You are on page 1of 6

ér

et
t ude s
ésultats
N° 860 • décembre 2013
Institut de recherche
et documentation en
économie de la santé

La prise en charge de la dépression


dans les établissements de santé
Les pathologies psychiatriques et les psychotropes représentent 22,6 milliards de
dépenses, soit 16 % des dépenses totales de santé en 2011 (Cnamts, 2013). La dépression
est l’une des maladies psychiques les plus répandues en France, 3 millions de personnes
en seraient affectées (Inpes, 2007). C’est le médecin généraliste auquel recourent le
plus les personnes atteintes de dépression (21 %), devant les psychiatres (13 %) et
psychologues libéraux (7 %). Et même si le recours aux établissements de santé pour
dépression est moindre (10 % de personnes consultant - Inpes, 2007), la dépression
constitue le premier motif de recours aux soins des établissements ayant une autorisation
d’activité en psychiatrie. Parmi les 1,5 million d’adultes suivis en psychiatrie en 2011
dans les établissements de santé français, près d’un sur cinq l’est pour dépression.
Si la prise en charge de ces patients restait peu connue, la mise en place en 2007 du
Recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (Rim-P), utilisé ici, permet de
pallier ce manque et d’apporter un premier éclairage national sur le sujet.

Magali COLDEFY et Clément NESTRIGUE (Irdes)


Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES)
Ministère de l’Économie et des Finances
Ministère des Affaires sociales et de la Santé
Ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social
L
es pathologies psychia- La dépression, motif principal un épisode ou trouble sévère, 35 %
triques et les psycho- de recours en psychiatrie dans pour un épisode ou trouble qualifié
tropes représentent 22,6 les établissements de santé en 2011 d’intensité moyenne, 14 % pour un
milliards de dépenses, Plus d’1,5 million d’adultes ont été épisode ou trouble léger et autant
soit 16 % des dépenses suivis en psychiatrie en 2011 dans pour des épisodes ou troubles dépres-
totales de santé en 2011 (Cnamts, les établissements de santé français sifs autres non définis en termes de
2013). Parmi les 2,1 millions de (Drees, SAE 2011) dont 75 % ont eu sévérité.
patients adultes hospitalisés pour un exclusivement une prise en charge
motif psychiatrique ou pris en charge ambulatoire sous forme de consulta- Un recours aux soins
pour une affection de longue durée tions avec des professionnels de san- en établissement pour
psychiatrique, plus d’un tiers souffre té, interventions aux urgences, soins dépression plus important
d’épisodes dépressifs caractérisés1. à domicile, etc. (Drees, 2012). chez les femmes
La dépression est en effet l’une des Avec près de 283 0002 patients La prévalence de la dépression en
maladies psychiques les plus ré- adultes (de 16 ans et plus) suivis pour population générale est plus forte
pandues en France : sa prévalence un épisode ou un trouble dépressif en chez les femmes (Morin, 2008, Sa-
estimée entre 5 et 12 % selon les 2011, soit près de 18 % de la file active pinho et al., 2009), de même que le
sources et outils de mesure utilisés totale (source : Rim-P), la dépression recours aux soins en établissement
(Le Pape, Lecomte, 1999, Sapinho constitue le premier motif de recours de santé pour dépression, observé
et al., 2009 ; Morin, 2010) concerne- en psychiatrie dans les établissements à partir du Rim-P, qui les concerne
rait plus de 3 millions de personnes de santé métropolitains (graphique 1). majoritairement (66 %). Le recours
(Inpes, 2007). Episode dépressif Cependant, en termes de journées ou aux soins pour dépression est égale-
isolé ou trouble dépressif récurrent, d’actes, les troubles schizophréniques ment lié à l’âge. Si l’âge moyen est
la dépression peut s’installer dans la représentent près d’un quart de l’acti- de 51 ans, le recours pour dépression
durée et la chronicité. Selon l’Institut vité des établissements, contre 15 % croît avec l’âge pour atteindre son
national de prévention et d’éducation pour la dépression. maximum chez les 51-55 ans. Il n’y
pour la santé (Inpes, 2007), 60 % Large, le spectre de la dépression a pas de différences significatives de
des personnes ayant vécu un épisode peut recouvrir des situations dispa- recours aux soins dans la répartition
dépressif caractérisé déclarent avoir rates nécessitant des modalités de des classes d’âge selon le sexe du
eu recours à des soins pour raison de prise en charge variées selon le degré patient. Ces résultats restent stables
santé mentale. Si le recours au méde- de sévérité et les besoins de la per- avec le degré de sévérité du trouble.
cin généraliste est prédominant pour sonne, comme nous le verrons par
21 % de ces patients, les psychiatres la suite. La classification interna- Une prise en charge
et psychologues libéraux arrivent tionale des maladies (Cim 10e révi- de la dépression
ensuite avec 13 et 7 %. Les autres sion) qualifie les épisodes et troubles essentiellement ambulatoire,
professionnels cumulent 12 % des re- dépressifs en légers, moyens, sévères sauf pour les troubles sévères
cours (thérapeute, infirmier, masseur- (OMS, 2009). Parmi les patients sui- Un patient pris en charge dans un
kinésithérapeute, assistant social…) vis en établissement de santé en 2011 établissement de santé ayant une
[Briffault et al., 2010]. Même si le pour dépression, 37 % le sont pour autorisation d’activité en psychia-
recours aux établissements de santé
pour dépression est relativement g graphique 1
1. Un épisode dépressif faible (environ 10 % de personnes
caractérisé (EDC) est Diagnostics principaux de recours pour motif psychiatrique
défini selon le CIDI-SF consultant), la dépression constitue en établissement de santé en 2011
(Composite International le premier motif de recours aux soins
Diagnostic Interview Épisodes et troubles dépressifs 17,9 %
– Short Form) et le des établissements ayant une autori- Troubles névrotiques 17,6 %
DSM-IV (Diagnostic and sation d’activité en psychiatrie, et ce Troubles schizophréniques 14,3 %
Statistical Manual of Facteurs influant sur l’état de santé 9,7 %
Mental Disorders 4e recours augmente avec la sévérité et Troubles liés à l’utilisation de substances psycho-actives 9,6 %
édition). Il est identifié par la chronicité du trouble (Inpes, 2007). Troubles de la personnalité 7,2 %
la présence d’au moins
quatre symptômes (ex. :
Les épisodes et troubles dépressifs Troubles bipolaires 5,2 %
vivre une période d’au représentent ainsi le diagnostic le plus Troubles du comportement apparaissant durant l’enfance 3,5 %
moins deux semaines
Troubles mentaux organiques 2,7 %
consécutives en se
fréquemment rencontré parmi les per- Diagnostics somatiques 2,6 %
sentant triste, avoir pris sonnes prises en charge en psychiatrie Retard mental 1,5 %
ou perdu au moins 5 kg, dans un établissement de santé en 2011. Syndromes comportementaux 1,5 %
avoir beaucoup plus de Troubles de l’humeur hors dépression et troubles bipolaires 1,2 %
mal que d’habitude à se Si la prise en charge de ces patients res- Troubles du développement psychologique 0,8 %
concentrer, etc.) dont au tait peu connue, la mise en place en 2007 Diagnostic non renseigné 16,4 %
moins un important, et la
perturbation des activités du Recueil d’informations médicalisées Les patients pouvant recourir aux soins plusieurs fois dans l’année pour différents diagnostics, le pourcentage
total est supérieur à 100.
habituelles du patient. en psychiatrie (Rim-P), utilisé ici, per- Lecture • 17,9 % des patients pris en charge dans un établissement de santé autorisé en psychiatrie en 2011
2. Effectifs non redressés
pour les établissements
met de pallier ce manque et d’apporter ont reçu un diagnostic principal d’épisodes ou de troubles dépressifs.
Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus.
manquants. un premier éclairage national sur le sujet. Sources • Rim-P 2011.

