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Discussion et Observation de divers aspects du Judo par Ronald Désormeaux

JUDO RON 42- Judo-Premier Principe-Seiryoku Zenyo : Emploi intelligent de l’énergie

L’emploi intelligent de l’énergie est au cœur du judo. Dans certains écrits de Jigoro Kano le
fondateur du judo, réunis par le professeur Gaoki Murata dans son ouvrage L’Essence du Judo i, il
est rapporté que le Shi-han avait, dès le début du judo Kodokan, porté une attention particulière
quant à la façon d’utiliser plus efficacement l’énergie mentale et physique pour atteindre des
but précis en salle de cours ou au quotidien. De ses études antérieures extraites des traités de la
philosophie chinoise du Tao, Jigoro Kano avait bien assimilé l’importance de l’équilibre des
forces tel qu’inspirée par l’observation des phénomènes naturels. Appuyé de ses expériences
pratiques en dojo, il a pu établir les premières bases scientifiques de son judo moderne en 1882.
L’emploi intelligent de l’énergie fut l’énoncé principal qui devint son premier principe.

Pour expliquer l’emploi intelligent de l’énergie, il faut parfois parcourir un chemin sinueux qui a
pour balises l’énergie macroscopique et la puissance microscopique. C’est Aristote qui aurait dit
qu’il n’y a pas de mouvement sans un élément de force. Dans le présent travail, nous tenterons
de découvrir les divers processus associés à l’usage intelligent de l’énergie. Pour mieux cerner
certains comportements chez les judokas, nous visiterons brièvement les bases de la mécanique
céleste associées aux mouvements des galaxies et identifierons tant l’éclosion que le parcours
de l’énergie atomique présente en nous et qui s’extériorise continuellement de notre corps. Par
cette démarche, nous tenterons d’expliciter le sens du premier principe du judo afin de
poursuivre notre perfectionnement.

Un recul historique s’impose

Jigoro Kano n’était pas le premier à parler d’harmonie avec la nature, de la conservation et du
bon usage de l’énergie. Dans les siècles antérieurs des hommes de sciences naturelles ont
étudié et tenté d’analyser le comportement de l’univers à partir d’observation. Ils ont suivi les
déplacements des astres et noté les cycles des saisons afin de permettre aux diverses
civilisations de mieux s’y harmoniser. Tour à tour, astronomes, mathématiciens et physiciens
ont expliqué à leur façon, les phénomènes répétés et naturels, en utilisant des oracles, des
mythes ou en attribuant des pouvoirs spéciaux à des dieux surnaturels.

Les oscillations de la terre sous l’influence des principaux astres que sont le Soleil, la Lune,
Mercure, Venus, Mars, Saturne et Jupiter ont fait couler beaucoup d’encre. Certains chercheurs
ont cependant apportés des explications tangibles ayant trait au comportement de l’énergie
universelle et sur lesquelles d’autres savants plus contemporains ont ajoutés des principes de
comportement et des lois qui orienteront notre pensée et ajouteront à notre compréhension
pour des siècles.

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Conception partielle d’une galaxie d’après une photo publique de NASA

Tout de l’univers n’est pas mesurable avec certitude. Les galaxies sont des amas de gaz et de
matière aux dimensions indéfinies, qui contiennent des milliards d’étoiles et qui s’influencent
mutuellement. Il y a des zones grises qui, même de nos jours, demandent des explications. Une
des premières constatations émises par ces anciens est qu’une partie importante de l’univers en
expansion se compose à la fois d’une masse atomique combinée à une matière solide et visible
représentant environ 27% de l’espace universelle. Cette masse se modifie constamment par
l’action, la transaction, la réaction et la transformation d’un milieu ambiant. Une conséquence
de cette observation est qu’il existe aussi une matière énergétique qui est non visible et dite
« matière noire » qui serait dit-on formée de particules cosmologiques et de gaz inconnus en
interaction entre eux et non totalement quantifiée.

