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Outil 4
Analyse Urbaine et architecturale
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Outil 4
Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Des origines de l’analyse territoriale L’analyse urbanistique doit permettre de déterminer l’accessibilité de l’enclave
historique par rapport au territoire dans lequel elle se situe, non seulement du point
de vue physique mais aussi en considérant la mobilité de ses résidents et de ses
Dans le domaine du projet urbain, l’analyse territoriale n’a pas usagers ainsi que les flux d’échange de matériaux et d’informations.
toujours été présente dans les esprits. L’urbanisme, largement
influencé par la pensée des utopistes comme Thomas More1, s’est
longtemps appuyé sur des modèles indépendants du lieu. Le
concept d’analyse urbaine apparaît avec le baron Georges de circonscrire de façon rigoureuse, dans un souci de bonne
Haussmann2, dont les opérations s’accompagnaient d’une économie de l’ingénierie.
connaissance approfondie du contexte historique et géographique Comprendre l’organisation du territoire à travers son armature
local. Patrick Geddes a cherché à mettre en relation les différentes urbaine
branches du savoir au service de la vie humaine. Dans cet esprit, il Selon le lieu, les caractéristiques et l’impact de chaque projet de
proposait que la ville, qu’il assimilait à un être vivant, soit étudiée réhabilitation urbaine appartiennent à une logique territoriale
sous tous ses aspects, opposant le terme d’ « eutopia » (le bon spécifique. La Méditerranée et son arrière-pays présentent une
lieu) à l’utopie (en aucun lieu), qu’il dénonçait. Patrick Geddes3 a grande variété de situations. Certaines régions sont polarisées à
ainsi défini le concept d’enquête préalable (survey), avec ses l’extrême autour de leur capitale administrative et économique,
composantes spatiales et temporelles. contribuant ainsi à la désertification des territoires ruraux
environnants. Les grandes régions urbaines multipolaires sont
organisées en réseau autour de la complémentarité des fonctions
Définir un territoire d’analyse en fonction de la nature de assurées respectivement par les agglomérations centrales et les
chaque projet moyennes et petites villes situées alentour. Certaines régions font
l’objet d’une urbanisation linéaire, le long de vallées ou en frange
En premier lieu, il s’agit définir le champ spatial de l’analyse. côtière : l’armature urbaine y est généralement moins hiérarchisée
L’aire d’étude dépend de la nature de chaque projet : ainsi en raison d’un développement souvent rapide et spontané. De
l’échelle du territoire considéré se définit en fonction des enjeux nombreuses régions rurales de montagne ou s’étendant sur des
posés et des impacts attendus du projet. Tandis qu’un plateaux, faiblement peuplées, disposent de lieux d’échanges
programme de réhabilitation d’ensemble d’un quartier représentés par des petites villes ou des bourgs qui exercent un
nécessite d’appréhender le contexte urbain à l’échelle de large rayonnement, malgré leur taille limitée.
l’agglomération, voire de l’ensemble de l’aire urbaine, la On pourrait estimer à priori que le projet est d’autant plus
réhabilitation d’un îlot peut se contenter de la simple analyse du structurant que l’armature urbaine est faible. La réalité est
quartier concerné. Il est donc nécessaire d’évaluer en amont les certainement moins catégorique : par exemple, dans une région
interactions du projet et de son espace environnant, qu’il s’agit dotée d’un appareil urbain puissant, un projet de réhabilitation
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
Le regard de l’urbaniste : l’espace bâti traditionnel et son contexte territorial
Le contexte urbain doit être appréhendé, le plus souvent, à l’échelle de l’ensemble Le territoire presque désert de la Communauté autonome de Castilla-La Mancha
de l’agglomération : vue du Caire (Égypte). (Espagne) présente un fort contraste avec la croissance urbaine soutenue de Madrid.
