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LE GRAND OPÉRA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

Author(s): Gilles de Van


Source: Il Saggiatore musicale, Vol. 3, No. 2 (1996), pp. 325-360
Published by: Casa Editrice Leo S. Olschki s.r.l.
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/43029392
Accessed: 25-01-2018 13:16 UTC

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Gilles de Van

Parigi

LE GRAND OPÉRA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE


ET DRAME ROMANTIQUE

L'unité d'ensemble est la loi de perspective du théâtre.


Victor Hugo, préface de Cromwell.

Le phénomène du grand opéra peut, malgré les études récentes


qui lui ont été consacrées, laisser perplexe le chercheur.1 D'un côté,
il est évident que l'Europe musicale a été fascinée par ce genre: son
influence sur les œuvres de jeunesse de Wagner est indéniable, et
Hans von Bvilow le releva avec humour en affirmant que Rienzi était
le meilleur opéra de Meyerbeer. Les Italiens - Rossini, Bellini, Doni-
zetti et Verdi - accoururent à Paris et il serait naïf de croire que l'ap-
pât du gain était leur seul mobile. Des études récentes ont montré
que le contact avec l'opéra français n'avait pas été sans conséquences
pour les musiciens italiens, comme par exemple Donizetti et Verdi, y
compris pour leurs œuvres destinées à la péninsule.2
Force est toutefois de reconnaître que ce genre était d'une vitali-
té pour le moins chancelante: dès 1837, autrement dit quelques an-
nées après ses débuts (à supposer que l'on se mette d'accord sur sa
date de naissance, entre La Muette de Portici d'Auber en 1828, Guil-
laume Tell de Rossini en 1829 et Robert le Diable de Meyerbeer en

1 On trouve une bonne bibliographie sur ce sujet dans A. Gerhard, Die französische
"Grand Opéra " in der Forschung seit 1945, «Acta Musicologica», LIX, 1987, pp. 220-270. De
ce même auteur on peut signaler l'essai Die Verstädterung der Oper : Paris und das Musiktheater
des 19. Jahrhunderts , Stuttgart- Weimar, Metzler, 1992.
2 Sans entrer dans le détail de ces études, on peut citer la synthèse, claire et pertinente
sur ce problème des interactions entre culture lyrique française et italienne, de F. Della Se-
ta, Italia e Francia nell'Ottocento = «Storia della musica», 9, Turin, EDT, 1993.

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1831), les con


lité égalemen
quinzaine d'op
tion d'opéras
oeuvres par an
lie, la proport
lévy) est faibl
d'Halévy en 1
1836 et 1849).
sez ambiguë:
Meyerbeer et
gements sont
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ni n'est pas t
fort de ce rép
canto, né melo
vare a capire

Viddi la Juive
ce n'è. - L'illusi
vero e cardinal
lance etc. vere;
franchi l'una, l
orrenda e più o
A Costanza! Un
padre nella cald
nerie, ma tutto

L'admiration
pas totalemen
liquidée en d
comme music

3 Cf. à ce sujet J
Politicized Arty Ca
particulièrement le
4 V. Bellini, Epis
février 1835, soit
let 1835), il se mon
5 G. Zavadini, Don
1948, p. 369 s. (10

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

altri colleghi mel perdonino» ajoutait-il malicieuse


Verdi, son opinion sur La Juive est typique des m
«mi sono annoiato molto ma sono anche restato sbalordito della mise
en scène: era La Juive d'Halévy».7
Le bilan est donc maigre: peu d'estime pour les compositeurs fran-
çais (auxquels Bellini reconnaît néanmoins un grand talent d'orches-
trateurs), beaucoup d'enthousiasme pour la mise en scène (mais avec
des limites qui sont claires chez Donizetti et le deviendront vite aussi
chez Verdi, après Aida); enfin, pas un mot sur la dramaturgie; Verdi
fait à peine exception, car si son admiration pour Meyerbeer est con-
nue, il ne parle pratiquement jamais d'Auber ou d'Halévy, et l'on con-
naît ses réticences sur la conception d'ensemble de Guillaume Tell.
Nul doute que ces réserves soient une des facettes du profond
malentendu qui a régné entre l'opéra français et l'opéra italien pen-
dant deux bons siècles et qui tient à des divergences d'esthétique qui
se font nettement sentir dès que l'on aborde la dramaturgie.8 Pour un
musicien italien, l'opéra français peut apparaître comme un opéra ita-
lien "gonflé" par une foule d'épisodes annexes destinés à flatter l'œil:
Donizetti a la tête qui tourne quand, à propos de Dom Sébastien, il
évoque «un lusso simile di Portoghesi, Arabi, preti, inquisitori, pro-
cessione a torcie e carro funebre colla cassa mortuaria, e campane e
requiem».9 Sauf sur ses vieux jours où il évoque les personnages de
Meyerbeer comme Valentine ou Robert le Diable, Verdi mentionne
en général des moments précis comme la scène des patineurs ou celle
du couronnement dans l'église de Münster dans Le Prophète .10 Ses ju-
gements élogieux n'attestent pas toutefois la prise de conscience d'u-
ne dramaturgie originale, distincte de l'esthétique italienne. Le cas
extrême est représenté dans cette citation de Spontini qui, marginali-

6 G. Rossini, Lettere , éd. par G. Mazzatinti et F. et G. Manis, Firenze, Barbèra, 1902,


p. 321 s. (21 avril 1868).
7 G. Verdi, Autobiografia dalle lettere , éd. par A. Oberdorfer, rév. de M. Conati, Mila-
no, Rizzoli, 1981, p. 142 (6 septembre 1847).
8 Malentendu que j'ai étudié dans Teatralità francese e senso scenico italiano , congrès sur
«La realizzazione scenica dello spettacolo verdiano», Parme, septembre 1994 (actes à paraître).
9 Zavadini, Donizetti cit., p. 708 s. (27 novembre 1843).
10 Verdi a-t-il vu Le Prophète ? Rien ne le prouve, mais il était à Paris en avril 1849, au
moment de la création. Par ailleurs, il écrit à Scribe en 1852: «J'ai toujours sous mes yeux
plusieurs et plusieurs de ces scènes magnifiques qui se trouvent dans vos poèmes: entre autres
Le Couronnement dans le Prophète !» (A. Porter, Les Vêpres Siciliennes: New Letters from Verdi
to Scribe y «19th-century Music», II, 1978/79, pp. 95-109: 96). «J'ai toujours sous mes yeux»
peut n'être qu'une métaphore, mais aussi correspondre à un souvenir réel.

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sé par son dépar


1839 un pathétiqu
il espère «la trou
voluptueux, avec
avec des hymnes
voluptueuses, ch
ou Baccus, ou m
honneurs».11
Cette admiration
Si l'on prend le c
de, on constate qu
beer pour arriver
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isolé et celui de
par des problème
En 1847, le même
bérien, «cette ma
ment mérite d'au
romantique franç
quant au départ u
moignent George
De ce bref survo
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ce genre a très in
l'«unité d'ensemb
tête de cet articl
pas su ou voulu t
semblage attirant
Il est plus que pr

11 J. Tiersot, Lettres d
1924, p. 382.
12 Cf. H. Heine, Über die französische Bühne , lettre 9ème (1837), et la correspondance du
1er février 1847 («diese ebenso künstliche als kostspielige Maschine»), dans les Sämtliche
Schrifteny par K. Briegleb, München, Hanser, III, 1971, pp. 332-345, et V, 1974, pp. 166-
168 (une édition italienne: Cronache musicali , trad. R. Svandrlik, Firenze, Discanto - la Nuo-
va Italia, 1983, pp. 12-3, 21 et 89).

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

tualités et les risques du grand opéra: le changement qu


les années 1860-70, dans son langage peut difficilement
de son expérience parisienne (surtout Don Carlos). L
qu'il effectue, à propos d'une représentation de La Forz
entre les «pezzi a solo e duetti» et les « quadri svariati,
riempiono una metà dell'opera e che costituiscono v
Dramma Musicale» est éloquente a cet égard.13 On note
opère une sorte de renversement: au lieu que les tabl
"gonflent" l'intrigue principale, comme devaient pr
penser Rossini, Donizetti ou Bellini, ils deviennent le
tuiscono veramente», dit Verdi) du drame musical. Cet
deux autres passages que nous mentionnons en note pr
concept qui émerge est celui d'une "totalité", d'un "
englobent à la fois les tableaux et les interventions des
Autrement dit, le besoin qu'a le compositeur d'élargir
va de pair avec une exigence d'unité que ne peut sati
homogénéité de l'intrigue. Or c'est justement cette uni
blématique dans le grand opéra.
Les pages qui suivent proposent une explication de ce
des: à bien des égards, le grand opéra a repris l'héritag
die lyrique, tout en se pliant à certaines exigences du r
notamment à son aspiration à une représentation globa
sociale. Ces deux courants étaient antinomiques sinon i
et la prédominance de l'une ou l'autre tendance expliqu
entre une unité supérieure, jamais réalisée auparavant
de monumentaux pots-pourris qui ont, de nos jours, be
à sortir de l'oubli.

