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Histoire du Chantier Kerenfors à Roscoff

Pendant près de trois siècles, le chantier naval le plus important de Roscoff


fut l'affaire d'une famille, la famille Kerenfors.
Notes réunies par Michel FEREC, époux de Marie-Jo KERENFORS ( fille de Joseph )
Vues du chantier

Le 11 février 1669, mariage de François KERENFORS, de SAINT PIERRE, et de Catherine


MASSON, gouvernante du Sieur du CARPONT, en présence du sieur du CARPONT, du sieur
PRATMENOU HELIES.

Catherine MASSON descendrait-elle de Pierre MASSON qui était en 1574 "Maître après Dieu
du navire nommé LA TRINITE du port de 250 tonneaux de la ville de ROSCOU ?" Ce n'est pas
impossible.

La paroisse SAINT PIERRE représentait la partie droite du chemin menant de l'église de


ROSCOFF à SAINT POL.

Ses lieux et dates de naissance ne sont pas mentionnés sur l'acte de mariage. Compte tenu
de l'ancienneté des registres de la paroisse de ROSCOFF il semble qu'il n'y soit pas né.
Au moins sept enfants sont issus de ce mariage dont entre-autres :

• Tanguy, né le 25/06/1672,
Il épouse le 30 mai 1701 Adénore HELARY en l'église de ROSCOFF. Il est dit alors
"marin" et réside dans la paroisse de TOUSSAINT, mariage célébré en présence de
"nobles personnes" Alexis RELIES, demoiselle Jeanne RELIES, dame de LESVEYER etc
• Jean qui s'associera avec son frère dans l'activité de charpentier de mer
• Hervé, né le 27 janvier 1687,marin, qui mourra en Manche alors qu'il abordait une
prise anglaise en course sur LA DAUPHINE commandée par le sieur DUBOIS DE LA
MARQUE le 23 avril 1709.
• François KERENFORS décède le 31 janvier 1701 à l’âge de 57 ans.

A noter que le sieur PRATMENOU RELIES était syndic des classes. Servant d'intermédiaire
entre les marins roscovites et les autorités ,il était choisi en fonction de sa notabilité. Il devait
choisir les matelots requis pour le service du Roi.

De ce mariage naîtront huit à dix enfants dont Tanguy KERENFORS deuxième du nom. Nous
savons peu de chose sur l'activité du chantier d'alors sinon qu'en 1711 Tanguy paie trois livres
comme taxe de charpentier, son frère Jean , quatre livres.

Le chantier s'installait parfois à MORLAIX quand la taille des bateaux commandés l' imposait.

Le 12 février 1744 "Noble Homme Jean MARZIN déclare avoir fait construire sur la cale du
Styvel à MORLAIX par Jean Kerenfors, maître charpentier à ROSCOFF un navire :
L'ESPÉRANCE".(1)

Il est probable que le ou les charpentiers de Roscoff construisaient certains des navires
attachés à ce port. Ils recevaient parfois des commandes d'ailleurs, de ROUEN et de BREST
notamment.(2)

On note en outre, que Kerenfors, Charpentier de marine de Roscoff (Jean ou Tanguy ?)


fournit en 1712 le dessin du nouveau tombeau de Saint Paul Aurélien dans le chœur de la
cathédrale de Saint Pol de Léon, tombeau en marbre noir, sculpté à Laval, transporté à
Nantes, puis par mer de Nantes à Pempoul en 1713.

Cet entrepreneur était équipé de poutres, de câbles et de rouleaux Le dessin lui fut payé une
livre sept sols. L' inscription latine gravée par Kerenfors fut martelée à la révolution.(3)

Réparation du quai de ROSCOFF

SAINT POL ne voulant pas participer à la réfection du quai, les armateurs et notables de Roscoff
forment une société en 1715. Nicolas LAMBERT, Sr de LA PORTE NOIRE en est le trésorier.Le
travail commence, il durera plus de quinze ans. (procès verbal de réception du 19 février 1743.