Heureusement pour nous, l’évolution de l’astronomie, les progrès réalisés dans les sciences
connexes et l’apparition de méthodes et moyens plus scientifiques auront contribués à
l’enrichissement de notre connaissance de l’univers tout en imposant une rigueur dans les
énoncés, lois ou principes. Pour certains scientifiques, l'apparition de la vie ou de l’énergie
vitale résulterait d'une tendance naturelle de la matière à se transformer en structures de plus
en plus complexes, lorsque certaines conditions favorables sont réunies.

Définition courante de l’énergie

Le mot énergie est tellement courant dans notre vocabulaire, que nous prenons rarement le
temps d’en chercher ses origines et n’éprouvons pas le besoin immédiat d’en confirmer ses
attributs. Issu du mot grec energeia/ergon,ii il signifie tour à tour; travail, activité et puissance.
Au 16ième et 17ième siècle, il fut retenu comme travail et force. Aujourd’hui, c’est un concept de
base de la physique.

Nous disons que l’énergie est la capacité d’un système quelconque à modifier ou influencer
l’état de d’autres systèmes avec lesquels il entre en interaction. iii

L’énergie va nous apparaître sous différentes formes car elle se transforme, se meut, se
transfère, se transmet, se décompose, s’accumule, se propage et s’observe par ses attributs que
sont : CHALEUR et TRAVAIL.

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L’énergie se mesure par diverses formules tenant compte de sa MASSE, de la DISTANCE qui
sépare les systèmes en interaction et du TEMPS qui est consacré aux nouvelles relations.
L’énergie est dite : potentielle, mécanique, acoustique, chimique, électrique,
électromagnétique, cinétique, nucléaire, humaine et autres dénominations selon les sphères
d’étude. Dans tous les domaines d’observation, lorsque l’énergie change de nature ou est
transféré vers d’autres systèmes, on est en présence d’action et de réaction. Il y a des
modifications qui s’équilibrent normalement; ce qui est perdu dans l’échange par le donneur
est gagné chez le récepteur. C’est un bilan équilibré.

Cependant, il faut compter des exceptions à la règle, notamment lorsque deux systèmes de
même intensité interagissent en même temps, l’un envers l’autre, on dira que leur travail
mécanique s’annule. Ne tenant pas comptes des autres réactions inconnues dans ce genre de
relation, nous dirons que c’est une situation neutre dans ce plan précis. Quelques fois, on peut
constater une dépense trop grande d’énergie introduite pour produire une réaction. Il ne faut
pas oublier non plus qu’il y a aussi des pertes considérables de matières dans des échanges
complexes et que certains résidus de ces matières premières deviennent non utilisables.

Quoi retenir des travaux des anciens?

L’histoire de la science nous révèle les contributions remarquables de chercheurs qui ont
documenté les divers déplacements dans l’univers et le phénomène de l’inertie. Ils ont tenté de
cerner les propriétés et la nature de ces mouvements. À travers les âges, divers courants de
pensée scientifique voient le jour pour tenter d’incérer une nouvelle provenance de l’énergie et
en classifier ses attributs. Après une guerre de clochers scientifiques qui prend de l’ampleur au
18ième siècle il faudra attendre encore quelques années plus tard avec l’arrivée d’Albert
Einstein qui viendra trancher le débat avec sa formule : E = MC2 (Énergie = Matière x Vitesse de
la lumière au carré). On s’accorde à dire que l’atome se modifie et s’associe avec d’autres
éléments et ce, à différente intensité et en quantité variable selon les conditions du milieu
ambiant.

De ces contacts entres matières et éléments divers, il en découle des chocs de particules, une
fusion au sein de la matière qui fait éclater les gaz pour créer de nouveaux regroupements et
produire une vie énergétique. Il y un continuum d’activités : regroupement d’éléments,
réchauffement, création, réaction, régénération, conservation, exploitation, et refroidissement.

