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DU KOM INTERN
L'Union soviétique
et les minorités au Moyen-Orient
P R E S S E S DE S C I E N C E S PO
Catalogage Electre-Bibliographie (avec le concours des Services de documentation de
la FNSP)
Ter Minassian, Taline
Colporteurs du Komintern l’Union soviétique et les minorités au Moyen-Orient. -
Paris : Presses de Sciences Po, 1997
ISBN 2-7246-0733-3
RAMEAU: URSS : relations extérieures : Moyen-Orient : 1900-
1945
Moyen-Orient : relations extérieures ; URSS : 1900-
1945
minorités : Moyen-Orient ; histoire : 1900-1945
DEWEY: 337.5 : Économie internationale. Coopération écono
mique en Asie
Public concerné : Universitaire
I N T R O D U C T IO N ........................................................................ 15
Chapitre préliminaire
« ÉTRAN G ER
L ’O R IE N T , PR O C H E » D E LA R U SSIE ? ............ 23
Une théorie classique : la poussée vers les mers chaudes. 24
Diplomatie soviétique et stratégies communistes dans le
Proche-Orient méditerranéen............................................... 28
Le domaine iranien.................................................................. 33
Chapitre 1
M O SC O U : STRU CTU RES ET R É SE A U X D E LA PO LITIQ U E
SO V IÉ T IQ U E A U M O Y E N -O R IE N T ............................................ 39
Nationalités soviétiques et minorités du Moyen-Orient :
une interaction dynamique ? ................................................. 40
Les nationalités en URSS : état de la question ............... 42
Les minorités au Moyen-Orient : perspectives générales. 48
Une dynamique frontalière ? .......................................... 53
La formation d ’un réseau d ’experts : l’orientalisme sovié
tique ......................................................................................... 55
L’héritage de l’orientalisme russe du X I X e siècle : des
orientations conformes aux visées impériales ? ...... 56
— 12 —
Chapitre 2
D E T A B R IZ À M E SH E D : L 'IN F IL T R A T IO N SO V IÉ T IQ U E E T LES
M IN O R IT É S D A N S LES A N N É E S V IN G T .................................. 101
Chapitre 3
D E B E Y R O U T H À A L E X A N D R IE : LES R É SE A U X M IN O R I
T A IR E S D U K O M IN T E R N ......................................................... 153
Chapitre 4
V E R S U N E M A IN M ISE SO V IÉ T IQ U E S U R L ’IR A N ? ................ 211
Chapitre 5
LA PROTECTION DES MINORITÉS AU PROCHE-ORIENT,
RELAIS D’INFLUENCE .................................................................... 267
CONCLUSION.................................................................................. 321
ANNEXES. Cartes............................................................................ 329
GLOSSAIRE....................................................................................... 337
SOURCES........................................................................................... 341
INDEX DES NOMS PROPRES ........................................................ 347
INTRODUCTION
S'il est vrai que rhistorien ne doit pas être tributaire de son
temps, le thème de cet ouvrage ne constitue pas à première vue
un sujet à la mode dans le champ actuel de la recherche en
histoire des relations internationales. Son propos principal,
Tinstrumentalisation des minorités nationales par l’URSS dans
une stratégie de déstabilisation ou de pénétration dans plusieurs
pays du Moyen-Orient, peut sembler daté, marqué par les pré
occupations d’une période désormais révolue, lorsque la bipo
larisation des relations internationales imposait des études
approfondies sur les relations de l’URSS avec le monde exté
rieur. Mais cette époque est déjà lointaine et, depuis la désin
tégration de l’Union soviétique en 1991, la Fédération de Rus
sie semble réduite à un rang d’acteur secondaire dans le
règlement actuel des conflits au Moyen-Orient. Ainsi, en 1993,
l’ambassadeur de la Fédération de Russie en Syrie, A. Zotov,
définissait, avec modestie et un certain pragmatisme, les objec
tifs de la politique russe au Moyen-Orient : assurer la sécurité
de la Russie, prévenir toute contagion de désordres politiques
ou militaires susceptibles d’aggraver la situation en Asie cen
trale et obtenir le soutien des pays arabes dans l’effort de
réforme économique mené en Russie. Pourtant, plusieurs
indices illustrent, jusqu’à aujourd’hui, la permanence des repré
sentations impériales et des enjeux stratégiques qui font inter
venir les minorités dans la politique de la Russie sur ses marges
— 16 —
L’ORIENT
« ÉTRANGER PROCHE » DE LA RUSSIE ?
1. Cité dans Ivar Spector, The Soviet U nion a n d the M uslim W orld, Was
hington, University of Washington Press, 1958, p. 9-
— 26 —
DIPLOMATIE SOVIÉTIQUE
ET STRATÉGIES COMMUNISTES
DANS LE PROCHE-ORIENT MÉDITERRANÉEN
1. Ib id , p. 47.
— 29 —
1. Ibid. y p. 46.
— 31 —
LE DOMAINE IRANIEN
1. Cité dans Alvin Z. Rubinstein, Soviet Policy toward Turkey, Iran and
Afghanistan. The Dynamics of Influence, New York, Praeger, 1982, p. 59-
— 35 —
1. Basil Dmytryshyn, Frederick Cox, The Soviet U nion a n d the M id d le-E ast.
Princeton, The Kingston Press, 1937,
A Docum entary Record, 1 9 1 7 -1 9 8 5 ,
p. 263.
— 37 —
leurs, le traité cTalliance triparti te, conclu le 29 janvier 1942,
prévoyait l’évacuation des forces d ’occupation dans un délai
n’excédant pas six mois après la fin du conflit. Le 16 septembre
1941, Reza Shah est contraint d ’abdiquer en faveur de son fils,
Mohammed Reza, initiateur d’un régime plus libéral.
Les nouvelles conditions prévalant dans la zone d ’occupation
soviétique font de cette dernière une aire conquise de fait. Favo
risant tous les séparatismes, en particulier auprès des popula
tions azéries et kurdes, les autorités soviétiques prennent en
main la gestion de leur zone dont l’autorité échappe désormais
totalement au pouvoir central. Par ailleurs, la présence sovié
tique coïncide également avec la renaissance du mouvement
communiste iranien. Le parti Toudeh (Les Masses) est ainsi offi
ciellement réorganisé en janvier 1942, mais son apparition est
attestée dès octobre 1941. Sur le front diplomatique, les
demandes soviétiques se précisent en septembre 1944 lorsque
S. Kavtaradze présente à Téhéran une demande de concessions
pétrolières dans les provinces du Nord, afin d’obtenir des pri
vilèges équivalents à ceux de la Grande-Bretagne dans le Sud.
