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nPOURQllOI
O N iA IIIE
a crépite de partout ! On est en train de € ^ e quelque
^chose contre Sankara !» Et la communication a été in
terrompue. Une amie a à peine eu le temps de nous aler-
■ter depuis Ouagadougou. C était le jeudi 15 octobre
|l987, en fin d’après-midi. Dans la ^irée, ayant eu
'confîmation par des amis béninois, maliens et burkinabé
_ du coup d’Etat contre Thomas Sankara, nous avons tenté
de joindre le Burkina par téléphone, par télex. En vain. Certains
d’entre nous ont alors envahi la résidence de l’am ba^deur bur
kinabé à Paris. Lequel n’avait pas —du moins à ses dires —plus .-i
d’informations que nous.
Comment et pourquoi Sankara et Compaoré, ces deux « plus-
que-firères » ont-ils pu s’aimer ju ^ u ’à la trahison ? Qui a trahi
qui ? Nous avons cherché à savoir, à comprendre, à travers la
personpttlité des différents protagonistes.
Dam les pages qui suivent, nous livrons les premiers résultats
de nos enquêtes. Premiers résultats en effet, puisque nous ne
nous arrêterons pas à ce seul numéro. H nous feudra rechercher
et trouver les raisons réelles de cette tragédie. Nous avons com
pris le pourquoi. Mais les versions officielles que nous cuadllent
les nouveaux dirigeants de Ouagadougou ne nous eiq>liquent pas
encore le comment. Seule certitude : Sankara avait su faire ger
mer l’espoir. Ses tombeurs sauront-ils l’entretenir ? SV :-
epuis plusieurs mois. Biaise Com* dont raffolent les militaires burkinabé).
D paoré numéro deux du Budcina,
ne logeait plus chez lui. Quand son
Tous les lundis et les jeudis à 17 h, les
Burkinabé pratiquent en effet, le
épouse ivoirienne Chantai n’est pas à «sport de masses» et le président
Ouagadougou, il se réfugie au « Pavil donne lui-même l’exemple. Mais ce
lon de la Côte d’ivoire », une des villas jour-là, tout va basculer en une demi-
du « Cbnseil de l’Entente » qui jouxte heure. Des hommes armés, n’apparte
le Palais d’Etat, siège de la présidence nant pas à la garde présidentielle, ont
du Faso. investi le Conseil de l’Entente. Un offi
Depuis quelques jours, le président cier — lequel? - les dirige qui
Thomas Sankara ne travaillait plus au s’adresse à Thomas Sankara : « P la
Palais d’Etat. n s’était isolé, pour être que tu veux nous faire exécuter, nous
tranquille, dans une autre villa du venons te destituer et t’arrêter. »
« Conseil de l’Entente ». La veille et le Selon certaines sources, Sankara au
miitiii de ce jeudi 15 octobre 1987, il a rait été abattu à bout portant dans le Saye Zerbo. le premier à avoir pris
téléphoné à des amis à l’étranger, pour bureau où il travaillait et les combats le pouvoir à la suite d'un vrai coup d'Etat.
s’offiisquer d’un article sur le Burkina ne se seraient déroulés qu’après son
paru dans un journal ( ? ) publié à Da meurtre. Selon d’autres témoignages,
kar. « On m’y traite de despote leur le président se serait immédiatement
dit-il. On me co m p te à Sékou Touré. esquivé, suivi et protégé par ses gardes
On m’accuse d’avoir assas^ é des co du corps. E t il aurait explosé sous l’ef
lonels qui n’ont jamais existé. Com fet d’une grenade à fra^ en tatio n que
ment faire pour répondre ? » Ses amis l’un des assaillants lui a lancée.
lui conseillent de ne surtout pas répon Une seule certitude : c’est le car
dre aux imbéciles et de s’occuper de nage. Une centaine de morts selon des
dioses plus sérieuses. En tout cas, il ne diplomates français dont l’ambassade
drame pas du tout l’impression de pré est située près de la présidence et du
parer ou d’attendre un coup d’Etat. Ce « Conseil de l’Entente ». Le chiffi-e est
jour-là, le PF (président du Faso) tra sans doute exagéré. Bien qu’un diplo
vaille en effet s ^ un code de conduite mate burkinabé nous ait affirmé : « Si
révolutionnaire qu’il veut propOKr aux dix gardes du corps de Sankara sont
organisations qui font partie du morts, ils ont dû, auparavant, en tuer
C(Miseil national de la révolution diacun cinq ou huit dans les rangs ad
(CNR) qu’ü préside : l’ULC-R (Union verses. » Les morts —treize officielle
des luttes communistes-restructurée), ment dont le président —sont enterrés
l’UCB (Union communiste burkina dans la nuit au cimetière de Dagnoen,
bé), l’UGC (Union des groupes com à l’est de Ouagadougou.
munistes) et l’OMR (Organisation des
militaires révolutionnaires). Justement, ntre-temps, la radio burkinabé a
ce s(nr à 20 heures une réunion du
CNR, restreinte aux seuls militures,
E commencé à diffuser des commu
niqués émanant d’un « Front popu
doit se tenir pour discuter du projet. laire » qui a pris le pouvoir après le
Un peu après 16 h, le p ru d e n t se renversement et la mort de Thomas
prépare pour son match de « ballon Sankara. Président du Front et nou
militaire » (un sport très brutal, à mi- veau chef de l’Etat : le capitaine Biaise
chemin entre le rugby et le football, Compaoré, jusqu’alors numéro deux
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s ix p ié M m m H t
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Sur cette photo ne manque Oe gauche à droite : le Comités de défense commandant Abdoul Salam
que le capitaine Henri commandant Jean-Baptiste de la Révolution, le Kaboré (avec la kalachnikov).
