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Borzeix
I SansFemme! ! ! ! ! ! 1-9
II 8.! ! !! ! !
- La tortue est mélomane ! ! ! ! ! ! 13
- Berlinopolis 17
- Polizei ! 22
- Rocco 26
- Errance synoptique 29
- Histoire du bâton 32
- Cercle de pierres 37
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I
SANSFEMME
"Cette union comporte plus de différences que de ressemblances, plus de divergences que de
similitudes. Cependant, lorsque les partenaires auront compris que les concessions
réciproques sont le meilleur moyen de résoudre leurs problèmes et d'éviter les querelles, ils
pourront réaliser une harmonie mentale, passionnelle et physique que beaucoup leur
envieront.
La native aspire à bouger, à voyager, à rencontrer du monde. Elle aime la nouveauté, elle aime
découvrir, et pour ce faire elle n'hésitera pas à sortir du couple, au risque de donner
l'impression de fuir sans cesse et de se disperser. L'homme Taureau, en revanche, aime la
tranquillité et ne cherche pas à socialiser. C'est chez lui qu'il se sent bien, et il entend que sa
compagne se comporte plus comme femme d'intérieur. Lui, qui est en général calme et patient,
pourra devenir intransigeant sur ce chapitre et reprocher vertement à l'autre ses sorties trop
fréquentes, ses nombreux amis qu'ils ne connaît pas et ses activités auxquelles il ne participe
pas.
Heureusement, ces deux sujets partagent le même amour de la vie et le même goût de la santé.
Et ils feraient bien de se concentrer sur ces éléments pour réaliser et consolider leur entente.
Mais quoi qu'ils fassent, il y aura toujours dans leur couple quelque chose à dépasser, à
surmonter. En conséquence, leur bonne volonté sera constamment sollicitée, et tout
relâchement pourra faire pencher la balance du mauvais côté.
En réalité, quand il s'agit d'une union entre un homme Taureau et une femme Sagittaire, la
médiocrité n'existe pas : il ne peut être question que d'échec absolu ou de réussite absolue."
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Premier jour d'absence, Jeudi 6 janvier 2005
J'ai mis Noémie l'école, Valérian au Kinderladen, ai pris le bus jusqu'à Hermann Platz
pour acheter un robinet chez Bauhaus, puis suis allé photocopier quelques coupures
de presse de Musafir pour mon dossier de la SCAM. Je suis revenu à la maison pour
constater que j'avais rendez-vous dans une demie-heure pour me faire vacciner. Je
remets mes chaussures direction Schlesichestrasse alors qu'il s'avère que je n'avais
pas de rendez-vous et le médecin refuse d'abord de me planter son aiguille dans le
bras sous prétexte qu'il n'a de disponible qu'un vaccin comprenant en plus des trois
maladies prévues, la cocluche, que l'on recommande de toutes les manières aux
parents selon les plus récentes directives. N'y comprenant rien, je me fais introduire
une maladie de plus plutôt que de revenir le lendemain pour une de moins. Je
resaute dans le U-Bahn après avoir déposé un pli à la poste pour me rendre à
Pariserlatz au consulat français. Je descend à la Französischestraße où je suis dans
mon élément national. D'ailleurs, j'y vais chercher mon passeport. Après une courte
discussion dans la salle d'attente avec un noir franco-suisse sorti de prison qui venait
déposer plainte pour le vol de ses papiers et une dame de cinquante ans avec laquelle
je passai rapidement en revue l'incompréhension viscérale des français face aux
anthroposophes, ce fût chose faite : j'avais mon nouveau passeport, ma matinée était
remplie. 12h20. J'ai pris le 147 et j'étais chez moi en sept minutes. De quoi être juste a
l'heure pour aller chercher les enfants.
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Et, succombant à sa pesanteur, on finit toujours par retrouver son lit avec
épanchement, l'odeur de sa couette sui generis, le frais relatif des draps dans lesquels
on s'engouffre à grand renfort de soupirs : le paradis régressif du coucher quotidien.
(Il va de soit qu'une partenaire est dans ce cas désirée, mais que dans le cas de son
absence inévitable, elle se verra aussitôt enjolivée par tous les artifices de
l'imagination érotique, ce qui est presque un pléonasme.)
Six mois de solitude entrecoupés par notre voyage en Inde m'ont poussés à la limite
de ce que je pouvais accepter. Mais je n'avais pas conçu alors dans ce laps de temps
qui me parût infini un seul instant la possibilité de ce qui est bel et bien arrivé : son
retour glacial sur Ile d'Yeu, son chapeau blanc à l'embarcadère, son masque de fer
sous les oliviers me présentant le projet déjà tout concocté de son nouveau départ
pour un an cette fois. Elle me propose au clair de lune que les enfants aillent chez sa
mère. Elle viendrait les voir le week- end. D'ailleurs elle en a déjà discuté avec les
professeurs de son ancienne école Waldorf à Wangen, tout est arrangé. Je ne lui ai
jamais vu le regard qu'elle a. Il vient tout droit d'un monde que je ne connais pas, un
monde qu'elle tient secret, un monde où je ne vaut pas grand chose.
Là, je chavire.
Puis de retour à Berlin, ce seront les aveux forcés de son histoire d'amour peu avant
notre mariage. Nouveau chavirement. Avec les deux cents cinquante euros mensuels
que lui coûtent son portable, il y aurait tout lieu de croire que cette relation se
poursuit. !! L'ensemble s'enrobe à présent d'une couche de miel amer, de ce
sentiment de double cocufiage que je ne connaissais pas auparavant, celui de ce
nouveau chapitre de son absence prochaine et celui de son amour pour un autre
homme. L'histoire d'une disparition, l'histoire d'une douleur lancinante que ne
peuvent panser des ébats amoureux à la hâte qui vont toujours dans le même sens :
de moi vers elle, ou quand l'inverse rarement survient à la suite de mes
supplications, d'elle vers moi, sans que je n'y puisse ressentir aucune passion digne
de ce nom.
L'enclume est lourde et saillante, enfle mon ventre en demande d'amour sans que
vérité se fasse. Croire. Ne plus demander. Savoir recevoir mon lot, sans questions.
Aujourd'hui je lui ai acheté vingt roses qui ne sentent rien. Je crois qu'elle n'a pas
compris.
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Le dernier Dimanche matin avant son retour d'un an pour Stuttgart, par ciel clair,
ce qui est de bon augure
7 heure trente; les enfants nous ont laissé dormir. Noémie débarque dans la chambre :
Valérian l'énerve. Katharina lui emboîte le pas et ne revient pas dans le quart d'heure
qui suit. Je me lamente dans mon lit : Adieu Iseult ! Elle me dit qu'elle prépare le petit
déjeuner. Lorsque j'ouvre la porte un quart d'heure plus tard, elle est allongée sur le
sofa de la grande pièce avec la couverture de Noémie. Je gueule, et pour ne plus
gueuler je vais acheter trois croissants frais et un d'hier, pour la petite histoire du
réchauffé. Lorsque je reviens elle se trouve toujours prostrée dans son nouveau
"coin". Je lui fait la lecture de ce qui précède, ce à quoi elle me répond que je ne peux
pas lui en vouloir, que son histoire avec M. fait partie de sa vie, et que de toutes les
manières elle est peut-être gravement malade, qu'il se peut très bien qu'elle rentre à
l'hôpital dans quelques jours. Elle attendra des résultats d'analyses sanguines jusqu'à
son départ. De quoi tenter de me clouer le bec. Nous aurions des vues différentes sur
l'amour.
La veille au soir je lui ai lu un passage de l'Apocalypse de Saint Jean - que l'on traduit
die Offenbarung, la Révélation, en allemand ! - parce qu'elle n'avait jamais compris
de quoi il s'agissait. Que l'agneau de Dieu se montre clément... Je préfère encore les
loups aux agneaux, au moins, on sait à quoi s'en tenir.
"Ich kann nicht mehr ! Du hast meine ganze Kräfte weggenommen ! Laß mich in
Ruhe ! Ich trenne mich von dir ! Ich will kein Sex ! Schlag mich Tod ! Ich schmeiße
mich aus dem Fenster raus ! Ich habe keine Kraft mehr ! Suche dich eine andere
Frau !" - Sans commentaire.
Elle est repartie ce matin, dans les cris stridents de notre fils jaloux que sa soeur ait
dormi dans le lit parental et pas lui, faire des analyses de sang plus approfondies, m'a
parlé au téléphone de cancer... Son taux de globules rouges est trop haut, ce qui peut
aussi s'expliquer semble t-il par l'irrégularité de ses règles, ou par autre chose... La
prendre au sérieux quoiqu'il arrive.
On a passé une bonne journée si ce n'est que peu avant notre arrivée on s'est
tellement engueulés dans la voiture (en sourdine naturellement), que David, dans un
violent coup d'accélérateur par terrain crevassé, en a perdu son pot d'échappement.
Jannet a crié, puis s'est jetée dehors, croyant sans doute à une détonation de flingue,
pretextant ensuite qu'elle avait pensé que la voiture allait prendre feu. David avait
l'air mécontent mais son charme britannique reprit le dessus.
Les hommes sont par ailleurs cons, parce qu'ils portent sur leurs dos le poids de
trois-milles ans de patriarcat, et que dans notre cas, ton émancipation et ma
stagnation, ceci permettant cela, sont particulièrement symétriques, trop
symétriques, injustes, même si j'y trouve ma part de responsabilité dans mon non-
engagement au monde, ce qui n'est pas donné. Tu n'as jamais été aussi yang et je n'ai
jamais été autant ying, sans que nos énergies contraires ne parviennent à se
compenser mutuellement.
Je ressens, je sais que nos mondes ne se rejoignent plus vraiment depuis ta deuxième
année d'eurythmieschule, plus assez souvent de toute les manières pour que j'y croie
tout à fait et ça me fait peur, ca m'angoisse, une sueur froide me colle à la peau. Ton
visage a si souvent changé et pris des expressions que je ne lui avait jamais vu
auparavant. Tu me caches quelque chose.
Nous avons entretenu nos désespoirs respectifs, sans doute, avons projeté sur l'autre
ce que nous ne supportions le moins au monde, ce qui nous avait fait mal il y a
longtemps, ce qui était enfoui pour ne refaire surface que dans la personne de l'autre
soit-disant aimé. Ce n'est pas un comble, c'est juste navrant de banalité.
Maintenant, c'est elle qui couche sur le sofa et moi qui écrit ceci seul dans notre
chambre, l'ayant fait fuir à coup de musique bulgare. Je la sens dans mon dos, par
delà le mur, comme une griffure. Je crois que je vais arrêter de lui demander si elle
veut coucher avec moi, on verra bien.
Nous découvrons une bâtisse façon palais florentin, en semie-ruine comme il se doit,
avec tourelle et immenses fenêtres que je me serais bien vu habiter dans une autre
vie. Juste à côté un bâtiment moderne lui fait pendant, en une pâle évocation du
premier, sans âme ni matière, carré, obtus.
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Kath est partie à Ostbahnhof pour acheter de quoi faire des gâteaux de Noël, tandis
que Fred se repose de sa sortie éreintante avec la famille Zeixbor, profondément
endormi sur notre lit, nimbé du gris-blanc des débuts d'hivers berlinois. C'est un jour
où l'esprit clair manifeste le sentiment que l'année passe, tout simplement.
POSTCRIPTUM :
Dimanche 22 mai 2008
Lieber Christoph,
ich schäme mich für mein unkontrolliertes Verhalten,dennoch sind meine Gefühle
berechtigt! Deine Geduld beweisen Dein Verständnis und so hoffe ich weiter,aber auf
was ich hoffe, das weiß ich
eigentlich selbst nicht. In Deinen Armen zu liegen ist mir schon genug. Das Leben
spielt mit uns ,oder? Ich hatte eine Unterhaltung mit meiner attraktiven
Freundin,dabei ging es um Gefühle äußern
- wobei sie mir klar machte, daß sie niemals ertragen könne, wenn man sich nie in
Worte ausdrückt, was in einem schlummert .... Du schweigst....
Wahrscheinlich hoffe ich immer irgend eine Chance ,für was auch immer, zu
bekommen, wenn ich "alleine" bin. Ich fühle mich einfach freier und meine
sehnsüchtigen Phantasien gehen auf
Wanderschaft ..... Ich bin doch zu müde um noch weiter zu schreiben auch dieses
Thema kennen wir zu genüge ,stimmts? Ein Leben ohen Dich wäre dunkel und trüb
und so bin ich nur dankbar für alles
was ich von Dir bekomme ,Amen. Ich schick doch ab, denn selten kann ich alleine
tippen... Verzeih ....Du, der in meinem Herzen ist .....
Carlotta
NicolasG.P.Borzeix
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II
8.
TEXTES
!
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La tortue est mélomane : une éducation érotique
Turtle marche sur la jetée, son gigantesque sac à dos solidement arrimé à ses épaules.
Son pas est lent, il se balance plus qu'il ne marche : il tient de ses deux mains un livre
emballé dans un plastique transparent, cette année, un précis de grammaire
arménienne. L'année dernière, il apprenait le bulgare.
Turtle apprend, Turtle récite. Son crâne est dégarnit, il a un visage oblong comme son
corps, des yeux pétillants derrière deux ronds en verre, et ses chaussures de haute-
montagne martèlent le sol en cadence avec la manducation des personnes du pluriel
du conditionnel du verbe aimer. Il pivote soudain sur lui-même, comme emporté par
la masse giratoire de son fardeau, et reprend son chemin dans la direction opposée
jusqu'à l'autre bout du port.
On le connaît bien sur l'île d'Yeu. La plupart s'en moque, certains le haïssent. Turtle
ne boit pas, Turtle ne nage pas, Turtle est invariablement habillé été comme hivers
pour être en mesure d'affronter tous les temps, de la tempête à la canicule.
Mais allons au fait : Turtle semble prendre un certain plaisir malsain de prime abord
à être la risée des jeunes qu'il rencontre, et pour être plus précis, des jeunes filles qui
sont sa proie de prédilection. Lorsqu'il s'avance vers l'une d'entre elle, assise en
tailleur en zone franche avec ses copains derrière les lourdes chaînes qui encerclent le
port, on devine rapidement à ses manières qu'il est un fils de bonne famille. Ceci dit,
il n'y va pas par quatre chemins :
"Vous êtes un ange, mademoiselle, savez-vous que vous êtes un ange ? Votre figure
me transporte au-delà de ce que vous pouvez vous imaginer, votre innocence
m'inonde d'un divin plaisir. Mademoiselle, me permettriez-vous de m'agenouiller
devant votre grâce ? Voulez-vous que je vous masse les pieds, je vous en prie : vous
feriez de moi le plus heureux des hommes..." !
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Turtle s'est donc agenouillé et hôte d'un savant tour de passe-passe ses sandales
ethniques à son ange, glisse doucement ses doigts lisses de lettré sous ses talons
soyeux. Il lui caresse la plante des pieds avec la délectation du prélat du XVième
siècle pour sa jeune paysanne dévote du hameau voisin. Il n'est certes pas lippu et ne
connaîtra sans doute jamais l'embonpoint, mais il ne lui manque cependant plus que
l'anneau qu'elle viendrait baiser en juste retour, sa bénédiction effectuée. Seulement
c'est ici le prélat qui est aux pieds de la jeune fille et non l'inverse. Les moeurs ont
évolué, et Turtle est pédagogue.
Nous sommes en fief vendéen, la vieille France est en jeu, Devillier est dans l'air et le
drapeau des Chouans flotte dignement sur le toit de l'hôtel de Paris. La fille tente
bien sûr de se montrer sardonique pour sauver la face mais en son fort intérieur elle
se délecte de cette cour, touchée que son âme ait été reconnue dans la masse, et nul ne
peut dire de surcroît ce dont l'art de la tortue est capable... L'ange du sixième
arrondissement doit tout de même alors se remémorer avec empressement sa
première communion alors que l'émotion monte en elle, les repas de famille après la
messe du Dimanche et les conseils rassurants de sa grand-mère concernant les
inconnus à qui on ne doit pas parler, tandis que notre moine errant fétichiste
continue inlassablement sa rengaine ampoulée :
-"Voyez-vous mademoiselle, il n'y a rien de plus beau que les pieds d'une vierge,
vous êtes un ange qui n'a pas conscience de sa nature angélique, votre beauté est un
baume pour mon esprit. Vos pieds sont les humbles porteurs de votre innocence que
Dieu vous a octroyé pour fouler notre sainte terre, etc, etc."
Les apprentis-mâles de quinze ans forment un cercle narquois qui se resserre autour
du couple incongru, on a l'impression de friser l'incident, et si l'on a tant soit peu de
charité chrétienne, on prendrait facilement notre tortue pour un martyr. On ne peut
certes ignorer qu'une force fantasmatique plus forte que lui le pousse, que notre
tortue est investit d'une mission, ce qui en fait déjà à notre époque un oiseau rare.
Qui a été raillé autant que lui sur cette l'île ? Et qui se montre plus insensible aux
injures, pariant sur le fait que la vérité vaincra toujours de la violence ? Dans la cour
de récréation de son école primaire, l'enfant Turtle - il n'avait pas encore sa carapace
sur son dos - a du recevoir plus d'une raclée de ses petits camarades...
Mais ces atroces poupées de bonnes familles sur lesquelles il s'acharne les soirs d'été
restent des monstres de vertu bien pensantes les poches bien pleines, et notre
itinérant podophile, l'esclave fouetté pour se régaler à sa façon de ces jeunes
patriciennes romaines, à quelques incarnations prêt. S'il est forcé de jouer les vicieux,
il ne l'est pas; il leur révèle simplement leur ignorance, oui, que Dieu peut rimer avec
sensualité. Il révèle à ces jeunes filles, à leur insu peut-être, la générosité de servir au
plaisir d'autrui à l'encontre du carcan de leur éducation. Turtle est un révélateur
clairvoyant et rigoriste de la pute qui siège en toute apprentie bourgeoise qui se
respecte, un goéland dont les ailes sont trop larges pour convoler, le reptile se
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contentant de masser les pieds. Ce n'est pas un dragueur comme les autres, c'est un
dragueur chrétien qui respecterait les bulles papales s'il y en avait encore. Voyez-le se
désagréger en béatitude quand la rougeur pointe aux joues duveteuses de ses
adolescentes ravies : il prend alors son envol par la procuration de ses victimes
d'angélisme et on dirait que la tortue lévite.
Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire de la rougeur qui afflue, qui inonde la blancheur
au su de tous, pour la plus grande gêne de celui qui rougit et pour le plus grand
bonheur de celui qui en est la cause ou le spectateur. Ce sang impur qui est arrivé
jusqu'à notre drapeau pour faire front à la chambre bleue-horizon. La glèbe aussi
rougit sous les dards dans bien des cosmogonies non- vendéennes.
Turtle est donc un éducateur de port, et je l'ai vu oeuvrer plusieurs années de suite
comme un besogneux qui se fraie son propre chemin de Compostelle au travers des
quand dira t-on avec la foi d'un mélomane inconciliable. Car se sont les Lieder de
Schuman, pour lesquels il avoue une seconde passion lorsqu'il ne masse pas les pieds
de ses proies angéliques, qui lui confèrent la force de de ne pas tomber des falaises et
de poursuivre son enseignement podologique. Derrière ses lunettes rondes tachées
d'embruns, derrière le scout-prophète, il y a l'esthète un peu trop humain peut-être
qui défend l'idée que les pieds des jolies femmes valent tout l'or du monde, ou du
moins tout autant que la grande
musique, ce qui est ceci dit une position défendable. Rat de bibliothèque et
déchiffreur de partitions le reste de l'année, il devient de juin à août le moralisateur
immoral des bobos féminines en vacances, lorsqu'il en est encore temps, c'est à dire
avant que ces demoiselles ne deviennent agrégées ou pire encore, mères de familles,
et qu'elles ne laissent leurs petons au rancard dans leurs savantes panoplies de
semelles sans conscience.
Sur le port Joinville, la lune commence à disparaître et les hordes de jeunes allumés
sans tête se dispersent avec force bruit dans l'humidité. Les vélos qui formaient de
longues chaînes de métal il y a encore quelques instants se détachent à l'unisson. Il
est l'heure de rentrer en évitant de trop tituber dans la maison familiale décorée façon
"travailleur de la mer", les bars sont fermés.
Non, ce n'est pas un rocher sur la digue qu'on aperçoit là-bas, c'est Turtle,
incontournable, presque immobile en récitant ses conjugaisons de langues rares, seul
devant l'étendue marine. Il sait que ses anges sont maintenant trop avinées pour que
son message puisse encore se déployer avec l'espoir confus d'être tout de même
compris. Il a repris sa grammaire plastifiée et chantonne des airs d'autrefois, pour se
donner du coeur. Nul ne sait ce que recèle son gigantesque sac à dos à qui il doit son
surnom. Il reviendra demain soir. Si vous êtes jeune et jolie et que vos pieds sont
sensibles, n'hésitez pas, vous pourrez lui demander.
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Berlinopolis
Nous sommes arrivés à Berlin en septembre 1998 avec deux couvertures, quelques
vêtements de rechange, un peu de vaisselle qu'on nous avait donné, et notre fille de
six mois.
Le "Wrangelkiez" se niche entre le canal Paul Linke Ufer et le Görlitzerpark d'un côté,
et la Spree et l'ancienne frontière de Treptow avec l'Est de l'autre. C'est le "Kiez", le
"quartier chaud" de Kreuzberg, dans le jargon berlinois. Un quartier où se mêle
l'émigration turque et la jeunesse alternative, du moins ce qu'il en est devenu. Cinq
rues, dont trois sont passées miraculeusement entre les bombes, coupent la
Wrangelstraße et la Schlesichestraße à angle droit sur toute la longueur du
Görlitzerpark, et délimitent ainsi mes trois premières années berlinoises entre parcs
et zones frontières. Tout au bout de la Wrangelstraße, une église a été décapitée
pendant la dernière guerre; c'est là que nous habitions, à l'angle de la rue, devant
l'église sans flèche depuis cinquante ans.
Un passage
C'est en fait l'ancienne gare de Görlitz qui donne son nom au Görlitzerpark juste à
côté et qui resta longtemps pour moi une énigme : au beau milieu d'un rectangle
démesurément allongé et qui ne ressemble à rien, le centre de ce parc est un
gigantesque trou d'obus, un cratère d'une centaine de mètres de diamètre qui offre sa
béance à l'horizon. En été, on s'y dore la pilule et en hivers on y fait voler des cerfs-
volants dans le ciel blanc de prusse. Sur le bord de ce cratère, deux rails d'une dizaine
de mètres de haut s'arc-boutent érigés dans le ciel comme un but de rugby.
Deux semaines après notre arrivée, nous avons découvert le petit chemin boisé qui
s'enfonçait plein de promesses entre deux immeubles, une fois traversé le pont, au
bout du parc. C'est là que j'ai compris qu'il s'agissait d'une ancienne voie ferrée, et
que le trou d'obus devait donc être un ancien passage sous-terrain pour les
voyageurs. Sur deux kilomètres, on s'enfonçait sur cette passerelle de verdure dans
l'Est profond (neuf ans de réunification ne sautaient pas à l'oeil), à la hauteur d'un
deuxième étage : nous nous sentions comme dans un moucharabieh végétal,
espionnant un quartier fantôme. Les immeubles sombres paraissaient tous vides au
travers des branches de bouleaux, de gigantesques anciennes usines et casernes
attendant leurs rénovations semblaient désertées depuis mémoire d'homme.
Tout au bout de cette coulée nous poussions alors une porte grillagée pour enter dans
un Schrebergarten, une de ces "colonie de jardins" dont les berlinois sont friands : un
espace inqualifiable, en contre-bas d'une ligne de S-bahn, un périmètre un peu
magique qui n'existe plus aujourd'hui.
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A Berlin, on peut attendre plusieurs années pour se voir attribuer sa parcelle. Ces
jardins me touchent. Ce sont des lopins de terres de 200 mètres carré au plus qui se
transforment en îles désertes, en Paradis du dimanche - du moins dans l'esprit de
leurs concessionnaires. Chacun y va de son style, de l'inévitable nain de jardin au très
prisé chalet alpin, en passant par l'humble bungalow de tôle ondulée et balançoires à
coussins. La bière y coule à flot, les enfants y fêtent leurs anniversaires et les retraités
font des compétitions de parterres fleuris. A Berlin, ces jardins ouvriers qui ont connu
autrefois leur réelle utilité économique sont devenus l'objet d'une religion nouvelle :
"Chacun son jardin..."
Mémorial restauré
Puis nous quittions la colonie et ses chemins de sable par un tourniquet : nous étions
en face du Treptowerpark, plus vaste encore que Tiergarten. Les saules pleureurs de
ce parc qui bordent la Spree se rappellent encore. Le mémorial de l'armée soviétique
que le parc de Treptow abrite est un des monument - récemment rénové - les plus
imposant qu'on puisse s'imaginer. Un ouvrier de vingt mètres de haut (alias Staline)
foule du pied la svastika et tient un enfant dans ses bras de bronze, dominant un
stade romain à la gloire de l'armée rouge. Des bas-reliefs illustrent les hauts faits des
soldats soviétiques dans la lutte contre le nazisme, comme les triptyques expliquent
la vie du Christ. Des arcs de triomphe, des allées rigides et froides amènent le visiteur
devant une magistrale sorte de rampe de lancement d'engin spatial en granit façon
pierre tombale qui fait face à la statue du petit père des peuples à l'autre bout du
stade. La nuit, les dalles de pierres y absorbent les lumières de la ville réfléchies par
les nuages. Alors on peut imaginer aussi que l'on se trouve dans le décor de Ben-Ur
ou de Star Trek, selon ses penchants, si l'on veut suite à une certaine sensation
d'étouffement quitter l'histoire et ses bêtes immondes, pour un moment.
Désorientation
Nous poussions la poussette avec vigueur à travers vent et tempête. Une année de
marche quotidienne à travers les parcs et les canaux de la ville, me donna
l'impression que celle-ci n'était qu'un vaste parc qui aurait perdu ses habitants au
cours de mystérieuses circonstances. Quand on a habité dans le centre de Paris
pendant vingt sept ans, on a un peu de mal à se représenter ce que les meurtrissures
de l'histoire peuvent signifier dans un paysage urbain : Ici domine l'esthétique d'une
ville détruite dont on veut faire une ville du futur, une esthétique de la rupture, de la
confusion, à laquelle il me fût difficile de m'acclimater d'abord. A Berlin, la notion de
"beau" paraît caduque : Je me suis senti loin, très loin de l'arrogance lumineuse de ma
ville natale.
Notre fille enfouie dans sa peau de mouton achetée sur un marché biologique, nous
roulions la poussette dans les allées désertes et les prés gelés des parcs. Nous
rentrions avec l'obscurité du soir dans notre appartement sous les toits. Nous y
avions le stricte nécessaire et la vue du ciel, dont la lumière rythmait notre vie.
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Ce n'est qu'un bon moment après notre arrivée que je compris que la ville s'étendait
en effet au-delà de notre "Kiez", au-delà de ce parc de Treptow dont la taille ne me
permettait pas d'imaginer qu'il pût exister quoique ce soit derrière. Par mon vasistas
je respirais l'air de la forêt naissante dont j'apercevais le tronçon du Lausitzerpark qui
relie le Görlitzer au Treptowerpark. J'imaginais déjà juste au-delà les contreforts de la
campagne brandenbourgeoise, ne me doutant pas que derrière le quartier de
Treptow, la ville s'étendait jusqu'à Köpenick sur encore une dizaine de kilomètres.
Tout le monde le répète, Berlin est immense. Construite pour en abriter huit, elle a
seulement trois millions d'habitants qui se répartissent sur un carré de trente
kilomètres de côté : à l'heure où à l'échelle planétaire le nombre des citadins est
devenu plus important que celui des ruraux, on comprend facilement que
Berlinopolis fait figure d'exception urbaine en matière démographique : Les rues
immenses et désertes de cette ville construite au cordeau frappent toujours quand on
les découvre. Et lorsque je lisais alors en 1998 "Mon année dans la baie de personne"
de Peter Handke, je partageais avec lui ses sentiments de solitude mêlés à
l'émerveillement si particulier que suscitent les zones frontières, zone qu'il avait
trouvé pour son compte dans la banlieue de Meudon dans la région parisienne, à des
années-lumières de Kreuzberg, donc.
C'était aussi l'époque où beaucoup de berlinois - d'un côté comme de l'autre du mur
disparu - connurent une sérieuse dépression après la décade en comparaison
euphorique qui suivit la réunification. Berlin devait sous peu et coûte que coûte
redevenir la nouvelle capitale, on construisait à tour de bras, une cinquantaine de
grues sortaient l'ensemble de la Potsdammerplatz de terre à l'emplacement même du
bunker d'Hitler, la ville s'enorgueillissait du plus gros chantier d'Europe, tandis que
les laissés-pour-compte des investissements financiers commençaient de grossir
sérieusement les taux des chômeurs. Les immeubles flambants neufs surgissaient l'un
après l'autre, tous aussi vides, froids et modernes, et la ville accumulaient
quotidiennement des dettes monstrueuses. Des pans de quartiers entiers
connaissaient le début de leur rénovation qui se poursuivent jusqu'à aujourd'hui. On
refît les dorures du dôme de la synagogue, on mît une coupole de verre sur le
Reichstag, le gouvernement s'installa, et Schröder déclara qu'il fallait en finir avec la
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mauvaise conscience de la seconde guerre mondiale. Avec le nouveau millénaire,
l'histoire du XX° siècle était devenu un joug duquel on devait se libérer. Les "Osis" de
l'ancienne DDR avaient un goût amer dans la bouche : Le monde dans lequel ils
étaient nés avait été systématiquement enterré sous leurs yeux, disparaissait sans
laisser de trace. Il ne devait pas y avoir de trace. Mais comment en finir avec son
passé, tourner la page, quand on ne peut plus même l'évoquer ?
On pouvait encore, il y a deux ans, suivre le parcours sinueux du mur dans l'asphalte
des rues. Ce n'est plus possible aujourd'hui. Hormis un troncon conservé entre
Janowitzbrücke et l'Oberbaumbrücke d'un kilomètre de long sur les cinq cents qui
existaient, tout a disparu. Des petits panneaux indiquent maintenant son existence
passée et exigent des touristes un sérieux effort d'imagination. Un matin j'ai vu un
"artiste" qui avait déroulé ses dix mètres de papier sur le pavé et crayonnait
fébrilement en négatif - comme Alechinsky le faisait avec ses plaques de canalisation
-, les derniers vestiges de ce qui avait été le "Mur de la Honte ". Je compris que
bientôt on ne pourrait plus qu'admirer le fantôme du mur dans les galeries à la
mode, que bientôt on ne pourrait plus comprendre ce que signifiait cette honte qui
faisait pleurer mon grand-père.! ! !
