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DE s C R I P T I o N
D E S
INDES OCCIDENTALES
Qu'on appelle aujourdhuy -
L E . •
N OVV E AV M O N D E:
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T A R
ANTOINE DE HERRERA,
Grand Chroniqueur des fndes , & Chroniqueur de Catile ,:
Tranflatee d'Efpagnol en
- eA la quel fntadouis -
Quelques 2U1tICS
Defcriptions des mefmes pays,
A v E c
. A AM s T E R D AM, -
eAvec TPrivilege.
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de Cevallos. -
V. Defcription d'Amerique, ou du Nouveau Monde, tirée
des Tableaux Geographiques de TPetrus TBertiu.
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Antonium de | ***
Herrera Regium =
Indiarum et Castellæ
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- ExTTRA1cT DV TTR1VILEGE
*TDe Meffieurs les Estats Generaux des TProvinces Onies.
L eft permis à Michel (olin Libraire, demeurant à Amfterdam,
faire imprimer les livres par luy faicts tranflater en Latin, Fran
çois, Haut, & Bas Alemand de Antoine de Herrera grandChroni
queur des Indes de par le Roy d'Efpaigne, contenants la TDe
fcription des fndes Occidentales. Et font faictes detenfes à tdus au
tres perfonnes d'imprimer lefdits livres en aucune defdites lan
gues, foit en tout ou en partie, en grande ou petite forme, ne
vendre autres que ceux que ledict Colin aura faict imprimer,fans
fon confentement : & ce jufques au temps & terme de huict ans :
fur peine de confifcation de ce qui auroit efté par autres imprimé,
& de l'amende de fix cens florins : comme plus amplement eft
sontenu en fes lettres de Privilege. Signé
N1 col A s DE TBovc xHors T.-
Et plus bas
eAu nom de Meffieurs Estats Generaulx,
C. A E R s s E N s.
-
DES CR I P TI ON
ID E S
-
IND ES O CCL
D E N T A L E S, .
u oNs1 e r R -
P AV L D E L A G v N A
Licentié, Prefidentau Royal & Souverain
- Confeil des Indes. -
--
- du
du tout fuf, erronte, injuste ; é- de laquelle fe peut
dire à bon droict ce que dfout Caton des Gregois : mais telle
de V.S. et confirme à cvostre prudence é- cvaleur, qui
front tousjours txalttes par la Nation Esfagnobfefn
tant par ce bienfaict grandement oblige à V. S. laquelle
je prie le Toutpufant confrrver en proferité, &- longue
cvue. De Valadolid, le 15. d'Oétobre) r o o r.
-
Le tout voftre
·c
eA N T o.1 N E D E. HE R R E R A.
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S'enfuit la Table des Cartes qui doibvent eftre
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inferees en ce livre.
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La Carte. Fueillet.
I.
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2. " 7.
3 9.
2.2- .
• 5. 3I.
6.
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7. 4 Ie
8. 42 •
9. 44
IO. 5I.
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- II. 59» . ",
65.
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68 )
14 77 -
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D ES IS L ES, ET T E R R E
FERME DE LA MER OCEANE,
-
qu'on appelle ,
IN DES OCCIDENTALES,
*TPay -
-
Soleil
--
|
2
-
D E S C R I P T I O N
Soleil couchant, vogua tant par la mer Oceane, qu'il trouva cefte grande
terre, la quelle au milieu eft divifée par la trace de l'Equinoctial, s'eften
dant vers le Midy, que nous appellons Sud fuyvants le ftile dcs mariniers,
fi avant qu'elle attaint les cinquante deux & demy degrés,& vers le Nort,
qui eft le Septétrion,fe cache foubs le Pole Arctique,fans en fçavoir la fin.
La grandeur de cefte quatriefime partie eft telle, que chafcun l'admire;
que nous avons deliberé de vous defcrire foubs le nom d'ifles & terre fer
me de la mer Oceane, qui les entourne: vray eft qu'on les appelle auffi le
nouveau Monde, ou les lndes Occidentales,d'autant qu'elles font a l'Oc
cident. Ceft le demy globe du monde de 18o degrés , comprins en
rar ou paf la demarcation des Roys de Caftille, & de Leon , commençant à conter
* le ces degrés a l' Occident d'un Meridien, paffant par le trente & neuf, ou
" quarantiefme degré de longueur Occidentale du Meridien de Toledo,
quieft fur la bouche du fleuve Maragnon,jufques a la ville de Malacca en
Orient; defaçon que prenant vingt lieues, qu'on eftime eftre foixante
milles Italiennes,pour chafcun degré, le trauers de cefte demarcation
contient d'un bout a l'autre, trois mille & neuf cents lieues de Caftille,
chafcune eftant de trois mille pas, & lepas de cinq pieds de mcfure Ca
ftillane.voilà fon eftendue d'Orient en Occident, que les gens de mer ap.
pellent Eft,& Oeft. or ledit conte de 2o lieues pour degré, revient a la
calculation de Ptolomée, & eft approuvé par plufieurs bons efprits; quoy
que d'autres eftiment, que chafqu'un degré contient feptante milles Ita
liennes, ne revenans qu'a 17: lieues Efpagnoles; qu'on tient pour le plus -
-
feur & veritable. --
Comment
Quant aux degrés de longueur, que l'on conte à mefure de la ligne E
: quinoctiale,allant d'Orient en Occident par le milieu de la terre,& fur le
igeur globe d'icelle,iceux ne font pas fi bien a trouver, à caufe, qu'il n'y a nul
figne feur & ferme au ciel tenant toufiours une mefme place; comme il y a
bien au contraire les Poles, qui font des points invariables, aufquels on
vife comme au blanc infallible, en contant les degrés de haulteur : ce que
nous ferons auffi en cefte defcription, fignalant les places & contrées a
- -
lieues de terre; laquelle en fon plus large peut avoir mille & trois cents, en
diminuant jufqu'a dixhuict lieues, qui eft le plus eftroit d'icelle, appellé
Nombre Dios, ou Portobelo jufques a Panamà: ou la Nature mefme a divifé ces
pays en laiffant environ la moitié vers leNort,& l'autre moitiévers le Sud,
qui font deux parties de cefte demarcation: la troifiiefme, font lesifles &
terre ferme en Orient vers Malacque, aupres de la ligne de la partition
entre les Couronnes de Caftille , & de Portugal : lefquelles , combien
qu'a la verité foyent vne partie de l' Inde Orientale, fi eft ce que nous les
nommons Occidentales, afçavoir au regard de Caftille, comme il fe peut
veoir a l'œil en la carte fuivante. .
Et confideré, que la difcouverte de tous ces pays, dont ou a tant en
Vis grand
richy ces deux Royaumes, nous, vient de l'aimant, je ne puis laiffer, de
* vous raconter icyvne de fes vertus bien eftrange , qu'a remarqué le Sei
gneur Antoine Ofoire Chevallier de Valladolid: c'eft que l'aimant com.
munique par fon influence au fer plus grande vertu d'attirer, qu'il n'a luy
mefme. Car appliquant a la partie plus efficacienfe de l'aimant quelque
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fer, on attirera & eflevera beaucoup plus grand pois par le fer, qu'on ne
feroit par la pierre; de façon qu'il leuà en ma prefence quatorze livres de
fer par le moyen d'un aimant,ne pefant que deux livres & vn quart, qui
naturellement ne pourroit fouftenir que fix onces : chofe bien remar
quable, & qui donne matiere aux Philofophes d'eftudier , principale -
CH A r. 1I.
De la navigation des Indes.
La premiere, qui pour eftrc la plus ancienne & la plus frequentée, fe Premiere
nomme la Carriere, ou la route des Indes, eft divifée en deux car ou l'on mavigation.
va cercher le port de Sainct Ian deVlua en la neufEfpagne, qui eft diftant
de Seville environ mille & fept cents lieues, qu'on acheve en deux mois
& dcmy, ou bien on prend le chemin de Portobelo, qui eft au Royaume
qu'on appclle Terre Ferme, eftant un voyage de mille & quatre cents
lieues,qu'on faict en deux grands mois. Or ces deux navigations vont fui
vant la mefme trace jufques aux ifles qui fopt en la Mer du Nort, faifant
voile a Sainct Lucar de Barrameda, d'oul'on ne doibt fortir fans pilote
bien expert & fçavant au canal, ny fans vent propice, haulte mer, & lu
miere du jour, oupour le moins de lanternes, afin de cognoiftre les mar
ques des endroits fecs & fablonneux.
- Le temps pour commencer lefdites navigations, eft different : car pour Le temps
lancuve Efpagne, on part apres commencement d'Avril propreaux
jufqu'au May paffé, quileft le plus:
tard, afin qu'on n'arrive aux ifles de la Naviga
tions
mcr du Nort apres Aouft, quand le vents de bife dominent, & fe levent
les Vracanes, qui font des tourmentes & tempeftes dangereufes de vents
contraires entremeflez : mais qui pretendd'aller a Terre Ferme,fe doibt
mettre en chemin avant l'hyver durant les mois d'Aouft & de Septem
bre, afin d'arriver a Portobelo apres Novembre, lors que cefte cofte fe
trouve le moins maladieufe a caufe des bifes qui commencent a fouffler.
De Saint Lucardon prend le chemin des ifles de Canarie, eftant com
mc deux cents cinquante lieues de huict ou dix jours , navigant par
-
A2 - la mer
, " - D ES C R I P T 1 oN
la mer delas reguas, chemin dangereux en hyver a caufe des tempeftes
Ceux qui veulent,vont aborder au port de la grande Canarie, comme par
cy devant on fouloit arriver au port de Gomera, qui eft la plus belle de
- - -, -
-
Des Canaries on alloit a la Deffeada, qui eft aux quinze degrés peu plus,
& a la Dominica jufqu'a ou l'on conte fept cents lieues par la grande mer
Occane, & y demeuroit on vingtecinq jours ou plus, par ou l'on ne peut
retourner, a caufe que les brifes y font ordinaires, & cmpefchent le re
gu'ei ce tour. Les brfes font vents qui comprennent touts les Orientaux fufmcn
:* * tionnés avec leur quarts, lefquels en ces quartiers ne font pasfculement
" ordinaires, mais auffi vehements; pour ce que lc mouvement du premier
mobile tirc quant & foy les cieux infericurs, & l'element de l'air,qui pour
cefte caufe toufiours fuit le mouvement du jour & de la lumiere allant
d'Orient en Occident fans varier; & puis le mouvement efficacieux de
l'air tire quant & foy les vapeurs & exhalations de la Mer. & voylà pour
quoy le vent d'Eft eft fi ordinaire en ces endroits. Le voyage des Cana
ries a Dominica fut premieremenr pratiqué l'an du Seigneur 1 5 14 par
Seigneur Pedrarias d'Avila, furnommé le Gentil & le loufteur, eftant
Gouvefneur & Capitaine General du Royaume de Castilla del oro, a pre
fent appellé Terre Ferme ; lequel aida grandement a bien dreffer la navi
gation, qui jufqu'alors avoyt efté du tout impertinente & defordonnée.
A prefent eft ordonné qu'on ne fera nouvelle provifion ny d'eaux, ny
de bois en l'iffe Deffade, ou Dominica ; pource que par apres la flotte de la
- neuf Efpagne fe va rafrefchir a ocoa, qui eft vn haure de l'ifle Efpagnole,
& quand ils tardent oultre lafaifon, ils font furprins des Vracanes aupres
de Cuba & de la nouvelle Efpagne. Ceft la caufe pourquoy on ayme
on f va mieux de fa rafrefchir en l'îfle de Guadalupe. -
dc navigation.
- Ceux qui pretendent aller a Honduras, & Guatemala, demeurent en la , ,
compagnie de ceux de neuf Efpagne jufqu'au C ap de Tiburon, qui eft l'ex- de Hondu
tremité Occidentale de l'Efpagnole : d'ou coftoyant l'ifle de Iamayca au :*
Nort, jufqu'a la polncte de 2Negrillo, qui eft le dernier de l'ifle, vont cer
cher le Cap du Camaron au commencement du golfe, & de la province
de Honduras, dont l'on va furgir a Truxilo, 15 lieues au Ponant du cap,
& là fe defchargent les marchandifes, qui y doivent demeurer : le refte
paffe au port de Cavalos, & à Golf Dulce , me fuivant autre trace que la
cofte de Honduras pour les transporter a Guatimala.
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C H A p. III.
audict chemini. -
. De Cartagena on va cercher le Cap de Saint Antoine, qui eft l'extremité
Occidentale de Cuba, voyageant comme 2oo lieues l'efpace de dix jours
au regard des bancs qui font au chemin de Serrana, de Serranilla, & 9uita
feio. or du Cap de Sainct Antoine jufques a Havana font environ 5o
lieues Les navires qui retoutnent de Honduras, vienent atuffi a recognoi
ftre ledict Cap de S. Antoine. .. - , -
plus
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N ORTE
4o
4-4-4 .42
à
Aud* la nueue epaia
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de Cancro
25|
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D ES I N D E S - O C C I D E N T A L E S. 7
plus propre,& leplus libre de calmes. mais le voyage du retour a la neuve
Efpagne eft plus grand, confideré qu'on ne peut reprendre la mefme tra
ce, de façon qu'il eft neceffaire de gaigner la haulteur de trenteneuf de
grés, & partir en May ou Iuin, quand il y a le moins de brifes : & par ainfi
combien que le chemin ne contiene que deux mille lieues, fi eft ce qu'on
y employe quatre mois de temps.
Icyferà mife la deuxiefme Carte.
C H A P. l V.
P Vis que Nature à divifé ces Indes Occidentales en deux parties par
l'eftroit de Portobclo à Panamà, mettant l'une d'icelles vers le Nort
ou Septentrion,& l'autre vers le Midy, a raifon de quoy nous les appelle
9uelles fant
rons Indes Septentrionales, & Meridionales; il a pleu aux Roys de Ca les Indes Se
ftille & Leon, par advis du grand Confeil des Indes, qu'en chafcune prentrena
les & Me
des parties y euft un Viceroy, avec Parlements, que les Efpagnols nom ridionales,
ment Audiences, Gouvernements, & Evefchés, que nous expliquerons
par cy apres. Et premierement ferà traicté des Indes Septentrionales, D'ou eft ve
qu'on appelle ordinairement la neuve Efpagne. Ce nom luy fut impofé mule nom de
par Ian de Grijalue,&fes compagnons premiers inventeurs d'icelle, d'au- neuve E
tant qu'ils y trouverent des maifons de pierre,gens veftus,& plus civils, & ftg*
& autres chofes a la façon d'Efpagne,que nulle part ils n'avoyent veu par
avant en ces ifles. La neuve Efpagne eft plus abondante en pafturages,
que l'autre partie des Indes, & pource il y a de toutes fortes de beftail en
trefgrand nombre, elle eft auffi bien cultivée, & abonde en fruicts; mais il c - :
ne s'y trouve point de vin, pource que generalement, les raifins ne vienent
a perfection en la faifon, pour les pluyes en Iuin &Aouft, qui les empe
fchent de meurir. Les Ifles de Barlovento ont auffigrands pafturages, & Desifles de
Barlovento.
font beaux a veoir, eftants toufiours vers & fleuriffans, d'un air fraiz, &
trefagreable,& des bocages efpais & ferrés, ayant en la plaine des grands
lacs & marets. on n'y recueille point de pain, n'yvin, par ce que la terre
eftant vicieufe,ne laiffe ny croiftre ny meurir les grains : les rivieres pour
la plus part ont de l'or. Florida, Nicaragua, & Guatemala, font quafi de mef
me condition, comme le tout plus particulierement vous ferà deduict en
fon lieu , & en la carte fuivante vous pourrés veoir toute la fituation de
ces Indes Septentrionales.
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C H A P. V I. - \
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D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 9
1493 : la ville de VerapaX en Xaragua, que fondà Diego de Velafqute, l'an Salvatier
15o3: qui auffi en la mefmefaifon peupla Salvatierra de la Zabana, c'eft à
dire de la plaine ou prairie ; car cefte province eft fort belle & plai
ne. Il peupla pareillement entre les deux puiffants fleuves, fçavoir, en
tre ZNeyba & Taqui, la bourgade S. Ian de la Maguana , au beau milieu Maguan,
de l'Ifle ; ou fe voit encor aujourdhuy l'Eglife : jadis y regnoyt Cao
nabo, que print Alfonfe d'Ojeda .. Le mefme peupla Villanueva de villanuu.
Taquimo, fur le haure, ou ledict Ojeda fe meift a nager eftant prifon
nier fur un bateau, & ayant les fersaux pieds. or le haure, que je vien
de dire, eft cn la cofte du Sud, que l'Admiralnomma la cofte & le haure .
B de Brc
-
D ESCR I PT I ON
Bonzg.
de Brefille. Il y avoyt auffi la ville de Bonao pres dc Cotuy ; que peuplà
le premier Admiral, y dreffant une fortereffe pour affeurer les mines,
qu'ils avoyent trouvé en ceft'Ifle. La ville de Bonaventure,à huict lieues
Lares.
de Sandomingo vers le Nort ; & Lares de Guahaba , que peup là Nicolas
d'Ovando, Commandeurà Lares. L'Ifle eftoit fi flcuriffante , qu'il s'y
trouva bien quatorze mille Efpagnols, & plurieurs d'iceux gens nobles &
de qualité : mais les peuplades, d'autres pays , qu'on trouva par apres,
furent caufe d'amoindrir fes habitans: car d'Efpagnole , & de Cuba fe
tranfporterent toutes les colonies,pource que d'ailleurs on nepouvoit par
faulte de gens.
Les haures S'enfuivent les ports, & promontoires que nous appellons Caps, &
& pointes poinctes plus fignalées,& les ifles appartenantes à la cofte de ceftecy. Et
de cefte fle. premierement, en la cofte du Sud, la pointe de Nizao dix lieues au Ponant
de Sandomingo; le haure d'occoa , dixhuict ; & c'eft icy ou les vaiffeaux,
qui vont à la neuve Efpagne , viennent aborder pour fe rafrefchir, n'eft
qu'ils ayment mieux de fe tranfporter au golfe de Zepezepin, qui n'eft guer
res loing de là; ou d'arriver en un autre endroict, qu'on appelle puerta her
mofo, c'eft a dire Reauport, deux lieues au deça de Occoa. or à vingt & qua
tre lieues à l'Occident de occoa, eft le port & la ville d'Azua. Et à trente
lieues d'icy, la Calongia, qui eft une grande poincte de terre, vis à vis des
ifles Beata,& Altobelo, qui eft cinq lieues en la mer, & la Beata deux. ma,
quimo eft environ trente & quatre lieues plus avantà l'Occident. S'enfuyt
nabaque,une ifle aupres du Cap Tiburon, qui eft l'extremfité Occidentale
d'Efpagnole. La ZNabaza dix lieues en la mer droict a l'Occident dudict
Cap. & douze lieues au Nort d'iceluy un autre Cap, appellé Cabo Rojo,
c'eft à dire le Cap, Rouge. Les Roques, qui font auffi nommés les feres,
& en Efpagnol,fayles, ou Hermanos, font trois petites iflettes pres de la
cofte , ou elle fe tourne vers l'Orient. Caymito eft auffi une iflette
fituée entre les fufdites. L'ifle Guanabo contient en longueur huict
lieues , fituée au golfe de Taguana. Le haure & Cap de Sainct Nico
las, eft au dernier Occident de l'ifle tirant vers le Septentrion : plus
avant eft le haure de cz/ofquitos en la cofte du Nort : & vingt lieues
plus outre, le port du Valparadis,ou de la Conception, droict au Sud de
la Tortuga, qui eft une ifle joignant la cofte, ayant cinq lieues en longueur.
En apres Puerto Real douze lieues au Ponant de Mont de Chrift, & aton
te-Christo autant, ou peu plus diftant d'lfabelle; & d'icy derechef environ
douze lieues au port de Plata. Le Cap Francés,& le Cap du Catron font en
la cofte du Levant,devant le bras de Samana, qui s'advance cinq ou fix
lieues dans le pays, jufques au lieu, ou parcy devant a efté la villette de
ou fut la Saincte Croix. or ce fut aupres de Samana, que premierement on print
premiere
guerre cans
les armes congre les Indiens naturels, pource qu'ils tafcherent d'outrager
tre les In le premier Admiral. Le Cap del Engaio eft le plus Oriental de cefte
diens. ifie, affavoir en la cofte du Sud, ou elle va tournoyant à l' Occident:
& vis à vis d'iceluy l'ifle Saona, ou les flotes qui veulent partir fe
vienent rendre : d'icy quelque peu vers Santo Domingo , fe voit
une autre petite ifle , du nom de Santa Catalina. Or tous ces
noms , que je vien de reciter , furent donnez par le premier Ad
miral.
Cuba. L'Ifle de Cuba , appellée premierement Iuana, c'eft à dire, Iean
, ne , par le pere Don Ian , & puis apres, Fernandine en memoire
du pere
- D E s 1 N D E s o C C I D E NT A L E S. 11
du pere d'iceluy, fut en fin circuite par le Capitaine Sebaftien d'Ocam
po, & ce par l'ordonnance & commandement de Nicolas d'Ovando car
jufqu'alors on avoyt toufiours efté en doubte,fi c'eftoyt une 1fle, ou point:
l'an 151 1 y alla le Gouverneur Diego de Velafque avec 3oo Efpagnols,
pour la pacifier & affubjettir au nom du fecond Admiral. Elle contient
deux cens trente lieues depuis le Cap de S. Antoine jufqu'a la poincte
de Mayzi, affavoir par terre; car au regard du Soleil, ou par mer il n'y a pas
tant, il y a dés le Cap dcs Croix (en Efpagnol de Cruzes)jufqu'au port de
c7tanati 45 lieues : & de là l'ifle commence à s'eftreindre jufques au der
nier Occident, ou elle n'a que douze lieues de large depuis 7tatamano à
Havana. Son affiete eft au dedans du Tropique de Cancer, de 2o a 21 de
n'eftant le pays quafi rien, qu'une plaine campagne, abondante en
*
orefts & bofcages bien druz. De la pointe Orientale de Mayzi, environ
3o lieues de long, font des treshautes montagnes, comme auffi au milieu
de l'Ifle; des quelles vont couler auNort,& au Sud des tres-belles rivieres,
abondantes en poiffons. Au Sud d'icelle font ces iflettes, que le premier
Admiral nommà le Iardinde la Royne; & au Nort, celles que Diego de Ve
lafque fit appeller le Iardin du Roy. Il n'y a point de bled, ne d'autres fe
mailles, comme ên Efpagne, mais bien des arbres de plufieurs fortes , &
des ceps de vignes fauvages de la groffeur d'un homme, & grande abon
dance de tout beftail;auffi grandes mines de cuyvre & d'or, qu'on trouve
aux rivieres, quoy qu'il foyt de bas aloy. -
: ville de Baracoa eft au Levant de l'ifle, fur la cofte du Nort, foixante Baracoa.
lieues de Sainct Iaques, a l'Eftnorteft : fut auffi peuplée par le mefme Die
go de Velafque. -
La ville de Bayamo, fondéepar le mefme, diftant vingt lieues de Bayama
Santiago au Nortoeft. C'eft le plus fain endroict de l'ifle,eftant la contrée
ouverte,& debonne difpofition.
La ville & port du Prince, qui eft en la cofte du Nort, environ quarante ,
lieues de Sainct Iaques au Nortoeft. Principe.
La ville & port du Sainct Efprit , vers le Sud , entre la Trini spi
tad, & le Cap de Bafo. Porcalo de Figueroa eft environ cinquante lieues tu
de S.Iaques, peuplé par lefufdict de Velafque.
Le port & la ville de Sainct Chriftofle d' Abana , en la cofte du Havana
Abana,
on
Nort, quafi vis à vis de Florida , eft affiffe en vingt deux & demy
degrés de haulteur , ayant plus de fix cens habitans : il y refide le
Gouverneur , & autres Officiers du Roy ; & eft ledict port admira
ble tant à caufe de la grandeur , comme à caufe de la feurté d'i
celuy , & fpecialement apres que le trefprudent Roy Philippe l I.
du nom , y eut envoyé le Maiftre de Camp Ian de Texeda , &
Baptifte Antonelli pour le fortifier : icy fe vienent rendre toutes les
flotes des Indes pour retourner par compagnie en Efpagne : il fut
premierement appellé le port de Careias. - or la ville , comme auffi
-
B 2 tOUlUCS v
I2 ID E S C R. I p T I O N
toutes les autres de cefte ifle,fut fondée par Diego de Velafque , eftant
fecondé du Pere Barthelemy de las Cafas, qui par apres fe rendit moyne -
de l'Ordre de S. Dominic, & devint Evefqne de Chiapa.
Les haures, caps, & poinctes de la cofte de Cuba, & les ifles y apparte
nantes outre les deffus dictes,font:premierement en la cofte du Sud , le
: haure de la cité de Sainct Iaques,fur les 2o degrés:& 25 lieues au Ponant,
cfef. celuy de Sainctefprit : douze lieues plus avant, le Cap de Cruz, & les lar
dins de la Royne, qui eft un grand banc de plufieurs iflettes. Le port de
la Trinité en 21 degrez, environ 3o lieues du Cap de Cruz : & le golfe de
Xagua dix lieues plus outre au Ponant, ayant des ifles an milieu : & plus a
vant Dos Hermanas, c'eftt à dire deuxfeurs,affavoir deux ifles au commence
ment du banc, qu'on appelle Camarco, entre la cofte & l'ifle de Pinos, qui
à dix lieues de longueur, & fept de large, diftant douze lieues du Cap de
corrientes; qui auffi de mefme à douze lieues eft diftant du Cap de Sainâ
Antoine, extremitéOccidentale de l'ifle. -
V\ C H A p. V I I.
premiere guerre civile des Indes à dix lieues de làeft le port de Seville : :
& puis la poincte du Negrillo, ou la cofte va tournoyant jufques au Cap de de de
Falcon, pres d'Oriftan; & puis devers le Sud jufqu'au port de Guayano : & fan -
- cinq lieues dans la mer font las Hormigas, c'eft à dire, les fourmys, qui eft un "
bancfott dangereux. d'icy a fept lieues fe voyent las Bivoras, qui font des
iflettes environnées tout a l'entour de bancs de mer : & au Sud d'icelles
· la Serrana, qui eft auffi une iflette entourée de fablons mouvans, avec qua
tre ou cinq autres tout aupres : & au Nortoeft de cefte cy vous avés la
Serranilla; comme au Ponant le Roncador, qui cft auffi vnbanc; & quafi au
Sudoeft d'iceluy,l'ifle de S.Andrieu, enceinte de bancs, droictau Nort de
2Nombre de Dios environ quarante lieues delà : tout aupres fe voit encore
une autre du nom de Saincte Cateline. Les Caymanes font deux ifles
droict à l'Occident de Iamayca, diftant vingt & cinq lieues de la poincte de
2Negrillo, & fix lieues l'une de l'autre : le grand Cayman eft 15 lieues plus a
vant à l'Occident, contenant fept lieues de longueur. A la cofte du Nort
entre Cuba & l'Efpagnole fe voit auffivn banc,qu'on appelle Abreojo, c'eft
.
- à dire Ouvre-l'æil.
L'Ifle de Saint Ieande puertorico, que les Indiens appelloyent Borriquen, Lille de s,
eft à l'Orient de l'Efpagnole de douze à quinze lieues & en a de longueur :*
45 depuis l'Orient jufqu'à l'Occident; & du Nort au Sud cy vingt , & là
trente: elle eft fertile de tout ce qui fe trouve en l'Efpagnole, & de mayz,
& de Tuca, & de mines d'or: l'air y eft bon & doux, & quafi tout le long de
l'année de mefme naturesexcepté qu' en Decembre & Ianvier il y a quel
quefois des tempeftes, comme la faifon le porte. Il y a trois villes , ou
bourgades d'Efpagnols, ayant un Gouverneur, & un Evefque. L'an 15o8
Ian Ponce de Leon eftant Gouverneur en la province de 1 guey, au nom -
de Nicolas de Ovando, qui fe tenoyten Efpagnole, yallà pour la vifiter & " : .
cognoiftre,& puis apres y allà par l'ordonnance du Roy pour la peupler
- - _ -.
qui fut en l'an 151o. --
Laville de S. Ian qu'on appelle de puerto rico, pour l'excellence de fon s. 1, -
haure, eft affife a l'Orient de l'ifle pres de la cofte du Nort, un peu au def
fus de dixhuict degrez de hauteur ; c'eft la refidence ordinaire du Gou
verneur, & des Officiers du threfor Royal, & de l'Evefque fubject a ce- ElArreci
luy de Sandomingo L'Arrecibofe voit 3o lieues au Ponant depuerto rico : & *
la bourgade de Guadianila, ou de Sainct Germain le neuffur la cofte, qui
regarde à l'Occident, à 33 lieues de puertorico au Sudoeft. s. German
Ancienement eftoit en cefte ifle encor une autre bourgade du nom de
Guanica, en la cofte du Sud au commencement d'icelle; ou à prefent eft
le haure de CMofquites fort bon & commode; mais ils font changés de pla
ce, fe mettant en la cofte Occidentale, au lieu qu'on appelle l'Aguada, fur
IlOIIlIllC
3 .
I4 D E S C R I P T I O N
nommé de Sotomayor. Ilya en l'ifle un precipice de montagnes qui la tra
, verfe au milieu d' Orient en Occident jufques a la mer,& au territoire de
ternaul, S.Germain; & c'eft icy que fe trouve l'arbre Tabernaculo, donnant de la
refine blanche, comme la gomme, qu'on appelle anime, de laquelle refine
les mariniers fe fervent non feulement pour la lumiere, & au lieu de poix
à calefufter les navires; mais auffi on cn ufe en medicine contre la froidu
-
to ricole fleuve de Loyfe, & celuy qu'on appelle Canoba; & plus, la Cabeça,
qui cft une poincte au Levant de l'ifle pres du coftau de los loquilos : là fe
trouve un port, qu'on nomme Sanâtiago; & trois lieues plus avant un autre
appellé mabucoa auffi, à trois lieues en la mer une iflette, qu'on appelle le
Paffage: & une autre, affavoir Boyqui au commencement de la cofte du
Sud: mais l'ifle de Santana eft plus avant en la mer. S'enfuyt le haure de
Guayana enapres les fleuves Neabon, & Xauia fix lieues au deça du port Gua
dianila, qui en eft deux à l'Oricnt du fleuve de Mofquitos : or à la bouche
dudict haure eft le fleuve nominé Guanica & fix lieues de là le Cap de Ro
xo, qui eft l'extreme Occident de la cofte du Sud. or a l'Occident du Cap
de Roxo vers l'Efpagnole fe voit l'ifle de la Mona; & au Septentrion d'icelle
le Monico, avec le Zecheo. Il y a pareillement le port de Pinos, & de Maya
guez, & le golfe de S. Germain le Vieil, & la bouche du fleuve Guanabo,au
trement dict l'Aguada; & plus avant le port de Guahataca. Par apres en la
cofte du Nort, celuy de Camay, & de Cibuca, & de Toa, pres de puerto rico.
or environ le milieu de la cofte du Sud, joignant l'ifle , font quatre ou
cinqiflettes, appellées las Haberiana ; ou l'on fait grand amas d'une efpece
de gingembre, qui a la racine, comme de la garance, ou du faffran ; que
les Portugalois ont apporté du Levant aux ifles de Barlovento.
zesfesde Les ifles qui fe trouvent au Nort de S. Ian, d'Efpagnole , & de Cuba,
beyo* defquelles nulle n'eft habitée par les Efpagnols, font dictes ifles de los Lu-*
cayos; & ce à raifon d'une, la plus Septentrionale d'icelles, qu'on appelle
Lucayoneque, ou Tucayoneque, affiffe au deffus de27 degrez de hauteur , a
yant au cofté vers l'Occident l'ifle de Bahama, qui eft en vingt & fix de
grez & demy, contenant treize lieues en longueur, & huict en largeur;de
laquclle le Canal de Bahama, a pris fon nom, iceluy paffe entre Florida, &
OueftleCa les bancsdelosmimbres par ou les courants de la mer fe desbordent fi roi
*** dement vers le Septentrion, qu'il eft du tout impoffible aux matelots,
hama. quoy qu'ils ayent le vent favorable, de jamais y entrer; comme auffi ils en
euvent toufiours fortir, nonobftant que le vent foyt contraire.
En oultre il y a les bancs de Bimini,ainfi appellez à caufe d'une ifle au
milieu d'iceux, ayant cinq lieues de longueur; a laquelle le premier Ad
miral donnà ce nom, quand il arrivà la premiere fois a Cuba ; eftant
auffi la mefme que Ian Ponce de Leon deliberà de peupler. Abacoa eft
une autre ifle au milieu dedicts fablons, ayant douze lieues d'eftendue;
& Cigateovingt cinq mais Curateo eft petite, fituée fur 26 degrés. Guanima
a quinze lieues de longitud, & dix de larges aupres de laquelle cft Guani.
cuanihani hani, le premier endroict, que jamais defcouvrit le premier Admiral, le
*, nommant a cefte occafion, Sainct Sauveur.Tuma contient vingt lieues en
dfeuvre longueur,&huict en largeur, eftant fituée fur 24; degrés, que l'Admiral
aux lnd. nommà Ifabelle, à l'honneur de la grande Royne Ifabclle fa protectrice.
Iumeto eft aux 23 degr. au Nort d'Efpagnole, & a quinze lieues en lon
-
gucur.
D E S I N D E S O C C ID ENT A L E S. 15
gueur. Samana fept lieues de trauers entre Iumeto, & Guanima La lon
gueur de Triangulo eft de huict lieues, en vingt & quatre degrés. Tabaque
cn vingt deux & demy de la longueur de dix lieues. Miraporvos, qui figni
fie,Avifs vous,font trois iflettes en triangle, entourées de bancs de la mer,
au Sud de Iumeto.fayaguana eft de 2o lieues d'eftendue , & en a dix de
large, en 23 degrez. Tnagua eft de dix lieues,aux 2o degrés. los Caycos.ifle
de cinq lieues, eft au vingt & uniefme degré ; au Nort de la quelle s'en
trouvent encor deux autres, affavoir Hamana, & Conciva. Maçarey, affi
fc en 2o degrés, enceincte de fablons mouvans. Abreojo, qui veut dire,
ouvre-lail, eft ungrand gué de quinze lieues d'eftédue; le milieu d'iceluy
fe trouve au vingtiefme degré. Or parmy ces ifles, que je vien de reciter,
fe trouvent encor plufieurs autres iflettes, qui toutefois n'ont point de
nom propre ou particulier , mais font comprinfesgeneralement foubs le
nom de los Lucayos. -
Les Ifles qui font a l'Orient de S. Iean de puertorico, vers la cofte de Terre Les Cani
Ferme , ont eftéappellées Canibales, à caufe qu'il y avoit là grand nombre bales.
de Caribes, mangeurs de chair d'hommes. or ce mot de Canibal en leur le mot
- langage fignifie un vaillant homme, car telle eftoit l'eftime & la reputa Canibal, -
tion de ces Caribes envers les autres Indiens.Toutes ces ifles font peril
leufes à caufe des bancs de la mer : Les plus voifmes & proches de Sainct
Ican font celles qui s'enfuyvent. L'ifle de Saincte Croix au Sudeft de S.
Ian, fur les feize & demy degrés, ayant feize lieues en longueur ; & Saba,
& las virgines, qui font deux ifles enceinctes de bancs ; & outre celles cy
encore huict ou dixifles, defquelles la plus grande ne comprend que dix
lieues : ily a auffi Virgengorda & les ifles, qu'on appelle fleos blancos au Po
nant d'icelle. L'ifle Noyée, en Efpagnol l'Anegada contenant fept lieues
en longueur ; à dixhuict & demy degrés, entourée de bancs, comme auffi
sombrero aupres d'elle. Or ces ifles, qu'on appelle de Barlevent , furent
defcouvertes par le premier Admiral. & eft a fçavoir, que fpecialement
ceux de Saincte Croix & autres avoyent de couftume, d'aller chaffer des
hommes à S. lean pour les manger; ce qu'encor à prefent font ceux de la
Dominica : quant aux femmes ils ne les mangeoyent pas, mais les tenoyent
pour efclaves. On dit qu'iln'ya pas encor longtemps, que ceux de la Do
minica friperent un pauvre moyne, & que tous ceux, qui avoyent goufté
de fa chair, en allerent tanta la chambre, qu'aucuns moururent ; ' & que
our cefte occafionils ont laiffé de manger chair humaine: ce qui eft vrai
femblable; car au lieu d'hommes a ceftheure ils vont defrober au grand
hazard de la vie des vaches & des jumens, qui fe trouvent icy en grande --
& c'eft icy le lieu vers lequel toufiours les flottes s'acheminent de Cana
rie. Marigalante tenânt le nom de la nefde l'Admiral,diftant cinq lieues
-- "
de la
-
-
-
-
16 D E S C R I P T I O N
de la Deffeada, entre elle & Dominica, fur les treize degrés, & contient en
longueur douze lieues : lesflotesfe vont icy rafrefchir d'eau,& faire pro
vifion de boiss car il y a des rades affés commodes, encor que le lieu foit
perilleux à caufe des Caribes. Devers le Sud de cefte ifle,font Matinino,
Sainte Lucie , & los Barbudos, qu'on appelle ifles de Sotavento, pource
qu'elles font à la gauche aux navires, qui y arrivent, & appartiencnt a la
cofte de Terre Ferme. Entre ces ifles de Sotavento, la plus grande, & la
premiere, & la plus Orientale, eft la Trinité, diftant d'Efpagnole comme
L'flede la 2oo lieues, & de laDominica droit au Sud environ 6o:la longueur d'Orient
: en Occident comprend 5o lieues, & quafi 3o au large: elle fut defcou
* verte l'an 1498 par l'Admiral Chriftofle au troifiefme voyage des Indes;
léquel eftant grandement travaillé de la mer fit un vœu d'impofer le nom
de la Trinité au pays que premier il trouveroyt; le vœu à peine eftoit a
chevé quand le marinier de la gabie apperceut trois poinctes de terresde
façon, que le Nom de l'ifle fe rapporta du tout au vœu de l'Admiral. au
mefme temps il defcouvrit auffi la bouche del Drago,& de laSierpe, le bras de
Paria, & toute la terre ferme jufques a Cumana. . C'eft donc à tort, voirc à
: grand tort, qu'Americus Vefpucius s'avoulu attribuer la defcouverte de
*" ce pays, & que de fon Nom font appellées les Indes du Midy; confidcré
que l'honneur de ladicte defcouverte foyt deuë pluftoft au premier in
venteur. Le pays de la Trinitén'eftguerres bon, non obftant qu'il y de
meure beaucoup de gens; il a 35 lieues de longueur, & plus, felon l'opi
nion d'aucuns, & eft affis au huictiefme degré. Au Levant de l'Ifle vers
le Nort fe voit une pointe, qu'on appelle de la Galera; & à l'oppofite d'icelle
vers Septentrionl'ifle Tabago, entourée d'iflettes. En la cofte du Sud fe
voit un Cap, qu'on appelle puntaredonda vers l'Orient; & vers l' Occident
vous avez la poincte d'Anguila, au golfe de Paria i'appelle golfe de Paria,
le paffage entre l'ifle, & la terre ferme, qui peut avoir huict licues de large.
Car la terre ferme faiticy un demy cercle, à la façon d'une couronne à
- l'entour de l'Ifle, ne laiffant que la dicte diftâce de huict lieues entre deux
à l'Orient & a l'Occident, le paffage eft enfemble fort eftroit,& fort pro
fond.A la fin de la cofte du Nort vers l'Occident, affavoir dans la bouche
del Drago, font deuxiflettes & au Nort de l'lfle deux autres,Saint Vincent,
-
fleuve
D E S IN D E S O C C I D E N T A L E S 17
fleuve de Cumana. à l' Orient de Cabagua font quatrc iflettes joignant la
cofte, que le premier Admiral fit nommer losfayess & à l'Oricnt entre
cesfayles, & Granada, quatre ou cinq autres, qu'il a ppcllà los Teftigos & der
ricre Cubagua à l'Occident encor une, qu'il nommà la Tortuga,prcs de la
pointe d'Arayas delaquelle,apres avoir defcouvert ceftc terre depuis outre
lc paffage de Paria, il partit pour Efpagnole, en bonnc deliberation d'yre
tourner pour la defcouvrir entierement : & de faict il y retourna , com-
me vous entendrez cy apres, & trouvà les ifles de los Guanajos, & du deçà
de Veragua il defcouvrit la cofte jufqu'au de là de Nombre de Dios, En l'ifle
de la Margarite font les Officiers, & le threfor du Roy; or eft elle, comme
auffi Cubagua, fituee fur l'onziefme degré, pcu plus. .
e - - . . .. ,
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Florida,e le Golfe de la l - , - *-
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tient 13o lieues ; & par dedans le pays comme i8g, jufques au Nouveau
Royaume de Granada. on voit audict pays plufienrs marques & démon
ftrations d'or, qu'on prife a # 2 # carats, ou plus; il éft trefriche de froment
(car ony faict deux fois l'an la cueillctre) comme duffi de toute forte de
troupeaux, grands & petits: on en tire grand'abondance de farine, de bif
cuict, fromage, & lard & beaucoup de toiles de cotton : & au port de
Guayra; en la province de Caracas, fe charge grande quantité de cuirs de
bœufs, & de farfaparille. il y a huict bourgades & villes de Caftillans.
quant au nom de Venezuela, l'occafion fut telle : Les Belzares Alemans
venants en cefte province l'an du Seigneur 1528. pour la gouverner , felon
l'accord & ordonnancc de l'Empereur, penfoyent d'y peupler fur un ro
cher à la bouche du lac de Maracaybo,un village appellé par euxVenefeule, , , ,
qui eft à huict dcgrcz, peu plus; du quel toutc la province en a rctenu le --
IlOIll .
cité de
La principale ville d'icelle eft Core par les Indiens appelléecoriane qu'à :
ceft heure on nomme ordinairement Venezuela , elle eft affiffe fur onze *" -
Lope de Aguirre, dix lieues au Sudoeft de Segouia ; quatre vingts & cinq
Truxillo. de Coro peuplée par le Capitaine Carvajal. Puis , Truxilo, autrement
dict ZNoftre Dame de Paix, en la province de Cuycas, environ huictante lieues
quafi droict au Sud de Coro; & 25 droict à l'Occident de Tucuyo. or ce fut
le Threforier Vallejo, qui defcouvrit ce pays foubs le Gouvernement du
LicentiéTolofa, l'an 1549 : & en l'an 1559. Truxil fut peuplé par Diego
: Garcia de Paredes, En tout ce pays font environ cent mille Indiens tri
ria, butaires,fans compter ceuxqui font au deffoubs de dix, ne ceux qui font
au deffus de 5o.ans car le grand Confeil des Indes a determiné, que nul de
ceux cy ne donne tribut, en aucun quartier de ces Indes: toutesfois confi.
deré que chafquun jour le nombre en croiftou diminue , on ne fçauroit - - --
-
veoit le rocher deffus mentionné. -
nausé, , S'enfuivent les haures, caps, & poinctes de cefte province, avec les ifles
pointesde appartenantes à la cofte d'icelle. Vers l'Occident fe voyent Marcapana; &
* l''rchila, à l'oppofite du fleuve doynare pres d'une autre ifle du nom de
-- »
- Rocadelos fleos & apres le Cap de la Codera; & le port Flechado; & de Sardi
nas & à la veue d'iceluy l'ifle de Aves, devant Burburata puis le port Ma
ravelof, que peupla le LicentiéTolofa, & c'eft le port qu'il faut prendre
our aller au Nouveau Royaume, & aux provinces de Peru.en apres Gol
fo Trifte; & au Nort d'iceluy Bon-air,ifle de dix lieues en longueur,& huict
en largeur. Puis il y a puntafeca ou la pointe feche; & vis à vis d'elle Curacao,
& un peu plus outre Curacaute, ayant quatorze lieues de longueur à l'op
pofite du Cap de S. Roman, au Sud de l'ifle d'Aruba. San Roman , qui
eft feparé douze lieues de Coro , s'advance environ vingt lieues en la
-- mer ; il s'en fault peu , pour eftre une ifle ; les Indiens l'appellent
- Paraguana ; & fa rondeur eft de vingt & cinq lieues, & le pays plat, ex
cepté qu'au milieu eft une montagne qu'on veoit fort avant en la Mer.
« - icy eft le Golfe de Venezuela , ou de Coro , auquel par un deftroit
entre le lac de Maracaybo ; il y entre auffi le fleuve Mitare»; & à l'Oc
- --
cident,
-
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. I9
cident d'iceluy font los Monjes , trois iflettes jcignant la poincte &
Cap de Coquibocoa : ou l'on trouva ce que nulle part on n'avoit trouvé
es Indes, affavoir l'ufage du trebuchet ,' & de la pierre de touche.
Paffant plus outre fe voit Bahia honda, & le Portete , & le Cap de
de la Vela, nom que luy donna Alfonfe Ojeda, quand Americus Vefpu Alfnfe de
cius fit fon premier voyage avec luy, long temps apres que l'Admiral oiian
Chriftofle cut defcouvert cefte cofte ; laquelle eft affiffe fur douze de-pofe le nom
grés, ou peu plus. or du Cap de la Vela à la riviere de la Hacha y a dixhuict : *
-
lieues, qu'on nctrouve ny caillou,ny eau,fi ce n'eft quand il pleut. La pro
vincea efté defolée depuis le temps des Alemans, d'autant que leur inten
tion n'eftoit que d'en tirerdes efclaves, & de defplumer la terre, pluftoft
que de la peupler.
Quant à Rio de la Hacha, il s'appelloit par avant Noftre Dame des Neiges, ,
& apresNostre Dame des Remedes, c'eft une contrée pres de la mer , entre Hacha.
Pemezeule, & Sainte Marthe ;3o lieues au Levant d'icelle, & 6o de Coro à
l'Occieent, Nort & Sud avec le Cap de la Vela, ayant huict lieues d'eften
due entre Venefeule, & Sainâte Marthe »; ou il n'y a nulle marque, n'enfeigne
d'or: elle eft gouvernée par des Baillyfs de par la Cour d'Efpagnole, &
quant au fpirituel,fubjette à l'Archevefque de S.Marthe. La bourgade eft
diftant mille pas de la mer fur une petite collines le haure eft affis de telle
forte , que le vent de bife y eft de travers ; c'eft une contrée fort abon
dante & fertile de tout ce que Caftille porte; d'advantage il ya beaucoup
de tygres, & d'ours, & de crocodiles, aux rivieres; & beaucoup d'or , &
des pierres de grand'vertu contre la colique, & la pierre, & le flux de ven
tre: il y a auffi des falines.Nicolas Federman commença le premier à peu
pler cefte contrée au nom des Alemans. .
-- Le Gouvernement de la Serpa (qu'ordinairement on nomme la nou Nuena An
velle Andaluzia, & les Indiens Guayana) fuivant les limites fufmentionnés daluxia,
s'eftend depuis la Margarita jufqu'au fleuve c71araiion, comprenant 3oo
lieues en longueur vers l'Orient,& pareillement 3oo par dedans le pays
vers le Sud : ou font comprins les lndiens Omagues, & Omigas , avec les
provinces del Dorado vers le Midy.
- Envers lamer ce Gouvernement confine avec laprovince de canarca
pana, pres de Venezuela ; ou fouloit eftre une peuplade à la bouche de
Sainte Foys & au mefme territoire le rocher de Vnare ; puis un lac abon
dant en poiffons, & en fel, Vingt lieues au dedans du pays , font les In
diens, appellés de Peritò, & ceux qui furent nommés Palenquos, à caufe des
eftacades, ou paliffades, dequoy ils fe fortifient.En outre y eft comprinfe
la province de Cumana droit au Sud de Margarita, ou fe voit une ville
d'Efpagnols , qu'on appelle Corduba la nueva, fondée par le Capitaine
Gonfalve d'Ocampo, lors qu'il alla chaftier ceux de Cumana , pour la
deftrûction d'un cloiftre de Freres mineurs. A l'Orient entre la Trinité,
& le fleuve S.Ian de las Amazones, eft la province des Aruaques, defquels
aucuns font Caribes, & tous generalement gensfauvages, hardis, &
-
belliqucux. .
- Apres la pointe de Paria, qui eft au feptiefme degré, & la bouche del Des feuves
Drago, joint à la Trinite, eft la pointe del Galo, ou Anegada au Sud de la :
Trinité : & le fleuve de Paria, & le fleuve oronico, autrement appellé Tuya daluzia.
pari : d'autres eftiment que ces deux, enfemble avec la riviere de Saunct
Ian, ou de Orelana, voire auffi le Maragnon ne font qu'un ; en quoy ils
s'abufent grandement. Ilya encore d'autres fleuves en la province des
C 2 Aruaques,
-
-
2o - D ES C R I P T I O N
Aruaques mais peu cognus celuy de Saint lan,ou d'Orellane prend fon
Lafource
: origine esAndes de Peru, au territoire de Cufos dont il va courant mille
d'ôrelans. cinq cens lieues, & plus, & tournoyant foubs la ligne Equinoctiale par
des pays & contrees bien peuplées, mais peu cognues, jufques a fe ruer
finalement en la Mer du Nort, ayant fa bouche bien 5o lieues de largeur,
:, & à la fin 5oo; ou font auffi plufieurs ifles habitables. Quatrevingts,
* ou cent lieues de là a l'Occident eft le fleuve de Maragnon , quafi au lieu
mefme,par lequel paffe la ligne de la divifion & dcmarcation de Caftille,
& de Portugal: ce fleuve eft auffi trefpuiffant,& large à la bouche d'envi
ron quinze lieues : il defcend des provinces de la Brefille » ; & comme
aucuns difent, fa fource eft au deffoubs de Popayan, au territoire du nou
veau Royaume de Granade. -
L'ifle de
A fept lieues de Cumana eft l'ifle de Cubagua, ou fouloit eftre , comme
cusua j'ay dict, la nouvelle Cadiz, qui vint en decadence, pour le defaut de là
pefcherie des perles. Le fonds de cefte ifle eft du tout falpetreux, de forte
qu'il n'y avoit goute d'eau, ny d'arbres, ny d'animaux, horfmis feulement
ces porcs, qui ont le nombril à l'efchine, & quelques petits connils : les
gens alloyent au fleuve de Cumana, qui eft diftant fept lieues de là pour
puyfer de l'eau, quoy qu'on l'eftima eftre mauvaife, & fpecialementaux
yeux, aux quels on dit qu'elle engendre des taches. Sur la rive dudict
Tréblement fleuve advint l'an 153o, au premier jour de Septembre , qu'eftant l'air fe
% rain & beau, la mer s'efleva quatre eftages oultre fon ordinaire, & def
cefede7- borda, la terre trembla, & le fort qu'y avoit bafty le Capitaine Iaques
re Ferme de Caftellon paradvis de la Cour d'Efpagnole, fut renverfé, & la terre
**° s'ouvrit en plufieurs endroicts, dont fortit eau falée, noire comme de l'en
cre, d'une extreme puanteur comme de foulfre; de quoy la montagne du
golfe de Cariaco demeura fendue & ouverte milieu, plufieurs mai
- fons fe renverferent, & plufieurs perfonnesfurent eftouffées par le grand
rita.
tremblement de la terre. Margarita diftant une lieue de Cubagua , cft
une ifle plus playfanre, qui fut peuplée par le Licentié Marcello de Vil
lalobos. , : ... .. ,r
- La Florida. La province & gouvernement de Florida, de la jurifdiction du Parle
ment d'Efpagnole, comprend, felon les limites du Gouvernement de
Pierre Melindes, tout ce qu'il y a dés le fleuve de las Palmas , confinant
au Gouvernement de Panuco, en la neufve Efpagne au territoire de Me
xico, qui fe trouve aupres du Tropique en 22 degrés, jufques a la poincte
de Bacalaos, qui attaint les 48 degrés, qui comprend au long de la cofte
1258 lieues ; & de làjufqu'à la hauteur de 73 degrés au Nort , compre
nant & la cofte, & tout le dedans du pays. De tout cecy on a defcou -
vert depuis le fleuve de las Palmas, jufqu'a la pointe de S. Helaine » ; & au
fleuve Iordan, environ 6oo lieues. Le pays eft fitué en un bon climat,
& en plufieurs endroits bien peuplé, comme tefmoignent ceux qui
s'y font trouvés avec Ferdinand de Soto l'an 1536, & 1537, & fuivants, &
Ian Pardo natif de Cuenca , qui en moins de deux ans fit le voyage
par terre de Florida à la neufve Efpagne : or cefte terre approche plus
- de l'Europe, que nulle aurre des Indes on a auffi defcouvert dés le golfe
* de Saintt iofeph, qui eft diftaut 8o lieues de Pamuco,jufques à Terreneufve .
mais fpecialement & proprement nous appellons Florida , cefte partie
qui s'avance en la mer droit au Nort de Cuba, laquelle contient en lon
gueur cent lieues, & vingtecinq de largeur de l'Orient à l'Occident, &
en aucuns endroits trente, fans plus. C'il qui la defcouvrit,fut lan Ponce
-- . de
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. -2 I
*
Il n'y a en cefte province que deux fortereffes avec gens d'armes en Lesfrerez
garnifon, toutes deux fur la cofte du Levant : l'une s'appelle Sainé 1at- ***
thieu fur la pointe de Sainte Helaine , comme cent lieues de Havuna : &
l'autre Saint Auguftin , qui eft la principale, à caufe qu'il a un bon port,
& qu'elle eft plus prochaine du Canal de Bahama,diftant comme cinquie , ,
te lieues de los Martires, qui font des petites iflettes peuplées joint à la caps, é,
ointe de Florida, ou elle s'approche le plus de Cabas eftans ces iflet : * -
tes diftantes l'une de l'autre, qui une lieue, qui une & demie, qui plûs,
qui moins, avec des efcuéils & bancs le long de vingt & trois, ou vingt &
quatre lieues, que ces Martires tienent d'efpace : l'extremité defquelles
vcrs l'Occident, eft appellée la poinéte des Martyrs, & à l'Orient la cabeça,
ou latefe des Martyrs il y a là dine ifle de la longueur de 14lieues, fort e
ftroite. La poincte de la terrc ferme, affavoir de Florid vers Orient, eft
affiffe en vingt & quatre degrés & demy; ou fut autre fois une bourgade
- d'Efpagnols, mais ils s'en font retirés & dicy quafi droictement au Nort,
cft la riviere Ays & plus au Nort en 28 degrés la pointe du Caiaveral ; &
plus outre, la riviere de CMofquitos, au deça de la riviere de Matança, c'eft
a dire d'occifion ; cefte riviere a pris ce nom du maffacre & de la defcon
fiture, que fit Pierre Melendes én la perfonne du Capitaine Ian Ribao, &
de fes Françoys. La poincte de Saint Auguftin eft aux vingt neuf degrés,
& trois quarts: & de là à dix lieues, le fleuve de Saint 7atthieu , auquel
endroit la cofte commence à tourner au Nortnorteft, toute pleine d'if
lcs, & golfes, ou bras de la mer, jufques au Cap de saintie Helaine, qui cft
à 32 degrés & demy, & fut trouvé par fortune l'ân
En tout ce qui refte de cefte cofte,dés la pointe de Sainte Helaineau La cofte d
long de Terre-neuve, & Bacalaos jufques à Terra del Labrador , qui attainct, :
voire auffi furpaffe la hauteur d'Angleterre, n'y a peuple ny gouverne-ques à Ba
ment d'Efpagnols; quoy qu'à diverfes fois diverfes nations l'ayent defceu- calaos
vert & navigué: & fçait on, qu'il ya plus de mille lieues de terre au pays,
toutefois fans or; &generalement,tant plus de haulteur, tant moins efi
vaut le pays, & tant moins eft il habitable ll y a beaucoup de ports, &
rivieres, qui,pour n'eftre gueres frequentées ny cognues,ne font pas men
tionnés, excepté la riviere de los Gamos, autrement de Sainte 71arie , qui te grand .
eft trefgrande, & trefpuiffante, quafi au milieu de la cofte entré la Ba feuve des
calos ou le grand fleuve ochelgaentre au pays tirant vers rOccident ceft ***
celuy par lequel plufieurs eftrangers ont penfé de trotiver paffage p6ue
la neuve Efpagne. or à la cofte Occidentale de Floriàla font les 7iortus
gas, fept du huict iflcttes ; & au Nort
- -
-
***e -
3
--
-
D E S C R I P T I O N
los Martyres cn la terre ferme eft la Muftpa, & 13 lieues plus avant au Nort,
legolfe de Charles, ou de Ian Ponce de Leon; & derechef autant plus oul
tre, le golfe de Tampa, diftant 33 lieues de celuy de Tocobaga, ayant auflile
nom de Saint Efprit, & de Merueille, fur les vingtneufdegrés & demy ; ou
eft le commencement dc la terre qu'on appelle proprement Florida. Plu
fieurs ont opiné, qu'en ces quartiers de Florida vers la terre del Labrador
fe pourroit trouver quelque eftroit de mer, par lequel la mer du Nort &
du Sud feroyent accouplées; difans, que comme on en avoit trouvé un au
Sud, qu'on en trouveroit auffi bien un autre au Nort : mais l'experience
demonftre, que celuy du Sud n'eft pas un eftroit de la mer, ains pluftoft
un golfe; au moins on en doubte grandement : quoy qu'il en foit , apres
grandes peines & fatigues, on n'a fceu trouvcr le paflage du Nort: celuy
quiyafait le plus de diligence & de peine,fut Pierre Melendes, à raifon de
quelques conjectures, qu'il avoit prinfes.
La mer de
neufEfpa
Toute la cofte Occidentale de ces pays de Florida jufques au Gouver
gne. nement de Panuco, comprenant plus de trois cents lieues , s'appelle le
golfe, ou la mer de NeufEfpagne, ou n'y a nulle peuplacion d'Efpagnols,
quoy que Pamfilo de Naruaez, & Ferdinand de Soro, & devant ceux cy
Françoys de Garay, en ayent efté conftitués Gouverneurs. On cntendur
bien toft que le pays eft fort pauvre, & les gens fort miferables. il y a plu
fieurs haures & rivieres, mais on n'en a point de cognoiffance. Ce golfe
a deux portes ou entrées ; par l'une d'icelles entrent les eaux d'une tres
grande impetuofité entre Yucatan & Cuba , & fortent par l'autre encor"
lus furieufement, affavoir entre la mefme ifle de Cuba,& la pointe de Flori
dale flux & cours de ces eaux fait le Canal de Bahama,ainfi nommé à caufe
de l'ifle, de la quelle avons parlé cy deffus.
-- * . * Icyfedoibt mettre la quatriefme Carte.
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D E s IN D E s o c c 1 DENT A LE s. ,
qui eft un autre pays eft du refort de fajurifdiction : qui contient,comme
elle eft à prefent, en longueur du Levant au Ponant, environ 4oo lieues,
dés l'extreme Orient de mucatan jufques à la Iurifdiction de Galice la neufve;
& en largeur du Nort au Sud comme 2oo lieues, dés la fin du Gouvcrne
ment de Panucojufqu'à la mer du Sud. or feslimites vers la part du Nort
ne font pas detcrminés : & fes provinces principales font l'Archevefché
de Mexico, les Evefchés de Mechoacan, & celuy de los Angeles, appellé auffi
Tlafala, celuy de Guaxaca, & de Chiapa; item les Gouvernements de Pa
nuco, & de Yucatan, avec celuy de Tabafo, & par voifinage ou contractation
les ifles Filippines, & la defpeche de la Navigation de China.La neufEfpagne
eft une des plus excellentes provinces du nouveau monde, & la plus ha
bitée d'icelles, ayant tres-bon air, abondance & fertilité de froment,
de mayz, de troupeaux, & d'autres chofes neceffaires à la vie humaine,
horfmis l'huile & le vin: & combien qu'en plufieurs endroits d'icelle il y
ayt de l'or, f eft que l'argent y eft plus commun , du quel y a plufieurs
-
belles mines. -
L'Archevefché de Mexico eft entre celuy de los Angeles, & Mechoacan L'Arche
vefchéde
ayant en longueur du Nort au Sud 13 o. lieues, & de largeur de 18. ( qui Mexico.
eft a la cofte de la mer du Sud)jufqu'à 6o. par dedans le pays:comprenant,
les provinces de Mexico, & au Norteft d'icelle Lateotlulpa,Meztitlan, Xilo
tepeque, & Panuco, qui en eft la plus efloignée; & au Ponant Maralzingo pres
de Mexico, & Cultepeque plus arriere d'icelle; & à l'Orient Tezcuco joint
à Mexico; & au Sudeft Chalco cnviron celle de Mexico;& au Sud d'icelle
premiercment Suchimtlco, & puis Tlaluc ; & entre Sud & Sudoeft Coyxca,
& Acapulco, qui eft plus diftant vers le Sud. Il n'y a en tout que quatre
villes d'Efpagnols, combien qu'en la province de Mexico font plufieurs
Caftillans,placés au lieu des Indiens. Anciennement Mexico eftoit ap Metice.
pellée Tenoxtitlan : elle eft en dixneuf & demy degrés de haulteur,& au
cent & troifiefme de longueur du Meridien de Toledo, d'ou elle eft di Mexico eft
ftante en droicte ligne 174o.lieues, qui font huict heures du Soleil,elle eft diftantde
oledo
au milieu de deux grands lacs,qui l'entourent: l'un eft d'eau falée , pour 174o lieues.
autant que le fonds en eft falpetreux; l'autre eft d'eau douce, abondant
enpoiffons,& fe defcharge au premier : chafcun d'iceux a huict lieues en
longueur, & cinq de large, & 3 3 au contour. On entre en la cité par trois
chauffées longues d'une demy lieue ; & y font quatre mille bourgeois
Efpagnols, & trente mille maifons d'Indiens, ou plus, eftans diftinguées
en quatre quartiers de la ville , felon qu'elle eftoit divifée du temps des
payens. Ces quartiers à prefent font appellés, de Saint Ian, de Saintie
Marie la ronde, & de Saint Paul &, Saint Sebaftien, & le principal celuy de
Saint Iaques, autrefois nomméTlatelulco. Icy fe tient la Cour, que les E
fpagnols appellent Audience, & le Viceroy, qui en eft Prefident,& trois
Baillifs de la Cour, les officiers des revenus & de l'efcrin du Roy, une mai
fon de fonderie, & de la monnoye, & l'Archevefquc Metropolitain, que
recognoiffent les Evefchés de Tlafala, Guaxaca, Mechoacan, Galicela neufve,
Chiapa,Yucatan, Guatemala,Verapaz & les Filippines. Ferdinand Cortefe
fonda la grand' Eglife mettant aux colomnes certains idoles de pierre,
qu'on veoit encor'aujourdhuy, & a grand hafte continua fa fabrique don
Sebaftien Ramirez de Fuenleal Evefque, Prefident & Gouverneur de la
neufve Efpague. or le premier Evefque de Mexico fut frere Ian deZu
marraga religieux Cordelier, de grand'vertu & preudhommie, Bifcayen
natifde Durango le mefmc en fut auffi le premier Archevefque. Il y a
des
24 : r : D ES C R I P T I O N
des cloiftres de Dominicains, de Cordeliers, de Sainct Auguftin, de lefui
res, dc Carmelites, de noftre Dame de grace, & de Trinitaires : dix de non
nains,un college de filles meftives, un autre des Repenties, & des Recon
ciliées & l'Vniverfité en la quelle doctcmcnt & curieufemcnt on enfeigne
les fciences, avec autres Colleges & hofpitaux. les Efpagnols, qui demeu
rent aux lieus prochains en la place des Indiens fur les villagcs , & metai
ries, font environ trois mille. & aux provinces dcflufdites cn tout com
me 25o.villages d'Indiens; les cent & cinq villages d'eftime avec des cf
coles : & en iccux, & environ fix mille metairies plus de cinq ccnts mille
Indiens tributaires; & plus de cent cinquantc cloiftres de Freres mineurs,
de Prefcheurs, de Sainct Auguftin, & des efcoles , & des religicux fans
nombre, pour cnfcigner la foy Catholique, oultre les Peres de la Compa
gnie de Icfus, & les religieux de noftre Dame de grace. il refide auffi
en Mexico l'Office de la Saincte Inquifition , dequoy ferà traité cy
- .
apres. -
-
. . •
Les haures En la cofte de cefte Diocefe qui eft fur la mcr du Sud , cn la province
: "" de Acapulco, eft le bel haure d'Acapulco à dixfept degrés de hauteur,fix lieues
-
Norteft, pres de la mer: & jaçoyt qu'il y ayt beaucoup de fleuves & au
cunes rades jufqu'au fleuve de las Palmasfi ne cognoift on au Golfe de
neufEfpagne que le fleuve de Panuco, & fon haure, qui n'eft pas des meil
leurs.