Zongo parmi les hommes Boukary Lingani, capitaine Biaise Compaoré, Parmi eux certains se sont
forts de Ouagadougou, le capiuine Pierre le président Thomas inquiétés d'étre un jour
au lendemain du 4 aoOt 1983. Ouedraogo, patron des Sankara et le pharmacien- marginalisés. Thomas
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JEUNE AFRIQUE N» 1399 - 28 OCTOBRE 1987
porte quel prix, la liberté et la dignité
qu’on lui avait volées. Dans sa bouche,
au-delà de simples dogans, cela avait
plus de sens que de valeur. Il en était si 1H 0M A S S A M K M *
profondément convaincu qu’il pouvait
passer des heures à tenter d’en
convaincre ses interlocuteurs. Et
■N TM
l’h(Hnme qui, en 1984, allait débaptiser
la Haute-Volta pour l’appeler Burkina
Faso, la « patrie des hommes intè
US u e m s
gres », avait aussi cherché à « convain- Uanalyse graphologique
are le peuple au lieu dé le vaincre ».
Les Burkinabé ont certes mis quel du défunt président
ques mois à s’adapter au langage et au révèle un être d’une haute
style du capitaine. Sans doute à cause
des oripeaux qui accômpagnent toute élégance morale.
jeune révolution et dont certains, à
Ouagadougou même, se gaussaient
d’un air entendu. Mais il leur a bien
fidlu s’y plier car, révolution ou pas, I criture d’un homme à l’esprit vif, cimeux, souple, indépen-
I pragmatique, intuitif, qui avait de l’élégance morale,
Sankara a toujours surpris.
Au Centre national d’entraînement
E de l’idéal, de l’ambition, l^ u c o u p de mobilité, qui savait
souvent faire preuve d’h a ^ é té dans l’exerdce du pouvrar, de gé*
des commandos de Pô où, au milieu de nérosité Hans ses rapports humains et socMux, qui était capable de
ses hommes, il n’h ^ ta it pas à gratter séduire et de con vam ^ de nombreux mtériocuteurs e t qui né
sa guitare. manquait pas de seiiobilité ; mais qui dev;ût avoir des change
En avril 1982, quand il avait démis ments d’humeur, d’idées>.et de comportement très déroutants pour
sionné de son poste de secrétaire son entourage. ..
d’Etat à l’Information, s’exdamant Le scripteur avait Une nature hardie, aventureusie et assez ambi*
« MaUieur à ceux qui bâillonnent le ---------------------- -^--------------------------- Ivalente. A la fcâs ex
peuple. » pansif et distant, ma
gnanime ^ révolté il
En octobre 1984, à New York, ne trouvait tou
quand il a parié, à l’Assemblée géné jours la v<ne juste au
rale des Nations imies, « au nom des mSieu de ses am tra-
femmes; de nos pays démunis qui dictions.
vdent leur enfant mourir de paludisme n donnait proba-
et de diarriiée... au nom des malades t i ^ ^ t parfois l’im-
qui scrutait avec anxiété les horiràns presâion de s’évader,
d’une m ence acaq[>arée par les mar- d’être indifférent à ce
diands de canons ». . ■- .__________ _^qui ‘ Fentourait.^ Et
En 1984, quand il a lancé la bataille puis, Imisquemoit, il se révdllait et fl s u r p r ^ it par la q u ^ té de
du rail par. laquelle il invitait les Burki- ses propos et par sa façmi intelligente de poserltes problèmes. ^^
nabè à construire les 300 kilomètres de n avait de nombreuses i i ^ ^ d é s ; mats il é tu t trop fcmcière-
rhgmin de fer entre Oua^ulougou et ment optimiste p(Hu: en to iir compte longtemps.
Dori et, deux ans plus tard, quand il les Ses jugements pouvaient être o]qecti6 et fiii^*'mais ses critiques
a indtfe à boycotter le textile importé souvent ironiques et caustiques, m ^ é s’il ne voulait pas
pour ne s’h a ^ e r que burkinabé. êtrem édiant.
O éüât un homme honnête et loyal qui détestait le médibcntét^;
mnig il pouvait se tromper dans ses duMX et accordec sa confimce
avec une sorte de naïveté, malgré sa ruse apparente.
e capitainepeu acadânique deve
C nu d iéf d’^ t austère et p ^ du
tout protocdaire, ils avaient mû par
C<mdusion:
Le scripteur était un h(Hnme habile, ambitieux, orguaHoix sans
vanité et il vivait au jour le jour dans une in q u i^ d e |dus ou iiuwis
l’a< k0er pour avoir su qu’il n’était pas qu’il refiisait la plupart du temps, mai^ qui â a it g é n i
un ilmminé. La lecture de Marx, Lé trice de troubles et de omtramcticMi dans son comportement îv
nine, Mao ou celle de la BiUe et du n se voulait ccmstnictif ; cependant, il était surtout babité par.
