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Notre åpoque

Manifestation contre
des expulsions de squatters
dans le 14e
« Faut pas pleurer,
ga sert å rien,
faut repondre »

Petits-fils
dösespörös de Mai 68,
höritiers
de l'anarchie,
ils crient : «
Baader ötait un camarade. »
Ils revendiquent
la violence, par la parole
et par les actes

• Ii n'a pas tout å fait vingt ans, manie le che, dit-il, ii n'y a que des bourgeois, petits ou « Cogner », ce n'est pas du tout auer ouvrir
cocktail Molotov dans les manifestations, dit, grands. » Ii a connu le chömage, celui des
- le cråne des petits vieux dans leurs pavillons.
scande : « Oui, Baader etait un camarade », et jeunes nouveaux vetzus sur le marcU' de rem- Cogner, c'est prendre ce qu'on vous refuse ; les
se reconnait dans ces « autonomes » italiens ploi », comme disent å la television ceux qui moyens de vivre, de bien vivre. C'est entrer par
qui, å coups de «P. 38 », partent å l'assaut du y parlent jamais lui. Un jour, c'etait l'annee la sortie dans les cinemas, ceux des beaux
« compromis historique ». Gilles est l'un de derniere, il trouve un travail sur une chaine quartiers. C'est aller diner non pas dans
ces « autononaes » frangais dont les militants metallurgique. Mais, lorsqu'il a etemue, la un « Wimpy » mais dans un vrai restau-
de la Ligue communiste revolutionnaire disent : France ne s'est pas enrhumee : sa greve sauvage rant, et filer vite å la derniere gorgee de cognac
« Avec eux, a se t*lera å coups de barre l'a remis, rnauvaise tete, dans la file d'attente (« faire baskets »), piquer les journaux, les
de fer. » de l'Agence nationale pour l'Emploi avec quel- bouquins, les fringues, pour soi, pour les co-
Son existence, ii la crache en rafales, avec _ques copains, ses complices. On lui propose pains, pour ceux et celles qu'on aime. C'est
l'agressivite des meurtris et — pour combien de une premiere place, au S.M.I.C. ; une deuxieme, aussi, physiquement, « exprimer sarvolte ».
temps ? — la rage de convaincre : une « com- au S.M.I.C. ; une troisierne, au S.M.I.C. Avant, Vendredi 18 novembre, deux jours apres
munale » de la banlieue parisienne, puis F8cole ii gagnait deux mille francs, et il a done — l'extradition de Klaus Croissant, Gilles et sa
des enfants de pauvres. Ce C.E.T., morne, dis- « Te ne suis pas 1111 esclave ! » refuse trois bande sont aux premiers rangs de la manifes-
cipline, sans espoir mais miraculeusement fois, c'est-å-dire une de trop : « Ils m'ont tation. « Equipes », cela va sans dire, et mau-
secoue, au printemps de 1973, par une revolte sucr les indemnitek, ces salopards. » vais, tres mauvais : contre les vitrines trop ruti-
joyeuse, si helle, si riche que ce ne pouvait etre lantes, les bagnoles, les flics, les banques sur-
la sienne, celle des collegiens du rebut. On Manvai t" &s mativah
-
tout. Et contre le service d'ordre de la Ligue
l'avait d'ailleurs appel8e « la revolte des ly- Alors, dit Gilles, « moi, je rends coup pour communiste, qui, apres avoir tente de limiter
ceens » pour que nul ne s'y trompe. coup å l'Etat ». Et quand Fun de ses copains les degåts, releve plusieurs blesses serieux. La
Un temps, Gilles, en mal de revolte, est rest8. de, « la bande des loub » (c'est ainsi qu'on les Ligue, avec son « S.O. », son journal quoti-
rnilitant d'un petit groupe maoIste, avatar ephe- appelle, parmi les « autonomes » qui ne sont dien, son ancien candidat å la presidence de
mere d'un grand mouvement ne. dans les semi- pas tous loubards) corrige : « Non, on n'attend la Republique, ses futurs candidats aux legisla-
naires de la rue d'Ulm : pas pour lui, pas son plus qu'ils nous cognent, on cogtze avant », tives, son organisation bien rod8e, bref, sa
monde. « Dans les organisations d'extr me gau-
- acquiesce : « Bien » place conquise sur l'echiquier politique,

58 Lundi 12 dåcembre 1977

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