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SRUVACE GRAND ENTRETIEN Aldo Leopold appelait a réévaluer « ce qui est artificiel, domestique et confiné a l’aune de ce qui est naturel, sauvage et libre ». Enquéte, a sa suite, sur une certaine conception de la nature apparue en Occident. ENTRETIEN AVEC CATHERINE ET RAPHAEL LARRERE PROPOS RECUEILLIS PAR MAXENCE COLLIN La nature sauvage nous semble belle etauthentique, tandis que homme sauvage nous paralt barbare et inquiétant. Comment oxpliquer cette apparente ambivalence ? GL. On oppose communement le «sauvage» et le de Spencer) que chez Schopenhauer eh Asasuite, Freud A bien des égards elle est encore sousjacente & la mentalité de la plupart de nos contemporain: : la médecine les soulage des mala- dies, agriculture intensive dela dsete, etc. Bre, la societg la science et la technique rous délvrent dela dépendancea ure naturerude et violente Etpourtant, Thoreau écrit dans Dela marche (1862): « Toutes les bonnes choses sont Sauvages et libres. » Comment expliquer ce discours dissonant ? .L. Cest assez simple, Dans un premier temps, la adécouverte > dela nature, c'est simplereat a version des valeurs au sein de la méme opposition etre nature et culture : la civilisation ne seraitele pas plutdt, au fond, celle qui corrompt la benté et la spontaneite de homme? Cette vision du «bon sauvage » est présente, dars la réflexion moderne, cde Montaigne & Diderot, notamment, Rousseau en a été fait lereprésentant. Le sauvage évoque alors la liberié et Fauthereicité, la civlsation Vhypocrise etla domination, Ce renverserrent est particul@étement flagrant aux debuts de Ihistoire des Etats-Unis. I fopére ausein dune méme vision religieuse chrétienne. Le terme idernesssestiemposé en anglais, depuisla traduction dela Bibled ol James (1610, pour désigner les teres «esauvages., Four es colons anglais, grands lecteurs de la Bible, a widleness symbolisée parle désert est lelieudesesprits mauveisetde la tentation du Christ Les grands espaces amérieairs sont done pergus & Vorigine comme des teux ce dereicion, ot /nomme est abandonné de Deu. Mais dans la tradition dy erne, tépreuve dudésert permet ausilaréderption; lest au désert que Vermite rencontre Dieu. Pew a peu s'opire le retournement : la wilderness c@lébrée par Thoreau at Emerson devient Foceasion dune experience sprituele de ibération. Cest cette idée {qui va présider& la premitre initiative de protection dela nature: la eréation des grands parcs nationaux américains vides d habitants humains, avec Yosemite (1864) puis Yellowstone (1872) et Séquoia (1890), Etce modéle, dvesement adapté va étre dominant ~ auroins jasque dans les années 1980. Aussi bénéfiques soient-elles, ces initiatives ne cachent elles pas ure vision un pou réductrice de la nature ? EL. Bien sic Voyer le fm de Sean Penn, ito the Wid (2007) on part avec Fidée de retrouver authenticté et Vharmorve, rai en réalisé cela ve passe tres mal Derridre le fantasme, on retrouve toute a violence de cette nature. En réalité les écolopstes inspires par la wilderness partagent avec ceux quis dénoncent la méme structure dualste: Fhomme est extérieur a la nature, il Fartficiase. Les uns s'en réjoussent, les autres le déplorent, meis tous firaler des Medernes. I faut donc rester critique a égard de cette preridre écologie. Crest ce quia fait Willam Cronon, dans un artide inttulé «The wouble with widerness or Getting back tothe wrong rature »(1996) I recornait tout deméme 4 quel point elle peut étve opérante ~ cui pourrait regretter le reseau des magnifiques pares nature's américains? Mais # estime que la wil pluslongsur la mentalté amérieaive que surlaréalté delanature Dune part ele trahit un certain éitisme cestlad) mess en dit sion romantique du sublime qui touche principalement les élites urbaines occidentales et ne concere que des paysages exceptionnels et des especes ares, D'aute part, elle masque une attitude coloniale = pour créer ces espacesimmensesetsau- CLaient le vages destings au fois fy maine an des promencurs, a fal chasser les popuktions encore lam indiennes locales, ou bien les transformer en personnel de ces pares ce qui revenait a détruire leur culture: Voila pourquoi ce modéle de protection de la nature, une fois expert sur la planéte, a essuyé la critique des pays duSud lest porteur dune certaineidée de la nature qui nest pas clle des populations locales, et qui masque la transformation de ces espaces en pares de lois pour riches occidentau AL, Lawildernss, est aussi Tidée quieiste une nature permanente etstabe, quires pas affectée par Yhomme. Or le développement de ‘histoire écologique a révélé que les paysages prétendu- ment sauvages que les pionniers américains ant dlécouverts re Metzen pas vraiment. Quand les colons ont commencé & sinstaller en Amérique réesultat d’une hist rque

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