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En accord avec les Archives musicales du Grand Soir, nous diffusons actuellement l’édition
privée hors commerce de la maquette de quatre chansons du disque Pour en finir avec le travail
enregistrée par Jacques Le Glou en 1973 ainsi que des rocks détournés enregistrés par
Guy Peterman et Francis Lemonnier en 1975.

Si vous le souhaitez, vous pouvez dès maintenant télécharger ces chansons, disponibles en
exclusivité par courriel et accompagnées de la présente notice relatant la genèse de ces
enregistrements.

edition-privee-hors-commerce@mail.com








Après moult recherches, rencontres et conversations, nous tentons de suivre ici le fil qui amena aux enregistrements de ces
chansons détournées, à savoir : la maquette (1973) par Jacques Le Glou de quatre chansons qui figureront sur le 33-tours
Pour en finir avec le travail (1974) puis, par la suite, les quatre rocks détournés par Guy Peterman ainsi qu’une valse
enregistrés avec les mêmes musiciens du groupe Komintern en 1975.
Tous nos remerciements à ceux qui nous ont permis de faire connaître ces documents.

Archives musicales du Grand Soir, novembre 2018.

En 1966, il y eut un projet, mené par Étienne Roda-Gil, d’un disque 45 tours quatre titres – intitulé
ironiquement Le Petit Disque rouge – qui devait rassembler des chansons détournées écrites quelques années
plus tôt par Guy Debord (La Java des Bons-Enfants, Les Journées de mai), par Raoul Vaneigem (La vie s’écoule,
la vie s’enfuit) et par lui-même (La Makhnovstchina). Ce projet avorta à la suite de la rupture des relations
entre les situationnistes et Roda-Gil en mai 1967 (ils se retrouveront brièvement un an plus tard dans la
Sorbonne occupée).

Quelques années après Mai-68 et de nouvelles chansons détournées (Chanson du CMDO, Il est cinq heures,
La Mitraillette, Les bureaucrates se ramassent à la pelle), Jacques Le Glou entreprend de réaliser un disque
33 tours 30 cm. Il rencontre alors le talentueux Francis Lemonnier, musicien qui a participé en 1968 au
groupe Red Noise puis au groupe de rock prog Komintern (Le Bal du rat mort, Harvest 1971 –
https://www.youtube.com/watch?v=PC8bl3z5T2Q) et qui mettra en musique La Java des Bons-Enfants et La vie s’écoule,
la vie s’enfuit.

Francis Lemonnier en 1971.

En 1973, Jacques Le Glou réalise une maquette de son projet au studio Saravah (8, passage des Abbesses,
Paris 18e) : « On a enregistré quatre chansons, Pierre Barouh nous a prêté son studio. J’ai fait le tour des
maisons de disques, personne n’était intéressé. » (« Les copains Debord », Libération, 27 février 1999.)
Ces quatre chansons du futur disque Pour en finir avec le travail, les voici :
1. La Java des Bons-Enfants (Guy Debord-Francis Lemonnier)
2. Il est cinq heures (Jacques Le Glou/Jacques Lanzman-Jacques Dutronc)
3. Les bureaucrates se ramassent à la pelle (Jacques Le Glou/Jacques Prévert-Joseph Kosma, Les Feuilles mortes)
4. La vie s’écoule, la vie s’enfuit (Raoul Vaneigem-Francis Lemonnier)

Francis Lemonnier, saxophone, voix (4) ; Michel Muzac, guitare électrique ; Olivier Zdrzalik-Kowalski,
guitare basse, voix (3) ; Jacques Le Glou, voix (2, 3) ; Jean-Louis Rançon, voix (1).
Les trois musiciens faisaient partie du groupe Komintern, les autres sont inconnus


Après diverses péripéties, le disque Pour en finir avec le travail, produit par Jacques Le Glou à l’enseigne des
Éditions musicales du Grand Soir, est édité chez RCA en octobre 1974.