CbnÀ n’r a avait pas fait un doctrinaire des idées et un idéal qu^il ncl parvenait pas à réaliser malgré seS
borné. Tout a u ^ u s qudqu’un qui a su dfMS, s(m influoice et sa v<donté de b risn les obstades.
gfoder, malgré les tentatkHis du pou Généreux, fragile et violent, fl faisait partie des êtres de qualité
voir, im peu de la tradresse dé ren qui savent mal se défendre parce qu’ils nient s<Nivatt l’évidence.^
once. C dle-là même qui le faisait sor
tir de son palais ptésidentid pour diri- • ^ ■ ■
■
go- une dKMrale d’enfants. H is tc ^ de
Iai«ae«»r ce molide qudques ondes,
q u i^ u es harmiuiies de plus. •
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JEUNE AFRIQUE N» 1399 - 28 OCTOBRE 1987
SANKARA
militaires, il les donnait d’une voix
cahne. Le commandant vivait comme
BUUSE COMPAORÉ ses hommes. Le menu type d’une jour
née : briefing tôt le matin, sports et
entrdnem ent. Repas pris en commun.
O U l'^ IG M E R ^ tititm avec l’orchestre du camp, le
M i^ e International Band, dont fit
autrefois le guitariste Thomas
KRINIANIIIIf C est avec ces hommes, l’élite de
l’armée burkinabé, qui lui vouent un
Là discrétion et le silence culte sans bornes, que ce M osâ de
lui ont toujours servi d’arme 36 ans (né à Ouagadougou le 3 février
autant que d’armure. 1951), marié à u rc Ivoirienne de 33
ans et père d’un jeune garçon, avait of
fert le pouvoir, en août 1983, à Sanka
PAR E umane F all ra, son ancien c o m p ^ o n d’armes, n
l’avait connu en 1978, lors d’un stage
de près de six m ds au centre des p |^ -
Jean-Baptiste diutistes de Rabat. « De là, a ^ liq u é
L esments événe
qtti, le
15 octobre,
B o u k ^ Lingani,
Henri Zongo et
un jour Biaise, date notre amitié. On
ne se quittait plus. Nous avons m to e
ont secoué le Bur lui-m&ne), il est, si pris l’halntude de manger tous les jours
kina et au cours l’on peut dire, ce ensemble.» Sankara avait ci^nfirmé à
d esq u d sled iefd e lui qui fait le moins Jem eA ù iq u e : « Ce que je sais. Biaise
l*Etat, nioinas homme puU ia le sait ; et ce qu’il sait, je le sais.» Il de
Sankara, à été Pendant que ses vait aussi confier à un joiiriudiste de la
tué, n’ont trcm compagnons Tâévision suisse tcMnande : « Le jour
lenunent menaient cam oîk vous iq>prendrez que Biaise p r é p ^
gé au peu de pagne pour un coup d’Etat om tre mm, ce ne sn a
condamner, à des pas la peine de dberdier à vous y op
C onçaoté pour les d ^ ré s divas, l’im- poser ou même de me prévenir. Cela
feux de la rampe. périadisme, gl(Mri- voudra dire qu’il est tr<^ tard et que ce
Le nouvd honune fier« les masses la sera imparaUe. n connaît tant de
fnrt du pays a, en borieuses » et stig dioses sur moi que perscmne ne pour
effet, attendu plus matiser les féo rait me protéger çcmtre lui, s’il voulait
de trois jours avant daux, lui, numéro m’iBttaquer. D a om tre moi des armes
de imcrffier à la li- deux du régime, que vous ignorez...»
des coups bien que convain
cu par cette dé- es parents de l’a n d e n d i^ de l’Etirt
en Afrique
ou aOleuts: une
i^yparition
m ardie, se tenait
en retrait. Non par
L burkinabé ne voulaient peut-être
pas dire autre diosè quoQd.üs affit^
que pour une igntMrance des maient que « Biaise est le p ^ t et
fession de foi à la rouages du pou- le protecteur fidèle du président».
tà d io e tà la tâ é v i- v d r et des néoes»- N’avait-il pas, en mai 1982, démisision*
sion.A petneavait- B M m I« sphinx était l« pMit frère
tés qu’il com né du Cbnseil nati(mal des fMoés ar
oo entendu avant • tlé p r mande, mais plutôt mées quand Sankara, alcMs secrétaire
le 16 octobre; ses par tempârainent. d’Etat diargé de l’InforniÉtion, avait
i du Fnm t pqinilaire qui a pris La disoétifHi et le âlenoe lui (Mit ser quitté le gouvernement Saye Z o b o ?
