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Mai 68 est un important mouvement à la fois étudiant et social français du printemps 1968,

qui s'inscrit dans un ensemble d'événements dans les milieux étudiants d'un grand nombre de
pays de part et d’autre du Rideau de fer, notamment en Allemagne, aux États-Unis, en
Tchécoslovaquie, au Japon, en Italie, au Mexique et au Brésil.

En France, ces événements prennent cependant une ampleur particulière car ils sont
accompagnés de puissantes manifestations d'étudiants, puis de la plus importante grève
générale depuis le Front populaire1 , elle paralyse complètement le pays (des camions
militaires devront assurer des transports de fortune). Ce mouvement s'accompagne d'une
vague de réunions informelles à l'intérieur des organismes, des entreprises, des
administrations, des lycées et des universités, des théâtres, des maisons de jeunes, des maisons
de la culture.

Le président Charles de Gaulle qualifiera cette révolution sociale de « chienlit ». Elle


l'amènera à dissoudre l'Assemblée nationale et à organiser des élections anticipées.

Origine
Le mouvement du 22-Mars, prenant le relais de la contestation menée par de petits groupes
tels les anarchistes et les Enragés de René Riesel, se fait connaître ce jour-là en occupant les
locaux de l'université de Nanterre. L'une de ses principales revendications est le droit d'accès
pour les garçons aux résidences universitaires des filles. La figure de proue de ce mouvement
se nomme Daniel Cohn-Bendit. Il devient le symbole de la remise en cause de l'autoritarisme.

Les causes de ce mouvement sont diverses selon les analystes. Mais toutes tournent autour de
l'idée qu'une grande rigidité cloisonnait les relations humaines et les mœurs dans toute la
société.

Le mécontentement existe aussi dans le secteur ouvrier. Après la grande grève des mineurs en
1963, un nombre important de grèves se manifestent entre 1966 et 1967. Parmi les syndicats,
c'est surtout la CGT qui est à la base du mouvement. Mais aussi des ouvriers, des paysans et
des étudiants s'organisent tel que le Conseil de Nantes.

Contexte économique, politique et culturel


• Au plan économique, on arrive à l'apogée des « Trente Glorieuses », années de
reconstructions après la Seconde Guerre mondiale. La société de consommation s'est
installée sans qu'on prenne vraiment conscience de toutes ses implications et des
déséquilibres mondiaux qui se développent. Ainsi, depuis quelques mois, voire une
année, des symptômes importants d'une détérioration de la situation économique
française avaient fait leur apparition. Pour n'en citer que quelques unes: le nombre de
chômeurs s'accroissait régulièrement (début 1968, il était déjà de 500 000) et les
jeunes se trouvaient les premiers touchés; les salaires réels commençaient à baisser et
les conditions générales d'existence des travailleurs subissaient les attaques
préliminaires d'envergures de l'État (ex : les ordonnances de 1967 sur la Sécurité
sociale).
• Au plan politique, de Gaulle qui était arrivé au pouvoir grâce à des circonstances
extérieures en 1958 (émeute et prise du pouvoir de l'armée à Alger) pour résoudre les
problèmes de décolonisation que la bourgeoisie française n'arrivait pas à régler, s'est
montré incapable au fil des années, en dépit de la mise au point d'une constitution
renforçant le pouvoir exécutif (régime présidentiel ensuite renforcé par l'élection du
président de la république au suffrage universel et les référendums), de restructurer
l'État capitaliste du point de vue économique et social comme il avait pu le faire avec
les fractions de gauche à la Libération (par exemple les nationalisations, la sécurité
sociale, les comités d'entreprise,...). Face au mécontentement croissant, il ne proposait
qu'une politique extérieure de prestige (place du capital français dans le monde). La
France vient de perdre ses colonies. Le climat international est accaparé par la guerre
froide entre les tenants des modèles capitalistes et dits communistes. Ce contexte
s'impose aux choix politiques dans tous les pays, carcan que les jeunes dénoncent face
à leurs dirigeants, quel que soit leur système politique. Ceci permet un début de
résurgence de groupes « gauchistes » (trotskistes, maoïstes, etc.), par exemple au
travers des comités Viêt Nam, formés majoritairement de lycéens et étudiants, qui
dénoncent « l'impérialisme américain » visible par la guerre du Viêt Nam. La guerre
froide fait naître des idées anti-nucléaires.
• Sur le plan sociologique, la dynamique de groupe s'est répandue pendant les années
1960 dans les formations des responsables de toutes les organisations et des
entreprises. La mode est au débat. Mais les clivages sociaux sont encore extrêmement
rigides. Le paternalisme autoritaire est omniprésent. On commence à ouvrir des lycées
« mixtes »2, mais beaucoup d'établissements scolaires sont encore réservés aux garçons
ou aux filles (les filles ne sont pas autorisées à porter le pantalon).
• La France a autorisé l'usage de la pilule contraceptive dès 1967, mais elle est encore
peu répandue et l'éducation n'a pas encore connu de réformes structurelles et le
décalage est criant entre les aspirations d'une jeunesse et les cadres moraux qu'ils
ressentent comme dépassés.
• Le caractère international de ces mouvements relativise les causes purement
françaises. Ainsi les gardes rouges de la révolution culturelle chinoise, depuis 1965,
ont rendu perceptible l'idée que les jeunes pouvaient avoir un pouvoir politique dans la
société et remettre en cause l'autorité des adultes et des pouvoirs. En avril 1968 ce sont
les incidents qui opposent les étudiants allemands et les autorités qui font l'actualité de
l'époque.
• Au plan philosophique, on invoquera souvent plusieurs auteurs pour expliquer ce
mouvement, pendant et après : le manifeste de Wilhelm Reich La révolution sexuelle,
paru en 1936 ; le livre d'Herbert Marcuse L'Homme unidimensionnel, sous-titré Essai
sur l'idéologie de la société industrielle avancée, paru en France en 1964 puis réédité
en 1968 ; le Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul
Vaneigem, paru en 1967 ; La Société du spectacle de Guy Debord, paru en 1967 ; et
plus tard, L'Anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari, publié en 1972.
• Au plan religieux la France, encore très catholique, vient de suivre avec passion le
Concile de Vatican II qui a profondément ébranlé le catholicisme et surtout les
mouvements d'action catholique. En particulier, les Scouts de France représentant à
l'époque une part non négligeable des jeunes chrétiens, ont modifié les rapports
hiérarchiques dans leurs structures, remettant en cause à partir de 1964, un modèle de
type militaire et introduisant la collégialité des décisions au sein des équipes.