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Le regard de l’urbaniste : l’espace bâti traditionnel et son contexte territorial
Une bourgade de plaine en Lombardie (Italie) : l’armature urbaine, dense, est La Costa del Sol (Espagne) près de Malaga fait l’objet, depuis le milieu du XXe
organisée en réseau autour de Milan, la capitale régionale. siècle, d’une urbanisation extrêmement rapide.
scénarios à partir desquels le plus grand dénominateur commun tendances positives, ou à l’inverse, enrayer ou atténuer les effets
sera considéré comme une base valable, faiblement aléatoire, en des tendances négatives.
vue de la définition du cadre du projet. La pertinence du choix des indicateurs est primordiale : les
Les dynamiques territoriales peuvent générer des pressions, voire données à intégrer doivent être sélectionnées selon les
des tensions, notamment quand certaines tendances sociales ou caractéristiques de chaque projet, les systèmes d’analyse devant
économiques s’accélèrent, ou quand ces phénomènes dépassent être en phase avec l’objet de la réhabilitation programmée. Il
des seuils critiques, provoquant des déséquilibres sensibles. convient aussi de relativiser les données fournies par les
L’analyse des atouts, faiblesses, opportunités et menaces (analyse indicateurs en fonction de chaque contexte territorial. Par
AFOM) d’un territoire peut s’appuyer sur l’identification de exemple, les prix des appartements anciens à Marseille, en France,
phénomènes constatés à partir d’indicateurs d’état, de pression et ont en moyenne augmenté de 88 % entre 2001 et 2005, ce qui
de réponse. Les indicateurs d’état permettent de caractériser constitue un phénomène inédit dans cette ville ; durant la même
l’espace étudié à un instant déterminé à partir de données période, les prix des riads ont été en moyenne multipliés par cinq
significatives. Les indicateurs de pression visent à préfigurer des dans la médina de Marrakech au Maroc, en raison d’une pression
situations à venir par l’expression de tendances dynamiques ou de résidentielle et touristique extrême. A partir de cette situation
situations statiques. Les indicateurs de réponse, enfin, ont pour comparative, il serait hâtif de constater un état de tension
but d’évaluer l’adéquation ou l’insuffisance des politiques et des modérée sur le marché marseillais, au vu d’une dynamique
moyens mis en œuvre pour accompagner, voire amplifier les immobilière sensiblement moins soutenue que dans la médina de
La ville de Chefchaouen (Maroc) et sa médina exercent un très large rayonnement L’accessibilité de La Canée (Grèce), comme de l’ensemble des villes de Crète, est
sur une partie importante du massif du Rif. pénalisée par l’insularité.
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
Le regard de l’urbaniste : l’espace bâti traditionnel et son contexte territorial
1
Thomas More ou Thomas Morus (1478 – 1535) : Grand chancelier d’Angleterre,
auteur de l’Utopie.
2
Georges Haussmann (1809 – 1891) : Administrateur français et préfet de Paris, où
il a dirigé de nombreuses opérations d’urbanisme.
3
Patrick Geddes (1854 – 1932) : Biologiste, sociologue et urbaniste britannique.
4
Culturalp project (European programme Interreg IIIB « Alpine Space ») : SWOT
Analysis
5
Source : Chambre des notaires des Bouches-du-Rhône
Un riad aménagé en résidence touristique dans la médina de Marrakech (Maroc), 6
dans un contexte de spéculation immobilière extrême. Source : Agence immobilière Khalid Bounouis, Marrakech
Cette place du centre historique de Cagliari (Italie) répond à un besoin essentiel de La ville de Nice (France) fait l’objet d’une pression immobilière mal contenue au
ses riverains en tant qu’espace de jeu, de rencontre et de détente. détriment de la préservation des espaces naturels.
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
Les valeurs patrimoniales de l’architecture traditionnelle. L’exemple de l’Italie.