La Cour bourgeoise. - Louis-Désiré Véron, médecin


directeur de journaux et de revues, député et enfin "p
péra entre 1831 et 1835 (avec à son actif Robert le D
III et La Juive), était un solide bourgeois arrivé au p
foulée de la Révolution de Juillet (1830) et désireux
nouvelle classe sociale qui occupait le devant de la s
plaida sa cause auprès du Comte de Montalivet, Mini
rieur, il souhaita que «le succès et les recettes de l'O
démenti donné aux émeutes», autrement dit que la rév

13 I Copialettere di Giuseppe Verdi , éd. par G. Cesari et A. Luzio, Mila


ti, 1913, p. 619 s. (17 août 1869). Cf. aussi Carteggi verdiani , I, éd. par A
cademia Nazionale dei Lincei, 1935, p. Ill et 116.

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me et qu'adv
places à prix
grands seigne
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ciales de son
lution de Jui
victorieuse ti
sailles, elle y
et de la cour
en France de
Un tel langag
la cour, publi
blic du grand
Le jardin d'A
thétique, du
du spectacle
Kintzler, le s
n'exclut pas l
pour but de
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dans le domai
du théâtre e
logique du m
XVIIIème sièc
Bien des ind
l'opéra se pou
la même man
sini, écrit ain
l'enchanteres
est soumise à
de Spontini a

14 Docteur Veron
me III, pp. 172 et
ont été réédités
20 et 70).
15 Ibid., p. 171 (é
16 C. Kintzler, Po
17 V.-J.-É. de Jo
date de 1826), dan

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

Véron, parle peu de temps après de «cette gloire de


féerie de l'Occident qui semble si souvent rivaliser d
deur, d'éclat et de prestige avec la magie des légende
Enfin Théophile Gautier écrit dans son compte rend
Halévy:
L'Opéra est ... le dernier asile des dieux, des sylphides, des nymphes, des
princes et des princesses tragiques; la grossière réalité n'y est pas admise;
c'est un petit monde éblouissant d'or et de lumière, où l'on marche sur les
nuages aussi facilement que sur la terre; où, du sein de cristal des flots, s'é-
lèvent en chantant de blondes naïades aux yeux verts, avec des coraux dans
les cheveux; les charmantes superstitions de la féerie y sont acceptées com-
me des articles de foi. 19

Jouy est d'obédience classique, Briffault est un bourgeois modéré et


Gautier est un indiscutable romantique: signe que cette conception
de l'opéra comme refuge du merveilleux n'est pas le fait d'un camp
précis. La littérature musicale de la première moitié du siècle rejette
dans la nuit la musique de Lully ou de Rameau, parfois même celle
de Gluck, Piccinni et Sacchini (que Gautier, par exemple, trouve très
ennuyeux), mais Quinault, librettiste d 'Armide de Lully, demeure un
modèle, si contesté soit-il au début du siècle.
Certes cette position ne va pas sans contradictions: ainsi le très
conservateur de Jouy affirme, en cela fidèle à la tradition, que «l'aus-
tère vérité doit être bannie d'un théâtre où tout est prestige» mais il
suggère de s'inspirer des Sept contre Thèbes d'Eschyle, ce qui est as-
sez peu conciliable. Gautier, qui aime se promener à l'opéra dans les
jardins d'Armide, reconnaît que «Meyerbeer est, depuis Gluck, le
compositeur le plus essentiellement dramatique qui se soit fait enten-
dre à l'Opéra».20 La fidélité à la féerie coexiste donc parfois avec l'as-
piration à un répertoire dramatiquement plus riche ou plus moderne,
aspiration d'autant plus compréhensible qu'elle a de grands modèles
comme les opéras de Gluck, de Cherubini et de Spontini.
En revanche, une telle perspective n'est nullement contradictoire
avec la poussée du réalisme documentaire qui envahit la mise en scè-
ne, pour cette raison que la restitution d'une époque, limitée au seul

18 E. Briffault, L'Opéra, Paris, Ladvocat, 1834, p. 3.


19 Th. Gautier, Histoire de l'art dramatique en France depuis vingt-cinq ans, Paris, Het-
zel, 1859, II, p. 14 s.
20 Ibid., VI, p. 81.

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décor, glisse t
autrement la
Chasles (dont
Etienne de Jo
Venez! le moye
clésiastiques et
magnifiques, c
lui-même avec la variété infinie de son costume et de sa hiérarchie. Notre
époque de démocratie sceptique et de régularité administrative se rejette
avec plaisir sur les souvenirs d'un temps pittoresque et d'une société aux
mille nuances, qui jamais ne renaîtront.21

Le concept qui relie la féerie et le réalisme est celui d'illusion.


L'invention d'un décor fabuleux ou la reconstitution d'une époque
précise relèvent toutes deux de l'illusion. Comme l'écrit un critique
après la première de Robert le Diable , enthousiasmé par les décors de
Cicéri et le grand diorama pour la scène du cloître de l'acte III, Du-
ponchel «nous a ramenés vers la vérité historique ... L'illusion s'en
est augmentée et l'illusion est la vérité au théâtre».22 Dès lors, il n'y
a pas loin de la réalité à la féerie : le livret de mise en scène des Hugue-
nots, évoquant le deuxième acte qui fut unanimement loué pour la fi-
dèle reproduction par Despléchin du château de Chenonceaux, de-
mande «des jardins enchanteurs» et conclut, pour ne pas entrer dans
les détails: «enfin espèce de palais d'Armide».23
Or, cette esthétique du "jardin d'Armide" ne peut que conduire
à un affaiblissement de l'intensité dramatique. À l'époque classique,
ce n'est pas grave car le théâtre en prose a justement pour tâche de
nous offrir cette intensité tandis que l'opéra nous emporte dans des
contrées merveilleuses: le charme du "spectacle" lyrique peut rem-
placer l'émotion que suscite en nous la description par la tragédie des
grands conflits passionnels, suivant une équivalence clairement éta-
blie par Catherine Kintzler.24

21 Les Beautés de l'opéra , présentées par Th. Gautier, J. Janin, Ph. Chasles, Paris, Soulié,
1845. L'énumération de Chasles rappelle celle de Donizetti à propos de Dom Sébastien.
22 M. -H. Coudroy, Les Créations de ' 'Robert le Diable " et des "Huguenots" de Meyerbeer
face à la critiquey Paris, Conservatoire National Supérieur de Musique, 1979, p. 87.
23 Livret de mise en scène publié par L. V. Duverger. Bibliothèque de l'Opéra (un re-
print paraîtra dans Treize Livrets de mise en scène lyrique datant des créations parisiennes , par H.
R. Cohen, Stuyvesant, Pendragon Press, sous presse).
24 Cf. Kintzler, Poétique cit., p. 227 s., 240 et 259.

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

Il est vrai que Lully ou Rameau n'appliquaient pas for


lettre ces règles et qu'ils faisaient une place à la forc
vrai également que le développement d'une dramaturgi
tre Gluck et Spontini prouve que le public était volont
la violence émotionnelle de l'opéra.25 Toutefois, ce pa
tionnel des rôles peut expliquer la timidité avèc laqu
des musiciens français romantiques atténuent ce qu'o
certaines situations de leurs opéras par des contrepoids
de la féerie. Le docteur Véron nous apprend ainsi que «
cepta le poème de Gustave, mais l'ouvrage lui parais
trop dramatique pour être musical. Le cinquième acte d
lui inspira des airs de danse et de galop du tour le p
plus vif et le plus charmant».26 L'antinomie entre musi
que mérite d'être relevée car elle sous-entend que ce
mis en musique ne doit pas être trop dramatique; ou bi
suggère l'exemple du cinquième acte centré sur l'ass
suédois, que la représentation d'un fait de sang doit êt
par des épisodes plus légers. Dans le même sens va l'
Philarète Chasles dans la notice déjà citée sur La Juive :
te histoire pleine de larmes, qui eût sans doute imprimé
une terreur trop vive pour être dramatique et surto
l'habileté des auteurs n'avait mêlé à tant de tristesse ce
cence qui laisse quelque temps reposer la terreur, en sé
tivant les yeux». Ici encore se retrouve l'opposition ent
des émotions et la musique, et la magnificence du spec
la terreur qui risquerait de devenir trop vive.
Les "sublimes lenteurs". - Il est banal de rappeler que
de la musique et son déploiement dans des formes cons
ne un ralentissement de l'action. Cette lenteur est tout
lièrement marquée dans la tragédie lyrique où l'action
monieusement distribuée sur les cinq actes de sa durée
proportion entre la longueur de l'acte et le peu d'act
roule a été raillée dans une brève et amusante épigram
le «premier acte»:

25 L'accueil du public se porte d'ailleurs tantôt sur la réalisation scén


qualité du spectacle: rendant compte de l'attitude de la presse devant Les H
Coudroy note, dans l'ouvrage cité note 22, que la critique est «plus attac
que qu'à l'art de la mise en scène» (p. 176).
26 Véron, Mémoires cit., p. 210.

