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Arthur Bodolec
“Etonne moi !” Ne vous as a-t-on jamais lancé
cette expression de manière provocante en vous rendant
mal à l’aise face à un tel défi ?
ommair
12 ... pour être représenté par notre cerveau …
17 afin d’être comparé et classé avec nos acquis.
19 un système trop bien rodé facteur d'ennui
44 l’étonnement au quotidien
46 Pourquoi s’étonner ?
46 la découverte
52 la création
“L’ennui, avec
– Oui, naturellement, c’est un livre, mais que voyez-vous en
réalité ?
– Que voulez-vous dire par là ? Je viens de vous dire que je
les humains,
vois un livre, un petit livre rouge avec une couverture rouge. ”
Le psychologue insiste :
“ Quelle est votre perception réellement ? Je vous demande
de la décrire avec la plus grande précision possible.
l’univers avec
que vous me décriviez ce que vous observez exactement, ni
plus, ni moins. ”
Le visiteur devient très méfiant.
qu’avec leurs
pères de la psychologie cognitive. Cette histoire est destinée
à nous montrer comment fonctionne l’acte de perception. On
comprend ici que rien que le fait de comprendre qu’un livre
yeux.”
est réellement un livre semble se décomposer en plusieurs
étapes. La citation de Boris Cyrulnik, citée ci-dessous, nous
laisse entendre que le mécanisme mis en place doit être
relativement complexe. Regardons cela de plus près.
8
Nos sens nous donnent des
informations sur ce qui nous entoure…
14 15
Nos sens nous donnent des informations sur ce qui nous
entoure …
... pour être représenté par notre cerveau ...
... afin d’être comparé et classé avec
nos acquis.
Le cerveau, diagramme de connaissance. Le cerveau est
ordonné de la même façon qu’un grand diagramme avec des
parties et des sous-parties. Il est évident que l’esprit s’amuse
à comparer et observer les ressemblances avec tout ce qu’il
intègre. C’est grâce à de telles observations qu’il arrange ses
idées, qu’il y met de la méthode pour ranger chaque chose
vue et vécue dans des classes. Là où il va voir une qualité
unique commune à un grand nombre d’objets, le cerveau va
Adam Smith,
les ranger sous la même classe. C’est de cette façon que tous 2006, Essais
les êtres doués d’un mouvement spontané, les quadrupèdes, Phylosophiques,
Histoire de
organisation du cerveau les oiseaux, les poissons, les insectes, sont rangés sous la l'astronomie,
dénomination “animaux”. Section II, Coda
17
Comparaison de ce qui est vécu et de ce qui a déjà été un système trop bien rodé facteur
vécu. Les représentations créées par notre cerveau vont
donc être envoyées devant ce grand diagramme des choses d’ennui
connues. La tâche à accomplir est alors de comparer ce que
nous avons identifié, avec le contenu de ce diagramme. Pour Nous n’avons évidemment pas conscience de ce processus
cela, nous commençons par les grandes déterminations, de reconnaissance des objets, et heureusement ! Si nous
autrement dit le haut du diagramme, pour ensuite en parcourir avions à réfléchir à chaque fois que quelque chose se
tous les niveaux et finalement trouver les objets frères de présente devant nous, la vie serait beaucoup plus fatigante
Adam Smith,
2006, Essais
l’objet se situant face à nous. C’est de cette manière que, qu’elle ne l’est ! C'est par exemple le cas lorsque nous
Phylosophiques, lorsque nous nous trouvons face à une table que nous n’avons discutons dans une langue étrangère que l'on maîtrise mal.
Histoire de
l'astronomie,
jamais vu, nous pouvons dire que c’est une table.
Section II, Coda
En même temps, il faut se rendre compte que nous ne voyons
pas tous la même chose et ce pour différentes raisons. Voyons
les plus importantes.
L’attention. Il faut savoir que nous ne pouvons nous intéresser
qu’à un nombre limité de choses à la fois. En effet, si je suis
en train de conduire, je regarde bien la route. Or, je ne verrai
pas forcément le lapin gambader en bord de chaussée. En
réalité je le verrai avec mes yeux mais je n’y ferai pas attention.
L’information qui me restera sera alors : il n’y a pas de lapin au
bord de la route.
Centres d’intérêts. Je suis passionné par le chiffre 7. Je suis
encore une fois sur l’autoroute et perçois les bornes rouges et
blanches sur lesquelles sont inscrits les kilomètres séparant
le début de l’autoroute de l’endroit où ils se situent. A chaque
kilomètre je vois quelque chose de rouge défiler dans le coin
de mon oeil gauche, rien de plus. En revanche, lorsque je
croise la borne représentant le kilomètre 7, mon attention est
attirée par cet objet. L’information correspondant à “c’est le
chiffre 7” est alors intelligibiliser.
L’anticipation. L’anticipation met en avant le rapport
extrêmement fort entre l’individu et ses expériences. Chacun
accumule des informations grâce à ses expériences vécues.
Notre mémoire nous permet de mémoriser ces informations
à long terme ce qui fait que pour beaucoup de choses nous
savons à l’avance de quoi il s’agit ou ce qu’il va se passer :
nous anticipons. Par exemple un verre qui glisse de la table...
va se casser !
Ce qui nous facilite la vie nous la rend également
ennuyante. C’est précisément ces caractéristiques d’attention,
l’individu et son rapport au monde de centre d’intérêts et d’anticipation qui provoquent l’inaction
cérébrale. Nous ne faisons attention qu’à ce qui nous intéresse
Théorie de Biederman ou la comparaison à des patrons et, ce qui nous intéresse nous est déjà connu. Et le plus
Pour reprendre la théorie de Biederman, elle avance que, souvent, nous avons une forte capacité d’anticipation sur ce
Biederman,
après avoir reconnu les géons composant l’objet que l’on tente que nous connaissons. Les informations entrent donc dans
cité par Patrick
Lemaire, d’identifier, nous les réassemblons pour comparer le tout à notre cerveau et sont traitées sans encombre. Quand toutes
Psychologie
des patrons stockés en mémoire. Dès qu’un patron stocké nos expériences s’enchaînent de cette manière si fluide, nous
cognitive, De
Boek, 2005, p.66 ressemble à la forme identifiée, l’objet est reconnu. ressentons un sentiment de lassitude, une impression plus ou
moins profonde de vide voire même de fatigue. C’est ce que
provoque l’inaction ou le manque total d’intérêt pour quelque
chose. On parle même “d’ennui mortel”, ce qui montre à quel
point ce sentiment peut être péjoratif et fort. L’ennui peut être
18 19
Notre rapport avec le monde est structuré par des
acquis ...