Tête de turc
A Berlin, les berlinois d'origine sont presque devenus aussi rares que les vénitiens à
Venise. La "berliner Schnauze", la "grande gueule" teintée d'un humour à la rentre-
dedans des berlinois natifs tend à disparaître. Tous sont montés en revanche depuis
leurs Länder à la capitale de tous les possibles : les accents y sont lénifiés, les
différences s'atténuent dans la flambante neuve identité berlinoise.
De part son nombre de ressortissants étrangers, Berlin est surtout comme on le sait la
deuxième ville de Turquie après Istanbul et avant Ankara. Mais puisque les banlieues
sont ici inexistantes, cette population ne vit pas en ghettos comme nous le
connaissons dans les villes francaises. Si le quartier de Kreuzberg reste certes leur
bastion - et en ce sens ils se regroupent au centre de la ville et non à sa périphérie -,
les turcs habitent dans tout Berlin. Mais qu'on ne s'y trompe pas pour autant : on
verra rarement un jeune allemand discuter sur le trottoir avec un jeune turc, sauf
pour lui acheter une livre de haricots - du moins je n'en ai jamais vu. Car ici
l'intégration s'est effectuée depuis les années soixante dans un esprit de non-
intégration; les turcs sont incités à continuer de parler leur langue, à ne pas perdre
leur culture plutôt que de se mêler à la population. Dans les crèches de ce quartier
"multikulti" - entendez multiculturel - remplies d'enfants turcs à 80 %, se trouve
toujours aux côtés de la puéricultrice de langue allemande celle qui leur parle en turc.
Certains panneaux de signalisation sont écrits dans les deux langues. Un député a
fait il y a trois ans le proposition de faire apprendre aux jeunes turcs l'hymne national
allemand... en turc : Curieuse intégration à l'allemande qui nous rappelle que notre
identité nationale française s'est construite sur l'ampleur d'un empire colonial que
l'Allemagne n'a jamais connu, ce qui eu d'ailleurs les terribles conséquences que l'on
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sait. On ne tente pas ici de germaniser l'immigré; on reconnaît tout bonnement
l'échange impossible et on lui laisse la paix dans son coin, on l'ignore tant qu'on le
peut, sauf lorsqu'on lui achète un dönner ou qu'on rouspète sur lui parce qu'il ne trie
pas ses poubelles. En un sens pour moi, il n'y a rien de plus insultant que
l'indifférence. L'indifférence je l'ai moi aussi ressentie dans mes relations de
voisinage : Il est vrai qu'on ne se salut plus guère aujourd'hui dans les cages
d'escalier...
Vous avez dit Alévis ?
Combien sont les berlinois qui savent que plus de la moitié de ces turcs qu'ils croisent
chaque jour sont Alévis, c'est à dire soufis, laïques et traditionnellement tenus à
l'écart voir opprimés par le pouvoir central sunnite qui les considèrent depuis
toujours comme des hérétiques ? Un jour avec mon fils de cinq ans sur mes épaules,
nous avons eu la chance d'assister à une très belle cérémonie au coin de notre rue. La
communauté alévie commémorait l'explosion d'une bombe à Sivas, proche d'Ankara,
il y avait dix ans de cela, qui avait fait trente morts parmi les leurs. Des jeunes des
deux sexes dansaient dignement en ronde au centre du regroupement, très
lentement, une sorte de danse sacrée, ouvraient leurs bras l'un après l'autre et
scandaient leurs pas au rythme des tambours. Autour d'eux trente personnes
portaient les photos grands-formats des trente martyrs. La charge de silence et de
paix qui se dégageaient de cette réunion m'impressionnèrent beaucoup : c'est que
pour se révolter contre l'oppression, les alévis se servent de la musique comme d'une
arme. Il faisait très chaud; on nous offrit du ayran et des sourires mêlés de larmes...
Et nous étions comme il se doit les seuls "étrangers".
On le voit, c'est donc aussi cette présence turque qui m'a fait aimer ce quartier qui en
comprendrait trois parisiens. Car habitué à Paris à leur présence, je fus longtemps
aux aguets du beurre et du noir africain à Berlin, avant de me rendre compte que
l'étranger avait ici la même couleur de peau que moi, russe ou polonais, d'Europe
centrale et non du Maghreb ou de l'Afrique noire : j'avais fait mille kilomètres au
nord, voilà tout. Et c'est donc une lapalissade que de constater que les turcs
apportent à la nouvelle capitale de l'Europe centrale une touche méditerranéenne qui
sans eux n'existerait pas...
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Polizei ! - un conte d’hiver -
Les Berlinois nomment cet endroit le «Bronx de leur ville», Kottbusser Tor, la porte de
Cottbus. S’y trouve une belle station de métro aérienne du XIXe siècle avec verrière
dans laquelle on s’engouffre depuis la place du même nom. La rue Adalbert qui y
mène est aussi connue sous le sobriquet de «Champs Elysée de la petite Istanbul».
Dans le début des années 70, en remerciement pour leurs durs labeurs de
reconstruction de l’Allemagne d’après-guerre, on y construisit un nouveau quartier,
un ghetto moderne de béton aux allures plus ou moins futuristes pour l’époque dans
lequel on parqua les immigrés Turcs. Il fallait bien faire quelque chose pour eux.
Début 80 cette même rue fût l’épicentre des affrontements entre les forces de police et
la scène alternative d’extrême gauche qui érigea ce quartier de Kreuzberg en «ville
libre» : les habitants du quartier se rappellent les charges de police, les coups de
matraques et ce sentiment d’avoir été à cette époque un peu le centre européen des
revendications anticapitalistes. C’était la grande époque de la RAF, de la bande à
Baader, du radicalisme souvent armé en plein vitrine de l’Ouest, et cela faisait tâche
pour l’ensemble de la république fédérale. Le Dalai Lama est d’ailleurs venu peu
après ces évènements bénir un curieux monument au coin de cette rue Adalbert et de
la rue Waldemar, une sorte de dais qui rappelle vaguement l’architecture tibétaine, à
quelques pas du mur, omniprésent, qui serpentait encore et faisait sens.
Puis le mur s’effondra et les revendications se turent, Kottbusser Tor ne fût plus que
la rue des Turcs. Mon premier manuel d’Allemand (Hallo Freund 1) faisait d’ailleurs
une belle place aux «Demonstration» (ces manifestations qui tournaient aux
émeutes), et surtout à ce qui me parut bien alors relever d’un racisme fort primaire : à
l’odeur de l’ail et des döners, qui, nous apprenait-on, empesait l’air des rues
kreuzbergoises. Les révolutionnaires changèrent leurs fusils d’épaule et devinrent
dealers. S’il y a une cour des miracles berlinoise, c’est bien ici qu’on peut la trouver
aujourd’hui.
J’avoue m’y rendre de temps à autre pour y acheter pour dix euros de mauvais
haschich... ou pour prendre le métro car c’est la station la plus proche de chez moi.
On y trouve une faune lessivée et fragile. Les visages y vieillissent vite, les êtres y
apparaissent puis disparaissent. Beaucoup sont méconnaissables au bout de six mois.
On y achète du subotex et autres substituts d’héroïne dont je ne connais pas le nom,
du speed, du pneu mélangé avec un peu de shit, et parfois on tombe sur une denrée à
peu près acceptable. En été, ils se trouvent sur la place, en hiver, ils se regroupent sou
terre dans le métro. Une soupe populaire y est distribuée tous les midis. La pauvreté
vous y saisit, la décadence aussi. Saouls du matin au soir, la violence y est de mise et
des meurtres y sont régulièrement commis dans les entrées de ces atroces barres de
béton suintantes. On ne peut guère tomber plus bas à Berlin. J’y ai connu des
ingénieurs devenus cambrioleurs, des sages-femmes devenues héroïnomanes, des
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étudiants en mal de vivre, un cancéreux en phase finale, des ouvriers qui
arrondissaient leurs fins de mois, des pères de famille esseulés, des repris de justice,
des figures du quartier inoubliables tant leurs gueules sont marquées par la dureté de
la vie, le néant, la malchance. Des gueules dignes de Zola qui n’existent plus à Paris
depuis belle lurette. Mais il y règne aussi une certaine convivialité, une solide
camaraderie du désespoir, la gouaille des vrais berlinois est de mise, les poignées de
mains sont chaleureuses, et si je m’y attarde jamais longtemps, je n’y ai jamais non
plus les yeux dans mes poches. Certains sont dès huit heures du matin effondrés au
sol le regard révulsé, d’autres crient, titubent, puis finissent par tomber aussi.
D’autres résistent et s’en tirent, mi- indics mi-dealers. La force de gravité y semble
plus forte que partout ailleurs.
Il y a deux semaines j’y suis retourné, une envie de fumer un joint - même mauvais -
m’ayant pris au ventre. Je descends dans le métro, trouve un visage vaguement
connu, achète pour dix euros de ce qui m’apparaît de suite comme étant de la merde
mais tant pis, puis m’en retourne chez moi par la rue Adalbert enneigée. Et soudain,
dernière moi, une silhouette me dépasse brusquement :
- «Polizei : vous venez d’acheter des stupéfiants ? J’étais dans le métro et vous ai
observé.» !! Je respire profondément, garde un calme olympien et lui rétorque dans
le blanc des yeux :
- «Ah non, je n’ai rien sur moi, je suis juste allé y acheter des cigarettes.» !! Le flic
en civil me fouille alors les poches de mon manteau, s’y reprend tout de même à
deux reprises et finit par y trouver bien entendu le petit bout du délit qu’il glisse
dans une pochette en plastique, me demande de ne pas bouger, je lui donne mes
papiers et il appelle le fourgon pour la procédure. J’ignorais dans ma naïveté
légendaire que l’on pouvait se faire arrêter pour moins de 2 grammes de hasch dans
cette ville où nombre fument impunément leur joints aux terrasses des cafés.
J’engage donc la discussion après une nouvelle fouille succincte. Je leur demande à
combien peut s’élever l’amende. Je risque de devoir m’acquitter de 300 à 1000 euros
selon mes moyens. Bon, zut, je n’ai vraiment pas besoin de ça en ce moment. Mais
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pourquoi donc mon policier en civil n’a t-il pas arrêté le dealer plutôt que moi ?
J’apprends que la procédure veut que l’on se saisisse d’abord de l’acheteur, puis que
l’on se dépêche de retrouver le dealer, qui généralement n’est plus là : il y a plusieurs
sorties dans la station de métro, dès qu’un flic se pointe, tous s’évanouissent dans
l’air. Une excellente méthode, pour résumer.
Puis arrive le clou : - «Petra, demande le gradé à la jeune policière, où est passé le
morceau de haschich, la pochette est vide !» Consternation de leur côté, tandis que je
me mets à rire franchement, et l’ambiance déjà fort détendue vire à la quasi hilarité : -
«Monsieur Borzeix, vous savez que vous avez une sacrée chance ? Si nous avons
belle et bien perdu la preuve du délit nous ne pouvons rien retenir contre vous !» -
«Ca c’est extraordinaire, je crois bien que je vais écrire cette histoire !» - «Vous êtes
écrivain ?» - «Oh, un peu, à mes heures...» J’ai gagné. Ils sont un peu honteux mes
policiers dans leurs habits vert-pomme : ils n’auraient jamais du faire confiance à la
jeune recrue féminine qui a paumé mon shit, semble t-il, «Petra est trop naïve, tu sais
bien, on ne peut pas lui faire confiance pour ce genre de chose» dit le gradé à son
collègue. Ah, ces femmes ! Et la pauvre Petra toute penaude de ressortir sans mot
dire du fourgon pour tenter de retrouver le morceau dans les congères de neige
boueuses et noircies : ses chances sont maigres et je me pense tiré d’affaire.
- «Vous savez, me dit le flic qui était resté au volant et qui porte un anneau à l’oreille,
vous ne devriez pas vous mettre en danger en vous fournissant à Kottbusser Tor,
c’est un endroit connu comme le loup blanc à Berlin pour la mauvaise qualité de son
haschich comme pour ses descentes de police. Vous devriez vous trouver un dealer
qui se déplace à votre domicile, ou vous rendre dans des clubs, à l’abri des regards.»
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CQFD : A Berlin, les flics sont sympas.
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Rocco, une force de la nature.
Ce soir j'ai rencontré Rocco dans sa Bauwagen en face de chez moi. J'ai appelé
Stephan pour lui demander le numéro de Stormius Springend afin de contacter le
type qui faisait de la méditation transcendantale avec lequel j'avais partagé la nuit
sous la sweat lodge en avril dernier. Stephan m'a invité à le rejoindre chez son ami.
Je n'ai pas trouvé mon chemin d'abord dans les méandres des wagons. J'ai jeté des
coups d'oeil furtifs dans les intérieurs humbles et chaleureux des nomades
sédentaires, essayant d'identifier la silhouette de mon copain. Je suis revenu pour
l'appeler de nouveau, il m'a dit d'hululer pour me faire reconnaître et j'y suis
retourné, une bouteille de vin à la main.
Rocco habite dans un de ces derniers vestiges d'une époque révolutionnaire en voie
de disparition, un de ces "Wagenburg" ("village de wagons") et travaille pour un euro
cinquante de l'heure à la survie du bastion des derniers des Mohicans. Il se lève vers
sept heures, ouvre les portes des moutons, des oies, des chèvres, des poules et des
deux chevaux, leur apporte à manger, ramasse les feuilles, répare par-ci par là et
fume des cigarettes jusque vers cinq heure où la petite ferme kreuzbergoise remet ses
animaux à l'abri des enfants et de leurs parents.
Il a dans les quarante-cinq ans, les cheveux noir-geai jusqu'à ses solides épaules, les
yeux écartés pour laisser de la liberté entre leurs orbites - des yeux rieurs -, a l'air
d'un Sioux à la peau burinée et le front fuyant, et a les doigts courts. Sur ses mains on
devine la naissance de tatouages qui se poursuivent plus loin sur tout son corps, dit-
il.
Je l'ai interrogé. A vingt-neuf ans, atteint de l'hépathite C, ce que l'on prenait alors
pour une forme de leucémie, il quitta Kreuzberg pour aller mourir ailleurs, en Italie,
dans les montagnes qui bordent le lac de Côme. On lui donne alors encore quelques
mois à vivre; il y restera quinze ans. Sa femme qui tenait un café n'a pas eu le courage
de le suivre et avait avorté un an auparavant.
Voilà Rocco a 850 mètres d'altitude avec une volonté de fer seul dans sa montagne.
En bas le lac de Côme et ses milliardaires, ses voitures de luxe et ses yachts. Il se
trouve une petite hutte de berger et commence à faire du fromage avec une quinzaine
de chèvres à longs poils. Il croit en un meilleur chemin. Il se confond avec la nature,
seul, toujours seul. Parfois, l'été, quand des touristes s'aventurent proche de son
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domaine, il se cache derrière des buissons et le buste nu, lève les bras en criant pour
les faire fuir. Il est un ours, un homme -grizzli et n'a pas besoin de masque pour se
transformer.
Il me raconte qu'il va chercher des pierres pour construire sa maison de plus de cent
kilos chacune à plusieurs kilomètres, à la main, qu'on lui demande ou est sa grue. On
le le croit pas. Milarépa n'aurait su mieux faire... Parfois, il y passe des journées
entières, des mois même, me dit-il, pour porter ses blocs de la vallée voisine. Il revit
avec la nature, parle à ses monolithes pour qu'ils s'ajustent parfaitement à
l'emplacement qu'il désire; il parle aussi à ses chèvres pour qu'elles reviennent après
la nuit. Quand elles ne reviennent pas, il va les chercher le matin là où le soleil fraie
ses rayons au travers des branchages, les embrasse, les caresse. Elles sont ses
compagnons, il les croise avec d'autres races et parvient à en tirer jusqu'à six litres de
lait par jour. Parfois, il donne de sa ricota aux cochons du fermier qui habite une
colline plus loin et qui lui a proposé de l'héberger si rien ne va plus. Une fois
seulement en quinze ans il lui demandera l'hospitalité. Sa maladie recule, et quand il
revient à Berlin, on le considère comme un malade chronique, ce qu'il est toujours,
mais il vit, miraculé.
Quinze ans passés dans le dénuement le plus total l'ont rendu maître de lui- même.
Selon lui, il y a ceux qui se laissent vivre et se plaignent, et ceux qui partent droit
devant eux, la confiance en leur étoile pour tout bagage. Un jour il déterre une racine
de noisetier, énorme, et décide d'en faire un didjiribu. Quand il pleut et qu'il ne
travaille pas au transport herculéen de ses pierres ou à la fabrication de ses fromages,
le soir aussi, quand il ne peut plus se mesurer aux forces de la nature dans sa rage de
vivre, il commence avec une tige de bois incandescente à faire son trou dans le bois
noueux. Après six mois, il abandonne et va dérober une tige de bambou de cinq
mètres de long dans le parc d'un riche italien féru de chinoiseries. Il la ramène tant
bien que mal dans ses hauteurs, la fait sécher dans le vent, puis souffle dedans. Ca
marche. Il ressent l'effet bénéfique des vibrations, vole avec l'aigle de sa montagne.
Quand il revient à Berlin il y a deux ans, trop de dettes accumulées sur sa montagne
ne lui laissant pas d'autre alternative que de quitter sa vie dans les bois, il obtient du
Sénat de la ville la permission de pouvoir venir travailler à la petite ferme de
Kreuzberg. Il me dit qu'il est heureux et je n'en doute pas. Il aimerait certes retourner
là-bas, achever son chef-d'oeuvre de Titan. Il ne manque plus qu'une dernière rangée
de pierres pour pouvoir y poser les poutres du toit encore inexistant.
Je suis sûr qu'il y parviendra. Seul souvenir de ces quinze années à lutter pour la vie,
deux cartes postales qu'il me montre fièrement et qui inaugurèrent son récit. Rocco
est un homme simple et souriant, écoute quand on lui parle, se tait quand il le faut :
Alexis Zorba habite à côté de chez moi, et ce soir j'ai beaucoup appris. Il me propose
de revenir chez lui quand je le veux, et j'ai la ferme intention de le convaincre de se
laisser filmer pour qu'il me raconte son édifiante histoire de vive-voix.
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Errance synotique
Il avait caracolé toute la nuit sans trop savoir être ou n'être pas, vaguement réconcilié
par l'approche du bruit des vagues qui secouaient les récifs telles des lames de métal
en sursaut d'existence. Il restait néanmoins happé par l'impétueux désir de se saisir
enfin de l'objet de sa secrète convoitise : ce qui comptait pour lui à cette heure entre
chien et loup, c'était l'ardeur avec laquelle il se confronterait le lendemain avec les
saveurs douce-amères de la réalité de son bureau virtuel et de l'absence réitérée de
son épouse.
Mais il avait beau retourner les choses dans tous les sens, rien n'y faisait : le ciel
commençait trop tôt à son goût de s'éclaircir; et ses idées grandioses prenaient
soudainement l'allure d'une peau de chagrin pour bibendum sur le retour. En bref, il
s'attachait à se montrer rebelle par conviction plus que par expérience. Rebelle par
amour, pourquoi pas ? Il n'en était pas à sa première rencontre avec la nuit; tant de
nuits passées à observer la nuit... les feuillages dans l'obscurité et ses souliers à la
cadence soutenue, le ciel en tête pour tout objet ou presque et lui en-dessous,
arpentant avec l'ardeur du découvreur de ce que la raison se doit d'ignorer en plein
jour, lorsque les toits se mettent à luire, que la lumière sanguinolente se déverse
depuis l'astre qui se lève et vous surprend après une nuit d'ivresse.
Il en était là lorsqu'il se rappelât qu'il devait voir la mer. Au bout de la nuit, le matin
lui donna envie d'iode et d'embruns, du ressac et du sable.
Il se souvenait des formes étranges qu'avaient prises les ombres en ce jour; des
figures de la tristesse qui s'étalaient sur la dune et de son esprit vagabond. Il
s'accordait à reconnaître en son tréfonds une part de porosité à tout événement
susceptible de venir entraver la route imaginaire de son quotidien : qu'il faisait bon, à
présent, séjourner en cette nuit...
Il s'étalait donc ainsi qu'une ombre du temps sur la plage, appesantit dans l'élément
de sa solitude et du contact marin, assis sur les genoux les yeux fermés pour mieux
sentir qu'à l'aurore, il s'éloignerait de ses considérations systématiques dont la
condamnation le remplissait des remords du conjuré : il mordait la terre quand le
soleil se leva, l'échine courbée, prostré dans sa pose de marbre qui découvre qu'il est
de glaise, comme tout un chacun.
Pour dire sa déraison en cet instant, on se rappellera notre conduite devant ce que
nous ignorons avec l'éclat de la certitude, la manière dont nous jugeons les autres
sans nous donner la peine de les connaître, les paysages aussi, sans essayer d'en saisir
les contours de l'intérieur, le sens de leurs lignes, ce qui leur confère toujours une
beauté. Essayez de me comprendre : il découvrait le plaisir de s'oublier. De se noyer
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un peu dans le grand ensemble. D'ouvrir son ombilic à l'estime du monde. Pour le
fun.
Il s'était alors penché sur son passé pour satisfaire le besoin de s'y mirer, ce qui lui fût
salutaire car il s'aperçut de son hérésie et n'hésita pas à se noyer dans cette flaque
inexistante sans adresser une seule pensée à ses proches, ni aucun regard pour le
lointain dans lequel il devinait l'écho de son spleen plus qu'une aspiration à des jours
meilleurs. Non qu'il était au désespoir, puisque son état physique et mental jouissait
encore d'une relative bienfaisance dont il ne connaissait pas au juste l'origine, mais il
cultivait un faible pour la prostration. ! !! Pourtant il ne mourrait pas encore tout à
fait. Il se leva d'un bon et fît ce qu'il aurait dû commencer par faire bien avant de se
morfondre : il urina. Et de sa flaque de pisse gorgée de ses mauvais souvenirs et de
ses regrets qu'absorbait goulûment la dune en ce petit matin, il vit avec stupéfaction
s'élever une main bleue Yves Klein dont la grâce fragile lui inspira un respect
immédiat. Le caractère insolite de la présence du membre dressé ne lui apparut pas
tout suite tant il retenait son souffle, attendant que cette mano de dios s'anime. Il ne
croyait pas que les coïncidences relèvent d'une signification particulièrement
supérieure, mais voilà, l'ectoplasme émergeait bel et bien de lui à trois pas, révélant
sa nature comme une fleur déploie ses pétales, colorée et inquiétante. ! ! Quand les
deux mains se rencontrèrent enfin, après une longue période d'approche qui parût
interminable à notre rabougri solitaire méditant, le contact fût plutôt froid. Il constata
à regret que cette main n’était en réalité qu’un briquet, dont la flamme sortait de la
paume, enfoui dans le sable et déterré par le puissant jet d'urine libérateur.
Consternation. Rire. Il décida de quitter la côte, mit le cap vers la terre ferme la main
dans le sac, car combien même elle n'avait pas fait le signe de vie attendu d'abord,
elle n'en représentait pas moins une indication capitale sur la marche qu'il devait
suivre : l'index bleu azur pointait vers le haut dans la direction de la grosse lampe
montante des eaux, ce pouvait être alors que l'Himalaya.
Parfois il sortait de son sac la main bleutée, lui serrait la poigne dans ses moments
d'intense solitude et s'adressait à l'interlocuteur de son choix dont il imaginait le reste
du corps, troublé de se le représenter bien souvent de l'autre sexe; et la main bleutée
se mettait alors à l'émoustiller jusqu'à l'érection...
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La lumière changeait plus il progressait dans l'étendue des terres, se perlait de vert, le
bleu du ciel devenait vert, une couleur dont la transparence semblait se moquer des
aspérités de la matière qui se noyait dans l'air.
Il ne lui en fallût pas plus pour remettre le cours de son destin tel que lui avait
indiqué la main pour plus tard : il venait de découvrir deux biches en train de renifler
le sol, dont les museaux soulevaient les feuilles jaunes, le poil luisant et la petite
queue blanche levée, toutes droit sorties de leur monde animal. Les biches le
regardèrent de leurs yeux fendus aux longs cils et ouvrirent la bouche dont il
s'échappa une buée épaisse qui forma dans la pénombre le dessin d'une colline au
sommet de laquelle se dressait un village fortifié d'une étincelante blancheur. Tout lui
apparut avec une clarté inhabituelle, une certitude s'ancra en son centre pour ne plus
en sortir. Puis les biches reprirent aussitôt leur ouvrage automnal comme si de rien,
n'était tandis que les contours du castel s'estompaient déjà vers le sous-bois de
bouleaux.
Allongé sur une pierre plate de granit encore gorgée soleil, ses membres engourdis
par l'effort de sa marche folle, il récapitulait l'enchaînement des derniers chapitres de
sa vie comme on détache les pétales d'une marguerite les unes après les autres avec
un sentiment de respect mêlé d'indifférence. Enfin, il leva ses yeux. Tout autour du
rocher où il avait trouvé repos la terre se craquelait en de longues nervures brunes
qui évoquaient les sillons dans le sable des jardins zen; aussi loin qu'il pouvait voir,
les arbres meurtris par la chaleur ne faisaient plus d'ombre, le vert des sous-bois
disparu, l'eau tarie. Il était seul sur dans une mer de poussière surchauffée, seul
rescapé, messager des biches carbonisées par la langue de feu survenue dans son
sommeil.
Puis le monde chavira en un instant lorsqu'en écarquillant les yeux il constata qu'il
n'en était rien : la rivière s'était remise à couler sous les feuilles de noisetiers, les
mousses ondulaient entre des touffes d'herbes hautes, un oiseau lança un cri, le soleil
se couchait. Pas de feu, pas d'apocalypse, juste une errance.
Trois mois plus tard il se ressenti la venue d'événements similaires bien que le
contexte se soit entre temps développé de manière à ce que rien ou presque ne pût lui
en révéler l'exacte nature. Il avait rejoint sa famille qu'il avait retrouvée en proie à une
grippe tarabiscotée qui ne lui laissait guère de répit vue que sa compagne restait
alitée toute la journée et que ses enfants n'en perdait pas une pour se
chamailler. !! Son retour ne s'était passé sans trop de décombres pour autant qu'il
puisse s'en souvenir. Le flot des images s'était estompé, évanouies dans la réalité
berlinoise retrouvée, le demi-néant de ces coins de rues qui sentent les caves, de ces
immeubles déchirés, de ces tronches graves à l'odeur de savon. Mais il gardait au
chaud le souvenir des biches et de ce bois hanté... pour subsister.
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Histoire du bâton
J'étais derrière ma caméra sur un mauvais pied mais avec un bon oeil en train de
prendre en considération l'angle juste à venir. Où passerait le premier troupeau ? Au
loin, de l'autre côté du grand fleuve, les bergers commençaient à s'agiter. Sur mon
petit écran à cristaux liquides, mon zoom conditionné à son plus fort grossissement,
je les voyais courir en groupe le long de la berge. Des jeunes bergers qui se
préparaient à être les héros du jour, car ils allaient traverser le Niger avec leurs bêtes,
agrippés à leur queue pour ne pas être emportés par le courant. Depuis six mois ils
étaient restés entre hommes dans les contreforts du Sahara, seuls en brousse à
protéger leurs zébus des attaques des fauves et des serpents, à leurs permettre de
subsister en se nourrissant d'herbes sèches et de maigres buissons, en buvant l'eau
trouble des marigots. Comme la décrue du fleuve allait enfin permettre à leurs
quelque trente milles têtes de passer à cet endroit du nom de Diafarabé, ils se
réjouissaient depuis des jours de revoir leurs familles, leurs fiancées, de revenir en
héros. Ils allaient montrer qu'ils étaient devenu des hommes, que leurs bêtes avaient
survécu à la sécheresse, qu'ils étaient capables, une fois cette traversée périlleuse
effectuée, de leur donner à paître l'herbe fraîche du delta intérieur, unique dans toute
l'Afrique de l'Ouest.
C'est à trois mètres de moi, en léger contrebas, que mon père découvrit un bâton de
berger abandonné. Fier de sa découverte, il me le tendit en me disant en riant de
prendre garde à ne pas me le faire voler. Assez occupé à filmer le spectacle
éblouissant des troupeaux qui commençaient leur ultime traversée avant d'arriver
enfin au pays de cocagne, je posais ce bâton tant bien que mal entre les pieds de ma
caméra, réglés à leur plus haut niveau. ! !! J'ai tout de suite pris conscience de ce
que signifiait ce petit trésor : ce n'est pas le genre d'objet que l'on peut impunément
acheter dans un magasin, ni extorquer en les soudoyant à ces bergers peuls dont le
redoutable port de tête vous glace sur le champ. Ces bâtons, comme leurs chapeaux
pointus et les longs sabres dans leurs gaines de cuir qui se balancent dans leurs dos
sont leurs symboles, leur orgueil, autant que leurs outils de travail. Pour s'en faire
une petite idée, il s'agit d'une branche de rogner d'un mètre vingt de long environ, un
arbre connu pour son extrême dureté, taillée à la hauteur d'un noeud de manière à
obtenir à une de ses extrémités une redoutable boule d'une quinzaine de centimètre
de diamètre. Les bergers peuls s'en servent comme aiguillon pour guider leurs bêtes.
En cas de besoin, ils peuvent aussi s'en servir à d'autres fins. La surface du bâton
blotti entre les pieds de ma caméra était encore imprégnée d'une pellicule de la
poussière blanchâtre de tout le Sahel parcouru ces derniers mois, comme enduit de
craie, et veinée du vert-clair d'un bois jeune. Un bout de caoutchouc noir, très serré,
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au deux tiers de sa longueur devait servir à son propriétaire à ne pas le confondre
avec d'autres.
Mais qui en était le propriétaire ? Etait-il non loin de moi à me regarder, allait-il venir
me traiter de voleur, ou me remercier de l'avoir retrouvé ? Mon polo est bien maigre,
et tous les bergers ne manient pas aussi bien le français qu'Amadou Hampâté Ba...
Mais j'avais pour lors d'autre priorités : la foule des spectateurs se massait
maintenant devant mon objectif, j'avais du fermer mon pied et tenir ma caméra à
bout de bras afin de pouvoir passer au-dessus des têtes qui me bouchaient la vue que
je croyait naïvement imprenable quelques minutes auparavant. Mon bâton était du
coup laissé à découvert.