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La Princesse Ch
Le Prince J'en suis ravi, Princesse.
Peuple, chantez, dansez, montrez votre allégress
Le Chœur Chantons, dansons, montrons notre allégr
( fin du premier acte)21

Tout se passe comme si le déroulement temporel,


peut conférer une plus ou moins grande tension, ét
un déploiement spatial qui met en valeur la nobless
mais fait oublier leur engagement dans un conflit
se rappelle l'arrivée brutale de Thésée, dans Hipp
Rameau, à un moment particulièrement dramatique
dre vient d'avouer son amour à son beau-fils Hippo
poser de la tuer; dans le but de sauver sa maîtresse,
dente de Phèdre, vient d'accuser ce même Hippolyt
sée; eh bien, cette arrivée est presque aussitôt suivi
ment qui comporte une marche, un chœur célébrat
matelots et deux rigaudons. Le résultat, c'est que la
d'une situation de forte tension vers le portrait en p
narque fêté par son peuple.
Ce glissement du temps vers l'espace se retrouve
mantique et il peut même devenir un paramètre dr
portant: ainsi le sujet de Gustave III d'Auber est a
représentation d'une cour aimable et fastueuse qu'u
reuse; c'est logiquement cette dernière qui avant
Verdi dans Un ballo in maschera ; il serait donc i
cette élégante fresque historique d'Auber dans une
dienne où elle deviendrait une mauvaise esquisse de
cien italien.
Les «sublimes lenteurs» dont parle Charles Mehr
te rendu des Huguenots 28 sont donc communes au
tragédie lyrique; elles comportent les mêmes risq
l'action ou de redondances - on songe à certaine
Rienzi de Wagner ou même des Vêpres siciliennes d
les ne sont pas atteintes par les mêmes moyens.
La technique de Scribe, le librettiste le plus consi

27 A. Della Corte, Satire e grotteschi, Torino, UTET, 1946, p. 727


rait de 1778.
28 Coudroy, Les Créations cit., p. 135.

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

que, est différente de celle qui régnait au XVIIème et X


cles. Celle-ci consistait à étaler l'action pour qu'elle rem
actes, celle de Scribe à la diversifier et à la retarder par
de procédés (le delayed action plot suivant la terminolog
S. Stanton reprise par Karin Pendle29). Scribe procèd
ments successifs: alors que l'auditeur de Lucia di Lamme
naît dès la scène qui suit le chœur d'introduction les do
tielles de l'intrigue, celui des Huguenots ne possède à la
Ier que quelques indices et il ne saurait absolument pas
ment va évoluer l'intrigue. Cette façon d'émietter l'acti
communiquer que progressivement les données essent
différente de la pratique italienne qui tend à poser imm
les données du conflit, mais elle est tout à fait logique
thétique qui s'efforce d'équilibrer les péripéties de l'i
"ornements" (divertissements, ballets, épisodes margina
mentent cette même intrigue.
Il peut être intéressant de prendre un exemple de cet
de retardement, telle qu'elle est mise en œuvre par Scri
librettistes de l'époque romantique: La Reine de Chyp
Henry Vernoy de Saint-Georges et Halévy est un cas in
le livret ayant été adapté par Giacomo Sacchero pour
en tira un opéra sous le nom de Caterina Comaro ,30 on
une intrigue française et cette même intrigue "italianisé
son qui reflète bien les différences d'esthétique.
Je rappelle brièvement l'histoire: Gérard de Coucy
Comaro (elle s'appelle Catarina chez Halévy) s'apprêten
en plein accord avec le père de cette dernière, quand ce
empêchée par Mocenigo, représentant du Conseil des Di
veut pour des raisons politiques marier la noble véni
gnan, roi de Chypre, qui, aux yeux des gouvernants de
qu'un pion dans leur jeu diplomatique. Andrea Corna
Catarina sont obligés de céder, malgré une vaine tentat
pour enlever sa belle (actes I et II). Frustré par la décisi
nigo, Gérard accourt à Chypre pour tuer son "rival" Lu
cenigo, informé, envoie des sbires pour lui régler son co

29 K. S. Pendle, Eugène Scribe and French Opera of the Nineteenth Cent


UMI Research Press, 1979, p. 85 s. L'auteur étudie en détail la technique d
30 L'histoire de Caterina Cornaro racontée par le librettiste français insp
Lachner (Munich 1841), Halévy (Paris 1841), Balfe (Londres 1844), Doniz
et Parme 1845) et Pacini (Turin 1846).

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échappe à ce t
sauve la vie. L
français mais
phalement à C
et Gérard se p
moment qu'il v
rêter avant le
et s'en va à Rh
Chypre pour a
sonné Lusigna
otage de la pol
vantage de Cat
Il est facile de
triangle, oppo
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masqué aupara
qui donne lieu
tard, Lusignan
saires, et le pr
yen couramme
débat; en reva
péra français
l'arrivée proc
plets de Moce
velles festivité
avec le roi de C
semble, chœur
te son geste dé
L'opéra italien
ments qui ma
drame (la célé
brutale de Moc
fait un prolog
valorise bien
confiant une s
la cruelle polit
sonnage élégia
(comme le pro
les péripéties q
fectivement la vie de Gérard mais ils s'identifient et se rendent aussi-

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

tôt compte qu'ils sont tous deux victimes de la politique


ce qui du coup supprime la tentative d'assassinat du r
par le gentilhomme français. Le conflit est alors clair d
ne varie pas: Mocenigo est le "traître", Gérard l'amou
ros qui s'oppose à la politique machiavélique de Venis
est l'enjeu. En revanche le musicien italien supprime pr
ment les festivités.
Pour donner toute leur place aux divertissements,
l'opéra français veut donc que l'intrigue ne dévoile que
ment le conflit important et ménage des rebondissemen
cer l'action; dans la mesure où il supprime ces "condime
italien adopte une démarche beaucoup plus directe et, si
re, uniformément rectiligne. Sur ce plan aussi, le grand
que prend la suite de la tragédie lyrique.
Pour jeter un pont entre la tragédie lyrique et l'opér
des années 1830-40, j'ai conscience d'avoir mis entre
toute une période de l'opéra français, celle qui sépare
Gluck à Paris et les dernières œuvres françaises de Spon
cette quarantaine d'années, la culture française développ
tique qui se rapproche de la tragédie en simplifiant l'in
imprimant un parcours plus linéaire, en cherchant une
intensité émotionnelle et en limitant, voire en supprima
divertissement. Il n'est pas indifférent que dans ce p
joué un rôle des musiciens qui n'avaient pas été formés
re française comme Gluck, Cherubini, Salieri, Sacchini
et qui étaient donc moins marqués par la tradition class
se. Il est vrai qu'entre La Vestale et Fernand Cortez cett
prend un tournant "monumental" et décoratif et qu'e
signes d'essoufflement à l'époque de la Restauration;
néanmoins une tendance importante dans l'histoire de l
çais et elle explique les aspirations contradictoires de Jo
tées plus haut.

L'action sociale. - La lutte que mena la culture frança


citadelle classique à partir de la fin du XVIIIème siècl
lutte directe à travers des auteurs français comme Hug
Vigny, Guizot, Constant, ou indirecte grâce aux traduc
tes allemands comme ceux de Schlegel ou de Lessing.31

31 L'ouvrage d'A. Ubersfeld, Le Drame romantique , Paris, Belin, 1993, o

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338 GILLES DE VAN

le combat avec so
piquant, plus sar
mêmes: refus des
formément pomp
contemporain ou
tion diversifiée
demment rester
J'ai déjà évoqué l
fois que le recour
pouvait être "dig
unités ne s'était
plus que celle du
ment que fit dan
d'ailleurs ne laiss
piration à une rep
Une des pensées
de Benjamin Cons
notoriété que de
rappeler l'influen
en 1829, dans De
stein " par Schille
tragédie?* La thè
repose sur le dév
vons presque rien
origine, traits d
du théâtre allema
ploiement est inc
montrer l'évolut
classique; cette n
Victor Hugo comm
de Cromwell dan

logie utilement comm


trouvera la chronique d
PUF, 1955.
32 «Ho scelto Un duel
vedo buffo e tragico, c
Donizetti cit., p. 448 s.,
33 B. Constant, Œuv
860-897 et 899-928 (les
mont, L'Esthétique théâ
de Coppety Lausanne, I

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

dramatique qui n'a pas encore été véritablement e


l'action sociale-.

