Professional Documents
Culture Documents
L’administration des Postes a son siège central à Paris dans un hôtel perdu au milieu d’un
quartier populeux, entre des rues étroites, sales, à peine munies de trottoirs2.
Le premier hôtel des Postes, dont l’histoire de Paris fasse mention, était situé rue des
Déchargeurs, près des Halles. Par la suite la Ferme des Postes fut installée peu après 1738,
dans la rue des Poulies qui longeait la colonnade du Louvre. Elle occupait un local qui n’était
pas sans nuire à l’esthétique du Palais. C’est pourquoi le pouvoir royal envisageait depuis
longtemps son dégagement, pour faire honneur à l’œuvre de Claude Perrault3.
Mais l’augmentation du nombre des dépêches expédiées à la fin des années 1750
devint telle que ces divers locaux se trouvèrent rapidement insuffisants et inadaptés à la tâche.
Un financier, Law, proposa de construire une Poste à l’emplacement de plusieurs maisons de
la rue Vivienne et du jardin du Palais-Royal qu’il acheta à cette occasion, mais sa ruine
empêcha son projet d’aboutir4.
Le projet était de remettre la Poste dans la rue des Bourdonnais où elle se trouvait auparavant.
Cette dernière éventualité ne fut pas retenue à cause des relations tendues entre les
fermiers et les prédécesseurs. Le roi ne songea apparemment pas à reconstruire le bâtiment sur
place, puisque dès 1757 il acheta par l’intermédiaire de Destouches5, son architecte personnel,
l’hôtel d’Armenonville, pour y loger les services de l’administration. L’histoire de cet îlot,
1
Trestch Christophe, « Hôtel des Postes de 1801-1830 », Mémoire de maîtrise, 1998/1999, p. 6.
2
Cette situation illustre la période du Second Empire
3
Cf biographie p.
4
Vaillé Eugène, « L’Achat en 1757 de l’Hôtel d’Armenonville pour y installer la Ferme des Postes », Revue des
P.T.T., 1952, p. 8.
5
Maître général, contrôleur et inspecteur des bâtiments de Paris
entre les rues Coq-Héron, Verdelet, Coquillière et Plâtrière, que l’administration de la Poste
aux Lettres venait d’acquérir, était aussi longue que celle des vieux hôtels achetés, dont voici
l’historique.
Le bâtiment qui abrite l’hôtel des Postes n’a pas été construit exprès pour servir une
administration. En remontant un peu loin dans l’histoire de Paris, nous verrions que son
emplacement était jadis celui d’une carrière à plâtre autour de laquelle s’échelonnaient les
cabanes de quelques pauvres ouvriers. C’est vers la fin du XIIIe siècle que fut élevée dans la
rue plâtrière, aujourd’hui rue Jean-Jacques Rousseau, une première maison en pierre, laquelle
avait pour enseigne l’image de saint Jacques.
La maison appartenait alors à Jacques Rebours, procureur de la ville de Paris. Elle ressemblait
davantage à une auberge qu’à la maison d’un officier public6.
Son histoire apparaît comme ancienne et commence sur un terrain appartenant à
Marguerite de Flandre, a l’abri sous le rempart de Philipe Auguste, entre les rues des vieux
Augustins, Coquilière-Platrière, Pagevin et Verdelet. Toutes ces rues ont aujourd’hui disparu
dans le remodelage du quartier des Halles et du quartier Saint-Eustache. Mais les rues
actuelles d’Hérold, de Jean-Jacques Rousseau et Etienne Marcel ne sont rien d’autre que
« leurs descendantes » respectives7.
Le fils de Marguerite de Flandre, Guy de Dampierre, l’agrandit et y construisit en
1278, à l’emplacement actuel de la Caisse d’Epargne et de l’hôtel des Postes, ce fameux hôtel
des Flandre. Par les hasards matrimoniaux, celui-ci passa ensuite à la Maison de Bourgogne,
puis à la Maison d’Autriche, avant de devenir domaine de la couronne en 1539. De 1545 à
1547, les Confrères de la Passion y donnèrent des spectacles. François I er le fît vendre en
1547, divisé en 22 lots. Les rues Pagevin et Verdelet furent alors ouvertes et l’impasse Coq-
Héron fut transformée en rue8. L’hôtel de Flandre démoli, on y éleva les Hôtels de Bouillon et
d’Epernon9 .
En bordure des rues Coq-Héron, Coquillière et Plâtrière, il était encore très récent
lorsque la marquise de Verneuille, ancienne favorite du roi Henri IV, l’acheta en 1610. Il fut
6
Virmaître Charles, « L’Hotel des Postes », Curiosités de Paris, 1868, in-18, p. 253.
