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Réalités
R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

« VIOLENCES CONJUGALES »

ISSN : 0220 9926 - Prix : 6,50 € No 90 - 2010


SOMMAIRE
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 1

Réalités R E V U E D E L’ U N I O N N A T I O N A L E D E S A S S O C I A T I O N S FA M I L I A L E S

RÉALITÉS FAMILIALES
Magazine édité par
« Violences conjugales »
L’Union Nationale des ● ÉDITORIAL
Associations Familiales Mobilisons-nous contre les violences conjugales, François Fondard, Président de l’UNAF ............................................... 2
28, place Saint-Georges
75009 PARIS ● INTRODUCTION
www.unaf.fr Briser la loi du silence, Nadine Morano, Secrétaire d’État chargée de la famille et de la solidarité ............................................ 3
DIRECTION :
● DÉFINITION
Président et directeur
de la publication : La violence au sein du couple, qu’est-ce que c’est ? CNIDFF ...................................................................................... 4
François Fondard
● REPORTAGE
Directrice générale :
Guillemette Leneveu Est-ce ainsi que les femmes vivent ? Lizzie Sadin, photographe reporter ............................................................................. 5

RÉDACTION : ● ÉTAT DES LIEUX


Rédaction en chef : Violences intraconjugales, violences faites aux femmes : quelques éléments d’analyse,
Laure Mondet Thomas Le Jeannic, statisticien, Huong Dang-Vu, économiste .............................................................................................. 6-12
Secrétariat de rédaction : Chiffrer et comprendre les violences conjugales : apports de l’enquête Enveff, Maryse Jaspard, sociologue .......... 13-17
Cécile Chappe
Ont participé à ce numéro : ● ANALYSE : Les effets et les causes
Gilles Trichard Effets de la violence conjugale sur les victimes, Pr M. Debout, Chef du service de médecine légale CHU de Saint-Étienne ..... 18-19
COMPOSITION, IMPRESSION : Sortir de l’emprise. Comprendre le phénomène d’emprise pour aider les victimes à en sortir,
Akrilik - 58, av. de Wagram Liliane Daligand, Professeur de médecine légale, université Lyon1, psychiatre des hôpitaux, psychanalyste .............................. 20-21
75017 Paris Effets de la violence conjugale sur l’enfant, Nathalie Savard, Psychologue, chargée d’études à l’Observatoire national
CRÉDITS PHOTOS : de l’enfance en danger (Oned) ........................................................................................................................................ 22-23
Lizzie Sadin - X - Shutterstock Violence conjugale : il est urgent de penser aux enfants, Nadège Séverac, sociologue, chargée d’études à l’Oned ........... 24-27
Illustration de couverture : Analyse des causes sociales : l’inégalité homme-femme au cœur du problème, Annie Guilberteau,
Photo composite : Lizzie Directrice générale du CNIDFF ...................................................................................................................................... 28-29
Sadin - Shutterstock Prévenir les comportements sexistes et construire l’égalité filles-garçons, Nicole Crépeau, Présidente de la
DIFFUSION ET ABONNEMENT Fédération Nationale Solidarité Femmes-FNSF ................................................................................................................. 30-31
Abonnement annuel Prendre en charge les auteurs de violences, Alain Legrand, Président de la Fédération Nationale des Associations
(3 numéros) : et des Centres de prise en charge d’Auteurs de Violences conjugales et familiales ........................................................................ 32-33
France : 22 euros
Étranger : 25 euros ● ÉVOLUTION LÉGISLATIVE
Commande au numéro : Les principales étapes législatives de la lutte contre les violences conjugales, Claire Ménard,
Numéro simple : 6,50 euros responsable des relations parlementaires à l’UNAF ........................................................................................................... 34-35
Numéro double : Vers une meilleure prise en compte des violences commises au sein du couple, Juristes du CNIDFF .................... 36-37
10 euros + 2,65 euros L’engagement de l’État pour prévenir et lutter contre les violences faites aux femmes,
Numéro triple : 13 euros Secrétariat d’État chargé de la Famille et de la Solidarité ................................................................................................. 38-41
CONTACT : ● AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES
Service Relations Extérieures
3919 : Un service d’écoute, Christine Clamens, directrice de la FNSF et Naïma El Ouaradia, cheffe de service du 3919 .. 42-43
Tél. : 01 49 95 36 00
Accueil psychologique en commissariat................................................................................................................. 44
courriel :
realites.familiales@unaf.fr Cellule sociale d’urgence en gendarmerie, UDAF d’Eure-et-Loir ........................................................................... 45
Accompagnement spécialisé : accueil et hébergement d’urgence, Françoise Brié, Vice-présidente de la FNSF ......... 46-47
Respectueux de Un lieu pour se reconstruire, UDAF de la Marne .................................................................................................... 48-49
l’environnement,
ce document est Accueil de mères victimes de violences, Fédération nationale Couples et Familles ..................................................... 50-51
imprimé sur du UDAF 36 : Accompagner les auteurs primo-délinquants ...................................................................................... 52
Multiart Paper - UDAF 66 : Prévenir la violence faite aux femmes ........................................................................................................... 53-54
Certificat n° 23742006
PEFC / 01 - 4 -12 avec la certification L’école : lieu de prévention des violences conjugales, Sarah Meunier, chargée de projet Éducation et Plaidoyer,
forestière PEFC Coordination française pour la Décennie ............................................................................................................................. 55-56
(Programme européen de certification
forestière). Actions de prévention de la violence, Fédération nationale Couples et Familles ........................................................... 57-59
La certification PEFC donne
l’assurance que le papier que nous ● CONCLUSION
utilisons est issu de pâtes produites
à partir de forêts gérées durablement. La violence sexiste n’est pas inéluctable, François Édouard, Administrateur de l’UNAF,
Reproduction interdite
Président du département Psychologie et Droit de la famille..................................................................................................... 60
sauf autorisation de l’UNAF
● BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................................................... 61-64
2 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010

ÉDITORIAL « Mobilisons-nous
contre les violences conjugales »

La famille est le refuge et le lieu de construction des individus et des citoyens. Or, quand la famille
devient le terrain de violences et de crimes avec des effets immédiats et des conséquences qui peuvent
affecter toute la vie des victimes et des témoins : c’est toute la société qui doit s’interroger. Depuis
longtemps, je souhaitais qu’un numéro de Réalités familiales soit consacré à ce sujet ; le label “grande
cause nationale 2010” décrété par le Premier Ministre nous a donné cette occasion.

Bien sûr, les professionnels et les bénévoles des associations familiales ne découvrent pas le problème et
connaissent de nombreux cas de violences conjugales. Certains ont pu observer les dégâts qu’engendre
cette violence sur la famille, sur les individus et sur les enfants. Pourtant, si chacun agit selon ses
moyens, de nombreuses questions se posent et nécessitent de prendre de la distance.

Prendre de la distance
François Fondard Quelle est l’ampleur du phénomène ? Quelles en sont ses causes et ses conséquences ? Comment
Président de l’UNAF reconnaître la violence ? Comment aider les victimes et les témoins directs ? Vers qui les orienter ?
Pour répondre à ces questions, nous avons donné la parole aux acteurs de terrain engagés dans
ce combat. Bénévoles de réseaux associatifs, sociologues, médecins, psychiatres, juristes, psychologues,
statisticiens, reporter-photographe,... tous sont conscients qu’au-delà de leur action de terrain, la
parole et l’explication sont majeures pour mener une action éclairée, globale et concertée.

Rompre le cycle de la violence


Cette violence conjugale est cyclique à plus d’un titre. Tout d’abord, le cycle qui enferme le couple
et la victime dans une relation toxique et parfois mortelle. Ensuite, le cycle qui enferme les enfants
témoins de violence dans le risque de « reproduction » à l’âge adulte. Enfin, le cycle qui, dès la petite
enfance, enferme les hommes et les femmes dans la reproduction des modèles sexistes.
Pourtant, ce cycle n’est pas fatal, c’est même la clef pour exhorter les différents acteurs à appré-
hender la problématique de façon globale et à agir par tous les moyens : éducation, prévention, accom-
pagnement des victimes et des enfants, évolution juridique, sanctions et soins socio-éducatifs des
auteurs.

Agir ensemble
Cette action globale repose sur la reconnaissance et le partenariat entre les différents acteurs.
C’est d’ailleurs le sens de ce magazine : faire connaître les différents réseaux actifs, faire découvrir les
initiatives possibles, donner des idées d’actions et des exemples de partenariats.
Alors que plusieurs associations familiales et unions départementales sont déjà clairement
engagées, je souhaite que ce magazine soit un nouveau pas de l’Institution familiale vers une mobi-
lisation contre les violences conjugales.
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 3

INTRODUCTION Briser la loi du silence

Le constat est inacceptable : 157 femmes sont mortes en 2008 sous les coups de leur conjoint,
ce qui représente 20 % des meurtres commis dans notre pays.
Ces violences s’exercent dans toutes les catégories sociales, à tous les âges et sur l’ensemble du
territoire, au sein du foyer ou dans l’univers professionnel.
Nous ne devons accepter aucune atteinte à l’intégrité et à la dignité des femmes.
Le Gouvernement est déterminé à lutter contre toutes les formes de violences (violences physiques,
agressions sexuelles, mariages forcés, mutilations sexuelles, violences psychologiques).
Le Premier ministre a donc décidé de désigner la lutte contre les violences faites aux femmes
« Grande Cause Nationale 2010 » afin de briser la loi du silence et de signifier le soutien de la
Nation à toutes celles qui souffrent sous les coups ou les mots de leurs conjoints.

Nadine Morano Cette année est donc une formidable opportunité pour inciter tous ceux qui sont victimes, témoins
Secrétaire d’Etat chargée de la à réagir.
famille et de la solidarité
J’ai la ferme volonté de mener ce combat avec la réalisation de campagnes médiatiques nova-
trices ; le renforcement des moyens de la plate-forme d’écoute téléphonique avec le numéro unique
3919 ; la rénovation du site Internet institutionnel ; la labellisation et la création de structures d’accueil
des auteurs de violences et la mobilisation et la formation des professionnels (acteurs sociaux, médi-
caux, etc.).
Ce sujet préoccupe toute la représentation nationale. Les députés ont montré leur mobilisation
contre ce fléau en adoptant, par-delà les clivages politiques, en première lecture le 25 février dernier
la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des
violences faites aux femmes. Je me félicite que ce texte majeur, conforme à mon souhait de renfor-
cer le cadre juridique en la matière, soit examiné en juin au Sénat.
La vigilance de tous est fondamentale dans ce domaine et je souhaite m’appuyer sur l’ensemble
des acteurs de terrain impliqués dans cette lutte. Cette solidarité constitue le socle pour encourager
les expérimentations innovantes dans la prévention, la répression, la protection et la prise en charge
des victimes.
Ce numéro dédié de « Réalités familiales » permet de faire un point de la situation, des avancées
et du chemin restant à parcourir. Les témoignages recueillis confirment la nécessité de s’orienter vers
une prise en charge globale des personnes touchées par les violences faites aux femmes : bien entendu
les femmes victimes mais aussi les hommes auteurs et les enfants exposés.
Des difficultés subsistent et c’est ensemble que nous pourrons les surmonter. Parler de ce sujet
est un des moyens de briser le silence qui entoure ces situations de souffrance.
4 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010

DÉFINITION La violence au sein du couple,


qu’est-ce c’est ?
(source CNIDFF)

La violence au sein du couple est un processus évolutif au cours duquel un partenaire, le plus
souvent un homme, exerce, dans le cadre d’une relation privilégiée, une emprise qui s’exprime par
des agressions physiques, psychiques ou sexuelles sur l’autre partenaire. Les violences peuvent être de
plusieurs ordres :
• violences physiques : coups et blessures, mutilations, meurtre, etc.
• violences sexuelles : viol, agressions sexuelles, proxénétisme
• violences psychologiques : chantage, insultes, humiliation/dévalorisation, menaces, pressions...
• privations et contraintes : vol, destruction de propriété, contrainte (enfermement, séquestra-
tion, etc.), privation d’autonomie (confiscation de revenu, de véhicule, etc.), volonté d’aliéna-
tion (économique, administrative, etc.).
Les violences au sein du couple surviennent suivant un processus identifiable et cyclique. Ce
cycle, est mis en place et orchestré par l’agresseur, il permet à celui-ci de maintenir son emprise sur
sa victime.

Le cycle des violences au sein du couple


Dans la phase de tension, l’agresseur installe par ses attitudes et ses paroles, un climat de tension
(d’insécurité affective), dans la relation de couple, dont le fondement est l’incompétence supposée
de la victime. La victime tente désespérément de contrôler la situation en essayant de faire mieux et
de satisfaire aux exigences de son agresseur. La victime est stressée, anxieuse.
Dans la phase d’agression, n’obtenant pas ce qu’il souhaite, l’agresseur va poser un acte ou des
actes de violences (psychologique, verbale, physique) la violence « éclate ». La victime est humiliée,
outragée, démolie.
Dans la phase qualifiée de transfert des responsabilités, l’auteur des violences invalide et mini-
mise sa propre responsabilité et justifie son agression en accusant la victime (« c’est de ta faute, si tu
m’avais écouté... »). La victime devient responsable des violences qu’elle subit. La victime se sent
responsable des gestes posés à son endroit. Elle croit que si elle change les violences cesseront. Elle
minimise, voire nie sa souffrance.
La phase de lune de miel : l’agresseur « redevient comme avant », il promet de ne plus recom-
mencer, la femme se remet à espérer, elle croit qu’il peut changer et refuse toute démarche qui pourrait
faire évoluer la situation.
La compréhension de ces éléments permet au professionnel d’adapter son intervention en fonc-
tion de la phase dans laquelle se situe la victime. Le cycle des violences permet également une meilleure
appréhension de l’attitude des femmes victimes qui souvent ne veulent pas porter plainte ou deman-
dent à la retirer et retournent vivre avec leur agresseur. Pour certains professionnels, les conséquences
de cette emprise sur les victimes (retour au domicile conjugal par exemple) peuvent être malheu-
reusement confondues avec de l’ambivalence, alors que c’est un processus d’apprentissage que les
femmes mettent en œuvre afin de pouvoir se dégager progressivement des stratégies de l’agresseur.
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 5

REPOR TAGE « Est-ce ainsi


que les femmes vivent ? »

Les photographies qui illustrent les premières rubriques de ce magazine ont été réalisées par Lizzie
Sadin, reporter photographe, au cours de plusieurs années de reportage. Elle explique le sens de son
engagement.

« La violence conjugale est un grave problème de société, qui touche tous les milieux sociaux,
toutes les cultures. elle est inacceptable. Le chiffre des violences conjugales est un chiffre noir. Plusieurs
millions de femmes sont victimes de violence conjugale. Cette femme connaît son agresseur. Il habite
à la maison. Cette femme est peut-être notre amie, notre voisine, notre sœur... La violence se déve-
loppe à travers des cycles dont l’intensité et la fréquence augmentent avec le temps, jusqu’à pousser
la femme au suicide ou à l’exposer à l’homicide.

À une époque où peu de sujets restent tabous, il m’avait semblé urgent de témoigner sur ce
problème délicat sur lequel on jette encore trop souvent un voile pudique. la famille est le lieu par
Lizzie Sadin excellence du privé. Aucun photographe n’est censé y faire des photos, encore moins ce genre de
Photographe reporter photos. Photographier des femmes battues juste après le drame, chez elles, dans des services d’urgence
d’hôpitaux ou des foyers d’hébergement peut, pour certains, paraître du voyeurisme. Pourtant, ma
démarche est exactement inverse. J’ai voulu dénoncer ce qui est rarement vu. Redonner à ces femmes
la dignité qui est la leur. Combattre le silence dans lequel elles se trouvent. Parler de la violence conju-
gale dérange. Mais se taire, c’est les rendre victimes deux fois. J’ai ressenti le besoin d’apporter ma
contribution en proposant mon regard de femme photographe sur ce très grave problème. Je savais
que vouloir réaliser des photos sur un sujet aussi sensible pouvait déranger. Je ne cherchais ni à éton-
ner, ni à choquer et encore moins à flatter un quelconque voyeurisme. J’ai voulu photographier ces
autres nous-mêmes, là aussi, retenir par l’image ces moments de vie où l’on ne parle plus, où seuls les
yeux et le cœur s’expriment. Je voulais que mes photos montrent, dénoncent et donnent à réfléchir.

CONTACT : Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des images, des femmes s’emparent de leur parole, sortent
06 86 07 24 52 de leur isolement, osent briser le mur, osent dire, osent ! Le pari sera gagné pour moi, si, à la vue des
www.lizzie-sadin.com photos, l’émotion et le cœur mis à contribution, on se sent proche tout simplement... »

Lizzie Sadin a réalisé deux reportages sur la violence conjugale décerné par Visa pour l’image au festival international du
l’un sur les victimes de 1996 à 1998 « Est-ce ainsi que les femmes photojournalisme. En 2010, elle est finaliste du prix
vivent ? » et l’autre en 2004 sur les auteurs « Mâles en poing ». Anthropographia sur les droits humains à Montréal. Elle a par-
À Paris et dans plusieurs villes de France, elle a suivi de jour ticipé en 2006 à la campagne mondiale d’Amnesty Inter-
comme de nuit, le parcours des femmes battues, de leur domicile national contre les violences faites aux femmes.
aux services d’urgence, de la police aux foyers d’accueil ; ainsi que
celui des auteurs de la thérapie à l’emprisonnement. Les photographies choisies pour ce numéro de Réalités
familiales sont souvent très dures et révèlent comme un cri, la
Pour ce travail, Lizzie Sadin a reçu en 1997 le prix Spécial du réalité de ces femmes qui tombent en silence sous la violence
jury au XIIe festival du scoop et du journalisme puis en 1998, le de leur conjoint. En écho aux contributions des différents
grand prix Care international du reportage humanitaire auteurs, ces photos racontent et donnent corps aux coups.
6 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX

VIOLENCES INTRACONJUGALES, VIOLENCES FAITES


AUX FEMMES : QUELQUES ÉLÉMENTS D’ANALYSE
Dans le cadre de la réforme de le problème de la mesure des vio- forme la plus fréquente loin de-
la prévention de la délinquance lences intrafamiliales, particuliè- vant toutes les autres (3 fois plus
définie par la loi du 5 mars 2007, rement celles faites aux femmes : que les menaces et 4 fois plus
une attention particulière est quelles sont leurs natures ? Sur que les vols sans violence), et
portée sur les violences intrafami- qui s’exercent-elles ? Par qui sont- touchent aussi bien les hommes
liales et notamment, les violences elles exercées ? Quelle est leur que les femmes. Ce ne sont
faites aux femmes. La prévention importance réelle ? cependant pas des violences in-
de ces violences intrafamiliales Pour tenter de répondre à ces traconjugales, puisqu’elles sont
est même désormais l’une des questions, cet article s’appuie sur à la fois subies en dehors du
quatre priorités affichées du plan une première exploitation et ana- foyer et commises par un tiers
triennal de prévention de la délin- lyse des réponses recueillies par (qui n’est pas le conjoint ou
quance arrêté le 2 octobre 2009. l’Insee dans les enquêtes natio- l’ex-conjoint). Le taux global de
Elle se heurte néanmoins à de nales annuelles de victimation, victimation par injures pour les
Thomas Le Jeannic, nombreuses difficultés : nécessité dénommées enquête « Cadre de femmes est de 16,8 %, soit envi-
statisticien d’une importante coopération vie et sécurité », en 2007, 2008 et ron une personne sur six, dont
des différents acteurs sociaux seulement 0,7 % commises par le
2009 (1).
Huong Dang-Vu, dans la prise en charge des vic- conjoint (ou ex-conjoint). Cepen-
économiste
times, et donc d’échange des in- dant, l’enquête n’aborde pas les
formations, tout en préservant la Les violences subies par violences verbales ou psycho-
confidentialité des situations hu- les femmes sont d’abord logiques au sein du ménage en
maines ; nécessité encore d’une raison des difficultés à les appré-
détection précoce des faits de extraconjugales hender de manière objective.
violence ; problème de la mesure Si c’était le cas, on aurait sans
et de la prise en compte des vio- Premier constat : les princi- doute également une assez forte
lences psychologiques ; etc. Et, pales violences subies par les in- prévalence de ces atteintes à la
avant même la prise en charge dividus sont verbales (menaces personne, plus fréquentes que les
et le suivi des victimes, se pose et injures). Les injures en sont la coups ou les atteintes sexuelles.

Les évolutions des agressions dans les enquêtes de victimation CVS :


de faibles variations et un appareil de mesure encore jeune
Cet article utilise essentiellement les résultats de trois en- 14,0

quêtes annuelles Cadre de vie et sécurité (CVS), dispositif qui 13,0

n’a démarré qu’en 2007. Étant donné les faibles fluctuations 12,0

des agressions au cours du temps et afin d’avoir une série 11,0


d’observations plus longue, les réponses à une question posée 10,0 Hommes
antérieurement dans le dispositif des Enquêtes permanentes 9,0 Femmes
sur les conditions de vie des ménages (EPCV) de l’nsee, ont 8,0
été récupérées et présentées dans le graphique ci-contre. Dans 7,0
les EPCV (ici de 2000 à 2006), la question était : « En année 6,0
N-2 ou en année N-1, avez-vous été personnellement victime
00 01 02 03 04 05 06 07 08 09
d'agressions ou d'actes de violence, y compris de la part de
Source : Insee - EPCV 2000 à 2006 - CVS 2007 à 2009.
personnes que vous connaissiez ? ». Cependant, à partir de Lecture : dans l’enquête de 2000 (portant sur les victimations de 1998-1999), 7,3 % des hommes
2006, elle a été légèrement modifiée : « En année N-2... d'actes et 6,4 % des femmes ont déclaré avoir été victimes d’actes de violence.

de violence, même verbaux, y compris de la part... ? ». Cette


L’indication d’agressions « mêmes verbales » fait fortement monter le taux de victimation
même question est désormais posée chaque année dans l’en- en 2006. Et le fait de poser cette même question dans une enquête entièrement consacrée
quête CVS (i.e. depuis 2007) qui s’inscrit dans un question- à cette thématique le fait encore grimper fortement entre les enquêtes de 2006 et 2007. À
naire entièrement consacré au thème de la victimation, ce qui méthodologie constante, on ne constate que des évolutions très faibles. Tout juste peut-on
signaler une petite hausse des agressions chez les hommes dans l’enquête de 2002, cor-
n’était pas le cas des EPCV. Aussi, les fluctuations au cours du
respondant à une période d’observation de 2000-2001, et dans l’enquête de 2008 (période
temps constatées dans les réponses sont essentiellement dues 2006-2007) pour les femmes, ainsi qu’une légère baisse pour les deux sexes dans l’enquête
aux changements de question ou de protocole d’enquête. de 2009 (période 2006-2008).
ÉTAT DES LIEUX 7

Les violences intra- les faits les plus dramatiques : les connaissance venue régler un
violences intraconjugales repré- différend entre les conjoints ou
conjugales sont d’abord sentent plus d’un quart des vio- une réponse à une agression anté-
des coups, portés lences volontaires, en constante rieure de la femme ou des enfants.
sur les femmes augmentation depuis 2004 et
environ 150 femmes meurent Les violences intra-
Deuxième constat : les vio- chaque année sous les coups de
lences intraconjugales, pour leur conjoint (2). conjugales sont surtout
les hommes comme pour les subies par les femmes
femmes, sont d’abord des agres- Une violence physique
sions physiques, commises au Malgré le cas précédent et
sein du foyer. À presque 70 %, les faite aux hommes méconnu des coups portés sur
victimes de ces coups sont des méconnue les hommes, les violences intra-
femmes. Ces chiffres peuvent conjugales, c’est-à-dire commises
sembler faibles (trois femmes sur Les violences physiques faites par le conjoint ou l’ex-conjoint,
cent battues par leur conjoint aux hommes au sein du ménage sont cependant toutes très net-
lors des deux dernières années) sont, dans le débat social, une réa- tement subies par les femmes.
mais ils ne tiennent pas compte lité souvent méconnue. Il s’agit Le cas le plus flagrant est celui
de deux facteurs essentiels : la certes d’une victimation relative- des viols en dehors du foyer, qui
gradation des violences physi- ment faible, derrière les injures, sont subis à 95 % par les femmes.
ques subies et l’éventuelle répé- les menaces, les vols et les agres- Curieusement, la proportion est
tition des coups. Cette première sions en dehors du foyer, mais moindre au sein du foyer, puisque
lecture ne permet donc pas de elle touche 1,5 % des hommes au les viols intraconjugaux sont
distinguer la femme qui a reçu sein du foyer. Dans les deux tiers subis par les femmes à 83 % et,
une gifle au cours des deux der- des cas, ces coups ne sont pas par conséquent, 17 % des viols
nières années de celle qui est portés par la femme. Il pourrait intraconjugaux au sein du foyer
régulièrement rouée de coups. alors s’agir de conflits conjugaux sont donc subis par les hommes.
Mais d’autres chiffres, d’origine réglés par personne interposée : La victimation la plus également
policière, permettent de mesurer un ex-conjoint, un parent ou une répartie est celle des vols avec ou
sans violence commis en dehors
du foyer, subis par les femmes
Tableau 1 : Les différents types d’agressions subies par les individus dans respectivement 64 et 57 %
Femmes Hommes des cas. Mais, en moyenne, les
violences intraconjugales sont
Violences au sein du foyer commises par un conjoint des violences faites aux femmes
Agressions physiques 3,1 % 1,5 % à 80 %. (1) Pour une meilleure
dont agressions commises par le conjoint 1,2 % 0,5 % significativité statistique, les
Une victimation variable données de cet article sont
Viols 0,6 % 0,2 %
selon les caractéristiques les moyennes des réponses
dont viols commis par le conjoint 0,2 % ε individuelles obtenues en 2007, 2008 et
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint 2009 lors de l’enquête CVS-
Il est raisonnable de penser Insee. Les personnes y sont
Agressions physiques 2,5 % 3,6 % que toutes les femmes victimes interrogées de manière
dont agressions commises par le conjoint 0,6 % 0,1 % des mêmes violences ne le sont anonyme et confidentielle
ou l’ex-conjoint pas de la même manière et que,
d’une façon ou d’une autre, cer- sur les violences subies lors
Viols 1,2 % 0,4 % taines caractéristiques socio-éco- de deux dernières années.
dont viols commis par le conjoint ou l’ex-conjoint 0,2 % ε nomiques individuelles peuvent Pour plus de détails sur
être liées à leur éventuelle pré- la méthodologie de ces
Vols avec violence 0,7 % 1,3 % disposition. Une véritable analyse enquêtes, consulter le site
dont vols commis par le conjoint ou l’ex-conjoint ε ε d’impact est hors de portée de de l’Insee.
cette première exploitation sta-
Vols sans violence 3,3 % 3,7 % tistique : il faudrait par exemple
recourir à des modèles écono- (2) D’après les chiffres
dont vols commis par le conjoint ou l’ex-conjoint ε ε publiés annuellement par
métriques multifactoriels. Mais
Menaces 5,9 % 7% l’analyse des réponses aux en- les services de police et
dont menaces proférées par le conjoint 0,6 % 0,2 % quêtes CVS, croisée (3) avec cer- de gendarmerie des faits
ou l’ex-conjoint taines données individuelles (âge, constatés de violences
composition du foyer, habitat...) volontaires sur une femme
Injures 16,8 % 14,8 % permet de mettre en évidence majeure par son conjoint
dont injures proférées par le conjoint 0,7 % 0,2 % quelques liens statistiques. De
nombreuses autres caractéris- ou ex-conjoint.
ou l’ex-conjoint
tiques individuelles auraient ainsi
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009. (3) À l’aide de modèles
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans
pu être prises en compte grâce à
résidant en France métropolitaine. ces enquêtes, mais leurs impacts de régression logistique.
8 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX
Graphique 1 : Victimation intraconjugale des femmes selon la tranche d’âge
% %
1,2 2,1
Menaces (ext) 1,8
1,0
Agressions physiques
1,5
0,8 DANS ménage
Injures (ext) 1,2
0,6
Agressions physiques 0,9
(ext - hors sexe)
0,4
(4) Lorsque c’est le cas, 0,6
Viol (ext) Viol DANS ménage
0,2 0,3
les femmes sont
effectivement en 0,0 0,0
situation de 18-29 30-39 40-49 50-59 18-29 30-39 40-49 50-59
monoparentalité, mais En dehors du foyer Au sein du foyer
quand elles ont été Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
victimes (dans les deux Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les femmes de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.

ans précédant la date


du questionnaire), elles
étaient probablement sur la victimation des femmes tion d’alcool au moment des vio- commises au sein du foyer (4). En
en couple (et ont donc ne sont cependant pas présen- lences ou le type de logement). revanche, ces familles monopa-
tés ici, soit qu’ils ne soient pas rentales sont très nettement sur-
déclaré à la date du
apparus statistiquement signi- Les jeunes femmes victimées pour toutes les formes
questionnaire, leur état de violences commises en dehors
ficatifs (comme la perception
présent de monoparentalité de l’efficacité de la police), soit particulièrement du foyer : environ 5 fois plus que
doublée de leur agression que le format de cette première vulnérables à l’extérieur, la moyenne, qu’il s’agisse de vio-
passée par leur conjoint analyse n’ait pas permis de les lences physiques, sexuelles ou
celles de 30-39 ans verbales. Il est cependant impos-
chez elles). y placer (comme la consomma-
au sein du foyer sible de démêler en première
lecture si ces violences commises
En dehors du foyer, la victima- sont une cause, une conséquence
tion des femmes diminue globa- ou un facteur coïncidant de la
lement avec l’âge : la victimation séparation des conjoints.
en dehors du foyer entre 50 et Le nombre d’enfants présents
59 ans est entre 4 à 8 fois plus au sein du foyer a une influence
faible qu’entre 18 et 29 ans. Une beaucoup moins visible sur la
exception à cette décroissance victimation des femmes que la
globale : les injures, plus fré- présence d’un conjoint. Deux
quentes entre 30 et 39 ans qu’à faits saillants ressortent principa-
tout autre âge. Au sein du foyer, la lement du tableau 3 (ci-contre) :
victimation des femmes ne dimi- la présence de 3 enfants est
nue pas clairement avec l’âge. liée à une plus grande agression
La victimation dans le cas des physique au sein du foyer et la
viols intraconjugaux augmente présence de 4 enfants ou plus à
même : elle est 2 fois plus grande de plus nombreuses injures en
entre 50 et 59 ans qu’entre 18 et dehors du foyer. En dehors de ces
29 ans. De plus, la catégorie des deux données, la victimation des
30-39 ans apparaît nettement sur- femmes semble peu influencée
victimée au sein du foyer, dans par le nombre d’enfants au foyer
les viols comme dans les coups : ou, en tous cas, bien moins que
1,5 à 2 fois plus que la moyenne. par la présence conjuguée d’un
Cette tranche d’âge semble donc conjoint.
particulièrement vulnérable, au
sein du foyer comme en dehors, La profession influe
sans qu’une explication puisse en
être facilement trouvée. plus sur les violences
intraconjugales que
Les femmes seules et la qualification
sans enfant beaucoup
Le lien entre les violences
plus souvent victimes subies par les femmes et leur ni-
de leur ex-conjoint veau de qualification n’apparaît
pas partout. Il est fort dans le
© L. Sadin

La composition du foyer com- cas des viols intraconjugaux au


prend la présence du conjoint sein du foyer, où la victimation
Strasbourg, 1 h du matin. et celle des enfants : les foyers des femmes d’un niveau de 1er
Intervention de Police secours au domicile. La mère, prostrée dans sa cuisine, après monoparentaux sont, ici, ceux cycle de supérieur est 2 fois plus
que son fils ait tout cassé dans la maison et détruit tous les meubles suite à un des femmes ou hommes vivant grande que la moyenne, et, dans
« différend » avec sa compagne. Femme battue par son mari, elle voit son fils seuls après une union. Ils sont une moindre mesure, dans celui
reproduire le modèle du père... donc naturellement moins concer- des violences physiques au sein
nés par les violences conjugales du foyer, où la victimation des
ÉTAT DES LIEUX 9

Pourcentage de femmes de 18-59 ans


victimes de violences physiques
au cours des deux dernières années
par ZEAT (grandes régions)

femmes sans qualification est la nelle semble se répartir plus ou


plus grande. Il est peu percep- moins en trois groupes : cadre et
tible dans les autres cas. En tous professions intermédiaires moins
cas, la qualification des femmes victimes, artisans, commerçants
ne diminue pas clairement leur plus souvent victimes au sein du
victimation intraconjugale, sauf foyer, employés et ouvriers en
dans le cas des violences phy- dehors du foyer.
siques commises en dehors du La catégorie socioprofession-
foyer : les femmes de 3e cycle uni- nelle des femmes a un lien plus
versitaire en sont ainsi quatre fois fort avec leur victimation que
moins victimes que celles sans leur qualification et si une caté-
qualification. gorie socioprofessionnelle élevée
La distribution de la victima- en %
semble protéger des violences
tion intraconjugale des femmes 7,1
selon la catégorie socioprofes- intraconjugales, une qualification
5,5-5,8
sionnelle (csp) est plus nette, les élevée non. Deux raisons non 4 à 4,9
femmes cadres sont nettement exclusives peuvent expliquer ce
moins victimes de violences en fait, l’une sociale, la seconde sta-
dehors du foyer, alors que les tistique : d’une part, l’intégration
sociale se ferait par l’activité Source : Insee - CVS 2007, 2008, 2009 empilées.
femmes employées ou ouvrières
sont les plus touchées. Au sein du professionnelle plutôt que par le
diplôme obtenu et, d’autre part, Les femmes du Nord-Pas-de-Calais et de l’Est de la France sont globalement moins sou-
foyer, les femmes les plus victimes vent victimes de violences physiques (en prenant en compte toutes les violences physiques
de violences sont les femmes arti- un « effet âge » (les jeunes sont d’ordre non sexuel, en-dehors ou dans le ménage, et quel que soit l’auteur). Elles le sont un
sans ou commerçants. En résumé, plus diplômés et plus victimes peu plus dans l’Ouest, le Bassin parisien et le Sud-Est. Mais surtout, l’Ile-de-France se détache
la victimation des femmes selon que les plus âgés qui ont des csp avec une proportion nettement plus élevée de femmes victimes de violences physiques.
leur catégorie socioprofession- plus élevées).