Il est évident que cette action de la société est ce qu'il y a


tant dans la vie humaine. ... la passion et le caractère son
l'action de la société est le principal.

L'ordre social, l'action de la société sur l'individu,


phases et aux diverses époques, ce réseau d'institutions et
qui nous enveloppe dès notre naissance et ne se rompt
sont des ressorts tragiques qu'il ne faut que savoir manie
fait équivalents à la fatalité des anciens.

Il est vrai que la perspective de Constant est celle,


ment romantique, de la lutte du héros en tant qu'esp
les conventions sociales: l'exemple qu'il propose e
Saint-Simon est très éloquent à cet égard.34 L'action
avant tout celle de la société sur l'individu, mais le f
écrive que «les masses sentent qu'elles ont pris ra
n'exclut pas une "action" de la société en tant qu
d'une telle action sociale, dans notre optique, est qu'e
tuer le ciment qui unit les nombreux "divertissem
pent à l'intrigue principale et leur donner de ce fait
tout à fait nouvelle, réglant ainsi le problème maj
perspective.
Le concept qui permet de relier l'intrigue et les épisodes annexes
est celui de tableau, notion essentielle à l'analyse du grand opéra
comme je l'ai dit plus haut (ce n'est pas un hasard si dans la lettre
que j'ai citée précédemment Verdi parle de «quadri svariati ... vas-
ti»).35 Le tableau implique la coexistence de trois éléments: un élé-
ment visuel (décor, disposition des personnages), un élément textuel
qui relie plus ou moins étroitement le tableau à l'intrigue, et enfin un
élément musical suffisamment important pour donner une consistan-
ce sonore au tableau. En affinant ce concept, on peut distinguer:
(1) des tableaux scéniques qui sont l'occasion d'une repré-
sentation spectaculaire qui n'a pas forcément de rapport avec l'intri-

34 On peut remarquer que c'est aussi la perspective de Berlioz dans Benvenuto Cellini (1838).
35 Cela n'implique évidemment pas que le grand opéra ait inventé le tableau: la présence
de tableaux dans le mélodrame des boulevards, dans l'opéra-comique ou même dans les opéras
antérieurs au grand opéra (comme Fernand Cortez de Spontini ou Les Abencérages de Cherubi-
ni) est un fait; mais c'est le grand opéra qui a le mieux tiré parti de ses diverses possibilités.

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340

gue principal
Prophète);
(2) des tabl
certaine ampl
son fils par F
dramatique s
couronnemen
matique coïnc
mais un conce
dramatique;
(3) parfois le
de créer un t
une atmosphè
suite: le quatr
bleau d'acte à
a une nette co
bleau d'acte,
buent à le cr
tants pour d
Dom Sébastien
les chœurs d'
dos sont large
monde arabe,
la sensualité;
et Sébastien,
appartiennent
un décor nett
(4) l'ensembl
ques au point
gue sociale, d
guenots que je
rapport amou
ciale est const
lemy; je parle
elle met toujo
développée qu
dynamique dr
(5) dans cert
ciale, l'intrigu
matérialisé pa

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

donner une consistance dramatique et musicale: o


Martyrs de Donizetti (1840). Il se peut, comme l'a
Ashbrook, que Poliuto, l'opéra dont dérivent Les M
plus grande cohérence dramatique, mais seule la v
(élaborée par Scribe) suggère, avec ses nombreux chœ
chrétiens, l'opposition de deux confessions, l'une
l'ordre établi, l'autre qui marque une rupture avec le
Le cadre général de Gustave III, présenté comme un
que», est à l'évidence la cour brillante de Gustave. Il
tableau d'acte, à l'acte I de l'œuvre, mais se poursu
suivants et reparaît au dernier acte (il faut rappeler
tré une exposition récente à Paris, que le règne de ce
dois a fasciné la culture française). Il est intéressa
Verdi essaye de garder quelque chose de cette "note"
cour de Gustave: son but n'est toutefois pas, com
d'Auber, de créer une fresque d'ensemble qui fasse
sombre intrigue principale, mais d'établir, à l'intérie
principale, un jeu de couleurs contrastantes entre la
verain et le tragique destin qui l'attend («come la luc
dei punti tragici del dramma» dit-il36).
Avant d'entrer dans les détails, il faut lever l'hypo
gnification politique des œuvres relevant du grand o
haus n'a pas tout à fait raison quand il écrit, compar
et Boris Godounov : «Im Grunde ist die Grand Opéra
und Scribe sie konzipierten, eine politische Oper aus
Unpolitischen».37 Scribe avait bel et bien une posi
était celle d'un conservateur modéré. Cette positi
dans presque tous ses livrets, il donne un coup à gau
droite: il dévalorise les révolutions populaires ou n
par des "fanatiques" (c'est bien la principale raison d
ces avec Verdi sur le personnage de Procida) mais il
mentalité féodale. Cette prudence est manifeste dan
Jean de Leyde aurait mieux fait de rester à sa place,
le auberge de campagne, au lieu de se mettre à la têt
de fanatiques illuminés et cupides, tandis qu'Obertha

36 Carteggi verdiani cit., I, p. 249 (cette observation figure dans les


en marge du livret proposé par la censure napolitaine, probablement en
37 C. Dahlhaus, Musikalischer Realismus , München, Piper, 1982,
gna, il Mulino, 1987, p. 115).

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342

inspiré de ne
odieux. Cette
ra ait été reçu
parfaitement
l'agitation de
tantôt une œ
était en fait.
Par ailleurs,
que j'ai cités
entre opéras
Charlton,38 o
l'optique qui m
maturgie par
(C. et G. Dela
litique puisqu'
Charles VII, e
Anglais auxqu
jeu du conflit
le dauphin ve
Anglais. Le da
te, et par sa f
enfin l'histoir
pas fréquent.
Toutefois les "masses" ne sont pas vraiment présentes: ni les An-
glais, représentés par le duc de Bedfort, ni les Français n'apparais-
sent comme une force active, et le conflit se limite aux protagonistes.
Le livret de l'acte III, où devrait être célébrée l'intronisation du jeu-
ne Lancastre (elle n'aura pas lieu parce que Charles VI sort un mo-
ment de sa folie et se refuse à cette trahison), prévoyait un double
chœur, attristé pour les Français («Pompe de deuil») et glorieux pour
les Anglais, mais Halévy n'a fait chanter que le peuple français; les
deux camps se retrouvent dans le final de l'acte mais ils sont en re-
trait par rapport aux protagonistes Isabelle, Bedfort, Odette, Charles
VI et Raymond. C'est trop peu pour que surgisse un arrière-plan col-
lectif conflictuel. Par ailleurs, l'œuvre baigne dans un nationalisme
assez primaire qui s'exprime à la fois par des chants ou des airs pa-
triotiques, et par des numéros dans un style "vieille France" (villa-

38 D. Charlton, Sur la Nature du " grand opéra", dans Les Huguenots , «L'Avant-Scène
Opéra», 134, septembre-octobre 1990, pp. 20-26: 23 s.

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

nelle d'Alain Chartier n° 7, ballet fondé sur des vieil


me la pavane, la mascarade et la bourrée, air puis
n° 22 et 24, chanson du soldat Gontran n° 28). Le
naliste est trop ingénu pour que l'intrigue suggère u
propre aux masses, comme dans Les Huguenots. Quan
il comporte aussi une facette politique, en tant qu
d'une monarchie tolérante et éclairée, mais le conflit
rain "orléaniste" et les conspirateurs "légitimistes" n
lement de la cour et se limite donc aux personnages p

Le cas des "Huguenots". - Nous pouvons mainten


un exemple pour voir comment fonctionne ce princi
le. Exemplaires me paraissent à cet égard Les Hugu
beer représentés à Paris en 1836. Cet opéra fut trè
reçu par la critique (Berlioz le jugea même supérieur
ble), mais, dans l'ouvrage cité plus haut (note 22),
nous apprend que le livret fut discuté: on critiqua ce
tudes historiques, on s'inquiéta d'un parti-pris tro
protestants et enfin on déplora que, s'agissant d'
majeur de l'histoire de France comme le massacre de
lemy (1572), l'intrigue ne mette pas en scène des act
comme Coligny, Henri de Navarre ou Charles IX. À l
bres de l'érudition historique cachèrent la forêt qu
fort originale de souder étroitement une intrigue pa
traditionnelle et un épisode troublé de notre histoire.
Le premier acte est indiscutablement placé sous le
tinage masculin et il se déroule dans un lieu uniqu
comte de Nevers. Ce libertinage, qui est le fait des
ques du comte de Nevers, implique élégance, raffin
volture. Il trouve son expression musicale dans plusi
chœur «Des beaux jours de la jeunesse», le morceau
ces lieux enchanteurs», l'entrée de Raoul «Sous ce
Touraine» et enfin l'orgie «Bonheur de la table» dans
il est rappelé par le morceau d'ensemble «L'aventur
puisque les convives interprètent la rencontre de Ne
tine comme une bonne fortune; et enfin il domine da
le chœur «Honneur au conquérant» (toujours fondé s
lentendu) et la strette qui, entre autres, reprend l'org
tion. Ce matériel musical est suffisant pour établir u
nante et constituer ce que j'ai appelé un tableau d

