Professional Documents
Culture Documents
qui s'inscrit dans un ensemble d'événements dans les milieux étudiants d'un grand nombre de
pays de part et d’autre du Rideau de fer, notamment en Allemagne, aux États-Unis, en
Tchécoslovaquie, au Japon, en Italie, au Mexique et au Brésil.
En France, ces événements prennent cependant une ampleur particulière car ils sont
accompagnés de puissantes manifestations d'étudiants, puis de la plus importante grève
générale depuis le Front populaire1 , elle paralyse complètement le pays (des camions
militaires devront assurer des transports de fortune). Ce mouvement s'accompagne d'une
vague de réunions informelles à l'intérieur des organismes, des entreprises, des
administrations, des lycées et des universités, des théâtres, des maisons de jeunes, des maisons
de la culture.
Origine
Le mouvement du 22-Mars, prenant le relais de la contestation menée par de petits groupes
tels les anarchistes et les Enragés de René Riesel, se fait connaître ce jour-là en occupant les
locaux de l'université de Nanterre. L'une de ses principales revendications est le droit d'accès
pour les garçons aux résidences universitaires des filles. La figure de proue de ce mouvement
se nomme Daniel Cohn-Bendit. Il devient le symbole de la remise en cause de l'autoritarisme.
Les causes de ce mouvement sont diverses selon les analystes. Mais toutes tournent autour de
l'idée qu'une grande rigidité cloisonnait les relations humaines et les mœurs dans toute la
société.
Le mécontentement existe aussi dans le secteur ouvrier. Après la grande grève des mineurs en
1963, un nombre important de grèves se manifestent entre 1966 et 1967. Parmi les syndicats,
c'est surtout la CGT qui est à la base du mouvement. Mais aussi des ouvriers, des paysans et
des étudiants s'organisent tel que le Conseil de Nantes.
Les événemements
• Le 3 mai, la Sorbonne, occupée par des manifestants et risquant une éventuelle attaque
des mouvements étudiants d'extrême droite (comme Occident) est évacuée par une
intervention policière musclée : plusieurs centaines d'étudiants sont arrêtés, dont
Jacques Sauvageot, le dirigeant du principal syndicat étudiant. Cette intervention des
forces de l'ordre à la Sorbonne est très mal vécue par les étudiants qui se pensaient
protégés par le statut universitaire. (voir la chronologie, ci-dessous, pour plus de
détails)
• Les étudiants réagissent aussitôt par des manifestations violentes contre les forces de
l'ordre : jets de pavés, puis barricades. Ces manifestations reprennent ensuite à
l'annonce de peines de prison pour les manifestants, pendant lesquelles commencent à
fleurir les slogans libertaires.
• Le président du SNE-Sup (syndicat des enseignants du supérieurs), Alain Geismar,
décide de soutenir les manifestants. Les membres du Parti communiste et des
organisations d'extrême gauche sont d'abord pris de court (pour eux, la révolution est
censée venir des ouvriers, et non des étudiants ; de plus, les revendications du
mouvement du 22 mars leur paraissent « puériles » et « petit-bourgeoises » et surtout
« gauchistes »). Après un moment de flottement, ils essayent toutefois de gagner les
ouvriers à cette « révolte ». La CGT, pour sa part, ne les suit pas et son secrétaire
général de l'époque, Georges Séguy, s'en explique devant les médias : « Cohn-Bendit
qui est-ce ? Sans doute faites-vous allusion à ce mouvement lancé à grand renfort de
publicité qui, à nos yeux, n'a pas d'autre objectif que d'entraîner la classe ouvrière dans
des aventures en s'appuyant sur le mouvement des étudiants ». Mais la base de ces
organisations traditionnelles de gauche dépasse leurs responsables.
Des grèves et occupations d'usine spontanées ont lieu jusqu'à mi-mai. La première a lieu à
l'usine Sud-Aviation Bouguenais (Nantes) le 14 mai avec 2682 salariés. Le 22 mai, 10
millions de salariés ne travaillent pas (en grève ou empêchés de travailler). Les revendications
sont à la fois traditionnelles (augmentation des salaires, meilleures conditions de travail) et
nouvelles. Il s'agit en effet de revendications qualitatives (pour plus d'autonomie,
responsabilité du salarié, forme de co-gestion des entreprises...).