Les techniques constructives sont le résultat de l’utilisation des bouleversement économique des siècles qui passent, qui leur
matériaux locaux et de la capacité de l’homme à traduire, au plan donnent la possibilité d’occuper toujours plus d’espace, jusqu’à
spatial et architectural, ses besoins de survie dans des territoires caractériser ce dernier.
physiquement, économiquement et socialement fermés. Ce sont La fragmentation foncière de la deuxième moitié du XIXème siècle
les techniques elles-mêmes qui souvent définissent les schémas a fini par bouleverser l’image du paysage, et a généralisé
typologiques des constructions (par exemple, systèmes à cour définitivement les modèles traditionnels existants dans les
ouverte ou fermée) ; autrefois c’était le système productif avec campagnes des régions du midi de la péninsule ; ce phénomène a
l’inévitable organisation pyramidale de la société qui dessinait le consacré l’adoption des modèles constructifs, qui s’est
4 paysage et déterminait l’organisation de l’architecture (les grandes accompagnée d’une forte tendance à la spécialisation de l’art de
fermes, les espaces du maître, du contremaître et des ouvriers). bâtir traditionnel et à la définition d’architectures toujours plus
Dans le sud principalement, à côté de l’architecture des grands raffinées dans les techniques et l’utilisation des matériaux.
domaines et des grandes propriétés seigneuriales, se sont La possibilité de résider désormais à la campagne sans crainte,
progressivement essaimées des architectures plus pauvres, ainsi que le développement d’une économie agricole basée sur la
concernant en premier lieu des abris, puis des maisons d’ouvriers satisfaction des besoins au niveau familial et local, ont déterminé
agricoles qui aspiraient à être propriétaires d’une parcelle de une forte urbanisation de la campagne et, par conséquent, le
terrain. Ce sont ces architectures tout particulièrement que l’on développement des techniques constructives traditionnelles (là où
définit sous le terme d’architecture traditionnelle. le constructeur est souvent l’agriculteur lui-même).
Les matériaux et les techniques rudimentaires apparaissent Simplicité formelle, linéarité des surfaces, décor limité à l’essentiel
logiquement sur les terrains pauvres et difficiles à exploiter. C’est et extrême lisibilité structurelle définissent la valeur humaine de
là où s’exprime le mieux la simplicité, où manque de moyens et ces architectures.
génie humain sont étroitement liés. Apparaissant spontanément La fonction est définie par la simple qualification des espaces
sans présomption d’être des architectures, ces constructions intérieurs : formes simples, sans différenciation extérieure, distribuées
rudimentaires le deviennent au gré des occasions, et de selon des plans schématiques élémentaires, généralement sur un ou
l’impitoyable repli économique des grandes propriétés dû au deux étages.
L’unité essentielle de ces architectures se retrouve à travers
l’utilisation de la couleur et du matériel, et surtout par une
disposition particulière des volumes de service, rarement mineurs
par rapport aux autres.
La structure devient un fait expressif à travers les matériaux
constructifs, souvent pauvres et simplement taillés et posés.
Le souci de défense conditionne et justifie les formes de l’habitat
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Les valeurs patrimoniales de l’architecture traditionnelle. L’exemple de l’Italie.
rXural et urbain, exprimée dans la lisibilité des volumes, ainsi que dimension physique de l’ouvrage et la technique particulière
par une justification psychologique, et non technologique. utilisant des matériaux locaux, mais aussi pour exprimer le
Les éléments défensifs sont analogues, en dépit de la multiplicité caractère particulier de la défense qu’assuraient les hommes.
des constructions et des sites : clôtures, défense des angles, rares L’espace urbain reflète une situation et des conditions déjà citées.
et petites ouvertures vers l’extérieur. Jusqu’à l’époque industrielle, la ville est fermée sur elle-même,
Tant au niveau d’un territoire qu’au niveau d’un ensemble entourée de remparts. L’intra-muros habité est caractérisé par des
architectural, le symbole de la croyance religieuse prend la forme îlots gothiques, étroits et allongés, où sont implantées des
de petites chapelles pour la dévotion des paysans. architectures simples longeant les rues et occupant des volumes
La distinction entre bâtiments d’habitation et de services est sur deux ou trois étages, dont un destiné au stockage des denrées. 4
généralement soulignée par le type de couverture, l’enduit des Les cœurs d’îlots sont aménagés en cours extérieures.
