L'assassinat du courrier de

Lyon / Arthur Bernède

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

 Bernède, Arthur (1871-1937). L'assassinat du courrier de Lyon /
Arthur Bernède. 1931.

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 L'ASSASSINAT DU

Lf) 8 florjfial de l'an IV de la République: c'est-à-dire — Tranquilllso-toli Je me tiendrai sur mes garde».
te 87 -avril 1700, vors cinq heures (tu soir, dans la cour Je suis armé Jusqu'aux dents et Je suis de taille a me
de la poste aux lettre» qui était Installée alors dans.les dêfohdre. Et c'est Justement quand on n'a pas peur -
dépendances de l'hôtel du Plat 4'Etain, à l'angle de la qu'il ne vous arrive rien I
rue Saint-Martin et do la rue MeBlay, uno foule agitée — Emmenez-vous dos voyageurs T
se pressait autour de la mnllo-poste de Lyon... — Un seul... •
Les palefreniers, sous la surveillance du postillon, Et désignant à sa femme
.
« un homme d'une clnquan- •
êtatont en train d'atteler deux robustes chevaux, « de taine d'années, de haute stature, le visage plein, vêtu '
taille dragons ot a, tous crins », au véhicule, sorte de d'une redingote brune sous laquelle on apercevait un.
tourgon léger a deux roues recouvert d'une bâche sabre, et qui,, depuis quelques instants, se promenait
tendue en voûte sur des arceaux de bois et munie a dans la cour, la tête baissée, l'air rêveur, son chapeau
l'arrière d'un coffre élevé. rond rabattu sur les yeux. (1) », le bravo garçon dit a
Dea employés, affairés, apportaient los sacs de dépê- sa femme :
ches ou finissaient les paquets (1). « C'était des lettres — Le voici.„ s'approchait
pour l'armée d'Italie, lettres de, mères, de soeurs ou Lo voyageur et, d'un ton peu engageant,
5'amantes, portant au delà des Alpes un peu de pays demandait au courrier, en lui désignant la malle-poste, .
à ceux qui, a pas de géants et au cri de « Vivo la Répu- qu'on était en train d'atteler et de charger :
blique », marchaient à la gloire ; c'était des messages — C'est bion la voiture qui va à, Lyon ?.,.
«lu gouvernement à ses généraux do "vingt ans,.qui con- — Oui, répondit un employé de la ferez poste, ,qul . passait
.
duisaient à la victoire leurs soldat? en haillons. Et tout là. SI vous avez dos bagages, VOUB bien de me
cela s'amorçait en paquets enveloppés de gros papier les donner. Car on n'attend plus, pour partir, que }a
gris *et que ficelaient, d'une main preste, les quatre Trésorerie nous apporte ses boites, et elle,ne saurait
employés du bureau de départ, sous la surveillance tarder,..
d'un inspecteur. »
Je vous remerole, Je., n'ai que ma personne ; a. .
; L'homme fit : ' •"
Près d'eux, le citoyen Excoffon. le , courrier , Lyon,
de
.. :...
. —
.

un homme de taille moyenne, au visage ouvert et sym- ammenerl,.,. >

pathique*, au regard énergique et loyal, écoutait... avec Et il se remet à arpenter la cour.
un sourire un peu mélancolique, sa femme qui lui . La citoyenne Excoffon murmura ! .

adressait ses affectueuses recommandations. — lia une tôte qui ne me revient pas I
— Fais bien attention, lui'dit-elle... Je pojiuls Jamais Son mari allait lui répondre, mais uh grondement de
tranquille-quand Je te vois partir ainsi... On lit dans roues se fit entendre. C'était le fourgon de la Trésorerie ,
les Journaux tant de récits île brigands, que J'ai tou- nationale qui pénétrait dans la cour. Aussitôt, les
jours peur qu'il ne t'arrlvedébute
malheur. commis de la Trésorerie en sortaient des boites de bois ..
' En effet, ou moinept où cette authentique et contenant sept mille assignats destinés à l'armée
si émouvante histoire, los fameuses bandes des chaufr d'Italie et los remettaient aux employés de lanoste,
fours, des compagnons, des chouan», terrorisaient la qui lès transportaient a l'intérieur du «offre, qu'ils for-
France, et chaque Jour était marqué par un ou plu- mèrent à l'aide de fortea serrures, renforcées,par. M
steurô exploits de ces véritables,associations de malfai- solides courroies de cuir, et où il y avait, déjà, dix : •.
teurs qui, sous lé .couvert de servir des intérêts politi- mille francs en numéraire et sept cent quatre-vingt-
ques, non seulement pillaient los caisses de l'Etat, mais douze mille francs en assignats, mandats, promesses de
rançonnaient, volalont et massacraient sans pitié lea mandats, marchandises et bijoux...
simples particuliers. * ' Pendant ce temps, le mystérieux voyageur s'était >
Excoffon répliquait, avoo une assurance dénués de rapproché et, d'un air moins rébarbatif, il lut lançait i
.

tijute forfanterie»,,' — Tout

Maïs ça va partir aveo nous î...
>
— oui, répliquait le courrier
(1) L'Affaire "du Courrier de Lyon, por GMon "3 MAI 130,1
Delayen, " (i) Acte d'accusation.' /\
Tous droite de tmduptten, de r«pi$ductloMt
4VidA>t&U6iir4torVée,|i4nir tous lee paye y «>fa«
prie U;8u « et la Norvège,
M CRIMES ET CHATIMENTS
» La République» pourrait tout de même bien voun
tfonnsr une wworte...
• J'ai mon sabre, M l'inconnu... et Je voua pria mui
Je sais m'en servir à l'occasion (t).
«- Faut espérer qu'on en aura pas besoin, répliquait
Excoffon. MMs c'est pas tout ça, nous avons encore un
bon moment avant que tout soit chargé. Nous allons
«onper... Viens-tu, Marguerite t Et vous, citoyen T...
-~ C'est pas do rofns...
Et ils entreront ton* trois au Plat d'Etatn.
Lorsque, une demi-heure après, le courrier, sa femme
Îil lt» voyageur repaiuront dans In cour, un s'entra-
cnalont cordialement ot semblaient devenu* le» mett-
eurs amis du momie.
— Allons, Nantoau, en route I lançait Excoffon è uir
postillon au gilot rouge, a ta vente bleue à boutons d'or,
galonnée au collet et plus encore dans le dos. et les
Routons (t la culotte en peau de daim, et aux lourde»
bottes a récuyèro,
Nanieau. lestement, sauta on sollo, nt tandis que le
fourrier disait au revoir a son jeune fila qui venait
{Parcourir, le voyageur demandait u M>»« Excoffon ;
— Cltovrnno, voulez-vous me pnrmottro do \ous
embrasser (2) t
— Très volontiers, citoyen.
Après avoir serré à son tour sa femmo dans ses bras.
Excoffon grimpait dans la mallc-posto et s'effaçait
pour laisser son compagnon s'installer sur uno ban-
quette en bols suspendue par des tanières. Il s'asseyait
lul-môiue sur une autre nantinet tu pincée à l'avant et
d'otl i) pouvait aisément observer la routii, Nantcau fit
claquer son fouet i los chevaux agitèrent leurs gre-
lots... et le véhicule, contournant ta rue Mestay, gagna
le boulevard du Temple, dans la direction do la porlo
Saint-Antoine. ' Après avoir reconnu son choval, puis son postillon.et
Le premier relal se trouvait à Villeneuvo-Salnt-
Georges. 1.5, on changea de chevaux, et le postillon
Nanteau fut remplacé par son camarade Etienne Audo-
bert, Après qu'Excoffon eut vidé, en compagnie do son
voyageur, uno chopiuo de vin blanc, la iimlta-poste so
remit en route vers Melun et traversa la forêt de Sênart
sans oncombre,..
L'inconnu, qui so faisait appeler Lnbordo, nt) cessait
de tourmenter la poignée do «on sabre.., Do. temps
en temps, il protestait contra l'insécurité dos n'avait
routes
et s'indignait de l'incurie du gouvernement, qui
même pas, dans des temps aussi troublés, l'idée de
faire accompagner par doux gendarmes une diligence
qui renfermait dans ses (lança un véritable trésor.
Quant au courrier et au postillon, tous deux l'oetl et
•l'oreille aux aguets, ils veillaient; prêts à se défendre
avec ce courage admirable des humides qui considèrent
que le dépôt qui leur est confié est encore plus sacré
que leur existence.
Jusqu'à Lieusaint (à cette époque on disait Liour-
saint), tout se passa sans encombre. Après une halte
rapide, la malle-posto so remit en routo,. lorsque, à trois
quarts de llouo de ta, entre une auberge qu'on appelait
ta Fontaine-Nord, ot uno autre appelée ta Commissaire-
Gtntral, à la hauteur d'un petit pont Uo pierre, sur-
plombant un ruisseau qui va da PoulHy-ta-Port à
Bavlgny, quatre cavaliers, surgissant des ténèbres,
entouraient le postillon. L'un d'eux lui ordonnait d'une
voix impérieuse :
'
— Rends-toi I...
D'un vigouroux coup de fouet, Audehert cinglait ta
visage do son agresseur i mais celui-ci lui envoyait un
coup de pointe de sabre en pleine figure, et lequ'il mysté-
rieux voyageur, se Jetant sur Excoffon avant ait
puserrrettre sur la défense, lui enfonçait par trois fois
son sabre daps ta poitrine...
Bien que grièvement atteint, ta postillon n'avait pas
vidé les étrters... et ferme en selle,.. Il continuait à
opposer à ses assaillants une défense aussi valeu-
reuse que désespérée. Mais quo pouvait il contre quatre
bandits décidés à tout? Déjà, deux d'entre eux. qui
avalent mis pied à tefre, saisissaient par.ta bride Toc
chevaux de* ta malle-poste, qu'Us entraînaient hors do
la roule, à l'orée d'un petit boin, dans le Houdlt f,a
CUwau.
La postillon continuait <t se débattre avec uno ônorgio
. do sang, puis une houppolande grtae bordée d'un iisôré
.surhumaine. Mats, bientôt, il routait à terre, luttant
encore, perdant ses bottes, cherchant encore b frapper
(i) L'Affaire f^Couwier
<%mtâùcu7a% de Lyon, p«r GlWton
et à mordre ses assassins, Jusqu'au moment où uns
main, abattue, lo orftno ouvert ot ta corpi saignant it
nuilllplos blessures, il rendit ta dernier flOupIr.TendftrU
eu temps, le psoudo-Lsbordo, après avoir traîtreuse-
ment poignarde ta malheureux, courrier, s'efforçait de
lui couper le cou avec «on sabre.
I.utir double crime accompli, tan misérables ae
livraient à un pillage an règle de la diligence. Puis, Isa
poches pleines do numéraire et d'assignats, tas quatre
cavaliers rcmcmtatant à chovol, et ta voyageur myuM-
rtetix s'emparant do ta monture du postillon, ssuiait
en sollo ot disparaissait dans ta nuit aveo so» sinistres
compagnons...
. Le lendemain matin, vers quatre heures et demis,
...
au point du jour, des paysans, qui so dirigeaient vers ta
pont du Pouilly, aperçurent le véhicule que los bandits
avaient abandonne après avoir enlevé Jour butin. Un
cheval y était encore nttolé. Reconnaissant tout de suite
ta mniie-posto qui faisait lo service des dépêches entre
Paris et Lyon, ils soupçonnèrent qu'ollo avait dû êtra
attaquée par des malandrins. Leurs doutes allaient
immédiatement fio changer on certitude. En effet, H
quelques pas do ta voiture, gisait un premier ondnvrf,
celui du postillon Audobcrt, horriblement mutilé, ot un
peu plus loin, près du pont, un second, non moins '
tailladé, celui du courrier Excoffon.
Un instant, ils demeurèrent figés d'horreur, Puis,
deux d'entro eux s'en furent à Lieusaint, distant d'en-
viron (rois quarts de lieue, prévenir lo maître do poste,
le citoyen Duclos, Inquiet ao no pas encore avoir, vu
rentrer son postillon et ses cliovaux qui, la veille au
soir, avalent emmené ta mallo sur Melun... t
A la nouvelle du dfnmo, Duclos sautait on solle et, eh
.
moins do dix minutes, arrivait sur le théâtre du crime.
son courrier, il filait immédiatement surMelun, où 11
alertait lo citoyen Dofnin, accusateur pùKpts (1) près ta
Tribunal criminel de Seinc-ct-Mnrna,
En l'absence du juge do paix de Boisslse-le-Dortrand,
sur lo territoire duquel lo crime avait été commis, ce
magistrat chargeait do l'onquôto le Jugo dé paix de
Melun, et tout de suite, aveo ce dernier, il parlait on
borllho ou Clospau...
Accompagnés du commissaire du pouvoir exécutif,
du Juge do paix Boau, d'un officier de santé, du dlreo<
teur ot du contrôleur de la poste, et escortés, de deux
gendarmes, tas représentants de la Justice commencé"
ront par s'occuper doa deux victimes. Ils consta-
tèrent (B) que les cadavres étaient rigides. Lo crime
avait dû ôfro commis une demt-heuro environ après
, ta relnl de Lieusaint. Le corps du malheureux Audeport
était littéralement poché do coups do sabro, Autour dt)
lui, l'herbe foulée gardait ta trace do pas nombreux «t
révélait uno vigoureuse résistance, Quant au malheu-
reux Excoffon, Il portait au cou doux piqûres pro*
fondes, faites par un ipstrumeut à lama tranchanto et
effllôo ; ta trachéo-artère avait été complètement
divisée : lo busfo était parce de trois autre» coups..,
Le vol apparut aussitôt comme ta mobilo d« ce double 1
ot effroyable assassinat. En effet, parmi les lettres et "
tas papiers épars, ta dlreotour de ta poste, ayant
découvert la fouille do Service d'Excotton, qui consta-
tait une remise dn dix mille francs en numéraire et de
plusieurs milliers en asoignats, la montrait à l'accusa-
teur public çt au Jugo do poix on disant :
— voyea, citoyons, cette empreinte sanglante d'un
doigt marquée pat places.; cela prouve qu'un dea moue-,
trlers a fait l'appel des objets indiqués comme romis
au courrier, pendant que ses complices cherchaient et
ouvraient les paquets...
Los faits allaient d'oiltaurs confirmor Immédiatement;
cette judicieuse hypothèse. En effet, un rapldo examen
suffisait à faire constater aux magistrats que ta pltt«
part dos paquets que renfermait la malle-poste Avaient -
été év.ontrés, ot que l'argent, ainsi que los assignats,*
avalent disparu.
pendant ce temps, les gendarmes n'étalent pas
demeurés Inacllfs. En furetant, Ils avalent fait do prt-
clauses et significatives trouvailles (H). D'abord, ta»
.
grosses bottas d'Audebert, dont l'une» était encore plein*
bleu foncé, qui ne pouvait ap{uirlenir ni au courrier,
(1) Ces fonctions correspondaient à ctllvs de prouh
reur de la République,
«) Causa célèbres,.
(3) Acte d'accusation,
,..•.•.
 .
' L'ASSASSINAT Ï>U COURRUgR DE LYON M
sn au pcuniiiuii, et, près au i» iiouppiiinriew, un «auro
«assé « Le courrier do Lyon, ta citoyen Excoffon, a 4\t
et son fourreau (1), La laine, rougta par places, assassiné hier à onze heures du soir, nu sortir de ta
portait pour devise, d'un cote" t L'honneur me conduit, forêt do Sénart,
et, de l'autre : Pour le salut de ma patrie/ On trouva par plusieurs près de Molun, ainsi que ta postillon,
encore, dans l'herbe, un second fourreau do sabro, uno Lleursaint qui scélérats. C'est le maure do poste dé
est venu annoncer coTto fameuse nou-
' gaine de couteau à découper, et enfin un éperon rac- velle A l'administration
commodé avec de la ficelle, pièce à conviction qui dos postes.,. »
devait jotior un rôle al Important dans cette tragique Un point, c'eat tout. Cinq lignes
histoire. public un aussi atroco forfait, pour révéler a»
Bientôt, ta Jugo do paix donnait l'ordre aux qui, depuis cent trente-
darmes do rolrohvor les traces dos assassins Gen- quatre ans, tant quo par l'horreur qu'il inspira que par
ot d'inter- los tragiques conséquences qu'il devait entraîner,
roger toutes les personnes qui, le soir du 8 floréal, bouleversé et bouleverse oncoro tant do consciences s
avalent pu so trouvor sur la routo do Melun, ot dans En attendant, la police, était on marche, les |
son numéro du 10 floréal, ta Messager du soir publiait darmes sillonnaient la gen-
l'information suivante i de Lyon commençait, compagne, l'Affaire du Courrier

DES CENS QUI ONï ,VU.

— LE CHEVAt, ABANDONS)?, — UNE DESCENTE '
DE l'OLtCB.
MUBAIrtON,
— ARRESTATION DB COUIUUOL. ~ U$ JUÛB

On a fort blagué et blngu.o trop souvent les

fendormes, sans douteonparce quooncoro lo public ignore trop
Un marchand do Fàro-Champcnoiso, nommé
^Chabnud, raconta que, parti à ouzo heure* Laurent
ouvent non seulement tous tas dangers qu'ils courent du matin
on carriole à un cheval, il s'était arrêté ft une
lorsqu'ils sont à la poursuite do malfaiteurs parfois à Montgeron, à l'auberge do ta Chasse. heur»
dangereux et insaisissables, mais .aussi parce que ces <

serviteurs modestes do la loi rendent à la société des
services qui no sont pas toujours suffisamment
ciés, il en ost môme parmi eux qui seraient fortappré-
bles do falro d'oxcollcnts détectives ot qui, grâce capa-à un
bon f.ens ou à uno clairvoyance mise au sorvico d'uno
réelle activité, sont parfaitement capables de débrouiller
uno énlgmo aussi bien quo des limiers professionnels.
Tel était ta cas des doux brigadiers do gendarmerie
Huguet ot l'aimmrd,
qui avaient été qhargés par ta
citoyen Beau, lugo do paix de Melun, de faire uno
onquêto immédiate sur l'affairo du courrier de Lyon.
Fort intelligents, pénétrés do l'importance do leurs
fonctions, ot ne négligeant rien pour accomplir ta suc-
cès do la mission qui leur avait été confiée, fis allaient,
en très peu do temps, réunir tout un faisceau de ren-
seignements qui allaient permettre a Ja justice de so
tancer sur la piste des criminels.
Le promier témoin qu'ils interrogeront so nommait
Jean Chartrain. C'était un très brave garçon, au service
du citoyen Duclos, en qualité do postillon. Outré du
sort effroyable qu'avait subi son camarade Audebort,
voiol co qu'il déclora spontanément
J'étais ; s'ils attendaient quelqu'un, Je ne sais rien do plus,
— parti vers six heures du soir de Lleusoint,
conduire une voiture à deux, chevaux à Molun, lors-
que, à une demi-lieuo d'ici, J'aperçus quatre hommes
A cheval, bien mis, bion montés, et munis chacun d'un
portemanteau assea lourd. A mon retour. Je tas rencon-
trai à pou près au môme endroit i mais Us n'étalent
plus quo trois et marchaient au pas. Lo quatrième no
tardait pas à les rejoindre au galop.
Le second témoin interrogé Tut la citoyenne Chanv
paux, éabarelièro à Lieusaint, qui déclara qu'olle avait
vu quatro individus qui étalent descendus de cheval
à aa porto et avaient nu chez olle. Après leur départ.
k l'un d'eux était venu cherchor son sabre qu'U avait
oublié dans l'écurie;
Le citoyen- guraut, aubergiste dans cette localité,
afûrma qu'U avait aperçu tas quatro cavaliers vers
sert heures du soir.
La citoyenne Evrard, aubergiste à Montgeron, bourg
plus rapproché de Paris, affirmait :*
— J'ai reçu à djner chea mol quatre ,
cavaliers. L'un •,
portait un habit de drap grta blou, un chapeau à trois
cornes, U avait les cheveux noirs, à la Jacobine ; l'autre
avait un habit bleu clair, un gilet blanc,.un chapeau à
trois cornes, les cheveux,blonds et assez longs ; le troi-
sième, une redingote carmélite, les cheveux bruns et
courts ; ot .le quatrième, un habit gris blanc et un
sabre monté en cuivre.
La Alla Grossetêto,
lions de sa patronnesa et ajouta mémo qu'elle avait
servante, confirma tas déclara-,
donné à l'homme en habit bleu clair un bout de ficelle,
pour lui permettre de raccommoder un de ses éperons
dont la gourmette s'était détachée.
<1) Couses célèbm,
,
~ Dans la mémo salle- que moi, déclara-t-il,
se trou-
vaient déjà Installes quatro particuliers, dont trois
pou-
vaient bien avoir cinq pieds et doux pouces (1
le.qualrlomo cinq pieds et quatre pouces [l m. 07,73). et
m.
Trois portaient, des bottes, et l'un avait des éperons
argentés, Lours chevaux
du mion, étalent, l'un noir,qui étaient ù l'écurie, près
l'autre blanc, les doux der«
nlors do la taille dragons, à courte L'homme
qui montait lo cheval noir était sans queue.
bottes et portait
une houppelande à revers do poils,
— Sont-Ils restés longtemps a l'auberge ? interrogeait
lo brigadier Huguet.
— Je ne sais, répétait Chabaud. Us étaient arrivés '
avant moi et sont repartis après. "
L'aubergiste m'a dit qu'ils étaient arrivés .
doux d'abord, puis un, puis un. Leursséparé-
. «
ment, solles
avaient des fontes ot des pistolets.
De quoi côté sont-ils partis ?
— Du
— côté do Melun. Jo les al rejoints et dépassés
dans ta bois; jo wo suis retourné plusieurs fois parce
quo cos quatre quidams no mo disaient rien qui vaille ;
et J'ai été étonné do les voir ralentir et s'arrêter comme
La citoyenne Châtelain, aubergiste à Montgeron, et
sa servante, la fille Santon, confirmèrent tas déclara-
tions précédentes.
Un nommé Louis Mulotau déclara qu'U avait , . ..
passer sur la routo, vers huit heures du 6oir, deux vu
cavaliers, dont l'un avait un cheval gris pommelé; et
lo citoyen Pinard, marchand de
Meaux-en-Brle, certifia qu'il s'était peaux, de lapins à
trouvé on présence
de quatre cavaliers à la sortie de Lieusaint. après le
bout du parc, dont l'un lui avait paru être habillé
bleu, tandis quo tas autres étaient on brun ou en gris. en
Et U ajouta qu'il avait entendu un «do ceux-ci demander,
à deux ouvriers :
« A quelle heure passe ta malle-poste î »
—
Ceux-ci avaient répondu :
— Vers sept heures et demi 1
— Et les cheveux î interrogea ta gendarme tfuguat
De âuellos couleurs étaient-ils T
L'un était rouge, à courte queue, deux autres
—
paraissaient noirs, et ta quatrième était blond.
La police tdnait le signalement dos as assins et de
leurs montures. C'était déjà w> oint aci.uia. Mais le .
jugo enquêteur allait recueillir un témoignage extrfi*
moment important. Celui, du citoyen Giltat, contrôleur
des courriers à. Paris, et qui était do service le Jour du
départ de la malle poste de Lyon.
Comme l'attention du juge avait été tout do suite
ottirôo par ce voyageur mystérieux qui, parti de la» ,
cour ide la rue Meslay, avait disparu aussitôt après l'at-
tentât, tl demanda au contrôleur si celui-ci ne l'avatt .
pas remarqué.
Si, parfaitement, répliquait ta citoyen Olllet.,
—«C'était un homme d'aspect sombre, portant unei-,:. ,
rodingoto bruno ot un chapeau rond. Il n'avait apporté
avec lui pi paquot, ni vivres ; il tournait autour de la
36 CRIMES RT CHATIMENTS
mallo avont d'y monter et semblait l'examiner avo<j
Intérêt.
Cette déclaration si nette, si catégorique, transforma
en certltiii. les soupçons du citoyen Beau.
Ce voyn tir ne pouvait être quo lo complice dos
quatre cavaliers, et c'était lui qui avait dû voler à la
malle-poste lu cheval qui lui manquait pour s'enfuir à
franc Strier avec ses compagnons.
Entln, le Juge (l'Instruction de Paris entendit ta
malheureuse femme- d'Excoiton. Tout en larmes, elle
lui lit une description du voyageur, qui concordait
exactement avec celle du témoin précédent, et ajouta
mémo qu'il était vêtu d'une houppelande grlso bordée
d'un liséré bleu foncé, c'est-à-dire on tous points soin-
niable u celle quo l'on avait découverte sur le lieu du
crime.
Tout coin, certes, était fort intéressant, mais Insuffi-
sant pour itoninvr au représentant du la Justico l'espoir
de promptes arrestations,
Cependant, on no taillait pas à acquérir la preuve
que les assassins étalent rentrés à Paris,
En effet, vers quatre heures du matin, entro Ville-
nouve-Suint-t'ioornes et Malsons-Alfort, un dragon en
garnison à Melun trouvait sur la route un sabro sans
fourreau et sans ceinturon, dont la tante et la garde
étaient tachées do sang, ùuolques heures après, un
potU paysan découvrait, tout près de là, le ceinturon ot
lo fourreau, et les remettait au brigadier Pommard. Lo
sabre s'y adaptait parfaitement. Mais, malgré tout, l'en-
quête piétinait (1). Et le citoyen Beau commençait à
désespérer, lorsque deux événements so produisirent,
qui allaient permettre nu magistrat, non seulement do
reprendre contlance, mais do mener son enquêta à
bonne fin.
Le brigadier lluguct, qui s'en était allô continuer son
enquête jusqu'à Paris, apprenait qu'un chovol sans
maître venait d'être découvert à Paris, aux alentours
de la place Royale. Ce cheval fut reconnu par Duclos,
ta maître do posta do Lieusaint, pour être celui qui
avait été détaché de- la malle do Lyon.
Lo lendemain, un agent du Bureau central do la
follce do Paris apprennlt nue, lo 9 floréal, vors cinq
eures du matin, quatro chevaux couverts do sueur
avaient été conduits par un certain Etlonno, demeurant
à Paris, rue du Pelit-Reposoir, 200, chez l'auborglsto
Aubry, rue des Fossés-Saint-Germain-l'Auxerrois, Lo
signalement de ces quatro chevaux correspondait assez
bien à celui des montures signalées par los témoins
Chabaud et Pinard.
L'agent avait également découvert qu'à sept heures
environ, co nommé Etienne était venu roprondro los
chevaux, accompagné d'un de SPS camarades nommé
Bernard, et les avait conduits chez lo citoyen Morin,
227, rue dos Fossés-Saint-Germain-l'Auxcrrols, d'où ils
étalent partis ta veille.
Le pofieter ne tarda pas à apprendre quo cet Etienne
se nommait Courriol, qu'il logeait, ainsi que nous
venons de le dire, rue du Pétlt-Reposolr, où II vivait
maritalement avec uno fille, Madeleine Brêban, qu'il
faisait passer pour sa femme, qu'il avait découché
«tans- ta naît du 8 au 9, et disparu do son domicile
depuis l'assassinat du courrier de Lyon,
Le Bureau central avait voulu savoir aussi quel était
ce mystérieux voyageur. On trouva sut' ta registre do
l'administration municipale du premier arrondissement
de Paris que le 3 floréal, un nommé Pierre Laborde,
marchand do vins, natif do ta Tour-du-Pln, était venu
faire viser son passeport, qui lui avait été délivré ta
10 ventôse par la municipalité de Lyon où, disait-il, il
voulait retourner. Son signalement était ta suivant :
taille, cinq pieds, doux pouces (1 m. 67) ; cheveux et
sourcils noirs, nez effilé, bouche moyenne, menton
rond, visage ovalo et gravé.
Immédiatement le juge Beau décrétait contro Laborde
Un mandat d'amener ot ordonnait qu'une perquisition
fût opérée su domicile do Courriol,
Malgré les plus activos recherches, ta Bureau contrai
ne parvint à découvrir qu'un Pierre Laborde demeu-
rant 48. rue do Rohan, a Paris, ot qui, depuis trois
mois, était à l'arméo d'Italie. Mais la desconte de jus-
tice chez Courriol devait être, plus fructueuse. En effet,
si ce dernier s'était déjà; éclipsé en compagnie de sa
maîtresse, on apprenait qu'ils avalent été loger pendant
quelques Jours, tous los deux, 27, rue de la Bûchorie,
chez un sieur Richard, qu'ils y étalent restés jusqu'au
1? floréal, s'étaient procurés un passeport pour Troyos,
(1) Causes célèbres.
«•!•
et étalent .partis dans uno voiture de posta quo leur
avait fournie un juif do réputation équivoque, David
Bernard, marchand forain (1). Los slours Richard,
Bernard, ainsi qu'un troisième Individu nommé II ruer,
avalent conduit Courriol ot la illlo Rrôban Jusqu'à
ftondy où, au Hou do sulvro la routo de Troyos, Us
avalent pris celle do Cliàtoau-Thlorry, tondis quo leurs
compagnons réintégraient la capitale.
Immédiatement, le commissaire du Bureau central de
Paris ordonnait rarrastntlon do Richard, do sa fommo,
et du nommé Bruer, qui parvenait à s'échapper, ot il
chargeait l'inspecteur de pollco Houdon do prendre en
iltatiitv Coifrriol et sa compagno,
Quelle no fut pas la stupéfaction du cltoyon Gollor,
employé aux transports militaires à Chàtoau-Thtarry,
et homme palslblo entro tous, lorsquo, brusquement, nu
milieu de la lyilt. Il fut réveillé par do violonts coups
do marteau quo l'on frappait à sa porto, tandis qu'uno
voix autoritaire lançait cetto paroi» fatidlquo :
— Au nom do la loi, ouvrez I
L'excellent Gollor crut d'abord qu'il revoit ; mais,
s'étnnt mis à im fonôtro, il nperçut dévnut sa maison
plusieurs porsonnes, parmi lesquelles so profitaient dos
silhouettes do gendarmes.
— Quisuisest là î domnnda-t-il d'une voix angoissée.
— .ta lo citoyen Mougln,
— Le Jugo do paix ?
— Oui... Allons, citoyon Gollor, ouvroz I
L'employé aux transports, so demandant co que là
Justico pouvait bien demander do. lui è pareille liouro,
s'ompressa do descendre au roz-do-chausséo ot d'ouvrir
sa porto toute grande aux serviteurs do la loi qu'il fit
pénétrer dans sa demeure,
Lo Jugo do pnlx lui présonta aussitôt l'inspecteur, do
polico Houdon, l'officier do pollco Judiciaire Aubry (8)
et lo lieutenant do gondarmerlo Gutllot, qui portaient
chacun un falot, Un gendarma était resté do faction
près do ta porto, avec ordre do ne laisser sortir per-
sonne.
— Citoyon, demandait lo des Jugo de paix à Goller,
n'avez-vous. point chez vous personnes étrangères
à votre famille?
— SI fait, citoyon, J'ai mon otat Guosnot, préposé aux
transports mtlttalros do Cambrai ot do Douai, Il s'est
arrêté ici on venant do Paris,
— Quel est son signalement ?
— C'est un hommo d'une trontaino d'annéos, grand,
cinq pieds, quatro ou cinq pouces, ta front haut, au 1
visngo ovale, aux youx bleus, au nez mince, aux lèvres
épaisses, à la barbo et aux sourcils châtains et aux
chovoux déjà grisonnants (3).
Pas do signe particulier ?
— Si.,,
— très fortement marqué do petite vêrolo I
— Co n'est pas loautre citoyon quo nous cherchons, Vous
no logez personne ?
— Si. Un ami ot sa'femme, qui viennent aussi dû
Paris. C'est un nommé Etienne, que' J'ai rencontré il
y a quelques mois choz des amts, ot qui, so rendant
on Cliompagno, s'est arrêté chez mol en passant,
— Où avez-vous fait sa connaissance î
— A Paris, chez lo clloyon Richard. Il m'a dit qu'il
comptait prochainement so rendre è. Reims pour y
acheter du vin et. comme il me ralliait part de son
intention de possor par loi, Je ne pouvais faire autre-
mont quo do l'Inviter à descendre onei! moi.
— Où se trouve ta citoyon pour ta moment T
— Il est an haut, dans sa chambre, ot doit dormir.
— Conduisez-nous près de lui.
Goller, qui coirlmençait à regretter amèrement
d'avoir si bénévolement accordé l'hospitalité à un
hommo quo, somme touto, il avait vu à peine, s'om-
pressa do conduire ta Juge de paix et sa suite Jusqu'à
'la chambre do son hôte.
C'est ici, dit-il. en désignant au Juge une. porto qui
—trouvait
se au fond du couloir.
Brusquement, lo citoyen Mougln y pénétrait aveo les
autros personnages. Réveillé on eunsaut, Courriol se
drossa sur son séant, tandis que sa maîtresse, uno
Jeune fille do vingt ans, tout effarée à la vue do ces
gens munis do falots et à l'aspect plutôt sévère, se réfu-
giait dans ses bros,
~- Que signifie cotte plaisanterie I s'écriait Courriol,
(1) Causes célèbres.
L'affaire du Courrier de Lyon, par Gaston]
(2)
Delayen.
(3) Acte d'accusation.
Le voyageur s'approchait, et c?7m ton peu engageant, demandait courrier i
la au
— G est bien voiture qui va à Lyon? (page 1)
 8» CRIMES ET CHATIMJJNTS
avec un tort accent méridional. Allons, lalssra-nous
•ormlr I
Goller, d'une main tromblanto, allumait quoique»
ehandolles. et l'Inspecteur lleiulop, s'uvnnçant vers ta
lit, Interpellait d'une voix rudo :
— Voua vous appelez bien Courriol Etionno, et c'est
bien voue qui demeuriez récemment à Paris, 200, ruo
«u PetUReposoir?
— Oui, citoyen.
— La fetnmo qui est à vos côtés est bien ta fille Bré-
ban, votre maitrc9se 1
Et sans même donner à son interlocuteur lo temps do
lui répondre, l'Inspecteur déclarait :
— Citoyen, Jo vous arrête, ainsi quo cotto fille.
— Pourquoi ?
— Vous la savez aussi bien quo mol.
Courriol, lo plus tranquille-
— Certes non, répliquaitsuis
mopt du monde. Mais jo prêt à vous aulvro ; cur
je suis bien convaincu quo vous no tarderez pas à
reconnaître que vous avez commis une erreur.
Et comme Madeleine Bréban, tout en pleurant, s'ao«
orochait désespérément à son amant, Houdon s'écriait t
— Allons, hnhlltax-vous promplement I
Et tout de suite ii donnait l'ordre- à l'offlclor de police
Judiciaire de fouiller les meubles de la chambre, ainsi
pie les vêtements et les bagages des deux voyageurs.
On découvrait aussitôt quo Courriol et la Bréban
avaient en leur possession mlilo cinq cent vingt-huit
livres en argent ; mille six cent quatre-vingts livres on
espèces d'or ; un million cent quarante-deux mille deux
eents en assignats ; quarante-deux mille vingt-cinq
livres on inscription, et enfin une grande quantité do
bijoux d'or et d'argenterie. Aucun doute n'était pos-
sible. On tenait un des assassins.
lleudon décida de diriger immédiatement sur Paris
Courriol et la Bréban dans la chaise do poste qui los
avalont amenés à Château-Thierry ; bleu qu'il soup-
fonnàt Goller et Guesnot d'avoir trompé dans cette
affaire, tenant compte de leur honorabilité jusqu'alors
certifiée et de leur aisance personnelle, il tas Invita
simplement à se rendre au plus vite dans ta capitale.
.Les doux employés aux transports, de la meilleure
grâce du monde, prirent place dans la chaise de poste
que lo juif Bernard avait fournie à Courriol.
le jour mémo, Houdon se présentait au Bureau cen-
trai avec ses deux prisonniers, qui étalent immédiate-
* ment incarcérés, et remettait tout l'argent et toutes les
valeurs qu'il avait saisi dans tas bagages et lee effets
«les deux prisonniers. Aussitôt, une perquisition était
opérée chez le sieur Richard, qui, ainsi que sa femme,
étalent déjà sous les verrous, et l'on plaçait sous scellés
les papiers du Guesnot trouvés dans la.chambre qu'il
occupait chez ces gens, chaque fois qu'il venait à Paris.
Cotte capture était un véritable succès pour ta police
parisienne ; mais il n'en revenait pas moins une bonne
part aux magistrats de Melun ot aux brigadiers de gen-
iarmerie Muguet et Pommard qui, grâce à ta rapidité
avec laquelle ils s'étaient mis en campagne, ot à l'ha-
bileté dont Us avaient fait preuve au cours de leur pre-
mière enquête, avalent singulièrement facilité la tâche
du Bureau central.
Malgré cela, ta 21 floréal, ta commissaire dudlt
bureau, dessaisissait le juge de Melun et chargeait le
oitoyen Daubanton, jugo de paix do ta sootion du Pont-
Neuf, de procéder à nnstruction do l'affaire du cour-
rier de Lyon. Le citoyen Daubenton, qui était appelé à
. Jouer dans l'affaire dito du Courrier de lyon, un rôle
qesttné à rendre son nom côlèbro, puisqu'il.n'est pas
oublié de nos jours, était un magistrat actif, sévère et
perspicace. U ne considéraitpas ses fonctions comme un
métier, mais comme une sorte de sacerdoce. S'efforcent
toujours d'être impartial, il procédait dans toutes ses
enquêtes avec ordre et méthode et, avant de prendre
une décision ne laissait Jamais rien dans l'ombro.
Avant d'Interroger les Inculpés, U commença par
8'Assurer que tas assignats saisis par l'Inspecteur Heu-
on étalent bien ceux que ta Trésorerie nationale avait
Tamis & l'administration. des Postes, Le citoyen
Mayeux, garçon de caisse, et son collègue Roussot
reconnurent dix assignats de mille livres, qui portaient
la marque dix B. ÎOO.ÔOO et X. La lettre X et le paraphe
qui ta suivait était' de l'écriture de Mayeux. La cons-
cience de Daubanton fut aussitôt en repos. Courriol
était bien un des assassins, '
Le juge examina ensuite les papiers de Guesnot que
,
l'on avait découverts chez Richard, ot, désireux do ne
Îias perdre une minute, il Ht citer à son cabinet tous
es témoins qui avaient déposé lors de l'enquête faite
BUT l'ordre du juge de paix de Melun.
Lo Blettr Ouesnot fut convoqué par lut ta premier.
Daubanton lui posa tout do suite ta question sui-
vante :
— Je voudrais connaître tas motifs do votro présonce
choz Richard et chez Gollor ?
Lo plus naturellement du monde, Guesnot répliquait i
~- jo suis commissionnaire on transports.,. J'ai eu
à faire passer, do Douai à Paris, pour lo compte al
l'Agence Monétaire, trois caisses d'argenterie, qui
avalont été volées par un voiturier. Alors, attaqué en
garantie, jo me suis mis à ta poursuite de mon vetaur,
Jo suis venu à Paris ot j'ai accepté l'hospitalité que
m'offrait Richard, qui est un do m os puys. Appelé a
Château-Thierry pour affaire, l'ai été logé cliee le
citoyen Gollor, qui non seulement oat mon compatriote,
mats oxeruo la mémo industrie quo moi, D'ailleurs,
citoyon Daubanton, je puis vous prouver quo ma situa-
Uon matérlolta est plutôt florissante..
Avoc uno frauchlso parfaite et une minutie de détails
qui no pouvaiont quo favorablement Impressionner
celui qui l'interrogeait, Il établit devant lui, d'une
façon fhdlscutubta, qua sa probité inattaquable, en plus
de ses .ressources personnelles, rendait invraisemblable
sa participation dans un crimo qui ne pouvait quo lui
inspirer In plus profonde horreur.
Daubanton, sur lequel Guesnot avait fait une excel-
lente impression, déclara à colul-cl qu'il ta mettait hors
de cause, ainsi que Goller, dont les explications avaient
été aussi satisfaisantes que celles de so» ami, et U dit
à co dornter do revenu' lo londemain roprendre ses
papiers. ,
Daubanton fit venir Courriol qui n'avait rion perdu
do sou aplomb. Courriol était un homme jaune, élé-
gant, la mise recherchée d'un Incroyable, au front
étroit çt haut, en partie couvert par los cheveux noirs
ainsi quo par tas favoris courts qui encadraient ses
Joues plates. Lo visage au nez long, uqutlin, pointu ot
marqué d'une cicatrice, au menton pointu et à fossette,
aux yeux très sombres, était plutôt étrange,.,
nom? interrogeait îe Jugo enquêteur.
— votre
— Je me âge?nomme Courriol. Jo suis né à Avignon.
— Votre
— Vlngt-trois
•
ans.
Votre domicile ?
—
A Paris, ruo du Petlt-Roposoir, n« 200.
— Quel Ctes-vous parti de Paris?
— Lo 17Jourfloréal.
— Quel motif donnez-vous à votre départ T... 6ù
- —
alliez-vous ?,
—A Troyes, en Champagne, pour mon commerce,
,
commerce?
— Quelbijouterie,
— La ta mercerie ot los vins.
à
Est-co votre compte ?
—A
mon compte et on mon nom,
—
votre patente ?'
— Avez-vous
— La voici, Ut Courriol en tirant de sa poeùe la
pièce réclamée par Daubanton,
Celui-ci l'examina et fit observer :
Cette patente, délivrée eu bureau de l'enregistre-
—
ment établi à Parle, section de la Halle au Bled, n'est
que pour faire ta commerce do mercerie en détail en
chambre.
tout ce que J'ai I
— C'est
On a trouvé dans votre portefeuille en maroquin
•
—•
rouge un million cent soixante-dix mille quatre cent
soixante livres on assignats et promesses de mandats.
Comment possédez-vous une pareille somme?'
— Citoyen, o'est toute ma fortune.
Daubanton poursuivait, Implacables
— Dans ta coffre de la voiture qui vous emmenait à
Chûtoau-Thierry. on ft découvert un© cafetière, dix
tasses, une cuiller à soupe, une à ragoût et dix à
bouche, six timbales, deux grands gobelets à pied, tous
en argent neuf, plus une paire de pistolets demi-arçon,
environ uno livre de poudre à tlror, un sobre, son four-
reau et son ceinturon,
« Comment expliquez-vous ta présence de ces objets
dans vos bagages ?
— C'étaient des marchandises que je cherchais a
.
écouler,
— Où tas aviez-vous achetées renoontrô
?
à Paris, près
— A un homme que J'avais
de la barrière des sergents,
— Son nom et son adresse ?
— Je les ignore, car il s'est refusé à me tas. donner,
Daubanton, comprenant Que Courriol n'était 4>as
encore mûr pour les, aveux, mit An à cet interrogatoire
et le flt renvoyer dons son cachot. Puis, il fit amoieç
 L'ASSASSINAT DU COURRIER DE LVON
m
Madeleine Bréban en sa présence. C'était
femme de taille moyenne. Wio avait les cheveux uno jeune, — voua a-UI dit où il allait ?
tain» clairs, presque blonds, et dus yeux gris bruns châ- — A la campagne.
onssez expressifs, vètuo, olta aussi, avec mio certaine — Auols étalent ta» amis do Courriol î
élégance, elle donnait l'Impression d'une Ullo do — Je no puis vous ta dire, ottoyon, car jo n'ai été.
moeurs légères.,, aven lut quo très rarement cjiea Rlehard. I) y avait la)
Pour l'ujstant, elle semblait complètement désempa- des partlcultars que Je no connaissais pas, H en est
rée, Le Jtiue tout en l'enveloppant d'un regard péué- venuAvait-Il parfois chus Couiriol qui, atois, m'élolgnait,
trant, ee dit — beaucoup d'argent ï
s Oh I citoyen, il m avait toujours
« Je orols que,, si elle sait quelque chose, jo ne tar- —
lui ai jcmai» assez t Mois Je
derai pas à reprendre i * no en
Château-Thierry. tant vu qu'avant notre départ peur
Et tl commença :
— Votre nom, votro àgo, votre profession ï ~ au
riol
Pouvez-vous nous dire quel costume portait Cour-
commencement do ce mois t
Plus qu'intimidée, douloureuse, ta maîtresse do
.Courriol répondit cependant sans so faire prier — Jo no puis rlon affirmer ; car U ou changeait sou*
vont. Jo crois cependant qu'il portait à cotte époque un
— Jo m'appelle Madeleine Bréban. J'ai vingt ans, jo
s
suis née à l'ontolse Où mon pèro ost cordonnier, habit bleu aveo bouton d'acier sur fond blano dans le
Etos-votts milieu, un pantalon do peau, un gilet rouge brodé, dos
•— marléo avec Courriol? bottas et un chapeau à trois cornes avec gance d'or.
— Non, oitoyou, il y a dix mois que Je suis aveo — Lors du voyage dont vous m'avez parié, Courriol
lui. a-t-il été longtemps absent ?
— Quo falsiez-voits auparavant ? U est parti un jour le matin et n'ost revenu que
— J'étais domostiquo chez mou oncle Aubort, qui le — lendemain matin, vers onzo heures.
demeure rue tics Vleilles-Etuves-Saint-IIonoré. N'a-t-ll rien
Avant votro départ pour Chai eau-Thierry, Courriol — rapporté ce jour-là ?
—
et vous, n'avoz-vous pas quitté votre domicile de ta vue maison, — Rien, citoyen; il n'a jamais rien rapporta à ta
du Potit-Reposotr? que des cravates, quelques éeus de six livres,
quelques louis ; mais je n'ai jamais au d'où cela pro-
— Oui, citoyon,,. Nous avons logé pondant huit Jours venait.
chez un ami do Courriol, nommé Richard, qui demeura
derrièro l'Hôtel-Dion, dans uno-rue dont j'ui oublié le aujourd'hui, — BJon, déclarait le Jugo, houe en resterons là pour
MOOl.
Quelle
\
Ainsi qii i ta prévoyait, tas déclarations de Madeleine
— fl est la profession do Courriol ? Bréban, f .ios sur un ton do sincérité indéniable, nous
~ ost
Comment
marchand do
i'nvcz-vous
tollo, do
connu?
bijoux, dirons même'avec une ingénuité stupéfiante de la part
— d'une fille qui n'était pas précisément un modèle de
— Jo rat rencontré m me promenant. vertu, achevaient d'acenblor Courriol aux yeux ÙQ Dau»
Courriol
— d'aller n'a-t-ll pas décow'Jhe une nuit ou doux, buntori ; mais U ne suffisait pas à cet excellent magis-
avant choz Richard ? trat, de tenir un seul coupable, il lui fallait tas quatre,
— Oui, citoyen, U a découohâ la nuit du 0 au 10. autres. 11 allait les chercher I