Et nous, que devenons-nous? Nous savons que nous sommes bombardés continuellement par
ces rayons cosmiques constitués de différentes particules à haute énergie en provenance de
l'espace cosmique et du soleil. Ces particules sont capables de traverser n'importe quelle
matière à très grande vitesse. Bien que le champ magnétique terrestre nous donne une certaine
protection, il n’en demeure pas moins que certains de ces éléments vont traverser la couche et
bousculer notre existence.

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Cette équation d’Einstein E = MC2 signifie que même la plus petite masse de matière renferme
une immense énergie. Il en est de même pour nous qui devons extraire de l’énergie quelque
part dans notre milieu environnant afin d’assurer notre survie. Doté de caractéristiques propres
à chacun de nous, nous pouvons qu’imaginer l'énergie contenue dans les milliards d'atomes qui
constituent les systèmes de notre corps.

Avec le temps, nous avons découvert nos origines et notre place dans la société. Nous avons
appris avec nos sens et de nos expériences. Nous avons capté différentes formes d’énergies en
étant exposé aux diverses saisons, climats et milieux, réalisé les effets du froid, de la chaleur et
les conséquences des relations humaines. Nous avons vite découvert le besoin d’air et d’eau
pour assurer notre survie. Nous avons senti l’arôme des fruits et le parfum des fleurs et l’odeur
néfaste nous répugne. Par le touché nous sommes devenus familiers avec diverses surfaces et
instruments. Nous avons capté et analysé ce que nous avons vu et imaginé. Nous avons écouté
les conseils et casé les banalités. Nous avons différencié entre un son aigu d’une mélodie ou
d’un sifflement. Des échanges avec les autres êtres qui nous entourent, nous avons pu
distinguer des comportements variés, des modes de pensée et sélectionné le meilleur de ce
chacun a à offrir en évitant ce qui pourrait nous blesser ou nous causer du tort. Nous avons
mangé des aliments et bu des boissons de différents goûts qui furent digérés et transformés par
notre système digestif et qui ont renforci tant notre squelette que nos muscles. Toutes ces
interactions et transformations ont été transmises et retenues dans notre cerveau pour fin de
développement et d’émancipation.

La question va se poser de nouveau : peut-on faire un bon usage de toute cette énergie?

L’atome avec ses composantes que sont les neutrons, les protons qui forment le centre et ses électrons

De ce qui précède, nous avons fait le point sur la définition de l’énergie et identifier son origine
cosmique. Nous avons aussi déduit que l’énergie est présente en nous et autour de nous et que
nous pouvons la capter en quantité suffisante pour la conserver et la réutiliser. Pour traiter de
son usage intelligent en judo, nous verrons l’importance d’être en harmonie avec son milieu.

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Pour éviter de faire de ce document une répétition des sujets déjà traités dans mes autres
publications, je vous invite à en faire la lecture sur Internet au poste : WWW.SCRIBD.COM.iv Ce
qui suit vient amplifier ces observations antérieures.

C’est en étudiant les principes du meilleur emploi de l’énergie que nous ont transmis les anciens
et que Jigoro Kano a insérés dans son Judo Kodokan que nous arriverons à constater que
l’énergie sous ses différentes formes est non seulement une vie par elle-même mais constitue
aussi un véritable patrimoine de l’humanité.

L’énergie humaine en particulier, n’est pas un élément inépuisable et nous devons apprendre à
la manipuler et la transmettre avec soins, plutôt que de simplement la consommer sans effort
de modération. Jigoro Kano nous disait : » Les êtres humains s’engagent dans des activités très
variées. Vous devez sélectionner les plus pertinentes et vous y tenir, mais si vous ne vous montrez
pas raisonnable dans votre application, vous risquez de faire beaucoup d’efforts pour quelque
chose qui n’en vaut finalement pas vraiment la peine et vous gaspillez l’énergie que vous auriez
pu appliquer à quelque chose de plus utile. Vous devez choisir avec soin ce qui requiert
véritablement toute votre application.»v

