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Molière

La Jalousie du Barbouillé

cliché BnF, Français 239, fol. 191v,


Tofano à la porte de chez lui

ACTEURS1

LE BARBOUILLÉ2, mari d’Angélique.


LE DOCTEUR3.
ANGÉLIQUE4, fille de Gorgibus.
VALÈRE5, amant d’Angélique.
CATHAU6, suivante d’Angélique.
GORGIBUS7, père d’Angélique.
VILLEBREQUIN8.
[LA VALLÉE : voir scène VII]
1
= personnages, et non pas comédiens.
2
le nom joue sur deux registres, celui d’acteur de la farce au visage enfariné *, et celui de
personne qui se ridiculise. Autre piste : « Il boit, mais sans jamais se barboüiller l’armet,/ Et son
ventre est petit pour tout ce qu’il y met » [1648], ce qui rappelle « Quand l’humeur ou le vin luy
barboüillent l’armet » (Mathurin Régnier, Satire XI, cf. Satire X « Luy barboüilloit l’esprit d’un
ergo sophistique »)  ; barbouillé : qui a les idées confuses, embrouillées (sous l’effet de
l’ivresse ? « peut-être barbouillé de lie de vin », avance Georges Couton).
* Julien Bedeau († 1660) surnommé Jodelet ou l’Enfariné ; Robert Guérin († 1634), dit la Fleur,
dit Gros-Guillaume « qui estoit le fariné » précise Tallemant [la Fleur parce qu’il aurait été gin-
dre (mitron) et que « fleur » désignait la fine farine de froment, d’où l’anglais ‘flour’ — TLFi
indique comme 1re attestation le Bestiaire (1121-1134) de Philippe de Thaon, ce qui est faire
peu de cas des occurrences dans la Chanson de Roland : « Blanche ad la barbe e tut flurit le chef »
strophe VIII, v. 117]
3
« il est vêtu comme un médecin » (scène II)  ; il porte donc la robe, la perruque à marteau et
le bonnet pointu (les juges portaient le bonnet rond, les professeurs le bonnet carré).
4
nom (ironique, ici : son mari la traite de « diablesse ») de personnage qui se retrouve dans
George Dandin (dont la Jalousie n’est que l’esquisse) et le Malade imaginaire. La liste des per-
sonnages montre que tout tourne autour d’Angélique, qu’elle est le pivot de la pièce.
5
nom de personnage qui se retrouve dans le Médecin volant, le Dépit amoureux, l’École des
maris, Tartuffe, le Médecin malgré lui et l’Avare. — Dire que Valère est l’amant d’Angélique si-
gnifie qu’il la courtise, sans plus.
6
hypocoristique populaire de Catherine. On remarquera qu’elle est qualifiée de « suivan-
te » (La Suivante, de Corneille, date de 1634 : « Quelques [sic] puissants appas que possede
Amarante,/ Je treuve qu’apres tout ce n’est qu’une suivante/ Et je ne puis songer à sa condition/
Que mon amour ne cede à mon ambition », dit Théante) : le Dict. de l’Acad. qui, en 1694 (1re
éd.), ne connaît que « gentilhomme suivant, demoiselle suivante », précise en 1762 (4e éd.) :
« On appelle Demoiselle suivante, Une Demoiselle attachée au service d’une grande Dame ; &
quelquefois on l’appelle absolument Suivante. Alors Suivante est employé au substantif, & ce mot
n’est plus en usage que dans les pièces de théâtre. » [« Vous êtes, mamie, une fille suivante/ Un peu
trop forte en gueule, et fort impertinente » Madame Pernelle à Dorine]
7
nom de personnage qui se retrouve dans le Médecin volant, les Précieuses ridicules et Sganarel-
le  ; cf. le nom de scène du comédien François Bedeau (v. 1603-1663), dit Gorgibus, dit L’Espy
[frère de Jodelet]. Aussi Bornibus, Cornibus, Doribus, Gédémus (dans Regain), Gougibus… : à
l’origine, plaisanteries de clercs  ; il nous en est resté « rasibus » (cf. « à ras, au ras de »  ; an-
cien-français res, rez, et res a res chez Chrétien de Troyes), d’abord attesté en latin macaro-
nique chez Eustache Deschamps (ballade Regrets d’un vieillard, v. 23 « Veulent me faire rasi-
bus » = veulent me châtrer), puis, en prose de style soutenu, chez Commynes (I, IV) :
« Comme il [le comte de Charolais, futur Charles le Téméraire] passoit rasibus du chastel [de
Montlhéry], véismes les archiers de la garde du roy [Louis XI], devant la porte, qui ne bougè-
rent. Il en fut fort ebahy, car il ne cuidoit point qu’il y eust plus ame de défense. » Il y a
même, à Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire), la rue Rasibus, et la petite rue Rasibus.
— Louis Viardot (Don Quichotte, 1836) rend cercén a cercén (= de raíz, sin dejar nada) par « à
rasibus des épaules », expression qu’il semble avoir inventée.
8
nom de personnage qui se retrouve dans Sganarelle. C’est une « utilité ». Rôle interprété
par De Brie, nom de scène d’Edme Villequin : Villebrequin est donc un rôle sur mesure.
La scène doit représenter, d’une façon ou d’une autre (vis-à-vis, par exemple), la façade
de la maison du Barbouillé et d’Angélique, et celle de la maison du Docteur.
L’action doit se dérouler l’après-midi et en début de soirée.

SCÈNE PREMIÈRE
LE BARBOUILLÉ, seul.— Il faut avouer que je suis le plus malheureux10 de tous les hommes.
9