m
DEUX AMIS D'EM'AKCE.
DÉNONCÉS l — J08RPH LESUnQl'KB. — ÇHBZ i£ HW*
— — plUvMJWt ÎNÏEMHOOAÏOIHB. — NOUS

— Tiens, Lesurques I uouté des erfroyobles conséquences qu'allait avoir pour

; — Ah I bonjour, Guesnot I.
C'est ainsi quo s'interpellaient cordialement deux
hommes qui venaient do se croisor sur ta pont-Neuf,
Tout on sorrant cordialement la mnin do son ami,
LeBurqùes, « un grand et solide gaillard au teint coloré,
aux cheveux et sourcils blonds, aux yeux bleus, à la
bpuoho petite et bien dessinée, les lèvres et le menton,
rftsés, le nez assez long ot mince, lo menton rond (1),
ta visago épanoui de joie et do sauté, » s'écriait, aveo
ut» accent de boita humeur ;
lui ce simple geste de camaraderie, suns doute se fût-il
montré moins facile à convaincre,..
Mais n'anticipons pas sur les événements et, avant
d'eu suivre lo cours, présentons à nos lecteurs et à nos
lectrices po nouveau personnage qui va jouer dans
cette histoire un rôle qui devait perpétuai* à jamais
son nom dans les annales dos grandes causes Judi-
ciaires.
Joseph Lesurques. compatriote et ami d-enfance
Guesnot, était né à Douai, ta mémo/année
,, dé,. •

— Déjà revenu de Chfttoau-Thlerry?„. que lui, o'est-

à*dire en 1703. Ses parents étaiont d'honorables
— il te faut bien, mon cher.....répliquait Guesnot. sans. Très jeune, il s'était engagé dans le régiment.
arti-
Figure-toi quo, quand J'étais chez Goller, un particulier d'Auvergne où il s'était fort bien conduit, Sachant très
a été arrête choz eux comme inculpé dans rassassinut bien qu'il no pourrait pas dépasser ta grade de sergent,
du courrtar.de Lyon, il quittait l'armée en 1789 et, désireux de s'assurer une
— Ah i oui, ce crime'-abominable dont tout ta monde carrière plus brillante, il entrait comme simple em*
parle I ployé au bureau du district do sa ville natale, Grâce
— On a saisi tout ce qui se trouvait chez Goller et à Bon activité et à son intelligence, U en devenait rapi-
chez notre ami Richard... qui a été arrêté lui aussi, dement ta chef. Il se mariait alors à une femme char-,
ainsi que sa femme, mante, très douce, très bonne, qui lui donnait trois
— Allons donc
— Qn hier
1
,
m'a pris mes papiers </t ta juge Daubanton, que beaux enfants. Entre temps, s'étant tancé dans les spe^
culations d'achat et de revente des biens d'émigrés ot
j'ai vu et qui m'a longuement Interrogé, m'a pro- du clergé, dits biens nationaux, il Avait acquis promp-
mis de les rendre ce-matin. Je-vais les chercher. Tu toment un capital dont tas Intérêts formaient environ
viens avoo mol ? Je te raconterai tout cela on routo, dix. mille livres do rente, ce qui, pour l'époque, cons-
— impossible. 11 faut que je me ronde ruo Montmar- tituait une véritable fortune.
tre.., ou je fais remettre à neuf rappartamoht où je Sans être le moindrement débauché,
dois habiter prochainement avec ma ïamtlta... aimait la vie large et Joyeuse... Doué d'uneLesurque»
— Mais, insistait Guesnot, Je peux avoir besoin .d'un
témoin instruction et d'un goût naturel pour, les bellescertaine
choses,
pour certifier identité,.;
—Je rassure que Je mon no peux pas,..
U prisait fort lés lettres, et les arts... et il avait tôu*
jours été tourmenté par ta désir de se fixer à Paris ou
Passant.son bras sous celui do son ami, ta préposé Il pourrait donner libre ses idées et à ses àppô«
*
aux transports militaires l'entraînait, tout on disant; tits, et, où aussi, désir cours
très
a
— vieris donc I ça ne te retardera pas beaucoup ot
louable, il serait mieux-a-
tu ma rondras ma gjmnd service... même que partout ailleurs de procurer e ses enfanta,
_
Lesurques, bon garçon, se laissa faire. S'il' 's'était' une éducation plus complète.
Dès qu'il so sentit sûr de ses' ressources matérielles
(i) L'affaire du Courrier de. Lyon, par. Qasfon et en possession d'une large aisance solidement éta-
uèhyen: blie, au commencement de l'année 1785, il quittait
• Douai où il laissait provisoirement sa famille et arri*
-I.--
i» CRIMES ET
valt à Ports. Tout de suite, U se mettait en quêto d'un
appartement dans lequel il pourrait s'installer confor-
tablement et même luxueusement aveo les siens.
Sans doute, à cette époque tourmentée, y avait-il déjà
une crise do logements, ou Lesurques so montrait-Il
très difficile, ou bien encore, désirant jeter sa gourmo
et mener dans ta capitale, pendant un certain temps,
cette vie de garçon qu'il n'avait pas connue, faute d'oc-
casion ot de... numéraire, toujours est-il que co no fut
qu'après plusieurs semaines qu'U so décida à louer un
appartement, au n° 2à île la rue Montmartre, dans une
maison appartement au citoyen Maumcu, notaire.
Mais l'appartement avait nesoln d'Importantes répa-
rations ; Lesurques s'aboucha avec les différents corps
de métier du bâtiment. Il faut croire qu'en 1705 les
entrepreneurs n'étaient guère plus presses quo do nos
jours pour exécuter les travaux qu'on leur comman-
dait, car. à co Jour, ainsi que nous venons do le voir,
les ouvriers travaillaient oncoro rue Montmartre et
Lesurques demeurait toujours choz un do sos cousins,
Aiidrê Lesurques, tailleur, au 38 de la ruo Montorguell.
D'un caractère agréable, d'uno bonne humeur
qui semblait inaltérable ot d'uno certaine culture qui
rendait sa conversation fort plnlsanto, Lesurques
n'avait pas tardé à so créer do nombreux amis, parmi
lesquels deux peintres do talent, les citoyens llllairo
Ledru et Baudnrd, ainsi quo le citoyen Legrand, origi-
naire lui aussi de Douai, et bijoutier-orfèvre nu Palais-
Royal, (Depuis la révolution, Maison-Egalité.)
Tout en surveillant les travaux qui s'oft'\;'iuilent si
lentement à son futur domicile. Lesurqiit; '•venait la
vie qu'il avait si longtemps rôvéo, c'est-o-dl:\ facile et
joyeuse. Il fréquentait les bars, les restaurants, les
CHATIMENTS
taffetas roso, aux. coltorottos dites « frlsohs » ot outra-
geusement fardée ». C'était Madeleine Bréban.
Entlu, ta citoyen Gelier, lo collègue de Guesnot, que
celui.cl avait mis également en rapports avec son ami
Richard,
Pendant tout ta repas, Courriol, quo les maîtres dé
la maison avaient présenta uux autres invités, avec
Madololno Bréban, comme ta citoyen et la citoyenne
Etiuimo, — do bons amis, - so montra étourdissant
do vervo mérldionalo. Co fut alors quo ta brave citoyon
Gollor, conquis par lui ot enchanté do rencontrer
dans Guesnot lo plus altnablo dos collègues, les invita
tous doux à descendre citez lui, lorsqu'ils passeraient
par Chatanu-Thtarry.
On sait comment les choses devaient tournor pour
lo trop confiant (inllor, dont lo jugo Daubanton avait
prompteiminl deviné rentière lionne fol ot la parfaite
Innocence,,.
On peut doue Juger si ta récit do Guesnot avait inté-
ressé Lesurques,
— Quelle affairol s'écriait co dernier, lorsqu'on che-
min Guesnot eut fini de lui conter dans tous ses détails
celto oxtrnordinnlre ci pourtant si vérldlquo aventure,
Jamais Jo n'aurais cru quo ce citoyen Etlonno, ou
plutôt, conmiont in'as-tu dit, déjà?...
— Co Courriol.
— Eli bien, oui, co Courriol fût un bandit do grnnd
chemin..,
C'est en dovlsant do la sorto qu'ils pénétraient danB
l'antichambre do Daubanton, où se trouvaient déjà
réunis les témoins do Moitgeron et do Lieusaint, quo
lo Jugo avait convoqués la voillo...
•.
Sans s'occuper lo moindrement de cos paysans endi- >,,

établissements à ta mode... tels quo les cafés de Char- manchés qui lus regardaient avec uno
tres, do ta Régence. Il avait mémo une petite amie, uno sité, ils s'installèrent sur un banc... certaine curio-
s'entretin-
lingôro do vingt ans, nommée Eugénie Dargenco, qnl rent à haute voix do l'Affaire du courrieretde Lyon, de
demeurait ruo Salnt-IIonoré, et, avec laquelle fréquem- Courriol, de Madeleine Bréban, de Richard, etc.. etc..
ment, il soupait et passait ta soirée.., liaison d'ailleurs Doux femmes qui les écoulaient depuis un certain
sans» grande Importance. temps, les dévisageant avoc attention, so mirent à par-
N'empêche que tomes ces fantaisies, Jointes aux frais ler a voix basse. C'était los doux servantes d'auberge.
que lui coûtaient l'aménagement do son futur loyer et la Grossolôto ot la Santon. Et lorsqu'elles pénétreront
f entretien de sa famille, finissaient par lui revenir fort à lour tour dans lo cabinet du juge, toutes pales, toutes
chor et qu'il avait dû envisager ta nécessité d'augmeu- tremblantes, elles adressèrent un dernier regard.
ter ses revenus. Un Instant, il avait été tenté do so angoissé vers Losurques et Guesnot qui continuaient à
livrer au trafic sur les valeurs métalliques ot mar- deviser sans avoir romarqué un seul Instant l'étrange
chandes do toutes sortes qui. sous lo nom d'agiotage, impression qu'ils avaient produite sur elles.
faisait alors fureur. « Mais il était trop avisé pour ne Aussi quelle no fut pas taur-surprise... lorsqu'au bout
pas se rendre compte combton, par suite de l'Inflation et d'un quart d'heuro environ, l'officier do pollco judi-
de ta dépréciation des assignats, papier-monnaie, dont la ciaire Houdon, que nous avons déjà vu opérer avec
valeur était basée sur les biens nationaux, cotte façon tant d'habileté, sortait du bureau du magistrat enquê-
de procéder présentait des dangers. Il préféra s'adon- teur, ot, après avoir considéré attentivement les deux
ner de nouveau à la spéculation. Mais les conditions amis, s'approchent do Guesnot, lui dit d'un ton soo :
n'étaient plus les mêmes. D'abord, lo système du pot- —
Lo citoyon Jugo vous demande, ainsi quo ta
de-vln qui sévissait déjà lorsque Lesurques s'était livré citoyen qui vousoccompngno, .
à ses premières opérations, n'avait fait quo s'étendre. — Moi I s'étonnait Losurques. *
Les intermédiaires, de plus en plus nombreux et gour- — Oui. vous...
mands, exigeaient des commissions, voire des avances Etonnés, tas doux compagnons parurent auprès du
plus considérables, Si habita fût-il, Lesurques fut obligé magistrat.
de se découvrir de sommes importantes. Et si ta for- La Grossetêto et ta Santon, l'air toujours effaré, se
tune ne lui était pas toujours défavorable, Il lui arri- tonalont dans un coin de la pièce. Tout
vait parfois d'éprouver certaines déconvenues qui banton faisait placer les doux amis près de suite,
do Dau-
la fenêtre,
n'étalent point sans altérer sa souriante bonne humeur. » en pleine lumière, Puis il leur disait:
Malgré tout, son caractère optimiste reprenait ta — Restez là un Instant, tournez un peu la tête,
dessus... et il lui suffisait d'aller voir sos amis, do fairo regardez-moi bien... Guesnot, faites quelques pas vers
les galeries do Maison-Egalité, alors si mon bureau. Bien I Et vous, l'autre, marchoz aussi.
un tour sur grouillantes,
animées, si pour quo ses Idées noires vers moi...
B'envolossent aussitôt. Do plus on plus ahuris, tas deux compagnons se
C'est là qu'un jour, sortant du café do Chartres, qui regardaient, so demandant co quo cota voulait dire,..
se trouvait non loin de ta boutique du bijoutier Daubanton. d'un ton sévère, ordonnait à l'inspecteur
Legrand, que Lesurques s'était trouvé noz à noz aveo Houdon de les faire passer tous les deux dans une
ami Guesnot, venu, comme on ta sait, à Paris. petite pièce qui communiquait directement avoc son
son sujet
au do ces trois caisses d'argenterta qu'on lui cabinet, en attendant qu'il tas convoquât do nouveau.
avait volées... Tous deux furent ravis de se rencontrer. Resté seul avec tas doux femmes, Daubanton taur
Car Us avaient conservé intacts les liens d'amitié qui demandait:
les unissaient depuis leur plus jeune âge. Le même .
Croyez-vous encore, ainsi vous me l'avez
soir, Guesnot emmenait Lesurques dîner chez leur affirmé tout à l'heure, que ces que
—
soient deux
compatriote Richard et sa femme et leur rendait leur dos assassins du courrier de Lyonnommes ?
politesse en tas invitant à leur tour à déjeuner chez — Oui, citoyen ju^e, répliquait la fille Grossetêto
son cousin de la rue Montorguell... Quelques jours avoo • uno conviction absolue. Ce sont là deux
après, chez tas Richard, nouveau repas. Mais, co des quatre cavaliers qui ont dlnô chez la. citoyenne
Jour-là, il y avait "d'autres Invités. D'abord, • un Evrard.
homme en habit bleu à boutons blancB bordés d'acier, Et ta Santon d'ajouter :
laissant apercevoir un gilet d'étoffe des Indes à raies — Et qui ont bu ta café chez la citoyenne Châtelain.
tombant sur un pantalon en peau de daim prta dans — Faites bion attention, à ce que vous dites, reprit le
des bottes molles, et le cou entouré d'une énorme cra- Juge. De 'ces deux hommes, l'un a été soupçonné et
vate de sole brune ». rien no le forçait, s'il était coupable, à revenir toi i
C'était Courriol. l'autre, le blond, n'a Jamais été mis en cause.et sa
Puis, une Jeune femme * en redingote doublôo de présence Ici serait encore plus Inexplicable, Les scélô-
 L'ASSASSINAT DU COURRIER Dl2 LYON

La citoyenne Evrard, aubergiste à Montgeron affirmait %

•— J'ai reçu à dîner chez moi quatre cavaliers,

(page 2)
US'- msm ^;ïi^#éU';
rats ne viennent pas ordinairement au bureau do — Qui, citoyen, un do'nies »mis, pour Wpondre de
policcy après avoir commis un crime. moi, «i c'est nécessaire ' - -;
Ces paroles ne parurent nullement Influencer les — Commoui
s^appello c«t individu ?
deux filles d'auberge; car, slmultaufinout et uvoo une — Lesurques... counalssuz-vous . ce Surque »? , •
énergie Impressionnante, elles affirmèrent ; — Commuta * , .

oux, nous on sommes sûroa, '

— Ce sont eux, ce sontblond, — Nutis sommes du mému pays, nous avons été éta<
lit ta Orossatoto avec vée ensemble ; jo le vois souvent. .
— surtout le grand
,

force. — uue fuit ce

citoyen?
Lo grand blond, c'était Lesurques. sa fortune.
— Il gère fortune
Daubanton tu sortir tes deux rouîmes, non sans taur — Quelle ?
nationaux qu'il a aohoté* depuis
avoir u 'oimé de rester à sa disposition et U se lit — Dus domaines
apporter ta signalement des bandits recueillis par les trois ou quatre ans,
gendarmes de Lieusaint et de Molun. — C'est bleu..
Deux de ces signalements paraissaient se rapporter Daubanton, après avoir fait signer & Guesnot son
à Guesnot et ù. Losurques. Ce dernier, surtout, semblait Interrogatoire, donna Tordra de le faire sortir et de
bien devoir être le » grand blond > dont parlaient tous le garder a vue. Puis, U Ut revenir Lesurquus.
les témoins. 'tout oit marquant sonétonneiueiit de co qui lui arri-
Le eus émil des plus troublant». Le magistrat décida vait, co dernier, après avoir décliné sur l'invite d*
de l'élucider au plus vite en procédant successivement juge, ses nom, prénoms, date ds juuseauoo, profession
à l'Uitcrrognloiro des deux tunis. 11 commença par et domicile, hasardait; '
Guesnot. Celui-ci semblait au comb'e do ta stupeur. — Je désirerais savoir, citoyen, juge.,.
Eu effet, rofileter de police itaudon, qu,', était resté Mais, d'un geste auiuritalra,, l'enquêteur l'interrom-
.
près ilu lui, ainsi iiue de Lesurques, s'était refusé do> pait, puis scandait d'un ton sévère r
répondre aux questions que tous doux lui posaient. Conuulssoz-vç.us ta citoyen Guesnot?
— Oui,
Aussi, le préposé aux transports, avant quo Daubanton. — j'ai été élevé avec/lui. \. Paris,?..,
v
lui adressai la moindre question. aUuquuH-U : a-t-U longtomps qu'il est à
~ 11Jo yl'ignore,
— Citoyen Juge, comme vous m'y aviez convié, j'étais — je l'aï rencontré sus la Ch du mois
Venu chercher Te» pièces... dernier, au- Palais Egalité,
Mais, brusquement, Daubanton l'interrompait : — Avez-vous fait un voyage aux environs
de Parts
— 11 s'agit bien do cela1 avec ta citoyen uuesnot ?
Et tout de suite, il réclamait avec rudesse ; de Parla, depuis que Vy suie,
— Je- ue suis pas sorticombien
f — C'est-à-dire depuis
de temps?
— Vos nom, plénum», âge, profession, domicile
j,.
Bouleversé, uuesnot répliquait : — Imputa un an.
}e me nomme Charles Guesiml (î). Jo suis xt& à — Lu M de lie mois,,vous ne vous êtes pas trouvé
—
Doua), dans le Nord, J'ai trente-deux arts, ta suis pré- aveo Guesuivi t,
posé aux transports militaire» de Douai à' cambrai. Je — Non, citoyon juge,
me trouve à Paris depuis deux mois, ainsi que jo vous — Quelle était votro fortuno, avant de venir à Pane?.
l'ai dit hier, où Jo recherche trois caisses d'argenterie... chef du district, ù Douai, j'ai
— Après avoir été nationaux
T- Où avez-vous logé pondant ce temps?
acquis différents- biens que J'ai revendus on
— Chez le sieur Richard, bijoutier, g?,, rue
.
de la partie, et ce qui me resto su fut a-mon existence.
Bûcherio, — Connalsstaz-vous Richard ?
Ne fnit-ll pas votre commerce?
T Je — Pas avant que uuesnot m'eût emmené dinar chez
— sais qu il achète parfois des sdlortaSt lui.
— Ne vu-Wl pus aux foires ? ' — LravezrVQU8> revu depuispremière
?...
clu/z un de. mes
fols. La
— Deux aunes-l'avais
— Je l'ignore.
parents, où Je prié do venir dîner avec sa
— N'a-t-ll pas fait un voyage au commendement d*
-
ee mois ? fonuno. La seconde fols, chez lui,, où il m'avait réin-
—'.fe ne puis pas vous ta dire. Car J'étais à Château- vité.
ta,citoyen
— Ce Jour-là, n'y .avait-U que vous et
-
Thierry où J'étais allé voir mon collègue, ta citoyen
Guesnot?
A bruta-pourpoint, Daubanton lançait : — il y
avait aussi un particulier qui se faisait appe-
— Connuissuz-vous Courriol ï
ler Etienne ot une femme dont je ne me rappelle plus
Sans lu moindre phraso d'émotion, spontanément, le nom et qui se donnait pour son épouse, Cet Etienno
en homme qui est décidé à dire toute lu mérité, Gues- avait l'acont provençal. C'est <^,ut ce que je puis me
not répliquait t rappeler.
— Je lai vu pour lu première fois ta 10 au soir; chez — A quelle époque a eu lieu ce
repos?;..
le citoyen Richard. — Quoique» jours avant que Guesnot ne partit pour
— .N'est-co p;»3 à
Château-Thierry, poursuivait le Château-Thierry.
Juge, que Courriol a été arrêté ? — Il y a combien de temps de cela.?
•* Oui, chez le citoyen Golter. *~ Dix jours environ.
— Il lu connaissait — Connaissez-vous la profession) do Richard?
— Comme mol, pour s'être trouvé aveo lui iAiet le — Je crois me souvenir qu'autrefois,ta U avait été
>

citoyen Richard. bijoutier et Je pense qu'il a dû suivre même com-

— ¥ a-Hi longtomps que vous connaissez le yltoyen merce ; mais neje puis rien vous affirmer.
Goller ? — Veuillez signer ces déclarations,
— Je le connaissais par correspondance ; mata je ne Tandis que Lesurques, de plus en plus étonné, s'exé-
l'avais Jamais vu avant d'aller h Château-Thierry. cutait avec la meilleure grâce, Daubanton murmurait
1

— N'étes-vous pas alié dans ta pays aveo

Richard, quelques paroles à l'orollle de son greffier, Celui-ci s'en
ainsi que Courriol ï fut aussitôt ouvrir ta porta qui communiquait aveo la
— Non, citoyen.cheval, lors de votre dernier petite pièce ou Guosuot avait été enfermé et il rame-
~ Etiuz-voUB & voyage nait aussitôt ta préposé aux transports dans, le cabinet
6 Château-Thierry 7 du Jugo. ,,
— Non, J'étais en voiture. abaentô de Paris, Celui-ci, tout en les dévilogeant tour à tour, leur
— Ne vous ôtes-votis pas vers ta disait:
7 eu ta 8 de co amis, avec le citoyen Courriol ?
— Citoyens, je me vois
obligé de vous mettre en état .