21
Isaac Asimov | Les cavernes d’acier | écrivain américain
24 25
Étonnement vif ou plat. Le sentiment d’étonnement connait
différentes échelles correspondant à notre difficulté à classer
facilement ou non la nouveauté. Concrètement, cela dépend
de l’endroit où le cerveau bloque pour la classer. Si nous
voyons quelque chose et dont nous savons qu’il est de la
catégorie des végétaux, puis des arbres, puis des buissons
mais que nous n’arrivons pas à dire de quel type de buisson
il s’agit, alors notre étonnement est minime. Cependant si
nous n’arrivons même pas à classer cette nouveauté dans
une grande classe comme les végétaux, les animaux, la
mécanique ou autre, alors notre étonnement est d’autant plus
grand.
De même, l’étonnement ressenti dépend du champ des
possibles de la nouveauté. Par exemple, l’autre jour j’ai vu un
skater avancer sans patiner. Je me doute qu’il y a un moteur
en dessous. En effet, je l’ai remarqué quelques secondes plus
tard. Cet objet me paraissant tellement probable, je n’ai pas
ressenti d’étonnement.
Une nouveauté trop éloignée de ce que nous connaissons
n’est pas étonnante. L’humoriste français, Yoann Guillouzouic,
m’a fait prendre conscience de cela en me parlant de ses
expériences de spectacle. S’il veut étonner les gens en leur
parlant de quelque chose que le public ne connait pas, il
doit tout de même lier cette information avec des éléments
que chaque personne dans le public connait. Pour cela il y a
deux solutions. Soit s’assurer que le sujet abordé est maitrisé
par le public. Soit créer la connaissance, en racontant une
histoire par exemple, et faire une blague en s’y référant.
Pour prendre un autre exemple, un scientifique qui
vous montre sa toute dernière découverte ne vous
transmettra pas son étonnement suscité par cette
découverte si vous ne maîtrisez pas le sujet
concerné. Vous serez indifférent.
L’étonnement est donc subtil. D’un
côté, il doit être en rapport
nu
avec quelque chose qui est
près de ce que l’on connait n
pour pouvoir y mettre quelques co
comparaisons et éviter l’indifférence. ble
Adam Smith,
Et de l’autre côté, il doit être en rapport avec
oba
pr
2006, Essais
Phylosophiques, quelque chose qui n’est pas trop proche de ce que
Histoire de
l'astronomie,
l’on connait pour ne pas tomber dans l’évidence et la
Section II, Coda banalité !
ant
onn
ét
ble
ssa
isi
nsa
i
L’étonnement est provoqué par la nouveauté. La surprise,
quant à elle, est suscitée par l’inattendu et l’admiration par ce
qui est grand ou beau.
La surprise est inattendue. Pour être plus précis, nous
pouvons être surpris par la présence de certaines choses que
nous avons souvent vues mais que nous ne nous attendons
pas à voir. Cela occasionne presque toujours une éclipse
momentanée de la raison. Nous ne comprenons pas pourquoi
cette chose se passe à ce moment et à cet endroit précis.
L’inattendu joue donc sur deux paramètres : le lieu et le
moment. Nous pouvons être surpris par quelque chose qui se
passe dans un lieu dans lequel nous ne nous attendions pas
à le voir ou à un moment lors duquel nous ne pensions pas
que cela allait se produire. Pour prendre un exemple concret,
imaginons que je croise mon meilleur ami alors que je suis
en voyage en Malaisie. Je connais parfaitement cet ami et
je me doute de la façon par laquelle il est parvenu jusqu’ici :
en voiture. Il n’y a donc pas d’étonnement. Cependant je ne
m’attendais ni à le voir à ce moment, ni en ce lieu. Je suis
donc surpris !
Pour augmenter le sentiment de surprise il faut que deux
extrêmes se succèdent ou les placer l’un à côté de l’autre. Si
par exemple je suis extrêmement triste et qu’un événement
inattendu me rend soudainement très heureux alors,
l’immensité de la différence émotionnelle exprimera une
surprise d’autant plus grande.
... est renforcé par d’autres émotions. L’admiration face à la beauté et à la grandeur. Par ailleurs,
nous admirons la beauté d’une plaine ou la grandeur d’une
montagne, quoi que nous ayons déjà vu l’une ou l’autre, et
Recherche personnelle d’une distinction. Lorsque j’ai quoi que l’une et l’autre nous offrent ce que nous attendions
effectué mes recherches et tout particulièrement quand avec certitude de voir.
j’échangeais avec d’autres sur l’étonnement, je me rendais Trois émotions pour une sensation d’autant plus vive.
compte que souvent on ne me parlait pas d’étonnement En revanche, si ces trois émotions sont différentes leur
mais d’autre chose. Je sentais au fond de moi même que les combinaison renforce l’émotion globale resenti. Et inversement,
exemples qui m’étaient cités étaient hors-sujet ou en bordure si l’une de ces émotions n’est pas accompagnée des autres,
de sujet. Le problème est qu’il m’était difficile de trouver les alors l’émotion totale resenti en est amoindrie. Prenons encore
critères qui expliquaient ce qui relevait de l’étonnement et une fois un exemple. Si je vous dis que dans une minute
ce qui relevait d’autre chose. Et la question était : de quoi ? exactement vous allez voir tel objet, à tel endroit et que par
J’ai donc réfléchi aux différentes émotions qui ressemblent la même occasion je vous le décris, alors vous ne serez pas
à l’étonnement mais qui ne le sont pas. L’économiste Adam surpris par ce que vous allez voir. Simplement étonné. En effet,
Smith a également suivi cette réflexion. Je tiens donc à l’effet de surprise est complètement effacé par la révélation
préciser certaines choses qui permettront de déterminer les que je viens de vous faire. En revanche, le caractère nouveau Adam Smith,
2006, Essais
limites de cette étude. de l’objet observé mettra tout de même en route le mécanisme Phylosophiques,
Histoire de
L’étonnement, la surprise et l’admiration. Ces trois émotions de comparaison avec le connu orchestré par le cerveau. l'astronomie,
sont différenciées par ce qui les suscite. Nous l’avons vu, L’émotion globale que vous ressentirez sera donc diminuée, Coda
28 29
ne contenant pas la surprise. Cependant vous serez tout de
même étonné. Cette distinction d’émotion est d’autant plus
difficile à discerner que lorsque nous ressentons des émotions
nous ne les catégorisons pas pour se dire : “ha, je suis étonné
et surpris !” Nous ressentons simplement une grande émotion
que nous, à mon avis, qualifions avec le premier mot qui nous
viens à l’esprit.
L’exemple des machines de François Delarozière.
J’aimerai finir cette distinction d’émotion par un exemple sur
la combinaison des trois en même temps. Prenons l’exemple
des géants de François Delarozière animés par la companie
Royal de Luxe. Ces géants sont d’énormes pantins de dix
mètres de haut circulant dans les rues grâce à la manipulation
d’une machinerie actionnée par la troupe Royale de luxe.
