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N° 860 • décembre 2013
Institut de recherche
et documentation en
économie de la santé
g encadré 1
Définitions
La dépression est un trouble caractérisé de l’humeur résultant de l’interaction de Le plus souvent, les malades sont vus dans le cadre de consultations en centre
multiples facteurs psychologiques, biologiques et socio-environnementaux. Elle se médico-psychologique (CMP), unité d’accueil et de coordination des soins. Les
distingue de la « déprime » par la durée et l’intensité des symptômes, la souffrance prises en charge peuvent être individuelles ou collectives dans le cadre des
induite et le retentissement sur le fonctionnement dans la vie quotidienne (Sapinho soins de groupe ou d’ateliers thérapeutiques. La psychiatrie de liaison, c’est-à-
et al., 2009, p.38). La dépression est révélée par l’épisode dépressif majeur qui dire les soins ou interventions en unités d’hospitalisation somatique, constitue
comprend une humeur triste ou une perte d’intérêt ou de plaisir généralisée quasi- la seconde grande modalité de prise en charge ambulatoire. L’activité ambu-
permanentes pendant au moins deux semaines. Selon les modalités évolutives, on latoire comprend aussi des soins et interventions à domicile ou en institutions
distingue l’épisode dépressif isolé (code Cim-10 : F32), le trouble dépressif récurrent substitutives au domicile.
à partir de deux épisodes dépressifs (Code Cim-10 : F33) et les troubles de l’humeur • La prise en charge à temps complet se compose quasi-exclusivement de
persistants (Code Cim-10 : F34) [Passerieux, Hardy-Baley, 2008]. La dépression est l’hospitalisation à temps plein, dans des lieux de soins où les patients sont
un trouble durable, à haut taux de récidive (jusqu’à 80 % sur la vie entière), de chro- placés sous surveillance 24 heures sur 24. Elle est réservée aux situations
nicisation (20 % à deux ans) et dont l’intensité varie au cours du temps. aiguës ou qui requièrent des soins intensifs.
Les modalités de prise en charge en psychiatrie • Les prises en charge à temps partiel se font au sein de structures hospitalières
ne donnant pas lieu à un hébergement, à l’exception de l’hôpital de nuit qui per-
Il existe trois grandes natures de prise en charge en psychiatrie adulte : l’am- met une prise en charge thérapeutique en fin de journée et une surveillance médi-
bulatoire, le temps complet et le temps partiel. cale de nuit. Parmi elles, l’hôpital de jour et le centre d’activité thérapeutique à
• L’ambulatoire définit l’ensemble des prises en charge hors l’hospitalisation. temps partiel constituent les deux principales modalités de soins proposées.
3
sion dans les établissements privés des situations plus complexes. Des l’inverse, 20 % des patients ont une
à but lucratif le sont pour un trouble pratiques différentes de codage des DAH supérieure à 45 jours. Ces du-
d’intensité sévère, alors que dans les diagnostics peuvent également expli- rées diffèrent selon le type d’établis-
établissements publics ou Espic, la po- quer ces différences. sement de prise en charge.
pulation est plus hétérogène. Une part La DAH la plus faible est obser-
non négligeable des personnes hospi- Des durées moyennes vée dans les établissements publics
talisées à temps plein pour épisodes d’hospitalisation non spécialisés dans la prise en
ou troubles dépressifs dans le secteur en psychiatrie davantage liées charge des maladies mentales (ser-
public ou privé d’intérêt collectif, y est aux caractéristiques vices psychiatriques implantés dans
pour des troubles d’intensité moyenne des établissements qu’au degré les centres hospitaliers généraux ou
à légère (près de 40 %, contre 22 % de sévérité de la pathologie régionaux). Elle est près de deux fois
dans le privé à but lucratif). Plusieurs La durée moyenne de séjour supérieure dans les établissements
explications peuvent être avancées : le (DMS) pour les personnes souffrant privés à but lucratif, même à degré
caractère plus fréquemment non pro- de troubles dépressifs est de 27 jours de sévérité équivalent. Plus généra-
grammé des admissions dans le sec- en 2011. Cependant, dans le champ lement, alors que près de 30 % des
teur public ; à diagnostic équivalent, de la psychiatrie, la durée annuelle personnes hospitalisées dans des éta-
les différentes situations cliniques et d’hospitalisation (DAH) est préfé- blissements publics le sont pour une
sociales des personnes peuvent davan- rée à la DMS car plus pertinente. La durée inférieure ou égale à sept jours,
tage amener à une hospitalisation, dépression, comme d’autres patho- dans les établissements privés à but
même pour des troubles classés plus logies psychiatriques, est une mala- lucratif, moins de 10 % des patients
modérés par la Cim-10 (comorbidité, die chronique nécessitant une prise connaissent une hospitalisation infé-
absence d’entourage social ou fami- en charge s’étalant dans la durée et rieure à sept jours (graphique 2). La
lial, problèmes de logement, etc.). Les pouvant associer plusieurs séjours durée d’hospitalisation pour dépres-
données du Rim-P n’offrant que peu d’hospitalisation. La DAH obser- sion semblerait donc dépendre du
d’informations sur les caractéristiques vée pour les personnes souffrant de statut de l’établissement plus que
économiques et sociales des indivi- troubles dépressifs est de 32,8 jours de la gravité de la pathologie. Là
dus, cette hypothèse ne peut être véri- en moyenne en 2011 ; elle est supé- encore, contrôler les caractéristiques
fiée ici. En revanche, la plus grande rieure pour les troubles sévères (34,6 sociales des individus concernés est
proportion de patients âgés de moins difficile. Plusieurs hypothèses méri-
jours en moyenne).
