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Quant à l’attique ἅλως, il est vraisemblable que ce mot, lui aussi, provient
d’une structure de ce type, d’un ancien *ἀλω-ς. Ici aussi, la flexion ancienne a
été éliminée, mais cela s’est fait par passage à la seconde déclinaison “attique”.
2- τὸ ἄλσος, terme surtout ionien et poétique, désigne le bois sacré. Plus
généralement, c’est toute enceinte sacrée, même sans arbres (Iliade, II, 506 ;
Sophocle, Antigone, 844). Donc deux idées : idée d’un espace délimité et clos ;
idée d’un espace appartenant à quelqu’un, en l’occurrence à une divinité. On
peut aisément constater une parenté avec ce que nous avons vu à propos de
ἀλωή et de ἅλως, où nous avons vu également l’idée d’espace délimité et
réservé à quelqu’un (sans exclusion de l’idée de sacré, qui apparaissait dans le
cas où l’aire est un lieu dans lequel Déméter est présente et agissante). Du point
de vue du sens, on peut rapprocher de ces mots τὸ τέμενος, (cf. τέμνω, couper),
désignant une portion de terrain délimitée et enclose, réservée à une
personnalité. Cette personnalité peut être divine.
L’appartenance à un même champ sémantique du groupe ἄλσος / τέμενος /
ἀλωή est bien illustrée dans Odyssée, VI, 291-293 :
Δήομεν ἀγλαὸν ἄλσος ᾽Αθήνης ἄγχι κελεύθου
αἰγείρων, ἐν δὲ κρήνη ναίει, ἀμφὶ δὲ λειμών,
ἔνθα δὲ πατρὸς ἐμοῦ τέμενος τεθαλυῖά τʹἀλωή,
Nous trouverons près du chemin l’ἄλσος d’Athéna,
planté de peupliers ; il y coule une source, avec une prairie autour.
Là est le τέμενος de mon père et sa florissante ἀλωή.
Ici ἀλωή précise en quoi consiste le τέμενος. La tonalité n’est pas profane :
la proximité du bois sacré d’Athéna communique à ce domaine une aura de
sacralité.
L’étymologie de ἄλσος est considérée comme obscure. Ce que nous avons
vu du point de vue sémantique nous autorise à envisager qu’il s’agit du même
ἀλ- que dans ἀλωή et ἅλως. Le suffixe neutre -σος se rencontre, improductif,
dans un petit groupe de mots (Chantraine, La formation des noms en grec
ancien, p. 421). Ce caractère marginal et résiduel de la formation n’est pas
étonnant dans un vieux mot du vocabulaire religieux.
3- ἡ Ἄλτις, -ιος, l’Altis : ce terme désigne à Olympie le territoire sacré,
entouré d’un mur de clôture, où se trouvent les sanctuaires. Le mot ne
s’employant que pour ce lieu, on a l’habitude de l’écrire avec une majuscule.
Selon Pausanias (5, 10, 1), τὸ ἄλσος τὸ ἱερὸν τοῦ Διός, παραποιήσαντες τὸ
ὄνομα, Ἄλτιν ἐκ παλαιοῦ καλοῦσιν, L’ἄλσος sacré de Zeus, par déformation du
mot, on l’appelle traditionnellement Ἄλτις. Il ressort de cette affirmation qu’une
parenté de forme et de sens entre Ἄλτις et ἄλσος était bien sentie.
On peut donc y voir même radical ἄλ. Mais comment le mot Ἄλτις est-il
constitué ? La dérivation en -τις n’est pas claire ici. Le suffixe -τις/-σις donne
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(1) Pour expliquer ce mot (cf. ille dans Le grand Gaffiot, par exemple), on pose
habituellement un étymon *ol-ne/*ol-no- (*-ln->-ll-), où le second élément serait une
particule démonstrative. On cite à l’appui de cela le vieux slave lanî, l’année dernière,
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reposant sur *ol-n- (ici *ol < indo-européen *ol ou *al), ce qui est phonétiquement régulier en
slave. Le î représente une finale de locatif. Mais ici, comme nous l’explique le slavisant Paul
Garde, le -n- ne représente pas une particule démonstrative, mais plutôt le degré zéro d’un
thème *en-, signifiant l’année (qu’on trouve en grec dans δί-εν-ος, τρί-εν-ος, de deux, de trois
ans). Cf. A. Meillet, Le slave commun, p. 471. Le terme slave n’éclaire donc en rien la forme
primitive du démonstratif latin.