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7 mars 2018
by Julien Venesson
Nutrition
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Depuis plus de 10 ans, les multiples bienfaits de la supplémentation en vitamine D sont connus du grand
public. Après avoir été vendus seule pendant de nombreuses années, les fabricants conseillent maintenant
d’acheter la vitamine D conjointement à la vitamine K2. Raison invoquée : si on ne prend pas de vitamine
K avec la vitamine D, le calcium n’irait pas au bon endroit dans l’organisme et se logerait dans nos
organes, augmentant nos risques de nombreuses maladies. problème : les compléments alimentaires de
vitamine D3 et K2 coûtent beaucoup plus chers que les compléments alimentaires de vitamine D3 seuls.
Alors, ces allégations reposent-elles sur une réalité scientifique ou s’agit-il d’une communication marketing
destinée à nous faire dépenser plus ?
A faible dose (400 UI), la vitamine D prise avec le calcium n’a pas d’effet sur le risque de calcification
(ni positif ni négatif) (2).
A dose plus élevée (1000 UI), le risque de maladie cardiovasculaires diminue de 14% environ, ce qui
indique plutôt une baisse de la calcification (3).
Une supplémentation ponctuelle avec une dose de 100 000 UI de vitamine D2 (équivalent en effet à
environ 50 000 UI de vitamine D3) chez des patients diabétiques ayant un taux bas de vitamine D dans le
sang (identique à celui de 80% des français sans supplémentation) améliore la dilatation des artères, ce
qui est incompatible avec une calcification (4)
Autre élément intéressant : les études ne trouvent pas que la vitamine D augmente le risque de calculs
rénaux, alors que c’est le cas avec le calcium (5).
La vitamine D que vous obtenez via des compléments alimentaires ou lors de l’exposition de la peau au
soleil est une molécule de cholecalciférol. Cette molécule est inactive.
Après ingestion ou synthèse dans la peau, le cholecalciférol est transporté jusqu’au foie où il est
transformé en 25-hydroxycholecalciferol (ou « 25(OH)D3 ») par une enzyme d’hydroxylation. C’est ce
25-hydroxycholecalciferol qu’on mesure dans votre sang lorsqu’on veut évaluer votre niveau de vitamine
D dans le sang. Il s’agit de la forme de « réserve » de la vitamine D. Cette forme est inactive mais peut
s’activer localement dans certains tissus sous l’action d’une deuxième enzyme d’hydroxylation.
Après avoir été transformé dans le foie en 25-hydroxycholecalciferol, le cholecalciférol subit une
deuxième réaction d’hydroxylation, cette fois au niveau des reins, pour donner naissance à la troisième et
dernière forme de vitamine D, appelée 1,25-dihydroxycholecalciferol ou plus simplement calcitriol. Le
calcitriol est la forme la plus active de la vitamine D. C’est elle qui contrôle nos niveaux de calcium dans
le sang. Par abus de langage, elle est aussi appelée « vitamine D ».
Si vous avez à peu près compris ce que nous venons de dire, alors vous devez avoir compris que : plus on a
de calcitriol dans le sang, plus on calcifie son organisme. Oui, mais attention ! Le calcitriol n’est pas de
la vitamine D mais un de ses dérivés. Toute la vitamine D que vous avalez n’est pas transformée en
calcitriol, seule une petite partie l’est. De plus, la production de calcitriol dépend elle-même d’autres
hormones (la parathormone en particulier, hormone qui régule le calcium dans le sang et qui est produite
par les glandes parathyroïdes).
En fait, la production de calcitriol suit une courbe en U selon notre statut de vitamine D :
Si vous manquez de vitamine D de réserve (25-hydroxycholecalciferol), alors votre taux de calcitriol est
élevé, afin de maintenir votre taux de calcium normal dans le sang. Dans ce cas-là, vous êtes déficitaire
en vitamine D mais fortement exposé au risque de calcification vasculaire !
Si vous ne manquez pas de vitamine D de réserve (c’est le cas si vous vous supplémentez en vitamine D)
alors votre taux de calcium est bien régulé et votre taux de calcitriol regagne une valeur normale : vous
diminuez votre risque de calcification.