Les événemements
• Le 3 mai, la Sorbonne, occupée par des manifestants et risquant une éventuelle attaque
des mouvements étudiants d'extrême droite (comme Occident) est évacuée par une
intervention policière musclée : plusieurs centaines d'étudiants sont arrêtés, dont
Jacques Sauvageot, le dirigeant du principal syndicat étudiant. Cette intervention des
forces de l'ordre à la Sorbonne est très mal vécue par les étudiants qui se pensaient
protégés par le statut universitaire. (voir la chronologie, ci-dessous, pour plus de
détails)
• Les étudiants réagissent aussitôt par des manifestations violentes contre les forces de
l'ordre : jets de pavés, puis barricades. Ces manifestations reprennent ensuite à
l'annonce de peines de prison pour les manifestants, pendant lesquelles commencent à
fleurir les slogans libertaires.
• Le président du SNE-Sup (syndicat des enseignants du supérieurs), Alain Geismar,
décide de soutenir les manifestants. Les membres du Parti communiste et des
organisations d'extrême gauche sont d'abord pris de court (pour eux, la révolution est
censée venir des ouvriers, et non des étudiants ; de plus, les revendications du
mouvement du 22 mars leur paraissent « puériles » et « petit-bourgeoises » et surtout
« gauchistes »). Après un moment de flottement, ils essayent toutefois de gagner les
ouvriers à cette « révolte ». La CGT, pour sa part, ne les suit pas et son secrétaire
général de l'époque, Georges Séguy, s'en explique devant les médias : « Cohn-Bendit
qui est-ce ? Sans doute faites-vous allusion à ce mouvement lancé à grand renfort de
publicité qui, à nos yeux, n'a pas d'autre objectif que d'entraîner la classe ouvrière dans
des aventures en s'appuyant sur le mouvement des étudiants ». Mais la base de ces
organisations traditionnelles de gauche dépasse leurs responsables.

Des grèves et occupations d'usine spontanées ont lieu jusqu'à mi-mai. La première a lieu à
l'usine Sud-Aviation Bouguenais (Nantes) le 14 mai avec 2682 salariés. Le 22 mai, 10
millions de salariés ne travaillent pas (en grève ou empêchés de travailler). Les revendications
sont à la fois traditionnelles (augmentation des salaires, meilleures conditions de travail) et
nouvelles. Il s'agit en effet de revendications qualitatives (pour plus d'autonomie,
responsabilité du salarié, forme de co-gestion des entreprises...).

