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DE s C R I P T I o N
D E S

INDES OCCIDENTALES
Qu'on appelle aujourdhuy -

L E . •

N OVV E AV M O N D E:
.
T A R

ANTOINE DE HERRERA,
Grand Chroniqueur des fndes , & Chroniqueur de Catile ,:

Tranflatee d'Efpagnol en
- eA la quel fntadouis -
Quelques 2U1tICS
Defcriptions des mefmes pays,
A v E c

La Navigation du vaillant Capitaine de Mer jaques le Maire,


& de plufieurs autres.
Le contenu de ceft oeuvre fe veoit en la page fuyvante.

. A AM s T E R D AM, -

Chez EMANvEL CoL1N de thovoyon Marchandt libraire,


& on le vent à Paris
Chez M1c HEL SoLY, Rue S. Iaques, à Limage Sainct
Martijn. A N N o M. D. C. XXII.
- -

eAvec TPrivilege.
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Sommaire du contenu en ce licvre .


I. Defcription des Indes Occidentales par Antoine de Her
I I. Navigation Auftrale de Iaques le' Maire, de
- -. , ' * tranflatee
J : -- * -- ,
Flamend en François.
III. Recueil de tous ceux qui ont pafsé l'Eftroit de Magellan.
IV. Defcription de l'Inde Occidentale de Pedro Ordonnez
-

de Cevallos. -
V. Defcription d'Amerique, ou du Nouveau Monde, tirée
des Tableaux Geographiques de TPetrus TBertiu.
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occIDENTALIs | - - --
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Antonium de | ***
Herrera Regium =
Indiarum et Castellæ
- Historiographum | 4

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-
- ExTTRA1cT DV TTR1VILEGE
*TDe Meffieurs les Estats Generaux des TProvinces Onies.
L eft permis à Michel (olin Libraire, demeurant à Amfterdam,
faire imprimer les livres par luy faicts tranflater en Latin, Fran
çois, Haut, & Bas Alemand de Antoine de Herrera grandChroni
queur des Indes de par le Roy d'Efpaigne, contenants la TDe
fcription des fndes Occidentales. Et font faictes detenfes à tdus au
tres perfonnes d'imprimer lefdits livres en aucune defdites lan
gues, foit en tout ou en partie, en grande ou petite forme, ne
vendre autres que ceux que ledict Colin aura faict imprimer,fans
fon confentement : & ce jufques au temps & terme de huict ans :
fur peine de confifcation de ce qui auroit efté par autres imprimé,
& de l'amende de fix cens florins : comme plus amplement eft
sontenu en fes lettres de Privilege. Signé
N1 col A s DE TBovc xHors T.-

Et plus bas
eAu nom de Meffieurs Estats Generaulx,
C. A E R s s E N s.
-
DES CR I P TI ON
ID E S
-

IND ES O CCL
D E N T A L E S, .
u oNs1 e r R -
P AV L D E L A G v N A
Licentié, Prefidentau Royal & Souverain
- Confeil des Indes. -
--

2 *39 E Licentiélean de Obandopredecefur


)3 de V. S. au temps du quel fut institué
* l'Office de grand Chroniqueur des fn
des, afin de mettre fidellement par frit
les gesfes heroiques des Efpagnols au
****enauveau Monde , afin auf de cvaoir
é- examiner ce que les autres Hiftoriens en frictent ( car
il remarquoit la tresgrande licence que prennent les Efri
vains)ft grande diligne & peine pour recouvrir les
plus cveritables é- certaines relations, qui f trouvoyent
tant es fndes, comme tu Efpagne de toute l'Hisfoire é
futés
fctés de la detection, fondation, é-couftumes defdits peu
ples & pays.Toutefois esfant ledict Seigneurprevenu par
la mort, plufieurs annees pafrent fans commenter l' hi
stoire ... mais V. S. estant poureveu de l'Office de Pre
fident du Royal &- Souverain Confil des fndes, jugea
que ces actes &- entreprinfs tant magnfiques estoyent di
gnes d'esfre confacrées par cvn Chroniqueur Royal au
templetternelde Memoire , cveu que l'histoire est tres
cvtile à la cvie humaine , farpaffant la pinture autant,
que l'ame est plus noble que le corps. A raifon de quoy il
*vous à peu y fubvenir liberalement, nonfulementfup
peditant tous les papiers é-inftrumens netfaires à ce que
cefe Histoire ê- Defription parevinsf à la perfction, en
quoy elle fe cvtoits mais aufi eguillonant l'Auteur par la
recompenfe de gloire é- de gages honorables. Dequoy V.
S. pour actioir mis test office de grand Chroniqueur entelle
autorité ê- rputation qu'ilmerite, flon que les beaux
eprits en ont tousjours jugé, & felon qu'il fe pratitque
par tout mfmes entre les plus barbares Nations du mon
de, enfra louée é-remerciee à toufiours par ceux qui fe
reputeront à honneur de ce qu'ily est fitt mention deleurs
peres &- antestres, avec declaration de leurs noms &
patrie, à la gloire de leurs defendans. Car qui ne deteste
la barbare opinion de Iean Baptista Ramufio, difant en lu
prefte de fon trofifme evolume des Navigations, que
t'est en cvain, voire chofe ridicule», que les auteurs Espa
gnols eveiilent curieufement frire les noms &-lapatrie de
ceux qui ont fait quelque prouf aux fndes ? Certes ilde
monftre bien parlà le venindel'envie qu'ilporte à la gloire
des Roys Catholiques, ê- dela nation Espagnole. Car
c'est le propre des * de prfrles bons, &- blafmerles
mfhans, pourfrevird'exemples à la pofrité: ce quint
f pourroit practiquerfuyevant l'opinion duditt Ramufie
- -
-

- du
du tout fuf, erronte, injuste ; é- de laquelle fe peut
dire à bon droict ce que dfout Caton des Gregois : mais telle
de V.S. et confirme à cvostre prudence é- cvaleur, qui
front tousjours txalttes par la Nation Esfagnobfefn
tant par ce bienfaict grandement oblige à V. S. laquelle
je prie le Toutpufant confrrver en proferité, &- longue
cvue. De Valadolid, le 15. d'Oétobre) r o o r.
-

Le tout voftre
·c

eA N T o.1 N E D E. HE R R E R A.
-t -
. •

, vv * ,*
-

- .
-- • -
--
S'enfuit la Table des Cartes qui doibvent eftre
-

inferees en ce livre.
/

La Carte. Fueillet.

I.
-

2. " 7.
3 9.
2.2- .

• 5. 3I.
6.
34
7. 4 Ie
8. 42 •
9. 44
IO. 5I.
- --
- II. 59» . ",
65.
- -- -
68 )
14 77 -
-
-- .
r -

Celle qui est marquee de la lettre à


eA. - .
-
13I.
T8. 16o. *
C. " 172.

Lafueilleportant cette fignature (.)fe doibt mettre


devant la page 1o7.fuivant le tiltre de la Navi.
gation Aiftrale de I. le Maire.
D ES C R I P T I O N

D ES IS L ES, ET T E R R E
FERME DE LA MER OCEANE,
-
qu'on appelle ,
IN DES OCCIDENTALES,
*TPay -

ANTOINE de HERR ERA,


grand Chroniqueur des Indes, & Chro
niqueur de Caftille.
C H A p 1 T. I. .

Te la divifion des jndes Occidentales,

(%)G) * E circuit de la Terre contient 36o degrés, qui


*s * font 63oo lieues de Caftille ; comprenant par le
23S circuit de la Terre, la terre & la mer enfemble : .
a\| car ces deux elements font vn globe, duquel la
| rondeur cxterieure en partie eft terre, & en par
\\c
&) % tie mer. Or les anciens ont divifé la Terre en
-
- -

\(2mg3)4:3 trois,impofant a chafcune des parties fon nom: la


3 *S**)premiere & plus celebre, eft l'Europe; la deuxief
me qui eft auffi la plus grande & fpacieufe, s'ap
pelle Afie, en la quelle eft contenu le grand Royaume de China , la troi
fiefme eft dicte Afrique. Eftans doncq les hommes abbreuvés de telle
opinion, que le Monde ne contenoit que les fufdictes parties, & ne fe
contentans toutesfois d'icclles, ont adonné leur efprit aux navigations,
& a l'invention de grands vaiffeaux, les accommodans de forte, qu'ils
fuffent propres a fouftenir les ondes impetueufes de la mer. En quoy la z,,
nation Efpagnole a gaigné le pris par deffus toute autre nation du Mon-Epagnol.
de : car regnant en Caftille & Leon les Roys Catholiques Don Ferrande
V. & Madame Ifabelle Royne tres-fage & valeureufe, & en Portugal re
gnant Don Iean deuxiefme, furnomméle Pelican, de treshaute memoi
re; le Seigneur Chriftofle Colomb premier Admiral des Indes, Efpagnol
naturalifé, eftant marié en Efpagne,& apres yavoir demeuré par plufieurs
années, du confeilde Martin de Boheme Portugalois, natif de l'Ifle de
Fayal, tresexpert en l'Aftronomie , & fpecialement en la judiciaire ; .
eftant auffi aidé & pouffé par quelques autres avec lesquels il avoit com
muniqué fon entreprife, donnà le premier trait a la defcouverte de celle,
que nous appellons aujourdhuy la quatriefme partie du Monde, eftant la
plus grande de toutes. Il partift de Palos, qui eft une place appartenante pa,
au Conte de Miranda en la cofte d'Andaluzie, & prenant fa route vers le
-

-
Soleil
--

|
2
-

D E S C R I P T I O N
Soleil couchant, vogua tant par la mer Oceane, qu'il trouva cefte grande
terre, la quelle au milieu eft divifée par la trace de l'Equinoctial, s'eften
dant vers le Midy, que nous appellons Sud fuyvants le ftile dcs mariniers,
fi avant qu'elle attaint les cinquante deux & demy degrés,& vers le Nort,
qui eft le Septétrion,fe cache foubs le Pole Arctique,fans en fçavoir la fin.
La grandeur de cefte quatriefime partie eft telle, que chafcun l'admire;
que nous avons deliberé de vous defcrire foubs le nom d'ifles & terre fer
me de la mer Oceane, qui les entourne: vray eft qu'on les appelle auffi le
nouveau Monde, ou les lndes Occidentales,d'autant qu'elles font a l'Oc
cident. Ceft le demy globe du monde de 18o degrés , comprins en
rar ou paf la demarcation des Roys de Caftille, & de Leon , commençant à conter
* le ces degrés a l' Occident d'un Meridien, paffant par le trente & neuf, ou
" quarantiefme degré de longueur Occidentale du Meridien de Toledo,
quieft fur la bouche du fleuve Maragnon,jufques a la ville de Malacca en
Orient; defaçon que prenant vingt lieues, qu'on eftime eftre foixante
milles Italiennes,pour chafcun degré, le trauers de cefte demarcation
contient d'un bout a l'autre, trois mille & neuf cents lieues de Caftille,
chafcune eftant de trois mille pas, & lepas de cinq pieds de mcfure Ca
ftillane.voilà fon eftendue d'Orient en Occident, que les gens de mer ap.
pellent Eft,& Oeft. or ledit conte de 2o lieues pour degré, revient a la
calculation de Ptolomée, & eft approuvé par plufieurs bons efprits; quoy
que d'autres eftiment, que chafqu'un degré contient feptante milles Ita
liennes, ne revenans qu'a 17: lieues Efpagnoles; qu'on tient pour le plus -
-
feur & veritable. --

Comment
Quant aux degrés de longueur, que l'on conte à mefure de la ligne E
: quinoctiale,allant d'Orient en Occident par le milieu de la terre,& fur le
igeur globe d'icelle,iceux ne font pas fi bien a trouver, à caufe, qu'il n'y a nul
figne feur & ferme au ciel tenant toufiours une mefme place; comme il y a
bien au contraire les Poles, qui font des points invariables, aufquels on
vife comme au blanc infallible, en contant les degrés de haulteur : ce que
nous ferons auffi en cefte defcription, fignalant les places & contrées a
- -

mefure de la haulteur defdits Poles.


gu'eft te ,Sachez donc, qu'on a defcouvert & voyagé du Septentrion au Midy,
*on adf qu'on appelle Nort & Sud, depuis les foixante degrés du Septentrion juf
*** ques aux cinquante trois du Midy, qui font mille neufcents feptante fept
-

lieues de terre; laquelle en fon plus large peut avoir mille & trois cents, en
diminuant jufqu'a dixhuict lieues, qui eft le plus eftroit d'icelle, appellé
Nombre Dios, ou Portobelo jufques a Panamà: ou la Nature mefme a divifé ces
pays en laiffant environ la moitié vers leNort,& l'autre moitiévers le Sud,
qui font deux parties de cefte demarcation: la troifiiefme, font lesifles &
terre ferme en Orient vers Malacque, aupres de la ligne de la partition
entre les Couronnes de Caftille , & de Portugal : lefquelles , combien
qu'a la verité foyent vne partie de l' Inde Orientale, fi eft ce que nous les
nommons Occidentales, afçavoir au regard de Caftille, comme il fe peut
veoir a l'œil en la carte fuivante. .
Et confideré, que la difcouverte de tous ces pays, dont ou a tant en
Vis grand
richy ces deux Royaumes, nous, vient de l'aimant, je ne puis laiffer, de
* vous raconter icyvne de fes vertus bien eftrange , qu'a remarqué le Sei
gneur Antoine Ofoire Chevallier de Valladolid: c'eft que l'aimant com.
munique par fon influence au fer plus grande vertu d'attirer, qu'il n'a luy
mefme. Car appliquant a la partie plus efficacienfe de l'aimant quelque
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fer,
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D E s IN D E S o C C I D E NT A L E S. ' :
fer, on attirera & eflevera beaucoup plus grand pois par le fer, qu'on ne
feroit par la pierre; de façon qu'il leuà en ma prefence quatorze livres de
fer par le moyen d'un aimant,ne pefant que deux livres & vn quart, qui
naturellement ne pourroit fouftenir que fix onces : chofe bien remar
quable, & qui donne matiere aux Philofophes d'eftudier , principale -

ment confideré que l'aimant d'Efpagne n'a pas cefte vcrtu.


Icyfedoibt mettre la premiere Carte.

CH A r. 1I.
De la navigation des Indes.

appellons Mer du Nort l'Ocean d'Orient, & du cofté d'Occi


dent on l'apelle Mer du Sud, & la part ou elle approche de la nou
velle Efpagne & de Peru,nous l'appellons mer du Sud de neufve Efpagne
& de Peru ; la partie dc la Mer du Nort depuis le Brcfil jufqu'au de
ftroit, s'appellc auffi la mcr du Midy, mais ce qui refte depuis la Brefille
jufques à Caftille, & vers le Septentrion, s'appclle propre & fpecialement
la Mer du Nort : le tout derechef fe divife en des golfes moindrcs, Or il
y a en tout quatre navigations principales, defquelles la premiere & plus
9uatre Na
ancienne va de Caftille a Terre ferme, & a la neufve Efpagne ; la deuxief, vigations,
me va de Caftillc au fleuve de la Plata,& au deftroit de Magallane; la troi
fiefme de la cofte de neuf Efpagne,fçavoir de Guatemala & Panama, vers
le Peru, Chile, & au dcftroit. La derniere & plus recente , va de Neuf
Efpagne aux ifles du Ponant, & à China ; comme fe voit en la Carte
prccedente. - ' -- : -- ------ -

La premiere, qui pour eftrc la plus ancienne & la plus frequentée, fe Premiere
nomme la Carriere, ou la route des Indes, eft divifée en deux car ou l'on mavigation.
va cercher le port de Sainct Ian deVlua en la neufEfpagne, qui eft diftant
de Seville environ mille & fept cents lieues, qu'on acheve en deux mois
& dcmy, ou bien on prend le chemin de Portobelo, qui eft au Royaume
qu'on appclle Terre Ferme, eftant un voyage de mille & quatre cents
lieues,qu'on faict en deux grands mois. Or ces deux navigations vont fui
vant la mefme trace jufques aux ifles qui fopt en la Mer du Nort, faifant
voile a Sainct Lucar de Barrameda, d'oul'on ne doibt fortir fans pilote
bien expert & fçavant au canal, ny fans vent propice, haulte mer, & lu
miere du jour, oupour le moins de lanternes, afin de cognoiftre les mar
ques des endroits fecs & fablonneux.
- Le temps pour commencer lefdites navigations, eft different : car pour Le temps
lancuve Efpagne, on part apres commencement d'Avril propreaux
jufqu'au May paffé, quileft le plus:
tard, afin qu'on n'arrive aux ifles de la Naviga
tions
mcr du Nort apres Aouft, quand le vents de bife dominent, & fe levent
les Vracanes, qui font des tourmentes & tempeftes dangereufes de vents
contraires entremeflez : mais qui pretendd'aller a Terre Ferme,fe doibt
mettre en chemin avant l'hyver durant les mois d'Aouft & de Septem
bre, afin d'arriver a Portobelo apres Novembre, lors que cefte cofte fe
trouve le moins maladieufe a caufe des bifes qui commencent a fouffler.
De Saint Lucardon prend le chemin des ifles de Canarie, eftant com
mc deux cents cinquante lieues de huict ou dix jours , navigant par
-

A2 - la mer
, " - D ES C R I P T 1 oN
la mer delas reguas, chemin dangereux en hyver a caufe des tempeftes
Ceux qui veulent,vont aborder au port de la grande Canarie, comme par
cy devant on fouloit arriver au port de Gomera, qui eft la plus belle de
- - -, -
-

Des Canaries on alloit a la Deffeada, qui eft aux quinze degrés peu plus,
& a la Dominica jufqu'a ou l'on conte fept cents lieues par la grande mer
Occane, & y demeuroit on vingtecinq jours ou plus, par ou l'on ne peut
retourner, a caufe que les brifes y font ordinaires, & cmpefchent le re
gu'ei ce tour. Les brfes font vents qui comprennent touts les Orientaux fufmcn
:* * tionnés avec leur quarts, lefquels en ces quartiers ne font pasfculement
" ordinaires, mais auffi vehements; pour ce que lc mouvement du premier
mobile tirc quant & foy les cieux infericurs, & l'element de l'air,qui pour
cefte caufe toufiours fuit le mouvement du jour & de la lumiere allant
d'Orient en Occident fans varier; & puis le mouvement efficacieux de
l'air tire quant & foy les vapeurs & exhalations de la Mer. & voylà pour
quoy le vent d'Eft eft fi ordinaire en ces endroits. Le voyage des Cana
ries a Dominica fut premieremenr pratiqué l'an du Seigneur 1 5 14 par
Seigneur Pedrarias d'Avila, furnommé le Gentil & le loufteur, eftant
Gouvefneur & Capitaine General du Royaume de Castilla del oro, a pre
fent appellé Terre Ferme ; lequel aida grandement a bien dreffer la navi
gation, qui jufqu'alors avoyt efté du tout impertinente & defordonnée.
A prefent eft ordonné qu'on ne fera nouvelle provifion ny d'eaux, ny
de bois en l'iffe Deffade, ou Dominica ; pource que par apres la flotte de la
- neuf Efpagne fe va rafrefchir a ocoa, qui eft vn haure de l'ifle Efpagnole,
& quand ils tardent oultre lafaifon, ils font furprins des Vracanes aupres
de Cuba & de la nouvelle Efpagne. Ceft la caufe pourquoy on ayme
on f va mieux de fa rafrefchir en l'îfle de Guadalupe. -

% * A Guadalupe fe divifent les traces de la Mer. La flotte de neuve Efpa


: gne tire vers le Cap de Saint Antoine, qui eft en la derniere extremité de
f diujent. Cuba a l'Occident, voyageant comme cincq cens lieues en vingt jours
a l'ordinaire; paffant tout aupres de S. Iean de puerto rico, & de l'Efpagno
le, a deux lieues du port de Sandomingo, courrant la cofte pres la pointe de
2Nizao, & paffant entre les ifles de Cuba, & de Iamayca, avec grand'pru
dence & follicitude , a raifon des bancs, appellés les Iardins, qui font en
viron le milieu de la cofte de Cuba , ou plufieurs vaiffeaux font periz ;
paffant par apres a la vœue de l'ifle de Pinos, & du Cap de Corrientes douze
lieues avant le Cap de Sainct Antoine; ou fe trouvent deux routes vers le
port de Veracruz, chafcune eftant de dix ou douze jours : l'une eftappel
lée interieure de 25o lieues, qu'on choyfit en Efté depuis le May jufqu'au
Septembre, quand il n'y a point de vents Septentrionaux, qui font con
e- traires fur la cofte de mucatan, qu'il eft neceffaire de prendre : l'autre eft
* appellée exterieure, qu'on prend en hyver, comme de 28o lieues tirant
-- vn peu plus hault vers le Nort. or la plus feure navigation pour arriver
La plufeu- au port de S. Ian de Vlua eft de s'approcher pres de la cofte de Florida, &
: de la plaine d'Almeria : car quel qu'il face , on a toufiours le deffus du-

* s** vent, & la commodité pour entrer au port.


Anroine a Or les flotes qui jadis alloyent de la Dominica, & aujourdhuy vont de
: " Guadalupe vers Terre Ferme, qui font comme 4oo lieues, & 15 jours de
voyage, vont fuyvant la route dc Cartagena du long de la cofte de Terre
Ferme , ou les brifes font quafi continuclles, & contraires au retour,
comme le vent de midyen Efté & le Nont en hyver, qui font mauvais.
- .
En

D E s 1 N D E s o c C I D E NT A L E S. 5

En chemin on voit le Cap de la Vela entre Saincte Marthe-& Venezeula,&


auffi le Cap de l'Aguja pres de Cartagena, ou fe defchargent les marchan
difes qui vont au nouveau Royaume, comme celles de Peru s'en vont à
Portobelo, qui eft arriere de Cartagena environ 9o lieues, & 4 ou 5 jours
- --

dc navigation.
- Ceux qui pretendent aller a Honduras, & Guatemala, demeurent en la , ,
compagnie de ceux de neuf Efpagne jufqu'au C ap de Tiburon, qui eft l'ex- de Hondu
tremité Occidentale de l'Efpagnole : d'ou coftoyant l'ifle de Iamayca au :*
Nort, jufqu'a la polncte de 2Negrillo, qui eft le dernier de l'ifle, vont cer
cher le Cap du Camaron au commencement du golfe, & de la province
de Honduras, dont l'on va furgir a Truxilo, 15 lieues au Ponant du cap,
& là fe defchargent les marchandifes, qui y doivent demeurer : le refte
paffe au port de Cavalos, & à Golf Dulce , me fuivant autre trace que la
cofte de Honduras pour les transporter a Guatimala.
, · · · , · : ... » -- ::: . , -- : ,
- - - - , e - - , -- • --
- l - --

-- t -, - -
C H A p. III.

- Poufyvant les navigations des Indes. -


Etournant des Indes a l'Efpagne on ne peut tenir la mefme route, commene
qu'on a tenu pour y aller, & pource faut neceffairement prendre la :
hauteur plus avant,fortant hors des Tropiques pour trouver les vents du ***
Nort. Toutes les flotes s'affemblent au port de Havana au mois de Iuin, me route .
afin d'arriver en Efpagne avant l'hyver : car le vent d'Eft leur eft du tout
contraire & mauvais au Canal,voire auff le Sud eft contraire fur la cofte
depuis le Cap de Sainct Vincent jufqu'a S. Lucard. Les flotes de Terre L. ,
Ferme partent apres le May de Portobelo, quand les vents de bife ceffent, propre an
& retournent a Cartagena pour lever leurs charges argent,& or du nou-"
veau Royaume de Granade, auffi pour eviter la cofte de Veragua, & l'ef
gout de 2Nicaragua d'ou l'on fort a grând peine, quand on y eft pouffé par
les brifes,& par lavehemence du courant des eaux, qui eft fort dangereux - - -, - " -

audict chemini. -
. De Cartagena on va cercher le Cap de Saint Antoine, qui eft l'extremité
Occidentale de Cuba, voyageant comme 2oo lieues l'efpace de dix jours
au regard des bancs qui font au chemin de Serrana, de Serranilla, & 9uita
feio. or du Cap de Sainct Antoine jufques a Havana font environ 5o
lieues Les navires qui retoutnent de Honduras, vienent atuffi a recognoi
ftre ledict Cap de S. Antoine. .. - , -

Les flotes de neuve Efpagne partent au commencement du May, du


rant les Norts qui fervent pour retourner a Havana, prenant la hauteur
jufques a la Sonde, autrement appellée las Tortugàs, qui font quafi 3oo -- . .
lieues, qu'on acheve en 15 jours. - -

- Les navires de Saincte Marthe,& Venefeule pour retourner a Caftille, -


par cy devant alloyent entre Cuba & l'Efpagnole vers le Cap de Sainct
ZNicolas, qui eft a l'Occident de l'ifle Efpagnole & de là par entre les ifles
de los Lucayos alloyent prendre la route des flotesmais pour le prefent vie
nent a recognoiftre le Cap de Saint Antoine, & de là vont a, Havane
- 1
a- -
caufe des Corfaires. . -
: De Havana vers Caftille, apres eftre forty du Canal de Bahama,
A 3 :
ut "
5 -D ES CR IP T ION
fut premierement navigué par le pilote Antoine d'Alaminos I'an
1 5 1 9 , on voyage par la mer du Nort , auffi appellée la mer du Sa
sarzo, environ neufcents, ou mille lieues , ou plus , navigant vingt &
cinq, ou trente jours; mais notés, qu'il y a deux courfes ou routes , def
quelles chafcune a fon temps ordinaire. L'une en efté, allant plus haut
, jufqucs a trcntehuict, ou trenteneufdegrés, ou font les ifles des Azores
- l'autre en hyver ne prenant pas la haulteur fii avant a caufe des temps
Des Ares pluvieux, qui yfont ordinaires pourtant ou ne monte point plus haut, que
*l'Efagne 39 degrés, ou eft l'ifle de Sainâte Marie, l'une des Azores, mais pour par
venir a la Tercera, ils montent encor un degré ou lesvaiffeauxvont pour
fe rafraifchir, fans toutefois permettre, que nul ne mette pied à tcrre. Or
des Azores jufqu'a Saint Lucard de Barrameda les mariniers content
trois cents lieues de chemin pour quinze jours les autres y mettent trente
jours, a caufe des brifes,qui fort dominent fur la mer des Azores,d'ou l'on
va fingler jufques a la cofte de Portugal , paffant pres du Cap de Saint
Vincent, & apres coftoyant toufiours la terre jufqu'au port de Sainct
Lupar. .
Seconde na
Les navigations d'Efpagne au fleuve de la Plata, qui font 16oo lieues, &
vigation.
au deftroit de Magallane, environ 2ooo, requeroyent plus de temps que
la diftance des lieux ne femble porter, pource qu'eftant neceffaire d'arri
ver en ces provinces durant leur efté, qui eft apres Septembre, on ne peut
partir de Caftille, qu'on ne paffe la lignc Equinoctiale en Iuin ou ea
Aouft, & lors il y a grands calmes ; caufe qu'on eft cinq mois a faire le
. voyage, qui fe pourroit achever en deux ou trois, quand on partiroit de
Seville en Aouft, ou devant.Venant aus Canaries, ils vont droit au Sud
jufques a huict ou neuf degrés au delà de la ligne Equinoctiale, d'ou les
vns tirent droict a l'Occident vers le Cap de Sainct Auguftin en Brefille,
& apres vont joignant la terre jufques aufleuve de la Plata, ou jufqu'au
- deftroit: les autres font allés tout droit par la mer du Midy vers l'eftroit
de Magallanes mais peu l'ont fçeu traverfer avant que l'Efté fut paffé, qui
- cft court & plain de tempeftes, comme il eft bien a penfer,puis que le lieu
eft fi prochain du Pole. & voilà doncq la caufe,pourquoy cefte navigation
cft fi penible.
Troififne La Navigation de la mer du Sud s'a toufiours practiquée du long de la
*** Cofte, partie pour ce que le vent du Sud y eft quafi continuellement,
partie auffi pour le courant des eaux du deftroit vers le Nort. Celle de
Panama vers la Cité de los Reyes dure deux mois, & le retour ne dure que
3 o jours, comme auffi de la Cité de los Reyesa Chile, à Pana
:
. mà on voyage neufcents lieues en moins de deux mois; il en faut au con
traire huict pour y aller, combien qu'a prefent le voyage foit plus court
qu'il ne fouloit, pource qu'eftant fur la mer on y trouve des vents plus dui
fants audit voyage.
La Navigation de Caftille aux ifles du Ponant, Malucques,& Filippi
nes, par l'eftroit de Magallane, paffe les 4ooo lieues, de forte que pour
9ueriefme eftrelevoyage figrand, & pour la difficulté de paffer le deftroit, on tient
*ain cefte navigation pour difficile. Par cy devant ceux qui de Neuf Efpagne
vouloyent allera ces ifles par la mer d'Occident, qui eft la mer du Sud,
partoyent du port de Navidad, eftant en la cofte de Neuf Efpagne ; main
tenant on la pratique au portd'Acapulco, d'ou jufques aux Malucques &
Filippines, on conte 16oo, ou 17oo lieues de chemin , qu'on trayerfe en
deux mois, ou deux & demy, fortant au Novembre qui eft le temps le
-

plus
-
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- -
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--
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--

N ORTE

DES CRIPCION DE LAs


YNDIAS DEL NoRTE
-
2

4o

4-4-4 .42

à
Aud* la nueue epaia
-
--
-

de Cancro

25|
-
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D ES I N D E S - O C C I D E N T A L E S. 7
plus propre,& leplus libre de calmes. mais le voyage du retour a la neuve
Efpagne eft plus grand, confideré qu'on ne peut reprendre la mefme tra
ce, de façon qu'il eft neceffaire de gaigner la haulteur de trenteneuf de
grés, & partir en May ou Iuin, quand il y a le moins de brifes : & par ainfi
combien que le chemin ne contiene que deux mille lieues, fi eft ce qu'on
y employe quatre mois de temps.
Icyferà mife la deuxiefme Carte.
C H A P. l V.

Des Indes Septentrionales.

P Vis que Nature à divifé ces Indes Occidentales en deux parties par
l'eftroit de Portobclo à Panamà, mettant l'une d'icelles vers le Nort
ou Septentrion,& l'autre vers le Midy, a raifon de quoy nous les appelle
9uelles fant
rons Indes Septentrionales, & Meridionales; il a pleu aux Roys de Ca les Indes Se
ftille & Leon, par advis du grand Confeil des Indes, qu'en chafcune prentrena
les & Me
des parties y euft un Viceroy, avec Parlements, que les Efpagnols nom ridionales,
ment Audiences, Gouvernements, & Evefchés, que nous expliquerons
par cy apres. Et premierement ferà traicté des Indes Septentrionales, D'ou eft ve
qu'on appelle ordinairement la neuve Efpagne. Ce nom luy fut impofé mule nom de
par Ian de Grijalue,&fes compagnons premiers inventeurs d'icelle, d'au- neuve E
tant qu'ils y trouverent des maifons de pierre,gens veftus,& plus civils, & ftg*
& autres chofes a la façon d'Efpagne,que nulle part ils n'avoyent veu par
avant en ces ifles. La neuve Efpagne eft plus abondante en pafturages,
que l'autre partie des Indes, & pource il y a de toutes fortes de beftail en
trefgrand nombre, elle eft auffi bien cultivée, & abonde en fruicts; mais il c - :
ne s'y trouve point de vin, pource que generalement, les raifins ne vienent
a perfection en la faifon, pour les pluyes en Iuin &Aouft, qui les empe
fchent de meurir. Les Ifles de Barlovento ont auffigrands pafturages, & Desifles de
Barlovento.
font beaux a veoir, eftants toufiours vers & fleuriffans, d'un air fraiz, &
trefagreable,& des bocages efpais & ferrés, ayant en la plaine des grands
lacs & marets. on n'y recueille point de pain, n'yvin, par ce que la terre
eftant vicieufe,ne laiffe ny croiftre ny meurir les grains : les rivieres pour
la plus part ont de l'or. Florida, Nicaragua, & Guatemala, font quafi de mef
me condition, comme le tout plus particulierement vous ferà deduict en
fon lieu , & en la carte fuivante vous pourrés veoir toute la fituation de
ces Indes Septentrionales.

- - _ C H A P.

De la jurifdiction du parlement de Santo Domingo. -


T E reffort du Parlement de rEfpagnole qui eft le plus ancien & leplus
prochain de Caftille, contient d'Orient enOccident cõme 55o lieues,
& du Nort au Sud plus de 3oo; auquel reffort font comprins les ifles, &
Gouvernements d'Efpagnole, de Cuba, Saint Ian, Iamayca, la Margarita, & la
pfheriedesperles la province & Gouvernement de Venezuela comme auffi
par voifinage la neufve Andaluzia, Gujana, & Florida, avec toutes les
e al
3 D ES CR IPT I ON
de la mer du Nort, qui font en trefgrand nombre; car on en conte plus de
cent par nom, & a les conter toutes, tant petites que grandes,il y en a plus
de fix cents: or celles qui approchent de la cofte de Terre Ferme,font ap
pellées par les mariniers ifles de Sotavento , & les autres,de Barlovento.
L'air en general eft enclin a humidité & chaleur exceflive, & quoyqu'el
les foyent fertiles de pafturages & bofcages, fi ne le font elles pas de fe
mailles de Caftille, ny de froment, nyd'orge, ny de vignes, ny d'olives,
mais ilya beaucoup de troupeaux grands & petits,de bœufs, de chevaux,
porcs, & brebis; & pourtant leur principale trafiquc confifte en cuirs,&
fuccre, qu'on y trouve en grande quantité: il y a pareillement de l'or en
plufieurs d'icelles, mais ils n'ont pas l'efprit pour l'affiner.

C H A P. V I. - \

Des fles Espagnole, & Cuba.


Efpagnole par fes naturels eft appellée Ayti & Quifqueya, fignifiant
L*
afpreté & terre grande, fa figure eft a la façon d'vn bouton de cha
flagne, elle eft affiffe fur les 19 ; degrés du Pole,. comprenant en fon con .
tour bien 4oo lieues,& du levant au Ponant environ 1 5o, & du Nort au
Sud cy3o,& là 6o:il y a abondance de fuccre,& troupeaux,& de la plante
Tuca, de la racine de quoyfe faict le Cazabi, qui eftoit au lieu de pain: il n'y
a point de mayz qu'aucuns appellent bled de Turquie, ny de froment,
quoy qu'on commence a le gagner en quelques endroits, il ya des mines
de cuivre, & d'autres metaux, voire auffi d'or; mais par faulte d'ouvriers
on en tire peu : ilya en tout dixvilles d'Efpagnols.
Sande
pingo,
La cité de Sandomingo joingt a la mer en la cofte du Sud fur la riviere
d'Ozama, eft fituée fur les 194 degrés, & aux 7o degrés de longueur Oc
cidentale du Meridien de Toledo: depuis ou jufqu'a ladite cité il y a en
ligne droite 1247 lieues, ayant la cité plus de 6oo bourgeois. il y refide
la cour, ou Parlement, & les Cfficiers des revenus & de l'efcrin du Roy,
item la monnoye, & la Cathedralel'archevefque d'icelle commande aux
Evefchés de Sainct Ian, de Cuba, de Venezeula,& a l'abbaye de Iamayca:
en la ville mefme font des cloiftres de S. Francoys, de S. Dominic, & de
noftre Dame de Grace, & deux autres de femmes; un college de Gram
maire, ayant 4ooo livres de revenus,i& un hofpital qui en a vingt mille.
Le port, qui eft fpacieux & capable de plufieurs vaiffeaux, eft a la bouche
de la riviere Ozama, & au Ponant d'iceluy la ville, que fond à l'an 1494
le Seigneur Barthelemy Colomb a l'Orient en lieu meilleur & plus fain:
mais le grand Commandeur d'Alcantara Nicolas d'Ovando, eftant Gou
verneurde l'Efpagnole l'an 1 ro2, la fit changcr de place , luy affignant le
lieu, ou elle eft a prefent, qui eft a l'autre cofté de la rivierc au levant. l'oc
cafion fut que par un grand mouvement de terre, la ville avoit eftémife en
Salualeon ruine. La ville de Salualeon de guey diftant 28 lieues de Santo Domingo
de1 guey. a l'Orient, fut peuplée par le Capitaine Ian d'Efquivelle. Le mefme auffi
peuplà du temps de Nicolas d'Ovando la ville delZeybo, 2o lieues de San
1Ville del
Zeybo.
domingo à l'Orient vers l'ifle de Saona. Le bourg de Cotuy eft diftant 16
Cotuy.
lieues de Sandomingovers le Nort, & en la marche d'iceluy fe trouve le
Colexo en grand' abondance , & fut peuplé par Rodrigo Meffia de
--
Trillo. . - - _ --
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Xamayca g/anola Sanfuan
-

t Baracoa u Seuilla t d'lzeibo t c'larrecibo


p*delprincipe 2
cryftan 2
igua 2 Gulianilla
3 Baiamo
37
3 ./Melilla - .3 Santiago .3 Gof des Germt -

4 Santftirus 4 p*'de xanta 4 p*de laplata -

5 p*delGuayamo 5 mmte xpi " -

6 elcotuy -

7 la concepcion
8 puerto Real
-

D E L NO RT E -

---------------
de Cancro 4'o -
-

--
-

- -
-
-

lasnuevas la redrida -
-

mon/rat -

6uadalupe la dgada
martpalante
todas domimca -

matinnuo -

- San vic*
-
s* -
-
* barbules -
-

3 . ranada

*redonda
tlentia -

t Xerez -

*s

DEscRIPTIoN DEL DESTRIcTo


DELAVDIENCLADELA ESPANOLA
-

.3
- --
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 9

La ville d'Azua en Compoftela, fur la cofte du Sud à vingt & quatre Au


lieues de Sandomingo vers l'Occident ; au territoire de la quelle fe trou
vent plufieurs efpeces de fuccre : fut peuplée par l'Admiral Diego de
Velazque. Cefte contrée fut dicte Compoftela, à caufc d'un Commandeur
natif de Galice en Efpagne, lequel avoyt un heritage en ceft endroict car
Azua eft le nom du village, qu'y avoyent par avant les Indiens. or les
premiers qui apporterent aux Indes les rofeaux de fuccre , & les com
mencerent à planter & cultiver, furent un certain Atiença, & le Bache
lier Vclofa.
La ville de maguana, qu'on appelle S. Marie du Port, pour le port d'- rguana
celle, qui eft en la cofte Occidentale de l'Ifle, à cinquante, ou foixante
lieues de Santo Domingo, entre l'Occident & le Septentrion : fut peuplée
par le Grand Commandeur Nicolas de Ovando.
La cité de la Conception de la Vega au Royaume de Guarinoex, que fon- La conce
da le premier Admiral Chriftofle Colomb : aupres de la quelle il gaigna "
cefte grande bataille de la Vega Real eft environ vingt lieues au Norteft
de Sandomingo; là eft l'Eglife Cathedrale, mais fans l?relat,comme eftant
jointe à cclle de Sandomingo: il y a auffi un monaftere de Freres mi
neurs, auquel fegarde le bafton de la croix, que les Indiens ne peurent
brufler, ne brifer, ne deftruire ; lequel par apres a faict des grands mi-"**
racles.
Sainct Iaques des Cavalliers, 1o lieues de la cité de la Vega, droict sanrig,.
au Norteft, fut jadis une fortereffe, que baftit le premier Admiral fur les
terres du Prince, ou Cazique Guanaconel, pour la feurté de la Vega, &
pours'aider tant mieux du fort de la Madalena, qui n'en eftoyt diftant,
qu'environ quatre lieues. -

Puerto de Plata, qui eft en la cofte du Nort, de 35 à 4o lieues de San- Puerto de


domingo , fut peuplé l'an 15o2 par le Grand Commandcur Nicolas **
d' Ovando, afin que les vaiffeaux de Caftille euffent meilleure com
modité pour leurs trafiques : partié auffi , pour ce qu'il n'y avoit
que dix lieues de là à la grandVega ; de laquelle à dix lieues derechef
eftoyt Santiago , & à feize la Conception , & à douze les riches mi
nes de Cibao. or ce port de Plata eft fitué un peu au deffus de vingt
degrez.
iD'icyàquatorze lieues vers l'Occident, fur la cofte du Nort, fe trouve ,
la ville de Monte-Christo; diftant de Santo Domingo quarante lieues. elle Chrift.
eft quant au fpirituel foubs l'Evefque de la Vega, & a un beau port, & des
falines fut fondée par Nicolas d'Ovando.
Cefte ifle a efté despeuplée, mais au paravant il y avoit encor d'au- Ifabela.
tres villes. La cité d'Ifabelle » , que fonda le premier Admiral , l'an Verapaz. -

1493 : la ville de VerapaX en Xaragua, que fondà Diego de Velafqute, l'an Salvatier
15o3: qui auffi en la mefmefaifon peupla Salvatierra de la Zabana, c'eft à
dire de la plaine ou prairie ; car cefte province eft fort belle & plai
ne. Il peupla pareillement entre les deux puiffants fleuves, fçavoir, en
tre ZNeyba & Taqui, la bourgade S. Ian de la Maguana , au beau milieu Maguan,
de l'Ifle ; ou fe voit encor aujourdhuy l'Eglife : jadis y regnoyt Cao
nabo, que print Alfonfe d'Ojeda .. Le mefme peupla Villanueva de villanuu.
Taquimo, fur le haure, ou ledict Ojeda fe meift a nager eftant prifon
nier fur un bateau, & ayant les fersaux pieds. or le haure, que je vien
de dire, eft cn la cofte du Sud, que l'Admiralnomma la cofte & le haure .
B de Brc
-
D ESCR I PT I ON
Bonzg.
de Brefille. Il y avoyt auffi la ville de Bonao pres dc Cotuy ; que peuplà
le premier Admiral, y dreffant une fortereffe pour affeurer les mines,
qu'ils avoyent trouvé en ceft'Ifle. La ville de Bonaventure,à huict lieues
Lares.
de Sandomingo vers le Nort ; & Lares de Guahaba , que peup là Nicolas
d'Ovando, Commandeurà Lares. L'Ifle eftoit fi flcuriffante , qu'il s'y
trouva bien quatorze mille Efpagnols, & plurieurs d'iceux gens nobles &
de qualité : mais les peuplades, d'autres pays , qu'on trouva par apres,
furent caufe d'amoindrir fes habitans: car d'Efpagnole , & de Cuba fe
tranfporterent toutes les colonies,pource que d'ailleurs on nepouvoit par
faulte de gens.
Les haures S'enfuivent les ports, & promontoires que nous appellons Caps, &
& pointes poinctes plus fignalées,& les ifles appartenantes à la cofte de ceftecy. Et
de cefte fle. premierement, en la cofte du Sud, la pointe de Nizao dix lieues au Ponant
de Sandomingo; le haure d'occoa , dixhuict ; & c'eft icy ou les vaiffeaux,
qui vont à la neuve Efpagne , viennent aborder pour fe rafrefchir, n'eft
qu'ils ayment mieux de fe tranfporter au golfe de Zepezepin, qui n'eft guer
res loing de là; ou d'arriver en un autre endroict, qu'on appelle puerta her
mofo, c'eft a dire Reauport, deux lieues au deça de Occoa. or à vingt & qua
tre lieues à l'Occident de occoa, eft le port & la ville d'Azua. Et à trente
lieues d'icy, la Calongia, qui eft une grande poincte de terre, vis à vis des
ifles Beata,& Altobelo, qui eft cinq lieues en la mer, & la Beata deux. ma,
quimo eft environ trente & quatre lieues plus avantà l'Occident. S'enfuyt
nabaque,une ifle aupres du Cap Tiburon, qui eft l'extremfité Occidentale
d'Efpagnole. La ZNabaza dix lieues en la mer droict a l'Occident dudict
Cap. & douze lieues au Nort d'iceluy un autre Cap, appellé Cabo Rojo,
c'eft à dire le Cap, Rouge. Les Roques, qui font auffi nommés les feres,
& en Efpagnol,fayles, ou Hermanos, font trois petites iflettes pres de la
cofte , ou elle fe tourne vers l'Orient. Caymito eft auffi une iflette
fituée entre les fufdites. L'ifle Guanabo contient en longueur huict
lieues , fituée au golfe de Taguana. Le haure & Cap de Sainct Nico
las, eft au dernier Occident de l'ifle tirant vers le Septentrion : plus
avant eft le haure de cz/ofquitos en la cofte du Nort : & vingt lieues
plus outre, le port du Valparadis,ou de la Conception, droict au Sud de
la Tortuga, qui eft une ifle joignant la cofte, ayant cinq lieues en longueur.
En apres Puerto Real douze lieues au Ponant de Mont de Chrift, & aton
te-Christo autant, ou peu plus diftant d'lfabelle; & d'icy derechef environ
douze lieues au port de Plata. Le Cap Francés,& le Cap du Catron font en
la cofte du Levant,devant le bras de Samana, qui s'advance cinq ou fix
lieues dans le pays, jufques au lieu, ou parcy devant a efté la villette de
ou fut la Saincte Croix. or ce fut aupres de Samana, que premierement on print
premiere
guerre cans
les armes congre les Indiens naturels, pource qu'ils tafcherent d'outrager
tre les In le premier Admiral. Le Cap del Engaio eft le plus Oriental de cefte
diens. ifie, affavoir en la cofte du Sud, ou elle va tournoyant à l' Occident:
& vis à vis d'iceluy l'ifle Saona, ou les flotes qui veulent partir fe
vienent rendre : d'icy quelque peu vers Santo Domingo , fe voit
une autre petite ifle , du nom de Santa Catalina. Or tous ces
noms , que je vien de reciter , furent donnez par le premier Ad
miral.
Cuba. L'Ifle de Cuba , appellée premierement Iuana, c'eft à dire, Iean
, ne , par le pere Don Ian , & puis apres, Fernandine en memoire
du pere
- D E s 1 N D E s o C C I D E NT A L E S. 11
du pere d'iceluy, fut en fin circuite par le Capitaine Sebaftien d'Ocam
po, & ce par l'ordonnance & commandement de Nicolas d'Ovando car
jufqu'alors on avoyt toufiours efté en doubte,fi c'eftoyt une 1fle, ou point:
l'an 151 1 y alla le Gouverneur Diego de Velafque avec 3oo Efpagnols,
pour la pacifier & affubjettir au nom du fecond Admiral. Elle contient
deux cens trente lieues depuis le Cap de S. Antoine jufqu'a la poincte
de Mayzi, affavoir par terre; car au regard du Soleil, ou par mer il n'y a pas
tant, il y a dés le Cap dcs Croix (en Efpagnol de Cruzes)jufqu'au port de
c7tanati 45 lieues : & de là l'ifle commence à s'eftreindre jufques au der
nier Occident, ou elle n'a que douze lieues de large depuis 7tatamano à
Havana. Son affiete eft au dedans du Tropique de Cancer, de 2o a 21 de
n'eftant le pays quafi rien, qu'une plaine campagne, abondante en
*
orefts & bofcages bien druz. De la pointe Orientale de Mayzi, environ
3o lieues de long, font des treshautes montagnes, comme auffi au milieu
de l'Ifle; des quelles vont couler auNort,& au Sud des tres-belles rivieres,
abondantes en poiffons. Au Sud d'icelle font ces iflettes, que le premier
Admiral nommà le Iardinde la Royne; & au Nort, celles que Diego de Ve
lafque fit appeller le Iardin du Roy. Il n'y a point de bled, ne d'autres fe
mailles, comme ên Efpagne, mais bien des arbres de plufieurs fortes , &
des ceps de vignes fauvages de la groffeur d'un homme, & grande abon
dance de tout beftail;auffi grandes mines de cuyvre & d'or, qu'on trouve
aux rivieres, quoy qu'il foyt de bas aloy. -

Laville de Sainct laques fut premierement peuplée par Diego de Ve-***


lafque, fur la coftc de Midy, diftant 4o lieues du Cap de Tiburon (qui
eft en l'Efpagnole) à deux lieues de la mer, aupres d'un port, qui à bon
droict eft tenu pour l'un des meilleurs du Monde , au regard de fa
grandeur & feureté. Les bourgeois multiplierent jufqu'a deux mil
le, mais à prefent ils font en petit nombre : il y refide le Lieute
nant du Gouverneur , & l'Evefque fubject à celuy de Santo Do
11l1I OO . -

: ville de Baracoa eft au Levant de l'ifle, fur la cofte du Nort, foixante Baracoa.
lieues de Sainct Iaques, a l'Eftnorteft : fut auffi peuplée par le mefme Die
go de Velafque. -
La ville de Bayamo, fondéepar le mefme, diftant vingt lieues de Bayama
Santiago au Nortoeft. C'eft le plus fain endroict de l'ifle,eftant la contrée
ouverte,& debonne difpofition.
La ville & port du Prince, qui eft en la cofte du Nort, environ quarante ,
lieues de Sainct Iaques au Nortoeft. Principe.
La ville & port du Sainct Efprit , vers le Sud , entre la Trini spi
tad, & le Cap de Bafo. Porcalo de Figueroa eft environ cinquante lieues tu
de S.Iaques, peuplé par lefufdict de Velafque.
Le port & la ville de Sainct Chriftofle d' Abana , en la cofte du Havana
Abana,
on
Nort, quafi vis à vis de Florida , eft affiffe en vingt deux & demy
degrés de haulteur , ayant plus de fix cens habitans : il y refide le
Gouverneur , & autres Officiers du Roy ; & eft ledict port admira
ble tant à caufe de la grandeur , comme à caufe de la feurté d'i
celuy , & fpecialement apres que le trefprudent Roy Philippe l I.
du nom , y eut envoyé le Maiftre de Camp Ian de Texeda , &
Baptifte Antonelli pour le fortifier : icy fe vienent rendre toutes les
flotes des Indes pour retourner par compagnie en Efpagne : il fut
premierement appellé le port de Careias. - or la ville , comme auffi
-

B 2 tOUlUCS v
I2 ID E S C R. I p T I O N
toutes les autres de cefte ifle,fut fondée par Diego de Velafque , eftant
fecondé du Pere Barthelemy de las Cafas, qui par apres fe rendit moyne -
de l'Ordre de S. Dominic, & devint Evefqne de Chiapa.
Les haures, caps, & poinctes de la cofte de Cuba, & les ifles y apparte
nantes outre les deffus dictes,font:premierement en la cofte du Sud , le
: haure de la cité de Sainct Iaques,fur les 2o degrés:& 25 lieues au Ponant,
cfef. celuy de Sainctefprit : douze lieues plus avant, le Cap de Cruz, & les lar
dins de la Royne, qui eft un grand banc de plufieurs iflettes. Le port de
la Trinité en 21 degrez, environ 3o lieues du Cap de Cruz : & le golfe de
Xagua dix lieues plus outre au Ponant, ayant des ifles an milieu : & plus a
vant Dos Hermanas, c'eftt à dire deuxfeurs,affavoir deux ifles au commence
ment du banc, qu'on appelle Camarco, entre la cofte & l'ifle de Pinos, qui
à dix lieues de longueur, & fept de large, diftant douze lieues du Cap de
corrientes; qui auffi de mefme à douze lieues eft diftant du Cap de Sainâ
Antoine, extremitéOccidentale de l'ifle. -

En la cofte du Nort eft le port d'Abana: & à 3o lieues de là au Levant le


port, qu'on appelle de Matangas, c'eft à dire, de tuerie, ou par cy devant e
fltoit vn village.La caufe duNom fut pour ce que les Indiensytuerent CCT
- Pourquo tains Efpagnols, qu'ils avoyent receus en leurs barques qu'ils appellent
fut ainf canoa, foubs fauf-conduit; defquels vn en ef
:
nommé le chapà, & deux femmes, que long temps ils avoyent tenu aupres d'eux.
*. De Matanças au port de Tucanaca, font 5o lieues envers le Iardin du Roy,
ui eft vn grand banc de fablons mouvants : puis le Cap de l'ifle obohaua,
lhuict lieues devant le port du Prince; du quel jufques à celuy de Ferdi
nand Alfonfe y a quatre ou fix lieues: & derechefde là fix lieues à Cuba
na, qui eft vne pointe de la terre:& finalement le port de Bar coa, comme
2o lieues avant la poincte de Mayzi, qui eft l'extremité Orientale de Cu
ba. Mais en la cofte du Sud, eft le port, qu'on appelle puerto ou golf efon
dido, fignifiant le haure,ou le bras de mer caché, à l'oppofite du CapRojo,
&diftant comme vingt lieues du port de Palomas, qui n'eft, que dix lieues
ou environ de celuy de S. laques.

V\ C H A p. V I I.

Des flesde Iamayca, de Saintt Ian, delos Lucayos,


& Canibales.

E premier Admiral, defcouvrant l'ifle de Iamayca, tres abondante en


L vivres & victuailles, de forte qu'elle livrà grande provifion de toiles
de cotton, de chevaux, de porcs, & de Cazabi à la difcouverte d'autres
nouveaux pays, la fit appeller Saint Iaques mais le premier qui l'allà peu
pler fut le Capitaine Ian d'Efquivelle l'an 15o9, & ce par commandement
du Second Admiral Diego Colomb. Le milieu d'icelle eft fitué fur dix
fept & demy degrés de haulteur, diftant egalement 2o lieues des deux
ifles, fçavoir de Cuba vers le Midy,& d'Efpagnole vers l'Occidentfa ron
deur contient 15o lieues; la longueur d'Orient en Occident 5o , & la lar
seuille Me-geur en a 2o.ilya trois villes, affavoir, Seville, Melille, & Oriftan. Se
*ori-ville, ou fe tient le Chapitre, eft devers la cofte du Nort tirant à l'Occi
fan villes
diamey, dents & fut peuplée par Ian d'Efquivelle Cavallier de Seville : de là à 14
lieues
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 13
lieues à l'Orient fe voyt Melille, en la cofte du Nort : mais Oriftan eft fur
la cofte du Midy à l'Occident, 14 lieues arricre de Seville. ces deux fu
rent peuplées par le Seigneur Françoys de Garay Gouverneur de l'Ifle:
mais quant à la ville de la Vega, d'ou les Admiraux Seigneurs de cefte ifle
ont voulu prendre le tiltre de Ducs, on n'en a pas de cognoiffance ; com
meauffi de deux autres vilettes marquées en quelquesCartes.
Il y a en cefte ifle la pointe de Moranta à l'Orient de la cofte du Nort à :
dix lieues de là vers Occident le port de Ianta : & derechef à dix autres pointies de
lieues celuy de Melila ; ou l'on dit qu'abordà le premier Admiral, apres *9*
qu'il s'en alloyt perdu de Veragua, & le nommà port de Saincte Gloire; &
icy fe mutinerent a l'encontre de luy los Porras de Seville, d'ou fe levà la -

premiere guerre civile des Indes à dix lieues de làeft le port de Seville : :
& puis la poincte du Negrillo, ou la cofte va tournoyant jufques au Cap de de de
Falcon, pres d'Oriftan; & puis devers le Sud jufqu'au port de Guayano : & fan -
- cinq lieues dans la mer font las Hormigas, c'eft à dire, les fourmys, qui eft un "
bancfott dangereux. d'icy a fept lieues fe voyent las Bivoras, qui font des
iflettes environnées tout a l'entour de bancs de mer : & au Sud d'icelles
· la Serrana, qui eft auffi une iflette entourée de fablons mouvans, avec qua
tre ou cinq autres tout aupres : & au Nortoeft de cefte cy vous avés la
Serranilla; comme au Ponant le Roncador, qui cft auffi vnbanc; & quafi au
Sudoeft d'iceluy,l'ifle de S.Andrieu, enceinte de bancs, droictau Nort de
2Nombre de Dios environ quarante lieues delà : tout aupres fe voit encore
une autre du nom de Saincte Cateline. Les Caymanes font deux ifles
droict à l'Occident de Iamayca, diftant vingt & cinq lieues de la poincte de
2Negrillo, & fix lieues l'une de l'autre : le grand Cayman eft 15 lieues plus a
vant à l'Occident, contenant fept lieues de longueur. A la cofte du Nort
entre Cuba & l'Efpagnole fe voit auffivn banc,qu'on appelle Abreojo, c'eft
.
- à dire Ouvre-l'æil.
L'Ifle de Saint Ieande puertorico, que les Indiens appelloyent Borriquen, Lille de s,
eft à l'Orient de l'Efpagnole de douze à quinze lieues & en a de longueur :*
45 depuis l'Orient jufqu'à l'Occident; & du Nort au Sud cy vingt , & là
trente: elle eft fertile de tout ce qui fe trouve en l'Efpagnole, & de mayz,
& de Tuca, & de mines d'or: l'air y eft bon & doux, & quafi tout le long de
l'année de mefme naturesexcepté qu' en Decembre & Ianvier il y a quel
quefois des tempeftes, comme la faifon le porte. Il y a trois villes , ou
bourgades d'Efpagnols, ayant un Gouverneur, & un Evefque. L'an 15o8
Ian Ponce de Leon eftant Gouverneur en la province de 1 guey, au nom -
de Nicolas de Ovando, qui fe tenoyten Efpagnole, yallà pour la vifiter & " : .
cognoiftre,& puis apres y allà par l'ordonnance du Roy pour la peupler
- - _ -.
qui fut en l'an 151o. --
Laville de S. Ian qu'on appelle de puerto rico, pour l'excellence de fon s. 1, -

haure, eft affife a l'Orient de l'ifle pres de la cofte du Nort, un peu au def
fus de dixhuict degrez de hauteur ; c'eft la refidence ordinaire du Gou
verneur, & des Officiers du threfor Royal, & de l'Evefque fubject a ce- ElArreci
luy de Sandomingo L'Arrecibofe voit 3o lieues au Ponant depuerto rico : & *
la bourgade de Guadianila, ou de Sainct Germain le neuffur la cofte, qui
regarde à l'Occident, à 33 lieues de puertorico au Sudoeft. s. German
Ancienement eftoit en cefte ifle encor une autre bourgade du nom de
Guanica, en la cofte du Sud au commencement d'icelle; ou à prefent eft
le haure de CMofquites fort bon & commode; mais ils font changés de pla
ce, fe mettant en la cofte Occidentale, au lieu qu'on appelle l'Aguada, fur
IlOIIlIllC
3 .
I4 D E S C R I P T I O N
nommé de Sotomayor. Ilya en l'ifle un precipice de montagnes qui la tra
, verfe au milieu d' Orient en Occident jufques a la mer,& au territoire de
ternaul, S.Germain; & c'eft icy que fe trouve l'arbre Tabernaculo, donnant de la
refine blanche, comme la gomme, qu'on appelle anime, de laquelle refine
les mariniers fe fervent non feulement pour la lumiere, & au lieu de poix
à calefufter les navires; mais auffi on cn ufe en medicine contre la froidu
-

re, & pour guarir les playes & bleffures.


Le haures Il n'y a gueres de haures en cefte ifle, à caufe que la cofte du Nort eft
*** * toute plaine de bancs & d'efcueils. Et premierement à l'Orient de puer
-

to ricole fleuve de Loyfe, & celuy qu'on appelle Canoba; & plus, la Cabeça,
qui cft une poincte au Levant de l'ifle pres du coftau de los loquilos : là fe
trouve un port, qu'on nomme Sanâtiago; & trois lieues plus avant un autre
appellé mabucoa auffi, à trois lieues en la mer une iflette, qu'on appelle le
Paffage: & une autre, affavoir Boyqui au commencement de la cofte du
Sud: mais l'ifle de Santana eft plus avant en la mer. S'enfuyt le haure de
Guayana enapres les fleuves Neabon, & Xauia fix lieues au deça du port Gua
dianila, qui en eft deux à l'Oricnt du fleuve de Mofquitos : or à la bouche
dudict haure eft le fleuve nominé Guanica & fix lieues de là le Cap de Ro
xo, qui eft l'extreme Occident de la cofte du Sud. or a l'Occident du Cap
de Roxo vers l'Efpagnole fe voit l'ifle de la Mona; & au Septentrion d'icelle
le Monico, avec le Zecheo. Il y a pareillement le port de Pinos, & de Maya
guez, & le golfe de S. Germain le Vieil, & la bouche du fleuve Guanabo,au
trement dict l'Aguada; & plus avant le port de Guahataca. Par apres en la
cofte du Nort, celuy de Camay, & de Cibuca, & de Toa, pres de puerto rico.
or environ le milieu de la cofte du Sud, joignant l'ifle , font quatre ou
cinqiflettes, appellées las Haberiana ; ou l'on fait grand amas d'une efpece
de gingembre, qui a la racine, comme de la garance, ou du faffran ; que
les Portugalois ont apporté du Levant aux ifles de Barlovento.
zesfesde Les ifles qui fe trouvent au Nort de S. Ian, d'Efpagnole , & de Cuba,
beyo* defquelles nulle n'eft habitée par les Efpagnols, font dictes ifles de los Lu-*
cayos; & ce à raifon d'une, la plus Septentrionale d'icelles, qu'on appelle
Lucayoneque, ou Tucayoneque, affiffe au deffus de27 degrez de hauteur , a
yant au cofté vers l'Occident l'ifle de Bahama, qui eft en vingt & fix de
grez & demy, contenant treize lieues en longueur, & huict en largeur;de
laquclle le Canal de Bahama, a pris fon nom, iceluy paffe entre Florida, &
OueftleCa les bancsdelosmimbres par ou les courants de la mer fe desbordent fi roi
*** dement vers le Septentrion, qu'il eft du tout impoffible aux matelots,
hama. quoy qu'ils ayent le vent favorable, de jamais y entrer; comme auffi ils en
euvent toufiours fortir, nonobftant que le vent foyt contraire.
En oultre il y a les bancs de Bimini,ainfi appellez à caufe d'une ifle au
milieu d'iceux, ayant cinq lieues de longueur; a laquelle le premier Ad
miral donnà ce nom, quand il arrivà la premiere fois a Cuba ; eftant
auffi la mefme que Ian Ponce de Leon deliberà de peupler. Abacoa eft
une autre ifle au milieu dedicts fablons, ayant douze lieues d'eftendue;
& Cigateovingt cinq mais Curateo eft petite, fituée fur 26 degrés. Guanima
a quinze lieues de longitud, & dix de larges aupres de laquelle cft Guani.
cuanihani hani, le premier endroict, que jamais defcouvrit le premier Admiral, le
*, nommant a cefte occafion, Sainct Sauveur.Tuma contient vingt lieues en
dfeuvre longueur,&huict en largeur, eftant fituée fur 24; degrés, que l'Admiral
aux lnd. nommà Ifabelle, à l'honneur de la grande Royne Ifabclle fa protectrice.
Iumeto eft aux 23 degr. au Nort d'Efpagnole, & a quinze lieues en lon
-

gucur.
D E S I N D E S O C C ID ENT A L E S. 15
gueur. Samana fept lieues de trauers entre Iumeto, & Guanima La lon
gueur de Triangulo eft de huict lieues, en vingt & quatre degrés. Tabaque
cn vingt deux & demy de la longueur de dix lieues. Miraporvos, qui figni
fie,Avifs vous,font trois iflettes en triangle, entourées de bancs de la mer,
au Sud de Iumeto.fayaguana eft de 2o lieues d'eftendue , & en a dix de
large, en 23 degrez. Tnagua eft de dix lieues,aux 2o degrés. los Caycos.ifle
de cinq lieues, eft au vingt & uniefme degré ; au Nort de la quelle s'en
trouvent encor deux autres, affavoir Hamana, & Conciva. Maçarey, affi
fc en 2o degrés, enceincte de fablons mouvans. Abreojo, qui veut dire,
ouvre-lail, eft ungrand gué de quinze lieues d'eftédue; le milieu d'iceluy
fe trouve au vingtiefme degré. Or parmy ces ifles, que je vien de reciter,
fe trouvent encor plufieurs autres iflettes, qui toutefois n'ont point de
nom propre ou particulier , mais font comprinfesgeneralement foubs le
nom de los Lucayos. -

Les Ifles qui font a l'Orient de S. Iean de puertorico, vers la cofte de Terre Les Cani
Ferme , ont eftéappellées Canibales, à caufe qu'il y avoit là grand nombre bales.
de Caribes, mangeurs de chair d'hommes. or ce mot de Canibal en leur le mot
- langage fignifie un vaillant homme, car telle eftoit l'eftime & la reputa Canibal, -
tion de ces Caribes envers les autres Indiens.Toutes ces ifles font peril
leufes à caufe des bancs de la mer : Les plus voifmes & proches de Sainct
Ican font celles qui s'enfuyvent. L'ifle de Saincte Croix au Sudeft de S.
Ian, fur les feize & demy degrés, ayant feize lieues en longueur ; & Saba,
& las virgines, qui font deux ifles enceinctes de bancs ; & outre celles cy
encore huict ou dixifles, defquelles la plus grande ne comprend que dix
lieues : ily a auffi Virgengorda & les ifles, qu'on appelle fleos blancos au Po
nant d'icelle. L'ifle Noyée, en Efpagnol l'Anegada contenant fept lieues
en longueur ; à dixhuict & demy degrés, entourée de bancs, comme auffi
sombrero aupres d'elle. Or ces ifles, qu'on appelle de Barlevent , furent
defcouvertes par le premier Admiral. & eft a fçavoir, que fpecialement
ceux de Saincte Croix & autres avoyent de couftume, d'aller chaffer des
hommes à S. lean pour les manger; ce qu'encor à prefent font ceux de la
Dominica : quant aux femmes ils ne les mangeoyent pas, mais les tenoyent
pour efclaves. On dit qu'iln'ya pas encor longtemps, que ceux de la Do
minica friperent un pauvre moyne, & que tous ceux, qui avoyent goufté
de fa chair, en allerent tanta la chambre, qu'aucuns moururent ; ' & que
our cefte occafionils ont laiffé de manger chair humaine: ce qui eft vrai
femblable; car au lieu d'hommes a ceftheure ils vont defrober au grand
hazard de la vie des vaches & des jumens, qui fe trouvent icy en grande --

quantité pour en affouvir leur rage tres-infame.


L' inguila comprend en longueur dix lieues, & fe trouve affiffe fur i3
degrés Sainct Martin fur dixfept & demy, ayant feize lieues d'eftendue,
& enceincte de plufieurs iflettes : pres d'icelle eft l'ifle de S. Euftace , de
Sainct Barthelemy,& de S. Chriftofle, chafquune de dix lieues. La Bar
bada eft affiffe aux dix fept degrés, ceincte de fablons mouvants pres de - ,- « - *
la redonda, & de las ZNieves, & de 7Aont ferrate, eftant chafcune de celles- .
cy de cinq lieues, en quinze degrés & demy, L'Anti ue, Guadalupe, & Tous -
, - ' - --
finis, font entre 14 & 15 degrés. L'ifle Defirée, en Efpagnol la Deffada, - s:
eft comme fix lieues au Levant de Guadalupe ; la premiere que defcouvris -.-
l'Admiral Chriftofle au fedond voyage, qu'il fit aux lndes, à 143 degrés --

& c'eft icy le lieu vers lequel toufiours les flottes s'acheminent de Cana
rie. Marigalante tenânt le nom de la nefde l'Admiral,diftant cinq lieues
-- "
de la
-
-
-
-
16 D E S C R I P T I O N
de la Deffeada, entre elle & Dominica, fur les treize degrés, & contient en
longueur douze lieues : lesflotesfe vont icy rafrefchir d'eau,& faire pro
vifion de boiss car il y a des rades affés commodes, encor que le lieu foit
perilleux à caufe des Caribes. Devers le Sud de cefte ifle,font Matinino,
Sainte Lucie , & los Barbudos, qu'on appelle ifles de Sotavento, pource
qu'elles font à la gauche aux navires, qui y arrivent, & appartiencnt a la
cofte de Terre Ferme. Entre ces ifles de Sotavento, la plus grande, & la
premiere, & la plus Orientale, eft la Trinité, diftant d'Efpagnole comme
L'flede la 2oo lieues, & de laDominica droit au Sud environ 6o:la longueur d'Orient
: en Occident comprend 5o lieues, & quafi 3o au large: elle fut defcou
* verte l'an 1498 par l'Admiral Chriftofle au troifiefme voyage des Indes;
léquel eftant grandement travaillé de la mer fit un vœu d'impofer le nom
de la Trinité au pays que premier il trouveroyt; le vœu à peine eftoit a
chevé quand le marinier de la gabie apperceut trois poinctes de terresde
façon, que le Nom de l'ifle fe rapporta du tout au vœu de l'Admiral. au
mefme temps il defcouvrit auffi la bouche del Drago,& de laSierpe, le bras de
Paria, & toute la terre ferme jufques a Cumana. . C'eft donc à tort, voirc à
: grand tort, qu'Americus Vefpucius s'avoulu attribuer la defcouverte de
*" ce pays, & que de fon Nom font appellées les Indes du Midy; confidcré
que l'honneur de ladicte defcouverte foyt deuë pluftoft au premier in
venteur. Le pays de la Trinitén'eftguerres bon, non obftant qu'il y de
meure beaucoup de gens; il a 35 lieues de longueur, & plus, felon l'opi
nion d'aucuns, & eft affis au huictiefme degré. Au Levant de l'Ifle vers
le Nort fe voit une pointe, qu'on appelle de la Galera; & à l'oppofite d'icelle
vers Septentrionl'ifle Tabago, entourée d'iflettes. En la cofte du Sud fe
voit un Cap, qu'on appelle puntaredonda vers l'Orient; & vers l' Occident
vous avez la poincte d'Anguila, au golfe de Paria i'appelle golfe de Paria,
le paffage entre l'ifle, & la terre ferme, qui peut avoir huict licues de large.
Car la terre ferme faiticy un demy cercle, à la façon d'une couronne à
- l'entour de l'Ifle, ne laiffant que la dicte diftâce de huict lieues entre deux
à l'Orient & a l'Occident, le paffage eft enfemble fort eftroit,& fort pro
fond.A la fin de la cofte du Nort vers l'Occident, affavoir dans la bouche
del Drago, font deuxiflettes & au Nort de l'lfle deux autres,Saint Vincent,
-

: - L'ifle de la Margarita, a la quelle, comme auffi aux autres, fut impofé


" le nom par don Chriftofle Colomb (qui eft une preuve trefcertaine du
temps, auquel elles ont efté defcouvertes, a la honte & confufion de ceux,
qui tafchent de luy ofter cefte gloire, pour l'attribuer àfoy mefmes) ccfte
ifle,di je, eft diftante de laTrinité2o lieues a l'Occident,& de l'Efpagnole
' 17o: elle a feize lieues de longueur de l'Orient a l'Occident , ou comme
aucuns difent vingt & dix en largeur: ilya peu d'eau, nonobftant que le
pays foit abondant en prairiers, ayant deux villettes ; l'une d'icelles joi
gnät la mer, qui refpondfur une fortereffe, ou le Gouverneur fe tientl'au
tre eft 2 lieues au dedans du pays, qu'on appelle la vallée de S. Lucie: ily
:, a un beau port, & beaucoup d'huiftres à perles car la pefcherire des perles
pefberie qui paravant cftoit à Cubagua, eft paffée a la Margarita & fi dit on, que les
* huiftres delaifferent l'ifle de Cubagua pour legrand bruit des Canonades
: de plufieurs navires, qui pour la grand' trafique des perles y venoyent
Margarite.journellement aborder. Cubagua eft diftant de la Margarite a l'Occi
°* dent : il n'ya goute d'eau , & ce nonobftant il y fut baftye & peuplée
la nouvelle Cadiz; les gens alloyent querir l'eau afept lieues de là, au
--

fleuve
D E S IN D E S O C C I D E N T A L E S 17
fleuve de Cumana. à l' Orient de Cabagua font quatrc iflettes joignant la
cofte, que le premier Admiral fit nommer losfayess & à l'Oricnt entre
cesfayles, & Granada, quatre ou cinq autres, qu'il a ppcllà los Teftigos & der
ricre Cubagua à l'Occident encor une, qu'il nommà la Tortuga,prcs de la
pointe d'Arayas delaquelle,apres avoir defcouvert ceftc terre depuis outre
lc paffage de Paria, il partit pour Efpagnole, en bonnc deliberation d'yre
tourner pour la defcouvrir entierement : & de faict il y retourna , com-
me vous entendrez cy apres, & trouvà les ifles de los Guanajos, & du deçà
de Veragua il defcouvrit la cofte jufqu'au de là de Nombre de Dios, En l'ifle
de la Margarite font les Officiers, & le threfor du Roy; or eft elle, comme
auffi Cubagua, fituee fur l'onziefme degré, pcu plus. .
e - - . . .. ,
-
, ,, , , .

Du refte de la Iurifdition de ceste Cour,afvotr,Venezuela,


- -

- |
- --
Florida,e le Golfe de la l - , - *-
- -

- • - - -- -

-
-
l -
- , rt ): *:· : . :

E Gouvernement de Venezuela s'eftend par la cofte de Terre Fermc, de te couver


- puis la nouvelle Andalizie, qui eft au Levant, jufques au fleuve de la :
Venezuela.
Fiacha&au Gouvernement de S.Marthe à l'Occidentscefte eftendue con- *** , , ,r ..

tient 13o lieues ; & par dedans le pays comme i8g, jufques au Nouveau
Royaume de Granada. on voit audict pays plufienrs marques & démon
ftrations d'or, qu'on prife a # 2 # carats, ou plus; il éft trefriche de froment
(car ony faict deux fois l'an la cueillctre) comme duffi de toute forte de
troupeaux, grands & petits: on en tire grand'abondance de farine, de bif
cuict, fromage, & lard & beaucoup de toiles de cotton : & au port de
Guayra; en la province de Caracas, fe charge grande quantité de cuirs de
bœufs, & de farfaparille. il y a huict bourgades & villes de Caftillans.
quant au nom de Venezuela, l'occafion fut telle : Les Belzares Alemans
venants en cefte province l'an du Seigneur 1528. pour la gouverner , felon
l'accord & ordonnancc de l'Empereur, penfoyent d'y peupler fur un ro
cher à la bouche du lac de Maracaybo,un village appellé par euxVenefeule, , , ,
qui eft à huict dcgrcz, peu plus; du quel toutc la province en a rctenu le --
IlOIll .
cité de
La principale ville d'icelle eft Core par les Indiens appelléecoriane qu'à :
ceft heure on nomme ordinairement Venezuela , elle eft affiffe fur onze *" -

degrés de l'elevation du Pole & du Meridien dc Toledo au degréfeptan


te neufiefme & un tiers, qui font mille & cinq cens lieues : icy eft la refi
dence ordinaire du Gouverneur, & de l'Evefque , qui eft du rcffort de
Sandomingo. Le premier qui fonda cefte cité fut lan d'Ampucs , à la
quclle incontinent fe tranfporterent les gens,qui eftoyent demourés des
Alemans defquels le prcmier fut Ambroife Alfinger. l'air y eft fi doux &
fain, quc les Medecins n'y ont que faire.S'enfuyt noftre Dame de Carvalleda, N,s
en la province de Caracas, pres de la mer, huictante lieues au Levant de ioradecar.
valleda.
Coro,ayant un mefchant haure: fut peuplée l'an mille cinq cens foixante,
par don Francifco Fayardo,qui y paffa de la Margarite. Apres,
Iaques de Leon , en la mefme province, fept lieues, par dedans le pays, Leon- *
& trois
18 * , f ID E S C R I p T I O N : - 1

& trois au Sud de Carvalleda, & feptante de Coro, ou le Gouverneur fait fa


valencia. refidence ordinaire. Valence la neufve, foixante lieues de Coro ; ' vingt &
cinq de Santiago de Leon, & fept du haure de Burbarata : fut peuplée par le
Capitaine Vallacinda. Il y a en outre la nouvelle Xerez , environ quinze
JXerez.
lieues quafi droict au Sud de Valence, & vingt de la nouvelle Segouia , &
Segouia.
foixante de Coro, au Sudeft. Item la nueva Segouia en la province de Bari
quizimito,vingt lieues de Xerez au Sud; dix de Tucuyo ; & quatre vingts de
Coro, au Sudeft;icy fe tienent auffi quelques fois les Officiers du Roy, & le
Gouverneur, ou fon Lieutenant: fut peuplée l'an de Chrift 1552. par lean
Tucuyo. de Villegas. La cité de Tucuyo, celebre à caufe, qu'en icelle fut tuéle tyran
-

Lope de Aguirre, dix lieues au Sudoeft de Segouia ; quatre vingts & cinq
Truxillo. de Coro peuplée par le Capitaine Carvajal. Puis , Truxilo, autrement
dict ZNoftre Dame de Paix, en la province de Cuycas, environ huictante lieues
quafi droict au Sud de Coro; & 25 droict à l'Occident de Tucuyo. or ce fut
le Threforier Vallejo, qui defcouvrit ce pays foubs le Gouvernement du
LicentiéTolofa, l'an 1549 : & en l'an 1559. Truxil fut peuplé par Diego
: Garcia de Paredes, En tout ce pays font environ cent mille Indiens tri
ria, butaires,fans compter ceuxqui font au deffoubs de dix, ne ceux qui font
au deffus de 5o.ans car le grand Confeil des Indes a determiné, que nul de
ceux cy ne donne tribut, en aucun quartier de ces Indes: toutesfois confi.
deré que chafquun jour le nombre en croiftou diminue , on ne fçauroit - - --

* - dire precis & pointuellement, combien qu'ily en a.


Le lac de Le lac de Maracaybo,par les Efpagnols appellé, mareft de noftre Dame,
Maracyto. eft une eau douce, qui s'advance enuiron 4o.lieues par dedans lepays, a
yant cõme dix lieues en latitude, & quatre vingts au contourfur le riuage
font plufieurs habitacles, & à la fin d'iceluy entre un fleuve defcendant
du nouveau Royaume de Granade, par lequel, & par le lac deffufdit fe
tranfportent les marchandifes au Nouveau Royaume de Caftille, & au
tresparts.Aucuns Indiens natifs de cefte contrée, ont leurs maifons & de
meürances fur des arbres au lac, & à la rive qui donna occafion au nom de
Venezuela.En ce lac fe vienent rendre des grands fleuves,& eft fi large en
quelques endroits que ceux qui y naviguent ne, peuvent apperceveoir la
terre; fa bouche peut avoir environ demye lieue de large ; en la quelle fe
-

-
veoit le rocher deffus mentionné. -
nausé, , S'enfuivent les haures, caps, & poinctes de cefte province, avec les ifles
pointesde appartenantes à la cofte d'icelle. Vers l'Occident fe voyent Marcapana; &
* l''rchila, à l'oppofite du fleuve doynare pres d'une autre ifle du nom de
-- »
- Rocadelos fleos & apres le Cap de la Codera; & le port Flechado; & de Sardi
nas & à la veue d'iceluy l'ifle de Aves, devant Burburata puis le port Ma
ravelof, que peupla le LicentiéTolofa, & c'eft le port qu'il faut prendre
our aller au Nouveau Royaume, & aux provinces de Peru.en apres Gol
fo Trifte; & au Nort d'iceluy Bon-air,ifle de dix lieues en longueur,& huict
en largeur. Puis il y a puntafeca ou la pointe feche; & vis à vis d'elle Curacao,
& un peu plus outre Curacaute, ayant quatorze lieues de longueur à l'op
pofite du Cap de S. Roman, au Sud de l'ifle d'Aruba. San Roman , qui
eft feparé douze lieues de Coro , s'advance environ vingt lieues en la
-- mer ; il s'en fault peu , pour eftre une ifle ; les Indiens l'appellent
- Paraguana ; & fa rondeur eft de vingt & cinq lieues, & le pays plat, ex
cepté qu'au milieu eft une montagne qu'on veoit fort avant en la Mer.
« - icy eft le Golfe de Venezuela , ou de Coro , auquel par un deftroit
entre le lac de Maracaybo ; il y entre auffi le fleuve Mitare»; & à l'Oc
- --
cident,
-

D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. I9

cident d'iceluy font los Monjes , trois iflettes jcignant la poincte &
Cap de Coquibocoa : ou l'on trouva ce que nulle part on n'avoit trouvé
es Indes, affavoir l'ufage du trebuchet ,' & de la pierre de touche.
Paffant plus outre fe voit Bahia honda, & le Portete , & le Cap de
de la Vela, nom que luy donna Alfonfe Ojeda, quand Americus Vefpu Alfnfe de
cius fit fon premier voyage avec luy, long temps apres que l'Admiral oiian
Chriftofle cut defcouvert cefte cofte ; laquelle eft affiffe fur douze de-pofe le nom
grés, ou peu plus. or du Cap de la Vela à la riviere de la Hacha y a dixhuict : *
-
lieues, qu'on nctrouve ny caillou,ny eau,fi ce n'eft quand il pleut. La pro
vincea efté defolée depuis le temps des Alemans, d'autant que leur inten
tion n'eftoit que d'en tirerdes efclaves, & de defplumer la terre, pluftoft
que de la peupler.
Quant à Rio de la Hacha, il s'appelloit par avant Noftre Dame des Neiges, ,
& apresNostre Dame des Remedes, c'eft une contrée pres de la mer , entre Hacha.
Pemezeule, & Sainte Marthe ;3o lieues au Levant d'icelle, & 6o de Coro à
l'Occieent, Nort & Sud avec le Cap de la Vela, ayant huict lieues d'eften
due entre Venefeule, & Sainâte Marthe »; ou il n'y a nulle marque, n'enfeigne
d'or: elle eft gouvernée par des Baillyfs de par la Cour d'Efpagnole, &
quant au fpirituel,fubjette à l'Archevefque de S.Marthe. La bourgade eft
diftant mille pas de la mer fur une petite collines le haure eft affis de telle
forte , que le vent de bife y eft de travers ; c'eft une contrée fort abon
dante & fertile de tout ce que Caftille porte; d'advantage il ya beaucoup
de tygres, & d'ours, & de crocodiles, aux rivieres; & beaucoup d'or , &
des pierres de grand'vertu contre la colique, & la pierre, & le flux de ven
tre: il y a auffi des falines.Nicolas Federman commença le premier à peu
pler cefte contrée au nom des Alemans. .
-- Le Gouvernement de la Serpa (qu'ordinairement on nomme la nou Nuena An
velle Andaluzia, & les Indiens Guayana) fuivant les limites fufmentionnés daluxia,
s'eftend depuis la Margarita jufqu'au fleuve c71araiion, comprenant 3oo
lieues en longueur vers l'Orient,& pareillement 3oo par dedans le pays
vers le Sud : ou font comprins les lndiens Omagues, & Omigas , avec les
provinces del Dorado vers le Midy.
- Envers lamer ce Gouvernement confine avec laprovince de canarca
pana, pres de Venezuela ; ou fouloit eftre une peuplade à la bouche de
Sainte Foys & au mefme territoire le rocher de Vnare ; puis un lac abon
dant en poiffons, & en fel, Vingt lieues au dedans du pays , font les In
diens, appellés de Peritò, & ceux qui furent nommés Palenquos, à caufe des
eftacades, ou paliffades, dequoy ils fe fortifient.En outre y eft comprinfe
la province de Cumana droit au Sud de Margarita, ou fe voit une ville
d'Efpagnols , qu'on appelle Corduba la nueva, fondée par le Capitaine
Gonfalve d'Ocampo, lors qu'il alla chaftier ceux de Cumana , pour la
deftrûction d'un cloiftre de Freres mineurs. A l'Orient entre la Trinité,
& le fleuve S.Ian de las Amazones, eft la province des Aruaques, defquels
aucuns font Caribes, & tous generalement gensfauvages, hardis, &
-

belliqucux. .
- Apres la pointe de Paria, qui eft au feptiefme degré, & la bouche del Des feuves
Drago, joint à la Trinite, eft la pointe del Galo, ou Anegada au Sud de la :
Trinité : & le fleuve de Paria, & le fleuve oronico, autrement appellé Tuya daluzia.
pari : d'autres eftiment que ces deux, enfemble avec la riviere de Saunct
Ian, ou de Orelana, voire auffi le Maragnon ne font qu'un ; en quoy ils
s'abufent grandement. Ilya encore d'autres fleuves en la province des
C 2 Aruaques,
-
-

2o - D ES C R I P T I O N
Aruaques mais peu cognus celuy de Saint lan,ou d'Orellane prend fon
Lafource
: origine esAndes de Peru, au territoire de Cufos dont il va courant mille
d'ôrelans. cinq cens lieues, & plus, & tournoyant foubs la ligne Equinoctiale par
des pays & contrees bien peuplées, mais peu cognues, jufques a fe ruer
finalement en la Mer du Nort, ayant fa bouche bien 5o lieues de largeur,
:, & à la fin 5oo; ou font auffi plufieurs ifles habitables. Quatrevingts,
* ou cent lieues de là a l'Occident eft le fleuve de Maragnon , quafi au lieu
mefme,par lequel paffe la ligne de la divifion & dcmarcation de Caftille,
& de Portugal: ce fleuve eft auffi trefpuiffant,& large à la bouche d'envi
ron quinze lieues : il defcend des provinces de la Brefille » ; & comme
aucuns difent, fa fource eft au deffoubs de Popayan, au territoire du nou
veau Royaume de Granade. -
L'ifle de
A fept lieues de Cumana eft l'ifle de Cubagua, ou fouloit eftre , comme
cusua j'ay dict, la nouvelle Cadiz, qui vint en decadence, pour le defaut de là
pefcherie des perles. Le fonds de cefte ifle eft du tout falpetreux, de forte
qu'il n'y avoit goute d'eau, ny d'arbres, ny d'animaux, horfmis feulement
ces porcs, qui ont le nombril à l'efchine, & quelques petits connils : les
gens alloyent au fleuve de Cumana, qui eft diftant fept lieues de là pour
puyfer de l'eau, quoy qu'on l'eftima eftre mauvaife, & fpecialementaux
yeux, aux quels on dit qu'elle engendre des taches. Sur la rive dudict
Tréblement fleuve advint l'an 153o, au premier jour de Septembre , qu'eftant l'air fe
% rain & beau, la mer s'efleva quatre eftages oultre fon ordinaire, & def
cefede7- borda, la terre trembla, & le fort qu'y avoit bafty le Capitaine Iaques
re Ferme de Caftellon paradvis de la Cour d'Efpagnole, fut renverfé, & la terre
**° s'ouvrit en plufieurs endroicts, dont fortit eau falée, noire comme de l'en
cre, d'une extreme puanteur comme de foulfre; de quoy la montagne du
golfe de Cariaco demeura fendue & ouverte milieu, plufieurs mai
- fons fe renverferent, & plufieurs perfonnesfurent eftouffées par le grand
rita.
tremblement de la terre. Margarita diftant une lieue de Cubagua , cft
une ifle plus playfanre, qui fut peuplée par le Licentié Marcello de Vil
lalobos. , : ... .. ,r
- La Florida. La province & gouvernement de Florida, de la jurifdiction du Parle
ment d'Efpagnole, comprend, felon les limites du Gouvernement de
Pierre Melindes, tout ce qu'il y a dés le fleuve de las Palmas , confinant
au Gouvernement de Panuco, en la neufve Efpagne au territoire de Me
xico, qui fe trouve aupres du Tropique en 22 degrés, jufques a la poincte
de Bacalaos, qui attaint les 48 degrés, qui comprend au long de la cofte
1258 lieues ; & de làjufqu'à la hauteur de 73 degrés au Nort , compre
nant & la cofte, & tout le dedans du pays. De tout cecy on a defcou -
vert depuis le fleuve de las Palmas, jufqu'a la pointe de S. Helaine » ; & au
fleuve Iordan, environ 6oo lieues. Le pays eft fitué en un bon climat,
& en plufieurs endroits bien peuplé, comme tefmoignent ceux qui
s'y font trouvés avec Ferdinand de Soto l'an 1536, & 1537, & fuivants, &
Ian Pardo natif de Cuenca , qui en moins de deux ans fit le voyage
par terre de Florida à la neufve Efpagne : or cefte terre approche plus
- de l'Europe, que nulle aurre des Indes on a auffi defcouvert dés le golfe
* de Saintt iofeph, qui eft diftaut 8o lieues de Pamuco,jufques à Terreneufve .
mais fpecialement & proprement nous appellons Florida , cefte partie
qui s'avance en la mer droit au Nort de Cuba, laquelle contient en lon
gueur cent lieues, & vingtecinq de largeur de l'Orient à l'Occident, &
en aucuns endroits trente, fans plus. C'il qui la defcouvrit,fut lan Ponce
-- . de
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. -2 I

de Leon l'an de mil cinq cens & douze , le jour de la Refurrection de


Chrift à Pafques, qui le mouva d'appcller cefte terre Florida.Ily retourna
encoa l'an 21; & alors eftant bleffé fe retira à Cuba, ou il rendit l'efprit,
courant le bruir, que fon intention eftoit de cerchcr celle fontaine ou ri- , ,
viere, de la quelle les lndiens difoyent , qu'elle fait rajeunir les vieilles quecercha
gens , qui s'y lavent. L'air & le temperament de cefte province eft :*
femblable à Caftille : on y a trouvé beaucoup de fruicts, & femble eftre
propre aux troupeaux, & au labourage. il n'y a point d'or, voire on di
roit que ces Indiens ne le cognoiffent pas, ny auffi l'argents car on a veu , deFlo
que trouvans fur le riuage de la mer des buffets de barres de metaux , & :
deniers d'argent, ils n'en firent point de cas : vray eft que Ferdinand de gnoifyent
Soto par dedans le pays au grand fleuve a trouvéune bonne quantité de :*
perles.
- -- -

*
Il n'y a en cefte province que deux fortereffes avec gens d'armes en Lesfrerez
garnifon, toutes deux fur la cofte du Levant : l'une s'appelle Sainé 1at- ***
thieu fur la pointe de Sainte Helaine , comme cent lieues de Havuna : &
l'autre Saint Auguftin , qui eft la principale, à caufe qu'il a un bon port,
& qu'elle eft plus prochaine du Canal de Bahama,diftant comme cinquie , ,
te lieues de los Martires, qui font des petites iflettes peuplées joint à la caps, é,
ointe de Florida, ou elle s'approche le plus de Cabas eftans ces iflet : * -

tes diftantes l'une de l'autre, qui une lieue, qui une & demie, qui plûs,
qui moins, avec des efcuéils & bancs le long de vingt & trois, ou vingt &
quatre lieues, que ces Martires tienent d'efpace : l'extremité defquelles
vcrs l'Occident, eft appellée la poinéte des Martyrs, & à l'Orient la cabeça,
ou latefe des Martyrs il y a là dine ifle de la longueur de 14lieues, fort e
ftroite. La poincte de la terrc ferme, affavoir de Florid vers Orient, eft
affiffe en vingt & quatre degrés & demy; ou fut autre fois une bourgade
- d'Efpagnols, mais ils s'en font retirés & dicy quafi droictement au Nort,
cft la riviere Ays & plus au Nort en 28 degrés la pointe du Caiaveral ; &
plus outre, la riviere de CMofquitos, au deça de la riviere de Matança, c'eft
a dire d'occifion ; cefte riviere a pris ce nom du maffacre & de la defcon
fiture, que fit Pierre Melendes én la perfonne du Capitaine Ian Ribao, &
de fes Françoys. La poincte de Saint Auguftin eft aux vingt neuf degrés,
& trois quarts: & de là à dix lieues, le fleuve de Saint 7atthieu , auquel
endroit la cofte commence à tourner au Nortnorteft, toute pleine d'if
lcs, & golfes, ou bras de la mer, jufques au Cap de saintie Helaine, qui cft
à 32 degrés & demy, & fut trouvé par fortune l'ân
En tout ce qui refte de cefte cofte,dés la pointe de Sainte Helaineau La cofte d
long de Terre-neuve, & Bacalaos jufques à Terra del Labrador , qui attainct, :
voire auffi furpaffe la hauteur d'Angleterre, n'y a peuple ny gouverne-ques à Ba
ment d'Efpagnols; quoy qu'à diverfes fois diverfes nations l'ayent defceu- calaos
vert & navigué: & fçait on, qu'il ya plus de mille lieues de terre au pays,
toutefois fans or; &generalement,tant plus de haulteur, tant moins efi
vaut le pays, & tant moins eft il habitable ll y a beaucoup de ports, &
rivieres, qui,pour n'eftre gueres frequentées ny cognues,ne font pas men
tionnés, excepté la riviere de los Gamos, autrement de Sainte 71arie , qui te grand .
eft trefgrande, & trefpuiffante, quafi au milieu de la cofte entré la Ba feuve des
calos ou le grand fleuve ochelgaentre au pays tirant vers rOccident ceft ***
celuy par lequel plufieurs eftrangers ont penfé de trotiver paffage p6ue
la neuve Efpagne. or à la cofte Occidentale de Floriàla font les 7iortus
gas, fept du huict iflcttes ; & au Nort
- -

-
***e -

3
--
-
D E S C R I P T I O N
los Martyres cn la terre ferme eft la Muftpa, & 13 lieues plus avant au Nort,
legolfe de Charles, ou de Ian Ponce de Leon; & derechef autant plus oul
tre, le golfe de Tampa, diftant 33 lieues de celuy de Tocobaga, ayant auflile
nom de Saint Efprit, & de Merueille, fur les vingtneufdegrés & demy ; ou
eft le commencement dc la terre qu'on appelle proprement Florida. Plu
fieurs ont opiné, qu'en ces quartiers de Florida vers la terre del Labrador
fe pourroit trouver quelque eftroit de mer, par lequel la mer du Nort &
du Sud feroyent accouplées; difans, que comme on en avoit trouvé un au
Sud, qu'on en trouveroit auffi bien un autre au Nort : mais l'experience
demonftre, que celuy du Sud n'eft pas un eftroit de la mer, ains pluftoft
un golfe; au moins on en doubte grandement : quoy qu'il en foit , apres
grandes peines & fatigues, on n'a fceu trouvcr le paflage du Nort: celuy
quiyafait le plus de diligence & de peine,fut Pierre Melendes, à raifon de
quelques conjectures, qu'il avoit prinfes.
La mer de
neufEfpa
Toute la cofte Occidentale de ces pays de Florida jufques au Gouver
gne. nement de Panuco, comprenant plus de trois cents lieues , s'appelle le
golfe, ou la mer de NeufEfpagne, ou n'y a nulle peuplacion d'Efpagnols,
quoy que Pamfilo de Naruaez, & Ferdinand de Soro, & devant ceux cy
Françoys de Garay, en ayent efté conftitués Gouverneurs. On cntendur
bien toft que le pays eft fort pauvre, & les gens fort miferables. il y a plu
fieurs haures & rivieres, mais on n'en a point de cognoiffance. Ce golfe
a deux portes ou entrées ; par l'une d'icelles entrent les eaux d'une tres
grande impetuofité entre Yucatan & Cuba , & fortent par l'autre encor"
lus furieufement, affavoir entre la mefme ifle de Cuba,& la pointe de Flori
dale flux & cours de ces eaux fait le Canal de Bahama,ainfi nommé à caufe
de l'ifle, de la quelle avons parlé cy deffus.
-- * . * Icyfedoibt mettre la quatriefme Carte.
-

-* . ' -

" , , ' , ,, -

C A P. I X.

" Du refort du Parlement de Mexico.


I E deuxiefme Parlement, qui fe trouve aux Indes eft celuy de la neuve
Efpagne, du quel le premier Prefident par provifion,jufques à ce qu'il
y auroit un Gouverneur du pays, fut Nuno de Guzman cavallier de Gua
dalajara & pource que d'iceluy Parlement on n'avoit entiere fatisfaction,
bien toft la Cour fut changée, & y fuft envoyé pour Prefident don Scba
ftien Ramirez de Fuenleal, lequel d'Auditeur de la Chancelerie de Gra
nade qu'il avoyt efté, fut advancé pour eftre Prefident au Parlement de
Sandomingo, & Evefque de la cité de la Conception de la Vega,perfon
nage de grandes lettres, vertu, & valeur. ll print la charge de la juftice,
- du gouvernement, & de la difpofition des threfors du Roy,laiffant la char
, - ge des armes au Marquis du Val, à condition toutesfois de communiquer
s , toufiours fes deffeings avec le Prefident : & ces deux accorderent touf
- jours fort bien enfemble. La jurifdiction de ce Parlement d'un cofté ne
comprend pas toute la neuve Efpagne, & del'autre part elle comprend
beaucoup plus. Car Galice la neufve a fa propre Cour combien quelle foyt
une partie de la Ncuvc Efpagne & au contraire, la province de Tucatan,
« -

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-
-
D E s IN D E s o c c 1 DENT A LE s. ,
qui eft un autre pays eft du refort de fajurifdiction : qui contient,comme
elle eft à prefent, en longueur du Levant au Ponant, environ 4oo lieues,
dés l'extreme Orient de mucatan jufques à la Iurifdiction de Galice la neufve;
& en largeur du Nort au Sud comme 2oo lieues, dés la fin du Gouvcrne
ment de Panucojufqu'à la mer du Sud. or feslimites vers la part du Nort
ne font pas detcrminés : & fes provinces principales font l'Archevefché
de Mexico, les Evefchés de Mechoacan, & celuy de los Angeles, appellé auffi
Tlafala, celuy de Guaxaca, & de Chiapa; item les Gouvernements de Pa
nuco, & de Yucatan, avec celuy de Tabafo, & par voifinage ou contractation
les ifles Filippines, & la defpeche de la Navigation de China.La neufEfpagne
eft une des plus excellentes provinces du nouveau monde, & la plus ha
bitée d'icelles, ayant tres-bon air, abondance & fertilité de froment,
de mayz, de troupeaux, & d'autres chofes neceffaires à la vie humaine,
horfmis l'huile & le vin: & combien qu'en plufieurs endroits d'icelle il y
ayt de l'or, f eft que l'argent y eft plus commun , du quel y a plufieurs
-

belles mines. -

L'Archevefché de Mexico eft entre celuy de los Angeles, & Mechoacan L'Arche
vefchéde
ayant en longueur du Nort au Sud 13 o. lieues, & de largeur de 18. ( qui Mexico.
eft a la cofte de la mer du Sud)jufqu'à 6o. par dedans le pays:comprenant,
les provinces de Mexico, & au Norteft d'icelle Lateotlulpa,Meztitlan, Xilo
tepeque, & Panuco, qui en eft la plus efloignée; & au Ponant Maralzingo pres
de Mexico, & Cultepeque plus arriere d'icelle; & à l'Orient Tezcuco joint
à Mexico; & au Sudeft Chalco cnviron celle de Mexico;& au Sud d'icelle
premiercment Suchimtlco, & puis Tlaluc ; & entre Sud & Sudoeft Coyxca,
& Acapulco, qui eft plus diftant vers le Sud. Il n'y a en tout que quatre
villes d'Efpagnols, combien qu'en la province de Mexico font plufieurs
Caftillans,placés au lieu des Indiens. Anciennement Mexico eftoit ap Metice.
pellée Tenoxtitlan : elle eft en dixneuf & demy degrés de haulteur,& au
cent & troifiefme de longueur du Meridien de Toledo, d'ou elle eft di Mexico eft
ftante en droicte ligne 174o.lieues, qui font huict heures du Soleil,elle eft diftantde
oledo
au milieu de deux grands lacs,qui l'entourent: l'un eft d'eau falée , pour 174o lieues.
autant que le fonds en eft falpetreux; l'autre eft d'eau douce, abondant
enpoiffons,& fe defcharge au premier : chafcun d'iceux a huict lieues en
longueur, & cinq de large, & 3 3 au contour. On entre en la cité par trois
chauffées longues d'une demy lieue ; & y font quatre mille bourgeois
Efpagnols, & trente mille maifons d'Indiens, ou plus, eftans diftinguées
en quatre quartiers de la ville , felon qu'elle eftoit divifée du temps des
payens. Ces quartiers à prefent font appellés, de Saint Ian, de Saintie
Marie la ronde, & de Saint Paul &, Saint Sebaftien, & le principal celuy de
Saint Iaques, autrefois nomméTlatelulco. Icy fe tient la Cour, que les E
fpagnols appellent Audience, & le Viceroy, qui en eft Prefident,& trois
Baillifs de la Cour, les officiers des revenus & de l'efcrin du Roy, une mai
fon de fonderie, & de la monnoye, & l'Archevefquc Metropolitain, que
recognoiffent les Evefchés de Tlafala, Guaxaca, Mechoacan, Galicela neufve,
Chiapa,Yucatan, Guatemala,Verapaz & les Filippines. Ferdinand Cortefe
fonda la grand' Eglife mettant aux colomnes certains idoles de pierre,
qu'on veoit encor'aujourdhuy, & a grand hafte continua fa fabrique don
Sebaftien Ramirez de Fuenleal Evefque, Prefident & Gouverneur de la
neufve Efpague. or le premier Evefque de Mexico fut frere Ian deZu
marraga religieux Cordelier, de grand'vertu & preudhommie, Bifcayen
natifde Durango le mefmc en fut auffi le premier Archevefque. Il y a
des
24 : r : D ES C R I P T I O N
des cloiftres de Dominicains, de Cordeliers, de Sainct Auguftin, de lefui
res, dc Carmelites, de noftre Dame de grace, & de Trinitaires : dix de non
nains,un college de filles meftives, un autre des Repenties, & des Recon
ciliées & l'Vniverfité en la quelle doctcmcnt & curieufemcnt on enfeigne
les fciences, avec autres Colleges & hofpitaux. les Efpagnols, qui demeu
rent aux lieus prochains en la place des Indiens fur les villagcs , & metai
ries, font environ trois mille. & aux provinces dcflufdites cn tout com
me 25o.villages d'Indiens; les cent & cinq villages d'eftime avec des cf
coles : & en iccux, & environ fix mille metairies plus de cinq ccnts mille
Indiens tributaires; & plus de cent cinquantc cloiftres de Freres mineurs,
de Prefcheurs, de Sainct Auguftin, & des efcoles , & des religicux fans
nombre, pour cnfcigner la foy Catholique, oultre les Peres de la Compa
gnie de Icfus, & les religieux de noftre Dame de grace. il refide auffi
en Mexico l'Office de la Saincte Inquifition , dequoy ferà traité cy
- .
apres. -
-
. . •
Les haures En la cofte de cefte Diocefe qui eft fur la mcr du Sud , cn la province
: "" de Acapulco, eft le bel haure d'Acapulco à dixfept degrés de hauteur,fix lieues
-

du fleuve de losmopes, ou l'Archevefché fe fepare de l'Evefché de Tlfala,


& huict lieues au Ponant le fleuve Citala, & derechef à quatre lieues ce
luy de titla. & en la cofte du Nort, celuy qui touche au Gouvcrnement
Demine, de Panuco. Les mines de Pachuca font diftans quatorze lieues de Mexico
deefieiu- & celles de Tafo vingt deux celles de Talpujaua vingt & quatre; celles de
* Temazcaltepeque peq dixhuict cclles de e cultepeque vingt & deux celles de za
Cultepeque ving
cualpa 2ocelles de Zupango 4o: celles Guanaxato 6o : cellcs de Comanja di
ftant 7 lieues de Guanaxato; celles de Achichica 18 lieues de la cité de los
Angeles; celles de Gautla, autrement Zumatlan, & S. Louys de la Paix. rou
tes font des mines d'argent, excepté quelques unes de plomb, & fpeciale
ment celles de mfmiquilpot& toutes du reffort de la Cour de neuf Efpagne;
& en icelles font plus de quatre mille Efpagnols, qui foigneufement, & in
duftrieufement y travaillent,donnants exemple aux lndiens dc vivre ci
vilement. Le premier qui par artifice nompareil, & prudence admirable
' y introduifit les bonnes inftructions, couftumes, & l'agriculture (vray &
unique moyen de la confervation des mines)fut le fufnommé Prefident Se
baftien Ramirez de Fuenleal,fource & caufe trefcertaine du bien & de la
-

confervation de ccs Royaumes.


Le Gouver- La Province de Panuco, eftant au Nort de Mcxico, contient pareillement
-
A77210.
5o. lieues de longueur,& de largeur : elle fut premierement gouvernée
--
- -
-

par Nuno de Guzman : mais apres s'incorpora au refort de la Cour de


Mcxico. de ceftc province la partie qui confine avec la neufve Efpagne
eft la meilleure, ayant des victuailles en abondance, & aucunement de
l'or, mais dn cofté de Florida c'eft un pays miferable , dés ou jufqu'à fcs
derniers limites y a plus de 5c o. lieues. Ce Gouvernement a trois peu
plades d'Efpagnols; affavoir, Panuco qui eftfur vingt, & trois degrés , peu
plus, & s'appelle auffi ville de Saint Eftienne dupert, que fonda Gonfalue
de Sandovalpar advis de Don Ferrando Cortefe, du temps qu'ils alloyent
combattre Francifco de Garay, & pacifier les Indiens de Chila,l'an 152o.
elle eft 65.lieues au Nortnorteft de Mexico,huict lieues de la mer,& pres
d'une riviere, de la quelle l'entrée eft un haure. C'eft une ville qui fe gou
verne par un Bailly majeur, que le Viceroy de neuf Efpagne y envoye.
La ville de Saint Iaques de Vales vingt & cinq lieues de Panuco à l'Occi
dent; & puis la ville de Sainât Louys de Tampico huict lieues de Panuco au
-- Norteft,
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 2 J'

Norteft, pres de la mer: & jaçoyt qu'il y ayt beaucoup de fleuves & au
cunes rades jufqu'au fleuve de las Palmasfi ne cognoift on au Golfe de
neufEfpagne que le fleuve de Panuco, & fon haure, qui n'eft pas des meil
leurs.
L'Evefché deTlafala, qu'on appelle autrement
chevefché de texico & l'Evefché de Guaxaca, eft long de cent lieues dés de Tifala
la cofte du Sud à celle du Nort devers les confins & limites de l'Archeve
fchés& devers ceux de Guaxaca il s'eftend8o. lieues, comme auffi à la co
fte de la mer duNort, encor que celle du Sud ne foit large, que de 18 ou 2o
*, lieues,fans plus.En toute la contrée n'ya que trois colonies d'Efpagnols,à
fçavoir, la cité de los Angeles, vingt & deux lieues de Mexico à l'Orient,
inclinant vers le Midy , de mille & cinq cens bourgeois en quatre
quartiers, & fe gouverne par un majeur : icy eft l'Eglife Cathedrale du
refort de Mexico, avec des cloiftres de Prefcheurs, & de Cordeliers, &
de Sainct Auguftin, & un de nonnettes,& un college de plus de cinq cens
enfans Indiens pour les inftruire, ayant dix mille liures (que les Efpagnols
appellent pefs) de rentesque fonda l'Evefque Sebaftien Ramirés y envoy
ant le Licentié Salmeron auditeur de la Cour pour fonder cefte cité
lequel nonobftant qu'il eut entreprins de baftir la ville en Tlafcala,toutes
fois laiffa de le faire, afin de ne defacommoder les lndiens, nytoucher en
leurs heritages ; car il leur portoit toufiours grande faveur, & fpeciale
ment à ceux de Tlafcala pour les bons fervices, qu'ils ont faict a la Cou
ronne Royale. La citéfe fonda fur les frontieres de Cholula, dont fortoy
ent vingt mille hommes de guerre; & fut baftie en vne plaine appellée
cuetlaxcoapa, pres de la vallee Atlfo fur la rive d'un petit fleuve, qui vient
defcendre de la montagne ardente oul'on fait amas de bled, de vin, & de
touts fruicts comme en Efpagne; de fuccre, de lin, & de tout herbage des
jardins, pour ce que le pays eft temperé, plus toft chaud quefroid, jaçoyt
que le froment d'alentour la villes'engele legierement & pres de là naif
fent des fontaines, defquelles fe faict une riviere, qui entre Tlfala & Cho
lula devient puiffant, & va coulant pres de la province de Mechoacan ; &
pres de Zacatula entre en la meril n'a point de poiffons, mais bien tant de
Crocodils ou lefards, qu'ils ont def euplé aucunes places de gens.
Tlfala eft au Nort de los Angeles,à plus de vingt degrés de hauteur , ou Tlafala,
par cy avant eftoit l'Eglife Cathedrale jufques à l'an de 155o, quand cefte
dignité fe tranfporta à la cité de los Angeles. Le premier Evefque en Tlaf La vallée
cala fut Frere Iulien Garces. Là eftla vallée d'Atlfo d'une lieue & demye d'Atlifcs
de largeur, ou le froment jamais n'engefle, & y recueille on plus de cent
mille boiffeaux; & font plus de mille Efpagnols, qui s'employent a le mef ble.
nager. Au Levant à fept lieues de laville, eft la vallée d'ocumba : & en la La Vallée
province de Tepeaqua baftit le Marquis du Val une ville qu'il fit apeller d'Oeumba.
Segura. Pareillement, en la vallée de Sainti Paul demeurent environ mille La Vallée
&trois cents Efpagnols, habitans en des metairiers, & cabanes pour foi de S.Paul.
gner aux troupeaux quiy multiplient fiterriblemét, qu'un certain de deux
brebiettes vint à en avoir quarante mille.
La cité de Veracruz diftante de Mexico 6o.lieues par un chemin, & par Veracruz.
un autre foixante cinq, eft à un quart de lieue pres de la mer, ayant plus de
deux cens bourgeois Efpagnols: là eft l'efcrin & le threfor du Roy, & la
maifon de contractation. Le port s'appelle Saint Ian de Vlua, nom qui luy
fut donné par Ian de Grijalua, qui le defcouvrit l'an de mille cinq cens &
dixhuicts & le Viceroy Antoine de Mendoça fut celuy qui commença la
D fabrique
-

- D E S C R I P T I O N
fabrique du meule d'iceluy.il eft cinq lieues arriere de la bouche du fleu
ve de Verecruz, entre la cofte & la petiteifle, qui peut avoir une lieue ant
contour, eftant entourée de bancs de la mer, & fi baffe que les marées la
couvrent; vis avis de la bouche du fleuve de Saint Iande Vlua. Cr on en
tre audict haure par deux conduits s le plus fouvent par celuy qui eft le
plus large; ou par l'autre qu'ils nomment le canal Galego, qui eft fort pro
- fond & là s'attachent les vaiffeaux avec des anneaux de bronze à une
- muraille de plus de quatrecenspiedsfi eft ce qu'elles n'y font pas fans grād
danger, quand les vents de bife foufflent impetueufement.La Veracruz eft
à dixhuict degrez peu plus : & s'y fouioyent defcharger les flotes, mais
confideré qu'ony tardoit quatre oucinq moys,d'autant qu'elle eft diftant
zes nf f cinq lieues deS. Ian de Vlua, on va à c'eft heure defchargerà la place de
:* Buytron qui n'eft diftant, qu'environ huict cens pas du haure de Saint Las
*** de Vlua, à raifon de quoy on fe decharge en un moys & demy : or la place
-- s'appelle Buytron à caufe d'un certain nommé Buyrron, qui y avoit une ta
verne, & maintenant yfont venus à demeurer encor plufieurs autres, de
façon que le lieu commence a fc peupler.
Il ya en ceft Evefché deux cens villettes, & villages principaux, & mille
moindres, & comme 255ooo. Indiens tributaires , divifés en trente fix
gparties pour eftre inftruicts par les clerqs en laReligion; & trente cloiftres
ses g, de l'ordre de Sainct Dominicq, Sainct Françoys, & Sainct Auguftin. En
hanres de la lacofte de ceft Evefché qui eft fur la mer du Nort, eft le fleuve de Aluarade
* ou fe joignent les limites de l'Evefché de Guaxaca, & le fleuve d'Almerie
' pres de ccluy de Saint Ian de Vlua ou par Andrieu de Tapiafut peuplée la
ville de Medelinl'an 1552, quand le Marquis don Ferrando Cortefe envoya
ledit Andrieu, & Gonfalve de Sandoval pour traicter avec Chriftofle de
Tapia,quife difoit eftre autorifé pour ofter le Gouvernement de neuf.E
fpagne au dict Marquis. cefte ville fut defpeuplée par le FacteurSalazar,
&le Contrerolleur PierreAlmindés.Le fleuve d'Almeria naift en lagrande
montagne aux provinces de los Totanaques, &:24icantle ; & va courir en la
amer du Nort par plufieurs montagnes & prccipices : & tout au devant
d'iceluy cftl'ifle de Sacrificias, comme la fit appeller le fufallegué Ian de
-
Grijalve. au Nort de la Veracruz eft le fleuve de Zempoala ; & un peu
plus hault celuyde S. Pierre & S.Paul, naiffant cn la mefme montagne
* - & celuy de los Caxones, & Tuffa, & Tamiagua prcs du Gouvernement de
Pantuco. , -

s ' , -- * - .
-

-
- t- -- '

-- *
- Tes Evfhés de Guaxaca, Mechoacan, sf Tucatan, & de
- la Province de Tabafo, qui eft lereftant
de ceste lurfdition.

one- [ Evefché de Guaxaca, ainfinommé à caufe dela province, en la quelle


fe de Gue- - il fe trouve, nommé auffi Antequera, de la cité, ou eft l'Eglife Cathe
* drale entre l'Evefché de los Angeles, & les Evefchés du refort de Guate
mala contient cent & vingt cinq lieues de l'une mer à l'autre au coftéde
la Dioccfe de Tefala &foixante vers celle de Chiapas & cent du long de la
D ES I N D E S O C C I D E N T A L E S. 27
-

cofte de la mer du Sud & cinquante à celle de la mer du Nort comprenät


les provinces de la haulte,& baffe Miftecas la haute diftant 4o.lieues au Po
nät deAntequera, & la baffe tirant plus à la mer du Sud.La citéd'Antequera
fut premierement peuplée par lan NufiezSedeno,& Ferdinand de Bada
jozs en apres le premier Parlement de Mexico la fit peupler autrefois,
quand il n'y avoit que deux Auditeurs en iceluy, affavoir le Licentié Ian
Ortiz de Matienço, & Delgadillo, qui fut le premier à Mexico faifant la ,
trafique de foye, comme homme de Granade qu'il eftoit. Le baftiment :
de l'Eglife Cathedrale , qui eft fort belle, fut commencé par Sebaftien latrfue
Ramirés, digne d'eternelle memoire : tous les piliers de l'Eglife font de : -

marbre d'une piece, grands & gros; & font les bourgeois Efpagnols de la
»
ville quatre cents.
Cefte vailée de Guaxaca, de quoy le Marquis du Val a prins fon tiltre, Guaxaca,
commence à la montagne de Cocola, fur les frontieres de Guaxolotitlin : on du d
y faict grand amas de foye, de bled, & de mayz : il y a eu des belles mines *"
d'or & ufent du langage de Zapoteca. La region de la cité de Antequera
(qui comme eft dit s'appelle Guaxaca) eftoit peuplée par gens de Mexico,
qui y eftoyent en garnifon par ordonnance du fecond Motezuma. or la
plus part des garnifons que les Roys de Mexico avoyent par tout le Roy
aume,fe fervoyt de langue Mexicane. La riviere de la cité fe cache def
foubs terre, tout devant Cimatlan,& à deux lieues de là fort dercchef aux
monts de Coatlan, diftant auffi dcux lieucs de Guaxaca; & à demy lieue de
la ville pres d'une mötagne, qui eft au Nort,fe veoit la poincte d'une mon
tagnette puis une grande plaine d'environ huict lieues, qui eft la belle val
lée de Guaxaca, plaifante, & téperée,& d'un air fort doux & fain, ou gene
ralement provienent toutes chofes, & fpecialemét les fruicts de jardins à
ia maniere de Caftille de fort bonne faveur.Au Sudoeft eft la rovince de
ayant plufieurs vilettes fur la cofte de la mer, qui s'eftend plus
:
de 6o. lieues; & la contrée du fleuve d'Alvarado, entre le Nort & Norteft;
& celle de los Zapotecas au Norteft d'Antequeras & Guazacoalco aux confins
de Tabafo, toute terre afprc & quoy qu'il y ayt plufieurs mines d'or, on
n'en tire guerres pour l'incommodité du lieu : il y a quatre villes d'Efpa
gnols. La dite cité d'Antequerahuictante lieues de Mexicovers le Sudeft, au
chemin Royal de Chiapa, & Guatemalat & le premier qui s'adventura dans
cefte province pour la pacifier, fut Ian Nunez de Mercado, l'an de 1522.
par commiffion de Ferdinando Cortefe; & c'eft d'icy que furent envoyés .
les gens d'armes pour feruir le Roy Quautimoc à la defenfe de Mexico, , .
- - --

. quand Ferdinand Cortefe la print. -- -

- Le threforier Alfonfe d'Eftrada eftant Gouverneur à Mexico peupla s. Afnfe .


la ville de saint Alfonf de los zapotecas, 2o. lieues d'Antequera vers le Nort-:**
eft les trafiquesy font d'or, de cotton, & de mayzilya plus de trente mille " .
Indiens tributaires; & eft affiffe entre des treshaultes montagnes.Saint Ia- santiage de
ques de Nexapa en vallée de 2Nexapa, vingt lieues d'Antequera à l'Ori
chemin de chiapa, & Guatemala. La ville d'Efpiritu-fanto en la province de Epirit
Guazacoalco, fur la cofte de la mer du Nort, aux confins de Tabafo,9o lieues*"*
d'Antequeras que peupla Gonfalve de Sandoval, l'an de mille cinq cens
vingt & deux ayant environ cinquante villages d'Indiens elle eft joignât . ..
* du cofté de Chiapa; lequcl prend fon origine es montagnes de los
le
cuixes, & Chontales pres : Tecoantepeque, & tournoyant par les provinces
voifines de Chiapa & de los Chontales,fe va rendre en la mer du Nort il y en-, * 3 - ,

trent des vaiffeaux de'eent tonneaux.


