Professional Documents
Culture Documents
6 452
La révolution
132
INFORMATIONS
INFORMATIONS
OUVRIÈRES
abonnés reçoivent
nouvelle série
ce numéro.
Et vous ?
Semaine du
OUVRIÈRES
N0 (2526)
20 au 26 janvier 2011
1,5 euro (soutien 2 euros) (page 16)
a commencé
ISSN 0813 9500
en Tunisie spé é ro
Numcial
Gouvernement français, Etats-Unis, bas les pattes devant la Tunisie !
C’est au peuple tunisien et à lui seul de décider de son avenir !
Pages 2 à 6
Tunisie: la révolution
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
en marche
C’est bien une révolution qui a commencé en Tunisie. Une révolution qui met en mou-
vement toutes les couches opprimées et exploitées, avec la participation de la centrale
d’interviews réalisé par nos camarades tunisiens. Merci aussi aux camarades du PT
d’Algérie qui nous ont aidés dans cette tâche. En quarante-huit heures, nous avons
ouvrière historique, l’UGTT. confectionné ces pages qui aideront nos lecteurs à démêler le vrai du faux, à com-
Les médias en France comme les politiques voudraient, une fois que Ben Ali est parti, prendre, à agir. Semaine après semaine, Informations ouvrières sera aux côtés du
que les choses rentrent dans « l’ordre ». Mais le peuple tunisien ne veut pas se voir peuple tunisien et rendra compte de son combat. C’est le combat de l’Entente inter-
confisquer sa révolution. Il veut aller jusqu’au bout et décider par lui-même de son nationale des travailleurs et des peuples, qui vient de tenir en novembre 2010 une
Photo AFP
protestait contre la saisie de sa marchandise par annoncent leur démission du RCD. Le RCD an-
la police, s’immole par le feu. Le 19 et le 20, dans nonce l’exclusion de Ben Ali.
la ville de Sidi Bouzid, de violents affrontements — 18 h 10 : l’agence Standard and Poors menace
opposent la police à de jeunes manifestants. Les de baisser la note de la Tunisie : « L’instabilité poli-
affrontements se poursuivent jusqu’à la fin dé- tique actuelle pourrait affecter la crise économique
cembre. et les finances publiques se détériorer. » En consé-
quence, l’agence annonce qu’elle place la Tunisie
● Du 3 au 10 janvier : les manifestations s’éten- sous « surveillance négative ».
dent. Elles sont marquées par des émeutes san- A Tunis et ailleurs, les manifestations continuent.
glantes, notamment à Kasserine, Thala, et Regued. « Le dictateur est tombé, pas la dictature ! », « Il faut
La situation de précarité et de chômage des jeunes, que les Tunisiens achèvent leur mission. » La police
la très dure exploitation des travailleurs, les hausses du nouveau gouvernement cherche à disperser
massives des prix et l’oppression sont le ressort les manifestants à coups de gaz lacrymogènes et
de ces émeutes. « De l’eau, du pain, pas Ben Ali ! » de matraques.
« RCD assassins ! », riposte la foule. « Nous refu-
● 10 janvier : Ben Ali dénonce « des actes terro- sons ce gouvernement criminel qui veut voler la ré-
ristes perpétrés par des voyous cagoulés ». Les mobi- volte de notre peuple. Nous dénonçons les partis de
lisations s’étendent à de nouvelles villes, à de l’opposition qui sont au gouvernement », explique
nouvelles couches de la société. un manifestant.
Dans de très nombreuses villes, des rendez-vous
● 12 janvier : le ministre de l’Intérieur autorise à sont donnés pour manifester mercredi 19 janvier.
tirer. Des dizaines de morts seront enregistrés. Des A suivre… ■
milliers de Tunisiens sont arrêtés. Malgré le couvre- Tunis, le 14 janvier : les travailleurs et les jeunes se sont rassemblés devant le ministère de l’Intérieur,
feu, de violents affrontements ont lieu dans la ban- REPORTAGE
de Tunis
« Du pain, de l’eau, pas Ben Ali ! », c’est le mot ● 15 janvier : l’armée, qui n’était pas directement ou d’instances de l’UGTT dénoncent la partici-
d’ordre de la masse. La mobilisation s’étend. Les impliquée dans la répression qui relevait de la pation de proches de l’UGTT au gouvernement.
jeunes, les travailleurs avec leurs banderoles syn- police, commence à se déployer. Elle s’attaque aux Les comités populaires dans les quartiers com-
dicales UGTT, les avocats qui défilent en robe, les milices de Ben Ali, essentiellement composées de mencent à organiser la distribution de l’alimen-
Depuis quand vous protégez-vous
médecins, les mères de famille, les chômeurs, les policiers. Le peuple salue l’action des militaires. tation et l’ensemble des questions. Ils gèrent les vous-mêmes, et pourquoi ?
commerçants, toutes les couches de la société Mais dans les quartiers, dans toutes les villes de quartiers et assurent leurs permanences dans les Notre décision de nous organiser a été collec-
tunisienne se retrouvent dans la rue. A Sfax, la Tunisie, surgissent des comités de quartier qui locaux de l’UGTT. tive comme si c’était un seul homme qui l’avait
deuxième ville du pays, c’est l’UGTT qui appelle organisent la défense des citoyens. Des barrages Partout dans le pays on discute, sur les places, décidé. Nous avons vu dans les médias que les
à une manifestation qui regroupe 30 000 personnes. sont érigés. Des jeunes, des travailleurs armés tant dans les quartiers, à la porte des entreprises. jeunes, ailleurs, avaient pris la défense de leurs
Les entreprises sont arrêtées. Dans les quartiers bien que mal de bâtons et de haches assurent la « Ghannouchi, c’est le ministre des privatisations. » familles et de leurs quartiers. Le danger étant
apparaissent les premiers comités, qui ont pour protection des citoyens. De nombreux affronte- « La démocratie, c’est m’exprimer librement. » Un là, nous devions y faire face. La majorité des
but de protéger la population contre les exactions ments les opposent aux milices de Ben Ali. Plu- ouvrier : « Pour moi, c’est le respect du droit des tra- gens se connaissaient à peine, mais l’heure était
policières. sieurs policiers sont ainsi tués alors qu’ils venaient vailleurs. » Une femme : « La démocratie ? C’est la venue de sortir de notre isolement. La situation
d’abattre des habitants. liberté, la laïcité et le respect des droits des femmes. » était grave et nous devions réagir vite.
● 13 janvier : Ben Ali fait un discours à la télévi- Finalement, on apprend que le Premier ministre, Un autre : « C’est un gouvernement qui nous repré- Il fallait que le peuple prenne sa propre défense,
sion. Il s’engage à quitter le pouvoir en 2014, limoge qui avait été nommé président la veille, ne l’est sente et applique nos choix. » Une femme, s’adres- l’Etat n’assurait que sa survie. Nous avons com-
quelques ministres et ordonne la fin des tirs des plus et que, à sa place, c’est le président du Parle- sant à des journalistes français : « Vous avez eu le pris que ces criminels étaient contre nous. Ils
policiers contre les manifestants. Il écarte le chef ment, Foued Mebaza, qui assure la présidence 14 juillet 1789. Nous avons le 14 janvier 2011.Vous sont les milices de l’ex-président, qui voulaient
d’état-major des armées de terre, qui a refusé d’im- intérimaire. avez chassé l’Ancien Régime. Nous aussi, nous devons et qui veulent toujours le chaos généralisé.
pliquer l’armée dans la répression. Le nouveau président nomme comme Premier le faire. » Un syndicaliste de l’UGTT : « La démo- Comment vous organisez-vous ?
ministre celui qui était la veille le président par cratie, ce n’est pas le replâtrage de ce régime. Ce sont Dans notre quartier, il n’y a pas de couvre-feu !
● 14 janvier : à Tunis comme dans de nombreuses intérim et l’avant-veille le Premier ministre de Ben des élections libres et démocratiques. C’est une Si, il y en a un, mais il ne s’applique pas à nous.
villes de province, par dizaines de milliers, le peuple Ali, et avant cela responsable de la Banque mon- Assemblée constituante qui en finira avec le régime C’est nous qui l’appliquons aux autres. Nous
tunisien manifeste aux cris de « Ben Ali dehors ! ». diale. L’ancien nouveau Premier ministre, Ghan- en place. » barricadons les rues et les entrées du quartier.
La police de Ben Ali continue de réprimer. Les pre- nouchi, annonce qu’il propose la formation d’un Nous devons nous assurer de toutes les per-
miers soldats qui apparaissent sont acclamés par gouvernement d’union nationale. ● 18 janvier, 13 heures : Une séance extraordi- sonnes qui viennent ici. Nous regardons même
la foule. On assiste à des scènes de fraternisation. naire de la direction nationale de l’UGTT est convo- dans les coffres et sous les sièges des voitures.
A 17 heures, le Premier ministre Ghannouchi an- ● 16 janvier : le Premier ministre reçoit les partis quée en urgence. Elle adopte une résolution Là comme ailleurs, à plusieurs reprises, nous
nonce à la télévision qu’il assure la présidence en d’opposition et l’UGTT, la centrale syndicale. Les considérant « que le gouvernement n’est pas le demandons aux policiers leur carte d’identité.
remplacement de Ben Ali, qui a quitté le pays. trois partis d’opposition qu’il reçoit (PDP, FDTL nôtre » et annonce que personne au gouverne- On est majoritaires, on assure notre propre sécu-
ment ne peut se réclamer de l’UGTT. Une heure rité et c’est à eux de nous obéir et de nous prou-
Celui-ci a fui le pays avec sa famille et son clan... et Ettajdid) sont les partis d’opposition légaux,
ver qu’ils sont de vrais policiers.
et des tonnes d’or. Quelques heures auparavant, c’est-à-dire ceux qui étaient acceptés dans le cadre plus tard, à 14 heures, les trois ministres syndica-
On organise la surveillance pour assurer la sécu-
l’administration américaine a fermement critiqué de la dictature de Ben Ali. listes de l’UGTT annoncent leur démission du
rité de notre cité. Tout le monde est là, dès l’après-
Ben Ali. gouvernement. midi et jusqu’au matin.
On apprendra par la presse ultérieurement que, ● 17 janvier : alors que les manifestations de rue Houssine Dimassi, nommé ministre de l’Emploi, Nous ne laisserons pas les criminels de Ben Ali
ce même jour, les généraux sont allés voir Ben continuent, le Premier ministre annonce la for- déclare : « Nous nous retirons du gouvernement à salir ou nous voler notre victoire !