Tableau 2 : Victimation intraconjugale des femmes selon la composition du foyer


Ensemble Enfant Enfant de famille Famille
Couple
des femmes de couple monoparentale monoparentale
Violences au sein du foyer commises par un conjoint
Agressions physiques 1,2 % ε 1,8 % 0,2 ε
Viols 0,2 % ε 0,3 % ε ε
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint
Agressions physiques 0,6 % 0,3 % 0,2 % 0,3 % 3,0 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,1 % 0,2 % 0,8 %
Menaces 0,6 % 0,2 % 0,2 % 0,3 % 3,3 %
Injures 0,7 % 0,2 % 0,4 % 0,4 % 3,7 %
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.

Tableau 3 : Victimation intraconjugale des femmes selon le nombre d’enfants au foyer


Foyer avec
Ensemble Foyer Foyer avec Foyer avec Foyer avec
4 enfants
des femmes sans enfant 1 enfant 2 enfants 3 enfants
ou plus
Violences au sein du foyer commises par un conjoint
Agressions physiques 1,2 % 1,1 % 1,2 % 1,2 % 1,7 % 1,1 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,2 % 0,3 % ε ε
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint
Agressions physiques 0,6 % 0,6 % 0,6 % 0,4 % 1,0 % 0,8 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,2 % 0,2 % 0,2 % 0,2 %
Menaces 0,6 % 0,6 % 0,7 % 0,6 % 0,5 % 0,7 %
Injures 0,7 % 0,4 % 0,9 % 0,7 % 0,7 % 1,6 %
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.
10 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX

Des femmes d’Europe


de l’Est plus souvent
victimes de coups,
menaces et injures
en dehors du foyer
Plus que les nationalités pré-
cisément, ce sont les groupes
de nationalités qui sont parfois

© L. Sadin
liés avec les violences faites aux
femmes. Les femmes françaises
sont toujours fidèlement repré- Urgences médico-judiciaires, Bondy (93).
sentées dans chacune des catégo- Cette femme de 26 ans vit avec son compagnon depuis 5 ans. « Il s’est mis à me
ries de violences subies, puisque, battre au bout d’un an, c’est la première fois que c’est si sérieux. Il m’a tapée
par leur nombre, elles dominent aujourd’hui à la tête, au ventre, au bras. C’est la première fois que je porte
l’échantillon. Comme dans le cas plainte. Ma mère a été battue par mon père. Moi, je ne veux plus vivre ça ! »
des catégories socioprofession-
nelles, un clivage apparaît entre
violences commises en dehors
ou au sein du foyer. antérieurement à une séparation), la moyenne). Un troisième lien
Au sein du foyer, une légère des femmes d’Europe occidentale notable apparaît entre les vio-
(5) Algérie, Maroc, Tunisie. survictimation intraconjugale est (Europe des 15 (7)) pour les viols lences physiques ou les menaces
constatable chez les femmes du intraconjugaux commis au sein en dehors du foyer et l’habitat en
Maghreb (5) pour ce qui est des du foyer et des femmes d’Afrique centre ville dans une commune
(6) Estonie, Lettonie, de moins de 100 000 habitants
violences physiques ou sexuelles. subsaharienne pour les violences
Lituanie, Pologne, physiques intraconjugales com- (1,5 à 2 fois plus que la moyenne).
À l’extérieur du foyer, une forte
République tchèque, survictimation conjugale est nota- mises en dehors du foyer.
Slovaquie, Hongrie, Slovénie, ble chez les femmes de l’Union Un suivi judiciaire et
Chypre (sans la partie nord européenne élargie (pays de l’Eu- Les viols intraconjugaux médical des victimes
de l’île) et Malte. rope autres que ceux de l’Europe
des 15, essentiellement des pays en dehors du foyer plus très déficient
(7) Allemagne, Italie, Pays- d’Europe de l’Est (6)) : 5 à 6 fois fréquents dans l’habitat
plus souvent que la moyenne, Que se passe-t-il après une vio-
Bas, Belgique, Luxembourg,
pour les coups, menaces et in- parisien lence intraconjugale commise
Irlande, Royaume-Uni, jures de la part de leurs conjoints sur une femme ? On sait que la
Danemark, Grèce, Espagne, ou ex-conjoints. La zone d’habitation a un lien plupart d’entre elles ne portent
Portugal, Finlande, Suède Par ailleurs, certains groupes statistique fort avec quelques- pas plainte (8), mais plus précisé-
et Autriche. de nationalités semblent associés unes des formes de violences ment ? En fait, les réactions sont
à une seule forme de violence, faites aux femmes. Le lien le plus très différentes selon que la vio-
(8) Lorraine Tournyol dans laquelle ils sont surrepré- fort est celui des viols intraconju- lence conjugale a été commise
sentés, alors qu’ils sont sous- gaux commis en dehors du foyer au sein du foyer ou en dehors.
du Clos & Thomas Le
représentés dans toutes les autres. à Paris (3 fois plus fréquents que Au sein du foyer, les plaintes ou
Jeannic, « Les violences C’est le cas des femmes fran- la moyenne), alors que les ha- main courante sont l’exception.
faites aux femmes », çaises par naturalisation surtout bitats ruraux semblent surtout Une femme sur dix porte plainte
Insee Première n° 1180, victimes de viols intraconjugaux liés aux violences physiques au dans le cas des violences phy-
février 2008. commis à l’extérieur du foyer (ou sein du foyer (1,5 fois plus que siques, alors que presque la moi-

Tableau 4 : Victimation intraconjugale des femmes selon la qualification


Ensemble 2/3e cycle 1er cycle
Bac CAP Brevet Aucun
des femmes universitaire universitaire
Violences au sein du foyer commises par un conjoint
Agressions physiques 1,2 % 1,3 % 1,1 % 1,2 % 1,0 % 1,1 % 1,5 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,4 % 0,2 % 0,1 % 0,1 % 0,2 %
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint
Agressions physiques 0,6 % 0,2 % 0,4 % 0,5 % 0,8 % 0,8 % 0,8 %
Viols 0,2 % 0,1 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0,3 % 0,2 %
Menaces 0,6 % 0,6 % 0,8 % 0,6 % 0,6 % 0,7 % 0,5 %
Injures 0,7 % 0,5 % 0,7 % 0,6 % 0,8 % 0,7 % 0,7 %
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.
ÉTAT DES LIEUX 11

Tableau 5 : Victimation intraconjugale des femmes selon leur catégorie socioprofessionnelle (csp)
Ensemble Artisan, Profession
Cadre Employé Ouvrier
des femmes commerçant intermédiaire
Violences au sein du foyer commises par un conjoint
Agressions physiques 1,2 % 1,6 % 1,2 % 1,1 % 1,3 % 1,2 %
Viols 0,2 % 0,3 % 0,2 % 0,2 % 0,2 % 0,1 %
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint
Agressions physiques 0,6 % 0,4 % 0,1 % 0,4 % 0,8 % 0,8 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,0 % 0,1 % 0,2 % 0,4 %
Menaces 0,6 % 0,7 % 0,4 % 0,5 % 0,8 % 0,6 %
Injures 0,7 % 0,5 % 0,4 % 0,5 % 0,9 % 0,5 %
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.

Tableau 6 : Victimation intraconjugale des femmes selon leur nationalité


Algérie,
Ensemble Française Afrique
Française UE des 15 UE des 15+ Maroc, Autre
des femmes par acquisition subsaharienne
Tunisie
Violences au sein du foyer commises par un conjoint
Agressions physiques 1,2 % 1,2 % 0,6 % 1,3 % 1,7 % 1,7 % 1,2 % 2,1 %
Viols 0,2 % 0,2 % 0,1 % 0,4 % ε 0,5 % ε 0,4 %
Violences en dehors du foyer commises par un conjoint ou ex-conjoint
Agressions physiques 0,6 % 0,6 % 0,2 % 0,2 % 3,6 % 0,1 % 0,8 % 0,1 %
Viol 0,2 % 0,2 % 0,5 % ε ε ε 0,1 % 0,3 %
Menaces 0,6 % 0,7 % 0,2 % 0,2 % 3,6 % 0,1 % 0,1 % 0,1 %
Injures 0,7 % 0,7 % 0,3 % 0,4 % 3,6 % 1,3 % ε ε
Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.
Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les individus de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.

tié d’entre elles font seulement Un sentiment hors, peut-être parce qu’il s’agit
appel au SAMU ou à un médecin. dans ces cas de violences réguliè-
Dans le cas d’un viol, très peu de
d’insécurité plus fort rement répétées.
plaintes ou de mains courantes chez les femmes
sont déposées, moins d’une victimes de violences L’urgence d’une
femme sur quatre fait appel au
SAMU ou à un médecin et plus Enfin, dans le suivi psycholo- prévention des violences
des trois quarts (78 %) ne don- gique des femmes victimes de et d’un suivi des victimes,
nent aucune suite. Pour les agres- violences conjugales, le senti-
sions à l’extérieur du foyer, les pourtant très délicat
ment d’insécurité est, naturelle-
plaintes ou mains courantes sont ment, une donnée très impor- à mettre en place
plus fréquentes (de 18 à 48 %), tante. Ce sentiment d’insécurité
surtout dans le cas des violences est, sans surprise, fortement lié à La prévention des violences
physiques ou des viols, mais plus une victimation antérieure. Ainsi, faites aux femmes, et particuliè-
de la moitié des victimes ne don- les femmes qui disent ne pas se rement des violences conjugales,
nent pas beaucoup plus de suite sentir en sécurité sont presque est, à juste titre, on l’a dit en in-
qu’une assistance médicale, voire toujours deux fois plus nom- troduction, une priorité affichée
aucune suite (70 à 80 % dans le breuses que la moyenne à avoir de l’action gouvernementale. Mal-
cas des injures et menaces). En subi une violence précédem- heureusement, c’est un phéno-
résumé, la plupart des femmes ment. Cette surreprésentation mène aussi dramatique que mé-
victimes de violences intra- est particulièrement forte chez connu, parce que les situations (9) Un délit de violence
conjugales ne souhaitent pas, ou les femmes déjà victimes de vio- sont très diverses, parce que les psychologique a été adopté
n’osent pas, donner de suites poli- lences physiques au sein du foyer moyens d’action sont encore li- par l’Assemblée nationale
cières ni de simples signalements. ou de menaces conjugales en de- mités (9) et parce que la réaction en février 2010.
12 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX

© L. Sadin

Marseille, 1 h du matin.
Cette femme a été battue par son mari. elle s’est sauvée du domicile et s’est réfugiée dans un café. Le patron du café, qui a eu peur
de l’intervention du mari, a appelé la police.

la plus fréquente des victimes est tique réaliste et adaptée de pré- envisager une attention concer-
de ne pas les signaler. Notre ana- vention des violences et de suivi tée des services de police et de
lyse du phénomène ne prétend des victimes. Mais la diversité des gendarmerie, de la Justice et des
évidemment pas avoir la profon- situations évoquées (âge, compo- différents acteurs sociaux pour
deur nécessaire à une complète sition du foyer, catégorie socio- prévenir autant que possible les
appréhension de ce fléau social, professionnelle, niveau d’édu- violences au sein des couples, les
appréhension pourtant indispen- cation, nationalité, etc.) permet violences faites aux femmes. ■
sable à l’élaboration d’une poli- déjà de nourrir la réflexion pour

Graphique 2 : Suites données aux violences intraconjugales subies par les femmes

100 % 100 %
90 % 90 % 21,1
80 % 40,3 80 % 41,4
70 % 70 %
33,1 70,6 Pas de plainte
60 % 77,7 60 % 82,2
10,9 Samu/médecin
50 % 50 %
40 % 40 % 11,7 Main courante
47,2
30 % 30 % 39,7 Plainte
20 % 20 % 14,5
36
7,3
10 % 22,6 10 % 15
9,7 7,9 10,5
0% 0%
Agressions Viols Agressions Viols Menaces Injures
physiques physiques

Au sein du foyer En dehors du foyer

Source : Insee - Enquêtes CVS empilées 2007-2008-2009.


Champ : Victimation subie au cours des deux années précédant l’enquête par les femmes de 18-59 ans résidant en France métropolitaine.
ÉTAT DES LIEUX 13

CHIFFRER ET COMPRENDRE LES VIOLENCES CONJUGALES :


APPORTS DE L’ENQUÊTE ENVEFF
Maryse Jaspard a dirigé l’Enquête nationale sur les violences envers les femmes
en France (dite Enveff) commanditée par le Service des droits des femmes et
le secrétariat d’État aux Droits des femmes en 2000. Elle commente, la genèse,
la méthode et les principaux enseignements de cette enquête, qui reste la seule
source exhaustive permettant de mesurer qualitativement et quantitativement
le phénomène des violences conjugales.

Dans nos sociétés où la relation internationale des femmes de lial, social, culturel et économique
de couple est considérée comme Pékin, l’enquête Enveff a démarré des situations de violence, ainsi
espace de liberté et d’épanouisse- dans un contexte politique et que les processus à l’œuvre. Elle Maryse Jaspard,
ment individuel, une certaine réti- scientifique très hostile : déni du étudie les réactions des femmes sociologue
cence à associer violence et vie phénomène lui-même et mise en aux violences subies et leurs
conjugale est manifeste.Toutefois, cause de la validité de la mesure recours auprès de leur entourage
on peut dire que de nos jours, quantitative de ces violences. En et des services institutionnels,
les violences conjugales sont réalité, le phénomène des vio- ainsi que les conséquences de la
reconnues comme un problème lences contre les femmes est violence sur la santé physique et
de société et traitées comme telles. complexe, difficile à cerner, mais mentale, la vie familiale et sociale.
Le gouvernement n’a-t-il pas pro- il était surtout complètement Conformément à la demande
clamé la lutte contre les violences occulté par l’ensemble du corps sociale, l’enquête portait exclusi-
faites aux femmes comme « grande social, à l’exception des quelques vement sur les femmes, par consé-
cause nationale » en 2010 ? militantes et femmes politiques quent, elle ne pouvait fournir
Afin de dénoncer ces vio- déléguées à Pékin ainsi que les d’informations sur les hommes
lences, deux chiffres sont annon- acteurs de terrain des associa- victimes. Mais concernant les vio-
cés. Ils concernent les violences tions d’aide aux victimes. Lorsque lences conjugales, on sait que les
conjugales : une femme meurt l’enquête a effectivement été réa- femmes en sont les premières vic-
tous les deux jours et demi sous lisée en 2000 sur un échantillon times. Comme l’ont confirmé des
les coups de son conjoint ; une représentatif de 7 000 femmes enquêtes de victimation récen-
femme sur dix est victime de âgées de 20 à 59 ans, beaucoup tes (1), le cadre conjugal appa-
violences conjugales. Le premier de chemin avait été parcouru. raît comme le contexte le plus
chiffre provient directement des Cette question des violences était dangereux pour les femmes, alors
relevés faits auprès de services devenue un sujet d’intérêt natio- que les hommes courent le plus
de police et de gendarmerie ; le nal, faisant partie du programme grand risque de subir des agres-
second, beaucoup plus complexe, d’enquêtes statistiques des ser- sions physiques dans les espaces
est un des résultats de l’enquête vices publics établi par le Conseil publics ou les lieux collectifs.
Enveff (Enquête nationale sur les national de l’information statis-
violences envers les femmes en tique pour l’année 2000 (JO du
23 janvier 2000). Réalisation de
France). De fait, l’enquête Enveff
réalisée en 2000, reste la seule En l’absence de données dis- l’enquête Enveff (1) Les enquêtes de l’Insee/
source exhaustive permettant de ponibles, l’objectif de l’enquête OND réalisées annuellement
mesurer qualitativement et quan- Enveff était de cerner l’ampleur La réalisation de l’enquête En- depuis 2007 cernent les
titativement le phénomène des du problème dans toutes ses veff a nécessité, outre le travail violences physiques et
violences conjugales. dimensions. C’est-à-dire : évaluer de l’équipe de recherche (2), la
sexuelles dans et hors
la fréquence des divers types de mobilisation de trente enquê-
violences interpersonnelles qui trices sur une durée de quatre ménage.
L’enquête Enveff, s’exercent envers les femmes, à mois pour faire passer un ques-
premier palier de l’âge adulte, dans leurs différents tionnaire d’une durée moyenne (2) L’équipe Enveff dirigée
cadres de vie (couple, famille, de 45 minutes. La collecte des par Maryse Jaspard
la connaissance travail, lieux collectifs). Tous les données a été menée par télé- comprenait 10 chercheuses
du phénomène types de violences, verbales, phone. Les procédures d’appel de diverses disciplines et
psychologiques, physiques et des enquêtées et la gestion des
Commanditée par le Service appartenant aux grands
sexuelles, ont été pris en compte, fichiers de numéros de téléphone
des droits des femmes en 1997, quels qu’en soient le(s) auteur(e)s. assuraient le respect de l’anony- organismes de la recherche
suite à l’engagement de l’État Au-delà des fréquences, l’enquête mat total, la confidentialité et la nationale (Université, Ined,
français lors de la conférence Enveff analyse le contexte fami- sécurité des personnes interro- Inserm, CNRS).
14 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX

gées. Afin de prévenir d’éventuels


risques pour les répondantes, le
protocole de collecte prévoyait
de nombreuses précautions ; un
dispositif de relais associatif a été
mis en place.
Dans la continuité, des en-
quêtes analogues ont été réa-
lisées en Polynésie (en face à
face) et à l’île de la Réunion (par
téléphone) en 2002, en Nouvelle
Calédonie (en face à face) en
2003 sur des échantillons de
1 000 femmes.

Les violences conjugales


dans l’enquête Enveff
Les violences conjugales étaient
cernées au travers d’un module
du questionnaire intitulé « vie de
couple ». Ce module comprend
une série de 20 questions per-
mettant d’étudier ces différents
actes de violence subis au cours
des 12 derniers mois. Les actes de
violences répertoriaient :
• Les agressions verbales : in-
sultes, injures.
• Les pressions psychologi-
ques : menaces et chantage affec-
tif, menaces contre les enfants,
contrôler les sorties, les relations ;
imposer des comportements ;
dévaloriser, dénigrer ; refuser de
parler, empêcher d’avoir accès
aux ressources du ménage.
© L. Sadin

1 femme meurt
sous les coups Urgences médico-judiciaires, Bondy, 10 h du matin.
de son conjoint Cette femme est arrivée terrorisée au commissariat nue sous sa veste et sans chaus-
sure. Les policiers munis d’une réquisition du commissariat l’ont conduite aux
tous les urgences médico-judiciaires pour établir le certificat (ITT) du médecin légiste.
2,5 jours.
Source Parmi les 7 000 femmes enquê- « femmes battues » couramment
police - gendarmerie tées, seulement 4 % déclarent des utilisé ne rend pas compte de
insultes,alors que nombre d’entre la totalité des violences conju-
elles dénoncent des atteintes gales, puisque les violences
• Les agressions physiques : psychologiques : près d’une ré- psychologiques y sont prépon-
donner des gifles, des coups avec pondante sur quatre en ont subi, dérantes. Effet de génération,
ou sans objet contondant, mena- deux répondantes sur 100 ont accoutumance et petits arrange-
cer avec une arme, tenter d’étran- mentionné du chantage affectif, ments conjugaux, les situations
gler ou de tuer, exercer d’autres 7 % subissent du harcèlement de harcèlement psychologique
brutalités physiques ; enfermer psychologique. Les agressions se résorbent à la fois avec l’âge
(3) Jaspard Maryse et al. ou empêcher de sortir, abandon- physiques ont été dénoncées par et la durée du couple. Bien que
ner sur la route (en voiture), em- 2,5 % des enquêtées, et une nombre de couples vivant sous
« Les violences envers les un climat délétère se soient rom-
pêcher de rentrer chez soi. femme sur 100 a dévoilé des
femmes en France. • Les agressions sexuelles : im- relations sexuelles violentes. Ce pus, les violences physiques per-
Une enquête nationale », poser des rapports sexuels par la décompte des taux de violences durent après 25 ans à un même
La Documentation française, force, imposer des gestes sexuels subies au cours des 12 derniers niveau (autour de 2 %, contre 3 %
2003. refusés). mois, montre que le terme de à moins de 25 ans) (3).
ÉTAT DES LIEUX 15

Les situations de violences Violence et conflit dans la durée. Plus la violence


conjugales La structure du questionnaire est ancienne, plus la part d’en-
La gravité des violences conju- Enveff a été conçue afin de dis- fants témoins augmente : 35 %
gales est moins liée à la nature tinguer violences et conflits au des femmes rapportent que les
des agressions qu’à leur répéti- sein du couple. Les conflits sont enfants assistent « quelquefois »
tion, voire leur cumul. Pour cer- cernés au travers des disputes aux scènes violentes au début
ner la gravité des violences au sur divers sujets (vie quotidienne, du cycle de la violence, 44 % au
sein du couple, l’enquête Enveff argent, travail, relations, sorties, bout de 7 ans ; 7 % sont « sou-
a proposé le concept de femme enfants, sexualité) déclarées par vent » présents au début et 27 %
« en situation de violence conju- les répondantes. Au vu des résul- après 7 ans. Il est évident que le
gale » au moment de l’enquête et tats, il est clair que les altercations cumul des agressions augmente
construit un taux global. Ce taux émaillent la vie conjugale : 78 % la probabilité que les enfants y
global de situations de violences des femmes déclarent se dispu- assistent : près de deux tiers des
conjugales combine l’ensemble ter « au moins quelquefois » sur mères en situation de cumul de
des réponses aux 20 questions un de ces sujets, dont 34 % « sou- violences ont déclaré que leurs
correspondant à des atteintes ver- vent » ; lors de ces querelles, 3 % enfants en étaient témoins. Dans
bales, psychologiques physiques des conjoints et conjointes en les situations de harcèlement psy-
ou sexuelles ; il tient compte du viennent aux mains. Il est diffi- chologique, les enfants sont un
nombre des faits cités et de leur cile de délimiter une frontière peu plus tenus à l’écart. Tout se
fréquence. Il est subdivisé en entre des couples en conflit per- passe comme si les enfants étaient
deux niveaux : le niveau « grave » manent et ceux en situation de absents de la scène conjugale. Le
correspondant aux insultes répé- violences. Cependant, les deux plus souvent, c’est seulement au
tées et au harcèlement psycho- phénomènes ne se recouvrent moment où la violence s’adresse
logique ; le niveau « très grave » pas, puisque 34 % de couples se directement aux enfants, que la
regroupe les situations de cumul disputent fréquemment et seu- mère les sent en danger et qu’elle
de violences ; agressions phy- lement 9 % vivent une situation prend la décision de quitter son
siques ou sexuelles, répétées, de violences conjugales. De fait, conjoint violent.
associées aux violences verbales les trois quart des femmes en Rester « pour les enfants » ne
et au harcèlement psychologique. situation « très grave » de violences semble pas ce qu’il y a de mieux
Ainsi, parmi les femmes en conjugales se disputent « sou- pour ces derniers qui, à de rares
couple au moment de l’enquête, vent » avec leur conjoint, contre exceptions près, sont spectateurs
9 % sont en « situation de vio- moins d’un tiers des autres.Après du drame qui se déroule dans le
lence conjugale ». Parmi celles- une période d’adaptation, les que- huis clos conjugal. Contrairement
ci 6,7 % sont en situation de relles s’apaisent avec la durée de aux idées reçues, les analyses
« niveau grave », 2,3 % en situa- l’union, particulièrement lorsque réalisées à partir des données de
tion de « niveau très grave » les enfants, sujets récurrents des l’enquête Enveff ont montré que
cumulent des agressions phy- disputes familiales, sont sortis de la séparation des parents ne grève
siques ou sexuelles, des agres- l’adolescence (4). pas davantage la construction de
sions verbales et du harcèlement la personne qu’un climat de vio-
psychologique. Les femmes sépa- Impact sur les enfants lence. En cas de graves conflits
rées de leur partenaire au cours Dans le cas des conflits conju- ou climats de violences entre les
des 12 derniers mois ont déclaré gaux, les enfants, étant la plupart parents, la part de répétition de la
3 à 4 fois plus de violences que du temps à l’origine des disputes victimation reste identique que
celles encore en couple. Si l’on parentales, apparaissent au cœur les parents se soient ou non sépa-
prend en compte globalement du processus. Lorsque les discus- rés avant que la fille ait 14 ans.
les femmes en couple et celles sions, en général « pour le bien
séparées au cours de l’année, des enfants », deviennent par trop Au-delà des idées
on observe qu’une femme sur orageuses, le climat familial peut
dix a été victime de violences se trouver altéré. Mais ce vécu
reçues : des profils
conjugales (psychologiques, phy- est sans commune mesure avec sociologiques incertains
siques, ou sexuelles) au cours le caractère oppressant des situa-
des 12 derniers mois, dont 7 % tions de violence, où la peur et la • Les violences conjugales ne sont
de harcèlement psychologique culpabilité sont le lot quotidien pas l’apanage des milieux populaires.
et 3 % de cumuls de violences de la mère et des enfants. S’il est un résultat qui a heurté
physiques, psychologiques et Les enfants, témoins involon- l’opinion publique, c’est bien le
sexuelles. Notons qu’il est pro- taires des scènes de violences et fait que tous les milieux sociaux
bable que dans la période précé- de la dégradation plus ou moins sont touchés. Les chômeuses et
dant la rupture les violences sont lente des relations entre leurs les étudiantes ont le taux global
exacerbées, ce qui explique en parents, assistent impuissants annuel le plus élevé (plus de
partie les fortes déclarations des aux exactions parentales. Dans 11 %). Toutefois, les chômeuses
femmes séparées. Mais il ne faut plus de la moitié des cas, les en- sont deux fois plus que les étu-
pas omettre qu’il est plus facile fants sont témoins des scènes de diantes dans une situation « très
de dénoncer, après la séparation, grave » de cumul de violences (4) Jaspard Maryse « Les
violence. Ils sont d’autant plus
les exactions d’un partenaire spectateurs des violences subies (2,9 % contre 1,3 %), elles sont violences contre les femmes »,
désormais absent que celles d’un par leur mère que les agressions ainsi proches des autres inactives, éd. La Découverte, col.
partenaire encore présent. sont nombreuses et s’inscrivent et des ouvrières (environ 3 %), Repères, 2005.
16 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉTAT DES LIEUX

et de façon plus inattendue des Par exemple, dans les îles du Paci- de violences observés sont identiques en
femmes cadres (2,6 %). Mais les fique, les jeunes femmes sont secteur rural ou urbain, mais en rai-
plus touchées sont de loin les en proie à des taux annuels fort son de l’isolement et de l’absence
chômeuses non indemnisées : élevés d’agressions physiques de services de soutien en zone
4,3 % sont en situation de cumul et sexuelles (26 et 11 % respec- rurale, les victimes ont moins
de violences. On peut penser tivement, en Polynésie). Trait de possibilités de s’en sortir. Par
que la sensibilité aux actes vio- commun aux îles du Pacifique contre, les données des enquêtes
lents diffère d’un groupe social à ou de l’océan Indien, la cohabi- de l’OMS menées dans des zones
l’autre, en particulier pour le har- tation du couple chez les parents urbaines et rurales sont très
cèlement psychologique, mais ce ou beaux-parents rend la jeune contrastées, en particulier dans
phénomène joue très peu pour femme très vulnérable aux atta- les pays les plus touchés (5) : une
les violences physiques, donc ques conjuguées du conjoint et surexposition de 150 % dans les
dans les cas de cumuls. Les résul- des autres membres de la famille. campagnes par rapport aux villes
tats d’Enveff confirment bien que Avec l’âge et la maternité, les est fréquemment observée. Tou-
les violences conjugales gravis- femmes mariées acquièrent res- tefois, cet écart ville/campagne
n’est pas généralisable, il peut
simes traversent tous les milieux pect et pouvoir, pouvoir dont même être inversé, comme en
sociaux. Par ailleurs, il faut souli- elles usent à l’encontre de leurs Polynésie par exemple.
gner que la précarité d’emploi, la filles et belles-filles. Pour sou-
marginalisation, a fortiori l’exclu- mettre sa jeune épouse, le mari • Le problème de l’alcoolisme
sion du monde du travail et de la peut compter sur l’appui de la se retrouve dans toutes les études : l’abus
vie sociale accroissent considéra- famille. La phase actuelle de tran- d’alcool déclenche l’agressivité
blement les risques de violences sition, des systèmes de normes du conjoint. Les conjoints alcoo-
intrafamiliales. et valeurs patriarcales vers des liques manifestent beaucoup
modèles plus égalitaires entre les plus souvent que les autres des
• Les plus jeunes femmes sont lar- sexes, favorise les conflits inter- comportements violents. Mais il
(5) Jaspard Maryse.
gement les plus touchées, et en com- générationnels et accentue, pour est faux de lier exclusivement la
Les violences conjugales en paraison avec d’autres territoires, les jeunes femmes, les risques de violence à l’abus d’alcool. L’abus
Europe in Le livre noir de la l’écart entre les groupes d’âge subir des violences dans la sphère de boisson n’est qu’un catalyseur.
condition des femmes. Paris, est d’autant plus accentué que privée. Dans l’enquête Enveff, il apparaît
XO Editions, 2006. le niveau de violences est élevé. • Dans l’enquête Enveff, les taux qu’environ un tiers des agressions
© L. Sadin

Foyer du Trône, Paris, un soir.