maçonneries, ou l’extension des bâtiments. Les matériaux sont toujours semblables et les techniques de
La classification des architectures peut être qualitative (par rapport construction, simples, sont analogues à celles de la campagne,
à leur usage), ou typologique (par rapport simplement à leur style bien qu’adaptées à un lieu mieux protégé. Les dynamiques
architectural). particulières ne sont pas perçues par rapport au paysage, comme
Un discours de classification ne peut pas faire abstraction des à la campagne, mais par rapport à l’utilisation des espaces privés
difficultés liées au fait que celle-ci fasse référence à un seul édifice et publics. L’importance des places et des espaces communs
ou à un ensemble, c’est-à-dire au fait qu’elle soit établie dans un caractérise le destin de la ville en déterminant des dynamiques
contexte où les différents composants doivent pouvoir s’identifier spatiales qui, de même, accordent une valeur de tradition
par une approche dynamique. partagée entre espaces vides et bâtis, qui, aujourd’hui encore,
Dans la différenciation entre bâtiments importants isolés et caractérise ce que l’on appelle toujours « culture et art de vivre à
groupements de petites architectures rurales, il est à souligner que l’italienne ».
pour ces derniers, de façon plus accentuée que pour les premiers,
on identifie une formulation stylistique qui intègre tout
particulièrement l’environnement, non seulement pour établir la
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Typologies modernes versus typologies traditionelles dans les medinas algériennes
L’on remarque que la conscience spontanée d’une population transformations progressives depuis leur existence en tant
mène à construire selon le « goût du jour » et non pas à préserver qu’établissement rural. L’on remarque que le type de l’édifice
les anciens modes et techniques. passe d’un état de type « proto-urbain » à un état de type
On ne verra jamais de pratique massive d’un savoir-faire ancestral, « urbain ».Cela se traduit morphologiquement par une
mais toujours sa forme évoluée, c’est-à-dire le savoir-faire du moment. densification horizontale d’abord, puis verticale selon les
mécanismes de transformation spontanée de l’habitation à travers
les siècles ; on verra d’abord un escalier dans la cour permettant
Notions sur l’évolution typologique de passer à l’étage supérieur, puis une coursive menant aux pièces
de l’étage ; viendra ensuite seulement la naissance du patio. 4
La grande variété typologique d’une même aire culturelle est Dans une parcelle construite, la densification va se faire
beaucoup plus le produit de l’adaptation aux besoins et aux progressivement jusqu’à occuper tout l’espace possible de la
moyens de les réaliser des habitants, suivant un mécanisme surface de la parcelle. Viendra ensuite la superposition des
simple, que le produit de la créativité ex-nihilo des constructeurs modules constructibles pour obtenir des étages successifs. Nous
et des concepteurs. pouvons voir des états successifs dans des villes à développement
La grande masse de production bâtie spontanée témoigne d’une variable comme Alger, ville dense et ayant atteint un haut niveau
activité populaire massive qui présente un grand degré d’analogie d’urbanisation à la période médiévale. Nous y observons une
entre ses composants. Les différences entre chacun de ses typologie évoluée d’édifices allant jusqu’à R+4 parfois, avec une
éléments ne seraient que des variations sur un même thème. moyenne de R+2 en général, dans la Casbah.
Cette grande « œuvre d’art collective » que sont les centres Une ville comme Dellys par contre, bien que de fondation aussi
anciens (Saverio Muratori ; Giulio Argan) n’est en fait souvent que ancienne qu’Alger, présente quant à elle une stagnation de
la composition de variantes synchroniques d’un même type
(Gianfranco Caniggia); d’où l’harmonie et l’unité de ces
établissements anthropiques.
Il est généralement établi que les noyaux urbains proviennent pour
la plupart de l’évolution des villages (mis à part les centres urbains
fondés en tant que villes). Ils répondent à la même logique que
celle du type portant en architecture : c’est-à-dire que le tissu de
la périphérie est reproduit autant que possible dans la rénovation
du centre (c'est-à-dire autant que le permettent les assiettes
foncières dégagées en même temps, car il est difficile d’obtenir de
grands espaces libres au même moment dans les centres anciens).
