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Techniques du roman
Le secrets de papier du conteur d'encre.
D'un cours sur l'écriture, on attend au mieux qu'il
forme le style de l'élève, au pire qu'il redresse son
orthographe et sa syntaxe, dans l'ensemble qu'il lui
apprenne à s'exprimer par écrit. Ce n'est pas l'objectif
d'un cours sur les techniques d'écriture qui supposent
déjà une maîtrise normale de la langue et de son
expression écrite pour franchir un nouveau seuil.
Car de nouvelles possibilités s'offrent à celui qui
dispose d'une expression écrite raisonnablement
correcte : rédaction d'articles, d'essais, de poèmes, de
nouvelles, de romans, de pamphlets, de diatribes, de
pièces de théâtres, de scénarios pour le cinémaä bref,
un champ immense pour lequel les méthodes
pratiques sont rares, souvent inexistantes.
Ce cours s'adresse donc à ceux qui souhaitent
développer leurs possibilités. Mais, objectera-t-on, les
techniques d'écriture peuvent-elles réellement
apporter plus que la lecture des bons auteurs dans le
genre considéré ? Remarquons que pour qui veut
s'exprimer dans une langue qu'il ne connaît pas, ou
mal, la simple lecture de textes ne dispense pas de
l'étude de la grammaire, même si elle en constitue
l'aboutissement. En d'autres termes, ce cours ne
dispense pas de lire mais il vous fera gagner du
temps. Pour prendre le cas du roman, qui fait l'objet
de ce premier module, les techniques utilisées par les
romanciers ne sont pas plus visibles à l'¶il nu que
celles qui permettent au peintre de composer sa toile.
Au contraire, tels des échaffaudages provisoires, elles
disparaissent une fois l'¶uvre menée à bien. Voilà

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pourquoi une simple indication dans ce domaine peut


faire gagner des semaines ou même des années de
lectures comparées à un écrivain débutant. De fait, les
professionnels eux-mêmes ont à c¶ur d'affiner sans
cesse leurs techniques, comme dans tout métier.
En quoi consistent ces techniques du roman ?
Définissons-les comme des conseils utiles, jamais
impératifs, mais qui correspondent néanmoins à une
demande de lisibilité de la part d'un lecteur potentiel.
Par exemple, commencer un roman par une longue
description de deux pages sans jamais aller à la ligne
est un bon moyen de décourager un lecteur
normalement constitué. Le « conseil » - ou la
technique - cherche à éviter ce type de faux pas, ici en
proposant de démarrer par une « action », pas
nécessairement violente ou mouvementée, mais
simplement un ensemble d'événements suffisamment
vivants pour que le lecteur puisse y installer son
imagination. A partir de là, il acceptera plus
facilement, en deuxième lieu, une longue description.
Ces conseils, répétons-le, n'ont rien d'absolu, il suffit
de parcourir une bibliothèque pour s'en rendre
compte. Néanmoins leur respect entraîne la gratitude
du lecteur. Ils constituent des règles de métier à la
fois contingentes et salutaires.
Ces règles à connaître et à respecter, ou à briser -
mais seulement à condition de les maîtriser - pour
donner à un texte la forme d'un roman, sont
regroupées ici sous un certain nombre de rubriques
qui constitueront autant d'étapes dans ce cours :
1. L'IDÉE ou, si l'on préfère, le germe de l'histoire.
Chacun sait qu'une idée n'est pas une histoire, qu'il
faut savoir la développer. Mais où trouver les idées, et
comment s'assurer de leur validité pour garantir la

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lisibilité du récit avant même d'élaborer l'intrigue ?


2. Le CONFLIT PRINCIPAL doit également faire l'objet
de considérations attentives avant de développer
l'intrigue. Vous vous souvenez de l'adage : « Les
peuples heureux n'ont pas d'histoire ». En jouant à
peine sur le terme « histoire », cette remarque vaut
pour les personnages de votre récit. Des obstacles
doivent se dresser sur leur route pour que le lecteur
s'intéresse à eux et à la façon dont il vont les
surmonter. Mais quels genres d'obstacles ? Et
comment les choisir pour amener le lecteur à
s'identifier au personnage principal ?
3. L'INTRIGUE ne peut se développer de façon valable
que lorsque les points précédents sont éclaircis. Il
sera alors plus aisé de mettre au point le rythme du
récit et la série de difficultés successives et
progressives qui doivent tenir le lecteur en haleine.
Mais sur quelles lois non écrite cette progressivité
s'appuie-t-elle ?
4. Le POINT DE VUE, l'endroit d'où se tient le lecteur
pour prendre connaissance des événements, doit être
choisi avec soin. Normalement c'est à un personnage
précis que revient le rôle de caméra enregistreuse
pour la plus grande partie du récit. Mais ce
Personnage-Point de Vue ne joue pas forcément le
rôle principal. Tout dépend du type de récit ou de
l'effet souhaité.
5. Une certaine VISION DU MONDE se dégage
inévitablement d'une histoire. Il est préférable
toutefois que l'auteur soit conscient de celle qu'il
introduit dans son récit pour éviter certaines fautes de
ton, voire des contradictions formelles dans le choix