Prenons le cas de quelqu’un qui n’a jamais vu ces géants.
Cette personne achète du pain en bas de chez lui comme
chaque matin. Il sort de la boulangerie, va au bout de la rue,
tourne dans l’avenue le menant chez lui lorsque soudainement
il se trouve né à né face à La Petite Géante ! Une émotion
immense le traverse alors ! Il est totalement surpris par ce
phénomène qui le bouleverse de toute routine et qu’il ne
s’attendait certainement pas à croiser sur sa route. Il est
également étonné de voir ce géant de dix mètres marcher
devant lui : mais qu’est donc cette étrange chose, une
machine, un pantin ? Pourquoi est-elle ici ? Qui est à l’origine
de tout cela ? Tout un tas de questions s’imposent à lui. Et
pour couronner le tout, il est en même temps admiratif par la
grandeur et la beauté de cet objet si on peut le nommer ainsi !
“Plonge dans
faisons-nous face à quelque chose qui nous dépasse
totalement à tel point que nous ne savons pas à quoi cela
ressemble ? Il y a deux grands cas. Celui de la découverte et
l’étonnement et la
celui de la création.
La découverte, nouveauté venant vers l’homme. Lors de
la découverte, la nouveauté est la source de l’étonnement.
stupéfaction sans
En décortiquant le verbe “découvrir”, nous voyons tout de
suite qu’il vient du mot “couvrir”. Ce mot signifie cacher en
mettant quelque chose dessus. En faisant le parallèle avec
être sans limites, est la révélation de ce qui existe déjà que nous n’avons pas
eu l’occasion de voir ou de vivre. Nous pouvons prendre
pour exemple un voyageur allant pour la première fois à la
infiniment.”
du français,
des œuvres d’art. Larousse, 2007
connaissance
38
... dont les réponses forgent notre
connaissance.
connaissance
nouveauté
41
La nouveauté classée est nommée. La compréhension de
certains phénomènes nous amène quelques fois à les classer
parmi d’autres phénomènes connus. Cependant certaines
choses ne trouvent pas de frère parmi ce qui existe. Dans ce
cas, nous nous sentons obligés de leur créer un nom, soit
nouveau en lui même soit en mélangeant des noms connus.
Cet effet est extrêmement présent dans l’art. L’art donne
naissance à des nouvelles catégories de choses tout le
temps, or il nous faut les nommer. C’est pourquoi les artistes
créent des noms spécifiques à leurs oeuvres, voire leur
courant ! Par exemple certains groupes, se disant en marge
de ce qu’il se fait, s’inventent des genres comme le “métal
brutal” ou le “rock symphonique” etc...
Un étonnement infini. Enfin, on peut se demander :
finalement, combien de temps peut durer l’étonnement lui
Il n’y a point de
L’étonnement est le moment où l’on fait face à la limite de
connaissance innée, par
la raison qu’il n’y a point
nos connaissances et donc à notre ignorance. Il est le
dépassement de l’homme vers ce qu’il n’a jamais été. Ce
connaissance aquise
42
l’étonnement au
quotidien
Pourquoi
s’étonner ?
la découverte
46
l’apprentissage, dans un domaine déterminé. Comme par ça extrêmement désagréable.
exemple l’artisanat, savoir nager, etc. L’échelle du groupe. C’est la connaissance partagée du
La langue est la faculté que les hommes possèdent d’exprimer groupe qui forme sa structure et assure sa survie. Cet effet est
leur pensée et de communiquer entre eux au moyen d’un très marquant dans les sociétés primitives où la connaissance
système de signes conventionnels vocaux et/ou graphiques partagée par tous permettait non seulement la survie du
constituant une langue. Par ailleurs les langues, quelle que groupe et également son évolution. Cette connaissance
soit leur forme d’expression, sont rarement neutre. Une langue commune se constitue comme un ensemble de pratiques,
contient souvent, de manière intrinsèque, une manière de de comportements et de règles admises par la communauté.
penser. C’est pourquoi par exemple, quand nous apprenons Par exemple la pratique de la chasse collective suppose à
une autre langue il est toujours utile d’aller dans le pays dans la fois la connaissance de ses congénères, celle du gibier,
lequel elle est utilisée, cela nous permet de comprendre la celle du terrain et celle d’un savoir-faire partagé. Il en va de
culture et la signification qui y est rattachée. même aujourd’hui avec une société qui est de plus en plus
Les traditions sont des actions, façon de transmettre un savoir, complexe.
abstrait ou concret, de génération en génération par la parole, En même temps, le fait de partager des connaissances et
par l’écrit ou par l’exemple. de découvrir les autres et leur environnement permettent de
Les légendes correspondent à des écrits à caractère comprendre les différences et d’effacer les préjugés pouvant
merveilleux, ayant parfois pour thème des faits et des exister entre chacun. C’est en comprenant les autres et leur
événements plus ou moins historiques mais dont la réalité environnement que l’on peut communiquer avec eux et
a été déformée et amplifiée par l’imagination populaire ou avancer. Par ailleurs, partager des connaissances c’est aussi
littéraire. Un grand nombre de cultures, si ce n’est toutes sont
basées sur ces légendes ou en font au moins référence.
Les coutumes qui sont des droits, non-écrits ou codifiés
tardivement, propre à un peuple puis à un groupe social et
formé par un ensemble de règles.
Les idées qui correspondent à ce que chaque esprit
conçoit ou peut concevoir. Avoir des idées est une grande
caractéristique de l’homme.
Les connaissances d’une société ou de l’humanité qui
correspondent à ce que nous avons découvert auparavant,
comme savoir à quoi sert un manteau ou que l’eau éteint le
feu.
Comprendre l’environnement. La transmission et
l’acquisition de ces connaissances permet de comprendre
l’environnement dans lequel nous sommes. Ce qui est
impératif pour se sentir bien et être en harmonie avec ce qui
nous entoure. Permettez moi de prendre pour exemple une
expérience personnelle. Lorsque j’ai vécu à Singapour, tout
m’était étranger, depuis la culture locale jusqu’aux gens que
je côtoyais en passant par le lieu dans lequel je vivais. Ce
sont dans ces moments, où je n’avais aucun repère, où je me
sentais déstabilise. Je prenais conscience de l’importance
de comprendre et de connaître l’environnement dans lequel
on vit. Cette idée s’est confirmée avec le temps passé dans
ce pays asiatique. En effet, plus je rencontrais des gens,
plus j’échangeais avec eux, plus j’essayais de nouvelles
choses et plus je comprenais la culture et le lieu dans lequel
je me trouvais. Je m’y sentais alors de mieux en mieux. Il en
va souvent de même, quand on arrive dans un groupe de
personnes dans lequel chacun se connait bien alors que l’on
ne connait personne. Nous ne trouvons plus nos repères.
plat Asiatique
Certains aiment ça, d’autres trouvent
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les valoriser. Les valoriser en leur permettant de rester en vie,
et les valoriser en les utilisant comme base pour évoluer.