J’ai une femme qui me fait enrager : au lieu de me donner du soulagement et de faire les
choses à mon souhait11, elle me fait donner au diable12 vingt fois le jour  ; au lieu de se te-
nir13 à la maison, elle aime la promenade14, la bonne chère15, et fréquente je ne sais quelle
sorte de gens16. Ah ! pauvre Barbouillé17, que tu es misérable !18 Il faut pourtant19 la punir.
Si je la tuois… L’invention20 ne vaut rien, car tu serois pendu. Si tu la faisois mettre en pri-
son… La carogne21 en sortiroit avec son passe-partout22. Que diable faire donc ? Mais voilà
Monsieur le Docteur23 qui passe par ici : il faut que je lui demande un bon conseil sur ce
que je dois faire.
9
admettre, reconnaître ‖ scène d’exposition, réduite à un monologue : exposé des griefs
10
malchanceux ‖ malheur a désigné d’abord une cause (un sort défavorable : ressort co-
mique ; nous en avons conservé heureux au jeu, malheureux en amour), puis son effet (l’acca-
blement, le chagrin, la tristesse, le désespoir… : ressort tragique) — Angélique en dira au-
tant sc. X
11
à ma guise, selon ma volonté: elle est indocile, rebelle (indépendante ?)
12
vingt fois par jour, je me mets en colère à cause d’elle  ; le jour, cf. une fois la semaine, le
latin trifer signifie qui donne des fruits trois fois l’an, « Le coiffeur du quartier venait couper deux
fois l’an les cheveux de monsieur Grandet » ‖ c’est le diable qui a le plus grand nombre de
mentions dans la comédie.
13
rester : elle n’est pas casanière
14
ce qui l’expose à faire des rencontres
15
source de dépenses (Cathau, sc. V, le traitera de « grigou »: pingre, radin)
16
ère du soupçon
17
moyen d’indiquer au spectateur qu’il s’agit du protagoniste. Cathau et Gorgibus sont
nommés. Personne n’appelle Angélique par son nom : elle est soit ma femme, soit ma fille.
Le Docteur est désigné par son rang social ; les autres personnages sont des silhouettes.
18
que tu as de quoi inspirer pitié (par ta malchance)
19
« par conséquent, pour cette raison, donc »: « Mon amy, je n’entens poinct ce barragouin,
pourtant si vous voulez qu’on vous entende, parlez aultre langaige » (Pantagruel, IX)
20
moyen ingénieux, idée brillante, stratagème, ruse (sens fréquent) ‖ le Barbouillé se dé-
double: Si je la tuois…tu serois pendu.
21
à l’origine, forme normanno-picarde de « charogne »  ; « femme débauchée, femme de mau-
vaise vie » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]). Nombreux exemples chez Molière.
22
il suffit de se demander quel passe-partout pourrait bien permettre à Angélique de sortir
de prison et l’équivoque obscène (et insultante) devient évidente. Curiosité : c’est aussi
une Angélique, dans George Dandin (III, VI), qui dit : « J’ai le passe-partout. » ‖ Il n’est pas inat-
tendu que la maîtresse de maison détienne un passe-partout ; pourquoi dès lors ne pas
s’en servir quand elle est bloquée devant sa propre porte d’entrée ?
23
la formulation montre que le Barbouillé connaît le Docteur
SCÈNE II
LE DOCTEUR, LE BARBOUILLÉ.
LE BARBOUILLÉ.— Je m’en allois vous chercher pour vous faire une prière24 sur une chose
qui m’est d’importance.
LE DOCTEUR.— Il faut que tu sois bien mal appris25, bien lourdaud26, et bien mal morigéné27,
mon ami28, puisque tu m’abordes sans ôter ton chapeau29, sans observer rationem loci, tem-
poris et personæ30. Quoi ? débuter d’abord31 par un discours mal digéré32, au lieu de dire :
Salve, vel salvus sis, Doctor, Doctorum eruditissime !33 Hé ! pour qui me prends-tu, mon ami ?
LE BARBOUILLÉ.— Ma foi, excusez-moi: c’est que j’avois l’esprit en écharpe34, et je ne son-
geois pas à ce que je faisois ; mais je sais bien que vous êtes galant homme35.
LE DOCTEUR.— Sais-tu bien d’où vient le mot de galant homme ?
LE BARBOUILLÉ.— Qu’il vienne de Villejuif ou d’Aubervilliers36, je ne m’en soucie guère.
LE DOCTEUR.— Sache que le mot de galant homme vient d’élégant ; prenant37 le g et l’a de la
dernière syllabe, cela fait ga, et puis prenant l, ajoutant un a et les deux dernières lettres,
cela fait galant, et puis ajoutant homme, cela fait galant homme. Mais, encore, pour qui me
prends-tu ?
LE BARBOUILLÉ.— Je vous prends pour un docteur. Or çà38, parlons un peu de l’affaire que je
vous39 veux proposer. Il faut que vous sachiez…
LE DOCTEUR.— Sache auparavant que je ne suis pas seulement un docteur, mais que je suis
une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur : 1o 40 Parce que,
comme l’unité est la base, le fondement, et le premier de tous les nombres, aussi, moi, je
suis le premier de tous les docteurs, le docte des doctes41. 2o Parce qu’il y a deux facultés
nécessaires pour la parfaite connoissance de toutes choses : le sens et l’entendement ; et
comme je suis tout sens et tout entendement, je suis deux fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.— D’accord. C’est que…
LE DOCTEUR.— 3o Parce que le nombre de trois est celui de la perfection, selon Aristote42 ; et
comme je suis parfait, et que toutes mes productions le sont aussi, je suis trois fois doc-
teur.
LE BARBOUILLÉ.— Hé bien ! Monsieur le Docteur…
LE DOCTEUR.— 4o Parce que la philosophie a quatre parties : la logique, morale, physique et
métaphysique ; et comme je les possède toutes quatre, et que je suis parfaitement versé en
icelles43, je suis quatre fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.— Que diable ! je n’en doute pas. Écoutez-moi donc.
LE DOCTEUR.— 5o Parce qu’il y a cinq universelles44: le genre, l’espèce, la différence, le pro-
pre et l’accident, sans la connoissance desquels il est impossible de faire aucun bon rai-
sonnement  ; et comme je m’en sers avec avantage45, et que j’en connois l’utilité, je suis
cinq fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.— Il faut que j’aie bonne patience.
LE DOCTEUR.— 6o Parce que le nombre de six est le nombre du travail  ; et comme je travail-
le incessamment46 pour ma gloire47, je suis six fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.— Ho ! parle tant que tu voudras48.
LE DOCTEUR.— 7o Parce que le nombre de sept est le nombre de la félicité  ; et comme je pos-
sède une parfaite connoissance de tout ce qui peut rendre heureux, et que je le suis en ef-
fet par mes talents, je me sens obligé de dire de moi-même : O ter quatuorque beatum !49 8o
Parce que le nombre de huit est le nombre de la justice, à cause de l’égalité qui se ren-
contre en lui, et que la justice et la prudence avec laquelle je mesure et pèse toutes mes
actions me rendent huit fois docteur. 9o Parce qu’il y a neuf Muses, et que je suis égale-
ment chéri d’elles50. 10o Parce que, comme on ne peut passer51 le nombre de dix sans faire
une répétition des autres nombres, et qu’il est le nombre universel, aussi, aussi, quand on
m’a trouvé, on a trouvé le docteur universel52: je contiens en moi tous les autres docteurs.
Ainsi tu vois par des raisons plausibles, vraies, démonstratives et convaincantes, que je
suis une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, et dix fois docteur.
LE BARBOUILLÉ.— Que diable est ceci ? je croyois trouver un homme bien savant, qui me donneroit
un bon conseil, et je trouve un ramoneur de cheminée qui, au lieu de me parler, s’amuse à jouer à la
mourre. Un, deux, trois, quatre, ha, ha, ha ! 53 — Oh bien ! ce n’est pas cela : c’est que je vous
prie de m’écouter, et croyez que je ne suis pas un homme à vous faire perdre vos peines, et
que si vous me satisfaisiez sur ce que je veux de vous, je vous donnerai ce que vous vou-
drez ; de l’argent, si vous en voulez.
LE DOCTEUR.— Hé ! de l’argent.
LE BARBOUILLÉ.— Oui, de l’argent, et toute autre chose que vous pourriez demander.
LE DOCTEUR, troussant sa robe derrière son cul.— Tu me prends donc pour un homme à qui
l’argent fait tout faire, pour un homme attaché à l’intérêt, pour une âme mercenaire ? Sa-
che, mon ami, que quand tu me donnerois une bourse pleine de pistoles, et que cette
bourse seroit dans une riche boîte, cette boîte dans un étui précieux, cet étui dans un cof-
fret admirable, ce coffret dans un cabinet curieux54, ce cabinet dans une chambre magni-
fique, cette chambre dans un appartement agréable, cet appartement dans un château
pompeux, ce château dans une citadelle incomparable, cette citadelle dans une ville célè-
bre, cette ville dans une île fertile, cette île dans une province opulente, cette province
dans une monarchie florissante, cette monarchie dans tout le monde  ; et que tu me don-
nerois le monde où seroit cette monarchie florissante, où seroit cette province opulente,
où seroit cette île fertile, où seroit cette ville célèbre, où seroit cette citadelle incompara-
ble, où seroit ce château pompeux, où seroit cet appartement agréable, où seroit cette
chambre magnifique, où seroit ce cabinet curieux, où seroit ce coffret admirable, où se-
roit cet étui précieux, où seroit cette riche boîte dans laquelle seroit enfermée la bourse
pleine de pistoles, que je me soucierois aussi peu de ton argent et de toi que de cela55. (Il
s’en va.)
LE BARBOUILLÉ.— Ma foi, je m’y suis mépris : à cause qu’il56 est vêtu comme un médecin57,
j’ai cru qu’il lui falloit58 parler d’argent  ; mais puisqu’il n’en veut point, il n’y a rien de
plus aisé que de le contenter. Je m’en vais courir après lui. (Il sort.)
24
demande instante, requête
25
apprendre un enfant, c’était l’élever, l’éduquer  ; selon le résultat, il était donc bien ou
mal appris : « Les filles feurent bien aprises », elles étaient bien élevées, dit Rabelais (Quart li-
vre, LIV) ‖ bien mal est un oxymore lexicalisé, dont le Docteur se sert deux fois : il a la ma-
nie des redites et des synonymes.
26
grossier et maladroit
27
morigéner, c’était instruire, élever, éduquer  ; le sens de « réprimander, sermonner »
n’est pas attesté avant 1718  ; morigéné se retrouve dans les Fourberies de Scapin (II, I) et
dans les Amants magnifiques (V, I).
28
usuel et condescendant « Ami, Est un terme dont on se sert souvent en parlant à des
personnes beaucoup inferieures » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]). Cela va de pair avec le
tutoiement (à sens unique).
29
les hommes n’allaient pas nu-tête
30
sans observer l’adaptation au lieu, aux circonstances et à la personne  ; jargon juridique :
il s’agit des compétences d’une juridiction — Le latin ratio est bien l’étymon de « raison »,
mais ce n’est qu’un sens dérivé  ; cf. rĕor, rătus « compter, calculer », d’où le sens de
« rapport, proportion ».
31
d’emblée, de but en blanc, sans préambule ni entrée en matière  ; cf. Dom Juan, IV, VII : Un
laquais ôte les assiettes de Sganarelle d'abord qu'il y a dessus à manger (aussitôt que, dès que).
32
qui n’est pas agencé, ordonné, disposé selon les règles ; le Docteur analyse ce qu’il
considère comme une incivilité en termes d’entorse au formalisme rhétorique
33
Salut ou bonjour, docteur, le plus savant des docteurs. Le Docteur se sert de ce qu’il sait de la-
tin comme élément valorisant et pour montrer d’entrée de jeu, par le biais du compli-
ment qu’il s’adresse à lui-même, combien il est satisfait de sa personne. — Salvus sis fait
partie des rudiments enseignés dans les manuels de langue latine, dont les Colloquiorum
scholasticorum libri quatuor ad pueros in sermone latine paulatim exercendos (1564), de Mathu-
rin Cordier, traduits par Gabriel Chappuys : Colloques divisez en quatre livres, Traduitz de Latin
en François, l’un respondant à l’autre, pour l’exercice des deux langues (1576).
34
« On dit proverbialement & figurément, Avoir l’esprit en écharpe, pour dire, Avoir l’esprit
embroüillé, de travers, gauche, mal fait, troublé, altéré. » Dict. de l’Acad., 1762 [4e éd.] cf.
en bandoulière
35
Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.] : « Honneste, civil, sociable, de bonne compagnie, de
conversation agreable. Galant homme. galante femme. ‖ Il signifie aussi, Un homme habile
en sa profession, & qui entend bien les choses dont il se mesle, qui a du jugement, de la
conduite, de l’agrément. Vous luy pouvez donner vostre affaire à conduire, il s’en acquittera bien,
car c’est un galant homme. c’est un homme de merite, un galant homme. ‖ Il se dit aussi par flat-
terie ou par familiarité, pour loüer une personne de quelque chose que ce soit. Vous estes
un galant homme d’estre venu exprés pour nous voir. vous seriez un galant homme si vous me fai-
siez ce plaisir là. » — L’étymologie [le terme même n’est pas attesté avant 1578] avancée par
le Docteur est aussi fantaisiste que bon nombre de celles décrétées un peu plus tard par
Gilles Ménage, mais, du point de vue théâtral, peu importe. Il reviendra à la charge scène
VI. ‖ « Dans le manuscrit, il y a constamment galand ‹ terminé › par un d ; mais bien que
cette orthographe soit correcte au dix-septième siècle, l’étymologie que fait un peu plus
loin le Docteur oblige dans cette scène d’écrire galant. » Adolphe Régnier, t. I, 1873, p. 22,
note 4.
36
Même réaction de Martine, dans les Femmes savantes II, VI. Ici, le nom des communes ci-
tées variait peut-être au gré du lieu de la représentation.
37
prenant… ajoutant : si on prend… si on ajoute
38
Or çà : Eh bien (on prononçait O ça, cf. Dom Juan II, I, l’Avare IV, III, le Malade imaginaire I, V,
les Amants magnifiques II, III, le Médecin malgré lui I, II, le Misanthrope III, I) — Autre occurren-
ce : « Or çà, je vais vous dire/ La fin de cette intrigue », l’École des maris II, VII, Sganarelle. (C’est
le tic de langage de Grippe-minaud, dans le Cinquième Livre.)
39
le pronom complément (ou régime) précède l’ensemble verbe à un mode personnel +
infinitif sans préposition
40
la série d’abréviations se lisait: primo, secundo, tertio, quarto, quinto, sexto, septimo, octavo,
nono, decimo. ‖ Molière raille à la fois un type éternel et universel, et une scolastique du
temps des hauts bonnets dont on se demande si elle a encore la moindre réalité à son épo-
que.
41
cf. le saint des saints, le Cantique des cantiques, serviteur des serviteurs, le roi des rois, les
siècles des siècles, Vanité des vanités ! — le passetemps des passetemps (Heptaméron)  ; chez
Molière : le philosophe des philosophes (dans le Mariage forcé). ‖ Anselme de Laon, docteur de
l’Église, avait été surnommé Doctor doctorum.
42
mentionné 20 fois dans l’ensemble du théâtre de Molière, c’est une cible de choix  ; mais,
ne nous y trompons pas, c’est le personnage du Docteur qui affirme sans rire « je suis par-
fait, et … toutes mes productions le sont aussi ». « Je ne sçay quoy premier en luy je doibve admirer,
ou son oultrecuidance, ou sa besterie (Gargantua, IX).
43
archaïsme, parmi les mots « les plus barbares (au dire de Vaugelas) … qui sont néanmoins
les plus usités de ceux qui n’ont point soin de la pureté de la langue »
44
les (natures) universelles = les universaux
45
avantageusement, en sachant en tirer profit
46
sans cesse, sans discontinuer, sans arrêt (n’a pas encore l’acception « très prochaine-
ment, sous peu »)
47
la polysémie de gloire rend la formule ambiguë : « honneur, considération  ; réputation  ;
amour-propre  ; orgueil, vanité  ; succès, réussite  ; célébrité méritée »
48
passage au tutoiement, mais dans un aparté
49
Ô trois et quatre fois heureux ! L’adverbe multiplicatif correct étant quater, il faut mainte-
nir dans le texte le solécisme quatuor, ce qui souligne l’écart entre la prétention du per-
sonnage et la réalité de ses connaissances. Ter quaterque relève du cliché : Properce, Virgile,
Ovide, Sénèque, Ausone, y ont tous eu recours.
50
même le Docteur rêve d’être le chéri des Muses ‖ Pour mémoire : le TLFi donne comme 1re
attestation de nourrisson des Muses, Ronsard, Monologue ou Chant pastoral à tres-illustre et ver-
tueuse princesse, Madame Marguerite de France (1559)  ; mais Du Bellay écrit, dès 1558 « Quand
je vouldray sonner de mon grand Avanson/ Les moins grandes vertus, sur ma chorde plus basse/ Je
diray sa faconde et l’honneur de sa face,/ Et qu’il est des neuf Sœurs le plus cher nourrisson. »
L’expression est une adaptation d’Aristophane, qui parle d’« abeille de la Muse, nourrisson
des Grâces (Χαρίτων θρέμμα) ».
51
dépasser : « L’avantage des grands sur les autres hommes est immense par un endroit: je leur
cède leur bonne chère, leurs riches ameublements, leurs chiens, leurs chevaux, leurs singes, leurs
nains, leurs fous et leurs flatteurs ; mais je leur envie le bonheur d’avoir à leur service des gens qui
les égalent par le cœur et par l’esprit, et qui les passent quelquefois. » La Bruyère  ; « Et les fruits
passeront la promesse des fleurs » Malherbe.
52
Alain de Lille, docteur de l’Église, avait été surnommé Doctor universalis.
53
La 1re partie de la réplique est un aparté. — Ramoneur de cheminée : le Docteur est vêtu de
noir. La mourre : le jeu remonte à l’antiquité [on disait en latin mĭcāre (digitis) et Cicéron ci-
te l’expression dignus est, quicum in tenebris mices « c’est un homme avec qui vous pourriez
jouer à la micatio dans l’obscurité ! » servant à désigner quelqu’un digne de toute confian-
ce] et son nom, d’origine italienne, est attesté en français depuis Marot et Rabelais. C’est
l’énumération complaisante et fastidieuse du Docteur qui a fait penser à ce jeu.

Un type de la commedia dell’arte, le Docteur (il Dot-


tore). « Le masque noir qui ne couvre que le front
et le nez du Docteur, ses joues aux couleurs exa-
gérées, sont une personnalité contre un juris-
consulte de Bologne du seizième siècle, qui avait
une large tache de vin sur toute une partie du vi-
sage. » Maurice Sand, Masques et bouffons, 1862.

Le cliché de gauche est une version colori-


sée d’une illustration tirée de cet ouvrage.

Son pendant représente une statuette en plâ-


tre du XVIIIe siècle conservée au musée Carnava-
let.

 
«  un  ramoneur  de  cheminée  »  

54
meuble à tiroirs ou vitrine renfermant des objets précieux, de collection  ; cabinet de
curiosités. La tirade est, pour l’essentiel, constituée d’une gradation à double pente, as-
cendante, puis descendante, pour dire « pour tout l’or du monde ».
55
je me soucierois aussi peu de ton argent et de toi que de cela : la fin de la tirade et le jeu de
scène qui l’accompagne seraient difficiles à comprendre pour qui perdrait de vue la di-
dascalie « troussant sa robe derrière son cul » (autrement, à quoi servirait cette indication ?)
‖ Après avoir protesté de façon éclatante de son désintéressement (il n’est pas une âme
mercenaire), le Docteur a dû — à en juger par le déroulement de la sc. vi — se laisser grais-
ser la patte à notre insu par le Barbouillé, seul reconnu comme interlocuteur mais qui ne
peut pas se faire entendre de celui qui ne sait que s’écouter parler.
56
la locution à cause que, attestée depuis le XVe siècle et usuelle en français classique,
attaquée par des grammairiens et défendue par Littré, est sortie de l’usage.
57
= en tenue de médecin (voir note 3) ‖ comme « en qualité de, en tant que »
58
cf. note 39
SCÈNE III
ANGÉLIQUE, VALÈRE, CATHAU.

ANGÉLIQUE.— Monsieur, je vous assure que vous m’obligez beaucoup de me tenir quelquefois
compagnie59: mon mari est si mal bâti60, si débauché, si ivrogne, que ce m’est un supplice
d’être avec lui, et je vous laisse à penser quelle satisfaction on peut avoir d’un rustre
comme lui.
VALÈRE.— Mademoiselle61, vous me faites trop d’honneur de me vouloir souffrir62, et je vous
promets de contribuer de tout mon pouvoir à votre divertissement63 ; et que, puisque vous
témoignez64 que ma compagnie ne vous est point désagréable, je vous ferai connoître65
combien j’ai de joie de la bonne nouvelle que vous m’apprenez, par mes empressements66.
CATHAU.— Ah ! changez de discours: voyez porte-guignon67 qui arrive.

59
vous me faites grand plaisir en me tenant quelquefois compagnie : encouragement au
galant
60
a si mauvais caractère  ; cf. l’École des maris, I, II, où Isabelle dit de Sganarelle, à qui elle
est destinée en mariage : « Il est ainsi bâti. »
61
le titre de Mademoiselle « ne se donne pas seulement à toute femme mariée qui, étant noble, n’est
pas titrée, mais à toute femme mariée qui n’est pas noble. La Fontaine s’en sert en écrivant à sa femme  ;
Racine, après avoir appelé sa sœur Madame tant qu’elle était jeune fille, l’appelle Mademoiselle après
son mariage avec Antoine Rivière. » Gaston Cayrou, Dict. du français classique — De même, le 10
septembre 1570, Montaigne écrit de Paris une lettre ayant pour en-tête : A Madamoiselle de
Montaigne, ma femme. ‖
Note d’Adolphe Régnier, 1873 :
« Ah ! qu’une femme demoiselle est une étrange affaire ! s’écrie George Dandin. La femme d’un bourgeois
s’appelait Dame telle. « Mais, ajoute [Charles] Loyseau, pour être distinguée de l’artisane, qui est pareille-
ment appelée Dame telle, la bourgeoise a voulu être appelée Madame. » Ce nom de Madame, usurpé par la
bourgeoisie, empiéta peu à peu sur l’autre et finit par supplanter le nom de Mademoiselle qui, vers la
fin du XVIIIe siècle, ne s’appliquait plus qu’aux femmes mariées des petites gens dans leurs rap-
ports avec les supériorités sociales. Du temps de Molière, le titre de Mademoiselle restait propre aux
femmes mariées qui étaient filles de parents nobles. C’était celui que prenaient les actrices, à tort
ou à droit. »
62
accepter ma présence  ; me vouloir, cf. note 39
63
autant que je le peux à votre distraction
64
manifestez, exprimez
65
je vous montrerai
66
le rejet en fin d’énoncé du complément d’objet direct est une mise en valeur du terme
qui désigne les élans de la passion : « Je puis vous expliquer de mon âme ravie/ Les amoureux
empressements », dit Amour à Psyché (IV, III, vv. 1437-8)
67
le guignon, c’est la malchance persistante : « Mais certes jamais un guignon/ N’arrive sans
son compagnon » (Scarron, Virgile travesti), « un malheur ne vient jamais sans l'autre » (l’Amour
médecin, I, I). ‖ Rupture de ton, changement de niveau de langue par rapport au style un
peu précieux des répliques qui précèdent. Cathau dans la tradition de la soubrette /
confidente / dariolette [« Elisena … descubrió su secreto a una doncella suya, de quien mucho
fiaba, que Darioleta había nombre » Amadís de Gaula]
SCÈNE IV
LE BARBOUILLÉ, VALÈRE, ANGÉLIQUE, CATHAU.

