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l’homme), ne peuvent porter aussi ce nom subjec-
V I.
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tivement que quand elles ont été puisées aux
sources [A 837/B 86;] communes de la raison,
d’où peut aussi résulter la critique et même la
décision de rejeter tout ce que l’on a appris, c’est-à—
dire que quand elles sont tirées de principesl.
Or, toute connaissance de la raison est une
connaissance par concepts ou par la conS‘truâion
des concepts; la première s’appelle philosophique,
et la seconde, mathématique. J’ai déjà traité dans
le premier chapitre de la différence intrinsèque de
ces deux connaissances. Une connaissance peut
donc être objeéh'vement philosophique et cepen-
dant hi'Storique subjeêtivement, comme chez la
plupart des écoliers et chez tous ceux qui ne voient
jamais plus loin que l’école et demeurent toute
leur vie écoliers. Mais il est cependant remarquable
que la connaissance mathématique, alors même
qu’on l’a (faprise, peut avoir aussi subjeêtivement
la valeur ’une connaissance rationnelle, et qu’il
n’y a pas lieu d’y faire la même disrinâion que
dans la connaissance philosophique. La cause en
est que les sources de connaissances, où seul le
maître peut puiser, ne résident que dans les prin—
cipes essentiels et vrais de la raison, et que par
conséquent ils ne peuvent être tire’s d’ailleurs par
l’élève ni contestés d’aucune façon, et cela parce
que l’usage de la raison n’a lieu ici qu’in oomreto,
bien qu’a priori, c’eS‘t-à-dire dans l’intuition pure
et par là même infaillible, et qu’il exclut ainsi
toute illusion et toute erreur. Entre toutes les
sciences rationnelles (a priori), il n’y a donc que
la mathématique ui puisse être apprise, mais
HI. s42 jamais la philosop ie (à moins que ce ne soit
hiS’toriquement) z en ce qui concerne la raison, on
ne peut Bpaprendre tout au plus qu’à pbi/osop/Jerz.
[A 838/ 866] Or, le système de toute connais—
sance philoso hique est la philosophe. On doit la
prendre obje ivement, si l’on entend par là le
modèle qui permet d’apprécier toutes les tenta—
tives de philosopher, appréciation qui doit servir
Théorie tramcendanta/e de la méthode 1389
à juger toute philosophie subjective, dont l’édifice
est souvent si divers et si changeant. De cette
manière la philosophie eS’t la simple idée d’une
science possible, qui n’eS‘t donnée nulle part in
concreto, mais dont on cherche a‘ se rapprocher par
différentes voies, jusqu’a‘ ce que l’on ait découvert
l’unique sentier qui y conduit, mais que faisait
dévier la sensibilité, et que l’on réussisse, autant
qu’il eSt permis a‘ des hommes, a‘ rendre la copie,
jusqu’à présent manquée, semblable au modèle.
Jusque-là on ne eut apprendre aucune philoso—
phie; car où est—elle P. Qui la possède P et a‘ quoi la
reconnaître P On ne peut qu’apprendre à philoso-
pher, c’eS‘t—a‘—dire a‘ exercer le talent de la raison
dans l’application de ses principes universels à
certaines tentatives qu1 se présentent, mais tou—
jours avec cette réserve du droit qu’a la raison
d’examiner ces principes jusque dans leurs sources
et de les confirmer ou de les rejeter.
Mais jusque—là le concept de la philosophie n’eSt
qu’un concept sco/afiique, a‘ savoir celui d’un système
de la connaissance, qui n’eSt cherché que comme
science, sans que l’on ait pour but quelque chose
de plus que l’unité systématique de ce savoir, et
par conséquent la perfection logique de la connais—
sance. Mais il y a encore un concept coxmz'que
(conceptm cor/221cm) qui a toujours servi de fonde—
ment a‘ cette dénomination, surtout quand on le
personnifiait en quelque sorte [A on/B 6’67] et
qu’on se le représentait comme un modèle dans
l’idéal du phi/oropbel. Dans cette perspective, la
philosophie est la science du rapport de toute
connaissance aux fins essentielles de la raison
humaine (te/eo/ogz'a ratioma' bumanae), et le philo—
sophe n’eSî: pas un artiste de la raison, mais le
législateur de la raison humaine. Dans un pareil
sens, il serait très orgueilleux de s’appeler soi—même
un philosophe, et de prétendre que l’on eät parvenu
à égaler un modèle qui n’existe que dans l’idée.
Le mathématicien, le physicien, le logicien,
quelque éclatant succès que puissent avoir les uns
en général dans la connaissance rationnelle et les
autres en particulier dans la connaissance philoso—
1390 Critique de la mùon pure
phique, ne sont toutefois que des artistes de la rai-
son. Il y a encore un maître dans l’idéal, qui les
emploie tous, et se sert d’eux comme d’instruments
HI. S43 pour avancer les fins essentielles de la raison
humaine. C’est celui-là seul que nous devrions
appeler le philosophe; mais, comme lui—même ne
se rencontre nulle partl, tandis que l’idée de sa
législation se trouve partout dans toute raison
humaine, nous nous en tiendrons simplement à la
dernière, et nous déterminerons avec plus de pré—
cision ce que la philosophie prescrit, d’après ce
concept .cosmique*, du point de vue des fins,
[A 84o/B 6’68] pour l’unité systématique.
Les fins essentielles ne sont pas encore pour
cela les fins suprêmes : il ne peut y en avoir qu’une
seule (dans la parfaite unité systématique de la
raison). Par conséquent elles sont ou le but final,
ou les fins subalternes qui sont nécessairement
requises pour ce but a‘ titre de moyens. Le premier
n’est autre que la destination totale de l’homme,
et la philosophie qui porte sur cette destination
s’appelle morale. C’est a‘ cause de cette préémi—
nence de la philosophie morale sur toute autre
aspiration de la raison que chez les anciens aussi
.4.