L'Evefché deTlafala, qu'on appelle autrement
chevefché de texico & l'Evefché de Guaxaca, eft long de cent lieues dés de Tifala
la cofte du Sud à celle du Nort devers les confins & limites de l'Archeve
fchés& devers ceux de Guaxaca il s'eftend8o. lieues, comme auffi à la co
fte de la mer duNort, encor que celle du Sud ne foit large, que de 18 ou 2o
*, lieues,fans plus.En toute la contrée n'ya que trois colonies d'Efpagnols,à
fçavoir, la cité de los Angeles, vingt & deux lieues de Mexico à l'Orient,
inclinant vers le Midy , de mille & cinq cens bourgeois en quatre
quartiers, & fe gouverne par un majeur : icy eft l'Eglife Cathedrale du
refort de Mexico, avec des cloiftres de Prefcheurs, & de Cordeliers, &
de Sainct Auguftin, & un de nonnettes,& un college de plus de cinq cens
enfans Indiens pour les inftruire, ayant dix mille liures (que les Efpagnols
appellent pefs) de rentesque fonda l'Evefque Sebaftien Ramirés y envoy
ant le Licentié Salmeron auditeur de la Cour pour fonder cefte cité
lequel nonobftant qu'il eut entreprins de baftir la ville en Tlafcala,toutes
fois laiffa de le faire, afin de ne defacommoder les lndiens, nytoucher en
leurs heritages ; car il leur portoit toufiours grande faveur, & fpeciale
ment à ceux de Tlafcala pour les bons fervices, qu'ils ont faict a la Cou
ronne Royale. La citéfe fonda fur les frontieres de Cholula, dont fortoy
ent vingt mille hommes de guerre; & fut baftie en vne plaine appellée
cuetlaxcoapa, pres de la vallee Atlfo fur la rive d'un petit fleuve, qui vient
defcendre de la montagne ardente oul'on fait amas de bled, de vin, & de
touts fruicts comme en Efpagne; de fuccre, de lin, & de tout herbage des
jardins, pour ce que le pays eft temperé, plus toft chaud quefroid, jaçoyt
que le froment d'alentour la villes'engele legierement & pres de là naif
fent des fontaines, defquelles fe faict une riviere, qui entre Tlfala & Cho
lula devient puiffant, & va coulant pres de la province de Mechoacan ; &
pres de Zacatula entre en la meril n'a point de poiffons, mais bien tant de
Crocodils ou lefards, qu'ils ont def euplé aucunes places de gens.
Tlfala eft au Nort de los Angeles,à plus de vingt degrés de hauteur , ou Tlafala,
par cy avant eftoit l'Eglife Cathedrale jufques à l'an de 155o, quand cefte
dignité fe tranfporta à la cité de los Angeles. Le premier Evefque en Tlaf La vallée
cala fut Frere Iulien Garces. Là eftla vallée d'Atlfo d'une lieue & demye d'Atlifcs
de largeur, ou le froment jamais n'engefle, & y recueille on plus de cent
mille boiffeaux; & font plus de mille Efpagnols, qui s'employent a le mef ble.
nager. Au Levant à fept lieues de laville, eft la vallée d'ocumba : & en la La Vallée
province de Tepeaqua baftit le Marquis du Val une ville qu'il fit apeller d'Oeumba.
Segura. Pareillement, en la vallée de Sainti Paul demeurent environ mille La Vallée
&trois cents Efpagnols, habitans en des metairiers, & cabanes pour foi de S.Paul.
gner aux troupeaux quiy multiplient fiterriblemét, qu'un certain de deux
brebiettes vint à en avoir quarante mille.
La cité de Veracruz diftante de Mexico 6o.lieues par un chemin, & par Veracruz.
un autre foixante cinq, eft à un quart de lieue pres de la mer, ayant plus de
deux cens bourgeois Efpagnols: là eft l'efcrin & le threfor du Roy, & la
maifon de contractation. Le port s'appelle Saint Ian de Vlua, nom qui luy
fut donné par Ian de Grijalua, qui le defcouvrit l'an de mille cinq cens &
dixhuicts & le Viceroy Antoine de Mendoça fut celuy qui commença la
D fabrique
-
- D E S C R I P T I O N
fabrique du meule d'iceluy.il eft cinq lieues arriere de la bouche du fleu
ve de Verecruz, entre la cofte & la petiteifle, qui peut avoir une lieue ant
contour, eftant entourée de bancs de la mer, & fi baffe que les marées la
couvrent; vis avis de la bouche du fleuve de Saint Iande Vlua. Cr on en
tre audict haure par deux conduits s le plus fouvent par celuy qui eft le
plus large; ou par l'autre qu'ils nomment le canal Galego, qui eft fort pro
- fond & là s'attachent les vaiffeaux avec des anneaux de bronze à une
- muraille de plus de quatrecenspiedsfi eft ce qu'elles n'y font pas fans grād
danger, quand les vents de bife foufflent impetueufement.La Veracruz eft
à dixhuict degrez peu plus : & s'y fouioyent defcharger les flotes, mais
confideré qu'ony tardoit quatre oucinq moys,d'autant qu'elle eft diftant
zes nf f cinq lieues deS. Ian de Vlua, on va à c'eft heure defchargerà la place de
:* Buytron qui n'eft diftant, qu'environ huict cens pas du haure de Saint Las
*** de Vlua, à raifon de quoy on fe decharge en un moys & demy : or la place
-- s'appelle Buytron à caufe d'un certain nommé Buyrron, qui y avoit une ta
verne, & maintenant yfont venus à demeurer encor plufieurs autres, de
façon que le lieu commence a fc peupler.
Il ya en ceft Evefché deux cens villettes, & villages principaux, & mille
moindres, & comme 255ooo. Indiens tributaires , divifés en trente fix
gparties pour eftre inftruicts par les clerqs en laReligion; & trente cloiftres
ses g, de l'ordre de Sainct Dominicq, Sainct Françoys, & Sainct Auguftin. En
hanres de la lacofte de ceft Evefché qui eft fur la mer du Nort, eft le fleuve de Aluarade
* ou fe joignent les limites de l'Evefché de Guaxaca, & le fleuve d'Almerie
' pres de ccluy de Saint Ian de Vlua ou par Andrieu de Tapiafut peuplée la
ville de Medelinl'an 1552, quand le Marquis don Ferrando Cortefe envoya
ledit Andrieu, & Gonfalve de Sandoval pour traicter avec Chriftofle de
Tapia,quife difoit eftre autorifé pour ofter le Gouvernement de neuf.E
fpagne au dict Marquis. cefte ville fut defpeuplée par le FacteurSalazar,
&le Contrerolleur PierreAlmindés.Le fleuve d'Almeria naift en lagrande
montagne aux provinces de los Totanaques, &:24icantle ; & va courir en la
amer du Nort par plufieurs montagnes & prccipices : & tout au devant
d'iceluy cftl'ifle de Sacrificias, comme la fit appeller le fufallegué Ian de
-
Grijalve. au Nort de la Veracruz eft le fleuve de Zempoala ; & un peu
plus hault celuyde S. Pierre & S.Paul, naiffant cn la mefme montagne
* - & celuy de los Caxones, & Tuffa, & Tamiagua prcs du Gouvernement de
Pantuco. , -
s ' , -- * - .
-
-
- t- -- '
-- *
- Tes Evfhés de Guaxaca, Mechoacan, sf Tucatan, & de
- la Province de Tabafo, qui eft lereftant
de ceste lurfdition.
marbre d'une piece, grands & gros; & font les bourgeois Efpagnols de la
»
ville quatre cents.
Cefte vailée de Guaxaca, de quoy le Marquis du Val a prins fon tiltre, Guaxaca,
commence à la montagne de Cocola, fur les frontieres de Guaxolotitlin : on du d
y faict grand amas de foye, de bled, & de mayz : il y a eu des belles mines *"
d'or & ufent du langage de Zapoteca. La region de la cité de Antequera
(qui comme eft dit s'appelle Guaxaca) eftoit peuplée par gens de Mexico,
qui y eftoyent en garnifon par ordonnance du fecond Motezuma. or la
plus part des garnifons que les Roys de Mexico avoyent par tout le Roy
aume,fe fervoyt de langue Mexicane. La riviere de la cité fe cache def
foubs terre, tout devant Cimatlan,& à deux lieues de là fort dercchef aux
monts de Coatlan, diftant auffi dcux lieucs de Guaxaca; & à demy lieue de
la ville pres d'une mötagne, qui eft au Nort,fe veoit la poincte d'une mon
tagnette puis une grande plaine d'environ huict lieues, qui eft la belle val
lée de Guaxaca, plaifante, & téperée,& d'un air fort doux & fain, ou gene
ralement provienent toutes chofes, & fpecialemét les fruicts de jardins à
ia maniere de Caftille de fort bonne faveur.Au Sudoeft eft la rovince de
ayant plufieurs vilettes fur la cofte de la mer, qui s'eftend plus
:
de 6o. lieues; & la contrée du fleuve d'Alvarado, entre le Nort & Norteft;
& celle de los Zapotecas au Norteft d'Antequeras & Guazacoalco aux confins
de Tabafo, toute terre afprc & quoy qu'il y ayt plufieurs mines d'or, on
n'en tire guerres pour l'incommodité du lieu : il y a quatre villes d'Efpa
gnols. La dite cité d'Antequerahuictante lieues de Mexicovers le Sudeft, au
chemin Royal de Chiapa, & Guatemalat & le premier qui s'adventura dans
cefte province pour la pacifier, fut Ian Nunez de Mercado, l'an de 1522.
par commiffion de Ferdinando Cortefe; & c'eft d'icy que furent envoyés .
les gens d'armes pour feruir le Roy Quautimoc à la defenfe de Mexico, , .
- - --
D 2 - Il n'y
28 D) E S C R I P T I O N
Il n'y a fleuve en tout ceft Evefché, qui ne donne de l'or ; & les In
diens, qui veullent trauailler, n'ont befoin de rien : car rien ne leur fault,
n'y manque, pour manger & vcftir: ils ont le Cacao, qui eft un fruict à la fa
çon d'amandes, fervant auffi de monnoye, & en font du vin, & fe mange
rofti ; on eftime qu'il nourrit grandement : c'eft un pays fain & plai
fant, ou les Efpagnols fouloyent, faire de la foye par le moyen des meu
riers du pays , de quoy les lndiens en faifoyent du papier de la deuxief
:* me efcorce & maintenant ony a tant planté de meuriers de Caftille,
% qu'on y gaigne la foye fans fin : & fi les Indiens payaffant les difmes
me3.
& autres chofes, comme les Efpagnols, on en pourroit aifément faire
-
cinq Evefchés.
Le dict Evefché contient 35o. villages principaux d'Indiens , dans
lefquels, avec quelques trois cents metairies, y a plus de cent & cin
quante mille Indiens tributaires ; & cent & vingt cloiftres de Pre
Lefeuve fchcurs, avec encor d'autres efcoles de clerqs. La cofte de la mer du
:a -
Nort de ceft Evefché commence au fleuve d'Alvarado , qui venant
des montagnes de los Zapotecas, & allant parmy plufieurs autres monta
gnes , paffe aupres de la province de Chinantla ; & de là fe tournant
derechef vers les montagnes de fa fource, va fortir à la mer du Nort,
entre les rivieres de Guazacoalco , & Saint Ian de Vlua. Il y a auffi la ri
viere de Agualulco , la bouche de la quelle peut fervir au lieu de
haure : il y a plus roca partida, ceft à dire la roche fendue , qui eft une
pointe venant des montagnes de Saint c74artin , celebres & cognues
our les vaiffeaux qui font periz en des bancs & rochers cachez,
qui font au long de la cofte de la mer du Sud, vis à vis d'icelles. En
la mefme Diocefe eft le port de Guatulco, à quinze degrés & demy , le
quel eft grand & bon, & bien frequenté. Cefte province fut affujettie
par l'Admiral don Pedro de Alvarado. Ledict port n'eft guerres loing
du haure de eft auffi raifonnablement bon : le peu
:
ple qui y demeure eft grand, & y a grande pefcherie d'efcrevices , &
d'autres poiffons, qu'ils envoyent à Guaxaca. & au chemin Royal de Cuyz
tata eft une mine de Criftal beril. Tecoantepeque eft diftant 45. lieues d'An
tequera, paffant par les montagnes de los Chontales, 2Nixapa, & cMexalpe
que,jufqu'à ou s'eftend ceft Evefché, ayant beaucoup de villages fur la co
fte de la mer. .
L'Evefché de Mechoacan, qui eft au milieu de l'Archevefché de Mexi-
: c/794 co, & de Galice la neuve , contient en longueur vers la cofte de la mer
- -
éA13, du Sud huictante lieues, & foixante par dedans le pays, n'ayant point
de limites vers le Septentrion : en iceluy font contenues lesprovinces
de Zacatula , & de Colima; toutes deux eftants fur la cofte de la mer du
,
zcuaro. Sud. La cité de Mechoacan, autrement Pazcuaro, à dixneuf degrés, peu
-
- - -
vers los Zacatecas; ou font environ fix cens Efpagnols en deux regiments,
ayant un Baillyf majeur; i'appelle regiments, les quartiers , & compa
gnies ou Societés de ceux qui s'employent aux mines ; en Efpagnol on
les appelle Reales.
, La ville de Saint Michel, en la province de Mechoacan, trente cinq ,, s
lieues de Pazcuaro au Norteft, en un lieu afpre & inegal, & rabboteux.Item Michal
la ville de la Conception de Salaya, qui fut baftie par mandement du Viceroy La concep
damp Martin Enriquez, l'an de mille cinq cens & feptante; pour af tion de Sa
feurer le chemin de los Chichimecas. - --
laya.
La ville de Saint Filippe , cinquante lieues de d7/echoacan vers le S.Filippe».
Nort , & foixante deux de Mexico au Nortoeft, avec un monaftere
d'Auguftins, en terre fterile & froide ; fut fondée pour la feureté du
-
chemin de los Zacatecas.
La Province & ville de Zacatula , fur la cofte de la mer du Sud z,,
eft à plus de dixhuict degrés , eftant feparée quarante lieues de Me
choacan au Sudoeft , pres de la mer : fut fondée l'an 1 52 3. par Ian
Rodrigue de Villafuerte , & Simon de Cuenca : elle eft à nonante
licues de Mexico. -
-
-
Ceft Evefché a cent treize bourgades & villes, defquelles les qua
tre vingts quatorze font reputé principales, avec des efcoles : il ne s'e
ftend pas jufques à la mer du Nort , mais bien à celle du Sud , ay
ant là plufieurs rivieres : & à l'Occident de la province aux confins
de Galice la neuve eft le haure de Navidad , à dixneuf degrés de hau
teur , haure beau & frcquenté, d'ou fe faict la Navigation aux Fi
lippines : & quelque pcu à l'Orient, pres du port de Saint Iaques, font
des belles mines de cuyvre, duquel les lndiens en font des vafes, & in
ftrumens eftranges : car il y en a qui eft mol, & l'autre eft fi dur,
qu'ils s'en fervent au lieu de fer pour labourer la terre ; ce qu'ils ont
apprinspar les Efpagnols.
La Province & Gouvernement de Tucatan ( qui print ce nom rucatan
quand le Capitaine Francifco Fernandez la difcouvrit , & le nom
de 2Noftre Dame des Remedes , lors que Ian de Grijalua defcouvrit -
-
.3 en icelle,
-
3o D E S C R I P T I O N
en icelle, neant moins l'eau des puys cft fi haute,& la cofte fi tres baffe,&
fe trouvét tant de coquilles de mer deffoubs les pierres, que pour ces con
derations on prefume, que ç'a efté une mer par cy devant. elle eft enfer
m ée de montagnes, & ne liurepas de froment , ny de ce qu'on feme en
C'eft une
fable des Caftille : * ll n'y a point d'or, ny aucune forte de metal ; d'ou l'on peut
croix de comprendre, que ce ne font que fables , ce que d'aucuns racontent,
laiton.
que les Efpagnols y entrans avoyent trouvé des croix de laiton : ce
que jamais n'a cfté trouvé en nulle part des Indes. Ce pays eft a
bondant en venaifons, & fpccialement de fangliers : 1ls nourriffent
des poulailles a foifon, & y cueillent beaucoup de cotton, & d'anil, qui
eft une forte de couleurs les gens auffi multiplient & vivent long temps,
& tel y euft qui vefquut trois cents ans : ils'y trouve toute forte de trou
pcaux d'Efpagne,& des beaux chevaux.
Il y a en ce Gouvernement, fans celuy de Tabafo, qui en eft tout pro
chain, quatre villes d'Efpagnols, & un Evefché; & toutes ces places fu
Merida. rent peuplées par le premier Gouverneur, affavoir, le Prefident Fran
cifco de Montejo. La cité de Merida, à vingt degrés de hauteur , quafi
au beau milieu de la province, declinant quelque peu vers la cofte de la
mer du Nort, douze licues par dedans le pays; ou le Gouverneur, & les
Officiers du Threfor Royal, enfemble avec l'Evefque, qui eft fubject à
Mexico,font leur refidence: on y voit un cloiftre de S. Françoys. Ils luy
ont donné le nom de Merida pourles grands & anciens edifices, qu'on y
trouva, comme à Merida en Efpagnes qui fut bié eftrange,voire admirable,
qu'é unpays, ou ny a nulle forte de metaux, on ayt fceu graver des figrãdes
pierres,yentaillant des hommes nuds, avec des bagues aux oreilles,par ou
IVallAldolid. fe peut conclurre, que ç'ont efté des temples,& un pays de grand luftre.La
ville de Valladolid, à 31.lieues de Merida vers le Sudoeft,avec un monaftere
de Cordeliers trefomptueux ayant en fa contrée 15ooo. Indiens tributai
Campeche. res.La ville & haure de S.Françoys de Campeche, à 2o. degrés, en la cofte re
gardant vers neuf Efpagne, comme 15. lieues de Merida au Ponant, tirant
toutesfois quelque peu vers le Midy avec un port raifonnablement bon,
Salamanca. s'il eftoit profond.Don Francifco de Montejo luydonna le nom. La ville
de Salamanca, que le mefme officier nomma ainfi à l'honneur de fa partie,
es provinces de Bacalar, & Chetemal, feptante lieues de Merida au Sud, de
clinant un peu au Ponants & à foixante lieues de Valladolidpres de la cofte
de la mcr de Honduras. En cefte province font dix cloiftres de S.Fran
çoys, & fix efcoles de clerqs. La cofte de toute la province eft fi baffe,
qu'en plufieurs endroits on ne peut approcher de la terre à quatre ou cinq
lieues pres & par confequent il n'y a point de haure,finon pour des petits
bateaux. or la mer croift & decroift plus en cefte cofte, qu'en nulle autre
Les haures, partie de neuve Efpagne.Les haures font ceux de Cicla,& Telichaqne, Cical,
de ceste con & Cauquil qui eft un fleuve à deux bouches.Campeche en la cofte regardant
*rée .
-
à neuf-Efpagne , & en la mefme cofte Cabo Delgado , ceft à dire le
Cap delié: ou la cofte commence à fe tourner au Levant ; & pres de la
dire pointe, une iflette, qu'on appelle l'Incognue, en Efpagnol Defonocida,
ayant la mer baffe tout à l'entour ; & a l' Occident d'icelle environ de dix
huict lieues une autre, nommée la Zarza , & le Triangle qui font trois
petits iflettes pres d'une autre , & toutes entourées des bancs de la
mer : & derechef à feixe lieues de Cabo Delgado vers le Nort , les
ifles de Arenas ; & plus avant la Vermeille , en Efpagnol Bermeja,
affavoir à trente lieues d'iceluy au Nort : & los 2Negrillos , qui
font
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- font trois iflettes entourées de bancs, à l'Orient de la Vermeille , envi
ron de trcnte cinq lieues : & los Alacranes vingt lieues en la mer, droit au
Nort de Merida. Il y a plus le Cap de Cotoche, qui eft la pointe Orienta
le de Yucatan : ou font quatre iflettes qu'on appelle de Mugeres , ceft à
dire des Femmes pres de la coftejoignant la quelle fe veoit auffi l'ifle de , temple
cozumel, renommée pour la fameufe chapelle, ou temple d'un idole , ou decozumel
tous ceux du pays fouloyent aller en pelerinage : elle eft quatre lieues
dans la mer, à l'entrée du golfe de Honduras,quafi Nort & Sud avec Val
ladolid : & plus avant au golfe trois autres iflettes avec des bancs , quafi
en la hauteur, du lac de Bacalal, qui eft dans le pays , à trente lieues du
lac de chetemal, pres de la cofte ; eft comme paincte & ornée d'iffles,
: eft Pantoja, pres d'un banc ap
jufques à Salamanca la premiere d'icelles
pellé Qujtafueio, la deuxiefme Zaratan, & puis Lamanay , & la derniere
Tlbob. -
-
leport Royal, qui eft grand & fpàcieux; & a deux iflettes à l'entrée. , or
ce fut le Capitaine Louys Marin qui,fuyvant le mandement de Damp
Ferdinand Cortefe, entierement pacifia &affubjettit cefte province. *
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XI.
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De la Iurifdiction du Parlement de .
-
Guadalajara.
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me auffi vers le Nort , & quelque peu vers l'Occident, fes limites ne
font pas determinés, mais ouverts, pour autant que ces contrées font en
cor à prcfent incognues: ne refte donc vers Occident, que la mer. ce qui
eft habité de ce pays d'un bout à l'autre, ferà d'environ cent lieues ; aux
- quelles font comprinfes les provinces de Guadalajara, Xalfo, los Zacatecas,
. Chametla, Culiacan, la nouvelle Bfaya, & Cinaloa, & par voifinage, ce qu'on
-
- -
Alf, des beftes, fans loy, fans police,& es cavernes & bofcages, s'entretenans
de la venaifon, & de quelques fruicts fauvages, fans cognoiffance de ri
cheffes, ny de plaifirs, allants nuds, & quelques uns couverts de peaulx
ede beftes : leurs armes font l'arc & la flefche; au refte puiffants de corps,
, ... & grands mangeurs : ils font du vin d'une efpece de racine, dequoy ils
-
-
toufiours
D ES IN D ES O C C I D E N T A L E S. 33
toufiours un des Officiers Royaux de Guadalajara. Il y a auffi en cefte
province les mines d'Aviioaux confins de los Zacatecas ;'& celles de Saint
Martin, vingt & fept lieues de los Zacatecas au Nortoeft, ou font commune
ment 4oo.Caftellans. Xerez de la Frontera, trente lieues de Guadalajara au JXerez
Nort,& dix des mines de los Zacatecas au chemin d'icelles : or on trouve
encore d'autres Reales, ou regimens de ceux qui travaillent es mines;
mais je les paffe foubs filence, à caufe qu'elles ne font pas fi fignalées , ny
remarquables. La ville del Erena, & les mines qu'on appelle del Sombrere
te,vingt & cinq lieues de los zacatecas au Nortoeft,joint à celles de Saint ***
Martin, & autres qui font en la mefme contrée. Laville de 2Nombre de
Dios, 68. lieues de la cité de Guadalajara, & dix des mines de Saint'Mar- ***
tin au Nort, ayant un monaftere de Cordeliers, abondant de froment, &
de mayz, aveo des bonnes mines en fon territoire. La ville de Durango Durango,
des mines de Saipt Martin , en la vallée de Saintt Sauveur , huict
|*
ieues de Nombre de Dios ; terre faine, qui pour eftre arroufée par plu
fieurs rivieres , eft trefabondante de froment, & de mayz , & d'au
tres fortes de vivres ; & aupres d'icelle les mines de Saintt Lucas , avec
une belle faline. Or les Indiens de ce Royaume eftans pour la plus part
gens de guerre, & notamment les Chichimecas , & Guachachiles faifoyent
grand domage au chemin de Guadalajara aux Zacatecas : & fut cefte -
guerre fort couftable, & dangereufe, & s'acheva au temps que le Marquis
de Villamantique fut Viceroy. Les Indiens de cefte contrée font divifés
en cent & quatre repartitions. .. :
La Province de la nouvelle Bifaya, quafi au Nortoeft de los Zacatecas, Nuevar. .
cinquante lieues arriere d'iceux, eft un pays bien pourveu de munitions fye
& de vivres, degrands troupeaux, & de belles mines d'argent ; il y a cel
les de Hindehé, Sainte Barbe, & celles de Saintt Ian : & eft fitué ledict pays
en la province deTopia, duquel à la defcouverte,&à la peuplation d'iceluy
fit grandement fon debuoir Francifco de Ybarras. -
du pâys,
34 D ESCR I PT I ON
du pays, qui ont une boffefurl'efchine, & des longs poils par devant, mais
les cornes plus petites que les noftres , & en icelles confifte la plus part de
leur avoir : car ils en font des accouftremens , & des fouliers , & des
cordes ; en margent la chair, & des os en font des ouftils : on ufe de
plufieurs fortes de langage en cefte province, pour ce que les gens ne fe-
C H A P. XI I. . , ,,,,, • - - -
-
,
Du refort de la
Guatemala. '
de Saint Jaques
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S.Salusdo*.
La cité de Saint Sauveur, par les Indicns dite Cuzcatlan , quarante
lieues de Saintt Iaques au Sudeft, avec un cloiftre de Prcfcheurs. La
Ville de la Trinité, qu'ils appelloyent en leur langue Conzonate , vingt dad.
& fix lieues de Sainct Iaques au Sudocft, diftant quatre lieues du haure
d'Axacutla: elle fe gouverne par un Majeur, du titre de fa Majefté; & y
a un monaftere de Sanct Dominicq, & eftaffiffa en une contrée fort fer
tile de cacao,& les Indiens d'icelle font de lajurifdiction de Sainct Iaques.
c'eft une ville de grand' trafique, au port de laquelle vienent aborder les SanMiguel
vaiffeaux de Peru & de Neuf-Efpagne. La ville de San figuel, 62.lieues
dc Sainât Iaques, & vingt & deux de Saint Sauveur au Sudoeft, deux licues
de la mer; ou eft le golfe de Fonfeca, qui luy fertde port, ayant à l'entour .
8o. villages d'Indiens. Laville de Xerez de la Frontera, dicte par les Indiens Xerez.
la Chuluteca, aux confins de Guatemala, & Nicaragua , huictante lieues de
Saint Iaques, & vingt de Saintt7lichel au Sudeft.contrée fertile de cotton,
& de mayz qu'on appelle bled de Turquie; & devers la cite de Sainct Ia
ques cefte fameufe montagne ardente de Guatemala. or il y a plufieurs
de ces montagnes aux Indes (les Efpagnols les appcllent Volcanes) mais
les plus fignalées font : celle de Guatemala maintefois jettant feu & flam
mes cfpouvantables, enfemble avec des pierres,& de la cendre au grand
dommage de la terre ; en apres celle de Arequipa , de Tlafala, de 9uito,
& quelques autres. On trouve en cefte province plufieurs fontaines, &
fources d'eaux chaudes ayants diverfes proprietés, vertus, & couleurs : il
y a du baufme, beau & beaucoup, que les Efpagnols cognurent fans l'ap
prendre des Indiens, contre ce qu'un Auteur en efcrit. plus il y a de l'ambre
liquide, lagomme anime, copal c fchicopal,& autres fortes de gommes & li
queurs tres-parfaits & de ces animaux, efquels on trouve la pierre Bezoar
on y fait grand amas de cacao, duquel ils tirent fort grand profit. or c'eft
un arbre de moyenne haulteur, ayant les fruicts comme chaftagnes, plus
grands toutefois, donnant des fleurs & fruicts à chafque Lune ; comme
auffi font en ces quartiers les orangers. L'arbre Cacao ayme plus l'humité
que le Soleils à raifon de quoy ils l'accompagnent d'un autre plus hault
pour luy faire ombrage.
E 2 Lcs
36 D Es cR 1P T 1oN
Les haures Les haurcs de ce Gouvernement fur la mer du Sud , outre les fufalle
decepays
gués, font l'entrée de Fonfeca pres de S. Michel , à douze & demy de
rés Ce nom luy fut donné par Gilles Gonfalve Davila l'an 1522, à l'hon
neur de l'Evefque Ian Rodrigue de Föfeca Prefidët du Confeil des Indes.
or dedans ledict golfe eft auffi une ifle, qu'il nomma Pieronelle, err memoi
re d'une niepce dudict Evefque. Le haure Acaxutla pres de la Trinité,
à 12. degrés de haulteur, eft le principal port de la province,pour aller en
neuf Efpagne, & en Peru. A douze lieues de là eft le golfe de Guatemala;
& derechefd'icy à fept lieues au Ponant le fleuve de Xicalapa. mais vers le
Septentrion cefte province ne s'eftend pas jufqu'à lamer à quarante lieues
de chemin:il y a toutefois fur les frontieres un lieu propre pour defembar
quer, qu'on appelle le port de golfo Dulce, auqucl entrent les marchandifes,
qui vienent d'Efpagne par la mer de Honduras, & s'envoyent avec les
caruanes au dedans du pays , à Guatemala, à Sainct Sauveur, & à la
Trinité. Or à douze lieues au de ça deGuatemala, au chemin Royal
de Mexico, eft le grand lac d'Atitlan , contenant dix lieues en fa ron
deur, & quatre de longueur, fans fonds. -
9uizatatlan.
Chiapa. La Province & l'Evefché de Chiapa, eft par dedans le pays, ayant Soconufo
au Sud, & les bornes de neuf Efpagne à l'Occident, & vers le Nort &
l'Orient Tabfo, & Verapaz ayant du Levant au Ponant en longueur
environ quarante lieues,& en largeur un peu moins. Elle eft fertile de
bled, de mayz, comme auffi d'autres femailles, & de troupeaux, fauf
que de brebis, qui n'y font gueres : il y a une ville d'Efpagnols, qu'on
, nomme Cité Royale, feptante lieues de S. Iaques de Guatemala au Norteft,
qui par efpecial privilege fe gouverne par des Baillyfs ordinaires: icy eft
l'Eglife Cathedrale, & y a un monaftere des religieux de S. Domi
nic : & beaucoup de villages d'Indiens au contour. La ville principale,
de laquelle auffi la province en porte le nom, s'appelle Chiapa : ou les
naturels de la contrée fçavent fi bien nourrir & dreffer les chevaux,
qu'ils furpaffent en bonté tous les meilleurs de la nouvelle Efpagne,
ils font muficiens, & paintres, & de bon efprit pour apprendre le ma
niement de tous artifices : anciennement ils eftoyent de la jurifdiction
de Nicaragua; mais le Capitaine Diego de Mazariegos, l'an de mille
cinq cens trente & un, affit cefte vifle, ou elle eft à prefent, en une vallée
ronde, de merveilleufe beauté, à dixhuict & demy degrés, diftant foix
ante lieues de la mer du Nort , & pareillement foixante de la mer -
-
du Sud.
'erapaz. La province de la Verapaz, c'eft à dire, de la Vraye paix, fut ainfi ap
pellée par les religieux de l'ordre de Sainct Dominicq , pource qu'ils la
pacifierent & affubjettirent par la predication: elle eft auffi au dedans du
pays, au milieu de Soconufo, Chiapa, Tucatan, Honduras, & Guatemala, de 3o.
licues au trauers, & autant auffi de Saint Iaques de Guatemala, terre fort
humide,
D E S IN D E S O C C I D E N T A L E S.
humide, eftant pource plus propre au mayz, qu'on y moiffonne deux
fois l'an, que non pas au bled il y croift du cotton , & ya quelque peu de
cacao, & de ces oyfeaux qui donnent la plume , de quoy les paintres In
diens fe fervent, & en font du grand profit. & fouloyt eftre la chofe du
pays,qu'ils eftimoyent le plus, & les Roys de Mexico la tranfportoyent
de là ; & tenoyent ils pour grand peché de tuer ces oyfeaux, mais e
ftoit permis de les defplumer feulement,& les laiffer aller: il n'y a au dict
pays qu'un cloiftre de Sainct Dominicq, avec une villette d'Indiens, ou
fe font retirés les naturels de dixfept petits villages à la requefte des reli
gieux, afin de les pouvoir endoctriner; car par cy devant ils eftoyent ef
pars & vivoyent quafi comme fauvages : maintenant ils fe portent
en bons Chreftiens , & quant aux chofes temporelles, ils font poli
tlCUlCS.
q* province n'a pas de Gouverneur, mais feulement ungrand Baillyf,
que le Prefident de la Cour y pourveoyt. Le fleuve de Zacatula la fepare
de Guatemala depuis lequel elle s'eftend jufqu'à Golfo Dulce, qui veut dire,
la merdouce , en la quelle fe defchargent tous les fleuves du pays ; lef
quels enfemble avec les grands torrens, & ruiffeaux coulans du haut des
rochers,fouloyent eftre caufe, que pour la grande humidité de la terre le
mayzypourriffoit ; mais cefte faute fut amendée, depuis qu'on l'a far
clée.Ily a beaucoup de lions,tigres,& dains, de quoy ils mangent la chair,
quoy qu'elle foit molle & faffelue.Le lac eft appelle la mer douce, à raifon,
que l'eau en eft douce, pour ce qu'il y a tant de fleuves d'eau douce qui
de toutes parts y entrent : il s'y trouve des poiffons d'incroyable gran
deur, & fpecialement le c74anati. or le 71anati, eft un veau de mer,
lequel monobftant qu'il foyt tres grand, toutefois nage fi doucement,
qu'il ne fait aucun bruit ains oyant quelque chofe de loing, s'enfuit au
fonds, mais eft furieux contre ceux qui le pourchaffent , & donne des
terribles coups;fa chair eft efpeffe,comme d'une vache.
C H A P. XIII.
- .- -
Efpagne.
La province & Gouvernement de Nicaragua, que le Gouverneur Diego Nicaragua.
Lopez de Salfedo appella le nouveau Royaume de Leon , vers le Soleil cou
chant confine avec Guatemala, & auSeptentrion avec Honduras, & au Mi
dy avec Coftarica. Elle contient d'Orient en Occident cent cinquante
lieues, & du Nort au Midy huictante eftant fertile de cotton,de mayz, &
cacao, & de troupeaux, mais point de bled, ne de brebis; & yfont cinq de
meurances d'Efpagnols. Leon de Nicaragua, cent & quatre lieues de Sainct Leom.
Iaques de Guatemala, quafi au Sudeft, & douze de la mer du Sud , joint au
rand lac de Necaragua ou refident le Gouverneur, les Officiers Royaux,
& les Evefques, defquels le premier enfut Diego de Alvares Ofoire : il y
a cinq monafteres de noftre Dame de Grace; & au contour d'icelle cent
vingt mille Indiens tributaires. -
Granada
- La citéde Granade ,à 16 lieues de Leon, la quelle enfemble avec Leon
fonda le Capitaine Françoys Ferdinand l'an 1523. or Granade eft quafi
au Sudoeft fur la riue du grand lac, diftant vingt & quatre lieues du port
de Realejo : oultre le grand lacy eft encor le lac de Lindiri , & la fa
meufe montagne ardente de cMaffyatan. Le grand lac croift & defcroift, Legrandla
ayant plufieurs ifles jufqu'à la mer dü Nort au fleuve, qu'on appelle et De de Nicar •
fguadero qui fignifie,& eft le Canald'iceluy il contient beaucoup de
-
- --
OnS,
4O • D Es cR 1PT 1 oN
fons, & Crocodiles. A deux lieues d'icy, & à fept de Granade, fe voit
le grand Volcan de Mombacho, la hauteur du quel eft terrible; avec des ar
bres de plufieurs fortes defruicts, de quoy la province en reçoyt grande
commodité. Vn certain religieux s'imagina, que ce qui entretient lefeu
par fi longues années fans fe confumer en la montagne de Maffya , de
voit eftre une maffe d'or, pratiqua tant, qu'il y avalla des chauderons avec
des chaines pour pefcher ladicte maffe mais & les chauderons & les chai
nes enfemble, avant que toucher aux flammes, fe fondirent comme
du plomb. .
Segouta. nouvelle Segouia, qu'avoyt commencé à Pedrarias; trente
:
lieues de Leon au Nort, & pareillement autant de Granade tirant auffi
quelque peu vers le Nort; au territoire d'icelle on trouve beaucoup d'or.
1en. Plus, la cité de Iaen, trente lieues de la mer du Nort fur le dernier bout
du grand lac, affavoir au commencement du Canal, nommé elDefguadero,
par lequel avec des petites naffelles, ou canoas entrent les marchandifes,
qu'on apportoit par cy devant de 2Nombre de Dios, & à ceftheure de Porto
El Realeio. belo. La ville de Realejo, une lieue du port de la Poffeffion, qu'on appelle
ordinairement del Realejo, à 11: degrés : l'un des meilleurs & moins
dägereux haures, qui foyent'en ladite cofte,ou fe font des bons vaiffeaux
car il y a du bois engrand'abondance.
Il y a en cefte province par raifon de villages d'Indiens, & en iceux
grand nombre de tributaires, & pareillement aux confins de ce gouver
nement, & de Coftarica, & de 2Nicoya, qui eft à quarante huict lieues de
. Granade , fur la cofte duSud, eftant un Bailliage ;auquel, enfemble auffi
en l'ifle de chira, eftant huict lieues en lamer, & de la jurifdiction de Ni
coya, font plufieurs Indiens tributaires à la Couronne Royalle, autrefois
fubjects au Parlement de Panama, jufques à l'an du Seigneur 1573. que
- * Nicoya fut incorporée & reduicte au refort de Cofta rica ;. de la quelle le
, , Gouverneur y met un lieutenant, & l'Evefque de Nicaragu y a fon vi
* " caire, ou chappelain. il y a un haure raifonnablementbon, & en la cofte
de cefte co- de la mer du Nort, pres du fleuve Tare», qui fepare cefte province de
* fe».
Honduras, vient celuy de Tairepa, devant le fleuve & haure de Saint Ian,
qu'on appelle Defguadero avecune grande ifle à la bouche, & puis quel
ques rivieres moindres de Coftarica. En la cofte du Sud apres Realejo, fe
prefente le port de Saint Iaques, devant la Chira, & le port de Paro vis à
vis de 2Nicoya, au golfe appellé de Salinas, devant la pointe de Saint Lazare,
& le Cap de Borica : au Levant duquel font les ifles de Sainte Marie , &
S. Marthe», Cobaya, & Sebaco , joint aux limites de Veragua , & de Co
-
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Brufelas. L'an 1529. eftoyt peuplée la ville de Bruxelles fur la cofte de Nicara
guavers leSud : mais Diego Lopez de Salçedo la fit defpeupler, pour ce
qu'ils avoyent receu Pierre des Rivieres Gouverneur de Caftilla del Oro,
quand il alla prendre le gouvernement de Nicaragua , qu'avoit occupé
ledict Salçedo, en allant de fon Gouvernement de Honduras à Nicara
gua: le Capitaine Francifco Fernandez l'avoyt petplée l'an 1524. en un
deftroit devers Vritina, ayant de l'un cofté la mer, & de l'autre la plaine,&
pour le tiers les montagnes & les mines.Or par toutes les Indes nulle part
on ne trouve les gens fi propres pour apprendre la langue Efpagnole, com
me en Nicaragua. . -
cfa rica. La province & Gouvernement de Coftarica, la plus Orientale des Indes
du Nort, au refort de Guatemala ; peut avoir en longueur d'Orient en
-
Occident
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D ES IN D E S o C C I D ENT A L E S. 4I
Occident nonante lieues, depuis les confins de Veragua jufqu'à ceux de
2Nicaragua, à qui elle fe joint vers Septentrion & Occident : il y a deux "
villes : & eft un bon pays, non fans quelque fignification d'or & d'argent.
L'une de ces ville eft celle d'Aranjuez, à cinq lieues de Chomes, qui eft un ,
endroit de la jurifdiction de Nicoya, ou les Indiens demeurent. L'au
tre eft la cité de Cartago, quarante lieues de Nicoya, & vingt de la mer,quafi
tout au milieu de la province; qui a un haure fur la cofte de la mer du Cartago.
Sud: & à la mer du Nort font quelques rivieres entre Veragua & Nicara
ua, communes à cefte province; & les golfes de Saint Ierofme , & de Ca
ribaco, fur les frontieres de Veragua.
Icyfe doibt mettre la feptiefme Carte. .. , .
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ou Meridionales. :
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Yant parlé jufqu'à prefent des Indes du Nort, je vien à qelles du . * ... .
4 - Midy, qu'injuftement on appelle Amerique., Ccfte partie des In- --
des contient tout ce qu'on a defcouvert vers le Sud, depuis Nombre de **
Dios, & Panama à fçavoir, Terre Ferme , les Royaumes de Pirù, Peru Chile,
appellé Chile par les Indiens, les Provinces du Deftroit, Riode la Plata, & la
Brefilex contenant cinq Parlemens, appellés par les Caftellans Audien
ces, à fçavoir cil de Panama, cildu nouveau Royaume de Granade , Saint Fran
çoys de 9uite , Lima, & Los Charcas; & onze Gouvernemens. Partie de fa
cofte touche à la mer du Nort, & partie à celle du Sud : fur laquelle pour
la plus part regne le vent de Sud, ou deSudoeft; lequels en ces quartiers
là, contre ce que nous en pourrions juger, font doux & amyables, & at
temperent la chaleur exceffive duSoleil; de façon qu'on y peut demeu
rer : quoy qu'il ny pleut jamays, ny ne grefle, finon en certains & petits
intervalles. les deux routes de montagnes, appellées par les Efpagnols
Cordilleras, courrent egalement partoutes ces Indes,& font de condition
& nature du tout inegale,jaçoyt qu'elles fetrouvent par tout en la mefme
haulteur du Pole. Car l'une d'icelles eft veftue de bofcages, & toufiours
y pleut, & toufiours eft chaleureufe : l'autre eft comme toute pelée, &
froide,tant en Efté, comme en hyver. Ces routes fe nomment,Andes , &
Sierrar il y a des montagnes incroyablement haultes, & vont mille lieues
quafi en egale diftance l'une à la veue de l'autre. En la Sierra s'engendrent,
& maintienent plufieurs fortes d'animaux ; & ou les montagnes fe divi
fent, font des vallees & demeurances tres plaifantes; comme eft celle de
Xauxa,Andaguaylas,& Tucay. Pareillement es Andes s'entretienent plu
fieurs fortes d'animaux. Ces deux montagnes fe vont feparer devers
Cuzco, laiffant entre deux une grande campagne , qui eft la province de
Colaoiou font des rivieres fans nombre, des lacs, & desgrands pafturages,
fans bois, ou bofcages pour la corruption, & diftemperance de la terre:
quoy que l'air y eft affés fain, cõme on cognoift par les gens, qui y demeu
rent en grand nombre.Apres Colaos'enfuit la province de los Charcas,fort
chaude, & neâtmoinsfertile ou font des afpres collines, mais riches&abö
F dantes
. * j D ES CR I P T I O N ,
dantes de plufieurs minieres. or fa figure & l'affiete de ces Indes fe
* veoyt en la carte precedente. i -:
- Icyfe doibt mettre la huitiefme Carte.
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- La cité de Panama fur la cofte de la mer du Sud pres d'icelle, à
9. degrés de haulteur , &82. de longitud du Meridien de Toledo,
d'ou elle eft diftante en droicte ligne 1 56o. lieues : il y a environ 6oo.
bourgeois , qui font pour la pluspart des marchans & gens de trafi
que : enfemble le Parlement, & les Officiers du threfor Royal , qui
ordinairement fe tranfportent à Portobelo, quand l'expedition & la de
pefche des flotes le femble requerir., en outre il y refide l'Evefque fu
fragan à l'Archevefque de los Reyes ; & trois Monafteres, de Sainct Do
minicq Saint Françoys, & de Noftre Dame de grace. Le port , quoy
que de baffe mer, toutefois eft raifonnablement bon : les vaiffeaux de
meurent au fec, & pource en Efté vont furgir en la plage, mais en Hy
ver au port de Perico, à deux lieues de la ville. cefte cité fut peuplée
par Pedrarias Davila, eftant Gouverneur de Caftilla del oro , contre la
volonté des habitans de Saintte catarie du Darien la vieille, l'an 15o9. peu
apres, la dignité Cathedraley fut tranfportée. Vray eft, qu'il feroyt bien
facile de trouver quelqu'autre endroit, plus fain & plus propre pour la
trafique de la mer du Sud, fans toutefois beaucoup s'effloigner du lieu, ou
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D E S IN D E S O C C I D ENT A L E S. . 43
l'air y eft plus doux & fain, mais auffi pour la commodité du lieu, qui eft
fort propre à l'expedition des vaiffeaux, & finalement auffi pour la feureté
d'iceluy; car l'ingenieur Baptifte Antonelli a faict un fort de la nouvelle
cité de S. Philippe , qui y fut n'a gueres fondée;& de l'autre cofté du
haure une autre fortereffe terrible pour garder l'entrée. Les marchandi
fes s'envoyent de Portobelo à Panama par deux chemins,le premier parter
re avec la caroane, traverfant dixhuict lieues de chemin;qui eft plus ayfé,
que de prendre le chemin de Nombre de Dios : l'autre eft dy aller par la
mer,& par le fleuve de Chagre, la bouche duquel eft diftant dixhuict
lieues de Portobelo à l'Occident, par lequel on conduit les marchandi
fes jufques à la taverne de Cruzes, quand l'eau eft haute; & de là vont cinq
licues auec la caroane jufqu'à Panama.
La ville de Natà diftant de Panama trente lieues vers le Soleil cou Santiago de
Narà.
chant, fur la riue de la mer du Sud : elle fut peuplée par le Capitaine
Françoys Compagnon, de par le Gouverneur Pedrarias, pour laguerre
du Cazique Vrraca. Le mefme Pedrarias par le Capitaine Gabriel
de Rojas acheva la peuplation de Acla, fur la cofte de la mer du Nort,
à l'entrée du golfe d'Vrabà, vis à vis de l'ifle de Pinos : la quelle nous fc
roit du tout incognue, fi par la mort de ce trefilluftre Seigneur & Capi
taine Bafco Nuñez de Balboa, & de fes compagnons elle ne fut enno
blie. On trouve encor à prefenr de l'or en la baricave d'Almagro, & en
la fource du fleuve de Chiepo ; mais par cy devant on en tiroit grande
quantité. en tous ces fleuves font plufieurs & fort grands lefards , qui
-1 1 * - - -
ont fort travaillé ceux qui fe font lespremiers hazardés à defcouvrir &
à pacifier ces contrées voire auffi en ont devoré quelques uns. Il eft ad
venu à Panama, qu'un homme eftant en fa barque pres de la maifon du Hiftoire e
Roy,un Crocodil le vint happer, & l'emporta fur une roche ; & quand il frangea
Crocodil.
un
euft commencé a le defchirer en pieces, il fut tiré & tué d'un coup d'har
quebuze,de forte que le miferable avant fa mort eut le loifir de recevoir
les Sacramens de l'Eglife.
La Province de Veragua, qui eft au deffus de dix degrés, eftend fes bor- Verga
nes & limites jufques à Coftarira, vers l'Occident; ayant en longueur du
Levant au Ponant cinquante lieues, & vingt & cinq en largeur ; terre
montagneufe, & rabboteufe, pleine de buiffonnieres , fans pafturage,
nc troupeaux, ne bled, ne orge, peu de Mayz, & peu de fruicts de jardin;
mais remplie de plufieurs veines d'or, & de mines es rivieres & aux co
ftaux : les gens hardis & adonnés à la guerre. Il y a la cité de la Conception, La Concé
quarante lieues de 2Nombre de Dios, au Ponant ; qui eft la refidence du pein.
Gouverneur & des Officiers, quc ceux de Panama eftabliffent à prefent.
La ville de la Trinité eft à l'Orient de la Concepcion, 6. lieues de voye par La Trini
dad.
mer (car on n'y peut venir par terre)pres du fleuve de Belen,à trois lieues
de la mer. La cité de Sainte Foy eft diftant de la Concepcion douze lieues
Sanda Fé.
vers le Midy; & là font les maifons de la fonderie des metaux, & les lieu
tenants des Officiers. De Sainte Foy allant cinquante lieues à l'Occi
dent, fur la cofte de la mer du Sud, qu'on appelle auffi la mer Pacifique,
fe voit la cité de Cartos,joint à la mer. Tous les Indiens de ce pays font Carlos.
gens de guerre.
Il n'y a point de haure remarquable en ce Gouvernement, nefur la Haures,ri
" cofte du Nort, ne fur celle du Midy: & generalement par tout le pays du vieres, ifles,
cépointes de
refort de cefte Cour, font les rivieres, haures, & poinctes , qui s'enfui ce refort .
vent. Le golfe de Carabaco, ou de S. Ierofme en la cofte de la mer du
F 2 Nort
44 -
- D E S C R I P T I O N
|
Nort fur les frontieres de Veragua. à l'Orient d'iceluy, & du fleuve de la
Trinité,fe veoit en apres celuy de la Concepcion, & celuy de Belen; ou fut
la premiere pcuplade de toutes celles du Nouveau Monde, que condui
fit le premier Admiral en la Terre Ferme, l'an de Chrift 1 5o3. vray
eft, qu'elle n'y eft pas demeurée. Vis à vis du fleuve, eft l'ifle Efcudos
s'enfuyt apres la riviere de Chagre; puis elPortete , qui eft une lieue plus
- outrc vers l'Orient ; le dernier endroict auquel paruint l'Admiral def
couvrant ces contrées, l'an que deffus: en apres les haures de
:
- douze lieues de Nombre de Dios au Ponant ; celuy de Galinas 9. celuy de
Bonaventure , 6. & Portobelo 5. & à l'oppofire d'iceluy les ifles de las c2Ai
rts, & de Baftimentos, puis deux lieues au delà de Nombre de Dios la riviere
de Sardintlas & celle de Sardina quatre: celle de Mayz, & de Culebras, &
de Francfa, huict, au commencement du golfe d'Vraba ; ou le Bachelier
Encifo, l'an de mille cinq cens & neuffonda la cité de S. Marie du Darien la
-
-
vieille .
Ce Bachelier Encifo fut le mefme, qui fit courir le bruit, qu'en cer
tains endroits de la province de Caftilla del Oro, on pefchoit l'or à la
rets qui encouragea plufieurs perfonnes d'aller aux Indes foubs la con
duite de Pedrarias Davila, l'an de mil cinq cents quatorze. or du Darien
- fortit l'an 1513. le Capitaine Bafco Nuñez de Balboa, pour defcouvrir la
mer du Sud, ce qu'auffi il executa. La poincte de l'ifle Cativa, eft fituée
à l'oppofite des montagnes de S. Blas ; mais l'ifle de Comagre , & celle de
Pinos plus avant au golfe d'Vrabà ; & au dedans d'iceluy le haure de
Milcos, pres de la bouche de la riviere du Darien ; qui fepare les limites
de ccfte Cour d'avec ceux de Cartagena, aupres de la courbure d'Vrabà,
ou par Alfonfe Ojeda fut peuplée la ville de S. Sebaftien , l'an 15 1o. ce
bras d'Vraba eft pofé fur huict degrés, ayant quatorze lieues de longueur
par dedans la terre; à l'entrée il a fix lieues de largeur, puis cinq, & fina
lement quatre. or la cité de S. Marie de Darien la vielle eftoyt gifant cinq
lieues au dedans du golfe.
Sur la mer du Sud, eft le Cap de S.Marie; la poincte de Guerre & devers
Panama le golfe de Parita, ou Paris; aupres duquel eft la ville de Natà
puis la pointe de Chiame, au pays duCazique Chiapes, qui fut grand amy
& fauteur de Bafco Nunez de Balboa, & l'aida de beaucoup en fes def
couvremcns. Paffé le port de Panama, vient la riviere de Coquira , aurre
ment Chiepo: puis celle qu'on appelle de la Balfa, ou de Congos au dedans
du golfe de Saint Michel, Nort & Sud avec l'ifle de Perlas : & la poincte
ou port de Piias, à l'entrée du golfe vers le Midy, lequel golfe eft diftant
- cinquante lieues de Panama, & vingt lieues de travers de celuy d'Vrabat
finalement y à puerto Quemado, c'eft à direle haure bruflé, joint au Cap de
corrientes au cinquiefme degré de la hauteur du Pole.
Icyfe doibt mettre la neufiefme Carte .
C h A P.
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D Es IN D E s o C C 1 DE NT A LE s, ,
CH A p. XVI
Royaume de Granade.
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D E s 1 N D E s o C CIDENT A L E S. 47
de la Vitoriadelos Remedios, cinquante lieues de Saincte Foy au Nortoeft, ***
eft abondante de plufieurs mines. Pareillement la cité de S.Iuan de los Lla- **nde
nos, diftant cinquante lieues de Santa Fé, eft une contrée pleine d'or. **
Quant à la cité de Tudela, fondée autre fois par le Capitaine Pedro de r,l,
Vrfua , icelle a efté defpeuplée par l'ordonnance de Monfieur Michel
Diaz de Armendariz Licentié, à caufe que les Indiens c71ofas en eftoyent
intereffés. Au refte il y a encore fept villes du Gouvernement de Po
payan, qui font de la jurifdiction du Nouveau Royaume; affavoir, Saintte
Foy Camarante», Arme», Anzerme, Cartage », Saint Sebaftien -
laces.
La cité de S. Marthe , que peupla jadis en l'an 1525. le Seigneur
Baftidas, pres de la mer, au dixiefme degré de haulteur, & au feptante
" quatriefme de longueur, diftant 142o. lieues de Toledo: c'eft la refiden
ce ordinaire du Gouverneur, & des Officiers du Roy,& de l'Evefque, qui
recognoift l'Archevefque du nouveau Royaume, ayant un haure, quin'eft
pas dcs moindres. Or ce Gouvernement contient quatre provinces; Po
ziguay, Betona, Chimica , & Tayrona, fignifiant ; & à bon droict,
pource qu'en icelle province fe trouve upe infinité de plufieurs metaux,
& de pierres de grande eftime. Tenerife eft fur la rive du grand fleuve Tenerif.
de Madalena, environ quarante lieues au Sudoeft de Saincte Marthe, & par
mer, & par terre : & fut peuplée par Francifco Enriquez, fuyvant l'or
donnance de Gonfalyo Perez Gouverneur de S. Marthe,| de par le Sei
gneur & Prefident Lugo.Tamalameque, ou la Ville de la Palmas, foixante
cinq lieues de Saincte Marthe vers le Midy, & vingt de Tenerife , à :
deux lieues du grand fleuve; fut peuplée l'an 1561. par le Capitaine Bar - -
thelemy Dalva. La cité de los Reyes, affife en lavallée de Vpari, fertile de,
mayz, & d'autres fortes de vivres, de plufieurs troupeaux, & cuyvre, au
Sudeft de SoMarthe ; d'ou elle eft diftant cinquante lieues, & ttente de
rio de la Hacha: fut peuplée par le Capitaine Santana de par Michel Diaz -
*
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48 D Es cR 1 PT 1 oN -
huict de Rio dela Hacha, joignant les torrens de la montagne 2Nevada, en
la vallée d'Vpari; ou fe trouve tant de cuyvre, comme depierres. or c'eft
par le Canalde cefte ville, lequel en eft efloignéhuict lieues vers la mer,
(& à douze lieues delà le canal de Malambo entre au grand fleuve)que les
. marchandifes de ce Gouvernementfe tranfportent au nouveau Royaume. .
Ocania. Il y a d'avantage Ocaiia, que peupla le Capitaine Françoys Ferdinand,l'an
1572. & fut du commencement nommée S. Anne ». Sur la cofte de cefte
" Seigneurie font; la riviere de Buhia, joint à la Ramada, celle de Piras ; &
puis de Palamino, qui s'appelle du nom d'un Capitaine, lequel s'y noya;
apres, celle de don Diego; les fyrtes de Buritaca ; le Cap de l'Aguja, c'eft à
dire de l'aiguille pres de S.Marthe, à l'oppofite du mont de Bonda, & à l'Oc
cident, le fleuve de Gayra. -
Cartagena.
Le domaine & province de Cartagena, qui eft en la terre ferme , fur
la cofte du Nort, s'eftend en longueur du Levant au Ponant,du fleuve de
la 7adalena, jufqu'à celuy qu'on appelle le fleuve du Darien, Nort& Sud,
huictante lieues; & autant pareillement de la merjufqu'aux bornes du
nouveau Royaumcsquoy que plufieurs difent qu'ilya d'avantage.Le pays
eft plein de montagnes, & collines, de vallées & de hauts arbres, enclin
grandement à humidité & pluyes ; les femailles d'Efpagne n'y donnent
point de femence, il nya point de froment, n'y d'or, finon en quclques
- endroicts: mais on yfait beaucoup de refines , & gommes aromatiques,
& autres liqueurs, qu'on tire des arbres, & fpecialement grande quantité
. du fang de dragon, & un certain baulme de fort bonne fenteur , & de
-
grand'vertu. -
La cité de
Cartagena,
La cité de Cartagena, pres de la mer, deux lieues de la poincte de Canoa
à l'Occident, au 1o. degré de latitud, 146o. lieues de Toledo, ayant plus
de 5oo.bourgeois, & plus de deux mille femmes entre eux. Le Gouver
neur, & les Officiers des revenus,& des biens du Roy s'y tienent ; com
me auffi l'Evefque, fufragan à celuy du Nouveau Royaume: en outre y
font des cloiftres de S. Dominic, & de S.Françoys. Elle eft pofée en une
plaine, quafi comme une ifle : car du cofté du Nort la mer l'embraffe, &
là fe trouve la cofte fort baffe & perilleufe; du cofté de la terre, il y a un
bras de mer, qui fe va rendre en un lac ord & fangeux , qui cft le lac de
Canapote, croiffant & defcroiffant avec lamarée : & de la ville à la terre
fe va par un pont, qui eft fait à la maniere de chauffée, long d'environ
deux cens cinquante pâs : elle eft fondée fur le fablon, & à la profon
deur de dcux toyfes y a de l'eau douce : il eft vray que l'air quelque fois
y eft maladieux au regard du marefcage fufdict, mais point fi fouvent, ne
fi mauvais, comme fur la cofte de Nombre de Dios. Le haure eft l'un
des plus excellens des Indes : à l'entrée d'iceluy fe prefente une ifle,
quafi comme l'ifle Efombrera pres de Cartagena en Efpagne , mais un
peu plus grande, à raifon de quoy la ville fut appellée Caatagena; & l'ifle,
Codego, mais à prefent Carex, ayant en longueur comme deux lieues, & en
largeur une demye lieue, ou peu plus il n'ya pas d'eau, & y fouloyent
demeurer des Indiens pefcheurs. Le premier qui vit Cartagena, l'an
15o2.fut Rodrigo de Baftidas; & l'an 15o4. Ian de la Cofa , avec Louys
Guerra fe mirent à terre, & commencerent à guerroyer contre les In
diéns ; qui eftoyent gensfuperbes, hautains, & hardis, combatans hom
mes & femmes avec des fleches empoifonnées . Apres y retourna Al
fonfe de Ojeda, avec Ian de laCofa, en qualité de grand Pilore,& Ameri
que Vefpuce cn qualitéde Marinier : & apres quelques années Gregoire
Ferdinand
D E s IN D E S Q C C I D ENT A L E S. 49
Ferdinand de Obiedo delibera d'y mettre fa garnifon, ce qu'il ne peut
executer. L'an 1532, y alla Monf Pierre * *
& la peupla, & pacifia une bonne partie de cefte terre ; iliais ce fut a
grand'peine & par pacience, & * à caufe que les gens du pays
eftoyent fort belliqueux voire il y eut une femme d'environ dixhuict ans,
qui de fon arc abbatit huict Efpa nols, avant qu'on la fçcut prendre.
La ville de S. Iaques de Tol, fix lieues de la mer, au Sudoeft de Car-santiago
Tolù.
de
tagena, à douze lieues d'icelle en partie par mer (car on n'y peut aller
par terre)en partie par les monts & marets terre faine & bonne, & pro
pre aux pafturages, & au labourage , & au jardinage ; fut peuplée par
Monf Pierre de Heredia. La ville de Marie, trente & deux lieues de Car- rie
VilledeMa
.
tagena,vers le Midy fut auffi peuplée par le mefme, l'an 1534. La ville de S.Cruz.
