You are on page 1of 4

Document généré le 8 juin 2019 22:34

Liaison

Mais qu’est-ce donc que les arts visuels?


Richard Lachapelle

Arts visuels
Numéro 17, août 1981

URI : https://id.erudit.org/iderudit/43952ac

Aller au sommaire du numéro

Éditeur(s)
Les Éditions l'Interligne

ISSN
0227-227X (imprimé)
1923-2381 (numérique)

Découvrir la revue

Citer cet article


Lachapelle, R. (1981). Mais qu’est-ce donc que les arts visuels? Liaison, (17), 14–16.

Tous droits réservés © Les Éditions l'Interligne, 1981 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services
d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous
pouvez consulter en ligne.
https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/

Cet article est diffusé et préservé par Érudit.


Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université
de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour
mission la promotion et la valorisation de la recherche.
https://www.erudit.org/fr/
DOSSIER ARTS VISUELS

Mais qu'est-ce donc


que les arts visuels?
Une bien... bien drôle de question à poser... Evidemment, je n'ignore pas
ce qu'on désigne traditionnellement par le vocable "arts visuels" — la
peinture, le dessin, la sculpture, la photographie... Mais, je sais aussi que
les formes d'expression visuelle se diversifient, que si certaines comme la
performance et le vidéo semblent avoir acquis le statut d'expression artis-
tique, par contre la bande dessinée, l'artisanat dans presque toutes
ses manifestations, les arts dits "graphiques" [i.e. commerciaux?]... ne
sont pas considérés comme de l'art.
J'ai posé cette question à Richard Lachapelle, artiste visuel de l'Ontario.
Une très grosse question, de fait, qui vise à définir l'art visuel, à cerner la
distinction qui sépare les objets d'art des autres objets. Cette distinction
repose-t-elle sur la fonction de l'objet [innovatrice, critique... par opposi-
tion à commerciale, décorative, utilitaire...]? sur la démarche de l'artiste?
sur la tradition?
Dans un premier temps, Richard a soumis un texte, que voici, dans lequel
il expose les principales manifestations reconnues comme artistiques: son
texte donne donc un premier élément de réponse à la question, en nous
situant vis-à-vis la tradition.
Entretemps—et parallèlement—le dialogue se poursuit, les questions et
les réponses se précisant de part et d'autre... Ce texte en appelle d'au-
tres...