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des scènes et des personnages. Souvent, c'est cette


vision du monde qui pousse l'auteur à prendre la
plume. Elle joue alors un rôle particulier et doit faire
l'objet d'un développement précis pour guider la
création de l'histoire.
6. Les éléments fondamentaux de la COMPOSITION
du récit sont : l'exposition, la description, la narration,
l'action et le dialogue. Ces éléments ont des fonctions
précises : l'exposition donne des informations au
lecteur, la description suscite en lui l'émotion, la
narration lui permet de couvrir beaucoup de temps en
peu de mots tandis que l'action et le dialogue le
rendent spectateur des événements en « temps réel »
(il s'agit ici d'un « temps réel » conventionnel). Pour
obtenir un maximum d'effet, il faut là aussi respecter
quelque principes autant dans l'application que dans
la mise en relation de ces différents éléments.
7. La PEINTURE DES PERSONNAGES gagne elle aussi
à tenir compte de conseils pratiques. Il s'agit bien sûr
de construire les personnages mais aussi de les faire
vivre, et pas seulement à travers les péripéties de
l'histoire. Un seul exemple : certains écrivains
décrivent avec un grand luxe de détails dans le
premier chapitre de leurs romans des personnages
que l'on ne retrouvera que dans le dernier chapitre et
qui seront juste mentionnés par leur noms. Un tel
procédé déroute le lecteur quand le roman a une
longueur normale. Au début, ces personnages
secondaires envahissent indûment la scène, à la fin ils
se réduisent à des noms dont le référent a été oublié,
autant dire à des abstractions. Il est préférable
d'insuffler la vie aux personnage tout au long du récit
: l'auteur du roman, tel le Dieu de Descartes, opère
une création continue. A aucun moment le lecteur ne

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doit avoir le sentiment, en ce qui concerne un


personnage, d'être en présence d'une variable dans
une fonction ou, en ce qui concerne une scène, d'avoir
affaire à un simple moyen d'information.
8. A ces éléments fondamentaux peuvent s'ajouter des
techniques pour CAPTIVER L'INTÉRÊT du lecteur,
telles que l'utilisation du « délai explosif » auquel le
cinéma nous a habitués (plus que trois jours pour
retrouver l'enfant kidnappeur, vingt heures pour
prouver l'innocence de la victime, quatorze minutes
pour faire sauter la planète avant l'arrivée du
méchant agent secretä) ou, de façon plus subtile, l'art
de poser un oeil neuf, parfois paradoxal, sur des
situations pourtant communes.
Des techniques, on est en droit d'attendre beaucoup,
mais pas plus qu'elles ne peuvent donner. Si le mode
d'emploi est indispensable pour atteindre l'objectif, il
ne parcourt pas le chemin à la place de celui qui le lit.
Ce cours ne prétend donc pas se substituer à celui qui
écrit, ni lui donner des directives sur le fond de son
imaginaire personnel. C'est là affaire d'intuition. Tout
au plus peut-on indiquer quelques recettes efficaces
pour libérer l'inspiration.
En revanche, ce fond imaginaire incompressible doit
s'appuyer sur des structures qui le rendent lisible par
un lecteur de notre époque. En cela réside le métier
du conteur. Celui qui écoute le griot ou qui lit le
romancier n'est pas dépourvu d'imaginaire, sinon
pourquoi ferait-il cet effort d'écoute ou de lecture,
dont parfois il ne gratifie même pas ses proches ? Le
lecteur s'instruit par nécessité mais lit des histoires
par plaisir. Il n'attend pas qu'un roman lui apprenne
quelque chose mais qu'il donne forme à son
imaginaire à lui. Sauf exception, inutile de parler «

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science-fiction » à une dame férue d'« eau-de-rose »


ou « espionnage » à un adepte du « gothique ».
Vous ne travaillerez donc votre imaginaire que pour
mieux développer celui de vos lecteurs. Raconter une
histoire, c'est avant tout savoir la présenter, lui
donner un punch narratif. C'est parfois là le seul
effort de l'auteur. Le Don Juan de Molière n'est pas
une ¶uvre originale mais une version remaniée d'une
vieille histoire. La Phèdre de la mythologie a inspiré
aussi bien Sophocle, qu'Euripide ou Racine et, plus
près de nous, a donné Le Lauréat. Et la liste se
poursuit à l'infini. C'est dire l'importance des règles
que nous allons étudier. Même le vertige de la page
blanche trouve sa cause non pas dans un manque de
créativité mais dans cette méconnaissance des
techniques du récit qui relient l'imaginaire au stylo ou
au clavier.
Mais avant d'entamer leur étude, un point important
doit être précisé concernant l'écriture «
professionnelle ».
Celui qui écrit, s'il ne s'octroie pas toujours le titre
d'écrivain, peut au moins s'accorder la qualification
d'écrivant. L'écrivain s'insère dans la société par
l'activité qui consiste à écrire, il en vit ou s'y efforce.
L'écrivant, lui, écrit dans les marges. Situation qui
n'est pas sans évoquer ce qui sépare l'« artiste-peintre
» du « peintre du dimanche ».
L'écrivant — l'écrivain du dimanche— aspire parfois à
remplir d'encre les autres jours de la semaine.
Souhait périlleux pour qui se consacre à l'imaginaire
et, on le sait, mortel pour le poète. Les histoires
inventées, qu'elles soient drôles ou tragiques,
merveilleuses ou réalistes, qu'elles adoptent la forme
de la nouvelle, du roman, du conte ou bien d'autres
encore, gagnent à être techniquement parfaites. Mais,