.pouvoir à Ouagadougon pour m ^- vi jusqu’ici d’arme autant que d’ar Ne s’était-il pas offiddlem ent rd )d lé
tre un terme au processus « d’écnnile- mure. « Parler lui est presque pém- contre le pouvoir coitral de ^Ijean-Bi^
ment continu du système productif et à ble», confie l’une de ses ciMnais- tiste Ouedraogo, quaind cd in -d o i m|d
la décadence sodide, qui menait inexo- sances, qui sÿoute : « Quand <m sort de 1983, avait destitué fait-arrêter le
raUement au diaos », signor de son chez lui, on se donande toujours si on premier ministre Sankara et le secré
nom les ccHnmuniqués lus à la radio. a appris qudque chose.» taire porm ànoit du O m si^ de sahit (to
C est que le a^itain e Biaise ücmi- (CSP), le «Mnmandimt Jean-
paoré, le beau Biaise ccHume disait les u CM tre national d’e n tn ^ o n e n t B o u i^ LingEmi ? N’nvait-il
Ouagalaises,passe, sinon pour un m o A des commandos de Pô (CNEC), à
déré, du moins pour un modeste, presr 147 km au sud de Ouagadougou, qu’il
pa^ par la suite, n a t] ^ les jno nb ies
du CSP et o rg an i^ dqpuis Pôÿ la résis
que timide qui, l’omlne, freinait p r é f i^ t à sa résidence de la capitale tance et le coup d’Etat d’août 1983 qui
les ardeurs réwdution- buridnabë où vivaient ses trd s sœurs, et devait r e m e ^ Sankara en sdle ?
inaires de son ami Saidrata. d (» t fl était conmiandant dq;>uis n n’en fallait pas plus pour^que ce
Des quatre hommes fnrts du Cmiseil vrier 1981 a p è s y avoir été l’a^<Mnt de bachdior f<»mé au mc^er dr*: armes à
natiofuu de la ^ d u tic m dissous le jour Sankara trois ans durant, il ne huriait l’Frole des ofBders de Yaoundé, au
même du putsdi (Thomas Sankara, pas ses ordres comme la plupart des Maroc et en France —il a suivi dans
JEUNE AFRIQUE N» 1399 - 28 OCTO BRE 1967
ces deux derniers pays des stages d’ins
tructeur parachutiste - assoie sa répu
tation de « pur et dur », au nationa
lisme sans foiUe. C est lui qui a notam « IL » EST EliTRt
ment dirigé les opérations sur le front
occidental et arrêté la progression des
blindés maliens. Pour cela, pour d’au
DANS LA lÉGENDE
tres choses,il avait l’oreille de Sankara
et de la hiérarchie militaire. DU CO N im EN r
Que ce soit à £>édougou, au nord-
ouest du pays, où, de 1967 à 1981, il La mort de Sankara a bouleversé
fiit chef de section puis commandant
de compagnie au régiment des para- le petit peuple en Afrique de l’Ouest.
commandos (RFC), à Pô ou encore au Les dirigeants, eux, respirent.
troisième régiment d’infenterie com
mando (RIC) de Bobo-Dioulasso, au
sud-est du Burkina, il est resté un fer DENOTREENVOYÉSPÉCIALAABIDJAN SiRADIOU DiALLO
vent défenseur de la révolution. Il le
restera, alors que, devenu ministre dé
légué à la Présidence dès août 1983,
un poste de confiance qu’il cumulait
avec le portefeuille de la Justice, on
pouvait penser qu’il mettrait cela en
veUleuse pour atténuer la méfiance des
pays voisms comme la Côte d’ivoire, le
Mali ou le Togo, n n’en fut rien.
l ne pouvait souffrir aucune atteinte
Il’exécution
à la révolution. En juin 1984, après
de sept civils et militaires
arrêtés le 27 mai pour tentative de
coup d’Etat, il avait, dans Jeune A M -
qm (voir J.A. n" 1225), justifié la sévé
rité des condamnations en afiGrmant :
« Dès lors qu’il s’agit d’une atteinte à
la réviriution, nous ne faisons pas de
différences entre civils et militaires. »
Un an plus tôt, en août 1983, par in
transigeance et obsession de la justice
sociale, il avait prodamé la « Républi
que de Pô », au grand dam du pouvoir
central de O uf^dougou.
La m ône obsession et la même in
transigeance prévaudront-elles dans
les jours et les mois qui viennent ? Il
&udra pour répondre à cette interro- Jerry Rawlings est lesM il ch«f «TEtat africain
gaticMi pouvoir ju g ^ des orientations à avoir d4cr*t* un deuil national.
du nouveau régime, de son impact sur
la p<^ulation, de la place qui y sera ré
servée à Lingani, Zongo et même lors que le règne de Thomas qu’ils ont appris la mort de Sankara.
Pierre Ouedraogo, l’anden patron des
Granités de défense de la révolution
A Sankara vient de s’adiever
dans un véritable bain de sang,
Le fait est qu’après seulement q u i ^
ans d’exerdce du pouvoir s u p r^ e , ce
(CDR), qui furent les prindpaux colla- sa légende, elle, commence par des jeune capitaine inspiré, toujours ausa
borateurs de Thomas Sankara. torrents de larmes. Partout sur le conti frâ e dans son treillis vert-olive ou léo
Pour l’instant, hormis le credo selon nent, et plus particulièrement en Afri pard, flanqué de deux pistolets sur les
lequel « le processus révolutionnaire » que de l’Ouest, la tragique disparition côtés, était devenu, plus qu’un justi-
amorcé en 1983 n’était pas « remis en du jeune leader révolutionnaire a sus d er, le symbole vivant du héros. O r les
cause », on ignore tout ou presque des cité une très vive émotion dans l’opi héros, du moins dans l’imaginaire po
nion. pulaire, ne meurent jamais...