- * « --

D 2 - Il n'y
28 D) E S C R I P T I O N
Il n'y a fleuve en tout ceft Evefché, qui ne donne de l'or ; & les In
diens, qui veullent trauailler, n'ont befoin de rien : car rien ne leur fault,
n'y manque, pour manger & vcftir: ils ont le Cacao, qui eft un fruict à la fa
çon d'amandes, fervant auffi de monnoye, & en font du vin, & fe mange
rofti ; on eftime qu'il nourrit grandement : c'eft un pays fain & plai
fant, ou les Efpagnols fouloyent, faire de la foye par le moyen des meu
riers du pays , de quoy les lndiens en faifoyent du papier de la deuxief
:* me efcorce & maintenant ony a tant planté de meuriers de Caftille,
% qu'on y gaigne la foye fans fin : & fi les Indiens payaffant les difmes
me3.
& autres chofes, comme les Efpagnols, on en pourroit aifément faire
-

cinq Evefchés.
Le dict Evefché contient 35o. villages principaux d'Indiens , dans
lefquels, avec quelques trois cents metairies, y a plus de cent & cin
quante mille Indiens tributaires ; & cent & vingt cloiftres de Pre
Lefeuve fchcurs, avec encor d'autres efcoles de clerqs. La cofte de la mer du
:a -
Nort de ceft Evefché commence au fleuve d'Alvarado , qui venant
des montagnes de los Zapotecas, & allant parmy plufieurs autres monta
gnes , paffe aupres de la province de Chinantla ; & de là fe tournant
derechef vers les montagnes de fa fource, va fortir à la mer du Nort,
entre les rivieres de Guazacoalco , & Saint Ian de Vlua. Il y a auffi la ri
viere de Agualulco , la bouche de la quelle peut fervir au lieu de
haure : il y a plus roca partida, ceft à dire la roche fendue , qui eft une
pointe venant des montagnes de Saint c74artin , celebres & cognues
our les vaiffeaux qui font periz en des bancs & rochers cachez,
qui font au long de la cofte de la mer du Sud, vis à vis d'icelles. En
la mefme Diocefe eft le port de Guatulco, à quinze degrés & demy , le
quel eft grand & bon, & bien frequenté. Cefte province fut affujettie
par l'Admiral don Pedro de Alvarado. Ledict port n'eft guerres loing
du haure de eft auffi raifonnablement bon : le peu
:
ple qui y demeure eft grand, & y a grande pefcherie d'efcrevices , &
d'autres poiffons, qu'ils envoyent à Guaxaca. & au chemin Royal de Cuyz
tata eft une mine de Criftal beril. Tecoantepeque eft diftant 45. lieues d'An
tequera, paffant par les montagnes de los Chontales, 2Nixapa, & cMexalpe
que,jufqu'à ou s'eftend ceft Evefché, ayant beaucoup de villages fur la co
fte de la mer. .
L'Evefché de Mechoacan, qui eft au milieu de l'Archevefché de Mexi-
: c/794 co, & de Galice la neuve , contient en longueur vers la cofte de la mer
- -

éA13, du Sud huictante lieues, & foixante par dedans le pays, n'ayant point
de limites vers le Septentrion : en iceluy font contenues lesprovinces
de Zacatula , & de Colima; toutes deux eftants fur la cofte de la mer du
,
zcuaro. Sud. La cité de Mechoacan, autrement Pazcuaro, à dixneuf degrés, peu
-
- - -

- plus, 47. lieues de Mexico.


, fort
. . A de
Guyangaro, qu'on appelle Valadolid, eft l'Eglife Cathedrale
Mexico, avec deux monafteres, de Sainct
du re
& de Sainct
Frahçoys,
Auguftin. or fut Mechoacan fondée par le Maiftre de Camp Chriftofle
d'Olid, -

eftoyt premierement à zinzonze jufqu'à l'an


née de 1544, qu'elle fut tranfportée à Pazcuaro : l'Evefque d'alors eftoyt
Bafco de Quiroga : il y a un cloiftre de Cordeliers, & un autre de Sainct
,. Auguftins & eft diftant fept lieues de Mechoacan à l'Orient
Les mines de Guanaxuato font à vingt huict lieues de Mechoacan au Nort,
Vers
D E S I N D E S. O C C I D E N T A L E S. 29

vers los Zacatecas; ou font environ fix cens Efpagnols en deux regiments,
ayant un Baillyf majeur; i'appelle regiments, les quartiers , & compa
gnies ou Societés de ceux qui s'employent aux mines ; en Efpagnol on
les appelle Reales.
, La ville de Saint Michel, en la province de Mechoacan, trente cinq ,, s
lieues de Pazcuaro au Norteft, en un lieu afpre & inegal, & rabboteux.Item Michal
la ville de la Conception de Salaya, qui fut baftie par mandement du Viceroy La concep
damp Martin Enriquez, l'an de mille cinq cens & feptante; pour af tion de Sa
feurer le chemin de los Chichimecas. - --

laya.
La ville de Saint Filippe , cinquante lieues de d7/echoacan vers le S.Filippe».
Nort , & foixante deux de Mexico au Nortoeft, avec un monaftere
d'Auguftins, en terre fterile & froide ; fut fondée pour la feureté du
-
chemin de los Zacatecas.
La Province & ville de Zacatula , fur la cofte de la mer du Sud z,,
eft à plus de dixhuict degrés , eftant feparée quarante lieues de Me
choacan au Sudoeft , pres de la mer : fut fondée l'an 1 52 3. par Ian
Rodrigue de Villafuerte , & Simon de Cuenca : elle eft à nonante
licues de Mexico. -

-
-

Pareillement la province & ville de Colima eft un peu au deffus c,l,


de dixhuict degrés, fur la cofte de la mer du Sud , aux confins de la
neuve Galice , cinquante lieues de Mechoacan au Sudoeft : elle fe gou
verne par un grand Baillyf : la tcrre eft chaude, & abondante de cacao,
& de la chaffe, ou caffia , de quoy on ufe en la Medicine, ayant auffi de
l'or, & des gens bien conditionnés. Gonfalve de Sandoval la fonda
l'an mille cinq cens vingt & deux. Toute la contrée de Mechoacan
eft opulente de bled, & de mayz , & de toutes fortes de fruicts de
Caftille , & de troupeaux , & de plufieurs poiffons : elle donne de
l'Efcarlatte, & dc la cochenille, & du cotton ; & les gens y font indu
ftrieux & adonnés au travail. -

Ceft Evefché a cent treize bourgades & villes, defquelles les qua
tre vingts quatorze font reputé principales, avec des efcoles : il ne s'e
ftend pas jufques à la mer du Nort , mais bien à celle du Sud , ay
ant là plufieurs rivieres : & à l'Occident de la province aux confins
de Galice la neuve eft le haure de Navidad , à dixneuf degrés de hau
teur , haure beau & frcquenté, d'ou fe faict la Navigation aux Fi
lippines : & quelque pcu à l'Orient, pres du port de Saint Iaques, font
des belles mines de cuyvre, duquel les lndiens en font des vafes, & in
ftrumens eftranges : car il y en a qui eft mol, & l'autre eft fi dur,
qu'ils s'en fervent au lieu de fer pour labourer la terre ; ce qu'ils ont
apprinspar les Efpagnols.
La Province & Gouvernement de Tucatan ( qui print ce nom rucatan
quand le Capitaine Francifco Fernandez la difcouvrit , & le nom
de 2Noftre Dame des Remedes , lors que Ian de Grijalua defcouvrit -

Cozumel ) fut du commencement tenue pour une ifle , pour ce que


la mer y va quafi tout autour , de façon qu'à bon droit elle fe peut
dire peninfule : fa rondeur contient plus de deux cens cinquante
lieues ; fa longueur, ou elle s'eftend le plus d'Orient en Occident,
environ cent ; & parcillement du Septentrion au Midy, affavoir de
puis la cofte qui regarde au Nort,jufques à la part ou elle confine avec les
provinces de Guatemala, ayant de travers quelques vingt & cinq lieues.
L'airy eft chaud & fort humide & jaçoyt qu'il ne foit ne fleuve,ne torrent
-

-
.3 en icelle,
-
3o D E S C R I P T I O N
en icelle, neant moins l'eau des puys cft fi haute,& la cofte fi tres baffe,&
fe trouvét tant de coquilles de mer deffoubs les pierres, que pour ces con
derations on prefume, que ç'a efté une mer par cy devant. elle eft enfer
m ée de montagnes, & ne liurepas de froment , ny de ce qu'on feme en
C'eft une
fable des Caftille : * ll n'y a point d'or, ny aucune forte de metal ; d'ou l'on peut
croix de comprendre, que ce ne font que fables , ce que d'aucuns racontent,
laiton.
que les Efpagnols y entrans avoyent trouvé des croix de laiton : ce
que jamais n'a cfté trouvé en nulle part des Indes. Ce pays eft a
bondant en venaifons, & fpccialement de fangliers : 1ls nourriffent
des poulailles a foifon, & y cueillent beaucoup de cotton, & d'anil, qui
eft une forte de couleurs les gens auffi multiplient & vivent long temps,
& tel y euft qui vefquut trois cents ans : ils'y trouve toute forte de trou
pcaux d'Efpagne,& des beaux chevaux.
Il y a en ce Gouvernement, fans celuy de Tabafo, qui en eft tout pro
chain, quatre villes d'Efpagnols, & un Evefché; & toutes ces places fu
Merida. rent peuplées par le premier Gouverneur, affavoir, le Prefident Fran
cifco de Montejo. La cité de Merida, à vingt degrés de hauteur , quafi
au beau milieu de la province, declinant quelque peu vers la cofte de la
mer du Nort, douze licues par dedans le pays; ou le Gouverneur, & les
Officiers du Threfor Royal, enfemble avec l'Evefque, qui eft fubject à
Mexico,font leur refidence: on y voit un cloiftre de S. Françoys. Ils luy
ont donné le nom de Merida pourles grands & anciens edifices, qu'on y
trouva, comme à Merida en Efpagnes qui fut bié eftrange,voire admirable,
qu'é unpays, ou ny a nulle forte de metaux, on ayt fceu graver des figrãdes
pierres,yentaillant des hommes nuds, avec des bagues aux oreilles,par ou
IVallAldolid. fe peut conclurre, que ç'ont efté des temples,& un pays de grand luftre.La
ville de Valladolid, à 31.lieues de Merida vers le Sudoeft,avec un monaftere
de Cordeliers trefomptueux ayant en fa contrée 15ooo. Indiens tributai
Campeche. res.La ville & haure de S.Françoys de Campeche, à 2o. degrés, en la cofte re
gardant vers neuf Efpagne, comme 15. lieues de Merida au Ponant, tirant
toutesfois quelque peu vers le Midy avec un port raifonnablement bon,
Salamanca. s'il eftoit profond.Don Francifco de Montejo luydonna le nom. La ville
de Salamanca, que le mefme officier nomma ainfi à l'honneur de fa partie,
es provinces de Bacalar, & Chetemal, feptante lieues de Merida au Sud, de
clinant un peu au Ponants & à foixante lieues de Valladolidpres de la cofte
de la mcr de Honduras. En cefte province font dix cloiftres de S.Fran
çoys, & fix efcoles de clerqs. La cofte de toute la province eft fi baffe,
qu'en plufieurs endroits on ne peut approcher de la terre à quatre ou cinq
lieues pres & par confequent il n'y a point de haure,finon pour des petits
bateaux. or la mer croift & decroift plus en cefte cofte, qu'en nulle autre
Les haures, partie de neuve Efpagne.Les haures font ceux de Cicla,& Telichaqne, Cical,

de ceste con & Cauquil qui eft un fleuve à deux bouches.Campeche en la cofte regardant
*rée .
-
à neuf-Efpagne , & en la mefme cofte Cabo Delgado , ceft à dire le
Cap delié: ou la cofte commence à fe tourner au Levant ; & pres de la
dire pointe, une iflette, qu'on appelle l'Incognue, en Efpagnol Defonocida,
ayant la mer baffe tout à l'entour ; & a l' Occident d'icelle environ de dix
huict lieues une autre, nommée la Zarza , & le Triangle qui font trois
petits iflettes pres d'une autre , & toutes entourées des bancs de la
mer : & derechef à feixe lieues de Cabo Delgado vers le Nort , les
ifles de Arenas ; & plus avant la Vermeille , en Efpagnol Bermeja,
affavoir à trente lieues d'iceluy au Nort : & los 2Negrillos , qui
font
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oxvoqunavT - o
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S.
- font trois iflettes entourées de bancs, à l'Orient de la Vermeille , envi
ron de trcnte cinq lieues : & los Alacranes vingt lieues en la mer, droit au
Nort de Merida. Il y a plus le Cap de Cotoche, qui eft la pointe Orienta
le de Yucatan : ou font quatre iflettes qu'on appelle de Mugeres , ceft à
dire des Femmes pres de la coftejoignant la quelle fe veoit auffi l'ifle de , temple
cozumel, renommée pour la fameufe chapelle, ou temple d'un idole , ou decozumel
tous ceux du pays fouloyent aller en pelerinage : elle eft quatre lieues
dans la mer, à l'entrée du golfe de Honduras,quafi Nort & Sud avec Val
ladolid : & plus avant au golfe trois autres iflettes avec des bancs , quafi
en la hauteur, du lac de Bacalal, qui eft dans le pays , à trente lieues du
lac de chetemal, pres de la cofte ; eft comme paincte & ornée d'iffles,
: eft Pantoja, pres d'un banc ap
jufques à Salamanca la premiere d'icelles
pellé Qujtafueio, la deuxiefme Zaratan, & puis Lamanay , & la derniere
Tlbob. -
-

La province de Tabafo, vnie & conjoincte au Gouvernement de Tuca- Tabafc.


tan,fituée fur la cofte de la mer du Nort, pres du golfe de neufEfpagne,
a en longueur depuis l'Orient jufques à l'Occident environ quarante
lieues, depuis les confins de Turatan jufqu'à ceux de Goazacoalco , avec lef
quels il fe joint a l'Orient : & autant pareillement eft fon eftendue du
Nort au Sud,depuis la mer du Nort jufqu'aux limites de chiapa; c'eft une
planure toute remplie de lacs, & marets, de façon qu'on y va par barques -
& petites naffelles : elle eft fort chaude & humide, & confequemment -
fertile & riche en pafturages de bœufs,& de mayz, & de Cacao, qui eft la
plus grande richeffe de cefte province. Il n'y a qu'une ville à fçavoir Ta
lafo, autrement appellée Noftre Dame de la Victoire, à caufe de la victoire
que Ferdinand Corteze obtint en ce lieu contre les Indiens, quand il e
ftoyt au chemin pour aller a la Neuf Efpagne, l'an 1.519 Le tribut que
payent les Indiens de cefte province font deux mille xiqupiles de Cataoe
or un Xiquipil contient 8ooo. amandes, &un fardeau, que les Efpagnols,
appellent une charge,faict trois Xiquipiles. En la cofte de cefte province rif.
fans les autres rivieres & canals, fe voit le lac de Xicalango, autrement - a _

leport Royal, qui eft grand & fpàcieux; & a deux iflettes à l'entrée. , or
ce fut le Capitaine Louys Marin qui,fuyvant le mandement de Damp
Ferdinand Cortefe, entierement pacifia &affubjettit cefte province. *
-. ' - . : ' . :: . : .

Iyf doibt mettre la cinquiefme carte.


. . : ... : » *
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XI.
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De la Iurifdiction du Parlement de .
-
Guadalajara.
-
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refort du Parlement de la nouvelle Galice, ou de Xalfe, queNaiio


L*
- de Guzman injuftement fe vanta avoir defcouvert (car ç'avoyt efté
Ferdinand Cortefe, ou pour bien dire le Capitaine Confalue de San
doval au nom d'iceluy , eftant envoyé à pacifier ceux de Colima)
c fepare de la jurifdiction de la nouvelle Efpagne vers le haure de
Mavidad, & le marefcage de Chiapala; allant au Norteft, vers ou
-
--
-

- *
1I1C3lUl
- , ,D ES C R I P T I O N
me auffi vers le Nort , & quelque peu vers l'Occident, fes limites ne
font pas determinés, mais ouverts, pour autant que ces contrées font en
cor à prcfent incognues: ne refte donc vers Occident, que la mer. ce qui
eft habité de ce pays d'un bout à l'autre, ferà d'environ cent lieues ; aux
- quelles font comprinfes les provinces de Guadalajara, Xalfo, los Zacatecas,
. Chametla, Culiacan, la nouvelle Bfaya, & Cinaloa, & par voifinage, ce qu'on
-

a difcouvert des provinces de Cibola, & de 9uibira.


Guadala- L'air de la province de Guadalajara & d'alentour, eft doux & amyable;
la terre fertile de froment, & de mayz, & d'autres femailles d'Efpagne,
ayant plufieurs minieres d'argent, & lesvilles & places d'Efpagnols, que
je vous vay defcrire. La cité de Guadalajara, ville capitale du Royaume,
que peupla Nuño de Guzman, l'an 1531, & luy donna le nom de fa patrie;
eft affiffe fur cent fix& demy degrés de longueur duMeridien de Toledo,
qui font 178o. lieues en ligne droicte; & fur vingt degrés & un tiers de
hauteur, huictante & fept lieues de Mexico, entre leNort & l'Occident,
plus toutefois à l'Occident. Il y refide la Cour, les Officiers du threfor
Royal, & l'Evefque eftant du refort de Mexico dés l'an 157o. car il avoyt
efté premierement ordonnéde fonder l'Eglife Cathedrale à Compofte
la : il ya un monaftere de Sainct Françoys,& un autre de Sainct Augu
ftin. Le mefme Guzman fonda auffi la ville de Saint Efprit en Tepique; &
: la ville de Saincte Mariedelos Lagos, qui eft à trente lieues de Guadalajars
*., au Sudeft, qui fe gouverne par un Iuge majeur : on la baftit pour s'affeu
los Lagos. rer contre les Indiens Chichimeca, qui font es quartiers d'entre le Nort
% * & l'Orient, gens barbares & fauvages, qui vivent aux champs comme
Chichime -

- -

Alf, des beftes, fans loy, fans police,& es cavernes & bofcages, s'entretenans
de la venaifon, & de quelques fruicts fauvages, fans cognoiffance de ri
cheffes, ny de plaifirs, allants nuds, & quelques uns couverts de peaulx
ede beftes : leurs armes font l'arc & la flefche; au refte puiffants de corps,
, ... & grands mangeurs : ils font du vin d'une efpece de racine, dequoy ils
-
-

x, En la province de xalifo, plus abondante de mayz, que de brebis,


ny de chevaux, n'y a que la feule cité de Compostela devers la mer,
trente & troisalicues de Guadalajara à l'Occident ; ou fut premiere
ment la Cour , & la dignité Cathedrale jufques à l'an 6o. qu'elle paffa
à Guadalajara, pour eftre plus dedans le pays : il y a un monaftere
de Freres-mineurs ; & fut auffi peuplée par Nuño de Guzman, l'an
153 1, qui par emulation de Don Ferdinand Cortez alla deux ans
troter par ce pays , qu'on appelloyt la grande Efpagne , fans que de
tout ce temps, on fçeut rien de luy à Mexico.
La Purifi La ville de la Purification au Sudoeft de Guadalajara , à trente lieues
cation d'elle, pres le port de Navidad, aux confins de cefte Cour, & de celle de
Mexico, en un endroict fort chaud & maladieux, fur la fin de l'an 1531.
defcouvrit Nufio de Guzman cent & cinquante lieues de terre joi
gnant la cofte de Xalifco, qui eft fur vingt & deux degrés , ou peu
lus.
Les Zacate rovince de los zacatecu, riche pour les mines d'argent, & pauvre
éf.
pour la faute d'eau, de bled, & de mayz, font trois cités d'Efpagnols, &
La principale eft celle, qu'on appelle
:
elos zaatecas, 4o lieues de Guadalajara au Nort, &8o. de Mexico ou
font d'ordinaire plus de cinq cens Efpagnols, cinq cens efclaues, mille
chevaux & mulets & un cloiftre de Cordeliers tout aupres, & y réfide
-

toufiours
D ES IN D ES O C C I D E N T A L E S. 33
toufiours un des Officiers Royaux de Guadalajara. Il y a auffi en cefte
province les mines d'Aviioaux confins de los Zacatecas ;'& celles de Saint
Martin, vingt & fept lieues de los Zacatecas au Nortoeft, ou font commune
ment 4oo.Caftellans. Xerez de la Frontera, trente lieues de Guadalajara au JXerez
Nort,& dix des mines de los Zacatecas au chemin d'icelles : or on trouve
encore d'autres Reales, ou regimens de ceux qui travaillent es mines;
mais je les paffe foubs filence, à caufe qu'elles ne font pas fi fignalées , ny
remarquables. La ville del Erena, & les mines qu'on appelle del Sombrere
te,vingt & cinq lieues de los zacatecas au Nortoeft,joint à celles de Saint ***
Martin, & autres qui font en la mefme contrée. Laville de 2Nombre de
Dios, 68. lieues de la cité de Guadalajara, & dix des mines de Saint'Mar- ***
tin au Nort, ayant un monaftere de Cordeliers, abondant de froment, &
de mayz, aveo des bonnes mines en fon territoire. La ville de Durango Durango,
des mines de Saipt Martin , en la vallée de Saintt Sauveur , huict
|*
ieues de Nombre de Dios ; terre faine, qui pour eftre arroufée par plu
fieurs rivieres , eft trefabondante de froment, & de mayz , & d'au
tres fortes de vivres ; & aupres d'icelle les mines de Saintt Lucas , avec
une belle faline. Or les Indiens de ce Royaume eftans pour la plus part
gens de guerre, & notamment les Chichimecas , & Guachachiles faifoyent
grand domage au chemin de Guadalajara aux Zacatecas : & fut cefte -

guerre fort couftable, & dangereufe, & s'acheva au temps que le Marquis
de Villamantique fut Viceroy. Les Indiens de cefte contrée font divifés
en cent & quatre repartitions. .. :
La Province de la nouvelle Bifaya, quafi au Nortoeft de los Zacatecas, Nuevar. .
cinquante lieues arriere d'iceux, eft un pays bien pourveu de munitions fye
& de vivres, degrands troupeaux, & de belles mines d'argent ; il y a cel
les de Hindehé, Sainte Barbe, & celles de Saintt Ian : & eft fitué ledict pays
en la province deTopia, duquel à la defcouverte,&à la peuplation d'iceluy
fit grandement fon debuoir Francifco de Ybarras. -

La Province de Chiametla longue & large de vingt lieues, fur la cofte ,


de la mer du Sud , environ quarante lieues de Xalfo ; il y a plufieurs
mines d'argent; & S. Sebastien, ville de Efpagnols,jadis dn refort de la
Cour de Mexico, eftant à plus de 22. degrés. -
-

Culiacan eft un gouvernement fur la cofte de la mer du Sud, à l'Orient Culiscnn.


d'icelle, mais à l'Occident de Chiametla : c'eft une terre fertile de vivres,
& de plufieurs indices ou marquesd'argent ; de quoy auffi y a un Real,
ou quartier,& peuple qu'on appelRè de las Virgines. La ville de SancMiguel sanMiguel
huictante lieues de Compoftela, & cent trois de Guadalajaras fut peuplée par -

Nuño de Guzman, l'an du Seigneur 153I. - --

. - La Province de Cinaloa, qui eft la derniere & plus Septentrionale du c,


· nouveau Royaume de Galice , 42. lieues de Culiacan; 15o.de Guadalajara
au Nort : en icelle fut jadis peuplée une place d'Efpagnols, qu'on appelle
Saint Ian de Cinaloa. mais elle a efté defolée. cefte province fut defcou
verte du temps qu'Antoine de Mendoza eftoyt Viceroy en la neuve E
fpagne ; & difoyent d'avoir veu une ville de baftimens de pierre tail
lée, avec des planchers, qu'ils appellerent Granade ; & que ces Indiens
eftoyent gens de guerre, & la terre abondante en victuailles. Quibira 9air
eft affiffe fur les 4o. degrés, en une contrée douce, & fructueufe. Cibo- *,
la eft diftant trente lieues de culiacan vers le Nort ; & 9ujbira 2oo. de **
Cibola, au Levant : ce font tous des pauvres gens , qui pour n'avoir du
cotton, s'accouftrent de peaux de beftes prinfes à la chaffe, & des vaches
-

du pâys,
34 D ESCR I PT I ON
du pays, qui ont une boffefurl'efchine, & des longs poils par devant, mais
les cornes plus petites que les noftres , & en icelles confifte la plus part de
leur avoir : car ils en font des accouftremens , & des fouliers , & des
cordes ; en margent la chair, & des os en font des ouftils : on ufe de
plufieurs fortes de langage en cefte province, pour ce que les gens ne fe-

hantent guerres l'un l'autre.


California. California eft une grand'pointe au dernier Cccident de la neufve Efpa
gne, quiva bien avant en la mer, àvingt & deux degrés de hauteur ; d'ou
elle fe prolonge au Nortocft, environ deux cents lieues en la mer : com
bien qu'à dire la verité, on n'aye pas entiere cognoiffance d'icelle, ny
auffi des haures , ny des ifles, qui font entre la dicte pointe, & le golfe
de neuf-Efpagne, cn la mer de California ; qui va courrant comme au
Nortoeft. en la quelle pofé qu'il y ayt beaucoup de fleuves, de caps, de
pointes,& rades, cependant ne font pas cognus en particulier , d'autant
qu'ils n'ont eftéguerres hantés.Au beau cömencement,& tout àl'entrée
de ce golfe, eft une iflctte de grande eftendue, mais fort eftoite, tout joi
gnant la cofte : elle s'eftend depuis le fleuve de noftre Dame, ou de s.se
baftiende Bora, jufqu'au fleuve de Pafua en Culiacan l'ifle s'appelle Guaya
val. Le fleuve de la ville de S. Miguel s'appelle Ciguatlan; & plus devers
la neufve Efpagne eft celuy de Paftlas & vis à vis d'iceluy, l'ifle Deferte : &
puis apres le fleuve de Spiritufanto, ou Saintefrit, & le haure de Xalifo; &
au Sud de la pointe de California, l'ifle Aiublada & celle de S.Thomas, &
celle de Flores; & finalement encor une, qui s'appelle les monnains, ou en
Efpagnol las monjas,
Iyfe doibt mettre la fixiefme Carte. -
-
- - . - ' - ' - , --
-

C H A P. XI I. . , ,,,,, • - - -

-
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Du refort de la
Guatemala. '
de Saint Jaques

E Parlement de Guatemala fut du commencement appellé, la


des confins , à caufe qu'il eftoit accordé , de la fonder aux
confins de Guatemala, & ZNicaragua, fanfs nommer la place determinée. Sa
jurifdiction s'eftend en longueur du Levât au Ponant deux cens quarante
lieues; & du Meridien depuis le huictante & quatriefme jufques au qua
tre vingt dixhuictiefme degré de longitud, & du Nort au Sud en largeur
cent huictante de neuf ou dix degrés de haulteur jufqu'à dixhuict, ou dix
neuf En quoy font comprinfes les provinces de Guatemala, Soconufo,Chie
pa, Suchitepeque, la Verapaz, Honduras, Tcalcos, San Salvador, & San Miguel,
Nicaragua, Chuluteca, Taguzgalpa,& Coftarica. En chafcune de ces provin
ce on parle divers lāgages, qui fut un artifice du diable (comme les Theo
logiens eftiment) pour femertant plus de difcorde & divifions parmy ces
nations fanguinaires & vindicatives.
Guatemala. La province & Gouvernement de Guatemala, fur la cofte de la mer du
Sud, peut avoirfeptante lieues au longd'icelle cofte, & du Nort au Sud
environ trente : c'eft une terre de bonne temperature,fertile demayz, &
de cottons le froment & autres fruictsy font en abondance , jaçoyt que -

les
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o clanche jef de nieuefa


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& Deyare
TX
R repa
D E s I N D E S o C C I D E NT A L E S. 35
les femences ne fe gardent point d'un an à l'autreil ya peu d'eau , fi ce
n'eft quand il pleut; car les pluyes yfont terribles depuis Auril jufques en
Octobre; les vents font Nort & Sud; & ne dure le Nort, que vingt ou
quinze jours, cftant fort froid & furieux : il y a cinq endroits ou les E
fpagnols font leur refidence, y eftans colloqués & placés par l'Admiral
don Pedre d'Alvarado, es ans 1524. & 1525.
La citédc Sainât Iaques de Guatemala (de la quelle la contrée s'appelloit Santiago.
Cachequil, qui fignific Aigle , à raifon que le general du camp de ceftcna
tion allant à la guerreportoit un aigle fur fa pennache) eft la ville Capita
le, ou la Cour fe tient, lur quatorze & demy degrés de haulteur , & fur
le 93. du Meridien de Toledo, d'ou elle eft diftäte fur le grand cercle, mil
le fixccns & foixante lieues , & douze de la mcr : c'eft une ville d'en
viron fix cens bourgeois Efpagnols : & y refidcnt les Officiers du thrc
for & de l'efcrin du Roy, la maifon de fondcrie, & la Cathedrale fufra
ane de Mexico, avec un monaftere de Sainct Dominicq, & un autre de
noftre Dame de grace, avcc auffi un hofpital; & en fa contrée font vingt
cinq mille Indiens tributaires : la cité eft affiffe en une vallée fort plai
, fante , produyfant fruicts de diverfes efpeces , & toutes fortes de vi
vres & deliccs. " -

S.Salusdo*.
La cité de Saint Sauveur, par les Indicns dite Cuzcatlan , quarante
lieues de Saintt Iaques au Sudeft, avec un cloiftre de Prcfcheurs. La
Ville de la Trinité, qu'ils appelloyent en leur langue Conzonate , vingt dad.
& fix lieues de Sainct Iaques au Sudocft, diftant quatre lieues du haure
d'Axacutla: elle fe gouverne par un Majeur, du titre de fa Majefté; & y
a un monaftere de Sanct Dominicq, & eftaffiffa en une contrée fort fer
tile de cacao,& les Indiens d'icelle font de lajurifdiction de Sainct Iaques.
c'eft une ville de grand' trafique, au port de laquelle vienent aborder les SanMiguel
vaiffeaux de Peru & de Neuf-Efpagne. La ville de San figuel, 62.lieues
dc Sainât Iaques, & vingt & deux de Saint Sauveur au Sudoeft, deux licues
de la mer; ou eft le golfe de Fonfeca, qui luy fertde port, ayant à l'entour .
8o. villages d'Indiens. Laville de Xerez de la Frontera, dicte par les Indiens Xerez.
la Chuluteca, aux confins de Guatemala, & Nicaragua , huictante lieues de
Saint Iaques, & vingt de Saintt7lichel au Sudeft.contrée fertile de cotton,
& de mayz qu'on appelle bled de Turquie; & devers la cite de Sainct Ia
ques cefte fameufe montagne ardente de Guatemala. or il y a plufieurs
de ces montagnes aux Indes (les Efpagnols les appcllent Volcanes) mais
les plus fignalées font : celle de Guatemala maintefois jettant feu & flam
mes cfpouvantables, enfemble avec des pierres,& de la cendre au grand
dommage de la terre ; en apres celle de Arequipa , de Tlafala, de 9uito,
& quelques autres. On trouve en cefte province plufieurs fontaines, &
fources d'eaux chaudes ayants diverfes proprietés, vertus, & couleurs : il
y a du baufme, beau & beaucoup, que les Efpagnols cognurent fans l'ap
prendre des Indiens, contre ce qu'un Auteur en efcrit. plus il y a de l'ambre
liquide, lagomme anime, copal c fchicopal,& autres fortes de gommes & li
queurs tres-parfaits & de ces animaux, efquels on trouve la pierre Bezoar
on y fait grand amas de cacao, duquel ils tirent fort grand profit. or c'eft
un arbre de moyenne haulteur, ayant les fruicts comme chaftagnes, plus
grands toutefois, donnant des fleurs & fruicts à chafque Lune ; comme
auffi font en ces quartiers les orangers. L'arbre Cacao ayme plus l'humité
que le Soleils à raifon de quoy ils l'accompagnent d'un autre plus hault
pour luy faire ombrage.
E 2 Lcs
36 D Es cR 1P T 1oN
Les haures Les haurcs de ce Gouvernement fur la mer du Sud , outre les fufalle
decepays
gués, font l'entrée de Fonfeca pres de S. Michel , à douze & demy de
rés Ce nom luy fut donné par Gilles Gonfalve Davila l'an 1522, à l'hon
neur de l'Evefque Ian Rodrigue de Föfeca Prefidët du Confeil des Indes.
or dedans ledict golfe eft auffi une ifle, qu'il nomma Pieronelle, err memoi
re d'une niepce dudict Evefque. Le haure Acaxutla pres de la Trinité,
à 12. degrés de haulteur, eft le principal port de la province,pour aller en
neuf Efpagne, & en Peru. A douze lieues de là eft le golfe de Guatemala;
& derechefd'icy à fept lieues au Ponant le fleuve de Xicalapa. mais vers le
Septentrion cefte province ne s'eftend pas jufqu'à lamer à quarante lieues
de chemin:il y a toutefois fur les frontieres un lieu propre pour defembar
quer, qu'on appelle le port de golfo Dulce, auqucl entrent les marchandifes,
qui vienent d'Efpagne par la mer de Honduras, & s'envoyent avec les
caruanes au dedans du pays , à Guatemala, à Sainct Sauveur, & à la
Trinité. Or à douze lieues au de ça deGuatemala, au chemin Royal
de Mexico, eft le grand lac d'Atitlan , contenant dix lieues en fa ron
deur, & quatre de longueur, fans fonds. -

Soconufco. La province & Gouvernement de Soconufo, qui eft à l'extreme Occi


dent de Guatemala, fur la cofte de la mer du Sud , ayant comme 34.
lieues de longueur & de largeur;fertile de cacao, qui eft fa plus grand'
trafique, & de tout ce qu'on y feme, horfmis le bled : il n'y a qu'une feule
villette de Caftillans, affavoir Guevetlan, fondée par don Pedro de Alva
rado; ou le Gouvernent fe tient. Sa cofte , qui eft fur la mer du Sud,
commence à fept lieues au Ponant du fleuve Ayutla; & puis incontinent
fuyvent les fleuves Coatlan, Capanercalte, Colatle, Haztatlan, Amatituc,
-

9uizatatlan.
Chiapa. La Province & l'Evefché de Chiapa, eft par dedans le pays, ayant Soconufo
au Sud, & les bornes de neuf Efpagne à l'Occident, & vers le Nort &
l'Orient Tabfo, & Verapaz ayant du Levant au Ponant en longueur
environ quarante lieues,& en largeur un peu moins. Elle eft fertile de
bled, de mayz, comme auffi d'autres femailles, & de troupeaux, fauf
que de brebis, qui n'y font gueres : il y a une ville d'Efpagnols, qu'on
, nomme Cité Royale, feptante lieues de S. Iaques de Guatemala au Norteft,
qui par efpecial privilege fe gouverne par des Baillyfs ordinaires: icy eft
l'Eglife Cathedrale, & y a un monaftere des religieux de S. Domi
nic : & beaucoup de villages d'Indiens au contour. La ville principale,
de laquelle auffi la province en porte le nom, s'appelle Chiapa : ou les
naturels de la contrée fçavent fi bien nourrir & dreffer les chevaux,
qu'ils furpaffent en bonté tous les meilleurs de la nouvelle Efpagne,
ils font muficiens, & paintres, & de bon efprit pour apprendre le ma
niement de tous artifices : anciennement ils eftoyent de la jurifdiction
de Nicaragua; mais le Capitaine Diego de Mazariegos, l'an de mille
cinq cens trente & un, affit cefte vifle, ou elle eft à prefent, en une vallée
ronde, de merveilleufe beauté, à dixhuict & demy degrés, diftant foix
ante lieues de la mer du Nort , & pareillement foixante de la mer -

-
du Sud.
'erapaz. La province de la Verapaz, c'eft à dire, de la Vraye paix, fut ainfi ap
pellée par les religieux de l'ordre de Sainct Dominicq , pource qu'ils la
pacifierent & affubjettirent par la predication: elle eft auffi au dedans du
pays, au milieu de Soconufo, Chiapa, Tucatan, Honduras, & Guatemala, de 3o.
licues au trauers, & autant auffi de Saint Iaques de Guatemala, terre fort
humide,
D E S IN D E S O C C I D E N T A L E S.
humide, eftant pource plus propre au mayz, qu'on y moiffonne deux
fois l'an, que non pas au bled il y croift du cotton , & ya quelque peu de
cacao, & de ces oyfeaux qui donnent la plume , de quoy les paintres In
diens fe fervent, & en font du grand profit. & fouloyt eftre la chofe du
pays,qu'ils eftimoyent le plus, & les Roys de Mexico la tranfportoyent
de là ; & tenoyent ils pour grand peché de tuer ces oyfeaux, mais e
ftoit permis de les defplumer feulement,& les laiffer aller: il n'y a au dict
pays qu'un cloiftre de Sainct Dominicq, avec une villette d'Indiens, ou
fe font retirés les naturels de dixfept petits villages à la requefte des reli
gieux, afin de les pouvoir endoctriner; car par cy devant ils eftoyent ef
pars & vivoyent quafi comme fauvages : maintenant ils fe portent
en bons Chreftiens , & quant aux chofes temporelles, ils font poli
tlCUlCS.
q* province n'a pas de Gouverneur, mais feulement ungrand Baillyf,
que le Prefident de la Cour y pourveoyt. Le fleuve de Zacatula la fepare
de Guatemala depuis lequel elle s'eftend jufqu'à Golfo Dulce, qui veut dire,
la merdouce , en la quelle fe defchargent tous les fleuves du pays ; lef
quels enfemble avec les grands torrens, & ruiffeaux coulans du haut des
rochers,fouloyent eftre caufe, que pour la grande humidité de la terre le
mayzypourriffoit ; mais cefte faute fut amendée, depuis qu'on l'a far
clée.Ily a beaucoup de lions,tigres,& dains, de quoy ils mangent la chair,
quoy qu'elle foit molle & faffelue.Le lac eft appelle la mer douce, à raifon,
que l'eau en eft douce, pour ce qu'il y a tant de fleuves d'eau douce qui
de toutes parts y entrent : il s'y trouve des poiffons d'incroyable gran
deur, & fpecialement le c74anati. or le 71anati, eft un veau de mer,
lequel monobftant qu'il foyt tres grand, toutefois nage fi doucement,
qu'il ne fait aucun bruit ains oyant quelque chofe de loing, s'enfuit au
fonds, mais eft furieux contre ceux qui le pourchaffent , & donne des
terribles coups;fa chair eft efpeffe,comme d'une vache.

C H A P. XIII.

De Hondura, 9Nicaragua, & Costarica.

A Province & Gouvernement de Honduras, contient en longueur de ***


l'Oricnt à l'Occident,au long de la cofte de la mer du Nort plus de
cent cinquante lieues & en largeur de la mer jufqu'aux limites de Cofa
rica, & Guatemala, en d'aucuns endroicts huictante. elle eft pleine de
montagnes, & riche de mayz, de bled, & de toute efpece de troupeaux,
& de quelques mines d'or & d'argent: il y a fix peuplades d'Efpagnols,
& un Evefché,oufut le premier Evefque frere Ian de Talavera Prieur de
-

Prado de l'Ordre de S. Ierofme en Efpagne. Valdolid,


La cité de valadolid, qui s'appelle comaygua en la langue Indienne,eft
à plus de feize degrés, feparée de s. Iaques de Guatemala foixante lieues à
l'ðorient, & environ quarante de la mer du Nort. en icelle fe tient le
- Gouverneur, & l'Eglife Cathedrale depuis l'an 1558. (car elle eftoit
premierement à Truxillo) & un monaftere de noftre Dame de grace
-
Cefte province fut appaifée par le Capitaine Alfonfe de Cazeres par
autOIlUC
E 3
st D ES C R I P T I O N
autorite de don Pcdro deAlvarado: elle eft entre deux mers,ayantde l'u
ne à l'autre cinquante trois lieues, depuis le haure de Cavalos, qui cft fur
là ner du Nort jufques à l'entrée de Fonfeca, qui'eft en celle du Sudichemin
que vifita par mandement du Roy l'ingenieur Baptifte Antonclli,pour ce
que plufieurs affcuroyent, que par ceft endroict on pourroyt plus aife
ment trafiquer de la mer du Nort fur celle du Sud: mais il y fut trouvé des
grands inconvcniens.
«Graciau à
Doz.
La cité de Grace à Dieu, trente lieues de Valladolid, quafi droict à l'Occi
dent futpeupléc l'an du Seigneur 153o.par le Capitaine Gabricl de Rojas,
en faveur des mines d'or , qui foit en ccs quarticrs. elle a fouftenu des
grands affauts & rencontres des Indiens, qui fouvent l'ont affally jufques
au dedans du forr, & finalement à caufe que les Gouverneurs de Hondu
ras & Nicaragua ne luy donnoycnt point de fecours, pour la jaloufie qui .
eftoyt entre cux, ils furent contraints de la delaiffer:mais l'an 1536. le Ca
pitaine Gonfalve d'Alvarado l'alla peupler de nouveau. La ville de Sainât
S. Fedra.
Pierre »; trente lieues de Comayagua au Nort, tirant à l'Occident ; & onze
du port de Cavalos ou refident les Officiers Royaux, pour autant que le
ort de Cavallos eft en un endroict fort maladieux: icy vicnent artiver, &
3s luss.
fc defchargent les navires ; & fut fondée par le Seigneur Pedro de Alvara
do l'an 1536. La ville de Sainât Ian du port de Cavalos, à quinze degrés,
onze lieues de Saint Pierre, & quatre de Comayagua, qui n'eft habitée que
de quelques facteurs de marchands, & des noirs,pour ce que le lieu cftva
lctudinaire; & fi eft ce un bon haure , quoy que la mer y foit baffczon l'a
appclle le haure de Cavallos, fignifiant le port des Chevaux, pour ce que par
la tempcfte & l'orage quelques chevaux y font tombés en la mer. La cité
Traxille. de Truxillo,foixante lieues de Comayagua au Nortcft,& quarante du port de
Cavalos à l'Orient,une lieue de la mer duNort,& le Chapitre y fouloitre
fider; le haures'appelle Ian Gille, il cft commode, & couvert, mais il a la
mer baffe; & c'eft là que premierement vienent furgir les nefs, qui vont à
Guatemala. Francoys * Cafas la commença à peupler en l'an 1s24.
& pour ce que ceux qu'il y planta eftoyent tous natifs de la contrée d'E
fpagne, qui s'appelle Eftremadura, il voulut appeller le nom de la villc
S. lorge. Truxillo. mais Ferdinand Cortefe acheva de la peupler & fortifier, quand
il s'en alla à las Tbueras. Laville de Saint George d'olancho , quarantc lieues
de Comayagua à l'Orients ou font environ quarante bourgeois Efpagnols,
& fcize mille Indiens tributaires cn fa contréc; qui eft, abondante en or,
principalement la riviere Guayape, diftant douze licues de ladicte villette.
Isvallée La valléed'olancho eft fort plaifante & belle, & profitable, car on en a tiré
d'Olsscho.
grande quantité d'or: d'ou eft procedé qu'à caufe d'icelle les Gouvcrneurs
de Honduras, & dc Nicaragua autrefois ont eu des grandes queftions,
chafquun d'eux pretendant à la jarifdiction de la dite vallee. de façon
ue Gilles Gonfalve Davila print à cefte occafion 12oooo. livres d'or, que
les Caftillans nomment pefos, & luy deftrouffa les gens, que luy avoit laif
fé Pedrarias Davila pour fa defence: femblablement Gabriel de Rojas en
repouffa Gonfalve de Sandoval, quoy qu'il fut envoyé de Truxillo par
- Monfieur Ferdinand Cortefe : ceft auffi le lieu ou fut par les Indiens
mis en route, & tué lan dc Grijalve Capitaine bien renommé, avec plu
fieurs autres.
Toute la cofte de cefte provincc eft fur la mer du Nort , affavoir au
Les haurss,
er poincfes
olfe de Honduras, qui eft toute la mer entre cefte province & mucatan lef
de ce Gaue quelles fe joignent envers La Verapaz, ou le dit bras de mer changeant de
**erzfranrrs.
D E s IN DES O C CIDENT A L E S. 39
nom s'appelle la mer de Guanayos. La premiere pointe fe nomme de las
Tbueras,à caufe que du commencemét furent trouvées pres de la mer plu
•fieurs citrouilles, que ceux de l'Efpagnole appellent mbueras en leur lan
gage : elle eft fituée enfeize degrés de hauteur,joint à Golfe Dulce, & c'eft le
ort de Guatemala : il y fut fondé la peuplacion de S. Gille de Buenavita,
pres du Cap de tres Puntas, au Levant de Golfo Dulce ; lefondateur en e
ftoyt Gilles Gonfalve Davila. plus outre à l'Orient fe voit le fleuve Piche ,
enfemble & le fleuve Baxo, & celuy de Vlua, autrement dict Balahama, de
vans le haure des Chevaux, qui eft à quinze degrés. En apres eft le fleuve
&la pointe de la Sal,& Triomfede la Croix,un cap de trois pointes; auquel
endroit l'an de 1524 le maiftre de Camp Chriftofle d'Olid colloqua une
peuplacion;& puis le fleuve Hulma ou Xaguas & au Nort de fa bouche, l'ifle
Vtila, & au Norteft Guayaua, Helen,Guanaja, & Saintt Françoys toutes ces ifles
font droict au Nort de la pointe de Truxillo ; & les appelle on, ifles de los
Guanajos. La mefme pointe eft auffi appellée Cabo Delgado, ou Cap de Hon
duras, du quel jufques au Cap du Camaron,(vers * s'achemine ordi
mairement de lamayca) font treize fleuves.joint à la pointe du Cap de
Camaron, eft un banc de vingt lieues, ouplus en la mer, & au milieu d'ice
luy pres de la cofte une grand'ifle, appclléé de los Baxos : & vers le Nort
pres d'iceluy banc, une autre du nom de Saint 7tilanj apres le dict banc
eft le golfe, ou l'entrée de Cartago&; Bahia Honda devant le Cap de Grace à
Dieu,à 14 degrés& un tiers & au Nort d'iceluy trois iflettes qu'on appelle
las Viciofas; & puis 2uitafeio,& Roncador, deux bancs fort dangereux. a
prgs avoir paffé le Capy a le golfe de Nicuef, auquel il fe trouva perdu l'an .
151o. puis le fleuve de rare à 13. degrés, ou fe rencontrent les limites de
Honduras, & de Nicaragua. ' "
- Les ifles de los Guanajos, queje vien de defcrire, furent defcouvertes par
le premier Admiral Chriftofle Colomb, l'an 15 o2 au dernier voyage,
qu'il fit aux Indes lorsqu'il defcouvrift Terre Ferme fur la rive de Vera
gua. en quoy fe peut veoir fon defaftres car fi auffi bien il euft efté à l'au
tre cofté, comme il eftoit à Veragua , il nous euft defcouvert la neuve
" | " -- : --
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-

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Efpagne.
La province & Gouvernement de Nicaragua, que le Gouverneur Diego Nicaragua.
Lopez de Salfedo appella le nouveau Royaume de Leon , vers le Soleil cou
chant confine avec Guatemala, & auSeptentrion avec Honduras, & au Mi
dy avec Coftarica. Elle contient d'Orient en Occident cent cinquante
lieues, & du Nort au Midy huictante eftant fertile de cotton,de mayz, &
cacao, & de troupeaux, mais point de bled, ne de brebis; & yfont cinq de
meurances d'Efpagnols. Leon de Nicaragua, cent & quatre lieues de Sainct Leom.
Iaques de Guatemala, quafi au Sudeft, & douze de la mer du Sud , joint au
rand lac de Necaragua ou refident le Gouverneur, les Officiers Royaux,
& les Evefques, defquels le premier enfut Diego de Alvares Ofoire : il y
a cinq monafteres de noftre Dame de Grace; & au contour d'icelle cent
vingt mille Indiens tributaires. -

Granada
- La citéde Granade ,à 16 lieues de Leon, la quelle enfemble avec Leon
fonda le Capitaine Françoys Ferdinand l'an 1523. or Granade eft quafi
au Sudoeft fur la riue du grand lac, diftant vingt & quatre lieues du port
de Realejo : oultre le grand lacy eft encor le lac de Lindiri , & la fa
meufe montagne ardente de cMaffyatan. Le grand lac croift & defcroift, Legrandla
ayant plufieurs ifles jufqu'à la mer dü Nort au fleuve, qu'on appelle et De de Nicar •
fguadero qui fignifie,& eft le Canald'iceluy il contient beaucoup de
-
- --
OnS,
4O • D Es cR 1PT 1 oN
fons, & Crocodiles. A deux lieues d'icy, & à fept de Granade, fe voit
le grand Volcan de Mombacho, la hauteur du quel eft terrible; avec des ar
bres de plufieurs fortes defruicts, de quoy la province en reçoyt grande
commodité. Vn certain religieux s'imagina, que ce qui entretient lefeu
par fi longues années fans fe confumer en la montagne de Maffya , de
voit eftre une maffe d'or, pratiqua tant, qu'il y avalla des chauderons avec
des chaines pour pefcher ladicte maffe mais & les chauderons & les chai
nes enfemble, avant que toucher aux flammes, fe fondirent comme
du plomb. .
Segouta. nouvelle Segouia, qu'avoyt commencé à Pedrarias; trente
:
lieues de Leon au Nort, & pareillement autant de Granade tirant auffi
quelque peu vers le Nort; au territoire d'icelle on trouve beaucoup d'or.
1en. Plus, la cité de Iaen, trente lieues de la mer du Nort fur le dernier bout
du grand lac, affavoir au commencement du Canal, nommé elDefguadero,
par lequel avec des petites naffelles, ou canoas entrent les marchandifes,
qu'on apportoit par cy devant de 2Nombre de Dios, & à ceftheure de Porto
El Realeio. belo. La ville de Realejo, une lieue du port de la Poffeffion, qu'on appelle
ordinairement del Realejo, à 11: degrés : l'un des meilleurs & moins
dägereux haures, qui foyent'en ladite cofte,ou fe font des bons vaiffeaux
car il y a du bois engrand'abondance.
Il y a en cefte province par raifon de villages d'Indiens, & en iceux
grand nombre de tributaires, & pareillement aux confins de ce gouver
nement, & de Coftarica, & de 2Nicoya, qui eft à quarante huict lieues de
. Granade , fur la cofte duSud, eftant un Bailliage ;auquel, enfemble auffi
en l'ifle de chira, eftant huict lieues en lamer, & de la jurifdiction de Ni
coya, font plufieurs Indiens tributaires à la Couronne Royalle, autrefois
fubjects au Parlement de Panama, jufques à l'an du Seigneur 1573. que
- * Nicoya fut incorporée & reduicte au refort de Cofta rica ;. de la quelle le
, , Gouverneur y met un lieutenant, & l'Evefque de Nicaragu y a fon vi
* " caire, ou chappelain. il y a un haure raifonnablementbon, & en la cofte
de cefte co- de la mer du Nort, pres du fleuve Tare», qui fepare cefte province de
* fe».
Honduras, vient celuy de Tairepa, devant le fleuve & haure de Saint Ian,
qu'on appelle Defguadero avecune grande ifle à la bouche, & puis quel
ques rivieres moindres de Coftarica. En la cofte du Sud apres Realejo, fe
prefente le port de Saint Iaques, devant la Chira, & le port de Paro vis à
vis de 2Nicoya, au golfe appellé de Salinas, devant la pointe de Saint Lazare,
& le Cap de Borica : au Levant duquel font les ifles de Sainte Marie , &
S. Marthe», Cobaya, & Sebaco , joint aux limites de Veragua , & de Co
-

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Brufelas. L'an 1529. eftoyt peuplée la ville de Bruxelles fur la cofte de Nicara
guavers leSud : mais Diego Lopez de Salçedo la fit defpeupler, pour ce
qu'ils avoyent receu Pierre des Rivieres Gouverneur de Caftilla del Oro,
quand il alla prendre le gouvernement de Nicaragua , qu'avoit occupé
ledict Salçedo, en allant de fon Gouvernement de Honduras à Nicara
gua: le Capitaine Francifco Fernandez l'avoyt petplée l'an 1524. en un
deftroit devers Vritina, ayant de l'un cofté la mer, & de l'autre la plaine,&
pour le tiers les montagnes & les mines.Or par toutes les Indes nulle part
on ne trouve les gens fi propres pour apprendre la langue Efpagnole, com
me en Nicaragua. . -

cfa rica. La province & Gouvernement de Coftarica, la plus Orientale des Indes
du Nort, au refort de Guatemala ; peut avoir en longueur d'Orient en
-

Occident
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D ES IN D E S o C C I D ENT A L E S. 4I
Occident nonante lieues, depuis les confins de Veragua jufqu'à ceux de
2Nicaragua, à qui elle fe joint vers Septentrion & Occident : il y a deux "
villes : & eft un bon pays, non fans quelque fignification d'or & d'argent.
L'une de ces ville eft celle d'Aranjuez, à cinq lieues de Chomes, qui eft un ,
endroit de la jurifdiction de Nicoya, ou les Indiens demeurent. L'au
tre eft la cité de Cartago, quarante lieues de Nicoya, & vingt de la mer,quafi
tout au milieu de la province; qui a un haure fur la cofte de la mer du Cartago.
Sud: & à la mer du Nort font quelques rivieres entre Veragua & Nicara
ua, communes à cefte province; & les golfes de Saint Ierofme , & de Ca
ribaco, fur les frontieres de Veragua.
Icyfe doibt mettre la feptiefme Carte. .. , .
-. - L i- . . j » , - 2 : - ,
- -

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ou Meridionales. :
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- . - ,, : , : t . 1 l . ..
Yant parlé jufqu'à prefent des Indes du Nort, je vien à qelles du . * ... .
4 - Midy, qu'injuftement on appelle Amerique., Ccfte partie des In- --
des contient tout ce qu'on a defcouvert vers le Sud, depuis Nombre de **
Dios, & Panama à fçavoir, Terre Ferme , les Royaumes de Pirù, Peru Chile,
appellé Chile par les Indiens, les Provinces du Deftroit, Riode la Plata, & la
Brefilex contenant cinq Parlemens, appellés par les Caftellans Audien
ces, à fçavoir cil de Panama, cildu nouveau Royaume de Granade , Saint Fran
çoys de 9uite , Lima, & Los Charcas; & onze Gouvernemens. Partie de fa
cofte touche à la mer du Nort, & partie à celle du Sud : fur laquelle pour
la plus part regne le vent de Sud, ou deSudoeft; lequels en ces quartiers
là, contre ce que nous en pourrions juger, font doux & amyables, & at
temperent la chaleur exceffive duSoleil; de façon qu'on y peut demeu
rer : quoy qu'il ny pleut jamays, ny ne grefle, finon en certains & petits
intervalles. les deux routes de montagnes, appellées par les Efpagnols
Cordilleras, courrent egalement partoutes ces Indes,& font de condition
& nature du tout inegale,jaçoyt qu'elles fetrouvent par tout en la mefme
haulteur du Pole. Car l'une d'icelles eft veftue de bofcages, & toufiours
y pleut, & toufiours eft chaleureufe : l'autre eft comme toute pelée, &
froide,tant en Efté, comme en hyver. Ces routes fe nomment,Andes , &
Sierrar il y a des montagnes incroyablement haultes, & vont mille lieues
quafi en egale diftance l'une à la veue de l'autre. En la Sierra s'engendrent,
& maintienent plufieurs fortes d'animaux ; & ou les montagnes fe divi
fent, font des vallees & demeurances tres plaifantes; comme eft celle de
Xauxa,Andaguaylas,& Tucay. Pareillement es Andes s'entretienent plu
fieurs fortes d'animaux. Ces deux montagnes fe vont feparer devers
Cuzco, laiffant entre deux une grande campagne , qui eft la province de
Colaoiou font des rivieres fans nombre, des lacs, & desgrands pafturages,
fans bois, ou bofcages pour la corruption, & diftemperance de la terre:
quoy que l'air y eft affés fain, cõme on cognoift par les gens, qui y demeu
rent en grand nombre.Apres Colaos'enfuit la province de los Charcas,fort
chaude, & neâtmoinsfertile ou font des afpres collines, mais riches&abö
F dantes
. * j D ES CR I P T I O N ,
dantes de plufieurs minieres. or fa figure & l'affiete de ces Indes fe
* veoyt en la carte precedente. i -:
- Icyfe doibt mettre la huitiefme Carte.
-
. -
· · · · 1. -
- , ... * ' , , ,
- - . - -- . -
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A P, XV, , .. 1 - , , , i
-
-- -
-

- Du refort de la (ourde Panama. - , * . .

A jurifdiction de la Cour de Panama, que premierement fut appel


L lée Caftilla deloro, & apres Terre Ferme», eft de fort petite eftendue:
car la Cour y eft principalement pour l'expedition des vaiffeaux & des
marchans, qui vont & vienent de Perù. Elle s'eftend en longueur du
Levant au Ponant environ 9o. lieues, depuis les confins de Cartagena , &
Popayan,jufques à Caftilo de Veragua ; & en largeur , qui eft de la mer du
Nort à celle du Sud, au plus * lieues , & au deffoubs de
L , foixante jufqu'à dixhuict, affavoir de Nombre de Dios, ou Portobelo à Pa
es qualités 2 •

* nama. Le pays eftplein de montagnes, & marets; l'air chaleureux, hu


de Panama, mide, infecté de vapeurs , caufant plufieurs maladies , & principale
& def iu- ment depuis le Mayjufqu'au Novembre ; la terre pareillément fterilé,
" - rifdiction.
& defpourveue de toutes chofes car on n'y trouve que du mayz en pe
tite quantité Vray eft, qu'il y a des belles prairies & pafturages de
bœufs , & bonne apparence pour paiftre des troupeaux.Au refort
de cefte Cour fe-comprend auffi le Gouvernement de Veragua ; au
quel , & en celuy de Panama, font les villes
- , ,.
& bourgades, qui s'en
- . -- -
- -

Fsmsma.
- La cité de Panama fur la cofte de la mer du Sud pres d'icelle, à
9. degrés de haulteur , &82. de longitud du Meridien de Toledo,
d'ou elle eft diftante en droicte ligne 1 56o. lieues : il y a environ 6oo.
bourgeois , qui font pour la pluspart des marchans & gens de trafi
que : enfemble le Parlement, & les Officiers du threfor Royal , qui
ordinairement fe tranfportent à Portobelo, quand l'expedition & la de
pefche des flotes le femble requerir., en outre il y refide l'Evefque fu
fragan à l'Archevefque de los Reyes ; & trois Monafteres, de Sainct Do
minicq Saint Françoys, & de Noftre Dame de grace. Le port , quoy
que de baffe mer, toutefois eft raifonnablement bon : les vaiffeaux de
meurent au fec, & pource en Efté vont furgir en la plage, mais en Hy
ver au port de Perico, à deux lieues de la ville. cefte cité fut peuplée
par Pedrarias Davila, eftant Gouverneur de Caftilla del oro , contre la
volonté des habitans de Saintte catarie du Darien la vieille, l'an 15o9. peu
apres, la dignité Cathedraley fut tranfportée. Vray eft, qu'il feroyt bien
facile de trouver quelqu'autre endroit, plus fain & plus propre pour la
trafique de la mer du Sud, fans toutefois beaucoup s'effloigner du lieu, ou
-
-

la cité à prefent eft fituée. - .


Partobelo.
La cité de 2Nombre de Dios,(que fonda premierement Diego de Nicue
fa, & en apres Diego de Albitez, felon l'ordonnance de Pedrarias,mais
celuy qui en a premierement defcouvert le haure,fut le premier Admi
ral) eft delaiflée. car les habitans font allez à Portobelo (qu'auffi a def
couvert, & nommé, le mefme que deffus) non feulement à caufe, que
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l'air
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DESCRIPCION DEL AVDIENCIA -


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D E S IN D E S O C C I D ENT A L E S. . 43
l'air y eft plus doux & fain, mais auffi pour la commodité du lieu, qui eft
fort propre à l'expedition des vaiffeaux, & finalement auffi pour la feureté
d'iceluy; car l'ingenieur Baptifte Antonelli a faict un fort de la nouvelle
cité de S. Philippe , qui y fut n'a gueres fondée;& de l'autre cofté du
haure une autre fortereffe terrible pour garder l'entrée. Les marchandi
fes s'envoyent de Portobelo à Panama par deux chemins,le premier parter
re avec la caroane, traverfant dixhuict lieues de chemin;qui eft plus ayfé,
que de prendre le chemin de Nombre de Dios : l'autre eft dy aller par la
mer,& par le fleuve de Chagre, la bouche duquel eft diftant dixhuict
lieues de Portobelo à l'Occident, par lequel on conduit les marchandi
fes jufques à la taverne de Cruzes, quand l'eau eft haute; & de là vont cinq
licues auec la caroane jufqu'à Panama.
La ville de Natà diftant de Panama trente lieues vers le Soleil cou Santiago de
Narà.
chant, fur la riue de la mer du Sud : elle fut peuplée par le Capitaine
Françoys Compagnon, de par le Gouverneur Pedrarias, pour laguerre
du Cazique Vrraca. Le mefme Pedrarias par le Capitaine Gabriel
de Rojas acheva la peuplation de Acla, fur la cofte de la mer du Nort,
à l'entrée du golfe d'Vrabà, vis à vis de l'ifle de Pinos : la quelle nous fc
roit du tout incognue, fi par la mort de ce trefilluftre Seigneur & Capi
taine Bafco Nuñez de Balboa, & de fes compagnons elle ne fut enno
blie. On trouve encor à prefenr de l'or en la baricave d'Almagro, & en
la fource du fleuve de Chiepo ; mais par cy devant on en tiroit grande
quantité. en tous ces fleuves font plufieurs & fort grands lefards , qui
-1 1 * - - -

ont fort travaillé ceux qui fe font lespremiers hazardés à defcouvrir &
à pacifier ces contrées voire auffi en ont devoré quelques uns. Il eft ad
venu à Panama, qu'un homme eftant en fa barque pres de la maifon du Hiftoire e
Roy,un Crocodil le vint happer, & l'emporta fur une roche ; & quand il frangea
Crocodil.
un
euft commencé a le defchirer en pieces, il fut tiré & tué d'un coup d'har
quebuze,de forte que le miferable avant fa mort eut le loifir de recevoir
les Sacramens de l'Eglife.
La Province de Veragua, qui eft au deffus de dix degrés, eftend fes bor- Verga
nes & limites jufques à Coftarira, vers l'Occident; ayant en longueur du
Levant au Ponant cinquante lieues, & vingt & cinq en largeur ; terre
montagneufe, & rabboteufe, pleine de buiffonnieres , fans pafturage,
nc troupeaux, ne bled, ne orge, peu de Mayz, & peu de fruicts de jardin;
mais remplie de plufieurs veines d'or, & de mines es rivieres & aux co
ftaux : les gens hardis & adonnés à la guerre. Il y a la cité de la Conception, La Concé
quarante lieues de 2Nombre de Dios, au Ponant ; qui eft la refidence du pein.
Gouverneur & des Officiers, quc ceux de Panama eftabliffent à prefent.
La ville de la Trinité eft à l'Orient de la Concepcion, 6. lieues de voye par La Trini
dad.
mer (car on n'y peut venir par terre)pres du fleuve de Belen,à trois lieues
de la mer. La cité de Sainte Foy eft diftant de la Concepcion douze lieues
Sanda Fé.
vers le Midy; & là font les maifons de la fonderie des metaux, & les lieu
tenants des Officiers. De Sainte Foy allant cinquante lieues à l'Occi
dent, fur la cofte de la mer du Sud, qu'on appelle auffi la mer Pacifique,
fe voit la cité de Cartos,joint à la mer. Tous les Indiens de ce pays font Carlos.
gens de guerre.
Il n'y a point de haure remarquable en ce Gouvernement, nefur la Haures,ri
" cofte du Nort, ne fur celle du Midy: & generalement par tout le pays du vieres, ifles,
cépointes de
refort de cefte Cour, font les rivieres, haures, & poinctes , qui s'enfui ce refort .
vent. Le golfe de Carabaco, ou de S. Ierofme en la cofte de la mer du
F 2 Nort
44 -
- D E S C R I P T I O N
|
Nort fur les frontieres de Veragua. à l'Orient d'iceluy, & du fleuve de la
Trinité,fe veoit en apres celuy de la Concepcion, & celuy de Belen; ou fut
la premiere pcuplade de toutes celles du Nouveau Monde, que condui
fit le premier Admiral en la Terre Ferme, l'an de Chrift 1 5o3. vray
eft, qu'elle n'y eft pas demeurée. Vis à vis du fleuve, eft l'ifle Efcudos
s'enfuyt apres la riviere de Chagre; puis elPortete , qui eft une lieue plus
- outrc vers l'Orient ; le dernier endroict auquel paruint l'Admiral def
couvrant ces contrées, l'an que deffus: en apres les haures de
:
- douze lieues de Nombre de Dios au Ponant ; celuy de Galinas 9. celuy de
Bonaventure , 6. & Portobelo 5. & à l'oppofire d'iceluy les ifles de las c2Ai
rts, & de Baftimentos, puis deux lieues au delà de Nombre de Dios la riviere
de Sardintlas & celle de Sardina quatre: celle de Mayz, & de Culebras, &
de Francfa, huict, au commencement du golfe d'Vraba ; ou le Bachelier
Encifo, l'an de mille cinq cens & neuffonda la cité de S. Marie du Darien la
-
-

vieille .
Ce Bachelier Encifo fut le mefme, qui fit courir le bruit, qu'en cer
tains endroits de la province de Caftilla del Oro, on pefchoit l'or à la
rets qui encouragea plufieurs perfonnes d'aller aux Indes foubs la con
duite de Pedrarias Davila, l'an de mil cinq cents quatorze. or du Darien
- fortit l'an 1513. le Capitaine Bafco Nuñez de Balboa, pour defcouvrir la
mer du Sud, ce qu'auffi il executa. La poincte de l'ifle Cativa, eft fituée
à l'oppofite des montagnes de S. Blas ; mais l'ifle de Comagre , & celle de
Pinos plus avant au golfe d'Vrabà ; & au dedans d'iceluy le haure de
Milcos, pres de la bouche de la riviere du Darien ; qui fepare les limites
de ccfte Cour d'avec ceux de Cartagena, aupres de la courbure d'Vrabà,
ou par Alfonfe Ojeda fut peuplée la ville de S. Sebaftien , l'an 15 1o. ce
bras d'Vraba eft pofé fur huict degrés, ayant quatorze lieues de longueur
par dedans la terre; à l'entrée il a fix lieues de largeur, puis cinq, & fina
lement quatre. or la cité de S. Marie de Darien la vielle eftoyt gifant cinq
lieues au dedans du golfe.
Sur la mer du Sud, eft le Cap de S.Marie; la poincte de Guerre & devers
Panama le golfe de Parita, ou Paris; aupres duquel eft la ville de Natà
puis la pointe de Chiame, au pays duCazique Chiapes, qui fut grand amy
& fauteur de Bafco Nunez de Balboa, & l'aida de beaucoup en fes def
couvremcns. Paffé le port de Panama, vient la riviere de Coquira , aurre
ment Chiepo: puis celle qu'on appelle de la Balfa, ou de Congos au dedans
du golfe de Saint Michel, Nort & Sud avec l'ifle de Perlas : & la poincte
ou port de Piias, à l'entrée du golfe vers le Midy, lequel golfe eft diftant
- cinquante lieues de Panama, & vingt lieues de travers de celuy d'Vrabat
finalement y à puerto Quemado, c'eft à direle haure bruflé, joint au Cap de
corrientes au cinquiefme degré de la hauteur du Pole.
Icyfe doibt mettre la neufiefme Carte .

C h A P.
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D Es IN D E s o C C 1 DE NT A LE s, ,
CH A p. XVI

De la Iurifdiction du Parlement de Santa Fé de Bogotà


qui eft affavoir, celuy du Nouveau
-

Royaume de Granade.

A Iurifdiction de la Cour du nouveau Royaume s'eftenden longueur


L de l'Orient à l'Occident trois cens lieues, & autant auffi du Midy à
la my-nuict comprenant les provinces du nouveau Royaume , les Gou
vernemens de S. Marthe , de Cartagena, & de Popayan en partie; & parvoi " -
finage les provinces de Dorado, autrement appellées la nouvelle Estrema
dura. La province du Nouveau Royaume, que gouverne le Prefident du :*
Parlement,s'eftend 14. lieues du Levant au Ponant, & du Septentrion au *.
Midy huictante c'eft une compagnerafe , ayant en plufieurs lieux des
vallées & montagnes, des beaux pafturages pour toute forte de beftail,
qu'on y trouve en grande abondance ; & en plufieurs quartiers du fro
ment, mayz, fruicts d'Efpagne & generalement par tout de l'or tres-fin,&
des veines de cuyvre & d'acier : les gensy font pour la plus-part habiles à
la trafique, portans des habillements de cotton. 'Les villes peuplées par
les Efpagnols au dit Nouveau Royaume, font cêlles qui s'enfuivent. La Santa Fé.
cité de Sainte Foyde Bogotà au pied des montagnes de Bogotà fut ainfi nom
mée à l'occafion du Cazique, appellé Bogotà & peuplée par le Capitaine
Gonfalve Ximenez de Quefada lequel eftant natif du Royaume de Gra
nade en Efpagne, impofà le nom à la cité, & au Royaume ; non obftant
qu'il nefut pas feul à defcouvrir ce pays,car le CapitaineBelalcazar,&Ni
colas Federmany ont auffi grandement fait leur debuoir. cefte ville eft
diftante du Meridien de Toledo feptante deux & demy degrés en longi
tud, qui montent 144o. lieues : & au quatriefme degré au deça de la ligne
Equinoctiale: il y a plus de fix cens bourgeois ; enfemble la Cour, & les
Officiers du threfor Royal, la maifon de fonderie, l'Eglife Cathedrale Me
tropolitaine,fuperieure de celles de Popayan, Cartagena, & Sainte Marthe ,
lus un monaftere de Freres prefcheurs,& un autre de Cordeliers; & au
contour d'icelle plus de cinquäte mille Indiens tributaires.il fe veoit pres
d'icy lemarets de Guatavita,dãs lequel fouloit avoir une chapelle d'idoles, Le lae de
que les Indiens par cy devant avoyent engrande reverence, à l'honneur c**
defquels on dit qu'ils y ont jetté grande fomme d'or. -

La ville de S. Ultichel, pres du territoire de Santa Fé, à douze lieues S.Miguel.


d'icelle vers le Septentrion ; fut fondée en faveur des marchans trafi
quans avec les Indiens, qu'on appelle Panches, lefquels (pour autant que
leur pays eft de complexion trefchaleureufe) fayfoyent difficulté de ve
nir à Santa Fé, qui eft plus froide, que leur naturel ne porte. La cité rem,
de Tocayma, quinze lieues à l'Occident de Saintte-Foy, tirant un peu
vers le Nort , en laquelle eft un cloiftre de l'Ordre de S Dominic, fut
peuplée l'an 1545. par le Capitaine Ferdinand Vanegas, fur la rive du
grand fleuve de Pati, qui fe defcharge en celuy qu'on dict, de la Madale
na : il ne s'y trouve point d'or ; le lieu eft trefchaud , voire de telle
façon , que mefmes en la nuict n'y tombe pas de rofée. Il n'y a
point de langage commun , duquel on ufe par toute cefte contrée,
- |
46 D E S C R I P T I O N
mais celuy des Panches, eft le plus familier & le plus cognu. or les Pan
Lepaysdes ches font en la province de los Mufs, & Colimas, autrement appellez Ca
F* napeis; qui eft au Nortoeft de Bogotà, s'eftendant vingt & cinq lieues en
longueur,& treize en largeur : province rabboteufe & campagnes ine
gales, quoy que faines, & tresriches en pafturages, en or, cn cfmerau
des : elle a deux villes. -
-

- r, r, La cité de la Trinité, vingt lieues au Nortoeft de Sainte Foy, que peupla


dad.
le Capitaine Louys Lanchero l'an 1582. quand il fit la guerre aux Indiens,
qu'on appelle Mofcas, peuple fubtil & vaillant; au pays defquels eft la
precieufe miniere des efmeraudes,& grand nombre d'Indiens,que jufques
à prefent on n'a fçeu domter; comme auffi en la province des Chiaguachi,
c'eft à dire, des limaçons, pource qu'il y en a tres tant.
*L
La Palma. La ville de la Palma, en la contrée de los Colimas eft de temperament
plus toft chaud, que froid, quinze lieues de Sainte Foy vers le Nortoeft
fut fondée par le Capitaine Gaultier d'Ovalle en la province de Tunja,
portant le nom de fon Prince, ou Cazique, quafi droit au Nort de Bogo
r, tà, & à la mefme diftance fe voit la cite de Tunja,à vingt & deux lieues de
Saincte Foy, tirant vers le Norteft, fur un haut tertre, ou elle fut pofée
pour la guerre des Indiens, à raifon que le lieu eft fort de nature. cefte
citélivre deux cens hommes à cheval, & eft la plus abondante & fournie
de victuailles, qui foit en toute la Iurifdiction : il y a un Monaftere de
S. Dominic,& un autre de S. Françoys : elle fut peuplée par le Capi
taine Gonfalve Suarez Rondon de par le Seigneur Gonfalvo Ximenez de
* Pulfada. La cité de Pamplume , foixante lieues de Sainctefoy au Norteft
avec un cloiftre de Prefcheurs; de la quelle on tire grande quantité d'or,
& grand'abondance de troupeaux : fut fondée de par le Licentié Mi
s.val.chrifle- chel Diaz de Armendariz. La ville de S. Christofle » diftant treize lieues
de Pampelune vers Septentrion ; qué fonda le Capitaine Francifco de
Caceres, pres de la province, qu'on appelle de la Grita, ceft à dire, lapro
vince du cry, pour autant que les Indiens de cefte contrée fortoyent aux
chemins cryants horriblement aux Efpagnols, & les tuoyent; on y trou
ve quelque peu d'or; mais c'eft le plus beau pays qu'on pourroit fouhai
ter pour nourrir toute forte de beftail.
Merida. La cité de 74erida, qui eft fur les frontieres du gouvernement de Ve
nezuela, & du nouveau Royaume, diftant quarante lieues de Pampelune
Belez. au Norteft, fertile d'or, & de blé. La cité de Belez , à trente lieues de
Sancte Foy vers le Norr, & à quinzt de Tunja, ayant un monaftere de
Cordeliers : fut peuplée par le Capitaine Gonfalve Ximenez Rondon.
ce lieu par cy devant fouloyt eftre fort fubjet à la foudre & en recevoir
grand dommage, mais apres que leSainct Sacrament de l'autel y a refi
| | dé, ils en ont eftégrandement foulagés. il y a une montagne ardente,
*** qui jette beaucoup de pierres. La cité de Mariquita derbagne, autrement
- appellée S. Sebaftien del oro, quarante lieues de Santie Foyau Nortoeft, que
peupla le Capitaine Pedrofo en un pré joignant la montagne l'an 1 55 1.
rague. la region eft fort chaude. La cité de Tbague trente lieues de Saincte
Foy, quafi à l'Occident. C'eft la premiere ville du nouveau Royaume,
aux confins de Popayan; que fonda l'an 1551. le Capitaine Andrieu Lo
pez de Galarça fuyvant la commiffion du Parlement, pour remedier au
degaft, & aux domages que faifoyent ces Indiens à ceux de Tocayma, &
de Cartago : enfemble pour ouvrir le chemin au Gouvernement de
Popayan : il y a un monaftere de l'Ordre de Saint Dominicq. La cité
-

de la
-

D E s 1 N D E s o C CIDENT A L E S. 47
de la Vitoriadelos Remedios, cinquante lieues de Saincte Foy au Nortoeft, ***
eft abondante de plufieurs mines. Pareillement la cité de S.Iuan de los Lla- **nde
nos, diftant cinquante lieues de Santa Fé, eft une contrée pleine d'or. **
Quant à la cité de Tudela, fondée autre fois par le Capitaine Pedro de r,l,
Vrfua , icelle a efté defpeuplée par l'ordonnance de Monfieur Michel
Diaz de Armendariz Licentié, à caufe que les Indiens c71ofas en eftoyent
intereffés. Au refte il y a encore fept villes du Gouvernement de Po
payan, qui font de la jurifdiction du Nouveau Royaume; affavoir, Saintte
Foy Camarante», Arme», Anzerme, Cartage », Saint Sebaftien -

d'Argent, & S. Vincent des eAccords, ou de las Pa(es.


Les marchandifes entrent en ce Royaume par le grand fleuve de la
c71adalena, par la barranca de Malambo, qui eft au refort de Cartagena. or le
premier qui fit defcouvrir ce fleuve, fut Garcia de Lerma Gouverneur
de S. Marthe, l'an 1531, il fe defcharge & rue fi puiffamment en la mer,
qu'au paffer d'iceluy les nefs courrent grand danger, n'eft qu'ils fe gar
dent bien foigneufement de la rencontre & combat du fleuve avec la
mer. A la bouche dudict fleuve eft une ifle. or eft il navigable plus
de 15o. lieues, & ne le peut on paffer à gué en trois cens lieues : fon
- origine eft en Popayan,venät de deuxfontaines,feparées environ quarante
lieues l'une de l'autre;defquelles eftans conjoinctes par enfemble , fe fait
le fleuve; & fut appellé * de la CMadalena, pour ce que fa bouche
fut defcouverte aujour deS. Madaleine, à douze degrés de haulteur , &
-
vingt fix lieues de Cartagena. . - - - . -

La Seigneurie de S.Marthe, joignant la cofte de la terre ferme, ayant s,


feptante lieues dc longueur, & de largeur, entre Cartagena, & Rio de la Ha- Martha
cha.: terre fertile de mayX, & d'une efpece de carotes, que les Efpagnols
nomment batatas; d'or, & de cuyvre, & aucunement d'efineraudes, &
d'autres pierres precieufes : les gens, qu'ony voit en grand nombre, font
pour la plus part adonnés à la guerre. Les Efpagnols y tienent cinq
- - -

laces.
La cité de S. Marthe , que peupla jadis en l'an 1525. le Seigneur
Baftidas, pres de la mer, au dixiefme degré de haulteur, & au feptante
" quatriefme de longueur, diftant 142o. lieues de Toledo: c'eft la refiden
ce ordinaire du Gouverneur, & des Officiers du Roy,& de l'Evefque, qui
recognoift l'Archevefque du nouveau Royaume, ayant un haure, quin'eft
pas dcs moindres. Or ce Gouvernement contient quatre provinces; Po
ziguay, Betona, Chimica , & Tayrona, fignifiant ; & à bon droict,
pource qu'en icelle province fe trouve upe infinité de plufieurs metaux,
& de pierres de grande eftime. Tenerife eft fur la rive du grand fleuve Tenerif.
de Madalena, environ quarante lieues au Sudoeft de Saincte Marthe, & par
mer, & par terre : & fut peuplée par Francifco Enriquez, fuyvant l'or
donnance de Gonfalyo Perez Gouverneur de S. Marthe,| de par le Sei
gneur & Prefident Lugo.Tamalameque, ou la Ville de la Palmas, foixante
cinq lieues de Saincte Marthe vers le Midy, & vingt de Tenerife , à :
deux lieues du grand fleuve; fut peuplée l'an 1561. par le Capitaine Bar - -

thelemy Dalva. La cité de los Reyes, affife en lavallée de Vpari, fertile de,
mayz, & d'autres fortes de vivres, de plufieurs troupeaux, & cuyvre, au
Sudeft de SoMarthe ; d'ou elle eft diftant cinquante lieues, & ttente de
rio de la Hacha: fut peuplée par le Capitaine Santana de par Michel Diaz -

fufmentionné : mais au paravant ils demeuroyent à la Ramada, appellée da.* Ram*


premierement Salamanca, quarante lieues de S. Marthe, à »

*
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48 D Es cR 1 PT 1 oN -
huict de Rio dela Hacha, joignant les torrens de la montagne 2Nevada, en
la vallée d'Vpari; ou fe trouve tant de cuyvre, comme depierres. or c'eft
par le Canalde cefte ville, lequel en eft efloignéhuict lieues vers la mer,
(& à douze lieues delà le canal de Malambo entre au grand fleuve)que les
. marchandifes de ce Gouvernementfe tranfportent au nouveau Royaume. .
Ocania. Il y a d'avantage Ocaiia, que peupla le Capitaine Françoys Ferdinand,l'an
1572. & fut du commencement nommée S. Anne ». Sur la cofte de cefte
" Seigneurie font; la riviere de Buhia, joint à la Ramada, celle de Piras ; &
puis de Palamino, qui s'appelle du nom d'un Capitaine, lequel s'y noya;
apres, celle de don Diego; les fyrtes de Buritaca ; le Cap de l'Aguja, c'eft à
dire de l'aiguille pres de S.Marthe, à l'oppofite du mont de Bonda, & à l'Oc
cident, le fleuve de Gayra. -

Cartagena.
Le domaine & province de Cartagena, qui eft en la terre ferme , fur
la cofte du Nort, s'eftend en longueur du Levant au Ponant,du fleuve de
la 7adalena, jufqu'à celuy qu'on appelle le fleuve du Darien, Nort& Sud,
huictante lieues; & autant pareillement de la merjufqu'aux bornes du
nouveau Royaumcsquoy que plufieurs difent qu'ilya d'avantage.Le pays
eft plein de montagnes, & collines, de vallées & de hauts arbres, enclin
grandement à humidité & pluyes ; les femailles d'Efpagne n'y donnent
point de femence, il nya point de froment, n'y d'or, finon en quclques
- endroicts: mais on yfait beaucoup de refines , & gommes aromatiques,
& autres liqueurs, qu'on tire des arbres, & fpecialement grande quantité
. du fang de dragon, & un certain baulme de fort bonne fenteur , & de
-

grand'vertu. -

La cité de
Cartagena,
La cité de Cartagena, pres de la mer, deux lieues de la poincte de Canoa
à l'Occident, au 1o. degré de latitud, 146o. lieues de Toledo, ayant plus
de 5oo.bourgeois, & plus de deux mille femmes entre eux. Le Gouver
neur, & les Officiers des revenus,& des biens du Roy s'y tienent ; com
me auffi l'Evefque, fufragan à celuy du Nouveau Royaume: en outre y
font des cloiftres de S. Dominic, & de S.Françoys. Elle eft pofée en une
plaine, quafi comme une ifle : car du cofté du Nort la mer l'embraffe, &
là fe trouve la cofte fort baffe & perilleufe; du cofté de la terre, il y a un
bras de mer, qui fe va rendre en un lac ord & fangeux , qui cft le lac de
Canapote, croiffant & defcroiffant avec lamarée : & de la ville à la terre
fe va par un pont, qui eft fait à la maniere de chauffée, long d'environ
deux cens cinquante pâs : elle eft fondée fur le fablon, & à la profon
deur de dcux toyfes y a de l'eau douce : il eft vray que l'air quelque fois
y eft maladieux au regard du marefcage fufdict, mais point fi fouvent, ne
fi mauvais, comme fur la cofte de Nombre de Dios. Le haure eft l'un
des plus excellens des Indes : à l'entrée d'iceluy fe prefente une ifle,
quafi comme l'ifle Efombrera pres de Cartagena en Efpagne , mais un
peu plus grande, à raifon de quoy la ville fut appellée Caatagena; & l'ifle,
Codego, mais à prefent Carex, ayant en longueur comme deux lieues, & en
largeur une demye lieue, ou peu plus il n'ya pas d'eau, & y fouloyent
demeurer des Indiens pefcheurs. Le premier qui vit Cartagena, l'an
15o2.fut Rodrigo de Baftidas; & l'an 15o4. Ian de la Cofa , avec Louys
Guerra fe mirent à terre, & commencerent à guerroyer contre les In
diéns ; qui eftoyent gensfuperbes, hautains, & hardis, combatans hom
mes & femmes avec des fleches empoifonnées . Apres y retourna Al
fonfe de Ojeda, avec Ian de laCofa, en qualité de grand Pilore,& Ameri
que Vefpuce cn qualitéde Marinier : & apres quelques années Gregoire
Ferdinand
D E s IN D E S Q C C I D ENT A L E S. 49
Ferdinand de Obiedo delibera d'y mettre fa garnifon, ce qu'il ne peut
executer. L'an 1532, y alla Monf Pierre * *
& la peupla, & pacifia une bonne partie de cefte terre ; iliais ce fut a
grand'peine & par pacience, & * à caufe que les gens du pays
eftoyent fort belliqueux voire il y eut une femme d'environ dixhuict ans,
qui de fon arc abbatit huict Efpa nols, avant qu'on la fçcut prendre.
La ville de S. Iaques de Tol, fix lieues de la mer, au Sudoeft de Car-santiago
Tolù.
de
tagena, à douze lieues d'icelle en partie par mer (car on n'y peut aller
par terre)en partie par les monts & marets terre faine & bonne, & pro
pre aux pafturages, & au labourage , & au jardinage ; fut peuplée par
Monf Pierre de Heredia. La ville de Marie, trente & deux lieues de Car- rie
VilledeMa
.
tagena,vers le Midy fut auffi peuplée par le mefme, l'an 1534. La ville de S.Cruz.
Sainte Croix de Mopox, diftant feptante liçues de Cartagena,par le chemin
de la mer, & du grand fleuve de Madaleine, defvoyant quafi la moitié du
chemin, eft affiffe entre des marefts, & pource maladieufe : fut peuplée
par l'un des Capitaines de Monf Pierre de Heredia , l'an de mille cinq S.Sebaftien.
cens trente cinq. L'an 15o9. le Bachelier Encifo(comme a efté dict)peti
pla en ce Domaine s, tarie de Darien la vieille, abandonnant la ville de
S. Sebaftiande Buenavifa, qu'avoit peuplé en la mefme annnééle Capitai
ne Alfonfe Ojeda, au * retourna le Capitaine Al
fonfe de Heredia, * frere le Prefident Pierre
de Heredia, & la peupla derecheffur une petite colline , environ de
mye lieue de la mer. Et de S.Sebaftienl'an i557 fortit le Licentiélan de
Vadillo,accompagné de plufieurs genfdarmes, qui avec grand travail,&
par montagnes & par bofcages en fin parvindrent à la cité d' intioche au
Gouvernement de Popayan & tel y euft des gens d'armes , qui de là fit le
yageufues à lacité de plus enlaprovince de les hareas revenant
à douze cens lieues.w ** . * : **** : ** : *
la *de*iniquieft une maifon de payané delajurifiiaion La Barran
CA .

de Cartagena à 3o lieues d'icelle,joignant le grand ffeuve,zolieues de S.


Marthe, & fix de la mer, ou l'on defcharge les marchandifes, qui vont au
NouveauRoyaume & de la vont contremont le fleuve en des petités naf
felles qu'on nomme canoas.Au deffoubs de Mopox la riviere de camta fe def
charge augrand fleuve,& prend auffifon origine en d'avāta
p :
ge Morro hermof, c'eft a dire, lebeaurocher plus avant à l'Occident & devers
Cartagena; puis la poincte de Zamba & la poincte du chat ; avec les fpt bu
hios ou poinctes quarrées&la poincte de la Canoa à 2 lieues de Cartagenas
apres la poincte de losmcacos à l'entrée du port,vis à vis de l'ifle de Carex, & -

la pointe de la Naoou de la nefen terre ferme à l'autre entrée du port, qui eft - -- ... *

auffi plus eftroite; & quafi au Nort, eft une iflette qu'on nomme sardina&
joignant la cofte de Tolû, les ifles de Barà fix en nombre & à l'entrée du
golfe d'Vraba, les fixifles de S. Bernard à l'oppofite du fleuvezenù& plus a
vât au golfe l'fle Forte, & laTortue.Le port de Zen à eft diftant deCartagena
25 lieues ceftungrand fein de mer,ayant une entree affez commode vers
l'Orientony fait beaucoup de fel : or il porte le nom du peuple de Zenù,
qui demouroit fur la rive du fleuve. * " *"
* Plufieurs Capitaines à diverfes fois fe font hazardés par mer, & par ElDorado,
terre d'entrer es provinces de Dorado, qui fe nomment auffi Eftremadura,
& par voifinage appartienent à la jurifdiction du Parlement du Nou
veau Royaume; mais jufques à prefent n'y ont pas encore trouvéles gran
des richeffes, qu'on avoyt penfé. .. Ces au delà du fleuve
-- -- - , -
-

* : - - S, Ian
5o . ' D Es CR IPT ION
S. Ian des Amazones, autrement dict orelana, que quelques uns par abus
tienent pour le fleuve de Maragnon & au deçà fe veoitle Heuve oronico, &
d'autres grandes rivieres; & le golfe, ou l'eftroit de Paria, qui eft le paffage
entre l'ifle de la Trinité & laterre ferme avec les bouches de la Sierpe,
& del Drago, comme ils furent nommés par le premier Admiral, lors qu'il
s'y trouva en grand danger à caufe du combat & de la terrible rencontre
des eaux douces avecles falées, ce que au paravant luy eftoit incognu. &
c'eft icyque la marée commence à eftre fort haute jufques au deftroit de
Magallanes, continuant par apres de mefme forte tout le long de la cofte
- de Peru, & de neuf Efpagne.

P E R v. -
-

L* provinces de Perù(car le nom de Perù aujourdhuyfe prend plus au


large, que du commencemcnt) contienent tout l'empire des Ingas,
voire & plus lequelgrand il fut conquis fe divifa en deuxGouvernemens
affavoir en celuy de Monf Françoys Pizarre, qu'on appella la nouvelle ca
flile, depuis 9uitojufques à Cuzco, qui eft foixante lieues au deffoubs de
Chincha & en celuy de Monfeigneur Diego de Almagro, qu'on appella
la neuve Toledo, depuis Chincha : cents lieuesvers le deftroit.Ces Gou
vernemens furent feparés & diftingués jufques à ce que la Cour de los
Reyes fe fonda, & que les Royaumes de Perù furent pourveus d'un Vice
roy foubs la jurifdiction duquel fe comprennent, la Cour de S. Françoys
de 9uito, celle de Lima,ou de los Reyes & celle de los Charcas, le Gouverne
ment de Chile , lespays & terres du deftroit, les fles de Salomon àl'Occident,
-- & par droict de voifinage les provinces du fleuve de la Plata, & ce que pro
- pre & fpecialement eft comprins foubs la Seigneurie du Viceroy. L'e
ftendue du Septentrion au Midy monte plus de mille lieues , & com
rend du Levant au Ponant tout ce qu'on a defcouvert depuis la Mer
, , du Sud jufqu'à celle du Nort. Par toutes les provinces de Perà paffent
grandesm- les deux routes des montagnes fufdictes la premiere, qui cft appellé les
: : Andes, allant depuis Popayan, voire felon que d'aucuns difent , depuis
Midy Terre Ferme , & jufques au deftroit: l'autre qui eft moin
*:
dre, depuis la ville de Quito jufques à Chile» le long de la cofte,diftant
douze lieues,peu plus, ou moins de la mer.
Les deux Par ces deux montagnes paffoyent les deux chemins. L'un eftoyt
grande appellé, le chemin des Ingas paffant par les Andes de Pafto à Chile , qui
*** font neuf cens lieues, eftant le chemin pavé de vingt & cinq pieds au
-

large, & dequatre en quatre lieues des baftimens fomptueux & magnifi
ques, qu'ils appellent Tambos; or c'eftoyent des tavernes , ou n'y avoit
pas feulement provifion de manger & boire, mais auffi d'habillemens,
& à chafque demye lieue de hommes en pofte , pour addreffer les
lettres, & commiffions de main en main. La deuxiefme voye alloit
par la plaine, fuyvant la cofte, large de vingt & cinq pieds entre deux
murailles de la hauteur d'un eftage , de Piura jufques à Chile »; ou
Perà ne ci- les deux chemins s'accouplent en un. Or il faut noter, que par le
: Perù on n'entend pas toutes les Indes Meridionales , mais feulement,
ne de comme eft dict,depuis S. Françoys de 2uito , qui eft foubs la ligne E
*ib. quinoctiale , jufqu'à Chile», qui eft hors du Tropique , revenant à
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' IRTE TDe la Audiencia de 1Panamà
O .
AFelantiquia

la linea (*quinoccial

Los Quixos
'4t
* C) Auila
O
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Archilona
Riobamba -

O
Los Pacamoros
-
O
sage le las montanas

Loyola *

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D E S I N D E S O C CIDENT A L E S. 5I
fix cens lieues en longueurs & à cinquante en largeur, jaçoyt que devers
les Chachapoyas ilyait plus. Le tout fe divife en trois parties : affavoir, la
plaine, qui eft fur la cofte de la mer, n'ayant que dix lieues au large, & en
quelques endroits encore moins ; puis les montagnes & vallees, qui en
peuvent avoir vingt; & finalement les Andes, qui font montagnes & fo
refts,auffi d'environ vingt lieues : & eft remarquable, qu'en fipetit in
tervalle de 5o. lieues, diftant egalement & de la ligne,& du Pole cepen
dant ya fi grande inegalite & difference , qu'il pleut quafi continuelle
ment enl'une de ces parties; & en l'autre, fçavoir en la plaine , quafi ia
mays; & en la troifiefme, affavoir en celle du milieu, ou font les monta
gnes, parfoys il pleut,& par fois ne pleut point ; car elle a fon efté & fon
hyver, comme l'Efpagne. or la caufe pourquoy il ne pleut point fur la
cofte, & pourquoyil pleut fi continuellement es Andes,vous a efté dicte
au commencement de cefte hiftoire.

Icyfe doibt mettre la dixiefme carie .


-,

C H A P. XV II.

Du refort de la Cour de S. Françoys de Quito.

A jurifdiction de la Cour de 9uito, qui vers le Septentrion confine


L avec celle de Panama, au port de Bonaventure; & vers le Nort eft, avec
le 2Nouveau Royaume; & au Sudavec celle de Lima peut avoir de longueur
fur la cofte du Sud, ou elle s'eftend le plus, environ deux cens lieues , de
puis le port de Bonaventure, qui eft au golfe de Panama, ou de SoMichel,juf
qu'au haure de Payta , fur la cofte de Peru: & de làjufques au dernier de
Popayan au travers derechefplus de deux cens & cinquanteayant fes limi
tes ouverts devers l'Orient. Elle contient trois Gouvernemens, fans
ceux de la Cour, qui font Popayan, los 9uixos, & la Canela, & celuy de Ian
de Salinas, de los Pacamoros, & Guafongo eftans divifés en deux Evefchés.
La province & gouvernement de 9uito, qui eft célle que la Courgou- El 3eito
verne, s'eftend en longueur environ huictante lieues, commençant joint
a la ligne Equino&iale vers l'autre cofté : & comprend les villes & peu
plades de Caftillans, qui vousferont defcrites. Quant à l'air, & à la ter
re, quoy que deffoubs la ligne , fi eft ce qu'ils nc font toutefois grande
ment differens de Caftille, ily fait clair, & ferain,plus enclin à froidure,
qu'à chaleur & y a tel endroict, ou la neige dure toute l'année. Il y pleut
dés l'Octobre jufques en Mars, qu'on yappelle l'hyveres autres moys on
faict la moiffon,&feiche on l'herbe la quelle pourpetite qu'elle foyt,don
ne fort bonne nourritute au beftail: le beftial, y eft engrande quantité tel
qu'en Efpagne, puis le bled, & l'orge, & en quelques endroicts auffi l'or. Il
y faict fort playfant vivre. car que pourroit onfouhaiter mieux, que de
jouyr d'un air non moins doux & agreable, que falutaire ? en hyver ils ne
font pas tourmentés par la grande * ny en efté par la chaleur de
mefurée. or les villes des Efpagnols font celles cy -

-- La cité de S. Françoysde 9uito, lieu de la naiffance de Athaualpa Empe


reur de Perû, diftant 6o. lieues de la mer, eft pofée fur un demy degré de
la haulteur du Pole Antarctique; & feparée du Meridien de Toledo hui
G 2 &tantc
52
-

D ES C R I P T I ON -

&tante & deuxdegrés, qui font fur un grand cercle la diftance de 1686. .
lieues : il y a comme cinq cens bourgeois ; & y refide la Cour , pour
adminiftrer la juftice : car le Gouvernement eft à la charge du Vice
roy. Parcillement s'y tienent les Officiers de l'impofition, & de la
gabelle du Roy, & l'Eglife Cathedrale de ceft Evefché , qui eft fufra
gan à l'Archcvefque de los Reyes : trois monafteres , de Sainct Domi
nicq, de Sainct Françoys, & de noftre Dame de Grace : & en fon
tcrritoire huictante fept bourgades d'Indiens. jadis eftoyent en la .
place, ou la cité eft fondée, des grands logis , edifiés par le Roy To
paynga , & par apres ennoblis & enrichis par fon fils Guaynacapa,
portans le nom de Quito, que la ville a retenu. Elle fut peuplée par
le Capitaine Sebaftien de Belalcazar jadis foldat du Seigneur Fran
çoys Pizarre homme leal & fidele au Roy , fuyvant l'ordonnance
du Prefident Diego de Almagro : qui le conftitua Gouverneur de
ceftc Province , lors qu'il y alla apres avoir achevé le combat
& liquidé la queftion, qu'il avoit contre le Sieur Pcdro de Alva
rado. -

Riobamba eft en la province des Puruaes; qui eft fort femblable à


Caftille , au regard de l'air, des herbes, & fleurs, & autres chofes. c'eft
. une bourgade de pafteurs ; d'environ vingt & cinq lieues de S. Françoys
de 9uito au Sudoeft, au chemin de los Reyes ; ayant environ 4cooo. pieces
de troupeaux, la plus part de brebis. Les Ingas y fouloyent avoir un
logis Royal: ce fut auffi là, que le Capitaine Belalcazar vainquit les In
diens en une bataille trefdure & obftinée : & que don Diego de Alma
gro, & don Pedro de Alvarado debatterent leur querelle : ce fut auffi là .
quepremierement fe fonda la citéde Quito. -

Cuenca. - La cité de Cuenca, que fit fonder le Marquis de Cañete,eftant Viceroy


de Perû, s'appelle auffi°Bamba, diftant 51. lieues de 9uito vers le Sud ; &
fe gouverne par un Corregidor, c'eft à dire par un Cenfeur, ou Iuge, que le
Viceroy y pourveoit : il y a un cloiftre de freres Prefcheurs , & un de
Cordeliers; & des tresabondantes veines d'or en fon territoire,& aucu
nes d'argent, & devifargent, & de cuyvre, & de fer , & de la pierre de
foulfre. La cité de Loxa, autrement dicte la Zarza, 8o.lieues de la cité de
2uito, vers le Midy & 3o. de Cuenca,fe gouverne auffi par un Corregidor, de
par le Viccroy; ayant des cloiftrcs de S. Dominic, & de S. Françoys: elle
eft au chemin allant de Cufco à Quito, en la belle vallée de Cuxibamba,
- entre deux rivieres, L'an 1546 le Capitaine Antoine deMercadillo la fon
da pour appriuoifer les naturels, qui s'eftoyent cõme revoltés. La cité de
Zamora. Zamora, autrement, delos Alcaydes, 9o. lieues de Quito tirant au Sudeft, au
delà des Andes, s'admintftre par un Corregidorau nom du Vicetoy; ayant
un monaftere de Freres mineurs: elle ne produyt point de blé, pour les
grandes pluyes pais il y a bien des minieres d'or fort fignalées,ou fe trou
vent des grains 5u pieces d'or pefant quatre livres, & plus : le Capitaine
Mercadillo la peuplà l'an 1549. par accord, & confentiment du Capitai
ne Benavente. or elle eft diftant 2o. lieues de Loxa, outre le mont, qui fait
la feparation entre les torrens de la mer du Sud,& ceux de la mer du Nort.
Les Indiens la nommoyent Zamora & la contrée s'appelloit Peroauca,figni
fiant Indiens de guerre. on en tire grande quantiré d'or,fi qu'on en a livré
à fa Majefté des grains de douze livres ; en oultre il y a auffi des falines
- d'eau falée. -

Iaen.
La cité de Iaen, 55, lieues de Loxa, & 3o. de los Chachapoyas , fut fondée
-

l'an
D ES I N D E S O C C I D E N T A L E S. J3

l'an 1549. par le Capitaine Diego Palomino,es provinces de Chuquimayo,


fpecialement en celle de Chacaynga. La cité de S. Michel de Piura en la s Migulde
province de chila, 12o. lieues de 9uito vers le Sudeft, & 25. du port de **
le : Payta, ou la jurifdiction de cefte Cour fe termine ; s'adminiftre par un
corregidor que le Viceroyy pourveoit : & ya un monaftere de noftre Da
me de Grace : & quoy qu'il femble quafi un miracle quand la pluye y
tombe, fi eft il cependant, que la terre s'arroufe de façon qu'elle produit
du bled, du mayz,& de toutes fortes de femenccs, & fruicts d'Efpagne.En
la jurifdiction de cefte ville eft le port de Payta à 5. degrés du Pole Antar
&tique: le port eftbeau,grand & commode, ou les vaiffeaux qui de Gua
temala vont à Perù, vienent furgir La dicte citéfut fondée par le Mar
quis Françoys Pizarre en l'an 1531. la premiere qu'on fonda en ces re
gions, & ou le premier temple fut edifié à l'honneur de Dieu , & de
Saincte Mere Eglife Romaine. Toute la province & contrée des•val
lées de Tumbez, eft feche ; & le chemin Royal des Ingas paffe par ces
vallées de Piura, entre des bofcages, & vergers tresplayfans, & en la val
lée principale font deux ou trois rivieres , qui fe joignent en un. La
cité fut premierement fondée en Tangazala , qu'ils ont abandonné
pour ce que le lieu eftoyt maladieux & valetudinaire ; maintenant
elle eft au milieu de deux vallées , non obftant que l'air pour les
grands vents , & la poudre en efté , & pour la grand' humidité eh
hyver foit enclin à plufieurs fortes de maladies , & principalemcnt
des yeux.
La cité de S. Iaques de Guayaquil, ou la Culata, 6o. lieues de 9uito, au Guayaqui
Sudoeft, & 15. de la mer, s'adminiftrc par un Iuge , que le Viceroy y
conftitue le Capitaine Belalcazar la fonda premierement, & apres que les
| Indiens fe furent revoltés, & curent mis à mort grand nombre d'E
fpagnols, y retourna Françoys d'Orellana pour la peupler autrefois,
l'an 1537. C'eft un pays de plaifance, fertil, & abondant; ou l'on trou
- ve grand'quantité de miel au creux des arbres : on tient que l'eau de
la riviere, qui paffe tout aupres, quafi au deffoubs de la ligne, foit fort fa
lutaire contre la Verole,& femblables paffions, pour la multitude de la
racine de farfaparille audict fleuve; de manierc, que plufieurs perfonnes
yvont pour recouvrer leur fanté. Vray eft qu'il n'eft pas des plus grands;
- -- - Lesrivi
e5rtUgeres,

comme generalement tous ceux, qui vont à la mer du Sudfont moindres ***
que non pas ceux qui fe rendent en celle du Nort,car ils font plus pres de la merdu
la mer,& pource ont la courfe plus roide,veu qu'ils tombent du haut des
montagnes. Les Indiens fe fervent de plufieurs inventions pour les paffer; :
en aucuns endroictsils ont des gros cables, avec un panier, auquelle paf Comment
fager fe met, & le tirent outre autre part fe trouve l'Indien à cheval, :
qui allant furun radeau de paille fait monter le paffager en croupe pour le per,
tranfporter à l'autre rive. des autres ont une grande rets de courges, ou de
coloquintes, fur laquelle fe met la perfonne & les marchädifes, & cux at
tachés avec des cordes vont nageants & tirants, cõme des chevaux d'une
caroffe & mille autres pratiques pour paffer les torrens.Le port de laville
eft pres d'ielle,car la bouche du fleuve eft large de façon que les marchan
difes y entrent,& puis fe tranfportent à 9uito par terre.L'an 1568fe pcupla
laville deCaftro par le Capitaine Gontero, en la vallée de Vili, du temps que Cftre
Lope Garcia de Caftro Gouverneur des Royaumes de Perû'(or Vil eft
* aux quartiers de Bunigando, Imdinono,c Gualapa, qu'on appelle la province
des Efmeraudes)&fortit ledictGötier de Guayaquil pour la defcouverte de
3 CeS
-|
54 D ES CR I PT IO N -

ces pays, comme auffi il les defcouvrit depuis Paffaojufqu'au fleuve de S.


Man, qui fe defcharge en la mer du Sud. -

p, r,. La citéde Puerto Viejo, diftant environ huictante lieues de S. Françoys


to,
de Quito à l'Occident, non toutefois en ligne droicte; & cinquante de S.
Iaques de Guayaquil, qui eft au paffage de Quito à Puertoviejo.Au territoi
re d'icelle eft le premier port de la terre de Perù , qu'on nomme Paffo,
auquel, & à la riviere de S. Iaques commencea la jurifdiction & le Gou
vernement du Marquis Françoys Pizarre. Plufieurs fe font à croire,que
ces pays, qui font au premier degré de la hauteur, pour eftre fi pres de la
ligne, foyent maladieux; mais je vous affeure , qu'en plufieurs endroits
pres de la ligne Equinoctiale, l'air eft tres-fain, & la terre abondante de
tout ce quc laneceffité requiert, contre ce que les anciens en ont laiflé
par efcrit. mais les gens n'y envieilliffent pas,& leur naiffent fur le front,
&fue le nés,& autrepart des verrues rouges, qui eft un mauvais accident,
& fort laid à veoir.Au mefme territoire eftauffi la ville de Manta, d'ou l'on
a tiré des grandes richeffes de la terre; & croit on pour chofe fcure, qu'ily
Comment a icy la miniere des Efmeraudes, les meilleures de toute l'Inde, qui s'en
: gendrent en des pierres comme Chriftal , faifant du commencement
des.
comme une marbre, qui peu a peu fe caille, & de moitié blanc & moitié
vert meuriffant vient à perfection. Ce fut le Capitaine Françoys Pache
co, qui par le * de don Diego de Almagro peupla cefte ci
-
té, l'an de Chrift 1535. il y a plufieurs gens de guerre, & un cloiftre de
noftre Dame de grace ; enfemble quelques demonftrations & indices
d'or, mais le blé n'y croift pas, à raifon qu'ily pleut depuis l'Octobre con
tinuellement. -

Les haures Sur la cofte de ce Domaine font les haures, ifles,& poinctes fuyvan
: tes. La rade de Sardina, devant le Golfe de Saint laques qui eft d'environ
*. quinze lieues de la poincte de Manglares au Sud, puis celle des Matthieus a
pres, le Cap de S. Francfo, & puis los 9uiximies , qui font quatre fleuves
devant le Portete; ou les noirs qui furent fauvés d'un naufrage fe font con
joincts avec les Indiens,ybaftiffant une bourgade. S'enfuyt le Paffao, qui
eft une poincte, ou port des Indiens, par ou l'on dit que paffe la ligne, ne
diftant guerre des monts de 9ueaque, & le golfe de Carà , qui eft devant
Puerto viejo au premier degré au delà de l'Equinoctial: & à cinq lieues de
là le de S. Laurens, aupres du quel eft l'ifle de Plata, & plus outre les
c*
haures de Calo, & Calango; puis la poincte de S. Helaine » au fecond degré,
comme la riviere de Tumbe& au quatriefme : aupres duquel fe voyt l'ifle
de la Punà, & celle de S.Claire plus avant en la mer. Et à quinze lieues
de Tumhez vers le Sud,fe veoyr cabo Blanco & tout tenant la poincte de Pa
rina; & au Sud, l'ifle de Lobos, à quatre lieues du fufdict port de Payta ; puis
la Sila devant la poincte de l'Aguja, ou de l'aiguile, & le port de Tan
-

- . " . ' .
gora.
Legan d - Les gens du pays difent, qu'ancienement y vindrent par la mer fur des
*:* pieces de bois attachées l'une à l'autre des grands perfonnages, qui depuis
**"* legenouil au piedfurpaffoyét la grandeur ordinaire d'un homme, & qu'i
ceux firent des puys tres profonds en des rochers, qu'on y veoit encor'au
jourdhuy avec de l'eau douce & frcfche, aupres de la poincte de S. He
laine, qui eft chofe admirable : & pour ce qu'ils s'abandonnerent à des
enormes & horribles pechés, le feu defcendit du cicl, & les confuma tous :
& encor à prefent fe trouvent des trefgrands os d'hommes en ceft en
droict, & des pieces de machoires de quatorze onces.comme auffi pareil
-
lement
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 55
lement en la neufve Efpagne, au territoire de Tlafcala. D'avantage au
pres de la mefme poincte de S. Helaine , font des veines & fources de
gouldron, qui eftfi parfaict, qu'on en pourroit calefufter,& eft fort chaud
quandil fort de fes minieres.

C H A p. XVIII.

De Popayan, los Quixos, & la Canela, Pacamoros, &


Gualfongos qui eft le demourant durefrt de
la Cour de Quito. -

L* Gouvernement de Popayan, qui s'eftend du Midy au Septentrion Popayan.


- l'efpace de 12o. lieues, affavoir depuis les bornes de la province
de 2uito, deffoubs la ligne Eqninoctiale,jufqu'à ceux de Cartagena vers le
Nort; & 1oo.lieues des confins du nouveau Royaume devers l'Orient,jufqu'à
la mer du Sud: & comprend quelques villes & places d'Efpagnols, qui en
partie font du refort de la Cour de Quito, & en partie de celle du Nou
veau Royaume terre qui generalement eft fort afpre & pierreufe, & fub
jette aux pluyes caufe, qu'il s'y trouve peu de mayz,& moins de froments
point beaucoup de beftail, mais elle eft riche pour les mines d'or qu'ony
veoit. or ce font icy fes villes.
-- La cité de Popayan, gift à deux & demy degrés atl dega de la ligne; & Lacitéde
à 78 de longitud de Toledo, qui font 158o. lieues. C'eft la refidence du Prya
Lieutenant du Gouverneur : il y a auffi l'Eglife Cathedrale,&un mona
ftere de la Grace. La cité fut peuplée par le grand Capitaine Sebaftien
de Balalcazar, l'an 1537.Les gens de ces provinces font grandement dif
ferens de ceux de Peru, car ceux de Perù font plus * & mieux ap
prins, vivoyent auffi plus politiquement, mais ceux de cefte province e
floyent efpars & divifés en des petites troupes , comme caruanes. Le
pays fut nomme Popayan du nom du Prince, ou Cazique, qui en eftoyt
Seigneur: il eft borné à l'Occident par la cofte de la mer; puis des tres
hautes montagnes qui vont au Levant, & de l'autre part par la route des
Andes; & des deux coftés d'icelles fourdent plufieurs fleuves.& entre au
tres celuy de la Madalena, lequel fe defcharge en la mer du Nort.ilfe trou
ve audict pays des contrées fraifches & falutaires, & des autres chaudes
& maladieufes.
Cali.
- La cité de Cali eft au quatriefme degré, vingt & deux lieues de Popayan,
& vingthuict de la mer du Sud fut peuplée l'an 1537. par le Capitaine
Michel Mugnoz: mais du commencement elle avoit efte pofée par Se
baftien Belalcazar en la province de los Gorromes. Sa fituation eft en une
vallée plaine, mais chaleureufe, aupres d'une montagne : il y refide le
Gouverneur, & les Officiers des finances du Roy ; & y a une maifon de
fonderie,un cloiftre de la Grace,& un de S. Auguftin. Au territoire &
en la jurifdiction d'icelle, eft le port de Bonaventure, à trois & demy de
grés de haulteur: & làdemeurent quelques gens pour recevoir, & expe
dier les marchandifes. Les Indiens de Cali font gens de bonnes humeurs,
& bons Chreftiens; le Seigneur du temps paffé s'appelloit Lufipete. La
ville de Santa Féde Antioquia fur la rivicre de Cauca, plus de cent lieues de Auiui.
Popayan
r r -

Popayan au Norteft, du refort de la Cour du Nouveau Royaume, mais de


l'Evefché de Popayaniayant plufieurs minieres d'or,pres de la colline de
Baritacs, qui eft renommée à caufe de tät d'or qu'on trouva en fa contrées
- cefteville, di-je, eft affiffe en la plaine. Les naturels du pays fontgens de
bien, beaux de corps & blancs de couleur; le temperament y eft tel, que
de nuict ils vont coucher à l'air,fans que le ferain leur nuyfe : on y nourrit
des troupeaux afflés,& produict la terre des fruicts,& les eaux des poiffons
en bonne quantité. La dite ville fut peuplee par le Capitaine Gafpar de
Caraman
Rodas par commiffion du grand Capitaine Belalcazar,l'an 1541.
La ville de caramanta,foixante, ou feptante lieues de Popayan au Norteft,
pres du grand fleuve de Cauca, qui eft auffi de la jurifdiction du Parlement
du Nouveau Royaume, mais du Gouvernement,& de l'Evefché de Popa
yan; tresfertile de mayz,& d'autres femail es, excepté le froment ; ayant
auffi peu de troupeaux,horfmis les pourceaux & quoy que cefte ville foit
diftant 5o.lieues d'Antioche, fi eft il qu'on y peut arriuer en cinq ou fix
Armas.
La ville de S.Iaques de Arma, aupres de laquelle font plufieurs mines d'ot,
5o.lieues de Popayan au Norteft, eft du refort de la Cour du nouveau Roy
aume;mais du Gouvernemét & Diocefe de Popayant on n'ytrouve point
de bled, ny d'autres chofes, qu'on feme en Efpagnes mais bien abondam
ment des fruicts du pays. elle lieues de Ancerma par lé
:
grand Capitaine Belalcazar,lequely fit trencher la tefte au Marcfchal
L'inhuma
mité des In
GeorgeRobledo.Lesgens de ces quartiers font fi cruels, qu'ordinairemét
diens d'Ar les morts n'ont point d'autre fepulture, que les boyaux des vivāson aveu
379A, le mary mäger fa femme, le frere fa fœur, & le pere fon fils ayant engraiffé
quelque prifonnier le jour qu'ils le vont manger, le tirent hors de la pri
fon demenäs grande joye & chantans alegrementien fin le don
ne la charge à l'un d'eux de luy couper tous les membres, qu'ils mangent
tous cruds & à peu pres vivans.Depuis qu'on a peupléArma,ils ont devo
ré plus de huict mille Indiens,& quelques Efpagnols, qui n'ont fçeu evi
ter ce miferable martyre. - ' *
- La ville de S.Anne d'Ancerma,5c. lieues de Popayan au Norteft, joignant
-

Ancerna.
la riviere de Cauca, eftant du Gouvernement & Diocefe de Popayan, mais
foubs l'Audience du Nouveau Royaumeseft forr fubjette à l'efclat de la
tonneresfans bled,ne troupeaux quelconques fut fondée par le Capitaine
George Robledo à la charge dc Laurens de Aldana. Ceux cy font auffi
mangeurs de chair d'hommes,& vont tout nuds, n'ayant point d'idoles,
ne point de devotion en rien qui foit : l'airy eft chaleureux, & fubject aux
foudres, la terre produit de l'or en quelques lieux. -

Cartago. La ciré de Cartagovingt & cinq lieues de Popayan,quafi au Norteft, quoy


que du Gouvernement & de l' Evefché de Popayan, fi eft elle fubjette au
Parlement du nouveau Royaume.il n'ya point de bled, ny des femailles
de Caftille. C'cft un pays temperé fain & falutarie,fubject à pluyes; pro
duyfant auffi quelque peu d'or. quant au beftail, il n'ya que des vaches
& iumens, fi ce n'eft es montagnes, ou fe tienent plufieurs lions, tygres,
ours, dains, & fangliers il y a un monaftere de Cordeliers ; & fe peupla
par le Capitaine George Robledo, qui la fit appcller Cartago, pource que
Tinama. tous ceux qu'il y mena eftoyent natifs de Cartagena. La ville de Timanà,
à quarante lieues de Popayan au Sudeft,à foixante de Sainâte Foyde Bogotà,&
à trente des provinces de Dorado. il s'y tient le Lieutenant du Gouver
neur, qui à auffi la charge de San.Sebaftian de la Plata.Les Indiens de
-
-

:
COIltICC
- D E S I N D E S O C C I D E NT A L E S. 57
contrée fe deminuent journellemét, à caufe de leur inhumanité & cruau
té;car ils ont en plufieurs quartiers des boucherics publiques d'hommes
captifs.L'affiete de la ville eft au cömencement de la vallée de Neyua,lieu de L'inhuma
trefchaude côplexion, pres des Indiens Paezes, & Pixaos, quifont aufli Ca arédeces
ribes.j'avoys oublié à dire, qu'il y a unq colline non loingde la ville, d'ou indiens
l'on tire la pierre aimant.La cité de Guadalajarade Buga, 15 licues de Popayan
au Norteft, eftant foubs la Cour de Quito, & quät au fpirituel foubs l'Eve- Buga
fché de Popayä. La cité de S.Sebaftiend'Argent(enEfpagnol,detaPlutayfur les ssette" -- »
bornes de ce Gouvernemët, 35. li. de Popayan,&3o. de Santa Féau Sudoeft,
eftät de la Diocefe de Popayan. il y a beaucoup de mines d'argent, & en fa
contrée 24.regimcns ou villages; & eft diftant 3 lieues du haure de Onda,au
grand fleuve de Madaleine, auquel fe defchargent ceux qui vienét de Carta
gena.fa fituatiö eft aupres du fleuveGuali, en une plaine, qui eft fort fujette -
au tremblement de terre,& en hyver plus toft chaude que froide. La race
des lndiés de ce pays s'amoindrit terriblemét, pour ce que les Caribes, qu'õ
à dire du Coin les devorët,&en tienét des boucheries
:
publiques,fans qu'on y puiffe remedier. la ville fut peuplée par le Capit.
Belalcazar. La cité d'Almaguer, 2o lieues de Popayan au Sudeft, fertile de Ang*
froment, de mayz, & d'autres femailles, & de troupeaux, voire auffi d'or. Le
Capitaine Alfonfo de Fuenmayor la peupla, par l'autorité de Brizegno,
Gouverneur & luge de Popayäzelle eftaffiffe fur une colline, qui eft en la plai
nel'airy eft fraiz, & les gés vont veftus d'accouftremës de cotton.S.Ian de Tru- Truxilo. .
xilo,autrement dict, mfince,3o. li. de Popayan au Sudeft. La cité de Madrigal, ***
autrement Chapanchica,35 de Popayan tirant vers le Sud, terre tres afpre, qui ne
donne du fromët, ny ne nourrift des troupeaux,quoy que en fajurifdiction on
cueille le mayzdeux fois l'antàgrãd'peine pouroit on pacifier ces Indiës pour
l'afpreté du lieu or en ccfte cité & cn celled'Almaguer, cõme auffi encelled'A-Agreda.
greda, font des mines d'or. Agreda, qu'on appelle auffi Malaga, eft diftant 45.
lie. de Popayanau fudoeft.La cité de S.Iandes Prez,ainfiappellée pour lesbel-s.Iuan de
les prairies d'alentour,eft diftät 5o.li. de Popayan, quafi au Sudoeft; & pareille-**
ment 5o de 9uito, quafi au Norteft, au 1.deg. de la ligne eftant de la Diocefe
deQuito; &quät à la terre,fertile de mayz & d'autres vivres, avec des minieres
d'or, & l'air de bonne cõplexion,& enfa contrée 24ooo. Indiés,gens louables,
qui ne font parCaribes;quoy que laids de vifages,fales,& fimples du temps de
leurPaganifme ils n'avoyent point d'idoles,& croyoyët que de cefte vie on al
laften un lieu plus plaifant.Entre Pafto,& Popayan paffe le fleuve, qu'on appelle
Caliente,ayant de l'eaufort douce & delicate:&outre le fleuve eft la montagne
en laquelle Gonfalve Pizarre allafuyvät le Viceroy Blafco NuñezVelai & juf
ques au fleuve Angafmayo, qui eften cefte province,s'advança le RoyGuayna
capa.Paffé le fleuve,ya une mötagne, de celles que les Efpagnols nöment Vol
canes, qui fume toufiours terriblement; & du vieil temps (comme les Indiens
racontent)fe creva.Les Filofofes,voulans dcclarer d'ou procede la continua-gge font les
tion de ces flämes & fumees au deffoubs de la terre, difent, que comme il y a Volcane &
des endroictsfoubs la terre,ayāts la vertu d'attirer à foy la matiere des vapeurs, :
& la convertir en eau, d'ou procedent les fources & fontaines d'eaux vives;que
femblablement ily a des endroits,attirans les exhalations fcches,& chaudes,
qui fe convertiffent en flamme & fumée, & que par la violence d'iceux ils lan
cent quant & quant de la matiere groffe, qui fe convertit ouen cendres, ou en
pierres. mais pour retourner à noftre propos, il ya à S. Iande Paftos des mona
fleres de S. Dominic, S. Françoys, & de Noftre Dame de Grace, c'eft un pays
froid,& neantmoins abondant de vivres,& de diverfes efpeces de fuccre, & dc "
H fruicis
-

- D ES C R I P T IO N
fruicts du pays,& de Caftille. Quand le Capitaine Laurens de Aldana la
peupla, qui fut en l'an du Seigneur 1539. il la fit nommer Vilaviciof de
Pafto, c'eft à dire, ville delicieufe au regard des pafturages : elle eft diftant
4o. lieues de la mer, devers l'ifle Gorgona.
Antioquia Aprefent font defpeuplées, ou pour le moins grandement diminuées
Neyua. en cefte province, la cité d'Antioche, & laville de Neyua, en la vallée de
2Neyua,2o. lieues de Timanà:& ce pour la cruauté des lndiens Paezes, &
Pixaos,& pour les catanipos de la vallée de Saldaia : comme auffi la cité de
s.rincente. S. Vincent des Paezes, 6o. lieues de S.Iuan de los Llanos,aux confins de Popayan,
Los Angeles.
fondée par Domingo Lozano; & la cité de los Angeles, diftant 22. lieues de
Tocayma, & 9. de ZNeyua.
Le p, En la cofte de cefte province, qui eft fur la mer du Sud, apres le Cap de
eapic poin. Corrientes, qui eft à cinq degrés par deça la ligne, s'enfuit le fleuve de Sali
: nas, entre ledict Cap,& l'ifle de Palmas qui eft à quatre degrés & un tiers
* " & de là jufqu'à l'ifle Gorgona plufieurs fleuves, qui rendent le pays fort
paluftre, & entre autres celuy de S.Ian, à la bouche duquel gift l'ifleGorge
na, qui peut avoir deux lieues au contour; ou le Sieur Françoys Pizarre
fut abandonné de fes gens,avec treize compagnons. En apres le fleuve de
S. Lucar, & de Nicard devät le fleuve de Zedros;qui eft à 2.degrés de la ligne
Equinoctiale,comme auffi l'ifle du coq,(en Efpagnol del Galo)puis le haure
de Croix; & la poincte de Manglares; ou commence la cofte de 9uito.
,, On ne fçait pas grand'chofe du Gouvernement de los 9uixos, & la Ca
clan nela, finon que de la fituation d'iceluys qui eft à l'Orient de Quito , & en
la.
partie au Midy,vers le Gouvernement de Iande Salinas. il y a trois peu
plades d'Efpagnols, avec un Gouverneur, que le Viceroy de Peru y en
voye; mais au regard du fpirituel, la charge en eft à l'Evefque de Quito.
c'eft une contrée afpre & montagneufe, fans blé, peu, ou point de mayz,
avec des arbres, qui reffemblent à la Canelle.La premiere villette eft Bae
za, 18 lieues de S.Françoys de 9uito, quafi au Sudeft. ou eft refident le Gou
verneur. La cité de Archidona, 2o. lieues au delà de Baeza. La cité de Aui
la au Nort de cArchidona. . -

Le Gouvernement & Province de Pacamoros, & Gualfongo, ou de Ian


de Salinas, s'eftend, (felon les bornes qui luy ont efté affignés, en com
mençant 2o.lieues au delà de Zamora qui eft en la route des Andes)l'efpa- .
ce de Ioo. lieues vers l'Orient, & cent pareillement du Septentrion au
Midy c'eft un bon pays,propre au bled,femailles & troupeaux,enrichy de
de mines d'or, efquelles ont efté trouvé des grains fort grands & gros il y
a quatre villes de Caftillans, que peupla le Capitaine Ian de Salinas. La
cité de Valadolid au 7. degré de hauteur,2o. lieues de Loxa au Sudeft, delà
la route des montagnes de Peru. La cité de Loyola, ou Cumbinania , feize
lieues au Levant de Valladolid. La citéde S.Iaquesdes Montagnes,5o lieues
de Loyala, quafi à POrient& en fa contrée beaucoup d'or, & dehaut aloy.
Mais quant àl'or, il n'eft ja befoing de le prifer,veu que chafcun ne l'eftime
* combien que trop je vous diray feulement qu'on le tire hors des veines en ces In
- - - -

: des en trois manieres: la premiere, en pepins, qui font des pieces entieres
de pur or fans meflange d'autres metaux, qui pour ce n'a befoing d'eftre
affiné ou purgé par lefeu : ces grains font quafi comme des pepins de ci
trouille; mais on n'en trouve gueres en cefte façon, au regard de l'autre.
Il fe trouve auffi en des pierres, en forme de quelques veines ; comme on
cn trouve des grandes au Gouvernement de Ian de Salinas toutes percées
* d'or,& d'aucunes que la moitién'eft rien qu'or, qu'on trouve en des puys,
- & minie
-
-

P*de caen

P"de Guarmei ,

La barranca

P"de Gaura

**
Arnedo
*,
Los
Reyes
-

- o Canete
y7 bolo -
«à
pr
-
:

P*de
-

DESCRIPCION DEL DESTRIETO


pa
DEL AVIDIENCIA DE LINAA
11 -

R
*
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-

*, *a.3 -_ -

fa*lelavivria
*° V\L vileaneta
de \
\, \ \
-

à
à . *à

R. del nombre
del Alde
59
& minieres, & tel eft fort penible à le bien preparer. Finalement, on le
trouve, & le plus fouvent, en poudre; affavoir en des rivieres, & lieux,
par ou les torrens ont paffé & ya plufieurs de ces rivieres aux Indes Occi
dentales, qui nous donnent de l'or ; & fpecialement aux Royaumes de
Chile,& de Quito,& au nouveau Royaume de Granade.Au commence
ment de la defcouverte de ces pays en eftoyent auffi plufieurs es Ifles dc
Barlovento. Le meilleur, eft celuy de Carabaya Peru, & de Valdivia en -

Chile. car on le prife à 23. carats & demy,voire & plus.