L’énergie humaine ne peut être utilisée sciemment que si elle remplie certaines conditions. Elle
nécessite un environnement de bien-être, une capacité physique à se réaliser et une volonté
positive de vouloir agir au bon moment. Une personne malade, mal nourrie, frustrée ou
négative ne peut pas fournir le degré d’énergie optimal pour assurer sa survivre et influencer
positivement les autres. Il en est de même pour une personne ne sachant pas utiliser
correctement les outils ou moyens propres mis à sa disposition pour effectuer une tâche
spécifique. Celle-ci peut devenir dangereuse pour elle-même et pour les autres. Enfin, le judo,
devient un mécanisme associé à l’ensemble tripartite du Shin Gi Taivi qui résume cette
disposition harmonieuse.

Le « Do » dans Judo tel qu’énoncé par le fondateur Jigoro Kano exprime bien cette façon choisie
de bien vivre en harmonie avec son milieu. C’est aussi cette discipline personnelle que l’on se
donne pour mieux être soi-même, pour mieux bénéficier du moment présent, mieux
comprendre son entourage et de vouloir s’y harmoniser.

Ce concept de mieux-être était connu sous le vocable « Yang-Sheng »vii et répandu dans les
enseignements et traités classiques du Taoïsme, Confucianisme et Bouddhisme depuis déjà un
certain temps. Trois dimensions interalliées y sont constamment notées : santé physique, bien-
être spirituel pour soi et envers les autres ainsi que la pratique de techniques positives pour
l’amélioration de soi. Il est sous entendu dans la majorité de ces textes anciens que l’énergie ne
doit pas être sous utilisée ni sur employée pour connaître la paix et le bonheur véritables.

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Plus près de nous, certains philosophes et auteurs nous rappellent que nous aspirons tous à un
mieux-être. Entre autres, Mathieu Ricard disait dans Plaidoyer pour le Bonheur viii, que : « Le
désir du bonheur est essentiel à l’homme et il est le mobile de nos actes. » La recherche du
bonheur, c’est l’énergie spirituelle qui nous influence et qui nous porte vers l’action.

« Agis, n’intellectualises pas »

Précepte attribué à Wang-Yang Ming (1472-1529)

Pour se perfectionner quotidiennement, il faut agir plus simplement, être plus serein, avoir plus
d’assurance, être plus familier, plus détaché, être plus libre d’agir, de penser et devenir plus
disponible envers les autres. Mathieu Ricard nous incite à élargir nos connaissances et notre
compréhension des choses qui nous entourent. Ce chemin de la vie n’est pas aussi facile que
l’on se l’imagine, il faut cependant le suivre avec confiance, selon nos observations et notre
prise de conscience individuelle. Pour réussir, il faut apprendre à économiser notre énergie, la
diriger vers des objectifs de valeur et agir naturellement, spontanément, et ce, sans porter de
jugement. Il faut persévérer malgré les difficultés encourues dans le parcours. Lorsque nous
regardons en arrière, nous y voyons l’accumulation des réussites qui donnent une valeur
spéciale à la joie de vivre.

« Keep on fighting the difficulties. When you are able to turn back and look at what you
have overcome, you discover the joy of living while on life’s very road »

Eiji Yoshikawa (1892-1962) ix

L’énergie suffisante dans la pratique du judo

Nous voici donc au seuil du dojo. Établissons maintenant un contact plus direct avec nos
activités et nos performances en judo. Nous allons rejoindre les écrits des anciens et y ajouter
quelques concepts pratiques dans le but d’aller au fond des principes qui régissent les
techniques du judo. Nous établirons l’essentiel afin de ne plus s’inquiéter de ce qui peut être
compris comme étant de l’accessoire et du personnel.