VALÈRE.— Mademoiselle, je suis au désespoir68 de vous apporter de si méchantes69 nou-


velles ; mais aussi bien70 les auriez-vous apprises de quelque autre71 : et puisque votre
frère est fort72 malade…

ANGÉLIQUE.— Monsieur, ne m’en dites pas davantage ; je suis votre servante73, et vous rends
grâces74 de la peine que vous avez prise.

LE BARBOUILLÉ.— Ma foi, sans aller chez le notaire, voilà le certificat de mon cocuage75. Ha ! ha !
Madame la carogne76, je vous trouve avec un homme, après toutes les défenses que je
vous ai faites, et vous me voulez envoyer de Gemini en Capricorne77 !

ANGÉLIQUE.— Hé bien! faut-il gronder78 pour cela ? Ce Monsieur vient de m’apprendre que
mon frère est bien malade: où est le sujet de querelles ?

CATHAU.— Ah ! le voilà venu79: je m’étonnois bien si nous aurions long-temps du repos80.

LE BARBOUILLÉ.— Vous vous gâteriez81, par ma foi, toutes deux, Mesdames les carognes  ; et toi,
Cathau, tu corromps ma femme: depuis que tu la sers82, elle ne vaut pas la moitié de ce qu’elle
valoit83.

CATHAU.— Vraiment oui, vous nous la baillez bonne84.

ANGÉLIQUE.— Laisse-là cet ivrogne ; ne vois-tu pas qu’il est si soûl qu’il ne sait ce qu’il dit ?

68
emphase habituelle : « désolé, navré »
69
mauvaises
70
de toute façon
71
par quelqu’un d’autre : Molière n’emploie que quelque autre ‖ « D’une manière générale,
de était autrefois plus fréquent que par devant le complément d’agent du verbe passif »
(Maurice Grevisse) cf. Molière : Afin que d'Isabelle il soit lu hautement  ; je suis enthousiasmée
de l’air et des paroles  ; Racine : Brûlé de plus de feux que je n’en allumai  ; Malherbe : Je suis
vaincu du temps, je cède à ses outrages  ; Froissart : grandement fu recheus, honnourés et festiiés
dou roy, de madame la royne se mère, des aultres dames, des barons et des chevaliers d’Engleterre.
Voir Littré, s.u. DE, 9o.
72
adverbe intensif depuis le XVe siècle
73
formule de politesse, employée ici pour prendre congé (ce qui permet à Valère de
s’éclipser).
74
vous remercie  ; cf. it. grazie, esp. gracias.
75
(dit en aparté) au lieu de certificat de mariage, délivré par le notaire en cas de contrat de
mariage
76
Madame la carogne [et ci-dessous au pluriel] (repris sc. XI, avec en écho Monsieur l’ivrogne)
est une alliance de mots — Les époux se vouvoient.
77
me voulez, cf. note 39  ; de Gemini en Capricorne : l’astrologie sert de prétexte pour introduire
une allusion aux cornes, symbole traditionnel du cocuage, cf. « tous signes portans cornes,
comme Aries, Taurus, Capricorne » (Her Trippa, dans le Tiers Livre, XXV), précédée d’une plai-
santerie obscène. En effet, Gemini [« jumeaux », en latin] désigne la constellation des Gémeaux,
mais aussi — comme δίδυμοι — les testicules.
Cf. chez Tallemant des Réaux (Antoine Adam (1961), II, 26) :
[François le Métel, 1592-1662, abbé de] Bois-Robert y estant, il [le président Michel Particelli, sieur d’Esmery
et de T(h)oré, 1596-1650, surintendant des Finances] eut un accez de folie  ; il dit qu’il estoit Bertaut* :
l’abbé le prit par un de ses gemini, et le fit bien crier : « Pardieu, dit le fou, vous pouviez bien me faire
sentir un peu plus doucement que je n’estois point Bertaut. »
*il se prenait pour le castrat (surnommé par euphémisme « l’incommodé ») Blaise Berthod [v. 1610-
1677], Lyonnais, Ordinaire de la Musique du roi  ; Louis XIII l’envoya en 1639 à Turin auprès de la
duchesse de Savoie, sa sœur, et à cette occasion Tristan l’Hermite lui dédia les stances publiées en
1641 à la suite de l’Orphée (« Berthod perſonne illuſtre en cét âge barbare… »).
78
intransitif « exprimer son mécontentement », cf. « de ces maris fâcheux,/ Qui jamais sans
gronder ne reviennent chez eux » (l’École des maris, I, IV)
79
nous y voilà
80
j’aurais été stupéfaite que nous ayons longtemps la paix — S’étonner si est une construc-
tion fréquente, ainsi dans la réflexion de Silvestre (les Fourberies de Scapin, I, IV) « J’étois bien
étonné s’il m’oublioit », je n’en serais pas revenu qu’Argan m’oublie.
81
vous pourririez (ce qui est le propre des charognes)  ; d’où le « tu corromps » qui suit. ‖ La
variante Vous vous gâtez « Vous vous pourrissez (l’une l’autre) » semble préférable.
82
depuis que tu es à son service, sa servante
83
estimation, évaluation digne d’un marchand ou d’un commerçant (d’un maquignon ?)  ;
rien n’indique de quelles activités le Barbouillé tire ses revenus.
84
[expression du jeu de paume] vous vous moquez de nous, ou — comme on disait à
l’époque — vous voulez nous en faire accroire.

SCÈNE V
GORGIBUS, VILLEBREQUIN, ANGÉLIQUE, CATHAU, LE BARBOUILLÉ.

GORGIBUS.— Ne voilà pas85 encore mon maudit gendre qui querelle86 ma fille ?

VILLEBREQUIN.— Il faut savoir ce que c’est87.

GORGIBUS.— Hé quoi ? toujours se quereller ! vous n’aurez point la paix dans votre ménage ?

LE BARBOUILLÉ.— Cette coquine88-là m’appelle ivrogne. (À Angélique.) Tiens, je suis bien tenté
de te bailler une quinte major89, en présence de tes parents.

GORGIBUS.— Je dédonne au diable l’escarcelle90, si vous l’aviez fait.


ANGÉLIQUE.— Mais aussi c’est lui qui commence toujours à…

CATHAU.— Que maudite soit l’heure que vous avez choisi ce grigou91 !…

VILLEBREQUIN.— Allons, taisez-vous, la paix !

85
en français moderne s’est imposé (ne) voilà-t-il pas, construction condamnée dès 1668 par le
R. P. Laurent Chiflet (Essay d’une parfaite grammaire) et que Molière met dans la bouche de
Mme Pernelle « Voilà-t-il pas Monsieur qui ricane déjà ! », de Frosine « ne voilà-t-il pas par année
vos douze mille francs bien comptés ? » et de Galopin « N’en voilà-t-il pas un ? ». Cf. en outre
Boileau, Les Héros de roman, Dialogue à la manière de Lucien, où Diogène demande : « Ne voilà-t-il
pas une passion bien exprimée ? » La tournure manifeste une surprise par rapport à Voilà
encore…
86
accuse ma fille, lui adresse des reproches, lui fait une scène de ménage
87
de quoi il s’agit, de quoi il retourne, quel est le sujet de la querelle
88
« On appelle, Une femme qui s’abandonne avec infamie, Coquine » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re
éd.]). Cette garce, cette traînée me traite d’ivrogne.
89
te bailler : te donner (sous le coup de la colère, le Barbouillé tutoie son épouse) — quinte
« au jeu de Piquet une suite non interrompue de cinq cartes de la mesme couleur », dite major en
atout  ; mentionnée dans les Fâcheux (II, II, où Alcippe parle lui aussi de quinte major, au
sens propre) et dans l’Etourdi. Expression imagée pour dire une claque, une gifle. Parents :
gens de ta famille (dont, par conséquent, Villebrequin).
90
Note d’Adolphe Régnier (1804-1884) :
Nous reproduisons la leçon du manuscrit, en avouant que la locution est neuve pour nous, que
nous n’osons la garantir et ne sommes pas du tout sûrs de la bien comprendre. Nous hasarderons
cependant une conjecture. Ce dé ajouté au verbe et qui en détruit le sens, ne serait-il pas une de ces
précautions populaires prises contre le mal qu’on appelle sur sa tête, contre le blasphème et la
malédiction au moment même où on les prononce, une finesse superstitieuse crue propre à empê-
cher le diable de vous prendre au mot ? […] Nous ne pouvons guère supposer une erreur de copiste,
le manuscrit nous donnant également dans la scène XI du Médecin volant : « Je dédonne au diable si je
n’y ai été trompé. » Ce qui, en tout cas, qu’on attribue la formule préservative à l’auteur ou au
copiste, embarrasse et laisse du doute, c’est que plus bas, scène XII, nous trouvons « Je me donne au
diable, » très-hardi, sans nulle précaution d’exorcisme. — Gorgibus doit vouloir dire à sa fille : « Je
rends la bourse et l’envoie au diable, c’est-à-dire, maudit soit ce riche mariage, si vous avez fait ce
qu’il vous reproche, si vous avez manqué à votre devoir ! »
Hypothèse pour hypothèse, en voici une autre. Le Barbouillé vient d’emprunter
l’expression quinte major au jeu de piquet  ; et si Gorgibus répondait dans la même veine ?
Le piquet était un jeu d’argent : Saint-Simon écrit (en 1706) que le duc de Vendôme
« jouoit gros jeu au piquet ou à l'hombre » et, en 1655, Isaac Bartet, secrétaire du Cabinet,
écrit à Mazarin « M. de Roquelaure perdit hier dix mille écus contre M. de Cauvisson au piquet. »
Encore faudrait-il que l’expression soit attestée par ailleurs, ce qui ne semble pas être le
cas.
Mais le philologue était sur la bonne voie : si le Barbouillé avait giflé Angélique, Gorgibus
reprenait la dot de sa fille. ‖ « dédonne » est un subjonctif injonctif sans introducteur (ou
béquille), dont l’emploi à la 1re personne est bien attesté, cf. « Je meure, en vos discours si je
puis rien comprendre ! » Corneille, Le Menteur, II, III.
91
l’heure que : le jour où — 1re attestation de grigou en français (le mot est d’origine
occitane). ‖ La remarque s’adresse à Gorgibus : c’était le père de famille qui choisissait son
futur gendre.

SCÈNE VI
LE DOCTEUR, VILLEBREQUIN, GORGIBUS, CATHAU, ANGÉLIQUE,
LE BARBOUILLÉ.

LE DOCTEUR.— Qu’est ceci ? quel désordre ! quelle querelle ! quel grabuge ! quel vacarme ! quel
bruit ! quel différend ! quelle combustion92! Qu’y a-t-il, Messieurs93? Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ?
Çà, çà94, voyons un peu s’il n’y a pas moyen de vous mettre d’accord, que je sois votre
pacificateur, que j’apporte l’union chez vous.

GORGIBUS.— C’est mon gendre et ma fille qui ont eu bruit95 ensemble.

LE DOCTEUR.— Et qu’est-ce que c’est ? voyons, dites-moi un peu la cause de leur différend.

GORGIBUS.— Monsieur…

LE DOCTEUR.— Mais en peu de paroles.

GORGIBUS.— Oui-da96. Mettez donc votre bonnet97.

LE DOCTEUR.— Savez-vous d’où vient le mot bonnet ?

GORGIBUS.— Nenni98.

LE DOCTEUR.— Cela vient de bonum est, « bon est, voilà qui est bon », parce qu’il garantit des
catarrhes et fluxions99.

GORGIBUS.— Ma foi, je ne savois pas cela.

LE DOCTEUR.— Dites donc vite cette querelle.

GORGIBUS.— Voici ce qui est arrivé…

LE DOCTEUR.— Je ne crois pas que vous soyez homme à me tenir100 long-temps, puisque je vous
en prie. J’ai quelques affaires pressantes qui m’appellent à la ville101 ; mais pour remettre la
paix dans votre famille, je veux bien m’arrêter un moment.

GORGIBUS.— J’aurai fait102 en un moment.

LE DOCTEUR.— Soyez donc bref.


GORGIBUS.— Voilà qui est fait incontinent103.

LE DOCTEUR.— Il faut avouer, Monsieur Gorgibus, que c’est une belle qualité que de dire les
choses en peu de paroles, et que les grands parleurs, au lieu de se faire écouter, se ren-
dent le plus souvent si importuns, qu’on ne les entend point : Virtutem primam esse puta
compescere linguam104. Oui, la plus belle qualité d’un honnête homme105, c’est de parler peu.

GORGIBUS.— Vous saurez donc…

LE DOCTEUR.— Socrates106 recommandoit trois choses fort soigneusement à ses disciples: la


retenue dans les actions, la sobriété dans le manger, et de dire les choses en peu de paroles.
Commencez donc, Monsieur Gorgibus.