Ali pour lui dire instamment de quitter la Tuni- mation d’un gouvernement d’union nationale. l’appel de notre syndicat. »
sie. Pour l’essentiel, il est composé des ministres RCD Dans l’après-midi, de nombreuses manifestations Combien de temps allez-vous assurer
Durant la nuit, les émeutes se poursuivent. De de Ben Ali, de représentants des trois partis d’op- ont lieu sur le thème : « De l’eau, du pain, pas le votre sécurité ?
nombreuses propriétés de Ben Ali et du clan des position légaux, de personnalités de la société RCD » et aussi « Dissolution du RCD », « C’est tout Les forces de l’ordre assurent la sécurité des
le régime qui doit partir ». routes nationales et départementales, et nous,
Trabelsi, la famille de la femme du président, sont civile et de trois proches ou membres de l’UGTT.
nous assurons la sécurité de nos propres quar-
attaquées et détruites. Des groupes d’hommes en Le soir même, dans plusieurs villes, des milliers — 17 heures : le Forum démocratique pour le tra-
tiers. Nous savons que ce n’est que le début,
armes sillonnent les quartiers pour tirer sur les de manifestants crient : « Dissolution du RCD ! » vail et les libertés (FDLT) annonce, après la démis- une révolution n’est jamais facile et nous sommes
habitants. La plupart d’entre eux sont des poli- Ils refusent un gouvernement avec des ministres sion des trois proches de l’UGTT, qu’« il suspend prêts à aller jusqu’au bout. De toute façon, les
ciers, l’organe de répression de Ben Ali qui, depuis de Ben Ali et, notamment, le ministre de l’Inté- sa participation au gouvernement ». lycées sont fermés. Nous sommes les gardiens
des décennies, massacre les Tunisiens. Ils n’ont rieur, celui-là même qui avait donné l’ordre de Le parti d’« opposition » Ettajdid (ex-PC) a menacé de la révolution.
plus rien à perdre et sèment la terreur. L’état d’ur- tirer sur la foule. Dans plusieurs régions et plu- de quitter le gouvernement, car les autres ministres Correspondant ■
gence est décrété. sieurs villes, les prises de position de responsables sont toujours membres du RCD.
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132
> L’événement < SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
3
Vive la révolution
é
L
tunisienne !
Daniel Gluckstein
Secrétaire national du POI
Entretien avec un responsable syndical de l’UGTT réalisé le 18 janvier, quelques heures avant a décision de la centrale syn-
dicale UGTT de retirer du gou-
l’annonce par la direction de l’UGTT qu’“elle ne reconnaissait pas le gouvernement”, suivie une vernement provisoire les trois
heure plus tard de la démission des trois ministres proches de l’UGTT. ministres dont elle avait ac-
cepté la nomination vingt-
quatre heures plus tôt reflète la profondeur
Quelle est ton appréciation de la situation de la révolution tunisienne.
Photo AFP
politique en ce moment même ? C’est bien d’une révolution qu’il s’agit.
Ce que je veux dire d’abord, c’est que toutes les Elle ne fait que commencer. Une révolu-
dictatures brûlent le pays pour ne pas permettre tion dont le caractère ouvrier et de souve-
au peuple de profiter de sa victoire, de sa révo- raineté nationale s’affirme chaque jour un
lution, et, plus que ça, il ne convient pas à l’im- peu plus. Ouvrière, cette révolution qui
périalisme que le peuple souverain réalise sa voit la population, les jeunes, les travailleurs
révolution et qu’il se débarrasse de son dicta- s’organiser en comités de défense contre
teur dans la mesure où tout régime qui se met les tenants de l’ancien régime et prendre
sous l’ombre de l’ordre mondial de l’impéria- en main le ravitaillement. Ouvrière, cette
lisme doit être soumis à ses directives. révolution, par le rôle qu’en dépit même
Parce qu’ils se rendent bien compte que ce qui de sa direction, l’UGTT est amenée à y jouer,
s’est passé en Tunisie est un séisme qui peut saisie à tous les niveaux par les travailleurs
avoir une influence sur toute la région, en par- pour porter les revendications et accueillir
ticulier dans l’ensemble du monde arabe, et, les comités de défense dans ses locaux.
de façon plus étendue, sur tout le continent. C’est de la démocratie et de la souve-
Profiter de sa révolution, cela veut dire que le raineté nationale qu’il s’agit. Car le peuple
peuple s’exprime, qu’il impose sa volonté, qu’il tunisien, qui est parvenu à chasser Ben Ali
impose ses propres représentants, qui le défen- — pourtant érigé en modèle par les
dent et défendent son aspiration à la justice « grands » de ce monde —, ne veut pas se
sociale et toutes ses aspirations qui étaient laisser déposséder de son avenir. Le peuple
étouffées. C’est ce qui est en train de se passer ne veut pas davantage de Ben Ali sans Ben
aujourd’hui. Ali, d’un gouvernement qui maintienne
On s’est débarrassé d’un dictateur et de ses ses institutions, ses ministres, ses lois, son
proches directs, mais on ne s’est pas débarrassé parti et sa politique de pillage.
d’un régime dictatorial. Parce que nous avons L’enrichissement personnel du clan
affaire à un système, on n’avait pas affaire à des Ben Ali est un fait indiscutable. Mais la
personnes. Le régime était incarné par le dic- misère et la faim qui ont soulevé le peuple
tateur Ben Ali ; certes, on s’est débarrassé de tunisien n’ont pas pour seule origine cet
lui, mais il reste deux de ses composantes : une enrichissement. Sur injonction du FMI et
composante de répression policière, faite des de l’Union européenne (qui a signé un
milices armées et de sa garde rapprochée, qui accord d’association en 1995 avec la Tuni-
Rassemblement devant le siège de l’UGTT, au centre de Tunis, le 27 décembre 2010, à l’initiative de
est en train de faire couler le sang de nos sie), d’immenses avantages ont été accordés
plusieurs syndicats, dont ceux de l’enseignement secondaire, de la poste et des caisses de sécurité
enfants ; et une composante politique, faite de et de santé. Ils ont été empêchés de manifester par la police. aux multinationales libres de privatiser en
l’appareil du Rassemblement constitutionnel masse les entreprises nationales, de piller le
démocratique (RCD, parti unique au pouvoir) pays et de surexploiter une classe ouvrière
et du gouvernement d’union nationale qui a soit vigilants. On a réussi notre révolution, mais Les comités populaires se sont naturellement privée de droits et de garanties (1).
été formé. La preuve en est, la prise de contact il faut que l’on continue à la défendre. Il faut installés dans les locaux mêmes de l’UGTT à On a beaucoup glosé, en France, sur la
confirmée par les agences de presse et les télé- qu’on défende nos comités populaires. l’échelle des localités et même à l’échelle régio- maladresse de tel ministre de droite et de
visions internationales entre le Premier ministre, nale. Sarkozy lui-même soutenant jusqu’au bout
Ghannouchi, et le dictateur déchu, qui se trouve Justement, à propos de la constitution de Ce qu’il faudrait, c’est que toutes les forces de le régime de Ben Ali. On a glosé aussi sur
en Arabie Saoudite. Alors qu’il faudrait que ce comités populaires partout dans le pays, la révolution, c’est-à-dire tous ceux qui n’ont la phrase du « socialiste » Strauss-Kahn :
dictateur soit extradé vers la Tunisie pour être dans les cités populaires, dans les quartiers, aucune attache avec l’ancien régime ou qui se « La politique économique adoptée ici est
jugé. Le peuple hait ce dictateur qu’il a chassé, qu’en est-il exactement ? ne sont pas compromis avec lui, se rencontrent, une politique saine et constitue le meilleur
comme il hait son Premier ministre, Ghan- Les comités populaires sont en train de jouer s’unissent sur une base d’action commune. modèle à suivre pour de nombreux pays
nouchi. Ce que vos lecteurs doivent savoir un grand rôle et de donner naissance à des tra- émergents » (2). Maladresses ? N’est-il pas
concernant ce Premier ministre, c’est qu’il a ditions de défense de la révolution. Ceux qui Quelle est la position de l’UGTT ? logique que ceux qui lient leur sort, à droite
exercé ses « compétences » en tant qu’expert les encadrent sont nos jeunes qui sont politi- Il faut savoir que l’UGTT regroupe toutes les comme à « gauche », à l’Union européenne
de la Banque mondiale. Certaines parties vou- sés, proches ou imprégnés profondément de tendances du mouvement ouvrier. Elle a joué et au FMI, armes de pillage et de destruc-
draient nous le présenter comme un homme l’idéal socialiste, ou, tout simplement, démo- un grand rôle dans la mobilisation malgré l’op- tion de tous les peuples, portent aux nues
intègre, alors que c’est lui qui orchestrait toute crates ou nationalistes. Les comités populaires, position au sein de sa direction. Il faut savoir une dictature qui vend la nation aux mul-
la politique de liquidation de nos entreprises en même temps que leur rôle d’organisation que la plupart des manifestations, des rassem- tinationales étrangères et livre sa classe
publiques et qui couvrait toutes les spoliations de la vie dans les cités et les quartiers et leur blements, partaient des locaux de l’UGTT. ouvrière à la surexploitation ?
et les vols. Il s’est engraissé au passage comme défense, informent la population du double L’UGTT a publié un communiqué après la chute La révolution ne fait que commencer
tous les autres, qu’on connaît bien aujourd’hui, danger qui menace la marche de la révolution : du dictateur, dont le point central dit claire- en Tunisie. Elle a déjà porté un coup majeur
à savoir tous ceux de la famille régnante. Il a d’une part, les milices meurtrières qui conti- ment que la centrale syndicale s’oppose à toute à toutes les institutions du capital finan-
certes eu un petit os à rogner alors que les autres nuent à semer la terreur là où elles le peuvent présence de représentants de l’ancien régime cier international, à l’Union européenne,
ont eu une grosse part, mais il était bien parmi et, d’autre part, toutes les structures de l’Etat au sein du gouvernement. au Fonds monétaire international. Elle met
eux. qui continuent à être entre les mains de l’an- Interview recueilli par M. B. ■ à l’ordre du jour du combat de souverai-
cien régime. neté du peuple tunisien l’exigence de rup-
Et il garde le même ministre de l’Intérieur ? Les comités populaires sont aujourd’hui Repères ture avec ces institutions.