Icyfe doibt mettre l'onziefme Carte . -
CH A p. XIX
Du refrt de la Cour de los Reyes.
A jurifdiction du Parlement de los Reyes contient ce que propre &
L- fpecialement s'appelle Perà; qui s'eftend du Nort au Sud de fix juf
qu'à 17 degres de la hauteur de l'autre Pole, qui font 22o. lieues (vray eft
qu'on en conte 3 oo. de voyage) dés la poincte d'Aguja, qui eft outre celle
de Payta, auquel endroit cefte jurifdiction confine au refort de Quito,
jufqu'au delà de la ville,& port d'Arequipa, qui eft fur les frontieres de la
Jurifdiction de los Charcas. mais ce qui eft habité & cognu de cefte jurif
diction du Levant au Ponant, comprend environ cent lieues, affavoir de
puis la cofte de la mer du Sud vers l'Orient; ou fes limites font ouverts
jufquesaux provinces du fleuve de la Plata, & de la Brefile. Ce qui eft de
puis la Sierra, affavoir depuis ces montagnes,ounous avons dict qu'il pleut
continuellement,jufqu'à la mer,s'appelle laplaine de Perè: en la quelle il ne
pleut,ny ne tonne pour ce quelle eft couverte par la terrible hauteur des Pourquy
montagnes, empefchant les vents venans du pays d'y fouffler & pourtant *
peut exprimer les vapeurs, qui s'efleuent de la terre, ny en engendrer la Feru. ,
pluye;de forte que les mötagnes empefchent la condéfation des vapeurs.
par ainfi la defaillãce de la matiere caufe, que les vapeurs en ces quartiers
font fi deliés, qu'ils ne peuvét produire au plus haut, que quelquesbruines
ou brouillars humides, feruans grandement à faire meurir & faifonner les
femailles qui fans ces brouillas jamais ne pourroyent meurir pour arrou
fement quelconque. Toute la terre n'eft que fablon, excepté les vallées,
par les quelles coulent les fleuves & torrens venans des montagnessou par
le moyen de l'arroufemét des brouillars deffufdits, fe moiffonne pain,vin.
huile,fuccre,& autres fruicts & femoifons de Caftille, & du pays. Sur les
coftes & pétes des montagnes font des grans pafturages de plufieurs trou- tes qualité
peaux ou l'air felon la diverfité de fes parties eft different côme on pour-:*
roit fouhaiter,car le deffus & le plus haut, eft froid, le plus bas chaud, & le
milieu,participant des deux cxtremités,felon que plus ou moins il en ap
proche.Le Gouvernement de cefteCour, comme auffi de celle de Quito,
& de losCharcas, eft à la charge du Viceroy. au refte le refort de la Cour
_ - "* .
de los Reyes contient les villes fuyvantes. - - .' , -
La cité de los Reyes ou de Lima,(car ainfi s'appelloit la vallée du nom de
fon Cazique & c'eft la plus large & la plus fpacieufe qui foyt entre icy & Laché des
Tumbez) eft affiffe au 12.degré de la hauteur Auftrale,& au 82 du Meri- *
ridien de Toledo, d'ou elle eft diftant environ 182o.lieues fur un grãd cer
cles ayant plus de 3ooo.habitans & la fonda le Marquis Françoys Pizarre
au commencement de l'an 1533 lequel. craignant
-

. - *.
que le grand Capitaine
H2 l - . - ... ' don
, -
Go 1D E S C R I P T I O N .
don Pedro de Alvaradovenant avec fes gens d'armes de Guatemala fe
pourroit faifir de la cofte, luyalla couper le pas de la mer, & y baftit cefte
ville, pendant que le Sieur Diego d'Almagro luy alla refifter es provinces
de 9uito.Pres de la cité au Levät paffe un fleuve, d'ou toutes les maifons &
jardins prenent de l'eau,efquels jardins font de beaux fruicts du pays & de
Caftille la complexion de ce quartier eft la meilleure du monde;n'eftant
fubjette nyà la famine, ny à la pefte,fans pluyes, fans tonnercs, fans fou
dres, fans efclairs, mais toufiours le ciel beau, & ferain. En cefte ville fe
tient le Viceroy & la Cour Royale,une Chambre de Baillyfs de Cour, les
Officiers du threfor Royal , le tribunal de la faincte & generale Inquifi
tion, qui pour l'augmentation de noftre Saincte Foy Catholique,& Reli
gion Chreftienne fe fonda au mefme temps & faifon, que ccluy de neuf
Efpagne, eftant Inquifiteur general en ces Royaumes le Cardinal don
Diego de Efpinofa Euefque de Siguenza.Il y a d'avantage l'Vniverfiré en
laquelle doctemét s'enfeignent les fciences & des Efcoles pour enfeigner
diverfes langues des Indiens en quoy s'acquitent merveilleufemét les pe
res de la Compagnie de Iefus, à l'advancement de la predication de l'Euä
ile. En outre y eft l'eglifeMetropolitaine, que recognoiffent les Evefques
de Chile, Charcas, Cuzco, 2uito, Panama, 2Yicaragua, & du fleuve de la Plata: il y
a trois paroiffes, & r. monafteres, des 4 ordres,& de la Compagnie de Ie
fus,& 2 de Nonnains.Colao, qui eft le haure de la ville en eft diftant 2.lie.
grand, beau, & fpacieux ilya par raifon de maifons,un Baillyf & la mai
fon de gabelle ou de la douane,une eglife,& un cloiftre des Religieux de
S.Dominic. on aveu fouvent icy mettre levin ou l'eau dans la mer cn des
flafcons pour rafraifchir; de quoy fe peut inferer que la mer Oceane a la
vertu d'attremper & rafraifchir la chaleur exceffiveplufieurs affeurét que
- dedans la ville font r2ooo. femmes de toutes nations, & 2oooo. noirs.
- La ville de Arnedo, en la vallée de Chancai, 1o.li. de los Reyes,& demie de
la mer,ayant un monaftere de S.Dominic, riche de vignobles fut fondée
Santa. par le Contede Nieva.La ville de la Parilla, autrement Santa du nom de la
vallée ou elle eftaffiffe,55 li. de los Reyes,& 15.de Truxilovers la mer,&pres
d'un bel & grand fleuve, avec un bon haure,au 9.deg auquelles vaiffeaux
Truxillo. allans au long de la cofte de Perû,vienët aborder.La ville de Truxilo en la
vallée de Chimo,que projetta dó Diego de Almagro,& apres fonda le Mar
quis Françoys Pizarre,l'an 1533.eft riche de vignobles, & de fruicts de Ca
ftillc,& de froment, car toute la terre de fa contrée jouyt de l'arroufemét,
qu'avons dit cy deffus, elle eft faine,& produit des grãds orägers,& nour
- rit grande poulaillerie. Elle eft affiffe fur7.deg & , 8o.li. de Lima,pres de
la mer avec des cloiftres de S. Dominic, S. Françoys, S.Auguftin,& un de
noftre Dame de Grace, & y font les Officiers Royaux, quc le Viceroyy
pourvcoit.Au territoite d'icelle font environ 5oooo.Indiés tributaires di
vifés en 42.repartitions. le port en eft diftant 2 li. en un fein de la mer qui
eft defcouvert & fans defenfe, mauvais & dägereux.Laville de Miraflores,
Miraflores.
qui fignifie voy le fleurs, au val de Zana,95.li.de los Reyes, vers le Nort, & à la
mer. La cité de Chachapoyas, ou S.Ian de la Frontiere, environ 12o.li. de la cité
de los Reyes, auNorteft,& a un monaftere de noftreDame de Grace,&de
Cordeliers,ayant en fa cótrée blé mayz,& lin,plufieurs mines d'or,&plus
de 2oooo.lndiens tributaires, qui longtemps firent grande refiftence aux
Ingas pour la confervation de leur liberté, en fin furent par iceux vain
cus; &une bonne partie, pour les affujettir du tout, tranfportés a Cuzco,&
placés fur un tertre, qu'on nöme Carmenga.Ces Indiens font les plus blancs,
& les mieuxapprins de toute l'Inde, & les femmes les plus belles. En cefte
province entra le Marefchal Alfonfe d'Alvarado l'an 1536 par commāde
-

IIlcIlt
-
D ES IN D E S O C C I D EN T A L E S. . 6r
ment duMarquis Françoys Pizarre,& l'affujettit, & peupla ladicte citéen
une place forte,appellée Leuanto, mais apres elle fe träfporta à la province
de los Guanca. La cité de S.Iaques des Vallées ou Moyobamba,plus de 1oolie.
de los Reyes, quafi au Norteft, & 25 deS. Iande la Frontiere, eftaffiffe en une Santiagode
cõtrée * pluvieufe,& pleine de tous beftails.Lacité de Leon de Guanuco, lo
Joli. de la cité de los Reyes au Nort,pres du chemin Royal des Ingas,allant , ,
un peu à l'Oriét. il y a des cloiftres de S. Dom.,S.Françoys,& de la Grace, Guanuc.
& en fa marche 3oooo.Indiens tributaires.l'an 1539.pour la guerre, que le
Tyran Yllotopa fit à cefte province,le Marquis Françoys Pizarrey envoya
le Capitaine Gomes de Alvarado, qui la fonda: apres elle fut abandonnée,
& derechefreedifiée par Pedro Barrofo. Apres la bataille de Chupas, le
LicentiéVaca de Caftro envoya le Capitaine Pierre de Puelles pour en a
cheuer l'affiete & fortification.l'endroict de fa fituation eft fain & abondät
en victuailles&troupeaux, ayant des mines d'argét,& lesgens civils, qui y
font grand amas * ils ont apprins de cultiver la terre: mais au
paravant iln'eftoit point de nouvelle en ces Indes ne de fromét, ne d'orge,
ne de millet, ne de panicle,ne d'aucune femence de pain,cõme en Europe;
feulemét ils cognoiffoyét quelques fortes de grains, & racines, dequoy le
principal eftoit le mayz qu'on trouva quafi par tout.mais apresavoir goufté le
bled,incontinent ils l'ont trouvé bon & feméen beaucoup d'endroicts.Car le
mayzne donne pastät de fubftance nyde nourriture &et plus chaleureux cö
bien qu'il engëdre du fang,&croift fur des rofeaux portâs un ou 2. efpics.Vray
eft qu'cn aucuns quartiers les Caftillans en mangent par faulte de fromcnt.
- La citéde Guamanga, ou S.Ian de la Victoire, 6o.lie. de Lima, au Sudeft,au che
Guamangs.
min des Ingas, de l'Evefché de Cuzco.il ya quelques monafteres de S. Fräçoys,
S. Dominic,& de noftreDame degrace, & un de Nônains, & en fa marche, qui
eft richedefromët, de vin,& de mines d'argent,font plus de 3e ooo. lndiës tri
butaires:fut fondée par le Marquis Franç. Pizarre l'an 1539. du premier abord
il la colloqua enune bourgade d'Indiens,appelléeGuamanga,pres de la grand'
Cordillera des Andes,&y laiffa pour Lieutenant le Capitaine Françoys de Car
denas: en apres elle fe changea à la place ou elle cft encor aujourdhuy,affavoir
en une plaine pres de quelques petites mötagnes à la partie du Midy pres d'un
ruiffelet de bonne eau. En cefte cité font les meilleures maifons de Perù de
pierre & tuiles. le lieu eft falutaire fans que le Soleil, ne la froidure, ne l'hu
midité, ne la chaleur foit exceffiveton veoit en la contrée des grâdsedifices, &
grandemët differens des autres, que les Indiens racontent,avoir efté baftis par
des gens bläcs & velus, qui yvindrent devätles Ingas. La plus part des gens de
ce pays font Mitimaes, c'eft à dire,tranfportez, car la couftume des Ingas pour af
feurer leur Empire eftoit de prendre les gens, defquels ils ne s'ofoyent fier,
d'une province,& les placer en une autre. Guamanga eft diftant 6o.lideCuzco
&au chemin font lestertres & plaines de Chupas,ou Vaca de Caftro,& dóDie
gode Almagro le jeune cöbatirent & plusavant au chemin Royal font les e
difices de Vilcafen Andabayla 11.li. de Guamanga, que fut le centre de l'Empire
des Ingas, ou eftoit legrand temple du Soleil.or la province des Andabaylas eft
longue,nourriffant plufieurs beftails domeftiques, & livrant beaucoup de vi
ctuailles&d'icy on vient au fleuve de Abancaytirant 9.li plus avant vers Cuz
co: aupres duquel Diego de Almagro le vieil mit en route & print prifonnier
Alfonfo de Alvarado General du Marquis Françoys Pizarre.S'enfuyt le grâd
fleuve de Apurima,à huict lieues de l'autre : puis la montagne de Vilcaccnga,
ou ledict Grand Capitaine Almagro gaigna une grande bataille contre les
Indiens, avant qu'il print Cuzco : & tout aupres eft le val de Xaquixaguana
petit & eftroit cntre deux routes de montagnes ; ou le Prefident Pierre la
Gafca moyennant laprendhommie,force, & valeur, de ces fideles Capi
- -

H3 taines,
- D ES CR IPT I ON
taines, Ynojofa, Pierre de Valdibia, Gabriel de Rojas,Alfonfe d'Alvara
do, & autres, defquels ferà parlé particulierement en fon lieu, defconfit &
print Gonfalue Pizarre. or de cefte vallée à la cité de Cuzco font 5 lieuest
on y amaffe grand' quantité de froment, & ya beaucoup de troupeaux. .
C H A P. XX.

Du reftede la Iurifdittion de los Reyes.


huict ou dix lieues de la cité de Guamanga, quafi au Nortoeft,font les
Mines du
vifargent.
A mines de Guancabelica, qu'on appelle autrement l'endroict de Oropefas
ou font d'ordinaire plus de 3oo. Efpagnols. les Indiens paravant ytravail
loyent pour en tirer la pierre coulourée, affavoir le vermillon,de quoy ils
fe paindoyent ou pluftoft s'enoignoyent au temps des Payens pour aller à
la guerre; mais du temps de Lope Garcia de Caftro, Gouverneur de Perû,
en l'an 1566 un Portugués nommé Henry Garces, confiderant que du
vermillon fe tire le vifargent, en voulut faire l'effay,& le trouva eftre ve
ritable. Les Romains venoyent querir ce metal d'Efpagne en pierres,
defquels ils tiroyent le vif argent, l'eftimant comme un grand threfor.
mais les Indiens ne le cognoiffoyent pas , ny ne cerchoyent, que le ver
L'ufage du millon. Le principal vfage du vif argent eft de nettoyer & purger l'ar
vifargent.
gent de la terre, plomb,& cuyvre,aveclefquels il eft meflé. Il penetre &
tous autres metaux, cõme l'eftain, le fer,& le plomb; & pource on le garde
en des cuyrs de boucs ou en des vaiffeaux de terre: il fert auffi à d'autres
chofes & notamment en la medicine.
En cefte region de Guanca Belica, eftune fontaine, de la quelle l'eau cou
lante fe va changer en un rocher & pierres mollettes, de quoyfe font les
maifons; & les hommes ou beftes qui la boyvent en meurent , à caufe
qu'elle fe convertit en pierre dedans le corps. Aux bains des Ingas (car
on nomme ainfi les bains qui font pres de Cuzco) fe voyent deux fources
l'une aupres de l'autre, l'une froide, & l'autre chaude, que Dieuy femble
avoire pofé tout de faict pour temperer les eaux. Au mefme territoire
eft une fontaine, que l'eau fe tourne en bon & blanc fel : auquel endroict
fe commencent à feparer les deux grandes routes des montagnes, que
nous appellerons comme les Efpagnols, Cordilleras, laiffant au milieu une
Collac. grande compagne,qui fe nomme la province de Colao ; en la quelle font
plufieurs fleuves & le grand lac Titicaca, & des grandes prairies : & quoy
que ce foit un plat pays, fi eft ce qu'il eft en la mefme hauteur comme les
montagnes, & par confequent fujetà la mefme intemperance de l'air. le
pain qu'ils mangent font des racines, qu'ils appellent Papas, qu'on trouve
auffi par tout en Perû: c'eft un pays fain, & bien peuplé, voire qui fc mul
tiplie de jour en jour, ayant auffigrãde quantitéde toutes fortes de beftail.
Le lac de Le cótour du lac de Titicaca eft de 8o.lieues,& en aucuns endroicts pro
Titicaca. fond de 8o.braffes, de forte que pour cela,&pour les ondes qui par le vent
s'y efleuent fort haut, il femble à veoir un fein de mer; de laquelle il eft
diftant comme 6o.lieues. Il y entrent 12. ou 13 rivieres, & plufieurs ruiffe
aux & en fort un fleuve qui fe defcharge en un autre lac, nommé de los Au
laga, qui n'a pas de canal, par lequel il fe puiffe defcharger : mais on e
ftime que peut eftre l'eau de ces lacs par les entrailles de la terre s'en
aille jufqu'en la mer, à raifon qu'on à trouvé, quelques trous & four
ces d'eau , qui par deffoubs la terre entrent en la mer. Autour
du grand lac font plufieurs villages , & des ifles en iceluy , avec *
-- l - - - -
des
- t - --
r
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 63
des terres labourables les Indiens conftumieremét ygardent ce qu'ils ont
de plus precieux pour plus grande feureté.
La grande citéde Cuzco,fiege & ville Royale des Ingas,& à prefent chef
des Royaumes de Perù de par les Roys de Caftille & de Leon , eft affiffe
en treize & demy degrés de hauteur; feptante & huict de longitud ; cent
vingt & cinq lieues de la cité de los Reyes, au Sudeft : ayant plus de mille
bourgeois Efpagnols: fut fondée par le Marquis Françoys Pizarre. Il y a
huict parroiffes, & quatre cloiftres des quatre ordres, de S. Dominic, S.
Françoys, S. Auguftin, de Noftre Dame: & de la Compagnie, & un de
nõnettes puis, l'eglife Cathedrale fufragane à l'Archevefché de los Rey
es. Des le temps des Ingas il y a quatre chemins Royaux qui de la place
de cefte ville vont aux quatre quartiers du monde : affavoir celuy qui va
au Nort,appellé Chinchafyo, allant aux plaines, & à la province de Quito,
l'autre Condefuyo, au Ponant, menant vers la mer lc tiers Colaofyo,vers le
Sud, & Chile ; & le quatriefme à l'Orient, appellé par eux Andefuyo, me
nant aux Andes,& aux coftaux de la montagne.La contrée eft temperee,
fraiche, faine, & libre de toutes infectes & vermines venimeufes, fertile
de toutes chofes, avec mille efpeces de fruicts de Caftille, d'herbes, & de
fleurs de bonne odeur en toutc faifon, qui eftun grand plaifir. Au terri
toire d'icelle eft le val de Toyma, & quelques autres, oufe foict grand ac -

queft de Coca, avec des indices & mines d'or, d'argent,& de vif-argent : & gu'eft ce
font en tout 1ooooo. tributaires. Or tous les Indiens de ces quartiers :*
generalement fe plaifent fort à tenir quafi toufiours en la bouche des ra
cines, rameaux,ou herbes & le plus fouvent de la coca.car à ce qu'ils difent,
elle amoindrit grandemét la faim & donne grand'vigueur cn la machant
toufiours, mais c'eft plus toft une mauvaife couftume & un vice hereditai
re. On plante la coca, & en vienent des petits arbres, qui eftant cultivés
& entretenus foigneufement donnent du fruict, comme le myrthe, qui fe
feiche en des paniers, puis fe vent, & en font du grand argent. . -

En la vallée de Vilcabamba, gift S.Françoys de la Victoire, au chemin, qu'ils srrancf,


appellent Andfyo, en la route des Andes, environ vingt lieues de Cuzco, de la Vie
vers l'Orients ayant un Gouverneur de par le Viceroy eftant de l'Evefché "
de Cuzco, affiffe en un endtoict afpre & plein de haultes montagnes. La sta,di
ville de S.Ian d'or en la province de Carabaya, 8o. lieues de Cuzco , à l'Eft oro
fudeft, & 3o. à l'Orient du lac de Colao; & s'appelle ainfi pour la grand
abondance d'or, qui fe trouve en fa marche.La citéd'Arequipa à la hauteur Arequip*
de 16. degrés, peu plus; 13o. lieues de los Reyes, quafiau Sudeft, fuyvant la
cofte; & 6o. de la cité de Cuzco, eftant de la Diocefe d'icelle:il ya des mo
nafteres de lacopins, Freres mineurs, & Carmes, 5oooo. Indiens tribu
taires,& eft le plus playfant endroict pourvivre qui foit en tout le Perû;
on y cueille grande quantité de vin & froment : le port eft à l'entrée du
fleuve Chile, qui paffe pres de la cité, ou fe defchargent les marchandifes.
Arequipa eft en la vallée de 2uilca à 14. lieues de la mer.fa jurifdiction con
tient la province de Condefyo, les villages de Hubinas, Collaguas , Chiqui
guanita, & 9uimiftaca: le Marquis Françoys Pizarre la fonda, l'an 1534 elle
eft fort fubjette autremblement de la terre (comme toutes ces Indes, &
fpecialement celles qui approchent de la mer) de forte, qu'elle fut quafi
entierement ruinée en l'an 1582.&nagueresy eut encor un tremblement Plufieurs
de terre,& fe creua une montagne, de quoy on raconte merveilles.Pareil-%:
lement en la cité de los Reyes,l'an 1586 le 9 de Iuillet fut un tremblement advenus
de la terre, allant 16o. lieues au long de la cofte,& 5o. par dedans le pays, ***
- - -
qui - ,
64 -
D E S C R I P T I O N
ui ruina la cité, combien que les gens n'eurent point de danger, à caufe
u'ils s'eftoyent fauvez aux champs. Le tremblement paffé la mer fe def
borda,& fe leua 14 toifes en haut.L'an fuyvant y eut encor un tel tréble
ment au pays de Quito. L'an 158 1. en la cité de la Paz un treshaut rocher
fe rua fur quelques Indiens forciers, occupant environ une lieue & demye
d'efpace, En Chile fut auffi un grand tremblement, qui renverfa monts
& vallees, enferma les torrens des fleuves, changea les bornes de la mer de
quelques lieues,faccagea des villages entiers, & tua plufieurs perfonnes.
D'ou proce
de le trem
Les Filofofes difent ; que ces tremblemens de la terre procedent de la
blement de chaleur du Soleil, & des autres corps celeftiaux, attirans non feulenent
la terre . les vapeurs & exhalations de la face de la terre , mais auffi celles qui font
aux enttailles d'elle, lefquelles venans à fortir engendrent des vents &
- pluyes;& s'il adviét que la terre foit ainfi clofe & fermée, que l'exhalation
n'en puiffe aucunement fortir, alors elle fe meut d'une terrible impetuo
fité de l'une part à l'autre par les pores ou petits conduits de la terre, cer
chant l'iffuc, comme la poudre dans les mines,fe crevant d'une telle furie,
que laterre par force en eft contrainte de s'ouvrir & luy donner le paffage,
eftant la violence d'autant plus grande, comme l'exhalation qui y eftoyt
cnfermée.
La ville de S71ichel de la riviere, fix lieues de la mer, cn la vallée de Ca
S. Miguelde
la Ribera. manà, diftant 113. lieues de los Reyes, 22. de Arequipa,par delà la ligne Equi
noctiale : or elle eft du refort de l'Evefché de Cuzco. La ville de Valuerde,
Vallée Ver en la vallée de mca, 35 lieues de la citéde los Reyes, dix lieues du port de San
gala, eftant de la jurifdiction,& de l'Archevefché de los Reyes: la contrée
fertile de froment, de mayz, de fruicts, & de vin.
Guarce.
La ville de Caiete, ou de Guarco pour la uallée ou elle eft baftie, diftant
35. lieues de los Reyes vers le Sud, d'une lieue & demie de la merily croift
le meilleur pain detout ce Royaume, & en tire on grande quantité de
farine pour latranfporter cn Terre Ferme. mais avant que de venir a ce
fte vallee font les vallées de Chilca, & Mala. en la premiere jamais ne pleut,
&n'y paffe fontaine ne ruiffeau,onyboit hors des puys. clle produit plu
fieurs femences & fruicts par la feule roufee du ciel. en la mer fe prennent
beaucoup d'anchoyfes, de quoy ils mettent une ou deux teftes avecau
tant de grains demayz aux rayons des terres labourées, les engraiffant par
cefte humidité, qui leur tourne en fertilité. En la vallée de Mala fe trou
va don Diego de Almagro,& don Francifco Piçarro, & le reverend Pere
Bovadilla de l'ordre des Carmelites, qui comme juge & arbitre accorda
leurs differens : ily paffe un grand fleuve, donnant beaucoup de frai
fcheur. Cinq lieues plus avant eft le fleuve de Guarco, en lavallee du mef
me nom,fertile de tout ce qu'on pourroit defirer, en laquelle les naturels
fouftindrent la guerre quatre ans contre les Ingas, & pour fe maintenir
peuplerent une cité qu'ils firent nommer Cuzco, edifierent auffi en fouve
nance & trionfe de la victoire fur une colline, que les ondes de la mer hur
tent à l'efcalier, une grande fortereffe. Afix lieues de Guarco fe veoit la
- vallée de Chincha,plaifante &fertile, ou fut edifié un cloiftre de Iacopins,
au lieu du temple du Soleil que les Indiens y avoyent, avec le cloiftre des
Vierges. S'enfuit tout apres la vallée de rca, qui ne cede à l'autre n'y en
grandeur,ny en abondance. Paffez outre, vous avez les vallées & rivie
res de la Nafa, entre lefquellesla principale, ou fe faict du vin tres exquis,
fc nomme Caxamalca. on va de ces vallées à celle de Hacari ou font ocaia,
Camama, &2uilca, qui eft le haure de la cité d'Arequipa. plus avant font, la
- . vallée
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M A R D E .L S v R*
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1B.d.S*clar

DEsçRIPcIoN DEL AvDIENCLA


DE LOS CHARCAS
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D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 65 .
vallée de Chuli, & Tambopala, & el Deylo, & Tarapaca , richcs & fertiles,
avec des bonnes mines d'argent. Les Indiens, d'aupres de la mer vont
qnerir aux ifles de Lobos Marinos (c'eft à dire, des loups marins)grand'abon
dance de fiente d'oyfeaux fur leurs terres, qu'ils en engraiffent & fument
avec bon fuccés. - , .

Il y a fur la cofte de cefte Iurifdiction,dés la poincte de l'Aguja , figni-zes bavre,


fiant lapointe d'aiguille, ou cefte jurifdiction fe joint à celle de Quito, au *
- fixiefmc dcgré de la hauteur Auftrale, les ifles, havres,& poinctes fuivan-%
tes. Au feptiefme degré deux ifles, qu'on nomme de Lobos marinos l'une courdelos
quatre lieues dedans la mer, & l'autre plus avant : apres,uneautre qu'on **
appelle de S. Roch, au Sudeft devers Pazcamayo; & plus outre le port de mal
Abry dix lieues avant celuy de Truxilo, qui eft au degré7 . & à7. lieues
d'iceluy, le port de Guanape : le port de Santa au neufiefme degré; & cinq
lieues de là au Sud, le havre Ferrol & derechefà fix d'icy le havre de caz
ma; & derechefhuict lieues à celuy de Guarmey , eftant à la bouche d'un
fleuve : la Barranca vingt lieues au Sud. Puis le port de Gaura, ou cft une
belle faline: & apres ceftuy-cyl'ifle de Lima, à l'entrée du port de Colao
& à vingt lieues de là vers le Sud, la poincte de Guarco, & une ifle de Lobos
marinos tout aupres; & au 15. degré la poincte de Chica; & aupres d'icclle
la Nafa; & plus avant la poincte de S.Laurensen la vallée de Quilca , &
joint au fleuve d'Arequipa, & la Caleta de Chulien ; & finalement le fleuve
de 2Nombre Dios, divifant fur la cofte la jurifdiction des deux Parlemens,
. "
-

de los Reyes, & de los Charcas.


Icyfe doibt mettre la douziefme Carte.

C H A P. , XXI.

Pu refrt du Tarlement de la Plata , ou de


los Charcas.

E refort de la Cour de Charcas, qui confine avec celle de Reyes, com


mence à 17:. degrés de la hauteur Auftrale, au fleuve de 2Nombre
Dios, & au bout du lac de Colao, ayant cn longueur 3oo. lieues jufqu'à la
vallée de Copiapo, ou conmence la province de Chile en 28. degrés, quoy
que de chemin fe content environ 4oo lieues;& de l'Orient à l'Occident
comprenant tout le pays, qui eft entre la mer du Sud, & celle du Nort ou
de Midy, affavoir celle qui refpond fur les provinces du fleuve de la Plata:
qu'on cognoift aifement eftreplus toft froides,que chaudes de cóplexion,
encore qu'elles ne foyent pas entierement defcouvertes, confideré que
toutes les provinces de ce refort, font affiffles en teile haulteur.
Le Gouvernement de ladicte Cour, comme auffi de celle de Quito, &
de los Reyes, eft à la charge du Viceroy de Perùily a deux Gouverneurs,
&deux Evefchés,affavoir des Charcas,& Tucuman. La province de Charcas
(ainfi s'appelle ordinairement ce qu'il y a depuis les confins de la Cour de
Reyes jufqu'au delà de Potoff) comprend en longueur du Nort au Sud en
viron 15o.li3& quafi autant pareillement du Levant au Ponant. c'eft une
terre peu fertile, quoy qu'abondāte en troupeaux, & fpecialemét enColao,
qui eft depuis le lac deTiticaca jufqu'à los Charcas, oul'hyver & l'eftéfont au
-

rcbours
66 D E S C R I P T I O N
rebours de l'Europe: une contrée certes abondante en beftail, & princi
palement de brebis, donnans fine laine. . -

En cefte province font quatre villes d'Efpagnols, du mefme Evefché.La


La Plata. cité de la Plata, que peupla le Capitaine Pierre Anzures l'an 1583.par com
miffion du Marquis Françoys Pizarre, affiffe au 72.degré de longitud du
Meridien de Toledo, d'ou elle eft diftant fur un grand cercle 178o.lieues :
& au 19. de la hauteur du Pole Antarctique au dedans des Tropiques, au
bout de la Zone Torride. Il ya au territoire de cefte cité en Chacaras, qui
font des fermes heriditaires 8oo. habitans Efpagnols. C'eft un pays ex
tremement froid,quoy qu'au regardde la hauteur du Pole, ou il eft, il de
vroit eftre chaud, ou pour le moins temperé. En cefte cité eft la Cour, &
l'eglife Cathedrale,& quelques cloiftres de Dominicains,freres mineurs,
Auguftins, & Carmes; & en fa jurifdiction 6oooo Indiens tributaires,di
vifés en 29. repartitions. les femences d'Efpagne y croiffent bien, & ya
plufieurs mines d'argent.
Nuefira se- La cité de noftre Dame de la Paix, autrement Ville neuve, & Chuquiabo, au
:***
Paz. milieu de Colao, 1oo. lieues de Cuzco, & 8o. de la Plata, ayant des cloiftres .
de S.Françoys, S. Auguftin,& de la Grace,beaucoup de vin, & de beftails
fut fondée par le Capitaine Alfonfe de Mendoza, eftant Prefident & Gou
- verneur de Peru Pierre de la Gafca, qui fut en apres Evefque de Siguença.
chieuito. L, province de Chicuito en Colao, diftant 1oo. lieues & plus de la Plata,
quafi au Nortoeft, eft peuplée par les Indiens, ayans un Juge ou Corregi.
dor Efpagnol. il y a un monaftere de Iacopins,& beaucoup de troupeaux;
-
°** & eft fur le bord de Titicaca. oropefa fut peuplée par le Viceroy Françoys
- de Toledo, en la vallée de Cochabamba, vingt lieues de la cité de la Plata.
leur principal acqueft vient de la cueillette du froment, du mayz, & des
troupeaux. -

Potoff. La ville Imperiale de Potoff, au 19. degré de hauteur, 18. lieues de la


Cité de Plata, & environ 8. du lac de los Aulagas, à l'Orients au cofté de la
colline de Potoffi, qui regarde au Norteft, contient 5oo. maifons d'E
fpagnols, travaillans aux mines, & de quelques marchans,& jufqu'à5oooo.
Indiens,allans & venans ordinairement au mefnage de l'argent. Et non
obftant que ce foit une ville à part elle, toutesfois il n'ya point de luge ou
Corregidor, finon celuyde la Plata. il y refide les Officiers, & le threfor
Royal de cefte province, & ce à caufe des mines de la colline fufdite, que
defcouvrit l'an 1545. un Efpagnol, nommé Villaroel, par le moyen de
quelques Indiens; elle s'appelle Potoffi, car ainfi font appellées par les In
diens les collines,& chofes hautes. Il y avoit tant d'argent du commen
cement, qu'en l'an 1549. chafque Samedy, que fe faifoit la fonderie , ils
forgeoyent de 25.jufqu'à 3o. mille liures ou pefos en Reaux de 25.fouls,
u'ils nomment Reales Quintos. Le tertre eft pelé, & l'habitation feche
& froide, facheufe & du tout fterile , ne produifant poinct de fruicts,
ne grain , ne herbe ; mais à caufe de l'argent c'eft la place la plus
peuplée des Indes, & au contour de deux lieues fe trouve toute forte
de delices, & abondance de biens, qu'on y porte à charriot. La cou
leur de la terre de cefte colline tire au vermillon brun, fa figure eft
comme un pain de fuccre; elle furpaffe toutes les collines d'alentour.
La montée eft afpre & difficile , jaçoyt qu'on y monte à cheval : la
rondeur eft d'une lieue : & du fommet à la racine y a un quart
de lieue : & par tout des riches veines d'argent depuis enhaut juf
qu'embas. Le port auquel arrivent les marchandifes, & fe desbarque
-

l'argent
D ES IN D E S O C G I D E N T A L E S. 6y
largent de cefte colline, en eft diftant vers l'Occident, environ nonante
lieues. -

Afix lieues de la collinefufdite, au chemin du port Arica , fe trouve


la colline de Porco, des longtemps celebre à caufe des mines; d'ou les In
gas, à ce qu'on dit, ont tiré la plus grande part de l'argent, qui eftoit au
temple du Soleil de Curianche: on en tire encores à ceft'heure,& tirerà en
cor longtemps grande quantitéd'argent. -
-

A cent lieues de los Charcas fe veoit Santa Cruz de la Sierra, vers l'Orient, sant Cru
de la Sierra,
au chemin qui meine de Charcas à l'Affomtion au pays dufleuve de la Plata,
jufques à ouya trois cent lieues de chemin. Saincte Croix de la Sierra
qui eft de l'Evefché de Charcas, s'adminiftre par un Gouverneur au nom
du Viceroy. il y a un cloiftre de noftre Dame de Grace: la tcrre a grand'
faulte d'eau, quoy qu'elle foit fertile de blé, de vin, & de mayz. Ioignant
cefte province demeurent plufieurs nations d'Indiens infideles , & plu
fieurs d'iceux ont receu le Baptefme. Le premier, qui leur enfeigna la
religion, fut un Soldat Efpagnol, qui pour quelque delict s'en eftoyt fuy
entre eux iceluyvoyant la neceffitéd'eau qui les preffoit terriblement,fit
une grande croix, & les induifit à l'adorer avec devotion,& à prier pour
de l'eau ; & Dieu par fa mifericorde les ouyt, & donna des grandes plu
yes. L'an 156o.fortit de la cité de l'Afenfion (qui eft au pays du fleuve de
la Plata) le Capitaine Nuflo de Chaves à la detection de quelques pays,
& venant à Saincte Croix apres avoir defcouvert plufieurs contrées, fes
gens retournerent ; mais luy eftimant, qu'il ne pourroit eftre loing de
Perû, continua jufqu'à la cité de los Reyes ou alors le Marquis de Cagne
te eftantViceroy, le feit Lieutenant de fon fils don Garcia de Mendoza,
& luy donna la charge de peupler cefte cité, jaçoit qu'il fut forti du
fleuve de la Plata , en intention de defcouvrir les provinces de Do
rado. -

Sur la cofte de cefte Cour, commenceant à dix fept & demy degrés * :
au fleuve de 2Nombre Dios, ou Tambopala, fe veoit le port de Hilo, pres
d'un fleuve, à 18;. degrés, & plus avant au Sudel Morro de los Diablos figni- ceiie cour.
fiant le Rocher des Diables, & le port Arica fur dix neuf degrés, & un tiers;
& celuy de Tacamà au vingt & vniefme ; & au Sud, la poincte de Tarapa
ca; & plus avant le fleuve de Pica, & de la Hoja, & de 7Aontelo, & le port
de Mexilones ; & plus outre la poincte de Farallones, ou euorro oMoreno,
devant le golfe,& fleuve de S. Claire»; & plus avant au Sud, la poincte
Blanca; & le coftau Honda ; & le fleuve de S. Claire » , environ 3o. lieues
de la riviere de Copiapo, qui eft le dernier bout de la cofte de Charcas, & le
commencement de celle de Chile ». -

La province & Gouvernement de Tucuman, qui eft totalement aulde- Laprovins


dans du pays; & commence à la contrée de los Chicas, qui font du refort de dreams
la ville lmperiale de Potoff eftant au mefme degré de hauteur, que la cité
d'Affomtion, au pays du fleuve de la Plata, diftant cnviron 1oo. lieues de
la mer du Sud ; & aboutit à la province de Chile. Ce pays eft de bonne
temperature, & par raifon fertile : jufqu'à prefent on n'y cognoit point
de mines d'or, ne d'argentilya quelquesvilles d'Efpagnols d'un Evefché , odst
affavoir : La cité de Santiago del Eftero (qui veut dire Saint Iaques delafoffe) :
parcy devant appellédel Varco, au 28. degré de hauteur, 185. lieues de
Potoffi, au Sud, tirant quelque peu à l'Orient. icy fe tient le Gouver
neur, & y font les Officiers des finances du Roy pareillement l'Evefque,
& l'eglife Cathedrale La cité de S. Marie de Talavera,45. lieues de S.Iaques, Talavers
I 2 au Nort,
e58 D Es CR I PT I ON
S. Miguel. au Nort,& 4o. de Potoffi, à 26 degrés. La cité S.Michelde Tucuman , 28,
lieues de S. Iaques, vers l'Occident, au chemin de Charcas, en 27. degrés.
Elles furent peuplées au temps de Don Garcia de Mendoza, lors que fon
Perc le Marquis de Cagnete eftoyt Viceroy. La neufve Londres,& Calcha
que, qu'on appella nueva Cordura, aux quartiers des Jurias,c Draguitas ont
efté nagueres defpeuplées. Les gens s'accouftrent de laine, & de cuir ar
tificicllemcnt mis en œuvre à la maniere des tapifferies de cuir doré en
- Caftille, & nourriffent bcaucoup de brebis,pour en avoir la laine. Les
villages font fort prochains l'un de l'autre, mais petits pource que chafcun
parentage eft un village à part ils font munis tout alentour de chardons,
& d'arbres efpineux, pour les guerres, que fouvent ils fe faifoyent entre
cux. Ces gens s'adonnent grandement au labeur, point à la boiffon, n'a
l'yvrognerie, comme les autres nations des Indes. il y a en la dite provin
ce fept puiffans fleuves, & plus de 8o. ruiffeaux, & des grandes prairies :
l'hyver & l'efté y font au mefme temps, qu'en Efpagne : le pays fain &
tempcré. Or les premiers qui s'advancerent pour y entrer, furent les
Capitaines Diego de Rojas, Filippe Gaultier, & Nicolas de Heredia, les
quelsde ce cofté dcfcouvrirent le pays du fleuve de la Plata, jufqu'au fort
de Gabot.

Iyfe doibt mettre la treiziefme Carte.

C H A r. XXII.

TDe la Iurifdiction du Toyaume de Chule.


1534.fut declaré le Sieur Diego d'Almagro Gouverneur de 2oe.
L*
lieues de terre de là le Gouvernement du Marquis Françoys Pi
zarre, vers l'Eftroit de Magallanes, intitulant cefte partie du tiltre de la
nouvelle Toledo. Ily alla pour l'affubjettir, mais ne pouvant venir à bout de
fon entreprinfe; la charge en fut donnée au Marquis, en l'an 1537. lequel
y envoya le Capitaine Pierre de Valdivia avec 15 o. Efpagnols , l'an de
Chrift 154o. Tous les pays de ce Royaume font par delà la ligne vers le
Sud, outre le Royaume & les provinces de Peru, qui font en la Zone
Torride, entre la ligne Equinoctiale, & le Tropique de Capricorne, paf
fant par un defert qu'on appelle Atacama, qui s'eftend de 23. jufqu'à 26.
degrés. & alors incontinent s'enfuit le Royaume de Chile, ou Chile, com
me les Indiens le nomment. or avant que de venir au pays habité, fur 23.
de degrés fetrouve le fleuvedu Sel, en Efpagnol,de la Sallequel de l'Orient
de la Cordillera par une vallée fort profonde, court à l'Occident d'icelle
jufques en la mer & non obftant que l'eau d'iceluy foit trefpure & claire,
toutefois autant que les Chevaux s'en mouillent pour boire, le tout fe
caille par la chaleur du Solcil; & n'eft fon eau autre chofe, que pur fel, qui
ne fe peut boire, & fur la rive clle cft du tout caillée. Cefte riviere fe pre
fente 22. lieues avant que d'entrer en la premiere province de Chile»: au
quel intervalle font affis les Xagueyes, qui font des puys d'eau, car ils n'en
ont point d'autre en tout ce traict de 22. lieues. & tout le Royaume eft
cn la Zone, que les anciens ont appellé, deferte, mais à tort ; car elle eft
bien peuplée par des Indiens qui font blancs, tout le long de la rive de la
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D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 69
mer du Sud, qui eft la grande & fpacieufe mer , que d'aucuns appel
lent la mer Pacifique, enclofe entre la cofte de la mer du Sud, & celle de
China. -
-

Ce Gouvernement eftant prins largement, affavoir jufques à l'Eftroit


de Magallanes, contient en longueur Nort & Sud, depuis lavallée de Co
piapo,(car c'eft là qu'il commence au 27. degré)5oo lieues ; & en largeur
Eft Oeft, depuis la mer du Sud jufqu'à celle du Nort, de quatre jufqu'à
cinq cens lieues de terre, qui n'eft pas encor à prefent pacifiée , & fe va
toufiours eftreciffant jufques à ne refter que 9o. ou 1oo. lieues aupres du
Deftroit. or ce qui eft habité & pcupléaudict Gouverneiment, contient
environ 3oo. lieues au long de la cofte de la mer du Sud, ayant comme
2o. lieues en largeur, & quelques fois moins, jufqu'à la route, ou Cordil
lera des Andes,finiffant aupres du deftroit, & paffant par ce Royaume fort
haute,& quafi toufiours couverte de neiges. La terre eft plaine, oupour
le moins fans afpreté notable,finon aupres de la Cordillera de Perû, qui ap
proche à deux ou trois lieues pres de la cofte.
L'air & la qualité de ces terres, quoy que aucunement inegal à caufe de
la diverfité des degrés ou elles fe trouvent , toutesfois eft du meilleur &
plus habitable, qui foit aux Indes, femblable à Caftille au regard de fa
complexion; car auffi quafi tout le pays eft en la mcfme haulteur,à l'oppo
fite d'Efpagne abondant de bonnes victuailles, fertile de toutes chofes,
riche de mines de plufieurs metaux, les gens forts & difpofts ; de forte
qu'on a eu grande peine pour les affujettir : comme encor aujourdhuy il
y a plufieurs gens de guerre, & non encore domtés fur la fin de la route
des montagnes, aux provinces d'Arauco, Tucapel,& en la vallée de Puren,
aux confins & cn la marche, que gift entre la cité dc la Concepcion, & de los
-

- .
Confines,& de l'Imperiale. .
Il y a en ce Gouvernement onze villes d'Efpagnols, avec un Gouver
neur, fubjet au Viceroy,& à la Cour de Perù, depuis que le Parlement de .
ce pays fut aboly plusy font deux Evefchés, fufragans à l'Archevefque de
los Reyes.En l'Evefché de S. Iaques font quatre villes.La cité de S.Iaques, santiago.
qui fut la premiere peuplacion de Chile, que fonda le Capitaine Pierre
de Valdivia, l'an 1541.à 34. degrés, & un quart de hauteur, & au 77. de
longitud; diftant de Toledo en ligne droicte 198o. lieues, 1 5. de la mer,
& Io. outre la vallée de Chile, laquelle du commencement fut appellée
Nuevo Eftremo, c'eft à dire,2Nouvelle extremité, ou nouvelle Frontiere. En
cefte ville eft l'Eglife Cathedrale, & quelques cloiftres de Dominicains,
Francifcains, & Carmes :. la contrée fertile de blé, de vin, & d'autres
chofes, & de riches mines d'or; & font en fa jurifdiction plus de huictante
mille Indiens, divifés en 26. repartitions. La cité fe fert du port de Valpa
radis, gifant à l'entrée du fleuve Topocalma, qui paffe tout aupres de la
ville.
Le mefme Valdivia peupla pareillement Serena en l'an 1544.pres d'un Laserena.
beau port. c'eft la premiere ville des Caftillans, à l'entrée de Chile, 6o.
lieues de la cité S.Iaques, quafi au Nort, tirant vers l'Occident, pres de la
mer, en la vallée de Coquimbo, avec quelques cloiftres de Cordeliers, &
Carmes. Il n'y pleut que trois ou quatre fois l'an, & au pais qui eft devant
icelle, jamais ne pleut. Le port, qui s'appelle de Coquimbo, à 32.degrés,eft
un beau fein de mer, ou vienent arriuer les vaiffeaus de Perù. En la pro
vince de Chucuito, qui eft à l'autre cofté de la route des Andes, en terre
tCS
froide & fterile, font les cités dec71endoca,& de S.Iandela
I3 cUlX
7o 1D E S C R I P T I O N
tendez, deux peuplées par le Sieur Garcia de Mendoza, Celle de Mendoza, au
parage de S. Iaques, d'ou elle eft diftant environ 4o. lieues de chemin dif
ficile & facheux à caufe de la neige, qui eft es Andes. La cité de S. Ian de
la Frontiere »gift au Sud de Mendoça.
Lui En l'Evefché de l'Imperiale font fept villes d'Efpagnols, affavoir : la
l' imperiale. cité de la Concepcion, à trente & fept degrés de haulteur , feptante lieues
au Sud de la cité de S. Iaques,joint à la mer; fut peuplée par le Capitaine
Pierre de Valdivia, l'an 155o. il y refide le Gouverneur depuis que la
Cour fut caffée, la quelle y avoit efté depuis l'an 1567 jufqu'au 1574. il
y a des monafteres de Dominicains, Francifcains & de Carmelites. Le
ort de la cité eft en un fein de la mer à l'abry d'une ifle. La cité de Vil
: lanueva de los Infantes, ou de los Confines, que peupla don Garcia de Men
*** doza, & le Gouverneur Villegran commanda qu'elle fut appellée de
los Confines : diftant 1 6. lieues de la Concepcion , vers le Deftroit , huict
lieues de la Cordillera des Andes, & quatre de la Sierra, qui va du long de la
cofte : il y a un cloiftre de S. Dominic, & un de S. Françoys. Les In
diens indomtés approchent du territoire de cefte ville, par lequel paffe
le puiffant fleuve Biobio, & quelques autres entrans en iceluy, avec le fleu
ve Niuequeten. -

*riat La citéde l'Imperiale , que peupla Pierre de Valdivia , l'an de Chrift


1551. eft affiffe fur 39. degrés, 39. lieues de la Concepcion vers l'Eftroit,
& 3. de la mer. en icelle eft l'Eglife Cathedrale, avec un monaftere de
S.Françoys, & de noftre Dame de Grace, & en fa contrée plus de 8oooo.
Indiens, avec beaucoup d'autres en fes confins, qui ne font pas encore
domtes. loignant la ville paffe le fleuve de Cauten, par ou les navires vont
jufqu'en la mer, quoy que le havre ne vaille quafi rien. Le mefme peupla
rinarica. Villa rica, feize lieues'de l'Imperiale , tirant au Sudeft, & environ 44. de
la Concepcion, pres de la Cordillera 2Nevada(c'eftà dire les montagnes conver
tes de neige)ayant un cloiftre de S. Françoys, & de noftre Dame de Grace,
en terre froide, & fterile de pain & vin.
Waldivia. Il peupla pareillement la cité de Valdivia, à deux lieues de la mer, &
5o. de la Concepcion vers le Deftroit de Magallanes; & y font des cloiftres
de S. Dominic, S. Françoys, & de la Grace: fa marche eft fertile de fro
ment, & femailles, ayant en quelques endroicts des beaux pafturages de
troupeaux, mais point de vignes. Les marchandifes y entrent par la ri
viere de Valdivia, paffant tout aupres de la cité,& le havre eft à la bouche
°/orn. d'icelle au 4o.degré de hauteur. La cité de oforno, que peupla Garcia de
Mendoza, 6o. lieues, ou plus de la Concepcion, vers la part de l'Eftroit, à
fept lieues de la mer. il y a un monaftere de Iacopins, & de Cordeliers,
& un de Nonnains. Le pays eft froid& pauvre au regard des victuailles,
mais riche d'or : & en fa marche font 2ooooo. Indiens divifés en plu
cofro. fieurs repartitions ouvillages. La cité de Caftro fut peuplée du temps que
le Licentié Lope Garcia de Caftro fut Gouverneur des Royaumes de Pe
rû& s'appelle par les Indiens Chiluè. c'eft la derniere peuplade de Chile
fur une ifle de celles, qui font au lac deAncud, ou Chiluè. or l'Archipelago ou
la grande mer en laquelle font ces ifles & ce lac, eft au 43. degr. de hau
teur,diftant 41.lieues de ofrmovers le Sud : il y a un cloiftre de Freres
mineurs,& 12ooo.Indiens de repartition en fon territoire, qui eft une ifle
de 5o.li. en longueur,& de 2.jufqu'à 9. en largeur.cefte ifle avec quelques
autres grandes, ont efté feparées de la terre, par la violence de la mer, di
vifant & defchirant la terre jufqu'à la route des Andes. Le pays eft
plein
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 71
plein de montagnes & coftaux,fertile de froment, de mayz,& demines
d'or volant fur la plage; chofe bien peu veue. -

Le Gouverneur Villegran ofta le nom à la cité de Cagnette , peuplée


ar Garcia de Mendoza,& la fit nommer Tucapel apres la defpeupla. Ily zehavres
a audict Gouvernement, qui commence au 27. degré, le port & fleuve :*
de Copeapo & vers le Sud, celuy de Guafo, àl'entrée d'un autre fleuve ; & ***
puis Coquimboau 32. degré. & plus avant celuy de Cigua, dans le fleuve;
& de 9uintero à la bouche dufleuve de Concagua, devant celuy de S. Ia
ques, ou Valparadié; & celuy de Topocalma au fleuve de Maypa : & paffé le
fleuve de Maule, le port de la Herradura, à la bouche du fleuve Itata, au deça
du haure de la Concepcion, qui eft dans le grand fleuve Biobio vers le Nort.
L'ifle de S.Marie » vis à vis du golfe de Arauco, & le port de Caiete; & l'ifle
de Mocha, plus avant au Sud: & le haure de Cauten, qui eft celuy de l'Impe
riale : & plus outre le havre & fleuve de Tolten, au deça du port de Valdi
via; & au delà, la poincte de la Galera : & plus au Sud, Bahiagrande, qui eft
le port de Oforno au fleuve de las Canoas puis à 3o.lieuesd'iceluyvers leSud,
le lac de los Coronados, eftant le fleuve le plus large quifoit en tout le Roy
-

aume; & au bout dudict Royaume le lac de Ancud.

C H A P. XXIII.

Des Provinces de lEftroit.

Es provinces de l'Eftroit de Magallanes, s'appelle tout ce qui eft par


dela le fleuve de la Plata, vers la Mer de Midy, depuis le dernier bout de
Chile»jufques àl'Eftroit qui monte environ à 2oo. lieues : depuis 42. ou
43. degr. dehauteur jufqu'à 52. ou plus. Lequel pays, quoy qu'à diverfes
, fois il ait efté coftoyé tant du longde l'une, comme de l'autre cofte,& veu
des gens en iceluy, voire jufques à l'Eftroit mefmes; toutefois n'a pas efté
fubiugué, ne peuplé par les noftres, finon que Diego Flores de Valdes,al
lant avec une armade vers l'Eftroit, l'an 1582.y peupla à l'enrrée d'iceluy
la ville de S. Filippe : qui ne fe peut conferuer, à caufe de la grand'froidu
re, eftant affiffe en telle hauteur : & pour ce auffi cefte navigation eft dif
ficile & perilleufe, pour les continuelles tempeftes,& * combats &
efcarmouches desvens, qu'il y a toufiours.
Les havres, caps, & poinctes des deux coftes,jufqu'à l'Eftroit, ne font Les havre,
pas bien cognus; & n'en a onquelque certaine relation de tous, quoy que :
- fans doubte il y en a plufieurs, qui auffi font marqués fur les Cartes ma-deux cf.
rines. Les plus cognus qui font en la cofte depuis Chile jufqu'àl'Eftroit,
qui va de Valdivia environ 1oo. lieues à l'Oeftfudoeft,font ceux cy. Le
Cap de S. André, à47. degrés, ou la cofte fe va tourner droict au Sud
jufqu'à l'Eftroit, ayant le Cap de S.Romain au48.degré, & non loing d'ice
luy l'ifle de S.Catherine , aupres du grand golfe, qu'on appelle d'Alcarcho
fada, dans lequel font la baye de noftre Dame », & l'ifle de S. Barbe : & plus
oultre les havres de Ferdinand Galego,ou comme difent les Caftillans Her
nangallego, à 48. degrés, & deux tiers : & de là à 18. lieues le golfe de los
Reyes: & le golfe de S.Ian à 5o. de degrés : & le Cap de S. Françoys au 51.
Au mefme endroict font quelques canaux qui entrent au dedans du pays
puis l'ifle de la Campana, d'onze lieues de S. Françoys, avec des rivieres,
-

qu'on
72 D E S C. R I P T I O N
qu'on n'a pas navigué à prefent : & au52. degr. le golfe de S.Lazare ayant
aux deux coftés fix canaux ou rivieres grandes & larges, allans dedans le
pays, qui auffi n'ont pas efte finglées jufqu'à ceft heure : finalement un
Archipelago, ou grande mer avcc plufieurs ifles, pres de la bouche de l'E
ftroit à la part du Sud, comme on a toufiours dit & creu, nonobftant que
Monf. Richard Aquinas le nie, difant qu'il n'ya trouvé que quatre ificttes,
& une au milieu, ayant la figure d'un pain de fuccre, & qu'au moins elles
font diftantes fix lieues de la bouche de l'Eftroit, & que l'Archipelago en eft
de cofté, tenant auffi pour certain que c'eft ce qu'on pcnfe eftre la terre
ferme au delà de l'Eftroit, & que c'eft un abus dy ccrcher la terre
ferme. -
-" -
-

1 Ef,eil Quant à l'Eftroit, il eft vray que fuyvant le commandement du Vice


*salines. roy don Francifco de Toledo, Pierre Sarment, & Antoine Paul Corfo
l'ont paffé du Nort au Sud, & fçait on qu'il eft fitué fur la hauteur de 52,
à 53. degrés ou il s'advance le plus au Sud; & que fa longueur eft de cent
& dix à cent & quinze lieues, pcu plus,ou moins; & fa largeur d'une juf
qu'à dix lieues. mais iamais on ne l'a paflé des la mer du Sud à celle du
Nort; auffi n'a onjamais entendu, que les corfaires,qui l'ont paflé de la
mer du Nort à celle du Sud, foyent retournés par le mefme paffage. Le
fufdit Richard Aquinas afferme, qu'il a efté long temps dedans ce De
ftroit, & que toute la terre du cofté du Sud, n'eft pas terre ferme, mais
feulement beaucoup d'ifles,jufques à bien pres de 56. degrés ; cc qu'il a
cognu par experience, voguant par entre lefdites ifles jufqu'au 56. degré
fufditsmais voyant qu'il ne defcouvroit point de pays,il retourna par la
mefme route qu'il eftoit venu : alleguant auffi qu'il ne peut eftre autre
ment,à caufe de la grand'diverfité dcs marées, que caufent tant d'entrées
& d'iffues entre ces ifles, adjouftant en outre, qu'il n'y demeure perfon
ne, finon les gens de la partie du Nort, qui vienent en ces ifles pour la pe
fcherie, & retournent à la faifon en leur pays : ce qu'il entendit par plu
fieurs argumens,&fpecialement pour n'y avoir veu quelque demeurance
ferme de gens, mais feulement des petites logettes, que les Indiens y ont
fait à la hafte. Cela mefme auffi tefmoigna Françoys Draque, pour ce
qu'il luy advint paffant ledict Eftroit, l'an 1 57 9. lequel eftant pouffé en
la mer duSud, cy retourna & courrut à l'aventure à l'entour de ceftArchi
pelago, jufqu'à la bouche de la mer du Nort; mais ne pouvant aller plus
oultre, il fut conerainct de retourner par le mefme chemin, qu'il eftoit ve
nu, à la mer du Sud. .
Les lieux plus fignalés & remarquables de l'Eftroit à l'entrée du Sud,
font; le cap defré (deffeado)au 32. degré & le Canal de Tous faincts, 22.lieues
de la bouche grande & large : puis le port de Trahifon; & apres un autre
grand & long conduict ou Canal allant au Nortoeft ; & la Campanade Rol
dan, qui eft un grand rocher à l'entrée & au milieu d'un Canal : il fut ainfi
appellé, pource qu'il avoit efté defcouvert par l'un des compagnons de
Magallanes, appellé Roland, maiftre de l'artillerie : s'enfuit la poincte de
la Pofffion, à quatre lieues du capdelas Virgines, qui eft àl'entrée de la mer
duNort à 524 degrés de hauteur. Quand Pierre Sarmento & Antoine
Paul Corfoy pafferent fuyvant la charge, qu'ils avoyent de vifiter l'E
ftroit(car de longtemps au paravant avoit efté commandé dy aller pour
fçavoir, fi ce feroit point un paffage à la mer du Sud meilleur & plus aifé,
que celuy de Panama) ils yveirent deux paffages eftroits à l'entrée, au co
fte du Nort : l'un d'iceux femblant fi eftroit à Pierre Sarmento, qu'on le
-
pourroit
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 73
pourroit garder par l'artilleries ce qu'il perfuada à fa Majefté, de for
te qu'il y fut envoyé fans fruict l'armade, que conduifit Diego Flores;
quoy que le Ducd'Alba toufiours avoit protefté, qu'il feroit impoffible
de garder ledict paffage. En fin on cognut, que cefte Navigation feroit
tres dangereufe, & que le croiffant des deux mcrs, qui fe recontrent au
dict Eftroit, fe retire en apres fi furieufement, & decroift en quelques
parts jûfqu'àfoixante braffes, de forte que les vaiffeaux feroyent affés
chargés, quandils ne prendroyent avec eux, que des cables pour fe fuften
ter en la neceffité, afin de ne perdre pas & les vaiffeaux & euxmefmes en
femble. -
--

En quatre cens lieues, que tient la cofte dés la bouche de l'Eftroit juf
qu'au fleuve de la Plata, la quelle s'eftenddu tout Norteft & Sudoeft,font
les caps & poinctes fuyvantes. Le fleuve de S. ILefonfe, à 12.lieues du cap
delas Virgines,le fleuve Galego, le golfe de S.Iaques à 14 lieues du fleuve de
S.Croix au degré5o.& à la bouche d'iceluy une ifle,qu'on appelle des Lions
puis le port de S. Iulien au 49. degrét le fleuve de S.luan Serrano au Sud des
ifles de los Patos, à 47. degrés: lefleuve de Cananorà 45. & le cap de S. Do
minic, devant le Cap des troispointes & la terre des Fumees (ou de los Hu
mos) à 38 degrés. La poincte de S. Helaine , & de S.Apolonia au 37.devant
Cabo Blanco, qui eft à l'entréc du fleuve de la Plata, au cofté de Sud.

Des Provinçes du fleuve de la Plata, e5 de ' , .


, - la Brefile. -

Diaz de Solis defcouvrit le fleuve del Plata en l'an 1 515. & Seba- *
- Gabot s'ar.
ftien Gabot Anglois allant fuyvant l'ordonnance de l'Empereur avec *
une armade à la fuyte de celle , que conduyfoit le Commandeur Frere fauve de
Garcia de Loayfa vers les ifles de Malucques; luy eftant advis qu'il ne les : %
pourroit attaindre, delibera des'employeren quelque chofe profitable, *
& fe meit à defcouvrir le fleuve de la Plata, l'an 29. ou il demeura quafi
trois ans de route : mais voyant qu'on ne luy envoyoit point de fecours
pour la relacion de ce qu'ilavoit trouvé retourna en Efpagne.Il avoit efté
bien avant audit fleuve,& trouvé de l'argent entre les Indiens de ces pro
vinces, qu'ils avoyent prins en laguerre contre ceux de Peru, & pour ce
fut appelléfleuve de laPlata, c'eft a dire le fleuved'argent,car il s'appelloit pre
mierement le fleuve de Solis.Ces provinces aboutiffent à la Brefille,joingt
à la ligne de la demarcation : & n'ont point de limites determinés de nul
le part, finon d'autant que lamer du Nort d'un cofté, & d'autre part le
fleuve de la Plata, (duquel auffi toute la terre porte le nom) la borne: or
la bouche de ce fleuve eft diftant environ 16oo. lieues du port de S. Lucar
de Barrameda. -
-

Toutes ces provinces font tresfertiles de froment, vin, & fuccretoutes ranité des
femailles, & fruicts de Caftille y croiffent en abondance & ya des grands pre*nces
dufleuve
pafturages pourtoutes fortes de troupeaux, qui multiplient fans
- & de la Plata.
fpecialement les chevaux : & combien que long temps on n'euft jamais
penfédytrouver des mines d'or ou d'argent, fi eft il qu'àprefent, on en a
-

K
74 D E S C R I P T IO N
veu plufieurs demonftrations & marques, comme auffi de mines de cui
vre, & de fer, & une d'amatiftes fort parfaites & exquifes.Toutes ces pro
vinces font d'un Gouvernement Royal (car tel en eft le titre) fubject par
droict de voifinage au Viceroy de Perûs avec un Evefché contenant trois
villes de Caftillans, & grand nombre de gens du pays, qui font grands de
corps & de belle tailleor voicy les villes qu'il ya. La cité de noftre Dame
L'Affomp
tien.
d'Affomption, la premiere & capitale ville de cefte province, eftät à la hau
teur de 25.degrés & demy, fut fondée par le Capitaine lan de Salazar, au
nom de MöfieurPierre de Mendoza le Gouverneur.fa contrée s'appelloit
, au paravātGurambare, delaquelle la Brefille eft efloignée à la main droicte
28o.lieues & Ciudadreal,(c'eft à dire cité Royale, que les Indiens nomment
Guayra) qui eft en la mefme jurifdiction, en eft diftant 8o. lieues; & la cité
de la Plata 48o.vers Peru, qui eft droict à l'Occident du fleuve de la Plata;
& la cité de Santa Cruz de la Sierra, que peupla, cõme eft dict,Nuflo de Cha
ves,28o.au Sud, vers l'Eftroit de Magallanestou ilya des grands & riches
pays. or la ville eft efloignée 3oo.lieues de la bouche du grand fleuve de
Plata,ayant la rivierc de Para ay, à l'Orient, & environ 4oo.bourgeois E
fpagnols,& plus de : engendrés d'iceux audict pays, lefquels ils
appellent meftifz.En icelle ville refide le Gouverneur, & les Officiers du
Roy,& la Cathedrale, qu'on nomme l'Evefché de la Plata, eftant fufraga
ne à l'Archevefque de los Reyesor auterritoire de cefte ville font plus de
4ooooo. Indiens, multiplians de jour enjour.
Ciudad .
real.
Cité Royale , qui fe nomme auffi ontiveros, fut fondée par le Capitaine
Ruidiaz de Melgarejo,8o. lieues de l'Affomtion,au Norteft vers labrefille,
aupres du fleuve Parana, en une cótrée fertile de vivres & de vignes,abon
dante de cuivre, ayant grãd nombre d'Indiens qui multiplient journelle
ment. En ce fleuve de Parana,non loing de laville fe veoit unfaut d'eau,
que perfonne n'y ofe approcher par terre à 2oo. pas, à caufe du grãd bruit
de l'eau,& des brouillars qui en vienent esblouiffans la vœue auxgens,ne
par eau n'y ofe approcher barque ou naffelle d'une lieue, de peur que
la violence des eaux ne l'emporte audict faut, qui peut avoir la lon
gueur de 2oo. toifes de rochers taillés ; eftant auffi le lieu & le cours des
fi eftroit, qu'il femble à veoir, qu'on le pourroit paffer d'un traict
*2lI'C.
-

Buenos ay
1'5,
Bonnes-airs jadis abandonnée & à prefent derechef peuplée quafi au
mefme endroict, en la province des Morocotes fur la riue du fleuve de la Pla
taterrefertile, en laquelle proviennent abondament toutes chofes de Ca
fille & fe peupla l'an de Chrift 1535. par le Gouverneur don Pedro de
Mendoza qui acheva de defcouvrir ce que Gabot avoit commencé. Or
tous ces pays generalement font en la plaine, ayans cy & là, mais peu de
petites collinesexceptélesCordilleras ou la route des montagnes, qui peu
vent avoir environ 2o. lieues fur la cofte de ces provinces, devers la Bre
fille; & en apres vont tout a l'entour de ces Indes jufqu'au fleuve de Ma
ragnon. -

Les havres, Ilya fur la cofte de ces provinces depuis la Brefille jufqu'au fleuve de la
& poindes Plata,à ce qu'on fçait 5. ou 6 havres raifonnablement bons. Le port de S.
deceftecofte.
Vincent à 33 deg. vis à vis de l'ifle Buenabrigo, fur laquelle paffe la ligne de la
demarcation:& 6 lieues de là au Sud, le fleuve Vbay puis le port & l'ifle de
la Cananea fur 35. deg & plus oultre le fleuve de la Barca devant le port de
Bahia ou fleuve de S.Françoys. puis l'ifle de S.Catherine,autrement nommée
le port de Vera, ou de Pates : & 2o. lieues plus avant au Sud, celuy de don
Rodrigo; .
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 75
Rodrigo; & à 29. une ifle. à cinq lieues de là,Puerto Cerrado ; & à quinze
Riopoblado & d'icyderechefautant à Bahia honda, fignifiant le gofe profond
puis le fleuve Tiraqueri à trente deux & demy degrés, au deça du Cap de
S. c74arie , affis fur 35. degrés, à l'entrée du fleuve de la Plata. . -

Ce fleuve s'appelle par les Indiens Paranaguazù, & ordinairement Pa- Rio de la
rana, ayant fa bouche à la mer du Midy du 35.jufqu'au 36. degré entre les **
deux caps, fçavoir de S.Marie » à l'une riue,& Cabo Blanco à l'autre , qui
font diftans entre eux comme 3o. lieues à la largeur de l'iffue du fleuve,
ayant en iceluy plufieurs ifles, & plufieurs grands & puiffans fleuves, qui y
vienent entrer tant du Levant, que du Ponant,jufqu'au port de los Reyes,
qui eft un grand lac (on l'appelle le lacde los Xarayes) peu moins de 3oo.
lieues du fleuve de la Platas dedans lequel fe viennent rendre plufieurs
fleuves & torrens venans des Andes & eft à croire que ce font les fleuves,
qui fourdent au pays de los Charcas & de Cuzco, tirans vers le Nort : or du
Nort vient entrer audict lac un grandbras de la mer; qui a donné occa
fion de penfer, que ce fleuve fe mefle avec celuy de S.Iuande las Amazones
des autres difent qu'il fort du lac de Dorado, qui eft diftant de ccftuy cy
quinze journees : quoyque plufieursfont d'opinion qu'il n'y à pas de lac
cn Dorado. -

Au temps que le Capitaine Salazar gouverna ces provinces, apres la L'adventu


mort de don Pedro de Mendoça, l'an 1545. advint qu'un tigre entra au
lieu, ou un Soldat Efpagnol eftoit couché au lict avec fa femme, au cofté *
exterieur de la maifon; & luy donna un coup, de quoy le mari mourut, & tigre-.
l'ayāt emportél'alla devorer en un lieu couvert de rofeaux.Au poinct du
jour le Capitaine voulut aller à la chaffe de cefte befte, avec cinquante
gens d'armes,lequel cheminât par la foreft fe defvoya de fes gens,& trou
va le tigre encor tout encharné, qui le vint combattre, & à l'inftant qu'il
leuoit fa pate pour le fraper, le Capitaine defchargea fon arbalefte, &
du dard luy paffa le cœur, qu'il en tomba tout roide & mort.acte memo
rable, certes degrand courage, hazard,& dexterité

C H A p. XXV.

Des Provinces, & terres de la Brefile.

qu'il a de la terre ferme fur la cofte de la mer du Nort, à l'O


Toutes
rient du Meridien de la demarcation, s'appelle pays de la Brefille,
depuis le 29. degré de longitud du Meridien de Toledo, jufques au 39.
contenant 2oo. lieues du Levant au Ponant; & 45o. du Nort au Sud
depuis le deuxiefme degré de la hauteur Auftrale , qui eft environ le
Capdes Fumées, ou de Humos, jufqu'au vingt cinquiefme, qui eft environ
l'iffe de Buenabrigo. or dés la premiere peuplade de Brefille jufqu'à la der
niere, font 35o. lieues. Premierement la defcouvrit Vincent Yañez Pin- Vincentre
zon, par commandement des Roys Catholiques & bien toft apres Diego %
de Lope,l'an 15oo.& 6 mois apres la trouva derechef Pierre d'Alvares Ca- lesdifou
bral par fortune, comme il alloit avec une armade Portugaloife aux Indes :
car pour eviter la cofte de Guinea, il fe meit fi avant en la mer , qu'il *"
trouva la Brefille à l'improveu , & la fit nommer Saintte Croix, pour
- ce qu'en un tel jour il l'avoit defcouverte. Il y fait par tout
K2 chaud
76 D E S C R I P T I O N
chaud en hyver, & en efté, & y pleut fort: eftant entouré le pays de bof
cages & brouillars, maladieux, rempli de vermines venimeufes, propre
au beftail, mais point au labourage, nyau froment, ou mayz. ilya gran
des marques & demonftrations, qu'ony pourroit trouver or & argent, ce
que toutesfois ne fe practique pas, à caufe, que les Portuguefes ne fe fou
-

cient guere de travailler aux mines.


La principale munition de cefte terre eft le Cazabi, qui fe faict de la
muca, & la plus grand'trafique, de'fuccre, de cotton, & de bois de brefil,
qui luy donna le nom : il y a en tout le pays neuf Gouverneurs , qu'ils
nomment Capitaines, & chafcnn Gouvernement eft appellé Capitane
rie, contenans en gros 17. peuplades de Portuguefes, qui font environ
33 oo. en nombre : mais il y a grand nombre d'Indiens fort belliqueux &
hardis, qui n'ont pas donné le loifir aux Portuguefes de peupler plus a
vant, que fur la cofte ; en la quelle y a plufieurs fleuves, rades & havres
bien commodes & fpacieux, de forte que les vaiffeauxy entrent pour
grands qu'ils foyent.
La peuplacion de la premiere & plus ancienne Capitanerie, s'appelle
Tamaracà: la feconde Pernambuco, diftant cinq lieues de Tamaracàvers le
Sud, à la hauteur de 8. degrés; il y a là une maifon de la Compagnie de
Iefus : la troifiefme eft celle de Tous-Saints, cent lieues de Pernambuco,
au 13. deg. & cy refide le Gouverneur & l'Evefque, & l'Auditeur Gene
ral de toute la cofte ; il y a plus un college de le Compagnie : la quatrief
me eft la Capitanerie de los fleos, diftant3o.lieues du golfe de Tous Saintis,
à la hauteur de quatorze degrés & deux tierstouy a une maifon des peres
de la Compagnie , & s'y trouve un arbre duquel on tire un baulme tres
precieux. S'enfuit la Capitanerie de Puertofeguro, à 3o. lieues de los fleos,
à feize degrés & demy, ayant trois peuplacions, & un cóllege de Iefuites.
La Capitanerie de Effpiritufanto, 5o. lieues de Puertofeguro, au degré 2o.
ou fe faict grand amas de brefil; ilya pareillement un college de peres Ie
fuites. La Capitanerie du fleuve Genero, diftant 6o. lieues de l'Efiri
tufanto, à 23. degrés & un tiers, avecune maifon des peres de la Compag
nie & en fa jurifdiction fe coupe grand'quantité du bois de brefil,le fleu
ve eft fort bel à veoir, & les rivages fort plaifans & profitables. La der
niere Capitanerie, fe nomme S. Vincent, 6o. lieues du fleuve Genero, au
24. degré, ayant une fortereffe fur une ifle pour fe garentir tant contre les
Indiens, que contre les Corfaires, & une maifon defdits peres, qui ont
grandement advancé la peuplacion de ces terres, & la converfion des In
diens.On y nourrift plufieurs troupeaux, fpecialement des porcs & pou
lailles : & y trouve on auffi l'ambre en bonne quantité, que la mer par les
orages & tempeftes jette à la rive, de forte que plufieurs perfonnes s'en
font enrichys. L'eftéy dure depuis Septembre jufqu'à Febvrier,& l'hyver
depuis le Mars jufqu'à l'Aouft; les nuicts font quafi de mefme grandeur
que les jours, qui ne croiffent & diminuent que feulement une heure. en
hyver toufiours le vent ferà Sud, ou Sudeft; en efté toufiours Norteft ou
Eftnorteft.
,, Il y a par toute la cafte huict ou dixhavres plus fignalés, qui font : le
paux ha- fleuve de S.Domingo, & de las Virtudes au Norteft de Pernambuco, & Tama
:*** raca, qui eft une ifle & la premiere peuplacion, comme eft dit ; devant le
Cap de S.Auguftin, qui eft au 9. degré: le fleuve de S.Francfo, qui eft grand
& large à dix & demy: le Golfe de Tousfaincts ou Todos Santos ayant trois
lieues de large, & treize au dedans du paysjufqu'à S.Sauveur : puis la ri
- -

V1ere
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|| DESCRIPCION DE LAS INDIAS
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D E s IN D E s O C CIDENT A L E S. 77
viere & le port Trénado, ou arrivent lesvaiffeaux, qui vont en cefte naviga
tion: & le fleuve de Canamun à 134 degrés. Le fleuve delas Cuentas, ou de
S.Auguftin à 144, le fleuve delas Virgines à 16. Puerto feguro à 17 le fleuve de
la Parayua à 2o. degrés non loing de Santi le fleuve Genero pres de
:
S.Sebastient & Cabrofio au 23. degré, par deça S.Vincent.

Icyfe doibt mettre la quatorziefme Carte.

C H A p. XXVI.

TDes Indes du Ponant, qui fnt les fles de l'Efpecerie,


les Filippines, la cofte de China, Iapon, &
los Lequios.

du Ponant font appellées toutes les ifles & terre ferme, que con
I*
tient la demarcation de la Couronne de Caftille & Leon, vers l'Occi
dent d'icelle demarcation; la quelle, comme eft dit cy deffus, à l'autre co
fté du Monde paffe par deffus la cité de Malacqueayant a l'Orient & vers
la neuve Efpagne la grande mer du Sud, & des ifles fans nombre gran
des & petites , & plufieurs pieces de coftes & terres fermes,qui font
comprins foubs le nom des ifles de l'Efpecerie , ou qualucques, ifles Fi
lippines, cofte de China, ifles de los Lequios, Iapones, cofte de la nouvel
le Guinea, fles de Salomon, & de los Ladrones. Le temperament de toutes
ces ifles & terres generalement eft humide & aucunement chaleureux,
fertile de vivres & animaux ;. ayant quelque peu d'or, mais de bas a
loy, rien d'argent, beaucoup de cire , les gens differens de couleur , la
plufpart comme les Indiens, les uns plus blancs, les autres noirs, ou
bruns.
Les Malucques, ou les ifles de l'Efpecerie, qui fe nomment ainfi à raifon, fesduMa
que d'icelles viennent toutes les efpeceries de poivre, cloux de giroffle, la
canelle, gingembre, noix mofcate, & maftic, de quoy on ufe en l'Europe,
font en grand nombre, mais il y en a cinqplus fignalées en ladicte mer
eftans bien petites deffoubs la ligne,au 194 degré duMeridien de Toledo,
enclofes foubs l'hypoteque, que autrefois engagea l'Empereur Charles
V. au Roy de Portugal pour 35dooo. ducats. La premiere s'appelle Ter
renate ,de huiçt, ou neuf lieues en rondeur, ayant un havre, qu'on appel
le Talammagamme : en icelle regna Corala, qui fe donna pour Vaffal du
Roy de Caftillc, quädles nefs demeurées de l'armade de Magallanes trou
verent ces ifles. L'ifle Tidore en eft diftant une lieue vers le Sud, ayant
1o. lieues au contour : celle de Matil ou c7Autier n'en a que quatre, & gift
deffoubs la ligne: & à trois lieues au Sud,Maquian, ayant fept lieues de cir
cuit:& dix lieues au Sud d'icy Batan, ou Baquian ayant 2o. lieues en la cir
conference. En celle deTidore regnoit Almanzor , qui auffi fe donna
pour Vaffal du Roy de Caftille, luy envoyant lettres d'hommage, par la
main de Ian Sebaftié de Cano,natifde la Ville Guitarca, qui eft en la pro
vince de Guipuzcoa : lequel partant de Tidore l'an 1522. rencontra l'ifle
de la Zamatia, & montant jufques à bien pres de 42. degrés de l'Antarcti
que, arriva à l'ifle de Santiago de Cabo Verde; & de la vogua par mer jufqu'à
K3 -
Seville
7s D E S C R I P T I O N
Seville fur la nefVictoria, yayant employé peu moins défept mois depuis
l'ifle Tidore ». Batian eft la cinquiefme de ces ifles,femblable aux autres,
en laquelle demcuroyent des Mores & payens, ne cognoiffans pas l'im
mortalitéde l'ame. Et quand la nef de Fr. Garcia de Loayfa arriua en
Tidorey regnoit Rajami aagé de 13.ans, lequel fit de nouveau hommage
au Roy de Caftille: pareillement auffi le Royde GilolonomméSultan Ab
derra Memjamj; & le confirmerent par ferment.
Gilolo eft une ifle deffoubs la lignc, diftant 4 lieues des fufdites, ayant
2oo. lieues au contour, fans Efpeceries. L'ifle Ambon à trois degrés & de
my, au Sud de l'ifle de Gilolo, fans Efpecerie. les ifles de Bandi à 4.degrés
dc la hauteur Auftrale, ou fe cueille la noix mofcate , & le macis : puis
Burro à l'Occident de Ambon : & Timor au Sudoeft de Bantam de cent
lieues ou environ, fans Efpecerie, mais abondante du bois de Santal.
Zeinda 5o. lieues de Timor au Nortoeft, de 4o. lieues au contour, livrant
trefgrande quantité de poiure. Oultre plus la fpacieufe ifle de Celebes, &
Borney qui mefmes la furpaffe en grandeur, vers l'Eftroitde Malacque, le
quel eft entre la terre ferme & Zamatra, jadis appellée Taprobana. Il y en a
encor plufieurs autres,tant grandes que petites,au Sud de Iava mayor, qui
eft la grande, & menor, qui eft la moindre pareillement au Nort vers la cofte
de China. Les Portuguefes tienent un fort en l'ifle de Terrenate; & en la
cité de Malacque à l'entrée de la grande mer , qu'ils appellent Archi -

elago. , -
-

Les Filippi
- fes Ifles Filippines font une grande mer de 3o. ou 4o. ifles grandes,
fans beaucoup d'aupres petites, jointes par enfemble depuis le 6. jufques
au 15. ou 16. degré de la hauteur du Nort, cn moins de 2oo. lieues de
longueur du Nort au Sud, & Ioo. de largeur, entre la neuve Efpagne, &
le golfe de Bengala,& font efloignées du port de Navidad qui eft en la neuf
ve Efpagne, environ 17oo. lieues. Le temperament yeft raifonnablesfer
tile de viures, & fpecialement de ris, & quelque peu d'or, qui eft de bas
aloy : en aucunes de ces ifles fe trouve l'arbre de la canelle, & du long
poiure. Lesgens y font de bonne taille, & ceux qui fe tienent plus avant
au pays font plus blancs, que les autres qui demeurent pres de la mari
ne : il y a des bons havres, & de la matiere affés pour des vaiffeaux.
Les noms des ifles plus fignalées font ceux qui s'enfuyvent. 7Aindanao
la plus grandc & la plus au Sud, de cent lieues en longueur, & trois cens
en rondeur, terre rabboteufe, & neantmoins abondante de mayz, cire,
ris, gingembre, & aucunemcnt de canelle, ayant quelques mines d'or,
Buenas fe avec de bcaux haures & rades. L'ifle de Bonnes enfeignes, ou S. Ian, ap
nales.
prochant de Mindinao du cofté d'Orient, s'eftend vingt lieues en lon
gueur Nort & Sud. Behol à 1o.lieues de Mindanao vers le Nort,de 19.lieues
en longueur.L'ifle de Bugla,oudes Noirs(car les Noirs y demeurent)au mi
lieu de la grande mer vers le Soleil couchant , de 4o. lieues en lon
gueur, Nort & Sud , & quatorze de largeur ; on y trouve fur la co
fte quelques perles. L'ifle de Zubu, au milieu de toutes les auttes,
de trente lieues en longueur Nort & Sud, & en icelle une ville d'E
La ville de fpagnols , qu'on nomme la ville de Iefus , au Levant de l'ifle , ayant
Iefu. bon port, fans encore quelques autres en la mefme ifle ; que defcou
vrit le Capitaine Ferdinand Magallanes, l'an 152o. le Roy fe donnant pour
vaffal du Roy de Caftille.Peu au paravant ilavoit auffi defcouvert les ifles
des Voiles d'Efpagne (ou de las Velas Latina) car ces gens au lieu de voi
les vfent de mattes de palme à la façon d'Efpagne. or de Zubu fortit
-

ledict
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 79
ledict Magallanes avec le Roy, pour faire la guerre au Roy de Matan, en Ferdinand
de Marall
une ifle pres de Zubu, au cofté de Sudou il fut tué par la trop grande con :
fiance qu'il avoit eu de foy mefme. fes Compagnons pourfuyvans leur enl'flede
voyage vers les ifles de l'Efpecerie, defcouvrirent 9uepindo , Pulvan, & Matan
Burney qui eft une grande ifle, riche & abondante en ris, fuccre, chevres,
porcs, chameaux (mais il n'ya point de froment, ny des afines, ny des bre
bis)au refte bonne quantité de gingembre, camfre,myrobalans,& autres
drogues.Pareillement en l'an 1527 furent autrefois defcouvertes ces ifles -

Filippines par Alvaro de Saavedra, qui auffi en print la poffeffion de par , ,


la Couronne de Caftille, eftant forti par commandement du Marquis saavedra
du Val du port de Ciuatlanejo en neuf Efpagne pour aller auxifles de l'E-* *
fpecerie : il s'y arrefta quelque temps, & fpecialement en
or il me femble, que cefte digreffion n'eft pas du tout hors de propos. Filipines au
Retournant donc à vous defcrire l'ordre des ifles Filippines, s'enfuit *:
apres les fufdites Abuyo, ou Babay, de 3o. lieues en longueur,Nort & Sud,
& 1o. de largeur; ou fe trouvent des bonnes mines, & des perles fur la co
fte. Tandaya la plus celebre & renommée de toutes(car ce fut la premiere
u'on defcouvrit)s'appelle Filippine, comme auffitoutes les autres en gros
à l'exemple & imitation d'icelle en memoire du Trefpuiffant Roy Filip
pe II. le Prudent; s'eftend4o. lieues en longueurvers le Nort; & à l'O
rient, Nortnorteft, & Sudfudeft : & au plus large 12. lieues, ayant des
beaux havres & rades. puis y a Masbat, qui eft une ifle de moyenne gran
deur au Ponant de Tandaya, de la longueur de 17. lieues. Panay de 4o.
lieues en longueur, & 15 en largeur avec un port. c24indoro en a 25. en
longueur du Nort au Sud, & la moitié de largeurs il s'y trouve du poiure,
&des mines d'or. L'ifle de Luzân, autant ou plus grande que Mindanao, la
plus Septentrionale des Filippines, s'appelle auffi nueva Caftilla, en la quel
le eft une ville d'Efpagnols, qu'onnomme Manilala noble » : il y refide le Lacitéde
Gouverneur,& les Officiers des biens & threfor Royal,& la Cathedrale; **
c'eft un pays abondantdevivres, & de plufieurs mines d'or: le havre de la
cité ne vaut gueres, & cependant y a grande contractation & trafique
des marchans de China,lefquelsy apportent des vaiffeaux de porcelaine,
& des flafcons, foyes de couleurs, & autres marchandifes. Luzôn peut a
voir 2oo. lieues en longueur, eftant fort eftroite. .
En toutes ces ifles font beaucoup de Mahumetiftes, quiy font venus par
l'lnde Orientale, & ont facilement perfuadé à ces aveugles Payens leur
faulfe religion & mefcreance. Elles * premierement defcouvertes,
comme a efté dit, en l'an 152o. par le Capitaine Magallanes, conduyfant
l'armade du Royde Caftille, à la recerche des Ifles de Malucques, & en
print la poffeffion: en apres les defcouvrit plus à plein Michel Lopez de
Legazpi, l'an 1564. conduifant l'armade de neuf-Efpagne par l'ordon
nance du Viceroydon Loys de Velafco. on eftime que le nombre de ces
ifles petites & grandes monte environ onze mille, quoy qu'il n'y en a que
peu plus de4o. pacifiées, mais les gens qui fefont convertis à la Religion
Catholique,font plus d'un million, aux grandes defpenfes de la Couronne
Royale, n'ayant jufqu'à prefent tiré aucun emolument de ces pays ; de
forte que chafquun religieux, qu'on y a mené luy a coufté mille ducats.
or ceux qui jufqu'à ceftheure cultivent cefte vigne au grand profit des
pauvres ames, font les moines des quatre ordres, & les Iefuites. & c'eft
en ces ifles que le cours des Mahumetiftes fut interrompu, qui fans cela,
de par la cofte d'Afie s'en alloyent eftendre peu à peu, &femer leur faufe
fuperftition,
8o D E S C R I P T I O N
- fuperftition, en ces ifles,& es autres,& en China,& en Iapon mais ils ont
, efté empefchés par les Caftiliens : voire qui lus eft, les Portugefesfans
doubte auroyent defia perdu les ifles de * ne fut que les Efpa
gnols qui fe tienent es ifles Filippines, leur euffent donné fecours &affi
ftence,à diverfes fois & en plufieurs manieres.
Les provin Depuis la trafique des Filippines on a eu plus claire cognoiffance de
ces & Roy
aumes de
China,& de la richeffe & fertilité d'icelle.C'eft un des plus puiffansRoy
China. aumes du Monde : or il ya de Manila jufqu'à la cofte de China 3oo.lieues,
de huict jours de navigation; ladite cofte s'eftend comme au Norteft plus
de7oo. lieues depuis 21ou 22. degrés de hauteur en avant; & ya parter
re à travers du pays cinq ou fix mois de voyage, jufques aux bornes de la
Tartarie, tout plein de grandes cités, avec plufieurs peuples, les gens ci
vils & prefts à la defenfe, mais point belliqueux. La cofte eft fort peu
plée, avec plufieurs grands & puiffans fleuves & havres;elle s'eftend Nort
& Sud depuis 17.jufqu'à 5o. degrés; & en occupe 22 de l'Eft à l'Oeft. La
cité de Paquin, ou le Roy tient fa Cour, eft affiffe en la hauteur du 48.deg.
dc noftre Pole. Tout le pays eft divifé en 15. provinces ; fix fur la Mer,
& neuf au dedans du pays, eftans feparées les unes des autres par des
montagnes, comme font les Pirenees entre l'Efpagne & la France; & n'y a
que deux paffages par lefquels onva des unes aux autres.
Thomas Perez Embaffadeur du Roy de Portugal, tarda de Cantàn à
2Nanqui quatre mois, cheminant toufiours vers le Nort. A lagrandeur de
ce Royaume fe joint auffi la fertilité de la terre ; à laquelle aident gran
dement tant de fleuves navigables, qui l'arroufent, & la rendent fembla
ble à un beau verger ou jardin. La dite fertilé s'augmente encor au dou
ble par artifice, pource que les Roys n'efpargent point de defpens à celle
fin que toute la terre fe puiffe entierement arroufer, faifans couper des
grands bois, & applanir des montagnes & vallées. Voyant donc que la
chaleur nc luy manque (car elle eft quafi du tout comprinfe entre les li
mites de la Zone temperée)ny l'humdité(car la complexion naturelle de
l'air y eft douce & amyable) il ne fe faut efmerveiller, que par l'induftrie
des gens toute chofe y provient en extreme abondance , comme ainfi
foit, que tout chafquun eft contrainct de s'occuper en quelque affaire, &
qu'on n'y laiffe pas un pied de terre fans profit. Voire on dit qu'en la ville
de Cantàn y a plufieurs aveugles, qui font tous contraincts de travailler
chafcun felon qu'il peut. Confideré auffi qu'il n'eft loifible de fortir du
dictpays fans congé, qui ne fe donne que pour un temps , s'enfuit necef
fairement que le nombre des gens foit infini, comme quitoufiours s'aug
mente,fpecialement puis qu'ils tiennent pour tout affeuré, qu'il en vient
fept, au lieu de cinq qui meurent. l'air y cft fi tres pur & bon, qu'il n'y a
memoire de quelque pefte univerfelle qui fut. Ce neantmoins tous ces
biens ne peuvent empefcher, qu'ils n'ayent auffi leur part de malheur.car
ilyadvient des grands tremblemens deterre, qui enfoncent des villes
enticres, defolent la terre , cachent les fleuves anciens, & en defcou
vrent des autres, applaniffent mefmes des grandes Montagnes, a la ruine
& defolation des perfonnes. L'an 1 55 5. fortit du dedans de la terre fi
grande abondance d'eau, qu'elle inonda 6o. lieues du pays, & deftruifit
fept villes avec leurs jurifdictions. & jufqu'icy font affés dict de la terre
ferme dc China. - -

Au long dc la coftc font plufieurs ifles, mais la plus part à nous inco
gnues.Au contour de la cité de Nanqui fe veoit le cap de Lampo, les ifles
d'Aueniga,
D ES IN D E S O C C I D E NT A L E S. 81

d'Aveniga, Abarda, Sumbur, Lanqui, & de Cavallos, defquelles on n'a pas de


cognoiffance particuliere. Apres la ville de Cincheo, s'enfuit Lamao : & au
tour de Cantan un grand nombre d'ifles; dont lesplus cognues& renom
mées font Lantao,Macao, Veniaga, ou eft le port de Tamo, Lampaco, Sancoan.
Or le Roy de China tiétfes garnifons par toutes ces ifles,horfmis Lampaco,
qui eft deferte. En CMacao, qui fe nomme auffi calacan, eft une villette
des Portuguefes, que ceux de China malgré qu'ils en cnt , font con
traints d'y laiffer en paix, pour la valeurd'iceux, & pour la faveur,que
leur portent les Efpagnols des Filippines. Mais les Portuguefes tafchent
de les conferuer en amitié, pour autant que le commerce & la trafique
de China leur emporte de beaucoup. Sancon eft diftant 3o. lieues de
Cantan, ou les Portuguefes à diverfes fois font arrivez. Mais nulle des
ifles de China n'eft de plus grande importance que Anjam , à l'entrée
- de la mer Cauchinchina, diftant cinq lieues de la terre ferme, & cent qua
tre vingt des Filippines. elle eft fi grande qu'il y a ( à ce qu'on dict)tren
te forter effes : & la pefcherie des petites perles ; elle abonde de vi
vres, & de plufieurs fruicts; & eft comprinfe au Gouvernement de Can
tan; c'eft la principale partie de China, quoy que les gens y font groffiers
& ruftiques.
Iapon,font beaucoup d'ifles que plufieurs petits bras de la mer feparent, lagon.
eftans divifées en 33. Royaumes, dont la ville capitale s'appelle c71eaco.
Or ce Iapon eft diftant inegalement de China : on conte de l'ifle Goto en
Iapon, jufques à Liampo en China 6o. eft le plus proche. Les Chine
*
fes font grandement travaillés & moleftés par ceux cyplus par brigande
rie & volerie fur la mer, que par vraye & jufte guerre: car les Iapons, qui
font divifés en tant d'ifles & Scigncuries,feroyent trop foibles pour leur
faire la guerre, combien qu'ils foyent beaucoup plus courageux & bel
liqueux, que non pas les autres. Le pays eft temperé de complexion,fer
tile de femailles, & troupeaux, & volailles d'Europe : il y a des mines de
fer & d'acier: les gens hardis, robuftes,& faifans grands travaux. ces iffes
font affiffes en la hauteur de 35. degr. peu plus ou moins, conforme àla
diftance de chafcune d'icelles. Les Iapons ne s'entendent point avec les
Chinefes, finon par efcrit, à caufe qu'ils ont les mefmes lettres, oupour
mieux dire les mefmesfigures, qui leur fignifient la mcfme chofe, combien
qu'clle ne s'appelle par les uns & par les autres du mefme nom. Car ces
caracteres ne font pas pour denoter les paroles, ains les chofes mefmes
tout ainfi comme les lettres du cifre. car efcrivés un neuf en cifre, le
Françoys,l'Anglois,l'Efpagnol entendrà que c'eft un neufmais chafqu'un
le nommerà à fa maniere. -

De l'un cofté donc les Iapons confinentavec China, & de l'autre avec
les Filippines, d'ou fe practique le commerceavec iceux, les Peres Iefui
' tes travaillans fort à la converfion de ces Royaumes; & y font du grand
fruict. Car dcfia a cefte caufe font ces ifles fort renommées par tout
comme auffi à caufe des Ambaffadeurs de cefte nouvelle Chreftienté au
Pape,& au Roy Filippe II. le Prudent. Or comme la nature à pofé ces
ifles à part, & loing du refte de la terre, ainfi font auffi les gens d'icellcs
grandement en conftumes & manieres differens des autres nations. L'an
1592. Nobunanga, qui fe faifoit appeller Empereur de Iapon , attaqua
une province tributaire à la Couronne de China avec 8oo. bateaux, &
-

2ooooo. hommes, & la gaigna.


De l'ifle dc Simo, qui cft l'une des grandes de Iapon, s'eftend entre Eenie
32 D ESC R I PT I O N
l'Eft & le Nort une route d'ifles petites, qu'on appelle los Lequios, & fe
va trainant vers la cofte de China. Les deux grandes, qui font chafcune
d'environ 15. ou 2o. lieues, pres de la cofte de Iapon, fe nomment Le
quio mayor & deux autres qui font fur la fin de la mefme route grandes
auffi, moindres toutesfois que celles que nous venons de nommer, s'ap
ellent Lequio menor. Il y en a qui font bien peuplées de gens bien .
difpofts, blancs,bien veftus, & politiques, guerriers, & de bon efprit.
il y a plus d'or , qu'en toutes les autres de la dite mer; & non moins
de vivres,fruicts, & bonne eau. Pres de Lequiomenor fe veoit l'ifle Hermof,
c'eft à dire la belle , qui eftde la mefme condition. aucuns difent qu'el
le eft de la grandeur de Sicile.

-
C H A p. XXV II.

De la neuve Guinea, des fles de Salomon, & los La


drones, qui est le reste des Indes
du TPonant.

La neuve
Guimea.
A cofte de la nouvelle Guinea fe commence à 1oo.lieues au Levant de
l'ifle Gilolo, au premier degré peu plus par delà la ligne ; d'ou elle fe
va trainant vers l'Orient,par * de 3oo. lieues jufqu'au 5. ou fixiefme
degré de hauteur. on a efté en doubte jufqu'à prefent, fi c'eft une ifle
ou terre ferme, pour ce qu'elle s'allonge tant ; affavoir, fi elle nefe join
-
droit point quelque part au Sud avec les pays des ifles de Salomon,
ou avec les provinces de l'Eftroit de Magallanes. Mais cefte queftion
- fut decidée, par ce qu'en ont rapporté ceux , qui ont voyagé au Sud du
dict Eftroit, que là n'ya point de terre ferme, mais des ifles fans plus : &
que bien toft apres s'enfuit une grande mer. comme a tefmoigné le
Seigneur Richard Aquinas Cavallier Anglois, qui vogua l'efpace de 45.
jours cntre les fufdites iflcs.
Les fes,é, De puis la mer il femble que la cofte de Guinea foit bonne terre les gens
% u'on ya veu font bruns de couleur: & font en la cofte plufieurs ifles avec
* " des rades & havres commodes, defquels cependant on n'a point de par
ticuliere cognoiffance; car on ne les aguere hantés. Ceux qui font mar
quez en aucunes cartes, font; affavoir à 35. lieues à l'Orient de la pre
miere terre , qui eft au premier degré par delà la ligne, le port appellé LA
guada : puis à 18. lieues d'iceluy leport Saint laques & l'ifle de los Crefpos de
16. lieues en longueur, joint à la cofte, visà vis du port de S. André, di
ftant quarante lieues de celuy de S. Iaques. & plus outre vers le Soleil le
vant le fleuve de las Virgines; & puis la Baleine , qui eft une ifle au deça
de la riviere de S. Auguftin, feparée environ cinqante lieues de port de
S. André. & pres de là le fleuve S. Pierre & S. Paul, avant le port de S.
Ierofme : plus une petite ifle pres de Puntaflida, quarante lieues de S.
Auguftins on l'appelle Buenapaz, ou Bonne paix. plus avant l'Abry, & c2/a
legens, qui font des iflettes: & la baye de S. Nicolas à cinqante lieues de
Puntafalida, & entre les autres une ifle de gens blancs : puis la 71adre de
Dios, avant Buenavaya puis la nativité de noftre Dame , qui eft le dernier
qu'on a defcouvert; & quafi droict au Nort d'icelle, l'ifle de la Caymana,
-

dedans
D E S IN D E S O C C I D E NT A L E S.
dedans la mer entre plufieurs autres,qui font fans nombre. La cofte du
Midy nous cft incognue. Le premier qui defcouvrit la neuve Guinea,
fut Alvaro dc Saavedra, lors que retournantvers neuf Efpagne , il s'en
alloit efgaré du chemin par les orages , aprcs que le Marquis du Val
l'eut envoyé de Neuf Efpagne à la rccerche dcs ifles de l'Efpecerie , en
l'an 1527. -

Les fles de Salomonfont diftant 8oo. lieues de Peru. Ce nom leur fut im Les ifles de
Salomon.
pofé pour l'opinion, qu'on avoit de leurs grandes richeffes ; s'appellent
auffi par privilege fpecial ifles du Ponant , pour eftre à l'Occident
de Perù, d'ou auffi furent dcfcouvertes par Alvaro de Mendoza, au
mandement & ordonnancc de fon oncle Lope Garcia de Caftro, Gou
verneur des Royaumes de Peru, l'an 1567. Le premier qui veit de fes
yeux la terre de ces ifles, fut ungarçon appelle Trejo, comme il cftoyt
monté à la gabie d'une nef Elles font afflifes entre & depuis fept degrés
jufqu'à douze, à l'autre cofté de la ligne Equinoctiale, environ 15oo.
lieues de la cité de los Reyes. font auffi en grand nombre & grandes,
mais dixhuict les plus fignalées. Les unes de 3oo. lieues au contour, les
autres d'environ 2ooa & de 1oo. & de 5o. & de moins, fans quelques
unes, voire plufieurs qu'on n'a pas encore du tout coftoyé. On dit
que il pourroit bien eftre, quc ce foit une terre ferme tenante à Guinea,
& aux terres encor°incognues à l'Occident de l'Eftroit.Or toute la cofte
de ces ifles femble eftre de bonne complexion, & fertile de vivres & trou
peaux. on y a trouvé quelques fruicts d'Efpagne, porceaux, poullets, &
grand nombre de gens de couleur brune, comme lès Indiens, des blancs
des rouges, des noirs : d'ou on pourroit aifement croire que ces terres
aboutiffent à la neuve Guinea, & que delà foit venu toute la meflange
de ces gens tant divers & differens, qu'on veoit auffi fe tranfporter aux
- - ,
- ifles de l'Efpecerie. -

Les ifles plus grandes & plus fignalées font, celle de S.fabelle , de 8 juf
qu'à 9. degr. de hauteur, ayant plus de 15o. lieues en longueur, & 18. en
largeur,& un bon havre, qu'on appclle de la Eftrela, on de l'Eftoile.A une
lieue & demye d'Ifabelle au Sud, fe trouve S. George, autrement Borbi, de
3o. licues au contour. S. Marc, ou S.2Nicolas de 1 oo. lieues au contour, au
Sudeft de SIfabelle. & au Sud, l'iffle de Arracifs de la mefme grandeur.Et
à l'Oeft, S.Hierofme de 1co. lieues en rondeur. & au Sudoeft Guadalcanal,
la plus grande de toutes. & au Levant de S. Ifabelle, l'ifle de Buenavista,
cou, de bonne veue, & S. Dimas, & l'ifle de Florida chafcune de 2o. lieues au
contour : & à l'Orient d'icelle, l'ifle de Ramos de 2oo. lieues au contour:
& pres d'icelle Malaita; & Atreguada de trente, & les trois Maries & l'ifle
S.Ian de douze lieues en la rondeur entre l'Atreguada , & celle de S.
Iaques qui eft au Sudde Malaita, de cent lieues à l'entour ; & au Sudeft
d'elle, l'ifle de S. Chriftofle de la mefme grandeur : & S. Anne , & S.
Catherine , deux iflettes joint à la fufdite : & puis Nombre de Dios une
petite iflette, effloignée d'environ cinquante lieues des autres, à fept de
grés de la hauteur : & au mefme parage au Nort d'Ifabelle,font les bancs,
-

qu'on appelle de la Candelaria.


On rencôtre au chemin, qu'onva de Peru aux ifles de Salomon, une ifle
nommée S. Paul, à 15. degr. & 7oo. lieues de Perù. & à 19. degrés,& 3oo. .
lieues de la terre, des autres qui font par adventure celles, que par cy de
vant onappelloit lesifles de Salomon:ou peut eftre des autres qui fe trou
--- -

vent non loing de là, au parage de Chile. - » »

L2 . - Les
ID E S C R I P T I O N -

Les Ifles de - Les ifles de los Ladrones, c'eft une route defeize iflettes jointes, qui font
les Ladre
droict auNort du milieu de la cofte de la neuve Guinea, depuis 12.jufqu'à
17. degrés de la hauteur du Septentrion, ouplus, non loing des Filippi
- nes vers le Soleil levant. Le pays eft tout fteril & miferable , fans beftail.
fans metal, peu de vivres, gens pauvres, quoy que bien difpofts, nuds, &
fort enclins au larrecin, jufques à defrober les cloux des navires, lefquel
les y abordent. caufe, que le chef de l'Armarde Magallanes, les appella
los Ladrones, c'eft à dire les Larrons, l'an 152o. quand il y arriva allant à la
recherche des Ifles de l'Efpecerie. Les noms de ces ifles font,l'Inglef, ou
l'Anglofe, qui eft la plus feptentrionale. puis Ota Mao, Chemechoà, Gregua,
Agàn, ou Pagan, Oramagan, Guguan , Chareguan , 2Natan, Saepan, Bota, Volia.
Entre ces ifles & les Filippines font encor 18. ou 2o. autres, qu'on nomme
Los Reyes. de los Reyes, & l'Archipelago, ou les ifles du Coral, & les Iardins, une autre quan
Los Iardi
mes. titéd'iflettes, & Pialogo, ouSan Vilan qui eft auffi une iflette pres de los lar
dines puis celle de los Matelotes, & de S. Ian, ou de Palmas pres des Maluc
ques. Et à la part Septentrionale de los Ladrones, cinq ou fixiflettes join
Volcanes.* ctes, qu'on appelle de Volcanes; oufe trouve grand'abondance de coche
Malpelo. nille en apres Malpelo, qui eft auffi une petite ifle, ot fe trouve du Cinaloes
foit exquis & fin.Al'Orient de los Ladrones, font deux iflettes, qu'on nom
Doherma- me deuxfeurs, & dos hermanas en Efpagnol, à 1o. degrés. & S. Barthelemy à
S.Barthele 14. & plus avant vers la Neufve Efpagne les Bancs, qu'on appelle Miraco
my. movas, & 9uitafueio, ou Catanoduermas, eomme qui diroit en Françoys
S.Martin.
Avfs-vous, & Sans-dormir pres d'iceux l'ifle de S.Martin : & puis S. Paul,
Paul. qui eft une autre ifle avec quelques graviers; & la Poplada, qui eft le plus
à l'Orient vers la Neuf Efpagne.Or en ces ifles de los Ladrones fut auffi Al
varo de Saavedra, l'an 1527. retournant des ifles de l'Efpecerie vers la
neuve Efpagne.

C H A P. XXVIII.
-

Du Grand Confeil des Indes, du Gouvernement Spirituel,


e5 du Royal PatronnageEcclefiafticq.
-

Es Rois Catholiques de Caftille & de Leon, continuant leur aueien


L ne & Chreftienne pitié, tout auffi toft que ce Nouveau Monde fut
defcouvert,& conjoinct à cefte belle Monarchie, feirent grand debvoir
d'y placer & planter la religion Catholique, & la police temporelle, par
advis & confeil des plus fages & entendus de leurs Royaumes. Voyans
donc qu'enfemble avec la defcouverte de nouvelles contrées auffi les
charges de jour en jour s'augmentoyent, ils drefferent à cefte intention
Le Confeil un Confeil particulier, avec Prefident & Confeillers, afin qu'iceux n'a
des Indes.
yans autre chofeà faire, s'employaffent du tout à ce que tant emporte
au fervice de Dieu noftre Seigneur, & au bongouvernemenr dudit Nou
veau Monde. Et confideré que par cy apres ferà traicté particulierement,
de ceux qui dés le commencement ont fervy & travaillé au dict Grand -
- Confeil des Indes, qui jufqu'à prefent a porté ce pefant faix : je diraypre
mierement en peu de paroles du Gouvernement Spirituel & Temporel,
deduifant les chofesplus remarquables & dignes de fçavoir, a fin que
toute la conftitution de cefte Monarchie fe puiffe tant mieux entendre. -

La
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 35
La premiere ehofe, que ces bons Roys enjoignirent & recommande
rent bien eftroitement au premier defcouvreur, & de main en main aux
fuyvans,& aux Gouverneurs de ces pays, fut d'y mener& placer des gens
de bonne vie, qui par leur exemple pourroyent inviter les Indiens, & in
citer à la religion Chriftiene, y envoyant tout auffi toft,felon que l'Euan
gile commande, les religieux avec la predication de la Parole, à ce que la
Religion, s'il eftoit poffible, y fut plutoft receue par douceur & amitié,
que par la violence des armes. Pour le deuxiefme, d'adminiftrer la juftice
egalement à tous, petits & grands, de forte que chafcun auroit occafion
de s'en louer. Le tout eft augmenté comme les peuples s'augmentoyent, combien
d'Archeve
de telle façon que par le Zele du fervice de Dieu & du bien des hommes, fhés, Eve
il eft venu fi avant, qu'aujourdhuy fe trouvent fondés en ce Nouveau *
Monde, qui eft poffedé par la Couronne de Caftille , comme vous avezfrenéef
peu entendre par cy devant, cinq Archevefchés, vingt & fept Evefchés, les ilya aux
Indes.
deux Vniverfités ou fe fait profeffion de toutes fciences, plus de quatre
cens monafteres de Religieux des quatre ordres, & des peres de la Socie
té de Iefus, avec quelques cloiftres de Nonnains, des colleges, des hofpi
taux fans nombre, des confrairies, & un nombre infini de curés ou mai
ftrifes d'efchole pour enfeigner la Religion à ces nouveaux Chreftiens,
plus des hermites, & Penitentiers innombrables. Le tout fut commencé
& fe continue encor'à prefent, aux defpens de cefte Couronnefans qu'il
y ait de quoy.Et cependant par la mifericorde de Dieu cefte pieté de nos
Roys va de bien en mieux,toufiours augmentant,à l'honneur & reverence
d'iceluy; de forte que nulle part la religion s'advance & pratique avec
tant de foin & diligente comme efdits pays, par le moyen du Souverain
Confeil des lndes. D'ou fe peut entendre, que la permiffion & Concef
fion Apoftolique & Romaine a grandement advancé la mefme befogne,
declarant les Roys de Caftille & de Leon, Patrons Protecteurs & Defen
feurs Ecclefiaftiques du NouveauMonde.En quoy Dieu noftreSeigneur,
comme qui feul preveoit, & previent toutes chofes àvenir, feit un œuvre
digne de fa haute Majefté car l'experience à demonftré s'ily eut eu quel
que autre forte de Gouvernement, qu'il auroit efté impoffible de l'ad
vancer avec tel& fi bon ordre, qu'il ya en la Religion,juftice, & Gouver
nement, avec telle obeiffance, & repos des fuiets. .
Le Patronnage Ecclefiaftic s'ygouvernetout ainfi, comme au Royau Commentf
me de Granade : le Roy ne prefentant au Pape, que les Evefques, & souverne Patronnage
le
Archevefques, afin que de la main d'iceluyils recoivent ces dignités, & la Ecclefiaftic.
defpeche de fes Bulles; advifant toufiours que ce foyent des gens de let
tres, & religieux de vie. Tous autres benefices & dignités font diftribués
par le Roy, fuyvant l'advis du Grand Confeil, fans aller à Rome pour les
Bulles. Leurs rentes confiftent es difmes, & premices des Efpagnols, qui
y demeurent; car en la plus part de ces Indes les Indiens ne les payent
point ; & ou les difmes defaillent, font foulagées des biens & finances du
Roy. or touchant les difmes, & premices y a plufieurs ordonnances, &
conftitutions , à la maniere des Royaumes de par deça : car il eft rai
fonnable que ceux qui font peuplades & generation de nous autres, fuy
vent nos lois & conftumes. Et combien que les Roys Catholiques, par
la permiffion Apoftolique, foyent Seigneurs & proprietaires des difmes,
& s'en pourroyent faifir, fuppleant ou il y a peu, de ce que autre part eft
fuperflu, fi eft ce qu'ils les laiffent aux Prelats & Eglifes , pourvoyant
neantmoins d'une iperalité vrayement Royale & Catholique, à tou*
L3 es
36 - p) E S C R I D T I O N
les neceffités des Eglifes pauvres, contribuant continuellement à chaf
que Eglife qu'on baftit, la plus grand'part des defpences, avec un calice,
une cloche, & un autel.
Afin que la diftribution de ce qui vient des difmes, & des finances du
Roy qui s'employent à l'entretement des Prelats, Chanoines des egli
fes Cathedrales, Curés, & autres perfonnes, qui s'employent au fervice
divin & à l'inftruction des Indiés, ne foit fans * à la faincte
intention duRoy.font faictes plufieurs bonnes ordonnances par le Grand
Confeil.Premierement, que toutes lesfufdictes perfonnes foyent de bon
ne vie & conftumes louables ; & fpecialement ceux qui s'adonnent à la
doctrine; qui feront premierement examinés s'ils font affés fçavans de la
Theologie,& du langage des Indiens : car la doctrine du maiftre feroit
en vain, quand les difciples ne lepourroyent entendre. & que nul Curé,
ou Docteur ne pourra obtenir deux benefices & afin que ceux qui de par
deça vont aux Indes, foyent tant plus gens de bien, à efté ordonné, que
nulle perfonne Ecclefiaftique n'y peut aller fans le congé de fon Prelat, &
& du Roy, & s'il yfuft trouvéfans avoir ledit congé qu'il foit incontiment
-

renvoyé en Efpagne.
L'auteur Et afin que mieux s'entende la maniere dudit Gouvernement de la Pro
pourfuit la tection Ecclefiaftique,qui appartient à cefte Couronne,partie pour avoir
- mefme ma -
tiere». defcouvert, & acquis le Nouveau Monde, & edifié & beneficié en iceluy
du threfor Royal tant d'eglifes & monafteres, partie auffi par l'Ottroy &
permiffion Apoftolique, qui eft telle que ledit Patronnage, ne partie d'i
celuy,jamais n'en peut eftrefeparé, ny par couftume,ny par prefcription,
ny par autre voye, ou titre:eft ordonné comment les Viceroys, Parlemens,
Gouverneurs & Iuges, aviferont tresfoigneufement à la manutention
de l'autoritéRoyale & puniront grievement les tranfgreffeurs d'icelle.En
premier lieu, qu'il ne fera cöftitué Eglife Cathedrale,ny parrochiale, cloi
ftre,hofpital,ny Eglife votive,fans le confentiment du Roy Que quand es
Eglifes Cathedrales ne feront refidens quatre beneficiés,pourveus par la
prefentationRoyale, & provifion canonicque du Prelat,affavoir d'autant
que les autres benefices font vacans, ou abfens plus de huict mois, quoy
que ce fut pour legitime caufe : ledict Prelat,jufqu'à ce que le Roy y pre
fente quelquun, elife outre ceux qui yfont pourveus & refidensjufqu'au
dit nombre de quatre Clerqs, les plus idoines & fuffifans de ceuxqui
s'offriront ; fans toutesfois que telle provifion leur puiffe ceder en titre,
mais foit remife à l'aggreation & difcretion du Roy : & à telfi que ce
pendant ils n'auront chaife au Chœur, ne voix en Chapitre. Que nul
Prelat ne pourra faire inftitution Canonique, ne donner la poffeffion de
quelquc prebende, ou benefice, que ce foit,fans la prefcntation du Roy
& en tel cas fans aucun delay foit faicte ladicte provifion, & données les
penfions dudict Office. Qu'en toutes dignités & prcbendes foyent pre
ferés les gens fçavants, & ceux qui auront fervi aux Eglifes Cathedrales
d'Efpagne, & qui fe feront le plus exercés au fervice du Chœur, aux au
tres qui n'y auront point fervy. Que pour chafcune Eglifc Cathredale
feront prefefltés au moins un Iurifte Gradué, & un Theologicn tenant la
chaire,avec la mefme obligation que les Chanoines ayans le titre de Do
cteurs & Maiftres en Efpagne puis encor un autre fçavātTheologien,pour
lire laS. Efcriture, avcc encor un Iurifte ou Theologien,pour la Chanonifie
dePenitence,fuyvant les decrcts du S. Concile de Trente.D'avātage, que
tous autresbenefices Curés,& fim ples,feculiers & rçguliers, & les offices
-

Ecclefiafti
D ES I N D ES O C C I D E N T A L E S. 87
Ecclefiaftiques, qui feront vacans, ou quiferont eftablis de nouveau ; a
fin que le tout foit executé avec le moins de dilacion, & foit maintenu
en fon entier le Patronnage Royal ; eft ordonné qu'on y procede en la
maniere,ques'enfuit.Que vacant quelque office ou benefice desfufdits,
le Prelat en face la promulgation par edict avec temps & terme convena
ble,& de ceuxqui s'advanceront, apres les avoir examiné, & eftre bien
informé de leur vie, en choifirà deux les meilleurs ; & le Viceroy, le
Parlement, ou Gouverneur de la province en eflirà l'un , envoyant
l'election au dit Prelat , afin qu'il face la provifion, collation, & Ca
nonique inftitution, non en titre perpetuel, mais feulement par voye
de recommandation,jufqu'à ce que le Roy en face la prefentacion,com
mandant en icelle expreffement, que ledit benefice luy foit donné en ti
tre perpetuel, ou que l'inftitution & confirmacion Canonique foit en
titre, & non par provifion. & que ceux qui feront prefentés par le Roy
toufiours foyent preferés, à ceux qui feront prefentés par fes Miniftres
-

& Serviteurs. -

Que aux endroicts ou les Indiens demeurent, n'y ayant point de be : -

nefice ou moyen pour y placer quelque perfonne Ecclefiaftique , qui fendescbe


adminiftre les Sacremens : le Prelat ferà tenu de foigner , qu'il s'y nefices.
puiffe enfeigner la religion. Et apres avoir fait l'edict, que deffus, exa
minéla perfonne, & enquis de favie, envoyerà la denomination aux Mi
niftres Royaux, afin qu'il luy prefentent l'un des deux nominés, en cas
qu'il en ayt choify deux, ou celuy qu'il aura nommé tout feul, fi au
trement ; & en vertu d'une telle prefentation le Prelat fera la provifion,
luy donnant fon inftruction , comment il aura d'enfeigner , avec les
penfions dudict benefice. Qu'en toutes les prefentations de dignités,
officices, & benefices feront pourveus ceux qui auront faict le plus de
fervices, & fpecialement qui fe feront le plus employés à la conver
fion des Indiens , & à l'adminiftration des Sacramens ; lefquels, &
ceux qui fçavent le mieux le langage des Indiens, feront preferés aux
autres. Que tous ceux qui pretendent d'aller, ou d'envoyer à fa Maje
fé, pour eftre advancés en quelque dignité, office, ou benefice, fe pre
fenteront devant les Officiers de la province,& declarans leur requefte,
donneront quant & quant inftruction tqpchant leur parentage, erudi
tion,vie & fuffifance; comme de l'autre cofté pareillement feront te
nus les Officiers de s'en enquefter fpecialement : & d'ainfi les envoyer
vers fa Majefté, avec leur advis : auffi fera tenu le requerant d'appor
ter quant & luy l'approbation de fon Prelat; car fans toutes ces con
ditions ils ne feront pas admis aux charges qu'ils demandent. Que
perfonne ne pourrà tenir deux offices ou benefices en une Eglife, ny
en plufieurs. Que celuy qui eft prefenté, ne comparant devant le Pre
lat, avant que le temps declaré en fes patentes foit expiré, la prefenta
tion s'entendrà eftre de nulle valeur, & ne fe pourrà faire la Canoni
que inftitucion.
-

CH A P.
38 D E S C R I P T IO N

C H A p. XXIX.