C'est là qu'est arrivé à pic Henri, alias Dialoroum Diallo, notre ami avec lequel nous
avions conçu ce fameux voyage pour faire un film sur l'étonnante histoire de son
père. Henri est né non loin de Diafarabé d'une mère peule waarbé c'est-à-dire
nomade à la bouche tatouée, et d'un père colon vétérinaire en charge durant vingt-
cinq ans de toute cette zone où le Niger cherche sa route et inonde. Il est parti du
Mali à l'âge de huit ans, laissant sa mère derrière lui pour habiter avec ses grands-
parents paternels en Haute-Saône : un traumatisme. Henri est un peul, je suis tout
blanc et plutôt corrézien. Il s'est aussitôt emparé de ce bâton qui pour lui, signifiait
bien entendu plus que pour moi. En vérité, il ne s'en est pas séparé de la journée, son
polo - la langue peule - lui revenant avec toutes ses origines, ses souvenirs, il revivait.
Je comprenais tout cela bien sûr, mais gardais un goût amer dans la bouche.
En quoi cette branche me fascinait-elle ? J'ai toujours eu un faible pour les bâtons,
d'abord avec mon grand père qui m'en trouvait pour aller chercher les cèpes dans les
bois de sapins, puis ensuite au cours de différents voyages ou rencontres. Passer son
bâton c'est un peu passer la flamme olympique. J'en ai plusieurs, de la canne
rajasthani façon maharaja au bâton que le frère illuminé d'un ami m'avait légué, qu'il
avait peint selon les directives judicieuses des petits hommes verts et qui fît même un
voyage d'intronisation chez des sorciers kenyans après que la tenancière d'un
restaurant africain me l'ait emprunté a cette intention. De plus, je suis ce qu'on
pourrait à juste titre nommer une sorte "d'ethnologue en culottes courtes", plongé
depuis mon enfance dans l'univers des masques africains et des tapis berbères, sans
oublier le digne tabouret à traire sarde. Mes parents m'ont donné le goût des voyage
et de la comparaison entre les cultures. Tertio, ce bâton de berger peul était de bonne
augure, une reconnaissance en quelques sortes de notre projet de documentaire, un
signe de bienvenue dans ce pays que je ne connaissais pas mais qui hantait mes
lectures depuis longtemps. Je sais reconnaître aussi le plus flagrant : un bâton est une
marque représentative du pouvoir avec lequel j'eus à découdre.!
Reste que mon ami n'en démordait pas, aussi envoûté que moi par ce bâton, ne le
lâchant pas une seconde. Son assurance dans ce pays si compliqué semblait lui
revenir à son contact, et je ne me serais pas permis de le toucher, même furtivement.
Rentrés à notre base de Macina où nous dormions dans une des seules maisons "en
32
dur" de la petite ville qui avait la chance d'être équipée d' générateur électrique
d'ailleurs assez récalcitrant, je pris le zébu par les cornes, et me décidais à parler à
mon Dialoroum. - "Henri, lui di-je, ce bâton t'appartient plus qu'à moi. C'est toi le
Peul, pas moi. Mais je voulais te dire que si tu me le donnais, j'en serais très fier." -
"Dans mon esprit, me répondit-il de sa belle voix basse et posée qui a conservé toutes
les couleurs de l'accent de Haute-Saône, c'est très clair : c'est ton bâton. Et puis de
retour à Berlin, tu le donneras à ton fils."
J'étais soulagé par son apparente détermination, mais je savais aussi que je lui avait
forcé la main et je m'en sentais tout penaud. Je venais de commettre un larcin, de lui
voler un peu de sa mémoire, sa fierté fraîchement retrouvée, moi qui n'avais pas ses
racines, sur un caprice d'enfant gâté que je suis. Mais je ne pouvais me défaire de la
fascination que m'inspirait l'unique objet de nos convoitises : ce bâton m'envoûtait
bel et bien et je ne pouvais lever le sortilège si facilement. Il m'est rarement arrivé
dans ma vie de tenir tête à ce point. Je touchais un mot à mon père de notre rapide
discussion au sommet - je rappelle que c'était lui qui l'avait trouvé -; il me dit ce qu'il
en pensait, que ce bâton appartenait bien évidemment de droit à Henri. Je lui
répondis par un silence éloquent. Et le lendemain, dans notre 4x4, mon paternel
évoqua l'emplacement idéal du trésor lorsqu'il se serait revenu à Paris dans
l'appartement de notre Henri : sur un plateau d'argent. Belle image en effet, mais qui
dois-je dire me consternait un peu.
Le sujet revenait en filigrane à tout moment, Henri ne s'en séparait pas, ses larges
mains posées sur la grosse boule, palpant le sentiment de sa mémoire. Dans son
enfance, on le nommait le "fils du chef des bergers". C'étaient les Peuls eux-même qui
avaient donné ce titre honorifique à son père qui parlait plus volontiers polo que
français. Nous avions alors convenu entre nous que tant que nous serions sur le sol
de ses ancêtres, ce bâton lui appartiendrait et qu'à Roissy, la passation de pouvoir
aurait lieu. Je lui avait proposé, essayant de couper la part du gâteau en deux, que
nous nous échangions le fameux bâton au rythme de nos rencontres, intronisant ainsi
une sorte de rituel autour de l'Objet à forte valeur ajoutée.
33
En survolant de nuit les puits de pétrole du Sahara qui flambaient sous le croissant
de lune renversé, buvant quelques coups de rouge avec mon paternel dans la bonne
humeur d'un voyage réussi - nous avions les images que nous craignions à notre
départ de ne pas obtenir -, j'imaginais la massue peule seule dans la soute en dessous
de nos sièges, en train de passer d'un continent à l'autre dans un froid polaire, ce
dont elle ne se doutait pas cinq jours avant. Qu'allait-elle devenir ? Reverrions-nous
notre bâton ? Alea jecta est.
Roissy, sept heures du matin, le soleil se lève derrière les verrières futuristes. Nos
bagages arrivent, mais point de bâton. Au bout d'une demie-heure, nous nous
décidons à aller le réclamer, le récépissé en main au guichet des objets perdus. Il y a
la queue, les employés fatigués au bout de leur nuit blanche passent le flambeau à
leurs collègues, pas encore très réveillés. Nous tentons de court-circuiter l'attente en
restant derrière une porte plein de promesses d'où sortent à intervalles irrégulières
poussettes et sac Tati abandonnés. En vain, rien à signaler. Dans notre attente, je
rencontre un grand noir qui était dans l'avion avec nous et qui a perdu sa valise.
J'essaye de le réconforter, lui fait part de notre perte à nous, je crois qu'il en saisit le
sens, lui dit que ce genre de chose n'arrive qu'aux autres, mais que lorsqu'on est soi-
même concerné, c'est en effet une autre paire de manche. Je compatis. Il reste
seulement quatre jours à Paris et son bagage manquant lui serre la gorge. Nous
revenons au guichet, Henri remplit sa déposition, description à l'appui, nous faisons
de notre mieux pour convaincre nos interlocuteurs la nature unique de ce vulgaire
bout de bois. Notre bâton acquiert une certaine notoriété dans les coulisses de
l'aéroport. La tristesse monte, l'épuisement aussi. On se résigne. Tacitement, nous
comprenons tous les deux que le bâton en a décidé autrement, et l'espoir de le revoir
est bien maigre. Nous passons la douane sans encombre, il faut dire que les
douaniers nous regardent poirauter depuis deux heures lorsque les portes
coulissantes s'ouvrent puis se referment, et que nous formons un trio plutôt
sympathique.
Nous prenons les escaliers roulants, achetons nos billets de RER, je tire ma valise, et...
c'est pas vrai ! Ce n'est pas ma valise, mais celle du type que j'avais entrepris de
consoler ! Fou rire général. Décidément ce bâton a plus d'un tour dans son sac. Nous
nous remémorons esclaffés la scène du parfait salaud machiavélique qui vient de
voler la valise de son voisin, le prenant en pitié, l'objet du délit sous ses yeux. Et c'est
reparti : nous remontons, repassons la douane les larmes aux yeux, les douaniers
nous prennent pour des parfaits tarés, je retrouve ma valise qui m'attend bien
entendu sagement au côté du berceau et du sac Tati. Ma victime s'était sans doute
rendu compte de sa propre méprise au même moment que moi, peu avant de
s'engouffrer dans son propre wagon.
Le lendemain, sur le coup de onze heures, je téléphone chez mon ami. Il vient de me
graver un CD des photos de notre voyage et je m'invite à déjeuner chez lui. A cet
instant précis, on sonne à sa porte. C'est Air France qui vient livrer le précieux
paquet ! Tout cela me déboussole un peu, mais me redonne confiance en ma bonne
étoile. Henri et Hugette m'ont préparé un bon petit repas et je ressors l'estomac
34
remplit et mon bâton à la main. Fier comme Artaban, je gravis la Montagne Sainte
Geneviève d'un pas de berger peul en plein conte de fée.
Rentré chez mes parents avant de repartir pour Berlin où je vis, je le dépose
fermement sur la table de la cuisine, et dit à mon père : - "Tu diras à notre ami que ce
bâton est le sien."
CQFD.
35
Cercle de pierres un jour opaque, de l‘existentialisme, un Lundi
Un homme assis soupire car les femmes évitent son regard. Du même coup, il
n'arrive plus à les regarder et cuve des liqueurs depuis près de deux heures. Il a dans
ses poches un atlas et un cristal de roche. Des phrases résonnent sous son bonnet
chevelu, des traces de pensées qui se fécondent entre elles sans arrêt, des bribes de
raisonnements, des ébauches d'idées, des ponts, des points qui tracent de vagues
courbes : une impression de pensée, de celles qui vous donnent le sentiment d'être et
qui vous échappent par la même occasion. De l'air en boîte.
Souvent il se met alors à penser à la place des autres, comme si ses préoccupations à
lui ne lui suffisaient pas, il s'imagine être le voisin du quatrième qui est en train de
monter l'escalier, la vendeuse turque du coin de la rue, le professeur de sa fille, ou
son voisin de table, pour comprendre. Quelquefois, il était allé plus loin. Il était
devenu la table sur laquelle il écrivait, son assiette, les murs de son appartement. Il
avait appris que contre toute attente, les personnes ne pensent pas forcément plus
que les choses. Mais il n'avait jamais tenté de se mettre dans la peau d'un animal; ce
règne à la fois trop proche et trop éloigné de l'homme risquait de le river à son
identification sauvage pour de bon, de le statufier dans le rôle du singe, ou de la
panthère. Une fois, le singe-en-lui avait même tenu sa conscience humaine en laisse
pendant tout une demie-journée. Il était redevenu humain avec un bon mal au dos et
poussait de temps à autre des gueulantes de chimpanzé lorsqu’il connaissait une
contrariété. Il avait reconnu alors que quitter le structurant langage était un plaisir
dangereux. ! !! Et puis tout cela n'était-il pas d'ailleurs bien plus intéressant que
de constater son manque de sex apeal auprès de la gente féminine ? Il avait donc levé
l'ancre, déterminé à ne pas devoir essuyer d'autres affronts, les jambes endolories par
trop de raisonnements boiteux, les yeux laiteux emplis du désir vague de partir à la
découverte d'endroits inconnus. Il n'entendit pas la porte du café se refermer derrière
lui, toute son attention subitement happée par des cascades de roucoulements de
pigeons qui venaient profiter sur la petite place de quelques rayons de soleil
échappés du couvercle gris.
36
Mais ces diluviennes jouissances avaient soudainement pris fin dans la confusion de
ses sentiments anéantis. Il ne parlait plus, respirait à peine, et on pouvait désormais
lire sur son visage une vacuité ahurie qui vous glacerait plus d'un bouddhiste. Une
serpière sur une chaise n'aurait pas fait meilleur effet, ce qui pour l'ego n'est pas
grand chose, on en conviendra.
Il n'aimait pas les pigeons. Il aimait bien les rats, les loutres et les cerfs de bonnes
familles, les éléphants et les scarabées irisés, mais pas les pigeons. Parce que les
pigeons sont tous absolument semblables les uns aux autres, du moins, c'est ce qu'il
prétendait. Et puis ils restaient toujours ensembles, frénétiques picoreurs de miettes,
de miasmes et au printemps de pigeonnes.
A 20 heures, très résolu, il s'était habillé de façon à ne pas pouvoir se reprocher son
manque d'allant pour son rendez-vous imaginaire, mais par aubaine n'avait pas
trouvé ses clés avant de sortir de chez lui. Il s'était alors assis sur son fauteuil au bout
d'une bonne demie-heure de recherche qui lui avait fait perler sa sueur sur son front.
Ses mains vides encore toutes agitées par le désir frustré de préhension du précieux
objet de métal blanc, le tissu de son pantalon lui tirant sur les cuisses et le souffle
court, il s'était mis à pénétrer avec une certaine extase dans un malaise dont il
entendait se distancer par l'ironie de sa mise-en-scène. Un rendez-vous imaginaire.
Une raison de sortir en provocant le sort qui préside à la rencontre d'un désespéré
des rencontres, la fuite en avant larvée dans l'oeuf d'un solitaire professionnel
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s'inventant sa société. Il n'attendait pas Godo, il se préparait à un rendez-vous avec
Godette qui n'existait pas, pour finir cloué chez lui sans sous trousseau de clés. Une
raison de dormir trouvée.
38
Mon : «Je me souviens», sur le fameux modèle de Perec quelquepart dans l‘inachevé
de se souvenir
Je me souviens d’un mur qui passait très vite. J’étais derrière ma mère et on me dit
plus tard que c’était au Canada et que j’avais deux ans et demi. Ma cheville se prit
dans la chaîne du vélo.
Je me souviens des fleurs jaunes dans le jardin de mes grands-parents, des pommiers
et des framboisiers.
Je me souviens du geai dans la cour de Paris qui nous réveillait le matin de son cri
rauque, de son plumage bleuté et de mes parents qui se vantaient de vivre en pleine
ville «à la campagne».
Je me souviens de la voisine de pallier, très pauvre, qui venait m’offrir des petites
voitures.
Je me souviens à New-York - j’avais dix ans - d’un étalage sur un trottoir où l’on
vendait des rubics cubes et d’un voleur qui devant moi se saisit d’un exemplaire et
partit en courant.
Je me souviens à Roissy en revenant d’un enfant un peu plus âgé qui me traita de
con, et de mes parents à qui je le racontai de suite et qui me dirent de me défendre
comme si cela avait été de ma faute.
Je me souviens d’un magasin de pierre qui venaient du Brésil situé dans le Marais, de
mon amour des cristaux de couleur.
39
Je me souviens de mon premier temple domestique, à quatre ans, en faisant jouer des
reflets de lumière sur l’eau, et d’un négatif que j’avais volé dans le secrétaire de ma
tante qui représentait un arbre décharné.
Je me souviens des petits déjeuners au lit avec ma tante et Rumba, un Airdale qui
sentait fort de la gueule.
Je me souviens de l’énorme déception que j’ai connue lorsque mon père me fit croire
que l’énorme robot en plastique de Goldorak que venais d’apercevoir sur une chaise
sur le bord d’un terrain de tennis boulevard Arago était pour moi. Je me le suis
représenté tout de suite dans la voiture et j’avais peur qu’il n’y ait pas assez de place
pour le mettre à mes côtés.
Je me souviens des cris dans ma tête, de la nuée des hurlements intérieurs qui me
prirent vers l’âge de huit ans. Bien plus tard je découvrais une description semblable
chez Léon Bloy.
Je me souviens des pots de yaourts aux fruits Yoplait vides remplit de mes armées de
petits-soldats Matchbox et de l’odeur qui s’en dégageait.
Je me souviens, en Grèce toujours, d’un enfant qui me suivait partout et qui était
amoureux de mes cheveux blonds.
40
Je me souviens de mes crises d’asthme et de l’explication que me donna Catherine
Dolto pour me faire comprendre comment mes alvéoles pulmonaires se fermaient.
Je me souviens d’avoir fait tomber d’un rebord de fenêtre à deux reprises Monique
Watson au collège. Chaque fois les pompiers étaient venus, chaque fois elle était
tombée dans le coma, mais ne m’en voulait pas. Ma mère était honteuse car Monique
est noire et que nous venions du Kentucky. Je suis content d'avoir retrouvé Monique
sur Face Book.
Je me souviens d’elle aussi avec sa vieille guitare, chantant des chansons mexicaines
de son enfance, quand elle était encore celle des paquets de cigarettes Gitanes sans
filtre que j’allais lui chercher et que je m’empressais de percer avec des aiguilles.
Je me souviens de mon anniversaire de mes dix ans. Je m’étais procuré un exemplaire
de Play Boy que j’avais caché dans la couverture de «Thriller» de Michael Jackson.
Mathieu l’y avait découvert aux yeux de tous mes invités et pour surmonter le
malaise avait chanté l’air de «Grand-mère sait faire du bon café».
41
papier qu’il prémâchait. Il m’emmenait dans les bois chercher des cèpes, en trouvait
le double que moi, puis nous allions les vendre pour me faire de l’argent de poche.
Je me souviens des billets pas si petits que cela que ma grand-mère me donnait et que
je transformais en bandes dessinées une fois rentré à Paris. J’en avais une jolie
collection !
!! ! ! ! ! ! 8. Fin
! ! ! ! ! ! ! !
42
! ! ! ! ! ! ! ! III!
UN EXTRAIT DE MA
CORRESPONDANCE EPIMAILAIRE
EN DIX CHAPITRES
Famille je t‘aime
43
Chapitre 0
__________________________
Toi l'humain qui vas lire ce qui suit, toi pour qui ma vie n'aura plus
beaucoup de secret, toi que je ne connais pas, toi qui m'a toujours répondu
quand je t'ai parlé, passant considérable que j'ai déjà croisé peut-être
Cher inconnu(e),
Si j'ai décidé de te faire lire ce qui suit, c'est que je pense que tu pourras peut-
être lire cette correspondance comme peut se lire un roman. Mais tu me diras
si je me trompe. Ta lecture me le dira. Je tiens à te dire que je n'ai jamais écrit
de courriels dans l'intention de les publier par la suite. J'aime écrire à mes
amis, j'aime l'écriture. Je me sens bien lorsque je dis à l'autre ce que je ressens,
parce que si je ne lui en fait pas part, notre relation s'en trouvera forcément
faussée. Je ne supporte pas les mensonges parce que chaque fois que l'on ment,
on affirme aussi son arrogance, on se trompe. J'aime les contacts humains
autant que la solitude et mène une vie berlinoise à la lisière de la forêt où
l'amour pour ma famille tient une place prépondérante. Je crois que j'ai
beaucoup de chance.
Je remercie mes correspondants d'avoir bien voulu me donner leur accord afin
de publier ceci.
Ils ont tous par ailleurs mon plus grand respect en tant qu'individus.
Si tu ne comprends pas ce que je veux te dire pas là, ne te donne pas la peine
de lire plus loin.
Les noms de mes correspondants, les adresses, les numéros sont bien entendu
tous brouillés, j'emprunte moi-même un pseudonyme et rien de honteux ne
vient souiller ni leur intégrité ni la mienne, bien au contraire.
45
Chapitre 1
_________________________
Enric Lecogic, peut-être un futur ami
Pierre,
Ma névrose a déjà frappé !
Un rapide passage sur Google Earth m’a d’ores et déjà permis de localiser
Kreuzberg, plus particulièrement ton quartier, et même ta rue !
L’analyse satellitaire est aussi formelle qu’indiscutable : ce quartier est
verdoyant, et laisse bcp de place aux marcheurs pathologiques ! Je note
également une possibilité de ski nautique sur le bassin carré faisant face à
l’Eglise. Les proportions des rues me paraissent incroyables, et j’ai peine à
imaginer une vie de quartier fourmillante (petites galeries, restos, librairies,
marchands divers) tant les artères sont larges ; mais je me trompe
certainement.
En fait, je réalise maintenant que l’image que j’ai de Berlin, c’est
essentiellement ce terrain vague filmé dans les ailes du Désir, lequel terrain
vague a certainement du disparaitre avec l’urbanisme surexcité que la ville a
connu depuis le tournage.
Je quitte Berlin, et je me dis que nous avons passé un très beau et bon moment
ce WE.
Anne me disait se souvenir de toi d’ailleurs, sans doute d’un dîner chez Ali
cité Trévise (avec Matthias et Cécile).
A+
46
Cher Enric,
Ton engouement pour Berlin me ravit d'autant plus que je sais cette ville faite
pour te plaire.
Je me permets de joindre à cette courte missive une autre, plus longue, qui te
fera comprendre de plus près ce à quoi je m'emploie. La mise en page, censé
en faciliter la lecture (mais là je me trompe peut-être) est voulue comme telle
(une autre version sans celle-ci existe bien-sûr). Il y a là beaucoup de
lapalissades, mais qui ont sans doute le mérite d'être ici réunies.
Je fais confiance à ta confidentialité, rien de tout cela n'étant encore publié sous
quelque forme que ce soit.
Je suis en train de monter le projet d'un film avec la mère d'Ali sur les gestes et
techniques alimentaires qui remontent à l'antiquité utilisés encore aujourd'hui
quotidiennement en Egypte.
Pierre McG.
PS Berlin, qui est tropicale en ce moment, t'attend donc. Je n'y serai pas du 6
juillet au 15 août.
PS2 Suis par ailleurs en attente d'un échantillon de tes belles photographies du
mariage...
47
Chapitre II
___________________________
Maat Husseini, la mère récemment rencontrée
d'un grand ami qui s'est marié il y a peu!
Chère Madame,
!
Je dois tous d'abord vous redire le plaisir que j'ai eu à vous rencontrer. Notre
épisode ferroviaire, symbolique en tant que tel de notre rencontre, m'emplit
encore de certitudes, me rassure et me porte.
Je suis certes un fidèle du premier cercle parisien "dragonnesque" de votre fils,
mais je dois dire que la portée des "techniques" que vous avez bien voulu
partager avec moi est d'une autre nature que le règne de fraternité pourtant si
précieux que je ressens à son encontre.
Je suis, pour vous le dire simplement, rassuré que des personnes comme vous
puissent occuper des postes qui assurent notre avenir. Ma naïveté (/
angoisse ?) me laissait penser jusqu'à présent que cela relevait plus du conte de
fées que de la réalité des relations internationales.
J'imagine dès lors une forme de synergie d'êtres éclairés qui serait aux
commandes des plans qui se construisent aujourd'hui dans l'ombre. Voeu
pieux ? Je crois que d'y croire humblement favorise d'emblée la propagation
d'aptitudes similaires aux vôtres. Et je jette une pincée de sel pour ce propos.
Le mariage de votre fils restera gravé et limpide parce que je l'aime : mon
bonheur était grand pour lui - et pour elle, "à l'ici-même".
Ces deux brefs textes qui suivent, un peu trop théoriques et verbeux sans
doute, vous diront peut-être plus ce que mes projets recoupent. Ecrits en hâte
il y a quelques mois, ils ne sont que l'ébauche de ce que je me propose. Comme
je vous en faisais part, je me dois de resserrer mon champs d'analyse si je ne
veux pas tomber dans le piège du journalisme et du trop-plein documentaire :
48
le monde croule sous les documents ! Vos conseils pertinents me seraient
précieux et j'ai toute confiance en vous.
Pierre.
!
Cher Pierre,
49
Dear Pierre, this is as far as my verbal French can go. I have a plea to make to
you... Can you write in French and allow me to reply in English?? I can
only freely express myself in English... using French makes me look for the
appropriate words, which I do not always find. This can interrupt my
intuitive flow of thoughts and produces a pondered and stiff French
language! If I feel confident enough about a subject, I shall of course use
French. The other alternative is that I write in a French that is verbal
paying no attention to grammatical rules....
Amicalement, Maat
P.S. J'ai besoins de votre adresse postal pour vous envoyer le livre sur la magie
des psaumes de David.
Chère Maat,
Je vous suis très reconnaissant de me confier ce livre qui n'est pas comme les
autres. Son étude représente aussi une mine de savoir à propos de ce à quoi je
me destine.
J'avoue cependant mon impuissance, sans votre aide, à saisir la raison intimes
de ces "gestes magiques" hors de leurs contextes. Sa lecture me prendra du
temps.
Leur classification serait d'ailleurs un sujet d'étude fantastique pour une
anthropologie du geste symbolique.
Mais c'est avant tout leur source, ce manuscrit, établissant ce pont entre
l'Egypte pharaonique et copte, qui me fascine. C'est un sujet dont j'ignore tout.
Il se trouve que je regroupais justement hier des textes trouvés sur Google sur
le père René Mauret, un ami de ma famille depuis toujours, qui est le
responsable de l'institut dominicain d'études orientales au Caire, quand j'ai
reçu votre paquet.
Mon étonnement fût grand lorsque je lu dans les premières pages de votre
livre que le prédécesseur de ce René, le père Anawati, avait donné des
informations à Henein et Blanquis sur la magie copte...
50
Chère madame, je suis très heureux de vous avoir rencontré. Je vous envoie
sous peu mon petit film "Taleem", fait il y a deux ans avec les moyens du bord,
sur la transmission de la musique au Rajasthan. Je suis très conscient de ses
imperfections, mais serais néanmoins heureux que vous le visionniez.
Pierre McG.
PS Ci-joint ces quelques textes réunis sur René Mauret, qui n'ont certes pas
directement trait à notre sujet, mais qui semblent ne pas manquer d'intérêt sur
l'astrologie arabe en particulier (dernier texte).
Dear Pierre,
I am so happy that you appreciate this book... and that my judgement that you
should be the new owner is correct. It was given to Ossman by Nessim Henein
himself. Nessim is a very close friend of the family, and lives at the Pyramids
neighbourhood. Maybe you can meet him some day. In fact, he has just left for
Switzerland (near Lausanne) where he will spend the summer and will only
return next October- his wife Aurelia is Swiss. If you wish, I'll get for you his
Swiss "cordonnees" and e-mail and you can talk to him or even visit him. He
is a mine of information on anthropological Coptic matters.
I have a few things comments and ideas about some of what you wrote about
in your message, but this has to wait for a moment when I have more time to
concentrate on such intense subjects..
Just a warning befor I end, do not send anything to Egypt, they do not always
arrive. You can mail me all what you wish to send me at the follwing
address:xxxxx
Maat
51
Dear Pierre,
I am very pleased to hear the good news about your family ... And may all
your hopes and wishes continue to be realized.
There is absolutely no cause for worry or "souci" for any reason whatsoever!
These last weeks of July were very busy. I have again traveled to Italy, this
time to attend a meeting in Catania Sicily for a joint project with the University
of Catania (institute of agricultural economy) and...... many other things are
keeping me fully occupied .....I shall tell you about them as you may be the
only one who can understand what I am going through these days.
Since just over one week now a big pattern that has to do with my personally
assigned mission is falling into place. It is not "falling" alone... Things are
happening because the BIG picture is clear in my head and the role of each
actor needed to make it happen is also in my head... That big picture
was conceived while mobilizing and scouting around, in Egypt and abroad, to
identify the "actors" that can play a role and contribute towards realization of
the objective of my "mission". All through the past years, I have been
identifying the potential actors that can have a role to play in realizing
the objectives of the "big" picture and have stored the knowledge of this
potential in my "actors bank" to draw on when the time becomes
right. Currently, the time has just become ripe for efforts directed at realizing
the objective of establishing the appropriate systems for protection of the food
heritage of Egyptians and the related endogenous knowledge.
At this point, I find myself having to pump "energy" into each of my
identified "stored" actors and then use more of my own "live" energy
(expressed in several different ways according to the nature of the situation,
the nature of the awaited contribution, and of the person that is supposed to
act) to inspire the "actor" to do the right thing and fill in the previously
conceived space in my own big picture. These past few weeks the different
actors from widely varying origins and disciplines are beginning to "click"
together and the picture is taking shape. Ideas are turning into defined actions
with a name and a date and responsibility for the activity to be assumed by a
given "actor"...
I do not know if you can make sense of any of this funny description...
What is more frightening is a certain "communion" that I feel with a higher
power that is watching over my endeavors and that has three times over the
past two months changed the course of events. This was produced in
52
instances that obstructed contact with a certain person or prevented
communication of certain information to a person or an institution... In each
case, that "obstruction" protected my "project" from being undermined by a
non-productive relation or a destructive aggressive external influence. In
other instances, names and people crossed my path just at the right moment as
if telling me that it is this person that I have to communicate with, which I
did, with beneficial outcomes for advancement of my project in each case.
On next Monday 30 August, a meeting is organized at the Ministry of Trade
and Industry. I have very carefully prepared and am still preparing for this
meeting. The meeting will serve to channel the mobilized "energies" so
that the sponsorship of my project by the Ministry is confirmed, the actors
participating in the meeting are brought together in a "new" partnership
relation for advancing the realization of objectives that shall be agreed upon
during the meeting... All of this will serve to lay the foundations for the BIG
picture and act as a springboard for subsequent actions.
Nicolas, it is only you who can appreciate that under these conditions all my
senses, my brain and my receptors are "open" and functioning at full gear. The
sharpening of my "capacities" requires degree of isolation from external
distractions draws enormously on personal energy.
Being the only friend who is capable of understanding these complicated
happenings ... you are never far away from my mind.
Sincerely, Maat
P.S. On second thought, I am rather frightened by the signs that come across
my way and the things that seem to be "moved" by a superior hand. I have a
strong feeling that the course of events is predestined and already established
and that I may break and interrupt the course of things if I speak about them....
Therefore, you shall receive this message written today Friday 27 July, AFTER
the meeting of 30 August...
Please do not laugh at my superstition... M.
Chère Maat,
53
Je suis très heureux que votre fils ait eu le courage de suivre son instinct et
qu'il soit redevenu cairote, à contre-courant de toute attente parisienne, même
si sa décision a dû vous surprendre de prime abord, peu après l'anniversaire
de son mariage dans votre maison. Lorsque nous nous sommes brièvement
parlés la dernière fois au téléphone, il venait de me faire part de ses décisions,
mais ne vous en avait encore rien dit, et ma voix était un peu nouée...
Si ma caméra peut encore vous servir, entre autre, je vous en réitère l'offre ; je
serais honoré de servir une cause telle que la vôtre, si nous pouvions trouver le
temps d'y réfléchir ensemble. Je serais heureux d'apprendre à vos côtés, en
étant conscient de la chance que vous m'offririez.
Aalam reste encore difficilement joignable, sauf lorsqu'il se trouve dans les
parages d'un grand hôtel pour avoir une liaison internet; aussi saluez-le de ma
part s'il vous plaît, si d'aventure il parvient à passer au travers des bouchons
jusqu'à la route des pyramides...
amicalement,
Pierre
Dear Pierre,
54
There is an answer to your question .. though I still need some time before
understanding and expressing an answer. However, rest assured that the
matter has nothing to do with you and the whole problem is on my side.