Dans tout le pays, les portes s'ouvrent à n'importe quel citoyen, la parole se libère et devient
pour quelques semaines la raison d'être des Français. Enthousiasmé ou catastrophé, dubitatif
ou méditatif, chacun selon sa sensibilité participe ou observe. Des dialogues intenses se
nouent dans les rues, entre inconnus, et à travers les générations.

L'un des symboles de ces lieux de débats est le théâtre de l'Odéon à Paris où l'on peut
entendre s'affronter, dans des débats pris très au sérieux jour et nuit, quelques syndicalistes
délégués de chez Renault, des ménagères du quartier, des étudiants, un groupe de jeunes de
droite de Neuilly-sur-Seine venus en touristes, un autre groupe de lycéens d'une banlieue
ouvrière, autres touristes, tel ou tel artiste célèbre, des professeurs, un conseiller municipal
aux abois, un ou deux cadres d'entreprise catastrophés, pendant que dans les coulisses du
théâtre, quelques échevelés de la libération sexuelle se livrent à des ébats spontanés et sans
intimité.

À tout moment dans tel ou tel lieu de France, un militant de telle ou telle organisation, plus ou
moins rompu à la dynamique de groupe en vogue, s'impose pour faire voter une « motion » en
« assemblée générale » qui se perd dans un flot de tracts et achève parfois sa course dans un
article de presse, si un journal peut paraître, suivant le destin d'une bouteille à la mer lancée à
Maubeuge et ouverte dans l'Île de la Cité. On découvrira des attitudes personnelles
surprenantes, comme celle du député Valéry Giscard d'Estaing allant seul à l'aube à la
rencontre des ouvriers de Billancourt qui occupent leur usine.
• Le 13 mai une immense manifestation traverse Paris. Le syndicat CFDT parle d'un
million de manifestants. La préfecture de police n'en concède même pas deux cent
mille. La grève s'étend rapidement dans le courant du mois : c'est la première grève
générale sauvage de l'Histoire. C'est aussi la première fois qu'une grève générale
paralyse un pays parvenu au stade de la société de consommation. Le Parti
communiste dénonce les manifestations étudiantes, où il voit une manipulation de
l'extrême-gauche. Durant les affrontements du Quartier Latin de Paris, un manifestant
est tué d'un coup de couteau.
• La population, face à la répression policière, a tendance à prendre fait et cause pour les
étudiants, malgré les barricades et les destructions de dizaines de voitures et du
mobilier urbain.
• Le chef de l'État, le général de Gaulle, en voyage officiel en Roumanie au début des
événements, n'accorde initialement pas beaucoup d'attention à ces manifestations. Il
laisse son Premier ministre Georges Pompidou s'en occuper : on dira de lui plus tard
que "rares sont les hommes politiques, tel M. Pompidou, pour encaisser à ce point
pendant les insultes". Celui-ci interrompt un autre voyage officiel en Afghanistan pour
faire face à la situation. Il exige que les forces de police quittent la Sorbonne, afin de
calmer la situation. On croit alors qu'il tergiverse et cède mais en réalité ce mouvement
est tactique : il renverse les responsabilités sur les étudiants dont les excès perdent
alors justification au regard de l'opinion (lettre citée par Raymond Aron dans ses
Mémoires, p.667). De Gaulle reste à l'écart en se réservant la possibilité d'intervenir si
besoin. Cependant, au plus fort de la contestation, de Gaulle disparaît pendant
plusieurs heures, à la surprise générale. Cela plonge la majorité dans un certain
désarroi. Il va consulter le général Massu en Allemagne, dans l'hélicoptère qui devait
le conduire pour la fin de semaine à sa résidence de Colombey, afin de s'assurer du
soutien de l'armée.
• Le Premier ministre Georges Pompidou propose de dissoudre l'Assemblée nationale
pour organiser de nouvelles élections législatives. Il estime avec justesse que le
mouvement estudiantin, poursuivant la grève en dépit de l'accession à ses
revendications, s'est rendu impopulaire. De Gaulle se range à cet avis et annonce la
dissolution par la radio dans un discours bref qui change brusquement la donne (voir
Charles de Gaulle pour quelques extraits). Mais ces jours porteront en leur sein le
germe d'un refroidissement des relations entre Georges Pompidou et le général de
Gaulle.
• Le 30 mai est organisée une marche de soutien au gouvernement, menée par André
Malraux et Michel Debré. Elle réunit trois cent mille manifestants selon la préfecture
de police et un million selon les gaullistes.