Volution burkinabé, dont on dit qu’elle Ce sentiment se manifeste d’abord C’est pourquoi dans les villes
sera désormais revue et corrigée par un et avant tout parmi les jeunes, les étu comme dans les cam pa^es d’Afrique,
homme tantôt dépeint comme un pon diants et les gens de condition mo nombre de gens accueillirent d’abOTd
déré réaliste, tantôt comme un doctri deste. Que ce soit à Dakar, Bamako, la nouvdie de l’assassinat du jeune
naire pur et dur. Si ce n’est comme un Niamey, Lomé ou Cotonou, les chef de l’E tat burkinabé comme une
baroudeur froid et calculateur. • n’en croyaient pas leurs oreilles farce, sinon une grossière m;inceuvre
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JEUNE AFRIQUE N“ 1399 - 28 OCTOBRE 1987
SANKARA
montée par ses ennemis, qui ne peu son peuple », « H aidait les vieux », « cerveaux » du complot. Le chef de
vent être que les ennemis du peuple. « il secourait les paysans », « Il l’Etat burkinabé avait juré ses grands
construisait », « il a rendu leur dignité dieux qu’il ignorait tout du passage des
A Abidjan, capitale d’un pays qui putschistes. Sans en être convaincu,
ac<^ie-i>le quelque deux miluons de aux Burkinabé »...
Ce qui est sûr, c’est qu’en raison des son homologue nigérien avait passé
Burkinabé, l’événement prit une tour
nure partiôilière. Pans la nuit du 15 au tragiques circonstances de sa dispari l’éponge. Depuis, les deux hom m ^ en
16 octobre, nombre de compatriotes tion comme des mythes qui entou tretenaient des relations de ^ n voisi
de Sankara avalèrent ^ é sur café, tout raient sa personne, Sankara rejoint dé nage, empreintes de cordialité. Ils se
en croquant des noix de cola pour res jà au i^anthéon où les héros africains téléphonaient fréquemment quand ils
ter éveillés. Les médias ivoiriens ayant dorment de leur dernier sommeil, les ne s’envoyaient pas des messages. Ce
ànnoncé à 20 heures la nouvelle du Patrice Lumumba, Kwame Nkru- qui n’empêchàit pas Seyni Kountiché,
coup d’Etat et l’arrestation du chef de mah ou Amilcar Cabrai. Qu’on l’aime en bon officier d’etat-major, de de
la révolution burkinabé, les veilleurs ou qu’on le déteste, le cinquième chef meurer plus que jamais vigilant à
s’attendaient, comme en août 1983, à d’Etat burkinabé aura, plus que ^ l’égard de son remuant cadet dont il
un contre-coup d’Etat destiné à libérer prédécesseurs au pouvoir depuis l’in connaissait les liens avec Kaddafi, sa
l’illustre prisonnier. Ce fol espoir était dépendance, marqué les mentalités de bête n(»«. Etant pris en tenaiUes entre
si grand dans les ésprits que, dans la son peuple. Kaddafi et Sankara, nous a-t-il confié
matinée du 16, une rumeur aUant dans un jour, « vous comprendrez que je
ce sens se propagea au marché du Pla sois sur mes gardes. »
teau. Ainsi, on affirma que Sankara
avait repris le pouvoir. C’est alors fvuesout cela, ce sont évidemment les
réactions côté jardin, c’est-à-dire
du côté des gens simples. Côté
Avec la Côte d’Ivdre, les relations
devaient se tendre dés le départ. L’ar
restation de Sankarà, en jimlet 1983,
qu’une immense clameur s’éleva de la cour, autrement dit, en ce qui concerne
foule. On applaudit à tout rompre. On par le c6mmandant Jeaüi-Baptistè
les pouvoirs étab li dans la sous-r^ Ouedraogo fut considérée à tort ou à
se congratula. On rit aux édats, en gion, c’est une tout autre histoire. S’ils
louant les vertus de l’immortel héros. raison par les partisans du pt'emier
s’enferment dans un mutisme prudent, comme d’in^üration ivoiifo-fiÂn^diB.
Des banques et des magasins des envi les responsables politiques, quant à
rons, des employés accoururent, criant Sa libération et sa prise du pouvoir, le
eux, ne cadient pas, en privé, leurs 4 août, furent intem r^ées comme une
et g u e u la n t de bonheur. préoccupations, devant « la manière victoire oAitre Pans et AWdJan. Dès
dont les choses se sont passées, le 15 Irars, les attaques plus ou m dns y^éeS
t d s ^ e joie ne devaitkpas durer, octobre, à Ouagadougou ». Le recours des nouveaux dirigeants buridnabè
M puis4u(^ peu i^rès, on apprCTait
que nûn seulement Sankara n’a i^ t pas
à la violence pour réMudre les conflits
politiques, et, à plus forte raison,
contre la Côte d’Ivraré et S(m d ief se
multiplièrent. Le « Vieiix » fut quoti-
rqpris le p0 |w(w, mais qu’il était mort comme moyen d’i^coéder au pouvoir, diom em rat pris à partie dans lés mé
ét d ^ à e n t ^ . Aussitôt, l’atmosphère dit-on ici ou doit être condanmé. dias de Ouagadougou qui l’acêusaient
rhangt» du tout au toj^t Les déborde En tout cas, iÿoute-t-on, la m ^ è re de comploter en vue de déstabiliser le
ments de joie firent place à de pro- dont le jeune dief de l’Etat burkinabé régime « révôlutioimaire».