Sainte Croix de Mopox, diftant feptante liçues de Cartagena,par le chemin
de la mer, & du grand fleuve de Madaleine, defvoyant quafi la moitié du
chemin, eft affiffe entre des marefts, & pource maladieufe : fut peuplée
par l'un des Capitaines de Monf Pierre de Heredia , l'an de mille cinq S.Sebaftien.
cens trente cinq. L'an 15o9. le Bachelier Encifo(comme a efté dict)peti
pla en ce Domaine s, tarie de Darien la vieille, abandonnant la ville de
S. Sebaftiande Buenavifa, qu'avoit peuplé en la mefme annnééle Capitai
ne Alfonfe Ojeda, au * retourna le Capitaine Al
fonfe de Heredia, * frere le Prefident Pierre
de Heredia, & la peupla derecheffur une petite colline , environ de
mye lieue de la mer. Et de S.Sebaftienl'an i557 fortit le Licentiélan de
Vadillo,accompagné de plufieurs genfdarmes, qui avec grand travail,&
par montagnes & par bofcages en fin parvindrent à la cité d' intioche au
Gouvernement de Popayan & tel y euft des gens d'armes , qui de là fit le
yageufues à lacité de plus enlaprovince de les hareas revenant
à douze cens lieues.w ** . * : **** : ** : *
la *de*iniquieft une maifon de payané delajurifiiaion La Barran
CA .
la pointe de la Naoou de la nefen terre ferme à l'autre entrée du port, qui eft - -- ... *
auffi plus eftroite; & quafi au Nort, eft une iflette qu'on nomme sardina&
joignant la cofte de Tolû, les ifles de Barà fix en nombre & à l'entrée du
golfe d'Vraba, les fixifles de S. Bernard à l'oppofite du fleuvezenù& plus a
vât au golfe l'fle Forte, & laTortue.Le port de Zen à eft diftant deCartagena
25 lieues ceftungrand fein de mer,ayant une entree affez commode vers
l'Orientony fait beaucoup de fel : or il porte le nom du peuple de Zenù,
qui demouroit fur la rive du fleuve. * " *"
* Plufieurs Capitaines à diverfes fois fe font hazardés par mer, & par ElDorado,
terre d'entrer es provinces de Dorado, qui fe nomment auffi Eftremadura,
& par voifinage appartienent à la jurifdiction du Parlement du Nou
veau Royaume; mais jufques à prefent n'y ont pas encore trouvéles gran
des richeffes, qu'on avoyt penfé. .. Ces au delà du fleuve
-- -- - , -
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* : - - S, Ian
5o . ' D Es CR IPT ION
S. Ian des Amazones, autrement dict orelana, que quelques uns par abus
tienent pour le fleuve de Maragnon & au deçà fe veoitle Heuve oronico, &
d'autres grandes rivieres; & le golfe, ou l'eftroit de Paria, qui eft le paffage
entre l'ifle de la Trinité & laterre ferme avec les bouches de la Sierpe,
& del Drago, comme ils furent nommés par le premier Admiral, lors qu'il
s'y trouva en grand danger à caufe du combat & de la terrible rencontre
des eaux douces avecles falées, ce que au paravant luy eftoit incognu. &
c'eft icyque la marée commence à eftre fort haute jufques au deftroit de
Magallanes, continuant par apres de mefme forte tout le long de la cofte
- de Peru, & de neuf Efpagne.
P E R v. -
-
large, & dequatre en quatre lieues des baftimens fomptueux & magnifi
ques, qu'ils appellent Tambos; or c'eftoyent des tavernes , ou n'y avoit
pas feulement provifion de manger & boire, mais auffi d'habillemens,
& à chafque demye lieue de hommes en pofte , pour addreffer les
lettres, & commiffions de main en main. La deuxiefme voye alloit
par la plaine, fuyvant la cofte, large de vingt & cinq pieds entre deux
murailles de la hauteur d'un eftage , de Piura jufques à Chile »; ou
Perà ne ci- les deux chemins s'accouplent en un. Or il faut noter, que par le
: Perù on n'entend pas toutes les Indes Meridionales , mais feulement,
ne de comme eft dict,depuis S. Françoys de 2uito , qui eft foubs la ligne E
*ib. quinoctiale , jufqu'à Chile», qui eft hors du Tropique , revenant à
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fix
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1 - - - i -
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D E S I N D E S O C CIDENT A L E S. 5I
fix cens lieues en longueurs & à cinquante en largeur, jaçoyt que devers
les Chachapoyas ilyait plus. Le tout fe divife en trois parties : affavoir, la
plaine, qui eft fur la cofte de la mer, n'ayant que dix lieues au large, & en
quelques endroits encore moins ; puis les montagnes & vallees, qui en
peuvent avoir vingt; & finalement les Andes, qui font montagnes & fo
refts,auffi d'environ vingt lieues : & eft remarquable, qu'en fipetit in
tervalle de 5o. lieues, diftant egalement & de la ligne,& du Pole cepen
dant ya fi grande inegalite & difference , qu'il pleut quafi continuelle
ment enl'une de ces parties; & en l'autre, fçavoir en la plaine , quafi ia
mays; & en la troifiefme, affavoir en celle du milieu, ou font les monta
gnes, parfoys il pleut,& par fois ne pleut point ; car elle a fon efté & fon
hyver, comme l'Efpagne. or la caufe pourquoy il ne pleut point fur la
cofte, & pourquoyil pleut fi continuellement es Andes,vous a efté dicte
au commencement de cefte hiftoire.
C H A P. XV II.
D ES C R I P T I ON -
&tante & deuxdegrés, qui font fur un grand cercle la diftance de 1686. .
lieues : il y a comme cinq cens bourgeois ; & y refide la Cour , pour
adminiftrer la juftice : car le Gouvernement eft à la charge du Vice
roy. Parcillement s'y tienent les Officiers de l'impofition, & de la
gabelle du Roy, & l'Eglife Cathedrale de ceft Evefché , qui eft fufra
gan à l'Archcvefque de los Reyes : trois monafteres , de Sainct Domi
nicq, de Sainct Françoys, & de noftre Dame de Grace : & en fon
tcrritoire huictante fept bourgades d'Indiens. jadis eftoyent en la .
place, ou la cité eft fondée, des grands logis , edifiés par le Roy To
paynga , & par apres ennoblis & enrichis par fon fils Guaynacapa,
portans le nom de Quito, que la ville a retenu. Elle fut peuplée par
le Capitaine Sebaftien de Belalcazar jadis foldat du Seigneur Fran
çoys Pizarre homme leal & fidele au Roy , fuyvant l'ordonnance
du Prefident Diego de Almagro : qui le conftitua Gouverneur de
ceftc Province , lors qu'il y alla apres avoir achevé le combat
& liquidé la queftion, qu'il avoit contre le Sieur Pcdro de Alva
rado. -
Iaen.
La cité de Iaen, 55, lieues de Loxa, & 3o. de los Chachapoyas , fut fondée
-
l'an
D ES I N D E S O C C I D E N T A L E S. J3
comme generalement tous ceux, qui vont à la mer du Sudfont moindres ***
que non pas ceux qui fe rendent en celle du Nort,car ils font plus pres de la merdu
la mer,& pource ont la courfe plus roide,veu qu'ils tombent du haut des
montagnes. Les Indiens fe fervent de plufieurs inventions pour les paffer; :
en aucuns endroictsils ont des gros cables, avec un panier, auquelle paf Comment
fager fe met, & le tirent outre autre part fe trouve l'Indien à cheval, :
qui allant furun radeau de paille fait monter le paffager en croupe pour le per,
tranfporter à l'autre rive. des autres ont une grande rets de courges, ou de
coloquintes, fur laquelle fe met la perfonne & les marchädifes, & cux at
tachés avec des cordes vont nageants & tirants, cõme des chevaux d'une
caroffe & mille autres pratiques pour paffer les torrens.Le port de laville
eft pres d'ielle,car la bouche du fleuve eft large de façon que les marchan
difes y entrent,& puis fe tranfportent à 9uito par terre.L'an 1568fe pcupla
laville deCaftro par le Capitaine Gontero, en la vallée de Vili, du temps que Cftre
Lope Garcia de Caftro Gouverneur des Royaumes de Perû'(or Vil eft
* aux quartiers de Bunigando, Imdinono,c Gualapa, qu'on appelle la province
des Efmeraudes)&fortit ledictGötier de Guayaquil pour la defcouverte de
3 CeS
-|
54 D ES CR I PT IO N -
Les haures Sur la cofte de ce Domaine font les haures, ifles,& poinctes fuyvan
: tes. La rade de Sardina, devant le Golfe de Saint laques qui eft d'environ
*. quinze lieues de la poincte de Manglares au Sud, puis celle des Matthieus a
pres, le Cap de S. Francfo, & puis los 9uiximies , qui font quatre fleuves
devant le Portete; ou les noirs qui furent fauvés d'un naufrage fe font con
joincts avec les Indiens,ybaftiffant une bourgade. S'enfuyt le Paffao, qui
eft une poincte, ou port des Indiens, par ou l'on dit que paffe la ligne, ne
diftant guerre des monts de 9ueaque, & le golfe de Carà , qui eft devant
Puerto viejo au premier degré au delà de l'Equinoctial: & à cinq lieues de
là le de S. Laurens, aupres du quel eft l'ifle de Plata, & plus outre les
c*
haures de Calo, & Calango; puis la poincte de S. Helaine » au fecond degré,
comme la riviere de Tumbe& au quatriefme : aupres duquel fe voyt l'ifle
de la Punà, & celle de S.Claire plus avant en la mer. Et à quinze lieues
de Tumhez vers le Sud,fe veoyr cabo Blanco & tout tenant la poincte de Pa
rina; & au Sud, l'ifle de Lobos, à quatre lieues du fufdict port de Payta ; puis
la Sila devant la poincte de l'Aguja, ou de l'aiguile, & le port de Tan
-
- . " . ' .
gora.
Legan d - Les gens du pays difent, qu'ancienement y vindrent par la mer fur des
*:* pieces de bois attachées l'une à l'autre des grands perfonnages, qui depuis
**"* legenouil au piedfurpaffoyét la grandeur ordinaire d'un homme, & qu'i
ceux firent des puys tres profonds en des rochers, qu'on y veoit encor'au
jourdhuy avec de l'eau douce & frcfche, aupres de la poincte de S. He
laine, qui eft chofe admirable : & pour ce qu'ils s'abandonnerent à des
enormes & horribles pechés, le feu defcendit du cicl, & les confuma tous :
& encor à prefent fe trouvent des trefgrands os d'hommes en ceft en
droict, & des pieces de machoires de quatorze onces.comme auffi pareil
-
lement
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 55
lement en la neufve Efpagne, au territoire de Tlafcala. D'avantage au
pres de la mefme poincte de S. Helaine , font des veines & fources de
gouldron, qui eftfi parfaict, qu'on en pourroit calefufter,& eft fort chaud
quandil fort de fes minieres.
C H A p. XVIII.
Ancerna.
la riviere de Cauca, eftant du Gouvernement & Diocefe de Popayan, mais
foubs l'Audience du Nouveau Royaumeseft forr fubjette à l'efclat de la
tonneresfans bled,ne troupeaux quelconques fut fondée par le Capitaine
George Robledo à la charge dc Laurens de Aldana. Ceux cy font auffi
mangeurs de chair d'hommes,& vont tout nuds, n'ayant point d'idoles,
ne point de devotion en rien qui foit : l'airy eft chaleureux, & fubject aux
foudres, la terre produit de l'or en quelques lieux. -
:
COIltICC
- D E S I N D E S O C C I D E NT A L E S. 57
contrée fe deminuent journellemét, à caufe de leur inhumanité & cruau
té;car ils ont en plufieurs quartiers des boucherics publiques d'hommes
captifs.L'affiete de la ville eft au cömencement de la vallée de Neyua,lieu de L'inhuma
trefchaude côplexion, pres des Indiens Paezes, & Pixaos, quifont aufli Ca arédeces
ribes.j'avoys oublié à dire, qu'il y a unq colline non loingde la ville, d'ou indiens
l'on tire la pierre aimant.La cité de Guadalajarade Buga, 15 licues de Popayan
au Norteft, eftant foubs la Cour de Quito, & quät au fpirituel foubs l'Eve- Buga
fché de Popayä. La cité de S.Sebaftiend'Argent(enEfpagnol,detaPlutayfur les ssette" -- »
bornes de ce Gouvernemët, 35. li. de Popayan,&3o. de Santa Féau Sudoeft,
eftät de la Diocefe de Popayan. il y a beaucoup de mines d'argent, & en fa
contrée 24.regimcns ou villages; & eft diftant 3 lieues du haure de Onda,au
grand fleuve de Madaleine, auquel fe defchargent ceux qui vienét de Carta
gena.fa fituatiö eft aupres du fleuveGuali, en une plaine, qui eft fort fujette -
au tremblement de terre,& en hyver plus toft chaude que froide. La race
des lndiés de ce pays s'amoindrit terriblemét, pour ce que les Caribes, qu'õ
à dire du Coin les devorët,&en tienét des boucheries
:
publiques,fans qu'on y puiffe remedier. la ville fut peuplée par le Capit.
Belalcazar. La cité d'Almaguer, 2o lieues de Popayan au Sudeft, fertile de Ang*
froment, de mayz, & d'autres femailles, & de troupeaux, voire auffi d'or. Le
Capitaine Alfonfo de Fuenmayor la peupla, par l'autorité de Brizegno,
Gouverneur & luge de Popayäzelle eftaffiffe fur une colline, qui eft en la plai
nel'airy eft fraiz, & les gés vont veftus d'accouftremës de cotton.S.Ian de Tru- Truxilo. .
xilo,autrement dict, mfince,3o. li. de Popayan au Sudeft. La cité de Madrigal, ***
autrement Chapanchica,35 de Popayan tirant vers le Sud, terre tres afpre, qui ne
donne du fromët, ny ne nourrift des troupeaux,quoy que en fajurifdiction on
cueille le mayzdeux fois l'antàgrãd'peine pouroit on pacifier ces Indiës pour
l'afpreté du lieu or en ccfte cité & cn celled'Almaguer, cõme auffi encelled'A-Agreda.
greda, font des mines d'or. Agreda, qu'on appelle auffi Malaga, eft diftant 45.
lie. de Popayanau fudoeft.La cité de S.Iandes Prez,ainfiappellée pour lesbel-s.Iuan de
les prairies d'alentour,eft diftät 5o.li. de Popayan, quafi au Sudoeft; & pareille-**
ment 5o de 9uito, quafi au Norteft, au 1.deg. de la ligne eftant de la Diocefe
deQuito; &quät à la terre,fertile de mayz & d'autres vivres, avec des minieres
d'or, & l'air de bonne cõplexion,& enfa contrée 24ooo. Indiés,gens louables,
qui ne font parCaribes;quoy que laids de vifages,fales,& fimples du temps de
leurPaganifme ils n'avoyent point d'idoles,& croyoyët que de cefte vie on al
laften un lieu plus plaifant.Entre Pafto,& Popayan paffe le fleuve, qu'on appelle
Caliente,ayant de l'eaufort douce & delicate:&outre le fleuve eft la montagne
en laquelle Gonfalve Pizarre allafuyvät le Viceroy Blafco NuñezVelai & juf
ques au fleuve Angafmayo, qui eften cefte province,s'advança le RoyGuayna
capa.Paffé le fleuve,ya une mötagne, de celles que les Efpagnols nöment Vol
canes, qui fume toufiours terriblement; & du vieil temps (comme les Indiens
racontent)fe creva.Les Filofofes,voulans dcclarer d'ou procede la continua-gge font les
tion de ces flämes & fumees au deffoubs de la terre, difent, que comme il y a Volcane &
des endroictsfoubs la terre,ayāts la vertu d'attirer à foy la matiere des vapeurs, :
& la convertir en eau, d'ou procedent les fources & fontaines d'eaux vives;que
femblablement ily a des endroits,attirans les exhalations fcches,& chaudes,
qui fe convertiffent en flamme & fumée, & que par la violence d'iceux ils lan
cent quant & quant de la matiere groffe, qui fe convertit ouen cendres, ou en
pierres. mais pour retourner à noftre propos, il ya à S. Iande Paftos des mona
fleres de S. Dominic, S. Françoys, & de Noftre Dame de Grace, c'eft un pays
froid,& neantmoins abondant de vivres,& de diverfes efpeces de fuccre, & dc "
H fruicis
-
- D ES C R I P T IO N
fruicts du pays,& de Caftille. Quand le Capitaine Laurens de Aldana la
peupla, qui fut en l'an du Seigneur 1539. il la fit nommer Vilaviciof de
Pafto, c'eft à dire, ville delicieufe au regard des pafturages : elle eft diftant
4o. lieues de la mer, devers l'ifle Gorgona.
Antioquia Aprefent font defpeuplées, ou pour le moins grandement diminuées
Neyua. en cefte province, la cité d'Antioche, & laville de Neyua, en la vallée de
2Neyua,2o. lieues de Timanà:& ce pour la cruauté des lndiens Paezes, &
Pixaos,& pour les catanipos de la vallée de Saldaia : comme auffi la cité de
s.rincente. S. Vincent des Paezes, 6o. lieues de S.Iuan de los Llanos,aux confins de Popayan,
Los Angeles.
fondée par Domingo Lozano; & la cité de los Angeles, diftant 22. lieues de
Tocayma, & 9. de ZNeyua.
Le p, En la cofte de cefte province, qui eft fur la mer du Sud, apres le Cap de
eapic poin. Corrientes, qui eft à cinq degrés par deça la ligne, s'enfuit le fleuve de Sali
: nas, entre ledict Cap,& l'ifle de Palmas qui eft à quatre degrés & un tiers
* " & de là jufqu'à l'ifle Gorgona plufieurs fleuves, qui rendent le pays fort
paluftre, & entre autres celuy de S.Ian, à la bouche duquel gift l'ifleGorge
na, qui peut avoir deux lieues au contour; ou le Sieur Françoys Pizarre
fut abandonné de fes gens,avec treize compagnons. En apres le fleuve de
S. Lucar, & de Nicard devät le fleuve de Zedros;qui eft à 2.degrés de la ligne
Equinoctiale,comme auffi l'ifle du coq,(en Efpagnol del Galo)puis le haure
de Croix; & la poincte de Manglares; ou commence la cofte de 9uito.
,, On ne fçait pas grand'chofe du Gouvernement de los 9uixos, & la Ca
clan nela, finon que de la fituation d'iceluys qui eft à l'Orient de Quito , & en
la.
partie au Midy,vers le Gouvernement de Iande Salinas. il y a trois peu
plades d'Efpagnols, avec un Gouverneur, que le Viceroy de Peru y en
voye; mais au regard du fpirituel, la charge en eft à l'Evefque de Quito.
c'eft une contrée afpre & montagneufe, fans blé, peu, ou point de mayz,
avec des arbres, qui reffemblent à la Canelle.La premiere villette eft Bae
za, 18 lieues de S.Françoys de 9uito, quafi au Sudeft. ou eft refident le Gou
verneur. La cité de Archidona, 2o. lieues au delà de Baeza. La cité de Aui
la au Nort de cArchidona. . -
: des en trois manieres: la premiere, en pepins, qui font des pieces entieres
de pur or fans meflange d'autres metaux, qui pour ce n'a befoing d'eftre
affiné ou purgé par lefeu : ces grains font quafi comme des pepins de ci
trouille; mais on n'en trouve gueres en cefte façon, au regard de l'autre.
Il fe trouve auffi en des pierres, en forme de quelques veines ; comme on
cn trouve des grandes au Gouvernement de Ian de Salinas toutes percées
* d'or,& d'aucunes que la moitién'eft rien qu'or, qu'on trouve en des puys,
- & minie
-
-
P*de caen
P"de Guarmei ,
La barranca
P"de Gaura
**
Arnedo
*,
Los
Reyes
-
- o Canete
y7 bolo -
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fa*lelavivria
*° V\L vileaneta
de \
\, \ \
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à
à . *à
R. del nombre
del Alde
59
& minieres, & tel eft fort penible à le bien preparer. Finalement, on le
trouve, & le plus fouvent, en poudre; affavoir en des rivieres, & lieux,
par ou les torrens ont paffé & ya plufieurs de ces rivieres aux Indes Occi
dentales, qui nous donnent de l'or ; & fpecialement aux Royaumes de
Chile,& de Quito,& au nouveau Royaume de Granade.Au commence
ment de la defcouverte de ces pays en eftoyent auffi plufieurs es Ifles dc
Barlovento. Le meilleur, eft celuy de Carabaya Peru, & de Valdivia en -
. - *.
que le grand Capitaine
H2 l - . - ... ' don
, -
Go 1D E S C R I P T I O N .
don Pedro de Alvaradovenant avec fes gens d'armes de Guatemala fe
pourroit faifir de la cofte, luyalla couper le pas de la mer, & y baftit cefte
ville, pendant que le Sieur Diego d'Almagro luy alla refifter es provinces
de 9uito.Pres de la cité au Levät paffe un fleuve, d'ou toutes les maifons &
jardins prenent de l'eau,efquels jardins font de beaux fruicts du pays & de
Caftille la complexion de ce quartier eft la meilleure du monde;n'eftant
fubjette nyà la famine, ny à la pefte,fans pluyes, fans tonnercs, fans fou
dres, fans efclairs, mais toufiours le ciel beau, & ferain. En cefte ville fe
tient le Viceroy & la Cour Royale,une Chambre de Baillyfs de Cour, les
Officiers du threfor Royal , le tribunal de la faincte & generale Inquifi
tion, qui pour l'augmentation de noftre Saincte Foy Catholique,& Reli
gion Chreftienne fe fonda au mefme temps & faifon, que ccluy de neuf
Efpagne, eftant Inquifiteur general en ces Royaumes le Cardinal don
Diego de Efpinofa Euefque de Siguenza.Il y a d'avantage l'Vniverfiré en
laquelle doctemét s'enfeignent les fciences & des Efcoles pour enfeigner
diverfes langues des Indiens en quoy s'acquitent merveilleufemét les pe
res de la Compagnie de Iefus, à l'advancement de la predication de l'Euä
ile. En outre y eft l'eglifeMetropolitaine, que recognoiffent les Evefques
de Chile, Charcas, Cuzco, 2uito, Panama, 2Yicaragua, & du fleuve de la Plata: il y
a trois paroiffes, & r. monafteres, des 4 ordres,& de la Compagnie de Ie
fus,& 2 de Nonnains.Colao, qui eft le haure de la ville en eft diftant 2.lie.
grand, beau, & fpacieux ilya par raifon de maifons,un Baillyf & la mai
fon de gabelle ou de la douane,une eglife,& un cloiftre des Religieux de
S.Dominic. on aveu fouvent icy mettre levin ou l'eau dans la mer cn des
flafcons pour rafraifchir; de quoy fe peut inferer que la mer Oceane a la
vertu d'attremper & rafraifchir la chaleur exceffiveplufieurs affeurét que
- dedans la ville font r2ooo. femmes de toutes nations, & 2oooo. noirs.
- La ville de Arnedo, en la vallée de Chancai, 1o.li. de los Reyes,& demie de
la mer,ayant un monaftere de S.Dominic, riche de vignobles fut fondée
Santa. par le Contede Nieva.La ville de la Parilla, autrement Santa du nom de la
vallée ou elle eftaffiffe,55 li. de los Reyes,& 15.de Truxilovers la mer,&pres
d'un bel & grand fleuve, avec un bon haure,au 9.deg auquelles vaiffeaux
Truxillo. allans au long de la cofte de Perû,vienët aborder.La ville de Truxilo en la
vallée de Chimo,que projetta dó Diego de Almagro,& apres fonda le Mar
quis Françoys Pizarre,l'an 1533.eft riche de vignobles, & de fruicts de Ca
ftillc,& de froment, car toute la terre de fa contrée jouyt de l'arroufemét,
qu'avons dit cy deffus, elle eft faine,& produit des grãds orägers,& nour
- rit grande poulaillerie. Elle eft affiffe fur7.deg & , 8o.li. de Lima,pres de
la mer avec des cloiftres de S. Dominic, S. Françoys, S.Auguftin,& un de
noftre Dame de Grace, & y font les Officiers Royaux, quc le Viceroyy
pourvcoit.Au territoite d'icelle font environ 5oooo.Indiés tributaires di
vifés en 42.repartitions. le port en eft diftant 2 li. en un fein de la mer qui
eft defcouvert & fans defenfe, mauvais & dägereux.Laville de Miraflores,
Miraflores.
qui fignifie voy le fleurs, au val de Zana,95.li.de los Reyes, vers le Nort, & à la
mer. La cité de Chachapoyas, ou S.Ian de la Frontiere, environ 12o.li. de la cité
de los Reyes, auNorteft,& a un monaftere de noftreDame de Grace,&de
Cordeliers,ayant en fa cótrée blé mayz,& lin,plufieurs mines d'or,&plus
de 2oooo.lndiens tributaires, qui longtemps firent grande refiftence aux
Ingas pour la confervation de leur liberté, en fin furent par iceux vain
cus; &une bonne partie, pour les affujettir du tout, tranfportés a Cuzco,&
placés fur un tertre, qu'on nöme Carmenga.Ces Indiens font les plus blancs,
& les mieuxapprins de toute l'Inde, & les femmes les plus belles. En cefte
province entra le Marefchal Alfonfe d'Alvarado l'an 1536 par commāde
-
IIlcIlt
-
D ES IN D E S O C C I D EN T A L E S. . 6r
ment duMarquis Françoys Pizarre,& l'affujettit, & peupla ladicte citéen
une place forte,appellée Leuanto, mais apres elle fe träfporta à la province
de los Guanca. La cité de S.Iaques des Vallées ou Moyobamba,plus de 1oolie.
de los Reyes, quafi au Norteft, & 25 deS. Iande la Frontiere, eftaffiffe en une Santiagode
cõtrée * pluvieufe,& pleine de tous beftails.Lacité de Leon de Guanuco, lo
Joli. de la cité de los Reyes au Nort,pres du chemin Royal des Ingas,allant , ,
un peu à l'Oriét. il y a des cloiftres de S. Dom.,S.Françoys,& de la Grace, Guanuc.
& en fa marche 3oooo.Indiens tributaires.l'an 1539.pour la guerre, que le
Tyran Yllotopa fit à cefte province,le Marquis Françoys Pizarrey envoya
le Capitaine Gomes de Alvarado, qui la fonda: apres elle fut abandonnée,
& derechefreedifiée par Pedro Barrofo. Apres la bataille de Chupas, le
LicentiéVaca de Caftro envoya le Capitaine Pierre de Puelles pour en a
cheuer l'affiete & fortification.l'endroict de fa fituation eft fain & abondät
en victuailles&troupeaux, ayant des mines d'argét,& lesgens civils, qui y
font grand amas * ils ont apprins de cultiver la terre: mais au
paravant iln'eftoit point de nouvelle en ces Indes ne de fromét, ne d'orge,
ne de millet, ne de panicle,ne d'aucune femence de pain,cõme en Europe;
feulemét ils cognoiffoyét quelques fortes de grains, & racines, dequoy le
principal eftoit le mayz qu'on trouva quafi par tout.mais apresavoir goufté le
bled,incontinent ils l'ont trouvé bon & feméen beaucoup d'endroicts.Car le
mayzne donne pastät de fubftance nyde nourriture &et plus chaleureux cö
bien qu'il engëdre du fang,&croift fur des rofeaux portâs un ou 2. efpics.Vray
eft qu'cn aucuns quartiers les Caftillans en mangent par faulte de fromcnt.
- La citéde Guamanga, ou S.Ian de la Victoire, 6o.lie. de Lima, au Sudeft,au che
Guamangs.
min des Ingas, de l'Evefché de Cuzco.il ya quelques monafteres de S. Fräçoys,
S. Dominic,& de noftreDame degrace, & un de Nônains, & en fa marche, qui
eft richedefromët, de vin,& de mines d'argent,font plus de 3e ooo. lndiës tri
butaires:fut fondée par le Marquis Franç. Pizarre l'an 1539. du premier abord
il la colloqua enune bourgade d'Indiens,appelléeGuamanga,pres de la grand'
Cordillera des Andes,&y laiffa pour Lieutenant le Capitaine Françoys de Car
denas: en apres elle fe changea à la place ou elle cft encor aujourdhuy,affavoir
en une plaine pres de quelques petites mötagnes à la partie du Midy pres d'un
ruiffelet de bonne eau. En cefte cité font les meilleures maifons de Perù de
pierre & tuiles. le lieu eft falutaire fans que le Soleil, ne la froidure, ne l'hu
midité, ne la chaleur foit exceffiveton veoit en la contrée des grâdsedifices, &
grandemët differens des autres, que les Indiens racontent,avoir efté baftis par
des gens bläcs & velus, qui yvindrent devätles Ingas. La plus part des gens de
ce pays font Mitimaes, c'eft à dire,tranfportez, car la couftume des Ingas pour af
feurer leur Empire eftoit de prendre les gens, defquels ils ne s'ofoyent fier,
d'une province,& les placer en une autre. Guamanga eft diftant 6o.lideCuzco
&au chemin font lestertres & plaines de Chupas,ou Vaca de Caftro,& dóDie
gode Almagro le jeune cöbatirent & plusavant au chemin Royal font les e
difices de Vilcafen Andabayla 11.li. de Guamanga, que fut le centre de l'Empire
des Ingas, ou eftoit legrand temple du Soleil.or la province des Andabaylas eft
longue,nourriffant plufieurs beftails domeftiques, & livrant beaucoup de vi
ctuailles&d'icy on vient au fleuve de Abancaytirant 9.li plus avant vers Cuz
co: aupres duquel Diego de Almagro le vieil mit en route & print prifonnier
Alfonfo de Alvarado General du Marquis Françoys Pizarre.S'enfuyt le grâd
fleuve de Apurima,à huict lieues de l'autre : puis la montagne de Vilcaccnga,
ou ledict Grand Capitaine Almagro gaigna une grande bataille contre les
Indiens, avant qu'il print Cuzco : & tout aupres eft le val de Xaquixaguana
petit & eftroit cntre deux routes de montagnes ; ou le Prefident Pierre la
Gafca moyennant laprendhommie,force, & valeur, de ces fideles Capi
- -
H3 taines,
- D ES CR IPT I ON
taines, Ynojofa, Pierre de Valdibia, Gabriel de Rojas,Alfonfe d'Alvara
do, & autres, defquels ferà parlé particulierement en fon lieu, defconfit &
print Gonfalue Pizarre. or de cefte vallée à la cité de Cuzco font 5 lieuest
on y amaffe grand' quantité de froment, & ya beaucoup de troupeaux. .
C H A P. XX.
queft de Coca, avec des indices & mines d'or, d'argent,& de vif-argent : & gu'eft ce
font en tout 1ooooo. tributaires. Or tous les Indiens de ces quartiers :*
generalement fe plaifent fort à tenir quafi toufiours en la bouche des ra
cines, rameaux,ou herbes & le plus fouvent de la coca.car à ce qu'ils difent,
elle amoindrit grandemét la faim & donne grand'vigueur cn la machant
toufiours, mais c'eft plus toft une mauvaife couftume & un vice hereditai
re. On plante la coca, & en vienent des petits arbres, qui eftant cultivés
& entretenus foigneufement donnent du fruict, comme le myrthe, qui fe
feiche en des paniers, puis fe vent, & en font du grand argent. . -
M A R D E .L S v R*
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tp"de mexil :
1B.d.S*clar
o
Sanmiguel
O
Santiage
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D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 65 .
vallée de Chuli, & Tambopala, & el Deylo, & Tarapaca , richcs & fertiles,
avec des bonnes mines d'argent. Les Indiens, d'aupres de la mer vont
qnerir aux ifles de Lobos Marinos (c'eft à dire, des loups marins)grand'abon
dance de fiente d'oyfeaux fur leurs terres, qu'ils en engraiffent & fument
avec bon fuccés. - , .
C H A P. , XXI.
rcbours
66 D E S C R I P T I O N
rebours de l'Europe: une contrée certes abondante en beftail, & princi
palement de brebis, donnans fine laine. . -
l'argent
D ES IN D E S O C G I D E N T A L E S. 6y
largent de cefte colline, en eft diftant vers l'Occident, environ nonante
lieues. -
A cent lieues de los Charcas fe veoit Santa Cruz de la Sierra, vers l'Orient, sant Cru
de la Sierra,
au chemin qui meine de Charcas à l'Affomtion au pays dufleuve de la Plata,
jufques à ouya trois cent lieues de chemin. Saincte Croix de la Sierra
qui eft de l'Evefché de Charcas, s'adminiftre par un Gouverneur au nom
du Viceroy. il y a un cloiftre de noftre Dame de Grace: la tcrre a grand'
faulte d'eau, quoy qu'elle foit fertile de blé, de vin, & de mayz. Ioignant
cefte province demeurent plufieurs nations d'Indiens infideles , & plu
fieurs d'iceux ont receu le Baptefme. Le premier, qui leur enfeigna la
religion, fut un Soldat Efpagnol, qui pour quelque delict s'en eftoyt fuy
entre eux iceluyvoyant la neceffitéd'eau qui les preffoit terriblement,fit
une grande croix, & les induifit à l'adorer avec devotion,& à prier pour
de l'eau ; & Dieu par fa mifericorde les ouyt, & donna des grandes plu
yes. L'an 156o.fortit de la cité de l'Afenfion (qui eft au pays du fleuve de
la Plata) le Capitaine Nuflo de Chaves à la detection de quelques pays,
& venant à Saincte Croix apres avoir defcouvert plufieurs contrées, fes
gens retournerent ; mais luy eftimant, qu'il ne pourroit eftre loing de
Perû, continua jufqu'à la cité de los Reyes ou alors le Marquis de Cagne
te eftantViceroy, le feit Lieutenant de fon fils don Garcia de Mendoza,
& luy donna la charge de peupler cefte cité, jaçoit qu'il fut forti du
fleuve de la Plata , en intention de defcouvrir les provinces de Do
rado. -
Sur la cofte de cefte Cour, commenceant à dix fept & demy degrés * :
au fleuve de 2Nombre Dios, ou Tambopala, fe veoit le port de Hilo, pres
d'un fleuve, à 18;. degrés, & plus avant au Sudel Morro de los Diablos figni- ceiie cour.
fiant le Rocher des Diables, & le port Arica fur dix neuf degrés, & un tiers;
& celuy de Tacamà au vingt & vniefme ; & au Sud, la poincte de Tarapa
ca; & plus avant le fleuve de Pica, & de la Hoja, & de 7Aontelo, & le port
de Mexilones ; & plus outre la poincte de Farallones, ou euorro oMoreno,
devant le golfe,& fleuve de S. Claire»; & plus avant au Sud, la poincte
Blanca; & le coftau Honda ; & le fleuve de S. Claire » , environ 3o. lieues
de la riviere de Copiapo, qui eft le dernier bout de la cofte de Charcas, & le
commencement de celle de Chile ». -
C H A r. XXII.
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V,
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D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 69
mer du Sud, qui eft la grande & fpacieufe mer , que d'aucuns appel
lent la mer Pacifique, enclofe entre la cofte de la mer du Sud, & celle de
China. -
-
- .
Confines,& de l'Imperiale. .
Il y a en ce Gouvernement onze villes d'Efpagnols, avec un Gouver
neur, fubjet au Viceroy,& à la Cour de Perù, depuis que le Parlement de .
ce pays fut aboly plusy font deux Evefchés, fufragans à l'Archevefque de
los Reyes.En l'Evefché de S. Iaques font quatre villes.La cité de S.Iaques, santiago.
qui fut la premiere peuplacion de Chile, que fonda le Capitaine Pierre
de Valdivia, l'an 1541.à 34. degrés, & un quart de hauteur, & au 77. de
longitud; diftant de Toledo en ligne droicte 198o. lieues, 1 5. de la mer,
& Io. outre la vallée de Chile, laquelle du commencement fut appellée
Nuevo Eftremo, c'eft à dire,2Nouvelle extremité, ou nouvelle Frontiere. En
cefte ville eft l'Eglife Cathedrale, & quelques cloiftres de Dominicains,
Francifcains, & Carmes :. la contrée fertile de blé, de vin, & d'autres
chofes, & de riches mines d'or; & font en fa jurifdiction plus de huictante
mille Indiens, divifés en 26. repartitions. La cité fe fert du port de Valpa
radis, gifant à l'entrée du fleuve Topocalma, qui paffe tout aupres de la
ville.
Le mefme Valdivia peupla pareillement Serena en l'an 1544.pres d'un Laserena.
beau port. c'eft la premiere ville des Caftillans, à l'entrée de Chile, 6o.
lieues de la cité S.Iaques, quafi au Nort, tirant vers l'Occident, pres de la
mer, en la vallée de Coquimbo, avec quelques cloiftres de Cordeliers, &
Carmes. Il n'y pleut que trois ou quatre fois l'an, & au pais qui eft devant
icelle, jamais ne pleut. Le port, qui s'appelle de Coquimbo, à 32.degrés,eft
un beau fein de mer, ou vienent arriuer les vaiffeaus de Perù. En la pro
vince de Chucuito, qui eft à l'autre cofté de la route des Andes, en terre
tCS
froide & fterile, font les cités dec71endoca,& de S.Iandela
I3 cUlX
7o 1D E S C R I P T I O N
tendez, deux peuplées par le Sieur Garcia de Mendoza, Celle de Mendoza, au
parage de S. Iaques, d'ou elle eft diftant environ 4o. lieues de chemin dif
ficile & facheux à caufe de la neige, qui eft es Andes. La cité de S. Ian de
la Frontiere »gift au Sud de Mendoça.
Lui En l'Evefché de l'Imperiale font fept villes d'Efpagnols, affavoir : la
l' imperiale. cité de la Concepcion, à trente & fept degrés de haulteur , feptante lieues
au Sud de la cité de S. Iaques,joint à la mer; fut peuplée par le Capitaine
Pierre de Valdivia, l'an 155o. il y refide le Gouverneur depuis que la
Cour fut caffée, la quelle y avoit efté depuis l'an 1567 jufqu'au 1574. il
y a des monafteres de Dominicains, Francifcains & de Carmelites. Le
ort de la cité eft en un fein de la mer à l'abry d'une ifle. La cité de Vil
: lanueva de los Infantes, ou de los Confines, que peupla don Garcia de Men
*** doza, & le Gouverneur Villegran commanda qu'elle fut appellée de
los Confines : diftant 1 6. lieues de la Concepcion , vers le Deftroit , huict
lieues de la Cordillera des Andes, & quatre de la Sierra, qui va du long de la
cofte : il y a un cloiftre de S. Dominic, & un de S. Françoys. Les In
diens indomtés approchent du territoire de cefte ville, par lequel paffe
le puiffant fleuve Biobio, & quelques autres entrans en iceluy, avec le fleu
ve Niuequeten. -
C H A P. XXIII.
qu'on
72 D E S C. R I P T I O N
qu'on n'a pas navigué à prefent : & au52. degr. le golfe de S.Lazare ayant
aux deux coftés fix canaux ou rivieres grandes & larges, allans dedans le
pays, qui auffi n'ont pas efte finglées jufqu'à ceft heure : finalement un
Archipelago, ou grande mer avcc plufieurs ifles, pres de la bouche de l'E
ftroit à la part du Sud, comme on a toufiours dit & creu, nonobftant que
Monf. Richard Aquinas le nie, difant qu'il n'ya trouvé que quatre ificttes,
& une au milieu, ayant la figure d'un pain de fuccre, & qu'au moins elles
font diftantes fix lieues de la bouche de l'Eftroit, & que l'Archipelago en eft
de cofté, tenant auffi pour certain que c'eft ce qu'on pcnfe eftre la terre
ferme au delà de l'Eftroit, & que c'eft un abus dy ccrcher la terre
ferme. -
-" -
-
En quatre cens lieues, que tient la cofte dés la bouche de l'Eftroit juf
qu'au fleuve de la Plata, la quelle s'eftenddu tout Norteft & Sudoeft,font
les caps & poinctes fuyvantes. Le fleuve de S. ILefonfe, à 12.lieues du cap
delas Virgines,le fleuve Galego, le golfe de S.Iaques à 14 lieues du fleuve de
S.Croix au degré5o.& à la bouche d'iceluy une ifle,qu'on appelle des Lions
puis le port de S. Iulien au 49. degrét le fleuve de S.luan Serrano au Sud des
ifles de los Patos, à 47. degrés: lefleuve de Cananorà 45. & le cap de S. Do
minic, devant le Cap des troispointes & la terre des Fumees (ou de los Hu
mos) à 38 degrés. La poincte de S. Helaine , & de S.Apolonia au 37.devant
Cabo Blanco, qui eft à l'entréc du fleuve de la Plata, au cofté de Sud.
Diaz de Solis defcouvrit le fleuve del Plata en l'an 1 515. & Seba- *
- Gabot s'ar.
ftien Gabot Anglois allant fuyvant l'ordonnance de l'Empereur avec *
une armade à la fuyte de celle , que conduyfoit le Commandeur Frere fauve de
Garcia de Loayfa vers les ifles de Malucques; luy eftant advis qu'il ne les : %
pourroit attaindre, delibera des'employeren quelque chofe profitable, *
& fe meit à defcouvrir le fleuve de la Plata, l'an 29. ou il demeura quafi
trois ans de route : mais voyant qu'on ne luy envoyoit point de fecours
pour la relacion de ce qu'ilavoit trouvé retourna en Efpagne.Il avoit efté
bien avant audit fleuve,& trouvé de l'argent entre les Indiens de ces pro
vinces, qu'ils avoyent prins en laguerre contre ceux de Peru, & pour ce
fut appelléfleuve de laPlata, c'eft a dire le fleuved'argent,car il s'appelloit pre
mierement le fleuve de Solis.Ces provinces aboutiffent à la Brefille,joingt
à la ligne de la demarcation : & n'ont point de limites determinés de nul
le part, finon d'autant que lamer du Nort d'un cofté, & d'autre part le
fleuve de la Plata, (duquel auffi toute la terre porte le nom) la borne: or
la bouche de ce fleuve eft diftant environ 16oo. lieues du port de S. Lucar
de Barrameda. -
-
Toutes ces provinces font tresfertiles de froment, vin, & fuccretoutes ranité des
femailles, & fruicts de Caftille y croiffent en abondance & ya des grands pre*nces
dufleuve
pafturages pourtoutes fortes de troupeaux, qui multiplient fans
- & de la Plata.
fpecialement les chevaux : & combien que long temps on n'euft jamais
penfédytrouver des mines d'or ou d'argent, fi eft il qu'àprefent, on en a
-
K
74 D E S C R I P T IO N
veu plufieurs demonftrations & marques, comme auffi de mines de cui
vre, & de fer, & une d'amatiftes fort parfaites & exquifes.Toutes ces pro
vinces font d'un Gouvernement Royal (car tel en eft le titre) fubject par
droict de voifinage au Viceroy de Perûs avec un Evefché contenant trois
villes de Caftillans, & grand nombre de gens du pays, qui font grands de
corps & de belle tailleor voicy les villes qu'il ya. La cité de noftre Dame
L'Affomp
tien.
d'Affomption, la premiere & capitale ville de cefte province, eftät à la hau
teur de 25.degrés & demy, fut fondée par le Capitaine lan de Salazar, au
nom de MöfieurPierre de Mendoza le Gouverneur.fa contrée s'appelloit
, au paravātGurambare, delaquelle la Brefille eft efloignée à la main droicte
28o.lieues & Ciudadreal,(c'eft à dire cité Royale, que les Indiens nomment
Guayra) qui eft en la mefme jurifdiction, en eft diftant 8o. lieues; & la cité
de la Plata 48o.vers Peru, qui eft droict à l'Occident du fleuve de la Plata;
& la cité de Santa Cruz de la Sierra, que peupla, cõme eft dict,Nuflo de Cha
ves,28o.au Sud, vers l'Eftroit de Magallanestou ilya des grands & riches
pays. or la ville eft efloignée 3oo.lieues de la bouche du grand fleuve de
Plata,ayant la rivierc de Para ay, à l'Orient, & environ 4oo.bourgeois E
fpagnols,& plus de : engendrés d'iceux audict pays, lefquels ils
appellent meftifz.En icelle ville refide le Gouverneur, & les Officiers du
Roy,& la Cathedrale, qu'on nomme l'Evefché de la Plata, eftant fufraga
ne à l'Archevefque de los Reyesor auterritoire de cefte ville font plus de
4ooooo. Indiens, multiplians de jour enjour.
Ciudad .
real.
Cité Royale , qui fe nomme auffi ontiveros, fut fondée par le Capitaine
Ruidiaz de Melgarejo,8o. lieues de l'Affomtion,au Norteft vers labrefille,
aupres du fleuve Parana, en une cótrée fertile de vivres & de vignes,abon
dante de cuivre, ayant grãd nombre d'Indiens qui multiplient journelle
ment. En ce fleuve de Parana,non loing de laville fe veoit unfaut d'eau,
que perfonne n'y ofe approcher par terre à 2oo. pas, à caufe du grãd bruit
de l'eau,& des brouillars qui en vienent esblouiffans la vœue auxgens,ne
par eau n'y ofe approcher barque ou naffelle d'une lieue, de peur que
la violence des eaux ne l'emporte audict faut, qui peut avoir la lon
gueur de 2oo. toifes de rochers taillés ; eftant auffi le lieu & le cours des
fi eftroit, qu'il femble à veoir, qu'on le pourroit paffer d'un traict
*2lI'C.
-
Buenos ay
1'5,
Bonnes-airs jadis abandonnée & à prefent derechef peuplée quafi au
mefme endroict, en la province des Morocotes fur la riue du fleuve de la Pla
taterrefertile, en laquelle proviennent abondament toutes chofes de Ca
fille & fe peupla l'an de Chrift 1535. par le Gouverneur don Pedro de
Mendoza qui acheva de defcouvrir ce que Gabot avoit commencé. Or
tous ces pays generalement font en la plaine, ayans cy & là, mais peu de
petites collinesexceptélesCordilleras ou la route des montagnes, qui peu
vent avoir environ 2o. lieues fur la cofte de ces provinces, devers la Bre
fille; & en apres vont tout a l'entour de ces Indes jufqu'au fleuve de Ma
ragnon. -
Les havres, Ilya fur la cofte de ces provinces depuis la Brefille jufqu'au fleuve de la
& poindes Plata,à ce qu'on fçait 5. ou 6 havres raifonnablement bons. Le port de S.
deceftecofte.
Vincent à 33 deg. vis à vis de l'ifle Buenabrigo, fur laquelle paffe la ligne de la
demarcation:& 6 lieues de là au Sud, le fleuve Vbay puis le port & l'ifle de
la Cananea fur 35. deg & plus oultre le fleuve de la Barca devant le port de
Bahia ou fleuve de S.Françoys. puis l'ifle de S.Catherine,autrement nommée
le port de Vera, ou de Pates : & 2o. lieues plus avant au Sud, celuy de don
Rodrigo; .
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 75
Rodrigo; & à 29. une ifle. à cinq lieues de là,Puerto Cerrado ; & à quinze
Riopoblado & d'icyderechefautant à Bahia honda, fignifiant le gofe profond
puis le fleuve Tiraqueri à trente deux & demy degrés, au deça du Cap de
S. c74arie , affis fur 35. degrés, à l'entrée du fleuve de la Plata. . -
Ce fleuve s'appelle par les Indiens Paranaguazù, & ordinairement Pa- Rio de la
rana, ayant fa bouche à la mer du Midy du 35.jufqu'au 36. degré entre les **
deux caps, fçavoir de S.Marie » à l'une riue,& Cabo Blanco à l'autre , qui
font diftans entre eux comme 3o. lieues à la largeur de l'iffue du fleuve,
ayant en iceluy plufieurs ifles, & plufieurs grands & puiffans fleuves, qui y
vienent entrer tant du Levant, que du Ponant,jufqu'au port de los Reyes,
qui eft un grand lac (on l'appelle le lacde los Xarayes) peu moins de 3oo.
lieues du fleuve de la Platas dedans lequel fe viennent rendre plufieurs
fleuves & torrens venans des Andes & eft à croire que ce font les fleuves,
qui fourdent au pays de los Charcas & de Cuzco, tirans vers le Nort : or du
Nort vient entrer audict lac un grandbras de la mer; qui a donné occa
fion de penfer, que ce fleuve fe mefle avec celuy de S.Iuande las Amazones
des autres difent qu'il fort du lac de Dorado, qui eft diftant de ccftuy cy
quinze journees : quoyque plufieursfont d'opinion qu'il n'y à pas de lac
cn Dorado. -
C H A p. XXV.
V1ere
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|| DESCRIPCION DE LAS INDIAS
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D E s IN D E s O C CIDENT A L E S. 77
viere & le port Trénado, ou arrivent lesvaiffeaux, qui vont en cefte naviga
tion: & le fleuve de Canamun à 134 degrés. Le fleuve delas Cuentas, ou de
S.Auguftin à 144, le fleuve delas Virgines à 16. Puerto feguro à 17 le fleuve de
la Parayua à 2o. degrés non loing de Santi le fleuve Genero pres de
:
S.Sebastient & Cabrofio au 23. degré, par deça S.Vincent.
C H A p. XXVI.
du Ponant font appellées toutes les ifles & terre ferme, que con
I*
tient la demarcation de la Couronne de Caftille & Leon, vers l'Occi
dent d'icelle demarcation; la quelle, comme eft dit cy deffus, à l'autre co
fté du Monde paffe par deffus la cité de Malacqueayant a l'Orient & vers
la neuve Efpagne la grande mer du Sud, & des ifles fans nombre gran
des & petites , & plufieurs pieces de coftes & terres fermes,qui font
comprins foubs le nom des ifles de l'Efpecerie , ou qualucques, ifles Fi
lippines, cofte de China, ifles de los Lequios, Iapones, cofte de la nouvel
le Guinea, fles de Salomon, & de los Ladrones. Le temperament de toutes
ces ifles & terres generalement eft humide & aucunement chaleureux,
fertile de vivres & animaux ;. ayant quelque peu d'or, mais de bas a
loy, rien d'argent, beaucoup de cire , les gens differens de couleur , la
plufpart comme les Indiens, les uns plus blancs, les autres noirs, ou
bruns.
Les Malucques, ou les ifles de l'Efpecerie, qui fe nomment ainfi à raifon, fesduMa
que d'icelles viennent toutes les efpeceries de poivre, cloux de giroffle, la
canelle, gingembre, noix mofcate, & maftic, de quoy on ufe en l'Europe,
font en grand nombre, mais il y en a cinqplus fignalées en ladicte mer
eftans bien petites deffoubs la ligne,au 194 degré duMeridien de Toledo,
enclofes foubs l'hypoteque, que autrefois engagea l'Empereur Charles
V. au Roy de Portugal pour 35dooo. ducats. La premiere s'appelle Ter
renate ,de huiçt, ou neuf lieues en rondeur, ayant un havre, qu'on appel
le Talammagamme : en icelle regna Corala, qui fe donna pour Vaffal du
Roy de Caftillc, quädles nefs demeurées de l'armade de Magallanes trou
verent ces ifles. L'ifle Tidore en eft diftant une lieue vers le Sud, ayant
1o. lieues au contour : celle de Matil ou c7Autier n'en a que quatre, & gift
deffoubs la ligne: & à trois lieues au Sud,Maquian, ayant fept lieues de cir
cuit:& dix lieues au Sud d'icy Batan, ou Baquian ayant 2o. lieues en la cir
conference. En celle deTidore regnoit Almanzor , qui auffi fe donna
pour Vaffal du Roy de Caftille, luy envoyant lettres d'hommage, par la
main de Ian Sebaftié de Cano,natifde la Ville Guitarca, qui eft en la pro
vince de Guipuzcoa : lequel partant de Tidore l'an 1522. rencontra l'ifle
de la Zamatia, & montant jufques à bien pres de 42. degrés de l'Antarcti
que, arriva à l'ifle de Santiago de Cabo Verde; & de la vogua par mer jufqu'à
K3 -
Seville
7s D E S C R I P T I O N
Seville fur la nefVictoria, yayant employé peu moins défept mois depuis
l'ifle Tidore ». Batian eft la cinquiefme de ces ifles,femblable aux autres,
en laquelle demcuroyent des Mores & payens, ne cognoiffans pas l'im
mortalitéde l'ame. Et quand la nef de Fr. Garcia de Loayfa arriua en
Tidorey regnoit Rajami aagé de 13.ans, lequel fit de nouveau hommage
au Roy de Caftille: pareillement auffi le Royde GilolonomméSultan Ab
derra Memjamj; & le confirmerent par ferment.
Gilolo eft une ifle deffoubs la lignc, diftant 4 lieues des fufdites, ayant
2oo. lieues au contour, fans Efpeceries. L'ifle Ambon à trois degrés & de
my, au Sud de l'ifle de Gilolo, fans Efpecerie. les ifles de Bandi à 4.degrés
dc la hauteur Auftrale, ou fe cueille la noix mofcate , & le macis : puis
Burro à l'Occident de Ambon : & Timor au Sudoeft de Bantam de cent
lieues ou environ, fans Efpecerie, mais abondante du bois de Santal.
Zeinda 5o. lieues de Timor au Nortoeft, de 4o. lieues au contour, livrant
trefgrande quantité de poiure. Oultre plus la fpacieufe ifle de Celebes, &
Borney qui mefmes la furpaffe en grandeur, vers l'Eftroitde Malacque, le
quel eft entre la terre ferme & Zamatra, jadis appellée Taprobana. Il y en a
encor plufieurs autres,tant grandes que petites,au Sud de Iava mayor, qui
eft la grande, & menor, qui eft la moindre pareillement au Nort vers la cofte
de China. Les Portuguefes tienent un fort en l'ifle de Terrenate; & en la
cité de Malacque à l'entrée de la grande mer , qu'ils appellent Archi -
elago. , -
-
Les Filippi
- fes Ifles Filippines font une grande mer de 3o. ou 4o. ifles grandes,
fans beaucoup d'aupres petites, jointes par enfemble depuis le 6. jufques
au 15. ou 16. degré de la hauteur du Nort, cn moins de 2oo. lieues de
longueur du Nort au Sud, & Ioo. de largeur, entre la neuve Efpagne, &
le golfe de Bengala,& font efloignées du port de Navidad qui eft en la neuf
ve Efpagne, environ 17oo. lieues. Le temperament yeft raifonnablesfer
tile de viures, & fpecialement de ris, & quelque peu d'or, qui eft de bas
aloy : en aucunes de ces ifles fe trouve l'arbre de la canelle, & du long
poiure. Lesgens y font de bonne taille, & ceux qui fe tienent plus avant
au pays font plus blancs, que les autres qui demeurent pres de la mari
ne : il y a des bons havres, & de la matiere affés pour des vaiffeaux.
Les noms des ifles plus fignalées font ceux qui s'enfuyvent. 7Aindanao
la plus grandc & la plus au Sud, de cent lieues en longueur, & trois cens
en rondeur, terre rabboteufe, & neantmoins abondante de mayz, cire,
ris, gingembre, & aucunemcnt de canelle, ayant quelques mines d'or,
Buenas fe avec de bcaux haures & rades. L'ifle de Bonnes enfeignes, ou S. Ian, ap
nales.
prochant de Mindinao du cofté d'Orient, s'eftend vingt lieues en lon
gueur Nort & Sud. Behol à 1o.lieues de Mindanao vers le Nort,de 19.lieues
en longueur.L'ifle de Bugla,oudes Noirs(car les Noirs y demeurent)au mi
lieu de la grande mer vers le Soleil couchant , de 4o. lieues en lon
gueur, Nort & Sud , & quatorze de largeur ; on y trouve fur la co
fte quelques perles. L'ifle de Zubu, au milieu de toutes les auttes,
de trente lieues en longueur Nort & Sud, & en icelle une ville d'E
La ville de fpagnols , qu'on nomme la ville de Iefus , au Levant de l'ifle , ayant
Iefu. bon port, fans encore quelques autres en la mefme ifle ; que defcou
vrit le Capitaine Ferdinand Magallanes, l'an 152o. le Roy fe donnant pour
vaffal du Roy de Caftille.Peu au paravant ilavoit auffi defcouvert les ifles
des Voiles d'Efpagne (ou de las Velas Latina) car ces gens au lieu de voi
les vfent de mattes de palme à la façon d'Efpagne. or de Zubu fortit
-
ledict
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 79
ledict Magallanes avec le Roy, pour faire la guerre au Roy de Matan, en Ferdinand
de Marall
une ifle pres de Zubu, au cofté de Sudou il fut tué par la trop grande con :
fiance qu'il avoit eu de foy mefme. fes Compagnons pourfuyvans leur enl'flede
voyage vers les ifles de l'Efpecerie, defcouvrirent 9uepindo , Pulvan, & Matan
Burney qui eft une grande ifle, riche & abondante en ris, fuccre, chevres,
porcs, chameaux (mais il n'ya point de froment, ny des afines, ny des bre
bis)au refte bonne quantité de gingembre, camfre,myrobalans,& autres
drogues.Pareillement en l'an 1527 furent autrefois defcouvertes ces ifles -
Au long dc la coftc font plufieurs ifles, mais la plus part à nous inco
gnues.Au contour de la cité de Nanqui fe veoit le cap de Lampo, les ifles
d'Aueniga,
D ES IN D E S O C C I D E NT A L E S. 81
De l'un cofté donc les Iapons confinentavec China, & de l'autre avec
les Filippines, d'ou fe practique le commerceavec iceux, les Peres Iefui
' tes travaillans fort à la converfion de ces Royaumes; & y font du grand
fruict. Car dcfia a cefte caufe font ces ifles fort renommées par tout
comme auffi à caufe des Ambaffadeurs de cefte nouvelle Chreftienté au
Pape,& au Roy Filippe II. le Prudent. Or comme la nature à pofé ces
ifles à part, & loing du refte de la terre, ainfi font auffi les gens d'icellcs
grandement en conftumes & manieres differens des autres nations. L'an
1592. Nobunanga, qui fe faifoit appeller Empereur de Iapon , attaqua
une province tributaire à la Couronne de China avec 8oo. bateaux, &
-
-
C H A p. XXV II.
La neuve
Guimea.
A cofte de la nouvelle Guinea fe commence à 1oo.lieues au Levant de
l'ifle Gilolo, au premier degré peu plus par delà la ligne ; d'ou elle fe
va trainant vers l'Orient,par * de 3oo. lieues jufqu'au 5. ou fixiefme
degré de hauteur. on a efté en doubte jufqu'à prefent, fi c'eft une ifle
ou terre ferme, pour ce qu'elle s'allonge tant ; affavoir, fi elle nefe join
-
droit point quelque part au Sud avec les pays des ifles de Salomon,
ou avec les provinces de l'Eftroit de Magallanes. Mais cefte queftion
- fut decidée, par ce qu'en ont rapporté ceux , qui ont voyagé au Sud du
dict Eftroit, que là n'ya point de terre ferme, mais des ifles fans plus : &
que bien toft apres s'enfuit une grande mer. comme a tefmoigné le
Seigneur Richard Aquinas Cavallier Anglois, qui vogua l'efpace de 45.
jours cntre les fufdites iflcs.
Les fes,é, De puis la mer il femble que la cofte de Guinea foit bonne terre les gens
% u'on ya veu font bruns de couleur: & font en la cofte plufieurs ifles avec
* " des rades & havres commodes, defquels cependant on n'a point de par
ticuliere cognoiffance; car on ne les aguere hantés. Ceux qui font mar
quez en aucunes cartes, font; affavoir à 35. lieues à l'Orient de la pre
miere terre , qui eft au premier degré par delà la ligne, le port appellé LA
guada : puis à 18. lieues d'iceluy leport Saint laques & l'ifle de los Crefpos de
16. lieues en longueur, joint à la cofte, visà vis du port de S. André, di
ftant quarante lieues de celuy de S. Iaques. & plus outre vers le Soleil le
vant le fleuve de las Virgines; & puis la Baleine , qui eft une ifle au deça
de la riviere de S. Auguftin, feparée environ cinqante lieues de port de
S. André. & pres de là le fleuve S. Pierre & S. Paul, avant le port de S.
Ierofme : plus une petite ifle pres de Puntaflida, quarante lieues de S.
Auguftins on l'appelle Buenapaz, ou Bonne paix. plus avant l'Abry, & c2/a
legens, qui font des iflettes: & la baye de S. Nicolas à cinqante lieues de
Puntafalida, & entre les autres une ifle de gens blancs : puis la 71adre de
Dios, avant Buenavaya puis la nativité de noftre Dame , qui eft le dernier
qu'on a defcouvert; & quafi droict au Nort d'icelle, l'ifle de la Caymana,
-
dedans
D E S IN D E S O C C I D E NT A L E S.
dedans la mer entre plufieurs autres,qui font fans nombre. La cofte du
Midy nous cft incognue. Le premier qui defcouvrit la neuve Guinea,
fut Alvaro dc Saavedra, lors que retournantvers neuf Efpagne , il s'en
alloit efgaré du chemin par les orages , aprcs que le Marquis du Val
l'eut envoyé de Neuf Efpagne à la rccerche dcs ifles de l'Efpecerie , en
l'an 1527. -
Les fles de Salomonfont diftant 8oo. lieues de Peru. Ce nom leur fut im Les ifles de
Salomon.
pofé pour l'opinion, qu'on avoit de leurs grandes richeffes ; s'appellent
auffi par privilege fpecial ifles du Ponant , pour eftre à l'Occident
de Perù, d'ou auffi furent dcfcouvertes par Alvaro de Mendoza, au
mandement & ordonnancc de fon oncle Lope Garcia de Caftro, Gou
verneur des Royaumes de Peru, l'an 1567. Le premier qui veit de fes
yeux la terre de ces ifles, fut ungarçon appelle Trejo, comme il cftoyt
monté à la gabie d'une nef Elles font afflifes entre & depuis fept degrés
jufqu'à douze, à l'autre cofté de la ligne Equinoctiale, environ 15oo.
lieues de la cité de los Reyes. font auffi en grand nombre & grandes,
mais dixhuict les plus fignalées. Les unes de 3oo. lieues au contour, les
autres d'environ 2ooa & de 1oo. & de 5o. & de moins, fans quelques
unes, voire plufieurs qu'on n'a pas encore du tout coftoyé. On dit
que il pourroit bien eftre, quc ce foit une terre ferme tenante à Guinea,
& aux terres encor°incognues à l'Occident de l'Eftroit.Or toute la cofte
de ces ifles femble eftre de bonne complexion, & fertile de vivres & trou
peaux. on y a trouvé quelques fruicts d'Efpagne, porceaux, poullets, &
grand nombre de gens de couleur brune, comme lès Indiens, des blancs
des rouges, des noirs : d'ou on pourroit aifement croire que ces terres
aboutiffent à la neuve Guinea, & que delà foit venu toute la meflange
de ces gens tant divers & differens, qu'on veoit auffi fe tranfporter aux
- - ,
- ifles de l'Efpecerie. -
Les ifles plus grandes & plus fignalées font, celle de S.fabelle , de 8 juf
qu'à 9. degr. de hauteur, ayant plus de 15o. lieues en longueur, & 18. en
largeur,& un bon havre, qu'on appclle de la Eftrela, on de l'Eftoile.A une
lieue & demye d'Ifabelle au Sud, fe trouve S. George, autrement Borbi, de
3o. licues au contour. S. Marc, ou S.2Nicolas de 1 oo. lieues au contour, au
Sudeft de SIfabelle. & au Sud, l'iffle de Arracifs de la mefme grandeur.Et
à l'Oeft, S.Hierofme de 1co. lieues en rondeur. & au Sudoeft Guadalcanal,
la plus grande de toutes. & au Levant de S. Ifabelle, l'ifle de Buenavista,
cou, de bonne veue, & S. Dimas, & l'ifle de Florida chafcune de 2o. lieues au
contour : & à l'Orient d'icelle, l'ifle de Ramos de 2oo. lieues au contour:
& pres d'icelle Malaita; & Atreguada de trente, & les trois Maries & l'ifle
S.Ian de douze lieues en la rondeur entre l'Atreguada , & celle de S.