You guessed right, when your phone call call came in I was in a conference
and did not see the unfamiliar number on my screen till the end of the day.
Unfortunately, I never call back for numbers that I do not recognize.
You are most welcome to come with the group, however, apart from maybe
the possibility of discussing and elaborating on the subject of "les gestes
traditionnels" there will be no opportunity for visits outside Cairo. Field visits
have to be planned for well ahead of time, and some places may even require
prior security clearance for foreigners by concern for their safety.
Sincerely, Maat
55
Chapitre IV
___________________________
Rémy Nérigel, rencontre épimailaire
Pierre MacGregor
Bonjour !
Merci pour votre message et votre intérêt pour les cours de Marcel Jousse.
Il s'agit des cours oraux, sténotypés à l'époque, puis dactylographiés, et enfin
numérisés et désormais disponible en fichier pdf.
Si vous souhaitez acquérir les 2 cédéroms, il vous suffit de faire un virement
de 50€ au compte de l'Association Marcel Jousse.
Faites-moi signe dès que le virement est effectué et je vous ferai parvenir les
cédéroms par courrier à l'adresse que vous voudrez bien m'indiquer.
56
Par ailleurs, je serai intéressé de savoir comment vous êtes arrivé aux travaux
de Marcel Jousse, en quoi ils vous intéressent et comment vous avez appris
l'existence des cédéroms.
Cordialement
Rémy Nérigel
57
Ce que dit là votre maître me passionne et me donne l'occasion de faire bien de
ponts avec d'autres lectures de différents horizons. Reste à apprendre, ce que je
me propose de faire.
J'ai un peu l'impression de sortir un trésor de sa cachette, et vous remercie
pour votre travail.
Avec mes remerciements, je vous joins mes meilleurs voeux pour l'année du
cochon,
Pierre MacGregor
Bonjour Pierre !
Moi non plus je ne suis pas universitaire, bien qu'en lien avec un certain
nombre au niveau international.
Je vous mets une petite présentation de mon parcours en lien avec Jousse
Chercheur sur la vie de Marcel Jousse en particulier sur ses rapports avec ses
deux maîtres professeurs au Collège de France l'Abbé Rousselot, fondateur de
la phonétique expérimentale et Pierre Janet connu pour sa psychologie de la
conduite. Recontextualiser la réception des travaux de Jousse au début du
20ème siècle dans l'histoire des sciences humaines et religieuses en France
constitue un axe de sa recherche. Par ailleurs, il s'agit de démontrer comment
58
l’approche anthropologique décrite par Jousse est une clé pour l’adaptation
aux changements technologiques rapides actuels.
Je me réjouis du projet que vous décrivez et qui n'est pas sans faire écho aux
propos de Jousse, je comprends fort bien votre intérêt passionné. Je vous mets
en Pj un de mes articles paru il y a quelques temps dans un livre "Sur les pas
de Marey" et vous verrez le lien avec votre projet.
Bonjour !
59
Un nouveau point commun. Nos fils aînés vont à l'Ecole Steiner de Chatou (en
1ère et 3ème classe). Nous avions trouvé cette approche pédagogique la plus
en accord avec la perspective anthropologique de Jousse. C'est d'ailleurs un de
mes sujets de réflexion d'articuler les 2. Mais en France, Steiner n'a pas très
bonne presse.
Je vous joins un article de Jousse de 1927 et vous signale que des originaux
sont en ligne en :
http://classiques.uqac.ca/classiques/jousse_marcel/jousse_marcel.html
Mais c'est peut-être pas ce biais que vous avez eu mon email.
Pour ce qui est de votre question, je n'ai pas d'éléments de réponse ,à vrai dire,
je n'ai jamais entendu parlé de votre homme, mais il est possible de faire une
recherche dans les cours.
Si vous avez l'occasion de venir sur Paris, faites moi signe que nous nous
rencontrions.
Cordialement
Rémy Nérigel
60
longtemps le seul terrain sérieux d'entente entre toutes ces pensées différentes.
Je tenais à préciser cela.
Alors comme ça, anthroposophie et anthropologie du geste, même combat ?
Mon intuition ne devait pas être si mauvaise... Des pans entiers de nos rivalités
pédagogiques entre gaulois et teutons s'effondreraient alors sûrement - telle
est du moins mon utopie - pour le profit du plus grand nombre, quoique les
mentalités soient par nature paresseuses. Le rapprochement des deux serait en
tous les cas un levier puissant.
Tout cela est bien intéressant, et mériterait certes que nous nous rencontrions
un de ces jours...
Pierre
61
Chapitre V
___________________________
Corto Cavale, photographe, père d'une amie de mes enfants, ami et ancien
voisin berlinois
Ave, Corto !
Ciao,
Pierre
PS. Tiens, voilà deux photos dont le rapprochement me paraît judicieux. D'un
côté la famille Ben Laden à Oslo en 71; de l'autre, "Eight is enough", série wasp
culte du milieu des 80's. Qui nous parle "d'occidentalisme" ? Pas assez.
62
ave a te, pierre,
Cher ami,
Ommanipatmeom,
Semper fideli,
Pierre
salut pierre,
63
dommage que tu n'avaiz pas des temps pour te fermer a florence... moi je suis
ici depuis un semaine.. domaine je vais pour 3 jours chez eva et apres je suis a
los angeles pour un mois....
la vie sa passe pas trop bien maintenant, peut etre que tu sais deja que entre
moi et anne les chose ne vont pas trop bien, on est separee pour l'istante... la
decision est sourtout arrivee de ma part, mais on ne allez pas bien depois
beaucoup des annes... enfin je suis arrive au point de me separer. naturalment
cette decision est d'une parte liberatoire et de l'autre une supplice... alors je
suis en un moment tres deprimee et fatigee, je ne dorme pas, je suis tres
moche.... aprez cette job in los angeles je prende des vacance pour moi... peut
etre que je parte pour l'indie.. je ne sais pas encore. ou je vais faire un ritire
vipassana dquelque part.... de tout faconos la vie est dure ou moment.
berlin ca me manque aussi. cette ete j'ai travaille a berlin (tu etes deja en
france) moi je suis reste a berlin pour duex semaine, anne et emma etaint a
konstanz, j'ai travaille avec des person stupende, je me suis amusee a berlin
comme rarement, on a ou des journee merveilleuse, comme ca je suis parti de
berlin avec un des plus belles souvenirs de la ville....encroiable non?
je suis sure que je viens visiter tot....
corto
Mon ami,
Merde alors ! Non, Clara ne m'avait rien dit, et je ne crois pas qu'Eva l'ait dit à
Noémie.
La nouvelle de votre séparation me choque : je pensais que votre mauvaise
période était derrière vous, que ce cette nouvelle vie sur le Bodensee vous
rapprocherait, toi de l'Italie, elle de son enfance...
Je suis avec toi en pensées, Corto. J'imagine très bien ce que ce sentiment de
libération d'un côté et le supplice du déchirement de l'autre te font beaucoup
souffrir. Le seul conseil que je puisse te donner est de ne pas refouler cette
souffrance, mais la prendre avec toi, de la cum-prendare, de l'écouter, de
l'aimer presque. Avoir horreur de sa souffrance la rend plus violente encore.
Je ne sais si je dois me réjouir de cette décision ou en être attristé, les deux
sûrement. Comme toute séparation, c'est un échec d'amour, et vous êtes un
beau couple; cependant on ne peut "jouer" à l'amour (si j'ai bien compris un
64
peu de votre intimité), faire semblant pour les beaux yeux de son enfant, sans
à terme perdre sa tête tout comme son coeur. Je crois que je ne serais pas arrivé
à ce degrés d'abnégation si tel avait été mon cas; comment faites-vous pour
vivre sans amour ? Tu ne la pouvais plus sans doute.
J'espère ne pas te blesser avec ces mots.
Comment Eva réagit-elle ? Pour le moment je n'en touche pas un mot à
Noémie. Et Anne arrive t-elle à assurer ses cours dans de telles circonstances ?
Merde alors ! Je déteste les séparations : dans mes histoires d'amour, je ne suis
jamais arrivé à partir en premier, ce sont toujours les femmes qui m'ont fait
manger du noir.
Pierre
merci pierre,
tes sage paroles sont beaucoup d'aide.... pour l'istant emma ne sais rien, a part
voir moi et anne en discussions interminable, en pleurant, fache o simplement
triste.... elle sais que on as des probleme, mais pour la routine de notre vie, pas
beaucoup est change. moi je viens et je part comme d'abitude....anne est plutot
triste, mais son nouvelle travaille il lui donne beaucoup des sodisfations et
aussi remple ca vie.
ce que tu dis est profondement vrai, je doi ecouter mon souffrance, ce normal
qui on as des periode de suffrance pour nous donner de belle periode ou on
est heureux...
je me suis rendu a cette moment, je fais de la meditation et je pense a ma
felicite' interior....sur le baratre de la depression mais je sais que j'en sortirai
plus forte et plus hereux...
la semaine prochaine je part pour los angeles, ca me donnera beaucoup a
faire....
ca me fait plaisir ton offerte d'aide, je t'appellerai quand je reviens de usa....
merci encore mon ami
a bientot
corto
65
Amice,
Que cette année commence mieux qu'elle n'a finit ! Que tes intentions/
intuitions secrètes voient le grand jour, que ton corps et ton âme jouent dans
leurs unions, ... et toutes sortes de bonnes choses !
Eva dort chez nous ce soir et nous en sommes très heureux; elle a l'air d'aller
bien. Clara ne s'est pas encore montrée, mais on la verra sûrement demain
lorsqu'elle viendra chercher votre fille.
On est arrivé hier soir de Paris où j'ai pu donner je crois un nouveau souffle à
ma petite armée d'amis, on a bu comme des cochons, etc...
J'espère que tu tiens la route et que tu remplis les agences de pub de très belles
photos !
A bientôt,
je t'embras
corto
Message bien recu, Corto ! Content que tu aies pu te relaxer un peu te relaxer
sur l'île Maurice; oui, on vit mieux sans média qu'avec. En fait, il faudrait
monter un groupe terroriste pour faire éclater tous les téléphones portables de
la terre entière, computers, télévisions et autres merdes qui nous empêchent de
respirer.
Nous serions très heureux de vous voir à Pacques; mais je ne suis pas sûr que
Clara donne sa bénédiction pour ce projet, et en un sens, en me mettant à sa
place, je la comprendrais. L'idée est que nous venions en voiture (j'ai acheté
une Saab) vers le 7 avril de manière à chercher des oeufs laissés par les lapins
florentins, et nous repartirions 5-6 jours après. Si ca marcherait ce serait super.
Donne-moi ton n° de handy; notre tel est toujours le 00 49 30 712 99 824.
J'aimerais bien partir avec toi en Inde faire, entre autre, un film/photos dans
une mosquée shiite où 500 personnes sont en transe le Jeudi soir. On gagnerait
facilement le prix Pullizer, si, si.
Un abraccio a te,
Pierre
pietro salut a toi! je suis en voyage pour l'afrique.... et en train de decifrer ton
ecrit alquemique.. je t'ecrirai quand j'arrive a destination!
un abbraccio
corto
67
Cher Corto,
Mon voyage en Suisse italienne à A. était fantastico. Il n'est pas impossible que
j'y aille y vivre.
J'y ai cousin-cousine qui sont devenus frères et soeurs que je n'ai jamais eu. Ce
sont des Mac Hill, je suis Mac Gregor : rencontre au sommet des Highlanders
sur les rives du lac Majeur...
Connais-tu Monte Verità ? Regarde dans notre ami Google, ca vaut le coup. J'y
ai rencontré la ministre de la culture du Tesssin qui s'est montrée très
intéressée par quelques textes que j'avais écrit et qui compte bien faire resortir
des ses cendres ce vivier culturel du début de siècle dernier...
Un very big abraccio e a presto ! J'ai hâte de te revoir après tout ce temps,
Your friend,
Pierre MacGregor
Amice,
J'espère que London s'est bien passé, et que les cerisiers seront toujours en
fleurs si tu pars pour Tokyo.
Et tes soufis ? J'imagine des derviches tourneurs qui tourneraient dans le
cirque pour les chevaux et tes beaux camarguais tournant autour d'eux, dans
le sens inverse bien sûr... une nouvelle horloge en quelques sortes...
Pietro + Kath
PS Ma femme a embarqué dans nos bagages le pull que Neila avait prêté à
Noémie. Peux-tu me donner son adresse; sinon je lui enverrai à la fondation,
mais je ne connais pas son nom de famille.
Salut Corto,
Mes deux semaines à Paris ont été très remplies. Pleins de contacts
intéressants. Un film prévu en novembre avec mon père dans le delta intérieur
du Niger au Mali (200km sud de Tombouctou),
et un autre entre temps au Caire sur les gestes antiques encore utilisés
aujourd'hui quotidiennement dans les techniques alimentaires... Mais pas
d'argent pour l'instant - (Kath est à 4000 de découvert...).
Et toi, et Eva que Noémie n'a pas encore appelé depuis notre beau séjour chez
toi... un honte !
Much love,
Pierre.
69
pierre belle nouvelle de ta parte! j'aimerai aussi aller en mali.. c'etait un vielle
reve!
moi pour l'istante je suis perfectement dans un mega job de production! je
travaillle 18 h par jour et je suis completement mort!
alors je t'ecrirai plus tard. le rest marche, emma est aussi avec moi, jus'qua le
10 june, mardi je suis fini avec ce travail! je ppourra respirer!
a tres bientot
corto
70
Chapitre VI
___________________________
Ali Husseini, fidèle d'entre les fidèles depuis ma classe de première
Oui, tu as raison, moi qui vante les mérites de la prolixité mailienne, je suis
resté jusqu'à maintenant plutôt court : mes excuses.
Nous revenons à l'instant de l'autre bout de Berlin où nous avons assisté avec
ma progéniture à un concert de guitare mon jeune beauf David. Il se trouvait
dans l'assemblée la langue de vipère - soeur dudit concertiste - à qui Katharina
doit entre autre son exclusion de l'école d'eurythmie et ses sept mois
d'expatriation stuttgartienne. J'avais bien pourtant prévenu l'assemblée que je
ne tenais surtout pas à la rencontrer, et paf !, la voilà qui s'avance vers moi son
sourire mielleux et ses yeux soit-disant sincères, la main tendue.
Et bien, me croiras-tu ?, j'ai fièrement résisté à ses avances et lui ai refusé la
mienne en tout chrétien que je suis. C'est la première fois que ça m'arrive et
j'espère la dernière. Impression d'immense lourdeur, mais fierté d'avoir été
conséquent. Je suis pourtant désormais sûrement désigné au sein du cénacle
familial comme le suprême arrogant...
Vois-tu, cher frère, je suis rarement stratégique avec autrui, ce qui m'a joué
plus d'un tour; je crois avoir séché les cours décisifs en cette matière, oublié en
surface les leçons amères, ce qui n'est pas somme toute particulièrement sain.
Il ne s'agit pas ici du noble pardon d'Auguste, mais de reléguer ses blessures
71
aux calendes grecques (d'autres ne diraient-ils pas ici à l'inconscient ?), ce qui
revient à se créer son sac de douleurs portatif, son attirail de pics rentrés qui
un jour, au moment où tu t'y attends le moins, transforment devant le miroir ta
face en hérisson.
Il me faut reconnaître aussi ma tendance à me brûler mes ailes... avec une
feinte légèreté, par amour de la forme ou autrement dit du seppuku
métaphorique, le genre de technique qui te permets en outre de te confondre
dans tes larmes et de te considérer par conséquent comme un grand mystique
devant l'éternel.
Si je prends de ton temps pour te faire part de tout cela, c'est que je suis sûr
que tu partages au moins les trois quarts de ces considérations intempestives
sur lesquelles l'homme du monde jette le plus souvent un voile opaque sans
lequel il perdrait un bon peu de sa virilité scabreuse...
Amitiés,
! ! Pierre
En direct d'un ciel gris de Paris je te dis Bonjour O Pierre MacGregor. Je viens
d'entendre hier soir un excellentissime concert de gens presque parfaitement
inconnus. Ça me met d'excellente humeur. Comment vas-tu ? Si tu m'envoies
un DVD de ton film sur la musique indienne, je t'enverrais le livre de François.
Je vais t'avoir au chantage. La, la, la. Ali, maître chanteur.
En vérité je te le dis, c'est bien le même ciel gris, au mieux bleu de Prusse par
intermittence, qui me pèse ici chez nos frères les Teutons-à-grosses-tétines.
Mes parents viennent passer la semaine chez nous : du rififi chez les papous en
perspective...
En ce qui concerne mon petit film, je n'en ai plus de copie et ai effacé il y a peu
par inadvertance une partie de la bande son du projet (!), raisons navrantes de
platitude pour lesquelles tu ne l'as pas encore. Je tente d'y remédier derechef
72
en reprenant celle donnée à mon cher voisin Gabel, vu que ce goujat n'a pas
pris la peine de m'en dire deux mots depuis un an. Il y a des gens, comme ça,
qui se foute en tout bien tout honneur de la gueule du monde sous couvert
d'altruisme, ce qui est un comble.
Je constate avec amertume que vous n'avez pas pas encore mené à terme le
projet de faire un séjour à Berlin, ce qui est en soi déplorable. Craindriez-vous
par hasard la boche humidité ou le verglas sur les pistes d'atterrissage ? On
pourrait se faire une bataille de boules de neige avec des petits bouts de glace
dedans pour faire plus mal...
Mes meilleures pensées,
Nicoco
PS. Une petite énigme posée par Valérian hier soir (Il en a toute une série
comme ça) : Tu préférerais vivre toute ta vie avec un sentiment de haine et
sans femme, ou être mort ? Il attend ta réponse...
Non mon cher, désolé, le sphinx Valérian ne peut valider votre réponse ainsi
formulée à son énigme. Votre "Alors autant être mort mais dans les bras d'une
femme", aussi censé que soit ce voeux pieux que je partage par ailleurs, ne
rentre pas dans le cadre des conditions de sa question. Il s'agissait de vivre
dans la haine et SANS FEMME, ou de mourir, et votre réponse est donc
caduque.
A moins..., à moins que vous ne songiez à une vie après la mort, à ce passage à
la limite ultime : une rencontre amoureuse post-mortem au plus haut des
cieux, ce qui reste après tout envisageable même après 400 ans de dictature
cartésienne. A ce propos je relisais récemment le grand prêtre français des
tables tournantes, ledit Karadec, rapporteur de ce sujet pour l'Académie des
Sciences en 1857 qui décidément m'épate. On y apprend notamment à
reconnaître le vrai du faux esprit de Jules César, ce qui peut servir plus qu'on
ne le pense.
Vivre sans femme ? Négatif.
Vivre dans la haine ? Négatif.
Mourir ? Négatif.
73
Poser des questions ? Affirmatif.
Bises,
Pierre
Coment vas-tu l'ami berlinois ? J'ai croisé ton père dans la célébrissime galerie
Clementine Fragonnard (tu connais?) et il m'a vendu la mèche de ton arrivée
prochaine. A priori, je serai à Paris en même temps que toi (je dis "a priori" car
les départs en Normandie arrivent sans prévenir). Et, oui bien sûr il faut que
tu viennes voir ce qui ressemble plus à un dépotoir qu'à un nid d'amour, du
moins pour l'instant. C'est 53 rue des saints-pères (je te vois sourire d'ici).
Ali
! J'aime Sacha Guitry et son "Les femmes et moi" (quand une femme me dit
qu'elle est cultivé, je pense qu'elle a du persil sous les bras et du cerfeuil entre
les jambes), je suis poilu et je cautionne les idées schopenaueriennes sur la
gente féminine, suis corrézien depuis une trentaine de générations, et je serais
en outre un peu maghrébin sur les bords que ça ne m'étonnerait pas. Que vive
le patriarcat, bordel de merde ! Longue vie au Sexe Fort, à bas l'emprise de
Madame sur Monsieur, et vive l'esclavage moderne ! Voilà ce que je pense de
l'Occident en lambeaux, et ce n'est pas parce qu'il n'y a plus de héros qu'il y a
des héroïnes pour autant. Mon frère, notre espèce n'a jamais été aussi proche
des bovins, hormis que notre second estomac s'est mué en un téléphone
cellulaire, ce qui nous donne l'impression d'appartenir encore au genre
humain, avec une antenne fichée dans les tripes en plus.
! Okay, les femmes travaillent et les hommes font le ménage, les seins nous
poussent et leur taux de testostérone dépasse leurs rêves les plus fous où une
bite pointe sous leurs jupons. Apparemment ce n'est pas si regrettable que ça,
le bien-pensant s'en réjouit même, vit dans le Marais et regarde toujours son
74
foot, mais attention, Sire, ce n'est pas une émeute, c'est une révolution, elles
vont vous couper les couilles pour en faire des capotes !
! Frère, attention au mariage, c'est très souvent casse-pied et l'assurance
sociale ne couvre plus que les brisures. En vérité je te le dis, les culs-de-jatte
étincelants de piercings se multiplieront et nous ne mangerons plus que des
algues biologiques avec puces électroniques intégrées de manière à nous faire
subir l'immonde sans souffrance apparente : voilà le nouveau consensus.
Ségolène Royale ? Connais pas. Moi j'ai Germania à la maison. Elle ne fait ni la
popote ni l'amour : Germania travaille et je deviens pédé, comme tout le
monde, quoi.
Bienvenue à Lillipute,
amicalement,
Pierre.
Cher Monde,
75
Je viens de coller une croix ankh sur ma porte (j'ai longtemps hésité à ne pas
coller un tau christique), qui vient rejoindre une main de Fatima et un "om
mani pat me om" : ma porte d'entrée annonce haut les couleurs, un peu trop
haut peut-être. Oui, oui, je sais, une porte reste une porte et pas un fronton de
temple, certes.
En fait je crois à ces symboles, même je ne souscrit à aucune de ces idéologies
en particulier, je crois à leur force naturelles, en ce qu'ils ordonnent le monde.
Il me semble que nous sommes un tantinet lointains tous les deux. J'ai
l'impression que vous ne me prenez pas au sérieux avec Clémentine. Il faut
dire qu'elle ne m'a jamais rappelé; elle m'envoie par contre un carton dans
lequel elle me dit combien je vous manque... je ne la trouve pas très sincère,
raison pour laquelle je ne lui ai pas répondu. Trop d'ombre sur notre relation
pour moi. A propos, comment s'est passée ton expo chez Clémentine ?
Je t'embrasse,
Pierre
Je viens de finir le visionnage de ton film. C'est une pure merveille. Je m'y
attendais un peu car tu ne m'as habitué à rien d'autre. Je voudrais qu'on le
montre dans le cadre d'une biennale à laquelle je participe cet été (à Trouville)
et pour laquelle on m'a attribué un grand hangar. J'y projetterai mes vidéos
mais j'ai aussi prévu d'y projeter des films d'autres réalisateurs. Si tu es
d'accord, je voudrais qu'on montre "Taleem".
Ce vent de compliment étant passé, arrive enfin celui des critiques.
Tes fondus ne marchent pas toujours bien. Pour ma part, j'ai fini par proscrire
les fondus de manière générale. Il vaut mieux faire un bon vieux cut bien
propre qu'un fondu mal rythmé avec, en plus, l'image qui fige etc. Tu as une
faute d'orthographe à corriger (dans le générique, un mauvais accord).
Le son de l'orchestre d'enfant (qui est sublime...) est malheureusement saturé...
dommage.
Il y a des longueurs dans le passage ou Hameed est assis par terre avec son
grand père et d'autres maîtres (la séquence ou le doyen te dit à la fin, qu'il n'a
plus de souffle).
Nouveau vent de compliments. Toutes les parties de chants (surtout celle avec
la danseuse) m'ont fait découvrir une gestuelle que j'ignorais totalement (de la
76
part des chanteurs). J'étais totalement médusé par ce passage. Je pourrais dire
que j'ai été médusé par toutes les séquences de ce film, peut-être jusqu'à
l'overdose de beauté.
Je ne suis pas fou du sépia. Ça marche dans la toute première séquence (qui est
d'enfer) mais c'est le genre d'effet qu'il faut utiliser une fois, pas plus (cf le
combat des vaches).
Je t'embrasse,
Ali
PS: si je ne t'appelle pas, c'est parce que j'ai encore perdu ton numéro. Tu me
l'envoies par email stp? Ali.
Salut l'Ali,
Merci pour toutes ces gentillesses; tu veux pas qu'on fasse un film ensemble,
comme ca, à la sauvette et sans engagement (de prime abord c'est une garantie
de regard) ? Moi en tous cas je veux en faire d'autres, et je cherche du monde.
Celui-là reste avant tout une approximation, une piste à reprendre. Je suis
d'accord avec les fondus (trop systématiques), et bien d'autres points seraient à
revoir, un film n'est jamais fini... seulement, très honoré par ta proposition de
projection cet été, je me demande s'il faudrait ne pas le laisser comme tel, avec
ses erreurs... pour la plus grande partie irréparables.
Je t'embrasse,
Indiana-Pierre, donc.
77
Mon cher Pierre, comment vas-tu ? As-tu reçu l'invitation à mon mariage ? I
hope so. Et surtout, j'espère t'y voir entouré des tiens. Je t'embrasse fort, Ali
Cher ami,
Oui, j'ai bien reçu ta belle invitation et ai depuis quelques jours maintes fois
tenté de te joindre (pas sur ton portable certes).
Avant toute chose : Bravo à vous deux !
Je suis sur le point depuis deux jours d'abandonner le projet que j'avais de me
rendre dans le Tessin pour raison financières, ayant déjà pris mes billets
d'avion pour Milan il y a deux semaines.
Ce qui irait dans le sens de ma présence le 12 parmi vous, puisque je devais
partir en Suisse du 7 au 21, ce qui tombait fort mal, tu le reconnaîtras sans
doute, depuis que j'ai pris connaissance du carton à la rivière délicatement
fleurie.
Une réponse définitive d'ici fort peu.
Moi aussi, je t'embrasse fort,
Pierre
Cher Ali,
L'amusant dans tout cela est que j'ai réunis ces textes hier, jour où j'ai reçu "La
magie par les psaumes" de David traduit d'un manuscrit arabe chrétien par
l'institut française d'archéologie du Caire, 1975, que ta mère m'a plus que
gentiment envoyé après me l'avoir promis dans le train Trouville-Paris. (Y a
pas à dire en voilà une qui tient sa parole !)
78
Je suis un peu embarrassé pour lui répondre : ce n'est pas un livre comme les
autres... En ce qui concerne les gestes symboliques, me voilà apparemment
servit. Pour le moment je dois dire que je n'y comprends rien.
A+,
Pierre.
Elles sont sublimes ces miniatures... Je suis ocntent que tu aies reçu ce livre.
Ouaip, elle tient parole madame Husseini ! Je suis vraiment content de votre
amitié, nouvelle. Merci pour les textes. Je les lirai à tête reposée et te dirai ce
que j'en aurais retenu. Je t'embrasse très fort, Ali
79
Chapitre VII
___________________________
Guenever McHill, la demie-soeur de ma mère
Salut Pierre,
Voilà des semaines que je pense à toi sans me mettre à l'action. Plusieurs fois
John m'a demandé de tes nouvelles et nous avons même pensé à t'écrire
ensemble... mais nous sommes restés aux pensées. Bref, comment vas-tu, ta
famille et ta situation en général? Mary m'a dit que tu avais terminé ton
documentaire sur l'Inde. Bravo! En es-tu content? Je tenais à te signaler que
Locarno a un festival du film chaque année, début Août, et ce festival
inclut une catégorie documentaire et jeunes cinéastes. Merlin ou moi-même
pourrais te mettre en contact avec les personnes qui s'occupe de l'organisation
du festival au cas où tu serais intéressé.
Envoie moi un mot quand tu en as envie et que tu as un moment. Je
t'embrasse, Guenever
Chère Guenever,
Voilà c'est donc fait, mes billets pris. Mon vol retour est à 20h le Lundi 12. Je te
remercie pour la simplicité de l'opération; je me sens vraiment bienvenu et
m'en réjouis ! On se connaîtra un peu mieux, enfin !
Pierre
Je viens de lire et d'envoyer tes textes à ma meilleure amie qui est ministre de
la culture, ici, à A. Je trouve que tes idées et le souffle du message que tu es en
train d'essayer de transmettre sont excellents. C'est exactement le genre de
discours que je continue à faire et que Paola partage: nous sommes en train de
mettre sur pied tout un système d'archives pour conserver les traces du passé
local qui est très riche culturellement vu le passage concret et vécu de
beaucoup de personages importants dans cette région - artistes, philosophes
etc. Prépare toi à une randonnée culturelle... Monte Verità, musée Hermann
Hesse et autre, si tu en as envie. Je crois vraiment que nous aurons beaucoup
de choses à nous dire tout en faisant un peu de wellness... pour notre âme. See
you soon. Guenever
Gueny,
81
Je regrette seulement d'en avoir sans doute trop dit, trop vite, comme un trop-
plein qui déborde. Même si je sais que tu es capable d'entendre ce que je
"récapitulais", je t'ai/je vous ai donné sûrement une image de moi flottante,
inquiétante peut-être, ce qui n'étais pas mon intention. Tant de similitudes
pour moi extraordinaires m'ont contraint à me répandre en confiance familiale
(ce qui m'a été rarement donné de pouvoir faire !), et souvent à ne pas assez
vous écouter, vous, j'en suis très conscient.
Mon retour "at home" fût houleux, ce à quoi je m'attendais d'ailleurs. Nous
avons parlé avec Katharina de nous séparer, plus que jamais, bien que nous en
ressentons la nécessité tous les trois ou quatre jours... entre deux autres de
répit fait d'illusion amoureuse (hier soir, pour repartir sur des saines bases, j'ai
jeté son alliance par la fenêtre, sans cri, en toute conscience de mon geste). Je
lui en ai probablement trop dit ou trop fait sentir (à elle aussi), trop dit de vous
et de ce que vous représentez pour moi; je lui ai parlé de la "Butella". Ce matin,
après une nouvelle vague de pleurs, elle a accepté de téléphoner à un psy dont
le nom nous avait été donné par Robert.
Le ciel est aujourd'hui aussi dégagé qu'à A., et cela ne peut présager que du
bon : vive les ciels purs !