7
Hillaret Jacques, Dictionnaire Historique des rues de Paris, Les Editions de Minuit, 1985, p. 642.
8
Vaillé Eugène, « L’Achat en 1757 de l’Hôtel d’Armenonville… », op. cit., p. 9.
9
Nony Jean, L’hôtel des Postes…, recueil d’article de tous types, s.d.., op. cit.
acquis en 1613 par Claude de Bouillon, ou Bullion, qui devait nommer surintendant des
finances Richelieu en 1632 et garde des sceaux, Louis XIII. C’est lui qui fît frapper les
premiers louis d’or en 1631. Il mit à contribution l’architecte du Louvre et des Tuileries, Le
Vau, celui-là même qui avait conçut le plan général du château de Versailles, pour reconstruire
l’hôtel qu’il fît décorer par Sarazin et l’un des peintres de la cour de Louis XIII, Simon Vouet.
Bouillon mourut en 164010.
Son arrière-petit-fils, le marquis de Bonnelles, loua puis légua l’hôtel à ses nièces,
duchesse de Laval et duchesse de La Vallière. Celles-ci le vendirent à César Roulleau,
commissaire aux saisies réelles. Enfin l’Hôtel de Bouillon fut vendu à l’architecte Bélissard
en 1781. Et en 1786, celui-ci le morcela. Une partie est affectée à une salle de concert, le
concert de l’Emulation, une autre aux ventes mobilières à la criée par le commissaire-priseur.
Et le reste est absorbé par l’extension de l’Hôtel des Postes, installé depuis 1757 à l’hôtel
d’Armenonville, du côté des numéros pairs de la rue du Coq-Héron11.
S’il n’accueillit pas de bureau du service des Postes, il est bon de citer cet hôtel, car
collé à l’hôtel des Postes il va devoir partager le sort de celui-ci en 1880. En effet, ils furent
tous deux démolis lorsque fut décidée la construction du nouvel hôtel des Postes, celui de
Julien Guadet, en 1878.
L’hôtel patrimonial de la maison des Phélypeaux qui servirent le roi en de multiples fonctions
sous le nom de Pontchartrain qui le fit construire. L’hôtel comportait de belles pièces
sculptées, dont un superbe soleil de l’époque de Louis XIV et de très nombreuses plaques de
cheminées représentant des fables de La Fontaine12. L’une d’elles est à Carnavalet. En 1880,
Jean Romain Boulanger13 rapporte la démolition conjointe de l’hôtel des Postes et de cet
hôtel, et parle de celui-ci comme « n’ayant pas encore été suffisamment désigné à l’attention
des archéologues."
3° L’hôtel d’Epernon
10
Tretsch Christophe, « Hôtel des Postes de 1801-1830… », op. cit., p. 8.
11
Hillaret Jacques, Dictionnaire Historique des rues de Paris, op. cit., p. 644.
12
Tretsch Christophe, « Hôtel des Postes de 1801-1830… », op. cit., p. 8.
13
Bulletin de la société de l’Histoire de Paris et d’Ile de France, 1880, p. 182.
Louis Nogaret de La Valette, duc d’Epernon, un des favoris du roi Henri III. Le nouveau
propriétaire le fit rebâtir presque entièrement, de manière plus confortable selon Joseph
Lardin dans sa description de La Poste à Paris : « ceux-ci en firent un palais." Celui-ci le fit
agrandir jusqu’à la rue des Vieux-Augustins, et fît reconstruire et embellir avec la dot de
Christine de Vaudemont14 : 300 000 écus ?
2° L’hôtel d’Armenonville
Enfin, vers l’année 1740, c’était un hôtel splendide dont le propriétaire s’appelait Jean-
Baptiste Fleuriau, marquis d’Armenonville. Avant d’occuper l’immeuble qu’il venait
d’acheter, il y fit de nombreuses modifications. Germain Brice, qui nous a donné, au siècle
dernier, une description de la ville de Paris, parle avec admiration des embellissements
considérables, qu’avait fait le nouveau propriétaire, dans l‘hôtel. Il a vu de ses yeux cet
impressionnant hôtel et le décrit en ces termes : « c’est l’une des maisons les plus grandes, les
plus ornées de Paris »18.
Son fils le comte de Morville, chevalier de la Toison d’Or, embellit encore davantage
cette résidence grâce à l’architecte Cartault qui avait la direction des travaux. Le comte
s’avérait être un grand amateur d’objet d’art. D’ailleurs il a réunit une très belle collection de
tableaux.