Il faut voir aussi la morgue et la haine du peuple capables de se rassembler à l’échelle du pays Mais pas seulement en Tunisie. Il y a
témoignées par le ministre de l’Intérieur lors de et de s’organiser. Il faut savoir que le gouver- ● UGTT : la centrale syndicale qui regroupe depuis eu les manifestations de Grèce aux cris de
sa conférence de presse, hier. Il a seulement nement de Ghannouchi met tout en œuvre pour 1947 toute la classe ouvrière tunisienne. Toutes « Dehors le FMI et l’Union européenne ! ».
oublié qu’il y a eu un 14 janvier et que la révo- briser l’élan de ces comités populaires, en inter- les tentatives de division et de mise en place Il y a eu cette déclaration d’un responsable
lution tunisienne est en marche. Mais, pour sa disant notamment le rassemblement de plus d’une organisation syndicale parallèle ont échoué. syndical irlandais lorsqu’arrivèrent les
part, il continuait à penser qu’il était encore de quatre personnes. Ben Ali, lors de sa prise de pouvoir, réussit à l’in- émissaires de l’Union européenne et du
dans les plus belles heures du régime de Ben Aujourd’hui, les comités populaires jouent un tégrer et à la verrouiller. FMI : les « barbares sont à nos portes ». Le
Ali. Son verbe était un verbe menaçant et son rôle considérable au sein de la population en peuple tunisien ouvre une voie qui met à
propos était truffé de mensonges comme l’y prenant en charge l’approvisionnement des ● RCD : le parti de Bourguiba, le Parti socialiste l’ordre du jour du combat des travailleurs
avait habitué son patron, Ben Ali. Le 14 janvier, cités, l’entente avec les commerçants pour qu’ils destourien, est rapidement transformé en 1987 et des peuples du monder entier : dehors
les masses sont descendues dans la rue pour (les comités populaires — NDLR) veillent à une en Rassemblement constitutionnel démocratique les pillards des multinationales, des insti-
exiger le départ du dictateur. Ce ministre de distribution équitable des produits de première (RCD). Il encadre, à travers ses cellules et comi- tutions spéculatives du capital financier,
l’Intérieur, qui est aujourd’hui toujours en exer- nécessité, le contrôle de la distribution du gaz tés de quartiers, toute la société. du FMI et de l’Union européenne !
cice, a lâché ses chiens, bombardé les mani- et du fuel pour le chauffage, tout cela se fait Vive la révolution tunisienne !
festants de bombes lacrymogènes. La situation dans la discipline. Devant les boulangeries, par ● Les familles régnantes : les Trabelsi, Matri, Ma-
aurait pu se transformer en véritable bouche- exemple, il peut y avoir plus de deux cents per- brouk, Chiboub, Ben Ali sont toutes les familles
rie. Il a prétexté qu’il a agi ainsi parce qu’un sonnes faisant la queue, sans aucune bouscu- proches de Ben Ali et de sa femme, Leïla. Elles (1) Avantages vantés sur le site : www.investir-
en-tunisie.net
manifestant a arraché un drapeau national. Nul lade, sans énervement. ont tout simplement accaparé toutes les affaires (2) Le 18 novembre 2008, en visite en Tunisie.
mieux que le peuple ne protège et ne défend le C’est que chaque citoyen est conscient de l’en- juteuses locales et les miettes concédées par les Ajoutons que Strauss-Kahn n’est pas le seul
drapeau national. Il n’a rien dit de la vérité. Tout jeu que représente sa souveraineté, son auto- impérialismes dans le cadre des privatisations « socialiste » défenseur de la dictature déchue.
ce qu’il a fait, c’est de terroriser le peuple. détermination pour son existence. Et cela (il faut des entreprises publiques. Leur fortune se chiffre L’Internationale socialiste a attendu le 17 jan-
vier pour chasser le RCD, parti de Ben Ali, de ses
Le peuple tunisien a tranché la tête de la vipère, le porter à la connaissance de tout le monde ) se aujourd’hui en dizaines de milliards de dollars. rangs !
mais la vipère se débat toujours. Il faut que l’on passe dans la plupart des communes.
4 > L’événement <
La révolution a commencé en Tunisie
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
D
Tunisie. militant tunisien, partisan de l’Entente France, des pays du Golfe, des fonds de pen-
● 1905 : Création de la section départementale internationale des travailleurs et des peuples sion…) avoisine les 50 milliards de dollars, dont
de la CGT. Création de la section de Tunisie
les deux tiers sont générés par des dépenses de
l’Etat.
de la SFIO à la veille de la Première Guerre
epuis sa prise du pouvoir en 1987, le gé- L’Etat tunisien étant depuis longtemps dans l’im-
mondiale.
néral de police Ben Ali a bénéficié du possibilité d’honorer ses créances, la seule solu-
● 1920 : Création de la section de Tunisie du soutien implacable des dirigeants du tion possible a été pour lui de contracter de
Parti communiste, à la suite du Congrès de Tours. monde entier. Le journal norvégien Aftenpos- nouveaux prêts pour rembourser les anciens
ten vient de publier le 15 janvier une série de avec des conditions encore plus drastiques. C’est
● 1924 : Grève générale des docks de Tunis câbles diplomatiques des Etats-Unis, dévoilés certainement cet élément qui en a fait un « bon
et de Bizerte, qui s’étend aux traminots, chemi- par le site WikiLeaks, datant de 2006, sur la cor- élève » et c’est sur cette voie que ne manque-
nots, travailleurs des carrières, du tissage, de la ruption massive et généralisée, et le népotisme ront pas de s’aligner la plupart des opposition-
bonneterie, etc. Fondation de la Confédération en Tunisie et son effet sur le développement éco- nels officiels d’hier. Par conséquent, les crédits
C
générale tunisienne du travail (CGTT). nomique et social. généreusement accordés pour des prétendus
Les câbles montrent la connaissance précise par projets de développement ne servent en effet
● 1925 : Interdiction de la CGTT et procès le gouvernement américain du niveau excessi- qu’à rembourser une partie de la dette.
de ses cadres fondateurs, qui seront vement élevé de la corruption en Tunisie, du
pour la plupart expulsés. système de la mafia érigé en mode de gouver- ette situation économique a engendré
nement et des atteintes aux libertés démocra- un fait politique encore plus grave : le
● 1927 : Fondation du Parti nationaliste
tiques. Dominique Strauss-Kahn, directeur plan d’ajustement structurel (PAS). Mis
Destour par Abdelaziz Thaalbi.
général du Fonds monétaire international, qui en place en 1986, quand l’économie tunisienne
● 1934 : Fondation du Néo-Destour ne pouvait ignorer ces faits, déclarait lors d’une était à bout de souffle, et afin de la soustraire à
par Habib Bourguiba. visite en Tunisie, le 18 novembre 2008 : « Je m’at- cette situation et la mettre sous la tutelle d’un
tends à une forte croissance en Tunisie cette année, nouveau rouleau compresseur, le PAS est à la
● 1938 : Tentative de refondation de la CGTT, la politique économique adoptée ici est une poli- fois une conséquence et une cause de la poli-
que les nationalistes du Néo-Destour tique saine et constitue le meilleur modèle à suivre tique mafieuse de l’Etat tunisien. Il est égale-
font échouer. pour de nombreux pays émergents. » Sarkozy et Ben Ali, le 28 avril 2008. ment la forme officielle que prend l’ingérence
En bon élève des institutions financières mon- des institutions financières du capitalisme mon-
● 1947 : Fondation de l’Union générale tuni- diales, le régime tunisien s’est comporté en ges- tions clés. » Ce n’est un secret pour personne, la dial. Il a conclu une étape et en a inauguré une
sienne du travail (UGTT) par Farhat Hached. tionnaire docile des plans économiques dictés BIRD n’accorde de financement qu’en exigeant nouvelle dans le processus du pillage de la Tuni-
notamment par la Banque mondiale et le FMI. des efforts dits de gouvernance. En outre, la sie. Ce plan antisocial de « sauvetage » n’a pré-
● 1952 : Assassinat, le 5 décembre, de Farhat
Selon un rapport de l’institution de Bretton Banque mondiale n’accorde pas simplement conisé de solution que par l’attaque frontale des
Hached. Grève générale en Tunisie et au Maroc.
Woods, le pays de Ben Ali « a pu améliorer sa des prêts, mais des plans à exécuter, et en sus conquêtes des travailleurs : désengagement de
Manifestations à Paris, à Stockholm, compétitivité sur la scène mondiale et accélérer les fonds qui vont avec. Le rôle de l’Etat n’est l’Etat, liquidation des services sociaux, déré-
aux Etats-Unis… le rythme de sa croissance économique grâce à autre que de jouer l’intermédiaire, sous la glementation du travail et, pour couronner le
● 1955 : L’UGTT adopte dans son congrès une série de prêts accordés par la Banque inter- contrainte de tout un peuple si nécessaire, entre tout, suppression de la Caisse générale de com-
la nationalisation des biens coloniaux nationale pour la reconstruction et le dévelop- ces institutions financières représentatives de pensation et privatisation des entreprises pu-
et la réforme agraire. pement (BIRD) ». l’impérialisme et les travailleurs réduits à la bliques pour rembourser la dette.
En fait, la mafia tunisienne au pouvoir, comme misère et à la surexploitation. Le 17 juin 2010, Il est évident qu’à la lumière de cette situation,
L
● 1956 : Proclamation de l’indépendance toutes les mafias, a toujours su accompagner la la Banque mondiale approuvait deux nouveaux l’économie tunisienne, fondée sur la misère
de la Tunisie le 20 mars. L’Assemblée consti- politique de déréglementation de l’impérialisme prêts pour la Tunisie, d’un montant total de croissante de tout un peuple, n’a jamais été « du
tuante, à laquelle l’UGTT présente des candi- pour en tirer profit. Le « Cadre de partenariat 126,47 millions de dollars. solide », comme le prétendaient le directeur du
dats avec le Néo-Destour, détrône le bey stratégique » (CPS) 2010-2013 présenté en février FMI et l’ensemble de ses bailleurs de fonds. Pour
et proclame une nouvelle Constitution. 2010 octroyait un prêt prévisionnel de 280 mil- es crédits octroyés par les institutions l’Union européenne, la France et tous les créan-
lions de dollars au titre du XIe Plan de dévelop- financières ne viennent pas sauver une ciers de la Tunisie, parler de « stabilité » et de
● 1978 : Grève générale le 26 janvier. pement : « La Banque mondiale joue un rôle actif situation économique critique, mais l’em- « démocratie » revient à demander à poursuivre
La répression fait plus de 500 morts. L’UGTT en appuyant les choix et réformes de politique, pirer. L’ensemble de la dette extérieure tuni- — avec des habits neufs — une même poli-
décide qu’aucun de ses dirigeants ne peut être en produisant des analyses approfondies des ques- sienne (contractée auprès de la Banque mon- tique… et à payer la dette. S. H. ■
investi de responsabilité au sein du Parti
destourien. Habib Achour, dirigeant fondateur Les réactions à la révolution tunisienne dans les pays arabes
de l’UGTT, rompt définitivement avec ce parti.
A
● 1984 : « Grève du pain »
contre l’augmentation des prix du pain
et des produits de première nécessité.
Peur de la contagion…
● 1986 : Premier plan d’ajustement structurel lors que des manifestations gendré la révolution en Tunisie. Assemblée nationale « qui exprime exprimant les mêmes revendica-
imposé par le FMI. de solidarité avec la révo- Dans le même temps, pour calmer la volonté réelle du peuple jorda- tions.
lution tunisienne se sont l’exaspération latente, il a décidé nien ». Ils demandent aussi la créa-
● 1987 : Coup d’Etat du général Ben Ali. tion de comités contre la corruption En Egypte, où des manifestants ont
déroulées en Jordanie, en Mauri- d’injecter 326 millions de dollars
Destitution de Habib Bourguiba. Suppression tanie et en Egypte, la crainte de l’ef- et le vol de l’argent de l’Etat, et scandé « Ecoutez les Tunisiens, c’est
pour faire baisser le prix de l’huile,
de toutes les libertés démocratiques fet tache d’huile étreint les gouver- contre l’augmentation des prix de votre tour les Egyptiens ! » et de-
qui a atteint des niveaux très éle-
au nom de la lutte contre l’intégrisme. nements de plusieurs pays arabes. première nécessité. mandé le départ d’Hosni Mouba-
vés.