N. a été battue pendant plusieurs années. « Il cassait tous les meubles, utilisait mon argent, jetait meubles et vaisselle par
la fenêtre. Il m’a séquestrée, privée de nourriture pendant plusieurs jours. Il a déchiré mes papiers d’identité. Un jour, il
m’a donné un coup de couteau au visage... pour que plus jamais un homme ne pose les yeux sur moi. »
ÉTAT DES LIEUX 17

dans le cadre conjugal sont com- se tait, mais qui peut maintenant davantage en parler et se confier
mises sous l’emprise de l’alcool. parler. Libérer la parole était la à leurs proches, mieux informés
Le lien entre alcool et violence première condition de la lutte et sensibilisés à la question. ■
est accru lorsque la consom- contre ces violences, il s’agissait
mation d’alcool est une norme de « briser le silence » (slogan de
sociale valorisée, dans les archi- la campagne de 2001). Ainsi, les
pels polynésiens par exemple. données d’Enveff ont pu servir
Dans les pays scandinaves, les de support de sensibilisation et 1 femme sur 10
états d’ivresse avancés qui carac-
térisent les fins de semaine expli-
de formation pour nombre d’ac- est victime
teurs et d’intervenants sociaux.
quent en partie les taux élevés de Dix ans après, on peut consta- de violences
violences observés, contre toute ter que le silence a été brisé, le
attente, dans ces contrées. Mais tabou est levé. Non seulement on
conjugales.
est-il nécessaire de préciser que parle plus de ces violences dans Source Enveff
des atteintes très graves à l’inté- tous les secteurs de la vie sociale,
grité des femmes se produisent mais surtout les victimes peuvent
dans des États interdisant tout
commerce d’alcool, pour en
conclure que l’alcoolisme n’est
pas le facteur déterminant des
violences intrafamiliales ?

• La reproduction des situa-


tions vécues dans l’enfance traverse
tous les contextes géopolitiques,
socioculturels ou économiques.
D’après les résultats de l’enquête
Enveff, la probabilité d’être vic-
time de violences conjugales est
multipliée par cinq lorsqu’on a
subi soi-même des sévices et des
coups dans l’enfance et par trois
lorsqu’on a été témoin de vio-
lences conjugales dans la famille
d’origine. On comprendra que la
prévention des violences conju-
gales commence dès le plus jeune
âge.

Impact
de l’enquête Enveff
L’enquête Enveff a révélé l’am-
pleur du phénomène et le silence
qui recouvrait ces violences. Elle
a aussi mis au jour l’importance
des violences psychologiques
chez les couples, la distinction
entre violence et conflit et l’exis-
tence du viol conjugal. Dès la fin
2000, les résultats de l’enquête
ont servi à la mise en place d’une
politique adaptée de lutte contre
ces violences. Ainsi, il y a 10 ans
que le phénomène est réelle-
ment pris en compte par l’État. La
campagne de lutte contre les vio-
lences envers les femmes mise en
œuvre à l’époque, s’est inspirée
© L. Sadin

des conclusions d’Enveff et a in-


tégré le changement d’image de
femmes victimes de violences : Strasbourg, 20 h 30.
de la femme battue (l’autre mar- Les policiers de la Cellule de traitement des violences intrafamiliales, après être allés
quée, stigmatisée), on est passé chercher la plus jeune des enfants chez la nourrice et l’adolescente au collège, accom-
à la femme victime de violences pagnent les enfants à l’hôpital pour retrouver leur mère blessée par leur père violent.
(soi-même ou une proche), qui
18 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

EFFETS DE LA VIOLENCE CONJUGALE SUR LES VICTIMES

Depuis la publication de l’Enquête nationale (dite Enveff), l’ampleur des


violences conjugales est connue en France. Cette enquête a montré que c’est
dans la vie de couple que les femmes adultes subissent le plus de violences
physiques, psychologiques et sexuelles. Tous les groupes sociaux sont exposés,
les inégalités socio-économiques étant cependant des facteurs
aggravants, notamment le chômage.

Les effets physiques de peur et d’angoisse dans lequel Elles ont honte de leur situation.
Pr M. Debout, les femmes maltraitées sont main- Leur vie de couple relève de la
La violence au sein du couple tenues par leur agresseur peut sphère privée qui les concerne
Chef du service
a une incidence majeure sur la produire différentes formes de elles et leur conjoint, dans l’in-
de médecine légale timité de leur relation. Il n’est
santé des femmes, que ce soit troubles psychiques.
CHU de Saint-Étienne Plus de 50 % des femmes vic- jamais facile de les exposer en
du fait des blessures provoquées
ou des affections chroniques times de violences conjugales public à travers un dépôt de
qu’elle peut engendrer. Les coups font une dépression. Elles peu- plainte. Ce l’est d’autant moins
reçus, l’état de tension, de peur et vent être la conséquence natu- que la victime est attachée à son
d’angoisse dans lequel elles sont relle d’une situation dans laquelle image sociale qui se trouve alors
maintenues par leur agresseur, la femme se sent ou est réelle- dégradée à ses yeux par la révéla-
ont de graves conséquences et ment dans l’impossibilité de fuir. tion de ce qu’elle subit.
sont à l’origine de troubles variés, Elles peuvent être liées au senti- Par ailleurs, il est difficile pour
notamment anxiodépressifs.Selon ment que la vie du couple arrive la femme de projeter sur son
l’Organisation mondiale de la à son terme, à une incertitude de conjoint l’exclusivité de la res-
santé (OMS), les femmes victimes l’avenir, à la peur des représailles, ponsabilité de cette situation de
de violences conjugales perdent de perdre la garde de ses enfants, violence. Elle cherche des excu-
entre une et quatre années de vie des difficultés économiques... ses : il boit, il est au chômage,
en bonne santé (1). Les lésions Les abus de substances psycho- parfois, il peut être si gentil...
traumatiques sont souvent mul- actives sont fréquents : consom- Admettre qu’il est à ce point
tiples, d’âge différent et de nature mation chronique et abusive de violent et coupable, c’est dans le
très variées. Mais les violences tabac, d’alcool, de drogues psycho- même temps reconnaître qu’elle
physiques ne sont jamais isolées. actives, de médicaments analgé- s’est trompée sur lui, qu’elle a eu
Elles sont accompagnées d’in- siques, anxiolytiques, antidépres- tort de s’engager, d’en faire le père
jures, de menaces, de pression, de seurs ou hypnotiques. de ses enfants. Se plaindre d’un
négation de la victime en tant que De nombreuses femmes vic- mari violent, c’est reconnaître
personne respectable et précè- times de violences conjugales son erreur, et donc se mettre en
dent le plus souvent des rapports présentent les signes d’un syn- cause et perdre un peu l’estime
sexuels forcés. drome post-traumatique avec de soi dans une contradiction : se
expérience itérative des évé- mésestimer parce qu’on est une
nements qui reviennent en des femme battue ou se mésestimer
Les effets psychiques pensées « intrusives », flashback, d’avoir à s’en plaindre.
ou provoquent des cauchemars. Le piège ainsi se referme
La violence psychologique peut exposant la victime à la répéti-
aussi exister séparément ou n’être Il peut même se mettre en place
des états de désorientation ou de tion des violences d’autant que
qu’un préalable à la violence phy- l’auteur peut par période laisser
sique. C’est une violence faite confusion mentale, avec pensées
délirantes ou paranoïaques. On croire qu’il a compris et qu’il
d’attitudes ou de propos humi- ne recommencera plus. Il peut
(1) Les violences familiales. liants, dénigrants, méprisants, de peut aussi constater des troubles même se constituer alors une
menaces ou de chantage. Cette réellement psychotiques, la vio- « nouvelle chance » décrite par-
Rapport Henrion 2002. lence conjugale pouvant révéler
violence insidieuse se poursuit fois selon l’expression de « lune
sur une période souvent très ou exacerber un état antérieur. de miel » qui, évidemment, n’est
(2) « Précarité et victimes de
longue. Par un phénomène d’em- que trompeuse et se conclura
violences volontaires : prise, la victime subit les pires La peur de parler plus ou moins rapidement par
intérêt du score EPICES », avanies pendant des années, cher- un nouvel épisode violent. Dans
Presse médicale, Tome 38, chant parfois même des excuses Malgré cela, les femmes ont une enquête (2) réalisée au Ser-
juin 2009. à son partenaire. L’état de tension, une grande difficulté à se plaindre. vice de Médecine Légale du CHU
ANALYSE 19

© L. Sadin
Urgences médico-judiciaires, Bondy, 9 h du matin.
de Saint-Étienne, nous avons Consultation avec un médecin légiste.
montré que la précarité sociale
et le confinement du logement
étaient des facteurs corrélés avec devant un tableau clinique de ce seule façon de permettre à celle-
le risque pour la femme d’être type, à la violence conjugale. Il ci de dépasser son état et de se
victime de violences conjugales. doit alors aider la patiente à sortir retrouver à égalité de dignité
Ce confinement, lié aux lieux, de son silence. Parce que c’est dif- avec son « bourreau ». Il n’y a là
renforce les situations d’emprise ficile pour elle, le praticien devra aucune « victimisation sociale des
(décrite par M.-F. Hirigoyen (3)) prendre le temps de l’écouter, de femmes » : reconnaître et dénon-
qui organisent une véritable sou- la revoir, de lui dire qu’elle peut cer ce qui s’est passé, ne pas en-
mission psychique de la victime être aidée, soutenue médicale- fermer de façon complaisante la
par rapport à l’auteur aboutissant ment et socialement et que la victime dans une réalité indépas-
à sa propre culpabilisation. Le loi dorénavant la protège, que sable, c’est, au contraire, lui per-
silence s’installe, se transforme ce qu’elle vit est inacceptable et mettre de s’en sortir.
en une chape de plomb que, par- doit donc être dénoncé. Elle peut Pour autant, il est important
fois, le risque pour les enfants du déposer sa plainte ailleurs qu’à de se préoccuper de l’auteur et
couple de devenir eux aussi les la brigade de gendarmerie ou au de son devenir. C’est dans cette
victimes directes des violences commissariat de son lieu de vie perspective que peuvent s’orga-
(ils sont les victimes « témoins », où parfois elle est connue. Ainsi, niser des groupes de parole pour
c’est pourquoi ils sont toujours le médecin doit construire avec les auteurs de violences conju-
en risque de souffrance psycho- la victime « un protocole de sor- gales. Il ne s’agit pas d’une prise
logique) amène la conjointe à tie » qui mettra parfois du temps, en charge qui reviendrait à don-
solliciter de l’aide ou à dénoncer mais qui oblige les soignants face ner à l’auteur le même statut
son conjoint. Cette détresse et cet à cette patiente en danger. Tous que sa victime, mais bien d’une
enfermement peuvent amener la les services de médecine légale prise en compte de la réalité
victime à la tentation suicidaire ou d’urgences médico-judiciaires, des faits et de la nécessité pour
comme seule façon d’échapper à connaissent des victimes qui sol- lui de les regarder en face, d’en
une situation impossible à vivre. licitent à plusieurs reprises un comprendre le caractère inac-
certificat de constat de blessures, ceptable et de s’engager à sortir
La place des médecins mais ne portent pas plainte pour de la relation de toute puissance
autant. qu’il a installée avec sa conjointe.
Cependant,pendant cette période Nommer la violence Notre service de médecine légale,
la victime aura l’occasion de ren- en partenariat avec l’association
contrer le médecin pour se faire Les campagnes d’information SOS Violences Conjugales 42, a
soigner du traumatisme physique et de mobilisation sont nécessai- organisé des groupes d’antennes
qu’elle explique souvent par des res vers toutes les femmes et tous de violences conjugales depuis
mensonges qui ne trompent pas les acteurs médicaux et sociaux 2002 ; ces groupes sont intégrés
ses interlocuteurs ; ceux-ci ne sa- qui peuvent les rencontrer. Le par les personnes adressées par le
vent pas toujours comment réagir. choix pour 2010 des violences parquet de Saint-Étienne.
Elle peut solliciter son médecin conjugales comme « grande cause Parce que cette violence s’ins-
traitant pour des troubles variés, nationale » est un élément impor- crit dans le cadre plus large de (3) « Femme sous emprise :
notamment du sommeil, de la tant dans cette perspective. la discrimination sociale dont les
concentration ou des angoisses La victime a besoin de reconnais- femmes sont victimes, il nous faut les ressorts de la violence
dont l’origine reste vague et peu sance. Reconnaître, c’est d’abord poursuivre dans la construction dans le couple ».
concluante. C’est pourquoi le nommer, donc ne pas confondre d’une société plus égalitaire don- M.-F. HIRIGOYEN (2005).
médecin doit toujours penser, l’auteur et la victime, c’est la nant à chacune toute sa place. ■ Paris Oh Editions.
20 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

SORTIR DE L’EMPRISE
COMPRENDRE LE PHÉNOMÈNE D’EMPRISE
POUR AIDER LES VICTIMES À EN SORTIR
L’emprise par l’exigence sadomasochiste La sortie de l’emprise
peut venir en retour combler leur
L’emprise, la domination, la perte. C’est un moment du déve- La sortie de l’emprise suppose
maîtrise d’un être par un autre loppement de la personne appelé que la personne prise pour objet
peut se traduire par instinct de stade sadique anal. Ceci montre ne confonde pas amour et posses-
possession. Il est nécessaire au que lors de son élaboration, tout sion, ne soit pas involontairement
dominateur d’avoir en perma- individu n’est pas innocent de ses complice du fait de la position
nence son objet à sa disposition. tentations qu’il peut reconnaître indispensable pour l’autre qu’elle
Il lui faut le consommer, tout en ultérieurement pour mieux les occupe. « Je t’ai dans la peau, tu es
le gardant à disposition, toujours dominer au profit des exigences pour moi l’élue de mon cœur et
l’avoir en réserve. relationnelles. de ma chair. »

L’emprise est toujours la posi- Dans le cas des adultes en Les équivoques sur l’amour
Liliane Daligand, tion préalable à la satisfaction couple, même si l’objet de nutri- sont nombreuses et la place
Professeur de médecine d’une pulsion. La pulsion est une tion et d’exonération est toujours réservée à l’objet de satisfaction
légale, université Lyon1, notion essentielle dans la repré- présent, il s’agit massivement de pulsionnelle peut faire croire à
psychiatre des hôpitaux, sentation freudienne du fonction- la satisfaction d’une excitation l’objet d’être la reine. « Je voudrais,
psychanalyste, nement de l’individu. C’est une sexuelle ou pour le moins du me disait une femme enchaînée à
Centre hospitalier Lyon-Sud, sorte de poussée de vie qui fait besoin génital. Il faut donc œu- sa soumission, qu’enfin il me jette à
expert près la Cour d’appel
tendre un organisme tout entier vrer par force ou par ruse pour bas du piédestal qu’il replace sans cesse
vers un but ; suppression de l’état faire de l’autre, communément la sous mes pieds. »
de Lyon, Présidente de VIFF-
de tension qui règne par instant femme, l’objet adéquat à la satis-
SOS Femmes dans l’organisme à la source pul- La réaction à l’emprise va donc
faction de ses pulsions, exiger la
sionnelle. C’est l’expression irré- manifestation des traits néces- dépendre d’abord de l’élabora-
pressible d’un besoin. Besoin de saires à la consommation totali- tion de la personne dès sa prime
quoi ? De ce qui manque à l’être taire. L’objet n’a d’existence que enfance, de la place limitée des
pour assurer sa vie. Le manque dans ce rapport à la pulsion de sentiments, de la critique des
peut être comblé par la nourri- l’autre qui, au départ, peut être situations, de la réflexion sur la
ture, le feu, le froid, l’ombre ou la pris pour de l’amour ou, fréquem- jouissance. Mais surtout, c’est
lumière, mais aussi l’attention, la ment, pour une fusion sentimen- l’exigence d’une parole échangée
soumission, les baisers, les cares- tale : « nous ne faisons qu’un, doc- comme dans le « oui » réciproque
ses, les regards câlins, la consi- teur ! », « et c’est lequel des deux ? »... d’une alliance fondatrice du
dération... Le comblement peut couple. Il y a donc, non pas des
être assuré par la matière la plus le désigné est toujours celui qui personnes prédisposées à subir
triviale ou le sentiment à l’expres- croque l’autre-objet. l’emprise, mais en risque d’être
sion la plus spectaculaire tou- plus facilement réduites à l’objet.
jours associé à la jouissance du L’être sous emprise n’est plus Ainsi, certaines femmes peuvent
bouchage d’un trou quelconque. une personne dans sa radicale répéter qu’elles sont sous un
altérité, mais un ensemble fonc- mauvais sort, un destin funeste
L’objet de la pulsion est celui tionnel particulièrement satis- qui les entraîne à toujours ren-
qui,choisi par le porteur du besoin, faisant pour la résolution des contrer des hommes possessifs,
doit obtenir à tout prix, à tout tensions pulsionnelles de celui jaloux, violents, voire alcoolo-
moment, à tout mépris de lui- qui en est porteur. Cette pulsion tabagiques.
même,au risque de perte de l’exis- d’emprise entraîne souvent de la
tence, cette extinction complète souffrance chez l’autre-objet et Pour sortir de l’emprise, il faut
et rarement durable de l’excita- peut être par là la source d’une recouvrer l’ensemble personnel
tion qui flambe sans cesse dans la nouvelle satisfaction : jouir de de ses manifestations et de ses
désespérante peur du vide. faire souffrir. exigences intimes. La croyance
en soi, en la particularité de son
Les enfants dans leur toute À l’extrême, la pulsion d’em- histoire, en l’originalité de son
puissance obscure des premiers prise s’accorde avec la pulsion de expression, devient secourable.
mois après l’expulsion du ventre mort et la destruction de l’objet,
maternel règnent sans partage et bien que cette destruction soit Toutes les particularités d’une
à tous les modes sur l’entourage en perspective plutôt que dans la personne vont se manifester dans
chargé de leur comblement. Plus réalité, puisqu’elle réduirait à rien le choix de ses mots et leur mise
tard, inversement, ils résistent à une situation particulièrement en place dans l’originalité de son
la séparation et au don du caca adéquate pour l’extinction des style. « Le style fait l’homme », pré-
où seule la souffrance maternelle excitations. tend-on. Ce n’est pas là retrou-
ANALYSE 21

ver une expression langagière révélation. C’est ce que l’on peut L’autre n’est pas forcément À LIRE
érudite, compliquée, subtile ou nommer les effets d’après coup un psychothérapeute, ce peut Daligand L.
littéraire. C’est l’exigence qu’une d’une parole par essence échangée. être un membre actif d’une asso- Violences conjugales
parole porte celui qui parle à ciation, une amie, un policier, en guise d’amour,
l’oreille d’un autre, que sa de- Cette position dans la ren- une gendarme, un avocat, un tra-
2006, Albin Michel
mande accrochée à sa vie et à sa contre ouvre au respect de vailleur social. Mais plus que la
mort soit entendue à chaque ren- l’autre et de soi-même. On peut fonction qu’il occupe, ce qui va (voir bibliographie).
contre comme ultime. dire que, si l’on aspire à l’amour, être important, c’est son calme, sa
c’est là qu’il est à rencontrer, dans patience, son écoute, le respect
Car chaque être humain est l’altérité, le respect, la création des silences, sa prudence dans
construit sur un manque, une in- et non dans le sentiment ou la les réponses, sa volonté de ne
suffisance qui le tenaille au creux seule émotion. La personne qui pas vouloir convaincre. Tout ceci
de sa chair marquée par les mots se sent faible, réduite à l’objet de vérifié spontanément à chaque
du langage maternel. Le manque consommation de l’autre dans rencontre dans les effets d’après
se révèle constamment. une répétition sans fin, a le devoir coup.
de se protéger. Elle ne peut le
Où est la vérité qui nous faire qu’en se confiant dans le C’est ainsi que s’ouvre la per-
échappe obstinément et n’est monde des mots à un autre qui, sonne à l’exigence de ce qui
révélée à chacun que par le men- au nom du soin, lui offre la sécu- constitue et protège l’humanité :
songe ? Qu’est-ce qui constitue rité d’un espace langagier où se la parole, encore nommée le Sym-
la différence sexuelle masculin/ produisent les personnes. bolique. ■
féminin, hormis les particularités
anatomiques ? Et pourquoi la pro- Ressources
création doit-elle passer unique-
Dorey R., « La relation d’emprise », In Nouvelle Revue de
ment par le ventre de la femme ?
Et pourquoi, si moi le mâle je veux Psychanalyse, n° 24. 1981.
un fils, faut-il que j’accepte qu’il Freud S., Trois essais sur la théorie de la sexualité, 1962,
soit pondu par une femelle ? Et Gallimard Idées.
pourquoi le réel qui m’échappe Laplanche J. et Pontalis J.-B., Vocabulaire de la psychanalyse,
constamment me conduit tout au PUF, 1967.
plus à constater la réalité (étymo-
logiquement : qui vient du réel)
qui n’est qu’une pâle imitation
plus ou moins factice ?

Chaque être humain est tenu


par ce creux qui l’habite. Toute
rencontre avec un autre vise à
réduire cette faille, à retrouver la
paix intérieure au moins pour un
temps, à renouveler ses forces, à
se propulser dans de nouvelles
découvertes, de nouveaux com-
bats pour la vie. Et non pas à être
le produit de consommation pour
satisfaire les besoins d’un autre au
prix de sa désertification intime.

La rencontre langagière est


un tricotage des mots dans un
espace interpersonnel et dans
un temps qui révèle chacun, l’un
à l’autre. Il se crée ainsi entre
© L. Sadin

deux, ou plus, une sorte d’édi-


fice de parole où chacun peut se Urgences médico-judiciaires, Bondy.
reconnaître au-delà des appa- Cette femme a été battue, puis torturée au cutter pendant des années. Le médecin légiste précisera qu’il y a des cicatrices récentes
rences sans bien savoir ce qui et d’autres plus anciennes, voire très anciennes.
se traduit là, le sens caché de la
22 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

EFFETS DE LA VIOLENCE CONJUGALE SUR L’ENFANT

Les répercussions que les violences conjugales entraînent sur les enfants qui y
sont exposés sont trop peu prises en considération. Les enfants restent encore
trop souvent les victimes oubliées, tant au niveau des interventions qui leur sont
proposées, que dans les recherches. Rappelons qu’à ce jour, aucune étude
scientifique en France n’évalue les effets de la violence conjugale sur les enfants.
Or, ces conséquences vont retentir sur l’ensemble de la personnalité de l’enfant,
son organisation psychique et sur son développement.

Nathalie Savard, L’exposition à la violence le témoin auditif des paroles ou


des gestes violents. Enfin, il peut
Des conséquences
psychologue,
subir indirectement les consé-
visibles
chargée d’études L’exposition à la violence
conjugale fait référence au fait quences de la violence sans Les conséquences sont obser-
à l’Observatoire national
pour un enfant d’être exposé avoir vu ou entendu la scène de vables dès la naissance chez le
de l’enfance en danger violence, par exemple lors de la
directement ou indirectement à nourrisson qui très souvent refuse
(ONED), doctorante visite de policiers ou lorsqu’il
des scènes de violence répétées catégoriquement de s’alimenter,
à l’Université de Toulouse II (Sudermann & Jaffe, 1999). Selon constate que sa mère est blessée,
Le Mirail pleure sans raison apparente ou,
Lessard et Paradis (2003), l’expo- pleure, raconte ce qui est arrivé au contraire, ne manifeste aucune
sition à la violence conjugale peut ou veut quitter la maison (Bou- émotion de façon à se faire ou-
prendre diverses formes. rassa & Turcotte, 1998). blier. Les centres de protection
maternelle infantile observent
L’enfant peut être exposé à la Le poids du silence souvent un retard staturo-pon-
violence dès la période prénatale. déral, des troubles de l’attention,
En effet, la violence débute bien mais aussi des retards au niveau
La plupart des enfants gar-
souvent lors de la grossesse (Lent du développement ainsi que des
& Morris, 2000). Ainsi, le fœtus dent secrètes les scènes dra-
matiques qu’ils observent chez maladies chroniques répétées.
peut être d’une part, affecté par Lorsqu’il est plus âgé, l’enfant
l’état psychologique de la mère eux. D’ailleurs, la violence n’est
souvent jamais évoquée au sein rencontre des difficultés scolaires
qui se dégrade à cause des vio- (Huth-Bocks, Levendosky, Semel,
lences vécues et, d’autre part, de la famille, même si tous les
membres la subissent directe- 2001). En classe, il a du mal à res-
par la violence physique, par ter concentré et attentif. Il refuse
exemple si la mère est bousculée ment ou indirectement. Suite à
un épisode de violence, chacun de faire son travail scolaire le soir
ou reçoit un coup dans le ventre. ou en retarde sans cesse l’heure.
Dès son plus jeune âge, l’enfant des deux parents agit en général
Il rencontre aussi des difficultés
peut être témoin oculaire de la comme si de rien n’était, laissant pour retenir les leçons et réaliser
violence exercée envers sa mère, souvent l’enfant en état de choc les exercices. Ce manque général
lorsque les scènes de violences ou de stress, sans aucune explica- d’intérêt pour les apprentissages
se déroulent directement devant tion. Ce dernier n’ose alors plus va l’amener à rencontrer des dif-
lui. Il peut alors intervenir pour revenir sur les actes et scènes ficultés scolaires aussi bien obser-
protéger sa mère et par exemple qu’il a pu voir ou entendre et vables au niveau des notes que de
s’interposer verbalement ou phy- vit avec ces images et souvenirs, son comportement.
siquement pour interrompre la sans pouvoir en parler, exprimer
violence. Lors de ces interven- ses émotions ou encore être ras- Ces enfants ont en effet du mal
tions, certains enfants sont eux- suré. Dans ce contexte, tous ces à établir des relations interper-
mêmes agressés par leur père, évènements ne seront pas sans sonnelles significatives avec leur
soit de façon accidentelle parce conséquences sur son dévelop- entourage, que ce soit avec les
qu’un coup destiné à la mère pement. En effet, diverses re- professeurs, les membres de leur
a touché l’enfant, soit de façon cherches scientifiques principale- famille ou les pairs. Ils peuvent
volontaire parce que le père ne ment nord-américaines associées être considérés comme étant
supporte pas que l’enfant prenne aux observations réalisées par les hyperactifs par les professeurs de
la défense de sa mère. professionnels de terrain mettent par leur comportement en classe.
L’enfant peut aussi ne pas être en exergue les effets néfastes de Face à l’adulte, l’enfant adopte
présent dans la pièce où ont lieu la violence sur l’enfant (Savard & aussi bien des comportements de
les scènes de violences, mais être Zaouche Gaudron, 2009). séduction, que de manipulation
ANALYSE 23

© L. Sadin

Toulouse, 5 h de l’après-midi.
Suite à une dispute concernant la facture d’EDF, cette femme a été battue par son mari. Il ne veut plus payer la note. Elle reçoit
à la tête et au coude une plante verte en pot et des bouteilles de coca en verre sous le regard de ses quatre enfants. Le Samu est
appelé en urgence par la police.

ou d’opposition. Les problèmes la mère. Il peut conclure que le pratiquent plus l’école buisson-
comportementaux se manifestent monde dans lequel il évolue est nière et ont tendance à fuguer.
également dans l’interaction avec un lieu dangereux et terrorisant, Ils ont également aussi plus de
leurs camarades (Fortin, 2005). Ils l’amenant à une extrême méfiance conduites addictives (drogues,
ont en effet tendance à se replier et de l’hypervigilance. Certains alcool) et adoptent des compor-
sur eux-mêmes, à s’isoler en refu- dilemmes affectifs peuvent aussi tements suicidaires. De même,
sant de s’ouvrir aux autres et faire être vécus par le fait qu’il se re- ils ont été marqués durant leur
confiance. De plus, ils réagissent trouve constamment déchiré entre enfance par des apprentissages
en général de manière impulsive ses deux parents, l’amenant à vivre erronés sur le rôle des femmes
et vont résoudre leurs problèmes de véritables conflits de loyauté. et des hommes dans les relations
par de la violence ou de l’agressi- L’enfant est en effet amené à intimes qui vont augmenter le
vité, ce qui amène les autres en- éprouver des sentiments contra- risque de reproduction intergé-
fants à s’éloigner d’eux. dictoires vis-à-vis de ses parents nérationnelle de la violence dans
alternant entre l’amour et la haine, les futures relations amoureuses
Certains sont gravement trau- l’attachement et le détachement, ou conjugales. Ainsi, les garçons
matisés par ce qu’ils ont vécu la proximité et le rejet à l’égard de ayant été exposés à la violence
et développent un syndrome de l’un ou l’autre des parents (Eisiko- conjugale agissent violemment
stress post-traumatique (Chem- vits,Winstok, & Enosh, 1998). envers leurs petites amies, alors Retrouvez toutes les
tob & Carlson, 2004). Ils ne par- que les filles ont des risques références bibliographiques
viennent pas à assimiler leurs Des effets durables d’être à leur tour victimisées dans de cet article page 65)
expériences de violence et vont leur future relation conjugale
rester hantés par les souvenirs, Il est également possible d’assister (Rosenbaum & Leisring, 2003).
les sentiments et les pensées sans à un renversement des rôles entre
parvenir à les oublier, ces derniers l’enfant et ses parents, ce que l’on Dès son plus jeune âge, l’enfant
pouvant même ressurgir dans les appelle la « définition » (Earley & exposé à la violence conjugale
cauchemars que fait l’enfant. Cushway, 2002). L’enfant assume se retrouve donc agressé par
alors certains rôles parentaux une ou parfois même, ses deux
Au niveau affectif, il apparaît souvent peu appropriés à son âge figures parentales en lesquelles
que ces enfants sont souvent et qui peuvent être à l’origine de il ne peut plus croire, auprès des-
tristes, anxieux, dépressifs, ont lourdes conséquences sur son quelles il ne peut plus se reposer,
une faible estime d’eux-mêmes. développement. Il joue ainsi un s’identifier en tant que modèle
Ils possèdent également des rela- rôle de soignant, de confident ou de référence, qui ne le protègent
tions d’attachements insécurisées de médiateur et va par exemple plus. L’enfant se trouve donc seul,
(Savard, thèse de doctorat en prendre en charge et protéger ses face au monde, il est ainsi fragilisé
cours) à l’origine de certaines frères et sœurs, mais aussi, essayer dans l’ensemble de son dévelop-
craintes et peurs face au monde de convaincre sa mère que l’atti- pement. Chaque enfant réagit
qui les entoure, qui apparaissent tude ou le comportement du père différemment face à la violence,
souvent disproportionnées. L’en- est inacceptable et qu’elle devrait il est donc important de repérer
fant perçoit sa famille comme le quitter. et prendre en considération les
étant divisée entre l’abuseur effets néfastes qu’elle engendre
contrôlant et cruel, habituelle- À l’adolescence, comparative- de façon à pouvoir agir au plus CONTACT :
ment le père, et la victime, souf- ment aux enfants non exposés à vite et mettre en place des prises
frante et sans ressources, souvent la violence conjugale, ces enfants en charge adaptées. ■ oned.gouv.fr
24 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

