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Relations collectives de travail

N° 1

Introduction

L’existence est d’abord un fait avant de devenir du droit. Dans la fabrique,


dans l’usine, au côté de l’employeur s’exerce sur une masse et,
corrélativement, une masse d’hommes s’oppose parfois à l’employeur. C’est
une relation collective d’un seul côté : d’un côté une collectivité d’hommes
celle des salariés qui entre en relation avec l’autre côté, avec le pouvoir,
pouvoir de celui qui peut décider d’embaucher, de licencier, qui dirige et qui
organise le travail. Cette relation collective d’un seul côté est sans doute la
forme la plus spontanée de relations collectives de travail avec, entre autres
comme manifestation, la grève.

Autre phénomène qui se rattache aux relations collectives de travail, c’est le


sentiment corporatif. Ce sentiment corporatif ne nécessite pas le travail en
commun. En revanche, il requiert de ceux qu’il partage une conscience
commune de leurs places dans la société. C’est le sentiment corporatif qui
animait les corporations de l’Ancien Régime. C’était des personnes morales
de droit public, auxquelles répondaient les compagnonnages ouvriers, qui
sont d’une certaine façon les ancêtres des syndicats. Le sentiment corporatif
anime les avocats, les médecins ainsi que de nombreux artisans. C’es
professionnels travaillent en général isolément mais ils éprouvent le
sentiment d’appartenance à un groupe, à une corporation et ils vont tenter
de défendre ce groupe contre d’éventuelles menaces. La corporation
recherche naturellement le monopôle. Les médecins ont obtenu la répression
du délit d’exercice illégal de la médecine qui a fait disparaître
progressivement les soins empiriques et les autres corporations, touts
libérale qu’elles soient en théorie agissent de même. Il a fallu par exemple
une directive européenne pour permettre aux italiens de diriger un salon de
coiffure en France puisque les textes de droit interne l’interdisait. La
corporation est un groupe et ce groupe peut conclure des accords avec
d’autres groupes. On a alors une relation qui est collective des deux côtés .
lorsqu’un syndicat de salariés signent une convention collective avec un
syndicat d’employeurs, la relation est collective non seulement du côté des
salariés comme dans la grève d’entreprise mais aussi du côté patronal. Il y a
une tradition du syndicalisme qui emprunte au phénomène corporatiste.
C’est ce que l’on appelle le syndicalisme de métier. Le syndicalisme de
métier, par exemple les ouvriers qualifiés du bâtiment , les charpentiers, les
couvreurs peuvent avoir le sentiment d’appartenir à une élite. Le sentiment
corporatif d’un groupe d’ouvriers qualifiés conduit tout naturellement à la
convention collective par laquelle ce groupe définit ses relations ave »c le
groupe des employeurs. Il n’y a là pas seulement une espèce de révolte
spontanée qui peut naître de la subordination partagée mais aussi
l’affirmation réfléchie de l’identité collective d’un groupe.

Le troisième phénomène, c’est loa conscience de classes. La classe sociale


désigne un groupe plus vaste que celui des salariés de telle ou telle usine ou
celui de telle profession. La notion de classe constitue évidemment une
abstraction, elle évoque un ensemble d’hommes qui partage une destinée
historique commune. Le concept de classe tel que nous l’utilisons a été pour
l’essentiel élaboré à partir du bilan de la Révolution Française, qui a été
présenté par les auterus du 19ème siècle. Suivent ces auteurs, de 1789 à
1793, la classe bourgoise détruit l’Ancien Régime, le pouvoir royal et la
prédominance de l’aristocratie. La classe bourgeoise, c’est une classe
inférieure avant 1789 puisque même s’ils étaient riches, les bourgeois se
voyaient fermer les fonctions les plus élevées de l’armée de la marine et de
l’Etat. La bourgeoisie fournit les dirigeants radicaux de la Révolution
française, Robespierre Marat, comme elle avait fourni Cromwel en
Angleterre, comme elle avait fourni également les dirigeants des révolutions
protestantes de Suisse et de Hollande. Et de ce constat , les révolutions du
18ème et 19ème siècle ont opposé la bourgeoisie à l’aristocratie. On passe à une
abstraction, la mission historique de la bourgeoisie était de détruire la
féodalité. Et à partir de cette abstraction, c’est d’abord au 19ème siècle, une
autre abstraction.. il existe au 189ème siècle une classe ouvrière dont la
mission historique est de détruire le capitalisme tout comme la mission
historique de la bourgeoisie était de détruire la féodalité. C’est cette
abstraction qui inspire les dispositions de la Charte d’Amiens. La chartes
d’Amiens a été adoptée au moment de la fondation de la CGT et d’après
cette charte, le but final du syndicalisme est l’abolition du patronat et du
salariat. C’est une conception escatologique de l’histoire, il y a une fin. Les
syndicats anglais sont dans une certaine mesure restés au stade du
corporatisme, tout comme les syndicats américains où les rapports de travail
se nouent au niveau de l’entreprise. En France, la conscience de classe a
joué un rôle très important dans l’histoire du mouvement syndical. La
conscience de classe peut conduire à la prétention de défendre l’intérêt
général puisque la classe a une mission historique, à moins que comme en
Angleterre, elle ne soit une sorte de caste qui défend uniquement ses
intérêts égoïstes, immédiats. La conscience de classe peut faire passer des
intérêts à long terme avant les intérêts immédiats. Ainsi, le syndicat
recherchera, ce qui est souvent le cas en France, une adhésion idéologique. Il
ne se satisfera pas d’une adhésion consumériste. En somme, la conscience
de classe peut conduire à ce que le syndicat se comporte comme une élite.
Paradoxalement, c’est peut être l’un des facteurs du caractère très
minoritaire des syndicats en France.

Les différences entre les pays sont considérables même si nous verrons
ensuite qu’il y a des points communs et de forts éléments de convergence.
Par exemple, l’Allemagne qui a autrefois connu une tradition de syndicat
influencé par le marxisme a maintenant des syndicats réformistes, en parole
beaucoup plus sage que la CGT française. Et il est vraisemblable que les
syndicats allemands ne pensent pas lutter pour l’abolition du salariat et du
patronat. Malgré ces différences, il y a de très fortes convergences. Da,ns
tous les pays de l’Occident développé et de plus en plus de l’Asie
développée, le droit des relations collectives de travail a progressé suivent
les trois axes suivants.
Premier Axe, la reconnaissance juridique de l’existence d’un intérêts
collectifs des salariés. Cette reconnaissance passe d’abord par la
reconnaissance du droit syndical dans tous les pays. D’autant plus que
maintenant des conventions internationales y contraignent. La
reconnaissance de l’intérêt collectif des salariés conduit aussi, surtout en
Europe continentale à la mise en place d’une représentation élue du
personnel dans les entreprises. En France, en Italie, en Espagne, c’est le
comité d’entreprise ; en Allemagne c’est le conseil d’établissement.
Syndicats et élus des salariés représentent l’intérêt collectif des salariés
suivants des modalités techniques qui sont évidemment très variables d’un
pays à l’autres. Mais l’idée majeure est toujours la même : on va compenser
la faiblesse individuelles du salarié en plaçant les discussions sur un plan
collectif, en abandonnant la fiction de l’égalité des volontés privées.
Une fois que l’intérêt collectif des salariés a été reconnu, c’est la
reconnaissance du droit de grève comme moyen de promouvoir cet intérêt et
dans tous les pays on trouve la même évolution. Au début, les syndicats sont
interdits et puis on a un processus de légalisation progressive. Et, en France,
à partir de l’interdiction initiale, interdiction posée par la loi Le Chapelier (Loi
des 14 et 17 Juin 1791), le droit de grève a évolué mais on retrouve la même
évolution ailleurs suivant deux étapes : 1864, c’est l’abrogation du délit de
coalition , le droit de grève cesse d’être un délit pénal qu ‘elle était depuis
1791 et 1946 c’est la prescription du droit de grève dans le préambule de la
Constitution. La grève va alors cesser d’être une faute civile. Mêmes étapes
dans de nombreux pays même si la reconnaissance du droit de grève n’est
pas toujours aussi net qu’en France. Par exemple, aux Etats-Unis, c’est une
loi fédérale, ce n’est pas la Constitution qui reconnaît le droit de grève.
L’opinion commune, en toutes hypothèses, sait que le droit de grève
constitue dorénavant un élément essentiel de l’Etat de droit et une facette
irremplaçable de la démocratie. Un auteur responsable de la CGT a qualifié la
grève de droit naturel, c’est une formule curieuse parce que les théories du
droit naturel se conjuguent à priori assez mal avec l’influence du marxisme
mais elle est significative, on est passé de l’interdiction à la protection avec
la consécration d’une exception évidente au principe de la force obligatoire
du contrat, le droit de grève c’est le droit dans certain cas de ne pas exécuter
des contrats pourtant déjà conclu, le droit de grève a connu un complet
reversement de perspectives depuis le 19ème siècle.
Troisième axe, la reconnaissance de l’autonomie collective. La notion
d’autonomie collective est évidemment plus complexe que celle d’intérêt
collectif du salarié ou encore a fortiori de grève. Elle est transposée de l’idée
d’autonomie de la volonté dans le contrat. De même qu’on parle d’autonomie
de la volonté pour le contrat individuel, un parle d’autonomie collective pour
évoquer la possibilité pour les représentants des salariés, en générale les
syndicats, de conclure des accords collectifs qui vont régir la collectivité
représentée. Ça sera souvent la branche professionnelle, on conclut une
convention collective dans une branche professionnelle : la chimie, la
métallurgie, peu importe. Le syndicat s’entend alors avec un groupement
d’employeurs ou bien autres possibilités, le syndicat s’entend avec
l’employeur et c’est alors le personnel de l’entreprise qui est représenté.
L’autonomie collective, c’est la capacité de la collectivité à créer des normes
qui vont la régir. Il y a autonomie puisque ce n’est pas l’état qui décide mais
ce n’est pas une autonomie individuelle, l’accord n’est pas laissé à
l’appréciation des personnes, prises individuellement. Cette idée se
rencontre dans tous les pays développés : on parle de « contractation » en
Italie, de collectif Bargening aux Etats-Unis. L’exception au principe de l’effet
relatif du contrat que comporte la convention collective est ainsi partout
reconnue. Les techniques qui ont été élaborées en droit du travail se sont
développées dans d’autres branches du droit et s’il est un domaine sur lequel
le droit du travail exerce une influence c’est celui des relations collectives. La
loi Valdec Rousseau, qui a légalisé les syndicats en 1884 visait toutes les
formes de syndicats sans distinguer entre les syndicats ouvriers et les
syndicats d’intérêts commerciaux ou industriels. Et pendant longtemps, la
catégorie juridique du syndicat recouvre ainsi deux activités différentes :
l’une revendicative, l’autre exprimant par tous les moyens d’influence les
intérêts d’un groupe de pression économique. Progressivement, certains
syndicats de travailleurs indépendants ont aussi affirmé une identité
collective revendicative : syndicats d’agriculteurs, de médecins, d’avocats.
Maintenant, nous sommes arrivés à ce paradoxe que les travailleurs non
salariés sont sans doute plus syndiqués que les salariés. Comme le syndicat
revendicatif qui concerne maintenant des professions très au delà du travail
salarié, la convention collective gagne du terrain. Au delà du droit du salariat,
il y a maintenant des conventions collectives en matières de bail, certains
associations de bailleurs peuvent conclure des conventions collectives avec
des associations de locataires. Il y a de même des conventions collectives en
matière d’honoraires médicaux entre les syndicats de médecins et la sécurité
sociale. On a même signalé une convention collective conclue par les
compagnies d’assurances avec les représentants des agents commerciaux
d’assurance qui ne sont pas des salariés mais des professionnels
indépendants.
Pourquoi en est-il ainsi ? Sans doute parce que le droit du travail été la
première branche du droit à admettre l’existence de conflits durables entre
des intérêts légitimes. Il y a la figure traditionnelle du procès, la victime et le
coupable. Et puis,il y a une autre vision qui appelle aussi une régulation
juridique, il y a aussi des conflits entre intérêts légitimes comme par
exemple, les intérêts de l’employeur et les intérêts des salariés. Le droit du
travail confronté à ce conflit d’intérêts a trouvé des solutions pour y
répondre. Or, dans une société de plus en plus complexe, les conflits entre
intérêts légitimes se sont multipliés. Les conflits par exemple entre les
agriculteurs et les ostréiculteurs ; si les agriculteurs élèvent des porcs
comme ils veulent, on ne peut plus élever des huîtres dans la rivière… C’est
pourquoi les autres branches du droit sont venues à emprunter les
techniques du droit du travail si on excepte le droit de grève qui constitue en
quelque sorte, la contrepartie du rapport de subordination. Les rapports
collectifs de travail naissent de la chose la plus spontanée qui soit : la grève.
La grève a toujours été interdite jusqu’à une époque récente ; au regard de
l’histoire humaine, il y toujours eu des grèves. Pour y trouver une solution,
pour répondre aux conflits qui naissent, l’employeur doit trouver à la longue
des interlocuteurs. La récurrence des conflits collectifs de travail engendre
ainsi des institutions de représentation des salariés. La discussion entre
employeurs et représentants des salariés est organisée par le droit à la
négociation collective qui définit le régime de l’accord, le cas échéant réalisé
par la négociation, la convention collective.

Nous étudierons donc successivement :


Dans un titre 1, Les conflits collectifs du travail
Dans un titre 2, Les institutions de représentation des salariés
Dans un titre 3, le droit de la négociation collective
N°2

Titre 1er : Les conflits collectifs du travail

Avant d’être du droit, la grève est un fait. Le mot grève vient de l’Ancien
Régime. La navigation fluviale constituait avant la Révolution, un moyen de
transport essentiel et lorsque les débardeurs parisiens, les dockers si on
veut, refusaient les tarifs proposés par les marchands, ils se croisaient les
bras en plage de grève. Il y avait à l’époque une sorte de plage au bord de la
Seine où l’on déchargeait les bateaux et où les dockers se croisaient les bras
en plage de grève pour manifester le refus de salaire trop bas. De là vient
l’expression faire la grève, la grève dans ce cas c’est un refus collectif de
contracter et non une inexécution du contrat. Les historiens constatent
l’existence de grèves dès qu’il y a des concentrations d’hommes réunis par le
travail subordonné. Ainsi, dans la première industrie textile de la Flandre
médiévale, ou de l’Italie médiévale, tous le pays ont à un moment interdit la
grève et tous y ont échoué. Si bien que s’il y a une chose qu’on peut prédire
c’est que la Chine qui pour l’instant interdit le droit de grève sera amenée à
la légaliser dans les années qui viennent avec le développement
économique. En France aussi, la grève a longtemps été perçu par les juristes
comme un phénomène anti-juridique parce qu’elle conduite la plupart du
temps à une inexécution volontaire du contrat de travail. Et puis,
progressivement, le droit de grève est devenu une liberté publique
fondamentale.

Première étape, c’est la loi Le Chapelier, loi des 14-17 Juin 1791 qui
réprime le délit de coalition. La grève est interdite au même titre que les
groupement d’employeurs et de salariés. C’est une interdiction globale de la
grève et du syndicat. Et du reste, la coalition de salariés est frappée de
sanctions pénales plus lourdes que la coalition d’employeurs. Il y a une
dissymétrie dans les peines encourues.

Deuxième étape, c’est la loi du 25 Mai 1864 qui a été adopté sous
l’empire libéral. Il y a, comme vous le savez, dans le second empire, 2
phases : une phase dite autoritaire et une phase libérale qui en fait est
l’occasion d’une première naissance ou renaissance du droit du travail. La loi
de 1864 abroge le délit de coalition. La grève cesse donc d’être un délit pénal
et à la place de la répression des coalitions, on institue une incrimination
p)lus restreinte, c’est le délit d’atteinte à la liberté du travail qui figure
encore aujourd’hui dans le code pénal. La grève est ainsi tolérée dans le
secteur privé : si on fait grève on ne va pas en prison. Mais elle demeure une
faute civile qui permet à l’employeur de prendre acte de la rupture du fait du
salarié. Celui qui fait grève pour ainsi dire démissionne. La grève en revanche
est interdite aux fonctionnaires sur le fondement du principe de continuité du
service public et encore dans les années 20 ,ou30, l’agent public qui fait
grève s’expose à la révocation.

Troisième étape : d’après le préambule de la Constitution de 1946 qui a


gardé toute son autorité, le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui
le réglementent. Sur le fondement de ce principe, le Conseil d’Etat a reconnu
le droit de grève des fonctionnaires, c’est l’arrêt DEHAENE du 7Juillet 1950.
Le droit de grève est reconnu sous réserve des limitations qui visent à éviter
les abus ou un usage du droit contraire aux nécessités de l’ordre public. A
peu près au même moment , la loi du 11 Février 1950prend une disposition
qui figure aujourd’hui à l’article L521-1 du Code du travail « la grève ne
rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde ». Le législateur n’est pas
allé très au delà de ces textes, c’est pourquoi la réglementation de la grève
en fait est pour l’essentiel l’œuvre de la jurisprudence des tribunaux.
Voyons maintenant comment les tribunaux ont défini le droit de grève.

N°3

Chapitre 1er : Définition du droit de grève

La définition du droit de grève repose d’abord sur la délimitation de la


notion de grève elle-même. Par rapport à d’autres pays développés comme
par exemple l’Allemagne ou les Etats-Unis, le droit de grève présente en
outre en France la caractéristique d’être conçu comme un droit individuel et
unilatéral.

Section 1 : Notion de grève :

La grève a été définie par la Cour de Cassation et pour cette juridiction, al


grève est « la cessation collective et concertée du travail dans le but
d’appuyer des revendications professionnelles » (Chambre sociale, 17 Janvier
1968, Bulletin civil 5ème partie N°35). D’après cette définition qui est
communément admise, deux types de condition permettent de qualifier un
mouvement de grève. Il y a des conditions qui tiennent au fond, à l’objet du
mouvement collectif et d’autres conditions qui tiennent à la forme que le
mouvement collectif revêt.

A) L’objet de la grève :

La grève pour être licite doit avoir pour objet la satisfaction de


revendications professionnelles. Il n’est cependant pas nécessaire que
l’employeur soit en position de satisfaire ces revendications. Ainsi, les
salariés peuvent faire grève pour l’amélioration de la convention collective de
branche. Or, cela l’employeur n’y peut rien, cela dépend du patronat,
l’augmentation du SMIG qui dépend du gouvernement ; ils peuvent faire
grève contre la réforme des retraites… Ils peuvent demander bien des
choses que l’employeur est évidemment incapable de satisfaire. La grève
générale, si elle a un but professionnel est en principe licite. Il semble
cependant que les revendications, dans le cas où celles-ci s’adressent à
l’employeur, ce qui arrive quand même, doivent lui avoir été préalablement
présentées. C’est ce que dit la Cour de Cassation dans un arrêt de la
chambre sociale du 19 Novembre 1996 Bulletin N°391. En revanche, le rejet
des revendications par l’employeur ne constitue pas un préalable. On peut
par conséquent simultanément communiquer ces revendications à
l’employeur et déclencher la grève.
La notion de revendications professionnelles recouvre ainsi l’ensemble du
social, ou presque : salaires, conditions de travail, conditions de vie des
salariés, des chômeurs, des retraités, assurance maladie… Et on relève ainsi
sans doute l’influence du point de vue de classe sur le droit positif. Dans
d’autres pays, on considérerait que les seules revendications qui peuvent
supporter une grève licite sont celles que le patronat est en mesure de
satisfaire, en France, tout ce qui intéresse en définitive la situation des
salariés peut faire l’objet d’une grève quelque soit l’autorité qui peut donner
satisfaction aux revendications présentées. La définition positive de l’objet de
la grève, l’insatisfaction de revendications professionnelles, permet d’exclure
à contrario d’autres mouvements qui ont une finalité différente.

1) Illicéité de la grève politique :

La grève politique est interdite en France. La jurisprudence en la matière


est assez ancienne parce que les grèves purement politiques sont devenus
rares. La Cour de Cassation a condamné les grèves organisées pendant la
guerre de Corée par la CGT, à l’occasion de la venue en France du Général
américain Ridjway (C. Sociale 23 Mars 1953 Dalloz 54 p.89 Note Levasseur).
De même, elle a condamné les grèves organisées au début des années 70
pour protester contre la guerre au VietNam. En revanche, les grèves
organisées pour soutenir le gouvernement légitime contre les généraux
rebelles lors du putsch d’Algérie ont été considérées par la chambre sociale
de la Cour de Cassation comme un acte de civisme (C.Sociale 19 Juin 1963
Dalloz 63 P.686 Note G.Lioncon). C’est un exemple de syllogisme régressif.
C’est à dire que la Cour de Cassation est partie de la conclusion, elle ne
voulait pas condamner ceux qui avaient fait grève pour soutenir le
gouvernement et elle a trouvé un raisonnement. La solution est aussi
évidemment justifiée que logiquement imparfaite. On fait disparaître la
qualification de grève pour soustraire les salariés à d’éventuelles sanctions.
Lorsque certains syndicats français ont voulu organiser une grève de courte
durée pour soutenir le syndicat solidarité en Pologne, au début des années
80, ce syndicat incarnait avant la chute du mur la résistance polonaise contre
la domination soviétique. Certains employeurs ont été tentés de prendre des
sanctions mais on dit que les organisations patronales ont dissuadé ces
employeurs de prendre des sanctions, parce que cela leur paraissait
inopportun. Il n’y a donc pas eu de contentieux sur ce sujet.
Contrairement au grèves politiques, les grèves qui allient des objectifs
politiques et des revendications professionnelles que l’on appelle parfois les
grèves mixtes sont licites. Il est donc possible de diriger un mouvement de
grève contre la politique économique et sociale du gouvernement. Et à cet
égard, le politique et le professionnel se recouvrent, il n’y a donc plus
d’interdiction.

2) Illicéité de la grève sans revendication :

La grève qui ne correspond à aucune revendication professionnelle est


illicite. Sous cet énoncé un peu abstrait, la Cour de Cassation vise en fait
plusieurs situations en réalité assez différentes.

a) La grève de solidarité :

Cela peut sembler un peu paradoxal de condamner la grève de solidarité


parce qu’un mouvement qui serait altruiste peut sembler tout aussi légitime
que celui qui est engagé par les salariés pour la défense de leurs intérêts
propres. A vrai dire, la jurisprudence est assez incertaine, la grève de
solidarité est parfois considérée comme illicite et parfois elle est disqualifiée
en acte d’indiscipline. En réalité, de nombreuses grèves qui s’appellent
grèves de solidarité sont aussi des grèves pour la défense d’intérêts
professionnels propres aux grévistes. Lorsque les salariés font grève contre
un licenciement, lorsqu’il proteste contre une politique de réduction des
effectifs, qu’ils défendent des représentants du personnel licenciés ou des
syndicalistes ; il y a recouvrement entre la solidarité et la défense des
intérêts propres des salarié et ces grèves là sont licites.
Ce que condamne la jurisprudence, c’est l’atteinte à l’autorité de l’employeur
que constitue la grève de protestation contre un licenciement évidemment
justifié. Ainsi dans un arrêt de la chambre sociale du 18 Mars 1982, qui a été
publié au Dalloz 1983 Informations rapides P.169 Note Jean Pelissier ; il
s’agissait d’un serveur qui avait insulté des clients. Le serveur était
évidemment en faute, l’employeur pouvait évidemment le licencier mais les
autres serveurs se sont mis en grève par solidarité et c’est cette grève là qui
a été condamnée par la Cour de Cassation. Il est souhaitable que la
jurisprudence n’aille pas au delà. Par exemple, si le bien fondé d’un
licenciement est discutable, la solidarité est à l’évidence une forme d’auto
défense exclusive de l’idée d’absence de revendication.

b) La grève d’auto réduction :


Il arrive que des grévistes donnent à leur mouvement une forme qui fait
coïncider ce qu’ils décident unilatéralement de faire et ce qu’ils cherchent à
obtenir. Il y a au moins deux exemples qui sont présentés en jurisprudence.
Les salariés qui ne veulent plus travailler le samedi décident de faire grève
tous les samedis. La Cour de Cassation disqualifie le mouvement, il ne s’agit
pas d’une grève mais du travail dans des conditions autres que celles
imposées par le contrat (C. Sociale 23 Novembre 1978 Dalloz 79 P. 304 Note
J.C. Javilier). Le raisonnement techniquement n’est pas tout à fait exact parce
que si les grévistes obtenaient satisfaction naturellement ils ne travailleraient
pas le samedi mais ils ne percevraient pas de salaires non plus alors que
dans la grève dite d’auto réduction, les salariés qui ne viennent pas le
samedi perdent le salaire du samedi matin mais en réalité, la Cour de
Cassation veut protéger l’autorité de l’employeur et la même solution a été
appliquée dans le cadre salarié qui voulant organiser une réunion syndicale
pendant les heures de travail et n’obtenant pas d’autorisation de l’employeur
décide de faire grève par exemple le vendredi à 15h30 jusqu’à l’heure de
sortie du travail. Il y a coïncidence entre le moment de la grève et l’objet de
la revendication ce qui conduit à la disqualification de la grève en exécution
du travail dans des conditions autres que les conditions convenues. Cette
augmentation ne va tout de même pas jusqu’à permettre au juge de
contrôler le caractère raisonnable des revendications. La question a été
portée au premier plan par un arrêt très discuté d’assemblée Plénière du 4
Juillet 1986 Dalloz 86 P. 477 Drt social 86 P.745 Note G. Lioncan. Suivant cet
arrêt, le juge des référés peut interdire préventivement la grève comme un
trouble manifestement illicite sur le fondement de l’article 809 du code de
procédure civile en raison du caractère déraisonnable des revendications
présentées. Est ce que les revendications présentées dans ce conflit qui a fait
l’objet de l’arrê de 1986 était déraisonnable ? Vraisemblablement oui. Il s’agit
de la revendication du pilotage à trois d’avions Airbus qui ont prévu pour être
pilotés par deux personnes, revendication qui n’était soutenu que par le
syndicat catégoriel des pilotes de ligne et désavoué par tous les autres
syndicats. Position purement corporatiste. On doit payer trois pilotes pour
piloter un avion qui n’a besoin que de deux pilotes et donc le troisième ne
fait rien. D’ailleurs, il n’y a pas de poste de pilotage pour lui dans la cabine.
La revendication était déraisonnable mais la décision de l’assemblée plénière
a néanmoins soulevé des objections doctrinales très fortes et suscité de très
vives oppositions des syndicats mêmes qui avaient condamnés la grève. Ce
qui est en cause en effet, ce n’est pas le bien fondé des revendications, c’est
le principe. La logique de toute négociation impose en effet que les
demandes initialement présentées par les parties puissent être excessives.
En début de négociation, il est assez fréquent qu’on demande plus que ce
que l’on pense obtenir et il est très difficile à partir de là d’admettre un
contrôle a priori du juge sur le caractère raisonnable de ce qui est demandé.
D’ailleurs, peu après la décision de la Cour d’assemblée plénière, la Cour
d’Appel de Paris a pris une position inverse (Pris, 27 Janvier 88, drt social 88
P.243 Note Ray). La Cour d’Appel de Paris s’est opposée à la cour plénière et
c’est l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris qui a fixé la jurisprudence. Suivant la
formule qu’utilise dorénavant la Cour de Cassation « le juge ne peut
substituer son appréciation à celle des grévistes sur la légitimité ou le bien
fondé des revendications. La grève peut être illicite par son objet mais
l’illicéité de la grève peut venir aussi à sa forme.

B) La forme de la grève :

La grève est une cessation collective du travail. Ce qui exclut la cessation


individuelle du travail. Ce principe connaît cependant quelques
aménagements : il n’interdit pas qu’un salarié isolé dans une entreprise
décide de se rallier à un mouvement qui dépasse les frontières de
l’entreprise. Apr exemple, une grève nationale qui poursuit des objectifs
professionnels généraux. Par ailleurs, lorsque l’entreprise n’emploie qu’un
seul salarié, il est difficile de lui interdire de cesser le travail pour faire valoir
des revendications professionnelles qu’il a présenté à son employeur, ou du
moins si on lui interdisait, on pourrait avoir le sentiment de bafouer le droit
de grève que le salarié tient de la Constitution. Et c’est pourquoi et c’est une
exception très limitée, le salarié qui est seul salarié d’une entreprise est
admis à faire la grève seul (C. Sociale 13 Nov 1996 Bulletin N°379). La grève
est une cessation du travail, ce qui exclut les mouvements qui ne traduisent
pas une cessation franche du travail. Par exemple, ce que l’on appelle la
grève perlée qui est le ralentissement volontaire de la production. Dans une
affaire des années 70, les ouvriers d’une usine automobile avaient décidé de
ne produire que des trains avant d’automobile, ce qui fait qu’au bout de
quelques jours l’usine était encombré de voitures incomplètes et
naturellement plus aucune voiture complète ne sortait. La grève perlée n’est
pas une grève, c’est une exécution volontairement défectueuse du travail et
les tribunaux ne lui appliqueront donc pas la protection dont bénéficie
normalement les grévistes. Sous ces réserves, caractère collectif, nécessité
d’une grève franche, le droit français de grève est a priori très libéral.

1) Principe de licéité de la grève quelque soit sa forme :

La grève dans le secteur privé n’est soumise à aucun préavis. Sans doute, en
théorie, à lire certains arrêts, il semble que les employeurs doivent avoir au
préalable connaissance des revendications professionnelles. Mais, en réalité
il n’y a pas d’exemple qu’un débrayage inopiné, suite par exemple à un
incident comme un accident du travail ait été déclaré illicite. Et il est douteux
qu’une grève spontanée comme il y en avait dans les années 1970, du genre
des révoltes d’OS, d’ouvriers spécialisés qui travaillaient sur des chaînes de
montage.soit jugée illicite. En présence d’une telle situation, l’employeur est
d’ailleurs trop content de trouver les syndicats pour transformer la révolte en
revendication. A défaut de préavis légal, la convention collective peut en
stipuler un à condition que la durée du préavis ne soit pas de nature à faire
disparaître le droit de grève. Surtout, les clauses conventionnelles de préavis,
si elles lient le syndicat signataire, sont inopposables aux salariés pris
individuellement. Donc, si un syndicat s’engage dans une convention
collective à respecter un préavis avant de faire grève, il est certainement lié
par sa signature mais les salariés couverts par la convention collective ne le
sont pas parce que le droit de grève qui est constitutionnellement reconnu
aux salariés, ne peut, d’après la Cour de Cassation, être limité que par la loi.
Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglemente. Ainsi,
l’intérêt pratique des clauses de préavis est assez faible. En l’absence de
texte légal qui précise la forme que doivent revêtir les arrêts de travail pour
être une grève, telle ou telle modalité ne peut pas être considéré en principe
comme un abus du droit de grève. En principe, sont ainsi licites en principe
les débrayages brefs et répétés, de même la grève tournante n’est pas
interdite (grève par laquelle les salariés de l’entreprise font grève à tour de
rôle), les grèves bouchon sont tout à fait concevables (un service clé bloque
l’entreprise en arrêtant le travail) et enfin les grèves minoritaires, rien en
droit français ne requiert que la grève soit un mouvement majoritaire.
De nombreuses formes de grèves sont licites. Mais, une autre chose est que
les modalités de la grève soient très précisément calculées pour bloquer
l’entreprise alors que seule une minorité de salariés se déclarent
officiellement grévistes. Les autres qui sont en fait impliqués dans le
mouvement se prétendent non grévistes. Les salariés non grévistes dans ce
cas peuvent se cotiser pour indemniser les quelques grévistes qui bloquent
l’entreprise et ça fait une grève qui ne coûte rien aux salariés, les stratégies
syndicales des années 1970 ont parfois abusé du libéralisme de la
jurisprudence pour organiser ainsi des grèves à l’économie tout en plaidant
curieusement pour le droit des non grévistes d’être rémunérés. Dans les pays
étrangers, le syndicat se désintéresse totalement du sort des non grévistes ;
ils ne font pas grève, que l’employeur en fasse ce qu’il veut : qu’il les paye
ou pas les fasse travailler ou pas ça ne nous regarde pas. Ces stratégies de
grève à l’économie, on organise une grève bouchon et ceux en réalité qui
sont parties prenantes du mouvement se présentent comme non grévistes,
ces stratégies se sont retournés contre le droit de grève et ont alimenté la
tendance jurisprudentielle à la disqualification des grèves. D’un côté, en
principe, la grève est licite quelque soit sa forme mais d’un autre côté, il y a
une tendance en jurisprudence à la disqualification des grèves.

2) Tendance à la disqualification des grèves :

Les arrêts qui disqualifient les grèves emploient une terminologie flottante.
Tantôt, les tribunaux condamnent un mouvement en disant qu’il ne s’agit pas
d’une grève mais d’une exécution du travail dans des conditions
volontairement défectueuses. C’est le vocabulaire qui est employé à propos
des grèves perlées mais ce vocabulaire est aussi appliqué parfois par des
arrêts à des arrêts de travail brefs et répétés, ceux qui ont fait grève cinq
minutes toutes les heures et que les machines ont besoin d’une heure pour
chauffer, en pratique on ne travaille plus du tout. Ou encore des grèves
tournantes. D’autres arrêts au lieu de parler d’exécution du travail dans des
conditions volontairement défectueuses parlent de grèves abusives ou
encore de désorganisation de la production de l’entreprise. Les
conséquences tirées sont d’ailleurs à peu près les mêmes quel que soit le
vocabulaire employé : grève abusive, non grève. Et le fondement de la
disqualification des grèves est aussi flottant que la terminologie.pourquoi est
ce qu’un mouvement qui peut sembler abusif sera disqualifié, traité comme
une grève abusive ou une non grève (une exécution volontairement
défectueuse du contrat de travail) ? est ce qu’il s’agit de condamner
l’intention de nuire comme on l’a dit parfois ? Mais la grève est un conflit et
dans ce conflit, les salariés cherchent par définition à faire céder l’employeur
en lui nuisant. Alors comment distinguer la grève avec intention de nuire
avec la grève sans intention de nuire puisque la grève est un droit de nuire ?
Est ce qu’il s’agit d’une application du principe de proportionnalité ? Le
principe de proportionnalité consiste à mettre en balance les intérêts. Est ce
qu’on doit alors rapporter les pertes salariales des grévistes (l’argent perdu
par les grévistes du fait de la grève) et les pertes de l’entreprise du fait de la
grève ? Mais il n’est pas certain qu’on puisse faire ça car il n’y a pas
ordinairement de rapport entre les gains des salariés et les gains de
l’entreprise. Donc, le raisonnement fondé sur ce que perdent les uns et les
autres n’est pas plus solide. Peut être cependant, la recherche d’une
proportionnalité entre la perte de travail subit par l’entreprise et la perte de
salaires subis par les grévistes auraient une signification. La grève doit être
une grève franche, si on fait grève une heure l’entreprise ne perd qu’une
heure de travail, si la grève est organisée de telle façon qu’en faisant grève
un quart d’heure, l’entreprise perd trois heures de travail, peut être qu’on a
une disproportion qui doit être prise en compte par les tribunaux. Au total, la
question est marquée par une très forte insécurité juridique et l’incertitude
prévaut quant à la licéité de certaines formes de grève. Peut être cette
incertitude résulte t’elle du rôle en définitive assez restreint que joue en
France la grève dans les relations professionnelles. Parce qu’en dehors des
transports publics et des musée, il n’y a en France presque plus de grèves
dans le secteur privée et au fond, on arrive ainsi à s’accommoder d’une
frontière un tout petit peu mouvante et impalpable.

Section 2 : Caractère individuel et unilatéral du droit de grève :

Il y très vraisemblablement un lien entre le faible rôle du droit de grève et


ses caractéristiques juridiques. La grève en France est regardée comme une
liberté publique plus que comme une arme économique et elle a une fonction
surtout symbolique dans la vie des entreprises si on excepte les crises
sociales qui secouent la France tous les 10 ou 20 ans. Cette fonction
symbolique s’accommode du caractère individuel et unilatéral du droit de
grève
Avant de présenter ce droit positif, il faut souligner la très grande différence
qui sépare à cet égard la France à d’autres pays développés. Le nombre
d’heures de travail perdues du fait de grève par têtes de salariés est
certainement plus faible en France qu’en Allemagne et même qu’aux Etats
unis. En France, il y a en effet très peu de grèves longues surtout dans le
secteur privé et en dehors de quelques secteurs de la fonction publique
(transports publics, éducation nationale jusqu’à un certain point, musée…) il
y a en réalité très peu de grève et surtout aucune grève longue. Aux Etats
Unis, les grèves peuvent durer lorsqu’elles éclatent des semaines ou même
des mois.
Pourquoi cette différence entre la France et d’autres pays ? D’abord, il faut
noter que les enjeux différent. Aux Etats Unis, la couverture sociale apportée
par la loi est extrêmement parcellaire. Les salariés américains ne bénéficient
par exemple pas d’une couverture de risque maladie avant 65 ans et le
salaire minimum américain est très bas, à peu près 2/3 du SMIG. Pour les
salariés, l’enjeu de la grève est donc beaucoup plus grand qu’en France. Tout
dépend de la négociation collective (niveau de la retraite, assurance maladie,
rémunération…). A l’inverse, en France, la loi garantit la sécurité sociale sur
la base d’un salaire minimum légal comparativement assez élevé, le SMIG
français peut sembler bas mais il est l’un des plus élevés du monde. En
somme, la négociation collective porte sur des avantages complémentaires
qui sont importants, certes, mais l’essentiel est déjà garanti par la loi. Les
enjeux différent et donc les moyens d’action différent aussi. La protection en
France vient de l’Etat et donc l’action auprès du pouvoir politique compte
pour les syndicats français autant ou plus que la grève. Le discours du
dirigeant syndical sur la paiement de Matignon nous paraît tout à fait normal
et le syndicat monnaye ainsi auprès du pouvoir politique son audience. Les
résultats aux élections prud’homales ou à celles des comités d’entreprise
comptent dans cette optique plus que la capacité de mener les conflits du
travail. Pour obtenir ce type de résultats à travers des pressions sur le
pouvoir politique, point n’est besoin d’avoir de l’argent. Le syndicat français
ne demande pas des cotisations élevées et il ne cherche pas à contraindre
les salariés à se syndiquer. A la différence du syndicat américain ou allemand
qui indemnisent les grévistes en cas de conflit et parce que les conflits
souvent durent longtemps, et donc ils doivent pour ce faire disposer de fonds
considérables. En France, il n’y a pas de fonds syndicaux.
3ème élément : Les traditions politiques différent.la France est marquée par
une tradition dite anarcho syndicaliste, forme de syndicalisme politique qui
regarde la grève comme un moyen d’action politique qu’il faut mettre à l’abri
de l’inévitable corruption des bureaucraties syndicales. C’est le mythe
sorélien de la grève générale, le syndicat est l’acteur qui mettra en scène la
grève générale, instrument de transformations sociales. Au contraire, par
exemple, l’enrichissement personnel par exemple des dirigeants syndicaux
n’est pas forcément considéré comme inacceptable. On demande
simplement au syndicat d’utiliser efficacement le moyen de pression
économique que constitue la grève. Dans les autres pays développés, le droit
de grève est protégé mais lorsqu’une convention collective qui est en général
à durée déterminée st signée, la grève devient souvent difficile voire
interdite, soit parce que l’interprétation de l’accord collectif conduit à y
déceler une clause de non recours à la grève jusqu’au terme. Par exemple,
en droit américain, lorsqu’une convention collective est signée, les tribunaux
y décèle une clause de non retour à la grève ou bien autre solution, c’est
celle du droit allemand, l’accord collectif, une fois qu’il est signé donne
automatiquement naissance à un devoir de paix sociale. Aux Etats Unis
jusqu’à un certain point et en Allemagne, le droit de grève appartient aux
syndicats. En France, la conception politique de la grève en fait un droit du
citoyen et par voie de conséquence une prérogative individuelle.

A) Caractère individuel du droit de grève :

Le droit de grève est un droit individuel qui s’exerce collectivement. Le droit


appartient à chaque salarié et non pas aux syndicats par opposition à la
conception organique allemande (seul le syndicat peut déclencher une
grève). En France la solution n’est pas celle là. Le droit de grève n’appartient
pas non plus à la majorité puisque, comme on l’a vu les grèves minoritaires
sont licites, et donc la notion de grèves sauvages si elle correspond peut être
à une réalité sociologique n’a aucun sens juridique en droit français, du
moins pour le secteur privé. Pourquoi est ce que le droit de grève présente
ainsi un caractère individuel ? Et bien, il y a des éléments de tradition, si l’en
est ainsi, c’est que les syndicats français n’ont pas cherché à faire de la
grève une véritable arme économique. Lorsqu’on cherche à faire de la grève
une véritable arme économique, la délimitation du droit de grève devient un
enjeu juridique considérable et il en résulte toujours plus ou moins que la
grève est à la fois très efficace et en même temps que le droit de grève est
ici ou là borné, limité. Les syndicats français n’ont pas non plus essayer de
s’approprier le droit de grève, peut être que ça aurait renforcé leur pouvoir
de négociation avec le patronat parce que des syndicats détenteurs du droit
de grève peuvent renoncer à s’en servir et c’est une concession qui peut
justifier des contreparties.dans ces conditions, la grève relève jusqu’à un
certain point plus de la liberté d’expression que de la lutte économique. La
grève sert à exprimer son mécontentement, spontanément ou de façon
organisée. On exprime son mécontentement ou plutôt qu’on le pèse dans un
rapport de force avec le patronat, c’est une grève sondage par opposition à
la grève bras de fer que connaissent d’autres pays. Le droit de grève peut
procéder d’initiatives individuelle. Il est tout à fait possible que des salariés
non syndiqués lancent une grève mais il s’exerce cependant collectivement.
La grève est conçu comme un mouvement collectif de salariés et les
employeurs ne disposent pas d’une prérogative réciproque.

B) Caractère unilatéral du droit de grève :

La jurisprudence française n’a jamais admis la licéité du lock out. C’est ce


que l’on appelle parfois la grève patronale, littéralement les salariés sont
enfermés dehors. Le fondement du refus du lock out, c’est tout simplement
l’article 1134 du Code civil qui dispose que les contrats font la loi des
parties, faute de dérogation constitutionnelle ou légale à l’article 1134, les
employeurs se trouvent dans la même situation juridique que les salariés
avant l’adoption de la Constitution de 1946. Lock-out n’est ainsi rien d’autre
qu’une inexécution contractuelle qui engage leur responsabilité civile. Par
conséquent :
1. l’employeur doit sauf s’il y a une situation contraignante très proche de la
force majeure donner du travail aux non grévistes. En cas de grève,
l’employeur doit donner du travail aux grévistes et pour que l’employeur soit
libéré de ses obligations, il doit prouver l’impossibilité d’employer les non
grévistes et le seul fait que leur emploi soit rendu plus difficile ou plus
coûteux par la grève ne constitue pas une justification.
2. Le lock out préventif est interdit. L’employeur ne peut pas fermer
l’entreprise avant la grève ou plutôt, s’il le fait, il se met lui même hors d’état
de prouver qui aurait fait grève et il sera condamné à payer tous les salariés.
3. Le lock out qui serait une mesure de rétorsion, postérieur à la grève est
également interdit, sauf bien entendu que l’employeur a le pouvoir
d’ajourner la reprise du travail pour remettre l’entreprise en état s’il est
arrivé telle ou telle chose qui empêche un redémarrage utile et immédiat
Exceptionnellement, le lock out sera admis dans trois cas. D’abord, premier
cas, si l’employeur fait face à une situation irrésistible. Par exemple, les
locaux de l’entreprise sont occupés par les grévistes, l’employeur a demandé
en justice leur expulsion, il l’a obtenu mais le préfet n’exécute pas
l’ordonnance d’expulsion. Dans ce cas, l’employeur peut look outre, renvoyer
chez eux les non grévistes et ne pas les payer sans remettre de faute civile.
Deuxième cas, l’exception d’inexécution pourrait très certainement être
invoquée contre des salariés qui se livreraient à un mouvement comme un
grève perlée. Les salariés ne produisent que des trains avant de voiture,
l’employeur peut retenir sa propre prestation jusqu’à ce que les salariés
s’engagent à exécuter le contrat dans des conditions normales. Mais, sur ce
terrain, l’employeur doit rémunérer les non participants au mouvement.
Troisième cas, les nécessités de l’ordre et de la sécurité dans l’entreprise
peuvent justifier la fermeture provisoire parce que si l’ordre et la sécurité des
personnes sont mises en cause à l’occasion d’un conflit collectif, il y a conflit
entre des obligations qui s’imposent toutes à l’employeur : obligation de
sécurité vis à vis de tous les salariés, obligations du contrat. Dans ce conflit
d’obligations, la sécurité physique des personnes et la pérennité des
installations d’entreprise l’emporte. Une grève collective d’employeur, un
lock out collectif qui est licite par exemple en Allemagne serait par voie de
conséquence illicite en France et puisque la force obligatoire du contrat
interdit aux employeurs de pratiquer le lock out vis à vis de leurs salariés, ils
ne peuvent pas davantage se dégager des obligations qu’ils ont contracté à
l’égard de leurs clients. Ainsi, il me semble que c’est pas un abus de langage
qu’on parle de grève des routiers lorsque les routiers en question sont des
travailleurs indépendants. Les chefs d’entreprise, par extension les non
salariés, ne peuvent pas se dégager de leurs obligations en invoquant le droit
de grève. Tout au plus, peuvent ils, par une sorte de retour aux sources
refuser collectivement de contracter. Lorsque les médecins ferment leur
cabinet, on dit qu’il y a grève des médecins mais en fait, les médecins
s’abstiennent pendant une journée de conclure des conventions avec leur
patient. Ça, c’est possible mais si vous vous placez dans l’hypothèse d’un
transporteur routier qui doit livrer une cargaison périssable et qui s’arrête en
plein milieu du chemin parce que c’est le jour de la grève des routiers ; très
certainement, l’entreprise qui a fait appel à lui pour transporter la cargaison
se retournera contre lui et elle gagnera son procès civil. Le transporteur
routier n’avait pas le droit d’interrompre l’exécution de ses prestations pour
rejoindre la grève des routiers si c’est un travailleur indépendant. C’est que
la grève est la contrepartie de la subordination qu’il s’agisse du secteur
public ou du secteur privé et nous allons commencé par envisager la grève
dans le secteur privé.

N°4

Chapitre 2 : La grève dans le secteur privé :

Le droit de grève est protégé mais la protection du droit de grève que nous
verrons dans un section 1 , n’empêche pas le développement de ripostes
patronales (section 2). L’occupation éventuelle des locaux de travail par les
grévistes soulève des difficultés très spécifiques que nous envisagerons dans
une section 3.

Section 1 : La protection du droit de grève

Le titre de cette section peut sembler un peu paradoxal parce que, bien
entendu, celui qui fait grève prend des risques. D’ailleurs, il n’y a pas de
protection pénale du droit de grève. Seule est pénalement sanctionné la
récupération illicite des jours de grève (l’employeur ne peut pas imposer aux
grévistes d’accomplir après coup les heures de travail qu’ils n’ont pas fourni
du fait de la grève Art R263-1 du code du travail). D’autre part, est parfois
sanctionné le licenciement des grévistes lorsqu’aux vue de ses
conséquences, l’opération peut s’analyser en mesure qui tend à la
destruction de la section syndicale (C. Criminelle 15 Décembre 1981 Juris
sociale 82 Feuillet 22). Mais cette protection pénale est tout à fait
exceptionnelle, le gréviste est parfois licencié ou sanctionné. Il connaît
souvent des retards de carrière. Malgré tout, sa protection juridique a fait des
progrès.