Conséquences de Mai 68
Au plan politique

Les accords de Grenelle

Une augmentation de 35 % du SMIC à 600 F par mois et de 10 % des salaires, la réduction du


temps de travail, sont entre autre conclues lors des accords de Grenelle, suite à des
négociations menées en particulier par le jeune haut fonctionnaire Jacques Chirac, et la reprise
du travail s'effectue progressivement au début du mois de juin. La police et la gendarmerie
évacuent au fur et à mesure les différents lieux occupés. Un policier (écrasé par un camion) et
deux ouvriers meurent durant les affrontements du début du mois de juin.

Dissolution de l'Assemblée nationale le 30 mai 1968 [modifier]

Les élections législatives de juin 1968 voient la très large victoire des gaullistes, regroupés
dans le parti renommé pour l'occasion Union pour la défense de la République. On s'est
beaucoup interrogé sur ce retournement de la peur, tant les médias donnaient l'impression que
la population penchait pour le mouvement étudiant. Au fond personne à gauche n'avait donné
l'impression de maîtriser ce qui se passait et la solution paraissait être provisoirement en
dehors du mouvement, dans la stabilité institutionnelle.

Référendum sur la régionalisation et le rôle du Sénat du 27 avril 1969 et départ du


général de Gaulle [modifier]

Le général de Gaulle avait souhaité un référendum en mai 1968. Georges Pompidou avait
plaidé et obtenu la dissolution de l'Assemblée nationale. De Gaulle ne renonce pas à son
projet de référendum. Il perçoit que mai 1968 a mis en exergue un besoin de démocratie plus
direct et plus proche du peuple. Il imagine de décentraliser certains lieux de décision et de
refonder le Sénat en changeant profondément ses critères de recrutement. C'est l'objet de ce
référendum. Il met tout son poids politique dans la balance en promettant de partir si les
Français répondent « non ». Le non l'emporte avec 52,41 % (80,13 % de votants, 77,94 % de
suffrages exprimés). Comme il l'avait indiqué, le général de Gaulle part.

Au plan culturel, économique et social [modifier]

D'une manière générale Mai 68 sera la plus grande contestation de l'ordre existant. La
singularité française sera le lien entre la contestation intellectuelle et le monde ouvrier.3 Mai
68 est une ouverture brutale de la culture française au dialogue social et médiatique, qui
s'infiltrera dans tous les rouages de la société et de l'intimité familiale, et une étape importante
de prise de conscience de la mondialisation de la société moderne (après les guerres
« mondiales ») et de la remise en cause du modèle occidental de la « société de
consommation ».

• L'une des principales influences de la révolution de mai 68 se situe au niveau socio-


culturel, comme l'a reconnu François Mitterrand lors du 20e anniversaire de mai 68.

On assiste à une désaffection des Français pour la sphère publique et politique et pour
le militantisme en général. Ce sera sans doute le lit de la fin de la peur de la gauche au
pouvoir en 1981. Mai 68 est le chant du cygne du conflit « droite-gauche » qui
n'existera plus que pour les partis politiques et les campagnes électorales.
Les événements de mai 1968 marquent une division politique qui a des répercussions
dans la société française. Par exemple, le schisme de l'université des sciences
humaines de Lyon II. Actuellement, on situe parfois les personnalités politiques selon
le « côté » des barricades où elles se situaient. Le qualificatif péjoratif de
« gauchiste », créé par Lénine en 1920 (« La maladie infantile du communisme »),
entre dans le langage courant.
De nouvelles valeurs apparaissent. Elles sont notamment centrées autour de
l'autonomie, la primauté de la réalisation personnelle, la créativité, la
pluridisciplinarité et la valorisation de l'individu impliquant le refus des règles
traditionnelles de la société et la remise en cause de l'autorité. La redéfinition de
nouvelles règles se construit autour de l'idée d'autogestion et du communautarisme. Le
concept d'autogestion sera concurrencé par celui de cogestion qui sera cher à Edgar
Faure dans sa réforme de l'enseignement qui suivra et d'une manière générale très en
vogue dans les organisations politiques inquiètes de cette évolution jugée
« anarchique ».