Arrestations et procès politiques. rak, le gouvernement a choisi la
En Jordanie, où 25 % de la popula- Onze députés ont signé un appel
En Mauritanie, pour éviter la conta- fermeté. Il a interdit les manifesta-
● 1995 : Signature de l’accord d’association tion vivent sous le seuil de pauvreté, affirmant que le gouvernement jor-
gion, le gouvernement a lancé un tions de solidarité devant l’ambas-
avec l’Union européenne, le 17 juillet, des milliers de manifestants, syn- danien n’est pas capable de diriger
programme d’aide aux plus pauvres sade de Tunisie.
impliquant le démantèlement des barrières dicalistes et membres des partis le pays. Par crainte de la colère des
et diminué les prix du sucre et de d’opposition, islamistes ou de gau- Et pour ne pas entrer dans l’engre-
douanières à l’horizon de 2008. masses, le gouvernement a an-
l’huile. Il a également annoncé un che, ont manifesté dimanche 16 jan- nage des revendications, il a choisi
noncé qu’il consacrerait 225 mil-
● 2008 : Grève dans la cité minière de Redeyef, programme pour abaisser le chô- vier devant le Parlement. Ils récla- de ne pas intervenir pour baisser
lions de dollars pour faire baisser
sous le mot d’ordre : « Non à la corruption ! mage. maient la chute du gouvernement les prix des produits de première
les prix des carburants et des den-
Pour le droit au travail et à la dignité ! » En Syrie, le gouvernement a inter- Samir Al Rifaï, la constitution d’un rées de première nécessité comme nécessité. Le ministre des Affaires
dit les manifestations de soutien gouvernement d’union nationale le sucre et le riz. Selon les observa- étrangères, Abou El Gheit, a for-
● Décembre 2010 : ouverture de la crise au peuple tunisien et les médias avec un Premier ministre proche teurs, c’est la première fois que des tement réagi en déclarant que
révolutionnaire et fuite de Ben Ali, officiels ont concentré leurs infor- du peuple, le retour à la démocra- manifestants descendent dans la l’Egypte est un pays stable.
le 14 janvier 2011. mations sur le chaos qu’aurait en- tie, des élections libres pour une rue dans plusieurs villes à la fois, ■
> L’événement < 5
La révolution a commencé en Tunisie
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
Photos AFP
en avril 2008 : « Certains
sont bien sévères avec
la Tunisie, qui développe
(Extrait de la déclaration finale adoptée lors de la VIIIe Conférence mondiale ouverte, les 27, 28 et 29 novembre sur bien des points l’ou-
2010, à Alger, avec la participation de délégués de 52 pays du monde entier.) verture et la tolérance. »
Selon lui, « l’espace
des libertés progresse »
dans le pays.
Selon le président de la chambre de commerce américano-arabe
● Le ministre
des Affaires étrangères,
P
Plus d’un milliard de dollars d’œuvre hautement qualifiée et à la sécurité qu’elle
garantit à ses investisseurs. »
● Le ministre de la Cul-
d’investissements américains Par Denis Langlet ture, Frédéric Mitterrand,
le 9 janvier, sur Canal + :
ays proche géographiquement du mar- « Dire que la Tunisie est
A l’occasion de la venue d’une délégation amé-
ricaine en Tunisie, le 15 février dernier, la char- Un flux record ché européen, un des plus importants
au monde, bas coûts salariaux (salaires
une dictature univoque,
comme on le fait si sou-
gée des affaires économiques et commerciales
de l’ambassade des Etats-Unis à Tunis, Isabel d’investissements français tournant autour de 400 euros par mois), cadre
législatif et juridique favorable à une circula-
vent, me semble tout
à fait exagéré. »
E. Rioja-Scott, s’est plu à souligner l’importance
tion rapide et peu coûteuse des marchandises
des investissements américains dans ce pays. Lu sur le site du ministère français des Affaires
et des capitaux, tels sont les trois principaux ● Rachida Dati, députée
étrangères : « La France est historiquement l’un
Citons : 94,26 millions de dollars d’investisse- « atouts » mis en avant par les autorités tuni- européenne UMP,
des tout premiers investisseurs étrangers en Tuni-
ments en Tunisie pour l’année 2008 (22,95 mil- siennes elles-mêmes depuis des années. La sur BFM TV, le 14 janvier :
sie. Elle se place au 1er rang du point de vue du
lions hors énergie). poigne de fer du régime Ben Ali garantissait « Les Européens que nous
nombre d’entreprises établies en Tunisie. L’im-
ainsi aux multinationales des conditions de sommes, il faut aussi
Pour la période 1994-2008, le montant des inves- plantation de nouvelles entreprises se poursuit
surexploitation favorables à la préservation qu’on se le rappelle : Ben
tissements cumulés représente plus d’un mil- à un rythme élevé.
des marges des sociétés. Ali a joué un grand rôle
liard de dollars.
Un flux record d’investissements français a été La Tunisie a été classée premier pays d’Afrique dans la coopération, dans
Plus de 70 entreprises américaines sont implan- enregistré en 2008, avec 504 millions de dinars du Nord trois années consécutives (2006 à la lutte contre le terro-
tées actuellement en Tunisie. au cours des 11 premiers mois de l’année, soit 2008) et au 36e rang sur 134 pays en 2009 pour risme et la montée des
280 millions d’euros environ (contre une moyenne sa capacité à accueillir les centres délocalisés intégrismes (...). Il faut
Le premier secteur de l’économie concerné est
de 90 millions d’euros les années précédentes). des grands groupes internationaux, classe- aussi que nous prenions
évidemment l’énergie : trois quarts des inves-
ment émis par le Forum économique mon- en considération cela. »
tissements. Le quart restant concerne princi- Ce résultat s’explique notamment par le succès
dial. De grandes zones industrielles, aména-
palement l’industrie, l’aérospatial et les services. d’entreprises françaises dans le cadre des priva-
gées par cette terre d’accueil, sont mises à la ● Le maire PS de Paris,
tisations :
Ces entreprises américaines considèrent la Tuni- disposition des multinationales. Elgazole est Bertrand Delanoë,
sie de Ben Ali « comme une plate-forme vers les — 150 MDT à l’occasion de la privatisation de le pôle technologique situé à la périphérie de sur France 2, le 14 janvier,
marchés européens et maghrébins », car elles la BTK, avec l’acquisition par le groupe Caisse Tunis, avec au moins 80 sociétés étrangères à propos du dernier
disposent « d’avantages par rapport aux autres d’épargne de la part du capital qui appartenait implantées, et la zone nommée Sousse, à Sfax. discours de Ben Ali : « (Ce discours) a reçu un
pays du Maghreb, dont bien entendu l’accord de à la Tunisie ; Sur un total de 100 000 mètres carrés, ces zones accueil plutôt positif, il ouvre une opportunité
libre-échange entre l’Europe et la Tunisie (l’ac- regroupent les usines ou les centres des pour un changement démocratique (…).
— 130 millions pour l’augmentation de capital
cord d’association Union européenne-Tunisie. grandes entreprises du textile, de la confec- Je connais assez la Tunisie pour savoir
de la STAR, premier assureur tunisien, dont Grou-
Lire ci-dessous). De nombreuses compagnies dis- tion, de l’industrie du luxe, de celle de la méca- que les Tunisiens eux-mêmes souhaitent que
pama détient désormais 35 % du capital.
posent d’une unité de production ici et peuvent nique, de l’électronique et des composants cela se fasse dans une certaine cohérence. »
ainsi exporter leurs produits vers l’Europe », expli- La France est toujours premier pays investisseur automobiles et avions (airbus). S’y côtoient
quait la chargée d’affaires. dans le secteur industriel, mais elle est peu pré- donc les entreprises Ericsson, Alcatel-Lucent, ● Claude Bartolone, un des dirigeants du PS,
« La Tunisie offre d’énormes potentialités, décla- sente dans la prospection d’hydrocarbures, do- Microsoft, Siemens, Philips, General Electric, à l’AFP, le 14 janvier : « L’idée que Ben Ali
rait alors M. David A. Hamond, président de la maine très capitalistique, qui constitue le premier Sagem, Bull, Pirelli, Lacoste, Hugo Boss, Naf soit accueilli à Paris ne me gêne pas si ça peut
chambre nationale américano-arabe de com- secteur d’accueil des IDE reçus par la Tunisie. Naf, Diesel, Celio, Calvin Klein, etc. Récem- installer une solution qui facilite le calme. »
merce (Nusaac). Elle jouit d’une excellente répu- Après s’être concentrés dans le secteur du textile ment, la division électronique du groupe équi-
tation aux USA. La Tunisie mise sur l’éducation et de l’habillement, les investissements français pementier automobile Continental a implanté ● Les partis de « gauche » ont demandé,
et la formation de ses enfants. L’histoire nous se sont développés au cours des dernières années une usine dans la zone de Tunis, résultat de le 14 janvier, dans un texte commun, que « le
enseigne que l’avenir appartient aux nations qui dans les industries mécaniques, électriques et la délocalisation des activités de celle de Ram- gouvernement français et l’Union européenne
maîtrisent la science et le savoir. Je suis sûr que électroniques, plus récemment encore dans la bouillet, en France. (…) soutiennent une véritable transition démo-
la Tunisie sera une grande force régionale, éco- plasturgie et le secteur aéronautique, qui béné- Notons que ces usines ont été évacuées à la cratique ». Le texte est signé par le PS,
nomique, commerciale et technologique dans les ficiera prochainement de l’implantation d’Air- demande de leur direction le jeudi 13 janvier. Europe Ecologie-Les Verts, le Parti communiste
années à venir. » bus. » ■ ■ français, le Parti de gauche, le Parti radical
de gauche, le Nouveau Parti anticapitaliste,
Business la Fédération pour une alternative sociale
et écologique et Gauche unitaire.
L
Par François Lazar la prise en compte des « valeurs » pour objectif « l’amélioration des taxes douanières, qui protégeaient
Le RCD de Ben Ali exclu
’accord d’association qui lie
de l’Union européenne.
La Tunisie a été le premier pays à
infrastructures et le renforcement
des capacités des entreprises ». Sont
l’économie nationale tunisienne, a
contribué à disloquer les secteurs
de “l’Internationale
la Tunisie à l’Union euro-
péenne a été mis en place en
signer un accord d’association et a
commencer à prendre des mesures
également créées dans ce cadre des
zones franches totalement déré-
productifs incapables de résister à
la concurrence des produits et des
socialiste”...
