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P. Morin C. Samson
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Concernant la dynamique, on déduit de (11) l’équation li- 3.1 Stabilisation partielle par retour de sor-
néarisée suivante : tie
⎛ ⎞ ⎛1 ⎞
0 vr,3 vr,2 m 0 Pour les véhicules, la stabilisation par retour de sortie est
ṽ˙ = ⎝−vr,3 0 −vr,1 ⎠ ṽ + ⎝ 0 0 ⎠ τ̃ (15) le plus souvent utilisée pour un contrôle en position seule-
0 0 0 0 J1 ment. Plus généralement, il s’agit de stabiliser à zéro un
vecteur η ∈ Rk défini par (16), avec hη une fonction choi-
avec τ̃ = τ − τr et τr l’entrée associée à la trajectoire de
sie de sorte que le système dynamique (17) soit linéarisable
référence. En utilisant à nouveau le critère de commandabi-
par un changement de variable de commande.
lité des systèmes linéaires non-stationnaires, on peut mon-
Considérons d’abord le cas des systèmes non-holonomes.
trer que le système (14)–(15) est commandable sur [0, T ]
Dans ce cas, le long des solutions du système (2),
dès que l’entrée τr est une fonction régulière sur cet in-
tervalle et non-identiquement nulle. Lorsque τr est inden- ∂hη ∂hη X −1 ∂hη
tiquement nulle sur [0, T ], la commandabilité sur cet in- η̇ = X(q̃)C(s)v − Ad (q̃ )wr + q̇r (18)
∂ q̃ ∂ q̃ ∂qr
tervalle est encore vérifiée si vr,3 n’est pas identiquement
nulle. Dans le cas contraire, (i.e. si le mouvement du glis- ∂h
Si la matrice k × m ∂ q̃η X(q̃)C(s) est de rang k, ce qui est
seur consiste en une translation pure à vitesse constante) le possible lorsque k ≤ m, alors l’application
linéarisé n’est plus commandable.
v −→ η̇ (19)
3 Méthodes de synthèse pour la sta-
bilisation asymptotique est surjective et l’équation (18) peut être linéarisée par un
changement de variable de commande. Une fois cette li-
De nombreux objectifs de commande peuvent être formu-
néarisation effectuée, un simple retour d’état linéaire per-
lés comme la stabilisation asymptotique à zéro d’un vec-
met d’obtenir la stabilité exponentielle de η = 0. Ce type
teur de sortie η ∈ Rk , avec k ≤ n. Pour les véhicules, η est
d’approche est très utilisé dans les problèmes de platoo-
typiquement une composante d’un vecteur
ning consistant à suivre un véhicule se déplaçant en marche
η hη (q̃, qr ) avant. Dans ce cas, on cherche à contrôler la position du
= h(q̃, qr ) = (16)
ν hν (q̃, qr ) véhicule par rapport au véhicule précédent (l’orientation
n’ayant pas besoin d’être contrôlée activement), et on défi- commandabilité le long de trajectoires (cf. Section 2.4),
nit par exemple hη (q̃, qr ) = h1η (q̃, qr ) = (xP − xr , yP − consiste à utiliser des retours d’état statiques linéaires.
yr ) avec (xP , yP ) (resp. (xr , yr )) les coordonnées d’un Dans le cas d’un véhicule de type unicycle, cette méthode
point P lié au véhicule commandé (resp. d’un point Pr a été utilisée dans [24, 7]. A titre d’exemple, pour les vé-
lié au véhicule de référence). Lorsqu’on ne dispose que de hicules de type voiture, on peut montrer le résultat suivant
mesures de positionnement relatives, on pourra utiliser la (voir [17, Sec. 2.3.2]) :
fonction hη (q̃, qr ) = h2η (q̃, qr ) = R(−θr )h1η (q̃, qr ). Pour
garantir que l’application (19) est surjective, il convient de Proposition 1 Soit une trajectoire de référence qr pour la
choisir le point P convenablement. Pour un véhicule de voiture, avec sr (= ζr ) supposée bornée. Soit K(t) la ma-
type unicycle, il suffit que P ne soit pas situé sur l’axe des trice
roues arrières (cf. Fig. 1). Pour un véhicule de type voiture,
on choisira un point lié à la roue virtuelle de direction et −k1 |vr,1 | 0 − 2k
k1
2
ζr |vr,1 0
déporté par rapport au centre de cette roue (cf. Fig. 2). 2k2 vr,1 ζr −2k2 k4 |vr,1 | −vr,1 (2k2 + k23 ) −k4 |vr,1
Le cas des systèmes sous-actionnés peut être traité de façon
similaire, à partir du modèle dynamique. Dans ce cas, on avec k1 , . . . , k4 > 0. Alors,
cherche à choisir hη de sorte que l’application – Si vr et v̇r sont bornées, le retour d’état linéaire
ṽ = K(t)q̃ rend l’origine du système d’erreur linéarisé
τ −→ η̈ (20) (13) stable, et globalement asymptotiquement stable si
vr,1 (t) ne tend pas vers zéro lorsque t tend vers l’infini.