Dans le mémoire des avances faites pour la réparation dudit quai , on trouve entre-autres:

• Payé à KERENFORS pour faire une plate-forme pour couler la chaux: 1livre 3 sols
• Payé à Tanguy KERENFORS pour deux journées pour poser le cabestan dans la gabare 2
livres
• Payé à Tanguy KERENFORS pour 11 jours 13 livres 14 sols
• "et autres charpentiers pour travail sur la gabare llivre 10 sols " pour une journée sur le bot
(?) 1 livre

Sous LOUIS XV la livre valait 1,66 franc d'avant 1914, le sol était la vingtième partie de la livre; la
journée d'ouvrier se payait de 6 à 20 sols.
Tanguy KERENFORS, deuxième du nom, épouse le 28 août 1740 en l'église de ROSCOFF,
Jeanne-Louise Kervel. Ils sont dit "honorables gens". Sont présents Tanguy le père et Jean
Kerenfors le frère. C'est le troisième mariage du dit Tanguy après Marguerite Calvez (décédée le
9 juillet 1736) et Marie Kerbrat ( décédée le 30 avril 1740)

Jacques KERENFORS issu du troisième mariage, naît le 29 octobre 1751. C'est lui qui prendra la
suite de son père. Il est dit "Charpentier de mer" lors de son mariage le 15 juin 1778 avec Marie
Anne le SCAN (Honorables Gens). Signent comme témoins, Tanguy, le père et Jean Kerenfors,
son oncle. L'épouse signe également, ce qui est rare pour I'époque. Les renseignements que
nous possédons sur Jacques relèvent plus de son activité au sein de la paroisse, puis commune
de Roscoff, que de celle de "Maistre constructeur de barques".

Nous en énumérons les dates successives :

En 1783, il fait partie du corps politique, dont l'objectif essentiel était de défendre, conserver,
arrondir au mieux le bien paroissial. Le 01 avril 1789, il signe avec d'autres notables, le cahier de
doléances. Attaché aux idées nouvelles, le 18 décembre 1789, il offre, en don patriotique, une
paire de boucles de souliers en argent.

Le 31 janvier 1790 il est éligible et il vote en vue de l'élection de la Municipalité de Roscoff. Pour
cela, il fallait payer au moins 7 livres 10 sols d'impôt (soit dix jours de travail à 15 sols la journée).

Le 15 novembre 1790 , il est nommé procureur.

Le 1er mars 1791 il co-signe l'adresse de Roscoff à l'Assemblée Nationale, en vue de la séparation
d'avec SAINT POL.

Le 16 juin 1792 il est chargé de faire disparaître de l'église les emblèmes particuliers de
prééminences proscrits par la loi et mission accomplie, il en informe le district. Vitriers et maçons
se sont chargés de l'enlèvement des armoiries sur vitres et dans les chapelles de l'église :
Evêque de Léon, Sieur de Kerestat etc.... Les quittances sont adressées à Monsieur de
Kersauson, marguilier. Il réalise en outre, l'inventaire de l'argenterie de l'église en compagnie de
Yves Heurtin, premier officier municipal. Le 10 juillet 1792 la municipalité, "ouï son procureur"
proteste contre l'enlèvement illégal des capucins de Roscoff dans la nuit du 8 au 9 de ce mois.

Le 21 juin 1794 il signe "agent national".

Le 19 vendémiaire an II (10 août 1793), chose curieuse, il contracte un engagement dans la


marine, il a 42 ans.

Compte tenu de toutes les activités de son patron, il est probable que le chantier bénéficiait de
l'aide familiale, notamment de son frère, de son fils François (dès 1797) et de son neveu
Guillaume.

Les renseignements sur l'activité du chantier, notamment du XVIII ème siècle, sont peu
nombreux. Les Archives de l'Amirauté de Morlaix détruites lors d'un bombardement sur Brest en
juillet 1941 contenaient certainement de précieux éléments sur cette époque.

Jacques Kerenfors décède à Roscoff le 14 novembre 1832 à 81 ans au domicile de François.

François Kerenfors épouse à Roscoff le 19 octobre 1813 Marie Renée SINOU, 17 ans. Il est
domicilié rue du quai. Sont présents au mariage, entre autres, Jacques Jean Kerenfors, maître
charpentier de marine en ce port, Yves Sinou, gendarme de la marine, père de l'épouse, Guillaume
Greunen, syndic de la marine en ce port. Un seul enfant naîtra de ce mariage, Hyacinthe, le 17
janvier 1815, déclaré en mairie par ses deux grands-pères, Jacques Kerenfors et Yves Sinou..
Renée Sinou décède en effet le 19 août 1817.
François se remarie avec Marie Josèphe GUILLOU le 26 novembre 1817. Treize enfants naîtront
de ce mariage, mais c'est Hyacinthe qui succédera plus tard à son père dans la direction du
chantier.