• La libération sexuelle est l'un des grands thèmes de Mai 68, corrélativement à
l'arrivée des contraceptifs modernes. Le féminisme aussi se développe, avec son
mouvement le plus radical, le MLF, et joue un grand rôle dans l'implosion du
militantisme traditionnel au profit de thèmes féministes comme l'autorisation de
l'avortement, la remise en cause de la répartition des tâches dans le couple (« Qu'est-ce
qui est plus long : faire cuire le steak d'un révolutionnaire ou celui d'un bourgeois ? »),
la « naissance sans violence ».

• La dénonciation des régimes communistes réformistes (l'Archipel du Goulag, le Cri


des pierres) se confirme. Cette désillusion sur le communisme, juste après un
engagement politique intense, notamment des maoïstes et de l'extrême gauche qui
apparurent un temps parmi les jeunes comme une alternative plus authentique,
débouchera sur un pessimisme généralisé dans les milieux de gauche, un auto-
dénigrement systématique de tout ce qui a pu exister avant la Révolution de Mai.

• L'influence de Mai 68 est manifeste dans la pédagogie scolaire en France. De


disciple, l'élève devient un sujet pouvant intervenir dans la pédagogie dont il est
l'objet, c'est la coéducation. La dimension de la parole libre, du débat, s'accroît. La
discipline autoritaire fait place à la participation aux décisions. Les enseignants ont été
parfois déstabilisés dans l'idée qu'ils se faisaient de leur métier. On critiquera ensuite
cette évolution jugée souvent trop permissive. Elle a aussi été à l'origine de la
participation des élèves et des parents aux conseils de classe et de la redéfinition des
règlements scolaires dans les établissements dès juin 1968.

• Dans le domaine économique et social

le conflit de la société des montres « Lip », conduit par Charles Piaget du Syndicat
CFDT, à Besançon en 1973, sera une illustration très médiatisée de cette évolution,
avec une expérience de mise en œuvre de l'autogestion de l'entreprise qui fera couler
beaucoup d'encre.
Cette influence aura aussi des conséquences en 1973 dans des mouvements de remise
en cause de l'armée et de la force de frappe nucléaire et d'une manière générale
dans les mouvements écologiques (Brice Lalonde) et anti-militaristes (la lutte contre
l'extension du camp militaire des jeunes paysans du Larzac, dont est issu José Bové, le
courant de la Non-violence) et les fameuses ONG comme « Médecins Sans
Frontières » (Bernard Kouchner), directement issus de la prise de conscience
planétaire des mouvements de Mai 68. C'est aussi la période de la naissance de l'idée
de « Halte à la croissance ? » (1972) titre d'une publication du Club de Rome fondé en
1968.
Curieusement, si l'on en croit le magazine L'Expansion, le rythme annuel
d'augmentation de la productivité « s'accrut » pendant les trois années qui suivirent
Mai 68. Il est clair qu'avec la victoire des gaullistes élus par les conservateurs le 30
mai 1968 pour réprimer le mouvement de mai 68 et casser le mouvement, l'objectif
politique n'allait pas dans le sens des revendications des manifestants contre qui les
gaullistes s'étaient livrés à un bras de fer.

• Dans la presse

On peut noter l'enthousiasme de certaines plumes comme celle de Jacques-Arnaud Penent


dans le journal Combat.

• Les chrétiens sont bouleversés par ces événements qu'ils perçoivent dans le sillage du
Concile de Vatican II.

L'encyclique Humanæ vitæ, publiée en juillet 1968, est surtout connue pour son refus
de la contraception.
La communauté œcuménique des Frères de Taizé devient l'un des pôles structurant de
ce bouleversement. Au début des années 1970, jusqu'à quarante mille jeunes, venus
certes du monde entier, mais beaucoup de France, se rassemblent autour d'eux chaque
semaine de Pâques dans le petit village bourguignon de Taizé, qui compte d'ordinaire
cinquante habitants. Chacun est invité à participer au « Concile des jeunes ». On crée
des « fraternités » dans le monde communiste, comme dans le monde occidental ou en
Amérique latine, à l'image des premiers chrétiens et auprès des plus pauvres. Ces
extraits de textes de Taizé expriment le bouleversement chrétien en écho aux
événements de mai 68 : « Le Christ ressuscité vient animer une fête au plus intime de
l'homme », « Il va nous donner assez d'imagination et de courage pour devenir signe
de contradiction ». Ce « signe de contradiction » deviendra ultérieurement « signe de
réconciliation ».
À cette époque s'amplifie également le mouvement des prêtres ouvriers et le mariage
des prêtres. Surtout le nombre de pratiquants dans les églises occidentales
traditionnelles va suivre une décroissance considérable et traumatisante pour les
responsables religieux.