Dans tout le pays, les portes s'ouvrent à n'importe quel citoyen, la parole se libère et devient
pour quelques semaines la raison d'être des Français. Enthousiasmé ou catastrophé, dubitatif
ou méditatif, chacun selon sa sensibilité participe ou observe. Des dialogues intenses se
nouent dans les rues, entre inconnus, et à travers les générations.
L'un des symboles de ces lieux de débats est le théâtre de l'Odéon à Paris où l'on peut
entendre s'affronter, dans des débats pris très au sérieux jour et nuit, quelques syndicalistes
délégués de chez Renault, des ménagères du quartier, des étudiants, un groupe de jeunes de
droite de Neuilly-sur-Seine venus en touristes, un autre groupe de lycéens d'une banlieue
ouvrière, autres touristes, tel ou tel artiste célèbre, des professeurs, un conseiller municipal
aux abois, un ou deux cadres d'entreprise catastrophés, pendant que dans les coulisses du
théâtre, quelques échevelés de la libération sexuelle se livrent à des ébats spontanés et sans
intimité.
À tout moment dans tel ou tel lieu de France, un militant de telle ou telle organisation, plus ou
moins rompu à la dynamique de groupe en vogue, s'impose pour faire voter une « motion » en
« assemblée générale » qui se perd dans un flot de tracts et achève parfois sa course dans un
article de presse, si un journal peut paraître, suivant le destin d'une bouteille à la mer lancée à
Maubeuge et ouverte dans l'Île de la Cité. On découvrira des attitudes personnelles
surprenantes, comme celle du député Valéry Giscard d'Estaing allant seul à l'aube à la
rencontre des ouvriers de Billancourt qui occupent leur usine.
• Le 13 mai une immense manifestation traverse Paris. Le syndicat CFDT parle d'un
million de manifestants. La préfecture de police n'en concède même pas deux cent
mille. La grève s'étend rapidement dans le courant du mois : c'est la première grève
générale sauvage de l'Histoire. C'est aussi la première fois qu'une grève générale
paralyse un pays parvenu au stade de la société de consommation. Le Parti
communiste dénonce les manifestations étudiantes, où il voit une manipulation de
l'extrême-gauche. Durant les affrontements du Quartier Latin de Paris, un manifestant
est tué d'un coup de couteau.
• La population, face à la répression policière, a tendance à prendre fait et cause pour les
étudiants, malgré les barricades et les destructions de dizaines de voitures et du
mobilier urbain.
• Le chef de l'État, le général de Gaulle, en voyage officiel en Roumanie au début des
événements, n'accorde initialement pas beaucoup d'attention à ces manifestations. Il
laisse son Premier ministre Georges Pompidou s'en occuper : on dira de lui plus tard
que "rares sont les hommes politiques, tel M. Pompidou, pour encaisser à ce point
pendant les insultes". Celui-ci interrompt un autre voyage officiel en Afghanistan pour
faire face à la situation. Il exige que les forces de police quittent la Sorbonne, afin de
calmer la situation. On croit alors qu'il tergiverse et cède mais en réalité ce mouvement
est tactique : il renverse les responsabilités sur les étudiants dont les excès perdent
alors justification au regard de l'opinion (lettre citée par Raymond Aron dans ses
Mémoires, p.667). De Gaulle reste à l'écart en se réservant la possibilité d'intervenir si
besoin. Cependant, au plus fort de la contestation, de Gaulle disparaît pendant
plusieurs heures, à la surprise générale. Cela plonge la majorité dans un certain
désarroi. Il va consulter le général Massu en Allemagne, dans l'hélicoptère qui devait
le conduire pour la fin de semaine à sa résidence de Colombey, afin de s'assurer du
soutien de l'armée.
