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provisoire et pour des réformes politiques et sociales profondes. La population de Tunis, les
syndicats, membres d'associations, de partis politiques d'opposition s'opposent au Premier
ministre Ghannouchi et suspectent, à tort ou à raison, de nombreux mensonges du pouvoir
en place.
La société civile tunisienne, qui reproche au gouvernement provisoire d'abriter une majorité
de ministres du RCD de Ben Ali, et qui plus est aux ministères régaliens, voient dans un
certain nombre d'événements qui se sont produits ces derniers jours à Tunis ou alentours, ni
plus ni moins que des manœuvres de ce gouvernement.
Faire craindre les Tunisiens pour leur sécurité, pour leurs droits, agiter la menace islamiste,
essayer d'occuper le terrain avec des annonces, telles seraient les armes de Ghannouchi
pour distraire les Tunisiens des "vrais problèmes": les réformes politiques et sociales dont ont
besoin les Tunisiens.
Ces opposants au gouvernement provisoire affirment ainsi que les incidents du 11 février
devant la synagogue de Tunis ne peuvent être le fait d'islamistes. "On nous dit que ce sont
des salafistes qui sont venus proférer des insultes antisémites, mais en même temps on
apprend qu'ils ont raté deux appels à la prière pendant ce temps-là", explique une
manifestante de la Kasbah. "On veut nous faire peur avec les islamistes. Ben Ali a utilisé
cette arme durant trop d'années, nous n'y croyons plus", affirme la jeune femme.
Des menaces d'emprise religieuse qui rejoignent celles détectées par certains dans
l'interview télévisée de Mohamed Ghannouchi le 21 janvier. "Nous avons toujours peur pour
le "code du statut personnel" [code de la famille qui interdit notamment la polygamie]", affirme
une militante féministe de l'Association des femmes tunisiennes démocrates (AFTD). "Lors de
cette interview, le Premier ministre a laissé planer le doute sur ses intentions concernant le
code du statut personnel mais je crois que c'était juste pour faire peur aux femmes…", dit-
elle.
Un point de vue partagé par Meher Farhat, un jeune du FDTL (Forum démocratique pour le
travail et la liberté – parti politique, gauche) qui affirme que la "la rue ne laissera jamais le
pouvoir revenir sur ces acquis". "La dictature n'a fait que favoriser l'islamisme. En fait, la
laïcité n'est pas un problème en Tunisie, explique-t-il, et le gouvernement actuel cherche à
nous détourner des vraies questions."
"Casser des bars et fermer des bordels, affirme Meher Farhat faisant référence à de récents
événements de Tunis, c'est fait pour provoquer un débat sur la laïcité pour détourner des
vrais problèmes."
"Nous suspectons tout", confie Essia Belhassen de l'AFTD. "Nous sommes habitués à cela
depuis tellement d'années… par exemple les millions qui ont été découverts dans le Palais
de Sidi Bou Said, et bien nous sommes nombreux à penser que cela fait longtemps qu'ils les
ont trouvés mais ont attendu jusqu'à maintenant, alors que les manifestations à la Kasbah ne
s'arrêtent plus, pour le médiatiser", affirme cette fondatrice du mouvement féministe.