, produisant alié nation natale de personnes nées dans un pays sans qu’elles aient accés aux cadres épistémiques de leurs ancétres. On retrouve ici, formule d’une autre fagon, le concept injustice herméncutique de Fricker que nous évoquions plus tat. Ces processus d’effacement et de muséification des formes traditionnelles de savoir sont appel pistémicide» (Santos, 2014). Ils affaiblissent 'autonomie épistémique des communautés,c’est-a-dire quis les laissent écocide» (Visvanathan, 2009) et sans les moyens qu’elles avaient pour comprendre et controler leur environnement Alors que certains de ces savoirs sont jugés sans valeur ou invisibilisés par les savoirs scientifiques occidentaux, ils constituent dans le méme temps une source enrichis. sement pour les compagni multinationales qui pratiquent un «bio-impérialisme», defini comme la privatisation du vivant au moyen de brevets servant a commercialiser des plantes médicinales utilisées traditionnellement par des communautés locales (Shiva, 2008). Le concept de développement fournit une autre illustration de ces pro. cessus sur le plan économique. En présentant les pays da Sud comme «en retard » par rapport 4 un Occident a imiter, l'économie du Joppement s'est imposée comme un seul et unique modéle, conduisant a la mise a la marg de savoirs traditionnels entiels & Pautonomie des communautés locales au profit de savoirs experts ration- nels et productifs Dans Farticle qu’il publie dans ce dossier, le sociologue britanno-canadien Christopher McAll propose une conceptualisation de trois types de rapports sociaux inégalitaires, fondés respectivement sur lappropriation des ressources, des corps et des esprits, Empruntant & la perspective féministe de Smith (1990) et a celles de penseurs de la décolonisation, a définition de l'appropriation des esprits qu'il propose affine la compréhension des inégalités épistémiques proposée précédemment. Ces inégalités ne t pas uniquement par V'appropriation de se traduis TJout le spectre des arts, des techniques traditionnelles et des connaissances acquises, nécessares la production et la confection de la nourriture la transformation des matigres premigres en objets utilisabls, a la guérison de la maladie, 4 Médueation des enfants et la reproduction de la culture (au sens large d'un mode de vie soutenable dans Elles se traduisent aussi par appropriation de lautonomie des personnes, cest-a-dire de la capacité qu'elles ont a se doter de leurs propres régles. Le fait que ces inégalités ne "8. Dans le domaine du développement international, Robert Chambers (1995) et d'autres ont proposé une science du développement écoute des voix minortaires et revendiquant le doit de partic Pation des populations locales aux projets sans toutefois metre de avant la démocratistion dela produc tion dela science agement ou la oua développer 1w penser pour cadres peuvent le cadre posé par vroduisant Palié- cecés aux cadres agon, le concept rnnelles de savoir antos, 2014). Hs quis les laissent environnement. spar les savoirs vurce d’enrichis- impérialisme», ‘commercialiser runautés locales ation de ces pro- en retard» par imposée comme irs traditionnels sexperts ration. anno-canadien capports sociaux des comps et des alles de penseurs propose affine la Ces inégalités ne issances acquises, ansformation des a Péducation des ie soutenable dans anes, Cest-a-dire es inégalités ne 995) et @autees ont ate droit de pari: isation dela produc Présentation 7 soient pas juste produites a Pintérieur des murs des societés égalitaires, mais également construites & l'intérieur de esprit, permet d'expliquer toute la difficulté qu'il yaa reconnaitre la valeur de savoirs déconsidérés et des groupes qui les portent afin de transformer véritablement les rapports sociaux inégalitaires. Son texte pose également ambiguité des sciences sociales, qui peuvent légitimer le statut des producteurs de savoir universitaire, contribuant ainsi a maintenir les hiérarchies entre les savoirs, ‘comme nous allons le voir dans la autant que déconstruire ces inégalitésépistémique seconde parte du texte Au terme de cette premitre partie, le constat de la varieté des conceptualisations pose. Il peut s'agir d'une definition inscrite dans les interactions individuelles lorsquelles traitent de la capacité des personnes a véhiculer leurs expériences