2 La prise en charge de la dépression dans les établissements de santé


trie peut être suivi selon différentes vité en psychiatrie peuvent accueillir ville. La continuité des soins est ici
natures de prise en charge : à temps des personnes souffrant de dépres- assurée par des acteurs extérieurs à
complet, à temps partiel ou en ambu- sion. Selon Le panorama des établis- l’établissement d’hospitalisation. Par
latoire (encadré 1). Certains patients sements de santé (Drees, 2012), sur ailleurs, rares sont les établissements
sont vus exclusivement sous l’une 588 établissements de santé assurant privés autorisés à accueillir des per-
ou l’autre de ces natures de prises en une prise en charge hospitalière en sonnes sans leur consentement. L’ac-
charge, mais ils sont nombreux à en psychiatrie en 2010, la moitié relève cueil des urgences et les missions
combiner plusieurs. La plupart des du public. Ces établissements repré- d’intérêt général associées à la secto-
formes de dépression peut être soi- sentent les deux tiers des lits d’hos- risation psychiatrique ont également
gnée sans hospitalisation, 62 % des pitalisation à temps complet et les un impact sur les populations suivies
patients souffrant de dépression ont quatre cinquièmes des places d’hos- et les prises en charge. Le caractère
été suivis exclusivement en ambula- pitalisation partielle. L’autre moitié spécialisé ou non de l’établissement
toire (consultations, essentiellement) se répartit à parts égales entre les dans la prise en charge des maladies
dans les établissements en 2011. établissements privés d’intérêt col- mentales influe aussi sur les modali-
Cependant, elle peut s’imposer en lectif (Espic) à but non lucratif et les tés de prise en charge des patients et
cas de dépressions sévères, de traite- cliniques privées. Les établissements leur provenance (proximité des ser-
ments complexes ou lorsque le patient publics et Espic, participant pour la vices d’urgence et somatiques).
est en danger (risque de suicide, perte plupart à la sectorisation psychia-
d’autonomie, etc.) [HAS, 2002]. Un trique, proposent des prises en charge … illustrées
tiers des patients suivis pour dépres- à temps complet, partiel ou en ambu- par une proportion de troubles
sion a été hospitalisé à temps plein en latoire tandis que les établissements dépressifs sévères plus forte
2011. Le recours à l’hospitalisation privés à but lucratif proposent surtout dans les cliniques privées
augmente avec le degré de sévérité de l’hospitalisation à temps plein et En France, 72 % des patients suivis
du trouble, plus de la moitié des per- partiel. La prise en charge ambula- pour un épisode ou un trouble dépres-
sonnes ayant un diagnostic d’épisode toire de ces patients s’effectue au sein sif le sont dans un établissement pu-
sévère a été hospitalisée au moins des cabinets psychiatriques libéraux blic (contre 82 % des patients suivis
une fois à temps plein dans l’année. (hors du champ de cette étude cf. en- en psychiatrie), 13 % dans les Espic
Cette hospitalisation est faite libre- cadré Source et champ). Cette diffé- (versus 12 %) et 15 % dans les établis-
ment pour la grande majorité d’entre rence impacte la prise en charge au sements privés à but lucratif (versus
eux, une hospitalisation sans consen- sein de ces établissements. Dans les 6 %). Ces derniers sont spécialisés
tement (essentiellement à la demande établissements publics ou Espic, par dans la prise en charge de la dépres-
d’un tiers) a cependant été observée exemple, l’hospitalisation à temps sion puisque près de la moitié de la pa-
pour 3 % des patients. plein relève davantage d’une prise en tientèle des établissements du secteur
charge plus globale qui peut se faire privé à but lucratif a reçu un diagnos-
Des modalités de prise en charge au sein de l’établissement. Dans les tic principal de trouble ou d’épisode
psychiatrique différentes établissements privés à but lucratif, dépressif (45 %), alors qu’elle repré-
dans les établissements l’hospitalisation à temps plein est sente entre 17 % et 21 % de la patien-
de santé publics et privés… souvent exclusive, les établissements tèle des hôpitaux publics et Espic3.
3. Pour laquelle
Plusieurs types d’établissements de ne proposant pas de prise en charge Les trois quarts des patients hos- un diagnostic principal
santé ayant une autorisation d’acti- ambulatoire autre qu’en médecine de pitalisés à temps plein pour dépres- a été renseigné.