Nous parlons ici des noyaux urbains qui ont subi des
Construction coloniale avec des éléments traditionnels à Blida (Algérie) Plan de la ville de Blida (Algérie) datant de 1842
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
Typologies modernes versus typologies traditionelles dans les medinas algériennes
l’évolution typologique à un stade proto-urbain ; les escaliers dans de l’homogénéité d’un projet réalisé dans une même tranche
la cour, non intégrés dans la construction de l’habitation comme temporelle : (cas des lotissements ou autres opérations urbaines
élément mature de la typologie, sont présents comme élément de moyenne ou grande envergure).
architectural de distribution occasionnel pour accéder à un espace Toutefois la construction des édifices se fait rarement, et
en étage nouvellement introduit dans la typologie, sans pour uniquement dans des cas de restauration, selon les méthodes
autant constituer une constante typologique de l’habitation R+1. ancestrales de bâtir.
La typologie fort intéressante du reste de cette ville partiellement Cette logique constructive peut s’observer au niveau du musée du
détruite lors du séisme de mai 2003 présente en quelque sorte Bardo d’Alger, ancienne villa du Fahç Algérois à l’époque
4 une « pétrification » typologique d’un état intermédiaire entre le ottomane, qui a subi des restaurations multiples et des extensions
rural (andalous rural + berbère montagnard de la région) et qui illustrent bien cette réalité.
l’urbain, représenté par les édifices ottomans de l’époque, comme C’est également le cas d’El Djoun, ancien quartier de Blida (sinon
en témoignent les kbous typiquement turcs. le plus ancien partiellement conservé à ce jour), où les nouveaux
La ville de Blida par contre, abrite d’une part, une typologie proto- procédés constructifs (structure en béton armé et murs de briques
urbaine résultant de l’occupation rurale andalouse (El Djoun) avec et de parpaings), ont introduit et imposé cette nouvelle typologie
ses maisons de maître et leurs dépendances telles qu’écuries, qui ne cadre en rien avec les typologies locales. Ces pratiques sur
maisons des serviteurs et jardins, ainsi que d’autre part, une un centre historique pourraient être évitées si ce dernier était
typologie urbaine, importée d’Alger pour la gente turque de la classé et protégé. Ceci n’étant malheureusement pas le cas, la
ville, dans le quartier de la rue du Bey et de la rue d’Alger. conscience spontanée de la production du bâti a trouvé loisir à
Les constructions les plus récentes du quartier El Djoun s’appliquer. Cette conscience spontanée qui a permis
s’identifient à ces typologies urbaines. Ainsi, toutes les l’enrichissement des typologies durant des siècles d’ajustements et
reconstructions se feront suivant la typologie de la maison à patio, d’adaptations de l’architecture aux besoins des utilisateurs, en
remplaçant peu à peu la maison à cour proto-urbaine (exemple de donnant les plus beaux exemples du patrimoine bâti, tels les
Dar Ben Kouider). ksours sahariens ou les médinas, a fini par devenir l’instrument de
Nous remarquons donc à travers ces cas, assez représentatifs, la dégradation de ce même patrimoine, en utilisant des techniques
puisque choisis selon des tailles de villes et des positions et procédés étrangers au milieu dans lequel ils se trouvent
géographiques différentes, des moments différents de l’évolution appliqués. Ainsi les vieux centres historiques se trouvent
typologique de la ville algérienne. progressivement effacés au profit d’une architecture qui se
En fait ces niveaux d’évolution peuvent se retrouver dans une veut moderne mais est loin d’atteindre l’authenticité qu’elle
même ville, car un tissu spontané possède cette particularité prétend exprimer.
d’évoluer au niveau de la parcelle et non comme un ensemble. La
variation temporelle de l’évolution des parcelles permet d’obtenir
la variété tant appréciée par l’œil humain, contre une monotonie
Bastion 23, Alger (Algérie) Typologies traditionnelles dans la Casbah d’Alger (Algérie)
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Typologies modernes versus typologies traditionelles dans les medinas algériennes
Evolution spontanée des tissus en relation avec l’évolution Toujours est-il que ce que l’on peut observer, est que la ville se
typologique comble progressivement en densifiant toujours davantage le
centre et les parties avoisinantes les plus proches, resserrant son
Ayant établi que les villes naissent à partir de villages qui eux- réseau de voirie, puis occupant chaque centimètre carré offert par
mêmes succèdent à des établissements humains plus primaires, l’espace de la ville, et une fois le sol saturé, monter en hauteur.