En dépit des manifestations et des troubles sociaux qui se mul
tiplient à Téhéran (souvent à l’instigation des Soviétiques qui
n’hésitaient pas à couper les approvisionnements dans la capi
tale), la requête soviétique se heurta au refus du Madjlis qui,
le 2 décembre, vota une loi proposée par Mossadegh limitant
sérieusement l’octroi de toute concession pétrolière aux puis
sances étrangères.
La fin de la seconde guerre mondiale ne vit pas comme cela
était prévu le retrait de l’Armée rouge des provinces septen
trionales de l’Iran. Ces dernières, échappant toujours aussi tota
lement à l’autorité du pouvoir central, deviennent le théâtre de
révoltes séparatistes ouvertement soutenues par Moscou. En
Azerbaïdjan iranien, le Parti démocratique d’Azerbaïdjan dirigé
par un vétéran communiste, J a ’far Pishevari, proclame une
république autonome le 12 décembre 1945. Cette proclamation
est presque immédiatement suivie, le 22 janvier 1946, par celle
de Qazi Mohammed, dirigeant du Parti démocratique du Kur
distan, annonçant la naissance d’une république autonome du
Kurdistan à Mahabad. L’évidente intervention soviétique dans
le processus des séparatismes minoritaires des provinces du
Nord constitue les prémices de la guerre froide : l’affaire est en
effet portée devant le Conseil de sécurité de l’O N U le 19 janvier
— 38 —
MOSCOU
STRUCTURES ET RÉSEAUX
DE LA POLITIQUE SOVIÉTIQUE
AU MOYEN-ORIENT
NATIONALITÉS SOVIÉTIQUES
ET MINORITÉS DU MOYEN-ORIENT
UNE INTERACTION DYNAMIQUE ?
Diplomatie
Nationalité Statut territorial Frontière Période
autonome
Arméniens —RSS (novembre 1920) Narkomindel - Turquie - 1920-1930
—Union fédérative des RSS de 1920-1923 - Iran - 1941-1946
Transcaucasie (février 1922)
—RSS fédérative de Transcau
casie (décembre 1922)
-R S S d’Arménie depuis 1936
Azéris - RSS d’Azerbaïdjan (1920) Narkomindel —Iran - 1919-1923
- Union fédérative des RSS de 1920-1923 - 1944-1946
Transcaucasie
—RSS fédérative de Transcau
casie
—RSS d’Azerbaïdjan depuis
1936
Juifs —Birobidjan 1928 - Chine - 1942-1947
—Région autonome du Biro
bidjan 1934
—Territorialisation de la
nation juive, argument contre
le sionisme en Palestine
Kurdes —Pas de statut territorial - Iran (RA de - 1944-1946
—Répartis entre RSS d’Armé Nakhitchevan)
nie, d’Azerbaïdjan, de Géorgie —Turquie
et du Turkménistan
Turkmènes —RSS du Turkménistan 1924 —Iran —Début des
—Afghanistan années vingt
Mouvement
Minorité Moyen-Orient URSS Frontière
communiste
Arméniens Egypte, Syrie, RSS d’Arménie PC Syro-Libanais Iran (Azerbaïd
Liban, Iran PC iranien jan iranien)
Toudeh
Assyriens Turquie, Irak, Iran Transcaucasie
Azéris Iran (Azerbaïdjan RSS Azerbaïdjan PC iranien Iran (Azerbaïd
iranien) Toudeh jan iranien)
Kurdes Turquie, Iran, Transcaucasie Iran (Kurdistan
Irak, Syrie iranien)
Turquie (Anato
lie orientale)
Juifs Égypte, Palestine, RA du Birobidjan PC égyptien
Syrie, Liban, Iran PC palestinien
L'orientalism e soviétique :
de l 3usage interne à l'usage externe
1. Ibid.) p. 324.
2. Richard N. Frye, « Oriental Studies in Russia », dans Wayne
S. Vucinih (ed.), Russia and Asia. Essays on the Influence of Russia on the As’tan
Peoples, Stanford, Hoover Institution Press, 1972, p. 47.
— 60 —
ainsi que celle de l’Institut des langues vivantes de Leningrad
confirment cette permanence des institutions. Le 2 mai 1922,
tous les instituts moscovites engagés dans les études orientalistes,
y compris une institution « bourgeoise » telle que l’Institut
Lazarev, furent regroupés en un seul organisme, l’Institut des
études orientales de Moscou (Moskovskij Institut Vostokovedenija)
placé sous l’autorité directe du Narkomnats jusqu’en 1924.
De même, à Leningrad, les institutions ayant trait à l’ensei
gnement et à la recherche dans le domaine de l’orientalisme
furent regroupées au sein de l’Institut des langues vivantes orien
tales. La recherche de type académique, quant à elle, devait se
poursuivre au sein du collège des orientalistes, rattaché en 1920-
1921 au musée asiatique de l’Académie des sciences. Ce dernier,
fondé en 1818, dépositaire d’une des plus riches collections de
manuscrits orientaux existantes au monde, demeure, au cours des
années vingt, le bastion de la recherche « sérieuse » dans le
domaine de l’orientalisme. Dans le courant des années vingt, des
cabinets et des départements de recherche spécialisés au sein de
l’Académie (études sur le monde arabe, caucasologie, turcologie,
études byzantines, etc.) tentent de maintenir en URSS la tradi
tion d’un orientalisme scientifique qui deviendra bientôt suspect
aux yeux du pouvoir à cause de son indifférence apparente à
l’égard des orientations fondamentales du marxisme.