À propos de sa réalisation, voici ce qu’en disait Jacques Le Glou le 30 juillet 2009 dans un courriel adressé
à Jean-Louis Rançon :
« Quant au disque, je voulais tout faire sauf une production anarchiste. J’avais trop
entendu d’enregistrements minables avec des voix et des arrangements médiocres.
J’ai donc effectivement choisi des professionnels reconnus mais sympathiques.
J’ai d’abord choisi les voix, j’avais entendu Jacques Marchais interpréter On a chanté
les voyous [Vogue, 1971], je l’ai rencontré et nous avons sympathisé. Pour la voix
féminine, j’étais un fan de Pia Colombo qui avait enregistré les chansons de
Bertolt Brecht [Pia Colombo chante Bertolt Brecht & Kurt Weill, AZ, 1969]. Je l’ai
rencontrée et ça s’est très bien passé, je suis sorti avec elle, Guy [Debord] voulait la
voir, nous avons dîné ensemble, Pia était ravie, Guy aussi. Nous avons été au théâtre
la semaine suivante. Et puis ça ne s’est pas fait…
J’ai alors cherché d’autres chanteuses et j’ai finalement fixé mon choix sur
Jacqueline Danno. En effet, Valérie Lagrange, Catherine Ribeiro, etc. restaient des
chanteuses gauchistes ayant des voix qui ne me plaisaient pas. Afin de conserver
Jacqueline Danno, j’ai dû changer son nom pour le disque, elle me l’a demandé.
Ensuite je me suis tourné du côté des arrangeurs et j’ai trouvé Michel Devy et
Jean Morlier qui étaient à l’époque des arrangeurs très à la mode. J’ai fait le tour des
studios et j’ai trouvé un accord avec les Studios 10 [10, rue Washington, Paris 8e]
qui avaient les meilleures références d’enregistrement.
En discutant avec les arrangeurs, je me suis mis à la recherche des musiciens et je
voulais les meilleurs : Pierre Dutour à la trompette, et le tout à l’avenant.
À l’époque, j’ai déboursé plus de 130 000 francs de ma poche. Je n’ai jamais
considéré la production anarchiste avec des références de misère, mais plutôt des
références de qualité. Et je revendique ma démarche, l’anarchisme ce n’est pas
le bordel.
J’ai trouvé le titre de l’album et j’ai fait les notules avec Guy, c’était un moment
très drôle.
Ça a été le bordel après pour trouver un éditeur, j’ai finalement atterri chez RCA et
là, ça s’est accéléré. Dès que le disque a été prêt, j’ai foncé chez Guy, il a regardé la
pochette, l’a ouverte, il était très ému (la petite larme, camarade).
J’ajoute que pendant l’enregistrement, c’est Michel Devy spontanément qui a
proposé d’interpréter avec Jacques Marchais La Makhnovstchina. J’avais beaucoup
d’émotion, ils ne l’ont enregistrée qu’une fois, c’était la bonne, c’était magnifique.
Comme tu le sais, j’ai travaillé quatre à cinq mois sur la préparation des musiques
avec notre ami Francis Lemonnier, à qui le disque doit beaucoup. En fait, avec le
recul du temps, cet objet a bénéficié de beaucoup d’aides spontanées. Et des années
après, contrairement aux enregistrements anarchistes, les belles chansons continuent
leur chemin dans les bacs ou sur les radios. Mon exigence a été récompensée. »

Peu de mois après cette parution, Guy Peterman projette de faire un disque de rocks détournés et avec
Francis Lemonnier enregistre une maquette de quatre titres.

Rocks détournés par Guy Peterman et enregistrés au studio Saravah en 1975 :

1. Syndicats Blues (Summertime Blues, par Eddie Cochran)


2. Émeutes sur Watts, Motor City, Harlem (I Can’t Control Myself, par les Troggs)
3. Les flics arrivent (Les guitares jouent, par Johnny Hallyday, d’après Surfin’ Hootenanny, par Al Casey)
4. Quand je crache (His Latest Flame, par Del Shannon puis Elvis Presley)

Francis Lemonnier, saxophone ; Michel Muzac, guitare électrique ; Olivier Zdrzalik-Kowalski, guitare basse,
claviers. Le chanteur et le batteur sont inconnus. Guy Peterman donne la réplique dans le premier titre.
Au cours de cette même session d’enregistrement et avec les mêmes musiciens, un cinquième titre est
enregistré : il s’agit d’une valse dans l’esprit du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire),
Où sont tous mes amants ?, détournée et chantée par Jean-Louis Rançon (Francis Lemonnier y joue
de l’accordéon, le violoncelliste est inconnu).

Ce projet de disque n’aboutira pas mais Guy Peterman continuera à détourner des rocks qu’il proposera à
divers groupes musicaux dans les années 1970-1980, et récemment, en 2016, le groupe Gommard
a enregistré Y a du baston dans la taule ! (Riot in Cell Block #9) sur des paroles de Guy Peterman.
En 2015, le même titre est joué par un duo de musiciens : https://www.youtube.com/watch?v=jnV5KkmMNCA
Interprété par Le jour de l’addition, ce rock figure aussi sur le CD La Belle qui accompagne le livre
Au pied du mur, 765 raisons d’en finir avec toutes les prisons (L’Insomniaque, 2000) : https://od.lk/f/NV85NTY1NjkzNF8

Guy Peterman, à droite, en 1989.

Notons que d’autres liens avaient existé entre ces protagonistes, dont la plupart sont décédés aujourd’hui :
Guy Peterman avait connu   Étienne Roda-Gil du temps de la JAC (Jeunesse anarchiste communiste) en
1967. Et c’est ce dernier qui avait suggéré à Francis Lemonnier et ses amis le nom de leur groupe,
Komintern…
Fin juillet 1989, « sans amertume aucune », Guy Peterman se suicide au cyanure sur les marches de
l’Institut médico-légal de Paris. Il est inhumé au cimetière du Montparnasse.

Guy Peterman (1950-1989).




Première des seize cartes postales publiées par Francis Lemonnier
à l’enseigne du Bureau de la publicité vérifiée (BPV, 1976).

Jacques Le Glou en 2004.

EPHC
édition privée hors commerce, 2018.

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