Si nous nous référons à la légende de l’hôtel des Postes, nous pouvons entre apercevoir cette
splendeur : « Immédiatement à droite, en entrant par la rue Jean-Jacques Rousseau, on
remarque un magnifique escalier qui conduit à la salle du conseil et dans certains bureaux du
service administratif. Cet escalier est muni d’une rampe en fer forgé. On prétend que sous les
couches de peinture dont les divers chefs du matériel l’ont fait successivement recouvrir, il y a
une dorure extrêmement précieuse. On ajoute qu’en 1848, un maître serrurier instruit de ce
secret sollicita de l’administration la faculté de s’emparer de la rampe aurifère et de la
remplacer par une autre rampe en fer forgé du même dessin et du même poids. Ses
sollicitations demeurèrent infructueuses »19.
A travers ce récit on perçoit les trésors que l’hôtel des Postes a engrangé, grâce à son
riche passé. L’hôtel a évolué d’une simple maison en véritable Palais.
Pour cela, il a fallu que des hommes de goût, inspirés par les belles choses et ayant une
fonction sociale permettant des dépenses aussi importantes, aient la volonté de dépenser pour
l’amour de l’art et pour la passion du faste. Cette description peut être comparée à la période
Antique où les riches citoyens romains n’hésitaient pas à dépenser pour des matériaux
18
Brice Germain, Description de la ville de Paris et de tout ce qu’elle contient de plus remarquable, 4 volumes,
Les Libraires Associés, Paris, 1752.
19
Lardin Joseph, La Poste à Paris, pp. 1644-1657, in : Paris Guide, par les principaux écrivains et artistes de la
France, Tome 2 « La vie », Paris Lacroix, Verboeckhoven et Cie, 1867, p. 1644.
onéreux, pour des tableaux etc. Tout simplement pour l’amour du luxe.
Mais nous pouvons nous interroger sur la raison et la manière qui a permis à l’administration
française de se trouver en possession d’un tel trésor.
Après la mort du Comte de Morville, le 14 octobre 1751, l’hôtel est vendu, avec tous
ce qu’il comporte ( bibliothèques, glaces, dessus de porte, armoires…), à Jacques Brissart,
fermiers généraux.
A la mort de ce dernier les héritiers ne parvenaient pas à se départager la succession, ils le
cédèrent finalement à François Guillaume Souhart, un entrepreneur du bâtiment du roi et de
son beau-frère Louis-François de Bey, en 1754.
Finalement, le 4 octobre 1755, il fut acheté par Laurent Destouches, architecte de
Louis XV. Sa position privilégiée auprès du roi, lui permettait de connaître ses intentions de
déplacer l’hôtel des Postes.
En effet, le bureau général des postes était anciennement rue des déchargeurs, et depuis
cinquante ans environ, on le transféra rue des Poulies (actuellement la rue du Louvre, ou à peu
près)20. La maison dans laquelle il siégeait faisait partie d’une rue étroite, infecte, mal bâtie, et
fut démolie pour cause d’embellissement et d’assainissement du quartier. En effet, la Ferme
Générale des Postes était installée rue des Poulies qui longeait la colonnade du Louvre.
En mars 1755, Barbier écrit à ce sujet: « le projet est d’abattre, d’un côté la grande
Poste qui offusque ce bâtiment de la colonnade, et de l’autre côté les écuries de la Reine 21, et
même l’ancien garde-meuble de la couronne où a logé Charles IX, et de faire par ce moyen
une grande place vis-à-vis cette entrée du Louvre."
Profitant de cette situation l’architecte ingénieux revendit l’hôtel d’Armenonville au roi pour
la somme de 550 000 livres. Puis il y installa lui-même la Ferme Générale des Postes et
adapta l’hôtel à sa nouvelle fonction, en 1757. La Poste aux chevaux quant à elle, déménagea
rue des Fossés Saint Germain, à proximité de l’abreuvoir qui se trouvait près de
20
Hillaret Jacques, Dictionnaire historique des rues de Paris, op. cit. , p. 644.
21
Les écuries étaient établies contre le mur de la colonnade du Louvre
l’emplacement actuel de la Samaritaine.
Mais à peine fussent-ils en possession de cet immeuble, qu’ils s’aperçurent combien il
y avait à faire pour l’approprier réellement à la destination qui en avait motivé l’achat.
Inutile de préciser que toutes les splendeurs disparurent, fresques et différents ornements.