— Non,dos citoyen. Je n'ai été que Jusqu'à la Vllletta d'arrestation tous tas deux,
prendre informations relativement a mon vol. Guesnot s'écriait :
— N'avez-vou» pas été, ta 8, à Montgeron, aveo — Je n'ai rien fait I
Courriol ï — Quo me reproclie-t-on ? mtarrogf* Lseurquee.
— Je ne suis jamais sorti de Paris avec
lui. — ta
vous devez savoir, ajouta Daubanton,
— Avez-yous été à Melun ? Et, s'adressant à l'Inspecteur Itaudon, Daubanton
— Jamais, citoyen, s'écriait t
,
— Vous n'êtes pas venu seul ici ?„.
Quelqu'un vous — Qu'on les fouille I
accompagne ? Consternés, Guesnot et Lesurques laissèrent Heudon
et un autre Inspecteur explorer leurs poches. On
trouva sur Lesurques une montre en or, une bagua
(1) L'Aftairo du courrier de Lyon, par Qeùrgsn comporta de treize anneaux, une autre dite eolHer de
Delayen, chien, et enfin, dans son portefeuille, une carte ie.
-10-
 ',$jtëfcM^^ '•,'.;/;:,?
''..Mtttièrûo ta ôoottop; du Sort conseil,-.au ndm:d'André posé' attx tronspoHs.oxpliqua que om• cinq" ehoyaùrtc,
Lesurques. né â Douai; âgé de trente-trois sus, demeu- .étaient ceux qurétaient en fourrière
rant ruo Montorguell, 388, à Paris, depuis six ans, et « l'auberge Uu!
Coq Hardy, è là Chapelle, et appartenaient
une--an blanc; - nu veiluv"
— Quo
m'ave-z
slgnhio
. • •
cela? Interrogeait' Daubanton,
dit vous appelor Joseph-, avoir trente-deux Vous
.Vous faites donc do» farces ? ans,
te-rlo .-:,'.
fier qui avait dispqrft avec «os trois
Décidant; de ne pas pousser plus loin
caisses d'argent
, .
•.(:
son interroge--
'.
toirn, Daubanton ordonnait, que Losurques
— Citoyen, répliquait. Luaurques, c'est la carto do fussent Immédiatement écroués à la chambre ot Guesnot
mon cousin qu'il a laissée, cliuz moi, du Bureau cenirnl. d'arrêt
.
,'.

!'.
« L'autre provient'de papiers qui m'ont été vendus,
té-na sais vraiment comment elle se .trouve sur mol
a'aiUeurs, Je n'en aurais Janmftv fait uuoup usagot
— Pourquoi, questionnait Aproment ta jugo, depuis
5
_Do nouveau, loe» doux,amis éclataient
tions indignées ; "-.,
en protesta»
— Do quoi nous accuse-t-on ? Mais n'est affreux. ' &W
minable I Citoyen jugr-, écoutez-nous...
,'; onze mois.que
vous habitez Paris ne vous otea-voUs
i; pas encore' muni d'une carte de sûreté Alors, so. dressant de foutu ta hauteur do : .,
et n'ôtes-vous Daubanton s'ôcla sur ta ton triuclmiit sa taillé,
.•porteur d'aucune papiers assurant ou indiquant votre implacable ; n'un Justicier,
i'.exlsteuce oiviio et politique?
\ Leatfrtfuos, qui, en faco du danger, s'était, presque
, — Les deux femmes que vous '/enaz t|o yolr tout' S
entièrement ressaisi, ripostait : l'heuro dans ce cabinet vous ont reoonnu civmmo étùht
doux des cavaliers qui ont uttuqué la inaile-posta. 'ot :
',!
— Je n'ai pas pris dit carte de sûreté parce quo, assassiné ta courrier de Lyon,
.rentrant do trôs^ bonne heure ohaquo soir, je n'ai pas- correspondent exactement à ceux deux
Vos signalements
\)ta nécessaire.d'en avoir,,,,, misérables, et les charges découlant de do- doux dô ce»
{ « Je roconnafs que jo suis coupable d"une négligence. rJriturro'tffitojre'
quo Je vous ai fait subir, à l'un ot à i cuire, m'impo-
çrunnt à mes papiers, Je-les artaiss.es ù Douai, chez sent le devoir,110 vous garder ù'ma'disposition* Mm l
mon receveur, c'est la raison pour laquelle je n'en al U n'y avait.pas à discuter. Et Losurques.t.brisé '
pan sur moi. douleur et .d'épûuvanto.trmdis que ks de-
' i'-Sur Uuesnot, .,on ne trouva qu'un seul document inté- gens de police'
l'entraînait avec son ami, 110 put quo crier:
riissant, c'est-à-dire une note do cinq chevaux. Le prô-> à coltù-el
— Ah t Guesnot I Pourquoi m'as-tu amené Ici ? ' (

IV

counntot, NIB. — LA FILLE MADFXEINE BÏ^HAN,

DES a'AccuMULEJir sut» u — LES CHAU-
TIÎIB DIS LPSUUUUEÇ.
DAVID DBuNAnD. — LA C0N3C1ENWÎ D'UN JUGE. — LE JtUH
DESSAISI, — 3AUI1ANT0N

l,o l'ewtamaliii Daubanton, convaincu qu'il tenait,l chevaux

on'tro ses mains tas principaux artisans du nrlmo abo- Connus Je chez Morln où ils iraient tas chercher.
minable qu'il avait pour mission de vongor, priait des affaires.connaissais ces personnes pour avoir fait
son collègue do lu section (ta l'a ruo' Montmartre11 datant, avec citas, J'ai fait co qu'elles me deman-
«t'-apérer au domicile'du citoyen Joseph Lesurques, la Sans relever co quo cotto déclaration avait d'invraf- -- .
p/jrqulsition la plus rlgourutise, d'y enlever tous « lesL1 semblable, Daubanton reprenait i '
papiers qu'il y trouverait, les bijoux, argenterie et
— . Richard-et Homard ôtatant-il là?
•
Marchandises ot d'y mettre los scellés pour la consor- '
vallon do ce qtt'll y trouverait ». • — Non, citoyen.
/ Iï écrivait ensuite aux commissaires do poMce do le—8 Pourrlez-vous mo dlro quel'vêtement vous porttaa1
Douai et do Cambrai pour tour'demanderdes renseigne-i et ta 0 ?
monts circonstanciés sur LesurqueB ot Guosnot, Puisr habit — Jo ne saurait. J'en ai nlusloum Co.devait être tih.
il procédait à un nouvel interrogatoire de Courriol. ô' petite!) bleu, ou un habit de nankin, 0V00 une culotte
Celui-ci commença à nier do s'être absenté du Paris- ratas,
los 8 06 9 floréal ot affirma qu'il avait acheté l'argente-i- Courriol 'DaubaMon' fit introduire ta garçon d'auberge à qui
rie qu'on avait retrouvé dans su valise a ut) hommo1 avait remis les chevaux et 11 iltl demandai,
qu'U no connaissait pas, près de la barrière des Sdr- — Reconnaissez-Vous l'Inculpé prôsaiit ?
lonts. Le garçon répliquait s
Sari» doute aussi, s'exclamait Daubanton, — C'eat bion ta citoyen Courriol.
—
connaissiez voua no1 '— Quel costume portait-il ?
pas Bernard? — Jo no pourrais pas' vous dire.'
— SI fait, citoyon, faisait Counlol, Je lui ni demandé ,, Désignant une redingote couleur d'ardoise, bordéo de-:
plusieurs fois dos chevaux ot Jo lut ai môme acheté11 peluche noire qui se trouvait' parmi les pièces à cotivic-
une voiture tlon, ta Juge demandait au témoin :
— Et Richard, où l'avez-vôus cdnttu ? •
Etait-ce celui-ci ?
— I5n Belgique, où J'Ai fait des affaires avec lui.
v-
Le
.
garçon d'auberge, .franchement, répondait » ' • '
— Qu'flVoz-vous fait le 8 de ce. mois ? — Je no sais citoyen, Jo mo rappelle avoir vu cet
Jo suis promonô
-- à mes affaires,.,
me au Palais-Egalité,,, ot j'ai i habit au citoyen Courriol, mais je ne puis dire s'il.
•

vaqué l'avait ta 0.
— N'avez-vous pas <llnô à Montgeron? quelle heure a-t-h -
A amené
— Jamais. Vivement Courriol intervenait tles chevaux.?
— .
, D'ailtaui'B, Je no connais pas ce pays,
— Quand avoz-voUB rencontré le courrier tta Lyon1 — A cinq, heures du matin,
sur ta route de LiouBttint à.Molun? • — Plutôt vers quatre et demie, rectifiait ta têtholn.
Jouant la comédie de l'Indignation, Courriol décriait;
théâtralement ; — Comment étaient ces chevaux ? demandait lo
— Citoyen, vous me percez le coeur quand vous?» Le garçon répliquait ;
parlez do choses pareilles ? Je n'ai rien vu et Je ne suis1
pas do quoi vous voulez parler (l) 1 — fis ne m'ont pas paru absolument frais, L'un avait
brisé sa longe, et traînait un bout do chaîne d'un pied
Sans se laisser démonter ta moindrement par cos1 environ,
protestatiotiB virulentes, le Juge poursuivait! . Daubanton précisait ;
.— N'avoz-Votis pa« ftmoiiô des enovaux à .,
l'aubergo C'est cheval '
du citoyen Morln, le 9 ftoréai ? 1
— co qu'on a vu à Montgeron et ensuite
Courriol qui, mm doute, avait à Lieusaint la nuit tomna;ite\ Eh bien, que répondez-
répliquait sHns sourciller •
, préparé •
sa répons*,, vous, Courriol ?
*- En effet. J'ai rencontré quatre citoyen» sur ta1 — Jo n'ai Jnmahi monté aucun de ces chevaux.
bord de ta Solne. Ils m'ont dit aller à la nouvelle Posta, voient S'otiipnraul du sobre pincé sur ta table où se trou-
nie du Louvre, et m'ont demandé de conduire leurs,1 s'écrtahd'autres t
pièces relatives à l'enquête, Daubanton
(i) L'Affaire du courrier do Lyon, pat Gaston imlssez.vous?
UelaVari. ;

-««•
—
—
Regardez
Oui, c'est ta mien,
'
...
bien ce sabre taché de sang. Le rocoh-
mais je no sais comment il, i
 44 CRIMES ET CHATIMENTS
,". frdu sang après. Jo l'ai troqué, Il y a deux mots,
;
«entre un autre, aveo une parsonne dont Je ne connais
pas ta nom.
— Décidément, s'écriait Daubanton, vous n'avez
guère do mémoire.
, Puis, tout en lo fixant bien, do son regard qui sem-
blait descendre au plus profond des consciences, ta
magistrat lui disait t
— Vous persistez à prôtundro que vous n'êtes pas
sorti.de Paris... quo vous n'avez pas découché?
— Qui, citoyon, répliquait lo bandit, déjà avec moine
•l'assurance
— Eh bien, vous montez, scandait l'habita enquê-
teur. la
Cap hier, votro maîtresse, fille Rrôban m'a for-
mellement déclaré que vous aviez découché ta nuit du
8 au 10 après lut avoir dit quo vous alliez à la cam-
pagne.
— La garce 1...
.Courriol so reprochant déjà cotte exclamation spon-
ttuiéo, fit d'une voix sourde :
— Elle no sait pas cç qu'elle racopto, ello ost folle.
Je Buis bien sur qu'elle n'oserait pas dire cela devant
moi.
— C'est co que nous allons voir, répliquait sévère-
anont Daubanton.
Et s'ad^essant à son greffier, U l-A disait ;
— Que l'on fasse entrer la ;'.",lle Madeleine Rrêban.
Courriol so mordit les lèvres. Décidément les choses
tournaient encore plus mal qj'll ne l'avait redouté.
Madeleine parut, encadrée do deux agents de police.
En apercevant son amant qui dirigeait sur elle un
«cil mauvais et menaçant, ello no put réprimer un
léger tressaillement qui n'échappa point à ta perspi-
cacité de Daubanton.
— Rassurez-vous, lui dit ta Juge, en lui désignant
Courriol, vous n'avez plus rien à craindre de cet
homme. Maintenant, Jg tiens à vous faire savoir qu'il
est accusé d'avoir participé à l'assassinat du courrier
de Lyon et qu'à l'heure actuelle J'ai entre les mains dos
preuves suffisantes pour être sur do sa culpabilité.
« Quant à vous, seule, une franchise absolue peut
vous sauver d'une accusation do complicité avec ce
misérable.
Courriol voulut parler ; mais, Implacable. Daubanton
lui imposait silence, et reprenait aussitôt l'autorité qui
le caractérisait ;
— Cet homme prétond qu'il n'a jnmnis découché,
Iotnttls quitté, Paris. Vous m'avez affirmé le con-
rolro. Persistez-vous dans vos déclarations?
Toute tremblante, Madelelno lîréban, répliquait i
— Oui, citoyen Juge.
— Maintenant, reprenait ta magistrat en foudroyant
du regard Courriol qui mâchonnait entre sos donts des
paroles Inintelligibles, fille Hrêbnn, Jo VOUB somme de
compléter les renseignements que voua m'avez donnés,
en me disant tout ce que vous savez.
Comme ta malheureuse manifestait une certaine
hésitation, le Juge Insistait ;
— Allons, parlez, je vous réiôto que votre liberté est
A co prix I
Eh bien, citoyon Jugo, se décidait Madeleine on
—
détournant ta tôto du côté où se trouvait Courrrlol, ta
8 Floréal, Courriol est parti à la pointe du Jour. 11
m'avait dit qu'il allnlt à ta campagne, Il emportnlt une
valise dans laquelle il avait mis quelques effets et
puis... BOB pistolets...
« Le fiiirlcndomain, comme 11 no rovenait pas, ot
craignant qu'il ne lut fût arrivé malheur, Je me dis-
posais d'aller aux nouvelles chez Démord, quand ce
dernier vint mo dire que Courriol m'attendait à la
Maison de ta Paix, rue des Petits-Champs et qu'il mo
dumandait do lui apporter de quoi BO changer complè-
tement et de «'équiper des pieds à la têto. Je fis un
paquet des effets demandés et Jo courus à la Maison de
Il Paît, où Je retrouvais Courriol dans la chambre
tvun nommé Dubosc. Il était v.Mu d'une chomtso ot
d'un pantalon de peau. Il s'habilla aussitôt et nous
partîmes ensuite pour Château-Thierry.
Daubanton reprenait :
— Quels Bout tas gens que vous avez vu lo plus fré-
quemment avec Courriol 7
Les citoyens, Duboao, Durochat,
. . Roussy,
«. Vidal,
—
Bruftr. Richard ot Homard.
— Et puesnot ?
— Ah oui, mais
I très rarement,
— Et Lesurques ?
ne me le rappelle pas,.. SI,.,
— Jechez une fols,
. a, un
AJner les Richard.
-Il-*
LUI montrant alors ta sabre taché de sang trouve sar
le lieu do l'assassinat, ta magistrat fit t
— Et ce sabre, ta roconnaisnez-vous ?
— Oui l répllqua-t-ello après avoir un pou hésité, c'est
blort celui do Courriol I
L<i Juge terminait son interrogatoire en disant
s
— Je suis encore obligée do vous garder à ma dispo-
sition, mais ainsi que Jo vous l'ai dit, si, toutofols. vos
déclarations sont reconnues exaotes, VOUB no tarderez
pas a être mise hors de cause
Madeleine Bréban remercia, eu sanglotant, lo juge.
8uant à Courriol, les poings, crispés, les dentB serrôeo,
regarda Sa maltresso s'en aller avec un" air si ter-
rible qbon eût dit quo tous se» crimes qui devaient
déjà être nombreux étaient inscrits sur son visage.
— Citoyen Jugo, fit ta groffior à Daubanton, Je oro|8
quo vous n'avez pas pordu votve Journée I
Mais désiroux do pousser rapidement et à fond son
enquête, U confrontait une heure après Losurques et
Guesnot. les cabarctlors do Lieusaint aveo le citoyen
ot ta citoyenne Champoaux qui déclaraient qu'ils los
reconnaissaient et que Lesurques était bien le grand
blond qui, ayant cassé un des chalneaux de son épe-
ron, l'avait raccommodé chez eux avec du gros M
blanc, La citoyenne Champeaux ajoutait que ta grand
blond avait voulu payor ta café on assignats, et que
Courjloi l'avait payé on argent.
A ces affirmations faltos sur un ton do sincérité ot de
bonne fol qui no pouvaient être mises on douta, Losur-
ques ot Guesnot s'écriaient ;
— Ces gens so trompent Nous sommes innocents l
I
Rien que Daubanton fut impressionné par les déné-
gations véhémentes ainsi que par la façon très nette
uvec Inquelle Lesurques et Guesnot avalent répoiidu
aux questions qu'il leur posait, la reconnaissance de
ces doux hommes par les témoins qui so trouvaient
dans son cabinet était beaucoup trop formelle pour
qu'il no los mit pas en état d'arrestation. Et comme
ils lui affirmaient tous les doux qu'ils étalent on état
do lui fournir un alibi Indiscutable, ta Juge taur
répondit : '
— Nous verrons cela demain. En attendant, je vous
gor.io à ma disposition.
Et les deux malheureux, littéralement effondrés,
furent emmenés nu bureau central de police où ils
furent nils en secret dan» une cellule séparée,
Après «voir congédié Champeaux et sa femme, le
Juge, avant de clore cette Journée si laborieuse, déci-
dait d'interroger tas autres inculpés qui étaient déjà
BOUS les vorrotiB, c'cst-à-diro los Druor, îèB époux
Richard et David Homard.
Hrtior reconnut qu'il avait demeuré chez Courriol,
puis chez Richard, en qualité d'officieux, c'est-û-dlro do
domestique, U déclura qu'il ne savnit rien, ot que sos
patrons ayant été arrêtés et Ignorant où aller,- Il no
demandait pas mieux quo de rosier en' prison
Quant aux Richard, la femme reconnut quo Guesnot,
Lcstirquos, Goller et Courriol avaient dîné ensemble
chez elle, mais elle affirma qu'elle ne pouvait rléti
déclarer do plus.
Lo mari déposa qu'il avait logé chez lui Courriol,
entre le 13 et le 14 du mois courant, qu'il était à Parts
ta 8 ot 9 demlni*, qu'U n'en était pas sorti depuis dix
mois, si ce n'est qu'une sauta fola pour aller conduire
Courriol à Hondy, malB qu'il n'était pns allé à Mont-
goron à ta date nu 8.
Daubanton entendit ensuite ta citoyen Homard,
C'était un juif alsacien, né à Metz. « Il était Agé do
trente-six onfl. les cheveux, IBH sourcils et ta barbe
nolro, ta front carré, ta visage plat et marqué lénèro-
ment do la petite vérole, les yeux gris, et une ctanlrlce
sur la joue droite. • Il se présenta devant ta maglRtrat,
l'olr humble, o'furé, dans l'attitude d'un homme qui est
plutôt poursuivi par des malfaiteurs quo par ta police,
Daubanton commença par lui demander s'il connais-
sait Courriol. Hemard répondit que non.
Le luge lui dit :
— Et un nommé Etienne ?
Homard comprenant qu'il était Inutile de jouer AU
plus fin avec un tel Interlocuteur, s'empressa de décla-
rer :
— Ah ou), parfaitement I
1
Et allant au-devant des questions que l'enquêteur 80
préparait A lui poser, il fit (1) i
— Je lut al vendu une voiture jaune et noire pour
cent soixante mille livres.
(1) L'affaire du courrier de Lyon, par Gaston Delayen.
 L'ÀssAssiNAT
Poursuivant son interrogatoire, Daubanton repre-
hait i '
— vous êtes établi marchand ooramtsslonnalro, rue
Salnte-Avoye ?
— Numéro 1751
— Vous avez plusieurs chevaux ?
—.Huit, citoyon Juge,
— uu'ont-lls.fait le 8 de co mois?
— Ils sont restés à l'écurie, Lo oitoyen Taquet,
posé à la réquisition les a vus et pourra en témoigner, sorait découvert : « Voyons, si J'avais été coupable est-
— Le 8, cependant objectait Daubanton, Courriol a
été vu, monté sur votre jument noire,
• Lui avlez-vous prêté cetto jument?
— Oui, répétait Bernard. C'est un dimanche qu'il est
allé promener aveo, au Bols de Boulogne. Je suis sûr formellement accuser d'avoir participé à,l'assassinat
-
bu ; cotiMEK M LYON mi
chable. •' ' .'"•
minelle, d'autarît plus qiie leur passé était irrépro-
i;-
Et puis, la façon dorit ils s'étalent présentés AU
Bureau central n'indlquoit-ello pas une grande tran-
quillité d'Ame 7 PUBBO encore Guesnot, Lui avait dw
paplors à reprendre; mais Lesurques? Pourquoi venir,
ainsi se joter dans l'antre de la justice? Pourquoi
braver ainsi le danger ? Pour égarer tas soupçons de
pré- la police? Pour pouvoir dire ensuite, au cas où fil
ce que je sorals venu aussi bénévolement me Jeter dans
ta gueule du loup I » Argument bien subtil et bien fra-
gile quand on y réfléchit, un peu t
D'afllours, pas un instant, lorsqu'il s'était entendu

qne ce n'est pas ta 7, ta 8 çt ta 0, La jument était du courrier do Lyon, il n'avait pas fait valoir pour «a
boiteuse au montolr. ce n'est que ta 10 que, Je l'ai mon- défense sa présence si.spontanée, dans los bureaux du
tée et quo je l'ai fait sortir pour la première fois, jugo enquêteur. Il s'était contenté de crier, aveo un,
— Connaissez-vous le commerce que fait Etlenho ou accent tout vibrant de sincérité et do douleur :
Courriol? — Je suiB innocent!
— Non, Je ne l'ai jamais vu rien faire, ni bien ni
niai.
Daubanton qui était la droiture mémo, se disait »,.
— Après tout, c'est possible 1

— Ne connaissez-vous pas un nommé Guosnot ?

. Et if se promit; notamment pour Lesurquep et pour
— Non, citoyon juge. Guesnot, de ne les renvoyer devant le Tribunal cri-
*- Et un nommé LosurqueB ? minel quo lorsqu'il aurait acquis la certitude absolue
— Pas davantage. quo ces deux nommés êtaiont vraiment coupables,
Ge fut tout. Mais c'était suffisant, Maintenant, Dau- Grâce à l'intégrité de Daubanton, Lesurques, 'et
banton tenait ou croyait tenir tous tas fils de l'affaire. GueBnot auraient sans doute été promptement remis en
'Mois, avant de clôturer son instruction, il était beau- liberté provisoire, car ainsi qu'ils l'avalent déclaré ou
coup trop prudent ot trop impartial pour ne point s'as- juge, ils étaient à mémo de justlftaf. l'emploi de leur
surer, si, ainsi qu'Us l'avalent prétendu, Lesurques et temps ta jour du crime i mais un coup de ' théâtre
Guesnot n'étaiont pas à même do fournir des alibis et imprévu allait enlever au jugo do paix du quartier du
de les Justifier, En effet, au fond de sa conscience, Dau- Pont-Neuf, l'instruction de cette affaire,
banton gardait un très honorable sorupule et. malgré L'accusateur public de Seino-ot-Marne, estimant « quê-
les affirmations réitérées dos témoins, il n'était pas ta juge do paix de ia section du Pont-Neuf n'avait été
Bans se demander si ces derniers n'avaient pas, été chargé de l'instruction de l'affaire que par une sorte
vlotimcB d'uno sorte d'hallucination collective et si tas do commission rogatoiro, et que le jury de l'accusation
deux amis, ainsi qu'ils l'affirmaient avec tant de véhé- de Molun, p<sul, devait en connaître, pulsquo le délit
mence, n'étaient pas tas victimes d'uno erreur causée avait été commis dans l'étendue du département de
par ta hasard d'uno ressemblance Çelne-ot-Marno », réclamait les lnoulpôs.
En effet, non souloment l'attitude dos deux prévonus Dès lo lendemain, ceux-ci, c'est-à-dire Courriol,
Slaidalt en taur faveur et leurs réponses si concor- Losurques, Guosnot, Richard, Druer, et Bernard étalent
antes avaient été faites avec un grand accent de sin- dirigés sous bonne garde à ta maison d'arrêt de Melun,
cérité, mais taur situation de fortuno personnelle- sem- La procédure engagée par Daubanton était déclarée
blait encore les mettre à l'abri de toute tentation cri- nulle Tout était à recommencer t

A LA i'MSON DH MELUN, — UN JUtlE ATTEINT DE DEFORMATION

t'nOl'ESBIONNELLG, — UNE LKTTttE QUI BE nETOUllNE CONTRE
BON AUTlîUn. — DEVANT LE ÏMBUNAL CMMINEL DE LA BËIN1! J
L'ACTE D'ACCUSATION — ATTITUDE DE LESURQUES.