A) Suspension du contrat de travail pendant la grève :

D’après l’article L521-1 du code du travail qui résulte d’une loi du 11 Février
1950, la grève suspend le contrat de travail, donc elle ne le rompt pas. Le
droit de grève est le droit d’imposer à l’employeur comme moyen de
pression l’inexécution provisoire du contrat et c’est précisément pour cela
que la récupération des heures perdues du fait de la grève est interdite par
l’article L212-2-2 du code du travail. L’employeur, sauf s’il y a faute lourde du
salarié ne peut pas prendre argument de la grève pour licencier. C’est
pourquoi la définition de la grève est si importante. Si le mouvement n’est
pas qualifié de grève, toute faute peut être sanctionnée. C’est pourquoi
aussi, la distinction entre la grève licite et la grève illicite est si importante
parce que la jurisprudence décide que la seule participation à une grève
illicite constitue une faute lourde, ce qui autorise l’employeur à licencier.
Pendant la grève, le contrat de travail est suspendu et le pouvoir disciplinaire
de l’employeur est suspendu. Ainsi, l’employeur ne peut pas frapper de
sanctions des fautes inférieures à la faute lourde (C. Sociale 16 Décembre
1992 Droit Social 93 P.291). pourquoi est ce que le pouvoir disciplinaire de
l’employeur est suspendu ? Il semble que l’idée de suspension du contrat de
travail n’est pas suffisante pour justifier cette suspension du pouvoir
disciplinaire. En effet, en dehors du cas spécifique des conflits du travail, de
la grève, la suspension du contrat de travail par la maladie ou par toute autre
raison ne fait pas disparaître toutes les obligations contractuelles du salarié.
Un salarié dans le contrat de travail suspendu peut commettre une faute
disciplinaire, par exemple en divulguant des informations confidentielles sur
l’entreprise et il peut à ce titre être sanctionné. Ordinairement, la suspension
du contrat de travail ne suspend pas le pouvoir disciplinaire. Il faut donc
admettre l’existence d’une sorte de droit au conflit. Ce droit au conflit
autorise, en cas de grève, des comportements qui ne sont pas admis en
temps ordinaires. Par exemple, des critiques vis à vis de l’employeur, une
agressivité verbale qui ne serait pas du tout admissible en période autre
qu’une période de grève. Le droit de grève couvre un peu plus que
l’inexécution du contrat, c’est le principe qui peut s’induire du fait que
l’employeur ne peut licencier qu’en cas de faute lourde.

B) Réintégration du gréviste irrégulièrement licencié :

La réintégration du gréviste irrégulièrement licencié est parfois possible.


L’article L122-45 du code du travail dispose en effet qu’aucun salarié ne peut
être sanctionné ou licencié en raison de l’exercice normal du droit de grève.
Et ce texte ajoute que tout acte contraire est nul de plein droit. Or, le
licenciement est un acte juridique. De même, d’après l’article L521-1 3ème
alinéa du code du travail, tout licenciement prononcé en violation du premier
alinéa « la grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde » est nul
de plein droit. Il y a donc deux fondements à la nullité du licenciement
irrégulier d’un gréviste et sur le fondement de ces deux textes, la Cour de
Cassation a admis la réintégration du grévistes irrégulièrement licencié 5C.
Sociale 26 Septembre 1990 Droit Social 91 P.60 Conclusion Vaquet Note
Ray). La Cour de Cassation, d’ailleurs, a privilégié pour autant qu’il y ait
contradiction l’article L521-1 du code du travail sur l’article L122-45
« l’employeur ne peut licencier qu’en cas de faute lourde ». Donc, le
caractère anormal de l’exercice du droit de grève ne peut pas être invoqué
en dehors de l’hypothèse de la faute lourde. La réintégration du gréviste
lorsque celui ci est irrégulièrement licencié connaît juste après l’arrêt
Claveau C. Sociale 28 Avril 1988 dans lequel un salarié qui avait usé de sa
liberté d’expression et licencié en raison des critiques qu’il avait formulé
contre l’entreprise est ensuite réintégré. Cette solution de la réintégration du
gréviste constitue ainsi un tournant essentiel du droit du licenciement,
jusqu’alors seule la réintégration de représentant du personnel était admise.

C) La rémunération exceptionnelle du gréviste :

Il arrive mais c’est très rare que le gréviste ait le droit d’être payé quoiqu’il
n’ait pas fourni bien évidemment de prestation de travail. Tel n’est, bien
entendu, pas le cas du gréviste qui demande une augmentation de salaire ou
plus largement une amélioration de sa situation, quelque légitime ces
demandes puissent sembler. En effet, lorsqu’il y a une grève normale, avec
des revendications, la créance de salaire naît de l’accomplissement de la
prestation de travail. Le contrat de travail est un contrat synallagmatique :
s’il n’y a pas de prestations de travail, bien qu’il ne s’agisse bien sûr pas
d’une sanction disciplinaire, le fait que le salarié ne travaille pas le prive du
droit au salaire. La perte de salaire se fonde sur la réciprocité des obligations
née du contrat synallagmatique. Mais précisément, les contrats
synallagmatiques sont aussi ceux qui donnent lieu à l’exception
d’inexécution. Lorsque les salariés se sont retrouvés dans une situation telle
qu’ils ont été contraints de cesser le travail pour faire respecter leurs droits
essentiels, lorsqu’ils ont été directement lésés par un manquement grave et
délibéré de l’employeur à ses obligations, l’employeur peut être condamné à
payer aux grévistes une indemnité compensant la perte de leurs salaires (C.
Sociale 20 Février 1991 Droit social 91 P.315 Conclusion Vaquet Note
Savatier). La chambre sociale a dégagé une solution de cet ordre en cas de
non paiement des salaires à l’échéance normale. Les salariés ne sont pas
payés, ils font grève pour être payés et ils peuvent obtenir le paiement des
jours de grève devant le juge. La solution serait à mon avis aussi valable si
les salariés faisaient grève pour obtenir le respect de règles d’hygiène et de
sécurité dans l’entreprise que l’employeur a bafoué. Le fondement de cet
exception, à mon avis , se trouve dans le droit commun des contrats
synallagmatiques : la grève qui est faite pour contraindre l’employeur à
exécuter ses obligations se confond avec l’exception d’inexécution. Or, en
droit commun, celui qui invoque l’exception d’inexécution peut également
solliciter des dommages et intérêts dont le montant, en l’occurrence est
simplement calculé d’après le montant des salaires perdus.

N°5

Section 2 : Les ripostes patronales à la grève

A) Les mesures d’organisation :

L’employeur peut tout d’abord prendre des mesures d’organisation.


L’employeur qui fait face à une grève pense souvent à remplacer les
grévistes par d’autres salariés. Est ce que l’on peut remplacer un gréviste à
son poste de travail ? Et bien oui, à condition qu’il ne soit fait appel ni à des
travailleurs temporaires, ni à des salariés sous contrat à durée déterminé
recrutés à cet effet. Quant au travail des non grévistes, il est non seulement
autorisé mais presque obligatoire puisque le lock out est interdit.
L’employeur peut affecter les non grévistes au remplacement des grévistes
dans la limite naturellement des stipulations des contrats de travail des non
grévistes. La polyvalence du personnel qui sera d’autant plus facile à
mobiliser que les contrats de travail prévoir précisément la possibilité
d’affecter les salariés à différents postes peut aider à organiser le
remplacement des grévistes. Il e résulte une situation assez typiquement
française où l’entreprise concernée par une grève continue néanmoins à
produire. C’est une conséquence du caractère individuel du droit de grève,
de l’interdiction corrélative du lock out, de la faiblesse des syndicalisations et
du pluralisme syndical. En Allemagne ou aux Etats Unis, les grèves sont
relativement rares, il n’y a pas de journées d’action nationale mais lorsque le
syndicat donne un mot d’ordre de grève souvent après un vote majoritaire du
personnel, la pression est beaucoup plus forte qu’en France pour que ce mot
d’ordre soit suivi par tous. Aux Etats Unis, il ne fait pas bon à être un yellow
dog, littéralement une chien jaune, un briseur de grève dans le vocabulaire
des relations professionnelles américaines. En pratique, lorsqu’il y a grève en
Allemagne ou aux Etats Unis, l’entreprise ferme généralement ses portes. En
France, la situation est souvent bien différente, l’employeur peut aussi, au
lieu de remplacer les salariés à leur poste de travail, faire appel à la sous
traitance. Il ne peut pas seulement imposer aux grévistes la récupération des
heures perdues du fait de la grève. A côté des mesures d’organisation,
l’employeur peut prendre des mesures de rétorsion unilatérale.
B) Mesures de rétorsion unilatérale :

L’employeur ne peut pas lock outer mais il peut en revanche dans certaines
conditions supprimer une prime d’assiduité, et en cas de faute lourde,
prendre des sanctions.

1) Prime d’assiduité :

Depuis une loi du 17 Juillet 1978, l’article L521-1 al2 du code du travail
dispose que l’exercice du droit de grève ne saurait donner lieu de la part de
l’employeur à des mesures discriminatoires en matière de rémunération ou
d’avantages sociaux. Les primes anti grève, les primes que l’on touche si l’on
a pas fait grève paraissent par conséquent illégales. Cependant, la
jurisprudence a continué d’admettre la licéité de la suppression des primes
d’assiduité. L’institution de primes d’assiduité fournit ainsi à l’employeur un
moyen détourné de sanctionner les grévistes sur le plan financier. Toutefois,
pour être licite, ces primes ne doivent pas établir de distinction entre les
absences du fait de la grève et d’autres catégories d’absence qui seraient
considérées comme des absences autorisées. Si la prime est discriminatoire
ou si elle traite moins bien les grévistes que d’autres absents, le juge
ordonnera son versement aux grévistes. Et donc, la stipulation de la prime
d’assiduité sera tout à fait inefficace. La prohibition des sanctions pécuniaires
rend difficile la suppression d’autres primes. Et pour la même raison, la
réduction de salaire ne peut pas excéder le montant de la rémunération qui
correspond à l’arrêt de travail. On ne peut pas défalquer du salaire des
grévistes un temps de non travail plus long que le temps strict de l’arrêt de
travail.

2) Sanction de la faute lourde :

La grève ne rompt pas le contrat de travail sauf faute lourde et il résulte à


contrario de ce texte, l’article L521-1 du code du travail, que le licenciement
est possible en cas de faute lourde. Et bien, malgré la rédaction du texte, la
faute lourde ne rompt pas ipso facto le contrat de travail, d’ailleurs parfois
l’employeur, malgré qu’il y ait eu une faute lourde ne souhaite pas que tous
les contrats de travail soient rompus. Il faut pour que les contrats de travail
soient rompus que l’employeur procède à un licenciement, ce qui requiert
l’accomplissement de la procédure préalable et une mise à pied
conservatoire est bien entendu concevable si les faits le justifient. La
jurisprudence récente décide que la faute lourde doit être intentionnelle (C.
Sociale 29 Nov 1990 Droit social P.107) mais il ne s’agit pas d’une affaire de
grève mais d’un autre sujet. On s’est demandé si cette exigence que la faute
lourde soit intentionnelle s’appliquerait aux licenciements des grévistes ;
jusqu’alors la seule participation du salarié à une grève illicite ou à un acte
d’insubordination ne pouvant se rattacher à l’exercice du droit de grève, était
constitutif d’une faute lourde. Une telle solution était en fait très sévère
d’autant plus que la frontière entre la grève licite et la grève illicite comme
on l’a vu précédemment est rien moins que clair. Il est permis de se
demander si cette solution n’est pas en voie d’abandon, c’est à dire si la
jurisprudence ne viendra pas à examiner les situations au cas par cas au lieu
de poser un principe de grève illicite = faute lourde dans le cas du moins où
le caractère irrégulier du mouvement aura pu échapper in concreto aux
grévistes. En tous cas, l’exigence que la faut e lourde soit intentionnelle ne
doit pas être prise pour trop importante s’agissant de la grève. Parce que,
comme la grève est un droit de nuire, celui qui fait grève par définition, veut
nuire à l’employeur même lorsque la grève est licite. Alors a fortiori pour
ainsi dire, si la grève comporte des éléments d’illicéité, le caractère
intentionnel des fautes va de soi et sur ce terrain, il n’y a pas beaucoup à
prolonger à discussion.
A côté de la participation à un mouvement illicite, il convient de souligner
que le salarié peut aussi se rendre coupable d’une faute lourde dans le cas
d’un mouvement qui est par ailleurs est licite. Vous avez une grève qui est
parfaitement régulière par sa forme et ses revendications mais dans le cadre
de cette grève régulière, des violences individuelles ont lieu et
naturellement, le salarié qui personnellement s’est livré à ces violences
individuelles peut très bien commettre une faute lourde alors que le
mouvement par ailleurs est tout à fait régulier. Qui peut le plus peut le
moins. En cas de faute lourde, l’employeur pourra décider d’affliger une
sanction moindre que le licenciement. Le pouvoir disciplinaire est suspendu
pendant la grève, par conséquent, l’employeur ne peut pas sanctionner en
cas de faute non qualifiable de faute lourde.

C) L’action en justice de l’employeur :

Pendant longtemps, dans les années 50-60, les actions en justice contre les
salariés, contre les syndicats exercées par des employeurs à la suite des
grèves sont demeurées exceptionnelles. Puis, elles se sont multipliées à la fin
des années 70, aussi bien sur le plan civil que sur le plan pénal.

1) Responsabilité Civile du fait des grèves :

L’employeur peut engager la responsabilité contractuelle en cas de faute


lourde. Nous avons vu que le licenciement n’était possible qu’en cas de faute
lourde. Par ailleurs, sur le terrain des relations individuelles de travail, le
salarié n’est contractuellement responsable vis à vis de l’employeur qu’en
cas de faute lourde. Et naturellement, cette règle peut très bien jouer en cas
de grève. L’employeur peut aussi chercher à engager la responsabilité
délictuelle des syndicats et exceptionnellement, il peut engager leur
responsabilité contractuelle si ceux-ci ont méconnu des engagements qu’ils
ont pris dans une convention collective. Par exemple, une clause de préavis.
On a parfois voulu opposer à l’action contre les syndicats l’adage « pas
d’intérêts, pas d’action » parce que les biens des syndicats d’après l’article
L411-12 Du code du travail sont insaisissables. Il est vrai que les biens des
syndicats sont insaisissables mais cette insaisabilité n’est que partielle. En
outre, le droit de la responsabilité civile assume de multiples fonctions au
nombre desquelles la reconnaissance par la justice de la faute de l’auteur du
dommage. En cas de faute du syndicat, l’employeur a donc malgré
l’argument « pas d’intérêt, pas d’action » intérêt à agir. Autre formule qui a
été opposée aux actions contre les syndicats, c’est celle selon laquelle le
syndicat qui ne dispose pas du droit de grève ne peut donc pas en abuser.
Mais cette formule repose sur un sophisme. En effet, on peut aisément
commettre une faute sans disposer d’aucun droit. Rien n’impose de se placer
sur le terrain de l’abus de droit. Beaucoup plus solidement, il a été objecté à
ce que les salariés puissent être poursuivis du fait de la violation d’une
clause restrictive du droit de grève figurant dans une convention collective.
Nous avons déjà vu que les syndicats ne peuvent pas disposer du droit
constitutionnel de grève qui appartient aux salariés. Donc, si les salariés font
grève en violation d’une clause de préavis, ils ne s’exposent pas à des
recours en responsabilité civile de l’employeur. Peut être cependant, le
délégué qui a participé à la négociation, surtout si c’est lui qui a décidé
d’accepter la clause au nom du syndicat, pourrait il être considéré comme un
tiers complice de la violation de l’obligation contractuelle et engager sa
responsabilité personnelle. L’action en responsabilité, qu’elle soit engagée
contre les syndicats ou contre les grévistes ne sera admise qu’en cas de
faute personnelle. Il faut une faute personnelle du gréviste, le cas échéant
poursuivi et condamné ; il faut une faute personnelle du syndicat, en
particulier, le syndicat n’est pas le commettant des grévistes et et il n’est
donc pas responsable des dommages causés par des grévistes qui
outrepasseraient ses consignes. De même, lorsque le syndicat est tenu d’une
obligation contractuelle, comme d’une clause de préavis, il n’est pas pour
autant garant du respect par les salariés de la convention collective. Sur le
plan contractuel, le syndicat est d’autant moins garant du respect par les
salariés d’éventuels engagements, qui figurent dans la convention collective,
que celle-ci est inopposable aux salariés. Enfin, le syndicat est une personne
morale et comme pour toute personne morale, sa faute personnelle ne peut
guère être dans une conjoncture comme celle de la grève qu’une faute
d’instigation. La faute du syndicat, ça sera d’avoir appelé à commettre des
actes répréhensibles par des tracts, des communiqués, des prises de parole
de ses représentants. Et ce raisonnement qui vaut pour les syndicats vaut
aussi bien entendu pour les prétendus meneurs de la grève, ceux-ci ne sont
pas commettants des grévistes ni garants du comportement des grévistes.
Les dirigeants de la grève ne sont responsables que de leur faute
personnelle, éventuellement aussi du fait d’avoir incité à commettre des
actes fautifs qui par la suite ont eu lieu. L’établissement de la responsabilité
du syndicat ou de celle des grévistes soulèvent d’autres difficultés. Il ne suffit
pas d’établir le dommage résultant de la grève, il faut établir, c’est le droit
commun, un lien de causalité entre ce dommage et le comportement
déterminé d’une personne précise. Et en naisse une série de discussions
éventuelles. Par exemple, les grandes confédérations comme la CGT, la
CFDT, la FO regroupent une nuée de personnes morales, unions locales,
unions départementales, fédérations de branche… Et l’employeur est parfois
débouté parce qu’il s’est trompé d’interlocuteur. Il y avait eu un tract de
l’union locale CGT, il attaque la fédération des métaux qui n’y était pour rien
et naturellement, attaquant une personne qui littéralement n’a rien fait,
l’employeur perd son procès même si par ailleurs, il y a eu un syndicat
portant l’étiquette CGT qui a commis une faute dans cette affaire.
L’appréciation du préjudice est aussi délicate car il faut tenir compte du
préjudice normal non réparable qu’aurait entraîné la grève si elle n’avait pas
pris un tour illicite. Et enfin, la perception des dommages et intérêts est
problématique. Le syndicat la plupart du temps ne paye pas lorsqu’il est
condamné et le salarié en pratique sera souvent insolvable.
Au total, le droit de la responsabilité s’applique mais il n’offre guère de
satisfaction réelle aux employeurs. On a d’ailleurs du mal à admettre le
principe, qui pourtant s’applique de la responsabilité in solidum des co-
auteurs d’un dommage. Dans la matière de la grève, cela permet en effet
qu’un seul gréviste soit condamné à indemniser l’employeur pour l’entier
dommage mais cette solution qui permet de prendre un bouc émissaire
devrait sans doute être nuancée. Les non grévistes peuvent eux aussi en cas
de faute agir contre les syndicats ou contre les grévistes, à raison du
préjudice qu’ils ont subi. En pratique, les non grévistes n’agissent contre les
grévistes qu’à l’instigation de l’employeur. Sur le plan pénal, les non
grévistes ont le monopole de l’action pour atteinte à la liberté du travail.

2) Responsabilité pénale :

Bien entendu, les crimes et les délits de droit commun n’appellent pas de
remarques particulières sauf pour souligner quand dans les grèves, les
plaintes sont souvent réciproques. Elles deviennent ensuite des instruments
de négociation. L’employeur porte plainte contre les grévistes, les grévistes
de leur côté portent plainte contre telle ou telle irrégularité qu’a commis
l’employeur et puis ces plaines se marchandent et à la fin lorsque le conflit
est réglé, chacun retire ce qu’il a déposé.
L’article L231-1 du code pénal réprime cependant le délit d’atteinte à la
liberté du travail. C’es le délit qui a été institué en 1864 à la place du délit de
coalition abrogé à ce moment. La Cour de Cassation interdit cependant aux
employeurs de se prévaloir de l’atteinte à la liberté du travail des non
grévistes. Dès lors du moins que les employeurs n’ont subi à titre personnel
aucune entrave à leur liberté de circuler, de travailler… En effet, par l’article
L431-1 du code pénal « la loi protége les personnes en tant que travailleurs
et non pas en tant qu’employeurs ». donc si l’employeur lui même se voit
interdit de rentrer dans l’entreprise, il subit une atteinte à sa liberté de travail
en tant que personne, il peut porter plainte mais si l’employeur est libre de
ses mouvements et que ce sont des salariés non grévistes qui subissent des
atteintes, il faut que ces salariés portent plainte eux-mêmes.

N°6 :

Section 3ème : L’occupation du lieu de travail par les grévistes

L’occupation des locaux par les grévistes est une tradition française, il y a eu
une grande occupation des entreprises en 1936, il y en eu une autre en 1968
et les explications sociologiques que l’on peut proposer pour expliquer cette
tradition qui ne se rencontre pas partout sont multiples.
Première explication insuffisante mais sans doute pas entièrement fausse
c’est la faiblesse du droit de grève qui entraînerait une réaction par
l’occupation par ce que la grève à elle seule est peu dissuasive.
Deuxième élément d’explication, il est possible que l’idéologie de
l’appropriation collective des moyens de production qui a marqué le
mouvement syndical français dont une partie était favorable par exemple
aux nationalisations joue un certain rôle mais peut être au bout du compte la
tradition de l’occupation trouve son origine dans la tradition de la jacquerie,
les salariés français sont d’origines rurales souvent pas très éloignés or il y a
en France une tradition de la jacquerie qui culmine avec la prise des château
par les paysans lors de la grande peur de 1189. En GB la main d’œuvre est
majoritairement d’origine urbaine, c’est une main d’œuvre qui a été chassée
il y a très longtemps des campagnes par les mouvements des enclosures,
cette main d’œuvre est tenue en respect par un droit qui ne tolère pas
l’atteinte aux biens. En France la main d’œuvre est majoritairement d’origine
rurale et y compris la main d’œuvre d’origine française et elle garde en
mémoire la tradition d’utilisation collective de l’espace du village.
L’occupation des lieux de travail est ordinairement peu destructrice si l’on
accepte le procédé du désespoir qui est très récent et qui consiste à menacer
de détruire l’usine ou de polluer l’environnement en cas de fermeture de
l’établissement. Il faut d’ailleurs sans doute distinguer deux types
d’occupations, l’une qui a pour but de rendre la grève plus efficace et l’autre
qui constitue un moyen de préserver l’emploi dans un cite menacé. On a vu
parfois des occupations d’usines arrêtés, durer des années dont quelques
ouvrier occupent une usine dans un espoir d’un redémarrage et à la fin le
plan de redémarrage reconnaît une priorité d’embauche aux occupants par
ce qu’ils ont entretenu les locaux, l’occupation pour l’emploi c’est une
situation très particulière dont dépend parfois le sort d’une région, d’une
petite ville et elle bénéficie alors d’une solidarité de tous les milieux sociaux
et de tous les bords politiques. Il en va tout à fait autrement de l’occupation
qui ne tend qu’à occuper un mouvement de grève.
A) Principe d’illicéité de l’occupation

L’occupation pendant les heures de travail ne si elle ne s’accompagne pas de


violence ou de voie de fait est tolérée c’est ce qu’on appelle la grève sur le
tas, les salariés sont dans l’entreprise, ils y font grèvent sans empêcher les
non grévistes de travailler, il n’y a là rien d’illicite.
En revanche l’occupation qui s’accompagne d’entrave à la liberté de
circulation des clients, des non grévistes ou de l’employeur n’est pas admise,
non plus que le fait que les grévistes se maintiennent dans les lieux au-delà
des horaires de travail : Sociale 21 juin 1984 Droit sociale 85 page 19
note Jean Sabatier. Quel est le fondement de l’expulsion des grévistes ?
Celle-ci sera ordinairement demandé au juge des référés par ce qu’il faut
pour l’employeur obtenir une décision rapide afin d’obliger en réalité le préfet
à ordonner l’expulsion.
Le fondement de l’expulsion c’est le trouble manifestement illicite que
constitue une atteinte : atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie et
ou au droit de propriété.
Une expulsion sans ordonnance du juge serait sans doute juridiquement
concevable, il n’est pas absolument nécessaire de rendre une décision de
justice par ce que la police peut toujours intervenir pour empêcher une
illégalité entrain de se commettre mais à vrai dire une expulsion sans
ordonnance du juge est politiquement très peu vraisemblable, Jamais ou
presque jamais le préfet n’ordonnera l’intervention s’il n’est pas couvert par
une décision de justice.
Pour la cours de cassation l’occupation si elle excède la grève sur le tas
comme je vient de vous le dire doit sans doute être ordonnée par le juge des
référés et les positions du juge du fond sont plus diverses.
En matière d’occupation des lieux de travail l’importance pratique de la
jurisprudence de la jurisprudence de la cours de cassation est moins grande
que dans d’autres domaines du droit.
En effet, l’expulsion pour être utile doit intervenir très rapidement et s’il faut
attendre le résultat d’un pourvoi pour qu’elle ait leu naturellement
l’employeur aura tout perdu, c’est pourquoi l’expulsion est ordinaire
demandée au juge des référés et par conséquent ce que décide le juge des
référés dans l’immédiat ou ce que décide la cours d’appel pèse dans la
solution du conflit beaucoup plus lourd que ce que décidera bien plus
longtemps après la cours de cassation.
Ceci explique sans doute pourquoi dans ce domaine très particulier des
interprétations très différentes du droit au plus prospéré, il existe dans les
décisions du juge du fond 3 courants : des arrêts très minoritaires ont parfois
conclu à la licéité de l’occupation par exemple tribunal de grande instance de
Brest référé 2 décembre 1995, TGI d’Agen 4 décembre 1995.
Un courant important suit à la lettre la position de la cours de cassation et se
prononce pour une expulsion sans nuance.
Et puis enfin il y a un 3ème courant sans doute minoritaire mais un peut
consistant qui sans rejeté le principe de l’expulsion la diffère, c’est la
tendance dite de la mesure de l’instruction, On expulse mais pas tout de
suite on ordonne d’abord une mesure d’instruction par exemple le tribunal de
grande instance de Pontoise statuant en référé à décidé dans une
ordonnance du 4 novembre 1987 Droit ouvrier 88 page 28 qu’il y a lieu à
expulsion dans une affaire ou l’entreprise a été occupée par les grévistes
mais en même temps le tribunal de Pontoise subordonne l’exécution de la
décision à l’échelle de négociation,ce qui veut dire q’en pratique l’expulsion
n’aura pas lieu tout de suite et par conséquent la pression que l’occupation
qui s’exerce sur l’employeur se maintient, d’autres juges se déclarent parfois
insuffisamment informés sur l’urgence et l’urgence est une condition de la
compétence des juges des référés, il nome un expert afin de chercher les
causes du mouvement. Ces décisions qui sont un peu dilatoires obéissent en
autre au souci d’assumer pleinement le rôle du juge dans la prévention des
conflits et la préservation de la voie publique.

B) Procédure d’expulsion

Des difficultés purement procédurales sont liées à la nécessiter d’assigner


chaque occupants, en effet la procédure du référé est une procédure
contradictoire mais l’employeur ne dispose pas toujours d’une liste précise
des occupants et le coût d’un grand nombre d’assignation n’est pas
n négligeable, s’il faut assigner 200 personnes naturellement le coût pour
l’employeur sera d’autant plus important qu’il sera débouté à l’égard de tous
ceux qui ne prennent pas de fait part à l’occupation. On a vu ainsi apparaître
il y a maintenant plus d’une décennie une pratique hétérodoxe qui
transposait à l’occupation des lieux de travail des solutions qui sont utilisées
en matière de bail. Lorsqu’on expulse un locataire on expulse en général
celui-ci et tous les occupants de son chef c'est-à-dire tous ceux qui étaient
présents dans l’appartement, en raison de bail la famille du locataire le cas
échéant ses salariés.
La solution est acceptable par ce que la présence des autres occupants
trouve sa justification dans le titre du locataire donc une fois que ce titre est
caduc il est bien nécessaire de prendre une mesure qui touche l’ensemble
des occupants qui auparavant pouvaient se prévaloir de celui-ci.
Est-ce que l’on peut par analogie expulser les meneurs, les représentants du
personnel et les occupants de leur chef ?
La situation juridique en réalité est tout à fait différente par ce que
l’occupation est une situation de fait et les que les meneurs ne fournissent
aucun titre aux autres occupants pas plus d’ailleurs qu’ils ne sont sur le plan
civil leur représentant, la représentation du personnel est une représentation
de type politique cela n’a rien à voir avec le mandat civil.
Pour éviter des dérives procédurales la cours de cassation a imaginé dans un
arrêt FERODEAU du 17 mars 1977. Une solution originale, cette solution
consiste à joindre une procédure de référé à l’égard d’un certain nombre
d’occupants bien identifiés et assignés individuellement et d’autre part une
procédure d’ordonnance sur requête : la procédure d’ordonnance sur requête
est une procédure non contradictoire dont on se sert notamment lorsqu’on
veut saisir les biens d’un créancier. Le tribunal ordonnerait en référé
contradictoirement l’expulsion des personnes assignées et il ordonnerait sur
requête non contradictoirement celle de tous les autres occupants qui bien
sure pourrait revenir devant lui pour contester la mesure. Cette innovation va
soulever de vives critiques doctrinales et ces critiques ont amené la cours de
cassation à préciser que c’est seulement en cas d’impossibilité d’assigner
chaque occupant qu’il est possible de procéder de la sorte.

N° 7 :

Chapitre 3ème : La grève dans les services publics

L’existence d’une réglementation particulière de la grève dans les services


publics résulte de 2 nécessités qu’il faut concilier, d’une part il faut respecter
le droit de grève dont le principe est posé par la constitution, d’autre part ce
droit de grève doit tenir compte du principe de continuité du service public
qui a également une valeur constitutionnelle.
La nécessité d’assurer les missions fondamentales de l’Etat notamment
celles qui ont trait au maintien de l’ordre et la sécurité peut justifier jusqu’à
l’interdiction dans des cas particuliers, il convient ainsi de distinguer des
règles communes à tous les services publics que nous verrons dans une
section 1er et les règles spécifiques qui ne s’appliquent qu’à certain d’entre
eux que nous envisagerons dans une section 2ème.

Section 1er : Les règles qui sont communes à tous les services publics

A) Elles concernent les modalités du droit de grève

Dans le secteur privé la grève n’est soumise à aucune obligation de préavis


même si il est concevable qu’une convention collective impose à un syndicat
mais ce syndicat a alors donné son accord l’obligation de respecter un
préavis avant de donner un mot d’ordre de grève ; la loi pour sa par n’impose
aucun délai de préavis. En revanche la loi du 31 juillet 1963 pose un principe
d’un préavis obligatoire, elle s’applique aux agents publics mais elle
s’applique aussi aux entreprises qui son chargées de gestion d’un service
public dont certaines sont soumises à un statut de droit privé.
Il s’ait par exemple pour les entreprises soumises au droit privé, de
l’enseignement privé sous contrat,des transports publics y compris des
compagnies aériennes Sociale 6 février 1985 Bulletin N°82.
Le préavis doit parvenir 5 jours franc avant le déclenchement de la grève à
l’autorité hiérarchique et il doit être déposé par un syndicat représentatif, on
ne peut donc pas légalement déclencher une grève dans un service public
sans le concours d’un syndicat représentatif, on se rapproche dans une
certaine mesure d’une conception organique de la grève sur le modèle
Allemand ou la grève est une prérogative du syndicat. La pratique des
préavis successifs est possible et il est claire que si un syndicat dépose des
préavis à répétition cela revient à laisser des salariés libres à faire grève ou
non au moment qu’ils choisissent mais en revanche des préavis tout a fait
systématiques et qui équivaudrait à rendre l’annonce de la grève quasi
permanente semble constituer une fraude à la loi même si pour l’instant nous
n’avons sur ce sujet que des jugements de première instance. On peut
déposer des préavis successifs mais si on dépose des préavis tous les jours
pendant un an de façon à rendre possible au salarié de faire grève
absolument au moment ou bien il le souhaite certainement on tombe dans la
fraude.
Depuis la loi du 19 octobre 1982 les parties sont tenues de négocier pendant
le préavis mais cette exigence n’a pas de sanction et donc elle n’a sans
doute pas une très grande portée.

Deuxième règle particulière à la grève dans les services publics c’est


l’interdiction des grèves tournantes, elle est posée par l’article L 121-4 du
code du travail suivant lequel l’heure de cessation est celle de reprise du
travail ne peuvent être différentes pour les diverses catégories ou pour les
divers membres du personnel intéressé.
De même les arrêts de travail qui affecteraient par roulement certains
services sont interdits, il s’agit sur le fondement du principe de continuité du
service public de limiter la désorganisation qui résulte de la grève et sans
doute aussi de proportionner l’atteinte porté à la continuité du service à la
perte de salaire subit par les grévistes.
L’interdiction de la grève sans préavis, la prohibition des grèves tournantes
peuvent être sanctionnées, le fonctionnaire ou l’agent public qui s’engage
dans une grève illicite s’expose à des sanctions disciplinaires, s’il s’agit d’un
salarié relevant du code du travail il ne pourra être sanctionné qu’en cas de
faute lourde or la grève qui est faite en violation du préavis obligatoire ne
constitue pas automatiquement suivant la cours de cassation une faute
lourde, en revanche le syndicat qui donne un mot d’ordre de grève illicite
engage sa responsabilité civile : Sociale 6 février 1985 bulletin N°82, le
recours au juge des référés dans une telle éventualité n’est pas
inconcevable.
Parmi les dispositions générales relatives à la grève dans les services publics
d’autres ont trait aux salaires des grévistes.

B) Dispositions relatives aux salaires


Il s’agit tout d’abord des dispositions et des débats relatif à ce qu’on appelle
le trentième indivisible.

Une heure de grève peut créer un désordre considérable par exemple à la


poste ou dans les transports en commun, de la est née l’idée mais elle est
parfois contestée est de retenir une fraction des salaires qui est
proportionnée à l’ombre portée de la grève, aux dommages qu’elle cause, à
la gêne plus qu’à la durée stricte de l’arrêt de travail et ce qui a conduit la loi
du 29 juillet 1961 à poser la règle du trentième indivisible, suivant cette règle
la cessation du travail pendant une durée inférieure à une journée de travail
donne lieu à une retenue égale à la rémunération afférente à cette journée
autrement dit on perd toujours une journée de salaire même si la grève n’a
durée qu’une heure.
Cette exigence conduisait parfois à des résultats excessifs, par exemple il
est très apparent qu’une heure de grève d’enseignant du secondaire
désorganise moins l’établissement qu’une journée toute entière, si les
professeurs font grève de 8 h à 9h le matin et bien il accueil les élèves à 9h
c’est pas tout à fait pareil que s’il n’enseigne pas de la journée et la loi de
1963 dissuadait de ces arrêts de travail limités , qui à perdre une journée de
salaire on arrête une journée entière, c’est pourquoi une loi du 19 octobre
1982 est revenue sur la règle du trentième indivisible mais cette loi à elle-
même fait l’objet d’un amendement couramment appelé amendement
LAMASOURE nom du député qui l’a proposé, amendement qui a été introduit
dans une loi portant diverses dispositions d’ordre sociale : loi DDOS comme
on le dit fréquemment du 30 juillet 1987. Cette loi du 30 juillet 1987
prétendait abroger la loi de 1982 mais la loi de 1987 ou plutôt cette
disposition de la loi de 1987 s’est heurtée à une censure partielle du CC dans
une décision du 28 juillet 1987 publiée au JO du 29 juillet. D’après le CC les
règles de la comptabilité publique peuvent justifier un retour aux dispositions
de 1961 en ce qui concerne les agents de l’Etat et les agent des
établissements public administratifs « EPA », en revanche le conseil estime
que le mécanisme du trentième indivisible par la généralité de son champs
d’application qui ne prend en compte ni la nature des diverses et services
concernés ni l’incidence dommageable que peuvent revêtir pour la
collectivité les cessations concertées du travail pourrait dans nombre de cas
porter une atteinte injustifiée à l’exercice du droit de grève .
On arrive ainsi à une situation complexe, les personnels de l’Etat et les EPA
sont soumis à la règle du trentième indivisible alors que les personnels des
fonctions publiques territoriales et hospitalières ainsi que les salariés de droit
privés sont soumis à la règle plus souple fixée par la loi de 1982, il n’est pas
certain que le champs de l’application des règles qui résultent de la
combinaison de la loi de 1987 et de la décision du CC soit satisfaisant au
regard des objectifs qui étaient poursuivis par ce qu’on voit bien que les
transports publics qui sont très largement soumis au droit privé ne sont pas
soumis à la règle du trentième indivisible alors que c’est précisément le cas
des transports publics pour une part qui justifie ou qui a justifié son adoption.
Deuxième question particulière qui a trait à la rémunération des grévistes :
Quelles doivent être les effets de l’inexécution partiel du service ? Comment
traiter sur le plan pécuniaire le fait qu’on n’accomplisse pas toutes ces
obligations de service, la grève du zelle, des douaniers qui appliquent le
règlement tellement à la lettre qui ne laissent passer presque personne, le
refus par les professeurs d’accueillir plus de 25 élèves par classe ou de
remplir les bulletins de note etc.
La position du CE et de la cours de cassation divergent sur ce point, en cas
d’inexécution partiel du service le CE admet une réduction de rémunération
donc il y aurait un versement : un versement partiel CE 17 mars 1997 Droit
Social page 533, i s’agit en l’occurrence d’une baisse de la production de
l’électricité a EDF. Pour la cours de cassation en revanche la retenue sur
salaire constitue une sanction pécuniaire illicite : Sociale 20 février 1991
bulletin N°83, il s’agit de contrôleur de la SNCF soumis au droit privé qui
refusait de vérifier les titres de transports tout en assurant leur service dans
les trains, la SNCF avait baissé leurs salaires et la cours de cassation
considère qu’il s’agit d’une sanction pécuniaire illicite ; il appartenait à
l’employeur d’engager une procédure disciplinaire.
La solution de la cours de cassation n’est pas sans inconvénient car elle
conduira logiquement les employeurs à invoquer l’exception d’inexécution et
à cesser tous paiements alors qu’ils avaient adopté au départ une solution
intermédiaire, ou bien à invoque la faute lourde sans laquelle aucune mesure
disciplinaire n’est concevable vis-à-vis d’un gréviste or il peut sembler que
lorsque l’exécution partiel du service offre un certain degré de satisfaction à
l’employeur,il y a place pour un paiement partiel, un paiement proportionné
au degré de l’exécution sans recours obligatoire ou catégorique du droit
disciplinaire.
Est-ce que l’article 1244 du code civil : Le débiteur ne forcer le créancier à
recevoir en partie un paiement d’une dette même divisible, est ce que
l’article interdit au créancier, à l’employeur en l’occurrence d’accepter un
paiement partiel tout en retenant puisque le paiement n’a été partiel une
partie de sa propre prestation. N’est ce pas cela le fait que le salarié n’a pas
exécuté sa prestation qui justifie en général les retenues de salaires pour fait
de grève, il vaut mieux admettre que l’employeur peut mettre en œuvre une
retenue partielle de salaire sous le contrôle du juge en cas d’inexécution
partielle que d’accepter le raisonnement actuellement en vigueur suivant
lequel la participation à une grève illicite constitue automatiquement une
faute lourde.

C) Possibilité de réquisition

La réquisition de service a été instituée par une ordonnance du 6 janvier


1959, elle permet d’astreindre les grévistes au travail qu’ils souhaitent
interrompre.
La réquisition est possible pour les besoins du pays, dispose l’ordonnance, la
formule est vague, il faut quel a grève soit de nature à porter une atteinte
suffisamment grave à la continuité d’un service public ou au besoin de la
population.
Un décret pris au conseil des ministres autorise la réquisition puis un arrêté
ministériel réquisitionne ou délègue le pouvoir de le faire.
Quoi que la réquisition puisse être collective il semble que les ordres
individuels doivent être adressés aux intéressés, celui qui enfreint l’ordre de
réquisition encore notamment des cours correctionnelles sans préjudice de
sanction disciplinaire.

N° 8 :

Section 2ème : Règles spécifiques à certains services publics

Ces règles résultent du pouvoir de réglementation que l’on peut reconnaître


et il faut dans un premier temps envisager ce pouvoir.

A) le pouvoir de réglementation

Est-ce que la réglementation doit avoir lieu par la loi ou est ce qu’elle peut
procéder d’une intervention du pouvoir réglementaire, c’est là en fait la
question. Le préambule de la constitution de 1946 évoque la réglementation
du droit de grève par la loi, en effet la reconnaissance du droit de grève ne
saurait avoir pour effet de faire obstacle au pouvoir d’apporter à ce droit les
limitations nécessaires en vu d’assurer la continuité du service public, les
limitations peuvent aller jusqu’aux interdiction du droit de grève aux agents
dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des
éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins
essentiels du pays, c’est ce que décide le CC dans une décision du 25 juillet
1979. Sous le contrôle du CC il est ainsi absolument certain que la loi peut
limiter le droit de grève ou en priver certaines catégories d’agents. Le conseil
a par exemple jugé que le service minimum ne saurait correspondre à
l’intégralité du service normal. Mais la jurisprudence du CE dit une chose un
peut différente depuis CE 17 juillet 1950 Dehaene, le CE admet la possibilité
pour l’autorité hiérarchique de réglementer le droit de grève à défaut de loi.
Le principe posé par le CE apparaît discutable au regard de la jurisprudence
du CC. La constitution paraît réservée à la loi, le pouvoir de limiter le droit de
grève. Suivant le CE les chefs de services peuvent limiter le droit de grève
pour assurer le service minimum indispensable sous le contrôle du juge
administratif mais un jour ou l’autre il faudra que la question soit posée et
tranchée de savoir si ce pouvoir réglementaire est bien compatible avec la
lettre de la constitution, il est vrai qu’au moment où a été rendu l’arrêt
Dehaene le droit constitutionnel était dans un état tout à fait différent de ce
qu’il est maintenant. En tout cas l’existence d’un pouvoir de réglementation
conduit à l’édiction de réglementation
B) Le pouvoir de réglementation conduit à l’édiction de réglementation

Tout d’abord ces réglementations comportent un certain nombre


d’interdictions, la grève est interdite à de nombreuses catégories de
fonctionnaires : Fonctionnaire de police, l’administration pénitentiaire,
magistrats, la grève est interdite aux militaires.
Cependant il faut constater que l’édiction est loin et doit restée respectée, on
assiste par exemple depuis des années à des mouvements de gardiens de
prison qui sont très vraisemblablement des violations de leur statut et que
pourtant des gouvernements ont toléré de façon on pourrait dire presque
constante, une autre limitation que prévoir les réglementations c’est celle du
service minimum; la loi a notamment instauré un service minimum dans le
service public de l’audiovisuel c’est la loi du 26 juillet 1979 et un autre
service minimum pour les contrôleurs de la navigation aérienne, c’est la loi
du 26 juillet 1984. De même les personnels chargés de la création de
l’émission et de la transmission des lignes radio et TV sont astreints à un
service minimum. Faut il aller plus loin et imposer un service minimum dans
de vastes domaines du SP, il est permis d’en douter à voir l’incapacité du
pouvoir politique et des cadres de l’Etat à faire respecter par exemple
l’interdiction de la grève faite aux agent de l’administration pénitentiaire car
si on prévoit un service minimum pour ensuite accepter qu’il ne soit pas
respecté, on ruine l’autorité de la loi et de l’Etat, rien n’est plus néfaste que
la tolérance publique de ce qui a été interdit.
On écarte pas une voie d’évolution, ça serait la solution qui réserverait la
possibilité de déposer un préavis au syndicat qui ensemble ou séparément
ont obtenu la majorité aux élections professionnelles. A l’heure actuelle tout
syndicat représentatif peut présenter un préavis même s’il est en faite
extrêmement minoritaire, on pourrait très bien concevoir une solution
intermédiaire qui serait de dire : la grève est soumise à un préavis, le préavis
ne peut être exposé que par des syndicats représentant la majorité du
personnel. On réussirait peut être ainsi à conservé le droit de grève tout en
limitant l’impact de mouvement minoritaire que l’émiettement syndical
favorise sans doute excessivement.