|o n ÿ {Mnoements de cœur; Des jeunes a été éliminé ne fait pas honneur à
' g e n s , ( j r i é m e que de toives mar- l’Afrique.
e plus virulent, dans cd te guerre
^aàdii»» nie purent réprimer leurs san
glots. Beàucôup de géns pleurèrent,
Mais, derrière ce voie de réproba
tion, percent des sentiments de soula
gement difficiles à r^rim er. En
L des ondes, fut le secrétaire è ^ é ra l
des Comités de défense de la révolu
des diàuffieun de taxis s’arrêtèrent de
circuler dès eiûployés buriqnabè dé- Hafis la sous-régicm, Sankara inquiétait tion, le capitaine Pierre Ouedraogo
seitèieM leui& liçuk de travail, en guise plus qu’il ne fiasdiuât les dirigeants po qui, Hans un violent discours prononcé
litiques. De ses dnq v o t ^ immédiate, en décembre 1984 à Banf<»a, non l<»i
ded^. de la frontière ivoiro-buridnat^ n’hé-
Craignant des débordements incon seul Jerry Rawlings entretenait avec lui
trôlés de la part de ces orphelins en co de bons rapp els de voisinage, dief â ta pas à quaUfier le {xésident' F âix
lère, les aut(mtés ivoiriennes s’onpres- de l’E tat ^ an éen n’a jamais fait mys Houfritouêt-Boi^y de « vieux gardè-
tère de l’aide matérielle et logistique dûourme de l’impérialisme, tout en
rilé. les points stratégiques de la qu’il acorarda à son f r ^ d’armes en menaçant de porter la rév<duti<» dans
,éo(Miomique furent-Ûs d is c ^ vue de lui permettre de s’e m p a ^ du tous les pays membres du Conseil de
fiwmftht gardés par des renforts de po pouvoir, le 4 août 1983,.à Ou^S^Bdou- l’oitente, à commoioer par la Côte
lice et de g e n d ^ e rie . Mais rien ne se gou. E t ce, sous l’impulsion décisive du d’Iv < ^ . Inutile de dire que cette Cùn-
produisit. capitaine Biaise Compa(»é, al(xs com pagne, menée tambour battant, n’était
y.a plupart de ces gens de condition mandant de la base des para-comman- plus seulemoit pour agacer les diri
modeste n’ont certes jamais approdié dos de Pô. geants ivdriens. Elle ^ t par les in-
e ti à plus fmrte raison, oramu Sankara. Certes, il n’y a pas eu de relatioiK quiâer véritaUement D’autant pliK
Mais, pour e*», il n’y a pas de doute, conffictuelles entre le Buridna et le Ni que des jeunes Ivoiriens partis pour
ce dam ier â a it tout à la f<MSleur père, ger. A u lendemain du putsdi manqué Ouagadougou faire des études revin
l(Mir protecteur, leur d^snseur et leur de B<Hikano (novemlve 1983), ccmtre rent à ^ id ^ a n en affirmant qu’ik
idcrie. .L(Msqu’on les interroge sur les son r^jm ej le {«résident Sqmi Kount- avaim t été enrMés ^ u r allar suivre uq
raisons de leur amour profond pokur ce d ié avait éprouvé qudque ressenti- entraînement militaire m lib y e i Kadr
^ lin n n t capitaine, ncmibre de ses m oit à r^ u rd de Sankara à qui il re- dafi étant, aux yeux du présidait
concitoyens se ccmtentent de tnredouil- prodiait d’avoir laissé iBler à travers Félix H oi^ouët-B oigny, pire qu«»;le
1er des formules vagues : « n aimait son territoire certains des principaux diable en posiMme, on oom praid la
40 JEUNE AFRIQUE W>1399 - 28 OCTOBRE 1987
gravité de pareilles révélations. assister, en mars dernier à Y ^ o u ^ u - gadougou ne tardèrent pas à se disten
Pourtant, à partir de 1986, les kro, aux funérailles de Mamie Adjoua, dre. Au lendemain de son accession au
nuages se dissipèrent pro^essivement une des sœurs aînées du chef de l’Etat pouvoir, Sankara bénéficia des conseils
sous le ciel des relations ivoiro-burki- ivoirien. bienveillants de son aîné Eyadéma. Le
nabè. Les deux pays ont fini, le temps Entamées sous les meilleurs aus chef de l’Etat togolais téléphonait ré
feisant son œuvre, par établir des rap pices, les relations entre Lomé et Oua- gulièrement à son homologue burkina
ports de bon voisinage. Malgré le bé pour lui foire part de ses avis et sug
contentieux autour du chemin de fer gestions, quitte à le mettre en garde
A A b M Iaii, contre tel propos ou telle initiative.