Autant Daubanton était un magistrat sagace, prur
dent, épris d'équité et malgré son inexorable sévérité,
accessible à la pitié chaque fois que ceux, qu'il était
chargés d'ihterrogor lui en semblaient dignes, autant ta
citoyen Monesr.tar, ta nouvel instructeur, était un
homme impulsif, norveux, pétri do préjugés ot do parti
pris, arrogant, cassant et déjà atteint de cette déforma-
tion professionnelle qui consiste, chez certains magis-
trats, à considérer tout inculpé coinmo un coupable,
Décidé à faire table raso de l'enquête qu'avait com-
mencée Daubanton ot de ne toiiir aucun compte des
résultats acquis par son collègue parisien, il reprit
l'instruction depuis ta commencement, no tenant
compte quo do ce qui était à churgo des accusés,
notamment pour Léflurquos et Guesnot pourtant si dif-
férents de tours prétendus complices par ta milieu
honorable dans lequel Ils avalont vécu ot par la signi-
fication morule do leur situation ot de taur conduite »,
Placé plus près du thé&tre du crime, U prit pour
point de départ les témoignages locaux, sans se préoc-
cuper sérieusement dos témoignages contraires, Il y
avait eu cinq assassins au Closoau, on lui présentait
cinq prévenus, cela lui suffisait pour qu'il les consi-
dérât comme les autours du crime qui avait coûté la
vie ou courrier Excoffon,et au postillon Audebertt
On incident, d'ailleurs des plus fâcheux, allait so pro-
duire
. à la charge do l'Infortuné Lesurques.
Lé soir mémo de son arrivée à la maison d'arrêt de
.
Melun,' LesurquoB, ainsi que tous tas inculpés, avalent
Âlà foufilôs et, dans l'une do fies bottes, oa avait
-18^
découvert, inachevée, maculée et froissée, cette
lettre qu'il écrivait à un de ses amis, lo sieur Bau-
dard t
« Mon ami, depuis que jo suis à Paris, je n'ai
éprouvé que dos désagréments ; mais je ne m'attendais
pas et ne pouvais m'attendre au malheur qui m'ac
cable aujourd'hui, Tu me connais et Bais que Je suis
incapable de mo souiller d'un crime. Eh bien I le plus
affreux m'est imputé, La seule pensée m'en fait fris-
sonner. Je me trouve Impliqué dans l'affaire de l'as-
sassinat du courrier do Lyon. Des gens que Je n'ai
jamuis vus et dont je ne connais même pas le lieu de
leur domicile, — car tu sais que jo ne suis pas sorti
do Paris, — ont eu l'impudence et ta méchanceté de
déclarer qu'ils me reconnaissaient et quo Je m'étais
présenté à cheval (tu Bais aussi que Jo n'y suis pas
monté depuis que je suis à Paris). Tu comprends de
quelle importance est une purolllo déposition, qui ne
tend à rien moins qu'A me faire assassiner Juridique-
ment. Oblige-moi de m'aider de ta mémoire, et tâche
do te rappeler où J'étais et quelles sont les personnes
quo J'ai vues A Paris, A l'époque où l'on me soutient
Impudemment m'y avoir vu dehors (je crois que c'est
le 7 ou ta 8 du mois dernier), afin que je puisée con-
fondre ces infûmes calomniateurs et leur faire subir
ia peine prescrite pur les lois,
« Tu m'obligeras de voir Legrand (1) et tu lui démon-
(1) Le bijoutier du Palait-Egalitê. (Nota de l'autour,)
 CRIMÇ9 Et
<#ràr quel jour J'ai déjeuné aveo lui, chez Le Brou. Je
'épis quo c'est lo 8. SU no so rappoile point prôulsi-
WétU lo lotir où il m'a vu chez lui, tu verras égale-
ment Tlxler ot tu t'engageras à se rappeler le jour où
J'i-tdéjeuné aveo lui elle général Cambrais, ot lo jour
ilu11 m'a vtj chez lui.
m Tu verras aussi Hllaire Ledru aveo qui J'ai bu un
vtiTfo do liuuour vers les cinq heures, dans Un café.
Atinsl, quo lu citoyenne Uugénfe Durgenco,. qui pourra
«twtlfler quo, ce jour-là, J'ai passé la solréo aveo ello.
Ktiisiltto, mon cousin et ma cousine Lesurques, nul
sn-vcut très bien que je n'ai Jumals découché. Enfin,
les ouvriers qui travaillent ù mon logement, ainsi que
1» portière et qui pourront affirmer qu'ils ino voyaient
ty)i*M les lotira, tnuiôt le matin, tantôt l'apres-dlner,
« vois-les tous et ronds-mol compte ue>s témoigna*
ffes qm Jo pourrais on tirer. C'est un service que Je
Kiislauio en grâce à Ion amitié, Tu m'obligeras égale-
«itltit de voir souvent ma pauvre femme et do la cou-
soloc.
«- Va trouver lo citoyen Gocltn qui demeure rue» Gou-
nreau, u,J 7i'0, près iki la rue C.aumnrtiii ; tu l'enga-
geras à prendre ma défense et celle do Guesnot, arrêté
po-rtir le niéinu fait nue mol. S'il no ta peut pas, tu ta
jii-h'ras do nous désisiiei* un défenseur sur lequel on
meisse compter, un Honnête homuie, enfin, un autre
lui-môme. » la première ot sensationnollo vedette.
BUs en possession de co document, lo Jugo Meneasler
twHliia tjuo cotte lollro uvnlt été écrite, pour fnlte la
Ifcrwi à son destinataire et qu'elle ruinait d'avance tous
les arguments que I.rsurques nltaiê invoquer pour élu-
. bhircet niilit desilné à lo laver do l'accusation forint-
(ladite, qui posait sur lui.
'+Att-si,'lorsque, Lesurques, Interrogé par lui, viendra
!itJ ttfeiinvr que le 8 floréal.au matin 11 se trouvait chez
le dtoytn Legrand, orfèvre-bijoutier, où il était resté
\jnssnir* doux, lietircs, qu'il était nllé do là, yrtie Montor-
jfiadll, cl KM non cousin, en compagnie du peintre
.itEinlvt; Ledru, et ij'uutrea personnes dont il ne.so rap-
ite-Mt plus .ta nom, et quo ce Jour-là encore,- vers les
sus h euros du soir, il s*étalt promené sur les boule-
vards et y avait rencontré le citoyen Gucsuot, qu'ils
fo*ilt*it rentrés tous deux au enfé qui fait lo coin de la
Comédie Italienne, ou Us avaient pris chacun un verre
îles liqueur, qu'ensuite, il avait soupe et couché chez
son' cousin, lo Juge Mentsstar dont Jo siègo était fuit
d'snVtiiH'e, sa contentera rta hausser les épaules et ainsi
Bpio pour les 103 autres Inculpés, qui, plus ou inoins
«tancerenient s'évertuent à fournir'un emploi de taur
tcar#â lo f) lloréiil, Il lit» so donnera niômo pus la peina
'de contrôler l'alibi fourni pur Losurques et de faire
camipaitittru devant lui les témoins honorables que l'ao-
irssô invoquera.pour sa défense 1,.,,
Après avoir Intnfrogé les six préventif), ot Cité pour
lit Irfrmo les principaux témoins, déjà entendUB au
cosuïs île l'Instruction do Daubanton, et qui renouve-
. légende ot
lé reut Intégralement tours dépositions, ta cltoybn
Jifceneflsler ronvoyult le dossier au commissaire du Pou-
voir exécutif Loisel, qui, le 8 itiessltlnr suivant, prenuit
«e*3 conclusions do renvoi devant ta Jury d'uccosa*
lion;
C« Jury ee réunit lo ta moRsldor. AprèB lecture do
l'ode d'accusation et •.; observations du nbmmiHsalre
1
exécutif, il déclara qu'il y avait lieu do poursuivre ot,
mt celte déclaration, ta citoyon Mouesflfer rendit une
or-don ntin code prise tlo corps qui renvoyait tas six pré-
venins flevnnt le Tribunal criminel, Ces derniers, usant
te la faculté quo leur accordait la loi do choisir ta Tri-
btauai criminel devant lequel ils voûtaient comparaître,
déclarèrent opter pour ta Tribunal dn la Bolne.
les débat» B'onvih'fjiit lo 15 thermidor (î «ont).
•«Çiielque.H mots mir oo Tribunal criminel qui
resmpliHsnit alors l'office de nos cours d'tisstaos
nMtlernes. » en provoquant nu effet inoltiB direct sur les uerfa du
«tl était présidé par ta citoyen Goliior, tm très honnête
homme, mata qui, moine Juge qu'aocusateur, ne voyait
<ieic ce qui sort à condamner et 11 suoriflait au raison-
nement de l'hommo celui qu'il aurait sauvé s'il n'avait
ûtliiil» que les prouvefl de la loi,
Mut mieux quo lui ne savait Inttmldtr tas témoins et
iBMt nrnener A déposor dans un sens favorable a l'accu-
iarilort, C'était un boni me aussi redoutable pour les
Innocenta que pour tas coupables,
Alitant Courriol, Bernard, îttahnrd, et Brtier m
te*M«nl guère A voir luire pour eux l'aube des début»,
Matant Lesurques et Guosnot semblaient Impatiente de
voir commencer leur proues, tant ils espéraient que les
-M-
CHATIMENTS
débats au grand Jour leur ^permettraient '.'de faite;
éclater leur innocence et que les jurés devant loaquel*
ils allaient se présenter se montreraient-moine «gou».".
roux, moins fermés ot moins partiaux, que m l'avait
été ta Jugo MenoBSlor qu'ils étaient en droit de consl»
dror comme ta principal artisan de taur malheur.
A co moment, l'affaire du courrlor do Lyon comraeru»
çalt à être un peu oubllôo, aussi l'annonce Uu procès
n'avult-il pas remis dans le publia un grand mouve-
ment de curiosité.
Lorsque ta président, suivi de setf* assesseurs, vêtus,
connue lui lui d'un habit noir' (1),' avoo un manteau de
soie à parement, portant un sautoir au ruban tricolore
au bout duquel était attachée une mêdailta dorée, sur
laquelle était écrit t ta Loi, coiffé» d'un chapeau rond,
relevé sur ta devant par un bouton ot une gance d'or» •'
vinrent prendre place «ur l'estrade,d'où 11B dominaient
toute la salle, il n'y avait qu'uue assez faible uftluenoo,
on grande partie composée par les nombreux témoin» à
charge et a dôchurgo ot los amis (ta Lesurques qui.
•
cunvaincus do son innocence, «talent venus lui.
appqrtar, en cotlo circonstance si tragique, les témoi-
gnages de taur inaltérable amitié.
15n tait, l'affntro.flu courrier do Lyon, allait se irUns-
former on affaire LesurqueB. C'était lui-qui, au cours
do Cet 'extraordinaire drame Judiciaire, allait devenir .
« Los douze Jurés, étaient assis à taur banc. Derrière
le Tribunal, ta citoyon Daubanton se tenait avec quei-'
ques magistrats, et* les accusé» séparés pftr un gen-
darme étaient assis Uana le banc des détenue tlahs ï'pr-
dro suivant i Caurrioi, Lesurques.' Richard, Bruer, Ber-
imrd ot GuoHOot, La Balle était, située au premier étage ,
du Palais de justice, C'était une pièce ireotangutalrs»,
assî-/ sombre., sobre de décoration ot qui, occupait
l'emplacement de la troisième* et de ta ciuatrlêa^.e
olminbres .actuelles. »
Utau qu'il ne fût que dix heures du inatm, U intaalk
déjà une ctialeur Intolôrabta, Jît comme Lesurqûos
Irnnsplrrilt beaucoup, et s'essuyait le visu'ge avec son
mouchoir, lo citoyen Roytot, qui ,en Ba qualité d'asçes-
seur se trouvait à ta droite du nrêaldout Gohlor^ sq
pencha vers lut et lui dit à l'oreille :
— Voyez, co bondit de Lesurques, il pleure déjà. ;
—-
Larmes de crocodUo, murmura entre BOS dents'
ta féroco inquisiteur,
Aussitôt Gohlor donnait la parole au grofftar pour la
-locturo de l'ado d'accusation. Co document beaucoup
trop long pour quo nous le reproduisions dans ces co-
lonnes ost d'ailleurs d'uno rédaction lourde, épaisse, et
singulièrement Indlgesto et 11 ne tarderait pas ft. fati-
guer ot même à dêcotirugor nos lecteurs. Nous l'avons
cependant étudié avec ta plus grand aoin, car lorsque
nous uvons entrepris co récit, avant d'adopter la thôBo
de l'innocence de Losurques, nous avons voulu nous
entourer'de toutaB les garanties nécessalrc-e. Nous ne
nous sommes pas contentés de la tradition, do ' la
nous n'avoua tenu aucun compte do ta fic-
tion qui a jeté en quelque sorte une brume d'inoxue-
tltudn sur cette affaire qui devait passionner beaucoup
plus les générations suivantes quo BOB contemporaine,
ItauRsunt jusqu'au bout le souci de la documentation,
nous avons même voulu retire la fameuse pièce, dite,
te Courrier deCnllé,
Théâtre .de la
Lyon, qui, créée à Paris en 1650 au
remporta un BUOCÔB d^émotlon tel
/
qu'elle devait rester très longtemps au -répertoire de»
théâtres do di'umo. SI nous sommes tas ^première &
reconnaître que co mélodrame cet fort bien construit
ot si nous y avons découvert, sous un dialogue désuet
des traces de eonslhllilé Indôninble, il u'on est pM
moins vrai qu'U bouscule ta vérité avoo,un toi BBIKS-
gêne, que nous on arrivons à nous demander si l'ex-
posé dts falta réels do VAffaire telle qu'elle s'est pagaée
et telle que nous nous efforçons do l'évoquer ici, tout
,
public, n'est pas apiiejée a IfYiprieslonnor Bon cotrnr et
son esprit d'une façon pltifi juste et plus humaine.
Mon, en effet, n't«t supérieur A la vie réelle, peu*
empoigner ceux qui y participent charrue Jour do il*
façon ta plus offoctlvo, et sont, mieux que personne,
à mémo d'en saisir à la fols toutes les beautés et toute»
tas laideur»
Mal» revenons à l'aoto U'ncuusatton,
Lorsqu'on volt tan choBoB ftveo lo recul du tempe,
qu'on flo dégago -de toute oftpèco dé parti psi*,
()) L'Affaire du Courrier de Lyon, par àtmt»U
Oulaven.
-
l!
. ••
VMBAÀBmki. DUS tiÔURmERlDE LVONV '.-*'.'' /' .^''.'4^
qu'on Be sont bien à l'abri de tous ces courants d'opi- il a passé son après-midi du 8 floréal et la nuit qui
nion, de toutes ces influences qui peuvent se produire la suivit, U répond que c'est à -Parts, mais vitn ne té}
à une époque.déterminée et surtout lorsqu'on se donne prouve i » " -...'• -\
ta poine do lira entre les lignes consacrées aux argu- ...
Parbleu I... tas têmolnB que Lesurques a cités n'ont
ments de droit et de ,fait qu'il renferme, on demeuré jamais été entendus 1
effaré de l'acharnement que l'accusation déploya-contre. i Enfin,, poursuit toujours ta document, el on "lut
Lesurques. demande son. passeport et «a carte d'Identité, il est
Paralysant sa défense/ repoussant d'avenue tous ta* obligé de dire qu'il n'en a paa, quoiqu'il demeure
témolgnngos qui pouvaient lui être favorabloB, retour- députa près d'un an à Paris, Et comme 11 se trouve,
nant contre lui les faits capables, sinon de l'innocenter dans sa poche deux cartes de Bfïretô dont l'une BOUB le'
entièrement, mais, tout ati moins, d'atténuer ce qui lui nom de LésurqueB, et l'autre en blanc, est revêtue des.
était reproché, ce document donne par instants l'impres- signatures du président du secrétaire de la section, «t
sion beaucoup, plus d'un pamphlet que d'un document par conséquent dans le cas d'être remplie à-toute heure
Judiciaire. - par quelque personne que ce soit, si on. lui demande
Lubordo, d'ailleurs en fuite, CoUrrlol, Richard, pourquoi il est porteur de ees cartes, il .répond, rela-
Bernard, dont la culpabilité et ta complicité sont, tivement à ta première, que c'est la carte de son cou-
•

faciles a démontrer, se volent ,1'objot dos réquisitions sln qui se trouve- par mégardo dans sa poche, et qu'A
les plus Bôvères et tas plus légitimes, Bruer,' comparse l'égard de la seconde qui, entre parenthèses, «»t très
sans Intérêt, CBI plutôt ménagé, Mais c'est surtout sur bien, conservée, c'est un chiffon qui faisait partie de
Guosnot et principalement sur -Lesurquos que s'étend , vieux..pupta.rs achetés par son cousin. »
l'auteur de cet acte. Et à tout cela on ajoute que, « depuis ta crime oom-
•"-.''
a.Guesnot. loi JIOUB citons textuellement, GueBiiot qui mis, il a constamment vu Guosnot, Richard, Courriol^
se dit ruiné par ta Révolution, a dos moyens d'exis- et'Bruer (c'est faux), qu'il n'a pas cessé do.Usvoir, jus-
tence inconnus ot est en ce moment poursuivi par l'ad- qu'à leur départ pour Château-Thierry (c'est encore,
ministration do Douai ppur la remise de trois plôcoB faux), que, depuis leur retour, il .n'a pas quitté dues-
d'argenterlo.qui lui ont été confiées et qu'il prétend lui not (c'est toujours faux, puisque Lesurquefi n'a rôtt*,,.
avoir été soustraites par un-volturler Jnfldèta que, contré Guesnot que lorsqu'il se rendait chez le jug"0'
depuis dix mois, 11 assure pouvoir retrouver. » Dnubanton), enfin qu'il fait à Paris dépense >cpn-
Assertion que l'accusé a victorieusement réfutée au Bldérable de beaucoup au-dessus de une sa fortune. U ne
cours do l'Instruction. restera aucun doute qu'il ne soit un des assassins, oit
Mais, continuons ! du moins un des complices et qu'il n'ait partagé avery
« Guesnot qui, malgré tas soupçons planant sur sa eux le fruit du crime. *
tête, a ou'la hardiesse do revenir de Château-Thierry Mats cela ne suffit pas à l'accusateur. .Dans la con-
aveo .Courriol, arrêté dans la voiture do Bornord. » clusion de son rapport qui a trait à Lesurques, U est
Pouvait-il 'faire autrement, puisqu'il en avait reçu dit, textuellement ceol ;
l'ordre do l'inspecteur de police' Houdon ï Et alors, « Lesurques prétend avoir .faitt dans l'acquisition et
pourquoi n'a-t-on pas arrêté le citoyen. Goller qui assis- la revente clss biens nationaux, une fortune considé-
tait lui aussi au fameux dtner chez les Richard ou se rable qu'il porte à dix mille livres de rente en -valeur
tiouvnit Courriol et n'avait pus hésité à donner à celui-, métallique, et il est démenti,sur co fait par les auto-
rites constituées de son -pays, qui dlsont qu'il' a fut.
:
cl la phiB large hospitalité T
Cltonn toujours ! une fortune suffisante pour Vivre aisément on travail/
« Guosnot qui. par une espèce de miracle, Jouissait tant,,et qui le dépeignent en surplus comme un homme
encore de sa liberté ot dont, les assiduités'au bureau sans conduite et fort dépensier. •» '
central toutes les fols que Courriol devait if paraître, Devant une pareille assertion, on demeure stupéfait, .
-T ce qui ost faux I — n'avait pu dessiller les yeux; do la En effet, en ce qui concerne ta fortune de LesurqutSi ,
police, n'a été arrêté'ainsi que Lesurques que par suite il eût suffi à'an faire établir un état officiel pou»
d'un de ces événements ménugéB par ta Providence, • acquérir la certitude qu'U n'était, à ce moment-là, nul»
Et ceci, autre inexactitude i tament embarrassé dans sa trésorerie.
,
« Qui sollicite, pu Bureau central, pour Courriol î Quant à sa moralité, c'est entandu.., il avait un*
Guesnot ot LoBUrques qui no so quittent pour ainsi dire petite uni lé, mais une simple enquêta eût démontré que
' pua, depuis que Courriol est arrêté ce n'était qu'une passade que, somme toute, on pouvait
•
1
»
N est-ce pas formidable1?.,. pardonner à un nomme jeune, éloigné de sa famille
* lît tous deux, sont reconnus et arrêtés sur le témoi- depuis déjà un certain temps, ot qui, au contraire, s'ef-
gnage de citoyens appelés pour être confrontés aveo forçait d'aménager aux, siens, un appartement
Courriol •
I agréable, dans lequel ils allaient vivre à l'aise, dons lo '
L'accusateur oublie de dire nue OOB' témoins concer- confort et dans l'aliène*.
nant Guesnot, ont été molna afflrmatifs, Mata 11 sa hâte Au lieu de charger ainsi Losurques, .pourquoi 10
d'ajouter s directeur du Jury de Melun n'a-t-il pas tenu compte
» Guesnot a beau prétendre que le 8 floréal H a d'un certiftaat signé par vingt et un lionornbles habi-
dtnô avpo ta citoyen Clément, l'un des administrateurs tants de Don ni, .parmi lesquels deux commissaires de
du Bureau central t le citoyen Clément SOUB les yeux police, ot qui « attestaient ne rien connaître à repro-
de qui, pour ainsi dire, U a été arrêté, ost encoro à le cher à la conduite morale et politique de Lesurques
réclamer | » Nicolas-JoBoph, et qu'ils le connaissaient, au contraiM,
Parbleu t Le citoyen Clément fait partie de la polies, pour un homme de probité, exompt de tous soupçons, »
3e l'oubllonfl fours.,.
pas, il est de * ta botte », vomnle on Pourquoi passa-t-il BOUS silence uno lettre du .com-
ir/tit à\e nos N'ayant paB été convoqué par ta missaire du pouvoir exécutif à Douai, et danfl laquelle
juge Menosstar, Il n'oéo so présenter devant lui de aon U ^tatt dit que LoBurquos a de la probité, de la çapa*
propre mouvement, fît purs, qui sait, peut-être a-t-U cité, un caractère très soctable, généreux à l'excès, et
roeti l1 ordre de so taire? qu'il s'est fait une fortune très, avantageuse.
Bref, l'acte "d'accusation conclut t Oui, pourquoi, pourquoi t..<
• Guesnot est dono un des atmsBliiB ou au molm un Monessler, Nous l'avons dit plus haut, parce que ta citoyen
(ISA complices, » ainsi d'ouleurs quo ta citoyen Gohler., que
Et maintenant, au tour de Lesurquos. nous niions voir tout à l'heuro présider aux débats,
L'acte d'accufiBtlon ôtnbltt que six témoins l'ont était atteint do cette mnlndte dangereuse entre toute»,
reconnu de ta façon ta plus énorglquo i les domesti- qui consista à voir dana tout accusé un Coupable. Bt
ques qui t'ont servi à l'auberge où les assassins ont quand on penso qu'à cette époque on Boitait' à peine
tllné ce jour-lê avoc eux. et avoir remarqué Lesurques do ta Torrour, que tas jugea avalont prl» l'habitude de
qui portait un éperon d'argent à ressort raccommodé .frapper à tort et à travers, de condamner presque Ban»
avoe du fil i qu'on a retrouvé ensuite sur ta lieu où dtscusiiton, sans pitié et presque toujours sans appel..
l'assassinat s'est commis,.. L'aubergiste chez qui les et que la guillotine était devenue non pas seulement
aeRatifllns. se sont arrêtée à Lieusaint et -a déposé que l'arme des honnêtes gens contre les criminels, mais .

l'un d'entre eux avait raccommodé Bon éperon aveo encore un moyen de gouvernement destiné trop'sou*
d« fil, ainsi que l'était celui qu'on a retrouvé sur le •vent à préserver la situation des hommes en place,
champ dl bataille... Knfjn un autre témoin déposa plutôt qu'à sauver la République et la Patrie, on est
avoir vu passer trots foin «ans ta soirée Courriol et beaucoup moins surpris de voir ttas magistrat* de et
LestiNHtaS devant sa perte. temps prendre tant de privautés Avec les principe
BH'aeoUBftieur Mènrsûtt ainsi t ' mémeé de la juttlee et jouer aveo d«i tête» humobses
« $1 on demande maintenant à Joseph Lesurquei ou- avec la même désinvolture que
A Robespierre, taraqu*
,18 CRIMES ET CHATIMENTS
Souant aux échecs ou café de la Régence, il se meftalt
, pousser sur
le damier un cavalier, une tour ou uno
reine.
Cet acto d'accusatton, ainsi nous allons ta voir,
allait lourdement peser sur ta queprocès et tnftuonoer à la
fols te tribunal et les Jurés.
Nous n'entreprendrons pas de reproduiro lot ces
quatre très tangues audiences ; nous allons simplement
les résumer, nous attachant principalement à la per-
sonnalité de Lesurques qui, désormais, va dominer tous
les débats
La lecture de l'acte d'accusation terminée, ta pré-
sident ordonnait à l'huissier de faire retirer les témoins
dans la chambre destinée à tas recevoir. Puis, il procé-
dait aussitôt à l'Interrogatoirede Courriol, auquel'il no
s'arrêta guère. L'accuse, sans avouer franchement son
crime, ne se défendit que mollement et ne fit aux ques-
tions très serrées qui lui étalent posées que des répon-
ses évasives et maladroites équivalant à des aveux.
Ensuite, ce fut lo tour de Lesurques. Pivot do l'accu-
sation, on le considérait comme l'Instigateur et l'au-
teur principal du crime. Très douloureux, très calmo,
très maître de lui, il se leva dans un profond silence.
U ne devait varier, ni dans son attitude, ni dans son
langage, affirmant que, ta 8 floréal, il était allé choz le
citoyen Legrand, puis chdz son cousin, puis sur les
boulevards, où U s'était rencontré avec ta citoyen
Hitalre Ledru et lo citoyen Guesnot, qu'il avait soupe
et couché chez son cousin André Lesurques.
— Commentdites
se fait-il, objectait le président, B1 ce
que vous est vrai, quo Vous ayez été reconnu par
un grand nombre tta témoins qui attestent que vous
avez dlnô co Jour-là à Montgeron avec Courriol,
Ouesnot, et que vous ave» été vu avec eux à Ltausaint,
précisément à l'endroit où ont été assassinés Excoffon
et Audebert.
Lesurques ripostait!
— Ces témoins se sont trompés et, à moins qu'il n'y
ait de ta ressemblance entre mol et l'un de ceux qui.
Ce Jour-là, ont fréquenté ht route de Parts 'à Melun, il
est impossible vju'lls nient pu faire île pareilles déposi- tours, et qui, BOUS des apparences un pou tlmtdeB, un
tions en taur Ame et conscience.
Ainsi que nous ta verrons plus tard, Losurques
venait de mettre ta main sur ta clef du mystère ninls
ta président ne semblait nullement décide à le ;suivre
sur cette vole. Et quand l'accusé s'écria ;
— Ma benne conduite et mes amis peuvent suffisam-
ment répondre de mol..,
Sur un ton plein de scepticisme et d'Ironie, ta prési-
dent l'arrêta i
— Vos amis peut être... mais votro bonne conduite,
c'est autre chose I
Sans même se donner ta peine d'Interroger tas autres
accusés, qu'il considérait sans doute comme du menu
fretin, ce singulier mnglslrat décidait de passer à l'au-
dltton des témoins à charge.
Après avoir entendu successivement la femme
Excoffon, los trois garçons do caisse de ta trésorerie,
Mayeux, Roussel et Martin, le.maître do posta Augusto,
Duclos, ta brigadier de gendarmerie Muguet, qui ne
flfent quo confirmer les déclarations qu'ils avalent
faite» au cours de l'instruction comparut ta citoyen
Evrard, de Montgeron, à l'auberge duquel, ta 8 (loréal,
s'étaient arrêtés les quatre cnvnllers,
— Reconnaissez-vous les pnrtlculiors qui sont
bancs t lui demanda ta président (tabler on luisurdési-ces
gnant tas accusés.
Après tas avoir regardé attentivement, to témoin
déclarait :
— Je reconnais lo premier (Courriol).
— Et tas autres ï
— Je reconnais bien le deuxième (Lesurques).
— Cet homme se trompe, s'écria Lesurques j Jamais, quo la première I
VI
ON COUP DE THéATUR. M™» LfSUnQUF.B. -* t.P, nEMBTnB
PAT.8ÏPtB\
—
-- DEINCnOVABLKH
néVÊUTIONS
ET MEnVElMRUBEH.
U FIU.E BRlSlMN. — l,B VEnDICt. —
fl ne restait plus nue quelques témoins à chnrgo à
entendre : Humbert, le garçon d'écurie à qui Courriol
avait amené quatre chevaux, ta lendemain du crime t
m doux postillons qui avaient conduit colut-cl do
Bondy à Château-Thierry i le dragon Lampré, qui avait
Jo vous ta jure, citoyen président, je n'ai été à Mont-
geron. "
Tour à tour, tas citoyens Chnmpeau ot sa femme, ïfr
•
.
fille Santon, viennent déetarer qu'Us reconnaissent
Courriol, Lesurques ot Bernant,
La fille Grossetêto ajouta à ses déclarations premières
quo Lesurques était bien celui qui vint ta premier à
fauborge demander à dîner pour lui et ensuite pour
trois autres voyagours.
Mario-Thérèse Gilbert déclara avoir vu, le 8 floréal,
tmsser à diverses heures, devant sa porto, à Lieusaint»
deux particuliers, l'un brun, l'autre blond, ayant l'un
et l'autre des bottes molles et des éperons façon
argent ; l'un était habillé d'une redingote brune, tirant
sur le marron, l'autro d'un habit bleii et d'un chapeau
rond. Parmi los accusés, elle affirma qu'elle reconnais*
sait trèa bien Courriol et Lesurques.
Voilà donc six témoignages afflrinatifs, « nettement
et sans ambages », ainsi que le Ut obsorver le président
aux Jurés.
>
Les autres témoins qui vont suivre furent moins for*
mois; En effet, voici Charles-Thomas Alfroy, pépinié-
riste à Lieusaint, qui déclare avoir vu, entre huit et
nouf heures du soir, doux particuliers se tenant Bons
ta bras : Il s'on est approché ot a reconnu que l'un avait
un habit bleu ot un chapeau rond ; il croit que c'est
Lesurques, mais 11 n'en est pas sûr, parce qu'il faisait
un pou sombre. '
Voici maintenant Plorro Gillot, marchand de vaches
à Lieusaint. Sans la moindre hésitation, Il reconnaît
Courriol. Quant à Lesurques, il en est beaucoup moins
certain,
Do mémo Perrault Antoine, lui aussi, reconnaît
formellement Courriol j mais au sujet de Lesurques et
Guesnot, il n'ose pas se prononcer, bien quo ta prési-
dent essaye do lui arracher uno affirmation décisive.,,
Tandis que les débats HO déroutaient, uno jeune
...
fêmmo, vêtue do noir, ne quittait pas doB yeux l'Infor-
tuné Losurques.
C'était une femrno douce ot bonne, fort Jolie d'àil-
peu frêles, cachait un ardent foyer de tendresse,
d'amour et aussi de volorttô.
Dès qu'elle eut appris l'arrestation de Bon mari et
l'accusation effrayante qui posait sur lui, sftre d'avance
qu'il ne pouvait pas être coupable, ta citoyenne Lesur-
quos était Immédiatement accourue A Paris aveo ses
enfants ot, ne voulant môme pas savoir s'il s'était
rendu coupable envers elle d'uno Inlldéltté que son
lntoiligonco autant que son coeur lui pardonnait
d'avance, ello s'était consacrée entièrementà ta défense
de son mari, s'occupant do lui trouver un avocat, de
réunir tous ses ninls, et de taa prier, de les Buppller d»
tas aider à sauver celui qui, malgré les apparences, res*
tait pour elle un Innocent,
Pointant toute cette longue audience qui, nous devon»
ta reconnaître, n'avait guère été favorable à Lesur-
qiiofl, ta pauvre Jeune femme avait gravi un dur cal-
vaire, ot lorsque, le président ayant levé la séance, elle
vit Bon merl quitter ta sallo entre tas deux gendarmes,
brisée par uno détresse voisine du désespoir, elle éclata
en sanglots ot chancela dana les,bras tta ses amta qui
s'empressaient autour d'elle.
Lesurques, qui l'avait rocoinuo, lui adressa un geste
d'oncourngoniont, car encore 11 croyait en la Justice
Immanente, et 1) comptait Bttr l'audience du lendemain,
où l'on devait entendre tas témoins à décharge qu'il
avait cités pour établir, au grand Jour coite fols, ot sans
aucun (Houffornent possible, la réalité des alibis qu'U
avait Invoqués.
Ilétas I la fntallté pesait sur lui, ot ta seconde
attdtance devait être pour lui encore plus défavorable
LES
ramassé lo sabre sanglant ot auquel un petit paysan
avait remis le fourreau et le baudrier, et Madeleine
Bréban, qui avait été remise on liberté, ainsi que le lui
avait promis Daubanton.
Le président lui demanda si *Je reconnaissait loi
 L'ASSASSINAT DU, COURRIER ptà LY0N

Deux femme» qui les écoutaient depuis un certain temps, les dévisageant avec attention, se
mirent à porter à voix basse, (page 8)
 M CRIMJ3S> gï
.'.Aoeustf*; elle répondit qu'elle les reconnaissait tous,
Sauf Lesurquc-s, ot elle, regagna sa place sans oser
Duritar de nouveau los youx vorS ta banc des accusés,
où elle savait rencontrer son amant.
' Maintenant, la grande partlo allait se jouer entre
l'Accusation et la défense.
Après avoir entendu quelques témoins à décharge
cités par Courriol, et dont les vagues déclarations no
parurent produlro aucune impression sur le jury, ta
président appela tour à tour tes sept témoins qu'avait
fait citer Lesurques,
Le premier fut ta citoyen Legrand, le bijoutier du
Palais-Egalité. Celui-ci, sur la foi du serment, déclara
en à la. date du 8 floréal, en présence du citoyen
Aldonhof, également cité, Lesurques était nnlvé à son
magasin vers neuf heures ot demie du matin et qu'ita
ne s'étalent guèro quittés que vers une heure do
l'après-midi,
Cette déclaration, faite avec uno grnndo franchise,
produisit sur la snllo entière une impression sensation-
nelle. Qttimt ft .Lesurques, il rayonnait, et, dans ta fond
qa ta sallo, Mmo Lesurques so sentit renaître à l'espé-
rance.
Mais lo président Oolitôr, d'un ton nettement hostile, '
falsnit observer nu témoin :
-; Comment vous est-Il possible, après un si long
temps écoulé, do pouvoir afilrmor aussi catégorique-
ment que c'est bien ta 8 floréal quo vous avez vu
Lesurques î
« C'est là une visite qui n'a point dû faire époque
.
dans votro oxistencn, puisque vous le voyiez Journel-
lement.
Le bijoutier Legrand, aveo ta même sérénité, reprëV,
naît :
— Cependant, (o l'affirme, et, si Je puis ainsi l'a-
. ,
flrmer, c'est qu'un tait fixe invariablement mes aouvt->
nirB. Le Jour môme où Lesurques so trouvait chez 'noi,
•l'ai demandé nu citoyen Aldenhof, blloutler, une four-
Iilturo tîft boucles d'oreilles et lui ai vendu une cuiller
.
dite « poche ». Or, c'est bien ta 8 floréal qu'a eu lieu
cotte double- opération, ainsi d'ailleurs que cela est
constaté sur mon livre do commerça
' — Où est co livre? réclamait ta président.
— Entro les moins du défenseur de Losurques.
— Veuille/, me ta présenter.
M» Gututar, avocat, remit aussitôt au citoyen Gohtar
le document que celui-ci restatnait,
Au premier coup d'oell jf-tè «tir la colonne indiquée,
ta président, eut un mouvement do surprise et, regar-
dant Legrand d'un air indtpnô, il s'écria s
• — On veut surprendre la Justice. ïl y a là une charge
grosstare. Il y avait un 9, on en a fait un fl.
Le défenseur de Lesurques ae précipitait aussitôt,
regardait à son tour, et.constatait que, FOUS ta chiffre 8
Indiqué comme preuve, un O avait -été distinctement
formé, dont ta queue dépassait in chiffre substitué.
M8 Gulnier, Legrand et Lesurques demeurèrent pétri-
fiés d'étonnemrnt. Car tous trois étaient surs d'avoir
vu la veille micorn te chiffre 8 sur ta llvro. Par qui, et
à quel moment, celte surcharge avait-elle été opérée t
D'une voix tonnante, ta présidant demandait à
Legrand s'il persistait dans son mensonge,
te malheureux, littéralement effondré, ne put (pie
bntbntlp.r des paroles miriteltlL'ibtas.
Aussitôt, l'accusateur publie se levait dt requérait
l'arrestation do Legrand, sous l'Inculpatton do faux et
de faux témoignage, et Legrand fut aussitôt mis en état
d'arrestation.
Ce fut en vain que M» Gulnier, qui «'était msatel, fit
valoir que, si la data avait été surchargée à dossejn,
U était vraiment ridicule (ta laisser le premier chiure
visible. Si on avait voulu commettre uno fraude, on eût
gmitê ta queue du 0, ou Bût habilement profité du uéro
restant pour y souder l'a-.itre 0 formant le 8
D'ailleurs, pourfjuol Legrand se aeratm exposé ,\
affronter la justice au sujet de cette «Hrohar** (!) f II
n'était pas besoin do produire ta livre et, s'il voulait
«attver Lesurques par tin mensonge } il n'avait qu'à
affirmer avec insistance qu'il l'avait vu chez lui à telle
heure dans la journée du 8.
Et comme le président s'adressait à Leavrquea ut lui
demandait ce qu'il avait à opposer à cette nouvelle
preuve de culpabilité, l'accusé, qui lui aussi avait
retrouvé «on calnlo, répondit!
(1) L'AffnIro du Courrier do Lyon, par Gaston
Oelaycn.
-U-
,aiA^IMÉ!NT$
Legrand ntest pa$ le seul témoin qui putase
—
,prouver ma présiehee à Paris ta 8 floréal.
Et, aveu un accent de loyauté indiscutable, 11 déniera *.-
.
qu'il renonçait $ ce témoignage, et.demanda aux Jurés,
do ta déclarer comme nul ot non avenu.
Mais cet incident, aussi Inattendu quo regrettable,
avait détruit 1« bonne ImprosBion quo ta déposition do
Legrand avait'faite (ont d'abord sur les Jurés, Côùx-ct
n'allaient plus écouter que d'une oreille distrait* les.
autres témoignages favorables,
Le citoyen Aldonhof eut boau affirmer. Jurer qu'il
so rnppotait fort bien avoir vu Lesurques chez Legrandj
ta 8 floréal, Hljalre Ledru certlflor avoir dthô ta 8 flo-
réal chez'Losurques, fait, un tour de promenade aveo
Guesnot sur los boulevardsret avoir Boupé choz Lesur-
ques avec naudurd, un de leurs ami» communs... Bau-
dard 'lui-mémo eut benu attester sa présence ohez
Losurques ta 8 floréal et confirmer la déposition du
témoin précédent') ta cousin de l'accusé déclarer aa
présence à presque toutes les heures du jour rue'
Montorguell, le 8 floréal, sa femme dire de môme, Cinq
ouvriers qui avaient collé du papier ce taur-lù ou nou-
veau domicile de LeBurquos ol reçu do lui une gratifi-
cation garantir ainsi l'authenticité de l'alibi, Gohtar
leur imposa brutalement silence. fy avec une révol-
tante partialité, il s'écria : '
— Comment tous ces témoins, après un Intervalle
de plusieurs rnols>' pouvent-lls so souvenir de oo qu'Us
ont fait ta 8 floréal 7 Quelle est la personne qui pour-
rait rendra compte, comme VOUB, do l'emploi de son
temps, après un bips do teihps nUssI long î La préci-
sion, l'ordre, la nottutô de vos déclarations ne déposent-
elles PUB contre vous ? No recotinnlt-on pas en cela une
collusion évidente ?
Et lorsque ta citoyenne Clotllde-Eugêuta Dnrgençe,
.,
qu'on eût d'ailleurs mieux fait de laisser chez olle> •
voulut attester que, depuis dix mois, olle voyait Leau*»
qtios une fois par Jour, Boit chez, elle, soit chez la;
citoyenne Thêrlaut, femme d'un médecin, ot que, pas;
un Jour, 11 n'y avait de lacune dans ses viBltas,. le.
président s'écria :
N'est-ce point une lçgoo apprise , ou répétée machi-
nalement?
Et, cherchant visiblement à l'embarrasser,
, il lui dit»
. . , .
~ îConnaissca-vauB bien ta nouveau calendrier répu-
blicain î Oui,.. Eh bien I quel mois précède et .quel mois
Ault celui de Uorialï .combien oe« moifl ont-Us 4e
Jouw î
intimidée, bouleversés, ta oltoy0me Datigenee con>
raonça par s'embrouiller et, saris même lui donner le
.
temps de s'y retrouver, le citoyen «ohtar lui dianlt i
C&ln suffit, retlrez-vouB, Leil citoyens Jures appré*
'
—
cloront. '
Ainsi, les espérance» -de LesurqueB, de
. sa femme fl*
de'fiee amis, venaient de s'évanouir .lamentablement. VA
quand lo malheureux «couBé ee rotrouva BOUI .dans m
colluta, U eut une véritable .ortae 4e .dèsofipojir. M le.
sentait, il était pordu.
Le soir même, ta nouvelle de «es grave* ilnoldents
d'audience s'était répandue glatis Paris, attirant ratton-
tlon du public sur cette cause qui r-av.aU lolSBé Indiffé*
rout. Or, tes anob» de cette époque, c'eat-à-dlre tait
Incroyebies, que l'on commençait à voir étotar. taur»
élégances pxju-éréss, taure mines .rldtatue* et leurs sla»
gorlee pi'êwottattsns SOUB le* galeries du patate-Egalité,
avalent envahi la «a!!»,'flanqués d« leurs compagnes
habltueltas, dites le» Merveilleuses, revêtues do eos-
tûmes dont l'originalité constatait à découvrir ta plus
possible tout on que la morale la plue élémentaire corn-
manda de cacher,
Ou prétend môme que ta boita M"1» Titllien, sur-
nommée Notre-Dame de Thermidor, pour avoir, do sa
prison, envoyé à Tallion un célèbro billet qui ne fut
pas sans nontrlbyër au renversement de Robespierre,
Assistait à patte audience, accompagnée do son hiiiépa-
rnble pmte, fanon moin* belle citoyenne Jtamelin.
L'audience commença par une Borte do lever de
rideau constitué par l'audition de» témoins à décharge
de Homard et de Brtter. Après quoi, Legrand (t), »ur
l'ordre du président, lut introduit, non pluB ceimtta
témoin entre doux r«ndarm*>s, mais comme ncousé. Le
malheureux était Nttérataroent .déprimé,
— Legrand, lui
dit le président, depuis l'asslgnnHoll
qui vous a été donnée à ta requête de L^surau«Bi
L'Affaire du Courrier (le Lyon, par Gaston
(?)
DHayen.
;
\M:ltll^WaVefckuBfVtVjP.eT^otjnenui,tt,kyVpyâ.dicter:ou; vous
•inspirer,:votre déposition?-v "..
-
'
•"• .t^mii.J'aicitoyen, répliquait Legwid d'une -, voix
- .tretn- Bjucusé n'étairpas sôutaméntun voleur et vin as#M»*iSSt
'blanto, Houlnmont, avant 1,'aBBtgnation, reçu ta mata aussi un faussaire, un-suborneur, de (ôrnolnU,mi*
vielle du défenseur do l/psurquBB qui, ayant vU mon •' qui plus est, un liomme sans conduite et fort dépepstafi. ;
. livre,
m'a dit quo Jo pouvais dépôsor.d'après ta r.eufi&l- Los défeiiBours- prirent ensulta la parole, L'ttvoCât;-/V>
finement du. 8, que jtavois vu t-oaurqués ce jour-là. qui défendait Courriol ne fut pas très brillant. ILavair'.;<;
— Voyons, Legrand, persistez-vous dans votre précé- pour excuse de défendre'dans une très mauvaise "cause.: -;
dente déclaration ï • .'•
. et sa péroraison hésitante s'acheva dans un sUepéfr :v
Très embarrassé, ta témoin gardait ta silence, Ou sen- défavorable, ' • ' . ; : J
tait qu'un véritable drumo ae jouolt dans sa conscience. M» Guinler lut fut infiniment supérieur.
, -
Avec WJ^'W-
et ses Intérêts. réelle habileté,- U rassembla tous les arguments eît V
— AUmiB, .parlez, Invitait ta oltoyeri Gohtar. faveur de Lesurques, U s'efforça de détruire l'imprcs*.
D'une, voix hésitante et VoFloe', la tôte baissée, ston que cetto htHtoire de surcharge avait causée suc ta -,
Legrand reprenait i trlbual, sur. les-juréSuSur le pubïta. Port adroitement,..
,.«£• Je retire ma précédente déposition. Elle . n'êtUlt U fit valoir qu'il suffisait de Jeter les jtaux survie^.
- ,,