A noter que ces charpentiers de marine, inscrits au matricule des gens de mer comme ouvriers
navigants, pouvaient être requis à tous moments pour le service des arsenaux ; ainsi François
Kerenfors "levé" à Roscoff pour Brest le 4 avril 1816, "levé" à nouveau le 17 juin, charpentier au
port de Brest à 1,60. Le registre matricule le signale brun aux yeux bleus, mesurant 1,68m. Ainsi
également "levé" son frère Guillaume en 1818 "permis de 15 jours pour aller travailler à Morlaix au
radoub d'un navire appartenant au sieur MAURE."

François a probablement servi dans la marine sous le Premier Empire, la médaille dite de Sainte
Hélène était en effet conservée dans la famille. Cette décoration instituée par Napoléon III en 1857
était destinée à tous les militaires français et étrangers des armées de terre et de mer ayant
combattu de 1792 à 1815 et encore en vie.

Le savoir-faire de ces artisans charpentiers se transmettait de père en fils, de maîtres à apprentis.


L'activité de pêche alors florissante sur cette côte fournissait une clientèle fidèle : Sloops,
gabares, cotres , cutters, sont les appellations les plus remarquées dans les registres avec, dès le
milieu du 19ème siècle, une évolution vers la plaisance, d'abord timide et plus marquée en fin 19ème
et début 20ème, la réputation du chantier débordant assez largement le cadre local.

En 1865, François Kerenfors transforme "Le Rodeur" de 18,75t construit à l'Auberlach en bateau
de plaisance et le conserve pour son usage personnel .

La moyenne des constructions neuves après stagnation au début du 19ème siècle compte tenu de
la conjoncture (conflits post-révolutionnaires, guerres napoléoniennes) sera en augmentation
constante dans sa deuxième moitié. Le tonnage moyen des unités construites est relativement
modeste.

La qualité de la construction, héritée peut-être de la tradition ancestrale de la course et de la


contrebande, se spécialise de plus en plus en des bateaux légers et rapides.

La clientèle s'étend de Brest à Saint Brieuc. Si les yachts et ses navires de commerce lui
assurent une grande part de son prestige, la qualité de ses bateaux de pêche est réputée des
connaisseurs.

François Kerenfors meurt le 29 avril 1873 à 87 ans, alors que son fils Hyacinthe a repris le
flambeau depuis une trentaine d'années.

Hyacinthe a épousé à Roscoff le 30 avril 1838, Théotiste Rolland, fille de Barthélémy et Marie-
Josèphe Benoit. Il est dit "constructeur de navires". Douze enfants naîtront de cette union.

L'activité du chantier va alors atteindre un rythme soutenu. La moyenne des unités neuves s'élève
à une dizaine de bateaux par an (4) dans les années 1860 / 1870. La plaisance y tient une part de
plus en plus importante. Hyacinthe en est lui-même un fervent adepte. En fin barreur, il remporte
les régates de Brest en 1849, à la barre du "Casimir", cotre à clins de 4 t. construit en 1846. Sa
supériorité était telle, qu'aux dires des observateurs, "il faisait deux fois le tour de la lice, tandis
que ses concurrents n'en faisaient qu'un seul.

C'est également en 1849 qu'eurent lieu les premières régates de Roscoff. Simples courses entre
pêcheurs au début, elles attirèrent des concurrents passionnés de plaisance venant des ports
de la baie de Morlaix et de plus loin. L'émulation était forte entre pêcheurs et plaisanciers.

Parmi les constructions du chantier, on relève des unités importantes comme :


• 1850: la goélette "Amitié" de 53 t. pour M. H. Duchemin de Morlaix.
• 1856 :"Le Guirnili" clipper de 200 t. pour M. Audren de la Boissière et destiné au grand
cabotage.
• 1867 :"Bretonne" goélette de 65 t. pour Hugo et Cie Morlaix (cabotage).
• 1882 :"Hébé" goélette de plaisance de 26 t. à Joseph de Kersauson Morlaix.

