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Entretien avec Anne Balaÿ, architecte

spécialisée en environnement sonore


publié le 02/12/2003

Anne Balaÿ est architecte spécialisée en environnement


sonore. Travaillant au sein d’un bureau d’études spécialisé
en acoustique (synesthésie acoustique.www.synesthesie-
acoustique.fr), Anne Balaÿ explique en quoi cette spécialité
apporte une dimension indispensable à l’architecture. Une
valeur ajoutée qui répond à une sensibilisation croissante
de la part du public.
CyberArchi : Vous êtes spécialisée en environnement sonore. De quelle formation
disposez-vous ?

Anne Balaÿ : J’ai une formation d’architecte classique. Je n’ai pas suivi de formation
particulière à l’école d’architecture en dehors des cours techniques habituellement donnés.
J’ai principalement appris sur le tas. En effet, après mes études et mon mémoire portant sur la
dimension sonore de l’espace architecturale, j’ai intégré le bureau d’études Synesthésie
Acoustique, où j’ai été directement confrontée à la problématique acoustique.

Cependant, il existe des cours spécifiques à l’acoustique donnés dans les écoles d’architecture
et il est possible de se spécialiser plus tard, dans le cadre de post-diplôme.

J’ai le sentiment que nous sommes encore relativement peu à être spécialisés en
environnement sonore en France. Cela dit, il y a une véritable émergence d’intérêt pour ce
domaine. Elle est certainement liée à une prise de conscience de la part des architectes, qui
comprennent que cette dimension peut nourrir le projet architectural. La thématique HQE
s’inscrit également dans cette prise de conscience.

Comment vous définissez-vous ? Etre à la fois architecte et spécialiste est-il un


compromis des deux en terme de sécurité par exemple, ou une richesse combinant ces
compétences?

Tout dépend de la phase du projet. En début de projet, cette double compétence est plutôt
vécue comme une véritable richesse. L’architecte apporte une dimension acoustique qui me
semble indispensable au projet. Mais il y a, malgré tout, des phases de compromis délicates à
gérer. Lorsque le projet se précise, on peut rencontrer avec la maîtrise d’œuvre des priorités à
gérer, comme le budget restreint, le choix des matériaux ou l’agencement à repenser, qui
invitent à la concertation et à l’ouverture vers l’ensemble de la maîtrise d’œuvre.

C’est ainsi que, par exemple, certains types d’isolation, avec des matériaux exigeant une mise
en œuvre importante, ont du mal à répondre aux critères acoustiques et incendies au niveau
des PV. Même si ce cas de figure n’est pas fréquent, il nous oblige à trouver d’autres solutions
où la dimension sonore ne sera pas autant respectée, vis-à-vis des exigences incendies.

Qu’apporte, selon vous, votre spécialité à votre travail d’architecte ?

La prise en compte de l’acoustique est une dimension incontournable de l’architecture. En


effet, si l’acoustique n’est pas prise en compte, on peut avoir une réalisation très belle à voir
mais difficile à vivre. Cette dimension apporte une qualité au bâtiment, qui n’est pas toujours
perceptible de manière consciente mais qui se ressent pleinement. Or le sentiment de bien-être
dans un lieu est la volonté de tout architecte.

C’est pourquoi, il vaut mieux faire appel à un spécialiste lorsque l’on veut réaliser des projets
qui tiennent compte de la dimension acoustique. Celle-ci comporte des phénomènes
complexes et pas toujours prévisibles. Il est donc difficile de maîtriser totalement cette
dimension lorsque l’on est un architecte non-spécialiste.

Travaillez-vous avec d’autres partenaires ou votre spécialité se suffit à elle-même ?

Le plus souvent je travaille en étroite collaboration avec un acousticien au sein de notre


bureau d’études. J’ai d’ailleurs un rôle important pour nos clients architectes qui sont souvent
sur la défensive lorsqu’il s’agit de bureau d’études, symbole de réglementation, de normes et
de coûts. Ils ont l’impression d’être limité dans leurs projets. Mon rôle est de les rassurer.
Etant architecte, je parle le même langage que mes clients et je les sensibilise à l’intérêt de
prendre en compte la dimension sonore dans leurs projets. Au sein du bureau d’études, c’est
donc plutôt ma fonction d’architecte qui est valorisée.

Y a t-il des logiciels qui permettent de vous aider dans le travail de recherche de qualité
de son ?

Il existe quelques logiciels qui permettent de faire des calculs précis. Par exemple, on peut
déterminer les indices d’isolation d’un local selon les matériaux choisi, la surface, le volume
et l’agencement de l’espace. Je travaille entre autre avec Acoubat et Epidaure qui sont
facilement accessibles si l’on possède les notions de base en acoustique.