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s'il s'agit d'une condition nécessaire pour être publié,


ce n'est pas pour autant une condition suffisante.
Ceux qui souhaitent améliorer leurs récits trouveront
ici les ficelles du métier, mais rien qu'elles. Placer un
roman auprès d'un éditeur relève d'une stratégie qui
sort du cadre de ce cours.
Comment allons-nous procéder ?
Le cours lui-même comprendra, à chaque livraison, un
exposé technique et des fiches pratiques
(récapitulatifs, processus, exercicesä). L'exposé
développera les principales règles de la construction
de l'histoire en les appuyant sur des exemples précis.
Lorsque les techniques s'y prêteront, nous entrerons
dans la chair même des textes pour assister à leur
génèse et en créer de nouveaux. Après réflexion, nous
avons décidé de ne pas gommer complètement
l'humour qui dominait nos précédents articles (parus
en 1984-1985). En effet, une présentation burlesque
permet souvent de mieux mettre en relief les
articulations de techniques qui, dans leur principe
même, cherchent à se faire oublier.
Par ailleurs, l'efficacité d'un cours dépendant de sa
clarté, nous n'éviterons pas, comme cela se ferait pour
un livre, les répétitions. Nous reviendrons parfois sur
certaines techniques pour leur donner un nouvel
éclairage à l'occasion de l'étude de rubriques
nouvelles. De même, la présence d'intertitres ou de
divisions des articulations du cours devrait permettre
à chacun de retrouver rapidement les éléments dont il
peut avoir besoin.
Les fiches pratiques vous proposeront des exercices
ludiques pour vous aider à mettre vos idées au clair et
à bâtir vos romans (intrigue, personnages,
péripétiesä). Cela demandera une lecture active des
textes de votre choix, auxquels vous pourrez ajouter

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ceux mentionnés dans les exemples, ainsi qu'un travail


de rédaction. Est-il besoin de préciser que ce sont ces
activités qui vous permettront de tirer profit de ce
cours ?
Résumons-nous :
Ce cours a pour objectif d'enseigner les techniques
qu'emploient les romanciers les plus lus. En tenant
compte de ces données, chacun pourra s'améliorer à
son propre niveau. Celui qui n'a jamais commencé son
roman prendra connaissance des éléments qui lui
manquaient pour donner forme à ses idées et
disposera également des outils conceptuels pour
démarrer. Celui qui s'est arrêté en cours de route, ou
qui n'a pas su comment terminer son livre, en viendra
enfin à bout : la connaissance des règles de
progression de l'action, non seulement lui montrera la
voie, mais lui indiquera ce qu'il faut remanier dans ce
qu'il a déjà rédigé.
Et que dire de celui qui a écrit des romans qu'il n'a
pas réussi à placer ? C'est une question délicate mais,
là encore, ce cours peut s'avérer utile en ce sens que,
si les refus n'ont pas été justifiés par l'éditeur, ce qui
est le cas le plus fréquent, l'auteur pourra devenir son
propre directeur littéraire : en d'autres termes, il
saura comment réviser son roman, si besoin est.
Dernier cas de figure possible : vous avez trouvé un
éditeur mais votre livre a reçu un accueil frileux. Alors
les règles ici révélées vous permettront d'améliorer la
lisibilité de votre prochain roman et, espérons-le,
d'élargir son public. Mais rappelez-vous que votre
succès ne sera dû qu'à votre travail personnel, et que
vous aurez, en raison de vos dispositions propres, plus
de facilité pour certains types de romans (« populaires
» ou « littéraires », sachant que chacun de ces genres
recèle des difficultés techniques spécifiques). Vous

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aurez donc à trouver votre voie tout en tenant compte


de vos aspirations. Mais dites-vous aussi que le désir,
lorsqu'il est intense, surmonte tous les obstacles.
Par ailleurs, puisque l'habileté professionnelle est au
service de la créativité, elle ne doit pas l'étouffer. Un
tel incident serait l'indice le plus sûr d'une mauvaise
utilisation des techniques. Un roman sort de son
auteur tout entier : ses connaissances, son expérience
de la vie, sa subjectivité, ses trouvailles s'y combinent
selon un processus alchimique dont les techniques ne
sont que le catalyseur.
Et maintenant, commençons par le point de départ le
plus commun du roman : l'idée.

De l'idée simple à l'idée de roman


Tout ce qui est produit par l'homme commence par
une idée, même un roman. Cette idée se présente
parfois d'elle-même : Umberto Ecco voulait tuer un
moine, ce qui l'a poussé à écrire Le Nom de la Rose. A
d'autres moments elle fait l'objet de recherches :
Mickey Spillane qui, selon son propre aveu, se livre à
une écriture industrielle, n'a pas le temps d'attendre
les idées, il les fabrique de façon systématique,
comme tous ceux qui écrivent à la chaîne. Mais une «
idée » n'est pas nécessairement une idée de roman,
qu'elle s'impose d'elle-même ou non. La pierre brute
doit être taillée pour devenir joyau. Donc, dans tous
les cas, une recherche s'avère nécessaire. Mais où
trouver les idées et à quoi ressemblent-t-elles ?