GORGIBUS.— C’est ce que je veux faire.

LE DOCTEUR.— En peu de mots, sans façon, sans vous amuser107 à beaucoup de discours,
tranchez-moi108 d’un apophthegme, vite, vite, Monsieur Gorgibus, dépêchons, évitez la proli-
xité.

GORGIBUS.— Laissez-moi donc parler.

LE DOCTEUR.— Monsieur Gorgibus, touchez là109: vous parlez trop  ; il faut que quelque au-
tre110 me dise la cause de leur querelle.

VILLEBREQUIN.— Monsieur le Docteur, vous saurez que…

LE DOCTEUR.— Vous êtes un ignorant, un indocte, un homme ignare de toutes les bonnes
disciplines111, un âne en bon françois. Hé quoi ? vous commencez la narration112 sans avoir
fait un mot d’exorde ? Il faut que quelque autre me conte le désordre. Mademoiselle,
contez-moi un peu le détail de ce vacarme.

ANGÉLIQUE.— Voyez-vous bien là mon gros coquin113, mon sac à vin de mari114?

LE DOCTEUR.— Doucement, s’il vous plaît: parlez avec respect de votre époux, quand vous
êtes devant la moustache115 d’un docteur comme moi.

ANGÉLIQUE.— Ah! vraiment oui, docteur ! Je me moque bien de vous et de votre doctrine116, et
je suis docteur quand je veux.

LE DOCTEUR.— Tu es docteur quand tu veux ? Ouais117 ! je pense que tu es un plaisant118


docteur. Tu as la mine de suivre fort119 ton caprice: des parties d’oraison, tu n’aimes que la
conjonction ; des genres, le masculin ; des déclinaisons, le génitif ; de la syntaxe, mobile
cum fixo ! et enfin de la quantité, tu n’aimes que le dactyle, quia constat ex una longa et
duabus brevibus. Venez çà, vous, dites-moi un peu quelle est la cause, le sujet de votre
combustion.
LE BARBOUILLÉ.— Monsieur le Docteur…

LE DOCTEUR.— Voilà qui est bien commencé: « Monsieur le Docteur ! » Ce mot de docteur a
quelque chose de doux à l’oreille, quelque chose plein d’emphase: « Monsieur le Docteur ! »

LE BARBOUILLÉ.— À la mienne volonté…120

LE DOCTEUR.— Voilà qui est bien : « À la mienne volonté ! » La volonté présuppose le souhait,
le souhait présuppose des moyens pour arriver à ses fins, et la fin présuppose un objet:
voilà qui est bien : « À la mienne volonté ! »

LE BARBOUILLÉ.— J’enrage.

LE DOCTEUR.— Ôtez-moi ce mot : « j’enrage » ; voilà un terme bas et populaire.

LE BARBOUILLÉ.— Hé ! Monsieur le Docteur, écoutez-moi, de grâce.

LE DOCTEUR.— Audi, quæso121, auroit dit Ciceron122.

LE BARBOUILLÉ.— Oh ! ma foi, si se rompt123, si se casse, ou si se brise, je ne m’en mets guère


en peine  ; mais tu m’écouteras, ou je te vais casser ton museau doctoral ; et que diable
donc est ceci ?

Le Barbouillé, Angélique, Gorgibus, Cathau, Villebrequin parlent tous à la fois, voulant dire la
cause de la querelle, et le Docteur aussi, disant que la paix est une belle chose, et font un bruit
confus de leurs voix  ; et pendant tout le bruit, le Barbouillé attache le Docteur par le pied124, et
le fait tomber  ; le Docteur se125 doit laisser tomber sur le dos ; le Barbouillé l’entraîne par la
corde qu’il lui a attachée au pied, et, en l’entraînant126, le Docteur doit toujours parler, et
compte par127 ses doigts toutes ses raisons, comme s’il n’étoit point à terre, alors qu’il ne paroît
plus. (Le Barbouillé et le Docteur disparoissent.)

GORGIBUS.— Allons, ma fille, retirez-vous chez vous128, et vivez bien avec votre mari.

VILLEBREQUIN.— Adieu, serviteur129 et bonsoir.

92
à l’époque, grabuge, bruit et combustion [3 occurrences] ont des sémantismes voisins (« la
vie est plaine de combustion » écrit Montaigne, II, XXXV : de troubles, de querelles, d’alter-
cations)
93
englobe toutes les personnes présentes, mais le masculin l’emporte  ; cf. en castillan : los
padres « père et mère », los hermanos « frère et sœur », los hijos « fils et fille », los reyes « le
roi et la reine, les souverains », ¡ Atención, señores, que comienzo ! « Mesdames et Messieurs »
94
allons, eh bien  ; cf. note 38
95
le nom n’est pas précédé d’un déterminant
96
(10 occurrences chez Molière) 2 impératifs à la suite : di va, puis soudés et évoluant du
XIIe au XVIe s. : diva, dia, dea, da, employés seuls avant de servir de renforcement à
l’affirmation et à la négation (enda chez Marot, non dea chez Montaigne, nenni-da dans
l’Étourdi, III, VIII). Littré :
« La forme ancienne est dea, monosyllabe, une autre encore plus ancienne est diva. D’après Diez
[Friedrich Christian Diez, 1794-1876, fondateur de la linguistique romane], diva est composé des deux im-
pératifs, di (dis) et va. Il montre qu’on s’est servi du simple va de la même façon : Va, car me di, Chev.
au lion, éd. Guest, p. 138  ; Lesse, va, tost les chiens aler, Ren. I, 47  ; Qui es-tu, va ?, Ruteb., II, 101  ; Or va,
de par Dieu va, Cheval. au cygne, v. 6242  ; et qu’on renforça ce petit mot en y ajoutant l’impératif di
(de dire) qui a également un sens d’excitation, et qui même se trouve répété : Et tu, diva di, faz
noienz. Ruteb. I, 335. Cette explication est satisfaisante. Diva fut contracté en dea, puis en da. »
97
le Docteur s’est découvert en présence de Gorgibus, qu’il connaît (il l’appelle par son nom)
et attend d’être invité à remettre son bonnet  ; cf. Dorante disant à M. Jourdain « Allons, mettez
», là où Lucas (le Médecin malgré lui, I, V) dit « Monsieur, boutez dessus ».
98
se prononçait nani, selon Richelet, 1680. Oui vient de oïl (démonstratif o + il), nenni de
nenil (négation nen + il).
99
seuls termes médicaux employés par le Docteur (ils appartiennent à la langue usuelle de
l’époque) : un catarrhe [« écoulement », de καταρροΐζομαι, que TLFi écrit καταρροΐξομαι]
désignait couramment un gros rhume, mot de la même famille  ; une fluxion [cf. flux] était un
« Escoulement d’humeurs malignes sur quelque partie du corps » Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.],
c’est-à-dire un afflux de sang, une congestion, ou bien une inflammation de la paroi thora-
cique, de la plèvre et du poumon (cf. Harpagon), ou encore un abcès (Sganarelle, dans Dom
Juan).
100
à me retenir
101
peut-être faut-il comprendre « à Paris », par opposition à la cour, à Versailles  ; cf. au
contraire Beline (à Argan, le Malade imaginaire, II, VI) : « Je suis fâchée de vous quitter, mon fils,
mais j’ai une affaire en ville, dont je ne puis me dispenser. »
102
j’aurai fini, cf. Mme de Sévigné (jour de l’an 1674) : « Je vous souhaite une heureuse année,
ma chère fille, et dans ce souhait je comprends tant de choses, que je n’aurois jamais fait, si je vou-
lois vous en faire le détail ». L’anglais connaît aussi cet emploi et Shakespeare joue en vir-
tuose sur les deux valeurs (Macbeth, I, VII) : ‘If it were done when ’tis done, then ’twere well / It
were done quickly’ (si c’en était fini une fois le geste accompli, alors il serait bon d’agir [ou
d’en finir] au plus tôt).
103
« Aussi-tost, au mesme instant [= à l’instant même], tout à l’heure. Dez qu’il eut appris cela,
il partit incontinent, tout incontinent. je m’en vais incontinent parler à vous. trois heures sonneront
incontinent. je vous parleray incontinent après » Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]. Empr. à la loc.
adv. lat. in continenti (tempore) « tout de suite, sans délai » (signifiant littéralement « qui se
tient, d’un seul tenant, ininterrompu »), d’abord expression propre au jargon juridique du
droit des contrats, où l’on distinguait — dans les pactes adjoints aux contrats de bonne foi —
ceux qui étaient in continenti « sur-le-champ » de ceux qui étaient ex intervallo « après un
certain intervalle »  ; cela explique que l’adv. (maintenant désuet) se retrouve en italien (in-
contanente chez Dante et Boccace), en castillan (encontinente chez Cervantès) et en portugais
(incontinênti).
104 er
1 vers d’un distique tiré d’une compilation attribuée à Denys Caton et que le Roman de
la rose rend par « Que la premeraine vertu/ C’est de metre en sa langue frain. » Le Docteur
modifie le texte pour l’adapter à son propos : l’original porte puto « j’estime, je consi-
dère », qu’il transforme en impératif puta « considère ». Dans La farce du quinzième siècle
(1992, p. 99), Konrad Schoell remarque : « On apprenait la rhétorique dans les Disticha
Catonis qui étaient alors largement répandus et qui sont souvent mentionnés dans les
farces. »
105
cf. la maxime de La Rochefoucauld : « Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de
rien » et la pensée de Pascal : « Il faut qu’on n’en puisse dire ni : il est mathématicien, ni prédi-
cateur, ni éloquent, mais il est honnête homme. Cette qualité universelle me plaît seule. Quand en
voyant un homme on se souvient de son livre, c’est mauvais signe. Je voudrais qu’on ne s’aperçût
d’aucune qualité que par la rencontre et l’occasion d’en user, ne quid nimis [rien de trop, μηδὲν
ἄγαν], de peur qu’une qualité ne l’emporte, et ne fasse baptiser. Qu’on ne songe point qu’il parle
bien, sinon quand il s’agit de bien parler. Mais qu’on y songe alors. »
Extrait (complété) de l’art. HONNÊTE du TLFi :
1. Mil. XIe s. « honorable, juste » (S. Alexis, éd. Chr[istopher] Storey, Prol. : la sue juvente fut
honeste e spiritel) ; 1174-76 « noble, honoré, digne d’estime » d’une pers. (G[uernes] DE PONT-STE-
MAXENCE, S. Thomas, 3419 ds T.-L. [Tobler-Lommatzsch]) ; mil. XVe s. honnestes femmes (E[nguer-
rand] DE MONSTRELET, Chron., éd. Douët d’Arcq, t. 2, p. 381 : pour l’amour du sexe féminin et aussi
pour l’onneur de chasteté... Commande... que honnestes femmes ne soient point traictes en publi-
que) ; spéc. 1669 « qui respecte le bien d’autrui » (MOLIÈRE, Avare, V, 2) ; 2. ca 1160 « convenable,
considérable » (Moniage Guillaume, éd. W[ilhelm] Cloetta, I, 2083) ; 3. ca 1280 « courtois, civil » d’une
pers. (G[irard] D’AMIENS, Escanor, 22654 ds T.-L.) ; 1538 honnete homme (EST[IENNE] ds FEW [Franzö-
sisches Etymologisches Wörterbuch] t. 4, p. 462b) ; 1580 id. « homme affable, de conversation agréable »
(MONTAIGNE, Essais, éd. A[lbert] Thibaudet, II, 12, p. 551) ; 1606 ([Jean] NICOT : honneste homme et
courtois : Bellus homo, urbanus, civilis), pour la conception de l’honnête homme au XVIIe s., v. ds
[Charles-Louis] LIVET Molière, s.v. honnête, l’analyse de N[icolas] FARET, L’Honnête homme ou l’Art de
plaire à la Cour, 1630. Empr. au lat. honestus « honorable, digne de considération, d’estime ; honora-
ble, juste, conforme à la morale ; beau, noble ».
106
le Docteur doit prononcer Socratès — la sobriété dans le manger annonce la citation de
Valère (l’Avare, III, I) « il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger », tirée de la
Rhétorique à Herennius (dont l’auteur N ’ EST PAS Cicéron).
L’adage est une adaptation de la formule rapportée par Plutarque (Πῶς δεῖ τὸν νέον ποιημάτων
ἀκούειν, Comment le jeune homme doit lire [littéralement : écouter  ; on lisait les textes à haute voix ou
bien on se les faisait lire par un ἀναγνώστης] les poètes) « ὑπομνηστέον ὅτι Σωκράτης τοὐναντίον
ἔλεγε τοὺς μὲν φαύλους ζῆν τοῦ ἐσθίειν καὶ πίνειν ἕνεκα, τοὺς δ’ ἀγαθοῦς ἐσθίειν καὶ πίνειν ἕνεκα
τοῦ ζῆν », il faut à l’opposite ramener en memoire ce que le sage Socrates souloit dire, « Que les hommes
vicieux vivent pour manger et pour boire, mais que les gents de bien boivent et mangent pour vivre »
(Amyot), ce qui a éclipsé une formulation plus intéressante du philosophe (chez Diogène Laërce),
« ἔλεγέ τε τοὺς μὲν ἄλλους ἀνθρώπους ζῆν ἵν’ ἐσθίοιεν· αὐτὸν δὲ ἐσθίειν ἵνα ζῴη » : il disait que les
autres hommes vivaient pour manger, mais que lui mangeait pour subsister.
Pour fort soigneusement, cf. note 72.
107
s’amuser à c’est « s’attarder, perdre son temps à » comme le lièvre de la fable : Il broute,
il se repose/ Il s’amuse à toute autre chose/ Qu’à la gageure.
108
(Pancrace, le Mariage forcé, sc. IV, dit de même, dans un mouvement TRÈS comparable :
« Tranchez-moi votre discours d’un apophthegme à la laconienne ») abrégez en vous servant d’une
maxime [moi = datif éthique ou compl. d’intérêt personnel : « Prends-moi le bon parti, » Boileau]
— graphie d’époque conforme à l’étymon ἀπόφθεγμα  ; orthographe mod. apophtegme
109
« On dit, Toucher dans la main, pour dire, Mettre sa main dans la main d’un autre en signe
de reconciliation, d’amitié, ou de conclusion de marché, &c. Le marché est conclu, il m’a touché
dans la main. nous nous sommes touché dans la main. on les a reconciliez, ils se sont touché dans la
main. il me tendit la main, & me dit touchez là, l’affaire est faite. » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]), cf.
tope(z) là — dans le Bourgeois gentilhomme, V, V, M. Jourdain dit à Lucile : « touchez-lui dans la
main », signe qu’elle accepte la demande en mariage de Cléonte, mais en III, XII il avait dit à
Cléonte : « Touchez là, Monsieur: ma fille n’est pas pour vous », se servant de l’inversion du signe
— procédé comique utilisé ici.
110
quelqu’un d’autre, cf. note 70
111
grammaire, rhétorique, dialectique, c’est-à-dire celles du trivium. ‖ Repris dans le Mari-
age forcé, dans une des versions du début de la sc. IV.
112
le discours
113
gueux, mendiant, fainéant  ; le Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.] donne un exemple qui
s’applique peut-être ici : « il en est jaloux comme un coquin de sa besace. » — Peut-être le rôle
a-t-il été écrit pour René Berthelot, dit Du Parc, dit encore Gros-René († 1664)  ; cf. La Jalou-
sie du Gros-René (1663), farce dont le texte est perdu.
114
structure du type Dét N 1 de N 2  ; nombreux ex. chez Molière : notre grand flandrin de
vicomte, un grand benêt de fils, des avortons de médecins, ce grand escogriffe de maître d’armes,
etc. ‖ Hatzfeld et Darmesteter :
« Trivial. Il fait un froid de loup  ; un temps de chien. Il s’est donné un mal du diable  ; et, inver-
sement, le premier terme devenant une sorte de qualificatif qui détermine l’espèce du second, Il
fait un chien de temps. Quelle diable de cérémonie, HAMILT. Gram.* 2. Il a une chienne de mine.
Un fripon d’enfant, LA F. Fab. IX, 2. Coquin de sort. Drôle de corps. Ah ! bourreau de destin, MOL.
Éc. des f. IV, 7. » *Anthony Hamilton, Mémoires du chevalier de Gramont
115
cf. le vers fameux d’Arnolphe (l’École des femmes, II, II, v. 700) : « Du côté de la barbe est la
toute-puissance. » — comme moi : tel que moi, cf. note 56.
116
votre science
117
interj. familière qui exprime la surprise, le doute, la perplexité, l’ironie (« Ouais ! je ne
croyais pas que ma fille fût si habile que de chanter ainsi à livre ouvert, sans hésiter » Argan, le Malade
imaginaire  ; « Ouay ! n’est il pas venu querre/ six aulnes de drap maintenant ? » le drapier, dans
Maistre Pierre Pathelin) ‖ TLFi se fait l’écho d’une hypothèse de Dan Bugeanu, qui considère
que ouais pourrait venir de l’impér. plur. oyez ! (de ouïr) sous la forme ancienne oez (Roland, v.
15 « Oez, seignurs, quel pecchiet nus encumbret », écoutez, seigneurs, quel mal nous accable).
118
ridicule (« Vous êtes de plaisantes gens avec vos règles » : la Critique de l’École des femmes, sc. VI).
La tirade repose sur des équivoques obscènes [dont on trouve des équivalents dans le Pédant
joué, de Cyrano de Bergerac], le Docteur insinuant qu’Angélique — qu’il tutoie — est gouver-
née par son caprice, c’est-à-dire son désir :
• des parties du discours, sa préférée est la conjonction, le coït  ;
• des cas de la flexion nominale, celui qui rappelle « génital »  ; dans le Pédant joué, Gran-
ger, s’adressant à Chasteaufort, emploie le même euphémisme de façon plus transparente :
I’entends que le diminutif
Qu’on fit de vray trop exceßif
Sur votre flaſque genitif
Vous prohibe le conionctif.
• dans la syntaxe, l’accord de l’élément variable avec l’invariable [grammaire latine de
Despautère/Jan de Spauter († 1520), « borgne qui y voyait plus clair qu’Argus » selon son épita-
phe : Hier ligt de eenogige, die nochtans scherper zag dan Argus]  ;
• en métrique (latine), le pied qui consiste en une longue et deux brèves ¯˘˘ au symbo-
lisme phallique [prosodie de Despautère], tout comme son symétrique ˘˘¯ l’anapeste. ‖
Molière cite encore cet auteur dans la Comtesse d’Escarbagnas (Omne viro) et le Dépit amoureux
(scribendo sequare peritos).
Çà = ici  ; combustion, cf. note 91.
119
cf . note 72, mais ici l’adv. n’est pas modificateur.
120
expression de souhait, de vœu : « comme je voudrais… si seulement… plût à Dieu
que… » cf. latin utinam, italien magari, esp. ¡ ojalá ! « Et à la mienne volunté que un chacun
laissast sa propre besogne », Prologue de Pantagruel  ; « à la mienne volonté qu’aucuns du surnom
de Chrestiens ne le façent pas encore », Montaigne, II, XII  ; « à la mienne volonté, qu’il y en eust
plusieurs en France, qui fissent le semblable » Barnard Palissy  ; « car nous voions que ceulx qui
prient disent ordinairement, O si à la miene volonté ! et Archilocus qui dit, O si toucher je te pouvois
la main, Néobulé ! [Εἰ γὰρ ὣς ἐμοὶ γένοιτο χεῖρα Νεοϐούλης θιγεῖν ;] Et dit que la seconde
syllabe de ce mot Eithé [εἴθε], qui signifie, à la mienne volonté, est une adjonction superflue »
Amyot, Que signifioit ce mot Εἰ, Qui estoit engravé sur les portes du temple d’Apollo, en la ville de
Delphes [Plutarque, Περὶ τοῦ Εἰ τοῦ ἐν Δελφοῖς]. La Bible de Genève (1669) rend Galates
5:12 Ὄφελον καὶ ἀποκόψονται οἱ ἀναστατοῦντες ὑμᾶς par « À la mienne volonté que ceux
qui vous mettent en trouble fussent retranchez » (allusion probable au rite d’autocastration
des prêtres de Cybèle).
121
écoute-moi, je te prie  ; fait partie des rudiments enseignés dans les manuels de langue la-
tine, dont les Colloques… de Mathurin Cordier, cf. note 33. Le Docteur traduit en latin
« écoutez-moi, de grâce ».
122
le Docteur prononce Ciceron /sisərõ/ puisque le Barbouillé reprend en écho si se
rompt… ‖ Hors de lui, le Barbouillé tutoie le Docteur.
123
dans si se rompt etc., les 3 « si » sont une graphie de « s’il » : amuïssement du l final de il
en position antéconsonantique  ; cf. ignia pour « il n’y a » dans le parler de Pierrot (Dom
Juan), Doukipudonktan de Tonton Gabriel (Zazie dans le métro), etc.
124
l’image évoque celle des porcs qu’on emmenait prudemment en laisse, une corde attachée
à la patte : « Oh ! la belle rue ! et si vivante, les jours de foire ! Les chevaux qui hennissent  ; les cochons
qui se traînent en grognant, une corde à la patte… » Jules Vallès, L’Enfant.
125
cf. note 39
126
pendant que le Barbouillé l’entraîne : anacoluthe (« et, pleurés du vieillard, il grava sur leur
marbre… » La Fontaine, I, XI)
127
TLFi ne mentionne que compter sur ses doigts (attesté depuis av. 1570), mais par ses doigts
(latinisme : dextera digitis rationem computat, Plaute), plus ancien, se trouve déjà chez Join-
ville « Et il [le roi] conta par ses doiz »  ; Mme de Sévigné (29 octobre 1692) : « J’avois compté
par mes doigts et il me sembloit… que vous deviez être arrivée »  ; La Fontaine (I, VI, v. 7) : « Eux
venus, le Lion par ses ongles compta »  ; le Dict. de l’Acad., 1835 [6e éd.] enregistre, dans l’ordre
« Compter par ses doigts, sur ses doigts. »
128
rentrez chez vous et vivez en bonne intelligence, en paix avec votre mari — le père
vouvoie sa fille
129
Adieu s’employait pour prendre congé, même si la séparation était de courte durée :
• Adieu. J’irai chez vous tantôt [= cet après-midi] vous rendre grâce. L’École des femmes, I, IV  ;
• Adieu jusqu’au revoir. L’École des maris, II, II ;
• Adieu pour quelques jours. L’Étourdi, V, VI ;
• Adieu, à demain matin. Mme du Deffand à Horace Walpole (lettre CCCXIII, 8 novembre
1778) ; de même Hugo, Balzac… On trouve encore « Adieu, à tout à l’heure » dans Claudine à
l’école (1900). ‖ Le Dict. de l’Acad., 9e éd., propose l’ordre suivant :
« Formule de politesse employée afin de prendre congé pour toujours ou pour longtemps
[…] Par ext. et fam. Au revoir. Adieu, à demain ! » Mais, historiquement, c’est l’inverse qui s’est
produit.
serviteur, cf. note 73 — bonsoir : la scène se passe donc l’après-midi. ‖ À partir d’ici et pour les
besoins de l’intrigue, le personnage de Cathau aura disparu.

