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Les Celtibères

Michel-Gérald Boutet, Drummondville,

Québec, Canada, novembre 2016

Un sonneur de corps celtibère d’Osuna, l'ancienne Urso, période romaine.


Gravure numérique d’après une photo du Musée national archéologique de Madrid.

L’Ibérie celtique, une civilisation oubliée et redécouverte


C’est un fait peu connu que, parmi les différentes nations celtiques, les
Ibères, Lusitaniens et Tartessiens, apparentés formaient une puissante alliance
de nations fédérées qui était une des principales contributrices de la haute
civilisation celtique de l’Antiquité. Leur zone d'influence a largement dépassé
les limites de la péninsule ibérique et a gagné non seulement la Gaule
aquitaine, mais aussi l’Hibernie, la Bretagne et la Calédonie. Loin de n'être
qu’une collection isolée de populations mineures mal indo-européanisées, les
Ibères celtes étaient à l'avant-garde de la culture méditerranéenne. Avec les
Gaulois du Sud, ils étaient en constant contact avec les Phéniciens, les Grecs,
et autres sociétés militaires concurrentes aux Romains. Ils n’ont pas seulement
commercé avec ces peuples, mais également échangé dans les domaines de la
technologie, de la science et de l'art. De tous les pays celtiques, l’Ibérie, en
raison de son climat chaud et sec, était la mieux située pour l’observation des
astres faisant ainsi avancer les connaissances en astronomie et en astrologie.

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De plus, les marins ibères, à l’exemple des Vénètes concurrents, possédaient
une armada de vaisseaux de toutes sortes. Il n’est pas exagéré de dire que
bien avant les pèlerinages à Saint-Jacques de Compostelle, les sentiers des
marchands et des érudits convergeaient vers la péninsule ibérique riche en
centres d’influence. C’est donc dire que leurs écoles et observatoires
astronomiques attiraient de nombreux étudiants et lettrés venus de toutes les
contrées celtiques.

La permanence de la présence celte dans la péninsule ibérique n’est plus à


prouver. Elle était non seulement forte, mais à bien des égards formidable et
durable. Encore aujourd'hui, dans de nombreuses régions du Portugal et du
nord de l'Espagne en Galice ainsi que dans les Asturies et de la Cantabrie, les
traditions celtiques ont survécu et demeurent, à ce jour, vivantes. Si l’on peut
dire que les Portugais revendiquent toujours passionnément leur héritage
lusitanien, le même est vrai pour les autres peuples jadis celtophones de la
péninsule. Bien que très peu considérés par les érudits de la matière celtique
moderne, les gens de ces pays surprennent et peuvent maintenant être
considérés comme une des branches importantes issues des cultures de
Hallstatt et de La Tène. Si vous désirez vous tourner vers la pensée des
druides antiques, c’est dans leurs écrits que vous devez alors plonger. Et c’est
en Ibérie qu’on retrouve la plus volumineuse collection de leurs textes.

Pièce de bronze celtibère imitant l’As romain portant côté face, deux têtes (Janus dieu du
commerce) jointes et coiffées d’un trifolié et côté pile, un navire de type ponton avec le
mat et la voilure repliée portant l'inscription Amor (Amor « amour », rétrograde Roma «
Rome »). Les navires celtibères n’étaient pas très différents des navires armoricains de la
Gaule. L’équivalent celtique du dieu romain Janus était sans doute Lugus Toutatis.

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Un autre fait peu connu est que les Celtes ibériques ont été, non seulement
tournés vers la mer, mais ils avaient, comme leurs cousins Vénètes, les capacités
de prendre la mer de front, ce que leurs voisins du sud tels les marchands
puniques de la nouvelle Carthage et colons philistins de Tartessos hésitaient à
faire. Les Irlandais du haut Moyen Âge se souvenaient de ces faits. Le Livre des
conquêtes d’Irlande décrit justement la venue d’un important contingent de
Celtibères fédérés sous le commandement de Mil Easpain. Ils étaient les
derniers d’une série d’occupants arrivés par la mer tels les Belges (Fir Bolg) et
les Gaulois (Fir Galion) qui ont forgé l'ethnogenèse gaélique ainsi que l'identité
culturelle de l’Irlande.

Qui, en fait, était ce Mil Easpain mentionné dans les chroniques Irlandaises et
dans quelles circonstances at-il décidé d’occuper l’«île d'émeraude»?

L'extrait qui suit, tiré du Livre des conquêtes (chapitre VIII, Les Fils de Mil,
verset 13), décrit très bien les capacités de navigation en haute mer ainsi que la
démonstration de la puissance navale qu’avait la flotte de guerre des Milésiens.

« Par un soir d'hiver, Ith, dos au large, plus loin au nord – arriva de l’est avec
trois fois trente guerriers, jusqu'à ce qu'il avait les côtes d'Irlande en vue. Il met
le cap sur l'Irlande et atterrit au loin sur une côte incertaine. Ils baissent les mats
dans les marais salés et avec Duibne et ses autres frères, débarquent sur la
pointe de Corcu afin de discuter de ce qu’ils avaient vu à leur arrivée. Sur ce,
Brego fils Breogan, déclare qu'il n’avait perçu aucune terre, mais qu’un épais
brouillard venant du ciel qu’il cherchait à éviter. Ceci étant dit, Ith avoua qu'il
n’ait pu en aucun temps l’éviter et que cet habile pilote avait décidé de
reprendre le large pour lancer son navire sur la mer en contournant la côte
d'Irlande. Et c’est avec jusqu'à trois fois cinquante guerriers qu'ils débarquèrent
dans le golfe de Mag Itha (Loch Foyle, à l’embouchure de la Foyle, près de
l’actuelle Londonderry), sur le côté nord de l'Irlande. » (Traduction de l’auteur)

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Les principales zones culturelles et linguistiques de la péninsule ibérique vers 200 av. l’è. c.
indiquant l'emplacement des principales nations et tribus celtiques avec les autres groupes
ethniques y compris les Grecs et les Phéniciens. Liste: les Lusitaniens, les Aquitains, les Grecs,
les puniques (sémitiques) et au Nord, les Vascons ou les Basques (Aquitaine).

Étymologies des ethnonymes

Ibère

L’ethnonyme Ibère a été sujet à de nombreuses interprétations et


propositions étymologiques et ce, parfois contradictoires. Certains lui
accordent une origine non indoeuropéenne alors que d’autres la reconnaissent
contraire. Donc, Eber / Iber, de Eber (r) os, Iber-os, le fleuve divinisé a une
étymologie complexe qui remonte aux origines du peuplement indoeuropéen
dans la région d'où le nom ethnique Iberios ou Eberrios (pl -oi.) pour : «
ibérique, de la rivière Ebros ». Iberos ou Ebros, c’est-à-dire l'Èbre, était un
fleuve divinisé, il est le plus long et le plus puissant des grands cours d’eau
espagnols. Son nom fut donné par les Grecs, puis les Romains, à l'ensemble de
la péninsule et accordé à la nation habitant son bassin fluvial avec toutes ses
ramifications. Il est généralement déclaré que son nom est d'origine basque

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issue d’ibai « rivière » ou encore ibar « vallée »). Ce qui ne contredit pas par
contre un étymon indoeuropéen, car Ibar est le nom d’une rivière de Serbie et
l’Ebrach ou Eberbach un cours d’Allemagne, sans oublier l’Irwell, une rivière
d’Angleterre. Ce nom est également très proche du celtique Iber < Iuer, «
rapide, preste ».

Nation ou Tribu Étymologie et définition Territoire

Astures Asturioi « montagnards »; Astura Asturias et le León


< Adstutaura « haute terre » (Espagne du Nord) et
l’ouest de Trásos
Montes (Portugal)
Bletonesii Blettonesioi « ceux de la forêt de Salamanca (Espagne).
mélèzes »; Bletto < Mletto « mélèze
»
Bracari Braccares, Braccarioi « ceux de Braga (Portugal).
Braccara »; Braccara « des
brèches ».

Callaici ou Callaicoi / Calloicoi « Callaïque, Gallaecia (Espagne et


Gallaecians Galicien »; Gallaicoi / Galloicoi « Portugal).
des puissants ».

Cantabri Cantabroi / Cantabrenoi « ceux Cantabria, Asturias et


de la lime »; Cantabria « frontière une partie de Castille-
». Léon (Espagne).

Carpetani Carpetanoi « ceux de la forêt de La Meseta centrale


charmes »; Carpetania > d’Ibérie (Espagne).
Carpitania « boisé de charmes ».

Celtiberi Celtiberoi « les Celtes, gens Iberie, Meseta centrale


nobles et élevés »; les Celtes de (Espagne).
l’Èbre »; Celt- « noble » + Iberos «
l’Èbre divinisé »; Ebros « brutal,
violent ».

Celtici Celticoi « les Celtiques, de Alentejo et Algarve


noblesse ». (Portugal).

Coelerni Coelerinoi > Coelernoi Region de Chaves,


Braga (Portugal et
/ Coilerinoi > Coilernoi « les Ourense en Espagne.
devins, les prophètes ».

Cunetes et Conii, Cunetes « chasseurs avec chiens Algarve et Alentejo


Coniaci »; Conioi « du recoin »; Coniacoi / inférieur (Portugal);
Coniscoi « ceux du recoin ». probablement de
langue protoceltique
Tartessienne.

Equaesi Equaesoi / Ecuaesoi « les Minho et Trás-os-

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cavaliers, chevaliers »; Ecuos / Montes (Portugal).
Equos « cheval ».

Grovii Grouoi > Gruuoi « les graveleux ». Minho (Portugal) et


Galice (Espagne)

Iburoi / Eburoi « les sangliers » Trás-os-Montes


Iburri et Ebores (Portugal)
Ebores « d’Ebora (Evora) »; Ebora
« prunelier ». Région d’Alentejo,
Portugal du Sud

Ilergetae Ilergetes < Elergetes < Elercetes « Vals du Sègre et du


gens des marais »; Cinca dans le bassin de
l’Èbre (Nord-est de
Ilercos / Elercos / Elarcos / l’Espagne).
Alarcos « cygne ».

Interamici ou Interamicoi < Intamaricoi « ceux Trás-os-Montes


Tamaricoi de la vallée de la Tambre »; (Portugal),
Tamaricoi « ceux du Rio Tambre
»; Tamara « qui enfle ». Rio Tambre, province
de Coruña,

(Portugal).

Leuni Leunoi « ceux de pierre ». Minho (Portugal).

Limici Limicoi « de Lima »; Limia « terre Minho (Portugal) et


inondable ». Galicia (Espagne).

Luanqui Luancoi « ceux comme la pierre ». Trás-os-Montes


(Portugal).

Lusitani Lusitanoi « montagnards ». Portugal, du fleuve


Douro et
d’Extremadura
(Espagne); zone
dialectale lusitanienne.

Lusones Lusones « les mangeurs de Guadalajara (Espagne).


légumes ».

Morecani Morecanoi « les maritimes ». Nord de l’Espagne,


Cantabrie, province des
Asturies de l’Est sur la
côte atlantique.

Narbasi Narbacoi < Neruacoi « les Minho (Portugal) et


vigoureux ». Galicia (Espagne).

Nemetati Nemetates « ceux des sanctuaires Minho (Portugal).

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».

Oretani Oretanoi / Orietanoi « les Est de La Mancha,


orientaux, ceux d’Oreton »; d’Andalousie et de
Oreton, l’actuelle Oria, ville de la Múrcia (Espagne).
province d’Almeria en Andalousie.

Paesuri Paesures < Posdurioi « au-delà région du Douro et de


d’Uria »; Uria, de fraicheur, de Vouga (Portugal).
verdure ou de pureté »; l’actuelle
Fonte de Ouria près de
Cabeceiras de Basto, district de
Braga, Portugal

Quaquerni Cuacernoi / Cuarcernoi « geules Minho (Portugal).


de chauldron »; Cuarios
“chaudron” + cernos « machoire,
gueule ».

Seurroi / Seurboi « ceux de Minho (Portugal).


Seurbi Sarria »; Sarria « les pouces ».

Tamagani Tamaganoi « ceux de Tamaga »; Chaves (Portugal).


Rio Tamega, un tributaire du
Douro de Galicie vers le Portugal
où se trouve la ville de Chaves.

Tapoli Tappoles « les frappeurs, Du Tage, frontière du


marteleurs ». Portugal et de
l’Espagne.

Tartessos, forme hellénique du Province de la Bétique,


Tartessoi protoceltique Turđates < vallée du Guadalquivir
Turdates « ceux de Trurđa > (Sud de l’Espagne).
Turtha; Turtha « hauteur, haut
lieu ».

Tittoi / TitӨoi « les vengeurs ». Milieu des vallées de


Titti Jalón et de la haute
Tajuña (Espagne
centrale)

Turduli Tuduloi « ceux des tertres, des Vallée de la Guadiana


monticules «. (Portugal) et de
l’Extremadura
(Espagne).

Turduli Veteres Ueteres < Uitires « les présences Douro (Portugal).


».

Turdulorum Oppida Forme latinisée de Turdulion Estremadura


Dunon « oppidum des Turduli ». (Portugal).

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Turodi Turodoi « des hauteurs, des Trás-os-Montes
collines, des tertres ». (Portugal) et Galicie
(Espagne).

Vaccaei Uacoecoi « les habitants du désert Ibérie centrale, région


». de Meseta (Espagne).

Vettones Uettones < Uectones « les Ávila et Salamanque


combattants aventureux ». (Espagne).

Zoelae Solilioi « les accomplis, les très Trás-os-Montes


complets ». (Portugal).