Jannelle, surintendant général des Postes et relais de France à cette époque, fut chargé
de trouver un nouveau local et jeta les yeux sur l’hôtel d’Armenonville. Il fit un long rapport
tendant à prouver que nulle part il n’existait de bâtiments aussi bien placés au point de vue des
intérêts du commerce et de la disposition interne des bureaux.
Voici son rapport : « De toutes les maisons qui ont été offertes et dont les plans ont été réunis,
il n’y en avait aucune qui, pour le public en général et pour le commerce en particulier, soit
plus commodément située et plus convenablement que l’hôtel d’Armenonville dont la
principale entrée est rue Platrière; en faisant dans le dit hôtel quelques changements et
constructions nouvelles le service des postes s’y fera avec d’autant plus d’aisance et de
commodité qu’on peut donner audit hôtel des issues sur trois rues différentes."
Cette argumentation reçut l’approbation royale et son projet fut réalisé.
Le sieur Destouches fut choisi et nommé par le roi avec à ses côtés sieur Jannel qui
ordonnaient de faire des économies sur les changements qui seraient nécessaires pour les
services de la Ferme générale des Postes et ce qui en dépendait, c’est-à-dire « l’ensemble de
démolitions, de réparations et de construction nouvelle." Pour cela, tous les états, devis et
marchés devaient être, avant d’être exécutés, visés et approuvés par le contrôleur général des
Finances.
L’architecte percevait 20 000 livres pour son travail, pour ses soins, règlements de mémoires
et autres. Cette somme devait être payée par le sieur David, signataire du bail, garanti par les
six administrateurs présents au contrat.
Mais les remboursements de ces paiements, les droits et les frais d’acquisition,
22
Tretsch Christophe, « L’hôtel des Postes de 1801-1830… », op. cit., p. 11.
constructions et réparations étaient imputés au successeur du fermier général des Postes, ce
qui permettait d’éviter au Trésor Royal de débourser une somme trop importante, tout en
acquérant personnellement l’hôtel progressivement par des lettres patentes jusqu’en 1786,
dernier bail d’Ancien Régime, le bail Poinsignon23.
L’hôtel faisait désormais partie du domaine postal, ce que devait consacrer la Révolution.
La distribution des appartements fut changée pour les besoins du service; des salles,
des galeries furent coupées, les autres agrandies. Moins d’un an après, Barthélemy Herwart
aurait à peine reconnu la maison qu’il avait élevé à tant de frais et qu’il avait tant aimé.
Cependant le service des Postes se régularisant, s’étendant, il fut à l’étroit rue des
Plâtrière. Dès 1796, on ajouta à l’hôtel deux immeubles voisins24.
Cet agrandissement et la reconversion de l’hôtel pour sa nouvelle fonction se révéla de plus en
plus problématique du fait de la croissance constante du service postal.
En effet, le service postal est en pleine expansion tout au long de cette période, et ce depuis la
réussite de la Petite Poste, c’est à dire de Paris pour Paris 25, mise en place par Piarron de
Chamousset en 1759. Contre toute attente, cette nouvelle organisation fut une réussite. L’Etat
ne tarda pas à s’accaparer les bénéfices dès 1761, et il rattacha ce service à la Ferme Générale
dès 1780.
Il est impossible d’appeler le Service de Paris par son ancien nom de « Petite Poste », car
l’administration utilisait encore ce terme le 9 avril 1837 : « Avis au public sur le service de la
Petite Poste de Paris »26. La Grande Poste se développait elle aussi considérablement. Le
complexe de l’hôtel d’Armenonville devenait donc très vite insuffisant, au point que l’Etat
songea à plusieurs reprises à le déménager. En 1786, il était agrandi. En 1798 et en 1811,
l’abandon de cet hôtel de la rue Jean-Jacques Rousseau fut décidé, mais sans résultat27.
23
Vaillé Eugène, « L’Achat en 1757 de l’Hôtel d’Armenonville… », op. cit., p. 13.
24
Mme Barbé, « L’hôtel des Postes », La femme et la famille et le journal des jeunes personnes, 20 juillet 1880,
Tome 10, p. 377.
25
Le courrier intramuros.
26
Delwaulle, Les lettres simples de Paris pour Paris de la fin de la Petite Poste à l’apparition du timbre (1795-
1850), Paris, Union Marcophile, 1975.
27
Vandal Ed, « Construction d’un nouvel hôtel des Postes », Postes, Rapports, règlements et instructions (1836-
1866), 26 octobre 1861, Administration des Postes, p. 3.