soit surjective (ce qui est possible lorsque k ≤ p). Dès lors, t
– Si vr (t) est de signe constant et 0 |vr,1 |(s) ds → ∞
on peut linéariser l’équation de η̈ et un retour d’état linéaire lorsque t → ∞, ṽ = K(t)q̃ rend l’origine du système
K1 η + K2 η̇ convenablement choisi garantit la stabilisation d’erreur non-linéaire (4) localement asymptotiquement
exponentielle de (η, η̇) = 0. Par exemple, pour le contrôle stable.
en position du glisseur, on pourra utiliser les fonctions h1
ou h2 spécifiées ci-dessus. Dans ce cas, comme pour l’uni- Notons que la convergence vers zéro de la variable d’erreur
cycle, on peut montrer que l’application (20) est surjec- n’est généralement pas garantie si vr,1 (t) tend vers zéro
tive lorsque le point P est déporté par rapport au centre de lorsque t tend vers l’infini, et en particulier qu’elle n’est pas
masse P0 (cf. Fig 3). obtenue lorsque l’état de référence qr (t) converge vers une
La limitation des approches par retour de sortie provient du valeur fixe. Ceci est dû au fait que le linéarisé du système
fait que la “variable complémentaire” ν dans (16) n’est pas d’erreur, en une configuration fixe, n’est pas commandable.
activement contrôlée. Pour certaines applications (comme Un inconvénient des lois de commande linéaires comme
le platooning) ceci ne met pas en danger le comportement celles de la Proposition 1 réside dans le fait que le bas-
global du système. Cependant, l’effet de “cisaillement” sin d’attraction de l’origine pour le système contrôlé est
(“jack-knife effect” en anglais), pouvant par exemple sur- généralement local, et difficile à spécifier. La synthèse
venir lors de l’exécution de manœuvres par un véhicule de retours d’état non-linéaires, typiquement par des tech-
de type voiture, montre bien comment ce type d’approche niques de type Lyapunov, peut permettre d’obtenir des sta-
peut être mis en défaut. Il peut alors s’avérer nécessaire de bilisateurs plus globaux. Par exemple, une “version non-
contrôler l’état complet du véhicule. linéaire” du retour d’état de la Proposition 1 est donné dans
[19]. Concernant les véhicules non-holonomes, de nom-
3.2 Stabilisation de trajectoires non-
breux résultats sur ce problème (qu’il n’est pas possible
stationnaires ici de détailler) existent dans la littérature. Nous renvoyons
Lorsqu’il est nécessaire de stabiliser la position et l’orien- notamment le lecteur à [7] pour plus de références. Le cas
tation (i.e. la situation complète g) d’un véhicule non- des systèmes sous-actionnés, plus difficile, a été moins étu-
holonôme ou sous-actionné par rapport à une trajectoire de dié (voir néanmoins [10, 13]).
référence, il n’est en général plus possible de linéariser le
système dynamique (17) par un changement de variable de 3.3 Stabilisation de points fixes
commande statique car k,la dimension de η, est supérieur à Contrairement aux deux problèmes précédents, les tech-
p. L’utilisation d’extensions dynamiques permet dans cer- niques issues de l’automatique linéaire ne peuvent généra-
tains cas de ce ramener à un système (de dimension plus lement pas être utilisées pour la stabilisation de points fixes
grande) linéarisable. L’approche de commande par plati- car le système linéarisé associé n’est pas commandable. Il
tude [12], qui repose sur cette propriété, est applicable à faut cependant rappeler (voir Section 2.4) que certains vé-
de nombreux véhicules. Une difficulté de mise en œuvre hicules sous-actionnés échappent à cette règle en raison du
réside dans l’existence de singularités de ces retours d’état terme de perturbation P dans (2) qui rend le système li-
lorsque la trajectoire de référence possède des points d’ar- néarisé en une configuration fixe commandable. Dans ce
rêts. Une solution partielle à ce problème est proposée dans cas, les techniques linéaires classiques restent utilisables.