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344

en fin de par
est un indice
tableau uniqu
miner un ens
début, favori
À ce stade, l'
sons la conna
fort romant
romantisme
grands seign
d'une belle in
se dame qui
opposition en
quête" de Ne
posée de la je
est simpleme
serviteur de
huguenot (sc
de l'ouvertur
son entêteme
liques qui se s
Au niveau sy
l'acte suivant
dirigeante fac
L'acte II est
correspond c
l'aimable bad
Navarre; la fe
des inspiratri
des catholiqu
Valentine. Ce
dent: entr'ac
chœur des b
(rajouté) du p
sens, duo Mar
L'intrigue pr
de l'acte sur
dépité par la
reux de Marg
quement, ne

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

droits à la fin de l'acte dans un vaste tableau scéniqu


la cour - et dramatique - éclat de Raoul qui rejette
pour sa conduite à l'acte précédent, Valentine à laque
Navarre veut l'unir. Ce geste brutal est absurde car il se
malentendu: Valentine, anciennement fiancée à Nevers,
venue lui demander de rompre ses fiançailles sur la req
guerite. Ce n'était donc pas une «bonne fortune» d
qu'il en soit, le refus de Raoul provoque le désarroi d
l'ire des catholiques, et notamment du comte de Sain
Valentine. Le final met ainsi un terme à l'exposition
longue chez Scribe, et lance l'action principale.
Suivant une technique que l'on retrouve également d
livrets de Scribe, le troisième acte est capital, parce qu
nœud de l'intrigue qui est à la fois mouvementé et étran
que. L'intrigue sociale et l'intrigue principale s'y jux
réellement encore se fondre. Après un entracte et chœu
puisqu'il décrit les promeneurs du dimanche, à Par
Clercs («C'est le jour du dimanche»), le n° 14 oppose
soldats huguenots, les litanies des femmes catholiques,
dans un morceau d'ensemble où catholiques (hommes et
protestants s'affrontent. La tension croissante est mom
interrompue par la ronde des bohémiennes puis par le
seule véritable diversion de l'opéra et elle est bienvenu
pend provisoirement une tension qui se retrouvera plu
chœur de la dispute («Nous voilà! félons! arrière»). Apr
couvre-feu met un terme à cette partie collective de
toute sa place à l'intrigue principale qui avait déjà co
l'arrivée de Marcel à la fin du n° 14. Au cours d'un lon
tine apprend à Marcel que son père et d'autres seigneur
ont préparé un piège contre Raoul. Cette péripétie e
pendant le septuor du duel; Marcel sauve son maître en
rescousse les protestants qui chantent dans le cabaret vo
Le final comporte d'abord un double tableau scéni
de Marguerite et de sa suite qui met fin à la dispute, p
Nevers dans une «chaloupe élégamment décorée et il
dernier effet spectaculaire se retrouvera dans le final II
ciliennes où l'affrontement des Français et des Sicilien
par l'arrivée d'une «tartane élégante et richement pavo
duit des officiers français et des nobles siciliennes. Le f
en outre un tableau dramatique qui scelle le nœud de l'a
8

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346

tine épouse N
que qui l'a trom
que c'est sa f
Raoul.
On ne saurait
générale nous
cœur des deux
et des protesta
vert du compl
té des protagon
Dans les deux
le se joignent
Raoul) est stri
tholique qui d
des de l'une (l
buent à la pro
Raoul). L'acte V
vient ses corré
tine rejoint s
le rite protes
conjurés.
L'originalité des Huguenots est donc que l'intrigue part de don-
nées relativement traditionnelles (le rapport Raoul et Valentine vs
Nevers et Saint-Bris n'a rien d'original) mais elle se détache sur le
fond d'un épisode historique parfaitement illustré. On voit ainsi
comment la logique des passions rencontre le hasard des événements
et le déterminisme de l'histoire, et les deux trames sont tissées avec
beaucoup d'habileté. Dans l'optique qui m'intéresse, l'intérêt de ce
double plan est de fournir une justification dramatique à des épisodes
qui autrement apparaîtraient comme une dilatation de l'intrigue prin-
cipale, voire un simple divertissement. Dans la préface de Cromwell,
Hugo ne proscrit nullement les «actions secondaires» du moment que
celles-ci «gravitent sans cesse vers l'action centrale et se groupent au-
tour d'elle aux différents étages ou plutôt sur les divers plans du dra-
me». C'est bien ce qui se passe avec Les Huguenots.40

39 Pour une parfaite intelligence de l'intrigue, il convient de se reporter au texte d'E.


Scribe, Théâtre , Paris, Michel Lévy, 1859, tome XV, pp. 216-288. Meyerbeer a en effet
abondamment et justement coupé dans ce texte fort diffus, mais sa connaissance est nécessai-
re pour certaines articulations.
40 Cette capacité de Meyerbeer (et Scribe) d'unifier des éléments très différents fut très

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

Quelques autres cas. - Il est probable que la personnalit


beer ait été déterminante dans la mise en œuvre de cette
dramaturgie où l'action sociale de Constant trouve vraim
ce.41 George Sand avait déjà été sensible à l'ampleur de
sicien allemand dont elle loue 1' «intelligence allemande
consciencieuse et savante)».42 Si l'on se place, comme
ring, dans la perspective du «drame d'idées» et de la cap
rer certaines conséquences sur le plan de la formalisatio
supériorité de Meyerbeer est incontestable. Pour ce qui
che de l'agencement de l'intrigue et de l'effort pour étab
plan, passionnel et historique, il faut rendre justice aux
surtout à Scribe, même si tous ses livrets sont loin d
double plan. Ainsi on ne saurait déceler une intrigue so
bert le Diable ; en revanche ses divers épisodes peuve
facteur unifiant dans un cadre général qui est une "
que se livrent le bien et le mal dans le cœur de l'homm
ce sens que lui donne George Sand dans sa lettre à Me
tre l'ange et le démon, entre le ciel et l'enfer fantastiq
âge, vous aviez vu l'homme divisé contre lui-même, par
chair et l'esprit, entraîné vers les ténèbres de l'abrutiss
protégé par l'intelligence vivifiante et sauvé par l'espoir
En revanche, on retrouve cette intrigue sociale - ou d
cadre général plus statique mais d'essence collective -
ras assez proches dans le temps comme Guillaume Te
(1829), La Muette de Vortici d'Auber (1828) ou ha J
(1835), sans parler bien sûr du plus tardif Prophète d
(1849) dont on sait toutefois qu'il fut mis en chantier t
vret fut rédigé entre 1837 et 1838). Avec Les Huguenot

vite perçue par les Italiens: un critique parle en 1844 de «l'arte ammirab
unità ad un lungo lavoro, coordinando le diverse parti, conducendole tutte
té par F. Della Seta, L'immagine di Meyerbeer nella critica italiana dell'O
"dramma musicale ", dans L'opera tra Venezia e Parigi , I, éd. par M. T. Mu
schki, 1988, pp. 147-176: 157).
41 Voir à ce sujet S. Döhring, Meyerbeer - Grand Opéra als Ideendrama
VIII, n° 31-32, 1983, pp. 11-22 (trad. it. dans La drammaturgia musicale , éd
Bologna, il Mulino, 1986, pp. 365-381). On peut également consulter
Pendle, cité à la note 29, qui logiquement met plus l'accent sur le rôle de S
Claudon, G. Meyerbeer et V. Hugo: dramaturgies comparées , dans Regards
F. Lesure, Paris, PUF, 1976, pp. 101-111.
42 George Sand, À Giacomo Meyerbeer (1836), dans les Lettres d'un v
Gar nier-Flammarion, 1971, pp. 299.
43 Ibid.

