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Vanoncini André. Du roman policier au roman de l'homme : "La Nuit du carrefour" de Georges Simenon. In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1988, n°40. pp. 183-196;
doi : https://doi.org/10.3406/caief.1988.1687
https://www.persee.fr/doc/caief_0571-5865_1988_num_40_1_1687
(Bâle)
(8) Ce n'est toutefois pas la seule raison. Jean Fabre montre bien que Maigret
possède un statut exceptionnel à tous les niveaux, narratif, sociologique,
psycho-biographique, etc., de manière à occuper la fonction de Dieu le père
(Ibid., p. 10-80, 119-33, 175-84).
(9) Publié chez Fayard en 1931. Toutes les citations renvoient à l'édition
Presses Pocket parue en 1976. Un résumé du roman se trouve dans L'Univers
de Simenon, Presses de la Cité, 1983, p. 267.
(10) II s'agit de Cari et Else Andersen, d'Oscar, et de Michonnet. Nous ne
nous arrêterons ni aux épouses de Michonnet et d'Oscar, ni aux truands Jojo
et Guido Ferrari.
(11) Ces concepts méthodologiques sont en partie empruntés à B. Valette,
auteur de l'article personnage dans Le Dictionnaire des littératures de langue
française, Bordas, 1984.
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(12) On lit p. 135 : « Ce qui semblait l'absorber le plus, c'était son physique,
les traces que les événements pourraient laisser sur son aspect extérieur ».
(13) Demouzon, qui rend hommage à Simenon dans la préface d\me réédition
du Pendu de Saint-Pholien (Nathan, Ed. « Labor »), a dû être frappé par la
même caractéristique : « II y a [dans Le Pendu] des lieux maigres comme des
feuilles de décor, avec leurs précisions presque absurdes, comme dans ces rêves
dont on devine qu'ils ne révéleront qu'un tout petit peu de ce qu'ils ont à dire
(mais c'est cela qui compte) » (p. 8-9).
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(14) Nous remercions Hélène Baessler d'avoir signalé cet élément dans le
cadre d'un cours que nous avons pu consacrer à Simenon à l'Université de
Berne.
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(17) Le carrefour qui nous intéresse est une trifurcation en ce sens qu'il se
situe à la rencontre de la route nationale de Paris à Orléans (à la sortie d'Ar-
pajon) et de la route d'Avrainville ; la quatrième branche n'est pas mentionnée,
alors qu'en fait, il s'agit de la route de Boissy. Cette donnée nous a été
communiquée par Jean-Pierre Chambon que nous voudrions remercier des
suggestions dont il nous a fait bénéficier.
(18) Dans L'Oubli de l'homme et l'honneur des Dieux, Gallimard, 1985,
« Bibliothèque des sciences humaines », p. 89-90.
(19) Les différents aspects que revêtent les trois fonctions sont présentés
sous une forme à la fois serrée et nuancée par G. Dumézil dans L Idéologie
tripartie des Indo-Européens. Collection Latomus, vol. XXXI, Bruxelles, ,
p. 18-19. Par ailleurs, le dévoilement des véritables origines d'Else, qui n'est
pas la descente de châtelains danois mais une ancienne prostituée hambourgeoise,
s'il produit le démenti d'une identité de surface, confirme en revanche les
fonctions mythologiques profondes du personnage. Il suffit d'évoquer à ce sujet la
déesse germanique *Friyyo, a la fois reine et prostituée. (Exemple cité par Joël
H. Grisward, Archéologie de l'épopée médiévale, Payot, 1981, p. 245).
(20) Grisward, dans « Dumézil, Les 4 As et Le Petit Nicolas » écrit : « Dumézil
a renvoyé, avec un malicieux clin d'œil, à des faits divers tirés de la presse
quotidienne, à « ces cas où l'actualité envoie un écho moqueur aux vieux
auteurs de mythes et de légendes ». Dans un ordre d'idées voisin, la littérature
enfantine d'aujourd'hui tend un miroir ironique aux chasseurs de triades
fonctionnelles. » Dans Le Magazine littéraire, n° , 1986, p. 35. Nous nous
permettons de rattacher à cette série le roman policier de Simenon.