Iaques qui eft au Sudde Malaita, de cent lieues à l'entour ; & au Sudeft
d'elle, l'ifle de S. Chriftofle de la mefme grandeur : & S. Anne , & S.
Catherine , deux iflettes joint à la fufdite : & puis Nombre de Dios une
petite iflette, effloignée d'environ cinquante lieues des autres, à fept de
grés de la hauteur : & au mefme parage au Nort d'Ifabelle,font les bancs,
-
L2 . - Les
ID E S C R I P T I O N -
Les Ifles de - Les ifles de los Ladrones, c'eft une route defeize iflettes jointes, qui font
les Ladre
droict auNort du milieu de la cofte de la neuve Guinea, depuis 12.jufqu'à
17. degrés de la hauteur du Septentrion, ouplus, non loing des Filippi
- nes vers le Soleil levant. Le pays eft tout fteril & miferable , fans beftail.
fans metal, peu de vivres, gens pauvres, quoy que bien difpofts, nuds, &
fort enclins au larrecin, jufques à defrober les cloux des navires, lefquel
les y abordent. caufe, que le chef de l'Armarde Magallanes, les appella
los Ladrones, c'eft à dire les Larrons, l'an 152o. quand il y arriva allant à la
recherche des Ifles de l'Efpecerie. Les noms de ces ifles font,l'Inglef, ou
l'Anglofe, qui eft la plus feptentrionale. puis Ota Mao, Chemechoà, Gregua,
Agàn, ou Pagan, Oramagan, Guguan , Chareguan , 2Natan, Saepan, Bota, Volia.
Entre ces ifles & les Filippines font encor 18. ou 2o. autres, qu'on nomme
Los Reyes. de los Reyes, & l'Archipelago, ou les ifles du Coral, & les Iardins, une autre quan
Los Iardi
mes. titéd'iflettes, & Pialogo, ouSan Vilan qui eft auffi une iflette pres de los lar
dines puis celle de los Matelotes, & de S. Ian, ou de Palmas pres des Maluc
ques. Et à la part Septentrionale de los Ladrones, cinq ou fixiflettes join
Volcanes.* ctes, qu'on appelle de Volcanes; oufe trouve grand'abondance de coche
Malpelo. nille en apres Malpelo, qui eft auffi une petite ifle, ot fe trouve du Cinaloes
foit exquis & fin.Al'Orient de los Ladrones, font deux iflettes, qu'on nom
Doherma- me deuxfeurs, & dos hermanas en Efpagnol, à 1o. degrés. & S. Barthelemy à
S.Barthele 14. & plus avant vers la Neufve Efpagne les Bancs, qu'on appelle Miraco
my. movas, & 9uitafueio, ou Catanoduermas, eomme qui diroit en Françoys
S.Martin.
Avfs-vous, & Sans-dormir pres d'iceux l'ifle de S.Martin : & puis S. Paul,
Paul. qui eft une autre ifle avec quelques graviers; & la Poplada, qui eft le plus
à l'Orient vers la Neuf Efpagne.Or en ces ifles de los Ladrones fut auffi Al
varo de Saavedra, l'an 1527. retournant des ifles de l'Efpecerie vers la
neuve Efpagne.
C H A P. XXVIII.
-
La
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 35
La premiere ehofe, que ces bons Roys enjoignirent & recommande
rent bien eftroitement au premier defcouvreur, & de main en main aux
fuyvans,& aux Gouverneurs de ces pays, fut d'y mener& placer des gens
de bonne vie, qui par leur exemple pourroyent inviter les Indiens, & in
citer à la religion Chriftiene, y envoyant tout auffi toft,felon que l'Euan
gile commande, les religieux avec la predication de la Parole, à ce que la
Religion, s'il eftoit poffible, y fut plutoft receue par douceur & amitié,
que par la violence des armes. Pour le deuxiefme, d'adminiftrer la juftice
egalement à tous, petits & grands, de forte que chafcun auroit occafion
de s'en louer. Le tout eft augmenté comme les peuples s'augmentoyent, combien
d'Archeve
de telle façon que par le Zele du fervice de Dieu & du bien des hommes, fhés, Eve
il eft venu fi avant, qu'aujourdhuy fe trouvent fondés en ce Nouveau *
Monde, qui eft poffedé par la Couronne de Caftille , comme vous avezfrenéef
peu entendre par cy devant, cinq Archevefchés, vingt & fept Evefchés, les ilya aux
Indes.
deux Vniverfités ou fe fait profeffion de toutes fciences, plus de quatre
cens monafteres de Religieux des quatre ordres, & des peres de la Socie
té de Iefus, avec quelques cloiftres de Nonnains, des colleges, des hofpi
taux fans nombre, des confrairies, & un nombre infini de curés ou mai
ftrifes d'efchole pour enfeigner la Religion à ces nouveaux Chreftiens,
plus des hermites, & Penitentiers innombrables. Le tout fut commencé
& fe continue encor'à prefent, aux defpens de cefte Couronnefans qu'il
y ait de quoy.Et cependant par la mifericorde de Dieu cefte pieté de nos
Roys va de bien en mieux,toufiours augmentant,à l'honneur & reverence
d'iceluy; de forte que nulle part la religion s'advance & pratique avec
tant de foin & diligente comme efdits pays, par le moyen du Souverain
Confeil des lndes. D'ou fe peut entendre, que la permiffion & Concef
fion Apoftolique & Romaine a grandement advancé la mefme befogne,
declarant les Roys de Caftille & de Leon, Patrons Protecteurs & Defen
feurs Ecclefiaftiques du NouveauMonde.En quoy Dieu noftreSeigneur,
comme qui feul preveoit, & previent toutes chofes àvenir, feit un œuvre
digne de fa haute Majefté car l'experience à demonftré s'ily eut eu quel
que autre forte de Gouvernement, qu'il auroit efté impoffible de l'ad
vancer avec tel& fi bon ordre, qu'il ya en la Religion,juftice, & Gouver
nement, avec telle obeiffance, & repos des fuiets. .
Le Patronnage Ecclefiaftic s'ygouvernetout ainfi, comme au Royau Commentf
me de Granade : le Roy ne prefentant au Pape, que les Evefques, & souverne Patronnage
le
Archevefques, afin que de la main d'iceluyils recoivent ces dignités, & la Ecclefiaftic.
defpeche de fes Bulles; advifant toufiours que ce foyent des gens de let
tres, & religieux de vie. Tous autres benefices & dignités font diftribués
par le Roy, fuyvant l'advis du Grand Confeil, fans aller à Rome pour les
Bulles. Leurs rentes confiftent es difmes, & premices des Efpagnols, qui
y demeurent; car en la plus part de ces Indes les Indiens ne les payent
point ; & ou les difmes defaillent, font foulagées des biens & finances du
Roy. or touchant les difmes, & premices y a plufieurs ordonnances, &
conftitutions , à la maniere des Royaumes de par deça : car il eft rai
fonnable que ceux qui font peuplades & generation de nous autres, fuy
vent nos lois & conftumes. Et combien que les Roys Catholiques, par
la permiffion Apoftolique, foyent Seigneurs & proprietaires des difmes,
& s'en pourroyent faifir, fuppleant ou il y a peu, de ce que autre part eft
fuperflu, fi eft ce qu'ils les laiffent aux Prelats & Eglifes , pourvoyant
neantmoins d'une iperalité vrayement Royale & Catholique, à tou*
L3 es
36 - p) E S C R I D T I O N
les neceffités des Eglifes pauvres, contribuant continuellement à chaf
que Eglife qu'on baftit, la plus grand'part des defpences, avec un calice,
une cloche, & un autel.
Afin que la diftribution de ce qui vient des difmes, & des finances du
Roy qui s'employent à l'entretement des Prelats, Chanoines des egli
fes Cathedrales, Curés, & autres perfonnes, qui s'employent au fervice
divin & à l'inftruction des Indiés, ne foit fans * à la faincte
intention duRoy.font faictes plufieurs bonnes ordonnances par le Grand
Confeil.Premierement, que toutes lesfufdictes perfonnes foyent de bon
ne vie & conftumes louables ; & fpecialement ceux qui s'adonnent à la
doctrine; qui feront premierement examinés s'ils font affés fçavans de la
Theologie,& du langage des Indiens : car la doctrine du maiftre feroit
en vain, quand les difciples ne lepourroyent entendre. & que nul Curé,
ou Docteur ne pourra obtenir deux benefices & afin que ceux qui de par
deça vont aux Indes, foyent tant plus gens de bien, à efté ordonné, que
nulle perfonne Ecclefiaftique n'y peut aller fans le congé de fon Prelat, &
& du Roy, & s'il yfuft trouvéfans avoir ledit congé qu'il foit incontiment
-
renvoyé en Efpagne.
L'auteur Et afin que mieux s'entende la maniere dudit Gouvernement de la Pro
pourfuit la tection Ecclefiaftique,qui appartient à cefte Couronne,partie pour avoir
- mefme ma -
tiere». defcouvert, & acquis le Nouveau Monde, & edifié & beneficié en iceluy
du threfor Royal tant d'eglifes & monafteres, partie auffi par l'Ottroy &
permiffion Apoftolique, qui eft telle que ledit Patronnage, ne partie d'i
celuy,jamais n'en peut eftrefeparé, ny par couftume,ny par prefcription,
ny par autre voye, ou titre:eft ordonné comment les Viceroys, Parlemens,
Gouverneurs & Iuges, aviferont tresfoigneufement à la manutention
de l'autoritéRoyale & puniront grievement les tranfgreffeurs d'icelle.En
premier lieu, qu'il ne fera cöftitué Eglife Cathedrale,ny parrochiale, cloi
ftre,hofpital,ny Eglife votive,fans le confentiment du Roy Que quand es
Eglifes Cathedrales ne feront refidens quatre beneficiés,pourveus par la
prefentationRoyale, & provifion canonicque du Prelat,affavoir d'autant
que les autres benefices font vacans, ou abfens plus de huict mois, quoy
que ce fut pour legitime caufe : ledict Prelat,jufqu'à ce que le Roy y pre
fente quelquun, elife outre ceux qui yfont pourveus & refidensjufqu'au
dit nombre de quatre Clerqs, les plus idoines & fuffifans de ceuxqui
s'offriront ; fans toutesfois que telle provifion leur puiffe ceder en titre,
mais foit remife à l'aggreation & difcretion du Roy : & à telfi que ce
pendant ils n'auront chaife au Chœur, ne voix en Chapitre. Que nul
Prelat ne pourra faire inftitution Canonique, ne donner la poffeffion de
quelquc prebende, ou benefice, que ce foit,fans la prefcntation du Roy
& en tel cas fans aucun delay foit faicte ladicte provifion, & données les
penfions dudict Office. Qu'en toutes dignités & prcbendes foyent pre
ferés les gens fçavants, & ceux qui auront fervi aux Eglifes Cathedrales
d'Efpagne, & qui fe feront le plus exercés au fervice du Chœur, aux au
tres qui n'y auront point fervy. Que pour chafcune Eglifc Cathredale
feront prefefltés au moins un Iurifte Gradué, & un Theologicn tenant la
chaire,avec la mefme obligation que les Chanoines ayans le titre de Do
cteurs & Maiftres en Efpagne puis encor un autre fçavātTheologien,pour
lire laS. Efcriture, avcc encor un Iurifte ou Theologien,pour la Chanonifie
dePenitence,fuyvant les decrcts du S. Concile de Trente.D'avātage, que
tous autresbenefices Curés,& fim ples,feculiers & rçguliers, & les offices
-
Ecclefiafti
D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 87
Ecclefiaftiques, qui feront vacans, ou quiferont eftablis de nouveau ; a
fin que le tout foit executé avec le moins de dilacion, & foit maintenu
en fon entier le Patronnage Royal ; eft ordonné qu'on y procede en la
maniere,ques'enfuit.Que vacant quelque office ou benefice desfufdits,
le Prelat en face la promulgation par edict avec temps & terme convena
ble,& de ceuxqui s'advanceront, apres les avoir examiné, & eftre bien
informé de leur vie, en choifirà deux les meilleurs ; & le Viceroy, le
Parlement, ou Gouverneur de la province en eflirà l'un , envoyant
l'election au dit Prelat , afin qu'il face la provifion, collation, & Ca
nonique inftitution, non en titre perpetuel, mais feulement par voye
de recommandation,jufqu'à ce que le Roy en face la prefentacion,com
mandant en icelle expreffement, que ledit benefice luy foit donné en ti
tre perpetuel, ou que l'inftitution & confirmacion Canonique foit en
titre, & non par provifion. & que ceux qui feront prefentés par le Roy
toufiours foyent preferés, à ceux qui feront prefentés par fes Miniftres
-
& Serviteurs. -
CH A P.
38 D E S C R I P T IO N
C H A p. XXIX.
fe des rentes & biens des EglifesCathedrales,s'il n'y eft auffi refident,
&faifant le fervice. Que les benefices des lndes feront neceffairement
Fondation
conjoints aux Offices. Qu'aux nouvelles colonies & peuplacions des
deshofpi terres nouvellement defcouvertes, pour le premier ferà bafti un hofpital
pour les pauvres, & malades de maladies non contagieufes, lequel fera
pres de l'Eglife.& pour les maladies contagienfes, fera fait un autre ho
fpital en tel endroict, que les mauvais venspaffant par ille c, n'aillentin
fecter le refte de la ville ou village ; & s'il eft poffible, de le baftir en un
lieu haut, car c'eft le plus feur.
Et pour autant, que le Roya eftéadvifé, que lesbiens de ceux qui vie
nent à mourir en ces pays, pour diverfes occafions ne venoyent fi jufte
ment, ou fi toft, comme ilfe debvoit faire, à la poffeffion des heritiers le
gitimes ou par teftament ou fans teftament; dequoy reuffifoit grand
dommage pour les dits heritiers, & les teftamens demeuroyent fans exe
cution ; pour remedier à ces inconveniens, il eft ordonné.Que tout E
Les ordon fpagnol venant en quelque ville ou place de ces Indes, fe prefenterà par
mances tou devät l'Efcrivain du Cöfeil,à ce qu'il enregiftre le nom & furnom d'un tel,
chant les
biens des & le lieu de fa naiffance, afin que venant à mourir, on puiffe trouver fes
maifons
mortuaires.
heritiers. Que le Iuge Ordinaire, avec le plus ancien des Recteurs , &
l'Efcrivain du Confeil, auront la charge des biens delaiffés par les trefpaf.
fés. Defquels ferà faict l'inventaire, en prefence de l'Efcrivain & tef
moings; enfemble & les debtes qu'il avoit, & qu'on luy devoit. Ce
u'il a en or, argent, ou perles ferà vendu, & le tout mis en un coffre à
trois clefs, qui feront en la garde des trois fufdits. Tous fes biens fe
ront vendus à l'encant, que l'Efcrivain mettrà fidelement en regiftre;
& s'il eft neceffaire, ferà conftitué quelque procureur defdits biens. Les
Iuges fufdits feront rendre comte à tous ceux, qui auront eu la procu
ration des maifons mortuaires , & en recouvriront tout le pris qui
s'en pourra faire, & le mcttront fans delay au coffre des trois clefs.
Si le defunct auroit fait fon teftament , & que les heritiers , ou les
executeursfuffent fur les lieus, le luge ne s'en pourra mefler, ny ne
mettrà la main à ces biens , mais feulement il ferà tenu de s'enque
rir, qui ont efté les heritiers d'un tel. Que lefdits Iuge, Recteur, &
Efcrivain, envoyeront à la maifon de Contractation de Seville , tout
ce qu'ils auront amaffé des biens du trefpaffé, declarant le nom , le
furnom , & le parentage d'iceluy, avec la copie de l'inventaire de
fes biens , afin qu'on les delivre à fes heritiers felon l'ordonnan ce,
qui en eft faicte. Que faifant rendre comte à ceux , qui aurour cu
le manicment des biens des defuncts, le tout en particulier foit cn
voyé par efcrit au Grand Confeil des Indes, & deduict bien au net &
clairement. Que les Magiftrats s'informent foigneufement , fi ceux
qui
D E s 1 N D E s o c c I D E NT A L E s 89
qui ontgardé lefdits biens, y ont fait aucune fraude , ou preiudice,
& en envoyent la raifon au Grand Confeil. Que les tenans feront com
te, & payement aux Iuges fufdits. Que le comte fe fera tous les ans,
& fera livré au Gouverneur du pays le regiftre des trefpaffés de chaf
u'année, & de leurs biens, afin de les envoyer à Seville, pour cftre
livrés à leurs heritiers, & accomplir les teftamens, de telle forte &
façon, & fi entierement, comme il eft raifonnable. Qu'en chafquun
des Parlemens fera un Iuge ayant la charge des maifons mortuaires, à
fçavoir l'un des Auditeurs fuccedans l'un apres l'autre , depuis le der
nier venu jufqu'au plus ancien, chafquun à fon tour ; qui envoyera par
toute la jurifdiction fes Commiffaires à prendre comte de ceux , qui ont
quelques biens en garde:& fi paradventure il y euft en ce quelque non
chalance, font enchargés les Auditeurs de prendre eux mefmes la char
e defdits comtes,au temps que fe font les vifitations; voire mefmes plus
toft,s'il ya quelque plaincte,.
D'avantage eftans les Roys informés, qu'il y avoit aux Indes plufieurs Touchi les
Efpagnols mariés, ayans delaiffé leurs femmes en Efpagnedequoy oultre
ce que c'eft un grand peché contre noftre Seigneur , s'enfuyvoient auffi
des grands inconveniens à la peuplacion de ces pays. Car ces gens n'y
demouroyentpoint pour toufiours, & pource ne s'adonnoyent pas à e
difier,planter, labourer,femer, & à femblables chofes, comme il eftoit re
quis pour l'augmentation de ces provinces; ce qu'ils auroyent fait, s'ils y
euffent demeuré avec leurs femmes & enfans, comme il eft feant à des
bons bourgeois.Voulant donc les Roys remedier à ces abus,fut ordonné;
que tout chafquun es dits pays, eftant marié ou promis en mariage en
Efpagne, ferà tenu de cyvenir vers fa femme, fans pouvoir retourner aux
Indes, finon avec elles, ou avec fuffifants tefmoignages de leur trefpas.
Cefte ordonnance à efté faite pourtous les Royaumes du nouveau Mon
de, & renouvellée par diverfes fois, & commandé de l'executer rigou
reufement .
Or procedant peu à peu les Roys Catholiques, depuis l'an 1492. qui Office
Du Saina
de
qui fut le commencement de la detection du Nouveau Monde, d'y efta l'Inquifitiô.
blir un gouvernement fpirituel, comme il vous a efté deduict; le Roy Ca
tholicq Filippe II. du nom, appellé le Prudent, pour amener ledict gou
vernement fpirituel à plus grande perfection, & l'eftablir & affeurer
confiderät qu'entre tous les benefices, que les Indiens ont receu, nul n'eft
à comparer avec l'Euangile qu'on leur annonce, lequel y eft fort advancé
confidcrant donc la grande grace, que Dieu leur a fait, par la cognoif
fance de noftre Foy Catholique; & qu'il eftoit befoing de grand foin &
diligence pour conferver en la mefme religion & devotion finguliere
mcnt les Efpagnols, quis'y font tranfportés, & ont avec tant de travaux
advancé & exalténoftre Foy Catholique, comme bons Chreftiés & vrais
enfans de l'Eglife: voyant auffi que ceux qui fe font fouftraits de l'obeif
fance de la Saincte Eglife Catholique, Apoftolique, & Romaine, eftans
obftinés & endurciz en erreurs & herefies, font toufiours leur debvoir
d'abufer les fimples Chreftiens, & de les abbreuver de leurs faulfes opi
nions, femans par tout des livres defendus, dont noftre Saincte Religion
a receu grand dommage. Et fachant par fi longue experience, que le
meilleur moyen d'y obvier, eft de feparer la communion des perfonnes
heretiques chaftiant leurs erreurs, felon la difpofition des Saincts Ca
nons & Loys de ces Royaumcs, qui par ce (grace à Dieu) ont
*oyen efté
D E S C R I p T. I O N
efté prefervés d'une fi dangereufe pefte, & s'en preferveront encor, Dieu
aydant : afin que ce Nouveau Monde , ou les Efpagnols ont donné fi
bon exemple de Chreftienté, & les naturels n'ont pas efté abufés par
des herefies erronnées, ne foit infecté par des nouvelles herefies. II a
femblé bon à fa Majefté, par advis du Cardinal don Diego de Spinofa,
Evefque de Sigonce, Inquifiteur General de ces Royanmes, perfonna.
ge doué de finguliere prudence & vertu, & de plufieurs bonnes qua
lités (à raifon dequoy le Roy fit election de la perfonne d'iceluy, afin
qu'il luy aydaft porter la pefante charge de tant de Royaumes & Sei
gneuries)par advis auffi du Confeil de la S. Inquifition,& du Grand Con -
feil des Indes, de mettre par l'autorité des Parlements d'iceux pays un
Confeil du S. Office à c7iexico pour les Regnes de la neuve Efpagne , &
du refte des Indes Septeptrionales ; & un autre en la cité de los Reye,
pour les Royaumes de Perû, & fes adherants , qui font les Indes Me
ridionales: afin d'advifer feulement aux Efpagnols & autres nations, qui
s'y font tranfportés, & non encor aux Indiens ; de forte qu'il n'y eut
point d'appel efdits pays, finon au Grand Confeil , refidant en ladite
Cour; comme il fe pratique par deça. Et afin que tout ce que deffus,
fortift fon accompliffement, l'an 157o. le 16. d'Aouft en Madril, furent
par le Roy Filippe II. dict le Prudent foubfignées lettres d'expedition &
d'autorité, à ce que les Inquifiteurs Apoftoliques, qui à prefent & à
l'advenir feroyent conftitués pour chaftier les heretiques & apoftats,
enfemble avec les Officiers & Miniftres de ladite Inquifition ( qu'on
alloit planter en la cité de 7lexico & de los Reyes) defalors executaf
fent & ufaffent de leurs Offices & provifions Royales.commandant que
don Martin Enriques, & don Francifco de Toledo, Viceroys & Capi
taines Generaux des Royaumes de la neuve Efpagne, & de Perù, en
femble auffi les Parlemens, Juges, & Gouverneurs, & toute autre pep
fonne de toutes conditions & qualités, fiffent toute affiftence & faveur
audict Office. or furent conftitués Inquifiteurs & Officiers, ceux qui
feront dits cy apres.
C H A P. XXX. .
longue. -
Que le Prefident, eftant lettré, aurà fa voix es affaires du Gouverne- Du Pref
ment , grace, & faveur, vifites, & refidenccs, & non cn plaidoyés, afin *
qu'il foit plus libre à la direction du Confeil; & s'il n'cft point homme
de lettres, qu'il n'aurà point de voix, finon en cas degrace, faveur, & .
Gouvernement: qu'il pourra affembler le Confeil en fa maifon. qu'il
tiendra memoire des affaires.que ceux du Confeil ne pourront fe joindre
en focieté avec les plaidoyans. Et pour autant qu'il fembla neceffaire Du Fifal
d'avoir un Fifcal audict Confeil, fut ordonné, qu'il auroit tout autant de
falaire,que les Confeillers, qui luy delivrent les memoires & defpeches de
fon office,à ce qu'il aye foin de fçavoir, comment s'executent les affaires
des Indes. qu'il luy foyent donnés les papiers, cayers, & inftructions ne
ceffaires à fon office; qu'il voye les vifites, premier que le Confeil ; qu'il . . - --
tiene livre des Capitulations, qui fe traictent avec le Roy ; & un autre -
auquel foyent enregiftrés les plaidoyés Fifcals. qu'il ne delayera point
les plaidoyés, & qu'il ne lesferà longs. que fes requeftes, ou celles qui fe
ront prefentées à l'encontre de luy, fcront interinees, ou refufees, felon
que le Confeil trouverà bon. qu'il tiendrà livre de tout ce qu'on aurà
deliberé touchant les caufes. qu'il porterà foin de fçavoir lcs Officiers,
qui n'auront envoyé tous les ans leur rapport au Confeil. - - L'Inftituti3
Eftably que fut le Confeil, chefde toute la Police, & plufieurs autres
2 COIl
D ESC R I PT IO N
conftitutions, que je paffe en filence; il eftoit auffi neceffaire dreffer par
toutes les provinces des Indes, l'adminiftration de la juftice. Voulant
donc le RoyCatholicq pourvoir au bié commun de ce Nouveau Monde,
afin que fes fubjets demandans juftice la peuffent obtenir ; & defirant de
procurer le fervice de noftre Seigneur, enfemble le bien, profit, & foulas
des peuples à luy fubjets, felon qu'un Roy eft tenu devant Dieu & les
hommes,s'il fe veut acquiter de fa charge; commanda d'eftablir aux In
des les Parlemens & Chanceleries Royales fufdites, avec lesftatuts & or
donnances, qui leur font baillées, afin que les miniftres facent leur de
voir , & la juftice foit adminiftrée, & les peuples en obtienent le bien,
qu'ils en pretendent.
Le Parle
Le premier Parlement, qui fe fonda, fut en la cité de Santo Domingo en
:* Efpagnole, avecun Prefident Lettré, combien que maintenant à caufe
* de la guerre c'cft un homme d'armes, ayant le titre de Capitaine Gene
ral, & quatre Auditeurs, portans des baguettes comme Baillyfs & Pre
vofts; qui prénent la cognoiffance du civil, & du criminel en cas d'appel,
& à la premiere inftance en ce qui touche la Cour. Mais quant au Gou
vernement de la Cour & de tout fon refort, iceluy eft du tout à la charge
du Prefident lequel eft à ceft heure le Sieur Antoine Ofoire.
Parlemée Le fecond Parlement fut fondé en la cité de Mexico en la neufve Efpag
* ne, & y fut Prefident Nuño de Guzman, lequel n'eut point d'autorité,
pource qu'il n'y eftoit que par provifion. Le Parlement eftant changé, y
fut envoyé pour Prefident le Sieur Sebaftien Ramirés, qui avoit de mef
mes eftéPrefident à Sandomingo. iceluy eut entre fes mains le gouver
nement des Royaumes, & la fouveraine puiffance, & y laiffa les ordon
nances touchant la Cour & lajuftice, comme ils font encor aujourdhuy.
Ce Prefident eftauffi Viceroy quieft àprefent le Conte de Monterreyil
a huict Auditeurs pour cognoiftre les caufes civiles,& en cas d'appel cel
les de la police & des Prefectures que le Viceroy pourveoit. il y a trois
Prevofts Criminels; & deux Fifcals, l'un du Civil , l'autre du Criminel.
Le Prefident prouveoit quelques Bailliages,& autres offices, & les aides
des defpences en acquit des debtes, & les places vacantes aux reforts de
la neufve Efpagne, &de Galice exceptés les benefices,qui fe referuent
pour le Roy.'
, Le tiers Parlement, fut celuy de Panama en Terre Ferme : à la quelle
dramama fut donné ce nom de Terre Ferme, pource, que c'eft le premier endroict
que les Efpagnols allerent peupler apres l'Efpagnoles & comme ils difoy
p, ent communement, qu'ils alloyent & venoyent de la terre ferme , non
lenom de obftant qu'on avoit defcouvert encor d'autres provinces en la terre fer
* me du Nouveau Monde, toutesfois le nom luy en demeuras & peu à peu
futaboly le nom de Caftilla del oro, que les Roys de Caftille luy avoyent
impofé. Or confiderant, que les charges de Perù s'augmentoyent de
,jour à autre, l'an 1542. ce Parlement fut tranfporté à la cité de los Reyes,
delos Rya. ou le Viceroy(qui eft à prefent le Sieur Louys de Velafco)tient en fa main
le Gouvernement de cefte jurifdiction, & de los Charcas & de Quito.
En ce Parlement de los Reyes font huict Auditeurs , trois Prevofts de
Cour, & deux Fifcals, à la mefme façon qu'à Mexico, refidant en ladite
cité le Viceroy, qui eft Prefident d'icelle Cour, & auffi des deux autres
fufdictes , quand il s'y trouve prefent. il pourveoit tous les Magi
Lerarlemi ftrats des Indiens , qui viennent à vaquer efdictes Iurifdictions.
:* Le quatriefme Parlement fut fondé en la province des Confins, le
quel
D E S I N D E S O C C I D E NT A L E S. 93
quel femblant eftre fuperflu, fut aboly : mais en l'an 157o. fut reftablyen
la cité de S. Iaques au Royaume de Guatemala. il eft en iceluy un Prefi
dét(qui eft aujourdhuy le Docteur Criado de Caftilla)quatre Auditeurs,
avec des baguettes,& unFifcal, pour cognoiftre lescaufes civiles & crimi
neles en cas d'appel, & à la premiere inftance, de ce qui concerne la Cour.
Le Prefident tient en fa main le Gouvernement, & le commandement fur
les Indiens,& prouveoit les Bailliages, & autres benefices temporels. -
-
-
nouveau
Royaumede
noyent expedition fans feaumais croiffant toufiours les befoignes,leur fut c*
donnéfeau & regiftres & yfut fait Prefident, celuy qui l'eft encor'aujour
dhuy, le Docteur Santiago de Verastrois Auditeurs avec des baguettes,&
un Fifcal. or le Viceroy de la neuve Efpagne en a le gouvernement. -
Le neufiefme Parlement eft celuy, qui fut renouvelléà Panama, avec LeParleme
un Prefident, portant la Cappe & l'efpée pour le faict de la guerre, qui ***
eft à ceft heure le Sieur Alfonfe de Sotomayor, intitulé Capitaine Gene
ral de Terre Fermesily a trois Auditeurs avec baguettes, qui en cas d'ap
pel decident caufes civiles & crimineles,& à la premiere inftance en ce
qui concerne la Cour. le Prefident eft Gouverneur du S. -
* le dixiefme
En la cité de SaintIaques, en la province de Chile fe fonda
Parlement , qui fut aboly pour eftre fuperflu ;y envoyant un Gouver
neur dependant du Viceroy de Peru.Pareillement le Parlement iafondé
en la cité de Manilas,es ifles Filippines fut aboly pour la mefme confidera- LeParlents
tion. Depuis peu d'années ily * reftably, avec un Capitaine General ***
(affavoir * Pedto de Acuña)qui en eft Prefident, quatre Auditeurs, & *
unFifcal, de la mefme autorité que les autres deffufdits.Car nosRoysCa
tholiques par advisdu GrandConfeil des Indes s'efforcent toufiours d'un
franc courage à pratiquer ce que eft le plus expedient, pour la conferva
tion & accroiffement des biens temporels & fpirituels defdits pays, fans
fe laffer pour defpences ou travaux quelconques. or chafqu'un de ces
Parlemens afelon la couftume d'Efpagne, fes Greffiers, Relateurs,Set
geans,Huiffiers, & toutes autre forte d'Officiers,qui yfont requis.
M3 C H A r.
94 D ES C R IP T IO N
C H A P. XXX I.
- Indes
D E s 1 N D E s o C CIDENT A L E s 95
Indes de bien & fidelement adminiftrer leur charge. Et pour autant
que journellement s'augmentoit cefte nouvelle Republicque, il fembla
eftre neceffaire, pour le fervice de Dieu & du Roy, de l'ennoblir & au
thorifer d'avantage, en y mettant deux Vicerois,l'un en la neuve Efpagne,
& l'autre en Perù, à ce qu'ils adminiftraffent au nom du Roy, tout ce qui
feroit neceffaire à l'honneur de Dieu & du Roy,& à la converfion & in
ftruction des Indiens, à la perpetuité, confervation,fuftentacion, & peu
placion defdits pays, ce que l'experience à declaré eftre bien & fagemét
advifé.Aux quels Viceroys fe donne fort particuliere inftruction de tout
ce que deffus,& fpecialement leur cft rccommandé, qu'ils tiendront en
protection & faveur le fainct office de l'Inquifition, la maintiendront &
garentiront de tout leur pouvoir afin que par la conformité de Religion,
comme par un lien indiffoluble,foit maintenue la pure & vraye conferva
tion de l'Eftat Spirituel & temporel, qui eft la plus belle, fainc, & faincte
reigle d'Eftat, conforme à la doctrine de l'Euangile.
En outre lesViceroys & Iuges font commandés, de n'avoir maifons ou é)u'eft ce
qui est de
heritages propres, hanter ou marchander,ne fe fervir des lndiens, ne de fendu aux
-
96 D ES CR IPT ION
C H A p. XXXII.
Quant à ce quitouche la guerre, afin que les Viceroys ayent tant plus :
d'autorité, il eft ordonné, qu'ils auront gardes à pied & à cheval, feront grrr
fondre artillerie, & bales, maifons de munition, levees de gens, equiper
vaiffeaux,faire fortifications, & tout ce qui eft requis à la defence de ces
Royaumes;& pour reprimer l'infolence des gensdarmes,tant fur laterre,
comme fur la mer,&de ceuxqui vont es flotes, ordonner à qui en fera la
charge de les chaftier, & contenir en obeiffance, afin de n'avoir aucun ,
competiteur en leur jurifdiction.
N Or
Bayer sche
Staatst ricthek
Mfr - n , n
98 - D Es cR 1PT 1 o N
: Or combien que tout leGouvernement de ce NouveauMonde depen
: de du Souverain & Royal Confeil des Indes, refidant autour de la per.
seville. fonne Royale toutefois d'autant qu'il eft expedient, que les executions
de par delà, ayent correfpondence par deça comme auffi eft requis qu'il
y ait ici, qui porte foin de procurcr l'execution de ce qui cft convenable &
- rcquis à la confervation des Indes: il a cfténeceffaire de mettre en Seville
ou tous les marchans des Indes trafiqucnt,une maifon Royale de la Con
tractation, qui n'entende qu'à la defpeche,& à l'expedition de ces affai
res,& de ce qui en depend,fans que nul autre, ne bourgeois ne Magiftrat,
fe meflc aucuncment en chofe, qui concerne les Indes. Or en effect c'eft
un Tribunal dc grand'autorité, ayant un Prefident (qui eft à ceft'heure
don Bernardino Dclgadillo de Avellaneda)un Maiftre des Comptes,un
Threforier,un Facteur, trois luges eftans gens de lettres, un Fifcal, unRe
lateur,un Prcvoft, des Greffiers,un Huiffier,Geolier, & autres Officiers.
Es ifles Tenerf,& la Palma font auffi deux luges gens doctes, qu'on appel
le les Officiers Royaux ou Iuges des Regiftres; lefquels y font mis à celle
fin, qu'ils facent garder & obferver les ordonnances touchant les impofi
tions, & roolles defdites ifles,& de la Navigation de cefte route. or il y a
auffi pour la maifon deContractation quelques ordonnances, conftitu
tions,& inftructions, comment elle fe doibt gouverner, & exercer fa ju
rifdiction : pareillement pour les Iuges mefmes, quoy qu'on n'y advance
que des gens doctes, qui font tenus en examinant les plaidoyés de fuivre
l'ordre,qui fe tient en la Chancelerie de Valladolid,& Granade.Et pour
ce qu'il appartient principalement auxOfficiers de la dite maifon de C5
tractation de faire provifions & defpecher les flotes & armades, afin qu'ils
fortent au temps convenable; ils s'employent auffi fpecialement en cela,
& à recevoir les flottes qui en vienent, & à mettre engarde l'or, l'argent,
bagues, & autres chofes, qu'ils apportent, avec diftinction de pois,
& aloy, fans rien oublicr, afin d'en pouvoir toufiours rendre comte par
le menu. Toutes ces ordonnances, tant rigoureufes, ont efté faictes afin
que les adminiftrateurs ne vienent à s'abufer, ne les fubjcts à eftre in
tereffés ; comme auffi il fe practique, fuyvant l'intention de ces bons &
Catholiques Roys, moyennant la grande diligence & foin du Souverain
Confeil des Indes. -
-
CATAL O GVE
*Des
P R E S I D E N S, C O N S E I L L E R S,
S E C R E T A I R E S, & F I S C AV L X,
9ui jufqu'au jourdhuy ont fervi, & fervent au Royal
& Souverain Confeil des Indes, depuis la
premiere detection dicelles.
P REs I DENs
* An Rodriguez de Fonfca, Frere du ofrno, qui fut Affiftent en Seville,&
Seigneur de Coca,& Alaejos, Ar- Prefident jufqu'à ce que le Cardinal
chevefque de Rofano, Evefque de feroit retourné de Rome.
Burgos, eftant Doyen de Seville, Don Loys Hurtado de Mendoça Mar
gouverna ce qui touche à la defpe- quis de chlondejar, depuis Prefident
che desflotes& armades des * au Royal & Souverain Confeil de
-
-
Le LicentiéXuarez de Caruajal.
Le Licentié Don Pedro Moya de Le Licentié Alvaro de Loayf.
Contreras,le premier Inquifiteur qui Le Licentié Gutierre Velazquez.
fut àMexico,poury mettre le Sainct Le Licentié Gregoire Lopes.
Office, Archevefque de ladite Ci Le Licentié Don Francfo Telo de
-
Le Licentié Efadero.
Le Licentié Don Diegode Zuiga. SECRETA I R ES,
Le Licentié Lopez de Sarria.
- Le Licentié Enao.
Le Docteur Lope de Baylo. An Coloma. -
Antoine de Eraf.
Le Licentié Pierre Diaz de Tu Le Commandeur Ian de Tbarra.
danca.
Le Licentié Benito Rodriguez Val FISCAV LX.
todano.
Le LicentiéAuguftinAluarez de To
ledo, eftant auffi Confeiller de la
Chambre. L E Licentie Francoys de Vergas.
Le Licentie Prado.
Le Docteur Don Rodrigo Zapata. Le Licentie Martin Roys Agreda
Le Licentié Pedro Brauo de Soto Le Docteur Francoys Ferdinand de
mayor. Liebana.
Le Licentié Molina de Medrano, de Le Licentie Ierofme de Viloa.
l'ordre Santiago , & de la Cham Le Licentie Gamboa.
bre , Commiffaire de cefte hiftoi Le Licentie Lopes de Sarria.
-
de la Chambre. todano. l
te de Nieva. -
Don Loys de Velfo , quitrant le
Le Licentié Lopes Garciade Caftro, Gouvcrnement de Neuf Efpagne
Confeiller au Grand & Royal Con s'en alla cn Peru, ou il eft rcfident
feil des Indes , portant lc titre de cncor à ce jourdhuy ; mais pour
Prefident & Gouverneur Gene certaine caufe l'Officc de Viceroy
ral. & Capitaine General defdits Roy
Don Francfo de Toledo, frere du aumcs fut donné à Don Ian Pachero,
Conte d'oropfa , Maiftre d'ho Duc d' falona.
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1ovRNAL & M IR oIR -
- -
To E L A
. NAV I G A T I O N
- AVST R A L E
Du rvaillant &- bien signur
Chef & Conducteur de deux Navires
Concorde & Horne .
Av LEc r Ev R S.
Lecteur debonnaire.
E XTR A I CT
Eftats.
Octroy General pour tous ceux qui defouvriront Nou
veaux Paffages, Havres, ou Terres.
Es Eftats Generaux des Provinces Vnies à tous ceux qui les prefentes ver
L* liront,fàlut: Soit notoire que nous jugeants la detection de nou
veaux Paffages, Havres, Terres, & Contrees eftre non moins honnorable &
glorieufe,que protable à ces Provinces en general, & aux habitans d'icelles
en patticulier; dont quelques marchans nous ont fait ouverture par leur
Requefte, fuppliants, qu'il nous plaife en recompenfe des travaux, dan
gers, & defpens, auxquels ils font prcfts de fe difpofer, leur octroyer le
* privilege & preference des fix premiers Voyages aux pays,qui feront par eux
(moyennant la grace de Dieu) defcouverts, defendans à tous habitans de
noftre obeiffance de ne hanter ou frequener lefdits nouveaux Paffages &
Terres, jufques à ce que les fix premiers voyages foyent accomplis : Avons
propofé d'eguillonner & inciter par les prefentes tous habitans de nos
Provinces en general à femblables entrcprifes tant profitables & excellen
tes. Parquoy avons permis, & octroyé, permettons & octroyons par les
prefentes à tous ceux qui dcfaprcfent defcouvriront Nouveaux Paffages, Ha
vres, ou Terres, le privilcge d'y faire les quatre premieres Navigations ;
defendans à tous nos Marchands, Mariniers, & autres habitans de nos Pro
vinces, dy naviguçr ou trafiqucr jufques à ce que lefdites Navigations pre
mieres feront accomplies : fur peine de confifcation des Navires, & Mar
chandifes, qu'ils yauront employees, & d'une amende de cinquante mil Du
cats au profict du premier Inventeur & Defcouvreur: à condition toutesfois
que il fera tenu de nous faire le rapport de toute fa Navigation & du fucces
d'icelle, en dcux fepmaines apres eftrc revenu du premier voyage: afin que
felon les opportunités & diftance des lieux par nous foit defini le terme des
ditcs quatre Navigations premieres. Le tout fans aucunement prejuger, ne
deroger aux octrois par cy devant de nous emanés. Et s'il advenoit qu'en la
mefme annee deux oa plufieurs Compagnies vinffent à defcouvrir les mef
mes contrces, ou paffages, que tous jouirQnt de mefmc privilege: ou fi il en
fourdoyent quelqucs diffenfions * que le tout fera remis à noftre
decifion. Et afin que ceft Octroy vienne à la connoiffance de tous feaux &
bons habitansde nos Provinces, voulons qu'elle foit par tout publiee & af
ficheefelon la couftume ordinaire.Ainfi arrefté en l'affemblee de Trefhauts
& Trefpuiffans Seigneurs les Eftats Generaux à la Haye; 26. de Mars 1614
Signé
IE AN DE BAR N E v E L L E.
Et plus bas
Par ordonnance des Eftats Generaux.
C. Aerffen.
-
(.) 2
AVR I C E TPrince d'Orange, Conte de Naffu, Catzenelle
M| Capitaine General de la Duché de Gueldre, & des Contés de Hollande, Ze
boghe, Viande, Dieft, & c. Marquis de Vere & Fliffingues, Gouverneur &
lande, Vrefffe, Varecht, & overyffel Admiral General du Pays Bas &c.
àtou Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques, & Gouverneursd'Empires, Roy
aumes, Duchés, Republiques, & Provinces, qui les prefentes verront, flut par no
flre Seigneur, apres l'offre de tous fervices, & mitié nonfincfe. D'autant que nous
avons iofiours eftimé, eftre chofe glorieufe & tres utile à noftre Republique ne con
ferver pafeulement l'amitie des provinces : ofnes, mais auffi de contraéter allian
ces avec les nations loingtaines pour le fiât de la trafique de ces pays: Soit notoire aux
Tresilluftres Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques, & Gouverneurs, à qui les
prefentes feront adreffees,que nous en partie pour les caufes ffdicffes, en partie auffi
pour la requefe de noftre cher & bien aimé laques le Maire natifd'Amfterdam,
Capitaine & Prfident de nos deux Navires Concorde, & Horne, & de Guillau
me Cornelis Schouten de Horne Patronde Navire ; leur avons permis & cttroyé,
permettons & cctroyons d'aller aux Empires, & Royaumesde Tartarie, China, Ia
pan, Eft Inde, Terre Auftrale, fles & Terresde la mer du Sud, & es autres (fi d'a
vanture autres en defouvrent) en l'ifle de Rotta, aux paffages de Nort & Sud, &
autresqu'il pourront trouver, pour contracter par tout alluances avec les habitans,
trafiquer, achepter, & vendre toutesfortes de marchandifes, fit de peaux, de foye,
efpecerie, perles, & pierres precieufes ; & de les ameiner & vendre en ces provin
ces, & d'en emporter des autres: le tout avec permiffion & onfentement des Magi
frats. Leur donnans quant & quant par les prefentes charge d'affeurer en qualité
d'Ambaffadeurs lesffdits Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques densftre bon
ne affâtion envers eux, & de offrir à iceux liberalement le fervice de noftre Pays.
Requerans amiablement tous habitans defdits Empires, Royaumes, Havres, & Ra
des, ou leffdict Capitaine, oufon Lieutenant viendrontfargir, de les aider & favo
rifer; promettans de recompenfer largement lefdits benefices, ( jamais l'occfoz
(queDieu doint)fe prefente de les reconnoiftrefit que les Na que les per
fonnes defditspays viennent en nos Provinces. Finalement commandons bienferieufe
mentànoftre dit Capitaine laques le Maire de ne offenfer, ne iniurier perfonne de
quelque eftat ou condition, qu'ilfoit - fftque luy ou les fens fffent les premiers
affili, & contraints de fy defendre. Et en tel cas luy commandons de fe porter
vaillamment, defendre & garentir par tous moyens fes gens,fes Navires, & fes mar
chandfes pour ne dementir le naturel & fanc courage de f Nation; confideré que
felon le droit de toupeuples ileft permis de repouffer violence par violence. Faiit à
la Haye en noftre Cour de Hollande. Ce 13. de May. 61o. signé Maurice de Naf
fau. Et plus bas, Par l'ordonnance defon Excellence Milander, & flott cacheté du
-
IOVRNAL
1o7
I O V R N A L, & M I R O IR
*7D E L, A
N AV I G AT I O N
A V S T R A L E
Du rvaillant é- bien renommé
Seigneur
IA QV E S L E M A I R E,
Chef & Conducteur de deux Navires
Concorde & Horne ,
»
Iu1N.
Le 15. continua le mefme vent, avec beau temps,prinf
mes la route du Pas de Calais, & rencontrames un pe
fcheur de Ziric(é, qui nous dict, que l'entrée de la Vere»
* eftoit à l'Eft fudeft de nous, qui fut environ le midy.
Le 16. du matin le vent s'eftant couché, veimes Doncquerque, & Calais,
paffames le Pas avec la marée, & y trouvames un de nos bourgeois de
Horne; lequel promit de porter de nos nouvelles aux Marchands nos
Maifttres: la nuict flotamcs en ça & en là, pource que levent nous eftoit
Le 17. le mefme vent, que deffus; à raifon de quoy, prinfmes la carrie
re aux Duyns, mouillans l'ancre tout au pres des Chafteauxou furent mis à
terre noftre Batelier Guillaume Schouten, & Daniel le Maire » pour aller à
Douvres loër un Conneftable , qui fut faict & y furent d'avantage em
-
Le 22. ce mefme temps continua, l'air eftant mefme plus nubileux; &
-
C) 2 parcc
ro8 N A V I G A T I O N A v ST R A L E
161 5. parce trouvames expedient d'aller entrer en l'ifle de vvigt ou le Batelier
IuIN.
s'enquerra treffoigneufement, mais en vain,pour loër un Charpentier.
Le 24. le vent demeura Oeft. Le P1 efident avec fes Affiftans, enfem
ble avec lc Commis de la Fuftc Adrien Claf. s'en allerent à 2Nieport pour
la mefme caufe, mais ce fut pourneantfinon qu'ils apporterent quant & --
porter.
Le 29. eftions à 38. degrés, le uent variable ; & furent ce jour, divi
fés 275.fromages à 55. perfonnes, pourtout le chemin..
luILLET.
Le 1.2. & 3. de Iuillet, l'air eftoit pluvieux, & lesvens variables, qui
nous tourmenterent fort.
Le 4. avions le vent de Norteft, & fur le midy la hauteur de 43. de
grés, & 45. minutes. Ce fut le premier jour, qu'on divifa la raifon à ceux
de la Compagnie : affavoir à chafcun d'eux quatre livres de pain , avec
une demy livre de beurre par fepmaine; & un pot de biere d'une mingle
par jour : le tout par provifion. Au foir le vent fe tourna vers le Nort.
Le 5. 6. & 7. le vent variable : au midy avions la hauteur de 4o. degrés
15. minutes.
Le 8. fe tourna le vent Nortoeft, quand nous nous trouvames environ
les Barrels; & mourut ce mefme jour fur la Fufte le fecond maiftre Char
pétier.furent auffi baptifés quelquels matelots, qui n'avoyent jamais paffé
ledits Farrels le defunct mis en la mer à quatre heures apres midy,& def
chargé un coup de Canon.
Le 9.le vcnt fouffla bien fort duNort;& continua de mefme deux jours,
de façon que l'onziefme du matin veimes les ifles de Porto Santo, & Ma
dera.
Le 12. environ les cinq heures du matin veimes l'ifle Salvages, en la
quclle fe tienent quelques pcfcheurs: nous la paffames environ le difner,
l'air eftant beau & ferain, allans plus avant vers les ifles de Canarie »; vei
mes de loing à l'Oeft de nous un navire, que ne fçavions d'ou il eftoit.
Le 13. le vent eftant Norteft, & noftre cours vers le Sud, de bon matin
apperceumes l'ifle Tenerife », & notamment le Pic à l'Occident de nous:
peu apres la grande Canarie , laquelle laiffant à la gauche, paffames entre
deux; eftans ces ifles feparees l'une de l'autre, environ dix lieues d'Alle
magne.
Le 14. du matin le vent fe tourna Nortmorteft, qui nous fit fort advan
cer:au midy eftions à la hauteur de 25. degrés , 4o. minutes ; de forte
-
qu'avions
D E I A Q v E S L E M A I R E. 1o9
qu'avions pafféle Tropique de Cancer.Ce vent cötinua tout le long du jour. 1615
Le 15. l'air plus convert : au midy tous trouvames en l'altitude de 22. lui*r
degrés,4o minutes; de forte qu'avions navigé felon noftre compte 45. lie.
en 24 heures.avant difner apperceumes quelque chaleur, mais elle eftoit
bien à fupporter. au foir tenions la route de Sud quart à l'Oeft, jufques
à l'aube du jour. -
-
la terre. -
Le 28 nos gens allerent querir de l'eau jufqu'à fix fois, & au foir
prindrent une bonne quantité de poiffons , l'air eftant ferain &
beau. -
Le 29. finglerent le Prefident Iaques le Maire , & fon frere Daniel fur
la Fufte vers Refrefo, pourry faire quelque provifion nouvclle de pom
mes d'Orange, & de Limons, à caufe qu'il n'eftoit rien aupres du Cap.
mais ce bon homme de Roterdam, qui eftoit Guillaume Blocq , difant
qu'il n'y avoit rien, la Fufte retournavuide; ce qui nous contrifta gran
-
dement. - -
grands vens. -
- Le 1o. le vent variable. De nuict fut apperceu par nous une Carauelle
allant vers Brefilletafchions de parler à eux mais au matin les avions per
du de veue, par ce que la mer eftoit calme, de forte que nous ne les pou
vions fuyvrc.
Le 11.fur le midy nous trouvames en la hauteur de 9. degrés,45.minu
tes, ayans peu ou point de vent ; la pluye commença à ceffer, & à faire
-
beau temps. -
Le 13. & 14. fumes pouffés par un grand vent de Midy, fans toutes
fois guerres advancer, pour les ondes qui travailloyent par trop de na
Le 16 noustrouvames en l'altitude de 7. degrés ayans le mefmevent,
que deffus & cognumes que toute la mer en ces endroicts eft pleine de -
poiffons.
Le 17. eftions à la hauteur de 7,. degrés, ayants le vent affés favo
rable.Ce jour prinfmes le premier Dorado. or les Dorades font une cfpece
de Brafmes. - -
-
-
Le 18.
I I 2, N AvI G AT 1 o N Av s T R A LE
161 5. Le 18. & 19. tant nous travailla le vent de Midy continuellement fouf
AousT.
flant, qu'il ne futjamais poffible degaigner quelque hauteur. Le Prefi
dent avecceux du Confeil prindrent refolution de fingler vers Sierra Lio
na, craignant que le mefmc vent pourroit continuer encor long temps;
foubs efpoir de nous y rccreer & rafraifchir : partie pour ce que le Scor
but commenceoit à regner parmy nous, partie auffi pour ce qu'il y avoit
apparence de flotter longuement foubs la ligne Equino&iale pour la bon
- nace Au midy trouvions la hauteur de 6. degrés,52.minutes.
Le 2o. d'Aouft fur le midy eftions à7. degrés , continuans le mefme
cours à l'Eft, & Eft quart au Sud, pour aller en Sierra Liona. Le vent e
ftoit Sud, l'eau trouble, & parmeflée de vert & noir. Apres difncr jetta
mes la fonde à 36. toifes,fond fablonneux allans toufiours vers la terre,&
trainans ladire fonde jufques à trouver 3o. toifes, le fond par tout uni,
egal & trouffé: continuames jufqu'à la minuict, & trouvames 2o. toifes.
lors craignans quelque banc tournames vers la mer, & au matin mouil
lames l'ancre à 18. toifes , nous trouvans à l'Occident de Baixos de S.
-
Anna. -
Le 2I. comme le Soleil fe levoit, apparceumes le haut pays de Sierra
Liona au Norteft quart au Nort, environ fix lieues de nous.Vers le Sudeft
ne veimes aucun pays, mais bien vers le Nort ; lequel n'eftoit pas fi haut:
plus un rocher, ou l'ifle dcc71abrobamba vers le haut pays de Sierre Liona:
& pour ce levans l'ancre pretendions dyaller tout droict, ayans le vent
doux & favorable: le fond y eft fi egalement haut par tout, qu'on le peut
fonder 14. lieues ouplus en la mer: paffions outre le Baixos de SAnna fin
glantvers la mer à petit vent,de forte que ne pouvions aborder de jour:
le Soleil fe couchant jettames l'ancre à 5. toifes, ou environ. car la marée
y croift & defcroift environ une toife. Au foir trouvames plus de pro
fondeur vers le Septentrion, & moins vers l'Orient; or lefluxy va Sud &
Nort. -
bord de la mer. -
trames en ladicte riviere environ l'efpace d'une lieue, & veimes qu'cllc 1615.
alloit fort tortue, ayant par tout quafi la mefme largeur; les oifeauxy AousT
chantoyent mclodieufement,& toutes les deux riues cftoyét fort baffes,
fique les arbres panchoyent cn l'eau : apres yavoir cueilly quelqucs Pal
mites,nous retournames bien tard au foir.
Le 24 le Prefident envoya les deuxEfquifs bien montés, l'un deça,l'au
tre de là, pour trouver quelque riviere, ou quelque ifle des Noirs. Le na
-
15. toifes. -
Le 3o. faifans voile avec la maree, ayant le vent Sud, paffames environ
une lieuc plus avant , pour aller vers la rivierc : mais confideré que le
vent nous cftoit contraire, & le village devant nous (car on le voyoit)
jettames l'ancrc. L'eau fraifche fautoit hors dcs rochers devant nos
yeux, & les gens nons appelloyent à haute voix en leur langage
pour venir à terre. A ceftc occafion le Prefident envoya vers
-
-
p * - ' cux
1 14 - N A V I G A T I O N• A V S T R A L E
1615, eux Adrien Claf. Marchand de la Fufte, & Nicolas Ianfon, quiretournerent
luILLET.
avec le Capitaine du village, le Trucheman Emanuel, & un des Negres,
pour accorder & traicter avec nous touchant la provifion d'eau lefquels
prenans en oftage le fufdit Adrien Clef, avec le maiftre Pilote,l'accord fut
tout incontinent faict pourtrois toifes de lin, & une au trucheman pour
fa peine.Tout auffitoft feimes noftre provifion, & troquames d'avanta
ge quelques Corales & coufteaux pour des Limons& Bananes. car il n'y -
brifent.
SEPTEMB
Le premier Septembre eftans rafraifchis navigames avec la maree,
d'autant que le vét en partie fetenoit coy,&en partie nous eftoit contrai
re.Sur le foir jettames l'ancre environ demy lieue du Cap de Sud, nous
tenans vis à vis d'un petit haure, lequel avoit l'entrée comme une riviere,
à 7.& 8, toifes de fond fablonneux, non loing de la terre,& bien pres des
efcueils; mais il ny faifoit guerres bon demeurer.
Lc 2.furent mis à terre une partie de nos gens, pour cercher des Li
mons,& Bananes, ou chaffer quelque venaifon , ou prendre du poiffon.
Puis le Prefident accompagné de fon Frere Daniel,&AdrienClaf. Commis
de la Fufte, s'en alla à terre, afin de parler au Capitaine du village ; d'au
tant que les Negres nous invitoyët, comme deffustoutesfois ils n'ytrou
verent point de maifons, finon feulement trois petites cabanes; fembloit
à veoir, que ç'avoit efté par cy devantun bruflé. C)r cefte
:
oincte nous eftoit du tout incognue, le pays fauvage, plein de bofcages,
& Palmites. Il y avoit aupres des fufdites cabanes du ris & du millet
bien peu, mais fortgrande abondance de Limons, croiffans par cy & par
là: point d'animaux, finon des Perroquets & des Herons. Sur le midy
nos gens retournerent ayans prins des Brafmes, avec une Raye , qui a
voit la queue d'une toife de long. Du foir apporterent un Singe, & un
jeune Antilop, lequel avoit efté prins en un lacs dreffé par les Sauva
ges. or ceft Antilop eft de la forme & couleur d'unc biche, finon qu'il a
la tefte
D E I A Q v E S L E M A I R E. 115
16 1 5,
la tefte & les cornes d'une autre façon. il y avoit d'avantage des SEPTEMB.
beaux raifins, de quoy on pourroit faire du bon vin, fi on les culti
VOl t*. -
P 2
II 6 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
1615. cours vers le Soleil Levant, beau temps,& bon progres. Au midy le vent
SEPTEMB.
fe tourna Nortoeft, de façon que nous nous meimes en la mer vers le
Sud.
lufqu'à la fin de cc mois allames divers chemins & courfes, pour la va
riation des vents. Le 3o. avions la hauteur de 5. degrés.
CcToB.
Le premier d'Octobre eftans les vens variables,faifions diuerfes routes,
& n'advancions guerres veimes une Tourterelle, & le jour precedent une
Merle, ayant les plumes bigarrées, & le bec long comme les Beccaffes &
trois ou quatre Arondelles fe tenans pres du vaiffeau, qui nous faifoyent
, penfer, que ne devions eftre guerre efloignés de la terre.
Le 2. de ce mois les vens cftoyent foibles & variables, l'air inclinoit le
plus fouvent vers le Nort, comme auffi le 3.jour: & de nuict vers le Sud.
le ciel eftoit bruineux, mais environ le foir il s'efclaircit. Au matin le
jour enfuyvant furvint un vent de Nortoeft, qui apres deux heures, s'ap
paifa & l'air mefme devint nubileux & obfcur , qui nous fafcha gran
-
demcnt.
Le 4. au midyeftions à 4. degrés, 3o. minutes. nous demeurames un
temps flotans ça & là, & l'air perfeveroit encores à demeurer nubileux,
peu apres fe leva le vent de Sudfudoeft & Sudoeft, qui fe tourna, & nous
alla frapper droict au vifage,à caufe de quoy delaiffans la carriere de Sud
fudeft, & Sudeft, allames courir vers Oeft, ayans levent plus gratieux,
que jamais.
Le 5. eftions en la hauteur de 4 degrés, 28. minutes, & avions le vent
Sud. Ce jour fut ouy devant & deffoubs le navire, un grand bruict, tel
que ceuxd'embas eurent fort grande peur, cuydans que la neffe hurtaft
contre ungravier ou efcueil: eftans montés enhaut veirent que l'eau e
ftoit toute rouge, ne fachans ce qu'ils en devoyent penfer ; mais lors que
nous fumes arrivés en Porte Defire, nettoyans le vaiffeau, entendimes la
caufe, qui eftoit, qu'un monftre de mer avoit hurté contre la quille de tel
le impetuofité, que fa corne , qui eftoit de la groffeur ordinaire d'une
dent d'Elefant, y demeura fichée ; laquelle rompant ledict mon
ftre par force avoit fi terriblement feigné, que l'eau en devint toute
fanglante.
Le 6.7. & 8. eumes vens variables, & fouvent tranquillité fouvent al
lions en ça & en là, & pleuvoit continuellement.
Le 9. au poinct du jour il y euft quelque petit vent de Sudoeft; nous al
lions Sudfudeft, mais eftant le vent tourné contraire, fumes contraincts
de baiffer les voiles de la hune.
Le 1o.fur le midy eftions à la hauteur de 3. degrés,& un quart ; la mer
calme, & le vent propice, de forte que le chemin fut treftbien advancé:
prinfmes ce jour huict Dorades,& le jour d'hier plufieursBonnites,ce mefme
jour deux bateliers furent mis aux ceps pour s'eftre cntrebatus à coups
de poings.
Iufques au 14. n'advanceames quafi rien, finon d'autant que la marée
nous aidoit, & nous eftoit cependant avis qu'avionsfait un bon traict de
voyage; concluans que eftions plus pres de la cofte de Guinea, que n'euf
fions penfé, & ce principalement à raifon, que nous y veimes tant
de petis Dorades, qui fe trouvent à l'ordinaire cn ce lieu. Ainfi tourna
mes à l'Oeft foubs efpoir qu'en approchant la Brefille trouverions
meilleur vent : comme on a remarqué par certaines obfervations. Ce
jour
D E I A Q V E S L E M A I R E. 117
jour prinfmes tant de poiffons, que il ne fut point befoing de toucher à 1615.
noftre provifion.
Le 15. fur le midy nous trouvames en l'altitude de 2. degrés, 35. minu
tes, ayans le vent Sudoeft. Ce jour nous meimes plus à la pefcherie, que
à la navigation,& non fans caufe: car oultre le grand chemin qui nous re
ftoit encor à faire, l'opportunité auffife prefentoit treftbelle, veu que la
mer y eftoit fi abondante de poiffons, qu'en avions les yeux esblouys,&
en prinfmes tant, que n'en pouvions venir à bout en deux jours.