La prise en main de l’Académie des sciences se manifesta par
la modification de ses statuts (en 1929 puis en 1935), en vertu
desquels le travail scientifique mené par l’Académie devait être
organisé de manière à servir les intérêts de l’Etat soviétique. Mais
en dépit de la surveillance étroite exercée par le Comité central
et la société des historiens marxistes, chargée de vérifier la confor
mité des études orientales avec les théories officielles, l’Académie
demeurait une institution peu fiable aux yeux du gouvernement
soviétique. Cela explique que ce dernier ait préféré développer
les études orientales dans le cadre d’unités « professionnelles »
spécialisées, consacrées à la formation des élites prolétariennes
comme la section orientale de l’Armée rouge fondée en 1919, les
instituts pour la préparation des professeurs rouges fondés à Mos
cou et à Leningrad en 1921, l’association de recherche scienti
fique associée à l’Université communiste des travailleurs d’Orient
(KUTV) à partir de 1921, ou encore au sein de l’Institut d ’éco
nomie et de politique mondiales (IMKhMP) pour ne citer que
les plus importantes d’entre elles.
— 61 —
1. lbid.t p. 66.
— 66 —
recherches menées par le groupe de Moscou s’orientèrent vers
l’étude des mouvements démocratiques et de la lutte de libé
ration nationale dans divers pays du Moyen-Orient tels l’Iran
et la Turquie ainsi que les périodes ancienne et médiévale de
l’histoire de l’Asie. Ici encore, la rédaction de monographies et
la réunion de « rencontres scientifiques », relevant davantage
du domaine de la propagande que de celui d ’une recherche
véritable, constituèrent les principales activités du M GIVAN
pendant la guerre. On trouve, dans la structure du M GIVAN,
les bases sur lesquelles l’orientalisme soviétique se réorganisera
après la guerre. Ainsi, « en termes d’esprit et d ’orientation, le
MGIVAN constitua le noyau du nouvel IVAN, réorganisé et
politisé qui, en 1950, allait transférer sa principale base opé
rationnelle de Leningrad à Moscou. La majorité des chercheurs
ayant appartenu au M GIVAN, et en particulier ceux qui ne
rentrèrent pas à Leningrad après la guerre, étaient des experts
ou des militants. B.N . Zakhoder, un expert de l’Iran qui avait
rejoint le groupe en 1944, avait derrière lui une longue carrière
comme conférencier et propagandiste sur les questions orien
tales 1 ». A cet égard, le fait que le M GIVAN ait été doté d ’un
statut permanent en mars 1946, aux plus forts moments de la
crise soviéto-iranienne et de la pression soviétique sur la Tur
quie (Kars et Ardahan), n’est certainement pas fortuit.
Avec la seconde guerre mondiale, les structures de l’orien
talisme soviétique se sont indigénisées et « républicanisées »
dans les marches de l’Union soviétique limitrophes des pays du
Moyen-Orient, c’est-à-dire dans les républiques d’Asie centrale
et de Transcaucasie. Ainsi, de Tachkent à Tbilissi, la floraison
des études orientales dans le cadre d ’Académies des sciences
nouvellement établies témoigne assez de l’intérêt accordé par le
pouvoir central aux sentiments nationaux locaux. L’orienta
lisme, dans cette perspective, représente à la fois un aspect de
la politique culturelle menée à l’égard des nationalités pendant
la Grande Guerre patriotique, et l’un des moyens de la propa
gande culturelle à l’égard de certaines minorités du Moyen-
Orient. A cet égard, les cas de la RSS d ’Arménie et de la RSS
d ’Azerbaïdjan paraissent particulièrement probants. Bien que,
dans ces deux républiques, des sections locales de l’Académie
des sciences aient existé auparavant, c’est durant la seconde
1. Ibid., p. 86.
2. Ibid.
— 70 —
Kurdes au Moyen-Orient, et c’est seulement après la seconde
guerre mondiale que des monographies régionales consacrées au
Kurdistan iranien firent leur apparition grâce aux renseigne
ments recueillis par les spécialistes russes au moment où l’Ar
mée rouge occupait l’Iran du Nord. A partir des années cin
quante, un grand nombre de thèses consacrées au Kurdistan
iranien furent soutenues dans les Universités de Erevan, Lenin
grad, Moscou et Bakou. Elles se situent dans la ligne de l’his
toriographie officielle soviétique qui tend à approuver et à ins
trumentaliser le « mouvement de libération nationale » des
Kurdes, ainsi que des autres minorités du Moyen-Orient.
Ainsi, la double signification, politique et scientifique, des
études kurdes en Union soviétique reflète-t-elle plus largement
les grandes tendances de l’orientalisme soviétique : en mettant
l’accent sur la politique des nationalités en URSS, en défendant
les minorités opprimées, l’historiographie « minoritaire » appa
raît ainsi comme l’une des composantes de la diplomatie sovié
tique à l’égard de la Turquié et de l’Iran dès les débuts de la
guerre froide.
UN « PHALANSTÈRE »
POUR LES RÉVOLUTIONNAIRES D ’ORIENT
LE MOYEN-ORIENT VU DE MOSCOU
ENTRE DIPLOMATIE ET IDÉOLOGIE
Proche et M oyen-Orient :
les structures mouvantes de la diplom atie soviétique
1. Ibid., p. 40.
— 87 —
1. Ibid., p. 97-115.
— 88 —
1. Ibid., p. 105.
— 89 —
D avtian
G. Safarov
Jeune directeur du secrétariat d’Orient au début des années
vingt, G. Safarov est un bolchevik de la première heure ayant
appartenu au petit cercle de révolutionnaires réfugiés en Suisse
et gravitant autour de Lénine pendant la première guerre mon
— 93
diale. Avec Boukharine, Sokolnikov et d’autres, il se rallie alors
au slogan du «défaitisme national ». De Suisse, il serait rentré
avec Lénine en Russie dans le fameux wagon plombé. En 1919,
il est envoyé au Turkestan par Lénine pour enquêter sur les
conflits qui opposaient les musulmans aux Russes, bolcheviks ou
non. Safarov tira les conclusions de son expérience lors du
X e congrès du Parti communiste russe en mars 1920 et les exposa
dans un ouvrage de réflexion générale intitulé Problèmes de l'Orient
publié à Petrograd en 1922. Dans cet ouvrage, il défendait
notamment la thèse selon laquelle, en Orient, la diplomatie sovié
tique devait préparer la voie au Komintern et insistait en parti
culier sur la nécessité d’une révolution agraire. G. Safarov fut
également l’un des experts du Komintern pour l’Extrême-Orient
et se fit le défenseur d’un accord temporaire entre démocrates et
communistes en Chine. Faisant partie de l’« opposition » en
1925-1927, il tomba en disgrâce lors de la réunion du
XVe congrès du parti. Il fut alors envoyé en province pour tra
vailler dans un musée. Il fut néanmoins rappelé pendant l’été
1928 pour travailler à nouveau au sein du Komintern. Mais jus
qu’en 1935, date de sa disparition définitive, il fut l'objet d'ac
cusations incessantes le désignant comme un « bandit contre-
révolutionnaire ». Adepte de la « déviation agrarienne », on lui
reprocha d’avoir sous-estimé le rôle de la classe ouvrière dans le
processus des révolutions coloniales. Pour finir, on l’impliqua
dans l’assassinat de Kirov.