g encadré 1
Définitions
La dépression est un trouble caractérisé de l’humeur résultant de l’interaction de Le plus souvent, les malades sont vus dans le cadre de consultations en centre
multiples facteurs psychologiques, biologiques et socio-environnementaux. Elle se médico-psychologique (CMP), unité d’accueil et de coordination des soins. Les
distingue de la « déprime » par la durée et l’intensité des symptômes, la souffrance prises en charge peuvent être individuelles ou collectives dans le cadre des
induite et le retentissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne (Sapinho soins de groupe ou d’ateliers thérapeutiques. La psychiatrie de liaison, c’est-à-
et al., 2009, p.38). La dépression est révélée par l’épisode dépressif majeur qui dire les soins ou interventions en unités d’hospitalisation somatique, constitue
comprend une humeur triste ou une perte d’intérêt ou de plaisir généralisée quasi- la seconde grande modalité de prise en charge ambulatoire. L’activité ambu-
permanentes pendant au moins deux semaines. Selon les modalités évolutives, on latoire comprend aussi des soins et interventions à domicile ou en institutions
distingue l’épisode dépressif isolé (code Cim-10 : F32), le trouble dépressif récurrent substitutives au domicile.
à partir de deux épisodes dépressifs (Code Cim-10 : F33) et les troubles de l’humeur • La prise en charge à temps complet se compose quasi-exclusivement de
persistants (Code Cim-10 : F34) [Passerieux, Hardy-Baley, 2008]. La dépression est l’hospitalisation à temps plein, dans des lieux de soins où les patients sont
un trouble durable, à haut taux de récidive (jusqu’à 80 % sur la vie entière), de chro- placés sous surveillance 24 heures sur 24. Elle est réservée aux situations
nicisation (20 % à deux ans) et dont l’intensité varie au cours du temps. aiguës ou qui requièrent des soins intensifs.
Les modalités de prise en charge en psychiatrie • Les prises en charge à temps partiel se font au sein de structures hospitalières
ne donnant pas lieu à un hébergement, à l’exception de l’hôpital de nuit qui per-
Il existe trois grandes natures de prise en charge en psychiatrie adulte : l’am- met une prise en charge thérapeutique en fin de journée et une surveillance médi-
bulatoire, le temps complet et le temps partiel. cale de nuit. Parmi elles, l’hôpital de jour et le centre d’activité thérapeutique à
• L’ambulatoire définit l’ensemble des prises en charge hors l’hospitalisation. temps partiel constituent les deux principales modalités de soins proposées.