N° 9 :

Titre 2ème : Les institutions de représentation des salariés

La représentation des salariés notamment dans les entreprises est institué


par la loi comme la représentation politique, à la différence du mandat civil
qui est aussi un phénomène de représentation mais un phénomène qui se
fonde sur l’expression de volonté privée. Les institutions de représentation
des salariés présente une physionomie assez compliquée, en effet elle
superpose plusieurs catégories de représentants, au bas mot pour une
entreprise importante il y aura des délégués du personnel qui sont apparu
avant guerre dans les entreprises, il y aura un comté d’entreprise ou des
comités d’établissements, la création d’institution date de 1945 mais il y a
une parenté avec une institution de Vichy et il y aura des délégués syndicaux
dont le patronna n’a pas voulu en 1945 ce qui a conduit alors à généraliser
les délégués du personnel mais qu’il a du accepter en 1968. L’ensemble de la
représentation du personnel donne une impression de stratification même si
la loi du 20 décembre 1993 article L 431-1 du code de travail permet aux
entreprises de moins de 200 salariés de mettre en place une délégation
unique du personnel qui réuni des fonctions de délégués du personnel et du
CE.
Le droit syndical est avant tout un instrument d’auto organisation ou une
liberté publique structurée même s’il existe des délégués syndicaux dans les
entreprises alors que l’existence d’une représentation du personnel constitue
l’un des éléments du statut l égale, on pourrait dire l’un des éléments de la
constitution social de l’entreprise si l’on empruntait aux Allemands le terme
qu’ils emploient. C’est pourquoi il convient de distinguer l’étude de la liberté
publique, du droit syndical que nous verrons dans un chapitre 1er ; de l’étude
des missions des représentants du personnel dans l’entreprise que nous
verrons dans un chapitre 2ème, il faudra enfin envisager le statut de tous les
représentants du personnel notamment leur protection contre le
licenciement et c’est ce que nous ferons dans un chapitre 3ème

N° 10

Chapitre 1er : Le Droit Syndical

C’est un domaine où la législation comme en matière de grève a connu une


évolution très marquée, en répriment le délit de coalition qui frappait les
grévistes, la loi Chapelier : loi des 14 et 17 juin 1791 interdisait aussi les
syndicats. Les coalitions ce sont à la fois les grèves et les syndicats. Outre ce
qui est conjoncturel : la peur des bourgeois parisiens devant l’agitation
ouvrière, cette loi de 1791 exprimait aussi un sentiment politique, c’est
l’hostilité aux corps intermédiaires et c’est pourquoi certains républicains de
l’époque l’on voté, le citoyen doit se trouver seul à égalité avec les autres
devant l’Etat sinon la démocratie dépérirait et on assisterait à la renaissance
des castes et des corporation d’ancien régime.
Même s’ils sont à certaines époques tolérés, les syndicats demeurent
interdits pendant le majeur parti du 19ème siècle. La répression pénale
disparaît avec la loi de 1864 qui abroge le délit de coalition donc à partir de
1864 le syndicalisme ne constitue plus une infraction pénale.
Enfin la loi Waldeck Rousseau, loi du 21 mars 1884 fourni au syndicat une
véritable reconnaissance, cependant la formule de la loi Waldeck Rousseau
est une formule très neutre, les syndicats ont pour objet la défense des
intérêts économiques, industriels, commerciaux, agricole. Le syndicalisme
ouvrier, le syndicalisme patronal sont alors mis sur le même plan, c’est le
même texte qui légalise l’un et l’autre.
La loi du 19 octobre 1946 par application du préambule de la constitution
reconnaît le droit syndical au fonctionnaire qui ne l’avait pas avant la guerre.
Auparavant les fonctionnaires étaient organisés sous forme associative mais
le point de clivage en 1945, 1946 portent sur autre chose, il porte sur
l’introduction du syndicalisme dans les entreprises. Le patronat ne veut pas
de délégués syndicaux et il faudra donc attendre 1968.
La loi du 27 décembre 1968 reconnaît l’exercice du droit syndical dans les
entreprises article L 412-1 et suivant du code de travail, enfin la loi du 28
octobre 1982 redéfinie l’objet des syndicats, leur finalité dans un texte qui
s’applique seulement au syndicat de salarié article L 411-1 du code du
travail.
On ne peut pas comprendre le droit syndical si on ne part pas d’un certain
nombre d’éléments qui portent sur l’histoire du mouvement syndical.
Il y a deux principales traditions dans le syndicalisme français. La plus
ancienne est incarnée par la confédération générale du travail CGCT et force
ouvrière FO. Les syndicats se multiplient spontanément au 19 ème siècle. Les
syndicats locaux se fédèrent dans des bourses du travail local qui rassemble
tous les syndicats d’une localité. Les bourses du travail se rassemblent au
niveau nationale en 1892 dans la fédération des bourses du travail, il y a
donc une fédération nationale qui est en quelque sorte un regroupement
d’union locale de syndicat, parallèlement des fédération syndicales de métier
ou de branche d’industrie se constituent au niveau nationale, les syndicats
de métier rassemblent les ouvriers qualifiés d’une même corporation à
l’exclusion de la main d’œuvre non qualifié : c’est une forme d’organisation
qui est très développée dans les pays anglo-saxon moins en France ; les
syndicats de branche cherchent à rassembler tous les salariés d’un secteur
d’activité donné y compris les manœuvres et le personnel administratif et
d’une façon général le syndicalisme de branche qui est plus égalitaire l’a
emporté en France sur le syndicalisme de métier.
L’ensemble, la fédération des bourses du travail et les fédérations syndicales
de métier ou de branche d’industrie se réunissent en 1902 au sein de la
CGT : CGT qui est alors dominé par un courant politique qu’on appel
« l’anarco syndicalisme » anarco vient de anarchisme mais l’anarco
syndicalisme est assez différent de l’anarchisme politique, c’est la présence
de ce courant qui confère sa tonalité particulière à la charte d’Amiens adopté
en 1906 par la CGT, la charte d’Amiens comporte une orientation ouvriériste,
une affirmation d’indépendance du syndicat par rapport au parti politique et
en même temps elle affirme qu’il y a un but final et la lutte pour l’abolition du
salaria et du patronat.
La CGT constitue ainsi un mélange particulier de lutte de classe puisque le
syndicat se fixe un objectif de transformation sociale radicale, un objectif
politique si on veut, l’abolition du salariat du patronat et en même temps
d’apolitisme puisque le syndicat entreprend de réaliser ses objectifs
indépendamment des parties de gauche constitués, en toute indépendance
par rapport à eux.
En 1921 à la suite de la première guerre mondiale et de la révolution Russe
se produit la scission de la CGTU « U » veut dire unifié confédération général
du travail unifié, la CGTU c’est la minorité communiste qui se sépare de la
majorité plus réformiste mais cette minorité communiste entre guillemet
comprend en fait beaucoup d’anarco syndicalistes qui ont été séduit par la
révolution Russe.
Le mouvement syndical a ainsi connu une situation exactement inverse de
celle du congrès de tour de 1920 ou la majorité de la SFIO (section Française
de l’internationale ouvrière qui est l’ancêtre du parti socialiste a alors décidé
de rejoindre la 3ème internationale et se de se constituer en partie
communiste, dans le mouvement syndical les communistes sont minoritaires
à cette époque. En 1936 au cours des manifestations du Front populaire la
CGT et la CGTU se réunifient dans l’enthousiasme. A l’issue de la seconde
guerre mondiale le prestige gagné par les communistes dans la résistance
leur permet de devenir majoritaire dans la CGT réunifié, il ne l’était pas entre
1936 et 1939 mais la guerre froide va provoquer une nouvelle scission
interne à la CGT en 1947, une tendance réformiste qui correspond à la
tendance réformiste majoritaire avant 1936, une tendance réformiste se
détache de la CGT pour créer la CGT (FO) CGT force ouvrière, l’animosité
entre les deux organisations a été très vive pendant tout le temps de la
guerre froide.
Cependant celle-ci partage une tradition commune dans laquelle
l’ouvriérisme et un fort attachement à la laïcité tiennent une large place.
Le 2ème courant un peu plus ressent est celui du syndicalisme chrétien. En
1919 après la première guerre mondiale se crée une fédération française des
travailleurs chrétiens CFTC qui regroupe des syndicalistes autour de la
doctrine sociale de l’église. Ce syndicat est minoritaire,il n’en connaît après
moins un certain développement, Cependant après la deuxième guerre
mondiale la conjugaison de la guerre Froide et du Taylorisme : du travail au
pièces poussées à l’extrême des groupements dans la grande industrie, la
conjugaison de la guerre froide et du Taylorisme ne constitue pas un terreau
très favorable à une doctrine de coopération entre classe L’influence des
thèses Marxismes sur une partie du clergé, sur la jeunesse ouvrière
chrétienne, la JOCK se développe dans les années 50 et 60 si bien qu’en 1964
la majorité de la CFTC se prononce en congrès pour la déconfessionnalisation
c'est-à-dire pour l’abandon de la référence chrétienne dans la perspective
d’une unité d’action avec la CGT. En 1964 la CFTC décide ainsi de prendre le
non de confédération française démocratique du travail CFDT afin à l’époque
de s’allier avec la CGT. Une minorité Si scionne pour conserver la référence
chrétienne et non sans un certain contentieux reprend le sigle de CFTC.
5ème des gros syndicats reconnus comme représentatif au niveau nationale
c’est la confédération générale des cadres qui est devenue la CFE, CGC c’est
un syndicat catégoriel qui est issue des 30 glorieuses comme son nom
l’indique il réuni les personnels de l’encadrement.
La crise des années 1970 a entraîné une forte baisse des effectifs des
syndicats, en d’autre raison les restructurations, les licenciements ont en
effet d’abord frappé les catégories de salariés qui a été traditionnellement
pré syndiqué et chacun sait que l’essor du chômage n’incite pas les salariés à
prendre des risques et donc pas a se syndiquer, mais il est certain que le
phénomène conjoncturel se greffe sur une évolution plus profonde,
dévalorisation des modes collectifs de régulation, la crise des syndicat
répond à la crise du politique et sort de l’individualisme,recule du modèle
hiérarchique, les syndicats étaient des organisations hiérarchiques, les chefs
syndicaux commandaient leurs troupes, lés à l’évolution globale du niveau de
culture Tous ces phénomènes ajoutent leurs effets et puis il y a la crise de ce
que les économistes appellent le rapport collectif fordiste typique des années
1960, dans les années 1960 l’employeur avait besoin du syndicat pour gérer
une équation difficile à équilibrer, travail sans intérêt, salaire en hausse,
stabilité de l’emploi, la hausse des salaires assurant par ailleurs les
débouchés de l’industrie,dans le système fordiste la place du syndicat était
bien défini or ce système est remis en cause, la crise du rapport collectif
fordiste est aussi une crise des syndicats.
La crise des syndicats est aggravée par le recul des idéologies de
transformation sociale radicale, le minéraliste c'est-à-dire la croyance à la
possibilité d’un autre monde constituait le ciment de l’unité d’action entre la
CGT et la CFDT tel qu’elle a été constitué dans les année 60, or les rêves
minéraliste s’effondrent lorsque la thèse du rôle historique de la classe
ouvrière vient à reculer, l’unité de l’action s’est rompu à la fin des année
1970 la CFDT s’engageant dans une voie plus réformiste, La CFDT noue alors
des liens renforcés avec les élites dirigeantes à travers un cercle de pensé
comme la fondation Assimont, la CFDT est sans doute le syndicat qui
influence le plus l’évolution des idées dans les années 1980 et 1990 d’autant
plus que son implantation traditionnelle chez les colles blancs, chez les
salariés les plus instruits et dans les services pareil lui ouvrir l’avenir mais
l’échec relatif de la politique du partage du travail symbolisé par la loi des 35
H 00 atteint son dynamisme au même moment, la CGT a entrepris de se
moderniser.
Les privatisations des entreprises publiques et les conflits de la fin du siècle
ont engendré une nouvelle scission syndicale, un courant radical issue de la
CFDT a ainsi crée le nouveau syndicat SUD PTT c’est un syndicat qui a fait
son apparut ion d’abord à la poste « sud pour solidaire unitaire et
démocratique », les syndicats sud se sont multipliés à l’occasion du premier
conflit sur les retraites de 1995, le conflit de 2003 a entraîné d’autres départs
de la CFDT en direction de Sud ou d’autres syndicats de la CGT parfois et les
syndicats sud en saluant avec quelques autres ont formé un nouveau
regroupement qui s’appelle le groupe des 10. Voilà donc un 6ème syndicat et il
en a en fait encore un 7ème : La scission de la grande fédération de
l’éducation nationale « La FEN « qui s’est produite en 1993 a entraîné la
création d’une autre confédération animée notamment par les minorités qui
ont maintenu la FEN C’est l’union syndicats autonome « l’INSA » Il y a donc
maintenant en réalité 7 confédération syndicale ce qui est évidemment très
important.
CGT, CFDT, FO, CFTC, CGC + les deux nouveaux regroupements qui sont le
groupe des dix et l’INSA, ce paysage un peut chaotique pourrait sans doute
se simplifier à la longue.
Le paradoxe de la situation actuelle c’est que le syndicats sont
indispensables au fonctionnement de l’Etat et même des entreprises ne
serait que pour conclure des accords dérogatoires que la liberté syndicale
que nous verrons dans une section 1er est admise par tous et pourtant que
les syndicats sont dépréciés, le droit syndical s’épanouie alors que nulle le
sait si les syndicats Français émergerons de leur situation actuelle de
faiblesse. Le statut des syndicats que nous verrons dans une section 2ème
paraît avoir atteint son équilibre en revanche il est très apparent que le droit
de la représentativité syndicale que nous envisagerons dans une section 3ème
va connaître d’importants bouleversements et ces bouleversements ont déjà
commencé.

N° 11 :

Section 1er : la liberté syndicale

La liberté syndicale est d’abord protégée par l’employeur, c’est la liberté


syndicale dite positive mais depuis au moins 1956 le droit Français reconnaît
également la liberté syndicale dite négative c'est-à-dire le droit de ne pas ne
se syndiquer ou le droit de sortir du syndicat dont démissionner. La liberté de
création de syndicat constitue un complément indispensable de la liberté
individuelle de celui qui se syndique

A) Liberté syndicale positive

C’est le préambule de 1946 qui pose le principe auquel fait écho l’article L
411-5 du code de travail « Tout homme peut adhérer au syndicat de son
choix » et la France a bien entendu ratifié plusieurs conventions
internationales qui consacre la même liberté.
L’atteinte à la liberté d’adhésion est pénalement sanctionnée c’est l’article L
412-2 du code du travail qui prohibe la prise en considération de
l’appartenance syndicale pour arrêter les décisions en matière de gestion du
personnel quel qu’elle soit avec les peines délictuelles qui sont fixées à
l’article L 481-3 du code du travail.
Il y a un second délit qui vient compléter l’article L 412-2 c’est le délit
d’entrave à l’exercice du droit syndical de l’entreprise que prévoit l’article L
481-2 du code du travail, donc la loi réprime à la fois la discrimination à
l’encontre des syndicalistes et l’entrave à l’exercice du droit syndical.
Ces sanctions pénales sont complétés par la nullité des mesures
discriminatoires, Depuis très longtemps la discrimination engage la
responsabilité civile de l’employeur mais la responsabilité civile répare sans
remettre les choses en état, les activités syndicales figurent à l’article L 122-
45 du code du travail parmi les éléments sur lesquels il est interdit à
l’employeur de se fonder pour prendre une mesure défavorable à un salarié.
Tout acte contraire est nul de plein droit, d’après la loi par exemple le salarié
licencié en raison de ses activités syndicales a droit à la réintégration dans
l’entreprise Sociale 10 mars 1999.
En matière de discrimination, l’une des difficultés très fréquente est celle de
la preuve, la preuve de la discrimination en l’occurrence a été facilité par le
nouveau 4ème alinéa du texte « en cas de litige le salarié présente des
éléments de fait laissant supposer l’exercice d’une discrimination » donc il ne
doit pas rapporter la preuve complète d’une discrimination, il doit
simplement rendre celle-ci plausible et il incombe ensuite à l’employeur de
prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la
discrimination.
Mais à coté de la liberté syndicale positive il y a aussi la liberté syndicale
négative qui va protéger la liberté de l’individu le cas échéant contre le
syndicat.

B) Liberté syndicale négative

Elle résulte aussi de l’article L 412-2 du code du travail qui a été voté
pendant la guerre froide dans le contexte « l’affrontement entre les forces
ouvrière et la CGT notamment dans le livre Parisien » L’article L 412-2 du
code du travail interdit également la prise en considération de
l’appartenance syndicale en faveur des membres d’un syndicat, il s’agissait
dans l’esprit des promoteurs de la loi de briser le monopole de la CGT dans la
presse parisienne et la tentative à l’époque a fait long feu.
Ainsi un employeur ne peut pas s’engager vis-à-vis d’un syndicat a privilégier
le recrutement des membres de ce syndicat, de même le pré compte par
employeur des cotisations syndicales c'est-à-dire le fait avec l’accord du
salarié l’employeur prélève les cotisations syndicales sur le salaire et le
verse directement au syndicat, ce précompte est interdit par la loi, il est
interdit en droit du travail alors qu’il est admis dans d’autres domaines du
droit par exemple les coopératives agricoles précomptent usuellement les
cotisations syndicales sur les sommes qu’elles versent aux agriculteurs pour
le compte de la FNSEA. Le but de l’interdiction de la prise en considération de
l’appartenance syndicale même en faveur d’un syndicat n’est pas
principalement de lutter contre ce qu’on appelle les syndicats jaunes c'est-à-
dire les syndicats qui dépendent de l’employeur, peut être faut il expliquer
l’expression syndicat jaune vraisemblablement cette expression vient de
l’anglais ou plutôt d’une expression des relations du travail américaine « les
américains l’appelle Yellow doc contract » le contrat par lequel le salarié
s’engage a ne pas se syndiquer , c’est une chose qui est aujourd’hui interdite
en droit USA.
Et c’est d’où vient la couleur.
Le but principal des dispositions qui interdisent la prise en considération de
l’appartenance syndicale en faveur d’un syndicat c’est d’interdire ce qu’on
appelle en Anglais les clauses de sécurité syndicales « L’union security
closer » comme « l’union shop et le close shop » De quoi s’agit-il ?
Le « Closer shop » littéralement ça veut dire boutique fermée ou atelier
fermé, c’est la clause d’un accord collectif par lequel l’employeur s’engage à
ne recruter que des salariés syndiqués.
« L’Union Shop » c’est la clause par laquelle l’employeur s’engage à
embaucher que sous condition d’adhésion a bref délai du salarié au syndicat.
Par exemple en droit USA lorsqu’il y a une clause d’Union Shop le salarié est
embauché sous des conditions de rejoindre le syndicat dans un délai d’un
mois.
Les clauses d’Union Shop sont licitées au USA, L’union shop et le closer shops
sont licites en GB quoi que les évolutions législatives récentes soient dans le
sens de leurs restrictions et l’ensemble des pays influencés par le coman Law
s’inscrit dans la même tradition.
Il y a là évidemment une différence de perception par rapport à la notre, les
Anglo-saxon ne voient pas dans les clauses de sécurité syndicales une
atteinte à la liberté d’opinion par ce que pour eux l’adhésion au syndicat
n’est pas plus une affaire d’opinion que ne l’est pour nous l’adhésion d’un
médecin ou d’un avocat à un ordre professionnel, le syndicat au USA, en GB
défend très agressivement les intérêts des syndiqués mais il voit son rôle
comme l’exercice d’une fonction économique après tout l’ordre des avocats
défend aussi les intérêt des avocats, l’ordre des médecins aussi et dans cette
perspective ceux qui profitent de l’action du syndicat notamment de la
convention collective alors qu’ils ne sont pas syndiqués donc qu’il ne cotisent
pas au syndicat sont des Free Raders par définition c’est quelqu’un qui a pris
le train et qui n’a pas de billet et donc qui voyage sans payer. Il est normal
dans la vision traditionnelle USA et GB d’obliger les Free Raders à prendre
leur part du fardeau commun en les forçant à l’adhésion.
Il y a là un autre équilibre que celui du droit français, les clauses sécurité
syndicales permettent de suppléer la faiblesse du droit légiféré,dans de
nombreuses entreprise en effet le syndicat GB USA n’a pas du tout la
prétention de peser sur le choix des salariés par l’employeur, en réalité la
clause de sécurité syndicale permet simplement au syndicat de bloquer
l’embauche d’une personne lorsque le contrat de travail que cette personne
a conclus n’est pas conforme au modèle convenue lorsque le contrat de
travail est moins favorable que ce modèle ; au lieu, ce que nous faisons avec
le code du travail de substituer la disposition l’égale ou conventionnelle s’il y
a une convention collective à la clause contractuelle moins favorable c’est le
modèle continentale, on donne au syndicat un droit de regard pour imposer à
l’employeur une forme de l’emploi standardisée.
Concrètement assez souvent le salarié qui vient d’être recruté va faire viser
son contrat à la permanence syndicale, il ne faut plus dire le tampon du
syndicat et il y a sans doute une certaine équivalence de résultat avec ce que
donne l’ordre public social en France.
La France contrairement à ce que beaucoup pensent n’a pas toujours interdit
le Closer Shop, la cours de cassation l’avait admis dans un arrêt du 24
octobre 1916. Sans doute par conséquent l’interdiction la condition des
clauses de sécurité syndicale leur oppose donc pas sur un principe
fondamentale reconnu par les lois de la république, quoi qu’il en soit les
syndicats français sauf exception très marginale ne se sont jamais fixés pour
objectif de développer ce type de clause en raison de leur orientation
idéologique marqué.
En France la liberté syndicale est maintenant regardée comme une liberté
individuelle qui tient à la liberté d’opinion non pas comme une liberté
économique collective. L’affirmation de la liberté syndicale négative a sans
doute été facilitée par le rôle de la loi comme source du droit du travail qui
apporte à la fois un solide degré de protection au salarié et des moyens de
fonctionnement au syndicat.
Dès lors le caractère massif des adhésions a pu sembler secondaire.

C) Liberté des constitutions des syndicats

D’après l’article L 411-2 du code du travail les syndicats ou association


professionnel de personne exerçant la même profession, des métiers
similaires ou des métiers connexes peuvent se constituer librement. Les
formalités de constitutions sont très simples : dépôt des statuts et de la liste
des premiers dirigeants en mairie et l’accomplissement de ces formalités fait
acquérir la personnalité morale. Il semble que les syndicats sont une variante
particulière d’association et à défaut de règles dérogatoires le régime des
associations est donc applicable, mais il y a des règles dérogatoires et c’est
ce qui nous conduit à envisager maintenant : Le statut des Syndicats.

Section 2 : Le statut des syndicats

A/ objet des syndicats

La loi du 28 octobre 1982 (c’était l’une des lois Auroux) a élargi l’objet des
syndicats, auparavant définis par la loi VALDEC-ROUSSEAU.
D’après l’article L 411-1 du code du travail, les syndicats professionnels ont
exclusivement pour objet la défense des intérêts matériels et moraux, tant
collectif qu’individuel des personnes visées par leur statut.

Cette définition est très largement empruntée à la charte d’Amiens, adoptée


par la CGT à son congrès 1906. Elle réalise un élargissement de la définition
de l’objet des syndicats dont résultent deux séries de conséquence.

-premièrement : il est beaucoup plus difficile qu’avant d’interdire aux


syndicats l’action politique. En effet, la catégorie des intérêts moraux
collectifs, de toute évidence, est assez lâche. La défense des intérêts moraux
collectifs des personnes concernées par les statuts peut mener très loin. Mais
par paradoxe, il faut remarquer que les syndicats ont cessé de donner des
consignes de vote aux élections politiques ; alors qu’ils le faisaient
couramment dans les années 70 et 80.

-deuxièmement : le syndicat peut défendre des intérêts collectifs mais il y


a très longtemps, il peut aussi défendre des intérêts individuels. Il n’est plus
limité, cantonné, à la défense de l’intérêt collectif de la profession. Cela ne
veut pas dire qu’un syndicat puisse faire toute chose. Le principe de
spécialité des personnes morales conserve une certaine application. Le
syndicat peut ne pas se livrer à une activité commerciale. Une certaine dose
d’activité économique est admise, un syndicat peut créer des œuvres
professionnelles, il peut gérer des HLM, il peut subventionner une
coopérative. Mais le syndicat n’est pas une entreprise. Et, par exemple
lorsqu’une entreprise se trouve soumise à une procédure de redressement
judiciaire, et, que les salariés décident de la reprendre en constituant une
société coopérative ouvrière de production (SCOP), il se heurte au très long
délai que nécessite la création de ce type de société. Il faut un agrément,
une inscription sur une liste tenue par le ministre du travail. Tout cela est
long et on a parfois pensé, pour assurer la transition à faire jouer aux
syndicats, le rôle de repreneur pour quelques mois. Mais le droit positif ne le
permet pas. Le syndicat ne peut pas avoir une activité commerciale.

B/ organisation des syndicats

Le droit français dans ce domaine fait preuve d’un très grand libéralisme. La
loi est très peu directive. Pour tout dire, elle ne requiert même pas que le
fonctionnement interne des syndicats soit démocratique.

1/ syndicats et confédération

En raison de la liberté de création, il existe un très grand nombre de


syndicats (syndicats locaux, union locale de syndicat, syndicat régionaux,
syndicat départemental de syndicat, union régional, etc). Chacun de ces
syndicats ou de ces regroupements correspond à une personne morale. La
majorité des syndicats, mais pas tous, sont rassemblés au sein de grandes
confédérations. Les sept confédérations mentionnées plus précédemment.

L’existence d’Union-syndicat est d’ailleurs prévue par la loi (art. L 411-21 et


suivants du code du travail). Les Unions-syndicats sont elles-mêmes prévues
au code du travail (art. L 411-22 du code du travail).
Elle dispose de la personnalité morale et d’un patrimoine propre. Les
syndicats qui sont affiliés à une confédération sont liés par une variété de
contrat qui donne naissance à une institution (prendre le terme
« institution »’ dans le sens du droit des sociétés).
En s’affiliant, le syndicat accepte les statuts de la confédération, il doit donc
les respecter, il peut s’en prévaloir.

Ce qui peut soulever des difficultés juridiques, c’est la scission syndicale.


L’affiliation d’un syndicat à une confédération est un acte de droit privé à
durée indéterminée. Et, comme tout acte de droit privé à durée indéterminé,
cet acte peut-être résilier par volonté unilatérale. Un syndicat peut être
exclu, il peut quitter une confédération. La liberté de scission peut être le
principe. Même si cette liberté peut être aménager par les statuts. En réalité,
la scission est une situation très contentieuse.

La question se pose de savoir : comment se partagent les biens du syndicat ?


Quel est le sort des délégués syndicaux désignés sous une étiquette alors
que le syndicat scissionne ? etc.
Il semble qu’en 2003, alors que le CGT a connu un certain nombre de départ,
en l’occurrence la scission d’un certain nombre de ces syndicats, qu’elle ait
réglé par transaction les questions litigieuses et qu’il y ait donc pas de
contentieux à ce propos.
La question de la scission syndicale ne connaîtra donc pas d’éclaircissement
très important par une jurisprudence qui serait amener à se constituer à
cette occasion.

2/ syndicats et syndiqués

Lors de la fondation du syndicat, les fondateurs rédigent les statuts avant de


les déposer. Ses statuts constituent un document contractuel, mais avec
toute l’ambiguïté liée aux contrats qui créent une institution ; exactement
comme les statuts de la société qui sont rédigés par la société mais qui
ensuite gouvernent son évolution. La société peut évidemment prendre des
décisions à la majorité des actionnaires ou des détenteurs de parts sociales.

Une fois que le syndicat est crée, l’adhésion individuelle est un autre contrat.
Lorsque l’on adhère à un syndicat, en réalité on conclut un contrat. Ce
contrat soumet l’adhérent au statut, il lui permet de s’en prévaloir. Le cas
échéant, l’adhésion peut être soumise à un agrément.

Est-ce que les statuts du syndicat doivent consacrer la loi de la majorité


(notamment pour la désignation des dirigeants) ?
Aucun texte ne l’impose, et, le droit applicable aux associations ne consacre
pas vraiment l’idéal démocratique. Dans les faits, les pouvoirs de l’appareil,
notamment des permanents syndicaux qui sont à strictement parler des
salariés du syndicat, sont souvent prépondérants. Le droit des syndicats,
comme celui des associations, est à cet égard en retard par rapport au droit
des sociétés. Cependant les syndicats sont touchés par une tranche du droit
qui impose un certain degré de démocratie dans tous les groupements.

Comment les statuts du syndicat peuvent-ils être modifier ?


Suivant une conception contractuelle stricte, les dispositions du statut
peuvent être changées qu’à l’unanimité. Ce qui rend en pratique tout
changement impossible, et, la question se pose particulièrement lorsque
l’affiliation à une confédération fait partie des statuts et que la majorité veut
quitter cette confédération.
La jurisprudence a hésité entre une conception strictement
contractuelle suivant laquelle il faut l’unanimité pour modifier les statuts
(social 9 mars 1968, Dalloz 68 p 602, note BRET DELAGRAISSAIS) à propos de
la déconfessionnalisation de la CFTC devenu CFDT, et, une autre conception
qu’on appelle institutionnelle qui admet que les décisions soient prises à
la majorité. Le cas échéant, si les statuts le prévoient à la majorité qualifiée,
par exemple à la majorité des deux tiers.

La question n’a pas encore suscité de solution contestée. Donc à vrai dire, on
n’a pas de réponse jurisprudentielle absolument ferme sur le point de savoir
si le changement d’un élément essentiel des statuts comme par exemple le
rattachement à une confédération, réclame l’unanimité ou la majorité. La
solution selon laquelle l’adhésion peut se prendre à la majorité est cependant
la plus plausible parce que le syndicat est une institution vivante, une
institution démocratique, et, celle-ci s’accommode mal de l’unanimité.

Suivant les stipulations des statuts, le syndicat peut infliger des sanctions
disciplinaires à l’un de ses membres, notamment l’exclusion. Mais à la
différence du pouvoir disciplinaire du chef d’entreprise, ce pouvoir
disciplinaire est de structure égalitaire. Tous les membres du syndicat y sont
soumis. En fait les termes juridiques y sont à cet égard trompeur car les mots
« d’institution de droit disciplinaire » n’ont pas le même sens suivant que l’on
considère un rapport entre égaux comme des syndiqués, comme les associés
d’une société, des actionnaires ou un rapport de subordination. Il y a deux
institutions concevables et il y a deux types de droit disciplinaire suivant
qu’on est dans le c’est-à-dire d’un rapport entre égaux qui ont crée une
association, une société ou dans le c’est-à-dire d’un rapport de subordination
comme celui qui existe entre l’employeur et les salariés.
C/ les moyens dont les syndicats disposent pour exercer leurs
missions

Certains moyens, les plus importants, sont réservés aux syndicats dit
« représentatifs ». D’autres moyens sont accessibles à tous les syndicats.
Depuis la loi Fillon qui a été adopté par le parlement le 4 mai 2004, la
conclusion des conventions collectives peut cependant être réservée aux
syndicats qui ensemble ou séparément représentent la majorité du
personnel.

1/ les moyens qui sont accessibles à tous les syndicats

Les syndicats, comme toutes personnes morales, peuvent agir en justice


pour défendre leurs intérêts propres. L’article L 411-11 du code du travail qui
leur reconnaît ce droit leur permet également d’exercer tous les droits
réservés à la partie civile, relativement aux faits qui portent préjudice à
l’intérêt collectif de la profession.
Ce droit peut s’exercer devant toutes les juridictions pénales mais aussi
civiles et administratives. La notion d’atteinte à l’intérêt collectif de la
profession est interprétée assez largement par les tribunaux. Il faut que la
profession ait subi un préjudice matériel ou moral. Mais celui-ci peut résulter
d’une réglementation protectrice (Ass. Plénière 7 mai 1993, Bull. n° 10).

En définitive, dès que la loi est violée, le syndicat pourra se porter partie
civile.

Autre droit d’action, par exception à la règle : nul ne plaide par procureur, la
loi autorise fréquemment les syndicats à exercer les actions individuelles des
salariés. Le syndicat chausse les bottes procédurales du salarié ; il prend sa
place ; il saisit par exemple le conseil des prud’hommes pour qu’une
condamnation soit prononcée au profit du salarié. La seule condition est que
le salarié ayant été informé de l’action, ne s’y soit pas opposé.

D’après l’article L 135-4 du code du travail, les syndicats dont les membres
sont liés par une convention collective peuvent exercer toutes les actions
collectives qui naissent de ce chef en faveur de leurs membres.
Il n’est pas nécessaire que le syndicat soit signataire de la convention
collective, ni semble-t-il qu’il soit représentatif.

De même l’art. L 721-19 du code du travail permet au syndicat d’exercer les


actions qui naissent en faveur des intéressés par le statut des travailleurs à
domicile, sans poser de condition de représentativité. Il convient d’ajouter
que les syndicats même non représentatifs, peuvent désigner des délégués
permanents habilités à assister les salariés devant le conseil des
prud’hommes.

Les syndicats, qu’ils soient ou non représentatifs, peuvent


-mettre en œuvre les libertés publiques qui servent de support à
l’action collective des salariés,
-organiser des manifestations,
-donner un mot d’ordre de grève dans le secteur privé
-etc.
-s’organiser librement dans les entreprises au terme de l’article L 412-1
du code du travail.
-y percevoir des cotisations. Mais les moyens les plus importants sont
réservés aux syndicats représentatifs.

2/ les moyens réservés aux syndicats représentatifs

a/ certains de ces moyens s’exercent en dehors de l’entreprise

 Hors de l’entreprise, les syndicats représentatifs participent au


fonctionnement des pouvoirs publics et des services publics. Par exemple, les
syndicats représentatifs sont représentés au conseil économique et social. Ils
participent à de très nombreuses commissions dont la consultation
représente une formalité substantielle, avant que le pouvoir exécutif ne
puisse décider, comme la Commission nationale de la négociation collective.
Les syndicats participent également à l’administration de certaines
entreprises publiques. Dans l’ordre international, les syndicats représentatifs
sont représentés au conseil économique et social de l’Union européenne et
ils prennent part à la conférence internationale du travail de l’OIT.

 Les syndicats représentatifs sont subventionnés par l’Etat au titre


notamment de la formation syndicale. C’est une deuxième prérogative.

 Enfin, ils ont la capacité de conclure des conventions collectives. La


représentativité est une condition légale de la capacité tarifaire c’est-à-dire
de la possibilité pour un syndicat de conclure valablement une convention ou
un accord collectif de travail. Même après l’entrée en vigueur de la loi du 4
mai 2004, lorsque la conclusion des accords collectifs sera soumise à une
condition de majorité. En fait, il n’y a pas encore de branche professionnelle
où cette solution ait été choisie mais cela viendra. Même lorsque les accords
collectifs ne peuvent être conclus qu’avec une condition de majorité, il faudra
de surcroît que les syndicats signataires soient représentatifs. Donc la
condition de représentativité n’a pas disparue.

 Pour rester dans les moyens qui sont accessibles en dehors de


l’entreprise, dans de nombreuses hypothèses, l’action en justice pour le
compte des salariés, l’action de substitution, celle qui déroge à la règle nul
ne plaide par procureur, est réservée au syndicat représentatif. Par exemple
s’il s’agit d’appliquer les dispositions qui ont trait au travail temporaire, au
travail à durée déterminé, au groupement d’employeur, s’il s’agit de
sanctionner le prêt de main d’œuvre illicite, d’appliquer le droit du
licenciement économique, d’appliquer les règles qui tendent à instituer
l’égalité entre les hommes et les femmes ou à faire respecter les droits des
étrangers en situation irrégulière vis-à-vis de l’employeur qui l’a fait
travailler. On trouve une très longue liste dans laquelle le syndicat peut agir
pour le compte du salarié mais uniquement s’il est représentatif.

b/ moyens d’action dans l’entreprise

 Les syndicats représentatifs ont le monopole de la présentation des


candidats au 1er tour des élections professionnelles et la désignation des
délégués syndicaux. Ces questions seront étudiées avec les missions et les
statuts des représentants du personnel.
Mais il faut convient de signaler d’emblée que l’expression « syndicats
représentatifs » n’englobe pas uniquement les syndicats qui sont adhérents
aux 5 grandes confédérations. Un syndicat local peut, parfaitement à
certaines conditions que nous verrons, être déclaré représentatif dans une
entreprise.

 Les syndicats représentatifs ont également le monopole de la création


d’une section syndicale d’entreprise (art. L 412-6 du code du travail), et,
l’existence de la section syndicale d’entreprise leur confère un certain
nombre de prérogative.

Qu’est-ce que la section syndicale d’entreprise ?


La section syndicale d’entreprise regroupe les syndiqués de l’entreprise, et,
comme il est très facile de constituer une section syndicale d’entreprise en
déposant des statuts (comme nous l’avons vu précédemment), rien n’interdit
à une section syndicale d’entreprise de devenir elle-même un syndicat
d’entreprise.
A la CGT, c’est une situation qui n’est pas rare mais à défaut d’avoir déposer
des statuts, d’avoir accompli les formalités requises, la section syndicale
d’entreprise est dépourvue de personnalité morale. C’est une subdivision à
terme du syndicat dans l’entreprise.

N’y a t-il pas ici une entorse au principe de la réalité des personnes morales
que la jurisprudence, par ailleurs a consacré ?
La question se pose d’autant plus que la section syndicale d’entreprise s’est
vue attribuer des prérogatives économiques dont certaines ont une valeur
monétaire. Par exemple, il y a un crédit d’heure à répartir par la section
syndicale. Un certain nombre d’heures non travaillées mais rétribuées peut
être réparti par la section entre ses membres.

Se trouve-t-on en présence d’un patrimoine sans personnalité ? (Ce qui serait


contraire à la théorie d’Aubry et Hérault).
En réalité, ni les syndicats qui sont soucieux de borner l’autonomie des
sections d’entreprise et de conserver le contrôle de la désignation des
délégués syndicaux, ni les employeurs qui sont désireux de limiter la
puissance d’une structure de contestation interne, n’ont souhaité, ni
reconnus, la réalité d’une section syndicale d’entreprise. Dans ces conditions,
les prérogatives de la section appartiennent de facto au syndicat.

Ces prérogatives, quelles sont-elles ?


Il y a d’abord la liberté d’expression. Dans toutes les entreprises, quelle que
soit leur taille, l’employeur doit fournir à chaque section syndicale
d’entreprise des panneaux réservés à les affichages des communiqués
syndicaux. L’organisation syndicale est maîtresse du contenu de l’affichage
avec une double réserve :
-réserve des lois sur la presse : réserve sur la presse réprime l’injure et la
diffamation. Donc le syndicat est tenu d’éviter ces deux actes
-réserve liée au principe de spécialité des syndicats : l’activité
commerciale est interdite aux syndicats. Il est vrai qu’un affichage très
directement politique communiquant des consignes de vote serait aussi
illicite.

En cas d’affichage illicite, la jurisprudence décide depuis longtemps que


l’employeur ne peut pas se faire justice lui-même en arrachant les affiches
sauf à commettre le délit d’entrave au libre exercice du droit syndical dans
l’entreprise. Il appartient à l’employeur s’il pense que l’affichage est illicite de
saisir le juge pour faire retirer les affiches dont il conteste le contenu. La
saisine du TGI est en principe possible mais pour obtenir une mesure rapide
c’est le juge des référés qui sera en principe saisi. Pour mettre l’employeur
en mesure d’exercer utilement son recours, un exemplaire des affiches doit
lui être transmis simultanément à l’affichage, et, l’omission de cette formalité
par un syndiqué constitue une faute disciplinaire.

La liberté d’expression syndicale se traduit également par la possibilité de


diffuser des publications syndicales dans l’enceinte de l’entreprise aux
heures d’entrée et de sortie du travail.

Dans toutes les entreprises, l’employeur doit de surcroît fournir un local une
fois par mois à chaque section syndicale dans l’enceinte de l’entreprise, et
,en dehors des locaux de travail. Il peut s’agir par exemple de la cantine du
personnel. Au-delà de 200 salariés, les sections syndicales ont droit à un local
commun. A partir de 1000 salariés, chaque section syndical a droit à un local
propre.

La participation de personnalités extérieures à des réunions organisées dans


l’enceinte de l’entreprise à soulever des difficultés. A vrai dire, elle n’en
soulève plus guère.
La loi tranche la question en disposant que : « des personnalités syndicales
peuvent sans autorisation participer à une réunion dans le local syndical, que
des personnalités non-syndicales doivent avoir l’autorisation de l’employeur
pour pénétrer dans l’entreprise. »
Si le syndicat veut inviter José Bové à faire une conférence, il faudra
l’autorisation de l’employeur.

De même les personnalités syndicales qui entendent participer à une réunion


dans l’entreprise en dehors des locaux syndicaux (un meeting plutôt qu’une
réunion de travail) devront avoir l’autorisation de l’employeur.

Enfin la section syndicale d’entreprise dispose d’un crédit d’heure annuel


c’est-à-dire d’un certain nombre d’heure qui seront payées par l’employeur
pour accomplir une activité syndicale. Ce crédit est très modeste (10h par an
à partir de 500 salariés, 15h par an à partir de 1000 salariés.) Il est librement
réparti par la section entre les délégués syndicaux et les autres syndiqués,
et, on imagine qu’il sert à préparer ou à suivre la NAO (négociation annuelle
obligatoire).

3/ les moyens réservés aux syndicats majoritaires

A compter de la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social (couramment appelé


loi Fillon), lorsqu’une convention ou un accord de branche étendu le prévoit,
la capacité de conclure des conventions de branche ou des accords
d’entreprise peut être réservée au syndicat qui ensemble ou séparément
représente la majorité du personnel.
Il faut alors que les syndicats réunissent simultanément deux conditions :

-il faut qu’ils soient représentatifs


-et qu’ils représentent la majorité du personnel. Mais il est possible de se
mettre à plusieurs pour remplir cette condition de majorité.

Section 3/ la représentativité syndicale


Les effets de la représentativité syndicale demeurent importants. Il faut
commencer par définir la notion (A) ainsi que les procédures par lesquelles la
représentativité est reconnue (B). Le mécanisme qui repose sur la notion de
représentativité est cependant maintenant discuté. Le droit s’oriente vers un
principe de représentativité majoritaire, du moins semble t-il (C )

A/la notion de la représentativité syndicale

Cette notion est apparue dans le traité de Versailles de 1919, le traité qui
met fin à la 1ère guerre mondiale. Les Français ont joué un rôle important
dans la rédaction de ce traité car ils apparaissaient comme des principaux
vainqueurs de la guerre 1914-1918. le traité de Versailles a crée l’OIT, et, la
notion de représentativité est utilisée dans ce traité pour déterminer quels
sont les syndicats qui pourront participer à la conférence internationale du
travail. Cette dernière, adopte des projets de traité de façon tripartite :
représentation des états, des syndicats et des organisations patronales.

La notion de représentativité a ensuite fait fortune parce qu’elle est bien


adaptée pour attribuer des prérogatives à des syndicats minoritaires. C’est
ce qu’on doit faire lorsqu’on a un système de représentation pluraliste, du
moins dans la conception qui jusqu’à présent à prévalu en France. En effet,
dans certains pays comme aux Etats-Unis, au Canada, la constitution des
syndicats est libre mais il n’y a pas en fait un grand nombre de syndicats, et,
un seul syndicat peut à un moment donné parler au nom des salariés d’une
unité de représentation (appropriate bargening unit) ; la plupart du temps il
s’agit d’un établissement ou d’une entreprise. Le syndicat qui représente les
salariés est désigné au terme d’une procédure de certification. La
certification du syndicat requiert un vote majoritaire des salariés de l’unité de
représentation en sa faveur.

Il y a une forme de pluralismes parce que l’on peut créer librement des
syndicats mais à un moment donné un seul syndicat parle au nom d’un
groupe de salarié.

En France la notion de pluralisme est prise autrement. Le pluralisme signifie


que plusieurs syndicats peuvent simultanément être considérés comme
porte-parole d’un groupe de salarié donné, et, corrélativement, un syndicat
peut être représentatif et minoritaire. Ce système pour une large part résulte
de la guerre froide pendant laquelle des gouvernements modérés, ont été
soucieux de préservés les prérogatives de la CFTC et surtout de la Force
Ouvrière alors que la CGT était souvent fortement majoritaire. Evidement la
guerre froide est finie, et, ce système est peut-être devenu obsolète.

1/ quels sont les critères de la représentativité.

 Il y a d’abord des critères légaux qui sont énumérés à l’article L 133-2


du code du travail. La portée stricte de ce texte est limitée à la procédure
d’extension des conventions collectives. Mais comme souvent, ce texte a fait
l’objet d’une généralisation par la jurisprudence. Les critères fixés par ce
texte sont utilisés en dehors de la procédure d’extension. Les critères légaux
sont les suivants :
-les effectifs c’est-à-dire le nombre d’adhérent des syndicats
-l’indépendance par rapport à l’employeur
-les cotisations qui établissent l’indépendance et qui corroborent les
effectifs
-l’expérience et l’ancienneté du syndicat, son passé d’action syndicale et de
négociation collective
-l’attitude patriotique pendant l’occupation. Ce critère est désuet car son
œuvre est accompli. On a détruit les syndicats qui avaient collaborés avec le
gouvernement de Vichy. C’était une manifestation d’ordre publique politique
qui a permis de faire disparaître certains courants de la scène syndicale
française. Des dirigeants syndicaux notoires s’étaient engagés dans la
collaboration.

La preuve de la représentativité incombe au syndicat qui s’en prévaut, sauf


l’indépendance qui est présumé. C’est donc celui qui conteste
l’indépendance d’un syndicat, d’établir sa dépendance par rapport à
l’employeur.

 A ces critères légaux vient se superposer un critère additionnel qui a


été dégagé par les tribunaux. Les critères légaux ont été conçus après la
guerre où le taux de syndicalisation a été important. Pour pallier des effets
de la désyndicalisation, la jurisprudence a adopté le critère de l’audience
qui tient essentiellement compte des résultats électoraux du syndicat. De
nombreux syndicats obtiennent des voix aux élections alors qu’ils ont assez
peu de demande (élection prud’homal, élection des délégués du personnel,
élection des comités d’entreprise).

L’ensemble de ces critères est mis en œuvre suivant la technique des


faisceaux d’indice. Chacun des critères est passé en revu. L’absence
d’expérience, la faiblesse des effectifs ou des cotisations n’empêche pas
absolument la reconnaissance de la représentativité à condition qu’il y ait
d’autres éléments pour conclure que le syndicat est représentatif. Seul le
défaut d’indépendance ou autrefois le défaut d’attitude patriotique pendant
l’occupation, constituent des empêchements.

Les critères légaux ont été appliqués par les tribunaux de manière très
laxiste, et, cela a conduit à reconnaître la représentativité de syndicat très
minoritaire. Par exemple, la CFTC maintenu a vu sa représentativité
consacrée après la scission de 1934 en dépit d’une implantation qui était très
faible. (« CFTC maintenu » est la minorité de l’ancienne CFTC qui avait
conservé le sigle après que la CFDT se soit constitué).
Le Conseil d’Etat, pour fonder sa décision, s’est fondé sur la tradition du
syndicalisme chrétien. Tout ce passe donc comme si à ce moment là,
l’expérience et l’ancienneté palliaient l’absence de tous les autres éléments.
La multiplication des syndicats représentatifs, de toute évidence affaiblie
ceux dont l’implantation est la plus forte. Suivant la formule de Gérard
Lioncand, « tous les syndicats étant représentatif, aucun ne l’est ».
On peut dire à cet égard un article qui était prémonitoire droit syndical et
mouvement syndical droit social 84 p 5 dans lequel Gérard Lioncand
développait ce point de vue.

Les présomptions de représentativité viennent encore aggraver les effets de


cette situation. Les présomptions ne peuvent être envisagées qu’après que
l’on a exposé la façon dont on apprécie la représentativité et
particulièrement le niveau de la représentativité.

2/ niveau de la représentativité

Le principe qu’applique les tribunaux est souvent appelée principe de


concordance : un syndicat peut-être représentatif d’un ensemble de salarié
donné, et, perd cette représentativité si l’on considère un autre ensemble ou
un ensemble plus vaste.
On peut distinguer le niveau de l’entreprise ou même de l’établissement, le
niveau de la branche, celle-ci se déclinant au niveau local, régional et
national, et enfin, le niveau national et interprofessionnel.

D’après le principe de concordance, un syndicat, pour exercer une


prérogative, doit être représentatif au niveau où il prétend agir.

Exemple :

-Il doit être représentatif dans l’entreprise s’il entend présenter des candidats
au 1er tour des élections professionnelles.

-Il doit être représentatif au niveau de la branche s’il veut signer un accord
de branche.

-Il doit être représentatif dans le domaine national et interprofessionnel s’il


veut exercer un droit quel qu’il soit à ce niveau. C’est pourquoi la
jurisprudence a exclu le syndicat des enseignants, l’ancienne FEN (fédération
d’éducation nationale) du bénéfice des prérogatives réservées aux syndicats
représentatifs au niveau national et interprofessionnel. Pourtant, compte
tenu du nombre des syndiqués, la FEN est certainement le 2ème syndicat
français. Il y a un très grand nombre d’adhérent à cette fédération mais elle
ne représente qu’un secteur (ou elle ne représentait qu’un secteur), et, c’est
pour quoi elle n’a pas été considérée comme représentatif au niveau national
et interprofessionnel.

L’application du principe de concordance est perturbée par l’existence des


présomptions de représentativité. Ce sont les articles L 412-4 pour le
droit syndical, les articles L 423-2 pour le délégué du personnel, L 433-2 pour
les comités d’entreprise qui pose la règle suivant laquelle : « tout syndicat
affilié à une organisation représentative sur le plan national est considéré
comme représentatif dans l’entreprise ».