Le 16. fur le midy avions la hauteur de 1 ;. degré, le temps fec & beau:
ce jour ne fut tiré qu'un Bonnite .. on euft fans point de fauteprins enco
re quelque autres poiffons, mais les Baleines les chaffoyent envoy.
Les jours enfuyvans la mer eftoit calme, de forte que nous nous adon
names à la pefcherie pour paffer le temps.
Le 2o.de nuict paffamcs la ligne Equinoctiale, car le l'endemain eftions
à 3o. minutes au Sud d'icelle; allans quelques fois Sudoeft quart à l'Oeft,
& quelques fois Sudoeft.
Le 21. nous trouvamcs en la hauteur d'un degré, 12 minutes au Sud de
la ligne.
Le 24.le vent changea, fe tournant Eftfudeft, & feit un fi grand orage,
que la carriere fut rompuc. or eftions nous fuyvant la demarcation des
matelots, au Ponanr des ifles de Ferdinand de Loronha.
Le 25. avions la hauteur de 5 .. degrés, route , & vent, que deffus ; le
temps nubileux, meflé de pluycs; mais en fin le vent fe leua plus fort. E
ftans à la hauteur, de 5. degrés, declarames à nos Pilotes,Affiftans,& Cf
ficiers, que noftre intention & commiffion eftoit, d'aller vers la TerreAu
flrales leur feimes lire en la cahute le memorial de 9uiros pour les animer
par la lecture duquel ils s'encouragerent & fe refiouirent treftous, & no
tamment les matelots, defirans veoir & naviguer ce paffage. Ceux qui ne
pouvoyentretenir le nom de la Terre Auftrale , l'efcrivoyent en leur bon
nets avec de la croye, les autres fur des aix, & le refte le marquoyent en
des tablettes, foubs efpoir qu'un tel & fi noble voyage , ne leur pourroit
que tourner à grand louange & profit.
Le 26. fur le midy nous trouvames en la hauteur de 6. degrés, 3o.mi
nutes, ayans le vent Sudeft, & courans vcrs le Sud. Lors entendimes que
n'eftions pas fi avant à l'Occident, que la demarcation portoit , & que le
cours de l'eau nous devoit avoir tranfporté à l'Orient en fin approchans
la cofte du Brefil, il nous fembla, que nous allions entrer au flot de la
mer, qui cn cefte faifon de l'année court au Sud.
Le 27. fur le midy avions à peu pres la hauteur de 8 degrés. ce jour a
vions levent à l'Eft,& quelquesfois à l'Eftnorteft : defployames les nou
veaux voiles de la hune, & caraveres. Le Prefident avec le Patron de
lalnefs'en allans en la Fufte,pour y faire fçavoir leur intention , d'aller
vers la Terre Auftrale . Affemblés que furent tous les Officiers, il declara
fa propofition,la quelle pleut à tous generalement.
Sur la fin d'Octobre avions continuellement le vent de Sud,fans vcoir
autre chofe, que l'air & la mer,nymefme le Cap de S. Auguftin, qui toures
fois ne pouvoit eftre guerre loing de nous.
Le dernierjour eftions à 13:. degrés, ayant beau temps, & le vent Eft,
& Eftfudeft: veimes deux ou trois Marfouins, beaucoup de Bonnites, &
Albecores, qui longtemps nageoyent coftoyant la nef Et jaçoit qucl'eau
fe monftraft encor foit belle & azurine, fi faifions toutesfois eftat de
-
P 3 :
ien
I 18 N A VIG AT I O N AV S T R A L E
161 . bien toft la terre, ou quelque voile : mais apres avoir longtemps attendu
OcToB.
en vain, & voyans que le flot de la mer ne nous aidoit point, craignions
d'avoir faict mal nos cóptes,& d'eftre plus efloignés de la terre, que n'euf
- fions penfé de quoy nous affeura de mefme auffi le Nortefter de l'aiguille
dc huict degrés, qui monte environ foixante lieues,felon noftre calcula
tion. En fomme l'effect & l'experience declara , que avions par trop
allévers l'Oeft pour eviter la cofte de Guinea, & trouver le vent propice:
voire c'eft chofe toute affeuree, que lors, que premierement dreffions
noftre cours à l' Occident, que defia nous eftions au parage du Capde trois
oinctes, quand nous apparutle changement de l'eau, & les Mouettes blä
ches.Ainfi donc propofames d'aller toufiours plus avant à l'Oeft,tant que
le vent favoriferoit, comme auffi quelques Efcrivains confeillent de faire.
Or fuyvant la demarcation de nos matelots, nous eftions devant la bou
che de Moranhou, pres de Fernando de Laronho.
NovEMB. Le premier Novembre avions la hauteur de 15. degrés,& avoit ce jour
efté le vent Nort eft,& Norteft quart à l'eft : au moyen duquel allions à la
boline vers lc Sud, & Sud quart à l'Eft, ayans clair & beau temps.
Le 2 fur le midy la hauteur de 17.degrés, continua le mefme vent de
Norteft.
Le 3.eftions à 19 degr. Bien toft apres difner nousapparut une des ifles
de 74artin Vaz au bas bord de nous, penfans que c'eftoit l'Afenfion. Au
paravant avions veu grand nombre de ces oifeaux, que les matelots Hol
landois nommét Ian vanGenten, c'eft à dire IanGantois(il yen a qui font gris.
& les autres noirs)& mefmes encores plufieurs Mouettes blāches.Tour
names le vaiffeau vers la dite ifle, efperäs d'entrer au flot, qui alloit au Sud.
Ce jour paffames lesAbrolhos, qui font pleins de graviers & bancs trefpe
rilleux lefquels ayant paffé donnames aux matelots & à tous generalemët
double raifon du vin en figne de joye & triomfe d'avoir paflé lefdits A
brolhos.
Le 4.Sur le Midy, la hauteur de 2o.deg. Avions eu ce jour le vent de
Norteft, & Eftnorteft. nous allions Sudoeft, & faifoit fii bruineux, qu'à
peine pouvoit on cognoiftre la hauteur. Il commenceoit à venter de
plus en plus,ce qu'avions apperceu & prognoftiqué defia devant deux ou
trois jours. On ne veoyoit auffi plus de poiffons.
Le 5.le ventNortcft, la courfe Sudfudoeft, l'air devint nubileux & brun ;
la nuict paffee avions eu de la pluye, & ce jour mefme une ondee bien
efpeffe : variation du Nortefter, 11.deg. de forte que le Sudoeft quart au
Sud, nous eftoit Sudoeft.
Le 6 eftions à la hauteur de 22.degrés.Ce jour avions le vent de Nort,
navigans Sudoeftquart au Sud.
Le 7 la hauteur de 46 minutes au deça duTropiquede Capricorne, avions
la mer calme, & le vent Sudfudoeft, faifans peu de chemin.
Le 8 au midy, la hauteur de 23.deg.35 min. Le vent venoit d'Eft, & fai
foit doux & plaifant temps, l'eau tranquille,&ne veoyoit on encore point
de voiles, combien que ne fuffions que 2o.ou 25.lieues de l'ifle S.Sebaftien.
Le 9.1o. II. 12. 13. 14. le vent pour le plus fouvent fouffloit d'Eft,& Sud
cft, aucunefois Nortcft, le temps clair& ferain. .
Le 15.du midyavions la hauteur de 32 deg. le vent de Nort, & la cour
fe de Sud quart à l'Oeft. Ce jour il fit une terrible pluye, & le vent en un
inftant fe changea en tourbillon, qui nous donna beaucoup de facherie.
Le 16.
D E I A Q V E S L E M A I R E. 119
Le 16.17. 18. le temps clair & ferain, le vent venant du Sud, courrions
la plus part Sudoeft,& Oeft quart au Sud. Sur le midy nous trouvames NovEMn.
en la hauteur de 34 degrés, 1 o. minutes. Le Soleilfe levoit à 6. degrés
au Sud de l'Orient, & fe couchoit au Sud de l'Occidept à quarante reve
nant à la variation de 17.degrés au Nortefter de l'aiguille. nous penfions
que le cours de l'eau nous avoit faict grand avantage.
Le 19. au Midy la hauteur de 3 r. degrés,27. minutes. il faifoit coy pcu
ou point de vent, le temps doux & amiable. Ce jour nous fut advis, que
l'eau fe changeoit, affavoir plus verte & noiraftre, que paravant: & nous
apparurét en l'eau des petis animaux,ayans deuxpetites cornes blanches,
& luyfantes comme duCriftal, avec une tache noire au front.Iugions que
c'eftoyent les poux de la mer, dont nous efcrit Sebald de VVeert. or la mer
en eftoittoute pleine,& y avoit auffigrande abondance de fperme de Ba
leines flotant fur l'eau,& quelques Tonnines.
Le 2o. fur le midy la hauteur de 37. degrés, moins 1o. minutes, le vent
venant d'Oeft nort Oeft, navigeames vers le Sud quart à l'Oeft , & Sud
fudoeft. Le temps eftoit beau, & l'air tranquille. Ce jour avions la varia
tion de l'aiguille à 16. degrés au Norteft.
Le 21. eftions à la hauteur de 38 degrés ; le vent jufqu'a lors Oeft
nortoeft, faifions noftre cours Sudfudoeft, advanceans raifonnablement
bien au chemin, avec beau temps: l'eau qui paravant nous fembla chan
ger,derecheffe demonftra plus noiraftre:à raifon dequoyjettames la fon
de, & à 1oo.toifes ne fceumes toucher le fond. Ce jour veimes floter en
l'eau le rameau d'un arbre avec des fueilles, & quelqueverdure marine,
deux Mouettes, & une Torrue bien grande. Tout cecy avec le change
ment de l'eau, fe demonftrant plus verte, nous feit cognoiftre,que ne de
vions eftre guerres loing de la cofte, & que bien toft on toucheroit le
fondscar la cofte y eft haute, de forte qu'on trouve le fondavant que d'ap
perceveoir la terre : ce que auffi à eftéremarqué par olivier du 2Nort. Le
cours de l'eau nous avoit chaffé bien avant vers le Sud, de forte qu'avions
faict ce jour 27. lieues de voye. Au foir fe monftra la Lune renouvellee
de dixfept heures apres que le Soleil fut couché environ un quart
- -
d'heure.
Le 22. au midy eftions à la hauteur de 39. degrés,48 minutes, avions
le vent d'Oeftnortoeft, allans quelques fois Sudoeft, avec beau tempss
mais fur le midy le vent fe tourna Nort. Ce jour veimes beaucoup de
mouffe marine, & des Mouettes, & des Tonnines , & un grand Poiffon,
qui jettoit de l'eau comme une Baleine; l'eau changeoit de couleur. Le
Prefident ayant mandéle Marchand de la Fufte, & le Patron d'icelle,
leur monftra le Iournal d'olivier, conferans par enfemble la recerche des
courfes, & terres, qu'on devoit tenir & pourfuyvre.
Le 23. eftions à la hauteurde 41 degrés, 5. minutes, ayans le vent de
Nort, beau temps, & la mer paifible ; veimes que l'eau devenoit verte,
comme en la mer d'Efpagne, & nous apparurent quelques Baleines. Fut
auffi conclu, que d'orefenavant chafquun fe contenteroit du quart d'une
pinte de vin d'Efpagne par jour, & d'un petit muy d'huile par femaine,
d'autant que le beure,& le vin de France eftoyent confommés.
Le 24. fur le midy nous trouvames fur la hauteur de 41.degrés,48 mi
nutes. La nuict fumes furprins d'un orage fi vehement, que avions gran
de rufe à ployer les voiles. Durant la quelle tempefte voloyent fur
la mer beaucoup de grandes &
-
petites Mouettcs, & comme efcrit Iean
Huges,
-
I2 O N A V I G AT I O N AV ST R AL E
1615. Hugues, les Malefites fe jouoyent fur l'eau.Environ le diffner le temps s'ef
NovEMB. clatrcit, & nous apparut une grande Baleine pres du navire.
Le 25.& 26. avancions raifonnablement, l'eau fe monftroit verte &
azurine tirant à la couleur des Turquoifes, qui nous donna occafion de
croire, qu'eftions plus cfcartés de la terre, que le jour d'hier. Ce qui n'eft
pas merueille, car nous allions droict au Sud, & la cofte cy recule, fuy
vant les Cartes, au Sudocft quart au Sud.
Le 27.& 28.fumes travaillés par des vens variables, ayans quelquefois
des Travades. -
Le dcrnier eumes grand vent, & feimes grand voyage. Environ le foir
veimes fubitement, que l'eau changcoit dc couleur, jettames la fonde à .
15 o, toifes fans toucher fond. Le fecond Pilote comptoit, qu'eftions ce
jour à quarante & cinq lieues de la terre, & plus de cent lieues de Porto
Defire».
DEcEMB, Le premierDecembre fur le midy nous trouvames juftement à 47.deg.
ayans le vent d'aval, & courrans Sudfudoeft.
Le 2, du matin 48. degrés, moins 1o. minutes , le vent premierement
d'Oeft,& apres de Nort, quinous fit bien advancer, navigans au long de
la cofte Oeftfudoeft; avions felon noftre opinion Porto Defire à l'Oeft de
nous, ou bien Oeft quart au Nort. En fomme il ne fut poffiblc d'aborder
la terre avec ces vens; mefmes pour avoir decliné par trop la cofte,fumes
portes à noftre grand regret oultre le Port Defire ». Le fecond Pilore com
toit, que nous eftions 65.lieues de Porto Defire,& 31.de la terre,ou du Cap,
qui fe trouve en ce parage. -
loing de la terre.
Le 4 du matin eftions parvenus à l'altitude de 473, degrés; le vent fe
leua fi fort, qu'il nous convint caler les voiles la Fufte toucha lc fondà 75.
braffes, la mer eftant fort enflee.
- Le 5. eumes vens variables, allans quafi droict au Ponant foubs efpoir
d'arriver à la cofte. Il faifoit beau temps, mais la froidure eftoit intolle
rable. Ce jour veimcs plufieurs marques de la terre prochaine, des Balei
ncS, verdure, charognes de Pinguins, aifles d'oifeaux, & femblables cho
fes: touchames à 64. toifes le fond, qui éftoit de fablon gris & noiraftre:
fur le foir la Fufte jetta 54 braffes. L'eau eftoit pafle, le vent de Nort, &
le cours Oeft,& Oeftfidoeft. Or au Midy les nautonniers prefumoyent
de n'eftre que 16. lieues de la terrc.
Le 6. eftions en l'altitude de 47. degrés, 25. minutes; le vent ce jour
eftoit Nort, & noftre cours Oeftfudoeft. Le matin enfuyvant toucha
mes le fond à 5o. & du midy à 42.& 43. toifes, fond de fablon blanc &
noir & de petits caillous. Nous eumes ce jour beaucoup plus grande
chaleur que par avant, y remarquant fpecialcmcnt unc chofc ; affavoir
que les vens qui dominent en ces quartiers font ceux d'entre le Nort &
l'Oeft,
D E I A Q y E S L E M A 1 R E.
l'Oeft, rarement ceux qui vienent d'Oricnt. D'avantageyavons obfervé, 161 ;.
qu'en efté(lequely eft en Decembre & environ)les grands vens & orages, DEcEM*.
quife levent en un inftant, comme des Travades , ne durent que trois, -
cinq, ou fix heures, ou au plus haut un jour entier, lequel eftant pafféils
s'evanouyffeut, le temps change,& la mer s'appaife. Quand il fait quel -
marée qui hors de ladite entrée fc precipitoit cõtre le flot des autres eaux. -
g --
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D E 1 A o y E s L E M A 1 R E. - 123
route de Sudfudoeft, & Sud, ayans beau temps. Peu au paravant avions r615 .
De cEMB.
trouvé un banc, qui n'avoit que 6 ou7. toifes d'eau, ou apres nous avoir
arrefté un peu trouvions bien toft 14. toifes , & apperceumes au Su de
Porto Defire bien avant dedans le pays des montagnes hautes & rabbo
teufes, eftant les unes bleues de couleur, les autres blanches, comme cou
vertes de neige. Nous voguions avec l'aide du flot vers le port, entrans
- finalement en un Canal rempli de graviers & petites iflettes, avec des e
fcueils,ayant l'entree fort eftroite. Cependantjettames l'ancre à 4: toi
fes pour cercher cependant meilleure commodité, avec l'Efquif iceux
rapporterent, que c'eftoit icy un faux Canal.vous diriés, qu'il entre fort
avant & large au pays, quafi tout ainfi que le Rhin environ le fort de
Schencq : il eft profond quand la mer croift, mais plein d'efcueils, quand
elle eft baffercarelley monte & defcend bien trois toifes.La neftouchoit
au fond, & defia le gouvernaily eftoit fiché s'il euft faict mauvais temps,
-
certes nous euffions efté en fort grand danger du vent d'Eft,& Sudeft.Au
foir rctournerent les efquifs des fufdites ifles, ayant prins du poiffon,com
me de la Merlue, & des Egrefins, & quelques autres fortes de poiffons
incognus,& une efpece, qui reffembloit aux Carpes: & des Efperlans de
la grandeur de feize pouces,(qui nous mouva d'appeller cefte entreç le
Golfe d'Efperlans)& des Moulles tres delicates. De nuict retourna l'autre
brigantin,& apporta 15o.jeunes Pinguins, & deux grans Robbes de mer
de l'Ifle de Pinguins, diftant pour le moins deux lieues en la mer de Porto De
fire » à l'Eftfudeft,& Sudeft quart à l'Eft. il y a là fort grande abondance
-
de volailles. -
vint faulter en abondāce par des veines, de par deffoubs & des coftés de
vers l'Occident & Septentrion, eftant bien pure & claire, mais falée.
Le 15.derecheffut envoyé le brigantin en l'ifle des oifeaux, qui ramena
deux tonneaux d'Efperlans, & feize efpeces de differens volailles; & avo
yent tuéfur un rocher deuxLions de mer de feize pieds de longueur,eftäs
velus de poil court, mais au col long comme un doigt,lefques ne cedoyét
en rien quant à la grandeur aux poulains des jumens à peine les fceuft on
tuer en 5o. coups de bafton: cruels & terribles à veoir,gros de tefte & de
col,deux pates larges devant,& deux derriere, avec quoy ils nagent vifte
InncInt par la mer, la peau noire & longue dc quatorze
pieds, & beaucoup
plus groffe que n'eft la peau des meilleurs bœufs es Indes ou en Holläde:
La chair eft de aflés bon gouft. Icy nous creufames un canal allant des
montagnes vers le puys,pour par iceluy mener & conduire l'eau de pluye
audict puys,afin d'en tirer noftre provifion.
Le 16. on alla querir de l'eau au puys fufdit, qui pour eftre trop falée
-
ne fe pouvoit boire. ,
Le 17. le Prefident derechefnavigua plus bas fur l'Efquif de la Fufte,
pour cercher dc l'eau fraifche. Ce jour conduifimes le vaiffeau de Con
corde fur la rive au cofté du Nort avec la haute marée : nous trouvans
au fec meimes la main à l'ouvrage, & ce jour luy nettoyames le bas
bord. - --
d'eau. -
Le 26. il fit beau temps, fi que derechef le brigantin nous alla pour
chaffer les defpens, ranenant environ deux cens pieces d'oifeaux. Au
matin le nautonnier fut mis à terre avec Adrien Claf.pour vifiter les lieux,
que l'on avoit marqué. Ilyavoit maintenant de l'eau à foifon : de forte
que ce jour mefme nous en emplifmes quatre tonneaux. or eftoit elle -
Le 7. le Prefident fit planter un pieu fur l'ifle, avec un plomb & une
boitte de blanc fer, en la quelle il meit unes lettrescontenantes le narré
de noftre arriuée en cefte ifle, & le fuccés de tout le voyage ; fe propofant
-
d'en vouloir partir pour repofer en meilleure part.
- Le 8. fumes portés en la mer par le flot hors de l'ifle, eftans du matin
|
furprins d'un grand tonnere, avec pluye foubdaine : incontinent jettions
l'ancre & s'enfuyvit grand vent, & pluye, qui nous fit perdre l'efpoir à
plufieurs de pouvoir paffer le Sud & ce d'autant plus que le Patron difoit,
qu'ily reftoyt encor bien d'autres tempeftes : voire mefme Ian Schouten,
à qui il touchoit d'encourager les autres, pour avoir perdu fa nef deman
doit par fois, difant fion nous vouloit mener à la boucherie. Tous ces
propos rendoyent les gens triftes & melancoliques. Ce jour ne pouvions
rien profiter pour la tempefte. •
Le 9. derechef un petit qu'on ne peut faire voile. L'efquifs'en
alla pour la derniere fois*: à faire provifion d'eau ; & apres midy re
-
tOlIIIla .
Le 1o. feimes voile avec bon vent & beau temps, mais au Midy le vent
fe tourna contraire, venant de la mer: l'efquif rama à l'ifle des Robbes,
& & le brigantin à l'ifle des ofeaux: prindrent beaucoup de poiffons , &
-
-
1 volaillcs.
* Le 12. fut envoyé le brigantin vers l'ifle de Puinguins, prendre des Pin
guins pour les mettre en fel, & des œufs.L'efquifs en alla en l'ifle de Robbes,
- ou ils tuerent quelque douze loups de mer à coups de Moufquettes.
-
- Lc 13,
-
* .. -
- 128 NAv 1 G AT I o N Av s T R AL E
1616 Le 13. retourna la chaloupe avec des Pinguins avoyent efté toute la
*v* nuict auCanal d'Efperlans de maniere que la pluspart des Pinguins eftoit
gaftée de la chaleurtoutesfois en falions une pipe toute pleine.Veimes en
outre trois ou quatre monftres de mer, ayans des longs poils , & eftans
gris comme cendres, avec un long mufeau comme les Crocodils. Apres
Midy partifmes de Porto Defire : le vent s'eftant appaifé, epofames mais
tantoft apres il releua,& boutions à la mer.
Le 15. du matin tonnoit & foudroit,& vindrent des ondées de greffle de
Sudoeft, fi que la nefen eftoit blanche en plufieurs endroicts. Concluons
que les RegionsAuftrales en equipollence font plus froides, que celles du
Nort: auffi le vent de Sud nous y fembloit eftre beaucoup plus froid que
n'eft le bife de l'autonne en noftre patrie. allions le plus fouvent Sudfud
eft, &Sudeft. - -
Le 16. temps amiable & doux. fur le midy eftions à 5o. degrés, moins
1o.minutes, eftimans que le flot dc l'eau nous emportatt Sud ou Sudoeft
vers l'Eftroit de Magallanes. veimes encor quelques Pinguins, de forte
que n'eftions guerres loing de la cofte. Or tachames nous d'aller avec la
marée vers le Sud, d'autant que le vent nous empefchoit d'approcher l'E
ftroit de Magallanestoute la nuict flottames par bonnace.
Le 17.du matin faifoyt coy & beau. mais au Midy l'air couvert nous
empefcha de fonder la hautcur. Ce jour nos Affiftans curent l'oreille
frottée d'une bonne reprimende, à caufe des propos defefperés de vou
loir retourner à la maifon,par lefquels ils avoyent tant defcouragé&con
trifté les autres.
Le 18. le vent venant de Sud veimes plufieurs Baleines. le Prefident .
eftant en la Galerie, apperceut les ifles de Sebald de VVeert,qu'il defcrit en
laCarteMagellanique, diftantes environ trois lieues de nous, au Sudefts &
de l'Eftroit environ cinquante, Eftnorteft,Oeftfudoeft : peu au paravant
avions tourné le cours; fans cela les euffions coftoyées. Au midy l'air e
ftant couvert de nuées, nous empefcha de fonder la hauteur, maisquand
- le Soleil vint derechefà monftrer fes rayons, trouvafmes qu'avions eu la
hauteur de 5 .. degrés, & deux tiers, & que le flot nous avoit chaffé vers
le Sud. Au foir lc vent fe levant commenceames à caler les voiles de la
hune : mais il fe rappaifa, de fortc qu'ils demeurerent encor tout la nuict
debout, par ce que il faifoit aucunement clair, certes ilyavoit plus de
-
efté continuellement fi humide, que quafi toutes chofes en eftoyent fle- 1616.
, ftries, Marmillades, Miel, parchemin, & Cartes en la cahute. Efpe IANviER.
rions que le cours de l'eau nous porteroit vers le Sud, & nous condui
roit jufques, & par le paffage du Sud. mais au foir eftant le vent Sudfud
oeft & doux , nous tourRames vers l'Occident fans guerres advan
- -
CCIT".
Le 21. du matin avions fort beau temps,le vent Sudoeft: ce jour nous
furvint une giboulée foudaine & de petite durée. au midy eftions à la
hauteur d'environ 53. degrés. ce jour fut eftoupée une liche,parou l'eau
cftoit entrée en grand abondance auvaiffeau, & nous avoit tenus con
tinuellement à l'ouvrage pour la vuider par l'ofec. Apres l'orage paffé,
il continua ce jour de faire beau temps, doux, & amiable ; mais de
nuict fi froid, qu'à peine pouvions rechauffer nos pieds au lict.
-
R. tOllr-.
e N A v 1 G A T 1 o N Av s T R A L E
1616.
IANvIER.
tourner le vaiffeau fouvent deça & delà, & changer la courfe. Noftre
grand Pilote print une Merlue à l'entree du paffage : le Second Pilote e
ftant furle maft regardant au Sudeft & Sudoeft, n'y voyoit point de pays.
En la terre de Maurice » il nous fembla veoir de la neige fur quelques
montagnes; mais en cclle des Eftats quelque verdure. Des deux coftés y
avoit apparence de bonnes radcs & havres, notamment en la terre des
Eftats, ayantvers Septcntrion, à ce que nous fembla veoir, une ifle. La
terre de taurice » du cofté de Septentrion eftoit baffe,& du cofté de Sud
montagneufe. Au midy avions la hauteur de 55. degrés, 36. minutes ; &
allions au Sudoeft: veifmes que la terrc des Eftats s'cftend du Midy au Le
vant Eftfudcft, tant qu'on pouvoit mefurer à la veue ayant en largeur
Nort & Sud environ 1o. lieues : & vers Ponant tant qu'on n'en voyoit la
fin. Bien toft apres difner eftant le ventraifonnable, l'air devint nibuleux
& bruineux; veimes au Nortoeft,& Oeftnortoeft, au Su de l'Eftroit, une
grande eftendue de haut pays. Environ la nuict, ayant le vent contraire
le monfterent l'eau & les ondes fort enflées & groffes : concluans par là
que nous eftions paffé le paffage, jufqu'a lors incognu aux hommes mor
tels, & qu'eftions parvenus en la mer du Sud.
Le 26. du matin continua le vent d'Oeft, avec pluyes & grefle, enflant
fi terriblement la mer, que c'eftoit une horreur àveoir.car ce vent tourna
· en un orage, qui nous rua tant d'eau dedans la nef, qu'il nous cuyda acca
blcr. Au midy avions la hauteur de 57 degr. tiransvers le Sud , mais la
-
Le 29- l'air obfcur, le vcnt Sudeft, veimes terre au loo de nous, à l'Oeft
& Oeft quart au Sud. mais apres que le Soleil euft chaffé l'obfcurité du
jour, veimes clairement que c'eftoyent des ifles, diftantes environ deux
lieues l'une de l'autre,& tafchames de venir au deffus d'icelles. la marée
nous chaffoit fort en ceft endroict vcrs Ponant; eftant la coulcur de l'eau
conftante, & les ondes tardiues, qui eft un argument d'eftre cn pleine
mer. On n'y veit point de Baleines, ou Pinguins, mais bien des oifeaux
comme en Porto Defire ... Ces ifles qui fe trouvent en la hauteur de 57;
degrés au delà de l'Equinoâial, furent nommées par le Prefident les fles
de Barnevele, à l'honneur du Seigneur Iean de Barnevclle. Or nc fuft pof
fible de paffer au Sud de ces ifles. il y a encor trois petites iflettes au
- Nort des fufdites, diftant une grande lieue de la cofte du Nort & du
Sud d'icelles, Le flot de l'eau nous chaffoit notoirement vers l'Oeft. A
pres midyveimes encor au Nortnortoeft le pays haut & blanc de neige,&
deux hautes montagnes à l'Occident, cuydans que là fuft la fin d'icelle
terre, que le Prefident à l'honneur de la ville de Horne , nomma le Cap de
Horne,à 57deg.48 minutes. eviter ceftc poincte allions vers le Sud
toute la nuict,& en apres vers Ponant.
-
-
- -
Le 3o.
-
\ --
--- -- - --
,ir "%S
-
-- N -
14Il
:
B ett -
-- \
\
\ 59 -
-\
- A
D E I A QV E S L E M A I R E. 13I
Le 3o. le Vent d'Oeft, lcs ondes tardiues, l'cau bleue, que le jour pre- 1616
cedent au pres des ifles fufdites avoit eftéverte noiratre: ce qui nous ren- *vir
dit tout affeurés que defia cftions fur la mer du Sud.Au midy nous trou
vames à 7: degr. defiransgrandement eftre delivrés de ces vens d'Ocft,
& de la froidure.
- Le 31. le vent venant de bize, allames au Ponant, & ne veimes plus de
terre apres le Cap de Horne, fur le midy trouvames la hauteur de 58.de
grés, moins1o. minutes. Apres midy le vent fe tourna Oeft.
Le 1.de Febvrier continua ledict vent avcc quclque orage à l'entrée de FEvRIER, -
font rares. . - -
Le 8 & fuyvans, beaucoup de vens d'Oeft, avec grefles & pluyes, &
grandes froidures. - -
R 2 Até
I 32 N A V I G A T I O N 'A V ST R A L E
16I6.
FEsvRIER
V Nom de Dieubenit, qui du commencement à creé Ciele5 Ter
re, fans lequel nulle bonne chofe ne fe peut faire, commencer, ou
conferuer. Par lequel e5 au nom duquel font toutes chofes, à la gloire
du tres Saintt Nom diceluy. eA tous ceux qui la prefente verront ou
liront, Salut. Confideré que c'eft chofe honnorable & profitable à tous
TPays, TProvinces, e5 Republiques, principalement ceux & celles qui
- trafiquentfar la mersfe prevaloir de la navigation, e3 faire veoir à tous
hommes le courage & lefprit de leur nation au profit & à lhonneur de
leurs fubjets & pays , fout notoire que nous foubfignés par la prefente
tefmoignons & ratifions eftre la verté, que au moi de janvier de cefte
année 1 6 1 6. apres la nativité de Christ ; eftans fortis de Hollande de
la ville de Horne fr deux Vaiffeaux Concorde e5 Horne, y eftant
TPrefident Iaques le Maire, e5 Guillaume Cornelis Schouten TPa
tron, foubs la fauvegarde, & protection des Hauts e5 Puiffans Sei
gneurs, Nofeigneurs les Estats des Provinces & nies, & de fon Excel
lence le Prince &Maurice de Naffau, grand Admiral de la Mer, & c.
pour dfouvrir les TPaffages, Ifles, & Pays de la partie eAustrale du
Monde,jufqu'alors incognue, fuyvant les ottrois & patentes defdits Sei
gneurs. Qu'apres grans travaux & dangers par la grace de Dieu a
vons trouvé, dfouvert, & navigé par un nouveau paffage allant
de la grande Mer Oceane du Nort jufques en la mer du Sud : aff
voir au Sud de l'Estroit de Magalanes, & des fles y annexes fur la
hauteur de 58 degrés 59. minutes. Auquel endroit nous fubfignés
cverifions & declarons d'avoir trouvé une facieufe & grande
Su des fles & terres dAmeriques à rafn de quoy lavons appelée la
- nouvelle mer du Sud, n'ayans rveu ne defouvert au Sud d'icelle aucun
pays , ne quelque apparence de pays, jugeans par fes qualités & con
ditions, qu'elle doibt eftre de trefrande eftendue e5 largeur : trouvans
par experience que par icy lagrande Mer Oceane, qu'on appelle la mer
du Nort , fe joint à la facieufe mer du Sud , à la plus grande com
modité de la navigation. En outre declarons que de notre cognof
fance, ny par our dire, jamais homme ou nation du monde, fit d'Eu
rope, fit des autres parties de lVnivers, n'a voyagé par leditt paff
ge. Et pour ce comme eftans les premiers à la detection de ces terres
e& paffage, avons donnéaux trois fles qui font en la dicte mer au Sud
est d'Amerique le nom du Pays de Meffieurs les éftats, Pays de Mau
rice, & lifle de Barnevele, & le paffage qui va entre & joignant icel
les, le Taffge de le Maire. Defquelles Terres, &1er, & Paffage, en
vigueur e5 par autorité fufdite , au nom des 5Nobles & Puffans
-
Seigneurs ,
D E I A Q v E S L E M A I R E. 133
1616.
Seigneurs les Eftats, & de fon Excellence le Prince de Naffau,fayvant FEvRIER.
la couftume ancienne, comme en eftans les premiers inventeurs prenons
la premiere poffffion, & preference. En tefmoignage de tout ce que
defus,fut fubfignée la prefente. Fait fur la nef de Concorde.
I A Q v E s LE MA 1 R E.
Guillaume Cornelis Schouten. -
AHorne. -
minutes.
R 3 -
Le pre
14 NAv 1 G AT 1 o N AvsT R A L E
16 16.
Le premier de Mars au poinct du jour le Second Pilote apperceut la
MaRs.
rerre. Au midy eftions à 33. deg.52. minutes effloignés d'environ demy
lieue dc l'iflc la plus Auftrale, ou ne trouvames point defond. L'ifle qui
eft au Sudoeft, nous fembla à veoir du tout feche & pleine de rochers, e
flant cy & là quelque peu verdoyante. Approchans la terre de plus
en plus, fans trouver fond; paffames en fin la poincte Auftrale de ceft'
ifle,& veimes alors aufli l'autre grande ifle, qui fe monftroit verte, & pleine
d'arbres.Tantoft les vens variables, tantoft la tranquillité feircnt que ne
pouvions felon noftre defir abborder la terre; enfemble pour ne trouver
point de fonds, & ne fçavoir ou eftoit la rade, nous trouvames du tout
eftonnés,&defployames lablanche baniere de paix,afin qu'on nous mon
ftraft la rade : qui fut en vain. Le Prefident nous communiqua ce qu'il
en avoit trouvé par efcrit : dont le Patron ne feit point de cas ; ce qui
tourna depuis à noftre grand defavantage. Ne voyant donc point pour
tout de baye, envoya le fecond Pilote, avec le marchandàterre : lefquels
trouverent un petit golfe, de 3o.& 4o. toifes de profondeur tout aupres
de la riue. Deux des mariniers fe meirent auffi à terre,& y trouverent un
ruiffelet d'eau fraifche, coulant par une vallee jufqu'en la mer. Veirent
plufieurs Robbes , Boucs, Cheures, & autres beftes à quatre pieds :
nous apporterent d'avantage dix Corcobades, qu'ils avoyent prins aux
hameçons, avec un Brafme : cependant ceux qui eftoyent fur la nef ne
la fceurent conduireà bordtant pour la tranquillité que pour les vens de
travers de forte qu'ils allerent route la nuict flottans,ça & là fans pouvoit
2 In Crcr . -
au Nortoeft, -
Le 17.
-
D E I A Q V E S L E M A I R E. I35
Le 17.eftans à la hauteur de 19. degrés, le Prefident feit affembler le I 6 r 6.
MARs.
Confeil avec les Pilotes : qui refolurent par enfemble, puis qu'on avoit
defia voguél'efpace de trois jours vers Ponant , fans appercevoir nulles
terres, de changer la courfe, & tircr vers la plus haute Terre Auftrale : ce
qu'on feit. -
degrés.
Le 21. le dict vent continuant veimes un poiffon, de la longueur de 1:
toifes avecun longbec de la façon d'une efpée,fi long que tout le refte du
corps; ayant fur fon dos des fort grandes ouyes. Quelques uus de nos
gens le voulurent nommerpoiffon de Horne .
Le 24. avions bon vent de Sudeft, allans droict à l'Occident, à la
hauteur de 15 degrés; efloignés 46o. lieues de la cofte de Perû; atten
dans en grande devotion de trouver la terre, mais quafi hors d'efpoir, &
craignans qu'il n'eftoit point deTerre Auftrale ».
Le 3 1.il faifoit fort beau temps. Encor ne veimes point de pays , mais
bien plufieurs oifeaux il nousfembla eftrange de ce que l'ifle S. Paul ne
fe demonftroit pas; car elle eft affiffe en cefte hauteur ; or avions nous la
hauteur de 15, degrés.
. Le premier d'Avril eftions à 1 s. degr. 8. minutes. AvR1L.
Le 3. eftant jour de Pafques, un moys apres eftre partis des ifles de Iuan
Ferdinando, nous comptames d'eftre efloignés de Perù725. lieues d'Alle
magne. Le Scorbut commença d'avoir la vogue entre nos gens. Fut re.
marqué, que l'eguille tiroit Nort & Sud, fans varier ou decliner tant ne
e quant .
Le 9. avions encor bon vent de Nort, courransvers l'Occident ; ayans
pour le moins 15. degrés de hauteur. Ce jour veimes deux petits Bon
mites , & des Mouettes à l'eftoile fans nombre, & des poiffons en abon
dance : mais n'en fçeumes rien prendre. Le mefme jour trefpaffa Iean
carnelis Schouten de fon vivant Pilote de la Fufle,& frere de noftre Patron
de navire, ayant eftémalade l'efpace d'un mois, fe plaignant de la poictri
& du Scorbut.
Le 1o.eftant le vent encor raifonnable, avec quelques pluyes,jettames
le corps mort en la mer non fans douleur. L'oraifon finie le Chirugien
apperceut la terre, vers la quelle navigeames incontinent poury ancrer;
ce qui fut impoffible.Le brigantin fut equippé & envoyé vers la terre, qui
rapporta qu'il n'yavoit point d'apparence d'en pouvoir approcher pour
les brifans de la mer. Le premier Patron fe hazarda d'aller à terre, ou il
parvint tout à fon aife, mais au retour luy convint fe jetter en la mer avec
une corde & nager au grand hazard de la vie jufques à l'efquif. Il nous
racconta, qu'il n'y avoit point d'eau fraiche en cefte contrée, finon quel
ques ravines d'eau depluye, qui eftoit trefamere ; beaucoup de poiffons
pres de la cofte , & plufieurs Mouettes & autres volailles , nichants
fur les arbres. C'eft l'ifle que Magallanes fit appeller Defventurada, c'eft
à dire la « 7alheureufe ; de la quelle Ierofme Benzon nous efcrit,
qu'elle n'a quc trois licues en la rondeur , eftant fi baffe en aucuns en
- - droicts,
I36 N A V I G A T I O N AV S T R A L E
- 1613 droicts, que la mer entre jufqu'au milieu de l'ifle par la marée. Elle eft
Avrii. pleine de creffon d'eau, qui eft fort amere au palais, & bonne pour
le Scorbut, piequant comme du Dragon, & faifant aller à chambre:
Les matelots nous en apportenent une quantité. l'ifle eft affiffe en la
hauteur de 15. degrés, 15. minutes, diftant de la cofte de Perû 92o.lieues.
nous l'appellames l'fle des chienspour y avoir vcu trois chiens Efpagnols
bien maigres. d'icypartimes vers les ifles de Salomon
Le 11. le vent de Norteft: fur le midyjuftement au parage de 15 degrés.
de nuict le vent fe renforça, qui nous fit craindre que le bateau fe pour
roit mettre fur quelque baffe ifle, comme les Tuberones, ce qui nous au
roit portégrand domage. mais Deu nous en garda.
Le 12. le Prefident livra au Grand, & au Second Pilote les cartes de
la Terre Auftrale s , & de Nova Guinea, afin qu'ils fe peuffent regler fe
' lon icclles. .
Le 14. levent fouffla continuellement du Levant. Il y avoit aujour
dhuy dix mois, que nous partimes de Texel ; efperans d'arriuer en dix
mois en la Terre Auftrale , Apres difiner un des Affiftans nommé Bar
thelemy Pieterf. veit une terre diftant environ deux lieues de nous à
l'Oeftnortocft: dont nous fumes grandement refiouys, & notamment les
malades, efperant d'y pouvoir reprendre quclque peu noftre haleine. Le
pays eftoit fort bas, ayant plufieurs arbres deça & delà, comme les Tubero
nes. Nous tournames le cours vers ledict pays à l'Oeft,pourvenir au Nort
d'iceluy & s'il eftoit poffible, nous y tenir fur l'ancre. Cependant voicy
venir une Canoe avec quatre hommes tous nuds, lefquels fe tenans par
· raifon loing de nous,dirent à haute voix, voire crierent, & faifirent figne
de beaucoup de chofes, mais il n'y avoit piece de nous, qui les entendift.
Venans pres de l'ifle, ne trouvames point de commodité pour ancrer,
nous criames à haute voix, fonnames les Trompettes, hauffames la ban
derolle blanche; tout pour neant. En apres il vint encore une autre Ca
noe de la mefme façon, & avec le mefme fuccés, que deffus : fi que nous
trouvames pour le plus feur & expedient, de tirer plus oultre. -
fhes.
Le 22.avions mauvais temps, le vent de Nort, grands tonneres, & ef
clairs du Sud, & allamesvers Ponant.
Le 23.veimes que les ondes de la part du Sud eftoyent fort grandes,
concluans de là qu'il n'y avoit point de pays au Sud, ou bien que nous en
eftions grandement efloignés : au midy nous trouvames en l'altitude de
15. degrés, 5o. minutes. -
Le 24. le vent foufflant d'Eft; & tomberent quelques ondées de pluye,
dont nous amaffames une quantité d'eau. Veimes auffibeaucoup d'oi
feaux. -
MAY. Le premier de May, le vent d'Eft fe leua plus fort, noftre cours eftoit,
comme eft dict, Oeft quart au Sud les ondes venans de Sud fe commen
çoyent à coucher.
Le 3. du midy avions la hauteur de 15. degr. fut trouvé que quafi tous
nos gens avoyent recouvré leur fanté, de forte que le Scorbut fembla
eftre chaffé & banny hors du navire : veimes ce jour les cinq ou fix pre
miers Dorados en la mer du Sud, qui eftoyent grands & beaux,& quelques
poiffons volans. A ce midy comtames d'eftre efloignés de la cofte de
Peru 13oo. lieues.
Le 4.5. 6.7. eumes quafi toufiours le mefme vent, tenans auffi la mef
me routc. - - --
-- - - --
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-----
- -, ... -- *
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Le 1o. du matin ayans la mer tranquille, & quelque petit vent de Sud
eft, allames à l'Oeft quart au Sud. Lc Prefident dés le jour paffé, s'avoit
imaginé qu'approchions la terre, comme ce jour d'huy * le declara.
car nous defcouvrimes une haute montagne, comme Terrenate au Sud
oeft quart au Sud,7. lieues de nous; cuydans que ce fuft une ifley dreffa
mes noftre cours: mais n'y pouvions arriver de jour. Apres midy le Pre
fident monté au coupet du maft, defcouvrit encore une autre ifle au Sud
de la fufdite. Ces deux ifles l'une grande, & l'autre petite, gifantes Nort
-
& Sud,
-
D E I A Q y E s L E M A 1 R E. 141
& Sul, fe rapportent bien à la defcription de Quirosce qui nous feit efpe I6I6.
rer qu'on trouveroit auffi le refte à l'advenant, & que bien toft verrions " MAY,
la Trre Auftrale ». fur le foir veimes deux voiles, eftimans que ce fuffent
despefcheurs, pour ce que ils allumoyent desfeux de nuict.
Le II. du matin allames au Sud vers l'ifle, avec un vent d'Eft, & paffa
- mes outre un banc de la profondeur de 14. toifes, plein de petites coquil
kes; trouvans par apres 16.20.25 & 26. toifes,& finalement ne trouvames
plus de fond. Auffi vcimes nous deux voiles de pefcheurs ; l'un s'appro
chant tout pres de nous qui nous monftra du poiffon qu'il avoit en fon
bafteau, difant merveilles, fans qu'on le fceuft entendre, ne qu'il voufift
venir à noftre bord jaçoit que nous luy faifions fort bon vifage, & luy
monftrions des Corales. Ne voulant donc approcher, nous avallames un
baril avec une corde, afin qu'il y meit dupoiffon : il le print treftbien, &
apres l'avoir affés regardé, nous attacha à la dite corde deux noix de Co
cos, & un graud poiffonvolant, & s'enfuit avec noftre baiil eftimant, peut
eftre, d'avoir trouvé un grãd threfor pour les cercles de fer dont ledict ba
ril eftoit muni. environ le midy approchafmes l'ifle,à deux traicts de Ca
non, au Nortnortoeft, & repofames à 26 braffe s, ayans le fond fablon
neux & plein de petites coquilles. Deux pefcheurs venans de la haute
mer, qui s'en alloyent plus avant vers une autre ifle diftante environ deux
lieues de cefte cy au Sud, tafchoyent de nous y mener quant & euxs mais
voyant que noftre intention eftoit de nous arrefter fur le lieu, & abordcr
l'ifle prochaine, tous fe meirent autour de nous. La chaloupe eftant en
voyée pour fonder le fond,trouva la profondeur de 15.14 & 12.toifes, eftät
lefond plein de coquilles. nous paffames jufqu'au bout de l'ifle,& y jetta
· mes l'ancre à 25.toifes, les fauvages nous fuyvans de loing d'autant qu'ils
n'ofoyent du commencement venir à noftre bord. finalement y en eut
deux qui apres eftre longtemps invités & priés, fe hazarderent d'entrer
en la cahute. Quoyvoyans tous les autres vindrent fur la navire. lors un
de nos Affiftans fe meit à jouer fur les violons, à quoy ils prindrent grand ·
plaifir fe rians & devifans entre eux. nos matelos, qui font pour la plufpart
des bons drolles,fe prindrent à danferice que feirent auffi pareillement les
, fauvages,lefquels fe demonftroyent joyeux & plaifans outre mefure; fai
fans bien toft grande accointance avec nous. Ce faict leur feimes enten
dre, qu'ils nous apportaffent des noix de Cocos, Bananes,Vbas, Pourceaux,&
Poullets, ou autres biés, & fruicts de la terre, pou*des clous & femblables
marchandifes. Ce qu'ils entendirent affés promirent d'ainfi faire;
difant que toutes ces chofesyeftoyent en abondäcc, & encore plus.Ainfi
s'en allerent à terre, & tout incontinent nous apporterent bien 2oo. noix
de Cocos & en apres nous vindrét aborder fi druz,que ne fçavions ou nous
tourner pour la multitude des gens. ils venoyent vers nous à nage ayant
les Cocos a l'entour du col; &tous eftoyent fi terriblement adonnés au lar
recin, qu'on ne s'en pouvoit garder.ils tafchoyent de arracher les cloux du
navire avec les dcns & ongles,prenoyët les balles des Ganons,tiroyent un
coufteau hors de la main du garçon du cuifinier, de forte qu'il en eut quafi
tous les doigts couppés,& incontinent fe jettoyent avec la proye hors du
bord.qui print un efcritoire d'airain, qui un materas, qui un oreiller, l'autre
une caffaque,les autres mettoyent le nés dans la chābre du Coneftable.En
fomme il nous euft fallu plus de cent yeux pour garder nos hardes. La cha
loupe auffi revenät vers nous dc la terrc,fut * de 12.Canoës, qui o
fterét parforce la fonde auPilote,menaçãs mefme nosgés avec leursAffa
S 3 gaies.
I 42 N A v I G A T I O N AV S T R A L E
1616 . aies. on tira un coup ou deux enimy la troipe de fauffe
MAY. cftonna rien; mais ils s'en fuirent bien toft quand on eut renverfé leu Ca
irainc d'un coup d'arquebuze. C'eftoyent icy des pauvres gens fans Roy,
fans Prince, ou conducteur, veftus de joncs tout à l'entour, comme hu
vages,ayans au lieu de carquans ou chaines d'or un filet autour du col,au
quel eftoit attachée une coquille de limaçon, ou quelque coquille de
perlamour au lieu de medailles : un autre avoit des braffelets de perla
mour au dcffus de la coude, comme les habitans du Cap de bonne Efperance.
L'autreifle cftoit bié habitée, pleine de gens & maifonsnous y veimes fur
le foir beaucoup de petis feux allumés, eftimans par là que chafquun faifoit
fa cuyfine à part. Ces habitans font gens robuftes , & braues de corps,
fans fe couvrir d'accouftremens finon les parties fecrettes; les uns portans
les cheveux rcliés en flocquets, lesautres frifés, les autres coupés & efto
yent tous generalement grands nageurs. Cefte ifle de Cocos eft affiffe en la
hauteur de 16. degrés, 1o. minutes.
Le 12. de matin pleuvoit incontinent vindrent vers nous 35. Canoas
avec des noix de Cocos,fi que ce jour là en changeames pour le moins 75o.
& avec celles d'hier bien 1ooo.fans compter encor grande quantité de
Bananes, & racines d'Vbas : feimes marché avec ces Indiens de cinq noix
de Cocos pour un clou, ou pour deux enfileures de Corales ; à condition
u'ils nous livraflent toufiouts leurs marchandifes, premier que d'eftre
payés ordonnans d'avantage, qu'on feroit le changement & le marché
dcdans la Galerie,& non fur le tillac. Par ce moyen trafiquions avec eux
plus à loifir & paifiblement eux ayant le payement de leurs denrées fau
toyent hors du bord, nageans vers leurs Canoes; & cftoyent fi efchauf
fes pourchanger & troquer avec nous, qu'ils nageoyent par deffoubs les
Canoas, les uns des autres pour approcher noftre navire. Ils nous firent
figne que le Superieur ou Roy du pays nous viendroit veoir, lequel envo
ya pour nous donner un Porceau, un Coq, & une Poulle; dont les pcr
teurs ne voulurent aucune recompenfe.Apres environ une heure le Roy
vint luy mefme, eftant affisdans une Canoe au milieu de fa nobleffe &
deffoubs une matte qui eftoit cftendue à la façon d'une tente, accompa
gné de trente cinq Canoas. Approchant de nous plufieurs cere
: tous
monies il cria trois foix à haute voix, & à la quatrielme ceux de fa
Compagnie firent le mefme pour nous gratifier : nous demonftra grande
- reverencc tantoft fe le frgnt des mains, & tantoftt les mettant fur
fon col: & envoya l'un de fes ferviteurs, qui fembloit avoir quelque Of
fice & autoriré, pour nous faire prefent d'une matte tres fine, & d'un ac
couftrement, comme de Papier. Ledict meffager eftant entré dans la
- Galerie avec la nobleffe, nous leur verfames du vin, & donnames du pain
à manger; dont il firent bien peu de cas. On luy laiffa veoir le pourtraict
de fon Excellence le Prince Maurice, & une peigne, & un miroir, qui luy
agrea fort, mais on luy donna pour la recompenfe de fon prefent une toi
fe de linge, une hache, & deux enfileures de Corales, que l'un de leurs
gens print, & avec ce fe jetta hors du bord, l'allant porter au Roy ; qui
receut lefdits prefens de fort bonne part, & nous en remercia,baiffant la
tefte,& puis les mettant fur fon col, & fur la tefte de fix de fesnobles.Ace
luy qui eftoit fur noftre vaiffeau, donnames un Coufteau, & un Bonnet
rouge : lequel voyant que le trop grand nombre de leurs gens qui efto
yent fur la navire nous fachoit, commanda aux autres de fe retirer, difant
Fanou, & faifant figne de la main, qu'ils s'en allaffent & non feulement les
hommes,
D E I A Q V E S L E M A 1 R E.
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T - -----------
hommes, mais auffi les barques, qui venoyent par trop à la foule nous
- aborder. ils vouloyent nous dire bcaucoup de chofes, que ne pouvions
cntendre:
I44 N A V I G AT I O N AVST R A L E
161 6.
entendre: toutesfois comprimes queleur Roy fe tenoit en l'autre ifle, &
MAY.
que ceftuy eftoit fon fils. D'avantage ils nous faifoyent figne de leuer
l'ancre,& venir vers eux, donnans à entendre, qu'il y avoit bonne provi
fion de Porceaux, Poulles, Bœufs, & Fruicts;mais nous leur declarames
le mieux qu'il eftoit poffible, qu'il nous falloit premierement nous pour
vcoir d'eau. Ainfi ils fe retirerent crians hautement , & nous de fonner
les Tambours & Trompettes, defployans la banderolle de Paix. Ils avo
yent grandement prifé la ceinture du Prefident, la quelle eftoit brodées
& tout ce ou y avoit tant foit peu de fer. Ily en eut un, qui nagea def
foubs la quille du vaiffeau, pour arracher les cloux dont il ne gaigna que
les feftus au doigts. Le Prefident changea contre eux quelques hame
çons: mais firentgrand difficulté pour vendre leur filets. En fomme pour
le faire court, ces gens eftoyent fort pleins de Ceremonies & courtoifies,
voire jufques à fe jetter devant nous à genoux,& nous baifer les pieds.fe
demonftroyent outre mefure cfmerveillés de la grandeur, & admirable
ftructure de noftre vaiffeau. Avoyent le tendon de l'oreille fendu pen
dant quafifur les efpaules avec des taches bleues noiraftes fur le corps,
comme s'ils fuffent bruflés de poudre à Canon. avoyent le poil de diver
fes façons, les mouftaches coupées, le menton rafé, & la barbe deffoubs
-
le menton.. -
Le 13. à l'aube du jour nous furent trouver deux Canoas pour trafiquer
à la mode desjours paffés; & tout auffi toft apres en vindrent bien qua
rante cinq autres avec des Cocos, Bananes, Porceaux, & Poulles, de forte
qu'en deux heures ou environtroquames bien7oo. Cocos, & autres den
rées. En apres veimes venir quelques naffelles, ou Canoas de par derrie
re, cuydans que ce fuft le Roy, qui nous vinft veoir : mais voyans qu'ils
nous alloyent entourer de tous coftés, ayans mauvaife prefomption, fei
mes diligence pour leuer l'ancre, & nous en aller.Le principal voile, que
tous fuyvoient, & qui fembloit avoir le commandement fur les autres,
portoit la figure d'un coq gris & rouge de couleur. Eftans donc eux tous
rangés en ordre de bataille, l'une des Canoas nous vint aborder, criant
terriblement , & jettant furieufement de pierres à l'encontre de nous.
Nous tirannes deux ou trois coups cmmy la troupe, de forte que les uns
furent tués fur la place, les autres fauterent dedans la mer,& fe fauverent
à nage, avec les femmesqui eftoycnt aupres d'eux. Il y avoit environ
1ooo. perfonnes, de façon qu'ils fembloyent avoiramaffé toutes leurs for
ces pour nous accabler. nos gens eftoyent fi furieufement courroucés &
encharnés fur cefte canaille de traitres, qu'ils enrageoycnt pour aller à
terre, afin de les pourfuyvre, & fe vanger de ceft outrage : mais le Prefi-
Le 14. il faifoit bruineux & obfcur. Si toft que le Soleil par fes
rayons euft efclairé la face du monde, veimes à l'Oeft une autre ifle
fept lieues de nous, & trente de la precedente , qui gift au mefme pa
rage de Cocos, affavoir à 16. degrés ; & s'eftend felon que nous en pou
vions comprendre, deux lieues en longueur Nort & Sud. Approchans
la cofte ne peumes fouder le fond; car incontinent nous vindrent au de
vant environ 27. petites Canocs, qui voulurent prendre le plomb de
la fonde, & la corde, & eftoyent des larrons pour la vie, fi que pour nous
en depefcher les menaçions de ruer fur eux à coups de pierres. La cha
loupe allant vers le rivage pour fonder, ils cuidoyent l'accabler ; dont
ils eurent occafion de fe repentir tout à l'heure. car nos gens tirans deux
coups de moufquettes en toucherent deux fi vivement, qu'ils tomberent
hors du bord, & s'en allerent au fond, oublians de retourner. Ce que
voyans tous les autres, s'enfuirent vers la terre à grande hafte crians bou,
bou, bou;fans fçavoir que c'eftoit des moufquettes. Quelque peu apres il
vint une Canoe dc la terre pour cercher les morts.orla chaloupe ne trou
va point de fond, finon tout aupres du rivage à 2o. 3o 4o. & 5o. braffes,
eftant le fond mol & pierreux. Nous veimes en cefte ifle beaucoup de
Cocos, & des pctites Cabanes, & les gens courans à travers le pays, & fur
les monts, & oyions les oifeaux chantans gayement. La couleur de la
terre fe monftroit noire à veoir : la façon des gens comme ceux des ifles
fufdites. n'ayans point de cognoiffance de pourceaux, ne de poulles, ou
pour le moins ils n'y eftoyent point. En vain les nommoitnoftre Prefident
VVacka, & omo en leur langage, c'eftoit peine perdue d'en parler de forte
que n'y avons rien fceu recouvrer, que quatre poiffons volans s lefquels
nous avons changé contre eux pour des faifceaux de Corales, quand nous
cftions encor bons amis, & le fuffions demeurés, s'ils n'euffent point ta
fché de noustrahir. Le Prefident pource que nous eftions grandement
defpourveus d'eau, vouloit qu'on approchaft la cofte avec le vaiffeau,&
que par force à coups de Canons on les feit retirer, & puis envoyer la cha
loupe à terre bien montée de gens & de moufquettes pour en querir de
l'eau malgréleurs dens : mais il fut contreroollépar la pluralité des voix.
Or il fit appeller cefte contrée l'ifle de Bon Efpoir : car nous avions tres tous
efperé de nous y rafraifchir, & faire quelque provifion, comme en avions
grand befoing: mais en vain.
Le 15. au midy avions la hauteur de 16. degrés, 12.minutes le vent Sud
eft, & le cours Ceft; quelques uns confcillerent de courrir au Nortoeft,
mais le Prefident nous en deftourna.
Le 17. du matin avions fort beau temps;& fur le midy nous trouvames
outre lés 16 degr. Ce jour le Prefident,pource que l'eau eftoit amoindrie,
meit ordre que chafquun fe contenteroit d'un demy quart d'une pinte de
vin d'Efpagne au defiuner.Dufoir prinfmes un Albicore avec un hameçon
de perlamour : le mcfme jour auffi fut conclu par le Prefident avec le
- -
Le 19. du matin il faifoit clair & beau temps, mais coy. apres
difner le vent fe leua de Sud, faifions le cours au Nort, & eftions à
bien pres de 15. degrés. Environ le foir defcouvrimes au Norteft
quart au Nort deux ifles par raifon hautes, environ fix lieues de nous, qui
nous fut une grande joye ; & tirames vers icelles, avec peu de vent,te
nans la courfe de Norteft; & plus à l'Eft fur la nuict, le vent s'eftant tour
né plus au Nort.
Le 2o. du moisveimes ledict pays, qui eftoyt encor bien trois gran
des lieues de nous vers le Nort; & conumes alors clerement que c'eftoy
ent dcux ifles, l'une petite & l'autre grande, en la quelle nous veipnes
monter grande fumée. Tout ce jour il feit beau temps, & le vent de
Nortnorteft, qui nous donna tout le long du jour beaucoup de peine
pour approcher la terrc.
Le 21. nous trouvames encor effloignés bien deux lieues du pays : le
pays eftoit haut, le rivage de fablon blanc, plein de Cocos. Sur le midy
veimes venir plufieurs Canoes des deux ifles de toutes parts, venant de
derriere, & de cofté du navire bien 24.Canoes , chafquune avec trois
hommes, qui menoyent grand bruit pour nous dire la bienvenue.Nous
d'autre part, faifions auffi grand cri, comme eux,& fonnions les trom
pettes. Les Canoes & les gens eftoyent quafi de la mefme façon, comme
ceux du Bon efpoir ; auxquels ils reffembloyent grandement de coleur,
corps, cheveux, & langage, mais ils nous fembloyent à veoir plus fales.
ils ne portoyent rien à vendre , ne venans que pour nous monftrer fa
veur & amitié. Nous leur donnames un peu de Corales, & des vieux
clous
D E I A QV ES LE M A I R F, 147
clous: eux nous rendirent deux ou trois petits poiffons. Ceux cy efto 161 6.
MAY.
yent larrons, comme les autres,rampoyent fut le bord du navire juf
ues au deffoubs de la Galerie, ou eftoit penduc à une corde la chemife
Prefident pour fecher, laquelle ils prindrent.Le Marchand de la Fufte
leur fit figne, qu'ils rendiffent la chemife; mais ils luy ruerent des pierres
à la tefte: luy auffi pour fa revenche fit le mefme. Là deffus un de nos
gens fans avoir commiffion , defchargea un coup de Canon fur les
Canoes & en attaignit quelques uns : car ceux qui eftoyent enhaut
en virent qui feignoyent. ainfi donc eftans tous effrayés , ils s'en
fuirent à grand hafte avec leurs naffelles , jettans la chemife en la
Mer. -
T3 agrea
L G A T I O N AV ST R A L E
A. Deux Roys, qui fe rencontrent & fe font la E. Les Cabanes & logemen; couverts de fueil
reverence entre eux avec des Ceremonies les.
-
fueille,
I 52 N A V I G A T I O N AV S T R A L E
1 6 1 6.
MA Y.
fueille, qu'ils tournent à la façon d'une poivrade. Le Prefident donnant
au Roy le miroir fpherique, luy demonftra en 1celuy la figure duSoleil
& de la Lune, lefquels font auffi ronds & luyfants , confeillant qu'ils le
pendiffent au fommier du Belay; ce qu'ils firent. Ce jourauffi furent prins
de nos gens deux poiffons bien eftranges, fort gros de corps & de tefte,
ayans fur la peau des taches, comme les Efpreviers , les yeux tousblancs,
deux grandes ailes de la longueur de la queue d'une Raye; & cntre deux
avoyent la qucue fort deliée. & cftoyent quafi de la forme des Chau -
vcfourris.
Ainfi donc eftans affis noftre Prefident, & Adrien Claf. aupres de
Roys, leur fut demonftrégrand honneur & reverence, voire jufques là
que lefdits Roys prindrent leurs courronnes, & les meirent fur les teftes
de nos deux Commis les courennans Roy, & Viceroy de l'ifle, comme
par une recompenfe fatale de leurs grands travaux, foin , & diligence,
qu'ils avoyent mis à l'entreprife & execution d'une telle & fi penible na
vigation. Ces couronnes eftoyent faites de quelques plumes longues &
blanches, eftans par en haut & en bas embellies de quelques petites plu
mes rouges & vertes de Perroquets, & pigeons, qu'ils tienent en grande
eftime.car tous les Confeillers fe trouvans pres le Roy portent un pigeon
fur une verge; comme par cy devant la nobleffe d'Europe fouloyent por
ter les faucons fur la main en aucunes provinces. or ledict pigeon eft
blanc depuis la tefte jufqu'aux ailes, le refte noir, finon que le ventre eft
coulouré de plumes rouges. Or durant que les uns eftoyent empefchés
avec les Roys, les autres faifoyent provifion d'eau pour le voyage ad
- -
Ven1I*.