1995, à Barcelone. L’objectif de ce
type d’accord est de créer une zone
avant même sa ratification par les
Etats de l’Union européenne. L’ob-
glementées à Bizerte et à Zarzis,
près de la frontière libyenne.
investissements européens. Dans
un tel système, les prix des biens
le 18 janvier
de libre-échange entre l’Union jectif était de parvenir, au 1er jan- importés ne connaissent pas de « L’Internationale socialiste (IS) a rompu
européenne et les pays riverains de vier 2008, à « la libre circulation des Le langage des privatisations diminution, mais génèrent des pro- toute relation avec le RCD tunisien et
la Méditerranée. Véritable plan de biens industriels entre l’Union euro- fits supplémentaires pour les im- l’a exclu de ses rangs », a fait savoir, le
transformation de l’économie na- péenne et la Tunisie, en démante- Comme tout projet de l’Union euro- portateurs, liés aux clans mafieux 18 janvier, le PS français. Il a fallu à l’IS,
tionale tunisienne en vaste sous- lant progressivement les droits de péenne, l’accord passé avec la Tuni- dirigeant l’Etat tunisien. La non- dont Ségolène Royal est l’une des vice-
traitant des industriels de l’Union douanes ». C’est un programme de sie impliquait de « déterminer les application de l’engagement sous- présidentes, un certain de temps de
européenne, l’accord, afin d’écar- 2,5 milliards de dollars qui sera activités susceptibles de se moder- crit en faveur des droits de l’homme réflexion : le RCD, parti de Ben Ali, était
ter toute critique, comportait bien adopté à la fin de l’année 1995 avec niser pour affronter l’ouverture ». et de la démocratie n’a même pas membre de l’IS depuis 1989...
entendu une clause sur les « néces- le soutien de la Banque mondiale On connaît ce langage : c’est celui fait verser la moindre fausse larme
saires réformes démocratiques » et et de l’Union européenne, avec des privatisations. La baisse des aux dirigeants européens. ■
6 > L’événement <
La révolution a commencé en Tunisie
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
“L B
Louisa Hanoune, sa secrétaire générale, a tenu nécessité entre les mains d’une poignée d’opé- l’huile. D’ailleurs, ce sont eux qui doivent être
une conférence de presse dont les médias algé- rateurs est contraire à la loi et en même temps poursuivis par la justice, et non les jeunes. Ce
riens ont largement rendu compte. risque de provoquer, à l’avenir, d’autres troubles sont les spéculateurs qui sont à l’origine de Par Marc Gauquelin
plus graves, en tout cas, que ceux que nous l’augmentation”, lance Mme Hanoune en appe-
a première responsable du PT s’élève avons, jusque-là, connus”. » lant à la clémence dans le traitement des dos-
contre le mutisme on ne peut plus L’Horizon précise que pour Louisa Hanoune, siers de justice. “Les autorités ont tendu la main rusquement, les images
inhabituel de l’Etat à l’encontre de « au sujet de ceux qui veulent utiliser les événe- aux terroristes pour qu’ils déposent les armes, de la révolution tunisienne
la révolution tunisienne : “Nous ne compre- ment en Tunisie à leurs propres elles doivent faire preuve de sa- sur les télévisions du monde entier
Photo IO
nons pas le pourquoi de ce silence radio étour- fins, “nous n’adhérons pas aux gesse et d’intelligence dans le cas font jaillir de notre mémoire, l’image
dissant de l’Etat algérien. Il ne s’agit pas d’un mots d’ordre de ceux qui ont des des jeunes.” du camarade Lambert en pleine action,
fait divers, c’est une révolution sociale et poli- comptes à régler avec le président La secrétaire générale du Parti des infatigable combattant de la révolution
tique de tout un peuple dans l’espoir d’en finir de la République ou le Premier travailleurs a tout de suite situé prolétarienne.
avec le système de Ben Ali et instaurer une vraie ministre”. Le PT, selon elle, est “un l’enjeu. “Les pressions sur l’Algé- Qu’on me permette de relater un seul
démocratie”, soutient-elle » (Le Courrier d’Al- parti qui défend la souveraineté rie n’ont pas cessé depuis la pro-
souvenir. C’était fin avril 1974, le 26,
gérie). nationale”. M me Hanoune a, en mulgation de la loi de finances
Pour L’Expression, « la conférencière a tenu revanche, dénoncé les mesures du complémentaire de 2009.” Ne
le 27 ou le 28. La nouvelle du coup d’Etat
d’abord à rappeler les bouleversements inin- gouvernement au profit des impor- reculant pas devant ces pressions, de l’armée portugaise venait de tomber.
terrompus ces trois dernières années sur les deux tateurs. Elle qualifiera les 53 mil- l’Etat s’est retrouvé devant une Les communiqués des agences de presse
scènes politique et économique mondiale, et liards de dinars d’exonérations de autre situation, celle de la sou- laissaient transparaître que la classe
leur impact sur les pays en voie de développe- “prime à la spéculation”. Elle pro- mission aux spéculateurs. ouvrière portugaise commençait
ment. Pour elle, “le désordre qui règne actuel- posera le retour de l’Etat dans la “Huit mois d’exonérations, c’est à s’engouffrer dans les brèches ouvertes
lement en Côte d’Ivoire, qui se retrouve avec sphère de production et de distri- trop. 53 milliards de dinars, c’est au cœur de l’appareil d’Etat salazariste.
Le camarade Lambert bouillait
une direction bicéphale, et la partition du Sou-
dan sont l’œuvre de l’impérialisme”, et d’ajou-
bution des produits alimentaires
à travers la réouverture des maga-
“Ces barons du une prime à la spéculation”, s’est-
elle exclamée. Et Louisa Hanoune littéralement. Une réunion fut organisée
d’urgence dans le petit local de l’avenue
ter : “Ce dernier ne cesse d’échafauder des plans
appelant à la révolte par-ci, à la division par-
sins d’Etat comme les Souk El Fel-
lah et des entreprises comme
sucre et de l’huile d’ajouter : “C’est inacceptable !
Nous ne voulons pas d’une Répu- Parmentier avec les quelques camarades
là, afin de protéger ses propres intérêts lors-
qu’ils sont menacés.”
l’ENCG et l’Enasucre. “C’est ainsi
que l’Etat ne sera pas à la merci
qui dictent leurs blique au service des spécula-
teurs. Ceux-là mêmes qui sont
portugais qui avaient dû s’exiler
à Paris pour échapper
Lorsque les événements ont éclaté en Tunisie,
ni les Etats-Unis d’Amérique ni la France
de ces ogres”, clamera-t-elle. »
Et Le Quotidien d’Oran de souli-
lois et influent capables, avec le monopole qu’ils
détiennent, de provoquer des
à la répression dans leur pays.
« C’est une révolution ! », ne cessait-il
n’avaient pris ouvertement position, préférant
attendre la tournure que prendraient les évé-
gner : « La conférencière salue la
révolte du peuple tunisien, quali-
sur les prix de coups d’Etat en organisant des
pénuries de produits de base.”
de répéter, démontant, un à un,
les mensonges déversés par les mêmes
nements pour se prononcer. “Les Etats-Unis et
la France ont tenté, jusqu’à la dernière minute,
fiée “d’acquis pour toute l’huma-
nité”. Aucune révolte ne peut être
ces deux produits La conférencière appellera les pou-
voirs publics à plus de vigilance
qui récidivent aujourd’hui à propos de
la Tunisie, dans le but de convaincre qu’on
de sauver le système de Zine El Abidine Ben Ali.
Dès qu’ils ont compris que la révolution l’avait
programmée, se défend Louisa
Hanoune, qui note que “les révoltes
sur le marché” et à exercer leur rôle de régulateur.
“L’Etat doit importer au moins
assistait à une « mise aux normes démo-
emporté, ils se sont ravisés”, s’insurge la prési- ne se déclenchent que lorsque des Louisa Hanoune 51 % des produits de base pour
cratiques » de l’Etat portugais
dente du PT. S’adressant à ceux qui tentent de raisons objectives sont réunies”. parer à toute éventualité et bar- par la bourgeoisie elle-même.
lier les deux événements, Mme Hanoune tient à Ce qui s’est passé en Algérie la se- rer la route aux spéculateurs, dont En effet, confrontée à l’impasse dans
préciser : “Le peuple tunisien est sorti dans la maine dernière à travers plusieurs wilayas est certains, qui avaient repris des entreprises sa guerre coloniale et aux premiers signes
rue pour dénoncer le président Ben Ali et le sys- la conséquence des agissements de certains publiques, les ont fermées pour se transformer d’une montée de la classe ouvrière
tème capitaliste qui a accentué le fossé entre barons du commerce et des conteneurs, ajoute en importateurs.” (grèves et manifestations contre la guerre),
une minorité qui a accaparé toutes les richesses la responsable du PT. Cette dernière affirme que Louisa Hanoune répétera à l’adresse des pou- une aile de la bourgeoisie, avec l’aide
du pays et le peuple réduit à la pauvreté et la les émeutes qu’a vécues l’Algérie étaient une voirs publics par trois fois le terme “attention” d’une partie de l’état-major, tentait
mendicité. A l’inverse, c’est pour dénoncer la réponse à ces barons qui avaient décidé d’une aux conséquences qui pourraient découler de de prendre de vitesse le processus
flambée des prix du sucre et de l’huile que les manière unilatérale de procéder à la hausse des cette situation. Dans ce cas, estime encore l’ora- de maturation d’une révolution :
jeunes Algériens ont manifesté bruyamment prix de certains produits alimentaires de base. » trice, ce n’est pas le transfert des moyens de pro- elle organisait le coup d’Etat du 25 avril.
leur colère.” Tout en dénonçant ce qu’elle appelle La Tribune rapporte que Louisa Hanoune dé- duction qui a eu lieu, mais plutôt la destruction Lambert voyait dans la première vague
les barons du sucre et de l’huile, qui dictent leurs clare : « “Le déclenchement des émeutes en de ces mêmes moyens de production. » ■ de grèves, de manifestations, d’occupa-
tions et de fraternisation des ouvriers
avec les soldats le début d’une révolution
prolétarienne. Il n’y avait pas une minute
à perdre. S’adressant aux camarades
Gouvernement français, Union européenne, administration américaine… Bas les pattes portugais réunis, il les invitait à prendre
le premier avion pour Lisbonne.
devant la Tunisie ! C’est au peuple tunisien et à lui seul de décider de son avenir ! L’axe était clair et répété avec une passion
communicative, sous toutes les formes,
L
dans les semaines qui ont suivi. Il fallait
aux militants de la IVe Internationale
Photo IO
Extraits du tract du POI du 15 janvier 2011. aider par tous les moyens les travailleurs
portugais, le mouvement des commis-
a mobilisation du peuple a abouti à la chute de Ben Ali. Immé- sions de délégués élus, des conseils
diatement, les mêmes gouvernements de l’Union européenne de gestion élus intégrant les organisations
et des Etats-Unis qui le soutenaient hier se félicitent du pro- de classe que sont les syndicats, à aller
cessus annoncé de « transition constitutionnelle » qui voit les géné- le plus loin possible, car ils représentaient
raux décréter le couvre-feu, le Premier ministre de Ben Ali devenir
le mouvement vers le pouvoir de la classe
président par intérim et les partis d’opposition conviés à le rencon-
trer pour la mise en œuvre de cette « transition ».