Découvrir ne veut pas dire devenir. Il est, je pense,
important de poser des nuances en ce qui concerne la
découverte. Car, si celle-ci permet la stabilité et l’évolution,
il ne faut pas confondre découvrir et devenir. Je m’explique.
Aujourd’hui, la mondialisation fait que nous connaissons
beaucoup de choses sur les autres. Si l’on prend l’exemple
de l’Europe et de l’Amérique du Nord, nous pouvons voir que
nous sommes de plus en plus proches et que nous nous
connaissons de plus en plus. L’effet qui me semble néfaste
correspond au fait que nous tendons à être tous pareil. On
peut prendre pour exemple les styles vestimentaires des
jeunes en France et de ces mêmes jeunes américains. Le
style Singapourien n’est pas non plus bien loin si ce n’est
exactement le même ! D’ailleurs, il en va de plus en plus de
même pour quelques pays d’Asie dans lesquels certaines
jeunes filles se font agrandir les yeux pour ressembler aux
Occidentaux. Nous avons la chance d’avoir une planète
couverte par de nombreuses cultures différentes qui en font
toute la richesse. Je suis convaincu qu’il est extrêmement
important de garder ce trésor. C’est en ce sens que je pense
qu’il faut découvrir l’autre sans le devenir.
Partager et découvrir n’importe quoi ? L’autre point qui
me parait important d’avancer pour nuancer ce qui a été
dit auparavant concerne la qualité de l’information. En effet,
aujourd’hui et, notamment depuis la création et la montée
en puissance des TIC (Technologies de l’Information et de
la Communication), nous avons tendance à communiquer
pour communiquer. C’est ce que l’on peut appeler “société
de l’information”. Charles Leadbeater nous fait prendre
conscience qu’aujourd’hui nous n’existons plus par ce que
nous possédons mais par ce que nous partageons. Ce
qui explique pourquoi certains partagent pour partager.
Nous pouvons prendre l’exemple du dictionnaire participatif
Wikipedia au sein duquel la validité des informations peut être
remis en cause. Sommes-nous prêts à découvrir n’importe
quoi, y compris ce qui est faux ? Quelles sont les limites de la
découverte ? Est-ce que quelqu’un doit les fixer ? A quel point
doit-on favoriser la diffusion ? Et la diffusion de quoi ? Pour
qui ? Je laisse ces questions en suspend, pour le moment.
Nous y reviendrons dans la dernière partie de ce mémoire.
51
la création
52
Capacité à trouver des solutions orginiales. Une autre
approche plus pragmatique de la créativité peut être
considérée comme la capacité d’apporter ou de faire trouver
des solutions originales aux problèmes d’adaptation auxquels
chaque être humain est confronté. Selon la vision classique
de la créativité fondée par Guilford (1956) sur le principe
dichotomique, la démarche créative commence par la
reconnaissance d’un problème. Pour être plus descriptif, le
processus créatif commence par l’identification d’un problème
précis, puis utilisant celui-ci comme point de départ, puis
par la phase de divergence et enfin celle de convergence
aboutissant à la solution nouvelle.
54
“Peindre, composer, écrire
: me parcourir. Là est
l’aventure d’être en vie.”
Henry Michaux | Passage | 1950 | écrivain
Volonté de transformer ou de modifier le monde. Une
analyse des définitions de la créativité fait apparaître un L’étonnement est une machinerie actionnée lors de la
facteur général de créativité : la volonté ou l’intention de découverte et de la création. Ces deux manières de s’étonner
modifier ou de transformer son environnement, le monde, la sont, dans certaines limites, bénéfiques pour le groupe
perception que les autres en ont, son propre monde intérieur, et avant tout pour l’homme. On peut donc se demander,
etc. Cette analyse est confirmée empiriquement par la chacun s’étonne-t-il ? Y a-t-il une recette pour s’étonner ? Pour
primauté donnée à la motivation dans la plupart des études comprendre cela, observons quelques attitudes et leurs effets.
faites sur le processus créatif en particulier celles de Teresa
Amabile. D’après elle, la créativité n’est alors pas alors du
ressort des sciences cognitives mais des sciences conatives.
C’est à dire ce qui a rapport à un effort, une tendance, une
volonté, une impulsion dirigée vers un passage à l’action.
La création comme dépassement de soi. La création
n’est pas du ressort de la survie de l’individu mais du défi
de soi, de la recherche d’un idéal et d’une volonté de voir
jusqu’où il est capable d’aller. La création peut également
être une volonté de développer son imagination comme être
le résultat d’une insatisfaction et d’une volonté avouée ou non
de modifier l’environnement dans lequel nous sommes. Henry
Michaux disait que l’écriture lui permet de se parcourir pour
se dépasser. Il faut se connaître pour évoluer et aller plus
loin. Par ailleurs la création multipliée par différents individus
entraine une attitude très humaine qui est la comparaison.
Ce qui est, je pense, un facteur clé d’évolution positive qui
nous pousse à aller chercher le meilleur de nous même pour
toujours aller plus loin et se dépasser. On en vient donc à
vouloir creuser l’intérêt de la création à l’échelle du groupe.
Evoluer avec son monde. La création pour le groupe permet
de mettre à disposition de nouveaux choix et solutions dans
un monde qui change, ce qui est nécessaire à notre survie et
notre confort. L’homme doit s’adapter à son environnement qui
est en perpétuelle évolution. La nouveauté est également ce
qui enrichit nos cultures. L’homme évolue, ses cultures avec,
c’est ce qui fait la beauté de notre espèce.
La créativité a des limites. Ce qui va suivre n’est pas, encore
une fois, une vérité absolue, seulement un point de vue que
je trouve important de partager pour comprendre la suite
de cette étude. J’ai parlé des intérêts de la création pour
l’individu et le groupe. Que se passe-t-il si tout le monde se
met à créer ? Créer n’importe quoi. Nous voyons aujourd’hui
que la société de consommation incite à la naissance d’objets
dont l’intérêt et la qualité son critiquables. Je pense qu’il est
important de nuancer deux choses. D’une part il y a le fait de
créer, utile ou non, de qualité ou non, etc. Cela est subjectif.
D’une autre part il y a la notion de partage. Je pense que
l’on peut créer n’importe quoi, tant que nous sommes dans
un cadre qui est adapté à cela et qui ne nuit pas à autrui.
Cependant je ne pense pas que l’on puisse partager n’importe
quoi avec n’importe qui. Il faut faire, je pense, très attention
au cadre dans lequel nous créons et partageons pour ne pas
faire aller nos intentions à l’encontre de nos volontés et pire
encore, de nos valeurs.