Site archéologique de la Citânia de Briteiros sur les hauteurs du mont São Romão près de la
localité São Salvador dans la région de Guimarães. Le site est caractérisé par la civilisation des
Castros qui remonte à l'époque de La Tène, Âge du fer. Gravure numérisée d’après une photo
de Portugal tourisme, URL : http://portugaltourisme.free.fr/thema/lusitanos.htm.

La romanisation des royaumes celtibères


Lors d’un colloque sur la romanisation de la péninsule ibérique, le
professeur Simon Keay a fait valoir que l'idée généralement acceptée de
la romanisation intégrale de l'Ibérie est erronée. Comme nous allons

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voir, ce constat se confirme largement par les données épigraphiques.

De fait, les archéologues sont venus à comprendre les identités très


profondément enracinées des communautés ibériques que l’on peut
grossièrement regrouper en cinq grandes confédérations ethnoculturelles, les
Vascons ou Basques, que l’on confond souvent avec les Ibères au sens propre,
les Celtibères, les Turdétans ou Turdules, les Lusitaniens et les Grecs. Les Grecs
semblent avoir joué un rôle durable comme agents civilisationnels. L'influence
hellénique a marqué l’identité ibère bien avant celle de Rome. Elle précède
l'influence romaine de sorte que le terme « romanisation » peut ne pas être celui
qui convient dans ce cas précis. De fait, les Celtibères du centre, ainsi que les
Vascons celticisés du nord étaient beaucoup plus difficiles à pacifier que les
Turdétans clients des comptoirs puniques de la côte méditerranéenne
environnant les colonnes d’Hercule. Même s’ils avaient compris les faiblesses
de la stratégie défensive de leurs cousins gaulois de Cisalpine et de Narbonne,
il a fallu cent cinquante ans aux Romains pour réprimer les rebelles des diverses
nations ibériques.

Bref, les Romains ont dû s’investir sur le long terme afin de pacifier des Ibères
d’autant plus que les autres Celtes continentaux demeuraient une menace pour
le contrôle des côtes de la Méditerranée occidentale qui avaient été pacifiées à
grands frais. Et comme l’affirme Stanislawski, ils étaient tout sauf
complaisants à l'égard de l'autorité présumée qui s’exerçait sur eux («
they were anything but complacent with regard to Roman assumption
of authority over them. »). Sous le commandement de Viriathe (Viriatus <
Uiriatos « porteur de torques ») les armées lusitaniennes ont secoué l’Ibérie tout
entière décimant efficacement les légions romaines sur leur passage. Cet affront
à la puissance romaine d’occupation fut vengé par la capture puis l’exécution
de Viriathe. Quoi que l'on puisse dire du jugement et la sentence finale, nous
devons reconnaître l’efficacité de cette politique. (Dan Stanislawski, 1959)

Comme pour en Gaule et en Germanie, l'influence romaine, un phénomène


culturellement urbain avait du mal à se répandre dans le pagus ou « pays ».

Ou comme l’écrivait Keay :

« L'hégémonie culturelle développée à partir des relations économiques se font


sentir à divers degrés par la sélection d’une élite pragmatique ayant adopté de
nouvelles idées, des matériaux et des concepts développés dans les centres en
plein essor tels : Tarraco, Carthago Nova et Cordoue et ceci, dans le cadre de
stratégies locales en étroite relation avec Rome dans le but de conserver le
pouvoir pendant cette période fortement secouée par l'instabilité politique. »

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Bref, c’est dans ce bouillon de mixité qu’émergera une culture celtique ibérique
renouvelée, à tour, fortement influencée par hellénisme, puis moyennement
par la romanité et plus superficiellement par le mercantilisme punique. Et c’est
dans ce mélange des genres, qui se manifeste dans l'art celtibère tardif (du 1er
au 5e siècle de l’è. c.), que se fait sentir toute la sophistication. La Dame d’Elche
est un bel exemple du raffinement de l’influence hellénique.

Les syllabaires ibériques


Le système d’écriture ibérique témoigne d’une profonde connaissance des
éléments du langage et résulte d’un travail linguistique remarquable. Et comme
le rappelle Joseph Monard, ces systèmes d’écriture résultent du savant travail
des collèges druidiques ibériques. Les écritures ibériques se déclinent à
quelques variantes près selon les grandes régions de la péninsule : nord-est,
nord-ouest, et midi. Les cinq voyelles simples indoeuropéennes sont
parfaitement isolées, puis recombinées avec leurs consonnes. Bien que ce
syllabaire ibérique a des lettres séparées pour quelques consonnes dont : m, n,
l, r, s, z, la plupart des symboles alphabétiques notent des bisyllabes : b/p +
voyelles; c/g + voyelles; t/d + voyelles. Ce système de lettres, bien que lourd
et difficile de lecture, prend moins d’espace sur la surface d’écriture.

Tableau général des écritures ibériques

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Les voyelles longues et rondes sont clairement distinctes: ‘a’ et ‘â’ et ‘o’, ‘ô’, de
même que les voyelles courtes et aiguës : ‘e’ et ‘i’. La voyelle ‘u’ est prononcée
comme en français ‘ou’ et n’est jamais prononcée à la manière de notre ‘u’
comme pour « jus ». L'autre ‘u’ est consonantique et se prononce comme le ‘w’
anglais et jamais comme un ‘v’ romain. Nos linguistes traduisent le ‘ŝ’ ou ‘z’
parfois pour désigner la chuintante ‘ch/sh’ ou pour distinguer la sifflante
sonore ‘z’ de la sourde ‘s’. Cependant, dans la majorité des cas, la lettre dite ‘z’
marque la mutation du ‘d’ vers une sifflante sonore que les Gaulois indiquaient
par le D barrré : Đ. Cette lettre se retrouve aussi dans les oghams irlandais
ainsi : sd > z. Un bon exemple de la mutation du ‘d’ vers le ‘s’ est celui constaté
avec l’évolution du théonyme féminin : Diriona < Điriona > Sdiriona > Siriona
« étoilée ».

Notons que la consonne sourde est systématiquement couplée de sa


contrepartie sonore. Comme pour les autres dialectes celtiques, les labiales
peuvent muter vers les nasales : b > mb, par exemple : bardia > mbardia «
chanteuse, femme barde ».

Enfin, le ‘h’ aspiré de même que le ‘x’ (ch) sont aussi absents des syllabaires
ibériques.

La religion celtibère

Vase celtibère d’Arcobriga illustrant l’arbre du Monde ou l’if


sortant d’un menhir équipé d’yeux en forme d’œufs. Notez
l’arche au-dessus qui représente sans doute la voute céleste
ainsi que le coq à gauche. Les colonnes se présentent comme
deux rus d’où coulent les eaux célestes. La flèche à droite est
peut-être une indication de la progression du soleil. Dessin
numérique de l’auteur d’après une photo du Museo
Arqueológico Nacional de Madrid.

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L’idée que se faisaient les Ibères de la religion commence à peine à se dégager
des nombreux et volumineux témoignages épigraphiques, jadis
indéchiffrables, mais combien riches en détail. Pour les Romains les dieux
n’existent que dans l’esprit des hommes et par les cultes qui leur sont rendus.
Ou encore, que la société humaine est le miroir de l’ordre divin fondé sur la
dialectique de l’échange où le pivot central est l’État. Les Celtes désignaient ce
point de bascule par le terme anauo, l’harmonie de bonne entente.

Par les écrits des auteurs de l’Antiquité, nous avons plusieurs indices qui nous
laissent croire que les druides enseignaient une forme de monisme proche de
l’athéisme. Citons un passage de Strabon (Les Ibères, Livre III, chapitre III,
verset 16) sur les croyances des Celtibères qui l’affirme clairement :

« Cette coutume-là, à vrai dire, et celle de coucher sur la dure existent aussi bien
chez les Celtes que chez les Ibères. Suivant quelques auteurs, les Callaïques sont
athées; mais les Celtibères et les peuples qui les bornent au nord ont une
divinité sans nom, à laquelle ils rendent hommage en formant, tous les mois, à
l'époque de la pleine lune, la nuit, devant la porte de leurs maisons, et chaque
famille bien au complet, des chœurs de danse qui se prolongent jusqu'au matin.
Les mêmes auteurs racontent, au sujet des Vettons, que les premiers d'entre eux
qui mirent le pied dans un camp romain crurent, en voyant les centurions aller
et venir pour se promener, que c'étaient des fous et voulurent les reconduire à
leurs tentes, ne concevant pas que des hommes pussent faire autre chose,
quand ils ne combattaient pas, que de rester en place tranquillement assis ou
couchés. »

Ce commentaire d’Albert Grenier (in Les Gaulois, p. 230) en dit long sur
l’idéologie d’abstraction chez les Celtes :

« Cet art abstrait, pour ainsi dire, et séparé du réel est animé d'un
mouvement désordonné; il ne surprend pas sa fantaisie; il n'en réussit
pas moins à composer des motifs divers dont il joue avec virtuosité. »

Ou encore, suite au pillage de Delphes par l'armée de Brennus en -279 :

« Ce que l'on sait de leurs idées religieuses porte en effet à penser qu'ils
n'ont prêté que très tard sous l'influence gréco-romaine la forme
humaine à la divinité. L'anthropomorphisme grec est une conception
qui leur était primitivement étrangère. Lorsqu'à Delphes ils virent la
statue d'Apollon enfermée dans son temple, ils s'en étonnèrent et rirent
beaucoup, relate Diodore de Sicile. Il est inutile de supposer chez eux,
comme chez les peuples sémitiques, une interdiction religieuse
proscrivant les images. Nous croyons plutôt qu’ils n’en avaient pas
l'idée. Une pierre dressée, un arbre remarquable, peut-être aussi, le
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chenet garnissant le foyer, pouvait être le siège de la divinité invisible
et sans forme. C'est ce que César a pu vouloir indiquer en parlant
d'innombrables simulacres. » (Albert Grenier, Les Gaulois, p. 231-2)

Brennus avance maintenant à travers la Grèce en pillant tout ce qu'il


n’avait pu trouver, mais dégoutté de ce petit butin, il veut s'en prendre
à Delphes où les trésors de toute la Grèce passent pour être rassemblés.
Les historiens accusent évidemment Brennus d'impiété: mais celui-ci
répète à qui veut l'entendre que « les Dieux n'ont pas besoin de trésors
puisqu'ils les prodiguent aux hommes (Justin, XXIV, 6) ». Ce
raisonnement de Brennus est conforme à son attitude le jour où il
pénètre dans un temple : il se met à rire en observant que les Grecs
représentent leurs dieux sous forme humaine (Diodore de Sicile, frg.
XXII.).
(Jean Markale, Les Celtes et la civilisation celtique, p. 96)

Bref, les Celtes percevaient les dieux comme des êtres désincarnés et
lumineux, des formes pensées abstraites. Voilà une conception
archaïque qui nous ramène à l’idée fondamentale indoeuropéenne
voulant que ces entités soient littéralement des « êtres de lumière ».
Les désignations celtibèriques latinisées pour « dieu, déesse » sont
respectivement : deo et dea. Ces termes se comparent au vieil irlandais
dé, génitif dae, et au gaulois deuo et deua. Bref, va pour deo < deuo <
*deuos et dea < deua. Voici quelques-unes des dédicaces portant ces
qualificatifs : Deo Aerno et Deae Ataecinae Turibrigensi Proserpinae.
Le théonyme Deua est attesté dans l’épigraphie (La Griega, Pedraza, Segovia et
Cordoba) dans sa forme latinisée, Deva, qui se rapproche de la Divona gallo-
romaine.
Grâce au plomb de Pujol de Gasset, nous avons un aperçu de
l’eschatologie des druides ibères : « Barque de frêne, par le cri avec le
chevalier, avec le passeur pour Bodua, la corneille, du démentiel, avec
Escusos, espérant du bétail, là avec le vivant. »

C'est-à-dire que, selon le thème général, c’est dans une barque


argentée que le soleil est transporté sur les flots au crépuscule et c'est
dans une barque que l'âme du mort est transportée à son séjour dans
l'au-delà vers les îles des trépas sous les flots au sud-ouest.
N’oublions pas que chez les Germains et les Celtes, le frêne représente
aussi l’Arbre du Monde. Ceci dit, d’autres éléments de la cosmologie
sont décrits dans les textes celtibères :
Tiricantam Bercunetacam tocoitos-cue sarnicio-cue suacom balcez ne
litom.
« Par-delà la circonférence (du monde), le glorieux de la montagne, du
commun et obligation sans culte. »
Qui en jeu de mots bardique précise l’intention du scribe :
Diricantam Bercunetacam tocoitos-cue sarnicio-cue suacom balcez ne
litom.

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« La circonférence étoilée, Le glorieux de la montagne, au commun et
obligation sans culte. »
La conception que les Celtes avaient de l'univers était
indoeuropéenne. Le Cosmos était considéré comme un vaste dôme
couvert appelé, ou couocanton, « l’univers, la voûte du ciel », de
canton, cantos « cent, cercle, chant ». L'univers tout entier, de haut en
bas, était imaginé formé de deux vastes sphères creuses percées
d’étoiles.