- fon abfence. -
V efmer
154 N A v I G A T I O N A V ST R A L E
16
MAY.
efmerveillé. Apres avoir veu toutes chofes, fut mené à terre avec le
Prefident, lequel il revera comme un Dieu.or furent ils portés eux deux
- de l'efquifjufqu'au Belay, foubs lequel ils s'affirent pendant que nous e
ftions mangeans & beuvans. En apres le Prefident fe meit à proumener
avec le Viceroy, pour veoir le pays, les habitans, & leurs maifons & trou
va les payfans d'un village qui eftoit un peu plus outre, avec les femmes &
filles dancer avec nos matelots bien joyeux. Sur le foir tous nos gens re
tournerent à bord & quelques uns fe mirent à pefcher à la lueur de la
Lune. ayant prins une quantité de poiffons, s'en allerent vers le Roy, qui
eftoit en la compagnie de quelques jeunesfilles , dançants toutes nues
devant luy au fon d'un inftrument faict en façon quafi d'une pompe ; ce
qui nous fembla chofe bien rare & eftrange, de veoir que un peuple fi
barbare euft tant d'efprit de pouvoir obferuer la cadence & jouer des in
ftrumens. Ce temps pendant les noftres, qui ne vouloyent aucunement
fuyr la lice demenoyent grande joye en la prefence du Roy ; lequel y
print fi grand plaifir, & tant en ria,& leur frappa en la main, que c'eftoit
merveille. Mais la malaventure voulut, que durant cefte lieffe, les ha
bitans nous ofterent fix ou fept poiffons; ce que nous fimes entendre au
Roy; lequel s'en altera grandemenr, & en fit tout incontinent la recer
che, & frapa deux de fes fubjets fi cruellement,qu'il les euft quafi tués.
or ils mangerent derechef le poiffon tout crud.
Le 3o.du matin au defiuner nous vint aborder une Canoa, faifant pre
fentau General de deux Porceaux,& un peu de Cocos de la part du Latou
lefquels ayant receu dans noftre vaiffeau, ils mangerent de nos poiffons
de fi bon appetit & fi joyeux, comme s'ils euffent efté en un banquet. ce
leur eftoit une friandife, car autrement ils les mangent crus. Au partir
nous leur donnames à chafquun un clou en fouvenance de nous. Dere
chefapres cela nousfurent apportés beaucoup de fruicts; car le Roy avoit
commandé à tous payfans d'apporter quelque chofe de nouveau avant
noftre depart. Sur le mid drien Claf. & Daniel le c71aire » invite
rent le Viceroy à difner à la portion; lequel eftant chés nous, le traitames
magnifiquement. Incontinent apres veimes le Roy de l'autreifle voifine,
avec toute fa nobleffe, & leurs femmes, veftus de fines mattes , qui ve
noyent en des Canoas avec beaucoup de fruicts vers noftre ifle. Les deux
Roys fe faluerent avec des Ceremonies ridicules ; car ils fe couchoyent
avec la face, & les mains contre terre, & tantoft dcvers la nef, & tantoft
derechefdevers la riviere à la fin s'affirent l'un aupres de l'autre, chantans
leur Adoua. Or c'eftoit icy le grand orankay , ou Superieur des deux
ifles. Le Prefident eftant venu à terre pour veoir leurs Ceremonies &
contenances, fut mis aupres d'eux fur une petite matte ; ou il s'affeit &
meit le feu dedans la poudre, & alluma fa meche la donnant à Nicolas
Ianf. pour defcharger un coup de fa piftole, qui les eftonna bien fort:ils
requirent qu'on tiraft aux noix de Cocos; qui fut fait tout à l'heure : mais
c'cftoit le beau du jeu, quand nous dcfchargeames un de nos petits ca
nons fur la montagne; car tous en eftoyent fi fort effrayés que defia ils
prenoyent la fuite. Apres ils nous firent prefent par leurs Arikis de
neuf porceaux , ufans de leurs ceremonies accouftumées. nous leur
donnames pour la recompenfe d'un telprefent des Corales, une coignée,
deux coufteaux, des baffins, & anneaux de cuyvrc. le tout fut diftribué
à ceux qui nous avoyent livré les porceaux Or cependant le temps eftant
venu pour manger, ils meirent devant les Roys, & les nobles & genti.
- femmes
D E I A Q V E S L E M A I R E. 155
1616.
femmes premierement des Aconas, & des fruicts, & quelques porceaux MAr.
roftis, farcis d'herbes, deforte qu'ily avoit bien à manger pour 5oo. pcr
fonnes, qui eftoyent affis a l'entour de nous : Nous en eumes auffi noftre
portion. Or voicy la maniere qu'ils tencyent au lieu de cuyfiner la vian
de: ils machoyent les herbes bien menues, eftant machées les meirent en
un grandbac de bois, & avec de l'eau lesmefflerent, & peftrirent,& eftant
* par les eftoupes en donnerent à boire au Roy, & à fa nobleffe. on
y mangea beaucoup de racines d'Vbas, & feize porceaux roftis, qui e
ftoyentfivilemement accouftrés, que c'eftoit une horreur à veoir. Du
rant le feftin nos Trompettes,& Tambourins fonnoyent pour recreer la
Compagnie, qui eftoit environ de neufcens perfonnes.
Le 31. de bon matin eftions empefchésà leuer les ancres. Apres def
juner les deux Roys vindrent à noftre bord, & nous apporterent un pre
fent de fix porceaux & les matelots changercnt plufieurs oufjs, Bananes,
& Cocos, fi que chafcun eut fept Coros pour fa part. Le Latou confeilla au
grand Roy d'aller veoir le Navire, mais il n'ofa. A lors noftre Prefident
le print par la main, & le mena en la Cahute, luy faifant veoir là le pour
traict deSon Excellence armé, difant que'c'eftoit noftre Ariki : d'avanta
ge auffiun miroir,& des clochettes, & la Mappemonde , luy monftrant
en icelle au doigt la fituation de noftre pays, & du fien; ce qu'il fembloit
comprendre aucunement. Puis il feit verfer à chafcun d'eux un goube
lee de vin t de làil les mena en la Galerie; & finalement par toute la nef
& derechef leur furent faicts des prefens de Corales, un Coufteau, une
peigne,& quelque clous & d'abondant à chafcun des nobles en particu-
lier un clou. Entre lefquels y eut un qui happa un vibrequin : quoy voy
ant le Roy, luy donna tant de coups fur fa caboche, qu'il luy convint fau
-
ter hors du bordpour fe fauver de fes mains.
Bien toft apres le Prefident avec Adrien Claf. fe meirent à terre, & s'en
allerent lauer dedans la riviere : puis vindrent trouver les Roys pour
les remercier, & dire Adieu. Eux firent tout à l'iftant eftendre des
mattes pour nous affeoir, & entendans que noftre intention eftoit de
faire voile tout à l'heure, ils nous donnerent encore quelques prefens,
& nous à eux : fi nous conduirent jufqu'à la rive , ou nous prinfmos
congé d'eux. Ainfi allames plus outre. Ces gens cyviuent miferable
ment en des petites logettes au long de la cofte , d'environ vingt cinq
pieds en la rondeur, & douze, ou encore moins de hauteur : les huis
eftans fi bas, qu'il fe faut courber pour y entrer , n'ayans point de me
nafge , que un peu d'herbe feche pour coucher deffus, & aucuns une
verge à pefcher, ou un bafton. car le Roy mefme n'avoit rien autre
en fa logette. Ils font grands & robuftes de corps ; car quand nous al
lions à grand' peine par les montagnes, eftant mattés du chemin tref
difficile, le Viceroy fe feit fort de porter le Prefident en bas fur fes e
fpaules, nous autres ayans prou à faire de nous porter nous mefmes.
ils font jaunes, noiraftres de couleur, & fe plaifent notamment en la
cheveleure, que les uns relient , les autres frifent , & les autres l'en
tortillent, les autres le dreffent contre mont, chafquun àfa mode, &
à qui mieux. Les femmes eftoyent laides, les mammelles pendans juf
qu'au ventre, fans loy ou reverence, fort impudiques, outrepaffans les
limites d'honnefteté à chafque moment, En fin ils font fans reli
gion, comme des beftes brutes, & n'ont point pour tout de cognoif
fance de la marchandife; vivent comme les gens du premier monde,
-
V 2, fans
--
- ------
----- --------
- Hoornfe - Ejlandt
Ifle de Ifle
- -- -- .
A. Le portde Concorde. . - vifion d'eau. . -" '
B. L'endroit ou nous feimes noftre provi- .. C. Le Belay. . : , :-
--
-
- l - -- " * - - --
fans travailler, ayans pour viande les fruicts des arbres , & les poiffons
tous cruds. Le Prefident fit appeller ces ifles à l'honneur de la ville de
Horne, ifles de Horne ; & le golfe ou nous repofions à 14 degrés, 56.mi
nutes àl'honneur de noftre vaiffeau, le golfe de Concorde. Or nous perdi
mes icy une ancre,& feimes voile par un vent d'Eft,& Eftnorteft , cour
rans Nort, & Nort quart à l'Oeft. : . ..
- -
-
Le pre
-
D E I A Q v E S L E M A I R E. 157
* Le 2o. du foir le Pilote tout joyeux nous dict , qu'il veoyoit la terre
vers le Sud, ayant des grandes collines & montagnes. Elle eftoit gifante
au deffus de s. degrés. ainfii laiffames paffer la nuict fans voiles, pour ne
-
--
- Le 28 nous vint à bord une grande Canoa, non moins belle que haute,
& dedans icelle vingt & un hommes, qui du commencement fe mon
ftroyent peureux ains bien toftprenans courage s'approcherent de nous,
regardans cngrand' admiration les images & Lions de la Galerie. Peu
apres vint encor la deuxiefme Canoa,dans laquelle y avoit un vicillard
portant des Pinanges fur fa tefte, comme un prefent. Cependant il ne ve
-
noit
16o NAv I G AT I o N Av s T R A L E
I6I6.
IuIN.
noit encor perfonne pour rachapter le prifonnier : lequel à cefte caufe
nous meimes à terre, & le laiffames aller. En apres ouymes jouer fur le
tambour, ce que nous prefumionseftre un figne de quelque fefte ougran
de joye. Les habitans de ce pays vont quafi tous nuds, fe couvrans tou
tesfois la vergogne.ils avoyent bien fur le corps plufieurs cicatrices, mais
point ou bié peu la peau defchiquetee ne bruflee, comme ceux des autres
ifles. ils font de moyenne hauteur, gros & gras , bien nourris, plufieurs
portans fur eux une petite Calabace avec de la chaux, pour affaifonner
les Pinanges. ils font la reverence en oftant leurs bonnets , & le tenans
long temps en la main par deffus la tefte. les armes dont ils fe fervent,
· font Affagajes, fondes javelines & braquemars de bois, mordans comme
chiens; mefme les prifonniers mordoyent les cordes en pieces, & quand
nous eftions defarmés, nous venoyent affaillir à beaux coups de dens.
En fomme c'eftoyent des mefchans traiftres, qui toutesfois fe laiffoyent
domter par crainte des moufquettes.il nous fembla de veoir fur la cham
pagne des Onilies & qu'ils n'avoyent point de meilleure viande, que les
noix de Cocos. D'avantageyveimes des Perroquets verts, comme ils font
es Indes Occidentales. de nuict levions l'ancre, & nous en allames avec
petit venr.
Le 29. du matin eftions environ la poincte de Nortoeft dugolfe, n'ay
ans avancé toute la nuict que 1 lieues, levent de Sud.Sur le midyavions
la hauteur de 3 : degrés, allans le long de la cofte Nortoeft quart à l'Oefte
& lors veimes clairement que c'eftoit la cofte d'une terre ferme, & fans
doubte de la nouvelle Guinea. Les habitans fe nomment Papoos, eftans la
plus part noirs de couleur.Environ le foir defcouvrimes encor° trois hau
tes iffes, diftantes comme fix lieues de la grande.
Le dernier au matin avionsle vent variable,& nous trouvions pres d'un
Cap, derriere lequel la cofte fe traine premierement à l'Oeft, & puis au
Nort, ou fembloit avoir une Baye. Beaucoup de Canoas vindrent de la
terre, qui eftoyent bien charpentées, & embellies de plufieurs painctu
res & images taillées, mais ils ne nous apportoyent rien, combien que
nous leur donnaffions fort bien à entendre noftre neceffité.Vray eft qu'ils
nous faifoyent la reverenceavec les mains & les bonnets,& quelques uns
rompans léurs javelines, pour monftrer qu'ils nous vouloyent traicter en
amis fans nul acte de hoftilité : & pource s'affeurans pareillement de nous
de faire le mefme, venoyent fans aucune fufpicion en la galerie , & en la
cahute : ou apres leur avoir monftré quelques chofes, & qu'ils euffent de
chargénos piftoles, eftans à table ils chanterent quelques chanfonnettes
pour recompenfe, & en figne de gratitude , de ce que nous leur avions
donné quelques Corales : & a la fin fe retirerent de nous fort hon
neftement, faifans place l'un à l'autre, de forte que paffames tout ce jour
bien paifiblement, fans qu'il nous fuft rien defrobbé. Ces gens fe cou
vrent les parties fecrettes de quelques fueilles.ils fentent fort mal apres le
fuifou graiffe, quafi comme les habitans du cap de bonne Eferance. leur
langage eftoit different de ceux da la terre ferme, qui leur font ennemis:
avoyent auffi beaucoup de cicatrices au corps : au refte hideux à veoir,
laids de vifage , le nés camus, groffes levres, & grandes bouches& fi
par orgueil la barbe, & les cheveux de la tefte avcc de la
:ent
CIlalLlX.
IuILLET. Le premier de Iuillet, n'ayans faict toute la nuict que deux lieues pour
le calme,
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D E I A Q V E S L E M A I R E. I61
1613.
le calme, flottames encor le matin enfuyvant. Apres defiuner vindrent IvILLET.
vers nous plufieurs barquettes; penfans qu'ils nous apportaffent quelque
provifion, mais helas ! quoy ? ils ne portoyent que des armes pour nous
accabler, faifans plufieurs bravades, & les demcnans ça & là, commen
cerent à fraper & blefferent l'un de nos gens fur les feffes , & l'autre def
foubs le bras;& tout à l'inftant fe ruerent enfemblemcnt contre nous avec
leurs Affagaies, & fondes, penfans nous oppreffer. quoy voyans tirafmes
fur eux à coups de Canons, & de moufquettes, de maniere qu'il y en eut
environ une douzaine de tués; les refte fe meit à fuir, la chaloupe les
pourfuyvant, qui print à l'heure une Canoes, dans la quelle eftoyent
trois hommes, l'un mort, & les deux autres fauterent en l'eau ; dont le
premier eftant tué , fon compagnon qui eftoit environ de dixhuict
ans, fe rendit prifonnier, lequel feimes appeller Moyfe du nom de ce
luy des noftres, qui avoit efte bleffé. L'ifle auffi ou nous advint cefte
malencontre fut nommée du mefme nom. Sur le midy eftions à2: de
grés. Ces gens cy mangeoyent les racines d'un certain arbre au lieu
de pain .
Le 2. du matin fe monftra dcrechef à l'Ocft de nous un haut pays te
nant au pays d'hier au foir, combien qu'ily fut entre deux une grande en
coigneure ou golfe de fort baffe terre. Ainfi cefte cofte fe retire , & fad
vance, & fe courbe en plufieurs fortes, reffemblant du tout à la cofte de
la neuve Guinea. Nous faifions noftre cours Oeftnortoeft vers un cap, par
raifon haut eflevé,& derriere iceluyveimes la cofte, qui *
declinant. Sur le midy nous trouvames à la hauteur de 3 : degrés. Et
eftans efloignés environ deux lieues de la terre, veimes encor une autre
grande montagne. -
-
- Le 3.à l'aube du jour avions le haut pays au cofté, & avancions fort,fi
que tout incontinent perdimes la veue de la terre. Le Prefident euft bien
voulu, qu'on euft toufiours coftoyé la dite terre, tant de nuict que de
jour. Environ le foir veimes derechcf un haut pays à l'Oeftfudoeft
de nous. --
- Le 4. du matin veimes clerement qu'il eftoit vert, & plein d'arbres, &
qu'il y fumoit : & paffames entre des Ifles, des quelles en veimes plu
ficurs petites à l'eftribord de nous, gifantes en l'altitude de 2. degrés ,
3o. minutes. Dreffions le cours vers l'une des ifles; mais eftans furprins
de la nuict, fumes contraincts de floter, fans qu'il nous fuft poffible d'y
arriver, le Pilote prefumant que ce fuft l'ifle de Ceiram.
Le 5. eumes vens varrables, tonneres, & foudres,& fur le midy la hau
teur de 3. degrés, 8. minutes : & trouvames que le flot cy alloit par rai
fon à l'Oeft. Sur le foir apperceumes derechef à l'Oeft de nous deux
ifles baffes : fimes à cefte occafionvoile vers le Sud jufques au parage de
Banda, & apres vers Ponant, afin d'en venir au deffus.
Le 6. tout le long du jour le temps eftoit variable, avec vent & pluye:
fur le midynous trouvions en lahauteur de 4 degrés, 1o. minutes. Or
avant difner avions apperceu une grande montagne reffemblante à la
montagne de Goudenapj en Banda, fi que le Patron affermoit que c'eftoit
l'ifle de Banda: mais l'experience demonftra le contraire.Car on veit bien
toft apres au mefme lieu encor trois ou quatre montagnes ardantes,
qu'on appelle pour cefte caufe Vulcanes; de forte que pour entendre quel
pays c'eftoit, on trouva bon de l'aborder. Ainfi flotames toute celle
nuict ça & là pour attcndre le jour.
X Le
r62 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
16I3, Le 7. de matin nous trouvames affés loing de la montagne ardente,
IvILLET.
vers la quelle nous dreffames noftre chemin, penfant d'en venir à bout
entre l'ifle & la terre ferme; ce qui nous fut impoffible : de forte que il
nous convint aller premierement fuyvant la cofte , & puis en la pleine
mer, ou noustrouvames deux petites barques avec des gens, qui crioyent
à nous, combien qu'on ne les fceuft pas entendre , ne mefme auffi noftre
prifonnier 7oyf». Approchans la cofte nous vindrent au devant douze
canoas, avec chafcune quatre, cinq, ou fix hommes: les canoas eftans d'u
ne autre façon, & les gens plus jaunes que les precedens. Nous n'y de
IncuramcS guerres, tant pource que n'y trouvions point de commodité
pour ancrer, comme principalement pource qu'on ne nous apportoit rien
vendre: fi que nous refoluions d'aller plus outre vers une baffe poincte de
la terre, qui eftoit à l'Oeftfudoeft de nous. En paffant veimes encor deux
ou trois ifles, & en laiffames à la gauche vers le Nort de nous quatre peti
tes, qui fembloyent continuellement fumer. Sur le midy le Vulcan fe
voyoit à l'Eft quart au Nort environ une & demy lieues de nous. Nous
remarquames icy grand changement de couleur en l'eau, qui fe demon
ftroit pafle, verte, & jaune, comme fi euffions efté pres de quelque rivie
re; veimes auffi floter beaucoup de bois, des arbres avec la racine, & des
branches. La nuict enfuyvante nous veimes trois Vulcanes, & n'ofames
faire aucun voile , ains nous laiffames porter fur l'eau vers le Po
IlaIlt .
delà.
Le 11. avant jour ayans levé l'ancre, paffames deux ifles,l'une fort hau
te & l'autre baffe,avec un grand village fur la riue. Apres midy veimes
encor au devant de nous une ifle, laquelle paflames au foir. Notez icy
que la cofte de ZNova Guinea s'eftend le plus Nortoeft quart à l'Oeft ti
rant aucunefois plus au Nort, & aucunefois au Ponant. -
Le 12. avant Midy faifoit coy & beau temps, de forte que nous al
lions tout doucement fuyvant la cofte Oeftnortoeft: & le jour enfuyvant
veimes devant nous la terre, qui s'eftendoit bien avant: fur la mer flotoy
cnt beaucoup de pieces de bois, venants hors de quelque grande riviere,
fur lefquelles fe tenoyt grande quantité de Moufles, & Efcreviffes , &
quelques oifeaux de mer, noirs de couleur. nousveimes encore ce jour
beaucoup de poiffons detoutes fortes, & trouvames en fin, que la marée
nous avoict faict grand avantage, nous emportant bien avant à l'Oeft;
comme elle va toufiours au long de cefte cofte.Sur le midyavions la hau
teur de 3. degrés; & toutes les nuicts pour la chaleur extraordinaire du
jour, y avoit des terribles efclairs. -
Le 17. entrames plus avant au golfe vers la riue, afin de garentir nos
gens, qui iroyent à terre pour traicter avec eux. Il fut refolu fi ils ne
venoyent point devant le diffner, que apres midy on iroit prendre les
Cocos par force. Sur ces entrefaictes, voicy venir un homme armé de
la terre fur une Canoe avec des Cocos, lefquels il meit deflus l'eau a ce
que ils flotaffent avec le cours de l'eau jufqu'à nous : il fe tenoit de pre
mier abord affés loing, mais en apres prenant courage s'approcha jufqu'à
venir deffoubs la Galerie, ou nous avions attaché à une corde des Co
rales, lefquels il print pour fes noix. Ce faict, les autres s'approcherent
auffi, & nous apporterent tout ce que nous demandions, pour des Cou
fteaux, vieux Clous, & Corales ; dequoy ils eftoyent fi friands, que
mefmes ils changeoyent leurs arcs & fleches contre ces brouilleries. ils
nous prefentoyent auffi du Gingembre vert , & quelques petites
racines jaunes. En fomme nous accordions ce jour treftbien enfem
-
-
blc. -
Le 18. de bon matin ils nous vindrent derechef à bord avec leurs den
réestout le long du joüir avions prou à faire pour changer contre eux;
nous en recouvrimes 96o de Cocos. nos gens fe meirent à pefcher, & ceux
du pays incontinent de les aider,& leur faire grand fervice.
Le 19. à la requefte des matelots fut donnée licence par le Prefident
d'aller pefcher aupres de la grande iffe, ce qu'ils feirent auffi du confen
tement des habitans, qui mefmement les aiderent à tirer les filets. Bien
toft apres vindrent plufieurs Canoas vers nous ; dont craignans quelque
fraude, faifions figne à nos gens de retourner à bord. mails ils y alloyent
à la bonne foy, & venoyent à la foule pour changer leurs denrées, defi
reux fur toute autre chofe de Coralcs. Nommoyent leur ifle 7toa, &
l'autre gifante vis à vis d'eux Infu, & la haute ifle Artimoa.
Le 2o. à l'aube du jour nous furent trouver encor vingt Canoas,e
tites & grandes, à la hafte pour changer contre nous ; d'autant que nous
avions dit de partir ce jour mefme. ils nous apporterent tant de Cocos,
que chafcun en recouvrit bien cinquante, & de Bananes, tant qu'il nous
pleut.
Le 21. du matin il faifoitfigroffe bruine, que ne pouvions quafi veoir
la terre ; laquelle veimes derechef apres midy : mais ce n'eftoyent que
des
D E I A Q V E S L E M A I R E. n65
1616.
des ifles paffans pres d'une petite ifle touchames à 15. toifes le fond, de
fablon & coquille. là nous arreftamesattendans lc jour , & veimes de IuILLET
nuict plufieurs feux à l'entour de nous ; eumes auffi grande pluye,tonne -
Le 3. allions quafi droict à l'Oeft; & apres avoir laiffé quelques ifles au
bagbord, foubdain nous trouvions arrivés en un endroict, que l'eau aupa
ravant tranquille,y faifoit des grandes brifures; futtrouvé tout à l'heure
que c'eftoit un gravier de la profondeur de dix, douze, quinze , dixhuict
toyfes, ayant le fond fablonneux & confideré que la nuict approchoit , y
jettames l'ancre eftans à douze braffes, le Prefident prefumant que c'e
ftoyt icy le grauier, qu'on veoit en toutes les cartes marines aupres de
Papoos. Noftre opinion fut apres avoir faict le chemin de 28o. lieues
au long d'icelle cofte , qu'alors ferions paffés la cofte de 2Nova Gui
mea.
Le 4. nous meimes en la haute mer jufques à ne veoir plus aucune
terre : en apres defcouvrimes une ifle baffe, faifans grand devoir pour y
arriuer, mais en vain, à caufe que la marée, & une terrible tempefte fur
venant àl'improuveu nous en deftourna. la nuict flotames en ça & en là,
-
Le 19, avions un jour d'efté, & fur le midy le vent au Nort,fimes noftre
D E I A Q V E S L E M A I R E. 169
cours vers labaye, & y mouillames l'ancre à 12. toifes, fond de coquilles: 1 61 4
ou bien toft nous vindrent trouver les habitans du pays,avec du Ris,Tor-Aou*.
tues, Sagu, Poulles, & Poiffons à vendre, pour des Peignes, Clochettes,
& cloux.
Le 2o. prinfmes du poiffon auxfilets,& nous adonnames à troquer,re
couvrans grand'quantité de Sagu: quant au Ris ils ne le vouloyent chan
ger, que feulement contre du linge. Ce mefme jour cyarriva un Correcor
venant de Terrenatepour du ris, lequel nous dict qu'ily avoit en Terrenate
our lors bien 17 grands navires Hollandois, qui pretendoyent d'aller -
à c7Aanila.
Les jours fuyvans continuames à nous pourveoir de toutes chofes, &
principalement de Ris, & d'eau, & de poiffon : les Bananes & Cocos nous
furent apportees à la foule.Or ces gens font de bonne humeur, ennemis
des Efpaignols fuiects du Roy de Terrenate, qu'ils recognoiffent pour leur
fouverain Seigneur. Langue ne fçauroit exprimer, ne plume efcrire le
rand contentement & lieffe, que avions de nous trouver en ce lieu, au
quel eftions hors de toute craincte & fufpicion,y trouvans figrande abon
dance de toutes victuailles: car le voyage n'avoit efté moins dangereux,
que penible.De maniere qu'aprestant de peines il ne fe faut aucunement
efmerveiller, de ce que nous defirions fur toute chofe nous relafcher un
peu pour reprendre noftre haleine. Et principalement d'autant que nous
eftions 35.perfonnes gens robuftes fur lebafteau, toutes provifion & vi
vres eftans quafi faillies, de forte que ne fceumes affés remercier noftre
bon Dieu de la grande mifericorde, qu'il nous avoit faicte.
Le 25. apres avoir faict toute noftre provifion, partimes de la rade de
-
Soppy. . -
- les .
17o N AvI G AT 1 oN Av s T R A L E
1616. les ifles & la terre ferme, au moyen de la marée, & du vent qui pour lors
SEPTEME. eftoit d'Oeftnortoeft. Mais il en advint tout autrement: car nous faifions
tantoft l'un & tantoft l'autre cours, fans rien advancer qui vaille. Tou
tesfois durant ce temps veimes clairement & diftinctement les cinqifles,
qu'on appelle de Moro. La premiere c'eft Bihoa, la deuxiefme en la quelle
avoit efté le Prefident, Doj, la trofiefme Tuacaro, la quatriefme Pou, & fi
nalement la cinquiefme Salangarj, qui eftune baffe terre de couleur iau
naftre , vers la cofte de Gammacamor. -
Le 13. nos gens s'en eftans allés pefcher, amenerent beaucoup de poif
fons à bord; avec auffi les payfans du lieu, qui nous apporterent à vendre
trois fangliers, lefquels ils nous affeuroyent avoir efté prins à la chaffe
-
des chiens.
Le 14 le vent fe tourna,venant de la terre, qui nous fit avancer une lieue
& demy, fans plus.ce faict fumes contraicts de mouiller autrefois l'ancre.
Le 15. apres midy recouvrimes un bon vent, au moyen duquel, eftans
aidés de la marée , courions au long de la cofte bien avant outre la
baye,
D E I A Q V E S L E M A I R E. 17 1
- baye, & la haute montagne ou nous repofames à l'entree de Loloda, eftans 1 61 6.
bien proches de la poincte deTogghefongyde forte que ce jour avions faict SErrEn
bien quinze lieues de chemin.
Le 16 du matin nous trouvames en ungolfe à une & demy lieue des ifles
de Togghefongy & Loloda.Quelques fois il pleuvoit & faifoit bruineux,juf
ques apres difner.D'icy defcouvrimes la montagne de Gāmacanor, par def
fus les nuees en apres veimes encor Terrenate & Tidore, & l'ifle de Irj, & à
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D E I A Q y E S L E M A I R E. n73
apres midy nous trouvamcs à 15. toifes tout apres d'un banc de la 16 1 6.
mer, qu'on appelle le Chapelet, ou Patrenoftre ou nous veimes beaucoup OcToB.
de verdure, & des grandes brifures de la mer , non fans danger du Na
Le 12. & 13. continuant le mefmc vcnt & carriere, veimes l'ifle Madu
ra, à la main gauche. -
à fi bien gardés.
" Le 3o. calames tous nos voiles, & lc jout enfuyvant menames tous les
malades à terre. Apres midy auffi fe vint trouver icy devant Iacatra le
Prefident Ian Pieterfon Coenen avec fon vaiffeau portant le nom de Ban
tam.
Y 3 globc
-
- .
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-
1 74 NAVIGAT, AVST. DE I, LE MA IR E.
T 6 1 6.
globe du monde avec le Soleil, iceluy nous eftoit couché une fois moins,
NovEMB
& par confequent avions cu une nuict moins:eux au contraire faifans voi
le de l'Occident vers Orient,avoyent eu le Soleil couchant,& par confe
quent un jour naturel plus, que nous; qui revient à la difference de 24.
heures; fi que pour fuyvre le ftile ordinaire des autres, fumcs contraincts
de perdre unjour dc la fepmaine, fautans de LuncdyauMercredy n'ayant
quc fix jours en la fepmaine: ce qui foit dict en paflant. Ainfi eftans pri
vez de noftre navire, quelquels uns des nos gens fe meirent illec en fer
vice. Le Prefident, avec fon ftere Daniel, & le Patron du navire de Concor
de, avec encor dix hommes furent mis fur lc navire Amfterdam, qui pre
tendoit dc retourner en la patrie. Le refte,affavoir Adrien Clafz. & le Pi
loteNicolas Pieterf. avec dix autres perfonnes furent diftribués fur le Na
DE cEMB.
vire Zelande; & partirent de Bantam le 15. Decembre.
Le 3I. trefpaffa de cefte vie le courageux perfonnage Iaques le Maire ,
Prefident qui fut de noftre Compagnie, apres avoir executé non moins
vaillamment que fagement cefte honorable entreprinfe & voyage a l'en
tour du Monde.
1617.
- IANvIER.
Le 1. de Ianvicr eumes le vent au Nortoeft, avec tempeftes, & flotames
-
fans voiles. -
AvRIL. Le 1. d'Avril devant midyveimes la dite ifle, & le jour enfuyvant vin
mes au deffoubs d'icelle; ou nous trouvions derechef le navire Zelande ,
lequel eftant efcarté de nous par la tempefte, y eftoit arrivé quelques
jours devant nous. -
Le 7. dudict mois apres nous eftre bien prouveus, feimes voile par en
femble; & le 15. defcouvrimes l'ifle d' Afenfion.
Le 24.furent par les matelots apperceus de loing, mais point recognus
deux navires, à la hauteur du premier degréau Sud de la ligne.
Le 25 paffames pour la cinquiefme fois la ligne Equinoctiale ; & le 29. ,
nous apparut l'eftoile du Nort, qui par l'efpace de 2o. mois ou plus con
tinuellement nous avoit efté cachée.
. *** achevéce facheux & penible voyage en deux ans dixhuict jours,fans que
--
noftre fidele & bon Prefident Iaques le Maire, euft l'heur d'en veoir l'iffue;
comme il avoit longtemps & fur toutes chofes extremement defiré.
--
Fin de la Navigation eAuftrale du Prefident
fA Q y E s L E MA 1 R E.
175
R E LATIoN
Des deux Caraveles, que le Roy dEfpagne envoya de
Lifbonne l'an roI .. aumois d' Octobre, foubs la con
duite du Capitaine Don Iean de More pour vifiter
& defouvrir le paffage de Le Maire devers le Sud,
Lefquelles retournerent en Seville au moi d'Aouft 1 6 1 9. e5
firent le rapport au Toy de tout ce qui leur eftoit ad
droit
D E I E A N D E M o R E. ,
droit nullement, s'il y avoit par là quelque paffage ou Canal pour aller
en la mer du Sud. -
-
aux dicts pays les gens fains & difpofts, en deux mois de temps, fans qu'il
fuft befoing fe foucicr des faifons de l'année, ou qu'il falluft craindre l'em
pelchement des Moifons en cefte carriere. Qui eft ce , qui ne admire
une telle promeffe ? & qui ne loueroit grandement la practiquc d'unc
telle entreprife, de mener les gens de l'Europe jufqu'aux ifles Filippines, &
Molucques fains & faufs, en fi peur de temps, fans fe foucier des faifons de
l'an,
178 N A V I G A T I O N A V S T R A L E-
l'an, vens, ne mouffons, aufquels on cft fubject, quand on y va paffant le
Cap de Bonne Hfperance. De vray la difference de ces deux Naviga
tions feroit pas trop grande. Car la continuelle experience depuis que
ces Provinccs unies ont trafique és Indes Orientales, nous a demonftré,
que pour arriver aux ifles Malucques quand tout va bien & à fouhait, qu'il
y faut pour le moins quatorze, quinze, ou feize mois, & fouvent plus:
cftant mefmes ce voyage fi dangereux & difficile , que le tiers & fou
vent la moitiédes gendarmes, & autres qui vont fur les Navires , fe
meurent devant qu'on arrive au lieu pretendu. Ie me deporte de dire
que plufieurs flottes ont perdu encor plus de leursgens, que je n'ay
dict. Il eft plus que notoire, que le Gouverneur Gerard Reynft condui
fant l'armade de ces pays vers l'Eft-Inde fut feize mois & trois jours en
chemin, avant que d'aborder en l'ifle de Bantam ; je laiffe à dire qu'il fe
roit venu aux c7tolucques, ayant perdu plus que le quart de fensgens. Le
Commandeur Adrien Gualtier allant avec quatre Navires de Hollande »
en Bantam, y meit dixneuf mois & demy ; eftans mort fur le bafteau
Fliffingues» l'un des quatre , cent foixante trois perfon
:
nes de deux cefis quils avoyent efté; les trente fept qui eftoyent de
refte , pour la plus part fi foibles & debiles , qu'il ne leur euft efté .
poffible de mettre aucunement la main à la befoigne fur le vaiffeau en
cas qu'ils euffent efté requis de ce faire. Pareillement les vaiffe
aux des ours 2Noir & Blanc, y employerent l'efpace de dixhuict mois
ou plus, devant qu'ils vinffent en Bantam; ayans perdu le quart, & le
tiers de leurs gens. Les vaiffeaux de l'Aigle de Zelande , Concorde»
- d'Amfterdam , l'oranger de Horne» y ont mis douze, treize mois, & .
lus. -
- - - Recueil
DE L EsTRoI r DE MAGELLAN. 179
F E R D IN A N D MA G A L L A N ES
r 'Armade de Magallanes partit de Seville , le dixiefme d'Aouft , l'an 15I9,
- , 1519. & venant en l'ifle Tenerif, y fejourna quelque temps , jufques
au troifiefme d'Octobre. d'ou eftans partis, finglerent l'efpace de
quinze jours , au bout defquelsfe trouverent pres la cofte de Guinea,
environ Cabo Blanco, ou ils furent contraincts de floter pour la calme, qui
dura vingt jours apres lefquels fe leva le vent, mais du tout contraire, &
continua l'efpace d'un mois de route, durant lequel toutefois ils pourfui
virent la continuation du voyage, nonobftant les tempeftes & orages de
la mer, en forte qu'ils arriverent le treiziefme Decembre au Port & fleuve
de Genero, qui eft én la Brefille , ou s'eftans rafrefchis, le vingt feptiefme
dudict,firent derechefvoile, fuyvans la cofte. Le feptiefme de Ianvier 152o.
152o. fe trouverent à la hauteur de 34 degrés, & arriverent au fleuve de la
Plata, ou ils fejournerent un à faire provifion d'eau. Le fixiefme
de Fevrier pourfuivirent leur:
chemin, coftoyans la terre par l'efpace de
cinq journées à une lieue, & dcnuict, à cinq oufix lieues de la riue.* Sur
4o. degrés trouverent le beau Golfe de saint Matthieu ; auquel voulu
rent entrer pour vcoir, fi c'eftoit un Paffage ou Eftroit de la Mer, ains n'y
trouvás point de fond pour ancrer, pafferent plus outre jufques à venir en
une autre Baye, qu'on appelle de los Patos : en laquelle fut par eux defcou
verte une petite Ifle, plcine de Robbes, & Pinguins. Plus avant trouve
rent detechef & entrerent en une belle Baye de los Trabajos, qui eft vers
le Nort du Fort S. Iulien; auquel endroict trouverent bon d'hyverner (car
l'hyvery commençoit, confideré qu'il eftoit defia le mois d'Avril ) & y
eurent des grandes tourmentes. Apres donc eftre partis delà, s'en alle
rent le long de la cofte, & arriverent le dimanche de Pafques au Port de
saint nulien, à 49; degrés : Et d'icy eftant envoyé plus avant un de leurs
vaiffeaux pour ccrcher quelque Eftroit de la mer, ils defcouvrirent à 2o.
lieues dudict Port une belle Riviere, affavoir Santa Cruz de Mayo, &
cy veirent grand quantité de Poiffons & Loups marins : ils voulurent
paffer plus outre, mais un orage furvenant à l'improuveu, porta la na
vire contre terre, fi qu'elle yeft perie. Or apres que mois d'hy
:
ver, qui font Avril,May, luin, luillet, & Aougft, furent paffés ils firent
voile du Port de saint Iulien, le vingt uniefme d'Aouft, vers le fufdict
fleuve de Santa Cruz, ou ils firent nouvelle provifion, & s'y arrefterent
encor les deux mois de Septembre & Octobre. partans d'illec le dernier
dudict Octobre , allans toufiours vers le Sud au long de la cofte,à grand
peine pour le mauvais temps & continuelles tempeftes,jufques au
-
2 c*
18o R E cv E 1 L D E s N A v I G A T I O N S
152o. la Virgines. Le fixiefme Novembre fe trouverentfinglant au Deftroit &
le vingt feptiefme dudict en la mer du Sud, ayans paffé l'Eftroit en l'efpace
de vingt jours. Alors firent le cours vers le Nort, avec grands travaux &
tourmentes, jufqu'au dixhuictiefme Decembre, qu'ils fe trouverent fur
la hauteur de 32 degrés : d'ou ils commencerent avec bon vent à faire
leur route au Nortoeft, & Oeftnortoeft jufques à la ligne. Le vingt qua
triefme du Decembre, apres avoir finglé en la pleine mer plus de trente
journées hors de la veue de toutes terres & ifles, ils cftoyent à 26. degrés
de l'altitude Auftrale.A la fin defcouvrirent deux petites Iflettes, defer
tes & defolées, qu'ils appellerent à cefte occafion Defventuradas, ceft à
dire 71alheureufes,pour n'y avoir rien trouvé du tout. Guido tefmoigne
qu'ils naviguerent trois mois & vingt jours, avantque d'appercevoir la
I522 terre. L'an 1 5 2 2. le fixiefme de Septembre retourna le navire Victoria,
& arriva à Seville en Efpagne ; ayant efté en ce voyage trois ans, vingt &
fix jours.
D v v O Y A G E
9ue firent les Vaffaux de l' Evefque
de Plaifance
- DoN GvTIERREs CARvAJAL .
,' *,
LE TRoIsIESME voYAGE
, vers l'Eftroit de Magallanes par la
Mer du Sud.
LE VO Y A G E
QvATRIESME
--
l'an 1 r 2 5. .
Ls partirent de S. Lucar au mois de Iuillet, & apres s'avoir rafraifchis 1525•
en l'ifle de Sc71atthieu, firent voile le troifiefme de Novembre ; & def
couvrirent le quatriefme du Decembre enfuyvant, la cofte de Brefile »
à 2o. degr. Depuis le quatorziefme jufques au dixhuictiefme de Ianvier
furent grandement tourmentés par les tempeftes : & perdirent un des
Navires à Pentrée du Deftroit, non loing de Cabo de las Virgines. Le dix
lhuictiefme dudict mois entrerét dedans l'Eftroit, dont par la tempcfte ils
furent repouffés dehors,& fe journerët à caufe des orages quelque temps
au fleuve de S. Alfonfe, comme auffi dans le Port & Riviere de Sainte Croix,
ou les gens pour quelques confiderations fe meirent en defordre & à
mutiner. En fin ils fe meirent pour la feconde fois dedans le Deftroit,
qui fut le huictiefme d'Avril, & le pafferent tout outre jufqu'à fe trouver
au premier de Iuin fur la mer du Sud, trouvans à l'iffue du Deftroit plu
fieurs ifles qui gifoyent fur.la hauteur de 48. degrés, ou environ, aux
deux coftés de ladite iffue. Ils s'arrefterent en tout 52.jours dedans l'E
ftroit, & y perdirent leur Patache. Au bout de cinq jours, qu'ils eftoy
ent fortis de l'Eftroit, furvint une horrible tempefte,par la quelle furent
efcartés & emportés les vaiffeaux qui deça, qui delà, fi furieufement que
le Navire du Capitaine eftant perdu , jamais ne l'ont veu du depuis.
Ceft orage continua fifaict quatre ou cinq jours de route , qu'il ne leur
fut
Z3
182 R E CV E IL D E S N AV I G AT I O N S
1 5 2 5. fut poffible de faire aucun voile durant tout ce temps. Apres lequel
pourfuivirent leur chemin vers les Molucques, & arriverent à la parfin en
Mindanao.Or avoyent ils veu fur les rives de la cofte de Magalanes plufieurs
Baleines, lefquelles par l'orage la mery avoit jetté ce qui fignifie ordinai
rement tempeftes & haute marée.Semblablement avoyent trouvé fur le
fleuve de s.druz des afpics en grand nombre, & de plufieurs fortes & des
ierres AEmatites (fignifiant par le nom la vertu d'icelles, qui eft de re
ftraindre le flux de fang) & plufieurs autres belles rarités , notamment
grand'abondance d'un certain bois de fort bonne odeur & de la Canelle
fauvage verte , quipour tout cela ne laiffoit d'eftre bonne à manger.
Finablement difent , qu'il y demeure des gens fur les deux rives de
l'Eftroit.
D E
s I EV R F R A N q O IS D RA Q y E
- vers le mefme Deftroit de Magalanes,
' l'an r r 7 7.
1 577.
L partit du port de Plaimude pour la premiere fois le 15. Novembre,
mais ne pouvant à caufe des vens contraires continuer fa carriere, fut
contrainct d'y retourner, & fejournerenattendant meilleure oppor
tunité; fi qu'il en partit pour la feconde fois le 13. Decembre, avec cinq
bafteaux petits & grands. Lesquels le 25. dudict moys fe trouverent au
pres de Cabo Cantien, qui eft en Barbarie; & arriverent en l'ifle de Mogador
le 27. ou ils preparerent & drefferent leur Pinnache,& feirent voile pour
aller plus oultre le 3o. Decembre. Le 17. de Iauvier 1 578. ils vindrent
n57 s. aborder en un port de Cabo Blanco: duquel eftans fortis le 22.firent fi bien
qu'ils fe trouverent le 27. enfuyvant aupres de l'ifte de Maia, & arriverent
le 29. en Santiago. Vainquirent le navire de Mino de Sylva , lequel ils
prindrent avcc eux pour eftre bon Pilote & bien experimenté en la Na
vigation, & partirent de là à la recerche de l'ifle Brava ; & d'illec plus
avant, apres avoir faict aucunement provifion d'eau fraiche , tirerent au
Brefil. Cependant quand ils furent environ la ligne, il furvint un calme,
qui dura l'efpace de trois femaines ; lefquelles expirees fe trouvansà la
hauteur de 33 degrés, defcouvrirent la terre de Brefile, qui fut le premier
jour d'Avril. Toutesfois fans fe rafraichir d'eauë, ne fans venir à terre,
pourfuivirent leur route jufques au fleuve de la Plata auquelils entrerent
à 53. & 54, toifes, & puyferent l'eau du fleuve hors du bord des Navires.
De ce lieu cy ils allerent plus outre continuans le cours jufqu'à39 degrés:
fe repoferent à la fin non loing de quelques rochers, devant une Baye,
ou y avoit plufieurs Robbes; & delaifferent un ou deux de leurs Navires,
qu'ils meirent en feu, apres en avoir fauvé tous les biens. Si pourfuivirent
leur voyage avcc les quatre demourans, qui arriverent le 2o. de Iuin en
Baya de las Iflas, ou Puerta San Iulian, gifant à 49.degrés, ou ils fejournerent
27 jours durants lcfquels ne cefferentfaire provifion & s'armer pour un .
_ -
befoing.
--
avoit cfté à 55.degrés au Sud de l'Eftroit, & là s'eftoit efgaré des autres.
Le Viceroy de Peru eftant advifé que Draque pilloit les navires,prenant
l'or & argent, dont ils cftoyent chargés, fit monter trois Vaiffeaux & les
equippa d'artillerie avec dcux cens cinquante hommes, qu'il envoya .
pour affaillir & pourfuyvre le dict Draque. Lefquels voyans qu'ils ne le
trouvoyent point environ le Cap de S.Franc. & qu'il n'eftoit point alentour
de Panama fe feirent à croire, qu'il s'en feroit allé derechef par le Deftroit
cc qui les fit retourner fans rien avoir cxecuté.-
voYA
s, RE cv E 1 L D E s N Av 1 G A T I o N s
v o Y A G E
D E
P E D R O S A R M I E N T O,
- geur, qu'ils fe feirent bien toft à croire que ce fuft vrayement le Paffage,
qu'ils venoyent cercher. Et furent d'autant plus confirmés en ladite opi
nion, quand ils eurent trouvé par le Sôleil, qu'ils eftoyent prefentemcnt
au parage de 51 : degrés; qui cft la vraye hauteur d'iceluy Eftroit devers la
mer du Nort. Or defcouvrant en la mer du Su plufieurs lfles, Havres,&
Rivieres de jour à autre, ils en prindrent la poffeffion au nom du Roy d'E
- fpagne, faifant impofer à chafquun endroict fon nom particulier. Entre
autres fe trouvans fur un lieu, qui eft appellé Puerto Vermejo, y trouverent
des huiftres, dans lefquelles eftoyent des fort belles perles. D'icy eftans
venus dedans le Deftroit, entendirent par les habitans, comment Dra
que eftoit paffé par le mefme chemin. & apresyavoir guetté un Paffage
ferré quifembloit àSarmiento propre pour le fermcr & garder au moyen :
- d'une
DE L' EsTRoIT DE MAGELLAN. 18 j
furent noyés.
L, A P R EM I ER E
- LA D E V x I E S M E
Et derniere Navigation de Candifs allant avec trois
grands Navires & deux Barcques, devers
- -- -
- l'Estroit de Magelan.
*59* 1 Ls partirent de Pleymude le 26. d'Aouft. & arriverent le 29.Novembre
aupres de la Baye de Salvador, qui eft fur la cofte du Brefil,à douze lieues
* de CaboFrio ; auquel endroict ilsfurent furprins de la calme , & con
traints s'y arrefter jufques au deuxiefme Decembre. Durant ce temps ils
prindrent une petite barcque, venant du Fleuve de la Plata avec du fuccre,
& des Negres. Dont le Pilote les conduifit en une lfle, qui fe nomme
Plaifance, ou Plazencia, diftante 3o. lieues de Cabo Frio à l'Ocft ; ou ils pil
lerent quelques fix ou fept maifons de Portuguefes demeurans en la di
&te ifle. L'onziefme du mois ils partirent de là, & arriverent le 14.à S.
Sebaftien; d'ou ils pafferent plus oultre en intention de gaigner la villette
de Santos. Le 15. au foir ils jetterent l'ancre aupres de la Barre de Santos :
& lendemain au matin fe meirent à terre , faifirent la villette, & y firent
provifion par force, tenans les gens prifonniers dedans l'Eglife. Le 22 Ian
* 52 * vier de 1592. ils partirent de là ; & bruflerents.Pincent de fonds en com
ble. Le 24 dudict mois ils firent voile, prenans la route de l'Eftroit.Pour
fuyvans laquelle, ils furent roidement affaillis d'un furieux orage le 7. de
- Febvrier ; par lequell'Armade fut du tout diffipée & rompue. Le Capi
taine fe trouvant à la hauteur de 48. degrés, refolut d'aller en Porto
Dfire.Le 16 de Mars les vint trouver la Pinnace , efperans les uns & les
autres, que le General, d'autant qu'il y avoit trouvé bonne provifion en
fon premier voyage, syviendroit rendre.Or c'eftoit le 6 du mois
q*: ils
DE L' EsTRoIT DE MAGELLAN. s,
ils arriverent en Porto Defire avec deux Vaiffeaux,& le 16.quand laPinna 1 592.
ce les vint trouver le 18.toute la Compagnie fe raffembla eh un, horfimis
tant feulement une Barcque, qui s'en alla retourncr en Angleterre. Le
2o. ils fe meirent fur la mer pour aller trouver le Deftroit. devant la bou
che duquclils fe trouverent cn fin le 8. d'Avril, apres avoir enduré bcau
coup d'orages. Le 14. il pafferent le premier pas ; & le 16. le deuxiefme,
qui eft diftant environ 1c. lieues de l'autre. Le 18. ils fe trouverent alen
viron de Cabo Froiiart, quigift en l'altitudc dc 53 : degrés. Le 21 ils furcnt
contraincts par l'impetuofité des orages,foy
&o -/retirer à l'efcart cn un retraict
bien ferré, gifant quatre lieues du Cap au Sud; ou ils endurerent grande
mifere & pauvretéjufques au 15 de May pour l'extreme froidure, tempe
ftes, & neiges continuelles: n'ayans point pour tout de vivres, finon des
moufles , de l'eau , & quclque verdure de la mer. fi que beaucoup de
leurs gens y moururent rendans l'efprit miferablement dc faim & pau
vreté. Le Capitaine Thomas Candifs, fachant que la froidure & la nei
ge ne pouvoyent long temps durer, avoit confeillé de paffer oultrc : ains
eftant contreroollé de la plus part de fa Compagnie, & de ceux qui vou
loyent prendre un autre chemin, ou retourner en Brefille, il ne ceffa de
leur remonftrer qu'ils deuffent plus toft prendre la route du Cape de bon
ne Efperance », par ce qu'ils avoyent faute de toutes chofes, & eftoyent
pour l'extreme neceffité comme aux derniers abois. En fin tous s'accor
derent d'aller derechef en Brefille ; de manierc qu'ils rehaufferent les
voiles le 15. & eftans le 18. de May fortis hors de l'Eftroit, fe trouverent
- le 2o. dudict May environ Porto Defire. Mais la nuict ils fe fourvoyerent
l'un de l'autre,pour ne fçavoir ou le General fe fuft tourné.Le lendemain
donc confiderans qu'ils l'avoyent perdu de veuë , prefumerent qu'il fe
roit allé en Porto Defire, & y drefferent auffi leur cours pour fe mettre en
compagnie ; & trouverent au Sud d'iceluy Port un puis d'cau fraifche.
Le 6. d'Aouft n'ayant pas encor entendu de nouvelles du General , s'cn
allerent vers l'Ifle des Pinguins , & de là vers l'Eftroit. Le 9.ils eurent
une fi grande tempefte, qu'ils furent contraincts de caller les voiles. Le
14. furent portés par l'orage deffoubs quelques ifles incognues jufques a
lors , gifants 15. lieues de la terre à l'Eft de la cofte Septentrionale du
Deftroit : ou ils feroyent dcmeurés & peris fans point de faute, fi la tem
pefte n'euft ceffé. laquelle eftant paffée , ils tournerent leur cours vers
le Deftroit au moyen d'un vent d'Eft, qui leur fut en ce grandement fa
vorable. Le 18. du dict mois, ils fe trouverent aupres du Cap, & fur la
nuict y mouillercnt l'ancre à dix lieues de la riuc, pour la grande brui
ne, qu'il faifoit. Le 19. ils pafferent pour la deuxiefme fois le premier
pas, & le fecond le 21 enfuyvant , comme auffi le Cap Froiart. Le 22.
ils fe mcirent à l'ancre cn un profond Canal, ou fein de Mer, & ap
perceurent fur la terre beaucoup d'hommes fauvages , lefquels vont
tous nuds non obftant l'extreme froidure , & fe tienent es bocages &
es deferts, cftans forts & robuftes de corps, fi qu'ils tiroyent aux An
glois avcc des picrres de quatre & cinq liures fi loing , qu'il ne feroit
quafi pas àcroire. Ils partirent de là le 24, & parvindrent lendemain
au Canal de Nortoeft, tirant dcvers la mer du Sud. Le 25. ils fe mcirent
à l'ancre , cfloignés environ 14. lieues de la mer du Sud, en intention
de s'y arrefter , & attendre la venuc du General , qu'ils avoyent
perdu. A quoy les induifoit fur tout la commodité du paffage , qui
n'avoit que trois lieues dc large , de façon qu'en paffant par là
Aa 2 il ne
ss - R E c v E 1 L D E s N AV 1 G AT I o N s
il ne pourroit efchaper d'eftre veu par eux. Ceft advis eftant prins & re
folu, fut rompu de la neceffité, qui les contraignit d'aller plus outre en la
mer du Sud à la rccerchc de l'Ifle Sainttec7farie, afin de s'y rafraifchir de
vivres, & decliner l'inclemence de l'air, qui d'autre part les tourmentoit
fans ceffe Ainfi töberent d'accord de cy aller,& attendre le General,d'au
tant qu'il ne pouvoit en aucune façon laiffer de s'yvenir rendre,& pour
ce levcrent les ancres le 13.Septembre, & avancerent fi bien que ce jour
mefme ils veirent la mer duSud. Le 14. ils furent repouffés en arriere,
& portés avec leurs Navires en un Canal gifant trois milles dedans l'E
ftroits dont rcprenans cœur & courage,& recouvrans nouvelles forces ils
bouterent à la mer pour fortir de l'Eftroit : & en fortirent jufques à huict
ou dix lieues de la terre mais le vent les y repouffa derechefd'une gran
de impetuofité, fi qu'il leur convint jetter autrefois l'ancre au mefme en
droit. Le deuxiefme Octobre ils fortirent pour la deuxiefme fois de
l'Eftroit,& entrerent en la pleine mer du Sud. La nuict fuyvante com
mençant le vent d'Oeftnortoeft à s'efleuer & augmenter de plus en plus,
ils ncfçavoyent de quel cofté fe tourner; d'autant qu'ils n'ofoyent ren
trer au Deftroict pour le defaut dc cordages & d'ancres.Le 4.5. & autres
jours enfuyvans dudict Octobre continuant encor la tempefte, voire
augmentant de jour à autre, ils fe trouverent en grande perplexité, foin,
&follicitude, voire en extreme danger de l'eau, qui fautoit en leurs ba
fteaux. Finalement l'onziefme du mois leur apparut le Cabo Defirado di
ftant environ deuxlieues d'iceux , vers lequel ils drefferent leur courfe
pour le paffer : à caufe qu'il falloit neceffairement l'une des deux chofes,
ou le paffer, ou fe laiffer porter contre la riue, dont y avoit grande ap
parence, approchans lefdits navires de plus en plus de la cofte de laquel
le ils furent delivrés par la bonté de Dieu qui leur fit lagrace de paffer le
dict Cap, quand ils n'eftoyent qu'environ demy lieue de la cofte , & du
dict Cap environ la longueur d'un Bafteau , cu peu plus. Paffé le
quel, ils entrerent dedans l'Eftroit fi vifte & firoidement par le moyen
du vent, des ondes, & de la marée, qu'ils firent en fix heures 25. lieues de
voye : & retournerent en fin en l'Ifle des Pinguins, qui fut le 25. d'Octobre.
Le 27 dudict mois ils fe trouverent derechefen la pleine mer du Nort: &
le 3o. environ Porto Defire, aupres des fles des Pinguins ; & coururent au
I 5 9 3. Port pour s'y rafraifchir. L'an 1 5 9 3. le 3o. de Ianvier ils arriverent en
l'Ifle de Plazencia , joignant la cofte du Brefil .. Et l'onziefme de Iuin
ils revindrent en Angleterre » , ayans efté dehors vingt & un mois &
-
-
demy.
I59 .
D'Angleterre auffi partit l'an de 159 s.le Capitaine Haquins lequel eftant
pafféle Deftroit de Magallanes avec fon Bafteau, tefmoigne qu'il a efté
furprins d'un grand orage, fi que par la violence des vens il fut porté vers
&o -
le Sud jufques au 56. degré,fans trouver nulle cofte de terres fermes, mais
feulement des Ifles, parmy lefquclles il fe dit avoir fejourné bien 45.
jours. -
voYA
ToE L'EsTRoIT DE MAGELLAN 189
V O Y A G E
De cinq Bafteaux
o E
Aa 3 trouvans
19o R E CV E 1 L D ES N A V I G A T I O N S
1 598. trouvans à degré 1 au Sud de la ligne , ils celebrerent par cnfemble un
jour de priere. Lc deuxiefme Novembre, à caufe que plufieurs de leurs
gens eftoyent derenus de la maladie , trouverent expedient d'aller à
terre pours'y rafraifchir: & pour ceft effect ils firent leur cours Norteft
vcrs Annobon. Appcrceurent bien toft la terre contre leur opinion , qui
eftoit d'eftre cent, voire cent vingt lieues & plus de la cofte & fc trouve
rent à 3 deg. du Sud fur la riue de Manicongo. ou ils fe mirent à terre , al
lants à pied jufques au Cap de Lope Gonfalves, & devers la cofte de Guinea,
cerchans de l'eau fraifche, qu'ils ne trouverent que bien peu : toutesfois
pour peu qu'ils en trouvaffent, la plusgrand part des malades en recou
vrit la fanté jaçoyt que par l'intempcrance de l'air, la maladie reprinft bië
toft fes forces Le 9. Decembre ilspartirentvers Annobon: le 16. fe mei
rent deffoubs l'ifle, faifirent le village;ou ils feirent leur provifion par ar
mes. Toutesfois par l'intemperance de l'air s'engendrerent tant de fieb
vres ardentes, avcc autres paffions & infirmités, que le nombre des mala
des n'eftoit aucunement diminué combien que tous fuffent à prefent to
talement delivrés du Scorbut.
Le deuxiefme de Ianvier de mil cinq cens quatre vings dixneufils par
tirent de Annobon vers le Deftroit dc Magalanes,faifans leur cours Sudoeft.
Le 22. defcouvrirent l'ifle d'Afencion,& fe trouverent à 8 degrés.Le der
nier dudict ils eurent lc Soleil au Zenith, & allans plus outre parvindrent
à 2o degrés & commc ils eurent pafléles Abrolhos à l'aide d'un vent de
Norteft, prindrent la route au Sudoeft quart au Sud. Se trouverent le
19. dc Mars à 41: degrés. Le23. ils eurent grande bruine, qui dura deux
ou trois jours. Le 28. dudict la hauteur de 5o degrés. jetterent la fonde
à 6o. toifes. Le 29. fe trouverent à 5o. degrés, & à quatre vingt toifes
deprofondeur, furvenant auffi ce mefme jour une horrible tempefte.
Le 3o. & 3 I. ayans le vent Nortnortoeft , tenans la route d'Oeftnort
oeft, il trouverent continuellement bon fond de fablon à 67.& 8o.toifes.
Le premier d'Avril defcouvrirent au Nortoeft d'eux la tcrrc, & jetterent
la fonde a 3 6. toifes. -
ftroit.
Le
- DE L' EST R O IT DE MA GELLAN. - 191
Le 5. & 6. ils continuerent d'aller d'Oeft quart au Nort, eftans fix 1 599.
bafteaux entout avec la Chaloupe. Le 7. enfuyvant le vent foufflant
un peu plus qu'à l'ordinaire, la mer (comme de couftume) tout inconti
nent s'enflafi fort que les deux Navires Charité,& Loyauté fur lefquels e
ftoyent VVeert, & Cordes, furent contraincts de retirer les Efquifons de
dans. A tant le Navire de VVeert fit fon debvoir de fuivre l'Admiral, le
quel alloit devant. Sur ces entrefaictes vint auffi la Fufte furnommée
des Bonnes 2Nouvelles, laquelle eftant au loo de la Foy, furvint une infortune,
qui fut le commencement & quafi comme un prefage de la difperfion de
cefte Flotte. Car elle fut fi roidement affaillie de l'orage, que l'antenne
avec le fommet du maft anterieur fe rompirent,& tomberent en la mer,
en danger mefmes de perdre auffi le maft du beaupre pour le grand com
bat des ondes, qui la travailloyent outre mefure. A raifon dcquoy ils
calerent tous les voiles, & pour implorer fecours des autres defcharge
rent un coup deCanon. Incontinent donc le Capitaine VVeert, comme
auffi le Navire Loyauté fe laifferent porter par les ondes pour les venir
aider; de mefme en fit auffi le Navire Charité. Ainfi fe trouverent en
, femble les quatre Vaiffeaux de cinq qu'ils eftoyent (car l'Admiral avoit
continué fa courfe) lefquels, durant qu'il faifoit une grande bruine pour
laquelle ils ne fe pouvoyent entreveoir, demeurerent tout ce jour flot
tans fans voiles pour ne perdre la dite Fufte,& afin de luy donner loifir de
reparer cependant fes mafts. Mais le malheur voulut que le lendemain
8. de Septembre, les trois Navires qui furpaffoyent de beaucoup la gran
deur,& pefanteur de la Fufte,fe trouverent avoir perdu ladite Fufte, avec
la Chaloupe qui s'appelloit le Poftillon. Cependant continuerent enco
res ce jour de flotter par enfemble, en intention de reveoir bien toft leur
compagnie; mais en vain. Le jour donc enfuyvant le Vis-Admiral, pour
ne mettre à nonchaloir le vent tant favorable , fit figne aux autres de le
fuyvre, foubs efpoir que d'avanture ils trouveroyent les autres en che
min. Ce qui fut : car au boutde deux ou trois heures ils les coururent en
laveue; & s'eftans mis de compagnie, efpererent trouver auffi l'Admiral.
cordes & VVeert prefterent à ceux de la Fufte chafquun leur charpentier
pour dreffer une autre antenne au lieu de celle qu'ils avoyent perdue.