Abidjan-Ouagadougou, les deux capi-
taies échangeaient, ces derniers temps, Mais, très vite, il s’avéra que les diver
firéquemment des délégations ministé gences idéologiques étaient plus fortes
rielles. Si bien que personne ne fut que la fintemité (t’armes, et qu’entre
étonné de voir Sankara en personne les deux le courant ne passait pas.
Pourtant, il follut attendre septembre
1986 pour voir se déchirer le voile de
« fraternité » couvrant les relations en
tre Lomé et Ouagadougou. Lors d’une
violente attaque de commandos d’op
posants contre la capitale togolaise,
des prisonniers affirmèrent avoir été
entraînés au Ghana et au Burkina. Ce
qui eut pour conséquence de susciter
une vive tension entre Lomé et Ouaga
dougou. Le président en exercice de
l’OUA, à l’époque le Congolais Denis
Sassou Nguesso, tentera de réunir, en
décembre à Yamoussoukro, Sankara
et Eyadéma. En vain, car la plaie était
encore loin de se cicatriser.
Ce qui n’empêcha pas le chef de
l’Etat burkinabé de dépêcher à Lomé
une importante délégation jmur les cé-
rânonies marquant le vin^èm e anni
versaire de l’accession au pouvoir de
son homologue togolas (13 janvier
1987). Mais ces rapports n’étaient que
de feçade, le cœur n’y était plus.
u es donc mort ! Abattu comme un chien, assassi J’ai eu d’autres appels. Président. De Kinshasa, de
T né comme seuls doivent l’être les héros. Bamako, de Brazzaville, de Bujumbura, de Bangui, de
Libreville, de Douala, mais aussi de Bruxelles, de G e
Nous ne nous taquinerons plus pour savoir qui nève, de Londres, de Bonn, de New York, etc. et thème
devait appeler l’autre pour nous répartir les factures de de la France profonde. Sans parler de ces jeunes Afri
téléphone. Tu ne m’appelleras plus le soir à la maison, cains de Paris qui, non seulement téléphonent, mais font
surprenant ma femme ou mes enfents en t’annonçant di le siège de mon bureau. Une jeune Marocaine qui tra
rectement : « C est Thomas Sankara. » Nous ne passe vaille avec moi et qui a tapé, dans sa migeure partie, le
rons plus des nuits à discuter à la terrasse de la prési- manuscrit de mon hvre Sàakara le R ^yd le, m’a écrit m
dence ou sur la véranda de ta résidence. Je ne ferai plus très joli mot : « Je n’ai qu’une chose à dire. Je suis attris
de si^our quasi-dandestin à Ouagadougou pour vous tée. Car, en ce qui concerne la politique, je ne peux p u
voir. Biaise et toi, rien qu’une nuit. Nous ne préférerons dire que j’y comprenne grand-<Aose. Mais Saükara, je
plus une simple omelette au poisson savamment préparé m’y suis attadhée à travers le livre que vous avez écrit et
par Mariam. Nous ne mangerons plus des dattes séchées que j’ai tapé avec plaisir. Le livre prend maintenant une
ou des àkA os refix>idis à 2 heures du matin. autre valeur. Y aura-t-il quand m âne cent autres Sanka
Nous ne nous verrons plus, Thomas. Mais nous conti ra après Sankara ? »
nuerais à nous parier. En bon M algadie, je sais com Je ne le crois pas. O n ne te refera pas. n n’y aura pas
muniquer avec les ancêtres. Et, mort, tu es devenu ancê d’autres Thomas Sankara. Il y aura d’autres hommes qui
tre, tu as accédé à une autre forme de vie, supérieure, se lèveront encore, quelque part en Afrique, parce qu’ils
suUimée. Tu sais que je suis exigeant et un proverbe de n’auront pas renoncé à la justice sociale, à la dignité, à la
diez nous dit CTÛment : « Si un ancêtre n’est pas capable responsabilité de bâtir un pays, un continent où les
d’aider les vivants, qu’il se réveille et vienne jouer aux pluies d’espoir peuvent transformer les déserts, où le
d(nninos. » travail a un sens.
Tu as mieux à faire maintenant que de jouer aux do Je ne crois pas, Thomas, t’avoir jamais félidté de quoi
minos ou de la guitare,.|l.este où tu es et surveille-nous, que ce soit. Peut-être une seule fois, quand, en octobre
survdlle le Buâàna, surveille les Burkinabé, tous les 1986, tu as fait libérer les syndicalistes de la CSB. Pour
. eunes qui, à travers l’Afrique, ont vu en toi l’espoir, le reste, dans nos conversations nocturnes ou au télé
’â m que nous, à peine plus anciens, nous n’étions plus phone, je te disais surtout de faire attention à ta can
capables de leiir iq>porter. deur. Je te racontais les échecs que d’autres avaient
Un ami m’a appelé hier soir d’Abidjan. Tu le connais, connus avant toi. Oh ! je n’étais ni un gourou, ni un ma
fl t’a ocMmu. D pleurait au téléphone, n a ton âge. Je n’ai rabout, ni un féticheur, ni même im conseiller occulte.