par Richard Lachapelle


Aujourd'hui, plusieurs des acti- Tout le monde serait probable- plus souvent qu'autrement de façon
vités des créateurs dans le domaine ment d'accord pour dire que la traditionnelle (pigments sur sup-
des arts visuels ne reposent plus, peinture, le dessin, la sculpture, la port), quelques artistes ont tenté
comme autrefois, sur la malléabi- gravure et la photographie sont tous d'en élargir les cadres. Ainsi,
lité d'un matériel ou sur un dessin des arts visuels. on a vu apparaître, dans les dix der-
(souvent considéré comme la base nières années, des oeuvres faites
de l'art plastique). La création en La peinture avec de la graisse de moteur
art visuel semble être fondée main- appliquée généreusement sur des
tenant sur la manipulation d'images La peinture est essentiellement le plaques de métal, ou encore des
—concrètes, ou abstraites— visuel- mode de création où l'on tente oeuvres exécutées au ciment sur
les mais pas forcément dessinées. de créer des images en appliquant contre-plaqué ou sur de la toile.
Voilà d'où vient la difficulté de dé- un pigment sous forme de pâte On a même tenté de peindre avec
finir ce qui est et ce qui n'est pas (acrylique, peinture à l'huile, ses excréments...
"art visuel". À cette question, aquarelle, gouache) sur un support Spectaculaires, ces activités sont
chacun semble avoir sa réponse quelconque (papier, toile, bois, car- quand même demeurées assez
bien personnelle. ton). Quoique encore pratiquée marginales.
14 LIAISON
Le dessin La gravure
Le dessin, qui est essentielle- Les Techniques d'impression, xérographie est signée et numéro-
ment une activité visuelle fondée généralement regroupées sous la tée comme toute autre gravure.
sur la ligne et ses possibilités désignation " g r a v u r e " , sont des Les techniques d'impression con-
multiples, a été le sujet dans les techniques dont l'emploi répandu naissent actuellement un essor sans
années récentes, d'une remise en est relativement récent. La gravure pareil. Les gravures se vendent
question assez fondamentale. présente l'avantage de pouvoir tellement bien que le gouverne-
Pendant des siècles, on a utilisé préparer une édition en plusieurs ment fédéral vient d'imposer une
le dessin pour préparer des croquis exemplaires d'une même oeuvre, surtaxe sur la vente des gravures
et des plans de tableaux et de un peu à la façon qu'on publie un pour profiter, lui aussi, de cette
sculptures. Avec l'avènement, livre. Cependant, toutes les nouvelle prospérité.
pendant ce siècle, d'une approche éditions d'art sont tirées à la main
plus directe et spontanée à la créa- en utilisant des techniques qu'on
pourrait qualifier d'artisanales
La photographie
tion visuelle, le dessin perd sa
fonction traditionnelle pour devenir même si certaines de ces techniques Tout le monde connaît très bien
une forme d'expression en soi: sont drôlement sophistiquées. la photographie. Peu de gens
le dessin est pratiqué aujourd'hui Le nombre de copies qu'on tirera cependant connaissent et appré-
surtout pour ses qualités inhéren- est toujours limité et il est rare cient vraiment l'impact qu'elle a
tes. Certains artistes se consa- qu'une édition dépasse les 50 eu sur la création visuelle. Un des
crent maintenant exclusivement au copies. Chaque épreuve, signée et bienfaits de la photographie artis-
dessin, chose impensable il y a cent numérotée par l'artiste, est considé- tique (qui a débuté vers 1850) a
ans. rée à toutes fins pratiques comme été une remise en question fonda-
une oeuvre originale. mentale du rôle de la peinture.
La sculpture Les techniques d'impression les Libérés de toute obligation de
plus utilisées sont les suivantes: documenter la réalité, plusieurs
La sculpture est l'art de travail- peintres ont pu se concentrer
l'eau forte est la technique où la
ler avec les trois dimensions: davantage sur une peinture de
plaque à imprimer, faite de zinc,
largeur, hauteur et profondeur. recherche. Ce sont ces explorations
est gravée dans un bain d'acide et
Généralement conçue pour être qui ont finalement mené à l'éclosion
ensuite imprimée à l'aide d'une
placée dans un espace libre, la presse; en lithographie, on dessine de la peinture contemporaine.
sculpture a l'avantage de pouvoir avec des corps gras sur une pierre
être vue de tous les côtés. Cepen- à surface lisse. Avant d'encrer la Aujourd'hui, l'impact de la pho-
dant, certaines oeuvres peuvent pierre, on mouille à l'eau. Seules tographie s'est répandu dans tous
être conçues pour être installées les parties de la pierre qui sont les secteurs. En plus des techni-
dans un coin ou sur un mur. Parfois recouvertes de matière grasse re- ques photographiques les plus
une sculpture peut occuper un espa- tiendront l'encre car l'encre à connues, comme le noir et blanc,
ce beaucoup plus grand que son base d'huile est repoussée par les plusieurs ont été mises au point afin
simple volume actuel. Par exemple, parties de la pierre qui sont trem- de permettre une plus grande
une oeuvre pourrait comprendre pes. La pierre est ensuite impri- variété d'expressions. Plusieurs
vingt modules en acier, chacun mée à l'aide d'une presse. photographes travaillent mainte-
mesurant trois pieds de large par nant avec des emulsions photo-
trois pieds de long par un pouce En sérigraphie, une trame de soie sensibles qui leur permettent de
d'épais. Si ces modules sont placés ou de nylon est bloquée, aux créer des oeuvres photographiques
sur le plancher, les uns à côté endroits voulus, par des emulsions de grandes dimensions. Il existe
des autres, cette sculpture occupe- ou des pellicules spéciales. On pla- maintenant des procédés de clicha-