3
sion dans les établissements privés des situations plus complexes. Des l’inverse, 20 % des patients ont une
à but lucratif le sont pour un trouble pratiques différentes de codage des DAH supérieure à 45 jours. Ces du-
d’intensité sévère, alors que dans les diagnostics peuvent également expli- rées diffèrent selon le type d’établis-
établissements publics ou Espic, la po- quer ces différences. sement de prise en charge.
pulation est plus hétérogène. Une part La DAH la plus faible est obser-
non négligeable des personnes hospi- Des durées moyennes vée dans les établissements publics
talisées à temps plein pour épisodes d’hospitalisation non spécialisés dans la prise en
ou troubles dépressifs dans le secteur en psychiatrie davantage liées charge des maladies mentales (ser-
public ou privé d’intérêt collectif, y est aux caractéristiques vices psychiatriques implantés dans
pour des troubles d’intensité moyenne des établissements qu’au degré les centres hospitaliers généraux ou
à légère (près de 40 %, contre 22 % de sévérité de la pathologie régionaux). Elle est près de deux fois
dans le privé à but lucratif). Plusieurs La durée moyenne de séjour supérieure dans les établissements
explications peuvent être avancées : le (DMS) pour les personnes souffrant privés à but lucratif, même à degré
caractère plus fréquemment non pro- de troubles dépressifs est de 27 jours de sévérité équivalent. Plus généra-
grammé des admissions dans le sec- en 2011. Cependant, dans le champ lement, alors que près de 30 % des
teur public ; à diagnostic équivalent, de la psychiatrie, la durée annuelle personnes hospitalisées dans des éta-
les différentes situations cliniques et d’hospitalisation (DAH) est préfé- blissements publics le sont pour une
sociales des personnes peuvent davan- rée à la DMS car plus pertinente. La durée inférieure ou égale à sept jours,
tage amener à une hospitalisation, dépression, comme d’autres patho- dans les établissements privés à but
même pour des troubles classés plus logies psychiatriques, est une mala- lucratif, moins de 10 % des patients
modérés par la Cim-10 (comorbidité, die chronique nécessitant une prise connaissent une hospitalisation infé-
absence d’entourage social ou fami- en charge s’étalant dans la durée et rieure à sept jours (graphique 2). La
lial, problèmes de logement, etc.). Les pouvant associer plusieurs séjours durée d’hospitalisation pour dépres-
données du Rim-P n’offrant que peu d’hospitalisation. La DAH obser- sion semblerait donc dépendre du
d’informations sur les caractéristiques vée pour les personnes souffrant de statut de l’établissement plus que
économiques et sociales des indivi- troubles dépressifs est de 32,8 jours de la gravité de la pathologie. Là
dus, cette hypothèse ne peut être véri- en moyenne en 2011 ; elle est supé- encore, contrôler les caractéristiques
fiée ici. En revanche, la plus grande rieure pour les troubles sévères (34,6 sociales des individus concernés est
proportion de patients âgés de moins difficile. Plusieurs hypothèses méri-
jours en moyenne).
de 30 ans et de 75 ans et plus obser- teraient d’être approfondies. Dans
Néanmoins, ces valeurs moyennes
les établissements publics ou Espic
vée dans les établissements publics ou cachent une forte variabilité. Un quart
participant à la sectorisation psychia-
Espic peut expliquer l’hospitalisation des patients a une DAH inférieure à
trique, l’hospitalisation à temps plein,
de patients aux troubles légers ou mo- 10 jours et la moitié une DAH n’ex-
intégrée au sein d’une prise en charge
dérés, ces âges extrêmes engendrant cédant pas 21 jours (graphique 2). A
globale interne à l’établissement, est
pensée en articulation avec un suivi
ambulatoire en amont et en aval par
g graphique 2 la même équipe de soins, ce qui per-
Durée annuelle d’hospitalisation pour dépression met de réduire la durée d’hospitalisa-
selon le type d’établissement tion. Dans les établissements privés
Pourcentage cumulé de patients à but lucratif, l’hospitalisation (et sa
100 % durée), plus souvent programmée, ne
90 %
correspond pas à une prise en charge
en urgence. Un autre facteur mis en
80 %
avant par les professionnels est la
70 %
disponibilité des lits d’hospitalisation
60 % et le turn-over des patients. Dans les
50 % services psychiatriques implantés à
Privé
40 % l’hôpital général, les capacités en lits
Espic
30 %
et places et les moyens humains sont
Public général pointés comme sous dotés (Coldefy
20 %
Public spécialisé et al., 2009) et combinés à un turn-
10 %
Total over important des patients du fait de
0% leur proximité avec les services d’ur-
1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 gence. Cette situation peut également
Nombre de jours d’hospitalisation dans l’année
Lecture • 50 % des patients hospitalisés pour dépression dans le secteur public général l’ont été moins accélérer la sortie de l’hospitalisation
de 13 jours et dans le privé lucratif, la durée annuelle d’hospitalisation médiane est de 29 jours.
Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus.
pour permettre l’accueil de nouveaux
Sources • Rim-P 2011. patients.