I. Où trouver des idées ?


Où ? Partout ! Tout est source d'idées pour le
romancier. C'est moins le matériau qui manque

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qu'une certaine qualité du regard auquel se joint une


efferverscence de l'imagination. Si vous ¶uvrez dans
la littérature générale, disons « psychologique », une
observation intense du comportement humain vous
fournira l'essentiel tandis que l'imagination requise se
limitera à un rôle de mise en forme. Si en revanche
vos intérêts vous portent vers la science-fiction ou le
fantastique, l'observation du monde extérieur ne sera
qu'un point de départ à partir duquel votre
imagination se déploiera dans diverses directions.
Mais, avant même d'envisager le rôle de l'imagination
et la façon dont elle transforme les idées brutes en
idées de roman, il est important d'indiquer de façon
plus précise les sources d'où jaillissent les idées car
c'est souvent une cause d'étonnement pour celui qui
n'écrit pas. « Mais où allez-vous chercher tout ça ? »
demande-t-on souvent à l'écrivant, signifiant par là
qu'on considère qu'il s'agit d'un processus hasardeux,
lequel, par définition, ne peut être maîtrisé. Or
l'écrivain, celui qui vit de sa plume, ne peut pas
dépendre d'un phénomène aléatoire.
Une autre raison justifie cet inventaire : certains
domaines de l'expérience humaine qui suscitent
facilement des idées chez les uns n'éveillent aucun
écho chez les autres. Aussi est-il bon non seulement
de s'exercer à repérer les zones auxquelles on est
personnellement sensible mais aussi d'aborder celles
qui ne nous inspirent pas afin d'élargir le champ de
notre créativité.
Notre intention n'étant pas d'illustrer toutes les
sources possibles d'idées, mais simplement de les
énoncer pour que chacun soit à même de trouver celle
qui lui parle le plus, continuons de façon plus
systématique :
En partant de l'expérience effective, on peut en

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distinguer trois :

A. Ce qui s'est réellement passé (les faits).


1. L'expérience réelle personnelle est à l'origine de la
plupart des romans de littérature générale. Proust,
Hemingway, Dickens et beaucoup d'autres ont suivi
cette voie. Ce principe est tellement connu que je ne
m'y étendrai pas.
2. Toutefois l'expérience réelle ne se résume pas à ce
que nous avons personnellement vécu. Un tableau
inattendu ou une discussion surprise au coin d'une
rue peuvent suggérer une idée de roman. Ainsi l'idée
du premier roman policier de Joël Houssin, Le
Doberman, lui a été donnée par une histoire entendue
à table, lors d'un repas familial. Dans ce domaine,
l'écrivain n'a aucune supériorité de pensée : l'idée
peut lui être servie sur un plateau par un anonyme
Louis Bouilhet (qui, rappelons-le, a suggéré à Flaubert
l'idée de Madame Bovary).
3. De façon générale les événements courants du
monde qui nous entoure inspirent régulièrement les
écrivains :
a. Les événements factuels, ceux dont nous prenons
connaissance par les journaux, ont inspiré des romans
tels que Robinson Crusoë, Le Parrain ou Les dents de
la Mer. Bien des films à succès sont adaptés de
romans dont l'origine se situe dans un fait divers
arraché aux pages d'un quotidien.
b. Les événements à longue portée tels que les
inventions nouvelles qui bouleversent notre vision du
monde (la bombe atomique, les voyages dans
l'espaceä) ou les innovations techniques qui changent
nos habitudes quotidiennes (le téléphone portable, la
télévision par satellite, les « autoroutes de
l'information », la vente par hypnose instantanéeä)

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sont des éléments porteurs d'idées de roman. En


témoigne le succès de la série des James Bond qui
mêle guerre froide et « gadgets ».
c. Les crises, qu'elles soient naturelles, sociales ou
internationales, sont une source inépuisable d'idées.
On ne compte plus les romans sur les guerres, qu'on
ait affaire à ce monument qu'est Guerre et Paix ou à la
collection « Feu » de chez Fleuve Noir, aujoud'hui
éteinte. Les catastrophes naturelles, voire artificielles,
ne manquent pas non plus d'exploitants, qu'il s'agisse
des ascenceurs bloqués, des immeubles qui prennent
feu, des gros navires qui coulent, des épidémies
froudroyantes ou latentes, des pluies réellement
acidesä. Les questions sur les conflits ethniques ou
religieux semblent engendrer également une
littérature sans limite : les blancs s'opposent aux
noirs, les catholiques irlandais aux protestants
irlandais, les Juifs aux Palestiniens ou aux Arabes, les
chiens aux chatsä. Comme, par définition, un récit
repose sur un conflit fondamental, ces problèmes
inspirent tout naturellement les romanciers.
d. Les changements de m¶urs sont aussi une source
d'idées dans la mesure où de nouveaux terrains
d'exploration s'offrent au romancier. Les cas les plus
flagrants, et c'est là un sujet d'âpres débats, sont le
sexe et la violence. En libéralisant sa façon d'aborder
ces types d'expériences humaines, donc en relâchant
ses tabous, la civilisation occidentale a ouvert ses
portes à de nouveaux genres de littératures (sur
l'homosexualité ou l'inceste, par exemple) pour
lequelles est apparu un public qui ne semble pas
encore lassé, les motivations qui poussent à ces
lectures pouvant être diverses (sociales, curiositéä).
e. Mais ces changement peuvent aussi concerner des
domaines nouveaux en liaison avec des aspect majeurs