Outre son "Casimir", Hyacinthe possède "l'Océan" (3t.31) construit en 1859 pour le bornage. Il
porte par ailleurs intérêt à sa commune et à sa paroisse puisqu'il est conseiller municipal à
compter de 1848, puis adjoint au maire jusqu'en 1870. I1 est en même temps conseiller de
fabrique, parrain de la quatrième cloche de l'église N.D. de Croaz Batz.

Le couple résidait place de l'église. Hyacinthe Kerenfors avait en effet acheté auprès d'un M.
SALSAC, par acte du 28 décembre 1842, une propriété composée de deux maisons à un étage,
avec cour et magasin ayant servi autrefois d'écuries, et une terrasse sur la mer (emplacement
actuel de l'hôtel Talabardon en sa partie droite). C'est là que naît Anselme le 26 mars 1850. En
1862, le couple fera construire à l'emplacement d'une vieille maison contiguë, un immeuble de
deux étages, avec grande terrasse côté mer (partie gauche de l'hôtel Talabardon).

Il avait également été propriétaire d'une maison ( démolie et reconstruite en 1905) au 23 bis, place
Lacaze Duthiers (actuellement maison Seïté). De 1852 à 1896, les mêmes possédaient la maison
du 5 rue Amiral Reveillère : Anselme en héritera (propriétaire jusqu'en 1916).

Associé à son frère Francisque, son aîné de 9 ans, il prendra la suite de son père qui décède le
28/07/1896 à l'âge de 81 ans. Pendant quelques années, Raymond, autre frère, né en 1857,
participe à l'activité du chantier, puis entre en religion en qualité de frère à l'abbaye de Solesmes
sous le nom de frère Bernard.

Anselme épouse le 27 octobre 1874 Félicité Leva, fille de feu Jean-Louis Leva en son vivant
capitaine du brick "L'Hercule" et de Marie Josèphe Rolland, propriétaire, en présence de
Francisque son frère 32 ans, Prosper Kerenfors, maître au cabotage, son oncle, Jérome Salaün
notaire, et Urbain Servet.
A noter qu'une mention figure à son acte de mariage :"Le contractant, ses père et mère et ses
quatre témoins ci-dessous nommés, nous affirment par serment, que dans l'acte de naissance du
futur époux, le nom de Kerenfors porte un "t", tandis qu'il eu dû porter un "s", conformément à
l'acte de naissance du père inscrit sur nos registres à la date du 17 janvier 1815. La mention ci-
dessus, faite conformément à l'avis du Conseil d'Etat du 30 mars 1808".

Ainsi est close l'incertitude de l'orthographe du patronyme qui au cours des siècles subit plusieurs
modifications :(Keranfors, Kerenfort etc...) sans oublier la coutume du K barré, qui a amené des
secrétaires de mairie à créer le nom de Kenfors, encore porté à ce jour.

"Kerenfors Frères" continuent la tradition héritée de plusieurs générations et contribuent à


maintenir la réputation du chantier tant en constructions de bateaux de service (pêche, chaloupes
pour la Marine), qu'en unités de plaisance.

Le témoignage de Jacques de Thésac qui leur à confié la construction de son yacht " Roscovite"
à la fin des années 1880, ne manque pas d'intérêt à cet égard :"et puisque je parle de Kerenfors,
je ne peux me dispenser de vous dire quelques mots de ces bateaux de pêche. Ces
embarcations ont des qualités merveilleuses qui les rendent redoutables dans toutes les
courses de la région. On les a vues, aux régates de Roscoff, par brise forte, porter bravement leur
flèche pointu, alors qu'elles auraient été très suffisamment voilées avec leurs voiles majeures"
(Le yacht 1886)

C'est en 1879 qu'est construite la goélette "L'Hélène" d'un port de 62t. destinée au long cours et
cabotage pour M. Jérome Saiaün de Roscoff. On peut lire à son sujet dans le "Yacht" du 02 juillet
1887 :"Les navires de pêche, cette spécialité si intéressante, sont fort bien représentés dans la
collection du Véritas; dans la section française, le modèle de la goélette "Hélène": "construite en
1879 par Mrs Kerenfors Frères, à Roscoff, est certainement aux yeux des connaisseurs, un des
plus remarquables de l'exposition, il est impossible de dessiner des formes plus élégantes et
plus parfaites et on croirait voir un champion de la Coupe de l'América plutôt qu'un simple
bateau de pêche : il a du reste toujours donné comme vitesse des résultats magnifiques".