ouvrière, vers les « soviets », même
Pour le Parti ouvrier indépendant (membre de l’Entente internatio- si ce mouvement se heurtait, en son sein,
nale des travailleurs et des peuples, qui a tenu en novembre 2010 une aux directions du PCP et du PSP.
conférence mondiale à Alger « contre la guerre et l’exploitation », coor- C’est le seul moyen, disait-il, de s’opposer
ganisée avec le Parti des travailleurs d’Algérie et l’UGTA), c’est au à la contre-offensive qu’engagerait inéluc-
peuple et seulement à lui de décider de son avenir, et non au gou- tablement la bourgeoisie rassemblée
vernement français, à l’Union européenne, aux Etats-Unis ou au FMI, autour de la junte portée au pouvoir
eux qui cherchent encore aujourd’hui à préserver ce régime. le 25 avril. Il ne pouvait y avoir, pour lui,
C’est à la jeunesse sacrifiée, c’est aux travailleurs avec leurs organi- Le cortège du POI lors de la manifestation du 15 janvier.
d’aile « progressiste » de la bourgeoisie
sations, dont l’UGTT, de définir l’avenir, à l’inverse de ce qu’on leur et de l’armée qui aurait organisé
imposait jusqu’alors au compte des multinationales. tion du régime. Ce ne sont pas ceux-là, gouvernement français, Union le coup d’Etat en vue d’ouvrir une ère
C’est au peuple tunisien dans son ensemble de décider de son ave- européenne, Etats-Unis, qui peuvent décider, comme ils l’ont déjà de démocratie bourgeoise
nir, ce qui lui a été refusé jusqu’à présent au nom de la soumission fait dans d’autres pays — comme en Côte-d’Ivoire, par exemple, où, répondant aux aspirations de la classe
aux plans de l’Union européenne et du FMI. au nom de la « transition », on impose des accords entre fractions du ouvrière et du peuple portugais,
Et certainement pas à ces gouvernements — comme le gouverne- régime et opposition, avec pour résultat de conduire la Côte-d’Ivoire comme le prétendaient
ment français — qui, pendant vingt-trois ans, ont soutenu ce régime, au bord de l’explosion et de la guerre. les dirigeants du PCP et du PSP.
et qui, à travers l’accord d’association avec l’Union européenne et La seule voie pour la démocratie, c’est de respecter la souveraineté C’était il y a trente-sept ans. Quelle actua-
les plans du FMI, ont pillé le pays, écrasé économiquement et socia- du peuple tunisien et de la nation tunisienne. ■ lité. Quelle vigueur et quelle justesse.
lement la jeunesse et les travailleurs, tout en alimentant la corrup- Les secrétaires nationaux du Parti ouvrier indépendant
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132
> La vie du parti < 7
SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
Le conseil fédéral national (CFN) du POI s’est réuni les 15 et 16 janvier à Paris. Il était composé des
PARTI OUVRIER INDÉPENDANT
membres du bureau national et d’un représentant de chaque comité départemental. Après une large
discussion, il a adopté à l’unanimité un appel que nous publions ci-dessous. On lira, pages suivantes,
les principales décisions du conseil.
La levée en masse du peuple tunisien contre la famine provoquée par la hausse des prix et contre la ré-
pression a chassé le dictateur Ben Ali.
Après la gigantesque manifestation de Dublin, en Irlande, et les grèves générales de Grèce, du Portugal
et d’Espagne contre les plans dictés par le FMI et l’Union européenne, après le puissant mouvement de
grèves et de manifestations contre la réforme des retraites en France, la réplique des peuples s’intensifie.
Elle répond à la véritable guerre engagée par le capital financier pour préserver ses profits, cassant le
coût du travail et détruisant les emplois, les salaires, les services publics, les acquis de l’humanité.
Au point qu’un commentateur avisé, défenseur du système capitaliste, évoque publiquement « l’apocalypse
de la dette » d’où « viendra la prochaine grande crise. Une crise qui pourrait emporter jusqu’à la dé-
mocratie. » Il évoque « un choc d’une violence inouïe », une situation où les fonctionnaires « ne seraient
pas payés pendant des mois » et où l’Etat « larguerait au privé des pans entiers d’activités devenues
largement publiques comme l’éducation ou la santé ». Bref, une « faillite à venir des Etats modernes »
(mensuel des Echos).
Mais le soulèvement en Tunisie démontre, une fois de plus, la capacité des travailleurs et des peuples
à prendre en main leurs propres affaires.
L’année 2010 s’est achevée en France sur l’adoption de la • par la remise en cause des droits collectifs de la classe ou-
contre-réforme des retraites, rendue possible par le refus des vrière, les statuts comme les conventions collectives, et la
dirigeants de « l’intersyndicale » d’appeler à la grève pour son généralisation de la précarité et de l’individualisation, dans le
retrait et par l’acceptation par les partis de « gauche » du prin- privé comme dans le public, en application de la loi du 20 août
cipe d’une « réforme nécessaire ». 2008 sur la représentativité syndicale (le gouvernement pré-
En ce début 2011, le gouvernement Sarkozy-Fillon veut tend associer les organisations syndicales à ces plans destruc-
poursuivre les contre-réformes et engager un plan de destruc- teurs et leur imposer, au nom du « dialogue social », de renon-
tion d’une gravité sans précédent, dicté par l’Union europé- cer aux revendications ; il propose pour ce faire un « agenda
enne et le Fonds monétaire international (FMI) : social ») ;
• par le démantèlement de la Sécurité sociale, dont le Medef • par l’application des mesures européennes dans l’agricul-
exige que les bases de 1945 soient liquidées, au travers de l’ins- ture, la viticulture et la pêche qui font disparaître les petites
tauration du risque « dépendance » ; exploitations au bénéfice des multinationales ;
• par la liquidation totale du statut des fonctionnaires, pilier • par la réforme territoriale qui poursuit le démantèlement
des institutions républicaines, se combinant à la poursuite de de l’unité de la République, via notamment les agences régio-
la liquidation en masse des services publics, particulièrement nales de santé et autres institutions.
de l’école, des hôpitaux et de La Poste (privatisée depuis le Dans le même temps, le chômage grandit, la misère s’étend.
1er janvier de cette année) ; La jeunesse se voit privée de tout avenir. (Suite page 8)
8 > La vie du parti >>>
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
Bulletin à retourner à : Parti ouvrier indépendant 87, rue du Faubourg-Saint-Denis 75010 Paris
10
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132
> La vie du parti < SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
Seine-Saint-Denis
Education nationale
EN BREF
scolaires… en un “ECLAIR”
(Oise)
Parents et enseignants
obtiennent en partie
gain de cause
Le dispositif dénommé “ECLAIR” tend à généraliser une totale déréglementation visant autant les Le jeudi 13 janvier 2011,
les enseignants et des person-
personnels que les élèves. nels de vie scolaire, syndiqués
et non-syndiqués, du collège
de Ressons étaient en grève, avec
Photo AFP
lus de 700 000 élèves du CM 2 peu de voix s’élèvent pour révéler les avec les personnels d’éducation
RÉUNION À PARIS
11 DÉCEMBRE
CONFÉRENCE NATIONALE
Le Medef relance
“Tous les responsables politiques,
POUR L’UNITÉ
OUVRIÈRE son “agenda social”
avec des “négociations”
aujourd’hui, sont tournés vers 2012. tous azimuts
Mais la question des retraites n’est pas finie” (Une syndicaliste à EDF)
L
e 10 janvier, le Medef a reçu l’ensem-
ble des organisations syndicales pour
décider « d’un cycle pluriannuel de
délibérations et de négociations ». « Compte
tenu de l’ampleur du programme retenu,
Des militants de toutes appartenances débattent des suites de la conférence nationale lit-on dans le communiqué, les partenaires
pour l’unité ouvrière du 11 décembre 2010. sociaux ont convenu d’une journée par se-
maine pour le dialogue social. »
A été également décidée, lors de cette ren-
Une réunion s’est tenue le 12 janvier, à Paris,
Photo IO
contre, la mise en place d’un « comité de
avec des militants de toutes tendances des ar-
suivi qui réunisse tous les quatre mois les
rondissements parisiens, afin de poursuivre la
responsables de la négociation collective de
discussion qui s’est menée lors de la conférence
chacune des organisations ».
nationale pour l’unité ouvrière (qui s’était dérou-
A l’ordre du jour du premier semestre 2011 :
lée le 11 décembre dernier, à l’invitation du Parti
— « engagement d’une réflexion sur le finan-
ouvrier indépendant). Décision a été prise, à
cement de la protection sociale » (le patro-
l’issue de cette réunion parisienne, d’organiser
nat veut réduire encore les cotisations so-
une nouvelle réunion le 10 février, à partir de
ciales) ;
la diffusion et de la discussion de ce compte
— « poursuite des discussions sur la moder-
rendu dans les différents arrondissements.
nisation du dialogue social » (rappelons
que la loi du 20 août 2008 ouvre la voie aux
’est un syndicaliste des Gobelins qui intro-
Mutualité
Le nouveau président de la Mutualité
Les conséquences de la loi Bachelot
Photos AFP
une « adaptation indispensable de notre système de soins ».
A l’occasion de son élection à la présidence de la Fédération régimes obligatoires dans certains secteurs comme l’optique ou
nationale de la mutualité française (FNMF), le 14 décembre à un degré moindre l’audioprothèse. »
dernier, Etienne Caniard a prononcé un discours dans lequel Etienne Caniard propose de « réfléchir aux conséquences » et
il revient sur le devenir de l’assurance maladie. non d’inverser le désengagement continu de l’assurance ma-
ladie dans des domaines comme l’optique ou l’audiopro-
out d’abord, il a jugé utile de rappeler qu’« il faut que thèse (1). Et la conséquence, c’est bel et bien le transfert sur les
Italie
Fiat-Mirafiori, à Turin :
le chantage du directeur général Marchionne
Soumis par un référendum passé de justesse, un “accord” autorise la direction de Fiat
à déroger à toute convention collective.
endant six mois, il y a eu de la part de
Photo AFP
ÉCLAIRAGE
Marchionne, du gouvernement, de l’« op-
position », un chantage permanent à la
Rien n’est joué… fermeture et à la délocalisation pour faire accep-
ter aux travailleurs de Fiat-Mirafiori, à Turin, le
Ce que dit “l’accord”
nouveau type d’accord qu’exigeait le patron de
la Fiat. Mirafiori est le plus grand site d’Europe
soumis au référendum
Albert Dal Pozzolo pour la production de voitures, avec 40 000 L’accord signé le 23 décembre à
emplois, incluant les sous-traitants. Déman- l’usine Mirafiori de Fiat, à Turin, pré-
Les 13 et 14 janvier 2011, teler Mirafiori, c’est donner le signal pour le dé- voit :
la direction de Fiat a organisé mantèlement de l’industrie automobile en
— la diminution des pauses ;
France, en Allemagne, en Espagne.