58
Une attitude...
l’imperméable
l’entrepreneur
62 63
sur la véracité de ces explications. Ce qui va inciter les l’attentiste
entrepreneurs de l’étonnement à aller chercher plus loin et
à provoquer cet étonnement. Cette attitude est typiquement
exploitée par les philosophes. L’attentiste est l’état de celui qui attend que la nouveauté
Se laisser surprendre par la nouveauté. On peut vienne à lui. L’attentiste peut avoir un avis positif vis à vis de
simplement aimer la surprise. J’entends par là que l’étonnement. Sa principale caractéristique est qu’il ne fait
l’entrepreneur de l’étonnement est prédisposé à accepter rien pour aller à la rencontre de la nouveauté. Il est souvent
la nouveauté. Il la cherche même quelques fois et tente de qualifié de fainéant ou de passif. En fait, il va même parfois
deviner où elle peut être et sous quelle forme. L’étonnement jusqu’à repousser l’expérience étonnante. L’attentiste est
est d’autant plus grand quand la nouveauté n’a pas la forme souvent celui qui “aime bien l’idée de”. Prenons l’exemple de
que l’on avait prévue ! On en revient à la combinaison celui qui aime l’idée d’aller faire du saut à l’élastique depuis
étonnement - surprise. un pont. Rien que l’idée le fascine ! Et c’est bien le problème !
Il reste en général fasciné par l’idée sans aller beaucoup
Prendre conscience de ses lacunes est également un plus loin. Ensuite, il faut tout faire pour lui : réserver la journée
facteur moteur vers l’étonnement. Certaines personnes aiment pour faire l’activité, préparer les affaires, le conduire
voir la limite de leurs connaissances pour tâcher de les jusqu’au spot, voire même le pousser
combler. Cela se rapporte à une sorte de quête de la vérité. du pont !
Chaque nouveauté est une opportunité. L’opportunité de Evidemment il y a différents types
découvrir dans leur environnement ou en eux autre chose, d’attentistes et différents degrés. Certains
quelque chose de nouveau. Contrairement à l’imperméable, seront attentistes envers toutes les étapes
l’entrepreneur voit également les “mauvaises” découvertes qui pourraient les mener à l’étonnement
comme des opportunités. Soit comme une chance de d’autres seulement les premières ou les
découvrir un peu plus de possibilités permises par le monde, dernières et d’autres encore pourraient
soit comme un tremplin vers autre chose ! prendre des initiatives dans quelques étapes
qui correspondent à leurs affinités mais pas
Dans tous les cas la raison consciente ou inconsciente de la les autres !
recherche de l’étonnement est la connaissance : combler son
vide en accumulant de la connaissance.
64 65
Ne pas savoir comment faire. Il y a déjà celui qui ne sait pas Le taux d’étonnement d’un attentiste dépend donc de
comment s’y prendre. Il a des idées ou des envies, que l’on l’environnement dans lequel il se situe. Si l’environnement est
peut appeler “objectifs”, mais il ne sait pas quels outils utiliser sujet d’étonnement alors il est plutôt facilement étonné. Dans le
et comment les utiliser pour atteindre ses objectifs. cas contraire, il ne fait rien pour aller chercher cet étonnement.
Ne pas savoir quoi faire. Pour un autre, le problème est Qu’en est-il aujourd’hui du monde dans lequel nous vivons ?
avant cela, il ne sait pas ce qu’il veut, autrement dit, il ne Est-il sujet à l’étonnement ? A quel point est-il facile de
connait pas son objectif et ne sait donc pas quel chemin s’étonner ?
prendre.
Etre fainéant. Il y a également ceux qui sont simplement
fainéants, ils savent ce qu’ils veulent et comment s’y prendre
mais ne veulent simplement pas le faire.
L’équilibre peur et envie. Et enfin il y a ceux qui sont tiraillés
par la volonté de rencontrer la nouveauté et par la peur de ce
qu’elle peut leur apporter de néfaste. C’est ce tiraillement d’un
côté et de l’autre qui va les stabiliser dans un état d’attente.
Encore une fois, tout est question de proportion.
66
... responsable d’un
mode de vie.
la société de consommation
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Innovation facteur de révolution industrielle. En effet le met en place le travail à la chaine. La mise en place de
progrès technologique donne lieu à la révolution industrielle. convoyeurs déplaçant automatiquement les produits impose la
Ces avancées technologiques donnent lieu à un rendement cadance et la parcellisation des activités. La dernière grande
agricole de plus en plus important et efficace. En même idée de Henri Ford est la standardisation. La Ford T sera en
temps les mouvements d’enclosure, mise en clôture des effet produite en une seule version, noire avec un équipement
terres agricoles par les landlords, entamés au XVe, marquent unique, ce qui permet d’éviter les imprévus et d’augmenter
une rupture avec le système traditionnel de l’openfield, d’autant plus la productivité.
synonyme de profits collectifs. Les enclosures, permettent Cet exemple absolument significatif du XIXeme siècle
le remembrement agricole, l’application de nouvelles nous montre comment nous sommes arrivés extrêmement
techniques et l’accroissement de la production de manière rapidement à une standardisation de l’offre. Nous comprenons
significative. Pour Karl Marx le mouvement d’enclosure est facilement que cette standardisation est cause d’ennui. En
à l’origine du départ des paysans sans terre vers les villes effet nous avons vu un peu plus tôt que le fait de voir ce que
dans lesquelles ils deviendront les premiers ouvriers de la nous avons déjà vu est facteur d’ennui. Hors la standardisation
révolution industrielle. En effet, les enclosures privent nombre va tout à fait dans cette direction.
de ces petits paysans de leur moyen de subsistance, à
savoir la culture des biens communaux. C’est le “ triomphe
de l’individualisme agraire ”, d’après l’expression de l’historien
Marc Bloch.
Un accroissement démographique. Le progrès est
un renforcement sociétal
également mis clairement à profit au niveau médical. Un
grand nombre de solutions médicales sont développées et La publicité accentue l’ennui. Son objectif est, implicitement,
donnent lieu à une croissance démographique significative. de nous dicter ce que nous voulons. En voyant à la télévision
La transition démographique correspond à une période de ou sur des affiches les produits disponibles nous n’avons
déséquilibre entre les taux de natalité et les taux de mortalité. plus la curiosité de chercher et d’aller découvrir. Aujourd’hui
Avant que ne débute la transition démographique, le régime nous avons simplement envie de ce que nos voisin ont.
démographique traditionnel est celui d’une natalité et d’une Cet engrenage a des effets directs sur la société et son
mortalité fortes qui se compensent. comportement.