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de notre civilisation, par exemple la finance ou les


affaires. Le succès de Paul-Loup Sulitzer en est
l'illustration.
4. Cette observation du présent qui nous entoure nous
amène assez naturellement à nous pencher sur le
passé car les événements historiques sont une mine
d'idées pourä les romans historiques. En France, le
succès de ce genre littéraire est tel qu'il est inutile
d'insister.
Mais l'histoire sert parfois de toile de fond à d'autres
idées d'un genre plus inattendu : en témoignent les
romans de « fantasy » de Tim Powers qui prennent
régulièrement pour cadre le dix-neuvième siècle et
notamment le milieu littéraire anglais. Ainsi
retrouve-t-on Byron, Coleridge, Shelleyä mêlés à des
histoires de magie, de doubles, de voyages dans le
temps, le tout avec un souci manifeste de coller à la «
réalité » historique connue, par exemple dans Les
Voies d'Anubis.

B. Ce qui nous remue le coeur (les émotions)


Les sentiments et les émotions jouent un rôle
important dans la génèse des idées. C'est le propre
d'une émotion que de vouloir s'exprimer, et c'est le
propre de notre société que de les réprimer. Ecrire
est un exutoire possible et l'on comprend que les
sentiments refoulés soient souvent à l'origine d'un
livre, parfois à l'étonnement même de son auteur.
1. Ce sentiment peut être positif. Son intérêt pour les
fourmis a poussé Weber à écrire à leur sujet des
romans qui connaissent actuellement un énorme
succès. Sa connaissance des tachyons a inspiré au
physicien Gregory Benford le livre Un paysage du
Temps. L'intérêt d'Alain Peyrefitte pour la Chine a fini
par donner, en plus de ses ouvrages généraux, un

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roman historique. Dans le même ordre d'idées le


sinologue van Gulik nous a donné la série d'enquêtes
policières du Jude Ti.
2. Mais l'émotion peut être négative. Bien des romans
dénoncent à leur manière des situations qu'ils jugent
inacceptables, comme Zola qui décrit dans Germinal
la condition des mineurs, ou comme Marc Twain qui,
dans Huckleberry Finn, s'attaque à l'esclavage.
3. Enfin le sentiment peut passer de l'état de cause
efficiente à celui de cause finale lorsque l'auteur écrit
pour le plaisir de vivre ou d'assister à des aventures
extraordinaires dont l'équivalent n'existe pas (ou plus)
dans la réalité, ce qui donne lieu à des récits
d'exploration, de voyage autour du monde, voire à des
histoires de science-fiction ou de fantastique, ou plus
simplement à la description d'exploits démesurés ou
impossibles.

C. Ce qui nous fait réfléchir (pensées et jugements)


Bien des romans trouvent leur source non dans un fait
précis, ni dans une émotion forte, mais dans quelque
chose de plus diffus qui résulte de l'expérience
personnelle et qui est une sorte de philosophie de la
vie ou de vision du monde. De ces façons de voir
émergent des jugements qui s'illustrent dans des
romans. L'auteur ne se donne généralement la peine
d'écrire que lorsque ses jugements sont en désaccord
avec ceux du monde social qui l'environne. On pense
immédiatement à l'¶uvre de Sartre qui a développé
ses idées philosophiques dans son théâtre ou ses
romans.

Voilà donc les grandes « zones d'expérience » où se


situent les idées. Toutes sont accessibles à chacun,
mais certains ont une prédilection pour un type de

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zone, voire pour un secteur précis. Ayant repéré


consciemment l'origine auparavant semi-consciente de
vos idées, passez maintenant à l'exploration
systématique et, de là, à l'exploitation, plutôt que
d'attendre que, par une secousse tellurique
hasardeuse, une pépite d'or se détache de la mine. Il
va de soi que nous nous sommes contenté de dégrossir
le terrain. A vous d'ajouter de nouvelles galeries à
votre gisement.

II. Comment tranformer vos idées brutes en idées de


roman ?
Une idée n'est pas une idée de roman tant qu'elle ne
subit pas un certain traitement. Pour cela, plusieurs
éléments méthodologiques s'avèrent nécessaires, mais
tous relèvent d'un seul et unique facteur : l'utilisation
de l'imagination. C'est elle qui transforme l'idée, la
taille, l'affine, la polit, la rend présentable en tant que
point de départ de la chaîne des opérations qui
mèneront au roman rédigé. Cette transformation suit
des règles qui, même si elles dépendent parfois du
genre de livres que l'on veut écrire, se ramènent à
deux principes.