Il y a actuellement 5 syndicats déclarés représentatifs par un arrêté du 31


mars 1966 :

-la CGT
-la CFDT
-FO
-la CFTC
-la CFE-CGC pour les cadres

Cet état des choses est contesté par les deux nouveaux regroupements que
sont l’UNSA et le groupe des 10 qui comprend les syndicats SUD.

Ainsi les organisations syndicales et les sections syndicales affiliées aux 5


grandes confédérations reconnues représentatives bénéficient d’une
présomption irréfragable de représentativité pour ce qui a trait à l’exercice
du droit syndical dans l’entreprise et aux élections des représentants du
personnel. De surcroît par application de l’article L 132- 2 du code du travail,
les organisations syndicales, les sections affiliées aux cinq grandes
confédérations reconnues représentatives sont irréfragablement présumées
représentatives, que ce soit au niveau de la branche ou de l’entreprise pour
ce qui concerne la négociation collective. Ces organisations n’ont pas à
prouver leur représentativité aux niveaux inférieurs si celle-ci est contestée.
On parle donc de représentativité dérivée. Avec deux syndiqués affiliés à
la CFTC dans une entreprise de 1000 personnes, on peut créer une section
syndicale représentative.
Il faut toutefois noter que la CFE-CGC ne bénéficie de cette présomption, que
s’il s’agit de représenter les c’est-à-dire.

Ce système comporte de nombreux inconvénients. En pratique l’employeur


par exemple lorsqu’il veut négocier un accord dérogatoire peut susciter
l’adhésion de 1 ou 2 salariés à une confédération représentative au niveau
national pour disposer d’un syndicat représentatif.
Il ne faut pas oublier que les syndicats qui ne sont pas affiliés aux 5 grandes
confédérations peuvent prouver leur représentativité à quelques niveaux que
ce soit. Il n’y a donc pas vraiment de monopole des organisations
représentatives au plan national. Lorsqu’un syndicat qui ne bénéficie pas de
la présomption veut établir sa représentativité, il doit passer par une
procédure administrative ou judiciaire suivant les cas.

B/ procédure de reconnaissance de la représentativité

a) La représentativité peut d’abord être constater par une


décision administrative

 C’est une décision administrative qui a reconnu comme représentative les


cinq grandes confédérations, en l’occurrence, l’arrêté du ministre du travail
du 31 mars 1966. Cet arrêté a d’ailleurs été déféré au juge de l’excès de
pouvoir par la CFDT qui contestait qu’on y inclut la CFTC.

 La représentativité des syndicats de branche peut aussi résulter d’une


décision administrative de moindre ampleur prise à l’occasion d’une
convention collective susceptible d’extension. Il faut dire un mot sur la
procédure d’extension pour l’expliquer. L’extension d’une convention
collective résulte d’un arrêté ministériel, et, elle a pour effet de rendre une
convention de branche obligatoire pour l’ensemble des employeurs, y
compris de ceux qui ne sont pas membres des syndicats patronaux
signataires. Alors que la règle est que la convention s’applique aux
entreprises adhérentes des organisations patronales signataires.

Mais pour être susceptible d’extension, pour pouvoir être étendu, une
convention ou un accord de branche doit avoir été négocié par l’ensemble
des organisations représentatives des salariés et des employeurs. La
convention ne peut être étendue si tous les syndicats représentatifs n’ont
pas été appelés à la négociation.

-Cette négociation peut avoir lieu spontanément. Dans ce cas les parties se
réunissent d’elle-même dans une commission paritaire, et, en cas de
contestation sur la validité de cette commission, le juge trancherait a
posteriori.

-Cette négociation peut avoir lieu sur l’initiative du ministre, le ministre


convoque une convention mixte, en réalité c’est une convention tripartite
puisqu’il s’y fait représenter. Il y a donc à la fois le ministre, les syndicats de
salariés et le patronat. La convention d’une commission mixte comporte donc
nécessairement une décision relative à la liste des organisations
représentatives dans la branche. En tous les cas, c’est l’objet de l’arrêté de
1966, les syndicats affiliés aux 5 grandes confédérations doivent être
conviés. Mais dans certaines branches, d’autres syndicats sont représentatifs
alors qu’ils ne le sont pas sur le plan national et interprofessionnel. En les
invitant, le ministre reconnaît leur représentativité.

Cette décision de les inviter ou de refuser de les inviter peut-être déféré au


juge administratif, au juge de l’excès de pouvoir. Le ministre dans ce
domaine n’a jamais disposé d’un pouvoir discrétionnaire. Le juge
administratif procède à un contrôle normal, il vérifie que les faits sont de
nature à justifier la décision prise.

Les syndicats dont la représentativité est établie ont intérêt le cas échéant à
contester la représentativité d’un concurrent. Les syndicats jugés non-
représentatifs ont naturellement intérêts à contester la décision qui les
écarte.

Une 2ème catégorie de procédure de la reconnaissance de la représentativité


fait appel au juge judiciaire

b) La représentativité reconnue par le juge judiciaire

Le juge judiciaire se prononce très fréquemment sur la représentativité en


tant que « juge des élections » dans l’entreprise. Plus rarement il intervient
en tant que « juge des nullités » des conventions collectives. Le tribunal
d’instance est le « juge des élections » dans l’entreprise, et, il est appelé à
apprécier la représentativité d’un syndicat chaque fois que la participation de
ce syndicat, qui ne bénéficie de la présomption de représentativité au 1er tour
des élections, est contestée.

Par exemple :

un syndicat local et un syndicat dissident d’une grande confédération,


demandent à participer aux élections au premier tour et se heurtent au refus
de l’employeur ou bien l’employeur a permis à un syndicat non confédéré de
participer au 1er tour des élections et ces concurrents contestent sa
participation. C’est un contentieux très fourni.

2ème contentieux judiciaire, le tribunal de grande instance peut-être amener à


s’interroger sur la représentation d’un syndicat à l’occasion d’une action en
annulation de convention collective.
La jurisprudence annule la convention collective lorsque celle-ci a été
négociée subrepticement avec une partie seulement des syndicats
représentatifs. Une telle situation- on n’a pas invité un syndicat à la
négociation collective- peut révéler un désaccord de fond sur la
représentativité d’un syndicat donné. Inversement, une prétendu convention
collective qui ne serait signée que par un syndicat non-représentatif serait
nul en tant que convention collective. Ce serait un contrat, ce ne serait pas
une vraie convention collective. Un conseil des prud’hommes pourrait assez
par voie d’exception avoir à se prononcer sur la représentativité comme
condition de la validité d’une convention collective. Si l’applicabilité d’une
convention collective était demandée ou contestée devant le conseil des
prud’hommes, moyen tiré du fait que le syndicat qui a signé n’est pas
représentatif. En tous les cas, quel que soit le juge judiciaire qui se prononce,
la cour de Cassation contrôle la notion de représentativité, et, sa
jurisprudence converge assez largement avec celle du conseil d’Etat mais
cette construction serait remise en cause si le principe majoritaire venait à
l’emporter complètement.

C/ le principe majoritaire

Pendant très longtemps, le caractère très laxiste du droit de la


représentativité n’avait pas beaucoup d’inconvénient parce que les accords
collectifs ne faisaient qu’améliorer la situation des salariés. Il en va
maintenant différemment, la crise, la restructuration des économies
occidentales (ce qu’on appelle maintenant la mondialisation), ont entraîné le
développement d’une négociation de concession, négociation dans laquelle
où certains syndicats renoncent à certains avantages acquis pour obtenir
parfois d’autres garantis.

Les accords dérogatoires réalisent souvent certaines dégradations du


statut collectif. Ne serait-ce qu’en rendant moins nécessaire les heures
supplémentaires, ce qui abaisse le salaire annuel. Lorsque l’on conclut un
accord d’annualisation, il y a un effet mécanique de disparition d’heure
supplémentaire et donc de baisse du salaire annuel. Du point de vue de
l’équité, il est très contestable que ce type d’accord donnant-donnant puisse
être conclu par des syndicats qui même en additionnant leurs forces ne
représentent pas la majorité du personnel. S’il faut faire des concessions, le
moins que l’on puisse demander est que ceux qui font des concessions
représentent la majorité, et, le législateur a pris conscience de cette
situation, d’autant plus que la CFDT puis la CGT rejointes par SUD et L’UNSA
qui sont maintenant défavorisés par les systèmes. Ces quatre regroupements
se sont prononcés pour le passage à un système majoritaire. Il y a donc
finalement que la FO et la CFTC qui s’oppose au changement de système.
L’évolution a lieu de façon progressive, tout d’abord avec la généralisation
d’un droit d’opposition dont le régime est assoupli, ensuite par la
multiplication des applications du principe majoritaire.

1/ le droit d’opposition généralisé et assoupli

Jusqu’à la loi du 4 mai 2004 sur le dialogue social, des syndicats pouvaient
empêcher l’entrée en vigueur d’accord dérogatoire ou d’accord révisant à la
baisse une convention collective en exerçant un droit d’opposition mais les
conditions étaient très exigeantes. Depuis la loi de 2004, art. 132-2 de
nouveau code du travail, le droit de l’opposition, a été généralisé à tous les
accords collectifs. Cependant dans les branches professionnelles une
convention de branche peut prévoir qu’à l’avenir, les accords de branche et
d’entreprise seront soumis au principe majoritaire. Le droit d’opposition
constitue maintenant en quelque sorte un régime supplétif de la négociation
collective, un régime qui s’applique à défaut d’accord qui dispose autrement.
Ce régime supplétif s’applique à peu près partout.

L’opposition concerne tantôt les accords d’entreprise, tantôt les accords de


branche. Lorsqu’un accord d’entreprise est en cause,

-l’opposition jusqu’en 2004 n’était possible que si elle émanait de syndicats


non-signataires qui avaient recueilli aux dernières élections du comité
d’entreprise un nombre de voix supérieur à la moitié des électeurs inscrits.
C’est une condition très exigeante compte tenu du fait qu’il y a toujours des
abstentions aux élections. Il fallait avoir obtenu au moins 70 % ou 80 % des
suffrages exprimés. Donc le droit d’opposition avant 2004 était d’exercice
très délicat.

-Après 2004, il suffit pour faire opposition (c’est le régime actuel) que les
syndicats non-signataires aient obtenu au moins la moitié des suffrages
exprimés au 1er tour des dernières élections des comités d’entreprise ou à
défaut des délégués du personnel. Il y a donc eu un assouplissement.

L’opposition est également possible en ce qui concerne les accords de


branche, et, le même régime s’applique d’ailleurs aux accords
interprofessionnels. Pour pouvoir faire opposition les syndicats non-
signataires doivent représenter la majorité des organisations représentatives
dans le champ d’application de l’accord. Un syndicat représentatif possède
une voix. Dans l’hypothèse la plus fréquente, il y a cinq syndicats
représentatifs, il faut que trois syndicats s’opposent pour empêcher l’accord.
Cette disposition de façon assez contestable favorise les syndicats
minoritaires puisque dans ce système la CFTC pèse autant que la CGT.

2/ les applications du principe majoritaire

Il y a eu des applications par exception et il y a maintenant un régime


général qui est accessible.

-Les applications par voie d’exceptions étaient alors au nombre de deux :

Tout d’abord, la loi du 19 janvier 2000 que l’on appelle loi Aubry II (c’était la
2ème loi des 35h) recourt au principe majoritaire dans son article 19 V.
Il s’agit d’ouvrir droit à l’allégement de cotisation social dont bénéficie
l’entreprise lorsqu’elle réduit la durée du travail. Pour que l’entreprise ait ce
droit, les accords d’entreprise doivent avoir été signés par une ou des
organisations sociales représentatives dans l’entreprise, ayant recueilli la
majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections du comité
d’entreprise.

2ème application ponctuelle : il s’agit cette fois non pas d’une simple
exonération mais de la validité d’un accord, l’article 2 III de la loi n° 2003- 6
du 3 janv. 2003.
C’est une loi qui permet la conclusion d’accords de méthode, dans une
entreprise qui met en œuvre un grand licenciement économique.
Ces accords de méthode aménagent les modalités de l’information et de la
consultation du comité d’entreprise en cas de licenciement économique. Pour
que ces accords de méthodes soient valables sous le régime de la loi du 3
janvier 2003, il faut qu’il soit signé par une ou plusieurs organisations
représentatives dans l’entreprise qui ont obtenu la majorité des suffrages
exprimés lors du 1er tour des dernières élections du comité d’entreprise.
Sous le régime de la loi de 2003, des accords de méthodes ne pouvaient être
signés que par des syndicats majoritaires à un ou à plusieurs.

La loi du 18 janvier 2005 a soumis les accords de méthode au droit commun.


En principe, les accords de méthodes peuvent faire l’objet d’un droit
d’opposition cependant le système majoritaire peut s’appliquer si la
négociation de branche en a ainsi décidé. C’est le régime qui résulte de la loi
Fillon du 4 mai 2004 sur le dialogue social.

Une convention ou un accord de branche conclu sans opposition est étendu


depuis qu’est rentré en vigueur la loi du 4 mai 2004, peut substituer le
principe majoritaire à la modalité supplétive que représente dorénavant le
droit d’opposition.

La négociation de branche peut opter pour le principe majoritaire a deux


niveaux :

- Il est ainsi de convenir d’abord que les accords ultérieurement conclus


au niveau de la branche devront être signés par des organisations
syndicales représentant une majorité des salariés de la branche. On
adopte le principe majoritaire pour la négociation de branche, et, la loi
donne le choix entre deux méthodes pour apprécier la condition de
majorité.

-première méthode : une consultation pourrait être organiser


périodiquement dans la branche afin de mesurer l’audience respective des
syndicats dans la branche. C’est un choix un aventureux parce que le taux de
participation électorale pourrait être faible.

-deuxième méthode : c’est la méthode la plus accessible et moins


coûteuse. On fait référence (pour savoir comment s’apprécie la majorité) aux
résultats agrégés aux élections au comité d’entreprise ou à défaut des
élections des délégués du personnel dans la branche.

- Les accords de branche peuvent aussi disposer que des accords


d’entreprise et d ‘établissement, ultérieurement conclu dans la
branche, devront être aussi signés par des syndicats représentatifs qui
ensembles ou séparément ont obtenu la majorité des suffrages
exprimés aux dernières élections dans l’entreprise. Le scrutin pris en
considération est le 1er tour.

La loi n’impose d’ailleurs pas que le passage au principe majoritaire se fasse


en même temps au niveau de la branche et au niveau de l’entreprise. Les
accords de branche peuvent donc disjoindre les questions. Ce régime a
vocation à se développer mais à vrai dire à très court terme il ne va pas se
développer pour deux raisons qui additionnent leurs effets.

-tout d’abord trois syndicats sur cinq même s’ils sont minoritaires, sont
hostiles à cette évolution. FO, CFTC et la CGC sont réservés. Donc le nouveau
régime à cour terme aura du mal à ne pas rencontrer de l’opposition.

-l’autre raison est de nature un peu différente : les accords de branche


conclus avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004 ne peuvent pas
supporter de dérogation de la part des accords d’entreprise. Au contraire à
partir du moment où la loi du 4 mai 2004 est rentrée en vigueur, les
nouveaux accords de branche qui seront conclu, peuvent dans une large part
être écartée par des accords d’entreprise. Il assez vraisemblable que les
syndicats vont éviter de conclure des conventions de branche jusqu’aux
élections présidentielles de 2007 en comptant que la loi Fillon de 2004
pourrait être mise en cause s’il y avait une alternance. A très cour terme, le
principe majoritaire existe comme une virtualité dans le code du travail mais
il est assez vraisemblable qu’il ne s’appliquera pas beaucoup.

Chapitre 2 les missions des représentants du personnel dans


l’entreprise.

Il y a trois grandes catégories de représentants du personnel :

-Les délégués du personnel qui doivent élu dans les entreprises d’au mois 11
salariés
-Les membres du comité d’entreprise
-les délégués syndicaux qui sont élus dans les entreprises d’au moins 50
salariés

La distinction entre les missions du délégué du personnel et celles du


délégué syndical est peu nette. Ce qui justifie de regrouper l’étude de leurs
fonctions respectives.

Section 1/ les fonctions du comité d’entreprise

Les délégués du personnel et les délégués syndicaux sont les porte-parole


des salariés vis-à-vis de l’employeur. L’un, élu par les salariés, l’autre désigné
par les organisations syndicales.

La jurisprudence a établi une distinction assez artificielle en attribuant au


délégué du personnel la seule présentation des réclamations (A) par
opposition aux revendications dont la présentation sera réservée au délégué
syndical. Le délégué syndical a en outre le développement spécifique l’action
syndicale (B). Cependant le délégué du personnel assure une fonction assez
générale de suppléance des autres institutions lorsque celle-ci n’existe pas
(C)

A/ la mission spécifique des délégués du personnel :

1/ le délégué du personnel : porte-parole des réclamations

Réclamation, c’est le terme qu’emploi l’article L 422-1 du code du travail. Les


délégués du personnel est tenu

-de présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou


collectives, de
-de saisir l’inspecteur du travail de toutes les plaintes relatives à l’application
du droit du travail.

Ce terme de réclamation est assez vague. Il aurait pu être entendu assez


largement pour recouvrir l’ensemble des demandes que les salariés ont à
présenter à l’employeur ; mais ce n’est pas ce qu’à fait la jurisprudence. Elle
a en effet établi une distinction entre les réclamations et les revendications.
Les unes et les autres correspondent à des demandes présentées par les
salariés à l’employeur.

-Les revendications tendent non pas au respect du droit applicable et des


obligations de l’employeur mais à l’amélioration de la situation juridique des
salariés. Typiquement, une demande d’augmentation de salaire, c’est une
revendication.

-Les délégués du personnel peuvent seulement présenter à l’employeur les


réclamations qui tendent au respect des droits acquis et de la
réglementation. C’est ce qui résulte d’un arrêt de la chambre criminelle de la
cour de cassation du 24 mai 1973, Dalloz 73 p 599.

Pourquoi a-t-on établit cette distinction entre réclamation et revendication ?

L’article L 424-4 du code du travail oblige les employeurs à recevoir


collectivement les délégués du personnel une fois par mois. Sauf
circonstance exceptionnelle, les délégués du personnel remettent à
l’employeur deux jours ouvrables avant la réunion, une note écrite exposant
les demandes présentées, et, l’employeur devra répondre dans les six jours
ouvrables suivant la réunion.

Il y a donc une procédure assez organisée puisque la demande ainsi que la


réponse sont faites par écrit. De façon assez embryonnaire, il y a une
obligation de négocier, une obligation de se rencontrer et de motiver ses
refus par écrit. Or la violation par l’employeur de cette procédure constitue le
délit d’entrave aux fonctions du délégué du personnel. Délit qui est
pénalement sanctionné par l’art 482-1 du code du travail. C’est sans doute la
raison pour laquelle la chambre criminelle de la cour de cassation n’a pas
voulu inclure les revendications dans les réclamations. La chambre criminelle
n’a pas voulu obliger l’employeur à répondre formellement à des demandes
qui ne sont des demandes de respect du droit mais des celles d’améliorations
présentées par les salariés.

Il convient de dire que la distinction est davantage plus claire en théorie que
dans la pratique. Assez souvent en effet, les parties (les délégués du
personnel et l’employeur) divergent sur l’interprétation du droit applicable.
En effet, ce qui est acquis par les salariés est souvent ressentis comme une
demande nouvelle par l’employeur, et, dans la pratique que la plupart des
entreprises ne se servent pas de cette distinction et décide des
revendications avec les délégués du personnel sans s’appuyer sur la
jurisprudence de la chambre criminelle.

 Le délégué du personnel dispose de moyens d’actions pour accomplir sa


mission de porte-parole des réclamations.
-Il dispose d’un crédit d’heure c’est-à-dire qu’il peut chaque mois utiliser un
certain d’heure à accomplir sa mission au lieu de travailler. Ces heures seront
rémunérées.

-Il dispose d’une liberté de circulations dans l’entreprise, ce qui lui permet
notamment de s’apercevoir ce que sont les conditions de travail dans les
endroits où il n’est pas lui-même affecté.

-il peut sans doute s’entretenir avec d’autres salariés à leur poste de travail.

-Il peut accompagner l’inspecteur du travail lorsque celui-ci visite dans


l’entreprise. Dans les rapports qu’il a avec l’inspecteur du travail, le délégué
du personnel est délié de toute obligation de discrétions, pour autant que les
irrégularités dont il fait part sont en en relation avec sa mission.

-Pour conserver le contact avec le personnel, le délégué du personnel peut


afficher leurs communications sur un panneau d’affichage fourni par
l’employeur à cet effet. L’affichage obéit exactement au même régime que
celui qui s’applique à la section syndicale d’entreprise. Une différence
cependant : le contenu de l’expression des délégués du personnel, doit
demeurer dans les limites de leurs missions.

 A coté de la présentation des réclamations, les délégués du personnel ont


très largement une mission d’assistance du personnel.

 Les délégués du personnel sont fréquemment sollicités par les


salariés pour les assister notamment lors de l’entretien
préalable à une sanction ou à un licenciement. Ils n’ont pas le
monopole juridique de cette fonction puisque la loi ne précise
pas celui parmi les membres du personnel qui peut participer
à un entretien préalable. Mais le statut de salarié protégé
dévolu au délégué du personnel peut conduire à les préférer à
d’autres lors de l’entretien préalable, parce qu’ils courront
moins de risque. Beaucoup des délégués du personnel, à
l’usage, apprennent à défendre les salariés dans ce type de
situation.

 Par ailleurs, les délégués du personnel peuvent apporter aux


salariés tout autre type d’assistance, en mobilisant si besoin
est leur crédit d’heure pour aider à accomplir de démarches à
caractère social ou professionnel, à l’extérieur de l’entreprise
notamment. En effet, la mission des délégués du personnel du
personnel ne s’arrête pas à la mission des salariés directs de
l’entreprise. En cas de mise à disposition de personnel, les
délégués du personnel peuvent présenter à l’employeur les
réclamations de ce personnel extérieur dont la satisfaction
dépend de l’entreprise d’accueil. De même les délégués du
personnel d’une entreprise utilisatrice peuvent présenter à
l’employeur des réclamations dont la satisfaction dépend de
l’entreprise d’accueil. De même les délégués du personnel
d’une entreprise utilisatrice peuvent présenter à l’employeur
des réclamations qui pourtant ne sont pas des salariés de
l’entreprise, et, n’ont pas été électeur aux élections qui ont
mis en place ces délégués du personnel.

B/ La mission de présentation des revendications des salariés tenue


par délégué le syndical

La mission de délégué du personnel découle de l’objet des syndicats qui est


la défense des intérêts matériels et moraux des personnes concernées par
leurs statuts. Cette mission recoupe la mission des délégués du personnel,
c’est-à-dire défendre les intérêts individuels, matériels des salariés. Cela est
très proche de la mission de présentation des réclamations des salariés, en
tout cas cela comprend aussi la présentation des réclamations du personnel.
Mais le délégué syndical peut aussi présenter les revendications du
personnel. Le délégué syndical est aussi le représentant du syndicat dans
l’entreprise. A ce titre, il bénéficie d’une présomption d’habilitation pour
conclure un accord d’entreprise au nom de son organisation. (La conclusion
d’un accord d’entreprise est réalisée sous couvert que le syndicat
remplissent les conditions suivantes : être représentatif et majoritaire.)

Cependant, il s’agit d’une présomption simple ; un syndicat pourrait


s’opposer à ce que les délégués signent un accord. Il convient qu’il le fasse
savoir à l’avance à l’employeur. Cette fonction est très proche d’un mandat
civil, ainsi le syndicat sera représenté à la conclusion d’un contrat par le
délégué syndical. Mais le délégué syndical a aussi pour mission de
développer l’activité syndicale dans l’entreprise. Il peut donc consacrer les
moyens dont il dispose qui sont semblables à ceux du délégué du personnel :
crédit d’heure, liberté de circulation. Aussi, viennent s’y ajouter les moyens
de la section syndicale. Il peut consacrer les moyens dont il dispose
notamment à rédiger des tracts, à diffuser la presse syndicale, à percevoir
les cotisations. Ce que ne pourrait pas faire un délégué syndical en prenant
sur son crédit d’heure.

C/ la mission de suppléance des délégués du personnel

 Il peut s’agir tout d’abord de la suppléance des délégués syndicaux


dans les entreprises de moins de 50 salariés(1). En l’absence de délégué
syndical, le délégué du personnel peut en toute hypothèse présenter à
l’employeur les revendications des salariés. D’autres part d’après l’art L 412-
11 du code du travail, dans ces mêmes entreprises, un délégué du personnel
peut être désigné par une organisation syndicale comme son délégué
syndical.

Quelles sont les raisons qui expliquent qu’une organisation syndicale désigne
un délégué du personnel au lieu d’un délégué syndical (dans une entreprise
de moins de 50 salariés) ?
La désignation par l’organisation syndicale, du délégué du personnel au lieu
du délégué syndical, ne confère pas au délégué du personnel des moyens
supplémentaires. Mais cela permet à ce dernier d’utiliser non seulement les
moyens dont il dispose en qualité de délégué du personnel pour
l’accomplissement de sa mission de délégué du personnel mais aussi les
moyens attachés à la mission de délégué syndical. Les deux missions –
délégué du personnel et délégué syndical- se cumuleront. Le choix effectué
par un syndicat de désigner un délégué du personnel au lieu d’un délégué
syndical dans une entreprise de moins de 50 salariés, aura cette finalité.

 Le délégué du personnel peut aussi jouer le rôle de suppléant du


comité d’entreprise, il s’agit toujours des entreprises de moins de 50
salariés. Dans ce cas, les délégués du personnel exercent certaines des
attributions économiques du comité d’entreprise. En particulier, les délégués
du personnel, dans les entreprises de moins de 50 salariés, sont
obligatoirement consultés par l’employeur en cas de licenciement pour motif
économique mais il n’en résulte pas d’attribution et de moyens
supplémentaires.

Dans les entreprises de plus de 50 salariés ou d’au moins 50 salariés qui


devraient par conséquent avoir un comité d’entreprise mais qui n’en ont pas.
Dans ces entreprises les délégués du personnel exercent, à défaut du comité
d’entreprise, les attributions économiques du comité d’entreprise, et, à ce
titre le délégué du personnel bénéficie de moyens supplémentaires,
créditeurs : formations économiques, subventions d fonctionnement, faculté
de recourir à l’assistance d’expert.

Le délégué du personnel et le comité d’entreprise sont parfois réunis dans


une délégation unique du personnel. La loi du 20 décembre 1993, a
introduit dans le code du travail un article L 431-1-1 suivant lequel : « dans
les entreprises de moins de 200 salariés, les délégués du personnel
constituent la délégation du personnel au comité d’entreprise » c’est-à-dire
qu’ils tiennent lieu de membres élus du comité.
Cette situation ne se réalise pas systématiquement. Mais il faut une décision
du chef d’entreprise prise de manière unilatérale après consultation des
délégués du personnel et du comité d’entreprise s’il existe.

Si l’employeur opte pour la délégation du personnel, les délégués du


personnel dont le nombre est alors majoré (art. 423-1-1 du code du travail).
Les délégués du personnel sont alors investis de l’ensemble des attributions
du comité d’entreprise. Les réunions respectives des délégués du personnel
avec l’employeur et du comité d’entreprise, composé en fait de l’ensemble
des délégués du personnel se tiennent séparément, et, les élus disposent
d’un crédit d’heure majoré.

L’intérêt des délégations uniques du personnel pour l’employeur, c’est que


malgré tout c’est un peu moins coûteux que d’avoir à la fois des délégués du
personnel et un comité d’entreprise, et, le nombre de délégués du personnel
est un peu moins important.

 Les délégués du personnel exercent enfin, une mission de suppléance


du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. A défaut de
CHSCT, les délégués du personnel exercent cette mission. A partir de 50
salariés dans l’entreprise, cette suppléance entraîne l’octroi de moyens
supplémentaires qui seraient normalement destinés au CHSCT.

Section 2/ les attributions du comité d’entreprise

Ils sont au nombre de deux : le comité d’entreprise exerce les attributions


sociales et culturelles (A) et économiques (B)

A/ les attributions sociales et culturelles du comité d’entreprise

C’était la grande idée de l’ordonnance du 22 février 1945 qui a crée les


comités d’entreprise, que de le transférer la gestion de ce que l’on appelait à
l’époque les œuvres sociales. Celles-ci avaient été crée soit par les
employeurs, dans une perspective en général paternaliste, soit pendant
l’occupation qui avait été gérée par des comités soucieux de l’entreprise,
comités qui avaient été supprimés à la libération.

L’attribution de ce pouvoir de gestion au comité d’entreprise s’inscrivait dans


la perspective du programme du conseil national de la résistance. Il s’agissait
de s’inscrire dans la voie d’une éducation progressive des représentants
ouvriers à la gestion, et, la gestion des œuvres sociales auraient alimenté la
collaboration entre les employeurs et les élus des salariés. La collaboration
entre les employeurs et les élus des salariés était le but assigné à l’institution
du comité d’entreprise par l’ordonnance de 1945. c’est seulement en 1982
que le vocabulaire a changé.

D’après l’art. L 432-8 du code du travail, le comité d’entreprise a le monopole


de la gestion des activités sociales et culturelles. Il faut donc définir celles-ci.

1/ notion d’activités sociales et culturelles

Lorsqu’un comité d’entreprise est mis en place pour la 1ère fois, la question se
pose de savoir :
Quelles sont les activités dont la gestion doit lui être transférée ? D’après la
cour de cassation : « doit-être considéré comme une œuvre sociale, toute
activité non obligatoire légalement, exercée principalement au bénéfice du
personnel, sans discrimination en vue d’améliorer les conditions collectives
d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise » (social,
13 nov. 1975, bull. n° 533)

Cette définition ramasse plusieurs éléments qui permettent de comprendre


ce que sont les activités sociales et culturelles.

-Tout d’abord il s’agit « d’activité non obligatoire » pour l’employeur nous dit
la cour de Cassation, et, cela exclut par conséquent les actions de prévention
en matières d’hygiène et de sécurités qui demeurent de la responsabilité de
l’employeur, cela exclut le service médical du travail qui est aussi obligatoire.
L’exécution des obligations de l’employeur, peu importe que celle-ci trouve
sa source dans la loi, dans la convention collective, ne rentrent pas a priori
dans la catégorie des activités sociales et culturelles. Mais naturellement, il
ne suffirait pas -parce que cela serait une fraude- de prévoir une activité
dans le contrat de travail pour la faire échapper à la mission du comité
d’entreprise. Ce serait trop facile de dire par exemple dans chaque contrat
de travail que l’employeur s’oblige à fournir une cantine aux salariés dans le
but que le comité d’entreprise ne puisse dès lors gérer celle-ci.

-« une activité tendant à l‘amélioration des conditions de vie du personnel ».


La cour de cassation préconise que l’activité soit exercée « au sein de
l’entreprise ». Cela n’a pas de signification géographique, parce que de
nombreuses activités sociales et culturelles sont organisées en dehors des
locaux de l’entreprise : colonie de vacance, etc.

-« une activité bénéficiant aux salariés de l’entreprise » auquel il faut ajouter


leurs familles (art. R432-2 du code du travail) ainsi que les anciens salariés et
leurs familles.
-Cette exigence exclue les activités qui ne bénéficient pas directement aux
salariés (par exemple la création d’un service d’étude économique).
-Cette exigence exclut aussi les activités qui bénéficient principalement à
une collectivité plus large (par exemple, si un comité d’entreprise voulait
subventionner un théâtre municipal, il lui sera dit qu’il ne s’agit pas d’une
activité bénéficiant directement aux salariés de l’entreprise, par conséquent,
il ne peut sur les fonds qui sont réservés aux activités sociales et culturelles,
financer un théâtre.

Certaines activités que les comités d’entreprise souhaitent engager sont


testées.

-tout d’abord, les activités sociales et culturelles doivent être


organisées « sans discrimination » au sein du personnel c’est-à-dire qu’elles
doivent être accessibles à tous sans distinction d’après leur rang
hiérarchique. Bien entendu, il ne doit pas y avoir de discrimination en raison
du sexe, de la race, etc. mais le cas ne s’est jamais posé de cette manière.
Le cas qui s’est présenté en revanche, est celui de savoir si le club de golfe
est réservé aux cadres. Réponse négative. Les activités sociales et culturelles
doivent être offertes à tous les salariés dans les mêmes conditions.

-La discrimination d ‘après l’appartenance syndicale est évidemment


interdite. Le comité d’entreprise ne peut pas subventionner une activité
syndicale ou politique. La question s’était posé dans les années 1980 pour la
location de cars pour participer à une manifestation de sidérurgiste à Paris.
En revanche le comité d’entreprise peut attribuer des indemnités aux
salariés qui bénéficient d’un congé d’éducation syndicale non rémunérés, à
condition qu’il n’y ait pas de différence de traitement entre les syndicats
c’est-à-dire à condition que tous les syndicats, soient pris en charge de la
même façon. Tout salarié en effet, a alors vocation à bénéficier de la
prestation.

-Le comité d’entreprise peut-il soutenir financièrement des grévistes


alors q’il dispose de fonds ?
Il ne le peut pas s’il les prend comme grévistes c’est-à-dire s’il donne la
même somme à tous les grévistes. Mais d’autre part, le comité d’entreprise
peut prendre en considération les ressources des salariés et il n’est
impossible qu’il attribue, à certains grévistes, des secours qui serait fondé
sur l’état de besoin. Mais à vrai dire cette question n’est plus très actuelle car
les grèves dans le secteur privé sont rares et brèves. Par conséquent, l’idée
que les grévistes soient dans un état de besoin, ne se vérifie pas souvent.

Les activités culturelles soulèvent parfois des difficultés lorsqu’elles prennent


la forme de réunion, de discussion sur les thèmes politiques. Pour ce qui est
du thème lui-même, il faudrait sans doute distinguer l’information de la
propagande au bénéfice d’une seule partie. On peut discuter d’un thème
politique mais ne pas organiser une réunion électorale pour un candidat.

Pour ce qui est de l’utilisation du local mis à disposition du comité


d’entreprise par l’employeur, le comité d’entreprise
-peut organiser des réunions qui portent notamment sur des thèmes
d’actualité,
-peut y faire participer des personnalités extérieures dans les mêmes
conditions que la section syndicale d’entreprise. Il faudra l’autorisation dès
lors qu’il ne s’agit pas d’une personnalité syndicale. Mais la question, à vrai
dire a perdu beaucoup de son acuité ces dernières années.

Y a t-il des activités sociales et culturelles obligatoires pour le comité


d’entreprise ?
Les activités sociales et culturelles sont parfois indispensables au bon
fonctionnement de l’entreprise, par exemple l’existence d’une cantine.
Le comité d’entreprise pourrait-il supprimer la cantine si elle ne répondait
plus au besoin ? Oui car il y a d’autres moyens d’organiser la restauration du
personnel, mais le comité d’entreprise ne pourrait pas fermer la cantine un
jour de grève pour dissuader les non-grévistes de venir travailler (Social 14
janv. 1981, bull n° 25).

Lorsque le comité d’entreprise décide à la majorité une dépense illégale,


l’employeur qui préside le comité et vote (lorsqu’il s’agit des activités
sociales et culturelles) , a qualité pour demander l’annulation de la
délibération. Un autre membre du comité (ex. : un élu d’un syndicat
minoritaire) pourrait également agir en ce sens.

2/ Monopole du comité d’entreprise sur la gestion des activités


sociales et culturelles.

Lorsqu’un comité d’entreprise se crée, il doit y avoir un transfert de gestion.


L’employeur doit transmettre la gestion des activités sociales et culturelles
préexistantes avec la subvention correspondante. Par la suite l’employeur ne
peut pas créer de nouvelles activités sociales et culturelles. Il préside le
comité d’entreprise et à ce titre, il peut seulement inviter le comité à créer
de telles activités, le cas échéant, proposer d’allouer la subvention
supplémentaire si le comité crée une activité donnée.

L’employeur doit fournir au comité d’entreprise les sommes nécessaires au


financement des activités sociales et culturelles. D’après l’article L 432-8 du
code du travail : « la contribution de l’employeur ne peut pas être inférieure
au total le plus élevé des sommes affectés à des activités de cette nature au
cours des trois années qui précède la prise en charge des activités sociales
et culturelles par le comité ». Par la suite cette suite, cette contribution est
indexée sur la masse salariale. »
Au total, la loi ne prévoit pas de contribution minimale, et, la situation est
très variable suivant les entreprises

Les modes de gestion des activités sociales et culturelles varient depuis la


gestion directe par le comité d’entreprise qui est une personne morale) à la
création d’une personne morale, aux organes dirigeantes desquelles
participent des représentants désignés par le comité d’entreprise.

-Pour les petites entreprises, il est fréquent que l’on crée des comités
interentreprises qui permettent à des salariés d’accéder à des activités qui
supposent la mise en commun des ressources. L’affectation de la subvention
due par l’employeur est globale. Le comité d’entreprise peut par conséquent
créer de nouvelles activités ou décider d’en supprimer.
-L’entreprise est assez souvent divisée en établissement distinct. Il n’y a
donc pas un seul comité d’entreprise, mais il y a un comité central
d’entreprise et plusieurs comité d’établissement. Le comité d’entreprise n’a
pas, pour ce qui est des activités sociales et culturelles, d’autorités pour les
comités d’établissement.
Chaque comité d’établissement doit recevoir une subvention individualisée
dont le niveau peut varier en fonction du type de main d’œuvre employé. Le
comité central d’entreprise ne peut imposer aucune péréquation. Il ne peut
davantage imposer la création d’œuvre commune à l’entreprise.

A coté des activités sociales et culturelles,

-le comité d’entreprise contrôle l’activité de service de santé au travail. Mais


le contrôler, ce n’est pas le gérer.
-Il contrôle également l’activité du service social du travail. Service qui est
obligatoire à partir de 250 salariés. Il s’agit d’une fonction consultative,
analogue à celle que le comité exerce dans l’ordre économique.

Enregistrement n° 16

B. Les attributions économiques du comité d’entreprise


Dans la rédaction de l’ordonnance de 1945, le CE avait pour mission
la coopération avec la direction. Depuis la loi du 28 octobre 1982,
l’objet du CE est d’assurer une expression collective des salariés
permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans
les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et
financière de l’entreprise.
Le CE, d’après cette définition, représente l’intérêt collectif des salariés de
l’entreprise. Mais la jurisprudence hésite à l’admettre (chambre sociale 6
février 1980, bulletin n° 107). Elle hésite parce que si on admet que le CE
représente l’intérêt collectif des salariés de l’entreprise, cela pourrait
permettre à celui-ci de se porter partie civile chaque fois que des infractions
économiques portent tort à l’intérêt considéré.
Il est clair que le CE ne représente pas l’intérêt individuel de chaque salarié.
D’ailleurs, en cas de licenciement économique, il peut sacrifier la partie
commune en donnant un avis favorable à l’opération. On voit bien en fait que
le CE puisse dire oui ou non en cas de licenciements économiques, puisqu’il
représente le groupe et non pas les individus.
Le CE ne représente pas non plus l’intérêt de la profession, dont le syndicat
est le porte-parole. Mais il existe un intérêt collectif intermédiaire entre celui
de l’individu et celui de la profession : c’est l’intérêt de l’ensemble des
personnes qui travaillent dans une entreprise ou dans un établissement
donné et dont le sort est attaché au sort de l’entreprise ou de
l’établissement.
Le CE ayant la personnalité morale, peut soutenir qu’il n’agit en justice que
dans l’intérêt de son fonctionnement. Mais c’est une formule très pauvre au
regard de l’importance des prérogatives du CE qui :
- peut déclencher une procédure d’alerte lorsqu’il a connaissance de faits de
nature à affecter de manière préoccupante, la situation économique de
l’entreprise ;
- peut solliciter ce qu’on appelait autrefois l’expertise de minorité ;
- ou depuis la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, qui peut demander en justice,
la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’AG des actionnaires en
urgence (article L 432-6-1 I du Code du travail).
Le rôle du CE s’affirme avec une particulière netteté, dans les entreprises
soumises à une procédure de redressement judiciaire, même si la loi Perben
de 2005 a, jusqu’à un certain point, érodé cette prérogative. Dans les
entreprises soumises à une procédure de redressement, depuis la loi du 25
janvier 1985, le CE doit être entendu ou appelé par le tribunal avant qu’il ne
soit statué sur le sort de l’entreprise et il peut exercer des voies de recours
contre les décisions prises.
De quel autre intérêt que de l’intérêt collectif des salariés de l’entreprise, le
CE est-il alors le représentant ?
Mission de représentation de l’intérêt collectif des salariés, mais celle-ci
s’appuie sur des prérogatives qui sont uniquement consultatives. Hormis le
cas de l’entreprise en difficulté, le CE ne dispose d’aucun véritable pouvoir de
décision économique. L’employeur doit, en général, le consulter. Mais il n’est
pas tenu par l’indiqué donné. L’omission de la consultation, sauf exception,
n’est pas cause de nullité.
Le CE peut désigner des représentants pour assister aux AG des sociétés. Et
il peut désigner deux représentants au Conseil d’administration ou au Conseil
de surveillance des sociétés anonymes. Mais ceux-ci n’ont qu’une voix
consultative si on excepte la très petite possibilité de cogestion qu’ouvre la
loi n° 2005-842 du 27 juillet 2005, qui concerne la société européenne.
Dans un autre ordre d’idée, le pouvoir de négociation des conventions et des
accords collectifs du travail appartient aux syndicats, quoique le CE puisse
conclure quelques accords : accords de participation et que la jurisprudence
donne une certaine force juridique aux accords dits atypiques, passés au sein
du Comité d’entreprise, en les considérant comme des engagements
unilatéraux de l’employeur.

1. Etendue des attributions économiques du comité d’entreprise


Le domaine des compétences reconnues au CE est très vaste. Dans les
années 1950-60, la primauté des questions salariales portait au premier plan,
les œuvres sociales, susceptibles d’améliorer le niveau de vie alors très bas.
Et puis à la fin des années 1960 et dans les années 1970, les prérogatives
économiques sont revenues sur le devant de la scène pour des raisons qu’on
comprend bien : la crise économique a accru les préoccupations des salariés
pour ce qui a trait à l’emploi. L’élévation du niveau d’éducation a porté les
salariés à vouloir comprendre un peu plus la gestion de l’entreprise.
L’essor des prérogatives économiques du CE n’a initialement pas nécessité
de réforme législative parce que le texte de l’ordonnance de 1945, texte
d’après lequel le CE doit être consulté sur les questions intéressant la marche
générale de l’entreprise, pouvait être exploité pour répondre aux besoins.
Et dans cette période, notamment dans les années 1970, le droit pénal a
souvent été utilisé pour fixer l’interprétation du droit. Les stratégies
syndicales se traduisent par la constitution de partie civile pour délit
d’entrave au fonctionnement du CE. Et le but principal des ces constitutions
de partie civile n’est pas d’obtenir l’application de peines, c’est de faire poser
un principe par la chambre criminelle, qui ensuite sera diffusé par les revues
juridiques.
Le point d’aboutissement de cette stratégie est un important arrêt
« haulotte », rendu le 2 mars 1978 par la chambre criminelle de la Cour de
cassation (droit social 78, page 396 avec une note du professeur Jean
Sabathier). Cet arrêt condamne un employeur pour ne pas avoir consulté le
CE à propos d’une cession de contrôle, cession par les actionnaires
majoritaires d’un bloc de contrôle à un autre actionnaire.
A la jurisprudence des années 1970, est venu s’ajouter un ensemble de
dispositions législatives. Dans les années 1970 et 80, on accroît d’autant plus
les prérogatives du CE qu’on est incapable de mettre en œuvre ce qu’on
avait appelé, au moment du rapport Sudreau, la réforme de l’entreprise.
Les textes sont innombrables. Et il faut donc essayer de les classer. Il est
possible de les regrouper en distinguant :
- ceux qui ont trait aux conditions d’exécution de la prestation de travail,
- ceux qui concernent l’emploi,
- et ceux qui intéressent la situation économique et financière de l’entreprise.

a) Conditions d’exécution de la prestation de travail


Le syndicat joue un rôle essentiel pour ce qui a trait aux salaires et au niveau
de vie. Mais quand même, le CE reçoit chaque année un rapport d’ensemble
sur l’activité de l’entreprise, qui retrace notamment l’évolution de la
structure et du montant des salaires. Un état détaillé permettant d’apprécier
les conditions d’application du principe « à travail égal, salaire égal », lui est
soumis à ce moment.
Le CE doit par ailleurs être consulté sur les conditions de travail, qui résultent
notamment des modes de rémunération. On pense en particulier au travail
« aux pièces ». Cette consultation inclut la possibilité. Il lui est également
possible de conclure des accords de participation. Il ne s’agit pas de salaires
au sens strict mais il s’agit malgré tout de la rémunération globale des
salariés.
S’y ajoute une série de dispositions de détails :
- consultation sur l’affectation du 1% logement,
- sur un éventuel projet d’accord d’intéressement
- sur la mise en place d’une couverture de prévoyance complémentaire.
Le CE s’intéresse également aux conditions de travail. Et à ce titre, il est tout
d’abord consulté sur le règlement intérieur de l’entreprise.
S’agissant des conditions d’hygiène et de sécurité, c’est le CHSCT qui joue le
rôle déterminant. Mais le CE est néanmoins très régulièrement informé,
consulté. Le programme annuel de prévention des risques professionnels et
d’amélioration des conditions de travail, qui doit être soumis pour avis au
CHSCT, est transmis pour information, au CE, accompagné de l’avis du
CHSCT et du bilan qui l’accompagne.
Enfin, pour ce qui a trait aux conditions d’exécution de la prestation de
travail, le CE doit être consulté sur la durée du travail. Consultation sur la
durée et l’aménagement du temps de travail dans tous leurs aspects. Cela
inclut en particulier le recours aux heures supplémentaires et, ce qui est
maintenant de première importance, depuis qu’il y a de nombreux accords
d’annualisation, la fixation de l’horaire collectif du travail (article L 212-8,
alinéa 6 du Code du travail).
Autrefois, ce qui avait trait à la durée du travail se rattachait bien à la
question des conditions de travail. Mais avec les politiques de partage du
travail et plus largement avec l’évolution des choses, c’est de plus en plus
d’emploi qu’il s’agit.

b) Attributions du CE en matière d’emploi


Il s’agit en premier lieu des effectifs de l’entreprise. Périodiquement, le CE
est informé de la composition de l’effectif et de sa structure juridique :
- évolution des effectifs et de la qualification des salariés,
- répartition des salariés par sexes,
- nombre de salariés sous contrat à durée déterminée,
- nombre de travailleurs temporaires,
- nombre de salariés à temps partiel,
- nombre de salariés d’entreprises extérieures travaillant dans l’entreprise.
Le recours au prêt de main d’œuvre et aux contrats dérogatoires doit être
motivé, le CE ayant accès aux contrats passés avec les entreprises de travail
temporaire.
En cas d’accroissement important du recours du contrat à durée déterminée
ou au travail temporaire, la question est inscrite de droit à l’ordre du jour de
la prochaine réunion du comité. Et si le comité estime ce recours abusif, il
peut saisir l’inspection du travail.
Des dispositions particulières prévoient, en outre, une information sur les
contrats de formation en alternance et sur l’ensemble des contrats
d’insertion, (par exemple : les contrats « emploi solidarité », etc…). Le CE a
ainsi une vue très complète de la situation.
Obligatoirement consulté sur les mesures de nature à affecter le volume et la
structure des effectifs et les conditions d’emploi, le comité peut faire valoir sa
compétence générale à l’égard de toutes questions qu’un texte spécial
n’aurait pas prévu.
Deuxième bloc de compétence pour ce qui a trait à l’emploi : la formation
professionnelle.
Le CE est consulté sur les orientations de la formation professionnelle dans
l’entreprise, ainsi que sur le plan de formation que l’employeur doit lui
soumettre tous les ans, après lui avoir présenté un rapport sur l’exécution du
plan précédent.
Et puis enfin, le CE exerce une compétence qui va bien au-delà d’une simple
consultation en cas de licenciement pour motifs économiques. L’examen des
projets de licenciements pour motifs économiques ainsi que les plans de
sauvegarde de l’emploi et des questions connexes constituent bien
évidemment une de ses fonctions majeures. Mais cette fonction a déjà été
envisagée dans le cours qui porte sur les relations individuelles de travail. Et
par conséquent, je ne rentre pas dans le détail à ce propos. Je me borne à
souligner que c’est une question d’importance quand on veut envisager tout
le rôle du CE.

c) Situation économique et financière de l’entreprise


Il s’agit d’abord des technologies. Le CE doit être consulté sur la politique de
recherche et de développement de l’entreprise. La loi ajoute qu’à défaut, les
aides publiques en faveur des activités de recherche et de développement
peuvent être suspendues. Mais cette disposition paraît très peu suivie.
En revanche, une consultation est vraiment importante : c’est la consultation
préalable à tout projet important de nouvelles technologies lorsque ces
nouvelles technologies peuvent avoir des conséquences sur l’emploi, la
rémunération ou les conditions de travail des salariés. En cas de mutations
technologiques importantes et rapides, un plan d’adaptation doit être soumis
au CE.
Deuxième bloc de compétence pour ce qui a trait à la situation économique
de l’entreprise : l’activité de l’entreprise. Chaque trimestre, le CE doit être
informé sur l’évolution générale des commandes et de la situation financière,
sur l’exécution des programmes de production, ainsi que sur d’éventuels
retards dans le paiement des charges sociales.
Au moins une fois par an, le chef d’entreprise lui présente un rapport
d’ensemble écrit sur l’activité de l’entreprise, le chiffre d’affaire, les
bénéfices ou pertes constatés, les résultats globaux de la production en
valeur ou en volume, les transferts de capitaux importants entre la société
mère et les filiales, la situation de la sous-traitance, l’affectation des
bénéfices réalisés, les aides publics, les investissements.
Le CE doit aussi être consulté avant tout dépôt de bilan et lorsque
l’entreprise fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, avant les
principales décisions qui peuvent être prises dans ce cadre.
Lorsque l’entreprise pratique la sous-traitance pour le compte d’une
entreprise donneuse d’ordres. Par exemple : les équipementiers de
l’automobile pour le compte des grands groupes, son CE doit être informé sur
l’évolution probable de l’activité et de l’emploi, lorsqu’un projet de
restructuration de l’activité de l’entreprise donneuse d’ordres est susceptible
d’affecter le volume d’activité ou d’emploi. L’entreprise donneuse d’ordres
doit, à cette fin, informer l’entreprise sous-traitante.
On ne saurait mieux résumer la situation en ajoutant que le CE a droit aux
mêmes communications et aux mêmes copies que les actionnaires et aux
mêmes époques, dans les conditions prévues par la loi du 24 juillet 1966,
c’est à dire par le droit des sociétés. Donc, on a une information
extrêmement large du CE, la plupart du temps, doublée d’une consultation.