VIOLENCE CONJUGALE :
IL EST URGENT DE PENSER AUX ENFANTS
En 2000, paraissaient les premiers résultats de l’Enquête nationale sur les
violence faites aux femmes en France : une femme sur dix était victime de
violence conjugale. Prendre la mesure de l’ampleur du problème a permis
de développer des politiques publiques d’envergure pour venir en aide aux
victimes. La médiatisation des résultats de l’enquête a également permis une
modernisation de la figure de la « femme battue » : au-delà des coups, on a
découvert des victimes « sous l’emprise » de leur compagnon. C’est en référence
à cette dynamique de violence dans le couple, marquée par une prise de pouvoir
qui rend le conflit impossible, qu’on abordera ici la question des enfants.
Nadège Séverac,
sociologue,
chargée d’études Dix ans après cette prise de forcément un parent terrifiant et conjugale comme des contextes
à l’Observatoire national conscience sur les victimes donc une figure d’attachement à risque élevé s’agissant des en-
de l’enfance en danger adultes, commence à émerger la extrêmement perturbante. De fants, méritant la plus grande vigi-
question des enfants qui vivent plus, ce parent incite l’enfant à se lance des professionnels.
au quotidien dans un climat de mettre en position de protection
violence. Longtemps, on a consi- du parent victime, c’est-à-dire Pour soutenir l’émergence de
déré que ce qui se passait dans dans une position « parentifiée », cette question, l’Observatoire na-
(1) Au Québec, des la relation conjugale relevait défaisant l’ordre générationnel. tional de l’enfance en danger, en
statistiques fines sur les de l’intimité des adultes et ne Nathalie Savard, à travers sa revue partenariat avec le Service aux
enfants relevant de la concernait pas les enfants. On de recherches nord-américaines droits des femmes et à l’égalité,
protection de l’enfance ont (lire page 22), montre que les
imaginait les adultes capables de publiait en 2007 un cahier inti-
permis d’observer que la répercussions de ces distorsions
faire en sorte que la relation avec tulé « Les enfants exposés aux vio-
violence conjugale fait partie
leur conjoint, quelle qu’elle soit, relationnelles sur le développe- lences au sein du couple : quelles
des quatre problématiques
n’ait pas (trop) de répercussions ment de l’enfant peuvent se décli- recommandations aux pouvoirs
les plus associées à la
sur la relation avec leurs enfants. ner de manière multiple, selon publics ? » (2) Les principaux
nécessité d’une prise en
charge de l’enfant, avec la Et réciproquement, que les en- une symptomatologie qui n’est axes du cahier ont été intégrés
pathologie mentale, fants n’étaient pas affectés par la pas spécifique aux situations au 2e plan triennal de lutte contre
la consommation de violence entre leurs parents, « ils de violence conjugale, mais qui les violences faites aux femmes
toxiques et la déficience ne voient pas », entendait-on, ou caractérise les enfants en très (2008-2010 (3)) dont l’enfant est
intellectuelle de l’un ou encore, « de toute façon, ils ne grande souffrance. Ces mêmes désormais le douzième et dernier
des deux parents. comprennent pas ». recherches nord-américaines objectif.
Cf. C. Chamberland, S. montrent aussi que les situations
de violence conjugale sont fré-
Léveillé, N. Trocmé, 2007, Des études sur les quemment associées à des mal- Pour une approche
Enfants à protéger, parents
à aider, des univers enfants victimes traitances envers l’enfant, qu’il globale de la violence
à rapprocher, PU Québec. s’agisse de violences, de négli-
(2) Pour un aperçu des Les recherches qui se sont gences lourdes ou de défaillances L’esprit de ce cahier, inspiré
recherches financées par intéressées aux effets sur l’en- éducatives (1). de l’expérience nord-américaine,
l’ONED sur cette thématique, fant de cette exposition à la était d’inciter à développer une
ainsi que sur des actions violence montrent à quel point Ce que ces recherches nous approche globale de la violence
innovantes menées au cette représentation de la famille enseignent n’est pas forcément conjugale, qui prenne en consi-
bénéfice de l’enfant, comme un univers où conjuga- une découverte pour les inter- dération l’ensemble des acteurs
cf. les actes de la journée de lité et parentalité existeraient venants confrontés aux réalités concernés. L’objectif n’est pas
l’ONED du 4 décembre 2009, de manière indépendante est du terrain. Ils ne savent cepen- pour autant de réunir la famille,
intitulée « L’enfant face à la irréaliste. Non seulement la vio- dant pas toujours à quel point ni même de « travailler » avec elle,
violence dans le couple » sur lence affecte les individus entre les situations qu’ils rencontrent mais plutôt que chacun bénéficie
www.oned.fr. Un dossier de lesquels elle se joue « directe- au cas par cas représentent une d’une prise en charge spécialisée-
synthèse sera également mis ment », c’est-à-dire les conjoints, tendance lourde. Disposer de par un intervenant qui l’appré-
en ligne à l’été 2010. mais elle distord l’ensemble des chiffres, mêmes étrangers, donne hende dans la complexité de ses
(3) http://www.travail- relations au sein de la famille. Un des arguments solides pour qu’en besoins : on sait qu’une femme
solidarite.gouv.fr/IMG/pdf/ conjoint qui se donne le pouvoir France, on en vienne à consi- peut être persuadée qu’elle doit
Plan_VL-2.pdf de terroriser son partenaire est dérer les situations de violence mettre fin à la relation conju-
ANALYSE 25

gale, mais être retenue auprès par un travailleur social qui autant que celle des enfants dans (4) M.-L. Déroff & E. Potin,
de son partenaire (entre autres) accompagne sa démarche et soit la violence. En Haute-Loire (42), 2009, Traitement social de
parce qu’en tant que mère, elle aussi en mesure d’aborder avec un groupe de professionnels a la question de l’enfant dans
craint d’enlever ses enfants à leur elle ce que vivent ses enfants. On conçu une brochure, intitulée les violences conjugales.
famille. Les enfants peuvent être sait en effet que l’un des méca- « Les effets de la violence conju-
Pratiques et partenariats
déchirés entre l’attachement nismes de défense des victimes gale sur la santé des enfants ».
qu’ils ont pour leur père et leur consiste à minimiser la violence Illustrée de manière à attirer l’œil entre champs de la
besoin vital de sécurité, pour subie à titre personnel et, de la des enfants, elle doit servir d’en- protection de l’enfance et
eux-mêmes et pour leur mère. même manière, son retentisse- trée en matière pour nourrir des des violences conjugales :
Quant aux agresseurs, ils peuvent ment sur les enfants. L’objectif, à échanges avec parents et enfants. une étude départementale.
reconnaître ou non être violents ce moment où la victime trouve Rapport de recherche pour
à l’égard de leur conjointe, et la force de faire connaître sa situa- Prendre en compte l’ONED et le Conseil général
souffrir énormément de l’éloi- tion, est que l’intervenant puisse
gnement par rapport à leurs formuler le danger qu’encourent l’enfant du Finistère.
enfants. Or, l’on sait bien que si aussi ses enfants, et lui proposer
certains besoins fondamentaux un soutien pour elle-même et Il est certain que cela suppose
ne sont pas pourvus (et restent pour ce qui touche à sa paren- une évolution des pratiques,
même impensés), ils risquent talité, souvent mise à mal par la consistant pour l’ensemble des
professionnels à avoir une atten-
de se manifester de manière violence. Cette recommanda- tion à la manière dont les difficul-
intempestive, créant des diffi- tion vaut aussi en service social tés des adultes peuvent impacter
cultés de prise en charge, voire de secteur où les victimes peu- leur parentalité. Si l’on trace la
des impasses. Si l’objectif est vent venir chercher de l’aide en ligne de cette attention nouvelle
d’apporter une réponse de fond n’énonçant pas forcément leur qui va de l’adulte vers la paren-
au problème, les spécialistes dé- situation de violence de manière talité, celle-ci mène vers l’enfant
pendent pour pouvoir le faire de explicite, mais en formulant une lui-même. Or, il n’est pas rare que
l’expertise de leurs partenaires : demande « écran ». les enfants soient présents au
seule la mutualisation permet moment où leurs parents sont « pris
de penser une situation dans sa Détecter la violence en charge », monsieur emmené
globalité et de travailler à la cohé- au commissariat et madame aux
rence d’interventions multiples. Les spécialistes de l’aide aux urgences : que leur dit-on alors de
Ces partenariats existent là où les victimes encouragent en effet la scène terrorisante qu’ils vien-
acteurs locaux ont la volonté de l’ensemble des travailleurs médico- nent de vivre et de ce qui est en
les impulser (bien qu’ils laissent sociaux (dont les médecins exer- train de se passer ? Souvent rien.
le plupart du temps de côté les çant en cadre libéral ou hospita- Certains intervenants expriment
hommes, auteurs et pères). Et là lier et les personnels infirmiers) à
où ils sont associés à des habi- poser la question de la violence.
tudes de travail en commun (sou- Le cahier ONED/SDFE rappelait
vent créées au gré de formation que le moment de la grossesse,
communes), les intervenants y période de remaniement où la
trouvent un recours qu’ils disent violence peut se déclencher, offre
précieux. A contrario, en l’absence une opportunité de le faire dans
d’une interconnaissance suffi- le cadre de l’entretien du 4e mois.
sante, les travailleurs sociaux peu- Le constat est que cela élève les
vent percevoir certaines formes taux de confidence et permet,
de partenariat, par exemple avec dans le domaine médical, d’évi-
les forces de l’ordre, comme ter les diagnostics erronés. On
« contre nature » (4). voit d’ailleurs se développer des
supports pour « outiller » ce dialo-
Agir ensemble gue. L’Observatoire des violences
© L. Sadin

envers les femmes de Seine-Saint-


Cette idée de la nécessité Denis (93) a diffusé en mars
« d’élargir le regard » dessine plu- 2009 « un guide méthodologique Foyer d’accueil Flora Tristan, Châtillon (92), 20 h.
sieurs pistes concrètes d’action. d’aide à l’entretien » distribué aux V. vit avec sa fille de 14 ans dans ce foyer d’accueil d’urgence. Elles ont fui le domi-
Le cahier recommandait par professionnels du Conseil général, cile conjugal. V. sait qu’elles partiront dans quelques jours. Elle attend juste qu’une
exemple que, lorsqu’une femme afin de les inciter à aller au-devant place se libère dans un autre foyer en province où elles iront sans laisser d’adresse.
vient au commissariat déposer des femmes et à soulever avec Couper avec le passé avant qu’il ne nous rattrape...
plainte, elle puisse être accueillie elles la question des violences,
26 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

© L. Sadin

Urgences médico-judiciaires, Bondy, un matin.


Cette femme est venue pour sa fille âgée de 6 ans, victime d’attouchements sexuels par son père. Elle dit « papa dit que si je ne
suis pas gentille, il va me ... ». La mère s’est séparée du mari, car il était trop violent.

d’ailleurs un malaise, lié au fait l’occasion de voir lors d’une prise devient leur interlocuteur privilé-
qu’ils souhaiteraient dire quelque en charge ponctuelle de la mère gié, les accueille et leur explique
chose à ces enfants qui sont là, sera peut-être la seule occasion le fonctionnement de ce nouveau
souvent mutiques, sans forcé- de mettre du sens sur ce qu’il vit lieu, est à l’écoute de ce qu’ils ma-
ment s’en sentir les compétences. avant longtemps. nifestent (au quotidien avec leur
Pourtant, selon l’expérience des mère, au retour d’un week-end
spécialistes de l’accueil, peu de Recueillir les bonnes chez le père, par rapport à leur
choses suffit : demander à l’enfant scolarité) et en informe l’équipe
s’il sait pourquoi il est là, afin de pratiques éducative pour ajuster le suivi. À
savoir ce qu’il se représente de côté d’activités ludiques et créa-
la violence, même s’il ne l’a pas Ce positionnement qui se pré- tives, certaines associations or-
vue. L’aider à exprimer ce qu’il occupe de la femme victime, mais ganisent des « ateliers » plus ou
ressent. Le déculpabiliser, car l’on aussi des enfants, en passant par moins structurés prenant appui
sait que l’enfant a tendance à pen- la parentalité, s’est diffusé à partir sur la dynamique du collectif
ser qu’il est pour quelque chose des années 2000 dans certaines d’enfants. Il s’agit alors de leur
dans ce qui se passe autour de lui. des associations qui accueillent offrir un espace où ils peuvent
Renvoyer la responsabilité de la des femmes victimes de violence vivre, dans un cadre réglementé,
violence à celui qui l’exerce, avec avec leurs enfants. L’ONED, dans une expérience forte ensemble :
une parole qui n’est ni dans la dia- le cadre de sa mission de recen- l’enjeu est d’apprendre à prendre
bolisation, ni dans le déni (5). Lui sement des pratiques innovantes, sa place et à s’affirmer, de
expliquer que sa mère est là pour diffuse sur son site des fiches qui manière respectueuse des autres.
être soignée et qu’il existe des décrivent les actions entreprises Après l’activité, les enfants seront
lieux susceptibles d’apporter de par le milieu associatif, afin de les invités à mettre des mots sur ce
l’aide dans ce genre de situation, faire connaître de ceux qui sou- qu’ils ont ressenti et donc à iden-
que d’autres affrontent aussi. haitent développer cette consi- tifier leurs émotions, afin de pou-
(5) L’expression est de Karen dération pour les enfants (6). voir se saisir de ce qui les habite
Sadlier qui, à l’Institut de Avoir cette parole, c’est si- En résumé, l’effort (la plupart et y mettre du sens. L’enjeu est,
Victimologie de Paris, est gnifier à l’enfant qu’il existe du temps entrepris à moyens de la même manière que pour les
spécialisée dans la prise en comme une personne dans cette constants) consiste, dans des adultes, de pouvoir sortir de ce
charge des enfants exposés situation, qu’il n’est pas « transpa- structures focalisées prioritaire- « monde à part » où les victimes
aux violences conjugales et rent », que ce qui se passe n’est ment sur l’hébergement et la réin- de la violence ont appris à fonc-
pas normal, et qu’il ne doit pas sertion des adultes, à reconnaître tionner selon la loi du plus fort :
de leur mère, que celle-ci ait les enfants comme des personnes
être seul à la porter. Comme on l’a apprendre à se décrypter soi-
quitté le domicile ou non. déjà dit, les mères ne sont pas for- à part entière. Souvent, cette mis- même au contact des autres est
(6) www.oned.fr /rubrique cément en mesure de le faire, et sion est confiée à un membre de un exercice de resocialisation au
« dispositifs et pratiques ». le professionnel que l’enfant aura l’équipe, le « référent enfant », qui sens fort du terme.
ANALYSE 27

La souffrance, La parentalité suppose cependant la plupart


du temps un cheminement de
signe de violence et l’intérêt de l’enfant la victime, qui vient reposer la
question épineuse de la limite à
Si les professionnels sont appe- Ces difficultés, caractéristiques partir de laquelle la temporalité
lés à intervenir en situation de des situations de violence conju- de l’adulte entre en conflit avec
violence conjugale à partir de gale, plaident avec force dans celle de l’enfant, plus courte : les
l’adulte, il arrive qu’ils s’y retrou- le sens d’une complémentarité exigences de sécurité relatives
vent confrontés à partir d’un d’expertises entre les interve- à son développement peuvent
enfant repéré comme « en souf- nants au titre de la protection de amener à prioriser la protection
france » par la crèche, l’école, le l’enfance et ceux spécialisés dans de l’enfant.
milieu périscolaire, la PMI, etc. la prise en charge des femmes
Dans ce cas de figure, compte victimes de violence conjugale.
tenu du fait que les signes de souf- Une récente étude attire en effet Maintenir les liens
france ne sont pas spécifiques, la l’attention sur le fait que recher- et protéger l’enfant
recommandation est que les pro- cher à responsabiliser les deux
fessionnels puissent inclure dans parents autour de l’enfant revient La proposition de loi renfor-
leurs hypothèses de travail l’expo- de fait à surexposer la mère au çant la protection des victimes
sition à la violence conjugale. Il danger. Mobilisée en tant que et la prévention et répression de
s’agit toujours de garder à l’esprit mère, elle tend à être oubliée la violence faite aux femmes (8)
que ce qui se joue dans la relation comme femme en danger. Mobi- adoptée à l’Assemblée nationale
entre les parents peut avoir un lisée davantage que le père sou- en février dernier, qui doit passer
potentiel aussi traumatique que vent absent, la charge de la paren- devant le Sénat en juin, vise jus-
ce qui se joue dans la relation talité tend à peser sur ses seules tement à ce que la violence
parent/enfant. Pourtant, la problé- épaules, et ce même au-delà de conjugale soit prise en compte
matique pourra être d’autant plus la séparation, car c’est à la mère dans l’organisation de l’autorité
difficile à appréhender qu’elle se que les professionnels enjoignent parentale. Si cette proposition de
situe au cœur du conjugal et que d’assurer le maintien du lien entre loi ne revient ni sur le principe du
personne, dans la famille, excepté l’enfant et son père, en dépit des maintien du lien entre l’enfant et
l’enfant par ses symptômes, ne risques que cela peut comporter ses deux parents, ni sur celui de la
formule de demande d’aide. La pour elle, comme pour l’enfant coparentalité, elle introduit, au
victime peut être terrorisée et d’ailleurs (7). Accompagner une nom d’un principe de prudence,
complètement immobilisée dans mère victime de violence conju- la possibilité d’établir davantage
sa situation, ou à l’inverse, être gale requiert donc que les acteurs de distance dans les relations
dans une phase « lune de miel » de la protection de l’enfance familiales. Ainsi, la possibilité de
avec l’agresseur et vouloir croire mettent eux aussi en œuvre une « refuser » le droit de visite et
que tout peut changer. Ou encore intervention qui travaille à la fois d’hébergement dès lors (et non
osciller entre les deux attitudes et activement à sa protection et à la plus « seulement si ») qu’il exis-
refuser du jour au lendemain une relation mère-enfant ; la seconde terait des « motifs graves » ; ainsi,
aide qu’elle avait sollicitée, phé- peut d’ailleurs constituer un sup- l’obligation pour le juge « si l’in-
nomène bien connu et toujours port de conscientisation qui per- térêt de l’enfant le commande »
problématique de « réversibilité » met de cheminer vers la néces- de médiatiser la visite entre l’enfant
des victimes. sité de la mise à l’abri. Ce travail et le parent non gardien. Ainsi,
l’introduction de la possibilité de
médiatiser la remise de l’enfant
d’un conjoint à l’autre pour évi-
ter tout contact entre les parents.
Reste à savoir comment ces nou-
velles dispositions seront mises
en pratique. C’est là toute la
question de la tension entre
protection de l’enfant et main-
tien des liens. « Tenir les deux »
requerra dans tous les cas un
investissement au niveau des
pères, acteurs qui apparaissent
pour l’heure essentiellement par
défaut,absents ou « mauvais pères ».
Pourtant, il s’agit de figures com-
© L. Sadin

plexes, nécessitant également des


approches expertes, susceptibles
Rouen, foyer d’accueil, fin d’après-midi. de mobiliser leur rapport à l’en-
« Mon mari n’a pas supporté l’arrivée de notre deuxième enfant. Il était devenu fant comme levier de change-
(7) M.-L. Déroff, E. Potin,
de plus en plus violent, il m’étranglait, me tapait .» Cette fois, il lui a planté un ment, toutefois sans oublier, ici
couteau dans la cuisse. Elle a demandé à être accueillie en foyer pour être protégée, encore, que la protection de l’en- op. cit.
mais n’a pas déposé plainte. fant doit demeurer la première (8) http://www.assemblee-
préoccupation. ■ nationale.fr/13/ta/ta0428.asp
28 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

ANALYSE DES CAUSES SOCIALES :


L’INÉGALITÉ HOMME-FEMME AU CŒUR DU PROBLÈME
Dans l’histoire, ce système de domination sexiste a longtemps privé les femmes
de liberté. Cette hiérarchisation des sexes « autorise » certains hommes à user
de la violence pour maintenir leur contrôle sur les femmes.
Pourtant, une société égalitaire et pacifique est possible.

Dénoncées depuis les années ticipent d’un système historique- orientation scolaire, choix des
1970 par les associations fémi- ment organisé et structuré dans filières professionnelles...) et plus
nistes, les violences masculines lequel les hommes et les femmes tard, accès limité aux postes à
commises contre les femmes ont occupé, et occupent encore, responsabilité dans les domaines
(qualifiées de violences sexistes) des positions inégalitaires. Elles professionnel et politique. De
Annie Guilberteau, font l’objet d’une législation qui, ont toutes un fondement com- fait et souvent inconsciemment,
Directrice générale
progressivement, se renforce au mun : la domination sexiste. chacun et chacune de nous par-
du CNIDFF ticipe, par la transmission de
plan de la sanction des auteurs et
de la sécurité des victimes, mais Malgré l’évolution du droit et stéréotypes, à maintenir cette
qui reste encore insuffisante en des mentalités, l’inégalité dans construction. Tout cela concourt
matière de prévention. les rapports sociaux de sexe se à maintenir un rapport de hié-
Au plan international, c’est décline dans les champs social, rarchie et de domination en fa-
dans les années 1990 que l’Orga- moral, politique, religieux, philo- veur des hommes. Notre société
nisation des Nations unies (Onu) sophique et économique. Ils im- elle-même structure l’emprise
a reconnu et défini les violences posent des normes de compor- des hommes sur les femmes par
sexistes : « La violence faite aux tements aux deux sexes. Comme une valorisation des représenta-
femmes désigne tout acte de violence le rappelle Pascale Molinier « la tions et des valeurs attribuées au
fondé sur l’appartenance au sexe fémi- féminité est une norme (...) et tradi- masculin. A contrario, cette struc-
nin, causant ou susceptible de causer tionnellement la féminité est la posture turation des liens sociaux altère
aux femmes des dommages ou des souf- attendue d’une femme pour se rendre souvent la liberté des femmes,
frances physiques, sexuelles ou psycho- aimable à un homme » (1). leur sentiment de sécurité et
logiques et comprenant la menace de de confiance en elles. Cette hié-
tels actes, la contrainte ou la privation Les inégalités entre les hommes rarchisation des sexes, ce statut
arbitraire de liberté, que ce soit dans la et les femmes sont donc une déprécié du féminin qui demeure
vie publique ou dans la vie privée. » construction sociale qui ne doit dans l’imaginaire collectif peut
En 1995, à l’occasion de la qua- rien à la « nature » même si, a pos- « autoriser » certains hommes à
trième conférence mondiale des teriori, la différence biologique user de la violence afin de main-
femmes (Pékin), l’Onu a égale- des sexes vient conforter cette tenir leur contrôle à l’égard des
ment reconnu que les violences construction. Dans l’histoire, ce femmes, comme il entrave cer-
faites aux femmes : violences au système de domination sexiste taines femmes dans la construc-
sein du couple, viols et autres a longtemps privé les femmes tion positive de leur identité.
agressions sexuelles, harcèlement de liberté, d’accès au savoir et a
sexuel – y compris sur le lieu de contrôlé leur fécondité. Naître Toutefois, il ne s’agit pas de
travail –, mutilations sexuelles, fille ou garçon n’est donc pas dire ou de penser que les femmes
mariages forcés et la prostitution indifférent dans l’orientation du seraient moins agressives que
constituent un tout, forment un destin social qui attend l’enfant. les hommes. Les femmes et les
continuum. Le sexe biologique vient inscrire hommes sont agressifs, tout sim-
L’analyse des associations fémi- l’enfant dans un système d’assi- plement parce que l’agressivité
nistes, rejointe aujourd’hui par de gnation et de représentations pro- est inhérente à l’espèce humaine.
nombreux chercheurs et univer- fondément différenciées et hié- Simplement, dans une organisa-
sitaires (anthropologues, socio- rarchisées. L’inégalité des sexes tion sociale donnée, nous obser-
logues, économistes, psycholo- demeure visible, y compris de nos vons que l’agressivité peut être
gues, juristes...) démontre que les jours, dans la répartition sexuée instrumentalisée et transformée
violences faites aux femmes ne des tâches et de nombreux sté- en capacité à recourir à la vio-
découlent pas de la différence réotypes sexistes sont perpétués lence pour certains groupes don-
(1) Pascale Molinier biologique des sexes, pas plus à travers l’éducation des enfants nés, lorsque les cadres de réfé-
« L’énigme de la femme qu’elles ne relèvent d’accidents re- favorisant ainsi les inégalités sco- rence et les règles de socialisation
active : égoïsme, sexe lationnels isolés entre un homme laires et sociales dès le plus jeune le permettent. La violence sexiste
et compassion ». et une femme. Ces violences par- âge (choix des jeux, des sports, n’est pas inéluctable, elle n’est
ANALYSE 29

pas inscrite biologiquement dans


le capital génétique des jeunes
garçons et plus tard des hommes.
Cette organisation sociale créé
sournoisement ce que les spé-
cialistes des violences sexistes

© L. Sadin
appellent le « système agresseur ».
Lutter contre les violences faites
aux femmes nécessite donc de Strasbourg, Cellule de traitement des violences intrafamiliales, 21 heures.
déconstruire ce « système agres- Les voisins appellent la police, car ils ont entendu des cris. « Que se passe-t-il Monsieur ? » « C’est toujours pareil, elle ne veut pas
seur » qui, trop souvent, occulte coucher avec moi, elle préfère faire son repassage. »
les responsabilités, transforme de
manière consciente ou incons-
ciente, les victimes en accusés :
« n’a-t-elle pas provoqué l’agres- favorise souvent une issue à leur de rappeler les règles de droit
seur ? ». Pour accéder à la réa- « toute puissance » et leur permet qui régissent l’organisation de la
lité objective des faits, il convient d’aller vers la reconnaissance de société au bénéfice de la sécurité
donc de nommer les violences l’autre. Le rapport à la loi consti- de l’espace privé. La violence au
pour sortir du déni, de les resituer tue pour les victimes un repère sein du couple n’est ni un conflit
au regard de la loi qui aujourd’hui qui leur permet progressivement ni un différent familial, mais
les condamne. En effet, le rapport de rompre l’emprise de l’agres- un délit, voire une crime, qu’il
à la loi est éminemment répara- seur, de briser son système. Ce convient de traiter en tant que tel.
teur pour les victimes. Il leur per- système est élaboré, rappelons-le, Les violences faites aux femmes
met une forme de réhabilitation pour attribuer à la victime la res- ne sont pas inéluctables, nos
et de reconnaissance de l’exis- ponsabilité d’une agression dont valeurs républicaines devraient
tence de soi. elle serait la cause. En matière nous en protéger. Formuler le
de violences au sein du couple, pari d’une société égalitaire,
Il est également réparateur pour sortir de l’arbitraire, il est c’est aussi formuler le pari d’une
pour les auteurs. Le rappel à la loi donc particulièrement important société pacifiée. ■

Le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles
Créé en 1972 à la demande des pouvoirs publics, le CNIDFF assure aujourd’hui, dans le cadre d’un contrat d’objectif et de moyens signé
avec l’État, la direction nationale du réseau des 114 Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). Ils animent
1 207 lieux d’information sur les droits, en milieu urbain, rural et dans les zones sensibles. Ce Réseau auquel l’État confie, depuis plus
de 35 ans, une mission d'intérêt général a pour objectif de favoriser l’autonomie sociale, professionnelle et personnelle des femmes, de
promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, en particulier au sein de la famille et de lutter contre toutes les formes de violences
subies par les femmes.

Pour aider les femmes victimes, les CIDFF leur proposent une information complète et globale sur leurs droits au plan pénal, civil et
social. Ils offrent également aux victimes un accompagnement dans leurs démarches (policières, judiciaires, médicales, sociales) ; un
accompagnement psycho-sociologique dans la durée (notamment à travers l’animation de groupes de parole) ; une aide à la recherche
de logement d’urgence et/ou social ; ainsi qu’une aide à la recherche d’emploi. En 2009, les CIDFF ont accueilli 475 000 personnes, traité
plus de 880 000 demandes d’information, dont plus de 50 000 relatives à des situations de violences sexistes (plus de 33 000 faits de
violences au sein du couple).
30 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

PRÉVENIR LES COMPORTEMENTS SEXISTES


ET CONSTRUIRE L’ÉGALITÉ FILLES-GARÇONS
Mixité, égalité, parité..., malgré cela, notre environnement quotidien reste
marqué par une division sexuée des tâches, des comportements et des habitudes.

Le sexisme continue d’exister latifs de l’Éducation nationale, de les enseignant-e-s des classes
dans la famille, les établissements l’Europe et des Nations unies. concernées. Les interventions
scolaires, les médias... Les vio- se réalisent souvent en petits
lences trouvent leur justification D’une façon générale, les objec- groupes mixtes de manière inter-
Nicole Crépeau, dans des stéréotypes persistants tifs visent à aider les jeunes à active et ludique. Les filles et les
Présidente, sur l’homme et la femme. La identifier les représentations et garçons sont amenés à confron-
Fédération Nationale Fédération Nationale Solidarité les rôles associés à chaque sexe. Il tés leurs idées et à argumenter
Solidarité Femmes-FNSF
Femmes constate au quotidien s’agit aussi de montrer les consé- leurs positions sur des thèmes
que les violences et discrimina- quences (inégalité, discrimina- qui concernent leur vie quoti-
tions faites aux femmes se dérou- tion, violences), de les éduquer dienne (relations amoureuses,
lent dans un climat plutôt bien- au respect des différences et de respect de l’autre, tolérance face
veillant à l’égard de l’agresseur : les sensibiliser à la résolution non aux différences, mixité cultu-
banalisation et minimisation de violente des conflits. De plus en relle). Les outils pédagogiques
comportements inacceptables. plus de collégiens et lycéens ont utilisés rompent avec le « fonc-
Réagir aux insultes lancées entre une vision floue des relations tionnement scolaire », et nécessi-
jeunes et aux moqueries humi- amoureuses. Beaucoup n’ont pas tent l’implication des élèves. Les
liantes, constitue un premier pas la notion du respect du corps de associations disposent d’outils :
essentiel contre les violences. l’autre, de son consentement, de brainstorming sur le féminin et
sa liberté. le masculin, films, saynètes, jeux,
Les 65 associations de la FNSF théâtre forum qui amènent les
se sont engagées dans une démar- Il est proposé aux élèves un élèves à s’exprimer et se déplacer
che de prévention des comporte- programme adapté à la classe dans l’espace. Les interventions
ments et des violences sexistes d’âge, au contexte et à la demande font bouger des images, remet-
en milieu scolaire depuis près de l’établissement. Les objectifs tent en cause des idées reçues,
de 10 ans. Cette démarche est en sont définis avec les personnes apportent un éclairage et une
concordance avec les textes légis- référents de l’établissement et approche différente des relations

Fédération Nationale Solidarité Femmes


Dans les années 1970, des féministes issues du mouvement des femmes s’unissent pour dénoncer
les violences faites aux femmes et en particulier les violences conjugales. Elles créent des lieux
d’accueil, d’écoute et d’hébergement gérés par des associations qui en 1987 se fédèrent au sein de
la Fédération Nationale Solidarité Femmes. En 2007, la FNSF compte 65 associations membres qui
suivent chaque année plus de 30 000 situations de femmes victimes de violences conjugales.
Les missions de la FNSF sont de faire reconnaître les violences faites aux femmes comme un phé-
nomène de société, ce type de violences étant une des manifestations de l'inégalité persistante
entre les hommes et les femmes ; d’être une force de proposition auprès des pouvoirs publics et des
politiques afin de faire évoluer les lois ; d’interpeller l'opinion publique et de faire évoluer les men-
talités ; de favoriser des échanges, des réflexions, des partenariats et des recherches afin d'améliorer
les réponses apportées.
La FNSF gère depuis 15 ans le service national d’écoute-information-orientation pour les violences
conjugales, devenu le 3919/Violences Conjugales Info en mars 2007.
Le service Formation-Observation-Recherches-Études de la FNSF répond, avec le concours des asso-
ciations de terrain, aux demandes d’actions de sensibilisation ou de formation formulées par les
acteurs sociaux confrontés aux violences conjugales dans leurs pratiques. Il mène des observations
et effectue des études thématiques en s’appuyant sur les statistiques nationales du service Violences
Conjugales Info ainsi que sur les informations qualitatives fournies par les associations du réseau.
ANALYSE 31

en société, entre filles et garçons. que, progressivement, les stéréo- ressources. Il serait souhaitable
Elles font prendre conscience des types s’estompent et d’autres de pouvoir inclure les parents
inégalités. modèles de comportement se dans cette démarche antisexiste.
construisent. Basée sur le respect
L’ambition des associations de de l’autre sexe, cette éducation Hommes et femmes, jeunes et
la FNSF est, à partir des échanges à l’égalité, partie intégrante de adultes, doivent ensemble s’atta-
entre filles et garçons, de créer l’éducation civique, implique cher à défendre l’égalité des
les conditions nécessaires à notamment la prévention des sexes et le respect mutuel, afin de
une réelle prise de parole et au comportements et violences changer ce que d’aucun croit im-
débat afin de les encourager à sexistes. L’ensemble des profes- muable. Nous sommes tous res-
contribuer au changement des sionnels de l’éducation, dès le ponsables de ce que nous trans-
mentalités. Les membres de ce plus jeune âge des enfants, est mettons et de la société que nous
réseau soutiennent l’idée que concerné. L’investissement des construisons. C’est pourquoi les
les représentations du masculin professionnels de l’éducation jeunes jouent un rôle capital dans
et du féminin peuvent aussi être est nécessaire afin de créer un l’évolution des représentations
abordées sous l’angle de la li- contexte favorable pour que les de notre société, puisqu’ils seront
berté de choix et de la diversité. actions auprès des jeunes aient demain adultes et parents. ■
Ce n’est pas l’appartenance à un du sens : développer l’esprit cri-
sexe qui détermine les capacités, tique des filles et garçons face
les goûts ou les sentiments d’une à la publicité et aux médias,
personne, mais bien son vécu et accorder une vigilance particu-
sa personnalité. lière à l’orientation profession-
nelle, rappeler les règles civiques
L’apprentissage de l’égalité et la loi quand des jeunes s’insul-
entre les garçons et les filles est tent et travailler en réseau avec
une condition nécessaire pour les associations et les personnes

CONTACT :

Fédération Nationale
Solidarité Femmes
75, boulevard MacDonald
75019 Paris
www.solidaritefemmes.
asso.fr
© L. Sadin

Strasbourg, février 2004, 17 heures.