La prise en charge de la dépression dans les établissements de santé 4


Des taux de réadmission taux sont toujours supérieurs dans les ceux suivis dans les autres établis-
en psychiatrie plus faibles Espic et les services psychiatriques sements. Consultations médicales,
dans les établissements des centres hospitaliers généraux entretiens soignants, suivi de la
à l’activité ambulatoire élevée (graphique 3). Pour ces derniers, ces situation sociale, soins de groupe et
En médecine, chirurgie, obsté- taux élevés sont à mettre en regard soins à domicile sont plus fréquem-
trique et odontologie (MCO), notam- des DAH courtes observées. L’ina- ment utilisés par les patients de ces
ment, le taux de réadmission est uti- déquation entre l’offre et la demande établissements. Cette observation va
lisé comme marqueur d’une prise en importante reçue par ces établisse- dans le sens d’un suivi ambulatoire
charge de mauvaise qualité, signifiant ments, notamment par l’intermé- permettant de réduire la durée et la
que le patient a rechuté suite à une diaire des urgences, crée une tension fréquence de l’hospitalisation.
sortie prématurée ou non préparée sur les lits d’hospitalisation, pouvant Ce premier éclairage sur la prise en
de l’établissement. En psychiatrie, conduire à faire sortir des patients charge de la dépression en établisse-
cependant, les réadmissions peuvent prématurément ou sans préparation ments de santé en France fait appa-
être volontaires et correspondre à une pour en accueillir de nouveaux. raître des résultats notables à appro-
stratégie thérapeutique d’hospitali- A l’inverse, les taux de réadmission fondir dans des travaux futurs. La
sation séquentielle ou d’acceptation les plus faibles sont observés dans dépression constitue en 2011 l’un des
d’une certaine prise de risque dans la les établissements publics spéciali- principaux motifs de recours en psy-
sortie de l’établissement. Considérer sés et associés à une DAH relative- chiatrie dans les établissements de san-
isolément cet indicateur ne permet ment faible. Ce résultat est à mettre té. D’importantes différences existent
pas de mesurer la qualité des soins en regard des moyens des différents dans la prise en charge de ces troubles
en psychiatrie. En revanche, croisé types d’établissements et du déve- entre établissements publics et privés.
avec les informations sur les durées loppement de l’activité ambulatoire Les caractéristiques de l’offre de soins
annuelles d’hospitalisation, il met en permettant d’éviter certaines réhos- des différents établissements et leurs
lumière des fonctionnements diffé- pitalisations. Le graphique 4 montre interactions avec l’environnement
rents entre établissements. ainsi que les patients suivis pour jouent un rôle majeur dans la varia-
Ainsi, quelle que soit la durée dépression dans les établissements bilité observée. De même, une partie
considérée pour calculer le taux de publics spécialisés ont en moyenne de la variabilité s’expliquerait par les
réadmission au sein du même éta- accès à une palette de soins ambu- caractéristiques des populations sui-
blissement (15, 30 et 90 jours), les latoires plus large et plus dense que vies dans ces établissements.

g graphique 3 g graphique 4

Taux de réadmission des patients suivis Suivi ambulatoire de la dépression selon le type
pour dépression selon les établissements d’établissement hors établissements privés
à but lucratif ne proposant pas de prise en charge
8% 7,6 % ambulatoire
7,4 %
Privé Espic
61,1 %
7% Consultations médicales 52,4 %
55,7 %
Public général Public spécialisé 37,2 %
Entretiens soignants 22,9 %
6% 5,8 % 29,2 %
Suivi de la situation 16,8 %
8,7 %
sociale 12,6 %
5%
11,1 %
4,3 % Soins aux urgences 17,5 %
8,5 %
4% 3,8 %
10,0 %
Liaison somatique 13,6 %
3,3 % 8,1 %
3,1 % 3,1 %
8,1 %
3% Suivi à domicile 4,2 %
2,4 % 2,5 % 6,5 %
6,6 % Public spécialisé
Soins de groupe 3,5 %
2% 4,4 % Public général
1,4 %
4,8 % Espic
1,0 % Soins en institution 2,0 %
4,6 %
1%
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %
Taux de patients concernés
0% Lecture • 61 % des patients suivis pour dépression dans un établissement public de santé
Taux de réadmission Taux de réadmission Taux de réadmission spécialisé dans la prise en charge des maladies mentales ont eu au moins une consultation avec
< 15 jours < 30 jours < 90 jours un médecin en 2011, 17 % ont eu un suivi de leur situation sociale avec une assistance sociale de
l’établissement.
Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus. Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus.
Sources • Rim-P 2011. Sources • Rim-P 2011.