Les membres de la classe sacerdotale

La nation des Nemetati (< Nemetates « ceux des sanctuaires ») de l’actuelle


région du Minho au Portugal, formait vraisemblablement une
communauté de gens instruits.
Pour ce qui est de la désignation de type ethnique, le professeur Simón
mentionne l’inscription du sanctuaire de Panóias de Vila Réal qui se lit
comme suit en latin : omnibusque numinibus Lapitearum « à tous les
dieux de Lapitas », et celle de La Milla del Río de León dédiée au dieu
Vagodonnaegus par la Res Publica Asturica, c’est-à-dire la cité
d’Asturica Augusta. Évidemment, Vagodonnaegus est la forme latine du
celtibère Uagodonnaegos « dieu topique de l’enclos brun ». Sans oublier
Igaedus, dieu des Igaeditans. Tout ceci sous-entend la persistance des
dieux celtiques dans l’espace public dominé par Rome. On relève aussi
l’épithète latine Nemedo Augusto, c’est-à-dire Nemedos Augustus, dont
le nom rappelle le Nemed irlandais. Sur un tesson de vase de Liria on
relève le titre Denubardos « barde de protection ». Le plomb Pujol de Gasset,
province de Castellon, confirme aussi l’existence de bardes, en l’occurrence de
femmes bardes : « Les bardesses Cisaba avec Ria, Desinos, chemin efficace,
Ceros d’Aurunos des Beicai ».
Ceci dit, par l’épigraphie nous avons non seulement la confirmation de
l’existence de la bardesse, mbardia (plomb Pujol de Gasset), mais ainsi celle
du barde, puis du druide ou druis (pierre d’Arroyo de la Luz) chez les Ibères
comme ailleurs.
Une mention de la présence tardive druidique est donc attestée par une
inscription de Lusitanie.

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Inscription latine en langue lusitanienne d’Arroyo de la Luz, en, 2e siècle de l’è.c.
d’après un dessin de J.M de la Osa (Wikipedia):
ISAICCID.RVETIVIIID.CARLAE.ENTOM.INDI.NA c … OM … M.

Isaicci Drvetiviiid Carlae entom indi na(c) (…) om (…) m


« D’Isaiccos de druidité (de la qualité du chêne) vis-à-vis de la course,
fin aussi point de crainte ?… »
Isaicci, génitif d’isaiccos < isaccos « sain »;
Drveti, génitif de druetos, druitos « radical drui- < druis « druide » +
suffxe adjectival –tos « qui a la qualité du druide, druidité »; lapsus
volontaire : ruieti < ruietos, rouietos « qui a la qualité du chêne »;
Uiid < ueid, ued vis-à-vis de ; en connotation : ueida> uida « savoir »;
Carlae, forme latinisée du génitif carlai, carla « course à pied »;
Entom, enton « fin »;
Indi « aussi »;
Nac adv. « point de »;
(…) om ? ; en lecture oblique : omna, omno « crainte »;
(..)m ?

En celtibère, la gent de la classe équite se disait caturo, pl. caturoi.


Cette désignation apparait une dizaine de fois dans l’épigraphie de
Callaecie et de Lusitanie sous différentes déclinaisons : Caturic-us/-
a, Caturis ou Caturisa.

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Druide celtibère astrologue?

Détail d’un tesson de céramique peinte


illustrant un prêtre offrant une libation
lors d’un sacrifice religieux. La coiffe
conique ainsi que le grand tablier blanc
rappellent d’autres exemples de l’art
celtique. Dans sa main gauche, il tient
une corne à boire alors que sa main
droite caresse un gallinacé perché sur un
chaudron. Dans l’imagerie antique, le
motif en zigzag représente le plus
souvent l’eau et parfois les sommets
(montagnes et cimes). Chez les Celtes, la
constellation du Cratère était
représentée par un chaudron. Donc, le
coq qui annonce le jour peut être une
des autres attributions du Corbeau
(Corvus) et la corne les étoiles du
Triangle lié aux Poissons. Il s’agit donc
d’une allusion au cycle des eaux
cosmiques décrite dans les diverses
cosmologies indoeuropéennes.

Dessin de l'auteur d’après un dessin tiré


de Celtiberian Ideologies and Religion par
Gabriel Sopeña, E-Keltoi site Museo
Numantino, Soria (Sopeña 1995).

La divinité sans nom des Celtibères

Francisco Marco Simón, de l’université de Saragosse note que


l’existence de la dédicace générique : Diis Deabusque « aux dieux et aux
déesses » confirme l’existence d’un dieu innommé.
De plus, Simón, dans sa monographie intitulée Religion and Religious
Practices of the Ancient Celts of the Iberian Peninsula, relève plusieurs
théonymes que les linguistes ont patiemment tirés de l’épigraphie
ibérique. De cette collection, il remarque deux grandes classifications :
les noms décrivant les qualités et le caractère et les noms toponymiques
ou ethniques appartenant à un peuple ou un lieu donné. La même
constatation peut être faite pour la théonymie gauloise.
Il donne comme exemple les noms de Roudeacus et de Bandua.
Roudeacus, forme latinisée de Roudiacos, « le rougeaud ». La mention
de Roudeacus, dieu tutélaire des Vicani Roudenses, fut trouvée à Casar
de Cáceres alors que celle de Bandua Longobrigu se rapporte à
Longroiva où elle fut découverte (Olivares 2002: p. 249). Ce Mars
celtibère était appelé par les tribus celtes du sud, Neto, « la passion». Le
poète et astronome Macrobis (Saturnalia Livre I, chap. 19, v. 5) le

16
mentionne en rapport aux gens D’Acci (Guadix en Grenade).
Ilurbeda est un théonyme un peu plus répandu, car il se retrouve à
deux endroits : Salamanque et Lisbonne. Ce nom est aussi mentionné
par l’auteur grec Ptolémée dans sa Géographie (Livre II, chapitre VI, v.
56), ce qui laisse penser qu’il s’agit d’une divinité panlusitanienne.

Jupiter

Suivant l’interprétation de César sur le panthéon gaulois, Jupiter, pas plus que
les autres dieux de l’état-major d’ailleurs, n’est jamais expressément nommé. Il
est possible par la lorgnette de l’épigraphie ibérique cependant d’y voir plus
clair. On a retrouvé en Ibérie plusieurs dédicaces à Jove dont : Ioui Ladico (<
Ladicos « frappeur »). On a retrouvé sur le mont Larouco situé sur la frontière
de la Galicie et du Portugal, l’inscription latine Deus maximus Laroucus
« Le haut Dieu Laroucos ». Le théonyme Laroucos est constitué de
l’adjectif lar-os/-a/-on « visible, perceptible » et du suffixe qualificatif
plus ou moins dubitatif –ucos « -ieux », suggérant ainsi : Deuo Laroucos
« Dieu difficilement perceptible ». Un autre théonyme relevé, celui-ci de
San Martín de Trevejo de Cáceres est celui de Deo Optimo Salamati «
Dieu optimal Samatis (issus de : sala « flèche, timon + adjectif matis «
propice ») ». Retenons aussi Iuppiter Candamius dieu titulaire du Mont
Candanedo qui s’apparente étymologiquement au dieu Caendia de la
triade irlandaise des trois Fothads : Aendia, Trendia et Caendia. Une
fois restituée donne : Deuo Candamios (adj. cand-os/-a/-on « blanc » +
suffixe superlatif de relation –amios »). Ce nom apparait aussi sur la
stèle cantabrienne du mont Cildáavc la dédicace : Iovi Deo Candamo <
Deuo Candamos « Dieu très blanc ». Enfin, un certain Salaenus de
Galicie fit ériger un autel en l’honneur de Iovi Optimo Maximo
Candiedoni (< candios « blanc » + donios « homme »). C’est que ce dieu
à la tête du panthéon celtique a trois visages ou aspects. Il faut savoir
que le concept de la trinité est bien celtique, voire indoeuropéen, et
précède de loin la doctrine du christianisme.

"Ils apaisent par un sang horrible le féroce Teutatès, le hideux Esus et,
dans de sauvages sanctuaires, Taranis, aux autels non moins cruels
que ceux de la Diane scythique." (Lucain, Pharsale, I, 444 sq.)

Scolies :
« Mercure en langue gauloise est dit Teutatès… voici comment l'apaisent
les Gaulois : dans un bassin plein d'eau on plonge la tête de la victime
jusqu'à ce que l'étouffement s'ensuive. Pour apaiser Mars qui est Ésus,
la victime est suspendue à un arbre et on l'écartèle. En l'honneur de
Taranis, on brûle des hommes dans un mannequin de bois.

Mars est Teutatès ; sanguine diro fait allusion soit à ce que Mars règne
17
sur les batailles, soit au fait que les Gaulois avaient coutume autrefois
de lui sacrifier, ainsi qu'aux autres dieux, des victimes humaines.
Mercure pour eux, est Ésus c'est du moins sous ce nom que l'honorent
les commerçants. Le maître des guerres et le plus grand des dieux
célestes est Taranis-Jupiter ; on lui offrait jadis des sacrifices humains ;
il se contente aujourd'hui d'animaux. »

Pourquoi dans les scolies cette ambivalence entre Mercure et Mars pour
Ésus et Teutatès ? La réponse est qu'ils sont à la fois un et l'autre, des
aspects d'une même divinité.

« Taranis, dont le nom réapparaît d'ailleurs dans une inscription,


associé comme surnom à celui de Jupiter Taranucnus, Jupiter fils de
Taranis, est donc le grand dieu céleste, bien que ce texte épigraphique
en fasse le père de Jupiter. C'est qu'en effet il est à la fois Jupiter et
autre chose que Jupiter. Il est, comme Jupiter, le dieu tonnant ; le
gaulois Taran paraît signifier tonnerre, mais il est aussi dieu ; des
monuments gallo-romains lui mettent à la main la foudre aussi bien
que le symbole solaire de la roue; une fois même, il tient l'épée : dieu
des batailles, disait la scolie. Il n'a pas la sérénité de Zeus ou de Jupiter,
il est cruel comme saturne et il règne sur les morts comme pluton ou
Dis Pater. » (Albert Grenier, Les Gaulois pp. 292-3)

« Teutatès, Esus et Taranis, forme une sorte de trinité aux personnes


peu définies et facilement interchangeables. Si Taranis a pour domaine
principal le ciel, Ésus et Teutatés, pour leur part, ont la terre. Mais
Taranis règne aussi sur la terre et même sur les morts, comme Ésus et
Teutatès ; il est un dieu de la bataille comme Mars. Les dieux qui ont
été assimilés à Mercure, d'autre part, étaient, comme Mercure lui-même,
les dieux du monde souterrain. Guide des chemins de la terre, Mercure
l'était aussi de celui qui conduit aux Enfers. Trinité également cruelle,
mais de façon différente, trois dieux distincts, mais composant une
même divinité. Ésus se réjouissait du sang ruisselant, Teutatès n'en
voulait pas et on suffoquait ses victimes ; quant à Taranis, c'est par le
feu qu'on lui sacrifiait des hommes. Mais leur nature n'était pas diverse
et ils assumaient indifféremment les mêmes rôles. Leurs autels
pouvaient être réunis dans les mêmes sanctuaires sauvages. » (Albert
Grenier, Les Gaulois pp. 294-5)

Réunis dans les mêmes sanctuaires simplement parce que, comme le


dit Albert Grenier, ils forment une trinité. Pensons au Mercure au
triple visage, un thème récurrent dans l'iconographie celtique. Le plus
exemple sculpté est celui du dieu au triple visage de Reims.
D’après un autre professeur de l’université de Saragosse, Gabriel
Sopeña, les données étymologiques fournissent, grosso modo, une
trentaine de théonymes celtibériques. Par contre, comme le remarque
Sopeña, cette multitude de théonymes locaux ne doit pas porter à
conclure qu’il s’agit d’un panthéon distinct de celui des autres celtes.

18
Le culte aux Matres, à Epona ainsi qu’à Lugus est bien attesté chez
les Ibères.

Chasse fantastique, bronze celtibère du 2e siècle av. l’è. c. de


Mérida, Badajôz. Gravure numérique d’après une photo du
Museé des Antiquités Nationales.

Mars / Mercure
Il est dommage que César ne donne pas les équivalents des dieux
gaulois qu’il nomme en latin dans sa Guerre des Gaules. Par contre,
l’épigraphie gallo-romaine pallie souvent ce manque en donnant le nom
celtique suivant l’épiclèse latine. Force est d’admettre que la distinction
entre les dieux Mercure et Mars n’est pas si clairement établie d’un
panthéon à l’autre. Cette ambiguïté est aussi confirmée par les
inscriptions celtibères. Les celtologues s’accordent généralement pour
faire d’Ogmios, l’équivalent celtique de l’Héracles ou de Mars. Camalus,
une variante du gaulois Camulos et du gaélique Camal est par contre
très répandue en Galicie et en Lusitanie.
Les Guyonvarc’h et Le Roux voyaient en Arghantonios un alias ibère de
ce dieu. Camille Jullian le décrivait ainsi :
« D’émouvants récits circulaient, dans les havres méditerranéens, sur
le roi de Tartessus, Arganthonios, le plus heureux, le plus riche, le plus
vieux des hommes, que les dieux laissaient vivre éternellement, comme
Calypso sa voisine. »
Arganthonios (< Argaton « argent » + suffixe comparatif relatif -ios « plus
»), roi légendaire de Tartessos, est effectivement comparable à Ogmios.
Le nom de son père Gargoris (< Gargorixs, de gargos « sauvage, rude,
grossier » + rixs « roi ») le suggère aussi.
Les dédicaces à Mars, dont celle à Marti Cariocieco (< Cariociecos « sans
reproche ») sont nombreuses.