basée que sur la fausse date de mon. registre, dont je registre de Legrand ot de sa convaincre que le chiffre'
n'ai appris la falsification qu'hier.,, a l'audietlee. primitif existait encore et qu'on n'avait rien entrepris
,« Ce regiatro ost toujours sur mon comptoir, et J'af- pour ta faire disparaître ou le faire dissimuler, ot qu'U .'>
firme quo ni ma femme, ni mol n'avons fait des sur- ne pouvait donc y avoir dé fraude. Et en un grand.,
charges, Si J'avais su tout cota, je lie me sofuis pus mouvement de sincérité ardente, il adjura les Jure»
avise de déposer comme Je l'ai,fait, J'ignore absolu- d'avoir pitié de Lesurques, do sa foinmc, do BÔS enfants; ''•'
mont et no puis deviner par quelles circonstances la ot dé s'éviter, par un verdict impitoyable, l'Ineffaçable
surcharge exista, mata'Je. Jure quo Je n'ai pas commis remords qu'inspire toujours au» honnêtes gens une
de faux!,,. Ce n'est pas mol qui ai fait la surcharge I... irréparable erreur Judiciaire,
.---Et vous, Losurques, déclarait ta président, avez-. Les autres avooats'plaldèront chacun poiu' leur «IlànV; •'
voua quelques observations à faire au sujet de cotto ot l'àudlç-nce fut lovée à deux heures du matin.
-.
eurcltargO? Lo lendemain, à dix heures, des ta début <le la séance» ,
Lesurques regarda de nouveau aveo attention le le préaldont. déclarait les débats torminêB, CL comme
registre qu'un Tuttssier était-vonu lui-poser BOUS les l'exigouit alors (1) la loi, U faisait un résumé de l'if»
yeux, puis, affreusement polo, prêt à défaillir, il flt i faire. 11 consista en une chargé à .fond contre tas.' j.
-, ~
Je demande que 1er oltoyona jurés .considèrent accusôB, et iulpcipaleinent contre Lesurques, envers
comme non avenues los dépositions basées sur cette lequel ta citoyen Gauler ne devait pas cesser de mon» '
fausse data, tror l'acharnement ta plus excessif. '
Et 11 fl!éorpula sur son bùnc, comme assommé par Cô Pondant co temps, lo Bréban, qui, remise en liberté, <
coup do ûmsaue dont il n'allait pas so relever. assistait à ta Bôunco, n'avait pas cessé de contamptalf:.
Sou ami Guesnot allait savoir piUa de chance, En. avec une' compassion sans cesse grandissante ta 'ûa.*-,;/;
}, effet, l'employé du Bureau centrai do police, ta sieur. vro M010 LeBiirques qui avait passé toute la nuit.a plein•;-,
,-,
Clément, s'en vint affirmer que Guosnot avait bien rer, ot pâle. Immobile, tas traits «rlsnês, semblait ,î» ! '
passé à Ports ta nuit du 8 au 0 floréal. Et celte fois. statue (le la douleur môme, ' "- "•,'
: le président n'ofia point discuter ta déposition de cet Madeleine Bréban était une fille.., mais ce n'était pas
agent. Sans douto.no voUtalt-il pas. on diminuant un une mauvaise fillô. Les dérèglements de son exlstanaa ;
de ses représentants, discréditer la justice dont IL était n'avaient pas étouffé les bons sentiments dont elle était, 1 <
lui-même le mandatairo. douéo et qxre, seule, une éducation lamentable .avait•;•:
Enfin, après ta déillé des experts, dont les dépositions empochés de so dôvoloppor. Aussi, ta spectaole do cette
furent sans grand intérêt, l'audience fut suspendue, à malheureuse, si, atrocement broyée, lut Insplra-t-ll un
•trois heures ot demlo, et elle ne fut reprise qu'à six élan auquel elle né lonta pas de résister... Dès que 10
heures. jury se lut retiré dans la chambre dos délibérations, la •
Le publlo, qui s'êtatt répandu dans les couloirs du maîtresse do Courriel fit mander au président'qu'elle
•

•Palais de'justice, so livrait aux commentaires tas plus avait une importante révélation à lui faire,.. Gohtar la
animés î tahdis que M*»» LosurqueB, qui était restée , lit venir aussitôt dans -Son bureau et, d'un ton BOO,
dans ta sallo avec ses amis, cherchait à dpminor son imposent, U lui disait t ,'

Indicible angoisse, les Incroyables ot tas Merveilleuses, -» Eh blon, parlez I ,

les bourgeois, tas avocats, los Journalistes échangeaient AlorB, Madeleine Dréban.s'écria •
i
leurs- Impressions. Mais o'ôtaft Lesurques qui accapa- Je no veux, pas me taire plus longtomps, Sur los
rait toute lour atteuitdn. L'Immense majorité optait aix— accusés présents, un seul est coupable. C'est Cour-. ,.
pour sa culpabilité, Seuls, quelques rares assistants rloll Los autres sont innocents Guesnot et Leourque»
émettatapt un douta, sans toutefois assuror leurs con- sont victimes d'une -ressemblance. Gucsiiot avec un,
victions en sou Innocence, L'un d'entre eux, cependant, nommé Vidal,., et Lesurques'avec un nommé Dubosa,
so montrait plus ufilrmaUf. C'était un rédacteur du « Ce qui fait qu'où a pris Leeurquo» pour DubORp..,
Messager du Soir qui déclarait à, haute voix, et non c'est que Dubosc, non seulement était presque pareil a
stitis un certain courage, car il eu fallait à cotte époque lui, muta que, le jour du crimo, il avait mis une per-
uno forte doBe pour oser B'itttaquer ouvertement au ruque blonde... tout à fait de la couleur des choveux aê
président du tribunal de la Seine t Leturques../
— J'uvotto que, loin-d'avoir été convaincu par l'assu- Lo président Gohtar, toujours intransigeant, •
4écltt«
rance, des témoins qui ont déclaré reconnaître t.esur- mit :
.

q\:»B pour être ta même qu'ils avalent aperçu une seule — Je n'ai pue à tenir oompte' de ce témoignage in
fols, il y avait trois mois, j'ai vu avec peine que le extremis d'une fille qui ne doit qu'à uno indulgence
ciloyon Gohtar, qui se IOIBBO quelquefois entraîner par excesBive de ne pas figurer aujourd'hui sur ta bnno don
la haine qu'il a si justement vouée aux vrais coupables, accusés, à côté do son amant.
cbt-reliait, par un .plaidoyer contradictoire, à détruire Et comme .l'avocat de Losurques, présent à cette
l'effet qu'aurait pu produira, Bur les jurés ta déclara- soène, osqulSROit un-gettlo do protestation, Oqliier déoi»
tion de qualottaB ouvriers rtiil affirmaient avoir vu, ta. dalt, d'un ton tranchant comme le couperet de la «nii-
jour mémo de l'assassinat, Leflurques oliez lui 1 lutine :
.Mais co n'était qu'une opinion .(salée, qui fut bientôt — Los débats sont terminés. Il n'est plus temps,,
oouverlo ipar les protestations ,dos imbéciles qui l'entou- Lo jury avait à répondra aux trois questions que -
raient : voici (B).: / :«t homicide
C'est Incoyable, ma paole d'honnou 1
« 1° Est-Il constant qu'il
.
a été commis . - .

L'audience rut reprise à six heures, et la parole fut sur la personne du citoyen Excoffon, courrier de la
—
donnée à l'accusateur public (i). màlte de Lyon, dans ta nuit du 8 au 9 floréal dorniar,
Après avoir conclu à ta eoiutamnuUôn de loua. U sur la routa de Paris A Molun 7
s'éleva tout jpartioullèrenient contre les précédée « Etienne
Courriol, Joseph Losurques, Charles Guaé*
employés nar Lesurques:! il ta présenta isoudoyant les not, Oavltf (Rernar,d soni-fte cotavaincus d'avoir parti*
témoins, ta l'aide des i-éasoureoB que lui permettaient
sa Tortuno, obtenant de Legrand uno Biirchargn ^qul fl!irun (1) Le résumé M président <quL ginArqlemeni, n'était
devait venir en aide à un faux témoignage, et mettant second riouiilMre, « été supprimé par in tel -
au 19 Juin iW. (Note de l'auteur,)
(1) Causes célébrés, (8) Dossier criminel. Archives nationales
 CRIMES ET CHATIMENTS
clpê à cette action, de l'avoir fait volontairement, de
l'avotr tait sans Indispensable nécessité, d'une légitime
défense de sol-môme ou d'autrul, de l'avoir tait Sans
{irovocatlon violente, do l'avoir fait aveo prémédita-
Ion Y
• 8° Est-Il constant qu'il a été commis un homicide
sur la personno du citoyon Audebert, postillon, dans
la nuit du 8 au 9 floréal dernier, sur la route de Paris
a Melun T l'ordonnance suivante i
« Etienne Courriol, Joseph Lesurques, Charles Guos-
not, David Bernard sont-Ils convaincus d'avoir parU-
cipô à l'homicide commis, etc., etc. ï
i 3° Est-il constant qu'il a été pris do l'argent mon-
<
nayé, des promesses de mandat, des assignats et autres
effets dans ta malle du.courrier de Lyon?
t Etienne Courriol, Joseph Lesurquos, Charles Gues-
not David Bernard sont-ils convaincus d'avoir parti-
cipé à cette action, do l'avoir fait dans l'intention do
voler, de l'avoir fait à force ouverte et avec violence.
do l'avoir fait dans ta nuit, sur un grand chomln, et
portant des armes meurtrières ?
« 4» Joseph-Thomas Htchard, Antoine-Philibert Bruer
aont-lls convaincus d'avoir reçu gratuitement partie
des effets volés, do l'avoir fuit, sachant quo lesdlts
effets provenaient d'un vol, de l'avoir fait dans l'inten-
tion du'crime T » ''
La délibération fut fort longuo et dut sans doute être
fort laborieuse et animée, car ce fut seulement à huit
heures du soir que ta Jury flt connaîtra son verdict.
L'audience aymi été reprise (i), le chef du jury; le
citoyen nobiltard. déclarait, sur son honneur et sa
conscience, qu'Etienne Courriol. Joseph Lesurques et
David Bernard, convaincus d'avoir volontairement,
tans l'indispensable nécessité de légitime défense, etc.,
participé aux homicides commis sur les personnes
d'Bxcoffon, courrier, et d'Audebcrl, postillon de la
malle de Lyon, dans la nuit du -1 au 9 floréal précé-
dent, sur la route de Paris à Melun, et d'avoir, à force
ouverte et par vtolence sur un grand chemin, la nuit,
étant plusieurs personnes et porteurs d'armes meur-
trières, pris de l'argent monnayé, des promesses de
mandat, des assignats et autres effets dans la malle du
courrier de Lyon.
VIII
COUnniOL AFFIRME QUE LESUnQUES EST INNOCENT. — LB
BinKCTOmE OItDONNB UNE ENQUÊTE. — LR COIII'S Lt}OÎ8LATlP
REPOUSSE LA HEV1810N. — LETTRE DE LtiBUnQUBS A SA
FAMILLE.
A la sortie du tribunal (2), tas condamnés furent
emmenés au greffe de la prison do la Conciergerie,
Courriol plastronnait, David Bernard se lamentait,
Richard pleurnichait, Mais tous trois étaient d'accord
pour avouer la part que chacun avait prise ou crime
et aussi pour assurer, ou présouco du fils du concierge,
quo Lesurques n'en était pas et qu'il avait été pris
pour un autre.
Mais, ainsi quo ta président Gohtar l'avait dit à
Madeleine Bréban : U n'était plus temps I
Tandis qu'on le réintégrait dans son cachot, LeBur-
ques, i fajsant front courageusement à l'adversité »,
se pourvoyait immédiatement en cassation ot rassem-
blait, dernière ressource, tas éléments d'une requêto
au Directoire,
Courriol, • comme obsédé par co besoin do Justico
qui se réveille souvent nu moment suprême, dans lo
coeur des scélérats t, demandait instamment à faire des
révélations aux magistrats du Bureau contrai,
Mandé par eux. il taur affirma :
Lesurquos. Bernard et Richard n'ont pas pris part
—>
& l'assassinat. Lés véritables coupables sont tas citoyens
Dubosc et Vidal, Madeleine Bréban peut donner des
renseignements sur eux.
Rien que cette déclaration concordât absolument aveo
celle que la maltrese do Courriol avait faite au prési-
(1) L'Affaire du Courrier de Lyon, par Gaston
Detayen.
(t) D'après le récit d'un témoin oculaire, te citoyen
1$ Itoy, ancien capitaine d'infanterie de terre à la
Conciergerie comme partisan actif des Bourbons. (Note
4e l'auteur,)
«•-10
Qu'au contraire, Charles Guesnot n'était point eofc,
vaincu de ces homicides et de ce vol,.,
Que, de plus, pierre Richard était convaincu d'avoir 1'
reçu gratuitement partie des effets volèa, sachant qtie*
lesdlts effets provenaient du vol ,• tandis que Bruer wen
était pas convaincu,
Dès que ta chef du jury out terminé, le président,
donnait l'ordre de faire entrer les accusés et rendait-
— Le tribunal déclare quo Charles Guesnot et-
Antoine-Philibert Druor sont acquittés de l'aocusattou
portée contre eux et ordonne qu'ils soient remis en
liborté Bur-ta-champ, s'ils ne sont détenus pour aucune
&utrâ CÛUSO -*
.
« Le tribunal, après avoir entendu ta citoyen Des-
maison, substitut, commissaire du pouvoir exécutif.,
condumne Etienne Courriol, Joseph Lesurquos et David
Bornard à la polno de mort.,.
Condamne Pterro-Thomas-Josoph Richard à là
peine de vingt-quatro années do fer et six heures d'ex*
position, etc., etc.
En entendant cet arrêt. LeBurques, qui avait blûml,.
lova au ciel des yeux ot dos moins égarés, puis, redros-
sunt la tôte, U lança d'uno voix vibrante i
Sans douta ta.crime dont on m'accuse est horrible
—•
et mérite la mort.i mais s'il ost affreux d'assasslnor
sur uno grande routo, il ne l'est pas moins d'abuser
de la loi pour frnpper un innocent, un moment viendra
où, mofi innocence sera reconnue, .et c'est alors que
mon sang rejaillira sur la tête des jurés qui mont con-
damné avec tant de légèreté et sur le juge qui les a
influencés t »
un grand murmure, dominé par un cri déchirant,
suivit ces paroles.
L'Infortunée M">«> Lesurques venait de s'évanouir...
Imperturbablement, ta président continuait :
— Le tribunal
ordonne'que les condamnés seront
conduits au lieu du supplice avec une chemise rouge,
conformément aux articles du Code.
« Courriol, Lesurquos, Bernard et Richard, voua
pouvez vous pourvoir contre ledit Jugement.
• L'audlenco e8t levéo...
« QendarmoB, emmenoz tas accusés !..<
dent Gohtar dans son cabinet, il n'en fut ténu aucun
compta,,, ot Madeleine Bréban ne fut môme POB inter-
rogée.
Quelques jours après, Courriol suppliait tas mfimea
muglstrats do l'entendre, Il avait, dlsaft-11, do nouveaux
renseignements à leur donner,
Lo commissaire Llmodin, accompagné de deux lus-
Ecet ours,, BO rendait le même jour à ta prison da
IcÔlro, où Courriol avait été transféré..
Voici ce que lui dit ta condamné)
' — Les vrata coupables, Je vais vous les nommer s
c'est Dubosc, demeurant ruo Croix-deB-PotltB-ChampB,
ta dernière maison à guticho, on face de l'armurier et
soi-disant bijoutier. Taille i cinq pieds, trois pouces et
demi ! né à Lyon,,.
« Vidal, dit Lnileur, près ta Palais-Egalité, rue de
Valois, on faco ta café, BO disant lui aussi bijoutier de
Lyon. Taille : cinq pieds, six pouces j cheveux châ-
tains, marqué de petite vérole.,,
• Jean-Baptiste DU rachat, dit Laborde, faisant le corn-
morco; cinq pieds, doux pouces : cheveux noirs ( brun
de figure demeura rue des Fontaines, en face le temple-,
no 8, où Loflour a aussi deinouré pondant quelque
temps,
«
Roussi, l'Italien, rue Martin (i),. vis-à-vis celle dé
Grcnier-Lazoro, entre ta café de l'Apollon et ta Monter.
Cheveux bruns, cinq pieds, six pouces, 11 se disait mar-
chand, ayant dos relations nu Bureau des postes,.,
« La fille Bréban, mon amie, les connaît bleui elle
les A vus souvent chez moi,..
(1) Rue Saint-Martin. A cette époque, te vocable Saint
était interdit. (Note de l'autour.)
-t
 L'ASSASSINAT DU
« Duroohat, BOUS le nom de ' u^rde. a pris place
dons la malle de Lyon, à côté du courrier, lies autres
•dont partis, le. 8 floréal dernter, montés sur mes che-
vaux. Je tas al rejoints une heure après leur départ à
là barrière de Charenton. Nous avons dîné eL pris le
café à Montgeron. Le londomaln, nous sommos rentrés
tous les cinq à Paris, à cinq heures du matin, J'ai
..mené les ohevaux aveo Vidal chez Aubry, rue dos
FOBSés-Salnt-Germaln. Duboso est Tentré chez lui avâo
Duroohat et Roussi, où Vidal et mol tas avons rejoints.
Alors, nous avons partagé ta butin, Roussi et Durochat
ont été les vrais chefs de l'entreprise.., Le Sabre et
l'éperon appartenaient à Duboso, qui est retourné cher-
cher ta sabre à Lieusaint, C'éct Dubosc qui ressemble
beaucoup à Lesurques, et Vidal, qui a un faux air de
Guesnot, qui so sont promenés à pied à Lieusaint.
Bleu que la police eut, au fond, le plus vit désir
d'étouffer ceB BI graves révélations, il était bien diffi-
cile de ne pas en tenir compte. Do nouveaux témoins
furent entondus : ta menuisier Cauchois ot ta cordon-
niur Goulon, qui déclarèrent au Jugo de paix de la sec-
tion du Temple, chargé do IOB interroger, qu'à l'époque
du Jugement de Courriol, la fille Bréban était vonuo
tas voir et qu'elle taur avait.dit: On va faire périr des
innocents I Courriol est seul coupable. Dubosc et Vidal
Bout les vrais coupables. Lesurques a été pris pour un
autre. Ce qui a causé la méprise, c'est que Lesurques a
des cheveux blonds et que Dubosc avait une perruque
blonde (i). «
Cauchois ajoutait qu'aussitôt qu'il avait été instruit
de ces faits, il avait tenté dos démarches auprès des
juges du tribunal, sans avoir pu obtenir satisfaction...
On «leur Perrin, portier d'une maison sise rue dos
Fontaines, déclara qu'il avait déjà logé choz lui un par-
ticulier BO nommant-Vidal, qui, quelques Jours aprôB,
lui avait dlt'qu'tl allait partir pour Lyon et que, pon-
dant eon séjour, il avait vu venir plusieurs fois un
grand homme blond, un autre polit do taille, et un trol-
Blême, trapu, ainsi qu'une fonitno on taur compagnie.
Enfin, Madetalno Bréban, de nouveau interrogée,
déposa i
— Avant l'assassinat du courrier de Lyon, Vidal et
Roussi venaient souvent choz Courriel. Dubosc y vouait
ausfli quelquefois. Jo n'y al jamais vu venir Lesurques '
j'ai seulement vu ce dernier, qui ressemble beaucoup ai
Dubosc, une seule fols chez Richard, après l'époque du
ê floréal...
Malgré ces déclarations qui pourtant renfermaientles
précisions tas plus troublantes, ta pourvoi, des trois
aiicuséK était rojotô par un arrêté du .17 vendé-
miaire an V.
1 Mo Oublier présentait alors au Dlrcctoiro uno requête
ditiniitirliint qu'il fût sursis à l'exécution do ta pclno,
jusqu'à on qu'on ait pu vérifier les déclarations de
Courriol.
Courriol, en effet, ne cessait do s'agiter dans sa pri-
son de Blrêtri», Non seulement, il porstatnlt dans BOB
déclarations, mats, s'étant trouvé un Jour on présence
do David Bernard, qui lui reprochait do déployer pour
Lesurquos plus de zêta que poUr lui, Il s'écriait:
Tu n'aB pas assassiné lo courrier, muls tu as pro-
, Certes, nous sommes do ceux qui n'ont cessé et no
— do
fité l'assassinat. Losurques n'a ni assassiné, ni pro-
fité du vol. tl nous est tout à fait étranger. Tu le/sais
aussi bien que mol...
L'opinion publique, de son côté, commençait à
.s'émouvoir. L'attitude et les procédés du président
Gohtar n'avaient été sans révolter un certain nombre
de gens qui (insistaient aux dernières audiences.,. La
thèse de I Innocence de Lesurques recrutait un certain
nombre de partenaires, et parmi eux M"»* Tallien, dont
l'inllnence était considérable, t) est bien probable qu'elle
fut pour quelque chose dans la conclusion du rapport
Inspiré par Barras au citoyen Stroy, chef de division
au ministère de la justice, et qui. aprèB avoir conclu
nu fliirsis, décidait do soumettre l'Affaire du courrier
de Lyon à la décision du Conseil des cinq cents, assem-
blée qui formait alors, aveo ta Conseil den anciens, lea
corps législatifs. / était on effet des plus
Le message des trois Directeurs
significatifs, Noua n'hésitons pas à le reproduire dans
«on Intégrité.
• Citoyens législateurs,
« Le nommé Lesurques, condamné à mort, aveo un
nommé Courriol, pnur l'aBBasBlnat du courrier de Lyon,
(Il Dossier criminel
COUJRRÏEla( DE L^OK ' ' à
a été déclaré innocent par ce dernier, après le juge-
ment rendu contre eux. •
r« Courriol a assuré que la.ressemblance de Lesur-
quoB aveo .un des complices de l'assassinat, qu'il
nomme et qui n'est pas pris, à pu tromper lés lémolrjs,,
• Les déclarations de Courriol sont confirmées par,
colles do quelques autres personnes entendues après
leBdttes déclarations, postérieurement aussi, par Consé-
quent, au Jugomont rendu.
« Lesurques s'était pourvu en cassation ; mais ,. cette
iuridlctlon a estimé que toutos les formes prescrites
lar la loi avalent été observées. On n'a pu, conséquent
ment, casser la procédure.
« Quelle marche conVtant-11 de suivre dans cette cir-
constance î
« Lesurques, s'il est innocent, doit-il monter sut,
l'échafaud parce qu'il ressemble à un coupable? L«
Directoire appello votre attention sur oet objet, citoyens
représentants, et 11 vous fait observer qu'il n'y a pas
un Instant à perdre, puisque, demain matin, le jugé*
mont à mort doit être exécuté /.., »
Losurques, sa femme, les siens, tous ses amis, tous
ses partisans roprirent de l'espoir. En effet, le sursis
fut accordé, et trois représentants, tas citoyens Slmôon,
Crassous otTretlhard furent chargés, à titre de commis-
saires, d'examiner l'affaire.
Quo se passa-t-U entre eux.,, et autour d'eux T Sous
quelle Influence délibérèrent-ils? Fut-elle seulement
celle de leur conscience î L'amitié poraonnelle qui liait
deux d'outre eux au citoyen Gohtar nefnussa-t-elle pas,
mémo Inconsciemment, la balance de ta justice qu'on
taur avait confiée?,,. Ou bien taur cowotioli seule
détermina-belle leur décision f Nul ne saurait le dire,
Toujours est-il que. bien que Courriol taur eût adressé <
uno longue lettre dans laquelle, après avoir renouvelé
ses précédents aveux, U suppliait que la police recher-
chât aussitôt tas quatre individus qu'il avait désignés
et qui étaient sos seuls complices, bien que M» Guinler.
ta défenseur de Lesurques, dans ta remarquable et
lumlnoux mémoire que nous avons BOUS les yeux, eût
mis en valeur tous les arguments si frappants qui mllt*
talent on faveur de Bon infortuné-oliont. bien que lo
juge Daubanton, enfin éclairé ot 'aussi ardemment
convaincu quo Lesurquea était innocent, qu'il avait
tout d'abord cru qu'il.était coupable, fût venu les
adjurer de l'aider à réparer ta terrible erreur Judiciaire
dont il portait la responsabilité Initiale, les commis-
salit. Siméon, Tredlhard et Crasaous concluaient, dans
un rapport conçu et rédigé aveo un esprit do parti aussi
violent que celui aved lequel ta citoyen Ooliier avait
dirigé les débats, que, lorsque les jures ont déclaré que
l'accusé est convaincu d'un crime et qu'on peut encore
discuter sur cette conviction, c'est détruire toutes les
règles de l'ordre judtclatre, c'est préparer de vastes
bases à l'Impunité, c'est livrer la société à l'audace des
scélérats et ta justice à leur décision /...
Thèse, effarante, offroyable niômo... puisqu'elle pro-
clame l'infaillibilité de la Justice humaine,,, et qu'elle,
nlo môme la possibilité do toute erreur Judiciaire 1
~
cesseront Jamais do proclamer que tout crime doit être
châtié sévèrement et promptemonf... et nous déplorons
que. trop souvent, certains coupables bénéficient d'une
Indulgence qui no peut qu'engendrer tas pires résultats,
Mais nous estimons aussi que tout jugé, magistrat
ont juré do s'entourer des garanties tas plus sévères..,
On no doit jamais faire bon marché de ta liberté et de
l'existence humaines. Pas plus dans l'instruction d'une
affaire que dans tas débats qui s'ensuivent, ceux qui
ont raçu la mission saoréo mais redoutable d'être lés
Justiciers, ne doivent se laisser entraîner par des consi-
dérations autres que celle de l'accomplissement de taur
mandat, dans toute son Intégrité, Qu'ils BO montrent
accessibles à la pitié, soit,,, Mais qu'ils se gardent de
toute faiblesse et surtout de toute complaisance, pan
plus à l'égard de ceux qui eont accusés que de céu>
qui accusent. La loi doit être égale pour tous! Voilà
ce que personne ne devrait jamais oublier. C'est le
seul moyen de la fuira aimer et observer par ceux
3ut on attendent aide ot protection, et do ta faire cratè-
re par ceux qui s'exposent A en subir l'étreinte.
Ceol dit, revenons au rapport des trois commissaires.
Nous en citerons seulement la déplorable conclusion i
i Ce n'est point au corps législatif à juger Lesurques.
11 l'a été dans les formes présenta par la constitution,
Il l'a été comme tous tas citoyens... Si vous vous expo-
sez 1 oc que chaque condamne vienne solUcftar voir*
 ci CillMfiS tst àiATîMm»
-" bienveillance, connue autrotota celle des princes, ;,« Vous, .aultéu dunuei ,1e Vais ntôurir, contenteç-C
comme eux, vous serez„ frappés ettrompée ; et mettant vomTdu saortftae de ma vie.', si jamais voussfites.traduit
' dés intentions et do» aenjjuienta & la place des règles,
vous introduirez, sous là prétexte lu plus séduisant, un
a>Bttmro dont l'exempte*proUtoratt biotllgi aux pas-
sions tas moins excusantes.
t Voire commission persista à vous proposer l'ordre
du Jour...
Ce rapport, véritable dénude justice, bourré d'inoxao-
tltudss et de aophismea, m fut ni imprimé, ni distribué
aux membres du conseil. Les cinq cents étaient d'ail-
leurs absorbé* par lu vote d'une loi qui interdisait tas
fonctions publiques aux parents dus émigrés, Lu Direc-
toire voulait la conservation do lu loi. La majorité du
.conseil en demandait l'abrogation. C'était la grande
bataille politique. Aussi ta conseil entendit-il d'une
orelUe discrète ta inclura de ce factum dont U vota
rapidement les conclusions.
Lu lendemain, ta ministre de la Justico Murliu, do
Douai, écrivait au pressent du Dtreclolru que l'arrêté
de suisis devait être rapporté sans délai ultérieur, que
l'inunauitè ne peimetiuu pua du prolonger tas sup-
plices d'hommes qui sunt voués à uno mort Inévitable
et que, d'ailleurs, il était possible que les condamnes
proiitassunt aos retards pour corrompra leurs gardiens
Ot s évuiler.
Sans dâloi, ta Directoire rendait un arrêt conforme
à celte requête. Ceue fols, Lesurques était lrrétuédia-
btamein perdu et l'on commença a drosser l'éciiàfaud.
Lorsqu'il apprit quo tout était uni, Lesurquea se pré-
pare a ia mort avoc courage. 11 obiuat la faveur de
dire adieu A sa femme ot â ses ontuuts. L'entrevue eut
lieu à la Conciergerie. Elle fut déchirante,du
Le peintre liiluire Ledru, ta tldclu ami condamné,
avait obtenu l'autorisation de prendre un croqui8"du
malheureux dans su prison.' il nous en a laissé un
tableau saisissant, Taudis que sa malheureuse tamnio,
éperdue, sanglotante, déjà vôlue de deuil, suppute uu
mur do la prison, tout en contemplant du regard
U'atroco détresse celui qu'elle voit pour ta dernière
fols, Lesurques fle penche vers sa hita Mélanta qui
l'entoure de ses bras, son 111» Paul lui embrasse la
main, Et lu petite Virginie, eu larmes, tend vers lui
ses menottes tremblantes, comme pour on implorer
une curesse suprême. Debout, dans l'ombre, à l écart,
les bras croise», un guichetier, ses clefs à ia ceinture,
assiste, Impassible, a, cette omotiouuunte entrevue.
N'insistons pas. Les mots suraient Impuissants à
décrire ce que peut être cotte minute où, obligé de u'ar-
vacher aux baisers des siens, Lesurquea entendit se
refermer sur eux la porta de sa cellule.
El pourtant,, Il no talblir» paB. Demeuré soûl, il va
imployer sa dernière nuit à mettre en ordre ses affai-
re» personnelles et à régler l'état de ses dettes actives
et passives. Dans cette sorte de testament qui révèle un
calme extraordinaire, noue lisons ceci :
« Dû 8 louis nu citoyen Legrand, qui a un peu aidé
a me faire assassiner : mais jo lui pardonne de bon
Oceur, ainsi qu'à tous mes bourreaux et assassins. »•
Il écrit è plusieurs de ses amis, puis à son sosio
Dubosc une letlro ouverte qu'il demande à son gardien
d'adresser aux. Journaux (f). Ecoutez cette suprême ot
tragique adjuration :
IX
MUB4NT0N CtlBZ LA VEUVS LBBUnQUEB. — ON ItBTHOUVK LB
VOYA08UII MÏStfHIEUX, — I.E UÉJËUNBH A U CAMI'AONB,
U C0WE8810N D'UN CRIMINKL, — LE CHOYBli JAUttV, —
AHHB9TAÎI0N 81' AVA810N 08 IHIBOBC, — «NB PHI SON D'OPB-
K81ÎB.
Le jour même de t'oxéeutlon de son mari, M«* Lesur-
ques recevait une Importante et émouvanta visitai
celle du Juge de paix Daubanton.
En proie a un trouble profond qu'il ne cherchait pas
à dissimuler, le magistral disait, à ta pauvre femme qui
entrevoyait à peine son austère silhouette, tant ses
yeux étalent encore voilés de larmes :
m L'Affaire du courrtor de Lyon, par Gaston
-•»-.
en justice,- souvenez-voua* dé mes trois enfants cou--
vérts d'opprobre «t leur mère au déeoBuolr, oUie pro*
longs» pas nuit d'infortuné causées pur lu plus funeste
ressemblance. »
Enfin, U so coupo lui-mémo les cheveux et' 11 toa
envole à sa femme, aveo cette lettre, ta dernière,
', ,
Lo 8 brumaire, un V,
A la citoyenne veuve Lesurques (1). ;'
•-',' llue Montmartre, «fc
.
« Ma bonne amie,
« Quand tu liras cotte lottre jo n'existerai plus, UB»
fer cruoi aura tranché lo 111 de mes jours qui devaient
être loua à.toi et quo J<) t'avais commerés avdo tant de.
plaisir ; mulB telle est iu destinée que l'on no peut fuir
eu purull citB ; je devais être assussiné Juridiquement.
AU j'ai suivi mon sort aveu oonuiunou et uu courage
F
digne d'un hommo tel quo mol, Puta-jo esporur quo'tu-
agiras au même Y Plus d'un motif l'y engagé, la vie
u eut point à tel. Tu ta dois à tes. entants et à ton
époux, s'il te fût cher. >S'eai ta seul vcuii que je puisse
former. nadieu et compte ,
« je te dis uu étarnol que mou det-
utar soupir uera pour toi ot mus muiliuureiix enfants.
« î. LEsungUE.8, j
« En te remettant mes cheveux, quo tu voudras
bien
consurvor, et lorsque lues entants seront'grands, tu
taur partugerus un éguta parue. C'est ta seul héritage
que je leur laissa, AUtau... » '
Pauvro LesurquosI • "
Jusqu'à la derniéro seconde, U devait faire présence
•
d'un admirable courage., d'uno sublime résignation.
Lorsqu'on Vint le provenir quo l'instant du supplice
était, arrivé, il demanda à revêtir dos vêtements blancs,
co qui lui fut accordé, et co fut aveo une sérénité
BUbniuo qu'il monta dune la fuiata charrette ou déjà
Courriol ut Bernard, viiiuà do rouge, l'avait précédé.
Lorsque 1er cortège s'avança, au milieu d'une ludlO .
lmmunse, « dans BUS Vêtements blanc», symbole de HOU'
innocence, et ia tûlo omouréo de jo ne sais quelle
auréole ». ou out dit un véritable martyr 1
Duvid Bernard, plus mort que vif, semblait, avoir
perdu ta notion de la réalité, Quant à Courriol. qui,
lui, avait gardé toute son énergie, il ne cessa du ulumer
jusqu'au pied do l'edmfuud t
— ie suis uoupablo I MulB Lesurques «si innocent I
Quelques minutas après, Bernard David était exécuté.
Ce n'était plus qu'une loque. Courriol lut décapité le
second. Puis, d uu pus assuré, Losurques gravit les
degrés de l'^ehafaud.
-- Je pardonne a mes juges, fit-il, à inos",..
Les aides du bourreau s'emparaient de lui et ta cou»
choient sur la bascule. Le couperet tombait, tranchant
une fols de plus la tète d'un Innocent.
<
L'Ali aire du courrier do Lyon n'était pas terminée,
Elle continuait, on pourrait même presque dire qu'elle
recommençait.,,
-
- Citoyenne Jo un grand coupable. C'est mol,
BUIB
qui suis, en effet, involontairement responsable de la
mon de votre malheureux époux, puisque c'est mol,
sur la fol do deux témoignages formota dont Je n'avais
pas le droit de suspecter lu sincérité, qui ai ordonné
son arrestation.
« A ce moment, J'étais convaincu de sa culpabilité.
(i) Lesurques savait, en effet, que, lorsque sa femme-
recevait co message, il aurait cessé de vivre,,, (Note de
l'auteur.)
-.' fctyendak
gu df.par1 upe^rta d instinct qui roè-com* jureraiB^ué
Mrtd»|lt"ta immm^limtcoUtihûè^ffiori enquêté,y c'est.aui., .-•'," -v-'';•..- -j,;, '^:-.•.£"'<\%&u
•
fout on ntMoryant dé futrélouta là lùmterër lorsque^ : Le magiwft't- manda*aussitôt le flls Èjfcoffon quh/ ta)É-
','*"':;;f'>;
je!fun'bruâquepie-ht deueftlBi dé cette', 'affairé. Je-ne"• dé suite, sponranémonti S'ôcriaï ;
„ cessai point, malgré tout, do m'y Intéi'eB'Ber,
-- C'est ta. citoyen* Labordof .. ;::'%&
d'abord, jtvèû 14*'
•
>,* Tout Je fus un peu surpris des'procédés Le postillon Naht^iù, qui était , purtl «o Paris
dont mon collègue do MolunuBa envers votre mari. molle dé-Lyon ot s'était arrêté à\VlUeneuve'SàIiit-fJeôr^
ton premier soin aurait du êfrOj.en effet,invoquait de faire vérl- ges, convoqué également, ne fit aucune difficulté pour;'-
er ta "réalité''dé l'alibi due Lesurquee' pour Feconnaître, en Durochat, 1e citoyen qui était dans la-,
sa défense. Il ne le fit point; A mon sens, ce fm une faute malle-de Lyon, le 8 floréal dernier.
citoyen.Blavet,
'.-.•";•:.'
grave, Mais c'est affaire entre sa conscience et lui,.. l/fl chargeur de inallos à la Posté aux;-;
« Les débats du procès achevèrent do semer en moi • lettrée à Paris, déclara non moins formellement i '•/
un doute qui ne pouvait que profiter à l'accusé, La par- Plus Je
— do partir, Je l'examiiiè et pluB Je.ïe reconnais. A Tins- ',;
tialité du président, l'attitude de Lesurques qui so tant lut. observais' qull y avait de la placé
défendait toujours avec ta même calme, ta môme assu- daps la maltaet1 je lut demandais s'il y mettait quelque
rance'qu'il avait déjà muntîeatée dans mon cabinet, les chose, mata ce particulier, ici présent, me répondit,'au,;
déclarations si nettes, si catégoriques des témoins à élevant ses deux bras, quMl n'avait que son corps, ,V
.dêoharge que ta citoyen Gohtar n'avait pas réussi à bail- "Durochat, visiblement démonté par ces affirmations *
tanner, les révélations do Courriol confirmées par si accablantes pour lui, n'en contlpua.nas moins à nier
Madeleine Bréban, me firent me demander si jo no toute participation de sa part à l'Affaire du coumet
m'étala pas trop hfttô d'arrêtor Lesurques, si une de Lyon...
roBSomblance incroyable n'avait point égaré tas pre-. Lo lendemain, Durochat était conduit à Melun pour
miers témoins, ai J'avais bien approfondi tous les ; les formalités d'écran ot pour être interrogé sur le
dessous de l'affaire et ordonné toutes tas rechorches choix du tribunal criminel devant lequel if voulait être
nécessaires et' si je iio m'étais point laissé entraîner renvoyé, • . - ?
pifr un zêta .trop-ardent une, convtôtlon irrôfléchio.,. La H choisit lé tribunal de Versâmes, sur lequel U fut
persistance de Courriol à'proclamer jusqu'au pied de aussitôt dirigé,.. •
l'êcliafaud que Losurques n'avait pris aucune part à
.„'.-,
Daubanton, qui no voulait pas ta tacher avant. de lui.
'.'<;-;>'
l'assassinat du courtier de Lyon, le courago ot ta séré- avoir arraché des aveux décisifs, l'accompagnait dans
nité .admirables dont votro mari a fait preuve devant ces pérégrinations (l). ainsi que le citoyen MasBon,
la mort ont achevé de me convaincre que cet infortuné huissier du tribunal criminel, lis voyageaient dan* uneJ.-,
était victime d'une erreur judlolalro dont j'ai été ta. chaise do poste aux voleta fermés ot étaient escortés-
,
premier artisan. OUI, le dernier ofl qu'a poussé Lesur- ; par quatre .gendarmes à cheval...
Un peu avant d'arriver village
:<'..
ques au seuil de l'éternité, avant de comparaître devant au dé Grosbots, Duro-
son juge suprême, ta seul qui ne se trompe jamais, chat so plaignant de la faim, demanda à déjeuner. On
étaU celui d'Un innocent.,. .s'arrêta à une auberge .de modeste apparente, Duro-
Et, d'une voix étranglés par ta remords et la dou- chat, qui semblait inquiet, demanda à parier en parti-
leur,. Daubontdn ajoute i culier au citoyen Daubanton. Celui-ci accepta et congé'
TBrisée,
Madame, Je suis .venu vous demander pardon I... die les gendurmes, ainsi que ta citoyen Masson, qui
bouleversée par cette démarche, la veuve voulaient à tout prix restar auprès du magistrat.
Lesurques reprenait i Tahdis que les gendarme et Masson se tenaient àtuf
— Citoyen, Je ne puis faire autrement que do vous aguets danB une pièco voisine, le juge et l'accusé com-
pardonner, puisque mon pauvre mari l'avait fait avant mençaient unvfrugal repas,
mol,.. Comme Daubanton s'emparait d'un couteau pour
— Je vous remercié, s'écriait, ta magistrat dont tac ouvrir' l'oeuf à ta coque qu'on venait de lui servir/
yeux s'étalent emplis de tannes. Ne pouvant, hélas t Durochat fit aven Un soUrlre crapuleux i '", ; '.
vous rendre ainsi qu'à BOB chors enfants celui que vous' — Vous aveg peur, oi^yenjuger
Îlouiez, je vais intafrorcer d'obtenir' sa réhabilitation, »- Et de qui? s'exclamait Daubanton. :
e n'ai que ce moyen de réparer l'immense malheur, s — De moi 1 puisque vous.prenez Un couteau..,
que J'ai causé. Je vous jure, citoyenne, que Je no pren- — Tenez, lui répondit tranquillement le magistrat,