DE TABRIZ À MESHED
L'INFILTRATION SOVIÉTIQUE
ET LES MINORITÉS
DANS LES ANNÉES VINGT
L a communauté arménienne
et les relations soviéto-iraniennes
« les Soviets, en effet, ont lutté sans cesse, depuis 1921, pour établir
leur autorité sur la communauté arménienne de Perse. Ils se heurtè
rent, dès le début, à l’hostilité ouverte et agissante du parti dachnak,
bien soutenu par ses comités de France et d’Amérique ainsi que par
les agents britanniques en Perse. Connaissant à fond les affaires et la
langue russes, disposant de journaux, d’un service de renseignements
parfaitement organisé, les Arméniens marquèrent quelques succès. Les
représentants soviétiques, cependant, réussirent à diminuer la force de
cette opposition. Leurs organisations commerciales jouant de l’appât
du gain attirèrent à elles, peu à peu, les hintchakistes, une partie des
commerçants du Nord de la Perse ainsi qu’un certain nombre d’Ar
méniens à qui ils offrirent des situations dans leurs bureaux. Leur
légation à Téhéran fut dotée d’un Office des affaires arméniennes
confié à Arakelian, transfuge de la légation qui avait été installée
pendant un an par la république indépendante de l’Arménie. Utilisant
ces premiers appuis et disposant de fonds de propagande assez impor
tants, les Soviets entreprirent une lutte plus nette. Ils cherchent à
établir leur contrôle sur certaines écoles arméniennes et à imposer des
hintchakistes pour la direction des comités nationaux et comme
députés. Leurs efforts se portent en premier lieu sur les villes où les
comités dachnaks étaient mal organisés ou divisés par des questions
personnelles. Leur échec fut complet en Azerbaïdjan. Mais ils parvin
— 110 —
Sultan Zade
Né en 1890 à Maraghah, une bourgade située au sud de Tabriz
au sud-est du lac d’Ourmiah et au cœur du Kurdistan iranien,
Avetis Mikaelian est nédans une famille arménienne très
modeste. Bien que l’on ne dispose que de rares informations sur
sa jeunesse, on sait qu’il fréquenta entre 1903 et 1906 une petite
école arménienne à Maraghah ; c’est d'ailleurs dans cette ville que
fut fondée en 1896 la première section du parti hintchak en Iran.
Avetis Mikaelian aurait été envoyé ensuite au djemaran (sémi
naire) d'Etchmiadzin. Il aurait été fortement influencé au cours
de ses études par les hintchaks, dont un certain nombre allait
grossir par la suite les rangs du parti bolchevik. Ce premier
contact avec le marxisme fut sans doute décisif dans l’orientation
politique d’Avetis Mikaelian qui, à l’âge de 22 ans en 1912,
intègre les rangs du POSDR, vraisemblablement à Saint-Péters
bourg où il poursuivrait des études supérieures. Sans doute Sultan
Zade prit-il une part active au tourbillon révolutionnaire qui
113 —
RÉVOLUTIONNAIRES MUSULMANS
ET ETHNIES TRANSFRONTALIÈRES
1. Cité dans Stephen Blank, « Soviet Politics and the Iranian Révolution
of 1919-1921 », C ah iers du monde russe et soviétique, 31 (2), avril-juin 1980.
— 122 —
1. PRO, FO 371-3229-6-34/7804.
2. PRO, FO 371-E 3954-6-34/7804.
— 124 —
1. Ibid.
2. FO 371/7805, dans Cosroe Chaqueri, The Communist Movement in Iran,
Florence Mazdak, p. 157-158.
— 128 —
1. Ibid., p. 168.
2. MAE, Nantes, BEY 670, note du capitaine R. Bertrand, 20 mai 1925.
— 131 —
1. Ibid.
— 132 —
LE CONSUL ET LE TCHÉKISTE
1. Ibid.
— 134
1. Vincent Sheean, The New Persia, New York, The Century C° , 1927,
p. 224-228.
— 135 —
1. Ibid., p. 193.
— 138 —
TrHisser
Tri lisser (Meer Moskvine) intégra les rangs du POSDR avant
la première guerre mondiale. Ses activités militantes lui valurent
d’être déporté en camp de travail pendant plusieurs années. Réfu
gié en Finlande pendant la guerre, il débute sa carrière dans la
Tcheka après la victoire des bolcheviks et participe également
aux activités policières et de renseignements du Komintern. En
1921, il devient membre de l’OMS (Organisation des liaisons
internationales) sous la direction de Piatniski. Il fut ensuite dési
gné pour organiser le PC turc et pour présenter un plan de réor
ganisation du département de l’Extrême-Orient du Komintern.
En novembre 1922, Trilisser fit partie avec Piatniski de la
commission de vérification des mandats. Il participa également à
cette commission (dont on imagine la fonction dans le contre-
espionnage) lors du Ve congrès du Komintern en 1924 et lors du
Ve plénum du comité exécutif élargi en mars-avril 1925. Pendant
cette même période, Trilisser fit en même temps carrière au sein
de rOGPU et devint directeur du département étranger en 1928,
poste grâce auquel il devint l’un des proches assistants avec
Iagoda, de Menjinski. Mais suspecté par Staline de « déviation
droitière », il fut démissionné. Au VIIe congrès du Komintern en
1935, il succède à Piatniski, éliminé par Staline, à la direction
de l’OMS. Sous le nom de Moskvine, il devient membre du pré
sidium du comité exécutif et membre du secrétariat du Komin
tern. Arrêté le 23 novembre 1938, jugé le 1er février 1940, il fut
exécuté un an plus tard.