19
Une des épithètes du Mercure ibère est Deuori, le datif de Deuorixs «
Dieu roi ». Ou encore, en Cantabrie, à El Escorial, une offrande faite à
Marti Magno « Mars le grand », l’équivalent latin de Tilenos ou Tillenos
« celui du ru ».
Lugus apparait en tant que personnage bicéphale dans plusieurs repré-
sentations de la numismatique ainsi que dans la gravure rupestre. On
a retrouvé plus d’une dizaine d’inscriptions concernant Lugus dont celle
des Lugoves : Lugovibus sacrum. L’inscription fut retrouvée à Soria, an-
ciennement Uxama, et se compare très bien à celles retrouvées à Lugo,
Avenches et Nîmes. Sur la face de l’inscription de Botorrita I, il y a la men-
tion d’une certaine Lugonta « la splendide », qui se rapproche de Lugos « éclat,
splendeur », un des attributs de Lugus.
Le culte voué à Lugus par la gent guerrière est essentiellement dualiste.
Par exemple, dans les mythes irlandais, le thème entourant Lug et Balor
en est un d’opposition résultant dans la victoire du dieu-roi et le décide
du dieu Fomoire.
Il est dit que Lugus transcende le panthéon en se situant, par sa
polyvalence technique, hors d'atteinte de l'expérience et de la
connaissance humaine (C. Guyonvarc'h et Le Roux, La société celtique,
1990). Qui plus est, selon Bernard Sergent, Lugus, le roi des dieux se
rapproche à Apollon qui a aussi d’autres noms en lien avec la lumière.
Il s’agit d’une ancienne divinité royale indoeuropéenne que les
Cimmériens appelaient Lugdamos, donc comparable à l’Indra hindou.
Le dieu topique de Duraton (actuelle Segovia), Eburianos (latinisé en
Eburianus) est non sans rappeler Moccos « porc », un des surnoms du
Mercure gaulois Lugus. Eburos désigne à la fois un sanglier et un if. Le
nom se retrouve aussi dans la toponymie lusitaine du sud :
Eburobrittium ou Ebura, chef-lieu des Eburanci, ethnonyme
comparable aux Éburonnes et Eburovices de Gaule.

Gravure rupestre du mont


Peñalba de Villastarde Teruel
représentant le Mercure
bicéphale ou Lugus celtibère.
Source : Gabriel Sopeña, 1995

20
Les hypostases de Lugus
L’épigraphie ibérique mentionne à plusieurs reprises les Lugoues, les
hypostases ou accesseurs de Lugus. Nous savons par la grande inscrip-
tion celtibère de Peñalba de Villastar que l’un de ceux-ci s’appelait Lu-
gouis-Tiasos, c’est-à-dire « l’entité Lugienne ». Il s’agit de créatures qui
se manifestent lors des célébrations et cérémonies en honneur du dieu-
roi Lugus. Chez les Grecs, les Thiases, à l’origine des dévots aux fêtes
bachiques, faisaient partie du cortège de Dyonysos. Et que penser de
cette Lugonta « la splendide, l’éclatante ou celle de Lugos » mentionnée dans
le très long texte de Botorrita 1 ? S’agit-il d’un thiase de Lugus ou d’une de ses
compagnes?

Épigraphie, l’inscription de Peñalba de Villastar

La grande inscription de Peñalba de Villastar (42 cm x 17 cm). Dessin par A. Tovar (1955-1956).
Source : Carlos Jordán Cólera d’après une étude de M. Lejeune (1955).

Translittération
1. ENIOROSEI VTA. TIGINO. TIATVMEI 3. ERECAIAS. TO. LVGVEI 4.
ARAIANOM. COMEIMV 5. ENIOROSEI. EQVEISVIQVE 6. OGRIS.
OLOCAS. TOGIAS. SISTAT. LVGVEI. TIASO 7. TOGIAS

Traduction

« Enioroseiuta, Tiginos à Tiatuma d’Erecaia, lui Luguis Araianos par,


avec, Comeimos avec Eniorosa, Equeisuiquos, Ogris d’Oloca, de Togia,
se place Luguis Tiasos de Togia. »

Analyse morphologique

Enioroseiuta, « se tenant à l’orée », théonyme féminin;

Tigino, locatif « à, dans » de tiginos ; tigos, tagos « chef » + suffixe


diminutif –inos « -in, -inne / -et, -ette »;

21
Tiatumei, datif, comitatif « à, pour, avec » de tiotama < tioutama «
grande ; tiota < tiouta + suffixe superlatif -ama ; en jeu de mots avec
ama « maman, familièrement : mère »;

Erecaias, génitif f. d’erecca, errica ncf « prix de l’honneur »; Erecaia,


nom propre ou théonyme féminin;

To, pronom, « il, lui »;

Luguei, n.p.m. Luguis hypostase de Lugus;

Araianom, accusatif d’arianos < areianos « garde, vigile, surveillant,


limier, policier »; en connotation : ara terre cultivée araia suffixe
d’abstraction -ia < -iia ;

Comeimu, comitatif, instrumental « avec, par » de comeimos « avec


diligence »; préfixe com- « avec » + adj eimis « agile, preste, leste,
diligent » ;
Eniorosei, datif, comitatif, féminin « à, pour, avec » d’eniorosa « à l’orée
» ; préfixe en-, eni- préfixe « en-, in- + radical oro- < oron « colline, orée
», suffixe qualificatif de tendance –osa ;
Equeisuique, ecuaessuicue, vocatif d’equeisuiquos ; equaesuicos « de
santé équilibrée »; ecuos/-a/-on, aecuos/-a/-on équitable, « ajusté,
compensé » + adj. suic-os/-a/-on < suiecc-os/-a/-on « bonne santé » +
suffixe adjectival tempéré –uos < -auos ;
Ogris « froidure » ; théonyme ;
Olocas, génitif d’olloca « entière »;

Togias, génitif de togia « vêtement de dessus, robe masculine,


couverture de chaumière ».

Sistat, v. 3e pers. sg ind.prs « se place »;

Luguei, datif, comitatif, instrumental « à, pour, avec, par » de Luguis «


Lugien »;

Tiaso, radical du n.c.m. tiasos « entité, chose » ; c.f. latin thiasus «


thiase », groupe de créatures qui accompagnent et servent Dionysos
ou Bacchus, une danse célébrée en l’honneur de ce dieu ;

Togias, génitif de togia « vêtement de dessus, robe masculine,


couverture de chaumière ».

Apollon

Le dieu des eaux thermales est mentionné de nombreuses fois dans

22
l’épigraphie celtibère de Las Caldas de Vizella au Portugal tantôt par
Bormanos ou par Bormanicus. Cet ex-voto dédié à Bormanos porte le sigle
latin VTSM pour Votum Solvit Libens Merito, formule qui se traduit par : « Il s'est
acquitté de son vœu (de bon gré) comme il se doit ». Ceci dit, il n’est
exclu que le scribe némète sous-entendait aussi entre les lignes:
Medamos Camal(i) Borm(a)nco Usl(e)m(i).

Medamos « ivre, ivrogne » de Camalos, Camulos « serviteur actif,


factorum, guerrier actif » Bormanos « chaud et effervescent,
bouillonnant », Uxlemos « orme des montagnes ».

Le bronze de Luzaga de Guadalajara, Castille-la Manche, porte


l’inscription : « Arecoraticubos dans la couche du cerf. Remparts à Lutiaca,
pure Barađioca.
Considérable vue à toi Gersebos, ainsi de Uesuos et Beloiocon, la cime et
rochers, cime, place à Gortica, la grisissime, à Caruos, toit chaume en eau à
Gortica. Touiuoregis. »
Le dernier segment de cette inscription : Ueisui Belaiocun-cue pour «
de Ueisuos, l’excellent, et de Belaiocon, le domaine des clairs » est
intéressant.
Cet Uesuos, qui n’est pas sans rappeler la déesse titulaire gauloise de Vésonne
(Haute-Savoie) Uesuna, Uesunna ou Uesonna « excellente en eau », ainsi que
le dieu Uesutios « enjoué ». Cet Uesuos est vraisemblablement le dieu protec-
teur de Belaiocon.
Presque une vingtaine des commémorations funèbres du sanctuaire
vetton de Postoloboso (Candeleda, Ávila) sont dédiées à Vaelicus. Le
professeur M. L. Albertos a proposé en 1966 que l’étymologie de ce nom
nous vienne du vieux celtique *vailos < uailos « hurleur, loup » qu’il
compare au dieu gaulois Sucellus. Ce nom serait alors relié à l’épithète
lusitanienne Endovellicus (forme latinisée d’Endouellicos < endo- /
indo- « fin, ultime », uellicos « amélioré ») désignant ainsi une seule et
même entité divine. Ceci dit, Vaelicus viendrait effectivement de uailos
« loup » + suffixe qualificatif « -icos ». Le culte à Uailicos, s’apparentant
à l’Apollon Lykeios (dieu du loup) grec, était pratiqué par une partie des
populations de Caraeciqum et de Meneticum.

23
Ex-voto à Bormanos

Latin : MedamusCamal Bormnco VSLM

Celtibère: Medamos Camal(i) Borm(a)nco


Usl(e)m(i

Une des nombreuses inscriptions de Galia


dédiée au dieu des sources thermales Bormanos
(forme latine Bormanus) de Caldas de Vizella
(Portugal du Nord). Bormanicos « thermal ». Ce
dieu est attesté en Gaule où il est appelé
Bormanus or Borbanus, « le bouillonnant ». Il
s’agit en fait d’une des nombreuses épithètes du
dieu celte solaire de la médecine. Son nom
gaélique était Dian Cécht (< Diuanno « lumière
éclairante » et Cextos « irrésistible »).

La déesse et les divinités titulaires

La grande Déesse Ana « étang, fontaine » est soit l’allégorie ou la


personnification de la mère en tant que reine, patronne, pour ne pas
dire matrone de la Souveraineté, c’est-à-dire garante du pouvoir sous
toutes ses formes. Elle est en fait la Mara Riga, « la grande reine », Maiia
Matra, la « grande mère », donc la mater materiae, « la mère de la matière
». Ou en termes latins : Mater, mater Magna, la grande déesse. La
Déesse incarne tout ce qui est d'ordre matériel, terre et eau, et
psychologique (eau), de la forme, Delua, et de la pensée, Mana ou
Ménmania. En tant que Matrona ou Diuona, elle est incarnée par les
fleuves et les cours d’eau. Ceci dit, un autel de San Martín de Trebejo
de Cáceres porte une dédicace à Iberus dont le nom se réfère au Rio
Ibor, une petite rivière qui se jette dans le Tage au-dessus d'Almaras. Il
n’est pas exclu qu’il s’agisse en fait d’un nom féminin en –us. À
l’exemple de la Gaule, le culte aux naïades et aux nymphes est bien
documenté. Les Aquae Eleteses, de Retortillo de Salamanque, habitent
la rivière Yeltes de Castille-et-Léon. Les Nymphae Silonianae (propices
à la lignée) sont les déesses titulaires de la Sil et Durius, la divinité du
fleuve Duro.

La grande déesse panceltique Ana est bien attestée par l’épigraphie et


son nom apparait avec celui de Barraeca sur les autels commémoratifs
des cours de la Mérida, nommément le fleuve Guadiana et son
tributaire, la rivière Albarregas. Par un écrit de Laguardia d’Alava, nous
savons que la grande déesse se conjugue aussi au pluriel sous l’épithète
Matribus Vseis < Matriabo Uxeđias « par les Matres ou mères du
sommet ».

24
La Dame d’Elche découverte lors
d’une fouille à La Alcudia est
actuellement conservée au Musée
archéologique national de Madrid.

La coiffe en forme de disques solaires


représente peut-être les cycles
annuels. Il peut donc s’agir de Sailo,
la Suliuia ibère.

Un des théonymes les plus répandus de l’aire callaico-lusitanienne sont


nul doute Reua, Reue, Reus. Le radical reu- est indicatif de « froid, de
gelure et de striure ou de rayure ». Voici le sens de ces noms : Reua /
Reuo « la gelée », Reue < Reuia « l’espace » et au masculin Reus < Reuus
< reuuts « le froid », en connotation avec reuio « héros ». Ce théonyme
est associé aux hauts lieux, montagnes, rus, ruisseaux et autres petits
cours d’eau. La dédicace Rauue Anabaraeco, découverte à Ruanes près
de Trujillo de Cáceres en est d’une autre étymologie : Rauue, accusatif
de rauu-os/-a, rouu-os/-a « chêne rouvre » et Anabaraeco, « qui hante
sans chicanier »; du préfixe privatif an- « sans » + abare-os/-a «
chicanier, chicanière » + suffixe animé –aecos « qui hante ».

Une mention de Palencia sur les Duilliae (< Dulliai « feuilles roulées,
désirs exprimés ») en ajoute un peu plus sur ces nymphes de la nature.

Bref, les théonymes callaico-lusitaniens Bandua, Cosus, Nabia et Reva


sont parmi les mieux documentés de la péninsule ibérique.

25
Tesson de poterie celtibère

Tesson de vase celtibère de San Miguel de Liria (daté vers le dernier tiers du 5 e siècle)
illustrant cavaliers sur montures à tête d'oiseau (source photo, E-Keltoi). Translittération
de l’auteur. Museo Numantino, Soria, Espagne.

Translittération

…OERTeBoNANTiDeNUBaRDe…BoRDeBaRDu
CaREBaIRTeECIAR…PaNITe… CaRToRCeO…ÊRÊDiBa.

BaNuBeCaRPi PaPEBuTu EPiRDeECiATu BeLAU.. BaN. ICE


BaNCuDuRIRADiA

ELBEBEBEBEBER

26
DIABaEABaSDiBaA

CoELÊLI.. (?)

« … Pour la valeur collective, les aventures de guerre, O Denubardos.


Maladroit pour le barde, cher ami, la naissance, je payais, pendant que toi
Cartorceo, Êrêdiba, la veilleuse de nuit avec les porcs du charme, chaque fois
il a été cavalier par la sortie du gué. Dieu topique, source du ferme, il déclare à la
haute montagne à castor. Diabea au Sid mourir. »

Rouelle : « Le plus devin, augure absolu ».