de 30 ans et de 75 ans et plus obser- teraient d’être approfondies. Dans
Néanmoins, ces valeurs moyennes
les établissements publics ou Espic
vée dans les établissements publics ou cachent une forte variabilité. Un quart
participant à la sectorisation psychia-
Espic peut expliquer l’hospitalisation des patients a une DAH inférieure à
trique, l’hospitalisation à temps plein,
de patients aux troubles légers ou mo- 10 jours et la moitié une DAH n’ex-
intégrée au sein d’une prise en charge
dérés, ces âges extrêmes engendrant cédant pas 21 jours (graphique 2). A
globale interne à l’établissement, est
pensée en articulation avec un suivi
ambulatoire en amont et en aval par
g graphique 2 la même équipe de soins, ce qui per-
Durée annuelle d’hospitalisation pour dépression met de réduire la durée d’hospitalisa-
selon le type d’établissement tion. Dans les établissements privés
Pourcentage cumulé de patients à but lucratif, l’hospitalisation (et sa
100 % durée), plus souvent programmée, ne
90 %
correspond pas à une prise en charge
en urgence. Un autre facteur mis en
80 %
avant par les professionnels est la
70 %
disponibilité des lits d’hospitalisation
60 % et le turn-over des patients. Dans les
50 % services psychiatriques implantés à
Privé
40 % l’hôpital général, les capacités en lits
Espic
30 %
et places et les moyens humains sont
Public général pointés comme sous dotés (Coldefy
20 %
Public spécialisé et al., 2009) et combinés à un turn-
10 %
Total over important des patients du fait de
0% leur proximité avec les services d’ur-
1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 39 41 43 45 47 49 51 gence. Cette situation peut également
Nombre de jours d’hospitalisation dans l’année
Lecture • 50 % des patients hospitalisés pour dépression dans le secteur public général l’ont été moins accélérer la sortie de l’hospitalisation
de 13 jours et dans le privé lucratif, la durée annuelle d’hospitalisation médiane est de 29 jours.
Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus.
pour permettre l’accueil de nouveaux
Sources • Rim-P 2011. patients.
g graphique 3 g graphique 4
Taux de réadmission des patients suivis Suivi ambulatoire de la dépression selon le type
pour dépression selon les établissements d’établissement hors établissements privés
à but lucratif ne proposant pas de prise en charge
8% 7,6 % ambulatoire
7,4 %
Privé Espic
61,1 %
7% Consultations médicales 52,4 %
55,7 %
Public général Public spécialisé 37,2 %
Entretiens soignants 22,9 %
6% 5,8 % 29,2 %
Suivi de la situation 16,8 %
8,7 %
sociale 12,6 %
5%
11,1 %
4,3 % Soins aux urgences 17,5 %
8,5 %
4% 3,8 %
10,0 %
Liaison somatique 13,6 %
3,3 % 8,1 %
3,1 % 3,1 %
8,1 %
3% Suivi à domicile 4,2 %
2,4 % 2,5 % 6,5 %
6,6 % Public spécialisé
Soins de groupe 3,5 %
2% 4,4 % Public général
1,4 %
4,8 % Espic
1,0 % Soins en institution 2,0 %
4,6 %
1%
0% 10 % 20 % 30 % 40 % 50 % 60 % 70 %
Taux de patients concernés
0% Lecture • 61 % des patients suivis pour dépression dans un établissement public de santé
Taux de réadmission Taux de réadmission Taux de réadmission spécialisé dans la prise en charge des maladies mentales ont eu au moins une consultation avec
< 15 jours < 30 jours < 90 jours un médecin en 2011, 17 % ont eu un suivi de leur situation sociale avec une assistance sociale de
l’établissement.
Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus. Champ • France métropolitaine, personnes âgées de 16 ans ou plus.
Sources • Rim-P 2011. Sources • Rim-P 2011.
g encadré 2
Repères
Cette étude s’inscrit dans le cadre des travaux développés par l’Irdes sur les sur l’analyse de la disparité des pratiques en psychiatrie à partir du système
disparités de prise en charge en psychiatrie. Cette première publication sur la d’information actuellement disponible (Coldefy et al., 2012).
dépression s’intègre dans un projet de recherche financé par la Drees visant Remerciements
à dresser un état des lieux de la prise en charge de la dépression et de la Nous tenons à remercier pour leur lecture attentive et bienveillante : les Drs Serge
schizophrénie en établissement de santé en France et de ses disparités ter- Kannas, Nadia Younès, Dominique Robert, ainsi que Gwennaelle Brilhault et Rémy
ritoriales. Ce projet fait suite à l’étude de faisabilité réalisée pour la Drees Mas de la Drees, Yann Bourgueil, Alexandra Delannoy et Zeynep Or de l’Irdes.
g encadré 3
Source et champ
Le recueil d’informations médicalisées en psychiatrie (Rim-P) déplacement dans un milieu inhabituel de l’équipe de soins et des patients) sont
Le Rim-P a été mis en place en 2007 dans l’ensemble des établissements de exclus de la description des prises en charge.
santé ayant une autorisation en psychiatrie. La montée en charge du dispositif Les patients suivis pour dépression ont été identifiés par l’existence d’au moins un
depuis cinq ans rend possible une première photographie de la prise en charge diagnostic principal d’épisode ou de trouble dépressif (codes Cim-10 : F32 et F33).
de la dépression en France et de sa variabilité entre les établissements et les Champ d’analyse
territoires (Coldefy et al., 2012).
Le champ couvert par l’étude concerne exclusivement les prises en charge de la
En 2011, 95 % des établissements de santé (soit 552) ont remonté leurs données dépression réalisées en établissement de santé ayant une autorisation d’activité
à l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (Atih). En termes d’acti- en psychiatrie en France métropolitaine. Les établissements peuvent être publics,
vité, l’exhaustivité du recueil est de 98 % pour les journées d’hospitalisation temps privés d’intérêt collectif (Espic) ou privés à but lucratif (les cliniques privées), spé-
plein et les venues en temps partiel, et de 80 % pour l’activité ambulatoire en cialisés ou non. La plupart des établissements publics et Espic participent à la
centre médico-psychologique (CMP), lorsque l’on compare les données du Rim-P sectorisation psychiatrique. Mise en place par la circulaire du 15 mars 1960, elle
à celles de la Statistique annuelle des établissements de santé (SAE). vise à assurer la prise en charge de la maladie mentale d’une population donnée
Les données présentées ici n’ont fait l’objet d’aucun redressement statistique par une même équipe pluridisciplinaire, selon des modes et dans des lieux variés :
pour corriger la non réponse des établissements n’ayant pas renseigné le Rim-P. en ambulatoire, à temps partiel ou complet (encadré 1), dans des structures du
De ce fait, les données sur les effectifs sont légèrement sous-estimées. Elles secteur implantées dans et hors l’enceinte hospitalière, dans des établissements
comprennent l’ensemble des patients âgés de 16 ans ou plus pris en charge en sanitaires ou médico-sociaux ou au domicile du patient.
2011 dans un établissement de santé. Les actes ambulatoires de type réunion ou Sont donc exclues les prises en charge réalisées dans un service de médecine,
réalisés dans le cadre d’une activité libérale au sein des établissements publics chirurgie ou obstétrique, et en ville par les médecins généralistes, les psy-
et les séjours thérapeutiques (activité psycho-socio-thérapeutique composée d’un chiatres et psychologues libéraux.