un référendum dans son usine Le directeur général de Fiat a déclaré : « Nous — la baisse du salaire durant les
de Mirafiori, à Turin, sur un voulons une société sans contrat de travail des périodes de maladie ;
accord signé le 23 décembre 2010 métallos, autrement, nous n’investissons pas » — la restriction des dispenses de tra-
par les fédérations de la métal- (La Repubblica, 11 décembre 2010).
vaux pénibles pour les travailleurs
lurgie des confédérations UIL Pour aboutir à ses fins, Marchionne est allé jus-
qu’à créer une nouvelle société. Le 26 novembre ayant des problèmes de santé ;
(Union des travailleurs italiens) 2010, on lit dans La Repubblica que « naîtra une — l’augmentation de l’amplitude de
et CISL (confédération proche nouvelle compagnie avec Chysler à Mirafiori ». travail jusqu’à dix heures, et même
de l’Eglise catholique). La FIOM, C’est une joint-venture entre Fiat et Chrysler. le samedi ;
la fédération de la métallurgie Bien entendu, cela se fera sur le modèle de Pomi-
gliano : un accord d’en- — l’augmentation des heures sup-
de la Confédération générale treprise en dehors du plémentaires obligatoires.
des travailleurs italiens (CGIL), contrat national des mé- “Malgré De plus :
n’a pas signé. Son secrétaire tallos, qui augmente la Le directeur général de Fiat, Sergio Marchionne. — chaque travailleur devra signer
général a qualifié ce référendum flexibilité et interdit la les pressions, individuellement son contrat ;
d’illégitime. Cet accord prévoit grève. C’est le même signé par la FIOM. On appliquera aussi le nou-
la généralisation de la flexibilité type d’accord qu’aux le chantage vel accord d’entreprise, que la FIOM n’a pas non — les travailleurs, individuellement,
Etats-Unis. plus signé. Donc, dans la nouvelle société de signeront l’engagement de ne faire
et l’interdiction de faire grève Ce n’est pas tout : Mar- à la fermeture Mirafiori, la FIOM n’aura signé aucun accord. grève contre aucune partie de l’ac-
pour les syndicats signataires. chionne a décidé de En application de la législation du travail ita-
cord, sous peine de licenciement ;
Il y a un précédent : en juin 2010, sortir de l’association et la division, lienne, elle n’aura plus le droit de présenter des
nationale du patronat listes aux élections de délégués, elle n’aura donc — l’usine sera une « joint-venture »
la direction de Fiat a fait imposer
par référendum dans son usine
italien (la Confindus- dans les ateliers pas de représentants dans l’usine (1) ! (propriété conjointe de Fiat et de
tria, l’équivalent du Reste que, malgré les pressions, le chantage à l’américain Chrysler), qui n’adhérera
de Pomigliano, près de Naples, Medef en France). On les ouvriers la fermeture et la division, dans les ateliers les pas à la Cofindustria (l’organisation
un accord d’entreprise en dehors lit dans La Repubblica ouvriers ont voté non, parce qu’ils veulent l’unité patronale italienne) et ne sera donc
du contrat national de travail (4 décembre 2010) que ont voté non” pour le maintien du contrat national de travail,
par engagée par les accords signés par
des métallurgistes, imposant Marchionne veut « un le retrait du plan Marchionne et l’annulation
syndicat d’entreprise sur des suppressions d’emplois et du chômage tech- elle ;
la flexibilité et l’interdiction le modèle américain ». En sortant de la Confin- nique. ■ — les syndicats qui ne signent pas
du droit de grève. Ce référendum dustria, Marchionne entend s’émanciper de l’accord — dans ce cas, la FIOM — ne
a ouvert la voie à d’autres accords tous les accords qui réglementaient les relations (1) On notera la similitude avec la loi sur la représentati- pourront plus être représentés dans
dérogatoires au Code du travail de travail et qui étaient le produit de la lutte des vité syndicale du 20 août 2008 en France, aux termes de
l’usine : les travailleurs ne pourront
et aux conventions collectives. classes. laquelle les confédérations syndicales ne sont plus auto-
Dans la nouvelle société, on appliquera le contrat matiquement représentatives et un syndicat qui n’a pas plus élire librement leurs délégués.
A Fiat-Mirafiori, le oui est passé national des métallos de 2009, qui n’a pas été 10 % aux élections n’est plus représenté dans l’entreprise.
de justesse : avec une participa-
tion de 94 %, 2 736 travailleurs INTERVIEW
ont voté oui (54,05 %) et 2 326
ont voté non (45,95 %). Mais sur-
tout, le non est majoritaire parmi
“C’est un pas très grave vers l’individualisation du rapport de travail”
les ouvriers de la chaîne de mon-
tage (53,20 %) et du polissage Lorenzo Varaldo, militant syndicaliste italien (interview réalisée à la veille du référendum).
(50,66 %). Malgré le chantage, les
pressions, la division, la majorité Quelle est la situation à l’usine de flexibilité et d’exploitation « bes- Cela signifie un pas très grave vers affirme même que la FIOM était dis-
Fiat de Mirafiori, à Turin ? tiales », ou bien la Fiat ferme Mira- l’individualisation du rapport de ponible pour trouver des accords
des ouvriers travaillant Le 23 décembre, Sergio Marchionne, fiori et délocalise. En no- travail et la fin de la possi- « pour augmenter la productivité et
Photo IO
à la chaîne a voté non. directeur général de Fiat, a signé vembre, à la télévision, bilité de se défendre en tant la compétitivité ». De son côté, la
Par ailleurs, il faut souligner que, avec les syndicats CISL-UIL-UGL Marchionne avait osé dé- que classe, c’est-à-dire d’op- direction de la CGIL, même si elle a
même parmi ceux un « accord » pour l’usine de Mira- clarer, face à des millions poser une force unie au ca- pris position contre l’accord, sou-
fiori. C’est la principale usine de Fiat de téléspectateurs : « Pour pital. Il s’agit, ni plus ni tient la grève du 28 janvier, mais
qui ont voté oui, pour beaucoup,
à Turin, où travaillaient cent trente la Fiat l’Italie est un poids. » moins, que de miner les ra- refuse d’appeler à une grève géné-
c’était contraints et forcés. mille personnes dans les années Rappelons que, selon des cines de toute possibilité rale comme le lui demandent de
En réalité, tout le monde est 1980, avec, aujourd’hui, à peine plus estimations officielles, pour les travailleurs de s’or- nombreux militants et instances syn-
contre l’accord. Les 54 % qui ont de dix mille salariés, presque tous Fiat a reçu de l’Etat, entre ganiser sur un terrain indé- dicales.
voté oui disent ouvertement en chômage technique depuis no- exemptions fiscales, contri- pendant de classe. De nombreux dirigeants du Parti
vembre. Marchionne, qui, en 2007, butions et aides diverses,
“Fiat devient démocrate (PD) ont pris position
qu’ils l’ont fait parce qu’ils ont avait déclaré : « J’ai une méthode, quelque chose comme une “zone Dans quel contexte se ouvertement en faveur de l’« ac-
une famille à nourrir. Beaucoup une méthode qui s’inspire de la flexi- 500 milliards d’euros ! franche” tient le référendum ? cord ». Dans le même temps, le se-
disent que « Rien n’est garanti », bilité sauvage, je veux organiser le dans laquelle Les 13 et 14 janvier, les tra- crétaire national, Bersani, a de-
« Nous avons choisi entre mourir chaos », a cherché avec cet « accord » Quel est ton appréciation existent vailleurs de Fiat seront appe- mandé que « l’accord soit voté au
tout de suite ou peu à peu ». à mettre les travailleurs dans des sur l’accord signé le 23 dé- lés « à voter » oui ou non Parlement », ajoutant que « les chan-
conditions de précarité et d’insta- cembre et soumis les 13
des lois sous la menace de perdre gements sont nécessaires, l’investis-
D’autres : « Marchionne conduit bilité les plus terribles possibles pour et 14 janvier à référen- différentes définitivement leur travail : sement de Fiat est très fort, s’il abou-
l’Italie au désastre. » Aucun pratiquer le chantage et leur im- dum ? de celles c’est un chantage. La FIOM tira à la réforme qu’il faut, ce sera
soutien à Marchionne, poser, justement, les conditions sau- Fiat devient une « zone appliquées n’a pas signé l’accord, a positif ». Mais un million de travail-
aucun soutien à la CISL-UIL ! vages de travail et d’exploitation que franche » dans laquelle dans le reste dénoncé comme illégitime leurs avaient manifesté contre l’ac-
Même si Marchionne et la Fiat réclame le « marché ». existent des lois différentes ce référendum et a appelé à cord de Pomigliano, le 16 octobre
Les conditions de Marchionne sont de celles appliquées dans
du pays” une grève nationale de huit dernier, à Rome, et toute la popu-
chantent aujourd’hui victoire, claires : ou bien les syndicats accep- le reste du pays, ouvrant heures pour le 28 janvier. lation est indignée par la politique
rien n’est joué, quelque chose tent la remise en cause de la conven- ainsi la voie à la destruction pure et Mais, étonnamment, dans la plate- de Marchionne.
mûrit dans la classe ouvrière tion collective, l’individualisation simple des conventions collectives forme de la grève, on ne demande Propos recueillis par
italienne. ■ du contrat de travail, des conditions dans tous les secteurs. pas le « retrait » de l’accord et on Albert DAL POZZOLO ■
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132
> La page quinze < SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
15
la barbarie ordinaire” L
Les énigmes du sphinx
Arte, samedi 22 janvier 2011, 20 h 40.
a télévision n’est pas avare en émis-
L
qui les fédère.
remment sans tradition syndicale, louable que les interrogations remontent
le plus souvent au poste d’accueil, à l’Ancien Empire, à la IVe dynastie, il y a
● 1967 : constitution de l’Agence
alors que c’est un public en grande environ 4 500 ans… Il sera rappelé d’ai-
nationale pour l’emploi, ayant
difficulté qui hante cette agence. leurs qu’aucune certitude n’existe tou-
pour mission d’aider les chômeurs
Elle n’a reçu que très tardivement jours quant à la façon dont furent bâties
à retrouver un emploi.
une « formation » (guillemets de les pyramides. Moult théories ont été envi-
rigueur) courte, bâclée et ineffi- sagées, dont beaucoup sont parfaitement
● 2008 : dissolution
ciente. fantaisistes. Certaines sont plus sérieuses,
de ces deux organismes,
Elle a été au bout de son CDD mal- plausibles, sans que l’on puisse affirmer
remplacés par Pôle emploi.
gré la peur au ventre qui la tiraillait, (le pourra-t-on jamais ?) laquelle fut réel-
malgré les incompréhensions de lement mise en œuvre.
certains de ses collègues, malgré Il en va de même du sphinx. On ne sait
Raymond Herrera
une hiérarchie déficiente. Elle a vécu exactement comment il fut bâti, ni à quelle
un cauchemar qui a même emporté période précise. Se rattache-il au com-
a jeune femme a
sa vie affective. Ce livre est un exu- plexe funéraire du pharaon Kheops ou à
écrit ce livre-pam-
toire, qui, de toute évidence, lui était celui de son fils, Khephren ? Quel mythe
phlet à la suite
nécessaire. et quelle symbolique (le corps d’un lion
d’un contrat à du-
Il y a des centaines de Marion Ber- surmonté d’une tête humaine) voulait-il
rée déterminée
geron en CDD à Pôle emploi. Mal- exprimer ? Le mot « énigmes » mérite bien
(CDD) particu-
gré les réelles difficultés de leur son pluriel. F. P.
lièrement mal
insertion violente dans les services,
vécu dans une
elles voudraient y demeurer, passer RADIO
agence locale de l’ex-ANPE, en
en contrat à durée indéterminée.