Traduction

…OERTe BoNANTi DeNUBaRDe …

(U)oerte, accusatif de uertos « importance, valeur »;

Bonanti, génitif de bonantos « val à vaches »; bo- préfixe relatif aux bovins +
nantos « val ».

Nanti, génitif de nantos « val » ; vocatif de nantis « aventure guerrière ;


Nantos, dieu « de guerre »; »

Denubarde vocatif de denubardos « barde de protection »; denu < denus


"espace, le temps, l'intervalle"; denus « protection » + bardos « barde»;

(U)oertebo nanti denubarde « … pour la valeur collective, les aventures de


guerre, O Denubardos … »

(U)oerte bonanti denubarde « … pour la valeur collective relative au val à


vaches, O Denubardos … »

BoRDeBRDu
Borde / Borte, vocatif des adj. bord-os / -a / -on « maladroit, benêt »; bort-os
/ -a / -on "couper, mettre en pièces »;

Bardu, datif, comitatif ou instrumental « à, pour, avec, par, par le moyen » de


Bardos « barde, poète épique »;

Borde bardu « maladroit pour le barde »

CaREBaIRTeECIAR…
Care, vocatif de caros « ami cher »; adj, car-os/-a /-on "cher";

27
Bairte < berte, vocatif de bertos « naissance »; adj. bert-os / -a / -on «
garniture, magnifique »;

Eciar < eciar, mode déponent (médiopassif), indicatif imparfait, 1re pers. sing.,
eco v. «payer»;

Care bairte eciar « cher ami, naissance, je payais »;

PaNITE...
Pani-te, préposition pani « pendant que » + te « toi »;

Pani-te « pendant que toi »

CaRToRCeO ...

Cartorceo < Cartorcios < Carto-orcios « » ; cartos adj. « nettoyé » + orcios «


tueur »; en jeu mots avec torcos "élément tressé, torc, sanglier »; nom
personnel Cartorcios ;

ÊRÊDiBa.
Êrêdiba < aeredibo / aeredebo « à, pour, avec les veilleuses » ; datif / locatif/
comitatif / collectif féminin d’aereda « veilleuse de nuit »; au masc. aeredos «
veilleur de nuit «;

BaNuBeCaRPi BAPEBuTu EPiRDeECiATu BeLAU..


Banube « avec, à, dans, par les cochons »; comitatif / locatif / instrumental /
collectif / masculin de banuos « cochon »;

Carpi, génitif de carpos, nom botanique « charme »;

Pape, adv. « chaque fois »;

Butu < buto, v., 3e personne du sing. ind. prf « a été » ; butô, v. «
attribuer »;

Epirde < epirede, vocatif de epiredos "cavalier, coureur";


Eciatu < ec-iatu datif/ comitatif / instrumental « à, pour, avec, par, par le
moyen de, la sortie de brèche, passage » ; ec- / ex- « de, sorti » et iatus «col,
passe ; iatos « brèche de passage, gué »;

Belau < belauo / beleuo "lueur, luminescence";

Banube carpi pape butu epirde eciatu belau « avec les porcs du charme

28
chaque fois il a été cavalier par la sortie de brèche ».

BaN. ICE BaNCu DuRI RADiA


Ban < ban < band- bandu, dieu topique celtibère, patron »; ban-os/-a/-on «
blanc (de teint), pâle »;

Ice / ‘n ige «source, fontaine », du vocatif d’icos « source »; ico, igo n.c.f. «
eau de source »;

Pani-ce « pendant que ceux »; pani, conjonction « pendant que » + ce,


démonstratif masc. pl. « ceux, ces »;

Bancu, datif/ comitatif / instrumental « à, pour, avec, par, par le


moyen » de bancos « morue »; ‘bancos < abancos « monstre aquatique,
gros castor »;

Duri, génitif de l’adj. duros « dur, ferme »;

Radia < radia, radiô « il ou elle assure, déclare, garantie », v. actif 1re
pers. ind. prés. « parler, exprimer, assurer, garantir » ; v. radô «
déclarer, assurer, garantir »; v. radimi « parler, s’exprimer »; redia «
espace libre »; radomi v.d. débattre, délibérer »; radu n.c.f. « débat,
déclaration »;

Ban. Ice bancu duri radia « Dieu topique, source du ferme, il déclare ».

Pani-ce bancu duri radia « Pendant que ceux du ferme, il garantit,


assure ».

ELBEBEBEBEBER
Elbe <vocatif de albos / elbos « haute montagne »; albebi / elbebi, pl. datif,
comitatif ou instrumental de Albos / elbos « pour, à, avec, par »;

Pe conjonction « que »;

Beber <beber / biber « castor »;

Elbebe Beber « à la haute montagne à castor ».

Elbe pe beber « haute montagne, que castor ».

DIABaEA PA ShDiBaA

Diabea < diabia ; di- préfixe de séparation « enlevé, sorti, coupé » +


abia > auia, auuia « oyat, roseau des sables »; diapia « sortir de l'eau, se
précipiter de l'eau »; Diabea, nom propre ou théonyme féminin;

29
Pa pronom locatif « où, au, là où »;

Shdi < Sidi, génitif de sidos « résidence, l’autre monde »; sedos / sidos «
tranquilité »;

Baa < batu, batus « mort »; v. baati, 3e pers. ind. prés. « il ou elle meurt » /
baami « mourir »;

Diabea pa sidi baa « Diabea au Sid mourir »;

Rouelle :

CoELÊLI…

Coelêli(..) < coilelios « le plus devin, augure absolu ».

Tesson du vase de San Miguel de Liria.

(...) -eci. / -egi. ? ;

Ace, vocatif d'acos « champ »; -acos


suffixe pour noms ethniques;

Garba adj. « dur, rugueux, rigide,


grossier »;

Picir <piciros, pl. piciroi « petit, petite


personne»;

(...) Eci. (...) As garbapicir

30
Botorrita I

La plaque de Botorrita I fut découverte en 1970. Il s'agit de la plus longue inscription en langue
celtibère consistant de 20 lignes de texte recto verso. (source des images : Wikipedia)

Translittération

A.1. D/Tiricantam bercu/bergunetacam to-coitos-cue sarnicio-cue suacom


balcez ne litom
A.2. Necue [u]ertaunei litom ne-cue taunei litom ne-cue masnai dizaunei
litom soz aucu
A.3. Arestaio tamai uta oscues stena uerzoniti silabur sleitom conscilitom gabi
zeti
A.4. cantom sancilistara otanaum to-coitei eni: uta oscuez boustom ue
coruinomue
A.5. macasiam ue ailam ue ambidisedi camanom usabituz ozas sues sailo
custa bizetuz iom
A.6. asecati ambitincounei stena es uertai entara tiris matus tinbituz neito
tiricantam
A.7. eni onsatuz iom ui-listas titas zizonti somui iom arznas bionti iom
custaicos

31
A.8. arznas cuati ias ozias uertatos ue temei ue robiseti saum tecametinas
datuz somei
A.9. enitouzei iste ancios iste esancios uze areitena sarniciei acainacubos
A.10. nebintor tocoitei ios ur antiomue auzeti aratimue decametam datuz iom
tocoitoscue
A.11. sarniciocue aiuizas combalcores aleites iste icues ruzimuz abulu
ubocum

B.1. lubos counesicum melnunos bintis letontu litocum


B.2. abulos bintis melmu barauz anco lesunos bintis
B.3. letontu ubocum turo bintis lubinaz aiu bercanticum
B.4. abulos bintis tirtu aiancum abulos bintis abulu louzocum
B.5. uzeisunos bintis againaz letontu uicanocum suostuno-s
B.6. bintis tirtanos statulicum lesunos bintis nouantutaz
B.7. letontu aiancum melmunos bintis useizu aiancum tauro [bin]/tis
B.8. abulu aiancum tauro bintis letontu leticum abulos bintis
B.9. [ ]ugontaz letontu esocum abulos bintis

Traduction

« Par-delà la circonférence (du monde), le glorieux de la montagne, du


commun et obligation sans culte.

Non pas avec Uertauna, rite de bon augure, pas avec Tauna, rite de bon
augure, aux deux Masnia, avec Disauna, rite de bon augure, ce pour Aucos.

S’arrêter les troncs coupés, émondage, taille, les extensions, il gagne de


l’argent à fendre, rite de la taille tu acceptes ceci durant.

Chant de la devineresse du blâme de celles du refus de ce qui est avec terres


en broussailles dedans. Émondage d’essart pour l’étable, trop peu de vin de
corme.

À celui du terrain muré, celui du plessis, tout autour du Sid (la résidence de
l’Autre Monde) du sommet voûté au-dessus du Monde, Osa, vous le Soleil,
protection, qu’il soit celui qui s’adresse à l’entourage des aimables chefs,

32
l’étendue hors des tertres funéraires entre au-delà Matus du Tinbitus, le
monde aimable, la force héroïque par-delà la circonférence.

En Olsatos, trop de Lista, de Tita, qu’il donne à Samuis, celui qui est de la
haute, qu’il soit le protecteur.

D’Arđna à Cuatos, elle qui d’Osia, Uertatos, pour Tema, trop peu elle sera,
que je sois Tecametina, cession définitive pour elle-même.

En la communauté, cet Ancios, cet Esancios, ultime sillon, les deux avec
obligation plaisante, victorieux.

Ne sont pas tenus ceux du communautaire, il, le feu sacré, trop de fortune,
Aratimuos, dixième, cession définitive celui qui vient du commun aussi.

Et obligation pour toujours à Combalcoris, Aleitis, Icouis, Roudimus, avec


Abulos à Uboncom.

Ami à Counescios Melnunos, lien avec le côté du domaine du rite religieux.


Abulos, lien avec Melmos, défense crochue, lien.

Letontos d’Ubocom Turo, lien de Lubina pour Aios de Bercanticom.

Abulos, lien pour Tirtos, sorbier, lien pour Abulos, Loudocom.

Uđeisunos, lien d’Againa pour Letontos, à Uicanocom, aubergiste.

Lien, Tirtanos à Statulicon, Lesunos, lien de Nouantuta.

Pour Letontos, à Aiancom, Memunos, lien à Useisus, Aiancom dans la


montagne, lien.

Pour Abulos, à Aiancom Tauro, lien pour Letontos, à Leticom, Abulos, lien.

À Lugonta, pour Letontos, à Esocom, Abulos, lien. »

Analyse morphologique

Face A
Ligne 1 :
Tiricantam / Tiricanton « par-delà la circonférence, le monde; préfixe tiri- «
par-delà », préposition tiras, + canton « circonférence, canton », canto chant
(bord), frange, coin»; en jeu de mots avec : Diri < gén. diros « idoine, adéquat

33
»; dirio « étoile »; Diricantam / diricanton < diriocanton > ðiricanton «
circonférence étoilée », le monde astral;
Tiri < gén. adj. tiros/teros/taros « prompts »; tiros/teros « terre sèche »;
diri- > ðiri- « astral »;
Cantam < cantom / canton / candon « cent »;
Bergu n.c.f. « entassement, monticule, butte, mont »; berga n.c.f. « mont,
montagne »;
Netacam / netacon n.c.n. « glorieux, brave, héroïque »;
Bergunetacam / bergunetacon ; théonyme neutre de Bergunetacos « le
glorieux de montagne »;
To-, préfixe de transivité « à, vers » + adj. masc. coitos « commun » ;
coita adj. « communaire »; n.c.f. tocoita « celui du communautaire »;
to- préfixe de transivité, idée de mouvement + coita n.c.f. «
communautaire » ;
Cue < -cue « et »;
Sarnicio < sarnicios, « obligation »;
Cue < -cue « et, aussi »;
Suacom < suaccom / suaccon adj. n. de suaccos « prompt, rapide »; suaccu,
adverbe ou locution invariable « d’emblée, illico »;
Balcez < balces, neutre de balcis « forts, orgueilleux »;
Ne, « non, ne, ne pas »;
Litom / liton n.c.n. « culte faste, rite de bon augure »;
Ne litom, loc. « pas de culte »;

Diricantam Bercunetacam tocoitos-cue sarnicio-cue suacom balcez ne litom.


« La circonférence étoilée, Le glorieux de la montagne, au commun et
obligation sans culte. »

Tiricantam Bercunetacam tocoitos-cue sarnicio-cue suacom balcez ne litom.