Mais ils fe defaccommoderent eux mefmes par ce moyen : à caufe que le
jour enfuyvant, qui fut le Io.Septembre eftant le vent Nortoeft, le cours
Sudoeft, voyans que la mer s'enfloit defia terriblement pour le grand
vent; la Fufte, & le Vis-Admiral calerent, comme auffi * les deux
Vaiffeaux Foy & Loyauté qui les fuyuoyent de loing mais durant les tene
bres de la nuict les autres avoyent rehaufféles voiles fans en donner autre
advertiffement,pour le moins qui fut entendu par ceux de derriere. Lef
quels faifans leur comte qu'on les attendroit, fe trouverent le lendemain
en grande perplexité, de ce qu'ils ne virent plus de voiles. Parquoy afin
de ne s'efgarer à l'advenir (veu qu'ils n'eftoyent reftés que deux en nom
1
bre)ils conclurent par enfemble de n'augmenter ne diminuer jamais les
voiles fans en avoir donne figne & contrefigne : Ainfi pourfuyvirent le
|
voyage, fi d'advanture ils peuffent rattaindre les autres, au fort pour les
aller trouver au lieuaffigné. Ce jour & le jour enfuyvant 17.de Septem
brc, ayans quafi continuellement le vent Sud & Sudoeft, ils fe trouverent
à 54 degrés auSud de la Bouche du Deftroit. Lors mourut le Patron
du Navire de VVeert. Le vent auffi fe tourna Sudeft quart à l'Eft; de
maniere qu'ils firent la route Nort quart à l'Oeft,& lendemainNortnort
cft,
1 92 R E CV E IL D ES N AV IG AT I O NS
1 « 9 9. cft, tenans auffi à peu pres la mefme carriere le 19. enfuyvant, quoy que
le vent fuft changé. Il fur vint auffi ce mefme jour un orage fi terrible,
qu'ils furent contraincts de flotter le plus fouvent fans voiles, en danger
mefines que les bafteaux feroyent renverfés, ou rompus par la violence
des ondes. Ainfi coururent fortune ces deux Vaiffeaux 24.jours conti
nucllcment. Le 25. de Septembre il fit derechefune grand tempefte ve
nant du Nort,pour la quelle ils flotterent ce jour fans voiles;nnais le lende
main cftant le vent à l'Oeft, prindrent la route au Nortoeft , & furent
quafi portés par les tenebres de nuict fur la riue, lors qu'ils fe penfoyent e
ftre bien2o. lieues ouplus en la mer. Au matin donc ils recognurent la
tcrre, & entendirent qu'ils n'eftoyent que trois lieues ou environ de l'E
ftroit, fe trouvans en grande peine, pource que le vent d'aval les preffoit
fi extremement, qu'ils ne pouvoyent fe fervir tant feulement des voiles
de la hune, moins encore eviter la cofte:qui les fit prendre courte & brie
nc refolution de choifir l'Eftroit, afin de s'y remettre en quelque bonne
rade, attendant l'opportunité de pourfuyvre leurs Compagnons, quide
voyent les attendre deux mois en l'ifle S. c71arie . A tant s'en allerent le
longde la cofte à petits voiles iufques au foir,& lors entrerent au Deftroit
pour cercher quelque Baye la quelle y trouverent en fin apres qu'ils fu
rent portés par la maree en une nuict bien fix ou fept lieues plus outre:du- .
rant leur fejour audict lieu le vent continua à l'Oeftjufques à la fin de
Septembre. Le 1.Octobre il fe leva un fi furieux orage, qu'il leur convint
fe tenir fur trois ancres : lequel eftant pafféils faifoyent toufiours compte
que le beau temps viendroit avec l'Efté mais ils comptoyent fans l'hofte.
car ils n'eurent quafi point un jour en deux mois de temps pourfecher les
voiles.Le 14 il furvint derechefun nouvel orage,fuyvy de plufieurs autres
de jour en jour avec des bouffetades fi furieufes venāts du haut des mon
tagnes, qu'il n'yavoit corde, qui ne fut en danger de fe rompre. En fomme
ils y demeurerent l'efpace de neufmois. Le 8 Decembre ils furent affail
lis de la plus terrible tempefte qui fut oncques. Car la hauteur des on
des fe parangonnoit au fommet des mafts. Vnefois ils eurent le vent
d'Eft & Norteft: qui les meut de rehauffer les voiles, mais ce fut le mal
heur que la contrarieté des vents les fit feparer incontinent l'un de l'au
tre; & repouffa le Navire de VVeert en arriere: de forte qu'il vint rencon
trer olivier du Nort au beau milieu de l'Eftroit ; ce qui fut le 16. dudict
mois. Le 2o. enfuyvant ils eurent le vent au Sudeft, qui ne tarda guerres
de fe toutnerOeftnortoeft:en forte que le Vaiffeau de VVeert, qui n'avoit
as efténettoyé en deux ans, & ne pouvoit fuyvre la flote dudict Olivier,
fut par luy delaiffé. Il courut long temps fortune, & endura beaucoup
de calamités, furvenant l'un inconvenient apres l'autre. Dont ne voyant
aucune iffue,& qu'il eftoit aux derniers aboys,horsde tout efpoir de re
trouver jamais fes Compagnons, par faute auffi du vent d'Eft & Norteft;
il s'avifa de retourner vers la patrie.Si fortit le 21. de Febvrier de l'Eftroit
ou il avoit cõfomménon fans regret le temps de neufmois. Le 24.de Mars
il approcha la cofte de Guinea,& revint à Goeree en my-Iuin,ayant efté de
hors environ 25. mois.
Le Vaiffeau de Cordes parvint en la mer du Sud,fans toutesfois retrou
ver fa Compagnie. Parquoy s'en alla tout feul arriver au Royaume de
chile pour fe rafraifchir, ou il print une petite villerte des Efpagnolslef
quels ayant pillé, il meit les Chilefes, que les Efpagnols tenoyent pour ef
claves, en liberté pour laquelle caufe les habitans de ce lieu le voulurent
-
conftituer
- D E L' EST R O IT DE MA GELLAN. 19s
conftituer Roy fur eux.Au partir il fe meit à la recerche de fes amis, co 1598.
ftoyanttoufiours le Peru,prenât cy & là plufieursNavires.De la ilvint aux
«71olucques, & notamment en Tidore, ou les Portuguefes par trahifon luy
detroufferent fa Navire; & fut conftitué le Patron d'icelle prifonnier en
-
la ville de 7Aalacque. -
Le Vis Admiral qui eftoit furla Charité ayant pour Patron Iacob Quacé,
& pour Commis Melchior de Santfort, apres eftre porté bien avant vers le
Sud, retourna toutesfois en l'ifle de Sainte 7Aarie, pour y attendre fes
Compagnons : d'ou allant faire quelque provifion fur la poincte de Lana
pia,lesIndiens tuerent 23 de fesgens.Apres avoir attendu affez longtemps
il partit de Saintie cuarie avec l'Admiral, qui eftoit fur l'Efperance, & vin
drent furgir par enfemble en Iapan. -
L'Admiral venant fur la mer du Sud, apres eftre forty hors de l'Eftroit ;
ne fut fuivy par les autres, tant pour les tempeftes, & autres accidens,
comme fpecialement pour le malheur de la Fufte; toutesfois il courrut
auffi fortune comme les autres, & fut porté bien avant devers le Sud le
temps de 54jourslefquel eftans paffés,& que levent luy fuft aucunement
propice, il print la route de Peru, & apres plufieurs malencontres, finale
mcnt vint ancrer
pres la cofte de Chile à 46. degrés : ou ils fe debvo
yent attendre l'un l'autre par l'efpace de 3o.jours; fuyvant lequel accord
il y fejourna 28.jours de route. durant lefquels fit faprovifion, & trouva
que les habitans de ce lieu font doux & amiables de nature. D'icyil paffa
plus avant jufques à la bouche de Baldivia fans toutesfois y vouloir entrer
ains continuant fon cours vers la Mocha,trouva le jour enfuyvant laCharité,
qui eftoit l'un des Navires de fa flotte.Sis'en allerent par compagniegai
gner l'Ifle de S. Marie : & d'illec en Iapan, ou ils arriverent à la bonne heu
re, & furent traictés amiablement.
- "
N A v I GDA
E
T I oN
M. OLIVIER DV NORT,
Laquelle ilfiten lan 1598 avec quatre Navires,
& 248 perfonnes.
Stans partis de Goree le 13.Seprembre, ils fe trouverent le 9.Octobre I 593,
pres la cofte au Nort de Cabo Blanco; & furent le 18. enfuyvant à on
ze degrés, quandle vent fe tourna contraire au Sudoeft .. voire de
puis l'onziefme Octobre jufques au troifiefme de Novembre ils eurent
B le -
IOll
sa RE cv E 1L D E s N Av 1 G AT 1 oN s
1598. toufiours le vent d'aval, ou du Sud ; à raifon dequoy ils croiferent fou
vent la merjufques a ce qu'ils parvindrent finalement à la cofte de Gui
nea à 3. degrés 4. minutes. L'onziefme Decembre vindrent foubs l'ifle de
. I 599.
Principe : & defcouvrirent Annobon le premier de Ianvier 1 s 99. prenans
quant & quant la route de Rio Ianeiro. La quelle ils continuerent jufques
à ce qu'ils virent le Brefil le 3. de Fevrier, & entrerent audict fleuve de Ge
nero pour fe rafrefchir le neufiefme : pmais les habitans du pays ne voulu
rent pas endurer, qu'ils vinffent à terre. Ainfi s'en allerent aborder le 16.
deux ifles incognues, ou ils trouverent force Palmites & moufles. Le 22.
ils firent en l'ifle S. Sebaftien quelque peu de provifion, & partirent de là
vers l'ifle de S. Helaine, laquelletoutesfois ils ne trouverent pas. Le 3o ils
coururent derechefle Brefil en la veue.& le 2.de Iuin defcouvrirent Santa
Clara : ou ilsfurent contraincts par neceffité de fe mettre à terre , pour
fe rafraifchir de Palmites, & prunes aigres. car tous les gens eftoyent
malades, exceptés feulement huict ou dix perfonnes. Ils bruflerent icy
un de leurs Navires; & retournerent à S. Sebaftien. Le 2o. Septembre arri
verent en Porto Defire; on yavoit des Oifeaux, Robbes, Pinguins,& Oeufs
cn abondance, de forte que la plus part des malades eftans regueris, ils
eurent loifir de nettoyer les Navires : lefquelles fe meirent derechef fur
la mer le 3o. d'Octobre, & parvindrent le 4 Novembre à Cabo de las Virgi
nes; ou la marée croiftjufques àfix & fept toifes.
Le 5. apres avoir employé 14. mois au voyage,& perdu bien cent hom
mes, ils entrcrent au Deftroit; toutesfois ne peurent tenir bon contre les
vens & la maree : de maniere que cinq fois y entrerent, & cinq fois en
furent repouffés dehors : ce qui durajufques au24. dudict mois. En apres
ils rencontrerent Sebald de VVeert, dont la fortunevous a efté deduite cy
deffus : lequel fut fort efmerveillé de veoir les gens d'olivier en fi bon
poinct, fi robuftes,gros & gras ; mais il faut fçavoir qu'ils n'avoyent pas
eu des fi mauvaifes rencontres, ny enduré la famine de luy & des fiens.
Faifants voile par enfemble, ledict de VVeert ne peut gaigner le Capde Mau
rice avec les autrcs ; de façon qu'il fut contrainct d'abandonner la Com
pagnie.Olivier donc paffa plus outre,& trouva plufieurs & differens cours
-
de la maree. .
Le 29. de Febvrier il parvint en la Mcr du Sud, ayant rehauffé bien
cent fois les voiles au Deftroit : lequel il paffa non fans grand peine cn
quatre mois de temps. Il defcouvrit plufieurs lflettes afflez pres de Cabo
Defirado au long de la cofte de Chile. Le 12. de Mars eftant à 46. degrés,
il perdit le Vis-Admiral hors de la veue. Le 21 dudict arriva en la Mecha:
ou il feit quelque provifion.
Le 15.Septembre il cntra au Deftroit de Maniles,fix mois & demy apres
qu'il fortift de Magalanes. L'an 16 o 1. le 9. de Febvrier il partit de la
ville de Balaboam. Le 25. d'Avril defcouvrit le pays du cap de Bonne Efpe
rance : & revint dedans la Meufe avec un Baftcau le 25. d'Aouft, ayant
mis en fon voyagc le temps de trois ans moins douze jours.
- r --
N Q).
DE L' EST R O IT DE MA GELLAN, t 95
I 599.
- - . --
--
--- --
-- F I N,
Bb 2 DICTIO.
196
D I C T Io NA I R E
2Du langage des Ifles
D E
S A L O M O N.
lemens de pa
Petit miror, Leff iloa. pier.
-
-
Canelle. nobles , que ,
Kaj. nous avions en .
Petite
Fcu.
corde. VVaffauvv, --
hoftage. .. » -
Oumou.
La corde dont caff. -
JB b 3 ils fe
198 - 1D I C T I O N A I R E. ·
ils fe lient les - | Temples. Heim. .
accouftremés Barbe. Incam Beffer. --
fur lc corps. Manger. - 2Nam Nam. " --
Boire. -
Anda.
Les Anneaux , Tauvva pou. -
qu'ils portcnt louës. Machoi- Paring. -- .
fur la coude.
Doigt. Fatinga. Le nœud de la Con Con Hangh.
«
Vn certain fruit. Lolou.
- Rofeau.
Le Pain de nous Datan. - *
autres. . 71af. Chairc. - Sou. - -
Foye. Adde. - . -- ... l Picrrcs. Coore.
-
Foye de Porc. Adde Puacca. . | Feu. Eef
Roy Ariki. - ** | Terre. à la ter- Behoul
Superieur. Latou. Latau. -
- --
----
- Hameçon. . Iaoul. -
*-
-
| Perlamour. Corron Tamborin. '
De Nova Guinea. . | Soleil.
-
-- * , : | Lune.
,* , *
Calangh. -
D I C T I O N A I R E.
- 199
Six.
Fita.
De l'Ifle de MOA
Sept.
Huict.
Neuf
VVala. Gfante à deux degrés, delaquelle
Sivva. les habitans
Dix. ufoyent de
Sangafoula. Iavelines.
Certain fruict Loongh.
comme un pe Cocos. Lieu.
tit Cufi. - . Bananes. Tandani.
Attendre. Attinaam.
Porc. Paro.
Le nom d'un pri- Tarharlieuvv. -
Eau. Nanou.
fonnier.
Gingembre. Raaj.
Ie ne le cognoy Kim Kabbelinglou Poiffon. Ant.
pas. . gtee-. Coufteau. Kojma.
Chien. Aroue.
Corales. Safera.
De l' ffle de Moyfe. Peigne d'yvoire- Marmauvv.
Ouy. Ltu. Cloux.fer. Bee.
Pain.
Bois non preparé. Sagu. Sagu.
Pain. Pouhonnori. Gafteau de pain. Soome».
Efpaules. Carracerreram. Accouftrements Maje».
Mammelles, Soufou.
Genoux. Certains bande- Sabre».
Pou hanking.
Oeil. Mattanga. aux, qu'ils re
Laiffés veoir. lient à l'entour
Matta may
Gorge. C'oniecemnon. du bras.
Languc, Caramme ». Arc. Partina.
Barbe. Parre vvourou, Flefchcs.
• Nés. Dormir. Moune.
VVanfugo.
--
Bananes. Hinvoundi.Taboun. Tirer au poiffon. Tineanj
Il fera bien toft Kirreéir. Dent de porc. Sona.
icy. Vn certain ani- Pari-vvou.
Porc. - Cambour. - mal à 4. pieds. -
L INDE OCCIDENTALE,
Touchant la fituation defes Terres é- Provinces, le
chemin qu'il faut tenir a lespaffer,& quelles
richefes d'or & argent fe trouvent
en chafcune d'icelles,
Par le Preftre
- -- -
-
-
-
-
-
--
-- -
- -
-
- :
-
-
-
-
-
-
-
-
«
-
- -
-
-
-
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*.
-
à
-
2o3
Particuliere Defcription
De l'Inde Occidentalc
D E
fics d' e fieurs , & à plufieurs fois y ont efté) mais quand on y a voulu aller, on
fange con- ne les a fçeu retrouvcr. Il femble que Dieu feul vueille avoir ce fecret en
dation.
fa main, pour les defcouvrir au vray temps à luy feul cognu. On dict que
c'eft un pays fcrtile,& que les gens y font Chreftiens.
Les fept ifles fufdites toutes font abondantes, de forte que tout y eft à
meilleur marché qu'en Efpagne. il y a des chameaux fans nombre,& du
Succre en abondance. lD'icy nous allions fur la flote , que conduifoit le
General Françoys de Noba, & l'Admiral Don François de Valverde , finglans
contiuuellement l'cfpacc de 27. jours jufques a la Deffada, diftant de la
Grande Canarie huict cens trcnte lieucs,& eft affiffe, a 15. degrés. Or les
habitans de la Dominica, catalino, & autres ifles, font gens que nous ap
pellons Caribes, ou Gimarrones, qui mangent la chair d'hommcs ; à raifon
de quoy nos gens fe gardoyent de mettre pied à terre, finon apres avoir
defchargé plufieurs canonades fur la foreft, qui eft au coupet d'unc mon
tagne: puis on y meit les fentinelles, car autrement n'eftant bien fur fes
gardes, ces Caribes vienent prendre , & devorcr les perfonncs. Nous al
lions plus outre fuyvant la route de Matalmo; ou cftans arriués nous trou
vames en une foffe deuxSerpens extremement gros, qu'il ne feroit point à
croire : & defchargeant les moufquettes fur eux pour les tuer , ils fiffle
rent fi terriblement, que toute l'iflc en trembla.Plufieurs Indiens venoy
ent nous aider. mais quoy?ces dcux ferpens s'eftans joincts par enfem
ble,il nous fut force de defcharger fur eux toute l'artillerie. Plus, nous y
avons trouvé un Efpagnol, qui raconta, comment en cefte ifle, & es autres
voifines, y a plufieurs Efpagnols, & plufieurs femmes, & qu'ils ont de
laifié de devorer les eftrangers, pour ce que les uns fe font mariés avec
les Indiennes, & les autres avcc les Efpagnoles , & que plufieurs fem
mes, & autres fe font faicts Chreftiens, voire que ce feroit une chofe
bien facile de les convertir trcs-tous. Quant à moy j'eftime que les Roys
Catholiques laiffcnt de ce faire (combien que ce feroit chofe aifée de les
affujettir, ou exterminer du tout) a fin que paravanture quelque me
fchant heretique ne s'yaille fourer, comme il eft advenu en Florida. ce
qui pourroit en temps de guerre tourner au grand prcjudice de fa Maje
fté Il y adjoufta que dés longtcmps, ils n'ont devoré ny Prcftres, ny fem
mes. cfpargnant les femmes, pource qu'ils aimcnt mieux d'en avoir des
enfans robuftes; & lespreftres,pource qu'ils en avoycnt mangé un, mais
tous cn cftoyent enflés & crevés.
La Ville de
D'icy on va en huict ou dix jours jufques en Cartagena : au port de la
Cartagena.
quelle s'affemblent les flottes & gallions de Terre Ferme.c'eft la ville ca
pitalc de plufieurs provinces ; villc de grand trafique & marchandife,
pour la multitude des vaiffeaux, qui y abordent, & pour le voifinage
du nouveau Royaume de Granade. Soubs fa jurifdiction eft comprinfe la
ville de Mapox, Tenerife, & Tolù, ou demcurent dcs Efpagnols , & par cy
devant auffi les ville, de S.Maria, dc la Conception, & de Santiago de los Caval
leros, qui à prefent font defpeuplees, pour autant que les Indiens fe revol
terent par tumulte & tuerent les Efpagnols, pour l'outrage qu'on leur
-
faifoit.
Le grand ll ya de l'Ifle de la Dominica à Cartagena plus de 3oo. lieues. Appro
f** de la chant la bouche du grand fleuve de la Madalena, on s'en garde d'cnviron
ou plus de trois lieues en la mcr, pour la trefgrande violence dont il fe
desborde en 1cclle: de forte que les vaiffeaux,qui vienent à cftre entor
tillés au flot d'iceluy , en font miferablement tourmentés, & repouflés
bien
DE L'INDE o C CIDENTALE. 2o5
bien deux lieues dedans la mcr. Ledict Gouvernement s'eftend plus de
2oo. lieues en longueur, & cn contient cnviron 5 oo, en rondeur , ayant
des grandes contrées & provinces, encor indomptées,& des gens fans
nombre jufques aux Montagncs dc Tolu, llava, & Carquana : le pays tref
riche, & abondant en or. Au territoire de Tolèy a des montagnes de la
- longueur de quelques lieues, portans des arbrcs de baufme tresprccieux. , ,
Ces lndiens font fort fervitables, & font du grand profit à leurs maiftres. baulme.
Ils demeurent feuls en la ville de 74onpox, & ne donnent point d'argent
pour tribut au Gouverneur, mais des vivres tant feulement ; qui toutes
fois luy portent touts les ans grande fomme d'argent. Par cy devant les
Carares eftoyent fujets de la ville de Mompox: mais à prefent ils ont chan
gé de lieu, & fe font mis fur la riviere vis à vis de Tamalame, qui eft une
ville d'Efpagnols du Gouvernement de Santa 21artha. - Or il fait dange
reux de voyager fur la dite riviere, à caufe des Armadilles, lefquels ont
faict grand degaft fur les Canoas par cy devant, en devorant les perfon
nes : de maniere que les Marchansy vont toufiours de compagnie , avec
- plufieurs barquettes,bien montées de gens, avec longues piftolcs & defia
en ont tué tant, qu'il n'ya point fi grand danger à beaucoup pres, qu'il fou
loit avoir.
D E -
SANT A MA RT HA,
Du nouveau Royaume de Granade, du Gouvernemcnt
- de Popayan, du refort de Quito, & fes
Evefhés.
Fin donc de continuer la pourfuitc de mon voyages de Cartagena, Santa
h
Mir
f
je vins au Gournement de Santa c71artha ; qui en eft la ville ca
pitale, ou fe tient le Gouvcrneur , & l'Evcfque ; contenant ce
Gouverncmcnt cinq villes , Santa Ufartha , Salamanca , la Ramada, la
vallee de Ilpar, & Tamalameque. A Salamanca, & cn la Ramada fe tient la
plus part des habitans Negres , qui pefchent les perles, qu'on garde
en la Ramada. Il me femble que c'eft l'unc des plus grandes richeffes du
Monde : car il ya des ans, qu'ils en font une grande quantité de ducats.
Il y avoit dc mon temps un Marifchal Efpagnol Commandeur des In
diens, lequel avec l'Evcfque Don Sebaftien de Oquendo, en un an firent
1ooooo. ducats de Perles, qu'ils en avoyent tiré. or on les pefche en la
maniere fuyvante. Les Noirs eftans repartis en quelques Regimens
avec lcurs Capitaines,fe vont plonger dans la mer jufques au fondssayant
prcs d'cux des facs, qu'ils empliffent d'huiftres, lefquelles venans fur ter
re, ils ouvrent, & y trouvcnt en des aucunes des per les de grand' eftime.
puis ils jcttcnt dcrcchcfles huiftres de dans la mer. il y a des plongeons,
qui vont bien plus avant & plus profond en la mer, affavoir ceux qui plus
longtemps peuvcnt tenir lcur haleinc, & ceux cy font les meilleurs, & qui
Cc 3 pefchcnt
2c6 D ES C R I P T I O N
efchent les plus nobles perles. Il ya audict Gouvernement une grande
quantité d'Indiens,nó encor affubiettis,eftant les plus vaillans quife trou
Iatronas.
vent es lndes (on les nomme Taironas) robuftes comme ceux de Chile,&
tenans loyalement leurs promeffes. Cefte Diocefe comprend avec le lac
de Maracaybo plus de fix cens lieues. .
Le, Le nouveau Royaume de Granade, eft un Archeuefché, ayant la ville
Royaume de Capitale Santa Fede Bogotà. Sa jurifdiction comprend touts les gouverne
* mcnsde Cartagena, Santa Martha, Popayan, la noble Senechauffée de Tun
ja, & celle de Mariquita, avec le gouvernement de los C2/ufos. C'eft une
ville fort bien pourveue de pain, chair, & fruicts, le vin y venant d'Efpa
p,e,gne: il y a grand quantitéd'or & d'argent, comme fera dict cyapres. Au
raudes. Gouvernement de los Mufos ya deux villes. celle de Mufo, d'ou vienent les
plus fines Efmeraudes,voire de toutes celles qui vienent des quatre bouts
du Monde : qui plus eft, il en vient auffi plus , que des autres trois en
droicts, qui font les ifles de Ceilan, Sumatra, & Vicpuri en Cochinchina. Ily
a là un rocher d'Efmeraudes fi grand, que jamais on ne le pourra epuifer:
principalement pource que les habitans fe trouvent en petit nombre,&
moins encor de Negres. Les cinquiefmes de ces Efmeraudes portent
chafcun an pour Majefté une terrible fomme d'argent. Il y eut icy un In
dien efclave d'un certain Commandeur, qui trouva cefte noble & gran
de Efmeraude, de laquelle le Roy Filippe I I. & fa fille la Princeffe Clara
Eugenia d'Auftrice, feirent prefent à l'Efcurial : ou elle fe garde avec le
Sainct Sacrement. quand elle fut envoyée à fa Majefté, il en voulut fça
- voir le pris: mais nul des Ioyailicrs ne la fceut jamais taxer: & de fait c'eft
la meilleure du Monde, à raifon de quoyle Roy apres avoir mis le fervi
teur en franchife, luy feit des grandes recompenfes.
Pita eft L'autreville eft celle de la Palma, d'ou fe tire fort grand'abondance de
: Pita de toutes fortes.Cefte ville eft affife en la jurifdiction de Tunja, qui
fin dey eft fort ample. Elle a des forts rempars & boulevars de terre. car les laif
*ent fant repofer l'efpace d'un hyuer,& que les pluyesy toment deffus,ils de
" viennent fi durs & fermes qu'à peine ypourroit on percer un clou : c'eft
auffi la caufe pourquoy ils y ont des grands & beaux baftimens à petite
-
defpence.
La ville de Velez, Pampelune, ocagne, aterida, la Grita, les villes de Sant.
jago, de S. Chriftofle, & Leyva, & la ville du Port d'ocagne, font bonnes ter
res, & en plufieurs d'icelles fe trouve de l'or les Indiens s'adonnent à cul
tiver & femer la terre, & à pafturer le beftail, qui y eft en grand abondan
ce, il y a des Seigneurs qui ont 2oooo.bœufs, & encor autant ou plus de
Mariquita, petit beftail. La jurifdiction de Mariquita contient la ville de Tocayma, &
de Ibague, & la Santa Agueda, ouya des bien grandes minieres d'argent:car
c'eft d'icelles qu'on tire tout l'argent du Nouveau Royaume. En la ville
gent. de los Remedios, & Saragof fe trouve grand' quantité d'or; & y a plus de
Grandes quatorze mille Noirs, qui s'employent à le tirer ; chofe certes eftrange.
"*** Il y a le haure de Onda, auquel vienent furgir les fregates & canoas venants
de Cartagena par le grand fleuve de la Madalena, par lequel viennent les vi
vres en abondance; fçavoir farine,jambons, fromages, conferves, Confi
tures, Pita,couvertures,chables, bas de chauffes, cordes, poiffons,voire
auffi or, & argent, & Efneraudes de grand pris ; au retour ils en empor
tent du Vin, & autres marchandifes d'Efpagne; le tout fi abondamment,
qu'il y en a affés pour toutes les villes d'alentour, revenant au pris de
1oooc o.voire de 2ooooo. ducats.
Il eftt
DE LIN D E o c c 1 D E NT A L E. 27 Santa Fe de
Ileft dit cy deffus que Santa Fe eft la ville capitale. non loing, d'icelle Bogotas.
font encor deux autres, Santa Paz, & San Iuan de los Llanos; en la quelle
ville fe trouve une generation,qui eft la plus blanche, que je vey jamais :
& par tout ceRoyaume fe veoit une quantité infinie de villages d'Indiens
villc feparés une lieue ou deux l'un de l'autre, en forte que pour la grande Les Mou
*t.
multitude qu'ony voyoit de gens, nous * fches.
troiS
2o8 D ES C R I P T I O N : . :
-- trois fouvent ne valent qu'un Real ainfitout le refte à l'advenant : finon
deux chofes,car le vin d'Efpagne venant des provinces de Lima vaut huict
reaux un quartillo, & s'il vient d'Efpagne douze.puis les afnes y font tres
chers:car un bon y fouloit valoir 15oo liures,ou pefos pour la grande mul
- titude de jumens, qu'ilya. Dont ils ont ce proverbe entre eux. Qu'cft
- ce qui eft le plus cher à Quito On refpond, les afincs.
- -
-- *
l . : -
-
--
Il y a une chofe notable affavoir, que bien qu'ilyait plufieurs grans &
magnifiques baftimens, cependant ne s'y trouve point de toict fur les
maifons. car auffi iln'en eft pas de de befoin, veu qu'il n'y pleutjamais,
L'Archevefché contient la ville de Truxillo en la plaine, Chacapoyas, &
Guanca Velica d'ou fe tire tout l'argent-vif, dont on fe fert à Potofi es mines,
qui eft une grande chevanche. Ilya pareillement Guamanga, villc capita
- -
be d'un
DE L'IN D E OCCT D ENT A L E. 2o9
le d'un autre Evefché, qui comprend plufieurs, villes & villages d'E
fpagnols, & des Indiens naturels.
L'Evefché de cufo eft a prefent le meilleur de Peru. or cefte ville,bien
qu'elle ne foit pas des plus grãdes,fi eft elic bien toutefois dcsplus riches,
pour lagrand'fertilitéde festerres,& contrées. Ccft Evefché depuis n'a
gueres a efté divifé en deux, l'un d'iceux refidant enArequipa, qui contient
auffi plufieurs villettes,& repartitionstant d'Efpagnols,cõme d'Indiens,
Or jaçoit que ces Evefchés ayét efté divifés, cõme eft dict de Truxillo,Gua
manga,&Arequipa,Lima Cuz co,& 9ito,fi eft il quils ont encor chafcun aflés
de rentes. Los Charcas, qui fouloit eftre un Evefché maintenant porte Lecharc.
le titre d'Achevefché,& contient mefmes encor deux Evefchés deffoubs
luy affavoir la Paz, & la Sierras dont celuy de la Paz eft fi riche, qu'il ne cede
en rien mefmes à l'Archevefché de S. Domingo. En los Charcas eft la Cour,
qui eftend fa jurifdiction depuis Cuzco jufques à Chile, & au fleuve de la
: Plata, qui eft une incroyable eftendue de pays. -
Ilya d'icy à Potofi 18 lieues, qui eft la chofe du Monde la plus eftrange
& monftreufe qu'on fçauroit pcnfcrc'eft de cefte montagne que vienent
chargees d'argent toutes les flotes,& galeres. illec fe veoit un grand & * au
merueilleux œuvre de la providence divine, d'autant que le Seigneur par %
deffus cefte mötagne a poféune nuee,laquelle y demeurc perpetuellemét, montagne
& mefmes quand il fait ferain & beau temps, demonfträt commé au doigt ***
les grands threfors, que ladite montagne couvre. La figure d'icelle eft en
forme d'un pain de fuccre, & fi haute qu'on fait 3.li. de chemin pour mon
-
-
. - D ESCRIPTION
Ambre». Le Cap de Saint Antoine eft affis à 2o. degr. & Havana à 23. il y a en la
mcr d'icelle des baleines fans nombre ; & y fouloit on trouver grande
quantité d'ambre, qu'on dit eftre le fperme d'icelles.
L'ifle de Puertorico eft efloignée de la Dominica 25. lieues, au 18. degré
L'fle de
* ellc s'eftend 4o. lieues en longueur, & 2o. en largeur, & en la rondeur
plus de 15o. Là fe trouve grand abondance de beftail, fuccre, orangers,
limons,
DE LIN D E o c c 1 D E NT A L E. 2 II
Il y euft jadis entre eux un Cazique , nommé Hatvey, lequel ayant Exemple
ouy dire , que les Efpagnols viendroyent en fon pays, feit affembler notable».
tous fes gens , foubs couleur qu'il leur vouloit enfcigner une bonne
pratique: lefquels eftans affemblés il dict, que le Dieu des Efpagnols
eftoit l'or, lequel par tout ils vont cerchant, & pource commanda qu'ils
amaffaffent tout ce qu'ils en pourroyent trouver, & le jettaffant en la
riviere; comme ils firent le jettans en la Havana , avec ferment de ne
declarer jamais pour la vie aufdits Efpagnols, le lieu ou ils l'avoyent mis.
Confideré qu'iceux Efpagnols pour trouver leur Dieu, avoyent mis
au fil de lefpée tous les habitans & naturels de Altim, qui eft l'ifle de Santo
Domingo. -
L'iffe de Puerto Rico contient quatre villes, & un Evefché; Elle eft --
diftante deSandomingo, de l'une des poinctes jufqucs à l'autre douze Iieues, domingo.
& de l'un haure jufques à l'autre huictante. dont celuyde Santo Domingo
eft fort grand & fpacieux, fitué fur 18. degrés. C'eftoit le premier pays,
qui fut defcouvert es Indes, duquel a prins fon commencement toute la
detection du Nouveau Monde. Il s'appelle auffi Efpagnola, & eft fertile de
lufieurs femailles & fruicts de la terre, & opulent de troupeaux, fpe
cialement de bœufs. Parcy devant il y avoit quatre millions de na
turels, lefquels font tous mors ou enfuis .. L'ifle eft grande & contient
lus de 6oo. lieues au contour, avec bcaucoup de fleuves & rivieres,
dans lefquelles on trouve de l'or : voire à ce qu'on dit, il y a efté trouvé
des grans, qui pefoyent en or plus de 3ooo ducats. Il n'eft pas à dire, com
bien on y trouve de rofeaux, dont on faict le fuccre : d'avantage le
Gingembre, & la chaffe, ou Caffia Fistula, s'y veoit en abondance , &
une efpece de bœufs, qui ont le poil fort long. Que s'il y avoit des
gens pour faire l'ouvrage , il n'eft pas à doubter , qu'on en pour
. roit tirer beaucoup d'or, & de perles. Ils font du pain de Tuca, que
nous appellons Cazabi , fans le pain qu'on y apporte fpecialement de
Venezuela. Le temperament de l'air y eft chaud, & convenable à la
nature des efclaves Noirs, lefquels y font environ 2oooo en tout. ll y a
dedans la ville de Santo Domingo la Cour, & l'Archevefque de l'ifle ; &
en la mer d'alentour plufieurs Baleines, & des fort grands Chiens de
Mer°.
Or de cefte ifle on arrive en deux jours à ZNavaza, qui eft une au- Les ifles
Navaza,%
tre ifle , gifante en la hauteur de dixfept degrés : & pres d'icelle gift Iamaica.
encor une autre, qui s'appelle Iamayca. Mais notés qu'il faut partir
de cefte Ifle en certaines faifons, & opportunités de l'année, pour les
terribles tourmentes & tourbillons de vens, lefquels fur cefte mer ont la
vogue. D'icy on tient la route de l'ifle de Cuba , ou Havana (car au
jourdhuy plufieurs l'appellent ainfi) & apres eftre paffé le Cap de Sainct
Antoine, on va tout droict jufques à l'ifle de Campeche, qui eft affiffe vers la cance .
terre ferme,& contient 3oo. lieues en la rondeur, eftans tous les habitans
& naturels d'icelle à prefent Chreftiens ; le pays tresfertile ayant un
-
Dd 2 Goun
2I2 D E S C R I P T I O N
s. Inan de Gouverneur, & un Evefque. Allant d'icy au bout de quelques jours
Lua.
on
arrive au port de S. Iean de Lua, qui eft le port de la Neuve Efpagne : ou de
,,n, meurent quelques Pilotes, & des gens bien fales. La ville, qui n'en eft
Veracruz. guerre diftante, s'appelle Veracruz : dedans laquelle fe faict toute la trafi.
quc, & de la fe transportent les marchandifes vers la grande cité de Me
* xico, grande à bon droict; car elle furpaffe de beaucoup la cité de Seville
,, en Efpagne, On compte qu'il y demeure 3oooo. Efpagnols,& plus encor
villedeMe- de femmes, 2ooooo. Indiens fans les femmes, & environ 2ooooo.Negres,
xico.
C'eft la ville Capitale & maiftreffe de tous ces grands & fpacieux Royau
mes: dans la quelle fe tient l'Archevefque, leViceroy, la Cour, l'Inqui
fition, & tant de Cloiftres, & Convents, Eglifes, & autres baftimens no
bles, qu'il y pourroit avoir en aucune ville du monde, pourgrande & no
ble qu'elle fuft. Le temperament & la conftitution du pays refemble
fort au Pirù : les habitans font fort dociles & de fi bon naturel, que je
feroy quafi confcience de ne vous en raconter quelques particularités.
1eNaturel Pour le premier,ils portent fort grand honneur & reverence aux Pre
de ceux de ftres, & à tous Religieux de quelque ordre, qu'ils foyent: ils font diligens
Mexico,
pour fe trouver aux affemblées, & fi toft que les cloches fonnent,de bon
ne hcure on veoit les Indiens, & les autres jeunes gens, fchafter vers le
temple, faire des croix, dire leurs prieres en la proceffion,& avant que de
fortir baiffer la tefte en difant, Louéfoit noftre Seigneur IefusChrift,& fa
" benoicte mere S.Marie.alors le Preftre dit; Es fiecles des fiecles; eux re
fpondent, Amen. ils l'accompagnent jufques à l'Eglife,& luy fervent en
toutes chofes.Ils font fi grands aumofniers, que telle foys j'ay eu cent du
- cats pour une meffe. Or toutes ces belles & tant louables couftumes ils
les ont apprinfes de Don Martin Cortez Marquis du Val,jadis Gouverneur
audict pays. On dict de ce grand perfonnage, que quand il rencontroit
quelque Preftre, fuft il bon ou mauvais, qu'il fermoit le pas, tenant fon
chapeau en la main jufques à ce que le Preftre fuft paffé: aucunes fois il
fe mettoit à pied, & luy venoit embraffer le genouil, & baifer la main en
figne de reverence & devotion. Les naturels du pays à l'exemple d'ice
luy, s'efforcent auffi de grandement honorer les gens d'Eglife : car, di
fent ils, puis que ce Viceroy d'immortelle memoire les a tant honorés, il
eft certain que tout ce que nous faifons à la reverence de ces perfonnes
ne peut eftre que bien employé. Ie ne vous fçaurois dire les merveilles
qu'ils raccontent avoir apprins par leurs anceftres de ce noble, vertueux,
& tres Chreftien Prince, ne la reverence,qu'ils demonftrent à fa bien
heureufe memoire.Quand on leur demande touchant quelques bonnes
couftumes; pour quoy c'eft, quils font cecy ou cela, tout incontinent
ils difent; Pource que le grand CapitaineMartin du Valla ainfi comman
dé. fi que voulans quelques Viceroys abolir, ou changer certaines or
donnances,ils ne l'ont fceu pratiquer,pource qu'elles eftoyent venues du
bon Marquis ; & fingulierement en ce qui touche le fervice des Preftres
en l'Eglife, ou la defpence de leurs biens à baftir & embellir les Tem
ples, en quoyils demonftrent un extremezele, & pieté.
Desimages Ils font des tres belles images de plumes, d'une grande & admi
% rable fubtilité: ils en font auffi des beaux petits chapelets, avec tous les
* cinq myfteres, fi curieufement & au vif, qu'on les peut à bon droict pa
rangonner à l'artifice de belles painctures. pareillement ils en font des
pourtraicts de vifages, corps, & accouftremens, fi jolis, que qui ne l'au
roitveu, ne le pourroit jamais imaginer.
-
Tou
D E LIN D E O C C I D E N T A L E. 2I3
Touchant laNeuve Efpagne, elle n'eft pas entierement defcouverte, Gö- De laneuve
bien que c'eft une fort grande Province. car on dit qu'il y a bien encor ***
fix fois
autant de pays à nous incognu. Don Antonio Efejo Capitaine
lt bien renommé y defcouvrit de noftre temps quinze Provinces figrandes
le que deux Efpagnes, & y trouva des gens politiques & en grand nombre,
Ot
-
avec des maifons de pierre de trois & quatre eftages : il y baftit auffi
*S - quelques villes, afin de procederavec le temps plus avant à la detection
dudiét pays; De maniere qu'on y defcouvrit dix fort efpacieufes & gran
ui
des Provinces , affavoir, 7Aexico, C7Aechoacan, Galice la neuve »,la nouvelle
Bifaya, Guadiana, Honduras, Guatemala, Campeche, Chiapa, Guaxaca : foubs
- lefquelles fe comprennent encor onze autres, avec le nouveauMexican,& la
* nouvelle France , ou les Efpagnols, fi Dieu plait, meneront encore des co
lonies, & feront habiter lefdits pays. Il y a trois Parlemens ou Cours
Royales, & Gouverneurs, & Corregidors ou Iuges, eftans tous Efpagnols,
& es autres villages,& notamment es villages des Indiens,font des grands
Baillifs. L'air du pays eft pour la plufpart fain & doux, parce qu'il eft
temperé, à caufe des pluyes ordinaires en Iuin, Iuillet,'Aouft, & Septem
breten outreil y a toufiours un petit mouffon de vent, lequel nonobftant
que le pays foit chaud de nature, faict que de jour la chaleur ne fe peut
augmenter par trop; les nuicts font froides, en partie pour l'abfence du
Soleil, & en partie pour le vent fufdict, qui amoindrit grandemcnt la cha
leur. -
Il eft fort riche d'or, & d'argent : car il y a beaucoup de mines ; abon
dant auffi de Cochenille: voire on y met en œuvre fort beaucoup de foye
qui vient de China. Il y a des marchans Efpagnols, qui font grand trafi
que de l'une place à l'autre; apportans d'autre part tout ce qu'il y defaut,
& en emmenant dehors tout ce qu'il y abonde à leur grand profit. Mais
à mefure que le gaignagey eft grand, auffi y faict on des grands defpens,
finon que les vivres yfont à bon marché. Les gens ont en finguliere re
commandation d'eftre veritables, fideles & loyaux voire il femble que la
nature du pays les faict à ce encliner. Car on a veu que ceux, qui para
vant eftoyent mefchans & cruels comme des brigans, yont changé telle
ment leurs humeurs, que non feulement ils fe gardoyent de commettre
larrecin ou faire outrage: mais auffi qu'ils l'avoyent en extreme horreur
& deteftation. Ie parle des Efpagnols, lefquels comme conquerans & vi
&torieux, fe logeoyent chez les Indiens, & leur oftoyent barbarement
leurs biens & chevances, jaçoit ques les miferables confiderans,que il n'y
avoit pointde moyen pour fe garder de la violence defdits Efpagnols,ay
maffent mieux de les quitter volontairement, & de leur en faire prefent,
afin degaigner la faveur & amitié des ennemis. Touchant quoy je veux ., . d' f47
vous raconter une hiftoire, qui advint à un Cazique, nommé Don Gabriel : -
- DEsCRIPTIoN -
Or afin que on puiffe tant mieux travailler en cefte montagne, pour Quand c'ei
en tirer tant plus d'argent , cft befoing que les pluyes commcncent q on tra
environ le Noël, car c'eft par le moyen d'icelles que les engins moulent *.
les metaux. Et alors y va le Prefident de Charcas, ou l'un des luges pour
advifer aux moulins, & à la befoigne des lndiens, afin que tout l'argent
foit preft en Febvrier, & au mois de Mars, pour l'envoyer à Lima. pour la
quelle caufe convient avoir principalement efgard à deux chofes ; pre
mierement à l'eau, comme eft dict, & pour le deuxiefme , à l'argent vif
car par le moyen d'iceluy on en tire beaucoupplus d'argent, qu'on ne
feroit autrement. Aucunefois pour n'avoir affés bien vifé aux chofes fuf
dictes, l'argent n'eftant preft en la faifon gonvcnable,il l'a fallu envoyer
par mer & par terre,paffant le port de Aricajufques cn Colao qui eft le port
de Lima; & d'icy derechefà Panama, & d'illec à Puerto belo,ou les galions
de fa Majefté fe tienent.
En la province de Charcas,gift la ville de San Felipe de Auftria ou ilyavoit Lesminie
du temps des Ingas, des mines d'or, lefquelles par l'efpace de fix ans furent res d'Oruro
mifes en œuvre par Emanuelde Caftro & Padila, luge autresfois deCharcas,&
à prefent de Lima, lequel en a tirégrande quantité d'argent. Mais à ceft
hcure pour fon depart,& par faute de vifargent, qui eft le principal engin
de bien purifier l'argent, les mines font venues en decadence. Les autres
difent, que ceux qui en avoyent la charge, ne voulurent payer les Indiens
travaillans aufdictes mines,& aux moulins ce qu'ils feirent de propos de
liberé pour conferver la montagne de Potofi qui en auroit efté grandement
intereffée.or lefdites Mines fe nomment les mines de Oruro. -
Aupres de la ville de Guanca Velica, qui eft au refort de Lima, font les Dela ville
fameufes & riches minieres du vifargent : d'ou lon en a tiré grand abon :*
dance, voire plus de huict mille quintales par an, mais en aucuns endroicts "
il eft failly; pource que quelques montagnes fe font enfondrées. Ce qui
a donnégrande frayeur à tous ceux, qui travaillent aux montagnes, & ge
-
3 oo. lieues de Lima, eft fort fertile & de bonne temperature. il y eft fon
dé une Chancelerie, avec Prefident & Iuges, ou Prevofts de Cour, Fifcal,
Huiffier, & autres Officiers. Il y a plus une Eglife Cathedrale, un Evef
que, avec un Doyen,& le Chapitre, & unautre college. La jurifdiction
de ladite Cour s'eftend 26o. lieues : & trouve on aupres de la ville plu
fieurs montagnes ardantes, eftant le pays abondant de toutes chofes, &
principalement de vivres, à caufe de quoy les gens y font fort multipliés, -
lieucs
D E L*I N D E O C C I D E N T A L E. 217
lieues, ayant un Gouverneur & Capitaine General, Officiers du Roy,
gendarmes,garnifons, & des forts chafteaux. Il y a une Eglife Cathedra
le, un Evefque, un Doyen, & un Chapitre. Audict haure de Havana fe
vienent rendre & affembler tous les galions,flotes, & vaiffeaux de toutes
les Indes,pour calefufter & faire provifion de vivrescar ils vont d'icy deux
mois, ou environ fur la mer,jufques enEfpagne,fans approcher nulle terre,
finon la Tercera, qui eft l'une des Azores la quelle aucunefois ils vont abor
der, & aucunesfois la laiffent de cofté. .. A trente lieues de Havana eft le
commencement du Canalde Bahama, qui eft tresdangereux, quand on a le Bahama,
Lecanald
vent contraire : de l'autre coftéya le pais de Florida. -
- -
-
-
- Plata,
La province de Rio dela Plata qui fe nomme auffi Buenosayres a fon Gou Buenosay
verneur & Capitaine General puis une Eglife Cathedrale,un Evefque,& r
E e plufieurs
2 18 * D ES C R I PT I O N
plufieurs Officiers du Roy. Le port du fleuve eft fur la mer du Nort, au,
quel vienent furgir beaucoup de navires de la Brefile,& de Lisbonne. car
on y vient en peu de temps de Lisbonnemais afin de ne defaccommoder
la navigation des lndes, ne fe döne point de licence aux vaiffeaux & mar
chandifes de faire ce voyage. Dudict fleuve de la Plata jufques à Potofi,& los
Charcay a 4oo.lieues, ce pays aboutit au Royaume de Chile& c'eft d'icy
que fortent les vaiffeaux à la recerche du Deftroit de Magellan, coftoyant
la riue deChile,& le pays des Geans, qui demeurét vers l'Eftroit, lefquels
on appelle Patagons. Quant aufleuve fufdict, lequel fe decharge en la
mer du Nort, il eft merveilleufement grand & large; fi que mefmes on e
, ftime qu'ilfurpaffe & s'eftende plus avant, que le grand fleuve d'Egypte.
Santa
, le Nul di-je, tant celebré par les Anciens. - -
Cruz»
En la Province de Santa Cruz de la Sierraya dés longtemps un Gouver
neur & Capitainé General, & depuis nagueres, un Evefque, affavoir le
troifiefme de los Charcas.Il y a la cité du mefme nom, qui eft une ville fron
tiere pres de deux nations belliqueufesl'une qui s'appelle Chiriguanaes;&
l'autre Mojos, qui demeurent à l'autre cofté de la Cordillera. L'Evefque ne *
s'y eftpas encore tranfporté,auffin'ya il pas encor d'Eglife Cathedrale.le
pays eft pauvre & miferable, & principalement à caufe de la guerre, de
forte que tant les Officiers, que les fimples foldats, lefquelsy font en fer- .
-
-
(t
l'une Province plus, en l'autre moins. Ce que nous devons recognoiftre
du foin & follicitude des Evefques, & de la diligence des Curés, & autres
qui ne fe laffent de prefcher en leurs propres langues naturelles. Chofe
certes difficile car ores qu'il foit efdits pays un langage commun & ge
* - neral, comme le latin envers nous, affavoir celuy de nga, qui par cy de
vant fut leur Roy, fi n'eft il cependant affés aux Pafteurs de fçavoir le- .
dict langage, mais faut auffi neceffairement, qu'ils apprennent les langues .
particulieres de chafcune Province, pour ouyr la Confeffion, & faire au- .
très chofes requifes à l'advancement de noftre Foy Catholique. Et com
. me ainfi foit que ces Provinces foyent en grand nombre, & fort efloi- .
: gnées les unes des autres, ainfi eft pareillement grand, & prefque incro
yable le nombre defdites langues.
* Les Indiens generalement font des gens contemtibles tardifs,groffiers Du naturel
fimples plus miferables que ne font mefmes les Iuifs. Cependant au jour "
duSSacrement à Pafques & àS.Iean,pour d'autant plus celebrer la fefte,
ils fe portent fort alegrement à chanter,dancer,& fauter mefmes dedans
les Eglifes.Le Ieudy fainct tous generalemét font Penitence,& en un cer.
tain jour de l'année, qu'on appelle à ccfte caufe le Iour de Compte, ils
* donnent raifon de tout ce qu'ils ont de biens, meubles & immeublesten
feveliffent leurs morts fuyvant l'ufage de l'Eglife Catholique :'avec meffes
. & Offrandes, Ces couftumes font bonnes & louables mais ils en ont auf -
|
-
-, -
Ils font pour la plufpart des grans menteiîrs , & qui pis eft totalement
adonnés à l'yvrognerie, & à la boiffon, fans en avoir point de honte. Ils -
s'affemblent fecretement à l'efcart, & demeurent banquetans un, deux, * ,
trois jours, voire une femaine entiere, & plus,beuvans plus que les Ale- . ::
mans; prenant avec eux leurs femmes, & filles, afin qu'elles les fervent, &
apportent l'une ou l'autre chofe à fripper& boire.Ainfi demeurent jours
& nuicts au fervice de leurs gueules, comme des beftes brutes, fe privans
de l'entendement, que Dieu leur a departi, fi que d'un peché en l'autre
" ils vienent à tomber en des enormes & horribles extremités à la façon des
Mores.A cefte caufe les Magiftrats font grand diligence pour empefcher
& punir telles affemblees, pour la confequence d'icelles. car ils paffent
enfemble quelques jours de route avcc chant & danfes , foubs cou
leur de faire priere & facrifice pour les trefpaffés; mais à la verité, facrifi
ces deteftables, par lefquels ils vienent à fe gafter, & preparer leur propre
corps à toutes fortes de maladies. ·
Ils fontfi friands fur ces banquets,& tant y demeurent , qu'ils ne re
tournent pas à l'ouvrage jufques à ce que la neceffité les en preffe, ou que
leurs Superieurs les y contraignent. Mais quandils fe veulent adonner à
quelque meftier, ou fcience, ils ont affés d'cfprit pour l'apprendre & pra
tiquer : comme auffi on a veu plufieurs'exemples, qu'ils auroyent bien
toft apprins à lire, & efcrire, ce qui ne leur a efté permis. ll y a parmy
eux plufieurs gens de mauvaifevie, notamment les Noirs, & les Meftifs,
qui s'addonnent à la mefchanceté, pour le mauvais traictement , qu'on
leur faict . car il y en a toufiours qui prennent plaifir à les malme ----
ncr. - ,
Les Indiens font tenus de payer par an à leurs Superieurs , un certain * :
tribut d'argent, & autres chofes felon la taulxe des Cours de chafquun
refort. Et la moitié d'iceux font tenns defaire fervice perfonnel, à fça
voir deux mois de l'année en tel endroict, que la Cour ordonne. Tous
-
-
Ec 2 font
22O D Es C R 1 p T I o N ,
font tenus de payer tribut, ou prefter ledict fervice depuis l'aage de dix
huit ans jufques à cinquante: Ce tribut fe donne au Gouverneur en re
compenfe de fon fervice à deux vies, à la charge qu'il portera foin de faire
cndoctriner les lndiens à fes defpens, payant le falaire au Pafteur , & au
Senefchal, & les difmes des Eglifes, fuyvant l'Ordonnance, & tauxe de
la Cour. - . : ' ' . .. , - t: ;
- Gomment
les offices fe Ce que je vien de dire, que les Gouverneurs tirent leurs gaiges pour
donnetpour deux vies,fe doibt cntendre en cefte façon ; affavoir que la plufpart des
*** Offices & Prefectures des Indiens fe diftribuent pour deux vies ; de forte
qu'on en tire le falaire premierement durant la vie de celuy, qui admini
- ftre ledict Office de Gouverneur ; & fecondcment durant la vie de fon
fils, ou fille aifnée, lefquels fuccedent en la penfion de leurs Peres.S'il ad
venoit que ledict Gouverneur n'euft point de femme legitime, les fruicts
" de l'Office vacant rerournent à faMajefté qui en prend la poffeffion pour
le fecours & aide de fes Financcs,jufques à ce qu'il foit prouveu : ce qui
touche fpecialement au Viceroy, fi l'Office eft vacant en fon refort ; &
aux autres Gouverneurs & Capitaines Generaux en leurs jurifdictions
refpectives : ne fuft que le Roy mefmes par advis du Confeil y prefen
taft quelquun. Ce qui fe practique au tegard des offices de grande im
portance. Quclquesfois le Roy, & le Confeil font grace & faveur pour
plus de deux vies aux fils & néveux defdits Commandeurs, & principale
ment des Conquefteurs, ufans en ce faict de leur bonté & liberalité ac
·
couftumée. - • - - -
Touchans
les contra
Il eft defendu bien expreffement à tous Iuges politiques des lndiens,
tations des de ne trafiquer ou marchander entre iceux : d'autant que telles contra
luges. &tations font du tout dangereufes Sc prejudiciables à la converfion des
Indiens. Car par ce moyen il advient, qu'ils s'adonnent à faire des ac
couftremens, & autres chofes au fervice des Iuges , de maniere qu'ils
n'ont pas le loifir d'achever leurs befoignes, pour payer le tribut ; dont
s'enfuit que abandonnans leur demeure ils s'enfuyent en des autres, au
prcjudice de leurs villages, qui en font d'autant plus chargés,non feule
ment pour prefter lefervice perfonnel, felon la tauxe de la Cour; mais,
. qui pis eft, de payer auffi le tribut au nom des abfens. Les Viceroys &
Parlenmcns font en ce tenus & obligés par ferment de fuyvre certaines loix
& conftitutions. Chafquun an l'un des Iuges de la Cour eft obligé
d'alier en commiffion vifiter les repartitions des Indiens , pour entendre
leur tauxe, & le tribut qu'ils paycnt ; afin d'advifer s'il eft befoin de re
lhauffer ou amoindrir ledict tribut, felon la quantité des richeffes de
- chafquun pays; & de donner ordre à ce que les vivans ne payent pour
les trefpaflés, abfens, ou empefchés , ou pour ceux qui font hors d'aage:
d'avantage pour ouyr leurs plainctes, fi peut eftre ils font malmenés, ad
vifer à la Iuftice, & à l'lnftitutioh, & à autres chofes touchant l'admini
ftration de la police. Le tout au foulagement des Indicns, & au fervice
du Roy. Et c'eft en telle Commiffion que le Viceroy envoye de
vers l'Audience de Don Diego VacadeVega, perfonnage debonnai
*:
re, & clair voyant es affaires d' Eftat.
Touchant
- Il n'eft pas à dire le grand nombre de Meftifs, lefquels font enfans
les Meftif.
des Efpagnols & femmes Indiennes, qui courrent le pays , generation
pcrvcrfe & mefchante, qui ne s'adonne ne à fervir, ne à l'exercice de
quelque manouvrage. donc ne peut advenir que tout mal ;veu que
l'oifivcté eft mere & nourrice de tous vices. Pourcc feroit à defirer,
qu'ils
DE L'IN D E O C CIDENT A L E. 22 1
Touchant Les Diocefes de Cuzo, Lima, & QAito font trefamples, les chemins
les Euefchés. en plufieurs endroicts trefdangereux; de maniere qu'on ne peut, quand
il eft befoing, finon à grand peine , fe prefenter par devant le Prelat.
car celle de Cuzco contient plus de 2oo. licues en longueur, & 7o. en
largeur : celle de Lima pareillement, ou plus : comme auffi l'Evefché de
Quito. A l'occafion dc quoy les l'Evefques desdits pays & provinces
ont remonftré au Roy, & au Grand Confeil, de combien il eft ne
ceffaire, que ces Evefchés foyent repartis, & notamment fes plus ri
ches, à ce que chafquun d'eux ait vingt mille pefos de rentes. Mais je
me deporteray de ces exemples , qui touchent aux affaires d'Eftat
& au Gouvernement , confideré que mon intention n'eftoit feule
ment, que de vous reciter les qualités defdits pays, & de ce qu'on y -
trOUlVe. -
Des Difmes. C'eft une loyancienne, divine, & pofitive, que tous Chreftiens doi
vent payer les difmes des fruicts que Dieu leur donne de la terre.Cefte
loy fe devroit auffi pratiquer es Indes, non feulement envers les Cafti
liens,mais auffi envers les Naturels du pays. car ce feroit le vray moyen
de faire entretenir le fervice divin, augmenter & croiftre, voire fleurir les
Eglifes à l'advancement de la Religion.
Les
*,
D E LI N D E O C C I D E N T A L E. 223
Les Conciles Provinciaux fe tiennent en Peru de fept en fept ans, ou les
Evefques fe tranfportent de quatre & fix cens lieues,par mer & par terre, *
avecgrand travail, danger, & defpens par des chemins difficiles & peni
bles , ou n'y a point de moyen pour fe fervir de Caroffes , ne de Lit
tieres. -
Quelques pays des Indes ont faict des requeftes au Roy pour avoir des Des Vni
Vniverfités,& notamment la Diocefe de Quito, pour eftre la ville Capita verfités,
le d'icelle feparée 3oo. lieues de Lima, & contenir en fon refort plufieurs
provinces & contrees : remonftrant que le dict pays eft fain, de bonne
complexion, propre aux eftudes,& aux gens de lettres, & que toutes for
tes de vivres y font à bon marché Ce qui pourroit grandemét fervir à l'ad
vancement de l'univerfité : ou en cas qu'on n'y voufift enfeigner toutes
les fciences, à la maniere des Vniverfités, que pour le moins 1l pleuft à fa
Majefté d'y faire fonder des Efcoles pour enfeigner la Grammaire, la
Theologie, les cas de confcience,& les langues Indiennes : le tout fe pou
vant facilement executer & entretenir au moyen de quatre ou cinq mille
ducats de revenus, que la province mefme pourroit fournir, fans aucune
ment charger les Finances du Roy.
Le Viceroy Don Francifco de Toledo, gouvernant les Royaumes & Des trois
Ordres.
pays de Peru, de par fa Majefté fut autorifé, tant en temps de paix, que dc
guerre, felon les occurrences des affaires , donner les trois ordres de
Cavallerie à ceux qui auroyent merité c'eft honneur : ce qui fe faict es
villes Principales, comme à Lima, 9uito, Cuzco, Charcas, la Paz, & Potofi
à celle fin d'encourager & animer tout chafquun au fervice du Roy,foubs
efpoir de parvenir au mcfme degré d'honneur : car la gloire n'eft autre
chofe, qu'un efpcron pour inciter & pouffer les bons efprits à courir,voire
à galoper au chemin Royal de vertu. -
De la Do
Touchant les gens d'Eglife, Preftres & Religieux de tous ordres ; il y
a des fort fçavans & vertueus perfonnages, lefquels s'appliquent à la do Religieux.
&trine & inftitutio des Indiens.Et combien que on pourroit penfer, qu'ils
ne pourroyent guerres profiterenvers une nation fi barbare,& quafifau
vage ;fi en eft il cependant bien autrement ; de maniere que ceux qui le
voyent devant leurs yeux, s'en trouvent bien eftbahis, & cntrent en admi
ration non feulement de l'avancement & docilité des Indiens, mais auffi,
&principalement de la grandc fcicncc & doctrine de ceux, qui tienent
les Chaires & Efcoles.