Daubanton devait tenir . ...

drai pas un Instant de repos avant que la mémoire de- servez-vous-en pour couper du pain-
Lesurques n'ait été lavée du crime abominable qu'il a
e»pié pour un autre...
parole, Lo jour même, U
Ce trait de bravoure Impressionna vivement le
bandit,..
*~ Voua êtes, un bravo, ilt-il. d'est fait de moi, Vou*
entamait lu lutte. Il commença par visiter toutes les saurez tout, mata... postai..,
prisons de Paris, afin de découvrir s'il n'y trouvait Daubanton n'insista pas. il eut raison. Le gredln
devait tenir parole.., car- en arrivant à Paris, dam» une) '
"*;

Jas dea détenus dont les signalements correspondraient dos pièces dépendant du tribunal criminel où il avait
ceux quo Courriol avait donnés de ses complices,,.
Au bout do quatre mois de recherches, aussi actives été onformô on attendant Bon transfert à Versâmes»
lu'intelltgcntes, faites en marge d'une police qui, loin voici ce qu'il dit au Juge (8) :
de seconder ses efforts, avait plutôt cherché à les para- — DanB l'Affaire du courrier de Lyon, c'est ta nommé '
lyser, Daubanton était assez houreux pour mettre la Dubosc qui est venu nouB trouver, mol, Durochat et
main sur le sieur Durochat, dit Laborde, qui venait Vidal, dons ta rue de Hohan, à Paris, où ce dernier
d'être arrêté pour un vol récent. demeurait alors. (1 me propoBU le vql de ce courrier.
11 ta fil confronter aussitôt avoc l'Inspecteur, des Pos- J'acceptais, L'affaire en valait ta peine. Ce fut Dûboftd
tes qui avait vu Laborde monter dans la malle da Lyon qui m'engagea à monter dans ta voiture aveo le cour-
et ta reconnut aussitôt. Mats « comme Durochat rier, J'y consentis et Dubosc m'arrangea un passeport
niait épordument avoir pris cette voiture publique, qu'il avait sur lui. Il substitua'au nom et au signale-
M. Daubnntcn fit comparaître ta veuve Excoffon on ment qui s'y trouvaient ta nom de Laborde et mon
présence du détenu, et fui demanda avec cette précision signalement, Avec ce passeport, J'en obtins un autre
qui ta caraotérlBait i pour Lyon ; je me présentais h la poste et montais avec
quo vous avee. vu le courrier.
<
— N'est-ce point là ,le particulier , .

dans ta cour de la poste, monter dans la malle avec le Vidal, • Les seuls qui furent de ce complot avec mol sont
citoyen Excoffon, le 8 floréal précôdont Jour de Bon itoussl, DuboBti et Courriol, Bernard n'a fait que
départ de Paris pour Lyon et jour môme auquel Excof- prêter les chevaux, A notre retour à Paris, nous nous
fon a été assassiné entre Lieusaint et Melun ?,., rendîmes choz Dubosc, rue Croix-dea-Petita-Champs,
Après avoir longuement regardé Durochat, la femme
„ où ta partage fut fait, Bernard B'y trouvait.
du courrier déclarait i t J'ai entendu dire qu'il y avait un particulier nommé
— C'est bien cet
Individu
41 t qui eBt parti avec fèu Lesurques qui avait été condamné. Je dois à la vérité
.
Excoffon et pris place avec lui dans la mallo, té Jour de dire que je n'avait jamais connu ce particulier, n>
où U a été assassiné, Seulement, Il n'était pas, habillé lors au projet, ni lors de son exécution rie ne le con*
pareil... II était vêtu d'une houppelande grise à bordure nais pas et je ne Val jamais vul
noire et II avait auc la tête un chapeau rond... Daubanton, très satisfait, réclamait aussitôt dé Dura»
Aussitôt pubanton fit endosser à Durochat la houp-
pelande qui avait été trouvée sur ta lieu de l'assassinat
Jfw.m sa coiffer du chapeau rond... ' . . (1) Mémoire de M, Daubanton, inséré dans le Barreau
Le feçonnaïahéz-vous toujours t demanda t-il. à. la . français
. de Paloonet (1800),
— ,< .-
citoyenne Excoffon, (8) Dossier criminel, •
M CRIMES F.î CHATIMENTS
chat ta signalement de Duboso. Sans 80 faire le moin-
drement prier, ta gredin répliquait :
— C'est un
hommo Agé do vlngt-slx à vlugt-sopt ans,
taille do cinq pieds quatre pouces, chevelure Monde et
d'uno belle figure.
Il ajouta qu'il était possesseur d'une maison entre
Paris et Versailles, avec Jardin, bassu-cour et un Impor-
tant mobillor, ot que l'Idée d'attaquer ta courrier de
Lyon leur avait été Inspirée par uu courrier de dépê-
ches. C'était coll.) de Brest qu'on devait attaquer ht
première. Mais ta courrier des dépèches les ayant
avertis que la malle ne portait rien, ils s'étalent relûtes
sur cello de Lyon
— Le 8 floréal, dit-il, fut le jour fixé pour l'exécution
du complot. Quatre hommes partirent de Parts vers
les huit heures du matin. C'étaient Vidal, Dubosc,
ttaussi et Courriol. Us étalent montés sur tas chevaux
fournis par Bernard. Pour mol, J'allais retenir ei payer
ma place au bureau de poste, avec des assignats quo
Dubosc m'avait prêtés ot jo partis de Paris vers les
cinq heures do raprès-dinor, avec ta courrier tta la
malle de Lyon. Quand la volturo fut attaquée, au-des-
sus de Lieusaint, il était environ neuf heures du soir.
Ce tut Boussi qui porta ta coup de sabre au courrier,,.
Je lo parut de tonte ma force avoc ma main et lu reçus
ta linumo tta la main, en dessous du pouce, uno
i
entaille qui me fit rénnndre beaucoup de sang et dont
Je porto encore ta cicatrice. Alors, Je m'élançai hors
île la voiture et je courus à vingt pus de là, ou lo fus
retenu par Courriol qut se plaignait qu'on ne tenait pas
parole et qu'on assassinait nu lieu de voler, ainsi que
nous en étions convenus (1). J'ajoutats que c'était nous
exposer à ta guillotine ; ninls il me répondit : '
• — C'est Boussi, in sais comme il ost vif... Mais
c'est uno affaire faite, et ceux qui sont morts no revtan-
dront pas nous dénoncer. »
« Bientôt, on détourna la malle dans lu forêt, ou
coupa los cordes des paquets, on s'empara do tout ce
qu'U y avait de précieux, puis nous revînmes ù Paris.
Roussi était monté sur le cheval du postillon tué ot
m'avait donné le sien. Nous descendîmes chez Duboso
qui occupait un entresol à Paris, dans une rue en face
la barrière des Quatre-Sergcnts II était alors environ
quatre homes du matin, on avait laissé sur lus bm/ta-
vards le cheval du postillon tué. Ce fut chez Duboso
qu'on fit le partage du butin ; J'ai eu pour ma part
cinquante louis en numéraire métallique, cinq cent
mille francs en mandats quo j'ai vendus quelque temps
après, à quarante sous lo cent.
jours avec Vidal
• Je restais ensuite pondant huit ftohan,
dans un appartement do ta rue de mats imlt
jours après, craignant les poursuites, nous primes un
autre appartement rue des Fontaines, n° 01. Enliii\
Courriol ayant été arrêté, mes alarmes pugnionlèront
et nous nous sommes'cnfuls, Vidal ot mol, Jusqu'à No-
vers. Qunnt à Vidal, vous ta trouvère?, facilement. Car 11
est, en ce moment, détenu dans une des prisons de Paris,.
Si le récit de Durochat, quant à ta part qu'il avait
à l'assassinat du courrier de Lyon ot du positi-
Îiriserenfermait
on de volontaires fnexnr.tlltidea. Il disait
vrai ou sujet de Vldol.
Vidal, on effet, fut retrouve quelques Jours après ei
immédiatement conduit à l'Instruction. Il commença
fiar nier à toute participation an crime qui avait coûté
a vie à Excoffon et à Aurfebert. Il affirma que ta
flguro do Durochat no lui était peut-être |»ns inconnue
mais que personnellement il n'était pas en rotations
avec lut, pas plus qu'avec Courriol, Bernard et Dubosc
Durochat maintint énerglqnemeiit ses déclarations,
mais Vidal, bien qu'Identifié par de.nombreux témoin»,
persista à nier son crime eM'Iiistriinllnn mnrutin un
temps d'arrêt.
Pendant co temps, la justicç s'acharnait contre in
famille de Lesurques. En vyrtu du Jugement du
18 thermidor an Iv, ta domaine public s'emparait des
biens du condamné qu'elle séquestrait en attendant de
tas confisquer. « La mère, ta veuve et les trois enfouis
de Lesurques, qui tombaient tout à coup de la plus
honorable aisance dans ta misère la plus profonde nj.
firent entendre aucune réclamation et ta perte d'un
fllB, d'un mari, d'un père blen-almé, cetrè mort flê^rta-
santé et cette Innocence certaine, devinrent pour oIN-
une torture de tous tas instants.. » La raison des deux
femmes s'altéra bientôt. Mais elles ne'furent pi»?/ta»
premières frappées. Legrand. l'honnête mai» tlmhip
(1) Mensonpe.,, Durochat cherche A sauver no IMP
tNole de l'auteur.}
-»4-
uiui du Lesurques. ne put soutenir la vue de ces
malheurs qu'il avait indirectement causés. Lo pardon
de Losurques acheva de troubler sa raison chance-*
tante ut su famille dut ta placor danB la maison d'alié-
nés do Charenton.
Pendant quelque temps, U reçut los visites de la
veuve et de Ventant do son ami, Dans sqn égarement,
U taur disait :
- où ost-ti, cet ami ai cher t,„ Pourquoi ne l'avos*
vous pas amené f
Puis, retrouvant dans sa mémoire l'uffreuse vérité i
. —
oh non, s'écriait-ll, U no viendra pas. Il no pout
I
plus venir. Et c'est moi, c'est moi.,, Ah t malheureux I
Et, à ce souvenir, sa tête s'exaltait, puis il retombait
dans un accablement protond.
Lu mère do Lesurques fut frappôo à son tour. Elle
resta toujours folle. La votive devint folio, elle aussi t
elle ne devait retrouver sa raison qu'au bout de sept
années.
Cette immense détresse n'avait fait que surox-
citer l'ardeur et le zèle de Daubanton, qui,
secondé bénévolement par lo citoyon Emory, ami de
Lesurques, s'occupait activement de faire rotombor
entro les mains do la justice les deux coupables qui
restaient à saisir, c'ost-o-dtro Dubosc et Roussi.
lHiho.se surtout, car grâce à toub tas recoupomonla
qu'il avait faits au cours do sa seconde enquête, Il
avait acquis la certitude quo c'était bien Duboso qui,
par sa ressemblance avoo Lesurques, avait valu à
ce dernier la condamnation capitule qu'U avait encou-
rue, La captura de ce Dubosc lut apparaissait dono
comme Indispensable pour vaincre ta'résistance do la
police et des magistrats criminels de ta Seine qui, mal-
gré les preuves si décisives do Tinnoconco do Lesur<
que», persistait à voir en lui un assassin.
Mais Daubanton ot ta citoyon Emory, devenu son ami
.Inséparable, son collaborateur de tout instant, n'étalent
point sans se dissimuler que l'arrestation (ta Duboso
n'était nas une facile besogne. Tandis qu'ils s'effor-
çaient «'on retrouver ta traco, ta citoyon Daubanton
recevait un Jour la visite du citoyen Jnrry, juge de
paix à Besançon, qui lui faisait la confidence sutvanto :
- il y a deux ons, un négociant de Lyon, qui était
à la poursuite d'un homme qui lui avait volé doux
millions, vint mo prier de mo falro arrêter ta femme
de son voleur, qui s'était rôfuglôo à Besançon et qu'il
avait suivie à la piste de Lyon. Je fus assez heureux
pour faire écrouor cetto femmo et,détenue,dix jours après,
j'étais informé que le mnrl cio la auteur du
principal vol, était dans la ville.
« J'envoyais à sa
recherche quatre agonts de police,
ils mo ramoneront nu bout d'un quart d'heure. Je le
reconnus ù son signalement; je le fis fouiller et Jo
découvris sur lui dix-sept cents mllta francs d'assi-
gnats et, dans ta valise qu'il avait tatssôo à l'àuborge
on II était descendu, environ deux cenls louis d'or.
Après avoir comploté ma procédure, j'envoyais mes
pièces et les prévenus à Lyon, L'avant-veille de son
jugement, l'accusé escaladait tas murs de Sa-, prison
et parvenait à faire évader sa femme de la maison de
force où elle avait été enfermée. Tous deux sont encore
en liberté I Eli bien, mon cher confrère, cet homme c'est
Duhosc, lo bandit dénoncé par Courriol.
- Ponvc/.-vous ma donner son signalement? interro-
,
geai! Dnuhantoh.
l,e citoyen Jarry rôpliqunlt aussitôt :
- Il avait tas cheveux châtains et une perruque
blonde i les cheveux de face étalent lisses \ il avait par
derrière une cadeiie.tte; retroussée. Je trouvai dans sa
valise une autre perruque noire. Il on changeait à
volonté pour opérer le déguisement qu'U souhaitait. Ce
Dubosc est déjà connu par des vols de toué genres. Il
possédait à fond la science du crime, C'est lui, je n'eu
doute pas, que Courriel a désigné,
- Pourquoi, citoyen, s'écriait Daubanton, n'avez-
von» po» parlé plus tôt T "
-- Je n'ai nos parlé, ripostait Jarry, fat écrit.
A qui donc T
An commissaire Siméon, dont J'avais lu, dans lé
-
r-
Moniteur, ta rapport concernant LoBurques. A tous les
détails que je viens de vous relater, j'ajoutais même
celui-ci : ce Duboso, députa son évasion, même pendant
sa détention, a eu l'audace de m'écrire, qu'U ne me.
pardonnait pas de l'avoir fait arrêter et U exhalait
dans sa lettre toute sa colère et tous ses désirs do ven-
gemice ; j'ai même joint deux de ses lettres à oella que.
redressais nu citoyen Stméoh, J'ajoutais que le sert
de Lesurques m'arrachait des larmes!
 18 CRIMES ST CHATIMENTS
— gt que vous a-t-on répondu T
cher coUèguo, quand j'ai su que
— Rien. Aussi, mon réhubllttatlsu
vous tr&vatUJei à la de la mémoiro de
Lesurques, je me suis empressé d'accourir vers vous ot
ia joindre mea modestes efforts aux vôtres.affectueuse-
Daubanton, très ému, se leva et, sorraut
ment les mains au citoyen Jarry, s'écria i
— Vous ne pouvies pas m'appoitor un plus puissant
réconfort, en mémo temps qu'un plus précieux, appui,
Je voua en remorcta de tout coeur, au nom de cette
malbeureuse mère, au nom de cette infortunée, dont la
doutaar égara la raison, au nom de ces pauvres petits
enfants dont, si cruellement, l'injustice «t non ta jus-
tice a fait de si pitoyable orphelins.
Quelques Jours après cette entrevue al émouvante,
Daubaaton apprenait que Duboso venait d'être arrêté à
Paris ta 26 floréal an V et qu'il était détenu dans la
maison d'arrêt du Bureau central,
Immédiatement. U le luisait amener dans son cabi-
net et U précédait à un premior interrogatoire.
Dubosc lut déclarait qu'il était natif de Uàle (Suisse).
au'Il exerçait ta profession d'horloger, qu'U était Agé
de trente-deux ans, et qu'il demeurait rue de Bourbon,
à VlUeneuve.
Lorsque Daubanton voulut lui parler do , l'Affaire du
eçurrler de Lyon, Il haussa los épaules et 11 déclara en
ricanant :
— Quand ce crime a eu lieu, J'étais bleu loin de là et
cuse? de la sorte t
Cette séance ne devait d'ailleurs
, iit ....
je us sais vraiment pas ce qui vous prend pour m'ac-
pas avoir de lende-
main. En effet, ta Bureau centra), qui voyait do très
mauvais ait ta citoyou Daubanton s'occuper d'une
affaire qui, selon lui, était définitivement classoo,
dessaisissait brusquement ce magistrat de son lus-
tructlon ot faisait transférer à Malun, en vue ds
comparaître, Vidal. Durochat, qui, dans l'intervalle,
avait été condamné à mort et attendait, inquiet, d'être
exécuté, et Dubosc qu'il mettait à la disposition du
jury criminel de Seine-et-Marne.
Celui-ci interrogeait immédiatement Dubosc, qui,
changeant de tactique, déclara qu'il avait connu les
individus Impliqués dans l'assassinat du courrier de
Lyon, mais qu'il n'y avait pris aucune part.
Le directeur du Jury procéda ensuite â uno confron-
tatioH de Dubosc avec Vidal et déclara ne point lo con-
naître, Puis ce fut au tour de Durochat.
Durant ta trajet de Parla à Melun, profitant d'un
ralentissement de la surveillance des gendarmes qui
l'escortaient, Duboso avait pu glisser à l'oreille do
Durochat:
— SI tu ne dis rien, Je te ferai passer
somme.
...
la forte
Durochat, autant par Intérêt quo par la crainte que
lui Inspirait son complice, qui exerçait sur mf comme
compagnons un ascendant considé-
sur tous ses autres taire.
rable, promit de se 11 se tut et, comme le Juge ta
pressait de questions, il se décida à dire :
le Dubosc que l'ai désigné comme
— Co n'est pas làdu courrier de Lyon
l'un des assassins 1
Le directeur du Jury confronta ensuite Dubosc avec
plusieurs témoins dont les dires avaient fait condam-
ner Lesurques.le notamment la femme femme Châtelain, la
femme Alfroy, citoyen Champeaux, la Cham-
peaux, etc..
Dubosc commença par les . intimider
, . .„ :
forçat évadé, c'est vrai, e'êcria-t-11
, ; mais
— Je suis un
je n'ai pas assassiné le courrier de Lyon, et malheur
a qui oserait affirmer que J'étais aveo les assas-
sins i
-' Troublés, effrayés, hésitants, la plupart des témoins
déclarèrent qu'il y avait entre Lesurques et Duboso
une grande ressemblance. Mais ils trouvèrent que
Lesurques avait la figure moins pleine et le nés plus
aquiltn.
Cependant, Madeleine Bréban, qu'on avait fait revenir
de Dijcn, déclarait que c'était bien là le Duboso qu'ello
Pvalt vu, rue Croix-des-Petits-Chemps, hôtel de la
'alx. Le propriétaire de cet hôtel, la portière, ainsi
hôtel, la portière, ainsi qu'une cliente, reconnurent
parfaitement Duboso. Or, d'aprôâ les aveux ûe Cour-
riol, de Durochat et de la Bréban, c'est à l'hôtel de la
Paix, ta 0 floréal, que s'était fait, chez Dubosc, Te par*
tage des fruits du vo).
Le directeur du jury de Mélun, qui, contrairement au
citoyen MenéflBtar. était décidé à pousser son enquête
Jusqu'à fond et à foire toute la lumière, manda près de
lui le citoyen Cliôron qui, actuellement gardien de la
.'.'' ^' '„«P18**«
tour du Teropta. «tait «u servies Us David Bernard au
moment du owmo,
Ce témoin reconnut sans hésitation Vidal et Duboso
comme- étant deux des quatre individus qui étaient
venus à six heurta du matin prendra tas chevaux Hm
Bernard.
A la suite de ces témoignages, Durochat, confronté
de nouveau avec Duboso, continua à affirmer qu'il ne
lo connaissait pas.
• cet homme ment, & coup sûr », so dit aveo raies»
lo directeur du Jury.
Et 11 donna l'ordre au guichetier de la prison de sur*
vollior tout particulièrement et le plus discrètement
possible tas deux détenus.
Lo guichetier on chef était ce qu'on appelle uns fins
ame. st rusés fussent-Us, Duboso et Duroohat allaient
tomber, cottp fois, sur plus malin qu'eux. En eftat, le
guichetier, fort au courant do toutes les ruses qu'em-
ploient tas prisonniers pour correspondre entre eux,
surprit d abord quelques signes d'intelligence ' entre
Duboso et Durochat, Puis, u vit Duboso s'approcher du
guichet do Durochat, lut tendra ta main ef serrer la
sienne Enfin, il s'aperçut que. placé dans deux cham-
bres contlguès, Durochat ot Duboso avalant pu prati-
quer danslour mur uno ouverture par laquelle Us com-
muniquaient. La nuit, ils parlaient à voix basse et la
Jour venu, il» dissimulaient le trou qui lour servait à
correspondre au moyen d'uno mie do pain reprodui-
sant in couleur de la muraille.
Continuant son enquête, le guichetier chef intorrogeit
plusieurs détenus. L^un d'eux lut déclara qu'U avait
entendu Dubosc et Durochat se tutoyer. Un- autre "que
Durochat lui avait dit c
— Duboso et Vidal ont assassiné lo courrier, mais
rot des raisons pour ne pas compromettre
Un troisième déclara avoir vu plusieurs "fols Duboao
donner à Durochat des écus de six francs ot une pièce
d'or. Enfin; on découvrit que, plusieurs fols, la fillo
Claudine Barrière avait essayé de faire passer à
Duboso des limes et des armes.
La conclusion logique s'imposait: Duboso avait
obtenu ta silence do Durochat eu lui promettant uno
évasion commune et en lui donnant de l'argont.
D'ailleurs, d'autres témoignages allaient achever ée
faire éclater la vérité.
Richard, qui était détenu ou bagne de Rochefor*.
ayant appris l'arrestation de Dubosc, déclarait au Juge
de paix, auquel U avait demandé de faire dos révéla-
tions, avoir appris de ta bouche de Courriol que c'était
Duboso et lui qui avalent assassiné le postillon.., Que
1)
ROUBBI et Vidal s'étaient jetés sur le courrier «ue
Durochat lardait à coups de couteau, et que Duroefist
avait même failli être tué par ses complices, qui, dans
la chaleur de l'attaque, lo prenaient, sous sa hpuppe-
lande, pour ta courrier lui-même. Et c'est ainsi que
Durochat avait reçu un Hôger coup de fiobre, qu'il
avait attribué aux efforts faits par lui pour défendre le
courrier.
Le* directeur du jury n'hésitait plus alors & dresser
son acte d'accusation qui se terminait par C«J mots t
c si Courriol, Bernard ut Durochat ont éta condam-
nés & mort tous los trois, ja justice n'a point A, se plain*
dro de la sévérité envers eux. Le crime des deux Pro-
mlors n'est pas douteux, ils ont l'un et l'autre parti-
cipé à l'assassinat du courrier de Lyon. Si Bernard
n'a pas eu à se reprocher ïe même orime, on no'sau-
rait laver sa mémoire d'avoir partagé aveo «ux le fruit
de taur forfait. t
« Il n'en est pas de môme
, des sieurs Guesnot et d»
Lesurques. Le premier n'a été poursuivi que par le fait'
d'une extraordinaire ressemblance aveo Vidal, mais il
a été mis hors cause. Pourquoi fout-il qu'une circons-
tance semblable ait coûte la vie et l'honneur au
malheureux. Lesurques f Aujourd'hui, ce n'est plus
pour,lui que la société réclame un châtiment* C'OBÏ
pour uubosc. C'est contre celui-ci que s'élèvent lés plus
redoutables préventions, C'est lut que Courriol en mou-
rant « désigné comme le vrai coupable.., C'est chez lui
nue le portage du vol s'est effectue. C'est lui nue Duro- ,
chat a désigné,., et si os misérable affecte aujourd'hui
de le méconnaître, c'est évidemment le fait d'une cou-
pable-connivence, On a vu Duboso et Duroohat sa par-
ler, on tas a entendus se tutoyer. On a vu Dubosc don-
ner de l'argent à Duroohat ; tout «rie dono leur oompli-'
.„.."'*-
oltô et celle de Vidal I »
i
.!*'.
Durochat, d'ailleurs, û'ajlaît pas tarder à de rétracter.
.', •..'
 UASSAWftXT DO GOURBI*»"ftm LYON «
8naad n apprit wo scn pourvoi élan rejeté st qu'il de captivité la plus agréablement possible* et ensuit*
avait plus que quo qms heures à vivre, Il demanda & préparer et assurer uue évasion à laquelle, dés lu pw*
parier ou citoyen Pile, commissaire de police, qui se Sitère minute de sou arrestation, il n'avait pas COM4
rendît aussitôt dans-sou cachot. e songer,
« et sans vengeance. Nous n'étions que cinq pour cette
Jo vaux, lui dit-Il, avant do mourir, parler «ans Voici comment il s'y était pris pour sa procurer
Daine somme, Il avait donné Vordre à «on avocat lo
est assassinat, Savoir; moi, Durochat, dit Laborde, citoyen Lebon, de vendre tout le riche mobilier qui se
Vidal, dit Lafleur, Duboso, Courriol et Boussi. qui, lui, trouvait dans son appartement. Et, aoris avoir prétav*
«lus heureux que nous, q su se réfugier a Milan. Ber» sur ia somme, ainsi produite ta montant de «es hono*
ard n'avait que prêté dos chovaux. Quant à Lttur> ralree, M* Lepon. avait réussi a foire passer à soa
met, il était innocent, Si jo n'ai pas voulu reconnaîtra client ce qui restait, o'eet-à-dirs une somme relative-
Duboso, c'est parce qu'il m'avait dit que, si je me tai- ment importante. Grâce à cet argent, Dubose et Duval,
sais, il me donnerait beaucoup d'argent et me ferait auquel son ami avait remis généreusement deux cents
évader avec lui, louis, les prisonniers purent se montrer très larges,
Cette déclaration de Durochat enlevait le dornler foire à la femme et aux enfants du geôlier Humblot uw
douta qui pouvait exister oncoro sur l'identité do cadeaux qui achevèrent de concilier leurs bonnes
Duboso et allait pormottre aux magistratsd'activer leur grâces t aussi purent-ils préparer eu toute tranquillité
action. • tour plan,,, de départ.
Suclques jours après, ta jury dos accusations déola- Un soir, profitant de ce qu'aucun volet no se trouvait
;
qu'il.y avait lieu de renvoyer devant le tribunal derrière IA porto du corridor, Duboso « ouvrit cep ver-
evimtnel de Selne-et-Oise : 1° le nommé Vida), dit rous aveo des deux morceaux de bols recourbés, tandis
Lafiour ; S« ta nommé Duboso, s'étant fait appeler tan- qu'il faisait baisser les ressorts de la eorrure avec un
tôt André, tantôt Jean Guillaume, tantôt Duval, etc., compas, Ouvrant ensuite, aveo uno fausse clef (faite'
etc. t 3° la uomméo Barrière Claudine, se disant femme d'étutp), la porte de la chambre où couchaient les
du dit Duboso et s'étant en outra fait appelor tantôt onfants du geôlier Humblot, qui se trouvaient ce jour-.
femme Duval, tantôt femme Forest ; 4° par contumace, ià à une noce à Pontolso. les deux complices, attachant
Roussi, dit Forarri, on fuite, leurs draps à ceux du Ut des enfants et à leur couver»
Duboso, Vidal et la fille Barrière, furent dono trans- turo, en firent uno espèce d'échelle coulante qut allait
férés à la prison do Versailles, qui, ainsi que noirs taur permettre do sortir de taur prison. » vidai se
allons ta voir, était, alnBi que beaucoup de geôles de laissa glisser ta premier-et fut bioutôt hors d'atteinte.
ce temps, régie par uno discipline plutôt fantaisiste. Moins heureux, pubOBC tomba si lourdement qu'il 80
« Les prisons, depuis dix ans, nous dit M. Gaston cassa la jambe. Repris, réintégré dans son càohot, .
Dolayen dans son. al beau livre L'Affaire du courrier Duboso fut soigné si habilement par ta chirurgien dO
-de Lyon, déjà par nous souvent cité, avalent tant la prison qu'en peu de Jours la fracture fut guéRo.
contenu de détenus politiques, victimes des passions et Le bandit, qui avait été transporté à l'Infirmerie, y
des partis successivement nu pouvoir, que ta fait seul dissimula assez habilement tas progrès de sa guérjson
d'être incarcéré, même si on était un criminel do droit et le rapide rétablissement de ses forces, pour tromper
oohunUn, no constituait plus une présomption dTiifa- lo citoyen Humblot lui-même... Profitant un Jour de,
mie. l'absence do surveillance qui, danB cette étrange prison
« On en était arrivé à avoir pour los prisonniers cer- semblait devenue une sorte d'institution nationale, U se
tains égards et-à leur accorder certaines libertés dont glissa dans ta quartier des femmes, trouva' moyen de
profitaient coux qui ne s'y trouvaient écroués que sous s'aboucher aveo Claudine Barrière et tous doux s'échap-
la prévention de crime et de délits ordinaires, C'est paient ta soir môme salis qu'il fût possible de retrouver
ainsi quo les.portes dos chambres des détenus, contrai- leurs traces. U était hors de doute quo. tas ressources
rement au règlement, n'étalent fermée^ qu'à dix dont Dubosc disposait no lui avaient pas été tout à fait
heures du soir. La porte soûle du corridor les retenait inutiles et lui avait permis de se ménager dans la place
prisonniers, Us avalent dès lors ta faculté de se rendre même d'utiles complices. Quelques Jours après. Vidal
mutuellement visite et même de dîner l'un chez l'autre, était arrêté à Lyon et ramené a Versailles, où la pro-
?|uand ils n'invitaient pas à ce festin leur geôlier, sa cédure fut immédiatement reprise.
omme et ses enfanta Le 2« fructidor, an VI, Vidal comparaissait devant le'
« Bien que très jeune encore, Duboso était un crimi- tribunal criminel de Versailles et, sur la déclaration
nel beaucoup trop averti pour ne point s'être muni unanime du Jury, était condamné à mort.
d'une somme d'argent relativement oonsldérahlo, grâce C'était ta troisième assassin véritable du Courrier de, '
à laquelle U comptait bien d'abord passer son temps Lyon qui portait sa tête sur l'éohafaud I
-.-' ';"":
4