34
« Par-delà la circonférence (du monde), le glorieux de la montagne, du
commun et obligation sans culte. »
Ligne 2 :
Necue < ne-cue « non inclus, ne, pas, sans »;
Uertaunei, comitatif, instrumental féminin « avec, par, » de uertauna «
valeureuse »; uerta « valeur »; uert-os/-a/-on « contre, opposé » + -aun-os/-a
adjectif qualificatif « »; Uertauna, prénom féminin ;
Litom / liton n.c.n. « culte faste, rite auspicieux »;
Necue < necue / nepue, conjonction « ne, pas »;
Taunei, comitatif, instrumental féminin « avec, par » de tauna « massif
(montagneux) »; Tauna, prénom féminin ;
Litom / liton n.c.n. « culte faste, rite de bon augure »;
Ne cue < ne-cue « non inclus »;
Masnai < masniai, pluriel ou duel accusatif adlatif « à, vers » de masnia «
mousse, tourbe »; Masnia, prénom féminin ;
Dizaunei < diðaunei / disaunei, comitatif, instrumental féminin « avec, par »
de diðauna / disauna « ; + -aun-os/-a adjectif qualificatif; ou peut-être de
didanô v. « consoler »; Disauna, prénom féminin :
Litom / liton n.c.n. « culte faste, rite auspicieux »;
Soz < sos/so « ce, cette »; si ce n'est sosin « cela »; Sogi < sogi- / segi- « plus
fort, vainqueur »; sogiaucu, datif de sogiaucos « fort agile » ?;
Aucu < aucu datif, comitatif, instrumental « à, pour, avec, par » de aucos «
agile »; Aucos, prénom masculin ;

Necue [u]ertaunei litom ne cue taunei litom ne cue masnai tizaunei litom
soz aucu.
« Non pas avec Uertauna, rite de bon augure, pas avec Tauna, rite de bon
augure, aux deux Masnia, avec Disauna, rite de bon augure, ce pour Aucos. »

35
Ligne 3 :
Arestaio, v.c. « s’arrêter » ; arestamen « arrêt, halte, pause »; aresta « foi »;
Arestaiotamai, pluriel ou accusatif, adlatif duel « à, vers » d’arestaiotama «
arrêt suprême » au pluriel, arestaio + tama < -tamos/-a/-on suffixe superlatif
« suprême »;
Tamai < tama / tamo « pièce coupée, morceau » pluriel ou accusatif, adlatif «
à vers » de tama « »; tamon « billot, tronc d’arbre coupé »;
Uta n.c.f. émondage;
Oscues < oscues, génitif de oscué/oscua n.c.f. « taille, essart »
Stena pl. de stenon n.c.n. « étendue, extension »
Uerzoniti < uersoniti, uer- « super » + soniti v. 2e pers. sg ind.prs «
il/elle gagne » du v. sonimi « gagner »;
Silabur < silaburon > silubron n.c.n. « argent (métal) »;
Sleitom / sleiton, n.n.c. accusatif, adlatif neutre « à, vers » de sleito < sleiton «
fente, rupture » (cf. proto-germanique *slītana v. « fendre, glisser, insérer,
déchirer, rompre »);
Conscilitom / consciliton « rite de la taille »; conscilô v. « débiter, tailler,
émonder »+ litom / liton n.c.n. « culte faste, rite faste »;
Gabi, 2e pers. sing. imp. prés. « tu acceptes » :
Zeti seti, préposition « pendant durant » au génitif.

Arestaio tamai uta oscues stena uerzoniti silabur sleitom conscilitom gabi
zeti.
« S’arrêter les troncs coupés, émondage, taille, les extensions, il gagne de
l’argent à fendre, rite de la taille, tu acceptes ceci durant. »

Ligne 4 :
Cantom / canton « cent »; canto/canton « chant, bord, frange, coin,
circonférence »;

36
Sanci «de la devineresse»; sanca n.c.f. devineresse, pythonisse ;
Listara « de blâme » ; listo n.c.f. réprobation blâme, listu n.c.f. répulsion,
aversion + suffixe féminin de relation –ara. –ra ;
Otanaum, génitif pluriel de otana < uotana « celles du refus, de l'abstention »;
uota n.c.f. « refus, abstention » + suffixe de propriété féminin -ana; nom
propre ou théonyme féminin Otana < Uotana;

To-coitei, comitatif « avec brousses, landes en broussaille »; to, pronom « il,


lui »; to, démonstratif « celui-ci »; to, datif singulier du pronom relatif-démonstratif
neutre de tod « ce-qui est »; to-, préfixe de transitivité « vers » + coita, au
féminin pluriel; c.f. caiton « lande ou brousse plus ou moins arborisée »;

Eni / en / in « en, dans »;


Uta, n.c.f. « émondage »;
Oscuez < oscues, génitif de oscué/oscua n.c.f. « taille, essart »;
Boustom / bouston, accusatif sing. de boustos « étable »; si ce n'est :
Boustomue, accusatif de Boustomuos « celui qui est de l'étable »; boustos, acc.
sg. boustom, « étable » + -ue, accusatif du suffixe m. -uos;
Ue < aue, adv « trop, trop peu »;
Coruinom / Coruinon, accusatif singulier de Coruinos n.p.m. « petite corme
»; coru- < corua « corme » + suffixe diminutif -inos »; si ce n'est : Coruinomue,
accusatif de Coruinomuos « celui du vin de corme »; corua / cerua / corma «
corme, boisson de corme » + uinom / uinon n.c.n. « vin » + -ue, accusatif du
suffixe m. -uos;
Ue < aue adv « trop, trop peu ».

Cantom sanci listara otanaum to-coitei eni: uta oscuez boustom ue


coruinomue.
« Chant de la devineresse du blâme de celles du refus de ce qui est avec terres
en broussailles dedans. Émondage d’essart pour l’étable, trop peu de vin de
corme. »
Ligne 5 :

37
Macasiam / macosiam, accusatif /adlatif singulier « à, vers » de macasia «
terrain muré »; si ce n'est : Macasiamue / macosiamue, accusatif de
Macasiamuos « celui du terrain muré »; macasia / macosia n.c.f. « terrain
muré », acc. adl. sg. macasiam/macosiam + -ue, suffixe accusatif de -uos;
Ue < aue adv « trop, trop peu »;
Ailam / aeilam accusatif / adlatif de aila « plessis »; si ce n'est : Ailamue,
accusatif de Ailamuos « celui du plessis »; aila < aeila n.c.f. « plessis »;
acc./adl. sg. ailam + -ue, accusatif du suffixe m. -uos;
Ue < aue adv « trop, trop peu »;
Ambidisedi « tout autour, sortit du lieu de calme, du Sedos »; ambi- préfixe
circum-, amphi- « autour, tout autour, des deux côtés » + préfixe privatif di- «
sorti de, dé-, dis-, dys- » + sedi, génitif de Sedos / Sidos n.c.m. « lieu de calme,
l'Autre Monde ; sedos/sidos/sodios n.c.m. « tranquillité, calme »;
Camanom « du sommet voûté » ; cam- + -anom / -anon suffixe neutre
d'appartenance; camon/camom n.c.n. « bière, cervoise »; cama/camo, n.c.f. «
monticule arrondi, sommet voûté, bombé, hauteur à sommet arrondi »; cama,
n.c.f. « litière, lit, couche, couche de matériau, de gravois, de paille »;
Usabituz < Uxsa-Bitus « au-dessus du monde »; < uxsa-/ uxsu- « sur, au-
dessus » + bitus « monde »;
Ozas < osas « du ru, de l'eau de rivière »; génitif de Osa, déesse du ru »;
Sues, acc. pl. du pronom suis « vous »;
Sailo / Saulo < Saualis < Sauelia, nc.f. « Soleil »; cf. n.c.m. Saulos < Saulios <
Sauelos « Soleil »;
Custa, n.c.f. « défense, garde, protection »;
Bizetuz < bisetus < biset + -tus impératif du verbe être « qu'il soit »; cf. gaulois
biietutu, v. être à la 3e pers. sg. / biiontutu v. être à la 3e pers. pl.; biont + -tutu
< -tutus (-s < -es cf. vieil irlandais -é « lui »);
Iom, acc. sg. du pronom ios « le, celui-qui, celui-que »;

38
Macasiam ue ailam ue ambidisedi camanom usabituz Ozas sues Sailo custa
bizetuz iom.
« À celui du terrain muré, celui du plessis, tout autour du Sid (la résidence de
l’Autre Monde) du sommet voûté au-dessus du Monde, Osa, vous le Soleil,
protection, qu’il soit celui qui… »

Ligne 6 :
Asecati « qu'il s'adresse à », 3e personne du sing. du v. asecô < adsecô «
s'adresser à, dire à »;
Ambitincounei « autour des aimables chefs »; ambi- préfixe circum-, amphi- «
autour, tout autour, des deux côtés » + tincounei pl. ou vocatif pl. de
tincounos « fins chefs »; adj tin/-os/-a/-on « délicat, fin » + adj. coun/-os/-
a/-on « aimable, gracieux, joli, charmant, chef »; en connotation avec tinc/-
os/-a/-on « luisant, lustré »;
Stena, pl. du n.c.n. Stenon « étendue, extension »;
Es / ex < exs, préposition « hors de, hors »;
Uertai, pl. du n.c.f. uerta « retournement »; uerta « valeur, mérite »;
uerta/uerto « dolmen sous tumulus, sépulture close de pierre, tertre
funéraire»;
Entara < entar / intar, préposition « entre »; si ce n'est entar + atiris / ateris <
atirixs « vraiment roi »; préfixe ati- / ate- > ad- « très, vraiment »;
Tiris / tiras préposition « par-delà, au-delà »;
Matus, n.c.m. « ours »;
Tinbituz < tinbitus « monde fin, délicat », préfixe diminutif tin-, adj. tin/-os/-
a/-on« petit, fin, délicat »; bitus / bitu « monde, le monde vivant »;
Neito > Neto « force, force armée, force héroïque », théonyme masculin;
neitos/nets > nes « héros » neits « meneur »;
Tiricantam / Tiricanton « par-delà la circonférence, le monde; préfixe tiri- «

39
par-delà », préposition tiras/tiris, + canton « circonférence », canton, canto «
chant (bord), frange, coin ».

Asecati ambitincounei stena es uertai entara tiris matus tinbituz neito


tiricantam.
«…s’adresse à l’entourage des aimables chefs, l’étendue hors des tertres
funéraires entre au-delà Matus du Tinbitus, le monde aimable, la force
héroïque par-delà la circonférence. »

Ligne 7 :
Eni / en / in « en, dans »;
Olsatuz < olsatuđ < olsatude, élatif, causatif « venant de, par, à cause
de » d’olsatos « relatif au rocher »; olsos, alsos n.c.m. « rocher, barre
rocheuse, pente rocheuse, falaise, précipice » + suffixe adjectival ou
participe -tos ; Olsatos, nom propre ;
Iom, acc. sg. du pronom ios « le, celui-qui, celui-que » ;
Ui- préfixe, c.f. ue- « trop »;
Listas, génitif du n.c.f. lista « ornière, creux, sillon, sentier »; Lista, nom propre
féminin ;
Titas, génitif du n.c.f. tita < titta/tetta « mamelon, pis »; Tita, nom propre
féminin ;
Zizonti < điđonti < điđeonti, subjonctif présent « qu'il donne »;
Somui, vocatif, datif, comitatif, instrumental ou locatif « par, avec, à, dans » de
l'adjectif f. samuis / somuis « sereine »; déesse Samuis; voirsamia / somia
n.c.f. « paix, calme »;
Iom, acc. sg. du pronom ios « le, celui-qui, celui-que »;
arznas < arđnas < ardnas « de la haute», génitif de ardna ; préfixe ard- <
ardus « haut, élevé » + suffixe f. d'appartenance -na, -nos, -non;
bionti, « qu'il soit », subjonctif présent déponent (verbe passif de forme active)

40
du v. être, 3e pers. pl. biont;
Iom, acc. sg. du pronom ios « le, celui-qui, celui-que »;
Custaicos, adj. Custaic/-os/-a/-on « en qualité de défense, de protection »;
custa « défense, garde, protection » + suffixe qualificatif -icos « -ique »;
Custaicos « protecteur », nom propre masculin.

Eni olsatuz iom ui-listas titas zizonti somui iom arznas bionti iom custaicos.
« En Olsatos, trop de Lista, de Tita, qu’il donne à Samuis, celui qui est de la
haute, qu’il soit le protecteur. »

Ligne 8 :
Arznas < arđnas < ardnas « de la haute», génitif de ardna ; préfixe ard- <
ardus « haut, élevé » + suffixe f. d'appartenance -na, -nos, -non;
Cuati, génitif de cuatos; cua < coua / cuba « cave, caverne » + suffixe
d'adjectif ou de participe passé -tos; Cuatos, nom propre masculin ;
Ias, génitif sg. de ia pronom f. « elle, celle-ci »; ia, pronom relatif « elle qui »;
Ozias, génitif du n.c.f. Osia « celle du ru »; osa, n.c.f. « eau de rivière, ru »; voir
Osoi > Osi, peuple celte des Alpes et du Danube; ou peut-être : ođias, génitif
de ođia / odia / edia > osa « mesure celtique (1 pied = - 314 mm);
Uertatos, uertat/-os/-a/-on adj. « transféré, viré, vendu, payé »;
Ue < aue adv « trop, trop peu »;
Temei, datif « à, pour » de tema / temo « température »;
Ue < aue, adv « trop, trop peu »;
Robiseti « il/elle avait été »; ro- « très, plus », préverbe du parfait et du plus
que parfait + biseti, déponent plus-que-parfait ou passé antérieur à la 3e pers.
sg. de bisiet < bissiet « il/elle sera, ce sera »;
Saum < sauam « que je sois », indicatif imparfait ou subjonctif présent, 1re
pers. de sauô « poser »;
Tecametinas, génitif du n.p.f. Tecametina « la belle petite opportune »; adjectif

41
teca « au teint clair, belle » + metis, adj. f. « opportun » + suffixe diminutif
féminin-ina; Tecametina, nom propre féminin ;
Datuz < datus n.c.f. « cession définitive, enlevée »;
Somei, datif ou complément d'objet indirect « à, pour » du pronom soma «
elle-même »;

Arznas Cuati ias ozias uertatos ue temei ue robiseti saum Tecametinas


datuz somei.
« D’Arđna à Cuatos, elle qui d’Osia, Uertatos, pour Tema, trop peu elle sera,
que je sois Tecametina, cession définitive pour elle-même. »

Ligne 9 :
Eni / en / in « en, dans »;
Touzei < touđei datif / comitatif du n.c.f. touđa < touda < touta / teuta «
communauté, tribu, peuple »;
Iste, démonstratif m. « ce, cet, celui-ci »;
Ancios / angios, adj. m. « étroit »; Ancios, nom propre masculin ;
Iste, démonstratif m. « ce, cet, celui-ci »;
Esancios < exancios adj. m. « commode, sans difficulté »; Esancios, nom
propre masculin ;
Uze < uđe, accusatif de l'adjectif m. uđos « dernier, ultime »;
Areitena < areteina > aretena n.c.f. sillon (de labour) »;
Sarniciei, datif, comitatif duel « les deux, à, pour, avec » du n.c.f. sarnicia «
obligation, devoir » ;
Acaina, adj. « aimable »; a- < ab- + caina « belle, plaisante, aimable »; Acaina,
n.p.f.;
Cubos, cobos adj. « victorieux »;

Eni touzei iste Ancios iste Esancios uze areitena sarniciei acaina cubos.