TDu Gouvernement spirituel, des biens des defuncts, des


mariés; & dufainct Office de la Sainte e5
generale lnqufition.
eft ordonné, qu'on ne fouffrirà, qu'aucun Chanoine jouif
D**ntage &o

fe des rentes & biens des EglifesCathedrales,s'il n'y eft auffi refident,
&faifant le fervice. Que les benefices des lndes feront neceffairement
Fondation
conjoints aux Offices. Qu'aux nouvelles colonies & peuplacions des
deshofpi terres nouvellement defcouvertes, pour le premier ferà bafti un hofpital
pour les pauvres, & malades de maladies non contagieufes, lequel fera
pres de l'Eglife.& pour les maladies contagienfes, fera fait un autre ho
fpital en tel endroict, que les mauvais venspaffant par ille c, n'aillentin
fecter le refte de la ville ou village ; & s'il eft poffible, de le baftir en un
lieu haut, car c'eft le plus feur.
Et pour autant, que le Roya eftéadvifé, que lesbiens de ceux qui vie
nent à mourir en ces pays, pour diverfes occafions ne venoyent fi jufte
ment, ou fi toft, comme ilfe debvoit faire, à la poffeffion des heritiers le
gitimes ou par teftament ou fans teftament; dequoy reuffifoit grand
dommage pour les dits heritiers, & les teftamens demeuroyent fans exe
cution ; pour remedier à ces inconveniens, il eft ordonné.Que tout E
Les ordon fpagnol venant en quelque ville ou place de ces Indes, fe prefenterà par
mances tou devät l'Efcrivain du Cöfeil,à ce qu'il enregiftre le nom & furnom d'un tel,
chant les
biens des & le lieu de fa naiffance, afin que venant à mourir, on puiffe trouver fes
maifons
mortuaires.
heritiers. Que le Iuge Ordinaire, avec le plus ancien des Recteurs , &
l'Efcrivain du Confeil, auront la charge des biens delaiffés par les trefpaf.
fés. Defquels ferà faict l'inventaire, en prefence de l'Efcrivain & tef
moings; enfemble & les debtes qu'il avoit, & qu'on luy devoit. Ce
u'il a en or, argent, ou perles ferà vendu, & le tout mis en un coffre à
trois clefs, qui feront en la garde des trois fufdits. Tous fes biens fe
ront vendus à l'encant, que l'Efcrivain mettrà fidelement en regiftre;
& s'il eft neceffaire, ferà conftitué quelque procureur defdits biens. Les
Iuges fufdits feront rendre comte à tous ceux, qui auront eu la procu
ration des maifons mortuaires , & en recouvriront tout le pris qui
s'en pourra faire, & le mcttront fans delay au coffre des trois clefs.
Si le defunct auroit fait fon teftament , & que les heritiers , ou les
executeursfuffent fur les lieus, le luge ne s'en pourra mefler, ny ne
mettrà la main à ces biens , mais feulement il ferà tenu de s'enque
rir, qui ont efté les heritiers d'un tel. Que lefdits Iuge, Recteur, &
Efcrivain, envoyeront à la maifon de Contractation de Seville , tout
ce qu'ils auront amaffé des biens du trefpaffé, declarant le nom , le
furnom , & le parentage d'iceluy, avec la copie de l'inventaire de
fes biens , afin qu'on les delivre à fes heritiers felon l'ordonnan ce,
qui en eft faicte. Que faifant rendre comte à ceux , qui aurour cu
le manicment des biens des defuncts, le tout en particulier foit cn
voyé par efcrit au Grand Confeil des Indes, & deduict bien au net &
clairement. Que les Magiftrats s'informent foigneufement , fi ceux
qui
D E s 1 N D E s o c c I D E NT A L E s 89
qui ontgardé lefdits biens, y ont fait aucune fraude , ou preiudice,
& en envoyent la raifon au Grand Confeil. Que les tenans feront com
te, & payement aux Iuges fufdits. Que le comte fe fera tous les ans,
& fera livré au Gouverneur du pays le regiftre des trefpaffés de chaf
u'année, & de leurs biens, afin de les envoyer à Seville, pour cftre
livrés à leurs heritiers, & accomplir les teftamens, de telle forte &
façon, & fi entierement, comme il eft raifonnable. Qu'en chafquun
des Parlemens fera un Iuge ayant la charge des maifons mortuaires, à
fçavoir l'un des Auditeurs fuccedans l'un apres l'autre , depuis le der
nier venu jufqu'au plus ancien, chafquun à fon tour ; qui envoyera par
toute la jurifdiction fes Commiffaires à prendre comte de ceux , qui ont
quelques biens en garde:& fi paradventure il y euft en ce quelque non
chalance, font enchargés les Auditeurs de prendre eux mefmes la char
e defdits comtes,au temps que fe font les vifitations; voire mefmes plus
toft,s'il ya quelque plaincte,.
D'avantage eftans les Roys informés, qu'il y avoit aux Indes plufieurs Touchi les
Efpagnols mariés, ayans delaiffé leurs femmes en Efpagnedequoy oultre
ce que c'eft un grand peché contre noftre Seigneur , s'enfuyvoient auffi
des grands inconveniens à la peuplacion de ces pays. Car ces gens n'y
demouroyentpoint pour toufiours, & pource ne s'adonnoyent pas à e
difier,planter, labourer,femer, & à femblables chofes, comme il eftoit re
quis pour l'augmentation de ces provinces; ce qu'ils auroyent fait, s'ils y
euffent demeuré avec leurs femmes & enfans, comme il eft feant à des
bons bourgeois.Voulant donc les Roys remedier à ces abus,fut ordonné;
que tout chafquun es dits pays, eftant marié ou promis en mariage en
Efpagne, ferà tenu de cyvenir vers fa femme, fans pouvoir retourner aux
Indes, finon avec elles, ou avec fuffifants tefmoignages de leur trefpas.
Cefte ordonnance à efté faite pourtous les Royaumes du nouveau Mon
de, & renouvellée par diverfes fois, & commandé de l'executer rigou
reufement .
Or procedant peu à peu les Roys Catholiques, depuis l'an 1492. qui Office
Du Saina
de
qui fut le commencement de la detection du Nouveau Monde, d'y efta l'Inquifitiô.
blir un gouvernement fpirituel, comme il vous a efté deduict; le Roy Ca
tholicq Filippe II. du nom, appellé le Prudent, pour amener ledict gou
vernement fpirituel à plus grande perfection, & l'eftablir & affeurer
confiderät qu'entre tous les benefices, que les Indiens ont receu, nul n'eft
à comparer avec l'Euangile qu'on leur annonce, lequel y eft fort advancé
confidcrant donc la grande grace, que Dieu leur a fait, par la cognoif
fance de noftre Foy Catholique; & qu'il eftoit befoing de grand foin &
diligence pour conferver en la mefme religion & devotion finguliere
mcnt les Efpagnols, quis'y font tranfportés, & ont avec tant de travaux
advancé & exalténoftre Foy Catholique, comme bons Chreftiés & vrais
enfans de l'Eglife: voyant auffi que ceux qui fe font fouftraits de l'obeif
fance de la Saincte Eglife Catholique, Apoftolique, & Romaine, eftans
obftinés & endurciz en erreurs & herefies, font toufiours leur debvoir
d'abufer les fimples Chreftiens, & de les abbreuver de leurs faulfes opi
nions, femans par tout des livres defendus, dont noftre Saincte Religion
a receu grand dommage. Et fachant par fi longue experience, que le
meilleur moyen d'y obvier, eft de feparer la communion des perfonnes
heretiques chaftiant leurs erreurs, felon la difpofition des Saincts Ca
nons & Loys de ces Royaumcs, qui par ce (grace à Dieu) ont
*oyen efté
D E S C R I p T. I O N
efté prefervés d'une fi dangereufe pefte, & s'en preferveront encor, Dieu
aydant : afin que ce Nouveau Monde , ou les Efpagnols ont donné fi
bon exemple de Chreftienté, & les naturels n'ont pas efté abufés par
des herefies erronnées, ne foit infecté par des nouvelles herefies. II a
femblé bon à fa Majefté, par advis du Cardinal don Diego de Spinofa,
Evefque de Sigonce, Inquifiteur General de ces Royanmes, perfonna.
ge doué de finguliere prudence & vertu, & de plufieurs bonnes qua
lités (à raifon dequoy le Roy fit election de la perfonne d'iceluy, afin
qu'il luy aydaft porter la pefante charge de tant de Royaumes & Sei
gneuries)par advis auffi du Confeil de la S. Inquifition,& du Grand Con -

feil des Indes, de mettre par l'autorité des Parlements d'iceux pays un
Confeil du S. Office à c7iexico pour les Regnes de la neuve Efpagne , &
du refte des Indes Septeptrionales ; & un autre en la cité de los Reye,
pour les Royaumes de Perû, & fes adherants , qui font les Indes Me
ridionales: afin d'advifer feulement aux Efpagnols & autres nations, qui
s'y font tranfportés, & non encor aux Indiens ; de forte qu'il n'y eut
point d'appel efdits pays, finon au Grand Confeil , refidant en ladite
Cour; comme il fe pratique par deça. Et afin que tout ce que deffus,
fortift fon accompliffement, l'an 157o. le 16. d'Aouft en Madril, furent
par le Roy Filippe II. dict le Prudent foubfignées lettres d'expedition &
d'autorité, à ce que les Inquifiteurs Apoftoliques, qui à prefent & à
l'advenir feroyent conftitués pour chaftier les heretiques & apoftats,
enfemble avec les Officiers & Miniftres de ladite Inquifition ( qu'on
alloit planter en la cité de 7lexico & de los Reyes) defalors executaf
fent & ufaffent de leurs Offices & provifions Royales.commandant que
don Martin Enriques, & don Francifco de Toledo, Viceroys & Capi
taines Generaux des Royaumes de la neuve Efpagne, & de Perù, en
femble auffi les Parlemens, Juges, & Gouverneurs, & toute autre pep
fonne de toutes conditions & qualités, fiffent toute affiftence & faveur
audict Office. or furent conftitués Inquifiteurs & Officiers, ceux qui
feront dits cy apres.

C H A P. XXX. .

De la façon de gouverner du Grand (onfeil des fndes, e


- de linstitution des TParlemens, & Chanceleries
Royales defdits pays.

Roys Catholiques feirent treffagement d'inftituer le Grand Con


L*
feil des Indes, afin qu'il leur aidaft àfouftenir le grand faix d'un tel
& fi grand Empirc, comme eft celuy du Nouveau Monde.Ce Confeil
confifte en un Prefident, & huict, ou plus Confeillers, felon que la ne
ceffité requiert, avec un Procureur Fifcal, Secretaires, Greffiers, Rela
teurs , & autres Officiers, & une Chambre de Comtes des finances
d'iceux pays : & afin que le tout procedaft par ordre fut ordonné, que
le Confeil s'affemblaft toufiours trois heures du matin, & deux du foir
trois jours de la fepmaine , quand il n'eft point de fefte : & qu'il e
ftabliffe & ratifie les penfions de par deça, refervant celles qui font es
lndes à la fignature du Roy; ayans puiffance & jurifdiction fouveraine
pour
D ES IN D E S O C C I D E N T A L E S. 91
our faire loix & ordonnances, examiner, les ftatuts & conftitutions des
* Convents des Religions,& des Viceroys, Parlemés,
Confeils,& que non moins icy qu'aux Indcs en tout ce que des Indes de
pend, ils foyent obeys. & que plus qu'à nulle autre chofe, aviferont aux
affaires du Gouvernement.Que les plaidoyés eftans remis, ceux du Con
feil du Royviëdrontà donner leur voix au Confeil des Indes,& que deux
voix feront fentence, lefdits plaidoyés emportans moins de 5oo. liures.
cependant qu'en cas de 1oooo. pefs , ou livres , on puiffe livrer la
feconde fupplication Qu'es Indes ne ferà loifible de prendre co
gnoiffance du differend des Provinces ou Parlemens entre eux, mais
que les procez s'envoyeront au Grand Confeil, fuyvant une Loy, qu'on
nomme de Malignes, pource que là elle fut inventée. Que tout le
Confeilfera tenu de fuyvre l'ordre, qui s'a de tenir aux informations des
offices, mais en chofes de grace & faveur on procederà par pluralité des
des voix, & cyauront lieu les fupplications. Que nul expedient ne s'y
verrà la troifiefme fois.Que les refolutionsfe prendront fans delay. Que
les charges fe donneront aux mieux merités, non aux prochains, & allies
de ceux du Confeil ; aufquels mefme ne ferà loifible dc folliciter ou
procurer envers ledict Confeil. Que pour les provifions des offices on
ne prendrà nulle recompenfe. Que ceux du Confeil n'entretiendront
quelque partialitéd'Indiens. qu'ils fe tiendront chés eux, afin que l'on
les puiffe trouver au logis, quand ils ne vont pas au Confeil. qu'en
toute chofe ils feront fecrets, comme eft requis : & particulierement
porteront foin de la converfion, & bonne inftruction des Indiens, &
du Gouvernement Spirituel. Que pour caufe de fix cens mil marave
dis & plus, on pourra appeller au Confeil. Qu'on pourra faire appel
de la fentence en cinq articles : affavoir en cas de mort naturelle,
mutilation de membres, ou autre playe au corps , vergoigne publi
que, ou torture , & viendrà l'appel au Confeil : avec plufieurs au
tres conftitutions louables, que je laiffe de dire pour ne la faire trop
-

longue. -
Que le Prefident, eftant lettré, aurà fa voix es affaires du Gouverne- Du Pref
ment , grace, & faveur, vifites, & refidenccs, & non cn plaidoyés, afin *
qu'il foit plus libre à la direction du Confeil; & s'il n'cft point homme
de lettres, qu'il n'aurà point de voix, finon en cas degrace, faveur, & .
Gouvernement: qu'il pourra affembler le Confeil en fa maifon. qu'il
tiendra memoire des affaires.que ceux du Confeil ne pourront fe joindre
en focieté avec les plaidoyans. Et pour autant qu'il fembla neceffaire Du Fifal
d'avoir un Fifcal audict Confeil, fut ordonné, qu'il auroit tout autant de
falaire,que les Confeillers, qui luy delivrent les memoires & defpeches de
fon office,à ce qu'il aye foin de fçavoir, comment s'executent les affaires
des Indes. qu'il luy foyent donnés les papiers, cayers, & inftructions ne
ceffaires à fon office; qu'il voye les vifites, premier que le Confeil ; qu'il . . - --
tiene livre des Capitulations, qui fe traictent avec le Roy ; & un autre -
auquel foyent enregiftrés les plaidoyés Fifcals. qu'il ne delayera point
les plaidoyés, & qu'il ne lesferà longs. que fes requeftes, ou celles qui fe
ront prefentées à l'encontre de luy, fcront interinees, ou refufees, felon
que le Confeil trouverà bon. qu'il tiendrà livre de tout ce qu'on aurà
deliberé touchant les caufes. qu'il porterà foin de fçavoir lcs Officiers,
qui n'auront envoyé tous les ans leur rapport au Confeil. - - L'Inftituti3
Eftably que fut le Confeil, chefde toute la Police, & plufieurs autres
2 COIl
D ESC R I PT IO N
conftitutions, que je paffe en filence; il eftoit auffi neceffaire dreffer par
toutes les provinces des Indes, l'adminiftration de la juftice. Voulant
donc le RoyCatholicq pourvoir au bié commun de ce Nouveau Monde,
afin que fes fubjets demandans juftice la peuffent obtenir ; & defirant de
procurer le fervice de noftre Seigneur, enfemble le bien, profit, & foulas
des peuples à luy fubjets, felon qu'un Roy eft tenu devant Dieu & les
hommes,s'il fe veut acquiter de fa charge; commanda d'eftablir aux In
des les Parlemens & Chanceleries Royales fufdites, avec lesftatuts & or
donnances, qui leur font baillées, afin que les miniftres facent leur de
voir , & la juftice foit adminiftrée, & les peuples en obtienent le bien,
qu'ils en pretendent.
Le Parle
Le premier Parlement, qui fe fonda, fut en la cité de Santo Domingo en
:* Efpagnole, avecun Prefident Lettré, combien que maintenant à caufe
* de la guerre c'cft un homme d'armes, ayant le titre de Capitaine Gene
ral, & quatre Auditeurs, portans des baguettes comme Baillyfs & Pre
vofts; qui prénent la cognoiffance du civil, & du criminel en cas d'appel,
& à la premiere inftance en ce qui touche la Cour. Mais quant au Gou
vernement de la Cour & de tout fon refort, iceluy eft du tout à la charge
du Prefident lequel eft à ceft heure le Sieur Antoine Ofoire.
Parlemée Le fecond Parlement fut fondé en la cité de Mexico en la neufve Efpag
* ne, & y fut Prefident Nuño de Guzman, lequel n'eut point d'autorité,
pource qu'il n'y eftoit que par provifion. Le Parlement eftant changé, y
fut envoyé pour Prefident le Sieur Sebaftien Ramirés, qui avoit de mef
mes eftéPrefident à Sandomingo. iceluy eut entre fes mains le gouver
nement des Royaumes, & la fouveraine puiffance, & y laiffa les ordon
nances touchant la Cour & lajuftice, comme ils font encor aujourdhuy.
Ce Prefident eftauffi Viceroy quieft àprefent le Conte de Monterreyil
a huict Auditeurs pour cognoiftre les caufes civiles,& en cas d'appel cel
les de la police & des Prefectures que le Viceroy pourveoit. il y a trois
Prevofts Criminels; & deux Fifcals, l'un du Civil , l'autre du Criminel.
Le Prefident prouveoit quelques Bailliages,& autres offices, & les aides
des defpences en acquit des debtes, & les places vacantes aux reforts de
la neufve Efpagne, &de Galice exceptés les benefices,qui fe referuent
pour le Roy.'
, Le tiers Parlement, fut celuy de Panama en Terre Ferme : à la quelle
dramama fut donné ce nom de Terre Ferme, pource, que c'eft le premier endroict
que les Efpagnols allerent peupler apres l'Efpagnoles & comme ils difoy
p, ent communement, qu'ils alloyent & venoyent de la terre ferme , non
lenom de obftant qu'on avoit defcouvert encor d'autres provinces en la terre fer
* me du Nouveau Monde, toutesfois le nom luy en demeuras & peu à peu
futaboly le nom de Caftilla del oro, que les Roys de Caftille luy avoyent
impofé. Or confiderant, que les charges de Perù s'augmentoyent de
,jour à autre, l'an 1542. ce Parlement fut tranfporté à la cité de los Reyes,
delos Rya. ou le Viceroy(qui eft à prefent le Sieur Louys de Velafco)tient en fa main
le Gouvernement de cefte jurifdiction, & de los Charcas & de Quito.
En ce Parlement de los Reyes font huict Auditeurs , trois Prevofts de
Cour, & deux Fifcals, à la mefme façon qu'à Mexico, refidant en ladite
cité le Viceroy, qui eft Prefident d'icelle Cour, & auffi des deux autres
fufdictes , quand il s'y trouve prefent. il pourveoit tous les Magi
Lerarlemi ftrats des Indiens , qui viennent à vaquer efdictes Iurifdictions.
:* Le quatriefme Parlement fut fondé en la province des Confins, le
quel
D E S I N D E S O C C I D E NT A L E S. 93

quel femblant eftre fuperflu, fut aboly : mais en l'an 157o. fut reftablyen
la cité de S. Iaques au Royaume de Guatemala. il eft en iceluy un Prefi
dét(qui eft aujourdhuy le Docteur Criado de Caftilla)quatre Auditeurs,
avec des baguettes,& unFifcal, pour cognoiftre lescaufes civiles & crimi
neles en cas d'appel, & à la premiere inftance, de ce qui concerne la Cour.
Le Prefident tient en fa main le Gouvernement, & le commandement fur
les Indiens,& prouveoit les Bailliages, & autres benefices temporels. -

Le cinquiefme fut fondéen la citéde Saincte Foy de Bogotà, au Nouveau rarlem


Royaume de Granade, avec un Prefident (eftant aujourdhuy le Docteur :
yaume.
Françoys de Sande)quatre Auditeurs avec des baguettes, & un Fifcal, a
yant la mefme autorité que deffus. - -

Le fixiefme fut pofé en la cité de Guadalajara , au nouveau Royau- LeParlemi


me de Galice, avec un Regent, trois grans Prevofts, qui longtemps don du
- - -
-

-
-
nouveau
Royaumede
noyent expedition fans feaumais croiffant toufiours les befoignes,leur fut c*
donnéfeau & regiftres & yfut fait Prefident, celuy qui l'eft encor'aujour
dhuy, le Docteur Santiago de Verastrois Auditeurs avec des baguettes,&
un Fifcal. or le Viceroy de la neuve Efpagne en a le gouvernement. -

Le feptiefmeParlemët fe fonda en la cité de S.Francoys de 9uito, aux pro- LeParlemi


vinces de Perû: ou furent auffi du commencement Regent, & grans Pre- *3e*
vofts fans Seau mais apres s'y pofa le Parlement avec Prefident, (qui eft à
ceft heure le Licentié Michel de Yuarra) troisAuditeurs avec baguet
tes, & un Fifcal, ayant la mefme autorité, que celuy de Guadalajara ; e
ftant le Gouvernement du pays, & le refte,à la charge du Viceroy de Pe
- ru, comme a efté dict. -
-

. La huictiefme Audience fut en la cité de la Plata, en la province de los ***


Charcas avec un Regent, & quelques grãds Prevofts & enapresyfut mis :"
un Prefident, quatre Auditeurs avecbaguettes, Fifcal, Seau & regiftre; &
y eft pour à ceft'heure Prefident le Docteur Cepeda ; eftant refervée la
provifion des jurifdictions & Magiftrats au Viceroy de Perù. -

Le neufiefme Parlement eft celuy, qui fut renouvelléà Panama, avec LeParleme
un Prefident, portant la Cappe & l'efpée pour le faict de la guerre, qui ***
eft à ceft heure le Sieur Alfonfe de Sotomayor, intitulé Capitaine Gene
ral de Terre Fermesily a trois Auditeurs avec baguettes, qui en cas d'ap
pel decident caufes civiles & crimineles,& à la premiere inftance en ce
qui concerne la Cour. le Prefident eft Gouverneur du S. -

* le dixiefme
En la cité de SaintIaques, en la province de Chile fe fonda
Parlement , qui fut aboly pour eftre fuperflu ;y envoyant un Gouver
neur dependant du Viceroy de Peru.Pareillement le Parlement iafondé
en la cité de Manilas,es ifles Filippines fut aboly pour la mefme confidera- LeParlents
tion. Depuis peu d'années ily * reftably, avec un Capitaine General ***
(affavoir * Pedto de Acuña)qui en eft Prefident, quatre Auditeurs, & *
unFifcal, de la mefme autorité que les autres deffufdits.Car nosRoysCa
tholiques par advisdu GrandConfeil des Indes s'efforcent toufiours d'un
franc courage à pratiquer ce que eft le plus expedient, pour la conferva
tion & accroiffement des biens temporels & fpirituels defdits pays, fans
fe laffer pour defpences ou travaux quelconques. or chafqu'un de ces
Parlemens afelon la couftume d'Efpagne, fes Greffiers, Relateurs,Set
geans,Huiffiers, & toutes autre forte d'Officiers,qui yfont requis.

M3 C H A r.
94 D ES C R IP T IO N

C H A P. XXX I.

Des chofs qui fe prouveoient au Grand Confeil


par advis du Roy.

El cft l'ordre & adminiftration de ce grand Empire, que à chafqu'un


T des miniftres fe donne autorité baftante pour tenir le rang & la re
putation, que luy appartient ; refervant toutesfois à fa Majefté, ce qui
femble eftre requis à la confervation de fon autorité Royale. Car aux
Viccroys & Prefidens, afin qu'ils ayent dequoy recompenfer les fideles
fervices & merites, & qu'ils foyent tant plus refpectés , font affignés plu
fieurs offices pour les diftribuer, & autres chofes , en quoy ils puiffent
exercer grande liberalité: cependant fa Majefté fe referve les offices fuy
vants, à fa difpenfation avec l'advis du Grand Confeil.
,a,. Le Gouvernement & Lieutenance du Royaume de Chile», eftant le
nemensqu'a Gouverneur homme de lettres, ayant pouvoir de difpenfer quelques
* Magiftrats des Indiens. celuy deTucuman, ayant la mefme autorité puis
Roy. ceux des provinces du fleuve de la Plata, Popayan, Sainte 71arthe, Cartage
na, & Veragua : chafcune ayant fon Gouverneur de la mefme autorité.
Comme auffiles provinces de ZNicaragua, & Coftarica; & l'ifle de Cuba avec
un Gouverneur & Capitaine General, refidant en la ville de S.Chriftofle
d'Abana. puis ya les Gouvernemensde l'ifle S.Iuande puerto rico,Venezuela,
Soconufo, Tucatan, Cozumel & Tabafo, touts cftans Gouvernemens avec
pouvoir & autorité de difpenfer quelques Magiftrats des Indiens. D'ad
vantage font refervés pour fa Majefté les Gouvernemens de Honduras,
l'ifle de Margarita,la Florida, la nueva Bifaya, & Dorado ; celuy du Nouveau
Royaume de Leon, de Pacamoros & Guaifongo, qui font des offices non à
temps, mais à toufiours,comme auffi ceux des provinces de Choco,9uixos,
& Canela, les ifles de Salomon, Santa Cruz de la Sierra, & pour le dernier celuy
de nueva Andaluzia. -

Lesne- Auffife deftribuent par le Roy les Senechauffées fuyvantes. Celle, de


* Cuzco, de la cité de la Plata, l'affiete dcs mines de Potoff, la province de
*yen par Chuicuito, les Andes de Cuzco, la cité de Truxilo, Arequipa, S. Iaquesde Gua
*** yaquil, Guamanga, la citéde la Paz, Chiquiabo,S.Iuan de la Frontera, Leon de Gua
nuco, Puerto Viejo, Zamora, les compagnies ou bourgades aupres des mines
de Zacateca en la nouvelle Galice, Cuenca, Loxa, Tunja, la cité de Mexico,la
Les Bali cité de los Reyes la province de Nicoya. Les Grands Bailliages de la ville de
S.Sauveur en la province de Guatemala, l'interieur de l'ifle Efpagnole,Nom
bre de Dios, la ville de Chuluteca, la province de Chiapa,Zapotitlan, la ville de
2Natà,S.Marie de la Vittoire, en Tabafco. Il y a d'advantage les offices de
et
Alas.
Preve- grands Prevofts cn la citéde Sandomingo,àMexico à Guadalajara, à S.Iaquesde
Guatemala, Panama, Saintie Foy de Bogota,S.Francoys de Quito, en la cité de les
Reyes, & de la Plata. En chafcune defdites cités ya un grand Prevoft, ayant
voix en Chapitre, cõme les autres Magiftrats, & deux Lieutenants pour
l'execution de fon office : & un pareillemcnt en chafcun des Parlemens,
ayant auffi le pouvoir de nommer deux Lieutenans. . - -

D'avantage fa Majefté pourveoit par advis du Grand Confeil au ma


nicment de fes finances plufieurs Officiers,Facteurs,grandsThreforiers,&
Contrerolleurs, lefquels tous font tenus de dôner pleige en Efpagne, & es
-

- Indes
D E s 1 N D E s o C CIDENT A L E s 95
Indes de bien & fidelement adminiftrer leur charge. Et pour autant
que journellement s'augmentoit cefte nouvelle Republicque, il fembla
eftre neceffaire, pour le fervice de Dieu & du Roy, de l'ennoblir & au
thorifer d'avantage, en y mettant deux Vicerois,l'un en la neuve Efpagne,
& l'autre en Perù, à ce qu'ils adminiftraffent au nom du Roy, tout ce qui
feroit neceffaire à l'honneur de Dieu & du Roy,& à la converfion & in
ftruction des Indiens, à la perpetuité, confervation,fuftentacion, & peu
placion defdits pays, ce que l'experience à declaré eftre bien & fagemét
advifé.Aux quels Viceroys fe donne fort particuliere inftruction de tout
ce que deffus,& fpecialement leur cft rccommandé, qu'ils tiendront en
protection & faveur le fainct office de l'Inquifition, la maintiendront &
garentiront de tout leur pouvoir afin que par la conformité de Religion,
comme par un lien indiffoluble,foit maintenue la pure & vraye conferva
tion de l'Eftat Spirituel & temporel, qui eft la plus belle, fainc, & faincte
reigle d'Eftat, conforme à la doctrine de l'Euangile.
En outre lesViceroys & Iuges font commandés, de n'avoir maifons ou é)u'eft ce
qui est de
heritages propres, hanter ou marchander,ne fe fervir des lndiens, ne de fendu aux
-

faire grand'trafique, ne fe mefler des armades ou defcouvremens de nou- Viceroys é


velles terres , ne recevoir dons ou prefens, de qui que ce foit, ny argent Iuges.
à prefter, nyautre chofe quelconque,ne d'entreprédre office d'advocats,
ne d'arbitres. Voire qu'un homme de lettres n'y pourra eftre advocat,
fon pere,beaupere, coufin, oncle, ou fils eftant Auditeur. Quue nul Vice- .
roy, Prefident, Auditeur;Prevoft criminel, ou Fifcal, ne leurs enfans ne fe
pourront marier es Indes. Que nul Gouverneur, Senefchal ou Iuge, ne
leurs Lieutenans, nepourront achepter heritages, ne baftir maifons , ne
marchander en leur jurifdiction. Qu'il ne leur fera loifible de vendre, ou
donner en loage les offices de Baillifs ou Prevofts de prifon, ne les autres
offices.Que nulGouverneur,grandBaillyfne Juge, durant le temps de fon
office,ne fe pourra marier au refort de fa jurifdiction. Que les Auditeurs
ne pourront eftre advancés pour eftreSenechaux, ou Iuges : que lefdits
Auditeurs, ou Baillifs, ne pourröt avoir telle cömiffion, qui les contraigne
d'eftre abfens de leurs charges.Que les Magiftrats, ne fe donneront à fils,
gendre, coufin,ou beaupere de Prefident,Auditeur, Fifcalinyaux officiers
du Parlement, & des finances moins encores à leurs ferviteurs, ou alliés;le
mefme auffi fe commande aux Viceroys. Que nul deffufdits officiers, ou
miniftres, ne s'advancera pour au nom d'autruy faire quelque exaction,
ou levée de deniers, ou d'autres chofes, ou accepter quelques debtes ; &
qu'ils ne fe ferviront point des Indiens, finon en payant. Que nul Advo
cat, Efcrivain,ne Relateur, ne logerà chés les Auditeurs, ou Prevofts : &
ceux qui playdoyent,ne feront aufervice des Juges. Qu'on n'endurera,
que les Auditeurs de Panama,fe mettent en cópagnie avec les marchans,
ne mcfme leurs femmes. Et generalement, que nul Auditeur de quelcó
que Parlement, que ce foit, n'aura grande communication, ou familiarité
avec les plaidoyans,Advocats, ou Procureurs.Que tout le Corps du Par
lement ne fe pourra trouver aux fiançailles, nopces, ou enterremens, ne
fuft en cas de grande neceffité qu'ils ne pourront pour nulle caufe que ce
foit,vifiter en telle forme les bourgeois, afin qu'iceux ne fe meflét de l'ad
miniftration de la Republique. Que nul Auditeur, ne quelconque autre
officier du Parlement, ne pourra tenir en iceluy deux offices.Et plufieurs
autres belles conftitutions & loix, concernant la bonne adminiftration
de la Juftice.
C HA P.
-

96 D ES CR IPT ION

C H A p. XXXII.

Pourfyvant la mefme matiere, du bon Gouver -

nement des jndes. -


-

Oulant donc le Roy Catholicque vray garant & protecteur de fes


V fubjets, fatisfaire à fon office,& pourveoir à toutes chofes, à ce que
le pays fe gouverne bien & fagement , recommande avant tout à fes
Viceroys, & à fes miniftres en general, & à chafcun d'eux en particu
lier, le bien & la confervation des Indiens, & l'execution des loix & or
donnances fur ce faictes,puniffant rigoureufement les tranfgreffeurs d'i
celles. Et comme ainfi foit que les lndiens apprennent des Efpagnols la
olice, & fe viennent quelques fois plaindre vers la Cour pour le tort
qui leur eft faict, a efté refolu pour lcsfoulager tant plus, qu'aux plaidoyés
des Indiens entre eux ou contre eux, on ne fera les proces ordinaires,
ne longs , comme il advient fouvent par la malice des Advocats ou
Procureurs ; mais qu'on les decidera le plus toft qu'il fe pourrà faire,
fuyvant mefme les ufances & couftumes par iceux receues, fi ce n'eft
- qu'ils foyent notoirement injuftes & que tout autant qu'il fera poffible,
% on advife de leur faire une courte expedition. D'advantage voyant
des langues qu'il y avoit aucunesfois de la fraude en l'interpretation du langage
Indiennes des Indiens ;pour y remedier fut refolu, que toute interpretation fe
fera par deux truchemans, fans quil leur foit loifible de s'entreparler,
ou conferer à l'interpretation de l'Indien... Lefquels avant que d'eftre
admis audict office, feront ferment de l'adminiftrer loyallement, & ne
receuront nuls prefents,ny des Indiens plaidoyans, ny de qui que ce foit.
Affifteront aux refolutions, playdoyés, & interrogatoires des prifonniers:
Ince
pourront ouyr les Indiens en leurs maifons, mais feront tenus de les
addreffer tout droict au Parlement.Que lefdits truchemans ne feront fol
liciteurs, ne procureurs des Indiens, & qu'ils ne demanderont rien d'eux.
Et d'abondant pour leur plus grand bien fut ordonné, que le Fifcal du
Grand Confeil des Indes, fera le protecteur des Indiens, & maintien
dra leurs caufes, & pourchaffera envers ledit Grand Confeil, tout ce
qui eft requis à leur inftruction, confervation, & Gouvernement : voire
à ceft heure font auffi conftitués tels & femblables protecteurs des In
diens, es Royaumes de Perù & deNeuf Efpagne; avec nouvelles confti
-

tutions & ordonnances en faveur d'iceux.


En oultre eft commandé, qu'il y aura des efcoles de la langue Efpa
gnole, afin que les Indiens la puiffent apprendre des la tendre jeuneffe.
Que nul vagabond Efpagnol ne fe tiendra par my les Indiens , en leurs
bourgades ou villes ; eftans les Viceroys & Parlemens autorifés de
les chaffcr hors du pays, & renvoyer en Efpagne. Que les enfans me
ftifs feront contraincts de feruir, ou d'apprendre quelque bon meftier.
En outre à tous Prelats Ecclefiaftiques, Viceroys , Parlemens, Gou
verneurs, Iuges, & à tous autres Magiftrats en general , eft ordonné
bicn exprcffemcnt d'advifer que les mauvaifes & abominables couftu
mes, par lefquelles Dieu eftoit offencé des Indiens,foycnt abolies; com
me de marier leurs enfans n'eftans pas en aage ; de prendre en mariage
plus
DE s IN D E s o C c 1 D ENT A L E s. 97
plus d'une femme, comme faifoyent les Caziques ; de tuer quelque per
fonne pour l'enterrer enfemble avec le corps mort du Cazique; & autres
chofes deteftables, qu'ils faifoyent par cy devant.Qu'il foit permis aux In
diens de faire d'eux mefmes, comme perfonnes libres & exemptes de
tout travail, ainfi que bon leur femblera,non obftant qu'il foit plus expe
dient de les employer en quelque chofe honefte,que de les laiffer en oi
fiveté.Qu'ils ayent liberté pour difpofer de leurs biens comme ils vou
dront apres avoir mis à l'encantleurs heritages ou biens immeubles l'e
fpace de trente jours prefent le Magiftrat, & les meubles par l'efpace de
neufjours.Que les terres delaiffees par les Indiens ab inteftato, demeurent
en poffefsion auvillage, ou ils auront habité. Qu'on ne les empefche nul
lement de venir aux marchés & foires pour vendre leurs marchandifes.
Qu'on maintienne leurs couftumes & conftitutions anciennes. Qu'ils
puiffent envoyer par deça des procureurs Indiens pourtrois ans. Qu'es
villages des Indiens foit publiée la refidence des luges & Magiftrats pour
fçavoir, f'il y a quelquun qui demande juftice. Qu'en chafquun village
des Indiens foit vn hofpital, avec fa provifion.
Touchant lamatiere des Efclaves Indiens eftoyent au commencement :es efclaues,
:
de la defcouverte plufieurs opinions & couftumes, fe gouvernant chaf
quun felon que l'eftat & la necefsité prefente le fembloit requerir ;
mais apres que le Sieur Sebaftien Ramirez fut Prefident de la neuve
Efpagne, cefte ufance fut du tout caffee; nonobftant que les Indiens mef
mes des lógtemps avoyét couftume d'ofter la franchife les vns aux autres.
Aprefent il n'eft loifible ne de les accepter ou recevoir,ne de les achepter,
ne de les mener par deça fous le tiltre d'efclaues,quoy qu'ils fuffent prins
en jufte guerre : & fur ce font faites des loix fort precifes & rigoureufes,
qui fe gardent inviolablement, de forte qu'il n'y a nulle part es Indes des
efclaves Indiens,jaçoit qu'ils fuffent natifs au dehors de la demarcation de
Caftille & de Leon. & pour d'autant plus obvier à ceft inconvenient, il
eft defendu de ne mener en ces Indes des Indiens, foubs quelquetitre,
-

pretexte, ou occafion que ce foit.


Et pour ce que furtout à la confervation de la Republique, fe requiert r,
le repos, & la tranquillité à tous Vicerois,Prefidens,Gouverneurs, & au- les pertur
tres Magiftrats fe donne autorité & puiffance pour chaffer & bannir des :
Indes, ceux qu'ils iugeront eftre perturbateurs de l'Eftat ; fe donnans :
toutesfois garde de ce faire par haine, envie , ou autre paffion. Et afin
qu'il ne femble, que les inferieurs foyent livrés à l'appetit & bon plaifir
desfuperieurs,pour les gourmander & vexer à bride avallee, leur eft com
mandé ferieufement de n'empefcher perfonne d'efcrire au Roy , à fon
Confeil, ou à d'autres perfonnes tout ce qu'ils voudront, & qu'ils ne foy
ent fi hardis de prendre, ne d'ouvrir lettres, ou paquetsfoubs grieue pei
ue; mais qu'ils laiffent aller & venir par tout les paffagers, faifans mefmes
accommoder les chemins & ponts, ou ils defaillent. -
-

Quant à ce quitouche la guerre, afin que les Viceroys ayent tant plus :
d'autorité, il eft ordonné, qu'ils auront gardes à pied & à cheval, feront grrr
fondre artillerie, & bales, maifons de munition, levees de gens, equiper
vaiffeaux,faire fortifications, & tout ce qui eft requis à la defence de ces
Royaumes;& pour reprimer l'infolence des gensdarmes,tant fur laterre,
comme fur la mer,&de ceuxqui vont es flotes, ordonner à qui en fera la
charge de les chaftier, & contenir en obeiffance, afin de n'avoir aucun ,
competiteur en leur jurifdiction.
N Or

Bayer sche
Staatst ricthek
Mfr - n , n
98 - D Es cR 1PT 1 o N
: Or combien que tout leGouvernement de ce NouveauMonde depen
: de du Souverain & Royal Confeil des Indes, refidant autour de la per.
seville. fonne Royale toutefois d'autant qu'il eft expedient, que les executions
de par delà, ayent correfpondence par deça comme auffi eft requis qu'il
y ait ici, qui porte foin de procurcr l'execution de ce qui cft convenable &
- rcquis à la confervation des Indes: il a cfténeceffaire de mettre en Seville
ou tous les marchans des Indes trafiqucnt,une maifon Royale de la Con
tractation, qui n'entende qu'à la defpeche,& à l'expedition de ces affai
res,& de ce qui en depend,fans que nul autre, ne bourgeois ne Magiftrat,
fe meflc aucuncment en chofe, qui concerne les Indes. Or en effect c'eft
un Tribunal dc grand'autorité, ayant un Prefident (qui eft à ceft'heure
don Bernardino Dclgadillo de Avellaneda)un Maiftre des Comptes,un
Threforier,un Facteur, trois luges eftans gens de lettres, un Fifcal, unRe
lateur,un Prcvoft, des Greffiers,un Huiffier,Geolier, & autres Officiers.
Es ifles Tenerf,& la Palma font auffi deux luges gens doctes, qu'on appel
le les Officiers Royaux ou Iuges des Regiftres; lefquels y font mis à celle
fin, qu'ils facent garder & obferver les ordonnances touchant les impofi
tions, & roolles defdites ifles,& de la Navigation de cefte route. or il y a
auffi pour la maifon deContractation quelques ordonnances, conftitu
tions,& inftructions, comment elle fe doibt gouverner, & exercer fa ju
rifdiction : pareillement pour les Iuges mefmes, quoy qu'on n'y advance
que des gens doctes, qui font tenus en examinant les plaidoyés de fuivre
l'ordre,qui fe tient en la Chancelerie de Valladolid,& Granade.Et pour
ce qu'il appartient principalement auxOfficiers de la dite maifon de C5
tractation de faire provifions & defpecher les flotes & armades, afin qu'ils
fortent au temps convenable; ils s'employent auffi fpecialement en cela,
& à recevoir les flottes qui en vienent, & à mettre engarde l'or, l'argent,
bagues, & autres chofes, qu'ils apportent, avec diftinction de pois,
& aloy, fans rien oublicr, afin d'en pouvoir toufiours rendre comte par
le menu. Toutes ces ordonnances, tant rigoureufes, ont efté faictes afin
que les adminiftrateurs ne vienent à s'abufer, ne les fubjcts à eftre in
tereffés ; comme auffi il fe practique, fuyvant l'intention de ces bons &
Catholiques Roys, moyennant la grande diligence & foin du Souverain
Confeil des Indes. -
-

* Or voyant les affaires & befognes dcfdits pays s'augmentcr de telle


: forte, que le Souverain Confeil ne les pouvoit cxpedier à la hafte & brie
veté requife au bon gouvernement d'iceux, & à la neceffite des reque
rans, le Roy Filippe l Il. noftre Sire à l'cxemple des Catholiques & pieux
Roys fes predeceffeurs, inftitua par advis du Prefident,& grand Con
feil, cn favcur de fes fubjcts,un autre Confeil de Chambre; ou fe traitent
& defpechent tous les affaircs des provifions fpirituelles, & temporclles,
graces, & faveurs:& plus, deux Salles, ou cn ccrtains jours fe traictent les
matieres de la guerrc par le Prefident, & trois Confeillers des Indes , &
deux ou trois du Confeil de guerre: & en d'autres jours fe traicte des fi
nances par le Prefident,& Confeillers des Indes, avec deux du Confeil des
finances, Fifcal,& Secrctairc du Confeil des Indeslc Prefidcnt nommant
c, , ceux qu'il luy plaift. " ..
Indes ne fe Et commc les Rois Catholiques procurent toufiours le bien, & ad
Peuvetie-vanccment dudict Nouveau Monde; confiderant que la propagation du
S. Euangile n'y pouvoit cftre fi hcurcfement advancé ne maintenu par
* .. autrcmain, comme par la fienne enfemble auffi pour fatisfaire à la jufte
--
requeftc
D E S I N D E S O C C I D E N T A L E S. 99
requefte de conquefteurs, & habitans defdits pays, qui font tous genera
lement fes naturels fubjets, de nation & de nature Efpagnols; ils ont de
clarépar fignature Royale en date de l'an 1 52 o. en la cité de Vallado
lid, & derechefl'an 1523. à Pampelune, que ne leurs Majeftés, ne per
fonne de leurs heretiers jamais ne permettront, que les ifles & provin
ces des Indes, part ou portion d'icelles, foyent jamais alienables de la
Couronne de Caftille & de Leon; ce qu'ils ont promis en bonne foy,
& confirmé de leur parole Royale .

CATAL O GVE
*Des

P R E S I D E N S, C O N S E I L L E R S,
S E C R E T A I R E S, & F I S C AV L X,
9ui jufqu'au jourdhuy ont fervi, & fervent au Royal
& Souverain Confeil des Indes, depuis la
premiere detection dicelles.

P REs I DENs
* An Rodriguez de Fonfca, Frere du ofrno, qui fut Affiftent en Seville,&
Seigneur de Coca,& Alaejos, Ar- Prefident jufqu'à ce que le Cardinal
chevefque de Rofano, Evefque de feroit retourné de Rome.
Burgos, eftant Doyen de Seville, Don Loys Hurtado de Mendoça Mar
gouverna ce qui touche à la defpe- quis de chlondejar, depuis Prefident
che desflotes& armades des * au Royal & Souverain Confeil de
-
-

jufqu'à ce que le Roy Catholicque Caftille.


don Ferdinand V. l'appella , pour Le LicentiéDon Francfo Tello de
eftre Prefident en fa Cour aux af- Sandoval, qui ayant efté du Confeil
faires des Indes : ce qu'il feit jufqu'à des Indes, fut advancé pour eftre
ce que l'Empereur vint à regner, qui Prefident de la Chancelerie Roya
voulut que le Docteur Mercurino le de Granade, & de là vint à eftrc
Gatinara fon grandChancelier,fuft Prefident au Confeil des Indes.
furintendent de tous Confeils, par Le LicentiéDon lan Sarmiento, qui
la main duquel pafferent toutes les fut auffi du Çonfeil des Indes,& de
expeditions & fe trouva prefent en puis Prefident de la Chancelerie
toutes affemblees,'qui fe faifoyent. Royale de Granade, d'ou il vient
Frere Garcia de Loayf,General de derechefà eftre Prefident auRoyal
l'ordre dc Sainct Dominic,Confef- & Souverain Confeil des lndes.
feur de l'Empereur, Evefque de of Loys Quixada , Seigneur de Vil
ma, qui auffi fut Archevefque de Se- lagarcia, Confeiller du faict de la
ville,& Cardinal. -- . -
Don Garcia7/anrique »,Comte de Le Licentié Ian de Obando, du
N 2, haut
- : -
1I OO -- D ES C R I P TI O N
haut Confeil de la Saincte & gene gleria, Abbé de Iamayca.
rale Inquifition, Prefident du Con Monfieur de Laffau, de la Cham
feil des Indes , & des finances du bre de l'Empereur, & du Confeil
Roy. d' Eftat.
Le Licentié Don Antoniode Padilla, Le Licentié Garcia de Padila, Ca- .
eftant du Confeil Royal & Souve. vallier de Calatrava.
rain de Caftille,s'en alla eftre Prefi Le Docteur Beltram.
dent au Confeil des Ordonnances, Le Docteur Galindex de Caruajal
& finalement en celuy des Indes. Le Docteur Bernal.
Le Licentié Ferdinand de Vega & Le Licentié Pierre Fmanuel.
Fonfeca, du haut Confeil de la Sain Le Licentié Rodrigode la Corte.
cte & generale Inquifition, paffa au Le Licentié Montoya.
Confeil des finances du Roy, & Le Licentié Mercado.
d'illec au Grand Confeil des In Le Licentié Ian de Tfunza.
des. -

Le LicentiéXuarez de Caruajal.
Le Licentié Don Pedro Moya de Le Licentié Alvaro de Loayf.
Contreras,le premier Inquifiteur qui Le Licentié Gutierre Velazquez.
fut àMexico,poury mettre le Sainct Le Licentié Gregoire Lopes.
Office, Archevefque de ladite Ci Le Licentié Don Francfo Telo de
-

té, & Prefident du Souverain Con Sandoval.


feil des Indes. Le Licentié Ian Salmeron.
Le LicentiéPaulde Laguna, Con Le Docteur Ferdinand Perez de la
-

feiller du Royal & Souverain Con Fontaine ».


feil de Caftille, & de la Saincte & Le Docteur Garcilopez de Ribade
Generale Inquifition , premiere meyra.
ment conftitué Prefident du Con Le Licentié Biruiefa.
feil des Indes : & du temps d'ice Le Licentié Gutierre Lopez.
luy fut inftitué le Royal Confeil de Le Licentié Don Iande Sarmiento.
la Chambre. Le Docteur Ian Vazquez Arze.
Le Licentié Villagomez.
Le Licentié Martin Royz Agreda.
- CONSEILLERS Le Licentié Lope» Garcia de Ca
fro.
JL Erdinand de Vega , Seigneur de Le Licentié Xaraue.
Grajal, Grand Commandeur de Le Licentié Valderrama.
Leon, & Prefident du Confeil des Le Licentié Don Gomez Zapata.
Ordonnances. Le Docteur Francoys Ferdinand de
Le Licentié Loys Zapata. Liebana.
Le Licentié itoxica. \ Le Licentié Muiioz.
Le Docteur Santiago. Le Docteur Loys de Molina.
Le Docteur Palacios Rubios. Le Licentié Antoine de Aguilera.
Le Docteur Gonfalo Maldonado, Le Licentié Don Ferdinand de Sa
qui fut Evefque de la cité Rodri las.
go. -
Le Licentié Iag Thomas.
MaiftreLoys Vaca, Evefque de Ca Le Docteur Villafgne .
InaI1c. _ | _ - Le Licentié Botello Maldonado.
Le Docteur Aguirre . Le Licentié Otalora.
Le Docteur Mota, Evefque de Ba
- - -
Le Licentié Diego Gafa de Sala
dajoz. - zar.
Le Docteur Sof. Le Licentié Gamboa.
Le Docteur Pedro cuartir de An Le Docteur Gomez de Santillana.
Le
p E S I N D ES-O C CID E NT A L E S. 1 OI

Le Licentié Efadero.
Le Licentié Don Diegode Zuiga. SECRETA I R ES,
Le Licentié Lopez de Sarria.
- Le Licentié Enao.
Le Docteur Lope de Baylo. An Coloma. -

Le Licentié Gedeon de mnojofa de Miguel Perez de Almazan.


l'ordre de S. Iaques. Gafparde Gricio. (los.
Le Licentié Vilafagne . Le Commandeur Lope deConchil
Le Docteur Antonio Gonçalez. Francfo de los Cobos, grand Com
Le Licentié Francifco Balcazar. mandeur de Leon.
Le Licentié Medina de Sarauz. Ian de Samano,
Le Licentié Don Loys de Mercado. Le Commandeur Françoys de E
Le Docteur Pedro Gutierrez Flo rafo. -

Antoine de Eraf.
Le Licentié Pierre Diaz de Tu Le Commandeur Ian de Tbarra.
danca.
Le Licentié Benito Rodriguez Val FISCAV LX.
todano.
Le LicentiéAuguftinAluarez de To
ledo, eftant auffi Confeiller de la
Chambre. L E Licentie Francoys de Vergas.
Le Licentie Prado.
Le Docteur Don Rodrigo Zapata. Le Licentie Martin Roys Agreda
Le Licentié Pedro Brauo de Soto Le Docteur Francoys Ferdinand de
mayor. Liebana.
Le Licentié Molina de Medrano, de Le Licentie Ierofme de Viloa.
l'ordre Santiago , & de la Cham Le Licentie Gamboa.
bre , Commiffaire de cefte hiftoi Le Licentie Lopes de Sarria.
-

Le Licentie Scipion Antolinez.


Le Licentié Diego de Armenteros. Le Licentie Negron.
- Le Licentié Afnfe Perez de Sa Le Docteur Valenzuela.
-

lazar. Le Docteur Marcos Caro.


Le Licentié Gonçalo de Aponte, &
-
Le Licentie Benito Rodriguez Val
-

de la Chambre. todano. l

Le Licentié Don Iande ocon , de Le Licentie" Alfonfe Perez de Sa


l'ordre de Calatraua. lazar.
Le Licentié Ferdinandde Saavedra. Le Licentie Roque de Villagutierre
- Le Licentié Don Tomas Ximenez Chumazero.
Ortiz.
Le Licentié Eugenio de Salazar.
Le Licentié Don Francfo Arias Les Gouverneurs & Ciceroys, qui
7Aaldonado. jufqu'àprefent ont gouverné
Le Licentié Andréde Ayala. les Royaumesde laneu
Le Licentié Benavente de Benavi
des.
ve Efpagne, e5 de
Peru.
Le Licentié Roque de Villagutierre
Chumazero.
En la neuve Epagne
on Ferdinandcortez Marquis du
Val, Gouverneur, grand Iufti
cier, & Capitaine General.
N3 Le
D E S C R I P T- I O N
Le Licentié Loys Ponce de la frere du Marquis de Alcanizes, mai
maifon du Duc Darcos, Iuge Politi ftre d'hoftel du Roy..
que defigné & declaré Gouver Don Lorenzo Xuarez de Mendoza,
neur, mais eftant prevenu par la Conte de Corunja , lequel eftant
mort, luy fut fubftitué fon Lieu pourveu dudict, office vint à mou
tCI alIlU. rir, & par provifion fut le gouver
Le Licentié 71arcos de Aguilar, nement adminiftre par Don Pedro
natif de la ville d'Ezya ; lequel ve Moya de Contreras Archeuefque de
nant à mourir avant deux mois ex Mexico.
pirés, fut fuccedé par le Threfo Don Alvaro cManrique de Zuiga,
rier Alfonfe de Eftrada, natifde Cité Marquis de Villa Manrique, frere du
Royale .. mais lors qu'on eut en E Duc de Bejar. .
fpagne entendu les nouvelles de la Don Loys de Velfo, fils du fufdit
mort de Loyz Ponce , fut ordonne Loys deVelafco,qui alla pour gou
que le fufdict Marcos de Aguilar verner les Royaumes de Peru, ou il
luy fuccedaft, & en fon abfence eft encor aujourdhuy.
Alfonfe de Eftrada, jufqu'au temps Don Gaftar de Zuiiga & Fonfeca,
que la Cour y auroit mis ordre. Conte de Monterrey quieft le Gou
Laquelle y envoya par provifionNu verneur d'aujourdhuy. -

io de Guzman Cavallier de Guadala


jara Gouverneur de Panuco, jufqu'à
ce qu'il y auroit un Prefident; & EN P E R V.
puis qu'on ne fe contentoit gueres
d'iceluy, la Cour fut changée, &
envoye pour Prefident & Viceroy On Francfo Pizarro, Marquis
General de la neuve Efpagne , Don de los Charcas , Gouverneur,
Sebaftien Ramirez de Fuenleal Evef grand Iufticier, & Capitaine Ge
que de Santo Domingo, & de la Con neral.
cepcion, eftant Prefident au Parle - Le Licentié Vaca de Caftro , de
ment dudictSandomingo, perfonna l'Ordre de S. Iaques, du Souverain
ge fort fçavant , & docte, qui a Confeil de Caftille, obtint le titre
pres avoir efte efleue en plufieurs de Gouverneur General.
dignités & offices en fin mourut Blafco 2Nuiez Vela, Chevalier d'A
Evefque de Cuenca en Efpagne: fut vila, fut le premier jouiffant du titre
fuccede par le Marquis Don Ferdi de Viceroy, & Capitaine General
mandi Cortez Capitaine General, qui de Peru. -
auffi paravant avoit eu la charge Le LicentiéDiegode la Gafa,mem
d'adminiftrer la guerre par advis bre du Confeil de la Saincte & Ge
& Confeil du fufdit Prefident Seba nerale Inquifition, obtint le titre de
ftien Ramirez. Prefidentde la nouvelle Cour, qui
Le premier qui porta le titre de fut fondée en la cité de los Reyes,&
Viceroy, & Capitaine General de de Gouverneur General , ayant
la neuve Efpagne, fut Don Antoine pouvoir de donner la charge des
de CMendoça, frere du Marquis de armes là qui bon luy fembleroit .
-

Mondejar. L'Evefque de Siguença mourut, fa


Don Loys de Velafo , Cavallier, fepulture & fes trofées fe voyenr
de la maifon du Conneftable d'E à S. Madeleine en Valladolid, &
fpagne. à caufe de fon abfence , le gou
Don Gafton de Peralta,Marquis de vernement demeura entre les
Falces. mains du Parlement de los Rey
CS,
Don Martin Enriquez de Almanf,
' . Le
D E s 1 N D E s o c C 1 D E NT A L E S. ro,
Le deuxiefme qui fut ennobly du ftel du Roy -

titre de Viceroy & Capitaine Ge Don Martin Enriquez, quittant


neral, fut Don Antonio de Mendoza, le Gouvernement qu'il avoit en la
gouvernant les Royaumes deNeuf neuve Efpagne , s'en alla eftre
Efpagnc. Gouverneur des Royaumes de
Don Andres Hurtado de Mendoça, Pcru. -
-

Marquis de Cagnete . Don Garcia de Mendoza, Marquis


-

Don Diego de Zuiiga,& Velfo,Cö --

te de Nieva. -
Don Loys de Velfo , quitrant le
Le Licentié Lopes Garciade Caftro, Gouvcrnement de Neuf Efpagne
Confeiller au Grand & Royal Con s'en alla cn Peru, ou il eft rcfident
feil des Indes , portant lc titre de cncor à ce jourdhuy ; mais pour
Prefident & Gouverneur Gene certaine caufe l'Officc de Viceroy
ral. & Capitaine General defdits Roy
Don Francfo de Toledo, frere du aumcs fut donné à Don Ian Pachero,
Conte d'oropfa , Maiftre d'ho Duc d' falona.
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-
1ovRNAL & M IR oIR -

- -
To E L A

. NAV I G A T I O N
- AVST R A L E
Du rvaillant &- bien signur
Chef & Conducteur de deux Navires
Concorde & Horne .
Av LEc r Ev R S.

My Lecteur, j'ay trouvé bon d'adjoufterala Defrip


tion de Herrera la Navigation Auftrale de Iaques
le Maire ; m'affeurant que prendrez en gré ce petit
prefent que je vous offre, pour deux occafions. Premiere- .
ment pour ce que en ladite Navigationfe veoit le courage
& grandeexperiencedenoftre Nation, illuftrant le JNom
des Hollandois,65'l'efcrivant pour toufiours enla memoire
de la pofterité. Secondement pour ce que vous y trouverés
laccompliffement de ce qui manque en Herrera : affa
voir la Defription des Indes Occidentales devers le Sud
de l'Eftroit de Magallanes : à quoy ferviront aufi les pe
tits traicfes quifetrouventfur la fin decefte Hiftoire .
Bien te foit.
PR E E AC E

Lecteur debonnaire.

Es Adminiftrateurs de la Compagnie Auftrale, voulant publier le Iournalauthen


Ltique & originelde feu laques le Maire d'heureufe memoire, Coadminiftrateur,
& Commandeur de deux Navires Concorde, & Horne, avec lefquelles il partit de
la ville de Horne, en l'an 1615. au mois de Iuin,fortant confequemment le 14. du dict
Iuinde Texel, en intention de recercher la Terre Auftrales ont trouvé bon d'advifer le
Lecteur, que le fournalde VVillem lanfz. Marchand Libraire à cAmfterdam,di
vulguéfouhs le nom de Guillaume Cornelis Schouten Patron de Navire, n'eftpas
le vray Iournal de laffdiâie Navigation, ains une oeuvre finiftrement amaffe, &
mife en avant auprejugé de la Compagnie, à laquelle feule, comme ayant les originels,il
appartenoit de publierfemblables frits; tédant ledit Iournal nonfuleméta leur des
avantage & des honneur, & à lesfufter de tous emolumens,qu'ils efperoyent tirer de
cfe Navigation,mais attribuant iufàgrandtort & contre la verité notoire l'inven
tion de l'Efroit de le Maire à Guillaume Cornels schwuten,lequel cependantn'y alloit
quefeulement en qualité de Clarinierfns qu'il fut autcuroii inventeur de cefte Na
vigation, ne qu'il en euftpar avant aucune connoiffance, felon ce qu'il en confffe luy
mefmes en unes lettres efrites à Horne l'an 1618. tenants à Ifaac le Maire pere du
Commandeur ffdiét. Caril n'enfav oit rien du tout,finon d'autant quele Comman
deur& les Adminiftrateurs luy en avoycntdeclaré lefquelpenfansd'avoir trouvéen
luyunhöme experimenté courageux, & vertueux pour entreprëdre & avancerunex
loidifinoble & heroique,fetrouverent bié grandement abufés en l'eftime qu'ils avo
jentfaict def perfonne, commeilparoiftrapar la deduction de toute l'hiftoire. C'eft
de luyfeulqu'ilsfe plaignent, de ce que la detection de la Terre Fcrme Auftrale n'eft
pas faccedee,d'autant que parfonmauvais comportement, ils'efttoufours formalife &
oppfe aux diffins du Prefidét, à ce qu'il ne continuaft la recerche de la Terre Auftrale:
dont il tenoit la detcttion comme entre fes mains,filedict Schouten fefftcomporté
en bon Patron de Navire.Certes ilya eu des autres officiers, dont les Adminiftrateurs
ont matiere defe louerplu que de luynotamment Adrien Claefz. Commis de la Fu
fle qui tafboit defeconder le Prefident, & encourager les matelots ce qui luy devoit
bienfervir d'exemplefins blafmer toufours les actions du Prfident, inciter les mate
lots à feditions, s'aquitter lafhement de fa charge, gafter inutilement le vin,mettre à
nonchaloir les vivres & provifions, comme fi de propos deliberé ileuft voulu empe
fherl'heureufe iffue d'unfigrand & long coyage.Somme en cefteNavigationila %
plus de mal que de bien indigne d'aucun louage, indigne du rang qu'il tenoit. Par
oufe veoitcombientemerairementil eft exaltépar VVillem Ianf. & appelé le Che
valier de Mer au deshonneur de ce Noble, & Genereux Prefident, exemple rare de
courage, luftre de preudhommie, natifd'Amfterdam, auquel eftdeu toutle los de cefte
Navigation. Quefi ilpenfe d'avoir merité cefte gloire d'autant qu'il a effé compa
gnon de la voiture, qu'eft ce quireftefinon que tout chafquun des 71atelots fe vante
d'eftre inventeur du Pffge de le Maire? 9: nt à ce que Villem Ianf. a publiéfon
livre fubs le nom de Schouten,le Lecteurfit advertique Schoutenn'eft pas autheur
de cefte biftoire desavouant lediât livre, & blafmant en ce le faitf de VVillen Ianf.
enfs lettres. Il efrit d'avantage enfaprface que Guillaume Sclouten auroit fou
ventefois confié avec fac le faire, & projecté touchant la Navigation Aufra
le; & que toute la charge auroit efé comme mife farfes efpaules. Ce que les Admi
niftrateurs de la Compagnie nient tout outre ; & encor plus ce qu'il adjoufe, qu'il
auroit eféfit un certain accordentre eux, que Schouten furni oit la moitié des de
( *) niers.
niers pcur l'acccmpliffment du voyage: lequel à la verité n'a fé que fimple Pa
tron de Navire aufe vice, ou pour mieux dire, aux défens, a cire au detrument des
Marchands & Directeurs de la ccmpagnie; quifuent le S'1faac le Maire,Pierre &
Ican Clement Kies, avec Ian lanfzon Molenvverf lefquelsfirent par enfemble
l'entreprinfe de cefte Navigation pour les raifns, quiferont plus amplement dedui
-

ttes en leur lieu.

E XTR A I CT

Du Regiftre des Refolutions de Treshauts & Trespuiffants


Seigneurs, Noffeigneurs les Eftats Generaux des Pro
vinces Vnies.

leudy 27.de Mars 1614.


Tant leu la Supplication daucuns Marchands de ces Trovinces, de
A mandans Trivilege de pouvoir feuls frequenter, & faire les fix pre
mieres Navigations aux Paffages Ifles,& Terres jufques àceft heure
incognues, qui par eux (Dieuaidant)pourront etre descourvertes à
ladvenir : Fut conclud dinteriner à iceux fppliants leur Requeste pour
les quatre premiers voyagessàcondition qu'ils front tenus, ayant achevé
le premier,d'en faire le rapport aux Etats, afin qu'iceux leur definfent le
terme defdits Voyages. Ce qu'onleur accorde, fans vouloir aucunement
prejuger aux Octrois & Permiffions par cy devant données. Et à
telfi que s'il advient que deux, ou trois, ou plufieurs Compagnies en la
mefme anneeviennent à defouvrir les mefmes Paffages, ou Terres, qu'ils
jo irot de pareilles Faveurs, Permfions, & Privilegess & que les diffe
rends, quienpourroyentfrvenir,feront du tout remis à la decfion defdits
-

Eftats.
Octroy General pour tous ceux qui defouvriront Nou
veaux Paffages, Havres, ou Terres.
Es Eftats Generaux des Provinces Vnies à tous ceux qui les prefentes ver
L* liront,fàlut: Soit notoire que nous jugeants la detection de nou
veaux Paffages, Havres, Terres, & Contrees eftre non moins honnorable &
glorieufe,que protable à ces Provinces en general, & aux habitans d'icelles
en patticulier; dont quelques marchans nous ont fait ouverture par leur
Requefte, fuppliants, qu'il nous plaife en recompenfe des travaux, dan
gers, & defpens, auxquels ils font prcfts de fe difpofer, leur octroyer le
* privilege & preference des fix premiers Voyages aux pays,qui feront par eux
(moyennant la grace de Dieu) defcouverts, defendans à tous habitans de
noftre obeiffance de ne hanter ou frequener lefdits nouveaux Paffages &
Terres, jufques à ce que les fix premiers voyages foyent accomplis : Avons
propofé d'eguillonner & inciter par les prefentes tous habitans de nos
Provinces en general à femblables entrcprifes tant profitables & excellen
tes. Parquoy avons permis, & octroyé, permettons & octroyons par les
prefentes à tous ceux qui dcfaprcfent defcouvriront Nouveaux Paffages, Ha
vres, ou Terres, le privilcge d'y faire les quatre premieres Navigations ;
defendans à tous nos Marchands, Mariniers, & autres habitans de nos Pro
vinces, dy naviguçr ou trafiqucr jufques à ce que lefdites Navigations pre
mieres feront accomplies : fur peine de confifcation des Navires, & Mar
chandifes, qu'ils yauront employees, & d'une amende de cinquante mil Du
cats au profict du premier Inventeur & Defcouvreur: à condition toutesfois
que il fera tenu de nous faire le rapport de toute fa Navigation & du fucces
d'icelle, en dcux fepmaines apres eftrc revenu du premier voyage: afin que
felon les opportunités & diftance des lieux par nous foit defini le terme des
ditcs quatre Navigations premieres. Le tout fans aucunement prejuger, ne
deroger aux octrois par cy devant de nous emanés. Et s'il advenoit qu'en la
mefme annee deux oa plufieurs Compagnies vinffent à defcouvrir les mef
mes contrces, ou paffages, que tous jouirQnt de mefmc privilege: ou fi il en
fourdoyent quelqucs diffenfions * que le tout fera remis à noftre
decifion. Et afin que ceft Octroy vienne à la connoiffance de tous feaux &
bons habitansde nos Provinces, voulons qu'elle foit par tout publiee & af
ficheefelon la couftume ordinaire.Ainfi arrefté en l'affemblee de Trefhauts
& Trefpuiffans Seigneurs les Eftats Generaux à la Haye; 26. de Mars 1614
Signé
IE AN DE BAR N E v E L L E.
Et plus bas
Par ordonnance des Eftats Generaux.
C. Aerffen.

Seellé dufaudefdits Eftats en cire rouge.

-
(.) 2
AVR I C E TPrince d'Orange, Conte de Naffu, Catzenelle
M| Capitaine General de la Duché de Gueldre, & des Contés de Hollande, Ze
boghe, Viande, Dieft, & c. Marquis de Vere & Fliffingues, Gouverneur &
lande, Vrefffe, Varecht, & overyffel Admiral General du Pays Bas &c.
àtou Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques, & Gouverneursd'Empires, Roy
aumes, Duchés, Republiques, & Provinces, qui les prefentes verront, flut par no
flre Seigneur, apres l'offre de tous fervices, & mitié nonfincfe. D'autant que nous
avons iofiours eftimé, eftre chofe glorieufe & tres utile à noftre Republique ne con
ferver pafeulement l'amitie des provinces : ofnes, mais auffi de contraéter allian
ces avec les nations loingtaines pour le fiât de la trafique de ces pays: Soit notoire aux
Tresilluftres Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques, & Gouverneurs, à qui les
prefentes feront adreffees,que nous en partie pour les caufes ffdicffes, en partie auffi
pour la requefe de noftre cher & bien aimé laques le Maire natifd'Amfterdam,
Capitaine & Prfident de nos deux Navires Concorde, & Horne, & de Guillau
me Cornelis Schouten de Horne Patronde Navire ; leur avons permis & cttroyé,
permettons & cctroyons d'aller aux Empires, & Royaumesde Tartarie, China, Ia
pan, Eft Inde, Terre Auftrale, fles & Terresde la mer du Sud, & es autres (fi d'a
vanture autres en defouvrent) en l'ifle de Rotta, aux paffages de Nort & Sud, &
autresqu'il pourront trouver, pour contracter par tout alluances avec les habitans,
trafiquer, achepter, & vendre toutesfortes de marchandifes, fit de peaux, de foye,
efpecerie, perles, & pierres precieufes ; & de les ameiner & vendre en ces provin
ces, & d'en emporter des autres: le tout avec permiffion & onfentement des Magi
frats. Leur donnans quant & quant par les prefentes charge d'affeurer en qualité
d'Ambaffadeurs lesffdits Empereurs, Roys, Ducs, Princes, Republiques densftre bon
ne affâtion envers eux, & de offrir à iceux liberalement le fervice de noftre Pays.
Requerans amiablement tous habitans defdits Empires, Royaumes, Havres, & Ra
des, ou leffdict Capitaine, oufon Lieutenant viendrontfargir, de les aider & favo
rifer; promettans de recompenfer largement lefdits benefices, ( jamais l'occfoz
(queDieu doint)fe prefente de les reconnoiftrefit que les Na que les per
fonnes defditspays viennent en nos Provinces. Finalement commandons bienferieufe
mentànoftre dit Capitaine laques le Maire de ne offenfer, ne iniurier perfonne de
quelque eftat ou condition, qu'ilfoit - fftque luy ou les fens fffent les premiers
affili, & contraints de fy defendre. Et en tel cas luy commandons de fe porter
vaillamment, defendre & garentir par tous moyens fes gens,fes Navires, & fes mar
chandfes pour ne dementir le naturel & fanc courage de f Nation; confideré que
felon le droit de toupeuples ileft permis de repouffer violence par violence. Faiit à
la Haye en noftre Cour de Hollande. Ce 13. de May. 61o. signé Maurice de Naf
fau. Et plus bas, Par l'ordonnance defon Excellence Milander, & flott cacheté du
-

feau defon Excellence en cire verte.

IOVRNAL
1o7
I O V R N A L, & M I R O IR
*7D E L, A

N AV I G AT I O N
A V S T R A L E
Du rvaillant é- bien renommé
Seigneur
IA QV E S L E M A I R E,
Chef & Conducteur de deux Navires
Concorde & Horne ,
»

9ui partirent le 14. de juin 1 6 15.

Iu1N.
Le 15. continua le mefme vent, avec beau temps,prinf
mes la route du Pas de Calais, & rencontrames un pe
fcheur de Ziric(é, qui nous dict, que l'entrée de la Vere»
* eftoit à l'Eft fudeft de nous, qui fut environ le midy.
Le 16. du matin le vent s'eftant couché, veimes Doncquerque, & Calais,
paffames le Pas avec la marée, & y trouvames un de nos bourgeois de
Horne; lequel promit de porter de nos nouvelles aux Marchands nos
Maifttres: la nuict flotamcs en ça & en là, pource que levent nous eftoit
Le 17. le mefme vent, que deffus; à raifon de quoy, prinfmes la carrie
re aux Duyns, mouillans l'ancre tout au pres des Chafteauxou furent mis à
terre noftre Batelier Guillaume Schouten, & Daniel le Maire » pour aller à
Douvres loër un Conneftable , qui fut faict & y furent d'avantage em
-

, plis d'eau nos tonneaux vuides.


Le mefme vent continua encor le 18. Ce jour noftre Prefident, & fon
frere Daniel, avec tous les Affiftans s'en allerent à Sanvvits, pour loër un
Charpentier de navires, qu'ils ne fceurent trouver; retournerent au foir
apres fouper.
Le 19. le vent Nortnorteft; levions les ancres environ le midy, paffa
mes Douvres, & tantoft apres veimes une flote de quarante vaiffeaux ve
nans d'Efpagne, chargés de fel, quinous feirentprefent de quelques pom
mes d'Orange.
Le 2o. le vent venant d'Oeft nous centraignit de voguer & virer de ça
& de là. Rencontrames un bateau venant d'Irlande , & un autre de S.
Michel des ifles Flamandes, que nous affiftions de quelquespains de feigle,
& d'autres provifions, comme de la merlue feiche. -

Le 21.continuames de floter fur la mer en ça & en là, fans rien advan


CCr ,

Le 22. ce mefme temps continua, l'air eftant mefme plus nubileux; &
-
C) 2 parcc
ro8 N A V I G A T I O N A v ST R A L E
161 5. parce trouvames expedient d'aller entrer en l'ifle de vvigt ou le Batelier
IuIN.
s'enquerra treffoigneufement, mais en vain,pour loër un Charpentier.
Le 24. le vent demeura Oeft. Le P1 efident avec fes Affiftans, enfem
ble avec lc Commis de la Fuftc Adrien Claf. s'en allerent à 2Nieport pour
la mefme caufe, mais ce fut pourneantfinon qu'ils apporterent quant & --

euxdeux petits cochons pour engraiffer.


Le 25. de bon matin furent les ancres leuées, à caufe qu'il faifoit bon
vent,mais ne dura gucrres, de forte qu'en apres allions floter deça & de
là jufques à Iarmuyde, ou nous jettames l'ancre à 16.toifes.
Le 26. le vent Nortnorteft, fimes voile, navigans bien viftement & bien
avant, de forte que la Fufte ne nous pouvoit attaindre fur le foir paffions
- -
outre Port-lant.
' Le 27. le vent, que deffus, continua; eftions lors environ Goutftert & ar
rivafmes ce jour à Pleymude, nous repofans à 7. toifes : & cy trouvames un
Charpentier, nomme Corneille Antonis de la ville de c7tedenblicq, qui reve
noit de Canarie,
Le 28.fitoft que le Batelier fut retourné au vaiffeau, levames l'ancre,
&partimes de Pleymude, avec bon vent. ce jour tous nos gens pafferent
monftre, & manierent les armes, afin que chafcun fceuft, ce qu'il devoit
-

porter.
Le 29. eftions à 38. degrés, le uent variable ; & furent ce jour, divi
fés 275.fromages à 55. perfonnes, pourtout le chemin..
luILLET.
Le 1.2. & 3. de Iuillet, l'air eftoit pluvieux, & lesvens variables, qui
nous tourmenterent fort.
Le 4. avions le vent de Norteft, & fur le midy la hauteur de 43. de
grés, & 45. minutes. Ce fut le premier jour, qu'on divifa la raifon à ceux
de la Compagnie : affavoir à chafcun d'eux quatre livres de pain , avec
une demy livre de beurre par fepmaine; & un pot de biere d'une mingle
par jour : le tout par provifion. Au foir le vent fe tourna vers le Nort.
Le 5. 6. & 7. le vent variable : au midy avions la hauteur de 4o. degrés
15. minutes.
Le 8. fe tourna le vent Nortoeft, quand nous nous trouvames environ
les Barrels; & mourut ce mefme jour fur la Fufte le fecond maiftre Char
pétier.furent auffi baptifés quelquels matelots, qui n'avoyent jamais paffé
ledits Farrels le defunct mis en la mer à quatre heures apres midy,& def
chargé un coup de Canon.
Le 9.le vcnt fouffla bien fort duNort;& continua de mefme deux jours,
de façon que l'onziefme du matin veimes les ifles de Porto Santo, & Ma
dera.
Le 12. environ les cinq heures du matin veimes l'ifle Salvages, en la
quclle fe tienent quelques pcfcheurs: nous la paffames environ le difner,
l'air eftant beau & ferain, allans plus avant vers les ifles de Canarie »; vei
mes de loing à l'Oeft de nous un navire, que ne fçavions d'ou il eftoit.
Le 13. le vent eftant Norteft, & noftre cours vers le Sud, de bon matin
apperceumes l'ifle Tenerife », & notamment le Pic à l'Occident de nous:
peu apres la grande Canarie , laquelle laiffant à la gauche, paffames entre
deux; eftans ces ifles feparees l'une de l'autre, environ dix lieues d'Alle
magne.
Le 14. du matin le vent fe tourna Nortmorteft, qui nous fit fort advan
cer:au midy eftions à la hauteur de 25. degrés , 4o. minutes ; de forte
-

qu'avions
D E I A Q v E S L E M A I R E. 1o9
qu'avions pafféle Tropique de Cancer.Ce vent cötinua tout le long du jour. 1615
Le 15. l'air plus convert : au midy tous trouvames en l'altitude de 22. lui*r
degrés,4o minutes; de forte qu'avions navigé felon noftre compte 45. lie.
en 24 heures.avant difner apperceumes quelque chaleur, mais elle eftoit
bien à fupporter. au foir tenions la route de Sud quart à l'Oeft, jufques
à l'aube du jour. -
-

Le 16. an Midy trouvames bien pres de 2o. degrés. à ce coup le vent e


ftoit Nortnorteft, foufflant roidement, qui nous pouffa fort avant. prinf
mes la route vers le Sud, mais de nuict Sud quart à l'Oeft, & Sudfudoeft,
pour euiter le rivage, & decliner les graviers de Cabo Blanco. l'eau fe mon
ftra fort noire, qui nous donna occafion de penfer, que n'cftions guerres
loingde la terre,jaçoit qu'on ne la pouvoit veoir à l'œil.il furvint un orage
àl'improuveu, qui du matin au defiuner nous emporta noftre Efquif, le
quel trainoit derriere le grand vaiffeau,fans qu'on yfceuft donner reme
de ; à caufe que la mer l'avoit empli d'eau, devant qu'on eut le loifir de
tourner la navire: ainfile perdimes,& s'en alla à la garde de Dieu. Orya
voit il en ces quartiers de jour enjour des orages, nonobftant qu'avions
le Soleil droict au Zenith mais il femble que ceft l'ordinaire enEfté Nous
veimes devant difner à la main droicte deux bateaux,venäs de Cabo Verde,
ou de Guinea.L'air eftoit fi obfcur&ten ebreux,qu'à peine pouvoit on veoir
le Soleil,ne obferuer la declination de l'aiguille: toutesfois par certaines
conjectures faifions compte d'eftre en la hauteur de 2o. deg3o. minutes.
Le 17. dudict mois eftans à 17.deg.3o. minut. continuames la route de
Sud, ayant le vent Nortnorteft. La nuict paffée, l'eau s'eftoit applanie par
beau temps. Iournellement on y voyoit plufieurs poiffons volans, & y
faifoit grand'chaleur.
Le 18 du matin la mer calme,flotames ça & là.Apres midy le vent fe le
va d'Oeft,&NortoeftallamesSud,& Sud quart à l'Eft, avec bon advance
ment, le temps fort chaud.Ce jour noftrePrefident Iaques le Maire trouva
bon d'affembler le Confeil,& dy mander Adrien Claf.& Ian Schouten Pa
tron de la Fufte, pour confulter, fi on n'iroit point en Sierra Liona pour fe
rafraifchir, ce qu'ils trouverent bon; demeurans chez nous au difner. or e
ftions nous en la hauteur de 16#. degrés.
Le 19. au midy avions la hauteur de 15. degr. bien peu de vent, & nous
fembla d'eftre au parage de Cabo Verde; il faifoit fort chaud , & voyoit on
grande abondance de mouffe marine,fignifiant,que n'eftions pas loing de
-

la terre. -

Le 2o.du matin & à l'aube du jour ne pouvant pafferCabo Verde, arriva


mesau deffoubs d'iceluy, approchās de nuict au deuxiefme quartier pres
de la cofte, au Nort dudict Cap en grand danger, & fpecialement de la
Fufte,pres la bouche de fleuve Zenegaeftant ladicte Fufte à 34 & le grand
navire à 8. toifes. nous allions Oeft quart un Sud fuyvans la cofte, & pre
nions à l'hameçon quelques poiffons.
Le 21.le vent eftant Sud,levions nos ancres,& faifions voile, mais peu de
progrés fur le foir apres que tout le jour il euft faict beau temps furvint une
Trauade, avec tonneres & foudres, qui ne dura qu'une heure & demyc.
Le 22.du matin levames les ancres,pour autãt que le vent fouffloit fort
& roide;mais environ le midy flottames par bonnace, eftäs environ trois
lieues de Cabo Verde à l'Occident. Repofames à 32.toifes, le fond fablon
neux, fortuni & beau pouryancrer.Le dedans du pays fe monftroit plein
[
de baffes montagnes areneufes,vert, & plein de bois.
O 3 Le 23.
15
I IO N A v I G A T I O N AV S T R A L E
1 6 1 5. Lc 23. jour au midyne fceumes comprendre la hauteurs caufe, que les
1u1LLE r.
vens variables, les pluyes, & l'air obfcur nous travailloyent.Apres difner
ayant meilleur vent & plus gracieux, apres grands travaux (car la marée
nous chaffoit par trop envers le Nort) parvinfmes à la rade, & repofames
à fept toifes & demie, fond fablonneux. Incontinent nous vindrent trou
ver les Ncgres,faifans grand femblant de nous vouloir bien traiter,& affi
ftcr de toutes chofes, mais l'experience demonftra le contraire.
Le 24. on vifita la biere & l'eau, qui eftoyent grandement degout
tés, pour ce que les tonneaux n'avoyent efté munis de cercles de fer : fai
fions nos apprcftes pour aller querir de l'eau. mais tout incontinent nous
vindrent attaqucr quelques Noirs de par l'Alcayre (à ce qu'ils difoyent)
gens fort barbares & mal apprins, demandans du vin bruflé, & autres
provifions en des bouteilles. ce jour prinfmes tant de poiffons, que tous
les deux vaiffcaux en eurent affés.
Le 25.vint vers nous l'Alcayro (ceft à dire le Gouverneur) Gafpar Gonfal
vo, aagé de 49. ans fur une Almadia avec quatre perfonnes auquel fimes
bonne chere de tout ce qu'avions a manger & a boire, en quoy il fe de
monftra fobre,& nous accorda pour huict pieces de fer, de faire provi
fion d'eau, tant qu'il nous plairoit; à condition toutesfois , que ferions
prefent à fa femme d'une bouteille de vin d'Efpagne,difant que telle e
ftoyt la couftume. Noftre Prefident Iaques le 7Aaire parla toutes fortes
de langues avec luy, ains corrumpues.Apres difner retournerent les gens
à bord avec des poiffons prins à la rets aupres d'une ifle, ou avoit efté la
chaloupe.
Le 26. la mer fut fort enflée,& y eurent grands vens,pluyes,tonneres,
& efclairs, qui nous empefcherent de querir de l'eau. devant midyvint à
la rade un bateau à nous incognu: c'eftoit un Françoys. -

Le 27. il faifoit encor grand'tempefte à caufe du changemenr de la


nouvelle Lune, qui de nuict s'appaifa. Ce jour n'allions que deux fois à
l'eau: & nous vindrent trouver pour la deuxiefme fois les Negres, deman
dans une bouteille de vin ou deux pour l'Alcayro, ce qu'on ne peut refufer:
Sur la nuict à deux lieues ou environ de nous , ancra un vaiffeau en la
baye, qu'on appelle Refefo, qui defploya la banniere du Prince. or c'e
ftoit un vaiffeau de Roterdam de 8o.tonneaux, venu pour trafiquer fur la
coftc, & d'illecaller en Brefille. -

Le 28 nos gens allerent querir de l'eau jufqu'à fix fois, & au foir
prindrent une bonne quantité de poiffons , l'air eftant ferain &
beau. -

Le 29. finglerent le Prefident Iaques le Maire , & fon frere Daniel fur
la Fufte vers Refrefo, pourry faire quelque provifion nouvclle de pom
mes d'Orange, & de Limons, à caufe qu'il n'eftoit rien aupres du Cap.
mais ce bon homme de Roterdam, qui eftoit Guillaume Blocq , difant
qu'il n'y avoit rien, la Fufte retournavuide; ce qui nous contrifta gran
-

dement. - -

Le 3 o. il faifoit coy, & grand' chaleur. Le Prefident portant foin de


nous tous,s'en alla à terre avec une bouteille de vin pour faluer l'Alcayro,
qui le receut amyablement. Son intention eftoit d'y achepter quelque
gros beftail, qui ne s'y trouve guerre, à raifon qu'il les faut aller querir
au dedans du pays: mais il y achepta une belle cheure pour une verge
de fer : & luy fut faict prefent d'un petit jeune taureau , & voila toure
la provifion qu'il y trouva, horfmis encor un peu de Perfilde mer, que
InOllS
D E I. L E M A I R E. 1 II

nous y cueillions. Or ce Gouverneur, ou Alcayro eftoit Chreftien de 1615.


Religion, ayant quatre femmes, & fix enfans, au refte trefmal & pauvre Iu1L LET.
ment logé. Voyant donc, qu'on n'y pouvoit efperer autre chofe, & que
les Noirs continuellement nous venoyent aborder , il fe refolut de faire
voile,& partir de là de bon matin, à caufe que eftions tout prefts, & nous
avions prouveu d'eau à fouhait.
Le dernier dudict mois le vent venant de la mer, le bateau de Roter
dam, nommé le Cerfvolant, qui avoit repofé en Refrefo , s'approcha de
nous: il faifoit affés beau temps de jour, mais la nuict prochaine furvint
une Trauade du cofté de la terre, avec force pluyes, tonneres, foudres,& -

grands vens. -

- Le 1. d'Aouftnos deux vaiffeaux,& celuy de Roterdam par enfemble Aoust


firent voile , ayans le vent Nortnorteft, prindrent la route de Sudoeft;
mais environ le midy le marchand de Roterdam nous dit à Dieu, & s'en
alla fon chemin..
Le 2. continuant le vent, que deffus, tirames droict à la Brefille. au
foir levent s'appaifa entierement, de forte que demeurions toute la nuict
flotans fans rien avancer. -

Le 3. le vent fe tourna Nortoeft, qui nous fit advancer aucunement.


Ce jour mangeafmes la chair, qu'avions recouvré fur Cabo Verde,pareille
ment auffi le Perfil de mcr. Au difner nous trouvames en la hauteur
-

de 13. degrés: toute la nuict continuames la carriere.


Le 4. le vent du Nort nous fut grandement propice environ trois ou
quatre heures: noftre cours eftoit Sudoeft , & profitions grandement,
nonobftant les tonneres & pluyes & efclairs. Sur le midy nous trouva
- - - -
mes en l'altitude de 13. degrés.
* Le 5. au midy 12 degrés le vent eftant Nortoeft & beau temps,faifions
grand voyage, veimes par l'efpace de huict jours plufieursTortues,& au -

cucesfois des Albecores, & Bonnites. - -

Le 6. fur le midy eftions à la hauteur de 1o.degrés le vent,que deffus,


--

beau temps, l'air temperé. -

- Le 7.8 & 9. l'air demeura fi nubileux, qu'on ne pouvoit fonder la hau


teur: fouvent des bouffetades & pluyes. Ce jour veimes deux Baleines,
& prinfmes un Bonnit, qui fut le premier. -

- Le 1o. le vent variable. De nuict fut apperceu par nous une Carauelle
allant vers Brefilletafchions de parler à eux mais au matin les avions per
du de veue, par ce que la mer eftoit calme, de forte que nous ne les pou
vions fuyvrc.
Le 11.fur le midy nous trouvames en la hauteur de 9. degrés,45.minu
tes, ayans peu ou point de vent ; la pluye commença à ceffer, & à faire
-

beau temps. -

Le 13. & 14. fumes pouffés par un grand vent de Midy, fans toutes
fois guerres advancer, pour les ondes qui travailloyent par trop de na
Le 16 noustrouvames en l'altitude de 7. degrés ayans le mefmevent,
que deffus & cognumes que toute la mer en ces endroicts eft pleine de -

poiffons.
Le 17. eftions à la hauteur de 7,. degrés, ayants le vent affés favo
rable.Ce jour prinfmes le premier Dorado. or les Dorades font une cfpece
de Brafmes. - -
-

-
Le 18.
I I 2, N AvI G AT 1 o N Av s T R A LE
161 5. Le 18. & 19. tant nous travailla le vent de Midy continuellement fouf
AousT.
flant, qu'il ne futjamais poffible degaigner quelque hauteur. Le Prefi
dent avecceux du Confeil prindrent refolution de fingler vers Sierra Lio
na, craignant que le mefmc vent pourroit continuer encor long temps;
foubs efpoir de nous y rccreer & rafraifchir : partie pour ce que le Scor
but commenceoit à regner parmy nous, partie auffi pour ce qu'il y avoit
apparence de flotter longuement foubs la ligne Equino&iale pour la bon
- nace Au midy trouvions la hauteur de 6. degrés,52.minutes.
Le 2o. d'Aouft fur le midy eftions à7. degrés , continuans le mefme
cours à l'Eft, & Eft quart au Sud, pour aller en Sierra Liona. Le vent e
ftoit Sud, l'eau trouble, & parmeflée de vert & noir. Apres difncr jetta
mes la fonde à 36. toifes,fond fablonneux allans toufiours vers la terre,&
trainans ladire fonde jufques à trouver 3o. toifes, le fond par tout uni,
egal & trouffé: continuames jufqu'à la minuict, & trouvames 2o. toifes.
lors craignans quelque banc tournames vers la mer, & au matin mouil
lames l'ancre à 18. toifes , nous trouvans à l'Occident de Baixos de S.
-

Anna. -
Le 2I. comme le Soleil fe levoit, apparceumes le haut pays de Sierra
Liona au Norteft quart au Nort, environ fix lieues de nous.Vers le Sudeft
ne veimes aucun pays, mais bien vers le Nort ; lequel n'eftoit pas fi haut:
plus un rocher, ou l'ifle dcc71abrobamba vers le haut pays de Sierre Liona:
& pour ce levans l'ancre pretendions dyaller tout droict, ayans le vent
doux & favorable: le fond y eft fi egalement haut par tout, qu'on le peut
fonder 14. lieues ouplus en la mer: paffions outre le Baixos de SAnna fin
glantvers la mer à petit vent,de forte que ne pouvions aborder de jour:
le Soleil fe couchant jettames l'ancre à 5. toifes, ou environ. car la marée
y croift & defcroift environ une toife. Au foir trouvames plus de pro
fondeur vers le Septentrion, & moins vers l'Orient; or lefluxy va Sud &
Nort. -

Le 22. de bon matin & avant jour commenceames derechef à faire


nos preparations pour naviger le Patron fe meit en la Fufte pour aller
au devant de nous, cercher quelque bonne rade: ainfi paffames l'ifle, &
les poinctes, qui de la terre ferme vont Oeft & Sudoeft en la mcr. au foir
nous arreftames pres de la cofte à la profondeur d'environa.toifes, le fond
dur & bicn trouffé, efperans d'avoirtrouvé la rade.audict foir le Prefident
fe feit mcttre à terre pour s'enquerir s'il y avoit point de gens & provifion;
qui fut en vain, n'y trouvant que des bofcages efpés & dangereux, qu'on
n'euft fccu paffer : qui plus eft, ils ne ofoyent entrer plus avant au pays,
pourne fçavoir la condition ou qualité du lieu : mais fe tenoyent fur le
-

bord de la mer. -

Lc 23.l'Efquifalla cerchant quelque profondcur, afin d'y pofer noftre


vaiffeau. Devant midy le Prefident accompagné de douze genfdarmes,
fe feit mettre à terre pour experimenter, s'il n'y avoit point de moyen
pour fe rafraifchir d'eau, & d'autres chofes: voguerent vers le haut pays,
& y trouverent fort belle eau fraiche, coulant par les rochers jufques à
la riue:allans plus avant au longde la cofte vers le Sudeft, vcirent par tout
grand'abondance d'eau : quelques fois fe hazardans plus avant au pays,
cognurent qu'il eftoit defert, n'y ayant que des beftes fauvages ; affavoir
Sangliers, Elefans, Bœufs, Boucs, Marmots,& autres bcftes,& tout plein
de bofcages. En fin apperceumes de l'Efquifen ramant la bouche d'une
rivicrc d'eau fort fraiche, ayant la profondent de3. & 24. & 2.toifes:en .
trames
D E I A QV E S L E M A I R E. II3

trames en ladicte riviere environ l'efpace d'une lieue, & veimes qu'cllc 1615.
alloit fort tortue, ayant par tout quafi la mefme largeur; les oifeauxy AousT
chantoyent mclodieufement,& toutes les deux riues cftoyét fort baffes,
fique les arbres panchoyent cn l'eau : apres yavoir cueilly quelqucs Pal
mites,nous retournames bien tard au foir.
Le 24 le Prefident envoya les deuxEfquifs bien montés, l'un deça,l'au
tre de là, pour trouver quelque riviere, ou quelque ifle des Noirs. Le na
-

vire fut pofé fur5. toifes. -

Le 25. du matin retourncrent les Efquifs, n'ayans trouvé ne village,ne


gens mais l'un avoit entré bicn trois ou quatre lieues en une riviere, efpe
rant d'y trouver quclque ifle; lefquels apres s'cftre mis à rerre pres d'un
haut arbrc fec,y avoyent trouvé un : de Limons; dont apporterent
environ 7oo. à bord. Le Prefident nous cómanda de naviger vers la dicte
riviere,fi par adventure, on y pourroit entrer pour charger le navire de
ces Limös;mais à l'entrée fe trouva un gravier, qui nous arrefta fur le lieu.
Or eftant lePrefident entré en laFufte que noftre nefalloit fuyvät,fe meit
en la barque d'icclle,& fe tranfporta avecAdrienClaf.Marchand & Com
misde la Fufte dans la riviere, ordonnant que la Fufte finglaft vcrs le Sud
ou trouvames une pointe baffe avec deux ifles, eftimans que ce fuft le cap
de Su, duquel cfcrit Thomas Candif Cependant le Prefidcnt cftant en la
riviere à trois places fe meit à terre,& trouva 14oo. Limons, non fans gran
de peine, nageant par l'eau & la fange jufqu'à la poictrine,endurant gran
des pluyes, l'efpace de deux nuicts trefobfcures qu'il y employa.
Le 27 de matin derechef dreffions noftre cours vers une petite riviere,
penfans d'yavoir veu monter la fumée, mais en vain: car il ny avoit point
de gens.vray eft que y trouvions quelques Perdris,Cigognes,Crocodiles,
· & Tortues,& des Huiftres pcndantes aux branches des arbres en l'eau.
Le 28. du matin ayans apperceu une riviere une lieue ou plus deffoubs
le Cap de Su, dans lequel de loingnous fembla veoir une ifle, y envoya
mes la barque de la Fufte, avec Nicolas Ianfon, & Iean Schouten Pilote,efpe
rans que ce feroit le vray cndroict, defiransgrandement depouvoir trou
vcr quelques perfonnes : jctrames la fonde à fçavoir fi nos vaiffeaux y
pourroyent entrcr, pour les ncttoyer en l'eau fraiche ; mais il n'y avoit
point affés de profondeur. Guillaume Cornelis s'en alla à terrc pres du Cap
vis à vis de la rivicre, lequel retourna fur le foir, n'ayant point trouvé d'eau
douce, ncvcu perfonne, mais feulemcnt deux Buffles. il eftoit icy tout
plein de marefcage, de forte que par là entendimes, quc ce n'eftoir point
la vraye riviere.
Le 29. levames les ancres pour venir au Nort des iflcs de Mabrobamba,
ayans le vent Sud, fuyvames la cofte & approchames jufqu'à un certain
Cap ou poincte de la terre, nous mettans derricre icelle. au foir prinf
mes noftre Cours à l'Eft quart au Sud, tant qu'il fut poffible de nous ai
der dc la marée, car le vcnt fe tcnoit coy. en fin cntrames environ un
lieue dedans le haurc dudict Cap, & nous arreftamcs pres de la tcrrc à -

15. toifes. -

Le 3o. faifans voile avec la maree, ayant le vent Sud, paffames environ
une lieuc plus avant , pour aller vers la rivierc : mais confideré que le
vent nous cftoit contraire, & le village devant nous (car on le voyoit)
jettames l'ancrc. L'eau fraifche fautoit hors dcs rochers devant nos
yeux, & les gens nons appelloyent à haute voix en leur langage
pour venir à terre. A ceftc occafion le Prefident envoya vers
-
-

p * - ' cux
1 14 - N A V I G A T I O N• A V S T R A L E
1615, eux Adrien Claf. Marchand de la Fufte, & Nicolas Ianfon, quiretournerent
luILLET.
avec le Capitaine du village, le Trucheman Emanuel, & un des Negres,
pour accorder & traicter avec nous touchant la provifion d'eau lefquels
prenans en oftage le fufdit Adrien Clef, avec le maiftre Pilote,l'accord fut
tout incontinent faict pourtrois toifes de lin, & une au trucheman pour
fa peine.Tout auffitoft feimes noftre provifion, & troquames d'avanta
ge quelques Corales & coufteaux pour des Limons& Bananes. car il n'y -

avoit point des Poulles, ne Ris.


Le 3 1. au poinct du jour commenceames à querir de l'eau, continuans
tout ce jour en la befogne, jufqu'à remplir tous les tonneaux; & cepen
dant furent troqués par les autres pour des Corales, & Coufteaux (que
ces gens appellent en leur langage Facqua) environ 2cooo. Limons, &
diftribués lefdits fruicts fur les deux navires, à chafquun 1525. ils nous en
" baillerent environ 26o. ou 275. pour un Facqua, à la mefure d'une petite
corbeille. Ce jour vindrent encore deux Canoas, ou naffelles de l'autre
riue, de par le Roy Faramborey eftant en l'une des naffelles le Frere, & le
beau frere dudict Roy, pour entendre quelles chofes nous apportions;
eux fe difans avoir du c7tarfil,& de l'or, cerchoyent du Fer, Linges, Cora
les,Sel, Baffins de cuyvre,& Chauderons ; adjouftans à ce que deffus,
que le Ris pour lors eftoit encor aux champs, mais qu'on le pourroit a
voir dans quinzejours: nous affeurans d'avantage que plufieurs nations
Occidentales vienent trafiquer en ce pays, & notamment les Anglois,
pour avoir une forte de bois rouge, lequel y croift fur les montagnes.Or
environ une lieue de l'endroict auquel feimes la provifion , fe veoit
une bonne rade;fur la quelle on eft à l'abry de tous vens, excepté le Nort
oeft,& l'Oeftnortoeft & s'y tient on fur8 toifes, ayant le fond fablõneux.
c'eft un belhaure, quafi couvert & ferré de toutes parts, l'eau ne s'y peut
grandement enfler, pour les bancs, qui font devant la rade,ou les ondes fe
-

brifent.

SEPTEMB
Le premier Septembre eftans rafraifchis navigames avec la maree,
d'autant que le vét en partie fetenoit coy,&en partie nous eftoit contrai
re.Sur le foir jettames l'ancre environ demy lieue du Cap de Sud, nous
tenans vis à vis d'un petit haure, lequel avoit l'entrée comme une riviere,
à 7.& 8, toifes de fond fablonneux, non loing de la terre,& bien pres des
efcueils; mais il ny faifoit guerres bon demeurer.
Lc 2.furent mis à terre une partie de nos gens, pour cercher des Li
mons,& Bananes, ou chaffer quelque venaifon , ou prendre du poiffon.
Puis le Prefident accompagné de fon Frere Daniel,&AdrienClaf. Commis
de la Fufte, s'en alla à terre, afin de parler au Capitaine du village ; d'au
tant que les Negres nous invitoyët, comme deffustoutesfois ils n'ytrou
verent point de maifons, finon feulement trois petites cabanes; fembloit
à veoir, que ç'avoit efté par cy devantun bruflé. C)r cefte
:
oincte nous eftoit du tout incognue, le pays fauvage, plein de bofcages,
& Palmites. Il y avoit aupres des fufdites cabanes du ris & du millet
bien peu, mais fortgrande abondance de Limons, croiffans par cy & par
là: point d'animaux, finon des Perroquets & des Herons. Sur le midy
nos gens retournerent ayans prins des Brafmes, avec une Raye , qui a
voit la queue d'une toife de long. Du foir apporterent un Singe, & un
jeune Antilop, lequel avoit efté prins en un lacs dreffé par les Sauva
ges. or ceft Antilop eft de la forme & couleur d'unc biche, finon qu'il a
la tefte
D E I A Q v E S L E M A I R E. 115
16 1 5,
la tefte & les cornes d'une autre façon. il y avoit d'avantage des SEPTEMB.
beaux raifins, de quoy on pourroit faire du bon vin, fi on les culti
VOl t*. -

Le 3. derechefquelques uns fe meirent à terre ; & vindrent au mefme


endroict, ou le Prefident s'avoit trouvé le jour d'hicr, & en apporterent
une partie de Limons; qui furent diftribués à chafcun 15o. ou environ.
orayans icy expedié nos affaires, & nettoyé quelque peu la nef, fut refo
lu de partir lendemain au matin..
Le 4. fuyvant la refolution prinfe , boutions à la mer avec la marée,
partans de Sierra Liona. Le vent fe leua apres Midy, mais il nous vint con
traire, de forte que ne pouvions aller vers le Nort, d'autant que la cofte
cys'eftend Nortoeft, & vers le Su ne pouvions paffer les Baixos ; car pour
fingleril falloit bien entrer 6o. lieues pour le moins en la haute mer à
l'Oeft. Au foir mouillames l'ancre à 14. toifes de fond fablonneux : car
cefte cofte fetraine fi egalement haute, qu'ony peut ancrer à 1o. & 15.
lieues, & plus de la terre. Le flux de la mer nous tiroit vers le Sud , & le
reflux vers la tcrre. -

Le 6.7. & 8. ne pouvans partir de Sierra Liona, eumes beaucoup de


pluyes, le vent Sud, tantoft la mer calme, & tantoft des orages, de for
te qu'il nous convint fouvent jetter l'ancre à caufe des tempeftes.
Le 9. 1o. 11. & 12. avions le vent variable, tantoft faifans voile , &
tantoft jettans l'ancre à 32. & à 29. toifes, fans guerres advancer. Sur le
midy nous trouvames à la hautcur de 9.degrés, 2o. minutes. Ce mefme
jour auffi le Prefident fit lire les Articles , prefens tous ceuxde la Com
pagnic
Le 13. & quatorzieme demeurames arreftés , attendant le vent
propice. -

Le 15. du matin avant jour fimes voile, ayans du commencement le


vent contraire, & en apres de travers ; lequel tout auffi toft apres midy
fe tourna Oeftfudoeft. Ce jour veimes plufieurs poiffons volans.
Le 16. de matin faifans noftre courfe vers le Sud, mais fans vent, fu
mes furprins à l'improuveu d'une grande bruine, de forte que perdimes
la Fufte hors de noftre vœue. ainfi donc fumes contraincts de nous arre
ftcr pour l'attendre, & defchargeames un coup de Canon .
Le jour enfuyvant demeurames à l'ancre pour la grand'tempefte, qui
s'eftoit leuce de nuict,& continua tout le long du jour. .
Le 18. eftant paffé l'orage , leuames l'ancre , mais à grande peine
pour la terrible emotion des ondes. Defployé que fut le voile , ne
fçavions quel chemin prendre, & deliberames à peu pres de retourner
en Sierra Liona, pour le vent de midy, lequel y avoit duré defia bien
fept ou huict fepmaines. or il faut fçavoir que les trois mois d'hyver,
affavoir Iuillet, Aouft,& Septembre en ces quartiers font fort fubjets aux
vents, & à la pluyc.
Le 19. apres defiuner le vent premierement Oeft, & puis Sudoeft, qui
nous contaignit de retourner vers Sierra Liona à noftre grand regret:mais
il n'y avoit point de remede. car defia le flotde la mer nous avoit porté
. le jour d'hier bicm avant vers le Sud,menaçant de nous mettre en grand
danger, fi la mer euftefté calme. Sur le foir entendimes que ceux de la
Fufte avoycnt perdu une ancre, & un chable de 15. toifes. Toute la nuict
il ne feit que pleuvoir. -

Le 2o de bon matin fondames le fond à 3o.braffes : lc vent d'Oeft, le


-

P 2
II 6 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
1615. cours vers le Soleil Levant, beau temps,& bon progres. Au midy le vent
SEPTEMB.
fe tourna Nortoeft, de façon que nous nous meimes en la mer vers le
Sud.
lufqu'à la fin de cc mois allames divers chemins & courfes, pour la va
riation des vents. Le 3o. avions la hauteur de 5. degrés.
CcToB.
Le premier d'Octobre eftans les vens variables,faifions diuerfes routes,
& n'advancions guerres veimes une Tourterelle, & le jour precedent une
Merle, ayant les plumes bigarrées, & le bec long comme les Beccaffes &
trois ou quatre Arondelles fe tenans pres du vaiffeau, qui nous faifoyent
, penfer, que ne devions eftre guerre efloignés de la terre.
Le 2. de ce mois les vens cftoyent foibles & variables, l'air inclinoit le
plus fouvent vers le Nort, comme auffi le 3.jour: & de nuict vers le Sud.
le ciel eftoit bruineux, mais environ le foir il s'efclaircit. Au matin le
jour enfuyvant furvint un vent de Nortoeft, qui apres deux heures, s'ap
paifa & l'air mefme devint nubileux & obfcur , qui nous fafcha gran
-

demcnt.
Le 4. au midyeftions à 4. degrés, 3o. minutes. nous demeurames un
temps flotans ça & là, & l'air perfeveroit encores à demeurer nubileux,
peu apres fe leva le vent de Sudfudoeft & Sudoeft, qui fe tourna, & nous
alla frapper droict au vifage,à caufe de quoy delaiffans la carriere de Sud
fudeft, & Sudeft, allames courir vers Oeft, ayans levent plus gratieux,
que jamais.
Le 5. eftions en la hauteur de 4 degrés, 28. minutes, & avions le vent
Sud. Ce jour fut ouy devant & deffoubs le navire, un grand bruict, tel
que ceuxd'embas eurent fort grande peur, cuydans que la neffe hurtaft
contre ungravier ou efcueil: eftans montés enhaut veirent que l'eau e
ftoit toute rouge, ne fachans ce qu'ils en devoyent penfer ; mais lors que
nous fumes arrivés en Porte Defire, nettoyans le vaiffeau, entendimes la
caufe, qui eftoit, qu'un monftre de mer avoit hurté contre la quille de tel
le impetuofité, que fa corne , qui eftoit de la groffeur ordinaire d'une
dent d'Elefant, y demeura fichée ; laquelle rompant ledict mon
ftre par force avoit fi terriblement feigné, que l'eau en devint toute
fanglante.
Le 6.7. & 8. eumes vens variables, & fouvent tranquillité fouvent al
lions en ça & en là, & pleuvoit continuellement.
Le 9. au poinct du jour il y euft quelque petit vent de Sudoeft; nous al
lions Sudfudeft, mais eftant le vent tourné contraire, fumes contraincts
de baiffer les voiles de la hune.
Le 1o.fur le midy eftions à la hauteur de 3. degrés,& un quart ; la mer
calme, & le vent propice, de forte que le chemin fut treftbien advancé:
prinfmes ce jour huict Dorades,& le jour d'hier plufieursBonnites,ce mefme
jour deux bateliers furent mis aux ceps pour s'eftre cntrebatus à coups
de poings.
Iufques au 14. n'advanceames quafi rien, finon d'autant que la marée
nous aidoit, & nous eftoit cependant avis qu'avionsfait un bon traict de
voyage; concluans que eftions plus pres de la cofte de Guinea, que n'euf
fions penfé, & ce principalement à raifon, que nous y veimes tant
de petis Dorades, qui fe trouvent à l'ordinaire cn ce lieu. Ainfi tourna
mes à l'Oeft foubs efpoir qu'en approchant la Brefille trouverions
meilleur vent : comme on a remarqué par certaines obfervations. Ce
jour
D E I A Q V E S L E M A I R E. 117
jour prinfmes tant de poiffons, que il ne fut point befoing de toucher à 1615.
noftre provifion.
Le 15. fur le midy nous trouvames en l'altitude de 2. degrés, 35. minu
tes, ayans le vent Sudoeft. Ce jour nous meimes plus à la pefcherie, que
à la navigation,& non fans caufe: car oultre le grand chemin qui nous re
ftoit encor à faire, l'opportunité auffife prefentoit treftbelle, veu que la
mer y eftoit fi abondante de poiffons, qu'en avions les yeux esblouys,&
en prinfmes tant, que n'en pouvions venir à bout en deux jours.
Le 16. fur le midy avions la hauteur de 1 ;. degré, le temps fec & beau:
ce jour ne fut tiré qu'un Bonnite .. on euft fans point de fauteprins enco
re quelque autres poiffons, mais les Baleines les chaffoyent envoy.
Les jours enfuyvans la mer eftoit calme, de forte que nous nous adon
names à la pefcherie pour paffer le temps.
Le 2o.de nuict paffamcs la ligne Equinoctiale, car le l'endemain eftions
à 3o. minutes au Sud d'icelle; allans quelques fois Sudoeft quart à l'Oeft,
& quelques fois Sudoeft.
Le 21. nous trouvamcs en la hauteur d'un degré, 12 minutes au Sud de
la ligne.
Le 24.le vent changea, fe tournant Eftfudeft, & feit un fi grand orage,
que la carriere fut rompuc. or eftions nous fuyvant la demarcation des
matelots, au Ponanr des ifles de Ferdinand de Loronha.
Le 25. avions la hauteur de 5 .. degrés, route , & vent, que deffus ; le
temps nubileux, meflé de pluycs; mais en fin le vent fe leua plus fort. E
ftans à la hauteur, de 5. degrés, declarames à nos Pilotes,Affiftans,& Cf
ficiers, que noftre intention & commiffion eftoit, d'aller vers la TerreAu
flrales leur feimes lire en la cahute le memorial de 9uiros pour les animer
par la lecture duquel ils s'encouragerent & fe refiouirent treftous, & no
tamment les matelots, defirans veoir & naviguer ce paffage. Ceux qui ne
pouvoyentretenir le nom de la Terre Auftrale , l'efcrivoyent en leur bon
nets avec de la croye, les autres fur des aix, & le refte le marquoyent en
des tablettes, foubs efpoir qu'un tel & fi noble voyage , ne leur pourroit
que tourner à grand louange & profit.
Le 26. fur le midy nous trouvames en la hauteur de 6. degrés, 3o.mi
nutes, ayans le vent Sudeft, & courans vcrs le Sud. Lors entendimes que
n'eftions pas fi avant à l'Occident, que la demarcation portoit , & que le
cours de l'eau nous devoit avoir tranfporté à l'Orient en fin approchans
la cofte du Brefil, il nous fembla, que nous allions entrer au flot de la
mer, qui cn cefte faifon de l'année court au Sud.
Le 27. fur le midy avions à peu pres la hauteur de 8 degrés. ce jour a
vions levent à l'Eft,& quelquesfois à l'Eftnorteft : defployames les nou
veaux voiles de la hune, & caraveres. Le Prefident avec le Patron de
lalnefs'en allans en la Fufte,pour y faire fçavoir leur intention , d'aller
vers la Terre Auftrale . Affemblés que furent tous les Officiers, il declara
fa propofition,la quelle pleut à tous generalement.
Sur la fin d'Octobre avions continuellement le vent de Sud,fans vcoir
autre chofe, que l'air & la mer,nymefme le Cap de S. Auguftin, qui toures
fois ne pouvoit eftre guerre loing de nous.
Le dernierjour eftions à 13:. degrés, ayant beau temps, & le vent Eft,
& Eftfudeft: veimes deux ou trois Marfouins, beaucoup de Bonnites, &
Albecores, qui longtemps nageoyent coftoyant la nef Et jaçoit qucl'eau
fe monftraft encor foit belle & azurine, fi faifions toutesfois eftat de
-
P 3 :
ien
I 18 N A VIG AT I O N AV S T R A L E
161 . bien toft la terre, ou quelque voile : mais apres avoir longtemps attendu
OcToB.
en vain, & voyans que le flot de la mer ne nous aidoit point, craignions
d'avoir faict mal nos cóptes,& d'eftre plus efloignés de la terre, que n'euf
- fions penfé de quoy nous affeura de mefme auffi le Nortefter de l'aiguille
dc huict degrés, qui monte environ foixante lieues,felon noftre calcula
tion. En fomme l'effect & l'experience declara , que avions par trop
allévers l'Oeft pour eviter la cofte de Guinea, & trouver le vent propice:
voire c'eft chofe toute affeuree, que lors, que premierement dreffions
noftre cours à l' Occident, que defia nous eftions au parage du Capde trois
oinctes, quand nous apparutle changement de l'eau, & les Mouettes blä
ches.Ainfi donc propofames d'aller toufiours plus avant à l'Oeft,tant que
le vent favoriferoit, comme auffi quelques Efcrivains confeillent de faire.
Or fuyvant la demarcation de nos matelots, nous eftions devant la bou
che de Moranhou, pres de Fernando de Laronho.
NovEMB. Le premier Novembre avions la hauteur de 15. degrés,& avoit ce jour
efté le vent Nort eft,& Norteft quart à l'eft : au moyen duquel allions à la
boline vers lc Sud, & Sud quart à l'Eft, ayans clair & beau temps.
Le 2 fur le midy la hauteur de 17.degrés, continua le mefme vent de
Norteft.
Le 3.eftions à 19 degr. Bien toft apres difner nousapparut une des ifles
de 74artin Vaz au bas bord de nous, penfans que c'eftoit l'Afenfion. Au
paravant avions veu grand nombre de ces oifeaux, que les matelots Hol
landois nommét Ian vanGenten, c'eft à dire IanGantois(il yen a qui font gris.
& les autres noirs)& mefmes encores plufieurs Mouettes blāches.Tour
names le vaiffeau vers la dite ifle, efperäs d'entrer au flot, qui alloit au Sud.
Ce jour paffames lesAbrolhos, qui font pleins de graviers & bancs trefpe
rilleux lefquels ayant paffé donnames aux matelots & à tous generalemët
double raifon du vin en figne de joye & triomfe d'avoir paflé lefdits A
brolhos.
Le 4.Sur le Midy, la hauteur de 2o.deg. Avions eu ce jour le vent de
Norteft, & Eftnorteft. nous allions Sudoeft, & faifoit fii bruineux, qu'à
peine pouvoit on cognoiftre la hauteur. Il commenceoit à venter de
plus en plus,ce qu'avions apperceu & prognoftiqué defia devant deux ou
trois jours. On ne veoyoit auffi plus de poiffons.
Le 5.le ventNortcft, la courfe Sudfudoeft, l'air devint nubileux & brun ;
la nuict paffee avions eu de la pluye, & ce jour mefme une ondee bien
efpeffe : variation du Nortefter, 11.deg. de forte que le Sudoeft quart au
Sud, nous eftoit Sudoeft.
Le 6 eftions à la hauteur de 22.degrés.Ce jour avions le vent de Nort,
navigans Sudoeftquart au Sud.
Le 7 la hauteur de 46 minutes au deça duTropiquede Capricorne, avions
la mer calme, & le vent Sudfudoeft, faifans peu de chemin.
Le 8 au midy, la hauteur de 23.deg.35 min. Le vent venoit d'Eft, & fai
foit doux & plaifant temps, l'eau tranquille,&ne veoyoit on encore point
de voiles, combien que ne fuffions que 2o.ou 25.lieues de l'ifle S.Sebaftien.
Le 9.1o. II. 12. 13. 14. le vent pour le plus fouvent fouffloit d'Eft,& Sud
cft, aucunefois Nortcft, le temps clair& ferain. .
Le 15.du midyavions la hauteur de 32 deg. le vent de Nort, & la cour
fe de Sud quart à l'Oeft. Ce jour il fit une terrible pluye, & le vent en un
inftant fe changea en tourbillon, qui nous donna beaucoup de facherie.
Le 16.
D E I A Q V E S L E M A I R E. 119
Le 16.17. 18. le temps clair & ferain, le vent venant du Sud, courrions
la plus part Sudoeft,& Oeft quart au Sud. Sur le midy nous trouvames NovEMn.
en la hauteur de 34 degrés, 1 o. minutes. Le Soleilfe levoit à 6. degrés
au Sud de l'Orient, & fe couchoit au Sud de l'Occidept à quarante reve
nant à la variation de 17.degrés au Nortefter de l'aiguille. nous penfions
que le cours de l'eau nous avoit faict grand avantage.
Le 19. au Midy la hauteur de 3 r. degrés,27. minutes. il faifoit coy pcu
ou point de vent, le temps doux & amiable. Ce jour nous fut advis, que
l'eau fe changeoit, affavoir plus verte & noiraftre, que paravant: & nous
apparurét en l'eau des petis animaux,ayans deuxpetites cornes blanches,
& luyfantes comme duCriftal, avec une tache noire au front.Iugions que
c'eftoyent les poux de la mer, dont nous efcrit Sebald de VVeert. or la mer
en eftoittoute pleine,& y avoit auffigrande abondance de fperme de Ba
leines flotant fur l'eau,& quelques Tonnines.
Le 2o. fur le midy la hauteur de 37. degrés, moins 1o. minutes, le vent
venant d'Oeft nort Oeft, navigeames vers le Sud quart à l'Oeft , & Sud
fudoeft. Le temps eftoit beau, & l'air tranquille. Ce jour avions la varia
tion de l'aiguille à 16. degrés au Norteft.
Le 21. eftions à la hauteur de 38 degrés ; le vent jufqu'a lors Oeft
nortoeft, faifions noftre cours Sudfudoeft, advanceans raifonnablement
bien au chemin, avec beau temps: l'eau qui paravant nous fembla chan
ger,derecheffe demonftra plus noiraftre:à raifon dequoyjettames la fon
de, & à 1oo.toifes ne fceumes toucher le fond. Ce jour veimes floter en
l'eau le rameau d'un arbre avec des fueilles, & quelqueverdure marine,
deux Mouettes, & une Torrue bien grande. Tout cecy avec le change
ment de l'eau, fe demonftrant plus verte, nous feit cognoiftre,que ne de
vions eftre guerres loing de la cofte, & que bien toft on toucheroit le
fondscar la cofte y eft haute, de forte qu'on trouve le fondavant que d'ap
perceveoir la terre : ce que auffi à eftéremarqué par olivier du 2Nort. Le
cours de l'eau nous avoit chaffé bien avant vers le Sud, de forte qu'avions
faict ce jour 27. lieues de voye. Au foir fe monftra la Lune renouvellee
de dixfept heures apres que le Soleil fut couché environ un quart
- -

d'heure.
Le 22. au midy eftions à la hauteur de 39. degrés,48 minutes, avions
le vent d'Oeftnortoeft, allans quelques fois Sudoeft, avec beau tempss
mais fur le midy le vent fe tourna Nort. Ce jour veimes beaucoup de
mouffe marine, & des Mouettes, & des Tonnines , & un grand Poiffon,
qui jettoit de l'eau comme une Baleine; l'eau changeoit de couleur. Le
Prefident ayant mandéle Marchand de la Fufte, & le Patron d'icelle,
leur monftra le Iournal d'olivier, conferans par enfemble la recerche des
courfes, & terres, qu'on devoit tenir & pourfuyvre.
Le 23. eftions à la hauteurde 41 degrés, 5. minutes, ayans le vent de
Nort, beau temps, & la mer paifible ; veimes que l'eau devenoit verte,
comme en la mer d'Efpagne, & nous apparurent quelques Baleines. Fut
auffi conclu, que d'orefenavant chafquun fe contenteroit du quart d'une
pinte de vin d'Efpagne par jour, & d'un petit muy d'huile par femaine,
d'autant que le beure,& le vin de France eftoyent confommés.
Le 24. fur le midy nous trouvames fur la hauteur de 41.degrés,48 mi
nutes. La nuict fumes furprins d'un orage fi vehement, que avions gran
de rufe à ployer les voiles. Durant la quelle tempefte voloyent fur
la mer beaucoup de grandes &
-
petites Mouettcs, & comme efcrit Iean
Huges,

-
I2 O N A V I G AT I O N AV ST R AL E
1615. Hugues, les Malefites fe jouoyent fur l'eau.Environ le diffner le temps s'ef
NovEMB. clatrcit, & nous apparut une grande Baleine pres du navire.
Le 25.& 26. avancions raifonnablement, l'eau fe monftroit verte &
azurine tirant à la couleur des Turquoifes, qui nous donna occafion de
croire, qu'eftions plus cfcartés de la terre, que le jour d'hier. Ce qui n'eft
pas merueille, car nous allions droict au Sud, & la cofte cy recule, fuy
vant les Cartes, au Sudocft quart au Sud.
Le 27.& 28.fumes travaillés par des vens variables, ayans quelquefois
des Travades. -

Le 29.fur le midy avions la hauteur de 45. degrés, moins 1o. minutes;


vent, & cours variable; veimcs flotter beaucoup dcverdure, & des Rob
bes dc mer. Au foir lc vaiffeau fut trouvé tout moite & mouillé, comme
auffi la plus part des voiles ; qui fignifie en noftre pays des tempeftes
à venir , comme il nous advint auffi le jour enfuyvant de Nort
oe ft. -

Le dcrnier eumes grand vent, & feimes grand voyage. Environ le foir
veimes fubitement, que l'eau changcoit dc couleur, jettames la fonde à .
15 o, toifes fans toucher fond. Le fecond Pilote comptoit, qu'eftions ce
jour à quarante & cinq lieues de la terre, & plus de cent lieues de Porto
Defire».
DEcEMB, Le premierDecembre fur le midy nous trouvames juftement à 47.deg.
ayans le vent d'aval, & courrans Sudfudoeft.
Le 2, du matin 48. degrés, moins 1o. minutes , le vent premierement
d'Oeft,& apres de Nort, quinous fit bien advancer, navigans au long de
la cofte Oeftfudoeft; avions felon noftre opinion Porto Defire à l'Oeft de
nous, ou bien Oeft quart au Nort. En fomme il ne fut poffiblc d'aborder
la terre avec ces vens; mefmes pour avoir decliné par trop la cofte,fumes
portes à noftre grand regret oultre le Port Defire ». Le fecond Pilore com
toit, que nous eftions 65.lieues de Porto Defire,& 31.de la terre,ou du Cap,
qui fe trouve en ce parage. -

Le 3 & 4 allames ça & là, apperceumes ce jour & le jour enfuyvant


plufieurs oifeaux, & veimes, que l'eau eftoit pafle, cuydans de n'eftre pas-

loing de la terre.
Le 4 du matin eftions parvenus à l'altitude de 473, degrés; le vent fe
leua fi fort, qu'il nous convint caler les voiles la Fufte toucha lc fondà 75.
braffes, la mer eftant fort enflee.
- Le 5. eumes vens variables, allans quafi droict au Ponant foubs efpoir
d'arriver à la cofte. Il faifoit beau temps, mais la froidure eftoit intolle
rable. Ce jour veimcs plufieurs marques de la terre prochaine, des Balei
ncS, verdure, charognes de Pinguins, aifles d'oifeaux, & femblables cho
fes: touchames à 64. toifes le fond, qui éftoit de fablon gris & noiraftre:
fur le foir la Fufte jetta 54 braffes. L'eau eftoit pafle, le vent de Nort, &
le cours Oeft,& Oeftfidoeft. Or au Midy les nautonniers prefumoyent
de n'eftre que 16. lieues de la terrc.
Le 6. eftions en l'altitude de 47. degrés, 25. minutes; le vent ce jour
eftoit Nort, & noftre cours Oeftfudoeft. Le matin enfuyvant toucha
mes le fond à 5o. & du midy à 42.& 43. toifes, fond de fablon blanc &
noir & de petits caillous. Nous eumes ce jour beaucoup plus grande
chaleur que par avant, y remarquant fpecialcmcnt unc chofc ; affavoir
que les vens qui dominent en ces quartiers font ceux d'entre le Nort &
l'Oeft,
D E I A Q y E S L E M A 1 R E.
l'Oeft, rarement ceux qui vienent d'Oricnt. D'avantageyavons obfervé, 161 ;.
qu'en efté(lequely eft en Decembre & environ)les grands vens & orages, DEcEM*.
quife levent en un inftant, comme des Travades , ne durent que trois, -

cinq, ou fix heures, ou au plus haut un jour entier, lequel eftant pafféils
s'evanouyffeut, le temps change,& la mer s'appaife. Quand il fait quel -

que grand vent, on y veoit toufiours beaucoup de Mouettes petites &


grandes,&autres oifeaux lefquels apres la tempefte n'y apparoiffent plus.
Mous touchames le fond à 42. & 43. braffes fans apparcevoir la terre, la
quelle fut apperceue par olivierdu2Nort,eftant à 38.braffes. le mefime vo
gua 3jours vers Ponant pour aborder la terre, & toucha par tout le fond;
de maniere que cefte cofte eft fort haute, &ytouche on le fond,avāt que
de veoir la terre, depuis Riode la Plata jufqu'à Magalanes. Ce jour dreffames
la petite chaloupe dedans leNavire, afin de ne nous amufer longtemps en
Porto Defire, de peur que ne vinffions devers le Sud apres que les longs -

jours de l'Eftéferoyent paffés.