Par ailleurs, il existe de petites applications en ligne, développées par des industriels, qui
permettent de connaître les performances acoustiques de leurs produits, selon leur mise en
œuvre. Ces applications ont pour objet de faire prendre conscience aux architectes de l’intérêt
de la dimension acoustique dans un projet. De là à ce que ce soit un véritable outil de travail,
je n’en suis pas sûre.

Quelles sont les caractéristiques principales pour qu’un matériau absorbe ou renvoie les
ondes sonores ?
Les matériaux denses et durs, type béton, pierre ou verre ont une forte réverbération. Le
niveau sonore rendu est donc plus important. A l’inverse, les matériaux ayant une certaine
porosité, tel une mousse derrière un textile, ou les produits perforés, comme les panneaux de
bois ou de plâtre, sont absorbants.

Cela dit, il arrive dans la pratique que l’on joue avec ces matériaux. Par exemple, pour un
parking, on peut utiliser de la pierre reconstituée perforée pour absorber le bruit des voitures.

Quelles contraintes rencontre-t-on lorsqu’il s’agit d’une salle de musique, d’une école,
d’un logement collectif ou d’une maison individuelle ?

Le niveau d’isolation à définir dépend du lieu et de l’usage que l’on en fait. Il s’agit d’un
savant dosage. En effet, isoler de façon importante peut avoir des conséquences négatives.
Ainsi, dans les années 90, on a réalisé un énorme travail d’isolation des façades de HLM. Les
habitants étaient alors mieux protégés du bruit extérieur mais percevaient plus les bruits du
voisinage.

De la même manière, être protégé de toutes sources sonores n’est pas conseillé. Vivre dans
une chambre sourde est complètement insupportable. L’homme a besoin de percevoir les
bruits mais de façon atténuée. Dans un hôpital, par exemple, les chambres ne doivent pas être
trop isolées vis-à-vis des circulations afin que les infirmières puissent entendre les malades et
que ces derniers perçoivent ce qui se passe en dehors de leur chambre. Tout est une question
de mesure.

Y a-t-il des solutions pour les bâtiments déjà existants ?

Dans un bâtiment existant, tous les éléments en place ont une incidence acoustique. Par
exemple, on se retrouve avec un système d’aération qui constitue de véritables ponts
phoniques ou un système structurel qui bouge sous l’impact d’un bruit solidien et qui le
propage, comme le ferait une peau de tambour.

Nous procédons en premier lieu à un diagnostic de l’ensemble de l’existant. Tous est passé en
revue, et notamment les trous, les percements, les conduits. Après on agit au cas par cas. On
rebouchera, par exemple, une cheminée qui ne sert plus et qui véhicule le son. On enlèvera
tous les matériaux qui ne servent plus, comme les gaines qui propagent le son. Il existe une
multitude de solutions. Ainsi, on peut appliquer des produits résilients, gainer des éléments,
changer des portes, couler une chape sur un produit résilient… Reste qu’avec l’existant, la
qualité sonore ne sera pas toujours identique à celle qui est prise en compte dès la conception
d’un projet neuf. De plus, il y a des éléments qui limitent la faisabilité, que ce soit le budget,
la structure ou tout simplement l’espace.

Le système «boite dans la boite» peut être une solution efficace. On désolidarise les murs, sols
et plafonds afin de limiter la propagation du bruit. Pour cela, il faut des moyens importants et
de l’espace. Cette option se révèle difficile pour les maisons avec du cachet. Par contre, c’est
une solution idéale pour l’insonorisation d’une cave. On peut même réaliser avec ce système,
une petite cabine à l’espace suffisant pour y exercer un instrument. Les parents et les voisins
vivant au-dessus ne seront pas dérangés par le son de la batterie.

Les romains maîtrisaient déjà l’écho dans leurs arènes, qu’a-t-on inventé de plus depuis
?
Aujourd’hui nous avons des possibilités de calcul, grâce à l’ordinateur, qui permettent
d’envisager les environnements complexes. Ces outils permettent un grand contrôle de la
qualité sonore. Par exemple, il existe un système d’acoustique active qui permet, dans une
salle de concert, de recevoir le signal sonore et de le corriger en temps réel.

Depuis les années 90 avec la nouvelle réglementation adaptée à l’acoustique, la fameuse


NRA, les industriels ont encore plus conscience de l’intérêt de développer des systèmes de
mise en œuvre adaptés à la problématique acoustique. En ce qui concerne les matériaux, tous
les industriels du bâtiment ont des produits qui répondent à des exigences acoustiques. Les
principales nouveautés viennent du caoutchouc, du béton et particulièrement des systèmes
sandwiches tels que les cloisons à base de plaque de plâtre et laine minérale.

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