et leurs savoirs parle témoignage. Il peut aussi sagir d'une definition des inégalités épistémiques s' plus large et anthropologique lorsqu’elles se réferent a la capacité des personnes & rendre compte de leurs expériences (notamment doppression) ou qu’elles se rap- portent a des pratiques qui nuisent a l'autonomie épistémique de communautés, renforgant ainsi les dynamiques héritées dela période coloniale. I! sagit, dans les deux cas, dinégalités qui sont structurelles, cest-a-dire qui touchent les membres d’un ‘groupe sur la base de leur appartenance & ce groupe. On comprend dans ce contexte toute la difficultéqu’ily a, dans la production des connaissances, a établir ou entretenit des rapports non higrarchiques entre les savoirs. NOUVELLES ECOLOGIES DES SAVOIRS Les épistémologies féministes et postcoloniales promeuvent ce que Santos, Nunes et ‘Meneses nomment des «nouvelles écologies des savoirs» (2008), cest-A-dire des facons originales et non relativistes @’articuler la pluralité des savoirs, dans une optique de rédue- tion des inégalités épistémiques et des rapports sociaux inégalitaires qui sont au fonde- le Vexpression et de la prise en compte des différents savoits. Nous distinguons trois étapes complémentaires dans P’élaboration de ces nouvelles écologies des savoirs, méme si elles n’ont pas nécessair ‘ment dela reconnaissance, nt été pensées par les auteurs féministes et postcoloniaux comme trois moments distinets. agit, tout @’abord, de Finstauration d'un processus de décolonisation de la pensée et des sciences sociales. Cette étape permet, dans un second temps, de faire apparaitre les savoirs et les modes de vie qui leur sont attachés et qui étaient masqués par des rapports sociaux qui pro- spe est 'analyse et la promotion des formes de résistance épistémique individuelles, collectives et institutionnelles permet uisent ces inégalités épistémiques. La troisi¢m tant Pav détiennent, yement de rapports plus égalitaires entre les savoirs et les groupes qui les Décolonisation de la pensée et des sciences sociales Plusicurs des auteurs cités précédemment constatent que notre perception du monde est structurée par des catégories conceptuelles, issues des groupes majoritaires ou pro. duites par les sciences sociales, qui nous empéchent, quelle que soit notre position 8 SOCIOLOGIE Er SOCIETES + VOL. XLIX.1 sociale, de penser d'autres rapports entre les savoirs. Adopter un cadre de pensée inclusif des différentes formes de savoirs n’apparait pas, dans cette perspective, comme tune condition suffisante pour réduire les inégalités épistémiques et sortir de rapports coloniaux entre les savoirs. Vimalassery, Hu Pe ment attention sur linsuffisance d’actes politiques symboliques comme le pardon pour établir de nouveaux rapports entre les groupes sociaux: « Le colonialisme ne peut, pas étre démantelé par des actes de rétablissement, pat le fait de se souvenir, par la réconciliation ou par des régimes de savoirs coloniaux plus inclusifs» Crest le constat établi depuis longtemps par le sociologue colombien Orlando Fa Borda, quia porté un regard sur les sciences sociales occidentales en tant qu’instrument de «colonialisme intellectuel» (1987|1970]). Il constate que les penseurs d’ Amérique latine qui souhaitaient une émancipation politique et intellectuelle de leur pays dans les années 1960 'ont, pour l'essentiel, pensé a partir de grilles de lecture e pruntées aux gauches occidentales d’inspiration marxiste, Ce faisant, ces penseurs se sont retrouvés prisonniers de cadres théoriques qui ne reflétaient pas les réalités autoch- tones et coloniales de leurs pays. Ce-colonialisme intellectuel n'est pas un filtre imperméable, Le sémioticien argen: tin Walter Mignolo a bien montré, avec d’autres intellectuels latino-américains (Quijano, 2000; Lander, 2000; Maldonado-Torres, 2016), les conditions d'émergence une «double conscience épistémologique» (Mignolo, 2001: 57)". Le fait, pour les habitants des pays du Sud, de regarder la modernité du point de vue de ses «consé- quences, Cest-d-dire de la répression des Amérindiens, de lesclavage des Afticains, et de lémergence de la conscience créole (8 la fois blanche et métissée sur le continent, noire dans les Caraibes)» (p. 61), alors qu'elle est contempl du point de vue des schémas globaux et de valeurs soi-disant universelles