. Ceux qui cy voudront allerapres nous fe gardent d'eviter par trop la
cofte ains s'en approchenthardiment côme ont faict Magalanes Draque &
- autres & pareillement partans de Porto Defire aillent toufiours fuyvanr la
cofte.Ainfinavigames Oeft,& Oeft quart au Suddefcouvrimes en fin au
- Sudoeft de nous la terre ferme d'Amerique, au Nort de PortoDefire & tirans
vers la riue,jettionstantoft 2o.& tantoft 1o.toifespremieremét trouva
du fablon, & puis de l'argille.Sur le foir jettames nos ancres à 1o.toi
fes environ demy lieuc dc la terre. il nous fembla bon de cy ancrer cefte
nuict,fans nous mettre plus avant en la mer, afin de n'avoir faict en vain
tant de peine pour approcher la terre : car le cours de l'eau y alloitfi roi
dement vers leSud, que l'ancre eftant lafchée en lamer,fe precipita de tel
le impetuofité,que le trou par ou la corde paffoit,femeit à brufler,fi on ne
l'eut efteint : mefmes telle eftoit la trace en la mer derriere la nef, qu'on
auroit dit quelle finglaft ayant bon vent.Nous jugions que c'eftoit la ma
rée venät du Nort: & voyons au Nortnortoeft de nous à24 lie. une poin
te, ou fembloit la mer entrer quelque peu dedäs la terre entrc deux poin
tes, qui s'entreregardoyent & approchoycnt avec deux montagnes ou -
rochers. lefquels faifans voile perdimes de veue, & veimes en apres un
grand efpace de pays pres d'une pointe, qui fembloit eftre efcartée de la
terre,comme une iffe, ainfi que l'experience le demonftra depuis, eftant
- le dict pays Nort quart à l'Oeft,& Nortnortoeft dc nous. car lors nous y
veines entre deux une grande diftance:cognoiffans clairement que c'eft
l'endroict, auquel olivier efcrit d'avoir penfé qu'eftoit le Porto Defire.Nous
eftimions, qu'il devoit venir delàungrãd flot de la mer, cõtre lequel la ma
rée venant duNort fe hurtaft de travers. car ilyavoit des figrãdes brifures
- de la mer, que fur les efcueils & rochers. L'evenemët declara que ceftoit la -

marée qui hors de ladite entrée fc precipitoit cõtre le flot des autres eaux. -

Le7. de bon matin levames l'ancre, navigans avec la mer en poupe,à la


recerche du haure de PortoDefire, allans 1 lie.du long de la cofte, veimes
que la terre, qui avoit plufieurs &belles prairies,fe demonftroit baffe,plai - --
ne & blanche comme s'elle euft eftéfemée de croyc & fablon. la nuict
trouvames par les eftoilles la hauteur de 474 degrés. Incontinent apres
veifmes une ifle, affez loing de la cofte; par quoy entendans premie
rement que c'cftoit cy le haure, tantoft aprcs cognumcs Porto Dfire
qui eft un bas pays ayant la poincte du Nort, comme des blancs rochers,
laquelle anffi eft plus haute que n'cft la poincte du Sud.ainfii voguions la
O litC
Q
I 22 N A v I G A T I O N A V ST R A L E
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Le Golfe d Efferluns. H. Les Spultures des Patagons farle femmet


. L'endroit ou nous fumesjettés contra la ri des rochers,dedans lefquelles furent trouvés
ve au grand danger des navires. . des os de 1 o. & 1 1. pieds.
C. L'ifle des oifeaux. I. K. Deux Lions de e7/er.
D. L'ifle des Lions. L. Des cerf ayavts.le col fi long quafi comme
E. L'ile du Roy, ou les Bafteaux furent net tout le refte du Corps.
toyes. M. Des Auftruches, qu'on y trouve àfoifon.
F. c'est icy ou la Fuftef brufle. N. C'est unepierre, que la Nature aproduit en
G. Le lieu ou nous allames querir de l'eau aves façon de fourche fur la cime d'une mon
grand'peine. - - tagnt. -
- r

-
-

D E 1 A o y E s L E M A 1 R E. - 123

route de Sudfudoeft, & Sud, ayans beau temps. Peu au paravant avions r615 .
De cEMB.
trouvé un banc, qui n'avoit que 6 ou7. toifes d'eau, ou apres nous avoir
arrefté un peu trouvions bien toft 14. toifes , & apperceumes au Su de
Porto Defire bien avant dedans le pays des montagnes hautes & rabbo
teufes, eftant les unes bleues de couleur, les autres blanches, comme cou
vertes de neige. Nous voguions avec l'aide du flot vers le port, entrans
- finalement en un Canal rempli de graviers & petites iflettes, avec des e
fcueils,ayant l'entree fort eftroite. Cependantjettames l'ancre à 4: toi
fes pour cercher cependant meilleure commodité, avec l'Efquif iceux
rapporterent, que c'eftoit icy un faux Canal.vous diriés, qu'il entre fort
avant & large au pays, quafi tout ainfi que le Rhin environ le fort de
Schencq : il eft profond quand la mer croift, mais plein d'efcueils, quand
elle eft baffercarelley monte & defcend bien trois toifes.La neftouchoit
au fond, & defia le gouvernaily eftoit fiché s'il euft faict mauvais temps,
-
certes nous euffions efté en fort grand danger du vent d'Eft,& Sudeft.Au
foir rctournerent les efquifs des fufdites ifles, ayant prins du poiffon,com
me de la Merlue, & des Egrefins, & quelques autres fortes de poiffons
incognus,& une efpece, qui reffembloit aux Carpes: & des Efperlans de
la grandeur de feize pouces,(qui nous mouva d'appeller cefte entreç le
Golfe d'Efperlans)& des Moulles tres delicates. De nuict retourna l'autre
brigantin,& apporta 15o.jeunes Pinguins, & deux grans Robbes de mer
de l'Ifle de Pinguins, diftant pour le moins deux lieues en la mer de Porto De
fire » à l'Eftfudeft,& Sudeft quart à l'Eft. il y a là fort grande abondance
-

de volailles. -

Le 8. de bon matin & avant jour, ayant le Vent Sudoeft,fortions de ce


trou pour arriver au droict Canal. Leué que fut le Soleil veimes monter .
grande fumée, penfans que ce fuffent les Patagons.veimes en oultre plu
fieurs marfouins bigarrés qui fouffloyent leau par les oreilles,eftans fem
blables à ceux que nous à decifré Sebald en fa defcription. Au midy
veimes monter dcrechef la mefme fumee. Apres difner entrafmes en
viron une lieue au haure de Porto Defire , repofans entre les bords & ri
vages pleins d'efcueils & rochers, à la profondeur de 2o. & 25. toifes. Le
fond fi dur & pierreux que l'ancre n'y pouvoit tenir, de forte que le vent
de Nortoeft nous emporta le grand vaiffeau avec auffi la fufte nonobftant
l'ancre contre la riue , & nous trouvafmes au fec, apres que la marée fe
fuft retirée (car elle y croift & decroift 2; &3. toifes)nous avions l'heur,
que le fond y eftoit bien egal & trouffé, & que la navire en efchapa au
moyen d'un flot de la mer quil'emportascarfi elle y fuft demeurée deffus,
clle fe fuft renverféed'autant que ainfi que l'un des coftés eftoit contre la
rive & fur des pierres, à l'autre cofté onavoit 6.7. & 8. toifes d'cau : ar
gument & preuve certaine, qu'elle eftoit panchée contre des hauts ro
chers. La mer & le vent appaifé, levions doucement l'ancre legiere de
la riue, & en jettions deux autres. La Fufte fe trouva au mefne danger.
fur le foir rctourna l'Efquif moitié plein d'œufs ayant defcouvert lifte du
Roy. L'efquif de la Fufte nous apporta plufieurs volailles, & notamment
une nouvelle efpece de Jars. ils avoyent veu plufieurs Robbes parmy
les rochers ; & y avoit belle commodité pour pefcher à la rets.
Le 9. il fcit beau temps & clair, le foleil luyfant, levent Nortoeft, &
Oeftnortoeft. nous eftions pres la rive penfans de nous y repofer fur
un fond pierreux & trouffé mais les ancres n'y fçavoyent tenir venant la
marée faifions voile, boutans au vent jufqu'au devant de l'ifle du Roy avcc
Q 2 - le grand
- I 2.4 N A V. I G A T I O N AV S T R A L E
16 I 5. le grand vaffeau, mais point fi avant comme la Fufte. Le Prefident fe
DEcEMB.
feit mettre à terre , pour trouver quelques lettres, ou marques de Spil
berghen, ou d'autres, mais n'y trouva que l'antenne d'une Befane. ceftoit
une ifle rabboteufe, pleine darbres, & de Mouettes, & des œufs fans
nombre; nous en trouvanes tant que voulions avoir, mais la plus part e
ftoyent couvés. . -

Le 1o. le Prefident envoya le grand efquif pour aller à la terre fer


me vers le Nort, cercher de l'eau fraiche ; mais ne trouverent que eau
falée en un val. Lors allions troter par les ifles cerchans dequoy man
ger, & trouvames 175. volailles de mer noirs de couleur, avec des œufs
de plufieurs fortes grans & petis; & mefmes un Heron,& un Buttoir, qui
y font a foifon. Trouvames en la verte isle des Oifeaux quelques enfeignes
&marques de vaiffeauxd'Hollande, affavoir des pieces de pots de terre,
& autres telles chofes. Au foir par infortune ayans allumé du feu pour
nous efchauffer, l'ifle du Roy commença a brufler, fumant fi terrible
ment, que avions grande pour d'efveiller par ce moyen les Patagons. Ceux
de nos gens qui avoyent efté à terre, n'y trouverent que les traces d'ani
mauxfauvages, ayant les pieds fendus,les montagnes eftans la plufpart de
- caillous blancs & douillets.
Le n.lePrefident feit derechefmonter fur l'efquifdes hommes d'armes
accompagnés de Adrien Clift. & Nicolas Ianfon,avec les Affiftans, pour al
ler aupres du fanal qu'onvoyoit pres de la mer,pour remarquer quelques
indices ou lettres de navires, qui y auroyent efté mais tout pour neant les
Iournals auffi raccontent qu'il y a de l'eau douce au Su de la terre ferme.
-

quant à nous, ne l'avons fceu trouver.


Le 12. s'en alla le Prefident en perfonne avec fon frere Danielle c71aire,
accompagnés de 2o. moufquettiers avecl'Efquifdevers le Nort de l'ifley
cheminerent 1: lieues par une campagnefcche,& rafe, ne trouvans point
pour tout d'eau frefche. Apperceumes au delà d'une montagne grande
fumée, cuydants par là qu'il y avoit des gens veimes auffi des Cerfs fort
fauvages & fuitifs, ayant le col treflong. Trouvafmes auffi quelques
tombes des Patagons fur des hauts rochers eftans couvertes de pierres,
foubs lefquelles fe trouverent des os de dix & onze pieds de longueur.
Le 13.le Prefident fit derechefequipper la Chaloupe,& ramer contre
mont la riviere plus de deux lieues en icelle, mettant trois fois pied à ter
re, aflavoir d cux fois fur le bord du Nort, & unc fois à la part du Sud, che
minant ungrand efpace par monts & vallées le long de la cofte; ou il ap
perceut deux grandes, & belles vallées verdoyantcs & profondes, qu'il y
avoit eu de l'eaudedans. Olivier, & Candif en fes deux voyages tefmoi
gnent, que neceffairement il fe trouve dc l'eau au cofté de Sud. mais nous
les malheureux ne l'avous fceu trouver.
Le 14 du mois naviguerent le Prcfident, Adrien Claf.& 2.Affiftans plus
bas vers la poincte de Sud,ougift la fcpulture de Huydecoper, & vers le puis
duquel le vaillant Candiffaict mëtion:mais tout pour neant.LcPrefident
penfa tuer un ccpfde fon harquebuzc, ains faillit. rentra en la chaloupe,&
tira vers l'isle des Oifeaux,d'ou nous rapporta environ cent pieces de volail
lesprint d'avantage avec la rets 1: tonneau d'Efperlans,& autres poiffons,
qui nous furent apportés.Apres difner il s'en alla derechef au Nort à la
terre ferme,vis à vis de l'ifle,ounous eftions. eftant paffé quelque peu la
mötagnc,venu qu'il fut en une vallée verdoyante,y fit creufer une foffe de
25.picds en rondeur,& 15 de profondeur,mais venant à 1 1.& 12 piés, l'eau
VInt
D E I A QV ES L E M A I R E. 123

vint faulter en abondāce par des veines, de par deffoubs & des coftés de
vers l'Occident & Septentrion, eftant bien pure & claire, mais falée.
Le 15.derecheffut envoyé le brigantin en l'ifle des oifeaux, qui ramena
deux tonneaux d'Efperlans, & feize efpeces de differens volailles; & avo
yent tuéfur un rocher deuxLions de mer de feize pieds de longueur,eftäs
velus de poil court, mais au col long comme un doigt,lefques ne cedoyét
en rien quant à la grandeur aux poulains des jumens à peine les fceuft on
tuer en 5o. coups de bafton: cruels & terribles à veoir,gros de tefte & de
col,deux pates larges devant,& deux derriere, avec quoy ils nagent vifte
InncInt par la mer, la peau noire & longue dc quatorze
pieds, & beaucoup
plus groffe que n'eft la peau des meilleurs bœufs es Indes ou en Holläde:
La chair eft de aflés bon gouft. Icy nous creufames un canal allant des
montagnes vers le puys,pour par iceluy mener & conduire l'eau de pluye
audict puys,afin d'en tirer noftre provifion.
Le 16. on alla querir de l'eau au puys fufdit, qui pour eftre trop falée
-

ne fe pouvoit boire. ,
Le 17. le Prefident derechefnavigua plus bas fur l'Efquif de la Fufte,
pour cercher dc l'eau fraifche. Ce jour conduifimes le vaiffeau de Con
corde fur la rive au cofté du Nort avec la haute marée : nous trouvans
au fec meimes la main à l'ouvrage, & ce jour luy nettoyames le bas
bord. - --

Le 18. acheuames de le nettoyer du tout. Et avec le croiffant de la


Lune nous trouvames au fec, de forte qu'on y pouvoit aller à l'entour, le
fond eftant la plufpart d'argille.La fufte eftoit pareillement fur le bord de
Ia mer au fec, environ deux fois la portée d'une moufquette de nous nous
alhós querir les eftoupes & la mouffe pour flamboyer deffoubs le vaiffeau
fur la terre, ou fe trouvoyent auffi des pierres propres pour charger un
- - - - -

Le 19 peu apres midyle Prefident avec le nautonnier, qui avoit eftéma


ladieux vindrent fe proumener vers la Fufte, pour veoir comment on la
nettoyoit; lefquels fe retirans, bien toft on commença àflamboyèr le co
fité du bas bord de la nef mais le feu fe mcit fi fort en la cahutte,& au cor
dage, qu'on ne lefceuft efteindre, de façon qu'elle fe bruffla devant nos
yeux: la nuict venue le feu fe meit en la poudre.
. Le 2o.nauiguerent le Prefident avec tous fes Affiftans vers la Fufte en
cores bruflante,& efteindrent la flamme.mais il n'y eftoit point demeuré
grand'chofe de refte. Le fer & les cercles de fer & les canons aues les an
cres furét portés au vaiffeau deConcorde, qui ja eftoit mis en la mer &efcar
té de la terre.Cerchions longtemps apres l'argent fur la quille de la navi
rc,& en l'eau fur la riue, mais en vain. car l'efclat de la poudre l'avoit jettée
bien avant. comme on cognut à ce foir, quand ou trouva fur la riue, eftât
la marée baffe,une maffue d'argentfondu,fi noir, que Françoys Nicolas Affi
ftant, quilc trouva,ne fçavoit quelle chofe c'eftoit: mais moy le voyant le
cognus,parcc quc i'y remarquay eftre fiché une piece de monnoye d'ar
gent ce qui nous encouragea treftous de faire diligence à recercher le re
ite; fi que nous rccouvrimes en tout 35. livres d'argent.
Le 2i. du matin apres defiuner derechef navigea le Prefident vers la
terre, mais l'eau eftoit par trop haute. de façon qu'il attendit d'y re
tourner jufqu'à trois heures apres difner, & trouva encore deux livres
d'argcnt. -

Lc 22 dercchcf à la chaffe. La nuict precedente il venta fi terriblemét,


-
3 & Con
ac N A v 1 G A T 1 o N Av s T R A L E
16 1 5. & continua de mefme tout le jour enfuyvant, que la chaloupe, qui eftoit
PecM. fortie pour prendre poiffons, ne peut retourner au vaiffeau ; eftans con
traincts les pauvres gens demeurer toute la nuict à la mercy du vent &
de la pluye, de forte que ceft orage fut pire qu'une travade ; & nous con
traignit de mettre nos caffaques. -

Le 23. arriua l'Efquifchargé de poiffons, & d'oifeaux, ayant 15o. oife


aux pour diftribuer a huictante perfonnes. De nuict furvint derechefun
orage, qui ne dura guerres.
Le 24. eftions empefchés a l'entour de la fufte, & cerchions derechef
de l'eau fraifche, mais ce fut pour neant .
Le 25.remarquant le Prefident, que par trois fois des cerfs & autres a
nimaux venoyent paffer les monts devant la nef, cuida qu'ils y venoyent
ourchaffant la fraifcheur des eaux; ce qu'il avoit au ffi paravant remar
qué fur le Cap de bonne Efperance. Envoya tout à l'heure des gens,
qui cy trouverent es vallées deux puys avec de l'eau, mais fans profon
dèur, de forte qu'il leur fut force de les creufer pour y faire venir plus
-

d'eau. -

Le 26. il fit beau temps, fi que derechef le brigantin nous alla pour
chaffer les defpens, ranenant environ deux cens pieces d'oifeaux. Au
matin le nautonnier fut mis à terre avec Adrien Claf.pour vifiter les lieux,
que l'on avoit marqué. Ilyavoit maintenant de l'eau à foifon : de forte
que ce jour mefme nous en emplifmes quatre tonneaux. or eftoit elle -

blanche de couleur,& fort efpeffe. -

Le 27. du matin, nos gens s'en allerent querir de la mefme provifion


d'eau, qui eftoit efpeffe d'argille, & neantmoins douce comme une noix.il
fur vint un fifurieux orage, qu'il fembla que le vent deuft emporter le maft
en la mer; fi que pour les continuelles tempeftes les gens perdoyent cou
rage. - d'autre cofté on n'ofoit fortir avec le vaiffeau hors de cefte
eftroite riviere , voyant qu'on ne pouvoit quafi ficher l'ancre au
fond. -

Le 28. fumes furprinsd'une tempefte plus grande que jamais,fi que la


nefrepofant fur deux ancres fur le fond d'argille,par force fut emportée
contre l'ifle du Roy pleine de caillous & rochers; la pouppe repofant fur
le fond, mais par la grace de Dieu en fumes delivrés par le croiffant de la
mer. Ce jour eftions empefchés à querir de l'eau , qui nous eftoit une
grande peine. car le chemin y eft tres afpre & rabboteux; & nous con
vint porter l'eau (qui eftoit blanche & efpeffe pour les Raignes & autres
animaux) fur les efpanles en des petits tonneaux. il nous fut auffi force
de mettre de fentinelles, afin de n'eftre furprins par les Patagons. Iournel
' lement il faifoit icy terrible & grand vent. -

Le 29. de matin derecheffe leua le vent. Prefident & Affiftans fe


feirent mettre à terre, à l'endroict ou les matelots puifoyent l'eau , la
portans fi courageufement que ils defchiroyent la peau fur leurs efpau
les,jufques à 75. barils de Galere le chemin d'une demye lieue. quelques
- uns portoyent des moufquettes pour n'eftre furprins & accablés à l'im
- prouveu. Or cefte foffe s'eftendoit tout le long de la vallée.
Le 3o. le Prefident fe meit à terre avec le Corporal Adrien Claf. &
Daniel le 74aire , & deux matelots, pour refondre le plomb, qu'on a
voit fauvé hors de la Fufte qui eftoit tres noir & fort laid à veoir : & de
faict refondirent ce jour 6oo. livres de plomb pendant que les autres
fe tenoyent empefchés à querir de l'eaujufques à 1o. tonneaux.Ce
- *
2lUllll
D E I A Q v E S L E M A I R E. 127
auffi le Prefidentmonftra pour la premiere fois la carte Auftrale, qui ref 161s.
De cEMB.
jouyt fortnoftre Patron & le Pilote.
Le 31. du matin, beau temps; & les uns à querir de l'eau: & les autres
vers la Fufte, affavoir fi on pourroit encore trouver & fauver quelque
chofe.
- -

Le premier de Ianvier, qui eft le commencement de l'efté, fut un beau 16r6


jour : les matelots acheverent d'emplir les tonneaux : le Prefident navi- IANvIER.
gua vers le Sufur une ifle, cuydant prendre quelque venaifon , mais les _ -

beftes ne fe laiffoyent aucunement approcher.il y meit le feu, qui la bru


fla toute, pour lagrande fecheté. Et d'autant que c'eftoit le premier jour
de l'année, quelquesuns de la compagnie vindrent jouer le nouvelan de
vant la cahute avec tambours, trompettes, & flutes, qui furent recompen
fés d'un pot devins dont chafcun auffi des gens eut encor apres defiuner,
le quart d'une pinte. -

Le 2.veimes deux arcs au ciel, s'enfuyvit tout à coup une ondée de


pluye; envoyames derechefnos gens à terre pour de l'eau : le Prefident
acheva defondre le refidu du plomb & eftain, dont il fit des maffues de
|
-
cinq livres; le tout portant environ 14oo. livres de plomb, & quarante
-

Le 3. ayant eu la nuict precedente beau temps, deux heures apres


defiuner levent commença fort àfouffler de Nortnorteft, continuant
jufqu'au foir. En fomme il ne faut icy faire fes comptes fur le beau temps,
ce jour empoiffions le navire par dehors. Le Prefident commença en ce .
mefme temps à mettre par efcrit farefolution: fut adverti par AdrienClaf.
ue le Patron feroit difficulté de la foubfigner, fans en vouloir toutefois
* la caufe. Ce jour nous furent encore apportés à bord fept petits
tonneaux d'eaue. - : - l -.

Le 7. le Prefident fit planter un pieu fur l'ifle, avec un plomb & une
boitte de blanc fer, en la quelle il meit unes lettrescontenantes le narré
de noftre arriuée en cefte ifle, & le fuccés de tout le voyage ; fe propofant
-
d'en vouloir partir pour repofer en meilleure part.
- Le 8. fumes portés en la mer par le flot hors de l'ifle, eftans du matin
|
furprins d'un grand tonnere, avec pluye foubdaine : incontinent jettions
l'ancre & s'enfuyvit grand vent, & pluye, qui nous fit perdre l'efpoir à
plufieurs de pouvoir paffer le Sud & ce d'autant plus que le Patron difoit,
qu'ily reftoyt encor bien d'autres tempeftes : voire mefme Ian Schouten,
à qui il touchoit d'encourager les autres, pour avoir perdu fa nef deman
doit par fois, difant fion nous vouloit mener à la boucherie. Tous ces
propos rendoyent les gens triftes & melancoliques. Ce jour ne pouvions
rien profiter pour la tempefte. •
Le 9. derechef un petit qu'on ne peut faire voile. L'efquifs'en
alla pour la derniere fois*: à faire provifion d'eau ; & apres midy re
-

tOlIIIla .

Le 1o. feimes voile avec bon vent & beau temps, mais au Midy le vent
fe tourna contraire, venant de la mer: l'efquif rama à l'ifle des Robbes,
& & le brigantin à l'ifle des ofeaux: prindrent beaucoup de poiffons , &
-
-

1 volaillcs.
* Le 12. fut envoyé le brigantin vers l'ifle de Puinguins, prendre des Pin
guins pour les mettre en fel, & des œufs.L'efquifs en alla en l'ifle de Robbes,
- ou ils tuerent quelque douze loups de mer à coups de Moufquettes.
-

- Lc 13,
-
* .. -

- 128 NAv 1 G AT I o N Av s T R AL E
1616 Le 13. retourna la chaloupe avec des Pinguins avoyent efté toute la
*v* nuict auCanal d'Efperlans de maniere que la pluspart des Pinguins eftoit
gaftée de la chaleurtoutesfois en falions une pipe toute pleine.Veimes en
outre trois ou quatre monftres de mer, ayans des longs poils , & eftans
gris comme cendres, avec un long mufeau comme les Crocodils. Apres
Midy partifmes de Porto Defire : le vent s'eftant appaifé, epofames mais
tantoft apres il releua,& boutions à la mer.
Le 15. du matin tonnoit & foudroit,& vindrent des ondées de greffle de
Sudoeft, fi que la nefen eftoit blanche en plufieurs endroicts. Concluons
que les RegionsAuftrales en equipollence font plus froides, que celles du
Nort: auffi le vent de Sud nous y fembloit eftre beaucoup plus froid que
n'eft le bife de l'autonne en noftre patrie. allions le plus fouvent Sudfud
eft, &Sudeft. - -

Le 16. temps amiable & doux. fur le midy eftions à 5o. degrés, moins
1o.minutes, eftimans que le flot dc l'eau nous emportatt Sud ou Sudoeft
vers l'Eftroit de Magallanes. veimes encor quelques Pinguins, de forte
que n'eftions guerres loing de la cofte. Or tachames nous d'aller avec la
marée vers le Sud, d'autant que le vent nous empefchoit d'approcher l'E
ftroit de Magallanestoute la nuict flottames par bonnace.
Le 17.du matin faifoyt coy & beau. mais au Midy l'air couvert nous
empefcha de fonder la hautcur. Ce jour nos Affiftans curent l'oreille
frottée d'une bonne reprimende, à caufe des propos defefperés de vou
loir retourner à la maifon,par lefquels ils avoyent tant defcouragé&con
trifté les autres.
Le 18. le vent venant de Sud veimes plufieurs Baleines. le Prefident .
eftant en la Galerie, apperceut les ifles de Sebald de VVeert,qu'il defcrit en
laCarteMagellanique, diftantes environ trois lieues de nous, au Sudefts &
de l'Eftroit environ cinquante, Eftnorteft,Oeftfudoeft : peu au paravant
avions tourné le cours; fans cela les euffions coftoyées. Au midy l'air e
ftant couvert de nuées, nous empefcha de fonder la hauteur, maisquand
- le Soleil vint derechefà monftrer fes rayons, trouvafmes qu'avions eu la
hauteur de 5 .. degrés, & deux tiers, & que le flot nous avoit chaffé vers
le Sud. Au foir lc vent fe levant commenceames à caler les voiles de la
hune : mais il fe rappaifa, de fortc qu'ils demeurerent encor tout la nuict
debout, par ce que il faifoit aucunement clair, certes ilyavoit plus de
-

plaifir icy, qu'en Porto Defire .


Le 19 du matin beau temps,& par raifon chaud,l'eau tranquille,le vent
d'Oeft. apperceumes beaucoup de Baleines, & des Mouettes venantes
de terre, mais point de verdurc dc forte qu'il eft à croire, qu'il n'ya point
d'ifles vers le Su. voire il en venoit au contraire des grandes ondes, encor
que le vcnt fut petit. Sur le midy avions la hauteur de 52. degrés, & au
foir nous fembla eftre au parage de 1'Eftroit de Magallancs. tout le poif
fon, qve avions prins en Porto Defire », eftoit devenu non feulement du
tout fec, mais auffi avoit perdu fa faveur. Au foir fe leva le vent d'Oeft,
& fit un orage de nnict, qui jetta la nefdeça & delà.
Le 2o. du matin la tempefte commença à ceffer, non obftant que le
vent d'Oeft fouvent nous branflaft: l'air eftoit fort nubileux. Apperceu
mes grande abondäce de verdure,&des volailles nageantes fur la mer,ve -

nant fans doubte de l'Eftroit de Maguellanes. au midyavions la hauteur


de 53. degrés. le temps devint clair, combien que l'eau continuaft d'eftre
noirc tirant au bleu. Depuis qu'eftions partis de Porto Dfire», l'air avoit
efté
D E IA QV ES L E M A I R E. I29

efté continuellement fi humide, que quafi toutes chofes en eftoyent fle- 1616.
, ftries, Marmillades, Miel, parchemin, & Cartes en la cahute. Efpe IANviER.
rions que le cours de l'eau nous porteroit vers le Sud, & nous condui
roit jufques, & par le paffage du Sud. mais au foir eftant le vent Sudfud
oeft & doux , nous tourRames vers l'Occident fans guerres advan
- -

CCIT".

Le 21. du matin avions fort beau temps,le vent Sudoeft: ce jour nous
furvint une giboulée foudaine & de petite durée. au midy eftions à la
hauteur d'environ 53. degrés. ce jour fut eftoupée une liche,parou l'eau
cftoit entrée en grand abondance auvaiffeau, & nous avoit tenus con
tinuellement à l'ouvrage pour la vuider par l'ofec. Apres l'orage paffé,
il continua ce jour de faire beau temps, doux, & amiable ; mais de
nuict fi froid, qu'à peine pouvions rechauffer nos pieds au lict.
-

Le 22. il fit coy, & n'advançames rien.


, - Le 23. flottions fans vent : jettans le plomb trouvames le fond à 5o.
toifes. Apres difner allans vers le Su quart à l'Oeft , apperceumes
comme des ifles & marefcages : tournames vers le Sudeft, afin de paf
fer la terre. De nuict jettames la fonde à 14. toifes : & demeura le
Prefident debout fans dormir, pour veoir comment les affaires iroyent,
ed'autant qu'il n'avoit paravant rien fceu de cefte terre.
Le 24. du matin veimes devant nous tout plein deterre, paffans par
icelle Sudeft quart à l'Eft, au long de la cofte, qui eftoit felon la varia
tion de l'eguille, Sudeft: ce qui troubla fort le Prefident, eftimant fe
lon la defcription & Carte de VVillem Ianfon, qu'il devoit trouver icyter
re ferme: & voyant que la cofte ne s'eftend pas vers le Sud, mais bien
vers l'Orient, il craignit qu'elle ue deuft aller encores plus avant à l'O
rient: car allans Sudeft quart au Sud nous trouvames encoregrandes pie
ces de terre, comme des ifles hautes qui fembloyent couvertes de neige.
En fin fuyvans encor la cofte, veimes un Canal, dont fortoit l'eau fi #
rieufement fe brifant contre les ondes de la mer, qu'à chafquun moment
il nous mouilloit les voiles bien haut: telle eftoit la violence. Or c'eftoit
un gouffre & un abyfme de mer, & le Canal mefmes fort profond. trou
vames la hauteur d'environ 55. degrés. Apres difner l'intention eftoit de
nous allermettre audict Canal , vers lequel auffi nous chaffa la maréc;
mais d'autant que le vent s'appaifa, & nous tourna contraire, fut force de
nous arrefter fur le lieu. •
Le 25. du matin ayans beau temps entrafmes audict Canal,allans pre
mierement Sudfudoeft,e puis Sud. veimes terre des deux coftés, qui
eftoit montagneufe & rabboteufe. Dans l'Eftroit jettames le plomb
pour fonder le fond, qui fut trouvé plein de coquilles & pierrettes; ainfi
paffames trefioyeux par le Paffage Royal, remerciant le Seigneur pour
nous avoir ottroyé en partie ce, que fi long temps avions defiré. Aprcs
cela fut refolu d'un commun accord, qu'on nommeroit le pays le plus
Occidental cataurice de ZNaffau, & la terre Orientale le pays de Meffieurs
les Eftats. Dans l'Eftroit nous remeontra le flot de la mer, allant fi roide
ment vers la mer du Nort, qu'à grand'peine pouvions tenir bon a l'en
contre : quoy qué le venr nous fuft à fouhait. Nous y veimes beaucoup
de verdure en l'eau, Pinguins, Robbes
: grand nombre de Ba
leines tant en la mer du Nort devant, que dedans le paffage mefme, & en
la mer du Sud pareillement tant & tant, qu'il nous convint pour les eviter
-
-

R. tOllr-.
e N A v 1 G A T 1 o N Av s T R A L E
1616.
IANvIER.
tourner le vaiffeau fouvent deça & delà, & changer la courfe. Noftre
grand Pilote print une Merlue à l'entree du paffage : le Second Pilote e
ftant furle maft regardant au Sudeft & Sudoeft, n'y voyoit point de pays.
En la terre de Maurice » il nous fembla veoir de la neige fur quelques
montagnes; mais en cclle des Eftats quelque verdure. Des deux coftés y
avoit apparence de bonnes radcs & havres, notamment en la terre des
Eftats, ayantvers Septcntrion, à ce que nous fembla veoir, une ifle. La
terre de taurice » du cofté de Septentrion eftoit baffe,& du cofté de Sud
montagneufe. Au midy avions la hauteur de 55. degrés, 36. minutes ; &
allions au Sudoeft: veifmes que la terrc des Eftats s'cftend du Midy au Le
vant Eftfudcft, tant qu'on pouvoit mefurer à la veue ayant en largeur
Nort & Sud environ 1o. lieues : & vers Ponant tant qu'on n'en voyoit la
fin. Bien toft apres difner eftant le ventraifonnable, l'air devint nibuleux
& bruineux; veimes au Nortoeft,& Oeftnortoeft, au Su de l'Eftroit, une
grande eftendue de haut pays. Environ la nuict, ayant le vent contraire
le monfterent l'eau & les ondes fort enflées & groffes : concluans par là
que nous eftions paffé le paffage, jufqu'a lors incognu aux hommes mor
tels, & qu'eftions parvenus en la mer du Sud.
Le 26. du matin continua le vent d'Oeft, avec pluyes & grefle, enflant
fi terriblement la mer, que c'eftoit une horreur àveoir.car ce vent tourna
· en un orage, qui nous rua tant d'eau dedans la nef, qu'il nous cuyda acca
blcr. Au midy avions la hauteur de 57 degr. tiransvers le Sud , mais la
-

nuict eourrions plus à l'Oeft.


Le 27. le temps eftoit aucunement raffis. avions fur le midy la hauteur
de 56; degrés: Et cyyeimes beaucoup de ces oifeaux que les Hollandois
appellent Ian van Genten, ou Iean Gantois & endurames le plus grand froid
que jamais: au commencement de la nuict eumes un beau vent, mais a -

pres furieux, venant de Sudoeft. -

Le 28. du matin il faifoit doux & amiable : avions la hauteur de 56


' degrés: allames Oeftfudoeft; mais tantoft apres le vent fe tourna auSep
tentrion, qui nous advança bien fort. De nuict le Prefident fe leua par
trois ou quatre fois, craignant les graviers. -

Le 29- l'air obfcur, le vcnt Sudeft, veimes terre au loo de nous, à l'Oeft
& Oeft quart au Sud. mais apres que le Soleil euft chaffé l'obfcurité du
jour, veimes clairement que c'eftoyent des ifles, diftantes environ deux
lieues l'une de l'autre,& tafchames de venir au deffus d'icelles. la marée
nous chaffoit fort en ceft endroict vcrs Ponant; eftant la coulcur de l'eau
conftante, & les ondes tardiues, qui eft un argument d'eftre cn pleine
mer. On n'y veit point de Baleines, ou Pinguins, mais bien des oifeaux
comme en Porto Defire ... Ces ifles qui fe trouvent en la hauteur de 57;
degrés au delà de l'Equinoâial, furent nommées par le Prefident les fles
de Barnevele, à l'honneur du Seigneur Iean de Barnevclle. Or nc fuft pof
fible de paffer au Sud de ces ifles. il y a encor trois petites iflettes au
- Nort des fufdites, diftant une grande lieue de la cofte du Nort & du
Sud d'icelles, Le flot de l'eau nous chaffoit notoirement vers l'Oeft. A
pres midyveimes encor au Nortnortoeft le pays haut & blanc de neige,&
deux hautes montagnes à l'Occident, cuydans que là fuft la fin d'icelle
terre, que le Prefident à l'honneur de la ville de Horne , nomma le Cap de
Horne,à 57deg.48 minutes. eviter ceftc poincte allions vers le Sud
toute la nuict,& en apres vers Ponant.
-

-
- -

Le 3o.
-

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- A
D E I A QV E S L E M A I R E. 13I
Le 3o. le Vent d'Oeft, lcs ondes tardiues, l'cau bleue, que le jour pre- 1616
cedent au pres des ifles fufdites avoit eftéverte noiratre: ce qui nous ren- *vir
dit tout affeurés que defia cftions fur la mer du Sud.Au midy nous trou
vames à 7: degr. defiransgrandement eftre delivrés de ces vens d'Ocft,
& de la froidure.
- Le 31. le vent venant de bize, allames au Ponant, & ne veimes plus de
terre apres le Cap de Horne, fur le midy trouvames la hauteur de 58.de
grés, moins1o. minutes. Apres midy le vent fe tourna Oeft.
Le 1.de Febvrier continua ledict vent avcc quclque orage à l'entrée de FEvRIER, -

la nuict prenions la route vers le Sud, l'orage s'appaifa.


Le 2. du matin il faifoit coy, le vent d'Oeft: au midy la hauteur de 38.
degrés. veimes quelque verdure en l'eau,& des Mouettes: tout le jour
& la nuict allions deça & delà. Combien , qu'environ le foir la mer fe
fuft appaifée. Telle eft la nature de la mer de ces quartiers, quel vent
qu'il face, elle s'enfle tout incontinent & envoye fes ondes jufques au ciel,
& demeure longtemps troublée . - -- -

Le 3 avions encor le vent d'aval, mais plus doux. apperceumes que le -

cours de l'eau nous chaffoit vers Ponaft.


Le 4. il faifoit clair: au midy eftions à 56 degrés. or voyans quelque
changement des eaux, tournames vers le Sud, & au foir à l'Oeft. la nuict
avions vent en pouppe, qui ne dura guerrescar il fe tourna bicn toft Nort
oeft. Or le plus fouvent il y a icy les vens d'Oeft mais l'Eft, ou Sudcft y -

font rares. . - -

Le 5 premierement beau temps. apres midy tempeftefi qu'il nous con


vint caller tous nous voiles, & floter à la mercy de Dieu. -

Le 7.jugions que la bouche de l'Eftroit de Magallanes dcvoit eftre au


Norteft dc nous. avions premierement de la pluye , & apres tranquil
lité. - . .

Le 8 & fuyvans, beaucoup de vens d'Oeft, avec grefles & pluyes, &
grandes froidures. - -

Le 11.fort bcau temps & chaud, le vent Sudoeft;allions tout à fouhait


Nortnortoeft. Veimes deux ou trois petis Robbes, venansparadveneure
de Magallanes. aumidy trouvames la hauteur de 57.degrés 5o.minutes, .
de forte qu'avions faict 3o. lieues de chemin par l'aide du flot de la mer.
Le 12. eumes le vent conttaire de Nort,& partant tournames à l'Oeft.
eftions bien efmerveillés de ce que eftans maintenant à l'Occident
du Deftroit, le temps journellement commençoit à fe monftrer plus
beau, & la mer plus coye ; contre ce que les autres en ont couché par
efcrit. Cejour tous ceux de la neffurent pourveus de double raifon en
figne de lieffe, de ce que eftions parvenus en la mer du Sud, & paffé der
riere l'Eftroit dc Magallanes.Plus d'un commun accord de tous ceux du
Confeil fut ordonné que le paffage entre les pays de Maurice,&des Eftats fe
roit nommé le Paffage de le 7taire , afin que la gloire luy demeuraft per
petuelle de l'œuvre, que fi courageufement il avoit entreprins & heureu
fement executé. A cefte caufe tous ceuxdu Confeil fignerent dc leur
propres mains l'article fuyvant.

R 2 Até
I 32 N A V I G A T I O N 'A V ST R A L E
16I6.
FEsvRIER
V Nom de Dieubenit, qui du commencement à creé Ciele5 Ter
re, fans lequel nulle bonne chofe ne fe peut faire, commencer, ou
conferuer. Par lequel e5 au nom duquel font toutes chofes, à la gloire
du tres Saintt Nom diceluy. eA tous ceux qui la prefente verront ou
liront, Salut. Confideré que c'eft chofe honnorable & profitable à tous
TPays, TProvinces, e5 Republiques, principalement ceux & celles qui
- trafiquentfar la mersfe prevaloir de la navigation, e3 faire veoir à tous
hommes le courage & lefprit de leur nation au profit & à lhonneur de
leurs fubjets & pays , fout notoire que nous foubfignés par la prefente
tefmoignons & ratifions eftre la verté, que au moi de janvier de cefte
année 1 6 1 6. apres la nativité de Christ ; eftans fortis de Hollande de
la ville de Horne fr deux Vaiffeaux Concorde e5 Horne, y eftant
TPrefident Iaques le Maire, e5 Guillaume Cornelis Schouten TPa
tron, foubs la fauvegarde, & protection des Hauts e5 Puiffans Sei
gneurs, Nofeigneurs les Estats des Provinces & nies, & de fon Excel
lence le Prince &Maurice de Naffau, grand Admiral de la Mer, & c.
pour dfouvrir les TPaffages, Ifles, & Pays de la partie eAustrale du
Monde,jufqu'alors incognue, fuyvant les ottrois & patentes defdits Sei
gneurs. Qu'apres grans travaux & dangers par la grace de Dieu a
vons trouvé, dfouvert, & navigé par un nouveau paffage allant
de la grande Mer Oceane du Nort jufques en la mer du Sud : aff
voir au Sud de l'Estroit de Magalanes, & des fles y annexes fur la
hauteur de 58 degrés 59. minutes. Auquel endroit nous fubfignés
cverifions & declarons d'avoir trouvé une facieufe & grande
Su des fles & terres dAmeriques à rafn de quoy lavons appelée la
- nouvelle mer du Sud, n'ayans rveu ne defouvert au Sud d'icelle aucun
pays , ne quelque apparence de pays, jugeans par fes qualités & con
ditions, qu'elle doibt eftre de trefrande eftendue e5 largeur : trouvans
par experience que par icy lagrande Mer Oceane, qu'on appelle la mer
du Nort , fe joint à la facieufe mer du Sud , à la plus grande com
modité de la navigation. En outre declarons que de notre cognof
fance, ny par our dire, jamais homme ou nation du monde, fit d'Eu
rope, fit des autres parties de lVnivers, n'a voyagé par leditt paff
ge. Et pour ce comme eftans les premiers à la detection de ces terres
e& paffage, avons donnéaux trois fles qui font en la dicte mer au Sud
est d'Amerique le nom du Pays de Meffieurs les éftats, Pays de Mau
rice, & lifle de Barnevele, & le paffage qui va entre & joignant icel
les, le Taffge de le Maire. Defquelles Terres, &1er, & Paffage, en
vigueur e5 par autorité fufdite , au nom des 5Nobles & Puffans
-

Seigneurs ,
D E I A Q v E S L E M A I R E. 133
1616.
Seigneurs les Eftats, & de fon Excellence le Prince de Naffau,fayvant FEvRIER.
la couftume ancienne, comme en eftans les premiers inventeurs prenons
la premiere poffffion, & preference. En tefmoignage de tout ce que
defus,fut fubfignée la prefente. Fait fur la nef de Concorde.

I A Q v E s LE MA 1 R E.
Guillaume Cornelis Schouten. -

Iean Thierry de Horne, grand Pilotefrla nefHorne.


Conrad Thierry Oofterblocker, Pilote fur la nef
-

AHorne. -

Nicolas Pieterfz. d'Oofthuyfe, Grand Pilote de Con


corde.
Corneille Kinerfon de Rijfdam, fecond Pilote de Con
corde.

Le 13.l'eau fe monftra bleue,l'air pluvieux,veimes quelques Robbes ou


Loups de mer, mais point de poiffons.
Le 14. eftant derechefl'air fombre, veimes plufieurs Tonins, & Maf
fouins aupres du vaiffeau, & quelque verdure venant , felon qu'il eft à
prefumer, de la terre. Au midy nous trouvames au 5I. degré. .
Le 15. faifant grand' bruine continuames noftre courfe de Nort
norteft. fur le Midy avions la hauteur de cinquante degrés, cinqante
--
1IYInUltCS. -,

Le 17. veimes quelque changement en la couleur de l'eau du blefme


au vert, & jettames le plomb à 1oo toifes.
Le 24 au Midy ayans la hauteur de 44. degrés,39 minutes,nous trou
vames eftre mis au vent de Midy, qui domine quafi toufiours fur cefte
mer, lequel nous pouffa fi bien avant, que ce jour advançames 3o. lieues.
guindames ce mefme jour les Canons enhaut, & les dreffames en po
fte; veimes auffi journellement plufieurs Iean Gantois, & des Mouettes,
-

tant grifes, que blanches,& des Malefites. .


Le 25. au Midy à 42; degrés, rehauffames tous les voiles, d'autant
que nous nous trouvions maintenant fur une eau douce & Pacifique.
Le 27. continuant encores le beau vent de Sud, veimes nager quel
ques Baleines, de celles que les Hollandois appellent Pots hoofden, ou
- Pot.vfh, ayans la tefte groffe,& lourde comme un pot,& un jeune Rob
be; concluans par là de n'eftre guerre loing de la terre.
Le 28. nous trouvames à 38 degrés, 8. minutes. Ce jour fut refolu
par le Prefident en plein Confeil, d'aller aux ifles de lean Ferdinando,
pour trouver quelques vivres, & pour rafraifchir aucunement nos
gens mattez du travail de la mer, & tourmentés du Scorbut.
Le 29. continuant levent de Midy, calames les beaupres, afin de ne
paffer outre les ifles. au difner avions la hauteur de 35. degrés, 5o.
-

minutes.
R 3 -

Le pre
14 NAv 1 G AT 1 o N AvsT R A L E
16 16.
Le premier de Mars au poinct du jour le Second Pilote apperceut la
MaRs.
rerre. Au midy eftions à 33. deg.52. minutes effloignés d'environ demy
lieue dc l'iflc la plus Auftrale, ou ne trouvames point defond. L'ifle qui
eft au Sudoeft, nous fembla à veoir du tout feche & pleine de rochers, e
flant cy & là quelque peu verdoyante. Approchans la terre de plus
en plus, fans trouver fond; paffames en fin la poincte Auftrale de ceft'
ifle,& veimes alors aufli l'autre grande ifle, qui fe monftroit verte, & pleine
d'arbres.Tantoft les vens variables, tantoft la tranquillité feircnt que ne
pouvions felon noftre defir abborder la terre; enfemble pour ne trouver
point de fonds, & ne fçavoir ou eftoit la rade, nous trouvames du tout
eftonnés,&defployames lablanche baniere de paix,afin qu'on nous mon
ftraft la rade : qui fut en vain. Le Prefident nous communiqua ce qu'il
en avoit trouvé par efcrit : dont le Patron ne feit point de cas ; ce qui
tourna depuis à noftre grand defavantage. Ne voyant donc point pour
tout de baye, envoya le fecond Pilote, avec le marchandàterre : lefquels
trouverent un petit golfe, de 3o.& 4o. toifes de profondeur tout aupres
de la riue. Deux des mariniers fe meirent auffi à terre,& y trouverent un
ruiffelet d'eau fraifche, coulant par une vallee jufqu'en la mer. Veirent
plufieurs Robbes , Boucs, Cheures, & autres beftes à quatre pieds :
nous apporterent d'avantage dix Corcobades, qu'ils avoyent prins aux
hameçons, avec un Brafme : cependant ceux qui eftoyent fur la nef ne
la fceurent conduireà bordtant pour la tranquillité que pour les vens de
travers de forte qu'ils allerent route la nuict flottans,ça & là fans pouvoit
2 In Crcr . -

Le 2 veimes que la marée nous avoit emporté bien avant en la mer ar


riere de l'ifle; flottames tout le jour par bonnace fans trouver ne fond, ne
rade pour aborder. or notés qufe qui veut entrer à la rade, laquelle eft du
cofté de Septentrion en une vallée,venant duSud doibt aller au Levant
de l'ifle afin qu'il y puiffe entrer. Au midyavions la hauteur de 334 degr.
L'efquif eftoit à terre, qui nous rapporta bien trois cens poiffons, tous
prins à la vcrge,pres de la terre. & nous racconterent d'avantage dyavoir
veu plufieurs Boucs,& Cheures barbues rouffes de couleur,& des petits
Cheureuls, qui ne fe laiffoyent aucunemét approcher pour prendre plus
des belles & grandes Efcreviffes. On eftime que les Efpagnols viennent
pefcher en la dite ifle grand nombre de poiffons, qu'ils emportent à la
terre fermc. -

Le 3 .. trouvames avoir plus perdu que gaigné, eftans efloignés bien


4. lieues de l'ifle, qui nous fit prendre autre refolurion,& rebrouffer che
min vers la Terre Auftrale.Ainfi partimes de ce beau pais, non fans regret,
n'ayans recouvré qu'un peu d'eau fraiche, & quelques poiffons. or fe trou
ve ledict pays à 33.degrés,4o. minutes.
Le 4 fuyvames la mefme route, ayants le mefme vent de Sud &Sudeft,
avançans 38. lieues en un jour.
Le 8. le Prefident eftoit maladieux, cependant il ne delaiffa de pren
dre garde à la petite nuée noire, qui ne fe veoit finon bien toft apres le So
leil couché & veit un autre petit nuage pafle autour du Pole,reffemblant
au naturel à une nuée agitée de ça & delà. . -

Le 1 l. du matin avions bonvent & au difiner la hauteur de 23. degrés,


12.minutes: paffans autrefois le Tropique de Capricornus : ou nous eu
mes le General vent d'Eft & Eftfideft, qui y font ordinaires; courrans
- _ -'

au Nortoeft, -

Le 17.
-
D E I A Q V E S L E M A I R E. I35
Le 17.eftans à la hauteur de 19. degrés, le Prefident feit affembler le I 6 r 6.
MARs.
Confeil avec les Pilotes : qui refolurent par enfemble, puis qu'on avoit
defia voguél'efpace de trois jours vers Ponant , fans appercevoir nulles
terres, de changer la courfe, & tircr vers la plus haute Terre Auftrale : ce
qu'on feit. -

Le 19. pourfuyvames la mefme carricre, ayansbeau temps:au midy fut


trouvée la hauteur de 17: deg. de forte que feimes compte d'eftre cfloi -

gnés 35o. lieues de la cofte de Perû.


Le 2o. dudict mois le vent d'Eft, veimes des blanches Rayes, & grand
nombre de poiffons velants; au midynous trouvames à bien pres de 17.
-

degrés.
Le 21. le dict vent continuant veimes un poiffon, de la longueur de 1:
toifes avecun longbec de la façon d'une efpée,fi long que tout le refte du
corps; ayant fur fon dos des fort grandes ouyes. Quelques uus de nos
gens le voulurent nommerpoiffon de Horne .
Le 24. avions bon vent de Sudeft, allans droict à l'Occident, à la
hauteur de 15 degrés; efloignés 46o. lieues de la cofte de Perû; atten
dans en grande devotion de trouver la terre, mais quafi hors d'efpoir, &
craignans qu'il n'eftoit point deTerre Auftrale ».
Le 3 1.il faifoit fort beau temps. Encor ne veimes point de pays , mais
bien plufieurs oifeaux il nousfembla eftrange de ce que l'ifle S. Paul ne
fe demonftroit pas; car elle eft affiffe en cefte hauteur ; or avions nous la
hauteur de 15, degrés.
. Le premier d'Avril eftions à 1 s. degr. 8. minutes. AvR1L.
Le 3. eftant jour de Pafques, un moys apres eftre partis des ifles de Iuan
Ferdinando, nous comptames d'eftre efloignés de Perù725. lieues d'Alle
magne. Le Scorbut commença d'avoir la vogue entre nos gens. Fut re.
marqué, que l'eguille tiroit Nort & Sud, fans varier ou decliner tant ne
e quant .
Le 9. avions encor bon vent de Nort, courransvers l'Occident ; ayans
pour le moins 15. degrés de hauteur. Ce jour veimes deux petits Bon
mites , & des Mouettes à l'eftoile fans nombre, & des poiffons en abon
dance : mais n'en fçeumes rien prendre. Le mefme jour trefpaffa Iean
carnelis Schouten de fon vivant Pilote de la Fufle,& frere de noftre Patron
de navire, ayant eftémalade l'efpace d'un mois, fe plaignant de la poictri
& du Scorbut.
Le 1o.eftant le vent encor raifonnable, avec quelques pluyes,jettames
le corps mort en la mer non fans douleur. L'oraifon finie le Chirugien
apperceut la terre, vers la quelle navigeames incontinent poury ancrer;
ce qui fut impoffible.Le brigantin fut equippé & envoyé vers la terre, qui
rapporta qu'il n'yavoit point d'apparence d'en pouvoir approcher pour
les brifans de la mer. Le premier Patron fe hazarda d'aller à terre, ou il
parvint tout à fon aife, mais au retour luy convint fe jetter en la mer avec
une corde & nager au grand hazard de la vie jufques à l'efquif. Il nous
racconta, qu'il n'y avoit point d'eau fraiche en cefte contrée, finon quel
ques ravines d'eau depluye, qui eftoit trefamere ; beaucoup de poiffons
pres de la cofte , & plufieurs Mouettes & autres volailles , nichants
fur les arbres. C'eft l'ifle que Magallanes fit appeller Defventurada, c'eft
à dire la « 7alheureufe ; de la quelle Ierofme Benzon nous efcrit,
qu'elle n'a quc trois licues en la rondeur , eftant fi baffe en aucuns en
- - droicts,
I36 N A V I G A T I O N AV S T R A L E
- 1613 droicts, que la mer entre jufqu'au milieu de l'ifle par la marée. Elle eft
Avrii. pleine de creffon d'eau, qui eft fort amere au palais, & bonne pour
le Scorbut, piequant comme du Dragon, & faifant aller à chambre:
Les matelots nous en apportenent une quantité. l'ifle eft affiffe en la
hauteur de 15. degrés, 15. minutes, diftant de la cofte de Perû 92o.lieues.
nous l'appellames l'fle des chienspour y avoir vcu trois chiens Efpagnols
bien maigres. d'icypartimes vers les ifles de Salomon
Le 11. le vent de Norteft: fur le midyjuftement au parage de 15 degrés.
de nuict le vent fe renforça, qui nous fit craindre que le bateau fe pour
roit mettre fur quelque baffe ifle, comme les Tuberones, ce qui nous au
roit portégrand domage. mais Deu nous en garda.
Le 12. le Prefident livra au Grand, & au Second Pilote les cartes de
la Terre Auftrale s , & de Nova Guinea, afin qu'ils fe peuffent regler fe
' lon icclles. .
Le 14. levent fouffla continuellement du Levant. Il y avoit aujour
dhuy dix mois, que nous partimes de Texel ; efperans d'arriuer en dix
mois en la Terre Auftrale , Apres difiner un des Affiftans nommé Bar
thelemy Pieterf. veit une terre diftant environ deux lieues de nous à
l'Oeftnortocft: dont nous fumes grandement refiouys, & notamment les
malades, efperant d'y pouvoir reprendre quclque peu noftre haleine. Le
pays eftoit fort bas, ayant plufieurs arbres deça & delà, comme les Tubero
nes. Nous tournames le cours vers ledict pays à l'Oeft,pourvenir au Nort
d'iceluy & s'il eftoit poffible, nous y tenir fur l'ancre. Cependant voicy
venir une Canoe avec quatre hommes tous nuds, lefquels fe tenans par
· raifon loing de nous,dirent à haute voix, voire crierent, & faifirent figne
de beaucoup de chofes, mais il n'y avoit piece de nous, qui les entendift.
Venans pres de l'ifle, ne trouvames point de commodité pour ancrer,
nous criames à haute voix, fonnames les Trompettes, hauffames la ban
derolle blanche; tout pour neant. En apres il vint encore une autre Ca
noe de la mefme façon, & avec le mefme fuccés, que deffus : fi que nous
trouvames pour le plus feur & expedient, de tirer plus oultre. -

Cefte ifle peut avoir environ vingt lieues en la rondeur, s'eftendant


le plus au Nortoeft & Sudoeft: elle eft affiffe en la hauteur de 14. degr.
35 minutes; eftant le pais d'icelle fort bas comme les Tuberones, & plein
d'arbres de Cocos. au milieu d'icelle y avoit de l'eau : Veimes auffi des
gens joignant la foreft, affis prestle la riue, qui eftoyent de couleur fort
jaune, tirant au rouge, avec des longs cheveux extremement noirs, &
trouffés par derriere.
Le 15. du matin retournames vers la dite ifle, efperant d'y pouvoir jet
ter l'ancre, mais n'y trouvames point de fond propre. Cependant ces
gens levans en haut tantoft leurs veftemens , tantoft quelques rameaux
d'arbres, nous faifoyent figne pourvenir à terre. Le Prefident donc en
voya le brigantin pour fonder le fonds : eux envoyerent une Canoa avec
trois hommes, qui vindrent parler à nous: mais on ne les fceut enten
dre. nous leur donnions trois coufteaux & quelque petits Corales, qui
leur fembla eftre bien agreable. Ils nous donnerent incontinent la
main gauche en figne d'amitié, mais n'ofoyent toutesfois approcher no
ftre grand navire. Il nous vouloyent dire beaucoup de chofes, & fe de
monftroyent comme ravis en admiration de vcoir un fi grand vaiffeau , fi
haut,avec tant & fi grands voiles; & fe gardoyent d'y entrer. nous leur
vcrfamcs à boire, mais ils n'en tafterent quafii rien , & apres avoir long
- -
. temps
D E I A. Q V E S L E M A I R E. . - 137
temps attendu,tindrentnoftre gobelet.ils fe demonftroyent convoiteux, 1616
& principalement de fer, voire jufques à vouloir arracher les clous Avnir
hors du navire. quoy voyant nous leur en donnames deux ou trois
dont ils furent fort bien aifes. toutes chofes de fer leur duifoyent : mais
ils n'avoyent rien pour nous. & ne firent point de cas, du pain & fromage
prefenta. Ils ont les cheveux tous noirs, qu'ils relient fur la te
: e, ou fur les efpaules. ils font jaunes & bruns de couleur, ayans la peau
&fpecialementles doigts marqués de plufieursfigures, longues, rondes,
&carrees; eftoyent gras & gros, grands deftature,& robuftes, le nés ca
mus, & les oreilles percées dans lefquelles ils mirent les clous & corales,
que tantoft ils avoyent receu de nous. ne couvrent que les parties fe
crettes d'une petite piece de matte allant autour du ventre , & paffant
entre les jambesdemeuroyent continuellement aupres de laChaloupe
pour defroberun croc: cntroyent auffi en la Galerie , mais ne s'y ofo
yent arrefter. En fin le Prefident voulut que la chaloupe allaft derechef à
terre, pour fçavoir, ce qu'il en eftoit & fi on n'y trouveroit rien: Envoya
donc fixmoufquettiers avec Adrien Claf.& 2Nicolas Ianfon avec quelque
peu de befognes pour troquer car il nous donnoyent à entendre, qu'il y
avoit bonne provifion de porcs & poulailles ; & nous mefmes y veimes
grand'abondance d'arbres de Cocos. Venans à terre n'y avoit point de
moyen pour contracter avec eux : car incontinent ils vindrent affaillir
mettre la main en leurs pochettes pour prendre des clous, ou
:
du fer; ils fe faifirent de deux hommes les voulans emmener par force au
bois; ce que voyant les noftres defchargerent trois moufquettes emmy
la troupe: alors ils les abandonnerent,& s'enfuirent, L'ifle eftoit embel
lie tout à l'entour de Palmites, au dedans remplie d'eau falée point d'ap
parence pour faire quelque alliance ne contraction. à cefte caufe pro
ofames de partir de là fuyvans noftre route vers Ponant , ayant le vent
Sudfudeft. il n'y avoit guerre de profondeur qui nous fit penfer, qu'il
devoit eftre encore tout pres d'icy quelque autre pays des ifles de Salomon,
ou de la terre Auftrale .. L'ifle eft gifante en l'altitude de 14: degrés : fut
appellée par nous l'ifle fans fond, car nous n'y fceumes point trouver dc
fond pour ancrer. or il femble bien que jufqu'alors cefte ifle n'a pas efté
cognue ne frequentée de perfonne: car il n'ya rien que faute de toutes
chofes. Les femmes portoyent quelques petites couvertures depuis le
ventre jufqu'au deffous des genoux, & tanfoyent leurs maris, à ce qu'il
nous fembla veoir , de ce qu'ils nous avoyent trahis & traictés fi bar
barement .
Le 16. avant que le Soleil fut leué, le Patron du Navire apperceut
derechefune autre terre, baffe fablonneufe & plainc de rochers , avec
beaucoup d'arbres fur le bord mais point de Cocos, ny de Palmites. le pais
fembloit eftre defert. La chaloupeyjetta la fonde à 4o.toifes, le fond ne
valoit rien pour ancrer. quelques uns de nos gens fe meirent à terre,& y
trouverent des foffes avec de l'eau douce, énfemble auffi un peu de cref
fon de jardin,& de la falade Indienne. on y recourit 4.tonneaux d'eau,
fans plus: car il y avoit trop peu de commodité pour l'apporter dedans la
chaloupe pour les grandes brifures de la mer. ils apporterent d'avantage
un fac tout plein de creffon & falade, de quoy fut faict un potage qui don
na grandallegement à nos malades. Le Prefident nomma ce pays VVater
lant, c'eft à dire le Pays d'eau, pource quc nous y rccouvrimes un peu d'eau.
ce faict, allamcs prendre noftre cours à l'Oeftfudocft, mais n'avançames
S guerre
138 NA v I G AT I O N Av ST R A L E
16 I 6.
guerre noftre chemin car le vent eftoitfoible. defirions ce jour parvenir
AvR1L.
à la hauteur de 15. degrés ouplus,afin de ne paffer outre la Baye de 9uiros,
foupçonnans que n'eftions pas loingde la terre ferme: or ce jour nous a
vions repofé à 14. degr.46. minutes. -

Le 17.veimes plufieurs efpeces d'oifeaux, ayans des ailes treflarges;


qui nous affeura qu'ilyavoit encor de la terre vers le Sud.Ce jour donna
mes une pinte & demye d'eau à tout chafcun de nos gens, pour avoir
rempli ces quatre tonneaux.il nous furvint auffi & fort bien à propos une
bonne pluye, qui nous augmehta la mefme provifion.
Le 18. fayfant beau temps, & la mer calme, decouvrimes derechefune
terre baffe au Sudoeft de nous, diftant environ 2o. lieues du pays de l'eau,
appellé par les Hollandois VVaterlant. Sur le midy nous eftions à 15: de
grés. Envoyames incontinent la chaloupe à terre, qui ne trouva que de
l'eau falée:& apperceurent fur la rive un homme fauvage, grand de corps
ayant fon arc en la main, comme pourtirer aux poiffons. les noftres n'a
yans point d'armes fe retirerent vers l'Efquif, & veirent tout auffi toft
cinq ou fix autres fauvages; lefquels voyans que nos gens eftoyent envoy
retournerent au bois. Ilyavoit en cefte ifle tant de Moufches , que les
gens, l'efquif & les rames en eftoyent tous noirs & converts lefquelles ve
nans fur la neffe meirent autour de nous fur les mains, & fur le vifage fi
terriblement qu'il n'y avoit point de moyen pour s'en fauver. Cefte playe
dura trois jours de route, & eut duré encore bien plus, n'euft efté le
HetVliegen
Eylant. vent qui les chaffa. Pour cefte caufe appellames ce lieu L'ifte des atou -

fhes.
Le 22.avions mauvais temps, le vent de Nort, grands tonneres, & ef
clairs du Sud, & allamesvers Ponant.
Le 23.veimes que les ondes de la part du Sud eftoyent fort grandes,
concluans de là qu'il n'y avoit point de pays au Sud, ou bien que nous en
eftions grandement efloignés : au midy nous trouvames en l'altitude de
15. degrés, 5o. minutes. -
Le 24. le vent foufflant d'Eft; & tomberent quelques ondées de pluye,
dont nous amaffames une quantité d'eau. Veimes auffibeaucoup d'oi
feaux. -

Le 28. fur le midy 15 degrés: continuant le vent d'Eft, allames Oeft


-

quart au Su: de nuict il faifoit coy. -

MAY. Le premier de May, le vent d'Eft fe leua plus fort, noftre cours eftoit,
comme eft dict, Oeft quart au Sud les ondes venans de Sud fe commen
çoyent à coucher.
Le 3. du midy avions la hauteur de 15. degr. fut trouvé que quafi tous
nos gens avoyent recouvré leur fanté, de forte que le Scorbut fembla
eftre chaffé & banny hors du navire : veimes ce jour les cinq ou fix pre
miers Dorados en la mer du Sud, qui eftoyent grands & beaux,& quelques
poiffons volans. A ce midy comtames d'eftre efloignés de la cofte de
Peru 13oo. lieues.
Le 4.5. 6.7. eumes quafi toufiours le mefme vent, tenans auffi la mef
me routc. - - --

Le 8. du matin le Soleil fe leva tres beau, & bien toft apperceumes,


qu'approchions de la terre, par quelques rameaux d'arbres flottans en la
mer.Apres midyle Prefident s'eftant mis à fpeculer dedans la galerie,veit
venir de loing quelque chofe bläche, qu'il ne fçavoit du cómencement bié
conoiftrc
D E I A QV ES L E M A p p r - 139

-- - - --
LA't,
rr

*e-ea--
-----
- -, ... -- *
-- -

-
- --

--

E
#

A. Deux Canoes qui font comme le fondement D. La figure des avirons.


de toute la ftructure. E. Le maftdu Navire.
B. Le plancher. - . F. Les Chables & cordage.
C. Lacahutededans laquelle eftoyent les fem- G. G. L'Antenne.
mes & enfans. H. L'Enfeigne du Cocq.
conoiftre que c'cftoit : en fin c'eftoit un voile ayant la forme d'uncbeza
ne,venant de Sud tout droict à l'encontre de nous : fur quoy les noftres
ayans defchargé un coup de Canon ou deux, pour leur faire caler voile,
S 2 ils
14o - N A v 1 G A T I o N A v s T R A L E
16I6.
ils vouloyent s'enfuir tournansautrepart pour laquelle caufe furent en
MAY.
voyés huict moufquetiers fur la chaloupe pour les attaindre lefquels blef
ferent un de leurs gens en l'efpaule, qui fauta en la mer, & encores 15. ou
16. autres avec luy fe frottans & noirciffans levifage avec des cendres,
comme ceux qui fe preparoyent à la mort, jettans en la mer leurs biens
affavoir beaucoup de petites mattes & quelque peu de poullets ne laiffe
rent fur la navire que les femmes, avec un veillard,qui avoit les cheveux
tous blancs de veilleffe,& un jeune homme, lequelfe cuida fauver enna
geant iufqu'à ce que nous ferions paffés. car tous eftoyent des grands na
geurs.Nos gens les arborderent,& en tirerent quelques uns hors de l'eau,
& les amenerent à noftre bord. C'eftoyent des perfonnes foit jaunes de
couleur, parlans un langage du tout incognu. Nous les feimes bien trai
cter ayans principalement compaffion dés femmes, qui pleuroyent de ce
que leurs maris eftoyent noyés; mais ils furent depuis retrouvés. Sur le
foir nous ramenames les hommes à leur bafteau; lefquels furent les tref
bien venus aux femmes, qui les baiferent en la joue de grande joye.Nous
trouvames chez eux quelques noix de Cocos, & racines de Vbas, & des pe
tites Mantes, & habillemens faicts d'efcorce, dont ils fe couvrent les par
- ties honteufes. Ils beuvoyent l'eaude la mer, mefmes auffi les petits en
fans qui nous fembla fort eftrange. Le Prefident en apres envoya Adrien
claf.& Danielle Maire, avec quelques petites befognes pour en faire pre
fent aux femmes, qui les meirent tout auffi toft autour du col , & fur la
oictrine;& nous donnerent en recompenfe defdits prefens, afin qu'on ne
leur fift point de mal, deux noix de Cocos, & deux petites mattes.Au partir
delàveimes que l'une des femmes fe lamentoit fort amerement, cuidant
avoir perdu fon mari. Ces gens avoyét les cheveux fort noirs, les uns pen
dans, les autres quelque peu entortillés.Les femmesauffi avoyët les che
veux coupés, de forte qu'on ne les euft fceu reconoiftre & difcerner, fi
non par les mammelles.La façon & ftructure de leur navire eftoit bien e
ftrange.car c'eftoit en effect un plancher fur deuxpetites Canoas feparées
l'une de l'autre comme une toife & demie,& furicelles à trauers des gros
baftons& poultres,fur lefquelles eftoit bafti ledict plancher bien ferré &
là deffusune petite logette de mattes, en la quelle eftoyent les femmes &
enfans. ils gouvernoyent le bateau par devant & par derriere avec des
avironsbien efpés & gros.le maft eftoit fur le devant de la navire fiché däs
une barre,avec des gros chables.avoyent une longue antenne à la manie
re de bezanes, & des belles cordesde plufieurs façons , & de diverfe e
ftoffe, & d'abondant une coignée d'une noire pierre detouchc, qu'ils ne
voulurent point vendre : le voile eftoit faict de mattes. Le tout en fom
me fort bien dreffé, & eux bien experimentés en la navigation pour fe
feruir de tous vens comme bons mariniers : mais ils n'ufoyent point de
buffole, navigans à l'incertain. Partans de nous, ils firent leur cours vers
le Sudeft. -

Le 1o. du matin ayans la mer tranquille, & quelque petit vent de Sud
eft, allames à l'Oeft quart au Sud. Lc Prefident dés le jour paffé, s'avoit
imaginé qu'approchions la terre, comme ce jour d'huy * le declara.
car nous defcouvrimes une haute montagne, comme Terrenate au Sud
oeft quart au Sud,7. lieues de nous; cuydans que ce fuft une ifley dreffa
mes noftre cours: mais n'y pouvions arriver de jour. Apres midy le Pre
fident monté au coupet du maft, defcouvrit encore une autre ifle au Sud
de la fufdite. Ces deux ifles l'une grande, & l'autre petite, gifantes Nort
-

& Sud,
-

D E I A Q y E s L E M A 1 R E. 141
& Sul, fe rapportent bien à la defcription de Quirosce qui nous feit efpe I6I6.
rer qu'on trouveroit auffi le refte à l'advenant, & que bien toft verrions " MAY,
la Trre Auftrale ». fur le foir veimes deux voiles, eftimans que ce fuffent
despefcheurs, pour ce que ils allumoyent desfeux de nuict.
Le II. du matin allames au Sud vers l'ifle, avec un vent d'Eft, & paffa
- mes outre un banc de la profondeur de 14. toifes, plein de petites coquil
kes; trouvans par apres 16.20.25 & 26. toifes,& finalement ne trouvames
plus de fond. Auffi vcimes nous deux voiles de pefcheurs ; l'un s'appro
chant tout pres de nous qui nous monftra du poiffon qu'il avoit en fon
bafteau, difant merveilles, fans qu'on le fceuft entendre, ne qu'il voufift
venir à noftre bord jaçoit que nous luy faifions fort bon vifage, & luy
monftrions des Corales. Ne voulant donc approcher, nous avallames un
baril avec une corde, afin qu'il y meit dupoiffon : il le print treftbien, &
apres l'avoir affés regardé, nous attacha à la dite corde deux noix de Co
cos, & un graud poiffonvolant, & s'enfuit avec noftre baiil eftimant, peut
eftre, d'avoir trouvé un grãd threfor pour les cercles de fer dont ledict ba
ril eftoit muni. environ le midy approchafmes l'ifle,à deux traicts de Ca
non, au Nortnortoeft, & repofames à 26 braffe s, ayans le fond fablon
neux & plein de petites coquilles. Deux pefcheurs venans de la haute
mer, qui s'en alloyent plus avant vers une autre ifle diftante environ deux
lieues de cefte cy au Sud, tafchoyent de nous y mener quant & euxs mais
voyant que noftre intention eftoit de nous arrefter fur le lieu, & abordcr
l'ifle prochaine, tous fe meirent autour de nous. La chaloupe eftant en
voyée pour fonder le fond,trouva la profondeur de 15.14 & 12.toifes, eftät
lefond plein de coquilles. nous paffames jufqu'au bout de l'ifle,& y jetta
· mes l'ancre à 25.toifes, les fauvages nous fuyvans de loing d'autant qu'ils
n'ofoyent du commencement venir à noftre bord. finalement y en eut
deux qui apres eftre longtemps invités & priés, fe hazarderent d'entrer
en la cahute. Quoyvoyans tous les autres vindrent fur la navire. lors un
de nos Affiftans fe meit à jouer fur les violons, à quoy ils prindrent grand ·
plaifir fe rians & devifans entre eux. nos matelos, qui font pour la plufpart
des bons drolles,fe prindrent à danferice que feirent auffi pareillement les
, fauvages,lefquels fe demonftroyent joyeux & plaifans outre mefure; fai
fans bien toft grande accointance avec nous. Ce faict leur feimes enten
dre, qu'ils nous apportaffent des noix de Cocos, Bananes,Vbas, Pourceaux,&
Poullets, ou autres biés, & fruicts de la terre, pou*des clous & femblables
marchandifes. Ce qu'ils entendirent affés promirent d'ainfi faire;
difant que toutes ces chofesyeftoyent en abondäcc, & encore plus.Ainfi
s'en allerent à terre, & tout incontinent nous apporterent bien 2oo. noix
de Cocos & en apres nous vindrét aborder fi druz,que ne fçavions ou nous
tourner pour la multitude des gens. ils venoyent vers nous à nage ayant
les Cocos a l'entour du col; &tous eftoyent fi terriblement adonnés au lar
recin, qu'on ne s'en pouvoit garder.ils tafchoyent de arracher les cloux du
navire avec les dcns & ongles,prenoyët les balles des Ganons,tiroyent un
coufteau hors de la main du garçon du cuifinier, de forte qu'il en eut quafi
tous les doigts couppés,& incontinent fe jettoyent avec la proye hors du
bord.qui print un efcritoire d'airain, qui un materas, qui un oreiller, l'autre
une caffaque,les autres mettoyent le nés dans la chābre du Coneftable.En
fomme il nous euft fallu plus de cent yeux pour garder nos hardes. La cha
loupe auffi revenät vers nous dc la terrc,fut * de 12.Canoës, qui o
fterét parforce la fonde auPilote,menaçãs mefme nosgés avec leursAffa
S 3 gaies.
I 42 N A v I G A T I O N AV S T R A L E
1616 . aies. on tira un coup ou deux enimy la troipe de fauffe
MAY. cftonna rien; mais ils s'en fuirent bien toft quand on eut renverfé leu Ca
irainc d'un coup d'arquebuze. C'eftoyent icy des pauvres gens fans Roy,
fans Prince, ou conducteur, veftus de joncs tout à l'entour, comme hu
vages,ayans au lieu de carquans ou chaines d'or un filet autour du col,au
quel eftoit attachée une coquille de limaçon, ou quelque coquille de
perlamour au lieu de medailles : un autre avoit des braffelets de perla
mour au dcffus de la coude, comme les habitans du Cap de bonne Efperance.
L'autreifle cftoit bié habitée, pleine de gens & maifonsnous y veimes fur
le foir beaucoup de petis feux allumés, eftimans par là que chafquun faifoit
fa cuyfine à part. Ces habitans font gens robuftes , & braues de corps,
fans fe couvrir d'accouftremens finon les parties fecrettes; les uns portans
les cheveux rcliés en flocquets, lesautres frifés, les autres coupés & efto
yent tous generalement grands nageurs. Cefte ifle de Cocos eft affiffe en la
hauteur de 16. degrés, 1o. minutes.
Le 12. de matin pleuvoit incontinent vindrent vers nous 35. Canoas
avec des noix de Cocos,fi que ce jour là en changeames pour le moins 75o.
& avec celles d'hier bien 1ooo.fans compter encor grande quantité de
Bananes, & racines d'Vbas : feimes marché avec ces Indiens de cinq noix
de Cocos pour un clou, ou pour deux enfileures de Corales ; à condition
u'ils nous livraflent toufiouts leurs marchandifes, premier que d'eftre
payés ordonnans d'avantage, qu'on feroit le changement & le marché
dcdans la Galerie,& non fur le tillac. Par ce moyen trafiquions avec eux
plus à loifir & paifiblement eux ayant le payement de leurs denrées fau
toyent hors du bord, nageans vers leurs Canoes; & cftoyent fi efchauf
fes pourchanger & troquer avec nous, qu'ils nageoyent par deffoubs les
Canoas, les uns des autres pour approcher noftre navire. Ils nous firent
figne que le Superieur ou Roy du pays nous viendroit veoir, lequel envo
ya pour nous donner un Porceau, un Coq, & une Poulle; dont les pcr
teurs ne voulurent aucune recompenfe.Apres environ une heure le Roy
vint luy mefme, eftant affisdans une Canoe au milieu de fa nobleffe &
deffoubs une matte qui eftoit cftendue à la façon d'une tente, accompa
gné de trente cinq Canoas. Approchant de nous plufieurs cere
: tous
monies il cria trois foix à haute voix, & à la quatrielme ceux de fa
Compagnie firent le mefme pour nous gratifier : nous demonftra grande
- reverencc tantoft fe le frgnt des mains, & tantoftt les mettant fur
fon col: & envoya l'un de fes ferviteurs, qui fembloit avoir quelque Of
fice & autoriré, pour nous faire prefent d'une matte tres fine, & d'un ac
couftrement, comme de Papier. Ledict meffager eftant entré dans la
- Galerie avec la nobleffe, nous leur verfames du vin, & donnames du pain
à manger; dont il firent bien peu de cas. On luy laiffa veoir le pourtraict
de fon Excellence le Prince Maurice, & une peigne, & un miroir, qui luy
agrea fort, mais on luy donna pour la recompenfe de fon prefent une toi
fe de linge, une hache, & deux enfileures de Corales, que l'un de leurs
gens print, & avec ce fe jetta hors du bord, l'allant porter au Roy ; qui
receut lefdits prefens de fort bonne part, & nous en remercia,baiffant la
tefte,& puis les mettant fur fon col, & fur la tefte de fix de fesnobles.Ace
luy qui eftoit fur noftre vaiffeau, donnames un Coufteau, & un Bonnet
rouge : lequel voyant que le trop grand nombre de leurs gens qui efto
yent fur la navire nous fachoit, commanda aux autres de fe retirer, difant
Fanou, & faifant figne de la main, qu'ils s'en allaffent & non feulement les
hommes,
D E I A Q V E S L E M A 1 R E.
---------------

------- -------
T - -----------

A. L'ifle de Cocas. E. Le Navire Concorde, ouils vienent traf


B. L'ifle des Trhs ires . quer.
-

C. La Bataille contre les Indiens.


F. Comment ils fe jettent en la mer ayans
D. Les Canoes dont ils fe favent merveilleuf defrobé quelque chof.
- ment bien aider au fait de la Naviga
tion.

hommes, mais auffi les barques, qui venoyent par trop à la foule nous
- aborder. ils vouloyent nous dire bcaucoup de chofes, que ne pouvions
cntendre:
I44 N A V I G AT I O N AVST R A L E
161 6.
entendre: toutesfois comprimes queleur Roy fe tenoit en l'autre ifle, &
MAY.
que ceftuy eftoit fon fils. D'avantage ils nous faifoyent figne de leuer
l'ancre,& venir vers eux, donnans à entendre, qu'il y avoit bonne provi
fion de Porceaux, Poulles, Bœufs, & Fruicts;mais nous leur declarames
le mieux qu'il eftoit poffible, qu'il nous falloit premierement nous pour
vcoir d'eau. Ainfi ils fe retirerent crians hautement , & nous de fonner
les Tambours & Trompettes, defployans la banderolle de Paix. Ils avo
yent grandement prifé la ceinture du Prefident, la quelle eftoit brodées
& tout ce ou y avoit tant foit peu de fer. Ily en eut un, qui nagea def
foubs la quille du vaiffeau, pour arracher les cloux dont il ne gaigna que
les feftus au doigts. Le Prefident changea contre eux quelques hame
çons: mais firentgrand difficulté pour vendre leur filets. En fomme pour
le faire court, ces gens eftoyent fort pleins de Ceremonies & courtoifies,
voire jufques à fe jetter devant nous à genoux,& nous baifer les pieds.fe
demonftroyent outre mefure cfmerveillés de la grandeur, & admirable
ftructure de noftre vaiffeau. Avoyent le tendon de l'oreille fendu pen
dant quafifur les efpaules avec des taches bleues noiraftes fur le corps,
comme s'ils fuffent bruflés de poudre à Canon. avoyent le poil de diver
fes façons, les mouftaches coupées, le menton rafé, & la barbe deffoubs
-

le menton.. -

Le 13. à l'aube du jour nous furent trouver deux Canoas pour trafiquer
à la mode desjours paffés; & tout auffi toft apres en vindrent bien qua
rante cinq autres avec des Cocos, Bananes, Porceaux, & Poulles, de forte
qu'en deux heures ou environtroquames bien7oo. Cocos, & autres den
rées. En apres veimes venir quelques naffelles, ou Canoas de par derrie
re, cuydans que ce fuft le Roy, qui nous vinft veoir : mais voyans qu'ils
nous alloyent entourer de tous coftés, ayans mauvaife prefomption, fei
mes diligence pour leuer l'ancre, & nous en aller.Le principal voile, que
tous fuyvoient, & qui fembloit avoir le commandement fur les autres,
portoit la figure d'un coq gris & rouge de couleur. Eftans donc eux tous
rangés en ordre de bataille, l'une des Canoas nous vint aborder, criant
terriblement , & jettant furieufement de pierres à l'encontre de nous.
Nous tirannes deux ou trois coups cmmy la troupe, de forte que les uns
furent tués fur la place, les autres fauterent dedans la mer,& fe fauverent
à nage, avec les femmesqui eftoycnt aupres d'eux. Il y avoit environ
1ooo. perfonnes, de façon qu'ils fembloyent avoiramaffé toutes leurs for
ces pour nous accabler. nos gens eftoyent fi furieufement courroucés &
encharnés fur cefte canaille de traitres, qu'ils enrageoycnt pour aller à
terre, afin de les pourfuyvre, & fe vanger de ceft outrage : mais le Prefi-

dent, & le Confeil n'yvoulurentjamais confentir.


Le Superieur ou Latou, (car c'eft ainfi qu'ils appellent leur Roy) nous
venant veoir le jourpaffé,fit prefent à noftre Prefident d'un certain fruict
avec la racine: laquelle il refufa, & la luy feit rendre. mais le jour enfuy.
vant le mefme Latou derechef commanda à fes ferviteurs de l'apporter à
noftre bord, & le prefenter autrefois au Prefident ; & afln d'ofter le
foupçon & donner à cognoiftre qu'il eftoitbon pour manger, il morda
luy mefme dedans ledict fruict, & le fucca. anis bien toft il cracha le
dict fur dehors : ce qui augmenta la fufpicion , craignant qu'il nous
vouluft empoifonner, ou mettre en frenefie. Car on dict qu'il y a
des herbes , qui ont tclle vertu. L'autre ifle qui eftoit environ 1
lieue de nous, fut appellée par nous l'ifle des Trahiftres, pource que
-
la plus
D E I A Q V E S L É M A I R E. I45
la plus grand part de ceux qui nous liverent l'affaut, eftoyent venus 1e16.
de là. -
MAY.

Le 14. il faifoit bruineux & obfcur. Si toft que le Soleil par fes
rayons euft efclairé la face du monde, veimes à l'Oeft une autre ifle
fept lieues de nous, & trente de la precedente , qui gift au mefme pa
rage de Cocos, affavoir à 16. degrés ; & s'eftend felon que nous en pou
vions comprendre, deux lieues en longueur Nort & Sud. Approchans
la cofte ne peumes fouder le fond; car incontinent nous vindrent au de
vant environ 27. petites Canocs, qui voulurent prendre le plomb de
la fonde, & la corde, & eftoyent des larrons pour la vie, fi que pour nous
en depefcher les menaçions de ruer fur eux à coups de pierres. La cha
loupe allant vers le rivage pour fonder, ils cuidoyent l'accabler ; dont
ils eurent occafion de fe repentir tout à l'heure. car nos gens tirans deux
coups de moufquettes en toucherent deux fi vivement, qu'ils tomberent
hors du bord, & s'en allerent au fond, oublians de retourner. Ce que
voyans tous les autres, s'enfuirent vers la terre à grande hafte crians bou,
bou, bou;fans fçavoir que c'eftoit des moufquettes. Quelque peu apres il
vint une Canoe dc la terre pour cercher les morts.orla chaloupe ne trou
va point de fond, finon tout aupres du rivage à 2o. 3o 4o. & 5o. braffes,
eftant le fond mol & pierreux. Nous veimes en cefte ifle beaucoup de
Cocos, & des pctites Cabanes, & les gens courans à travers le pays, & fur
les monts, & oyions les oifeaux chantans gayement. La couleur de la
terre fe monftroit noire à veoir : la façon des gens comme ceux des ifles
fufdites. n'ayans point de cognoiffance de pourceaux, ne de poulles, ou
pour le moins ils n'y eftoyent point. En vain les nommoitnoftre Prefident
VVacka, & omo en leur langage, c'eftoit peine perdue d'en parler de forte
que n'y avons rien fceu recouvrer, que quatre poiffons volans s lefquels
nous avons changé contre eux pour des faifceaux de Corales, quand nous
cftions encor bons amis, & le fuffions demeurés, s'ils n'euffent point ta
fché de noustrahir. Le Prefident pource que nous eftions grandement
defpourveus d'eau, vouloit qu'on approchaft la cofte avec le vaiffeau,&
que par force à coups de Canons on les feit retirer, & puis envoyer la cha
loupe à terre bien montée de gens & de moufquettes pour en querir de
l'eau malgréleurs dens : mais il fut contreroollépar la pluralité des voix.
Or il fit appeller cefte contrée l'ifle de Bon Efpoir : car nous avions tres tous
efperé de nous y rafraifchir, & faire quelque provifion, comme en avions
grand befoing: mais en vain.
Le 15. au midy avions la hauteur de 16. degrés, 12.minutes le vent Sud
eft, & le cours Ceft; quelques uns confcillerent de courrir au Nortoeft,
mais le Prefident nous en deftourna.
Le 17. du matin avions fort beau temps;& fur le midy nous trouvames
outre lés 16 degr. Ce jour le Prefident,pource que l'eau eftoit amoindrie,
meit ordre que chafquun fe contenteroit d'un demy quart d'une pinte de
vin d'Efpagne au defiuner.Dufoir prinfmes un Albicore avec un hameçon
de perlamour : le mcfme jour auffi fut conclu par le Prefident avec le
- -

Confeil de fingler à l'Oeftnortoeft.


Le 18. le Soleil du matin fe monftra clair & beau; tout cc jour eu
mes le vent d'Oeft, & Sudoeft, feimes comte d'cftre pour lors 155o lieues
de la cofte de Peru. Et voyans qu'il ne nous rencontroyent point de
grands flots de nulle part , penfames qu'il y avoit de la terre bien
pres à l'entour de nous, ou pour le moins dcvers le Sud. or allions nous
T toufiours
146 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
16I6.
toufiours Sudoeft quart au Sud; mais le Pilote venant en la Galerie &
MAY.
voyant que le vent fouffloit de Ponant , voulut perfuader au Prefi
dent de changer la courfe, & nous tourner droict au Septentrion : ce
qu'il perfuada bien toft au Patron du vaiffeau, qui defia tournoit le gou
vernail faifant une courte refolution de fuyvre l'advis du Pilote, comme
il auroit fait tout à l'inftant , fi le Prefident ne s'yfuft oppofé, qui luy
confeilla de pourfuyvre la route,qu'on tenoit,jufqu'au midy, afin d'a
vifer mieux à ce qu'il feroit de faire apres avoir fondé la hauteur. ll
defiroit grandement qu'on euft vogué tout droict à l'Oeft , pour
ce qu'il fe imaginoit pour chofe feure , que l'on trouveroit encor du
pays de la 2Nouvelle » Guinea au dict chemin. Son intention avoit efté
d'aller jufqu'à 16oo. lieues, avant que de changer la courfe : ce qui ne
pleut à fes matelots, & à ceux du Confeil. parquoy voyant qu'il ne pou
voit achever fon entreprinfe, & qu'il y avoit apparence que le vent d'a
val ne dureroit guerres (comme auffi fur le foir il fe tourna Sud) advifa
d'aller Nortoeft vers lebout de la neuve Guinea, efperant que par ce
moyen il fatisferoit aux uns & aux autres, & qu'en ce faifant on ne
pourroit faillir de trouver les ifles, qui font au Nort de la Baye à treize
degrés. Le Pilote la deffus repliqua que fuyvant cefte carriere, nous
ne viendrions jamais à la premiere terre ou pointe, ains tout au mi
lieu de Nova Guinea , & par confequent que nous pafferions outre
quelques lieux de trafique. En fomme il fut conclu par advis du
Confeil, de faire le cours vers le Nort jufqu'à douze & onze degrés,
& que on feroit la provifion d'eau au premier pays , & occafion qui fe
prefenteroit. La nuict fuyvante il tomba une grande pluye, qui nous
vint treftbien à propos. car nous en amaffames bien cinq grandes cru
ches d'eau. -

Le 19. du matin il faifoit clair & beau temps, mais coy. apres
difner le vent fe leua de Sud, faifions le cours au Nort, & eftions à
bien pres de 15. degrés. Environ le foir defcouvrimes au Norteft
quart au Nort deux ifles par raifon hautes, environ fix lieues de nous, qui
nous fut une grande joye ; & tirames vers icelles, avec peu de vent,te
nans la courfe de Norteft; & plus à l'Eft fur la nuict, le vent s'eftant tour
né plus au Nort.
Le 2o. du moisveimes ledict pays, qui eftoyt encor bien trois gran
des lieues de nous vers le Nort; & conumes alors clerement que c'eftoy
ent dcux ifles, l'une petite & l'autre grande, en la quelle nous veipnes
monter grande fumée. Tout ce jour il feit beau temps, & le vent de
Nortnorteft, qui nous donna tout le long du jour beaucoup de peine
pour approcher la terrc.
Le 21. nous trouvames encor effloignés bien deux lieues du pays : le
pays eftoit haut, le rivage de fablon blanc, plein de Cocos. Sur le midy
veimes venir plufieurs Canoes des deux ifles de toutes parts, venant de
derriere, & de cofté du navire bien 24.Canoes , chafquune avec trois
hommes, qui menoyent grand bruit pour nous dire la bienvenue.Nous
d'autre part, faifions auffi grand cri, comme eux,& fonnions les trom
pettes. Les Canoes & les gens eftoyent quafi de la mefme façon, comme
ceux du Bon efpoir ; auxquels ils reffembloyent grandement de coleur,
corps, cheveux, & langage, mais ils nous fembloyent à veoir plus fales.
ils ne portoyent rien à vendre , ne venans que pour nous monftrer fa
veur & amitié. Nous leur donnames un peu de Corales, & des vieux
clous
D E I A QV ES LE M A I R F, 147
clous: eux nous rendirent deux ou trois petits poiffons. Ceux cy efto 161 6.
MAY.
yent larrons, comme les autres,rampoyent fut le bord du navire juf
ues au deffoubs de la Galerie, ou eftoit penduc à une corde la chemife
Prefident pour fecher, laquelle ils prindrent.Le Marchand de la Fufte
leur fit figne, qu'ils rendiffent la chemife; mais ils luy ruerent des pierres
à la tefte: luy auffi pour fa revenche fit le mefme. Là deffus un de nos
gens fans avoir commiffion , defchargea un coup de Canon fur les
Canoes & en attaignit quelques uns : car ceux qui eftoyent enhaut
en virent qui feignoyent. ainfi donc eftans tous effrayés , ils s'en
fuirent à grand hafte avec leurs naffelles , jettans la chemife en la
Mer. -

En apres nous vindrent trouver des autres Canoes, aufquels difions,


qu'ils nous apportaffent ou bien des Cocos, ou des autres fruits du pays,
* prefcnt d'une enfileure de Corales à leur Superieur, mais ne fca
vons, fi elle luy a efte donnée. Et pour n'avoir point de fond,envoyames
le Grand Pilote, & le Patron du navire avec la chaloupe, affiftés de huict
moufquettiers pour jetter la fonde; lefquels ne trouverent point de fond
pour ancrer. Quand la chaloupe fe voulut retirer du rivage, ils la vin
drent affailler & environner de toutes parts, demenans leurs Affagaies
autour de la tefte; & l'approcherent de fi pres, qu'ils eftoyent tout fur
le poinct d'affommer nos gens àbeaux coups de baftons. ce qui con
traigna les noftres de tirer parmy la troupe, & defcharger leurs mouf
quettes,& autres pieces. Ainfi en tuerent trois , & prindrent une Ca
noa, dans laquelle eftoyent deux hommes, & un mort, qui pancheoit
en l'eau , ayant les pieds deffoubs une plance dedans la naffelle; les au
tres fautans en la mer. Or cefte nuict pour la grand'faute d'eau, il fut
refolu de fuyvre le Confeil du Prefident, affavoir de fe mettre aupres de
la terre,& d'envoyer la chaloupe au long de la rive pour trouver de l'eau,
& y faire provifion par armes.
Le 22 du matin nous furvint une bouffetade de vent, & de pluye,
qui nous chaffa à la bonne heure contre le milieu de l'ifle. Envoyans la
chaloupe pour fonder le fond, trouva la profondeur de cinquante toifes
ayant le fond de fablon & coquilles, qui nous refiouyt grandement ; &
plus d'autant que veimes une petite riviere venant hors d'une grande
vallée par des arbres jufques en la mer ; qui avoit une fort belle entrée,
fans qu'ony vit point de brifures. Ce qui nous donna le cœur d'ap
procher la terre jufques à la profondeur de 45. toifes. La chaloupe
par un coup de moufquette qui fut defchargé à l'improuveu fut re
doutée par les Indiens , de forte qu'ils fe deporterent de nous atta
quer , ou facher en aucune maniere. Ce jour troquames fix ou fept
cens C'ecos, feimes provifion d'eau , Calabaffes , Patattes , & autres
chofes. il nous * aborder quelques uns, apportans des racines
d' Acona fur leurs teftes avec beaucoup de Ceremonies , baiffant la
tefte , ployant le genou , & la mettant fur leur col, un veillard fai
fant la harangue,& fur la fin d'icelle tous ceux de fa compagnie firent
l'acclamation à haute voix. Ils mafchoyent bien la dite racine, mais fc
gardoyent toutesfois de l'avaller & pource n'en voulumes point avoir.
Nous leur donnames à cognoiftre , qu'ils nous apportaffent des noix
de Cocos, Bananes,Porceaux, & Poulles. ce qu'ils feirent, & les change
rent pour des cloux & Corales. Les premiers Porceaux, qui nous fu
rent apportés, cftoyent à demy roftis & à demy cruds, ayant la tefte
S 2 - CIT1QO
148 NAV I G AT I O N AVST R A L E
161 6.
encor toute fanglante. ils en avoyent tiré les boyaux dehors , & remis
MAY.
au lieu d'iceux des pierres embrafées & remply d'herbes : ce qu'ils fai
foyent, pour les roftir auffi par dedans. On voyoit beaucoup dc por
ceaux courir fur la terre, qui nous feit penfer, qu'ils en mangeoyent jour
nellement. quant aux premiers qui nous furent apportés , cftions en
doubte fi le Superieur nous les avoit envoyé pour prefent, oupoint; tou
tesfois nous en payionsun coufteau, des petits fifeaux, & quelques cora
les le troifiefme nous fut envoyé vif, & par raifon grand, par la main de
deux vieillards, venäs avec ledict porceau vers noftre vaiffeau touts feuls
en une Canoa, du lieu ou eftoit le Belay, c'eft à dire le fiege de leur Roy.
Ils le haufferent & le nous firent vcoir de loing, & le lierent tout auffi
toft à une corde, que nous avallames de la galerie. ainfi le tirafmes dans
le navire felon le ftile qu'avions tenu tout ce jour, fans permettre que
aucun d'eux n'entraft au vaiffeau. Nous troquames auffi contre eux fix
grans poiffons volans ; mais bien cher. car ils ne les voulurent donner,
que pour un clou, ou une enfileure de Corales la piece. plus eumes en
cor une Corcobade pour un grand clou. Ainfi traitions fort amiablement
& paifiblement enfemble : mefmes ils fe fioyent de nous jufqu'à nous
livrer feurement toutes leurs denrées ; & ne tafchoyent point de nous
voler la moindre chofe du Monde. Mefmement en figne de plus grande
faveur & accointance,vint vers nous une petite barque avec des femmes
pour veoir le navire, & les images de la Galerie : Dont demonftroyent
fort grande admiration; touchoyent du doigt à la poix du vaiffeau, & la
flerroyent avec bon contentement, felon qu'il fembloit à veoir. Nous
auffi nous meimes à jouer fur les violons, & à fonner des trompettes, qui
les rendit encor plus eftonnées. En outre ceux de la chaloupe que avions
envoyés vers la terre pour fonder, rapporterent qu'il y avoit un beau
golfe & beau fond pour ancrer, quafi comme fi c'euft efté un haure, au
pres d'un petit fleuve, & fi pres de la terre, qu'on pourroit mcfmes a
vec le vaiffeau garantir au befoing lesgens pour en tirer de l'eau par
voye d'armes. Cefte avanture pleut fi fort au Patron du navire, qu'il di
foit icy eftre la vraye Terre Auftrale , voyant qu'avions trouvé une rivie
re d'eau douce,veu plufieurs porcs fur la terre,& beaucoup d'autres cho
fes. mefmesil propofa d'yvouloir fejourner l'éfpace de cinq fepmaines,
& retirer la chaloupe dedans le vaiffeau.
Le 23.guindames le vaiffeau fur la rive dedans l'encoigneure fufdi
te, aupres du lieu du quel faifions eftat de prendre noftre provifion
d'eau. Les gens du pays s'affembloyent en grand nombre aupres du
Belay, ou y avoit environ cinq cens perfonnes avec des baguettes pour
confulter enfemble , comme il eft à croire. Les femmes & enfans fe
ruoyent à la foule dedans les Canoas pour nousvenir veoir. Ceux
des autres villages venoyent portans des rameaux d'arbres, avec des
petites banieres blanches en figne de paix. Lcs autres pour nous faire
lionneur courboyent la tefte quafi entre les deux genoux. Ceux qui a
voyent cfté à noftrc bord venants à terre furent tout auffi toft environnés
par les autres pour entendre les merveilles, qu'ils avoyent veu au ba
fteau. Nous recouvrimes ce jour bicn 6oo. noix de Cocos. Sur le foir il
vint unvieillard tout gris nous prefenter quatre petites corbeilles de Co
cos fans efcorces de par le Superieur, fans qu'il en vouluft prendre aucu
ne recompenfe. Ilnous invita de venir à terre,fur quoy luyfaifions figne,-

que ne le ferions pas, fans avoir quelques uns en hoftage.


Le 24
D E I A Q v E S L E M A I R E. I49
16I 3,
Le 24. du matin fuyvant ce que le jour pafié leur avions fignifié tou MAY.
chant les hoftages, s'en allerent à terre Adrien Claf. , & René Simonfon
avec le jeune gardien de la Cahute. Eux d'autre cofté nous envoye
rent auffi en hoftage quatre perfonnes, qui fembloyent à veoir des gens
de qualité & furent accompagnés jufqu'au vaiffeau par deux jeunes hom
mes leurs fils les plus beaux les plus gentils, les plus gallards de contenan
ce,de çhcveux, d'yeux, de corps, & de membres,qu'on cuft fceu dcfirer;
lefquels nous receumes & traictames honeftement en la Cahute. Les
noftres cependant prenoyent avec eux quelques petites brouilleries pour
en faire des prefens, comne des Corales, dcs petits miroirs , une enfi
leufe de verre, & un bonnet rouge. Ils eftoyent grandement convoi
teux de la chemife du fufdit Adrien, laquelle eftoit fort blanche: de for
te qu'il envoya querir une chemife fur la nef Le Prefident en envoya une
des fiennes, avec deux couftcaux, & deux grandes clochettes.Venät donc
le CommisAdrien Clef. à terre,il fut le treftbienvenu , & receu fort ho
norablement mefmes par le Roy, lequel s'enclina devant luy, & demou
ra quafi l'efpace dc demy heure les mains jointes, & la face enclinée vers
la terre, eftant affis à la façon des Indiens tout perplex, & continua en la
mefme forte jufqués à ce que noftre Commis Adrien eut auffi commencé
à faire les mefmes ceremonies & en le redreffant il luy baifa les pieds &
les mains. Vn autre homme de grande qualité, qui cftoyt affis aupres du
dict Roy, n'en feitpas moins, pleurant & brayant comme un Enfant,vou
lant dire & monftrer beaucoup de chofes,mettant le pied de Adrien Clef.
fur fon col ; lequel il feit affeoir fur une petite matte, & luy mefme fur la
terre, s'humiliant devant luy comme un Ver. Luy faifant nos prefens il
les receut tres volontiers, difant Avvoo, Avvoo: & nous envoya pour re
compenfe trois ou quatre cochons nous donna auffi licence de faire pro
vifion d'eau, envoyant pour noftre defenfe fes ferviteu rs.lefquels batirent
tresbien ceux qui nous vouloyent empefcher, de forte que remplimes cinq
efquifons d'eau.Le Prefident cependant entretenoit les Oftages, qui de
fia euffent bien voulu eftre relafchés au jeu des violons, & citres, & dan
fes,& à efcrire quelques paroles de leur langage. .
Cependant nous furent veoir, & troquer pluficurs fortes de denrées
environ quarante Canoas remplies defemmes & enfans, que c'eftoit un
plaifir de les veoir. Il y en eut un qui vint ramper dans le chambre,&
nous emporta un braquemard, s'enfuyanr fi vifte, qu'il nous fut impoffi
ble de le rattaindre. mais ce larrecin ne luy profita guerres : car il ne fut
pas fi toft arrivé à terre, que le Roy ne luy fift ofter , & à nous ren
voyer ledict braquemard. Les ferviteurs qui le nous rendoyent, fi
rent fignc au haftereau , comme voulans dire, que fi le Herico (qui eft le
Roy) euft cognu le larron, qu'il luy auroit faict trencher la tefte. Le
Roy fe monftra defireux d'ouyr quelque coup de Canon, mais fi toft
qu'il fut defchargé oyant le bruict fi terrible , il en fut fi tres fort
efpouvanté, qu'il fe vouloit mettre à fuir, fi nos hoftages ne luy euf
fent monftré, qu'il n'y avôit point de danger. Ce jour la penfion
fut augmentée ; fur le midy furent relafchés les hoftages de cofté &
d'autre
Lc 25. faifant beau temps & plaifant, du matin fe feirent mettre à
terre Adrien Claf., Daniel le 7taire , & Claes Ianf. Le Prefident fit
envoycr au Latou un prefent d'un baffin de cuyvre , & un tas de
Corales blancs, & un peu de femence de Raifort : qui luy fut trcs
-

T3 agrea
L G A T I O N AV ST R A L E

A. Deux Roys, qui fe rencontrent & fe font la E. Les Cabanes & logemen; couverts de fueil
reverence entre eux avec des Ceremonies les.
-

bieneftranges. F. C'éft laperfonne du Roycouronné


B. Les mefmes Roys, eftans affs dffubs le Belay G. Ceux de lanobleffe, & comment ils ont les
l'un aupres de l'autre. cheveux entortilleés.
C. Nos Trompettes & Tambourins. H. Comment les femmes ont les cheveux cos
D. Ce font icy des payfans, qui font du breuva pés.
ge, d'uneforte d'herbes, laquelle ils ma- I. K Les habitansdel'fle.
fhent premierement & puis en preffirent L. Des arbres de Cocos.
le fuc.
agreable.
D E I A Q y E S L E M A I R E. 15 I
agreable. La barque fut envoyée pour pefcher, & ne prindrent que bien 16I3.
MAY.
peu de poiffons. on nous prefenta encor à vendre plufieurs Cocos, mais
en avions tout noftre faoul. Il vindrent vers nous quelquesgrands ruftres
de la part du Roy, qui nousfembloyent eftre des Sergeans , & avoyent
grande autoritépar deffus les autres, mais nous ne les tinfmes point en
hoftage, car ils fe fioyent entierement de nous, & nous de eux. En apres
y eut un veillard qui nous vint faire prefent d'un beau coshon,ufant des
plus grandes reverences & * du Monde; & eut de nous en re
compenfe de ce don un Coufteau, un Clou, & quelques Corales, dont fe
monftra eftre fort bien content. Il y en eut encor trois ou quatre de la
nobleffe, qui nous vindrentveoir portans en leurs mains des rameaux,
avec des petites banieres de paix, ayans pendu a l'entour du col des
fueilles vertes de Cocos lefquels pour faire la reverence au Prcfident baif
ferent leur face contre la quille de la nef, mettant les mains jointes en
fon fein, & luy baifant les pieds fans ofer leuer la tefte de longtemps.On
leur fit prefent de quelques chofes, & leur monftra on des Horologes,
Clochettes, Miroirs, Piftoles, mais fur tout ils veirent volontiers les dcns
des Elefans. Aprcs midy retournerent à terre, & porterent au Roy un
prefent d'un cueillier d'eftain, qui fut rccompenfé d'un bon gros porceau
& d'un certain oifeau reffemblant à un pigeon,du quel ils font grand cas.
nous luy renvoyames derechefune chainette de verre, un tas de Corales,
& un petit marteau. - -

- Le 26. du matin le Prcfident, & Adrien Claf. prenans avec eux un


Trompette, fe feirent mettre à terre , pour faire prefent au Roy d'un
Miroir en forme de globe, quelques Corales,& du filet d'or, & dc fpe
guille. Ledict Roy pour nous faire la réverence, fe profterna fur le bord
de la mer, le vifage contre terre, les mains jointes , comme les Turcs
quand ils prient. Nous auffi d'autrepart luy feimes honneur, & allames
par enfemble deffoubs le Belay pour la pluye; ou ilvoulut que nous fuf
fions affis fur la matte, luymefme fe tenant de cofté, comme n'eftant pas
digne d'un tclhonneur. Le Prefident fit fonner les trompettes , dont ils
furent non moins refiouys, que efmerveillés, difans Avvo, Avvo. aucuns
en cftoyent du commencement effrayés, pour le grand bruict que les
trompettes faifoyent. LeRoy nous feit apporter une petite corbeille avec
des noix de Cocos,lefquels ayant mis fur fon haftereau, fe courba jufqu'à
la terre, puis les meit devant fes pieds pour manger, comme il feit. En
apres cyvint le Viceroy, ayant tourné la face vers nous , fans fonner
mot, les mains ioinctes, que par apres il relafcha, les laiffant pendre aux
coftés; il s'en alla premierement de cofté, & puis à revers, difant quel
ques paroles avec grande autorité, puis fauta en haut venant tombcr fur
fon cul, & ployant les jambes à la façon des parmentiers ; ce qu'il fit fur
les pierres. ou eftant affis, feitune harangue, tenant merveilleufement
fa gravité, fans regarder les Auditeurs, mais tournant feulement les yeux
ou vers le cicl enhaut, ou vers la terre. Ce faict commencerent à man
ger de Limons, & d'un certain fruict infipide, ayant par dehors plufieurs
rides, comme les pommes de Pin. A chafcun en fut fervy un fur une
fueille par les ferviteurs.Apres manger ils beurent le breuvage de la ra
cine Aconas c'eft affavoir le fuc d'icelle : car ayant maché une bonnc
quantité defditesracines, ils fe lavent premierement les mains, puis y
verfent de l'eau deffus, & prenans quelque peu d'eftoupes, le paffent
par cela comme par un tanis , & cn donnent à chafquun dans une
--

fueille,
I 52 N A V I G A T I O N AV S T R A L E
1 6 1 6.
MA Y.
fueille, qu'ils tournent à la façon d'une poivrade. Le Prefident donnant
au Roy le miroir fpherique, luy demonftra en 1celuy la figure duSoleil
& de la Lune, lefquels font auffi ronds & luyfants , confeillant qu'ils le
pendiffent au fommier du Belay; ce qu'ils firent. Ce jourauffi furent prins
de nos gens deux poiffons bien eftranges, fort gros de corps & de tefte,
ayans fur la peau des taches, comme les Efpreviers , les yeux tousblancs,
deux grandes ailes de la longueur de la queue d'une Raye; & cntre deux
avoyent la qucue fort deliée. & cftoyent quafi de la forme des Chau -

vcfourris.
Ainfi donc eftans affis noftre Prefident, & Adrien Claf. aupres de
Roys, leur fut demonftrégrand honneur & reverence, voire jufques là
que lefdits Roys prindrent leurs courronnes, & les meirent fur les teftes
de nos deux Commis les courennans Roy, & Viceroy de l'ifle, comme
par une recompenfe fatale de leurs grands travaux, foin , & diligence,
qu'ils avoyent mis à l'entreprife & execution d'une telle & fi penible na
vigation. Ces couronnes eftoyent faites de quelques plumes longues &
blanches, eftans par en haut & en bas embellies de quelques petites plu
mes rouges & vertes de Perroquets, & pigeons, qu'ils tienent en grande
eftime.car tous les Confeillers fe trouvans pres le Roy portent un pigeon
fur une verge; comme par cy devant la nobleffe d'Europe fouloyent por
ter les faucons fur la main en aucunes provinces. or ledict pigeon eft
blanc depuis la tefte jufqu'aux ailes, le refte noir, finon que le ventre eft
coulouré de plumes rouges. Or durant que les uns eftoyent empefchés
avec les Roys, les autres faifoyent provifion d'eau pour le voyage ad
- -

Ven1I*.