42
« En la communauté, cet Ancios, cet Esancios, ultime sillon, les deux avec
obligation plaisante, victorieux. »

Ligne 10 :
Nebintor, nebintar, 3e pers. pl. ind. prf. « ne sont pas tenus de » ; v.d.
bintomi « être tenu de » + préfixe ne- préfixe adverbial « ne, ni, pas,
point » ;
Tocoitei, datif, comitatif « à, pour, par, à cause de » de tocoita « relatif au
communautaire » ; to- préfixe de transivité, idée de mouvement + n.c.f. coita «
communautaire »;
Ios, pronom « il »;
Urantiom « feu sacré » ; ur, uron n.c.n. « feu »; -antiom, forme neutre du
suffixe d'abstration -antio / -antia « -ance »;
Ue < aue adv « trop, trop peu »;
Auzeti, génitif m. de l'adjectif auđetos « fortuné »; n.p.m. Auđetos < Audetos;
Aratimue < aratimu-ue; n.c.f. aratimu « labourage, labour » + -ue « ou, aussi
bien »; ue < aue adv « trop, trop peu »; vocatif du nom propre Aratimuos ;
Decametam / decametan, accusatif/adlatif de l'adjectif f. decameta «
dixième, au sens ordinal »;
Datuz < datus n.c.f. « cession définitive »;
Iom, acc. sg. du pronom ios « le, celui-qui, celui-que »;
Tocoitos, adj. m. « venant du commun »;
Cue < -cue « et, aussi ».

Nebintor tocoitei ios urantiom ue auzeti aratim ue decametam datuz iom


tocoitos-cue.
« Ne sont pas tenus ceux du communautaire, il, le feu sacré, trop de fortune,
Aratimuos, dixième, cession définitive celui qui vient du commun aussi. »

43
Ligne 11 :
Sarniciocue, n.c.m. sarnicio- « obligation » + -cue, postposition « et »;
Aiuizas < aiuisas adv. « pour toujours, à jamais »;
Combalcores, vocatif pl. du n.c.m. combalcoris « le garant »; voir, v. combalcô
renforcer, conforter, cautionner, garantir »; Combalcoris, nom propre ;
Aleites, vocatif pl. du n.c.m. aleitis « personne ointe »; voir adj. Aleietic/-os/-
a/-on « oint »;
Iste, démonstratif m. « ce, cet, celui-ci »; Aleitis, nom propre ;
Icues « sourciers », vocatif pl. du n.c.m. icuis < icouis « sourcier »; ic- < ica- /
ico- / igo-, préfixe « hydro- » + suffixe d'agent -uis « voyant, sachant »; Icouis,
nom propre ;
Ruzimuz < ruđimus « très rouge, rude, fort »; ruđi- < rudi- < roudi- « rouge,
rude, fort » + suffixe superlatif -mus < -mos < -amos / -omos ; Roudimus,
forme latinisée de Roudiomos ;
Abulu, « à, pour, avec, par, le sorbier »; datif/comitatif/instrumental de
Abulos n.c.m. « sorbier »;
Ubocum < Ubocom / Uboncon n.p.n. ou accusatif adlatif « à, vers » Uboncom
« la pointe »; nom de lieu dans les environs de Bottorita;

Sarnicio-cue aiuizas Combalcores Aleites iste icues Ruzimuz abulu


Ubocum.
« Et obligation pour toujours à Combalcoris, Aleitis, Icouis, Roudimus, avec
Abulos à Uboncom. »

Face B
Ligne 1 :
Lubos, n.c.m. « ami, amant »;
Counesicum / Counesicom, c.f. counescion, accusatif, adlatif à, vers »
Counescios « des gens du chef »; coun- < counos n.c.m. « chef »; adj coun/-

44
os/-a/-on « aimable, gracieux, joli, charmant »; + qualificatif d'appartenance
es- < -exs < ects + sufixe d'ethnonyme -ic/-os/-a/-on;
Melnunos < Melnundos « agent de longues durées, agent de Saturne »; adj
meln/-os/-a/-on « long, de longue durée, lent, indolent »+ sufixe d'agent -
unos < -undos; Melnos, nom de la planète Saturne;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. « lien, au sens propre et figuré »;
Letontu, datif, comitatif, instrumental « à, pour, avec, par »; radical du n.c.m.
letos « côté » + participe présent datif, comitatif, instrumental –ontu « à, pour,
avec, par »;
Litocum / litocon « lieux, domaine du rite, du lieu du sacrifice »; lito- < litom
/ liton « sacrifice faste, rite religieux »; adj lit/-os/-a/-on « propriatoire, faste
» + suffixe qualificatif dubitatif -ocum < -ocon ou le collectif toponymique, de
propriété, de groupe -acon ; si ce n'est : lito / litu « cérémonie », litus « rite,
rituel religieux », suivi de cum < com conjonction « comme, tandis que »; com,
préposition, avec ».

Lubos counesicum melnunos bintis letontu litocum


« Ami à Counescios Melnunos, lien avec le côté du domaine du rite
religieux.»

Ligne 2 :
Abulos, n.c.m. « sorbier »; Abulos, n.p.m. «Sorbier »; Abulos, nom propre
masculin ;
Bintis < bindis n.c.m. « lien, au sens propre et figuré »;
Melmu, « à, pour, avec, par, Melmos »; mel « miel » +
datif/comitatif/instrumental du suffixe superlatif -mos « fort en miel »;
Melmos, nom propre masculin ;
Bara, n.c.f. « combat défensif »;
Uzanco < uđ-anco ; préfixe d'idée d’achèvement uđ- < ud- + adj. f. anco /

45
anca « en courbe, crochue »; ancô v. « courber, plier »;
Lesunos, « lecteur »; radical les-, de lesô, v. « lire »+ suffixe d'agent -unos < -
undos ;
Bintis < bindis n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;

Abulos bintis melmu bara uzanco lesunos bintis.


« Abulos, lien avec Melmos, défense courbe, lien. »

Ligne 3 :
Letontu, « à, pour, avec, par, Letontos »; leto- préfixe « demi » +
datif/comitatif/instrumental du suffixe qualificatif d'état présent ou
d'abstraction -ontos/-antos; Letontos, nom propre masculin ;
Ubocum / Ubocom « domaine du haut »; préfixe ub- / ux- « vers le haut », si
ce n'est : ubo- < uuo- préfixe « assez, passablement » + -ocom / -acom, -ocon /
-acon suffixe toponymique, nom de domaine »; voir l'ethnonyme Ubocoi «
gens du haut ou gens passables »; Ubocom, toponyme ;
Turo, n.c.f. « hauteur »; tura, n.c.f. « monticule, tertre, butte »; voir ethnonyme
Turodoi « gens des hauteurs »; Turo, toponyme ;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Lubinaz < Lubinas, génitif f. de Lubina « petite plante »; lubion « végétal,
plante » + suffixe diminutif f. -ina; Lubina, nom propre féminin ;
Aiu, « à, pour, avec, par » Aios; datif/comitatif/instrumental du n.c.m. aios «
affirmatif »; théonyme Aios / Aiios;
Bercanticum / Bercanticom ; + -ocom / -acom, -ocon / -acon suffixe
toponymique, nom de domaine »; Bercanticom, toponyme ;

Letontu Ubocum turo bintis lubinaz aiu Bercanticum.


« Letontos d’Ubocom Turo, lien de Lubina pour Aios de Bercanticom. »

46
Ligne 4 :
Abulos, n.c.m. « sorbier »; Abulos, n.p.m. «Sorbier »; Abulos, nom propre
masculin ;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Tirtu, « à, pour, avec, par, Tirtos « soif »; datif/comitatif/instrumental du
n.c.m. tertos/tirtos < tertis/tartis « soif, asséché »; Tirtos, nom propre
masculin ;
Aiancum / Aiancom ; + -ocom / -acom, -ocon / -acon, suffixe toponymique,
nom de domaine »; Aiacom, toponyme ;
Abulos, n.c.m. « sorbier »; Abulos, n.p.m. «Sorbier »;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Abulu, « à, pour, avec, par, le sorbier »; datif/comitatif/instrumental de
Abulos n.c.m. « sorbier »;
Louzocum / Louzocom < Louđocom < Loudocom « domaine qui fait obstacle
»; loudo, n.c.m. obstacle, embarras » +-ocom / -acom, -ocon / -acon, suffixe
toponomique, nom de domaine »;

Abulos bintis tirtu aiancum abulos bintis abulu louzocum


« Abulos, lien pour Tirtos, sorbier, lien pour Abulos, Loudocom. »

Ligne 5 :
Uzeisunos < Uđeisunos « celui qui est complètement désiré »; ud- < uđ-
préfixe d’idée d’achèvement, de complétion + n.c.f. eisu « désir » + suffixe
d’appartenance –unos < -undos ; en jeu de mots avec uisun/-os/-a/-on adj. «
digne, »; n.p.m. Uisunos « digne »; Uđeisunos, nom propre ou théonyme
masculin ;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Againaz < againas, n.c.f. againa / agania au génitif, « sacrifice, victime
sacrificielle »; n.p.f. Againa / Agania; Againa, nom propre ou théonyme

47
féminin ;
Letontu, « à, pour, avec, par, Letontos »; leto- préfixe « demi » +
datif/comitatif/instrumental du suffixe qualificatif d'état présent ou
d'abstraction -ontos/-antos;
Uicanocum < Uicanocom / Uicanocon ; Uican, adlatif/accusatif de uica «
solidité, spirale, courroie, ceinture » + -ocom / -acom, -ocon / -acon, suffixe
toponymique, nom de domaine »;
Suostuno-s < suostunos « aubergiste »; préfixe su- « bon, sain » + uostu n.c.f. «
veillée, coucherie » + suffixe de formation de nom d'agent ou d'occupation -
unos < -undos; n.p.m. Suostunos;

Uzeisunos bintis Againaz Letontu Uicanocum Suostuno-s.


« Uđeisunos, lien d’Againa pour Letontos à Uicanocom, aubergiste. »

Ligne 6 :
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Tirtanos < tritanos / tretanos < treitanos, génitif de triton / treton < treiton «
mer »; n.p.m. Tirtonos < Treitonos « de la mer, le maritime »;
Statulicum < Statulicom / Statulicon « petit domaine dressé »; adj stat/-os/-
a/-on « debout, dressé » + suffixe diminutif -ulos/-a/on au génitif + -ocom /
-acom, -ocon / -acon, suffixe toponymique, nom de domaine »;
Lesunos, « lecteur »; radical les-, de lesô, v. « lire »+ suffixe d'agent -unos < -
undos ; n.p.m. Lesunos;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Nouantutaz < nouantutas, génitif f. de nouantuta « neuf-tribus »; nouan /
nouen / noion « neuf » + tuta / touta / teuta « communauté, tribu »;
Nouantuta, ethnonyme.

Bintis Tirtanos Statulicum Lesunos bintis Nouantutaz

48
« Lien, Tirtanos à Statulicon, Lesunos, lien de Nouantuta. »

Ligne 7 :
Letontu, « à, pour, avec, par, Letontos »; leto- préfixe « demi » +
datif/comitatif/instrumental du suffixe qualificatif d'état présent ou
d'abstraction -ontos/-antos;
Aiancum < Aiancom / Aiancon « domaine d'Aia»; Aian, accusatif/adlatif de
Aia « affirmative » + -ocon / -acon, suffixe toponymique, nom de domaine »;
Aia < Aiia, déesse de la poésie; Aiios au masculin (cf. gaélique Aoi > Ai, dieu
solaire de la poésie comparable à Belenos ou Grannos ou latin Aius, Aius
Locutius, dieu de la parole);
Melmunos « agent de Melmos »; melm- < melmos « fort en miel » + suffixe,
d’appartenance, d'agent ou d'occupation –unos < -undos ;
Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;
Useizu < Uxaisu « haut Aisus » au vocatif ; préfixe ux- « vers le haut, d'en
haut, haut, élevé » + théonyme Aisus / Aesus > Esus « Souffle du divin »;
Aiancum < Aiancom / Aiancon « domaine d'Aia»;
Tauro, locatif « à, de, dans », de tauros / touros « montagne », Tauros;
[Bin]/tis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;

Letontu Aiancum Melmunos bintis Useizu Aiancum Tauro [bin]/tis


« Pour Letontos, à Aiancom, Memunos, lien à Useisus, Aiancom dans la
montagne, lien. »

Ligne 8 :
Abulu, « à, pour, avec, par, le sorbier »; datif/comitatif/instrumental de
Abulos n.c.m. « sorbier »;

Aiancum < Aiancom / Aiancon « domaine d'Aia»;

49
Tauro, locatif de tauros / touros « montagne », à, de, dans, Tauros;

Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;

Letontu « à, pour, avec, par, Letontos »;

Leticum + -ocom / -acom, -ocon / -acon suffixe toponymique, nom de


domaine »;

Abulos, n.c.m. « sorbier »; Abulos, n.p.m. «Sorbier »;

Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;

Abulu Aiancum Tauro bintis Letontu Leticum Abulos bintis

« Pour Abulos, à Aiancom Tauro, lien pour Letontos, à Leticom, Abulos, lien.»