Denier volet : le CE doit être informé sur la composition du capital et la place


de la société dans un groupe, le cas échéant. D’après l’article L 432-4, alinéa
1 du Code du travail, le CE est informé un mois après chaque élection, sur
plusieurs sujets, qui sont très importants si on veut comprendre la situation
de l’entreprise. Tout d’abord, la forme juridique de l’entreprise et son
organisation. Ensuite, le cas échéant, la position de l’entreprise, société
mère, filiale, au sein d’un groupe.
Dans la mesure des informations dont dispose le chef d’entreprise, le CE doit
être informé de la répartition du capital entre les actionnaires qui détiennent
plus de 10%. Et lorsque ces éléments sont modifiés, modification de
l’organisation, de la forme juridique de l’entreprise, fusion, cession,
acquisition de filiale, prise de participation réalisée dans l’entreprise, ou bien,
pour autant que le chef d’entreprise le sache, prise de participation dans
l’entreprise, chaque fois que ces éléments sont modifiés, il faut procéder à
une consultation du CE.
Depuis la loi du 15 mai 2001, la procédure de consultation obéit à des
dispositions spéciales lorsque l’entreprise est partie à une opération de
concentration comme une fusion, le passage d’une participation minoritaire à
une participation majoritaire.
Le CE peut être convoqué dans les 3 jours de la publication du communiqué
du ministre de l’économie ou de l’Union européenne et il peut recourir à un
expert. Dans ce cas, il se réunit deux fois et la seconde réunion est consacrée
à l’étude du rapport de l’expert. L’expert a accès à tous les documents des
entreprises concernées par l’opération. Si le conseil de la concurrence a été
saisi, les CE concernés peuvent demander à y être entendus.
Enfin, la loi du 15 mai 2001 a également adopté des dispositions nouvelles
relatives à l’information du CE en cas d’OPA ou d’OPE. Ces dispositions, très
ambitieuses, ont cependant été modifiées par la loi du 18 janvier 2005, qui
figure dorénavant à l’article L 432-1 ter du Code du travail.
Par dérogation au principe selon lequel la consultation du CE doit être
préalable à la décision, le chef d’entreprise, en cas d’offre public d’achat ou
d’offre public d’échange, n’est pas tenu de consulter le CE avant le
lancement d’une offre. Mais en revanche, il doit le réunir dans les deux jours
ouvrables suivant la publication de l’offre en vue de lui transmettre des
informations écrites et précises sur le contenu de l’offre et sur les
conséquences en matière d’emploi qu’elle est susceptible d’entraîner.
S’il subsistait des événements à propos desquels le CE ne serait pas informé
aux termes d’une disposition spéciale, l’article L 432-1 du Code du travail, qui
dispose que le comité doit être consulté sur les questions intéressant la
marche générale de l’entreprise y pourvoirait.
Bien entendu, il y a eu quelques simplifications, en particulier, celles qui
résultent de la loi du 20 décembre 1993, qui permettent à l’employeur, dans
les entreprises de moins de 300 salariés, de remplacer une série
d’informations prévues par la loi, à des dates souvent plus rapprochées, par
un rapport annuel unique. Mais le contenu de l’information qui est due n’en
n’est pas profondément altéré. Les spécialistes du droit commercial
considèrent parfois que le CE est mieux informé que les actionnaires. Encore
faut-il que l’information soit effectivement fournie et qu’elle soit exploitée par
ses destinataires.

Enregistrement n° 17

2. Régime de l’information et de la consultation du CE

a) Modalités de l’information et de la consultation


La consultation doit être préalable à la décision alors que, bien entendu,
l’information est parfois rétrospective, avec le bilan social, avec les rapports
périodiques que l’employeur doit présenter. Le caractère préalable de la
consultation est entravée, jusqu’à un certain point, par l’absence d’une
définition nette de la notion de décision du chef d’entreprise.
La décision de l’employeur n’étant pas nécessairement un acte juridique, elle
peut par ailleurs demeurer dans le for intérieur. En pratique, la consultation
aura lieu avant la publication de la décision. Les actes préparatoires, les
études ne font pas l’objet d’une consultation préalable, à moins qu’ils soient
en eux-mêmes d’une grande importance. En tous cas, la consultation
suppose un vote.
L’employeur, qui préside le CE, vote lorsqu’il s’agit de la gestion des activités
sociales et culturelles. En revanche, encore qu’il préside toujours le CE, il ne
vote pas lorsqu’il consulte le CE en tant que délégation du personnel (article
L 434-3 du Code du travail). C’est précisément le cas en matière
économique.
Les représentants syndicaux au CE ne participent à l’institution qu’avec voies
consultatives. Ainsi, les seuls votants sont les élus. Les membres du CE sont
soumis à une obligation spéciale de discrétion moins contraignante
cependant que le secret professionnel, car la violation de celle-ci n’est pas
pénalement sanctionnée.

b) Voies d’exécution et sanctions


Lorsque le chef d’entreprise décide sans consultation préalable, il viole ainsi
les prérogatives du CE. Il y a là un trouble manifestement illicite, qui justifie
l’intervention du juge des référés. En l’occurrence, puisqu’il s’agit d’un litige
collectif, il justifie l’intervention du président du TGI. La nullité des décisions
qui ont été prises en violation des droits du CE est en revanche
exceptionnelle, si on excepte le cas du règlement intérieur qui est
inopposable aux salariés à défaut de consultation du CE.
La solutions selon laquelle les décisions prises sans consultation ne sont pas
nulles est contestée parce que la consultation constitue une formalité
substantielle. Mais cette solution est cependant bien assise.
En revanche, il arrive que la non consultation du CE prive l’employeur d’un
avantage. Par exemple, l’omission de consulter sur le plan de formation,
interdit à l’employeur d’imputer les dépenses qu’il consent en matière de
formation, sur la taxe qui tend au développement de la formation
professionnelle continue. De même, la non consultation sur la politique de
recherche entraîne, en principe, la suspension d’aides publiques.
Il y a enfin place pour des responsabilités. L’employeur qui ne consulte pas
régulièrement le CE engage sa responsabilité civile. Surtout, il commet le
délit d’entrave au fonctionnement du CE, délit pénal. C’est l’un des cas où le
droit pénal du travail fait preuve d’une réelle efficacité.

3. L’exploitation de l’information
Les membres du CE ont droit à une formation économique. Par ailleurs le CE
forme en son sein, une commission économique dans les entreprises d’au
moins 1000 salariés. Surtout, le CE peut faire appel à l’aide d’experts. Et il
s’agit tout d’abord de l’expert comptable, qui est le plus ancien des experts
auxquels le CE peut faire appel. Il est choisi par le CE et est rémunéré par
l’employeur.
D’après l’article L 434-6 du Code du travail, le CE peut faire appel à un expert
comptable auprès de l’employeur, dans une série de cas. Tout d’abord, il
peut s’agir de l’examen annuel des comptes. Ensuite, lorsque l’entreprise est
partie à une opération de concentration, le comité peut faire appel à un
expert comptable. Enfin, lorsque le comité établit le rapport qui est prévu
dans le cas de la procédure d’alerte, il peut faire appel à un expert
comptable.
Et puis, il y a le cas du grand licenciement économique (au moins 10 salariés
sur 30 jours qui a déjà été évoqué dans le cours qui a trait aux relations
individuelles de travail).
Les droits de l’expert comptables sont calqués sur les droits du commissaire
aux comptes de la société. L’expert comptable est seul juge de l’utilité des
documents dont il demande la consultation. Son intervention est donc assez
efficace, parce qu’il dispose de moyens accrus d’accès à l’information par
rapport aux membres du comité, parce qu’il est aussi plus difficile d’opposer
une réponse dilatoire à un professionnel qualifié qu’à un élu qui est par
ailleurs un subordonné. Cependant, la tâche première de l’expert comptable
est de rendre accessible au CE, une information qui est pléthorique.

Deuxième catégorie d’experts : les experts en nouvelles


technologies.
L’article L 434-6 alinéa 5 du Code du travail prévoit la possibilité pour le CE
de recourir à un expert, en cas de projet important d’introduction de
nouvelles technologies. Contrairement à l’expert comptable, l’expert en
nouvelles technologies n’appartient pas à une profession organisée. Il peut
s’agir d’un gestionnaire, d’un ergonome, d’un sociologue, d’un économiste,
d’un spécialiste des sciences du vivant, d’un médecin, d’un physicien, d’un
chimiste.
La désignation de l’expert doit faire l’objet d’un accord entre le CE et
l’employeur, qui prend en charge la rémunération. En cas de désaccord, le
président du TGI, statuant en la forme des référés, va trancher la question
rapidement.
Enfin, le CE peut faire appel à des experts ad hoc. Tout expert peut être
employé par le CE à condition qu’il soit rémunéré sur la subvention de
fonctionnement représentant 0,2% de la masse salariale, que l’employeur
doit lui verser.
Les experts rémunérés par le CE, qui sont tenus à la même obligation de
discrétion que ses membres, n’ont pas plus de prérogatives que ce dernier.
Le CE peut aussi convoquer le commissaire aux comptes de l’entreprise. Et
pour marquer que la mission du commissaire aux comptes s’exerce aussi au
bénéfice des élus du personnel, la loi autorise le CE à demander en justice sa
récusation ou sa révocation.
On peut ainsi dresser une situation assez contrastée. D’une part, les moyens
mis à la disposition du CE sont importants. Le champ de l’information et de la
consultation est plus vaste que ne l’est par exemple le champ des
compétences du Betrietsrat allemand, qui est un organe essentiel de la vie
des entreprises outre-Rhin.
D’autre part, c’est là qu’il y a un contraste. A côté de ces prérogatives
importantes, le CE ne dispose que de pouvoirs extrêmement minces. Il ne
peut en réalité rien décider. Et dans ces conditions, les contacts que
l’employeur a avec lui, relèvent souvent de la communication. Le CE est
consultée souvent tardivement. Les informations qui lui sont communiquées
sont souvent enjolivées.
Il est vrai que les actionnaires sont parfois eux-mêmes traités à la même
enseigne. Néanmoins, il n’est pas très sain que les relations entre l’entreprise
et ses salariés soient gouvernées par des communicants. Comme nous
sommes maintenant sortis de la guerre froide, on peut se demander si le
moment n’est pas venu de donner au CE, à l’instar de ce qui se passe dans
les pays du Nord de l’Europe, de véritables pouvoirs, quitte à restreindre ici
ou là, le champ de son intervention.

Enregistrement n° 18

Section 3 : les autres représentants du personnel

Le comité de groupe

Le comité de groupe est un prolongement du CE au niveau des groupes de


sociétés. La revendication de création d’un comité de groupes était ancienne,
parce que les prérogatives économiques du CE sont privées de portée ou
perdent leur sens si le véritable auteur des décisions, donc le vrai
interlocuteur des salariés se trouve ailleurs. C’est pourquoi la loi 28 octobre
1982 a institué un comité de groupe.

1. Définition de la notion de groupe


La notion de groupe est définie à l’article L 339-1 du Code de travail. Suivant
ce texte, le groupe est composé, bien entendu, de l’entreprise dominante,
ensuite, des filiales, dont le siège social est fixé sur le territoire français, dont
cette entreprise détient la majorité des actions ou parts sociales, la majorité
des droits de vote, ou bien désigne la majorité des membres des organes
dirigeants, ou sur lesquels elle exerce une influence dominante en vertu d’un
contrat ou de dispositions statutaires.
L’influence dominante est présumée lorsque l’entreprise dominante, même
indirectement, détient notamment par l’intermédiaire de filiales, qu’elle
contrôle par ailleurs, peut nommer plus de la moitié des membres des
organes dirigeants, dispose de la majorité des voies ou détient la majorité du
capital dans une autre entreprise.
Enfin, doivent également être rattachées au groupe, les entreprises dont le
groupe détient au moins 10% du capital, à condition que la réalité du
contrôle résulte de la permanence et de l’importance des relations que la
société mère ou d’autres filiales du groupe entretiennent avec cette société,
avec cette entreprise.
Le rattachement à un comité de groupe est exclusif de tout autre. Ainsi,
lorsque deux sociétés créent une filiale 50-50, il faudra choisir de se
rattacher soit à l’un, soit à l’autre des deux comités de groupes, qui peuvent
concerner ces sociétés. En tous cas, la participation au capital par
l’entreprise dominante semble demeurer la condition de la reconnaissance
du groupe.
Les groupes auxquels s’appliquent les comités de groupes sont des groupes
sociétaires, des groupes qui reposent sur une certain degré de participation
au capital. En revanche, les groupes contractuels, les groupes qui reposent
non pas sur des participations au capital des filiales, mais sur un ensemble
de contrats, par exemple, certains grands réseaux de distribution, dont
chaque magasin est géré par une société indépendante, ces groupes
contractuels n’ont pas de CE. Cette situation n’est pas tout à fait
satisfaisante car les salariés qui travaillent dans de tels ensembles, au sein
d’entreprises différentes, partagent d’avantage de conditions de travail et
même de risques économiques que les salariés d’une chaîne de télévision et
ceux d’une compagnie des eaux qui se trouvent par hasard rassemblés dans
un même conglomérat financier.

2. Fonctions du comité de groupe


D’après l’article L 439-2 du Code du travail, le comité de groupe doit être
informé sur l’activité, la situation financière, les prévisions d’emploi annuelles
ou pluriannuelles du groupe et les actions éventuelles de prévention que le
groupe entend conduire en la matière. Ces interventions peuvent notamment
être utilisées en cas de licenciement pour motif économique. La réalité du
motif s’appréciant compte tenu des possibilités de reclassement au niveau
du groupe.
Le comité de groupe est destinataire des comptes et du bilan consolidé du
groupe lorsqu’ils existent et il peut se faire assister par un expert comptable
choisi par lui et rétribué par l’entreprise dominante pour étudier ces comptes
et ce bilan.
En cas d’annonce d’OPA ou d’OPE portant sur l’entreprise dominante,
l’employeur en informe immédiatement le comité de groupe. C’est alors
cette institution qui exerce les prérogatives normalement dévolues au CE,
dans une telle hypothèse.

3. Fonctionnement du comité de groupe


Le comité de groupe doit être mis en place dès qu’existe un groupe
répondant à la définition légale. Le rattachement à un comité de groupes
peut être demandé par le CE d’une filiale à son chef d’entreprise. Celui-ci
transmet cette demande au chef de l’entreprise dominante. Et en cas de
litige, la question est de la compétence du TGI.
Le comité de groupes est composé de membres élus des CE des sociétés du
groupe, désignés par les syndicats présents dans le groupe en proportion du
nombre total d’élus de chacun. Il est présidé par le chef de l’entreprise
dominante.
Le comité de groupes dispose de la personnalité morale, par transposition de
la jurisprudence relative au comité d’établissement et il dispose donc d’un
patrimoine et peut agir en justice.

B. Le comité d’entreprise européen


La mise en place de ce comité a été prévue par une directive 94-45 du 22
septembre 1994. Et celle-ci a été transposée par une loi n° 96-985 du 12
novembre 1996, qu’on trouve maintenant aux articles L 439-6 et suivants du
Code du travail. Ce comité d’entreprise européen doit être institué dans les
entreprises de dimension communautaire.
L’entreprise est de diminution communautaire si elle répond à la double
condition :
- d’abord, d’employer au moins 1000 salariés sur le territoire de l’Union,
- ensuite, de comporter une entreprise employant au moins 150 salariés dans
au moins deux Etats membres.
L’entreprise de dimension communautaire est soumise à la loi française :
- si elle a son siège social en France,
- ou bien si n’ayant pas son siège social dans l’Union, elle désigne un
représentant en France pour l’application de la directive,
- ou encore, si n’ayant pas son siège social dans l’Union et n’ayant pas
désigné de représentant dans un Etat quelconque de l’Union, elle exploite en
France l’établissement qui emploie le plus grand nombre de salariés parmi
ses établissements dans l’Union européenne.
Lorsque ces conditions sont réunies, il y a lieu à formation et réunion d’un
groupe spécial de négociation, groupe qui va comprendre des représentants
des salariés de chacun des Etats de l’Union où le groupe possède un
établissement.
Ce groupe spécial de négociation a pour fonction de déterminer la
composition, les attributions et la durée du mandat du CE européen, ou bien
de déterminer d’autres modalités d’information des représentants du
personnel. Par exemple, suivant la voie anglaise, il est possible de mettre en
place, au lieu d’une institution de représentation, une procédure
d’information des syndicats.
La décision de conclure un accord est prise par le groupe spécial de
négociation à la majorité des voix.
En cas de refus du chef de l’entreprise de dimension communautaire de
réunir le groupe spécial de négociation ou en l’absence d’accord, dans un
délai de 3 ans, à compter de l’engagement des négociations, un comité
d’entreprise européen, supplétif par voie de conséquence, est créé.
Les membres du CE européen, s’ils représentent les salariés qui travaillent en
France, sont désignés par les syndicats, parmi les élus au comité d’entreprise
ou d’établissement et les représentants syndicaux, dans les entreprises ou le
groupe, sur la base des résultats électoraux, c’est à dire que chaque syndicat
dispose d’un nombre de sièges qui est fonction de ces résultats électoraux.
Mais, bien entendu, dans un groupe européen, il y a nécessairement des
établissements dans d’autres Etats que la France. Pour les représentants des
salariés qui travaillent dans d’autres Etats, la loi renvoie aux règles ou
usages en vigueur dans ceux-ci. Elle prévoit en revanche, à l’inverse, la façon
dont seront désignés les représentants des salariés travaillant en France,
dans les comités d’entreprise européens institués suivant la loi d’autres Etats
membres.
Le comité d’entreprise européen est présidé par le chef d’entreprise, comme
le comité d’entreprise. Il est informé annuellement de l’activité et de la
situation financière de l’entreprise, ainsi que de l’évolution probable de
l’emploi. En cas de circonstances exceptionnelles (délocalisation, fermeture
d’entreprise, licenciement collectif), le bureau du CE européen, qui peut être
prévu par le règlement de ce comité, ou bien, s’il n’y a pas de bureau, le
comité lui-même doit être informé.
Pour autant que ce soit nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches, le CE
européen et son bureau peuvent faire appel à des experts auprès de
l’entreprise de dimension communautaire.
La directive 2001-86 du 8 octobre 2001, complétant le statut de la société
européenne en ce qui concerne l’implication des travailleurs, prévoit par
ailleurs, une négociation obligatoire, qui porte sur la mise en place d’un
organisme de représentation.
Les modalités de l’implication des travailleurs dans la société européenne ont
été définies par la loi n° 2005-842 du 27 juillet 2005.
La définition des modalités de l’implication des travailleurs dans une société
européenne doit avoir lieu préalablement à la création de cette société.
L’immatriculation est en effet impossible aussi longtemps qu’une solution n’a
pas été adoptée en ce qui concerne l’implication des travailleurs. Le groupe
spécial de négociation, qui se forme comme lorsqu’il s’agit de mettre en
place un CE européen, ne comprend que des représentants des salariés. Il
peut décider, par acte unilatéral, de clore la négociation. Au quel cas, les
dispositions de droit commun relatives à la représentation vont s’appliquer.
C’est à dire, le cas échéant, notamment, la mise en place d’un comité
d’entreprise, et si les conditions sont remplies, la mise en place d’un comité
d’entreprise européen.
Il y a une seule exception où la négociation ne peut pas être close de cette
façon : c’est le cas très rare où une société disposant déjà d’une forme de
participation, et participation, dans la loi de 2005, veut dire cogestion,
participation des salariés, par exemple aux organes dirigeants de la
société avec voie délibérative, le cas où une société disposant déjà d’une
forme de cogestion décide de se transformer en société européenne, dans ce
cas, le groupe spécial de négociation ne peut pas clore la négociation. Il faut
trouver une autre solution.
Si la négociation n’est pas close par décision du groupe spécial de
négociation, qui, en quelque sorte choisirait ainsi d’appliquer le droit
commun plutôt que le régime particulier de la directive, il reste deux
possibilités :
- le groupe spécial de négociation négocie avec l’employeur. Et la possibilité
optimale est sans doute qu’on parvienne au choix d’une forme négociée
d’implication des travailleurs, dont les modalités peuvent varier : information
des salariés, consultation des représentants du personnel, cogestion,
procédure d’information des syndicats sur le mode anglais.
- A défaut d’avoir négocié une forme d’implication des travailleurs, si on veut
poursuivre le projet de création de la société européenne, il faudra appliquer
les dispositions supplétives de la loi. On mettra alors en place un comité de la
société européenne, qui est très proche, dans sa conception, du comité
d’entreprise européen.
Il faut noter toutefois que lorsque les sociétés, qui connaissent une forme de
cogestion, sont partie prenantes à la création d’une société européenne, et
ça peut être le cas par exemple de sociétés allemandes ou de sociétés
suédoises, lorsque dans le périmètre de la création de la société européenne,
on trouve des entreprises qui connaissent une forme de cogestion, il est
parfois obligatoire d’instituer la cogestion dans l’ensemble de la société
créée. Les conditions fixées par la loi on trait au pourcentage de salariés
auparavant concernés par la cogestion.
Il y a là donc une innovation assez marquante, même si son champ
d’application est très limité, c’est sans doute la première hypothèse, en droit
privé français, où la participation des salariés est, dans quelques cas au
moins, obligatoire.

C. Le CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de


travail)
Le CHSCT est élu au deuxième degré, par un collège qui comprend
l’ensemble des élus, délégués du personnel et membres du comité
d’entreprise. Des salariés non élus jusque là peuvent être choisis, et
deviennent alors des salariés protégés.
L’accomplissement des missions du CHSCT est facilité par des prérogatives
analogues à celles des autres représentants du personnel : liberté de
déplacement dans l’entreprise, crédit d’heures, etc.
Le CHSCT exerce d’abord des fonctions consultatives. Il est consulté sur le
règlement intérieur de l’entreprise, sur le programme de prévention des
risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail, que
l’employeur doit lui soumettre chaque année, ainsi que sur le rapport annuel
qui fait le bilan de la situation générale de l’hygiène, de la sécurité et des
conditions de travail dans l’établissement.
Le CHSCT dispose d’une capacité d’initiatives et il peut donc proposer des
actions de prévention. Lorsque l’employeur refuse ces actions, il doit motiver
sa décision.
Outre sa fonction consultative, le CHSCT exerce une mission de contrôle. Le
CHSCT doit procéder à des inspections, au moins quatre fois par an. Il
effectue des enquêtes en matière d’accident du travail et de maladies
professionnelles.
Lorsque le CHSCT constate un risque grave, il peut faire appel à un expert
auprès de l’employeur. Il en va de même lorsqu’un projet important modifie
les conditions d’hygiène, de sécurité ou les conditions de travail dans
l’entreprise. En cas de désaccord sur le bien fondé du recours à l’expert, il
appartient à l’employeur de saisir le président du TGI, qui statue en urgence.
Lorsqu’au cours de ses inspections ou de ses déplacements, un membre du
CHSCT constate l’existence d’un risque grave et imminent, il peut déclencher
une procédure d’alerte.

Dernière catégorie des représentants du personnel : le délégué de


site.
Dans les établissements qui occupent moins de 11 salariés mais dont
l’activité s’exerce sur un site qui regroupe au moins 50 salariés, il peut s’agir
par exemple, des galeries commerciales ou encore des tours bureaux, dans
ces établissements qui regroupent des petites entreprises, le directeur
départemental du travail et de l’emploi peut imposer l’élection de délégués
de site communs.
La mission de ces délégués a été assez peu précisément définie par la loi. On
voit bien qu’elle est analogue à celle des délégués du personnel. Mais en
réalité, l’institution ne fonctionne pas bien et par conséquent, elle a assez
peu sollicité la jurisprudence depuis qu’elle a été créée, il y a maintenant
plus de 20 ans.

Enregistrement n° 19

Chapitre 3 : le statut des représentants du personnel


Nous étudierons successivement :
- la désignation des représentants du personnel (section 1),
- les moyens dont ils disposent (section 2)
- et enfin, le régime de leur licenciement (section 3).

Section 1 : la désignation des représentants du personnel

Une des questions délicates de la désignation des représentants du


personnel tient à la définition qui est évidemment préalable de la
circonscription représentée : le découpage électoral. L’étude du cadre de la
désignation doit ainsi précéder l’étude des modalités de la désignation.

A. Le cadre de la désignation
Parfois, le droit découpe l’entreprise en établissements distincts. Parfois, à
l’inverse, il rassemble plusieurs personnes morales parce qu’il considère
qu’elles constituent en réalité une seule unité économique et sociale, c’est à
dire une seule entreprise.

1. L’établissement distinct
La loi prévoit l’élection des délégués du personnel et la désignation des
délégués syndicaux dans les établissements. De même, elle prévoit, dans les
entreprises à établissements multiples, la création de comités
d’établissements qui seront fédérés dans un comité central d’entreprise.
Les syndicats, le plus souvent, ont intérêt au découpage de l’entreprise en
établissements distincts, parce que cela multiplie les mandats et augmente
donc le nombre de salariés protégés. Toutefois, un syndicat peut ne pas avoir
intérêt au découpage parce que c’est aussi un découpage électoral et que
parfois, ça lui fait perdre la majorité dans certains endroits.
Et l’intérêt de l’employeur est plus ou moins la réciproque. En général, un
employeur a plutôt intérêt à ce qu’il n’y ait pas trop d’établissements
distincts. Mais il peut y avoir des exceptions.
Les établissements isolés ne donnent lieu à une représentation séparée que
s’ils atteignent le seuil de 11 salariés, pour les délégués du personnel, ou 50
salariés, pour les délégués syndicaux. A défaut, ils sont regroupés. Donc, s’il
y avait un grand nombre de petits établissements de moins de 11 salariés, on
organiserait la désignation de délégués du personnel dans un cadre unique.
En revanche, pour la création de comité d’établissement, le Conseil d’Etat a
décidé qu’aucun texte législatif ne subordonne la reconnaissance ou le
maintien du caractère d’établissement distinct à la condition que
l’établissement ait un effectif d’au moins 50 salariés. L’effectif de 50 n’est
donc pas requis même si en pratique, il doit être très rare qu’un comité
d’établissement soit créé en de ça.

Comment définir l’établissement distinct ?


La jurisprudence considère la notion comme fonctionnelle. Terme que les
juristes utilisent souvent quand ils ne savent pas quoi dire. Et en
l’occurrence, ça veut dire que les salariés doivent être regroupés de façon à
assurer le meilleur fonctionnement de l’institution en cause. Par conséquent,
la notion est aussi relative. Le même établissement peut être considéré
comme distinct pour l’élection des délégués du personnel et ne pas justifier
la mise en place d’un comité d’établissement.
La façon de raisonner varie en effet suivant les représentants dont il s’agit.
Pour la désignation des délégués du personnel et des délégués syndicaux,
l’impératif est de rapprocher les représentants de leur base. L’établissement
distinct se définit comme un groupe de salariés ayant des intérêts communs
et travaillant sous une direction unique, peu important qu’il existe sur place
un représentant de l’employeur pour recevoir les réclamations et transmettre
celles auxquelles il ne pourrait donner suite.
L’existence d’une communauté de travail ayant des intérêts propres est
l’élément déterminant. On pourrait sur ce point, se reporter à un arrêt de la
chambre sociale de la cour de cassation du 29 janvier 2003, publié à la revue
de jurisprudence sociale n° 4 de 2003. C’est l’arrêt n° 479.
Lorsqu’il s’agit des comités d’établissements, la compétence n’est plus
judiciaire mais administrative. A défaut d’accord entre l’employeur et les
syndicats, sur l’existence d’établissement distinct, la question est tranchée
par le directeur départemental du travail et de l’emploi, sous le contrôle du
juge administratif.
Pour la juridiction administrative, la reconnaissance de l’existence d’un
établissement distinct suppose une certaine autonomie de gestion (Conseil
d’Etat, 27 mars 1996. droit social 1996 page 938). L’importance des
prérogatives économiques du comité d’entreprise justifie parfaitement cette
solution, parce qu’il ne sert à rien de placer un comité d’établissement en
face d’un interlocuteur qui n’aurait aucune prérogative et ne pourrait décider
de rien. Au bout du compte, on va calquer jusqu’à un certain point,
l’organigramme du comité central d’entreprise – comité d’établissement sur
l’organigramme de l’entreprise.

2. L’unité économique et sociale


Du point du vue du droit commercial, il est peut-être possible de découper
une entreprise en plusieurs sociétés, avec des comptes formels qui sont de
simples jeux d’écritures, la même personne ou le même groupe restreint de
personnes contrôlant toutes les sociétés. Et cette possibilité a donné l’idée de
frauder le droit du travail. Cette situation a été constatée après 1968, par
réaction contre la création des délégués syndicaux, qui a eu lieu en 1968.
Certains employeurs ont eu l’idée de découper leur entreprise en sociétés
distinctes afin d’éviter de franchir le seuil de 50 salariés et enfin, en
définitive, de ne pas avoir de délégué.
La fraude consistant à découper l’entreprise pour éviter la représentation du
personnel a, dès 1970, été condamnée sur le terrain pénal du délit d’entrave
(chambre criminelle de la cour de cassation du 23 avril 1970, Grands arrêts,
ancienne édition n° 64).
Mais la sanction pénale ne remet pas les choses en l’état. C’est pourquoi on a
recherché des mesures civiles. Dans un arrêt du 8 juin 1972 (JCP 73, 4e partie
17316), la chambre sociale de la cour de cassation a retenu l’existence d’une
entreprise économique en se fondant sur la fraude. C’est l’adage fraude , la
fraude corrompt tout. Le juge ignore l’existence de sociétés qui ont été
créées dans un but frauduleux. Considérant qu’il n’existe qu’une seule
entreprise, le juge organise par conséquent, les élections dans un cadre
unique.
Bientôt, l’exigence de la fraude est tombée et la jurisprudence se prononce
pour l’organisation des élections dans un cadre unique dès lors que plusieurs
sociétés constituent une unité économique et sociale (chambre sociale de la
cour de cassation du 19 décembre 1972, Dalloz 73, page 381, avec une note
de Despax). C’est le nouveau concept. Donc, l’unité économique et sociale.
Les indices qui caractérisent l’unité économique et sociale sont les suivants :
Pour ce qui est de l’unité économique, on relèvera par exemple, l’existence :
- d’une communauté de direction,
- d’une communauté de moyens : les locaux sont communs, les services
généraux sont communs,
- l’existence d’une communauté de buts : implication des capitaux, échanges
financiers et techniques très importants,
- la communauté d’activités ou du moins la complémentarité des activités.
Pour ce qui est de l’unité sociale, on tient notamment compte :
- du caractère éventuellement interchangeable du personnel,
- de l’existence d’un statut collectif identique : règlement intérieur commun,
accords collectifs communs,
- de l’existence d’une gestion du personnel commune.
L’unité économique importe sans doute d’avantage s’il s’agit du comité
d’établissement et l’unité sociale, s’il s’agit des délégués du personnel ou des
délégués syndicaux.
Les indices, qui caractérisent l’unité économique et sociale, sont plus
exigeants que ceux qui permettent de demander la création d’un comité de
groupe.
Alors que le groupe résulte du contrôle d’une entreprise par une autre,
contrôle qui s’accommode d’une réelle indépendance, l’unité économique et
sociale résulte de la fusion de plusieurs entités en une seule entreprise. On
doit donc distinguer les groupes d’entreprises, qui sont des vrais groupes,
des unités économiques et sociales, qui sont des entreprises artificiellement
découpées en sociétés distinctes, de l’existence desquelles, le droit du travail
prétend ne pas tenir compte.
Il est ainsi difficile, au regard du droit du travail, de découper une entreprise
en plusieurs sociétés. En revanche, rien n’interdit de regrouper, dans une
seule société, des unités de production qui seraient susceptibles de
constituer chacune une entreprise distincte.
La loi a ensuite confirmé la jurisprudence et repris à son compte la notion
d’unité économique et sociale que l’on trouve, par exemple, à l’article L 431-
1 du Code du travail, in fine. La notion peut être utilisée, non seulement pour
franchir les seuils d’effectifs, mais surtout pour adapter la représentation à la
réalité économique, en rassemblant des sociétés qui ne constituent qu’une
seule entreprise, même si chacune d’entre elles, prise séparément, franchit
les seuils qui autorisent la désignation des représentants du personnel.

3. Sort des institutions représentatives du personnel en cas de


restructuration
L’entreprise peut être atteinte par des vicissitudes : fusion, scission, cession
d’établissement. Et celles-ci font parfois éclater les cadres a l’intérieur
desquels la représentation du personnel a été instituée. Le principe est que
les institutions représentatives et les mandats subsistent si l’entreprise
conserve son autonomie juridique.
Le terme d’autonomie juridique est mal choisi car l’une des question qui se
posent le plus souvent est celle de savoir si l’établissement garde son
caractère distinct. Par définition, un établissement distinct n’a pas
d’autonomie juridique. Il fait partie d’un ensemble plus vaste : l’entreprise.
Pour les délégués du personnel et les délégués syndicaux, la plupart du
temps, les vicissitudes, qui atteignent l’entreprise (fusion, scission, cession,
etc), ne remettent pas en cause les mandats parce que l’établissement garde
son caractère distinct.
Pour le CE, les remises en questions sont plus fréquentes. Par exemple, si
une entreprise de taille moyenne est absorbée, le comité d’entreprise peut
devenir un simple comité d’établissement à la suite de la fusion.
Par ailleurs, il est fréquent que la réorganisation de la gestion remette en
cause l’autonomie de gestion de l’établissement et donc, lui fasse perdre son
caractère distinct, pour ce qui est au moins du droit des comités d’entreprise.
Si l’entreprise ou l’établissement perdent leur autonomie, les mandats sont
remis en question. Cependant, les ex-représentants bénéficieront d’une
protection résiduelle de droit commun.

Modalités de la désignation des représentants du personnel


Une fois que le cadre de la désignation a été déterminée, la première chose à
faire est de déterminer l’étendue de l’effectif.

1. Détermination de l’étendue de l’effectif


L’opération qui consiste à apprécier les effectifs de référence est assez
complexe parce qu’il faut à la fois, exclure des salariés de l’entreprise et
inclure des salariés, qui pourtant, dépendent d’un autre employeur.
Chaque salarié sous contrat à durée indéterminée compte naturellement
pour une unité, si on excepte les titulaires d’un contrat « nouvelle
embauche », qui ne sont pas pris en compte dans les effectifs.
Les salariés à temps partiel sont décomptés au prorata de leur durée du
travail. Les salariés sous contrat à durée déterminée, les travailleurs
temporaires et plus largement les travailleurs mis à disposition, au prorata de
leur temps de présence dans l’entreprise. Pour définir les travailleurs mis à
disposition, la jurisprudence s’arrête à l’existence d’une subordination de fait.
Sont en revanche exclus de l’effectif, les apprentis, les titulaires de contrat
de formation en alternance et les titulaires de contrat du livre 3 du Code de
travail : contrat initiative emploi, contrat emploi solidarité, etc.
La baisse de l’effectif peut entraîner le non renouvellement des délégués du
personnel. Pour ce qui est du comité d’entreprise et des délégués syndicaux,
l’institution peut être supprimée par voie d’accord. A défaut d’accord, le
directeur départemental du travail et de l’emploi peut autoriser la
suppression de l’institution.

2. Opérations électorales
Le mandat des délégués du personnel et des membres du comité
d’entreprise est de deux ans. Par conséquent, les opérations électorales ont
lieu tous les deux ans. Il faut tout d’abord conclure un protocole pré-électoral.

a) La conclusion du protocole pré-électoral


Les partenaires sociaux sont tenus de négocier un protocole pré-électoral.
L’employeur, sous peine du délit d’entrave, doit inviter à la négociation de ce
protocole, tout les syndicats représentatifs. Le protocole doit être conclu à
l’unanimité. C’est un des très rares cas où l’accord collectif est conclu à
l’unanimité des syndicats. Et il doit respecter les principes généraux du droit
électoral.
A défaut d’accord, il y a lieu suivant les questions qui restent en débat, à une
décision du tribunal d’instance statuant en dernier ressort sous la forme des
référés, ou bien à une décision de l’inspecteur du travail.
L’objet du protocole pré-électoral est en effet le suivant : l’accord, qui est
conclu, doit notamment répartir le personnel entre les collèges. Le plus
souvent, il y a deux collèges :
- ouvriers et employés d’une part,
- et ingénieurs, techniciens et agents de maîtrise d’autre part.
Mais à partir du moment où il y a 25 cadres dans l’entreprise, il faut créer
pour eux un troisième collège, un collège cadre.
Deuxième objet du protocole : répartir les sièges, dont le nombre varie en
fonction des effectifs, entre les catégories de personnel. Et sur ces deux
questions, c’est l’inspecteur du travail qui tranchera, à défaut d’accord.
Il faut ensuite définir les modalités du vote : quel jour va-t-on voter ? quels
sont les horaires du vote, les lieus de vote, les modalités du vote par
correspondance, la forme, la couleur des bulletins. Et c’est ici, le juge
d’instance qui va trancher à défaut d’accord.
L’ordre public social permet à l’employeur de concéder d’avantage que le
minimum prévu par la loi, notamment en ce qui concerne le nombre d’élus.

b) Electorat et éligibilité
Pour être électeur, il suffit d’avoir 16 ans, 3 mois d’ancienneté et de ne pas
avoir subi de condamnation privatrice des droits civiques. Les étrangers
peuvent voter, les salariés dont le contrat est suspendu, aussi.
Pour les élections des délégués du personnel, mais pour celles-là seulement,
les salariés mis à disposition par une entreprise extérieure, sont électeurs. Et
par exemple, c’est une disposition très souvent utilisée dans les
établissements privés sous contrat qui fonctionnent très largement en faisant
appel au service d’enseignants, qui sont des fonctionnaires détachés par
l’Etat auprès de ces établissements. Ces enseignants détachés sont électeurs
aux élections des délégués du personnel.
Le chef d’Etablissement et les cadres qui sont susceptibles de représenter
l’employeur dans les rapports avec le personnel, par exemple, qui sont
susceptibles de procéder aux entretiens préalables à l’occasion de
l’accomplissement des procédures disciplinaires, ne sont pas électeurs.
Les listes électorales doivent être affichées dans l’établissement. Elles
peuvent être contestées devant le juge d’instance.
Pour être éligible, il faut être électeur. Et il faut de surcroît avoir 18 ans et un
an d’ancienneté. Les membres de la proche famille du chef d’entreprise ne
sont pas éligibles. Les salariés dont le contrat de travail est durablement
suspendu, par exemple, ceux qui exercent une fonction de permanent
syndical national, parfois pour de longues années, deviennent inéligibles
parce qu’ils cessent de travailler dans l’entreprise. Ce qui est une condition
posée par le texte. En revanche, les salariés mis à disposition de l’entreprise
par une entreprise extérieure, sont éligibles mais uniquement aux fonctions
de délégué du personnel.
Le cumul de mandat est admis. Ce qui fait qu’on peut être en même temps,
délégué du personnel et délégué syndical, délégué du personnel et membre
du comité d’entreprise.

c). Le scrutin
Ce scrutin peut nécessiter deux tours. Au premier tour, seuls les syndicats
représentatifs peuvent présenter des listes. Mais attention, les syndicats
représentatifs ne sont pas seulement ceux qui appartiennent aux cinq
grandes confédérations représentatives au niveau national et
interprofessionnel. Tout syndicat, qui établit sa représentativité au niveau
concerné par l’élection, pourra présenter une liste dès le premier tour.
Si le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, un
second tour doit être organisé. Et lors de ce second tour, des listes autres
que celles soutenues par les syndicats représentatifs pourront être
présentées.
Le vote est naturellement secret, les bulletins devant être placés sous
enveloppe, conformément aux principes généraux du droit électoral. Il s’agit
d’un scrutin avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Les syndicats, les salariés ou le chef d’établissement peuvent demander au
tribunal d’instance, la mise en place d’un dispositif de contrôle des
opérations électorales.

3. Désignation des délégués syndicaux


Pour pouvoir être désigné comme délégué syndical, il faut remplir les
conditions d’éligibilité évoquées ci-dessus. L’existence d’une section
syndicale est requise. Mais la jurisprudence récente décide que celle-ci est
établie par la seule désignation d’un délégué syndical. C’est à dire que cette
condition a perdu l’essentiel de sa portée.
Le délégué syndical est désigné par le syndicat, personne morale, et non pas
par la section syndicale de l’entreprise. Il peut être révoqué par le syndicat
qui l’a nommé. Le nom du délégué syndical est porté à la connaissance de
l’employeur par lettre recommandée avec AR, ou remise en mains propres
contre récépissé. Une copie de cette désignation est adressée à l’inspecteur
du travail. La date de réception de la lettre de nomination détermine si le
délégué bénéficie de la protection légale contre le licenciement.
Par attraction du contentieux électoral, les contestations relatives à la
désignation des délégués syndicaux sont de la compétence du tribunal
d’instance. Elles doivent être introduites dans les 15 jours suivants la
désignation. Passé ce délai, la désignation est purgée de tout vice. Le
tribunal d’instance doit statuer dans les 10 jours.
Les modalités de désignation des autres représentants syndicaux,
représentants syndicaux au comité d’entreprise, notamment, sont
identiques.

Enregistrement n° 20

Section 2 : les moyens des représentants du personnel

Les représentants du personnel peuvent librement se déplacer dans et en


dehors de l’entreprise (A), ils disposent d’un crédit d’heures (B) et de moyens
d’expression (C).

A. La liberté de déplacement
On trouve ici une application d’une contradiction qui gouverne toute la
matière : la contradiction entre contrat et statut, qui traverse l’ensemble des
discussions relatives au statut des représentants du personnel. Le contrat de
travail place le représentant du personnel en situation de subordination et le
soumet à la discipline de l’entreprise. Mais ce salarié exerce une mission
légale de représentation. Et de cette situation statutaire, il découle
notamment, que le représentant doit pouvoir se déplacer librement dans
l’entreprise, nonobstant les limites apportées aux déplacements d’autres
salariés.
Le droit positif, dans une assez large mesure, fait prévaloir le statut sur le
contrat, sous réserve d’autres règles d’intérêt général et des règles
d’hygiène et de sécurité qui visent à protéger le représentant lui-même.