Au sujet du yacht de croisière "Roscovite", "Le Yacht" signale que le premier fut construit en 1880
pour M. de Thezac, qu'il appartient par la suite à M. de Kerdrel qui appréciait les qualités
exceptionnelles de tenue et de maniabilité de ce petit cruiser aux formes bien marines.
Suivront en 1890 et 1891 L'Hermine et L'Olympia. Le Yacht relate la mise en chantier de ce
dernier dans son édition du 21 mars 1891 :"La coque qui est presque terminée, est d'une
construction extrêmement soignée, comme celle d'ailleurs de tous les yachts que construisent les
frères Kerenfors qui apportent, on le sait, dans leurs travaux beaucoup d'habilité et beaucoup de
conscience, ce qui explique la médaille d'argent qu'ils ont obtenue à l'Exposition du Havre, pour
leurs modèles de yachts et de navires de pêche."

La maladie oblige Francisque a cesser son activité. Il décède à 56 ans le 30 août 1898 dans sa
maison du 14 rue des Perles (actuellement rue Armand Rousseau) Déclaration par Anselme, son
frère et Adrien Stéphan, pharmacien, ami du défunt. Il est dit propriétaire : il est probable que cette
maison de la rue des Perles ou une maison voisine était dans la famille depuis longtemps : en
effet il est question d'un Keranfors dans un aveu d'Alexis Prigent (de la Portenoire) à l'évêché du
Léon le 12 mai 1703, qui déclare : rue des Perles, une maison avec cour, jardin, cellier, dans la
cour autre petite maison, au midi, jardin du sieur de Keranfors (5)

Il avait été conseiller municipal de 1876 à 1896. En 1863, il avait reçu du Préfet Maritime de
Brest, un témoignage officiel de satisfaction pour le courage et le dévouement dont il avait fait
preuve "à l'occasion du sauvetage d'une gabarre qui venait de chavirer à environ un mille de la
pointe de Bloscon.".
Après la mort de son frère, Anselme continue l'exploitation du chantier dont l'activité demeure
importante en cette fin de siècle, tant en bateaux de pêche, qu'en unités de plaisance.

Locataire de la commune, il adresse au Maire, le 25 octobre 1895, une demande d'autorisation « de


construire des hangars à mes frais, pour mettre quelques bateaux à l'abri et y faire travailler mes
ouvriers lorsque le temps est mauvais et remiser mes bois au sec ».Il doit en effet soumissionner
des embarcations pour l'Etat : six unités en grandes chaloupes de 12,50 mètres et canots de
commandement. Accord donné par délibération du 29/11/1895.

Suivant la demande des pêcheurs roscovites, le chantier s'applique à construire au début du siècle,
des grands cordiers caractérisés par un arrière assez bas sur l'eau ( cul de poule ) et capable de
supporter une grande surface de voilure qui leur confère vitesse et maniabilité.

Se succèdent aussi entre autres :

• 1900: « L'Hirondelle » à Cocaign


• 1901 : « Saint Joseph » au frères Le Mat, grand cotre de 14 t.85
• 1902: « La Jeanne » de 14 t.27
• 1906: « La Pauline » à Pierre Jézequel
• « « : « Poupoule » à Charles Roignant
• 1909: « La Jeanne d'Arc » à Henri Cueff
• « « :« La Marie » remarquée aux régates de 1902 dans la série des plus de 9,50 mètres « dont
le bloc superbe a figuré à l'expédition de Brest de 1901 ». Anselme se voit décerner à cette
occasion la médaille d'or dans la catégorie « modèles de navires ».
Depuis 1889, Anselme et sa famille résident au 22 rue Amiral Réveillère, vieille maison à avancée du
XVI ème siècle, donnant sur l'ouverture du nouveau quai. Son épouse en a hérité de son père Jean
Louis Léva, capitaine au long cours.

En 1900, Anselme est conseiller municipal.

En 1905, ils ont huit enfants.

Anselme prend sa retraite vers 1910, Armand prend la suite du chantier. L'intermède de la guerre
verra Anselme reprendre du service pour pallier l'absence de son fils mobilisé. Un autre fils, Félix,
Capitaine au long cours, décède lors de la campagne des Dardanelles en 1915, officier sur le
croiseur-auxiliaire « Savoie ».