Intervention de police secours (le 17) au domicile d’un couple.
Le mari, après avoir été violent avec sa femme, a quitté le domicile après avoir tout cassé et jeté par terre la nourriture qu’elle
préparait depuis des heures. La femme profite de son absence pour appeler la police. Elle reçoit des coups depuis qu’elle a 16 ans...
La police lui explique les démarches pour porter plainte.
32 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ANALYSE

PRENDRE EN CHARGE LES AUTEURS DE VIOLENCES

Les violences conjugales et familiales, identifiées depuis plusieurs dizaines


d’années par les associations qui accueillent et soutiennent les femmes
violentées, sont un phénomène grave sur lequel nos sociétés ont aujourd’hui
les moyens d’intervenir de manière préventive en s’adressant
aussi aux hommes violents.

La violence domestique contre une exacerbation des violences loppements pathologiques de


les femmes, les enfants, n’est ni psychologiques. De ce point de la personnalité à l’origine d’une
naturelle, ni acceptable. Violant vue, on pensera aux nombreuses grande diversité de symptômes
les principes fondamentaux qui « manières d’être en relation » et de troubles du comportement
Alain Legrand, régissent nos sociétés modernes, qui se déclinent sous des formes qui peuvent nuire à leur deve-
elle constitue l’une des sources bien connues : injonctions para- nir, aux plans affectif, relationnel
Président de la Fédération
majeures de nombreux autres doxales, conduites inadaptées, et scolaire. À l’adolescence, de
Nationale des Associations
violences et dysfonctionnements mécanismes de projection et tels contextes familiaux favori-
et des Centres de prise en d’autres encore qui, comme les
sociaux. Le domaine des vio- sent l’apparition de conduites
charge d’Auteurs de lences familiales, comprenant violences physiques, et d’autant déviantes, addictives et délin-
Violences conjugales notamment les violences conju- plus qu’elles sont répétitives, quantes. Une étude américaine
et familiales gales contre les femmes (1), les créent du stress, ne sont pas à portant sur de grandes popula-
maltraitances et les abus sexuels proprement parler des violences, tions montre que les expériences
envers les enfants, présentent un mais des conduites qui font vio- négatives durant l’enfance et en
intérêt particulier en ce qu’ils lence et suscitent de multiples particulier les situations de vio-
constituent la source de nom- réactions défensives. De même, lences conjugales et familiales
breux troubles, tant au niveau l’inhibition d’un comportement accroissent grandement les ris-
individuel que social. Or, si, en ce (par la peur par exemple) ne suf- ques de dysfonctionnement fami-
domaine, les actions d’aide et de fit pas à modifier la façon « d’être liaux à l’âge adulte, et mettent en
protection des victimes, néces- au monde » d’une personne, ses jeu, aussi bien la santé physique
saires et prioritaires, sont déjà en traits de caractère et de person- que mentale. Ainsi, sur le plan
place et demandent encore un nalité, sa façon de vivre, son rap- physique, diverses pathologies
soutien important, il en va tout port à elle-même et ses relations comme le cancer ou le diabète
autrement en ce qui concerne aux autres. Dans certains cas, augmentent dans des proportions
la prise en charge des auteurs de la condamnation et la sanction inquiétantes : 1,4 à 1,6 fois plus
violences, les hommes violents, sans prise en charge par ailleurs que la population normale. Ces
qui représentent un autre versant peuvent même renforcer les sen- résultats ne nous étonnent guère
de la problématique. timents paranoïdes qui habitent et confirment à grande échelle la
certains sujets et accroître leur vision psychopathologique des
violence. C’est pourquoi il faut effets de la violence. Enfin, notons
Prévenir la récidive également intervenir au niveau que les études actuelles sur le
des motivations qui président au stress montrent des effets tout
Les associations ou structures passage à l’acte, s’intéresser aux
d’aide pour auteurs de violences aussi inquiétants : destruction des
auteurs de violences, à leur per- connexions synaptiques, atteintes
se créent avec l’idée qu’une poli- sonnalité et aux conditions qui
tique d’intervention et de préven- et destruction des neurones, et
déterminent la survenue de leurs réduction de la durée de vie des
tion plus efficace nécessiterait comportements. L’efficacité des
des actions complémentaires et personnes liées à l’atteinte des
réponses sociales et individuelles télomères qui ferment la chaine
notamment, la prise en charge que nous pouvons apporter en
psychothérapeutique, psycholo- de l’ADN.
dépend.
gique, éducative ou psychoso-
ciale des auteurs de ces violences. Agir sur le long terme
(1) Le cas des hommes En effet, la seule condamnation Prendre en compte
violentés par les femmes de ces faits et les mesures d’aide les effets de la violence La lutte contre ces phéno-
existe et doit aussi être pris et de protection des victimes ne mènes de violences doit être
suffisent pas à prévenir les phé- Nous commençons aujour- élaborée sur le long terme, en
en charge. Il est toutefois nomènes de répétition. Ainsi, agissant tout particulièrement au
d’hui à comprendre les répercus-
largement minoritaine au la cessation des violences phy- sions de ces violences. Ainsi, pour niveau des processus qui déter-
regard du nombre de siques sans accompagnement les enfants souvent contraints minent les conduites d’agression
femmes violentées. psychologique peut conduire à au silence, on observe des déve- et de domination. Notre expé-
ANALYSE 33

rience montre que la contrainte


sociale (justice) ou familiale
(départ ou menace de départ des
victimes du foyer familial) incite
fortement les auteurs de vio-
lences à demander de l’aide. Mais
seul un travail d’accompagne-
ment sur un temps plus ou moins
long, avec des moyens adaptés,

© L. Sadin
leur permet de changer ce qu’ils
vivaient, au départ, comme une
obligation imposée par le monde Week-end de responsabilisation à l’association Praxis.
extérieur. Il s’agit d’un véritable Un groupe de paroles dans le cadre de mesures judiciaires alternatives pour personnes sous main de justice. Le but est d’amener
travail d’élaboration réalisé dans ces hommes à une prise de conscience face à leurs actes, à réfléchir individuellement et collectivement sur leurs comportements
des structures spécialisées. La hors norme.
question de l’alcool présente
chez certaines personnes n’élude
pas la question de la violence qui qu’une approche réaliste de la à des formes de conditionnement
devrait être traitée séparément prévention ne saurait faire l’im- sociaux et familiaux qui indui-
(l’alcool ne génère pas l’agressi- passe sur ce point. Les valeurs sent, a minima, une perturbation
vité, mais la libère plus facilement d’autonomie et de responsabi- fonctionnelle de l’espace mental
lorsqu’elle est présente). lité qui fondent nos démocraties et de façon prépondérante, le
Plus encore, les prises en modernes ne peuvent pas trou- développement et l’expression
charge permettent de rompre la ver d’aboutissement vrai si les de sentiments de haine, de rage,
chaîne des phénomènes de répé- questions de la violence et de la d’agressivité. Les identifications
tition de génération en généra- souffrance ne trouvent pas de à des modèles parentaux défail-
tion, réalisant de cette manière un réponses. Ces valeurs ne résul- lants, violents, rigides, constitue-
véritable programme de préven- tent pas d’un seul « vouloir » ou ront un autre aspect important
tion à long terme. Bien entendu, même d’un unique apprentissage de ce mode de structuration
une telle démarche n’a de sens par un moyen ou un autre. Elles psychologique. En fonction des
que si elle est généralisée par la sont intimement liées au fonc- contextes de vie, de « l’état psy-
création de multiples structures tionnement global du sujet et à chologique » du moment du sujet,
sur tout le territoire, la formation ses possibilités d’appréhender des modes d’interprétation de la
de praticiens, la constitution de l’univers qui l’entoure. Outre les situation et des réactions anté-
savoirs transmissibles, l’informa- peurs et les souffrances qu’elle rieures sociales et familiales face
tion et la sensibilisation du grand provoque, la structuration des à la violence, ces facteurs orien-
public. C’est notamment ce que individus autour de la violence teront sélectivement le sujet vers
propose la FNACAV. Cependant, conduit inéluctablement à des un recours au passage à l’acte
la mise en place de suivis reste visions paranoïdes du monde pour résoudre ses tensions psy-
précaire, faute de structures spé- environnant et à un fonctionne- chiques. Les aspects sociaux sont
cialisées adaptées. La France, ment sinon pathologique tout au ici à la fois des facteurs de causa-
contrairement à d’autres pays, moins problématique. C’est sur lité au plan de la construction de
présente en ce domaine un retard le plan de la personnalité des au- la personnalité et des supports
important, et les structures exis- teurs qu’en définitive nos actions justifiant la violence et permet-
tantes ont une activité limitée, en doivent porter. tant de nier son caractère inadapté. CONTACT :
raison des faibles moyens dont Ce phénomène sera d’autant plus
elles disposent. vrai que le sujet présente une per-
Agir sur leur sonnalité relativement fruste. FNACAV
personnalité Enfin, il est aujourd’hui quasi Fédération Nationale des
Accompagner unanimement reconnu, dans les Associations et des Centres
les auteurs Ainsi, et bien que cette liste ne secteurs sociaux, sanitaires et de prise en charge d’Auteurs
soit pas exhaustive, nous compre- judiciaires, que la prévention des de Violences conjugales
Nous comprenons que la nons les raisons de ces violences violences conjugales et familiales et familiales
prise en charge des auteurs de comme essentiellement les résul- passe par la prise en charge des
violences puisse heurter encore tantes de processus psycholo- 11, rue Taine - 75012 Paris
auteurs de ces violences. Celle-
certaines sensibilités et freiner giques liés à des facteurs trauma- ci limite la récidive et améliore Tél. : 01 44 73 01 27
le développement de ce type tiques ou de stress généralement l’efficacité des actions actuelles fnacav@neuf.fr
d’activités. Pourtant, nous savons retrouvés dans l’enfance, associés menées autour de la parentalité. ■ www.fnacav.fr
34 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE

LES PRINCIPALES ÉTAPES LÉGISLATIVES DE LA LUTTE


CONTRE LES VIOLENCES CONJUGALES
L’arsenal juridique français disponible aujourd’hui pour lutter
contre les violences conjugales s’est construit par étapes autour
de trois objectifs principaux. En amont : améliorer la prévention des actes
de violence et essayer d’en dissuader les auteurs potentiels.
En aval : renforcer la répression des coupables
et, dans le même temps, le soutien aux victimes.
Enfin, prendre en compte les évolutions des modèles familiaux
pour une protection de toute la famille.
Claire Ménard, Le refus de toute complaisance à l’égard des atteintes portées
Responsable des relations aux femmes a été porté à un niveau élevé de la hiérarchie
parlementaires à l’UNAF
des normes : plusieurs lois viennent ainsi jalonner
l’historique de la lutte contre les violences conjugales.

1980 2004 récidive des infractions pénales


La loi du 23 décembre 1980 Les possibilités d’éviction du et du 4 avril 2006 renforçant la
définit le viol comme « tout acte conjoint violent ont été consa- prévention et la répression des
de pénétration sexuelle, de quelque crées par la loi et sont désormais violences commises au sein du
nature qu’il soit, commis sur la per- nombreuses et possibles à divers couple et contre les mineurs.
sonne d’autrui par violence, contrainte, moments de la procédure.
menace ou surprise ». Grâce à cette Ainsi, au civil, la loi du 26 mai 2006
nouvelle définition du viol, puis 2004 relative au divorce a intro- 4 avril 2006 : une étape majeure
à la jurisprudence, le viol entre duit la possibilité d’évincer le a été franchie par le vote, à l’una-
époux a été reconnu, malgré une conjoint du domicile familial en nimité de l’Assemblée nationale
tradition juridique séculaire affir- cas de violences, au moyen d’un et du Sénat, de la loi renforçant
mant l’existence d’un « devoir « référé-violences ». Cette mesure la prévention et la répression des
conjugal » entre les époux. Tou- d’éviction est donc conçue violences au sein d’un couple ou
tefois, il faut attendre la loi du comme une mesure de protec- commises contre les mineurs.
4 avril 2006 pour que soit inscrite tion de la victime et des enfants. Celle-ci a en effet introduit
dans la loi, l’incrimination du viol Dans le cadre de son ordonnance dans la loi des changements sym-
entre époux. de référé, le juge aux affaires fami- boliquement forts, tels que la
liales, saisi en urgence, dispose reconnaissance de la possibilité
1998 d’un pouvoir relativement large du viol entre époux, l’introduc-
La loi du 17 juin 1998 relative (attribuer la jouissance du domi- tion de la circonstance aggra-
à la prévention et à la répression cile à l’un des deux époux, se pro- vante de viol au sein du couple et
des infractions sexuelles ainsi noncer sur les modalités d’exer- la mention du respect en tête de
qu’à la protection des mineurs cice de l’autorité parentale, fixer la liste, des devoirs des époux.
a instauré le suivi socio-judi- une contribution aux charges du La loi a aussi défini une circons-
ciaire dans le cas d’infractions mariage, afin d’assurer, notam- tance aggravante générale en cas
à caractère sexuel. Il permet de ment, l’autonomie financière de de violences au sein du couple et
soumettre l’auteur à une sur- la personne victime de violences, étendu son champ d’application
veillance et à une injonction de en attendant le divorce) pour aux partenaires liés par un PACS
soins, ayant pour double but de régler de manière provisoire la et aux « ex ».
protéger la victime et de suivre situation du couple. La situation des femmes a éga-
l’auteur. Le cadre de ce suivi lement été prise en compte par la
a été progressivement étendu 2005 pénalisation du vol entre époux,
à d’autres infractions graves, L’éviction du conjoint,concubin qui punit notamment le vol de
dont les situations de violences ou « ex », auteur de violences, a été papiers d’identité. Cette pra-
conjugales par la loi du 5 mars introduite dans la procédure pé- tique empêchait de nombreuses
2007 relative à la prévention de nale par les lois du 12 décembre femmes de déposer plainte.
la délinquance. 2005 relative au traitement de la Cette loi ne s’est pas bornée
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE 35

à réprimer plus fermement les Cette possibilité a été consa-


violences commises au sein crée par la loi du 5 mars 2007
du couple, elle est intervenue réformant la protection de l’en-
sur les questions touchant aux fance : lorsque les parents sont
mariages forcés et aux mutila- séparés, que l’autorité parentale meilleures coordinations des dis-
tions sexuelles. soit exercée en commun ou bien positifs entre eux à rechercher :
que son exercice ait été confié c’était l’un des constats dressés,
2007 à un seul des parents pour des en juillet 2009, dans le rapport
La loi du 10 août 2007 insti- motifs graves tirés de l’intérêt de d’information résultant des tra-
tuant des peines planchers per- l’enfant, le juge aux affaires fami- vaux conséquents de la mission
met une répression beaucoup liales a la possibilité « d’organiser d’information de la politique de
plus homogène de la récidive, le droit de visite dans un lieu de prévention et de lutte contre les
compréhensible par tous et donc rencontre désigné à cet effet » violences faites aux femmes de
dissuasive. Les auteurs de vio- dans des conditions garantissant l’Assemblée nationale.
lences commises en récidive sont leur sécurité et celle du parent La mobilisation et l’action glo-
plus sévèrement réprimés que les victime. bale se poursuivent. La propo-
autres récidivistes, et la loi limite sition de loi en cours d’examen
davantage pour eux les possibili- 2009 devant le Parlement concrétise
tés de dérogation à la peine plan- Dans le cadre de la discussion ce travail d’approfondissement
cher encourue. de la loi du 25 mars 2009 de des mesures de prévention, de
Le conjoint violent écarté, mobilisation pour le logement et protection et de répression. Des
continuant d’exercer l’autorité la lutte contre l’exclusion, le légis- mesures phares sont proposées :
parentale sur ses enfants et dis- lateur a expressément accordé l’ordonnance de protection tem-
posant d’un droit de visite, en aux femmes victimes de violence poraire ou encore la reconnais-
profite pour revenir au domicile, une place parmi les publics pou- sance d’un délit de violences psy-
prendre contact avec son ancien vant prétendre à une priorité chologiques au sein du couple.
conjoint, éventuellement exercer dans l’attribution d’un logement. Son adoption devrait aboutir
des pressions sur lui. symboliquement cette année
C’est pourquoi, il est très im- Le droit français est donc riche et répondre ainsi au souhait du
portant que dans ces cas de dan- de dispositifs visant à prévenir et Premier ministre, qui a institué
ger, le juge organise la protection à réprimer les violences faites aux la lutte contre les violences faites
des rencontres entre le père et femmes, même s’il reste encore aux femmes comme grande cause
ses enfants. des voies à approfondir ou des nationale pour l’année 2010. ■

Pour les victimes ressortissantes étrangères


Le dispositif de protection des ressortissants étrangers qui subissent des violences conjugales au sein de leur couple a été institué par la
loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, du séjour des étrangers et de la nationalité, puis complété par la loi du
24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration ainsi que par celle du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration,
à l’intégration et à l’asile. Chacune de ces lois a conforté et amélioré la situation des victimes au regard de leur séjour en France. À ce
titre, ce dispositif législatif a pris en compte les situations humainement difficiles que rencontrent les ressortissants étrangers, victimes de
violences de la part de leur conjoint, souvent contraints de demeurer sous le toit conjugal pour ne pas encourir le risque de perdre leur
droit au séjour.
La loi du 26 novembre 2003 a d’abord institué la possibilité de renouveler la carte de séjour temporaire délivrée au ressortissant étranger,
conjoint de Français, ou autorisé à séjourner au titre du regroupement familial, qui a rompu la communauté de vie, en raison des violences
conjugales qu’il a subies de la part de son conjoint.
La loi du 24 juillet 2006 a prévu qu’il ne pourra être procédé au retrait du titre de séjour pour rupture de la vie commune lorsque la
communauté de vie a été rompue en raison des violences conjugales que ce ressortissant subit.
Enfin, la loi du 20 novembre 2007 a ajouté la faculté d’accorder au conjoint étranger, en cas de violences commises après l’arrivée en
France, mais avant la première délivrance du titre de séjour, une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale ».
L’esprit de ce dispositif consiste ainsi à permettre au ressortissant étranger, victime de violences conjugales, d’échapper aux pressions de
toute nature exercées par son conjoint sans que soit remis en cause son droit au séjour. La personne victime de violences doit toutefois
apporter la preuve que celles-ci sont avérées.
36 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE

VERS UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES VIOLENCES


COMMISES AU SEIN DU COUPLE
Juristes du CNIDFF À l’heure où une nouvelle proposition de loi est discutée,
les juristes du CNIDFF reviennent sur l’arsenal juridique
existant en matière de violence au sein du couple.

Eléments de définition partenaire lié à la victime par un Il s’agit de l’introduction dans


pacte civil de solidarité. Même le code pénal de la première in-
des violences si ces violences n’entraînent fraction qui s’appliquerait spéci-
aucune incapacité totale de tra- fiquement et exclusivement aux
Selon l’Onu, « tout acte de vio- vail (ex. : une gifle), elles sont violences commises au sein du
lence fondé sur l’appartenance au constitutives d’un délit condam- couple.
sexe féminin causant ou pouvant nable par le tribunal correction-
causer aux femmes un préjudice nel et passibles d’une peine d’em-
ou des souffrances physiques, prisonnement. Dans certains cas,
Une nouvelle loi
sexuelles ou psychologiques, y la circonstance aggravante conti- pour améliorer la lutte
compris la menace de tels actes,
la contrainte ou la privation arbi-
nue à s’appliquer après la rupture contre les violences
du couple.
traire de liberté, que ce soit dans Cette circonstance aggravante au sein du couple
la vie publique ou privée est s’applique à de nombreuses infrac-
constitutif d’une violence sexiste ». tions constituant des atteintes à Depuis une quinzaine d’années,
l’intégrité physique ou psychique plusieurs lois ont été adoptées
La loi ne prévoit pas d’infrac- de la personne, telles que les vio- pour lutter contre les violences
tion spécifique de « violences lences et les infractions sexuelles. commises au sein du couple,
commises au sein du couple », Certaines infractions, fréquem- parmi lesquelles la loi du 4 avril
(1) Circonstance aggravante qui, à ce jour, ne sont pas définies ment commises au sein du couple, 2006 qui a constitué une étape
introduite dès 1992 dans
légalement. Elles recouvrent de comme les appels téléphoniques majeure.
multiples actes et comportements malveillants, l’introduction frau- Une nouvelle proposition de
le Code pénal. tels que des violences physiques loi, en discussion à l’heure où cet
duleuse dans le domicile d’au-
(coups et blessures, meurtres...), trui..., n’entrent en revanche pas article est rédigé (3), entend amé-
(2) Proposition de loi des violences verbales et psycholo- dans son champ d’application. liorer l’arsenal juridique existant.
renforçant la protection des giques (menaces, humiliations...), Notons qu’une proposition de Dans sa rédaction actuelle (4),
victimes et la prévention et des violences économiques (confis- loi adoptée en première lecture une des mesures phares est la
la répression des violences cation de revenu, des papiers...), le 25 février à l’Assemblée natio- création d’une ordonnance de
faites aux femmes présentée des violences sexuelles (viols et nale (2), prévoit d’introduire une protection.
autres formes d’agressions sexuelles). circonstance aggravante pour le
par les députés Danielle Ces actes peuvent être ou non délit de menace de commettre L’ordonnance de protection
Bousquet et Guy Geoffroy, constitutifs d’infractions sanc- pourrait être délivrée en urgence
un crime ou délit contre les per-
adoptée par l’Assemblée tionnées par le code pénal. Ainsi, sonnes lorsqu’il est commis au par le juge aux affaires familiales
nationale et transmise au le contrôle des dépenses n’est sein du couple. lorsque des violences exercées
Sénat le 26 février 2010. pas pénalement condamné, alors au sein de la famille, au sein du
que les atteintes volontaires à Cette même proposition, en couple ou par un ancien conjoint,
(3) Proposition de loi l’intégrité physique ou psychique discussion à l’heure de la ré- un ancien partenaire pacsé ou un
renforçant la protection des
de la personne ou encore les daction de l’article, propose la ancien concubin mettent en dan-
atteintes volontaires aux biens création d’un délit de violences ger la personne qui en est victime,
victimes et la prévention et peuvent l’être. ou ses enfants. Cette ordonnance
psychologiques au sein du couple.
la répression des violences Le fait de soumettre son conjoint, attesterait des violences subies
faites aux femmes présentée Le droit pénal, s’il ne prévoit concubin, partenaire pacsé ou un par la victime et lui ouvrirait de
par les députés Danielle pas d’infraction autonome de « ex » à des agissements ou à des manière immédiate des droits
Bousquet et Guy Geoffroy, violences commises au sein du paroles répétés ayant pour objet temporaires.
adoptée par l’Assemblée couple, prend en considération ou pour effet une dégradation Elle comporterait des obliga-
nationale et transmise au ces dernières en instaurant une des conditions de vie de la vic- tions provisoires pour l’auteur de
circonstance aggravante (1), aug- time susceptible d’entraîner une violences, permettant de proté-
Sénat le 26 février 2010.
mentant le quantum des peines altération de sa santé physique ger non seulement la victime,
encourues lorsque l’infraction ou mentale serait puni de 3 ans mais aussi les enfants. Leur vio-
(4) À l’heure où nous est commise par le conjoint ou d’emprisonnement et de 75 000 lation entraînerait des sanctions
écrivons cet article. le concubin de la victime ou le euros d’amende. pénales.
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE 37

La durée des mesures prises Dans certains cas, si l’auteur domicile conjugal par la vic- (5) Loi n° 2004-439 du
dans le cadre de cette ordonnance a l’interdiction de rencontrer la time qui ne serait pas considéré 26 mai 2004 relative au
serait de 4 mois maximum, avec victime, celle-ci pourrait pourrait, comme fautif. divorce (article 220-1,
prolongation si durant ce délai si elle y consent, se voir proposer alinéa 3 du Code civil).
une requête en divorce ou en sé- un dispositif de téléprotection lui Les victimes sont parfois
paration de corps a été déposée. permettant d’alerter les autorités contraintes de déménager ou pré-
publiques en cas de violation des fèrent déménager par crainte de (6) Loi n° 2009-323 du
obligations imposées au mis en représailles de la part de l’auteur 25 mars 2009 de mobilisation
Protection de la victime des violences. Si ces dernières pour le logement et la lutte
examen, ou le port d’un dispositif
et des enfants : électronique permettant de signa- sont prioritaires dans l’accès au contre l’exclusion.
éloignement ou ler à distance que l’auteur des vio- logement social (6), il leur est en-
lences se trouve à proximité. core difficile de trouver un héber-
éviction de l’auteur En délivrant une ordonnance gement et, a fortiori, un logement
(7) Convention d’assurance
pérenne. La proposition actuel- chômage 2006-2008.
de protection, le juge pourrait
La mesure d’éviction de prononcer l’admission provisoire lement en discussion prévoit la
l’auteur du domicile familial de la victime à l’aide juridiction- signature de conventions avec les
Lorsque les violences exer- nelle, même si elle est en situation bailleurs de logements pour réser-
cées par l’un des époux mettent irrégulière. ver des logements à toute victime
en danger le conjoint ou les en- protégée ou ayant été protégée
fants, le juge aux affaires fami- La mesure d’éloignement par l’ordonnance de protection,
liales, juge civil, peut être, dans le qu’elle soit locataire ou proprié-
de l’auteur taire du logement quitté.
cadre de la procédure de « référé
violence » (5), saisi en urgence Parallèlement, dans le cadre
par la victime. Le juge peut ainsi de poursuites pénales suite à Un déménagement peut
décider l’éviction du conjoint un dépôt de plainte, le juge pé- contraindre la victime à démis-
violent du domicile conjugal et nal peut interdire à l’auteur de sionner. En tant que salariée, sa
se prononcer sur les modalités violences conjugales d’accéder au démission pour cause de violences
d’exercice de l’autorité parentale domicile familial de la victime ou conjugales est jugée légitime et
et la contribution aux charges aux abords immédiats de celui-ci. peut ouvrir droit au versement
du mariage. Les mesures pronon- Cette mesure peut être pronon- d’allocations chômage. Dans ce
cées par le juge sont caduques si cée à l’encontre de l’auteur des cas, elle doit justifier d’un dépôt
aucune requête en divorce ou en violences à tous les stades de la de plainte auprès du procureur
séparation de corps n’est enga- procédure pénale dès l’introduc- de la République (7). CONTACT :
gée dans un délai de quatre mois. tion des poursuites.
Le référé violence n’est réservé La proposition de loi précitée pré- L’ordonnance de protection CNIDFF
qu’aux couples mariés. voit qu’afin de permettre de vérifier, pourra également autoriser la vic-
time à dissimuler son domicile et 7, rue du Jura
Cette mesure de protection en temps réel, le respect de cette mesure, 75013 Paris
reste très peu utilisée. l’auteur des violences pourra être placé, à élire domicile chez l’avocat qui
dans certaines circonstances, sous l’assiste ou auprès du procureur Tél. : 01 42 17 12 00
L’ordonnance de protection, surveillance électronique mobile de la République. ■ www.infofemmes.com
dans la rédaction actuelle de la propo- (port d’un bracelet électronique).
sition de loi actuellement en discussion,
en se substituant totalement au Les femmes quittant
référé violence, permettrait, sauf
circonstances particulières, l’attri- le logement familial
bution du logement familial à la
victime des violences et l’éviction Une femme quittant le domi-
de l’auteur des violences du loge- cile conjugal, en raison des vio-
ment familial qu’il soit le conjoint, lences dont elle est victime, n’est
le concubin ou le partenaire pacsé. pas en faute. En effet, commettre
Elle permettrait la fixation des des violences conjugales est la
modalités d’exercice de l’autorité violation d’un devoir mutuel
parentale, d’une pension alimen- des époux instauré par la loi du
taire pour les enfants, et d’une 4 avril 2006 : le respect. Cette
contribution aux charges du violation peut être invoquée
mariage pour les couples mariés à l’appui d’une procédure de
ou d’une aide matérielle pour les divorce pour faute contre son
partenaires pacsés. auteur et justifie l’abandon du
38 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE

L’ENGAGEMENT DE L’ÉTAT POUR PRÉVENIR


ET LUTTER CONTRE LES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES
Secrétariat Longtemps méconnues, les violences faites aux femmes, et en particulier celles
d’État chargé qui se déroulent dans le cadre familial, sont au cœur de l’action gouvernementale.
de la Famille Face à ce phénomène, il existe un dispositif complet visant tout d’abord à le
et de la Solidarité
mesurer, à informer, accompagner et protéger les femmes victimes de violences.

La structure Les champs couverts par les gnon ou ex-compagnon en 2008,


politiques publiques en matière soit en moyenne une femme tous
institutionnelle d’égalité entre les femmes et les les 2 jours et demi.
hommes sont :
La politique en direction des • L’égalité entre les femmes et Depuis 2007, l’Observatoire na-
femmes est une politique jeune les hommes dans la vie sociale. tional de la délinquance (OND),
dont la légitimité ne va pas de soi. • L’égalité entre les femmes et en collaboration avec l’Institut
Pourtant, les inégalités entre les les hommes dans la vie person- national de la statistique et des
femmes et les hommes persistent nelle. études économiques (Insee), réa-
tant en matière professionnelle, • L’égalité entre les femmes et lise une véritable enquête de vic-
d’articulation des temps de vie, les hommes dans la vie profes- timation au sens des enquêtes
de prise de décision politique ou sionnelle. nationales anglo-saxonnes, dont
au sein des entreprises. La poli- Avec un facteur commun : la est partenaire le ministère char-
tique d’égalité entre femmes et lutte contre les stéréotypes de gé des Droits des femmes. Ainsi,
hommes s’est construite sur le genre. selon le 5e rapport annuel de
fondement du cadre international l’OND rendu public le 17 novem-
(plate-forme d’action de Pékin en bre 2009, en 2007-2008, plus de
1995) et européen (le principe Données existantes et
310 000 femmes de 18 à 75 ans
d’égalité entre les femmes et études sur les violences ont été victimes de violences
les hommes figure au traité de faites aux femmes sexuelles, dont 225 000 de la
Rome). part d’une personne extérieure
La première enquête natio- à leur ménage. Par ailleurs, l’OND
Les fondamentaux en matière nale sur les violences envers les estime que « 418 000 personnes
de politique d’égalité entre les femmes en France (Enveff) s’est de 18 à 75 ans ont été victimes
femmes et les hommes reposent déroulée de mars à juillet 2000. en 2007-2008 de violences phy-
sur : Elle a porté sur un échantillon siques ou sexuelles dont l’auteur
• Un mécanisme institution- de 6 970 femmes âgées de 20 à principal est leur conjoint au
nel représenté par une entité 59 ans. Elle révèle notamment moment de l’enquête ou conjoint
administrative, le service des qu’au cours des douze précé- actuel ».
droits des femmes et de l’égalité dents mois, près d’une femme
entre les femmes et les hommes, sur dix a subi des violences ver- Par ailleurs, la première éva-
dédiée exclusivement aux ques- bales, psychologiques, physiques luation des conséquences éco-
tions d’égalité entre les femmes ou sexuelles, de la part de son nomiques des violences au sein
et les hommes et à la coordina- conjoint ou ex-conjoint soit, en du couple, établie par le Centre
tion interministérielle de cette extrapolant, un million trois cent de recherches économiques, socio-
politique. cinquante mille femmes confron- logiques et de gestion en novem-
• Une méthode de travail conju- tées à cette situation dans leur vie bre 2006, a estimé le coût global
guant : de couple. de ces violences a minima à plus
- Une approche spécifique d’un milliard d’euros en 2004,
avec la mise en place de mesures S’agissant plus particulière- dont 383 millions d’euros par an
destinées à corriger ou compen- ment des violences au sein du en matière de santé. À la lumière
ser les inégalités. couple, depuis 2005, un recense- des conclusions préliminaires de
- Une approche intégrée qui ment national des morts violentes l’étude « Évaluation économique
se traduit par une évaluation survenues au sein du couple est des violences conjugales en
systématique, dans toute déci- réalisé chaque année par le minis- Europe » (issue du programme
sion publique, de l’impact que tère de l’Intérieur, de l’Outre-mer européen DAPHNE III 2007-2013
la décision à venir peut avoir sur et des Collectivités territoriales. Il et réalisée par des représentants
l’égalité entre les femmes et les fait état du décès de 157 femmes de la France, du Danemark, de
hommes. sous les coups de leur compa- l’Espagne et de la Hongrie), le
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE 39

coût des violences conjugales en Une instance partenariale et


France se situe à prés de 2,5 mil- de coordination, la Commission
liards d’euros en 2006, dont 483 nationale contre les violences en-
millions d’euros en coûts directs vers les femmes, créée par décret
médicaux. de 2001 auprès du ministre char-
gé des droits des femmes, suit la
Pour les mutilations sexuelles mise en œuvre de ces plans gou-
féminines, il est estimé en France vernementaux. Elle est composée
que 55 000 femmes et fillettes des principaux départements
sont mutilées ou menacées de ministériels tels la santé, l’édu-
l’être (1). Elles sont notamment cation nationale, la justice, ...de
originaires de Côte d’Ivoire, cinq représentants d’associations
d’Égypte, de Gambie, de Guinée- spécialisées (FNSF, CNIDFF...) et
Conakry, du Mali, de Mauritanie, de sept personnalités qualifiées
du Sénégal et de Somalie. (dont quatre élus). • Diffusion de premières re-
commandations à destination des
S’agissant des mariages forcés, Cette instance et la mise en pouvoirs publics et des profes-
ce phénomène étant très difficile œuvre sur le territoire de cette sionnels sur la problématique des
à appréhender en termes quan- politique se décline au sein des
titatif, il n’est disponible que des enfants exposés aux violences
Conseils départementaux de pré- conjugales, réalisées par l’Obser-
estimations provenant d’associa- vention de la délinquance, d’aide
tions spécialisées, soit 70 000 (2) vatoire de l’enfance en danger et
aux victimes et de lutte contre la le Service des droits des femmes
jeunes filles âgées de 10 à 18 ans drogue, les dérives sectaires et les
qui seraient menacées de maria- et de l’égalité entre les femmes et
violences faites aux femmes, ins- les hommes.
ges forcés en France. tances pilotées par le préfet.