1. Principe de liberté de déplacement


Les représentants du personnel peuvent se déplacer dans l’entreprise
pendant leurs heures de travail mais aussi en dehors de leurs heures de
travail. Autrement dit, ils peuvent revenir dans l’établissement à un moment
où ils ne sont pas sensés travailler. Ils peuvent également sortir de
l’établissement pendant leurs heures de travail.
L’usage de cette liberté de déplacement n’est pas soumis à un régime
d’autorisation préalable de l’employeur. Les représentants du personnel ont
seulement l’obligation de prévenir l’employeur du fait qu’ils vont s’absenter.
Dans la pratique, les entreprises utilisent souvent des bons de délégation que
le représentant remplit avant de s’absenter. Ces bons sont licites, à condition
qu’ils n’aient pas pour effet d’entraver la liberté de déplacement des
délégués, c’est à dire que les conditions dans lesquelles on se les procure
n’imposent pas des délais qui videraient la liberté de déplacement de son
sens.
Pendant leurs déplacements, les représentants du personnel peuvent
s’entretenir avec les salariés à leurs postes de travail, sous réserve de ne pas
apporter de gêne importante à l’accomplissement du travail de ces derniers.
Le texte initial soumis au parlement comportait « ne pas entraver la bonne
marche de l’entreprise ». Et il a été modifié lors des débats parlementaires,
afin d’éviter une interprétation trop restrictive.
A cette liberté de déplacement, qui est le principe, il y a cependant quelques
exceptions, mais à vrai dire très étroites. Le personnel de sécurité de
l’entreprise peut logiquement demander au représentant en déplacement, de
justifier de sa qualité. Mais, l’employeur peut-il lui fermer certaines parties de
l’établissement ?
Il y a bien sur une argumentation qui pourrait être retirée d’une gêne
importante apportée à l’accomplissement du travail. Outre celle-ci, deux
lignes d’analyse se présentent :
- Il est possible que l’application d’une règle d’intérêt général vienne limiter
la liberté de déplacement d’un représentant. Par exemple, les parties de
l’établissement qui travaillent pour la défense nationale sont soumises au
régime de l’habilitation militaire. Et un représentant du personnel dépourvu
de cette habilitation pourrait vraisemblablement s’en voir interdire l’accès.
- Ensuite, il est possible qu’une règle d’hygiène et de sécurité vienne limiter
les déplacements. Par exemple, un représentant qui a déjà été exposé à la
dose de radiation considérée comme maximale et qui travaille dans une
centrale nucléaire, ne pourra plus pendant un certain délai, accéder aux
locaux où il serait à nouveau exposé au risque.
Ou encore : un représentant physiquement inapte pourrait se voir refuser
l’accès à un milieu de travail qui réclame une condition physique particulière.
Mais comme on le voit, ces exceptions sont d’application très retreinte.

Le crédit d’heures
Le crédit d’heures est un temps que les représentants du personnel peuvent
utiliser pour l’accomplissement de leur mission. Ce temps est payé comme
du temps de travail mais n’est pas travaillé comme prévu. Les réunions avec
l’employeur, la réunion mensuelle des délégués du personnel, les séances du
comité d’entreprise sont payées mais ne s’imputent pas.
1. Montant du crédit d’heures
Le crédit d’heures est réservé aux élus titulaires. Le crédit est de :
- 15 heures par mois pour les délégués du personnel,
- 20 heures par mois pour les membres du comité d’entreprise,
- 10 à 20 heures par mois, suivant la taille de l’entreprise, pour les délégués
syndicaux,
- 2 à 20 heures par mois pour les membres du CHSCT,
A partir de 500 salariés, les représentants syndicaux au comité d’entreprise
disposent également de 20 heures par mois.
Sauf pour les délégués syndicaux, la globalisation du crédit d’heures, c’est à
dire l’utilisation par les uns, du crédit d’heures qui n’a pas été dépensé par
les autres, n’est pas possible. En revanche, en cas de cumul de mandats, le
cumul ne crédits d’heures est possible. Si on est à la fois, délégué du
personnel et délégué syndical, on aura à la fois, le crédit qui correspond au
statut de délégué du personnel et celui qui correspond au statut de délégué
syndical.
Le crédit d’heures est parfois majoré. Par exemple, la convention collective
peut augmenter le crédit d’heures minimal prévu par la loi. Le dépassement
du crédit d’heures est également possible en cas de circonstances
exceptionnelles. Il s’agit d’un événement sortant de l’ordinaire, qui rend
nécessaire l’intervention de représentants. Par exemple, pour un membre du
comité d’entreprise, la brusque démission du responsable de la cantine, qu’il
faut alors remplacer au pied levé, constitue une circonstance exceptionnelle.
En revanche, l’arbre de Noël du personnel, qui n’a pas lieu très souvent, est
un événement très prévisible. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une
circonstance exceptionnelle.
Pour les délégués du personnel et les délégués syndicaux, la survenance
d’un accident du travail, ou dans un autre ordre d’idée, la survenance d’un
conflit du travail peuvent constituer des circonstances exceptionnelles.

2. Le paiement des heures de délégation


Les heures de délégation sont payées comme temps de travail à l’échéance
normale. L’employeur doit ainsi payer avant de contester. La jurisprudence
n’applique cependant pas cette disposition aux heures qui correspondent à
des circonstances exceptionnelles.
Le contrôle de la bonne utilisation du crédit d’heures a donc lieu, pour
l’essentiel, à posteriori. Le crédit d’heures n’est en effet, pas un forfait.
L’employeur ne doit pas au salarié tant d’heures non travaillées quoi qu’il
fasse. L’employeur doit au salarié des sommes correspondant aux missions
qu’il a effectivement accomplies, soit pendant, soit au-delà des heures de
travail.
Le représentant à l’obligation de préciser les activités exercées pendant les
heures de délégation. A défaut, l’employeur doit lui demander, le cas
échéant en référé, de fournir l’indication demandée. Ayant obtenu les
précisions requises, l’employeur peut, s’il conteste la bonne utilisation du
crédit d’heures, demander au conseil des prud’hommes d’ordonner le
remboursement des sommes versées.
Pour obtenir gain de cause, il lui incombe de prouver que l’utilisation n’est
pas conforme :
- soit aux déclarations du salarié, le salarié a en réalité fait autre chose que
ce qu’il a dit,
- soit, si les déclarations du salariés sont exactes, à la mission que le salarié
exerce.

3. Sanctions en cas de dépassement irrégulier


La conséquence principale est évidemment l’amputation du salaire. Mais
faut-il aller plus loin et considérer que le dépassement irrégulier du crédit
d’heures constitue une faute sérieuse ou même une faute grave ?
Cela a parfois été admis. Mais c’est affaire de circonstances. Si l’employeur a
longtemps toléré le dépassement du crédit d’heures, il lui est difficile
d’invoquer brusquement une faute et à fortiori, un faute grave. Une mise en
demeure serait nécessaire. En toutes hypothèses, le licenciement d’un
représentant du personnel requiert une autorisation administrative.

Les moyens d’expression des représentants du personnel


Comme la section syndicale d’entreprise, dont les moyens sont à la
disposition du délégué syndical, les délégués du personnel et les comités
d’entreprise ou d’établissement disposent d’un panneau d’affichage. Il
appartient au règlement intérieur du comité d’entreprise de déterminer les
modalités d’affichage de ses procès verbaux.
Les délégués du personnel et le comité d’entreprise disposent également
d’un local, afin notamment de se réunir. En ce qui concerne le local du
comité d’entreprise, il doit, d’après l’article L 434-8 du Code du travail, être
aménagé et pourvu du matériel nécessaire à l’exercice des fonctions.

N°21

Section 3 : le licenciement des représentants du personnel :

Dans le langage courant du droit du travail, on dit très fréquemment que les
salariés représentants du personnel sont des salariés protégés parce que leur
licenciement est soumis à une autorisation administrative préalable qu’il ne
faut pas confondre avec l’ancienne autorisation préalable des licenciements
économiques. L’expression de « salariés protégés » ne doit pas induire en
erreur. Statistiquement, en dépit de la protection légale, les représentants du
personnels sont plus exposés que les autres salariés au licenciement. Le
médecin du travail, les personnes qui sont inscrites sur la liste des conseillers
du salarié dans les procédures du licenciement (liste départementale), les
conseillers prud’hommes (les juges salariés élus par conséquent) sont aussi
des salariés protégés ainsi que les candidats aux élections et les anciens
représentants du personnel qui bénéficient d’une protection résiduelle
provisoire.
L’autorisation administrative de licenciement doit être donné par l’inspecteur
du travail et non pas par le directeur départemental du travail. L’inspecteur
du travail joue ici son rôle de garant relativement indépendant de
l’application de la législation du travail, c’est pourquoi d’ailleurs les recours
se font devant le ministre et non pas le supérieur hiérarchique direct qui est
le directeur départemental du travail. L’autorisation doit être obtenue
préalablement au licenciement mais une mise à pied conservatoire, qui serait
rétroactivement annulée en cas de refus d’autorisation, est cependant
possible. Si l’on veut licencier un représentant du personnel, la procédure
d’autorisation administrative préalable présente un caractère exclusif.
Pendant longtemps, la chambre sociale de la Cour de Cassation a admis le
recours à la résolution judiciaire pour contourner un éventuel refus de
l’inspecteur du travail. La résolution judiciaire, la condition résolutoire est
toujours sous-entendue dans les contrats synalagmatiques, amenait à saisir
le juge prud’hommal et à lui demander de résilier le contrat. Evidemment, le
juge n’avait pas besoin d’autorisation administrative pour décider ainsi. Un
revirement s’est produit en 1974 avec un arrêt de chambre mixte (Arrêt
Perrier Ch. Mixte 21 Juin 1974 Grands arrêts édition N°69). Le fait de
demander en justice la résiliation du contrat d’un représentant du personnel
constitue selon cet arrêt le délit d’entrave, c’est un des rares cas où le fait
d’agir en justice est qualifié de délit pénal. La raison de cette solution est
d’abord que la protection des représentants des personnels a été instituée
non pas dans leurs intérêts propres mais dans l’intérêt de l’ensemble des
salariés et dans l’intérêt général. C’est pourquoi l’employeur se voit interdire
de placer le débat relatif à l’éventuel licenciement de ses représentants sur
le terrain du contrat de travail dans une discussion qui aurait lieu devant le
conseil des prud’hommes. En effet, le conseil des prud’hommes n’est pas le
juge de principe des litiges collectifs et l’inspecteur du travail doit ou peut
parfois refuser l’autorisation de licenciement dans des circonstances où un
raisonnement contractuel par application de l’article 1184 du Code Civil
aurait conduit le juge à prononcer la rupture du contrat. Le conseil des
prud’hommes juge du contrat, serait naturellement porté à résilier le contrat
dans certaines circonstances où l’inspecteur du travail, qui à une mission
plus large, sera amené à refuser. Subsidiairement, la Cour de Cassation a
sans doute voulu interdire aux employeurs de spéculer sur les erreurs ou les
résistances des juges du fond. La jurisprudence a été très solennellement
déclarée par un arrêt de la Chambre plénière du 28 Janvier 1983 qui a été
publié au Dalloz 1983 p. 269 avec des conclusions Cabane.
La procédure qui réclame une autorisation administrative préalable avant le
licenciement a été étendue à d’autres situations que le licenciement. Cette
procédure d’autorisation administrative préalable de longue date s’est
appliquée aux modifications substantielles du contrat de travail d’autant plus
que jusqu’à l’arrêt Raquin,la proposition de modification substantielle du
contrat de travail équivalait à un licenciement conditionnel. Par conséquent,
si l’employeur veut apporter une modification importante au contrat d’un
salarié protégé ou simplement modifier le contrat, il faut qu’il ait une
autorisation préalable. Puis, l’exigence d’une autorisation a ensuite été
étendue aux mutations qui sont de nature à perturber l’existence du mandat
même si celles-ci ne constituaient pas des modifications substantielles, nous
dirions maintenant des modifications du contrat. La terminologie a
maintenant changé : on ne pare plus de modifications substantielles, on parle
de modifications du contrat mais les solution demeurent. Même en présence
d’une clause de mobilité, la mutation doit être autorisée. Or, s’il y a dans le
contrat de travail une clause de mobilité, lorsque le salarié est muté ce n’est
pas une modification du contrat puisqu’on change les conditions de travail à
l’intérieur de ce qui a été prévu par les parties dans le contrat. Cependant,
dans la mesure où la mutation empêchera l’exercice du mandat, il faut
l’autorisation préalable de l’inspecteur du travail.
Et puis, il y 2 autres éventualités qui donnent lieu à l’application de la
procédure mais avec un contrôle d’une portée un peu plus restreinte.
Lorsqu’un salarié protégé est transféré dans une autre entreprise à la suite
d’un transfert partiel d’actifs par application de l’article L122-12 al. 2 du Code
du Travail. Il faut y saisir l’inspecteur du travail qui autorisera le transfert en
se bornant à vérifier qu’il n’y a pas de discrimination à l’égard de ce salarié.
Cela fait référence à un cas ancien où un employeur, voulant se débarrasser
d’un délégué qui faisait fonctionner dans une boulangerie industrielle un
pétrin, avait vendu le pétrin et prétendu ensuite que par application de
l’article L122-12, le salarié suivait la machine sur laquelle il travaillait.
Autre situation qui donne lieu à un contrôle de portée limitée :la rupture
avant échéance ou le non renouvellement d’un contrat à durée déterminée
dont le titulaire est un représentant du personnel. Ici encore, l’administration
se bornera à vérifier qu’il n’y a pas de discrimination.

L’inspecteur du travail joue dans la procédure le rôle essentiel. Il convent


donc d’envisager le régime de l’autorisation administrative (A) avant
d’examiner les incidences de cette autorisation ou d’un défaut d’autorisation
sur le contrat (B).

A) L’autorisation administrative de licenciement :

1) Contrôle exercé par l’inspecteur du travail :

Les modalités de ce contrôle sont définies en parties par la réglementation et


en partie par la jurisprudence du Conseil d’Etat. La procédure est définie par
la réglementation. L’employeur doit en premier lieu procéder à l’entretien
préalable au licenciement ou bien si le représentant est englobé dans un
grand licenciement économique, il doit consulter le comité d’entreprise
conformément au droit commun. Ces formalités de droit commun ayant été
accomplies, si le licenciement concerne des élus du personnel mais
uniquement dans ce cas, l’employeur doit demander l’avis du comité
d’entreprise sur leurs cas individuels. Cet avis est exprimé à scrutin secret
après audition des intéressés. Cette consultation du comite d’entreprise est
l’écho d’une ancienne règle, suivant laquelle pour les élus, le licenciement
pouvait être autorisé par le comité d’entreprise. En tout cas, il n’est jamais
paru souhaitable de permettre au comité d’entreprise, qui naturellement
prend position à la majorité, de se prononcer sur le licenciement éventuel
des délégués syndicaux parce que naturellement, la situation dans laquelle la
majorité d’une certaine couleur au comité d’entreprise donne un avis
favorable au licenciement du délégué syndical qui représente la minorité
serait une situation assez malsaine. L’avis du comité d’entreprise n’est donc
requis que lorsqu’il s’agit du licenciement des élus. La demande
d’autorisation doit être présentée dans les 15 jours qui suivent la délibération
spéciale du comité d’entreprise, 48 H en cas de mise à pied conservatoire. La
demande d’autorisation doit être accompagné de la délibération, c’est à dire
e l’avis du comité d’entreprise. Pour les délégués syndicaux, la demande
d’autorisation peut être demandé aussitôt après accomplissement des
formalités de droit commun. l’inspecteur du travail doit procéder à une
enquête contradictoire, il doit rendre sa décision dans les 15 jours de la
réception de la demande, 8 jours en cas de mise à pied conservatoire. La
décision, qu’elle soit d’acceptation ou de refus doit être motivée parce que
de toute façon, elle fait grief, le silence équivaut à une décision implicite de
rejet. On est donc dans le droit commun, si l’administration garde le silence,
elle est censée avoir refusée. C’est le Conseil d’Etat qui a défini le contenu du
contrôle auquel doit se livrer l’inspecteur du travail et le contenu du contrôle
diffère un peu suivant qu’il s’agit d’un licenciement pour motif personnel ou
bien d’un licenciement pour motif économique.

a) Licenciement pour motif personnel :

C’est un arrêt du 5 Mai 1976 Safer d’Auvergne contre Bernet, publié aux
grands arrêts édition 71, qui a posé les principes en la matière. D’après cet
arrêt,l’ inspecteur du travail doit vérifier d’abord qu’il n’y a pas de
discrimination, c’est à dire que le licenciement n’est pas en rapport avec les
fonction. Ensuite il s’agit d’un licenciement pour motif personnel , donc
l’inspecteur du travail doit vérifier que les faits reprochés sont d’une gravité
suffisante pour justifier un licenciement. La notion de gravité suffisante ne se
confond pas avec celle de faute grave. Aussi bien le délégué ne sera pas
nécessairement privé de l’indemnité du licenciement et du préavis. Entre
autres éléments, le Conseil d’Etat tend à attribuer aux représentants du
personnel un rôle de modérateur dans les conflits du travail et en fonction de
ce rôle leur comportement. Mais, évidemment les conflits de travail sont
devenus maintenant rares dans le secteur privé donc cet aspect des choses
ne tient plus qu’une place secondaire. L’inspecteur du travail, d’après le
Conseil d’Etat peut également refuser d’autoriser le licenciement, à supposer
les conditions par ailleurs réunies pour des motifs d’intérêt général.
L’inspecteur du travail peut dans ce cas refuser, il ne doit pas refuser. C’est
une prérogative qui est reconnue à l’administration : refuser pour des motifs
d’intérêt général, sous réserve qu’aucune atteinte excessive ne soit pas
portée aux intérêts en présence. C’est là le principe de proportionnalité qui
s’exprime et naturellement, l’atteinte excessive en l’occurrence qui serait
portée aux intérêts de l’employeur. Par exemple, l’inspecteur du travail peut
refuser un licenciement, par ailleurs justifié par des fautes commises à
l’occasion d’un conflit du travail parce qu’il estime que le conflit risque de
s’aggraver si les représentants sont écartés.

b) Licenciement pour motif économique :


C’est ici un arrêt du 18 Février 1977, l’arrêt Abellan Grands arrêts ancienne
édition N°72 qui édicte les solutions. Une partie du contrôle st le même que
dans la partie précédente. L’inspecteur de travail doit d’abord s’assurer de
l’absence de discrimination. Il doit ensuite vérifier, mais c’est une formule
assez exigeante, que le situation de l’entreprise rend le licenciement
nécessaire : le contrôle d’opportunité n’est pas très loin. Enfin, troisième
possibilité mais c’est une faculté comme dans l’hypothèse précédente,
l’inspecteur du travail peut également refuser pour des motifs d’intérêt
général. Par exemple, l’inspection du travail peut refuser le licenciement des
membres du comité d’entreprise pour assurer la continuité de l’institution.

2) Les voies de recours contre la décision de l’inspecteur du travail :

Il peut s’agir, mais ce n’est pas obligatoire, d’un recours hiérarchique.


D’après l’article R436-6 du code du travail, le recours hiérarchique doit être
porté immédiatement devant le ministre dans un délai de 2 mois à compter
de la décision d’autorisation ou du refus (qu’il s’agisse d’un refus explicite ou
d’une décision implicite de rejet). Ce recours au ministre marque
l’indépendance de l’inspecteur du travail par rapport à sa hiérarchie directe.
Le ministre a tout pouvoir pour réformer la décision, aussi bien pour des
motifs de légalité que d’opportunité. Ce recours hiérarchique n’a pas d’effet
suspensif, le requérant pouvant toujours passer directement au recours
contentieux.
Quant au recours contentieux, il doit être introduit dans les deux mois de la
décision de l’inspecteur du travail ou du ministre. Il s’agit bien évidemment
d’un recours pour excès de pouvoir. Lorsque le ministre a été saisi, à défaut
de décision explicite, l’écoulement d’un délai de 4 mois équivaut à une
décision implicite de rejet. Comme les libertés publiques sont en cause, la
juridiction administrative vérifie que les faits sont de nature à justifier la
décision. Il s’agit d’un contrôle dit normal. Toutefois, lorsque l’autorisation est
refusée pour des motifs d’intérêt général comme on l’a vu, le contrôle se
borne à la mise en balance des intérêts, à l’application par conséquent d’un
principe de proportionnalité.
N°22

B) Les effets de la décision administrative sur le contrat :

D’abord, il faut distinguer deux hypothèses : le cas d’un licenciement


prononcée sans autorisation malgré un refus et la cas d’une annulation d’une
autorisation qui avait été donnée et évidemment suivie d’un licenciement.

1) Licenciement sans autorisation :

A l’origine, la jurisprudence a admis très facilement que le licenciement d’un


salarié prononcée sans autorisation était nul (Ch Sociale 3 Juin 1948 alors
que les textes sont de 1945 et 1946 Bulletin N°557). Pourquoi le licenciement
est nul ? Tout simplement parce que l’exigence d’une autorisation et d’ordre
public et un acte prononcé en violation de l’ordre public est nul. Le
licenciement est nul mais pendant longtemps cette nullité a été pour ainsi
dire privée d’effets. Il était nul mais il était effectif quand même parce que la
Chambre Sociale se fondait sur l’article 1142 du Code Civil « l’inexécution
d’une obligation de faire se résout en dommages et intérêts » pour refuser la
réintégration, elle considérait que ça serait imposer une obligation de faire à
l’employeur que de lui ordonner de réintégrer un salarié dans son entreprise.
Ainsi, le délégué irrégulièrement licencié, victime d’un licenciement nul,
pouvait seulement obtenir une indemnisation majorée. Et puis, la
jurisprudence a évolué, à la fin des années 1960, s’est amorcé un lent recul
de la référence à l’article 1142 du code civil, pas seulement en droit du
travail d’ailleurs. Ce recul a d’abord été présenté comme une marque
d’autonomie du droit du travail mais des auteurs civilistes comme Mme le
Professeur Geneviève Vinet ont montré qu’il s’agissait d’une tendance assez
générale du droit privé, que l’on peut noter en droit de la construction aussi.
Première étape de l’évolution, c’est la modification du mode de calcul de
l’indemnisation. Le représentant licencié sans autorisation obtient des
dommages et intérêts calculés d’après le montant des salaires qu’il aurait
perçu s’il n’avait pas été licencié, un peu comme dans le cadre de la rupture
anticipée d’un contrat à durée déterminée (Ch. Sociale 27 Mai 1970 Dalloz 70
p.742).
Deuxième étape, en réalité parallèle, dans un affaire Detoeuf, la chambre
sociale avait refusé la réintégration alors que les salariés avaient été
licenciés sans autorisation. Son salarié ou son syndicat présente alors la
question au juge sous un autre jour. Le salarié demande à l’employeur son
inscription sur les listes électorales et le tribunal d’instance accueille sa
demande avec le raisonnement suivant : le licenciement est nul, donc le
contrat n’a pas été rompu, donc le salarié est toujours électeurs. Ensuite, le
salarié perd devant la 2ème Chambre civile de la Cour de Cassation mais la Ch.
Criminelle de la Cour de Cassation qualifie le refus de réintégrer de délit
d’entrave (Ch. Criminelle 28 Mai 1968 Bulletin N°181) et la réunion d’un
chambre mixte (il y avait contradiction) donne raison au Tribunal d’Instance.
Le Tribunal d’Instance avait eu raison d’inscrire le salarié sur les listes
électorales parce que le salarié s’était trouvé empêché de travailler
uniquement par une voie de fait de son employeur. La notion de voie de fait,
à l’époque, était très importante pour une raison procédurale : la voie de fait
constituait à ce moment une des conditions possibles de la compétence des
juges du référé. A partir du moment où le licenciement sans autorisation
constitue une voie de fait, il devient possible de demander au juge des
référés de faire cesser cette voie de fait. C’est ainsi que l’opposition de la
chambre sociale à la réintégration a été contournée, en demandant
simplement au juge des référés la poursuite de l’exécution du contrat de
travail, solution qui a été concédée dans un arrêt Revetsol du 14 Juin 1972
(Grands arrêts ancienne édition N°75). La possibilité d’ordonner la
réintégration au fond a depuis été admise et la loi du 28 Octobre 1982 a
depuis consacré le principe de la réintégration dans l’hypothèse beaucoup
plus délicate de l’annulation d’autorisation.

2) L’annulation d’une autorisation :

C’est une situation assez différente parce que bien entendu dans ce cas là
l’employeur, au moment où il a licencié, était dans son droit et puis il se
trouve qu’un contentieux administratif vienne à dire que l’inspecteur du
travail a eu tort d’autoriser (ou le ministre). L’annulation de l’autorisation de
licenciement est à l’origine sans aucun intérêt autre que symbolique pour le
salarié parce que la Cour de Cassation estime que l’annulation de’
l’autorisation ne fait pas revivre le contrat de travail. Puis, un revirement
s’est produit en deux étapes. D’abord, dans un arrêt du 7 décembre 1977 qui
est l’arrêt Florence (Dalloz 78 p.524 Note Jabot), la Cour de Cassation a
admis la réintégration en se fondant sur la fraude patente de l’employeur.
L’employeur avait intégré, auparavant il avait licencié sans autorisation et
puis on avait ordonné la réintégration, l’employeur réintègre la salarié la
veille des vacances et aussitôt il l’englobe dans une procédure de
licenciement économique et l’inspecteur du travail ne fait pas attention et
autorise l’ensemble des licenciements économiques y compris celui du
salarié qui vient d’être réintégré. Et naturellement, il s’agit d’une fraude
puisque l’employeur depuis des années essayait de se débarrasser de ce
salarié pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec un licenciement
économique. Mais il ne s’agit que de cas de la fraude. Que faut il décider
quand l’annulation de l’autorisation n’est pas fondée sur la fraude de
l’employeur ? Il peut y avoir tout simplement une erreur de l’inspecteur du
travail sans aucune fraude de l’employeur.
Le vrai revirement est intervenu avec un arrêt Pampred’or qui a été rendu
par une chambre mixte le 18 Janvier 1980. la Cour de Cassation a décidé que
même sans fraude de l’employeur , l’annulation de l’autorisation rend le
licenciement inopérant parce qu’elle en constitue une condition essentielle
de validité. La loi du 28 Octobre 1982 a consacré cette jurisprudence.
L’annulation de l’autorisation, qu’elle émane du ministre, du tribunal
administratif ou du Conseil d’Etat en appel, donne aux représentants du
personnel le droit d’être réintégré. Il suffit que le représentant demande sa
réintégration dans les deux mois qui suivent la notification de la décision. Par
ailleurs , le salarié n’est pas tenu de demander la réintégration, il peut se
borner à demander réparation du préjudice subi.

3) L’indemnisation du préjudice subi par le salarié protégé licencié:

Il faut ici encore distinguer le cas du licenciement sans autorisation et celui


de l’annulation d’autorisation.

a) en cas de licenciement sans autorisation, le salarié a droit a une


réparation intégrale du préjudice subi du fait du licenciement.
L’indemnité se calcule selon l’ensemble des salaires perdus jusqu’à la
fin de protection (mandat + protection résiduelle). Cette indemnité est
cumulable avec les indemnités de licenciement, et avec le cas échéant,
une indemnité pour licenciement illicite au moins égale à la réparation
du licenciement sans cause réelle et sérieuse (Ch. sociale 12 Décembre
2001 DRT social 2002 – 228 Observations Couturier).
b) En cas d’annulation d’autorisation, ici encore est plus délicate parce
que l’employeur au moment où il a licencié était dans son droit, il n’a
pas commis de faute. La jurisprudence dans un premier temps n’a
permis aux salariés d’être indemnisés qu’à partir de l’annulation. Donc,
aussi longtemps qu’il y avait une autorisation en vigueur, le salarié
perdait ses salaires mais comme l’(employeur pouvait se prévaloir
d’une autorisation, il ne devait rien. En revanche, une fois que
l’autorisation de licenciement était annulé, l’employeur aurait du
réintégrer et donc à compter de cette date si la réintégration n’avait
pas lieu, le salarié avait le droit d’être indemnisé. Dans cette
jurisprudence, le salarié perdait les revenus qu’il aurait du percevoir
entre le licenciement et l’annulation de autorisation. La solution est
maintenant inverse. On pourrait sur ce point par exemple consulter
l’article L425-3 al4 du Code du Travail et évidemment dans ce cas on
ne peut pas rattacher l’indemnisation à l’idée d’une faute de
l’employeur parce que la plupart du temps l’employeur n’a commis
aucune faute. Le législateur a cependant estimé qu’il n’était pas
équitable de faire supporter aux salariés la perte correspondant aux
aléas de la procédure. Ainsi, c’est l’employeur qui licencie à ses
risques. Toutefois, le droit à indemnisation n’est acquis qu’une fois que
la décision d’annulations est devenue définitive. C’est à dire que le
délai de recours est écoulé ou bien que le Conseil d’Etat a statué.ainsi,
la réintégration et l’indemnisation sont pour un temps découplées. On
est réintégré aussitôt, dès qu’il y a une annulation, on attend que la
décision d’annulation soit devenue définitive pour avoir droit à
indemnisation. Il s’agit d’éviter de multiplier les difficultés liées au
remboursement que le salarié devrait faire en cas de décisions
successives contraires. La salarié protégé peut d’ailleurs se borner à
solliciter l’indemnisation.
N°23

TITRE 3 Le droit de la négociation collective

La conclusion de conventions collectives c’est à dire d’accords entre un


syndicat ou des syndicats et une organisation d’employeurs ou un employeur
a d’abord été une situation de fait. Pour sortir de leur situation de faiblesse
individuelle, des salariés se groupent, ils forment des syndicats et ils tentent
de transposer leurs relations avec leurs employeurs sur un plan collectif
parce que l’union fait la force. L’existence de normes collectives non
négociées présente aussi certains avantages pour les employeurs. Elle
simplifie les opérations de recrutement, et si toute les entreprises d’un
secteur sont concernées, la convention collective présente aussi l’intérêt
d’égaliser les conditions de la concurrence entre les entreprises. La société
française du 19ème siècle était beaucoup plus violente que la société actuelle.
Comment canaliser une main d’œuvre urbaine qui est parfois voire souvent
une main d’œuvre déracinée et qui n’est donc ni plus contenue ni par les
usages ruraux ni par les règles qui gouvernait les corporations avant la
Révolution ? Comment canaliser cette population sans tradition ? A un certain
stade du développement économique, les entreprises ont ressenti la
nécessité d’une gestion sociale de leur main d ‘œuvre et c’est de là que vient
le développement du paternalisme patronal dans des secteurs de la grande
industrie comme le textile par exemple. Or, la convention collective est aussi
un moyen de gestion sociale. Dans une société très divisée, on disait au 19 ème
siècle « classe laborieuse, classe dangereuse », la convention collective
réintroduit des formes de dialogues : lorsque l’on négocie, on admet au
moins la possibilité d’un accord. Les conventions collectives en France
comme dans tous les pays ont ainsi surgies en marge de la loi, à la fin du
19ème siècle. Elles ont alors, en France, comme dans tous les pays de droit
civil, comme dans tous les pays de Common Law, posé aux juristes la même
question difficile à résoudre : comment peut on faire pour donner à la
convention collective une force obligatoire alors qu’elle a pour vocation à
s’appliquer à d’autres que ceux qui l’ont signés. Par définition, la convention
collective n’est pas principalement faite pour s’appliquer aux syndicats et à
l’organisation patronale mais plutôt pour s’appliquer aux salariés et à
l’employeur individuellement. Or, en droit civil, règne le principe de l’effet
relatif du contrat, les contrats n’ont d’effets qu’entre les parties
contractantes et la même idée accourt en Common Law. Or, la convention
collective ne respecte pas le principe de l’effet relatif du contrat ; par
définition, c’est un contrat qui va s’appliquer à d’autres que ceux qui l’ont
signé, à d’autres parties contractantes. Les juristes du début du 20 ème siècle
se sont livrés à toute une série de contorsions pour appliquer des théories du
droit civil afin de résoudre la difficulté. On a soutenu parfois que c’était le
mandat qui justifiait la convention collective mais cette théorie se heurtait au
fait que les salariés la plupart du temps n’ont pas donné mandat aux
syndicats de les représenter. On a aussi tenté d’appliquer la théorie de la
stipulation pour autrui sauf que dans l&a stipulation pour autrui, le
bénéficiaire de la stipulation peut la refuser alors que la convention collective
pour qu’elle soit efficace doit être obligatoire pour les employeurs et pour les
salariés compris dans son champ d’application. On a aussi pensé à la gestion
d’affaires qui rencontrait des objections techniques de même nature. Si bien
qu’à la fin, on est parvenu à l’idée qu’aucune théorie civiliste ne permettait
d’appliquer les conventions collectives de façon satisfaisante. Et c’est ce qui
explique pourquoi en France, comme d’ailleurs dans les autres pays, la loi
allemande est de la même année, on a vu apparaître les premières lois sur
les conventions collectives. Sans résoudre la question théorique : qu’est ce
qu’une convention collective, la loi du 25 Mars 1919 dispose que les clauses
de la convention collective règle les conditions auxquelles sont conclu les
contrats de travail. Les clauses contraires étant réputées non écrites. C’est
ce que l’on appelle l’effet automatique de la convention collective. Les
clauses de la convention collective prennent la place des clauses des
contrats de travail, et évidemment une fois qu’on a dit que l’effet de la
convention collective est automatique, on n’a pas fourni une théorie de la
question.
Deuxième loi importante, c’est la loi du 24 Juin 1936. Cette loi prévoit que
des conventions collectives étendues seront applicables dans toute une
profession. La convention collective devient en quelque sorte la loi de la
profession, l’extension résulte d’un arrêté ministériel et la loi de 1936 donne
ainsi corps à la théorie réglementaire de la convention collective. Finalement,
est ce que la convention collective étendue, ce n’est pas tout simplement un
règlement dans lequel l’autorité administrative a repris mot à mot ce
qu’avaient écrit des auteurs privés. L’Etat, suivant la théorie réglementaire,
déléguerait son pouvoir normatif aux partenaires sociaux et le texte négocié
s’intégrerait à un acte réglementaire, en l’occurrence un arrêté ministériel.
Mais cette théorie réglementaire qui avait de fort argument en sa faveur a
rebuté la doctrine après la seconde guerre mondiale. D’abord pour des
raisons techniques juridiques et aussi pour une raison idéologique. C’est que
la théorie réglementaire publicisait en quelque sorte la convention collective
et en conséquence le patronat et les syndicats qui y sont parties. En
publicisant les rapports sociaux, la théorie réglementaire évoquait les
corporations du régime de Vichy parce que les corporations du régime de
Vichy étaient des personnes morales de droit public, qui intégraient
employeurs et salariés dans la même organisation. En effet, pendant
l’occupation, le CGPF l’ancêtre du CNPF et du MEDEF avait été dissout par
Vichy et les syndicats de salariés avaient été interdits. On a retrouvé après la
guerre un relent corporatif, à l’idée que l’Etat délègue ses prérogatives aux
partenaires sociaux. Peut être que cette approche idéologique de la question
était erronée parce que la corporation et la négociation appuyé, le cas
échéant par la grève entre partenaires sociaux, procède de conceptions que
l’on peut difficilement réduire l’une à l’autre. Bien entendu, dans la
conception de Vichy, les partenaires sociaux ne peuvent pas régler entre eux
les affaires par voie de négociations, le cas échéant marquées de conflits du
travail. Le débat est donc resté ouvert et la doctrine a présenté depuis lors,
une description systématique de la convention collective souvent plus qu’une
théorie.
Le droit français s’est très tôt intéressé à la question de la convention
collective, mais en revanche pendant longtemps, il ne s’est guère intéressé,
appliqué à ce qui précède la convention, c’est à dire la négociation collective.
Avant de conclure une convention, on négocie. La loi du 11 Février 1950,
après une décennie de dirigisme, pendant la guerre et l’après-guerre, il n’y
avait pas de liberté de fixation des grilles de salaires. La loi du 11 Février
1950 rétablit la liberté de fixation des salaires, qui avait disparu. Et il faudra
attendre la loi du 13 Novembre 1982 pour qu’on aille un peu plus loin que de
dire que l’on est libre de négocier et que commence à s’élaborer un régime
de la négociation. D’autres pays, par exemple les Etats Unis ont élaboré bien
plus tard un système très élaboré de négociation. Pourquoi est ce que la
France s’y est mis si tard pour mettre en place un droit de la négociation
collective ? Il y a plusieurs raisons. D’abord, nous l’avons déjà vu, la tradition
française fait de la grève une liberté publique beaucoup plus qu’un
instrument de négociation. Dans d’autres pays, comme les Etats Unis ou
encore l’Allemagne, le droit de la grève et le droit de la négociation collective
ont connu un développement simultané. Une partie du droit de la négociation
collective en fait, c’est le droit de grève. Les conflits collectifs ont stimulé le
droit de la négociation collective. Ça n’a pas été le cas en France.
Deuxième raison, on dit souvent que les syndicats français préfèrent la
réglementation à la négociation et ce n’est pas faux mais le patronat français
a, lui aussi, cultivé pendant très longtemps une tradition étatiste. Pour toute
une série de raisons, entre autres, parce que les grands patrons pour la
plupart d’entre eux sont des hauts fonctionnaires ou des militaires qui sont
passés au privé, des militaires, c’est à dire des anciens élèves de l’école
polytechnique qui jusqu’à une époque très récente était une école militaire.
Lorsque les grands patrons discutant avec l’Etat, ils restent ainsi dans un
entresoie, ils parlent au fond avec leurs camarades de promotion. De plus,
aucune grand entreprise française ne souhaite remettre son sort à
l’organisation patronale. Chaque fois que le patronat prend une décision, il y
a toujours un grand groupe français pour dire exactement le contraire et se
précipiter pour essayer de négocier l’avantage qu’il pourrait en tirer auprès
du gouvernement. La concertation avec l’Etat a longtemps paru au patronat
aussi une vois plus sûre que la négociation. Suivant la formule qu’utilisait
Gérard Lioncan, le patronat regreffe les comités d’organisations de Vichy,
c’est à dire l’époque qu’une économie administrée dans laquelle les grands
patrons pouvaient se faire entendre de l’administration économique.
Troisième facteur, la négociation collective, lorsqu’elle a été revalorisée, et
elle est valorisée en effet depuis la fin des années 50, a été présentée
comme un moyen d’éviter les conflits. La négociation viendrait à la place des
grèves, des conflits du travail. C’est l’inspiration de la politique contractuelle
des années 70. mais la pratique des autres pays développés (Allemagne,
Etats Unis, Grande Bretagne) montre pourtant à l’inverse que lorsque la
négociation collective devient une source de droit vraiment importante,
déterminante, elle occasionne d’âpres conflits. Le nombre de travail perdu
du fait de grève par salarié aussi surprenant que ça puisse paraître est en
temps normal plus fort aux Etats Unis ou en Allemagne qu’en France et cela
est vrai a fortiori si l’on exclut le transport public. A considérer le secteur
privé, il y extrêmement peu de grèves en France, c’est d’ailleurs
parfaitement compréhensible. Lorsqu’on négocie et lorsqu’on est prêt à
s’entendre parfois les relations se durcissent, c’est comme ça. Dans des
négociations commerciales entre entreprises par la nature des choses,
chacun des deux au moment où on est prêt de conclure veut jusqu’au dernier
moment infléchir l’accord dans le sens quyi lui sera favorable. La conception
un peu mièvre d’une négociation collective qui serait une alternative à la
lutte des classes, aux conflits issus de la guerre froide a fait naître une
tradition, certes non conflictuelle parce que c’est une tradition de négociation
avec les syndicats minoritaires les plus conciliants. Mais si les accords que
l’on conclut sont passés avec des syndicats minoritaires, en quoi valent ils
mieux que la réglementation. Finalement, c’est l’autorité » de l’état qui
permet que des syndicats qui ne représentent qu’une faible minorité du
personnel de conclure des accords qui seront obligatoires. Au bout du
compte, c’est l’exécutif en reconnaissant le pouvoir normatif des signataires
qui donne à la convention collective sa force. Un vrai droit de la négociation
collective tel qu’il existe aux Etats Unis et en Allemagne organise la
discussion entre le patronat et les syndicats les plus puissants. N’ayant pas
admis cela, le droit français en est resté à une intervention superficielle. Les
gouvernements français ont pris conscience du retard de la négociation
collective et dans les années 80-90, cela a conduit à agir dans deux
directions. Tout d’abord, le droit français a tenté d’emprunter au droit
américain le Fair Baregening Duty, le fat de négocier de bonne foi qui a été
institué par le National Labour Relation Act de 1935. la loi fédérale sur les
relations du travail. C’est l’œuvre de la loi du 13 Novembre 1982 mais les
obligations de négocier françaises ne sont qu’une pâle copie du modèle.
Ensuite, pour développer la négociation, la loi a multiplié les enjeux de
négociation. Ainsi, à certains moments, de lourdes incitations financières ont
été mises en place pour inciter à réduire la durée du travail (Lois Aubry).
L’allongement rapide de la liste des dispositions légales ou réglementaires
qui peuvent faire l’objet d’accords dérogatoires va dans le même sens : la
négociation devient un moyen pour l’employeur de se soustraire à la
réglementation étatique. Ces efforts des années 80 et 90 se traduisent en
effet par un certain regain de la négociation mais il laisse de côté les
questions les plus essentielles de tout droit de la négociation collective. Qui a
la capacité de signer un accord au nom des salariés ? Quel moyen est il licite
d’employer pour faire céder l’autre partie, quelles sont les armes admises ?
Un progrès a été accompli cependant en dernier lieu par la loi du 4 Mai 2004
dans sa partie consacrée au dialogue social, cette loi fait en effet un pas dans
la direction du principe majoritaire et par conséquent on remet en question
très timidement la possibilité pour les syndicats très minoritaires de conclure
des accords. La loi de 2004 prévoit par ailleurs que des accords d’entreprise
peuvent déroger aux stipulations des conventions de branche sauf clauses
contraires de ces dernières. Cette seconde perspective que les accords
d’entreprise puissent écarter les stipulations des conventions de branche
dans le contexte français, ne laisse pas d’inquiétés parce que le taux de
syndicalisation peut faire craindre que des accords peu pensés et parfois
complaisant soient signés par des salariés faiblement représentatifs de leurs
collègues et assez artificiellement rattachés à un syndicat. Aux Etats Unis,
pour conclure un accord dans une entreprise ou dans un établissement, il
faut que le syndicat ait obtenu l’accord de la majorité du personnel dans un
vote de certification. Ça n’est pas le cas en France pour l’instant comme nous
le verrons. Le régime de la convention collective demeure donc l’élément
essentiel du droit de la négociation collective. Nous étudierons donc
successivement la formation de la convention collective (Chap 1) puis
l’exécution de la convention collective (Chap 2) et enfin la fin de la
convention collective (Chap 3).

PLAGE 24

Chapitre 1 - LA FORMATION DE LA CONVENTION COLLECTIVE

La formation de la convention collective est gouvernée par un principe de


liberté

Section 1 La liberté de la négociation collective

Il y a maintenant déjà assez longtemps que le Conseil Constitutionnel a élevé


le principe de liberté de négociation des salaires, principe qui est issu de la
loi du 11 février 1950, au rang de principe général du droit (Conseil
Constitutionnel, 11 juin 1963, Dalloz 64 page 109 avec une note Léo Amont).
Puisque le principe de liberté de négociation des salaires est un principe
général du droit, seule la loi peut, par conséquent, y déroger. L’art. L131-1 du
code du travail, proclame en outre le droit des salariés à la négociation
collective de l’ensemble de leurs conditions d’emploi et de travail et de leurs
garanties sociales.

Ce principe de liberté est particulièrement fort. Il n’y a pas en droit français


de devoir de paix. Autrement dit, lorsqu’on assigne une convention
collective, on peut en théorie aussitôt engager un conflit pour demander
mieux, pour demander plus. Les salariés peuvent à tout moment demander
une amélioration de la convention collective en vigueur. Par ailleurs, les
convention à durée indéterminée, or c’est la grande majorité des conventions
collectives en France peuvent être dénoncé à tout moment. Les parties sont
donc libres d’engager une négociation de révision à tout moment.

La négociation n’est, pour ainsi dire, jamais fermée. La liberté est également
de règle en ce qui concerne les thèmes de la négociation, l’objet de la
négociation. Lorsqu’on lit le code du travail qui distingue les conventions
collectives et les accords collectifs, on pourrait avoir l’idée que les deux types
d’actes n’ont pas le même régime.

Les conventions collectives sont les accords qui traitent de l’ensemble du


statut du travail et les accords collectifs ne traitent qu’un point particulier ;
et, dans une première approche, notamment de l’art. L132-1 du code du
travail, on peut avoir l’impression que la loi incite à signer des conventions
collectives qui traitent l’ensemble des conditions d’emploi et de travail et
garanties sociales pour toutes les catégories professionnelles plutôt que de
simples accords.

Mais en réalité, la distinction entre convention collective et accord collectif à


une portée juridique très faible. La portée des accords collectifs est la même
que celles des conventions collectives et les parties sont donc tout à fait
libres de disjoindre les sujets de négociation ou de les rassembler. Tout le
droit social ou presque peut faire l’objet de négociation : salaires, emplois,
conditions de travail, rapports collectifs de travail, garanties disciplinaires,
protection sociale. Mais, bien entendu, la liberté de négociation est limitée
par l’existence de règles d’ordre public. L’ordre public restreint le principe de
liberté de la négociation collective. D’une façon générale, les clauses de la
convention collective qui violent une règle d’ordre public sont nulles. C’est
une solution tout à fait classique que cette règle se rattache à ce que l’on
appelle l’ordre public social. L’ordre public social, c’est l’ordre public
« plancher », c’est les dispositions légales ou réglementaires qui prévoient
que le salarié a un droit minimum : minimum de congés, minimum de salaire
etc.. ou bien que les clauses de la convention collective se rattachent à un
ordre public absolu. L’ordre public absolu ne supporte aucune dérogation
même dans un sens plus favorable au salarié et l’exemple le plus simple est
celui de la prohibition de certaines clauses d’indexation (disposition générale
issue de l’ordonnance de 1958 et 1959). Les clauses d’indexation sont
illicites, à moins qu’elle n’ait un rapport avec l’objet de la convention ou
l’activité d’une des parties. Si l’on introduit dans une convention collective
une clause d’indexation illicite, la clause est nulle parce qu’elle viole une
règle d’ordre public absolu.

Bien entendu quand la règle est d’ordre public dit « social », c’est une règle
plancher, une règle qui donne au salarié un droit au minimum ; elle interdit
seulement la clause moins favorable alors que les règles d’ordre public
absolu ne supporte aucune amélioration. La distinction entre les deux
catégories : ordre public social / ordre public absolu est donc essentielle et on
se réfère toujours à ce propos à un avis du Conseil d’Etat du 22 mars 1973
(Grands Arrêts ancienne édition n° 50), d’après cet avis du Conseil d’Etat, les
règles qui débordent du domaine du droit du travail ainsi que les avantages
ou garanties échappant par leur nature aux rapports conventionnels relèvent
de l’ordre public (d’un ordre public absolu). Ces règles ne pourraient donc
pas être améliorée par la négociation collective, les règles qui servent à
l’intérêt général supérieur comme les règles d’ordre public économique, la
prohibition des clauses d’indexation (dont je parlais à l’instant) ou les règles
dont la modification ne se conçoit pas. On imagine difficilement que la
négociation modifie la compétence des agents publics ou des juridictions.

Dans quelle catégorie faut-il cependant ranger les règles qui gouvernent les
modalités de désignation des institutions représentatives du personnel ? Est-
ce que la négociation collective peut modifier ce qui attrait à l’élection du
comité d’entreprise, des délégués du personnel, à la désignation des
délégués syndicaux etc…

En premier lieu, il est facile d’accepter les améliorations quantitatives. Par


exemple, l’employeur accepte qu’il y ait plus de délégués que la loi n’en
prévoit. Mais peut-on en revanche admettre des modifications qualitatives ?