Ce changement démographique implique une conséquence La société à bout de souffle. Un des premiers effets de
simple : la demande est plus forte. Certains protagonistes de cette société de consommation est que nous n’avons plus
l’époque vont alors savoir prendre les devants et s’adapter aux d’envies. Ou, autrement dit, que nos envies nous sont dictées
nouvelles conditions. par ce que nous voyons soit chez les autres, soit au travers
Taylorsime et fordisme comme réponse à une demande de la publicité. Tous les prétextes sont bons pour nous faire
grandissante. Frederick Winslow Taylor et Henri Ford, vont acheter. D’un côté, certains achètent aveuglément, dictés par
trouver le moyen d’adapter leur méthodes de production pour des besoins qu’ils ne maîtrisent pas. D’un autre côté, Charlotte
améliorer le rendement dans l’industrie automobile. et Peter Field parlent du “stacking stuffer syndrom” qui
Taylor permet aux ateliers d’être organisés de façon à diminuer correspond à l’achat compulsif de choses inutiles. Ces objets
la fatigue de l’ouvrier. Il met en place une division horizontale ne sont d’ailleurs, précisent-ils, ni voulus ni ressentis comme
et verticale du travail, supprime l’organisation sociale du travail manque par ces acheteurs. Les consommateurs semblent
en l’ordonnant par métier, et en fragmentant les tâches. Cela donc perdus, chacun fait un peu n’importe quoi pour essayer
a pour effet d’augmenter les cadences de production tout en de survivre et prouver qu’il existe. Situation bien triste à mon
augmentant la productivité homme machine. avis. Charlotte et Peter
Field, Design
Pour accentuer cette marche vers l’efficacité, Henri Ford Now, Taschen,
2007
met en place le travail à la chaine. La mise en place de
convoyeurs déplaçant automatiquement les produits impose la
cadence et la parcellisation des activités. La dernière grande
idée de Henri Ford est la standardisation. La Ford T sera en
effet produite en une seule version, noire avec un équipement
unique, ce qui permet d’éviter les imprévus et d’augmenter
d’autant plus la productivité.
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tat
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trop d
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un cercle vicieux
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la solution est
en vous
l’utilisateur, un
Nous avons vu précédemment le rôle essentiel de l’environnement
dans le processus d’étonnement. Si certaines personnes sont
actifs vers l’étonnement, d’autres ont besoin d’un cadre qui leur
donne accès facilement à cet état. Y a-t-il donc des exemples
dans lesquels l’étonnement est suscité, ou tout du moins, facilité acteur participant
?
l’importance de l’individu
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d’opérateurs et de cadres regroupés autour des activités de comment y aller, d’autres ont plus de mal à le savoir. Et enfin
kaizen, qui couvre les questions de qualité, de maintenance, certains ont des points de vues extrêmement critiques que l’on
de sécurité, de prix de revient, etc. On voit donc que cette pourrait qualifier d’autosuffisant, alors que d’autres ont besoin
technique est le résultat de la prise de conscience de la de suivre ces prêcheurs d’idées.
valeur de chacun. Chaque individu a des connaissances et Participation active. Si hier la consommation passive
des points de vues sur certaines questions. L’objectif de ces nous plongeait dans une routine ennuyante, l’heure est au
cercles est de mettre à profit les capacités de chacun pour changement. Nous devons prendre conscience, comme avait
le bien de l’entreprise. L’individu se sent donc valorisé, est commencé à le faire Taiichi Ohno, des capacités de l’homme
plus motivé et participe à l’amélioration de son poste ce qui et les intégrer dans les processus de conception de produit.
lui donne envie de rester dans l’entreprise et lui procure un L'étonnement, si il est vu sous l'angle de la créativité, peut être
certain plaisir. un formidable outil pour créer ce que nous n'avons pas ! Si
Des hommes pas comme les autres. Il est évident que certains sont prêts à participer activement au processus de
certains hommes se démarquent des autres. Je propose de conception en s'étonnant, profitons-en !
prendre le cas de trois d’entre eux.
Nicolas Copernic (1473 - 1543) était un chanoine, médecin
et astronome polonais. Il est l’auteur célèbre de la théorie
selon laquelle le Soleil se trouve au centre de l’Univers
(héliocentrisme) et la Terre, que l’on croyait auparavant
centrale, tourne autour de lui. Les conséquences de cette
théorie, dans le changement profond des points de vue
scientifique, philosophique et social qu’elle imposa, sont
parfois baptisées révolution copernicienne.
Leonardo Da Vinci (1452 - 1519) est un peintre florentin et
un homme d’esprit universel, à la fois artiste, scientifique,
ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, sculpteur, architecte,
urbaniste, botaniste, musicien, poète, philosophe et écrivain.
Je tiens simplement à prendre pour exemple et rappeler que
comme ingénieur et inventeur, Léonardo développe des idées
très en avance sur son temps, depuis l’hélicoptère, le char de
combat, le sous-marin jusqu’à l’automobile.
Steve Jobs (né en 1955) est cofondateur d’Apple. Considéré
comme l’un des pionniers de la micro-informatique pour
avoir introduit l’ordinateur dans les foyers. Cette idée mènera
à la commercialisation par la société Apple Computer du
Macintosh, le premier ordinateur grand public profitant de ces
innovations.
Une vision. Quel est le point commun de tous ces
Hommes ? Qu’est ce qui les a démarqué du lot ? Avant d’être
persévérant, d’avoir une intelligence dépassant la moyenne
ou d’avoir un talent inné, ils ont surtout une vision. Le point
commun de tous ces hommes tourne autour d’un point de
vue engagé sur les domaines qui les intéressent. Ces points
de vus vont souvent jusqu’à remettre en cause l’opinion
générale comme par exemple Nicolas Copernic qui défend
l’héliocentrisme contre le géocentrisme ou Steve Jobs qui
défend que l’ordinateur peut trouver son utilité dans chaque Lisa | Apple
famille et non pas se cantonner à quelques trente entreprises
dans le monde.
Si chacun a des idées et des connaissances, et si chacun
est créatif, il n’empêche que l’on peut distinguer différents
caractères. Certains savent où ils vont, d’autres ont beaucoup
plus de mal à le déterminer. De même si certains savent
84 85
l’utilisateur a besoin
d’un cadre
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faisons en sorte de maximiser les libertés individuelles. En
effet la liberté est bonne pour soi car elle permet à chacun
de faire les choix qu’il estime bon pour son bien-être.
Personne ne décide à ma place. Il faut donc pour suivre
cette logique mettre à disposition un maximum de choix.
Nous pouvons prendre pour exemple les supermarchés, les
magasins d’électronique ou encore les téléphones portables.
Notre identité est donc devenue un problème de choix : on
décide de ce que nous voulons être. Nos journées sont une
succession de prise de décision : “devrai-je faire telle chose
ou telle autre chose, devrai-je répondre au téléphone, etc.”
L’abondance de choix a des effets néfastes. Barry Schwart
nous propose de prendre la question des choix dans l’autre
sens. Quelles sont les effets de cette abondance de choix ?