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348 GILLES DE VAN

opéras furent les p


et 500 représenta
les librettistes d
avancées par les t
Constant.
Dans La Muette de Portici (Scribe et Delavigne, Auber 182845),
l'intrigue principale est constituée par les rapports tourmentés d'Al-
phonse, le fils du vice-roi de Naples, d'Elvire sa fiancée et de la
muette Fenella, sœur de Masaniello, qu'Alphonse a séduite. L'intri-
gue sociale est représentée par la révolte des Napolitains conduits par
Masaniello, laquelle échoue en raison de la répugnance de Masaniello
à l'effusion de sang. Comme souvent chez Scribe, les deux premiers
actes ont pour but de lancer l'action et de poser le décor à travers
des tableaux d'acte contrastants. L'acte Ier campe le décor d'un ma-
riage princier tandis que l'intrigue principale est présentée dans l'air
d'Alphonse, la scène n° 4 avec la pantomime de Fenella et le tableau
dramatique final où Fenella demande justice contre son mystérieux
séducteur qui n'est autre qu'Alphonse.
L'acte II («un site pittoresque aux environs de Naples») décrit la
population des pécheurs: le chœur «Amis, le soleil va paraître» et la
barcarolle de Masaniello «Amis, la matinée est belle» pourraient pa-
raître de simples divertissements s'ils n'étaient prolongés par le célè-
bre duo Pietro/Masaniello dont le contenu est la révolte («Mieux
vaut mourir que rester misérable») et par le finale où la population
feint la bonne humeur pour tromper la troupe venue à la poursuite
de Fenella. Ce deuxième tableau d'acte, couronné par un tableau dra-
matique (le final), concerne l'intrigue sociale puisqu'Auber et Scribe
représentent une collectivité paisible mais prompte à la révolte.46

44 Pour les données statistiques concernant les représentations, cf. «Le Ménestrel»,
LVIII, 1892, p. 298; A. Soubiès, Soixante-sept ans à l'Opéra en une page, Paris, Fischbacher,
1893.

45 Comme pour Robert le Triable, je n'évoque pas les antécédents de cet opéra et ses rap-
ports avec l'opéra-comique qu'étudient J. R. Mongrédien, Variations sur un thème : Masaniello.
Du héros de l'histoire à celui de "La Muette de Portici ", «Jahrbuch für Opernforschung», I,
1985, pp. 90-121, ou pour Robert , entre autres auteurs, M. Everist, The Name of the Rose:
Meyerbeer's Opéra-Comique " Robert le diable «Revue de musicologie», LXXX, 1994, pp.
211-250.

46 Sur ce point, j'avoue ne pouvoir suivre Sieghart Döhring qui à propos des opéras
d'Auber, Halévy et Rossini écrit que «entsprechend erscheinen die Volksmassen nur als Pro-
longationen der Rollencharaktere» {Meyerbeer cit., p. 18, trad. it. p. 379). Il est vrai que le li-
vret de Scribe comporte un échange qu' Auber ne met pas en musique (Masaniello: «Le vice-
roi, doublant notre misère, | Lève un nouvel impôt sur ces fruits de la terre, | Ce prix de nos

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

Suivant son habitude, Scribe fixe dans l'acte III e


principale et l'intrigue sociale: après un duo où Alph
justifier sa conduite auprès d'Elvire, l'essentiel de l'a
sur la grande place du marché de Naples. Le «chœur
puis la tarentelle forment un tableau scénique qui a tou
mérite d'introduire dans l'œuvre une certaine dimensio
tidienne («Oranges fines de Meta! | Rosolio, vin de S
veaux cédrats de Portici...») dont on sait l'importance q
dans les opéras de la fin du siècle; cet épisode prend né
son sens avec le tableau dramatique qui suit (le finale
dernier naisse d'une péripétie "privée" (Selva, un offici
vient arrêter Fenella et s'apprête à en faire autant avec
c'est bien une révolte populaire qu'il nous décrit, fût-e
rendue plus tolérable par la prière des conjurés.
Les actes IV et V penchent, d'une manière qui se r
nombre d'opéras, vers l'intrigue principale; l'intrigue s
tefois encore très présente à l'acte IV où Masaniello rec
excès de la révolte dont il a pris la tête (air «Adoucis la
arrêts terribles») et se heurte aux extrémistes menés pa
tine avec chœur); elle reparaît dans la phase finale avec
chœur des napolitains venus célébrer leur héros tandis
les conjurés ruminent leur vengeance contre leur chef q
À l'acte V, la barcarolle de Pietro «Voyez du haut d
sanctionne la discorde des révoltés puisqu'entre les c
nous apprend qu'il a empoisonné Masaniello: une situati
che se retrouvera dans Le Prophète, lorsque les anabapt
rent de Jean de Leyde qu'ils décident de livrer à l'emp
le de l'acte V est purement spectaculaire: folie de Ma
tion du Vésuve et mort tragique de Fenella qui se jette
mes. L'action sociale est donc bien présente dans cet op
la révolte des pécheurs napolitains, et elle est même mu
sez présente pour qu'en comparaison l'intrigue passio
vs Alphonse vs Elvire) pâlisse quelque peu.
C'est ce qui aurait risqué de se passer également da
Tell, à cause du poids du modèle schillérien nettement
une signification politique de l'œuvre (l'intrigue amour

sueurs qu'il aime à voir couler!»); le musicien se contente d'un plus allusi
rans doit compte d'une offense». Ce langage moins direct n'ôte rien toute
cial, très présent dans l'opéra, de la révolte napolitaine de Masaniello.

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350

et de Bertha
bre en accor
du répertoir
triste», et l'a
l'intrigue soc
Gessler) et le
et le despotis
qu'à impulser
tons est pres
lité de Guill
sensible dans
Ier qui a pou
vilisation he
Guillaume Te
nale de l'acte
ra déborde la
d'un sens po
vent des anecdotes connues de tous.
Le cas de La Juive n'est pas très différent car on ne peut absolu-
ment pas parler d'intrigue sociale, mais simplement d'une idée unifi-
catrice (cadre général) qui concerne toutefois très concrètement la
collectivité présente dans l'œuvre: c'est le caractère néfaste de l'into-
lérance opposant la majorité chrétienne et la minorité juive. On ne
peut croire qu'Halévy, qui était juif (ne l'oublions pas), y ait vu le
pur et simple prolongement du conflit entre le juif Eléazar et le car-
dinal Brogni. La preuve en est que l'acte II coïncide avec un tableau
d'acte centré sur la fort belle évocation de la Pâque juive (en général
raccourcie dans les enregistrements de cette œuvre) à laquelle assiste
le héros Léopold sous la fausse identité de Samuel, un juif de la com-
munauté; la solennelle prière d'Eléazar «Si trahison ou perfidie» con-
court à la couleur de cet épisode.
Par ailleurs, il faut noter que le cadre général et l'intrigue princi-
pale sont étroitement soudés à travers des péripéties qui sont margi-
nales par rapport à l'histoire privée. L'acte Ier est dominé par un ta-
bleau à caractère festif: il s'agit de célébrer la victoire de Léopold,
neveu de l'empereur^ sur les Hussites et l'ouverture du concile de
Constance en 1414. A peine la première phrase du Te Deum est-elle
achevée (introduction) que le bruit qui provient de la boutique du
juif Eléazar et la réaction populaire (travailler un jour de fête!) an-
noncent le conflit impliqué par le cadre général. On le retrouve,

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

toujours dans l'introduction, quand, remarquant à no


Ruggiero, prévôt de la ville de Constance, envoie che
lui promet les pires châtiments. On voit ainsi dès le d
deux croyances et deux pratiques, l'une arrogante et
tenue par la foule, l'autre fièrement rebelle.
Il est vrai que c'est l'arrivée du cardinal Brogni
zar, mais ce n'est pas fini: après divers épisodes fest
cement du finale, Rachel et Eléazar s'étant réfugiés s
de l'église, le même Ruggiero veut les châtier, vig
prouvé par la foule («Oui, plongeons dans le lac cette
criminelle»). Cette fois, c'est Léopold qui va les sa
non toutefois sans que Rachel - qui croit encore
juif et s'appelle Samuel - ne l'ait averti: «contre no
race inhumaine en veut à tous les juifs». Derrière
protagonistes surgit donc très clairement le tableau
fessionnel.
Les trois derniers actes sont dominés par l'intrigu
qui associe le cardinal Brogni, le juif Eléazar, sa fille
neveu de l'empereur et sa femme Eudoxie. Certain
moins ne prennent tout leur sens dramatique que da
qui a été clairement posé: la dénonciation de Léop
dans le grand finale de l'acte III, lorsqu'elle décou
identité du faux Samuel, n'est pas une simple veng
car elle met en cause la religion («Chrétien, il eut co
maudite, | une Juive, une Israélite»); dans son inte
IV, Brogni suggère explicitement à Eléazar d'abjurer;
célébrissime «Rachel, quand du Seigneur» on entend
rant «Au bûcher les Juifs»; enfin, dans le grand table
clôt l'œuvre (finale du V), Eléazar propose à sa fill
échapper à la mort, ce qu'elle refuse. Autrement dit
parler d'intrigue sociale, l'intrigue principale est i
sans le climat de haine confessionnelle que Halévy a
ment clair et auquel les nombreuses interventions ch
caractère nettement collectif.
J'ai dit plus haut que Le Prophète avait été l'obje
tions politiques radicalement divergentes.47 Ce fait

47 Celle de Scribe est pourtant claire; il a la plus grande aversion po


comme le prouve l'exergue qu'il place en tête de son livret et qui est
mœurs de Voltaire: «Le fanatisme n'avait point encore produit dans le
reille»; Scribe, Théâtre cit., tome XV, p. 289.