Posture Shizen Hontai

Jigoro Kano insistait que les judokas adoptent une posture debout dite « naturelle » qui assure
un meilleur équilibre et une plus grande facilité de déplacement. La science d’aujourd’hui a
permis de démontrer qu’une bonne posture est indispensable au fonctionnement optimal du
corps. Plus précisément, une étude publiée dans l’American Journal of Pain Management (1994,
4: 36-39) a révélé que : » La posture influence et modère chacune des fonctions physiologiques,
de la respiration jusqu'à la production d'hormones. Les douleurs au dos, les maux de tête,
l’humeur, la pression sanguine, le pouls et la capacité pulmonaire sont parmi les fonctions les
plus influencées par la posture. »

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Adopter une mauvaise posture implique l’introduction d’un mauvais alignement et l’occurrence
de déviations résultant en un déséquilibre musculaire ou l’apparition d’asymétries. Certains
muscles deviendront plus forts d'un côté et plus faibles de l'autre. Une redirection de l’énergie
s’amorcera pour compenser, entraînant ainsi de nouvelles pressions sur la colonne vertébrale,
les nerfs et les muscles internes, sans oublier les tensions musculaires qui vont suivre. Le plein
usage de l’énergie positive en sera réduit.

Une bonne posture va faciliter le mouvement fondamental pour aller de l’avant, reculer et
tourner tout en gardant le corps dans un meilleur état d’équilibre. Une bonne posture naturelle
offre généralement un bilan de rendement mécanique nettement supérieur tout en utilisant
que le minimum de force pour maintenir la stabilité.

Ce déplacement du corps en état d’équilibre est appelé Tai Sabaki et ne doit pas être ignoré
dans la pratique quotidienne. Le maître K. Mifune 10ième dan en soulignait l’importance, dans
son article ayant paru dans la revue officielle du Kodokan en 1950, par la phrase suivante :
« L’art du « Tai sabaki » est toujours nécessaire, non seulement en apprenant le Judo mais aussi
dans notre vie. C’est la première et la dernière marche du Judo. »

Gestion des distances

Il est connu que les masses de matière ont une influence sur leur environnement et ce, d’une
manière proportionnelle à leur volume et aux distances qui les séparent mutuellement. Ainsi, si
nous sommes trop éloignés de notre adversaire, notre efficacité à le faire bouger ou chuter sera
réduite. Si nous désirons augmenter nos chances de réussite, il faudra se rapprocher ou
augmenter notre vitesse de déplacement. Cette stratégie s’appelle le Maai ( 間合い), "intervalle"
et se rapporte à la gestion de l'espace entre deux adversaires.

C'est un concept qui tient compte non seulement de la distance entre les deux adversaires, mais
aussi le temps qu'il faut pour franchir cette distance, l'angle et le rythme d'attaque. Pour le
judoka rapide et expérimenté, l’ajustement des distances sera plus aisé. On peut généralement
classer la distance de la séparation en terme de lointaine (To-ma), moyenne (Itto-ma) et
rapprochée (Chika-ma). La gestion de ces intervalles dépend principalement de la vigilance de
Tori qui doit être très attentif à déceler des failles dans l’intention de son vis-à- vis et à agir au
bon moment avec des ouvertures, des feintes et initiatives utilisant un ensemble de vecteurs de
force afin de minimiser ses dépenses d’énergie pour atteindre sa cible avec la plus grande
efficacité.

Attaquer au moment opportun ou prendre l’initiative est crucial en judo. L’initiative, c’est le Sen.
Il peut s’exécuter en devançant les intentions et les techniques de l’adversaire Sen no Sen ou en
complément de celles-là par une maximisation des faiblesses démontrées Go no Sen. Pour être
disposé à passer à l’initiative, on se doit d’être dans un état d’alerte totale que les anciens
appelaient Zanshin. Cette prise de conscience doit s’appliquer à tout ce qui nous entoure: notre
corps, orientation spatiale, objets, lieux, positions, adversaires etc. A partir de cette état
d’alerte, il faudra déployer notre énergie parcimonieusement d’où l’application du principe de la
flexibilité et la souplesse, le »Ju ».