pu que hii dire : « Ce n’est plus la peine de pleurer la J’essayais de mériter ton amitié, sachant l’amlngulté de
mort de Th(Hnas. Pleure plutôt l’e ^ i r . » D m’a répon relations de ce genre entre un chef d’E tat et un journa
du : « Notre g^ératio n est foutue. » De la part d’un liste. Mais nous n’avions pas à craindre un dérapage de
haut fcmcdcMmaire international, cela m’a fait frcMd dans notre amitié. La dernière fois que nous nous sommes
le dos. n m’a même dit qu’il n’avait plus oivie de re- parlé, je t’ai redit : « n y a des gens qui croient que tu
inendre son poste. « Ce serait irre ^ n sa b le de ta m’achètes. Mais tu ne peux pas m’acheter puisque tu
part », lui ai-je répondu. Un autre ami. Sénégalais, m’a gagnes six fois moins que moi... » Nous avons édaté de
aussi iqqpxdé de Dakar. Vous vous êtes vus une seule rire.
fds. Ce n’est pas ce qu’cm appelle un camarade ou un e jour-1^ après t’avoir expliqué que je ne pour
militant de la RDP. Il n’a pas fdeuré, mais il m’a lâdié de
terriUes i^uases : « N < ^ les Nègres, nous devons être
C rais venir à Ouaga que fin octobre, j’ai ouW é de
te dire que, selon des renseignements te coocex-
maudits I II sufGt que quelqu’un de bien se lève quelque nant transmis à l’Elysée par les services français au Bur
part pour qu’cm l’abatte. Ne méritcMis-nous que les ma- kina et classés « Secret défense », il était emx»e dit que
goiu&uis, les dictateurs, les incompétents et les rmtelets tu fumais (de la drogue, bien sûr) et que j’â a is b » oom-
fantasques ? Sankara d & ^ e a it tout ce monde-là, il ne pagnon de fumerie au cours de nos lo n g ^ nuits ! Déci
pMivait pas survivre ! J’ai envie de tout laisser tomber. dément, les informations transmises à M itterrand étaioit
Que ceux que Sankara a dérangés continuent de gou- aussi débiles que celles que tu recevais !
vàner. T en ai m arre d’espérer pour l’Afrique. »
aintenant, tes amis d’hier te traitent de « rené me parle pas de cohabitation compromettante avec ce
gat », « traître à la révolution », « autocrate dernier ! Ces hommes, on a oublié maintenant leurs bê
______ i mystique » et même « paranoïaque miso tises.
gyne » ! Je sais bien que, quand on vient de prenne le Tu m’appelais ta « mauvaise conscience », Thomas.
pouvoir, on délire pour faire croire n’importe quoi aux Nous allons maintenant inverser les rôles. Ancêtre tu es,
peuples, mais je trouve lamentable et très médiocre en ancêtre tu dois te comporter. Celui qui conseille, ce^
qu’on en arrive là. Ton Nyamân s’en chargera. Tu as fait lui qui protège, celui qui menace, celui qui taquine, celui
des erreurs, Thomas : les dérapages des CDR ; tes em qui se fôche, celui qui aide, celui qui maudit, celui qui
portements oratoires que tu regrettais par la suite ; la sanctionne, maintenant c’est toi. Sois la mauvaise
démocratie directe mais brouillonne dont tu rêvais ; la conscience de ceux qui se réclament de toi, comme de
bataille du rail ; ta sincérité qui ressemblait à la naïveté ; ceux qui vont t’invectiver. Nous parlerons souvent en
ta crédulité face à ceux qui t’apportaient dœ informa semble. Il me suffira de prononcer les bonnes incanta
tions qui n’étaient que des ragots. Mais tu avais une qua tions.
lité cardinale : le courage de reconnaître et de corriger Certains vont m’accuser de magie noire ou de je ne
tes erreurs. Je ne vais pas réciter tes autres qualités. Je sais quel mysticisme rétrograde et réactionnave. Tant
ne t’ai pas applaudi vivant, je ne vais pas te déifier après pis ; au fond d’eux-mêmes, ceux-là aussi croient à la
ta mort. puissance des esprits. Te rappelles-tu ce taureau noir
Comme il faut bien se consoler, je te dirai que dans découvert mort, sans une goutte de sang, en plein centre
un sens ta mort est venue au bon moment. Plus il reste de Ouaga ?
au pouvoir, plus un chef d’Etat feiit de bêtises. Tu n’as J’irai planter un arbre près de ta tombe, Thomas.
pas eu le temps d’en faire trop. Tu ne m’as pas donné D’autres viendront aussi. Ce sera un jour le bois de res-
l’occasion d’écrire : « Sankara le fou », comme je t’en sourcement.
avais menacé si jamais tu devenais fou. Repose en paix. Tu l’as si bien mérité ! Veille sur Ma-
Je t’ai toujours dit qu’un héros mort ne sert plus à riam, Auguste et Philippe.
rien. Je m’étais trompé. Un héros mort sert de référence. Au revoir, pas adiep.
C’est maintenant que tu vas devenir un mythe. Comme Salut, Président. ^ (L w
Lumumba, comme Guevara, comme Kennedy — et ne
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