Le réseau arménien de V O G PU
1. Miron Rezun, The Soviet Union and Iran. Soviet Policy in Iran from the
beginnings of the Pahlavi Dynasty until the Soviet invasion of 1941, Genève,
Institut universitaire des hautes études internationales, 1981, p. 174.
— 145 —
Ervant Orbeliani
Ervant Orbeliani est un Arménien d’Iran, né à Tabriz en 1898,
dans un milieu « intellectuel » puisque son père, décédé en 1918,
y exerçait le métier d’instituteur. Citoyen soviétique en 1935,
Orbeliani a passé jusqu’en 1928 l’essentiel de son existence en
Iran, principalement entre Tabriz, Meshed et Téhéran. Marié en
1920 à une certaine Natalia M. Fritz, qu’Agabekov présente
comme une « Russe d’extraction noble », il semble issu de ces
familles arméniennes divisées par des obédiences politiques oppo
sées. Sa sœur et son frère résidaient à Meshed et ce dernier « fut
jeté en prison à l’âge de 15 ans à cause de ses activités révolu
tionnaires ». Agabekov indique qu’Orbeliani « a un frère dachnak
à Meshed avec lequel il est resté en bons termes », détail, s’il est
exact, dont Orbeliani ne se serait certainement pas vanté en 1935.
Les connaissances linguistiques d’Orbeliani expliquent sans doute
qu’il ait pu être un agent assez efficace : comme beaucoup
d’Arméniens éduqués de cette région, il parle le russe, le persan,
l’arménien, le turc et connaît le français etd’anglais. Entré au PC
iranien en 1924, il est membre du PC russe en 1928 et apparaît
comme l’un des organisateurs du Parti ouvrier arménien à Téhé
ran en 1923. Sa carrière souterraine est plus intéressante :
employé à la banque Shah-en-Shah de Meshed de 1916 à 1920,
il prétend être passé à ce poste au service des Soviétiques en 1921
(élément par ailleurs mentionné par Agabekov), puis occupe les
fonctions de drogman à l’ambassade de la RSS d’Arménie de
1921 à 1922, jusqu'à la suppression de cette représentation diplo
matique. D’abord correcteur puis rédacteur à l’agence Tass de
Téhéran de 1923 à 1928, il intègre le GPU de 1924 à 1935 et
émigre en URSS en 1928 « pour activités communistes ». En
1935, il entre à la KUTV en tant qu’enseignant et figure avec
G. Gelbras, M. Daniler, L. Strukova et Ilinski, parmi les respon
sables du secteur perse. Il est peu probable qu’Orbeliani ait sur
vécu aux purges de 1937.
— 147 —
1. Ibid.
C H A P IT R E 3
DE BEYROUTH À ALEXANDRIE
LES RÉSEAUX MINORITAIRES
DU KOMINTERN
PARTI COMMUNISTE
ET « SYNDROME MINORITAIRE » EN SYRIE ET AU LIBAN
1. MAE Nantes, BEY 573, Note sur les questions arméniennes, 1934.
communiste s’est en effet greffée sur le terrain minoritaire, un
aspect qui n’a pas manqué d ’être dénoncé par les partis natio
nalistes arabes, en dépit des affinités potentielles entre marxisme
et islam découvertes par Maxime Rodinson l.
Nouvelle communauté d’exil après le génocide de 1915, la
diaspora arménienne en Syrie et au Liban est de constitution
relativement récente. Tout au long des années vingt, on y voit
apparaître une figure essentielle : celle du réfugié arménien des
camps et des taudis de Beyrouth ou d’Alep, villes où apparaît
avant la seconde guerre mondiale un véritable lumpen-prolé-
tariat, certes sensible aux doctrines socialistes, mais surtout
absorbé par sa survie matérielle. Le dénombrement de cette
communauté n’est pas aisé car, tout au long des années vingt,
les mouvements migratoires ont été nombreux. Véritable
métropole des colonies arméniennes du Moyen-Orient au len
demain de la seconde guerre mondiale, elle totalise au moins
300 000 individus. Regroupée essentiellement à Beyrouth, la
population arménienne s’implante de préférence en milieu
urbain, alors que les implantations rurales ont résulté souvent
d ’initiatives volontaristes pendant la période du Mandat. A Bey
routh, la communauté arménienne est une minorité chrétienne
numériquement importante, mais il est difficile de raisonner
dans le cadre du seul micro-Etat libanais. Toutefois, en Syrie,
la répartition de la population arménienne semble obéir au
même principe.
Les clivages politiques internes à la diaspora arménienne sont
essentiels à la compréhension des phénomènes induits par
l’apparition d’un courant communiste qui prétend dépasser les
cadres communautaires et ethniques. Cette communauté est
scindée en trois courants politiques distincts : le parti dachnak
fermement hostile à la soviétisation de l’Arménie tend à jouer
un rôle d’encadrement communautaire, alors que les partis ram-
gavar (démocrate) et hintchak représentent une tendance net
tement prosoviétique. Les premières cellules communistes for
mées à Beyrouth seraient d’ailleurs directement issues des rangs
du parti hintchak dont l'idéologie marxiste ne s’est pas démen
tie en dépit de relations complexes avec le Komintern. Ainsi,
la communauté arménienne de Syrie et du Liban est divisée par
d’âpres luttes intestines dans le contexte du jeu politique local
Artin Madoyan
Dirigeant du Parti communiste libanais pendant les années
quarante, Artin Madoyan est né le 10 avril 1904 à Adana en
Ciücie. Etudiant à Istanbul, il aurait adhéré à l’Association des
étudiants sociaux-démocrates hintchaks. Dès cette époque, il
aurait entretenu des relations avec Bedik Torossian qui deviendra
un des dirigeants du parti communiste d’Arménie et qui a par
ticipé à l’insurrection de mai 1920 contre le régime dachnak. Il
rejoint sa famille à Beyrouth où elle s’est réfugiée, dans le courant
de l’année 1922. Bientôt secrétaire de l’Association des étudiants
sociaux-démocrates hintchaks de Beyrouth, il en obtient la dis
solution à la fin de l’année 1923. A partir d’un noyau ouvrier et
étudiant, il participe à la fondation du groupe Spartak en 1923.