La paralysie.
J’ai travaillé pour une entreprise dans son département
design. Il se trouve que nous recevions énormément de
portfolios tous les jours. La réaction de chaque designer était
toujours la même : “Ho ! Ca fait beaucoup de portfolios, je ne
sais pas par lequel commencer ! On verra ça demain !” En
effet l’abondance de choix provoque d’une part la paralysie,
on ne sait pas quoi faire ou par quoi commencer. D’autre part
cette paralysie se transfert en une prise de décision qui est
toujours la même : on repousse à demain. Or chacun sait que
demain, on repoussera à demain et qu’au final, demain ne
vient jamais !
Insatisfaction.
Le fait de choisir parmi plein d’options nous rend moins
satisfait que s’il y en avait eues peu. Prenons un exemple. Je
veux acheter un jean. Je me rends donc dans un magasin
qui, en l’occurrence, en propose une cinquantaine. Je choisis
celui qui, je pense, me correspond. Si après quelques jours je
prends conscience que mon article ne me va pas si bien que
cela, il est facile d’imaginer qu’un des quarante neuf autres
jeans m’aurait convenu beaucoup mieux ! En plus de cela je
ne vais faire que penser aux quarante neuf autres choix que je
n’ai pas fait au lieu de prendre plaisir au choix que j’ai fait !
Escalade des attentes.
Reprenons l’exemple du jean, qui, je l’avoue, fonctionne
d’autant mieux sur les hommes. Admettons que je rentre dans
le magasin avec comme seule attente de trouver un jean.
A chaque fois que j’essaye un nouveau jean, mes attentes
montent. J’aime la coupe de celui-ci, avec les poches de
celui-là et la couleur de celui-ci, etc. A coup sûr je ne serai
pas content de mon choix final qui ne pourra pas satisfaire
toutes les attentes que je me suis construites au fur et à
mesure de mes essais.
On se blâme.
Si dans un cas A j’ai trois choix. Un ne me plaît pas, le
deuxième ne me va pas, je prends le troisième. Admettons
que je ne sois pas totalement satisfait de mon choix. Qui
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vais-je blâmer ? Et bien le monde, la terre entière, le magasin, faire du design c'est prendre position
etc. Maintenant je prends le cas B dans lequel j’ai un grand
nombre de choix. Si je ne suis pas satisfait de ma décision la
seule chose que je peux blâmer c’est moi même ! “Qui m’a Qu'est ce que le design ? Vaste question à laquelle
forcé à faire CE choix alors qu’il y en avait tant d’autres ? Je beaucoup ont tendance à ne pas savoir répondre ! Je pense
suis vraiment trop nul !” Je pense que le fait de se rabaisser que ce qui n'aide pas c'est le fait que la définition varie en
est l’une des pires chose que l’on peut se faire. fonction de la façon dont on pratique notre discipline. Je vais
Il est rare que nous soyons tout le temps content. Certains donc décrire ma vision du design, qui n'est aucunement une
arrivent à relativiser, d’autres comparent tout. Il est en tous les règle générale.
cas très difficile d’évoluer dans un monde dans lequel nous Le design est avant tout une approche. Le design est
avons tant de choix. Nous avons donc besoin d’un cadre de un processus dans lequel l'Homme en est le cœur. C'est
choix. cet Homme qui constitue les grands arguments dans les
Revenons plus spécifiquement sur la création. Je souhaite décisions de design. C'est pour ces raisons que le design
aborder un point qui va dans le sens de ce qui a été dit utilise l'étude de scénarios d'usage dans son processus. Le
précédemment. Certaines personnes aiment créer, certaines design propose comme finalité des usages rendus possibles
personnes veulent faire partie du processus de création. grâce à la création de produits ou de services.
Nous avons vu qu’il est satisfaisant, en voyant le résultat de la En tant que designer, il faut donc prendre en compte
création, de se dire que nous sommes en partie responsable l'implication que peut avoir ce que l'on crée sur le quotidien
de cette œuvre. Cependant, un point est important à des utilisateurs. Car si le processus de design commence par
introduire. La majorité des gens aime l’idée de faire partie l'étude d'usages, il faut s'assurer que les usages générés par
de la création et en même temps ne veut pas trop en faire ni les produits ou services mis en place sont en accord avec ce
y mettre trop d’énergie. Si on laisse trop de champ pour la qui a été je crois. Et pour aller plus loin il faut s'assurer qu'ils
prise de décision, la personne concernée va être perdue et ne créent pas des effets secondaires non attendus.
s’épuiser. En design, nous le ressentons complètement, les
contraintes sont toujours génératrices d’idées. Un sujet trop Une méthode bien maîtrisée. Le principe de consommation
vaste est toujours déstabilisant et demande, pour pouvoir y passive rend la chose plutôt simple. Un bon designer
répondre sans grande difficulté, beaucoup de culture et un conçoit un objet que son entreprise met sur le marché. Le
point de vue marqués. consommateur achète cet objet et l'utilise dans le cadre de
ce que cet objet lui permet de faire. Plaçons nous maintenant
dans le cadre d'une participation active d'un utilisateur. Les
objets ne sont plus entièrement conçus par les designers de
l'entreprise mais également par les utilisateurs. Cela implique
une marge de manœuvre plus grande. Faut-il, en tant que
designer, contrôler ce que font les utilisateurs ? Si oui dans
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quelles limites ? la notion de système
Plus que jamais, faire du design c'est faire des choix.
En tant que designer je sais que je ne peux pas plaire à tout
le monde et je sais également que ce que je vais créer ne Un système est un ensemble d'éléments interagissant entre
plaira pas à tout le monde. Un autre point tout aussi important eux selon un certain nombre de principes et de règles. Un
est ce que je suis en tant qu'individu. Depuis plus de deux système est donc borné par des limites qui le séparent de
décennies je vis tout un tas d'expériences, j'apprends son environnement. Pour mieux comprendre le système il faut
beaucoup de choses. Depuis que j'étudie ce qu'est le design connaître ses trois concepts fondamentaux.
j'ai acquis des valeurs qui tournent notamment autour des L'interaction est une causalité non linéaire, une forme
objets et de leur signification. Il est pour moi important que d’intéracation est la rétroaction (feed-back) dont l’étude est au
les valeurs que j'ai accumulées se retrouvent dans mes objets centre des travaux de la cybernétique.
pour deux raisons. La première raison est que je pense que
vivre dans un univers dans lequel chaque objet est porteur de La totalité d'un système est d’abord un ensemble d’éléments,
sens et de valeurs permet de développer ses propres sens et mais il ne s’y réduit pas : le tout est plus que la somme des
ses propres valeurs. La deuxième raison est que je ne conçois parties.
pas de créer des objets qui ne sont pas en accord avec moi L'organisation est l'agencement de la totalité, sur la base
même. Pour la raison que je viens d'évoquer et parce que je d’une répartition hiérarchique. Les propriétés d’une totalité
me sentirai mal. dépendent moins de la nature et du nombre d’éléments qu’ils
En tant que designer je dois donc prendre position. Quitte contiennent que des relations qui s’instaurent entre eux.