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(21) Dans La Nuit du carrefour, le nombre trois, (trente, trois cents), désigne
avec une régularité obsessionnelle des séries et différentes unités de mesure
spatiales et temporelles : Trois péniches (p. 7) ; le carrefour des Trois- Veuves à
trois kilomètres d'Arpajon où habite le couple Andersen arrivé en France il y
a trois ans (p. 1 1/ 12) ; le rayon d'action de Michonnet est de trente kilomètres
(p. 17) ; le trajet en taxi coûte trois cents francs (p. 20) ; les trois maisons du
carrefour (p. 21) ; une valise est projetée à trois mètres (p. 23) ; la troisième
pompe (p. 47) ; trente litres (p. 48) ; ils parcourent trois fois la même distance
(p. 48) ; trente mètres (p. 57) ; trois voitures sombres (p. 58) ; un parc de trois
hectares (p. 64) ; trois groupes, trois camps (p. 69) ; vers trois heures (p. 72) ;
une torpédo roule à trente à l'heure (p. 121) ; trois types (p. 124) ; trois heures
du matin (p. 125) ; trois postes (p. 129) ; Ferrari commet trois crimes (p. 174,
178) ; l'affaire des trois fautes (p. 181) ; Else écope d'une peine de trois ans (p.
183) ; Maigret rencontre Cari trois mois plus tard (p. 183). Nous remercions
Marie-Françoise Piller de nous avoir fourni une partie de ces données.
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(22) J. Fabre distingue à ce sujet les concepts d'« extranéité », d'« étrangérité »
et d'« étrangeté » (Op. cit., p. 112). Il définit ainsi un des axes fondateurs de
l'univers simenonien. Nous en parlons nous-même plus longuement dans l'article
cité ci-dessus.
(23) A noter que Maigret renonce au dernier moment à prendre le train
pour monter à bord d'un taxi qui le conduira au carrefour (p. 20).
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(27) Dans de nombreux Maigret, la clef de l'énigme réside dans une bonne
articulation d'une figure spatiale à une problématique humaine.
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(28) Jean Renoir, qui a tiré un film de ce roman, fait tout pour favoriser la
perception sensorielle d'une atmosphère en négligeant l'attention que le spectateur
peut porter à la logique de l'intrigue ou au sens des dialogues. Les fusillades et
autres péripéties n'y prennent que très peu de place et, si on trouve au début
une allusion à Scarface de Howard Hughes, c'est pour avertir le spectateur
qu'il verra une œuvre conçue au rebours du film de gangsters à l'américaine.
Voir à ce sujet Alexander Sesonske, Jean Renoir : The French Films, 1924-1939,
Harvard University Press, 1980, p. 102-11.
(29) II s'agit d'Oscar, plein de mépris pour F« aristo » d'en face (p. 71), de
Jojo, d'Else et de Guido Ferrari. Sur la notion de clan chez Simenon, voir
Jean Fabre, op. cit., et Bernard de Fallois, Simenon, Gallimard, 1961, p. 111
sq. Le clan, fondé sur l'appartenance au milieu, s'élargit en bande après le
recrutement de Michonnet.
(30) Bien des indices nous font croire que Cari, non content de refuser à
Else le bonheur matériel, la prive probablement aussi de la satisfaction sexuelle.
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André Vanoncini
(31) Titre d'un bel essai sur le mythe et le roman que Simenon a écrit en
1958. Il figure dans les Œuvres complètes, publiées par les Editions Rencontre,
au premier tome de la première série.
(32) J.P. Sartre, La Nausée, Gallimard, 1938, éd. de poche, p. 63.