A. Rôle magnifiant de l'imagination.


L'idée doit être mise en valeur, embellie, magnifiée
par l'imagination. Reprenons par exemple
l'expérience personnelle (mentionnée en I.A.1). Tant
qu'elle n'aura pas subi ce traitement particulier, elle
ne pourra donner au mieux qu'une autobiographie.
Car raconter sa vie, c'est faire son autobiographie, et
une autobiographie n'est pas un roman. L'expérience
personnelle ne devient roman que grâce à
l'imagination de l'auteur. Dans ce cas précis
interviennent deux éléments :

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1. L'exagération, des faits de manière à leur donner


une portée « exemplaire », à les rendre plus vrais que
nature. Ainsi, vous pourrez toujours transformer votre
grand oncle économe en un harpagon, décrire votre
belle-mère acariâtre sous les traits d'une mégère, voir
dans votre percepteur un racketteurä mais n'oubliez
pas de modifier les noms des acteurs du drame et
d'indiquer que toute ressemblance ne serait que pure
coïncidence.
2. L'invention de prolongements qui frappent
l'imagination, en donnant une touche particulière aux
décors, en précipitant des événements qui dans la
réalité n'ont pas abouti, en créant des décisions
désespérées là où il n'y avait eu qu'un léger doute. En
effet, l'histoire d'une vie, sauf exception, a rarement
l'intensité dramatique requise pour un roman. Il s'agit
donc de rendre cette histoire plus intéressante, plus
signifiante pour le lecteur, en accentuant ici, en
gommant là, en déformant franchement les faits.
Vis-à-vis du roman, l'autobiographie n'est qu'un
matériau que votre imagination va retravailler, jamais
une fin en elle-même.
Les mêmes remarques s'appliquent dans le cas des
événements courants ou historiques, faute de quoi on
tombe dans le journalisme ou l'Histoire. Qu'il s'agisse
de reconstituer l'existence d'une grande figure du
passé ou de faire revivre un période historique
donnée, l'histoire réelle, bien qu'utilisée comme fond,
doit être dépassée pour que le roman suscite quelque
intérêt chez le lecteur. Les deux mots clefs sont donc,
répétons-le, « exagération » des faits et « addition »
d'événements.

B. L'exploration des possibles.

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Une idée de roman est souvent basée sur ce qui aurait


pu arriver dans le cas où tel événement se serait
produit. Cet événement totalement imaginé est
lui-même la variation d'un événement réel. La
question clef s'énonce alors : « Que se passerait-il siä
? ». Exemple : le c¶ur d'un réacteur nucléaire de
Tchernobyl est entré en fusion en 1986 avec les
conséquences que l'on sait (événement réel). Les
autres réacteurs auraient pu subir le même sort
(variation imaginée). Partant de cette hypothèse,
quelle aurait été la situation planétaire et humaine ?
Distinguons tout de suite deux types de possibles, car
ils nécessitent des traitements différents.
1. Les possibles qui restent du domaine du possible :
Certaines idées séduisent le public en ce qu'elles
élargissent les horizons de la vie quotidienne, en
mettant en scène des situations que nous n'avons pas
le temps de vivre (ou que nous ne souhaitons pas
connaître personnellement) mais qui appartiennent
entièrement à la réalité conventionnelle. Mais ce seul
élément ne suffit pas, comme le montre l'exemple
suivant :
Certains événements rétrospectifs donnent froid dans
le dos par les conséquences qu'ils auraient pu avoir :
ce tigre échappé du zoo que vous avez croisé lors de
votre promenade quotidienne, se serait-il contenté de
ne vous octroyer qu'un bref regard s'il n'avait pas déjà
dévoré un autre promeneur ? Malgré son aspect
dramatique, cette variation imaginée (le tigre au
ventre vide) risque de donner une piètre idée
d'histoire. Pourquoi ? Parce que l'imagination n'a ici
qu'un rôle d'aiguilleur vers un possible qui se
contente de redonner le même réel en inversant les
rôle : seule change l'identité de la personne qui est
dévorée.

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L'imagination doit donc prendre une part réelle à


l'élaboration de la variation imaginée, non seulement
en proposant des situations inattendues (quoique
vraisemblables), mais aussi, et surtout, en proposant
des problèmes qui stimulent le lecteur et le poussent à
poursuivre sa lecture jusqu'à la solution finale.
Tout cela peut être élaboré à partir des scènes les
plus banales qui nous entourent. Exemple : peut-on
trouver situation plus banale que celle de ce jeune
garçon qui n'ose pas demander un rendez-vous à la
fille qui lui plaît, genre Charlie Brown vis-à-vis de la
petite fille rousse ? Faisons maintenant marcher notre
imagination : c'est la fille qui vient demander un
rendez-vous au garçon etä il refuse. Voilà une
première situation imaginée qui stimule l'intérêt car
elle ne va pas dans le sens attendu (et cela sur deux
points : démarche de la fille, refus du garçon).
Mais attention, il va falloir maintenant continuer à
imaginer l'histoire de façon à motiver l'attitude du
garçon (et de la fille, si la scène ne se passe pas en
Angleterre). Dire que ses sentiments ont changé serait
anéantir l'histoire, car aucun problème ne se poserait
plus. Au contraire, ce qui stimule l'intérêt du lecteur,
c'est qu'il sait ce que ressent Charlie Brown et qu'il
veut comprendre ce qui s'est passé. A vous de vous
livrer à des suppositions qui vont vous permettre de
construire l'histoire.
Supposons que Snoopy soit amoureux de la petite fille
rousse, Charlie Brown ne se sacrifiera-t-il pas pour
son chien plutôt que de voir dépérir d'amertume un
compagnon qu'il a nourri tous les jours durant des
années ? Ou bien, autre supposition, Charlie Brown a
reçu un message de Peppermint Patty qui, jalouse, lui
propose de laisser gagner son équique de base-ball,
lors de la prochaine saison des jeux, s'il refuse ce