D E L A
NovvELLE ESPAGNE
: Fin de vous declarer, amy Lecteur, les richeffes,grandeur,& Chre De la neuve
ftiëté de la nouvelleEfpagne,fera befoin d'en parler un peu plus am Efpagne.
lement, que je n'ay faict de Peru pour autant que les Naturels d'i
celle font plus habiles, dociles, fçavans, & actifs, que les autres. Ce qui fe
peut aifement comprendre par les manouvrages,& autres chofes de belle
Ee 4 invcn
224 D E S C R I PT I O N
invention, qu'ils nous livrent. Suffife de confiderer tant feulement les
images de plumes, defquelles je vous ay parlé cy deffus. Qui ne s'en trou
veroit grandement efmerveille? Quant à moy j'eftime, certainement, que
c'eft un des plus excellens manouvrages, qu'on puiffe imaginer. Cepen
dant on a matiere de s'efmerveiller encorustant ou plus, de ce que le tres
celebre Seigneur & Prince Ferdinand Cortés (duquel l'affection & zele
qu'il a toufiours porté au fervice de Dieu & du Roy font cognues & no
toires par toute la Chreftienté) foit entré audict pays & l'ait conquis ;
avec fi peu de gendarmes, tant de nations; avec fi peu de forces, tant de
terres & Seigneuries. Or la principale ville de toutes ces Provinces,s'ap
pelle Mexico, qui eft femblable en toutes chofes, conftitutions, loix, pri
Du pays de veleges, & ordonnances à la cité de Lima, felon qu'il en eft recité, ores
Mexico.
qu'elle foit bien trois fois plus grande & magnifique au regard des mai
fons & baftimens fuperbes : non toutesfois fi riche que celle de Lima. Le
refort d'icelle, qui eft fort grand, fe gouverne par le Viceroy, & la Cour,
fe tenans en ladite ville. or ccfte Iurifdiction contient des villes fort bel
les, comme los Angeles, & autres cités notables, avec plufieurs provinces :
entre lefquelles la principale eft celle de Mexico, puis Honduras, Campe
che, Chiapa, Guajaca, Mechoacan,2Nueva Galicia,2Nueva Vifaya,Guadiana, Guati
mala, & autres, que je laiffe à dire, afin d'euiter à la prolixité efquelles ter
res & provinces y a plufieurs& grandes nations ; en forte qu'elles font
bien peuplées, & produifent toutes chofes en abondance, & y faict fort
-
, Quant aux reven us & finances Royales , par icelles on peut aifement pas reve
comprendre la grande richeffe & abondance defdicts pays, comme ainfi *
foit que fa Majefté en tire tous les ans dix ou douze millions, fans l'or, &
argent, perles, Efmeraudes, cuirs, fuccre, cochenille, farfa Parigle, gin-*
gembre, & autres chofes de grand pris. -
- Les membres de fes revenus, dont les liures de Compte font gardés en Douilfe
la caffe du Threfor Royal , font dix en nombre , comme s'enfuit. Les *
cinquiefmes de l'or & de l'argent, qu'on tire; les grandes fonderies ; les
impofitions ou gabelles de deux pour cent, les rentes du tribut des In
diens, le payement des Offices qui fe vendent, la Croifade, le tribut des
- revenus, le vifargent, les amendes de la Chambre, les neufiefmes des
rentes Ecclefiaftiques à l'extraordinaire. Or le Grand Confeil fe trou
ve fort embefoignépour expedier les affaires du Gouvernement,pour au- po,
tant que toutes les befoignes, qui leur font prefentées, font quafi de la nement
mefme eftoffe, tant les Ecclefiaftiques, que les Politiques.Touchant lef
quelles chofes, côme ainfi foit qu'il en foit faict beaucoup d'efcrit,&beau
coup de téps employé à la lecture dé tant de lettres,Cedulles, Provifions,
& Ordonnances.afin de pourveoir à toutes chofes felon qu'il feroit necef
faire par meure deliberation, ledict Confeil a trouvé bon de faire un Re
cueil de toutes les Loix & Conftitutions à la façon de Caftille. Dequoy
nonobftant que N. de Euzinas en ait defia couché quelque
efcrit, toutesfois Monf.Zorilla Licentié, & Iuge de Quito, nous en fe :
bien toft imprimer encor'quatre volumes, deduifant par le menu cefte
mefme matiere, felon qu'elle merite
Ee 5 -
Lcs
-- ,
-
--- --*- - r
225 t - D Es c R 1 p T I o N
noe la Iu Les affaires & queftions de iuftice font à la charge des Viceroys qui les
ftice. font expedier parPrefidens, Iuges,Miniftres & Officiers de la Cour,Gou
verneurs,Generaux,& Corregidors.Lefquels auffi portent foin de tout ce
qui depend des Finances du Roy, des Officiers Royaux, Facteurs, Thre
foriers, Maiftres de Comptes,& de ce qui vient à la feconde fupplication,
& au regiftre de mil cinq cens, & autres plaidoyés ; lefquels fuyvant la
loy de Malines fe commencent es Cours fnferieures,ou les parties eftans
ouyes,les informations prinfes Enfin eftant la refolution arrefteé les per
fonnes citées, les originels de leurs certifications font remifes & envo
yees par devers le grand Confeil pour en determiner & decider par droi- .
-
- -,
cture. · . -
Du Royal " Auquel appartient auffi d'expedier les requeftes de grace & faveurs de
Patronnage COn onftituer Vicerois, Prefidens, luges, Baillyfs, & autres Officiers, Gou
verneurs, Capitaines Generaux, & Corregidors, avec les Archevefques,
Evefques, Doyens, Chanoines,& autres beneficiés. item les trois habits
de Santjago,de Calatrava, de Alcantara : item--les titres
: -
d'Admiraux & Ma.
refchaux. - -
--
En la mefme Chambre, & College du Grand Confeil fe traicte auffi
tout ce qui depend du Royal Patronnage. - Car ledict Patronnage ap -
- ---
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D ES C R I P T I O N
D A M E R I QV E,9 V I Es T -
N OVV E AV M O N D E,
- Tiree des Tableaux Geographiques .
• * D E
1
PETRvs BERTIVS
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23I
D e s c R 1 pt 1 o N
D' A M E R I Q V E,
9 V1 EsT
N o v v E Av M o N D E.
*Tiree des Tableaux Geographiques
D E
PETRVS BERTIVS
32g L eft du tout incognu qui ont efté les premiers, & plus an
3) ciens habitans de ces paysdont nous avons dit auffi noftre
*N opinion,parlant du Monde en gros.MarineusSicilien en fes
\ Chroniques d'Efpagne tient, que les Romains les ont co
9) nus & vifités, allegant là deffus qu'il a efté trouvé dedans
s-essée les minieres d'or un denier, portant l'image d'Augufte
Cefar; lequel pour ce regard fut envoyé au Pape de Rome par Iean Rufo
Archevefque.Chofe qui me femble bien eftrange, de ce qu'on allegue un
feul denier fans nulle-autre enfeigne du monde pour prouver une chofe de
figrand importance : & plus eftrange encor de ce qu'il a efté trouvé de
dans les mines, fans toutesfois que du depuis on en ait tiré un feul autre.
Mais que veux ie infifter à la refutation de ce compte ? Il me fera affez de
inferer icy lespropres paroles de Varrerius, recitant vne hiftoire trefcer
taine ; dont le Lecteur pourraiuger de ceftemedaille d'Augufte felon que
bon luy femblera. En la mefme annee , dit il, ou peu apres que le Roy de
Portugal Emanuel euft affujetti les Indes , floriffoit en la Ville de Lisbonne le
Poete Hermico Caiada Portugués de nation, paravant dfiple & auditeur de Po
litianus ; duquelfe lit encor à prefent un livre d'Epigrammes. Ceftuy cy compof
des vers en Latin,contenants foubs le nom de Sibylle une prediction obfure de
ce que lesIndiensferoyent un iourreduitsfoubs l' * de la Couronne de Por
tugal lefquels ilfit engraver fr des pierres de marbre, qu'il accouftra àcoups de
marteaux en façon qu'ils euffent quelque monftre d'ancieneté. Si les fit couvrir
de terrefir le riuage de la mer,pres la ville de Syntra, & invita en un certain iour
fes amis à le venir veoir enf metairie, qui n'eftoit pas fort loing dudit lieu, lors
qu'il imaginoit que par l'humidité de la terre, les pierresferoyent grandement
changees. Eftans donc affis à table, voicy venir le fermier de Hermico, qui lui
dift, que fes ouvriers fouyffans la terre aveyent trouvé des pierres avec des lettres,
onnans à cognoiftre, qu'il y estoit caché un grand threfor; car ainfi en parloyent
les villageois. A l'inftant chafquun tout iolyfe leve, & s'en va courir vers le
lieu du threfort ou ils trouverent les colonnes ffdites, avec les vers fyvants.
Ff 2 Sibyl
252 D ES C R IP T IO N D V
-
Certes Arias Montanus le prend ainfi, quand il eft dict, que les flottes al- .
loyent de Hetziongaber en Orient ; car il tient que la longue duree du - --
" --
a
voyage de ces flottes, la varieté de leurs marchandifes, & tant de terres &
Ifles, qu'ils paffoyent,ne fe peuvent bonnement rapporter à autre pays que
feulement au nouveau Monde. Il dit plus, que le Sainct Efprit non con
-
-
-
-
- r 1
- -
. *' r.-, * ,- - - -
lant Paruain : qui eft un mot Hebrieu ayant la propre forme dont ils fe
fervent pour doubler la fignification d'une chofe : inferant par là que il
y eft parlé de deux pays, dont nous appellons l'un encor à ce iourdhuy Pe
rù; & l'autre nous l'appellons la Neuve Efpagne.
- *** : * ' * .. , .
.
u Monde fut premi
V_,C 1N ) tlV CalUl
. Cc N t def ert par Chriftofle Colomb De la d
natif de Gennes, pcrfonnage doué d'un efprit quafi divin ; à l'inftigation :
- -- -
-
-
- -
d'un certain marinier Efpagnol, s'il faut croire à ceux qui pour leur mau-*
ditc envie voudroyent volontiers offufquer fa gloire. Ce marinier, à ce
qu'ils difent,avoit efté porté par fortune de Mer en ces pays : dont reve
nant en l'Ifle de Madera, en laquelle demeuroit Colomb, qui le receut
- amiablement par devers foy , il lui racconta tout le fucces de fa naviga
tion. Ce qui enflamba fon courage pour la nouvelleté du faict, dy aller
efprouver fon advanture : Comme il fit au nom du Roy Ferdinand de
Caftille,& de Madame Ifabelle fa femme, fe mettant fur la mer au moisde
Septembre en l'an 1492. avectrois Fuftes. Ce futicyfa premiere Naviga
tion, en laquelle il defcouvrit les Ifles de Efaiiola, Cuba, & Iamaica. En Ia
maica advint un cas eftrange, ou il fit bien paroiftre fon efprit & fubtilité
finguliere. Ils avoyent faute de vivres, au moyen dequoy les Barbares
n'attendoyent que de lesvcoir bien toft perir miferablement cependant
il fçeut fe delivrer luy & les fiens du danger de la mort par un ftratageme,
qui fut tel L'Eclipfe de la Lune eftoit à la porte : ce qu'il fçavoit tresbien
felon qu'il eftoit grand maiftre en l'Aftronomie. Parquoy il fit porter les
nouvclles aux Capitaines de Iamayca, qu'il feroit venir fur eux mille mal
heurs, s'ils ne fe lhaftoycnt de lui apporter des vivres pour fon Armade.
Et afin de les en rendre affeurés, memaçoit que la nuict fuyvante ilferoit
obfcurcir la fplendeur de la Lune. Du commencement les Indiens ne fe
foucierent point de fes menaces; mais quand ils virent l'Eclipfe à l'heure af
fignee,tous effrayés fe profternerent devant fes pieds, requerans pardon de
leur offenfe, & promettans liberalement de faire tout ce qu'il voudroit.
Apres ledict Colomb Americus Vefucius Florentin fe meit à re
cercher les mefmes pays foubs la fauvegarde d'Enanuel Roy de Por
tugal,partant en l'an 1497. de Cadiz, & defcouvrit luypremier la cofte qui
eft au dela de l'Equinoxe , contenant les pays du Brefil & de Paria :
3
234 D E S C R I P T I O N D '/
pelfus- en forte que toute cefte contree fut appellee de fon nom America, Or
: tout ce Nouveau Monde s'eftend du Nort au Sud enforme de deux gran
des Peninfules, tenant l'une àl'autre, dont la premiere fenomme Amerique
septentrionale, l'autre Meridionale. Sa Longeur eft comprinfe entre le
Meridien de 19 o. & celuy de 67. degrés. Sa Largeur devers le Sud fe
termine au Deftroit de Magellan : c'eft afçavoir à 52. degrés. Ce qui eft
devers le Nort depuis 67. * nous eft incognu. Ainfi donc du cofté
d'Orient ya la mer Oceane, que nous appellons la Mer du 2Nort ; au Sud
d'icelle gift le pays Auftral de czuagalanes. A l'Occident y a la fpacieufe
cater du Sud vers Septentrion on ne fçait fi c'eft Mer ou Terre. Le cir
cuit d'icelle en fomme reviendroit à 32ooo. milles. Le pays à mefure de
** fa grandeur eft de diverfes conditions & natures. Du commencement
re du terroir, - - - - -
*" n'y avoit point de vin, ne bled, mais au lieu d'iceluy une efpece de legu
c des gens, me, appellee Mayzs voire en aucuns endroicts ils font encor auiourdhuy
du pain de quelques racines. Mefmes il n'y avoit auffi point de Bœufs,
ny Mulets, ny Afnes, ny Brebis, chevres, ny chiens. En forte, qu'i1 ne fe
faut pas efmerveiller de ce que les habitans furent grandement effrayés
des chevaux, quand ils entrerent premierement aupays. Les fouris &
rats y ont efté apportés par un Vaiffeau d'Anvers, qui s'en alloit plus ou
tre par le Deftroit de Magallanes : lefquels foit par la fecondité du terroir,
foit par autre caufe, y font fi infiniment multipliés, que fouvent ils font
efvanouir l'efperance des laboureurs de laterre.L'Archevefque a pour fuf
fragans iufques au nombre de quinze Evefques, & eft refidantenlaville de
Lima ville capitale de Peru, que fonda FrançoysPizarre en l'an 1535 Enicel
le fe tient le Viceroy & la Cour de Parlement. Les gens font pour la plus
art fort viftes à courir, & à nager, aucuns mangent chair d'hommes, ou
adorent le Diable, ou bien le Soleil & la Lune. Les langages font diffe
rents. Ils font peu de cas d'or ou argent, ou de perles ; au contraire ils
amaffent certaines plumes d'Oifeaux, conftituant en icelles leurs plus
- - -
grandes richeffes.
- DEscR 1PT 1o N
D E
TERRENEvFvE
r,N, T A partieSeptentrionale d'Amerique, qui gift au delà de Neuf Efpa
Apalchen.
gne, contient plufieurs Provinces.Apalchen s'eftend iufques au Cap de
Nat, S.Helaine & eft appellé par le commun Virginia. Norumberghe, qui fenom
me ainfi apres une ville , gift en la Mer % Nort en forme de Peninfule.
L'air de toutes ces Regions eft temperé, le terroir fecond, la Mer dange
Bacalaos reufe à caufe des efcueils & graviers. Les peuples font plufieurs. Pres
d'icy eft le pays de Bacalaos, que defcouvrirent Iean Cabot Venetien,avec
fon fils Sebafticn, l'an 1549. le 24. de Iuin à 5. heures du matin& luy fut
imposé ce nom de Bacalaos, à raifon de la grand abondance de ces poif
fons; dont y en a tant, qu'ils retardent meffmes les Bafteaux en la Navi
:* gation. S'enfuit la Nouvelle France, qui s'eftendau long dufleuve ap
Canada ou S Laurens:& a efté defeouverte par les Françoys du temps
:
u Roy Françoys I. Ses principales places font Canada, Hochelai,Hocbela
ga; ou on trouve affez de bois, mais point d'autre chofe , finon
-
q*:
peu de
* N O V V E AV MONDE. . -- *35
peu de legumage qui eft caufe qu'ils ne font guerres hantés ne recerchés par
les Marchans. Les gens d'icy font Idolatres, & aucuns mangent chair hu
maine. - Terre Corteliale, qui fe nommeautrement Terre du Laboureur, gift en r, ,
le forme de Peninfule entre le fleuve Canada, & flotilande. Ce fleuve s'appcle Latradror.
auffi par des autres le Gofe de trois Freres, dont la bouche a 35 milles Italien
nes en largeur : fa longeur eft infinie. Car il fe dit, qu'on y a entré bien
8oo. lieues Italiennesdedans.Les habitans fout engrand nombre, grands &
puiffans de corps, fe couvrants d'accouftremens de peau & s'entretienent
principalement de poiffons. Leurs villes plus fignalees font Santa Maria,
cabo, Marzo, & Preit. Eftotilande eft une Province plus Septentrionale &
orientale que les autres, refpondant vers Frilande , qui eft une Ifle Se-"
ptentrionale. Ce fut la premiere de toutes les terres du Nouveau Monde,
que iamais on a defcouvert : afçavoir en l'an 139o. par Antonio Zeno Gentil
homme Venetien foubs la protection de Zichmi Roy de l'Ifle Fiiflande. or
fcsbornes devers le Septentrion font incognues, mais devers le midy elle fe
termine à la Terre de Labrador, pres d'un fleuve appellé Rio Nevado; ayant
à l'Orient la Mer du Nort. Quant à ce pays il eft par raifon bien cultivé pro
duifant liberalement quafi tout ce que la neceffit é requiert, & des metaux en
abondance, principalement de l'ormais il eft fort fubjet à la froidure: au refte
il y a quatrc fleuves qui arroufent toute la province. Les habitans font de bon
efprit, grands maiftres quafi de tous manouvrages : leurs habillemens font
fàicts de peaux de beftes fauvages, & de Veaux de Mer; dont ils font mefmes
auffi leurs maffelles. -
- Defription de Tercera
Ouraller d'Europe aux Indes Occidentales, faut paffer aupres des tles :
P Flamandes, ou Azores : qui font fept en nombre, Tercera, S. Michel, s. Ma- *
rie, S. George, Gracieuf, Pic,& Fayal. Quelquesuns y adiouftent encores deux
autres, Flores, & Coruos qui toutesfois ne font pas Azores à la verité. Car on
les appelle Affores, à caufede la multitude des Autours, qu'on y trouva du
commencement, quoy qu'à prefent il n'y en ait point pour tout. Flamandes
furent appellees, d'autant que c'ont efté les Flamands, qui les defcouvrirent
& peuplerent: dont encor à prefent l'on trouve en l'lfle de Fayal des familles
Flamandes, avecun fleuve appellé Ribera dos Framengos. La principale &
capitale de toutes, c'eft Tercera, que les Efpagnols nomment à l'ordinaire fla
de Iefu Chriflu de Tercera, gifant en l'atitude de 39. degrés. Elle contient au ***
circuit quinze ou feize lieues, eftant tout le pays haut & montagneux, muny
naturellement alentourde rochers, & ou ils defaillent de fortereffes. ll n'a
point de golfe ne havre qui vaille : qui eft caufe, que bien peu les Efpagnols
ou Portuguefes y vienent furgir n'envoyant que feulement leurs chaloupes
ou Efquifons, quand ils ont befoingde quelque chofe. Or le vent y cft fi nui
fable que tout ce qu'il atouche commerfer & pierres,fe confomme peu à peu. *
lean Hugues dc Linfchoten recite, qu'il y aveu de fes propres yeux destreil
lis de fer de la groffeur d'une coude, qui eftoyentaux feneftrages de la maifon
de peage, en fixans eftre devenus fi minces,comme unfeftus & des pierres du
tOUlI
confommees en forte qu'il n'y en avoit que tant feulement la trace. Il
y a deux cités, Angra & Villa de Praya. Angra porte ce nom Portugalois pour
la refemblance de la Lune bicorne, ou d'une bouche ouverte à raifon que la
Mer aupres d'icelle fe courbe en forme deNouvelle Lune.Vers midyya deux
* montagnes,
236 D ES C R I PT I O N D /
montagnes, qu'ils appellant Brefil, fi hautes qu'on en d'efcouvre les Vaiffeaux
de quinze lieues de loing. Sur la cime de l'une ya deux colomnes : d'ou les
guettes donnent advertiffement aux habitans, des Bafteaux qu'ils voyent vc
nir: Que s'il y en a plus de cinq, ils defployent la grande enfeigne, fonnants
quant & quant du cornet.Telles efchauguettes y a il tout au long de la cofte
à certaines intervalles. or il eft impoffible aux Navires de venir à la rade, ne ,
d'entrer mefimes en la Baye, fans paffer pres du chafteau de l'un ou de l'autre
cofté C'eftauffi en la mefme ville que l'Evefque afa refidence. Villa de Praya.
cft diftant trois lieues de Angra. lamais n'y viennent aborder les Navires
(car il n'ya point de havré) finon quand ils y font portés par la rempefte: en
forte qu'il y demeure tant feulement des payfans & des gens pour cultiver la
terre, mais point de marchans : car les marchandifes viennent toufiours en
Angra. Au refte il y croift force bled & vin, mais il n'eft pas du meilleur, de
maniere qu'on le laiffe au pays: lequel fournit auffi du poiffon,& de la chair
affez pour la fuftentacion de fes habitans : huyle, fel, & vaiffeaux de terre
vienent d'autres contrees. Mais les pefches de plufieurs fortes, poires, pom
mes,& Limonsy proviennëtàmerveille.Et au regard de la guede, elley croift
cn fi grande abondance, quc les Anglois, Efcoffois, Françoys, & Flamends
la vicnnent querir d'icy pour l'ufage de la teinture. Les vignoblesfont fur
les rochers, laguede & froment croift par la campagne, & dans les vallees.Ils
gardent le froment fort foigneufement, afin qu'il ne fe gafte, à quoy il eftfort
fubjet. Chafcun bourgeois a devant fon huys en la rue un puis rond, avec *
un couvercle fur la bouche, portant la marque, ou le nom chafcun de fon
4 poffeffeur.Car c'eft en iceux qu'ils gardent le bled couvert de terre depuis le
mois de Iuillet apres la moiffon,jufques au Noëls lors il eft hors de danger de
pourrir. Ils font grand acqueft de Bœufs, qui ont les cornes beaucoup plus
bclles & longues, que non pas ceux d'Europe. ll y a par tout des fontaines
chaudes ; & s'en trouve une, qui tourne le bois en caillou, de forte que les ra
cines des arbres d'alentour, qui touchent à la fontaine,font pierreufes & cel
les qui font à l'oppofite, gardent leur naturel de bois. Ony veoit auffi pluf
jeurs, & grands Cedrcs, dont ils coupent le bois pour brufler,& pour en faire
des charriots & bafteaux.Ilya pareillement un certain bois qu'ils nomment
Sanguinho, à caufe de la couleur, duquel ils font des boiftes, & autres engins.
D'avantageil ya plufieurs villages cy & là, comme S. Sebaftien, S. Barbe, les
, Autels, Gualuat, Villanova &c.
s.Mieli L'ifle de S. Michel s'cftend quafi2o. lienes en longueur.Sa principale ville
fe nomme Punta Delgada,ou les Anglois, Efcoffois, Françoys, & autres na
- tions viefient plus fouvent arriver, qu'en Angra pour la trafique de la guede.
Le Pic. - L'Ifle de Pico, qui tient ce nom d'une haute montagne, feparee de Terce
ra environ 12. lieues, livre une efpece de bois fort precieux, appellé Teixo.
touchant lequel, eft ordonné de par le Roy, que perfonne ne le puiffe cou
per, finon ceux qui font par expres conftitués pour ceft effect. or il eft extre
mement dur,par dedans rouge, de couleur d'efcarlate ondante, dont le luftre
& labcauté finguliere s'augmente avec le temps, ainçoisque de fe perdre.
Fayal. - Fayal eft habité par les Flamends & leur pofterité combien que tousufent
du langage de Portugal. leurville s'appelle Dorta. ce font des gensbien ap
prins civils, induftrieux,& amateurs des Eftrangers, ne dementans en ricn
le naturel des Flamends, dont ils font defcendus.
-
4Defri
N O V V EA V M O N D E. 237
D ESCRIPTION de Iuratan.
Ierre Martir eftime que Iucatan foit une lfle; en quoy il s'abufe: car c'eftu
Peninfule au golfe de Mexico comprinfe entre les 1 o.& 20.degrés, con
tenant cn rondeur l'efpace de 9o. lieues. Vn pays certes heureux, livrant à Iucat*
foifon tout ce qu'on fçauroit defirer. Il y a tout au dernier bout d'iceluy prcs
la mer un fleuve ayant fur fa riue la ville, que les Efpagnols nommerent Vi
ctoria,les naturels Totanchan. Ceux qui y vindrent les premiers, rapporterent
qu'elle rcffembloit à Cairo. Les maifons eftoyent embellies de tourelles, les *
* temples fomptueux & magnifiques, les chemins pavés les fales des maifons
relevees de la terre jufques à la hauteur de dix ou douze degrés: les murs e
ftoyent baftis avec de la chaux de pierres cuictes, ou taillees : les toicts cou
verts de tuiles d'argille, ou de chalumeaux. Les habitans changoyent des pie
ces d'or pour des brouilleries de vitre, ou pour des accouftremens de foye.
Les femmes portoyent une longue robbe depuis la ceincture jufques au ta
lon, fans foy ofer defcouvrir pour chofe du monde le pied, ny la greue. Ils
n'eftimoyët rien les miroirs d'Europe d'autant qu'ils en avoyét eux mefmes
des plus excellens faicts de pierre polie. Les hommes eftoyent circoncis, &
faifoyent la trafique à chamger tant feulement les denrées, fans aucune efpe
ce de monnoye: les Temples eftoyent fort beaux, dans lefquels y avoit des I
doles: ils fe plaifoyent à nourrir la cheveleure, de quoy quandunjour on leur
en euft demandé la caufe, refpondirent par un trucheman, que il y cftoit
paffé autrefois un homme plus beau que le Soleil, lcquel leur avoit enfeigné
fe parerainfi les cheveux en fouvenance de luy. Cecy advint la premierefois
que les Efpagnols s'y trouverent: lefquels au retour efperoyent de fe fourer
dedans le pays, mais ils en furent repouffés par les habitans, difans qu'ils ne
vouloyent point avoir des cftrangers parmy eux. Dont pour en faire foyal
lumerent au milieu des deux ofts une torche d'encens, menaçans les Efpa-
nols s'ils ne fe retiroyent hors de leur province, de les en expulfer par force.
&: leur fut livrél'affaut, ou ils furent mis en route & la plus part tués au tren
chant de l'efpee, & à coups de Canons, comme eftans du tout ignorans de la
guerre, tant s'en faut qu'ils fuffent equippés en armes, comme leurs contrai
res: le refte fe fauva dedans la ville. Peu apres les mefmes Efpagnols retour
nants pour la troifiefme fois, & demandans des vivres,leur furent apportées
huict poulles & quelques pains de Mayz, avec commandcment de foy reti
rer. Qui fut derechefcaufe d'unc grand bataille & defconfiture des Iucata
niens, quoy que les ennemis fuffent en petit nombre, & eux jufques à qua
rante mil hommcs: cependant ils ne laifferent d'cftre vaincus pour la nou
velle façon du combat, principalement au moyen des Chevaliers, lefquels
n'eftant que feize en tout, vindrent les enfoncer par derriere à brideavallec,fe
mettant par my eux comme des loups enragés parmy les troupeaux de bre
bis. Les pauvres Indiens penfoyent que Cheval & homme ne fuft qu'un feul
animal comme les Centaures, dont ils ne fçavoyent que faire. Ce pen
dant les gens de pieds les vindrent attaquer de flanc, & en firent un miferable
carnage.En forte que ce jour l'Efpagnol fe fit maiftre de laville, logeant les
eftrangers deffoubs le toict des maifons,& les bourgeois deffoubs la cappe du
ciel. A cefte occafion fut impofé à la ville le nom de Victoire. Lon dit qu'il
y a eu des figrands & amples villages au contour d'icelle, qu'on eftoit quatre
heures à les paffer: ll y a d'avantage entre Iucatan & Nicaragua la cité de Gua
temala, en un terroir fertile, plaifant, bel & fahutaire; en laquelle fetient le
Lieutenant du Royd'Efpagne. -
Gg DESCRIP
238 p ES CR I PTIO N DV
Cuba.
C Vba qui fut premierement appellée Ferdinande par Chriftofle Colomb,
gift à l'Orient de lucâtan & à l'Occident d'Efpafiola, ayant l'ifle de Ia
maica vers midy. Sa longueur contient 12oo. lieues Eft & Oeft. Sa largeur
au plus haut 25 o. le Tropique de Cancer paffant par le milieu. Or elle eft
pleine de montagnes, avec plufieurs fleuves donnans de l'or, dont les eaux
font douces & bonnes pour boire. Elle produict auffi grand'quantité dega
rance. Et ce qui eft le plus eftrange, il yaune vallee en laquelle fe trouvent
des boules de pierres fi rondes de nature, qu'il ne feroit poffible de les torner
mieux. Les villes font S. Iaques & Hauana : dont en l'une, qui a efté fondée
par Iaques de Velafco, eft refidant l'Evefque: l'autre eft la ville marchande de
l'lfle, ou les flottes & Armades demeurent à l'ancre iufques à ce qu'ils ayent
l'opportunité des vens & de la faifon pour retourner en Efpagne. A prefent
ya toufiours des galions pour defendre la cofte des Anglois, & Françoys. Il
. y a davantage en cefte ifle, non loing de la mer un mont, d'ou on tire du li
mon glueux propre à calefufter les Navires. il s'y trouve auffi par tout des
grands ferpens fans venin, de façon qu'on en mange la chair.
Iamaica.
Iamaica eft appellee par les Chreftiens l'ifle S. Iaques ; dont le circuit peut
contenir environ 6co, lieues. il n'eft icyque une montagne tout au milieu
dc l'ifle. le terroir d'icelle eft fi plantureux, & l'air tant falutaire, qu'elle fe
. pcut à bon droict paragonner à tous autres pays & provinces. Les habi
tansfont en grand nombre , fubtils & rufés , qui fouvent trompent leurs
voifins, lesquels y vont à la bonne foy. Ils ont des minieres d'or, grande
' abondance d'animaux, fuccre, & cotton ; plufieurs fleuves & lacs, avecforce
poiffons; deux villes Orestan & Seville ; en laquelle y a l'Eglife Cathedrale,
avec une Abbaye.
De l'Ifle Efpafiola
Epagnole. Efte Ifle s'appelloit par les Indiens Haity; & guifqueia: les Efpagnols
C luy changerent le nom, l'appellans Efpagnole; & San Domingo à l'hon
neur de S. Dominic; puis y baftirent la ville capitale, qui s'appelle auffi .
San Domingo. Sa rondeur contient 14 oo. lieues : fa longueur 5oo. fa
largeur eft inegale,à caufe des havres, promontoires, pointes, & encoigneu
res de la Mer. Le milieu d'icelle eft diftant 19. degrés de la ligne devers le
Nort.Sa figure eft longue, s'eftendant du Levant au Ponant, avec beaucoup
de montagnes afpres & difficiles ; & neantmoins le pays fertile & plaifant:
Preuve de fa fertilitéfoit le froment livrant cent pour union dictauffi que les
cannes de fuccrey font plus hautes & groffes que nulle autre part. dont y en
a tant,qu'ils ont befoin de vingt huict preffoirs de fuccre.AValenceen Efpa
gne à peine emplit on fept fioles de fuccre d'un rofeau , la ou en Efpagnole
ils en fourniffent vingt, & fouvent trente. Cefte region produit auffi le
gingembre, maftic, bois d'aloes, caffafifula, & canelle : & du fel à foifon.
Devant l'arrivee des Efpagnols n'y avoit que trois efpeces de beftes à
quatre pieds ; mais à prefent il y en a tres tant qu'on envoye tous les ans
une infinité de peaux en Efpagne, lls tienent aufsi plufieurs belles
m: Ot
N O V V EAV M O N D E. 239
d'or & argent,& d'une efpece de couleur azurine. Orles Efpagnols quand
ils fe fifent Seigneurs raclerent à peu pres toutes les racines de
:
Cazabi dont les Indiens faifoyent leur pain . Quoy voyant ceux, qui
eftoyent efchapez de leurs mains, les firent prier de s'en abftenir,promet
tans de payer plustoft le tribut, que de mourir de faim. Ainfi ils tom
. berent d'accord pour une grande fomme d'argent par mois. Cefte Ifle
contient plufieurs villes, dont la principale eft Sandomingo fur la bouche
du fleuve ozama, refidcncc de l'Evefque, & du Lieutenant Royal ; ayant
auffi la monnoye, jaçoit qu'on n'y forge par tant d'argent comme à Mexi
co. Il y à d'avantage encor'd'autres villes moindres, fçavoir S. Iean, Me
, guma, Port de Plata, Port Real, Xaragua, & autres.
DEscR1 PTIoN
D E L A
NEV F v E ESPAGNE
A Neuve Efagne eft une grande Province, fort plaifante, mieux ha- s*
L bitee & cultivee, que nc font les autres : laquelle s'eftend depuis le
Golfo de California, autrement appcllé Mar Vermejo , jufques au Golfe
de atexico, & iufques à la 2er du Nort, & au pays de Iucatan. Les Efpa
gnols la faifircnt en l'an 1: 18. foubs la conduite de Ferdinand Cortez,
non toutesfois fans grandc perte de leurs gens, & deconfiture incroya
ble des Indiers .. Auquel en recompenfe de cefte fi noble & grande
Victoire fut donné par l'Empereut Charles V. le pays de Tecoanteque ,
difant en la neuve Efpagne. Or tout le pourpris de cefte Province éft
remply de montagnes tresafpres, plein de forefts, reçoit que lair y foit
du tout temperé, non obftant le climat d'icelle, qui eft comprins au de
dans de la Zone Torride. Elle a plufieurs fleuves abondants de poiffons,
dont les aucunes donnent auffi de l'or. Au furplus des lacs falés, d'ou on
tire du fel en plufieurs endroicts. En oultre il y a force minicres d'or,
argent, fer, & cuyvre. on y trouve auffi grand quantité de Caffia fistula,
& un certain fruict du pays appellé Cacao reffemblant aux amandes, du
quel il font leur breuvage. Ils ont auffi force cotton, & toute forte de
fruicts d'arbres, & de la terre, comme en Europe. lls ont de mefmes
toutes fortes de beftes, Oifons, Canards, Perdris, Poulles fort belles,
Lievres, Connils, Brebis, Bœufs, Cerfs, Tigres, Lions, Ours, & ainfi du
refte de façon qu'il ya grande abondance dc chair,& à fort bon marché.
On y trouve auffi des Crocodiles dedans les rivieres, dont les habitans
en mangeant la chair. La mer prochaine eft riche de poiffons, donnant
auffi des Huiftres à perles. Or ily demeure plus d'Efpagnols icy, que en
nulle autre contree du Nouveau Monde, en forte qu'ils y tienent des
belles colonies, fçavoir Compostela, Colima, Parificacion, Guadalajara, ente
chuacan, Zacatula, Mexico, & autres. Voire il y a mefmes en la nouvelle
Efpagne plufieurs belles Regions, notamment la neuve Galice, uechua
-
- . - -- --
can, Mexico, Guaifecam. -
G 2 La
24O D E S C R I p T. I O D V
Galice.
La Neuve Galice s'appelloit cy devant par les habitans du lieu,Xalifo ;
qui fut defcouverte & conquife par Nuno de Guzman. lequel y feit
auffi baftir quelquesvilles notables : comme il y a Compostela, ou fe tient
l'Evefque, & le Confeil du Roy; Saint Efprit, Conception, S. Michel, & Gas
dalajara, la plus noble, excellente, & capitale du Royaume. Le pays de Ga
lice cft fort afpre, les gens cruels & barbares, qui ne redoutent pas de manger
Culiacam.
chair humaine. A la nouvelle Galice appartient le pays de Culiacan lequel
s'appelle ainfi du nom d'une ville, qui eft en iceluy: ll eft affis entre les fleu
ves de Piafila, & S. Sebaftien ; lequel devant qu'il viene à fe defcharger en la
mer, fe va cachant deffoubs terre. Le chef du pays c'eft la ville de Culiacan
ou les Efpaguols ont placé une colonie de la maifon de S. Michel. Les
habitans font fort pauvres, couchantspar les campagnes; ceux qui demeu
rent aupres de la matine , s'entrentienent de poiffons ; les autres vivent
de la venerie. Ils fouloyent vivre du tout en liberté fans aucun Supe
rieur.
Mechoaca. Mechoacan contient en fa rondeur 4o. lieues, l'une des plus riches &
meilleures provinces de la Neuve Efpagne : car le Mayz, comme auffi lcs
autres fruicts, y meuriffent trois fois l'an. elle abonde de cotton, miel, cire,
cochenille, medicamens, ambre, & fel: elle eft auffi riche de foye, d'or &ar
gent. Elle comprend plufieurs lacs, & rivieres grandes & belles avec force
poiffons. Ses habitans font hauts de flature, puiffants de corps, de longue
vie, & de bon efprit. Il ya deux villes principales ou les Efpagnols fe tie
nent, & s'y faict la trafique; affavoir Pafuaro, & Valladolid, qui eft le fiege de
l'Evefque avec plufieurs petites villettes, que ie laiffe à dire pour eviter à
la prolixité
Le Mexican, qui eft ainfi nommé à caufe de la capitale ville de Mexico,em
Mexico. porte le pris non feulement par deffus la Nouvelle Efpagne, mais auffi par
deffus tout le Nouveau Monde. Cefte ville, qui s'appelloit par les lndiens
Tenuftitlan, eftoit fondee comme la cité de Venize au milieu d'un grand
lac: mais depuis qu'elle a efté prinfe par le Marquis François Cortez , elle fut
tranfportee fur le rivage ; en forte qu'elle contient à prefent fi x milles Ita
liennes au contour, eftans les Efpagnols placés à l'un cofté de la ville, & les
Indiens àl'autre.En elle refide le Viceroy, l'Archevefque, & la Courde Par
lement. Ce lacou la ville eft affife , eft falé; n'ayant point de poiffons, mais
feulement des vermines , lefquelles pourriffants en efté infectent l'air
d'une vilaine puanteur : on en tire tduresfois du fel: il croift & defcroit auffi
comme la maree,& fe defcharge en un autre lac d'eau douce, lefquels con
tienentpar enfemble 5o. lieues au circuit, ayans fur les rivages jufques
à 5o. villes chafcune environ de Ioooo.maifons; au fervice defquelles y
a toufiours 5oooo. Canoas pour aller & venir. Or les lacs & villes fufdites
toutes font enclofes de quelques montagnes toufiours couvertes de neige
ce qui n'empefche que les vallees ne foyent cependant tresbelles & plai
fantes. llay puis apres la ville de Tfuro, qui eft pareillement affife fur la
rive du lac, & en grandeur rien ne cede à Mexico mefme. D'avantage
il y a la cité de los Angeles (auparavant dicte Vacpala, ceft à dire l'endroict
des Serpens.) laquelle outre ce qu'elle eft, comme les autres regions
d'alentour, fertile & riche en toutes fôrtes de beftes, femailles, & fruicts;
fingulerement eft ennoblie par la grand trafique de laine. Il eft auffi
en fon territoire une montagne ardante, affavoir Popocampeche. Les ha
bitans
1N O V V E A V M O N D E. 24I
bitans cftoyent iadis Idolatres & mangeurs d'hommes ; & prenoyent
en mariage plufieurs femmes mais depuis qu'ils ont receu le baptefme ces
vilainies peu à peu cefferent d'avoir la vogue. ils fe fervent en la guerre
de Fiefches & fondes.
Guafean eft au ffi un pays de la nouvelle Efpagne, gifantvers la Mer du
Nort; mais il n'approche de beaucoup à la fertilité des autres contreestcaufe,
que les habitans, qui font des honneftes gens, vivent en miferc, s'adonnans ou fe,
à la pefcherie. On y trouve une montagne avec deux fources de gouldron,
l'un noir, l'autre roux. Les Efpagnols y ont peuplé deux colonies, Pa
nuo, & S. Iaques des Vallees. Finalement y a la ville de Tlafala, qui eft la
fcconde apres Mexico; pour le regard de fes peuples, & habitans , richeffe
& abondance de fon territoire : elle fe gouverne à la façon des Repu
bliques, jaçoit que le Roy d'Efpagne en foit Souverain Seigneur & poffef ***
feur. -
T) E S C R I P T I O N
D , L, A
PARTIE MERIDIONALE -
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An 14 92. chriftofle colomb fortant de Cadiz pour l'Inde Occiden-decolomb,
L tale, -
Gg 3 defcou
D ESC R I PT IO - D V
defcouvrit Cuba, & Iamaica. Apres, ayant conftitué fon frere Barthele
- my Gouverneur defdits pays, il revint derechef en Efpagne, l'an 1 495.
Ou il feit fi bien envers le Roy, qu'il fut envoyé derechcfen la mefme ex
pedition avec une troifiefme Armade ; qui fut en l'an 1 498. Quand il
fut arrivé en l'ifle Madera, il diftribua fon Armade en deux parties ; dont
les cinq iroyent tout droict en Efpafiola ; les trois autres, fur lefquelles
il eftoit refté luy mefmes, feroyent un nouveau cours pour defcouvrir
nouvelles terres : comme il feit. Car apres longs travaux & tempeftes
de la mer il vint finalement aborder en l'Ifle de Paria,ou il fut traictéami
ablementpar les habitans : Mais quand il revint en Efpagnole y trouva
TOUlt CS *
en defordre fans deffus deffous. - Car les Efpagnols, qu'il y a-
voit laiffe, mefprifant legouvernement de luy, & de fon frere,.fe mutine
rent, & les envoyerent finalemenit lie's & garottés en Efpagne. De
voyages de puis l'ierre Alaufe entra audict voyage, & courrant par les pays de Paria, Curta
Pierre A- na, Canchiote & Ciniana, fit ungrandamasde pierres precieufes, qu'il apporta
en Efpagne. Apres ceftuy cy Vincent Pinzon vogua beaucoup plus avant au
de princent Sud de la ligne Equinoctiale: ou il trouva plufieurs nations du tout barba
*. res, brutalcs, cruelles. Pareillement Americus Vefpuius eftant prcmierement
: énvoye par le Roy Ferdinand de Caftille defcouvrit plus a plein en quatre
mericus voyages, dont il fit les deux derniers foubs le nom d'Emanucl Royde Portu
*f* gal,toute la cofte qui fut depuis appellee de fon nom Amerique.Toutesfois ils
n'avoyent encor guerre conqefte defdices terres, finon lfpaiola, Cuba, &
Iamarca, jufques a ce que Françoys Pizarre, qui longtemps avoit demeure en
la cite de Sandomingo, print le courage de paffer avec quelques gens dar
mes en la terre Ferme: ou ayant prins prifonnier le Roy Attialiba, & mife
rablement faict mourir plufieurs millions de perfonnes, il faifit une grande
partie de ces Regions, On dict que le Roy eftant prifonnier, offrit audict Pi
zarre pour fa rançon un amas d'or & argent fi haut, qu'il pourroit toucher du
doigt depuis la terre: ce qu'ayant paye, il fut neantmoins meurdry cruelle
ment. Ce Pizarre & fes compagnons fe font monftrez extremement barba
res & plus que bourreaux à faire pédre & eftrangler, noyer,brufler, & tour
La - menter en mille manieres pour leur plaifir les innocensdont en fin il fut re
* compenfe parfes propres gens qui le tuerét & poignarderét en l'an 1541.bié
Caftile & qu'il l'cuftdefervy cent fois au double. .. Environ ce mefme temps les E
*"* fagnols & Portugalois entreprenans de recercher nouvelles terres, par au
thorite du Pape Alexandre VI. divikerent le monde entre eux, à condition
que tout ce qui feroit dorefenavant defcouvert depuis les Canaries vers l'O
**rient appartiendroit au Royde Portugal, ce qu'on trouveroit a l'Occident
*******d'icelles au Roy de Caftille. Lequel cependant cerchoit auffi un bon chemin
pour parvsnir aux Molucques : dont il donna la charge a Ferdinand Magel
L'Exploitt lant lequel fortant leio d'Aout s9.de Seville, eftant paffé les Canaries,
* vint furgir a S.Marie, qui eft un promontoire des Canibales. Ou il remarqua
nana Masque la eofte s'y eftend voirement vers le Sud, mais en declinant vers Po
* nant d9ns il entra en foupçon, que la mer entoure le pays, L'annee
. fuivante le 26 de Novembre il vint devant la bouche de qui n'a
que dix milles ltaliennes en largeur, gifant à la hauteur de 52. degrés.
-
de
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de llfle prochaine. Il fut fuccedéde Serrano, lequel ayant tancéle ferviteur
de Magellan Molucquain de nation bléffé en ladite bataille, fut pour ce re
gard trahy & livré au Roy de Subu. Qnoy voyant les autres, delaifferent les
malheureufes terres , & gaignerent finalement les Moluques huict mois
-
- D Es cR 1 PT 1 oN
D, E
P E R V.
Les Andes font auffi des hautes montagnes, qui fe vont trainans du Nort
Colao.
au Sud continuellement fans aucunes vallees, ayant feulement cntre cel
les celles cy & les autres la Province de Colao : laquelle quoy que plei
ne de montagncs & froide de complexion, fi eft il cependant qu'elle
furpaffe de beaucoup la Plaine de Peru, foit qu'on veuille avoir efgard
au naturel & efprit de habitans , ou au nombre des villes, ou à la tem
perature & bonne complexion de l'air : pour lefquelles confiderations
les Roys & Princes du temps paffé y faifoyent leur refidence. Car le
terroir n'y eft pas moins favorifé de la bonne influence des cieux, que
de la fraifcheur de plufieurs torrens & ruiffeaux venants des hautes
montagnes, qui l'arroufent continuellement & l'entretiennent fi bien
en fertilité, qu'il n'y manque rien mefmes de ce qu'on veoit aux plus
excellens Royaumes du Monde. Dont le regard n'eft pas moins a
greable aux fpectateurs & , que ne font profitables aux pof
:
feffeurs tant de legumages & fruicts, que la nature pour defployer fes
threforsy produict en extreme abondance. Oultre les cerifes d'Efpagne,
fraifes & framboifes, qui y croiffent par les buiffons, on y voit par tout
" des choux , cheruy , paftenades , des grands raiforts , mariolaine,
creffon, perfin, fauge, pareille, ozeille, mente, & porcelaine tref
belle ; & en un mot, toutes les herbes que depuis n'aguerres les Efpa
gnols y ont femees. Il y a mefme des herbes medicinales de grand
vertu , notamment Coca la plus noble de toutes, ayant les fueilles fem
blables au Perfil. Elle fait grandemcnt amoindrir l'appetit de manger &
boire à ceux qui la tiennent en la bouche, comme l'experience iour
- - -
naliere en tefmoigne.
Mais il n'y eft ricn plus fingulier que le bled.lequel à ce qu'oncroi
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croift fi plantureufement que pour un boiffeau, qu'on ait femé , lon en
moiffonne cinquante, cent,voire deux cent au retour.Ce qui eft d'autant
lus admirable, que les habitans s'aquittent fort legierement,& quafi en
paffant de l'agriculture. Premierement ils vônt farcler la terre, & la net
toyer de zizanies : ce qu'eftant parachevé, il n'eft ja befoing de mener
la charrue, faire des feillons, rompre les mottes , & femblables cho
fes penibles : mais ils ne font que tant feulement des petites foffettes a
vec un tronçon de bois,es quelles ils plantent les grains, & les couvrent
• d'un petit de terre, tout ainfi comme nous en ufons des febves,remettant
• le refte à la garde de Dieu,& au naturel du terroir, qui les recompenfe de •
ce petit travail fi liberalement, comme je viens de dire. A cefte fertilité
des herbes & du froment eft pareille la fecondité des arbes : dont on n'y
veoit pas feulement ceux qu'on veoit en l'Europe, mais auffi plufieurs au
tres à nous totalement incognus. Sur les montagnes y a par tout des
bofcages touffus, ou l'on ne trouve pas feulemét grand abondance de bois
pour la neceffité, mais auffi force tanieres de beftes fauvages. Qui plus
eft, les campagnes & vallées fubminiftrent fi bien le plaifir & profit de la
venerie fans aucun danger, au moyen d'une infinité de lievres, connils,
tourterelles, pigeons, beccaffes, perdris, & femblables animaux dome
ftiques, qu'en tous temps & faifons de l'annee les tables en font fournies.
Voire il y a mefmes fur les montagnes plufieurs Perroquets, Lions,Ours,
& Renards. Quant aux Chevaux, il n'en eft point de nouvelle ; mais au
lieu d'iceux (jaçoit que pour le faict de la guerre les brebis ne vaillent
rien)ilsy ont force moutons de la grandeur des Chevaux, refemblans
fort aux Chameauxs lefquels portent des fommes de 5o. livres , & s'en
vont avec un homme fur le dos par l'efpace de quelques milles. Eftans
laffés,fi on les chaffe,ils rendent une fort puante odeur : quand ils n'en
peuvent plus, fe couchent par terre plus obftinement que les Afnes, fans
bouger jufques à ce qu'on leur ait totalement ofté la charge. Certes ces
moutons leur fervent de beaucoup, & font vtiles à fuppleer le defaut de
Chevaux, àporter les charges & les perfonnes ; & au regard de la laine,
qui eft fort longue & fine, dont ils font grand profit : je laiffe à dire que la
chair en eft trefdelicate àmäger.Ils vivent de * ils confument
fort peu de viande & moins encor de breuvage, dont ils fe paffent fouvent
trois ou quatre jours de route. Or il ya par tout tant de montagnes d'ou
fe tirent les threfors d'or & argent, qu'à grand peine ytrouve on quelque
cité notable, que la Nature n'ait enrichy d'une noble miniere d'or. Que
di-je des montagnes les rivieros mefimes, & les torrens fouventesfois y
font fi pleins de fablon d'or, que la fplendeur en eftblouyt les yeux des fpe
&tateurs. De forté que les fables des Anciens Poëtes touchant les ri
cheffes de Pactolus, ou Tagus, fleuves tant renommés, ne font rien au prix
de la verité de ces pays. Entre tant de veines d'oe & argent cependant,
contre l'opinion de Pline, ne manquent pas le vermillon, l'ocre & au
tres terres de couleur pour l'ufage de la teincture. 1 l n'y manque pas auffi
les pluyes, qui fervent grandement à arroufer la terre feche & langou
reufe,temperer la complexion de l'air, & emplir les puis d'eau douce au
contentement & foulas des habitans, qui ont l'efprit & induftrie pareille
à la bonté de leur patrie. Les hommes portent une caffaque ou man
teau de laine,& fe nourriffentla cheveleure , qu'ils relient fur la tefte,.
avec un petit bandeau. Les femmes vont avec un accouftrement fort
longfans manches : portans deffoubs le nombril une ceinture de laine,
Hh qui
D E S C R I P T I O N DV
qui va trois ou quatre fois à l'entour du corps, lequel par en haut eft eou
vert d'un petit mauteau faict de drap d'or au argent, attaché avec une
, agraphe autour du col. Elles ne font pas feulement blanches de couleur
& gracieufes à veoir non obftant que elles ont la têfte poinctue (ce qui les
rend moins bellcs) mais auffi modeftes, honneftes,& bonnes, ornees de
bonnes mœurs,& difcretion, & d'une amour incroyable envers leurs ma
ris : lefquels elles vienent aider plus que leur fexe ne femble porter aux
labeurs journaliers. Or touchant les couftumes du cemmun de ceux de
Touchant
les couftu-
Peru,voicy ce que Levinius Apolonius en efcrit. Ils font en tout trois na
mes des Pe tions, chafcune ayant deffoubs luydivers & plufieurs peuples, Ces na
- - - .-
ruviens. tions font differentes entre clles en couftumes & manieres, ufans de di
verfes langues: ils fouloyent par cy devant du temps qûe la province n'e
ftoit pas encore affujettie foubs un Empire, fe faire fouvent la guerre l'un
à l'autre , à l'occafion des difcordes & differends furvenants journelle
ment lefquels eftant oftés par la Victoire de celuy qui les affujettit, le lan
gage de Cuzco, qui eftoitufité en la Cour, & es jurifdictions, commença fi
bicn d'avoir la vogue, qu'il eft à prefent aifé de voyager par toute la pro
vince lansautre cognoiflance de langage.Leurs femmes portét des longs
accouftremens de laine,pendants jufques aux talons; les hommes une pe
tite camifole, qui parvient jufques au deffoubs du genouil, avec un petit
manteau fur les efpaules.Touchant les accouftremens du corps, ils font
quafi touts femblables: mais il y a grand difference de l'un à l'autre au pa
remét de la tefte veu que l'un porte les cheveux reliés avec des bandeaux,
l'un d'une coulcur, l'autre d'une autre fuyvant chafcun en ce l'ufance de
fa patrie. Au refte ils font de nature fimples, ftupides, lourdaux à l'anti
que : ce qu'ils demonftrent principalement en la Marchandife , en ce
qu'ils changent lesplus nobles denrces du Monde contre des brouille
ries de nulle valeur, fans cognoiftre les grands threfors d'or & argent que
la Nature richement leur a departy car ils fe fervent feulement de leurs
maffues entieresfans les mcttre en ouvrage,finon quils prennét plaifir aux
Images & emblemes d'or & argent: dequoy ils vont orner les temples,&
maifons Royales. Ceux qui approchent de plus pres la ligne Equino
ctiale furpaffent les autres en tous vices & mefchancetés, remplis d'hy
pocrifie, murmurants entre les dens à la façon des Iuifs, adonnés terrible
ment à luxure, defprifans dutout les femmes ; lefquelles ils ne contrai
gnent pas feulement de fervir & fe rompre le col à travailler, ne fuft •
que pour la moindre occafion du Monde ils les mal menaffent, & frap
paffent en Diables. llsfe couvrent d'une camifole legiere depuis les
efpaules jufques au nombril ; le refte eft à defcouvert, mefmes auf
fi les parties honteufes. lls portent autour les bras & jambes de braffe
lcts de perles. qui plus eft, pour ceft effect ils fe percent mefmes les jou
es, & les levres pouyenter des Efmeraudes & Turquoifes ; en quoy
ils fe plaifent extremement. quant aux femmes ils n'ont pas tant de fa
veur ne credit envers les maris; qui ne leurdonnent rien qui foit pour fe
defendre de l'ardeur intolerable du Soleil, finon un petit drappeau
pour fe couvrir la vergoigne. Es temples ya deux images de boucs
Noirs , devant lefquels ils bruflent fans inrêrmiffion du bois de cer
taines arbrcs de forte odeur ; lequel quand on l'efcorce rend une odeur
fi terrible, que les affiftans en ont le cerveau tout eftourdy; & eftant la
graiffe deftillee ou frottee fur les corps morts, iceux fe contregardent
pour totifiours des vermines & de putrefaction comme on dict Cen
*
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N O V V E A V* M O N D E, 247
advient de lagomme de cypres. Les Pafaons ont ordinairement dedans LesPefans.
leurs temples des idoles en forme de gransferpens, qu'ils adorent , fans
les Dieux domeftiques de chafquune famille, lefquels font fans nombre
à la façon des anciens payens d'Egypte. Ils font totalement ignorans de
toutes fciences & lettres fans nulle cognoiffance de pcinctures,que ceux
du Mexican tiennent en contrechange des lettres. - Car ils ufent de
certains cordages de laine (appelés par eux 2uppos) qu'ils fçavent nouer
en certaine façon de plufieurs figures, par lefquelles font reprefentés
les nombres d'un jufques à dix, & ainfi confequemment plus outre, avec *
les couleurs des chofes qu'ils veulentpar icelles fignifier. En chafcu
ne des Provinces ya des Notaires, qui par le moyen de ces figures tien
nent memoire des Hiftoires anciennes , & s'il y advient quelque chofe
notable, la redigent comme par efcrit au moyen des mefmes figures.Tous
font gouvernés par mefmes loix & conftitutions : les bourgeois mainte
nus en leur droict, les delinquants juftement punis. .. Leurs armes font
des Efpees, javelines, maffues de Fer, haches d'or, ou d'argent, fondes, &
autres fortes d'armes : ils fe fçavent affez bien ranger & tenir en ordre de
bataille, courir,& retourner chafcun en fon rang fans guerres redouter le
* Au refte le Peru contienten fon refort plufieurs belles villes, dont les Des Villes
plus celebres font Vieux Port, S. t7/tichel , Truxile Lim, Arequipa, 9uito, de pr,
Cufo, Potofi, & l'Argentine qui s'appelle en Efpagnol Villa de Plata ; .. Dont
les Efpagnols s'impatronizerent du commencement des cinq premieres
pour l'opportunité d'icelles au regard de la Marchandife : à raifon dcquoy
y firent baftir des maifons à la mode d'Europe. Vieux Port ou Puertovieje
non loing de la ligne Equinoctiale fur la rive de la mer, fut la premiere
qu'ils faifirentt le port eft beau, mais l'air mal fain, qui faict qu'il ya peu
de habitans.cependant c'eft icy que viennent aborder tous ceux qui vont
au Peru, ou qui en retournent vers la cité de Panama. Au territeire d'i
celuy fe trouvent des Efmeraudes fort belles & precieufes. C'eft auffi
une chofe memorable, que au mefme territoire les Efpagnols ont trou
vé des os & dens de geans furpaffans en quatre doigts, & trois
:
en largeur; lefquels, à ce qu'en difent les habitans du pays , furent des
hommes fi hauts & plus que quatre perfonnes d'aujourdhuy. La ville de
S. Michel, que les Barbares appellent Piura, fut la feconde dont ces Efpa
gnols femeirent en poffeffion : elle eft affife aupres du fleuve Cira, ayant
un haure affez commode ; le terroir fertile & fecond, mais fans veines
d'or ou argent, & d'abondant fort fujetà l'inflammation des yeux ; qui
eft un accident fort penible & douloureux. Trugile eft fort plantureu
- fe, & notamment de cMa z ; mais elle n'eft guerre hantée par les Navi
res , d'autant que les rades & havres d'alentour font fort incommo
des. Lima, qui eft la Ville des Roys & Capitale du pays , gift environ
deux mil pas de la mer en une plaifante vallee, fur le rivage d'un fleuve,
ayant l'air fort amiable & temperé leterroir fecond & abondant de touts
fruicts, principalement de poids, febves, & toutes efpeces de legumage,
comme auffi de figues, limons, pommes d'orange, & autres fruicts : D'a
vantage elle eft pleine de gens, & contient en fon pourpris ( qui eft fort
grand & fpacieux, avec des beaux jardins,grande place de Marche & lar
ges rues) 5ooo. & plus de maifons. Elle a efté fondee de François Pi
zarre en l'an, de Chrift 15 3 5. A prefent y font leur refidance
la Cour de Parlement, le Viceroy, & l'Archevefque, ayant pour Suffra
2 gans
248 D E S C R I P T I O N D V
gans les Evefques de 9uito, Cufo, Guamanja, Arequipa, Pars, Plata, Trugilo,
Guamujo, Chachapoya, Vieux Port, Guayaquil, Popayan, Charcas, S. c7Aichel, S.
Françoys. Arequipa fut la cinquiefme colonie des Caftiliens : diftant 12.
milles Italiennes de la mer, en un endroict fort plaifant & falutaire, &
contient environ 3oo.feux,& grãd nombre de bourgeois, lefquels de jour
en jour vont augmentant pour la belle opportunité du port d'icelle.Tou
tesfoiselle a receu grand dommage du tremblement de la terre advenu
en l'an 1582. par lequel teutfes edifices furent quafi ruinés,& 22.hommes
accablés. Difons maintcnant des plus nobles villes, qui font dedans le
pays & fur les montagnes. 2uito eft une ville fi flotiffante, qu'elle ne ce
de quafi rien à la ville Capitale, figrand eft le nombre de fes habitans, &
fi extreme l'abondance de fesricheffes. Elle gift quafi droictement def
foubs la ligne Equinoctiale,toutesfois la complexion de l'airy eft plus toft
froide, que chaude. Sonterritoire eft toufiours verdoyant, orné, voire
remply de fruicts de la terre: lequel eft auffi doué de veines d'or,& de vif
argent de couleur jaune. Cufo la fleur & outrepaffe des villes montagnie
res,fe peut à bon droict parangonner àLima au regard de la multitude des
habitans;mais pour le regard des mines elle eft beaucoup plus riche.De
vant la venue des Efpagnols c'eftoit le fiege & la Cour des Roys,toufiours
frequentee de une infinité de gens nobles & routuriers,pour le faict des
proces & plaidoyés, qu'on y decidoit. Elle eft feule entre toutes les vil
les de Peru baftie enforme deville avec des rempars de groffes pierres
de taille en forme quarree; lefquelles ils vont quetir & tailler tant qu'il
leur en plait es quarrieres des montaignes voifines; à condition toutes
fois (puis qu'il n'y a point de Chevaux ne bœufs pour s'en fervir en la voi
ture) de les en querir eux mcfmes à force de gens depuis les monts juf
ques au lieu du baftiment. Les maifons que par avant tenoyent les In
diens font à prefent poffedees par les Efpagnols, embellies & reparees à
la mode qui trotte. Le nombre de bourgeoisy croift de jour en jour.La
cité eft divifée en quatre quartiers, dont tous ceux qui y vouloyent de
mourer ou jouir des privileges de la cité, eftoyent commandés bien fe
rieufement de par les Roys de fe mettre en l'une d'icelles. Le pays d'a
lentournon feulement eft plaifant,& beau pour la grande abondance de
fes fruicts & metaux, mais auffi pour la douceur & bonne temperature de
l'air, qui eft tel, que celuy qui y entre en bonne difpofition , à peine y
gaignera il quelque maladie. Au Levant de cefte marche, & affez loing
d'icelle, fe veoit lc grãd lac de Tuticaca,lequel s'eflargit de la violence d'un
fleuve tombant furieufement du haut des montagnes. en apres fe dimi
nuant, il retourne en fon premier eftroit, & derechef par l'acceffion d'au
tres fleuves& torrenis, lefquels y entrent , fe desborde en un autre lac
moinidre, qui fe cache deffoubs la terre,& va couler par les veines & en
trailles d'icelle jufques en la Mer. . , -
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- & Françoys, monte à 23 carats & trois quarts, en forte que fi la maffe
n'en contient que 192 ily manquera trois parts d'or CargeneralemétIQUlC
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N O V V E AV MONDE. . 243
tout on tient que la proportion de l'or à l'argent eft d'un pôur douze. Or il
fe trouve en trois manieres, favoir dcdans les fleuves, dedans les puis & bari
caves des montagnes fendues, & fnalement dedans les mines.Ce qu'on trou
ve aux fleuves eft tenu pour le meilleur, & plus parfaict: ainfi en eft il de l'or,
que produifent les fleuves Tagus en Efpagne, Padu en Italie, Hebru en Thra
ce, Pacious en Afie, Ganges en Eft-Indc. Ce qu'on tire hors de la terre a be
foing d'eftre affiné & purifé par grands travaux. Le premier qui inventa ce
meftier fut Tubalcain, comme il eft efcritbien clerement en Genefe, chap 4
Nous avons parle autre part de l'oz de Hongrie ; le Poëte Statius prife ,
notamment ce qui vient de Dalmace.
:
Quandnou vindra ta vcnirdeshauts monts de Dalmace,
ou ordinairement l'avarefffoyeur, . --
-" , 1 * ' *,
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- e - Du Royaume de Chile.
Chile.
- du Brefil.
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Briefve Defcription
IDu reste des Provinces Meridionales
D A M E R I Q V E.
Fin de la Defcription du
Nouveau Monde.
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Mûnchen
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