Si vous continuez à vous supplémenter en vitamine D de manière abusive (plus de 10 000 UI par jour)
alors vos reins ne parviennent plus à contrôler aisément la production de calcitriol qui redevient
excessive, comme dans le cas du déficit en vitamine D. A ce moment vous augmentez fortement votre
risque de calcification (et c’est ce qui cause les symptômes de l’intoxication à la vitamine D).
Ce rôle dual de la vitamine D est exposé dans de nombreux papiers scientifiques et enseigné en faculté de
médecine lors des cours d’endocrinologie (6). Toutefois, les reins jouent un rôle complexe dans
l’organisme car ils participent aussi à la régulation de nombreuses autres hormones et minéraux dans le
sang. des études plus récentes ont ainsi pu montrer que certains comportements augmentent fortement le
risque de calcification vasculaire, même avec un apport en vitamine D normal (moins de 10 000 UI par
jour). Voici une liste de ces quelques comportements à éviter :
Comme on peut le voir, la vitamine D ne provoque pas de calcifications, elle les diminue ! Mais elle
n’empêche pas la nocivité de certains comportements.
Toutefois, peu d’études ont été faites sur le sujet et les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur. Par
exemple, dans une étude d’intervention sur des personnes âgées (69 ans en moyenne) pendant laquelle les
volontaires ont reçu un complément alimentaire de vitamine K2 MK-4 pendant un an, aucun effet positif
n’a été observé. La supplémentation n’a même pas empêché la progression des calcifications artérielles
alors que le dosage utilisé était très très élevé (45 mg de vitamine K2, c’est environ 1000 fois le besoin
quotidien) (9).
Les premières études les plus intéressantes (en terme d’effets) sur la vitamine K ont été faites avec la
vitamine K2 sous forme « MK-7 ». Problème : la grande majorité de ces études ont été financées par des
fabricants de cette fameuse vitamine K. Elles ont toutefois montrer les choses suivantes :
Diminution nette des calcifications artérielles et amélioration de la santé vasculaire (10)
Diminution de la perte de masse osseuse liée à l’âge (11)
La vitamine K2 sous forme MK-7 semble donc intéressante mais faut-il croire les résultats de ces études
malgré les conflits d’intérêts ?
La courbe représentée par les points blancs montre l’évolution du taux de vitamine K dans le sang après
ingestion de 420 μg de vitamine K2 MK-7. Celle représentée par les points noirs montre l’effet de 420 μg
de vitamine K2 MK-4 (12).
Comme vous pouvez le constater, la vitamine K2 MK-7 bénéficie d’une excellente biodisponibilité, très
supérieure à celle de la vitamine K2 MK-4. Il y a donc des éléments biologiques objectifs qui expliquent les
résultats des études faites avec la vitamine K2 MK-7 ce qui pousse à prendre les résultats de ces études au
sérieux.
Depuis, d’autres études semblent confirmer ces bénéfices et en ajoute d’autres : une étude récente a
notamment montrer qu’une supplémentation en vitamine K2 MK-7 chez des femmes âgées de 55 à 75 ans à
la dose de 180 μg par jour pendant 3 ans fait perdre de la masse grasse au niveau du ventre, mais
uniquement chez les femmes qui avaient de faibles taux de vitamine K dans le sang initialement (13).
En définitive, la vitamine K, en particulier sous forme de K2 MK-7 semble intéressante pour la santé et
présenterait quelques bénéfices mais bien moins intéressants que ceux de la vitamine D. Son utilisation en
complément alimentaire a donc du sens mais n’est pas obligatoire. Si vous n’avez pas l’argent pour acheter
tous les compléments dont vous avez besoin, se passer de vitamine K2 peut être une solution afin de
diminuer la note. A noter aussi que l’utilisation de cette vitamine est totalement incompatible avec la prise
de traitement anticoagulants, même à très faibles doses (14).
Ces trois formes de vitamine K2 MK-7 sont strictement identiques biologiquement : elles ont les mêmes
effets et il est impossible de les distinguer (15).
Il existe une forme de vitamine K2 MK-7 qui est plus stable, il s’agit de la vitamine K2 MK-7
microencapsulée. Cette forme est recommandée pour un maximum d’effet (sa stabilité est d’environ deux
ans).