Ligne 9 :

[ ]ugontaz < Lugontas, génitif de Lugonta « la splendide, l’éclatante ou celle


de Lugos »; Lugo- < lugos « corbeau » ou théonyme Lugos + -anta / -onta
suffixe f. d'état présent »; Lugonta, nom propre ou théonyme féminin ;

Letontu « à, pour, avec, par, Letontos »;

Esocum < Esocom / Esocon « domaine du saumon ou du brochet »; esoc- <


esocs > esoxs / isoxs, n.c.m. « saumon, brochet » + -ocom / -acom, -ocon / -
acon suffixe toponymique, nom de domaine »;

Abulos, n.c.m. « sorbier »

Bintis / bintos < bindos n.c.m. lien, au sens propre et figuré »;

Lugontaz Letontu Esocum Abulos bintis.


« À Lugonta, pour Letontos, à Esocom, Abulos, lien. »

50
Inscription du plomb Pujol de Gasset, province de Castellon, Espagne
orientale:

(Source de l’image : Wikipedia)

Transcription
Ligne 1 :
M Ba/Pa R Di A I Ci Z A Ba/Pa R I E I Ci De Z I N E Be Ti N U R Ce Ce R E
R E : A U R U N I Be I Ce A I
Ligne 2 :
A Z Te Be I Ce A I E : E Ca R I U : A Tu N I U : Bo Du E I : Ba/Pa I Te Z Ci : E
Cu Z U : Z O Z I N Bi U R U :
Ligne 3 :
Bo R Be R O N I U Co/Go S O I U Ba/Pa I De Z Ci Be R I Ca/Ga R Z E N Z
E : U L Ti Te Ge R A I . Ca/Ga Z E :
Ligne 4 :
A R? ou De. Ci/Gi Ti Ge R. A I Ga Z. Ba/Pa L Ge Bi U R A I E Z Ba/Pa I
De/Te Z Ba/Pa N I E Ca R Z E

Traduction
« Les bardesses Cisaba avec Ria, Desinos, chemin efficace, Ceros d’Aurunos
des Beicai.
Barque de frêne, par le cri avec le chevalier, avec le passeur pour Bodua, la
corneille, du démentiel, avec Escusos, espérant du bétail, là avec le vivant.
Par Borberonios, celui du remous, par Cosoios, le torrentiel, de Baidescos,
plaine de roche, là celle de la maison, le chagrin.
Face au voisin de gauche, aux bauges de la tombe, insensé dur comme
pierre.»

Analyse morphologique
Ligne 1 :
Mbardiai < bardiai « bardesses » (en mutation nasalisée du b initial vers m);
bardia/bardea « bardesse, chanteuse »;
Cizaba, cis- < cissa « caisse » ou « cisos « coup » + -aba, suffixe -ab/-os/-a/-
on, qualificatif de position, suffixe -aba/-apa/-aua « eau »; Cisaba, nom
51
propre féminin; voir : Cessetani, peuple ibérique du Nord-est;
Riei « avec Ria », comitatif de Ria, cf. Riea/Rea/Reiia « la planète Vénus »;
Dezine accusatif de desinos, adj des/-os/-a/-on « du Sud, méridional » +
suffixe diminutif de -inos; Desinos « le petit du Sud », nom propre;
ethnonyme Desoi > Desi « sudistes »;
Betin, « au chemin », accusatif/adlatif de betis « chemin »;
Urce, accusatif de urcos < uercos/uergos adj. « efficace, performant »;
Cere, accusatif de ceros < ceiros « noiraud, sombre »; Ceros, nom propre ;
Auruni, génitif de Aurunos < Aurundos, préfixe aur- « or, doré, en or » + -
unos < -undos suffixe, nom d'agent; cf. Aurinios « en or, doré »; Auriates, les
gens d'Auria;
Beiceai « bêleurs », pluriel de Beicea, ceux de Becea; Beiciu n.c.f. « bêlement »;

Mbardiai Cisaba Riei Desine betin urce Cere Auruni Beiceai.


« Les bardesses Cisaba avec Ria, Desinos, chemin efficace, Ceros d’Aurunos
des Beicai. »

Ligne 2 :
Aste < astos, astus « barque en frêne » au vocatif; paronyme : astis / ostis
n.c.m. « os »;
Beicaie, instrumental « par le cri » ; de beica/baica au f., m., beico/baico « cri
d'animal » ou de beiciu « bêlement »;
Ecariu < ecarios < eccarios < eqarios « avec, par, le chevalier, noble hippique
»; ecc-/eq- < ecca- « hippique » + ariu comitatif/instrumental d'arios «
homme libre »; si ce n'est : ec < ec-/ex- préfixe privatif « hors de, hors, sans »;
Atuniu < Atunios « avec, par, le passeur »; atus > iatus n.c.m. « passage,
défilé, gué » + comitatif/instrumental du suffixe d'agent -unos < -undos ;
Boduei, « à pour la corneille », datif féminin de bodua « corneille »;
boduei/boduoi, pluriel nominatif de boduos « corneille mâle, guerrier,
combattant »;
Baitesci < baitescos « démentiel » au génitif « du, relatif au, démentiel »; adj.
bait/-os/-a/-on, baet/-os/-a/-on « dément, insensé » + suffixe qualificatif -
iscos/-escos < icos « -esque »;
Ecuzu < ecusos « avec, par; ecu « espérant du bétail » +
comitatif/instrumental du suffixe désidératif -sos;
Zosin < sosin < son-sin démonstratif neutre « ce, là »;
Biuru < biuros « avec, par, le vif, le vivant »; préfixe biu- « bio-, vif, vivant,
52
être » + comitatif/instrumental du suffixe actif (formation de noms d'agent)
de -ros.

Aste Beicaie Ecariu Atuniu Boduei baitesci Ecusu sosin Biuru.


« Barque de frêne, par le cri avec le chevalier, avec le passeur pour Bodua, la
corneille, du démentiel, avec Escusos, espérant du bétail, là avec le vivant. »

Ligne 3 :
Borberoniu comitatif/instrumental de borberonios « avec, par »; borbe, n.c.m.
accusatif de borbos / borboros « remous » + -on- < -onos, suffixe
d'appartenance et de relation + -ios, suffixe comparatif relatif « plus, le plus,
du »;
Cosoiu, comitatif/instrumental de cosoios « avec, par, le torrentiel »;
cosa/coso n.c.f. « torrent » + suffixe relatif -ios, « le plus, du »; voir aussi
Cossio, ancien nom de Bazas (< Vazats / Bazats) sur la Gironde en Gascogne;
Baidezci, génitif de baidescos « celui qui est semblable au vieux sanglier » ou
forme tardive du pluriel baidescei / baidescoi « ceux qui sont comme de
vieux sangliers »; baedos > baeðos > baidos baiðos « sanglier solitaire, vieux
sanglier » + suffixe qualificatif adjectival -escos / -iscos< icos « -esque »;
Bericar, bericar beri- < beriia / bereia < bariia « plaine rase, plateau ras » +
car « roche, matière rocheuse »; cars- < cars/-os/-a/-on « dur comme la pierre
»;
Zen < sen/ sin démonstratif neutre « cela, ce, là »; ulti < ulati,
datif/comitatif/instrumental « à, pour, avec, par » de ulaté « royaume »;
Tegerai, pluriel de tegera / tigera « celles de la maison»; tege- < teges n.c.n. «
maison » + -ra, féminin de -ros, suffixe actif de nom; si ce n'est une faute
orthographique : tegerna / tigerna « maîtresse de maison, femme du seigneur
»;
Caze < cađe, accusatif de cađos « chagrin, affliction, regret, peine ».

Borberoniu Cosoiu baidesci bericar sen ulti tegerai case.


« Par Borberonios, celui du remous, par Cosoios, le torrentiel, de Baidescos,
plaine de roche, là celle de la maison, le chagrin. »
Ligne 4 :
Ar < are « face à, face au levant, face à l'est »; ar- < are- préfixe « face à, sur,
malgré »; si ce n'est ade < ades n.c.n. «pied» au vocatif;
Citiger < cittiger « voisin de gauche »; citi/-os/-a/-on adj. « du côté gauche »
+ ger > tuger n.c.m. « voisin »;

53
Balgebi, pluriel datif neutre « à, pour » de balga « bauge, torchis »; pluriel
datif de l'adjectif balc/-os/-a/-on, balg/-os/-a/-on « fort, fier-à-bras,
orgueilleux »;
Uraiez < uraies, génitif de ura « pure », ura « tombe », ura « olive »;
Baite < baide vocatif de l'adjectif bait/-os/-a/-on, baet/-os/-a/-on « dément,
insensé »;
Sbanie, vocatif pluriel de sbanis banis < bannis n.c.m. « ordre,
commandement, interdiction »;
Carze < carse, vocatif de l'adjectif cars/-os/-a/-on « dur, dur comme de la
pierre ».

Are citiger balgebi uraies baite sbanie carse.


« Face au voisin de gauche, aux bauges de la tombe, insensé dur comme
pierre. »

Plaque de bronze de Luzaga de Guadalajara, Castille-la Manche :

(Source de l’image : Wikipedia)

Translittération

Arecoraticubos . caruo . cemei aregoratikubos : karuo : genei


Gortica : lutiacei : augis : barazioca gortika : lutiakei : aukis :
Erna : uela ti cersebos : so barazioka
Ueisui : Belaiocuncue erna : uela : tigerzetaz : so
Cemis . carigocue : cemis ueizui : belaiokumkue
Stan . gortican : elasumon genis : garikokue : genis
Caruo : tugis : saba : gortica sdam : gortikam : elazunom
Tuiuoreigis karuo : tegez : sa : gortika
teiuoreikis
(Carlos Jordán Cólera, 2004)

54
Traduction
« Arecoraticubos dans la couche du cerf. Remparts à Lutiaca, pure Barađioca.
Considérable vue à toi Gersebos, ainsi de Uesuos et de Belaiacon, la cime et
rochers, cime, place à Gortica, la grisissime, à Caruos, toit chaume en eau à
Gortica. Touiuoregis. »

Analyse morphologique
Arecoraticubos < arecoraticubos « devant le cercle du succès », préfixe are- «
para-, péri-, devant, en face de » + coratic- + -cubos, cf. -cobos « victorieux, qui
a du succès, de la réussite » ; Coratiacos, Corotiacos, théonyme, « circulaire »;
Caruo, locatif « à, dans » de caruos « cerf »;
Cemei, datif, comitatif « à, pour, avec » de cama « lit, couche, paille, litière »;

Arecoraticubos caruo. cemei


« Arecoraticubos dans la couche du cerf. »

Gortica < gartica « enceinte fortifiée, remparts »;


Lutiacei, datif, comitatif « à, pour, avec » de Lutiaca « cendrée », toponyme
ancien de la présente ville de Luzaga ;
Augis, adj. « pure, intacte »; n.c.f. augia « virginal »;
Barazioca < Barađioca « combat décisif lent » ; bara « combat décisif, ire,
colère » + đioca < diaca « lente, paresseuse »; Barađioca, nom propre féminin;

Gortica lutiacei augis barazioca


« Remparts à Lutiaca, pure Barađioca. »

Erna, adj. « considérable » ;


Uela, n.c.f. « vue »;
Ti, datif sing. du pronom tu « à toi, pour toi »;
Gersebos « le court », adj. Gersos « court » + -ebos < -epos < -uepos « idée
d’aspect »; Gersebos, nom propre masculin;
So, adv. « ainsi »;

55
Erma uela ti Gersebos so
« Considérable vue à toi Gersebos, ainsi. »

Ueisui, génitif de l’adj. ueisuos < uesuos « allègre, méritant, digne de »;


Uesuos, om propre ou thényme masculin »;
Belaiocun < Belaiacon toponyme ; ethnonyme Belaicoi « les clairs »;
Cue < -cue, -ce « et »; en jeu de mots avec bellouacon « domaine de guerre » ;
n.c.n. de bellouacos « homme de guerre »; belacon « clair »;
Ueisui Belaiocun-cue
« de Uesuos et de Bellaiacon. »

Cemis, cema > cemma « cime, sommet »


Carigo < carrigo, carriga « rochers, pierraille »; + -cue « et »;

Cemis. caricocue cemis


« La cime et rochers, cime. »

Stan. < stan- < stana n.c.f. « place, lieu central »;


Gortican, accusatif, adlatif « à, vers » de gortica ; gortia « clôture, enclos, haie,
enceinte » + –ica suffixe de substantivation d'adjectif ; Gortica, toponyme ;
Elasumon « grisissime » accusatif, adlatif « à, vers » d’elasumos ; adj. elos/-
a/-on « grisâtre » + suffixe superlatif -sumos < -samos « -issime »;

Stan-gortican elasumon
« place à Gortica, la grisissime. »

Caruo, locatif « à, dans » de caruos « cerf »;


Tugis « toit de chaume »;
Saba, adj. f. saba « en eau, aqueux » ;
Gortica, le toponyme ;

Caruo tugis saba gortica


« À Caruos, toit de chaume en eau à Gortica. »

Tui, vocatif, datif « à, pour » de tuis « terre », cf. tuis < tuesis fleuve Spey en
Calédonie ; uoregis « sous rois » ; uo- préfixe »sous » + regis, reges, pl. de rixs
« roi » ou regis n.c.f. « ligne ; Tuis, nom propre masculin, théonyme.
Tuiuoregis, théonyme « Tuis, dieu des roitelets »

Tuiuoreigis
« Tuis, terre des sous-rois. »

56
Remerciements
Mes plus sincères remerciements à la professeure Suzanne Provost
(University of Arizona), pour ses corrections.

Bibliographie

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