J'ai appelé ma mère pour lui dire combien ce voyage avait été beau pour moi,
pour lui faire part de la situation présente aussi (ce à quoi elle s'attendait), et
lui ai également parlé de ta proposition "thérapeutique", sans entrer dans les
détails, lui disant juste que ce serait une bonne idée de laisser Kath seule pour
qu'elle respire sans moi, et que j'avais besoin d'être pris en main, et que cela
devrait me convenir, que j'avais confiance en ce que tu m'en avais dit. Je ne lui
en raconterai pas plus, c'est convenu.
Pierre.
82
PS Peux tu me donner les adresses de Paola et de Merlin ?
Bonsoir Pierre,
Merci pour cette lettre sincère et touchante. Je ne crois vraiment pas que nous
t'avons écouté plus que tu nous as écouté. Nous avons partagé et ainsi faisant
ton coeur a pu s'ouvrir et peut-être trouver une petite île dans ton océan
houleux. Ta vie est riche d'expériences qui ont encore besoin d'être compris et
vu d'une perspective un peu différente de celle que tu as connu jusqu'à
maintenant et puis la digestion sera plus facile chemin faisant.
Ce que tu m'as confié reste avec moi et ne te sens jamais obligé de me raconter
quoique ce soit d'autre que ce que tu veux partager. Il est bien de savoir que tu
es bien rentré même si cette rentrée est douloureuse. Nach oben fallen kann
sehr erhebend sein! Je t'embrasse fort et je suis avec toi, Guenever
Bonsoir Gueny,
Oui, c'est tout à fait cela : une île dans un océan houleux. Et la "résilience", cet
autre point de vue, j'en ressens déjà les effets positifs.
Ma psy s'est avérée être seulement une Gestalttherapeutin dont le superviseur
était jungien. Mais j'ai eu l'impression (sans l'ombre d'un doute) qu'elle n'était
pas à la hauteur, alors je vais frapper à l'une des portes dont l'adresse m'a été
donnée par John, dont Field était comme tu sais le superviseur à Küsnacht...
(bonne voix sur le répondeur)
Et puis je vais demain me renseigner sur une formation en médecine
traditionnelle chinoise MTC qui me paraît sérieuse dans le St Hedwig
Krankenhaus à Mitte, ce que j'avais l'intention de faire depuis longtemps.
Much love,
83
Pierre
Bonsoir, Pierre
Juste un mot, une pensée de l'île d'A. J'espère que les voiles de ta barque sont
gonflées par le vent du Nord et qu'elle te portera sur les rives du courage et de
la clareté. Je pars pour trois jours de cours intensif de géométrie du corps et
serais de retour mardi, mais entre temps, je t'embrasse bien fort,
Gueny
Chère Gueny,
Oui, pour le premier jour de printemps, le grand bol au-dessus de nos têtes
nous a réservé de gros flocons. C'est un fait notable. Anpassenfähigkeiten sind
angesagt....
Je téléphone bientôt à la Butella. J'ai trouvé des billets d'avions pour 15 euros,
il faut maintenant que je dépêche d'arranger tout ca...
Pierre.
Bonjour Pierre,
Merci pour tes nouvelles printanières avec flocons de neige. Ici il fait froid de
nouveau, mais nous n'avons pas vu de neige et je n'ai pas tellement envie de
me anpassen... vu que mon corps est comme celui d'un lézard...
84
Entre temps je pense que tu as reçu des nouvelles de Laura au moins. J'ai vu
Rémi hier soir et je sais qu'il est très pris par son travail pour l'école. Mais je
suis sûre qu'il te répondra. Don't worry too much!!!
Les semaines s'écoulent rapidement avec un peu trop de travail et je me réjouis
de pouvoir me reposer à Pâques. Entre temps je t'embrasse et je vous souhaite
un bon weekend. Love, Gueny
Chère Gueny,
Jeudi dernier, quelques personnes que je n'avais encore jamais rencontré (qui
m'ont parues sincères et sympatiques) m'ont proposé de participer à une
"Schwitzhütte" ou "sweet lodge", le vrai nom lakota étant "Inipi", mais je
subodore que tu connais. Une jolie cabane en sauge dont je ne connaissait pas
encore la raison d'être avait été construite il y a trois semaines. Je n'a pas pu
refuser cette offre taillée sur mesure.
Une douzaine de personnes devaient en faire partie, mais le feu humide qui ne
prenait pas, le froid, la pluie, ont découragé la plupart. Je suis resté, avec trois
autres.
Ce fût une très belle initiation Lakota. Le jeune indien blanc qui avait reçu là-
bas une initiation apparemment sérieuse, célébrait, pour son propre compte,
l'anniversaire de la mort de sa femme qui s'appelait... Anni-Anne, et qui, à la
suite d'un séjour à l'hôpital psychiatrique pour raison de psychose-maniacio-
dépressive, s'était suicidée il y a un an. Il était content de me rencontrer
lorsque dans l'obscurité ruisselante, je lui ai raconté alors ma petite histoire
personnelle... No comment.
Un autre membre "cardinal" s'est avéré... psychologue, et le troisième, adepte
de méditation transcendantale, et en effet fort profond... sans s'avérer creux.
On a sué comme il faut, chanté, prié et voyagé le temps que les 4 phases et le
trois pauses porte ouverte se fassent et que les 71 (4x16+7) pierres de granit
perdent leur énergie du bison, dans les règles de l'art des "indiens blancs". On
a finit par une soupe au lever du soleil, c'était le printemps.
Voilà ma petite nouvelle histoire de pouvoir, comme dirait l'autre; une belle
histoire qui me donne force, plus que chez la psy jungienne E.Avarest - que je
revois par ailleurs Vendredi prochain. Le psychologue (qui exerce depuis 20
ans), Gestaltthérapiste me faisait part de son incapacité à me recommander
auprès de ses collègues : sie haben alle eine Macke ! M'enfin, il avait aussi
l'intelligence de reconnaître qu'il en avait une aussi de "Macke", et puis moi
aussi du reste. Steht aber que ces gens que j'ai rencontré sont tous apaisés,
sensibles et clairvoyants sur leur propre situation...
! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! !
Vive le néo-chamanisme en plein Berlin et en face de chez moi !
Je t'embrasse,
Pierre.
Bonjour Pierre,
Pas mal, l'expérience! La vie est vraiment incroyable... et tout ce que tu as eu
besoin de faire pour vivre ce rituel, c'était d'aller "à côté"! Trouver de bons psy
ou térapeutes n'est certainement pas facile. On the other hand, mes "maîtres"
ont toujours dit que tu rencontres la personne "juste" au moment "juste" et que
cela dépend de la disponibilité et de l'umilté intérieure... je continue à croire
que tu trouveras à la Betulla une approche plus concrète qui te permetteras
peut-être de céder des méccanismes qui ce sont introduits dans ton circuit il y
a très lontemps. Le travail n'est pas toujouts facile et je me rends compte que
nous avons trop de "têtes" analystes et analytiques dans la famille, au
détriment d'une simplicité saine.
Ici le printemps s'est "congelé" avec un vent froid du nord qui rend l'air glacial
et maintenant, depuis hier, un peu de pluie. L'eau fait du bien à mère Nature et
les plantes sont très reconnaissantes après une longue période de sécheresse.
Cette belle nature qui nous met en contact avec notre beauté intérieure.
86
Je t'embrasse pour aujourd'hui en te souhaitant une après-midi pleine de
richesses,
Guenever
Chère Gueny,
Berlin est depuis cinq jours nimbé dans une lumière cristalline. De mon
balcon, les arbres de la Bauernhof se mettent à mousser; le rose et le blanc des
premières fleurs des prunus parfument l'air encore froid. C'est beau Berlin.
Bisous,
Pierre.
87
JOYEUSES PÂQUES à vous tous. Nous vous embrassons en et vous envoyons
de grosses bises! Gueny
Salut Pierre,
Es-tu bien rentré des vacances de Pâques en Italie? Avez-vous passé de belles
journées? Et la culture Italienne? Et surtout comment va ta femme qui, comme
tu me l'as communiqué, a perdu son travail ? Je suppose que ce n'est pas une
situation facile même si elle offre de nouvelles perspectives.
Ma collègue, Michela, de la Casa Butella, m'a informée que tu t'étais annoncé
pour le 6 Mai. Est-ce correct? Et si oui, il faudrait je suppose que je paye
l'acconte? Fait moi savoir... en tous cas no problem s'il s'agit de t'avancer
l'argent. Ok?
Nous imbibons tous les jours un soleil magnifique. Aujourd'hui le vent souffle
fort et, chose rare, les vagues du Lac Mageur sont houssées. Nous allons tous
vraiment bien après un hiver un peu chaotique. Merlin est avec son équipe en
train de filmer les travaux de fin d'année. Il semble plutôt satisfait tout en se
posant des questions sur son futur proche... Anna poursuit son chemin à
Lugano mais plus tranquillement qu'il y a un mois et Laura se prépare pour la
première moitié du bac avec diligence. Et puis, j'ai toujours beaucoup de
travail et d'idées. Dans deux semaines je commence une nouvelle série de
workshop - mouvement et Roue de la Médecine. Je me réjouis de cette
aventure.
Je t'embrasse bien fort et j'éspère avoir de tes nouvelles bientôt, love
Guenever
! Guenever,
! J'ai depuis notre coup de fil des sérieux doutes sur les raisons de me rendre
à la Butella. Je ne me sens ni déprimé ni en stress (cf le website) et suis par
contre dans le tremblement de dépenser tant d'argent (nous sommes à près de
3000 euros de découvert à nous deux après, ce qui veut dire qu'il faut que je
"sorte" de mon compte
interdit 4500 euros...).
! Je ne leur ai pas encore envoyé la confirmation.
! Je me sens par ailleurs en ce moment guère enclin à m'avoir pour sujet
central pendant deux semaines : c'est le printemps berlinois, nos affaires de
88
couple se sont stabilisées même si Kath reste très ébranlée par son histoire, et
je suis en phase de pastels.
! C'est une impression louable : je trouve que c'est cher payé une orientation
professionnelle car c'est de ceci dont j'ai surtout besoin. J'aurais moins
mauvaises conscience si je payais autant pour des cours de Chi-Cong (ce que
je me refuse pour raison d'argent depuis quatre ans), une formation ou un
workshop quelconque.
! Des raisons qui n'en sont pas ?
! En fait la question que je me pose est la suivante : la Butella me paraît
surtout héberger des cas lourds et je ne suis pas en période dépressive ou
maniaco-dépressive depuis longtemps ni en "crise"particulière, mais me sens
au contraire le corps et l'esprit libres. Je sens bien que je suis sowieso en "Zeit
der Wende" pour cette année du cochon et m'en réjouis.
! Certes je n'étais pas au mieux chez vous, hanté en filigrane par mes histoires
de couple, et ai sans doute du vous en "livrer" un peu trop à tord et à travers.
! As-tu l'impression que j'ai besoin d'aide à ce point ?
! Je me donne encore deux jours pour réfléchir, il faut que je prenne une
décision rapidement. Je trouverais aussi dommage de ne pas tenter
l'expérience (si seulement c'était moins cher!) Mais peut-être n'est ce pas le bon
moment. J'ai essayé de te contacter ce matin en vain. Nous fêtons aujourd'hui
l'anniversaire de Noémie à la piscine; je t'appellerai sans doute ce soir.
! A plus tard,
! Pierre
Bonsoir Pierre,
Comment va? Voilà quelque temps que les nouvelles ne passent plus... trop de
projets et de travail de mon côté et l'envie d'intoversion pendant les moments
libres. Mais nous allons tous bien. Merlin et Laura en phases finales d'examens
et Anna se préparant pour les examens de fin d'année. Il fait très chaud, les
fenêtres sont toutes ouvertes la nuit et bien fermées pendant la journée et j'en
ai vraiment ras le bol de la construction à côté! Festival du jazz approche avec
des projets d'exhibiton et de films pour l'organisation SOS New Orleans, le
projet de la Fondation pour la culture et un petit projet nouveau pour une
librairie au plein centre d'Ascona... tout ceci pendant les heures où je ne
89
travaille pas au studio. Mais... je m'amuse. Et vous, comment vont les enfants
et votre couple? Je t'embrasse et vous souhaite de bons moments en ce début
d'été.
Love, Gueny
Chère Guenever,
Mea culpa, si je ne t'ai pas donné de nouvelles, c'est pour la bonne raison que
je me suis octroyé 13 jours à Paris dont je suis revenu hier matin, à défaut de
casa Betulla. En fait, une des raisons dont je ne t'avais pas fait part pour
laquelle mon séjour "thérapeutique" a été remis en question était la suivante :
un de mes quatre frère, fidèle ami devant le petit éternel qui m'a été donné de
vivre jusqu'à présent, se mariait le 12 mai.
J'ai bien fait de m'y rendre. Fabuleux mariage dans un château qui appartient à
la famille de sa femme à Varenterre en Normandie, que se propose d'ailleurs
de racheter le prince Charles, c'est tout dire du charme des lieux où
Krishnamurti séjournait par ailleurs volontiers en son temps. Mais il n'y avait
pas que cela : de multiples rencontres, ethnologiques, littéraires, diplomatiques
et surtout amicales m'ont emplit de délices, oui, oui, c'est vraiment ça.
Et puis après cela, mon ancienne ville où je me suis concentré une nouvelle
fois à resserrer les liens de ma petite armée d'amis. Bref une réussite sur tous
les plans.
Mon anthropologie du geste fait des contacts, betit à betit mais sûrement. Les
échos des quelques gens du métiers que j'ai rencontrés à ce propos se montrent
plutôt favorables, voire enthousiastes. Mes lectures arides avancent, le champs
de l'enquête se resserre, même si je n'ai bien sûr pas encore aboutit à une
théorie qui me distinguerait foncièrement des tas de documents accumulés
sous lesquels croule déjà ce petit monde, et puis doucement les chevilles Nico !
Quant à ma femme, elle travaille à lutter contre la dépression qui prend chez
elle un tour financier (4000 euros de découvert commencent très sérieusement
à nous coincer, et pas de mécène en vue : l'horreur). Apparemment c'est pas
tous les jours facile pour une femme d'être maman par les temps qui courent.
Faudrait qu'on se cause au bigophone pour que tu m'en dises plus sur
l'avancement de tes projets gestuels à toi - entre autres. J'aimerais bien
travailler de concert avec toi, un jour.
90
Embrasse fort cousin et cousines auxquels je pense plus souvent qu'il n'y
paraît. J'avais promis à Kira de lui envoyer des textes sur la symbolique, mais
je me suis ravisé : c'est trop tôt pour elle, et risquerait de lui encombrer son
esprit déjà bien remplit. Simplicité de rigueur à tous les étages (me dis-je aussi
à moi-même)
Embrasse aussi John que j'ai hâte de rencontrer plus avant, ainsi que ton amie
Paola qui déborde d'énergie toujours autant je l'espère.
Bisouxxxxx,
Pierre MacGregor
91
Chapitre VII
___________________________
Field Emmet Horine, le père de Gueny, mon grand-père et guru
Cher Field,
Une dizaine d'années après toi, je rejoins enfin le clan des modernes ! De quoi
j'espère accélérer le rythme de nos communications...
L'hivers s'est abattu sur Berlin et mon appréhension quant aux huit mois à
venir en l'absence de Katharina prend des allures d'obsession, bien que les
billets d'avion pour l'Inde soient déjà pris, et que ce projet de documentaire sur
mon ami Hameed Khan me soutienne un peu : je suis seulement conscient de
ce qu'implique la garde de deux enfants pour une durée qui approche celle
d'une gestation.
Je suppose que les tâches ménagères font partie intégrante de mon karma, ce
en quoi je me distingue vraiment de mon propre père ! O générations !
Reste que je me dévoue un peu trop à mon goût à la carrière de mon épouse,
ce qui a pour effet de renforcer mes prédispositions pour le "wu wei" (ne pas
faire) des taoïstes : on ne se refait pas si facilement, même à mon âge...
Tes arrière-petits enfants se portent bien. Je crois qu'ils ont une vraie enfance,
pleine de contes et d'autres enfants, ce qui ne fût pas toujours mon cas. Etre
parent dans une Waldorfschule est un emploi à plein temps; et je me dis
92
parfois qu'un soupçon d'école républicaine ne leur ferait pas de mal : tout est
tellement pensé, ajusté sur mesure aux individualités à peine formées de ces
petits êtres, que je me demande parfois s'ils ne font pas fausse route. Comme
dirait Louis-Ferdinand Céline, "à force de vouloir être profond, on peut
s'avérer creux" ! A voir.
Et n'oublies pas, en ces jours où la lumière se fait rare, que Râ est maître du
ciel parce qu'il a deux yeux, le soleil et la lune... en guise de conclusion.
! ! ! ! Much love,
! ! ! ! ! ! ! Pierre
Cher Pierre,
Comme je t'ai déjà dit, je me suis beaucoup réjoui en lisant ta mail. Et comme
promis, je vais essayer d'y répondre, mais je préfére écrire en allemand. Tu
me comprendras certainement...
Was Deine/Eure Reise nach Indien betrifft, ja - da bin ich ein wenig neidisch.
In Indien, wie Du
ja weißt, war ich sehr gerne. Ich habe dort für meine langes Leben s e h r viel
gelernt. (Ob Indien mir heute noch gefallen würde, weiß ich allerdings nicht.)
Zu Deinen Aufgaben als V ater
93
kann ich nur sagen, daß ich mich immer sehr gerne um Kinder gekümmert
habe und wünsche mir
daß ich heute noch diese Aufgabe hätte. Zur Philosophie: Ja, Du weißt, daß
ich da mit Dir voll
und ganz übereinstimme. Daß auch bei mir scheint die Sonne - inwendig,
versteht sich. Laß' uns öfter e-mails austauschen! Ich freue mich, daß es Dich
gibt.
Dein Field
Lange her ist es, seit ich Deine Mail vom 22.11.04 erhielt! Und, wenn ich
ehrlich bin (was ich ja
versuche), so muß ich gestehen, daß ich mich sehr schäme. "Asche über mein
Haupt!" "Mea
culpa!" Doch was nützt es?
Heute schreibe ich Dir aus mehreren Gründen. Zum einen hoffe ich sehr, daß
Euer Töchterlein
einen schönen Geburtstag hatte - was ich Euch hätte sagen wollen und sollen.
Zweitens hoffe
ich bald von Dir zu erfahren, wie Euer Aufeftenthalt in Indien war. Drittens,
endlich, möchte ich Dir herzlich danken für alles, was Du in Deiner ersten
Mail "Enfin sur le net" schriebst. Viertens darf ich hoffen, daß Du mir es
nachsehen wirst, so lange auf eine Antwort warten zu müssen.
Und, fünftens, wann meinst Du mich/ uns besuchen zu können?
Cher Field,
La honte est sur moi, et me pèse comme un couvercle : je ne t'ai pas écrit
depuis mon retour et ceci est impardonnable. Il semble que les "anciens"
réussissent mieux à respecter les échéances que les jeunes écervelés censés
prendre la relève un jour dont je fais partie. Merci donc d'avoir aussi pensé à
94
l'anniversaire de Noémie, comme tu le fais chaque année si ponctuellement;
merci de ta fidélité qui se montre toujours et encore à l'épreuve de mes
négligences.
Oui, notre voyage a été un succès. Il faut dire que j'en rêvais depuis que je
suis devenu père, y investissant beaucoup de manière inconsciente aussi : que
je puisse partager avec eux le bonheur de sentir nos pieds sur le "sol mère", si
loin et pourtant si confiants, qu'ils puissent percevoir ce plaisir immense de se
savoir à l'autre bout de la planète tout en restant soi-même, un peu plus que
soi-même peut-être.
Nous avons été accueillis comme des membres de la famille qui rentreraient
enfin au pays dans un environnement qui me surpris d'abord de part son luxe,
son confort. Je n'avais jamais vu leur maison auparavant - ils venaient d'en
achever le second étage - , les arbres fruitiers alentours chargés de fleurs, de la
pelouse même dans le désert. Tout était plus vert que dans ma mémoire. Tout
de suite les enfants des deux familles se sont réunis comme si c'était la chose la
plus naturelle du monde, malgré leur différence d'âge, comme des cousins qui
ne se seraient jamais rencontrés.
Hameed est resté presque invisible la première semaine, très occupé par les
préparatifs de la fête de Mohram, mais le contact était bon. Il faut reconnaître
que mon ami est difficilement cernable et que la tache de garderie qui
m'incombait rendait les choses difficiles. J'ai souvent du rester contre mon gré
avec mes têtes blondes plutôt que de pouvoir suivre l'ustad Hameed dans ses
petits tours, ce qui était parfois frustrant. En bref, même si tout s'est passé à
merveille, l'aventure me manquait parfois un peu...
J'ai tout de même réussi à filmer une vingtaine d'heures, dont certaines prises
pas trop mauvaises (beaucoup de musique bien sur, des interviews, deux
pèlerinages dans des mosquées chiites et magiques, un guru de renom ancien
maître du père d'Hameed, la maison de musique, mes enfants en filigrane...) Je
vais me mettre à tenter de monter tout ça bientôt. Le sujet principal serait le
Taleem, c'est à dire la transmission de la musique; mais de là à être en mesure
d'en faire une histoire, c'est une autre paire de manche. Monter ses propres
images (avec leurs lacunes de néophyte) est quoiqu'il en soit un plaisir que je
ne connaissais pas avant.
En outre nous avons travaillé avec Marie-Noelle, la femme bretonne
d'Hameed, à l'élaboration d'un projet concernant leur prochaine école de
musique ouverte gratuitement à une vingtaine de jeunes musiciens, sous la
forme d'une fondation pour la sauvegarde du patrimoine musical classique et
populaire du Rajasthan. Je t'enverrai de la documentation une fois l'ensemble
95
rédigé. C'est un projet qui tient très à coeur à mon ami; ils ont bien sur besoin
d'argent... et toutes les idées seront les bienvenues.
! ! ! ! ! ! Je t'embrasse,
! ! ! ! ! Pierre
PS1. Je souhaiterai te/vous rendre visite lorsque les enfants seront en France et
que Katharina sera en train de terminer son diplôme, c'est à dire fin juin-début
juillet, si mes finances le permettent. Qu'en dis-tu ?
PS2. Je porte mon computer chez le médecin et il ne retrouvera son foyer que
dans deux semaines; aussi pas de surprise cette fois si je ne te répond pas dans
les deux jours...
Cher Pierre,
Maintenant - j'ai un peu plus de loisir - j'essarai une réponse un peu plus
détaillée à ta mail du fin novembre. Et puis voilá! Il y a quelques instants une
nouvelle mail de Berlin, c'est à dire de toi qui arrive! Quel bon exemple de
sychronicité! Tes aventures en Inde, me semble-t-il, ont été très intéressentes.
Je te remercie de me les avoir raconté en détail. D'ailleurs, je viens d'en parler
avec Silvia au téléphone. Elle espère, comme moi, que tu pourras nous visiter
en été. Fais nous savoir bien en avance quand tu pourrais être chez nous...
Field
(Field, mon grand-père, a quitté son corps en juillet de la même année, quelques mois
après ce dernier mail.)
! ! ! ! ! ! !
97
Chapitre VIII
___________________________
Kunthea Saar, mon frère cambodgien, médium unique en son genre et pas
très prolixe
Salut ami,
!
Excuse mon retard. Bravo pour cette conquête; c'est assez rigolo au début.
Berlin entre dans sa phase redoutable de l'hivers interminable. Nous étions en
Inde l'année dernière à la même époque... pas de quoi me remonter le moral.
Katharina est arrivée ce matin et nous n'avons pas encore eu le temps de baiser
correctement ce qui me mets dans un état fébrile. J'aimerais avoir une femme
que je peux baiser un peu plus qu'occasionnellement. Voeu pieux. A voir dans
six mois. Mais j'ai des chances de devenir taré d'ici là. Je tourne en rond dans
ma cage et suis de moins en moins le tigre que je n'ai par ailleurs jamais été. Je
ne pense qu'à ma queue et accessoirement à Dieu.
! Et toi ?
! ! A plus,
! ! ! Pierre.
repond moi ce que les questions je t ai poses ! je prend les trois sujets ! kunt
98
Moi je te propose un sujet de dissertation : Quel avenir pour nos enfants ? ou
alors, Pourquoi la chaleur est la vie ?, ou alors, Pourquoi les philosophes
écrivent-ils ?
Trois sujets au choix, donc; lequel te sied-il ?
J'aimerais autant, pour ma part, que tu ne me reposes pas la même colle qu'il y
a quinze ans au moins dans ce café mafieux de la place St Michel, Qu'est-ce
que le pouvoir ?, ou l'autre qui est tombée juste après : Qu'est-ce que la vie ?
Ta question :
"Expliquez-moi la position politique religieuse et spirituelle dans ce monde !
Et de votre position actuelle à travers ton passé, enfin le notre."
Ma réponse :
Dieu serait mort dans notre monde il y a deux cents ans. Mais notre corps le
réclame. Dieu est notre corps - sommes-nous le corps de Dieu ou de
l'Intention ? -; sans corps conscient de lui-même, pas d'esprit incarné. Et nous
labourons nos corps à coups de pirouette mentales pour mieux dénier son
efficience.
Cela s'est appelé, il y a deux cents ans, l'Esprit des Lumières, et nous a enfoncé
depuis, malgré ses bonnes intentions, dans une obscurité que l'humain ne
semble pouvoir supporter, un hors-humain en quelques sortes, projeté dans un
présent dont il ne saisit plus le sens.
Tel est ce que l'on dit sur le sujet, dans des livres interminables qui pourraient
toujours se résumer en peu de mots : Nature ou Culture ? Sommes-nous faits
pour nous parfaire ? La dignité, l'amour ne sont-elles pas les valeurs
fondatrices de toute spiritualité ?
Longtemps je me suis couché dans le désert. J'ai appelé et j'ai senti.
Oui, je crois que notre spiritualité est un affinement de l'intelligence de nos
coeurs, comme les yeux du verrier, peu à peu, s'irradient de couleurs à force de
travailler aux vitraux, comme la main de celui qui aide s'ennoblit de rides
belles.
Je suis content de t'avoir rencontré, d'avoir voyagé dans tes paroles, autrefois.
Tu es un relais dans la voie de mon esprit, assurément.
Mais que ce microcosme fraternel s'élargisse en cercle politique, puisque polis
il y a, parbleu !
Si le rêve était la réalité, la réalité le rêve, quelle serait l'illusion ?
Kunthea,
Je ne t'accuse pas, je ne fais pas ton procès. J'espère juste -à moins que je ne te
sois devenu aussi indifférent que le reste de ta ribambelle de "frères" de zinc-
que cela t'aura donné à réfléchir. Oh! tu auras bien sûr renversé la vapeur à ton
avantage, tu m'auras maudit, tu auras craché sur ma mémoire... qu'importe.
J'ai perdu dans l'affaire mon sac auquel je tenais depuis mon dernier voyage
en Inde, le seul pantalon qui m'allait, un bouquin que tu pourras lire et les cent
euros que tu aurais peut-être daigné me donner après de multiples pressions,
art dans lequel tu excelles : bref, pas de quoi renverser une montagne...
100
!! ! Je vous souhaite, à Sévrine et toi un beau Noël dans la paix et la
force.
Je dois arriver à te dire que tu dois partir. Je regrette au plus profond de moi de
devoir te dire cela. Je suis triste et j'ai mal. Il faut que tu partes car sinon tu
risques sérieusement de te prendre un pain par le premier venu ou de te faire
embarquer par les flics. Tu n'as rien fait de bien terrible pourtant, mais ton
attitude rend autrui malade. Berlin est calme et pauvre, mais elle a bon coeur.
! Tu ne parviens pas à échanger deux phrases avec autrui sans l'entraîner
dans ton égocentrisme, sans pirater son inconscient. Tu as sur moi un effet
nocif et je réagis en conséquence. Ce matin, je ne suis plus moi-même. Tu n'es
plus conscient, je crois, que ta manière d'être n'est plus celle d'un être humain.
Je crois comprendre beaucoup des raisons qui te poussent à être ainsi, ton
enfance, ta famille, Paris. Je comprends que l'on peut aimer plus un animal
qu'un être humain, je comprends que ta chatte te manque; je crois aussi que tu
as besoin d'aide. Et je ne suis pas capable de te l'apporter pour le moment. Je
ne vais pas très bien moi-même, schizophrène entre Paris et Berlin, entre
l'aimable hypocrisie parisienne et la pauvre authenticité d'une ville qui ne
compte plus ses blessures, un peu comme toi d'ailleurs.
! Nous ne sommes pas sur terre pour répandre notre venin mais pour
dispenser notre amour (si on s'en sent capable), rendre ce que l'on a reçu, aussi
simplement que les plantes transforment le CO2 en oxygène, avec notre coeur,
notre tête, notre histoire, parce que comme tu le disais à la chapelle de
l'aéroport, l'Homme est son propre Dieu, et puis c'est tout.
! Je sais que c'est cela que tu désires aussi. Que tu n'y parviennes pas me rend
fou, réellement fou. Tu le désires peut-être tellement que l'effet s'inverse : tu
n'es ni en harmonie avec toi-même, ni avec le monde, ni avec ceux qui t'aime
dont je fais partie.
! Il faut que tu partes ce soir parce qu'il faut que je me préserve. J'ai fais les
courses ce matin parce que si nous les avions faites ensembles tu te serais
comporté de manière à me griller le terrain pour le reste de mes jours berlinois.
J'ai peur d'entrer avec toi dans un bar, peur que tu défonces un tableau si on va
au musée, que tu parviennes à créer un accident de la route si on prend le bus.
Tu vas me dire que j'exagère; au point où tu en étais hier soir à notre arrivée et
ce qui n'aurait manqué de se passer de nouveau si tu n'étais pas parti, je ne
crois pas. Il y a entre cette ville et toi un totale incompatibilité alors que je
pensais qu'elle te ferait du bien.
102
! Tu vas te réveiller bientôt, triste et pathétique, rester sérieux sans dire un
mot jusqu'à ta première bière. J'en suis même à me dire très sérieusement que
tu ne devrais pas dormir dans la chambre de mes enfants pour ne pas les
rassasier de mauvaises ondes. Katharina le pense aussi. Je ne veux pas prendre
le risque de faire resurgir le Diable en toi (c'est Hamid Rachi qui il y a 15 ans
parlait de toi en ces termes en me conviant à t'éloigner de toi pour mon propre
bien), et que ses miasmes restent planantes sur ma famille. Voilà où j'en suis.