A
pleine débâcle de la crise capitaliste
Les plans d’austérité en auront dé-
de 2009 sur fond de fusion ANPE-
Assedic. Si « les plus désespérés sont
— selon Alfred de Musset — les
cidé autrement : en 2011, Pôle Mille
huit cents postes en moins.
Les oubliés de La Courtine
La « barbarie ordinaire » vécue par
chants les plus beaux », celui qui est
Marion Bergeron est la réalité de u printemps 1917, sur le front de
poussé tout au long de ces 236 pages
dizaines de milliers de salariés ex- Champagne, après l’atroce offen-
ne relève pas de la poésie.
ploités sans droits et sans avenir. sive Nivelle (270 000 morts du côté
Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un chant
Son livre est un pavé jeté dans la français), des soldats se révoltent. Ils font
désespéré, mais d’un témoignage
mare nauséabonde de la dérégle- partie des nombreux soldats à se mutiner
désespérant.
mentation (que ne perçoit pas tou- à cette époque. Mais leur particularité, c’est
En fait, la jeune femme raconte, au
jours l’auteur). Juste un petit pavé, d’être Russes. En effet, le tsar Nicolas II, en
présent de l’indicatif, son histoire
peut-être… mais c’est déjà ça ! échange d’armements, a vendu plusieurs
parfois hallucinante dans ce qui fut
milliers de soldats au gouvernement fran-
un service public de l’Etat. La vio-
183 jours de barbarie ordinaire. En CDD çais.
lence y côtoie les absurdités inhé- vernants et la haute hiérarchie : le
chez Pôle emploi. Plon, 236 pages, 18,50 eu- Ces Russes, qui ont été gagnés peu à peu
rentes à la création de Pôle emploi
voulue par le président de la Répu-
“Ce livre est d’autant directeur général, Christian Charpy,
le secrétaire d’Etat de l’époque, Lau-
ros. par les idées révolutionnaires, veulent ren-
trer au pays. En Russie, depuis février 1917,
blique et la présidente du Medef.
Son malheur de travailleuse-chô-
plus dérangeant rent Vauquiez, leurs commandi-
taires, Laurence Parisot et Nicolas
après la chute de Nicolas II, les soldats ont
EXTRAITS obtenu de n’être plus soumis aux terribles
meuse temporaire se cumule donc
avec les imbécillités de la fusion,
qu’il émane Sarkozy, en prennent alors pour leur
grade !
châtiments corporels. Ils ont obtenu le droit
« Nous sommes à la fin du mois de constituer, mais avec leurs officiers, des
la transformation d’un service
public censé dorénavant s’occuper
de quelqu’un Ce livre est un vrai témoignage. Il
est d’autant plus dérangeant (cette de juin, en pleine période d’ac- comités, des soviets. Le 1er mai, en Cham-
tualisation. Les demandeurs sont pagne, ils manifestent avec les drapeaux
de « clients » somme toute un peu
particuliers, qui se débattent eux-
qui n’est engagé fois pour nos gouvernants) qu’il
émane de quelqu’un qui n’est en- tous perdus. Beaucoup avaient rouges...
pris l’habitude d’utiliser les bornes Les états-majors français et russe décident
mêmes avec la politique de radia-
tion, les incohérences apparentes
ni politiquement gagé ni politiquement ni syndica-
lement, qui n’est pas issu du monde
de pointage mises à leur dispo- d’éloigner ces soldats peu contrôlables des
sition dans l’ancienne agence troupes françaises. Le camp de La Cour-
d’un système qu’ils ne compren-
nent pas et qui — en fait — est une
ni syndicalement, administratif, venu exécuter son
CDD sans idée préconçue, en toute
Assedic (…). Notre direction a tine, dans la Creuse (près de Gentioux), est
beau nous promettre leur arrivée choisi à cet effet. Ils seront 9 000 à y être
arme de combat contre leurs droits
les plus élémentaires.
qui n’est pas issu bonne volonté.
Jusqu’au bout, l’auteur utilise le
imminente, je n’y crois guère.
Aucun espace n’a été prévu pour
enfermés, mais avec leurs armes ! Ils refu-
sent un ultimatum et, le 16 septembre 1917,
Les agents statutaires sont violen-
tés dans ce processus malsain. Il
du monde administratif, terme « clients » pour parler des de-
mandeurs d’emploi. Ce faisant, elle
les installer (…). L’actualisation
ne peut plus se faire, pour ceux
ils joueront de la musique et chanteront,
avant de riposter. Ils se rendront finale-
n’est pas difficile d’imaginer ce qu’a
pu vivre et ressentir une jeune
venu exécuter son CDD montre son éloignement idéolo-
gique des défenseurs du service
qui n’ont ni connexion Internet ni
téléphone à domicile, que dans
ment, le combat étant inégal.
Les survivants faits prisonniers continue-
femme arrivée là tout à fait par
hasard.
sans idée préconçue, public républicain (à Pôle emploi,
ceux-ci récusent cette terminolo-
un seul lieu. L’accueil de mon
agence (…).
ront à résister, refusant le travail ou bien
Plus de vingt clients font le pied introduisant le ferment révolutionnaire là
Ce livre est dérangeant, car Marion
Bergeron n’hésite pas à écrire, par-
en toute bonne volonté” gie).
Pourtant, lorsqu’elle décrit minu- de grue. L’ambiance est orageuse. où on les avait envoyés, en Algérie...
On a déménagé les Assedic, sup- En 1920 seulement, le jeune gouvernement
fois, ce qu’elle perçoit sans prendre tieusement une journée passée à la
primé des équipements (…). Je soviétique obtiendra leur rapatriement.
— volontairement — le moindre re- de Pôle emploi. plate-forme téléphonique, elle té-
travaille dans une grosse marmite L’émission, écrite et réalisée par Michel
cul. La perception qu’elle peut alors Ces expressions brutes de ressenti moigne scrupuleusement de la dé-
où remuent à gros bouillons l’im- Sidoroff, diffusée le 16 janvier, peut être
avoir du public difficile qui passe contrastent alors avec les périodes qualification orchestrée des agents
patience, la colère et l’humilia- téléchargée gratuitement (podcastée) sur
nécessairement par les services de de réflexion où la jeune femme de l’ex-ANPE.
tion. » le site de France Inter : France Inter.com
Pôle emploi choque le lecteur, plus entrevoit les tenants et les aboutis- Lorsqu’elle indique ce qu’elle doit
R. H. ■
encore le lecteur lui-même agent sants de ce qui est exigé par les gou- inscrire comme « conclusion d’en-
INFORMATIONS OUVRIÈRES N0 132 SEMAINE DU 20 AU 26 JANVIER 2011
INFORMATIONS OUVRIÈRES sincèrement combattre pour l’émancipation • Rédacteur en chef : Lucien Gauthier. • Rédaction : Informations ouvrières, • Administration-abonnements :
Tribune libre de la lutte des classes des travailleurs. Cela sous leur propre • Siège : 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, 75010 Paris. 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, Maïté Dayan.
Dans le cadre de sa tribune libre, Informations responsabilité. L’hebdomadaire est édité • Imprimerie : Rotinfed 2000, Paris. CS 30016 - 75479, Paris CEDEX 10. Tél. : 01 48 01 88 22 ;
ouvrières, fondé par Pierre Lambert, offre par l’association (loi 1901) • Tirage : 20 000 exemplaires. Tél. : 01 48 01 89 23. 01 48 01 88 41.
la possibilité de s’exprimer librement à tout Informations ouvrières. • Commission paritaire : 0909 C85 410. Fax : 01 48 01 89 29. E-mail : diffusion-io@fr.oleane.com
groupement ou formation politique qui entend Daniel Gluckstein, directeur de la publication. • ISSN : 0813 9500. E-mail : informations-ouvrieres@fr.oleane.com • Dépôt légal : à publication.
L’HUMEUR
Faites-le savoir Vu à la télévision
“Médecins
de Michel Sérac
S’indigner de demain”
Photo DR
Ça roule pour eux Entendu, vu, lu
et s’organiser Documentaire
n rapport de l’office
dans “La Tribune”
M. Stéphane Hessel
appartient à des tradi-
U gouvernemental de tu-
telle des banques aux
Etats-Unis vient d’être publié
(14 janvier 2011)
France 4, vendredi 14 janvier,
20 h 35 (rediffusion
le 1er février à 20 h 35).
tions politiques qui ne sur la situation des crédits
avid et Delphine sont chi-
sont pas les nôtres.
Les espoirs que fonde
sur l’ONU, pour remé-
immobiliers.
Les chiffres sont, à proprement
parler, effrayants.
Il est particulièrement éclai-
D rurgiens, Paul est urgen-
tiste, Sixtine est gynéco-
logue, François est généraliste.
dier aux maux rant sur les saisies immobi- Ils sont à différents niveaux de
de la société, cet ancien lières. Le cap des 13 000 procé- leur apprentissage, certains au
ambassadeur, pa- début, d’autres à quelques mois
Photo DR
tion de la société, 6 mois (25 numéros) : 33 euros • 1 an (51 numéros) : 65 euros • 1 an, pli clos : 110 euros
Date : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
voulue par le capital, Comité : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Département : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature (obligatoire) :
est sans doute un pre-
mier pas. S’organiser Nom, prénom : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
pour que la lutte de
classe lui barre la route N° : . . . . . . . . . . . Rue, bd, ave., etc. : . . . . . . . . . Nom de la voie : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
et engage la recon-
quête, est le second.
.......................................................................................................
Un avenir crépuscu- IMPORTANT : n’oubliez pas
laire n’est pas du goût de joindre un relevé d’identité
Code postal : . . . . . . . . . . . . . Ville : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . bancaire ou postal,
de la jeunesse, en France de dater et signer votre
comme en Tunisie. ET TOUJOURS... autorisation de prélèvement.
Numéro national émetteur : 442543
(1) Indignez-vous !
12 numéros : 10 euros pour tout premier abonnement
Bulletin à renvoyer à : Informations ouvrières, 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, CS 30016, 75479 Paris Cedex 10. Chèque à l’ordre d’Informations ouvrières