à ne pas plaire à tout le monde, autant être en accord avec Exemple : les cerveaux humains possèdent tous à peu près
moi même. Ces phrases ont donc un impact important dans le même nombre de neurones, mais ce qui va décider des
un système dans lequel on ne parle plus de consommation différentes aptitudes, c’est la nature et le nombre de relations
passive mais de participation active. En effet si je crée entre eux dans telle ou telle aire. On peut dire que, en
un produit ou un service permettant aux utilisateurs de s’organisant, une totalité se structure (une structure est donc
participer d'une manière ou d'une autre dans une réalisation une totalité organisée).
quelconque, il est important pour moi que ceux-ci n'aillent pas Trois types de systèmes. Si les systèmes fonctionnement
à l'encontre de mes valeurs. tous avec ces mêmes principes, il existe différents types
Le design a des implications. La participation active de système et plus précisément différentes ouvertures de
implique que quelqu'un, ou un groupe de personnes système.
construise un élément A. Cet élément A sera ensuite utilisé Système fermé. La particularité du système fermé est qu'il
pour créer un élément B. Et on peut continuer comme cela. n'interagît pas avec son environnement. Ses limites sont
Un point est alors à mettre en évidence. définies. Aucun élément ne peut ni y entrer ni en sortir. Ces
Si je ne conçois pas de mettre entre les mains d'utilisateurs systèmes jouissent d'une grande autonomie. Cependant il
des produits qui vont à l'encontre de mes valeurs, je conçois est important de comprendre que presqu'aucun système
encore moins de mettre entre les mains d'utilisateurs des n'est fermé comme la théorie le laisse paraître. Presque
produits ou services qui leur permettent de créer des choses tous les systèmes font au moins interagir un élément avec
qui vont à l'encontre de mes valeurs. Le cas est encore plus leur environnement. Par exemple, en thermodynamique, un
extrème si ces dernières création sont partagées. système fermé est celui qui échange uniquement de l'énergie
Il ne s'agit donc pas de tout contrôler ou d'imposer quoi avec son environnement. Il n'est donc pas totalement fermé.
que ce soit. Il s'agit simplement d'avoir un point de vue, de Une autre caractéristique du système fermé est le nombre de
l'appliquer et de le mettre au service du design. Comment possibilité qu'il offre. Un bon exemple de système fermé allant
alors créer quelque chose permettant de générer de dans ce sens est Playmobil. Une fois le jouet acheté, on ne
l'étonnement et de la créativité dans un cadre respectant mes peut rien modifier, on peut simplement ouvrir les portes de la
valeurs ? voiture ou changer les cheveux d'un personnage, rien de plus.
Le reste se passe au niveau de l'imagination.
Système ouvert. Par opposition à un système fermé, celui-ci
permet un maximum d'interaction avec son environnement.
Il peut également avoir un maximum de possibilités en lui.
Prenons l'exemple de la pate à modeler. Celle-ci, étant mole,
propose des possibilités infinies de formes. En même temps,
elle peut interagir grandement avec son environnement en se
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collant sur des vitres par exemple ou en entourant un stylo. l'exemple du système SDK de Apple. Ce système permet
Système semi-ouvert. Enfin il y a des systèmes hybrides. à qui le souhaite de créer des applications pour l'iPhone. Il
Ceux-ci sont des systèmes ouverts comprenant une des contient les trois logiciels qu'utilisent les développeurs de
règles tout en laissant une grande part de possibilités en la marque d'ordinateur. Chacun est donc libre de créer ce
terme d'interaction interne et avec l'environnement. On peut qu'il souhaite. En même temps ces logiciels imposent des
prendre pour exemple Légo. En jouant aux Légos on peut contraintes. Par exemple les possibilités de gestuels liées à
penser que les possibilités sont infinies alors qu'en théorie ce la navigation sont imposées par la marque. En effet Apple
n'est pas le cas. Pour jouer à ce jeu il faut accepter une règle considère que la navigation fait partie de ses valeurs et de son
simple : deux pièces s'emboitent selon une technique précise savoir faire, la réinvention d'une façon de naviguer sur l'iPhone
imposée par le système lui même. Cependant toutes les est donc limitée par le système lui-même.
pièces s'emboitant entre elles et étant tellement nombreuses,
on pense que les possibilités sont infinies. De plus certaines
pièces comme des ventouses permettent au jeu d'interagir
avec son environnement.
Le pirate. Le pirate est quelqu'un de très intéressant car
il repousse les limites du possible d'un système. Pour se
faire il pirate le système en l'ouvrant plus qu'il ne l'est ou en
ajoutant des éléments à un système qui normalement ne
le permet pas. Le principal inconvénient, du point de vue
du système lui-même, est qu'il va permettre au système de
générer des résultats qui peuvent être contraires aux règles
voulues par son concepteur. En même temps l'intérêt est
qu'il peut permettre au système de générer des choses dont
le concepteur n'aurait pas perçu le potentiel et qui peuvent
s'avérer extrêmement intéressantes. Le skate est le résultat
d'un piratage de boîte de bois et d'un chariot. Les roues du
chariot n'ont certainement pas été prévues pour se positionner
sur un morceau de boîte en bois !
100 101
Un grand merci à tout ceux qui m’ont soutenu et aidé de
près ou de loin dans l’aboutissement de ces cinq années
d’études et dans la réalisation de ce mémoire,
merci à l'ensemble de l'équipe de suivi ainsi qu'à
David l'Hôte,
merci à Alexandra, Olivia, Valentin, Quentin,
Hippolyte, Yann, Salim, Baptiste et tous ceux
qui ont passé des heures à brainstormer,
remettre en cause, écouter et partager
sur mon sujet,
merci à Victor et Thomas pour avoir
brainstormé dans un univers qui n'est
pas le leur,
merci à Habib de m'avoir fait
livres www.crntl.fr
www.thesaurus.reference.com
Apprenez à votre enfant à réfléchir, John Langrehr www.visualthesaurus.com
Bulletin des médecins suisses, Bruno Kesseli http://vpnl.stanford.edu/
La créativité de l'agir, Hans Joas, Cerf, 1999, p.306 www.wikipedia.org
Essais Phylosophiques, Adam Smith, Coda, 2006 http://littexpress.over-blog.net/
L’étonnement philosophique : une histoire de la philosophie, www.dicopsy.com/
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Arthur Bodolec, 2009
www.arthurdesign.fr | arthur.bodolec@gmail.com