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352

que l'opéra ét
ment privé et
œuvres étudié
tableaux d'act
idéal, idylliqu
phie paterna
chœur pastor
pose claireme
nouir un amo
ne trompent
de sur un ryt
de Berthe et
et chœur des
tes à vide sur
the moi je sou
pagnarde. Ce
gneur voisin
noue l'intrigu
refuser la libe
mère de Jean
mère et garde
pas le cœur de
L'intrigue soc
tes, signalés
qui est au Pro
nots: le sermo
té définissent
les. La jonctio
tistes sont fra
de son côté a
et qu'il décrit
choix odieux,
anabaptistes.
Ainsi que no
Muette , l'acte
le qui se trouv
me caractéris
mosphère gue
tes «Du sang!
te tonalité gén

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LE GRAND OPÉRA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

volte des paysans conduits par les anabaptistes), mais


paysans révoltés commence déjà à être dévaluée, soit
l'impéritie militaire des anabaptistes (qui envoient imprud
soldats à l'assaut de Münster), soit en raison de leur crua
vidité avec laquelle ils veulent rançonner leurs ennemis.
nerie de ces rebelles sera d'ailleurs ridiculisée dans le trio bouffe
entre Jonas, Zacharie et Oberthal. Le livret de mise en scène insiste
par ailleurs sur la «joie féroce» avec laquelle les anabaptistes veulent
massacrer les prisonniers aristocrates qui «montrent une noble
résignation».48
Là encore, suivant une construction assez proche des Huguenots,
l'acte est coupé par un divertissement constitué par l'épisode des pa-
tineurs (chœur annonçant les patineurs et ballet). L'intrigue principa-
le reparaît après le trio bouffe, quand Jean avoue à Zacharie sa lassi-
tude et son désir de revoir sa mère, puis quand il s'entretient avec
Oberthal et apprend que Berthe se trouve à Münster. Ce détail per-
met aux deux trames de se joindre à nouveau puisque Jean décide de
prendre d'assaut la ville de Münster où se trouve sa bien-aimée (le li-
vret de mise en scène insiste sur l'effet spectaculaire que produit la
dissipation du brouillard couvrant l'étang et l'apparition soudaine de
la ville de Münster); l'acte se termine par un tableau dramatique où,
en des termes qui annoncent l'intervention majestueuse de l'Inquisi-
teur matant la révolte populaire à la fin de l'acte IV de Don Carlos
(«à genoux, à genoux»), Jean mate la révolte des soldats imprudem-
ment envoyés à l'assaut de la ville par les anabaptistes.
Avec les deux derniers actes, l'intrigue principale et l'intrigue so-
ciale se trouvent encore plus étroitement rattachées puisque Berthe
et Fidès, auparavant liées exclusivement à la première, participent
maintenant à la seconde. L'acte IV n'est pas fondamentalement dif-
férent dans sa construction de celui des Huguenots, partagé entre un
épisode privé (le duo Valentine/Raoul) et une scène collective (la bé-
nédiction des poignards). Ici, la scène privée (le lamento de Fidès et
le duo Berthe/Fidès) précède la grandiose scène du couronnement où
Fidès doit renier son fils pour que celui-ci ait la vie sauve.
Dans le dernier acte, le clou émotionnel est un grand trio (comme
dans Robert et dans les Huguenots) entre Berthe, Fidès et Jean. Tou-
tefois, la marche au dénouement se déroule différemment, ce qui est

48 Douze Livrets de mise en scène lyrique datant des créations parisiennes , éd. par H. R. Co-
hen et M.-O. Gigou, Stuyvesant, Pendragon Press, 1991, pp. 151-182: 160.

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354

logique car in
ques: Berthe
que Jean a fin
le climat agre
de la ville, |
nos vœux»). L
palais de Mün
Jean, secondé
la trahison d
reur, mettant
Quelles que s
que nous avon
«action social
dans un cadre
une incontest
demeurent as
s'approche le
une totalité so
croisent et se
peut dire que
sion dramatiq
présence de la
un temps sédu
opéra.
Elle a surtout l'avantage de favoriser l'homogénéité de perspecti-
ve qu'appelait de ses vœux Victor Hugo: de la sorte, les divers épiso-
des (chœurs, ballets) faiblement reliés à l'action principale trouvent
une justification et s'inscrivent dans une unité plus vaste, et les réel-
les diversions (la ronde des bohémiens et le ballet dans Les Hugue-
nots, l'épisode des patineurs dans Le Prophète) sont très marginales.
Si la personnalité de Meyerbeer a été celle qui a le mieux mesuré ces
enjeux, force est de reconnaître que ces œuvres appartiennent toutes
à une période déterminée de l'histoire française, entre 1828 et 1850,
entre l'avènement de la Monarchie de Juillet et la deuxième Républi-
que de 1848-1852; une période marquée non seulement par une gran-
de pugnacité culturelle (c'est l'affirmation du romantisme) mais aussi
par un grand intérêt pour les conflits historiques: petits contre puis-
sants (La Muette , Le Prophète), liberté contre despotisme ( Guillaume
Tell), tolérance contre fanatisme ( Les Huguenots, La Juive). Après
1848, commence une involution qui marque l'Europe entière et se

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE 355

traduit, dans le domaine de l'opéra, par un repli sur l'intimisme des


intrigues.

Le risque du pot-pourri. - Quand vient à manquer ce ciment unifi-


cateur, quand la célébration des pompes d'un régime n'est plus de
mise (comme cela avait été le cas pour des opéras comme Fernand
Cortez de Spontini), alors le foisonnement de l'opéra français risque
de tourner au pot-pourri et de manquer d'une épine dorsale qui le
structure, si séduisants qu'en soient certains épisodes. Il peut être in-
téressant d'opposer aux opéras que nous avons envisagés un cas pré-
cis de cette deuxième hypothèse: Guido et Ginevra («ou la peste de
Florence», précise le livret), livret de Scribe et musique de Fromental
Halévy, représenté à Paris en 1838; 49 ce ne fut pas un four puisque
l'œuvre fut reprise en 1840, mais pas davantage un grand succès,
malgré l'opinion favorable de Gautier («sujet poétique et renfermant
des situations vraiment musicales»50).
L'acte Ier a très clairement un caractère pastoral (tableau d'acte)
que pose le chœur initial («L'écho de nos montagnes»): c'est la fête
de la Madonne de l'Arc dans ce petit village, et le divertissement n°
4 est l'occasion de danses villageoises. La proximité de Florence ex-
plique qu'il soit fréquenté par des gens du monde parmi lesquels nous
voyons la belle et capricieuse chanteuse Ricciarda, maîtresse du duc
de Ferrare, Manfredi le duc, mais aussi Ginevra, fille de Cosme de
Médicis, qui se promène incognito. Au nombre des villageois on re-
marque Guido, un jeune sculpteur de talent mais d'origine modeste.
Sa romance «Pendant la fête une inconnue», où il raconte sa rencon-
tre avec Ginevra, contraste avec l'esprit libertin de Ricciarda et
Manfredi, comme celle de Raoul détonne dans le milieu très libre du
comte de Nevers. Dans la foule, malheureusement, il y a aussi un
condottière nommé Fortebraccio, toujours à l'affût d'un enlèvement
qui pourrait lui rapporter une rançon. Il jette son dévolu sur Ginevra
(qui s'est travestie pour que l'on ne reconnaisse pas sa véritable iden-
tité) et c'est le finale: tentative d'enlèvement, Guido vole à son se-

49 La version chant et piano, éditée par Schlesinger, vient d'être rééditée par Musik-Edi-
tion Lucie Galland, Heilbronn 1993; la partition d'orchestre est à la Bibliothèque de l'Opéra.
Le livret a été réédité en reprint dans E. Scribe, Sept Opéras , Plan de la Tour, Les Introuva-
bles - Éditions d'aujourd'hui, 1984, pp. 81-139. Comme toujours, il y a des différences assez
nombreuses entre livret et partition.
50 Gautier, Histoire de l'art dramatique cit., tome I, p. 114.