! Je suis conscient que tout ce que je viens de te dire te fasse du mal, comme
lorsqu'on arrache une dent. Seulement je n'ai pas le choix. J'ai passé mon
temps à te défendre, à dire à mes parents et à mes amis (à tes amis, ta femme,
tes parents aussi) que tu étais quelqu'un de bien, d'exceptionnel, ce que je
continuerai d'ailleurs à faire. Mais je ne suis plus celui qui déconne sans arrêt,
qui passe son temps à boire des coups et fumer des joints sans pouvoir court-
circuiter ce que me dit celui avec qui je suis. J'ai appris à me défaire de ma
folie, assez en tous les cas pour vivre en paix dans le zoo humain. Ca a son
prix aussi. Mes limites et ce que j'attends d'un être, a fortiori d'un ami comme
toi ne sont apparemment plus les tiennes.
! Je suis désolé que cela se soit passé comme ça, Shiva.
Cher Kounthea,
103
Premier jour de lumière, l'hivers est sommé de déguerpir. Mes enfants font le
ménage sur le balcon ensoleillé, de la musique baroque italienne lance ses
bénédictions sereines.
! Il faut savourer ces instants du simple pour que vérité se fasse. S'émerveiller
est notre plus noble occupation d'adulte. Notre défi.
En attente de quelques mots lancés sur ton clavier,
Pierre.
C´était donc court mais bon. Surtout les pâtes, j'aurais du me resservir. J'ai
passé une bonne soirée. Merci surtout de t'être laissé filmer avec grâce, d'avoir
supporté la caméra. C'était une prise de contact, le début du début. Je pense
qu'on pourrait tous les deux tirer ton portrait, celui qu'on aime. Mon idée de
partir sur ta relation avec les animaux n'est peut-être pas inintéressante. Ce
serait aussi un tremplin implicite pour parler de ces autres animaux, les
hommes. Ta relation avec autrui est souvent mobilisée par des sautes de
niveau conscience, ta perception instinctive (j'entends si tu veux : coiffée
d'antennes) à l'instar de la perception animale. En ceci tu es à peut-près unique
et appartiens au futur de l'espèce, si cela a seulement un sens. Il y aurait une
semaine de tournage, par-ci par là; si tu en es d'accord. Il faudrait en discuter.
Tes idées me sont
précieuses. Dans mes rêves on pourrait finir sur des scènes au Cambodge; ou
serait-ce là un autre film ? Je vais couper les morceaux que j'aime bien et te les
envoyer quand mon graveur sera en état de marche.
Vous faites un beau couple tous les deux. Katharina trouve Séverine très
sympa. Histoire de symétries et de calendriers chinois et babyloniens, histoires
d'amour. Nos femmes sont des guerrières, plus que nous sans doute, en tous
les cas, elles nous ancrent et nous les aimons, ce qui est déjà pas mal. Aide-la
comme tu peux pour ses
104
examens; c'est classe. Satprem (de Saint Hilaire), ca gaze ou t'as abandonné ?
C'est lui qui était dans ses derniers jours au chevet de la Mère (la compagne de
Shri
Aurobindo à Auroville, Pondichéry), tenant sa mort secrète parce que le
"Supramental" (Yoga de la Matière) de la grande prêtresse n'avait décidément
pas pu empêché sa nécessaire thanamorphose. Puis il a crée un centre de
recherche sur l'évolution humaine à NY à la fin des années soixante. Je crois
qu'est mort.
Moi je commence beaucoup de livres que je ne finis pas, tous plus compliqués
les uns que les autres, je butine, en me disant que je devrais me remettre à
écrire, à peindre, ce dont je me sens incapable. Ca caille à Berlin et Kath donne
ses quatre heures de cours quotidiens et est plongée dans des livres de
pédagogie jusqu'à minuit. Je continue
donc de faire le majordome dans mon petit royaume et vais m'inscrire dans un
cours de Kung Fu, pour commence à prendre l'air.
Au travail.
Pierre.
Salut,
Je me suis acheté cette voiture ce matin, qu'en penses-tu ? SAAB 9-3
2.2 SE, Diesel, 1999, 114ch, 118000km, intérieur cuire, pour 4700
euros.
Si tu as toujours des garagistes dans ta famille, tu pourrais peut être
leur passer un petit coup de fil ? Merci pour la bénédiction.
A plus,
Pierre.
105
Travailleur, mon ami, mon frère,
Tu ne te signales plus.
Cinq semaines à Berlin qu'une goutte de pluie est tombée, cinq semaines de
bleu clair auréolé des jeunes pousses des arbres. Mon marronnier devant le
balcon est en fleur, le bassin que tu aimais bien devant chez nous connaît la fin
de ses rénovations, pergolas, pelouse, jets d'eau...
Bises,
Pierre MacGregor
Tu as l'écriture digne
mais vaporeuse et sèche
sur le papier encollé de tes tendresses.
P.McG.
107
Chapitre IX
___________________________
Sitigne Seef, mon brillant frère sénégalais, qui m'offre souvent le réconfort
de ses conversations... téléphoniques
Cher ami,
Me voilà enfin sur le net ! Une carence enfin comblée qui nous permettra
d'échanger, je l'espère, quelques bonnes paroles de temps à autre...
Je ne m'étais pas signalé depuis mon appel lyrique de cet été, mais n'ai pas
oublié l'attention que tu m'avais alors accordée. Je n'ai toutefois pas suivi tes
conseils concernant l'urgence de me trouver un travail, quel qu'il soit : la
fonction de parent dans une Waldorfschule suffit sans peine à remplir l'emploi
du temps d'une journée, et les places à mi-temps se font rares de nos jours à
Berlin.
Reste que tu avais bien raison. Vois-tu, je crois décliner dans l'estime de ma
femme : je m'obsède sur ses fesses que je ne verrai bientôt plus durant six
mois, avec une intensité hors du commun et il va de soi que ladite épouse
repousse les avances sexuelle du brave mari en mal de cul avec brio... le
portrait navrant d'un couple au bout de dix ans, n'est-ce pas ?
Et pendant que je me lamente sur mon petit nombril, v'là que Bush repasse et
qu'Arafat en tombe dans le coma, sans parler des idiots qui deviennent
légion... au point que je me demande parfois si je n'en fais pas partie à mon
insue.
O douleur du monde sur petit écran, doux poignard métaphorique qui vient
se ficher entre nos côtes pour nous permettre d'échapper avec légerté à la
mauvaise conscience qui préside à toute bienséance chrétienne et impérialiste,
comme tu souries dans ta perpétuelle agonie !
108
Bla, bla, bla... Comment te portes-tu au pays de l'envahisseur ? Parviens-tu à
garder la tête hors des eaux nauséabondes du conformisme ? Je te fais
confiance pour comme je te connais, raser les murs avec dignité; mais que ton
coeur ne se glace pas trop, à force de serrer les dents... si je puis me permettre.
! ! Pierre
Ami ?
! Peut-être n'aurai-je pas ici l'accent des west-Indies... Ces mots volants pour
essayer de te contacter à nouveau. Je m'inquiète : ton mail était bien le bon et
m'avait été renvoyé il y a de cela six mois, alors c'est à voir. Ne prendras-tu pas
trop mal le fait que je me suis fait depuis ce temps du souci pour toi; on ne sais
jamais avec les grands Noirs qui touchent à l'informatique high tech aux USA
par les temps qui courent... Tu survis ? Et comment ? Capitaliste ? Affirmatif.
! J'ai eu ton n° de portable par Diaganta au Ursulines qui m'a tout de suite dit
"Nico !", ce qui m'a fait très plaisir. Je l'ai derechef invitée à Berlin. Elle avait
une bonne voix.
!
! Heureux en attente de tes nouvelles bien que tu ne te sois soucié de moi
outre mesure durant un an, ce que je peux encore comprendre et accepter. Je
viens de perdre mon grand-père américain et jungien qui vivait depuis 25 ans
dans le pays d'Hitler et de Humboldt, ce qui me rapproche d'un curieuse façon
de la bannière étoilée. Mon guru s'est en allé. A voir. Je lis La Guerre Et La
Paix, il est toujours temps.
! ! Pierre.
Nico,
J'ai bien recu ce message.
109
Cher Sieur Seef,
! ! ! Je t'embrasse,
! ! ! ! Pierre.
Cher ami,
Je suis soulagé de t'avoir entendu. Les inactifs ont toujours du mal à se rendre
compte du labeur des actifs. Tes mots sincères sont un réconfort par delà les
années, mais ta manière de considérer abstraitement les choses tenant à ma vie
(une fois trompé, pas de pardon) ne correspondent pas à ma manière de vivre.
Tu serais encore plus pragmatique devenu qu'autrefois, combien même ma
fierté est assise sur des charbons ardents.
Au plaisir de te lire, comme je te l'ai demandé, quelques extraits de ta prose
ou de découvrir sur mon mail 5000 chates noires et broussailleuses, c'est selon
ton envie; quelques mots choisis feront aussi l'affaire.
! ! A bientôt,
! ! ! ! Pierre.
110
Frère d'un temps encore actuel,
Je te remercie de m'avoir encore une fois parlé sur ce ton; cela m'a fait du bien.
Plus que tu ne penses. Un autre frère, Romain Pompadour, que tu as rencontré
autrefois chez moi, aussi loin que toi, venait de me renvoyer à mes calendes
grecques... et je ne sais pourquoi.
Felow sufferes, j'aimerais te rendre visite, un jour, et voir ta gueule ébahie et
béante voyant débarquer à l'improviste le dit Nico dans ta penthouse emplie
d'éthiopiennes... pour l'amour de Dieu !
Je ne sublime rien, suis au rebours sensible aux êtres qui me sont chers et point
à la ligne.
Une pensée ne remplace pas une parole, un acte une chose.
Om Mani Pat Me Om, pour toi et ceux qui te sont chers, c'est tout.
Pierre.
Cher ami,
Vos photos nous sont parvenues le matin de notre départ pour la patrie. Vous
y êtes en beauté, et cet avis concorde avec celui de mon épouse. Vous feriez
certainement un bon père; qu'attendez-vous, Sirigne, que l'on parvienne à
découvrir le moyen pour que les hommes puissent être enceints ? Quant aux
demoiselles perverties par le vice que je suis parvenu à cacher de justesse à la
précieuse et faillible naïveté de mes enfants, dois-je toutes les compter au
nombre de vos conquêtes personnelles ou seraient-ce la seulement un
échantillonnage de victimes du nouveau Dieu Sexe ? Seriez-vous un tantinet
marseillais devenu ? Et sinon, en auriez-vous d'autres comme cela sur votre
disque dur qui n'attendent que l'occasion pour ravir d'autres yeux que ceux de
votre auguste personne ?
Katharina est donc devenue professeur d'eurythmie à temps plein et prépare
ses cours jusqu'à une heure du matin; je luis sers du thé et la regarde travailler,
très fier de ma femme soudainement plongée dans des livres. Je trouve ça très
sexy Elle trace au crayon papier des formes cabalistiques, c'est très joli et bien
payé. Bravo pour elle. Mon fils est rentré à l'école et ma fille connaît son
adolescence précoce.
Et vous ? Toujours la cravate, le portable et le volant ?
Je n'ai malheureusement pas trouvé le temps de rencontrer ton ami Greg; je me
suis retrouvé dix jours à Paris au chevet de mon père malade qui devenait
111
aveugle de temps en temps tandis que ma mère était avec les enfants. Une
sinécure... Il va mieux.
Salut,
Saalam,
Shalom, et que tout ce qui monte converge !
! Pierre.
112
Chapitre X
__________________________________________
Flore Deschamps, ma très ancienne amie parisienne celle avec qui mon
projet d'anthropologie du geste est né, ma soeur et peut-être plus
Flore,
Katharina a enfin eu le courage de m'ouvrir son sac et le ciel m'en tombe sur la
tête : elle me trompe depuis cinq ou quatre ans avec son masseur (considéré
par beaucoup comme "le meilleur de Berlin"), un Apollon que je connais
d'ailleurs - il m'avait massé il y a cinq ans, avant leurs relations. Toute la
palette des positions sexuelles sont apparemment de rigueur dans leurs ébats
très pornographiques. Christophe Galat, qu'elle aime depuis sa rencontre qui
fût un flash, il y a six ans. Ils sont partis ensembles en Espagne la semaine
dernière; elle m'avait dit qu'elle partait pour un spectacle d'eurythmie...
Voilà. Je dois partager Katharina. Rien ne me dit qu'ils vont cesser leur
relation, même si Kath s'y engage. Elle le désire d'autant plus qu'il ne la désire
pas autant qu'elle. Je suis souillé des pieds à la tête. J'ai voulu qu'on fasse
l'amour après ses aveux, et je lui ai dit de se représenter Christophe sur elle à
ma place; je lui ai demandé comment il faisait, lui ai pris les épaules, serré les
poignets avec les mains comme lui, elle a fermé les yeux et et elle a eu
beaucoup de plaisir.
Je veux tout savoir sur eux. Plus j'en sais, plus ca me calme. Elle le comprend
et m'en a dit beaucoup hier soir; elle semble supporter de me le "livrer"; peut-
être y prend-elle du plaisir, beaucoup de plaisir.
Je m'en étais douté bien sûr pendant ces cinq années, mais jamais je n'aurais
cru Kath capable de me faire ca. Je tombe du cinquième étage, mais la vérité
me sort l'idée de la tête que j'étais devenu parano et sexuellement obsédé
depuis cinq ans. Je me suis de plus en plus fixé sur elle, au fur et à mesure
qu'elle se détachait de moi, comme un taureau buté qui veut baiser une vache
qui aime un autre taureau - pardon pour la distinction de la métaphore -. J'ai
tout deviné, toujours, je l'ai supplié de me dire des dizaines de fois qu'elle ne
m'aimait plus, qu'elle avait une affaire...
113
Pendant cinq ans ils ont fait l'amour (pas si souvent que ca apparemment 50
fois ?), mais toujours sans capote. Nous pourrions tous avoir le sida. Lui m'a
dit au téléphone qu'il n'avait jamais été amoureux de Kath et qu'elle le savait.
Il a une copine fixe qui l'a lui-même trompée récemment...
A partir du moment où je lui ai dit que je l'aimais il y a quelques années, que je
me suis remis a désirer l'embrasser, que je suis devenu plus affectueux,
Katharina s'est éloignée de moi. Je l'ai frappé, sans préméditation, plusieurs
fois, alors que nous étions tous les deux dans un état d'ébriété avancé; elle
avait alors besoin de prendre l'air, elle a reprit contact avec lui, il y a quatre
ans. Elle est allée se faire masser, lui a demandé si elle pouvait le masser, ils ont
fait l'amour sur les tables de massage...
Elle ne m'embrasse plus depuis cinq ans. Elle aime les beaux hommes qui ne
lui courent pas après, comme toutes les femmes. Elle a par ailleurs 5000 euros
de découvert. Elle s'est achetée beaucoup de vêtements pour lui plaire. Elle me
dit m'aimer, mais son coeur est partagé, et ma place n'est pas plus grande que
celle de son "masseur", sans doute même plus étroite, beaucoup moins
excitante. J'ai la place de celui qui lui fait des reproches, de celui avec qui elle
partage le quotidien, de celui qui l'a frappé. Rien ne me dit qu'elle ne pensera
pas à lui quand nous ferons à nouveau l'amour, où quand nous prendrons un
café. Je vois qu'elle pense à lui comme une femme pense à un homme dont elle
est amoureux, dans une douce vapeur printanière.
Il lui donne ce que je n'ai pas. De la sécurité - il a les épaules larges et de gros
muscles -, de la camaraderie (il est comme elle, dit-elle, il n'a pas le sens de
l'orientation, ni la mémoire des noms : Kath s'est toujours sentie "amoindrie"
devant mon intellectualité), de la liberté, du fric et du sexe comme j'aimerais
en avoir avec Kath., ce qui me manque le plus, passionné. Nous avons
pourtant toutes ces années toujours beaucoup fait l'amour tous les deux. Peut-
être trop. Tous les jours presque, souvent deux fois par jours. Je l'ai étouffé
avec cela, même si elle prenait du plaisir à chaque fois, dans une recherche
éperdue pour lui redonner goût à mon corps, alors que j'aurais dû justement
ne plus lui faire l'amour (mais peut-être l'aurais-je alors perdue, laissant à son
amant l'apanage de sa sexualité), mais je n'y arrive pas, je suis trop triste
quand je ne lui fait pas l'amour. Si seulement j'avais pu avoir confiance en elle,
si seulement je le pouvais aujourd'hui, je ne serais pas comme cela, c'est là tout
le drame. Kath a aussi une forte vie sexuelle. Elle ne vient plus vers moi depuis
ces cinq ans.
Elle aime une personne qu'elle a vu à intervalles irrégulières (aussi quand elle
revenait l'an dernier tous les week-ends de Stuttgart, pour prendre un pot,
parfois faire l'amour), tous les mois ou trois semaines, parfois plus, avec qui
elle va au restaurant et avec qui elle ne fait pas systématiquement l'amour.
114
Elle me dit qu'elle veut rester avec moi pour toujours; je ne crois pas que je sois
capable de la partager... et pourtant je l'aime !
Je n'ai pas envie de tomber amoureux d'une autre femme. Je veux ma femme
pour moi tout seul. Il faut que j'accepte l'inacceptable. Mais il faudrait aussi
que je puisse être sûr que Kath ne fasse plus l'amour avec lui. Elle vient de
m'appeler pour me dire qu'elle a besoin d'être seule. Je lui ai demandé si elle
pouvait me dire si elle prenait l'engagement de ne plus coucher avec son mec.
Elle ne répond pas à cette question. Elle ne veut plus faire l'amour avec moi,
elle est dégoûtée par mon corps.
- Je souffre, Flore.
Moi qui voulais être bouddhiste depuis toujours, voilà que les examens
tombent plus tôt que prévu.
Pierre.
PS Je n'arrive pas comprendre comment tu peux vivre sans écrire à tes amis
(sans pour autant en pondre une tranche pareille à celle-ci), mais c'est ainsi !...
Le téléphone existe encore.
Pierre
Chère, chère Flore, mon billet est pris. J'arrive donc Mercredi 13 à 19h40 à
Ciampino par easyjet.
Katharina continue de vouloir me faire souffrir. Elle avait rendez-vous pour
son eurythmie et devait rentrer au plus tard à 11h. Son portable ne répond pas
quand j'attends jusqu'à 11h20 pour ne plus pouvoir ne pas l'appeler. Puis elle
m'appelle pour me dire qu'elle a du prendre l'air après la lecture de la lettre
que je lui avais lu, pour digérer, et qu'elle est partie après sa réunion sur un
lac, seule, et qu'elle reviendra dans une heure. J'essaye de la rappeler, mais son
foutu portable est fermé. CQFD. Avant qu'elle ne parte, je lui ai dit que je
partais à Rome te rendre visite, nous avons écouté de la musique ensemble qui
nous a fait pleuré, c'était beau, et j'ai cru alors qu'elle commençait à revenir
enfin à la réalité de son amour pour moi, puis je lui ai lu une lettre que je lui
avait écrite de 2005, étonnamment clairvoyante sur la situation, ce qui l'a
remuée. Elle est venue alors me prendre les mains, pour la première fois,
s'asseoir à côté de moi. Quand elle repassait sa robe, j'ai cru un moment que
c'était pour sortir ensemble au restaurant, j'avais oublié son rendez-vous...
Quand elle m'a dit au revoir j'y ai lu dans ses yeux qu'elle partait me tromper.
116
C'est insoutenable. Il est 1h25, je suis fatigué mais n'arrive bien sûr pas à
m'endormir. Les minutes passent longues d'attendre celle qui me tue. J'aurais
besoin de tes bras maintenant, dans les bras d'une personne sincère. J'ai envie
de son corps et je chantonne pour me donner du courage. Je sais que tu as
connu ça. Amen.
Pierrecocu
Zut alors, le billet est acheté, mais peut-être changeable. Tout dépend en fait si
on peut arriver à vivre deux jours de plus ensemble sans nuire à notre entente,
ce qui n'est pas évident. Sinon il y aurait sûrement aussi la solution, pas si
dramatique, d'un hôtel pour une nuit ... ?
Pourras-tu venir me chercher ? Ou dis-moi comment faire si tu peux pas. Ma
journée va être assez chargée demain.
A+,
Pierre
La tension continue de baisser semble t-il. Je crois qu'elle m'aime bien entendu,
mais qu'elle en aime un autre aussi, et de manière passionnelle. S'il y a
soixante façons de dire l'amour en sanscrit... soixante manières d'aimer... il doit
y en avoir alors cinq cents pour désigner la souffrance...
Cher Pierre,
Je suis desolee, de ce malentendu, jái en effet ma mere jusquá venderdi. Et
demain soir je ne pourrais pas venir te chercher mince, prends un taxi
117
facile. Je suis desolee de nétre dispo quá partir de vendredi. Si tu ne peuxz
aps changer on sárrangera
Dis moi ou té en es
Baci
Flo
Caro,Nico,
Tu restes quand tu veux au dela du week end. Maison ouverte. On verra avec
ma
copine sur place. on pourrait séchapper des vendredi soir en effet bonne
idee. Si tu reussissais a changer le billet, alors Regarde si tu peux arriver
direct a Naples, ou jáurais pu te retrouver des venderdi soir Easyjet est pas
cher sur Naples. Sinon avole sur rome et on voit soit on part des venderdi
soir soit seuelemnt samedi matin, no problemo. Tout est si proche ici a un
jet de pierre
Donc, Flore, j'arrive à Campino (billet pris - non possibile avec les horaires
pour Napoli) à 19h40 Vendredi 15.
Tu viens me chercher, on prend un taco jusqu'à la gare et on file à la plage pour
un bain de minuit ?
Merci ma soeur. J'en espérais pas moins de toi. Tu ne seras pas décue.
Nico.
Très, très, très chaud à Roma ? Faut-il prendre son masque à oxygène ? J'ai un
léger pblm avec mon crâne rasé et la grosse lampe tout là-haut... et puis je ne
retrouve pas mes sandales de l'année dernière.... sinon tout va bien... ou
presque ! 35° à Berlino today.
! ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Fin...
119
! ! ! ! ! ! ! ! IV
!
Se demander ce que l‘on appelle la contemplation revient plutôt, nous le verrons,à
appeler la contemplation elle-même : parce que le Verbe est l‘instrument par
excellence de cette action, et que l‘action et la contemplation se sont toujours livrés à
une guerre qui pour le commun des mortels reste une aporie stérile et souvent
tragique.
Mais plus loin encore que ce débat qui oppose l‘homme du siècle à l‘homme
méditatif qui s‘en exclut, se pose la question de l‘Etre et de sa réalité parmi
nous.Nous nous poserons dans un premier temps la question de la capacité du
langage à rendre compte de cette expérience qu‘est la contemplation, et nous verrons
120
que s‘il échoue à nous en restituer l‘essence, c‘est dans sa nature même qu‘il bien en
chercher la raison.
Se demander ce que l‘on appelle contemplation révèle dores et déjà une contradiction
interne. Parce que le langage est essentiellement tributaire du désir et qu‘il s‘affirme
avant tout pour nommer ce qui n‘est pas (c‘est à dire qu‘en fait le langage nomme
l‘absence), il s‘avère l‘instrument pratique de l‘insatisfaction humaine qui rêve de
cette Stase originelle, unie et brisée. Aussi, comment cette négativité de l‘ek-sistence,
pour reprendre ici Heidegger, pourrait-elle coincider avec la positivité fondamentale
de l‘objet de la contemplation ?
! Le langage nomme l‘absence ou du moins sucite l‘objet qu‘il convoîte. Or, selon
Platon, le monde intelligible serait un double épuré et spirituel de notre monde
sensible. Le discours qui tenterait alors de décrire la vie théorétique se heurterait
ainsi à une double absence : celle de l‘objet, amsi aussi celle de cette autre monde à la
fois présent et absent autour de nous, en tous les cas resté invisible à nos yeux.
! Nous avons ainsi montré que se demander ce que l‘on appelle contemplation
revient à vainement appeller la contemplation elle-même, sans parvenir pour autant
à la connaître. Connaissance des connaissances, elle échappe donc au langage. En
121
outre, ce qui donne sens ne peut être énoncé : Socrate ne disait-il pas que l‘on
commence à penser quand on ne sait plus ce qu‘on dit ? En dernière instance, et sauf
dans le cas du passage à la limite poétique, le langage ne peut-être de nature
ontologique. De plus, la personne méconnaît le caractère intelligible qui ne peut se
réduire à l‘expérience; il s‘avère donc que la seule chose dont le sujet ne peut parler,
c‘est de lui-même : le mot semble orienter la présence en un appel qui supprime
l‘hypnose de la présence sensible pour ouvrir la brêche la signification.
! La theoria dit donc plus que le simple langage qui désire la connaître. La
question de la véracité de l‘existence de l‘être en soi trouvera donc sa réponse si cet
état contemplatif correspond à une réalité perceptible pour nous. Cette connaissance
du suprême intelligible ne pourraît-elle pas dépasser les degrès de l‘arbitraire du
langage et se débarasser finalement de toute médiation impure ? Les mots étant
autant d‘ostacles entre l‘être et moi, serai-je capable de les lever ?
! Leibniz distingue les vérités dérivatives des vérités primitives; et dans ces
dernières, des vérités de raison et des vérités de fait. Il nous aide à comprendre, du
moins à légitimer cette évidence qui peut apparaître certes un peu brutale et non
fondée. Le philosophe sait parce qu‘il a vu. L‘objet de sa contemplation est en
quelques sortes non une démonstration, mais mais une intuition. Et par conséquent,
c‘est „l‘expérience immédiate d‘une immédiation du sentiment“ (M.Festugières,
Platon et la vie contemplative, Vrin) qui permet de faire le lien entre le suprême
intelligible objet de la contemplation, et l‘intellect. Aussi, la réalité des idées
s‘apparentent-elles à un objet de foi.
122
! Chez Descartes, dans La Méditation seconde, la saisie de l‘être, de sa conscience
immédiate et trenscandante, est donc également intuitive. Le cogito cartésien est la
„fine pointe de l‘esprit“ où la pensée se saisit au sein de l‘être, puis saisit l‘être lui-
même. Cependant, note M. Festugières à propos de cette prise de conscience, „le
sentiment de la pensée équivaut à une saisie de l‘être, mais elle reste en deca de
l‘identification avec l‘être.“
! Car pour Platon, l‘être absorbe bel et bien en lui le sujet connaissant. Nul part
ailleurs plus qu‘ici, le discours ne saurait traduire ce contact, parce que l‘objet avec
lequel on se confond dépasse toutes les amers du connaissables que le discours a
pour fonction de rendre. Dès lors, un lien original s‘établit entre l‘intellect et l‘idée :
l‘union perpétuelle de son intellect à Dieu. Dans son livre LEs problèmes de la vie
mystique, M.R.Bastide appelle cette déification de l‘âme l‘état „théopathique“.
! Dans l‘extase encore, le moi se glissait; maintenant engliutie dans l‘être, l‘âme
entièrement dépouillée de son moi s‘est déifiée. Et un autre moi, Dieu a pris sa place.
En outre, si l‘homme religieux ordinaire sait où il va, le mystique ne semble
comprendre qu‘après coup la raison d‘être des étapes qu‘il traverse : il ne se dirige
pas, mais il est entraîné par une force interne, et cette force, il l‘appelle Dieu.
! Aussi apparaît-il que l‘appel de l‘être ne puisse aboutir qu‘à cette identification
avec l‘être lui-même et à la cessation de l‘ego. Par conséquent, se pose une nouvelle
fois le problème de l‘action et de la contemplation. Car si ce contact avec l‘être est
considéré comme nécessaire par tous les contemplatifs, leur attitude diverge quant à
l‘utilisation de cet état.
! Aristote indique, on le sait, l‘emploi d‘une paideia de cette exis par les lois de la
cité. On peut sans doute avancer que chez les grecs, derrière Platon , existe une forme
de synthèse entre contemplation est action. Mais le philosophe illuminé devra se
réhabituer peu à peu à la lumière du jour, aux images obscures de la cités, remontant
de sa caverne. Il devra abandonner la vie thérétique et ne plus pouvoir être
qu‘intuitif. Il y perdra la présence de l‘être.
! Il semblerait donc que la fin dernière du sage ou du boddhisatva ne soit pas son
bonheur propre mais celui de la cité toute entière. Mais est-ce bien là le souverain
bonheur que de se subordonner son éternisation à l‘enseignement de la vertu ?
Uena Upanishad, 2
! ! ! ! ! ! ! ! !
! ! ! ! ! ! !
125
! ! ! ! ! ! ! ! V
PAROLES D'ASTRONAUTES
Sergueï Krikalev
"Non je ne dirais pas que la nuit fait plus peur que la journée mais ce que je me
rappelle de ma première sortie, cʼest quʼon se déplace dans cette combinaison un
peu encombrante, on a peu de sensations dans les doigts parce quʼon a des gants
très épais, gonflés, donc il faut se débrouiller, il faut retrouver ses sensations dans
les doigts.
"Je pense que, tôt ou tard, nous dépasserons lʼatmosphère terrestre, nous établirons
des bases sur la lune ou sur Mars et ce ne seront encore que des étapes
intermédiaires, nous irons encore plus loin.
Pour moi, la question nʼest pas de savoir sʼil faut partir ou pas, la question est de
savoir sʼil est temps de partir maintenant ou sʼil faut partir plus tard.
A mon sens, plus on essaiera de partir tôt, mieux on sera préparé à partir quand il
sera vraiment lʼheure de quitter la terre."
"Nous rentrons de lʼespace avec des réponses, mais ces réponses soulèvent
dʼautres questions.
126
Nous travaillons dans un environnement hostile, dans le vide, avec des radiations et
même lʼapesanteur.
Ca a lʼair sympa et facile mais malgré tout cela affecte notre santé. Nous faisons des
expériences médicales et nous savons
que nous les faisons pour les terriens. Nous sommes des chercheurs, mai parfois
aussi des cobayes."
Julie Payette
"Le bleu du ciel, il nʼest pas à notre horizon, il est plus bas. Mais en tournant autour
de la terre, lorsque le soleil se lève et se couche, et se lève et se couche, à toutes les
heures et demi, 16 fois par jour littéralement dans une période de 24 heures, on
voit très bien la mince couche de lʼatmosphère bleutée, lorsque le soleil se lève et se
couche, alors quʼon vogue au dessus. Cʼest de toute beauté !
On voit aussi à quel point cʼest mince, mince, cette petite couche dʼair, cette pelure
dʼoignon autour de la planète, qui fait la différence entre la vie là et pas de vie là.
Cʼest fascinant, cʼest beau ! Mais cʼest une frontière, il faut la dépasser, il faut aller
voir plus loin au cas où on trouverait un petit bout de ciel ailleurs, un jour…"
Cette terre, elle est unique, il nʼy en a quʼune ! 7 milliards et quelques dʼhabitants,
nous la partageons tous.