rait non seulement 180 pieds ce ensuite la trame sur une feuille ge à base photographique pour
carrés de surface totale mais aussi, de papier. On force l'encre à se la lithographie et la sérigraphie.
par un rayonnement quasi-mysté- déposer sur la feuille en la faisant Presque tous les artistes en xéro-
rieux, tout l'espace libre au-dessus passer à travers la trame à l'aide graphie travaillent à partir de pho-
d'elle jusqu'au plafond. S'il veut d'une lame de caoutchouc. L'encre tos. Maintenant, on retrouve
se rendre de l'autre côté de la ne passera pas là où la trame a été fréquemment des photos incorpo-
pièce, le spectateur se sentira bloquée auparavant par les emul- rées dans des peintures, des
obligé de faire le tour de la sculp- sions. dessins et des collages.
ture plutôt que de passer par Une des techniques d'impression
dessus. les plus récentes repose sur l'em- Horizons nouveaux
Longtemps pratiquée avec des ploi de la machine à photocopier
matériaux traditionnels comme le en couleur de Xérox. On prépare un En plus, ou au lieu de pratiquer
marbre et le bronze, la sculpture collage ou un dessin qui est ensuite les formes d'arts visuels énumé-
exploite maintenant les matériaux photocopié. Parfois, on modifie les rées plus haut, certains artistes
de l'ère industrielle: bois, acier, résultats en réglant les contrôles qui ont une formation de base
fibre de verre, ciment, plastiques, pour chaque couleur (comme sur en art visuel, se sont tournés vers
etc.... un téléviseur). L'édition finale de la
LIAISON 15
des formes d'expression plus plusieurs personnes et une quanti- du vidéo. Plusieurs caméras et
expérimentales. Trois modes té phénoménale de matériel. plusieurs moniteurs peuvent être
d'exploration viennent immédiate- "Running Fence", un projet de accouplés de façon à donner une
ment à l'esprit: le " l a n d - a r t " , l'artiste Christo, a fait appel aux vue tout à fait particulière et peut-
le vidéo et la performance. talents de centaines d'ouvriers et être même étrange d'un événement
à un budget de quelques millions banal, tiré de la vie de tous les
de dollars. Dans ce projet, Christo jours. Parfois, on se servira du v i -
Le «land-art» a érigé, aux Etats-Unis, une clô- déo pour permettre un échange
ture en aluminium et en nylon, entre artistes ou pour faire parler
Le land-art est pratiqué par des d'environ quinze pieds de haut et un artiste de son travail; ces
artistes qui veulent créer des vingt milles de long. bandes prendront plutôt la forme
oeuvres qui transforment l'environ-
d'une interview. Un des aspects
nement naturel ou urbain. Le
intéressants du vidéo est qu'il
matériel utilisé dans la fabrication Le vidéo existe un réseau inter-cités pour
peut être trouvé sur place ou quel-
permettre la diffusion des bandes.
ques fois transporté au site. Ces Les artistes qui font un travail Ainsi, il est possible de se rendre
oeuvres sont toujours —ou pres- de vidéo veulent exploiter les à un centre de vidéo pour visionner
que— produites à l'extérieur possibilités particulières de cet des bandes, ou encore pour y faire
et sont sujet à l'érosion du temps outil maintenant devenu très de la production.
et aux intempéries. Parfois, accessible . Le sujet d'un projet
l'oeuvre peut prendre une dimen- de vidéo peut varier énormément
sion monumentale, occupant des d'un artiste â l'autre. Plusieurs La performance
acres et des acres de terrain. bandes sont d'une nature docu-
On intervient sur l'environnement mentaire: on peut, par exemple, C'est par le biais de la perfor-
en utilisant plusieurs techniques documenter l'effet des saisons sur mance que plusieurs artistes
différentes dont l'excavation, la une parcelle de terrain. Dans espèrent redéfinir le travail de
manipulation d'objets naturels, d'autres cas, on se servira du vidéo l'artiste visuel. On aimerait faire
l'érection de structures primitives comme d'un mirroir électronique disparaître les cadres qui diffé-
ou sophistiquées, etc.... L'orienta- pour s'observer au travail ou au rencient un médium de l'autre.
tion de l'oeuvre variera d'artiste repos. Dans plusieurs projets de Ainsi, on pourrait dire que certains
en artiste. Ainsi, l'oeuvre pourrait performance, le vidéo est le témoin artistes veulent donner à la musique
invoquer des fouilles archéologi- et le seul document final de cette une forme sculpturale ou encore,
ques ou une usine abandonnée activité. tenter de créer une relation symbio-
et délabrée. Parfois, une oeuvre Certains artistes tentent d'exploi- tique entre l'architecture et la dan-
nécessitera la participation de ter surtout les qualités techniques se. Dans un texte relatant l'histoire
de la performance, Richard Purdy,
un artiste d'Ottawa pratiquant la
performance, nous informe que les
racines de la performance remon-
tent jusqu'aux défilés organisés
par Léonard da Vinci et Bernini,
la Comedia del'Arte, le rituel, les
présentations dramatiques du
Kathakali en Inde et du Noh au
Japon, le "vaudeville" et, dans
ses manifestations les plus couran-
tes, les concerts de musique
rock. Toujours selon Purdy, la
première institution à offrir des
ateliers de performance a été le
Bauhaus en 1921.
L'idée principale qui nourrit
les pratiquants de la performance
est qu'il n'est plus nécessaire de
se limiter à un seul médium mais
qu'il faut plutôt arriver à découvrir
ce qu'il y a de commun à toutes
les formes d'expression artistique.
La performance se distingue de
toutes les autres formes d'expres-
sion en arts visuels dans la mesure
où elle se pratique " l i v e " devant
un public. *
16 LIAISON

You might also like