Dans un premier temps, la jurisprudence a refusé globalement ce type


d’amélioration et puis, plus récemment elle a parfois admis que la
négociation collective intervienne, par exemple, que la convention collective
prévoit l’abaissement de l’age minimum requis pour être délégué syndical
compte tenu de la situation particulière de l’entreprise. Même lorsqu’il s’agit
de protéger les salariés, la loi interdit parfois toute dérogation pour des
raisons purement pratiques. Par exemple, jusqu’à ce que se développent les
accords dérogatoires, le régime des horaires de travail échappait à la
négociation collective parce que des horaires trop divers auraient rendu très
difficile la tache de contrôle de l’inspection du travail. C’était des règles de
protection et pourtant, elles ne supportaient aucune dérogation et il en est
encore ainsi en ce qui concerne l’hygiène et la sécurité : il y a toute une série
de règles prescriptives auxquelles on ne peut pas déroger même dans un
sens prétendument favorable au salarié. Il faut faire ce que dit la loi et pas
autrement. On rencontre donc des règles d’ordre public de protection qui
sont aussi des règles d’ordre public absolu. La distinction entre ordre public
absolu et ordre public social ne recouvre pas la distinction que vous avez
étudiée en seconde année en droit des obligations entre ordre public de
direction et ordre public de protection. Certaines règles de protection sont
d’ordre public absolu en effet.

La classification des règles selon la catégorie d’ordre public à laquelle celles-


ci appartiennent est de toute façon assez loin d’être une science exacte mais
en raison des conséquences de que cette classification porte, il faut s’y
essayer.
La réglementation de la durée du travail et des horaires de travail est
maintenant devenue le terrain d’expansion, par excellence, des accords
dérogatoires qui remplacent une disposition légale ou réglementaire par une
norme négociée. Nous avons déjà évoqué ces accords dérogatoires. Lorsque
la loi permet la dérogation négociée, à la loi ou au règlement, il subsiste un
noyau dur de règles indérogeables. Même dans le domaine qui leur est
imparti, les accords dérogatoires doivent respecter certaines limites.

Section 2 Les exceptions au principe de liberté

Il s’agit tout d’abord A- des obligations négociées. La négociation n’est


évidemment tout à fait libre si on est obligé de négocier !

A - Les obligations négociées


1 - Domaines des obligations de négocier
a) Au niveau de la branche professionnelle

L’art L131-12 du code du travail impose aux organisations qui sont liées par
une convention de branche ou à défaut, par des accords professionnels,
plusieurs obligations de négocier. Il existe ainsi une obligation annuelle de
négocier sur les salaires et d’après la loi du 12 juillet 1990, cette négociation
est l’occasion d’une concertation sur l’emploi. Il existe une obligation
triennale de négocier sur la formation professionnelle et enfin une obligation
quinquennale de négocier sur les classifications.

Autre obligation de négocier au niveau de la branche, celle qui s’impose en


cas de dénonciation de la convention collective par tous les signataires
employeurs ou tous les signataires salariés. Dans ce cas, la convention
collective va tomber puisqu’elle a été dénoncée par tous les signataires
représentants l’une des deux parties (représentant l’un des deux cotés) et
par conséquent, les négociateurs (signataires) de la convention supportent
une obligation de négocier.

Mais la sanction du non respect des obligations de négocier au niveau de la


branche professionnelle n’a pas été prévue par la loi. On peut en théorie
songer à la responsabilité civile délictuelle, bien entendu le recours au juge
des référés n’est pas exclu, mais en réalité la loi n’est jamais parvenue
jusqu’à présent à concevoir des sanctions adaptées au niveau de la branche.

b) Au niveau de l’entreprise

Il existe aussi des obligations de négocier au niveau de l’entreprise. Dans les


entreprises où est constitué au moins une section syndicale, l’employeur doit
engager annuellement la négociation sur un ensemble de sujets : salaires
effectifs, durée effective du travail, organisation du temps de travail et
couverture maladie complémentaire lorsque les salariés n’en disposent pas.

La loi tente d’imposer la négociation des salaires effectifs alors que la


discussion au niveau des branches surtout ne porte souvent que sur des
minima. D’après une circulaire ministérielle, il s’agit des salaires bruts par
catégorie. La fraction de la masse salariale affectée à la décision individuelle
entrant cependant dans le champ de la négociation. Comme au niveau de la
branche, la négociation annuelle doit être l’occasion d’un examen de
l’évolution de l’emploi dans l’entreprise, mais la loi du 18 janvier 2005 a
ajouté une nouvelle disposition :

« Dans les entreprises et les groupes d’entreprises qui occupent au moins


300 salariés, ainsi que dans les entreprises et groupes de dimension
communautaire, au sens des dispositions qui ont trait aux comités
d’entreprises européens, qui comportent au moins un établissement ou une
entreprise de 150 salariés en France ; l’employeur doit engager, tous les 3
ans, une négociation qui porte sur les modalités d’information et de
consultation du comité d’entreprise, sur la stratégie de l’entreprise et ses
effets prévisibles sur l’emploi ainsi que sur les salaires ».

La négociation porte également sur la mise en place d’un dispositif de


Gestion Prévision des Emplois et des Compétences, c’est l’art. L 320-2
nouveau du code du travail.

Lorsque la convention collective est dénoncée ou qu’elle est remise en cause


par un événement qui affecte l’entreprise comme un transfert d’entreprise,
les parties supportent, ici encore, une obligation de négocier.

2 - Quelles sont les modalités de l’obligation de


négocier ?

Par définition, une obligation de négocier n’est pas une obligation de


conclure et d’un autre coté, l’obligation de négocier impose de tenter de
parvenir à un accord et les obligations doivent être exécutées de bonne foi.
Les Etats-Unis ont développé une jurisprudence très fournie du « duty to
bargain in good faith = l’obligation de négocier de bonne foi ». L’obligation
de négocier de bonne foi impose de se rencontrer, d’échanger des
informations, de se faire des propositions, de répondre aux propositions de
l’autre partie, d’accepter de négocier sur l’ensemble des questions ouvertes
et, sans poser aucun préalable du type « je ne parlerai pas de ce sujet tant
que tel autre n’est pas résolu etc ». Le droit américain interdit les mesures
unilatérales même favorables aux salariés pendant la durée de la négociation
parce que céder unilatéralement, concéder unilatéralement c’est une façon
de décrédibiliser le syndicat et par conséquent, de méconnaître l’intérêt de la
négociation. Ces idées du droit américain ont été mais très partiellement
seulement reprises par la loi française. Les modalités de la négociation
obligatoire d’entreprise sont les suivantes :

Chaque année, l’employeur doit prendre l’initiative de la négociation


obligatoire. Il ne peut pas imposer au syndicat représentatif une négociation
séparée établissement par établissement. La négociation établissement par
établissement est possible mais il faut tout le monde soit d’accord. Il peut en
revanche scinder les sujets de négociation. Par exemple, découpler les
négociations relatives à la durée du travail de celles qui portent sur les
salaires.

Si l’employeur ne prend pas l’initiative alors que 12 mois se sont écoulés


depuis la négociation précédente, tout syndicat représentatif peut demander
l’ouverture de la négociation et celle-ci s’engage alors dans un délai de 15
jours, l’employeur devant transmettre la demande d’ouverture des
négociations aux autres organisations syndicales dans les 8 jours de la
réception de la demande d’un syndicat.

Lors de la 1ère réunion de négociation, les parties doivent déterminer le lieu et


le calendrier des réunions futures et les informations que l’employeur devra
fournir à ses partenaires. Tant que la négociation est en cours, l’employeur
ne peut pas, sauf urgence, prendre des mesures unilatérales concernant la
collectivité des salariés dans les domaines qui font l’objet de la négociation.
Si au terme de la négociation aucun accord n’est conclu, l’employeur
recouvre sa liberté de décision unilatérale. Un procès verbal de désaccord
doit être établi et ce procès verbal consigne le dernier état des propositions
des parties et il consigne aussi, le cas échéant, les mesures que l’employeur
entend appliquer unilatéralement. La loi ouvre ainsi la porte à ce que le
procès verbal de désaccord constitue un engagement unilatéral du chef
d’entreprise. Ce procès verbal doit être déposé dans les mêmes conditions
qu’une convention collective et cela laisse à penser qui lie l’employeur en
tant d’engagement par volonté unilatérale.

Lorsque l’employeur n’exécute pas son obligation, le recours au juge des


référés est possible (social 13/07/1988 Dalloz 89 page 202 observations
Guoanot ( ???)) et l’employeur engage sa responsabilité civile. Par ailleurs,
l’art L153-2 du code du travail frappe des peines du délit d’entrave,
l’employeur qui se soustrait à l’obligation de négocier mais le texte qui est
lui-même restrictif a été interprété très strictement par la Cour de Cassation.
Le comportement de l’employeur lors des réunions n’entre pas dans ces
prévisions. Seule compte vraiment, sous l’angle pénal, l’organisation de la
1ère réunion dans les 15 jours de la demande d’un syndicat. En tout cas,
contrairement aux craintes exprimées en 1982 par les employeurs, ce
dispositif ne les a pas écrasés ; on pourrait même dire l’inverse par une sorte
de renversement de perspective, l’obligation de négocier dans l’entreprise a
au contraire permis aux employeurs d’attirer les syndicats sur un terrain, qui
à l’origine peu fréquenté, qui est le terrain de l’aménagement du temps de
travail.

B- L’articulation des niveaux de négociation

Il est possible de négocier au niveau de l’entreprise, au niveau de la branche


professionnelle, au niveau interprofessionnel et puis il faudrait compliquer un
peu le tableau en disant qu’on peu aussi négocier au niveau de
l’établissement, au niveau du groupe.

Est-ce que les conventions de niveau supérieur commandent les conventions


de niveau inférieur ?
Une certaine hiérarchie paraissait être établie par l’art. L 132-13 du code du
travail, texte qui disposait qu’une convention de branche ou un accord
interprofessionnel ne peut comporter des dispositions moins favorables au
salarié que celles qui leurs sont applicables en vertu d’une convention ou
d’un accord couvrant un champ territorial ou professionnel plus large. Donc
une convention régionale était ainsi, semblait-il, subordonnée à une
convention nationale, par exemple.

De même l’art. L 132-23 du code du travail énonçait-il que les accords


d’entreprise peuvent adapter les dispositions des conventions de branche
mais adapter… c’est respecter d’abord. Tout se ramenait en somme à
l’application du principe de faveur. La convention de niveau inférieur pouvait
comporter des clauses plus favorables que la convention de niveau
supérieur. Les clauses moins favorables des conventions de niveau inférieur,
même postérieur à la convention de niveau supérieur, étaient inapplicables
mais cette question de l’articulation des niveaux de négociation a été posée
sous un autre jour par le développement de la négociation collective
interprofessionnelle. Un accord national interprofessionnel du 31 octobre
1995 et surtout une position commune arrêtée par plusieurs syndicats et le
patronat le 16 janvier 2001 ont prévu la possibilité pour l’accord de branche
d’autoriser la dérogation à ses dispositions ; le cas échéant, dans un sens
moins favorable par accord d’entreprise. L’accord de branche ainsi aurait pu
autoriser la dérogation au niveau de l’entreprise. Selon les cas, à déterminer
par les négociateurs, l’accord national interprofessionnel ou l’accord de
branche peut ainsi avoir, en tout ou en partie, un rôle supplétif
d’encadrement au niveau décentralisé ou encore être un accord d’application
directe dont les dispositions s’imposent aux entreprises et à leurs salariés de
façon impérative ou optionnelle.

Bien entendu, on peut sourire devant cette rédaction qui, comme toutes les
rédactions de compromis, est embarrassée ; le rôle supplétif d’encadrement
et les dispositions qui s’imposent de façon optionnelle ne sont évidemment
pas tout à fait convaincants mais la question posée n’en est pas moins
sérieuse. Après l’accord de 1995 et la position commune de 2001, une
discussion doctrinale était née sur le point de savoir si les partenaires
sociaux avaient la possibilité de rendre supplétives les clauses de convention
ou d’accord collectif de branche. Est-ce qu’il était possible, sans manquer au
principe de faveur, (qui est un principe général du droit) de stipuler que
l’accord d’entreprise pourrait déroger à telle ou telle clause de l’accord de
branche ? pour la négative, non pourrait lire notamment Antoine Gerbaud
( ???) « Le principe de faveur, enquête sur une règle émergente », social 89
page 115 ; et en sens contraire, ce que j’ai écrit avec Raymond de Vatinet
( ???) dans le tome du Traité des Contrats dirigé par Jacques Guestin
consacré aux contrats du travail au numéro 568.

Notre discussion a été balayée par la loi de 2004 sur le dialogue social.
D’après ce texte, les accords de niveau inférieur peuvent en principe, sans
qu’y ait donc de clause dans l’accord de branche, déroger aux clauses même
plus favorables des accords de niveaux supérieurs. Ainsi on peut renoncer,
au niveau de l’entreprise, à ce qu’il a été obtenu au niveau de la branche.
Toutefois, pour ce qui attrait aux salaires minima, aux classifications et à la
protection sociale complémentaire, les accords d’entreprises ne peuvent
déroger ni aux accords de branche, ni aux accords interprofessionnels. A cet
égard, le principe de faveur reste donc intégralement en vigueur.

Les accords interprofessionnels ou les accords de branche peuvent


cependant stipuler que leurs clauses ne sont pas susceptibles de dérogation.
Il y a là, avec la possibilité d’opter au niveau de la branche pour négociation
majoritaire, une forme renouvelée d’articulation des niveaux de négociation ;
il est vrai dans un contexte assez peu pesé de déréglementation. La nouvelle
loi n’est pas d’application immédiate aux accords collectif en cours. Ainsi, les
accords interprofessionnels ou les accords de branche qui ont été conclus
avant la loi de 2004 demeurent soumis au droit antérieur. Par conséquent, ils
ne peuvent pas supporter de dérogation par voix d’accord d’entreprise ou
d’établissement. C’est une donné qui incite à penser que les syndicats ne
concluront pas beaucoup d’accords de branche jusqu’aux prochaines
élections présidentielles, en espérant qu’une alternance remette en cause
cet aspect de la loi de 2004

PLAGE 25

Section 3 L’entrée en vigueur de la convention collective

Les conditions d’entrée en vigueur des conventions collectives ordinaires et


des accords dérogatoires diffèrent à certains égards et nous verrons
respectivement dans un grand A- et un grand B-. Le développement accéléré
des accords dérogatoires explique un certain essor des nullités que nous
envisagerons dans un grand C-.

A - Conditions en vigueur de la convention collective


ordinaire
L’entrée en vigueur est d’abord subordonnée à des conditions de fond

1 - Conditions de fond

Certaines de ces conditions s’appliquent à toutes les conventions collectives,


d’autres sont réservées aux conventions collectives susceptibles d’extension.

a) Conditions générales

La convention collective ordinaire doit être signée du coté des salariés par un
ou des syndicats représentatifs. La condition de représentativité ne s’impose
pas pour le groupement patronal signataire. En effet, celui-ci n’engage que
ses membres et par conséquent s’il y a peu de membres, il y aura peu
d’employeurs concernés mais pour une convention ordinaire, il n’a pas
semblé nécessaire d’aller plus loin.

 Lorsque les signataires sont des personnes morales, ce qui est


pratiquement toujours le cas du coté des salariés, ces personnes doivent
être représentées. D’après l’art. L132-3 du code du travail, l’habilitation
des représentants résulte soit d’une stipulation des statuts du syndicat,
soit d’une délibération spéciale d’un organe, soit de mandats spéciaux
écrits donnés individuellement par les adhérents (disposition désuète).
Toutefois, dans le cadre de la négociation d’entreprise, le délégué syndical
tient une place particulière, le délégué syndical - ou en cas de pluralité au
moins deux délégués syndicaux par organisation - participent
obligatoirement à la négociation d’entreprise. Le délégué syndical
bénéficie d’une présomption de mandat pour conclure au nom de
l’organisation syndicale qu’il représente, une convention collective ou un
accord d’entreprise. Cependant, le syndicat peut prendre l’initiative de
notifier à l’employeur que le délégué n’est pas habilité à le représenter.

 Les syndicats représentatifs peuvent assez souvent recourir au


mandatement d’un salarié qui n’est pas délégué syndical. Ce
mandatement a été initialement prévu par la loi du 12 novembre 1996 qui
a été reprise et élargie par la loi Aubry I du 13 juin 1998 et par la loi Aubry
II du 19 janvier 2000. Ce mandatement ne constitue en fait pas une
véritable exception à la règle que j’ai exposée auparavant : un mandat est
toujours un mandat même si la loi use d’un barbarisme pour le désigner ;
pourquoi parle t-on de mandatement ? : je crois que c’est tout simplement
parce que les fonctionnaires du Ministère du travail qui ont rédigé les
textes ne connaissent pas le droit civil et comme ils n’étaient pas trop surs
de ce qu’était un mandat, ils ont préféré employer un autre mot pour ne
pas se tromper.
A vrai dire, la Cour de Cassation avait jugé dans un arrêt du 25 janvier 1995
bulletin n° 140 que le syndicat pouvait donner mandat à un salarié pour le
représenter. Aussi bien la loi étend t-elle au mandaté la protection contre le
licenciement. A défaut de délégué syndical ou de représentation élue du
personnel, la loi de 2004 sur le dialogue social permet la négociation de tout
accord d’entreprise par les salariés mandatés dès lors qu’un accord de
branche en prévoit la possibilité, c’est l’art. L132-26-III nouv. du code du
travail.

En principe, la convention collective est conclue par un syndicat avec cette


extension que constitue le mandatement. Parfois, elle peut être conclue par
les élus du personnel. Dans quelques cas : accord de réduction de la durée
du travail à titre subsidiaire, accord de participation ; la loi permettait à titre
exceptionnel la conclusion d’un accord avec les élus du personnel. La loi du 4
mai 2004 sur le dialogue social va plus loin en disposant que les accords de
branche peuvent autoriser la négociation d’accord d’entreprise avec les élus
du personnel, comité d’entreprise ou à défaut délégué du personnel, lorsqu’il
n’y a pas de délégué syndical dans l’entreprise.

Il est remarquable que la solution de la négociation avec les élus soit placée
par la loi nouvelle avant celle du mandatement ; alors que dans le
mandatement, malgré tout, techniquement, c’est le syndicat qui s’engage. Il
est vrai que les accords conclus avec les élus du personnel, dans le cadre de
la loi de 2004, doivent être approuvés par une commission paritaire de
branche et qu’à défaut, ils sont réputés non écrits. Cette garantie (le passage
devant une commission paritaire de branche où les syndicats et salariés sont,
évidemment, très actifs), a sans doute paru supérieur à celle qui résulte de la
désignation par un syndicat représentatif des mandatés.

 3ème possibilité : c’est la conclusion de la convention collective non pas par


un syndicat, ce qui est quand même la très grande majorité des cas, non
pas par des élus, mais par référendum auprès de l’ensemble du
personnel.

La loi du 19 janvier 2000 subordonné l’entrée en vigueur des accords signés


et par mandatement ou conclus par les élus du personnel à l’approbation par
la majorité des suffrages exprimés par le personnel lors d’un référendum.
Donc, le référendum jouait le rôle de formalité complémentaire. Dans
quelques autres cas : réduction de la durée du travail dans les entreprises de
moins de 11 salariés, qui par conséquent n’ont pas d’élu, accord de
protection sociale complémentaire, accord de participation ; la formalité du
référendum était et demeure une condition suffisante de la validité de l’acte
collectif. La collectivité du personnel étant dépourvue de personnalité
juridique, il est cependant permis de penser que, à moins que la loi n’en
dispose autrement de façon très claire, l’acte collectif n’est alors pas une
convention mais un acte unilatéral de l’employeur autorisé par un
référendum auprès des salariés.

La loi sur le dialogue social de 2004 a cependant donné au référendum une


importance nouvelle. D’abord, dans les entreprises où sur le fondement d’un
accord de branche s’applique le principe majoritaire (c’est une possibilité
nouvelle, dont nous allons reparler), les syndicats représentatifs qui ne
remplissent pas la condition de majorité peuvent néanmoins conclure un
accord valable si le texte de celui-ci est ensuite approuvé par les salariés à la
majorité (Art. L132-2-2-III- premièrement du code du travail).

Ensuite, dans l’hypothèse subsidiaire du mandatement, le référendum est


nécessaire pour valider l’accord conclu ou à défaut l’accord réputé non écrit.

Pour en terminer avec les conditions générales, il faut évoquer la question de


la loyauté de la négociation. Le droit du travail tente à interdire que la
négociation ne soit conduite de façon plus ou moins occulte qu’avec qu’une
partie des syndicats représentatifs. Au niveau de l’entreprise, l’art. L132-19
du code du travail pose explicitement un principe de non discrimination entre
organisations syndicales et la Cour de Cassation en a déduit que l’accord
négocié avec une partie seulement des syndicats représentatif était nul
(social 10 mai 1995, revue de jurisprudence sociale 95 page 442).

Dès conditions supplémentaires s’appliquent aux conventions collectives


lorsque celles-ci sont susceptibles d’extension.

b) Extension et élargissement

Les accords susceptibles d’extension ont vocation à être rendus applicables


par un arrêté ministériel dans toutes les entreprises de la branche ou du pays
dans le cas des accords nationaux interprofessionnels étendus. La
négociation de tels accords requiert la participation de toutes les
organisations représentatives à une commission paritaire (commission
paritaire : c’est celle qui se réunit spontanément) ou à une commission mixte
(c’est celle qui est convoquée par le Ministre). Le particularisme de ces
négociations tient au fait que la représentativité est exigée du coté des
employeurs aussi bien que du coté des salariés en raisons des effets de
l’extension. Tous les syndicats et toutes les organisations représentatives
doivent être appelés à la négociation et seules les organisations patronales
représentatives peuvent valablement signer. La réunion d’une commission
mixte est obligatoire si deux organisations le demandent et le fait de ne pas
y participer expose d’ailleurs à des sanctions pénales (Art. R153-3 du code du
travail).

Une fois qu’une convention susceptible d’extension a été conclue, le Ministre


ne peut prendre un arrêté d’extension qu’après avoir suivi une procédure
préalable. Le Ministre consulte la Commission Nationale de la Négociation
Collective (CNNC). Il peut le faire de sa propre initiative, il doit le faire à la
demande d’une organisation représentative concernée. La commission rend
un avis motivé. Le Ministre peut étendre la convention collective quel que
soit cet avis si la convention collective traite toutes les matières prévues à
l’art. L133-5 du code du travail, pour toutes les catégories professionnelles et
si elle a été signée par tous les syndicats représentatifs, une hypothèse
malgré tout relativement rare. Lorsque l’accord ne correspond pas cet idéal
(cas très fréquent où un syndicat n’a pas signé l’accord), le Ministre doit
surseoir à l’extension s’il rencontre l’opposition de deux organisations
d’employeurs ou de deux organisations de salariés à la CNNC. Toutefois, à
condition de procéder à une nouvelle consultation sur la base d’un rapport
détaillé, il peut, quel que soit le second avis de la commission, procéder à
l’extension par décision motivée. Dans la pratique, les organisations
patronales ne sont pas hostiles à l’extension parce que celle-ci présente pour
elles l’avantage d’assujettir les entreprises non adhérentes aux mêmes
contraintes que supportent déjà leurs adhérents aux termes de la convention
non étendue. L’extension des conventions collectives est facteur
d’égalisation des conditions de la concurrence et donc le patronat, en
général, n’y est pas défavorable et donne un avis positif la plupart du temps,
lorsqu’il est consulté. Le Ministre étend normalement la convention telle
qu’elle est, mais il doit exclure de l’extension les clauses contraires aux lois
et règlements. Il peut exclure de l’extension des clauses qui, pouvant être
distraites de la convention sans en altérer l’économie, ne lui paraissent pas
répondre à la situation de la branche dans le champ d’application considéré.
Le Ministre peut aussi étendre sous réserve, c’est une sorte d’interprétation
validante (si l’on fait référence aux pratiques du Conseil Constitutionnel), le
Ministre étant en émettant des réserves qui constituent une forme
d’interprétation de l’acte. Les décisions du Ministre, en toute hypothèse, ont
lieu sous le contrôle du Juge de l’excès de pouvoir mais le juge de l’excès de
pouvoir, juge administratif, rencontre souvent une question préjudicielle
chaque fois que la légalité d’une clause de la convention collective est en
cause (Conseil d’Etat 4 mars 1960, droit social 60, page 276, conclusion
Nicolet).

L’arrêté d’extension est caduque si le texte de base cesse de produire effets


par ce qu’il est dénoncé, parce qu’il est révisé, parce qu’il est parvenu à son
terme.

Il en va de même d’un éventuel arrêté d’élargissement. L’élargissement est


une procédure encore plus énergétique que l’extension puisqu’il va rendre
une convention collective applicable en dehors de son champ d’application
géographique ou professionnelle. On applique une convention collective
départementale dans un département voisin, on applique une convention
collective de branche dans un secteur d’activité voisin. Il s’agit de suppléer la
carence des partenaires sociaux dans le champ d’élargissement. Pour
pouvoir être élargie, la convention collective doit d’abord avoir été étendue
dans son champ d’application initiale. Les conditions économiques doivent
être analogues dans le secteur où la convention a été étendue et dans celui
visé par l’élargissement. Le Ministre doit consulter la CNNC avant de prendre
un arrêté d’élargissement mais dans ce cas, il ne pourra pas procéder à
l’élargissement si un vote défavorable est formulé à la majorité.

2 - Conditions de forme d’entrée en vigueur de la


convention collective

La convention collective doit obligatoirement être écrite ne serait que pour


rendre possible son dépôt. Les formalités de dépôt commandent l’entrée en
vigueur de la convention collective.

La convention collective doit être déposée à la Direction Départementale du


Travail et de l’Emploi ainsi qu’au Secrétariat Greffe du Conseil des
Prud’hommes. C’est la première formalité qui rend le texte applicable. Le
dépôt est effectué par la partie la plus diligente. L’entrée en vigueur de la
convention collective peut être fixée par les parties à une date postérieure au
dépôt. L’accord doit en outre être notifié aux syndicats non-signataires
représentatifs dans le champ considéré. En effet, la notification de l’accord
fait courir le délai d’opposition qui est de 15 jours pour les accords
interprofessionnels des accords de branche et de 8 jours pour les accords
d’entreprises ou d’établissement.

Le dépôt et la notification sont assortis de formalités de publicité. D’après


l’art. L 135-7 du code du travail, l’employeur qui est lié par une convention
collective doit en procurer un exemplaire au comité d’entreprise, au délégué
du personnel et aux délégués syndicaux. En outre, il doit afficher dans
l’entreprise un avis indiquant qu’il tient un exemplaire de la convention
collective à la disposition des salariés. Le défaut d’affichage de cet avis rend
la convention collective inopposable aux salariés. L’employeur engage en
outre sa responsabilité civile et pénale.

Depuis la loi de 2004 sur le dialogue social, le salarié reçoit une notice
d’information sur les textes conventionnels qui lui sont applicables au
moment de l’embauche. Ces mêmes textes doivent, le cas échéant, être mis
à la disposition du salarié sur l’intranet de l’entreprise.

B- Les accords dérogatoires

Il y a plusieurs variétés d’accords dérogatoires. Tout d’abord, les accords


dérogatoires sont ceux qui écartent des dispositions d’ordre public, de loi ou
de règlement. La formule peut sembler contradictoire puisque par définition
l’ordre public c’est ce à quoi l’on ne peut rien changer par voie de convention
mais on doit considérer qu’un grand nombre de règles qui demeurent
absolument d’ordre public au regard du contrat individuel de travail, et dont
la violation et même alors pénalement sanctionnée, peuvent être écartées ou
modifiées par négociation collective. C’est, par exemple, très fréquent pour
ce qui attrait à la durée et aux horaires de travail.

Deuxième type d’accord dérogatoire : se sont des accords qui dérogent aux
accords de niveau supérieur. Depuis la loi sur le dialogue social de 2004, les
accords de niveau inférieur peuvent, de surcroît dans une large mesure,
déroger aux accords de niveau supérieurs : les accords d’entreprise peuvent
déroger aux accords de branche. Ces accords peuvent faire l’objet d’une
opposition de la part des syndicats non-signataires non point parce qu’ils
sont dérogatoires maintenant, mais parce que l’opposition est possible dans
le régime supplétif de la négociation collective qui s’applique à défaut que les
partenaires aient opté pour le principe majoritaire.

Avant la loi de 2004, les accords dérogatoires avaient ceci de particulier


qu’ils pouvaient faire l’objet d’une opposition alors que la plupart des autres
accords collectifs ne pouvaient pas faire l’objet d’une telle opposition. Mais
les conditions ont maintenant changé et la loi de 2004 a prévu la possibilité,
dans certains cas, d’adopter le principe de l’accord majoritaire. Est-ce que
l’accord majoritaire, qui était à l’origine une exception, deviendra le droit
commun de la négociation ? dans la loi du 19 janvier 2000, la majorité
intervient comme une condition pour obtenir des aides publiques et non pas
comme une condition de validité des accords de réduction de la durée de
travail.

En revanche, la loi du 3 janvier 2003 en instituant des accords dérogatoires


de méthode, qui aménage la procédure de consultation du comité
d’entreprise en cas de licenciement économique, a subordonné leur validité
au fait que les syndicats signataires aient obtenu la majorité des suffrages
exprimés. C’est le véritable accord majoritaire mais depuis, cette loi de 2003
a été remise en cause et les dispositions de la loi du 18 janvier 2005
ramènent dans le droit commun les accords de méthode. La loi sur le
dialogue social de 2004 a donné aux accords majoritaires une nouvelle
extension puisque les partenaires sociaux peuvent en faire le régime normal
de la négociation collective dans une branche donnée.

N° 26 :

C) les nullités des conventions collectives

Les conventions collectives sont des actes de droit privés par conséquent elle
sont bien entendu soumises au droit commun des nullités mais ces nullités
jusqu’aux année 1980 n’ont pour ainsi dire pas été mises en œuvre, on
évoquait à propos de quelques arrêts très isolés les vices de violence que
pourrait constituer une séquestration, les accords collectifs constituaient
alors quasiment toujours une amélioration pour les salariés par rapport aux
régimes antérieurs et les syndicats non signataires n’avaient donc pas intérêt
a demander la nullité mais les choses ont changée avec le développement
des accords dérogatoires qui écartent des règles d’ordre publique sans que
ce soit nécessairement dans un sans plus favorable au salarié et aussi avec
les accords de révision des accords des conventions collectives qui
comportent parfois des de notables recules, le droit d’opposition jusqu’à la loi
du 4 mai 2004 était conçu de façon restrictives et le recours en nullité s’est
donc présenté comme une solution de rattrapage, il est vrai que la loi du 4
mai 2004 a assouplie le droit d’opposition, cependant compte tenu de la
possibilité qui est d’aurai avant reconnu aux accords d’entreprises dérogés
aux accord de branche, un nouvel essor des actions en nullité est prévisible.
Les nullités de convention collective prennent en définitive deux formes
assez différentes, il y a d’abord 1° l’accord réputé non écrit par ce qu’il lui
manque la condition de majorité ou par ce qu’il a été frappé d’opposition et
puis 2° nous verrons ensuite des nullités de droit commun qui ont cette
importance que je vient de dire.

1°) l’accord réputé non écrit

La première forme d’accord réputé non écrit et c’est même dans ce cas
seulement que la loi utilise l’expression c’est l’accord frappé d’opposition,
maintenant toute convention collective peut faire l’objet d’un droit
d’opposition c’est l’article L 132-2-2 du code du travail prévoit cela dans son
grand 1 pour les accord interprofessionnels, dans son grand 2 pour les
accords de branche et dans son grand 3 : 2°) pour les accords d’entreprises.

Toutes conventions collectives peuvent faire l’objet d’un droit d’opposition


mais l’opposition s’exerce suivant deux modalités assez différentes. Lorsqu’il
s’agit des accords de branche et des accords interprofessionnels l’opposition
est exprimée par la majorité des organisations syndicales, de salarié
représentative dans le champs d’application de l’accord, Un syndicat
représentatif : une voix donc dans une hypothèse courante où il y a 5
syndicats représentatif l’opposition implique que 3 syndicats se prononcent
contre l’accord et puis il y a une autre technique d’opposition qui est prévue
à l’article L 132-2 grand 3 : 2°) du code du travail ; l’opposition doit être
exercée par les organisations syndicales de salariés ou l’organisation
syndicale de salarié qui a recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés
au 1er tour des dernières élections au comité d’entreprise ou à défaut des
délégués du personnel.
Dans ce cas là le point de référence c’est donc les résultats électoraux du
syndicat qui s’oppose.
Dans les entreprises qui n’ont pas eu d’élections professionnelles la validité
d’une convention ou d’un accord d’entreprise signé par le délégué syndical
est subordonnée à l’approbation à la majorité des salariés de l’entreprise.
2ème variété d’accord qui sera réputé non écrit : c’est l’accord minoritaire non
validé.

La loi a prévu la possibilité dans les branches qui le choisisse de passer au


principe de l’accord majoritaire pour les conventions de branches et pour les
accords d’entreprises mais en disposant ainsi la loi ajoute que les accords
minoritaires peuvent être néanmoins validés par un vote organisé auprès du
personnel.
Les syndicats minoritaires à condition d’être représentatif peuvent signer des
accords collectifs qui ne sont pas valables jusqu’à ce qu’il aient été ratifiés
par un vote du personnel et puis dans la mesure où le principe majoritaire
peut également être adopté pour les branches professionnelles, la question
se pose également de savoir ce qui arriverait à un accord de branche
minoritaire dans une branche qui a choisi de se référer à la majorité pour la
conclusion des accords collectifs, la loi donne choix entre deux techniques
pour déterminer quels sont les syndicats majoritaires, c’est à l’article L 132-
2-2 grand 2 du code du travail petit a et petit b que l’on trouve ces
techniques exposées. Soit on peut organiser une consultation des salariés
concernés périodiquement dans la branche afin de mesurer leur
représentativité des syndicats des salariés dans cette branche, dans ce cas là
on devra se référer à l’accord collectif qui a choisi le principe majoritaire et
qui du même coup aura déterminé les conditions de cette consultation
périodique, soit 2ème possibilité on se réfère au dernières élection au CE ou à
défaut des délégués du personnel dans l’ensemble de la branche.
Mais reste à savoir ce qu’il advient dans une branche où on a choisi le
principe majoritaire d’accord éventuellement signés par des syndicats
minoritaires et bien il me semble que ces accords n’étant pas, ne répondant
pas aux conditions prévus pour leur validité ne sont en tout cas plus valables
en tant que convention collective, la question qui se pose est de savoir s’il
sont réputés non écrits ou s’il ne sont pas plutôt réduit à un contrat ordinaire
dépourvue de l’effet de la convention collective, après tout le patronat est
organisé suivant les formes qui comporte la personnalité morale, le syndicat
même minoritaire est une personne morale, si un accord est conclus qui n’est
pas valable comme convention collective il reste peut être comme même un
contrat, c’est une question qui devra être tranchée dans les années qui
viennent de savoir si les accords minoritaires sont réputés non écrites
comme les accords frappés d’opposition ou s’ils seront réduit pas les
tribunaux à l’état de contrat de droit commun dépourvu de l’effet obligatoire
de la convention collective, en tout cas en tant que convention collective il
sont nuls.

2°) Les nullités de droit commun

La nullité d’une convention collective suivant le droit commun des contrats


peut d’abord être prononcé en raison du fait que l’acte dans ses conditions
d’élaboration ou d’édiction est entaché d’un vice, il peut y avoir eu déloyauté
de la procédure de négociation, par exemple sociale de décembre 1998 droit
ouvrier 1999 page 295, nullité de l’avenant à une convention collective
négocié avec une seule organisation représentative.
Il peut y avoir encore plus simplement un défaut de pouvoir des signataires,
la non signature de l’acte par les négociateurs ou encore mais c’est
l’hypothèse précédente un accord non majoritaire dans une situation où la
majorité a été requise.
En revanche l’omission d’une consultation préalable obligatoire du CE si elle
caractérise le délit d’entrave il pourrait y avoir une sanction pénale, ne
frappe pas de nullité la convention collective subséquente donc lorsque la
convention collective intervient dans un domaine qui est aussi dans la
compétence du CE avant de conclure la convention collective l’employeur
doit consulter le CE.
Mais s’il omet de consulter le CE encore qu’on pourrait soutenir que la
formalité substantielle, la jurisprudence n’est pas d’avis qu’il en résulte une
nullité de la convention collective, simplement l’employeur encours les
peines du délit d’entrave.
La nullité bien entendu peut aussi se fonder sur le contenu des clauses de
l’acte, la convention collective qui viole la loi ou le règlement, l’omission
d’une clause légalement obligatoire dans un type d’acte déterminé par
exemple un accord collectif relatifs aux astreintes qui omettrait la
compensation du aux salariés. Les effets de la nullité vont varier suivant les
motifs de celle-ci, lorsque la nullité entache les conditions de formation de
l’acte, l’acte bien évidemment vont tomber en entier.
Il en va différemment en principe lorsque l’irrégularité ne concerne que le
contenu d’une clause. Les conventions collectives sont en effet par nature
des actes divisibles et l’application du principe de faveur conduit souvent
comme nous le verrons à une application dite distributive des clauses de
plusieurs conventions collectives différentes à une situation donnée ; on
applique la clause la plus favorable au salarié en raisonnant avantage par
avantage qui veut dire qu’on disjoint les clauses, par conséquent si une
clause est frappée de nullité il n’y a pas de raison de faire tomber les autres
puisque aussi bien on pourrait les appliquer séparément, la clause nulle est
écartée de la convention collective qui continue de s’appliquer dans ses
autres dispositions mais ce qui était la règle absolument générale est
maintenant simplement la règle très majoritaire par ce qu’il y a maintenant
quelques cas où l’annulation doit être globale lorsqu’il y a des irrégularité de
fond qui sont relevés par les juges par ce que la convention collective
présente les caractères d’un contrat synallagmatique et ainsi si on annule les
stipulations des salariés qui bénéficient à l’employeur par voie de
conséquence ont remet en question la cause des stipulations de l’employeur
qui bénéficie au salarié.
Lorsqu engagement du maintient de l’emploi a lieu en échange d’une
acceptation par le syndicat d’une baisse de salaire par exemple, on a une
convention collective dont la structure nous fait penser à celle d’un contrat
synallagmatique, Une autre question plus délicate est celle de la validité des
clauses d’indivisibilité, clause par laquelle les négociateurs écrivent que
toutes les clauses de la convention sont indivisibles et si une seule d’entre
elles sont remises en questions et bien l’ensemble de l’acte doit tomber. Oui
mais ce type de clause parait bien assez souvent avoir pour objet de
dissuader les syndicats ou les salariés de soulever la question de la nullité
d’une clause déterminée, Si la clause d’indivisibilité a pour finalité de couvrir
l’irrégularité que l’on connaît dès l’origine d’une partie des clauses de l’acte
en faisant craindre qu’il ne soit remis en cause dans sa totalité en cas de
recours, la légalité de cette clause de l’indivisibilité est douteuse. Si on
introduit une clause d’indivisibilité dans un seul but d’interdire à ceux qui en
ont le droit de soulever la question de la nullité peut être bien que la clause
de l’indivisibilité elle-même est contraire à l’ordre public.

N° 27 :

Chapitre 2ème : L’exécution de la convention collective

Section 1er : le domaine d’application de la convention collective en section

Quelles sont les entreprises, quels sont les salariés compris dans le champ
d’application de la convention collective c’est cela la question du domaine et
il faut bien entendu bien considérer

A) le domaine géographique et professionnel de la convention collective.

C’est la liberté qui gouverne ici l’élaboration de la convention collective, les


conventions et accord collectifs déterminent librement leur domaine
géographique et professionnel article L 132-5 du code du travail.
Ainsi sur le plan géographique il existe des conventions collectives
nationales, régionales et locales, les parties pouvant procéder au découpage
qu’elles jugent bon, par exemple le secteur de la métallurgie a toujours évité
d’avoir une convention nationale en matière de salaire, l’application de la
convention collective a des salariés travaillant à l’étranger n’est pas
impossible, si le contrat est soumis à la loi française et si la convention
collective elle-même prévoit son application à l’étranger.
Les partenaires sociaux pour ce qui est du domaine professionnel peuvent
choisir de négocier au plan interprofessionnel ou bien de se borner à un
secteur d’activité déterminé : la chimie, le travail temporaire, a restauration
collective par exemple.
La définition du champ d’application professionnelle est aussi parfois un
choix tactique afin de soustraire par scission de branche un ensemble
d’entreprise dont les ressources sont limités à l’obligation de faire les mêmes
concessions qu’un autre groupe très proche mais qui peut dépenser plus.
Une fois que l’on connaît le champ d’application géographique et
professionnel d’une convention collective il faut déterminer si une entreprise
donnée rentre dans ce champ. La difficulté principale porte sur le
rattachement de l’entreprise à une branche professionnelle. Le critère est
l’activité principale de l’entreprise ou bien si l’entreprise comporte des
établissements multiples, l’activité principale. Ainsi tous les salariés qui
travaillent ensembles sont soumis à la même règle et non à une convention
qui concernerait un seul métier, convention des employer de bureau, des
mécaniciens etc.…
Il n’y a en France qu’une seule convention de métier c’est l’accord national
interprofessionnel qui constitue les VRP, les représentants de commerce.
Si on laisse ce cas de coté pour déterminer à quelle branche on doit rattacher
une entreprise, on se référera à son code APE, Le code APE a la valeur d’une
présomption simple Sociale : 18 novembre 1970 Droit ouvrier 71 page 189,
les tribunaux en cas de contestation doivent rechercher l’activité réelle et en
cas de concours d’activité rendant difficile le rattachement exclusif à une
branche professionnelle une faculté d’option peut être ouverte à l’entreprise
par les conventions collectives qui couvrent les branches respectivement
concernées. C’est l’article L 132-5-1 nouveau du code du travail.
Pour les conventions collectives non étendues une condition supplémentaire
est requise qui est l’affiliation de l’employeur au syndicat patronal signataire.

B) Condition tenant à l’employeur

Les conventions collectives non étendues s’appliquent à tous les salariés des
entreprises qui sont adhérentes d’un groupement patronal signataire. La
filiation syndicale du salarié contrairement à la solution allemande est
indifférente, lorsqu’un employeur démissionne du groupement signataire il
n’en reste pas moins soumis aux conventions collectives conclus avant sa
démission aussi longtemps que celle-ci reste en vigueur. A défaut d’être
membre du groupement signataire, l’employeur peut consentir
individuellement à l’application de la convention collective à son entreprise,
c’est d’abord le cas bien évidemment s’il signe u accord d’entreprise ou
d’établissement. La loi de 2004 sur le dialogue social reconnaît pour la
première fois explicitement la validité d’accord de groupe article L 132-19-1
nouveau du code du travail.
Il conviendra alors que chaque société concernée par l’accord de groupe
donne mandat au négociateur patronal de la représenter.
La loi a aussi prévu la possibilité pour une entreprise d’adhérer à une
convention collective de branche qui ne la lie pas initialement par exemple,
l’employeur n’est pas membre du groupement patronal signataire mais il
trouve que la convention collective est convenable et donc il décide
d’adhérer.
Si l’entreprise entre dans le champ géographique et professionnel de la
convention c’est le cas que j’évoquait à l’instant, l’adhésion est pour
l’employeur une pure faculté article L 132-9 du code du travail, d’ailleurs les
syndicats signataires avait envisagé l’application de la convention à une
entreprise comme la sienne et par conséquent il est logique de considérer
que cette application peut procéder de la seule volonté du chef d’entreprise.
En revanche la situation est bien entendu différente lorsque l’entreprise ne
rentre pas dans le champ d’application géographique ou professionnelle de la
convention et dans ce cas si une entreprise veut se rattacher à un accord de
branche alors qu’elle ne rentre dans son champ d’application, elle ne peut y
adhérer qu’avec agrément des syndicats représentatifs dans l’entreprise, il
arrive que l’employeur fasse une différence aux clauses d’une convention qui
ne le lie pas dans le contrat de travail et il peut alors être tenu de respecter
cette convention mais en réalité dans ce cas c’est la force obligatoire du
contrat de travail qui constitue le fondement de son engagement,
l’application de la convention collective est en quelque sorte une clause du
contrat, on parle alors d’application volontaire de la convention collective.
Dans le cas des conventions collectives étendues ou élargies tous les
employeurs compris dans le champ d’application sont liés il n’y a donc pas de
condition particulière relatives aux employeurs.

N° 28 :

Section 2ème : Nature juridique de la convention collective

Le droit a défini de façon pragmatique les effets de la convention collective


avant d’en faire une analyse dogmatique. Il faut sans doute apporter
quelques nuances je le ferai dans un grand C mais sous réserve de ces
nuances il est exacte de dire la convention collective est traitée comme un
contrat au stade de sa formation A et comme un règlement au stade de son
application B

A) prédominance du contrat au stade de la formation de la convention


collective

Pourquoi peut on dire que la formation de la convention collective est


gouvernée par le droit des contrats.
Il y a une accumulation d’indice, d’abord lorsqu’un accord pour une raison ou
pour une autre n’est pas validée comme convention collective, c’est un peut
l’hypothèse que j’évoquait tout à l’heure à propos des accords qui
interviendraient dans un secteur ou la majorité est requise mais qui ne serait
pas majoritaire, lorsque l’accord n’est pas valide comme convention
collective, il arrive que les tribunaux le réduise à un simple contrat, contrat
qui lie les parties sans produire les effets particuliers de la convention
collective Sociale 9 mars 1957 page 228.
Deuxième indice : l’application de la légalité d’une convention collective en
cas de recours pour excès de pouvoir dirigé contre un arrêté d’extension
échappe au juge administratif lorsque la décision d’extension du ministre est
attaqué motif pris du fait que la convention étendue est illicite, le juge
administratif n’examine pas ce point, il y voit une question préjudicielle qui
doit être tranchée par le juge judiciaire, d’ailleurs 3ème élément les nullités de
convention collectives font comme on l’a vu une large place au droit des
contrats et notamment elles font application de la théorie des vices du
consentement.
Or évidemment les vices du consentement n’ont pas leur place endroit
public.
Autre élément qui va dans le même sens en droit transitoire, les conventions
demeures comme les contrats soumis à la loi en vigueur au moment de leur
conclusion, c’est en ce sens que se prononcent les dispositions transitoires
de la loi sur les dialogues social de 2004.
Enfin la convention collective ne peut pas ne pas être un contrat pour des
raisons de fond, c’est qu’entre autres effets elle crée assez souvent des
obligations civiles entre les parties contractantes, il peut y avoir dans la
convention collective des clauses qui lient le syndicat patronal et le syndicat
de salarié signataire, une clause d’interprétation, une obligation de se revoir,
une obligation de renégocier, une clause de préavis avant grève visant le
syndicat etc.
Lorsque le groupement d’employeur et le syndicat s’engagent l’un vis-à-vis
de l’autre on est en présence d’un pur contrat mais cependant les effets de
la convention collective s’écartent de ceux du contrat.

B) prédominance du règlement au stade de l’application de la convention


collective

En quoi la convention collective s’applique t’elle comme un règlement ?

Et bien tout d’abord comme nous l’avons déjà vu la convention collective est
affranchie de la théorie de l’effet relatif du contrat, elle va s’imposer par
définition à des salariés toujours et à des employeurs souvent qui n’en sont
pas signataires à condition qu’il soit compris dans son champ d’application et
il y adonc une très forte analogie avec une situation réglementaire par ce
que par définition le règlement s’applique à tous ceux qui sont sur ce champ
d’application sans qu’on considère d’aucune façon qu’ils aient pris par ou non
à sa formation.
Deuxième élément et à vrai dire cet élément serait lui seul suffisant.