• Le Premier ministre Georges Pompidou propose de dissoudre l'Assemblée nationale
pour organiser de nouvelles élections législatives. Il estime avec justesse que le
mouvement estudiantin, poursuivant la grève en dépit de l'accession à ses
revendications, s'est rendu impopulaire. De Gaulle se range à cet avis et annonce la
dissolution par la radio dans un discours bref qui change brusquement la donne (voir
Charles de Gaulle pour quelques extraits). Mais ces jours porteront en leur sein le
germe d'un refroidissement des relations entre Georges Pompidou et le général de
Gaulle.
• Le 30 mai est organisée une marche de soutien au gouvernement, menée par André
Malraux et Michel Debré. Elle réunit trois cent mille manifestants selon la préfecture
de police et un million selon les gaullistes.
Conséquences de Mai 68
Au plan politique
Les élections législatives de juin 1968 voient la très large victoire des gaullistes, regroupés
dans le parti renommé pour l'occasion Union pour la défense de la République. On s'est
beaucoup interrogé sur ce retournement de la peur, tant les médias donnaient l'impression que
la population penchait pour le mouvement étudiant. Au fond personne à gauche n'avait donné
l'impression de maîtriser ce qui se passait et la solution paraissait être provisoirement en
dehors du mouvement, dans la stabilité institutionnelle.
Le général de Gaulle avait souhaité un référendum en mai 1968. Georges Pompidou avait
plaidé et obtenu la dissolution de l'Assemblée nationale. De Gaulle ne renonce pas à son
projet de référendum. Il perçoit que mai 1968 a mis en exergue un besoin de démocratie plus
direct et plus proche du peuple. Il imagine de décentraliser certains lieux de décision et de
refonder le Sénat en changeant profondément ses critères de recrutement. C'est l'objet de ce
référendum. Il met tout son poids politique dans la balance en promettant de partir si les
Français répondent « non ». Le non l'emporte avec 52,41 % (80,13 % de votants, 77,94 % de
suffrages exprimés). Comme il l'avait indiqué, le général de Gaulle part.
D'une manière générale Mai 68 sera la plus grande contestation de l'ordre existant. La
singularité française sera le lien entre la contestation intellectuelle et le monde ouvrier.3 Mai
68 est une ouverture brutale de la culture française au dialogue social et médiatique, qui
s'infiltrera dans tous les rouages de la société et de l'intimité familiale, et une étape importante
de prise de conscience de la mondialisation de la société moderne (après les guerres
« mondiales ») et de la remise en cause du modèle occidental de la « société de
consommation ».
On assiste à une désaffection des Français pour la sphère publique et politique et pour
le militantisme en général. Ce sera sans doute le lit de la fin de la peur de la gauche au
pouvoir en 1981. Mai 68 est le chant du cygne du conflit « droite-gauche » qui
n'existera plus que pour les partis politiques et les campagnes électorales.
Les événements de mai 1968 marquent une division politique qui a des répercussions
dans la société française. Par exemple, le schisme de l'université des sciences
humaines de Lyon II. Actuellement, on situe parfois les personnalités politiques selon
le « côté » des barricades où elles se situaient. Le qualificatif péjoratif de
« gauchiste », créé par Lénine en 1920 (« La maladie infantile du communisme »),
entre dans le langage courant.
De nouvelles valeurs apparaissent. Elles sont notamment centrées autour de
l'autonomie, la primauté de la réalisation personnelle, la créativité, la
pluridisciplinarité et la valorisation de l'individu impliquant le refus des règles
traditionnelles de la société et la remise en cause de l'autorité. La redéfinition de
nouvelles règles se construit autour de l'idée d'autogestion et du communautarisme. Le
concept d'autogestion sera concurrencé par celui de cogestion qui sera cher à Edgar
Faure dans sa réforme de l'enseignement qui suivra et d'une manière générale très en
vogue dans les organisations politiques inquiètes de cette évolution jugée
« anarchique ».