• La fin des années 1970 a été appelée par certains (comme Gilles Lipovetsky) « l'ère du
vide ». L'élection de François Mitterrand en 1981, sur le thème très mai 68 « Changer
la vie », apparut comme une flambée d'espoir ou une crise de panique catastrophique,
selon les courants, dans cette évolution politique en France. Mais cette attitude
désillusionnée sur la classe politique reprendra le dessus et est encore très présente de
nos jours avec des prises de position critiques, mais une méfiance croissante vis-à-vis
du militantisme politique

Quelques slogans soixante-huitards


• Il est interdit d'interdire.
o ce slogan mérite une place spéciale : « Il est interdit d'interdire » fut, au
départ simple boutade autoréférentielle lancée par le fantaisiste Jean Yanne ; il
fut par la suite repris au premier degré, ce dont le concerné se montrera
surpris... et amusé.
• L'imagination prend le pouvoir !
• À bas la société spectaculaire marchande.
• Ne travaillez jamais.
• Je prends mes désirs pour des réalités car je crois en la réalité de mes désirs.
• Fin de l'université.
• Vivre sans temps mort et jouir sans entrave.
• L'ennui est contre-révolutionnaire.
• Pas de replâtrage, la structure est pourrie.
• Nous ne voulons pas d'un monde où la certitude de ne pas mourir de faim s'échange
contre le risque de mourir d'ennui (cette phrase tirée de l'introduction du Traité de
savoir-vivre à l'usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem fut largement
commentée par Thierry Maulnier, qui était membre de l'Académie française, et par le
chroniqueur André Frossard, qui le deviendra).
• Ceux qui font les révolutions à moitié ne font que se creuser un tombeau.
• On ne revendiquera rien, on ne demandera rien. On prendra, on occupera.
• Plébiscite : qu'on dise oui qu'on dise non, il fait de nous des cons.
• Depuis 1936, j'ai lutté pour les augmentations de salaire. Mon père avant moi a lutté
pour les augmentations de salaire. Maintenant j'ai une télé, un frigo, un VW. Et
cependant, j'ai vécu toujours la vie d'un con. Ne négociez pas avec les patrons.
Abolissez-les.
• Le patron a besoin de toi, tu n'as pas besoin de lui.
• Travailleur : tu as 25 ans mais ton syndicat est de l'autre siècle.
• Veuillez laisser le Parti communiste aussi net en sortant que vous voudriez le trouver
en y entrant.
• Soyez réalistes, demandez l'impossible.
• On achète ton bonheur. Vole-le.
• Sous les pavés, la plage (au moment de l'érection des barricades, on avait retrouvé
sous le macadam l'ancien pavement de Paris, et sous les pavés - immédiatement
utilisés de la façon que l'on devine - le lit de sable sur lequel ils étaient posés).
• Autrefois, nous n'avions que le pavot. Aujourd'hui, le pavé.
• L'âge d'or était l'âge où l'or ne régnait pas. Le veau d'or est toujours de boue.
• La barricade ferme la rue mais ouvre la voie.
• Il n'y aura plus désormais que deux catégories d'hommes : les veaux et les
révolutionnaires. En cas de mariage, ça fera des réveaulutionnaires.
• Le réveil sonne : PREMIÈRE humiliation de la journée !
• Imagine : c'est la guerre et personne n'y va !
• Laissez la peur du rouge aux bêtes à cornes.
• Cours camarade, le vieux monde est derrière toi.
• Les murs ont la parole.
• Élections, piège à cons.
• (sur une bouteille de poison) Presse : ne pas avaler.
• ORTF : La police vous parle tous les soirs à 20 heures.
• Prenez vos désirs pour la réalité.
• Nous sommes tous des Juifs allemands.

En réponse à la violente répression, des affiches sérigraphiées disent :

• Les CRS aussi sont des hommes : la preuve, ils violent les filles dans les
commissariats.
• CRS=SS
• Il n'y a peut-être aucun rapport... Mais peut-être aucun.

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