5 La prise en charge de la dépression dans les établissements de santé


Ces premiers résultats méritent en charge des patients souffrant de prendre les disparités observées, il
d’être approfondis et combinés à des dépression dans les établissements de faudra élargir le champ d’analyse et
informations sur l’offre de soins ainsi santé viendra compléter ce premier intégrer les soins de ville. En effet, les
que sur l’environnement socio-éco- état des lieux.
nomique de la patientèle. L’intégra- Cependant, pour avoir une vision médecins généralistes jouent un rôle
tion de ces dimensions dans l’ana- complète de la prise en charge de la stratégique dans cette prise en charge
lyse des déterminants de la prise dépression en France et mieux com- (Dumesnil et al., 2012). g

g encadré 2
Repères
Cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux développés par l’Irdes sur les sur l’analyse de la disparité des pratiques en psychiatrie à partir du système
disparités de prise en charge en psychiatrie. Cette première publication sur la d’information actuellement disponible (Coldefy et al., 2012).
dépression s’intègre dans un projet de recherche financé par la Drees visant Remerciements
à dresser un état des lieux de la prise en charge de la dépression et de la Nous tenons à remercier pour leur lecture attentive et bienveillante : les Drs Serge
schizophrénie en établissement de santé en France et de ses disparités ter- Kannas, Nadia Younès, Dominique Robert, ainsi que Gwennaelle Brilhault et Rémy
ritoriales. Ce projet fait suite à l’étude de faisabilité réalisée pour la Drees Mas de la Drees, Yann Bourgueil, Alexandra Delannoy et Zeynep Or de l’Irdes.

g encadré 3
Source et champ
Le recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (Rim-P) déplacement dans un milieu inhabituel de l’équipe de soins et des patients) sont
Le Rim-P a été mis en place en 2007 dans l’ensemble des établissements de exclus de la description des prises en charge.
santé ayant une autorisation en psychiatrie. La montée en charge du dispositif Les patients suivis pour dépression ont été identifiés par l’existence d’au moins un
depuis cinq ans rend possible une première photographie de la prise en charge diagnostic principal d’épisode ou de trouble dépressif (codes Cim-10 : F32 et F33).
de la dépression en France et de sa variabilité entre les établissements et les Champ d’analyse 
territoires (Coldefy et al., 2012).
Le champ couvert par l’étude concerne exclusivement les prises en charge de la
En 2011, 95 % des établissements de santé (soit 552) ont remonté leurs données dépression réalisées en établissement de santé ayant une autorisation d’activité
à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). En termes d’acti- en psychiatrie en France métropolitaine. Les établissements peuvent être publics,
vité, l’exhaustivité du recueil est de 98 % pour les journées d’hospitalisation temps privés d’intérêt collectif (Espic) ou privés à but lucratif (les cliniques privées), spé-
plein et les venues en temps partiel, et de 80 % pour l’activité ambulatoire en cialisés ou non. La plupart des établissements publics et Espic participent à la
centre médico-psychologique (CMP), lorsque l’on compare les données du Rim-P sectorisation psychiatrique. Mise en place par la circulaire du 15 mars 1960, elle
à celles de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE). vise à assurer la prise en charge de la maladie mentale d’une population donnée
Les données présentées ici n’ont fait l’objet d’aucun redressement statistique par une même équipe pluridisciplinaire, selon des modes et dans des lieux variés :
pour corriger la non réponse des établissements n’ayant pas renseigné le ­Rim-P. en ambulatoire, à temps partiel ou complet (encadré 1), dans des structures du
De ce fait, les données sur les effectifs sont légèrement sous-estimées. Elles secteur implantées dans et hors l’enceinte hospitalière, dans des établissements
comprennent l’ensemble des patients âgés de 16 ans ou plus pris en charge en sanitaires ou médico-sociaux ou au domicile du patient.
2011 dans un établissement de santé. Les actes ambulatoires de type réunion ou Sont donc exclues les prises en charge réalisées dans un service de médecine,
réalisés dans le cadre d’une activité libérale au sein des établissements publics chirurgie ou obstétrique, et en ville par les médecins généralistes, les psy-
et les séjours thérapeutiques (activité psycho-socio-thérapeutique composée d’un chiatres et psychologues libéraux.