• La libération sexuelle est l'un des grands thèmes de Mai 68, corrélativement à
l'arrivée des contraceptifs modernes. Le féminisme aussi se développe, avec son
mouvement le plus radical, le MLF, et joue un grand rôle dans l'implosion du
militantisme traditionnel au profit de thèmes féministes comme l'autorisation de
l'avortement, la remise en cause de la répartition des tâches dans le couple (« Qu'est-ce
qui est plus long : faire cuire le steak d'un révolutionnaire ou celui d'un bourgeois ? »),
la « naissance sans violence ».
le conflit de la société des montres « Lip », conduit par Charles Piaget du Syndicat
CFDT, à Besançon en 1973, sera une illustration très médiatisée de cette évolution,
avec une expérience de mise en œuvre de l'autogestion de l'entreprise qui fera couler
beaucoup d'encre.
Cette influence aura aussi des conséquences en 1973 dans des mouvements de remise
en cause de l'armée et de la force de frappe nucléaire et d'une manière générale
dans les mouvements écologiques (Brice Lalonde) et anti-militaristes (la lutte contre
l'extension du camp militaire des jeunes paysans du Larzac, dont est issu José Bové, le
courant de la Non-violence) et les fameuses ONG comme « Médecins Sans
Frontières » (Bernard Kouchner), directement issus de la prise de conscience
planétaire des mouvements de Mai 68. C'est aussi la période de la naissance de l'idée
de « Halte à la croissance ? » (1972) titre d'une publication du Club de Rome fondé en
1968.
Curieusement, si l'on en croit le magazine L'Expansion, le rythme annuel
d'augmentation de la productivité « s'accrut » pendant les trois années qui suivirent
Mai 68. Il est clair qu'avec la victoire des gaullistes élus par les conservateurs le 30
mai 1968 pour réprimer le mouvement de mai 68 et casser le mouvement, l'objectif
politique n'allait pas dans le sens des revendications des manifestants contre qui les
gaullistes s'étaient livrés à un bras de fer.
• Dans la presse
• Les chrétiens sont bouleversés par ces événements qu'ils perçoivent dans le sillage du
Concile de Vatican II.
L'encyclique Humanæ vitæ, publiée en juillet 1968, est surtout connue pour son refus
de la contraception.
La communauté œcuménique des Frères de Taizé devient l'un des pôles structurant de
ce bouleversement. Au début des années 1970, jusqu'à quarante mille jeunes, venus
certes du monde entier, mais beaucoup de France, se rassemblent autour d'eux chaque
semaine de Pâques dans le petit village bourguignon de Taizé, qui compte d'ordinaire
cinquante habitants. Chacun est invité à participer au « Concile des jeunes ». On crée
des « fraternités » dans le monde communiste, comme dans le monde occidental ou en
Amérique latine, à l'image des premiers chrétiens et auprès des plus pauvres. Ces
extraits de textes de Taizé expriment le bouleversement chrétien en écho aux
événements de mai 68 : « Le Christ ressuscité vient animer une fête au plus intime de
l'homme », « Il va nous donner assez d'imagination et de courage pour devenir signe
de contradiction ». Ce « signe de contradiction » deviendra ultérieurement « signe de
réconciliation ».
À cette époque s'amplifie également le mouvement des prêtres ouvriers et le mariage
des prêtres. Surtout le nombre de pratiquants dans les églises occidentales
traditionnelles va suivre une décroissance considérable et traumatisante pour les
responsables religieux.
• La fin des années 1970 a été appelée par certains (comme Gilles Lipovetsky) « l'ère du
vide ». L'élection de François Mitterrand en 1981, sur le thème très mai 68 « Changer
la vie », apparut comme une flambée d'espoir ou une crise de panique catastrophique,
selon les courants, dans cette évolution politique en France. Mais cette attitude
désillusionnée sur la classe politique reprendra le dessus et est encore très présente de
nos jours avec des prises de position critiques, mais une méfiance croissante vis-à-vis
du militantisme politique
• Les CRS aussi sont des hommes : la preuve, ils violent les filles dans les
commissariats.
• CRS=SS
• Il n'y a peut-être aucun rapport... Mais peut-être aucun.