Cadre d’intervention Enfin les déléguées régionales


En direction des auteurs
et chargées de mission départe- de violences
et certaines actions
mentales des droits des femmes • Réalisation d’une charte des
récentes des pouvoirs et de l’égalité élaborent des pro- principes fédérateurs à destina-
publics tocoles globaux de lutte contre tion des structures de prise en
les violences faites aux femmes charge des auteurs de violences ;
Le cadre d’intervention ou des conventions spécifiques • Diffusion auprès des com-
sur certains champs (auteurs…) missariats, gendarmerie, maisons
au plan national et local engageant fortement tous les par- de justice et du droit d’une pla-
Deux plans triennaux et in- tenaires. quette d’informations et de sen-
terministériels (2005-2007 et sibilisation à destination des au-
2008-2010) de lutte contre les teurs de violences « repérés ».
violences envers les femmes ont Actions récentes liées
été élaborés. au 2e plan global En direction des (1) Population & Sociétés
Le premier plan « 10 mesures
de lutte contre les professionnels concernés n° 438, octobre 2007 -
pour l’autonomie des femmes » violences faites aux • Réédition de la brochure des- Bulletin mensuel
était axé particulièrement sur les femmes (2008-2010) tinée aux professionnels « Lut- d’information de l’Institut
violences au sein du couple. ter contre la violence au sein du national d’études
En direction des victimes couple, le rôle des professionnels ». démographiques (INED) :
Le deuxième plan global d’ac-
tions sur trois ans (2008-2010), • Création, à l’échelon local, de « Les mutilations sexuelles
intitulé « douze objectifs pour postes de « référent », interlocu- Campagnes de féminines : le point sur la
combattre les violences faites teur unique et de proximité des communication et label situation en Afrique et en
aux femmes », a plus particuliè- femmes victimes de violences. France » par Armelle Andro
rement concerné des actions • Renforcement des moyens de de « Grande cause
et Marie Lesclingand.
en direction de l’entourage des la plate-forme d’écoute télépho- nationale pour 2010 »
victimes (auteurs de violences nique du 3919 (numéro d’écoute
gratuit à destination des femmes Le 2 octobre 2008, une cam- (2) Selon le GAMS (groupe
et enfants exposés aux violences
conjugales) tout en confortant victimes de violences conjugales pagne triennale d’information et pour l’abolition des
les mesures concernant les vic- et géré par la Fédération natio- de sensibilisation a été lancée sur mutilations sexuelles
times. nale solidarité femmes) ; l’ensemble des violences faites féminines).
40 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE

lecture le 25 février dernier la


proposition de loi renforçant
la protection des victimes et la
prévention et la répression des
violences faites aux femmes qui
sera examinée en juin au Sénat.

L’innovation majeure de ce
texte est de prévoir la création
d’une ordonnance de protection
des victimes de violences qui
permettra à un juge de protéger
en urgence, les femmes en situa-
tion de danger, en statuant sur
la résidence séparée ou la jouis-
sance du logement ; en se pro-
aux femmes accompagnant le apprennent beaucoup de leurs nonçant sur les modalités d’exer-
deuxième plan 2008-2010 avec parents y compris les violences cice de l’autorité parentale et en
pour objectif de déclencher une conjugales »). permettant à la femme victime de
prise de conscience et rompre violences de dissimuler son domi-
la loi du silence. Le slogan de Sur Internet, un site gouver- cile ou sa résidence.
la campagne « Ne laissez pas la nemental dédié, www.stop-
violence s’installer. Réagissez. violencesfemmes.gouv.fr, a été En outre, l’amendement pour
Psychologique, verbale ou phy- ouvert. Son objectif est d’infor- la mise en place du dispositif
sique la violence isole. Parlez-en » mer, d’accompagner et de donner du bracelet électronique pour
marque la volonté de s’adresser à des repères aux femmes victimes conjoints violents a été adopté
tous, tant aux femmes victimes, de violences, sous toutes leurs à l’unanimité. Il permettra son
aux témoins et à l’entourage et formes. expérimentation dans certains
pour la première fois aux auteurs départements en 2010. Le place-
de violences. Par ailleurs, le Premier ministre ment sous surveillance électro-
a choisi, le 25 novembre dernier, nique mobile pourra permettre
En 2009, la communication a d’attribuer le label « Grande de vérifier le respect de l’interdic-
porté sur les mariages forcés et tion de paraître dans le domicile
Cause nationale 2010 » à la lutte
les mutilations sexuelles fémi- ou la résidence du couple ou aux
contre les violences faites aux
nines. abords immédiats de celui-ci.
femmes. Ce label permet à des
organismes à but non lucratif Et dans la perspective de l’éla-
Plus de 100 000 brochures : qui souhaitent organiser des boration d’un futur plan 2011-
« Combattre les mariages forcés » campagnes faisant appel à la gé- 2013, toutes les formes de vio-
et Combattre les mutilations » ont nérosité publique d’obtenir des lences, notamment le viol, les
été diffusées dans les établisse- diffusions gratuites sur les radios violences psychiques comme le
ments scolaires, les maisons de et télévisions publiques. harcèlement, le mariage forcé et
quartier et les MJC, les mairies ou enfin les mutilations sexuelles se-
les bibliothèques, mais aussi dans ront prises en compte.
les divers centres de soins. Perspectives
De plus, une campagne télé- Enfin, le Gouvernement sou-
visuelle de 2009 a porté à la Conformément au souhait du haite poursuivre la sensibilisation
fois sur les violences verbale et Gouvernement, de voir renfor- de l’opinion publique à la lutte
psychologique (« la voix » réa- cer le cadre juridique dans ce contre ce fléau par la réalisation
lisé par Jacques Audiard et sur domaine, l’assemblée nationale d’une grande campagne de com-
la sensibilisation des victimes a montré sa mobilisation contre munication en mettant l’accent
et de leurs conjoints mettant en ce fléau en adoptant, par-delà les sur les témoins des violences
scène des enfants (« Les enfants clivages politiques, en première conjugales. ■
ÉVOLUTION LÉGISLATIVE 41
42 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

3919 : UN SERVICE D’ÉCOUTE

Christine Clamens, En mars 2007 a été créé le numéro « vert » 3919. Derrière ce numéro court,
directrice de la FNSF c’est la plate-forme Violences Conjugales Info créée en 1992 par la Fédération
Nationale Solidarité Femmes qui est à l’œuvre. Cette plate-forme téléphonique
Naïma El Ouaradia,
cheffe de service du 3919 d’écoute nationale est à la disposition des victimes, de l’entourage
(famille, amis, voisins, collègues, employeurs...) et des professionnels
(assistants sociaux, médecins, police...).

Créé en 1992 par la Fédéra- ristes, psychologues, conseillères vail du service contribue ainsi à la
tion Nationale Solidarité Femmes, conjugales, éducatrices spéciali- lutte contre les violences conju-
Violences Conjugales Info est un sées...). Elles consistent à écouter, gales en permettant aux per-
service anonyme et gratuit depuis orienter, informer les appelantes. sonnes qui appellent le service
2008. Il est très souvent le pre- d’analyser et de comprendre ce
mier recours d’une femme qui En tout premier lieu en effet, que sont les différentes formes de
veut parler des violences qu’elle il convient d’écouter les femmes violences, la stratégie des auteurs
subit, parfois depuis plusieurs confrontées au phénomène des de violences, le droit, les droits
années, de la part de son conjoint. violences conjugales afin de les des femmes et de connaître les
soutenir, de les aider à faire le acteurs privés et institutionnels
point sur leur situation et à com- qui accompagnent les victimes.
Une équipe prendre les mécanismes d’em-
de 30 écoutantes prise et de violences dont elles
sont victimes. Les écoutantes Écouter, informer
Les missions du service Vio- favorisent la parole et accom- et orienter
lences Conjugales Info sont assu- pagnent les victimes dans leur
rées par une trentaine d’écou- cheminement de décryptage et Violences Conjugales Info est
tantes salariées, professionnelles, de compréhension de ce qu’elles un service d’écoute exclusi-
de formations et d’expériences vivent afin de les amener à trou- vement et il n’y a jamais de
diverses (assistantes sociales, ju- ver leurs propres réponses. Le tra- rencontre entre l’écoutante et
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 43

3919 : Violences Conjugales Info


l’appelante. Aussi ce service a-t-il dant à se projeter dans un avenir
pour mission d’orienter vers des sans violences. Ce service fonctionne du lundi au samedi de 8 h à 22 h et de 10 h
associations locales susceptibles • L’accompagner dans sa recher- à 20 h les jours fériés (sauf 1er janvier, 1er mai et 25 décembre
de soutenir dans leurs démarches che de solutions, faire un bilan des où le service est fermé).
les femmes qui subissent des obstacles, hiérarchiser les prio- Le 3919 est un numéro accueil VERT gratuit depuis un poste
violences conjugales. Toute per- rités et tenter de l’aider, quand fixe (pour les mobiles, se référer à la tarification de l’opéra-
sonne qui appelle fait référence la situation est vécue comme teur de l’appelant). Il est accessible depuis la France métropo-
à une situation délicate. Il est bloquée, à cerner les problèmes litaine et les Départements d’outre-mer (mais ni des Territoires
primordial, pour elle, de pouvoir sous-jacents (culpabilité, peur de d’outre-mer, ni de l’étranger).
contacter (quand elle le décide la solitude, manque de confiance,
ou le peut) un relais de proximité dépression...), à se recentrer sur
où elle trouvera des profession- elle-même, à trouver ses propres thématiques diverses tels que
nels à même de lui fournir une repères, retrouver une confiance la santé ou l’hébergement des
aide concrète : accueil, accom- en elle qui lui permettra d’amor- femmes victimes de violences
pagnement, groupes de parole, cer une dynamique pour se déga- conjugales, les difficultés des
hébergement... ger de l’emprise du conjoint. femmes issues de l’immigration
ou les parcours de ces femmes
Après évaluation de la situation 80 000 appels en 2009 dans les démarches et demandes
de la victime, de son environne- d’aide, d’accès aux droits à tra-
ment et des ressources qu’elle Sous l’impulsion de la cam- vers les différents dispositifs
peut ou non mobiliser, les écou- pagne qui en 2007 a accompa- publics ou associatifs. Ces obser-
tantes informent et conseillent, gné la mise en place du numéro vations issues du recueil d’infor-
selon la demande des victimes, sur court 3919, puis des campagnes mations auprès des appelantes
les démarches qu’elles peuvent de 2008 et 2009, le 3919 a enre- ainsi qu’auprès des associations
entreprendre vis-à-vis du méde- gistré plus de 80 000 appels en de terrain, permet à la FNSF de
cin ou de l’hôpital (demande 2009. Violences Conjugales Info se positionner comme témoin
de certificat médical constatant en a traité plus de 33 500 dont auprès des instances politiques
les violences avec Incapacité tem- près de 15 000 relevaient d’une afin que celles-ci adoptent des
poraire de travail-ITT) ;de la police situation de violences conjugales. politiques adéquates en matière
(déposer une main courante ou Sur ces appels, plus des deux tiers de violences conjugales. Elle lui
une plainte en informant sur les proviennent des victimes elles- permet également d’informer
conséquences que cela entraîne) ; mêmes et près d’un tiers provien- l’opinion publique afin de sensi-
de la justice (aide juridictionnelle, nent de la famille, de l’entourage biliser le grand public sur ce phé-
modalités de séparation en cas ou de professionnels. nomène social. ■
de mariage ou de concubinage,
droits et obligations concernant Durant l’entretien télépho-
les enfants) ; des services sociaux nique, les écoutantes recueillent
(dans quel cas peut-on faire appel toutes les informations néces-
à leur aide). Tout ceci sans omet- saires afin de conseiller et d’orien-
tre de donner des conseils pra- ter l’appelante au plus près de sa
tiques : conserver des papiers tels situation (familiale, conjugale,
que pièces d’identité, justificatifs économique, démarches entre-
de domicile..., alerter l’entourage, prises...). Ces données sont retrans-
ne pas rester isolée. crites sur une fiche de recueil
d’information informatisée.
Les missions
de l’écoutante Un observatoire
national
• Permettre à la femme qui
appelle de déposer sa souffrance, L’exploitation de l’ensemble
de se reconnaître comme victime, des données informatisées par
de faire le point. l’observatoire de la FNSF permet FNSF
• L’aider à verbaliser ses émo- de construire des indicateurs
tions, ses difficultés et sa com- 75, boulevard MacDonald
quantitatifs et qualitatifs natio-
préhension de la situation, à naux. Grâce à ces indicateurs, la 75019 Paris
reprendre contact avec ses sou- FNSF repère des problématiques www.solidaritefemmes.
haits, ses désirs propres, en l’ai- pouvant donner lieu à des études asso.fr
44 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

ACCUEIL PSYCHOLOGIQUE EN COMMISSARIAT

Jusqu’à présent, les psychologues intervenaient dans la formation ou les services


de soutien aux policiers, aujourd’hui, on les trouve sur le terrain, notamment
pour soutenir les victimes de violence conjugale. C’est le cas de Gaëlle Morel,
psychologue au commissariat de Trappes (Yvelines) depuis octobre 2006.
Cette expérience, menée dans d’autres villes – Grenoble, Toulouse,
Rennes, Rouen et Nancy – se révèle très prometteuse.

Une orientation sociale


souvent nécessaire
L’autre difficulté pour la psy-
chologue consiste à comprendre
ce qu’il y a derrière cette violence
conjugale, notamment lorsqu’elle
recouvre d’autres problèmes (sou-
cis financiers ou conflits à propos
de l’éducation des enfants). Il lui
revient alors d’orienter les vic-
times vers sa collègue, médiatrice
sociale, dans le bureau d’à côté
ou de prendre rendez-vous avec
les autres partenaires comme
l’assistante sociale, le psychiatre,
la maison de Justice et du Droit,
le Centre d’information sur les
droits des femmes...
Un policier vient d’enregistrer explique la jeune psychologue
une main courante pour violence clinicienne. Dans tous les cas, le
conjugale. « Gaëlle, je t’envoie une plus difficile est de faire s’expri- La porte reste ouverte
femme qui a des problèmes. » La vic- mer ces femmes, car elles sont
time est aussitôt reçue dans le sous le choc. Avant de savoir ce Voilà pour le dispositif, mais la
bureau de la psychologue, situé au qu’elles veulent faire, il lui faut réalité est beaucoup plus com-
rez-de-chaussée, près du bureau plexe. Car il n’est pas toujours
souvent du temps pour « objecti- facile de partir et de tourner la
des plaintes et de l’accueil. Pièce ver » avec elles la situation et les
lumineuse, décoration attrayante, page. Combien de femmes bat-
aider à comprendre pourquoi la tues renoncent tout d’un coup à
affiches et photos d’évasion : rien mécanique du couple a déraillé.
n’est laissé au hasard pour mettre aller plus loin suite à une « récon-
« Cependant, je ne suis pas Sherlock ciliation ».
à l’aise les personnes accueillies. Holmes, seulement psychologue, ce qui
« Ici, on vient ici pour se poser et par- Comme une seconde chance,
m’intéresse, ce n’est pas la vérité, mais elles réintègrent le foyer et ten-
ler .» D’une voix douce, sur un la vérité de la patiente .» Ensuite, il tent de redémarrer une histoire
ton rassurant, au milieu du brou- s’agit de prendre une décision. avec l’être qu’elles ont aimé
haha des lieux, elle questionne : « Je les aide à mettre des mots sur leurs ou qu’elles aiment toujours. Au
« Racontez-moi ce qui vous est arrivé, désirs sans pour autant être dans le grand dam de leur entourage
je suis là pour vous écouter .» jugement, car si l’on pousse trop, elles qui ne comprend pas, la traitant
peuvent faire marche en arrière .» Leur souvent d’ « inconsciente » ou de
La démarche fait peur attitude est souvent paradoxale, « maso ». « Ce n’est pas toujours facile
entre la colère rentrée et la peur à vivre pour les professionnels, car on
« Il faut intervenir rapidement auprès d’engager une action contre l’au- peut avoir un sentiment de retour à
des personnes, car elles peuvent se sen- teur de la violence. Le cas le plus la case départ, mais il ne faut pas être
tir vite effrayées par la machine judi- fréquent est celui de ces femmes dans le rejet : il est important que ces
ciaire et la complexité des procédures qui veulent porter plainte, tout femmes sachent que notre porte reste
avec un jargon comme : commission en craignant que leurs conjoints toujours ouverte en cas de besoin », in-
rogatoire, certificats, main courante », n’aient des problèmes. dique Gaëlle Morel. ■
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 45

Rôle des policiers et des gendarmes


Accueil : Tout service de police ou unité de gendarmerie est tenu de recevoir la plainte d’une personne victime
qui se présente dans ses locaux. La plainte est recevable, même en l’absence de certificat médical préalable. Ce
dernier pourra être joint dans le courant de la procédure.
Si la victime ne souhaite pas déposer plainte, les faits sont consignés sur un procès-verbal de renseignement
judiciaire (gendarmerie) ou font l’objet d’une mention de main courante (police).

Intervention : Les services de police ou les unités de gendarmerie doivent intervenir systématiquement et sans
délai, à chaque fois que leur concours est requis et quelle que soit la gravité apparente des faits signalés par le
requérant. En effet, il arrive souvent que des faits en apparence « ordinaires » (menaces, dégradations, injures,
tapages nocturnes...) débouchent à plus ou moins long terme sur des violences physiques, ou que l’accumula-
tion de ces faits soit consécutive d’une violence à fort retentissement psychologique. L’intervention des services de police et des unités de
gendarmerie doit remplir 5 objectifs :
- la sécurité de la victime et de ses enfants,
- l’interpellation ou la convocation ultérieure du mis en cause,
- la préservation des lieux et le relevé des identités,
- l’information de la victime sur ses droits,
- la transmission à l’autorité judiciaire de renseignements précis.
(Extrait de « Lutter contre la violence au sein du couple : le rôle des professionnels » édité en 2008, par le secrétariat d’État chargé de la solidarité.)

CELLULE SOCIALE D’URGENCE EN GENDARMERIE


Au sein du groupement départemental de la gendarmerie d’Eure-et-Loir, dans
leur bureau, elles sont sur le qui-vive pour parer à toute situation d’urgence.
Assistantes sociales de formation, Elise Ditpapin de l’UDAF 28 et Sandra Bonnin
(détachée par la Mutuelle sociale agricole) animent le service de correspon-
dantes sociales mis en place par l’UDAF 28, depuis le 1er octobre 2009,
en partenariat avec l’État, le Conseil général, la MSA et la gendarmerie nationale.
Leur mission ? Accueillir les personnes en situation de détresse psychologique,
les orienter pour le dépôt de plainte, dépasser le traumatisme vécu,
puis faire le relais auprès des structures concernées.

Lorsqu’une personne victime directement afin d’éviter que le sous le choc et incapables de faire le UDAF d’Eure-et-Loir
de violence conjugale compose le mari ou conjoint ne tombe sur la point avec nous, sept jours, c’est le bon 6, rue Charles Coulomb
numéro 17, les correspondantes lettre et provoque un « clash ». timing entre l’émotion et la réflexion 28000 Chartres
sociales évaluent aussitôt le degré En général, un rendez-vous est pour agir », explique Sandra Bon- Tél. : 02 37 88 32 55
de gravité pour prendre la bonne pris au sein de la brigade de gen- nin. Elles orientent ensuite ces Internet : www.udaf28.fr
décision. Si l’alerte concerne une darmerie afin de faire le point, sauf femmes vers des professionnels,
personne déjà connue du service si une visite s’impose notamment qu’il s’agisse du service social
social du Conseil général, elles lorsque la situation se dégrade et départemental pour l’accompa-
entrent en contact avec l’assis- que le risque de violence en pré- gnement physique et financier,
tante sociale du département. Si sence de mineurs augmente.
ce n’est pas le cas, il existe plu- Leur intervention est limitée un conseil conjugal pour les
sieurs types d’interventions. Elles dans le temps, n’excédant pas couples désireux de rester en-
peuvent adresser un courrier à la les 7 jours qui suivent l’appel à semble, l’aide sociale à l’enfance
victime pour l’informer qu’elles la gendarmerie. Il ne s’agit pas lorsque des mineurs sont en jeu
se tiennent à sa disposition pour d’une règle, mais d’une moyenne dans l’affaire. Et bien sûr, dans cer-
la recevoir et examiner son cas en que l’équipe s’est imposée à par- tains cas graves, la transmission
cas de besoin, mais il leur arrive tir de leurs expériences. « Si c’est du dossier au Parquet se révèle
plus souvent de lui téléphoner trop court, les personnes sont encore inéluctable. ■
46 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

ACCOMPAGNEMENT SPÉCIALISÉ :
ACCUEIL ET HÉBERGEMENT D’URGENCE
Françoise Brié, Le positionnement des associations FNSF est sans ambiguïté : condamner
Vice-présidente fermement des violences, être aux côtés des femmes, tout en se conformant
de la FNSF, bien entendu aux règles (juridiques ou concernant la protection de l’enfance par
Directrice de L’Escale (92)
exemple) en vigueur. Les femmes rencontrent dans ce réseau
l’ensemble des professionnels pouvant les soutenir,
ce qui leur évite un morcellement dans leurs démarches.

L’accompagnement est global Les équipes de la FNSF appor- rupture des liens de dépendance
(psychologique, juridique, social). tent un éclairage sur le cycle de avec le conjoint violent sont faci-
Il respecte le rythme de la femme la violence, ses différents aspects, litées. Les violences répétées
et la confidentialité. Il amène la stratégie des auteurs violents. aboutissent à une exclusion pro-
souvent les équipes à se dépla- Celle-ci se retrouve à chaque fois gressive. S’écouter mutuellement,
cer avec les femmes au sein des à des degrés divers, indépendam- c’est redevenir actrice de son his-
services de police, de justice. ment de l’histoire personnelle. toire et être invitée à revenir dans
Le suivi est axé sur la sortie de Le cadre proposé par les équipes le monde des êtres humains, là où
la violence, pallie ses multiples permet d’imaginer et d’élaborer la parole peut advenir. Il s’agit de
conséquences. Il vise la sécurité des stratégies de changement mettre des mots sur le vécu, au
des femmes et de leurs enfants, et de protection si la femme est lieu de rester enfermées dans le
la mise en réseau des partenaires toujours au domicile. Le retour à silence. Les mots expriment des
(services sociaux, associations, l’autonomie passe par la recons- émotions qui deviennent alors
avocats, police, etc.). On voit- truction de l’estime de soi et la une réalité externe et sociale et
là l’importance des actions de connaissance de ses droits fon- non plus des sentiments diffus,
sensibilisation : avec des acteurs damentaux. L’amélioration des chargés de honte et de culpa-
formés et qui reconnaissent la conditions socio-économiques, bilité. Parler de ses peurs et de
complémentarité des fonctions, à travers la recherche de loge- ses souffrances devant d’autres
une coordination efficace peut se ment, d’emploi ou de ressources femmes ayant une histoire iden-
mettre en place autour de chaque (souvent confisquées par l’ex- tique, c’est être reconnue, c’est
situation. conjoint), est aussi un des axes porter un nouveau regard sur soi
Les personnes peuvent être de travail des professionnelles. et observer les similitudes. À la
adressées à nos structures par Il s’agit enfin de soutenir une fin de chaque séance, les femmes
les services sociaux pour un parentalité parfois mise à mal par s’étonnent de n’être pas seules.
hébergement, mais souvent elles les violences. Elles peuvent attribuer leur com-
doivent être accompagnées en Ce suivi peut durer des mois se- portement aux violences subies
amont pour se préparer au départ lon le cheminement de la femme quotidiennement au domicile :
et à la séparation. Quitter le mari, ou sa situation socio-économique, « mais alors je ne suis pas folle ! ».
le conjoint, le père des enfants, être interrompu par un « retour C’est aussi un lieu d’information,
son domicile est une démarche au domicile » puis reprendre dans de confrontation d’expériences
difficile. Ceci nécessite des res- des délais plus ou moins longs. sur le plan social et juridique. Le-
sources, à la fois psychologiques partage et la réflexion commune
et économiques. Il faut tenir favorisent la mise en œuvre d’ac-
compte des peurs (menaces du Actions collectives tions concrètes : dépôt de plainte,
conjoint, crainte d’être expulsée départ du domicile, recherche
pour les femmes issues de l’im- L’accueil collectif s’est avéré d’emploi...
migration), des pressions de la pertinent dans les situations de Les actions collectives se décli-
famille, de l’entourage. violence conjugale. Il permet de nent aussi sous d’autres formes,
Sortir de la violence, c’est aussi développer la solidarité entre des quelles que soient les conditions
aborder la notion d’emprise, femmes se trouvant à des étapes d’accueil (hébergement ou hors
phénomène très spécifique qui de vie différentes et d’appréhen- hébergement) : groupe de parole
met les femmes dans un état der le caractère sociétal des vio- ou d’estime de soi, ateliers créa-
de dépendance psychologique, lences. Être au moins deux à par- tifs., etc. Elles permettent aux
et grève à tel point leurs méca- tager la conviction que l’on peut femmes d’être « actrices » de leur
nismes de protection qu’elles ne surmonter les effets de la vio- projet, c’est-à-dire « de modifier
peuvent plus réagir, ni même évi- lence peut être d’un grand sou- leur environnement plutôt que
ter les coups. tien. La sortie de l’isolement et la d’être déterminé par lui ». Le tra-
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 47

vail de groupe a également pour mière évaluation dans des lieux le moment le plus adéquat pour
objectif de participer à la cohé- spécifiques. que la femme quitte le conjoint,
sion sociale. porte plainte, entame les procé-
Cet accompagnement doit dures juridiques. On comprend
Hébergement d’urgence être réalisé par des équipes la nécessité d’accompagner de
connaissant parfaitement la pro- manière très professionnelle la
et mise à l’abri blématique et les réseaux locaux, femme dans ce processus en ana-
l’hébergement étant prévu pour lysant l’ensemble des paramètres
L’entrée dans les héberge- des durées relativement courtes concernant sa sécurité. Si le dan-
ments d’urgence spécialisés se (une à deux semaines renouve- ger est avéré, un départ s’impose.
déroule après préparation avec lables). Sans un dispositif spéci- Face à des situations particulière-
la femme et évaluation par les fiquement dédié, les femmes res- ment graves, des mesures d’éloi-
équipes, soit dans le cadre d’une tent seules face à la complexité gnement sont proposées à l’in-
mise à l’abri, soit à travers une de leur situation et à la culpabi- térieur du département ou dans
stratégie d’évitement des crises lité du confort matériel perdu, d’autres régions, et ce grâce au
de violence, soit avant un accueil surtout pour leurs enfants. Elles réseau des soixante cinq associa-
de longue durée. Enfin, il peut se sentent dans l’obligation de tions de la Fédération Nationale
s’agir de femmes ayant quitté le retourner auprès de l’auteur des Solidarité Femmes.
domicile en urgence et adres- violences.
sées par le 115 ou les partenaires Les centres d’hébergement
sociaux. La violence conjugale repré- comme les accueils en externe spé-
sente un risque majeur pour cifiquement dédiés aux femmes
Les femmes présentent par- l’intégrité physique et psycho- victimes de violences ont montré
fois des blessures importantes, logique des femmes et de leurs leur pertinence. Ils sont encore
sont terrorisées ou dans un état enfants, ce que démontrent les en nombre insuffisants et ne
de sidération. Il est nécessaire chiffres publiés chaque année bénéficient pas tous de finance-
d’effectuer avec elles un état de en matière d’homicide. Les asso- ments suffisants ou pérennes.
leur situation, de les adresser ciations du réseau FNSF évaluent Avec les campagnes de commu-
aux services de santé, de faire le donc avec attention la dange- nication, indispensables pour FNSF
point sur leur cheminement au rosité. Les critères utilisés sont que les femmes osent parler, la
regard de la séparation ou non 75, boulevard MacDonald
multiples : durée des violences, demande augmente, les moyens
avec l’auteur des violences. Cer- période de séparation, menaces doivent donc être à la hauteur de 75019 Paris
taines femmes ne sont en effet de mort, utilisation d’armes, an- ce fléau qui atteint encore de trop www.solidaritefemmes.
pas prêtes à un départ définitif et técédents. Il s’agit d’envisager nombreuses femmes en France. ■ asso.fr
retourneront au domicile. Cette
étape est un des allers-retours
durant lequel la femme va se
« poser » quelques jours et prendre
connaissance de l’ensemble des
ressources qui s’offrent à elle.

Dans d’autres cas, les pro-


fessionnelles entament avec la
femme et toujours en lien avec
les partenaires sociaux de sec-
teur, les démarches leur permet-
tant de trouver un lieu d’héberge-
ment, un logement ou un accueil
chez des proches, mais aussi de
déposer plainte, de consulter un
avocat, d’obtenir des aides finan-
cières si nécessaire. En fonction
des lieux, elles disposent de
produits de première nécessité
et peuvent rencontrer psycholo-
gue, assistante sociale, éducatrice,
juriste. Les enfants sont égale-
ment accueillis pour une pre-
48 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

UN LIEU POUR SE RECONSTRUIRE

L’UDAF de la Marne gère un centre d’hébergement et de réinsertion sociale


(CHRS) dont la plupart des bénéficiaires sont des victimes de violences
conjugales qui peuvent venir avec leurs enfants (de 3 à 18 ans, dans la limite
de 4). Agrée depuis 20 ans comme établissement médico-social, ce centre est l’un
des premiers à avoir été conçu en appartements éclatés, dans les quartiers
populaires de la périphérie de Châlons-en-Champagne. Compte tenu de la
saturation des structures d’urgence, les demandes émanant de la région
parisienne explosent et représentent aujourd’hui près de 60 % des effectifs.