Le 27. derechefquelques uns de nos gens fe firent mettre à terre avec


les Trompettes, pour faire prefent au Roy de quelques veffies, prenans
quant & eux plufieurs fortes de marchandifes , foubs efpoir d'achepter
quelque Porceaux: mais ils ne voulurent rien vendre, ny donncr, d'au
tant qu'ils en avoyent eux mefmes grand befoin , & euffent bien defiré,
que nous mefmes leur euffionsapporté desvivres hors de la navire. Sur
le foir ayant prins quelques poiflons en fimes prefent au Roy d'une par
tie, qui les receut tres volontiers, & les mangea à l'inftant tous cruds,te
fte & queue, tripes & boyaux à bon appetit. Nos gens danfoyent avec
eux à la lueur de la Bcllc, chantans & jouans des inftrumens ; eux auffi
jouans fur leur tambour danfoyent à leur mode, qui fut une chofe tres
plaifante à veoir. D'avantage Adrien Clafz. avec Claes Ianf. fe meirent à
cfcrimer des efpees dont ils s'efmerveillerent bien fort.
Le 28.eumes encor deux porceaux du Roy & du Viceroy, mais il nous
convint les payerplus cher: les matelots cependantfaifoyent leur devoir
de querir de l'eau. Ce mefme jourvint le Latou de l'autre ifle vifiter le
Roy, pour entendre quelles gens nous eftions.Ceftuy cy avoit plus gran
de fuite, & fembloit avoir plus d'autorité & magnificence, encor que ce
ne eftoit que le fils du Roy. il fut grandement honoré par le noftre , de
forte que le Marchand Adrien Claf. s'en voulut aller, n'euft eftéque le
Roy l'encouragea pour demourer avec eux à manger. Apres difner à la
requcfte defdits Roys le Prefident alla luy mefmes à terre, avee fa Pifto
le, & fon harquebuze pour les leur-monftrer. Incontinent apres on fit
l'apprefte pour manger, & furent apportées tant de racines d'Acona, qu'il
y en avoit quafi affés pour faire un boulevart a l'entour de nous. il fem
ble que ceft la maniere d'ainfi buenvueiller les Roys.Ils opporterent auffi
des
D E I A Q V E S L E M A I R E. 153
des ouf roftis & des coco,rompirent tous les Aconas en pieces, & en fi- 1616.
le rent leurbruvage, qu'ils humerent tout dehors. En apres le Latou fe re- MaY.
tirasdequoy nous fumes refiouys, car il nous fembloit d'eftre plus feurs en
-

- fon abfence. -

Le 29. nos gens travailloyent continuellement à querir de l'eaule Pre


fident fe fit
mettre à terre, pour veoir les montagnes & l'affiete du pays
-
. au dedans d'icelles. Au chemin trouvames le frere du Roy tout feul affis,
comme s'il nous euft attendu; lequel nous convoya, & voulut nous me
ner plus avant dedans le pays; mais nousne ofions y entrer, fachans qu'ils
fe font fouvent laguerre l'un à l'autre.Montant par les montagnes le
:
Viceroy auffi nous vint fuyvre, & nous conduiferent ainfi à noftre grand
contentement ces deux au droict chemin , aux fontaines & fources
d'eau à nous incognues : delà nous ramenerent fur le rivage. or ayans
-
grand foifen chemin, le Viceroy mit un nœud a l'entour de la gambe,pour
fe tenir plus ferme, & monta plusvifte qu'un chat fur un arbre, & nous
en cueillit des noix de Cocos : lefquelles il fceut ouvrir fans peine & fort
-
artificiellement : & nous eftans affis en un bel endroict du bofcage
en beumes avec fibon appetit, que jamais. En outre nous veimes de ce
lieuicy une autre ifle prochaine, contre la quelle ils prierent le Prefident
de vouloir defcharger un traict de piftole, pour les braver & des fier. car
c'eftoyent leurs ennemis, qui venoyent aucunesfois fe cacher aux ca
vernes des montagnes,& mettre le feu aux arbres.Defcendans des mon
tagnes nous vindrent recontrer les femmes, qu'ils firent danfer en noftre
prefence, & voyans qu'il eftoit temps de difner, prinfmes le Viceroy avec
nous au bafteau, lequel fut fort curieux de veoir toutes chofes, en haut &
en bas, devant & derriere, voire il monta au coupet du maft, & *
rien qu'il ne vifitafort foigneufement. Eftans à table dimes que avions
de l'eau affés, mais que nous euffions bien voulu avoir encor" dix por
ceaux, Cocos, & racines d'Vbas, & quelques petites mattes ; ce que ayant
recouvré noftre intention feroit de partir de là en deux jours. Luy oyant
cefte bonne nouvelle s'alla mettre dans la galerie, & annoncer à gran
cri àfes gens ce que nous venions de dire; d'autant qu'ils avoyent crain
cte, que nous deuffions manger toute leur viandc. Car ils n'en avoyent
que bien peu.
Cependant que ceftuyci fut empefché à vifiter tout noftre bagage, le
Roy vint en perfonne avec fa nobleffe nous apporter un porc & une Cor
beille de Cocos. Ce qu'il prefenta au Prefident le mettant fur fon col, &
fe profternant devant luy en terre, comme s'ill'eut adoré. Eftant leué, le
" Prefident le feit affcoir fur un couffin. Lors il commanda à fes gens de
guinder en haut ledict Prefident, & Adrien Claf. jufqu'aux efpaules,&
les tenirun temps en cefte façon, jufqu'à ce que le Roy commanda de les
mettre jus avec grandes folennités & reverences. - il femble qu'ils ont
couftume d'ainfifaire amitié & honneur aux grands Seigneurs. Le Prefi
dét le mena en fon cabinet,& luy monftra unMiroir, dãs lequel il n'ofa re
garder,luy fit prefent d'uneClochette, de deux coufteaux,& de quelques
autres brouilleries. de là fut mené dedans,& au plus profond du navire,
ou il veit tous les canons, qui eftoyent 3o. en nombre,lefquelsil honnora;
puis en la grande chambre, ou il veit tous les vaiffeaux d'eau,les ancres, &
la charge : finalement au cabinet du Coneftable voyant les inftrumens,
dcquoy le Prefident difoit, qu'il fçavoit faire le tonnere & l'efclair :
en outre luy monftra la buffole , & la pompc , dont il refta grandement
-

V efmer
154 N A v I G A T I O N A V ST R A L E
16
MAY.
efmerveillé. Apres avoir veu toutes chofes, fut mené à terre avec le
Prefident, lequel il revera comme un Dieu.or furent ils portés eux deux
- de l'efquifjufqu'au Belay, foubs lequel ils s'affirent pendant que nous e
ftions mangeans & beuvans. En apres le Prefident fe meit à proumener
avec le Viceroy, pour veoir le pays, les habitans, & leurs maifons & trou
va les payfans d'un village qui eftoit un peu plus outre, avec les femmes &
filles dancer avec nos matelots bien joyeux. Sur le foir tous nos gens re
tournerent à bord & quelques uns fe mirent à pefcher à la lueur de la
Lune. ayant prins une quantité de poiffons, s'en allerent vers le Roy, qui
eftoit en la compagnie de quelques jeunesfilles , dançants toutes nues
devant luy au fon d'un inftrument faict en façon quafi d'une pompe ; ce
qui nous fembla chofe bien rare & eftrange, de veoir que un peuple fi
barbare euft tant d'efprit de pouvoir obferuer la cadence & jouer des in
ftrumens. Ce temps pendant les noftres, qui ne vouloyent aucunement
fuyr la lice demenoyent grande joye en la prefence du Roy ; lequel y
print fi grand plaifir, & tant en ria,& leur frappa en la main, que c'eftoit
merveille. Mais la malaventure voulut, que durant cefte lieffe, les ha
bitans nous ofterent fix ou fept poiffons; ce que nous fimes entendre au
Roy; lequel s'en altera grandemenr, & en fit tout incontinent la recer
che, & frapa deux de fes fubjets fi cruellement,qu'il les euft quafi tués.
or ils mangerent derechef le poiffon tout crud.
Le 3o.du matin au defiuner nous vint aborder une Canoa, faifant pre
fentau General de deux Porceaux,& un peu de Cocos de la part du Latou
lefquels ayant receu dans noftre vaiffeau, ils mangerent de nos poiffons
de fi bon appetit & fi joyeux, comme s'ils euffent efté en un banquet. ce
leur eftoit une friandife, car autrement ils les mangent crus. Au partir
nous leur donnames à chafquun un clou en fouvenance de nous. Dere
chefapres cela nousfurent apportés beaucoup de fruicts; car le Roy avoit
commandé à tous payfans d'apporter quelque chofe de nouveau avant
noftre depart. Sur le mid drien Claf. & Daniel le c71aire » invite
rent le Viceroy à difner à la portion; lequel eftant chés nous, le traitames
magnifiquement. Incontinent apres veimes le Roy de l'autreifle voifine,
avec toute fa nobleffe, & leurs femmes, veftus de fines mattes , qui ve
noyent en des Canoas avec beaucoup de fruicts vers noftre ifle. Les deux
Roys fe faluerent avec des Ceremonies ridicules ; car ils fe couchoyent
avec la face, & les mains contre terre, & tantoft dcvers la nef, & tantoft
derechefdevers la riviere à la fin s'affirent l'un aupres de l'autre, chantans
leur Adoua. Or c'eftoit icy le grand orankay , ou Superieur des deux
ifles. Le Prefident eftant venu à terre pour veoir leurs Ceremonies &
contenances, fut mis aupres d'eux fur une petite matte ; ou il s'affeit &
meit le feu dedans la poudre, & alluma fa meche la donnant à Nicolas
Ianf. pour defcharger un coup de fa piftole, qui les eftonna bien fort:ils
requirent qu'on tiraft aux noix de Cocos; qui fut fait tout à l'heure : mais
c'cftoit le beau du jeu, quand nous dcfchargeames un de nos petits ca
nons fur la montagne; car tous en eftoyent fi fort effrayés que defia ils
prenoyent la fuite. Apres ils nous firent prefent par leurs Arikis de
neuf porceaux , ufans de leurs ceremonies accouftumées. nous leur
donnames pour la recompenfe d'un telprefent des Corales, une coignée,
deux coufteaux, des baffins, & anneaux de cuyvrc. le tout fut diftribué
à ceux qui nous avoyent livré les porceaux Or cependant le temps eftant
venu pour manger, ils meirent devant les Roys, & les nobles & genti.
- femmes
D E I A Q V E S L E M A I R E. 155
1616.
femmes premierement des Aconas, & des fruicts, & quelques porceaux MAr.
roftis, farcis d'herbes, deforte qu'ily avoit bien à manger pour 5oo. pcr
fonnes, qui eftoyent affis a l'entour de nous : Nous en eumes auffi noftre
portion. Or voicy la maniere qu'ils tencyent au lieu de cuyfiner la vian
de: ils machoyent les herbes bien menues, eftant machées les meirent en
un grandbac de bois, & avec de l'eau lesmefflerent, & peftrirent,& eftant
* par les eftoupes en donnerent à boire au Roy, & à fa nobleffe. on
y mangea beaucoup de racines d'Vbas, & feize porceaux roftis, qui e
ftoyentfivilemement accouftrés, que c'eftoit une horreur à veoir. Du
rant le feftin nos Trompettes,& Tambourins fonnoyent pour recreer la
Compagnie, qui eftoit environ de neufcens perfonnes.
Le 31. de bon matin eftions empefchésà leuer les ancres. Apres def
juner les deux Roys vindrent à noftre bord, & nous apporterent un pre
fent de fix porceaux & les matelots changercnt plufieurs oufjs, Bananes,
& Cocos, fi que chafcun eut fept Coros pour fa part. Le Latou confeilla au
grand Roy d'aller veoir le Navire, mais il n'ofa. A lors noftre Prefident
le print par la main, & le mena en la Cahute, luy faifant veoir là le pour
traict deSon Excellence armé, difant que'c'eftoit noftre Ariki : d'avanta
ge auffiun miroir,& des clochettes, & la Mappemonde , luy monftrant
en icelle au doigt la fituation de noftre pays, & du fien; ce qu'il fembloit
comprendre aucunement. Puis il feit verfer à chafcun d'eux un goube
lee de vin t de làil les mena en la Galerie; & finalement par toute la nef
& derechef leur furent faicts des prefens de Corales, un Coufteau, une
peigne,& quelque clous & d'abondant à chafcun des nobles en particu-
lier un clou. Entre lefquels y eut un qui happa un vibrequin : quoy voy
ant le Roy, luy donna tant de coups fur fa caboche, qu'il luy convint fau
-
ter hors du bordpour fe fauver de fes mains.
Bien toft apres le Prefident avec Adrien Claf. fe meirent à terre, & s'en
allerent lauer dedans la riviere : puis vindrent trouver les Roys pour
les remercier, & dire Adieu. Eux firent tout à l'iftant eftendre des
mattes pour nous affeoir, & entendans que noftre intention eftoit de
faire voile tout à l'heure, ils nous donnerent encore quelques prefens,
& nous à eux : fi nous conduirent jufqu'à la rive , ou nous prinfmos
congé d'eux. Ainfi allames plus outre. Ces gens cyviuent miferable
ment en des petites logettes au long de la cofte , d'environ vingt cinq
pieds en la rondeur, & douze, ou encore moins de hauteur : les huis
eftans fi bas, qu'il fe faut courber pour y entrer , n'ayans point de me
nafge , que un peu d'herbe feche pour coucher deffus, & aucuns une
verge à pefcher, ou un bafton. car le Roy mefme n'avoit rien autre
en fa logette. Ils font grands & robuftes de corps ; car quand nous al
lions à grand' peine par les montagnes, eftant mattés du chemin tref
difficile, le Viceroy fe feit fort de porter le Prefident en bas fur fes e
fpaules, nous autres ayans prou à faire de nous porter nous mefmes.
ils font jaunes, noiraftres de couleur, & fe plaifent notamment en la
cheveleure, que les uns relient , les autres frifent , & les autres l'en
tortillent, les autres le dreffent contre mont, chafquun àfa mode, &
à qui mieux. Les femmes eftoyent laides, les mammelles pendans juf
qu'au ventre, fans loy ou reverence, fort impudiques, outrepaffans les
limites d'honnefteté à chafque moment, En fin ils font fans reli
gion, comme des beftes brutes, & n'ont point pour tout de cognoif
fance de la marchandife; vivent comme les gens du premier monde,
-

V 2, fans
--
- ------
----- --------

- Hoornfe - Ejlandt
Ifle de Ifle

- -- -- .
A. Le portde Concorde. . - vifion d'eau. . -" '
B. L'endroit ou nous feimes noftre provi- .. C. Le Belay. . : , :-
--
-

- l - -- " * - - --

fans travailler, ayans pour viande les fruicts des arbres , & les poiffons
tous cruds. Le Prefident fit appeller ces ifles à l'honneur de la ville de
Horne, ifles de Horne ; & le golfe ou nous repofions à 14 degrés, 56.mi
nutes àl'honneur de noftre vaiffeau, le golfe de Concorde. Or nous perdi
mes icy une ancre,& feimes voile par un vent d'Eft,& Eftnorteft , cour
rans Nort, & Nort quart à l'Oeft. : . ..
- -
-

Le pre
-
D E I A Q v E S L E M A I R E. 157

Le premier de Iuin du matin les ifles de Horne eftoyent au Sudfudeft 16I6,


IuIN.
de nous, & avions fur le midy la hauteur de 13. degrés, 4o. minutes.
Le 2. du matin le Soleil fe levant tresclair, nous avions le vent à l'Eft,
allans Nort quart à l'Oeft : fur le midy nous trouvames la hauteur de
n2: degrés, fans appercevoir aucun pays. L'opinion du Prefident tou
chant les ifles de Bon efpoir & de Herne » cftoit, que ce font les mefmes
qu'on nomme les ifles de Salomon; certes elles fe rapporterent bien au di
re de Quiros, & ne faut point doubter, qu'il ne foit icy bien pres la Terre
Auftrale». Ce jous ne veimes point d'oifeaux , finon une petite Mou
-

Le 3. pourfuyvimes la mefmcroute, ayans le mefme vent, fans defcou


vrir la terre, encor que les cAlbecores fe commençaffent à monftrer.
Noftre Patron de navire faifoit compte, qui nous eftions defia bien loing
derriere la nova Guinea, mais le General tenoit le eontrarie. Sur le midy
avions la hauteur de 12: degrés.
Le 6. continuant encor le beau temps, le vent à l'Eft, & le cours Nort
oeft, ne veimes encores point de pays. Le Prefident venant à difcourir
avec les Patron & Pilote, tenoit que nous eftions plus avant à l'Oeft, que
n'euffions penfé, & que par ainfi irions toufiours à l'incertain, fans trou
le bout de 2Nova Guinea. Parquoy fut refolu d'un commun accord de
faire voile vers le Nort jufques à ce que euffions cognu pour certain en
quel endroict du monde nous eftions. Ainfi donc environ le defiuner
tournames vers le Nort, & au difner avions l'altitude 11. degrés.
Le 12. du matin faifoit bruineux : fur le midy nous trouvames à 3.de
grés, 46. minutes. Au foir fut refolu par tous ceux du Confeil, avec les
Pilotes, de faire noftre cours à l'Oeft pour advancer le voyage.
-- Le 1 s. du matin,cours, & vent que deffus, l'eau fe monftrant de cou
leur belle & azurine, avions des grands flots de Sudeft, de forte que n'e
ftions pas encor à l'abry de la pointe de 2Nova Guinea, comme avions
v, - - - _ - - -
-

penfé d'eftre à l'Oeft d'icelle. Sur le" midy


-
.
nous trouvames fur, la hau
- - ' , .
teur de 4 degrés. l : . :: . '

* Le 18. eftant le vent au Nort, & le cours à l'Oeft, prinfmes un Bonit,


veimes plufieurs oifeaux & poiffons , eftans fur le midy à 4: de
-
-
t'eS , - - -
-

* Le 2o. du foir le Pilote tout joyeux nous dict , qu'il veoyoit la terre
vers le Sud, ayant des grandes collines & montagnes. Elle eftoit gifante
au deffus de s. degrés. ainfii laiffames paffer la nuict fans voiles, pour ne
-
--

courir à l'improuveu fur la riue.


Le 21. rehauffames nos voiles, & veimes que la terre eftoit fort baffet
en apres veimes encore des autres ifles, grandes & petites jufqu'à fix en
nombre, toutes fort baffes, & pleines d'arbres. Mais lesayans approchés
de plus pres veimes clerement, que c'eftoit tout le mefme pays, qui fe
continue par une baffe cofte. Il y avoit illec un gravier allant bien a
vant en la mervers le Nort, & Nortoeft: ou fe voyoient des grandes bri
fures. lequel ayans paffé vers le Nort, nous vindrent incontinent deux
Canoas à bord, qui nous refiouyrent grandement foubs efpoir d'enten
dre d'eux, ou nous eftions. Il y avoit dedans l'une de ces Canoas quatre
hommes, & fix en l'autre, tous armés d'arcs & fleches. Nous leur donna
mes quelques Corales , & fruicts , faifans figne qu'ils les livraffent au
Superieur & Prince du Pays : euffions bien voulu qu'ils fuffent entrés en
noftre vaiffcau, mais ils fembloyent avoir peur de nous. Ceux cy eftoyent
- -
V3 plus
158 N A VI G A T I O N AV S T R A L E
I6I6 . plus bruns, & noirs, que ceux de l'Ifle de Horne ; & avoyent les mou
lu1N.
ftaches coupées, les cheveux jaunes. On veit parmy eux un vieillard
bruflé, & picquoté fur le corps, comme es ifles precedentes. Ils por
toyent plufieurs figures fur les bras , & poictrine ; au refte alloyent
tous nuds,fans point d'accouftremens,finon qu'ils avoyent les parties
honteufes couvertes de quelques fueilles & efcorces d'arbres. Leurs
Canoas & barques eftoyent de la mefmefaçon, qu'es autres ifles.ils nous
fembloyent auffi ufer du mefme langage, que ceux de l'ifle de Horne. Le
pays eftoyt plein de Cocos, & cognoiffoyent affés bien les Oufs , Fontys,
Povaccas, mais ils ne nous en apporterent rien du tout, difans Ajouta ne
ay, qu'il n'y avoit rien en leur ifle : mais bien en l'autre ifle, qu'ils nous
monftroyent à l'Oeft; en laquelle fe tenoit leur Prince. Et pource voy
ans que nous ne trouvions icy point de commodité pour ancrer, nous
tournames le cours vers la dite ifle à l'Oeft fur le midy eftions à 4.degrés,
47. minutes. -

Le 22. continuant le vent d'Eft, & Eftfudeft, ayans fur le midy 4: de


grés: environle foir defcouvrimes à l'Oeft quart au Sud une ifle fort baf
fe, diftant 32. lieues de l'autre, laquelle s'eftend Eft & Oeft, & cefte cy
quiafi Nortoeft. Nous faifions noftre route au Nortoeft quart à l'Oeft
pour demourer au Nort de l'ifle, & decliner deux petits tas d'arbres,
qui eftoyent en l'eau , craignant de choquer contre quelque gravier.
Cefte ifle fut appellée par le Prefident d7arquen, pour ce qu'elle ne luy
reffemble pas mal.
Le 23 fuyvans la mcfme trace, veimes quelques ferpens d'eau, qui fi
gnifie pour l'ordinaire, qu'on approche de la cofte.
Le 24. au midynous trouvames fur 4. degrés,25. minutes.incontinent
apres avoir mefuré la hauteur le Trompette defcouvrit terre. Sembla
blement le Prefident qui monta luy mefmes en haut, & veit auffi une
haute,& deux baffes terres ou ifles.Allans donc Sudoeft, la terre fe mon
ftroit haute & pleine de rochers, au pied defquels la mer fe brifoit ; par
en haut elles eftoyent plaifantes à veoir, ornées & embellies de plu
fieurs arbres, & principalement de Cocos. Le Prefident les fit nommer
Ifles Vertes. Nous euffions bien defiré les aborder, mais ne trouvames
point de commodité pour jetter l'ancre. Paflant plus outre defcou
vrimes cncor'des autres petites ifles, fans toutes fois les approcher, par
oe qu'il eftoit tard parquoy toute la nuict demeurames flotans entre les
-

deuxifles, qui eftoyent feparées d'environ 15. lieues.


Le 25. au matin veimes une haute terre, avec quelques collines vers
lefquelles feimes noftre courfe, nous tenans au Sud de ladite terre:&bien
toft apperceumes à l'Oeftde nous un autre pays fort haut & beau , que
ne aviofis pas veu le jour paffé; en forte que le Prefident trouva bon de
nous addreffer à iceluy prefumant, que c'eftoit par adventure la cofte de
la neuve Guinca. Ainfi changeames noftre cours , abandonnans l'autre
ifle, gifante à 4; degrés, que le Prefident feit nommer l'ifle S. Iean. Sur le
midy noustrouvames fi pres de la cofte, que defia nous veimes les mai
fons, & les gens fur le rivage, mais ne trouvions encore de fond
*
pour ancrer : veimes fur les montagnes grande fumée , & des fort
beaux arbres de Cocos. Approchans la terre , envoyames la chaloupe
pour fonder le fond , quand tout à l'inftant vint une Canoa pour
l'affaillir , tirant cruellement de pierres contre nos gens , avec des
fondes ; mais ils furent bien aifes d'efchaper à la hafte , fi toft qu'on
lll.
D E I A Q V E S L E M A I R E. 159
1616.
- eut tiré un coup de moufquette. La chaloupe eftant revenue, pourfuy IuIN.
vimes la route encommencée, & les gens du pays venoyent crier, & nous
femondre à terre faifans figne avec des rameaux d'arbres. Icy trouvames
fond à 5o. toifes pres la terre , eftant le fond de fablon & de petits cail
loux, & à 45. toifes mouillames l'ancre. Au foir à la Lune vindrent deux
Canoas aupres de nous pour pefcher. Nous voulumes entrer en propos
avec eux mais le langage eftoit incognu. Ils prenoyent plaifir au fon dc
nos trompettes, tambours & baffins, mais cependant n'ofoyent appro
cher de nous En fin leur monftrames à la fplendeur de la Lune des Co
- rales, & les jettames vers eux; de quoy ils fe rioyent, & difoyent merveil
les entre eux plus encor leur donnames quelques cloux, dont ils nous re
mercierent à leur mode.
Le 26. de bon matin nous vindrent affailler de tous coftés fept Canoas
avec des Affagaies, pierres, baftons,braquemars de bois, & fondes, nous
ne penfans rien moins que de les offencer. voire leur baillames des Cora
les & beaucoup d'autres menues befoignes, faifans figne qu'ils nous ap
portaffent des Porceaux, Cocos, ou Bananes : mais ils commencerent tout
foudain à ruér fur nous fi terriblemét, que nous fumes contraincts de nous
defendre. Ainfitirames un coup d'artillerie par my eux, qui les fit bien
toft perdre courage, & foy adonner à la fuite, les noftres les pourfuyvans
avec l'Efquif à coup d'eftoc & de taille, fi qu'ily en eut dix de tués , &
trois prifonniers,qu'on amena dedans lenavire pour les ranfonner contre
des vivres : ils eftoyent grandement bleffés: l'un mourut bien toft, les au
tresfurent penfés par noftre Chirurgien. nous prinfimes auffi quatre Ca
noas , dans lefquelles furent trouvés des armes, qu'on feit brufler à
l'heure .
Apres midy le Prefident commanda que la Chaloupe allaft aulong
de là cofte, avec les deuy prifonniers, pourveoir fi on en pourroit avoir
quelques victuailles pour la rançon : Du commencement on neveit per
fonne, car tous s'en eftoyent fuis de peur:à la fin trois vindrent courir hors
d'une foreftfur la riue, que nos prifonniers reclamerent. à raifon dequoy
nous meimes à terre fur un champ femé de grain, qui defia eftoit en efpics;
mais perfonne ne fe prcfenta devers nous pourles rachapter. Lors laiffa
mes aller l'un defdits prifonniers foubs códition de nous apporter des por
ceaux luy donnans mefmes des Coralcs, & un Coufteau, & une piece dc
linge pour effuyer fes playes ; car il faignoir fort. Or nous les a
vions mis à dix porceaux de ranfon . Le fecond prifonner eftoit un
viellard, que nous ne voulumes point relafcher pour alors.Sur le foir nous
vint trouver une Canoe avecun Porc, qu'ils changerent contre nous; re
couvrimes auffi un beau faifceau de Bananes. Ces gens avoyent les narines
ercées des deux coftés, & dans icellesdes anneaux, comme les porcs;
fpcctacle bien eftrange. , - --

Le 27.la troifiefme part de l'eau eftant confumée, emplimes de nou


veau nos efquifs. Ce mefme jour changeames un gros porceau pour un
-

Baffin,un peu de Corales,& deux cloux. -

- Le 28 nous vint à bord une grande Canoa, non moins belle que haute,
& dedans icelle vingt & un hommes, qui du commencement fe mon
ftroyent peureux ains bien toftprenans courage s'approcherent de nous,
regardans cngrand' admiration les images & Lions de la Galerie. Peu
apres vint encor la deuxiefme Canoa,dans laquelle y avoit un vicillard
portant des Pinanges fur fa tefte, comme un prefent. Cependant il ne ve
-

noit
16o NAv I G AT I o N Av s T R A L E
I6I6.
IuIN.
noit encor perfonne pour rachapter le prifonnier : lequel à cefte caufe
nous meimes à terre, & le laiffames aller. En apres ouymes jouer fur le
tambour, ce que nous prefumionseftre un figne de quelque fefte ougran
de joye. Les habitans de ce pays vont quafi tous nuds, fe couvrans tou
tesfois la vergogne.ils avoyent bien fur le corps plufieurs cicatrices, mais
point ou bié peu la peau defchiquetee ne bruflee, comme ceux des autres
ifles. ils font de moyenne hauteur, gros & gras , bien nourris, plufieurs
portans fur eux une petite Calabace avec de la chaux, pour affaifonner
les Pinanges. ils font la reverence en oftant leurs bonnets , & le tenans
long temps en la main par deffus la tefte. les armes dont ils fe fervent,
· font Affagajes, fondes javelines & braquemars de bois, mordans comme
chiens; mefme les prifonniers mordoyent les cordes en pieces, & quand
nous eftions defarmés, nous venoyent affaillir à beaux coups de dens.
En fomme c'eftoyent des mefchans traiftres, qui toutesfois fe laiffoyent
domter par crainte des moufquettes.il nous fembla de veoir fur la cham
pagne des Onilies & qu'ils n'avoyent point de meilleure viande, que les
noix de Cocos. D'avantageyveimes des Perroquets verts, comme ils font
es Indes Occidentales. de nuict levions l'ancre, & nous en allames avec
petit venr.
Le 29. du matin eftions environ la poincte de Nortoeft dugolfe, n'ay
ans avancé toute la nuict que 1 lieues, levent de Sud.Sur le midyavions
la hauteur de 3 : degrés, allans le long de la cofte Nortoeft quart à l'Oefte
& lors veimes clairement que c'eftoit la cofte d'une terre ferme, & fans
doubte de la nouvelle Guinea. Les habitans fe nomment Papoos, eftans la
plus part noirs de couleur.Environ le foir defcouvrimes encor° trois hau
tes iffes, diftantes comme fix lieues de la grande.
Le dernier au matin avionsle vent variable,& nous trouvions pres d'un
Cap, derriere lequel la cofte fe traine premierement à l'Oeft, & puis au
Nort, ou fembloit avoir une Baye. Beaucoup de Canoas vindrent de la
terre, qui eftoyent bien charpentées, & embellies de plufieurs painctu
res & images taillées, mais ils ne nous apportoyent rien, combien que
nous leur donnaffions fort bien à entendre noftre neceffité.Vray eft qu'ils
nous faifoyent la reverenceavec les mains & les bonnets,& quelques uns
rompans léurs javelines, pour monftrer qu'ils nous vouloyent traicter en
amis fans nul acte de hoftilité : & pource s'affeurans pareillement de nous
de faire le mefme, venoyent fans aucune fufpicion en la galerie , & en la
cahute : ou apres leur avoir monftré quelques chofes, & qu'ils euffent de
chargénos piftoles, eftans à table ils chanterent quelques chanfonnettes
pour recompenfe, & en figne de gratitude , de ce que nous leur avions
donné quelques Corales : & a la fin fe retirerent de nous fort hon
neftement, faifans place l'un à l'autre, de forte que paffames tout ce jour
bien paifiblement, fans qu'il nous fuft rien defrobbé. Ces gens fe cou
vrent les parties fecrettes de quelques fueilles.ils fentent fort mal apres le
fuifou graiffe, quafi comme les habitans du cap de bonne Eferance. leur
langage eftoit different de ceux da la terre ferme, qui leur font ennemis:
avoyent auffi beaucoup de cicatrices au corps : au refte hideux à veoir,
laids de vifage , le nés camus, groffes levres, & grandes bouches& fi
par orgueil la barbe, & les cheveux de la tefte avcc de la
:ent
CIlalLlX.

IuILLET. Le premier de Iuillet, n'ayans faict toute la nuict que deux lieues pour
le calme,
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220 |

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D E I A Q V E S L E M A I R E. I61
1613.
le calme, flottames encor le matin enfuyvant. Apres defiuner vindrent IvILLET.
vers nous plufieurs barquettes; penfans qu'ils nous apportaffent quelque
provifion, mais helas ! quoy ? ils ne portoyent que des armes pour nous
accabler, faifans plufieurs bravades, & les demcnans ça & là, commen
cerent à fraper & blefferent l'un de nos gens fur les feffes , & l'autre def
foubs le bras;& tout à l'inftant fe ruerent enfemblemcnt contre nous avec
leurs Affagaies, & fondes, penfans nous oppreffer. quoy voyans tirafmes
fur eux à coups de Canons, & de moufquettes, de maniere qu'il y en eut
environ une douzaine de tués; les refte fe meit à fuir, la chaloupe les
pourfuyvant, qui print à l'heure une Canoes, dans la quelle eftoyent
trois hommes, l'un mort, & les deux autres fauterent en l'eau ; dont le
premier eftant tué , fon compagnon qui eftoit environ de dixhuict
ans, fe rendit prifonnier, lequel feimes appeller Moyfe du nom de ce
luy des noftres, qui avoit efte bleffé. L'ifle auffi ou nous advint cefte
malencontre fut nommée du mefme nom. Sur le midy eftions à2: de
grés. Ces gens cy mangeoyent les racines d'un certain arbre au lieu
de pain .
Le 2. du matin fe monftra dcrechef à l'Ocft de nous un haut pays te
nant au pays d'hier au foir, combien qu'ily fut entre deux une grande en
coigneure ou golfe de fort baffe terre. Ainfi cefte cofte fe retire , & fad
vance, & fe courbe en plufieurs fortes, reffemblant du tout à la cofte de
la neuve Guinea. Nous faifions noftre cours Oeftnortoeft vers un cap, par
raifon haut eflevé,& derriere iceluyveimes la cofte, qui *
declinant. Sur le midy nous trouvames à la hauteur de 3 : degrés. Et
eftans efloignés environ deux lieues de la terre, veimes encor une autre
grande montagne. -
-

- Le 3.à l'aube du jour avions le haut pays au cofté, & avancions fort,fi
que tout incontinent perdimes la veue de la terre. Le Prefident euft bien
voulu, qu'on euft toufiours coftoyé la dite terre, tant de nuict que de
jour. Environ le foir veimes derechcf un haut pays à l'Oeftfudoeft
de nous. --

- Le 4. du matin veimes clerement qu'il eftoit vert, & plein d'arbres, &
qu'il y fumoit : & paffames entre des Ifles, des quelles en veimes plu
ficurs petites à l'eftribord de nous, gifantes en l'altitude de 2. degrés ,
3o. minutes. Dreffions le cours vers l'une des ifles; mais eftans furprins
de la nuict, fumes contraincts de floter, fans qu'il nous fuft poffible d'y
arriver, le Pilote prefumant que ce fuft l'ifle de Ceiram.
Le 5. eumes vens varrables, tonneres, & foudres,& fur le midy la hau
teur de 3. degrés, 8. minutes : & trouvames que le flot cy alloit par rai
fon à l'Oeft. Sur le foir apperceumes derechef à l'Oeft de nous deux
ifles baffes : fimes à cefte occafionvoile vers le Sud jufques au parage de
Banda, & apres vers Ponant, afin d'en venir au deffus.
Le 6. tout le long du jour le temps eftoit variable, avec vent & pluye:
fur le midynous trouvions en lahauteur de 4 degrés, 1o. minutes. Or
avant difner avions apperceu une grande montagne reffemblante à la
montagne de Goudenapj en Banda, fi que le Patron affermoit que c'eftoit
l'ifle de Banda: mais l'experience demonftra le contraire.Car on veit bien
toft apres au mefme lieu encor trois ou quatre montagnes ardantes,
qu'on appelle pour cefte caufe Vulcanes; de forte que pour entendre quel
pays c'eftoit, on trouva bon de l'aborder. Ainfi flotames toute celle
nuict ça & là pour attcndre le jour.
X Le
r62 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
16I3, Le 7. de matin nous trouvames affés loing de la montagne ardente,
IvILLET.
vers la quelle nous dreffames noftre chemin, penfant d'en venir à bout
entre l'ifle & la terre ferme; ce qui nous fut impoffible : de forte que il
nous convint aller premierement fuyvant la cofte , & puis en la pleine
mer, ou noustrouvames deux petites barques avec des gens, qui crioyent
à nous, combien qu'on ne les fceuft pas entendre , ne mefme auffi noftre
prifonnier 7oyf». Approchans la cofte nous vindrent au devant douze
canoas, avec chafcune quatre, cinq, ou fix hommes: les canoas eftans d'u
ne autre façon, & les gens plus jaunes que les precedens. Nous n'y de
IncuramcS guerres, tant pource que n'y trouvions point de commodité
pour ancrer, comme principalement pource qu'on ne nous apportoit rien
vendre: fi que nous refoluions d'aller plus outre vers une baffe poincte de
la terre, qui eftoit à l'Oeftfudoeft de nous. En paffant veimes encor deux
ou trois ifles, & en laiffames à la gauche vers le Nort de nous quatre peti
tes, qui fembloyent continuellement fumer. Sur le midy le Vulcan fe
voyoit à l'Eft quart au Nort environ une & demy lieues de nous. Nous
remarquames icy grand changement de couleur en l'eau, qui fe demon
ftroit pafle, verte, & jaune, comme fi euffions efté pres de quelque rivie
re; veimes auffi floter beaucoup de bois, des arbres avec la racine, & des
branches. La nuict enfuyvante nous veimes trois Vulcanes, & n'ofames
faire aucun voile , ains nous laiffames porter fur l'eau vers le Po
IlaIlt .

Le 8. eftans pouffés la nuict par la marée jufqu'à avoir au cofté le bas


pays,comme fi nous euffions finglé, feimes le cours Oeft, & veimes de
rechef au devant , & à l'Oeft un pays qui s'eftendoit bien fort avant.
Sur le midy eftions à 3. degrés, 48 minutes. Au foir apres fouper tou
chames le fond à 7o. toifes. il nous vindrent aborder des Canoes avec
douze perfonnes derriere la Galerie, aux quels donnames quelques Co
rales, combien qu'ils ne nous apportaffent rien; & fe monftroyent defi
reux principalement de linges &accouftremens de lin,& de rouges bon
nets. ils avoyent la mine non moins redicule, que barbare & eftrange.
Noftre catoyf ne les fçavoit entendre , & fi n'ofoit aller avec eux à
terre , craignant par adventure qu'ils ne l'euffent devoré. C'eftoy
ent vrayement des Papoos, ayans les cheveux extremement noirs : &
eftoyent curieux de veoir & vifiter toutes chofes, actifs comme des fin
ges. Nous trouvames icy la hauteur de 3. degrés, 43. minutes.
Le 9. avions le vent de Sud, fi que il ne fut point poffible de paf
fer le coing pour entrer au golfe, qui eftoit devant nous. Montames
la chaloupe avec deux pieces de Canon & dix moufquettiers, & l'en
voyames pour fonder à l'entour de ladite poincte ; laquelle y trouva
par tout bon fond. Apres trouvames deux villages fur un lieu, qui e
ftoit plein d'arbres, & notamment de Cocos , ou nous meimes à l'an
cre à 26. toifes. incontinent vindrent de la terre quatorze Canoes :
& bien tgft apres à la foule , avec femmes & enfans à l'entour de
nous pour veoir le vaiffeau, fi que mefmes les femmes enceintes vdu
lurent eftre de la parti. quelques uns portoyent des Affagaies , les
autres des javelots, mais point de fondes, ne pierres, ne baftons. ils
nous apporterent quelques noix de Cocos, lefquelles changeames à grand
peine pour des Corales. La nuict fuyvante eumes tonneres, efclairs,
& pluyes. . -

Le 1 o. dcrechefnous vindrenttrouver plufieurs perfonnes, fans tou


tesfois
D E I A Q v E s L E M A I R E. 163
tesfoisnous apporter que 4o. ou 5o. noix de Cocos nous demandions des IvILLET,
1616.
porcs, qu'ils promirent nous livrer, mais oublierent de les querir. Ces
gens eftoyent vrayement mangeurs d'hommes , laids de couleur & hi
deux à veoir, ayant un vifage comme des vieux finges, lesjambes longues
& tendres, le ventre gros comme un tonneau, les mouftaches coupées,
& lesmammelles des femmes pendants comme un boyau jufques au nom
bril, & une boffe au dos, fur laquelle portoyent un enfant : ils portoyent
auffi autour du col un ornement de petites cornes, & coquilles de mer, &
dents de porcs. Bref il n'y avoit point de plaifir chez eux, d'autant
qu'ils n'apportoyent rien... ainfi donc fimes eftat de partir bien toft -

delà.
Le 11. avant jour ayans levé l'ancre, paffames deux ifles,l'une fort hau
te & l'autre baffe,avec un grand village fur la riue. Apres midy veimes
encor au devant de nous une ifle, laquelle paflames au foir. Notez icy
que la cofte de ZNova Guinea s'eftend le plus Nortoeft quart à l'Oeft ti
rant aucunefois plus au Nort, & aucunefois au Ponant. -

Le 12. avant Midy faifoit coy & beau temps, de forte que nous al
lions tout doucement fuyvant la cofte Oeftnortoeft: & le jour enfuyvant
veimes devant nous la terre, qui s'eftendoit bien avant: fur la mer flotoy
cnt beaucoup de pieces de bois, venants hors de quelque grande riviere,
fur lefquelles fe tenoyt grande quantité de Moufles, & Efcreviffes , &
quelques oifeaux de mer, noirs de couleur. nousveimes encore ce jour
beaucoup de poiffons detoutes fortes, & trouvames en fin, que la marée
nous avoict faict grand avantage, nous emportant bien avant à l'Oeft;
comme elle va toufiours au long de cefte cofte.Sur le midyavions la hau
teur de 3. degrés; & toutes les nuicts pour la chaleur extraordinaire du
jour, y avoit des terribles efclairs. -

Le 13. fumes encor d'avantage confirmés en noftre opinion , que c'e


ftoit une cofte contiguë, ayant plufieurs golfes, encoigneures, & haures;
- quelques fois haute terre & quelquesfois baffe. lanuict nous furvint une
Trauade. - - -
-

- Le 14fimes voile fuyvans la cofte,efloignés d'icelle environ cinq lieues.


Le Prefidcnt euft bien defi, é, que nous nous fuffions plus approchés vers
la terre, pour faire tant mieux le proiect de fa carte; mais le Patron crai
gnoit quelque danger, ou malaventure.A cefte heure le Pilote recognut,
que c'eftoiticy la cofte Occidentale de la nouvelle Guinea, ayant toufiours
fouftenu paravant, que nous nous trouverions en fin au Sud d'icelle. Ce -

jour aufiiveimes beaucoup de poiffons,& de Iean Gantois.


Le 15. apperceumes une baffe cofte, Mblonneufe, & pleine d'arbres, &
nous trouvames au midy fur la hauteur de 4 degrés. & veimes que la
couleur de l'eau eftoit en ce lieu differente, tantoft pafle, & tantoft ver
te. Nos gens toucherent le fond à 4o. toifes, & veirent bien toft deux ou
trois Canoas, qui alloyent vers nous, & y avoit un homme dedans iccl
les, qui vouloit tirer à nous ; de forte que nous defchargeames le pre
** pour leur faire peur avec de la fauffe poudre, & apres à bon
efcient ceux auffi du grand vaiffeau craignant, que la chaloupe ne fuft
affaillie fe meirent à rirer du Canon fur la rive, ou y avoyt des gran
des troupes de gens, qui s'enfuirent tout à l'inftant. Voyans donc quc
les habitans avoyent quité la place, concluames d'aller bien armés à ter
re en la petite ifle, mais quand ils nous veirent venir, reprindrent
courage & nous vindrent combattre fi furieufement avec leurs jave
X 2 lines
164 N A v I G A T I O N AV ST R A L E
1616. lines, q
qu'ils en blefferent bien feize des noftres:lefquels d'autre part avec
IvILLET.
les Canons, & moufquettes, les faifoycnt voler en l'air. Durant ce cha
maillis noftre Patron de peur d'eftre bleffé fe cacha deffoubs le banc des
gafcheurs en la chaloupe, combien qu'il euft efté le premier motif de
courir fus aux Indiens : ce que par apres les matelots fouvent luy ont
reproché l'appcllans par mocquerie le Croupiffeur du banc.Le Prefident
voyant du grand navire ce combat, fit auffi tirer fept ou huict coups de
Canon fur l'ennemy, & en bleffa quelques uns, de forte qu'ils fe meirent
à fuir apres avoir perdu beaucoup de gens.
Le 16. de matin ayant levé l'ancre , fimes voile paffans entre deux
les ifles pour entrer plus avant au golfe, jufques à la profondeur de 6;
toifes. Ce jour n'apperccumes nulles Canoas de celles d'hier. On trou
va bon de monter l'efquif, & la Chaloupe, pour les envoyer à terre,
lefquels nous rapporterent environ 26o.noix de Cocos. Sur le foir il vint
un Indien vers nous en fa Canoe, comme requerant la paix, & à telle fin
nous rendit un chapeau, qui avoit efté perdu le jour paffé durant labatail
le. Ces gens vont tous nuds. -

Le 17. entrames plus avant au golfe vers la riue, afin de garentir nos
gens, qui iroyent à terre pour traicter avec eux. Il fut refolu fi ils ne
venoyent point devant le diffner, que apres midy on iroit prendre les
Cocos par force. Sur ces entrefaictes, voicy venir un homme armé de
la terre fur une Canoe avec des Cocos, lefquels il meit deflus l'eau a ce
que ils flotaffent avec le cours de l'eau jufqu'à nous : il fe tenoit de pre
mier abord affés loing, mais en apres prenant courage s'approcha jufqu'à
venir deffoubs la Galerie, ou nous avions attaché à une corde des Co
rales, lefquels il print pour fes noix. Ce faict, les autres s'approcherent
auffi, & nous apporterent tout ce que nous demandions, pour des Cou
fteaux, vieux Clous, & Corales ; dequoy ils eftoyent fi friands, que
mefmes ils changeoyent leurs arcs & fleches contre ces brouilleries. ils
nous prefentoyent auffi du Gingembre vert , & quelques petites
racines jaunes. En fomme nous accordions ce jour treftbien enfem
-
-

blc. -

Le 18. de bon matin ils nous vindrent derechef à bord avec leurs den
réestout le long du joüir avions prou à faire pour changer contre eux;
nous en recouvrimes 96o de Cocos. nos gens fe meirent à pefcher, & ceux
du pays incontinent de les aider,& leur faire grand fervice.
Le 19. à la requefte des matelots fut donnée licence par le Prefident
d'aller pefcher aupres de la grande iffe, ce qu'ils feirent auffi du confen
tement des habitans, qui mefmement les aiderent à tirer les filets. Bien
toft apres vindrent plufieurs Canoas vers nous ; dont craignans quelque
fraude, faifions figne à nos gens de retourner à bord. mails ils y alloyent
à la bonne foy, & venoyent à la foule pour changer leurs denrées, defi
reux fur toute autre chofe de Coralcs. Nommoyent leur ifle 7toa, &
l'autre gifante vis à vis d'eux Infu, & la haute ifle Artimoa.
Le 2o. à l'aube du jour nous furent trouver encor vingt Canoas,e
tites & grandes, à la hafte pour changer contre nous ; d'autant que nous
avions dit de partir ce jour mefme. ils nous apporterent tant de Cocos,
que chafcun en recouvrit bien cinquante, & de Bananes, tant qu'il nous
pleut.
Le 21. du matin il faifoitfigroffe bruine, que ne pouvions quafi veoir
la terre ; laquelle veimes derechef apres midy : mais ce n'eftoyent que
des
D E I A Q V E S L E M A I R E. n65
1616.
des ifles paffans pres d'une petite ifle touchames à 15. toifes le fond, de
fablon & coquille. là nous arreftamesattendans lc jour , & veimes de IuILLET
nuict plufieurs feux à l'entour de nous ; eumes auffi grande pluye,tonne -

re, & foudres.


Le 22. cognumes clercment à vœue d'œil, que c'eftoyent quatorze
ifles, feparées par raifon l'une de l'autre Sur le midy nous trouvames au
premier degré de la hauteur Auftrale. Nos gens eftans allés pefcher ne
prindrer rien, mais cependant vifiterent les ifles, & les trouverent toutes
defertes, & pleines de bocages, diftantes 28. lieues de c7toa, Retour
nés qu'ils furent au vaiffeau, fimes cftat de paffer ces ifles au Nort, &
d'illec cercher la cofte ; laquelle au lieu ou nous eftions s'eftendoit
Sudoeft.
Le 23. lcvames les ancres, & fimes voile 'autour defdites ifles felon la
refolution prinfe, & veimes environ lefoir un coing, efperans de le paf
fer, ce que ne pouvions pour alors.A cefte heure veimesvenir vers nous
de la terre neufCanoas, tant grandes que petites,& quelque peu hautes à
la mode de Terrenate , & fi larges qu'un homme y pouvoit affeoir à fon
aife. ils eftoyent tous armés de javelines : de premier abord fembloyent
avoir peur de nous, crians paix, & Sano en leur langage , faifant plufieurs
fignes, & mettant les Cocos deffus leurs teftes : nous auffi de l'autre cofté
leur fimes figne de paix, jufques à ce que finalement à grand peine ils vin
drent jufqu'au deffoubs de lagalerie ; ou nous leur donnames quelques
Corales, lefquelles ils happerent à la foule, comme fi c'euft efté un grand
thrcfor, pour les mettre autour du col. En l'une de ces Canoas y avoit
un Commandeur, ou pour le moins un Officier, lequel eftant faché con
tre nous commanda à fesgens de fe ruer fur nous, ce que ils ne voulurent
faire : luy fefachant là deffus encor d'avantage,fe meit à battre cruelle
ment fon efclaue affis derriere luy. ll avoit a l'entour du col une chaine
d'efcorce fort bien faicte & belle à veoir. Apres ceux cy nous furent
trouver un peu plus outre, une autre forte de gens portans les che
veux longs crefpus, des anneaux aux narines & oreilles, lefquels en figne
de paix verfoyent de l'eaufur leurs teftes, & nous apporterent à vendre
grand quantité de Cocos, deux faifceaux de Bananes,beaucoup de poiffon
rofti, du Petun, une efpece de Prunes, & des Mclons : lefquelles chofes
toutes ils changerent contre nous pour des Corales, appellés par eux Oa
raja, & dcs vieux Coufteaux. Ils ufent d'un autre langage , que ceux
de Moa, & ne font pas fi noirs , ont la cheveleure plus longue, & ap
prochcnt plus à ceux de Papoos, jaçoit qu'ils n'entendent pas la langue
de l'Eft-Inde, ne de Aru, Cay, Gilolo, Terrenate, ne mefme de Papoos. Nous
recouvrimcs d'eux à fort bon marché vne efcuelle de porcelaine groffe,
coulource de vert & rouge, affavoir pour deux enfileures de Corales.
Et nous fut advis, qu'il y avoit efté fans doubte quelques vaiffeaux E
fpagnols devant nous; pource que les gens ne fe demonftroyentpas fi
curieux à nous venir veoir : ce que nous entendimes plus entierement
voyans quclques Coralesjaunes reffemblants à l'ambre, que une femme
portoit autour du col, quc le Prefident changea contre elle pour une en
fileure de nos Corales. La nuict eumes calme, mais cependant la marée
nous feit bicn avancer.
Le 24. fur le midy eftans à la hauteur de 2o. minutes, fcimes voi
le long d'une belle & grande ifle, fans toutesfois l'aborder. C'eftoit
une ifle de celles, qui font aupres de la Nouvelle » Guinea , comme le
X 3 - Prcfi
I66 N A V I G A T I O N A V ST R A L E
1 6 1 6. Prefident avoit toufiours fouftenu donnames au Cap le nom du Cap de bon
IvILLET.
cfpoir, pource qu'à prefent cognoiffans le lieu de noftre peregrination, e
ftions remplis d'efpoir de veoir & trouver bien toft nos conterriens, Ainfi
voguames plus outrc, laiffans à l'eftribord de nous unc autre petite ifle, &
tantoft apres vinfmes en la haute mer, fans veoir plus de pays : ce qui re
fiouit grandement le Prefident, cognoiffant à l'heure, que le tout alloit
felon fa calculation.Ce mefme jour fut conclu de demourer au Sud de la
ligne, afin de courrir, fi il fuft poffible, entre Gilolo, & Guinea. Cependant
le Patronfe faifoit encor à croire, que viendrions à Louva, & Combela,
penfans que fuffions encor derriere Gilolo. mais le jour enfuyvant trou
vames par experience, que le Prcfident avoit droict.
Le 2 r. & 26.veimes à bagbort de nous, au Sud Sudoeft, plufieurs ter
res grandes & baffes, & apres hautes. au foir pour eviter un golfe , dans
lequel fuffions tombés fuyvans noftre carriere, changeames le cours vers
le Nort, laiffans les troisiffles fufdites à l'eftribord, & feimes appeller la
plus grande l'ifle S.Iaques, pource qu'elle fut defcouverte au jour mefme
du dict Sainct.
Le 27. de matin fe monftra derechef la cofte de Nova Guinea , eftant
pour la plus part haute : Sur le midy avions l'altitude de 29.minutes au Su
de la ligne. Nous approchames la cofte à 1: lieues, & l'euffions volontiers
abordé mais il ne fut poffible,à caufe de la calme, fi que la marée nous
cmporta.
Le 28. de matin continuaut la tranquillité eftions environ 5. lieues de
-

la cofte, & n'en pouvions encore veoir la fin.


Le 29.il faifoit fombre & pluvieux;eftans une demy lieue de la cofte vei
mes floter beaucoup de verdure & fueilles : environ le midy nous appa
rurent dercchef plufieurs petites ifles aupres de la riue : fi allames le
long du riuage, qui fe monftroit plein d'arbres mais le pays fembloit eftre
defert, pource que il n'en venoyt nulles Canoes. Nous avions le vent
Nortnorteft, & faifions le cours à l'Oeft quart au Sud. La nuict eftans
quelques lieues en la mer, apperceumes dedans le navire, que la terre
trembloit, mais ne dura guerres. Dont aucuns de nos gens en furent
fort effrayés, craignans que le vaiffeau choquaft contre un grauier , mais
ayant jetté la fonde on n'y eut point dc fond. -

Le 3c. du matin apperceumes la terre au devant de nous, & puis auffi


aux deux coftés, en forte que eftions contraincts d'y aller doucement.
Ce jour eumes une foudre fi terrible, que la navire en trembla toute, &
fcmbloit quc l'efclair l'avoit mife en feu ; apres furvint une fort grande
pluyc .
Le dernier nous trouvames en un fein de mer, ayans la terre tout
à l'entour de nous : feimes noftre cours au Nort vers une pointe Orien
tale de la eofte, efperans d'y trouver par avanture quelques Canoes, le
cours des eaux venans hors des rivieres nous empefchant d'approcher
la terre. Sur le foir touchames le fond à 1o.2o. 3o. & à 12. toites , mouil
lames l'ancre tout au pres de la terre, qui fembloit eftre deferte & des
habitée.

AovsT. Le premier d'Aouft flotames tout le jour pour la calme,& veimes de


vant nous la terre, qui s'eftendoit bien avant à l'Oeft; & puis une poincte
ayant vis à vis d'elle une haute iflette, efperant que c'eftoit là le bout de
la cofte : nous nous laiffames aller avec la marée le long d'icelle ; & y
Ve1IICS
D E I A Q V E S L E M A I R E. 167
veimes plufieurs rades & encoigneures, qui fembloyent à veoir des beaux 1616.
haures, s'il y euft eu quelque apparence pour faire acqucft: mais le pays Aousr
fembloit un defert, plein de bocages. Sur le midy nous trouvames à
12. minutes de la hauteur Auftrale, au calcul du Prefident , nonobftant
qu'on veit de loing quelques ifles gifantes au Nort de la ligne Equinoctia
le. Sur le foirjettames l'ancre fur un fond pierreux.
Le 2.de matin eumesgrand rufe pour leuer l'ancre, qui eftoit attachée
foubs un rocher, de forte que par force de guinder luy rompit la moitié
de l'une main. Ce mefme jour paffames autrefois la ligne; la nuicteu
mes bon vent venant du Sud, & leflot de la marée nous portoit vers le
-- -

Le 3. allions quafi droict à l'Oeft; & apres avoir laiffé quelques ifles au
bagbord, foubdain nous trouvions arrivés en un endroict, que l'eau aupa
ravant tranquille,y faifoit des grandes brifures; futtrouvé tout à l'heure
que c'eftoit un gravier de la profondeur de dix, douze, quinze , dixhuict
toyfes, ayant le fond fablonneux & confideré que la nuict approchoit , y
jettames l'ancre eftans à douze braffes, le Prefident prefumant que c'e
ftoyt icy le grauier, qu'on veoit en toutes les cartes marines aupres de
Papoos. Noftre opinion fut apres avoir faict le chemin de 28o. lieues
au long d'icelle cofte , qu'alors ferions paffés la cofte de 2Nova Gui
mea.
Le 4. nous meimes en la haute mer jufques à ne veoir plus aucune
terre : en apres defcouvrimes une ifle baffe, faifans grand devoir pour y
arriuer, mais en vain, à caufe que la marée, & une terrible tempefte fur
venant àl'improuveu nous en deftourna. la nuict flotames en ça & en là,
-

afin de ne venir trop pres fur la riue.


Le 5.fimes voile, & approchamesl'ifle fufdite, ayans fur le midy la hau
teur de 3o. minutes au Nort de l'Equinoctial. Eftans pres de la terre, y
veimes grande abondance de Cocos, & Palmites; & bien toft apres une
barque pleine de gens, qui laiffoyent voler une baniere blanche en figne
de paix. mais ceux cy fe retirerent fans nous venir à bord, encor que
nous fonnions latrompette. tout à l'heure en vindrent des autres, avec
lefquels parlames cMalés, Ternatés, & Portugués. Iceux nous firent figne
qu'il falloit aller vers le Sud de l'ifle, & non vers le Nort, & que en deux
jours pourrions affés venir en Bachian. Ce peuple reffembloit à ceux de
Terrenate & Tidore , & des aucuns aux payfans de Gilolo , ayans les
cheveux tres noirs,& des accouftremens à l'Indienne, des hauts de chauf
fes, Caffaques, & Tulbans, oftans leurbonnets à la façon des Chreftiens,
& nous difans bon jour avec grande reverence, Tabe Kuan. Nousyveimes
un qui portoit un feutre Portugalois noir; lequel auffi parloit Portugués
aucuns portoyent des anueaux d'eftain aux bras,ou d'yvoire les autres des
anneaux jaunes aux doigts, que nos matelots prenoyent pour de l'or. En
fomme leurs couftumes & façons de faire fe rapportoyent grandement
aux Molucques. quant à la Religion eftoyent Mahometiftes, & pource
gardoyent le fabbath fur le Vendredy. Ils nous apporterent du Petun,
Cocos, Bananes, Ris, Poix, Febves, Porceaux, Poulles & Poiflons. y veimes
auffi des oifeaux de Paradis, dont en changeames un contre eux. Nous
entendimes depuis venant en Soppy, que ce lieu s'appelle Maba, & qu'il
eft de l'obeiffance de Tidore . * ne ofoyent entrer dedans le navire
craignants, que fuffions ennemis des Efpagnols eftoyent fur tout defireux
de Manna, Manna, ceft à dire de Corales. nousdifoyent auffi qu'il fait mal
d'eftre
i68 NAV I G AT I O N AVSTR A L E
1616.
d'eftre icyàl'ancrc. Toutes ces circonftanccs nous donnoyent affés à
AovsT.
cognoiftre, que eftions à l'environ de Gilolo, & que bien toft viendrions
par devers nos amis, pour nous repofer & relafcher d'un fi grand & peni
ble voyage, qui defaprefent nous venoit à regret. En ce temps eftions pour
la troifiefme fois deffoubs la ligne.
Le 6. du matin eumes par raifon beau temps. Ceux du pays venoyent
derechefà noftre bord pourtrafiquer, qui ne dura guerres : carayans le
- vent favorable feimes voile vers le Nort, pour venir au deffus de la poin
cte de Gilolo, afin d'acheucr noftre voyage.
Le 7. à l'aube du jour ettions en la haute mer fans appercevoir terre:
le vent continua du Sud, & nous d'aller vers le Nort, Sur le midy il fur
vint vne pluye, qui dura jufques au foir, quand nous apperceumes au loo
de nous un haut pays, lequel jugions eftré le coing Septenrrional de Gi
lolo.Ayans la hauteur Septentrionale de trois degrés, tournames le cours
plus bas, delaiffans Moratayau Sudoeft de nous.
Le 8 faifions noftre cours Oeftnortoeft, eftant la mer fort enflée : fur
le midy nous trouvions à 4.degrés. La nuict fuivante il fit fort mauvais
temps, grands vens, tenebres,pluyes, tonneres, & efclairs.
Le 1 o. au midy eftions à 3. degrés, 45. minutes : fur la nuict le vent .
eftant contraire, il nous convint courir Sudfudeft : fur quoy fut conclu
de continuer la mefme carriere, tant qu'il feroit poffible, pour venir au
deffus de Borney, & paffer Celebes, avec le vent de Sud.
Le 1I. & 12. derechef veimes la terre du coingSeptentrional de Gilolo:
tantoft par la marée la perdimes de veue, & tantoft la recouvrimes, mais
il ne fut poffible de paffer outre. Icy eumes beaucoup de Trauades.
Le 13. & 14. continuames à floter ça & là, principalement à caufe
de la maree, qui eftoit du tout contraire, fans les pluyes & tempeftes, qui
nous donnoyent auffi grand'facherie.
Le 15. fur le midy nous trouvames à 3.degrés de l'altitude Septentrio -

nale,fans rien veoir que la mer & les cieux.


Le 17 devant midy ayans le vent Sud, & Sudfudeft, feimes noftre
cours à pcu pres Oeft, afin d'approcher la terre pour ancrer, ains n'y
trouvamcs point de fond, fi que toute la nuict demeurames flotans fur
l'eau par bonnace.
Le 18. eftans paffés la poincte Septentrionale de Gilolo, le flot de l'eau .
nous portoit vers la terre. Apres midyvindrent trois Canoes, qui nous
donnerent la cognoiffance de cefte contrée ; fi qu'ayans le vent Sudoeft,
fimes la route vers la baye, qui eft'vis à vis de Seppy; ou lesdites gens nous
monftroyent, qu'il eftoit un village, & bonne commodité pour ancrer :
Auquel endroict auffi environ deux ans paffés s'avoit arrefté la Fufte du
Paon. Affez loing de la cofte y avoit un gravier pierreux de la profondeur
de dix à douze toifes; paffé lequel nous arreftames à 26. toifes. 1 ncon
tinent nous furent trouver les gens du pays(car ils font fubjets de Terrena
te, & portent faveur aux Hollandois) aufquels eftans envoyés de par le
Sangage, apres avoir entendu qui nous eftions, fumes les tresbien venus,
& eux les bien trouvés. lls parloyent aucument 71alés, & nousdirent, que
ayans bon vent pourrions arriver en deux jours en Terrenate» : ils nous
changerent quelques poiffons,& Efcreviffes pour des Corales.Or eftions
nous en ce lieufur la hauteur de 2. degrés,47 minutes au Nort de la ligne
Equinoctiale. -

Le 19, avions un jour d'efté, & fur le midy le vent au Nort,fimes noftre
D E I A Q V E S L E M A I R E. 169
cours vers labaye, & y mouillames l'ancre à 12. toifes, fond de coquilles: 1 61 4
ou bien toft nous vindrent trouver les habitans du pays,avec du Ris,Tor-Aou*.
tues, Sagu, Poulles, & Poiffons à vendre, pour des Peignes, Clochettes,
& cloux.
Le 2o. prinfmes du poiffon auxfilets,& nous adonnames à troquer,re
couvrans grand'quantité de Sagu: quant au Ris ils ne le vouloyent chan
ger, que feulement contre du linge. Ce mefme jour cyarriva un Correcor
venant de Terrenatepour du ris, lequel nous dict qu'ily avoit en Terrenate
our lors bien 17 grands navires Hollandois, qui pretendoyent d'aller -

à c7Aanila.
Les jours fuyvans continuames à nous pourveoir de toutes chofes, &
principalement de Ris, & d'eau, & de poiffon : les Bananes & Cocos nous
furent apportees à la foule.Or ces gens font de bonne humeur, ennemis
des Efpaignols fuiects du Roy de Terrenate, qu'ils recognoiffent pour leur
fouverain Seigneur. Langue ne fçauroit exprimer, ne plume efcrire le
rand contentement & lieffe, que avions de nous trouver en ce lieu, au
quel eftions hors de toute craincte & fufpicion,y trouvans figrande abon
dance de toutes victuailles: car le voyage n'avoit efté moins dangereux,
que penible.De maniere qu'aprestant de peines il ne fe faut aucunement
efmerveiller, de ce que nous defirions fur toute chofe nous relafcher un
peu pour reprendre noftre haleine. Et principalement d'autant que nous
eftions 35.perfonnes gens robuftes fur lebafteau, toutes provifion & vi
vres eftans quafi faillies, de forte que ne fceumes affés remercier noftre
bon Dieu de la grande mifericorde, qu'il nous avoit faicte.
Le 25. apres avoir faict toute noftre provifion, partimes de la rade de
-

Soppy. . -

lufquesà la fin du mois allames flotans ça & là, changeant fouvent la


route, pour l'empefchement que nous donnoyent les vents contraircs.
Le premier & deuxiefme Septembre, eftant le vent pour la plus part Serre,.
Sudoeft : nous approchanes premierement pres de la cofte, & voyans
qu'elle eftoit munie de plufieurs efcueils & rochers, ayans auffi la marée
contraire, courrumes derriere vne poincte de l'ifle, & nous arreftames à .
4o. toifes, eftant le fond beau& commode. Nos gens meirent pied à
terre, prindrent du poiffon , & nous apporterent au retour environ
5o. Cocos, & en avoycnt mangé plufieurs à terre, fans avoir veu perfonne
en la dicte contrée ;fi qu'il eft à croire, que c'cft endroict de l'ifle eft de
fert & deshabité -

Le 3. demeurames à l'ancre le Prefident avec fon frere Daniel & le Pi


lote venans à terre voulurent monter fur les montagnes, pour veoir lafi
tuation & qualité du pays, & s'il y avoit point quelque paffage. mais ils
n'y fceurent parvenir pour eftre les dites montagnes du tout rabboteufes
& pleines de ronces, difficiles à monter, voire au defcendre ils coururent
grand danger de tomber de haut en bas pour s'eftre un peu fourvoyéde la
trace premiere. Au retour & apres que tous fefurent retirés fur le vaif
feau,nous allames avec l'Efquifpaffer par deffoubs un rocher, qui avoit la
figure d'une l'Efclufe. Eftans paffés outre la poincte, derechef nous appa
rut une autre iflette, mais nous ne voulumes point aller plus avant pour
l'aborder. ainfi retournames.
Le 4.apres qu'unjour & demy fuffions demeuré à l'ancre, pour la varia
tion & incöftance des vens, feimes voile en intétion de paffer entre deux
-

- les .
17o N AvI G AT 1 oN Av s T R A L E
1616. les ifles & la terre ferme, au moyen de la marée, & du vent qui pour lors
SEPTEME. eftoit d'Oeftnortoeft. Mais il en advint tout autrement: car nous faifions
tantoft l'un & tantoft l'autre cours, fans rien advancer qui vaille. Tou
tesfois durant ce temps veimes clairement & diftinctement les cinqifles,
qu'on appelle de Moro. La premiere c'eft Bihoa, la deuxiefme en la quelle
avoit efté le Prefident, Doj, la trofiefme Tuacaro, la quatriefme Pou, & fi
nalement la cinquiefme Salangarj, qui eftune baffe terre de couleur iau
naftre , vers la cofte de Gammacamor. -

Tout lejour enfuyvant demeurames fur le mefme lieu, pour ce que le


vent nous eftoit contraire. Les pefcheurs s'en allerent pefcher, & prin
drent quelques Corcobades. Les autres fe mettans à terre ; foudainement
vindrent fauter hors du bois troishommes avec des boucliers & braque
mars aux poings.Nous ne fachans qu'ils vouloyent dire, ne fi c'eftoit par
jeu, ou à bon efcient criames à haute voix Orang Hollanda, ceft à dire, nous
fommes Hollandois. Alors tout incontinent coururent fur la riue , &
verferent de l'eau fur leurs teftes en figne de paix, & nous acollerent
de joye : ils naviguerent mefmes avec nous au bord, & nous donnerent
un poiffon rofty, parloyent un peu Malés, & fe difoyent eftre venus de
Gammacamor au dict bois, pour y cercher du Sagu. En fin apres leur avoir
donné quelques Corales, & eux promis de nous apporter des Porcs, &
autres provifions, les meimes derechefà terre, eftans au dict lieu à trois
petites lieues de Gammacanor,felon qu'ils nous avoyent dict.
Le 6.jettames l'ancre à 17. toifes de fond fablonneux, vis à vis de l'ifle
Salangarj à une portée de Canon de la cofte.
Le7. feimes grand travail fans guerres avancer.Sur le midy nous abor
da une Canoe pour faire prefent au Capitano, de quelque poiffons ; en re
compenfe de quoy il eut de nous trois Coufteaux, trois Cifeaux, trois
faifceaux de fil d'airain,trois petites bouteilles de verre,& un peu de Co
rales, fi que les poiffonsfurent bien payés. Peu apres nos gens en prin
-

drent eux mefmes, tant qu'en pouvions manger.


Le 8.9. 1o. 11.avions continuellement le vent de Sudoeft, fique tout le
temps de ces jours, tant pour la contrarieté des vens, que pour la bon
nace, n'eumes avancé que deux lieues: il ne nous fut jamais poffible d'al
lers Sudoeft vers Terrenate; mefmes le Prefident avec Adrien
Claf(.
ayans faict monter la Chaloupe pour aller cn Gammacanor,n'yfceurent ar
river, mais en approcherent feulement à une ou deux lieues ; puis fe re
- -

Le 12. continuant le ventque deffus, le Patron Guillaume Cornelis Schou


ten, s'cn alla fur la Chaloupe eftant bien equippée vers l'ifle de Terrenate,
en laquelle il eftoit fort bien cognu, efperant de y trouver quelque nou
velle provifion. Ce mefme jour auffi levames l'ancre, mais bien toft fu
mes contraicts de la mouiller derechefà 15. toifes ; ce qui nous ennuya
bien fort. -

Le 13. nos gens s'en eftans allés pefcher, amenerent beaucoup de poif
fons à bord; avec auffi les payfans du lieu, qui nous apporterent à vendre
trois fangliers, lefquels ils nous affeuroyent avoir efté prins à la chaffe
-

des chiens.
Le 14 le vent fe tourna,venant de la terre, qui nous fit avancer une lieue
& demy, fans plus.ce faict fumes contraicts de mouiller autrefois l'ancre.
Le 15. apres midy recouvrimes un bon vent, au moyen duquel, eftans
aidés de la marée , courions au long de la cofte bien avant outre la
baye,
D E I A Q V E S L E M A I R E. 17 1
- baye, & la haute montagne ou nous repofames à l'entree de Loloda, eftans 1 61 6.
bien proches de la poincte deTogghefongyde forte que ce jour avions faict SErrEn
bien quinze lieues de chemin.
Le 16 du matin nous trouvames en ungolfe à une & demy lieue des ifles
de Togghefongy & Loloda.Quelques fois il pleuvoit & faifoit bruineux,juf
ques apres difner.D'icy defcouvrimes la montagne de Gāmacanor, par def
fus les nuees en apres veimes encor Terrenate & Tidore, & l'ifle de Irj, & à
-

l'Oeft de nous la haute montagne de Sabubu.


Le 17. ayans le vent variable, feimes grand' diligence pour arriver en
Terrenate: mais quandnous vinfmes devant le golfe de Sebou, il en fortit un
vaiffeau de Roterdam,qui portoit l'enfeigne de l'Eftoille duMatin,& eftoit
l'une des navires de Spilberghen, qui defia avoit efté l'efpace de demy an
aux Molucques. Dans ledict vaiffeau eftoyent l'Admiral Verhaghen, & le
Gouverneur Ifpar Ianf. avec lefquels nous allames de compagnie vers
la terre,&parvinfmes ce jour enfemble jufqu'au devant de Terrenate. Le
Commandeur avec le Patron s'en allerent tout incontinent à terre fur un
Efquif que le General Monfieur Laurens Real ( fucceffeur de Gerard Reynft
d'heureufe memoire, lequel eftoit mort en Iacatra)avoit
- . -- envoyé tout ex
pres pour les querir. auquel fumes les tres bien venus, & à tous ceux du
Confeil des Indes, qui pour la plus part y eftoyent prefens. Là nous fut ra
conté le fucces du voyage de Spilberghen.comment venant devant la bou
che de l'Eftroit de Magallanes, fa Fufte luy fuft emblée ; & comment il
avoit perdu beaucoups de fesgens, avant que de venir au fleuve de Spiri,
tufantos & avoit employé deux mois entiers à paffer l'Eftroit : puis de là
vogué le long dc la cofte de Chile, & Peru ; ou il auroit ruiné la ville de
Payta. Que en apres il rencontra huict vaiffeaux Efpagnols, dont il au
roit furmontél'Admiral, & le Vis-admiral avec grande perte de fes gens,
& pcu de butin.Que mefmes il auroit vifité plufieurs rades, & Golfes,&
Lima, fans nul profit ; & que pource apres avoir coftoyé la nouvelle E
fpaigne de illec il avoit paflé la mer vers les c71anilas ; & finalement d'icy
vers fa partie. Nous affermant qu'il yavoit dix grands navires bien mon
tés & tous prefts pour venir attaquer la flote , qui de Manilas preten
doit d'aller en Terrenate. Entendimes pareillement avec grand douleur
la trifte advanture de l'Admiral Pierre Bot ; comme il eftoit demeuré
en l'ifle de c21aurice », & que plus de la moitié de fes gens eftoyent pe
ris. Ainfi demeurames longtemps, & à noftre grand contentement de
vifansute l'eftat de noftre pays, & de nos gens.
Environ le foir mouillames l'ancre à onze toifes, fond fablonneux vis à
vis de catalege cn Terrenate. Le Prefident avec le Patron fe feirent mettre
tout auffi toft à terre,pour aller faluer le General Monfieur Laurens Real
afin de luy raconter leur penible & fi dangereux voyage , qu'ils veno
yent d'achever. Ils furent receus & traictés à la Royale, prefens Eftien
ne Verhaghen, & Iafpar Ianfe. Gouverneur de Amboina. Au foir retourne
rent au vaiffeau.
Le 18 trouverent bon le Prefident & le Patron de vendre une part du
reftant de la Fufte bruflée, affavoir ce que nous avions trop. Ainfi donc
vendimes nos deux chaloupes, quatre pieces d'artillerie de la Fufte, &
beaucoup de plomb, avec neufancres, deux gros chables, & autres cho
fes; toutes revenant à mil trois ccns cinquante Caftiliennes au conten
tement des deux parties.
-
Or nous demeurames en ce lieu huict jours, pource que n'eftions pas
2, - encor
72 N Av 1 G A T 1 o N Av s T R A L E
1616. encor du tout expediés pour faire voile, & y laiffames quinze de nos gens
SErTEMB.
à leur requefte, qui fe meirent en fervice de la Compagnie de l' Inde
Orientale, rehauffant de beaucoup leurs gaiges. D'avantage emplimes
d'eau nos vaiffeaux vuides; & veu que la provifion eftoyt quafi toute con
fumée, acheptames duGeneral quatre tonneaux de Ris, une pipe de Vi
naigre, une de vin d'Efpagne, & trois tonneaux de chair, dont ils furent
payés à leur contentement, & nous pareillementd'eux.
Le 26 du matin apresque le Prefident & le Patron eurent defiuné chés
le General, iccluy General, avec tout le College du Confeil, les furent
convoyer fort honorablement jufques au rivage de la mer, avec une com
pagnie entiere de gens d'armes, lefquels eftans rangés en ordre de bataille
defchargerent tout à la foule lcs moufquettes par trois fois, pour noftre
bienallée. Quãd ils furent entrés au vaiffeau il faifoit coy mais apres midy
le vent fe leva, fi que faifans voile avec le fufdct bafteau de Spilberghen, le
quel alloit en 7lotir, ne pouvant nous attaindre, primes en noftre vaif
feau Monfieur de Breen , & Iean Philippe » de la garde du General, pour
les mener en Bantam. Le Patron de l'Eftoile du c71atin nous feit pre
fent de quelque Porcelaine , & Chandelles , & un petit tonnelet de
Beurre.
Le 27.flotames tout le long dujour par bonnace vers la cofte de Tido
re,fi pres de la fortereffe Efpagnole, qui il ne s'en falloit guerre, qu'ils
n'euffent tiré a nous. Toutes fois eftans fupportés de la marée , & quel
que peu du vent, paffames ce jour l'ifle Pulocavale deforte que fur le foir
nous trouvames au cofté de Motir. La nuict finglames au parage de Ma
- chian.
, Le 28. au matin veimes les ifles de Cajo, & Gourities flotans en calme.
& paffames ce jour, à ce qu'il nous fembloit, la ligne Equinoctiale, qui
-

fut la quatriefme fois.


Le 29. apperceumes de loing la terre de Bachiam grande,large,fpacieu
fe & baffe, ayant fa cofte plufieurs encoigneures & poinctes. Devant mi
dy eftions au cofté de Machiam,flotans tout coycment ce jour, & pareille
lemcne la nuict enfuyvante.
Le 3 o. ayans encor Bachian à l'eftribord, & Gilolo à bagbord,vcimes de
vant nous encore quelques petites ifles.
Le premier Octobre veimes à la main gauche un pais rompu, avec
quelques collines, qui eftoit la part Auftrale de Gilolo. En apres veimes
auffi la grande ifle de obj.
Le 2. defcouvrines de Zeram, & çhangeames la route au Sud
fudoeft, pour aborder l'ifle de Burro. -

Le 3.veimes les ifles de Manipa, Kilang, & Burro à bagbord de nous,en


- viron lc midy à 3. degrés de l'Altitudc Antarctique.
Lc 4.5. 6. le vent pour la plus part Sudeft, paffames Buro , Ca
beffa , Calica : & le 7. Cambona. La nuict n'eftions pas loing de Buque
1'é17765, , -
-

Le s de matin avions lc vcnt à l'Eft,& aufoir paffions deux petites ifles,


& la baffe cefte de Celebes , fur laquelle veimes beaucoup de feux al
lumés.
Le 9. au midy nous trouvames environ Macafar, & fines diligence
pour venir à bord de Madura. de nuict eumes le vent doux.
- Le 11.cours & vtnt, que deffus; qui environ le foir s'efleva de l'Eft.
apres
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D E I A Q y E S L E M A I R E. n73
apres midy nous trouvamcs à 15. toifes tout apres d'un banc de la 16 1 6.
mer, qu'on appelle le Chapelet, ou Patrenoftre ou nous veimes beaucoup OcToB.
de verdure, & des grandes brifures de la mer , non fans danger du Na
Le 12. & 13. continuant le mefmc vcnt & carriere, veimes l'ifle Madu
ra, à la main gauche. -

Le 14. nous trouvames eftre paffés outre Madura,& apperceumes la co


fte de Iava. Ce mefme jour paffames par devers Tuban, & veimes bcau
coup de pefcheurs venans avec leurs Canoes hors de la mer.
Le 16 eumes le vent venant de terre.apres midyvinfmes devant Iapara,
& mouillames l'ancre à 5: toifes, au fond d'argille, à l'exemple d'un bafteau
d'Amfterdam, nommé Hollandia,qui fe renoit là pour achepter du Ris, &
le tranfporter en Terrenate .. Le Prefident fe feit icy mcttre à terre,
pour achepter quelques provifions, d'autãt qu'il fçavoit les jumens y eftre
en abondance, & à bon marché, comme auffi les Poulles,Oeufs, Tamarin -

des Arac, Poiffon,& generalemcnt toute forte de vivres.


Le 17. & 18. de jour avions le vent vcnant de la mer, & de nuict de la
terre. Cependant feimes icy bonne provifion de Ris, Febves, Poiffon fa-

lé, & d'autres chofes.


Le 22. apres eftre prouveus de tout ce que defirions, y perdimes une
ancre par les travades, qui rompirent la corde.
Le 23. ayant dedans noftre vaiffeau cinq bœufs vifs pour la cuyfme,fei- ..
mcs voile.
Le 28. fur le foir jettames l'ancre fnr 1 3 toifes , à trois lieues de Ia
Cat7'4. -

Le 29, nous arreftames à 14. toifes vis à vis de Iacatra, ou trovames


trois bafteaux Anglois, & quatre Flamends , & une Ioncque qui avoit
permiffion de par la compagnie d'aller trafiquer en Banda. Cefte nuict
mourut le premier homme de la compagnie du grand vaiffeau : mais de . ,
ccux de la Fufte defia y cn avoit deux morts.ADieu foit la grace,qui nous
-
--
' . -

à fi bien gardés.
" Le 3o. calames tous nos voiles, & lc jout enfuyvant menames tous les
malades à terre. Apres midy auffi fe vint trouver icy devant Iacatra le
Prefident Ian Pieterfon Coenen avec fon vaiffeau portant le nom de Ban
tam.

- Le premier Novembre eftans devant Iacatra, furent mandés àterre NoveMtn .


noftre Prcfident avec les plus notables dc nos gens vers le Prefident de
l'ifle lequel en pleine affemblée de fonConfeil de par les Adminiftrateurs
de la Compagnie d'Eft-Inde declara noftre vaiffeau eftre confifqué, &
qu'il nous falloit le quitter avec toutes fes appartenances,& les liurer en
tre fes mains. A quoy s'oppofa fort & ferme noftre Prefident, remon
ftrant avec beaucoup de raifons; le tort qu'on luy faifoit. fur quoy luy
fut repliqué, que le Prefident fuyvoit fa charge , & s'il luy fembloit,
u'on luy faifoit tort, qu'il pourroit inftituer fes plainctes & debattrc
fa caufe en Hollande. De forte qu'il fut contrainct de faire ce qu'on
luy commanda livrant le navire, & toutes fes appartenances aux de
putés dudict Prefident par Inventaire. Ce qui fut faict le premier de No.
vembre,fclon'noftre compte,& le deuxiefme dudict mois felon le comptc
· de noftre nation en ce lieu. La caufe de cefte difference venoit de ce que
nous, allans de noftre pays vers l'Occident, pour avoir circuy une fois le
-

Y 3 globc
-

- .
-

-
-

1 74 NAVIGAT, AVST. DE I, LE MA IR E.
T 6 1 6.
globe du monde avec le Soleil, iceluy nous eftoit couché une fois moins,
NovEMB
& par confequent avions cu une nuict moins:eux au contraire faifans voi
le de l'Occident vers Orient,avoyent eu le Soleil couchant,& par confe
quent un jour naturel plus, que nous; qui revient à la difference de 24.
heures; fi que pour fuyvre le ftile ordinaire des autres, fumcs contraincts
de perdre unjour dc la fepmaine, fautans de LuncdyauMercredy n'ayant
quc fix jours en la fepmaine: ce qui foit dict en paflant. Ainfi eftans pri
vez de noftre navire, quelquels uns des nos gens fe meirent illec en fer
vice. Le Prefident, avec fon ftere Daniel, & le Patron du navire de Concor
de, avec encor dix hommes furent mis fur lc navire Amfterdam, qui pre
tendoit dc retourner en la patrie. Le refte,affavoir Adrien Clafz. & le Pi
loteNicolas Pieterf. avec dix autres perfonnes furent diftribués fur le Na
DE cEMB.
vire Zelande; & partirent de Bantam le 15. Decembre.
Le 3I. trefpaffa de cefte vie le courageux perfonnage Iaques le Maire ,
Prefident qui fut de noftre Compagnie, apres avoir executé non moins
vaillamment que fagement cefte honorable entreprinfe & voyage a l'en
tour du Monde.
1617.
- IANvIER.
Le 1. de Ianvicr eumes le vent au Nortoeft, avec tempeftes, & flotames
-

fans voiles. -

Le 2. perdimes de veue par un orage le Navire Zelande , qui fut re


trouvé depuis. -

Le 23. veimes l'ifle de 71aurice : & le 24. parvinfmes à la rade d'icelle,


& apres y avoirfaict noftre provifion d'eau, partimes derechefle 3o.

MA Rs. Le 7. de Mars paffames le Capde bonne Efperance, & alegrement dreffa


mes noftre cours vers l'ifle de S. Helaine . -

AvRIL. Le 1. d'Avril devant midyveimes la dite ifle, & le jour enfuyvant vin
mes au deffoubs d'icelle; ou nous trouvions derechef le navire Zelande ,
lequel eftant efcarté de nous par la tempefte, y eftoit arrivé quelques
jours devant nous. -

Le 7. dudict mois apres nous eftre bien prouveus, feimes voile par en
femble; & le 15. defcouvrimes l'ifle d' Afenfion.
Le 24.furent par les matelots apperceus de loing, mais point recognus
deux navires, à la hauteur du premier degréau Sud de la ligne.
Le 25 paffames pour la cinquiefme fois la ligne Equinoctiale ; & le 29. ,
nous apparut l'eftoile du Nort, qui par l'efpace de 2o. mois ou plus con
tinuellement nous avoit efté cachée.

IvILLET. Le 2. de Iuillet arrivames avec le navire Amfterdam en Zelande ; ayans


-
- || - --- -

. *** achevéce facheux & penible voyage en deux ans dixhuict jours,fans que
--
noftre fidele & bon Prefident Iaques le Maire, euft l'heur d'en veoir l'iffue;
comme il avoit longtemps & fur toutes chofes extremement defiré.

--
Fin de la Navigation eAuftrale du Prefident
fA Q y E s L E MA 1 R E.
175

R E LATIoN
Des deux Caraveles, que le Roy dEfpagne envoya de
Lifbonne l'an roI .. aumois d' Octobre, foubs la con
duite du Capitaine Don Iean de More pour vifiter
& defouvrir le paffage de Le Maire devers le Sud,
Lefquelles retournerent en Seville au moi d'Aouft 1 6 1 9. e5
firent le rapport au Toy de tout ce qui leur eftoit ad

t le Royinformé, comment ceux d'Hollan 1618,


*8
*%**&3N8: de avoyent defcouvert le paffage
ffg de Le Maire, tou
\ye chant lequely avoit en Efpagne plufieurs & diffe
E, 9 % * ftre
3
rentes opinions de ceux de fon Côfeil afin d'en e
du tout & àplein efclairci,ordonna que pour
ce fait on appareillaft deux Caravelles, chafcune
d'icelles eftant environ de deux cens tonneaux,
%332\& toutes deux equippées de foixante hommes,&bié
prouveuës d'artillerie , munition de guerre, &
vivres pour deux ans ou environ, afin d'aller trouver & vifiter ledict paf
fage pour en faire le rapport au Royayant mefmes à ce que un telvoyage
* tant plus feurement executé, prins en fon fervice quclques Pilotes
Hollandois,& entre les autres un de la ville d'Amfterdam, nommé Iean de
VVitte». Suyvant la quelle refolution les fufdites Qravelles partirent
de Liftbonne au mois d'Octobre l'an de 1618.foubs la conduite & gou
vernement du Capitaine Don Ieande oMore : auquel fut bien expreffe
ment donné charge, de prendre de pres garde à toutes chofes, & fur tout
s'il n'y auroit point de moyen pour fermer ledict paffage en y baftiffant
quelque fortereffe:qui fut la principale,voire la feule & unique intention
d'y envoyer lcs Caravelles fufdictes: eftant le Roy dutout affeuré & tref- .
bien informé par quelques Pilotes Hollandois touchant l'invention & fi
tuation dupaffage mefme; fi qu'il n'y avoit aucune caufe de le revoquer
en doubte.
, Ils arriverent heureufement au fleuve de Genero, qui eft fur la cofte du
Brefil , d'ou apres avoir faict provifion d'eau, & d'autres chofes necef
- faires, faifant leur cours vers le Paffage pretendu , ils fe trouverent un
peu à l'Orient de l'Eftroit de Magalanes : & s'approchans de la terreyvei
rent une grande Baye, qui alloit dedans le pays; pour la quelle vifiter en
trerent plus avant, & luy donnerent le nom de Saint George. Venans à
terre,y trouverent des hommes de fort grande ftature,furpaffans les plus
hauts perfonnages de noftres pays de la tefte. Iceux les traicterét en amis,
fans aucun empefchement ou fraude. Le Capitaine Don Iean de More trafi
quant en ce lieu avec les Indiens changea contre eux quelques pieces
d'or pour des vieux ferremens, & notamment une verge d'or d'un pied
& demy de longueur, la quelle il eut des Negresfans que les Pilotes Hol
landois en fceurent jamais la pefanteur; d'autant que le Capitaine le tint
fecret;
176 N A v I G AT I o N Av s T R A L E
1618. fecretsauquel auffi feul eftoit permis de faire la trafique, en forte que mef
mes on ne fceut fi ledictor eftoit creu en ce pays mefme, ouautre part.
Partaps les Caravelles hors de cefte Baye, finglerent à l'Eft, fuyvant la
cofte, ** toufiours le pays en la veue, afin de trouver tant mieux
le Paffage qu'ils alloyent cerchans : lequel en fin ils trouverent gifant du
tout ainfi, comme il fe veoit en la Carte de la Compagnie Auftrale : excepté
- feulement qu'ils different entre eux touchant la largeur dudict Paffage.
car ceux cy rapporterent, que il n'eft pas fi large, comme la Carte le de
monftre ; s'accordans ce pendant touchant la longneur de fept lieues.
, Ayant donc trouvé lc Paffage, par lequel ils euffent peu paffer tout à
l'heure, le Capitaine, fuyvant la Commiffion du Roy, les en destourna &
les feit paffer plus outre, coftoyant la terre, qui eft à l'Orient dudict pas,
finglant à l'Eft, & Eft quart auSud, jufqu'à environ la longueur de trente
lieues d'Efpagne pour veoir fi peut eftre il y avoit encor quelque autre
Canal ou Paflage , allant en la nouvclle mer du Sud. Mais n'ayant rien
trouvé, que terre fermes & conclu de là, que efte cofte s'eftend conti
nuellement à l'Eft devers le Cap de Bonne Efperance, les Caravelles retour-.
nerent non fans difficultépource que le vent eftoit contraire,vers le Pf
fage de Le Maire, lequels ils pafferent bien aifement, & en moins d'un jour
fe trouverent fur la mer du Sud. Ou le Capitaine fuyvant fa commuffion
vifita le pays, qui eft à l'Eft dudict Paffage, qui fe nommc en la Carte
Hollandoife, le pays de Meffieurs les Eftats, environ l'efpace de trente lieues,
pour veoir la fituation d'iceluy. Or nous trouvames que ledict pays y eft
beaucoupplus large, qu'il nefe demonftre alentour du Paffage mefmes,
fansy avoir apperceu paffage quelcõque, mais partout la cofte fort haute,
& pleine de rochers de deux coftés, à la façon du pays de ZNorvveghe.
Les fufdites Caravelles retournant vers le Pffage de le Maire entrerent
encor en une autre baye, gifante fur un coing du Paflage, devers la Mer
du Sud, ou ils trouverent auffi des gens : & une infinité de Baleines aux
deux entrées du : à fçavoir en la mer du Nort, & en celle du Sud
(ce que par avant avoyentauffi experimenté ceux de la Compagnie Auftrale)
fi que chafcun fe trouva du tout efmerveillé de veoir tant & tant de grãds
animaux, fans rien mesfaire aux navires. Ainfi allerent le long du pays,
qui eftdevers le Deftroit de Magalanes, que nous appellons l'ifle de cAaurice,
. & dcfcouvrirent auffi les petites Ifles de Barnevelle ; & finalement conti
nuans la mefme pourfuyre rencontrerent le Cap de Horne, au parage &
hauteur de degrés,qu'on le veoit en la carte des Hollandois,iceluy eftant
- l'endroict le plus pres du Pole Auftral, qu'on a jamais trouvé, ny veu juf
qucs à prefent. - -

D'icy reprindrent leur carriere pour aller plus avant, au long de la co


fte, tenans toufiours lcdict Cap en la veue, & en plufieurs endroits mi
rent pied à terre, & trouverent par tout des gens, fans que toutesfois ils
ayent jamais trouvé un autre paffage de la Mer du Nort à celle du Sud,
horfmis feulement le Deftroit de 7agalanes. Quoy que aucuns Anglois,
& mefmes auffi le Commandeur Spilberghen en ayent voulu fouftenir le
contraire; difans que il y avoit un paffage allant de Cabo Froiard qui gift
cnviron le milieu de l'Eftroit,jufques en la mer du Sud. ce que l'experien
ce a demonftré au rebours, ayans trouvé ceux cy , & cognu à veue d'œil
que tout le pay, qui gift devers l'Eftroit de Magalanes eft contigu,& qu'à la
verité c'eft une ifle, commc auffi les Adminiftrateurs de la Compagnie
Auftrale » l'ont faict appeller l'ifle de «7/aurice-: ce qui ne luy convien
-

droit
D E I E A N D E M o R E. ,
droit nullement, s'il y avoit par là quelque paffage ou Canal pour aller
en la mer du Sud. -
-

Les Caravelles fe trouvans fur icelle mer , ne fouhaitoyent rien au


tre, que de naviguer au long de la cofte de Chile , fi comme le Roy avoit
bien ordonné, ils euffent efté pourveus de vivres pour deux ans. mais par
l'avarice & defloyauté de fes fcrviteurs, qui pour en tirer malheurefement
leur profit avoyent vendu une partie de la provifion, de forte qu'il n'y en
avoit au plus haut que pour dix mois; furent contraincts de cy mettre fin
à leur entreprinfe & retourner à la maifon. Ayans donc le vent propice,
&la marée favorable pour retourner, ils pafferét tout à fouhait par le mef
me Paffage de la mcr du Sud à celle duNort,apres avoir vifité au Deftroit,
quelques places, & notamment celle ou par cy devant futbaftie la ville de
Philippe,fuyuant l'ordonnance du Roy qu'il en avoit baillé au Comman
deur.Mefmes ils trouverent cn iceluy Deftroit quelques arbres dont l'ef
corce eftoit de fort bonne fenteur, & plus piquante au gouft que n'eft le
poivre, dont ils prindrent avec eux une partie, & la vendirent à Seville
our feize Reaux la livre. Et voilà comment ces rctOUlI'I] Grent
:
de l'Eftroit en Efpagne, & arriverent fans aucun'malheur dcvant la cité -
- de Seville, felon la commiffion qu'ils avoyent de retourner en Efpagne, &
non en Portugal. proteftant toutesfois depuis le Capitaine Don Iean de
cMore, que s'il euft fceu que le Roy eftoit à Lifbonne, non obftant fa char
ge d'arriver cnSeville,il n'auiroit toutesfois delaiffé d'aller trouvcr fa Ma
--

jefté avec les Caravclles aud1ct Royaume de Portugal.


Arrivans doncques à eville » le jour de Saint Laurens, qui eft le Patron
de la maifon de Bourgogne, defchargerent avec grand triomfe leur artille
- rie, fi qu'il en fut tué un homme fe proumenant fur le cay. Le Capitaine
s'en alla par devers le Roy eftant lors à Lisbonne pour faire le rapport de
leur fucces au voyage, qu'ils venoyent de faire. Lequel apres eftre en
tendu par leRoy,il ordonna par advis de fonConfeil,& de ceux de la mai
fon de Contractation de Seville ,qu'on feroit en toute deligence appre
fter en Seville huict vaiffeaux, pour les cnvoyer par ledict Paffage vers les
ifles Filippines, eftans bien montés de genfdarmes, matelots, ammoni
rions de guerre, cordages,& autres chofcs neceffaires à l'expedition des
Gallions, qui eftoyent en otanilas ; commandant le Roy de defpecher
lefdits vaiffeaux & les tenir prefts de partir au mois de Novembre 1619.
fans aucune prolongation. -

D'avantage ont refolu les mefmcs Efpagnols pour la bonne commodité


dudict paffage , d'envoyer par iceluy tous les ans fecours & affiftence à
ceux des Filippines,&Malucques.Principalement à caufe que les Pilotes Hol
landois, efpccialement Pierre Michel de Catdoule, qui devroit aller fur l'un
des huict vaiffeaux fufdits cn qualité de Pilote mayeur , fe fit fort au
Roy (ne fuft que par malheur il en advinft autrement ) de naviguer tous
les ans par ce Paffage en huict ou neufmois de l'Efpagne jufques aux Fi
lippines, & lalucques d'autant qu'en la mer de Sud on a toufiours les vens
& les flots favorables, de forte qu'à l'ordinaire on pourroit menerufques -

aux dicts pays les gens fains & difpofts, en deux mois de temps, fans qu'il
fuft befoing fe foucicr des faifons de l'année, ou qu'il falluft craindre l'em
pelchement des Moifons en cefte carriere. Qui eft ce , qui ne admire
une telle promeffe ? & qui ne loueroit grandement la practiquc d'unc
telle entreprife, de mener les gens de l'Europe jufqu'aux ifles Filippines, &
Molucques fains & faufs, en fi peur de temps, fans fe foucier des faifons de
l'an,
178 N A V I G A T I O N A V S T R A L E-
l'an, vens, ne mouffons, aufquels on cft fubject, quand on y va paffant le
Cap de Bonne Hfperance. De vray la difference de ces deux Naviga
tions feroit pas trop grande. Car la continuelle experience depuis que
ces Provinccs unies ont trafique és Indes Orientales, nous a demonftré,
que pour arriver aux ifles Malucques quand tout va bien & à fouhait, qu'il
y faut pour le moins quatorze, quinze, ou feize mois, & fouvent plus:
cftant mefmes ce voyage fi dangereux & difficile , que le tiers & fou
vent la moitiédes gendarmes, & autres qui vont fur les Navires , fe
meurent devant qu'on arrive au lieu pretendu. Ie me deporte de dire
que plufieurs flottes ont perdu encor plus de leursgens, que je n'ay
dict. Il eft plus que notoire, que le Gouverneur Gerard Reynft condui
fant l'armade de ces pays vers l'Eft-Inde fut feize mois & trois jours en
chemin, avant que d'aborder en l'ifle de Bantam ; je laiffe à dire qu'il fe
roit venu aux c7tolucques, ayant perdu plus que le quart de fensgens. Le
Commandeur Adrien Gualtier allant avec quatre Navires de Hollande »
en Bantam, y meit dixneuf mois & demy ; eftans mort fur le bafteau
Fliffingues» l'un des quatre , cent foixante trois perfon
:
nes de deux cefis quils avoyent efté; les trente fept qui eftoyent de
refte , pour la plus part fi foibles & debiles , qu'il ne leur euft efté .
poffible de mettre aucunement la main à la befoigne fur le vaiffeau en
cas qu'ils euffent efté requis de ce faire. Pareillement les vaiffe
aux des ours 2Noir & Blanc, y employerent l'efpace de dixhuict mois
ou plus, devant qu'ils vinffent en Bantam; ayans perdu le quart, & le
tiers de leurs gens. Les vaiffeaux de l'Aigle de Zelande , Concorde»
- d'Amfterdam , l'oranger de Horne» y ont mis douze, treize mois, & .
lus. -

Par lefquelles chofes s'entend combien il eft plus difficile d'aller à


l'Eft du Cap vers les Molucques,Ambonne,& autres contrées de l'Eft-Inde,
que d'y aller par ce Nouveau Paffage ; de maniere qu'il n'y a point de
comparaifon de l'une Navigation à l'autre. Puis que par icy partant de
noftre pays en lafaifon propre, on pourroit parvenir jufques à la cofte de
Chile » & Perù en cinq mois ou environ, & en huict jufqu'aux c7toluc
ques, & autres pays fufallegués fans aucune perte de gens ; comme il
cn advint à la Navire Concorde de la Compagnie Auftrale : laquelle cyar
riva fans avoir perdu perfonnc. Eftans au contraire les navires de la
Compagnie d'Eft-Inde, quand ils viennent aborder en Bantam hors de
la faifon , contraincts de confommer trois, quatre, ou cinq mois, avant
qu'ils puiffent avancer leur voyage , fans compter mefmes le temps,
-
qu'il fault pour aller plus outre aux ifles de Malucques , & autres con
fl'cçS.

- - - Recueil
DE L EsTRoI r DE MAGELLAN. 179

Recueil & eAbbregé


De tous les Voyages, qui ont efté faicts devers le
Defiroit de &Magalanes.
D V V O Y A G E
D E

F E R D IN A N D MA G A L L A N ES
r 'Armade de Magallanes partit de Seville , le dixiefme d'Aouft , l'an 15I9,
- , 1519. & venant en l'ifle Tenerif, y fejourna quelque temps , jufques
au troifiefme d'Octobre. d'ou eftans partis, finglerent l'efpace de
quinze jours , au bout defquelsfe trouverent pres la cofte de Guinea,
environ Cabo Blanco, ou ils furent contraincts de floter pour la calme, qui
dura vingt jours apres lefquels fe leva le vent, mais du tout contraire, &
continua l'efpace d'un mois de route, durant lequel toutefois ils pourfui
virent la continuation du voyage, nonobftant les tempeftes & orages de
la mer, en forte qu'ils arriverent le treiziefme Decembre au Port & fleuve
de Genero, qui eft én la Brefille , ou s'eftans rafrefchis, le vingt feptiefme
dudict,firent derechefvoile, fuyvans la cofte. Le feptiefme de Ianvier 152o.
152o. fe trouverent à la hauteur de 34 degrés, & arriverent au fleuve de la
Plata, ou ils fejournerent un à faire provifion d'eau. Le fixiefme
de Fevrier pourfuivirent leur:
chemin, coftoyans la terre par l'efpace de
cinq journées à une lieue, & dcnuict, à cinq oufix lieues de la riue.* Sur
4o. degrés trouverent le beau Golfe de saint Matthieu ; auquel voulu
rent entrer pour vcoir, fi c'eftoit un Paffage ou Eftroit de la Mer, ains n'y
trouvás point de fond pour ancrer, pafferent plus outre jufques à venir en
une autre Baye, qu'on appelle de los Patos : en laquelle fut par eux defcou
verte une petite Ifle, plcine de Robbes, & Pinguins. Plus avant trouve
rent detechef & entrerent en une belle Baye de los Trabajos, qui eft vers
le Nort du Fort S. Iulien; auquel endroict trouverent bon d'hyverner (car
l'hyvery commençoit, confideré qu'il eftoit defia le mois d'Avril ) & y
eurent des grandes tourmentes. Apres donc eftre partis delà, s'en alle
rent le long de la cofte, & arriverent le dimanche de Pafques au Port de
saint nulien, à 49; degrés : Et d'icy eftant envoyé plus avant un de leurs
vaiffeaux pour ccrcher quelque Eftroit de la mer, ils defcouvrirent à 2o.
lieues dudict Port une belle Riviere, affavoir Santa Cruz de Mayo, &
cy veirent grand quantité de Poiffons & Loups marins : ils voulurent
paffer plus outre, mais un orage furvenant à l'improuveu, porta la na
vire contre terre, fi qu'elle yeft perie. Or apres que mois d'hy
:
ver, qui font Avril,May, luin, luillet, & Aougft, furent paffés ils firent
voile du Port de saint Iulien, le vingt uniefme d'Aouft, vers le fufdict
fleuve de Santa Cruz, ou ils firent nouvelle provifion, & s'y arrefterent
encor les deux mois de Septembre & Octobre. partans d'illec le dernier
dudict Octobre , allans toufiours vers le Sud au long de la cofte,à grand
peine pour le mauvais temps & continuelles tempeftes,jufques au
-
2 c*
18o R E cv E 1 L D E s N A v I G A T I O N S
152o. la Virgines. Le fixiefme Novembre fe trouverentfinglant au Deftroit &
le vingt feptiefme dudict en la mer du Sud, ayans paffé l'Eftroit en l'efpace
de vingt jours. Alors firent le cours vers le Nort, avec grands travaux &
tourmentes, jufqu'au dixhuictiefme Decembre, qu'ils fe trouverent fur
la hauteur de 32 degrés : d'ou ils commencerent avec bon vent à faire
leur route au Nortoeft, & Oeftnortoeft jufques à la ligne. Le vingt qua
triefme du Decembre, apres avoir finglé en la pleine mer plus de trente
journées hors de la veue de toutes terres & ifles, ils cftoyent à 26. degrés
de l'altitude Auftrale.A la fin defcouvrirent deux petites Iflettes, defer
tes & defolées, qu'ils appellerent à cefte occafion Defventuradas, ceft à
dire 71alheureufes,pour n'y avoir rien trouvé du tout. Guido tefmoigne
qu'ils naviguerent trois mois & vingt jours, avantque d'appercevoir la
I522 terre. L'an 1 5 2 2. le fixiefme de Septembre retourna le navire Victoria,
& arriva à Seville en Efpagne ; ayant efté en ce voyage trois ans, vingt &
fix jours.

D v v O Y A G E
9ue firent les Vaffaux de l' Evefque
de Plaifance
- DoN GvTIERREs CARvAJAL .
,' *,

A deuxiefme flote, qui allavers le Deftroit de cMagelan, fut celle que


fit monter l'Evefque de Plafance, eftans quatre vaiffeaux en nombre:
T lefquels
: en intention d'aller par ledict Deftroit
aux Ifles de Molucques ; felon l'ottroy qu'avoit obtenu l'Euefque, de par
l'Empereur. Iceux donc arriverent heureufement, & avec bon vent au,
Deftroit de Magelan; dedans lequel eftans entrés environ vingt lieues de
chemin, leur furvint un grand vent d'Oeft, qui de fa violence emporta
les troix navires contre la cofte du Sud, & les meit en pieces, repouffant
mefmes le quatriefme en arriere jufques en la mer du Nort. Iceluy apres
l'orage paflé, retourna au Deftroit à la recerche de ceux de fa Compa
- gnie, lefquels, helas, ils apperceurent cheminans fur la riue,bien triftes de
ce que leurs vaiffeaux eftoyent peris; & pour comble de tous malheurs,
combien qu'ils criaffent à ceux du navire, ne furent point receus. Car le
Capitaine ne voulut jamais venir vers eux à terre.eu efgard à la petiteffe
de fon navire, & au peu de vivres, qu'il avoit, qui n'eftoyent aucunement
fuffifans pour tant de perfonnes. Par ce il conclud de paffer outre ; &
d'autant qu'il eftoit ne voulut entreprendre d'aller aux Molucques,
mais pluftoft vers la cofte Peru ; finalement arriva en la ville de Lima,
en laquelle eft demeuré & fe garde ce navire encores à ce jourd huy, le
maft eftant erigé & colloqué devant le Pallais pour la memoire dudict
voyage.Quant à ceux des trois a utres vaiffeaux peris au Deftroit, qui fu
rent deux cens cinquante perfonnes, foubs le commandement du Capin
taine 9uros, jamais ou n'en a recouvré des nouvelles, combien qu'il y
ait defia bien quarante ans paffés. . ,
-
2 DE L' ESTROIT DE MAGEL LA N. 181

LE TRoIsIESME voYAGE
, vers l'Eftroit de Magallanes par la
Mer du Sud.

Efte troifiefme Navigation fut inftituée par Don Garciade Mendoza


Gouverneur de Chile, pour defcouvrir ce Deftroit de la part du
Sud. y envoyant à celle fin deux navires foubs la conduite du Ca
pitaine Ladrillero : lequel à la verité trouva le fufdit Deftroit, & le paffa,
mais point tout outre ; car il ne ofa fe hafarder pour en fortir: ains fi toft
qu'il eut veu la mer du Nort, il retourna vers celle du Sud, pour les terri
bles tempeftes: car l'hyver eftoit defia commencé, & fi le rencontroyent
(à ce qu'il en a rapporté) les ondes de la mer du Nort du tout troublées,
hautes, & terriblement enflées ; voire efcumans à merveilles, qui le fi
-

LE VO Y A G E
QvATRIESME
--

DON FRERÉ GARCIA de LOAY SA,


9u envoya l'Empereur Charles avecfx Navires à la
-
-
recerche du mefme Deftroit
, - « -

l'an 1 r 2 5. .
Ls partirent de S. Lucar au mois de Iuillet, & apres s'avoir rafraifchis 1525•
en l'ifle de Sc71atthieu, firent voile le troifiefme de Novembre ; & def
couvrirent le quatriefme du Decembre enfuyvant, la cofte de Brefile »
à 2o. degr. Depuis le quatorziefme jufques au dixhuictiefme de Ianvier
furent grandement tourmentés par les tempeftes : & perdirent un des
Navires à Pentrée du Deftroit, non loing de Cabo de las Virgines. Le dix
lhuictiefme dudict mois entrerét dedans l'Eftroit, dont par la tempcfte ils
furent repouffés dehors,& fe journerët à caufe des orages quelque temps
au fleuve de S. Alfonfe, comme auffi dans le Port & Riviere de Sainte Croix,
ou les gens pour quelques confiderations fe meirent en defordre & à
mutiner. En fin ils fe meirent pour la feconde fois dedans le Deftroit,
qui fut le huictiefme d'Avril, & le pafferent tout outre jufqu'à fe trouver
au premier de Iuin fur la mer du Sud, trouvans à l'iffue du Deftroit plu
fieurs ifles qui gifoyent fur.la hauteur de 48. degrés, ou environ, aux
deux coftés de ladite iffue. Ils s'arrefterent en tout 52.jours dedans l'E
ftroit, & y perdirent leur Patache. Au bout de cinq jours, qu'ils eftoy
ent fortis de l'Eftroit, furvint une horrible tempefte,par la quelle furent
efcartés & emportés les vaiffeaux qui deça, qui delà, fi furieufement que
le Navire du Capitaine eftant perdu , jamais ne l'ont veu du depuis.
Ceft orage continua fifaict quatre ou cinq jours de route , qu'il ne leur
fut
Z3
182 R E CV E IL D E S N AV I G AT I O N S
1 5 2 5. fut poffible de faire aucun voile durant tout ce temps. Apres lequel
pourfuivirent leur chemin vers les Molucques, & arriverent à la parfin en
Mindanao.Or avoyent ils veu fur les rives de la cofte de Magalanes plufieurs
Baleines, lefquelles par l'orage la mery avoit jetté ce qui fignifie ordinai
rement tempeftes & haute marée.Semblablement avoyent trouvé fur le
fleuve de s.druz des afpics en grand nombre, & de plufieurs fortes & des
ierres AEmatites (fignifiant par le nom la vertu d'icelles, qui eft de re
ftraindre le flux de fang) & plufieurs autres belles rarités , notamment
grand'abondance d'un certain bois de fort bonne odeur & de la Canelle
fauvage verte , quipour tout cela ne laiffoit d'eftre bonne à manger.
Finablement difent , qu'il y demeure des gens fur les deux rives de
l'Eftroit.

D E

s I EV R F R A N q O IS D RA Q y E
- vers le mefme Deftroit de Magalanes,
' l'an r r 7 7.