par les penseurs du Nord, , selon lui, considérablement affiné cette double conscience et la réflexion sur occidenta: locentrisme. En remettant en question les mécanismes de domination épistémique hérités du colonialisme, ces auteurs ont travaillé a produire une «pensée décoloniale» ropre aux pays du Sud, leurs traditions et histoires locales, et que Mignolo distingue de la « pensée postcoloniale» qu'il associe au monde anglo-saxon (Mignolo, 2010), (On trouve des échos dle cette proposition chez Marie Battiste, une spécialiste cana- dienne des études autochtones et des pratiques éducatives décoloniales. Dans un ouvrage récent, elle fat la promotion d'une éducation décoloniale qui consiste& pro duite des «apprenants critiques», qui désapprennent les discours et pratiques de domination, et les remplacent par des discours et pratiques d’émancipation: [Nlotre responsabilité est de s'engager & la fois 8 désapprendre et & apprendre — a jtete sentiment le dels démarche 1s-ce processus de scientifiques inersity qui est de Alvaresrevent singgaltésepisté Ala fin des années nes de Malasie aurau Zimbabwe, urement importés es par des Blancs, aire od le systéme épondent pas aux tesilssont publigs Ae supériorté des nis sur pied, avec snance du Sud, le rent des activites propres chaque ) de la qualité des od Idris, dans une ose dans la méme fansun az content ners permet a Présentation 25 lignée de se servir de cet espace pour « démanteler» les savoirs occidentaux qu'il qua- lifie de «savoirs empruntés» (borrowed knowledge). Il convient, selon lui, de procéder a Pexamen et au rejet éventuel de certains de leurs présupposés, et de restaurer les «droits de tous les tres humains a possédler leurs propres savoirs » (Idris, 2002). Parmi les projets mis de avant lors de la fondation de Multiversity figurent le redécoupage des facultés et disciplines universitaires, et la redécouverte des disciplines enseignées, dans les universités des pays du Sud avant leur colonisation. Les membres de ce projet ont organisé sept conférences internationales en Asie du Sud-Est entre 2002 et 2015, Multiversty ’inscrit dans un réseau plus large (Multiword network) incluant des cher- cheurs et des activistes pour le savoir d’Asie, d'Afrique et d’Amérique du Sud réunis autour de lobjectif commun de «restaurer la diversité des apprentissages qui existent depuis des temps immémoriaux”» Dans un article récent, Jess Auerbach, professeure au département de sci ces sociales de la African Leadership University (ALU), déerit les principes ayant contribué ala création de cette nouvelle université dont les deux campus sont situés au Rwanda et ale Maurice (Auerbach, 2017). Cette université s'est fixée pour objectif de former, dans ses différents programmes, trois millions de jeunes Africains d'ici 2060. Le curri- culum universitaire de ALU repose sur Vidée de décolonisation des sciences sociales. Pour atteindre cet objectif, les universitaires et les étudiant.es inscrites se sont accordé.es sur un certain nombre d' engagements. En particulier, es textes produits et étudiés durant le parcours scolaire doivent étre en libre accés et refléter la diversité des langues. Bien que l'anglais soit la langue partagée, les étudiant.e.s et professeur.e.s doivent dans leurs cours présenter des textes écrits dans une des vingt-neuf langues parlés pares étudiantes de Université. Durant incité.s& apprendre des langues des pays colonisateurs (francais, portugais, arabe), ‘mais aussi des langues indigenes du reste de PAfrique (wolof, zulu, amharique). Enfin, les supports proposés sont vars et non limités aux textes Geils parce que «ce rest que sur formation, les étudiant.e.s sont récemment que la longue histoire intellectuelle de Afrique a commencé & étre enre sgistrée et accumulée dans des textes. Siles étudiant sources écrites, leur connaissance sera largement contrainte aux époques de la coloni- sation et de la postcolonial ‘exposé.e.s au moins une fois par semaine & des sources non textuelles comme du. 2s sont exposé-e-s seulement a des & (post-coloniality).» Pour cete raison, les 6tudiant.es sont ‘matériel publicitaire, dela musique, des objets ou encore de la nourriture. Le bien-connaitre A occasion d’un sommet sur le bien-connaitre qui s'est tenu en mai 2014 a Quito, en Equateur, le mouvement Bien connaitre (Buen