'.- '
'x
• •
.
-"
,
DUBOSC m REPRIS.
V
>•UN PROCES SENSATIONNEL, •"- UN PRE-
.

SIDENT IMPARTIAL. —- UN ACCUSÉ RÉCALCITRANT. — DES

TÉMOINS OBSTINES, — UNS PBRRUQUB BLONDE, — UN
BIRANOB VERDICT, .
peux ans s'écoulèrent pendant lesquels Duboso et on trouvait quinze clefs neuves, vingt-cinq rosBignols et
Claudine Barrière, qui se caohalent à Pàrta, éohap- quatre autres passeports.
pèront aux recherches dont Ils étaient l'objet, La fille Barrière interrogée à la Préfecture de policé,
11 no faudrait pas croira un seul Inatant que ni Dau- refusa de foire connaître l'endroit où se dissimulait
banton, ni son collaborateur, le oitoyon Entery* avalent Duboso. Dès ta lendemain, l'agent de Daubanton et
renoncé à l'oeuvre de réhabilitation qu'Us avaient entre- d'Emery découvrait cette salle, ruo Hautevllle-II, Où
prise. l'on trouva tout un arsenal de fausses clefs, d'armes et
"
Dès le lendemain de l'évasion de Duboso, Emery
avait chargé, à ses fréta, un agent particulier do
rechercher co bandit, preuvo yivanto de rlnnocenoé" de
' ' •::.''.;.
des perruques de toutes les couleurs. Mais de Dubosc, -
point,
L'agent privé qui, ; décidément, était mr policier dd;,
Lesurques, Mats Duboso n'était point de ces gibiers
qui se laissent facilement attraper. Il avait mille et un
Ëramier ordre, retrouvait promptement la trace
luboso qu'il faisait arrêter par les hommes de,gàrde
w
toUrs dans son saos et il avalt.su tas employer à; mer- du poste du Petit Carreau, et lé 17 fructidor,- u était
veille pour dépister le limier lancé à sa poursuite, ramené pieds et poings lied a VersailtaB, cette fois flous
allant jusqu'à faire insérer dante tas Journaux".des une escorte imposante.
fut aussitôt et
*.
notes, indiquant qu'on l'avait vu tantôt à Roanne, tan- La procédure
o'eat-à'dire
reprtae, le 88 brumaire,;
tôt à MomiuçOn; tantôt à Saint-Etienne, et enfin, à en IX, le 19 novombre 1800, le
comparaissait devant le tribunal criminel de Ver-
misérames
Lyon, NI paùpanton, ni M. d'Emery, ni leur agent, ne
lalsaèreôt décourager, Bien leur en prit, car le
se fruottdOf,
13 m -yill,' owè-fllra le «1 âçût Ï800,J'agent La salle où les débats allaient se dérouler était rem-
d* police oHvw découvrait à Paris le domiotta,dela plie d'un public élégant, composé de femmes, qui,
fine Claucfirti. pairHôre,; jbù une perquisition faisait malgré la rigueur de la saispti, « porttitant des ro]>&
découvrir les paplèréds Duboso. quatre passeports, upe très claires, en tissu léger'et fort dôcoUelôee »/Lés
?aftéjè sûreté; Une malle vidCdOro*l« pàïineàux hommes, presque tous se tanalent debout ; o'étatentdès '
talent doubles et formaient une caohetto dans laquelle acquéreurs de biens nationaux, des fournisseurs, des.
K.j-.\\ ;;;.•:.'•;•*;. <; :.:;•,/'- . ... ' !,r\ '-• ' >,f .•':. ,-
.'';':- ^';\';1
.
«0 CniMlîS ET CHATIMENTS
fonctionnaires, des banqulero, bref, tous les snobs de l'auberge du citoyen Evard, J'ai vu trois personnes qui
l'époque, auxquels se môtalwt quelques bourgools de y avalent également diné, Ces trois personnes m'oyant
Paris, quelques commerçante de VorBalllos, attirés là été présentées dopuis. j'ai cru les reconnaître pour
par une malsaine curiosité.présidés ''elles qui m'ont été désignées sous le nom do Courriol,
Les débats allaient êtro par un magistrat de de Guesnot et de Lesurques, Je crois ne m'ôtro pas
talent et de valeur, le citoyen r.holet i je commissaire trompé en reconnaissant LeaurquoB, Par contre, Je no
du gouvernement, n'était autre quo Brillât-Savarin, le reconnais point lo particulier ici présent, connu sous
cavaliers qui ont
spirituel et fin gourmet qui devait donner quelque ta nom do Duboso pour un des trois
temps après co chef d oeuvre d'esprit ot d'art culinaire dfné à la dlto auberge. Bion qu'il soit, à peu près do la
Qui 8'appello la Physiologie du Goût. même taille que LoBurquos. ta châtain tirant sur le
Un pou à l'écart, une femme et doux fillettes en blond du sieur Duboso est différent du blond véritable,
Ïrnnd deuil attiraient l'attention du public C'était couleur des chovoux de l'autre, et les traits du visage,
1»* Lesurquos dont ta regard fixé dans ta vaguo était sont tout différents do ceux do Lesurques,..
celui d'une malheureuse qui a perdu la raison. Do — Vos souvenirs sont bien précis î Interrogeait le.
temps en temps, ses deux Alloues dirigeaient vers elle oitoyen Cholet.
leurs yeux tout voilés de lurmos. — Oui, citoyon président.
Près d'elles, le citoyen Daubanton, debout et atten- — L'audience est lovéol
dant gravement l'heure do la réparation si tardive do Les assistants se retirèrent on échangeant
, d'ardents
la terrible erreur qu'il ne devait jamais BO pardonner commentaires. Les ninls do Lesurques étaient cons-
d'avoir provoqué. m
ternés. Quant à Dubosc, U exultait t
Derrière eux, vêtus do noir, in veuve du courrier do — C'était bien In polno, disait-il à sos gardions, de
Lyon, la citoyenne Excoffon et son Dis, ne semblaient mo retenir si longtemps sous les verrous, de me forcer
point consolés du dramo effroyable qui tas avaient à m'nvodor et do mo faire cassor uno Jambe. J'en ai
frappés en plein coeur. assez d'êtro le jouet des amis do Lesurquos,., et do voir
Au banc des accusés, Duboso et la fille Barrière, uno ces gens s'offrir ma tête parce qu'olle ressemble un
femme de vingt-sept ans, assez laide, au visage long ot pou trop à colle de co particulier I Mats tout cela se
effilé, à In figure même, marquée de potlto vérole, ta paiera... plus cher qu'au marché.
front trop haut, aux yeux roux, au nez gros, ot dont Aussi, ta lendemain mutin, dès los débats de l'au-
les cheveux naturellement bruns, disparaissaient sous dience, so croyant désormais à l'abri do toute condam-
une perruque blondo. nation, so inontra-t-ll d'une arrogance extrômo.
L'accusation avait cité quatre-vingt-quatre témoins. Comme ta président lui demandait s'il connaissait
Cette fols on sentait que les magistrats étalent bion David Bernard ot s'il ne lui avait pas loué des che-
décidés à faire toute la lumière. vauxOnil s écria •
L'audience du matin fut entièrement remplie par los — tient absolument à mo mêler à toute cette
formalités, c'est-à-dire la lecture tle l'acto d'nccusa- bande, et pour sauver Lesurques qui semble depuis
Uon, l'appel des témoins et l'interrogatoire dos doux sa mort avoir des amis plus actifs et plus dévoués que
accusés, Dubosc continua ù nier mordicus. D'avance durant sa vie, on veut à tout prix, mo faire reconnaître
on sentait qu'il allait so défendre avec une énergie opi- par tous los complices directs ou indirects de celte
niâtre et qu'il ne serait pas faolta do venir à bout de affaire I... Seul contre tous, quo voulez-vous quo Je
lui. dise f Quand ou pense que le citoyen Daubanton, '
L'audienco de l'après-midi fut consacrée à l'audition celui-là mémo qui o arrêté Lesurquos et l'a fait guil-
des témoins. Elle allait causer une profonde déception lotiner, passo maintenant aa vlo à le foire réhabiliter.,.
aux partisans do l'innocence do Lesurques. En effet, la Il faut, que la famille Lesurques soit bougrement
fille Grossetêto et ta fille Santon qui, toutes deux,, riche,..
avalent été ta cause de l'arrestation de» Guesnot oi do Il était Impossible d'accuser plus nettement do véna-
Lesurques, s'en vinrent affirmer qu'elles ne reconnais-, lité, non seulement tous ceux qui l'avaient dénoncé et
salent pas Dubosc. Comme ta président insistait, Dubosc reconnu, mais oncore co magistrat Intègre entre tous,
s'écriait avec véhémence : qui avait consacré tout son temps et son argont à
— Les témoins sont d'âge à savoir ce qu'Us disent. réparer aon erreur...
Point n'est besoin do les persuader à me reconnaître. justement indigné, le président Chotat rétorquait :
Nous ne cherchons que ia vérité i scandait ta pré- — Vous semblez avoir
aujourd'hui, Dubosc, une assu-
—
sident Cholet. rance, jo devrais dire uno audace que Jusqu'ici voue
Veuilloz
Mais Dubosc répliquait : n'avez point manifestée aussi violemment.
— Oui... celle qui ost aujourd'hui contre mol, on domeiiror plus calme ot ne point donner ta change par
faveur de ce Lesurques, comme autrefois on recher- vos insinuations en ternissant à plaisir la réputation
chait .tout ce qui pouvait se retourner contre lui I... des honnêtes gens La vôtre, il est vrai, n'a rien à ris-
Le témoin suivant, la femme Châtelain, déclara net- quer I
tement qu'elle ne reconnaissait pas Dubosc. Aveo un aplomb inouï, Duboso s'écriait s
La femme Alfroy déposa : — Ma réputation, poutêtro bien, mais Je risque ma'
— Je no reconnais pas positivement ce particulier. têto... et c'est quelque chose, quoi quo vous en pen-
Cependant, je remarque, à force de l'envisager, qu'il siez. Si la justice commence û croire qu'elle s'est-
de ta ressemblance avec Lesurques ; mais il est moins trompée avec Lesurques, ce n'est pas une ralson-pour
agrand de talllo, moins blanc de peau, et moins blond de qu'elle se trompe avec mot. Eh bien I non, Je ne con-
cheveux que; Lesurques et Je ne puis affirmer que ce unie pas Bernard, Je ne poux pourtant pas le recon'
particulier, ici présent, ait été au nombre des quatre naître pour falro ce plaisir à ta veuve Lesurques et à
Cftvft1l6r8i ce Daubanton I...
Le témoin Glllet déclara qu'il ne reconnaissait pas Coupant court à ce dialogue dans lequel Duboso sem-
Dubosc pour être un des quatre cavaliers, bien qu'il fût blait si désireux d'avoir le dernier mot, le président
blond comme l'était Lesurques; mais U affirma Cholet ordonnait t
que celui-ci était moins blond et moins grand que — Faites entrer
le témoin Choron,..
fui... Le témoin Chéron n'était autre que le domestique de
Le citoyen et In citoyenne Champeaux s'en vinrent David Bernard •
affirmer l'un après l'autre. qu'Us ne reconnaissaient Dubosc allait commencer' à déchanter. Chéron,
jura on
môme,
pas du tout leêtre particulier ici présent sous le nom de effet, reconnut formellement Duboso et
Dubosc pour un des cavaliers qui avait passé et avec un accent de sincérité indéniable, qu'il l'avait vu
Vidal,
mangé citez eux le 8 floréal, an IV, dans l'après-midi plusieurs fois chez son patron en compagnie de
Le citoyen Champeaux ajouta même : Courriol et Roussi, et qu'U était venu avec eux le matin
— Par contre, J'ai très bien reconnu Lesurques, lors- du crime prendre chez Bernard les chevaux aveo les-,
qu'il m'a été présenté au cours de l'enquête, pour être quels ils s'étalent rendue sur le lieu de l'assassinat.
rinvididu à qui j'ai fourni le fil blanc pour rattacher Furieux, hors de lui, Duboso Interpellait ta témoin e&
son éperon argenté. Mais l'accusé, que voici, bien qu'il ' ces termes t
soit blond, n'est pas aussi blond, ni aussi blanc, ni — Tu oses dire que tu m'as vu chez Bernard I
aussi grand que Lesurques. C'est tout ce que te puis Et lo foudroyant d'un regard terrible, U martela s
dire... — Non... mais regarde-moi bien, avant de dire uns
Enfin, le sieur Perrault, propriétaire o Satnt-Oer- menterle pareille.., Tu as peut-être seulement déjà
xnaln-en-Laye, appelé h la barre.., prononça les paroles reconnu Lesurques.,, comme moi t
suivantes : — Non, c'est lui t c'est bien lui, continuait
. à affirmer
— M'étant arrêté è Montgeron pour me restaurer a
. . énerglquement Chéron,»
 L'ASSASSINAT DU GQUWUER DE LYON 01
* Pourquoi, poursuivait Duboso aveo >totance, oui
—
pourquoi, après plusieurs années, quand JUS ces gens — Silence,,,
sont morts, falro une déclaration qu'il pouvait et qu'il — Laissez-moi parler I
devait faire dans le temps, si toutefois les choses Et déchaîné, ta misérable se mit à hurler i
étaiont comme il le prétend I... Et puis, quolle fol cabinet. — Daubanton a fait monter la fille Bréban dans son
ajoutor aux paroles de ce domestique do Bernard qui. des lâches, Tous les gendarmes de Melun, s'ils ne sont pas
pendant tout lo cours du procès de son maître, l'a servi fois la délacer, pourraient attester qu'ils ont dû plusieurs
dans sa prison jusqu'à la, fin et qui, au bout de quatro qu'on tut faisaitparce qu'elle suffoquait par la boisson
ans, veut venir démontrer que l'on a commis une mettait à côté d'elle, sur la Car
prondro. on l'a saoulée,» et on
erreur à l'égard de Lesurquos... ot se contredit lut- vase de liqueur, pour l'entretenir table du groffler, un grand
mémo, Mais Daubanton l'a placé gardien nu Tem- dans cet état.
Cotte fols, ta préaident se fichait tout do bon.
ple (1)1 et, après avoir non sans peine fait pour taire le gradin, il
— veuillez parler plus respectueusement d'un magis- donnait la parole à la fille Bréban, qui, entra temps,
trat, faisait observer ta pré3ldont... était devenue la femme de Nicolas Perret, exécuteur
Tout en ricanant, Dubosc ripostait : des hautes oeuvres, c'est-à-dire bourreau du départe,
— La Révolution a supprimé les formules de poil- mont de la Côto-d'Or...
teBSo, ot Je no sacho pas que le premier consul los ait Au milieu d'un silence attentif, coupé seulement par
Jusqu'Ici rétablios, Oui, ce particulier menti' los oxclamations ironiques et los protostations furieuses
Mais ta président Cholet allait porter un coup aussi do l'accusé, ta fille Bréban ou plutôt la citoyenne Fer-
habile que dangereux à l'accusé : rot, renouvelait toutes tas déclarations qu'elle avait
Tout en continuant à garder un sang-froid absolu, faites précédemment, tant devant le président Gohtar
U reprenait t qu'au cours dés enquêtes ouvertes par Daubanton et,
— Dubosc, 'si vous aviez ta conscience si tranquille, poursuivies par ta directeur du Jury de Molun, c'éat-à-
pourquoi avoz-vous cherché à corrompre avoc de l'ar- diro que le particulier assis au rmno des accusés était
gent Durochat, pondant qu'il se trouvait on môme bien ta Duboso en quostlon...
temps que vous a la prison do Melun ? Ensuite, ta citoyen Gaume, marchand de modes à
S'onferrant malgré lui, Duboso protestait ; Paris, 30 et 38 ruo Croix-dos-Petits-Champs, s'en vint
— Je ne connais point Durochat i et, malgré toute la déclarer que, dans ta détenue assise à côté de Duboso,
pression exercée sur lut, Il n'a jamais pu me recon- il reconnaissait ta fomme qui, sous le nom d'Anne-
naître. Claire Barrière, était venuo habiter dans sa malBon en
Sachez quo la Justice n'omplota vos moyens.,, l'an III avec
et—que Duroohat, pris de remords, a pas lui-mémo indiqué mère... qu'elle une
autro femme qu'elle disait être sa
avait reçu choz elle, à plusieurs reprises;
pourquoi il ne vous avait pas reconnu. ta sieur Duboso, Ici présent, qu'elle dp)alt être, non son
— Pris do romords.lll mari, mais son beau-frère, qu'immédiatement après, le
Lo président faisait appoler ta témoin Charrier, gui- 8. floréal, date crime, elle avait disparu tout à coup-
chetier-chef do Molun, qui confirmait qu'il avait sur- et, qu'à partirdu
prta dos révélations tas plus suspectes entre Duboao et non plus dons tademaison. co Jour, Duboso n'avait pas reparu
Duroohat. Les détenus Fontaine, l'nrmurior, et Bôr» Enfin. le-Jouno Tiercelln. âgé da treize ans, et fils de
,
tholet s'en vinrent confirmer la déposition du citoyen ta portière do la rue Crolx-dos-Petits-Champs, déposa
Charrier,., qu'il y avait dans la maison une tetqme qu'on
— Ben, s'écriait Duboso, si maintenant on fait venir appelait M«« Barrière qui était grande et grêlée de
comme témoin touto la prison do Melun, Je n'ai plua la petite «vérole, ot que »,c'était ta môme que celle qui
rien à dira. Non, ça fait pitié l Quand on penso qu'on était là entre doux gendarmes. 11 ajouta souvent,
aurait pu acheter ça pour quelques deniers,,, et môme dans les Jours, U venait la voirque un oitoyen- .
Mais les témoignages allaient so succéder, accablants qui s'appelait « M. Dubosc » et que c'était cet autre qui
pour-.le
.
misérable... était égalemont là,., à côté d'elle,,.
On entendit le condamné Richard qui, extirpé du L'audience fut levée au milieu d'un grand brouhaha,
bagne, comparaissait à l'audienco entre deux gen- Car ces témoignages
darmes ot dans son costume do forçat, Il déclara qu'In- pliera do crlmo, de vol,contradictoires,,. de prison,, de
« cette atmos..
vico,
vité par Courriol, ta 13 floréal, an IV, à dtner au res- tion, ot sans doute de mensonge, avait jetédoleprostitu- trouble
taurant du Cadran Bleu, il s'y était rencontré avoo IOB dans tous tas esprits (2). » Los partisans de Lesurques ta
nommés Roussi, Vidal ot < un particulier qui disait semaient fort bien : certes, de très lourdes charges
se nommer Laborde.,, (c'est-à-dire Durochat),.. » posaient sur la tête de Dubosc. mais la lumière n'était '.
— Ayant eu besoin de sortir un instant, fit-Il, en ren- pas encore faite. Somme toute, JOB témoignages qui .,
trant, J'entendis tous ceB.gens qui se disputaient à plaidaient faveur de Lesurques no parvenaient pas
l'occasion d'un partage qu'ils prôtondotant ne paB être tta la partende criminels, de condamnés, ou de gens •
égal et qui avait été fait chez Duboso. sinon suspocts, mais aussi accessibles à l'intérêt qu'à
« Enfin, aprèB notre condamnation, à la prison de la pitié, tandis que les témoins de la première heure,
Blcôtre, Courriol me dit qu'il était l'auteur, ainsi que o'esl-à-dlre ceux qui avalont déclaré reconnaître
Duboso, de l'assassinat du postillon qui conduisait la Lesurques et dont l'honorabilité no pouvait être sujette -
malle de Lyon,., que Roussi et Vidal s'étalent Jetés sur à caut(on, persistaient dans leurs déclarations pre»
le courrier, tandis quo Laborde lui perçait ta corps avec mières...
Un grand couteau,,, et quo ce dornior faillit être la vie-, Aussi lorsque, à
tune de Roussi et de Vidal parce qu'ita le prenaient l'agitation dans tamidi et demi, l'audience fut reprise,
public- étalt-olle à son comble. Et •
àour le oourrtar en entrant dans ta voiture,.. bien que les Jurés fissent tous leurs efforts pour garder
Désignant l'accusé au témoin, ta préaident Inter- un vlaago impénétrable, on pouvait cependant lire dans
roge t leurs yeux ta doute qui subsistait encore dana leurs,: .
v— Celui qui est-là.» vous le reconnaissez? esprits,., i
.'
OUI, citoyen... Le président Cholet, désireux de no laisser subsister •
, — Si c'était ta vérité, s'exclama
.

— Duboso, pourquoi aucune équivoque, avait décidé de se livrer à une expo- • ;