1 577.
L partit du port de Plaimude pour la premiere fois le 15. Novembre,
mais ne pouvant à caufe des vens contraires continuer fa carriere, fut
contrainct d'y retourner, & fejournerenattendant meilleure oppor
tunité; fi qu'il en partit pour la feconde fois le 13. Decembre, avec cinq
bafteaux petits & grands. Lesquels le 25. dudict moys fe trouverent au
pres de Cabo Cantien, qui eft en Barbarie; & arriverent en l'ifle de Mogador
le 27. ou ils preparerent & drefferent leur Pinnache,& feirent voile pour
aller plus oultre le 3o. Decembre. Le 17. de Iauvier 1 578. ils vindrent
n57 s. aborder en un port de Cabo Blanco: duquel eftans fortis le 22.firent fi bien
qu'ils fe trouverent le 27. enfuyvant aupres de l'ifte de Maia, & arriverent
le 29. en Santiago. Vainquirent le navire de Mino de Sylva , lequel ils
prindrent avcc eux pour eftre bon Pilote & bien experimenté en la Na
vigation, & partirent de là à la recerche de l'ifle Brava ; & d'illec plus
avant, apres avoir faict aucunement provifion d'eau fraiche , tirerent au
Brefil. Cependant quand ils furent environ la ligne, il furvint un calme,
qui dura l'efpace de trois femaines ; lefquelles expirees fe trouvansà la
hauteur de 33 degrés, defcouvrirent la terre de Brefile, qui fut le premier
jour d'Avril. Toutesfois fans fe rafraichir d'eauë, ne fans venir à terre,
pourfuivirent leur route jufques au fleuve de la Plata auquelils entrerent
à 53. & 54, toifes, & puyferent l'eau du fleuve hors du bord des Navires.
De ce lieu cy ils allerent plus outre continuans le cours jufqu'à39 degrés:
fe repoferent à la fin non loing de quelques rochers, devant une Baye,
ou y avoit plufieurs Robbes; & delaifferent un ou deux de leurs Navires,
qu'ils meirent en feu, apres en avoir fauvé tous les biens. Si pourfuivirent
leur voyage avcc les quatre demourans, qui arriverent le 2o. de Iuin en
Baya de las Iflas, ou Puerta San Iulian, gifant à 49.degrés, ou ils fejournerent
27 jours durants lcfquels ne cefferentfaire provifion & s'armer pour un .
_ -

befoing.
--

DE L' EsTRoIT DE MAGELLAN. 1ss


befoing. Ce qu'eftantfaict ils partirent dudict port de Saint Iulien, co 1 57 3. "
ftoyans toufiours la terre environ d'une lieue & demye (car on y a par
tout egalement la profondeur de 2o. à 25. toifes) & pafferent quatre ou
cinq jours avant que de venir devant la bouche du Deftroit. auquel ils
n'oferentpas entrer, pource que le vent contrarioit : ains demeure
rent quelques jours en attendant meilleur temps . A la fin y entre
rent, le 21. d'Aouft, ayants le vent d'Eftnorteft. Le 24. ils y entre
rent plus avant,fi qu'ils vindrent ce mefme jour aborder enl'fle des Robbes.
Et apres voguerent par ledict Deftroitfans aucun cmpefchement ne mal
aventure, ny de la tempefte, ny du vent contraire. Qui les travaillerent
bien autrement eftans venus le 6.Septembre en la mer duSud car l'orage
les efcarta l'un en ça & l'autre en là, fi que les bafteaux fe perdirent pour
un temps.Lefquels au bout de la tempefte fufdite firent leur courfe Nort
oeft & Nort, fuyvans toufiours la cofte, & fe rafraichiffans en certaines
lfles. Dont partans avec les vens de Sud, ils s'en allerent devers Chili, co
ftoyans toufiours la terre, comme auparavant, environ Santiago. Le 17. de
- Febvrier 1579.ils fe trouverent devant Acapulco en la nouvelle Efpagne.du
quel endroict faifans voile, apres quelque efpace de temps ils parvindrent 1 57 9.
à la hautcur de 43. degrés, & y trouverent l'air fi froid qu'à grand'peine
fe pouvoyent ils re chauffer. En apres ils vindrent en un bcau Golfe d'A
merique, lequel eft appellé 2Nova Albion, gifant fur 38. degrés Lc 13.
Octobre ils defcouvrirent & abordcrent quelques Ifles, à la hauteur de
8. degrés au Nort dc la ligne. Le 14. Novembre arriverent aux Molucques,
& le 3. Novembre 1 58 o. cn Angleterre, ayans employé audict voyage le
temps de deux ans & dix mois. Or il faut noter que d'Angleterre ils vin - 158o.
drent jufques au devant de l'Eftroit en fept nois quatre jours : lequel ils
pafferent jufques en la mer du Sud en 16. journées.
M. Iohn VVinter eftant en lamefmc Conhpagnie paffé qu'il fut l'Eftroit,
par l'orage & vent contraire,fc fourvoya des autres Navires le 8. d'Octo
brefi qu'ilfe rcfolut de reprendre fes erres,& retourner à la maifon par le
mefme paffage, qu'il eftoit venu, comme il fit. car il paffa dercchefle De
- fltroit en 26jours.& fe trouva le 11.de Novembre fur la mer du Nort,& ar
riva en Angleterre
- , r *
le 2. de luin de 1579. portant les nouvelles de ce qu'il
» -

avoit cfté à 55.degrés au Sud de l'Eftroit, & là s'eftoit efgaré des autres.
Le Viceroy de Peru eftant advifé que Draque pilloit les navires,prenant
l'or & argent, dont ils cftoyent chargés, fit monter trois Vaiffeaux & les
equippa d'artillerie avec dcux cens cinquante hommes, qu'il envoya .
pour affaillir & pourfuyvre le dict Draque. Lefquels voyans qu'ils ne le
trouvoyent point environ le Cap de S.Franc. & qu'il n'eftoit point alentour
de Panama fe feirent à croire, qu'il s'en feroit allé derechef par le Deftroit
cc qui les fit retourner fans rien avoir cxecuté.-

voYA
s, RE cv E 1 L D E s N Av 1 G A T I o N s
v o Y A G E
D E

P E D R O S A R M I E N T O,

9ui partie de Lima l'an 1579. en intention de recognoiftre


& vifiter le Deftroit de Magalanes de la
part du Sud.
-
r579. r 'AN 1579. Draque eftant vcnu par le Deftroit de Magallanes cou
rir fus la cofte.de Peru , le Viceroy Don Francifco de Toledo
voulut eftre informé plus amplement touchant ledict paffage, à
celle fin qu'il pcuft à l'advenir empefcher telles & femblables entre
prifes.A raifon dequoy il fit monter deux belles Navires, qui partirent de
Calou de Lima le 11. d'Octobre : & pafferent les terres Malheureufes, ou
Defventuradas le 1. Novembre. Or ces terres font affiffes fur la hauteur
de 25 degrés lefquelles ils pafferent fans fe mettre à terre, & continue
rent de mefme voguans continuellement fur la mer, avec bon fuccés,
& en moins de 3o.jours fe trouverent à 49 degrés : d'ou apres avoir a
bordé la riue & fejourné bien peu d'efpace, ils fe meirent plus avant en
la pleine mer, afin d'eviter à l'infortune , dont les vens de Sud les
menaçoyent. Ils trouverent donc en ce parage un Archipelago de
lufieuirs ifles, concluant par ceft argument le Capitaine Sarmiento,que
c'eftoit icy la bouche de l'Eftroit.Ce que voulans experimqnter,ils entre
rent en plufieurs Bayes, Encoigneures , & Canaux, & monterent fur des
hautes montagnes pour defcouvrir l'entiere fituation dudict pays : com
me de faict ils defcouvrirent plufieurs grans Canaux, Rivieres,& Havres,
& netrouverent rien que des pays rompus& divifés : en forte que d'icy
jufqnes au parage de 5o. deg. ils comterent plus de 85.Ifles, les unes gran- .
des, les autres petitcs. Ne trouvans donc pas le Deftroit, comme ils avo
yent penfé,fe meircnt derechef plus avant fur lahaute mer; ou ils furent
furprins de grandes tempeftes, & orages, fi terribles, que les Vaiffeaux
s'eftans efgarés & perdus de veue jamaisne fe peurét retrouver. Le lende
main continua ce mefme orage, foufflant le vent tout droict fur la cofte,
par lequel craignans qu'ils feroyent portés contre la riue, ils veirent une
rande ouverture, qui alloit dedans le pays avec telle profondeur & lar
- - -

- geur, qu'ils fe feirent bien toft à croire que ce fuft vrayement le Paffage,
qu'ils venoyent cercher. Et furent d'autant plus confirmés en ladite opi
nion, quand ils eurent trouvé par le Sôleil, qu'ils eftoyent prefentemcnt
au parage de 51 : degrés; qui cft la vraye hauteur d'iceluy Eftroit devers la
mer du Nort. Or defcouvrant en la mer du Su plufieurs lfles, Havres,&
Rivieres de jour à autre, ils en prindrent la poffeffion au nom du Roy d'E
- fpagne, faifant impofer à chafquun endroict fon nom particulier. Entre
autres fe trouvans fur un lieu, qui eft appellé Puerto Vermejo, y trouverent
des huiftres, dans lefquelles eftoyent des fort belles perles. D'icy eftans
venus dedans le Deftroit, entendirent par les habitans, comment Dra
que eftoit paffé par le mefme chemin. & apresyavoir guetté un Paffage
ferré quifembloit àSarmiento propre pour le fermcr & garder au moyen :
- d'une
DE L' EsTRoIT DE MAGELLAN. 18 j

d'une Fortereffe,& de l'artillerie, il avança fon voyage, communiquant 1579r


fouvent avec les habitans, & nommement auffi avec les Geans touchant la
mefme chofe ; comme en a laiffé par efcrit l'auteur Argenzola. Ainfi
pafferent ils ledict Deftroit tout outre courans jufques en la mer du Nort
fans aucun dommage, ou infortune : & continuerent leur chemin devers
Cabo Verde, & finalement firent voile vers Hfpagne ... Ou il alla trouver
le Roy faifant le rapport de ce qu'il avoit defcouvert au dict Paffage. Sa
Majeftéapres luy avoir faict des grands prefens, fit auffi preparer à fa re
quefte une Armade, qu'il envoya foubs la conduite de Diego Flores de
Baldes, pour fortifier le Deftroit felon le rapport d'iceluy Sarmiento.
Quant à fon Lieutenant, lequel par la tempefte s'eftoit efgaré de luy,
il tafcha par tous moyens defe mettre en la mer pour eviter la cofte, crai
gnant pourle grandvent, qu'il faifoit trois jours durans, qu'ils ne pourro
yent efchapper d'eftre portés contre la riue, & d'y faire naufrage : dont il
en advint tout autrement. car ils trouverent à la parfin, que la cofte s'yva
declinant plus à l'Eft, de forte qu'ilsfe trouverent à 56. deg.bien loing de
la terre,non fans grande admiration.Hackuydefcrit qu'ils navigerent juf
ques à 58 degrés,& trouverent au Sud de l'Eftroit grand quantité d'Ifles,
& mefmes encor'un autre Eftroit.Ce que pareillement tefmoigne Acofta,
efcrivant d'une certaine bouche ou entrée , qui fe trouveroit plus haut, ·
aupres d'une grande Ifle , affavoir la Campana, gifante au Sud de l'E
ftroit à l'entree d'iceluy, qui eft devers la mer Pacifique. Ledict Lieute
nant continuant fa route pouravoir perdu fa Compagnie, retourna cour
rant le long de la cofte de Chile, jufques à ce qu'il vint finalement à Lima
cn Peyt.
L'an 1581. le Roy d'Efpagne (tant pour la remonftrance de Sarmien 1f 81.
- to, que pour le bruit, qu'il entendit que les Anglois faifoyent derechef
equipper des bafteaux pour les envoyer audict Paffage de cMagelan)y
envoya Don Diego Flores de Baldes avec une Armade de 23.voiles & 25oo.
hommes, eftant en leur compagnie le nouveau Gouverneur de Chile, qui
menoit quant & luy 5oo gensdarmes du Pays-bas. Ces navires eftoyent
bien fournies & chargées de tout ce quifcmbloit neceffaire pour l'accom
pliffement de la Fortereffe, que le Roy avoit commandé de baftir par
confeil & advis de Sarmiento : lequel eftoit auffi fur les mefmes navires
avec beaucoup de munitions de vivres, & plufieursperfonnes,hommes &
femmes, afin de peupler le Deftroit,& y faire une : dont il feroit
luymefmes Gouverneur.Ils furent plus d'un an avantque d'entrer au De
ftroit, fe mettans par deux ou trois fois au fleuve de Genero,& en d'autres
lieux pour hyverner, & tantoft retournans en arriere pour la froidure ; fi
qu'ils perdirent en ce voyage beaucoup de gens, & quelques Vaiffeaux
-

furent noyés.
L, A P R EM I ER E

Navigation de Candifs allant devers


l'Estroit de Magelan.
Lpartit le 21. de Iuillet de Pleymude avec deux Navires de 14o. & 6o. & 1586.
une Fufte de 4o. tonneaux. Le 1. d'Aouft ils coururent en la veue
de Fuerte Ventura Le 9.ils arriverent à Cabo Blanco: Le 26 en Sierra Liona,
ou ils fe rafraifchirent & s'yarrefterét l'efpace de 15 jours.Lefquels cftans
al
paffés
186 : - RE CV EIL DES NAVIGATIONS
1586. paffés firent voile, & partirent de l'fle Verde, ou Mabrobamba, pour Brefile,
qui fut le 1o.de Septembre.Le premier Novembre ils defcouvrirent cabo
Frio, en Brefille, & apres s'eftre rafraifchis vingt jours en l'Ifle de S. Seba
flien , ils rehaufferent les voiles , & pourfuivirent leur chemin le 23,
Novembre, continuans la mefme route jufques à ce qu'ils vindrent fina
lement en Porto Defire, qui fut le 17. Decembre. L'an 1587 le 3. de lan
1587 vier ils arriverent au Cap de las Virgines, & entrerent en l'Eftroit le 6. du
mois fufdit, & vindrent aupres des Efpagnols en Porto Famine, ou ils fe
journerent un mois. Auffi furent ils travaillés audict Deftroict par les
tempeftes & orages, jufques au 24 de Febvrier, qu'ils fe trouverent fur la
mer du Sud, ayans employé l'efpace de fept femaines à paffer l'Eftroit.
Incontinent apres, comme ils eftoyent à 49 : degrés, efloignés 45. lieues
de la terre, ils furent grandement travaillés d'une horrible tempefte ve
nant du Nort, qui les feit perdre de veue l'un des Navires , le mettant en .
extreme danger. Le 15. de Mars vindrent deffoubs l'ifle de S. catarie :
le 4 de Novembre enfuyvant arriverent au pays de California à 23: degrés.
Le 14. de Ianvier 1 588. ils arriverent aux Filippines. Le premier du
1588. mois de Mars entrerent en un port, au Sud de Iava Mayor. Et retournerent
finalement en Angleterre le 5. de Septembre, apres avoir employé audict
chemin l'efpace de vingt cinq mois quinze jours. Or ils meirent de
l'Eftroit de Magallanes jufques à d7Aanilas, dix mois & dixhuict jours , &
de Pleymudejufqu'au Deftroit, cinq mois feize jours.
, -

- LA D E V x I E S M E
Et derniere Navigation de Candifs allant avec trois
grands Navires & deux Barcques, devers
- -- -

- l'Estroit de Magelan.
*59* 1 Ls partirent de Pleymude le 26. d'Aouft. & arriverent le 29.Novembre
aupres de la Baye de Salvador, qui eft fur la cofte du Brefil,à douze lieues
* de CaboFrio ; auquel endroict ilsfurent furprins de la calme , & con
traints s'y arrefter jufques au deuxiefme Decembre. Durant ce temps ils
prindrent une petite barcque, venant du Fleuve de la Plata avec du fuccre,
& des Negres. Dont le Pilote les conduifit en une lfle, qui fe nomme
Plaifance, ou Plazencia, diftante 3o. lieues de Cabo Frio à l'Ocft ; ou ils pil
lerent quelques fix ou fept maifons de Portuguefes demeurans en la di
&te ifle. L'onziefme du mois ils partirent de là, & arriverent le 14.à S.
Sebaftien; d'ou ils pafferent plus oultre en intention de gaigner la villette
de Santos. Le 15. au foir ils jetterent l'ancre aupres de la Barre de Santos :
& lendemain au matin fe meirent à terre , faifirent la villette, & y firent
provifion par force, tenans les gens prifonniers dedans l'Eglife. Le 22 Ian
* 52 * vier de 1592. ils partirent de là ; & bruflerents.Pincent de fonds en com
ble. Le 24 dudict mois ils firent voile, prenans la route de l'Eftroit.Pour
fuyvans laquelle, ils furent roidement affaillis d'un furieux orage le 7. de
- Febvrier ; par lequell'Armade fut du tout diffipée & rompue. Le Capi
taine fe trouvant à la hauteur de 48. degrés, refolut d'aller en Porto
Dfire.Le 16 de Mars les vint trouver la Pinnace , efperans les uns & les
autres, que le General, d'autant qu'il y avoit trouvé bonne provifion en
fon premier voyage, syviendroit rendre.Or c'eftoit le 6 du mois
q*: ils
DE L' EsTRoIT DE MAGELLAN. s,
ils arriverent en Porto Defire avec deux Vaiffeaux,& le 16.quand laPinna 1 592.
ce les vint trouver le 18.toute la Compagnie fe raffembla eh un, horfimis
tant feulement une Barcque, qui s'en alla retourncr en Angleterre. Le
2o. ils fe meirent fur la mer pour aller trouver le Deftroit. devant la bou
che duquclils fe trouverent cn fin le 8. d'Avril, apres avoir enduré bcau
coup d'orages. Le 14. il pafferent le premier pas ; & le 16. le deuxiefme,
qui eft diftant environ 1c. lieues de l'autre. Le 18. ils fe trouverent alen
viron de Cabo Froiiart, quigift en l'altitudc dc 53 : degrés. Le 21 ils furcnt
contraincts par l'impetuofité des orages,foy
&o -/retirer à l'efcart cn un retraict
bien ferré, gifant quatre lieues du Cap au Sud; ou ils endurerent grande
mifere & pauvretéjufques au 15 de May pour l'extreme froidure, tempe
ftes, & neiges continuelles: n'ayans point pour tout de vivres, finon des
moufles , de l'eau , & quclque verdure de la mer. fi que beaucoup de
leurs gens y moururent rendans l'efprit miferablement dc faim & pau
vreté. Le Capitaine Thomas Candifs, fachant que la froidure & la nei
ge ne pouvoyent long temps durer, avoit confeillé de paffer oultrc : ains
eftant contreroollé de la plus part de fa Compagnie, & de ceux qui vou
loyent prendre un autre chemin, ou retourner en Brefille, il ne ceffa de
leur remonftrer qu'ils deuffent plus toft prendre la route du Cape de bon
ne Efperance », par ce qu'ils avoyent faute de toutes chofes, & eftoyent
pour l'extreme neceffité comme aux derniers abois. En fin tous s'accor
derent d'aller derechef en Brefille ; de manierc qu'ils rehaufferent les
voiles le 15. & eftans le 18. de May fortis hors de l'Eftroit, fe trouverent
- le 2o. dudict May environ Porto Defire. Mais la nuict ils fe fourvoyerent
l'un de l'autre,pour ne fçavoir ou le General fe fuft tourné.Le lendemain
donc confiderans qu'ils l'avoyent perdu de veuë , prefumerent qu'il fe
roit allé en Porto Defire, & y drefferent auffi leur cours pour fe mettre en
compagnie ; & trouverent au Sud d'iceluy Port un puis d'cau fraifche.
Le 6. d'Aouft n'ayant pas encor entendu de nouvelles du General , s'cn
allerent vers l'Ifle des Pinguins , & de là vers l'Eftroit. Le 9.ils eurent
une fi grande tempefte, qu'ils furent contraincts de caller les voiles. Le
14. furent portés par l'orage deffoubs quelques ifles incognues jufques a
lors , gifants 15. lieues de la terre à l'Eft de la cofte Septentrionale du
Deftroit : ou ils feroyent dcmeurés & peris fans point de faute, fi la tem
pefte n'euft ceffé. laquelle eftant paffée , ils tournerent leur cours vers
le Deftroit au moyen d'un vent d'Eft, qui leur fut en ce grandement fa
vorable. Le 18. du dict mois, ils fe trouverent aupres du Cap, & fur la
nuict y mouillercnt l'ancre à dix lieues de la riuc, pour la grande brui
ne, qu'il faifoit. Le 19. ils pafferent pour la deuxiefme fois le premier
pas, & le fecond le 21 enfuyvant , comme auffi le Cap Froiart. Le 22.
ils fe mcirent à l'ancre cn un profond Canal, ou fein de Mer, & ap
perceurent fur la terre beaucoup d'hommes fauvages , lefquels vont
tous nuds non obftant l'extreme froidure , & fe tienent es bocages &
es deferts, cftans forts & robuftes de corps, fi qu'ils tiroyent aux An
glois avcc des picrres de quatre & cinq liures fi loing , qu'il ne feroit
quafi pas àcroire. Ils partirent de là le 24, & parvindrent lendemain
au Canal de Nortoeft, tirant dcvers la mer du Sud. Le 25. ils fe mcirent
à l'ancre , cfloignés environ 14. lieues de la mer du Sud, en intention
de s'y arrefter , & attendre la venuc du General , qu'ils avoyent
perdu. A quoy les induifoit fur tout la commodité du paffage , qui
n'avoit que trois lieues dc large , de façon qu'en paffant par là
Aa 2 il ne
ss - R E c v E 1 L D E s N AV 1 G AT I o N s
il ne pourroit efchaper d'eftre veu par eux. Ceft advis eftant prins & re
folu, fut rompu de la neceffité, qui les contraignit d'aller plus outre en la
mer du Sud à la rccerchc de l'Ifle Sainttec7farie, afin de s'y rafraifchir de
vivres, & decliner l'inclemence de l'air, qui d'autre part les tourmentoit
fans ceffe Ainfi töberent d'accord de cy aller,& attendre le General,d'au
tant qu'il ne pouvoit en aucune façon laiffer de s'yvenir rendre,& pour
ce levcrent les ancres le 13.Septembre, & avancerent fi bien que ce jour
mefme ils veirent la mer duSud. Le 14. ils furent repouffés en arriere,
& portés avec leurs Navires en un Canal gifant trois milles dedans l'E
ftroits dont rcprenans cœur & courage,& recouvrans nouvelles forces ils
bouterent à la mer pour fortir de l'Eftroit : & en fortirent jufques à huict
ou dix lieues de la terre mais le vent les y repouffa derechefd'une gran
de impetuofité, fi qu'il leur convint jetter autrefois l'ancre au mefme en
droit. Le deuxiefme Octobre ils fortirent pour la deuxiefme fois de
l'Eftroit,& entrerent en la pleine mer du Sud. La nuict fuyvante com
mençant le vent d'Oeftnortoeft à s'efleuer & augmenter de plus en plus,
ils ncfçavoyent de quel cofté fe tourner; d'autant qu'ils n'ofoyent ren
trer au Deftroict pour le defaut dc cordages & d'ancres.Le 4.5. & autres
jours enfuyvans dudict Octobre continuant encor la tempefte, voire
augmentant de jour à autre, ils fe trouverent en grande perplexité, foin,
&follicitude, voire en extreme danger de l'eau, qui fautoit en leurs ba
fteaux. Finalement l'onziefme du mois leur apparut le Cabo Defirado di
ftant environ deuxlieues d'iceux , vers lequel ils drefferent leur courfe
pour le paffer : à caufe qu'il falloit neceffairement l'une des deux chofes,
ou le paffer, ou fe laiffer porter contre la riue, dont y avoit grande ap
parence, approchans lefdits navires de plus en plus de la cofte de laquel
le ils furent delivrés par la bonté de Dieu qui leur fit lagrace de paffer le
dict Cap, quand ils n'eftoyent qu'environ demy lieue de la cofte , & du
dict Cap environ la longueur d'un Bafteau , cu peu plus. Paffé le
quel, ils entrerent dedans l'Eftroit fi vifte & firoidement par le moyen
du vent, des ondes, & de la marée, qu'ils firent en fix heures 25. lieues de
voye : & retournerent en fin en l'Ifle des Pinguins, qui fut le 25. d'Octobre.
Le 27 dudict mois ils fe trouverent derechefen la pleine mer du Nort: &
le 3o. environ Porto Defire, aupres des fles des Pinguins ; & coururent au
I 5 9 3. Port pour s'y rafraifchir. L'an 1 5 9 3. le 3o. de Ianvier ils arriverent en
l'Ifle de Plazencia , joignant la cofte du Brefil .. Et l'onziefme de Iuin
ils revindrent en Angleterre » , ayans efté dehors vingt & un mois &
-
-

demy.
I59 .
D'Angleterre auffi partit l'an de 159 s.le Capitaine Haquins lequel eftant
pafféle Deftroit de Magallanes avec fon Bafteau, tefmoigne qu'il a efté
furprins d'un grand orage, fi que par la violence des vens il fut porté vers
&o -

le Sud jufques au 56. degré,fans trouver nulle cofte de terres fermes, mais
feulement des Ifles, parmy lefquclles il fe dit avoir fejourné bien 45.
jours. -

voYA
ToE L'EsTRoIT DE MAGELLAN 189

V O Y A G E
De cinq Bafteaux
o E

IAQVES MAHV, & SIMON de CORDES,


3ui partirent de Rotterdam, l'an 1 5 9 .
pour l' Estroit de Magelanes.
Ls partirent le 27. de Iuin avec cinq Navires du port de Goerée, ayans 1598.
le vent Norteft ; & toutefois n'arriverent pas à temps pour eviter les
vens contraires, en paffant la ligne Equinoctiale. car ce fuft apres le
terme de quatre mois expirés environ le dernier Octobre, qu'ils fe trou
verent à 1 : degré de la hauteur Auftrale, ayans gafté la plus part du temps
cn des entreprifes inutiles, comme il vous fera declaré. Apres doncq
qu'ils fe furent mis fur la mer,& approchés d'Angleterre, pour le premier
le vent contraire les chaffa auxDuyns, ou ils furent arreftés jufques au 15.de
Iuillet. Faifans voile derechefils n'advancerent gurerres , de forte que le
1o. d'Aouft ils fe trouverent feulement au parage du Cap de S. Vincent. Le
19. ils furent bien efmerveillés de fe trouver environ la cofte de Barbarie.
Delà firent leur cours vers l'ifle de Cabo Verde, & defcouvrirent Santjago le
. dernier du mois. Le premier Septembre ils vindrent foubs l'fle de Ziayo,
de laquelle ils partirent auffi le jour enfuyvant pour retourner à S. Iago,
d'autant qu'il n'y avoit rien pour fe rafrafchir, ny mefmes point d'eau en
cefte fle de 7ayo. Eftans donc parvenus foubs l'ifle de S. Iaques, ils s'acco
ferent de deux navires, qui fe tenoyent là, requerans amiablement, qu'il
leur fuft permis de s'y rafraifchir en payant. Ce qu'ils ne peurent obte
nir, mais furent au contraire repouffés & menacés defdits Navires bar
barement. De maniere qu'eftans venus à terre, ils fe faifirent d'une pla
ce en defpit de lcurs contraires : lefquels toutesfois ne voulans offencer
aucunement, prierent dcrechef, de leur donner la licence de fe rafrai
fchir, mais pour toute rcfponce furent payés de menaces : qui les contrai
gnit d'y faire provifion d'eau par force en defpit des ennemis. Ce qu'ils fi
rent, mais avec difficulté : plufieurs de leurs gens y devindrent mala
des , pour ce que l'airy eft fort mauvais & valetudinaire. Le 6.Septem
bre ils rehaufferent leurs voiles, & partirent de cefte ifle le dixiefme ; vo
gans vers fla Brava: ou ils arriverent l'onziefme enfuyvant, & y firent un
pcu dc provifion d'eau fraifche, mais à grand'peine; d'autant qu'ils n'y
trouverent que des ennemis. Le 15.ils partirent, & drefferent leur cours
vers le Sudeft. Le 24. trefpaffa le General ; & fe trouverent ce mefme
jour bien pres dc la terre à la profondeur de 26. toifes; qui lcs fit advifer
de pres à leur courfe le jour enfuyvant, afin d'eviter les graviers, fi pcut
eftre il y en avoit. or depuis ce temps le Scorbut commença d'avoir rer
riblement la vogue parmy la fiote. Le 29. dudict mois continuant ferieu
fement la pourfuyte de leur voyage, ils firent le cours Sudoeft quart au
Sud, & Sudfudoeftjufques au quatriefme Octobre : qu'ils fc tournerent
Oeftfudoeft, & le fixicfmc derechef coururent à l'Eftfudett. Le 28. fe
-

Aa 3 trouvans
19o R E CV E 1 L D ES N A V I G A T I O N S
1 598. trouvans à degré 1 au Sud de la ligne , ils celebrerent par cnfemble un
jour de priere. Lc deuxiefme Novembre, à caufe que plufieurs de leurs
gens eftoyent derenus de la maladie , trouverent expedient d'aller à
terre pours'y rafraifchir: & pour ceft effect ils firent leur cours Norteft
vcrs Annobon. Appcrceurent bien toft la terre contre leur opinion , qui
eftoit d'eftre cent, voire cent vingt lieues & plus de la cofte & fc trouve
rent à 3 deg. du Sud fur la riue de Manicongo. ou ils fe mirent à terre , al
lants à pied jufques au Cap de Lope Gonfalves, & devers la cofte de Guinea,
cerchans de l'eau fraifche, qu'ils ne trouverent que bien peu : toutesfois
pour peu qu'ils en trouvaffent, la plusgrand part des malades en recou
vrit la fanté jaçoyt que par l'intempcrance de l'air, la maladie reprinft bië
toft fes forces Le 9. Decembre ilspartirentvers Annobon: le 16. fe mei
rent deffoubs l'ifle, faifirent le village;ou ils feirent leur provifion par ar
mes. Toutesfois par l'intemperance de l'air s'engendrerent tant de fieb
vres ardentes, avcc autres paffions & infirmités, que le nombre des mala
des n'eftoit aucunement diminué combien que tous fuffent à prefent to
talement delivrés du Scorbut.
Le deuxiefme de Ianvier de mil cinq cens quatre vings dixneufils par
tirent de Annobon vers le Deftroit dc Magalanes,faifans leur cours Sudoeft.
Le 22. defcouvrirent l'ifle d'Afencion,& fe trouverent à 8 degrés.Le der
nier dudict ils eurent lc Soleil au Zenith, & allans plus outre parvindrent
à 2o degrés & commc ils eurent pafléles Abrolhos à l'aide d'un vent de
Norteft, prindrent la route au Sudoeft quart au Sud. Se trouverent le
19. dc Mars à 41: degrés. Le23. ils eurent grande bruine, qui dura deux
ou trois jours. Le 28. dudict la hauteur de 5o degrés. jetterent la fonde
à 6o. toifes. Le 29. fe trouverent à 5o. degrés, & à quatre vingt toifes
deprofondeur, furvenant auffi ce mefme jour une horrible tempefte.
Le 3o. & 3 I. ayans le vent Nortnortoeft , tenans la route d'Oeftnort
oeft, il trouverent continuellement bon fond de fablon à 67.& 8o.toifes.
Le premier d'Avril defcouvrirent au Nortoeft d'eux la tcrrc, & jetterent
la fonde a 3 6. toifes. -

Ainfi entrerent au Deftroit le 6. d'Avril, neufmois & neuf jours apres


qu'ils furent partis de la patrie,& trois mois largement apres qu'ils firent
voile d'Annobon. Et comme defia l'hyver s'approchoit, ils coururent long
temps fortune,& furent grandement travaillés & affligés par la froidure,
pluye, tempeftes, & mefmes auff par la famine, qui cftoit le plus mifera
ble. Vray eftque du commenccmcnt d'Avril par l'efpace de cinq ou fix
jours, ils eurent le vent d' Eft & Norteft, au moyen du quel il ne tenoit
qu'à eux de paffer le Deftroit Ce que toutesfois ne fut faict, à l'occafion
qu'ils eftoyent empcfchés cn faifant provifion d'eau, de bois,& à fe rafrai
fchir, & à mettre fus une chaloupe. Qui plus eft,ils curcnt encor le vent
affés favorable depuis le 7. jufqu'au 2o. dudict mois: mais à caufe de l'em
pefchement fufdict, ils fe laifferent cfchapper hors des mains cefte belle
occafion: laquelle eftant paffee, le vent fe tourna auSud & Sudoeft, en
forte qu'il ne fut poffible de faire voile, quand ils vouloyent paffer avanr.
Si furent contraincts d'hyverncr au Dcftroit, ouils furent miferablement
logés cn la Baye verte jufques au 23. d'Aouft, qu'ils firent voile,ores jettant
l'ancre, ores paffant un pcu avant jufques au 2 Septembre, que le vent
d'Eftfudeft fe leva ; lequci la nuict enfuyvante les meit fur la mer du
Sud : apres avoir fejourné l'efpace d'environ fix mois de route au De
-

ftroit.
Le
- DE L' EST R O IT DE MA GELLAN. - 191
Le 5. & 6. ils continuerent d'aller d'Oeft quart au Nort, eftans fix 1 599.
bafteaux entout avec la Chaloupe. Le 7. enfuyvant le vent foufflant
un peu plus qu'à l'ordinaire, la mer (comme de couftume) tout inconti
nent s'enflafi fort que les deux Navires Charité,& Loyauté fur lefquels e
ftoyent VVeert, & Cordes, furent contraincts de retirer les Efquifons de
dans. A tant le Navire de VVeert fit fon debvoir de fuivre l'Admiral, le
quel alloit devant. Sur ces entrefaictes vint auffi la Fufte furnommée
des Bonnes 2Nouvelles, laquelle eftant au loo de la Foy, furvint une infortune,
qui fut le commencement & quafi comme un prefage de la difperfion de
cefte Flotte. Car elle fut fi roidement affaillie de l'orage, que l'antenne
avec le fommet du maft anterieur fe rompirent,& tomberent en la mer,
en danger mefmes de perdre auffi le maft du beaupre pour le grand com
bat des ondes, qui la travailloyent outre mefure. A raifon dcquoy ils
calerent tous les voiles, & pour implorer fecours des autres defcharge
rent un coup deCanon. Incontinent donc le Capitaine VVeert, comme
auffi le Navire Loyauté fe laifferent porter par les ondes pour les venir
aider; de mefme en fit auffi le Navire Charité. Ainfi fe trouverent en
, femble les quatre Vaiffeaux de cinq qu'ils eftoyent (car l'Admiral avoit
continué fa courfe) lefquels, durant qu'il faifoit une grande bruine pour
laquelle ils ne fe pouvoyent entreveoir, demeurerent tout ce jour flot
tans fans voiles pour ne perdre la dite Fufte,& afin de luy donner loifir de
reparer cependant fes mafts. Mais le malheur voulut que le lendemain
8. de Septembre, les trois Navires qui furpaffoyent de beaucoup la gran
deur,& pefanteur de la Fufte,fe trouverent avoir perdu ladite Fufte, avec
la Chaloupe qui s'appelloit le Poftillon. Cependant continuerent enco
res ce jour de flotter par enfemble, en intention de reveoir bien toft leur
compagnie; mais en vain. Le jour donc enfuyvant le Vis-Admiral, pour
ne mettre à nonchaloir le vent tant favorable , fit figne aux autres de le
fuyvre, foubs efpoir que d'avanture ils trouveroyent les autres en che
min. Ce qui fut : car au boutde deux ou trois heures ils les coururent en
laveue; & s'eftans mis de compagnie, efpererent trouver auffi l'Admiral.
cordes & VVeert prefterent à ceux de la Fufte chafquun leur charpentier
pour dreffer une autre antenne au lieu de celle qu'ils avoyent perdue.
Mais ils fe defaccommoderent eux mefmes par ce moyen : à caufe que le
jour enfuyvant, qui fut le Io.Septembre eftant le vent Nortoeft, le cours
Sudoeft, voyans que la mer s'enfloit defia terriblement pour le grand
vent; la Fufte, & le Vis-Admiral calerent, comme auffi * les deux
Vaiffeaux Foy & Loyauté qui les fuyuoyent de loing mais durant les tene
bres de la nuict les autres avoyent rehaufféles voiles fans en donner autre
advertiffement,pour le moins qui fut entendu par ceux de derriere. Lef
quels faifans leur comte qu'on les attendroit, fe trouverent le lendemain
en grande perplexité, de ce qu'ils ne virent plus de voiles. Parquoy afin
de ne s'efgarer à l'advenir (veu qu'ils n'eftoyent reftés que deux en nom
1
bre)ils conclurent par enfemble de n'augmenter ne diminuer jamais les
voiles fans en avoir donne figne & contrefigne : Ainfi pourfuyvirent le
|
voyage, fi d'advanture ils peuffent rattaindre les autres, au fort pour les
aller trouver au lieuaffigné. Ce jour & le jour enfuyvant 17.de Septem
brc, ayans quafi continuellement le vent Sud & Sudoeft, ils fe trouverent
à 54 degrés auSud de la Bouche du Deftroit. Lors mourut le Patron
du Navire de VVeert. Le vent auffi fe tourna Sudeft quart à l'Eft; de
maniere qu'ils firent la route Nort quart à l'Oeft,& lendemainNortnort
cft,
1 92 R E CV E IL D ES N AV IG AT I O NS
1 « 9 9. cft, tenans auffi à peu pres la mefme carriere le 19. enfuyvant, quoy que
le vent fuft changé. Il fur vint auffi ce mefme jour un orage fi terrible,
qu'ils furent contraincts de flotter le plus fouvent fans voiles, en danger
mefines que les bafteaux feroyent renverfés, ou rompus par la violence
des ondes. Ainfi coururent fortune ces deux Vaiffeaux 24.jours conti
nucllcment. Le 25. de Septembre il fit derechefune grand tempefte ve
nant du Nort,pour la quelle ils flotterent ce jour fans voiles;nnais le lende
main cftant le vent à l'Oeft, prindrent la route au Nortoeft , & furent
quafi portés par les tenebres de nuict fur la riue, lors qu'ils fe penfoyent e
ftre bien2o. lieues ouplus en la mer. Au matin donc ils recognurent la
tcrre, & entendirent qu'ils n'eftoyent que trois lieues ou environ de l'E
ftroit, fe trouvans en grande peine, pource que le vent d'aval les preffoit
fi extremement, qu'ils ne pouvoyent fe fervir tant feulement des voiles
de la hune, moins encore eviter la cofte:qui les fit prendre courte & brie
nc refolution de choifir l'Eftroit, afin de s'y remettre en quelque bonne
rade, attendant l'opportunité de pourfuyvre leurs Compagnons, quide
voyent les attendre deux mois en l'ifle S. c71arie . A tant s'en allerent le
longde la cofte à petits voiles iufques au foir,& lors entrerent au Deftroit
pour cercher quelque Baye la quelle y trouverent en fin apres qu'ils fu
rent portés par la maree en une nuict bien fix ou fept lieues plus outre:du- .
rant leur fejour audict lieu le vent continua à l'Oeftjufques à la fin de
Septembre. Le 1.Octobre il fe leva un fi furieux orage, qu'il leur convint
fe tenir fur trois ancres : lequel eftant pafféils faifoyent toufiours compte
que le beau temps viendroit avec l'Efté mais ils comptoyent fans l'hofte.
car ils n'eurent quafi point un jour en deux mois de temps pourfecher les
voiles.Le 14 il furvint derechefun nouvel orage,fuyvy de plufieurs autres
de jour en jour avec des bouffetades fi furieufes venāts du haut des mon
tagnes, qu'il n'yavoit corde, qui ne fut en danger de fe rompre. En fomme
ils y demeurerent l'efpace de neufmois. Le 8 Decembre ils furent affail
lis de la plus terrible tempefte qui fut oncques. Car la hauteur des on
des fe parangonnoit au fommet des mafts. Vnefois ils eurent le vent
d'Eft & Norteft: qui les meut de rehauffer les voiles, mais ce fut le mal
heur que la contrarieté des vents les fit feparer incontinent l'un de l'au
tre; & repouffa le Navire de VVeert en arriere: de forte qu'il vint rencon
trer olivier du Nort au beau milieu de l'Eftroit ; ce qui fut le 16. dudict
mois. Le 2o. enfuyvant ils eurent le vent au Sudeft, qui ne tarda guerres
de fe toutnerOeftnortoeft:en forte que le Vaiffeau de VVeert, qui n'avoit
as efténettoyé en deux ans, & ne pouvoit fuyvre la flote dudict Olivier,
fut par luy delaiffé. Il courut long temps fortune, & endura beaucoup
de calamités, furvenant l'un inconvenient apres l'autre. Dont ne voyant
aucune iffue,& qu'il eftoit aux derniers aboys,horsde tout efpoir de re
trouver jamais fes Compagnons, par faute auffi du vent d'Eft & Norteft;
il s'avifa de retourner vers la patrie.Si fortit le 21. de Febvrier de l'Eftroit
ou il avoit cõfomménon fans regret le temps de neufmois. Le 24.de Mars
il approcha la cofte de Guinea,& revint à Goeree en my-Iuin,ayant efté de
hors environ 25. mois.
Le Vaiffeau de Cordes parvint en la mer du Sud,fans toutesfois retrou
ver fa Compagnie. Parquoy s'en alla tout feul arriver au Royaume de
chile pour fe rafraifchir, ou il print une petite villerte des Efpagnolslef
quels ayant pillé, il meit les Chilefes, que les Efpagnols tenoyent pour ef
claves, en liberté pour laquelle caufe les habitans de ce lieu le voulurent
-

conftituer
- D E L' EST R O IT DE MA GELLAN. 19s
conftituer Roy fur eux.Au partir il fe meit à la recerche de fes amis, co 1598.
ftoyanttoufiours le Peru,prenât cy & là plufieursNavires.De la ilvint aux
«71olucques, & notamment en Tidore, ou les Portuguefes par trahifon luy
detroufferent fa Navire; & fut conftitué le Patron d'icelle prifonnier en
-

la ville de 7Aalacque. -

La Fufte de Diric Gherrits qui s'eftoit efgaree le 15.Septembre des au


tres, fçavoir de VVeert & Cordes, fut portee par la tempefte jufques à 64.
degrés au Sud de l'Eftroit: ou ils defcouvrirent un haut pays avec des
montagnes pleines de neige à la façon du pays de 2Norvveghen d'icy ils fi
rent voile vers Chile en intention d'aller trouver leursCompagnons en l'i
fle de S.Marie mais ils furent portés par fortune au port de S. Iagode Valpa
rayf, ou ils furent accablés des ennemis. -

Le Vis Admiral qui eftoit furla Charité ayant pour Patron Iacob Quacé,
& pour Commis Melchior de Santfort, apres eftre porté bien avant vers le
Sud, retourna toutesfois en l'ifle de Sainte 7Aarie, pour y attendre fes
Compagnons : d'ou allant faire quelque provifion fur la poincte de Lana
pia,lesIndiens tuerent 23 de fesgens.Apres avoir attendu affez longtemps
il partit de Saintie cuarie avec l'Admiral, qui eftoit fur l'Efperance, & vin
drent furgir par enfemble en Iapan. -

L'Admiral venant fur la mer du Sud, apres eftre forty hors de l'Eftroit ;
ne fut fuivy par les autres, tant pour les tempeftes, & autres accidens,
comme fpecialement pour le malheur de la Fufte; toutesfois il courrut
auffi fortune comme les autres, & fut porté bien avant devers le Sud le
temps de 54jourslefquel eftans paffés,& que levent luy fuft aucunement
propice, il print la route de Peru, & apres plufieurs malencontres, finale
mcnt vint ancrer
pres la cofte de Chile à 46. degrés : ou ils fe debvo
yent attendre l'un l'autre par l'efpace de 3o.jours; fuyvant lequel accord
il y fejourna 28.jours de route. durant lefquels fit faprovifion, & trouva
que les habitans de ce lieu font doux & amiables de nature. D'icyil paffa
plus avant jufques à la bouche de Baldivia fans toutesfois y vouloir entrer
ains continuant fon cours vers la Mocha,trouva le jour enfuyvant laCharité,
qui eftoit l'un des Navires de fa flotte.Sis'en allerent par compagniegai
gner l'Ifle de S. Marie : & d'illec en Iapan, ou ils arriverent à la bonne heu
re, & furent traictés amiablement.
- "

N A v I GDA
E
T I oN
M. OLIVIER DV NORT,
Laquelle ilfiten lan 1598 avec quatre Navires,
& 248 perfonnes.
Stans partis de Goree le 13.Seprembre, ils fe trouverent le 9.Octobre I 593,
pres la cofte au Nort de Cabo Blanco; & furent le 18. enfuyvant à on
ze degrés, quandle vent fe tourna contraire au Sudoeft .. voire de
puis l'onziefme Octobre jufques au troifiefme de Novembre ils eurent
B le -
IOll
sa RE cv E 1L D E s N Av 1 G AT 1 oN s
1598. toufiours le vent d'aval, ou du Sud ; à raifon dequoy ils croiferent fou
vent la merjufques a ce qu'ils parvindrent finalement à la cofte de Gui
nea à 3. degrés 4. minutes. L'onziefme Decembre vindrent foubs l'ifle de
. I 599.
Principe : & defcouvrirent Annobon le premier de Ianvier 1 s 99. prenans
quant & quant la route de Rio Ianeiro. La quelle ils continuerent jufques
à ce qu'ils virent le Brefil le 3. de Fevrier, & entrerent audict fleuve de Ge
nero pour fe rafrefchir le neufiefme : pmais les habitans du pays ne voulu
rent pas endurer, qu'ils vinffent à terre. Ainfi s'en allerent aborder le 16.
deux ifles incognues, ou ils trouverent force Palmites & moufles. Le 22.
ils firent en l'ifle S. Sebaftien quelque peu de provifion, & partirent de là
vers l'ifle de S. Helaine, laquelletoutesfois ils ne trouverent pas. Le 3o ils
coururent derechefle Brefil en la veue.& le 2.de Iuin defcouvrirent Santa
Clara : ou ilsfurent contraincts par neceffité de fe mettre à terre , pour
fe rafraifchir de Palmites, & prunes aigres. car tous les gens eftoyent
malades, exceptés feulement huict ou dix perfonnes. Ils bruflerent icy
un de leurs Navires; & retournerent à S. Sebaftien. Le 2o. Septembre arri
verent en Porto Defire; on yavoit des Oifeaux, Robbes, Pinguins,& Oeufs
cn abondance, de forte que la plus part des malades eftans regueris, ils
eurent loifir de nettoyer les Navires : lefquelles fe meirent derechef fur
la mer le 3o. d'Octobre, & parvindrent le 4 Novembre à Cabo de las Virgi
nes; ou la marée croiftjufques àfix & fept toifes.
Le 5. apres avoir employé 14. mois au voyage,& perdu bien cent hom
mes, ils entrcrent au Deftroit; toutesfois ne peurent tenir bon contre les
vens & la maree : de maniere que cinq fois y entrerent, & cinq fois en
furent repouffés dehors : ce qui durajufques au24. dudict mois. En apres
ils rencontrerent Sebald de VVeert, dont la fortunevous a efté deduite cy
deffus : lequel fut fort efmerveillé de veoir les gens d'olivier en fi bon
poinct, fi robuftes,gros & gras ; mais il faut fçavoir qu'ils n'avoyent pas
eu des fi mauvaifes rencontres, ny enduré la famine de luy & des fiens.
Faifants voile par enfemble, ledict de VVeert ne peut gaigner le Capde Mau
rice avec les autrcs ; de façon qu'il fut contrainct d'abandonner la Com
pagnie.Olivier donc paffa plus outre,& trouva plufieurs & differens cours
-

de la maree. .
Le 29. de Febvrier il parvint en la Mcr du Sud, ayant rehauffé bien
cent fois les voiles au Deftroit : lequel il paffa non fans grand peine cn
quatre mois de temps. Il defcouvrit plufieurs lflettes afflez pres de Cabo
Defirado au long de la cofte de Chile. Le 12. de Mars eftant à 46. degrés,
il perdit le Vis-Admiral hors de la veue. Le 21 dudict arriva en la Mecha:
ou il feit quelque provifion.
Le 15.Septembre il cntra au Deftroit de Maniles,fix mois & demy apres
qu'il fortift de Magalanes. L'an 16 o 1. le 9. de Febvrier il partit de la
ville de Balaboam. Le 25. d'Avril defcouvrit le pays du cap de Bonne Efpe
rance : & revint dedans la Meufe avec un Baftcau le 25. d'Aouft, ayant
mis en fon voyagc le temps de trois ans moins douze jours.

- r --
N Q).
DE L' EST R O IT DE MA GELLAN, t 95
I 599.

- - . --

Ieur Françoys Draque fortit le 6. Septembre hors de l'Eftroit de Magal


lanes fe mettant fur la mer du Sud ou il futfurprins le jour enfuyvant,
lors qu'il n'eftoit efloigné dudict Deftroict qu'environ un degré de
longitud, par une horrible tempefte, qui l'emporta bien 2co. lieues de
vers leSud: ou ilvint furgir à la hauteur de 15. degrés, ou plus, & ancrer
dedans un haute d'une lfle. D'ou tournant le vent au Sud, il courut droict
vers le Nort jufques à 55 degrés: & trouva certaines lfles defertes ayants
de l'eau douce, & quelques herbes Medicinales de grand vertu. Vn peu
plus avant il trouva une Baye, & des Canoes avec des hommes & fem
mes tous nuds, qui alloyent de l'une lfle à l'autre,pourchaffans leur nour
riture : 1l y trouva pareillement force Oifeaux. Remarqua d'avantage
tant icy, comme es Ifles dont il venoit dernierement, que les nuicts n'y
duroyent pas deux heures, eftant le Soleil à 8. degrés pres du Tropique de
Capricornus: concluant de là qu'il n'y avoit point de nuict pour tout quand
il vient à toucher ledict Capricornus. Lors qu'il fe trouva derechefaupa
rage de Magellan, il fit fon cours vers Septentrion, & arriva le 29. No
vembre en la Mocha à 38. degrés, ayant longuement courru au Sud de
l'Eftroit fans defcouvrir aucun pays. -

--

--- --

-- F I N,

Bb 2 DICTIO.
196

D I C T Io NA I R E
2Du langage des Ifles
D E

S A L O M O N.

Tacj. Taci. Du langage


V*
Deux. L0ua. L0a.
DE
Troix. Tolou.
Quatre. Fa, L' ISLE de CO COS.
, Ily en a quatre. Df.
Cinq. Lima. Soleil. La.
Six. RHouvv. Lune. . Maffina.
Dix. Ougefoula. Eftoilles. Fitrau.
Approchez. 2Nutfoy. Yeux. Matta.
Retire-vous. Fanou. Aureilles. Talinga.
Battre, cõbattre. Backela. Langue. Alello.
Femme. Herri. Levres. L4motou.
Porceau. VVacka. Iouës. Calafou.
Poulle. Omo. Gorge. Oua.
Vent. Mammelles. Chou.
Augin.
Poiffon. IcA. Cœur. Fatta.
Verge à prendre Eca. Bouche. Coloy.
poiffons. Nés. Efou.
Noix de Cocos. Alieuvv. Barbe. Talaff.
Bananes. V Vafudgy. Dens. Nyfo. Lyf.
Vbas , Racines oufj, Ouby. Cheveux de la Ouroucq. Ourou.
de Vbas. -
tefte.
Donne moy mes Toma may oufj. Iambes. VVaaj.
Main, & doigts. Fatinga.Lima.
Malade. Mataj. Ongles. Mayninia
Petits Cocos. D'mauta. Ventre. Tinay.
Coralcs. Lickafoa. a cachoa. Dos. Toua.
Clou. Hakoubea, Efpaules. Touauma.
Du Fer. Hequj. Feffes. Mouri.
Hameçon. (7/latatt. Garçon. Tama.
Superieur. Latou. Fille, Toubou.
Dedans le pays. Ajouta.Ajouda. Femme. Farri.
Du meilleur fer. 7Aoaj. Dormir. c7Aooj.
Ouy. Da. Ijto, Danfer.e Pipi.
Envoy. Alick-vvi. Maifon. logette. Fare.
Acoua c'eft la ra- Acoua. Pierre.Caillou. Fattou.
cine d'une e Arbre. Talie. Taliei.
fpcce de rofe Bois, Lachaai.
| Fcr. Hackoumea.
Corales.
D I CT I O N A I R p .
Corales. Cafoa. Vn.
197
Taci,
Navire. VVacha. Deux. MLoua.
Porceau. Pouacca. Trois. Tolou.
Cocq. CL7A9a.
Quatre. Fa.
Poulle. Oufa.
Eau.
Cinq. Lima.
VVaj. Six. Houno.
Pluye. . Oua.
Sept. Fitou.
Marteau, ou Coi- Tockigefj. Huict. VValou. -
gnée. Neuf. Tvvou.
-

Terre, Rille. Dix.


Cuyvre, Tatto.
Ongefoula.
Ils ne contoyent pointplus
Chaire. avant que dix, mais nous
2Noffoa. leur enfeignames de con
- Paelle. Chienga. ter jufques à cent.
Yvoire. Tatta. Onze,
Sud. Ongefoula taci.
Maffele. Douze.&c. . Ongefoula loua.
Couper ou poin- Tuamo, Cecy. Icy. Equi.
dre d'un cou Ieune. Manta.
fteau. . Que je voyé. Matta may. -
Accouftrement. cfu. Neay. Eay.
Petite Matte. Dfau. . Non. --

Huyle de Cocos. D'lolo. Fay


Ouy. - Tio, Tiouvv.
Montagne. Maoucha. . Pigeon.
S'en aller à ba- Foulau. Loupe.
fteau. -
-
Il n'y a plus. lEeuqUqU.
Chant, melodie. Adou.
Mangez. Tacéi, naki. -

Tirez enhaut. Foudj. .. , Les figures qu'ils Tetau,


Bananes. - ... *
· portent fur la
Racines d'Vbas. oufi peau. -- :
Eau.
. .. VVay. : , , , -- Certains geftes Mon.
Huyle. Lolo. qu'ils faifoyét
Fromage. Poulaca.
en dançant. .. :
Cifeaux.
Epouri. Vne certaine be Nifo.
Anneau.
Tambour. fte portant des
Naffa. Cornes.
Harquebuze. Leaj tifnoghel ne Succre. Lolo.
luy.
Petites Vbas. Tal,.
Violon.
Coufteau.
r*g Des petits habil- Kefiva.
Faffi, -

lemens de pa
Petit miror, Leff iloa. pier.
-

Fueilles de Co-Aes cifro. ' Boeuf portant rrgg.


COS. - COIIlCS.
VVagga
: bou.
Eau de Cocos. VVacti, * Vne certaine ra Acava.Atova.Cava.
Efcorce de Co- Pourou. cine, dont ils .
COS.
- -- font leur breu - ...
Succre , s Lolo. vage. - -
Vn certain fruit. Falafla. Navire. - VVacha. .. --
Perlamour. , Tiff. Teff.
Clochette. Taula. Les nós des deux Tamay. Fofa. .
--

-
Canelle. nobles , que ,
Kaj. nous avions en .
Petite
Fcu.
corde. VVaffauvv, --
hoftage. .. » -
Oumou.
La corde dont caff. -

JB b 3 ils fe
198 - 1D I C T I O N A I R E. ·
ils fe lient les - | Temples. Heim. .
accouftremés Barbe. Incam Beffer. --
fur lc corps. Manger. - 2Nam Nam. " --
Boire. -

Anda.
Les Anneaux , Tauvva pou. -
qu'ils portcnt louës. Machoi- Paring. -- .
fur la coude.
Doigt. Fatinga. Le nœud de la Con Con Hangh.
«
Vn certain fruit. Lolou.
- Rofeau.
Le Pain de nous Datan. - *
autres. . 71af. Chairc. - Sou. - -
Foye. Adde. - . -- ... l Picrrcs. Coore.
-
Foye de Porc. Adde Puacca. . | Feu. Eef
Roy Ariki. - ** | Terre. à la ter- Behoul
Superieur. Latou. Latau. -
- --
----
- Hameçon. . Iaoul. -

*-

-
| Perlamour. Corron Tamborin. '
De Nova Guinea. . | Soleil.
-

-- * , : | Lune.
,* , *
Calangh. -

Le Roy. - Latieuvv. : | Eftoilles. Maemetia. '


Noix de Cocos. Lamas. Maffue de bois. perer. - -- . :
Poulle. | Les afieaux qu'ils Iaoul. .
Porceau. Tembor. .. | portent dans les
Bananes. . - Tachouner. * narines. . -- r .

Oeufs de Poullc. Pfima Coo. | Dent d'Elefant. Tembron bi. -


Eau. - Dan. Daan. .. - | Petits Cordages. Calcaloun.
Poiffon. - Hiffou. i - | La Mer. - Taas.
Efcreviffes, Corre cor. . | Braquemard de Seel.
Bctele. Momboug Po. : | : bois. -
: | Terre.terre rou- Taar.
Chaux. Camban. .. » | i ge.
Huyle. - Poom. . .. | Sablon. - Coon.
- Ous. --
Corales. - Pontai. .. | Pluye.
Fer. Herees. " : i | Fonde. . - Gimmio Hala. '
Coufteau. Coot. .. : .. | Pique, ou Iaveli- Mareet.
Tcftc.
Nés. 2Nffon. - _ - | Affagaie. .. Houvan.
Aureilles.. . , - , . | Les ailes des AfTounfiet. -

lDcns. Tfang. - - i | | fagaies. -


Front. Poffon Arongh. : | Sang d'homme. Daar aug.
Chevcux. - Nthouge. - ci | Sang de porc. - Daar de Rembos.
Main. OIlIlCt. Nandikea.
Pieds. - : Kekejn. : c ' Canoe. . - Takoup.
Mammelles. Soa Sau. .. : - | Ramer. - Gemoe Haloes.
* Bras. Pangliman. i | Montagne. Faffer. --

Languc. Hermangh. . | Ce n'eft pas ce- Capte andfingin


Levres. | la.
Efpaules. : . THaliyug. , .. | Vn. . . ... Tika i
Vcntre. Ralang.. . : | Deux.
Dos. Baheing. - 1 | Troix. -- Tola. -

Doigt. catelingliman. . | Quatre. .


Feffes. . Paatong. - -- Cinq : - Lima. Liman. -
l- - --
Sex
-

D I C T I O N A I R E.
- 199
Six.
Fita.
De l'Ifle de MOA
Sept.
Huict.
Neuf
VVala. Gfante à deux degrés, delaquelle
Sivva. les habitans
Dix. ufoyent de
Sangafoula. Iavelines.
Certain fruict Loongh.
comme un pe Cocos. Lieu.
tit Cufi. - . Bananes. Tandani.
Attendre. Attinaam.
Porc. Paro.
Le nom d'un pri- Tarharlieuvv. -
Eau. Nanou.
fonnier.
Gingembre. Raaj.
Ie ne le cognoy Kim Kabbelinglou Poiffon. Ant.
pas. . gtee-. Coufteau. Kojma.
Chien. Aroue.
Corales. Safera.
De l' ffle de Moyfe. Peigne d'yvoire- Marmauvv.
Ouy. Ltu. Cloux.fer. Bee.
Pain.
Bois non preparé. Sagu. Sagu.
Pain. Pouhonnori. Gafteau de pain. Soome».
Efpaules. Carracerreram. Accouftrements Maje».
Mammelles, Soufou.
Genoux. Certains bande- Sabre».
Pou hanking.
Oeil. Mattanga. aux, qu'ils re
Laiffés veoir. lient à l'entour
Matta may
Gorge. C'oniecemnon. du bras.
Languc, Caramme ». Arc. Partina.
Barbe. Parre vvourou, Flefchcs.
• Nés. Dormir. Moune.
VVanfugo.
--
Bananes. Hinvoundi.Taboun. Tirer au poiffon. Tineanj
Il fera bien toft Kirreéir. Dent de porc. Sona.
icy. Vn certain ani- Pari-vvou.
Porc. - Cambour. - mal à 4. pieds. -

Cocos. Lamaz. Soleil. Arduio.


Nous. Tata, -- Cinq. VVeer.faut.
Attens.Bien toft. Alep. Vn oifeau tout Mari kacketona,
Vn. Kaou. blanc.
Deux. K 04. Racine jaune, Aou. .
Trois. . Tolou. comme la ra
Quatre. VVati. cine de curcu
Rima. II)2l.
Cinq.
Six. Eno. Coral blanc. Safferapoute.
Sept. VVjfou Rien, rien. Non, Taop, Taop.
Hui&t. , Ejalou. IlOIl.

Neuf. Sivva. Retire-vous. Hojda


Dix. Le nom d'une Arti.
Sangapoulo.
Poulle. Mitoa. Ifle.
Bafton. Micoura.
Fer. - Mafirim.
PARTICV LIERE DESCRIPTION

L INDE OCCIDENTALE,
Touchant la fituation defes Terres é- Provinces, le
chemin qu'il faut tenir a lespaffer,& quelles
richefes d'or & argent fe trouvent
en chafcune d'icelles,

Par le Preftre

PEDRO ORDONNEz de CEVALLOS. -


- Qui leecerché fort curieufement
-
--
--

- -- -
-
-

-
-
-
--
-- -
- -
-
- :
-
-
-
-
-
-
-
-
«
-
- -
-
-
-
-
*.
-
à
-
2o3

Particuliere Defcription
De l'Inde Occidentalc
D E

PEDRO ORDON NEZ de CEVALLOS,

, Onfiderant,Amy Lecteur, qu'il n'ya vice au Monde plus


\ l deteftable, & mal feant aux hommes, que l'Ingratitude, i'ay
)r propofé de vous deduire en peu deparoles, & à tous mes
-
prochains en general, les voyages que j'ay fait par tout l'u
nivers, en recognoiffance des benefices, que noftreSeigneur
m'a demonftréfpecialement auvoyage des Indes Occidentales. - Pre
mierement donc voulant aller aux lndes, faut fçavoir, que le haure de
San Lucar de Barrameda, eft diftant environ cinq lieues de la ville de Cadiz:
& c'eft de l'un de ces deux haures que les flottes des Indes Occidentales
fortent à la recerche des ifles de Santo Domingo, Hauana, Cuba , & autres
pays. or les haures fufallegués font affis en la hauteur de 37. degrés. Les
ifles de Canarie » en font efloignées de 23o. lieues au Sudoeft, comme fe
veoit en la Carte marine ou lon arrive en huict, ou dix jours voguant fur
la mer de las reguas, qui eft fort dangereufe. Ces Canaries font fept ifles :**
affavoir la Grande Canarie, Tenerife, Gomera, Hierro, la Palma, Lancerotte , & : de
Fuerte Ventura. Or la grande Canarie ne s'appelle pas ainfi, pour eftre la Canarie
plus grande de toutes, mais à caufe que c'eft la principale, & capitale des
autres. Les trois font Seigneuries; Gomera eft un Conté à part, puis Lan
garotte , & Fuerte ventura un autre Conté : les quatre demeurans appar
tienent au Roy. En la grande Canarie fe tient la chancelerie , le Gou
verneur,& Capitaine General des dites quatre , & l'Evefque des fept
ifles.defquelles y en a qui font fort fertiles. La plus grande c'eft Tenerif.
Elles font affiffes pres du 28. degré, & les nommoit on anciennement les
fles heureufes.
Il y a en l'unc d'icelles une montagne, quife veoit de 7o. lieues en la
mer; c'eft auffi le premier, qu'on apperçoit, & s'appelle le Pic de Tereue,
eftant tout le long de l'annee blanc & couvert de neige : il faut trois ou
quatre jours pour monter au fommet:ou y a une petite plaine, de la quelle :
fe voyent les autres ifles, qui delà femblent à veoir bien petites, non ob
flant que celle qu'on appelle delHierro, c'eft à dire l'ifle dufer,foit de pareil
le grandcur, avec Tenerife. C'eft de ce pays qu'on tire tout le foulfre,
appartenant au Duc de Maqueda,
Or quoy, que ladite ifle del Hierrofoit fi grande, comme eft dict, cepen. D'un arbre
dant n'ya point d'eau. Mais Dieu qui prouvoit toutes chofes,ya mis un ::
- - - - - -
re qUert ft en

miracle ordinaire, affavoir un arbre qui ne fe veoit, ne cognoift en nulle riftedarr


autre part du Monde, au deffus duquel fe tient ordinairement une nuée,
entretenant continucllement fes fueilles en verdure : or ces fueilles font
petites & larges,& en deftille tant d'eau que tous les habitans de l'ifle en
ont affés pour la neceffité. Il y a à la dextre de ces ifles, encor° des autres,
qu'on nomme les ifles de S.Borondon qui parfois fe laiffent veoir plu
C 2 (e :
CuIS,
1D E S R C R I P T I O N

fics d' e fieurs , & à plufieurs fois y ont efté) mais quand on y a voulu aller, on
fange con- ne les a fçeu retrouvcr. Il femble que Dieu feul vueille avoir ce fecret en
dation.
fa main, pour les defcouvrir au vray temps à luy feul cognu. On dict que
c'eft un pays fcrtile,& que les gens y font Chreftiens.
Les fept ifles fufdites toutes font abondantes, de forte que tout y eft à
meilleur marché qu'en Efpagne. il y a des chameaux fans nombre,& du
Succre en abondance. lD'icy nous allions fur la flote , que conduifoit le
General Françoys de Noba, & l'Admiral Don François de Valverde , finglans
contiuuellement l'cfpacc de 27. jours jufques a la Deffada, diftant de la
Grande Canarie huict cens trcnte lieucs,& eft affiffe, a 15. degrés. Or les
habitans de la Dominica, catalino, & autres ifles, font gens que nous ap
pellons Caribes, ou Gimarrones, qui mangent la chair d'hommcs ; à raifon
de quoy nos gens fe gardoyent de mettre pied à terre, finon apres avoir
defchargé plufieurs canonades fur la foreft, qui eft au coupet d'unc mon
tagne: puis on y meit les fentinelles, car autrement n'eftant bien fur fes
gardes, ces Caribes vienent prendre , & devorcr les perfonncs. Nous al
lions plus outre fuyvant la route de Matalmo; ou cftans arriués nous trou
vames en une foffe deuxSerpens extremement gros, qu'il ne feroit point à
croire : & defchargeant les moufquettes fur eux pour les tuer , ils fiffle
rent fi terriblement, que toute l'iflc en trembla.Plufieurs Indiens venoy
ent nous aider. mais quoy?ces dcux ferpens s'eftans joincts par enfem
ble,il nous fut force de defcharger fur eux toute l'artillerie. Plus, nous y
avons trouvé un Efpagnol, qui raconta, comment en cefte ifle, & es autres
voifines, y a plufieurs Efpagnols, & plufieurs femmes, & qu'ils ont de
laifié de devorer les eftrangers, pour ce que les uns fe font mariés avec
les Indiennes, & les autres avcc les Efpagnoles , & que plufieurs fem
mes, & autres fe font faicts Chreftiens, voire que ce feroit une chofe
bien facile de les convertir trcs-tous. Quant à moy j'eftime que les Roys
Catholiques laiffcnt de ce faire (combien que ce feroit chofe aifée de les
affujettir, ou exterminer du tout) a fin que paravanture quelque me
fchant heretique ne s'yaille fourer, comme il eft advenu en Florida. ce
qui pourroit en temps de guerre tourner au grand prcjudice de fa Maje
fté Il y adjoufta que dés longtcmps, ils n'ont devoré ny Prcftres, ny fem
mes. cfpargnant les femmes, pource qu'ils aimcnt mieux d'en avoir des
enfans robuftes; & lespreftres,pource qu'ils en avoycnt mangé un, mais
tous cn cftoyent enflés & crevés.
La Ville de
D'icy on va en huict ou dix jours jufques en Cartagena : au port de la
Cartagena.
quelle s'affemblent les flottes & gallions de Terre Ferme.c'eft la ville ca
pitalc de plufieurs provinces ; villc de grand trafique & marchandife,
pour la multitude des vaiffeaux, qui y abordent, & pour le voifinage
du nouveau Royaume de Granade. Soubs fa jurifdiction eft comprinfe la
ville de Mapox, Tenerife, & Tolù, ou demcurent dcs Efpagnols , & par cy
devant auffi les ville, de S.Maria, dc la Conception, & de Santiago de los Caval
leros, qui à prefent font defpeuplees, pour autant que les Indiens fe revol
terent par tumulte & tuerent les Efpagnols, pour l'outrage qu'on leur
-

faifoit.
Le grand ll ya de l'Ifle de la Dominica à Cartagena plus de 3oo. lieues. Appro
f** de la chant la bouche du grand fleuve de la Madalena, on s'en garde d'cnviron
ou plus de trois lieues en la mcr, pour la trefgrande violence dont il fe
desborde en 1cclle: de forte que les vaiffeaux,qui vienent à cftre entor
tillés au flot d'iceluy , en font miferablement tourmentés, & repouflés
bien
DE L'INDE o C CIDENTALE. 2o5
bien deux lieues dedans la mcr. Ledict Gouvernement s'eftend plus de
2oo. lieues en longueur, & cn contient cnviron 5 oo, en rondeur , ayant
des grandes contrées & provinces, encor indomptées,& des gens fans
nombre jufques aux Montagncs dc Tolu, llava, & Carquana : le pays tref
riche, & abondant en or. Au territoire de Tolèy a des montagnes de la
- longueur de quelques lieues, portans des arbrcs de baufme tresprccieux. , ,
Ces lndiens font fort fervitables, & font du grand profit à leurs maiftres. baulme.
Ils demeurent feuls en la ville de 74onpox, & ne donnent point d'argent
pour tribut au Gouverneur, mais des vivres tant feulement ; qui toutes
fois luy portent touts les ans grande fomme d'argent. Par cy devant les
Carares eftoyent fujets de la ville de Mompox: mais à prefent ils ont chan
gé de lieu, & fe font mis fur la riviere vis à vis de Tamalame, qui eft une
ville d'Efpagnols du Gouvernement de Santa 21artha. - Or il fait dange
reux de voyager fur la dite riviere, à caufe des Armadilles, lefquels ont
faict grand degaft fur les Canoas par cy devant, en devorant les perfon
nes : de maniere que les Marchansy vont toufiours de compagnie , avec
- plufieurs barquettes,bien montées de gens, avec longues piftolcs & defia
en ont tué tant, qu'il n'ya point fi grand danger à beaucoup pres, qu'il fou
loit avoir.

D E -

SANT A MA RT HA,
Du nouveau Royaume de Granade, du Gouvernemcnt
- de Popayan, du refort de Quito, & fes
Evefhés.
Fin donc de continuer la pourfuitc de mon voyages de Cartagena, Santa
h
Mir
f
je vins au Gournement de Santa c71artha ; qui en eft la ville ca
pitale, ou fe tient le Gouvcrneur , & l'Evcfque ; contenant ce
Gouverncmcnt cinq villes , Santa Ufartha , Salamanca , la Ramada, la
vallee de Ilpar, & Tamalameque. A Salamanca, & cn la Ramada fe tient la
plus part des habitans Negres , qui pefchent les perles, qu'on garde
en la Ramada. Il me femble que c'eft l'unc des plus grandes richeffes du
Monde : car il ya des ans, qu'ils en font une grande quantité de ducats.
Il y avoit dc mon temps un Marifchal Efpagnol Commandeur des In
diens, lequel avec l'Evcfque Don Sebaftien de Oquendo, en un an firent
1ooooo. ducats de Perles, qu'ils en avoyent tiré. or on les pefche en la
maniere fuyvante. Les Noirs eftans repartis en quelques Regimens
avec lcurs Capitaines,fe vont plonger dans la mer jufques au fondssayant
prcs d'cux des facs, qu'ils empliffent d'huiftres, lefquelles venans fur ter
re, ils ouvrent, & y trouvcnt en des aucunes des per les de grand' eftime.
puis ils jcttcnt dcrcchcfles huiftres de dans la mer. il y a des plongeons,
qui vont bien plus avant & plus profond en la mer, affavoir ceux qui plus
longtemps peuvcnt tenir lcur haleinc, & ceux cy font les meilleurs, & qui
Cc 3 pefchcnt
2c6 D ES C R I P T I O N
efchent les plus nobles perles. Il ya audict Gouvernement une grande
quantité d'Indiens,nó encor affubiettis,eftant les plus vaillans quife trou
Iatronas.
vent es lndes (on les nomme Taironas) robuftes comme ceux de Chile,&
tenans loyalement leurs promeffes. Cefte Diocefe comprend avec le lac
de Maracaybo plus de fix cens lieues. .
Le, Le nouveau Royaume de Granade, eft un Archeuefché, ayant la ville
Royaume de Capitale Santa Fede Bogotà. Sa jurifdiction comprend touts les gouverne
* mcnsde Cartagena, Santa Martha, Popayan, la noble Senechauffée de Tun
ja, & celle de Mariquita, avec le gouvernement de los C2/ufos. C'eft une
ville fort bien pourveue de pain, chair, & fruicts, le vin y venant d'Efpa
p,e,gne: il y a grand quantitéd'or & d'argent, comme fera dict cyapres. Au
raudes. Gouvernement de los Mufos ya deux villes. celle de Mufo, d'ou vienent les
plus fines Efmeraudes,voire de toutes celles qui vienent des quatre bouts
du Monde : qui plus eft, il en vient auffi plus , que des autres trois en
droicts, qui font les ifles de Ceilan, Sumatra, & Vicpuri en Cochinchina. Ily
a là un rocher d'Efmeraudes fi grand, que jamais on ne le pourra epuifer:
principalement pource que les habitans fe trouvent en petit nombre,&
moins encor de Negres. Les cinquiefmes de ces Efmeraudes portent
chafcun an pour Majefté une terrible fomme d'argent. Il y eut icy un In
dien efclave d'un certain Commandeur, qui trouva cefte noble & gran
de Efmeraude, de laquelle le Roy Filippe I I. & fa fille la Princeffe Clara
Eugenia d'Auftrice, feirent prefent à l'Efcurial : ou elle fe garde avec le
Sainct Sacrement. quand elle fut envoyée à fa Majefté, il en voulut fça
- voir le pris: mais nul des Ioyailicrs ne la fceut jamais taxer: & de fait c'eft
la meilleure du Monde, à raifon de quoyle Roy apres avoir mis le fervi
teur en franchife, luy feit des grandes recompenfes.
Pita eft L'autreville eft celle de la Palma, d'ou fe tire fort grand'abondance de
: Pita de toutes fortes.Cefte ville eft affife en la jurifdiction de Tunja, qui
fin dey eft fort ample. Elle a des forts rempars & boulevars de terre. car les laif
*ent fant repofer l'efpace d'un hyuer,& que les pluyesy toment deffus,ils de
" viennent fi durs & fermes qu'à peine ypourroit on percer un clou : c'eft
auffi la caufe pourquoy ils y ont des grands & beaux baftimens à petite
-

defpence.
La ville de Velez, Pampelune, ocagne, aterida, la Grita, les villes de Sant.
jago, de S. Chriftofle, & Leyva, & la ville du Port d'ocagne, font bonnes ter
res, & en plufieurs d'icelles fe trouve de l'or les Indiens s'adonnent à cul
tiver & femer la terre, & à pafturer le beftail, qui y eft en grand abondan
ce, il y a des Seigneurs qui ont 2oooo.bœufs, & encor autant ou plus de
Mariquita, petit beftail. La jurifdiction de Mariquita contient la ville de Tocayma, &
de Ibague, & la Santa Agueda, ouya des bien grandes minieres d'argent:car
c'eft d'icelles qu'on tire tout l'argent du Nouveau Royaume. En la ville
gent. de los Remedios, & Saragof fe trouve grand' quantité d'or; & y a plus de
Grandes quatorze mille Noirs, qui s'employent à le tirer ; chofe certes eftrange.
"*** Il y a le haure de Onda, auquel vienent furgir les fregates & canoas venants
de Cartagena par le grand fleuve de la Madalena, par lequel viennent les vi
vres en abondance; fçavoir farine,jambons, fromages, conferves, Confi
tures, Pita,couvertures,chables, bas de chauffes, cordes, poiffons,voire
auffi or, & argent, & Efneraudes de grand pris ; au retour ils en empor
tent du Vin, & autres marchandifes d'Efpagne; le tout fi abondamment,
qu'il y en a affés pour toutes les villes d'alentour, revenant au pris de
1oooc o.voire de 2ooooo. ducats.
Il eftt
DE LIN D E o c c 1 D E NT A L E. 27 Santa Fe de
Ileft dit cy deffus que Santa Fe eft la ville capitale. non loing, d'icelle Bogotas.
font encor deux autres, Santa Paz, & San Iuan de los Llanos; en la quelle
ville fe trouve une generation,qui eft la plus blanche, que je vey jamais :
& par tout ceRoyaume fe veoit une quantité infinie de villages d'Indiens
villc feparés une lieue ou deux l'un de l'autre, en forte que pour la grande Les Mou
*t.
multitude qu'ony voyoit de gens, nous * fches.

Au Gouvernement de Popayan ya la ville Capitale de Popayan, Pfte, r,


Almagaer, 2Neiva, Calocoto, Cali, Buga, Toro, Cartago,Ancerma , Arna, Ca
ramanta, Mocoa. Par tout on y tire grand abondance d'or, quoy qu'il y
ayt peu de gens lndiens,& point de Noirs pour ceft affaire:s'ily en avoit,
nt :
on enpourroit tirer dix fois autant.Et s'il plaifoit à fa majefté de comman
der, que en ce Gouvernement, & en celuy d'Antioche, duquel fera parlé
tout à ceft heure, on affemblaft fix ou huict mille Noirs, & qu'on s'en
peuft fier en chafcun defdits villages, il luy tourneroit à grand profit.L'E Santa Fé de
véfché de Popayan contient encor un autre Gouvernement; fçavoir Santa Antioquia.
Fé de Antioquis, confinant à Popayan, & au Gouvernement de Cartagena, &
à la jurifdiction de zariquita, qui s'eftend fur la ville de Rodas,& S. Iean.
c'eft un pays du tout montagneux, ayant beaucoup d'or, & peu de gens,
fi non ceux qui vienent de Popayan, l'Evefché duquels'eftend plus de qua
tre ceux lieues au coutour. . | - " S. Fran
La province de S. Françoys de 9uite, fe peut conter à bon droict entre * de
les plus grandes, qui foyent au Monde le remperament de l'air eft com- *
me celuyd'Efpagne en Septembre.Tout le longde l'année les jours y font
egaux, à raifon qu'ils font affis deffoubs la ligne Equinoctiale, commen
ceant du matin a fix heures jufqu'a fix heures du foir. La ville principa
le fe nomme S. Francoisde 9uito ou fe tient la Cour Royale, & l'Evefque.
Éne contient les Gouvernemens de Salinas,qu'on appelle auffi maguarfon
o, ayant fa ville capitale Santjagodelas Montaias puis Valadolid Zamara,&
3anja. Le Gouvernement de Loxa, comprenant la ville de Loxa, & celle *
de Piura, & le port de Santa. Le Gouvernement de los 9ujos, compre
nant les villes de Baefa, Auila, Archedona, Sevilladeloro, & Loxibaros. Le
Balliage de Guayaquil, la ville de Puertos de Manta, Punà, Puerto viejo. Il eft
en la riviere, plus grande mefmes que celle de la Madale
:
- na, par laquelle font envoyees toutes les marchandifes, qui vont d'Efpa
gne à Panama; & d'icy à Guayaquil, & 2uito , & autre Gouvernemens,
& Balliages, qui font en grand nombre. Rapportant desdits lieux or,
argent, & vivres, comme du nouveau Royaume, avec lequel ceux cytra
fiquent, & pareillement avec ceux de lajurifdiction de Merica, de la ri
viere de Bamba, de la ville de Villardon Pardo; de la jurifdiction de Cuenca, &
de la ville Tacunga, avec plufieurs autres chafcun de vingt, ou trente vil
lages d'Indiens. - --
Vray eft qu'il y demeure beaucoup d'Efpagnols , riches en jardins,
beftail, & autres poffeffions. un moutony vaut quatre reaux, une vache
vingt & quatre, de mefmes vn porc chaftré & engraiffé,une cheure tren
te & deux, le poulain d'un cheval feize, un mullet n'en vant que dix pour
la peau, & s'en tue tant que en otabalo, qui eft un Balliage des Indiens,fut
un Efpagnol qui s'obligea d'en mettre en œuvre tous les ans 16ooo. La
chair fe laiffe perdre fur les champs. On y faict beaucoup de drap, carfa
yé, fajette, catalogne, farge, & fe vend à pris raifonnable.le tout y eft à
bon marché pour l'abondance. - Huict pains d'une livre fe vendent pour
un Real ;à ce pris fe vent auffi un poulle,un chapon & deux connils,voire
-

troiS
2o8 D ES C R I P T I O N : . :
-- trois fouvent ne valent qu'un Real ainfitout le refte à l'advenant : finon
deux chofes,car le vin d'Efpagne venant des provinces de Lima vaut huict
reaux un quartillo, & s'il vient d'Efpagne douze.puis les afnes y font tres
chers:car un bon y fouloit valoir 15oo liures,ou pefos pour la grande mul
- titude de jumens, qu'ilya. Dont ils ont ce proverbe entre eux. Qu'cft
- ce qui eft le plus cher à Quito On refpond, les afincs.
- -
-- *

l . : -
-

--

- Des Evefchés & Trovinces de Lima, Cuzco, Charcas, ,, ,


eé du refte des Provinces de Peru. - , - »
:,

T E Peru contient plufieurs grandes Provinces, voire des Royaumes .


car tout ce qu'il y a de Pafto jufques à Chile s'appelle Peru. Ie di donc
pour venir à la matiere, que la ville de los Reyes, qui
Lary, ment Lima, eft la premiere & capitale de tout le Peru. :
ru. En icelle fe tient le
ville Capi- Vi ceroy, qui eft l'un des plus grands offices, que le Roy difpenfe, ayant
tale de Peru,
pouvoir de diftribuer les Commiffions, & prefectures depuis 2uite juf
ques à Chile ; affavoir en tout ce qui concerne les garnifons, & munitions
de guerre, jurifdiction, juftice, Gouvernement, adminiftration des fa
briques,& de la commune des Indiens, & autres offices de grands Pre
vofts, Efcrivains, Iuges, Superiorités,& Benefices, Curés, Chapellains,
General de l'armade, l'Admiral, & lesCapitaines. En fommetout le re
fte des Officiers des foldats; & toutes charges des gallions , conduifans
l'argent en Efpagne : le general des galeres, le General de Colao, les Capi
taines & autres Officiers font dependans de luy. Qui eft certes une bien
grande autorité, que le Roy luy donne : mefmes il prouvoit les Officiers
des lndiens qui travaillent dedans les mines, qui eft l'une des plus gran
des chevances du Roy; & dont lefdits Vice-roys eftans infideles à fa Ma
jefté pourroyent derober les plus grands threfors du Monde. Mais d'au
tant que la plus part des Princes & Gouverneurs, que faMajefte y envoye,
font bons Chreftiens, incontinent , qu'il fe pratique quelque fraude le
Roy en eft advifé, & y met ordre de bonne heure : Mais que di-je? Pleuft
à Dieu que tous les Vicerois, fuffent fi pieux, & bons Chretiens, comme
Don Loys de Velafco, de la vie duquelfe pourroit efcrire un grand trai
&té pour fes belles vertus, & louables conditions de fon cfprit digne d'e
ternelle memoire. . Ou comme Don Ferdinand de Torres & Portugal,
Conte de Villardon Pardo,natifde Iaën, de la tige trefancienne & tref
- -

noble du Roy de Portugal


Iln'yapoint Il eft en la ville de Lima un Archevefque, l'Inquifition, la Cour &
de toits en
la ville de
Chancelerie, & le Iuge, qui eftun grand Cavallier. il y a auffi l'Vniverfi
Lima, té, tresbien cognue & renommee à caufe de plufieurs gens doctes & fça
vans tant en la Theologie, comme es autres fciences & faculpés, fi qu'on
la pcut mettre en comparaifon avec les meilleures du Monde. -

Il y a une chofe notable affavoir, que bien qu'ilyait plufieurs grans &
magnifiques baftimens, cependant ne s'y trouve point de toict fur les
maifons. car auffi iln'en eft pas de de befoin, veu qu'il n'y pleutjamais,
L'Archevefché contient la ville de Truxillo en la plaine, Chacapoyas, &
Guanca Velica d'ou fe tire tout l'argent-vif, dont on fe fert à Potofi es mines,
qui eft une grande chevanche. Ilya pareillement Guamanga, villc capita
- -

be d'un
DE L'IN D E OCCT D ENT A L E. 2o9

le d'un autre Evefché, qui comprend plufieurs, villes & villages d'E
fpagnols, & des Indiens naturels.
L'Evefché de cufo eft a prefent le meilleur de Peru. or cefte ville,bien
qu'elle ne foit pas des plus grãdes,fi eft elic bien toutefois dcsplus riches,
pour lagrand'fertilitéde festerres,& contrées. Ccft Evefché depuis n'a
gueres a efté divifé en deux, l'un d'iceux refidant enArequipa, qui contient
auffi plufieurs villettes,& repartitionstant d'Efpagnols,cõme d'Indiens,
Or jaçoit que ces Evefchés ayét efté divifés, cõme eft dict de Truxillo,Gua
manga,&Arequipa,Lima Cuz co,& 9ito,fi eft il quils ont encor chafcun aflés
de rentes. Los Charcas, qui fouloit eftre un Evefché maintenant porte Lecharc.
le titre d'Achevefché,& contient mefmes encor deux Evefchés deffoubs
luy affavoir la Paz, & la Sierras dont celuy de la Paz eft fi riche, qu'il ne cede
en rien mefmes à l'Archevefché de S. Domingo. En los Charcas eft la Cour,
qui eftend fa jurifdiction depuis Cuzco jufques à Chile, & au fleuve de la
: Plata, qui eft une incroyable eftendue de pays. -

Ilya d'icy à Potofi 18 lieues, qui eft la chofe du Monde la plus eftrange
& monftreufe qu'on fçauroit pcnfcrc'eft de cefte montagne que vienent
chargees d'argent toutes les flotes,& galeres. illec fe veoit un grand & * au
merueilleux œuvre de la providence divine, d'autant que le Seigneur par %
deffus cefte mötagne a poféune nuee,laquelle y demeurc perpetuellemét, montagne
& mefmes quand il fait ferain & beau temps, demonfträt commé au doigt ***
les grands threfors, que ladite montagne couvre. La figure d'icelle eft en
forme d'un pain de fuccre, & fi haute qu'on fait 3.li. de chemin pour mon
-

ter jufques au coupet: Elle eft froide de complexion.ayant au pied la ville


de Potofi, ou fe trouvent d'ordinaire 2ooc o. Efpagnols, 8. ou 1o.mille fem
mes, avec pareil nombre de Negres,& plus de 4ooooo. Indiens : ce fen
ble à veoir un petit monde. En fix lieues alentour n'y a point d'herbe, ce
qu'il y a eftant fleftry & fané.Or ce qu'on y apporte de toutes pars, aucu
nefois fevend au pris, qu'il couftc au pays mefne dont il vient : On a veu
qu'en un jour un boiffeau de farine y fut vendu pour 12. ou 16.reauxun
autre le vendant cent reaux,& tantoft apres au premier pris : mais il ya
fur tout grand faute de bois.Quelques uns de ceux qui travaillent en ces
mines,vienent de fi loing, qu'ils font devant partir faire leur teftament,&
dire des meffes pour leur ame, comme s'ils ne devoyent iamais retourner.
Quoy voyant le Conte de Villar fit publier, que tous les Indiens pourro - .
-
ycnt librement venir demeurer cn Potofi, & y gaigner quatre reaux par
iour & cinq par nuictscombien qu'à la verité ces mines font fi profondes
qu'il n'y a nulle difference du iour à la nuict ; fi qu'on y befoigne toufiours ,
à la chandclle. Ceft advis du Conte a faict qu'on y veoit une infinité de
gens, lefquels y font vcnus demeurer, partie afin de gaigner le falaire fuf
dict,partie auffi pour en travaillant y defrober quelque argent, commc il
t,
advient affés fouvent : la convoitife les incitant à travailler fi courageu
* femét,& à rechercer de fi pres & fii avant les entrailles de la terre, mefmes
au hazard de la vie, que plufieurs y font eftouffés; lefquels s'ils y alloyent
doucement feroyent hors de danger.ll y a en la province de Chile, deux E
vefchés,fçavoir celuy de Chile,& de S. lago.c'eft un pais des plus abondans
qui fe trouvét auMonde.les fruicts d'Efpagne y furpaffent de beaucoup la
grandeur ordinaire d'iceux fruicts en noftre patrie,& y a par toute la mar
& che tant de mines d'or, qu'on en pourroit titer une infinités'il plaifoit à
* fa Maiefté de fe faire affubiettir la generation des vaillans lndiens de
cArauco, qui ont faict & font journellement tant de mal , nonob
Dd ftant
2IO D E S (e R I p T I O N
ftant qu'il feroit bien aiféde les vaincre & affujettir à la Courônesdequoy
je ne diray pour le prefent autre chofe, me remettant à en parler autre
part, & plus au large. Il y a encor deux autres Evefchés Tucuman, & Pa
raguay. ou y a grand' trafique d'accouftremens que fournit la terre,
comme de cotton, couvertures, & cotillons de femmes, & de belles ef
charpes,& ceintures.ilya auffi des mines d'or, mais fort difficiles pour y
travailler.

-
. - D ESCRIPTION

De Cuba, &'du refte jufques auportd'Acapulco,


au commencement de la Mer
du Sud

E m'en allay, comme eft dict,par le pays de Perujufques en Chile. d'ou


eftant retourné à 9uito pour revenir en Efpagne, je vins à Cartagena, &
d'illec par mer tirant vers le Cap de Saint Antoinet de là jevins en Cu
ba : paffant plus outrevers les ifles Deffeada, c7Aatalino, & Dominica.Com
Juba. mençant donc à vous dire de Cuba, fachés que le haure d'icelle eft le
meilleur du Monde, confideré que les Vaiffeaux y repofent à l'abry cou
vers de tous vens, & de tous ennemis. Car à l'entree d'iceluy y a une tref
noble fortereffe, qu'on appelle elMorro, c'eft à dire le Rocher, lequel quoy
qu'il foit fort de nature , cepedant on ne laiffe de le fortifier journelle
ment encor par artifice: ony plante le Canon, & y creufe on un foffé du
eofté de la terre, lequel eftant paracheué, avec trois cens hommes, il ne
feroit poffible de l'expugner, confideré qu'il y a de l'eau affés & tout ce
qu'on pourroit defirer. La longueur de cefte ifle contient 225. lieues,
& fa largeur 37. il y a un Evefque, & un Gouverneur & Capitaine Ge
neral, refidant en la ville de s.chriftofle de Abana, en laquelle s'affemblent
les flotes avant partir: voire auffi toutes les richeffes, qui fe recouvrent en
la Neuf-Efpagne, s'apportent icy au haure, & fe gardent en une forte
: maifon,qui eft dedans ladite fortereffe de Morro5comme or, argent, coche
*"* nille, & vifargents que par apres les galions qui vont à Cartagena, & à
Puerto Viejo en Terre Ferme, au retour fe chargent de ce qu'il y eft,& vont
porter le tout en Efpagne. Le pays cft tresfertile de plufieurs fruicts,de
Mayz, de farine, & autres chofes, qu'ony apporte. il y a grand abondan
ce de bois de Guachapil fort fin, qui ne pourrit point en l'eau, & les che
villes qu'on en faict font meilleures, que ne font les cloux de fer,pourautät
qu'elles bouchent mieux,&font de plus longue durée.puis ilya beaucoup
de chair de bœufs, mais on ne les tue que pour la peau.il y a auffi plufieurs
porcs chaftrés dont la chair eft fort delicate , que mefmes on donne à
manger aux malades. . _ -

Ambre». Le Cap de Saint Antoine eft affis à 2o. degr. & Havana à 23. il y a en la
mcr d'icelle des baleines fans nombre ; & y fouloit on trouver grande
quantité d'ambre, qu'on dit eftre le fperme d'icelles.
L'ifle de Puertorico eft efloignée de la Dominica 25. lieues, au 18. degré
L'fle de
* ellc s'eftend 4o. lieues en longueur, & 2o. en largeur, & en la rondeur
plus de 15o. Là fe trouve grand abondance de beftail, fuccre, orangers,
limons,
DE LIN D E o c c 1 D E NT A L E. 2 II

limons,& citrons de toute forte. On y feme auffi le froment, & toutes


femailles d'Efpagne, qui plus eft il y a grand quantitéd'or, jaçoit qu'on ne
l'en tire point, qui eft une faute de toutes ces ifles, dont les naturels ont
eftédechaffés & exterminés. ils difent que la feule haleine des Efpagnols
les tue, mais à dire vray, c'eft pour le mauvais traictement, qu'on leur faict,
& pour eviter le labeur, & la grand peine qu'on a de befogner dcdans les
mines. ce qui apparoiftra par un exemple. -

Il y euft jadis entre eux un Cazique , nommé Hatvey, lequel ayant Exemple
ouy dire , que les Efpagnols viendroyent en fon pays, feit affembler notable».
tous fes gens , foubs couleur qu'il leur vouloit enfcigner une bonne
pratique: lefquels eftans affemblés il dict, que le Dieu des Efpagnols
eftoit l'or, lequel par tout ils vont cerchant, & pource commanda qu'ils
amaffaffent tout ce qu'ils en pourroyent trouver, & le jettaffant en la
riviere; comme ils firent le jettans en la Havana , avec ferment de ne
declarer jamais pour la vie aufdits Efpagnols, le lieu ou ils l'avoyent mis.
Confideré qu'iceux Efpagnols pour trouver leur Dieu, avoyent mis
au fil de lefpée tous les habitans & naturels de Altim, qui eft l'ifle de Santo
Domingo. -

L'iffe de Puerto Rico contient quatre villes, & un Evefché; Elle eft --

diftante deSandomingo, de l'une des poinctes jufqucs à l'autre douze Iieues, domingo.
& de l'un haure jufques à l'autre huictante. dont celuyde Santo Domingo
eft fort grand & fpacieux, fitué fur 18. degrés. C'eftoit le premier pays,
qui fut defcouvert es Indes, duquel a prins fon commencement toute la
detection du Nouveau Monde. Il s'appelle auffi Efpagnola, & eft fertile de
lufieurs femailles & fruicts de la terre, & opulent de troupeaux, fpe
cialement de bœufs. Parcy devant il y avoit quatre millions de na
turels, lefquels font tous mors ou enfuis .. L'ifle eft grande & contient
lus de 6oo. lieues au contour, avec bcaucoup de fleuves & rivieres,
dans lefquelles on trouve de l'or : voire à ce qu'on dit, il y a efté trouvé
des grans, qui pefoyent en or plus de 3ooo ducats. Il n'eft pas à dire, com
bien on y trouve de rofeaux, dont on faict le fuccre : d'avantage le
Gingembre, & la chaffe, ou Caffia Fistula, s'y veoit en abondance , &
une efpece de bœufs, qui ont le poil fort long. Que s'il y avoit des
gens pour faire l'ouvrage , il n'eft pas à doubter , qu'on en pour
. roit tirer beaucoup d'or, & de perles. Ils font du pain de Tuca, que
nous appellons Cazabi , fans le pain qu'on y apporte fpecialement de
Venezuela. Le temperament de l'air y eft chaud, & convenable à la
nature des efclaves Noirs, lefquels y font environ 2oooo en tout. ll y a
dedans la ville de Santo Domingo la Cour, & l'Archevefque de l'ifle ; &
en la mer d'alentour plufieurs Baleines, & des fort grands Chiens de
Mer°.
Or de cefte ifle on arrive en deux jours à ZNavaza, qui eft une au- Les ifles
Navaza,%
tre ifle , gifante en la hauteur de dixfept degrés : & pres d'icelle gift Iamaica.
encor une autre, qui s'appelle Iamayca. Mais notés qu'il faut partir
de cefte Ifle en certaines faifons, & opportunités de l'année, pour les
terribles tourmentes & tourbillons de vens, lefquels fur cefte mer ont la
vogue. D'icy on tient la route de l'ifle de Cuba , ou Havana (car au
jourdhuy plufieurs l'appellent ainfi) & apres eftre paffé le Cap de Sainct
Antoine, on va tout droict jufques à l'ifle de Campeche, qui eft affiffe vers la cance .
terre ferme,& contient 3oo. lieues en la rondeur, eftans tous les habitans
& naturels d'icelle à prefent Chreftiens ; le pays tresfertile ayant un
-

Dd 2 Goun
2I2 D E S C R I P T I O N
s. Inan de Gouverneur, & un Evefque. Allant d'icy au bout de quelques jours
Lua.
on
arrive au port de S. Iean de Lua, qui eft le port de la Neuve Efpagne : ou de
,,n, meurent quelques Pilotes, & des gens bien fales. La ville, qui n'en eft
Veracruz. guerre diftante, s'appelle Veracruz : dedans laquelle fe faict toute la trafi.
quc, & de la fe transportent les marchandifes vers la grande cité de Me
* xico, grande à bon droict; car elle furpaffe de beaucoup la cité de Seville
,, en Efpagne, On compte qu'il y demeure 3oooo. Efpagnols,& plus encor
villedeMe- de femmes, 2ooooo. Indiens fans les femmes, & environ 2ooooo.Negres,
xico.
C'eft la ville Capitale & maiftreffe de tous ces grands & fpacieux Royau
mes: dans la quelle fe tient l'Archevefque, leViceroy, la Cour, l'Inqui
fition, & tant de Cloiftres, & Convents, Eglifes, & autres baftimens no
bles, qu'il y pourroit avoir en aucune ville du monde, pourgrande & no
ble qu'elle fuft. Le temperament & la conftitution du pays refemble
fort au Pirù : les habitans font fort dociles & de fi bon naturel, que je
feroy quafi confcience de ne vous en raconter quelques particularités.
1eNaturel Pour le premier,ils portent fort grand honneur & reverence aux Pre
de ceux de ftres, & à tous Religieux de quelque ordre, qu'ils foyent: ils font diligens
Mexico,
pour fe trouver aux affemblées, & fi toft que les cloches fonnent,de bon
ne hcure on veoit les Indiens, & les autres jeunes gens, fchafter vers le
temple, faire des croix, dire leurs prieres en la proceffion,& avant que de
fortir baiffer la tefte en difant, Louéfoit noftre Seigneur IefusChrift,& fa
" benoicte mere S.Marie.alors le Preftre dit; Es fiecles des fiecles; eux re
fpondent, Amen. ils l'accompagnent jufques à l'Eglife,& luy fervent en
toutes chofes.Ils font fi grands aumofniers, que telle foys j'ay eu cent du
- cats pour une meffe. Or toutes ces belles & tant louables couftumes ils
les ont apprinfes de Don Martin Cortez Marquis du Val,jadis Gouverneur
audict pays. On dict de ce grand perfonnage, que quand il rencontroit
quelque Preftre, fuft il bon ou mauvais, qu'il fermoit le pas, tenant fon
chapeau en la main jufques à ce que le Preftre fuft paffé: aucunes fois il
fe mettoit à pied, & luy venoit embraffer le genouil, & baifer la main en
figne de reverence & devotion. Les naturels du pays à l'exemple d'ice
luy, s'efforcent auffi de grandement honorer les gens d'Eglife : car, di
fent ils, puis que ce Viceroy d'immortelle memoire les a tant honorés, il
eft certain que tout ce que nous faifons à la reverence de ces perfonnes
ne peut eftre que bien employé. Ie ne vous fçaurois dire les merveilles
qu'ils raccontent avoir apprins par leurs anceftres de ce noble, vertueux,
& tres Chreftien Prince, ne la reverence,qu'ils demonftrent à fa bien
heureufe memoire.Quand on leur demande touchant quelques bonnes
couftumes; pour quoy c'eft, quils font cecy ou cela, tout incontinent
ils difent; Pource que le grand CapitaineMartin du Valla ainfi comman
dé. fi que voulans quelques Viceroys abolir, ou changer certaines or
donnances,ils ne l'ont fceu pratiquer,pource qu'elles eftoyent venues du
bon Marquis ; & fingulierement en ce qui touche le fervice des Preftres
en l'Eglife, ou la defpence de leurs biens à baftir & embellir les Tem
ples, en quoyils demonftrent un extremezele, & pieté.
Desimages Ils font des tres belles images de plumes, d'une grande & admi
% rable fubtilité: ils en font auffi des beaux petits chapelets, avec tous les
* cinq myfteres, fi curieufement & au vif, qu'on les peut à bon droict pa
rangonner à l'artifice de belles painctures. pareillement ils en font des
pourtraicts de vifages, corps, & accouftremens, fi jolis, que qui ne l'au
roitveu, ne le pourroit jamais imaginer.
-

Tou
D E LIN D E O C C I D E N T A L E. 2I3
Touchant laNeuve Efpagne, elle n'eft pas entierement defcouverte, Gö- De laneuve
bien que c'eft une fort grande Province. car on dit qu'il y a bien encor ***
fix fois
autant de pays à nous incognu. Don Antonio Efejo Capitaine
lt bien renommé y defcouvrit de noftre temps quinze Provinces figrandes
le que deux Efpagnes, & y trouva des gens politiques & en grand nombre,
Ot
-
avec des maifons de pierre de trois & quatre eftages : il y baftit auffi
*S - quelques villes, afin de procederavec le temps plus avant à la detection
dudiét pays; De maniere qu'on y defcouvrit dix fort efpacieufes & gran
ui
des Provinces , affavoir, 7Aexico, C7Aechoacan, Galice la neuve »,la nouvelle
Bifaya, Guadiana, Honduras, Guatemala, Campeche, Chiapa, Guaxaca : foubs
- lefquelles fe comprennent encor onze autres, avec le nouveauMexican,& la
* nouvelle France , ou les Efpagnols, fi Dieu plait, meneront encore des co
lonies, & feront habiter lefdits pays. Il y a trois Parlemens ou Cours
Royales, & Gouverneurs, & Corregidors ou Iuges, eftans tous Efpagnols,
& es autres villages,& notamment es villages des Indiens,font des grands
Baillifs. L'air du pays eft pour la plufpart fain & doux, parce qu'il eft
temperé, à caufe des pluyes ordinaires en Iuin, Iuillet,'Aouft, & Septem
breten outreil y a toufiours un petit mouffon de vent, lequel nonobftant
que le pays foit chaud de nature, faict que de jour la chaleur ne fe peut
augmenter par trop; les nuicts font froides, en partie pour l'abfence du
Soleil, & en partie pour le vent fufdict, qui amoindrit grandemcnt la cha
leur. -

Il eft fort riche d'or, & d'argent : car il y a beaucoup de mines ; abon
dant auffi de Cochenille: voire on y met en œuvre fort beaucoup de foye
qui vient de China. Il y a des marchans Efpagnols, qui font grand trafi
que de l'une place à l'autre; apportans d'autre part tout ce qu'il y defaut,
& en emmenant dehors tout ce qu'il y abonde à leur grand profit. Mais
à mefure que le gaignagey eft grand, auffi y faict on des grands defpens,
finon que les vivres yfont à bon marché. Les gens ont en finguliere re
commandation d'eftre veritables, fideles & loyaux voire il femble que la
nature du pays les faict à ce encliner. Car on a veu que ceux, qui para
vant eftoyent mefchans & cruels comme des brigans, yont changé telle
ment leurs humeurs, que non feulement ils fe gardoyent de commettre
larrecin ou faire outrage: mais auffi qu'ils l'avoyent en extreme horreur
& deteftation. Ie parle des Efpagnols, lefquels comme conquerans & vi
&torieux, fe logeoyent chez les Indiens, & leur oftoyent barbarement
leurs biens & chevances, jaçoit ques les miferables confiderans,que il n'y
avoit pointde moyen pour fe garder de la violence defdits Efpagnols,ay
maffent mieux de les quitter volontairement, & de leur en faire prefent,
afin degaigner la faveur & amitié des ennemis. Touchant quoy je veux ., . d' f47
vous raconter une hiftoire, qui advint à un Cazique, nommé Don Gabriel : -

de Caravajal, de Carangue, qui eft un village de Otabalo. Iceluy demanda


au Capitaine Pierre de Lomelin prefens le Gardien de ce Village, moy, &
autres perfonnes tant Ecclefiaftiques, comme feculieres, difant.Seigneur
Pierre, dites moy, combien eftce qu'a duré le pillage des grandes villes &
Provinces, que vos gens ont conquis au Monde Lequel ayant refpondu,
qu'il avoit duréhuict ou dix jours en chafquune ville, felon qu'elle eftoit
grande ou petite : le Cazique luy repliqua là deffus. Eft il poffible?
n'a il duré qui fi peu de temps qu'eft ce qu'une pillerie de huict ou dix
jours pour les miferables Indiens ô Dieu fi nous fuffions libres avec cela
mais je crain qu'ils logeront plus de cent ans chez nous.
Dd 3 En
2 I4 - D E S C R I P T I O N
- En ce pays y a bcaucoup de belles prairies & verts pafturages, & tant
de beftail, que tel tuera 1oooo. pieces de Beufs, & autant de Boucs, feu
lement pour les cuirs, qu'ils envoyent en Efpagne; jaçoit que la chair auf
fifoit fort bonne pour manger. ll s'y trouve beaucoup de froment , &
d'autres fruicts d'Efpagne, & dumayz: tout y croiffant fort bien. Leplus
eftrange & fingulier, qui foit au pays, c'eft un arbre, qu'on appelle Ma
L'arbre
AAaguey.
gueyou Cabuya. l'en ay veu faire des chofes eftranges, comme duvin, du
vinaigre, miel, couvertures ; & que avec la poincte des fueilles furent
coufus des chables, cordes , chauffes: voirc qu'on en ufe quafi en toutes
chofes de mefnage : on en faifoit des manches de coufteaux, des tables,
& du filet : & des fueilles en faifoyent des tuyles fur le toict, voire auffi
des belles cures en Medicine par les boutons & fruicts du mefme bois.
En fomme pour defcrire particulierement tout ce qu'on trouve en la neu
ve Efpagne, il cn faudroit efcrire une trefgrande hiftoire. orjc n'efcri à
prefent qu'un abregé de mon voyage, & pource n'en dirayplus,ajouftant
feulement pour conclufion de ce chapitre, que de lagrafide Ville de Me
xico jufqu'au port de Acapulcoya quatre vingt dix lieues.ce port de Aca
pulcogift fur la mer du Sud, comme S.Iuande Lua fur celle du Nort à la hau
-

teur de 19. degrés.

- DEsCRIPTIoN -

Du Royaume de Peru, de Chile, & autres

Aville de los Reyes, ou Limagift en l'altitude Auftrale de 12. degrés.


Ceft laprincipale ville de Peru, refidence du Viceroy, de la Cour, du
Confeil,& de l'Inquifition, de l'Archevcfque, & de l'Vniverfité.Le
dict Viceroy eft auffi Prefident de cefte Cour, Gouverneur & Capitaine
General de tout le refort d'icelle, & de los Charcas, & de 9uito; ayant le
maniement de la guerre,& des recompenfes des fervices faicts à fa Maje
fté. Il a 4oooo. ducats pour fon falaire ; fans qu'il en defpende rien qui
foit, finon pour maintenir fon Eftat: car tous les defpens de laguerre, &
ce qui y appartient, & tous les Officiers font payés des finances du Roy.
En la Cour & Chancelerie Royale de Lima font des Iuges, des Prevofts
de Cour, dcux Fifcaux,un grand Huiffier, une chambre de comptes, avec
encor d'autres Officiers executeurs & luges de par le Roy. plus un Com
miffaire de la Croifade, qui eft comme le General par deffus tous. La
jurifdiction de cefte Cour contient 3 oo. lieues, & a pour fuffragans les
Evefques de Cuzco, 9uito, Panama, deux de Chile, & celuy de 2Nicaragua.
Duport de A deux lieues de Lima gift le haure de Calao, qui eft le principal de la
Callao. mer du Sud ; ou le Viceroy fe trouve prefent, quand il eft queftion d'ex
pedicr les flotes, pour mener le trefor en Efpagne; ou quand il fe pre
fente quelque grande neceffité de laguerre, ou femblable occafion.Il s'af
femble icy beaucoup de navires,venant de tous coftés par la mer du Sud:
&s'y faict grand trafique & marchandife.
De la ville
de la Plata.
En la ville de la Plata, qui gift en la Province de los Charcas,fe tient la Cour,
& Chancelerie, avec Prefident, Iuges, & Prevofts, Fifcal,& autres offi
cicrs du Royd'avātage une Eglife Cathedrale,un Archevefque, un Doyë,
& le
D E Ll N D E o C C I D E NT A L E. 215 .

& leChapitre & font 3oo.lieues de chemin de Charcas jufques à Lima.Or


voyant que l'Evefché de los Charcas eftoit grand & riche, ayant 3oooo.pe
fs ou liures de rente, & plus, fa Majefté en fit faire trois Evefchés par ad
vis & permiffion de fa Saincteté aflavoir los Charcas, Chuquiago, & Santa
Cruz de la Sierra; diuifant aufli les revenus de forte que l'Evefque de Char
cas en tire quinze mil, celuy de Chuquiago dix, & le troifiefme de Santa Cruz
le refte des revenus, affavoir cinq mille pefos. Celuy de Charcas a obtenu
le titre d'Archevefque, ayant pour fuffragans Chaquiago, Santa Cruz de la
Sierra,Tucuman,& Rio de la Plata. -

- D'icy à dixhuict lieues fe veoit la ville,& montagne de Potofi, qui a rem- D. ,


pli le Monde d'argent; d'ou on le tire encor à ce jourdhuy, mais à plus
grand peine que du commencement, pour ce qu'il faut aller plus profond
dans la terre, environ 2oo.flades. Ce lieu eft frequenté de toute forte de
gens, Efpagnols, & Indiens, lefquels par cy devant eftoyent contraincts
d'y aller pour travailler dedans les mines de quarante, foixante, quatre
" vingt, cent, cent cinquante lieues: mais depuis que le vaillant conte Vil
lardon Pardo fit publier la franchife & liberté aux Indiens, enfemble avec le
falaire du labeur, ils yviennent de leur bon gré pour gaigner ledict falai
re; & nous ont faict plus de profit par leur loyauté volontaire, qu'aupara
--

vant par la contraincte fervile. -

Or afin que on puiffe tant mieux travailler en cefte montagne, pour Quand c'ei
en tirer tant plus d'argent , cft befoing que les pluyes commcncent q on tra
environ le Noël, car c'eft par le moyen d'icelles que les engins moulent *.
les metaux. Et alors y va le Prefident de Charcas, ou l'un des luges pour
advifer aux moulins, & à la befoigne des lndiens, afin que tout l'argent
foit preft en Febvrier, & au mois de Mars, pour l'envoyer à Lima. pour la
quelle caufe convient avoir principalement efgard à deux chofes ; pre
mierement à l'eau, comme eft dict, & pour le deuxiefme , à l'argent vif
car par le moyen d'iceluy on en tire beaucoupplus d'argent, qu'on ne
feroit autrement. Aucunefois pour n'avoir affés bien vifé aux chofes fuf
dictes, l'argent n'eftant preft en la faifon gonvcnable,il l'a fallu envoyer
par mer & par terre,paffant le port de Aricajufques cn Colao qui eft le port
de Lima; & d'icy derechefà Panama, & d'illec à Puerto belo,ou les galions
de fa Majefté fe tienent.
En la province de Charcas,gift la ville de San Felipe de Auftria ou ilyavoit Lesminie
du temps des Ingas, des mines d'or, lefquelles par l'efpace de fix ans furent res d'Oruro
mifes en œuvre par Emanuelde Caftro & Padila, luge autresfois deCharcas,&
à prefent de Lima, lequel en a tirégrande quantité d'argent. Mais à ceft
hcure pour fon depart,& par faute de vifargent, qui eft le principal engin
de bien purifier l'argent, les mines font venues en decadence. Les autres
difent, que ceux qui en avoyent la charge, ne voulurent payer les Indiens
travaillans aufdictes mines,& aux moulins ce qu'ils feirent de propos de
liberé pour conferver la montagne de Potofi qui en auroit efté grandement
intereffée.or lefdites Mines fe nomment les mines de Oruro. -

Aupres de la ville de Guanca Velica, qui eft au refort de Lima, font les Dela ville
fameufes & riches minieres du vifargent : d'ou lon en a tiré grand abon :*
dance, voire plus de huict mille quintales par an, mais en aucuns endroicts "
il eft failly; pource que quelques montagnes fe font enfondrées. Ce qui
a donnégrande frayeur à tous ceux, qui travaillent aux montagnes, & ge
-

neralement à tous les habitans de Peru.


Le Marquis de Montesclaros voyant un fi grand efclandre , commun à
2t6 D E S R C R I P T I O N
tout le Royaume, devant qu'il eut encor lc gouvernement d'iceluy, s'y
tranfporta pour veoir quel ordre on y pourroit donner, afin de remedier,
ou au moins aucunementfoulager un fi grand degaft. En quoy il s'ac
quitta fi bien, qu'en fin il y reftablit l'ouvrage,de forte qu'on cn tire de
rechef l'argent vif & y travaille on à peu pres de la mefine façon qu'au
paravant .
De la Ville
de 6)uito. La ville de S. Françoys de Quito affiffe deffoubs la ligne Equinoctiale,
- - - -

3 oo. lieues de Lima, eft fort fertile & de bonne temperature. il y eft fon
dé une Chancelerie, avec Prefident & Iuges, ou Prevofts de Cour, Fifcal,
Huiffier, & autres Officiers. Il y a plus une Eglife Cathedrale, un Evef
que, avec un Doyen,& le Chapitre, & unautre college. La jurifdiction
de ladite Cour s'eftend 26o. lieues : & trouve on aupres de la ville plu
fieurs montagnes ardantes, eftant le pays abondant de toutes chofes, &
principalement de vivres, à caufe de quoy les gens y font fort multipliés, -

& notamment depuys la predication de l'Euangile.


Santa Fe de Pareillement en la ville de Santa Fe de Bogata, au Nouveau Royaume
Bogota. de Granade,ya la Chancelerie Royale: dont le Prefident eft auffi Gou
verneur & Capitaine General, tenant cntre fes mains l'adminiftration
des recompenfes, du Gouvernement,& de la Iuftice. Il y a auffi des Iu
ges, ou Prevofts de Cour,un Fifcal,un grand Huiffier,& autres Cofficiers.
Plus encore une Eglife Metropolitaine, & un Archevefque, avec un Do
yen, & le Chapitre dans le refort d'icelle y a le fleuve de la cMidalena,
par lequelon defcend à Cartagena & par le mefme auffi montent les mar
chandifes & autres chofes. il y a d'avantage audict refort plufieurs mines
d'or & argent: & y faict bon vivre, eftant le pays temperé; En la provin
ce de los Mufsgifent les veines des Efmeraudes. L'Archevefque d'icel
le a pour fuffragans les Evefques de Popayan, Cartagena, & Sainte c2tarthe.
Tout le pays fut conquis, & la ville peuplée par le Seigneur Gonfalve Xi
menez de 9uofada, natif de Granade.
La Chancelerie de Terre Ferme eft fondée en la ville & ciré de Pana
ma, le Prefident d'icelle eftant auffi Gouverneur & Capitaine General.
ladite Chancelerie a quelques Iuges,qui font les Prevofts de la Cour,un
Fifcal, & autres Officiers. Il y a auffi une Eglife Cathedrale, avec l'Evef
qu e, le Doyen,& le Chapitre: le pays eft fort chaud & humide de com
plexion. la villc eft fur la mer du Sud, & c'eft icy que viennent aborder
les flotes avec le trefor de Perù : lequel on y defcharge, & le mene on
par terre à Portobelo, ou les Galions du Roy l'attendent : qui de là fe vont
rendre à Cartage na, & de Cartagenavers Havana; & de Havana finalement
vers Efpagne. or il y a depuis la mer du Sud jufques à celle du Nort l'e
fpace de 18. lieues, qui eft un chemin le plus penible qu'on fçauroit trou
ver au Monde. -

La ville de Cartagena eft affiffe au Royaume de Terre Ferme : c'eft le


% premier pays des Indes, ou les Galions d'Efpagne fe viennent repofer,&
*" defcharger en partie les marchandifes; affavoir celles qui vont vers cefte
ville : & le refte qui va au Nouveau Royaume de Granade fe tranfporte
au fleuve de la tadalena. 1 l cft icy un Gouverneur & Capitaine Gene
ral, avec des genfdarmes & garnifons, pour la defenfe de la ville ; une E
life Cathedrale, un Evefque, & un Doyen, avec un Chapitre ; en outre
des Iuges & Officicrs Royaux. Le pays eft bien habité: & font d'icy juf
ucs à Chile 12oo. lieues.
De l'Ifle de 1 ,, - - -- - -

: L'ifle de Havana, quife nomme autrement Santiago de Cuba, contient 3oo.


-

lieucs
D E L*I N D E O C C I D E N T A L E. 217
lieues, ayant un Gouverneur & Capitaine General, Officiers du Roy,
gendarmes,garnifons, & des forts chafteaux. Il y a une Eglife Cathedra
le, un Evefque, un Doyen, & un Chapitre. Audict haure de Havana fe
vienent rendre & affembler tous les galions,flotes, & vaiffeaux de toutes
les Indes,pour calefufter & faire provifion de vivrescar ils vont d'icy deux
mois, ou environ fur la mer,jufques enEfpagne,fans approcher nulle terre,
finon la Tercera, qui eft l'une des Azores la quelle aucunefois ils vont abor
der, & aucunesfois la laiffent de cofté. .. A trente lieues de Havana eft le
commencement du Canalde Bahama, qui eft tresdangereux, quand on a le Bahama,
Lecanald
vent contraire : de l'autre coftéya le pais de Florida. -

. En l'ifle dq Santo Dominga, y a une Chancelerie Royale, de laquelle le Del'fle E


Prefident eft auffi Gouverneur, & Capitaine General, ayant plufieurs fagnola.
gens en la garnifon des villes, & aux chafteaux.ilya mefmes des Iuges,& - -- , ,

Prevofts de Cour, Officiers, & autres ferviteurs du Roy : d'avantage une


Eglife Metropolitaine, un Archevefque, Doyen,& Chapitre ayant pour
fuffragans les Evefques de Havana, Puerto ric, & Venezuela. Le pays eft
" chaud de nature, abandonné de fes naturels : quoy qu'il ait beaucoup
d*efclaves Noirs. Les Anglois, & Flamands fouloyent fouvent venir
en cefte ifle à ranfonner les habitans. ce qu'ils ont practiqué par lon
gues annees, fans qu'on y fceut donner remede, jufques à ce qu'on print
la refolution de transporter les colonies autrepart.
Le Royaume de Chile eft fort grand, large,& opulent : n'ayant guer- chil, , ,
re d'Efpagnols,au regard des Indiens : lefquels par la continuelle guerre
de quinze ans, font dreffés & ftilés au maniement des armes, comme les
foldats Flamands,& manient la lance & l'efpecfigaillardement, comme
les Efpagnols. ils fe fçavent aider de toutes fortes d'armes ; & vous met
- tent en un Efquadron huict mille hommes à cheval. Ilya un Prefident de
la Cour, qui eft auffi Gouverneur & Capitaine General,avec des Iuges &
Officiers Royaux : Il contient deux Evefchés,l'un refident en la ville de
Santjago,& l'autre en la Conception.Ceux qui vont tous les ans enChile à la
guerre,y vont malvolontiers, & quafi par contraincte,pource qu'ils n'ont
pas la liberté de retourner quand illeur plait & qu'on ne leur donne point
de paffeport finon à grand peine:& quant au payement il eft fort maigre:
le pays eft pauvre,&miferable.il n'y croift quafi rien;la plus part des gen
darmes font Flamends; la pauvreté, les travaux & le danger, qu'ils endu
rent,ne font pas à dire. & n'ya quafi point de vivres, point de munition,
point de garant,& beaucoup d'ennemis.Le pays confine à la mer du Sud,
& au Deftroit de Magallanes; fi que les Corfaires, eftans paffés ledit De
ftroit (comme il avient aucunefois, mais non fansgrand danger & perte
de leurs gens,& navires, pour eftre ce paffage plein de rochers,facheux,&
penible plus que nul autre,je laiffe à dire du grand changement d'air quils
y rencontrent)vienent à recognoiftre premierement le pays de Chile, &
plus avant le Royaume de Peru,pillant & defrobant tout ce qu'il leur ren- .
contre,fans aborder autrement la terre, finon pour fe rafrefchir & faire
quelque petiteprovifion au pays de Chile . -
Laprovince
- - T -

En la Province de Tucuman qui eft du refort de la Cour de charcasya un :**


Gouverneur,& Capitaine General,un Evefque,& une Eglife Cathedrale. "
Tout le pays eft pauvre, confinant à Chile de l'un cofté, & de l'autre au
fleuve de la Plata. - -
-

- -
-
-
- Plata,
La province de Rio dela Plata qui fe nomme auffi Buenosayres a fon Gou Buenosay
verneur & Capitaine General puis une Eglife Cathedrale,un Evefque,& r
E e plufieurs
2 18 * D ES C R I PT I O N
plufieurs Officiers du Roy. Le port du fleuve eft fur la mer du Nort, au,
quel vienent furgir beaucoup de navires de la Brefile,& de Lisbonne. car
on y vient en peu de temps de Lisbonnemais afin de ne defaccommoder
la navigation des lndes, ne fe döne point de licence aux vaiffeaux & mar
chandifes de faire ce voyage. Dudict fleuve de la Plata jufques à Potofi,& los
Charcay a 4oo.lieues, ce pays aboutit au Royaume de Chile& c'eft d'icy
que fortent les vaiffeaux à la recerche du Deftroit de Magellan, coftoyant
la riue deChile,& le pays des Geans, qui demeurét vers l'Eftroit, lefquels
on appelle Patagons. Quant aufleuve fufdict, lequel fe decharge en la
mer du Nort, il eft merveilleufement grand & large; fi que mefmes on e
, ftime qu'ilfurpaffe & s'eftende plus avant, que le grand fleuve d'Egypte.
Santa
, le Nul di-je, tant celebré par les Anciens. - -

Cruz»
En la Province de Santa Cruz de la Sierraya dés longtemps un Gouver
neur & Capitainé General, & depuis nagueres, un Evefque, affavoir le
troifiefme de los Charcas.Il y a la cité du mefme nom, qui eft une ville fron
tiere pres de deux nations belliqueufesl'une qui s'appelle Chiriguanaes;&
l'autre Mojos, qui demeurent à l'autre cofté de la Cordillera. L'Evefque ne *
s'y eftpas encore tranfporté,auffin'ya il pas encor d'Eglife Cathedrale.le
pays eft pauvre & miferable, & principalement à caufe de la guerre, de
forte que tant les Officiers, que les fimples foldats, lefquelsy font en fer- .
-
-

vice, gaignent un grand falaire.


Popayan. Au Gouvernement de Popayan, qui eft entre 9uito, & le Nouveau
Royaume de Granade y a un Gouverneur & Gapitaine General,une Egli
fe Cathedrale,&un Evefque,plufieurs mines d'or, &peu de gens naturels
du payseftant fur les fronsieres des Indiens, que nous appellons Pixaos,
qui font un peuple belliqueux & hardy.