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rendez-vous. Cruel dilemme pour un entraîneur dont


l'équipe n'a jamais gagné un seul match. Ces deux
suppositions permettent de poser un problème crucial
pour le personnage principal : celui du choix entre
l'amitié et l'amour dans le premier cas, entre la
réussite et l'amour dans le deuxième.
Nous avons donné à dessein une touche comique à cet
exemple pour accentuer les règles selon lesquelles
doit travailler l'imagination dans de tels cas :
a. Elle transforme des événements quotidiens pour
susciter des situations inattendues. C'est l'aspect : «
Que se passerait-il siä ».
b. Elle rend plausible cette situation inattendue en
construisant des schèmes explicatifs. Par exemple en
motivant l'attitude des personnages, ce qui introduit
automatiquement un certain nombre d'élements
nouveaux qui interviendront par la suite dans la
construction de l'histoire. C'est l'aspect : « On peut
supposer queä ».
c. Elle s'arrange pour que la situation inattendue ne
soit pas anecdotique mais pose un réel problème au
personnage principal, qu'il soit matériel, affectif ou
qu'il bouleverse sa vision du monde. C'est l'aspect : «
Comment va-t-il s'en sortir ? ».
N'importe quel événement de la vie quotidienne peut
servir de terrain d'exercice à l'imagination. Mais en
va-t-il encore de même lorsque les possibles imaginés
quittent le terrain de la réalité commune ?
2. Les possibles complètement imaginaires
L'exploration des possibles peut aiguiller l'imagination
sur des situations très éloignées de notre quotidien,
même si le point de départ est tout à fait accessible à
notre appréhension du monde. Nous pourrions nous
demander : « Que se passerait-il en cas de guerre
atomique ? » ou encore enrichir cette question à la

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manière de Pierre Boulle (l'auteur de La Planète des


Singes) : « Qu'adviendrait-il si les singes devenaient
intelligents après une guerre atomique planétaire ? ».
Seulement, à partir de là, les voies d'explorations
divergent nettement selon l'imagination de chacun.
Pour les amateurs de science-fiction, le problème n'est
généralement pas de savoir quoi imaginer, mais plutôt
comment présenter un contenu imaginaire tel qu'il
soit encore reconnaissable, alors même qu'il n'existe
pas ! Situation paradoxale, mais qui trouve tout de
même sa solution.
En fait deux voies se présentent :
a. L'auteur ne fait que se mouvoir en terrain
imaginaire connu.
Par exemple, il fait du Van Vogt ou de l'Asimov
remanié, donne plus de profondeur aux personnages,
plus de punch au style, etc. Il se trouve alors dans le
cas de Racine ou d'Euripide vis-à-vis de Phèdre, il
n'invente rien de neuf, il améliore, parfois avec génie.
Nous sommes alors en présence d'un cas particulier
du II.B.1, à cette différence près que le champ
imaginaire conventionnel remplace la réalité
quotidienne. C'est ainsi que les personnages de Star
Trek voient se multiplier des aventures dont
l'originalité n'est pas radicale mais résulte de
nouvelles variations à partir d'éléments admis et
même codifiés.
b. L'auteur trouve des idées radicalement nouvelles.
Ceux qui croient la chose impossible devraient lire des
ouvrages de science-fiction, mais pas n'importe
lesquels, ni n'importe comment. Leur choix se portera
sur « l'âge d'or » de la S.F. car, aujourd'hui, la science-
fiction est entrée dans une phase « classique » où les
auteurs réaménagent les innovations du passé et où
les éditeurs donnent la préférence à des « genres »

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qui possèdent déjà leur public (spéculative-fiction,