SCÈNE VII
VALÈRE, LA VALLÉE. Angélique s’en va.

VALÈRE.— Monsieur, je vous suis obligé du soin130 que vous avez pris, et je vous promets de
me rendre à l’assignation131 que vous me donnez, dans une heure.

LA VALLÉE.— Cela ne peut se différer132 ; et si vous tardez un quart d’heure, le bal sera fini
dans un moment, et vous n’aurez pas le bien133 d’y voir celle que vous aimez, si vous n’y
venez tout présentement.

VALÈRE.— Allons donc ensemble de ce pas.

130
je vous sais gré du mal que vous vous êtes donné
131
assignation = rendez-vous [mot plus récent  ; d’un emploi plus fréquent chez Molière]
(« J’ay veu beaucoup de gens de guerre incommodez du desreiglement de leur ventre  ; le mien et
moy ne nous faillons jamais au poinct de nostre assignation, qui est au saut du lict » Montaigne,
III, XIII)  ; La Maison de rendez-vous, d’Alain Robbe-Grillet, est paru dans les pays anglo-
phones sous le titre The House of Assignation.
132
[le nom de La Vallée n’apparaît pas dans la liste des personnages : omission ? remanie-
ment ? c’est une scène de raccord] on remarque le pronominal réfléchi, là où nous utili-
serions la tournure passive ‖ l’ordre des mots est inattendu, cf. « Ce grand choix ne se peut
différer à demain » (Corneille, Sophonisbe, II, IV, v. 670) et des exemples nombreux chez
Molière.
133
le bien : la joie, le bonheur  ; tout présentement : à l’instant même, de ce pas (synonyme
qu’emploie Valère dans sa réplique)

SCÈNE VIII
ANGÉLIQUE.— Cependant que134 mon mari n’y est pas, je vais faire un tour à un bal que
donne une de mes voisines. Je serai revenue auparavant lui135, car il est quelque part au
cabaret : il ne s’apercevra pas que je suis sortie. Ce maroufle-là136 me laisse toute seule à la
maison, comme si j’étois son chien.

134
(monologue) pendant que
135
auparavant, préposition : « avant lui », cf. sc. XI la locution prépositionnelle « auparavant de
se coucher », seuls exemples chez Molière.
136
(une des 5 occurrences du terme chez Molière) le mot, attesté depuis Rabelais, est une
variante de « maraud ».

SCÈNE IX

LE BARBOUILLÉ.— Je savois bien que j’aurois raison de ce diable de Docteur, et de toute sa


fichue doctrine137. Au diable l’ignorant ! J’ai bien renvoyé toute la science par terre. Il faut
pourtant que j’aille un peu voir si notre bonne ménagère138 m’aura fait à souper139.

137
(monologue) cf. note 116
138
ménagère « qui s’occupe des soins du ménage, qui veille sur l’ensemble des tâches domes-
tiques », substantivation de l’adj. ménager, tiré de ménage, lequel provient de l’infinitif manoir
« rester, demeurer » (lat. manēre)  ; le qualificatif bonne est ironique
139
à l’époque, dîner désignait le repas du milieu de journée et souper le repas du soir (NOTRE
actuel « dîner »).

SCÈNE X

ANGÉLIQUE.— Que je suis malheureuse !140 j’ai été trop tard, l’assemblée141 est finie: je suis
arrivée justement comme tout le monde sortoit  ; mais il n’importe, ce sera pour une autre
fois. Je m’en vais cependant au logis comme si de rien n’étoit. Ouais ! la porte est fermée.
Cathau, Cathau !

140
(monologue) comme je joue de malchance ! — Angélique n’est pas écrasée par le « mal-
heur » : elle ajoute « il n’importe, ce sera pour une autre fois »  ; écho au « je suis le plus malheureux
de tous les hommes » du Barbouillé ‖ j’ai été = j’y suis allée, je suis partie
141
réunion mondaine, mais aussi réunion dansante, bal : « Assemblée, signifie quelque-
fois, Le bal. Il y a eu beaucoup d’assemblées cet hyver. » Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.] On sait
l’importance des assemblées dans la Princesse de Clèves.

SCÈNE XI
LE BARBOUILLÉ, à la fenêtre, ANGÉLIQUE.
LE BARBOUILLÉ.— Cathau, Cathau ! Hé bien ! qu’a-t-elle fait, Cathau ? et d’où venez-vous,
Madame la carogne, à l’heure qu’il est, et par le temps qu’il fait ?

ANGÉLIQUE.— D’où je viens? ouvre142-moi seulement, et je te le dirai après.

LE BARBOUILLÉ.— Oui ? Ah ! ma foi, tu peux aller coucher d’où tu viens, ou, si tu l’aimes mieux,
dans la rue : je n’ouvre point à une coureuse143 comme toi. Comment, diable ! être toute seule
à l’heure qu’il est ! Je ne sais si c’est imagination, mais mon front m’en paroît plus rude de
moitié144.