Ca nʼa rien à voir avec où on est né, quelle langue on parle, quelle religion on
préfère… nous sommes tous dans le même vaisseau spatial, en route vers le futur,
et le vaisseau spatial sʼappelle la terre. Lʼimportance encore de continuer à bien
sʼoccuper… à faire de la recherche, à investir dans nos ressources, dans notre façon
de gérer nos ressources, en sʼassurant que les pays qui ont moins de moyens en
aient plus, pour quʼils ne se retrouvent pas dans des décisions qui vont affecter par la
suite des générations, "
127
Gerhard Thiele
"On se sent grand dʼune certaine façon mais petit dʼune autre façon. Pendant la
journée, on se sent bien sûr très grand parce que lʼon voit pratiquement tout. On se
sent puissant en quelque sorte. Mais quand vient la nuit, là on se sent tout petit.
Tout ce que lʼon peut voir, ce sont les étoiles et à ce moment, il y a un sentiment
dʼisolement, un terrible sentiment de solitude. Cʼest un peu effrayant mais en même
temps, cʼest quelque chose de presque surréaliste, quelque peu écrasant mais jʼai
plutôt décidé de savourer le moment."
"Il y a quelque chose de très étrange lorsque lʼon gravite autour de la terre dans son
vaisseau.
On sait que la gravité nous rattache à la terre, à la planète quʼon a quitté mais on
sʼen sent très distant et je dois dire que je nʼavais pas lʼimpression dʼen faire partie,
dʼavoir de lien avec cette planète. Jʼen étais complètement détaché.
Elle était là, je la voyais par la fenêtre mais ça aurait pu être une autre planète !
Cʼétait une expérience très étrange mais ce qui était encore plus étrange, cʼétait de
sentir un lien encore plus fort avec les terriens, en particulier lorsque lʼon voit les
lumières des villes et des villages, on reconnaît que les gens continuent de mener
une vie normale, ordinaire.
Evidemment, on ne peut pas les identifier mais on sait quʼils continuent de vivre, que
lʼon passe par-dessus lʼEurope, lʼAfrique, lʼAustralie ou lʼAsie."
"Si nous décidons de nous restreindre à notre planète, si nous décidons de rester sur
la planète, alors nous choisissons de ne plus croître et notre espèce, lʼhumanité, ne
peut survivre quʼen se développant. Si nous arrêtons de croître, alors notre espèce
sʼéteindra."
128
Nicholas G.P.McGregor
"Si nos regards humains s'élèvent depuis toujours vers la sphère des fixes en y
projetant déjà un peu de nous-même dans les espaces sidéraux, dans cent ans, au
rythme où se ratifient les plans des différentes agences spatiales, bien peu auront
pu encore contempler notre planète de leurs yeux depuis une orbite stationnaire,
sans parler des vols interplanétaires.
La durée des travaux et le gigantisme des opérations nécessitent pour l'heure une
refonte complète de la chimie des métaux légers ainsi que des applications
prochaines en science biomoléculaire."
"Lorsque nous nous déplaçons en état d'apesanteur avec mes collègues, nous nous
rendons compte à chaque fois d'une modification de nos comportements interactifs :
la psychologie humaine en prend un coup à passer du divan à la lévitation ! (...)
La qualité des contacts humains sembleraient bénéficier de la gravité zéro."
"L'homme recherche son passé dans le lointain des galaxies, son regard voyage et
son corps aussi.
129
Franklin Chang-Diaz
"Je dis souvent que lʼhomme est avide dʼénergie car lʼénergie, cʼest la clé de la
survie.
Et cela nous mène à lʼénergie nucléaire. Pour nous, lʼénergie nucléaire, cʼest une
source dʼélectricité parce que les fusées de demain ne seront pas propulsées par
des carburants chimiques avec un système de combustion. Leur propulsion sera
électrique, on les appelle fusées à plasma ou fusées électriques nucléaires.
Le plus gros problème qui va se poser pour les astronautes qui vont se rendre
sur Mars, ce sera les radiations, parce que lʼespace est radioactif, nous sommes
constamment bombardés de particules en provenance du soleil,
ainsi que de particules de très haute énergie qui nous viennent de lʼespace
interstellaire, cʼest ce que lʼon appelle les rayonnements cosmiques. Ces
précipitations de particules traversent les parois de lʼastronef et on essaye
constamment de trouver des façons de protéger, si ce nʼest le vaisseau, du moins
lʼéquipage, contre ces particules.
130
les fluides corporels vont se décaler, toutes sortes de choses se passent dans le
corps, choses qui vont devoir se rétablir dès
"Au train où nous allons, la terre sera bientôt impropre à la vie humaine, elle
sera trop polluée. Les océans seront des cloaques, notre atmosphère sera peut-
être irrespirable. Dans ces circonstances, la planète Mars sera paradisiaque par
rapport à la terre ! Nous ne voudrions pas en arriver là. Nous voudrions pouvoir
déplacer lʼhumanité, lʼamener vers lʼespace et, progressivement, protéger notre terre
pour en faire un endroit sûr où lʼhumanité pourra toujours retourner pour en apprécier
la beauté !"
Jean-Francois Clervoy
"Entre le moment où nous sommes sur le pas de tir, immobiles, en attendant lʼinstant
zéro de décollage et lʼarrêt des moteurs pour lʼinjection en orbite, cʼest simplement 8
minutes et 32 secondes.
Donc le ciel qui est bleu lorsquʼon décolle le jour, le cas de mon premier vol,
sʼassombrit doucement, et progressivement devient noir, mais noir de jais, noir noir !
Et puis, arrivé en orbite, on se débraille, on sʼapproche du hublot et puis on voit la
terre, la terre brillante, bleue, qui jure sur un fond noir dʼencre."
"Si demain je vous mets dans une fusée, vous avez des raisons dʼavoir peur,
parce que vous nʼêtes pas entraîné, vous ne savez pas si ce flash lumineux est
normal, est-ce que ce bruit qui augmente est normal ou est-ce quʼil y a quelque
chose qui est en train de tomber en panne ? Mais quand on est entraîné, on sʼattend
à tout."
"La confiance est un paramètre très important dans le vol spatial. Il doit y avoir une
confiance de lʼéquipage dans le système, dans les contrôleurs au sol et lʼéquipe qui a
préparé le vol. Il doit y avoir une confiance mutuelle entre membres de lʼéquipage,
131
parce que, dans les mille interrupteurs que vous trouvez dans le cookpit, il y en
a quelques uns, si vous les manipulez au mauvais moment, cʼest boum !"
"Si lʼhomme nʼavait pas été curieux, il nʼaurait pas chercher à apprendre plus que ce
quʼil sait au départ. Si vous prenez un bébé qui commence à peine à se déplacer,
vous le mettez dans une pièce, il voit une ouverture, il la prend. Il voit un couloir, il
prend le couloir. Il voit une première porte ouverte, hop ! il rentre, il explore…
Pourquoi ? Cʼest son instinct qui le pousse à explorer pour savoir ce quʼil y a derrière
le mur. "
! ! ! ! ! ! ! !
132
! ! ! ! ! ! ! ! VI
+
R.I.P ?
Feldmeilen‘s Act, in memoriam
Car j’aimais l’aspérité des pierres
- - au comble -
- eine Sprechstunde ohne Vereinbarung
! ! ! !
Pour Katharina, Noémie et Valérian, Shaman, Shabat et Loulou, ma famille.
Refrain:
Y a-t-il une place sur terre
133
Pour les fous les loufoques
Ceux qu'on pas de sous dans leur froques
Qu'y ont des ailes en dentelles
Des rivières plein la gibecière?
Nicolas Nicolas
T'es comme moi
Tu traînes encore du sable dans ton cartable
Des vieilles rengaines qui sentent l'érable
Tu adhères mal au temps ta bouée c'est tes enfants
T'as le coeur qui rigole mais c'est tellement pas drôle
Nicolas Nicolas
Je voudrais à nouveau
Monter et descendre l'escalier
De ton rire
En cascades
Marier nos délires
Les transformer
En Balades
134
1 Prologue des ballades de la mer salée
!
! A Saintes Maries il fût question de la croix d‘Ankh dont la vision première sur la dorsale
d’une serveuse fût relayée sur le champs par la correspondance épimailaire de Flo
une amie de longue date, qui me demandait de lui répondre par une même croix, et de mon
frère Fred qui m’appelât une minute plus tard, et qui lui se proposait pour sa part de raconter
une histoire à sa fille qui se passerait à cet endroit, à Saintes Maries-de-la-mer...
! Ankh - Ajpet, de cette croix, un oeil, plus qu’un rappel, une injonction, un devoir de
saisir ces messages, car ils se multiplient sans cesse quand la liberté se crée au grès des
rencontres.
! A 39 ans je peux encore rameuter une petite foule autour de mes gestes empruntés et
réunis sur le port, et je prie de conaître un jour l’essence ultime du geste premier, Quête
vétuste et aérante de l‘aventure. Des peupliers aux cyprés il n’y a qu’une mesure, une justice
aussi dont je ne saurais me défaire, une route montante qui descend cependant, un savoir
engloutit, un goût certain pour l’aspérité des rochers.
Et puis oui,
un regard me suffit.
Et s’il n’est pas,
votre ombre me suffira,
je ne rechercherai pas l’absolution,
entiché des espaces à révolution.
J’implore et je suis.
Outrage à qui ?
Au papier qu’on altère ?
Aux brumes endormies ?
J’aime aimer.
! ! ! ! ! !
! ! ! ! ! ! *
137
Je te le dis, Passant considérable,
! tachons par la lumière de définir les dedans.
Dans l‘immobilité,
! le souffle au profond des emblèmes.
Sans cela, dirais-tu,
! les préférences ne sauraient s‘assagire.
„Merci de m‘avoir conduit jusqu‘ici pour le peu que j‘ai encore fait.“
Cette prière d‘obéissance est la première de toutes, celle cruciale où cette obéissanec magique à
la synchronicité des ordres s‘est révélée, car toute carrière commence par 5 francs suisse... cic.
Dans la neutralité
! se trouve ausssi la dualité réunie
! ! de la conjonction des opposés,
! ! ! conjuctio oppositarum,
cette sagesse surconsciente du Lac,
! Feldmeilen et ses tours,
! ! 350 chevaux se résument au bonheur.
La claustrophobie recalculée
! par l‘Intelligence des sens proscrits,
! des réalités construites
! ! dans l‘incidence du remuement des célébrations.
L‘essieu est né
! dans l‘immobilité du mouvement de Douvres,
! ! par delà l‘accumulation des denrées pérrissables,
oui, un sourire en passant
! dans le noir des regrêts
! ! quand l‘ange frôle.
Soeur victoire,
! j‘attends et tu me dis :
Regarde : Sous ta tente nous retrouveront j‘en suis sûr l‘Esprit recherché dans le jardin de tes
souvenirs, et je te le rappellerai, inconscient dans l‘humanité de ta douleur : j‘ai du temps et
des pages à te considérer, de Florence à Delhi, d‘*** à Zürich, du temps oui du temps et de
l‘espace, prenons la pelle, le marteau, sur la ville il fait trop chaud.
Car sans teinte, l‘homo sapien sapiens se révêle sans encombres et sans voix, un poème de la
Réalité qui effacent les doutes car :
S A T O R
A R E P O
T E N E T
O P E R A
R O T A S
Car complétude il y a.
A Feldmeilen un sens.
141
2 Echanges épimailaires de bons procédés :
der Sündenbock
Hallo Sus,
Das ganzes tut mir Leid, und wenn Du es moechtest, wuerde ich sehr gern alles so
frueh wie moeglich vergessen. Ich mag keinen Streit, ich habe keinen Zeit und keine
Lust dafuer. Ich habe Dich sicher unbewusst irgendwie genervt, ok.
Stets aber dass ich gar nicht verstanden habe warum Ihr mit mir ploetzlich nicht
mehr reden wolltet.
Ich werde zuhoeren und lernen muessen, ohne zu antworten.
Diese zwei Wochen (die mir wie 2 Monaten erscheinen) waren sehr anstrengend da
ich noch weniger als Markus geschlafen habe; keine Ueberraschung ich habe jetzt
Nasenhoellenentsuedung...
Meine Kinder haben sich mit Deinen Saltz-Pfeffer Figuren gefreut. Danke.
Wir sehen uns in Berlin, und ich arme Dich um,
Nicolas
13 .09.10 07:29
! ! ! ! ! ! *
Chère Maria,
Je tenais à m'excuser tout court. Je n'ai pas su me taire et regagner mon lit sans
explication et sans paroles échangées.
Je dois encore beaucoup apprendre semble t-il des femmes et des gynécées, surtout
après une auberge de jeunesse où le repos ne m'était pas vraiment accordé dix jours
durant ce qui était parfois un peu limite; je m'apercois que j'ai perdu 5 kilos... que je
vais vite rattraper.
Mes excuses, surtout, pour avoir ouvert la porte de ta chambre contre ton grès.
Je viens d'envoyer un message à Sus également dans ce sens, en lui proposant
d'oublier cette petite et unique rixe au plus tôt. Je ne suis pas revanchard, n'en ai ni le
temps ni l'envie, et suis tout prêt à reconnaître mes faiblesses, entre autre celle de mal
réagir en effet lorsque je ne comprends pas où le bas blesse.
142
Je suis très heureux de travailler avec vous tous et plus particulièrement avec toi.
To the happy few; ich wuensche Dir schoene Tage in Deiner Heimat vor Berlin.
Alles gute und liebe Gruesse,
Nicolas
13.09.10 07:41
! ! ! ! ! ! *
Nicolas,
First of all, I write this in english language in order to avoid any misunderstanding
and I ask you to do so as well, when you reply.
I well received your message on facebook, and I also received a written statement by
mail from Maria and Suse of what might happened yesterday night in Feldmeilen
and Markus also informed me, that you suddenly - without any notice or prior
information – disappeared from the set, happened to took a plane and left the set in
direction to Berlin….!?
However, and to get a clear and full picture of the situation, I need to know what
happened from your standpoint of view. Therefore, please let me have, as soon as
possible and in written form, and by mail, a precise and detailed statement of what
exactely happened between you, Maria and/or Suse. Please also put it in
chronological order by time and by the actions of each person involved. Thank you.
This is also to inform you, that I will not take any action unless obtaining your
statement. As a consequence I’ll meanwhile disregard your message on facebook and
also will not discuss any payments, before having a clear picture.
If you have any question, please contact Markus.
Regards,
Stefan
13.09.10 21:34
143
! ! ! ! ! !
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! ! ! ! ! ! *
Dear Stefan,
When we let the set round half past ten, everything was okay, we had one again a
very good day of work, and I was very happy to sleep at late for the last three days in
Feldmeilen bei Florinde.
I put my luggages in my room, and went downstair in the kitchen where Maria and
Sus were, took a glas of Prosecco with them. Sus went on the balcony; after a while I
came to the table to, set down and began to speak to her, absolutely normally.
Suddently she told me she didn't want to talk with me, that I had to let her alone
after the stress, that she had to pull down. And she left in the garden.
I stayed on the balcony at my place and reached a very closed friend in Washington
by Skype. As I began to speak with him, she cried : "Du bist ja echo einen
Harschloch !", I answered her she was mad or something like that (Spinnst Du oder
was, was ist den Los mitt Dir ???), and I disappeared inside again and spoke with my
friend further.
The, I put my headsets on my ears and wrote. I write sometimes a lot. I rote a few
pages (20 minutes or so) and then I decided to look after Sus. I went on the balcony,
ask for her, no response. I went in the garden, saw nobody, told in the dark : Sus, ich
weiss dass Du da bist, was ist denn los, was habe ich den Dir gemacht ? And I
returned upstairs.
I wrote again, a kind of poem, about the goodness around me, about action and love.
She took the bottle of Prosecco and I allowed me to take a glass of whisky. I had told
them, I'm sure it's not a matter, I had got a good contact with Florinde.
I wrote again. Sus was now in Maria's room and they apparently had a good time,
laughing.
So I wrote again; but after a while, I felt that it was not in order. I hadn't done
anything bad, had struggled 12 days without sleeping enough, had a very great time
too, but I didn't understand why they were so strange to me.
144
Therefore I had the idear they perhaps were needing some cigarettes, then you gave
me the half of your pack and Sus had none. I kocked again, asked but Maria told me :
Wir haven schon welch, ciao !
I went back on my table.
I went to Marias door back, knocked, asked : Was passiert mit Euch, können wir uns
sprechen, ich bin nicht so eingewöhnt so früh zu schlafen" And Maria answered that
no, it was a Ladies talk and that they don't needed me. Sus told me that I didn't have
to hear their conversation through the door, what I've never done.
I felt me not good. I have a closed relation to Maria. I dear to say she remembers me
my mother and may grandmother in once, what I haven't said her. I told it Markus.
She is a great person and I'm very honored to work with her.
I met Sus during one day and half, until Markus came back from Tessin. I like her
very much and she knows it. She is complicated and very rich. She sees somethings
that most of us cannot. Sie ist einen Unikat und arch anstregend. Ich habe sie lieb. On
the same day, in the afternoon, she gave me a salt and papper in a form of a white
and black human being.
I was not drunk. It was really a bolshit atmoshere. I knocked for the last time at
Maria's door after 5 minutes, and told them I had never been hosted like that before,
dass ich das Gefühl hate gemopst zu werden und daß ich ads Gefühl hate gemopst
zu werden. Das ich ads schwer dieses ertragen konnte. I asked them if it was possible
to see them just a quick time; Maria told me to go to bed to sleep, I answered her that
I Couldn't sleep already, that I slept during 10 days with Markus sleeping three hours
less than him because of him snoring, but that I couldn't sleep right know, that I just
wanted to see them because I didn't understood what's going on. Maria cried to me
to go away, I said no ! and entered in her room. She told me to go away, she closed
the door, I felt me really verharrscht, und sagte den ads they I couldn't accept such of
a unhuman treatment, because I like the both of two a lot, but the way Sus talk to me,
inspire the fact I always tried to help her when I could all along these ten days, this
way, and this is not the first time she was rude with me, this way can I not accept.
I told them I go to the airport, right know I was weaked, Maria said Tschüss mein
Schatz, viel Spass !, I kept my case and my camera upstairs, and went.
I knew it was not good to act like this, but I've really never lived such of thing before,
I mean I've done my best, Markus knows it, and if I don't have a specific attribution
on the set I can tell you, dear Stefan, that I've done a lot for this film of my friend, and
that I do believe in it.
I have to say that I had originaly the idea to come by you. I knew perfectly well I was
not invited and had no attention to disturb you with Markus. I understood enough to
know how much you have to tell you each other, but I could't stay there, I swear you.
After so much love, to be moped like that was also I maybe recognize a question of
dignity too, of bloody dignity. And I lost the good way to you. Then I wanted to ask
you if it was possible to sleep in a field near you house, the weather was good and
the night warm. I just needed to have my camera by you.
145
And yes, I lost my way and began to walk to... nowhere. I tried to find my way back
but I couldn't. At night all is others. I walked and I walked. The only solution was in
fact to go to the airport and to go. I didn'had enough money to take an hstel and it
was 2:00 The next day was Sunday and I had free. I had a ticket for Tuesday and I
only should lost the Monday shooting, today. I felt me guilty for that, not for what
happened with Sus and Maria because I hadn't done anything wrong. I knew I could
explain to Markus and you what happened, and hoped you will understand me. I
had to do in Berlin for the film anyway, I've contacted Franck this morning and told
him what happened, because he asked me. I wrote a mail to Markus from the airport,
I've waited all the day long until 5 o'clock to take my plane and arrived hill.
Stefan, I'm really sorry about the matter. All the day long, I've waited that Markus
give me a call. I just had him this morning and he told me that all was right, that I
was his friend, but I tell you Stefan, I had all the day long a very odd smell in the
mouth and I am very happy that you gave me the opportunity to explain what
makes my heart pounding. I cannot believe that Maria really disclaimed - I have just
opened her door and she didn't wanted it, but then I went away in my own shit
without disturbing anybody...
One thing more I have one thing more to tell you : I didn't knew at first if it should
possible for me to work night and day with Markus, but I think we both agreed to
say : yes. I am so happy that he is transforming himself thanks to you and your
engagement, thanks to your friendship. And at least, I am very happy to know you
and have the feeling we can understand us to do big thins for a better world. Markus
knows that I have a lot of connexions in the world of he culture in Europe and
especely in France...
I never had such a possibility and enjoy to work, Stefan, because all the people from
this team are "des gens d'honneur". It'so rare.
Nicolas
13.09.10
! ! ! ! ! ! *
146
Dear Nicolas,
Thank you for your statement and let me please answer very shortly (due to sleep
need).
I compared your statement with what I (individually) obtained from Maria and Suse.
Honestly speaking, there are some things in common, and a lot of things are
different. However, there are two main and unanswered questions (and sub-
questions) left:
1. Why you disregarded the privacy of a teammember? And why in such an
obviously offensive way? What was the intention(s)?
2. Why did you leave so instantly? Why did you not want to solve the problem?
Why did you not want to talk to me or Markus bevore leaving?
Honestly speaking, you must understand the standpoint of Markus and myself, that
this story is/was absolutely unecessary and caused problems (on top), we not really
wished to handle. But however we have to. I’m in Berlin October 1-3, let’s try to meet
then. Please let me have your schedule for these days.
Thks + Rgds,
15.09.10
! ! ! ! ! ! *
Dear Stefan,
Thanks you for answering. I won't be so precise than in my last statement. I perfectly
awared how such of thing sucks, and I do apology once again about my behavior.
I hadn't any mobile phone, as I told Maria before coming to Zürich. She promised me
once, but I haven't seen it. You can sure that I called you or Markus in that case if I
had the possibility. I try to live my life free from mobiles, and just had all along this
147
time in Zürich the I Pod Touch from my son, which is only able to get by Skype
online with a wi-fi connection.
I tried to solve "the" problem as I discribed it to you so near to the truth I could do
already yesterday. I had never to live such of thing in my all life, I swear. I met good
people in my life because my parents are good people.
I'm a breave heart too, Stefan. But I have to urn about your managing, if you dear.
I know what is buisness with people, I can swear you; I saw and I already had to deal
it in my life too.
I'm sorry about all the fact, because we don't need it. But I couldn't do others, please
believe me. And Sus so too, obviously. My grandfather Field Horine has been
psychanalist, here, not far away on that hill, in the C.G.Jung Institut in Küsnacht, and
brought me a lot of knewledge on the matter before he died, two years ago...
I need the money, I really need it, Stefan.
Nicolas
PS. Please have a look on my wallpage if you have time, it happened a lot for several
hours... according to our range of thoughts, I guess. Stefan, I'm a very discrete
person, I'm used to it already as a child, and I'm trying to do my best, for purposes
that we have in common I guess. That's all. I have also my own story.
If it's okay with you and with Maria, I will enjoy to have something to live without
asking my father; and for that, I promise you the best of my own.
Kindest regards,
Nicolas
15.09.10 01:08
! ! ! ! ! !
! ! ! ! ! ! *
148
Dear Nicolas,
Thank you for your statement and let me please answer very shortly (due to sleep
need).
I compared your statement with what I (individually) obtained from Maria and Suse.
Honestly speaking, there are some things in common, and a lot of things are
different. However, there are two main and unanswered questions (and sub-
questions) left:
1. Why you disregarded the privacy of a teammember? And why in such an
obviously offensive way? What was the intention(s)?
2. Why did you leave so instantly? Why did you not want to solve the problem?
Why did you not want to talk to me or Markus bevore leaving?
Honestly speaking, you must understand the standpoint of Markus and myself, that
this story is/was absolutely unecessary and caused problems (on top), we not really
wished to handle. But however we have to. I’m in Berlin October 1-3, let’s try to meet
then. Please let me have your schedule for these days.
Thks + Rgds,
s
16.09.10 00:36
! ! ! ! ! ! *
Dear Stefan,
Thanks you for answering. I won't be so precise than in my last statement. I perfectly
awared how such of thing sucks, and I do apology once again about my behavior.
I hadn't any mobile phone, as I told Maria before coming to Zürich. She promised me
once, but I haven't seen it. You can sure that I called you or Markus in that case if I
149
had the possibility. I try to live my life free from mobiles, and just had all along this
time in Zürich the I Pod Touch from my son, which is only able to get by Skype
online with a wi-fi connection.
I tried to solve "the" problem as I discribed it to you so near to the truth I could do
already yesterday. I had never to live such of thing in my all life, I swear. I met good
people in my life because my parents are good people.
I'm a breave heart too, Stefan. But I have to urn about your managing, if you dear.
I know what is buisness with people, I can swear you; I saw and I did in my life too.
I'm sorry about all the fact, because we don't need it. But I couldn't do others, please
believe me.
I need the money.
Nicolas
PS. Please have a look on my wallpage if you have time, it happened a lot for several
hours... according to our range of thoughts, I guess. Stefan, I'm a very discrete
person, I'm used to it already as a child, and I'm trying to do my best, for purposes
that we have in common I guess. That's all. I have also my own story.
If it's okay with you and with Maria, I will enjoy to have something to live without
asking my father; and for that, I promise you the best of my own.
Kindest regards,
Nicolas
15.09.10 01:08
! ! ! ! ! !
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Markus,
Wo sonnt meine Funk-set. Sie kosten ungefähr 800 euros und ich brauche sie
umbedingt für meine Interviews, vielen Dank.
Ich habe es Dir 4 Mal gesagt Markus - Du hast mir nie darüber was mitgeteilt; und
ich muss daran glauben dass Du meinen Freund bist ? Die Sache fängt langsam mir
schwer zu fallen.
Du weiss nicht alles über mich Markus, es wäre doch sehr Shade : Sündenbock passt
mir noch, es wäre nicht das erstes Mal (bist Du blind ?) und ich habe es immer gut
hingekriegt, aber mein Telefonbuch und meine Funkmicros + das Geld (Ich Hofe
dass Du die von Dir versprochene Überweisung von 300 euros auf meinen deutschen
Konto Gestern gemacht wurde, ich muss sowieso jetzt fast eine Woche darauf warten
dass das klein Geld (nicht mal was ich aus meiner Tasche für Simplify Your Soul
schon ausgeben musste : Hin und Rückflug, Taxi + 200 euros.)). Es geht nicht so,
Markus und Du weiss es ganz genau.
Daher, so lange dass ich nicht die gesamte Summe von 900 euros (ich weiss schon,
die 500 restlichen die Du mir sehr freundlicherweise mir mit Stefan gemanaged hatte,
da meine Frau mit 30 euros/Tag umkommen müsste und dass ich erledigt und
weinend war, diese 500 sind mir klaro sicher jetzt ausradiert indem ich absolut
besoffen war; die ganze Welt weist das Markus, dass Nicolas Borzeix mit 2 Gläser
Wein + 2 gurgles of Whisky völlig bei Seite liegt : ah ! ah ! Aber bitte ! Ich habe zwei
alten keltischen Linien die in meine Adern fliessen, danke, so was von Alkohol kann
ich noch ertragen mein lieber !
Ja daher gebe ich euch solange keine Kopie von meinem making-of Material.
Und das Film über das Ende der Liebe oder auch sehr wahrscheinlich andere
ethnographischen Dokus, kann ich auch allein machen, ich brauche Dich nicht dafür
Markus, es ist die blosse Wahrheit.
Es hat Spaß mit Dir gemacht. Ich hatte seit lange nicht solche Verantwortung auf
einem Dreh gahabt, und habe mich dabei richtig gut gefühlt, mit Dir vor allem. Du
hast mich zwar erschöpft mit deinen Schnorren in der Jugendherberge, Du hast mir
erschöpft und du hast mir nie gefragt wie es mir ging, diesen 10 Tagen lang. Es hat
wirklich viel Spaß mit Dir gemacht zu arbeiten, wir waren eins, Du bist einen Genie,
151
hatten Vertrauen zueinander wie Gebrüder, die Leuten halten uns auch für solche,
der Dreh lief gut, sehr gut sogar, Stefan fand mich auch nett, und ich fand Maria
grossartig. Denn, ich habe seit letzten Samstag den eigenartigen Geschmack der
Verschwörung in meinem Mund...
Danke.
N.G.P.Borzeix
18.09.10
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! ! ! * * * * * * *
! !
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152
3 Escaladez maintenant ces mots d‘amour disparus !
! David Tillmann ...Liebe ist geben zu können ohne dafür etwas zu erwarten, ist
in
ständiger Bewegung ist Antrieb und Quelle unermesslicher Energie, ist Kinder
großziehen, ist Leben....
Fara Raliarivony Une blessure miraculeuse... (Thomas Morley, "A
miraculous love's
wounding")
Janet McIntyre
Liebe bedeutet für mich,
gemeinsam zu wachsen,
zueinander zu stehen, zu
vertrauen, sich hinzugeben,
d i e
Bedürfnisse des
anderen zu erkennen und
befriedigen, Kompromisse
einzugehen, den Alltag
gemeinsam zu
meistern
- ohne sich dabei völlig im Wir
aufzulösen...
Kai Fritsch Liebe ist das Etikett
auf dem großen Paket, das
jeder haben will. Schön
aufgemacht ist es und wird oft
teuer verkauft. Mancher findet es
auch, zufällig. Jedenfalls
ist es ratsam, das Paket nicht zu ungestüm zu
öffnen. Es könnte gehen
wie mit dem Schaf des Antoine de Saint-Exupéry:
Richtig schön ist nur das
in der Kiste.
153
blessé pour sauver une jeunefemme..aller
aider un ami... l'Amour n'est pas
démodé, il n'a pas
changé,seul notre regard ne
sait plus
l'appréhender. Moi je suis une grande fidèle et une grande
amoureuse!!!! Et pas un jour ne se passe sans que je dise Merci pour tout cet
Amour ... ouvre les yeux!
Antoine Pecquet L'amour c'est vouloir le bien
des autres, et se
bouger le cul (parfois littéralement) pour qu'ils l'obtiennent.
Kristina Viera Wolf faire la cuisine avec amour... à faire revenir les
oignons avec
amour et attention fondamentale
MarianneWagner-Simon Ich gebe die Frage mal hier in die Runde: Judith
Schmutzer sagt: Liebe bedeutet nichts mehr in unserer modernen
Gesellschaft.-
Kathrin meint: Offenheit - aber Karo erscheint es eher als
ob, Liebe
verschlossenheit bedeutet, denn es gibt keine Liebe ohne
Verletzung. Tim: Man ist
nie mit aber auch nie ohne Liebe zu Frieden.