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Si au cours d’un combat, les opportunités sont manquées, il faudra utiliser plus d’énergie pour
les préparer à partir de rien et soutenir les efforts additionnels pour rendre les techniques plus
efficaces.

Principe du Jû

Une économie majeure de l’énergie se présente à nous en utilisant le principe de Ju. Pour
appliquer le principe de Ju, un judoka doit être capable de s'adapter à la fois mentalement et
physiquement aux diverses situations que son adversaire pourra lui imposer. Avec souplesse, il
importe d’aspirer, subir ou accepter la force (énergie) de l’autre afin de la rediriger. Ce geste
représente une économie marquée dans l’usage de notre énergie car il n’y a pas d’opposition
directement impliquée, mais, il doit s’accompagner d’une reprise immédiate de l’initiative par
Tori afin de tirer le meilleur du déséquilibre causé par l’action de l’adversaire.

Vu d’une perspective différente, l’application du principe Ju peut être appelée l’art du coté
supérieur « HEN-O » ou de l’optimisation d’un mouvement principal à chaque instant choisi.
C’est l’état d’alerte durant les premiers instants de la confrontation qui nous permettra
d’exploiter une technique de choix sans dévoiler notre jeu. La préparation mentale et physique
contribuera à notre succès ou défaite. Ceci est le « HEN ». De plus, si nous manquons de
vigilance, notre technique en souffrira davantage. Attaquer sans hésitation au moment propice,
chercher l’effet maximale avec le minimum d’effort c’est le « O ».

La respiration et le KIAÏ

« Tu ne peux accomplir l’acte efficacement, car tu respires mal »x Eugen Herrigel

Propre à la culture des arts japonais et intrinsèque au Zen, le processus de respiration est
indispensable à créer un état mental propice à l’éclosion de l’art qui exige de faire l’unité entre
le sujet et la cible visée dans son objectif.

Sans un contrôle respiratoire adéquat, nous ne disposons que d’une infime partie de notre
énergie potentielle. Les chercheurs Jiichi Watanabe et Lindy Avakian xi ont fait ressortir la
nécessité de méditer sérieusement sur les possibilités d’absorber la force de l’opposant, de
maintenir une posture flexible et adéquate pour mieux réagir en judo et ont encouragé
l’apprentissage à respirer profondément et correctement pour mieux conserver et maximiser
l’énergie vitale nécessaire au rendement optimal des techniques.

Élément essentiel à la vie, l'oxygène permet les réactions chimiques complexes de la contraction
musculaire et le fonctionnement de tous nos organes. La respiration consiste généralement en
des échanges entre l'atmosphère et les alvéoles pulmonaires qui sont assurées par la ventilation
pulmonaire. Lors de l'inspiration, l'air pénètre dans les poumons, l’O2 passe au travers des
parois des alvéoles et se fixe sur les globules rouges, tandis que le CO2 dissous dans le plasma
sanguin pour être expulsé à l'expiration. Le sang oxygéné transporté par les artères est
acheminé vers les différents organes. Le dioxygène est alors utilisé pour dégager de l'énergie.

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Dans notre respiration, il faut noter les changements de volume de la cage thoracique qui
augmente à chaque inspiration et diminue avec chaque expiration. Cette action est
automatique. Ce va et vient définit notre rythme respiratoire. Compte tenu que la cage
thoracique est entourée de muscles intercostaux et par le diaphragme forme respectivement
l’enveloppe et le plancher de cette espace close. Tout gonflement et affaissement influencera le
travail des poumons.