ANGÉLIQUE.— Hé bien ! pour être145 toute seule, qu’en veux-tu dire ? Tu me querelles quand je
suis en compagnie : comment faut-il donc faire ?

LE BARBOUILLÉ.— Il faut être retirée146 à la maison, donner ordre147 au souper, avoir soin du
ménage, des enfants  ; mais sans tant de discours inutiles, adieu, bonsoir148, va-t’en au
diable et me laisse149 en repos.

ANGÉLIQUE.— Tu ne veux pas m’ouvrir ?

LE BARBOUILLÉ.— Non, je n’ouvrirai pas.

ANGÉLIQUE.— Hé ! mon pauvre petit mari150, je t’en prie, ouvre-moi, mon cher petit cœur.

LE BARBOUILLÉ.— Ah, crocodile151 ! ah, serpent dangereux ! tu me caresses152 pour me tra-


hir153.

ANGÉLIQUE.— Ouvre, ouvre donc.

LE BARBOUILLÉ.— Adieu ! Vade retro, Satanas154.

ANGÉLIQUE.— Quoi ? tu ne m’ouvriras point ?

LE BARBOUILLÉ.— Non.

ANGÉLIQUE.— Tu n’as point de pitié de ta femme, qui t’aime tant ?

LE BARBOUILLÉ.— Non, je suis inflexible: tu m’as offensé, je suis vindicatif comme tous les
diables, c’est-à-dire bien fort ; je suis inexorable.

ANGÉLIQUE.— Sais-tu bien que si tu me pousses à bout, et que tu me mettes en colère, je


ferai quelque chose dont tu te repentiras ?

LE BARBOUILLÉ.— Et que feras-tu, bonne155 chienne ?


ANGÉLIQUE.— Tiens, si tu ne m’ouvres, je m’en vais me tuer devant la porte  ; mes parents,
qui sans doute156 viendront ici auparavant de se coucher, pour savoir si nous sommes bien
ensemble, me trouveront morte, et tu seras pendu.

LE BARBOUILLÉ.— Ah, ah, ah, ah, la bonne bête ! et qui y perdra le plus de nous deux ? Va, va,
tu n’es pas si sotte que de157 faire ce coup-là.

ANGÉLIQUE.— Tu ne le crois donc pas ? Tiens, tiens, voilà mon couteau tout prêt : si tu ne
m’ouvres, je m’en vais tout à cette heure158 m’en donner159 dans le cœur.

LE BARBOUILLÉ.— Prends garde, voilà qui est bien pointu.

ANGÉLIQUE.— Tu ne veux donc pas m’ouvrir ?

LE BARBOUILLÉ.— Je t’ai déjà dit vingt fois que je n’ouvrirai point  ; tue-toi, crève, va-t’en au
diable, je ne m’en soucie pas.

ANGÉLIQUE, faisant semblant de se frapper.— Adieu donc !… Aÿ ! je suis morte.

LE BARBOUILLÉ.— Seroit-elle bien assez sotte pour avoir fait ce coup-là ? Il faut que je
descende avec la chandelle pour aller voir.

ANGÉLIQUE.— Il faut que je t’attrape160. Si je peux entrer dans la maison subtilement161,


cependant que162 tu me chercheras, chacun aura bien son tour.

LE BARBOUILLÉ.— Hé bien ! ne savois-je pas bien qu’elle n’étoit pas si sotte ? Elle est morte, et
si163 elle court comme le cheval de Pacolet164. Ma foi, elle m’avoit fait peur tout de bon165. Elle
a bien fait de gagner au pied166  ; car si je l’eusse trouvée en vie, après m’avoir fait cette
frayeur-là, je lui aurois apostrophé167 cinq ou six clystères de coups de pied dans le cul168,
pour lui apprendre à faire la bête. Je m’en vais me coucher cependant169. Oh ! oh ! Je pense
que le vent a fermé la porte. Hé ! Cathau, Cathau, ouvre-moi.

ANGÉLIQUE.— Cathau, Cathau ! Hé bien ! qu’a-t-elle fait, Cathau ? Et d’où venez-vous, Mon-
sieur l’ivrogne ? Ah! vraiment, va, mes parents, qui vont venir dans un moment, sauront
tes vérités. Sac à vin170 infâme, tu ne bouges du cabaret, et tu laisses une pauvre femme
avec des petits enfants, sans savoir s’ils ont besoin de quelque chose, à croquer le mar-
mot171 tout le long du jour.

LE BARBOUILLÉ.— Ouvre vite, diablesse que tu es, ou je te casserai la tête.

142
Angélique passe au tutoiement
143
(2 autres occurrences chez Molière) confirme les valeurs de carogne (note 13) et de
coquine (note 66)
144
le Barbouillé se sent des cornes lui pousser
145
quant à être, pour ce qui est d’être
146
rentrée
147
pourvoir
148
Exclam. fam., iron. [Pour signifier qu’on se désintéresse de la question, qu’une affaire est
réglée ou risque de l’être aux dépens de l’interlocuteur] (TLFi)
149
pronom régime atone antéposé
150
« mon gros coquin » de la sc. VI est devenu petit, qui va être répété
151
de même, dans le Dépit amoureux (I, V), Gros-René traite Marinette de « crocodile trom-
peur » et George Dandin, dans la pièce qui porte son nom (II, VI), dit à sa femme, autre
Angélique : « Ah ! crocodile, qui flatte les gens pour les étrangler » : le point de départ, ce sont
les larmes de crocodile (dont la source est le Livre des merveilles du monde, de Jehan de Man-
deville † 1372).
152
les caresses sont des amabilités, des marques extérieures d’affection, des soins, des égards  ;
caresser signifie souvent, comme ici, « flatter » : Montaigne (II, XII) parle de l’Antiquité pen-
sant « faire quelque chose pour la grandeur divine » en « la caressant par l’odeur des encens et sons
de la musique, festons et bouquets ».
153
m’être infidèle, me tromper
154
formule latine médiévale d’exorcisme (« Arrière, Satan ! »), créée à partir de Marc 8:33
« Vade retro me, Satana / Ὕπαγε ὀπίσω μου, Σατανᾶ », va derrière moi, Satan  ; annonce
« diablesse que tu es » (dernière réplique de la scène).
155
par antiphrase : « maudite » (de même, ci-dessous la bonne bête)
156
sans aucun doute, à coup sûr  ; auparavant de, cf. note 135.
157
tu n’es pas sotte au point de
158
tout à cette heure, attesté depuis 1549, est le renforcement (cf. plus haut tout présente-
ment) d’à cette heure, déjà chez Chrétien de Troyes (a ceste ore, par opposition à a cele ore)  ;
très fréquent chez Montaigne, qui l’écrit aussi asteure, asture. Cf. l’italien a quest’ ora, le
roumain aceste ore.
159
(ellipse de « coup ») frapper : « Donner d’estoc & de taille, C’est frapper d’estoc & de
taille » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]).
160
que je te prenne à un piège, que je te dupe
161
adroitement, habilement
162
cf. note 134
163
(locution archaïque) « pourtant », cf. Mme Jourdain (III, V) « J’ai la tête plus grosse que le
poing, et si elle n’est pas enflée »  ; Pierrot (Dom Juan, II, I) « Non, tu ne m'aimes pas  ; et si, je fais
tout ce que je pis pour ça »  ; la Suivante (Sganarelle, sc. XXII) « Ma foi, je ne sais pas Quand on
verra finir ce galimatias  ; Depuis assez longtemps je tâche à le comprendre, Et si plus je l'écoute, et
moins je puis l'entendre ».
164
personnage d’une chanson de geste du XIVe s. disparue — Valentin et Orson (dont Rabelais
fait des racle-tourets aux étuves d’enfer) —, l’enchanteur Pacolet, un nain, qui a créé par
magie un petit cheval de bois,
« et en la tête d’icelui avoit fait artificiellement une cheville qui étoit tellement assise que toutes les fois qu’il
montoit sur le cheval pour aller quelque part, il tournoit la cheville devers le lieu où il vouloit aller, et tantôt se
trouvoit en la place sans mal  ; car le cheval étoit de telle façon, qu’il alloit par l’air plus soudainement que nul
oiseau ne savoit voler. » D’où « Clavileño el Alígero » (Don Quijote, II, XL).
(d’après une note d’Adolphe Régnier, 1873)
165
vraiment (on rencontre aussi de bon, tout à bon) ‖ Littré y voit l’origine du populaire
« pour de bon ».
166
« On dit prov. Gagner au pied. gagner la guerite, la colline, le haut, les champs, pour dire,
S’enfuir » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.])  ; Mascarille emploie l’expression dans les Précieuses
ridicules, sc. IX et son homonyme du Dépit amoureux parle, lui, de gagner le taillis (V, I, v. 1492).
167
« administré, appliqué » — les clystères, au lieu d’être composés avec catholicon double,
rhubarbe, miel rosat, et autres, le sont de coups de pied au cul. (Littré : Apostropher quelqu'un
d’un soufflet, lui appliquer un soufflet. Un magister s’empressant d’étouffer Quelque rumeur par-
mi la populace, D’un coup dans l’œil se fit apostropher. [J.-B. Rousseau Odes et poésies diverses]) ‖
autre emploi dans les Femmes savantes, II, IX, v. 691 « Un pédant qu’à tous coups votre femme
apostrophe Du nom de bel esprit, et de grand philosophe ».
168
traitement farcesque d’un sujet odieux : le tyran domestique ne bat pas sa femme, il lui
botte les fesses ‖ Dans le Dict. de l’Acad. de 1694, « CUL » n’est pas précédé d’une mise en garde
« Dans un certain nombre d’expressions très familières qui ne doivent être employées que dans une
intention de vulgarité appuyée » qu’on trouve dans la 9e éd. : il n’en était nul besoin et —
paradoxe — c’est Voltaire qui s’est déchaîné contre le mot et ses composés, en particulier
« cul-de-sac » qu’il veut voir remplacé par « impasse », lequel est une invention de sa part
(d’où la remarque acidulée de Diderot, dans Jacques le Fataliste : « Lecteur, si je faisois ici une
pause […] je voudrois bien savoir ce que vous en penseriez. Que je me suis fourré dans un* impasse à la
Voltaire, ou vulgairement dans un cul-de-sac… » * le genre y est masculin  ; les éditeurs du texte
“corrigent ”).
169
en attendant, d’ici là
170
déjà sc. VI.
171
le marmot était un « heurtoir » ou « marteau », croquer avait au XVIe s. le sens de « frap-
per », l’expression signifierait donc « attendre devant la porte d’une maison en cognant
impatiemment le heurtoir ». — TLFi indique, à tort, le Dict. de Furetière (1690) comme 1re
attestation.

SCÈNE XII
GORGIBUS, VILLEBREQUIN, ANGÉLIQUE, LE BARBOUILLÉ.

GORGIBUS.— Qu’est ceci ? toujours de la dispute, de la querelle et de la dissension172 !

VILLEBREQUIN.— Hé quoi? vous ne serez jamais d’accord ?

ANGÉLIQUE.— Mais voyez un peu, le voilà qui est soûl, et revient, à l’heure qu’il est, faire un
vacarme horrible  ; il me menace.

GORGIBUS.— Mais aussi ce n’est pas là l’heure de revenir. Ne devriez-vous pas, comme un
bon père de famille173, vous retirer174 de bonne heure, et bien vivre avec votre femme ?

LE BARBOUILLÉ.— Je me donne au diable, si j’ai sorti175 de la maison, et demandez plutôt à


ces Messieurs qui sont là-bas dans le parterre176  ; c’est elle qui ne fait que de revenir. Ah !
que l’innocence est opprimée !
VILLEBREQUIN.— Çà, çà177  ; allons, accordez-vous  ; demandez-lui pardon178.

LE BARBOUILLÉ.— Moi, pardon ! j’aimerois mieux que le diable l’eût emportée179. Je suis dans
une colère que180 je ne me sens pas181.

GORGIBUS.— Allons, ma fille, embrassez182 votre mari, et soyez bons amis.

172
l’extraction est du même ordre que dans « Y a d’la rumba dans l’air »  ; on peut lire dans le
Livre des choses memorables de l’abbaye de saint-Denys en France pour l’année 1652 : « il commanda
que l’on ne tirât pas… jusques à ce qu’il eût envoié querir de la chandelle, parce qu’il faisoit extrême-
ment obscur. Un soldat aiant apporté de la chandelle… »
173
en bon père de famille  ; cf. note 57
174
comme le montre la question de Valère à Sganarelle (l’École des maris, I, III) : « Que faites-
vous les soirs avant qu'on se retire ? », il s’agit d’aller se coucher.
175
je veux bien être pendu si je suis sorti — Je me donne au diable, écrit sans modification,
fragilise l’hypothèse d’une déformation superstitieuse de dédonne, sc. V, cf. note 90
176
transgression délibérée de la règle qui veut qu’un mur invisible sépare l’espace scéni-
que de celui occupé par les spectateurs  ; cf. l’Avare, Iv, VII, où Harpagon venant de consta-
ter la disparition de sa chère cassette s’adresse de même à la salle : « De grâce, si l’on sait des
nouvelles de mon voleur, je supplie que l’on m’en dise. N’est-il point caché là parmi vous ? Ils me
regardent tous, et se mettent à rire. Vous verrez qu’ils ont part sans doute au vol que l’on m’a fait. »
Encore à notre époque, Guignol et les clowns prennent parfois leur public à témoin.
177
cf. note 94
178
accordez-vous s’adresse au couple, demandez-lui pardon au seul Barbouillé
179
à l’époque, le respect de la concordance — déconcertant pour bien des lecteurs du XXIe
siècle — était de règle et correspondait à l’usage ordinaire, comme c’est encore le cas en
castillan. Il n’y a, en l’occurrence, nulle affectation.
180
telle que
181
(phrase identique de Pancrace, dans le Mariage forcé, sc. IV) je suis furieux, hors de moi  ;
« ne pas se sentir » exprime une agitation, une émotion violente, dont le contexte précise
la nature : « Je ne me sens pas, je l’avoue  ; je jette des larmes de joie  ; tous mes vœux sont satis-
faits… » Dom Juan, V, I  ; « Cet orgueil me confond, et j’ai un tel dépit, que je ne me sens pas » La
Princesse d’Élide, III, IV  ; « À ces mots le corbeau ne se sent pas de joie » La Fontaine, I, II.
182
ici, comme le plus souvent, le verbe signifie « serrer dans ses bras, étreindre », mais le
doute est permis : dans les Femmes savantes, III, III, l’annonce de Philaminte à Vadius « Ah !
permettez, de grâce, Que pour l’amour du grec, Monsieur, on vous embrasse » est suivie de l’indi-
cation scénique : Il les baise toutes, jusques à Henriette, qui le refuse. Mais des époux ne s’em-
brassaient pas en public.