politique-fiction, uchronie, héroic-fantasy, fantasy,
polar-fiction, space opera, etc.). Bien entendu, les
idées nouvelles des années quarante ou cinquante
sont devenues des poncifs pour les années quatre-
vingt-dix, aussi un effort d'adaptation sera-t-il
nécessaire pour retrouver la fraîcheur de ces idées et
saisir la façon— car c'est ce qui nous intéresse ici plus
particulièrement— dont un auteur a pu mettre en
scène une idée neuve.
En quoi consiste une idée nouvelle ? Sur le plan
conceptuel, la définition ne saurait être que négative :
elle n'est aucune des idées déjà exprimées. Aussi ne
pouvons-nous que nous contenter de donner des
exemples, en précisant toutefois qu'une idée «
nouvelle » pour nous peut fort bien avoir été pensée
ailleurs et en d'autres temps. La nouveauté est donc
un effet de contexte.
Voici un exemple d'une telle idée, « nouvelle » à son
époque. Dans L'Empire de l'Atome Van Vogt imagine
une sphère d'énergie de la taille d'un gros ballon qui
contient l'univers dans lequel nous somme. Cette
sphère se contient donc elle-même, et ainsi à l'infini.
Comment Van Vogt peut-il tirer parti d'une idée que
d'aucuns n'hésiteraient pas à qualifier de «
superbement tordue », comme l'a fait l'écrivain
canadien Elisabeth Vonarburg (communication
personnelle à l'auteur) ? Pourtant une telle idée en a
certainement effleuré plus d'un car, même neuve, elle
se révèle être composées de deux éléments connus : 1)
la mise en abîme à laquelle nous ont habitués les
miroirs ou les textes qui se citent eux-mêmes, 2)
l'action à distance par l'utilisation d'une image, par
exemple les poupées Vaudou. Ce dernier point va
apparaître plus clairement dans quelques instants.

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Dans L'Empire de l'Atome cette idée de l'univers qui


se contient lui-même n'est que présentée, elle ne
constitue pas l'épine dorsale du livre. Elle est
exploitée et développée dans le roman suivant : Le
Sorcier de Linn. Pour la « faire vivre », Van Vogt
utilise les schémas classiques du roman. Ici, un guerre
inégale oppose des créatures extra-terrestres aux
êtres humains trop peu développé techniquement
pour espérer survivre à leurs assauts. La sphère
d'univers se révèlera être l'élément clef de la solution
lorsque le personnage principal trouvera le moyen de
détruire les planètes extra-terrestres en enfonçant
dans la sphère des aiguilles incroyablement fines.
En fin de compte l'idée nouvelle, pour être «
reconnaissable », doit être partie prenante dans
l'histoire, quelle que soit sa bizarrerie aux yeux du
conformiste. Dans ce cas précis, si elle donne
l'impulsion au récit, elle ne peut vivre en retour que
grâce aux structures classiques du roman, celles
mêmes que nous étudierons dans les cours suivants.

Le mois prochain, lorsque vous vous serez familiarisé


avec la recherche des idées, nous présenterons les
techniques qui permettent de s'assurer que les idées
retenues « tiennent la route », en d'autres termes
qu'elles sont suffisamment consistantes pour
développer un roman. Nous étudierons dans la foulée
la mise en place du conflit principal qui est le
véritable moteur de l'intrigue.

Exercices

Les exercices proposés ici ont été divisés en fonction


de leur genre mais ils doivent être menés de pair au
cours du mois qui vient.

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I. Lecture technique :
1. Sélectionnez un, deux ou trois romans que vous
avez particulièrement appréciés et relisez-les. Cette
première relecture a pour but de vous remettre en
mémoire des textes dans lesquels vous pourrez, par la
suite, dégager les techniques utilisées dans des cas
précis.
2. Cherchez l'idée qui est à l'origine de chacun de ces
ouvrages. Notez les résultats de votre enquête dans
un cahier (ou un classeur, voire un fichier
informatique) que vous réserverez aux travaux
proposés ici. La rédaction de chaque idée ne doit pas
dépasser quelques lignes.

II. Développement de l'imagination :


1. Imaginez une variation possible pour chacune de
ces histoires et esquissez-les par écrit (pas plus d'une
demi-page).
2. Prenez un, deux ou trois romans que vous n'avez
jamais lus et dont le contenu ne vous a été
communiqué ni par la critique ni par le bouche-
à-oreille. Lisez-en la moitié et imaginez la suite dont
vous coucherez les grandes lignes par écrit (pas plus
d'une demi page pour chaque histoire). Ne reprenez
votre lecture qu'après avoir rédigé vos « suites »
personnelles.

III. Fonctionnement de l'écrivain :


1. Gardez en permanence sur vous un petit carnet et
un stylo pour noter les idées qui surviennent. N.B. :
vous pouvez utiliser un dictaphone, mais la
consultation du carnet s'avère plus aisée. Aussi,
réservez le dictaphone à des occasions où vos mains
sont occupées (au volant d'une voiture, par exemple).

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Datez chaque entrée dans votre carnet.


2. Souvenez-vous des moments où vous sont venues
des idées de roman. Cherchez à quelle source elles se
rapportaient.
3. La semaine suivante surveillez cette source pour en
tirer de nouvelles idées. Notez-les sans porter de
jugement. Certaines idées apparemment anodines
peuvent se révéler fondamentales par la suite. Donc
ne rejetez rien.
4. Une semaine après, passez à l'exploration
systématique de votre source d'idées en vous donnant
un objectif de « production » : le nombre fixé peut
varier en fonction de votre disponibilité, mais ne
descendez tout de même pas en dessous d'une fois par
jour, du moins pour la durée de l'exercice (une
semaine).
5. Passez ensuite à l'exploration des autres zones de
l'expérience humaine. Rappelez-vous que la réussite
est une question d'entraînement. Il peut vous paraître
inutile de vous alimenter à des sources différentes,
mais les résultats vous montreront votre erreur.
Persévérez pendant sept jours.

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