c’est-à-dire des constructions isolées, ou des petits groupes Durant cette mutation, la typologie architecturale va quant à elle
d’habitations isolés (Mumford, Caniggia), nous pouvons orienter connaître également un phénomène de mutation. En effet, pour
l’observation vers la recherche des établissements humains qui réaliser ce resserrement du tissu de la ville, la maison va devoir
correspondent à des phases intermédiaires de production de muer elle aussi, se transformer, passer par des types intermédiaires 4
l’espace anthropique. Cet état d’édification correspond progressifs, d’une maison villageoise à une maison proto-urbaine,
généralement à un système socio-économique semi-nomade, ou puis urbaine, et enfin varier suivant l’aire culturelle et les besoins
bien saisonnier comme c’est le cas à El Oued où l’on peut encore continuels de densification.
observer ces petites maisons ou groupements de maisons, Nous en déduisons donc la relation essentielle entre la typologie
habitations d’été des familles citadines. architecturale et la typologie urbaine.
Le contexte de leur implantation est celle d’espaces suffisamment Les résultats au niveau du paysage urbain tel que perçu, restent
vastes (sécurisés avec présence de l’eau bien sûr) pour permettre cependant variés et sont définis par l’aire culturelle.
d’abord un habitat éclaté, puis des lots suffisamment grands Pour une organisation parcellaire identique, nous observons un
impartis à chaque habitation (relativement à l’état d’urbanisation agrégat très dense horizontalement pouvant aller jusqu’à une
plus ou moins avancé) et avec des terrains environnants libres mitoyenneté sur les quatre côtés de la maison dans le cas des
entre les maisons, permettant ainsi une évolution future à travers maisons à cour, (cas des parcelles centrales à Blida, Alger, Miliana,
une densification de l’habitat. Si ce groupe d’habitation réunit les Dellys…). Alors que dans le cas des typologies extraverties, nous
conditions nécessaires (polarité, accessibilité, proximité d’une zone ne pouvons dépasser trois côtés mitoyens.
d’activité…), il se développera en centre urbain. La production architecturale aujourd’hui est celle d’une
Un phénomène de mutation étrangement analogue au production de masse, basée sur la production en série suivant un
comportement biologique va alors se mettre en place, et d’un modèle unique à variantes synchroniques limitées, produisant ainsi
habitat épars va naître un habitat dense, groupé par le remplissage la perte de la richesse et de la variété typologique des centres
progressif des espaces interstitiels non bâtis. urbains antérieurs.
Les villes anciennes telles qu’elles nous sont parvenues aujourd’hui,
suite aux levés cadastraux effectués généralement depuis le 19ème
siècle, nous donnent peu d’informations sur leur naissance effective
et sur leurs premières mutations. Les noyaux anciens que nous
connaissons étaient déjà urbains lorsqu’ils ont été dessinés ou
relevés. Avec des techniques de lecture développées par le
professeur Caniggia, nous pouvons remonter dans la restitution de
la genèse de ces centres jusqu’à leur commencement.
Les hypothèses que l’on émet sont bien sûr étayées par des textes
historiques ou des fouilles archéologiques pour obtenir confirmation
et vérification. Mais ce que nous pouvons directement constater,
c’est le déroulement de ce phénomène de densification progressive
des tissus au niveau des extensions successives de la ville.
En effet, depuis les premiers cadastres du 19ème siècle, environ
chaque décennie nous offre des travaux de relevés cadastraux des
villes et de leurs territoires, ainsi que de la campagne et des
diverses parcelles agraires environnantes, jusqu’aux territoires
montagneux et forestiers.