Conocer) a produit un manifeste intitulé «Vers une société de la connaissance commune et ouverte” », Le bien-connaitre y est 20. Enoncé de mission ie dela page d'accueil du projet: hp multworldindia ory 21. Cette déclaraton est disponible en ligne su le site dela Fre/Libre Open Krarwledge (FLOK) Sit: ap oksocietyong/p-cntent/uploads/2014/05/Decaraciones-Buen-Conoce pa 26 socioLocte er sociérés + vou. xLIK.1 décrit comme un mécanisme de résistance et une proposition décolonisatrice orientée vers la construction d'une « économie sociale de la connaissance» (Crespo et Vila Viihas, 2014), Ce projet est biti sur l'idée de produire des connaissances qui soient utiles et émancipatrices pour les communauté locales et, & image des communautés autochtones qui prélévent des ressources tout en maitrisant les techniques favorables 4 la régénération de la nature, respectueuses de environnement social, culturel et écologique. Le mouvement prone notamment Paccés libre en ligne aux savoirs tradi tionnels et aux connaissances scientifiques des universitaires du Nord et du Sud. Le bien-connaitre s'inscrit dans la philosophie latino-américaine du bien-vivre (Buen Vivir*) mise en avant depuis le début des années 2000 par les mouvements sociaux’, notamment indigenes, en tant qu’alternative aux conceptions occidentales ron durables ct extractivistes du développement, au mythe de la croissance écono- mique infinie et aux modes de vie individualistes. Cette philosophie repose sur la reconnaissance des «savoirs pachamamiques» (Escobar, 2011) qui ritualit tegrent la spi les étres vivants non humains et les autres éléments de environnement qui ‘ont été éliminés du systeme de connaissance moderne. connaissances écologiques sont non dualistes, c'est-d-dire qurelles n’établissent pas de frontiére entre un individu Prétendument rationnel et la communauté dans laquelle il vit. Le bien-étre est pensé dans le cadre dune communauté dont la Nature fait partie (Gudynas, 2011). Cette Ja suite de son introduction dans la Constitution de I'Equateur en 2008, puis dans celle de la Bolivie en 2009. Elle a alors pris un sens plus conventionnel, mais elle représente dans son philosophic a fait objet de récupérations politiques, entre autres essence un projet politique écologique centré sur lauitodétermination, la reconnais: sance des territoires et des droits des peuples autochtones (Merino, 2016), conctusion Ce n'est pas un hasard sila partie précédente se termine sur Vidée de récupération, Cette craint de la crainte de la récupération des savoirs traditionnelsafticains par la pensée euro est présente chez plusieurs auteur.e.s cité.és Il peut sagir, tout d'abord, centriste, comme Pexprime notamment Jaguire (2014). Il peut aussi Sagir de la récu Pération universitaire de ces concepts, affaiblissant au passage leur portée politique émancipatrice pour certains groupes. Russo et Beresford, deux universitaires et acti- es dans le champ des mad studies, attirent précisément Pattention sur cet enjew dans un texte rédigé dla suite de leur participation a une conférence organisée d Bristol, 22, Leterme de Buen Vis es equivalents dans les communauté autochtones:Sumak Kiss cher les Quechuas et Shir Waras cher les Shuar de Equaeur;Sunsa Qumana che es Amatan de Bolivie, Nandeeto che es Guarani de Bolivi et Kiome Mo 2. Larenueh chez les Mapuches ds Chili (Gudymas, 2011 se veut un point de rencontre enttemilieux univesita socian Ce projet es présenté dans introduction da premier numéro dela reve (Coxe Hlesher Feminans 24. Cechamp de recherche, développé par des universities qui affichen ouvertement leurs exp "ences cues des problémes de sant rem en question Ia constuction sociale el fle, Voireqentent Martin (2013) nisatrice orientée (Crespo et Vila sances qui soient es communautés aiques favorables cial, culturel et ux savoirs tradi det du Sud, ne du bien-vivre les movements ons occidentales aie repose sur la egrent la spi sironnement qui rnces écologiques ntre un individu envétre est pensé 12s, 2011). Cette 4a suite de son elle de la Bolivie ésente dans son on, la reconnais 016). 