Relationde l Efat dupaysen traitier


en particulier de quelques Provinces. .
Comment fe Lya es Indes deux Republiques,fort differëtes,& diffemblables l'une à
gouverne la l'autre. La premiere, eft celle des Caftiliens, qui fe conduifent felon la
mation E
fagnole es
bonnc police,loix,& couftumes d'Efpagne mettans pcine & diligence,
Lmdes. à ce que le pays foit bien gouverné, cultivé labouré les villes edifiées,ha
bitées; les mines mifes en œuvre, & femblables chofes que la neceffité
requiertfe fervans en pout ce que deffus du labeur & fervice des naturels.
Cariln'eft point de nouvelle, que les Efpagnols cy mettent la main à la
charrue, comme en Europe: mais ils s'y maintienent comme Cavalliers
& Noblcs. Qui eft la caufe, pourquoy fur tout ils fe gardent d'entrer en
fervice : en forte quràgrand peine fe pourroit trouver en toute l'Inde tel
Seigneur, qui euft un Lacquais ou Page Efpagnol; finon le Viceroy tant
feulement pour l'authorité qu'il tient par deffus tous les autres. Ils s'adon
nent auffi à la marchandife,& à la trafique, ou à tenir boutiques de vivres,
& accouftrements du pays & de Caftille, ils font avancés à l'adminiftra
tion des Finances, aux offices & prefidences desgenfdarmes, ou des mi
ncs d'or & d'argent,felon qu'on les trouve eftre capables.
Comment fe La deuxiefme Republique, eft celle des Indiens lefquels ont receu vo
gouvernent
les lndiens. lontairement la predication du Sainct Euangile de forte qu'ils vienent en
grand'devotion affifter au fervice divin, & fe trouver aux prefches, en
l'une
DE LIN D E o C C 1 D ENT A L E. 219

(t
l'une Province plus, en l'autre moins. Ce que nous devons recognoiftre
du foin & follicitude des Evefques, & de la diligence des Curés, & autres
qui ne fe laffent de prefcher en leurs propres langues naturelles. Chofe
certes difficile car ores qu'il foit efdits pays un langage commun & ge
* - neral, comme le latin envers nous, affavoir celuy de nga, qui par cy de
vant fut leur Roy, fi n'eft il cependant affés aux Pafteurs de fçavoir le- .
dict langage, mais faut auffi neceffairement, qu'ils apprennent les langues .
particulieres de chafcune Province, pour ouyr la Confeffion, & faire au- .
très chofes requifes à l'advancement de noftre Foy Catholique. Et com
. me ainfi foit que ces Provinces foyent en grand nombre, & fort efloi- .
: gnées les unes des autres, ainfi eft pareillement grand, & prefque incro
yable le nombre defdites langues.
* Les Indiens generalement font des gens contemtibles tardifs,groffiers Du naturel
fimples plus miferables que ne font mefmes les Iuifs. Cependant au jour "
duSSacrement à Pafques & àS.Iean,pour d'autant plus celebrer la fefte,
ils fe portent fort alegrement à chanter,dancer,& fauter mefmes dedans
les Eglifes.Le Ieudy fainct tous generalemét font Penitence,& en un cer.
tain jour de l'année, qu'on appelle à ccfte caufe le Iour de Compte, ils
* donnent raifon de tout ce qu'ils ont de biens, meubles & immeublesten
feveliffent leurs morts fuyvant l'ufage de l'Eglife Catholique :'avec meffes
. & Offrandes, Ces couftumes font bonnes & louables mais ils en ont auf -

|
-
-, -
Ils font pour la plufpart des grans menteiîrs , & qui pis eft totalement
adonnés à l'yvrognerie, & à la boiffon, fans en avoir point de honte. Ils -
s'affemblent fecretement à l'efcart, & demeurent banquetans un, deux, * ,
trois jours, voire une femaine entiere, & plus,beuvans plus que les Ale- . ::
mans; prenant avec eux leurs femmes, & filles, afin qu'elles les fervent, &
apportent l'une ou l'autre chofe à fripper& boire.Ainfi demeurent jours
& nuicts au fervice de leurs gueules, comme des beftes brutes, fe privans
de l'entendement, que Dieu leur a departi, fi que d'un peché en l'autre
" ils vienent à tomber en des enormes & horribles extremités à la façon des
Mores.A cefte caufe les Magiftrats font grand diligence pour empefcher
& punir telles affemblees, pour la confequence d'icelles. car ils paffent
enfemble quelques jours de route avcc chant & danfes , foubs cou
leur de faire priere & facrifice pour les trefpaffés; mais à la verité, facrifi
ces deteftables, par lefquels ils vienent à fe gafter, & preparer leur propre
corps à toutes fortes de maladies. ·
Ils fontfi friands fur ces banquets,& tant y demeurent , qu'ils ne re
tournent pas à l'ouvrage jufques à ce que la neceffité les en preffe, ou que
leurs Superieurs les y contraignent. Mais quandils fe veulent adonner à
quelque meftier, ou fcience, ils ont affés d'cfprit pour l'apprendre & pra
tiquer : comme auffi on a veu plufieurs'exemples, qu'ils auroyent bien
toft apprins à lire, & efcrire, ce qui ne leur a efté permis. ll y a parmy
eux plufieurs gens de mauvaifevie, notamment les Noirs, & les Meftifs,
qui s'addonnent à la mefchanceté, pour le mauvais traictement , qu'on
leur faict . car il y en a toufiours qui prennent plaifir à les malme ----

ncr. - ,
Les Indiens font tenus de payer par an à leurs Superieurs , un certain * :
tribut d'argent, & autres chofes felon la taulxe des Cours de chafquun
refort. Et la moitié d'iceux font tenns defaire fervice perfonnel, à fça
voir deux mois de l'année en tel endroict, que la Cour ordonne. Tous
-
-
Ec 2 font
22O D Es C R 1 p T I o N ,
font tenus de payer tribut, ou prefter ledict fervice depuis l'aage de dix
huit ans jufques à cinquante: Ce tribut fe donne au Gouverneur en re
compenfe de fon fervice à deux vies, à la charge qu'il portera foin de faire
cndoctriner les lndiens à fes defpens, payant le falaire au Pafteur , & au
Senefchal, & les difmes des Eglifes, fuyvant l'Ordonnance, & tauxe de
la Cour. - . : ' ' . .. , - t: ;
- Gomment
les offices fe Ce que je vien de dire, que les Gouverneurs tirent leurs gaiges pour
donnetpour deux vies,fe doibt cntendre en cefte façon ; affavoir que la plufpart des
*** Offices & Prefectures des Indiens fe diftribuent pour deux vies ; de forte
qu'on en tire le falaire premierement durant la vie de celuy, qui admini
- ftre ledict Office de Gouverneur ; & fecondcment durant la vie de fon
fils, ou fille aifnée, lefquels fuccedent en la penfion de leurs Peres.S'il ad
venoit que ledict Gouverneur n'euft point de femme legitime, les fruicts
" de l'Office vacant rerournent à faMajefté qui en prend la poffeffion pour
le fecours & aide de fes Financcs,jufques à ce qu'il foit prouveu : ce qui
touche fpecialement au Viceroy, fi l'Office eft vacant en fon refort ; &
aux autres Gouverneurs & Capitaines Generaux en leurs jurifdictions
refpectives : ne fuft que le Roy mefmes par advis du Confeil y prefen
taft quelquun. Ce qui fe practique au tegard des offices de grande im
portance. Quclquesfois le Roy, & le Confeil font grace & faveur pour
plus de deux vies aux fils & néveux defdits Commandeurs, & principale
ment des Conquefteurs, ufans en ce faict de leur bonté & liberalité ac
·
couftumée. - • - - -

Touchans
les contra
Il eft defendu bien expreffement à tous Iuges politiques des lndiens,
tations des de ne trafiquer ou marchander entre iceux : d'autant que telles contra
luges. &tations font du tout dangereufes Sc prejudiciables à la converfion des
Indiens. Car par ce moyen il advient, qu'ils s'adonnent à faire des ac
couftremens, & autres chofes au fervice des Iuges , de maniere qu'ils
n'ont pas le loifir d'achever leurs befoignes, pour payer le tribut ; dont
s'enfuit que abandonnans leur demeure ils s'enfuyent en des autres, au
prcjudice de leurs villages, qui en font d'autant plus chargés,non feule
ment pour prefter lefervice perfonnel, felon la tauxe de la Cour; mais,
. qui pis eft, de payer auffi le tribut au nom des abfens. Les Viceroys &
Parlenmcns font en ce tenus & obligés par ferment de fuyvre certaines loix
& conftitutions. Chafquun an l'un des Iuges de la Cour eft obligé
d'alier en commiffion vifiter les repartitions des Indiens , pour entendre
leur tauxe, & le tribut qu'ils paycnt ; afin d'advifer s'il eft befoin de re
lhauffer ou amoindrir ledict tribut, felon la quantité des richeffes de
- chafquun pays; & de donner ordre à ce que les vivans ne payent pour
les trefpaflés, abfens, ou empefchés , ou pour ceux qui font hors d'aage:
d'avantage pour ouyr leurs plainctes, fi peut eftre ils font malmenés, ad
vifer à la Iuftice, & à l'lnftitutioh, & à autres chofes touchant l'admini
ftration de la police. Le tout au foulagement des Indicns, & au fervice
du Roy. Et c'eft en telle Commiffion que le Viceroy envoye de
vers l'Audience de Don Diego VacadeVega, perfonnage debonnai
*:
re, & clair voyant es affaires d' Eftat.
Touchant
- Il n'eft pas à dire le grand nombre de Meftifs, lefquels font enfans
les Meftif.
des Efpagnols & femmes Indiennes, qui courrent le pays , generation
pcrvcrfe & mefchante, qui ne s'adonne ne à fervir, ne à l'exercice de
quelque manouvrage. donc ne peut advenir que tout mal ;veu que
l'oifivcté eft mere & nourrice de tous vices. Pourcc feroit à defirer,
qu'ils
DE L'IN D E O C CIDENT A L E. 22 1

qti'ils fuffent contraincts de labourer la terre, ou faire femblables fervices,


dont on pourroit tirerprofit à l'advancement de la Rcpublique, & eux fe
lat retirer du mal , à quoy ils s'adonnent. S'il y avoit quelques Officiers
pour advifer à ces gens,(ce que toutesfois ne fe practique point, à caufe
t: que lesReligieux,aux quels ils n'appartient de tenir lesOffices temporels
ne s'en meflent point; & les autres fe trouvent par trop empefchés avec
leur charges)i'eftime, qu'ils feroyent ungrand feruice au Roy, & en ti
t: reroyent grand profit pour eux mefmes.
Touchant ceux qui voudront demander recompenfe ou falaire, Touchat le
mt pour avoir faict fervice à fa majefté ; cft ordonné qu'ils vie :
nent pourchaffer : par voye de Iuftice par devers la cours
:
ou ilsferont tenus de faire paroiftre leurs dignités, qualités, feruices, &
merites pretendus ; fur quoy ladite Cour fecretement fera prendre in
formation par des perfonnes louables & fidelles; & cas advenant que les
pretenfions foyent trouvées veritables, en feront fecretement advertir
le Confeil des ordonnances, a ce qu'iceluy avec le Roy confultent tou
chant la recompenfe dudict requerant. Or ceuxqui des Indes vienent
en Efpagne avec telle ou femblable pretenfion, font 3ooo. lieues de che
min par terre & par mer, avec grand changement d'air, temperature, &
U* complexion differente, au grand hazard : vie,& aux grands defpens
de leurs moyens.
Le Concile de Lima,qui fut tenu en l'an 1583. & ratifié par le Pape de :
Rome,& par le Roy commandé de le mettre en execution, en la trofief-*"
me action chap.22. ordonna & commanda par expresque par tout ou fe
ront trouvés demeurans deux cens Indiens tributaires, de forte qu'ils foy
ent avec leurs Parens,Femmes,& Enfans environ mille teftes , qu'un tel
endroict fera pourveu d'un Preftre ou Docteur. ce qui eftauffi practiqué
en aucunes Provinces, ou il femble eftre le plus neceffaire.
Or comme ainfi foit que fouvent les Preftres des Indes vienent en E :
fpagne, pour des Religieux, afin de les mener quant & eux aux dites In- *'en
des, pour foy appliquer a la converfion, & inftruction des Indiens ce qui yenvoye
fefaict aux defpens de fa Majefté, & par confequent par advis du Confeil
des Indes: plufieursEvefques ont donné advis audict Grand Confeil, d'y
envoyer principalement des lefuitcs : pour avoir lefdits Icfuites jufques
à prefent fidellemét & par deffus tous autres cultivé la vigne du Seigneur,
aidé lesEvefques par leurs predications, fermons, & efcoles Indiennes;
& pour le grand zele, qu'ils ont toufiours demonftré tant a la conver
fion de ces pauvres ames, comme aufli à la doctrine, & education des En
fans de ndftre nation eft aufli la caufe,pourquoy on ypor
:
te plus grande faveur & affection a leurs perfonnes, & plus grande devo
tion à leurs fermons, & Confeffions, que non pas aux autres : joint aufli
qu'ils apprenent fort facilement la langue des Naturels , de forte que
en peu de temps ils y ont faict grand avancement à noftre Foy Catho
lique. Cependant je n'entens pas exclure icy les grands merites, & fervi
ces dcs autres Religicux, qui fe font auffi fort picufement & avcc grand
los acquité en la mefme charge de ramenera Dieu les ames efgarées ; ce
que j'yayveu de mes propres yeux,& cognu des tresfaincts perfonnages
de fort bonne vie,& de grande authorité envers les Indiens.
Ec 3 Tou
222 - D ESC R I PT I O N

Touchant les Evefhés, & plufieurs autres


chofs , qui concernent le Gouver
-

* Es revenus & difmes des Evefques font divifés en quatre parties :


Touchant
les rentes
- dont l'Evefque en tire l'une pour fa portion : la deuxiefme revient
Ecclefiafti au profit du Doyen, & du Chapitre,affavoir en telle façon que le
ques. Doyen prent 15o. pour fa part ; les autres Prelats 13o. les Chanoines
1oo. La troifiefme & quatriefme partie fe diftribuant derechef en neuf
portions (ce font les 2Nevenos) les deux font pour le Roy, qu'il faict
employer au baftiment des Eglifes Cathedrales. Puis une neufiefme
avec la moitié s'employe aux fabriques ; derechef une autre avec fa
moitié pour les Hofpitaux. les quatre neufiefmes reftants fervent pour
payer les Chapellains, Chantres, Organiftes, & autres gens qui s'em
ployent au fervice des Eglifes Cathedrales. Le tout paffe par la main
des Evefques, qui en ont l'adminiftration : Lefurplus revient au profit
des fabriques. . -

Au refte il m'eft advis , qu'on n'y pourroit faire chofe meilleure


que de fonder en chafquun Evefché des Efcoles pour les Enfans des
Caziques, & autres gens de qualitéd'entre les Indiens , afin de les inftrui
re touchant la police naturelle en toutes bonnes fciences, & moeurs, &
touchant la doctrine celefte pour la falvation de leurs ames. Par ce
moyen il s'engcndreroit en eux une plus grande cognoiffance & a
mour du Sainct Euangile ; mefmement fi ladicte inftruction fut recom
mandée aux Peres de la Societé , que Dieu a doués d'une finguliere
grace'pour enfeigner la Ieuneffe. Les defpens feroyentpetits.car la fon
dation & penfions defdites Efcoles fe pourroyent prendre des revenus de
la commune, ou mefme des Caziques, fans qu'il fuft pource befoing d'au
cunement charger les finances du Roy -

Touchant Les Diocefes de Cuzo, Lima, & QAito font trefamples, les chemins
les Euefchés. en plufieurs endroicts trefdangereux; de maniere qu'on ne peut, quand
il eft befoing, finon à grand peine , fe prefenter par devant le Prelat.
car celle de Cuzco contient plus de 2oo. licues en longueur, & 7o. en
largeur : celle de Lima pareillement, ou plus : comme auffi l'Evefché de
Quito. A l'occafion dc quoy les l'Evefques desdits pays & provinces
ont remonftré au Roy, & au Grand Confeil, de combien il eft ne
ceffaire, que ces Evefchés foyent repartis, & notamment fes plus ri
ches, à ce que chafquun d'eux ait vingt mille pefos de rentes. Mais je
me deporteray de ces exemples , qui touchent aux affaires d'Eftat
& au Gouvernement , confideré que mon intention n'eftoit feule
ment, que de vous reciter les qualités defdits pays, & de ce qu'on y -

trOUlVe. -

Des Difmes. C'eft une loyancienne, divine, & pofitive, que tous Chreftiens doi
vent payer les difmes des fruicts que Dieu leur donne de la terre.Cefte
loy fe devroit auffi pratiquer es Indes, non feulement envers les Cafti
liens,mais auffi envers les Naturels du pays. car ce feroit le vray moyen
de faire entretenir le fervice divin, augmenter & croiftre, voire fleurir les
Eglifes à l'advancement de la Religion.
Les
*,

D E LI N D E O C C I D E N T A L E. 223
Les Conciles Provinciaux fe tiennent en Peru de fept en fept ans, ou les
Evefques fe tranfportent de quatre & fix cens lieues,par mer & par terre, *
avecgrand travail, danger, & defpens par des chemins difficiles & peni
bles , ou n'y a point de moyen pour fe fervir de Caroffes , ne de Lit
tieres. -

Quelques pays des Indes ont faict des requeftes au Roy pour avoir des Des Vni
Vniverfités,& notamment la Diocefe de Quito, pour eftre la ville Capita verfités,
le d'icelle feparée 3oo. lieues de Lima, & contenir en fon refort plufieurs
provinces & contrees : remonftrant que le dict pays eft fain, de bonne
complexion, propre aux eftudes,& aux gens de lettres, & que toutes for
tes de vivres y font à bon marché Ce qui pourroit grandemét fervir à l'ad
vancement de l'univerfité : ou en cas qu'on n'y voufift enfeigner toutes
les fciences, à la maniere des Vniverfités, que pour le moins 1l pleuft à fa
Majefté d'y faire fonder des Efcoles pour enfeigner la Grammaire, la
Theologie, les cas de confcience,& les langues Indiennes : le tout fe pou
vant facilement executer & entretenir au moyen de quatre ou cinq mille
ducats de revenus, que la province mefme pourroit fournir, fans aucune
ment charger les Finances du Roy.
Le Viceroy Don Francifco de Toledo, gouvernant les Royaumes & Des trois
Ordres.
pays de Peru, de par fa Majefté fut autorifé, tant en temps de paix, que dc
guerre, felon les occurrences des affaires , donner les trois ordres de
Cavallerie à ceux qui auroyent merité c'eft honneur : ce qui fe faict es
villes Principales, comme à Lima, 9uito, Cuzco, Charcas, la Paz, & Potofi
à celle fin d'encourager & animer tout chafquun au fervice du Roy,foubs
efpoir de parvenir au mcfme degré d'honneur : car la gloire n'eft autre
chofe, qu'un efpcron pour inciter & pouffer les bons efprits à courir,voire
à galoper au chemin Royal de vertu. -

De la Do
Touchant les gens d'Eglife, Preftres & Religieux de tous ordres ; il y
a des fort fçavans & vertueus perfonnages, lefquels s'appliquent à la do Religieux.
&trine & inftitutio des Indiens.Et combien que on pourroit penfer, qu'ils
ne pourroyent guerres profiterenvers une nation fi barbare,& quafifau
vage ;fi en eft il cependant bien autrement ; de maniere que ceux qui le
voyent devant leurs yeux, s'en trouvent bien eftbahis, & cntrent en admi
ration non feulement de l'avancement & docilité des Indiens, mais auffi,
&principalement de la grandc fcicncc & doctrine de ceux, qui tienent
les Chaires & Efcoles.

De la grandeur, richeffe, e5 Chriftianifme


-

D E L A

NovvELLE ESPAGNE
: Fin de vous declarer, amy Lecteur, les richeffes,grandeur,& Chre De la neuve
ftiëté de la nouvelleEfpagne,fera befoin d'en parler un peu plus am Efpagne.
lement, que je n'ay faict de Peru pour autant que les Naturels d'i
celle font plus habiles, dociles, fçavans, & actifs, que les autres. Ce qui fe
peut aifement comprendre par les manouvrages,& autres chofes de belle
Ee 4 invcn
224 D E S C R I PT I O N
invention, qu'ils nous livrent. Suffife de confiderer tant feulement les
images de plumes, defquelles je vous ay parlé cy deffus. Qui ne s'en trou
veroit grandement efmerveille? Quant à moy j'eftime, certainement, que
c'eft un des plus excellens manouvrages, qu'on puiffe imaginer. Cepen
dant on a matiere de s'efmerveiller encorustant ou plus, de ce que le tres
celebre Seigneur & Prince Ferdinand Cortés (duquel l'affection & zele
qu'il a toufiours porté au fervice de Dieu & du Roy font cognues & no
toires par toute la Chreftienté) foit entré audict pays & l'ait conquis ;
avec fi peu de gendarmes, tant de nations; avec fi peu de forces, tant de
terres & Seigneuries. Or la principale ville de toutes ces Provinces,s'ap
pelle Mexico, qui eft femblable en toutes chofes, conftitutions, loix, pri
Du pays de veleges, & ordonnances à la cité de Lima, felon qu'il en eft recité, ores
Mexico.
qu'elle foit bien trois fois plus grande & magnifique au regard des mai
fons & baftimens fuperbes : non toutesfois fi riche que celle de Lima. Le
refort d'icelle, qui eft fort grand, fe gouverne par le Viceroy, & la Cour,
fe tenans en ladite ville. or ccfte Iurifdiction contient des villes fort bel
les, comme los Angeles, & autres cités notables, avec plufieurs provinces :
entre lefquelles la principale eft celle de Mexico, puis Honduras, Campe
che, Chiapa, Guajaca, Mechoacan,2Nueva Galicia,2Nueva Vifaya,Guadiana, Guati
mala, & autres, que je laiffe à dire, afin d'euiter à la prolixité efquelles ter
res & provinces y a plufieurs& grandes nations ; en forte qu'elles font
bien peuplées, & produifent toutes chofes en abondance, & y faict fort
-

bon marché vivre, comme eft dict cy deffus.


En la ville de Guatimalaya une Audience ou Parlement, duquel le Pre
Defcription fident, eft le Gouverneur & Capitaine General, difpenfant les reparti
de Gusti
mala. tions des Indiens. D'avantage y font des Auditeurs, & Prevofts de Cour.
outre plus des Officiers du Roy, avec un Evefque, un Doyen,& le Cha
pitre. Lepays fertile, & bon, & toutes chofes à bon marché, tout ainfi -

qu'en la province de Mexico.


Pareillement en Galfoy a une Cour Royale, comme eft celle de Guati
Galife 7s mala, avec un Prefident &Capitaine General,qui gouverne la contrée,
& des Iuges , qui font auffi Prevofts de Cour. plus un Evefque, & une E
glife Cathedrale. Ainfi en eft il pareillement des autres Provinces, lef
quelles toutes ont une mefme forme dc Gouvernement de Cour, confti
tutions & ordonnances.
Les Gouvernemens de Iamaica,Veragua, & Nicaragua & autres,ont chaf
De quel cune leur Gouverneur & Capitaine General, une Chambre de Finances
ques autres
Provinces.
& Officiers Royaux, à la façon du Gouvernement de Popayan. Il y a quel
ques mines d'or,& argét,& autres metaux, cõme j'en ay touché cy deffus.
La nouvelle Efpagne eft de la longueur de Peru, & mefmes plus grande
en largeur, pleine de gens; dont plufieurs fe font adonnés à la Religion
Chreftienne.Tout lepays n'eft pas encores defcouvert, mais bien la plus
grande patt; voire ce qu'on en a defcouvert n'eft pas auffi conquis encore
du tout; mais ilya apparence, que bien toft le fera.Touchant la Republi
que, il faut dire le mefme de la nouvelle Efpagne que de Peru : affavoir
qu'il y a deux Republiques; des Naturels, & des Efpagnols. Au re
fte toute la Monarchie fe gouverne & maintient par le moyen de fept
membres qui font un corps, duquel la Foy Catholique en eft le chef
les membres font, la Guerre, les Finances, les Gouvernemens, la Iuftice,-

Recompenfes, Faveurs, & le Royal Patronnage.


Or il
D E LIN D E o C C I D E NT A L E. 225

- Or il appartient au Royal & Grand Confeil des lndes, de traicter en Du Grand


general, & en partic ulier, de toutes queftions, & occurrences, qui fe trai
&tent en chafquun des Parlemens auxdites Indes. car ils font tous d'une
mefme autorité collateraux, & fuiects au GrädConfeilauquel appartient
de cognoiftre & decider leurs differends, & interiner les requefts, qui fe
prefentent par deve rs fa Majefté. Le mefme Confeil advife aux affaires
d'Eftat, affavoir à la defenfe, & confervation , & augmentation des In
des, nouvelles conqueftes, nouvelles loix & ordonnances, continuation
& manutention des revenus & Finances, Prefectures, & Gouvernemens
des Indiens, qu'ils difpenfent par advis & Confeil des Magiftrats & Offi
ciers defdits lieux ; l'agriculture & ftructure des villes & autres places,
& l'adminiftration dcs mines, qui eft l'un des plus grands offices qui fo
yent au pays. Aux mefmes Confeillers, affiftés de quelques membres du
Confeil de guerre, appartient auffi de donner ordre au faict des armes,
- -- - ".
touchant les Armades, Garnifons, Generaux, Admiraux, Maiftres de
- Camp, Capitaines, & autres Officiers par mer & par terre ; voire auffi
touchant les Conqu eftes, munitions des villes frontieres de l'Indc, pro
vifions & convois des flottes, qui vont es Indes s & fpecialemenr tou
chant les continuel les guerres des habitans contrées &
provinces , comme au Royaume de Chile, & au : ouvernement de San
ta Cruz de la Siérra, pareillement loscatojos,& Chiriguanaes, & tout ce qui
eft par de là la Cordillera, non encores lefcouvcrt ou conquefté. Ainfi
en la province des Efmeraudes, & de Cucumbios, & de 9uito. mefmes en
la provifte de Popayan y a les Pixaos , & les Caribes au Nouveau loyaume
de Granade : finalement les Corfaires, qui font grand defgaft fur la mer,
& fouveut viennent courir fus les havres & rades, fi ledict Confei l n'y
pourveoit. - - - - r-
-
----

, Quant aux reven us & finances Royales , par icelles on peut aifement pas reve
comprendre la grande richeffe & abondance defdicts pays, comme ainfi *
foit que fa Majefté en tire tous les ans dix ou douze millions, fans l'or, &
argent, perles, Efmeraudes, cuirs, fuccre, cochenille, farfa Parigle, gin-*
gembre, & autres chofes de grand pris. -

- Les membres de fes revenus, dont les liures de Compte font gardés en Douilfe
la caffe du Threfor Royal , font dix en nombre , comme s'enfuit. Les *
cinquiefmes de l'or & de l'argent, qu'on tire; les grandes fonderies ; les
impofitions ou gabelles de deux pour cent, les rentes du tribut des In
diens, le payement des Offices qui fe vendent, la Croifade, le tribut des
- revenus, le vifargent, les amendes de la Chambre, les neufiefmes des
rentes Ecclefiaftiques à l'extraordinaire. Or le Grand Confeil fe trou
ve fort embefoignépour expedier les affaires du Gouvernement,pour au- po,
tant que toutes les befoignes, qui leur font prefentées, font quafi de la nement
mefme eftoffe, tant les Ecclefiaftiques, que les Politiques.Touchant lef
quelles chofes, côme ainfi foit qu'il en foit faict beaucoup d'efcrit,&beau
coup de téps employé à la lecture dé tant de lettres,Cedulles, Provifions,
& Ordonnances.afin de pourveoir à toutes chofes felon qu'il feroit necef
faire par meure deliberation, ledict Confeil a trouvé bon de faire un Re
cueil de toutes les Loix & Conftitutions à la façon de Caftille. Dequoy
nonobftant que N. de Euzinas en ait defia couché quelque
efcrit, toutesfois Monf.Zorilla Licentié, & Iuge de Quito, nous en fe :
bien toft imprimer encor'quatre volumes, deduifant par le menu cefte
mefme matiere, felon qu'elle merite
Ee 5 -

Lcs
-- ,
-

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225 t - D Es c R 1 p T I o N
noe la Iu Les affaires & queftions de iuftice font à la charge des Viceroys qui les
ftice. font expedier parPrefidens, Iuges,Miniftres & Officiers de la Cour,Gou
verneurs,Generaux,& Corregidors.Lefquels auffi portent foin de tout ce
qui depend des Finances du Roy, des Officiers Royaux, Facteurs, Thre
foriers, Maiftres de Comptes,& de ce qui vient à la feconde fupplication,
& au regiftre de mil cinq cens, & autres plaidoyés ; lefquels fuyvant la
loy de Malines fe commencent es Cours fnferieures,ou les parties eftans
ouyes,les informations prinfes Enfin eftant la refolution arrefteé les per
fonnes citées, les originels de leurs certifications font remifes & envo
yees par devers le grand Confeil pour en determiner & decider par droi- .
-
- -,
cture. · . -

Du Royal " Auquel appartient auffi d'expedier les requeftes de grace & faveurs de
Patronnage COn onftituer Vicerois, Prefidens, luges, Baillyfs, & autres Officiers, Gou
verneurs, Capitaines Generaux, & Corregidors, avec les Archevefques,
Evefques, Doyens, Chanoines,& autres beneficiés. item les trois habits
de Santjago,de Calatrava, de Alcantara : item--les titres
: -
d'Admiraux & Ma.
refchaux. - -
--
En la mefme Chambre, & College du Grand Confeil fe traicte auffi
tout ce qui depend du Royal Patronnage. - Car ledict Patronnage ap -

partient à faMajefté eu efgard non feulement à la


:
terres, & provinces ; mais auffi à la declaration Apoftolique : de façon
que tous offices & benefices Ecclefiaftiques & Seculiers concernant l'in
ftruction des Indiens, font fujets audict Patronnage; comme aufli les fon,
dations des Eglifes, cloiftres, paroiffes, & Hofpitaux. Quand il advient
qu'un office eft vacant, l'Evefque eft tenu d'en faire la divulgation par e
dict, & de ceux qui offrent leur fervice, il en prefente deux par devers
-- a : les Superieurs , comme Viceroys , Prefidens, ou Gouverneurs de la
- province, afin que lefdicts S uperieurs en elifent l'un, ou l'autre, pour luy
conferer l'office qu'il * non cn titre : ( car il n'appartient
. que feulement à la perfonne du Roy, & au Grand Confeil de ratifier les
provifions)ains feulement fur l'aggreation & bon plaifir de fa Majefté ce
- * : -
-

qu'on ygarde fi eftroictement, que le Pape mefmes n'auroit le pouvoirdy


avancer quelquun, ne fuft que fes defpeches & bulles ou lettres patentes
de Rome vinffent à eftre examinees,leues,& entendues par ledict grand -,
Confeil. .
De la mai
Pour conclurre donc, & retourner des Indes en Efpagne, je dis
fon de Con que pour entendre la grandeur & puiffance des Indes , il ne faut al
tractation, ler qu'à Seville , & y contempler la maifon de Contractation. car
qui eft en elle eft feule baftante, voire au double pour demonftrer à chafquun la
Seville.
-- .
grandcur de fes revenus. ll y a là un Prefident , un Threforier , un
- maiftre de Comptes , un Facteur , & quelques Iuges , un Fifcal , &
autres Officiers. - Au Prcfident fe donne la charge de pourveoir à la
defpeche des Galions, flottes, & Armades,qui vont ou vienent de l'Inde,
felon qu'il en aura efté determiné par ceuxdu Confeil. .. " ' .
Or tous les ans fe defpechent fept ou huict Galions , pour aller
en Terre Ferme , avec quelques Pataches , querir *** des In
edes. Lefquels vont foubs la conduite d'un General, & un Admiral,
un Capitaine de mer , un de gens de picd , & un troifiefme encor
d'autres gendarmes, fans les matelots; eftans tous les galions bien equi
pés d'armes, & notamment d'artillerie. Ic feray fin, apres vous avoir -

encor adverti de trois chofes.


- ·
Le
DE L'IN D E O C CIDENT A L E. 227
Le premier, que la meilleure occafion des Galions, & le temps plus Trot
- rois ad
propre pour aller, & retourner, eft en Febvrier, & tout le long de Mars. *rtiffe
Le deuxiefme, que pour les flottes, qui vont en Terre Ferme, n'y a mens
meilleure commodité, que les vents d'Eft en Ianvier, ou pour le moins,
un mois devant quç les flotes partent, afin qu'ilsayent le loifir de vendre
leurs marchandifes, & d'en recouvrer les deniers.
Finalement, que lefdites flotes partiffent de la Barra de San Lucar, ou de
la Baye de Cadiz prenans la route des ifles de Canarie, & de là vers les ifles
de la Dominiça, & Matalino, d'ou ayans faict proviffon d'eau, vont paffer
oultre vers la Terre Ferme, & arrivent au port de Cartagena, qui eft la pre
miere ville de Terre Ferme : & d'icy vont pourfuyvans leur voyage vers
Portobelo, & autrepart. Et voicy la route qu'ils tienent,comme je l'ay
auffi tenue moy mefme, non fans grande peine, travaux, & dangers, aut
quels fe mettent tous ceux qui vont fur la mer. Or Dieu mercy, qui m'en
a prefervé par fa mifericorde,felon que je l'en avois toufiours prié par fa
Saincte Croix à la quellej'ay porté des longtemps particuliere devotion
voire le Seigneur ne s'eft pas contenté de me delivrer tant feulement du
danger, auquel à diverfes fois ie me fuis trouvé: mais pour defployer d'a
bondant envers moy de plus en plus fa benignité, a voulu me combler de
jour à autre de nouvelles graces & faveurs. Dont pour la recompenfe de
tant de bienfaits, afin de n'eftre mis au rang des ingrats, j'ay trouvé bon
de luy confacrer ce petit labeur ; Lequel je prie le Seigneur, qu'il foit à
l'advancement de fon Service, & à l'exaltation de fa tres faincte Gloire,
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D ES C R I P T I O N

D A M E R I QV E,9 V I Es T -

N OVV E AV M O N D E,
- Tiree des Tableaux Geographiques .
• * D E

1
PETRvs BERTIVS
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23I

D e s c R 1 pt 1 o N
D' A M E R I Q V E,
9 V1 EsT

N o v v E Av M o N D E.
*Tiree des Tableaux Geographiques
D E

PETRVS BERTIVS

Du Nouveau Monde en general.

32g L eft du tout incognu qui ont efté les premiers, & plus an
3) ciens habitans de ces paysdont nous avons dit auffi noftre
*N opinion,parlant du Monde en gros.MarineusSicilien en fes
\ Chroniques d'Efpagne tient, que les Romains les ont co
9) nus & vifités, allegant là deffus qu'il a efté trouvé dedans
s-essée les minieres d'or un denier, portant l'image d'Augufte
Cefar; lequel pour ce regard fut envoyé au Pape de Rome par Iean Rufo
Archevefque.Chofe qui me femble bien eftrange, de ce qu'on allegue un
feul denier fans nulle-autre enfeigne du monde pour prouver une chofe de
figrand importance : & plus eftrange encor de ce qu'il a efté trouvé de
dans les mines, fans toutesfois que du depuis on en ait tiré un feul autre.
Mais que veux ie infifter à la refutation de ce compte ? Il me fera affez de
inferer icy lespropres paroles de Varrerius, recitant vne hiftoire trefcer
taine ; dont le Lecteur pourraiuger de ceftemedaille d'Augufte felon que
bon luy femblera. En la mefme annee , dit il, ou peu apres que le Roy de
Portugal Emanuel euft affujetti les Indes , floriffoit en la Ville de Lisbonne le
Poete Hermico Caiada Portugués de nation, paravant dfiple & auditeur de Po
litianus ; duquelfe lit encor à prefent un livre d'Epigrammes. Ceftuy cy compof
des vers en Latin,contenants foubs le nom de Sibylle une prediction obfure de
ce que lesIndiensferoyent un iourreduitsfoubs l' * de la Couronne de Por
tugal lefquels ilfit engraver fr des pierres de marbre, qu'il accouftra àcoups de
marteaux en façon qu'ils euffent quelque monftre d'ancieneté. Si les fit couvrir
de terrefir le riuage de la mer,pres la ville de Syntra, & invita en un certain iour
fes amis à le venir veoir enf metairie, qui n'eftoit pas fort loing dudit lieu, lors
qu'il imaginoit que par l'humidité de la terre, les pierresferoyent grandement
changees. Eftans donc affis à table, voicy venir le fermier de Hermico, qui lui
dift, que fes ouvriers fouyffans la terre aveyent trouvé des pierres avec des lettres,
onnans à cognoiftre, qu'il y estoit caché un grand threfor; car ainfi en parloyent
les villageois. A l'inftant chafquun tout iolyfe leve, & s'en va courir vers le
lieu du threfort ou ils trouverent les colonnes ffdites, avec les vers fyvants.
Ff 2 Sibyl
252 D ES C R IP T IO N D V
-

Sibyllæ Vaticinium Occiduis decretum.


Volventur fixa litteris, & ordine rectis, - -.
Cum videas * Occidens Orientis opes,
Ganges, Indus, Tagus erit, mirabile vif,
7terces commutabit*fas vterque tibi.
S o L 1 AE T E R N o A c L v N AE D E C R E T v M.
C'eft à dire en fomme, que ceft efcrit, & cçs pierres dcmeureroyent ca
chées deffoubs terre, iufques à ce que l'Occident jouyroit des threfors de
l'Oricnt, & que les manchandifes des Indes viendroyent aborder aux fleu
ves de Portugal. Tous eftoyent comme ravis en admiration: ils reveroyent ces
vers, il les touchoyent de la main, ils les baifyent.on enfit incontinent le rapport
au Roy, lequel nonobftant qu'au precedent il euft efté adverti de la faude, toutes
fois pour iouerfon roole, les montra comme une chofe rare à fes Barons, qui en
prindrent la copie, & en firent grandeftat. Les Marchans qui lors eftoyent à Lis
bonne quand ils en eurent fentt les nouvelles,frent incontinent leur devoird'en
voyer ladite prediction à quelques Princes en France & Alemagne ou elefut im
primee avec Preface d'un certain Valentinus c7oravus, qui avoit deduict la ma
tiere un peu plus du large, & adioufté quelque chofe dufien pour luy donner luftre.
D'ou eft arrivé, qu'elle a efté mife au rang despredictions anciennes, &
'ieurs l'ont tenu en grande eftime. Voyez comment les gens fe laiffent abu
fer, & perfuader tout ce qu'on raconte, fans aucun argument ou preuve
de verité. Peut eftre qu'il en eft advenu le femblable au denier d'Au
gufte. Quoy qu'il cnfoit, ie ne me puis encor bonnement refoudre d'y
adioufter foy. Mais laiffons cela, & parlons d'Amerique.
Del'ancien- Premierement il eft certain, qu'il y a demeuré de gens depuis fort long
: temps: ce qui nous eft demonftré par la façon de gouverner, les fuperbes
Noa edifices, la noble & belle ftructure des villes, chemins, & rues publiques.
Monde lefquelles chofes, comme ainfi foit qu'elles ont toufiours des petits com
mencemens,il ne faut aucunement doubter, qu'elles ne foyent venues de
longue main & par fucceffion de plufieurs fiecles à la perfection, en quoy
on lesya veues.Il fe dit qu'il y a eu un jardin Royal, ou les herbes & arbres
eftoyent faicts d'or maffifavec les troncs, branches, & fruicts de la mef
me grandeur comme ils croiffent de nature. Puis un cabinet auquel on
voyoit toutes fortes d'animaux les uns faicts de perles les autres de plumes
artificiellement entrelaffees. Quant à la police, ils ont demonftré tant
d'exem ples de liberalité loyauté, obeiffance, amitié, temperance, coura
ge, & pacience pour fouffrir & prendre en gré les douleurs famine, mort,
& autres accidens de fortune, qu'ils ne cedent en rien ny aux Lacedemo
niens en Grece, ny aux Romains en Italie. le demande donc. D'ou eft
ce qu'ils ont fceu apprendre tant de vertus,finon par les Loys ? Les Loys
comment peuvent elles eftre mifes fus, eftablies, & ratifiees, finon par la
fucceffion des temps ? C'eft auffi une preuve affez certaine d'ancieneté,
que les deux belles chauffees, dont l'une alloit par les precipices des mon
tagnes, & l'autre par la plaine courant 5oo. lieues depuis la ville de Quito,
qui eft au Peru iufques à Cufo. Oeuvre d'autant plus admirable, que ces
groffes pierres n'y ont pas eftéportees ne tirees par force de chevaux, ou
de Bœufs (car ils n'y eftoyent pas) ains par les propres mains des hommes.
Le chemin de la campagne va entre deux murailles ayant en largeur 25.
picds avec cy & là des petits ruiffelets dont l'eau argentine refiouit lesyeux
des paflagers avec le doux regard des arbriffeaux, qu'ils appellent « 2Aoli,
qui
NOV V E AV MOND E. 233
qui font plantés au long des rivages. L'autre chemin eft taillé dedans les
rochers, ayant auffi la mefme largeur de 25. pieds, laquelle felon la diver-
fité des lieux a efté hauffee, munie, & garentie, felon qu'il en eftoit de be
foing Le Roy Guainacapa les fit ncttoyer, reftaurer les murailles, & em
bellir lefquelles autrement font un baftiment fort ancien, dont n'ya me
moire d'homme, qui y puiffe atteindre. ll y avoit auffi à certaines inter
valles des grands baftimens appellés Tambos, pour loger au foir le Roya
vec toute fa fuite quand il cheminoit. Concluons, quc les habitans de ces
contrees n'y font pas venus depuis n'agueres,veu que l'ancieneté des lieux,
la multitude de gens, la façon de gouverner, la ftructure des Villes , les
couftumes des bourgeois nous tefmoignent affez le contraire. Qui plus
eft l'Efcriture Saincte mefme y contredit; parlant clairement de ces pays. - » ... : v *

Certes Arias Montanus le prend ainfi, quand il eft dict, que les flottes al- .
loyent de Hetziongaber en Orient ; car il tient que la longue duree du - --
" --
a

voyage de ces flottes, la varieté de leurs marchandifes, & tant de terres &
Ifles, qu'ils paffoyent,ne fe peuvent bonnement rapporter à autre pays que
feulement au nouveau Monde. Il dit plus, que le Sainct Efprit non con
-
-

-
-

- r 1
- -

. *' r.-, * ,- - - -

tent de cela,nous a mcfme dechifré le nom du pays d' Amerique, l'appel


- -
: -

lant Paruain : qui eft un mot Hebrieu ayant la propre forme dont ils fe
fervent pour doubler la fignification d'une chofe : inferant par là que il
y eft parlé de deux pays, dont nous appellons l'un encor à ce iourdhuy Pe
rù; & l'autre nous l'appellons la Neuve Efpagne.
- *** : * ' * .. , .
.
u Monde fut premi
V_,C 1N ) tlV CalUl
. Cc N t def ert par Chriftofle Colomb De la d
natif de Gennes, pcrfonnage doué d'un efprit quafi divin ; à l'inftigation :
- -- -
-
-
- -

d'un certain marinier Efpagnol, s'il faut croire à ceux qui pour leur mau-*
ditc envie voudroyent volontiers offufquer fa gloire. Ce marinier, à ce
qu'ils difent,avoit efté porté par fortune de Mer en ces pays : dont reve
nant en l'Ifle de Madera, en laquelle demeuroit Colomb, qui le receut
- amiablement par devers foy , il lui racconta tout le fucces de fa naviga
tion. Ce qui enflamba fon courage pour la nouvelleté du faict, dy aller
efprouver fon advanture : Comme il fit au nom du Roy Ferdinand de
Caftille,& de Madame Ifabelle fa femme, fe mettant fur la mer au moisde
Septembre en l'an 1492. avectrois Fuftes. Ce futicyfa premiere Naviga
tion, en laquelle il defcouvrit les Ifles de Efaiiola, Cuba, & Iamaica. En Ia
maica advint un cas eftrange, ou il fit bien paroiftre fon efprit & fubtilité
finguliere. Ils avoyent faute de vivres, au moyen dequoy les Barbares
n'attendoyent que de lesvcoir bien toft perir miferablement cependant
il fçeut fe delivrer luy & les fiens du danger de la mort par un ftratageme,
qui fut tel L'Eclipfe de la Lune eftoit à la porte : ce qu'il fçavoit tresbien
felon qu'il eftoit grand maiftre en l'Aftronomie. Parquoy il fit porter les
nouvclles aux Capitaines de Iamayca, qu'il feroit venir fur eux mille mal
heurs, s'ils ne fe lhaftoycnt de lui apporter des vivres pour fon Armade.
Et afin de les en rendre affeurés, memaçoit que la nuict fuyvante ilferoit
obfcurcir la fplendeur de la Lune. Du commencement les Indiens ne fe
foucierent point de fes menaces; mais quand ils virent l'Eclipfe à l'heure af
fignee,tous effrayés fe profternerent devant fes pieds, requerans pardon de
leur offenfe, & promettans liberalement de faire tout ce qu'il voudroit.
Apres ledict Colomb Americus Vefucius Florentin fe meit à re
cercher les mefmes pays foubs la fauvegarde d'Enanuel Roy de Por
tugal,partant en l'an 1497. de Cadiz, & defcouvrit luypremier la cofte qui
eft au dela de l'Equinoxe , contenant les pays du Brefil & de Paria :
3
234 D E S C R I P T I O N D '/
pelfus- en forte que toute cefte contree fut appellee de fon nom America, Or
: tout ce Nouveau Monde s'eftend du Nort au Sud enforme de deux gran
des Peninfules, tenant l'une àl'autre, dont la premiere fenomme Amerique
septentrionale, l'autre Meridionale. Sa Longeur eft comprinfe entre le
Meridien de 19 o. & celuy de 67. degrés. Sa Largeur devers le Sud fe
termine au Deftroit de Magellan : c'eft afçavoir à 52. degrés. Ce qui eft
devers le Nort depuis 67. * nous eft incognu. Ainfi donc du cofté
d'Orient ya la mer Oceane, que nous appellons la Mer du 2Nort ; au Sud
d'icelle gift le pays Auftral de czuagalanes. A l'Occident y a la fpacieufe
cater du Sud vers Septentrion on ne fçait fi c'eft Mer ou Terre. Le cir
cuit d'icelle en fomme reviendroit à 32ooo. milles. Le pays à mefure de
** fa grandeur eft de diverfes conditions & natures. Du commencement
re du terroir, - - - - -

*" n'y avoit point de vin, ne bled, mais au lieu d'iceluy une efpece de legu
c des gens, me, appellee Mayzs voire en aucuns endroicts ils font encor auiourdhuy
du pain de quelques racines. Mefmes il n'y avoit auffi point de Bœufs,
ny Mulets, ny Afnes, ny Brebis, chevres, ny chiens. En forte, qu'i1 ne fe
faut pas efmerveiller de ce que les habitans furent grandement effrayés
des chevaux, quand ils entrerent premierement aupays. Les fouris &
rats y ont efté apportés par un Vaiffeau d'Anvers, qui s'en alloit plus ou
tre par le Deftroit de Magallanes : lefquels foit par la fecondité du terroir,
foit par autre caufe, y font fi infiniment multipliés, que fouvent ils font
efvanouir l'efperance des laboureurs de laterre.L'Archevefque a pour fuf
fragans iufques au nombre de quinze Evefques, & eft refidantenlaville de
Lima ville capitale de Peru, que fonda FrançoysPizarre en l'an 1535 Enicel
le fe tient le Viceroy & la Cour de Parlement. Les gens font pour la plus
art fort viftes à courir, & à nager, aucuns mangent chair d'hommes, ou
adorent le Diable, ou bien le Soleil & la Lune. Les langages font diffe
rents. Ils font peu de cas d'or ou argent, ou de perles ; au contraire ils
amaffent certaines plumes d'Oifeaux, conftituant en icelles leurs plus
- - -

grandes richeffes.

- DEscR 1PT 1o N
D E

TERRENEvFvE
r,N, T A partieSeptentrionale d'Amerique, qui gift au delà de Neuf Efpa
Apalchen.
gne, contient plufieurs Provinces.Apalchen s'eftend iufques au Cap de
Nat, S.Helaine & eft appellé par le commun Virginia. Norumberghe, qui fenom
me ainfi apres une ville , gift en la Mer % Nort en forme de Peninfule.
L'air de toutes ces Regions eft temperé, le terroir fecond, la Mer dange
Bacalaos reufe à caufe des efcueils & graviers. Les peuples font plufieurs. Pres
d'icy eft le pays de Bacalaos, que defcouvrirent Iean Cabot Venetien,avec
fon fils Sebafticn, l'an 1549. le 24. de Iuin à 5. heures du matin& luy fut
imposé ce nom de Bacalaos, à raifon de la grand abondance de ces poif
fons; dont y en a tant, qu'ils retardent meffmes les Bafteaux en la Navi
:* gation. S'enfuit la Nouvelle France, qui s'eftendau long dufleuve ap
Canada ou S Laurens:& a efté defeouverte par les Françoys du temps
:
u Roy Françoys I. Ses principales places font Canada, Hochelai,Hocbela
ga; ou on trouve affez de bois, mais point d'autre chofe , finon
-

q*:
peu de
* N O V V E AV MONDE. . -- *35
peu de legumage qui eft caufe qu'ils ne font guerres hantés ne recerchés par
les Marchans. Les gens d'icy font Idolatres, & aucuns mangent chair hu
maine. - Terre Corteliale, qui fe nommeautrement Terre du Laboureur, gift en r, ,
le forme de Peninfule entre le fleuve Canada, & flotilande. Ce fleuve s'appcle Latradror.
auffi par des autres le Gofe de trois Freres, dont la bouche a 35 milles Italien
nes en largeur : fa longeur eft infinie. Car il fe dit, qu'on y a entré bien
8oo. lieues Italiennesdedans.Les habitans fout engrand nombre, grands &
puiffans de corps, fe couvrants d'accouftremens de peau & s'entretienent
principalement de poiffons. Leurs villes plus fignalees font Santa Maria,
cabo, Marzo, & Preit. Eftotilande eft une Province plus Septentrionale &
orientale que les autres, refpondant vers Frilande , qui eft une Ifle Se-"
ptentrionale. Ce fut la premiere de toutes les terres du Nouveau Monde,
que iamais on a defcouvert : afçavoir en l'an 139o. par Antonio Zeno Gentil
homme Venetien foubs la protection de Zichmi Roy de l'Ifle Fiiflande. or
fcsbornes devers le Septentrion font incognues, mais devers le midy elle fe
termine à la Terre de Labrador, pres d'un fleuve appellé Rio Nevado; ayant
à l'Orient la Mer du Nort. Quant à ce pays il eft par raifon bien cultivé pro
duifant liberalement quafi tout ce que la neceffit é requiert, & des metaux en
abondance, principalement de l'ormais il eft fort fubjet à la froidure: au refte
il y a quatrc fleuves qui arroufent toute la province. Les habitans font de bon
efprit, grands maiftres quafi de tous manouvrages : leurs habillemens font
fàicts de peaux de beftes fauvages, & de Veaux de Mer; dont ils font mefmes
auffi leurs maffelles. -

- Defription de Tercera
Ouraller d'Europe aux Indes Occidentales, faut paffer aupres des tles :
P Flamandes, ou Azores : qui font fept en nombre, Tercera, S. Michel, s. Ma- *
rie, S. George, Gracieuf, Pic,& Fayal. Quelquesuns y adiouftent encores deux
autres, Flores, & Coruos qui toutesfois ne font pas Azores à la verité. Car on
les appelle Affores, à caufede la multitude des Autours, qu'on y trouva du
commencement, quoy qu'à prefent il n'y en ait point pour tout. Flamandes
furent appellees, d'autant que c'ont efté les Flamands, qui les defcouvrirent
& peuplerent: dont encor à prefent l'on trouve en l'lfle de Fayal des familles
Flamandes, avecun fleuve appellé Ribera dos Framengos. La principale &
capitale de toutes, c'eft Tercera, que les Efpagnols nomment à l'ordinaire fla
de Iefu Chriflu de Tercera, gifant en l'atitude de 39. degrés. Elle contient au ***
circuit quinze ou feize lieues, eftant tout le pays haut & montagneux, muny
naturellement alentourde rochers, & ou ils defaillent de fortereffes. ll n'a
point de golfe ne havre qui vaille : qui eft caufe, que bien peu les Efpagnols
ou Portuguefes y vienent furgir n'envoyant que feulement leurs chaloupes
ou Efquifons, quand ils ont befoingde quelque chofe. Or le vent y cft fi nui
fable que tout ce qu'il atouche commerfer & pierres,fe confomme peu à peu. *
lean Hugues dc Linfchoten recite, qu'il y aveu de fes propres yeux destreil
lis de fer de la groffeur d'une coude, qui eftoyentaux feneftrages de la maifon
de peage, en fixans eftre devenus fi minces,comme unfeftus & des pierres du
tOUlI
confommees en forte qu'il n'y en avoit que tant feulement la trace. Il
y a deux cités, Angra & Villa de Praya. Angra porte ce nom Portugalois pour
la refemblance de la Lune bicorne, ou d'une bouche ouverte à raifon que la
Mer aupres d'icelle fe courbe en forme deNouvelle Lune.Vers midyya deux
* montagnes,
236 D ES C R I PT I O N D /
montagnes, qu'ils appellant Brefil, fi hautes qu'on en d'efcouvre les Vaiffeaux
de quinze lieues de loing. Sur la cime de l'une ya deux colomnes : d'ou les
guettes donnent advertiffement aux habitans, des Bafteaux qu'ils voyent vc
nir: Que s'il y en a plus de cinq, ils defployent la grande enfeigne, fonnants
quant & quant du cornet.Telles efchauguettes y a il tout au long de la cofte
à certaines intervalles. or il eft impoffible aux Navires de venir à la rade, ne ,
d'entrer mefimes en la Baye, fans paffer pres du chafteau de l'un ou de l'autre
cofté C'eftauffi en la mefme ville que l'Evefque afa refidence. Villa de Praya.
cft diftant trois lieues de Angra. lamais n'y viennent aborder les Navires
(car il n'ya point de havré) finon quand ils y font portés par la rempefte: en
forte qu'il y demeure tant feulement des payfans & des gens pour cultiver la
terre, mais point de marchans : car les marchandifes viennent toufiours en
Angra. Au refte il y croift force bled & vin, mais il n'eft pas du meilleur, de
maniere qu'on le laiffe au pays: lequel fournit auffi du poiffon,& de la chair
affez pour la fuftentacion de fes habitans : huyle, fel, & vaiffeaux de terre
vienent d'autres contrees. Mais les pefches de plufieurs fortes, poires, pom
mes,& Limonsy proviennëtàmerveille.Et au regard de la guede, elley croift
cn fi grande abondance, quc les Anglois, Efcoffois, Françoys, & Flamends
la vicnnent querir d'icy pour l'ufage de la teinture. Les vignoblesfont fur
les rochers, laguede & froment croift par la campagne, & dans les vallees.Ils
gardent le froment fort foigneufement, afin qu'il ne fe gafte, à quoy il eftfort
fubjet. Chafcun bourgeois a devant fon huys en la rue un puis rond, avec *
un couvercle fur la bouche, portant la marque, ou le nom chafcun de fon
4 poffeffeur.Car c'eft en iceux qu'ils gardent le bled couvert de terre depuis le
mois de Iuillet apres la moiffon,jufques au Noëls lors il eft hors de danger de
pourrir. Ils font grand acqueft de Bœufs, qui ont les cornes beaucoup plus
bclles & longues, que non pas ceux d'Europe. ll y a par tout des fontaines
chaudes ; & s'en trouve une, qui tourne le bois en caillou, de forte que les ra
cines des arbres d'alentour, qui touchent à la fontaine,font pierreufes & cel
les qui font à l'oppofite, gardent leur naturel de bois. Ony veoit auffi pluf
jeurs, & grands Cedrcs, dont ils coupent le bois pour brufler,& pour en faire
des charriots & bafteaux.Ilya pareillement un certain bois qu'ils nomment
Sanguinho, à caufe de la couleur, duquel ils font des boiftes, & autres engins.
D'avantageil ya plufieurs villages cy & là, comme S. Sebaftien, S. Barbe, les
, Autels, Gualuat, Villanova &c.
s.Mieli L'ifle de S. Michel s'cftend quafi2o. lienes en longueur.Sa principale ville
fe nomme Punta Delgada,ou les Anglois, Efcoffois, Françoys, & autres na
- tions viefient plus fouvent arriver, qu'en Angra pour la trafique de la guede.
Le Pic. - L'Ifle de Pico, qui tient ce nom d'une haute montagne, feparee de Terce
ra environ 12. lieues, livre une efpece de bois fort precieux, appellé Teixo.
touchant lequel, eft ordonné de par le Roy, que perfonne ne le puiffe cou
per, finon ceux qui font par expres conftitués pour ceft effect. or il eft extre
mement dur,par dedans rouge, de couleur d'efcarlate ondante, dont le luftre
& labcauté finguliere s'augmente avec le temps, ainçoisque de fe perdre.
Fayal. - Fayal eft habité par les Flamends & leur pofterité combien que tousufent
du langage de Portugal. leurville s'appelle Dorta. ce font des gensbien ap
prins civils, induftrieux,& amateurs des Eftrangers, ne dementans en ricn
le naturel des Flamends, dont ils font defcendus.
-

4Defri
N O V V EA V M O N D E. 237

D ESCRIPTION de Iuratan.
Ierre Martir eftime que Iucatan foit une lfle; en quoy il s'abufe: car c'eftu
Peninfule au golfe de Mexico comprinfe entre les 1 o.& 20.degrés, con
tenant cn rondeur l'efpace de 9o. lieues. Vn pays certes heureux, livrant à Iucat*
foifon tout ce qu'on fçauroit defirer. Il y a tout au dernier bout d'iceluy prcs
la mer un fleuve ayant fur fa riue la ville, que les Efpagnols nommerent Vi
ctoria,les naturels Totanchan. Ceux qui y vindrent les premiers, rapporterent
qu'elle rcffembloit à Cairo. Les maifons eftoyent embellies de tourelles, les *
* temples fomptueux & magnifiques, les chemins pavés les fales des maifons
relevees de la terre jufques à la hauteur de dix ou douze degrés: les murs e
ftoyent baftis avec de la chaux de pierres cuictes, ou taillees : les toicts cou
verts de tuiles d'argille, ou de chalumeaux. Les habitans changoyent des pie
ces d'or pour des brouilleries de vitre, ou pour des accouftremens de foye.
Les femmes portoyent une longue robbe depuis la ceincture jufques au ta
lon, fans foy ofer defcouvrir pour chofe du monde le pied, ny la greue. Ils
n'eftimoyët rien les miroirs d'Europe d'autant qu'ils en avoyét eux mefmes
des plus excellens faicts de pierre polie. Les hommes eftoyent circoncis, &
faifoyent la trafique à chamger tant feulement les denrées, fans aucune efpe
ce de monnoye: les Temples eftoyent fort beaux, dans lefquels y avoit des I
doles: ils fe plaifoyent à nourrir la cheveleure, de quoy quandunjour on leur
en euft demandé la caufe, refpondirent par un trucheman, que il y cftoit
paffé autrefois un homme plus beau que le Soleil, lcquel leur avoit enfeigné
fe parerainfi les cheveux en fouvenance de luy. Cecy advint la premierefois
que les Efpagnols s'y trouverent: lefquels au retour efperoyent de fe fourer
dedans le pays, mais ils en furent repouffés par les habitans, difans qu'ils ne
vouloyent point avoir des cftrangers parmy eux. Dont pour en faire foyal
lumerent au milieu des deux ofts une torche d'encens, menaçans les Efpa-
nols s'ils ne fe retiroyent hors de leur province, de les en expulfer par force.
&: leur fut livrél'affaut, ou ils furent mis en route & la plus part tués au tren
chant de l'efpee, & à coups de Canons, comme eftans du tout ignorans de la
guerre, tant s'en faut qu'ils fuffent equippés en armes, comme leurs contrai
res: le refte fe fauva dedans la ville. Peu apres les mefmes Efpagnols retour
nants pour la troifiefme fois, & demandans des vivres,leur furent apportées
huict poulles & quelques pains de Mayz, avec commandcment de foy reti
rer. Qui fut derechefcaufe d'unc grand bataille & defconfiture des Iucata
niens, quoy que les ennemis fuffent en petit nombre, & eux jufques à qua
rante mil hommcs: cependant ils ne laifferent d'cftre vaincus pour la nou
velle façon du combat, principalement au moyen des Chevaliers, lefquels
n'eftant que feize en tout, vindrent les enfoncer par derriere à brideavallec,fe
mettant par my eux comme des loups enragés parmy les troupeaux de bre
bis. Les pauvres Indiens penfoyent que Cheval & homme ne fuft qu'un feul
animal comme les Centaures, dont ils ne fçavoyent que faire. Ce pen
dant les gens de pieds les vindrent attaquer de flanc, & en firent un miferable
carnage.En forte que ce jour l'Efpagnol fe fit maiftre de laville, logeant les
eftrangers deffoubs le toict des maifons,& les bourgeois deffoubs la cappe du
ciel. A cefte occafion fut impofé à la ville le nom de Victoire. Lon dit qu'il
y a eu des figrands & amples villages au contour d'icelle, qu'on eftoit quatre
heures à les paffer: ll y a d'avantage entre Iucatan & Nicaragua la cité de Gua
temala, en un terroir fertile, plaifant, bel & fahutaire; en laquelle fetient le
Lieutenant du Royd'Efpagne. -

Gg DESCRIP
238 p ES CR I PTIO N DV

Defription de Cuba, & Iamaica.

Cuba.
C Vba qui fut premierement appellée Ferdinande par Chriftofle Colomb,
gift à l'Orient de lucâtan & à l'Occident d'Efpafiola, ayant l'ifle de Ia
maica vers midy. Sa longueur contient 12oo. lieues Eft & Oeft. Sa largeur
au plus haut 25 o. le Tropique de Cancer paffant par le milieu. Or elle eft
pleine de montagnes, avec plufieurs fleuves donnans de l'or, dont les eaux
font douces & bonnes pour boire. Elle produict auffi grand'quantité dega
rance. Et ce qui eft le plus eftrange, il yaune vallee en laquelle fe trouvent
des boules de pierres fi rondes de nature, qu'il ne feroit poffible de les torner
mieux. Les villes font S. Iaques & Hauana : dont en l'une, qui a efté fondée
par Iaques de Velafco, eft refidant l'Evefque: l'autre eft la ville marchande de
l'lfle, ou les flottes & Armades demeurent à l'ancre iufques à ce qu'ils ayent
l'opportunité des vens & de la faifon pour retourner en Efpagne. A prefent
ya toufiours des galions pour defendre la cofte des Anglois, & Françoys. Il
. y a davantage en cefte ifle, non loing de la mer un mont, d'ou on tire du li
mon glueux propre à calefufter les Navires. il s'y trouve auffi par tout des
grands ferpens fans venin, de façon qu'on en mange la chair.
Iamaica.
Iamaica eft appellee par les Chreftiens l'ifle S. Iaques ; dont le circuit peut
contenir environ 6co, lieues. il n'eft icyque une montagne tout au milieu
dc l'ifle. le terroir d'icelle eft fi plantureux, & l'air tant falutaire, qu'elle fe
. pcut à bon droict paragonner à tous autres pays & provinces. Les habi
tansfont en grand nombre , fubtils & rufés , qui fouvent trompent leurs
voifins, lesquels y vont à la bonne foy. Ils ont des minieres d'or, grande
' abondance d'animaux, fuccre, & cotton ; plufieurs fleuves & lacs, avecforce
poiffons; deux villes Orestan & Seville ; en laquelle y a l'Eglife Cathedrale,
avec une Abbaye.

De l'Ifle Efpafiola
Epagnole. Efte Ifle s'appelloit par les Indiens Haity; & guifqueia: les Efpagnols
C luy changerent le nom, l'appellans Efpagnole; & San Domingo à l'hon
neur de S. Dominic; puis y baftirent la ville capitale, qui s'appelle auffi .
San Domingo. Sa rondeur contient 14 oo. lieues : fa longueur 5oo. fa
largeur eft inegale,à caufe des havres, promontoires, pointes, & encoigneu
res de la Mer. Le milieu d'icelle eft diftant 19. degrés de la ligne devers le
Nort.Sa figure eft longue, s'eftendant du Levant au Ponant, avec beaucoup
de montagnes afpres & difficiles ; & neantmoins le pays fertile & plaifant:
Preuve de fa fertilitéfoit le froment livrant cent pour union dictauffi que les
cannes de fuccrey font plus hautes & groffes que nulle autre part. dont y en
a tant,qu'ils ont befoin de vingt huict preffoirs de fuccre.AValenceen Efpa
gne à peine emplit on fept fioles de fuccre d'un rofeau , la ou en Efpagnole
ils en fourniffent vingt, & fouvent trente. Cefte region produit auffi le
gingembre, maftic, bois d'aloes, caffafifula, & canelle : & du fel à foifon.
Devant l'arrivee des Efpagnols n'y avoit que trois efpeces de beftes à
quatre pieds ; mais à prefent il y en a tres tant qu'on envoye tous les ans
une infinité de peaux en Efpagne, lls tienent aufsi plufieurs belles
m: Ot
N O V V EAV M O N D E. 239
d'or & argent,& d'une efpece de couleur azurine. Orles Efpagnols quand
ils fe fifent Seigneurs raclerent à peu pres toutes les racines de
:
Cazabi dont les Indiens faifoyent leur pain . Quoy voyant ceux, qui
eftoyent efchapez de leurs mains, les firent prier de s'en abftenir,promet
tans de payer plustoft le tribut, que de mourir de faim. Ainfi ils tom
. berent d'accord pour une grande fomme d'argent par mois. Cefte Ifle
contient plufieurs villes, dont la principale eft Sandomingo fur la bouche
du fleuve ozama, refidcncc de l'Evefque, & du Lieutenant Royal ; ayant
auffi la monnoye, jaçoit qu'on n'y forge par tant d'argent comme à Mexi
co. Il y à d'avantage encor'd'autres villes moindres, fçavoir S. Iean, Me
, guma, Port de Plata, Port Real, Xaragua, & autres.

DEscR1 PTIoN
D E L A

NEV F v E ESPAGNE
A Neuve Efagne eft une grande Province, fort plaifante, mieux ha- s*
L bitee & cultivee, que nc font les autres : laquelle s'eftend depuis le
Golfo de California, autrement appcllé Mar Vermejo , jufques au Golfe
de atexico, & iufques à la 2er du Nort, & au pays de Iucatan. Les Efpa
gnols la faifircnt en l'an 1: 18. foubs la conduite de Ferdinand Cortez,
non toutesfois fans grandc perte de leurs gens, & deconfiture incroya
ble des Indiers .. Auquel en recompenfe de cefte fi noble & grande
Victoire fut donné par l'Empereut Charles V. le pays de Tecoanteque ,
difant en la neuve Efpagne. Or tout le pourpris de cefte Province éft
remply de montagnes tresafpres, plein de forefts, reçoit que lair y foit
du tout temperé, non obftant le climat d'icelle, qui eft comprins au de
dans de la Zone Torride. Elle a plufieurs fleuves abondants de poiffons,
dont les aucunes donnent auffi de l'or. Au furplus des lacs falés, d'ou on
tire du fel en plufieurs endroicts. En oultre il y a force minicres d'or,
argent, fer, & cuyvre. on y trouve auffi grand quantité de Caffia fistula,
& un certain fruict du pays appellé Cacao reffemblant aux amandes, du
quel il font leur breuvage. Ils ont auffi force cotton, & toute forte de
fruicts d'arbres, & de la terre, comme en Europe. lls ont de mefmes
toutes fortes de beftes, Oifons, Canards, Perdris, Poulles fort belles,
Lievres, Connils, Brebis, Bœufs, Cerfs, Tigres, Lions, Ours, & ainfi du
refte de façon qu'il ya grande abondance dc chair,& à fort bon marché.
On y trouve auffi des Crocodiles dedans les rivieres, dont les habitans
en mangeant la chair. La mer prochaine eft riche de poiffons, donnant
auffi des Huiftres à perles. Or ily demeure plus d'Efpagnols icy, que en
nulle autre contree du Nouveau Monde, en forte qu'ils y tienent des
belles colonies, fçavoir Compostela, Colima, Parificacion, Guadalajara, ente
chuacan, Zacatula, Mexico, & autres. Voire il y a mefmes en la nouvelle
Efpagne plufieurs belles Regions, notamment la neuve Galice, uechua
-

- . - -- --
can, Mexico, Guaifecam. -
G 2 La
24O D E S C R I p T. I O D V
Galice.
La Neuve Galice s'appelloit cy devant par les habitans du lieu,Xalifo ;
qui fut defcouverte & conquife par Nuno de Guzman. lequel y feit
auffi baftir quelquesvilles notables : comme il y a Compostela, ou fe tient
l'Evefque, & le Confeil du Roy; Saint Efprit, Conception, S. Michel, & Gas
dalajara, la plus noble, excellente, & capitale du Royaume. Le pays de Ga
lice cft fort afpre, les gens cruels & barbares, qui ne redoutent pas de manger
Culiacam.
chair humaine. A la nouvelle Galice appartient le pays de Culiacan lequel
s'appelle ainfi du nom d'une ville, qui eft en iceluy: ll eft affis entre les fleu
ves de Piafila, & S. Sebaftien ; lequel devant qu'il viene à fe defcharger en la
mer, fe va cachant deffoubs terre. Le chef du pays c'eft la ville de Culiacan
ou les Efpaguols ont placé une colonie de la maifon de S. Michel. Les
habitans font fort pauvres, couchantspar les campagnes; ceux qui demeu
rent aupres de la matine , s'entrentienent de poiffons ; les autres vivent
de la venerie. Ils fouloyent vivre du tout en liberté fans aucun Supe
rieur.

Mechoaca. Mechoacan contient en fa rondeur 4o. lieues, l'une des plus riches &
meilleures provinces de la Neuve Efpagne : car le Mayz, comme auffi lcs
autres fruicts, y meuriffent trois fois l'an. elle abonde de cotton, miel, cire,
cochenille, medicamens, ambre, & fel: elle eft auffi riche de foye, d'or &ar
gent. Elle comprend plufieurs lacs, & rivieres grandes & belles avec force
poiffons. Ses habitans font hauts de flature, puiffants de corps, de longue
vie, & de bon efprit. Il ya deux villes principales ou les Efpagnols fe tie
nent, & s'y faict la trafique; affavoir Pafuaro, & Valladolid, qui eft le fiege de
l'Evefque avec plufieurs petites villettes, que ie laiffe à dire pour eviter à
la prolixité
Le Mexican, qui eft ainfi nommé à caufe de la capitale ville de Mexico,em
Mexico. porte le pris non feulement par deffus la Nouvelle Efpagne, mais auffi par
deffus tout le Nouveau Monde. Cefte ville, qui s'appelloit par les lndiens
Tenuftitlan, eftoit fondee comme la cité de Venize au milieu d'un grand
lac: mais depuis qu'elle a efté prinfe par le Marquis François Cortez , elle fut
tranfportee fur le rivage ; en forte qu'elle contient à prefent fi x milles Ita
liennes au contour, eftans les Efpagnols placés à l'un cofté de la ville, & les
Indiens àl'autre.En elle refide le Viceroy, l'Archevefque, & la Courde Par
lement. Ce lacou la ville eft affife , eft falé; n'ayant point de poiffons, mais
feulement des vermines , lefquelles pourriffants en efté infectent l'air
d'une vilaine puanteur : on en tire tduresfois du fel: il croift & defcroit auffi
comme la maree,& fe defcharge en un autre lac d'eau douce, lefquels con
tienentpar enfemble 5o. lieues au circuit, ayans fur les rivages jufques
à 5o. villes chafcune environ de Ioooo.maifons; au fervice defquelles y
a toufiours 5oooo. Canoas pour aller & venir. Or les lacs & villes fufdites
toutes font enclofes de quelques montagnes toufiours couvertes de neige
ce qui n'empefche que les vallees ne foyent cependant tresbelles & plai
fantes. llay puis apres la ville de Tfuro, qui eft pareillement affife fur la
rive du lac, & en grandeur rien ne cede à Mexico mefme. D'avantage
il y a la cité de los Angeles (auparavant dicte Vacpala, ceft à dire l'endroict
des Serpens.) laquelle outre ce qu'elle eft, comme les autres regions
d'alentour, fertile & riche en toutes fôrtes de beftes, femailles, & fruicts;
fingulerement eft ennoblie par la grand trafique de laine. Il eft auffi
en fon territoire une montagne ardante, affavoir Popocampeche. Les ha
bitans
1N O V V E A V M O N D E. 24I
bitans cftoyent iadis Idolatres & mangeurs d'hommes ; & prenoyent
en mariage plufieurs femmes mais depuis qu'ils ont receu le baptefme ces
vilainies peu à peu cefferent d'avoir la vogue. ils fe fervent en la guerre
de Fiefches & fondes.
Guafean eft au ffi un pays de la nouvelle Efpagne, gifantvers la Mer du
Nort; mais il n'approche de beaucoup à la fertilité des autres contreestcaufe,
que les habitans, qui font des honneftes gens, vivent en miferc, s'adonnans ou fe,
à la pefcherie. On y trouve une montagne avec deux fources de gouldron,
l'un noir, l'autre roux. Les Efpagnols y ont peuplé deux colonies, Pa
nuo, & S. Iaques des Vallees. Finalement y a la ville de Tlafala, qui eft la
fcconde apres Mexico; pour le regard de fes peuples, & habitans , richeffe
& abondance de fon territoire : elle fe gouverne à la façon des Repu
bliques, jaçoit que le Roy d'Efpagne en foit Souverain Seigneur & poffef ***
feur. -

T) E S C R I P T I O N

D , L, A

PARTIE MERIDIONALE -

- d' AME R 1 QvE


-
Ireniere
-

- - Navigation
An 14 92. chriftofle colomb fortant de Cadiz pour l'Inde Occiden-decolomb,
L tale, -

vint furgir premierement es lfles de Canarie : dont faifant voile


il print la route du Ponant, ou il defcouvrit deux Ifles, les faifant quant
& quant nommer l'une Ffpaiola, & l'autre Ieanne. ou il laiffa trente huict
de fes Compagnons, leur donnant charge de bien advifer à toutes cho-pensions
fes, cependant qu'il iroit en Efpagne faire le rapport auRoydefon voyages ***
lequel efmeu de fes raifons trouva bon d'effayer autrefois le fucces de la
fortune.Si luy fit equiper encores une Armade de Navires , avec lefquel -
les il s'en alla premierement aborder les Ifles des CanibalesD'ou il envoya ,
- - roifiefme
une partie de fon armade vers Efpafiola, en intention de les fuyvre bien Naris
toft. Ce qu'il fit mais voyant que tous fes anciens cõpagnons avoyent efté
meurdris mefchamment par le Roy, ily baftit une ville laquelle il fortifia,
eny mettant desgendarmes en garnifon. Ce faict, il voguaplus outre,&
-

Gg 3 defcou
D ESC R I PT IO - D V
defcouvrit Cuba, & Iamaica. Apres, ayant conftitué fon frere Barthele
- my Gouverneur defdits pays, il revint derechef en Efpagne, l'an 1 495.
Ou il feit fi bien envers le Roy, qu'il fut envoyé derechcfen la mefme ex
pedition avec une troifiefme Armade ; qui fut en l'an 1 498. Quand il
fut arrivé en l'ifle Madera, il diftribua fon Armade en deux parties ; dont
les cinq iroyent tout droict en Efpafiola ; les trois autres, fur lefquelles
il eftoit refté luy mefmes, feroyent un nouveau cours pour defcouvrir
nouvelles terres : comme il feit. Car apres longs travaux & tempeftes
de la mer il vint finalement aborder en l'Ifle de Paria,ou il fut traictéami
ablementpar les habitans : Mais quand il revint en Efpagnole y trouva
TOUlt CS *
en defordre fans deffus deffous. - Car les Efpagnols, qu'il y a-
voit laiffe, mefprifant legouvernement de luy, & de fon frere,.fe mutine
rent, & les envoyerent finalemenit lie's & garottés en Efpagne. De
voyages de puis l'ierre Alaufe entra audict voyage, & courrant par les pays de Paria, Curta
Pierre A- na, Canchiote & Ciniana, fit ungrandamasde pierres precieufes, qu'il apporta
en Efpagne. Apres ceftuy cy Vincent Pinzon vogua beaucoup plus avant au
de princent Sud de la ligne Equinoctiale: ou il trouva plufieurs nations du tout barba
*. res, brutalcs, cruelles. Pareillement Americus Vefpuius eftant prcmierement
: énvoye par le Roy Ferdinand de Caftille defcouvrit plus a plein en quatre
mericus voyages, dont il fit les deux derniers foubs le nom d'Emanucl Royde Portu
*f* gal,toute la cofte qui fut depuis appellee de fon nom Amerique.Toutesfois ils
n'avoyent encor guerre conqefte defdices terres, finon lfpaiola, Cuba, &
Iamarca, jufques a ce que Françoys Pizarre, qui longtemps avoit demeure en
la cite de Sandomingo, print le courage de paffer avec quelques gens dar
mes en la terre Ferme: ou ayant prins prifonnier le Roy Attialiba, & mife
rablement faict mourir plufieurs millions de perfonnes, il faifit une grande
partie de ces Regions, On dict que le Roy eftant prifonnier, offrit audict Pi
zarre pour fa rançon un amas d'or & argent fi haut, qu'il pourroit toucher du
doigt depuis la terre: ce qu'ayant paye, il fut neantmoins meurdry cruelle
ment. Ce Pizarre & fes compagnons fe font monftrez extremement barba
res & plus que bourreaux à faire pédre & eftrangler, noyer,brufler, & tour
La - menter en mille manieres pour leur plaifir les innocensdont en fin il fut re
* compenfe parfes propres gens qui le tuerét & poignarderét en l'an 1541.bié
Caftile & qu'il l'cuftdefervy cent fois au double. .. Environ ce mefme temps les E
*"* fagnols & Portugalois entreprenans de recercher nouvelles terres, par au
thorite du Pape Alexandre VI. divikerent le monde entre eux, à condition
que tout ce qui feroit dorefenavant defcouvert depuis les Canaries vers l'O
**rient appartiendroit au Royde Portugal, ce qu'on trouveroit a l'Occident
*******d'icelles au Roy de Caftille. Lequel cependant cerchoit auffi un bon chemin
pour parvsnir aux Molucques : dont il donna la charge a Ferdinand Magel
L'Exploitt lant lequel fortant leio d'Aout s9.de Seville, eftant paffé les Canaries,
* vint furgir a S.Marie, qui eft un promontoire des Canibales. Ou il remarqua
nana Masque la eofte s'y eftend voirement vers le Sud, mais en declinant vers Po
* nant d9ns il entra en foupçon, que la mer entoure le pays, L'annee
. fuivante le 26 de Novembre il vint devant la bouche de qui n'a
que dix milles ltaliennes en largeur, gifant à la hauteur de 52. degrés.
-

el ayant paffé tout outrg, il fe promettoit affeurement de trouver


les Malucques. Si vogua droictement vers la ligne Equinoctiale, &
vint apres quelques ifles en Subu : ou il fut tué auec fept de fes
compagnons en une bataille, qu'il livra à la requefte du Royaux habitans
-

de
N O V V E AV MOND E. 243
de llfle prochaine. Il fut fuccedéde Serrano, lequel ayant tancéle ferviteur
de Magellan Molucquain de nation bléffé en ladite bataille, fut pour ce re
gard trahy & livré au Roy de Subu. Qnoy voyant les autres, delaifferent les
malheureufes terres , & gaignerent finalement les Moluques huict mois
-

apres la mort de leur Capitaine.


Or la figure de la Partie Mertdionale d'Amerique refemble à vne Pyrami- situation de
de, ayant la bafe devers le Septentrion, & le fommet devers le Sud, jufques la Partie
à 53.degrés de l'altitude Auftrale, au Levant y a la mer Nort ; au Ponant :
celle du Sud. Tout ce qu'il y a depuis le flcuve de C7ia agnon jufques à Rio veau Mon
de la Plata, c'eft à dire le fleuve d'argent, eft dccupé par les Portugalois : le re- de
fte , afçavoir ce qu'on a defcouvert, par les Caftiliens. Le pays eft tra
verfé de quelques montagnes courants de l'un bout jufqucs à l'autre, fça
voir du Nort au Sud. il produict grand abondance d'or, & argent, & autres
chofes neceffaires à la * de l'homme. Le contour eft d'environ
16 ooo. lieues, car il contient pleufieurs grandes & belles provinccs, dont Caftille Do
les principales que les Efpagnols tienent, font Castille Doree, Pen à, Chili, Pre
fille. Castilla Del orogift devers la partie Septentrionale en une Eftreciffure,
qui ne contient que 72. milles Italicnncs cn largeur, ayant deux villes :
2Nombre de Dios fur la mer du Nort, & Panama fur la mer du Sud. or tou
tes les marchandifes qu'on veut mener de Peru en Efpagne , viennent arri
ver premicrement a Panama : d'ou on les tranfporte a Nombre Dio par ter
re : & de la vont fur la mer vers Efpagne. ainfi d'autrepart tout ce qu'on
veut envoyer d'Efpaigne en Perù, vient aborder au port de 2Nombre Dios,
d'ou on le tranfporte iufqucs en Panama par terre,de la s'envoye le tout par
Batteaux au Peru.

- D Es cR 1 PT 1 oN
D, E

P E R V.

Eru la plus noble partie du Nouveau Monde , eft quafi entierement


comprinfe entre la ligne Equinoctiale & le Tropique de Capricornus.
Elle eft bornee devers Septentriôn par la Nouvelle Granade & Cattille
Doree, & pàr le fleuve & port de Pen à, dont le pays ticnt fon nom. Du
cofté d Occident elle eft bornee par la Mer du Sud. devers midy par la pro
vince de Chile , & au L'evant par fes montagnes. Sa longueur en tout
contient 1 8oo. lieues. Françoys Pizarre la defcouvrit premierement en
l an 1525. & en fut conftitué Viceroy de par l'Empereur Charles V. le
quel auffi l'alla conquefter. Or ce François Pizarre fut à la parfin mis à
, mort par le fils d'Almagro, duquel il avoit faict mourir le pere, Vafco fit
en apres executer à mort le fils: luy mefme depuis fut mis en prifon de Blaf
co. Blafco derechef a la pareille fut emprifonné par le frere de Pizarre.
Voila comment l'appetit de vengeance , avec la maudite avarice les em
portoit a tort & a travers en des guerres civiles. Le Perù eft divifé en :*
trois parties, qui font la Plaine, la Sterra (c'eft a dire, les Monts) & les Andes, parties,
qui eft le pays par dela les monts. La Plaine s'cftend au long de la cofte
cnviron
2.4.4 ID E S C R I P T I O N DV . --

environ par l'efpace de 15 oo. milles Italiennes. C'eft une contrce fa


blonneufe & pauvre, efpecialement pour le regard des defers, & pour le
defaut de Rivieres & fontaines ; & fur tout à caufe que jamais il n'y
pleut, en forte qu'il n'y croift quafi rien. Neantmoins il y a plufieurs
campagnes pres les torrens, (or les torrens y font en grand nombre, &
toufiours s'en trouve à deux ou trois lieues ) qui les arroufent , &
principalement en hyver; au moyen dequoy, avec l'induftrie des labou
reurs, elles produifent grande abondance de cotton, & froment. Les
habitans de ce lieu font gens de baffe condition, de peu d'efprit, pauvres
& miferables, couchants deffoubs les arbres, & entre les ozieres, s'entre
-
-

tenants de chair & poiffon crud.


La Sierra, qui font les Monts de Peru , s'eftendent environ 1 ooo
lieues du Septentrion vers le midy , & en aucunes contrees encor
moins , eftans fort fujets à froidure , & à neige ; caufe , qu'ils font
comme pelés, fans bois , fans arbres, de forte que les habitans ont be
foing de fouyr une certaine efpece de terre pour brufler. On y trou
ve des Lions , Loups , Ours , Chevres , & comme une efpece de
Chameaux , dont ils fe fervent de la laine à faire des accouftre
ments. Entre ces monts y a des belles & grandes vallees , affez chau
des , planteureufes , & bien peuplees : ayants mefines les habitans
plus courageux , plus fubtils , & mieux apprins que ne font les au
UrCeS.

Les Andes font auffi des hautes montagnes, qui fe vont trainans du Nort
Colao.
au Sud continuellement fans aucunes vallees, ayant feulement cntre cel
les celles cy & les autres la Province de Colao : laquelle quoy que plei
ne de montagncs & froide de complexion, fi eft il cependant qu'elle
furpaffe de beaucoup la Plaine de Peru, foit qu'on veuille avoir efgard
au naturel & efprit de habitans , ou au nombre des villes, ou à la tem
perature & bonne complexion de l'air : pour lefquelles confiderations
les Roys & Princes du temps paffé y faifoyent leur refidence. Car le
terroir n'y eft pas moins favorifé de la bonne influence des cieux, que
de la fraifcheur de plufieurs torrens & ruiffeaux venants des hautes
montagnes, qui l'arroufent continuellement & l'entretiennent fi bien
en fertilité, qu'il n'y manque rien mefmes de ce qu'on veoit aux plus
excellens Royaumes du Monde. Dont le regard n'eft pas moins a
greable aux fpectateurs & , que ne font profitables aux pof
:
feffeurs tant de legumages & fruicts, que la nature pour defployer fes
threforsy produict en extreme abondance. Oultre les cerifes d'Efpagne,
fraifes & framboifes, qui y croiffent par les buiffons, on y voit par tout
" des choux , cheruy , paftenades , des grands raiforts , mariolaine,
creffon, perfin, fauge, pareille, ozeille, mente, & porcelaine tref
belle ; & en un mot, toutes les herbes que depuis n'aguerres les Efpa
gnols y ont femees. Il y a mefme des herbes medicinales de grand
vertu , notamment Coca la plus noble de toutes, ayant les fueilles fem
blables au Perfil. Elle fait grandemcnt amoindrir l'appetit de manger &
boire à ceux qui la tiennent en la bouche, comme l'experience iour
- - -

naliere en tefmoigne.
Mais il n'y eft ricn plus fingulier que le bled.lequel à ce qu'oncroi
D V N O V V EA V M O N D E. 245
croift fi plantureufement que pour un boiffeau, qu'on ait femé , lon en
moiffonne cinquante, cent,voire deux cent au retour.Ce qui eft d'autant
lus admirable, que les habitans s'aquittent fort legierement,& quafi en
paffant de l'agriculture. Premierement ils vônt farcler la terre, & la net
toyer de zizanies : ce qu'eftant parachevé, il n'eft ja befoing de mener
la charrue, faire des feillons, rompre les mottes , & femblables cho
fes penibles : mais ils ne font que tant feulement des petites foffettes a
vec un tronçon de bois,es quelles ils plantent les grains, & les couvrent
• d'un petit de terre, tout ainfi comme nous en ufons des febves,remettant
• le refte à la garde de Dieu,& au naturel du terroir, qui les recompenfe de •
ce petit travail fi liberalement, comme je viens de dire. A cefte fertilité
des herbes & du froment eft pareille la fecondité des arbes : dont on n'y
veoit pas feulement ceux qu'on veoit en l'Europe, mais auffi plufieurs au
tres à nous totalement incognus. Sur les montagnes y a par tout des
bofcages touffus, ou l'on ne trouve pas feulemét grand abondance de bois
pour la neceffité, mais auffi force tanieres de beftes fauvages. Qui plus
eft, les campagnes & vallées fubminiftrent fi bien le plaifir & profit de la
venerie fans aucun danger, au moyen d'une infinité de lievres, connils,
tourterelles, pigeons, beccaffes, perdris, & femblables animaux dome
ftiques, qu'en tous temps & faifons de l'annee les tables en font fournies.
Voire il y a mefmes fur les montagnes plufieurs Perroquets, Lions,Ours,
& Renards. Quant aux Chevaux, il n'en eft point de nouvelle ; mais au
lieu d'iceux (jaçoit que pour le faict de la guerre les brebis ne vaillent
rien)ilsy ont force moutons de la grandeur des Chevaux, refemblans
fort aux Chameauxs lefquels portent des fommes de 5o. livres , & s'en
vont avec un homme fur le dos par l'efpace de quelques milles. Eftans
laffés,fi on les chaffe,ils rendent une fort puante odeur : quand ils n'en
peuvent plus, fe couchent par terre plus obftinement que les Afnes, fans
bouger jufques à ce qu'on leur ait totalement ofté la charge. Certes ces
moutons leur fervent de beaucoup, & font vtiles à fuppleer le defaut de
Chevaux, àporter les charges & les perfonnes ; & au regard de la laine,
qui eft fort longue & fine, dont ils font grand profit : je laiffe à dire que la
chair en eft trefdelicate àmäger.Ils vivent de * ils confument
fort peu de viande & moins encor de breuvage, dont ils fe paffent fouvent
trois ou quatre jours de route. Or il ya par tout tant de montagnes d'ou
fe tirent les threfors d'or & argent, qu'à grand peine ytrouve on quelque
cité notable, que la Nature n'ait enrichy d'une noble miniere d'or. Que
di-je des montagnes les rivieros mefimes, & les torrens fouventesfois y
font fi pleins de fablon d'or, que la fplendeur en eftblouyt les yeux des fpe
&tateurs. De forté que les fables des Anciens Poëtes touchant les ri
cheffes de Pactolus, ou Tagus, fleuves tant renommés, ne font rien au prix
de la verité de ces pays. Entre tant de veines d'oe & argent cependant,
contre l'opinion de Pline, ne manquent pas le vermillon, l'ocre & au
tres terres de couleur pour l'ufage de la teincture. 1 l n'y manque pas auffi
les pluyes, qui fervent grandement à arroufer la terre feche & langou
reufe,temperer la complexion de l'air, & emplir les puis d'eau douce au
contentement & foulas des habitans, qui ont l'efprit & induftrie pareille
à la bonté de leur patrie. Les hommes portent une caffaque ou man
teau de laine,& fe nourriffentla cheveleure , qu'ils relient fur la tefte,.
avec un petit bandeau. Les femmes vont avec un accouftrement fort
longfans manches : portans deffoubs le nombril une ceinture de laine,
Hh qui
D E S C R I P T I O N DV
qui va trois ou quatre fois à l'entour du corps, lequel par en haut eft eou
vert d'un petit mauteau faict de drap d'or au argent, attaché avec une
, agraphe autour du col. Elles ne font pas feulement blanches de couleur
& gracieufes à veoir non obftant que elles ont la têfte poinctue (ce qui les
rend moins bellcs) mais auffi modeftes, honneftes,& bonnes, ornees de
bonnes mœurs,& difcretion, & d'une amour incroyable envers leurs ma
ris : lefquels elles vienent aider plus que leur fexe ne femble porter aux
labeurs journaliers. Or touchant les couftumes du cemmun de ceux de
Touchant
les couftu-
Peru,voicy ce que Levinius Apolonius en efcrit. Ils font en tout trois na
mes des Pe tions, chafcune ayant deffoubs luydivers & plufieurs peuples, Ces na
- - - .-
ruviens. tions font differentes entre clles en couftumes & manieres, ufans de di
verfes langues: ils fouloyent par cy devant du temps qûe la province n'e
ftoit pas encore affujettie foubs un Empire, fe faire fouvent la guerre l'un
à l'autre , à l'occafion des difcordes & differends furvenants journelle
ment lefquels eftant oftés par la Victoire de celuy qui les affujettit, le lan
gage de Cuzco, qui eftoitufité en la Cour, & es jurifdictions, commença fi
bicn d'avoir la vogue, qu'il eft à prefent aifé de voyager par toute la pro
vince lansautre cognoiflance de langage.Leurs femmes portét des longs
accouftremens de laine,pendants jufques aux talons; les hommes une pe
tite camifole, qui parvient jufques au deffoubs du genouil, avec un petit
manteau fur les efpaules.Touchant les accouftremens du corps, ils font
quafi touts femblables: mais il y a grand difference de l'un à l'autre au pa
remét de la tefte veu que l'un porte les cheveux reliés avec des bandeaux,
l'un d'une coulcur, l'autre d'une autre fuyvant chafcun en ce l'ufance de
fa patrie. Au refte ils font de nature fimples, ftupides, lourdaux à l'anti
que : ce qu'ils demonftrent principalement en la Marchandife , en ce
qu'ils changent lesplus nobles denrces du Monde contre des brouille
ries de nulle valeur, fans cognoiftre les grands threfors d'or & argent que
la Nature richement leur a departy car ils fe fervent feulement de leurs
maffues entieresfans les mcttre en ouvrage,finon quils prennét plaifir aux
Images & emblemes d'or & argent: dequoy ils vont orner les temples,&
maifons Royales. Ceux qui approchent de plus pres la ligne Equino
ctiale furpaffent les autres en tous vices & mefchancetés, remplis d'hy
pocrifie, murmurants entre les dens à la façon des Iuifs, adonnés terrible
ment à luxure, defprifans dutout les femmes ; lefquelles ils ne contrai
gnent pas feulement de fervir & fe rompre le col à travailler, ne fuft •
que pour la moindre occafion du Monde ils les mal menaffent, & frap
paffent en Diables. llsfe couvrent d'une camifole legiere depuis les
efpaules jufques au nombril ; le refte eft à defcouvert, mefmes auf
fi les parties honteufes. lls portent autour les bras & jambes de braffe
lcts de perles. qui plus eft, pour ceft effect ils fe percent mefmes les jou
es, & les levres pouyenter des Efmeraudes & Turquoifes ; en quoy
ils fe plaifent extremement. quant aux femmes ils n'ont pas tant de fa
veur ne credit envers les maris; qui ne leurdonnent rien qui foit pour fe
defendre de l'ardeur intolerable du Soleil, finon un petit drappeau
pour fe couvrir la vergoigne. Es temples ya deux images de boucs
Noirs , devant lefquels ils bruflent fans inrêrmiffion du bois de cer
taines arbrcs de forte odeur ; lequel quand on l'efcorce rend une odeur
fi terrible, que les affiftans en ont le cerveau tout eftourdy; & eftant la
graiffe deftillee ou frottee fur les corps morts, iceux fe contregardent
pour totifiours des vermines & de putrefaction comme on dict Cen
*
2\ClV1CIlt
-
N O V V E A V* M O N D E, 247
advient de lagomme de cypres. Les Pafaons ont ordinairement dedans LesPefans.
leurs temples des idoles en forme de gransferpens, qu'ils adorent , fans
les Dieux domeftiques de chafquune famille, lefquels font fans nombre
à la façon des anciens payens d'Egypte. Ils font totalement ignorans de
toutes fciences & lettres fans nulle cognoiffance de pcinctures,que ceux
du Mexican tiennent en contrechange des lettres. - Car ils ufent de
certains cordages de laine (appelés par eux 2uppos) qu'ils fçavent nouer
en certaine façon de plufieurs figures, par lefquelles font reprefentés
les nombres d'un jufques à dix, & ainfi confequemment plus outre, avec *
les couleurs des chofes qu'ils veulentpar icelles fignifier. En chafcu
ne des Provinces ya des Notaires, qui par le moyen de ces figures tien
nent memoire des Hiftoires anciennes , & s'il y advient quelque chofe
notable, la redigent comme par efcrit au moyen des mefmes figures.Tous
font gouvernés par mefmes loix & conftitutions : les bourgeois mainte
nus en leur droict, les delinquants juftement punis. .. Leurs armes font
des Efpees, javelines, maffues de Fer, haches d'or, ou d'argent, fondes, &
autres fortes d'armes : ils fe fçavent affez bien ranger & tenir en ordre de
bataille, courir,& retourner chafcun en fon rang fans guerres redouter le
* Au refte le Peru contienten fon refort plufieurs belles villes, dont les Des Villes
plus celebres font Vieux Port, S. t7/tichel , Truxile Lim, Arequipa, 9uito, de pr,
Cufo, Potofi, & l'Argentine qui s'appelle en Efpagnol Villa de Plata ; .. Dont
les Efpagnols s'impatronizerent du commencement des cinq premieres
pour l'opportunité d'icelles au regard de la Marchandife : à raifon dcquoy
y firent baftir des maifons à la mode d'Europe. Vieux Port ou Puertovieje
non loing de la ligne Equinoctiale fur la rive de la mer, fut la premiere
qu'ils faifirentt le port eft beau, mais l'air mal fain, qui faict qu'il ya peu
de habitans.cependant c'eft icy que viennent aborder tous ceux qui vont
au Peru, ou qui en retournent vers la cité de Panama. Au territeire d'i
celuy fe trouvent des Efmeraudes fort belles & precieufes. C'eft auffi
une chofe memorable, que au mefme territoire les Efpagnols ont trou
vé des os & dens de geans furpaffans en quatre doigts, & trois
:
en largeur; lefquels, à ce qu'en difent les habitans du pays , furent des
hommes fi hauts & plus que quatre perfonnes d'aujourdhuy. La ville de
S. Michel, que les Barbares appellent Piura, fut la feconde dont ces Efpa
gnols femeirent en poffeffion : elle eft affife aupres du fleuve Cira, ayant
un haure affez commode ; le terroir fertile & fecond, mais fans veines
d'or ou argent, & d'abondant fort fujetà l'inflammation des yeux ; qui
eft un accident fort penible & douloureux. Trugile eft fort plantureu
- fe, & notamment de cMa z ; mais elle n'eft guerre hantée par les Navi
res , d'autant que les rades & havres d'alentour font fort incommo
des. Lima, qui eft la Ville des Roys & Capitale du pays , gift environ
deux mil pas de la mer en une plaifante vallee, fur le rivage d'un fleuve,
ayant l'air fort amiable & temperé leterroir fecond & abondant de touts
fruicts, principalement de poids, febves, & toutes efpeces de legumage,
comme auffi de figues, limons, pommes d'orange, & autres fruicts : D'a
vantage elle eft pleine de gens, & contient en fon pourpris ( qui eft fort
grand & fpacieux, avec des beaux jardins,grande place de Marche & lar
ges rues) 5ooo. & plus de maifons. Elle a efté fondee de François Pi
zarre en l'an, de Chrift 15 3 5. A prefent y font leur refidance
la Cour de Parlement, le Viceroy, & l'Archevefque, ayant pour Suffra
2 gans
248 D E S C R I P T I O N D V
gans les Evefques de 9uito, Cufo, Guamanja, Arequipa, Pars, Plata, Trugilo,
Guamujo, Chachapoya, Vieux Port, Guayaquil, Popayan, Charcas, S. c7Aichel, S.
Françoys. Arequipa fut la cinquiefme colonie des Caftiliens : diftant 12.
milles Italiennes de la mer, en un endroict fort plaifant & falutaire, &
contient environ 3oo.feux,& grãd nombre de bourgeois, lefquels de jour
en jour vont augmentant pour la belle opportunité du port d'icelle.Tou
tesfoiselle a receu grand dommage du tremblement de la terre advenu
en l'an 1582. par lequel teutfes edifices furent quafi ruinés,& 22.hommes
accablés. Difons maintcnant des plus nobles villes, qui font dedans le
pays & fur les montagnes. 2uito eft une ville fi flotiffante, qu'elle ne ce
de quafi rien à la ville Capitale, figrand eft le nombre de fes habitans, &
fi extreme l'abondance de fesricheffes. Elle gift quafi droictement def
foubs la ligne Equinoctiale,toutesfois la complexion de l'airy eft plus toft
froide, que chaude. Sonterritoire eft toufiours verdoyant, orné, voire
remply de fruicts de la terre: lequel eft auffi doué de veines d'or,& de vif
argent de couleur jaune. Cufo la fleur & outrepaffe des villes montagnie
res,fe peut à bon droict parangonner àLima au regard de la multitude des
habitans;mais pour le regard des mines elle eft beaucoup plus riche.De
vant la venue des Efpagnols c'eftoit le fiege & la Cour des Roys,toufiours
frequentee de une infinité de gens nobles & routuriers,pour le faict des
proces & plaidoyés, qu'on y decidoit. Elle eft feule entre toutes les vil
les de Peru baftie enforme deville avec des rempars de groffes pierres
de taille en forme quarree; lefquelles ils vont quetir & tailler tant qu'il
leur en plait es quarrieres des montaignes voifines; à condition toutes
fois (puis qu'il n'y a point de Chevaux ne bœufs pour s'en fervir en la voi
ture) de les en querir eux mcfmes à force de gens depuis les monts juf
ques au lieu du baftiment. Les maifons que par avant tenoyent les In
diens font à prefent poffedees par les Efpagnols, embellies & reparees à
la mode qui trotte. Le nombre de bourgeoisy croift de jour en jour.La
cité eft divifée en quatre quartiers, dont tous ceux qui y vouloyent de
mourer ou jouir des privileges de la cité, eftoyent commandés bien fe
rieufement de par les Roys de fe mettre en l'une d'icelles. Le pays d'a
lentournon feulement eft plaifant,& beau pour la grande abondance de
fes fruicts & metaux, mais auffi pour la douceur & bonne temperature de
l'air, qui eft tel, que celuy qui y entre en bonne difpofition , à peine y
gaignera il quelque maladie. Au Levant de cefte marche, & affez loing
d'icelle, fe veoit lc grãd lac de Tuticaca,lequel s'eflargit de la violence d'un
fleuve tombant furieufement du haut des montagnes. en apres fe dimi
nuant, il retourne en fon premier eftroit, & derechef par l'acceffion d'au
tres fleuves& torrenis, lefquels y entrent , fe desborde en un autre lac
moinidre, qui fe cache deffoubs la terre,& va couler par les veines & en
trailles d'icelle jufques en la Mer. . , -

- v1 .
- 1 , -- , : ... - ... : -- - * - -

- - Des minieres deArgent


. / . --
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. D E - PoT O S I. -
l ' . ' 1 ,1 - ,

L A valeur du meilleuraloy d'or, felon ce qu'en tiennent les Efpagnols


-

- & Françoys, monte à 23 carats & trois quarts, en forte que fi la maffe
n'en contient que 192 ily manquera trois parts d'or CargeneralemétIQUlC
--
par -
N O V V E AV MONDE. . 243
tout on tient que la proportion de l'or à l'argent eft d'un pôur douze. Or il
fe trouve en trois manieres, favoir dcdans les fleuves, dedans les puis & bari
caves des montagnes fendues, & fnalement dedans les mines.Ce qu'on trou
ve aux fleuves eft tenu pour le meilleur, & plus parfaict: ainfi en eft il de l'or,
que produifent les fleuves Tagus en Efpagne, Padu en Italie, Hebru en Thra
ce, Pacious en Afie, Ganges en Eft-Indc. Ce qu'on tire hors de la terre a be
foing d'eftre affiné & purifé par grands travaux. Le premier qui inventa ce
meftier fut Tubalcain, comme il eft efcritbien clerement en Genefe, chap 4
Nous avons parle autre part de l'oz de Hongrie ; le Poëte Statius prife ,
notamment ce qui vient de Dalmace.
:
Quandnou vindra ta vcnirdeshauts monts de Dalmace,
ou ordinairement l'avarefffoyeur, . --

Montant du centre en haut, rapporte la couleur


De l'or, qu'il va cerchant, enf blffarde face.
Ainfi en eftil auffi à peu pres de l'argent. On le trouve en des mottes de ter
re rouge, ou jaunaftre, Et faut pour l'affiner qu'il foit cuict avec du plomb
noir, ou avec une vcine de plomb, qui fe trouve ordinairement aupres
des mines d'argent. Lors par l'efficace du feu en un mefme temps fe fepare
l'argent d'avec les ordures & meflanges, dont il eftoit entaches car l'argent
vicnt nager deffus, comme l'huile deffus l'eau le refte s'en vaau fond avec le
plomb. Or ou fera trouve e une mine, le plus fouvent on en trouvera bien
encore une autre non loing d'icelle. Les anciens fe contentoyent d'avoir
trouvé en plufieurs vcincs de l'alun fans recercher plus avant, mais depuis
on a remarqué qu'ilyafouvcnt des blanches veines de cuyvreparmy ledice
alun: de forte qu'on y advife a ceft heure de plus pres. L'odeur des mines
d'or& d'argent eft fort dangereufe & mauvaife, comme en efcrit fort bien
, l ancien Poëte Lucrece. - ,

ZNé veoitu pas aufi comment la Terrefuffè


9e dansfon fein profondlegouldron, & le fouffe
S'engendrent peu a peu ? dont la mortelle odeur
Infeâte l'obfliné cerveau dufffyeur,
9i par trop convoiteux de fes threforsy entre
A recercherle tout qufijufques au centre
changeant fon beauregard, & fontainct naturel
En vn vfge morne, en un pourtrait mortel
Raccourciffant le cours def penible vie •
Parle trifie loyer de longuemaladie.
Cependant l'infection de l'air, la punaife, les infirmités, lesdangers de la
mort prefente, ne font pas fuffifants pour deftourner les hommes de leur
convoitife.Araifon dequoy les Efpagnols ont alle cercher des minieres mef
mes cn un autre monde: lefquclles ils ont trouve principalement en la Pro
vincc de Charcus, qui eft au Royaume de Pcru: affavoir du commencement
en Porco & Carabaya, en apres cclles de la colline de Potofi, diftante environ
18.lieues de la Vtlle d'Agent, car c'eft ainfi qu'ils l'appellent en Efpagnol,
affavoir Villi de Pluta. Cefte ville n'eft pas des plus grandes. mais elle
a des fort fingulieres mines d'argent; en forte que un quintal y donne
huictante marques, ou 4o lb. d'argent purifie, ce qui n'advient pas autrepart.
Hh 3 Cd
25o .
Ce furent les Indiens qui trouverent ces mines par fortune, en paffant au
pres de la montagne : car ils yvcirent une piece de metail. Ce quc ayant co•
gnu les habitans de la ville incontinent s'adonnerent a y travailler,& ti- ,
rerent de ladite montagne tant d'argent, qu'il y en avoit affez pour toute .
l'Europe.,. . . , -
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, DEsCRIPTIoN -
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- e - Du Royaume de Chile.
Chile.

L*treRoyaume de Chile eft par de là le Tropique de Capricornus, gifant en.


les pays de Peru & des Patagons, au Nort des Patagons & au Sud de
- Peru ; ayant auffi la CMerdu Sud à l'Occident au longdefa cofte:& au Levant
le pays du Brfil. Or il tient ce nom de Chile a caufe de la grand froidure, fai
fant quelquesfois engeler & roidir en marbre le chavalier & fà jument
tout enfemble. Il eft fujet aux pluyes, tonneres, & efclairs, felon la diver
fité des faifons de l'annee à la façon d'Europe, excepté qu'ils y ont l' hyver
& l'efté au rebours de nous autres. Ils obfervent le Pole Antarctique parun
petit nuage pafle allant autour d'iceluy; lequel demonftre le Pole tout
droict au centre de fa circonference. Quant au natnrel de la region, elle eft
en partie maritime, & en partie montagniere. La partie qui approche a la
mer, eft plus chaude que l'autre, il y agrand'abondance de beftail, & d'Au
ftruches : lesfemailles d'Efpaigne y croiffent fort bien : Les fleuves s'enge
lent ordinairement de nuict par l'exces de la grand froidure : de jour ils fe
dgfgelent. Les habitans font grands & robuftes de corps, quarrés, grands
gnerriers, portans des arcs & flefches,& des peaux de beftes fauvages, & loups
de mer au lieu d'accouftremens. La ville Capitale de Chile eft appellec S.
Le Peyde Iaques laquelle a efté fondee par les Efpagnols de noftre temps. Le Pays
*** des Patagons s'eftend devers le Sud jufques au Deftroit de Magenlan. En la
chica. Region de Chica pres du cap de S. Iulien ont efté trouvés par Magcllan des
hommes de fort haute ftature, qui avoyent pour le moins dix pieds en
longueur: lefquels pour faire preuve de leur force fe mettoyent en la gorge
jufques au fond de l'eftomach des flcfches d'une coude & demie de longueur.
port de Fa- L'an 1588. l'Efpagnol fit baftir la ville de Philippe fur l'Eftroit de Magellan
* pourferrer le paffage: dont tons les habitans qui eftoyent environ 5oo.
moururent de famine. A raifon de quoy les Anglois ayant depuis trouvé a -

veuë d'œil ce qui en eftoit, l'appcllerent Port de Famine.

- du Brefil.
-
- -

- --

, - .- -- .» . - -

Le Brefil. r E Brfil eft affis en la partie Meridionale d'Amerique, entre le Maragnon


l& Rio de la Plata, depuis la hauteur du deuxicfme degré au Sud de l'Equi
noctial jufqucs au quarante cinquiefm e, gifant en forme d'un long trian
gle, dont la bafe refpond enfemble vers le Septentrion & Orienr a l'oppo
fite des Ethiopcs en Afique, prolongunt fa poine droict au Ponant dc
vers les pays de Peru; ou les montagnes, qui l'en feparent font fi hautcs,
s * quic
251
qhe les Oifeaux mefmes comme on dict, fe laffent a les paffer outreou n'y
a cependant finon tant feulement un petit paffage, & bien difficile. Tout
le pays eft fort plaifant, le ciel doux & amiable, fingulierement d'autant que
avcc l'aube du jour les petits vcns de la mer ordinairement enchaffent tou
tes mauvaifes vapeurs, cxhalations, & bruines: caufant par ainfi que le So
lcil y defploye avec fa face doree fon influence trefagreable , refiouiffant
monts & vallces; qui font verdoyants, remplies de forefts, fontaines, rivie
res dont la plus grande & principale eft celle qui fe nomme le Fleuve Argen
tin, affavoir Rio de la Plata, lequcl ayant la bouche large de 4o. ljeues, fe def
borde fi roidement cn la mer. Oceane, que les marinicrs en puifent leau
douce avant que de courrir le pays en la veue. Le terroir produit d'une De lafri
liberale main tout ce que la neceffité des hommes requiert: & fur tout le lié d** ll .
fuccre, lequely croift en des bauts rofeaux, defquels ils preffoirent le fuc
trefdoux: lequel eftant cuict en forme de pain, fe pcut neantnoins derechef
tourncr en fa premiere liqueur, cõme la cire poue l'accommoder en toutes
figures& façons, qu'on fçauroit imaginer.. En forte que les Portuguefes
y tiennent plufieurs boutiques de fuccre, qu'ils envoyent par toute l'Eu
rope au profit & ufage des humains. Il y a d'abondant une efpece de
plantes appellees Copaibas, dont l'efcorce eftant incifee en efté, vicnt de
couler une liqueur de baulfme donnant la plus delicate & foefve odeur du
Monde : lequel outre fes autres vertus, fpecialement eft recommande
pour guerir les playes & cicatrices du corps. Ie diray plus, que les beftes
brutes cftans bleffees des ferpens & autres animaux venimeux, par un in
ftinct de nature ont leur recours aux fufdites plantes, & s'y viennent frot
ter fi fouvent, qu'on les veoit en aucuns endroicts eftre quafi du tout u
fces. En oultre il y a des arbres de chaftaignes fort hautes & grandes ; &
des poiriers fauvages, dont les fruicts font pleins de fuc, & fort bonsien for
te qu'ils les mangent de bona ppetit, principalement en efté, veut qu'ils ne
fervent feulement de viande , mais auffi de breuvage pour foy rafrefchir.
Faut favoir cependant, qu'ils portent toufiours un petit bouton de lagrof
feur d'une febve, dont l'cfcorce eft trefamere, jaçoit que le dedans en foit
fort doux, quand il eft rofti. Ces poires font froides, mais les boutous chauds
de nature. Cependant par deffus tous les fruicts dudict pays font pri
fés, ceux quc le commun appelle Angazes, croiffants fur une petite plante,
qui porte un fruict mol & tendre, refemblant aux pom mes de Pin. Le
quel eftant meur, & coupé en pieces, ne refiouit pas moins le cerveau par la
plaifance de fon odeur, que le palais par fa faveur delicate; mefmes il fe gar
de & conferve pour un longtenps par le fuccrc, dont on le confit. Les
femailles d'Europe, les grenadiers, figues, vignes,pefchcs, & autres plantes
qu'on yatranfporté, y font du tout luxurieufes. En outre on y veoit tant
d'arbres de plufieurs fortes de pommes,tant de poiffons, tant de oifeaux de
belle couleur,tant d'animaux à quatrc pieds, la plus part fauvages & à nous De la natu
incognus, qu'il y a maticre affez dc rcconnoiftre icy comment le Seigneur rede quel
par fa providence a voulu departir à chafcun pays fa diete,& portion, fes pro ques beftes
prictés, & rarités I'cn toucheray quelques unes en paffant. ll ya des porcs qui fe trou
Vivans cn l'cau & fur la terrc, qui ont la chair autant bonne que falutaire. I. Brefil.
seux pour autant qu'ils ont les picds de dcvantfort courts, & ceux de derrie
rc longs font tardifs à courir: parquoy eftants pourchaffés par les veneurs, ils
fe ruent incontinent cn l'eau. .. Les Antes font des bcfles quafi comme dcs
mulets, moindres toutesfois, ayant la lcvrc infericure du mufeau longue,
commc unc trompctte, les aureilles rondes, la queue courte,la couleur cen .
Hh 4 drewe
i52 D ES C R I P T I O N D *V
reufcs: de iour ils fe cachent dans les tanieres fortant feulcment de nuict
à prendre leur refection. La chair de ces beftes ne differe en rien quant
au gouft de la chair des Veaux ll ya auffi un animal nommé par eux Cotia
de pareille grandeur, forme, & faveur que les lievres, roux de couleur,
avec de petites aureilles, & quafi point de queue. Los Paca font un peu
plus grands, & ont la tefte, & le mufeau femblable aux chats, la peau
rife dc couleur fombre, tachetéc de blanc, la chair extremcment bon
ne & douce, fi qu'on en tient fort beaucoup. ll ya d'avantage un animal
fort eftrange environ de la grandeur d'un cochon, armé de efcailles, qui
luy couvrent tout le corps,horfmis la tefte à la façon des tortues. Il eft
peureux comme les connils,& fe tient dans les tanieres, la chair en eft fort
delicate. En oultre y a force Tigres, lefquels eftanr agités par la rage de
famine font courageux, puiffans , horribles, & viftes à merveille : mais
eftans repeus devienent fi coquinement lafches, que ils s'adonnent in
continent à fuir de peur des chiens. voila en fomme comment l'abon
dance de viande & breuvage affoiblit les hommes & beftes touts cnfm
ble. Sur tout c'eft une chofe admirable des Cerigons (qui font egaux en
grandeur aux renards) que la Nature leur a donné deux befaces, efquelles
ils portent continuellement leurs petits pendants aux manmellcs, fansia
mais en bouger iufques à ce qu'ils foyent capables d'aller cercher eux
mefines leur pafturage. Plus encor eftrange eft la nature & forme de
ceft animal, que les Portuguefes ont faict appeller Pareffe, afin qu'il porte
le nom, que fa tardivetémerite.Il eft fort femblable aux Cerigons en gran
deur de corps , fort hideux àveoir, avec des ongles longs comme un
doigt, & des longs poils qui depuis la tefte luy couvrent tout le col : il
fe traine par terre avec fon gros ventre fans jamais fe lever debout, &
eft fi tardif qu'il n'advance en deux fcpmaines pas un ict de pierre il s'en
tretient de fueillcs d'arbres, employant pour y monter deux jours pour
le moins, & deux autres pour defcendre; fans iamais fe hafter d'un feul pas
pour tous les baftons du Monde.Adiouftons a ceux cy les Tamendoas, qui
refemblent aucunement aux moutons. Iceux fe nourriffcnt de fourmis &
fe couvrent tout le corps entier avec la qucue, comme les Efcuricux.
Finalement il ne s'y trouve pas feulcment ceux que ie vien de dire, &
Des couftu autres beftes fauvages, mais aûffi plueurs beftes familieres y fleuriffent,
mes de ccux afçavoir, jumens, & autres que les Portuguefes y ont tranfporté. Par
du Brefil quoy lon fe doibt tant plus eftonner, de ce que les courages des gens, qui
ont la terre & le ciel tant favorablcs , foycnt fi cruels, fauvages, & bar
bares. lls n'ont point de Rcligion, iaçoit qu'ils fe laiffent comme cn
forceler par les divins , & autres trompeurs fe vantans de fçavoir les cho
fes futures. Ils vont tous nuds, hommcs & fcmmcs, robuftes , camus dc
ncs , fans endurer aucun poil fur le corps, excepté la tefte , fe brouil
lans toutc la peau du fuc de certaines pommes, appellees Genipapi. Da
vantagc y en a pluficurs qui ont les levres inferieures & aucuns toute la
face femee de quelques picrres longucs de petit pris : ce qui cft bicn laid
à veoir. lls fe tiennent toufionrs en compagnie. Quind il vient vers
cux quclque amis d'unc autre ccntrec, ils lc faluent avec mille foufpirs &
larmes à crcdit pour fa bicnvenue. Lcs femmes s'accouchent legeremens
comme à la bafte, fe lcvant incontinent de la gcfine , pour mettre la main
à l'ouvrage : les maris cepcndant (cc qui femble cftrc contre nature) vont
coucher au lict comme malades au lieu dcs femmes , & font vifiés par
les amis, qui leur viennent faire des Chaudeaux, des confections, & des
pctuts
N O V V EA V M O N D E. 253
petits banquets pour recouvrer leurs forces fuyvant la couftume du pays.
Ils n'ont point pour tout de connoiffance de comter, ny de lire : femble
toutesfois qu'ils ayent encor les reliques d'une ancienne tradition de
Noë, & du deluge. Il n'y fouloit avoir point de vin,ne du bled, man
geans au lieu de pain la farine d'une racine appellée CMandioca. Il de
meure en chafcune maifon plufieurs familles, dont les toicts de ces mai
font longues quafi en forme de la quille d'un Vaiffeau : ils fe couchent de
nuict en des rets pendants pour les beftes venimeufes, & vivent du tout
fans foucy du lendemain. Touchant l'art de nager, ils en font fi grands
maiftres, que par foisfe tiennent des heures entieres deffoubs l'eau fur le
fond avec les yeux ouverts pour cercher quelque chofe.Ils endurent auffi
les travaux,& la famine à merveilles,paffant telle fois deux ou trois jours
fans manger ; comme ils demeurent auffi, quand ils ont dequoy, des
nuicts entieres à table fans bouger. lls n'attendent point de recompenfa
apres cefte vie : combien qu'ils fe font à croire que tous les morts s'en
vont en un lieu commun : parquoy ils les enfeveliffent mettant aupres du
fepulchre une rets & de la viande pour quelques journees.car ils tiennent
que les morts ont auffi befoing de fe repaiftre, & repofer ou dormir aucu
nefois en chemin. Ceux quils ont prins en la guerre (ce qui a dvient
fouvent) ils les engraiffent premierement par l'efpace d'aucuns jours
puis les tuent avec dances & feftes foleanelles. Ceux à qui il touche
de mourir en cefte façon, ne fe reputent pas malheureux à caufe d'un
tel mefchef mais vont à là mort d'un franc cœur, fe vengeans tant qu'ils
euvent courageufement fur les ennemis jufques au dernier article de la
vie. Il femble que plufieurs ayent un mefme langage, lequel eft fort diffi
cile à apprendre . Iamais il n'ufent en parlant de ces trois lettres
- F, L. R. comme eftans du tout fans Foy, fans Loy, fans Roy. Au re
fte ils font ingrats outre mefure, hardis & temeraires, libidineux,vindica
tifs, fanguinaires,& pour abbreger plus aux beftes brutes, qu'aux hom
mes femblables ; finon ceux qui demeurent aupres de la marine lef
quels ont prins aucune bonnc inftruction des Portuguefes, depuis que la
Religion & les Efcoles y furent fondees. Voila en fomme ce qu'en efcrit
«7Aaffeius.
C5n en tire auffi grand quantité de bois de Brefil de la
*:
tain&ure, item du cotton, & du fuccre en abondance. Au refte il y a
plufieurs colonies de Portuguefes en iceluy Brefils dont les principales
font Pernambuco, le Cap de S.Auguftin,& le Port de Tousfincts, ou l'Evef
quc faict fa refidence avec le Gouverneur de la Province.
--

Briefve Defcription
IDu reste des Provinces Meridionales

D A M E R I Q V E.

- Efte partie Meridionale d'Amerique contient encorbeaucoup d'au


C* provinces,la plufpart à nous incognues, defquelles je ne dirayau
tre chofe pour le prefent renvoyant le Lecteur à ceux quien ont efcrit plus
aUl
254 DES C R. DV NOVVEAV MONDE.
au net, & particulierement. le diray feulement un mot de cclles que
nous connoiffons, affavoir Popayan , contenant la ville Capitale de Po
Granade. payan, Paftoco, Cali, Cartago, Antioche,&c. Le Royaume de la Nouvelle
Tunia. Granade comprenant Tunja, qui eft la Province des Efmeraudes,& Saintie
Caribana.
Foy, refidence de l'Archevefque & du Prefident de Granade. En apres le
Paria.
pays de Caribana, contenant les villes de Darien, Vrabà, Zenu,Caribane, Car
Camella. tagene,Venezeule, 71arcapane», Cumane». Puis aufli le pays de Paria, qui
Turcumsan.
fut defcouvert par lc premier Admiral Chriftofle. Le Pays de la Camelle,
qui eft au Levant de Peru. La province de Turcoman, ou font les colonies
Les Pata Talauera, S. c7ttchel, Corduba, Santiago. La region desgeans ou Patagons,
gon . & quelques autres; dont les unes font pauvres, fteriles, maigres ; les au
tres belles,& fecondes: les habitans pour la plus part cruels, barbares, fa-..
rouches, & mangeurs d'hommes.

Fin de la Defcription du
Nouveau Monde.

-- , - - . ' - -- * - - -- -- .
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Mûnchen

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