Ces cadastrations successives nous permettent de lire aisément
l’évolution des tissus des extensions des villes, et de ce fait,
d’interpoler les résultats pour l’interprétation de la probable
évolution des centres anciens selon cette logique de l’implantation
anthropique. Rue de la Casbah d’Alger (Algérie)
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II. Diagnose Analyse urbaine et architecturale
Typologies modernes versus typologies traditionelles dans les medinas algériennes
L’avènement de la barre, résultat de cette production en série (il ne séisme par ces nouveaux édifices, alors qu’avant les maisons se
faut pas oublier que la production de maisons en série et en bande contreventaient les unes aux autres en absorbant les forces
est aussi ancienne que les maisons d’ouvrier égyptiennes du temps transmises par les secousses telluriques, et en les amortissant
de la construction des pyramides), a provoqué la disparition du comme une entité monolithe.
tissu organique de la ville. C’est pour cela qu’on compare parfois C’est le tissu qui devient antisismique, et non pas l’habitation
ces gigantesques villes projetant leurs tentacules sur le territoire isolée, une autre richesse de la correspondance entre tissu urbain
environnant à des cancers. et architecture dans l’habitat traditionnel.
Ainsi, les nouvelles techniques et les nouveaux matériaux de Concernant les éléments architecturaux et les détails
4 construction aidant, les pouvoirs de production intense et rapide typologiques de l’architecture locale, ils ont complètement
se sont consolidés et la relation directe de l’homme à son produit, disparu des nouveaux édifices. Ces derniers expriment un
dans ce cas la maison, s’est trouvée effacée, d’où la perte de la mélange de langages dans l’absence d’une typologie locale
mesure de l’échelle humaine dans la production de contemporaine répondant aux besoins actuels. Qui de ces
l’environnement bâti, mesure qui est l’instrument de édifices arbore une loggia sur rue, qui une fenêtre provençale,
l’harmonisation de toutes choses artificielles avec la nature, qui une façade néo-classique aux ouvertures régulières. Tout
condition sine qua none de la durabilité des ressources nécessaires dans ces nouvelles constructions montre un oubli, volontaire ou
à la continuité de l’occupation humaine de la planète. non, des typologies traditionnelles locales et un revirement
typologique total basé sur les types diatopiques d’importation
coloniale et universelle.
Le retour des types récents dans les centres anciens Fait encore plus grave, la destruction de quartiers entiers des
centres anciens pour implanter à la place des édifices nouveaux
Dans le cas de Blida, on remarque que les nouvelles constructions, d’habitat collectif. Une opération de ce type a été lancée à Blida
dans le quartier ancien d’El Djoun, ne correspondent en rien à la durant les années 1980. Faute de pouvoir exproprier les habitants
richesse culturelle du lieu. à l’époque, le projet a été bloqué pendant des années, puis a
Les quelques maisons anciennes qui subsistent encore sont connu une relance durant les années 2003/2004 avec la
écrasées par les édifices nouveaux qui sont généralement plus destruction massive et l’expropriation forcée des habitants d’un
hauts (R+2, R+3), contre des édifices à rez-de-chaussée, pour la quartier au moins trois fois centenaire.
plupart des édifices anciens. Ils utilisent de nouvelles techniques La première partie de ce projet de densification du centre-ville
de construction, structures en béton armé, remplissage de briques qui s’est déroulée en 1987 sur les quartiers de la Remonte et
à trous, introduits dans un site où toutes les constructions sont en de l’hôpital militaire Ducros, s’est implantée sur des terrains
terre, dans une zone à forte sismicité. Autant dire que c’est signer peu construits, appartenant à l’Etat, en plus d’un vieux
l’arrêt de mort des anciennes bâtisses, connaissant la relation d’ « cimetière turc.
effet de marteau » que produit le béton sur les structures de terre. La Remonte de chevaux qui abritait la reproduction chevaline avait
Les maisons avoisinantes risquent donc d’être démolies en cas de déjà perdu ses fonctions, et les écuries étaient vides depuis
longtemps déjà. Cependant les magnifiques allées de platanes
ainsi que les espaces verts entre les écuries auraient pu offrir un
site de loisirs et de repos idéal à proximité du centre ancien. Ils
sont aujourd’hui construits en habitat collectif dense en rupture
avec le centre précolonial et celui du 19ème siècle.
Lors des fouilles pour la construction des immeubles d’habitation
retenus pour le projet, il s’avéra que le site était le cimetière turc.