SCÈNE XIIIe ET DERNIÈRE


LE DOCTEUR, à la fenêtre, en bonnet de nuit et en camisole183, LE BARBOUILLÉ, VILLEBREQUIN,
GORGIBUS, ANGÉLIQUE.
LE DOCTEUR.— Hé quoi ? toujours du bruit, du désordre, de la dissension, des querelles, des
débats, des différends, des combustions, des altercations éternelles. Qu’est-ce ? qu’y a-t-il
donc ? On ne saurait avoir du repos.

VILLEBREQUIN.— Ce n’est rien, Monsieur le Docteur : tout le monde est d’accord.

LE DOCTEUR.— À propos d’accord, voulez-vous que je vous lise un chapitre d’Aristote184, où


il prouve que toutes les parties de l’univers ne subsistent que par l’accord qui est entre
elles ?

VILLEBREQUIN.— Cela est-il bien long ?

LE DOCTEUR.— Non, cela n’est pas long : cela contient environ soixante ou quatre-vingts
pages.

VILLEBREQUIN.— Adieu, bonsoir185 ! nous vous remercions186.

GORGIBUS.— Il n’en est pas de besoin187.

LE DOCTEUR.— Vous ne le voulez pas ?

GORGIBUS.— Non.

LE DOCTEUR.— Adieu donc ! puisqu’ainsi est188  ; bonsoir ! Latine, bona nox189.

VILLEBREQUIN.— Allons-nous-en souper190 ensemble, nous autres191.

183
vêtement court ou long et à manches, qui se portait sur la chemise : « Incontinent que
l’aube aux doigts de roses Eut du grand ciel les barrières décloses, Prompt, hors du lit ce bon prince
[le vieil Hélénin] sortit, Sa camisole et son pourpoint vestit » Ronsard, Franciade, I.
184
encore une offre de service, et encore Aristote  ; il pourrait s’agir du chapitre V du Περὶ
κόσμου, œuvre du pseudo-Aristote
185
ambiguïté : sens usuel + sens indiqué note 148, d’autant qu’adieu pouvait aussi être
utilisé pour congédier un importun, mettre fin à un entretien ennuyeux
186
« Il signifie aussi, Refuser honnestement. Il esperoit épouser cette fille qu’il avoit demandée
en mariage, mais on l’a remercié. » (Dict. de l’Acad., 1694 [1re éd.]).
187
Martine dit de même (les Femmes savantes, V, II) : « Laissez-moi, j’aurai soin De vous encou-
rager, s’il en est de besoin. »
188
puisqu’ainsi est : locution figée, attestée depuis le fabliau du Vilain mire  ; une ballade de
Charles d’Orléans a pour refrain Puis qu’ainsi est que de vous suy loingtains.
189
le Docteur reste fidèle à lui-même et latinise à outrance : il calque le mot à mot d’une
expression ritualisée, présente dans des langues vivantes  ; le comique résulte aussi de l’ana-
chronisme.
190
cf. note 139.
191
la 1re attestation remonte à Joinville (XII, 57) : « Li roys… avoit sa besoigne atiriée en tel
manière que mes sires de Neelle et li bons cuens de Soissons, et nous autre qui estiens entour li, qui
aviens oïes nos messes, aliens oïr les plaiz de la porte, que on appelle maintenant les requestes. » (Le
roi avait sa besogne réglée en telle manière que monseigneur de Nesle et le bon comte de
Soissons, et nous autres qui étions autour de lui, qui avions ouï nos messes, allions ouïr les
plaids de la porte, qu’on appelle maintenant les requêtes. Trad. Natalis de Wailly, 1874) —
On comparera la forme agglutinée castillane nosotros, qui date de 1330-1340, l’italien
noialtri attesté depuis 1316 « Noi altri tutti, togliendo l’arme [prendendo le armi], il seguímo
[lo seguimmo] » (Lancia, Eneide volg., libro 2, p. 181, r. 22) + une occurrence de voialtri chez
Dante : « Voialtri pochi che drizzaste il collo [vi dirigeste] / per tempo al pan de li angeli,
del quale / vivesi qui ma non sen vien satollo [non ci si sazia], / metter potete ben per l’alto
sale [mare aperto] / vostro navigio [vascello]... (Paradiso, vv. 10-14 [1321]).

Source du canevas utilisé pour l’argument de la pièce :


Decameron, 7e journée, 4e nouvelle (narratrice : Lauretta)

Tofano chiude una notte fuor di casa la moglie, la quale, non potendo per prieghi rientrare, fa vista di gittarsi in un
pozzo e gittavi una gran pietra. Tofano esce di casa e corre là, ed ella in casa le n’entra e serra lui di fuori, e sgri-
dandolo il vitupera.

Il re, come la novella d’Elissa sentì aver fine, così senza indugio verso la Lauretta rivolto le dimos-
trò che gli piacea che ella dicesse  ; per che essa, senza stare, così cominciò.

O Amore, chenti e quali sono le tue forze ! Chenti i consigli e chenti gli avvedimenti ! Qual filosofo,
quale artista mai avrebbe potuto o potrebbe mostrare quegli argomenti, quegli avvedimenti, quegli
dimostramenti che fai tu subitamente a chi seguita le tue orme ? Certo la dottrina di qualunque
altro è tarda a rispetto della tua, sì come assai bene com prender si può nelle cose davanti mostra-
te. Alle quali, amorose donne, io una n’aggiugnerò da una semplicetta donna adoperata, tale che io
non so chi altri se l’avesse potuta mostrare che Amore.

Fu adunque già in Arezzo un ricco uomo, il quale fu Tofano nominato. A costui fu data per moglie
una bellissima donna, il cui nome fu monna Ghita, della quale egli, senza saper perché, presta-
mente divenne geloso. Di che la donna avvedendosi prese sdegno, e più volte avendolo della
cagione della sua gelosia addomandato, né egli alcuna avendone saputa assegnare, se non cotali
generali e cattive, cadde nell’animo alla donna di farlo morire del male del quale senza cagione
aveva paura.

Ed essendosi avveduta che un giovane, secondo il suo giudicio molto da bene, la vagheggiava,
discretamente con lui s’incominciò ad intendere. Ed essendo già tra lui e lei tanto le cose innanzi,
che altro che dare effetto con opera alle parole non vi mancava, pensò la donna di trovare simil-
mente modo a questo. E avendo già tra’ costumi cattivi del suo marito conosciuto lui dilettarsi di
bere, non solamente gliele cominciò a commendare, ma artatamente a sollicitarlo a ciò molto spesso.
E tanto ciò prese per uso, che, quasi ogni volta che a grado l’era, infino allo inebriarsi bevendo il
conducea  ; e quando bene ebbro il vedea, messolo a dormire, primieramente col suo amante si
ritrovò, e poi sicuramente più volte di ritrovarsi con lui continuò. E tanto di fidanza nella costui
ebbrezza prese, che non solamente avea preso ardire di menarsi il suo amante in casa, ma ella
talvolta gran parte della notte s’andava con lui a dimorare alla sua, la qual di quivi non era guari
lontana.

E in questa maniera la innamorata donna continuando, avvenne che il doloroso marito si venne
accorgendo che ella, nel confortare lui a bere, non beveva però essa mai   ; di che egli prese sospetto
non così fosse come era, cioè che la donna lui inebriasse per poter poi fare il piacer suo mentre egli
addormentato fosse. E volendo di questo, se così fosse, far pruova, senza avere il dì bevuto, una
sera tornò a casa mostrandosi il più ebbro uomo, e nel parlare e ne’ modi, che fosse mai   ; il che la
donna credendo né estimando che più bere gli bisognasse a ben dormire, il mise prestamente a
letto. E fatto ciò, secondo che alcuna volta era usata di fare, uscita di casa, alla casa del suo amante
se n’andò, e quivi infino alla mezza notte dimorò.

Tofano, come la donna non vi sentì, così si levò, e andatosene alla sua porta, quella serrò dentro e
posesi alle finestre, acciò che tornare vedesse la donna e le facesse manifesto che egli si fosse
accorto delle maniere sue   ; e tanto stette che la donna tornò. La quale, tornando a casa e trovan-
dosi serrata di fuori, fu oltre modo dolente, e cominciò a tentare se per forza potesse l’uscio aprire.

Il che poi che Tofano alquanto ebbe sofferto, disse  :

— Donna, tu ti fatichi invano, per ciò che qua entro non potrai tu entrare. Va, tornati là dove infino
ad ora se’ stata, e abbi per certo che tu non ci tornerai mai, infino a tanto che io di questa cosa, in
presenza de’ parenti tuoi e de’ vicini, te n’avrò fatto quello onore che ti si conviene.

La donna lo ’ncominciò a pregar per l’amor di Dio che piacer gli dovesse d’aprirle, per ciò che ella
non veniva donde s’avvisava, ma da vegghiare con una sua vicina, per ciò che le notti eran grandi
ed ella non le poteva dormir tutte, né sola in casa vegghiare.

Li prieghi non giovavano nulla, per ciò che quella bestia era pur disposto a volere che tutti gli
aretin sapessero la loro vergogna, laddove niun la sapeva. La donna, veggendo che il pregar non le
valeva, ricorse al minacciare e disse :

— Se tu non m’apri, io ti farò il più tristo uom che viva.

A cui Tofano rispose :

— E che mi potresti tu fare ?

La donna, alla quale Amore aveva già aguzzato co’ suoi consigli lo ’ngegno, rispose :

— Innanzi che io voglia sofferire la vergogna che tu mi vuoi fare ricevere a torto, io mi gitterò in
questo pozzo che qui è vicino, nel quale poi essendo trovata morta, niuna persona sarà che creda
che altri che tu, per ebbrezza, mi v’abbia gittata  ; e così o ti converrà fuggire e perdere ciò che tu
hai ed essere in bando, o converrà che ti sia tagliata la testa, sì come a micidial di me che tu
veramente sarai stato.

Per queste parole niente si mosse Tofano dalla sua sciocca oppinione. Per la qual cosa la donna disse :

— Or ecco, io non posso più sofferire questo tuo fastidio  ; Dio il ti perdoni  ; farai riporre questa mia
rocca che io lascio qui.

E questo detto, essendo la notte tanto oscura che appena si sarebbe potuto veder l’un l’altro per la
via, se n’andò la donna verso il pozzo, e presa una grandissima pietra che a piè del pozzo era, gri-
dando : — Iddio, perdonami, — la lasciò cadere entro nel pozzo. La pietra giugnendo nell’acqua fece
un grandissimo romore  ; il quale come Tofano udì, credette fermamente che essa gittata vi si
fosse  ; per che, presa la secchia con la fune, subitamente si gittò di casa per aiutarla, e corse al
pozzo. La donna, che presso all’uscio della sua casa nascosa s’era, come il vide correre al pozzo, così
ricoverò in casa e serrossi dentro e andossene alle finestre e cominciò a dire : — Egli si vuole inac-
quare quando altri il bee, non poscia la notte. —

Tofano, udendo costei, si tenne scornato e tornossi all’uscio  ; e non potendovi entrare, le cominciò
a dire che gli aprisse.

Ella, lasciato stare il parlar piano come infino allora aveva fatto, quasi gridando cominciò a dire :

— Alla croce di Dio, ubriaco fastidioso, tu non c’enterrai stanotte  ; io non posso più sofferire questi
tuoi modi  ; egli convien che io faccia vedere ad ogn’uomo chi tu se’ e a che ora tu torni la notte a
casa.

Tofano d’altra parte crucciato le ’ncominciò a dir villania e a gridare  ; di che i vicini, sentendo il
romore, si levarono, e uomini e donne, e fecersi alle finestre e domandarono che ciò fosse.

La donna cominciò piagnendo a dire : — Egli è questo reo uomo, il quale mi torna ebbro la sera a
casa, o s’addormenta per le taverne e poscia torna a questa otta  ; di che io avendo lungamente
sofferto e dettogli molto male e non giovandomi, non potendo più sofferire, ne gli ho voluta fare
questa vergogna di serrarlo fuor di casa, per vedere se egli se ne ammenderà.

Tofano bestia, d’altra parte, diceva come il fatto era stato, e minacciava forte.

La donna co’ suoi vicini diceva : — Or vedete che uomo egli è  ! Che direste voi se io fossi nella via
come è egli, ed egli fosse in casa come sono io  ? In fè di Dio che io dubito che voi non credeste che
egli dicesse il vero. Ben potete a questo conoscere il senno suo. Egli dice appunto che io ho fatto ciò
che io credo che egli abbia fatto egli. Egli mi credette spaventare col gittare non so che nel pozzo   ;
ma or volesse Iddio che egli vi si fosse gittato da dovero e affogato, sì che il vino, il quale egli di
soperchio ha bevuto, si fosse molto bene inacquato.

I vicini, e gli uomini e le donne, cominciaro a riprender tutti Tofano, e a dar la colpa a lui e a dirgli
villania di ciò che contro alla donna diceva   ; e in brieve tanto andò il romore di vicino in vicino,
che egli pervenne infino a’ parenti della donna.

Li quali venuti là, e udendo la cosa e da un vicino e da altro, presero Tofano e diedergli tante busse
che tutto il ruppono. Poi, andati in casa, presero le cose della donna e con lei si ritornarono a casa
loro, minacciando Tofano di peggio.