Suspecté par les autorités mandataires à cause de ses activités de
propagandiste communiste, il est arrêté en 1926 et placé en rési
dence forcée dans la région de Deir ez-Zor. Madoyan fait partie
de la génération des fondateurs du Parti communiste syro-libanais
mais, contrairement aux autres acteurs minoritaires du mouve
ment communiste en Syrie et au Liban, il parvient à maintenir
sa position au sein de la direction du parti après que le Komin-
tern eut formulé son slogan en faveur de l’« arabisation » et
délégué un maître d’œuvre pour le réaliser, Khaled Bekdash.
Dans ses Mémoires, il évoque l’éviction des minoritaires à partir
de 1933 et souligne que la génération des « anciens » a été déli
bérément éloignée par Khaled Bekdash dans un souci de « renou
vellement des cadres ». Il précise également que les rivalités per
sonnelles au sein de l’appareil dirigeant du parti et l’affirmation
de la personnalité de Khaled Bekdash_sur un mode très stalinien
ont contribué à freiner l’ascension des militants de la première
génération tant chez les éléments arabes qu’arméniens. Mais,
contrairement à la plupart de ses compagnons qui, évincés de la
direction du parti, choisirent en 1946-1947 d’émigrer en Armé
nie Soviétique, Artin Madoyan reste au Liban où il est demeuré,
jusqu’aux années soixante-dix, dans le cercle étroit du comité
central du Parti communiste libanais.
1. Ibid.
— 161 —
Khaled Bekdash
Khaled Bekdash est né en 1912 à Damas dans une famille
kurde. Inscrit en droit à l’Université de Damas, il doit inter
rompre ses études en raison de ses activités politiques et de ses
démêlés avec les autorités françaises. D abord militant au Bloc
national, il adhère au Parti communiste syro-libanais en 1930 où
il est immédiatement remarqué par N. Litvinski, agent local du
Komintern chargé de former les cadres du parti. Envoyé à Moscou
pour étudier à la KUTV, Bekdash est de retour à Damas en 1932.
Il réussit à écarter l'opposition de Fuad Chemali et devient, en
1933, secrétaire général du Parti communiste syro-libanais,
assisté dune nouvelle équipe composée vde Artin Madoyan,
R. Ridha, Nicolas Chaoui et F. el-Helou. A propos des origines
de Khaled Bekdash et du sentiment personnel de ce dernier,
Maxime Rodinson écrit : « Il lui arrivait d’oublier son rôle de
chef arabe. Un handicap était constitué en effet par son origine
kurde. Ce n était pas tragique en soi. La société arabe est fort
assimilatrice. Beaucoup de Kurdes ou de demi-Kurdes arabisés
entre autres ont joué un rôle politique important, même dans le
cadre du nationalisme arabe, sans quon songeât à leur reprocher
leur origine, mais il fallait au minimum mettre l’accent sur
l’assimilation, non sur l’origine. Or, son orgueil inné et sa volonté
de puissance poussaient Khaled, quand son contrôle de lui-même
se relâchait sous l’effet de l’alcool, à mettre en avant son kur-
disme, à se vanter de son “ aryanisme ” par rapport aux
“ Sémites ” arabes qui l’entouraient. C’était une “ supériorité ” de
plus. Telle était l’influence diffuse des doctrines racistes, surtout
sur les personnalités qui pouvaient s’en servir pour se rehaus
ser 1. »
Le P a r ti communiste de Syrie et du L ib an
à la fin des années vingt :
structures internes et relations extérieures
1. MAE Nantes, BEY 573, rapport rédigé par D. de Martel sur le Parti
communiste syrien, 22 juin 1934.
— 171 —
1. Ibid.
2. Ibid.
— 172 —
L a seconde aliy ah :
a u x origines du P a rti communiste de Palestine
Wolf Averbacb
Wolf Averbach est la figure centrale des leaders du PKP de
1924 à 1929 et du groupe des « experts » orientaux du Komin
tern. Auteur de nombreux articles dans împrekorr et dans Novyj
Vostok sous des pseudonymes divers (« Abousiam », « Haydar »
entre autres), il intervient fréquemment dans l'appareil du
Komintern au cours des années vingt. Né en Russie en 1890,
Averbach est le frère de l’écrivain Alexandre Heshin, ancien diri
geant du Poale Zion. Jeune adolescent, il prend une part active
à la révolution de 1905 et adhère quelque temps plus tard au
Poale Zion. Soldat de l’armée russe pendant la première guerre
mondiale, il est fait prisonnier par les Allemands puis libéré après
l’armistice ; il semble donc hors du théâtre révolutionnaire pen
dant l’année 1917. A la fin de la guerre, il rejoint à nouveau le
Poale Zion mais, sensible à l’idéologie des bolcheviks, il devient
le secrétaire de l’aile gauche du Poale Zion en Russie et contribue
à la création du Parti communiste juif (YKP). Lorsque ce dernier
fut confronté à la question de l’adhésion au Komintern, Averbach
apparaît comme l’un des plus fervents partisans de l’adhésion, ce
qui, étant donné les positions du Komintern sur la question juive,
signifiait une rupture totale avec le sionisme. Avant ou après la
dissolution de la Evsektsia, il adhère avec de nombreux' membres
issus du Poale Zion au PCR (b) et prend une part active à l’or
ganisation de la Droujina et de la Garde rouge. Après avoir par
ticipé à l'aventure du MPS en Palestine et avoir été expulsé du
— 179 —
Joseph Berger
Joseph Berger-Barzilay apparaît comme le second d’Averbach
à la tête du PKP bien que son nom apparaisse plus fréquemment
dans les archives. Né à Cracovie en 1904 dans une famille juive,
membre de l’Hachomer Hatsaïr, il émigre en Palestine à la tête
d’un groupe de jeunes immigrants. Il se mêle aux activités des
groupes communistes et devient un antisioniste radical. Venu de
l’extrême gauche du courant communiste palestinien et du KPP,
il se joint au PKP réunifié. Berger est envoyé à Moscou à la fin
de 1924 pour assister au plénum du Komintern en tant que
délégué du PKP. Berger ne parlait pas un mot de russe mais
Averbach lui avait donné l’assurance qu’il n’existait pas de pro
blème de langue car les kominterniens sont d’authentiques
Le P K P , p a r ti à direction « m inoritaire » (1 9 2 4 - 1 9 3 0 )
1. Ibid., p. 68.
— 190 —
1. lbid.,p. 75.