154
Bahmann Rézâ Tâhérân "O aimer, le péril ou la force de Psyché ?" désolé
cher Nicolas…je n’ai que ca…cette citation de Rimbaud me hante en ce moment…
etant trop amoureux je ne suis pas capable de philosopher la-dessus pour le
moment…Bon courage !
Avi Rosen Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ♥
Annabelle Kaiser l'amour est pour moi comme un rève. tellement beau
mais aussi tellement triste, injuste... quand tu te reveille...
( j'espr que tu m'a compris)
Fabien Nègre L'amour est une illusion féconde que nous produisons
quand nous la vivons !
Uwe Berger Liebe im deutschen ist aus dem Giebel überliefert . Ein Kulturkreis
von Sibirien bis Portugal der seine Häuser seit der Steinzeit mit aneinandergereiten
Giebeln wachsen ließ. Daher das Wort Abund in der Zimmerei (Englisch=abundance)
zu allem ÜBerfluss
Franck Contat "sans amour tu n'es rien que airain qui résonne" ; l'amour
c'est comprendre que l'autre et soi ne font qu'un, c'est s'épanouir en toute humanité
dans cet amour, dans ce partage, dans cette altérité.
Sarah Hörmeyer Liebe ist etwas, das ein Mensch braucht um (zufrieden?
glücklich?) zu leben. Die Liebe der Eltern, der Freunde, die eines Partners. Wir
brauchen sie alle, denn es gibt nichts schlimmeres, als sich ungeliebt zu fühlen.
Dann geht nichts mehr, dann zählen keine anderen Werte mehr, dann ist Geld und
Status scheißegal. Wer geliebt wird und liebt, geht sicherer durch`s Leben. Dem
kann so schnell nicht`s passieren, was ihn komplett aus der Bahn wirft. Außer, einen
geliebten Menschen zu verlieren.
Lila Vuong Tres Cher Nicolas, l Amour toujours l Amour, vaste sujet qui
comprend plusieurs themes, l Amour maternel, L amour paternel, les Amours de
jeunesse inoubliables, L Amour passion, l Amour entre un frere et une soeur, l
homosexualite....Par ou commencer ?
Lorsqu on est amoureux, nous pensons a l autre a chaque instant, a chaque minute,
a ...
Luise Tillmann "Liebe" bedeutet für mich, einander zu vertrauen, und wenn
man den Anderen so sein lassen kann, wie er ist, man sich nicht schämt.....!!!
Liebe Grüße, Luise
155
Anne Lecours L'amour c'est goûter, sentir, embrasser, embraser, ne plus
vouloir quitter des yeux, ne plus vouloir quitter tout court, vouloir rendre heureux,
protéger, lécher, ça donne des ailes, ça fait mal, ça change la couleur du monde, ça
aveugle...
Nico, je dirais qu'aimer, c'est préférer.
Martin Goldberg Liebe ist eine KRAFT von seismischen Dimensionen. Sie
erschüttert sowohl die Liebende,Liebenden als die staunende Umgebung, Sie ist
unerwartet und ihre magmatische Ausstrahlung ist zersprengend. Hat sie die
Möglichkeit sich zu ausleben, lebt sie in ihre Element. Hat sie nicht, durch
Repression auf verschiedener Art,wirkt sie zerstöre...
Tanja Richter Liebe ist für mich der Tod des Ichs und die Geburt des
Wir...Hingabe und Leidenschaft bilden für mich einen wichtigen Teil der Liebe, aber
auch Vertrauen und Gewohnheit sind für mich nicht weg zu denken.Ich kann mir
vorstellen, dass die moderne Gesellschaft Einfluss auf die Liebe nimmt. Die Hektik
des Alltages machen es denk ich schwer, sich dermaßen einer Sache zu widmen,
aber ich bin der festen Überzeugung, oder besser ich weiß, dass Liebe auch in dieser
modernen Zeit möglich ist... ;-)
Astrid Heiland Liebe ist das höchste Gut,- ein Licht welches durch tiefste
Finsternis dringt. Liebe ist Magie, schafft Wandlung… doch still der kleinen Worte,
wo es doch schon so großartige gibt:
W. Sakespeare: Let me not to the marriage of true minds
Admit impediments. Love is not love
Which alters when it alteration finds,
Or bends with the remover to remove.
O, no! It is an ever-fixed mark,
That looks on tempests and is never shaken;
It is the star to every wand'ring bark,
Whose worth's unknown, although his height be taken.
Love's not Time's fool, though rosy lips and cheeks
Within his bending sickle's compass come;
Love alters not with his brief hours and weeks,
But bears it out even to the edge of doom.
If this be error, and upon me prov'd,
I never writ, nor no man ever lov'd.
Matthias Claudius: Die Liebe hemmet nichts; sie kennt nicht Tür noch Riegel
Und dringt durch alles sich;
Sie ist ohn Anbeginn, schlug ewig ihre Flügel
Und schlägt sie ewiglich.
Camille Borzeix Non, l'amour n'a pas sa place dans le monde moderne...
mais il s'en fait une quand même!
Sarah Calas Bon ok :-))En fait outre les obligations, je me sens un peu
mal a l'aise vis a vis de la question : en gros l'amour n'échaperait-il pas d'emblée à
la question du "qu'est ce que ?". Du coup je me retrouve à faire une pirouette en
forme d'esquive : de même "qu'une rose est sans pourquoi" , je me disais que
l'amour est sans que : l'amour est est-A (,) l'origine"
156
Kristina Viera Wolf l'amour est à l'origine, je l'ai pensé aussi - en tout
cas l'acte sexuel, faire l'amour est à l'origine de nous tous et toutes au temps
moderne ou pas.
Interfilm Berlin
ne, sehe das Ende
der Liebe nicht
gekommen. War nie
leicht. Ist
unverändert
möglich. - Auf die
Liebe!
Irina Meuser Liebe ist zeitlos und bedeutet für einen jeden von uns etwas
anderes.
Jeder hat eine eigene Komplexität, eine ganz eigene Prägung durch das
Leben und
somit seine eigenen Prinzipien und Wertvorstellungen. Diese Frage
ist somit
unbeantwortbar oder am besten für jeden selbst in der Stille zu
beantworten ;-)
DK Matai The small and beautiful, humbling forces for tranquility and
peace include love, laughter, being grateful, showing respect and forgiveness.
Tranquility and peace are important because they remind us of our connectivity with
the Supra Universal Consciousness and with each other as One collective entity. If
we look closely, the collective consciousness is rising all around us via the
Noosphere! That is the unifying LOVE!
Mathilde Roussel Hier
soir,je pensais a ce type
avec qui j'ai passer la nuit
jeudi dernier .
Il m'as baisé comme si
j'étais une vieille conne.Au
dessus de son lit il
y avait
un tableau. Une vierge a
l'enfant.Un truc fait maison
peint a
l'acrylique .Très laid.
Hier soir ,comme je pensais
a tout ça j'ai dessiner une
vierge a l'enfant.
Plus belle.
157
inouïs" dans l'amour... Mais comme dit un vieil ami, si l'amour naît un jour...
Alors aussi un vilain soir, il crève.
Sinon, pour faire lettré... "L'amour, c'est l'infini mis à la portée des
caniches. Et
j'ai
ma dignité." (LFC)
Anaïs Chicorée Bonjour Nicolas, voilà pour le moment ce que je pense à peu
près
du sujet amour entre homme et femme bien que ce soit un sujet
compliqué cela
dit ma vision du haut de mon jeune âge changera très
certainement , je pense que
tu dois tenir compte de l'âge de tes sondés.. lol telle
est la manière dont je le
comprends et je suis consciente que ma vision peut
( et doit) être faussée.et je
t'écris ce mot qui apporte plus de questions que de
réponses ;
cette question pose une foule questions que l'on considére ses degrés sa
nature,
ou son mystère. Je me pose svt la question, "comment les gens s'aiment",
ce qui
revient à ta question, comment comprenez vous l'amour? Dire "je t'aime "
peut
traduire le sentiment le plus égoiste désir de possession, qu'exprimer le
sublime
dévouement , parfois dans l'amour passion les deux . Ses degrés :
affection,
tendresse, attirance physique ou un charme ineffable, affinités profondes
entre
âme soeur? un rêve d'idylle éternelle? tendre bonheur que l'on construit à
deux, ou
une passion fatale et destructirce? Sa nature: désir qui cherche à capter, à
accaparer qqun ou son affection? ou bien un désir qui s'offre, qui se soucie des
autres avant de s'occuper de soi? quête de l'amour pour l'amour ( celui que
selon
moi,se perçoit davantage chez les gens, parce que les médias, la presse
le leur dit)
ou bien un désir du bien de l'autre? un amour charnel, , amour
platonique, ou bien
une simple émanation de la libido freudienne?Quant à son
mystère et les questions
que tt le monde se
pose, que siginifie
donc je
t'aime?
qu'aime t-on en
l'autre : sa
présence, son
devenir? d'ou nait le
vertige de la passion,
et comment peuvent
se
joindre ses
d e u x
mystères que
sont deux
personnes... ... ?????
Marie Borzeix L'amour est une tempête qui vient bouleverser nos certitudes.
L'amour fait lien permanent et polymorphe entre êtres temporaires.
158
Christophe Linéré "Amour" est une energie sans limite, universelle,
instinctive,
animale, dans chaque culture cela a une définition différente. Je crois que
l'amour
dépasse toute rationnalité, comprenhension dans laquelle on veut
l'enfermer.
- Honoré de Balzac -
Aimer, ce n'est pas regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la
même
direction.
- Antoine de Saint-Exupery
- J'entends ta voix dans tous les bruits du
monde.
- Paul Eluard -
Mario Anders Liebe ist ein Wort aus dem Bilder , Filme , Gedichte
unendlich viele
Geschichten gemacht worden sind, Liebe wird lebendig
durch Polaritaet und ist
etwas, was den Sinn unseres Daseins erkennbar
werden laesst. Der Mensch wir
zum Menschen durch Liebe. Liebe gibt
es nur im Augenblick.............ist ein
Gefuehl was zerreisen kann aber
auch unglaublich gluecklich macht.
Wer liebt ist schoen. "Es lebe die
Liebe und alle die daran glauben , das
Liebe
Berge versetzen kann. "
159
Matrice Censurée Pour moi l'amour c'est être prêt à tout pour sa
moitié, ses enfants, sa famille.... tout pour les protéger et
défendre leur avenir. Ceux qui connaissent mon travail savent de
quoi je parle.....
160
4 Postscriptum : Treatment von „Simplify Your Soul“
von meinem lieben Markus
Liebesfilm
von Markus Boestfleisch
Lisa und Karl sind zwei Menschen die sich in einer Münchener Sommernacht
plötzlich kennen lernen. Karl ist mittelloser und vorbestrafter Trompeter mit
Gelegenheitsjobs, Lisa hat Philosophie und Germanistik studiert, arbeitet als PR-
Managerin für eine öde Hightech-Agentur, gut bezahlt, sehr stressig, fordernder Job;
Beide kiffen gerne und täglich, feiern auch gerne mal exzessivere Feste mit härteren
Substanzen und großen Mengen von Alkohol, und beide rennen so auf ihre spezielle
Art ihren eigenen Realitäten davon.
Lisa ist 33, eine gut aussehende junge sportliche Frau, sie ist agil und hart in ihrem
Job, erzogen von einem strengen Vater und einer übervorsichtigen Mutter, sie ist das
erste Kind, von insgesamt dreien.
Karl stammt aus einer ärmlichen jüdischen Familie, seine Eltern sind tot, er ist der
Jüngste von fünf KIndern und der einzige „Künstler“ in seiner Familie.
Lisa hat Berufsalltag, Karl hatte bis vor einem noch eine Festanstellung beim
bayrischen Rundfunkorchester, er wurde gekündigt, mangelnde Ensemblefähigkeit.
Seine Arbeitslosigkeit nervt ihn und mit Studiojobs, Unterricht usw. hält er sich über
Wasser.
161
Im Gegensatz zu Lisa hat er keinen geregelten Tag und kifft bis zum mittag um dann
bei alten Freunden und Bekannten irgendwie für sein weiteres Auskommen zu
sorgen.
Sein Bemühen wieder Arbeit zu finden ist nicht sehr erfolgreich, sein Ruf ist gut,
doch ist er so ein Querkopf mit zu viel Talent um nur Orchestermusiker zu sein.
Dennoch gibt es einige Quartette und Orchester die ihn gerne von Zeit zu Zeit als
Ersatz buchen. In der Jazzszene empfindet er sich als Fremdkörper.
Lisa ist in ihrem Job überfordert, sie merkt es, aber sie verhindert jeden
Lösungsansatz.
Schon lange bekämpft sie eben nach Feierabend ihre Ängste mit dem Kiffen und
dann und wann eben auch mit Sport. Und zweimal im Monat sollte es schon mal
richtig krachen, mindestens, denn Party ist für sie die einzige bekannte Form aus
etwas auszubrechen.
Ihr bisheriges Leben war voll von Beziehungen mit Männern die ihr unterlegen
waren, zumindest intellektuell, aber eben „echte Kerle“, Millionärssöhne und
Drogendealer oder Männer die im allgemein gültigen Gesellschaftsspiel als
erfolgreich und außergewöhnlich gelten, aber eben was gelten.
Karl war immer mit Künstlerinnen zusammen, immer ein weiterer Baustein für seine
jeweiligen Beziehungsgebäude, zwar war sein letzte Beziehung zu Mara, einer
Malerin, erfüllt aber ist er dennoch aus dieser ausgebrochen, es war zu stark zu offen,
zu ambitioniert, zu sehr gefüllt von Kunst, zu wenig von Vertrauen zu wenig
Gemeinsames, aber zu viel Gemeinsamkeiten.
Die beiden frisch Verliebten finden so etwas wie einen Alltag, Karl hat zwar noch ein
Zimmer in einer zweifelhaften WG, und kommt immer irgendwie über die Runden,
zum Teil auch hart an der Grenze zum Legalen.
Mehr und mehr springt Lisa mit Geld ein, am Anfang nur um das Karl Drogen
billiger aus Berlin mitbringt, wo er von Zeit zu Zeit dann doch in kleinen Jazzclubs
aushilft, und damit der Kühlschrank voll ist, den Haushalt schmeisst der „männliche
Putzriese“ ja schon längst, seine kläglichen Beitrag zur Haushaltskasse versucht er
ziemlich suboptimal mit Geschenken für Lisa zu kompensieren, es schmeichelt ihr, es
gelingt, obwohl das nicht sein Kalkül ist.
Sie wünschen sich eine Realität zu recht, sie lieben aneinander vorbei, es ist schön....,
es könnte wahr sein, aber sie spüren nur ihr Glück, vergessen das man darum
kämpfen, das man es sich erarbeiten muss.
162
Seine Aktionen um nicht gegenüber Lisa völlig als „Versager“ da zu stehen werden
immer fragwürdiger, er schuldet ihr Geld und um es auch nur anteilig zurück zu
zahlen
Ihr im traumhaften Urlaub beschlossener Kinderwunsch tritt in den Hintergrund,
Lisa zieht sich in ihre Arbeit und Partys zurück, die Karl immer mehr meidet, auch
um nicht noch mehr „Kosten zu verursachen“, sie teilen zwar noch ihre Anziehung
doch alles wird schwerer.
Schließlich reden sie gar nicht mehr, sie stehen morgens auf, er macht einen Kaffe,
einen Joint und dann geht sie in die Arbeit, er raucht noch einen und versucht Arbeit
zu bekommen. Letztlich pumpt er sich mit den aberwitzigsten Methoden ständig
Geld, seine Luft wird dünn.
Ihre Liebe - Verliebtheit zerbricht, sie gehen einander verloren, sie verlieren sich und
beide verlieren den Boden unter den Füßen.
Als Lisa Karl Weihnachten alleine läßt um zu ihren Eltern zu fahren, beginnt Karl
sein heimliches Trinken unheimlich werden zu lassen, anderer Drogenkonsum
kommt täglich dazu. (noch davor war die Rede davon das er mitkommen soll, aber
ohne Arbeit und dann noch mit Schulden ist er bei Lisas Eltern so nicht vorzeigbar -
ohnehin ist er eher ein Phantom, oder ein guter Freund für ihre Eltern, was Karl
zufällig von Lisa erfährt)
Er muß dringend Geld auftreiben, schon in den Wochen davor denkt er immer
wieder über einen Banküberfall nach, es ist nur sein Saufen was ihn davon abhält.
Die Weihnachtstage werden eine reiner Tanz am Abgrund für ihn, aber er bittet nicht
irgendjemanden um Unterstützung.
Bei ihrer Rückkehr eskaliert die Situation, sie fordert die Schlüssel zur Wohnung,
schließlich verbietet sie ihm sich allein in der Wohnung aufzuhalten. Erklärungen
gibt sie nicht.
Er weicht in ein 9 qm Zimmer, das er die ganze Zeit zwar hatte, aber nie nutzte.
Aus der WG war er längst ausgezogen, sein Doppelleben war für seine alten
Weggefährten nicht mehr hin zu nehmen.
Karl bricht unter der Last und dem Eingestehen seines „Versagens“ zusammen und
läßt sich in Haar, einer Klinik bei München wegen ernsten Depression behandeln.
Lisa hatte sich schon längst anders orientiert, sie wollte keinen Ärger mehr, sie hatte
genug.
163
Mit Hilfe ihrer besten Freundin Steffi versucht sie weiter zu machen, allerdings
verheimlicht sie auch hier ihren immer härteren Drogenkonsum, Realität ist nur nich
Arbeit, der Rest ist Rausch und gegenüber den wenigen Freunden die keine Drogen
konsumieren wenigstens den Schein von Stabilität zu wahren, genau wie sie ja auch
ihren Eltern ständig etwas vorgemacht hat.
Steffi sieht das Leben als Möglichkeit - nicht als unkontrollierbaren Prozeß.
Sie will ihrer Freundin Lisa helfen - sie selbst hatte sie erst vor kurzen ihren Partner
nach 7 Jahren im gemeinsamen Haus verlassen, er war so depressiv; "was soll man
mit beschädigter Ware".
Karls Erkrankung wird zum Menetekel, beide wissen nur all zu gut das sie selbst die
Nächsten sein können, die Krankheit muß weit weg. Eine überaus verständliche
Reaktion.
Lisa kommt in den sechs Wochen seines Aufenthalts einmal bei Karl in der Klinik
vorbei, ein paar Sachen zu bringen, außerdem wohnt eine Freundin in Haar.
Karl und Lisa waren auf der Hochzeit. Das ist ja ganz praktisch, dann kann si sich ja
endlich auch das Hochzeitsvideo und die Fotos anschauen.
Karl befürchtet in seiner Krise das Schlimmste, Lisa hat abgeschlossen, wochenlang
erklärt sie ihm noch das sie nur Zeit braucht und Abstand, außerdem steht sie selbst
vor einem Burnout, Karl will glauben, aber schnell wird klar, es ist vorbei.
In der Klinik trifft er auf die verschiedensten Menschen, Patienten deren Schicksale
ihn aufrütteln, alte Freunde helfen ihm, er bekommt durch eine eigentlich
oberflächliche Partybekanntschaft einen seriösen Kredit.
Karl begreift ist verzweifelt und nur der Gedanke Lisa zurück zu erobern scheint für
ihn der Richtige zu sein, fatal in seiner immer noch finanziell und juristisch
aufgeladenen Situation.
Lisa vermisst Karl, aber es ist ein diffuses Gefühl. Ihre Wahrnehmung, ihr Leben ist
und bleibt ein funktionieren in der Maschine.
Sie flüchtet sich zwar in Abenteuer und ihr allein sein ist alles andere als gesund, sie
zieht sich zurück, weiter und jenseitiger als zu vor.
Nach seiner Entlassung beginnt er mit der Hilfe anderer seine Schulden abzutragen.
Wenigstens gelingt es ihm, Lisa davon zu überzeugen das alles wieder ins Laufen
gerät. Er zahlt alle Schulden, eigentlich weit mehr als das an sie zurück. Die Risiken
die er dafür auf nimmt sind wieder extrem und seine Gesundheit steht endgültig auf
dem Spiel. Allerdings gewinnt er durch sein doppeltes Spiel wieder Lisas
164
Aufmerksamkeit...sie treffen sich und versuchen sich wie Freunde zu verhalten. Da
er sehr viel Sport treibt sieht er besser als je zu vor aus. Lisa ist geschmeichelt doch ist
Karl nun für sie eher ein Partykumpel. Langsam passiert aber beruflich einiges für
Karl, er hat Vorspielen, und ein Freund hat Kompositionen von ihm Filmleuten
vorgestellt, es besteht Hoffnung. Doch anstatt abzuwarten, begibt sich Karl in den
Strudel aus Alkohol, Koks, Partys und scheinbare Anerkennung, auch um Lisa zu
imponieren. Er bekommt kleinere Aufträge, das Geld würde reichen, wenn er
bedenken würde das es nicht regelmäßig ist, er müßte es sich einteilen.
Er zieht aus seinem 9qm Zimmer in ein kleines aber sehr nettes 35qm Appartment in
München Giesing, und stürzt sich richtig in Arbeit und Abenteuer, nach dem er auf
den Berliner Filmfestspielen war und dort Verträge vorbereiten und sich sich selbst
den Strudel von Partys hingeben konnte, beschließt er seinen Geburtstag groß zu
feiern, außerdem hat er eine feste frei Stelle als Lehrer, er hat sogar einen
Meisterschüler Flori. Er mietet ein Lokal und lädt seine Freunde aus der ganzen Welt
ein und natürlich vor allen Lisa und Jacob er will zeigen das er keine beschädigte
Ware ist, sie versprechen alle zu kommen.
In der Nacht vor dem Fest bekommt er einen Anruf von einen alten Musikerkollegen
unter einen Vorwand bittet er ihn in eine unbekannte Bar. Dort trifft er auf Mara, die
beiden verbringen eine fantastische Nacht, alles Harte alle Böse war weg. Doch schon
beim Frühstück wird klar das beide nicht abgeschlossen haben, aber eben auch nicht
in der Lage sind etwas fort zu setzen, oder eben etwas neues anzufangen. Sie
verabschieden sich und Mara ist wieder zerstört, Karl versteht zumindest das sie ihn
auf ihre Art braucht, aber spürt instinktiv durch sie er kann es ihr nicht geben, und
außerdem ist er sich gar keines Gefühls mehr sicher, denn auf der Berlinale ja da
hatte er es krachen lassen, Jelena hatte ja um Mitternacht angerufen und gesagt das
sie auch kommt.
Die Gäste kommen an, seine besten Freunde aus Berlin, Hamburg, Zürich, Paris,
Kiev, New York und auch Lisa. Karl ist schwer betrunken, bekifft, bekokst und völlig
mit der SItuation überfordert, Lisa ist noch betrunkener und bekokster, in einem
Moment stehen sie sich gegenüber und alles hätte wieder sein könne wie früher, aber
nein Karl will es größer, Lisa geht wieder zu den anderen.
(Original Treatment for the film of Markus Boestflesich, mein brother in arms,
„Simplify Your Life“, MonaLisaProduction & *** AG, Zürich, 2010.)
! ! ! ! ! !
! ! ! ! ! ! ! ! ! ! The End.
! ! ! ! ! ! !
165
VII
"GESTES EN PERIL"
Au mot "corps", on trouve dans le Robert (édition de 2003) la définition suivante : "La
partie matérielle des êtres animés"; et en première acception : "L'organisme humain,
par opposition à l'esprit, à l'âme". !
S'il est malaisé de donner une date précise à l'origine de la guerre, on peut dire que
l'origine du processus de réification du corps est plus facilement identifiable : la
crucifixion du Christ préfigure le lent et troublant schisme du corps et de l'esprit. Au
Moyen-Age avec l'hégémonie occidentale de l'Eglise ca- tholique, puis plus tard à la
Renaissance qui parallèlement à une redécouverte du corps voit la naissance du
mercantilisme. Le messianisme christique fût récupéré par le messianisme
scientifique du XIX° siècle puis par les messianismes idéolo- giques totalitaires du XX
°. On mit le corps au cachot, l'imagination devînt la "Fée du logis". !
Certaines médecines traditionnelles holistes dont les plus reconnues nous viennent
de Chine et d'Inde, nous rappellent que l'individu est indivisible, insécable, que sa
psychologie ne peut être comprise sans sa physiologie, et le succès croissant que
connaissent les livres qui se penchent sur la question avec plus ou moins de sérieux,
est en ce début de millénaire éloquent : l'avancée des "médecines douces" laisse
penser que l'Occident serait aussi capable de (re-)con- scientiser son corps s'il ne veut
pas périr asservit par son instrumentalisation. !!
!
Nous nous proposons donc de créer une anthologie des gestes en voie de disparition,
gestes dont la beauté et le caractère unique de leurs inscriptions et adap- tations dans leurs
167
ères géographiques et ethniques respectives leur confèrent en tant que tels le statut de
patrimoine vivant de l'humanité, l'étude de l'immatérialité du corps en mouvement
étant le fondement et le critère de recherches. Cette "anthologie", loin de prétendre à
l'exhaustivité, se présenterait sous la forme parallèle de films ethnographiques de
format télévisuel et d'études anthropologiques (cf. le texte adjoint). La création
conjointe d'une SARL en vue de la création d'une maison de production de films
ethnographiques afin de pouvoir distribuer les réalisations (les tournages se
limiteront à des équipes légères de trois personnes), et d'une structure éditoriale (site
ou blog sur internet?), ainsi qu'une association loi 1901 afin de financer les projets,
assureraient une structure autonome et ouverte.
N.G.P.B.
!
! ! ! ! ! ! !
168
! ! ! ! ! ! ! ! VI
Qu'est-ce que le geste ? Et en quoi l'étude du geste peut-elle nous révéler plus sur
l'identité de chacun de nous que toute autre forme d'expression culturelle ?
La conscience, l'écoute de son corps telle qu'elle existe encore au- jourd'hui pour la
moitié de la planète dans les "médecines traditionnelles" (en- tendons celles dont le
corpus n'a pas été réécrit aux temps de la récupération du messianisme scientiste
occidental), nous indique une voie de salut que nous apprendrions à emprunter si
vous voulions éviter l'écueil de "l'impossible trinité félicité, lucidité,
sensibilité" (Denis Buican, "La mosaïque profane", 2005) due au schisme intervenu
entre le corps d'un coté et l'esprit de l'autre il y a près de quat- re siècles.
170
A l'écoute de nos propres attitudes corporelles, nous trouverons sou- vent une clé
essentielle dans la compréhension de l'autre. La psychanalyse répugne
malheureusement encore dans sa pratique dominante à considérer le corps
autrement que comme le révélateur de l'esprit, et l'anthropologie actuelle semble
encore rechigner à se sortir pour de bon d'une grille de lecture structura- liste
obsolète.
Nous tenterons dans un "état d'esprit d'ethnographie holiste", si l'on peut dire, de
participer à la sauvegarde de la mémoire des gestes en péril, nous attachant à les
restituer dans leur simplicité et leur beauté, en se satisfaisant d'eux-mêmes - c'est à
dire sans commentaires ajoutés pour ce qui concerne l'as- pect ethnographique et
visuel de l'entreprise. Une étude anthropologique de la singularité de ces gestes et de
leurs rôles dans la relation de l'homme à son envi- ronnement, menée conjointement,
viendra compléter de manière écrite la présen- tation visuelle des sujets choisis.
A travers la notion de geste envisagée sous cette forme, c'est aussi bien sûr celle de la
transmission des savoir-faire qui est comprise. Une collection de gestes significatifs, un
patrimoine du vivant, et en filigrane de celle-ci, une nouvelle pa- role donnée au corps.
***
Nos gestes sont aussi signifiants que nos paroles (parole, du grec para- bolos,
parabole). Notre corps exprime au quotidien quantité de "mimodrames" * qui
résument notre sentiment de nous mêmes, mais aussi notre culture à travers
l'adaptation de nos gestes à notre milieu. Si l'homme est langage, alors la parole sans
le geste vaut aussi peu que le geste sans la parole. Le geste, à l'origine du langage,
vient dans toute les formes de ritualisation, qu'elles soient sacrées ou profanes,
sanctifier la parole, couronner le langage, donner sens. La scène de fondation est
alors revécue, rejouée dans la réalité de façon analogique à travers
une gestuelle codifiée spécifique. Dans les sociétés traditionnelles le corps reste ainsi
l'incarnation de l'Idée, le Verbe fait chair des premiers chrétiens par exemple, le pont
entre le monde d'en haut et le monde d'en bas.
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*mimodrame = rejeu global analogique faisant appel au registre corporel manuel, cf. Marcel Jousse, La
manducation de la parole, 1975
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On peut dire à cet égard que les cultures orales (en péril d'occidentali- sation, ou pour
le dire autrement : "en voie de disparition"), ont mieux pu préserver ce rapport et
cette place du corps au monde que dans nos cultures de l'écrit, où le corps, tout
comme la mémoire, a été progressivement désinvesti de- puis Guttemberg au profit
de la prédominance d'une raison épicière et de ses au- tomatismes techniques.
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Et si l'on pouvait dire que penser revenait à la multitude de micro- gestes effectués
par nos neuros-transmetteurs ?!
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Et si la culture de l'oralité, conférant au corps un statut central par na- ture, était à
même de transmettre une pensée de type plus spatial, c'est à dire qualitative ?
On connaît l'engouement actuel pour les médecines globales. L'im- portance accordée
aux représentations corporelles ne cesse de croître tant sur le marché des médecines
parallèles que d'ailleurs dans les spots publicitaires. La différence entre ces deux
genres de relation au corps est pourtant de taille : dans le second cas les projections
corporelles se modélisent sur une norme extérieure arbitraire, un produit par
exemple, alors que dans le premier, elles se concentrent sur l'harmonisation des
énergies vitales internes avec l'environnement en une forme de "régulation à usage
ordinaire" ou de "système d'adaptation primale".
On sait aussi que le monde occidental affiche encore souvent sa méfi- ance voir son
dénis envers les systèmes holistes. La spécialisation et son conséquent morcellement
du savoir, tributs de son historicité, sont en effet autant de freins à une pensée de
type globale. Depuis la "découverte" de l'inconscient verbal, l'accès à une conscience
globale de son propre corps constitue une nou- velle révolution à venir, une nouvelle
économie.
Entre ces deux visions du monde règne une désespérante étanchéité à laquelle nous
tenterons de palier en montrant comment la continuité de l'inscripti- on des gestes dans
leurs cadres géographiques (continuité mise en péril aujourd'hui) garantit aussi notre
équilibre physico-psychique tant qu'écologique.
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