La cours de cassation a maintenant depuis longtemps décidé de contrôler


l’interprétation de la convention collective par les juges du fond, Assemblée
plénière 6 février 1976 JCP 76 2ème partie 18481, or sous réserve du grief de
dénaturation la cours de cassation ne contrôle pas l’interprétation du contrat
par les juges du fond.
Soucieuse de l’unité de l’interprétation du droit la cours de cassation a
décidé d’interpréter la convention collective comme un règlement mais à
cette idée que la convention collective est un contrat au stade de sa
formation et un règlement au stade de fond d’application, il faut apporter des
nuances grand C.

C) Il faut apporter des nuances


La convention collective n’est pourtant pas tout à fait un contrat au stade de
sa formation, En effet les formalités d’entrée en vigueur, formalité de dépôt,
formalité de publicité sont déjà de type réglementaire.
On ne se livre pas à une telle publicité sur les simples contrats et d’un autre
coté la convention collective n’est pas non plus tout à fait un règlement au
stade de son application car les parties doivent aussi exécuter les obligations
civiles qui les lien et cela c’est purement contractuelle.
En outre l’inexécution des clauses à effets réglementaires si les parties
signataires ont une part à cette inexécution par exemple si un syndicat
patronal a donné une consigne d’interprétation mal conçue l’inexécution des
clauses à effets réglementaires engagent la responsabilité contractuelle des
signataires c’est ce qui découle de l’article L 135-3 du code du travail.
La convention collective s’applique en France à tous les salariés même non
syndiqués, dans ces conditions si l’on veut comprendre la question au fond il
est très difficile de lui trouver un fondement contractuel, le fait est que les
partenaires sociaux se sont vu reconnaître le pouvoir de réglementer la
situation de personne qui ne représente pas au sens du droit privé tout au
moins, il se sont vu reconnaître par la loi un pouvoir réglementaire mais à
vrai ce qui parait être très étonnant après la 2ème guerre mondiale et
maintenant devenu assez banal l’Etat assez fréquemment délègue son
pouvoir réglementaire à des personnes privées par exemple il délègue son
pouvoir réglementaire aux associations sportives qui organisent les
compétitions, aux caisses primaires d’assurance maladie, à l’UNEDIC et aux
ASSEDIC pour l’assurance chômage etc.
Le développement des accords dérogatoires renforcent la thèse
réglementaire puisqu’il consiste à donner aux partenaires sociaux le pouvoir
de remplacer la règle d’ordre public par une autre dont la violation elle aussi
est souvent pénalement sanctionnée. Avec l’entrée en vigueur de la loi du 19
janvier 2000 dite loi Aubry II le phénomène est devenue d’une importance
très remarquable et il a encore été accrus par les lois qui ont été votées
depuis lors par la loi du 18 janvier 2005. Une partie de l’ordre public du droit
du travail pour l’essentiel les dispositions qui concernent la durée, les
horaires de travail mais aussi maintenant les procédures de licenciement
collectifs sont devenues négociables. Bien sur le droit étatique, la loi et le
règlement demeurent pleinement d’ordre public au regard du contrat de
travail individuel mais il peuvent être en revanche être écartés par une
convention ou accord collectif de travail et des règles négociés prennent
alors la place de la norme étatique, comme le domaine des accords
dérogatoires connaît une grande variété de sanction pénale la loi fait en sorte
que la violation de la règle négociée fasse l’objet de sanction pénale
analogue à celle qui frappait la violation de la règle étatique, on peut sur ce
point se référer par exemple à l’article L 153-1 du code du travail. Ce
mécanisme qui permet au partenaires de disposer dans certaines limites de
normes d’ordre publique et qui attache à leur stipulation une autorité très
proche de celle qui est reconnu au règlement public évoque bien
évidemment la délégation du pouvoir réglementaire mais à la différence
d’autres personnes privées qui n’ont de privé que la forme et se comportent
en fait comme des services publics, les partenaires sociaux agissent d’abord
comme il en ont le devoir dans des intérêts privés. Dès lors qu’ils disposent
de prérogatives réglementaires, les partenaires sociaux exercent ces
prérogatives dans des intérêts privés. En négociant les partenaires sociaux
font entrer le pouvoir réglementaire dans le commerce juridique.
On n’a plus à faire au pouvoir réglementaire exercé dans l’intérêt général et
la question se pose donc de savoir comment l’Etat pourra canaliser le
processus de création de norme par les partenaires sociaux et la façon de le
faire c’est la façon classique en réalité d’encadrer le pouvoir contractuel pour
canaliser le processus par lequel les partenaires sociaux exercent le pouvoir
réglementaire, l’Etat se fonde sur la technique de l’ordre public.
Au total il n’est pas faut que la convention collective soit un contrat à effet
réglementaire mais il est tout aussi vrai que le pouvoir réglementaire y soit
objet de contrat, l’Etat délègue le pouvoir réglementaire aussitôt celui
devient objet de contrat.
Plage 29

Section 3 – Effets réglementaires de la convention collective

A- Effets automatique, immédiat, impératif.

On dit depuis la loi de 1919, que la convention collective a un effet


automatique parce que l’application de la convention collective ne requiert
pas de réception, la modification des clauses des contrats n’est pas
nécessaire, on n’a pas besoin de transposer la convention collective dans le
contrat. Les clauses de la convention collective règlent les conditions des
contrats, elles sont directement applicables. L’effet de la convention
collective est dit immédiat parce que celle-ci s’applique aux contrats en
cours. Lorsque la convention collective augmente le salaire, c’est la même
chose que lorsque le pouvoir exécutif augmente le montant du SMIC, les
salaires de tous le contrats en cours qui sont au SMIC sont automatiquement
élevés, immédiatement élevés. La convention collective obéit ici au même
régime que les lois et règlements applicables au travail, lois et règlements
qui sont en général d’application immédiate aux contrats de travail en cours.
Enfin, on parle aussi d’effet impératif de la convention collective parce que
les salariés ne peuvent pas renoncer à son application.

Mais est-ce que la convention collective peut aggraver la situation juridique


des salariés ?

Une question très débattue. Le principe de faveur semble s’opposer à ce


qu’une convention collective aggrave la situation collective des salariés ; par
exemple, leur impose des obligations supplémentaires.
En effet, si le contrat de travail est plus favorable que la convention
collective, c’est le contrat de travail qui l’emporte, mais c’est un autre
mécanisme. Il est certain lorsque la convention collective réglemente un
clause non favorable au salarié par exemple la clause de non-concurrence,
elle rend par là même plus facile, l’introduction de ce type de clauses dans
tous les contrat de travails, car l’employeur peut à juste titre la présenter
comme une clause usitée par la profession, normale, par voie de
conséquence. Mais il ne s’agit que d’un effet indirect. La convention
collective ne peut pas modifier le contrat de travail.
Dans le silence du contrat, la jurisprudence admet cependant que la
convention collective impose parfois aux salariés une clause défavorable, à
condition que la formulation de la convention soit nettement impérative.
Par exemple, la convention collective peut imposer au salarié une période
d’essai ou une clause de non-concurrence. La solution est contestée parce
que le silence du contrat permet de présumer que le salarié n’a pas accepté
la clause. Rien n’oblige en effet l’employeur a lui notifié le contenu de la
convention collective avant la conclusion du contrat. Les inspecteurs du
travail sont chargés de veiller à l’application des conventions collectives. Sur
le plan civil, les conseils des prud’hommes, juges du contrat de travail sont
compétents pour ordonner l’application de conventions collectives et même
pour l’interpréter par voie d’exception à l’occasion de tout litige né du
contrat de travail. L’action individuelle des salariés devant le conseil des
Prud’hommes peut être exercée par les syndicats même non signataires, à
condition que les salariés ne s’y opposent pas. Les syndicats signataires
peuvent en outre agir en exécution de la convention collective devant le TGI
et la cas échéant, ils peuvent demander des Dommages et Intérêts pour
inexécution. Sur le plan pénal, une inexécution de la convention collective
n’est sanctionnée que dans 2 cas :
- tout d’abord l’article R 153.2 du code du travail incrimine le fait de
verser un salaire inférieur au minimum fixé par une convention ou un
accord étendu.
- Ensuite, l’article L 153.1 du code du travail incrimine la violation
d’accords dérogatoires qui remplacent par une norme négociée une
règle elle-même pénalement sanctionnée.
Enfin, les représentants du personnel concédés en sus de ceux dont la loi
prévoit l’existence, par une convention collective, bénéficie de la même
protection que les représentants d’origine légale à condition toutefois que les
mandats soient de même nature que ceux prévus par la loi. Cela veut dire
que si la convention collective prévoit qu’il y a 1 ou 2 délégués du personnel
en plus et si ces délégués sont licenciés sans autorisation administrative,
l’employeur commet un délit pénal d’entrave. Pour que joue l’effet de la
convention collective, il faut cependant déterminer si elle n’est pas écartée
par une autre norme. Cela amène à envisager les concours de conventions
collectives et aussi l’hypothèse où la convention collective entre en conflit
avec le contrat de travail.

B – Les concours de conventions collectives

C’est une partie très difficile et assez abstraite du cours de droit de la


négociation collective. Il peut s’agir en premier lieu, et cela est encore assez
simple de conventions collectives de champs d’application géographique
différents. La convention collective applicable est celle qui correspond à
l’activité principale de l’entreprise ou de l’établissement. Mais il arrive que
plusieurs conventions de niveaux géographiques différents répondent à cette
définition, par exemple, il y a une convention nationale et une convention
régionale. D’autre part, les accords de branche rentrent en concours d’une
part avec les accords inter-professionnels et d’autre part avec les accords
d’entreprise ou d’établissement (c'est-à-dire lorsqu’une entreprise est à la
fois concernée par un accord d’établissement par un accord de branche, par
un accord d’entreprise etc…), et dans de telles hypothèses, jusqu’à la loi du 4
Mai 2004 sur le dialogue social, il convenait toujours d’appliquer la clause la
plus favorable aux salariés.

La comparaison des conventions collectives lorsque l’on applique la clause la


plus favorable aux salariés, ce qui est encore fréquemment le cas, a lieu de
façon distributive, en raisonnant avantage par avantage. De façon
distributive c'est-à-dire qu’on ne se demande pas quelle est la convention
collective la plus favorable, mais on se demande quelle est la clause la plus
favorable, avantage par avantage. Les juges doivent d’après la Cour de
Cassation, comparer les avantages qui ont la même objet ou la même cause;
Cour de Cassation assemblée plénière 18 mars 1988, Dalloz 89 page 221,
note Jean-Pierre Chochar?.

La notion d’objet et surtout la notion de cause ne sont pas prises dans le sens
courant du droit des contrats, la formule signifie que l’on doit isoler
l’ensemble des clauses qui réglementent un aspect particulier de la relation
de travail par exemple le préavis, l’indemnité de licenciement, la prime
afférente à telle où telle prestation ou compensant telle ou telle suggestion.
Et ayant isolé ces clauses qui se rapportent à un avantage, on va les
comparer.

En revanche, il est évidemment exclu de panacher les dispositions qui se


rapportent au même avantage, en prenant par exemple, dans une
convention collective, le mode de calcul de l’ancienneté et dans une autre les
avantages liés à l’ancienneté. Il faut prendre la cause comme elle est, on ne
peut pas l’améliorer artificiellement en biaisant un certain nombre des
conditions qui déterminent son effet.

La comparaison des avantages a lieu in-abstracto. On appliquera la clause


qui est en général la plus favorable aux salariés. Par exemple, on choisira la
période d’essai la plus courte sans tenir compte des intérêts particuliers du
salarié en cause. Et la solution est tout à fait logique. C’est une question de
sécurité juridique. Il faut que l’employeur puisse lorsqu’il a entre les mains
l’ensemble des accords collectifs applicables déterminer comment on va
raisonner, quelle sera la clause que l’on va en définitive appliquer. Or, cela
n’est possible que si l’on raisonne in abstracto. La même méthode s’applique
lorsqu’il s’agit de comparer les clauses de la convention collective aux
dispositions légales et réglementaires.

A compter de l’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004, sur le dialogue


social, ce mode de solution du concours de convention collective, devient
inapplicable dans de nombreux cas. Tout d’abord, les accords de niveau
inférieur, par exemple les accords régionaux de branche par rapport à un
accord national, les accords d’entreprise ou d’établissement par rapport à un
accord de branche, les accords de niveau inférieur peuvent en principe
écarter les clauses de l’accord de niveau supérieur, sauf si ce dernier à lui-
même stipulé que ses clauses étaient indérogeables. Alors, voila la règle
mais c’est vraiment une règle de principe qui pour l’instant s’applique très
peu.
D’abord parce qu’il y a une exception, qui est une exception importante. Il y
a 3 hypothèses dans lesquelles l’ancien mode de comparaison des avantages
au regard du principe de faveur continu à prévaloir.
1- Les accords conclus avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 Mai 2004
restent soumis à la loi en vigueur au moment de leur conclusion et par
conséquent leur concours par rapport aux accord de niveau inférieur
restent soumis au principe de faveur.
2- Dans les 3 domaines, salaire minima, qualification et protection sociale
règlementaires, les accords d’entreprise ne peuvent pas déroger aux
accords de branche, mais ils peuvent cependant comme par le passé
comporter des clauses plus favorables.
3- Lorsque l’accord de niveau supérieur répute ces clauses indérogeables,
les accords ne niveau inférieur peuvent cependant comme dans
l’hypothèse précédente comporter des clauses plus favorables.

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il est assez vraisemblable que


les syndicats hésitent dans un premier temps à renégocier les conventions
de branches, cela serait en effet remplacer un texte indérogeable par un
texte dérogeable. Il faudra en définitive attendre le résultat des élections de
2007 pour savoir si la solution va se consolider et être vraiment utilisée dans
la pratique.

A coté des concours de conventions collectives, qui ont un champ


d’application dans l’espace identique, il faut se poser un instant la question
des convention collectives qui ont un champs d’application dans le temps
différent mais qui viennent pour une brève durée à s’appliquer de concert. Il
arrive dans plusieurs hypothèses que 2 conventions collectives de même
niveau géographique, rentrent en concours parce qu’elles ont un champ
d’application dans le temps différent, mais partiellement commun.

La première hypothèse c’est celle du transfert d’entreprise ou


d’établissement suivi d’une absorption. Une entreprise ou un établissement a
été absorbé par un autre, l’entreprise absorbante, peut avoir une activité
principale différente de celle que l’établissement absorbé. Dans ce cas là,
cela remettre en cause, la convention de branche applicable. Si
l’établissement perd son autonomie à la suite de l’absorption, il peut rentrer
dans le champ d’application d’une nouvelle convention de branche, alors que
l’application de l’ancienne convention de branche se poursuit pendant un an
au terme de l’article 132.8 al 7 du code du travail. Et la scission peut
produire un effet analogue à la fusion-absorption.
Le plus fréquemment, les concours provisoires de conventions collectives liés
à une restructuration se produisent entre 2 accords d’entreprises. Les
salariés de l’entreprise absorbée sont immédiatement soumis à l’accord
d’entreprise du nouvel employeur par application du droit commun,
cependant que leur ancien accord d’entreprise survit un an. C’est la règle de
l’article L132.8 du code du travail. Et ces concours sont réglés comme les
concours entre conventions collectives de niveaux différents, avant l’entrée
en vigueur de la loi du 04 mai 2004, c'est-à-dire qu’ils sont réglés par le
principe de faveur.

Un cas particulier est lié à la révision des conventions collectives. La révision


des conventions collectives peut aussi donner naissance à des concours de
conventions qui ont dans le temps des champs d’application dans le temps
différents.
Jusqu’à la loi du 31 décembre 1992, la révision d’une convention collective
par une partie seulement des signataires initiaux laissait subsister l’ancienne
convention collective. Hypothèse que la CGT, la CFDT et FO ont signé une
convention collective et la CFDT FO contre l’avis de la CGT décident d’en
conclure une nouvelle de contenu différent. L’ancienne convention collective
reste en vigueur parce que la CGT est toujours signataire et que l’employeur
n’a pas dénoncé. C’est la fameuse jurisprudence BASIRIKO ?, Sociale 9
mars 1989, Bulletin n°200. La nouvelle convention est en vigueur parce
que elle a été signée par les syndicats représentatifs. L’ancienne convention
reste en vigueur parce qu’elle n’a pas été régulièrement dénoncée par la
partie patronale. L’accord conclu avec les syndicats non signataires de
l’avenant n’a donc rien perdu de sa force, les deux conventions sont donc
simultanément en vigueur et le concours entre elles se règlent par
application du principe de faveur comme dans tous les cas évoqués
précédemment.
La loi de 1992 a réglé la question lorsqu’il s’agit du moins de la révision de la
convention collective par une partie seulement des signataires, du coté des
syndicats de salariés. Mais la loi de 1992 n’a pas réglé la question lorsqu’il
s’agit du moins de la révision de la convention collective par une partie
seulement des signataires patronaux. Et il y a donc une hypothèse de
concours qui s’est parfois présentée dans des entreprises qui sont
adhérentes de 2 organisations patronales, dont l’une a conclu un accord de
révision alors que l’autre demeure liée par l’ancien accord non révisé.

C’est dans une hypothèse de type BASIRIKO donc révision d’une convention
collective par une partie seulement des signataires initiaux que la Cour de
Cassation a rendu l’un des arrêts récents les plus remarqués du droit des
conventions collectives. C’est l’arrêt Compagnie Générale de
Géophysique, Sociale 19 février 1997, Dt Social 97 page 432 ,
observation Gérard Couturier ? L’accord de révision, l’avenant supprimait une
prime prévue par l’accord initial, l’employeur de son coté s’engageait à
maintenir l’emploi de salariés menacés de licenciement. L’avenant est
signifié par la CFDT mais pas la CGT, toutes 2 étant signataires de l’accord
initial. Les 2 accords sont donc en concours, on est avant la réforme de 1992.
Il faut les comparer. Et devant procéder à cette comparaison et donc
déterminer qu’elle est la solution la plus favorable au salarié, ou la solution
applicable sur le terrain du principe de faveur, la Cour de Cassation ne
raisonne pas avantage par avantage. Si l’on avait raisonné avantage par
avantage, on aurait été amené à reconduire la prime aux salariés mais la
Cour de Cassation ne fait pas cela. Elle procède à une comparaison globale
des 2 accords. Le nouvel accord – suppression de la prime, maintien de
l’emploi étant globalement plus favorable, il l’emporte dans toutes ses
dispositions et donc les salariés ont perdu la prime. Cette renonciation au
principe de la comparaison analytique est demeurée exceptionnelle mais il y
a quand même eu un autre arrêt qui a confirmé le principe de ce
raisonnement. Et cette renonciation au principe de la comparaison analytique
s’explique par le caractère très particulier de l’accord. Dans l’affaire
Compagnie Générale de géophysique, Sociale 19 février 1997,
l’accord présentait toutes les caractéristiques d’un contrat synallagmatique.
La renonciation du syndicat à la prime et l’engagement de ne pas licencier se
servaient mutuellement de cause. Et donc il n’était pas possible de raisonner
avantage par avantage sans priver de cause l’engagement de l’employeur.
C’est une jurisprudence importante mais d’application très rare, l’arrêt qui a
renouvelé l’orientation jurisprudentielle est un arrêt du 8 juin 1999. Droit
Social 99, page 852, observations Jean Savatier ? Cette jurisprudence
pourrait peut-être trouver à s’appliquer dans des hypothèses de concours
entre accords d’entreprises et accords d’établissement.

B- Les concours ou conflits entre convention collective et contrat


de travail

Le principe de faveur domine également les rapports entre convention


collective et contrat de travail. Le contrat de travail peut comporter des
clauses plus favorables que la convention collective, cela ne fait aucun doute.
Les salaries réels sont souvent d’origine contractuelle et donc fixés à un
niveau très supérieur au minima des conventions collectives.
L’individualisation des rémunérations doit cependant tenir compte du
principe à travail égal, salaire égal. Et ce principe requiert que les différences
de traitement établies par contrat aient une justification objective. Le
principe de faveur avec comparaison analytique des avantages demeure
applicable. Il y a toutefois une différence avec les concours de conventions
collectives. Lorsque l’on compare les conventions collectives, la comparaison
se fait in-abstracto alors que la comparaison entre convention collective et
contrat de travail se fait in-concreto. On doit se demander quelle est la
clause la plus favorable au salarié compte tenu des intérêts concrets du
salarié.
Pourquoi peut-on raisonner in-concreto ? D’abord parce que le salarié est le
meilleur juge de son intérêt. Ensuite c’est ici le contrat de travail qui
éventuellement est plus favorable que la convention collective. Si le salarié a
obtenu une dérogation concrètement avantageuse pour lui, il n’y a aucune
insécurité juridique pour l’employeur parce que l’employeur sait très bien
que le salarié a voulu cette clause dans le contrat. Donc il n’est pas mis hors
d’état de prévoir quelle est la solution applicable au sort du salarié à la
différence de ce qui se produit en cas de concours de conventions collectives
où on est en train d’appliquer des actes réglementaires.
La question la plus discutée du droit des convention collectives a été pendant
longtemps celle de l’incorporation ou non de la convention collective au
contrat de travail. Du fait que la convention collective a un effet
réglementaire, on ne peut pas déduire que la convention collective ne
s’incorpore pas au contrat de travail, car en dehors du droit du travail, les
contrats sont en principe soumis aux lois et règlements en vigueur au
moment de leur conclusion. Et même en droit du travail, c’est le régime qui
s’applique aux conventions collectives. L’incorporation de la norme au
contrat parait plutôt la règle en droit privé. En réalité la non-incorporation de
la convention collective au contrat n’est qu’une application particulière de la
pratique normative du droit social, suivant laquelle lois et règlements sont en
général d’application immédiate.

Le fondement de cette solution ne peut pas être trouvé dans le fait que le
droit social comporte un ordre public très développé, car toutes les normes
d’ordre public ne sont pas d’application immédiate. L’idée de progrès a pu
autrefois jouer un rôle. C’était autrefois l’un des arguments du doyen
Roubier. La convention collective comme la loi représenterait toujours un
progrès. Mais cette idée n’est plus que partiellement exacte. En définitive, la
non-incorporation procède très largement de l’idée suivant laquelle l’unité du
statut collectif du personnel est préférable à une mosaïque de situations. S’il
y avait incorporation, la gestion du personnel réclamerait un travail
permanent d’historiographie normative. Cette solution serait peu égalitaire,
elle n’a pas paru souhaitable à la Cour de Cassation.

Il y a cependant un cas où les clauses de la convention collective, ou


certaines d’entre elles s’incorporent au contrat de travail. C’est le cas où
s’appliquent les dispositions légales qui prévoient le maintien des avantages
acquis, mais il s’agit alors d’une conséquence de la fin de la convention
collective

Plage 30

CHAPITRE 3 - LA FIN DE LA CONVENTION COLLECTIVE

La convention collective peut être remise en cause par plusieurs procédés, ce


que nous verrons dans une section 1. Réserve faite du cas de la révision, les
effets de la remise en cause sont cependant assez homogènes (section 2).

Section 1 – Diversité des modes de la remise en cause de la


convention collective

La convention collective comme le contrat de travail peut être à durée


déterminée ou à durée indéterminée. Les conventions à durée déterminée
sont en France traditionnellement rares. Encore que l’apparition
d’engagements sur l’emploi pris par les employeurs comme des
engagements de non-licenciement par exemple leur aient par la force des
choses connaître un certain développement dans la période la plus récente.
Lorsque la convention collective est à durée déterminée, le terme ne peut
excéder 5 ans. A l’issu de ce délai, et sauf clause contraire la convention
collective à durée déterminée ne cesse pas de produire effet, elle se
transforme en convention collective à durée indéterminée ce qui autorise sa
dénonciation.

A- La dénonciation de la convention collective

La dénonciation c’est l’expression consacrée pour désigner la résiliation


unilatérale de la convention collective. Donc c’est l’homologue du
licenciement pour le contrat de travail. Elle constitue un droit pour chacune
des parties dont l’exercice n’a pas à être causé.
La dénonciation est soumise à un certain formalisme. Elle doit être notifiée
aux autres signataires et à défaut elle est sans effet. Et par exemple, la Cour
de Cassation a estimé qu’une dénonciation faite au représentant syndical, au
comité d’entreprise qui n’était pas habilités à négocier, était sans effet. En
effet, c’est le délégué syndical qui est habilité à négocier les conventions
collectives et pas le représentant syndical, désigné pour suivre les séances et
les activités du comité d’entreprise. Social 16 février 1989. Droit Social 90
page 430.

La question évidemment délicate dont nous avons déjà parlé est celle de la
dénonciation par une partie seulement des signataires initiaux. Pour que la
convention collective cesse totalement de s’appliquer, il faut que tous les
signataires patronaux ou bien tous les signataires syndicaux dénoncent.
Dans ce cas là, il n’y a place pour aucune discussion. La dénonciation par une
partie seulement des signataires syndicaux, la plupart du temps n’a pas une
très grande portée puisqu’il suffit qu’un syndicat représentatif demeure
engagé. Tout au plus fait elle perdre au syndicat qui dénonce le droit de
participer à l’administration de la convention collective, par exemple de
participer aux commission d’interprétation qui ont été mises en place. Il n’en
irait autrement que si le syndicat qui dénonce était le seul représentatif dans
une partie du champ d’application de l’accord ; le champ d’application de la
convention collective serait alors réduit à due concurrence. Cependant, le
développement du principe majoritaire doit renouveler cette approche de la
question. En effet, si l’on admet que dans certaines branches il sera
dorénavant requis pour pouvoir conclure une convention collective que les
signataires constituent la majorité des syndicats représentatifs ou bien que
dans certaines entreprises il faudra que les signataires aient obtenu la
majorité des voix aux élections du CE.

Que se passe t-il si un syndicat dénonce de tel sorte que il ne reste plus
comme signataires de la convention collective qu’une minorité, minorité des
syndicats de la branche, syndicats ne représentant qu’une minorité du
personnel dans l’entreprise ?
Il est vraisemblable dans ce cas, que la convention collective qui était
subordonnée à une convention de majorité sera caduque.

La dénonciation par une partie des signataires patronaux emporte en tout


cas en général d’importantes conséquences, puisque les adhérents du
groupement qui dénonce cessent à terme d’être liés.

B- La révision

La révision des conventions collectives est encouragée par la loi avec


notamment des obligations de négocier. La révision présente pour
l’employeur de nombreux avantages par rapport à la dénonciation, le
changement de régime est immédiat et le risque que l’échec de la
négociation qui suit la dénonciation ne pérennise les avantages
individuellement acquis disparaît. C’est pourquoi la révision connaît une
certaine faveur auprès des groupements patronaux et auprès des
employeurs. La révision par l’ensemble des signataires initiaux ne soulèvent
aucune difficulté particulière. C’est exactement comme quand 2 personnes
qui étaient liées par un contrat décident d’un commun accord de le modifier.
Il n’y a évidemment aucune difficulté. Le dépôt du nouvel accord entraîne
son application immédiate. L’accord initial dans la mesure où il est contraire
cesse aussitôt de s’appliquer. Le cas échéant, les non-signataires peuvent
cependant exercer le droit d’opposition à moins naturellement où l’on soit
dans l’une des branches où la condition de majorité est requise, mais pour
l’instant cette solution n’a pas été adoptée. La difficulté, c’est la révision par
une partie des signataires initiaux, dont nous avions déjà parlé auparavant,
l’arrêt BASIRIKO ? social 9/3/89 Droit social 89 page 636 note
DEXPAX, avait jugé qu’en cas de révision de la convention collective par une
partie seulement des signataires initiaux, la nouvelle convention valablement
signée, entrait en concours avec l’ancienne qui n’avait pas été valablement
dénoncée. Evidemment cette solution était catastrophique pour l’employeur
puisqu’il était obligé d’appliquer distributivement les clauses les plus
favorables de chacun des 2 accords. Donc, au lieu d’une amélioration de sa
situation, il avait une aggravation de sa situation. Mais il est vrai que le
procédé employé, réviser alors que l’on pourrait dénoncer avec une partie
seulement des signataires initiaux contournait le régime de la dénonciation
et pouvait ainsi faire penser à une fraude à la loi. La loi du 31 décembre 1992
est venue renverser cette jurisprudence, en venant modifier l’Article L 132-7
du code du travail. L’accord modificatif qui est conclu par une partie
seulement des signataires initiaux remplace l’accord modifié, sauf s’il fait
l’objet d’une opposition de la part d’autres syndicats représentatifs dans le
champs considéré, qui remplissent les conditions légales de majorité lorsqu’il
s’agit d’un accord d’entreprise. L’accord qui a fait l’objet de l’opposition est
réputé non écrit.
C- les modifications affectant l’entreprise peuvent également
remettre en question l’application de la convention collective.

Les vicissitudes de l’entreprise peuvent amener à conduire à écarter une


convention collective qui jusqu’à présent s’appliquait dans une entreprise
donnée.

Il s’agit d’abord du transfert d’entreprise, transfert d’entreprise qui


entraîne le maintien des contrats de travail par application de l’article L 122-
12 al 2 du code du travail, c’est ce qui a été vu au premier semestre dans le
cours sur les relations individuelles de travail. En revanche, l’article L 122-12
du code du travail ne vise pas l’accord d’entreprise, donc l’accord
d’entreprise n’est pas transféré en cas de modification affectant l’entreprise.
La règle de l’effet relatif des contrats retrouve sa force, le nouvel employeur
avec des tempéraments ne sera pas lié.
Deuxième effet possible du transfert d’entreprise, le transfert d’entreprise ou
d’établissement peut également remettre en cause l’application d’une
convention collective de branche. Moins souvent, mais quand même, si
l’activité principale du nouvel ensemble diffère de l’activité initiale à ce
moment là comme c’est le critère de l’activité principale de l’entreprise qui
détermine la convention de branche applicable, à ce moment là il faudra
peut-être changer de convention de branche. Il y a une autre donnée, qui
peut conduire à remettre en cause l’application d’une convention de
branche. Lorsqu’il s’agit du moins d’une convention qui n’est pas une
convention étendue, c’est le fait que le nouvel employeur ne soit pas
membre du groupement patronal signataire. L’entreprise est transférée, le
premier employeur était membre du groupement patronal signataire donc
l’entreprise était soumise aux conventions soumises par ce groupement. Le
nouvel employeur n’est pas adhérent donc il n’est pas soumis à ces
conventions, donc le transfert d’entreprise a pour effet de faire sortir
l’entreprise du champ d’application de la convention collective.
Il y a une autre évolution, concevable, enfin qui peut conduire à la remise en
cause de l’application d’une convention de branche. C’est le fait que
l’entreprise ou l’établissement indépendamment de toute restructuration
change d’activité principale. Il y a des évolutions lentes, parfois une
entreprise qui au départ avait une activité à titre principale en change. Et si
une activité change d’activité principale, il est possible que cela soustrait au
champ des conventions qui s’y appliquaient auparavant.

Section 2 – Quelles sont les effets de la remise en cause de la


convention collective ?

La révision est le procédé qui produit les effets les plus énergiques, quoique
les accords de révision comportent dans la majorité des cas, mais pas dans
tous les cas, une clause de maintien des avantages acquis. A défaut de
clause conventionnelle de maintien des avantages acquis, l’entrée en vigueur
d’un accord de révision peut aller jusqu’à baisser les salaires, si les salaires
jusqu’à présent étaient fixées par la convention collective. Lorsque l’accord
est remis en cause par la dénonciation ou par un événement qui affecte
l’entreprise, la loi a en revanche attenuée l’effet de son abrogation.

A – Survie provisoire de la convention collective en cas de


dénonciation et de transfert d’entreprise

La convention collective survit 1 an à la dénonciation ou à un événement


affectant l’entreprise et qui la remet en cause. Pour ce qui est du transfert
d’entreprise, le maintien en vigueur de l’ancienne convention collective
pendant au moins un an est imposée par la directive du 24 février 1977.
Cependant le législateur français a donné un champs d’application plus vaste
à cette survie que ce que prévoyait la directive. En effet, l’article L 132-8 du
code du travail prévoit cette survie pendant au moins 1 an dans d’autres
hypothèses que celle du transfert d’entreprise. Pendant ce délai, l’ancienne
convention collective entre en concours avec les autres conventions et
accords auxquels l’employeur peut être éventuellement soumis. La
convention dénoncée, remise en cause survit pendant un an. Pendant cette
période, l’employeur et le syndicat ou les syndicats s’il y en a plusieurs
supportent une obligation de négocier. La dénonciation ou la remise en cause
de la convention collective par un événement qui affecte l’entreprise impose
en effet aux 2 parties une obligation de négocier. Les négociations doivent
s’ouvrir dans les 3 mois qui suivent l’événement. La négociation a pour objet
soit l’élaboration d’un nouvel accord soit l’adaptation par accord d’entreprise
de la situation des salariés aux dispositions nouvellement applicables, par
exemple aux dispositions d’une nouvelle convention de branche. Lorsque
l’employeur et le syndicat concluent un accord de substitution à l’accord
dénoncé ou à l’accord remis en cause la conclusion de cet accord de
substitution abrége la période de survie de l’ancienne convention collective
et tout se passe ensuite comme s’il y avait eu révision. Un accord de
substitution produit un effet équivalent à un accord de révision. Si la
négociation échoue en revanche, les salariés conservent les avantages
individuellement acquis, et c’est le deuxième tempérament à la remise en
cause de la convention collective par négociation ou par transfert.

B – Le maintien des avantages individuels acquis.

Cette expression de maintien des avantages acquis évoque le vocabulaire


des conflits de lois dans le temps, les droits acquis, et c’est en effet de cela
qu’il s’agit. Les avantages acquis sont en l’occurrence seulement les droits
individuels, à l’exclusion des droits de nature collective puisque la loi parle du
maintien des avantages individuels acquis. Ainsi des dispositions qui
concerneraient la représentation du personnel ou l’horaire collective de
travail cesseront en tout hypothèse à s’appliquer au bout d’un an. Il n’y a pas
à cet égard de maintien des avantages acquis. Les droits individuels
seulement sont maintenus, mais ils sont maintenus seulement s’ils sont
acquis. Seules les prérogatives individuelles qui correspondent à des
situations juridiques constituées, constituent des avantages acquis à
l’exclusion des droits éventuels. Situation juridique constituée, exemple : J’ai
dix ans d’ancienneté, au bout de dix ans d’ancienneté la convention
collective prévoit qu’au bout de dix ans d’ancienneté j’ai droit à une prime
d’ancienneté d’un certain montant. La situation juridique « j’ai acquis dix ans
d’ancienneté donc j’ai le droit à telle prime » est déjà entièrement constituée
donc le salarié va conserver sa prime d’ancienneté déjà en vigueur. De
même, si le salarié est en congé maladie au moment où la convention
collective cesse de s’appliquer, son absence va rester soumise au régime
initial de son congés maladie, parce que la situation juridique « je suis
malade donc j’ai le droit éventuellement à telle indemnisation que me doit
l’employeur au terme de la convention collective » est déjà constituée. En
revanche, si un salarié est licencié après le terme du délai de survie de la
convention collective, la situation juridique « je suis licencié, donc j’ai le droit
à telle indemnité de licenciement » n’est pas encore constituée. Par
conséquent, un salarié, qui est licencié après le terme du délai de survie ne
peut plus se prévaloir d’une indemnité de licenciement éventuellement
favorable, dont il avait auparavant vocation à bénéficier sous l’empire de la
convention collective. Vous voyez que le critère est assez proche de l’idée
qui est fréquemment exposée par les auteurs suivant laquelle les situations
qui donnent droit à des prestations répétitives sont concernées par le
maintien des avantages acquis et les autres ne le sont pas. En réalité, cela
n’est pas tout à fait cela. Il y a des situations qui ne sont pas répétitives dans
lesquelles ont a un avantage individuel acquis, et le vrai critère c’est donc de
savoir si la situation juridique est constituée ou ne l’est pas. Pour poursuivre,
avec un autre exemple, si un salarié a été malade il y a 5 ans et a à l’époque
bénéficié d’un certain régime, ensuite il a guéri et il est à nouveau malade
après le terme du délai de survie de la convention collective, il n’y a pas
d’avantage individuel acquis. Pourquoi parce que les 2 maladies sont deux
situations différentes. L’une s’est constitué, a été traité, a disparu. L’autre se
constitue au moment au la convention collective n’est plus en vigueur. Il n’y
pas de droit acquis au maintien d’un régime qui correspond en réalité à une
situation différente. Les avantages individuellement acquis, quoiqu’ils
trouvent leur source dans la convention collective, s’incorporent aux contrats
de travail. Ainsi par la suite, si l’employeur voulait remettre en cause ces
avantages acquis, le procédé à suivre cela ne serait pas de négocier une
convention collective nouvelle, différente, cela serait de demander aux
salariés, s’ils acceptent une modification de leur contrat. C’est la procédure
de modification du contrat de travail, ou l’une des procédures de modification
du contrat de travail qui devrait être suivie pour remettre en cause ces
avantages acquis. Et, la plupart du temps, vu les questions dont il s’agit c’est
la procédure de modification du contrat de travail pour motif économique qui
devra être suivie.

Plage 31

CONCLUSION

Pour conclure ce cours, je voudrais souligner qu’une des facettes les plus
marquantes de l’évolution du droit du travail dans les 20 dernières années
est à coté des conventions collectives, le renouveau des actes unilatéraux de
l’employeur à destination collective. Et cela nuance donc beaucoup le propos
qui a été tenu sur le développement de la négociation collective, puisque
l’acte unilatéral à destination collective c’est exactement le contraire de la
négociation. Cela veut dire que l’employeur comme l’Etat régit
unilatéralement la situation des salariés. Pendant un temps, ces actes
avaient été considérés comme une survivance. Et puis ils ont pris une place
croissante dans les relations du travail. Le régime du règlement intérieur qui
a été redéfini par une loi du 4 Août 1982 a ouvert la voie. Lorsque la Cour de
Cassation a dû se prononcer sur le Règlement Intérieur tel qu’il avait été
réformé en 1982, elle a qualifié le règlement intérieur d’acte réglementaire
de droit privé dans l’arrêt UNIGRAIN, Sociale 25 octobre 1991, Droit
social 91, page 788 . Et à partir de là la jurisprudence a pris conscience du
fait qu’il y avait en réalité un assez grand nombre d’actes unilatéraux de
l’employeur. Il est assez facile de les classer. Certains actes sont obligatoires
pour l’employeur, et au fond celui-ci n’a pas le choix, il est obligé de les
édicter, de les prendre. C’est le cas du règlement intérieur, qui est obligatoire
dans les entreprises d’au moins de 20 salariés. C’est le cas évidemment du
plan de sauvegarde de l’emploi que l’employeur met en place lorsqu’il met
en œuvre un grand licenciement économique. Et puis, il y a une série de
plans que l’employeur doit soumettre au comité d’entreprise, plan
d’amélioration des conditions de travail, par exemple. Il y l’ordre des
licenciements qui doit être défini quand l’employeur met en œuvre un
licenciement économique, tous ces actes l’employeur ne choisit pas de les
édicter, il y est tenu à partir du moment où il souhaite prendre telle ou telle
mesure. A coté de ces actes obligatoires, peut-être portée par l’exemple que
donnait le règlement intérieur, la jurisprudence a reconnu comme actes
unilatéraux une série d’actes qui sont des actes facultatifs, des instruments
de gestion des entreprises ou des branches professionnelles ; ainsi les notes
de services par lesquelles l’employeur s’exprime vis-à-vis du personnel, en
disant qu’il interprète de telle ou telle façon la convention collective, ou
encore les accords atypiques lorsque l’employeur s’engage vis-à-vis du
comité d’entreprise à donner aux salariés tel ou tel avantage. On pourrait
analyser ces accords en contrat mais en réalité la jurisprudence analyse ces
accords atypiques conclus au sein du CE en actes unilatéraux de l’employeur.
De même, l’usage d’entreprise, l’usage d’entreprise qui constitue une des
sources traditionnelle en droit du travail, lorsque l’employeur met en place
un avantage pour les salariés, qu’il le fait en le formulant de façon générale
et impersonnelle, et que cet avantage se répète 2 ou 3 fois, et bien la
jurisprudence y voit un avantage d’entreprise, que l’employeur ne peut pas
abroger sans respecter certaines formalités. Et bien l’usage d’entreprise est
maintenant considéré par la jurisprudence comme un acte unilatéral de
l’employeur. Cet essor des actes unilatéraux s’étend jusqu’à la négociation
de branche. Puisque la Cour de Cassation a considéré que les
recommandations qu’une organisation patronale fait à ses adhérents, dans
certains cas au moins peuvent être traitées comme des actes unilatéraux qui
obligent les employeurs. Il s’agit notamment d’une série d’arrêts rendus par
la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 29 juin 1999, Droit
Social 99, Page 795. L’affaire est née du conflit des transporteurs routier de
novembre 1996. Aucun accord n’a pu intervenir au sujet des revendications
salariales, et pour mettre fin au conflit les organisations patronales UFT et
Unostra ont signé une déclaration commune recommandant aux entreprises
de verser une indemnité de 3000 francs à l’ensemble des conducteurs de
véhicules de plus de 3.5 Tonnes. Et puis après cette recommandation
plusieurs employeurs ont refusé de verser cette indemnité. Les salariés ont
alors saisi les conseils de prud’hommes compétents. Les salariés ont parfois
eu gain de cause. La cour de cassation rejette les pourvois formés contre les
décisions qui ont donné raison aux salariés. Le fondement de ces décisions
est le suivant : ‘habilitée à conclure avec les organisations syndicales
ouvrière des accords de salaires, l’organisation patronale avait par la même,
reçu pouvoir en cas d’échec des négociations et afin de sauvegarder les
intérêts du personnel de la profession, ainsi que ceux des employeurs
concurrents entre eux, de fixer par une décision unilatérale s’imposant à tous
ses adhérents le barème minima de salaires correspondant aux propositions
faites au syndicat. Donc on voit que l’acte unilatéral, c’est non seulement
l’acte unilatéral de l’employeur, mais aussi dans cet arrêt, l’acte unilatéral de
l’organisation professionnelle. Essor considérable, et celui-ci a donné
naissance à l’embryon d’un régime juridique, un régime de l’acte unilatéral
de l’employeur émerge progressivement en partie par emprunt au régime
légal du règlement intérieur qui est assez bien défini. Pour prendre un
règlement intérieur, l’employeur doit d’abord consulter les représentants du
personnel. Dans le cas du règlement intérieur cette consultation est une
formalité substantielle, si elle n’a pas lieu, le règlement intérieur serait
inopposable aux salariés. D’une façon générale, on observe qu’il est très
fréquent que les actes unilatéraux de l’employeur à destination collective,
lorsqu’il s’agit d’actes pris dans l’entreprise soit soumis à une exigence de
consultation des représentants du personnel. La plupart du temps, il s’agit
d’un avis simple, mais dans certains cas le fait de ne pas demander cet avis
quoique simple, a comme conséquence, comme cela est le cas pour le
règlement intérieur, l’inopposabilité de l’acte. Ensuite l’acte unilatéral a été
pris et il doit s’exécuter. Comme les conventions collectives, les actes
unilatéraux sont d’application immédiate aux situations en cours. C’est le cas
pour le règlement intérieur. Si l’on modifie le règlement intérieur, les salariés
sont aussitôt soumis au nouveau règlement.
Enfin, les actes unilatéraux de l’employeur peuvent être au moins parfois
dénoncés, abrogés. Mais il faut faire assez attention sur ce point. La Cour de
Cassation a transposé aux actes unilatéraux la distinction entre les contrats à
durée déterminée et les contrats à durée indéterminée. Ainsi, si un
engagement unilatéral est à durée déterminée, pratiquement, il devient
extrêmement difficile de la rompre. Il en est ainsi par exemple, mais il s’agit
cette fois d’un engagement individuel, lorsqu’un salarié est licencié et obtient
de la part de l’employeur une prestation qui va lui être versée jusqu’à ce qu’il
ait liquidé ces droits à la retraite. Vous avez un salarié par exemple qui est en
pré-retraite, l’employeur s’engage à verser un complément à la pré-retraite.
Est-ce qu’il peur dénoncer cet engagement unilatéral qu’il a pris vis-à-vis du
salarié ? Non, parce que l’on est en présence d’un engagement à durée
déterminée. La durée déterminée c’est le terme, c’est l’age prévu de la
retraite du salarié, et par conséquent aucune remise en question n’est
possible.
En revanche, la plupart des actes unilatéraux à destination collective sont
des actes à durée indéterminée. Dans ce cas, l’employeur peut abroger
l’acte. S’il s’agit d’un règlement intérieur, pour modifier l’acte, il faut
reprendre l’ensemble de la procédure – consultation du CHSCT , consultation
du comité d’entreprise, notification à l’inspecteur du travail qui dans ce cas
procède à un contrôle de légalité. La plupart du temps, on va moins loin mais
malgré tout, si l’employeur veut dénoncer un acte unilatéral, il faudra qu’il
consulte, qu’il informe au moins les représentants du personnel. Et dans le
cas des accords atypiques, dans le cas des usages d’entreprises, dans le cas
aussi des notes de services, qui prévoient des avantages en faveur des
salariés, il faudra de surcroît qu’il notifie à chaque salarié pris
individuellement son intention de remettre en cause l’acte. Cette formalité
tantôt de consultation, tantôt du moins d’information des représentants du
personnel et des salariés permet de laisser en effet la place à une certaine
négociation. Dernier élément d’un régime peut être commun qui se
constitue, la tendance de la jurisprudence est de maintenir les actes
unilatéraux de l’employeur en vigueur cas de transfert de l’entreprise. C’est
une solution prétorienne, puisque naturellement l’article L122-12 du code du
travail, n’envisageait pas du tout ce type d’acte. Voilà une sorte de paradoxe
un droit qui vante la négociation collective qui dans le même temps consacre
la réglementation unilatérale de l’entreprise par l’employeur. Les lois de
réduction de la durée du travail elles-même y ont contribué, puisque pour
favoriser le passage aux 35 heures, dans certains cas on a admis que
l’employeur mette en œuvre la réforme par décision unilatérale. C’est peut-
être là, toute l’ambiguïté du droit du travail français qui est partagé entre
l’affirmation du pouvoir patronal, et au fond c’est la tradition étatiste
française qui se reflète dans cette affirmation du pouvoir patronal. Le
patronat français du moins pour les grandes entreprises très largement est
issu de la haute administration. Et par conséquent celui qui a été au début de
sa vie chef de service dans l’administration trouve tout à fait normal de
réglementer l’entreprise par décision collective unilatérale une fois qu’il est
devenu chef d’entreprise. Et puis d’un autre coté, législation
communicationnelle avec les 35 heures entre 1998 et 2000 comme en 2006,
avec le contrat premier embauche, on communique vis-à-vis de son camps
politique, en essayant de montrer qu’on est capable de réaliser de grands
changements. Le code se gonfle, sans parfois que rien ne change, et en
définitive, la prolifération de la réglementation est la forme française de la
flexibilité.

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