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356 GILLES DE VAN

cours mais est bles


gnent Guido.
A l'acte II, dans
avoue sa consterna
de son père. C'est
prochain mariage;
personnages: Cosm
ciarda est furieuse
di est agacé car l
échappé. Suit alor
ayant ordonné à
vient lui enjoindre
sé, mais une labor
Fortebraccio éliminera Ginevra. La drôlerie vient non seulement de
l'embarras du condottière mais de sa vénalité, car il monnaye ses
interventions (et l'on pense, bien sûr, au duo de l'or de Robert le
Diable). Le finale commence comme tout mariage d'opéra (chœur et
ballet) mais s'achève très rapidement, sans concertato : Ginevra, à qui
Fortebraccio a donné un voile, défaille et perd connaissance; comme
on apprend au même moment que la peste a éclaté à Florence, on en
déduit que la jeune femme a été contaminée par le voile.
L'acte III est le meilleur de l'opéra; sa tonalité funèbre est claire-
ment indiquée par un chœur de femmes («Vierge immortelle») qui re-
paraîtra dans le final (comme je l'ai dit, c'est un indice de la volonté
de créer un tableau d'acte). Nous sommes dans la cathédrale de Flo-
rence, et Cosme vient adresser une noble prière pour sa fille qu'il
vient de placer dans un tombeau. Nous avons ensuite deux très bons
airs de Guido puis de Ginevra: l'andante de Guido, venu pleurer cel-
le qu'il aime, est dans le plus pur style élégiaque et dolent d'Halévy;
après une cabalette moins frappante, on entraîne Guido hors de l'é-
glise, et c'est alors que Ginevra se réveille, car le poison n'était pas
suffisant pour la faire mourir. La situation est dramatique et elle est
traitée dans un passage qui fond habilement récitatif, arioso et air.
Le final retrouve la veine comique car Fortebraccio et ses amis veu-
lent profiter de l'aubaine pour dépouiller les tombes. Halévy mélange
le parlante des condottières et le chœur religieux qui ouvrait l'acte:
on devine aisément que l'apparition soudaine de Ginevra provoque la
terreur des brigands et les pousse à une fuite éperdue.
L'acte IV est également fort réussi. Il commence par un tableau
représentant Manfredi et Ricciarda qui profitent de la peste pour se

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGEDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE 357

livrer à la débauche la plus effrénée (chœur du souper); ce festin est


interrompu par le cri plaintif de Ginevra qui appelle de la rue son lé-
gitime époux: terrifié ou furieux, Manfredi lui décoche un coup d'ar-
quebuse qui la blesse. Il voudrait reprendre le festin, mais Halévy
traite très efficacement son effondrement progressif: c'est qu'il est,
lui aussi, atteint de la peste. Tout le monde le fuit, sauf Ricciarda
qu'il réussit à empoigner et à entraîner dans la mort. Nous sortons
ensuite dans les rues de Florence pour retrouver Fortebraccio et les
condottières, fous de joie de voir la ville vidée de ses habitants terro-
risés par la peste: ils vont pouvoir piller les maisons une par une
(chœur «Vive la peste» et couplets de Fortebraccio «A nous ces pa-
lais, ces splendeurs»). L'épisode se termine par une strette frénétique
«À la mort, au pillage» qu'Halévy veut rendre plus impressionnante
en abaissant fréquemment la sensible et en recourant au deuxième
degré napolitain.
C'est également dans la rue que traîne Ginevra blessée par son
mari et qu'elle y rencontre Guido, qui, las de vivre, cherche la mort
en secourant les pestiférés: c'est l'occasion d'un duo final à la fois
amoureux et mélancolique (Ginevra ne peut appartenir à Guido puis-
qu'elle est mariée et ne sait pas que son mari est mort). On en retien-
dra le délicat moderato en Sol majeur «Ombre chérie» et la strette
très enlevée. Le dernier acte est fort court et, hormis un chœur d'ac-
tion de grâces, il se limite à un grand trio (intéressant toutefois en ce
que, comme dirait Verdi, l'action y continue): nous sommes à nou-
veau dans le village du premier acte; Cosme a échappé à la peste mais
il pleure sa fille; quand elle paraît devant lui, il ne parvient à y croi-
re; quant aux deux amants, ils craignent que le Seigneur de Florence
ne mette brutalement fin à leur amour; mais c'est compter sans la gé-
nérosité du Seigneur! Guido a mérité Ginevra, ils s'uniront et un
chœur assez fade clôt l'opéra.
Dans cet opéra - que j'ai résumé longuement car il est peu connu
- il est clair que Scribe et Halévy ont mis tous les atouts de leur côté:
le registre pastoral (actes I et V), la fête (villageoise en I, princière en
II), le deuil (acte III) et le fantastique (la fausse mort de Ginevra), la
description de la débauche (le souper de l'acte IV) et, bien sûr, l'a-
mour romantique des deux protagonistes offrent une grande diversité
de registres et de couleurs. Derrière ces péripéties rocambolesques,
on perçoit une idéologie vaguement "campagnarde" qui oppose le
village joyeux et sain (I et V) à la ville corrompue par la peste (II,

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358 GILLES DE VAN

III, IV), mais la p


s'intéresse qu'aux
Toutefois, on ser
analogue à celle qu
moins une intrigu
Ginevra empêché
romanesque mais
bleaux dramatiqu
"mort" de celle-c
tre" de Ginevra e
fortement dramat
perspective d'ense
On pourrait bien
mêmes critères de
sion: Dorn Sébast
glante de Scribe e
lioz - sont aussi h
à ses propres funé
œuvres que nous
man dans sa tent
comme Guido et G
"romanesques", en
rocambolesque, qu
très diversifiés m
cial, moral ou mé
nouvelle version
changement de ré
gie) et le changem
térieur cède la pla
celles du mélodram

L'analyse compar
et Ginevra me pa
après une longue
approche l'esprit d
vée de péripéties c
historique retrouv
dance au dépaysem
née à favoriser la
laps de temps rela

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LE GRAND OPERA ENTRE TRAGÉDIE LYRIQUE ET DRAME ROMANTIQUE

sir de faire place à l'action sociale (Constant), à la tra


(Stendhal) et à une réalité plus vaste que celle du
(Hugo) fournit à quelques œuvres un principe organi
ordonner cette vaste matière et la rendre homogène
que les moyens utilisés pour atteindre cette perspect
ne soient pas toujours très raffinés. Quand ce souffl
quer, le grand opéra devient une charpente dispropor
port à ce que l'on veut y mettre, et il n'est pas surpr
ne école française ait cherché d'autres voies moin
(même si le grand opéra historique a survécu jusq
siècle).
On comprend dès lors la perplexité des Italiens devant ce genre:
tournés vers la recherche d'intrigues claires et fortes dont les divers
numéros musicaux doivent marquer les étapes, les compositeurs ita-
liens ne comprennent pas vraiment l'intérêt des tours et des détours
que les librettistes français imposent à leurs histoires, d'autant que
cette complication a essentiellement pour but de justifier des épiso-
des marginaux par rapport à l'intrigue. La fastueuse mise en scène
des Français les séduisait car ils savaient que le déploiement specta-
culaire est une des tentations permanentes de l'opéra, mais ils se mé-
fiaient d'une monumentalitě qui était toujours menacée par l'arbitrai-
re (l'hostilité de Verdi aux excès de mise en scène, après Aida, est à
cet égard significative).
Par ailleurs, leur culture, leurs habitudes - et la société dont cette
culture et ces habitudes étaient issues - les mettaient-ils en mesure
de donner à ces vastes fresques une cohérence que seule la représen-
tation de la société pouvait offrir? L'obstacle n'était pas simplement
politique (la censure) mais surtout culturel: le roman français de ces
années témoigne d'une conscience de la complexité sociale qui n'a
pas d'équivalent en Italie. En dehors de cette perspective, comment
pouvaient-ils gérer cette énorme masse de scènes et d'épisodes?
Le cas de Verdi est exemplaire: d'un côté il fait preuve d'une
grande perspicacité en renversant la hiérarchie habituelle entre les
numéros solistes et les tableaux qu'il considère essentiels à l'édifica-
tion du "drame musical"; de l'autre, les difficultés pratiques qu'il
rencontra face à ses opéras français sont bien connues. Quand il déci-
de d'entreprendre Don Carlos dans une optique française, il est mani-
festement obnubilé par le désir de scènes spectaculaires.51 En revan-

51 Cf. U. Günther, La Genèse de "Don Carlos ", «Revue de Musicologie», LVIII, 1972,
pp. 16-64: 24 s.

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360

che, la matière
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guerre? De m
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cui si reggeva l'
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