C H A P IT R E 4
1. Ibid.
— 216 —
1. Ibid.
2. Ibid.
— 217 —
1. PRO, WO 208/1772.
2. Ervand Abrahamian, op. cit., p. 388.
3. NARA, RG 226, OSS 84693.
226 —
1. Cité dans David B. Nissman, The Soviet Union an d Iran ian A zerb aïd jan ,
The Use o f N atio n alism fo r P o litic a l Pénétration , Boulder et Londres, Westview
Press, 1987, p. 31-32.
2. NARA, RG 59, 891.00/3054.
— 236 —
1. Louise L'Estrange Fawcett, Iran and the Cold War, The Azerbaijan crisis
of 1946, Cambridge, New York, Cambridge University Press, 1992, p. 39.
— 240 —
M ikhaïl A. Maximov
Né en 1901, Mikhaïl A. Maximov a occupé un certain nombre
de postes consulaires en Afghanistan à la fin des années vingt et
au cours des années trente. En 1942, il est nommé consul général
de l’URSS à Meshed et, en 1942-1944, conseiller à l’ambassade
soviétique à Téhéran. Il semblerait que l’amitié du Dr Baroyan,
une des têtes des services secrets soviétiques en Iran dont le quar
tier général se trouvait à l’hôpital soviétique de Téhéran, lui per
mît d’être nommé conseiller puis ambassadeur. Le personnage a
la réputation d’être un intrigant, plutôt antipathique. La question
de la concession pétrolière soviétique en Iran a été soulevée alors
qu’il occupait les fonctions d’ambassadeur soviétique à Téhéran.
Il se fit alors remarquer par ses manières particulièrement brutales
et bien peu diplomatiques. Sa pratique favorite était de rompre
les « relations diplomatiques » personnelles avec toute personne
qui lui déplaisait. Maximov fut décoré de l’ordre de l’Etoile rouge
après la controverse sur les concessions pétrolières. Après son
voyage à Bakou, Maximov rentra à Téhéran mais en repartit le
26 octobre 1945, et cette fois sans retour. Il fut remplacé par
Ivan V. Sadtchikov, ex-ambassadeur soviétique en Yougoslavie.
L Ib id ., p. 30.
2. Ib id , p. 37.
— 250 —
1. SHAT, 4 H386.
— 251 —
1. Ibid., p. 252.
— 254 —
Qazi Mohammed
Âgé de 45 ans environ au moment des événements de Mahabad
en 1946, Qazi Mohammed est issu d'une des familles kurdes les
plus en vue de Mahabad : il est le fils de Qazi Ali, le juge le plus
respecté de Mahabad. Issu de la confrérie Qadiri, ayant reçu une
éducation traditionnelle et religieuse, Qazi Mohammed a néan
moins recueilli des rudiments de culture moderne grâce aux livres
procurés par son père : il possède ainsi une maîtrise relative du
russe, de l'anglais, en plus de sa langue kurde maternelle, du
persan et du turc azéri. Avant d'occuper les fonctions héréditaires
de juge à Mahabad, Mohammed dirigea Yawqaf de la ville. Juge
et chef religieux, Qazi Mohammed avait réussi, avant l’arrivée
des Russes dans la région, à se faire respecter à la fois par les
différents chefs de tribus et par le gouvernement central. « Dans
le contexte des nombreux troubles provoqués par les Kurdes, Qazi
Mohammed servit de liaison entre les tribus et le gouvernement
centrall. » Excellent orateur, ouvert à des conceptions politiques,
économiques et sociales modernes et progressistes, Qazi Moham
med entretenait, semble-t-il, de très bonnes relations avec les
rares étrangers de passage ou qui résidaient à Mahabad : quelques
missionnaires luthériens, de rares Américains, un médecin alle
mand et une certaine « Miss Dahl », mariée à un Kurde et unique
résidente d’origine européenne à Mahabad.
1. Ibid.
2. Ibid.
— 256 —
1. Ibid.
— 257 —
1. Ibid., p. 116.
— 263 —
1. îbid.t p. 39.
— 271 —
1. Cité dans Lukasz Hirszowicz, « The Soviet Union and the Jews during
World War Two, The Visit of two Soviet Représentatives in Palestine,
1942 », Soviet Je iv ish Affaire 4 (1), 1974, p. 75.
— 276 —
juifs en Union soviétique ou des territoires occupés par l'Armée
rouge, requête à laquelle les diplomates ne donnèrent, dans
l’immédiat, aucune suite précise. Cependant, la mission Mik-
hailov-Petrenko revêt une importance non négligeable dans la
mesure où elle inaugure, surtout à partir de 1944, toute une
série de contacts entre la Ligue du « V » et les diplomates sovié
tiques en poste dans les pays voisins de la Palestine, notamment
par l’intermédiaire de la légation soviétique au Caire et celle,
toute récente, de Beyrouth. Ainsi, la Ligue remplit à cette
époque de manière semi-officielle des fonctions diplomatiques
pour l’URSS comme en témoigne son activité auprès des repré
sentants commerciaux soviétiques en mission en Palestine, par
l’intermédiaire de l’Association pour la promotion des relations
commerciales avec l’URSS, fondée en 1943.
En mai 1944, alors que S. Mikhailov continue à maintenir
ses contacts en Palestine, un autre émissaire soviétique fait son
apparition : il s’agit du second secrétaire de la légation sovié
tique au Caire, Abd al-Rahman Soultanov, un musulman cau
casien, diplômé de l’Institut d’études orientales de Moscou,
réputé expert en affaires arabes. Il aurait été choisi par les Sovié
tiques comme agent de liaison avec la Ligue du « V ». Mandaté
par Mikhailov, et probablement intermédiaire du CJA, il était
chargé de transmettre les directives soviétiques auprès de la
Ligue du « V ». Sa visite en Palestine semble marquer une étape
des avancées soviétiques auprès des courants sionistes du
Yichouv : outre les dirigeants de la Ligue,du « V », Soultanov
rencontra des représentants de l’Agence juive, dont David Ben
Gourion, et laissa ouvertement entendre que, après la guerre,
l’attitude des Soviétiques à l’égard de la question juive et du
Moyen-Orient dépendrait du soutien que les Juifs apporteraient
aux intérêts soviétiques. Cette émergence d ’une diplomatie
soviétique, subitement plus ouverte à l’égard des courants sio
nistes, se confirma tout au long de l’année 1945, du moins si
l’on considère le nombre relativement important des officiels
soviétiques qui se rendirent en Palestine pendant cette période.