Lorsqu’elles sont reçues au Se poser, enfin sur le plan psychologique que


centre, ces femmes ont bravé la physique. « Les blessures peuvent
violence dont elles sont victimes. « Ça se voit dans leurs yeux qu’elles se soigner, mais les mots violents ne
Ce geste est un premier pas vers sont cassées, mais elles affichent la cicatrisent pas. » Le dénomina-
une possible émancipation. « Le volonté de celles qui ont osé dire non, teur commun à toutes, c’est le
cas de figure le plus courant est celle un peu comme une victoire person- besoin de se poser pour se re-
d’une femme victime de violences phy- nelle », commente Sophie Guérin, construire et faire le point sur ce
UDAF de la Marne siques, sans travail, ne vivant que des travailleur social, forte de son qu’elles ont vécu. À leur arrivée,
65, rue Grande Étape prestations familiales et se trouvant de expérience de 25 ans au CHRS. nous établissons un « contrat de
BP 60545 fait inféodée à son mari ou son concu- Cependant, il faut du temps séjour » qui permet de déter-
51013 Châlons-enChampagne bin », souligne Hervé Allier, direc- pour réparer les dégâts, car ces miner quel est leur « projet de
Tél. : 03 26 69 47 59 teur de l’UDAF. victimes sont autant atteintes vie » et de contractualiser avec
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 49

les résidentes des démarches à revivre cela. » De là à se rendre à la par des gestes de violence des
effectuer pendant la durée de consultation psychologique, il y a ados sur les plus petits avec le
leur séjour au centre. Elles ac- un pas qu’elles n’osent pas tou- recours au vocabulaire maintes
compliront ces démarches seules jours franchir. « Ça leur fait remonter fois entendu. « Ce qui est frappant
ou accompagnées, en fonction tant de souffrances endurées qu’elles ne aussi, c’est de voir des enfants qui vont
de leurs compétences sociales. sont pas toujours prêtes à affronter cela. » jusqu’à demander à leur mère d’excuser
« Il est important que ces femmes pren- le père, le plus difficile alors est de leur
nent conscience du fait que le CHRS Réapprendre à vivre expliquer qu’il existe un autre modèle
est un tremplin pour devenir autonome familial. »
en lui donnant les informations utiles dans la cité
et les compétences nécessaires. »
Dans un premier temps, l’in- Seulement une étape
sertion dans le quartier appa-
Reprendre confiance raît comme une étape décisive, Il arrive parfois que les conjoints
qu’il s’agisse de leur accès à se manifestent de manière agres-
Pour l’équipe du centre, la prio- des structures de proximité ou sive. « Nous leur expliquons que nous
rité est de leur faire reprendre de l’activité des enfants. Il faut n’avons pas kidnappé leurs femmes,
confiance en leurs capacités, alors aussi réapprendre à ces femmes qu’elles sont adultes et qu’elles ne sont pas
qu’elles ont généralement le senti- déboussolées les simples gestes venues sans raison. » Une rencontre
ment de n’être « bonnes à rien » de la vie quotidienne (tenir un avec le directeur a pour effet de
comme elles le disent elles-mêmes. logement seule, faire ses courses...). calmer leur agressivité, surtout
C’est ainsi que le Conseil de la « À la détresse s’ajoutent les difficultés lorsqu’ils se rendent compte
vie sociale vise à impliquer ces sociales – problèmes financiers, difficul- que leurs femmes sont soutenues.
femmes dans l’amélioration du té de prise en charge des enfants – d’où La partie n’est pas pour autant
quotidien du centre, une manière l’importance des relais avec les services gagnée. Revirements et rechutes
de les inciter à prendre la parole sociaux et administratifs », souligne font partie du lot commun, sur-
« Car n’oublions pas que ces femmes ont Bernard Robert, directeur des ser- tout lorsque ces femmes sont
vécu sous la domination de quelqu’un vices tutélaires et sociaux. Parfois, confrontées à des difficultés
et elles peinent à s’exprimer. » le centre doit prendre contact matérielles et peinent à retrou-
Elles bénéficient auprès des avec un juge pour enfants lorsque ver leur autonomie. « Rien n’est
travailleurs sociaux d’un sou- s’impose la mise en place d’un jamais acquis, nous ne sommes par-
placement de l’enfant. fois qu’une goutte d’eau », analyse
tien articulé autour d’entretiens Sophie Guérin. ■
et d’accompagnements qui ont Si la loi prévoit une durée de
pour objectifs de les aider à sou- séjour de six mois renouvelable
tenir leurs démarches et le cas une fois, les résidentes passent en
échéant, à les orienter auprès moyenne huit mois au centre, le
de spécialistes, par exemple un temps pour elles de retrouver un
psychologue, mais également un logement, surtout pour celles qui
juriste du Centre d’information veulent regagner la région pari-
et des droits des femmes (CIDF). sienne.
Quels sont leurs droits ? Com-
ment s’émanciper du conjoint « Redevenir » parent
violent ? Comment donner aux
enfants la possibilité de revoir leur Lorsque ces femmes viennent
père ? Autant de questions dont avec leurs enfants, l’autre mission
les réponses permettront à la per- du centre consiste à travailler sur
sonne de prendre une décision en la parentalité. Comment les aider
toute liberté. « Après cette évaluation, à retrouver l’autorité qu’elles
on détermine quelles sont les compétences ont perdue ? « Certaines présentent
à acquérir afin d’établir des priorités des difficultés à assumer leur rôle de
avec la personne. Tant que tous ces droits maman d’autant plus qu’elles recon-
ne sont pas acquis, on n’engage pas de naissent avoir été soumises à leur
démarche de recherche de logement. » conjoint parfois jusqu’à en perdre
« On les aide à élaborer un discours l’estime d’elles mêmes », souligne
sur leur trajectoire, à prendre du recul Audrey Forget, travailleur social.
à analyser comment c’est arrivé et à les Quant aux enfants, ils ont ten-
amener à se qu’elles se décident à dire dance à reproduire le seul modèle
d’elles-mêmes qu’elles ne veulent plus qu’ils ont connu, ce qui se traduit
50 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

ACCUEIL DE MÈRES VICTIMES DE VIOLENCES

Fédération Les conseillères conjugales Couples et Familles axent leur travail


Couples et Familles sur les répercussions de ces violences sur les enfants des femmes victimes.
Elles décryptent les phrases clés qui permettent le déclic.

Notre écoute de la souffrance « Pour l’instant, j’arrive encore à met en place comme stratégie de
dans le lien conjugal de ces “protéger” les enfants... » Mais jusqu’à survie et de protection.
femmes et de la difficulté qu’elles quand et à quel prix ? Sont-ils
rencontrent à sortir de la relation réellement protégés ? De qui ? De La prise de conscience qu’elles
d’emprise, propose de mettre en quoi ? Comment ? agissent des stratégies de survie
lumière et de travailler la zone Cette autre phrase clé permet (insatisfaisantes bien souvent au
restant souvent dans l’ombre : la à la fois de reconnaître, de lister, regard de ce qu’elles souhaitent
répercussion de cette violence d’identifier les stratégies dévelop- pour leurs enfants) leur permet
sur les enfants et donc, la ques- pées dans une tentative de pro- d’accéder à la question de la pro-
tion de la souffrance des enfants tection, mais aussi la difficulté tection « impossible » (l’agresseur
et celle de la fonction protectrice que ces femmes ont à prendre en étant toujours le plus fort à leurs
parentale. compte la souffrance et la mise yeux). Il est bien souvent assez
en danger de leurs enfants. fort pour mettre en échec toute
« Heureusement que j’ai mes en- tentative de protection des en-
fants... » Voici la phrase bien sou- Ces stratégies leur permettent fants de la part de la mère.
vent posée qui vient nous dire de ne pas s’effondrer et donnent L’échec de la protection peut
que quelque chose de la fonction prise à un travail d’exploration et enfin être « pensé » et il devient
parentale permet de « tenir » afin de réaménagement de la fonction alors possible d’imputer une part
de ne pas sombrer dans la « folie » parentale. Nous prenons alors le de responsabilité de cet échec, au
et/ou vers les passages à l’acte temps d’écouter comment se conjoint.
suicidaires, mais aussi comment déroule le cycle de violence auquel
les enfants sont instrumentalisés elle est soumise. Nous évaluons le Alors viennent d’autres phrases
et la violence à laquelle ils sont contenu des périodes aiguës, com- clés :
exposés, niée. ment la femme y réagit, ce qu’elle « Quelquefois, je me dis : il va trop
loin ! » Peut-être faut-il entendre : je
ne sais plus comment faire, je n’ai
La Fédération nationale plus de ressources, j’ai tout essayé,
j’ai fait du mieux que j’ai pu....
Couples et Familles Maintenant que « la mère »
peut penser que le conjoint est
C’est un réseau d’une trentaine d’associations. responsable en partie de la vio-
Les personnels sur le terrain sont des conseillers conjugaux lence faite aux enfants, la ques-
et familiaux, thérapeutes de couples, médiateurs ; outre leur tion de la responsabilité de la
activité d’entretien d’aide relationnelle auprès des personnes mère peut alors être envisagée et
seules, des couples, des familles, ces conseillers conjugaux et se disjoindre de la culpabilité de
familiaux participent activement à la prévention de la violence la femme, victime dans sa relation
garçon/fille, de la maternelle jusqu’au lycée. Pour ce faire, elle de couple. La représentation du
a élaboré un outil pédagogique spécifique « Pistes de vie pour devoir de protection parentale
encourager l’estime de soi et le respect de l’autre ». peut alors être explorée.
Le nouveau regard, posé sur la
Date de création : 1966 protection des enfants, peut per-
Reconnue d’utilité publique mettre à ces femmes d’entendre,
Agréée association éducative complémentaire de l’enseigne- de percevoir plus finement la
souffrance de leurs enfants. Elles
ment public
trouvent, à ce moment de leur
Agréée d’éducation populaire
cheminement, la possibilité de
Agréée organisme de formation au conseil conjugal et familial « reconnaître » que la souffrance
Mouvement associé de l’UNAF des enfants rejoint la leur, mais
surtout, elles se donnent la possi-
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 51

bilité d’entrevoir qu’ils n’ont pas que le conjoint a été autorisé à la l’entendre, la prendre en compte,
les mêmes capacités de faire face détruire presque intégralement la « séparer » de leur propre vécu
aux événements et aux ressentis dans l’espace intime de la rela- d’enfant.
que les adultes. Elles sont alors tion conjugale, mais qu’il reste
prêtes à découvrir que les enfants une part en elle qui n’appartient Cette étape permet l’élabora-
sont plus démunis, plus fragiles et ni au conjoint, ni totalement à tion de la suivante : agir en adulte
subissent la violence qui est faite « la victime », mais qui appartient responsable et protecteur, ce qui
à leur mère. De ce fait, ils subis- de plein droit aux enfants et à la a pour effet de réactiver chez elles
sent un traumatisme, certes, diffi- société : la place de mère. l’espoir de pouvoir accéder au
cile à évaluer en termes de réper- sentiment et au droit de s’envisa-
cussions sur leur développement, Nous avons remarqué que cer- ger « mère suffisamment bonne »,
mais impossible désormais à nier. taines femmes, après avoir pu être même si cela passe par une de-
entendues dans leur propre souf- mande d’aide et de protection « ex-
« Je suis nulle, mais je veux être france d’enfants/victimes, déniés térieure » (mesure d’aide éducative
une bonne mère, je sais qu’au fond bien souvent par leurs propres à domicile) ou par une mesure Propos recueillis auprès
je ne veux que du bien pour mes en- parents, peuvent enfin « penser » imposée (aide éducative en milieu de l’association Couples
fants. » Peut-être faut-il entendre la souffrance de leurs enfants, ouvert). ■ et Familles des Ardennes.
52 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

UDAF 36 :
ACCOMPAGNER LES AUTEURS PRIMO-DÉLINQUANTS
L’UDAF de l’Indre a signé avec le tribunal de Châteauroux une convention pour
accompagner les auteurs de violence dans une démarche socio-éducative.

À l’initiative de l’UDAF 36, le Un projet né vention auprès des auteurs..., c’est ce


procureur de la République de qui nous a guidé dans la création de
Châteauroux lui a confié le suivi de rencontres ce service. » Elle ajoute : « Comme
de mesures présententielles pour les hommes ont du mal à demander
les auteurs jugés pour violences Cécile Girault-Riollet, respon- de l’aide, avec cette démarche, ils vont
conjugales et familiales. Dans le sable de service à l’UDAF 36 trouver un accompagnement pour tra-
cadre de la procédure de compo- raconte comment l’idée a germé : vailler sur eux. »
sition pénale, l’UDAF se charge « Lors d’un colloque, j’ai rencontré
UDAF de l’Indre de l’accompagnement socio-édu- l’intervenante du service “Mot pour
maux”. Ce service d’une association Un partenariat
40 bis, avenue Pierre de catif des auteurs de violences
Coubertin primo-délinquants. limousine propose aux primo-délin- de longue date
quants des mesures éducatives, alter-
BP 44 natives aux poursuites. » L’UDAF a Si le procureur s’est pour sa
36001 Châteauroux Cedex Objectif : responsabilité également répondu à l’appel à part engagé dans ce projet, c’est
Tél. : 02.54.60.45.60 et remise en question mobilisation de la déléguée aux qu’il estime « nécessaire de diversifier
Internet : www.udaf36.fr droits des femmes de l’Indre : la réponse pénale par la recherche de
Après le jugement, ce suivi « Elle a su mobiliser tous les partenaires dispositifs originaux capables de per-
pédagogique est obligatoire pour du département sur le sujet des vio- sonnaliser le traitement du contentieux
les auteurs de violences et à leur lences conjugales. » en prenant en compte la spécificité de
charge. Le stage consiste en six ces violences quant à la personnalité
entretiens de 1 à 2 heures à rai- Une suite de l’auteur et aux liens qui les unissent
son de 2 entretiens par mois. Les avec ses victimes ». Il ajoute : « ce par-
objectifs de ce stage sont d’ame- aux réponses pénales tenariat vise à apporter dans le cadre
ner l’auteur à : d’une réponse pénale, une réparation
L’UDAF 36 est partie sur le pour la victime, une répression pour
• Reconnaître sa responsabi- principe que la réponse première
lité, le caractère délictueux de le mis en cause et un mode de pré-
aux violences conjugales devait vention contre la récidive ». L’action
l’exercice de la violence, l’aider être judiciaire : « c’est un droit fon- socio-éducative de l’UDAF répond
à prendre en considération les damental pour les victimes et c’est donc a ses attentes.
ressentis de la victime et à tra- une nécessité pour les auteurs », mais
vailler sur ses représentations de qu’il y avait intérêt à ce que les Il faut dire que l’UDAF 36 est
la violence. réponses judiciaires soient étroi- impliquée dans un partenariat
• Identifier les origines de ses tement coordonnées avec des de longue durée avec tribunal de
conduites et rechercher avec lui réponses socio-éducatives. Mme grande instance de Châteauroux.
des solutions pour lui permettre Péan, Présidente de l’UDAF 36 Depuis 1971, elle gère des mesu-
d’établir des relations basées sur complète : « Afin de mieux préve- res de tutelles et en 2001 elle a
le respect et la reconnaissance nir la récidive, la prise en charge des ouvert un service d’enquête et de
authentique de l’autre. victimes est indissociable d’une inter- médiation. ■
• Modifier sa conception de
la relation homme/femme et ses
représentations des rôles fémi-
nins et masculins, du père et de
la mère.
• Faire appel à un tiers pour
remettre en question ses compor-
tements et attitudes.

En 2010, ce sont près d’une di-


zaine de personnes qui devraient
bénéficier de cet accompagne-
ment personnalisé.
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 53

UDAF 66 :
PRÉVENIR LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES
L’UDAF des Pyrénées-Orientales est impliquée, depuis plusieurs années,
dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Ces derniers mois,
certains éléments ont poussé l’UDAF à s’investir encore davantage.

Depuis plusieurs années, avec une demande fort éloignée Les services de protection juri-
l’UDAF des Pyrénées-Orientales de leur vécu quotidien. À travers dique : face aux problématiques
est particulièrement impliquée l’entretien, on peut déceler une globales des personnes ayant une
dans la lutte contre les violences faille, un souci particulier. Sur les mesure de protection, les délé-
faites aux femmes et a été très chemins de la violence conju- gués à la tutelle sont confrontés
vigilante aux travaux et les gale, les brutalités physiques ou de manière récurrente à la vio-
réflexions mis en œuvre dans le sexuelles sont une des voies, mais lence conjugale. C’est alors un 66
cadre de la Commission départe- la violence économique, le travail inlassable travail d’accompagne-
mentale des violences faites aux d’isolement, le poids des mots, ment qui doit être mis en place. UDAF des Pyrénées-Orientales
femmes à laquelle elle participe le harcèlement moral sont aussi Au-delà de la simple détection du 31, avenue Maréchal Joffre
avec assiduité. des formes particulières, signes problème, c’est à une véritable BP 39937
avant coureur d’actes plus forts. démarche d’écoute, d’investiga- 66962 Perpignan Cedex 9
Mais plusieurs éléments ont Lorsque ces situations se pré- tions et d’analyse à laquelle se Internet : www.udaf66.fr
décidé notre union à s’investir sentent, l’accueillant doit, sans livre le délégué qui doit instaurer
davantage dans le débat public : heurter la personne ni s’immis- une relation de confiance, tout
les informations de terrain de cer dans un travail d’accompa- en restant dans le cadre légal et
ces derniers mois, notamment à gnement qui ne relève de sa mis- réglementaire prévu. La patholo-
travers des rencontres interpar- sion, l’orienter vers des adresses gie des personnes comme leur
tenariales, ont permis de détecter comme des lieux écoute, pour insistance éventuelle à ne pas
des signes inquiétants au sein des elle-même et pour ses enfants, « faire de vagues » (par peur, par
jeunes couples. Par ailleurs, les et rester un espace ressource ennui, par absence d’intérêt...)
statistiques locales pour l’année d’informations notamment en peuvent aussi constituer un
2008 font état d’une progression matière d’accès au droit. frein à la mise à place d’un dis-
importante des agressions avec
violence plaçant le département
dans le peloton de tête pour ce
type de délit. La gendarmerie
nationale informe que sur les 350
appels reçus pour conflits fami-
liaux, 344 incluent des violences
conjugales. 160 femmes ont dû
avoir recours à un logement d’ur-
gence pour fuir la violence de
leur conjoint.

Des actions individuelles


Jusqu’en 2009, l’action de
l’UDAF 66 s’inscrivait plutôt dans
un accueil individuel à travers
deux dispositifs.

Le Point Info Famille, espace


d’accueil d’information et d’orien-
tation gratuit et anonyme s’est
mobilisé pour mettre en place
une écoute particulière face à ces
situations de violence. Les per-
sonnes qui ont été rencontrées
dans ce cadre viennent souvent
54 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

Un partenariat renforcé
avec l’APEX
Durant l’année 2010, l’UDAF 66
renforcera son travail de partena-
riat avec une association locale
l’APEX 66 en l’accueillant au sein
du mouvement familial. Cette
association s’inscrit dans une appro-
che globale de la lutte contre les
violences conjugales. Son action
positif dont la seule justification action de soutien des familles, ne au niveau départemental se
réside dans la protection de la peut plus être la seule réponse décline à travers 4 grands axes :
personne et de ses intérêts. Le que notre union apporte dans ce • l’information en particulier
délégué doit alors : écouter, sug- domaine. Aussi, l’UDAF 66 s’impli- des jeunes dans le cadre d’un
gérer le contact avec des profes- que désormais dans une démar- partenariat avec l’Éducation na-
sionnels habilités à intervenir sur che de prévention et d’informa- tionale et des interventions dans
les problématiques de violences tion à une plus grande échelle. les collèges et les lycées du dépar-
conjugales, conseiller et informer tement ;
la personne sur les procédures Un travail • l’animation d’un lieu d’accueil
existantes, accompagner cette des personnes victimes de vio-
dernière lors du dépôt de plainte plus approfondi lences conjugales ;
auprès des services de l’autorité d’information • la mise en place des groupes
compétente, organiser le chan- des familles de parole pour les enfants qui ont
gement éventuel de domicile. été témoin de violences au sein
Ainsi, si dans toutes les situations Ainsi, le 25 novembre 2009 du couple parental ;
de violence conjugale, la prise « Journée internationale de lutte • l’accueil et l’organisation de
de conscience par les victimes contre les violences faites aux groupes de paroles pour les auteurs
est souvent difficile et le chemi- femmes », dans le cadre d’une de violences.
nement vers une séparation conférence-débat, notre Prési-
d’avec l’auteur, long et émaillé dente, Valérie Delhaye-Lambert, L’UDAF 66 s’inscrit dans une
de nombreux rebondissements, intervenait sur ce thème devant nouvelle dynamique d’accom-
la fragilité des personnes bénéfi- une cinquantaine de personnes. pagnement et d’information des
ciant d’une mesure de protection Le 30 mars 2010, l’UDAF 66 orga- familles et ainsi contribue comme
décuple cette difficulté. nisait une Conférence sur les vio- le dit notre présidente d’UDAF
lences intrafamiliales devant 120 à « ce que le pays des droits de
Mais cette approche indivi- familles et professionnels (voir l’homme devienne aussi le pays
duelle, bien qu’essentielle à notre encadré). des droits de la femme ». ■

Une conférence pour informer


Malgré un sujet difficile, les familles et les partenaires se sont déplacés nombreux le 30 mars dernier pour partager leur expérience,
comprendre ce phénomène et contribuer à libérer la parole face à une réalité quotidienne qui tue en France, une femme tous les 3 jours.
Dans son introduction, Valérie Delhaye-Lambert, Présidente de l’UDAF 66, a présenté un état des lieux de la situation sur le département.
Au-delà du constat, elle a apporté l’éclairage du mouvement familial en préconisant des réponses : information, prévention, qualité de la
prise en charge des victimes. Elle a insisté sur le travail éducatif qui doit être mis en place pour modifier, dès l’enfance, le regard que les
garçons et les filles portent sur l’autre sexe.
Dans son intervention, Dominique Sistach, Maître de conférence à l’Université de Perpignan, a démontré que cette violence n’était pas
une réponse individuelle de quelques hommes mal dans leur peau qui toucherait certains milieux sociaux, mais bien la construction socié-
tale d’une discrimination historique faite à l’égard des femmes. Même si elle est utilisée comme un mode de régulation dans la sphère pri-
vée, cette internalisation de la violence reste démultipliée par les tensions sociétales comme le stress, la pauvreté, la folie, les addictions...
Face à ces constats, des intervenantes de l’APEX ont fait partager leurs expériences de terrain sur les prises en charges individuelles que
l’association propose aux enfants, aux victimes, et aux auteurs. Elles nous ont montré comment la violence physique ou/et sexuelle est
souvent précédée par des violences plus symboliques : harcèlement moral, contrôle permanent, isolement d’avec l’entourage, violence
économique. Mais aussi, l’importance de la prise en charge de chacun des acteurs familiaux : la victime dans un espace adapté et sécurisé
lui permettant de déposer sa parole et de se reconstruire. L’auteur avec la participation à des groupes de parole pour apprendre à réguler
ses pulsions, en comprendre l’origine, retravailler sur sa place d’adulte et sa relation à l’autre. L’enfant, soit en accueil individuel, soit dans
le cadre de groupe de paroles pour verbaliser sa souffrance, tenter atténuer son conflit de loyauté à l’égard de l’auteur des violences et
analyser son vécu pour en éviter la reproduction.
Le débat avec la salle a montré l’intérêt porté par le public et permis de conclure sur le rôle des nouvelles technologies et l’impact de la
crise comme nouveaux vecteurs de cette violence.
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 55

L’ÉCOLE : LIEU DE PRÉVENTION


DES VIOLENCES CONJUGALES
L’école en tant que lieu d’éducation et de socialisation, a pour mission de donner Sarah Meunier,
aux enfants une formation intellectuelle, mais aussi une formation qui les rende Chargée de projet Education
capable de vivre en société. La Coordination française pour la Décennie, comme et Plaidoyer Coordination
française pour la Décennie
de nombreux enseignants et éducateurs, est convaincue que pour prévenir
les violences conjugales et familiales, il est nécessaire dès le plus jeune âge
à l’école d’éduquer à la non-violence. Cette éducation permet aux futurs
adultes de construire une vie de couple et familiale respectueuse de chacun.

L’apprentissage
du respect de l’autre
se fait dès l’enfance
Dès l’école maternelle les en-
fants font l’expérience de la vie en
groupe en dehors de leur famille.
Ils y découvrent la richesse de
la vie en société, mais aussi ses
contraintes et les frustrations
qu’elle peut faire naître. Les en-
fants font ainsi l’apprentissage
de l’altérité et de la nécessité du
respect mutuel pour permettre
à chacun de s’exprimer et d’être
entendu. Au cœur de cet appren-
tissage se situe la construction des
relations filles-garçons. L’école a à
cœur de développer des relations
non discriminantes et exemptes
de stéréotypes dévalorisants. On
sait en effet que ces stéréotypes
peuvent être prévalents dans les
relations entre garçons et filles.
Ils ont aussi une conséquence
dans la construction de l’identité
sexuée et il est donc nécessaire Des enfants apprennent à gérer les conflits lors d’une intervention dans un établissement scolaire (source : Initiatives et Changement).
d’éduquer les enfants à recon-
naître chez l’autre des capacités
et des compétences identiques au- de développer chez l’enfant la l’affirmation de soi, l’acceptation
delà des différences biologiques. connaissance valorisante de ses des différences ainsi que l’empa-
compétences, de ses goûts, afin thie. Ces compétences ouvrent
L’école joue un rôle qu’il puisse acquérir confiance la voie à la maîtrise de la gestion
et estime de soi. Acquérir la des conflits pour que les enfants
dans le développement connaissance des émotions, des prennent conscience de leurs
des compétences sentiments et des besoins per- émotions (peur, colère...). Ils
psychosociales mettra une meilleure écoute de savent alors trouver des solutions
son corps et de ses émotions, que satisfaisantes pour tous grâce à
L’école devrait aussi être le viendra compléter une éducation des moyens de communication
lieu de l’apprentissage des com- sexuelle appropriée. Les compé- simple (parler sans agresser, dis-
pétences psychosociales qui tences psychosociales centrées tinguer la personne de son com-
permettent de gérer les relations sur l’autre permettant ensuite portement, se centrer sur l’objet
sociales et en particulier celles de construire des relations non du conflit, anticiper les consé-
liées au genre. Il est nécessaire violentes avec les autres sont quences de ses actes...).
56 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

Communication et pétences psychosociales. C’est


l’assurance de la capacité à cons-
dialogue permettent truire des relations non violentes
de gérer les conflits paisibles dans la société, et en
particulier concernant la vie
Un tel apprentissage donnera conjugale et familiale. ■
aux futurs adultes des clés pour
gérer leur conflit de couple sans
recourir à la violence verbale,
psychologique ou physique. Car
la relation de couple est une rela- À LIRE
tion intime qui est définie par des • Coordination française pour la Décennie, Programme pour
paramètres communs aux autres l’éducation à la non-violence et à la paix, 2005.
relations. Les conflits peuvent • Jacques Fortin, Mieux vivre ensemble dès l’école maternelle,
donc être résolus par des métho- Ed. Hachette Education, 2001.
des et moyens identiques.
• Jocelyne Richaud et Catherine Rouhier, Apprenons à vivre
Il est indispensable que l’école ensemble. Maternelle, Ed. La Cigale, 2002.
puisse être pour les enfants un • Vincent Roussel, Dix fiches pédagogiques pour la classe,
lieu d’apprentissage de ces com- Ed. NVA, 2004.

Coordination française pour la Décennie


Les années 2001-2010 ont été proclamées par les Nations unies
« Décennie internationale de la promotion d’une culture de la non-
violence et de la paix au profit des enfants du monde ». La Coordi-
nation française pour la Décennie a été créée pour promouvoir cette
décennie en France. Elle regroupe des associations qui souhaitent coordonner et faire connaître leurs
actions pour contribuer à promouvoir la culture de la non-violence et de la paix.

La Coordination française pour la Décennie réunit 82 associations membres, compte 13 coordina-


tions locales et a reçu le soutien de plus de 130 personnalités membres de son Comité de parrainage.
Parmi ses nombreux objectifs, elle veut en particulier favoriser l'éducation à la non-violence et à la
paix dans l'enseignement et dans la société.

Elle mène depuis 2002 une campagne visant l’adoption d’une loi intégrant l’éducation à la non-
violence et à la paix dans les programmes scolaires et dans la formation initiale et continue des
enseignants.

En 2008, elle lance le Réseau Ecole et Non-violence dont l’objectif est de favoriser l’échange, la mise
en réseau, le partage d’expériences pour faciliter la mise en place de projets d’éducation à la non-
violence et à la paix à l’école.

Coordination française pour la Décennie


148, rue du Faubourg Saint-Denis - 75010 Paris
Tél. : 01 46 33 41 56
coordination@decennie.org
www.decennie.org
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 57

ACTIONS DE PRÉVENTION DE LA VIOLENCE

Tout-petits, adolescents, lycéens... Les associations Couples et Familles mènent Fédération


de nombreuses actions de prévention de la violence et de sensibilisation Couples et Familles
au respect de soi et des autres. Quelques expériences concrètes.