Cela n’a pas arrêté les travaux.
Le projet de la nouvelle mairie présente un aspect urbain
déchiqueté, sans cohérence et sans apparente relation à la ville,
provoquant une coupure supplémentaire entre les espaces urbains.
Les projets nouveaux, contrairement aux implantations au niveau
d’El Djoun, présentent un autre aspect de l’intervention
typologique nouvelle en centre ancien, celle de la construction
massive de logements collectifs, dans laquelle on observe la
disparition du tissu, avec la perte de l’unité lotie : la parcelle.
Bâtiment colonial à Alger (Algérie) Dans ce cas, la typologie importée de périphérie est totalement
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Analyse urbaine et architecturale II. Diagnose
Typologies modernes versus typologies traditionelles dans les medinas algériennes
aliénée dans ce centre, et si quelquefois un élément architectural est garantir l’authenticité. Exemple des nouveaux quartiers de
repris, il l’est seulement à titre symbolique et décoratif, et non pas lotissements en banlieue qui cherchent à reproduire la qualité du
comme élément authentique, utilisé dans sa fonction originelle. bâti à travers l’acte de lotir.
Ce qui nous mène à nous poser la question : la parcelle est-elle la
condition essentielle à la reconstitution d’un espace urbain
Conclusion authentique ? Les banlieues européennes sans vie s’étalant à perte
de vue en sont la négation. La notion de parcelle seule, sans
Une constante semble émerger de la présente observation : la revenir à l’intégration hiérarchisée de la culture territoriale, se
construction spontanée se fait selon la typologie la plus évoluée, trouve insuffisante. 4
et la plus économique, et non pas selon les typologies anciennes D’où l’intégration des échelles territoriale, urbaine et architecturale
par volonté de les perpétuer. est de plus en plus essentielle dans la définition du projet.
La deuxième remarque importante est le fait que les mutations Cette intégration se traduit à l’échelle urbaine par la
typologiques s’opèrent traditionnellement dans un cadre urbain et détermination d’une localisation adéquate des polarités et des
territorial bien déterminé, bien délimité. Les transformations du noeuds dans la ville, ainsi que d’une structuration des tissus, dans
tissu urbain s’effectuent parallèlement aux transformations de une hiérarchisation respectant ces polarités et noeuds.
l’édifice : la parcelle étant sa limite, alors que la limite de la ville En résumé, une lecture plus complète et opératoire des
contient et retient le tissu urbain. Loin de ces lois millénaires, les établissements anthropiques doit comporter la reconnaissance de
typologies nouvelles ont pour aspect commun la négation de la la morphologie urbaine particulière en relation avec ces polarités
limite traditionnelle. Plus de limite parcellaire pour l’édifice, plus de et noeuds structurant la ville. Parcelles denses au centre, parcelles
limite urbaine pour la ville. présentant le côté étroit sur le parcours le plus important, grandes
Cette perte de limites est peut être une redéfinition de la notion parcelles en périphérie…
de territoire ; la métropole ne reconnaît plus les limites territoriales Ainsi que la reconnaissance de la structure territoriale comme
traditionnelles, la seule limite qu’elle semble reconnaître est celle cadre initial de toute implantation humaine, et comme indicateur
de la planète, comme marché. directionnel de toute évolution future de la ville et des éventuels
Face à cette réalité comment peut-on encore parler de typologie noyaux urbains nouveaux à proximité.
traditionnelle ? Le clivage métropole/typologie traditionnelle Et la reconnaissance du territoire culturel comme ressource
semble vertigineux. Cependant, les habitants des villes typologique essentielle dans la production du bâti de base. Ce qui
d’aujourd’hui aspirent toujours à une vie paisible, dans des va impliquer de la parcimonie dans l’occupation du territoire et le
espaces produits à l’échelle humaine, à l’image des anciens tissus. recours à l’échelle humaine pour sa structuration, de même que la
Dans ce cas, la production typologique architecturale, même limitation de l’exploitation du territoire à ses propres ressources
produisant des répliques de l’ancien tissu, ne pourra pas en dans un souci de développement durable.
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