Pour en savoir plus


• Briffault X., Morvan Y., Rouillon F., Dardennes R., Lamboy B. (2010). « Recours • HAS (2002). «  Prise en charge d’un épisode dépressif isolé de l’adulte  en
aux soins et adéquation des traitements de l’épisode dépressif majeur en ambulatoire ».
France », L’Encéphale, 36S, D48-D58. • Inpes (2007). Baromètre santé 2005, dir. par Beck F., Guilbert P. et Gautier
• Cnamts (2013). « Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les A. Ed. Inpes.
dépenses : propositions de l’Assurance maladie pour 2014, Rapport au minis-
• Le Pape A., Lecomte T. (1999). « Prévalence et prise en charge médicale de
tère chargé de la Sécurité sociale et au Parlement sur l’évolution des charges
la dépression », rapport Irdes n° 485 (biblio n° 1277).
et des produits de l’Assurance maladie au titre de 2014 », 240 p.
• Morin T. (2008). «  Épisodes dépressifs : des situations multiples  », Drees,
• Coldefy M., Le Fur P., Lucas-Gabrielli V., Mousquès J. (2009). « Cinquante ans
Études et résultats, n° 661, octobre.
de sectorisation psychiatrique en France : des inégalités persistantes de moyens
et d’organisation », Irdes, Questions d’économie de la santé, n° 145, août. • Morin T., (2010). « Mesurer statistiquement la dépression : enjeux et limites »,
• Coldefy M., Nestrigue C., Or Z. (2012). « Étude de faisabilité sur la diversité des Drees, Document de travail.
pratiques en psychiatrie », Co-édition Irdes/Drees, Rapport de l’Irdes n° 555. • OMS (2009). Classification internationale des troubles mentaux et des troubles
• Drees (2012). Le panorama des établissements de santé, coordonné par B. du comportement : critères diagnostiques pour la recherche, Ed. Masson.
Boisguérin et C. Minodier. Ed. Drees, collection Études et statistiques. • Passerieux C., Hardy-Baylé M.-C., (2008). «  Trouble de l’humeur, psychose
• Drees (2013), SAE 2011, http://www.sae-diffusion.sante.gouv.fr maniaco-dépressive », La revue du praticien, vol. 58.
• Dumesnil H., Cortaredona S., Cavillon M., Mikol F., Aubry C., Sebbah R., Ver- • Sapinho D., Chan Chee C., Beck F., (2009). « Prévalence de l’épisode dépres-
doux H., • Verger P. (2012). « La prise en charge de la dépression en médecine sif majeur et co-morbidités  », in La dépression en France : enquête Anadep
générale de ville », Drees, Etudes et Résultats n° 810, septembre. 2005 (dir. Chan Chee, Beck, Sapinho, Guilbert), Ed. Inpes, pp. 35-57.

ÉTUDES et RÉSULTATS l n° 860 - décembre 2013


La prise en charge de la dépression dans les établissements de santé
Directeur de la publication : Franck von Lennep Les destinataires de cette publication sont informés de l’existence à la DREES d’un traitement de données à caractère person-
Responsable d’édition : Carmela Riposa nel les concernant. Ce traitement, sous la responsabilité du directeur de la publication, a pour objet la diffusion des publications
de la DREES. Les données utilisées sont l’identité, la profession, l’adresse postale personnelle ou professionnelle. Conformé-
Secrétaire de rédaction : Laurence Grivet
ment aux dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, les destinataires disposent
Maquettiste : Thierry Betty • Imprimeur : Imprimerie centrale de Lens d’un droit d’accès et de rectification aux données les concernant ainsi qu’un droit d’opposition à figurer dans ce traitement.
Internet : www.drees.sante.gouv.fr 6 Ils peuvent exercer ces droits en écrivant à :
Pour toute information : drees-infos@sante.gouv.fr • Reproduction autorisée sous réserve de la mention DREES - Mission Publications et Diffusion - 14 avenue Duquesne - 75350 Paris 07 SP
des sources • ISSN papier 1292-6876 • ISSN électronique 1146-9129 • AIP 0001384 ou en envoyant un courriel à : drees-infos@sante.gouv.fr

You might also like