Toutefois, la diplomatie soviétique ne renonça pas pour autant
à ses tentatives de séduction auprès des populations arabes.
Mais, si Soultanov rencontra au cours d ’une réunion tenue à
Jaffa, le 26 mai 1944, des représentants de l’intelligentsia arabe,
il se garda bien de prendre une position nette sur le conflit
judéo-arabe et se contenta d ’un discours très général sur les
— 277 —
libertés religieuses dont jouissent les musulmans en URSS et
sur la contribution de ces derniers dans l'effort de guerre sovié
tique.
Il faut également noter que des contacts directs entre des
représentants de la Ligue du « V » et des officiels soviétiques
se nouèrent à Téhéran, plaque tournante de la diplomatie alliée
pendant la guerre. Pour des motifs de diplomatie humanitaire,
divers représentants de la Ligue tentèrent d’entrer en contact
avec les Juifs en Union soviétique afin de procéder à la livraison
de matériel médical. En effet, la Ligue du « V » procéda à plu
sieurs reprises, en avril et en décembre 1943, puis en
novembre 1944, à la livraison de matériel médical et d’ambu
lances militaires destinés à l’Armée rouge. Plusieurs délégués
de la Ligue du « V » se rendirent ainsi à Téhéran dans l'espoir
de remplir une mission utile auprès de l’Union soviétique mais
également dans celui d ’établir des relations entre le Yichouv et
les Juifs d'URSS. A Téhéran, les délégués de la Ligue entrèrent
en contact avec l’ambassadeur soviétique A. Smirnov, ainsi
qu’avec le fameux Dr Baroyan, directeur de l’hôpital soviétique
et chef de la mission de la Croix-Rouge soviétique « qui montra
un intérêt soutenu en faveur du potentiel militaire du
Yichouv1 ». Le faible écho occasionné par cette opération
humanitaire dans la presse officielle soviétique démontre assez
que l’URSS était, en réalité, peu désireuse de favoriser, de
quelque manière que ce soit, la diffusion des idées sionistes à
l’intérieur de ses propres frontières. Cela suffirait à expliquer la
détérioration progressive des relations entre la Ligue du « V »
et le CJA de Moscou comme en témoignent les incidents relatifs
à la « mission des ambulances » à Téhéran :
SYRIE ET LIBAN
DE L'IMPROVISATION À L’INSTRUMENTALISATION
N. Novikov
Novikov a débuté dans la carrière diplomatique en 1938. Il
appartient à la « nouvelle génération » des orientalistes venue
remplacer le contingent des anciens experts et diplomates spécia
listes du terrain oriental sévèrement purgé en 1937. Alors que
tous les observateurs occidentaux s’accordent pour le considérer
comme un débutant, Novikov fait partie de la seconde génération
de la diplomatie soviétique, entièrement formée à l’école du
régime. Né au début du siècle, il a accompli ses études à l’Institut
d’études orientales de Leningrad d’où il sort en 1930 en ayant
reçu une formation d’économiste, spécialisé dans le domaine turc.
Après avoir travaillé au commissariat du commerce extérieur à
Moscou et au Tadjikistan pendant la première moitié des années
trente, et enseigné l’économie de la Turquie à l’Institut Nari-
manov, Novikov devient aspirant à l'Institut des professeurs
— 287 —
D u patriotism e à l yirrédentisme
1. Ibid., P. 196.
— 303 —
transport a été posée à Moscou mais aucune réponse n’est encore par
venue avant mon départ l. »
Une N E P religieuse ?
« Cette visite aurait revêtu peu d’intérêt s’il n’y avait pas eu cette
association avec, en premier lieu, le patriarche grec orthodoxe et, en
second lieu, avec la princesse Irène. On dit que le patriarche orthodoxe
é’est plaint d’une « indisposition diplomatique » lorsque Sergeï a pro
jeté de venir en Palestine et il a peur de devoir renoncer à beaucoup
de choses si les Russes réapparaissent dans la vie religieuse en Pales
tine. A-t-il changé d’avis ou s’est-il racheté ? Je ne sais mais cela
devrait rapidement s’éclaircir. La princesse Irène a un penchant natu
rel pour les intrigues et elle demeure en-ce moment en compagnie
de son mariv au patriarcat. Elle est peut-être la négociatrice entre les
Russes et l’Eglise orthodoxe. Elle m’a dit une fois qu’elle n’a abso
lument aucun intérêt en Grèce et qu’elle dévouerait tout son temps
et son énergie à l’Eglise orthodoxe. Comme vous le savez, elle est
russe. Selon moi, il y a encore tant de choses incertaines en Palestine
que les Russes ne sont pas prêts à entrer dans les affaires locales. Ils
ne demanderont probablement pas la restitution de leurs propriétés
avant d’avoir réellement compris où leur intérêt repose. Ces visites de
Soultanov et de Novikov ne sont probablement que des expéditions
de reconnaissance. La princesse Irène aime parler et éventuellement
elle pourrait éclaircir ces questions 2. »
Le concile de 1 9 4 5
et la tournée du patriarch e A lexeï a u Proche-Orient
CARTES
Les sphères d'influence en Iran
et les tentatives de séparatism es m inoritaires
( 1907-1946)
Afghanistan
^ Koweït
Pakistan
Arabie Saoudite
Légende
Zone d ’influence russe en 1907
KURDES Ethnies
Khorosan Région
Ethnies transfrontalières
Nord-Caucase et Transcaucasie
Les structures de l'espace transcaucasien au jou rd 'h u i
fermée
TURQUIE 1i IRAN
| Peuplement
- Frontière
- Axe
Conflit, risque
J Steppe
I Étranger
Source : R. Brunet, V. Rey
L e Turkm énistan : organ isation de Vespace
V. DUUKIiUl U j,
Samarcande j
Darvaza
Kara Koum
Caspienne
Majorité ou plus
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forte minorité
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