4e récupération. tout d’abord, la pensée euro- Yagir dela récu- portée politique sitares et acti- on sur cet enjew sanisée Bristol, es: Stak Kasay ‘Aymaras de Bolivie, uudynas,2011 1 FlesherFominay, rtement leurs expe ie, Voir également Présentation 7 ‘en 2014, sur le theme Comprencre les injustices épstémiques. Russo et Beresford font part de leur déception devant le constat du «prompt détachement de ces concepts avec un potentiel émancipateur considérable des réalités qu’ls prétendent iluminer, et eur recadrage en tant que nouvelles disciplines académiques, qui deviennent rapidement des fins en soi» (2015: 154). Les responsables du colloque, Havi Carel et Tan Kida, yréalisaient une conférence sur Papplication du concept d’injustice épistémique au domaine de la santé®. A propos de cette conférence, Russo et Beresford notent qu’en dépit dela mention da re posi- ‘ides associations de patient.es dans a reconnaissance des savirs expérientiels qu’ls possédent relativement aux savoirs médicaux des professionnelle, Carel et Kidd ‘maintiennent malgré tout dans une position universitaire de surplomb vis-i-vis de la société cvile La perspective selon laquelle il y a des personnes («ceux lt-bas-) qui ont besoin de nos «outils» quil faut développer pour «eux» (mais sans eux) sous-tendait toute la conférence. C’étit partculizrement évident dans la plénigre de cloture, qui comprenait tune bréve discussion de la question: «De quelle maniére pouvons-nous, en tant que ‘communauté académique, aider ceux qui ont besoin de nos concepts dans les luttes politiques?» C'est, bien si, une préoccupation lgitime et sensible. Cependant, la fagon dont cette discussion était orientée impliquait une division plut6t problématique entre ddeux mondes qui ne devraient de toute évidence jamais ser les expériences se produisent; celui fermé, de domaine interne des tniversitaires of ces expériences deviennent des suets de réflexion. (Russo et Beresford, 2015: 155) icontrer: celui «A-bas ob Cet appel de Russo et Beresford interpelle les chercheurs en sciences sociales en les implement «sur» les per istémiques afin que cette réflexion demeure pour eux une source de prise de pouvoir et non une nouvelle source de marginalisation, Ce texte incitant & penser davantage leur recherche «avec» et non s sonnes qui vivent ces inégali rappelle, ila suite des épistémologies féministes et postcoloniales, que les corpus de savoirs (universitaires comme profanes) ne sont pas des «boites noires» isolées des enjeux sociaux; ils constituent autant de prises de position sur le monde et dans le monde pouvant alimenter ou réduire les inégalités épistémiques ct les inégalités sociales qui les sous-tendent. Les themes abordés dans cette présentation du numéro ne sont pas sans soulever autres questions d’envergure qui alimentent des pistes futures de recherche en épis- témologie sociale: la reconnaissance de la diversité des savoirs implique-t-elle pour autant leur égalité? L’égalité épistémique est-elle souhaitable du point de vue de Vavan- cée des connaissances scientifiques? Ces courants conduisent-ils & promouvoir un relativisme épistémique qui abolit toute distinction entre croyance et savoir et entre savoir et savoir scientifique? Lobjectif de cette présentation du theme et des contributions de ce numéro thé- matique de Sociologie et sociétés était plus modeste: rappeler importance d'une 25, Serapporter leur article pour un aprgu des enjeuxsoulevés par ces concepts dans le cadre de laelation médecin patient (Carle Kidd, 2014), 28 SOCIOLOGIE ET SociETES + vou. KLIK: réflexion continue sur les formes, la portée et le degré d’hégémonie des savoirs et ignorance que Ton produit que! que soit son positionnement dans espace social, et inscrite cette réflexion en tant que dimension a part entire de Métude des inégalités sociales. BiBLIOGRAPHIE Avtcassis,F, Boven, G, Fatatzs B, MeynierG. et M.Zawcam-Founwe (dit) (2008), La France et PAlgie: ogons dhstire, De Veco en situation colonial Venseiqnement du fit colonia, Lyon, ENS Editions, A1corr I. M. (2007), « Epistemologes of Ignorance: Three Types in SULLIVAN, S. tN. Tua (it: ace and Fpistemolis of Ignorance, Alay, State University of New York Pes, p. 38-58 Avcorr 1. M, (2008), «Fw is Epistemology Political?» i Baines, A et C. Cuomo (at) Philosphy Reader, New York, McGraw-Hill . 705-718 Atcorr, LM. Goldberg, Set C, Hookway (di, (2010), Epi The Feminist, ALvanes, C (2001), Recapturing Worlds, The Original Muliversity Proposal, Goa, Ind, Other india Pres. 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