Tofano, veggendosi mal parato, e che la sua gelosia l’aveva mal condotto, sì come quegli che tutto ’l
suo ben voleva alla donna, ebbe alcuni amici mezzani, e tanto procacciò che egli con buona pace
riebbe la donna a casa sua alla quale promise di mai più non esser geloso   ; e oltre a ciò le diè
licenza che ogni suo piacer facesse, ma sì saviamente, che egli non se ne avvedesse. E così, a modo
del villan matto, dopo danno fe’ patto. E viva amore, e muoia soldo, e tutta la brigata.

Au final, Tofano se retrouve bel et bien cocu, battu (par les hommes de sa belle-famille) et
content (« il lui permit en outre de faire tout ce que bon lui plairait, pourvu que ce fût avec tant de
discrétion que lui ne s’en aperçoive pas. Et ainsi, à l’instar du fou de paysan, [fin comme
Gribouille] il se jeta dans l’eau par crainte de la pluie. »)
À Arezzo, la maison dite de Pétrarque (construite au XVIe s.) est située Via dell’Orto et,
face à elle, se trouve le puits de Tofano (il pozzo di Tofano).
Tofano résulte de la troncation de Cristofano et Ghita de Margherita.

Molière élague, efface, simplifie par rapport à son modèle. Peut-être l’aspect le plus frap-
pant est-il la façon dont la liberté sexuelle de la femme est estompée dans la Jalousie alors
qu’elle ne va pas de soi mais est revendiquée chez Boccace : « l’épouse gagne la maîtrise de sa
propre porte d’entrée », écrit en conclusion David Wallace (“The wife wins control of her own
front door” Giovanni Boccaccio : Decameron, Landmarks of World Lit. Series. Cambridge, Eng-
land : CUP, 1991, page 79) ; on ne saurait mieux dire.

Le récit repose sur un motif folklorique (AaTh 1377 : Puteus ; K 1511 : The husband locked
out = Marido expulsado) qui se retrouve, entre autres, dans les Sept sages de Rome (Historia
septem sapientum).
Mais le point de départ — en Europe occidentale — est un ouvrage intitulé Disciplina
clericalis (« La discipline de clergie » ou encore « Chastoiement d’un père à son fils ») de Pedro
Alfonso/Petrus Alfonsi (Huesca, v.1062-v.1140), recueil d’exempla, parmi lesquels celui
dont on trouvera ci-après texte latin et traduction française.

XIV. Exemplum de puteo.

Quidam iuuenis fuit, qui totam intentionem suam et totum sensum suum et adhuc totum tempus
suum ad hoc misit ut sciret omnimodam artem mulieris, et hoc facto uoluit ducere uxorem. Sed
primitus perrexit quærere consilium et sapientiorem illius regionis adiit hominem et qualiter
custodire posset quam ducere uolebat quæsiuit uxorem. Sapiens uero hoc audiens dedit sibi
consilium quod construeret domum altis parietibus lapideis poneretque intus mulierem daretque
sibi satis ad comedendum et non superflua indumenta faceretque ita domum quod non esset in ea
nisi solum hostium solaque fenestra per quam uideret, et tali altitudine et tali compositione per
quam nemo posset intrare uel exire. Iuuenis uero audito consilio sapientis, sicuti ei iusserat egit.
Mane uero quando iuuenis de domo exibat, hostium domus firmabat, et similiter quando intrabat ;
quando autem dormiebat, sub capite suo claues domus abscondebat. Hoc autem longo tempore
egit. Quadam uero die dum iuuenis ad forum iret, mulier sua, ut erat solita facere, ascendit fenes-
tram et euntes et regredientes intente aspexit. Hæc una die cum ad fenestram staret, uidit quen-
dam iuuenem formosum corpore atque facie. Quo uiso statim illius amore succensa fuit. Mulier
hæc amore iuuenis succensa et ut supradictum est custodita cœpit cogitare quo modo et qua arte
posset loqui cum adamato iuuene. At ipsa plena ingenio ac dolositatis arte cogitauit quod claues
domini sui furaretur dum dormiret. Et ita egit. Hæc uero assueta erat dominum suum unaquaque
nocte uino inebriare, ut securius ad amicum suum posset exire et suam uoluntatem explere.
Dominus uero illius philosophicis iam edoctus monitis sine dolo nullos esse muliebres actus cœpit
excogitare quid sua coniunx strueret frequenti et cotidiana potatione. Quod ut sub oculo poneret,
se finxit ebrium esse. Cuius rei mulier inscia de lecto nocte consurgens perrexit ad hostium domus
et aperto hostio exiuit ad amicum. Vir autem suus in silentio noctis suauiter consurgens uenit ad
hostium et apertum clausit et firmauit et fenestram ascendit stetitque ibi donec in camisia sua
mulierem suam nudam reuertentem uidit. Quæ domum rediens hostium clausum inuenit ; unde
animo multum condeluit et tandem hostium pulsauit. Vir mulierem suam audiens et uidens ac si
nesciret interrogauit quis esset. At ipsa culpæ ueniam petens et nunquam amplius se hoc facturam
promittens nihil profecit. Sed uir iratus ait quod eam intrare non permit-teret, sed esse suum suis
parentibus ostenderet. At ipsa magis ac magis clamans dixit quod nisi hostium domus recluderet,
in puteum qui iuxta domum erat saliret et ita uitam finiret, sicque de morte sua amicis et pro-
pinquis rationem reddere deberet. Spretis minis dominus suæ mulieris intrare non permisit.
Mulier uero plena arte et calliditate sumpsit lapidem, quem proiecit in puteum hac intentione ut
uir suus audito sonitu lapidis in puteum ruentis putaret sese in puteum cecidisse. Et hoc peracto
mulier post puteum se abscondit. Vir simplex atque insipiens audito sonitu lapidis in puteum ruen-
tis mox et absque mora de domo egrediens celeri cursu ad puteum uenit, putans uerum esse quod
mulierem audisset cecidisse. Mulier uero uidens hostium domus apertum et non oblita suæ artis
domum intrauit firmatoque hostio ascendit fenestram. Ille autem uidens se esse deceptum inquit :
O mulier fallax et plena arte diaboli, permitte me intrare et quicquid mihi foris fecisti me condonaturum tibi
crede ! At illa eum increpans introitumque domus omnimodo facto atque sacramento denegans ait :
O seductor, tuum esse atque tuum facinus parentibus tuis ostendam, quia unaquaque nocte es solitus ita
furtim a me exire et meretrices adire. Et ita egit. Parentes uero hæc audientes atque uerum esse exis-
timantes increpauerunt eum. Et ita mulier illa liberata arte sua flagitium quod meruerat in uirum
retrusit. Cui nihil profuit, immo obfuit mulierem custodisse : nam iste etiam accidit cumulus mise-
riæ quod existimatione plurimorum quod patiebatur meruisse crederetur. Unde quidem bonis
compluribus pulsus, dignitatibus exutus, existimatione fœdatus ob uxoris maliloquium incestitatis
tulit supplicium.

Discipulus : Nemo est qui se a mulieris ingenio custodire possit, nisi quem Deus custodierit, et hæc
talis narratio, ne ducam uxorem, est magna dehortatio. Magister : Non debes credere omnes mulie-
res esse tales, quoniam magna castitas atque magna bonitas in multis reperitur mulieribus, et scias
in bona muliere bonam societatem reperiri posse, bonaque mulier fidelis custos est et bona domus.
Salomon in fine libri Prouerbiorum suorum composuit uiginti duos uersus de laude atque bonitate
mulieris bonæ. Discipulus ad hæc : Bene me confortasti ! Sed audisti tamen aliquam mulierem quæ
sui sensus ingenium niteretur mittere in bonum ? Magister ait : Audiui. Discipulus : Refer mihi de illa,
quia uidetur mihi res noua ! Magister : […]

(H20) Exemple XIV : le puits

Le maître : « Il était un jeune homme qui avait consacré toute son activité, toute son intelligence et
tout son temps à étudier les ruses de la femme et qui, cela fait, voulut prendre femme. Mais il déci-
da de prendre d’abord conseil et alla trouver l’homme le plus sage de la région ; il lui demanda
comment il pourrait garder la femme qu’il épouserait. Le sage, en entendant cela, lui conseilla de
construire une maison de pierre aux murs élevés, d’y installer sa femme, de lui donner à manger à
sa suffisance, mais pas de vêtements inutiles ; de faire en sorte que la maison n’ait qu’une seule
porte et une seule fenêtre (afin que la femme ait un peu de vue) mais élevée et disposée de telle
manière que personne ne puisse sortir ou entrer par là. Le jeune homme, après avoir écouté l’avis
du sage, fit comme celui-ci le lui avait conseillé. Le matin, quand il sortait de la maison, le jeune
mari fermait solidement la porte, et il faisait de même quand il rentrait ; quand il dormait, il
cachait sous son oreiller les clés de la maison. Et cela dura assez longtemps. Mais un jour, pendant
que le mari allait à ses affaires, la femme, comme à l’habitude, monta à sa fenêtre et regarda ceux
qui allaient et venaient. Ce jour-là, depuis sa fenêtre, elle vit un jeune homme fort agréable d’allure
et de visage. L’ayant vu, elle brûla aussitôt d’amour pour lui. Brûlée par cet amour, mais surveillée
comme elle l’était, elle commença à se demander comment et par quel stratagème elle pourrait
parler à celui qu’elle aimait. Pleine de bon sens et fort rusée, elle se dit qu’elle volerait les clés de
son mari pendant son sommeil. Et c’est ce qu’elle fit. Elle prit donc l’habitude d’enivrer chaque soir
son mari avec du vin, afin de pouvoir sortir plus librement auprès de son ami et de satisfaire son
désir. Mais son mari, ayant appris par l’enseignement des philosophes qu’il n’y avait aucun acte
des femmes qui fût exempt de tromperie, commença à se demander ce que manigançait sa femme
avec ces libations quotidiennes. Afin de s’en rendre compte, il feignit d’être ivre. La femme ne s’en
rendit pas compte, et, la nuit, sortit de son lit, vint à la porte de la maison, qu’elle ouvrit, et elle
sortit auprès de son amant. Alors le mari se leva doucement dans le silence de la nuit, vint à la
porte qu’il ferma et verrouilla, puis il monta à la fenêtre et attendit là jusqu’au moment où il vit sa
femme revenir, vêtue seulement d’une chemise. (H21) Celle-ci, en voulant rentrer, trouva la porte
fermée ; elle en fut fort marrie, mais elle frappa pourtant à la porte. Le mari, quand il la vit et l’en-
tendit, fit comme s’il ne la reconnaissait pas et demanda qui elle était. Alors celle-ci demanda par-
don pour sa faute et promit qu’elle ne recommencerait plus ; mais ce fut peine perdue et son mari
furieux dit qu’il ne la laisserait pas entrer mais la dénoncerait à ses parents. Celle-ci se mit à crier
de plus en plus fort et à dire que s’il ne lui ouvrait pas la porte de la maison, elle se jetterait dans le
puits qui était à la porte de la maison et y finirait sa vie : ainsi, il serait contraint de rendre compte
de sa mort à ses amis et à ses proches. Le mari méprisa ces menaces et ne lui permit pas d’entrer
dans la maison. Mais la femme, pleine de ruse et de rouerie, prit une pierre qu’elle jeta dans le
puits : elle pensait ainsi que son mari, en entendant le bruit de la chute de la pierre dans le puits,
croirait qu’elle s’était jetée dans le puits. Après cela, elle se cacha derrière le puits. Le mari, naïf et
imprudent, ayant entendu le bruit de la pierre qui tombait dans le puits, sortit aussitôt de la
maison et courut rapidement au puits, pensant que le bruit qu’il avait entendu était bien celui de la
chute de sa femme. Mais la femme, voyant la porte ouverte, et toujours pleine de rouerie, entra
dans la maison, ferma la porte et monta à la fenêtre. Le mari, voyant qu’il avait été joué, dit : Oh !
femme trompeuse et remplie de la ruse du diable, laisse-moi rentrer, et je te ferai grâce de tout ce que tu m’as
fait dehors ! Mais celle-ci l’insulta et se mit à jurer que, quoi qu’il fasse et qu’il promette, il n’entre-
rait pas dans la maison : Je montrerai à mes parents ce que tu es et ce qu’est ton crime, car tu as l’habitude,
chaque nuit, de me quitter ainsi furtivement et d’aller auprès des prostituées. Et c’est ce qu’elle fit. Alors
les parents, entendant cela et croyant que c’était vrai, s’en prirent au mari. Voilà comment cette
femme ayant évité par sa ruse le châtiment qu’elle avait mérité, le rejeta sur son mari. Pour celui-
ci, le fait d’avoir gardé sa femme ne servit à rien et lui causa même du tort : en effet, pour comble
de malheur, beaucoup de gens croyaient qu’il avait bien mérité ce qui lui était arrivé. C’est pour-
quoi il se trouva spolié de ses biens, dépouillé de ses titres d’honneur, couvert de déshonneur et, à
cause de la calomnie de sa femme, il endura le châtiment des adultères.
Le disciple : Il n’est personne qui puisse se garder de l’habileté des femmes, sauf celui que Dieu
garde, et cette histoire est pour moi un encouragement à ne pas prendre femme.

La femme de valeur

(H22) Le maître : Ne va pas croire que toutes les femmes soient semblables à celle-ci, car on trouve
chez de nombreuses femmes une grande chasteté et une grande bonté : sache qu’on peut trouver,
en une femme de qualité, une excellente compagnie, et qu’une bonne épouse est une gardienne
fidèle de la maison. Salomon, à la fin de son Livre des Proverbes a composé vingt-deux versets sur le
mérite et la bonté d’une bonne épouse. Le disciple dit alors : Tu m’as bien réconforté. Mais as-tu toi-
même entendu parler d’une femme qui se soit efforcé d’appliquer son habileté à faire le bien ?
— Certes. — Alors, parle-moi d’elle, parce qu’il me semble que c’est quelque chose d’extraordinaire.
Alors le maître : […]

N B — J’emprunte cette traduction au site Tradere, mis en place par les Dominicains de la province de
Toulouse. Le titre y est rendu par La formation des clercs ou « Manuel de conduite à l’usage des clercs ».

La documentation complète peut être consultée à l’adresse :


http://www.tradere.org/spiritualite/alphonse/discipline/discipline.htm

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