La création d’un kit et qu’elles ne demandent que ça, de laisser les jeunes sous l’in-
« ça » étant réduit à une gymnas- fluence de valeurs non réfléchies,
pédagogique tique stéréotypée et à des rap- non repensées, qui peuvent être
ports de domination-soumission. déstabilisantes et même destruc-
Les conseillères conjugales trices. Les objectifs généraux qui
et familiales de la Fédération
Cette réflexion a conduit à la ont guidé ce travail pour accom-
Couples et Familles sont inter-
réalisation d’un outil pédago- pagner l’enfant et l’adolescent
venues et poursuivent leurs in-
terventions auprès d’un grand gique, sur l’estime de soi et le res- dans son évolution sont de l’aider à :
nombre d’enfants et de jeunes, en pect de la personne. 1. Se connaître, et pour cela
milieu scolaire. Ces dix dernières s’intérioriser, « regarder en soi »,
années, elles ont remarqué une C’est évidemment par l’exem- s’écouter, prendre conscience de
aggravation de la violence dans ple et la qualité du regard, que ses mouvements intérieurs, de
les rapports des jeunes entre eux, les adultes portent sur l’enfant, ses sentiments, de ses émotions,
et en particulier entre garçons et que cette éducation se fera le de ses croyances, de ses désirs,
filles, et l’apparition de questions plus efficacement, ce qui dépasse pour pouvoir agir sur eux au lieu
sur la sexualité crues et absurdes, largement le temps d’une inter- de les subir ;
totalement décalées par rapport vention scolaire. Mais il peut être 2. Se contrôler, prendre du
aux préoccupations de jeunes de nécessaire de faire faire aux en- recul avec ses émotions sans les
cet âge. Une enquête sur l’origine fants et aux jeunes l’expérience extérioriser brutalement ; il y a
de ce changement a débouché des conséquences satisfaisantes d’autres manières de s’exprimer
sur le sujet de la pornographie. ou non de leurs attitudes, dans le que le passage à l’acte agressif ;
cadre d’exercices et de jeux qui une connaissance plus nuancée
Les images violentes présen- servent d’amorce à leur réflexion, de soi-même permet une expres-
tées par les médias (films, cas- à leur expression et au dialogue sion elle aussi plus nuancée, ver-
settes, DVD, Internet, affiches, qui s’instaure avec les éducateurs. balisée, susceptible d’être mieux
etc.) auxquelles les mineurs ont C’est dans cet esprit qu’ont été reçue par l’interlocuteur ;
accès sans restriction, souvent conçues les mallettes pédago- 3. Accepter la réalité de son
dès l’âge de dix ans, véhiculent giques « Pistes de vie ». physique (sexe, âge, corps qui se
des messages et des modèles, transforme) et de sa psychologie
auxquels ils sont très sensibles, Sur le chemin vers l’autonomie, (besoins parfois contradictoires),
ce qui les incitent à des rapports l’enfant et l’adolescent ont besoin de son environnement, des règles
brutaux et sans considération de d’être accompagnés par des adul- et lois de la vie sociale, des néces-
sentiments. tes. En effet, la « science de la vie » sités et contraintes de la vie quo-
Comment faire comprendre (connaissance du monde inté- tidienne.
à des adolescents que le viol est rieur), n’est pas innée et devrait
interdit et les mènera devant la s’apprendre au même titre que Chacun des exercices proposés,
justice, quand il leur est proposé celle du monde extérieur. Parents questionnaires, jeux, saynètes et
que « de toute façon, quand les et enseignants sont appelés à scénarios, langage-photos, contes
filles disent non, ça veut dire oui » répondre à ce besoin, sous peine ou thèmes de discussion, vise
à faire prendre conscience aux
jeunes de leur vie intérieure et
« La prévention de la violence passe, en particulier, par l’instau- à les aider à mettre des mots sur
ration d’une image de soi et de l’autre. Le respect de soi et ce qu’ils ressentent. Plus cette
d’autrui n’est pas inné. Cette attitude doit se transmettre dès la approche d’eux-mêmes sera sen-
petite enfance et au cours des années suivantes pour obtenir le sible, plus ils seront capables de
plus de chance d’imprégner durablement la manière de penser prendre en considération la vie
et d’agir au quotidien.» intérieure et la sensibilité des
autres. Chaque exercice permet
de mettre en miroir leur valeur
58 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES

propre et celle des autres, le res- les peurs, le respect de l’autre, la autre enfant dit : « Maman et Papa
pect dû à leur commune dignité, douleur, etc. Nous avons orienté se battent... » Nous avions remar-
à leur commune humanité. la discussion autour des doudous. qué une fillette avec un héma-
Lorsque Coco, un petit garçon, tome sur la joue qui se cachait
Expérience dans une est sorti de la valise et s’est mêlé derrière son doudou et nous
à notre conversation. Les enfants tournait jusqu’alors le dos. Elle
maternelle en Picardie l’ont accueilli chaleureusement s’avança vers Coco et lui montra
jusqu’à ce que sa mère l’appelle son bleu : « C’est Papa », dit-elle en
Avec les marionnettes, mise en pour aller à l’école... Les enfants caressant doucement la tête de
scène d’enfants qui se disputent, se taisaient, captivés par l’histoire. Coco. Son demi-frère, qui était
qui humilient, excluent ou accu- La marionnette animée devient dans la même classe, bondit de sa
sent un(e) camarade, ou sont eux- une personne à part entière et chaise et explique : « Oui, il lui
mêmes victimes. Après chaque l’enfant s’adresse facilement à met des coups de boule parfois, comme
saynète, l’animateur demande ce elle, s’y identifie ou s’en démar- ça (il fit les gestes) et à moi aussi. Il m’a
que chacun a ressenti et fait cher- que, sans prendre en compte la griffé, ça a saigné ». Nous question-
cher une solution au cas présen- personne qui l’anime. C’est la nons : « C’est ton chat qui t’a griffé ? »
té. Les animatrices racontent... marionnette qui lui parle, c’est « Non, c’est tonton (le beau-père). »
avec elle qu’il rigole et à elle qu’il Ces interventions ont confirmé
Une directrice d’école mater- confie ses secrets. des violences soupçonnées par
nelle et primaire a demandé à À la fin de chaque séquence, les enseignants. Dans un travail
Couples et Familles d’intervenir nous avons invité les enfants à de suite avec les enseignants (des-
dans différentes classes sur le thème trouver des solutions avec les sins, fabrication de marionnette),
de la violence suite à des compor- marionnettes et à réfléchir si des les enfants ont pu reparler des
tements et des actes violents. choses semblables leur étaient marionnettes et mettre des mots
Dans une classe de Moyens déjà arrivées. Selon la résonance sur leur vécu. Les parents ont pu
(4 ans), nous étions assises sur de l’histoire, il y avait d’abord un visiter la galerie de dessins et lire
des petites chaises, à hauteur silence, suivi de réactions souvent les commentaires des enfants.
des enfants. Devant nous était vives. Par exemple, après une Cela n’était pas facile pour les
posée une valise contenant les histoire où les enfants se dispu- parents, mais porteur de remises
marionnettes, prêtes à entrer en taient les crayons et déchiraient en question et de discussions. La
scène au fur et à mesure de l’évo- le dessin du copain, une fillette fillette et son père ont été reçus
lution des petits sketches que intervint : « Moi aussi, je déchirais le lendemain de l’intervention
nous avions créés spécialement : les dessins des autres. Avant. Et j’arra- par le médecin de la PMI.
la séparation, la connaissance chais même le papier peint à la maison. Nous sommes toujours frap-
et le respect du corps, les vio- Avant. Maintenant je ne le fais plus. pées par les capacités et la qua-
lences physiques (coups, gifles), Mon frère me griffe, il est petit. » Un lité d’élaboration des enfants
AGIR AUX CÔTÉS DES FAMILLES 59

contrastant parfois avec des com- rigoler avec les autres. » « Des fois, afin de connaître la raison de
portements agités ou une quête les autres savent qu’on rigole cette absence. Le tutorat est son
affective disproportionnée par mais s’ils savent pas, on va parler deuxième axe de travail. Sur déci-
rapport à leur âge. Nous sommes normalement. ». « Si on nous char- sion du proviseur, du professeur
impressionnées par leur partici- rie, on les charrie. ». ou choix de l’élève, elle reçoit in-
pation et leur attention soutenue, Non : « Ça peut faire mal. ».« Les dividuellement les jeunes en diffi-
au point que la durée des inter- gros mots, c’est pas joli, c’est mal culté et qui présentent un trouble
ventions est parfois trop courte et ça fait mal. » « Quand la per- du comportement ou un décro-
pour répondre à toutes leurs in- sonne charrie et voit que ça nous chage scolaire ; elle agit en tam-
terrogations. » blesse souvent, elle continue. » pon, avant le conseil de discipline.
Lors du bilan, les élèves ont Elle se souvient d’une anecdote...
Dans un collège, proposé des sujets de discus-
sion pour les autres séances. Par « Je suis parfois en présence
en banlieue parisienne exemple, un élève venant d’une d’un jeune qui pour éviter de
cité avait dit : « Il faut battre un frapper un autre élève se défoule
Nous utilisons sous le titre « Je plus grand que soi pour avoir de en tapant contre les murs avec
suis d’accord, pas d’accord » les l’honneur dans la bande et si en ses poings. Je l’écoute et travaille
exercices d’attitudes par phrases plus, on a jeté des pierres sur la ensuite avec lui sur ses émotions :
affirmatives adaptées aux pro- police... » Cette remarque avait colère, peur, agressivité, injustice...
blèmes les plus fréquemment été discutée en grand groupe.
rencontrés. Le livret définit ainsi Je l’aide à réfléchir sur le mal qu’il
Les animations ne se déroulent se fait à lui-même, sur le fait qu’il
leurs objectifs : « démarrer une pas dans une atmosphère calme
discussion ; éclaircir ses propres retourne contre lui-même l’agres-
et consensuelle. Des conflits peu- sivité qu’il a contre l’autorité. Il
attitudes et opinions ; écouter vent éclater entre élèves, des
les autres et s’ouvrir à leurs opi- est alors question de relation à
questions et des réponses volon- soi et relation aux autres. Nous ré-
nions et arguments. Les réponses tairement provocatrices peuvent
sont reçues sans jugement, mais fléchissons ensemble : comment
chercher à déstabiliser les inter- canaliser l’énergie qu’il dépense
l’animateur apporte son point de venants. Maladroitement utili-
vue et doit transmettre une cer- à se faire mal pour la mettre au
sés, des outils tels les cartes des service du travail scolaire. Grâce à
taine éthique universelle liée aux émotions ou les questionnaires
droits de l’homme. Un animateur un suivi personnalisé, une heure
peuvent au contraire déstabiliser par semaine, j’obtiens quelques
explique... des élèves touchés sur un point résultats sur son comportement.
douloureux. L’animateur doit con- Dernièrement, un professeur
Les participants sont invités naître ces difficultés pour pouvoir
à lever un carton vert, rouge ou m’a envoyé un élève qui avait
s’y préparer et prendre lui-même « pété un câble ». Je l’accueille,
jaune ou à cocher la case « je du recul avec son affectivité, sa
suis d’accord », « je ne suis pas je l’écoute, nous parlons et au
susceptibilité, pour faire travailler bout d’un moment, il s’exprime
d’accord » ou « je ne sais pas » les jeunes sur le conflit, la provo-
en face d’une liste d’affirmations. librement : « Oui, mon père était
Par exemple : « Il faut s’habiller cation, l’émotion qui ne sont pas comme ça, violent... ». Plus calme, il
comme tout le monde » ; « Se à craindre mais à exploiter. retourne en classe en ayant réussi
moquer des autres, c’est amu- à verbaliser sa souffrance.
sant » ; « Les filles ont le droit de Dans un lycée aquitain J’aimerai que les élèves que
jouer au foot » ; « Tout le monde a je rencontre soient plus calmes, CONTACT :
le droit d’être respecté », etc. Suit Une conseillère conjugale et moins violents contre eux-
une discussion en petits groupes. familiale a été recrutée dans un mêmes, que l’ambiance de la Fédération Nationale
À la question proposée : « S’in- lycée professionnel au titre de classe soit meilleure. Oui, je tra- Couples et Familles
sulter, c’est un jeu ? », voici quel- Médiatrice de Réussite scolaire vaille pour cela, bien souvent
pour lutter contre l’absentéisme. d’ailleurs en binôme avec l’assis- 28, place Saint-Georges
ques réponses.
Oui : « Y en a, c’est leur façon Son premier rôle est de joindre tante sociale, l’infirmière, la psy- 75009 Paris
de parler, ils parlent toujours par téléphone, tous les matins, chologue ou les CPE. Nous avons Tél. : 01 42 85 25 98
comme ça. ». « Des fois, c’est pour les parents des élèves absents de bonnes relations. » ■ www.couples-et-familles.com
60 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010

CONCLUSION « La violence sexiste


n’est pas inéluctable »
Les violences conjugales sont à classer parmi celles des plus destructrices et des plus perverses, car c’est
la cellule familiale avec tous ses membres qui est en péril. En effet, cette violence qui jour après jour
s’installe dans le quotidien, procurera des traumatismes dans le psychisme des personnes pour des périodes
extrêmement longues. C’est en particulier le cas pour les enfants qui sont les témoins des violences que
subit l’un de ses parents, un nombre important des effets de cette vision restera enfoui et ne se révélera
qu’à l’âge adulte au moment de fonder une famille.

L’UNAF et ses UDAF ont depuis fort longtemps mesuré l’importance de la lutte contre les
violences conjugales, même si les actions dans l’accompagnement des victimes et en particulier dans
les structures d’accueil d’urgence sont en nombre limité. Par contre, c’est dans le versant éducation
et prévention que l’on retrouve les UDAF en particulier dans l’action de l’accompagnement à la
parentalité.
François Édouard Comme il est très bien dit dans un article de ce numéro : « La violence sexiste n’est pas inéluctable,
Administrateur de l’UNAF, elle n’est pas inscrite biologiquement dans le capital génétique des jeunes garçons et plus tard des hommes.
Président du département Cette organisation sociale créé sournoisement ce que les spécialistes des violences sexistes appellent le « système
Psychologie et Droit agresseur. » Lutter contre les violences faites aux femmes nécessite donc de déconstruire ce « système agresseur »
de la famille
qui, trop souvent, occulte les responsabilités, transforme de manière consciente ou inconsciente, les victimes
en accusés : « n’a-t-elle pas provoqué l’agresseur ? » Cette approche pédagogique de la déconstruction
du système agresseur est à l’œuvre dans le travail de terrain auprès jeunes et des enfants que l’on
retrouve dans les REAAP. Il est fondamental que les enfants soient informés et éduqués au respect
des autres et en particulier dans les relations filles - garçons. Leur faire comprendre que face à une
situation conflictuelle, la violence et les coups sont toujours la plus mauvaise des solutions. Qu’il
faut, au contraire parler, parler de sa rancœur, de sa difficulté à comprendre l’autre, afin de construire
une relation solide entre deux êtres différents, égaux et complémentaires.
Par la réalisation de ce numéro spécial, l’UNAF s’inscrit complètement dans l’action « grande
cause nationale » pour la lutte contre les violences faites aux femmes. Il aborde chaque aspect de cette
question, en particulier pour souligner l’importance de l’accompagnement des victimes, des enfants,
mais aussi des auteurs de violence, afin que ce cercle vicieux puisse s’interrompre. Dans notre réseau,
grâce à la qualité et la précision des analyses et des études présentées, plus personne ne pourra dire
« je ne savais pas » à la suite d’un fait divers relatant l’agression ou la mort d’une femme suite aux
coups de son conjoint.
Dans l’avenir, nous souhaitons que ce travail de partenariat engagé avec tous ceux qui ont participé
à ce numéro se prolonge sur le terrain avec les UDAF et les URAF, en particulier avec un certain
nombre de réseaux qui accompagnent les femmes victimes de ces violences.
Enfin et surtout, nous devrons demander à l’ensemble de nos représentants UNAF, UDAF et
URAF et ceci dans tous les domaines : la santé, la justice, l’éducation ou le logement, qu’ils soient
vigilants et attentifs à la demande d’aide de ces personnes et en particuliers de ces femmes qui espéraient
le bonheur, la quiétude d’une famille et qui ont basculé dans l’horreur la plus absolue.
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 61

BIBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE Par le centre
de documentation
de l’UNAF
sur rendez-vous au
28, place Saint Georges
75009 Paris
ou en ligne sur
www.unaf.fr rubrique
centre de documentation

VITRINE DU LIBRAIRE
Amnesty International : « Les violences faites aux femmes DALIGAND Liliane - « Violences conjugales en guise
en France. Une affaire d’État » - Éditions Autrement, collection d’amour », Albin Michel 2006
Mutations, 2006, 202 p. À partir de témoignages de femmes victimes et
Réalisé à partir de témoignages et d’enquêtes d’hommes auteurs de violences conjugales,
auprès d’associations, de professionnels et de issus de tout milieu, Liliane Daligand met en
victimes, ce rapport public éclaire les diffé- perspective leur parcours à travers son
rentes facettes des violences envers les expérience clinique de médecin légiste,
femmes. Ce livre formule des pistes pour psychiatre-psychanalyste, d’expert judiciaire,
prévenir et lutter contre ce phénomène. spécialiste des violences intrafamiliales.
En vente sur : www.amnesty.fr Si la violence conjugale est toujours l’affaire
de deux personnes et trouve sa source dans
l’histoire de chaque individu, elle n’est en aucun cas une
fatalité. Il est possible de s’en séparer par différentes voies,
BISSIAU Julie – « J’aime le diable » - KB éditions, dont la psychothérapie, que l’on soit victime ou auteur
collection Témoignage, 2009 - 247 p. de cette violence.
Témoignage personnel d’une jeune femme Lire pp. 20-21
confrontée à la violence de son conjoint ou
comment une idylle amoureuse
se transforme en cauchemar. DA SILVA Judy - « Enfants témoins ou victimes de la violence
conjugale » - Éditions Mémoire de Plume,
2007, 300 p.
C’est dans leur milieu familial que les enfants
sont d’abord confrontés à la violence paren-
tale soit comme témoins soit comme victimes.
Cette situation laisse des traces durables et
BRUNEL Chantal - « Pour en finir avec les violences n’est pas sans conséquence sur le développe-
faites aux femmes » - Éditions du Cherche-Midi. ment et le devenir de ces enfants.
Ce livre vise à sensibiliser les professionnels
tant éducateurs que juristes à ce problème.

COUTANCEAU Roland – « Amour et violence.


Le défi de l’intimité » - Odile Jacob,
collection “Psychologies”, 2006, 255 p. FERRET Micheline - « Violences conjugales, une assistante
Pourquoi l’amour et le couple sécrètent-ils sociale raconte » - l’Harmattan, 2005, 172 p.
de la violence ? : Roland Coutanceau aide Témoignage d’une assistante sociale interve-
à mieux comprendre les conditions et les nant dans une association d’aide aux
mécanismes de la violence dans la vie du femmes. Version numérique sur le site de
couple. l’Harmattan.
62 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010

HIRIGOYEN Marie-France
BIBLIOGRAPHIE
« Femmes sous emprise, les ressorts de la
violence dans le couple » - Pocket, 2006,
311 p.
Les agressions physiques dans le couple
n’arrivent pas soudainement. SOUFFRON Kathy – « Les violences conjugales »
Marie-France Hirigoyen, à partir de Édition Milan, Collection Les essentiels n° 67,
nombreux exemples, analyse les ressorts 2007, 64 p.
de la violence au sein du couple. Ce petit ouvrage s’appuyant sur l’expérience
d’associations ainsi que sur les recherches les
plus récentes, aborde les questions essentielles :
mécanismes déclencheurs de la violence,
JASPARD, Maryse – « Les Violences contre les femmes », pratiques d’accompagnement...
La Découverte, (Collection Repères
n°424), 2005, 128 p.
Que recouvre le concept ? Comment WELZER-LANG Daniel – « Les hommes violents », Payot,
identifier les différentes formes collection “Petite bibliothèque Payot”,
de violences ? Quelle est l’ampleur 2005, 455 p.
du phénomène ? Quels portraits peut-on Ouvrage de référence sur la question
dresser et des victimes et des agresseurs ? de la violence des hommes au sein de
Cet ouvrage tente de répondre à ces la famille, l’auteur sociologue analyse
interrogations en s’appuyant sur les les mécanismes de la violence masculine.
résultats de l’enquête nationale réalisée Il tente d’en expliquer les raisons qu’il
en 2000 sur les violences faites aux lie à un rapport de pouvoir et à une
femmes. Lire pp. 13-17 incapacité de communiquer autrement.

MILLET Emmanuelle

POUR ALLER PLUS LOIN


« Pour en finir avec les violences conju-
gales » - Éditions Marabout, 192 p.

Rapport de l’Assemblee nationale.


Mission d’évaluation de la politique de prévention
et de lutte contre les violences faites aux femmes.
Violences faites aux femmes : mettre enfin un terme
ROCCO Aldo
à l’inacceptable. Rapporteur Bousquet, Danielle ; prés ;
« Pourquoi les hommes frappent les
Geoffroy Guy ; rap, Assemblée nationale : 301 p. in :
femmes. Violences conjugales : l’en-
Documents parlementaires A.N. série ordinaire (n° 1799T1),
quête » – Alban, 2006, 189 p.
2009, 301 p. (2 tomes)
Aldo Rocco donne la parole aux cou-
Chargée d’évaluer le dispositif de prévention et de lutte
pables, les hommes, pour
contre les violences faites aux femmes, la mission
découvrir ce qui se passe dans leur
d’information de l’Assemblée nationale dresse un état des
tête lorsqu’ils deviennent violents.
lieux très complet des différentes formes de cette violence
et des différents lieux où elle s’exerce sphère privée et
domestique, travail ou espace public. Elle n’élude ni la
question des mariages forcés, ni des mutilations sexuelles...
Rapport en ligne sur le site de l’Assemblée nationale
ROCCO Aldo – « Les Femmes battues se rebellent : L’enquête
« Auteurs de violences conjugales : sanctions et prise
en Europe qui redonne espoir » – Alban : 2007, 127 p.
en charge » dossier - Non-violence actualité n° 310,
Cet auteur de théâtre donne la parole à des femmes victimes
mai-juin 2010- pp 1-23.
de la violence conjugale qui témoignent de leur parcours.
À travers une série d’articles centrés
sur la lutte contre les violences
SALOME, Jacques
conjugales, ce dossier présente
« Si on en parlait. Trouver une issue
une série d’actions françaises,
à la violence conjugale » –
mais aussi québécoises d’accueil
Éditions Jouvence, collection les maxi
et d’accompagnement des victimes,
pratiques, 2003, 85 p.
mais aussi des actions spécifiques
L’auteur passe en revue les situations
en direction des agresseurs
de violences conjugales et donne
(centres d’hébergement, groupes
conseils et indications pour sortir
de parole...).
de la situation de victime.
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 63

COUTANCEAU, Roland « Auteurs de violences au sein du Les violences conjugales - Revue Empan 2009/1 n° 73 -
couple : Prise en charge et prévention », Éditions Erès – 192 p.
ministère de la Cohésion sociale et de la Parité, 2006 , 27 p. Ce numéro propose de définir ce que sont
La mission conduite par le docteur Coutanceau porte sur la prise les violences conjugales, d’essayer de
en charge des auteurs de violences et explore les pistes possibles comprendre comment elles se produisent
pour éviter les récidives. Elle présente le dispositif juridique et se reproduisent, d’analyser les
existant et formule des propositions d’amélioration. Elle fait mécanismes en jeu. Si la majorité
le point sur les différentes modalités de prise en charge des articles traitent la question
des partenaires violents et se penche sur le discours social des victimes au féminin, le dossier
à développer pour développer la prise en charge thérapeutique. aborde des aspects moins traités :
Rapport disponible en téléchargement sur le site hommes battus, accompagnement des
de la Documentation française. conjoints violents, place de la médiation
familiale, accompagnement et protection
HENRION, Roger – « Les femmes victimes de violences des enfants...
conjugales le rôle des professionnels de santé »,
La Documentation française, 2001, 47 p.
Le rapport présente les données épidémiologiques sur

POUR EN PARLER
les violences conjugales. Il analyse les conséquences
des violences sur la santé des femmes et de leurs enfants.
Il fait le point sur le les aspects juridiques et déontologiques
du problème. Il souligne le rôle et les difficultés des médecins
des médecins et fournit des données sur les agresseurs. Enfin,
le rapport formule les propositions du groupe de travail pour ROMAN
prévenir les violences conjugales et pour former les professionnels RUMER Hélène « Profil bas », –
de santé. Éditions Pearlbookedition, 2009
Rapport disponible en téléchargement sur le site “Paul, la quarantaine avancée, sportif et
de la Documentation française. ex-cadre supérieur, ne supporte plus sa vie de
chômeur. Flore, son épouse, affronte chaque
JASPARD, Maryse - « Au nom de l’amour : les violences dans le jour ce mari devenu irascible et brutal et tente
couple », Informations sociales (Revue de la Caisse nationale de garder la tête haute, tout en enseignant le
des allocations familiales) n° 8/2007 (n° 144), p. 34-44. violon au conservatoire. Entre statu quo et
Maryse Jaspard décortique les mécanismes des violences heurts épisodiques, le couple tangue.
conjugales à partir des résultats de l’enquête ENVEFF Au milieu de ses parents qui se déchirent, Marie, âgée d’à peine
dont elle dégage les principaux enseignements. trois ans, s’efforce de grandir tant bien que mal.”
Article en ligne sur le site de Cairn. Hélène Rumer nous entraîne dans l’intimité de ce couple,
où le silence s’est installé depuis longtemps. Avec des mots
MINISTÈRE DE LA JUSTICE, SECRÉTARIAT D’ÉTAT simples et justes, elle restitue les émotions, les ressentis
AUX DROITS DES FEMMES ET À LA FORMATION des personnages, et à travers eux, cet univers complexe
PROFESSIONNELLE – Les violences au sein du couple, qui est celui de la violence conjugale où se mêlent mutisme,
Paris, La Documentation française, 2001.- 37 p. non-dits ravageurs et souffrances étouffées. Aussi inattendu
Le rapport dresse un état des lieux des dispositifs et des actions que tragique, le dénouement laisse le lecteur face à une réalité
menées pour lutter contre les violences conjugales en France cruelle.
et en Europe. Si le rapport est relativement ancien il permet
de repérer les jalons et les étapes des politiques de lutte contre
les violences conjugales.
Rapport disponible en téléchargement sur le site PIÈCE DE THÉÂTRE
de la Documentation française. DONTENWILLE Sylvie « Aime/moi »,
une création du collectif d’Ebats
TOURNYOL DU CLOS, Lorraine ; LE JEANNIC, Thomas Aime moi est un chassé-croisé entre présent et passé ;
« Les violences faites aux femmes » entre un jeune couple et une femme qui revit son histoire.
INSEE Première (n° 1180), 2008. 4 p. « Lui » est peintre/photographe, « Elle » est son inspiration.
S’appuyant sur les résultats de l’enquête Amour passionnel et création se confrontent jusqu’à les détruire.
“cadre de vie et sécurité" de 2007, Aime/moi questionne sur l’amour, sur les limites de l’Art et de la
les auteurs dressent un tableau création. Parler des difficultés à se construire face aux autres,
des violences subies par les femmes tant parler de ses blessures, parler des déviances d’un couple qui va
dans leur environnement familial jusqu’à la violence conjugale pour l’Art. Comment vivre avec
que professionnel et social. ses propres souffrances et s’aimer soi ?
Si les violences sexuelles sont moins www.collectifdebats.com
fréquentes au sein du ménage,
c’est l’inverse pour les violences
physiques. Autre enseignement de
l’enquête, les femmes les moins
diplômées sont les plus vulnérables en
matière de violences domestiques.
Article disponible sur le site de l’Insee rubrique publications.
Lire pp. 6-12
64 RÉALITÉS FAMILIALES - 2010
BIBLIOGRAPHIE
PUBLICATIONS JEUNESSE DOCUMENTAIRES
BURG, Sarah Emmanuelle Violences conjugales : Dix films pour en parler
« Tout va s’arranger petit lapin », Dix courts métrages préventifs et pédagogiques sur le sujet
une aventure d’Oscare » – Éditions sont réalisés par des cinéastes reconnus, afin de sensibiliser
Nord-Sud, (Grands Albums) 2010 le public. Dix regards complémentaires pour en parler.
Mauvaise journée pour carotte. Initiés par Emmanuelle Millet, ces courts métrages ont pour
Son papa et sa maman se sont vocation d’aider à une prise de conscience de l’étendue et
disputés... (à partir de 3 ans). de la gravité de ce fléau dans notre pays et d’inciter le plus
grand nombre de victimes à rompre le silence.
À consulter en ligne ou à louer à la vidéothèque
des ministères sociaux « les Ecrans du social »
www.lesecransdusocial.gouv.fr

La voix : Film de la campagne nationale contre


CRETEY, Anne – les violences faites aux femmes –
« Les ailes d’Anna », Campagne 2009 « ne laissez pas la violence s’installer,
Autrement jeunesse. 2009, 30 p. réagissez »
Les rêveries d’une petite fille qui À consulter en ligne ou à louer à la vidéothèque
n’aime pas les disputes. des ministères sociaux « les Ecrans du social »
www.lesecransdusocial.gouv.fr

FILMS DE CINÉMA
« Ne dis rien » et « Un amour qui tue »
JOSSET, Julien et RAPAPORT Gilles Réalisation Iciar Bollain, 2003, (Espagne)
« Je ne suis pas un super héros » Trajectoire d’une femme battue qui quitte le foyer conjugal
Éd. Circonflexe, 2004 et tente de se reconstruire et prise de conscience du mari...
Pas facile d’être un garçon de Sortie en DVD en 2005 MK2 Editeur –
6 ans, on se sent si fragile et c’est Vignette de la pochette :
encore plus dur lorsque son http://archive.filmdeculte.com/video/video.php?id=211
propre père joue le rôle du
méchant. Un album sobre et
poignant qui aborde avec justesse « L’un contre l’autre »
le thème des femmes battues et Réalisation Jan Bony, 2007, 1 h 40 (Allemagne)
celui des enfants maltraités. Les dessous d’une vie de couple apparemment sans
(à partir de 4 ans). histoire ou comment un policier apprécié peut aussi être
un conjoint violent.
Sortie en DVD mai 2009 - Distributeur Haut et Court.

« La domination masculine » - Réalisation Patric Jean


« Je veux que les spectateurs se disputent en sortant de
KUIJER Guus - la salle », c’est ce que disait Patric Jean en tournant
« Le livre qui dit tout », « La domination masculine ». Peut-on croire qu’au
L’École des loisirs, 2007 XXIe siècle, des hommes exigent le retour aux valeurs
L’histoire d’une tyrannie et ancestrales du patriarcat : les femmes à la cuisine et les
d’une violence paternelle qui hommes au pouvoir ? Peut-on imaginer que des jeunes
se termine bien. femmes instruites recherchent un « compagnon dominant » ?
(à partir de 11 ans). Que penser d’hommes qui subissent une opération
d’allongement du pénis, « comme on achète une grosse
voiture » ? Si ces tendances peuvent de prime abord
sembler marginales, le film nous démontre que nos
attitudes collent rarement à nos discours. L’illusion de
l’égalité cache un abîme d’injustices quotidiennes que
BLOCH, Serge et de SAINT MARS, Dominique - nous ne voulons plus voir. Et où chacun joue un rôle.
« Violence, non », Éditions Bayard, 2004, 37 p. Sortie au cinéma le 25 novembre 2009 - bientôt en DVD.
Petit guide pour apprendre à dire non
à la violence (à lire en famille).
RÉALITÉS FAMILIALES - 2010 65

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES DE L’ARTICLE


« EFFETS DE LA VIOLENCE CONJUGALES SUR L’ENFANT », p. 22
Bourassa, C., et Turcotte, D. (1998). Les expériences familiales et sociales des enfants exposés
à la violence conjugale: des observations tirées de leurs propos. Intervention, 107, 7-18.
Chemtob, C., & Carlson, J. (2004). Psychological effects of domestic violence on children and
their mother. International Journal of Stress Management , 11(3), pp. 209-226.
Earley, L., & Cushway, D. (2002). The parentified child. Clinical Child Psychology and Psychiatry,
7(2), 163-178.
Eisikovits, Z., Winstok, Z., & Enosh, G. (1998). Children's experience of interparental violence:
A heuristic model. Children and Youth Services Review, 20(6), 547-568.
Fortin A., 2005, Le point de vue de l’enfant sur la violence conjugale. Collection étude et analyse,
N° 32 ISBN 2-921768-53-4 page 22
Huth-Bocks, A., Levendosky, A., & Semel, M. (2001). The Direct and Indirect Effects of Domestic
Violence on Young Children's Intellectual Functioning. Journal of Family Violence, 16(3), pp. 269-
290.
Lent B, & Morris P. (2000). The effect of domestic violence on pregnancy and labour. Discussion
paper. Ontario, College of Family Physicians of Canada. (http:// www.cfpc.ca/English/cfpc/programs/patient%
<http://www.cfpc.ca/English/cfpc/programs/patient%25> 20care/maternity/violence/default.asp?s=1,acces-
sed 19 August 2008).
Lessard, G. et Paradis, F. (2003). La problématique des enfants exposés à la violence conjugale
et les facteurs de protection. Recension des écrits. Beauport, QC : Direction de santé publique
de Québec.
Rosenbaum, A., & Leisring, P. A. (2003). Beyond Power and Control: Towards an Understanding
of Partner Abusive Men. Journal of Comparative Family Studies, 34(1), pp. 7-22.
Savard, N. & Zaouche Gaudron, C. (2009). État des lieux des recherches sur les enfants expo-
sés à la violence conjugale. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence doi:10.1016/j.neurenf.2009.11.008.
Savard, N. (thèse de doctorat en cours). « Développement socio-affectif de l’enfant âgé de 5 à
6 ans en contexte de violence conjugale : une approche écosystémique » Sous la direction de :
Chantal Zaouche Gaudron, Professeure de Psychologie du Développement, Université Toulouse
II. - Equipe d’accueil : Milieux, Groupes et Psychologie du Jeune Enfant, Laboratoire Psychologie
du Développement et Processus de Socialisation, Université Toulouse II.
Sudermann, M. & P.G. Jaffe (1999). A Handbook for Health and Social Service Providers and
Educators on Children Exposed to Woman Abuse/Family Violence. Ottawa: Family Violence
Prevention Unit, Health Canada.
NUMÉROS
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❏ Chèque bancaire (ci-joint) ❏ Chèque postal (ci-joint) ❏ Autre (préciser)

“Réalités Familiales”
Service des Relations extérieures
Union Nationale des Associations Familiales (UNAF)
28, place Saint-Georges, 75009 Paris - Tél. : 01 49 95 36 00 - Fax : 01 49 95 36 67
Site Internet : www.unaf.fr - E-mail : realites.familiales@unaf.fr
Union Nationale des Associations Familiales
28, place Saint-Georges - 75009 PARIS
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