ne l'a-t-U pas dit plus tôt. à Paris, au Tribunal, quand rience qui, selon lui, devait contribuer puissamment à
U v a passé avec Courriol ? éclairer ta mystère. Mais, auparavant, il posait de nou-
Peu souoleux, d'engager un nouveau dialogue avec veau, quelques questions
un accusé aussi récalcitrant, ta citoyen Cholet repre- que peu assagi (3),
naît t
Faites entrer la
. fille Bréban. —
.
Pourrlez-vous m'expliquor
à Duboso, qui semblait quel»
pourquoi -
vous
chez vous tant de clefs et tout un attirail qui semblait' ;
.
'/
.aviez
~~
— La fille Bréban I... bondit Dubosc. Celle-là, le la destiné à fracturer tas serrrures et à ouvrir les portes!
récuse i On l'a.relâchée peu de temps après lé prooès . Dubosc répondait sans sourolller «
Courriol et Lesurques.., Un peu plus tard, on l'arrêtait s
J'avais l'intention do passer en Angleterre, pour
de nouveau à Dijon.'On la tint depuis, une dizaine de y — faire incendior tout co que je pourrais, en
Jours au secret.,, pour lui faire apprendre par coeur ce revanche de tout etta sauter mal que les Anglais font à la :.
qu'elle devait dire. La preuve, o'est qiraussitôt sa France. Voilà pourquoi J'avais imaginé, à cet effet, '.i.
déposition faite, lés gendarmés l'ont laissée retourner cette sorte do clef qui se démonte et grâce à laquelle
à Paris où elle s'est rendue avec Daubanton,,, J'aurais pu m'introduira dans les magasins de poudre; *
Le président : Interrompait.t dans les arsenaux et les chantiers de nos ennemis, o.
Je vous;
— magistrat,,, al dit do parler plus respectueusement
d'Un (1, 8 et 3) L'Affaire du Courrier de Lyon, par Gaston :
o- D'un oi-devànt -
magistrat, rectifiait Duboso»,
, Delayen, .<.../> , ; >
.
m CRIMES HT CHATIMErnS
-i Ah I vraiment, ponctuait le présldont d un air
Incrédule, tandis que quelques rirai ironiques écla-
taient dans la «aile.
Dubosc, d'une voix forte, s'écriait :
— Je suis la victime d'uno maudite cabale, qui.
depuis la mort de Lesurques, s'est liguée contre mol I
Le citoyen Cholet se hâtait d'intervenir ;
— Tout ceci est d'ailleurs très socondalro.
Et après avoir pris un tompt, d'une voix gravs, U
ajouta :
Maintenant, nous allons exécuter le Jugement quo
le —Tribunal a rendu ta 6 novembre an VI, qui vous
a été signifié ta 13 primaire dernier, et par lequel il a
été ordonné quo tout portrait ou buste de Lesurq-tes,
seraient apportés à cette audience pour vous aorvfr de
pièce do comparaison et de conviction, ot que, d'autre
part, uno perruque blonde à votre mesura, et à l'usage
de votre tète, serait confectionnée sur in vue du Imaio
par Saint-Martin, perruquier à Versailles, ruo du Com-
merce.
« La veuvo Losurques ayant remis à l'hulsslor un
buste de terre crue et uu portrait miniature do I.esur-
Su«8, en forme de médaillon, la perruque a pu êtro
ressée et un tableau peint d'après le médaillon.
Au milieu do l'attention do tous tas assistants qnt,
tout de suite, avalent compris que cette expérlenco
devait êtro décisive, le citoyen Juilhird, coiffeur à Ver-
sailles; était introduit dans la salle ot, sur l'ordre du
président, posait la perruque sur la tète de Dubosc.
Mais l'artiste capillaire, ayant fait observer que les
favoris naturels de Dubosc étalent plus longs quo ceux
do ta perruque, ta président ordonna au citoyen Juil-
lard, vertu du pouvoir discrétionnaires que lui con-
féraiten la lot, de couper les cheveux de Dubosc à ta hau-
teur des favori» artificiels, Co qui fut fait aussitôt.
lorsque l'opération fut tormlnée, ta président fit,
Iiassor lo portroit de Lesurquos sous tas youx da chaque
urô ; la ressemblance était frappartto, Il n'y avait plus
de doute possiblo, cette fois ta vérité éclatait.
Cependant, les témoins de Montgeron et de Llousatnt,
les femmes Evrard, Grossotêta, Santon, Châtelain, les
citoyens Porraud, Laharre, Gilet, Champeaux et sa
femme • rappelés tour à tour, et mta en présence de
Dubosc, coiffé do ta perruquo blonde, et en face du
tableau, ainsi quo do la miniature reprênentam ta por-
trait de Lesurques, tout en admettant qu'il oxistàt dan9
l'ensemble des deux Individus quelques rapports géné-
raux* affirmeront avoc ta mémo unanimité qu'ils ne
trouvaient aucune ressemblance qui pût tas induira h
penser qu'ils avaient commis uno erreur ».
Alors, un incident sensationnel allait 8e produire.
Appelée la dernière, la femme Alfroy, visiblement
très émue, après avoir regardé lo portrait do"
Lesurques ot la mlntahire, hésitait à porter sos youx
sur Duboso.
— Romettaz-iVouB, témoin, noua vous demandons que
la vérité, U n'est jamais difficile et pénible do ta
dlre^
Do plus on plus troublée, ta femme Alfroy gnrdait ta
Silence. Le président s'écriait :
— Enfin t oui ou non. reconnaissez-vous Dunosc T
Lentement, en tremblant, ta citoyenne Alfroy dirigea
ses yeux vers l'accusé. Lo publia, haletant, attendait
qu'elle parlât,
Après un assez long silence, ello se décidait à dire t
— Devant le Tribunal de ta Setno, j'ai reconnu
. Lesurques,.. Mais
ma conscience me fait un devoir de
déclarer que Jo me suis trompéo. Jo crois fermement
8us je n'ai pas vu Lesurques, mais Dubosc, là présent.,,
•h I oui, Je le reconnais bien t...
Au milieu de l'émotion générale, ta prôsidont deman-
dait :
-. — Depuis le commencement de ces débats, et avant
Sue la perruque blonde qui est actuellement sur la tête
s Duboso y fût posée, avez-vaus reconnu Duboso 1
— Oui I
' Pourquoi n'ovez-vous pas fait cette déotaratton
. <—
lorsque vous avez été entendue à l'audience d'htor 7
— leJe n'ai pas osé.
n'sl pas besoin de vous fuira remarquer, témoin,
la—gravité do la déclaration que voua venez de faire,
Vous en comprenez toute l'importance, réfléchissez sur
toutes tas conséquences irréparables qu'elle peut avoir.
Sondez votre conscience. Le montent est grave 1
AIOTB, la citoyenne Alfroy parut se recueillir,' puis
dans un tragique silence, d'une voix qui s'était
affermie, elle déclarait :
— je persiste dans ma dernière déclaration I
Transporté de fureur, Duboio s'écriait t *
— Elle menti Cette femme menti... Satu-on qui l'ft
approchio depuis ta dernière audience?.,, Elle n'a
Ïoint quitté veranllles hier soir, et les amis de Lesur-
ues rodent par la ville pour voler la vérité! 8) élis
ne ment pas, tous les gens auraient menti i Et pour-
Suolî... J/e suis prtsennler.,, Us n'ont dono pas pouf
e moi l Pourquoi tnetvtiratant-lia î Ah i botte fomrao
mont I.» Jo la finis t.., .
Le président se IiAtuit dé lever l'audience dans un
tumulte indescriptible. Cette fols, l'opinion publique se
retournait contre Dubosc. Justice enfin allait être
rendue I
Lo lendemain, après un réquisitoire très serré, et très
éloquent, où lo commissaire du Gouvernement
réclama pour Duboso la peine capitale tt un châtiment
sévère pour la filta Barrière qui, ou cours do ces quatro
outlionces, avait presque entièrement disparu, écrasés
lo président
par l'effroyable personnalité do son amant,défepsour
donnait ta parole au citoyen Lobon, de
Dubosc.
Avoc habileté, chaleur, il B'offprço do couvrir son
Client par la condamnation qui avait été prononcée
pour Lesurquos :
— Citoyens juréB, disait-il, viondroz-vous discuter
l'iiidlscutablo vordlct d'un Jury ? Ce verdict, aujour*
d'fiul, fait fol et doit être nom d'attelnta. Tout s'est
passé dans la consetanco et la conviction des jurée s
V0us no pouvoz frapper deux fois pour ta même
ot'lmo) or, H ost certain, los témoignages Jo prouvent,
quo parmi les quatre individus vus à Montgoron ot &
Ltoufeaint ta 8 floréal, un seul avait tas cheveux blonds,
un BOUI avait demandé do la floolle pour raccommoder
ta chalnetto do son éperon... Eh bion, cet individu
blond qui a demandé de ta floolle, qui, plus tard, a été
vu se promenant avec Vidal A Llousaint. c'est Loaur»
quos t... Lesurques a été condamné, sa condamnation
a acquis force de chose jugée ; elle serait inconci-
liable avoc uno condamnation nouvelle I
Et 11 ajoutait !
— Il ont Impassible d'acorder uno conflnnco aux dires
d'un témoin ausfli vorsatlta quo ta femme Alfroy, d'un
témoin qui avait été capable pondant si longtemps de
masquer ta vérité, au admettant marne quo sa der-
nière déclaration fût slncôro et spontanée, co qui était
moins quo certain. Combien plus dignes do foi étaient
ceux qui, dès le premier jour jusqu'au dernier,
n'avaient jamais varié dana taur déposition.
Enfin, il s'écriait s s ."
Je n'insisterai pas sur le rôle étrange joué par
ta—citoyon Daubanton, et je laisse à d'autres le soin
d'expliquer et do Justifier son dévouement insolite à la
mémoire do l'hommo qu'il a tant contribué à envoyer
à l'éohafaud. En choisissant un malheureux que son
passé désignait à In sévérité do. sos juges. M. Dau-
banton a peut-être tait prouve d'adresse Î mata je douta,
fort qu'il ait fait preuve de loyauté I
« Citoyens jurés, je m'en rapporta à votre conscience,
à. votre justice, à votre honneur I,.,
Suivant la procédure do cette époquo, le président.
Cholet fit alors ta résumé des débats ; ot tout en s'éloi.
Snant de lo partialité dont avait usé lo président
ehior en d'autres circonstances, ji sut néanmoins,
avec beaucoup d'adresse,, mettra en lumière tous les
argumenta capables d'établir la culpabilité do Duboso
ot l'innocence de Lesurques. Si bion quo, lorsque les
jurés se retirèrent dans la chambre des délibérations,
la condamnation de Duboso semblait alors à tous
assurée, et la réhabilitation do Lesurques non moins.,
certaine.
A cinq heures et quart do l'après-midi, le citoyen da t
la cour, ohef du jury, lisait û haute voix ce singulier
verdict t
t La déclaration unanime du Jury est que leôn-Gull»
laumo Duboso n'est point convaincu d'être l'auteur àe
l'homicide du courrier ni du postillon do là malle dé
Lyon, ni du vol qui a suivi, mats seulement d'avoir
aidé, tl assisté volontairement et aveo préméditation,
testateurs de cet homicide et de cette soustraction, »
La fille Barrière était seulement convaincue d'avoir
recelé tas objets soustraits et dans uno IntenUon cri*
minelta.
Bn conséquence, ia tribunal, après une courte délibé-
ration Condamnait Dubosc à la peine de mort, et Clau-
dine Barrière à vingt-quatre ans do réoluiion.
Dubosc ne e'étant pas pourvu en cassaUon, il fut
exécuté à Versailles lo 6 nivôse (25 décembre), empor.
tant aveo lui son secret dans la tombe. ! <<";•"•'.
 L'ASSASSINAT DU COURRIER DE LYON
Ce. jugement rchdoU impossible la réhabilitation renoncer o- poursuivre la révision du procès do oslut
élégale de Losurqtieé, En effet, il laissait Intact qu'ils
ta
bre généralement aamlB dû quatre cavalière, o'OM-à-dlranom- considéraient toujours comme un innoesut, non ?
Nullement,,.
é« quatre assassin». Mats ainsi que nous allons ta voir, Us n'étaient pat
Ira. famille et los amis do Lesurques allaient-ils au bout de leur peine.

EPILOOUB
UB seul des assassins d'Excoffpn et d'Audobort avait
réussi à échapper à ta justloo. C'était le sieur Roussi,
Vers la fin de 1803, ou apprenait que Roussi, qui se
faisait aussi appeler Rossl, Rauchy, Ferrari. l'Itallou,
lo grand italien et Louis lloioidy, avait réussi à quitter
la Franco (et s'était rendu à Milan (1). Là, il s'était
livré à diverses entreprises industrielles, notamment à
l'épuration et à ta conservation des huiles. Possesseur
d'un procédé relatif à cette opération, il avait eu l'idée
d'aller l'exploiter a Madrid. Il y ovait rencontré un
concurrent, noble Espagnol, qui, curieux d'avoir des
renseignements sur lui ot apprenant qu'il avait habité
la Franco, s'Informa à Paris, par l'ambassade, sur ta
compte de ces dorniero. La police, intorrogêe, répondit
Sue co Lulzl Beroldy devait être le Roussi, désigné par
eux dos assassina du courrier do Lyon, comme étant
l'un do Jour complice.
Le'gouvernement français domandn ot obtint son
extradition, ot, conduit sous bonno garde à Versaillos,
Beroldy fut aussitôt interrogé par M. Cholet, président
du tribunal criminel qui avait présidé tas débats de
l'affaire Duboso.
Il commença par nier énorgiquement, mais sur un
ton plein do déférence et mémo d'obséquiosité, toute
participation à l'Affaire du courrier do :Lyon. Roussi,
type d Italien, « félin et fourbo, haineux et sans scru-
pule », avait jadis commandé uno de ces bandes alors
si-nombreuses en France, qui avait pour-spécialité tas
vota dans tas églises. Doué d'une certaine faconde, il
chercha à égarer la justice j mais reconnu à uno taohe
do viri qu'il pqrtalt (t la main, par la fille Madeleine
Bréban, ot par ta citoyen Chéron. l'ancien domostiquo
de David Bernard, il continua néanmoins, à protester
do son innocenco,
Le principal argument de sa défenso était celui-ci t
Il y a eu cinq assassins i vous avez déjà condamné
s|x—Individus, voulez-vous condomnor encore un inno-
cent?.»
Malgré tout, le jury, cette fois, n'hésita pas, et sur sa M»»» Lesurques, et fortement impressionne
déclaration unanime,, ta 19 février 1804, le tribunal cri- quent mémoire de Daubanton, l'Empereur ordonna
minel de Somo-et-Oiso déclarait Roussi, dit Beroldy, grand jugo Régnier, d'informer sur cette affaire.
convaincu d'avoir commis sur tas personnes d'Excoffon Malheureusement pour ta cause de Lesurques, Régnlerr
seur, il ne pourra la déclarer à la justice Que six maie
après ma mort.
« Signé Louis BRROI-PV, f
,<
Co dernier fait rendit courage à ceux qui avaient
ontrepris la tâche de faire éclater l'innocence d*
Lesurques. La veuvo du malheureux
enfants mineurs, leur tutour, ta et,
.
au nom de ses
frère de Joseph
Losurques, présentaient, au mois d'avril 1604, 4 ta cour
criminelle do Versailles, une requête afin d'obtenir la
communication dos pièces du procès, on annonçant
taur intention do se pourvoir en révision,
d'erreur évidente, contre Je Jugement du 18pour causé
thermidor
an IV. Cotto démande fut repoussée.
En 1800. M»1» .Lesurques, étant revenue à la raison",
faisait présenter à son nom ou on celui de sos enfants,
à l'Empereur Napoléon une autre requête dans laquelle
elle lo suppliait de l'aider à réhabiliter « ta mémoire de
celui qu'elle considérait comme un martyr do ta Jus-
tice humaine et a sauver sos enfanta de ia mi6èro où
la condamnation du chef do famille ii?s avait plongés »,
En même temps. Daubanton, qui no l'avait pas aban-
donnée du seul instant, adressait un mémoire à l'Empev
reur dans Ioquol il demandait ta révision du procès,
Aprôa avoir dôvoloppô avoc uno clarté et avec une pré-
cision remarquables tous las arguments qui militaient
en faveur de J'inpoconco do Lesurquos, ta magistrat ter»
minait en cos tormes. : •
La réhabilitation de l'Innocent condamné .
et exécuter •
—
. de droit public. S'il n'existe plus do loi qui règle .
est les
formes à suivre pour y parvenir, elle peut être faite
elle peut s'isoler du coite criminel / si toutefois elle doiti
en faire parlio, elle s'y rattachera aisément ensuite,
Elle remplira une lacune qui no devrait pas exlafer-et
qui aurait peut-être existé longtemps dans nos*
lois crimineltas"si l'affaire Lesurquos encoren'en démontrait
pas l'absolue nécessité. .
Très ému par. tas termes tta la supplique do'
par l'élo-
au
•

et d'Audebert, doux homicides volontaires avoc prémé- chargea du rapport M. Giraudot, ta môme avocat Impé-
ditation et ta condamnait à la polne do mort. rial qui, deux ans auparavant, avait déjà repoussé-
Quelquos jours après, l'échafoud était dreseé sur une toute idée de révision, M. Giraudet lui aussi était par-
des places publiques do Versailles, Deux heures avant tisan du respact intégral do la ichoae Jugea. Il laissa
l'exécution, la cour de justice criminelle de VersaUtas de côté tous les témoignages
autorisait ta substitut impérial à assister auprès du et passant sous aitanoe les fav\>r&blea au condamné,
condamné, pour obtenir de lui l'aveu de son crime et Durochat, de Roussi, tas rétractations ave^x do Courriol, de
lo nom de ses complices. Comme il lui demandait s'il Legrand, tas déclarations du guichetier; dedula témoin prlsoft-
avait oonnu Losurques, Rouasl-Beroldy, répondait : de Molun, etc..,, etc., il affirma qu'il ne fallait tenir
~ Non I aucun comptr '"'ta retractation do la femme Alfroy, »

...
Le substitut reprenait t singulière, v tara, tn, et si peu motivéo.
— Votre' déclaration Intéresse vivoment ,1a famille
... « Enfin, é.'twflU-il, *|1 faudrait admettre qùo ta no»-
Lesurques, il est essentiel que vous disiez toute la bre dos aas tains n'H\«t que do cinq, et à cet.ê$atd<rk ;
Vérité? n'« aucune) .mitude 4
,

^ 'v.
— Je persiste, répliqua Beroldy, à déclarer que jo no Et il conC* -t!' ^Uiôi.i
connais pas et n'ai jamais connu Lesurques,
Après cette déposition, il monta à l'éch&ftiud, ou U faire, que
fil a été vérifié, autant qu'H « été possible de le
fut accompagné par M, Dogranpré, curé de NottvDame produit en cette confusion de personne, lo seul moyen -
faveur de Lesurques, n'avait point existe, »
de Versailles, Dupé par ce rapport, l'Empereur repoussa la révision^
-L'exécution achevée, Oegrpnp'ré so rendait chez le " « En 1810,
substitut du procureur impérial auquel il déclarait qu'il qultô do 1786lisons-nouft
fût
dons les Causes eéièDres, l'int- H-
définitivement consommée. Les bien*
venait eVaasfslor Roussi à sos derniers mémento, et de Lesurques furent assignés & la dotation du Sénat; :

qu'avant de «ravir les degrés de l'échafaud. celui qui conservateur ot attribula-à la Bénatorerle du comte de.'
allait mourtal'avait autorisé à déclaror 4 la justice que Jacqueminot, Cet honnête homme les refusa
ta Jugement qui lé condamnait, lui Roussi, était, bien dignes paroles i par ces
rendu. .'/•'
L'honorable ecclésiastique ajouta que, rtmix tours voir
- — Je respecte trop le champ du malheur- pour rece-
•

les biens entachés du d'un innocent, il faut

avant 4'èxécution, Roussi lut avait remis, écrit de sa leB reatltufcf à la famille desang ia victime,
propre main, un testament^ »n exigeant toutefois qu'il On s'en garda bion, et ta fisc, qui ne connaissait.pas,';
ne serait pas ouvert avant six mota. Le prêtre en fit le do scrupules, roprit sa proie et fit vendre au .profit, du ,
dépôt chez un notaire de Versailles et, Torqu'à ta date trésor Tes biens de l'Innocent.. Quant à< Daubante*** •
fixée par Roussi oh t'ouvrit, voici co qu'on lut : découragé, écoeuré par les Insinuations perfides que
que l'on faisait circuler sur son compto, 11 renonça à centt* •',
Je déclare: le nommé Lesurques est innocent] nuer la lutte et, s'ôtant retiré du monde, U
que eçtte ûecUration que je çonne à mon confes- en 1813, rongé par le remords d'avoir causé lamourut
«
mais
/(p Gausïs'titlèbyçs. :,- / t,- _. -' Lesurques et par la douleur de no pas avoir réussi s»
réhabiliter la mémoire de sa victime, '
fin de-

~*«1;~
 « CRIMES ET CHATIMENTS
M«* Lesurques, ello aussi, se tut pendant quinze ans,
c'est-à-dire jusqu'en décembre 1821. A cette époque, Ira.
Îuêo par la misère, ello demanda un secours à ta
hambre des députés. La requête ayant été npoattllêo
Sar la députatton du Nord, la Cpambre prit eotto
emando en considération, et chargea M. Drouot d'Arc,
procureur du roi à Versailles, do lut falro un rapport.
• Quelques Jours lui suffirent, bous dit M. Gaston
Detayen. pour être convaincu do l'Innocence do Lesur-
ques. Cependant, pour être pleinement éclairé, lo
ministre do In justice, M. Poyronnot, chargeait ta
baron Zanatngo, conseiller d'Etat, du fairo une étude
plus approfondio do ta question. »
A la suite d'un long rapport diffus, obscur et
embrouillé, ce haut fonctionnaire concluait que la légis-
lation actuelle n'autorisait pas la révision du procès,
si l'affaire fut classée- uno fols do plus t
Cependant, lo trésor restituait à la veuve Lesurquos,
sur les biens qui uvalenl été confisqués, uno sommo do
deux cent vingt-quatre mille huit cent quinze francs,
qui, onze ans plus tard, en 1834, dovalt être suivie d'une
seconde, do deux cent cinquante-deux mille francs,
Quelques jours après, • épuisée par quarante ans de
supplications infructueuses ot d'offorts Incessants •,
elle expirait, non sans avoir adjuré sos doux filles de
continuer à poursuivra la réhabilitation de leur père,
•L'aînée, de sos tilles, Mêlante, qui avait épousé un
M. Charles d'Anjou, recommença en vain ses démar-
ches. Découragée par un insuccès persistant, elle se
suicidait en 1845 en se jetant dans la Soino.
Après la révolution de 1818. M, d'Anjou adressait une
nouvelle requête à Louis Napoléon, président de la
République, < Tout co qu'il put obtenir, fut la nomina-
tion, on 1860, d'up nouveau rapporteur, M. Lalouli.
Co tut à cotte époque qu ' fut jouée, ainsi quo nous
l'avons dit plus haut, la célèbre pièce du Courrier do
Luon, qui remua'si profondément l'opinion publique,
L'innocenco de Lesurquos devint pour la masse- un
véritable article do fol, Profitant de ce mouvement
populaire, les descendants et tas dornlers défenseurs do
Lesurques, par l'Intermédiaire de Jules Fobro, lo
célèbre avocat, adressèrent une supplique à l'omporour
Napoléon III ot à l'impératrice Eugénie, supplique qui
demoura sans réponse.
Enfin, Virginie Losurques, ayant Introduit devant la
cour do cassation, ta 18 février 1888, une instance eu
révision, basée sur do nouveaux moyens indiqués dans
la toi du 29 Juin 1807, ladite cour do cassation déclara
quo les deux arrêts do Lesurques ot de Duboso étaient
inconciliables, et rejeta les conclusions d"e la doman',
(tarasse.
Cetto fois, c'était bien fini, la procédure l'emportait
sur l'humanité : ta respect do la chose Jugée, vériiél
mémo
d'uno façon inique, triomphait à Jamais fie la
Jamais, légaloment, Losurques ne serait réhabilité I
Qu'importa, après tout I Mieux ne vaut-il point passer
pour innocent dans tas consciences des honnêtes gens
que d'être Justifié par un arrêt de cour toujours falU
llble. Dana l'histoire ot dans la légende, Lesurquos.
demeurera une victime, un innocent et un martyr!

PIECE JUSTIFICATIVE
Nous avons retrouvé la lettre que le citoyon Jarry, Duboso avait tas cheveux ohàtalna ot une par-
t Ce blonde;
JUgo de Paix à Besançon avait écrite au citoyen mque les cheveux do face étalent lisses ; il
Siméon, rapporteur do la Commune des Cinq Cents, au avait par derrière une cadenette retroussée. Je trouvai
-sujet de l'affaire Lesurques. daim sa valise uno autre perruquo notre; il en chan-
Elle nous a paru tellement décisive, que nous n'hési- geait à volonté pour opérer le déguisement qu'il sou-
tons pas à la reproduira intégralement. haitait. Ce Dubosc était déjà connu par dos vols de tous
Besançon, brumaire, goures ; il possédait à fond l'art du crime, et, depuis
« 18 an V, son évasion, lorsque J'appronalB que quelque crlinô
énorme s'était commis, soit à Lyon, soit à Paris, je
t Citoyon représentant, n'ai jamats douté qu'il en fut l'autour.
• Je viens de lire votre rapport sur l'affaire du mal- « Lorsque j'ai lu votre rapport dans ta Moniteur, J'ai
heureux Losurques. condamné pour l'assassinat du reconnu los traits de Duboso. L'éditeur a imprimé
courrier de Lyon ; mon coeur on est navré ; il est inno- Dubosq, mais c'est ignorance des lettres qui composent
cent : moi seul, reut-ôtre, eusse pu éclairclr le fait; son nom : c'est Duboso, et non Dubosq. U m'a suffi de
mats, hélas, il n'est plus, et tout co que je vais vous la perruque blonde pour ta reconnaîtra, Cet'.1homme/
apprendre sera sans fruit. était capable do tous les crimes, et o'est lui, je n'en
« J'étais juge de paix à Besancon, l'année antérieure doute pas, que Courriol a désigné, et c'est lui qui est
à l'acceptation de ta Constitution. Un négociant do le complice de l'assassin. V
' Lyon, qui était à. ta poursuite d'un homme qui lui « Ce Duboso, depuis son évasion, même pendant sa
avait volé deux millions, tant en assignats qu'on or et détention, m'a onvoyé son écriture: U ne me pardon-
en argent, dans une auberge du Parc, vint me prier de nait pas son arrostation ; il on exhalait dans ses lettres
faire arrêter ta femme de Bon volour, qui s'était réfu- toute sa colère et ses désirs de vengeance, je vous en
giée à Besançon et qu'il avait suivie à la piste .depuis fais passer deux sous ce pli.
Lyon. Je l'arrêtât d'après les instructions que je puisai « veuillez informer le ministre de
la Justice de ces
dans un procès-verbal dressé par un juge de paix de faits. Le signalement de Duboso ost au greffe du. Tri-
Lyon. Ce procès-verbal renfermait ta signalement do bunal criminel du départomoiit de la Seine t qu'U
l'homme accusé do vol. Sa femme mise en maison donne les ordres les plus sôvêroB pour le faire prendre.
d'arrêt. Jo m'occupai de l'Instruction du procèB. Dix- à S'il reste libre, vous verrez encore des orimoB horribles
douze Jours se passent, et, tout à coup, je suis Informé de sa façon, ' '
Îue te mari de la détenue, auteur principal du vol, t Lorsque j'instruisis Bon procès à Besançon pour le
tait dans la ville. Je meta à sa recherche quatre com- vol de deux millions qu'U avait commis dans une
missaires de police, qui me l'amènent au bout d'un auberge du Parc, à Lyon, Je me fis remettra, à ratde
quart d'heure. Je le reconnais à son signalement ; je ta de ta force armée, par ta directeur de la poste aux let-
fate fouiller, je lui trouve dix-sept cent mille francs en
assignats.
« instruit de
*
l'auberge . où il était entré
en arrivant à
la ville, j'y cours, et Je trouve dans sa valise environ
deux cents louis d'or. J'informe contre l'homme et ta
supposées,
• j'y découvris
,
-, . ••'',
tres, plusieurs missives écrites à Besançon, porte res-
tante, tant par lui que par ses associés, à dés adresses
et la - tramé de ceux- qui l'avalent
ourdie ; ces lettres sont déposées au greffe dû Tribunal
femme, et je découvre qu'ils sont tas voleurs, et que co criminel de Lyon. Ainsi,A Citoyen, renonciation mite
que je saisis est ta fruit ou l'objet du vol. Je complète par Courriol. du nom de Dubosq ou DUboso, n'est pas
ma procédure, et j'envolo tas pièces ot tas prévenus à le fruit de l'imposture | c'est, la vérité toute pure,
Lyon, pour taur procès leur être fait. L'homme a été t Vous trouverez,peu d'ordre dans cette lettre, mais
condamné à quatorze ans do fer et la femme à qua- jo vous l'écris, encore .plein de l'émotion que m'Ont
torze ans de prison, convaincus de vol avec effraction causée la lecture de votre rapport et la reèonnatssancè
et dans une auhcltge où Us étaient reçus. que j'ai eu lieu de-faire des traita de DuboBo.
« L'avant-veille de sou jugement, l'accusé escalade « Le sort dé Lesurques m'arrache des larmes. Quelle
les murs de sa prison. Sa femme ne fut pas plutôt à ia victime des erreurs de l'humanité I Mais, s'il se petit,
: maison
de force, qu'il l'en tira, et tous les deux sont travaillez à la réhabilitation de sa mémoire t. ce sera
libres. la stérile consolation de aa famille.
• Dans le cours de l'instruction au Tribunal oriml- c Les faits dont je vous parle se sont passés dans ta
«tel, on acquit la preuve qu'il avait déjà été condamné trlmeatre de messidor an III.
aux fers par le Tribunal criminel du département de « je auls citoyen, avec l'estime
la i-
plus Bjjje^rsTtakyos :
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la Seine, Eh bien I cet homme est nubofiol c'est
î'hçmme indiqué par Courrtol.
talents. •<>.
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Itnp, Mnudbausaiit. 18, rua Francola-Oulhert. P«rli «W «i^M* f. s/uJl., .S*
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 Pour paraîtra le JEUDI 19 MARS le /V° 3 de CRIMES et CHATIMENTS t

MESTORINO
i ques bouts d'ouate souillée de boue, et, 6 la base du
crâne, il portait une plaie par où s'échoppait lu
UN CADAVWK QUI BHUIB SUR U
nOUIE, — 1,'AHTO CAFÉ AU matière cérébrale,
LAIT. — UNB M8HB EN PLEURS. — t'iDRNIITIÎ t)B U
VIC- Au-dessus de l'arcade sourcillera gauche, on remar-
TIME, •- LES QUA1UB BIDONS D'ESSENCE. — l'nBMIKRg quait une forte ecchymose. Les cheveux étalent châ-
1IÎM0IUNAGES. tain foncé, la moustache coupée à l'amôricaino. II
était vêtu d'un costume marron, portait des chaus-
I.o k'8 février 1028, vers neuf heures du matin, par settes de fil blanc à baguettes noires, et, à travers les
un tomps humide, froid ot brumeux, ta charretier déchirures de son pantalon que les flammes avalent
iionrl Bouvy, de Gretz, assis sur le brancard de eu dévoré par places, on distinguait ses cuisses, mises
voiture, longeait la route départementale de Lagny-à ,\ nues comme celles d'un écorché vif, Les muscles
Molun, lorsque, entre les bots do Porelre et de Beau- étalent ceux d'un hommo Jeuno et entraîné au sport.
verges, son attention fut attirée par uno fumée noi- La main gauche se recroquevillait sur la poitrine,
râtre qui s'envolait au-dessus d'un fossé creusé sur ta au-dessus d'un poignet nettement fracturé, tandis
bas-fond do la route. qu'un bras s'étendait, inerte, sur ta terre humide et
Intrigué, il arrêtait ses ohevaux. se demandant si gazonnée.
quolquo fumour imprudent n'avait pas mis le feu I.n première penséo de M. Gabrielli fut que co mal-
dans la forêt; mais à peine s'ôtatt-U penché au-dessus heureux avait été attiré dans ce bois solltalro et
du fossé qu'un cri d'épouvante lui échappait. Etendu frappé par derrière par quelqu'un qui voulait se
sur le BOI, entre deux flaques d'eau, U venait d'à» -• débarrasser de lui. Mais il ne swrêta pas longtemps
cevolr un cudavro qui, Imbibé d'essence, était en Lait à cette hypothèse, car il BO dit aussitôt, avec beau-
de ftambor. coup de logique :
Affolé, il revint sur ta chaussée et, repérant « Pourquoi, en plein Jour, aurait-on Jeté au bord
lointain une auto do livraison qui s'avançait dans au sa d'une routa très passante et non loin d'une agglomé-
dlreotion, 11 étondlt les bras en croix, tout en criant ; ration le corps de cet hommo, et pourquoi, au risque
— Arrôtoz I... Arrêtez I d'attirer sur lui l'attention des usagers de ta route,
I.o chauffeur stoppa à quelques mètres de lut et l'auralt-on fait brûler, tandis qu'il était si facile de le
l'un dos deux llvrours assis près de lui sur ta siège laisser dans le bols, de l'y enterrer, ou, si lo temps
lança au charretier Bouvy, d'un ton plutôt rogue :
manquait, de ta cachor dans un fourré où 11 serait
— Eh bion
I quoi, qu'est-ce qu'U y a? resté très longtemps avant d'être découvert? »
D'uno voix forte, mats qui tremblait un peu, Bouvy Tandis qus M. Gabrielli se livrait à ces réflexions
répliquait : judicieuses, un jeune homme à ta figure sympathique,
—
Il y n un homme qui brûle... lu l... eolff* d'une casquotto grise à rayurea et vêtu d'un
— T'es pas fou î fit ta chauffeur. veston on toile grise, s'approchait de l'éminent magis-
— Tu veux te payer notro tôte I grommela un de trat ot lui disait :
ses compagnons, — Je
m'appelle Lucien Houlllard ; Je BUIS garçon
— Venez voir, ripostait le charretier, qui semblait boucher à Chovry-Cossigny, et Jo viens voua dira que,
tellomont sincère et ausei tellement effrayé, quo tas commo co matin jo me fondais à bicyclette de Chevry
trois livreurs n'hésitèrent pas à mettre pied à foire, à Gretz, j'ai aperçu, venant à ma roncontre, une e.uto
Et, guidés par Bouvy, ils s'avancèrent vers lu conduite intérieure, couleur café au lait, qui s'est
colonne de fumée à travers laquello on apercevait arrêtéa brusquement, Je no m'en serais pas autrement
quelques légères flammes. inquiété si un hommo n'était pas, à ce moment, sorti
— Le fait est que cela sent rudoment le roussi,., de la voiture et n'avait pas Jeté, dans un dos fossés
déclarait ta livreur Fuuvel, de ta routo, quatro bidons d'essenco vides. L'automo-
Sos collègues, Georges Coquillon ot Bernard Tré- biliste remonta ensuite dans sa voiture et repartit
mouillo retournaient vite à leur voiture, qui contenait ilnns la direction de Brie-Comto-Robort.
précisément dos soaux dont Us s'emparèrent, Et, reve- --Quelle heure était-il? interrogeait M. Gabrielli,
nant tas plonger dans l'eau qui remplissait à moitié très intéressé par ces dépositions.
un coin du fossé, ils en arrosèrent l'atroco brûlot, qui — Huit heures et demie environ.
n'avait pour ainsi dira plus forme humaine. — Pouvoz-vous me préciser l'endroit ?,.,
Ensuite, les trois livreurs remontaient dans leur — C'était sur la routo n° 10, à deux cents mètres
volturo et filaient à toute vltesae à Tournan, où ils environ de ta forêt.
faisaient part aux gendarmes de lour terrible décou- — Il y avait deux hommes dans l'auto ou un seul ?
verte. Ceux-ci s'empressaient de téléphoner" à M. Ga- — Je no pourrais vous ta dire, monsieur ta com-
brlelli, commissaire à ta brigade mobile de Versollles. missaire.
Colul-cl, accompagné des inspecteurs Boeuf et Lnuret, — Vous n'avez pas songé à regarder la marquo ot
sautait immédiatement dans une auto qui l'amenait lo numéro de la voiture ?
promptement sur ta théâtre du crime, où so trou- — Ma foi, non. J'ai seulement examiné les bidons,
vaient déjà ta capitaine Delhomme, de la gendarmerie l'un d'oux était tacha de sang; Je los ai ramassés ot
de Melun, et plusieurs do ses hommes. Je los ai mis à l'abri, Ils sont à votre disposition,
Dos ourleux, des femmes principalement, entou- — allez les chercher, tout • de suite, mon petit,
raient ces débris humains; les uns murmuraient de ordonnait M, Gabrielli, très satisfait, car, sans aucun
vagues bouts do prières, les autres, plus nombroux, loute, ces bidons étalent ceux dont l'assassin s'était,
échangeaient los commentaires les plus hardis, los servi pour imbiber d'essence le cadavre, dans lo but
plus fantaisistes et les plus indignés. lo ta faire entièrement disparaître,
M. Gabrielli faisait aussitôt oirculer tout ce monde, Tandis que Lucien Heufltard sautait sur sa bicy-
qui ne pouvait que ta gêner dans ses premières cons- clette, ta commissaire do ta brigade mobile, tas ins-
tatations, extrêmement importantes pour les suites de pecteurs et tas capitaines de gendarmerie continuaient
son enquête, a examiner le cadavre. Bribes par bribes, Us lut enle-
M. Gabrielli, dont la figure énergique, le regard vaient ce qui lui restait do ses vêtements, chaussures,
pénétrant et assuré sous l'ombre d'épais sourcils chaussettes, caleçon, chemise, cravate, veston, dont
noirs révélaient, en môme temps qu'une lumineuse les boutons portaient l'adresse du tailleur : « A Saint-
Intelligence ot une volonté énergique, une parfaite Germatn-des-Prôs, 62, ruo Bonaparte, »
maîtrise do lui-même, en contemplant ce qui avait été Pendant ce temps, sous la pluie qui s'était mise à
un homme, un être vivant, ne put s'empêcher de tomber, M. Gabrielli. les yeux fixés sur co visage
frémir, noir, sinistre, effroyable, se demandait non seulement
Lo spectacle qu'il avait un effet sous tas yeux était quelle était la victime, quoi était l'assassin, mais aussi
bien fait pour impressionner l'esprit ta plus soep- pour quelles raisons cet inconnu avait été tué et
tlquo, ta coeur ta plus endurci, Un homme était la, pourquoi on l'avait amené là, lorsque ta Parquet do
ou, plutôt, les restes d'un homme, littéralement rongé Melun arriva, composé do M. Marquet, procureur do
par lo fou, noirâtre, méconnaissable, ta tête encoro la République, de M. Mllton, juge d'instruction, et
entourée d'un morceau de toile à sao aux trois quarts l'un greffier.
consumé... Après avoir entendu le rapport verbal de M. Ga-
L'inconnu semblait âgé de vingt-otnq à trente ans. bttalU. constaté l'état des lieux et examiné à taur tour
Sur lo oôté gaucho de son visage, oh oercevait quel- le cadavre, les maglstnts décidaient de faire trans-