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Gaston Gross
Laboratoire de Linguistique Informatique
Université Paris 13
Les auteurs qui se sont souciés de fonder une grammaire formelle ont
mis l'accent sur le fait que "toutes les combinaisons de mots n'appartiennent pas
à l'ensemble des discours" et que "les discours ont des vraisemblances
d'occurrence différentes, ce qui revient à dire que l'appartenance à l'ensemble
des phrases est graduelle" (Z.S. Harris 1976:13). La calculabilité de cette
appartenance à l'ensemble des phrases se fait sur la base de la relation entre
opérateurs et arguments. Un opérateur donné a un domaine d'arguments qui lui
est propre.
Pour rendre compte de cette relation et des contraintes qui la définissent,
les linguistes ont sous-catégorisé les arguments, c'est-à-dire les substantifs, à
l'aide de traits syntactico-sémantiques comme humain, concret, abstrait, locatif,
animé, etc. Cette démarche est, à des variantes près, adoptée par tous les
linguistes qui se sont réclamés de la grammaire transformationnelle. La plupart
des dictionnaires récents se servent aussi de ces traits pour rendre compte des
différents emplois des prédicats. Ainsi, distingue-t-on deux verbes voler selon
la nature de leurs arguments : l'emploi caractérisé par un sujet "animal"
(L'oiseau vole) et celui où le sujet est humain, et, dans ce cas, la syntaxe sépare
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Les traits syntaxiques sont des outils trop généraux pour rendre compte,
de façon précise et univoque, des emplois des opérateurs.
On peut donner de cette constatation une autre illustration. Deux verbes
comme regarder et manier seraient, dans ces conditions, décrits de façon
identique comme ayant des sujets humains et des objets concrets. Or, le sens de
ces deux verbes est très différent. Regarder peut avoir pour objet n'importe quel
concret, ce qui n'est pas le cas de manier, qui sélectionne parmi les concrets
seulement des outils, compte tenu d'emplois éventuellement métaphoriques (Luc
manie bien ces concepts). On en conclura que les traits syntaxiques ne sont pas
des critères suffisamment discriminants pour décrire les opérateurs avec la
précision voulue.
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emarquons que ces distinctions ne peuvent être opérées, pour un verbe morphologique donné, que si les traits
sont différents : humain vs inanimé concret, par exemple. Quand deux emplois verbaux ont les mêmes arguments
comme apprendre et réciter avec un objet comme leçon les traits syntaxiques ne sont d'aucune utilité.
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Si nous nous fixons comme objectif de décrire les verbes avec la rigueur
requise pour éviter à l'apprenant toute ambiguïté ou pour générer
automatiquement toutes les phrases possibles avec un opérateur et rien que
celles-là, nous n'affirmons pas que l'existence même des traits est inutile. En
effet, un grand nombre de verbes se contentent de ceux-ci pour leur description.
Le verbe peindre, dans son emploi le plus fréquent, a comme complément un
concret : tout objet concret peut être peint. Une telle indication se justifie donc,
même si ce verbe peut avoir d'autres emplois, définis par des arguments
différents. Un des sens du verbe cacher peut être illustré par l'existence de deux
arguments concrets, compte non tenu de conditions pragmatiques disant que le
sujet doit être plus grand que l'objet. On pourra dire alors :
Mais si l'on a affaire au verbe habiter, il ne suffit pas de dire que l'objet est un
concret : tout concret n'est pas habitable. On sera obligé de recourir à des
classes plus précises, en l'occurrence des classes comme <habitation> ou encore
des locatifs comme <ville> ou <pays>. Nous appelons ces sous-ensembles des
classes d'objets.
Si l'on regarde le nombre des mots qui ont été effectivement codés en
vue de l'analyse, on est surpris de voir qu'il s'agit de moins de 10% de l'effectif.
Les codeurs sont la plupart du temps dans l'impossibilité de choisir pour un mot
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Il se trouve que le découpage du réel que propose l'auteur d'un tel arbre
n'a rien à voir avec les nécessités de la description des opérateurs linguistiques.
La démarche doit donc être celle des sciences expérimentales. Partant des traits
syntaxiques évoqués plus haut, on les sous-catégorisera en fonction des besoins
de la description des opérateurs réels. Ainsi, si l'on veut rendre compte du verbe
titrer dont nous venons de parler, nous aurons besoin de mettre en évidence, en
position de sujet un sous-ensemble des concrets comme <boisson alcoolisée>,
d'un ensemble comprenant deux éléments (degré ou volume) pour rendre
compte de l'objet et de l'indication que le déterminant de cet objet est un
cardinal entre 1 et 100. Dans ces conditions, on est en mesure de générer toutes
les phrases construites autour de ce verbe titrer. L'objectif de notre travail sur
les classes d'objets est de mettre en évidence celles qui sont nécessaires à la
description des relations opérateurs-arguments pour la reconnaissance et gé-
nération automatique des phrases. Nous verrons plus loin que les exigences de
précision que requiert le traitement automatique est un avantage dans le cas de
l'enseignement du français langue étrangère.
Quand nous disons qu'il faut ranger dans la catégorie des humains une
classe d'objets comme <moyens de transport >, nous voulons prévoir le cas où
ces substantifs sont des sujets possibles de certains verbes à sujet "humain" :
Notre délimitation des classes est fondée sur la grammaire. Nous allons
proposer quelques exemples de définitions syntaxiques de classes. Prenons les
substantifs humains relationnels, comme le mot voisin. Ils ont, entre autres, les
propriétés suivantes :
- ces substantifs ont des arguments , on ne peut pas les employer seuls :
- On peut ajouter que certains d'entre eux sont réciproques et que d'autres ne le
sont pas :
Traître !
Espèce de traître
Traître que tu es !
Ce traître de Luc
d) ce sont des arguments naturels, en position de N2, d'un verbe comme traiter
N1 de N2 :
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6. Traitement de la synonymie
chacune de ces classes. Ainsi, il est possible d'énumérer tous les noms qui
réfèrent à des <boissons alcoolisées>, des <aliments>, des <maladies>, etc. Les
classes que nous avons déjà réalisées montrent que cette opération est faisable
et non pas chimérique. L'utilité de ces listes est évidente d'abord dans le
domaine de la documentation. Mais, en linguistique, les classes nous permettent
de traiter de façon efficace le problème de la synonymie. Voici quelques
exemples :
Dès lors que l'on a décrit les opérateurs comme nous venons de le faire,
c'est-à-dire en notant avec la précision maximale le domaine des arguments, il
devient assez facile, dans un dictionnaire électronique ( ou dans des manuels),
de proposer des équivalents pour la traduction. On aura ainsi :
Conclusion
REFERENCES