[11]. Lorsque P = 0, ce que nous supposerons dans la suite
Une autre approche, basée sur les propriétés génériques de de cette section, des techniques nonlinéaires doivent être
utilisées. Une difficulté supplémentaire réside dans le fait connues à l’avance (e.g. si elle sont issues d’une me-
que la stabilisation asymptotique de points fixes ne peut sure en temps réel), la question du choix de com-
être réalisée par des retours d’état autonomes réguliers (i.e. mande à utiliser reste posée. On peut alors se de-
du type u(x)). Ceci découle du théorème de Brockett [3]. mander s’il existe des lois de commande (éventuelle-
De nombreux travaux ont été menés dans les années 90 ment instationnaires) paramétrisées par la trajectoire
afin de contourner cette difficulté via la synthèse d’autres de réference, i.e. u(q, v, qr , vr , τr , t) qui permettent
types de commandes (e.g. instationnaires, hybrides conti- de stabiliser asymptotiquement toute trajectoire de ré-
nue/discret, etc). Sous des hypothèses de commandabilité férence. Il a récemment été montré dans [16] que
relativement faibles, on peut garantir l’existence de retours pour de nombreux véhicules (unicycle, voiture, etc),
d’état asymptotiquement stabilisants, pour les systèmes de telles commandes n’existent pas.
non-holonomes comme pour les systèmes sous-actionnés 3. Pour certains problèmes de commande, il peut être
[9], et de nombreuses méthodes de synthèse ont aussi été utile de pouvoir “suivre”, avec une précision donnée,
développées. Toutefois, aucune solution de commande ne des trajectoires non-réalisables. Un premier exemple
semble échapper au dilemme suivant : concerne des applications de “platooning” avec un
– Les retours d’état réguliers (différentiables par exemple) véhicule de tête susceptible de faire des manœuvres
permettent éventuellement d’obtenir des propriétés de (voir [1]). Un autre exemple concerne le cas ou des
robustesse et de sensibilité aux bruits de mesure satis- perturbations agissant sur le système ne permettent
faisantes, mais ne permettent pas d’obtenir une conver- pas de calculer à l’avance des trajectoires réalisables
gence exponentielle vers l’équilibre. (ce qui est courant pour les systèmes sous-actionnés).
– Stabilité et convergence exponentielle peuvent être obte- Enfin, lorsque la trajectoire de référence doit faire
nus avec des retours d’état seulement continus, mais au l’objet d’une planification, celle-ci peut être drasti-
prix d’une perte de robustesse vis-à-vis de certaines er- quement simplifiée lorsque l’on dispose de lois de
reurs de modèles, et d’une très forte sensibilité aux bruits commande permettant de suivre, avec une précision
de mesure. donnée, des trajectoires non-réalisables. La stabilisa-
Il n’est pas possible ici de détailler tous ces aspects et nous tion asymptotique de trajectoires non-réalisables étant
renvoyons le lecteur à [17, 21] pour plus de détails sur les impossible, il est nécessaire de considérer un objectif
méthodes de synthèse existantes et leurs limitations. de commande moins contraignant.
4 Stabilisation pratique et fonctions L’approche de commande par fonctions transverses [18,
20], basée sur un objectif de stabilisation pratique, permet
transverses d’apporter des solutions à ces problèmes.
L’objectif de cette section est de présenter une nouvelle ap- 4.2 Fonctions transverses : définition et exis-
proche de commande que nous avons commencé à déve- tence
lopper depuis quelques années. Cette approche, basée sur
un objectif de stabilisation pratique (i.e. stabilisation d’un Définition 1 Soient X1 , . . . , Xm des champs de vecteurs
petit voisinage d’un point plutôt que du point lui-même), sur une variété différentielle M . Une fonction f ∈
permet d’apporter une solution unifiée à de nombreux pro- C 1 (Tp ; M ), avec p ∈ N et T := R/2πZ, est une fonction
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tour d’état linéaire qui rend l’origine du “système linéaire” η(0) = 0 et η est strictement croissante.
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