Il est possible de maximiser ce processus par des exercices respiratoires faits par des
mouvements forcés et volontaires. Dans l’inspiration forcée, le diaphragme se contractera
davantage; les muscles élévateurs des côtes viennent compléter l’action des intercostaux. Dans
l’expiration forcée, la contraction de muscles dits « expirateurs » viendra s’ajouter au
relâchement des muscles élévateurs. Une contraction des muscles abdominaux comprimera les
viscères (« on rentre le ventre ») (technique du ventre/ Hara-Gei) ce qui refoulera le diaphragme
vers le haut et accentuera la diminution du volume de gaz dans la cage thoracique.

Tirés de l’expérience de l’exercice sur tapis roulant, on peut estimer des chiffres qui nous
démontrent un rendement comparatif entre une respiration normale de celle d’un cycle forcé.
À chaque inspiration normale, on peut mesurer 0,5 litre d’air d’entrée. Au cours d’une
inspiration forcée ce volume peut atteindre 2,5 à 3 litres. De même, en fin d’expiration normale,
on peut aller y chercher jusqu’à 1 litre d’air de réserve.

L’oxygène que nous respirons sert donc à maximiser notre réserve d’énergie. Nous inspirons ce
gaz qui se transforme, qui rempli nos poumons et qui compresse nos viscères sans oublier son
rôle vital dans la circulation sanguine. Il est fortement suggéré d’apprendre et d’utiliser diverses
méthodes et moyens qui serviront à augmenter notre capacité pulmonaire.

Nous sommes d’accord à dire qu’avant d’entreprendre des exercices de combat, il faut bien
nous oxygéner, bâtir nos réserves et apprendre à les relâcher avec puissance au moment du
dénouement d’une technique. C’est ici qu’intervient le Kiai. Celui-ci est un cri de haute
fréquence qui se pousse à partir du ventre pour accompagner un dernier effort d’expulsion de
l’énergie. Il permet de vider davantage la cage de sa réserve tout en assurant une meilleure
synchronisation dans nos actions. Le relâchement d’un peu d’air concentré additionnel et dirigé
volontairement servira à augmenter sensiblement la puissance de nos techniques. Le fait de
crier vient compléter le cycle de la respiration, donne satisfaction d’avoir bien utilisé nos
réserves et peut fournir un attribut psychologique additionnel favorisant le déséquilibre de
l’adversaire.

L’espace courant ne nous permet pas d’approfondir les autres éléments essentiels du judo
(Ukemis, Kumikata, Kuzushi, Tsukuri et Kake) qui comprennent des vérités fondamentales quant
à l’utilisation intelligente de l’énergie. Nous y reviendrons dans d’autres dialogues. Il nous suffit
pour clore ce premier débat de constater que l’énergie potentielle peut être négative ou
positive selon l’objet du travail que nous désirons réaliser.

« Par la pratique du Judo, l’homme peut trouver sa vérité propre ».


K. Mifune 10ième dan.
Ronald Désormeaux, Décembre 2010.

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Références

i
Gaoki Murata, L’Essence du Judo, Écrits du Fondateur du judo chez les Éditions Budo Presse, France, 1999
ii
Le Petit Larousse, Vuef 2003, page 379
iii
Le Petit Larousse, Vuef 2003
iv
Ronald Désormeaux, articles divers réunis dans la série JUDO-RON à WWW.SCRIBD.COM , 2008-2010
v
Jigoro Kano, L’Essence du Judo, compilation des écrits par Gaoki Murata, page 73
vi
Ronald Désormeaux, Shin Gi Tai, publication personnelle, Édition 2008
vii
The Concise Oxford Dictionary of World Religion, 1997
viii
Mathieu Ricard, Plaidoyer pour le Bonheur, Pocket-Évolution, Paris, France, 2009
ix
Eiji Yoshikawa, Taiko, Kodansha International, Tokyo Japon, 1967
x
Eugen Herrigel, Zen in the Art of Archery, Vintage Books, New York. USA, 1953
xi
Jiichi Watanabe, Lindy Avakian, The Secrets of Judo, Charles’s. Tuttle, Tokyo, Japan, 1960

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