Aux chantiers, les commandes sont encore nombreuses dans les années 1920 / 25, Elles viennent
des pêcheurs de Moguériec, du Conquet, de l'île Molène entre autres. On note même celle d'une
personne du Légué, port de Saint-Brieuc.

Paul, fils d'Armand, était du voyage pour la livraison, à huit ans il trouvait les couchettes un peu
dures.

C'est vers ces années que fut construit probablement le dernier cordier de Roscoff pour Esprit Le
Mat : « L'Ariel II ».
Le chantier occupait encore à cette époque de sept à huit ouvriers et un mousse. Avant que la scierie
ne fut installée, il fallait travailler dur pour honorer les commandes et même parfois le dimanche.
L'autorisation du Recteur était alors nécessaire ( lue en chaire à l'office).

Quelques noms : le contremaître Le Roux, Jézequel, Nicol et plus tard Félix Le Corre qui reprendra le
chantier.

Un des derniers bateaux construits: « Le Nethou » lancé en 1926, pour un Cannois qui logeait à
l'hôtel de Bretagne pendant la construction. Destiné à la plaisance, ce cotre de 12m,25 rejoindra la
Méditerrannée . Il aura une longue histoire qu'on pourra lire par ailleurs.
En 1924, le couple Anselme-Félicité aura la joie de fêter ses noces d'or entouré de ses enfants :
Armand époux de Marie Servet, Jeanne épouse de Victor Talabardon, Aglaë, Joseph, ingénieur aux
Forges et Chantiers de la Gironde à Bordeaux, époux de Suzanne Picot. Les deux filles aînées,
Renée et Marie, religieuses à Guingamp et Fougères, s'associeront de loin à la fête.
Armand décède en 1930.

Le 26 octobre 1932, Anselme Kerenfors s'éteint à son domicile à 82 ans, quatre ans après son
épouse.

Le 16 octobre 1930, il avait ajouté à ses dernières volontés déjà notifiées en 1915 :« Mon fils Armand
étant mort avant moi, le chantier de construction va être vendu. Ayant donné tous mes modèles et
gabarits à Armand à part le « Guimili » fait par mon père, le « Marsoin » fait par mon frère
Francisque et l' « Héléne » fait entièrement par moi, je donne ce dernier à Joseph, mon fils. Les
deux autres modèles resteront dans la maison maternelle. Je donne à Joseph, s'il les veut, mes
médailles et les diplômes du Havre et de Brest, mon diplôme Grand Prix de Paris que j'ai obtenu à
l'Exposition Universelle de 1900 ainsi que la médaille de l'Exposition de Scheveningen, Hollande,
1895. »
Ainsi s'achevait l'histoire du chantier Kerenfors qui allait être repris, avec des fortunes diverses d'abord
par Félix Le Corre puis par Goulven Le Got.

Pendant plus de deux siècles il aura créé et maintenu une qualité remarquable dans la construction
marine, établissant ainsi une réputation ayant dépassé les frontières du « Port et Havre de Roscoff »

• (1) A.F Liasse B 1472


• (2) Marcel A. Herubel :« Le Port de Roscoff »
• (3) « Sur les pas de Paul Aurélien » (Actes du colloque de St Pol 1991 »
• (4) Non compris les bateaux de plaisance.
• (5) Autre aveu, le 12/01/1770, de Jean-François de Keranfors, constructeur de navires: « en la
paroisse du Minihy, aux dits port et Havre de Roscoff, une maison couverte d'ardoises
héritage de Marie-Anne Quervel, veuve du sieur Jean Tronçon » (notes de Mme Guillou-
Beuzit).
• Bibliographie-Sources
• J.Y.Tanguy « Le Port et Havre de Roscoff » (1975) O. Levasseur « Roscoff » (Mémoire en
images 1998) Chanoine Pérennès « Roscoff Perle du Léon » (1937) Archives de la Marine
séries 6P3 et 6P4 Archives de Roscoff ( Etat Civil )
• « Le Chasse-Marée » n° 56, et n° 125

Notes réunies par Michel FEREC, Epoux de Marie-Jo KERENFORS (fille de Joseph )

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